.
!
J
.
/
"'t! N r VER S 1 T E~, .~~ PAR 1 S
-7-
.
(JUSSIEU) .
U.E.B.
DE
SCIENCES
SOC IALES
r
.,I!!i
EDUCATION'
ACCULTURATION
1
ET
liRANSFDRMATIDN DES STRUCTURES SOCIAL
1
EN
COTE D' IVOIRE
Thèse pour
le Doctorat
D'E tat
Es - Lettres
et Sciences
Humaines
Option: Sociologie de L' E ducatio'n
par
SEMITI
A;ni -Jules
Sous
la Direct ion de:
Monsieur
le
Professeur
Pierre
FOUGEYR OLLAS
-1985-

-11-
"Lt"outillage mental" des sociologues est touj urs
plus ou moins marqué par l'élaboration des so ié-
tés européennes et il' serait malaisé de l'utiii-
ser sans tenir compte des changements de cadr s
sociaux et des différen~es entre les fonction
'exerqées par la sociologie dans les sociétés
dus.
triallsées et dans les pays du Tiers-Monde".
Jean DUVIGNAUD.
"Le vécu contradictoire de l'homme contempora;
se monnaie, pour ainsi dire, en une multiplic.té
de contradictions vivantes dont chacune carac é-
rise un aspect du devenir actuel".
Pierre FOUGEYROLLAS.
"C'est au moment où une société brise un joug
cien qu'ell.e récuse· du même coup les images q .on
cherchait à lui imposer et qu'elle découvre p r
son changement et à travers sa nouvelle expé= e~ce
sa propre histoire et l 'eC:eûl tation' 'qui lui é a·it .
faite "
Pierre ANSART.
"Il est indiscutable que, pour l'Africain d'a _
jourd'hui, le retour au passé est pratiqueme
impossible, dans la mesure où les structures
sociales, qui étaient associées à ces valeur '
ont elles-mêmes été détériorifes par le systè
me colonial. Maia il n'est pas moins vrai qU!
le gros problème pour l'Africain d'aujourd"
c'est de construire ou de choisir lui-même s n
1\\
propre avenir, conformément à sa personaalit "
L.V. THOMAS.

-111-· ...
-SOMMAIRE-
. Avant-Propos......................................................
11-
-. INTRODUCTION.....................................................
l
-PREMIERE
PARTIE-
1
-----------------------------------------
-L E S
H E RIT AGE S
S:O C l A U X-
l
-. Chapitre l
- Les sociétés de Côte d'Ivoire avant la colonisation et
le traumatisme colonial.......................
2
-1-1. Avant la colonisation••••..•••••••••••••
-.I. -Le groupa Mandé •••••••••••••.•••.•••
-2.-Le groupe Vol1;~Jque•••••••••••••••.•
-). -Le
~
,--
graupe/'f..A:~8..Îl\\1~i:-::-.~••••••••••••••••
·4. -Le
Q':\\.'"
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-Syntn~se~~~xion~~onclusion ••••.
J
~-:...\\\\" -/t1v~
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'-.,.~.__.-
'e,\\.f!'
-1-2. Le trauma t i·sme~~c.o.l~dn4:al ••••••••••••••••
.,,~.
-Conclusion
.
-. Chapitre II - De l'Education ivoirienne traditionnelle à l'Educa-
tion coloniale . . . . . • . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . .
4
-11-1. L'Education ivoirienne traditionnelle.
-l-.-La notion d'Education et ses implications
dans les sociétés ivoiriennes tradition-
nelles
.
-2-.-L'image de l'enfant dans les sociétés
ivoiriennes traditionnelles .••••.•••
:9
-)-.-Les différente réseaux de l'Education ivoi-
1
rienne traditionnelle
•.•••.••.•••
.il

-IV-
-A-.-Les classes d'âge. •••••• ••••••• ••••••••
55
.5-.-Les méthodes de l'Education Ivoirienne tra-
ditionnelle : -Formation théorique et Porma-
tion pratique..........................
58
Synthèse. Réflexions. Conclusion...........
6J
-II-li. L'Education·col0n1a1iV... ·••••••••••••• •••••
6
.I-.-objectifs-Structures-Rendements.........
7
.2-.-Conséquences générales de l'Education colo-
niale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
84
Conclusion. . . . ... .. . .. . .. . .. . . . .. . . . .. .
9]
-DEUXIEME
PARTIE-
-L ARE PUB L l QUE
DE
C 0 T E
D'I VOl R E-••.•. 9
-------------------------------------------------------
. Chapitre l - L'Evolution économique depuis l'acce~sion à l'Indépen-
dance (1960)...........................................
9
-1. Le choix du modèle économique
9
-2. Les caractères de l'économie ivoirienne au
moment de l'Indépendance .•.•••••.••••.••...
-]- Le renforcement du libéralisme économique •. 10.
-Réflexions générales et conclusion••••••.. 12
-. Chapitre II - Les nouveaux problèmes d'éducation et d'enseignement ••. l
.-1. Finalités du système éducatif••••••••••••• l
-2. Contenus de l'éducation••••••••••••••••••• l
-]. Cycles d'enseignement et Populations concer-
Ir'
née s. . • • . • • . . .. . • • • . • • . . . . . . . . . . . . . . . . • . .
-4. Rôles des divers agents éducatifs ••••••••• l
.-5. Les difficultés d.ë~la définitio'n d'une nou-
velle culture ivoirienne •••••••••••••••••• I~
-6. L'inadaptation de l'éducation aux réalités
ivoiriennes. • • ••• • • •• ••• • •• • • •• •• •• ••••• •
l 9
-7. Le problème de l'éducation des masses popu-
laires en vue de la construction nationale.]:iI
-8. Scolarisation des filles et promotion de la if
femme ivoirienne.......................... l (1
-9. Les moyens financiers et matériels nécessai- .
res au fonctionnement du système éducatif•• IZ4

-v-
.-10. L'ivoirisation de l'enseignement et ses d'f-
fieul tés. . •. •. . • • •. • • . •• • •• • . . . •. •• •• . . • .
76
-II. Le problème de la mise en place des struc
tures nouvelles................... .. . .. .
79
-12. Les difficultés d'accueil des populations
d'élèves..... ••..•• •••• .•.....••. •••. •..
83
-13. Le manque de qualification des maîtres et
le problème de leur formation •••••••••••• 85
-14. Le problème de la pédagogie à mettre en
place.. .. •••.•. . ••.. .••.. ••. •••••• . •.••.
88
-15. La question de la formation post-primaire
post-secondaire. . . • • • • • . •• •. • • • . • • •. • . . ..
92
-R~flexions ..•.. , ..... ~ ..••••.•••.
94
-Conclusion .•.••••..•••.•••.•.•..•
98
-TR01SIE~Œ
PART1E-
-L E
S y STE MEE DUC A T ION N E L A C TUE L-
---------------------------------------------------------- .... 99
-. Introduction.••.•••••.•••••••..••.•.•••••••••••••.••..••••.•.•••
00
-. Chapitre 1- L'Enseignement Primaire
Considér&ti~s prélimi-
na:l.res ..••••••••••••••••••••••••••.•••••••••••••••••..
06
..1. Conce pt ion. • • . • • . . • • • • • • . • • • • . • • • • • • • • • •
II
-2. Organisation...........................
15 <-
-3. Programmes de formation.................
20
-4. Répartition des horaires et des discipli-
ne s ••••••••••••.•••••••••••••..•••••••••
25
-5. Evolution et Rendements ..•••••.••.••. ~ .•
7
-6. Les coûts dans l'enseigLement primaire ..
6
-Réflexions et COD,:lusion .•.•••••..
41
• Chapitre II- f,'Ense~enement secondaire .•••••••..•.•••...••••••..••.
60
-Introduction . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . .
61
. . . . . . - . : : ' _ - "
.
'Il.
o.
69
90
97
99
-Réflexions. ~ •.••••••.•....•••••.•••• "•.
-Concl"usi0n~....•..•...•...•.••.••••.•
-Chaoitre 111- L'Enseignement supérieur.. ~ •• : ••••••• •
~ ••
21
i
-Introdt~ct-iC:1· .••••.•••••.•.••. '. • • • • • • • •• • . • • • • • • • • •
2'
1_ .1
-1. Les dis00urs ~ ~ropos de l'Universit~......
~8
!
"

-VI-
-2. L'organisation de l'Université: A la remor-
que de l'Enseignement français ...•••..•••.•• 331
-3. L'imitation servile du modèle français ..•..• 333
-4. Une ivoirisation assez timide .•••••••••..•.. 335
-5. Rendements internes .•••••••••••••••••••••••• 339
-G. Inadaptation
- Renforcement de la dépendan-
ce
et
difficultés de répondre aux aspi-
rations des masses .••••••••••••••••••••••••• 350
-7. Enseignement Supérieur: Espoir ou Déses-
poir ?..................................... 360
-7.I-Considérations préliminaires ••••••.•.• 3GO
-7.2-Les écueils ...••••••......•.•....•.... )66
-7. J-Les rôles attendus •••••.•••••...••...• 369
-Conclusion ..••••.•••••••.••.... 371
-Synthèse
377
-QUATRIEME
P~~TIE-
-LE P U ~ L-I CET
LES
l N S T l TUT ION SEN SEI G NAN T
S
----------------~------------------------------------- ------------------
-. Introduction:
Considérations générales .••.•.••..••••••••••••...• 381
-. Chapitre Premier: La question linguistique .••••.••.•.••••.••••... 396
. Chapitre Deuxième : Le rôle des media ..••••.•.••..•.•...••...•.•.. 429
Chapitre Troisième
Le. question de l'emploi. .••••••..••.•••.•••.. 459
Chapitre Quatrième
Problèmes de la conscience nationale ..•...... 492
-Conclusion Générale
524
-Annexe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 536
-Bibliographie
538
1
"

VII
-Avant-Propos-
Education, Acculturation et Transformation des structures sociales en Cô-
te d'Ivoir~. Voilà trois termes qui constituent bel et bien les grands pro lè-
mes de l'Afrique Noire et particulièrement de la Côte d'Ivoire. Il n'est p s ra
re de surprendre à Abidjan par exemple de jeunes Ivoiriens étudier leurs l çons
ou préparer des examens et des concours, tard, dans la nuit, sous un potea
électrique. La demande sociale d'éducation après l'Indépendance, le couran
en
faveur de l'instruction de tous les citoyens, la Conférence des Etats afri ains
tenue à Addis-Abéba, en 1961, les réUhions des ministres africains de l'Ed ca-
tion Nationale qui eurent lieu à Paris en 1962 et à Abidjan en 1964, tout
ela
met en lumière l'importance vitale de l'éducation pour la promotion de l'A ri-
que. En effet, le goût du savoir et la joie de connaître sont entrés dans
es
moeurs de tous les Ivoiriens. L'école s'est ouverte à eux et ils éprouvent dé-
sormais une véritable fascination pour les modèles culturels étrangers que vé-
hicule .1' enseignement à tous les niveaux. Seulement, il faut aussitôt se
n-
dre compte des problèmes nouveaux
qu'implique cette situation: L'école,
ette
institution étrangère, éduque, forme, informe, transforme. L'instruction a 'el-
le apporte, la culture qu'elle véhicule apparaissent comme le reflet dans
a
conscience des Ivoiriens de la pratique quotidienne de la vie sociale occ· 'en-
tale. En d'autres termes, l'école est ,selon nous,le lieu où
ma-
nière de conversion des expér~ences sociales vécues par les Occidentaux.
le
se traduira par l'orientation vers le cO~lformisme et l'acceptation
moins passive de l'ordre impérialiste existant.Et ~lus est encore, elle
des-
tinera dav~tage
à
traduire une stratification sociale irréversible
re
les nouvelles classes dites "alphabétisées" et le gros des populations
les
reconnues comme étant "analphabètes". Une telle situation représente à
di-
re aujourd'hui un obstacle non négligeable à la libération et à l'expressi n de
la personnalité de la Côte d'Ivoire.
Cette étude apparaît donc comme une approche globale des problèmes d'é
on et "Ci' enseignement en liaison directe avec l-es difficul tés que connaît ce
eu égard
a
sa soumission-· àux lois d' airin de l'impérialisme et du capi ta
me libéral.-Mais avant de montrer toute sa substance, présentons nos remer
e-
ments :
Qu'il nous soit permis de remercier ici tous ceux qui par leur aide ont,con-
tribué à la bonne fin de ce travail.
Nous pensons particulièrement a notre Directeur de Thèse, le professe~

-VIII-
Pierre FOUGEYROLLAS pour ses conseils, sa patience et sa disponibilité
Il nous faut remercier de nombreux amis et collègues pour l'aide
qu'ils nous ont apportée au cours de la rédaction de cet ouvrage. Nous a-
vons ainsi une dette
de reconnaissance à MM. N'DA Paul et FADIGA Kanv
y,
tous deux maîtres de conférence à l'Ecole Normale Supérieure d'Abidjan
Les critiques les plus opiniâtres, MM. DEDY Séri et N'DRIN Allou, ont
maintenu notre intérêt en éveil au long de ce travail par leurs questi
s
incessantes : Nous ne leur en sommes que plus reconnaissant.
De nombreuses personnalités du monde universitaire en France, tel es
que Messieurs les Professeurs Louis-Vincent THOMAS, Georges SNYDERS, L'
THANH KHOI, nous ont également apporté leurs concours au cours de nos
if-
férentes
rencontres.
A toutes ces personnes, nous exprimons toute notre profonde grati
de
sans oublier le Professeur Pierre ANSART qui a lu la première version
e ce
travail et formulé des critiques constructives.

-1-
- l N T R 0 DUC T ION
G E N E R ALE -
"L'objet principal, la tâche prem~ere de la socio-
logie e::;t de faire la cri tique permanente, inlassa-
ble, rigoureuse des superstructures, des multiples
organisations de rapports de production matériels,
symboliques, qui freinent, bloquent ou paralysent
la libre créativité des hommes et les privent ainsi
d'une part essentielle de leur vie. La sociologie
identifie ses contradictions. Elle débusque les stra-
tégies idéologiques, sociales des intérêts de classes
que ces stratégies servent implicitement ou explici-
tement".
Je2.n Ziegler.
"Le rôle essentiel de la science humaine pour l'ins-
tant consiste en cette démystification des phéno-
mènes sociaux, et il est inconcevable qu'une socio-
logie ne soit pas critique".
Alain Gras.

-2-
Depuis l'Indépendance en 1960, la société ivoirienne se révèle comme
être à la recherche de son identité et dont le fonctionnement laisse entre
des contradictions, des inadéquations et rarement des équilibres. En accéd-
t
à la souveraineté internationale, la Côte d'Ivoire s'est trouvée, dans tou
les
domaines "et à tous les niveaux, confrontée à l'effroyable sous-développeme
l'éducation et de l'enseignement. Elle va prendre conscience pour la premi
e
fois de la condition qui lui est faite par le colonisateur qui la manoeuvr
à son gré et l'opprim~-t. Et il était à prévoir qu'elle ne resterait pas l
g-
temps sans réagir contre les supposés responsables de cette situation regr
ble. Or, curieusement, elle va toujours maintenir dans sa forme la plus ar
que le système tradi tiolUlel de domination et de ségrégation sociale que repr sen-"
te l'éiucation et dont elle a hérité de l'Occident. Aujourd'hui, tout ne prIe
donc que d'inadaptation, de déperdition des effectifs, de non-rentabilité
e
l'éducation, de déculturation, d'aliénation, de dysfonctionnement, de chan e-
ment, de dualisme ,etc.
L'objet de cette étude est de répérer, d'examiner quelques-uns de ces phé-
nomènes en prenant pour cadre d'analyse tout le système éducatif. Plus pré isé-
ment, nous allons essayer d'analyser quelques aspects contradictoires de c
sys-
tème et les transformations socio-culturelles que connaît le pays. Et en f n de
co~pte, il s'agira de montrer pourquoi et comment celui-ci n'est pas encor
ar-
rivé à mettre
au
point
un système éducatif capable de répon~re quel ue
peu aQX aspirations des masses populaires.Puis pour clore tout cela,nous c er-
cherons a définir clairement les grandes lignes d'une véritable politique
'édu·
cation en accord avec la recherche d'un développement équilibré.
o
o
o
Notre travail a été inspiré par une triple conviction
La première, c'est que tous les parents, les éducateurs et les format urs
ivoiriens doivent désormais éviter de se complaire dans une approche
et
e
analyse
trop idéalistes du phénomène Education. Certes, le nombre de publ'ca~
tions concernant les problèmes de l'éducation et de leurs conséquences est im-
pressionnant en Côte d'Ivoire. Il n'y a point de surprise en cela dans la ,ésu-
re où déjà, à l'aube de l'Indépendance, les autorités politiques ivoirienn_js
1
il
,1
'II
.~

- ) -
considéraient l'école comme une institution assez sacrée dont il fallait à
tout prix réhausser le prestige. Mais, après les premiers moments euphoriq es
des années 60-61, une décennie plus tard,on ne pouvait s'empêcher de décou
ir
tous les aspects très
négatifs -du
système éducatif et de la nullité des
cours politiques afférents à l'éducation. En effet, il était difficile de
tre pas frappé par le contraste qui existai t entre l'évangile prêché par les
es-
ponsables de l'éducation et les réalités nationales. Fort de ce constat, n
s
nous efforcerons de montrer qu'une pareille situation ne contribue qu'à rel for-
cer la crise du système éducatif. Au lieu donc de constituer le moteur de : 'in~
tégration et du bonheur des citoyens, celui-ci favorise la dépendance de 11
Cô-
te d'Ivoire.
La seconde conviction
qui a nourri la construction de cet ouvrage, c'est
que depuis l'Indépendance, le système éducatif de ce pays est devenu l'un 1 es
chaînons les plus solides de l'impérialisme et de la bourgeoisie. Fonctioru ant
de plus en plus au profit des besoins en m~in-d'oeuvre du système de produ, _
tion capitaliste et dans une économie largement dualiste, tout l'appareil, du-
catif n'a pas encore répondu aux attentes réelles des masses populaires. B,'en
au contraire, les autorités ivoiriennes se sont plutôt acharnées à le prog am-
mer pour qu'il réponde parfaitement à leurs idéaux: transmettre une idéol gie
destinée à contenir les révendications des masses et organiser l'école de
a-
çon à pouvoir mieux camoufler
ses contradictions.
La présente étude va justement montrer que toutes ces actions relèven
d'une mystification qu'il nous appartiendra d'examiner pour y découvrir la réa-
lité objective qu'elles occultent. Il s'agira de voir comment la plupart d s
discours officiels servent souvent de paravents pour mieux cacher la signi l-
cation typique~ent économique
et de classe de l'éducation.
L~ troisième conviction, très liée à la seconde, s'appuie sur le fait que
tout système éducatif qui ne se donne pas pour rôle prioritaire la dénonci
tion des structures bourgeoises dans les pays anciennement colonisés comme
a
Côte d'Ivoire, est non seulement idéologique, mais encore menacé d'ineffic
i-
té, surtout à long terme, puisque l'esprit sur lequel il se fonde contredi
les
données concrètes d'existence. C'est à ce niveau qu'il convient deconstate
qUE
les responsables ivoiriens de l'éducation ont cherché abusivement è adapte
l'école aux besoins du capitalisme en la percevant comme un dom3.ine complè ,e-
ment séparé des réalités sociales concrètes. Ils ont eu l'idée
de traitel'I
l'éducation comme un droit des individus, comme la source de leur équilibr
et
t
1
'1
J

-4-
de leur épanouissement. Or souvent, une telle perception relève purement e
simplement d'un "ensemblage de voeux pieux", certes, sympathiques,mais ne
posant sur aucune analyse sérieuse. Car en système capitaliste, toute éduc
tion a toujours pour rôle de donner une place à chacun dans la division so
a-
le du travail et à maintenir les inégalités sociales. Dans ces conditions,
e
contenter de parler d'épanouissement, par exemple, c'est être victime d'un
es
concepts
les plus idéologiques, c'est aussi abandonner le peuple au hasa
des influences contradictoires, c'est-à-dire le soumettre aux influences n
i-
ves de la classe dominante ou aux spéculations idéologiques de celle-ci.
Eu égard à ces considérations, il s'agira pour nous de montrer que l ' du-
cation est le lieu d'un ensemble de contradictions et en même temps l'expr
sion d'une crise profonde qui ne cessent d'affecter certains aspects de la
0-
ciété ivoirienne, société confrontée au problème de l'ambiguïté du changem
t.
Aussi, convient-il
'surtout de présenter don'cen
ce travail les for
motrices des transformations
en rapport avec tout le système éducatif, et
e-
la,
à travers les structures économiques du pays. En effet, il apparaît a
jourd'hui urgent de montrer
au
lecteur les éléments d'une approche concr te
du problème de l'éducation et du changement. C'est dire que le but de notr
tra
vail s'insère étroitement dans la bataille générale pour un changement soc
l
authentique. C'est pourquoi notre ouvrage voudrait
être' une contribution
mouvement d'ensemble qui dépasse le simple cadre de l'éducation à l'école.
or-
ce nous sera alors ici de reprendre les interrogations qui ne cessent de p
t1.œbe:r la conscience de tous ceux qui sont soucieux de résoudre aSsez,rapi e-
ment les nouveaux problèmes d'éducation et d'enseignement danE-ce~te jeune ré-
publique qu'est la Côte d'Ivoire
:
-Comment contrôler l'action étouffante de l'héritage coloniel ?
-Comment modifier un enseignement qui soit aeceesible-à tous les -ivo
ens'
-Que faire pour transformer rapideillent l'école d'inspiration typiquem nt
européenne en une école authentiquement ivoirierille ?
-Par quels moyens libérer la culture ivoirienne de l'emprise de l'Oce -
dent ?
-Comment concilier l'acquis positif, voire bénéfique puisé à des
so
ces
europée~~es ou autres avec l'expression de la personnalité ivoirienne dans son
contenu à la fois historique et actuel ?
-Comment accroître la qualité et la rentabilité de l'enseignement gén ;.iral
ou tecp..nique ?

-5-
-Comment dispenser au grand nombre d'adolescents une formation adéqua e
qui les prépare à jouer un rôle novateur dans la transformation rapide cie
a
société ivoirienne ?
-Quelles actions entreprendre pour favoriser l'insertion économique,
oci~
ale et culturelle de toutes les masses populaires?
-Comment traduire en termes concrets la dialectique Education/Dévelop e-
ment ?
On le voit, l'~nsemble des questions précitées montre donc
l'ampleu. des
problèmes auxquels se trouve confrontée toute le Côte d'Ivoire. En effet,
epu~
la colonisation, point n'est besoin de souligner que les relations entre l Oc-
cident et la Côte d'Ivoire se sont généralement traduites sur le thème de
'op-
position pour ainsi dire. Et quoi qu'il en soit, on assiste à un véritable
conflit à la fois économique, politique et culturel. L'intrusion de l'Euro e
dans les sociétés ivoiriemles va remettre el1 cause leurs cOll..Ylaissances et
eurs
manières d'agir et de penser, mais aussileurs normes ,leurs modèles culture s et
leurs besoins, leur représentation du monde et leurs systèmes de valeurs.
es
systèmes de reproductionet les équilibres sociaux vont se trouver atteints
Ain·
si aujourd'hui, des freins et des obstacles épars
bloquent le libre déve oppe-
ment de la Côte d'Ivoire. Le système dans lequel elle se trouve ne lui pe
et
nullement de mieux s'ouvrir au progrès, de parfaire son système éducatif e
de
parvenir à l'indépendfu~ce économique~ le seul élément capable de dOmler le
droit, la capacité et le pouvoir de prendre et d'appliquer les décisions c ncer·
liant l'économie nationale et ses composantes S~Yls qu'un pouvoir extérieur
uis-
se être exercé sur le gouvernement ivoirien.
Nul doute que le lecteur a pu deviner
a travers toutes ces dOmlées n s
propres intentions .. : Nous nous proposons tout simplement d'aborder les pro lèmeJ
de base de la Côte d'Ivoire, surtout ceux relatifs à l'éducation. A l'heure où
la misère des pays sous-développés constitue le grand point sombre d'un mo de
dans lequel le décalage risque d'aller croissant entre pays dominants et p ys
dominés, il nous a paru opportun de réfléchir quelque peu aux solutions de
problèmes angoissants de l'éducation et de la rapidité des trffilsformations so-
ciales qui déséquilibrent les attitudes des Ivoiriens
en rendant ces dern ers
plus inadaptés et aliénés.
A travers ce travail, il s'agira en partie pour nous de voir dans quelle
mesure l'~Y}alyse d'un
système éducatif peut éclairer et aider à trouver l js
solutions adéquates permettant de mieux le modifier dans l'intérêt SUPérie!r
il

-6-
des masses populaires. Notre souci sera donc de présenter une analyse co ne è-
te de l'évolution de la Côte d'Ivoire dans son articulation propre avec le
monde traditionnel et le monde moderne. C'est au niveau de ces deux réalit s
opposées que nous tenterons de révéler et de décrire les éléments contradi toi~
res de ce pays. Cette orientation nous permettra d'approfondir l'examen cr ti-
que du système éducatif en vigueur et des principaux changements qu'il sub t
depuis l'Indépendance jusqu' aujourd 'hui.
Il va de soi qu'au cours de notre étude, nous esquisserons un certain nom~
bre de recommandations gé~érales avec l'espoir que leur examen minutieux s ra~
quelque utilité aux planificateurs,-aux admin:i,.strateurs, aux responsables
oli~
tiques de l'éducation, aux conseillere, formateurs ivoiriens, tous appelés à
s'attaquer aux problèmes insaisissables de l'Education.
D'une manière générale, nous avons été conduit à assigner à notre rec er-
che l'orientation fondamentale axée sur les transformations. Nous nous so
efforcé d'analyser les conséquences de l'occidentalisation progressive
riens. Tous les thèmes que nous avons utilisés au cours de nos enquêtes
gue
mass-media, conscience nationale, emploi, etc.) peuvent être considérés pa
dé-
finition comme des "lieux" de changement.
o
o
o
Mais pour la clarté de notre exposé, il nous faut maintenant assez so mai-
rement définir les notions d'éducation, d'acculturation et de transformati n.
Dans le traité de pédagogie, René Hubert a défini l'éducation comme" 'en-
semble des actions et des influences exercées volontairement par un être h
ain
sur un autre être humain ,en principe
par un adulte sur un jeune, et orient es
vers un but qui consiste en la formation dans l'être jeune des disposition
de
toute espèce correspondant aux fins auxquelles, parvenu à maturité, il est des-
tiné (1)".
Si cette défintion peut avoir notre adhésion, il nousfaut-cepffIldant dire
qu'elle ne recouvre pas totalement le champ sémantique du terme éducation
el
- = c . - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1) René Hubert
Traité de Péèagogie Générale, PUF. 1959.

-7-
que l'anthropologie culturelle l'utilse.
Examinons la définition de l ' éduca tion proposée par Durkheim. Selon lu
elle est "l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne s nt
pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de
éve-
lopper chez l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et mo-
raux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le "ili~
eu spécial auquel il est particuli~rement destiné (1)".
Malgré ses mérites certains, cette définition a le défaut de considér r
les générations adultes chargées de l'éducation de l'enfant corrune un bloc
ono-
lithique.
alors qu'elles constituent en général une société divisée en cl sses
Prétendre que la société poss~de un syst~me unique d'éducation qui s'impos
a
tous les individus, c'est en fait privilégier les fins éducatives de la cl sse
dominante en les considérant co~~e les seules valables. En conséquence, no s
ne pouvons pas retenir l'approche définitionnelle de l ' éduca tion présentée
ar
Durkheim, car, à la vérité, elle semble s'attacher à l'idée d'une société
ris··
tocratique et fait complètement fi des inégalités sociales.
Nous retiendrons donc le point de vue ethnologique qui semble plus co sis-
tant voire complet. Qu'est-ce à dire? Il s'agit, quand on parle d'éducati n,
de l'individu que l'on cherche à intégrer à la société humaine. Ici, comme le
souligne fort bien Pierre Erny (2), "l'accent est déplacé d'une relation d
per
sonne à personne sur le rapport très enveloppant qui unit l'individu à la
ul-
ture, dont il devient un facteur toujours plus auto~isé à mesure qu'il pro res-
se dans son assimilation. Pour les ethnologues, le terme éducation revêt t ois
aspects au sein d'une culture
-L'éducation a un aspect dynamique, parce qu'elle est transmission d' n
patrimoine ou d'un héritage d'une génération à l'autre. Elle assure une co ti-
nui té. Elle est l'instrument par lequel les civilisations se perpétuent et
'en-
racinent et grâce auquel
"les membres d'une société, qui sont les porte
s
d'une culture, s'assurent que les conduites nécessaires à la survie de cel e-ci
sont apprises. L'éducation apparaît en quelque sorte comme la culture elle ~ê­
me se transmettant, se perpétuant, s'actualisant dans une nouvelle générat on,
mettant tout en oeuvre, son organisation, ses ressources, son génie, pour
ssu-
rer sa pérer~ité. Grâce à elle, les enfants qui grandissent deviennent des por-
teurs, des représentants, puis des instruments et des médiateurs de cette;ul-
ture" (3).
(1) Emile DURKHEIM: Education et Sociologie, PUF, 1973, p. 51.
(2) Pierre Erny: L'enfant et son milieu en Afrique Noire, Payot, 1972.
(3) IbiQ. page 16.
i

-8-
On découvre bien ici que dans toute éducation, il y a un aspect dyn
que et un aspect statique.
L'aspect statique de l'éducation se manifeste par ce que l'individu
'qui~
ert de son apprentissage, à savoir qu'il se dote "d'un langage, d'w, corps de
connaissances, d'une échelle des valeurs, d'un cadre général de penssée et de
référence, d'une sensibilité, d'un "éthos", d'un savoir-vivre"(I).
L'autre aspect est celui qui fait de l'éducation un facteur de change ent
socio-culturel. Les changements ont toujours eu lieu, même dans les Civili1a-
tions les plus traditionnelles, puisqu'aucun univers mental d'une générati,n
n'est jamais tout à fait le même. Ce qui retiendra notre attention dans ce
exposé, c'est que l'éducation dite moderne, en comparaison avec l'éducatio
ivoiriep_~e traditionnelle, est un facteur de bouleversement social et de l éta~
blissement d'~~ autre mode de pensée et d'agir propres à une civilisation.
Passons maintenant rapidement sur la notion d'acculturation.
Formé à partir du préfixe "ad" qui exprime l'idée de rapprochement, l
terme Acculturation" a été proposé
dès 1880
par les anthropologues nord-
e-
ricains. Ainsi dans leur Memorandum, Herskovits, Linton et Redfield vont
nir l'acculturation co~~e "l'ensemble des phénomènes qui résultent de ce
des groupes d'individus de cultures différentes entrent en contact contin
direct et des changements qui se produisent dans les patrons (patterns) c
reIs originaux de l'un ou de deux groupes. "
D'après cette définition, l'acculturation doit être distinguée du cha ge-
ment culturel dont elle n'est qu'un des aspects, et de l'assimilation qui
'en
est qu1une des phases. Elle doit être également différenciée de la diffusi n
qui, bien que se produisant dans tous les cas d'acculturation, peut non se le-
ment se produire sans qu'il y ait contact de groupes, mais encore qui ne c"nsti
tue qu'un des aspects du processus de l'acculturation (2).
On peut donc dire que la définition de l'acculturation proposée par H1rs-
kovi ts et ses collègues est une définition parfaitement neutre et antidial cti.~
1
que. Ils oublient que les contacts entre cu~tures commencent généralement lar
des affrontements entre soldats. En outre~l'acculturation ne se limite pasrseu~
lement à des contacts continus. Dans ces conditions, on serait donc tenté ~'aà·'
(1) Pierre Erny, op. cit. page I8.
(2) Herskovits, Linton and Redfield
Memorandum for the study of accultur -
tion, Amerian Anthropologist, 1936.

-9-
mettre que les historiens ont certainement fait des études d'acculturation
ans
le savoir depuis Hérodote.
Pour être bref, disons que l'acculturation est née de la rencontre de
civilisations. Et ces rencontres ont été à l'initiative de l'Occident mû f
tement par l'idée d'aller aux quatre coins du monde pour apporter les prét
due~
"lumières" aux autres peuples dits "inférieurs". Ainsi dans l'acculturatio
de~
groupes d'individus de cultures différentes entrent en contact continu. Cel
est dû au fait que l'un des groupes, plus avancés techniquement, cherche,
me
par la force, dans le pays du groupe moins avancé, des débouchés pour le s
croît de population ou de production, des matières premières pour son
rie.
Pour ce groupe dominant, il semble que le besoin crée le droit: droit d'acul-
turer, de "dé-culturer", de violer les mentalités. En conclusion, on peut
J re
maintenant clairement que toute étude de l'acculturation se ramène toujours au-
tomatiquement à la domination générale d'un peuple par un autre.
Il reste a définir la dernière notion. C'est celle de transformation.
D'une façon générale, transformer, c'est changer, modifier.
Transformer, c'est céder une chose contre une autre (et cela évoque da s
le ch&~p sémantique, abandonner, quitter, renoncer, quatre termes de frustr -
tion), puis rendre autre différent (et cela évoque encore dans le champ sém n-
tique, bouleverser, innover, réformer, renover, révolutionner, etc .•. ). Ain i
toute transformation suppose une variation par rapport à un état ou un mode
d'existence antérieure.
Parler donc de transformation des structures sociales, c'est en
effet sup-
poser l'impact des forces internes et externes qui modifient sans cesse la
a-
ture, l'orientation, la destinée d'une société et qui l'engagent dans un ch
gement auquel participent plus ou moins les individus et les groupes.
o
o
o
Pour la méthodologie de notre travail, nous avons aussitôt pensé au ma,-
xisme qui, en tant qu'appareil critique ayant fait ses preuves dans le capi 1 -
lisme ,pouvait , selon nous, être utilisé de manière assez souple en la démar
e
présente. Nous sommes donc allé souvent des soubassements économiques aux s _

-10-
perstructures idéologiques et culturelles tout en tenant compte d'ailleurs des
va-et-vient incessants entre les uns et les autres. En clair, nous avons a
li-
qué la théorie du reflet de façon explicite. Cela veut dire que nous ne BOl
es
pas parti de l'imaginaire idéologique pour retrouver, en l'interprétant, l
ré-I
alité objective
bien au contraire, nous avons adopté la démarche inverse
cel·
le qui consiste a avancer que le système éducatif actuel avec tous ses mul
difficultés dépend étroitement des bases matérielles du pays; autrement d
il existe un certain parallélisme entre les grandes orientations du systèm
é-
ducatif ivoirien et le domaine infrastructurel.
o
o
o
Mais quelles sont les articulations de notre travail ?
Rous avons divi8é cette étude en quatre grandes parties :
1a première partie comprend deux chapi tres 'et elle s'intitule: Héri ta e
so-
ciaux. Elle aborde successivement les sociétés;~~~ Côte d'Ivoire avant la c
oni.
. \\ _ .. ,.- .. J c'",,;:.--I.,
sation, le traumatisme colonial, d'une part,--e.t",-Il~]qucation ivoirienne tra
.
" ,,-
tionnelle, puis l'éducation coloniale, d'â,ut:r,e part. -::;,~"
,
'. •: 1 .7"
\\
':-1'

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1
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. , - .
1
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.........
.
La ~econde partie qui porte un titr;F global ;:/ ,>à savoir : La Réoublio
de
\\ \\ / "
. / .
j
Côte d'Ivoire , inscrit deux chapitres 1:>\\t.t~)~:d~~,i.zif~ : l'évolution économice
depuis l'accession à l'Indépendance (I960)"~tCl~s nouveaux problèmes d'édu
tior
et d'enseignement.
La troisième partie traite du système éducationnel actuel. Elle se con a-
cre respectivement à trois chapitres très importants: l'enseignement prim
re,
l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur.
Enfin, la quatrième partie a trait à des problèmes spécifiques et s.'in
téresse surtout au public et aux institutions enseignantes : L'emploi, les
dia, le problème linguistique, la conscience nationale.

-11-
PREMIERE
PARTIE
- LES
H E RIT AGE S
SOC l A U X -
"L'histoire de notre pays, faut-il le rappeler, est encore
un vaste chantier qui exige la participation active de tous
les Ivoiriens, car il s'agit moins que de la redécouverte ou
de la reprise de soi qui permet à un peuple d'assurer les va-
leùrs positives de 'son héritage ancien, de retrouver l'iden-
tité du destin collectif afin de se mobiliser dans l'unité.
L'histoire confère, en effet, à une Côte d'Ivoire diverse en
ses pays et en ses hommes, une singulière unité, unité fai-
te d'une même africanité, de migrations internes au cours
des siècles, d'une commune colonisation. Approfondir la
connaissance de notre passé permet précisément de saisir cette
unité profonde sous la diversité apparente, d'avoir une ap-
préciation plus exacte de la réalité passée et présente donc
de mieux préparer les luttes à venir"
J.-N. LOUCOU
(Histoire de la Côte d'Ivoire, t. 1, CEDA, pp. 7-8)
o
o
o
"Le passage entre la culture ancienne et la culture nouvelle
demande, au préalable, une reconnaissance et un inventaire
objectif de l'héritage reçu, car l'homme a besoin de points
de repère et de cheminement qui assurent une certaine conti-
nuité et qui lui font découvrir que l'avenir, tout en s'ou-
vrant sur l ' inédit, se relie à des attaches profondes ,.
Nicolas
ATANGANA

-12-
CHAPITRE PREMIER
-LES SOCIETES DE COTE D'IVOIRE AVANT LA COLONISATION ET LE TRAUMATISME CO
NIAL.

1-1 - AVANT LA COLONISATION.
L'examen de la eSte d'Ivoire traditionnelle a pour but de dresser le.
éléme~1ts que les Ivoirie11s ont pu ern~)runter 2- leurs ancêtres. Nous EoX2.JjÜ:·,
'ons
plus tard. le. manière dont ceux qui sont retenus pourront être mis en bOL.... ,
r.
Il serait naïf de sous-estiiner la po:rtcfe de:.:; jl8.rticulari tés de chaque et::..: e
de Côte d'Ivoire. En effet, ce pays possède un fonds culturel commun, me.::'.
qui.
présente des vari2.lJtes rigionales dues au phénor.Jène d' imrnigration. Tout E;;
prolongeant ses racines dans le pass~ lointain, il repose sur un hérita~e
e
coutumes, de traditions, de croyances, d'histoire, de l~gendes, etc. Bie~
vant la colonisation, il y eut une interpénétration de ces variantes cultL el--
les. Les coutumes d'origines diverses se sont greffées les unes sur les 2..'
tres et ont été adaptées aux particularités locales et écologiques des r~
gions où résident les ethnies actuelles.
Hous chercherons donc ~ rappeler les fondements généraux d'une part é
leurs structures sociales, économiques, politiques et culturelles, d'autr
part, les valeurs fondamentales et les normes essentielles qui constituai
l'armature de leurs sociétés, faisaient leur solidarité, leur ~quilibre, 1 ur
cohÉsion et cowne telles, inspiraient leurs principes d'éducation et de fr
-
mation.
Sans tarder, soulignons tout de suite que la Côte d'Ivoire fait parti
du vaste ensemble géographique de l'Afrique occidentale et se situe entiÈ_ -
ment dans la zone intertropicale entre le cinquième et le dixième degrés è
latitude
nord. D'une superficie de 322.000 km2 et bordée au sud par l'Ocr
Atlantique, elle possède une frontière commune avec le LibEoria et la Répu'
que de Guinée,à l'ouest, le 1~ali et le Burkina-Paso ,au nord-ouest et au n
Les peuples qui constituent
la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui ont
leur histoire qui remonte autrement
plus loin le co~rs du
temps, mais au
plus difficilement accessible, à défaut d'une documentation substantiellE 1 t
appr'opriée.
Quatre grands groupes ethniques définissent le peuplement de la Côte

-13-
d'Ivoire précoloniale. Ce sont les Mandé, les Krou, le groupe voltaique et
les Akan. Mais les recherches pr&historiques affirment qu'au néolithique
(3 000 avant J.C.), des populations d'agriculteurs-chasseurs d'ethnie in-
connue étaient en place dans les zones d'Odienné - Bondiali, de Man, de
Sassandra, de Bocanda, de Béoumi et d'Alépé (1). Par ailleurs, une étude
récente du ministère du Plan (2) signale qu'au XVe siècle, la plupart
des
po~ulations actuelles étaient apparues,
soit par développement probable d
premières couches, soit aussi de migrations médiévales non identifiées
dans la for~t, les ~2gwè (W~, Bakw~) et les lagunaires pr~-akan (Agwa, EW2
til~, Adissi, etc.) et dans la savane, les Sénoufo et les Koulango.
Sans entrer dans une étude dcitaillée risquant de comporter des contra
r-
ses,
nous nous li,,11 tons tout sim;:;leLient aux cioll."'1ées classiques qui déter
minent le peuplement de la CSte d'Ivoire.
Ce pays cOLlpte une soixantaine d'ethnies réparties en quatre grands e
sembles que voici :
-1-.Le Groune MANDE -
Selon Maurice Delafosse, le nom de ~andé est généralement dorré, fau-
te d'appellation indigène, à l'ensemble de
la famille ethnique comprenant
entre autres peuples les Soninké, les L:alirù;:é et les Djallonké. Or,ce ter:;;
n'est autre chose que le nOEl de la "mère-patrie" de l'Wl de CE:S peuples,
celui des ~alink6, des Maninka ou ~anding (2). A l'ouest de la Cate d'Ivoi
re, sous le groupe Ealinké, sont répartis ceux qu'on appelle les J.1andé-Suè.
Ils sont co!nposÉs de Dan ou Yacouba, de Gouro ou }(ouéni, et de Gagot-~ ou Gb
Les Iv~alinké se divisent en deux trollçons : l'un au norè_-ouest OCCUpE la ré 1
gion d 'Odienné jusqu'aux frontisres è-u Iùüi et de la Guillse. LI 2.utre s' ét8,J;;
à l'ouest de l'axE routier Kiakaramandougou - Ferkessedougou.
Le groupe Mandé constitue généralement un peuple co~merçant régi sur-
tout Dar la gérontocratie qui a ébauché les structures d'Etat assurant la
sécurité du comJerce. On assiste ici au maintien de la grande famille et a
structures 2 classes d'âge.
Les classes d'âge agglomèrent les patriclans sur un pied d'égalité et
les respectent tant dans le recrutement que dans la division du travail.
(1) I1Cauny, R.
Contribution à 1 'archéologie p~:'éhistorique et protohistori-
(2) Ci tG par Cissé Diango : structures des Malinké de Ki ta:. Col. "Hier". E .
Populaires. Bamako, 1970, p.I2.

- ..... ,. -
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-15-
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_________ J
_
,
."
' q i'.
-Source
Etude régionale d'éducation. Ministère du Plan.
(R.C;I.)

-16-
Elles
constituent des groupes sociaux formels comportant des individus
ayant au moins le même âge, soumis aux mêmes rite~ de passages, dotés du
même statut social et exerçant les mêmes fonctions publiques.
Le souci
de garantir l'ordre social est très déterminant en milieu
mandé. Et ce souci d'ordre se meSUl'€
à la rigueur'de certaines disposition
comme celles de l'alliance matrimoniale. C'est que'" pour le groupe mandé, 1. 1
stabilité 2 gàrantir dans un mariage est cause de cohésion dans la mesure
elle renforce les alliances entre familles étendues ou même entre villages
Afin èe mieux ga.rantir donc l'ordre social, le groupe mandé a strictement
déter:~in{ le cadre sociologiquE propre aU): rapports sexuels. A cet effet,
-Tout rapport sexuel en dehors du mariage r~gulèrement célébré.
-Des r2.;,ports sexuels avec toute fer:llIle,légitime,.épouse d'un autre honh'ne.
-Tout T2.pport sexuel pour tout hOIrJ",é a-,'éC Sé..
propre femme 'indisposée (c;y-
cIe menstruel), enceinte ou en couches de il.iOins de quarante jours. Toute
atteinte ~ ces interdits nécessite des sacrifices propriatoires.
QUs.ut au marlage, il est l'institution sacio-juridique à l'origine dE
12. fa;;:~lle chez les I.Jandé. Il com!lorte à la fois l'endogarnie et l 'exoL2.~~,ie
.",
Les ~alinké (Dioula) pratiquent généralement l'union endogamique : les in-
divièus se marient entre eux. Chez 'les Goura et les Gagou, le mariage est
exoga:~içue : l'ho~Je postule ~t contracte toujours une alliance avec une
fewne n'appartenant pas à sa famille. On suppose ici que tous
les individu
jouissent d 'Wle descend2.nce unique : les membres d'une f2.mille étendue "so t
res:;::,ectivement parents". Ces liens de parenté
qui les unissent créent ain i
un emn€chement
au mariage.
La r~gle stricte est d'éviter l'inceste entre
"frère et soeur", "fils et mère" (ou tante);
père
et fille.
1\\;2.is avant tout chez les Mandé,
le @?riage est régi par la dot. Ce
groupe le conçoit comme ~~ ensemble de compensations à donner ou a rece-
voir en échange des services domestiques et sexuels que la future épouse
ra appelée à rendre à son mari et à la famille de ce dernier. Cet ensemble
de compensations devant matérialiser l'union conjugale, doit être suffisan
pour faire oublier le dommage moral qu'est l'elùèvement d'une jeune fille 2
sa famille d'origine (1).
Chez les Maliw{é et les Yakouba, quand le mariage est décidé, la jeu-
(1) La dot s'exprimait en or, en cauris ou en tête de bétail.

-17-
ne fille doit partager une noix de cola avec
son mari pour montrer son en
gagement définitif (1). Contrairement à certaines ethnies dans lesquelles
n'est pas interdit d'épouser une femme de sa famille, le Yacouba doit choi
sir une jeune fille qui a un totem différent, celui-ci étant souvent l'ani·
mal ancêtre ou protecteur d'une famille que celle-ci ne devra jamais ni tUE
ni manger. Cela veut dire que l'épouse ne sera pas liée à son mari par des
liens de consanguinité.
Il est bon de rappeler que toutes ces règles tendent à la purificatio'
prendre le maxim~~ de garantie contre les maléfices qui pourraient en
ai-·
ner des calamités diverses. Violer les coutumes, c'est donc s'opposer au
courroux des puissances protectrices du groupe mandé.
Chez les Malinké, la famille se compose de l'homme le plus âgé et de
ses frères avec leurs femmes et leurs enfants. En tant que chef, il a
un
voir
presque
a-bsolu : tout le monde travaille pour lui, c'est lui qui rf-
partit les tâches, gère les biens, subvient à tous les besoins et choisit
femiiIe de son fils. En revanche, ce sont.l~s o~cles :ater~e.ls à qui ~ 'on de:::l"l'-
de la main des jeunes filles. Ici, le crltere de l'age reglt essentlelle8E~
les sociétés ~andé. Sur cette base, les générations sucessives sont liÉes
entre elles par des rapports d'aînÉs 2 cadets, qui sous-tendent toute la s
uc-
ture sociale et fondent les rapports de domination et de subordination en-
tre les génJ~rations d'une part, e:ntre les individus d'autre p2.rt, au sei:n
de la génération insti tuant ainsi lL'1e thÉorie de la préséance, de la respon 1
sabili té, de la compétence, de l'autorité et du pouvoir. L'âge est perçu
en
'
,
,
genera-'.. COIIlIrie le. mesure la plus sûre de l'expérience, de la connaissanc
et du savoir, et le critère primordial de la maturité et de la sagesse. C' st
ici qu'il convient de rappeler encore la notion de classe d'âge dans l'or~ -
nisation sociale du groupe ~andé. L'éducation des enfants (nous le verrons,
est conduite sur une base collecti,e Égalitaire. Elle essaie de réaliser
e
sorte è.'harmcinie et une intégration de chacun dans la collectivité. D'où l
fonc tionnement efficace dcs socié tés d' enfaZ1ts. L'entrée dans de tels gro·c.
~,es est doncd-éterminée' ,-:;éioT l'âge et valable pour tout membre de la COilllllUL2. -
té atteignant cet gge. Les relations entre les compagnons de m&me âge im~l"-
,
,
t
d
'
t"
d
_ .. - . l,
que nt des obligations generales et permanen es
e coopera lon,
e SO~lQarle,
et d'aide mutuelle. Le système de classe d'âge est structurellement diffÉ-
rencié des groupes de la famille, des groupes de parenté et de filiation.
Précisons que la parenté en pays. !,;andé est
établie uniquement en ligne p~t r-
(1) tlylène Remy
La Côte d'Ivoire aujourd'hui, Ed. S.A., 1976, p. 29.

-18'-
nelle. Tout Mandé appartient è un patrilignage qui groupe tous les desceL
dants par les hommes d'un ancêtre commun masculin réel. C'est ce principe
ui
régit la structure des unités résidentielles, les rapports interpersonnel
interlignagers et la dévolution des droits fonciers et du bétail.
Chez les Gouro et les Gagou, on observe un bourgeonnement des conces
sions à partir d'une cellule de base, les jeunes bâtissent leur concessio~
au voisinage immédiat de celle des parents, les lignages se segmentant È C a-
qUE: génération.
Sur leplan'~conomique, le groupe Mandé entretient des activités essen
tiellement fondées sur l'agriculture et le COfimerce. Il s'agit d'une agri-
culture à préciominance vivrière, qui dès lors qu'elle utilisait des techr.i ues
rucitmentaires (houe, daba,) ne pou;vs,1.:t 'j·a:maie
d~gager des surplus iD)o _
tants. C'est donc ici une économie s' a~puyant· purement et siGiplement SUI' ë, S
activités de cueillette, un artisanat local de f~ible rentabilité (tissa~e,
forgc;, etc.(I).
Selon le sexe, les heures laborieuses s'effectu8nt dans les champs ou les
rizières. Il y 2_ Ul'-e réelle ada)ts.tion dE: l'e:["fort à l'âge et [".ux i3.2)tituC:,s
de che.que membl'e. D'où une sorte
èe èivision èt: t:ce.va:il
:
-Activitss viriles.
-C}laDl1.~·' de rnil, cl' aracJlicle, cie l'·iz .....
-Ch2sse ou paCl18, artisanat • . . . . .
-Garde des 1lJuutons, des chèvres et des ânes.
- ..4.ctivités fé1~1iniJ,~es..
récoltes, entretien des potagers ...
-Trans~o:c·t, ,.1ünE:ntation ..
-Education des enfants.
On découvre ici que la structure sociale est tout entière marquée pa~
léi distinction d'une part, 12.. complémentarité, d'autre part entre l'hoffilLe e
12.. feL'llne. Cette dicÎlOtomie demeure COI'!Ine une dormee majeure de la vie éco:,::; 1
mico-sociale.
"L'idée principale sur laquelle se fonde cette diffÉnncL:.t~o '
est que la nature f2..isant de l 'hofiTl1G et de la feITL'11e des n:-ctuy'ss distinctes
sur le plan uor~-:;hologique, mais ég·âleL1811t des différencia.tions et des fonc-
tions disse~olables, la soci{té peut ignorer cette disposition naturelle de
tout premier plan"(2).
(I)Cissé Diango : Structures des Malinké de Eita. Collection "Hier". Ed:L'~~io ,s
Populaires. Bamako, 1970, pp. 12-23.
(2)lntroduction à la Culture Africaine, UNESCO, 1981, page 185.

Il en résul te que dans la société Iliandé, les femmes seront
donc à la
fois le moyen de production du groupe, les produc'tl"ieEl'B des biens vivriers
t
l'instrument de l'unité économique.
La terre qui est l'élément nourricier essentiel
constitue la base d
l'organisation économique et possède un caractère collectif, inaliénable e
intransmissible. Ainsi, comme partout ailleurs
dans la Côte d'Ivoire tradi
tionnelle, selon les systèmes juridiques claniques, elle n'est pas susce?ti
blE d'appropriation privée individuelle. Elle est essentiellement le bien
de la collectivité. Mais ce n'est pas tout;
"Elément indiscutable de la co'
sion villageoise, la terrE- est en pays r,:andé considérée COrrelE: l'expression
la plus concrète de la co~nunauté. A ce titre, elle a deux caractéristique
essentielles. La terre est d'abord la propri6t~ du tous du fait m@me qu'el
ne ne ut appartenir à un seul individu de la collectivité. Elle ne peut fai
l'objet de spécul~tion. Elle participe a la fois de l'individualité de tou'
un chacun et de la collectivité (1)".
Dans le domaine des croyances religieuses, le groupe Kandé est adepte
des religions africaines tracii tionnelles a.ppelées improprement : "relig-i ons
ani::1istes". A part les J\\:t::.linké convertis en totalitÉ à l'Isla:;: de::'Juis lE:
T.Clle siècle, les autres ethnies
sont "traè.i tionalistes". Ainsi; les Gour,; ,
les Yacouba et les Gagou croient a la présence d'un Dieu unique qui est pe
çu dans l'ensemble de la création, qu'il s'agisse
des mondes minéral, vég
tal, animal ou des principes élémentaires. Ce Dieu unique (lE Grand Dieu a
pelÉ "Be.llé" chez les GourD), qui fait régner l'harL1onie et l?équilibre d""
l'univers, est 10int8.in, et ses volontés sont difficiles ~~ con..lle.ître. L'ho,
me é I:TOUVe le be so~~". de trouver des inter,;lédié'_ires qui l'aident à les compr-€
et ~ e.gir de mani~re à ne pas troubler l'ordre naturel des choses.
leurs, indépenda~~ent de ce Dieu et de ceux qui entrent en son nom
avec l 'humani tÉ, il existe des forces ille.uvaises qui ont COfll.mE: but d.e dé-:;rui
re cette harmonie du monde, et il convient d.e s'en préserver.Ainsi autour d un
tEl ti1ème, chaque ethnie a développé une cosmogonie, un rituel. Ainsi le g~ u-
pe Mandé manifeste des visions religieuses du monde où l'explication des ci- -
ses, en dernière analyse, réside dans le. réalité métaphysique (Dieu, les eS
J
prits, les Ancêtres, les Morts, les sorciers). Cette vision du monde elle-~ -
me unifie les choses et les êtres en identifiant en eux un double vivant :
la force vitale (2).
(1) Diango Cissci, op. cit. page 190.
(2) Etude Régionale d'Education: L'Education traditiOlli~elle en Côte d'Ivoi
re. RaDport sectoriel, nOI, ~"inistère du Plan. Côte d'Ivoire
JOuillet 1976
page ra.
'
.

-20-
-2. -Le GROUPE VOLTAIQUE --.
Ce groupe n'occup8 en Côte d'Ivoire ~ue l'extrémité d'un vaste domai-
ne comprenant presque tout le Burkina Faso, le Nord du Ghana et celui du
Benin. Ilcomport~ les Senoufo et trois autres sous-groupes, les Pallaka
(région de Ferkessédougou), les Tagouana (région de Katiola) et les Djimini
de Dabakala) •
Peuple
pacifique, les Senoufo proprement dits ou Syénambélé,sont loca
lisés autour de Xorhogo.
Ils vivent dans de
gros villages aux cases
n-
de~ regroupées par familles.
L'ensemble sénoufo n'a jamais constitué un
Etat au sens moderne du terme. Société égalitaire marquée par le culte des
Ancêtres et le I::l3.triarca t, les Sénoufo ne COlmaissent qu'un lien supra fa-
milial, créé par la gestion commune des chefs de famille.
"./'
Sur le plan économique, il convient de noter que le groupe voltaique
se trouve dans la zone de savane à cultures annuelles. Le propre de ces cul
-l'es est que le plant est enti~rement arraché à la récolte. Il n'y a pas don
d'investissement immobilis8 clans l'ex)loitation agricole pendant plusieurs
anJlées. Dès lors, il n'existe pas à l)1'of;rement ~Jarler de compétition pour
l'accaparement des moyens de 9roduction.
Le travail du Sénoufo, les efforts qu'il ~fQurnit pour produire les 'oie
~.- i
,
nécessaires à la satisfaction de ses besoins, s'ef~ectuent au champ, dans l
respect des valeurs traditiormelles. Il cultive lEt/champ pour subvenir aux
/
soins de la communauté villageoise. Toute l' E;Xrrloi ta tion agricole reste tou
jours clanique, voire familiale. Elle aSSLl.re ,our une "bonne part la so.tisfa
tion des attentes du grou)e. Cette auto-consommation fmniliale est d'autant
plus grande que l'unité, l'explotatioll est petite: Un champ de milou de
sorgho servira surtout à nourrir la famille. A l'instar des autres groupes
ethniques de Côte d'Ivoire, le groupe voltaique pratique la jachère, méthod
qui consiste à abandonner une terre sans culture pendant un temps déterminé
(un à deux ans) et après chaque récolte. L'utilisation permanente de la mat
chette, de la houe ou de la daba ne l'aide guère à étendre ses champs au-de-'
de quelques dizaines de mètres. Quoi qu'il. en soit, l'agriculture est une dol
née fondamentale de la vie sociale du groupe Sénoufo. Elle rtvalise forteme
avec l'artisanat. Celui-ci existe sous trois formes principales: la poterie.
la forge et le tissage. La poterie est une activité essentiellement féminine 1
En revanche, la forge est une activité spécifiquement masculine.
1
Un premier élément qui apparaît à travers ces indications est encore la
..."-~l:.· ~ ':.'_:~:~._:. _. -. .'
.
" -
:
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>

-21-
division stricte entre les sexes au sein de l'activit~ ~conomique. De mani~­
re générale, le tra.vail de la femme se présente comme une activité dont bé-
néficie principaleinent la famille restreinte, et qui est nécessaire à sa sub
sistance
journalière. Quant au travail de l'homme, il semble toujours dé-
boucher sur une fin plus large que la famille "réduite" et sur une structu-
re qui la dépasse. Cette remarque s'applique en fait aussi bien au travail
manuel qu'à toute la tâche religieuse et juridique que l'homme "voltaïque"
accomplit lors de sa participation aux nombreuses palabres de sa famille
nucléaire pour remplir son rôle d'oncle maternel. Le travail de l'howne et
celui de la fe@ne poss~dent donc des valeurs sociales différentes. Il va
sans dire que toute l'organisation sociale du groupe voltaïque se caractéris
par l'existence d'une structure hiérarchique fondée sur la distinction des
sexes. Mais il y a plus.
Au niveau de l'organisation politique, il faut noter que le groupe vol-
taïque forme un ense~ole ethnique important dont l'unité territoriale la plu
élevée est le groupe
_
de vil12.ges
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1C1 l a pl b
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Lorme d'
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torité. Dans cette unité, chaque lignage étendu groupe
nlusieurs maisonnée
.
1
le plus âgé de la fa,nille. Celui-ci ex r-
ce les liens
c:.' 2.utori té qui unissent tous les-ressortissa.nts. \\11 ne =)Gut
prendre aucune décision concernant l'ense@ole du village sans les avoir
con
l
sultés au préalable. "Ce sont, après lui, les représentants des intérêts corn
munaux, à l'intérieur de l'unité coutumière"(I).
Chez les Sénoufo par exemple, le pouvoir du chef de famille se rnanifes~
te surtout .
J
dans les domaines religieux. La société sénoufo associe
a l'autorité politique le fondement sacré. On y retrouve clonc une autorité
3
fonde;nent traditionnel et à caractère héréditaire. Choisi selon les règles
héréditaires, le chef est nommé p~r les dignitaires de la société
ou "géron
tocrates". Il concentre la plupart des formes de l'autorité et il est déposi l
taire des richesses familiales, pourvoyeur.
des femmes, héritier des Morts.
Il dispose de la religion comme instrument de pouvoir.
Sur c~,), le . cul te renduaux_Divini tés et aux Ancêtres constitue la véri
table base de la religion Sénoufo et de tout le groupe voltaïque."Les Sénou-
fo, déc~are
Delafosse, tiennent à leur bois sacré, hanté par les âmes des A -
1
j 1
cêtres qui ont toujours plaisir à y revenir, s'y reposer comme autrefois 101'1-
qu'ils étaient de ce monde"(2).
1
(1) B. Holas
Les Sénoufo , op.cit. page 84.
(2) Cité par B. Holas, op.cit. page 148 • .....,.

-22-
Dans la tradition du groupe voltaique, les Morts et les Vivants consti-
tuent une même communauté liée aux Divinités, et cela, d'autant plus facile ..·
ment que la mort n'est qu'un passage à un statut supérieur et que l'Ancêtre
pourra redevenir vivant en se réincarnant dans son arrière_petit-fils. En
conséquence, il se dégage de cette conception religieuse le sentiment que
chaque individu fait partie d'une chaîne, ce qui est important du point de
vue du comportement social
dans la vie quotidienne.
Ainsi, chez les Sénoufo par exemple, la vie et tout ce qui s'y rapporte
constitue une globalité compacte que l'on ne peut réduire en ses éléments
que dans l'abstrait. La conviction que toute la vie est globalité et que tou
se tient ~etentit dans tous les domaines de l'existence du Sénoufo avec un
accent plus profond que partQuteilleurs. Mais on retrouve chez ce dernier
l'ensemble culturel des idées fondées sur une vision africaine traditionnel-
le du L10llde
-Croyance à deux mondes, visible et invisible.
-Croyance au caractère corr~:unautaire et hiérarchique.
-Croyance en un Etre sur;rê;n.e, créateur et père Ge tout ce qui
existe.
Kais d'une façon plus précise, la religion chez le groupe dit voltaique
se présente cormne l'ensemble des croyances et des pratiques magico-religi-
euses par lesquelles il reconnaît un monde surnaturel qui le transcende et
auquel il s'adresse pour en solliciter des faveurs. C'est une religion non
revelée. Les S6noufo l'ont reçue de leurs Anc~tres. Elle constitue un v~rita
ble phénomène social en se sens qu'elle touche b tous les aspects de l'exis-
tence du groupe voltaïque: Elle prêche incessamment la sownission à l'ordre
du monde établi, le culte des Horts, le respect de la gérontocratie, la soli
darité, l'esprit d'entraide, etc •..
Toute la vie religieuse et culturelle repose en dernière instance sur
le Para, système de vie englobant les différents aspects de celle-ci: méta-
physique, liturgique, sociologique, politique et technique. Le Poro est une
organisation chargée d'initier les jeunes adolescents et de les amener à l'â
ge adulte. Régissant totalement l'existence, il a engendré un rituel très va
rié et très riche, dans lequel statues et masques jouent un rôle considéra-
ble. Selon B. Holas, le Poro est avant tout un .microcosme
donc une image ré
duite et sublime du groupe et en même temp~ ~ condensateur de l'énergie so-
ciale fournisssant toutes les valeurs indispensaJles à la perpétuation de la
vie et au maintien de l'ordre. C'est duPoro également qu'émanent les notion

-23-
de chefferie, de corIUnandement, de prospérité, etc. "Le POl'O est aussi une
"université" oü tout membre de la société reçoit par degré, une instruction
complète. Le but final de cette instruction est de conduire l'homne de son
état priidtif d'animalité a celui de l'unité sociale parfaite, ou, en d'au-
tres termes, de recréer, de réaliser l'homne (1).
-3. -le Groupe AKAN-
Comne les autres ethnies do Côte d'Ivoire, le fonctionnement interne d
mode de production est très simple : défrichement et propriété collective
d'une terre inaliénable, consommation collective, mais concentration du su
plus dans les mains du chef ou roi. Celui-ci emploie le surplus à satisfaire
ses propres besoins et parfois ceux de la collectivité: frais de funérail-
les (bétail, boisson, victuailles), dot de wariage tes jeunes, dettes, réce
tions,sacrifice aux Ancêtres, etc.
Le groupe Akan est surtout caractérisé par une solide organisation pol"
tique : royawnes et tribus dominés par le matriarcat et symbolisés par la
chaise sacrée ou "bya". La cellules sociale est ici constituée par la tribu
qui rassemble tous les individus ayant un ancêtre conmlUn et rattachés a une
mêl7le chaise. La tribu se divise en cours et chaque- cour est placée sous la
rection d'un chef chargé spécialement de veiller sur la portion du patrimoi
ne tribal. Ce chef est le gardien de toutes les terres de culture, de la re
serve forestière. Protecteur de toutes les personnes, il veille à la bonne
attente entre tous les ressortissants de la cour. La charge du responsable
de cour est héréditaire.
Au so~net de l'organisation sociale, se trouve le Roi. Celui-ci est
"l'âme du peuple, le père de chacun, le représentant du créateur, le premie
prêtre des génies protecteurs et des ancêtres qui veillent sur la cité" (2).
Il est le tenant de la chaise du fondateur de la cormnunauté. Représentant du
pouvoir central, il est assisti d'un conseil villageois, formé des chefs de
tribu, des chefs de cours, des chefs de quartier, des notables
Au niveau des ressources et des moyens d'actions spécifiques, le Roi de
meure le possesseur de tout le territoire au nom du "bya". En cette qualité,
la coutume lui reconnaît le droit d'asile et de revocation. Il dispose en
(1) B. Holas : Les Sénoufo, op. cit. Puf., 1966, pp. 152-153.
(2) F.-J. Amon d'ABY : Le Problème
en
des:_,cl'l,eI'feri,~"--traditionnelles
Côte
d'Ivoire, 1959, Paris, Imp. Jemmappes,··:p~-I8~

-24-
perJ;;anence de <leux moyens d'action qui lui permettent de faire assurer le
respect des institutions. Il s'agit chez les Agni du "N'DA" et du "l,;:GBATTA" ,
c'est-à-dire, le serment et le pardon.
Le N'DA engage les individus à respecter la personne du Roi et à obéir
a ses décisions. La violation d'un serment est un outrage, une offense à son
autorité. L'absolution de l'offense constitue le pardon, lequel comporte
deux actes inséparables : "l'acte essentiel tend à rétablir l 'autori té bafou 1
Le coupable reconnaît sa faute et fait amende honorable. Le secûnd acte est
l'amende, réparation matérielle, dont l'acceptation doit prouver que l'auto-
rité outragée oublie à jamais l'offense qui lui a été faite (1).
Comme on peut donc le constater, le groupe AI\\AN (d'origine ghanéenne) a
:/,/
une organisation sociale fortement hiérarchisée et dynamisée pé'.r la di te cha
se qui est le symbole du pouvoir royal. "Elle est considérée comme le récept'
cle du pouvoir et de conlinandement et obéit pour cette raison a des règles de
fabrication qui suivent un repertoire de modèles correspondant au degré hié-
rarchique de l'utilisateur. Chaque chaise se trouve attachée à telle ou tell
chefferie en tant que relique sacrée renfermant les potentiels vitaux des tu '
laires précédents, et à ce titre, reçoit les libations
piriodiques de vin d
palme en plus des grands sacrifices sanglants qui coincident avec la période
des prémices rituelles d'igname, dites "adayé" en Ashanti"(2).
Nous retrouvons dans l'organisation sociale Akan tous les éléments qui
animent l'esprit de la tradition: famille extensive, TeS]ect des aînés, foi
religieuse, identification à la collectivité, observation rigide des rites,
hospitalité naturelle et spontanée, etc .••
Sur le plan religieux par exemple, le monde des Ancêtres fait de la so-
ciété Akan un bloc inébran.lablement uni. Toute la vie religieuse et sociale
est couvée par les Ancêtres qui interviennent dans chaque décision concernan
le village ou la famille. On accorde une puissance particulière aux Ancêtres
"Ils peuvent faire réussir les récoltes, guérir les malades, obtenir des en-
fants pour les femmes stériles, procurer du gibier à la chasse, etc."(J).
(1) B. Holas : Civilisations et Arts de l'Ouest Africain, op. cit. p. 153.
(2 )AMON d'ABY (F.-J.) : Le problème·.:~à1:ç~;if~rtes:,tràd1tionnelleB en C.I.,
~~;.V~~c:~~ Guerry La vie qUotidie~eda~:i'.:~'·vi'~lage baoulé, INADES, Abidl,
jan, I977.

-25-
Chez certaines sociétés ,\\;':0,11 qui fOrl:1Cllt gén8rale;;ient les sous-groUl)eS
du Grand groupe initial, l'initiation est de vigueur et dérive toujours des
fêtes de générat:LoIls ; elle consacre la période pubertaire des jeunes et mal'
que leur accession au pouvoir politique et militaire. La preuve nous est don
nee par le "10\\'/" et le "Wawr" des Adioukrou, le "Tonkué" des Attié et des
Ebrié. Dans ces institutions à structures très simples, mais efficaces, les
jeunes gens accomplissent une seüle fois l 'initiation da:c~: une aI'i1biance ou
prédominent la magie et la sorcellerie. Toutes ces manifestations ont des
fondements religieux au niveau de tous les Akan qui croient généralement en
un Dieu créateur du monde, unique, non représenté, abstrait, un
être loin-
tain 2~
qui on demande l'énergie vitale; il est objet de cultes indirects
par prières. Ce dieu, c'e~.;t "Niamien" chez les Baoulé et les Agni. On s'adre~
se à lui par l'intermédiaire des fétiches, "Amoin", qui sont représentés par
des statuettes et autres. On lui demande d.'intervenir dans l'harmonie de l'un -
-vers qui êst lui- même une immense conc.:;ption de dynamisme, d' équili ore et de
force vi tE.le. Cette force vi tale "vionmian" doit imprégner les êtres, les ani
maux et les !üar.ctes"(I).
Sur le plan artistique, le groupe Akan (Baoulé surtout) excelle dans la
sculpture sur bois et emploie le.
masque. Le "Dj è" et le "Coli" sont des mas
c;ues bien connus. Ils se composent généralement de danseur~: dont chacun est
un soliste sélectionné et spécialement entraîné. Ils imitent les habitud.es
et les mouvements de l'animal ou du personnage représenté (vieillard, chas-
seur, éléphant, buffle, léopard, différentes espèces d'antilopes, cigogne);
les acteurs du mime occupent la scène un par un aux sons d'une musique ap-
;;ropriée(2).
Les ::J.asques agni qui existent de nos jours sont en gélléral ceux des dan
ses de réjouissance; ils représentent pour la plupart des visages humains.
Ils sont par couples. Il existe des masques doubles : deux masques superpo-
ses re;Jrésentant toujours des visages humains et des masques d'animaux (béli
cabri, etc ..• ). Ces derniers précèdent la sortie des couples. On les appel-
le "les "metteurs d'ordres"(3).
Le rôle des masques se déduit partout ailleurs dans les différentes eth
nies de Côte d'Ivoire (Gouro, Yacouba ••• ) qui les utilisent, de sa fonction
(1) Godo-Godo : Revue de l'Institut d'histoire, d'art et d'archéologie afri-
cains - Université d'Abidjan, nO 8, 1982, page 75.
(2) 'B.Holas : Civilisations et Arts de l'Ouest africain, Pllf, 1976, pace 84.
(3) Godo-Goda : op.cit. page 74.
"'"

-26-
sociale qui s'analyse comme un besoin culturel. Son rôle s'inscrit dans pl~ i-
eurs domaine 8.
-Le masque apparaît comme élément de fraternisation et d'unité.
-Il est la source et le fondement de l'autorité dans la bociété sur l
quelle il veille
pour la préserver.
-Il participe activement tantôt aux manifestations religieuses, tantô
aux
événements publics à caractère profane, comme les funérailles, les fêtes d' ni-
tiation, l'intronisation des chefs etc .•.
En effet, d'une façon assez générale, le masque a deux fonctions esse
iel
les : assurer la pérennité des rites et des connaissances qui maintiennent
e
contact entre les deux mondes, visible et invisible, et contre l'anarchie
surer l'ordre social.
A l'imitation des autres ethnies de la Côte d'Ivoire, les Akan s'adonne·t
a la musique et a des danses diverses. Les chro~ts, les rythmes chauds traâ
-
1
sent l'ambiance d'une communauté à la recherche de la solidarité. Ce sont l~
des éléments culturels qui interviennent sans cesse dans les loisirs et l ' i -
formation. Toutes ces manifestations sont l'expression traditionnelle d'~~
o-
de de vie ancestrale: chants, gestes, rythmes "endiablés"
pour ainsi dire.
..
t
. ' l ' "
.
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t ' "
l '
j
Ici la musique appparalt corr~e un ar
prlvl egle qUl es
pra lque a
occas on
des événements heureux ou tragiques: naissance, funérailles, moisson, marilge,
sécheresse, é9idémies ·et· autl"sIl<fléaux.

-27-
-4. - Le Groupe KROU -
Cette famille regroupe vingt et une tribus parlant des langues sppare
tées ; six ethnies au Libé:da et quinze en Côte d tIvoire. Ces ethnies forme
deux grands ensembles séparés par le fleuve Sassandta. Le premier ensemble
groupe krou oriental comprend les Bété, les Dida; les Godié et les Néyo. L
second ou groupe krou occidental est moins homogène et comprend les Wè (Gu
é
et Wobè), les Niaboua, le groupe du sud-ouest de la Côte dtIvoire (Bakwé,
Plapo, Tépo etc.) et celui du sud du Libéria (Grebo, Bassa, Déwoin, Krou e
.).
Le groupe Krou présente généralement des sociétés lignagères et segmen ai~
res, acéphales, ctest-à-dire sans pouvoir centralisé: il n'existe pas d'au 0-
rité centralisée au-delà du segment de lignage. Ltorganisation sociale est
eu
hiérarchisée, sans monarchie, ni pouvoir politique qui dépasse le cadre du lil~
lage.
Le village krou est, en effet, une unité économique où la propriété du soJ.
est aussi communautaire. Le sol est retribué entre les familles sans que ce les
ci puissent transformer ce droit d'usage en droit d'aliénation, donc en une
forme de propriété privée, séparée de la production corr~une. L'agriculture
fournit les tubercules (bananes, ignames, riz, tarots, etc.) qui constituen
la base de l'alimentation.
Les Krou constituent un peuple habituellement chasseur et guerrier. Ac ivi
tés exclusivement masculines, la chasse et la guerre donnent la clé de tout
fondement (patri) de la structure sociale. A l'opposé, les activités agrico es
sont l'exclusivité des fe~~es ; elles sont en principe occultées en ce sens
qu'aucune institution ntémane d'elles. On voit donc que les sociétés krou s
caractérisées par une dichotomie originelle : celle du rapport homme/femme.
Dans ces communautés sans Etat, ni classes d'âge, retenons surtout que
assemblées politiques fonctionnent sur le principe de la représentation éga 1'-
taire des patriclans. Le clan est entendu ici comme le plus vaste ensemble
l'in·
dividus entre lesquels tout rapport sexuel est prohibé, et se rattache à un
cêtre unique.
Chez les Bété, le chef du village, le "Gro Lohouri" (littéralement le
priétaire du village), est un chef élu pour sa sagesse, sa générosité et so
sens de l'honneur. La richesse intervient toujours parmi les critères de so

-28-
choix. Mais par habitude, le GrÔ-Lohouri peut lui-même.être fils de chef. T
tefois si la génétique jouant à contresens, le fils du chef s'avère indigne
e
ses pères, la chefferie passera à quelqu'un d'autre dont les qualités repon
dent aux critères populaires.
Sur le plan des données de la tradition orale, les Krou (Guéré, Wobé e
Bété) ont une origine commune. Ils auraient formé au départ un seul grand g
pe ethnique, celui des Gadi, qui se scinda à la sui te de migra tions successivE
en deux ensembles: les wè (Guéré et Wobè) et les Magwé (Bété et groupes as
milés). Les Krou méridionaux installés sur la côte occidentale de la Côte d
voire, sont, quant à eux, répartis en un ensemble Krou proprement dit et en
ensemble Bakwé.
Les Bété paraissent avoir été fixés au nord-est de leur habitat actuel
entre Bandama et Sassandra. Ils vécurent pendant des siècles une vie autonorr
avec une civilisation archaïque, proche de celle des Paléonégritiques.
Les Guéré et les Wobé, qui sont souvent représentés comme des gens distin
s,
forment en réalité un seul et même peuple. Les Wobé parlent une langue krou.
Ils ont des groupes au I,i béria, connus sous le nom de Krahn. Ils .présentent
es
deux tiers du groupe Krou occidental.
Quoi qu'il en soit les c~efs des villages krou sont toujours nantis d'
pouvoir religieux. Ils sont chargés de lancer "le "Tato", ·e 'es-;....à,- ·dire de
la prière à l'attention des Esprits. D~~s l'exercice de leurs fonctions, il
s'appuient sur une assemolée de sages et arbitrent le partage des terres en
ui~
vant les recommandations ancestrales.
Le souvenir des Ancêtres impose
des pratiques religieuses qui défini
ent
la hiérarchie d'interdits à respecter. En violant ces interdits, l'individu
e
sentira capable de créer des désordres dans la nature, dont il
pourrai t su
porter les conséquences.
D'une manière générale, le groupe Krou rejoint les caractéristiques de
autres sociétés que nous venons de survoler. Ici encore, l'esprit communau-
taire semble régir les
Krou. 1;objectif ultime est la cohésion du groupe, sen
équilibre physique et moral. Toute tendance à l'accumu~ation des biens étaitl
condarrL"lable dans la mesure où elle menaçait de rupture l ' équili bre égali tairl
de la société Krou. Toute concurrence économique entre les individus ou entrl

-29-
les lignages était également proscrite. Cet idéal était conforme aux condit ons
d'une économie de subsistance: exploiter en commun un champ, entre-poser
ns
un grenier collectif, recevoir sa nourriture du chef de la collectivité ....
Comme toujours, la société krou, à l'instar des autres groupement ettilli-
ques, reste fidèle à la pra tique régulière d '.un certain nombre de tradition J
orales et artistiques: Ici, l'oreille devient comme le moyen de transmissi 1
de la connaissance, notamment celle du passé. La communication auditive jou 1 un
rôle majeur dans la société krou. La musique, les chants, la danse, les réc·l ts ,
les palabres sont les moyens d'enseignement et d'émotions collectives, qui
lien,
nent, dans la vie traditionnelle des krou, une place considérable et forgen 1l
des liens sociaux et religieux. Les coutumes soutenues par les vieux, renfo. -
cées souvent par les récits, les contes et l~gendes, constituent la morale
t
le droit, et leur sanction primitive est le mécontentement des ancêtres, qu
en,
traine
les calamités. Il en est de même des rites dans lesquels les masqu Is
jouent un rôle prépondérants. un rôle qui a pour but de mettre l'être en li
...
0
. t
. . ,
l"
t'
d
f
1
son avec le culte des Ancetres.
n ass1S era a1nS1 a
1nvoca 10n
es
orce
spirituelles alliées de la communauté pour protéger celle-ci. Trois personn
es
1
historiques krou réalisent le sentiment d'appartenance à la même culture
s-agit de ZOKOU Gbeli, grand guerrier bété qui a vécu de 1835 à 1912, de
PE, ancêtre des Wobé, et de BA, ancêtre des Guéré (1).
(1) J.-N. LOUCOU
Histoire de la Côte d'Ivoire, op. cit. pp. 116-119.

-30-
-SYNTHLSE-REFLEXIONS-CONCLusrON-
A la suite de cet exposé succint sur les sociétés traditionnelles de la
Côte d'Ivoire avant la colonisation, on peut dire que ces sociétés étaient
constituées en ethnies, en chefferies ou en Etats. Elles avaient mis sur pied
une organisation administrative et politique. Outre les différences de struc
tures qu'avaient ces diverses tribus selon leurs Dodes claniques, étatiques,
etc., elles avaient un ensemble de caract~res qui leur étaient co~nuns et q
constituaieni.leur hér1iage socio.-culturel. LIais la signification et les
rentes interprétations
de leurs statuts re::,iJectifs provenaient de l'origine.
li té, des IJarticularismes ;l1êmes du génie collectif de leurs me;nbres, de leu
Îacul cl' acla;Jta tiOll ~ leur contexte gÉogr3.:;Li~ue, <le leur volonté de créati
on et è. t exi3t8~lce, (:e leur f~:èeulté d' intégn"tion des élémellts provenant d'au-
tres grou~es, en cl~jr, rles conditions objectives géo-économiques (1).
Tout
lecteur
aura donc
découvert
ALISi, le syst~,ne rolitique da.ns quelc;ue CilS ~ue ce soit, exclut toute éUle.l·
chie [-'2.1'co Qu'il clég~1.ge 2.U ,~o,nmet de l'<idifice social l'il ho.mile ou un g:coUi)e
cl 'h01:L:18S,
qui est hiÉrarchiquement surJérieu:c. Il y él donc une pyramide dans
la structure de pouvoir. Le pouvoir est d'abord celui des Anc6tres, non pas
celui des vieillards. ~ais ce sont les ainés de chaque génération qui détiel
nent généralement le pouvoir. Il y a là des raisons d'ordre idéologique : l
connaissance et l'expérience, mais aussi la sagesse.
A l'origine et à la source du pouvoir, on distingue la famille étendue.
Celle-ci n'est pas seulement un groupe social et culturel (lignage, clan av
leurs totems ou interdits), mais est aussi une unité de production et de re
présentation économique. Il s'agit ici-d'économie vivrière (agricole) préfé
dale et précapitaliste, fondée sur la production des biens primaires nécess
l'es à la consommation immédiate de la communauté. Un telle économie se réal' e 1
habituellement dans le cadre de tout le groupe: où la propriété est mainten
collective. L'importance de l'auto-subsistance dans ~n tel système économi-
que explique bien la faiblesse de l'accumulation qui est liée à l'indigence
des moyens techniques matériels (houe, daba ••• ). On note ici encore l'absen
ce de marché pour les facteurs de production. Les membres des quatre socié-
(1) Jean-Pierre N'DIAYE
Elites Africaines et Culture occidentale. PUF.
1969, page 37.
" , '

-31-
,1
1
tés se procurent leurs ressources_ fondamentales
par les moyens autres que
l'échange sur les marchés tY;Jiquernent
10cci.Ux. Les facteurs de production
'particulièrement le travail et la l:Ji::.in-ci loeuvre n'entrent lJas dans le mar-
ché (1).
L'organisation du travail, l'attribution des champs cultivés, la cir-
culation des produits se font en relation étroite avec la hiérarchie ligna-
gere et les liens de parenté. La cohésion sociale des groupes reste donc
très forte autour des activités de subsistance. Le travail de tous s'enchevê
tre et la part de chacun se confond avec celle de tous. La production de cha
cun est inextricablement liée à celle de tous et le produit global est con-
sonmc sous 12. J:or;,le d '1..me ~10urri ture puis~e dans le IJlat CO:iUilun. l, 'ho:nme cie'"
vient la seule force motrice. Les outils et lilême la terre n' a~Jrél,raisse.nt que
COE1;ne des accessoires par rapport à lui. L2. forêt ou la savane est considéré
en "laboratoire de moyens de }Y'oc~.uctioE". Elle
constitue
l'ensemble des
conditions Je la production mat6rielle et sociale des sociétés traditionnel-
les de Cate d'Ivojre. La ter~e va donc y rev&tir u~e importance particulière
avec ses ressources, car elle sera [Jerçue CO;;!i{le une (üvini té qui ~1T'odigue le
eiùie::c, 12 bo~nne S2,Ylt{, l t(lar~~lo11ie socie.le, etc. Son eX.I~loite.tiol1. (~st l '8.f-
ùüre rie tout le ;::o;J(:e et re .:.'ose sur l's.iele réci"roq,ue 6es villace,:is dans
l'acco;;l;ü:i.ssel:lellt des différentes 'câclles COliliCiunes. Toutes les :;jerSonne:3 vi-
vant dans le village sont donc· liées lJar la "loi è.e la fraternité", c'est-iJ-
dire les obligations réciproques entre parents et voisins.
Nous
so,';1T11es donc ici en face dl une formation à la fois économique, so-
ciale et culturelle qui ressort )our l'essentiel de ce que Marx appelait:
"l'association immédiate des ;,roelucteurs" (2). Elle assure en effet la sécu-
rité matérielle de tous les nembrcs de la comIilunauté et par là, elle permet
la consolidation efficace des rapports interindividuels. En définitive, cet-
te ambiance de fraternité entretient fortement la vie communautaire sans éch n-
ge avec l'e~térieur en obligeant les individus à produire la totalité des
biens nécessaires à leur survie et à leur accroissement n partir des ressour
ces naturelles qui sont immédiatement à leur portée.
(1) Wonoii Christophe : OrganiRation économique et problème de développement
,dans. ~a société traditionnelle deCate.d 'Ivoire ~t dans l'Afrique contempora
ne, ln "R6vue de l'Institut d'histoire, d,'art et d'archéologie africaine
Un
verslté d'Abidjan, nO 7" 1981, pp. l
à 7., --
?
'
1
(2) Karl Marx: Le Capital, livre 1, tome 1, Editions Sociales, page 89.
!
,:'" .'
,
,
-,,<;\\~~{Çit~~~~i;r...··.

"
-)2-
'Toutes les sociétés ivoiriennes traditionnelles sont. fortement empreint
de la coutwne)
donc du caractère socio-religieux, ancestral et mythique, d'
elle tire 'son 'lnité, s'oppose résolûment à tout individu qui porte ~tteinte
aux règles
ancestrales. Les groupes sociaux à base clanique fonctionnent dan
le cadre d'une vie relativeroent stable, une vie de croyances très unifiées e
normatives. La soumission à.l'autorité coutwnière constitue l'équilibre prin
cipal à toutes ces sociétés. Le r~gime d'un collectivisme intégral o~ la li-
bertej, l'ége,lité et la fraternité s'expl'irJent dans un commun conformisme.
Partout ailleurs, la religion part de la croyance en un gtre supr@me qui
régit l'univers en collaboration avec des ageflts div:i.Ils 1 mais second.s. Cet ê
tre sU1)rê!:i8 est au centre de l' 8xisteuce : existellce indi vicluelle, e/i.stencc
] l
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1

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co. eC'GJ.ve (les {lOJi!.lileS, Ges vege'Cc-::'lL\\, anunaux e
e -l'es lnVlSlu es
es
Toute la Cate d'Ivoire pr~co10~liale citait caract~ris4e en fin de cOD0te
:)é.r une prodigieuse di versi té et en mêi!le te;qs par Ulle uni té ou sirüli tude d"
cul tures, (~8 :;:ytlles et su:ctout ~'in' le sentiraent que ses membres .avaient d' a~o
partenir à un même ensemble cul tu2't'l : rôle et siSnific2.tiol1 de la far:Jille,
significE.t:Loll CLéS faits socie.ux (:.:;oriage, naissance, dé cès, notions ms t2.)hys~
Où :ce'crouve g6nér2.1ciëllt un 82,S8ïilblG de tTai ts forts çui constituent bel
et bien une constante de l~
pers0lll1alité ~fricaine et plus précisément ivoi
Y·ienne. Gette :::ersonnali rA;,ose' ,;Jrofondément sur
Ulle vision sacrée du mon-
de :
Le sentiment dominant est Que tous les êtres vivants et inanimés, c'est
à-dire les c:.omposants de l'univc:::-s sont animés par des forces invisibles qui
rÉgissent et orientent l'u::üté cos::lique. Toute chose, visible ou non, est do
tée d'énergie, dotée d'une vie; et toute vie est dotée d'une ~e" d'un es-
prit. L'âme est une force vitale. la vie est sacrée .•• (1).
En dépit de ce tableau heurelŒ qu'offrent les sociétés ivoiriennes pré-
coloniales,nous ne pourrions nous empecher de faire quelques remarques assez
personnelles.
Tout d'abord, l'économie ivoirienne traditionnelle dans les quatre grou-
pes étudiés ne se réduit pas - Cotnme
on semble souvent l'affirmer - à la pro
duction et à la répartition équitables des biens de la terre. Si la fonction
de représenter et de défendre les intérêts communs de tous les membres de la
co®~unauté place les personnes âgées dans une position bénéfique, il n'en res l
(1) Jean-Pierre N'DIAYE): op. cit. page 38.
,,-,
'. '. --' ~.~ ".
\\. -~

-33-
te pas moins vrai qu'une part importante de la production est consacree a'
fêtes ancestrales et aux divinités. Avec les vieux et les Anc&tres,
de l'autorité, l'âge constitue l'un des facteUTs de différenciation entre
es
individus. Un tel principe exclut du coup toute autre forme, élective ou
n,
d'ascension des forces productives au pouvoir. Celles-ci sont tout simpleT nt
insérées dans une éconolnie excluant ~ tous les niveaux de la manipulation
0-
cio-politique des biens produits, toute nécessité et partant, toute tenta
ve
~'accwnulation de richesse ~ leur endroit. Une sorte d'inégalit~ existe d
c
bien en milieu traditionnel ivoirien. Le8 jeunes producteurs ne font que
distribuer leuTs produits le lone des canaux définis par l'esprit de la t
dition et des valeurs religieuses. La croyance en l'efficacité surnaturel
des Morts, des Ancêtres est moins une aliénation ou une idéologie légitin r
t
apres coup les rapports
de production qu'nne part importante de l'armatu
de ces rapports.
... ,
Les vieux ou alnes abusent g~néralement de leur autorit{ pour contra
de façon peruanente le surproduit dégagé par le proc~s du travail. D'aill
rB
une partie du travail fourni par les forces prod~ctives sert à reproduire
leur dépendance
devant ces "gérontocrate;-" habi tués ~ exercer des pressi
sur ellef;.
Il existe égaleDent le problème de la division du travail : Les jeune
et les i'eE1J:les SOi-'c~ l'.~l.bituellernent
e):clvs
(~E: la l::;ratique de l'idéologie, '''is
on les réutilise
ailleurs pour les besoins économiques. 1e surplus évoQ e
plus haut est un élément fondamental du méca:üsme de re;:œoduction des re?' orts
à l'intérieur de chaque groupe ethnique : Les liens de prestige non direc le.,.
ment utilioebles à la réproduction metérielle des sociétés treditionnelle
du
pays assurent aux persorilles les plus âgées ~e contrôle ebsolu des forces
1'0-
ductives, et c'est sur ce contrôle qu'est fondé en fin de com~Jte leur pou
voir (1). En définitive, le surplus CODITIe instrument d'exploitetion va as u-
mer la rÉproduction idéologique et poli tique du )ouvoir. l, 'usege que pour
reient faire en règle générale tous les cadets de leurs éventuels revenus est
réprimé socialement par l'obligation de non-possession à lequelle les con am-
ne le système traditionnel. l,'accumulation du surplus per certains rois c ez
les Akan sécrète et aInplifie une sorte de stratificationsociale.Elle imprè ne
1
ainsi toute l'organisation sociale et par finir, chaque sujet cherche à S]iden
-cifier au "moi" qui lui est imDosé du déhors ; il se conforme alors à l ' e is-
.
1
tencs propos{e sans même plus en ressentir l'oppression: se "réification! ~~~.
ble 'aiRsi être assumée.
(1) Claude Heillassoux : Essai d'interpétation du phénomène économique da.s
les so(;iétés traditionnelles d'auto-subsistance, in "Cahiers d'Etudes Afr;-
caines, n04, 1960, pp. 38-67.

-34;"
les COili.:.11.H12.utr:s et les Di.vini tés, visent ~l fOWJ8l' 18U1' exü3tellce C;Hl' les )y.'
vilèges liés ~, leur statut Li ;, ll.::uT i',.ncicnlletC. Ici CO,;J::lf, toujOUY'S, h~ llUo.
l i tl: d' anciel:t se tre.,dui t
; 1!J.l.· Li. rr~ ce i,tionu'CII'f) ~~ ta tioyi. de Ll ~![::'l·t è.e s su bal
(:onn.Stc; qui ont ~)uti une :Cor:i1d.U.Oll qui. les llill~'ne 2. 2.ssillii1er les Vio..1.UŒS fon
dées sur la SOlJCt:lssüm i!lcollcLitionnelle. A cc niveau, L!. religion joue ici
un r31e il!l)ortant.
A 18. v.{rit(~, contrail'euent i::. Ui18 ~;0:3i tiun idéaJ.i,ste, e11
est
moins un systèiJe de rC;Jré:-:3entation qu'w1e l)ratique pure qui joue un l'Ô
le ;)réi)OnCére.nt d,:ôns la reproductiol"l même des sociétés ivoiriennes tradi tio
nel1e8. Il est permis ici ci. , inrJister sur les éléments cl' ordre éthique qui l' '1-
force la soumission des jeunes. A travers les récits ropulaires, les contes
les légeY!.è.es, sont inculquées .?t ces Q·:rniers les thèses métaphysiques
: sa-
;\\
1
dE:s Anc§;tres et des I:crSOIü18 s .(.:v·~ c.C,!'; .
En dépit de ces aspects
.néga tifs, les sociétés ivoiriennes tradi tionne 1 es
~ous dO.nnent l'exemple d'un monde assez équilibré qui, par endroits, peut êt
llobjet d'imitation. D'ailleurs, aux dires du Professeur L.V.
THOMAS, ~il ~
un certain nombre de faits à propos desquels toute l'Afrique Noire pourrait
donner des leçons remarquables. Je ne r~viendrai pas sur un problème bien c
nu, celui de l'art africain.l'!:ais je voudrais, au niveau psychologique et so
al, insister sur quelques données •.. Par exemple, le sellS du COl'pS. Aucune
1-
ture n'a accord~ au corps un rale aussi grand, aussi total, et aussi noble
e
l'Afrique ••• Les Africains ( ... ) ont chanté, exalté le corps qui devient po
eux un langage privilégié ••••• Un second point sur lequel l'Afrique peut app
ter beaucoup ••• , c'est l'art de résoudre les tensions ... , de surmonter les
fli ts : Les A.fricains ont i:nTcnté lé~ psychothérapie et LJ. sociothc:rapie" (I).
Nous y reviendrons.
1
t
-1-2.- l,e 'rraumatisme Colonial.
"En effet, par le processus de la colonisation,
les bourgeoisies européennes ont implanté dans
les pays colonisés des rapports capitalistes de
production fonctionnant à leur profit. Elles ont
détruit ou asservi
les anciennes classes domi-
nantes de ces pays (propriétaires terriens, bour
geoisies en formation) et ont fait de leurs éco- 1
nomies complémentaires de celles des métropoles
,
les leur subordo~ant étroitement. C'est en rela 1
tion avec ces processus fondamentaux que les cul 1
tu.res'des,pays;dominéson:l;été diversement dété-I
riorées, refoulées et même parfois détruites" ( ).
C'est par ces remarques du Professeur Pierre FOUGEYROLLAS que nous abOt
(1) L.V.THOULAS
: Tradition et Modernité: Comment allier le passé et l'aveir?
in : "Une histoire de l'Afrique est-ellé possible? NEA. 1975, p. 182.
.
. (2 )Pierre FOUGEYROLLAS: LeB_:oc~Ssuss:~(};;:contemporains,
Payot ,1980, p.r 56.

-35-
derons la question- du traumat1.eme.èel<>n1al. .Mais ce n'est pas tout. Ecouto
cette autre citation:
"Si l'aà.rünistréition coloniale finit par avoir le dernier mot, c' es
au prix d'urie politique systématiquement r~pressive : villages incendiés,
col tes anéanties, impôt de guerre, chefs déportés ou emprison..'1és et surto').
saisie des armes, emp~chant toute résistance pour l'avenir"
(1). Voici co~.
ment Clérici relate la première rencontre Occident-Côte d'Ivoire. Cette si
tuatioll répond bien c, l'es;)rit de la colonisation. Qu'est-ce à dire?
En effet, le colonisation (du latin, calere
cul ti ver), comporte dE" 3
8ie;ni:~ica tions
-Ic)_ le fait socio-~c~noQique de transplanter dans une région 1.
suffis2.IT'.11wnt peu;JléG, un groupe d'hommes, appe18s "colons", qui occupent l
sol et le mettent en valeur à leur profit; ou bien les deux communautés q
sont
face à face: colons et autochtones, sont simplement justaposÉs
(d'o'
risque de conflit); ou bien les deux co~~unautés s'interpénètrent harmoniE -
sernent, ce qui ne sera pas .le cas dans cet exposé.
-2°)- le fait poiitiqued'assujettir un pays ou un territoire étr 11-
ger et d'établir avec lui des rapports de dépendance au bénéfice
du pays
010-
nisate~r. Notre propos va concerner cette approche dÉfinitionnelle. AutrE~ nt
dit, 12.. colonisation est un fait, le fait d'occuper un sol, le fait d' aSS'j. 'et-
tir è.onc un peulJle, ou bien les deux a la fois., mais surtout le fait d'oc
cuper -c.n territoire dont on prend soin d'assujettir la~)o;,ulation autochtOL
C'est dire que la colonisation est un choc, voire un vÉritable traumatisGs
qui met face È. lace des colonisateurs et des colonis6s : "Ils vivent dans
eux
sociét~s globales, irréductibles, caractérisÉes par une profonde dualitÉ.
et-
te dualité définit toute la situation coloniale et est 2 la fois ethniquE
antago~"liste. Tout ser:lble indicuer ici que 12. société coloniale fonctionnE:
11
vertu d'un sYStÈ.-;;]E réellement dichotomique et
JJ1?_nichéist6 ~. base raciste" 2).
Tout concourt dû coup à désintégrer les sociétés ivoirie;mes tré:.~litiormell s.
D'o~ le trawTIatisme g~néralisÉ. La domination française sera globalE, ~ Ir
fois économique, politique et culturelle pour ainsi d.ire. :l'ex"loitation "
pays,
au b~néfice de l'économie de la nation française.
La domination pol~ i-
que, l ' intégr,,-tion à l'Économie capitaliste et la for~llation des ageilts eL
nt
6té les moyens ()).
(1) Clérici, A.
: Histoire de 13. Côte d'Ivoire, CEDA, Abidjan, 1962, p. E,
(2) ~E~el Fot~ : La structure de la situation coloniale, cours dactylogra 1
phié, Université d'Abidjan, pp. 25-)5.
j
(3) LE:
désint~gratioll du l:1ilieu traditionnel ivoirien: les facteurs exo~­
nes. In. "Etude régionale cl 'Education, Partie 1, Ra;'iJort sectoriel, nO 1,
Sociologie . r,:inistère du Plan. RÉimbliquc de Côte c~ 'Ivoire, Juillet 1976,
pa.r:;e 42.

-36-
Le choc Occident-Côte d'Ivoire avait été dranntique. On a assisté ;,12-
rapide sowüission des différents groupes ethniques: sow~ission des Etats A-
kan, Malinl:é et Koulango en raison de leur organisation pyramidale (Agni-In
dénié en 1896
Abron; Malinké d'Odienné en IÇ97 ; Sénoufo de Kong, Koulan-
go et Lobi en 1898). Soumission des chefferies et des démocraties villageoi
- ses (1900-1915 : Baoulé, Attié, Wobé-Dan, Abouré, etc ••• (I).
Tous ces groupes ethniques ont subi les lois d'airin de l'impérialisme
qui va de pair
avec le colonialisme en tant que doctrine caractérisée par
certain nombre de croyances :
1
-Croyance à la supériorité naturelle des Européens
le peup1.e c,lo-
nisateur est seul capable de p~endre des décisions et d'assurer des respons -
bilités.
~~Croyance à l'infériorité naturelle: les peuples de Côte d'Ivoi,é
étaient de "vrai:s .sauvages , de grands enfants", des "prin:i tifs", des "arrié
rés", qui ne pourront jamais se conduire eux-mêmes. Il faut les diriger, lei
a.:rlenter (2).
-Croyance à la nécessité du prestige extérieur : pour le maintie
de la situation coloniale, même le dernier colonisateur doit être au-dessus
du premier des colonisés.
De ces croyances découlent des attitudes :
-attitudes de supériorité vis-à-vis
des Ivoiriens.
-Attitudes de refus envers toute perspective d'évolution de la
situation coloniale et même en général de toute forme qui c)1angerait quoi
e
ce soit aux conséquences de cette situation.
Ces deux attitudes révèlent trois éléments importants mis en
dence par Albert Memmi (J) :
-Découvrir et mettre en évidence les différences entre colonisa
- teurs et colonisés.
-Valoriser ces différences, au profit du colonisateur et au dét
ment du colonisé.
-Porter ces différences à l'absolu en affirmant qu'elles sont d'
finitives et en agissant pour qu'elles le deviennent".
(1) Etude Régionale d 'Education·,-"·oP:'~;~:·ài:ër~:::;~g~-::49~:
(2) La Côte d'Ivoire s'ap~elait au d~but;~ "Côte des
nhalO·e s"
.. -... - ....
.
.
Dents", Côte des Anthr ~

u

()) Albert Me@ni : Portrait du
. Bibliothèque , Payot, page 1
i
i
_----i

-37-
Toute cette idéoloCie correspond -rappelons-le- ~ la prépondérance d~
l'~conomie dans le fait ColOl1ial
ou plus pr6cis~ment la situation colonial
En effet, ~ la fin du 1ge si~cle, le d~velo]pement ~conomique spectaculaire
co~nence 2 connaître des crises cycliqup.3. A partir de 1870, c'est la fiD d
la période ascendante commenc6e vers 1850. ruis en 1873, u...'1e crise se noue
n
Autriche, qui se répercutera dans les autres parties de l'Europe. Dès lors, la
recherche de nouveaux débouchés pour les productions industrielles devient
ne
nécessité. L'Europe, malgré tout, se trouve en plein développement écono:~i~ e,
l'industrialisation s'y poursuit sur W1 rythme croissant, dans une ambianc
Qe concurrence. "Les capital isme s na tionau:y: étaient 3. la recherche de sourr '· s
Qe matières premières et de débouché-s nouveaux }Jour leur production et leur
surpl us monétaire" (1). Ils vont justifier leurs interventions en se fonda:::
sur des théories :
-la
primauté de
l'~conomie et de ses impératifs,
-la nécessité de constituer de grands espaces gé.ographiques, des
"espaces vitaux",
-l'idée que le besoin économique crée le droit et notamment le dI'
t
des puissances industriellement développées de dominer les pays industriel'
ment non développés.
C'est en se mW1issant de ces théories impérialistes que les Français
laient entreprendre
des relations diverses avec la Cate Q'Ivoire. Les ure ,'ers
contacts eurent lieu vers 1687 sous l'impulsion de DucaSSE, agent de la-corLa-
gnie du Sénégal, qui est intéressé par la position ù'Assinie. Il va signal·
l'existence d'url royaUl-ne organiSÉ dans l'arrière du pays avec lequel les r· a-
tions pourraient être fructueuses. RapideQ~nt, les Français vont alors che
cher 2- établ ir Gr s contacts avec les populations ESSOU;~la. Du coup, on as~i te
2- la création d' C1 poste cOlThilercial qui se verra renforc é
)3.T
une trenté'_i e
de }=,ersom1cs dont quelques missionnaires. L:élis c'est 2;. p2.rtir du XIXe sièc s
que les COl1ti.lCtS i, c2.ractère plus poli tique vont s'amplifier.
Bouêt-Will2.è;· etz
sera charE6 d'étudier les pays ~ coloniser. Son rapport va donc fuire ress r-
tir l'intérêt ÉCO~'1orüque des sites lagunaire sel 'Assinie et de Grand-B2.ssa;:.. Cn
signera des traités en F~vrier 1842 entre les chefs traditionnels.
Afin d'élargir la zone de Tn'os~lection de Gra!là-BasSéJ.::J et cl' A8sinie, l
gouvernement de Napoléoll III crut hon d'esployer l'intimidation et 12. fore
"avec ces gens-lb, déclaraient Jes colons français, il n'y a que la force Qui
cOillnte "(2).
1
( 1) A112:1ale8 de l'Unl··verC:l'tG
-
d'Ab.l'Q';ia.11,
~
scctiO)-l Hl'
- , - -
"+Ol''''B
.:. ~
...
,
sf.r;e
ç ' . . .
l , tOl-1""!
j "
J .
, . 6~
;; •
(2) Gilbert Bladone -: :çni tiation aux problè.mes d'Outre-Mer. Collection "Sa. oir-
pour agir". Chronique sociale de F:rance, 1959, P:;J. JI-I2.

-38-
011 conrprenci .oourquoi lés mili;aü'es franç3.is créèrent re.)idement un fo
3.
Dabou, canonnèrent
quelques villa[;es lagunaires de la Côte d'Ivoire. T.:ai
le~ premiers contacts ont inspir~ ~ la France la conception d'Ull n~cessaire
accroissement de son marché enCô~e d'Ivoire, aussi bien pour y chercher de
ressources, des matières premières que pour y trouver des débouchés. Le pay
encore inexploité pourrait offrir des .possibili tés -commerciales. En conséqu
ce et après la Conférence de Berlin (1884-1885), Verdier et son représentan
Treich-Laplène vont accentuer l'occupation de l'arrière du pa;fs d' Assinie e
de Grand-Bassam pour renforcer les intérêts de l~ France : division de la C
te d'Ivoire en cercles, en circonscriptions administratives (1902), accrois
sement des exportations de bois et d'huile de palme, du caoutchouc, instaur
tion du système des compagnies à monopole,
etc.
I,e développement économique deviendra la. princi':)2.1e
préoccupation et ]
raison d'être de l 'adL'Ünistration coloniale qui va rc~éfinir une nouvelle ,]
i-
1
tique d'exploitation des forgts, la mise en valeur des oléagineux, les ess:· 1
de plantations tropicales et de
recherches mini~res (café, cacao, or, fGr,
diamant, etc.). l,es directives coloniales sont très strictes : " Les nécess 1_
tés d~ l 'heure présente nou~, font un imPé~ieux . de:oird,' augmenter la "rOd~C 1
t10n uans la mesure du poss1ole. Ce rcsultat d01t etre ootenu par l'extens1o'
des terres cultivées et l'amélioration des rendements (sélection des sémence
~
em!üoi d'amendements .•. ) (1). Ln. connaît la position intéressée
des chefs c!-
Ions : "Eotre devoir est d' ap'porter à la Métropole des matières premières de
us
1
en plus abondantes et des denrées de consommation (bananes, café, cacao, etcl)
dont elle a besoin. IJoin. de restreindre la IJroduction, la crise actuelle nous
COI!Dnanrle de l'accroître "(2).
Les Ivoiriens deviendront donc les victimes de leur effort d'enrichisse
ment de la France selon un processus qui
pourrait se schématiser de la faço.
sui~ante : extension des cultures d'exportation, enrichissement des colonis 1
teurs, désagrégation chez les Ivoiriens. On assiste du coup à la disparitio
progressive de l'artisanat. Les autorités coloniales le reconnaissent elles
mêmes: "On ne cesse de déplorer la mort de l'artisanat noir qui nourrissai'
une classe importante de la société et contribuait à la formation artistique
technique et morale de ceux qui s'y livraient: car il fallait à l'artisanat
toutes ses puissances de goût, de la pratique et de la ténacité pour transi
mer tout seul en objet d'art fini une ,informe matière première ••• Ainsi, po
inquiétant que puisse paraître le ralentissement de ces activités premières,1
(1) Archives Nationales de Côte d'Ivoire, dossier V-8-203(3373)
DéclaratioJ s
du gouverneur des Colonies, le 4 Avril 1931.
(2) R(;;naud-Molinet :Primauté de l'économie, in "Reveil", 1947, page l
1 _. _ _

proches de 12.:Jrod.uctioll, il n'y é\\ 'Jas lieu de ùéscsI,?rer "(I).
on
le constate,
la Côte d'Ivoire, ~, l'instar des autres colo
nies d'Afrique, devai~ principclerllent se consacrer à la production des pro-
duits de base de façon à serv:Lr de grénier de matières premières pour les pa s
industrialisés. En outre, elle devait renoncer à toute industrialisation de 1
base et à toute fabrication de prod.uits manufacturés qui conviennent exclusi
veillent aux pays européens.
En conséquence toute l'économie cololliale va tendre de plus en plus ve
un travail individualisé. Désormais, dans le cadre de la vie communautaire, 1 n
assistera au partage des terres entre inCividus d'un m~me grou)e. 1a propri
été du sol deviendra de moins en moius' collective et c'est ce
qu'exigent
les~;ultures dites industrielles cornille le café et le cacao. Désormais, c'es
le sentiment de )ropri~té O)J.i è;.~).'.)arp.ît ,;Jro~~riété privée, bien sûr.
Ainsi, l'introduction du café et du cacao va effacer les coutwnes ances
tr2.les. Le lilanteur ACni est désOJ:';'12is ad8TJ:'é au marché TilOllCÜal et dé)eno. c'.r
cours inondiaux à.es l-,rodui ts. IJe systè!l:e semble avoir réussi à mobiliser 12.
force de travail du .'.)aysan, Îéùre de ce dernier, un consommateur. 1a reciUné
tion de la force de travail s'aligners automatique~ent sur le coût de la su· 1
sist3.rlCe, la il1él.iE-d' oeuvre :lutochtone recevmIt des salaires physiologiques
cl 'un faible 2)OllVoir cI' acnat,
inca.rables de constituer une del:1ande suffis8.ntE
:;Jour assurer le Îonctiormement d'un marché intérieur (2).
1'Ivoirien est défini ti velnent intéC:;:':'é d.e force au mode de production CE
pitaliste, ce qui concourt à la désintégration rapide de tout son univers.
cop.naît les trois éléments décisifs qui ont fa:cil:ité ce 'processus.
-I,e tr2.v8.iJ
;'orccS : JJ8S cbefs coutumiers aontmis,an: dem.o1ll"e·de do ' er
la main-d'oeuvre pour la construction des travaux publics (routes, ponts, l J
caux administratifs, etc.). Déportation massive des forces productives dans
les chant:Lers : "Ainsi, des jeunes Attié, M'Batto et Abouré ont dû quitter
leurs villages ;)our tracer les routes qui vont de Bassa1:!, précédemraent capi
tale, à l'intérieur. Des colonnes de jeunes étaient acheminés de l'Ouest (1'
gion W~) au Sud (rcSgion Agni) ; des millier~ de Sénoufo (selon les villageo
de Mbengué-Bougou et Kombolo-Koura) furent expédiés au Sud pour travailler
dans les pl~tations.coloniale-s.
(I) Renaud-Molinot
op. ci t. page 12.
(2) Etucie régionale d'Education, op.
cit. page 50 •
...

-40-
-L'im)ôt de canitation : L'institution de l'impôt fut la méthode ~ui
obligea les Ivoiriens é. se familiariser avec la m01U1air.; européenne. Pour; -
yer l'impôt par tête (l'impôt de capitation), les mêmes Ivoiriens étaient
obligés de vendre aux traitants européens, et donc de se procurer les pro
duits que ceux-ci désiraient acheter.Ds plus, cet impôt de capitation ava
l'avantage de procurer des ressources financières à l'administration colon
-
le. La métropole ne voulait pas que la colonie ~ontgt cher. Le~ populatior~
du norè. de la Côte d'Ivoire, défavorisées a la fois par le climat et l'abE 9n-
ce d 'infrastructures ,se voyaient dans l'obligation de se rendre dans le S'v
pour gagner l'argent nécessaire au paiement de l'impôt en question. Parfoi:"
les chefs de famille le payaient en nature : tant de kilos de caoutchouc l .r-
exemple. ~ais petit ~petit , on les a contraints a le payer enti~rement el
argent.
-Les cultures forcées: Les colons ne cessaient d'encourager l'E ~ri
culture cormnerciale. Il fall2.it s'efforcer de creer de nouvelles possibil i
tés de production de produits agricoles exportables. D~s lors, on spécial; 32
la CSte d'Ivoire dans la culture du café et cacao B cause de certaines po 3i-
bili t~s offertes par son clime.t et son sol au suc.. Au üorc, ce fut la. cul .J.-
PriLci~21ss ezol·tations ~e la Cate 0'Ivoirs
E~Yl tO:rl1lEE (1)
-
Py·odLJ.i ts
1909-1911
ISI9-192J.
1929-1931
19;,5 -1937
IC~T
.../ ) ...1-
C2.fé.~ V8::c·t
2C:
46
525
7
242
59 539
Cace.o
~'
e·'
. ..:..:.
1. sve s
9
-
163
19 549
47
OE,!;
:,5 452
Banc~nes fr2.îches
-
-
4
6
52)
16 063
Palmistes
5 28E
1-.1...
TTO
-c_./
9 73-L
0./
6.1 0
, . /
10 109
Euile de Fe.lue
6 316
7 861
5 896
3
668
1 012
Caoutchouc
1 2 C ')
./../
70
20
106
-
Bois (2.:en IO)
-18 OOO(a
57 400(a)
77 700
58
900
131 100
Ainsi, la Côte d'Ivoire qui avait vécu sous url régime éconol7lique orit-c-
nal : l'auto-subsistance, c'est-à-dire la production, par QDe unité socia I~
de dimension restreinte, de la quasi-totalité des biens nécessaires a la
1 e
de cette uni té, et ce, a partir de ressources na tUY'elles directement a sc: 'Dor
tée - se voit définitivement installée dans l'écononie capitaliste avec t
~-
.
1
structures e'Q'Uca+l'"es et le svvs+e' lie de val eu'" : .
tes les cons~quences sur
es
_
v
,
v
<~
(1) Source :Hotes d'Informations de la 3.C.A.0., nO 202, Faris, Janvier I(·~3.

-41- .
Le pays n'6tait ras seulement domin~ sur le plan ~conomique,mais aussi
3-;u-'1~ plan politique. En effet, l'introduction du Systèll1C colonial a mis en
cause l'existence des institutions traditionnelles ivoiriermcs. Les pouvoirs
des chefs coutunliers sont disqualifiés. Les ::olons français ont il!1posé un
simple protectorat ~1. ces souverains locaux. Le Gouverneur général, Van VoIle -
hoven, dans une circulaire du 15 avril 1917 écrivait :
"l,es chefs n'ont aucun )ouvoir yropre d'aucune espèce, car il n' y a pas
deux autorités da,IlS le Cercle, l' autori té frrn1çaise et l' a.utori té incU.gène j
il n'y é·n a q;; 'une; seul le çou!U8.ndant i.~.e Cercle commande; seul il est respo,-
én,blG. Ile chef in<:ig811e ~l'est qu'url instrument, un auxiliaire. Les raisons cl
recours ~, 12. chefferie ne s' ins::.Jirent pas dfJ J.' intérêt des chefSe :Ceux-ci ne
sont ~as d'anciens souverains dont nous voulons ména~er les tr8nes : les tr8
nes ou bien n'existaient pas, ou bien ont été renversés par nous et ne se-
ront pas relevés. "(1).
En fin fÎ.e com;,te, les ch.cfs trac1.itiorrnels étaient tout siFI"le:']F,"t "un T"l-
ind:i.s::"ensa"ble
a~lministra
de l '
tion coloniale", sh3.rgés l:C ~a~~~ ;~n'~~eY' -~l ' . J '-
de recr-ute:c J3, ,;1aü,-d'oeuvl'() et 18s él'2ve~;, menaces (J.'être a:c'rêtés, fûu]t-
no~ de l~ voJ.ont~ de leur peuple (2).
La cODquête coJ.orü2.le i:è eu cJ.02:C des effets destructeurs. On a 2,.ssiHté ai -
Sl
a la destruction des structures locales: restriction profonde des chefs,
(les rois de l'Indénié, d'Abengourou en ~lilieu akan, les chefs nordistes da
les régions lie Korhogo dont le souverain GBo:r, condamnation des chefs de cl" I-
se, classe d'âge de guerriers en pays Ebrié, Adioukrou, etc. L'imposition dei
l'ordre colonial a été donc très traumatisante en fragmentant d'ailleurs lIe
pace ivoirien pour ainsi dire : le découpage arbitraire des communautés vil
lageoises en ne te1l2,nt ~)2.S compte des données linguistiques, la modificatio
de certaines institutions traditionnelles (cas des chefferies administrati-
ves). L'administration française les a établies dans les régions où elles,
n'existaient pas, ou bien elle les a profondément transformées là où elles
n'exprimaient que des réalités religieuses (chefs de terre) ou temporaires
(chefs de guerre). (3)
(1) Bulletin du Comité de l'Afrique française, nO 12, décembre 1917.
(2) Jacques Lombard 1 Autori:tés traditionnelles et Pouvoirs européens en Afri 1
que N~ire. op. oit. page 9 1 . '
.- . ;,'
U) r.:utations Poli tiques : INADES,_ Abidjan, nO 9, pp. 16-17.

-42-
Ainsi -darrs un premier terni)S ,la raise en place dans le ~)8.ys
des structure
propres ~ la d6ctrine coloniale bas~ sur la domination économique et politi-
que, va contribuer au bouleversement de l'univers de l'ho~~e ivoirien. L'in-
fluence de la colonisation produira une rupture tendant à désarticuler les l'
ports ancestraux. des po~ulations. A la vérité, les premiers contacts de la
Côte d'Ivoire avec la France provoquèrent une vive angoisse chez les habitants.
L'intervention
française "dépolitisa la vie tradi tiolmelle i voirierme en
transformant tout
problème politique en un problème ad;l1inistratif teclmique.
"Une administration de ty:pe moderne vint concurrencer etrejeter l.'llPpareil->=poli i-
co- atlministra tif tracli tionnel. I,e systèü"le tr'adi tionnel cJ' autrefois "sacrali
sé" Oll les relations ont un cal'!,~.ctère rJersolmel dans le caclre du ligl1ae;e, en
tre alors en o.9~)osition avec le systèr;)e colonial cI ' autorité bureaucratiqlw û:
l'aSilect )ersol1:nel (les rel.::.tions:--- tencL à s' estoi~l:.,er t'(2).
SUL'
le fllCil'l cultu:cel, le é:ystème colOl-~ial )rovoqua la
destr'uction clss
ii1eüt2.1ités tre.è_:L tionnelle8. J~es idées et le'3 croyallces étaient oblie;ées de
s '8.da~)tel· au
)ouvoir nouveau, le
fJOuvoir bla.ne. Les religions uni versalis
tes, telle,~ que le ch:['istia!lis:-ne et l'Islam ont l"enis en ce.use tO\\Jtes les va
leurs
ancestrsles de la c3te d'Ivoire. Il y a donc lieu de parler ici d'im)
rialisne culturel; En effet, pour l'administration coloniale, il s'agit d'i~
culquer aux Ivoiriens les modèles de cOla~ortements en v~hiculant l'idéologie
de la Tiiétro)ole. Qu.aDt au christis.nisme, ii considérait l"s religions africa -
nes traditionnelles comme de simples
formes de croyances. Il les r3.nfcE.i t
e_
général dans la. catégorie de la magie et des faits aberrants. Les
.mü"sio!ma 1-
l

,
l "C
\\
, .
l
D'
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d
1
_ ,;S
'OTG
ltT)O:::;C'1:' aux pOplJ a lons QU sua un
leu JU eo-cnre len 1 Ile.Ol
e
'on,
~ l'occidentale. Ils vont les forcer ~ admettre un ensemble d'éléments, ~ sa 1
voir :
-les dogmes (Trinité, Immaculée Conception ,
-les rites (le noir, le blanc .•• ),
-l'enseignement et l'éducation (catéchisme),
-la liturgie et ses symboles (vin, pain) ,
-les institutions (écoles, congrégations ••. ),
-Rome et ses Papes européens .•• )
etc •••
Mais l'attaque
la plus directe fut celle de l'enseignement scolaire pu
bliq", fondé le 24 Novembre 1903. Comme nous le verrons ultérieurement celui- li
repose sur une conception positiviste du monde
il .rejette le surnaturel. o!
ce surnaturel était le fondement essentiel de la vie politique dans la Côte
1
. _.. _: ...~
~-;---~~------------
. ,
(1) Philippe Laburthe et R. Bruneau': .Initiation Africaine, Ed. CLE, p. 68.
(2) Mutàtions Poli tiques : INADES . Abidjan, op. ci t.
page 22.

1
-4J-
d'Ivoire. précoloniale
où l'univers est pensé comme le lieu où s'exercent
des .forpes conçues plus ou moins sur le mod~le de la force humaine et qui
s 'harJa'onisent dans un ensemble. Ici, les phénOln~'nes les plus "naturels" tro
vent·"leur source dans un jeu de forces "surnaturelles" que l'école a de lE!.
peine à comprendre et à prendre au sérieux • Et selon la culture occidenta-
le répalî.due par l'école 1 l'univers est conçu au contraire comrne le lieu où
s'exercent des forces neutres purement physic~ues, non ~Jersonnalisées qui ne
fondent aucun pouvoir. Nul n'est donc destiné 3. l'avance au pouvoir. (1)".
Quant au milieu ivoirien traditionnel, il enseigne que les esprits gouver-
nent le HloEde et que leur volonté interfère dans la vie des hOJj')j·iles. Les for
ces de la nature, qu'elles soient bonnes ou mauvaises s6nt toujours présen-
tes d~lS la vie du Sénoufo )~ du Gouro. Il les consulte en cas de doute, im
pl ore leur protection quand il a besoin de soutien et d'aide. Chez le Baoul
[Jar eXPL::-,Je, :LJ.
:'allt chercher constat1r!18nt ~ S8 :lrotÉee:c cont:r'e tout ce qui
menace l'intéGrité )hysique et 1"nor2.1e ùe l'holiL!le, c8.r, ~l l'origine d.es maLl
dies, .:_1 ? 2. souvent le sOTeler (lui en est l'auteur. La J:ialaciie n'a l.Jê:l.S 1J.lJ.e
Cr:tUSC
Ee.turellc. Toutes le~; cr.oses 1 les ,,"-l'oIes 1 les ,zestes sont portcll.l·S cl·
forces b~n~fi~ues ou ma1~fi~u8s. Il f~ut donc se protéger contre les forces
;i1auvaises et se )urif:Ler après
Jes 3.ccidents et le.s calamités,
{Jal'
des :cite
individuels ou collectifs (2).
Le christianisme et l'école vont disqualifier toutes ces croyances. Le
ressort de cette dernière est le doute, l'esprit critique, la démarche scie
tifique,pour ainsi dire. Tandis que la mentalité ivoirienne traditionnelle
posait sur le culte des Ancêtres, sur l'autorité des "gérontocré.ètes", la me
talité du colon reposait sur l'évidence de la raison, la recherche du
pour·
quoi et du co[~ent des choses. Tout repose ici sur la démonstration et le l"
-
t
sonnementap)rofondi. Désormais, la parole des Ancêtres n'est plus valable
en elle-même,mais seulement si elle est confor~~ aux résultats de l'expéri
ce, aux acquis de la science{1).
-Conclusion-
En résumé"nous pouvons affirmer que l'affrontement aU'fl1011de occidenta
ne
manqua pas de poser des problèmes .très délicat6~ti ~6nde.traditionnel ivoir
n:
conflit aigu entre
ses principes ét l'esprit scientifique ,dévelo,ppement d' 1. e
J
mentalité non ivoirienne', ,incidence d.è.s" o.bserVaneés sur la v i e ' économique,
.
-
. . ~.~~".
'
- ..
"
(1) Mutations.Poli.tiqlles _ .INADES::·Qp"'cit.:">-p~'~·:25. '-
.,
,
' . '
....
. .
.
. ....
(2 ) Ràymond Deniel:Relig::lon. da.:iÙ3 J.a -ville.' :.' croya.nces et Changements sociux
'à Abidjan', 1NADES, 1975',pp~ 56;.57';-
.(J) Mutations Politiques, 1NADES,. op. cit. p. '26 •
... ; .....
- r · ·
.
i;~wt'h'!~;~$;;.
..'c..
c'
"
·1

-44-
poli tique, sociale et cul tUl~elle. L' arnbi tion des colons était de décondi tion
ner les Ivoiriens de leur vrai bOlilleur, de sorte qu'ils se trouvfissent fina-
lement dans une situation D.mbiguë. E:l les enracinant clans des valeurs étran-
gères, le colon ne cherchait qu'à
pervertir leur conscience et à en faire
sous-produit ineff~cient, voué inc0nscieDunent à la cause de l'Occident. Gelu
ci par l'intermédiaire des colons va bouleverser tou tes 1e;~ structures ivoi-
rj.ennes en IJ1aé~ en distinguant le sacré du ]rOfan8, en rejeta.."lt
les idées
d'ordre pr~-6tabli, de destinée universelle, ct 'hal'îllOnie cosmi.que, pour don-
ner-plus de valeur à lét domination systématique ùe la natu::ce et partant, Cl
l'il;\\p,h':i.21i~3T'1e,
à la co;npétition socié~.le, i!-t l'individualisme. Or dans la Côt~
d'Ivoi:ce trad:i..tio:n~lelle, l'i:,diviclu,de l'enfance ~è la wort, est conduit 2. év"-
ra~·,.?ol··t 2 la noù;]o CO[il!~lUYle. -SOlI idéal est de s'inscrire dans le réseau ordon
né prrivu ;;ccr Sc. culture .•. Pas besoin de ~:)l'Olj:r-iété individuelle : la <',istriou
tion des terres,
Dar exemple, à l'usage familial est encore l'occasion d'cita
blil' des interdépendances et ~es Lljustlces ou inécalit~s. Dans toutes les s -
" .~ <.,( r
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Dlen :':",l cr..2..eUne Cl. G __ e C::S·C CO:::1S'Cl'I,Uce Ci.E: ;~;emcres
gUJ.
aeSCe:tlac.:rn
o. un ;:leme éCil l
c&tre, )~rlent la m~me langue, ob~issent aux m&mes coutumes, partagent les ~ -
1;1eS conce~~tions,
se livl"ent aux L-lêr;les occupations ... L'intervention colonia-
le V:3. )rosressivement '~iraille:c les Ivoiriens entre deux univers : d'une p?r.,
"
l ' ' ' ' J ' t
.. '-'-'
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1.a so lO.3.Y'l ce
raO.l olO1l!lE:1.~e qUl
eur a QOlL'18
eur
erre, .Leurs cou wnes,
e· r
éthique, leurs ri tes de )aSs8.ge, leur participation 2. la religion et une :::',1'0
.
fond.eur historique, et
-'- '
(1.' autre
l.;art Uil ;rlonde cI' existence llilporoe, étayé ]ar
des concepts trop occidentalisés, monde brutalement plaqué sur des sociétés
rurales. D'00 leur traumatisme.

-45-
-Chapitre Deuxième-
-De l'Education ivoirienne traditionnelle à l'Education coloniale-
----------------------------------------------------------------
-II-l. L'Education ivoirienne traditiolL~elle.
--1-. La notion d'Education et ses implications dans les sociétés ivoi
riennes traditionnelles.
L'éducation n'existe pas en soi et pour soi. Elle fait partie intégran-
te du système social dont elle reflète les caractéristiques. Elle désigne en
général l'ensemble des processus qui 'forment une personne sur tous les plans
intellectuel, moral, physique, esthétique, social. Elle est inhérente il la v le
de tout·.groupe social qui, ~.,ar cette transmission de sa culture, assure le s
conditions de sa perpétuation (I)~ Les sociétés ivoiriennes traditionnelles
.~/.
c;,ue nous avons
déjà présentées ont leur. façon de percevoir l'éducation. Leu 's
langues comportent une notion ::',' éducation eX::l1ici te, soit dans un terL1e, soi
Ci2.ns des expressions très significatives et très ilittoresques.
Chez les J,.:;:üinkÉ, l 'éducation Ll.::J1:LCJ.L~.e l ':Ldée de cuisson. On dit
rendr'e "Joins cru, chf~.uffer l'our (;1) , -i 1
<. - - -
soi t (:.1)
Plus , p~écisément
, chez les Goura, l'iducation renvoie il l'id0e de
5é3Tci.er,
de protéeer, de COIlse:cver i'OUl' laissel' en bon été'd:. Ceci T'eivoie 8.V.
;,1ot garderj.e
: Avoir 12. ge.rde de l'enfant, c'est le surveiller, le f"rmeT, 1:
guider. 1:;,s Goura disent :nin-paki: fait d' écluc;ver , littéralement " de garder
f"'.lit,
être vigilant -3. son. éGard., avoir des soucis pour sa sécUY'i té, etc.
Chez. les ,l"knnen lanGue ACni, on )arle de "8.gnin tiè", ce qui sigr,i:i"i
} i t térale:;Jent
"ouvrir 1(';, ,)"G L1X"
,
éclairer .
. Chez les wè (Jeron), élever un enfant se dit: dù dyuz::m dé
élever un
TI-
iant, litt~ralement "s' occulier de lui", "l'entourer de soins dans le domaine
;Jatériel et mor&l". Les 'ilè emploient lL.'1e autre expression: "yan dyùzan k.,in
nin kwaY : enlever le caractère inscrit dans la main de l'enfant, c'est-è-
ùire son caractère original (2).
Plusieurs remarques se déeagent de l'analyse notionnelle.
En premier lieu, l'éducation apparaît généralement dans les milieux t~a 1
ditionels de Côte d'Ivoire cornme une action exercée sur l'enfant afin de mle··
(1) LE Thanh Khoi : L'Education comparée, Armand Colin, col. U. 1981, p. 9.
(2) Etude Régionale d'Education, op. cit.
p. Il.

-46-
le garantir dans la vie,en le transformant, le modifiant pour servir conve-
nablement le groupe. Une· fois bien "cuit" par l'action de l'~ducation, l'en-
fant pourrait exprimer un caractère plus socié:.l, au d~triment de son caractè
re initial.
En deuxième lieu, les soci~tés ivoiriennes traditionnelles conçoivent
l'éducation comme une action globale qui touche'plusieurs domaines: moral,
physique, intellectuel, religieux, etc. Les métaphores abondent pour décrir
ces transformations globales :
Chez les Gouro : "be zourou":littéralement, "laver entièrement sur le
Dlan physique et psychique. "youè-ùi- fouo": c 'est-B.-dire, ouvrir les sens.
"Koun-Dlè:Jlè", littéralement, attraper , saisir de tous les côt~s. "Be-léli
koun" , do:nestiquer son âL18 (qui est au départ trop folâtre).
Cn <J.locouvre tout lE; carrcctère ôy:u:.;;;icye et glolvü de l'éducation da.as 1 s
diff~rentes ethniques de Côte d'Ivoire. Ici, l'~ducation veut agir sur l'~t·
elle place l'individu et 13. cù~_
j-:;a.is quelle était la fimüité principale d'une t.elle {ducat ion ? :SIle
était de type conservateur. Il s'asit d'assurer la
r~production du système
économique et social.Trois objectifs ont permis de réiliser cette finalité
Au . plan économique, fournir des producteurs solidaires et des reproducteur
natalistes bien adaptés b. l'économie d'auto-subsistance. Au plan poli tique,
fournir des patriotes respectueux de la ~iérarchie fonctionnelle des âges, ·-es
conditions sociales et des sexes. Au plan idéologique, fournir des croyants
qui ont foi dans l'efficacité des divinités du terroir (1).
'Quoi qu'il en soit, los grands :traits de l'éducation ivoiriemle trad -
tionnelle sont ceux de l'éducation africaine traditionnelle. Leurefficacit
se
découvre dans son lien intime avec la vie. C'est à travers les actes sociau 1
qu'elle se réalisait. On y retrouve les traits communs à toutes les société 1
dites agraires et féodales.
Selon llow;notplÏ:, 'UBe:teile ;'éducation. 8e~·CB.l"a(J.t-ér1se'par sen·' ca.chet·fond -
mentalement collectif et soc~al, pa~ ~~niien très intime à la vie sociale Itf
par son caractère assez polyvalent '-et sa grande souplesse, puisqu'elle tien.
(1) Etude Régionale d'Education: op. cit. pa~e 12
...::-

-47-
compte des ~tapes successiveé de l'évolution psychique et ,mentale de l'en~
fant (1)".
c'est à partir des nécessités de l'économie, ·de la vie sociale, poli i-
que et religieuse que le milieu traditionnel a dé~èloppé ce système éducat f.
En Côte d'Ivoire, au-delà de la diversité appare~te des ~uatre groupes et'
i-
ques d~jà présentés, une unité existe qui apparaît justement dans la conve _
gence des Vues internes sur l'éducation, l'homoiénlité des objectifs, des
structures et des pédagogies de cette ~élucahorr'en rapport étroit avec l'ho 0-
généité fondamentale des systèmes économiQ~e~ et sociaux (2). Ainsi,
au s
n
dB ces
soci~tés traditionnelles, l' éduca tion était fondamentalement défini
par référence à un pincipe absolu: Il:est demandé de rechercher avan'~ tau
les valeurs sociales établies par les Ahcêtres. Et t~ut inidividu est obli la_
toirement soumis au respect de la tradition, SJ~S peine de sanctions grave
mal~diction, rejet, humiliation en public, etc. La recherche des valeurs s ci-
ales était une orientation en faveur de la surviG de la sociét~, car si de
"
personnes déviantes venaient à troubler l'ordre établi, tout l'édifice soc
l
s'écroulerait et l'autorit~' serait à·la dérive. Aussi, tous les parents en
tant çu'éducateurs privil~giés, ~taient-ils conduits à initier leurs enfan
a
d2s co:u1aissances toutes faites et finies, ce qui est contraire à l'esprit
c-
cidental pour qui l'éducation est une constructiG!1 continuell~ de la COlLDa
sance et de la véritÉ. définie co::rne 2.d.équate, J:wfncntanée de la. pensée È,l'
tion effic2.ce.
Les contenus des véileurs socjales adOiJtÉes par l'éducation tradition;}'
le sor~t ceux qui permettent de rnanifester' l t espri t d'entraide
de solidari ,:
t
ct 'hos~,i tali té et de suivre les voies tracÉes p8.r les Ancêtres st les Esprit
C'est en fonction d'ui". but métaphysique qu'il pst de:i12.ndé à l'enfant d'êtr
soumis, hwnble à l'égarci de toute 12. collectivité. L'éducation de celui-ci
a
donc reposer essentiellement sur 12. moralité et le sens comnlUnautaire T-lL;t,
Que sur l'organisation, les structures et le mode de division du travail.
'
religion contribuera très largrnent i' faire pél1étrer tout l ' es:-;ri t COJl1rr1UnaU
re au sein des sociétés villageoises en l'entretenant dans les séances d'in.
tiation, à travers les classes d'&ge; L'esprit co~nunautaire sera une cara
téristique de la famille itenduE: qui, on le sait, groupe d'une part les vi'
vants, d'autre part les ]·:or-ts. Il est recommandé 2. tout indi vir,u d'avoir 1 .
sentiment réel d'appartenir effectivement à
.lacoB1ll!~uté
tout
entière.
(1) Abè_ou r,jownouni, L'Eciucatior! en Afrique, 1964, ~).34 et suiv.
(2) Etude Régionale d'Education, Oy.
cit. pp. 10-11.
i
L

-48-
-Schéma de l'Education Ivoirienne Traditionnelle-
-NaturE du projet sur
J.-
le soci~t~.
Personne
-C o.lcepti on phi la sophi-
Conformit
qUE
pt religieuso sur
~ ur, mond
Soci~tt:-Crcre 8tabli
~?
l ~ P f: r son ne.
pr~-~tebl
-
-viËion id8eliste très
-Cons~rvetisme pouss~e.
1
\\!/
- Ob.j~ctifs P(dBGOgigu8S.
/-Euts Que l'on poursuit] _
Former des
n-
-0 ~ velo p p e r lBs
pou r 1 t'l P 1;; r son n C à t rel
dividus bi-
cor, n
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soci~té.
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1
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-Assimil'?tion. -1
-1- Principes PédéqCQigUB~.- Int(gr~tiDn
sr-
I
sennai i se tian 'u
modèle
sances permettent ëUX
~ l ~
-Somme de conneissen- Jr__
-P, ~f ~ rence eux
sevoir-faire.
individus de rEssem~'
-2 -Cart enu
-Symbole.
Myst -
bler,eux Ancêtres, aux
cisme. Lois e -
ViEU~, eux 6dultes.-2.
C 10' S t rel es.
-Litt~r8ture Greles s
-[ prE u v es div El ,-
contes, proverbes,
ses : l ni tiat Ion.
devinettes.
- :3-iJ:° 1:è-ns
1
gmour,
dOUCBU
et
1
menêces à le
ois.
Jeux.
J.
-':J'
·f------':-----:.T----4i
-Conventions vil-
le~eois8s. Consensus.
- Soumission a
Entente· .
-4 e~ 5- "In~.titu­
tians
solue des je
'1
r.:~--f...Ltitud(s.
-Autorit~ odulte.
naSe

-49-
Un des premiers devoirs est d'assurer la liaison des vivants avec les Mor
des vivants entre eux dans le clan, la tribu et cela, sur les plans social,
économique et culturel.
Sur ces trois plans, l ' espri t communautaire prend la forme du respect d s
coutumes: respect des interdits, des totems .•. Ici encore, à travers les
n-
seignements prodigués à l'enfant, il est spécifié que l'individu n'a pas d
réalité en dehors de la collectivité. La communauté est donc synonyme de c,-
hésion, de fusion, de syncrétisme, pour ainsi dire. Elle est basée non sur
les liens de parent~ ou de localité, mais sur la conviction religieuse. Il en
résulte que l'éducation est prise co~ne un tout et réalisÉe dans le collee if
et par le collectif. Tout COmine l ' aciul te, l'enfant se voit dans l'obligati n
de s'identifier à la volonté de la communauté. Agir comme tout le monde, s Il ef-
facer devant le prochain, telles sont les attentes du milieu traditio~~el 'voi·
1
rien. Et du coup, l' eS.;Jri t comillUnautaire devient chez les adultes face à 11 en-
fant, une tâche nO-ble, sacrée'; , reli[ieuse. Dès lors, ils se sentent comme e -
tière~ent responsables de son intégration sociale, car ils pensent qu'ils
nt
J.e. mission de lui dOl1l1er une
fordation COj1lj)Ortant
un cachet fondamentalem nt
hW11a:!Jl.
POUl'
e1j~C, il s'agit surtout èc g[ü'antir- sa sécurité sociale et mêm
·2 -1,'Iii18.f'8 de l'€~r1f2.,nt Oéii:JS l(js sociétss i\\TOiY'ieY.!.Y18s tr&ditl()Jl
nelltC,~~.
la ;'erce;~,ti(ln de l'enfant en lélilieu trc.cii tionnel inflvencs ci 'une rru:cni "e
ineytric~ble toute] 'éducation de chaque jeune. Déj~, Pierre Erny notait b ius-
te titre c;u'en Af:ciqne Foi:r'Ec"lEc2: <:.tt:Lt,x'IGS et les pratiques éCcllcatives ne
nt
pas a:;"bitr2.ires.El1es correspondent aussi 2 l'imaGe que l'on se fait du pc:"t
d' ho r'1!D E ••• CL) ,••
Ainsi dELrls les sociétés traditionnelles ivoiriennes, l'enfant est lLYJ.e
éa-
lit~. Bais on cherche toujours ~ déterminer la liaison profonde avec une f
ce quelconque et c'est celle-ci qui lui donnera son sens, le sens de SE:. vi
Dans ces conditions, parler de l'enfant et de son éducab.on en soi, en tan
q'u'objet
séparé
d'études ou d'acticn n'a donc p2.S de Séns
Il faut do
"voir i3. quoi il se relie, ce qui agit sur lui et ce sur quoi il 2.git ... Il 1 aut
s'interroger sur l'~tre profond de l'enfant, le situer dans cet univers qUi/
(1) Pierre Erny: L'enfant dans la pensee traditionnelle de l'Afrique Noire~ Le
Livre
Africain, 1968, page 13.

-50-
l'entoure et avec lequel il établit des correspondances multiples (1)."
Qu'est-ce donc l'enfant en milieu traditionnel?
R~f~rons-nous tout de suite ~ la litt~rature ol'~le akan qui nous en
on-
ne une idée: (2).
L'enfant est un €tre
fragile. Toute éducation basée sur l'autoritari me
tend à le perturber. A ce sujet, le proverbe prévient les parents :"On peu
s'asseoir sur tous les arbres, sauf
le roseau" et "quelle est la grosseu
de
la tête àu poussin DOur que tu lUl donnes un coup de poing? Il ne s'agit
as
de chercher 2 avoir des enfants si ceux-ci doivent être martyrisés. On doi
favoriser leur développel~cnt,sino~, il y a risque de les voir flétrir, par e
o,uelorsqu'on a "débroussaillé et sémé et!':; l'on n'
-pas ou si l'on arr se
très mal, il n'y a pas de rÉcolte". Pour
mieux se développer, l'enfant a
e-
soin d'un adulte comme la "liane a besoin de l'arbre pour s'élever". !l'fais
'en ..
fant est indiscret; on doit lui cacher certaines vérités, certaines ChOSE
si
l'on ne veut pas être un jour dans la surprise désagréable. C'est pourquoi
"ouélnd tu es nu
n'appelle pas ton enfant DOur te laver ou te g::'atter le do
"
Malgr;tou~l'enfant a droit b la protection si l'on veut assurer la survie du
cl?.n. A.v.ssi, le proverbe est-il catégoriq,u.e : "On ne -ïette pas les pÉ,üns ô.'
l'oran~e,
si l'on veut avoir un Ch2~D d'oranges~. Par ailleurs, il faut se sou-
venir que l'enfant manque d'expérience :"il sait courir, mais il ne sait ps
se cacrier". Cela est vrai à.ans ce conte : "Un père et son fils résolûrent
e
se construire chacun u..yw case. L'enfant fit une case sans porte ; le père
i t
une case avec une porte et il pouvait
entrer et sortir comme bon lui seJ'1bl
Q~ant au fils, i l n€
pouv&it sortir de 85 case, resta.
enfermf: et il mou ut".
Quoi q~;' il en soit, l ' é.dul te doit respecter lé:. üatuY'n,tiuI1 (~(; l'enfant. l I a i t
Éviter- de luiproposer 0C';8 tê.elles c(c,i dÉi)8.Ssent ses possibilités. Il risqUE:; de
l'étouffer.
en,l" si <·tu tejô:;"'esses ~, enrouler ton c:.oussinet,
il se aÉfai t".
N' oubl~ons nas <;.uc l'si la potasse coule vi te clle ne
sera "as forte". On
c-
tisnt la potasse en filtrant les cendres; plus l'infiltration est lente,
eil-
leure elle est. Il faut donc 'urel'idre son teEij1s pour éiuquer
1. 'enfant sanE
brûle:::' les étapes. On ne
peut pro]oser des t~ches à.ifficiles à l'enfant q e
lorqu'il est apte à raison.ner "On ne descenc', la marmite du feu que quand l
viande est cui te". Iùüs il y a plus : l'enfant 11' est pas une propriété pri 1
vée du père et de la mère. Il apI)artient à tous les membres du clan: "Lor -
que l'estomac reçoit de la nourriture, celle-ci intéresse toutes les narti s
du corps". En conséouence l'éducation de l'enfant doit &tre l'affaire"de t lus.
Mai.s...on .l'éduquepar "la pratique et l'expérience ,·personnelles : "Quand l'e!-
(1) Pierre Erny: op. cit. pag8 16.
(2)
Les Baoulé 'd'après leurs' .Diotons et· Proverbes, CEDA, Abidjan, 1975.
i
L

-51-
faut pleure
our un tiso~ de feu ardent
donnez-le-lui. Il saura à ses dép ns
gue ce n'est pas une bonne chose".
En dépit de toutes ses insuffisances, l'enfant a une essence divine.
l
,
j ,
est souvent considéré comme l'incarnation d'une divinite et toutes les soc e-
tés traditionnelles de Côte d'Ivoire entourent le nouveau-né de soins
par i-
culi~rs : il devient du coup l'objet de respect, de soutien et d'attention les
plus assidus. Chez les Agni, il est identifié b. un messager de l'Au-Delà,
interméè.i<üre, un médiateur. Il fait le [Joint d'lm nw:wle 2; un autre. Il es
cles eü:.;ües cle Côte d 'Ivo~Te, il est 1é-_ réincarnation
G'un Anc&tre et con ti-
18 fécoil'5.i té d2.Jls les Tiiilieu:'~ villageois oi} 12. fem;ne cui enfants
st
a,ur-éCJ1~s de gloire. lei, l'enfant symbolise ~ la f
' " '
.-
l
" 1 1
OlS ~ espOlr, _~ rle~es e
et le vJ:ai bonhell.r de toute la collE:'ctivi té.
On pourrait ainsi multiplier ~ l'infini les f2.its qui démontrent tout
l'im~ortance de l'enfant en milieu ivoirien traditionIlel. rais cet ensembl
ci' ir;Jage s que nous avons présentées influence énormément les atti tucles péda ,0-
giques des parents face à leurs enf2.nts. C'est ce que nous allons essayer
e
voir Q?-c~S ce qui va suivre.
'- 3.- l,es différc-lts réseaux de l'éQucation ivoirieI1.2ls trB.ditio~~ ellE
A travers ce chapitre, nous nous ~roposons de dégager les différents
6-
seaux de cette éducation et les différentes étapes de la pédagogie depuis
a
gestation jusqu'à l'insertion de l'individu dans la société.
La faTille
constitue le premier cadre de vie de l'enfant. Il s'agit
Il.
générale d'une famille étendue qui comprend toujours le père, la mère, les
frères et soeurs, les oncles et tantes, les grands-pare~ts... Toutes ces D r-
sonnes ont un sens aigu de leurs respcnsablités à l'égard
de l'enfant ou
u
nouveau-né. Elles
chercLent à créer un milieu harmonieux qui soit pour le jeu-
ne ill1e source de sécurité affective, matérielle et socio-culturelle. Les p' e-
miers devoirs sont du ressort de la faoille nucléaire pour ainsi dire. C'e t
"
,. t
.
t l
" 1 '
1 · 1
d l '
. -
, '
1
lCl qu ln ervlen
e ra e lrremp açab e
e
a mere qUl com~ence 1 educatio
1
de son enfant qui est encore à l'état d'embryon: Dès la conception, elle
,e
trouve dans l'obligation de prendre des précautions pour faciliter la venu
de

-52-
l'enfant au monde.
; La femme enceinte sera entourée de sollicitude et co
om·,
mera une nourriture plus riche (bouillie de riz, poudres à base de racine
d'écorces et de feuilles d'arbres)dont le rôle est de fortifier l'enfant
core dans le ventre de sa m~re. kais ce n'est pas tout. Enfin de mi.eux la
ro-
téger, la collectivité toute enti~re prend certaines précautions: sacrif
es
aux dieux ou aux anc€tres
'pour ~~plif.ier. leur force vitale
2 l'égard de
a
fe@ne enceinte qui,i son tour doit obs~rver des tabous destin~s à confére
des
quali tÉs suffisantes au futur enfant et surtout 8. le rendre apte 2, une in
r-
tion et IDI développement harmonieux dans la société. Partout ailleurs, il
st
demanè,É à la femme de viser à la bonne forn3. t iO:1 de l ' enfé..:..nt en s' abstenal
de
regarè.er les malfoTIoations de la nature, les animaux à cornes, les animau)
porteuTS
m:luvais présae;es (chat noir, par exemple). Elle doit ~ussi é-
ter de manger certains aliments
;Jour ne )as enfr'einc1re les lois totemiqu
du clal1. (1)
Ainsi est oonçu un climat psycllo10E:Ü1Ue très positif au cours de la ~ s-
tation pour permettre une excellente venue de l'enfant au monde dans une
J-
biance saine et sÉreine pour ainsi dire.
La naissance de l'enfant
est toujours accueillie avec lUle joie indic ble
Chez, les Gouro comme chez les Guéré, des salves de fusils traditionnels sr.u-
ent 12 venue du nouveau-né, sui vies ci 'un lonc d6filÉ d(~ yiai teuTs dans la . a-
se des parents cie celui-ci. On fera 8,';·,el. aux. dev.ins afi·n 'd f Etta:b1ir'sous 'G
18
Pour lutter contr~ le
:llEcuv2.is sorts, aeE' i:::lciications)récieuses seroEt ctonnces alD: yarents : s?c ':L-
fices, interQits variés
pour la mère, utilis2.tion cie
nombrhtx r~.tc~3, etc,
Ainsi de la naissance à t:cois 2.11S, on ;:ré;Jarera toutes les 'stI'llctures d. 'ace 1 si],
qui per~ettront ~ l'enfant cie bien se d6velopper sur tous les pl2.n8. A ce
ta-
Qe Qe la croissance, malgré la présence de noœbreux substituts p2.rentau~,
celle
de 12 mère ap:?araît de plus en plus i!i1l'lortante. "Tout au long de
a
lJremière enfance, affirme Abelou EourDouni, c' est È. la mère que revient la c ar-
ge de l'enfant: elle le nourrit, elle le soigne: il n'est pas exagéré de di-
re que l'enfant africain fait matériellement partie intégrante du corps de sa
mère llon seulement parce que, CO@}1e toutes les m~res, la femme africaine r s-
sent avec une grande intensité tout ce ~ui le touche, mais aussi
(1) COL~Je toutes les situations bénéfiques, la grossesse est parfois
rée en pays sénoufo comme dangereuse, car elle suscite la convoitise
n2.ce. Elle est l'objet de nombreux ri tes de 2)rotection.
Par ailleurs si l'accouchement est difficile, c'est que des forces COl
~~aires sont è l'oeuvre. Selon une thér2peutique très repandue en cas de m' a-
cle, 12. femme est invitée à faire l'aveu de ses fautes.

-53-
l'allaite au sein, de façon permanente, le dorlote, l'endort à côté d'ell~,
le porte partout sur le dos. Plus tard elle surveillera ses premiers dépla
cements: c'est auprès de sa mère qu'il prononcera ses premiers mots et app
n-
dra à nommer les choses qui l'entourent "(1).
La première enfance sera le moment précis où les vieilles femmes vien
nent faire preuve de leurs expériences enrichissantes. Elles entourent ha~'
tuellement la
mbre de tous les soins possibles: tatouages, onction, alim
ts
éner[6tiques, habillement, etc. Elles prodiguent sans ceSSE:: ~es conseils 2
le-ci:
corrunent bien allai ter l'enfant dès les prelJie}·s
];lois, comment le
ter e.:isérnent au do~~, cor:ll!1e!lt le lav8r, etc.
Ainsi clé la naü~sance jusq)) , 2:, deux ans, garçons et filles sont li tté;-'f
e-
loent
collés h la m~re et aux substituts maternels groupant
les vieilles
)m-
les tantes, les soeurs et les cousines. Ell cette périod
l'~nfal1t ]~'érrouve pas de contraintes, ni frustrations, puisque l'entoura[E
s'efforce dans la mesurE du possible de satisfaire tous ses désirs. Il vit
lors à-ans une ullbiance de satisfé~ction et ciE; sécui'ité quasi totales. En p2.~ ~
"
-
.
~~,,~
s~ ~rotect.l·on :invocatioll à
guerE-, CÜ'S mesures sont prlses ~...,......, renf6rce~
a.
_"

A.ncêtres, se.crifice CIe ?oulets, :CJOrt d'ar~ulettes
pa!' 2. 'eniant, les aE1Llett
étant fabriqu~es avec les os d'un gorille (= symbol~ de force) ou d'u~ ca~F
léon (= symbole d'invuln~rabilité).
Â
partir de deux ans, on assiste 21 un certain durcissement de l ' ent01.1
ge c.. l'égard de l'enfant. Il Y auré:. un SevTé'_ge avec :!.,'lposi tian à-e force è.e
nourriture salid~, puis un sevrage d'ordre affectif avec la privation rén4
tée de lé:. protection maternelle. Ces deux formes de sévrage ont
pour but
familiariser l'enfant avec l ' espri t de la coutume : éviter qu'il soit tro:;
g~té par la chaleur maternelle. L'alimentation solide lui permet désormais
e
mieux déceuvrir
les autres figures parentales, car, en milieu tradi tioY'.L -
l'enfant doit A~tre l'affaire ou la propriété de tous.
De trois a sept ans, co~~ence l'éciucation pro;rement dite. A trois an
on co~nence a lui apprendre à utiliser les outils de travail en miniature
très tôt on l'initie au métier des parents. Dans une division tacite du tr
vail, le père s'occupe spécialement des garçons laissant le contrôle des TI
-
1
les à l'épouse. Dès l'âge de 4 à 5 ans, l'éducation de l'enfant s'ensage d' s
la voie tracée ~mr les parents qui généralement veulent faire des enfants, 1
On) A-Ddou ftlownouni, op. ci t. page 16.

-54-
leur replique parfaite.
J,E
rôle des grands-parents est déterminant dans ce travail d'éducatio
Par l'âge, ces derniers ont acquis l'expérience et en quelque sorte le dra t
d'enseigner. Dans certains cas, la division sexuelle du travail au niveau
des parents disparaît à l'échelle des Grands-parents qui acquièrent parfoi
une illfluence
prépond6rante sur les garçons: c'est le cas chez les popul'
tions a}:an. Ainsi en pays Abourc:., il est derègl€
de \\Toi:c les enfants confl s
:30it i. des 6rancJ,s-~mrents, soit ~ des tuteurs ou tutrices. Par finir, ce1)]
ci 8~lifestent des privil~ges sur la vie des enfants. 1e professeur Nian[8
ran -Bouah note ceci : "Sur huit enf2.11"cS G, 'tu l!l8na.f,e chez les AlJouré, les
n'él~vent eux-~g~es que deux ou trois, les autres seront conii ~,
"our leur éducation ~ des membres de leur lignag8 }la.ternel" (1).
Il en est de
en
pays
00 le rôle des parents géniteurs 8.~
tr~s limiti. Autrement dit, les parents n'ont aucun devoir particulier à l
gard de lel_~r procénitu:ce, la responsa-bilité de l'éducation incombe I~llJ.tôt
groupe des anciens du village (2).
r;~2.is al) cO',U'S de leur éciucation, les enf8.nts ne jouissent pas des m&::r- ~
r1'ivilÈ:'ges. On dü,tinEue Entre eux des personnalités exceT,tioYulGlles, soi-:;
nét hU'e llemen t
soit artific ie ll81;18{lt. DE.ni:~ le foi diîfér'81l tE: s soci~ tés i voiri é:
néS
~;l'aditio~1J1elles lU', cel'té_in norùbrs de c:coyances viEonnsnt privilée;ier l r.
':Josi tiOll de cer-téüns enfants .oa1' r&i:.:;ort aux autres. Ainsi, les jumeaux (.P" 1 n-
nins cI!e z les Goura, "E'Ds.",
consic1É:r:-és CO:T!l;le des
'i-
srs nsturel~. On lev,T y·eSErve url statut s:'Éci2.1 et ils sont re:JrÉsent6~;
les Gouro::i~r deux
i,eti ts ~lots (Fiall:~i:lbo) 8!l terre incrustés soit ~t l' 'Z ~
rieur soit ~. l'int6rieur de la case.
~ côté des jwûeaux, il y a les "troisièmes-nés
de même sexe. Ce sont
les "Djessans" chez les Gouro, et les "N'Guessans", chez les Baoulés.
"Enfan ·s.
€xce;'ltionnels",
ils reçoivent dans les difZé~ntes-ethnies du .paysune'éduea
on
spéciale en raison de leur nature quelque peu énigmatique, dit-on.
E~ 6chors ~e ces considérations assez particuli~res, tous les enfants
on-
naissent~' peu.prèsla même éducation. A cinq ans déjè" le petit garçon suit
le p~re dans ses déplacements. Le moindre fait, le banal accident, l'oises.u
(1) Niangoran-Bouah G.
:Les AbOUTé, unE: société lagunaire de Côte d'Ivoire.
Annales de l'Université d'Abidjan, Lettres et Sciences Hwnaines, 1, 1965, ~ 144
(2) B. Holas
: op. cit. page 118.

-55-
qui passe, la tige de milou de maYs qui ~clate dans le bois, le corbeau ~u
roucoule, tout ~tait occasion d'enseigner. Le père de l'enfant gouro repré-
sente toute la loi du groupe; il est de plus le représentant de l'ancêtre.
Il y a d'autres "pères" auxc.uels il est possible de s'identifier et d'autre
membres du groupe sur lesquels il peut aussi compter. Ce sont: oncles, gra ds
frères, cousins, etc. Avec tous ceux-là, il pourra aller au champ, à la pêc e,
à la chasse pour recevoir toutes les iLstructions appropriées. Son ~ducatio'
familiale qui était au départ verticale n'exclut pas une éducation horizont le,
d'ulle oart au niveau des classes d'tge et d'autre part au niveau des écols~ de
la soci6t~, nous voulons parler des initiations.
-q- Les Classes d'~ge.
Dans 12. lJlnpart des sociétés ivoiriennes tradi tiomlElles, on lJY'atiquE:.
l'initiation; c'est le groupe d'iJlitiés qui constitue la classe J'tge. De m -
nit;re [,énél'ale, le~: classps d'âge sont OE:S groU;)8S sociaux formels, ccmsJci t,èS
d'individus aye,nt plus ou ;:loins le
A
age,
so~)lnis aux mE'bes ri tes dE:
dotés Cil) nême stn,tnt social et exerç2,nt les mêr:Je~: fonctiOl'lS IJllbl:L(~ues (1).C G
structures existent
en granC nomerE: ci,2xls les sociétés du sud avec un
modè
de .' constitution t
tr'e chez les Abou:c6, ~. se~\\t chez les Ac1,jouK:t,OU, douze CllEZ les Ahizi (2).
En instituant les classes d'~ge,les adultes essaient de réalisEr' l'é~u
catio~1 des enfalets SVT Ulle b2.se collective, sgéüitaj_re. Ils souJ1aitent fs,vo
riser Ulle certainE harmonie et une intsgr'ation de chacwl cians la collectivi
té. Le critère d'ap;::;artenance est universel par le fait qu'il S'2..I)rJ1ique E.
tous les l'Jembres de 12.. cornmun2..uté, indépeild2.mment des liens particuliers c.u ils
entretielh~ent avec d'autres groupes en tant Que membres de ces groupes. Et
e
plus,
l'admission dans ces cl2..sses d'~ge suppose Quelque détachement GU
l -
lieu f~~ilial et une émancipation de son autorité.
"Partout, ce sont des conditions sociales et culturelles qui justifie~
l'accès aill:. classes ci 'âge. Chez les Abouré et les l\\'l'bato comme chez les AJ;i" i
1
et les Ebrié, la condition principale d'accès est l'aDpartenance & un Datri i-
gn2..ge. Partout, seconde condition sociale, une durée ~ixe, variable d'~le eJh_
1
nie 2 l'autre, constitue l'unité de mesure séparant deux classes d'âge.De t
lis
1
1
- CI) Denisepaulrne : Classe d'âge et association en Afrique de l'Ouest, Libra~­
rie Plon, Paris, 1971.
(2) Etude Régionale d'Education, op.
cit. page 14.

-56-
ÈI
cinq ans chez les Aladian, cettE; uni té passe 6. huit ans chez les Adioukro
et
les Abidji, à seize ans pour les Attié et à vingt ans chez les Abouré. :::~ pJ é -
nom~ne général des cycles assure
~artout le renouvellement des statuts et ,es
fonctions, expression du renouvellement des hommes et de la vie. De 48 chez
les Attié (JXI6), la durée de ce cycle est 56 ans chez les Adioukrou (7X8),
60 ans chez les Ebrié (4 X 15) et 64 ans chez les M'batoet les Abouré (4xI6 (1),
Mais quel est l'intérêt des classes d'âge ? Pierre Erny fournit une ré, o~~_·
se satisfaisante :" La répartition en classes et fraternités d'~ge tend 2
structurer l'ensemble du corps social, y compris le monde des enfants et de
jeunes ge:llS, suscitant il chaque échelon des traditions propres. Elle a [Jour
but d'engendrer entre conteclporains et pairs Wl eSI;ri t d' égali tfo et C3' att2c. e-
ment, issu d'une comnllille forl;lation, et devant se traduire par une confia21CS
mutuelle et l'obligation de se porter assistance les uns aux autres "(2).
C01J1TJle on peut le constat.er, les classes cl' ~ge se manifestent donc ~)our re~:'i) il'
1
certaines tâches d'intégration et d'éducation qui dépassent la famille et los
groupes de filiation. Elles étendent les rele.tions de l'individu au-ùelà du
chaml) de css dernip-rs. TOll.t en jouant à. IF. fois de multiI"J1es rôles, elles sont
forEIatrices d'une conscience morale et fournissent des mécanismes de Eocial l sa-
tion~. contribuant à la continuité et ~ la stabilité des sociétés. En effet 1
COiîllïJe le montre pariai teEiCnt C'. l;j.angor-an-Bouah, sur l'exemple de I>:oossou,
es
"classes d'âge jOUE;nt un trirlle rôle: militaire, économique et social. Sur le
premier )lan, les ho~nes dont la moyenne d,gge se situe autour de 60 ans, 0 t
la responsalüli té de rÉunir et de présider le conseil de guerre. Le. défense du
village, des enfants et des i'emlCles et des vieilles personnes incom-oE; 2- 12. cl- ss,,'
des hOE:mes âgcis de 45 à Sc B.ns. Sé:r-ont el1Voyés dans toutes les missions dÉl C2.-
tes pendant la guerre, tous les éléments d'un quartier dDnt le moyenne d'â 6 .
varie entre JO et 25 ans. Quant ::n.L".: jeunes dont l'âge se situe entY'e 10 e-z.
ans, leuT rôle est de ravitailler en vivres les guerriers et d'évacuer les
morts et les blessés au cou.rs d'un conflit arIaé (J). Sur le plan.-économique
l'esprit ùe solidarité règne en permanence: aider les uns et les autres è
construire une maison, débrousser ensemble un coin de la forêt afin d'y ~~éü -
gel' QDe plantation .•• Enfin au niveau social, les groupes interviennent sur
les points suivants: mariage, maladie
, déc~s, etc.
Les classes d'âge qui prennent en charge l'enfant G partir de 7 ans tr
vent leur conséc~ation dans l'initiation généralement vers 15 ans. Le but
(1) Etude Régionale d'Education, op. cit. pages 15-16.
(2) Pierre Erny : L'enfant et son milieu en Afrique Noire,
pb~), 1972, p. 8 ,.
(J) Niangoran-Bouah G.
o).cit. page 17 et suive
1
~---

-57-
moyen de l'initiation consiste"
-promouvoir l'ho~ne, notawnent lors des moments difficiles de son
existence: puberté, procréation, ménopause.
-le situer dans la société, l'intégrer totalement.
-le mettre
• en harmonie avec le monde visible (d'où la naissance d s
participations et des corres~onàances qui tissent dans le cosmos des liens
tenus et délicats, et des techniques l'rofanes et ma[;iques et rituelles);
. en relation avec le monde ia~isible.
" lei, tous 18~ ri tes s.Y2.nt ~)ou.r· 'out 12_ 1':1utc.:.tion de l' ttrt:, le jeu.TlG doi
'--)(JUVOil' suivl'e
~;ur le jJl2.1l de 1,-, COllcluite le bCllllevers(;]'ü(;llt c.ui f;'o;.:è:r'c eiL
U:L
J,es initiés saut toujom'io isol\\;8 ê'1S~;CZ loLl du villaGe : le rH'incip8 e t
qu'ils doivent couper tous les lienio 8.vec.: leurs llroc})(:,s. Toutes les cOll1laL 1
les ini ti?_tsurs, cl'LOisis par;ni lUi plus avertis.' Toutt' l ' ini ti8.tion consiste
su:ctout dans un savoir'-faire et l~,ll)s :;T·é c;isÉwent Wl savCJil'-vi v:(·e. "Le Cl:.} tL -'E;
seE~Ilentaires cl1ez les Krau, les S{noufo. CE SO!lt des structllres, sans hifr~
chie cOIJlplexe qui établissent leurs relations .s~n~ une b2.se trichotomiquf
I;TO;)pe
des gr2_nds horIl!ües (g0nération cies pères), groupe des jeunes (les fi] -),
groupe des enfants. Ces groupes pratiquent foz'tement l'intiation. Les grouT
S
d'~gE s~noufo (kin-nin) au nombre de trois, se composent d'individus aY~llt
sensi tlement le même âge et correspon6,Ent aux trois phases du cycle ci' ini t
tion du pora (21 ans). En effet, l'initiation chez les Kiembara aussi bien
que chez les Nafara (en pays sénoufo) contribue à la formation de l'homme
cialer::;ent parfait. "Chaque phase principale dure sept ans, divisés en troi
phas8s .•. Au terme de chaque stage a lieu une cérémonie de sortie(sortie du
bois sacré), une soi-disant "fête de promotion" au cours de laquelle l'ade, te
se voit octroyé un nouveau degré dans la hiérarchie du poro ; il portera l
grade jusqu'à la fiIî de la cérémonie suivante ,. (J).
(1) Dravie-·Houenassou-Houangbé : Dualisme de l'Education, Togo, 1981, p.
7.
1
(2) René Bureau et André Raffort
: Le V2.de-meclli~ de l'expatrié, sociét~ ln
ternationale d'études et d'interventions, 1974, page 76.
(3) B. Halas, op. cit.
pp.150-151.

-58-
Toutes ces associations, qu'elles soient , I1classes d'âge ou
"groupes
d'âge" apprennent aux je1mes 2. respecter leurs aînés, " se "forger" de co arm
'r
pour' affronter les difficultés de la vie. Ce sont des :nstitutions vra:es
qui modèlent·
la per~,onIlalitif des enfants en leur donnant le sens de l~
ie
1
en co~nun. Ainsi dans les bois sacrés yar exemple, le jeune sénoufo est
ln-
trui t dans tous les domaines. l,es adul tes lui apprerment les {?:énéalogies afi
d'éviter l'inceste involontaire. Une instruction détaillée sur les droits,
es
devoirs conju[aux et les manières de se tirer d'affaire en cas de difficult s
lui sont communiqués. Flac~ dc'.1ls lé.t rÉa.li té de 1a vie courante, il ëll'JJl'enè È..
devenir ~leinement ho~ne en int~grant profond~ment les valeurs de son terra r.
Gr,qce 2 la c1ü!1(;llsion relie;ieuse de l 'inj tiFâion, il est tout ultier baic;wf
clQ,ns lE systèrne cul turel du 8roUT18. Il "méurt" symboliquement pour renliître
un aut:rt-; homme, comme la graine dans le s01, COjjune 1e soleil qui se couche.
-5 - 1,(;8 l.Téthodes à_e 1 'r5ducation ivoirienne tradi tiorL'1elle.
Kou~ avons déj~ montré l'image de l'enfant en milieu traditionnel ivoi
rien. C'est dire que tous les principes pédagogiques vont découler de cette
perce]tion de l'enfant. Ra1jpelons que: celui-ci est considéré comme une forc.
~ntimé~:}ent liée au cosmos : il est i3 la fois intermédih.ire, er:voyé de Dieu,
a
r~incarnation d'un anc@tre, le sorcier, etc ... Dans ces conditions, on fera
toute son éducation dans une ambiance ('ce res"Ject, de. soujJlesss, de mod~rati' 1
et de profollde com~r6hension. Kaus savons qu'il reçoit très pr~coc~ment
pOli' ainsi dire "tous les honneurs" dE; la collectivité. Grâce 2- lé. litt~ra­
ture orale, les adultes savent d~sormais toutes les directives permettant ci
mieux l'éduquer. Ils évitent ainsi les brimades,
la brutalité, l'autorita-
risme suffocant, les contraintes inutiles. Mais pour obliger parfuis le jeu
ne & respecter sans condition leurs conseils, ils essaient de le menacer (m
naces factices ou Juenaces suivis d'effets).(I).
Quoi qu'il en soit, l'enfant reçoit généralement une formation globale
et polJ~alente. Elle est a la fois théorique et pratiQue.
-Formation th~orique : Elle consiste dans l'art de bien dirE
La pédagogie de la parole est bien d~veloppée chez les Akan et les lliandé (w'
linké) . Nous frisons ici le fameux problème de la parole qui 8 un pouvoir ci ! 1-
f
,
(1) SEr.:ITI Ani-Jules : Les Ra:;.:ports d' autori té entre Adultes et Enfants en
pays gouro. Thèse de Troisième Cycle. Sorbonne. 1978.

gereux provoquant ou des catastrophes ou des actions favorables. C'est à ce
niveau que la menace de malédiction est la contrainte la plus caractéristi-
que de l'ontologie akan. Etre maudit par son père ou par sa mère en milieu
baoulé équivaut à être coupé de sa lignée, à ne plus être branché sur ce co -
rant de vie qui vient des ascendants et qui seul permet à l'enfant de se ma'n-
tenir dans l'existence. L'individu est atteint au niveau m~taphysique et ri'-
que de tomber dans un néant non seulen,ent socie.l, mais existel!tiel. CettE: a J _
me absolu8 constitue en C1ême temps è:"::.': 1!l811aCe tI'ès COI!Cf'stf:. Et:cE: lJl2.udit, c est
~Jar un Sit;Jif négatif om"i:'.ùt toute Sé vie. D'où l'im;,orté::l1CC d'uni":' v{r'itablp
ôitio)) el) méi.lorisant 18s for;rrules (insultes, devises, lH'over-bés, maximes),
es
généalogies
et les récits
dits par les parents, et en les reproduisant daiS
l'exercice. Dans l'art oratoire, il i:üit:o les maîtres de tous les jours et .n-
nove par- SOl"! f1Y'ol,re génie
rour s' affir:"ex- Elaitre ciu verbe, "Co~'lstructeur : t
destructeur" cl 'unions et cie ren071lTnées 6es i'a.r;,illEs "(1). JJe futur "Dj.fli"
2.'pyu·-encire au contact des .[:;rofessiormels adultes, les "bla-djélis", tous les
genres de parole, à savoir les formules
(ex~ressions st{~-~otyp~es, magiques,
les titres (statuts des personnes illustres du lignage), les dévises (histo l -
res du clan en raccourci), les formules àidactiques renfermant la sagesse d s
Anciens, l~s, formules rellgieuses, la poésie, les mythes et les récits éti 10-
" t
t "
.
o
' . L ' . L
t'
l ' "
-
0
. L ' . L
t'
j
glques qUl "ten en
oe oonner une ln verpl'ê "a lon a
orlglne uss lns Lol vU la"
,
des coutwnes, etc.
En pays goura, d~jà à l'~ge dE: 12 ans, l'enfant est invité à assister
aux pr.~cès qui se déroulent sous l'arbre à palabres. Il y apprend corr~ent l s
vieux manient le verbe, emploient les formules symb(Jliques. Le but recherc.
est de [[\\::.re de lui dans l'avenir un "wibli-zan", c'est-à-dire, celui qui
it
arranger les litiges, utiliser la bonne parole pour résoudre les antagonisn s
et apporter l'entente entre les forces en présence. (2).
Point n'est besoin de rappeler
que
les Agni valorisent aussi la
parole qu'ils considèrent tous comme l'isage de la tradition et de l'histol
re du clan. Chez eux, le sa.g~ eetcelui qui ·connaît le. parole 'comme 'contenue
'v "
, '
(~) La Pédagogie de la parole : in Etude
,
o .
"
0
,
1.
Reglonale Q .u01Jc.a-;;lon, op.
Cl"t.
p.14
(2) SEhuTI Ani-Jules, op. cit.
page 102.
1
1
1
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-60-
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' " " " l' t-'- '
l
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. . . ,
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Iorme.
! l i ' l
:
0
Sle e U,10.Le
l
~era ement, II "r:létl trlse la parole".
On ne dira pus assez que l'art oratoire valorise tout in~ividu en mille;i
traditionnel ivoirien. Le griot :nalinké,le conteur guéré sont des perSOlLlles
de considération dans les lieux publics.
AinSi par l~ litté~ature orale ou par le verbe pour ainsi dire on eusei
gnait soit da~s les groupes d,gge, soit dans les classes d'~ge des masses de
connaissances :(1)
-I,'obéis8ance aux parents, aux :911.1.8 âgés et e. toute la population;
-Les rapports de l'enfant avec les. autres,
-La maitrise du travail ;
-Les sciences naturelles;
-Histoire, géographie;
-Droit.
L'Enseipner,wllt pratique.
On a1JOrde (lans cet enseignement, la protection maternelle, les combats
luttes, la chasse, ~out cela ayant
généralement pour support le jeu. L'ense
gnement agricole va rev~tir un intér~t particulier :
• En milieu sénoufo, dans les zones des savanei, l'enfant assure déj~
gardielLllage soit du troupeau, soit, plus fréquemment, des champs de milou d
riz contre les oiseaux granivores. qui sOùt souvent très matLcaux. A 12 ans,
il commence à s'initier aux véritables travaux des champs. C'est ~'ce niveau
c:ue se fait "liacquisition de la houe". L'enfànt a le droit et le devoir de
manier désormais le "hamague", une petite houe en rapport avec sa vigueur. l
reste constffinment à la disposition du chef de quartier et réalise des travau
avec ses pairs sous le contrôle des vieux. peu à peu, il se familiarise conc
Â
tement
avec les techniquesci.e préparation
du sol, l'ensemble des technique
culturales, les exigences des plantes cultivées, les techniques de stockages.
Avant l'âge de 15 ans, tous les enfant~ sont pratiquement dotés d'une expé-
rience agricole (2).
(1) Léonard Sosso : L'Enseignement en CSte d'Ivoire, depuis les origines jus
qu'en 1954. Bibliothèque Nationale de Côte d'Ivoire, 1980"
p.IS.
(2) Revue culturelle et" scientifique de Côte d'Ivoire, nO l
: Sixième Festiv
Colloque: La Formation de l'homme dans les Sociétés traditi'onnelles d'Afri-
qùe, Festival du 26 mars au 9 avril 1973 ,.~ .. C6cody, page 42.
i·~~j,:"';i'~~: ..

-61-
-.En pays krou, chez les Bété, l'enfant accompage à six ans son père eil
brousse. Jusqu'à quinze ans, il a le gardiennage des champs de riz ou de mil
contre les oise::cux et les singes. Peu à peu il prend plaisir aux travaux cha -
1
p~tres. Il y participe pour apprendre a manier les outils de travail, car lu'
1
aussi a droit à une matchette appelée "Duani" et à un crochet en bois ou "Gb a",
pour bien orienter l'herbe et les tiges d couper :" A cette occasion, le gar on
apprend comment incliner la "Duani"et jusc;.u'à quelle hauteur il faudra se co r-
ber pour biEm cOU11er l'herbe au ras du sol. Il ap.::n·end cor:u:16nt se tenir, COl:l
ment lancer sa matchette Dour éviter de se blesser ou de blesser les autres
'u
mêEle les )lan.te,] llobles. ~l aj)premL comment aiguiscr la ljlé1"Gcl,ette ,ml" la iJiC" 1.-
re ou ":·~eto)(o". Vers 12 à 15 dllS, l'enfallt I> tri E;,;t ~1.l:i:'fisa"Lnen t; exy~rili1eld;,i
sans forcement ':J.IJaÙo.ollHer les autr8s tYI)BS c1e travaux, l)B.rtici)er ~, la crss.t on
ses "i;lères" de li). culture cie suùsist8.l1ce de toute la ·colJ.ectivittf. Puisque
l'objectif nrilllOrè,ial de lF), cellule fé~;·ülüüe est de produire les enfants né,es-
saires
::' la main-d'oeuvre, toute son -'é6,ucation sera axée sur la fonction n: -
ternelle. Si elle est éduquée de la sorte, c'est surtout pour servir l'homn18
à qui elle devra totale sownission : soumission au mari, au père, au frère.
Toute son éducation sera en fin de compte une forme de subordination de la f m-
me à l'homme. Une fois arrivée à la pré-puberté ou à la puberté, son éducati,n
sera prise nécessairement en compte par les fe~nes les plus expérimentées du
clan. Celles-ci l'obligeront à subir pendant une certaine période, un traite
ment spécial destiné à l'endurcir et à lui faire supporter la condition qui
doit ~tre la sienne. Un tel conditionnement est supposé
améliorer ce que l ' ,n
,
,
b'
,
f
d
A
1
tient pour qualites d'epouse et de mère de la femme
ete et ren orcer
u mem
1
coup le sentiment d1 infériorité cultivé
en elle. On retrouve toutes ces indo-
cations dans les autres ethnies de Côte d'Ivoire. Mais les rites d'initia-
tion
2 propos des filles varient avec les tribus. En pays baoulé, l'initia-
tion a lieu au moment des premières règles. "Les parents, avertis des mens-
1
trues de leur fille, vont consulter le féticheur pour savoir si la "blo niai·" i
est d'accord pour l'initiation. On appelle ainsi une femme qui habite au s~-I
J9ur des morts, et qui avait déjà enfant~. cette fille avant qu'elle soit mlS
au monde une seconde fois sur cett~,~·~~,;~:-.;,;.c'est au cours de l' initiation
1
.
. ' ~\\"':".:.'<_:;~'..,'.:.' ':~t-'" ,-'"
' .
,__
~~:-::-::-;:;--:;-:---::-:;---:--':':'--:-~~-~

-62-
que la jeune fille apprend tous les
principe~' de lé. vie conjugale en imit~,t
l'exemple def3 vieux couples
(1).
A leur contact,
elle se familiarise avec t L.-
te la p~dagogie de la protection infantile.
On ne saisira. pas suffisamment l ' imS18.ct de l'enseignement
pratique er,
Inilieu ivoirien tradi tioilllel si l'on n '::/ inclu.t l'ê#S le rôle indispensable c: f:
jeux. Chaque grouj)e ethnique a dévE-loflP~ une série ùe manifestatiolls àont 1 1 -; .~.-
tér$t n'~chappe ~
personne:
-Les Abour~ et les
~u gr0up~ Akan ont pratiqu~ et pratique~t
toujours la p~daGosie clE: la lutte clans lE cacire 0 'une:' formp.tion militAi:t:f; '"
vue (i.e chffendre l'honneur' àu villa[e.
Il s'aGit ici "de préparer l'enfant n __
seulement 3. se drife~dre mais à. attaque:::-'" d2,ns les fOl'i'latio:ris de combat a;:,vc' ~s
"zokl;a". C'est ~ llintérieur de teIlAS fon:1ations qUE; l 'ellfant , rl(éS l'âgG cl
5 ans, se livre à. la chasse. Confié ~ un maitre-chasseur, i l
apprend les g 13-
tes d'adresse, mais aussi les pratiques
secr~tes lui permettant de se m~ta
morphoser ou de se rendrE: invu.lnéré.ble
è.evant les anirrlélUX d2.ngsy-:::ux et e.gy' s-
sifs (2).
Ie "zokpe"
est souvent renforcé ;'Jar- la formation. des "bié" cClnsiste.y,t.
une
d'épreuves pratiques qui révèlent lE- clÉvelo;::;,e:i1E::nt dléittitudes
!Ja18S, la ca!J2.ci tr; ô' endurance ou les perforI:12.nces 2.r'tistiques.
Chez les wê ~,u Wêbê l
la péde.gogiE: 6(, l'enc;urEUlce concel"ne les É;)reuves
sanglantes dE la circoncision (krinnyofiyi) pour les jeunes gens de 15-17 a~
de c1f toridectomie
(sanhan-hyon-norihi) ~:our les filles de 12 ans. Le ri tUE:!.
c-or:lilience touj ours par une obI i136. tian d'ordrE.' moral E: t
PSYCf'lQ -thérs.pique
: 'il E-
confession de chastetÉ.
Les jeunes doivE:nt subir les opÉrations chirurgical _
2.ve c toutes leurs conséqu.ences
dans lE: stoicisGle le plus absolu (J).
Les 10bi qui font partie du grOU)8 voltaïque, 2.ccèdent aussi ~ la vie
adul te e travers Wle série d' é)reuves d'endurance,
"le Dyoro",
qui regrOl..:.~)t_~
filles et garçons.
OIl sownet les
jeunes initiés i, divers interdits dans u:r~
droit sacré:
coucher sur une natte, utiliser les ustensiles communes, cra-
cher dans les mains,
etc.
Tout lLYl Éventail de jeux est mis à. la cOlmaissance dE: l'enfant ivoi-
rien deplL~s la naissance jusqu' ~ l'âGe adulte .Toutes
les sociétés tradi tio
nelles du pays s'adonnent à des jeux pe.rticuliers qui participent sérieuse-
(1) Vincent Guerry : La vie quotidienne dans un village baou18, INADES, Abi '
Jan,
pé.ge 4I.
U C2
g
__)_E_t_U_d_e_S_R_é ionale d'Education,
op.
ci t.
page 26.
(J) Ibid. page JO.

ment à la formation glolm'e lie::; jeunes. Il s 'agit ici respectivement des je
veruaux, des jeux d'ü1itation, l:.e~3 jeux de com1.::ür.,sancf; de soi (contrôle c.c
réflexes paT exeIil)le, ùes jeux athlétiques (sauts, courses, llage ... ).
o
o
o
":Synthèse - Réflexions - COl1clusion-
De cette ln'ève (~tUl~.8, il ~;e d{gagè que l'enfant i vûirien de la socié t(~
traüitiollilelle aC\\::ll.it,:ct üe~3 co:r~Haissances dans le cadre ùe la vie familiale
et sociale d'une fn.0ûH ;n·oe:re~3::.:ive,
cûncr("te et )l'atiql.l.8. Toutes lE:.s Cé3.ractl(
s-
tiques
ci. , une '~elle ,jônca tiun que nous avons essaJTé cl' {nu.:nérer au dJ~rla:ct O'
été bien
ex;'J.icitées i)2.Y· r;3.uJ. J{Sé;.J.:;li·mo. (J.ans son l-écent liv:cc Îlltitulé : W i s-
toire de l'0fucation en Côte d'Ivoire. Il nous présente ~ cet effet un ta-
:~
blF:~vlJ J·éc.f1,;~5_ ·.:1].l.~-1·t.~i_~f ~Or~i1'1~: ~ni t = (1)
4.
L'éducation est ét:coitei:lent liée ém milieu;
5. L'ciducatioll est directement axee sur les besoins de la sociétC
6. l,' intéCY'a tion ~, laœoc1uction se fait très tôt;
7. La fo:C;,1éltioninsiste SUl' l'esprit com.munautair8;
8. L'éducation concerne tout le monde;
9. L'éducation a un caractère global;
10. La société est tournée vers le maintien d'un équilibre;
II. L'esprit magique joue ).lll rôle fondamental;
12. La religion, le sacré sont préeents dans tous les actes de la v_
13. Les parents prennent une part importante .dans l'éducation des
fants;
14. La vieillesse est perçue comme une valeur positive;
15. Les rapports entre les êtres sont des rapports personnels;
16. Les modèles sont élaborés par le groupe concerné. Langue popu-
laire;
17. Les connaissances sont transmises oralement.
A travers notre exposé, le lecteur a sans doute découvert l'ensemble de
caractéristiques qui précèdent. D'une manière générale, on ne peut nier que
l'éducation traditionnelle ivoirienne comporte beaucoup d'aspects positifsd
s
1
la mesure où elle était adaptée aux besoins des systèmes économiques et soci.,
(1) Paul Désalmand : Histoire de l'éducation en Côte d'Ivoire
1. Des origi-
nes à la Conférence de Brazzaville •. Ed.:.ÇEDA, 1983, page 20. •

, -64-
aux.
En effet, l'éducation ivoirienne
traditionnelle est non seulement un
sYstètilc de représentation, mais surtout UllE: pratique sociale qui joue un l'Ô
le fondamental dans la reproduction de la société.
Conune on l'a vu à traver- I
1
nos propos, elle semble se soucier d' adaTJter les jeunes générations ê.UY- con i-
tions de l'enviroill1ement social. L'idéal qui leur sera représenté, c'est de se
bien conduire, de se fondre à la masse.
Pour
être acceptés et bénis, c'est
dans cette perspective qu'ils doivent s'inscrire.
De telles reco~"andations
ont pour but d'eJnpêc:her leurs réactions imprévisibles.
Cela suppose que lE:: ! l-
lie.u tra.di tionnel a besoin pour orgEniser S[j. ~l'I'Oj)re base économique dE:: In~,:r,i _
X'f.'
~u 'elle Sp r<:')\\roè.uisE: cl 'une façoy; stable, dé. :~révenir les com;lortE:ment2
déviaJlce que })OU1Tc.-üent rnénife~3ter les jeunes .•
Il est CErtain qUG l'éducétio~1
traditionnelle a atteint SLS olJjectifs
elle a forJi:é des individlJ.s soumis, respEctueux de l'ordr~ éti::.bli
elle a
per~is la floraison de guerriers, d'agriculteurs, d'artisans, etc.
Il appara1t donc tr~s difficile de nier l'importance d'une telle éduca
tion. ~algré tout, elle porte en elle ées limites. Qu'est-ce à dire?
Disons crue la l'éë.agoEie tradi tio:n.r,elle est tro~1 conservatricE:'. Son obj.
tif est de fOrJiler les enf2.nts et les adultes en fonc-;ion de ce qu'on 3tt8n'~:
d'eux 00ur assurer la permanence des institutions,
des pouvoirs, des valeur
Ce
.
,
.
t '
qUl
OODnJ:é:
res '!;lien ici
clans cette ~léùagogie, c 'c~st sèJrtout la natio}',
de mocièle,
e'est-i\\-dir-e d'm, type d'n.o::1:lie s,rvant de rÉfére:-lce,
te] l'AncÊt-
mythif,iUe, l ' homne ache"é,
2')arfai t, exe;;l~ilaire. !.lais l ' acljève~.,ent, l ' exempl2..
té sont entendus ùans le sens que leur cJ.onnent les vieux de la sociÉté, c'e,
_
à-dire la "clésse religieuse dominante".
Certains traits négatifs de l'éùueation traditionnelle or,t été 'Cial' 2.i1
~'-~ 5"'''0-'
. " -
J
y
~__


(1)
1. A.spects essentiellement em~)iriques des connaissances;
2.
Quasi-inexistence de l'écritu:re;
3~ Absence d'enseignement systématique de mati;res théoriques et
techniques;
4. Education trop adaptée a la simple transmission de l'exp~rienc
des aînés aux cadets;
5. Technique relativement très simple
et
n'offrant ni cadre, ni
support à des progr~s ultérieurs par l'intégration et la général
(1) Abdou Moumouni : L'éducation en Afrique, 0:0.
cit.
pp.
36-38.
l
-;~------------

-65-
lisation graduelles de nouvelles expériences et connaissances
qui, elles, sont censées se transmettre individuellement, donc
iso~~ément.
6. Educa.tion condamnée a se répéter et rester immuable,
é:~ moins
e
bouleversements sociaux.
Un tel svst~me
v
éducatif qui est enti~reDJent ada~t~ ~ la transmission o,a-
le n'a pas de support pour la vulgarisation de nouve~les expériences, ce
J
qU
est très regrettable. Son car2.ctère trop religieux gêne u:rl pet", En poussant
la r~flexion, on
peut avancer que l'endoctrinelnent dont l'éducation tradit"oD-
nelle fait souvent preuve risque de contrecarrer les individus peu croyants
En se l-éfér2nt excessivement d,UX Anc&t:c(;S,
le;:;; éciuquÉ S SE:: trm;YE::l1t cla:wo l ' i C2.-'
i'iroblè:::es COnCl"ets de lE'. vie qlJ.otiùien:tlt-'
: Il faut se y-,isig)ler-, 8,0:3.01'"<:::(" léS
s-
::>Y'8 S cri ~jt ions
-
contribueYJ.t
-
È,
çuant le seYJ.s des initiatives: Ils accepteraient alors ~2ssivs~ent les cond-
tions c.'existence
et remettr2.ient sur le comr:,te des dieux tout cc qui lem'
arroi'le.
Cn ne répétera j)2.S assez qUE le contenu de l'éducation ivoirienne trad'-
ticnnelle est l'instance idéologique où se {]résentent les conè.itions de re~:,--o-
è.uction du mode de reproduction clu milieu soci2_1 tradi tiorll1el, mais ces con,'li-
tions y sont représentées b l'envey's, de f2.çon "fétichisée", "oJTthique". Ai -
si dans les sociétés ivoiriemles traditionnelles, chez les Ebrié, ce ne son J
p2.S les plcheurs qui capturent le poisson, c'est le génie de l'eau qui leur en
fait don, s'ils reppectentses
lois ou principes. Chez les Gouro, ce ne
pas les chasseur's qui attrapent le gibier, c'est 12. forêt et
ses génies
veillants, les "ZOUZOUS", qui eXl:;rii:lent ainsi leur satisf2.ctio"1 à l'égard
village so~~is ~ leurs exigences.
Le caractsre trop conservateur de l'éducation ivoirienne traditionnell'

-66-
risque de poser quelques problè:f1es à la promotion individuelle. En .cOllsidé
nt
l'individu co~ne le produit de l~ société, l'éducation traditioJL~elle a en
quelque sorte favorisé la perte de son autonomie. Elle a en conséquence ex,es-
siveraent dissout la personnalité dans le social.
Ce faisant,
elle semble al
voir ignoré que toute sociét~ n'a d'autres ré~lités que celles des individ s
qui la composent. Elle a oublié -semble-t-il- que la conscieDc~ collective
n'est que le produit des représentations se L.'1anifestant sous une forme sou ent
indivièuelle et ~,ersonllE:lle, Q'..'-ns ses CO;']l,oGantes oriEinales orientant et
0""
est dé~:-;G une dielé:ctiGllc de l'individuel et du social Cié;'DS lUH~ 2.cticn r~cipl' _
ivoi.rien &. excp~,:,~ivei:}ent
lr;.or3.el;~ 1", ;]é~turc i!iir;récisE: de l'eniE.nt sur les Cél.
ô.res riGides socü.;.ux. EH voulant s'in<,ose:r' dE- l '8xt6r':i.t;lU' , collective et s J n-
(~éŒdis,§e, l' éducation traditionnelle a fo:l'c{ 12. soumissi(J[; i.ncOJ1(;.i tionnell
ci.es jeu.2'tps. Dans ces concü tions,
il lui est difficile de ù6veJCJ~'per
les é
ments G'ü r-2l'ondent È. leurs indi'·ià.ua.]: t.ris et pe"rsannali tés.
Or 12. v~ri taD.
éducation o.evré'.it se :nro~Josel' Wl cl.oUI)ltô but
q,'c1.F l'0è.uce.tiull tra(l=i.tio!i..:n81l(~ en clue.sti::m n'a }'P.s ;10i.JTSll.ivi ce donble ont
En
voulant surtout dÉveloDDer
phie CO:~lme en ;:Jéùa[:ogie, est illl f.s.ux ln'o-Dl èl:Je
: elle n' eni illso1 uble que l
s-
que les donl1,;es eYl sont mal rJosS:es.
Ell tout CeS, Ulle bormE:: partie u,
J.:
li!or-;:~le ellseicn::':8 [Jar' l'Éduc3.tion j 'oi,
l'ieEne tracii tionnellE semble être une morale de résignation complète: elle c
r-
che SOl.i.'.'enL 2. tr<l:rj.sf~rer les :Lorces à.e 1'1'10,,1';18 SiJ.T les idoles qui )renne:nt
formE: des dieu.),: et des ancêtTes.
Or l'iè.olâtrie est toujours le culte de q
que chose que l'homme a investi de ses propres forces créatrices et à laçu jle
il se trouve sournis EU; lieu de s'engager l ni-mêmE; dans une <lction créa tri- 1
ce.
Dans ces conditions, le dÉvelo~peQent ~éel
a~~~rait quelque peu ardu ( ).
\\
De plus,
~ l'inverse de ce oui se passe en Occident, l'éducation ivoi~ en.
ne traditionnelle e:JseiGne moins à imiter la nature qu'à
la conI:mître paT le
biais è.'une demarche
qui s'a)parente
au :;Jlus aux tentatives des surréalist s
françs.is ~Jour [~insi dire. En effet, 12. où. l'Ew::'opéen se complaît E reconnaî 1
tre le Doncie par la production de l'objet,
l'Ivoirien traditioIUlel se conte,te
TI) FrOr;1!!l : 1a Conception àe l'hoTIL'TIe che~ I\\Jarx, rbp. Payot, )l0 317, 1977, ) 81:

-67-
de le reconrw"ître 9ar l'image. Il se place dans une situation de dCl)endance
à l'égard des di vinitôs, de la nature et à.es e.ncêtres., 2. tel )oint qu' i l OE::-
meure constarill-'.lent fige, )eu sensible ~l l'idée de changement. Il llasse tout
son t8;1111S 2. évoquer Wie saEesne eSB8ntiellement Bté~tÜ:i.U0 (lui est p'énéralemon
véhiculée par la littérature orale (conte~>, .proverbes, [loésie, et:). A· la vé 1
ri té, cette E:a.C;esslc~ 138
p:césente COïü;·Je un ensemble d'énoncés corres.!,londant 21
un savoir
empiriquement ';tabli : cep énolicés sont très loin ùe revêtir par
com~éc;uent le cal'actère des fai t8 di t8 sc:i!entifiques (1). Quoi qu' il en soit
le recours incessant Ces éducateurs ivoiriens traditionnels aux proverbe8 et
aux contes CJour e~~~l!r'imel' les contenUf> ('.e 1 'éduc;c~tion s 'oPl)Qse selon nous È.
une vue pros)octive et dialectique des choses. FRr là, l'éducation tradition
nellc semble se liwntrer illCi:l'Jalüe de nous présenter le .projet ci. 'Ulle société
fondée sur Wle véritable philosophie de l'actioJl. Quels qu'aient été ses mér
fique qui e::œlut toute remise en question ùe l'ordre Établi. Il S'cEit to.·\\)-
jours l)ou1' elle d.e l';3.briquer 1)';'le consciel1ce très conserve.trice en s' a~))uY3,nt
trop exclusiveuent sur le pass~, sur des principes qu'elle veut ~ternels, l~·
muables, sê contentant ainsi de nous présenter des vérités toutes faites.
Pourtant, conlllle nous l'a enseigné Uarx, il ne saurait y avoir à.e vérité
que vérifiée dans le processus historique; de même, il ne peut y avoir de v'
leur que confirmée dans celle-ci. Il n'y a pas de valeur immuable et trans
1
cendante. Il n'y a pas de valeur du tout au sens où la valeur est posée ~t-a"1
firmée face à la réalité. Cela suppose que la morale enseignée par l'éducati
ivoirienne traditionnelle doit nécessairement se transformer avec et par la
société; il n'y a donc pas de valeur éternelle. En restant prisonnière de
l'idéalisme, elle ne pourra jamais faire prendre conscience des contradictio
sociales et dé~ytifier la nature pour que les individus sachent et puissent
transformer la nature et la soc:LrSté. "Tout système éducatif ou culturel d'es
sence métasociale,religieuse,. dit
Zigler, est destiné à disparaître avec l
progression des classes sociales et la transformation graduelle des rapports
de production "(2). C'est dire qu'~vec toutes ses caractéristiques énoncées
plus haut, l'éducation ivoirienne traditionnelle.portait déjà en elle. tous
les germes de son effritement. Il semble que c'est du côté de la réalité soc'
ale concrète qu'il faut se situer pour mieux appréhender les causes de ses
limites et de ses insuffisances. A cet effet, il convient de rappeler que to
te l ' éducation ivoirienne tradi tionne 11~;s:'est réalisée dans un contexte trè
(1) H',Joh-T':ouelle : Sagesse des proverbes et développement, CLE, 1971, p.95.
(2) Jean Zigler : Pouvoir Noir, p. 250.
1
---::-- r-----

-68-
particulier, dan;:' u_ll·ré[;ill1e fondamentalement e.t.
,tYPiquement agraire. 18 s
_
t ème é ta; t
touts implewen t
conçu pour ne ré ;>ond rc Qu'am: be so ins d'un rr,DOà"l
d' auto-su1Jsistance. D'ai: la nécessité de créer une a tmosl'hère de religiosi t,
[Jour maintenir 2 tout pri:x l ' intégration socü':le et l)artant, l)l'omouvoir Ulle
meilleure productivité.
Ici, le r51e de l'idé610gie religieuse est de renfOl-
eer chez les sujets ou les éduqués la crainte de remettre en cause l'ordre Ju
monde étab} i. De plu:::, le morcellement ùe lu S'9c.iét~ traditionnelle, l'insu _
fisance d8 S8S moyens sur le lilan techno-éconQmique, la vie )lresque en autaJ-
,
cie ql] 'elle lïl~ne dc})uis dcs :3iècles, t01Jt celé:.-,l 'oblige il. ne
point emtJrass r
1. 'avelèture,
"2 {vi ter les remises C:1 cause, l ' f;:,;;·ri t
(~c: C')(îtc::tation, Cf, qui
Vë.
justifier son système é6.ucc:tiL Jblg:;ré. :,:f;:; féüLJ.esses, celui-ci nous prÉs n-
te unE certaine vision du monde qui es~ l:;lus va12."tJle qv.c jamais . .son hu:rl'O.D.i J_
me, son lien intime, ~troit avec la soci~t~, sa polyvalence, son cachet fO~l
da;]lentalement collectif, sa granc:e souplesse lui ont perwis de résister 2 1 ef-
fritement total avec les facteurs exog~nes, c'est-~-dire, la domination col _
niale, le systè!:ne d'enseignement nublic im2JOrté, les écoles missionnairés c' ré-
tiennes.
Il
,[

-69-
- L' E DUC A T ION
COL a NIA L E -
-"L'Ecole t suivant les conditions historiques de son implantation·,
revêt pour les peuples des sens divers.
Dans les pays où elle est une ins-
titution millénaire au service des traditions, pour leur survie et leur
continuité, elle est une "chose nationale". Là où elle a suivi une occu-
pation coloniale, elle apparaît comme la forme la violente, mais cepen-
dant la plus efficace, à long terme, de domination étrangère. Elle est le
canal par lequel les valeurs, les normes nouvelles arrivent aux populations
conquises. L'école, dans ces conditions historiques particulières, connaît
les difficultés liées à la situation coloniale générale".
(Rapport sur les problèmes d'ajustement et d'adaptation au cours
dé la vie scolaire: Conférence des Ministres de l'Education nationale
des pays d'expression française d'Afrique et de Madagascar
Abidjan 26
janvier - l février 1967. page II).

-70-
-II-II. - L'EDUCATI0l-: COI,01!ELE.
-1-. Objectifs - structures - Rendements.
-----------------------------------
Tout système éducatif est toujours révélateur des grandes options polit
ques, culturelles et sociales, et cela, en fonction des conditions matériell
d'existence. En ouvrant par la force en Côte d'Ivoire un vaste "champ d'expl
tatioll et vols", les colons français avaient imaginé un système éducatif
en
fin de permettre la mise en place des auxiliaires
d'administration, des int
prètes et des employés de commerce dont on ne pouvait se passer pour la bOilllE
marche· des affaires. Du coup, il a fallu bien recourir 2 l'école. Selon la c '1-
ception de l'époque," celle-ci était considérée comme "le grand instrwnent qu
11ermettra à tous les Hoirs d'accéder à la vie civilisée'. L'Tais Qu'est-ce la v
dite "civilisée ?
-;.-/'
Four les C010llÜ32. teurs, il S ' agit c~e cette vie conforme; élUX valeurs oce
::lentales, valeurs i.1'_-y·:,;:ues COinrne universelle s. Ici, lEur raü;onnerllment était
lLouble OI)jEct:l.f : -llOUS rf5;~a:n(i.ons les [lienfaits lle la civ:i.lisation universf;ll
'.0;;
et ùe 18. fc~:_ JO-v_:c· les C]1l-·;!tieriS et 1101is (~t8ll\\.:_:.Yllf3 .1lOt}:(-:; ~IUi;~S8J1CC {cCj!t.):·i1~iJ~u.e
vilisatrice" l
il s' a.=;i t è.' ü1Gulquey" aux Ivoiriens les
modèles de pensée et d
comportements au profit de la France, en v~hiculant son idéologie, en repro-
d:uisant et en renforçant les rapports sociaux de production bourgeois et cap·
tali·stes. Et coiDme tout projet d'éducation d@coule généralement d 'un ~)rojet c3
sociét~, l'~cole coloniale va donc se 9ropos~r de justifier, de reproduire et
de renforcer la domination de la m~tropole sur la Côte d'Ivoire. Son ol)jectir
est clair: tre.nsl!1.ettre les wüeurs
les reorésent<:ttions 2. des suiets destiné
à Cevenir
des serviteurs et des esclaves de l'ordre coloilial. Il s'apit sur-
tout de réaliser la formation d'une éli ~ ivoirieIDle
assimilée
ui pourrait
constituer une "classe-de véritables fran.ais" Dour mieux servir les intérêts
de la France.
Id~::.is dans cette action de "francisation" ,. les colons seront dévancés par
les missioIDlaires. Les premières tentatives "d'endo~trinement" furent le fait
des catholiques. Après plusieurs échecs, c'est seulement en 1895 que sous l ' i -
pulsion de Binger, les missionnaires de l~'société des Missions Africaines dei
(1) INADES-Fomi~T10N , l'Afrique en mutation, nO 7, page 7

-71-
Lyon créèrent des écoles au sud du pays, dans les régions de Bassa.œ·.et d'A -
sinie.
Pour les missionnaires, l'éducation occidentale était un moyen d'atte'n-
dre leur but : la conversion au christianisme. Une instruction rudimentair
devait suffire à rendre les idées chrétiennes compréhensibles et à entrain r
le rejet des pratiques et croyances autochtones considérées comme barbares et
païennes.
Bien que désireux d'initier les Ivoiriens à des tâches pratiques, les
missionnaires visaient surtout à promouvoir une éducation religieuse en vu
de recueillir et de favoriser la vocation à la prêtrise. Tout
en approuva
le système éducatif colonial, ils voulaient que le christianisme forçât le
respect et la soumission des Ivoiriens. Il s'agissait de dispenser généreu
ment un certain enseignement, "mais il n'était guère utile de pousser plus
avant". Sur ce, laissons quelques instants la parole au Monseigneur Meynar
"A de tels peuples, il ne faut pas de science, mais des principes religie
une morale pure, sévère, les premières notions des connaissances utiles
l'application des professions industrielles qui répondent aux premières
s-
sités des sociétés civilisées et qui assurentle bi~~-êtr~ et quelquefois l
fortune de ceux qui s'y livrent. Il faut donc apprendre la nécessité
morale du travail, afin que personne n'ignore que le travail est une
tion de bonheur matériel et moral de l'homme "(1).
Déjà en 1929, la formation des futurs
prêtres deviendra une réalité.
part
le
Petit Séminaire de Bingerville, on comptait plus de 29 séminar's-
tes répartis dans d'autres centres de formation. "Il faudrait, recommande vi \\
vement Monseign~ur Diss à ses supérieurs, nous conserver ces enfants autant
que possible, il faudrait les mettre ensemble: unité d'éducation, unité d' n-
seignement, unité de direction. D'où la nécessité de construire toute une c -
Ionie: école, dortoir, salle à manger, chapelle, jardin de méditation, etc (2)
"Malgré leur antériorité et leur orientation évangélique, malgré leur
succès relatif dans la formation de leurs agents d'encadrement dans les pre
miers séminaires (catéchistes, pasteurs et prêtres), les écoles confession-
nelles (catholiques ou protestantes) partageaient avec les écoles publiques
(1) Education Africaine, nO 20, 1926, p. 15.
(2) GODO-GODO, Revue de l'Institut d'Histoire, d'Art et d'Archéologie Afri-
caine, nO 7, 1981, pp. 54-55.

-72-
la m~me philosophie politique, (l'Eglise formulant sur le mode moral le de
voir de civilisation que l'Etat formule sur le mode politique), la même
structure et les mêmes méthodes pédagogiques
elles ont donné les mêmes
résultats"(I). Qu'est-ce à dire?
La politique suivie par l'administration coloniale avait pour but, à
a-
vers un enseignement au rabais, de "rattacher les Ivoiriens" à la vie fran
çaise". Il s'agit "d'effacer par une éducation commune la différence de
moeurs et de langage, d'étendre autant que possible la connaissance et l'u
de la langue et de la civilisation française (2)". Aussi, la référence à l
culture ivoirienne
était-elle extrêmament rare dans le système éducatif
lonial. Chaquefois qu'une allusion y était faite, c'était toujours en term
de mépris et pour faire valoir aux yeux de l'écolier ivoirien, la sUPérior'l
té du Blanc et de sa civilisation. (3)
Aux dires de Moumouni (4), "le nive u
de l'enseignement n'est comparable en aucun cas à celui des diplômes frança 6
des écoles de même nom". L'enseignement se complaît plutôt dans son oeuvre
'a_
liénation à "montrer que la France est une nation riche, puissante, capable de
se faire respecter, mais en même temps grande pour la noblesse des sentimen s
généreux, et n'ayant jamais reculé devant les sacrifices d'hommes et d'ar-
gent pour délivrer les peuples asservis et pour apporter aux peuples sauva-
ges, les bienfaits de la civilisation "(5).
Du côté des missionnaires, on s'efforçait parfois d'enseigner la doctr
ne chrétienne dans les langues africaines, l'accent était mis sur le:s norme
de comportement et de moralité du monde européen (6). Le Directoire de 1908
qui fait le point sur l'action de la Société des Missions Africaines précis
"Parmi les choses que le missionnaire doit apprendre sérieusement et posséd
à fond, il faut mettre au premier rang la langue de la population à laquell
il est destiné"(7). Ainsi pour mieux faciliter la pénétration de l'idéologi
de la Métropole, les missionnaires sont invités à. ne se contenter d'un appre -
tissage de la langue des peuples qu'ils évangélisent • On comprend pourquoi
ils faisaient le catéchisme dans les langues ivoiriennes, en particulier en
agni, en baoulé, en bété (8).
(1) Etude Régionale d'Education, op.cit. page 53.
(2) Aujourd'hui Afrique, nO 22, 1981, page 20.
(3)Guy Cangah et Simon-Pierre, op. cit. page 158.
(4)Abdou Moumouni : op.cit. pp. 70-73.
(5) Journal officiel de l'AOF, nO 1024 du 10 mai 1924.
(6) DRAVIE-HOUENASSOU-HOUANGBE : op. cit. page 93.
(7) Lettre apostolique Maximum illud, 30-11-1919, Benoît, cité par Paul Désa -
mand, op. cit. page 123.
(8) Ibid. p. 155.
u_·- - -

-73-
De part et d'autre, administrateurs coloniaux et missionnaires s'acha
naient à endoctriner les jeunes ivoiriens pour que ceux-ci soient impressi
nés par la grandeur de la France : "Les élèves saluent en conséquence le
peau français tous les matins, ils chantent les hymnes à la gloire de la
ce et serrent les rangs au défilé du 14 Juillet "(1).
On pourrait distinguer deux attitudes à cette action de "francisation"
-Une attitude économiste : L'administration coloniale a besoin de
forces productives. Elle doit donc former des instituteurs, des interprètes
des cadres qui permettront la diffusion et l'installation de la culture fra l -
çaise en vue de son rayonnement.
-Une attitude réactionniste : Il faut limiter la promotion des Iv i-
riens, si l'on veut éviter la nationalisme: Pas d'élites, pas d'ennuis" d -
1
sent les colons "(2). L'instruction de masses pourrait présenter un péril s
rieux pour le régime colonial qui risque de perdre ses privilèges. Ecoutons
Géorges Hardy: "Un enseignement qui s'installe aux colonies ne saurait êtr
trop modeste. Le danger n'est jamais d'enseigner trop peu, c'est d'enseigne
trop à des masses importantes"()).
A la suite de ces dispositions et deux ans après l'arrivée des mission-
naires, en 1897, est signé le premier arrêté organisant l'enseignement en
Côte d'Ivoire. Etant sous la responsabilité du Sécrétaire général, cet ensei
gnement s'adresse aux enfants ayant entre 6 et 15 ans (et 16 ans pour une pé
riode transitoire), et donne les grandes lignes des~~ammes. L'article 6
les définit comme suit: (4)
" La langue française parlée;
L'agriculture pratique
Et, accessoirement
La lecture
L'écriture
Les premiers éléments du calcul et du système métrique.
Des leçons de chqses portant sur ce qui touche de près l'indigène
et plus particulièrement sur l'~griculture."
(1) Tevoedjre : op.cit. pp. 70-71.
(2) Bulletin de l'Enseignement de l'AOF, nO )9, Juillet 1919.
(3) Georges Hardy: Nos grands problèmes coloniaux, 1919, page 78.
(4) Paul Désalmand ; op. cit. pp. 256-257.

-74-
Et progressivement on assistera à l'évolution des effectifs des élèves
dans les écoles. Ainsi déjà en 1905, on pouvait compter une centaine d'en-
fants dans les écoles dites régionales, 343 autres dans les écoles de villa,
1
ge et )00 dans les écoles missionnaires, soit environ 750 enfants scolarisé l
pour une population d'environ deux millions d'habitants. (1).
En 1924, la situation de l'école publique se modifia assez profondémen •
Le nombre des écoles r~&ionales qui était de 6 en juin 1929, a été porté à
en septembre. A la fin de la m~me année, les effectifs
approchés se situ-
aient autour de 4.500 : (1). Ils se décam~osent'comme suit:
- 4 354 élèves officiels.
- Public : 4 165 dont 139 filles.
- Privé (officiel): 189 élèves dont 72 filles.
Quant au personnel de l'enseignement, il comprenait à cette date 75 pe _
sonnes, à savoir :
- l
inspecteur des écoles
6 instituteurs du cadre suparieur (européens) ;
- 4 institutrices du cadre supérieur (européennes)
-40 instituteurs du cadre secondaire (africains mais pas ob
gatoirement ivoiriens) ;
- 17 moniteurs du cadre local (africains)
- 6 moniteurs temporaires (africains) ;
- l
institutrice auxiliaire (certainement européenne car el
possède le BS et le CAP).
Par ailleurs, les programmes scolaires subissaient d'année en année de
modifications. Ils étaient très chargés et s'articulaient à travers trois n'
veaux bien précis :
- Le cours préparatoire
-Le cours élémentaire
-Le cours moyen ;
Les prOer~~iles comprenaient l'enseignement moral et civique, la lectur
CI) Paul Désalmand
op. cit. page 266.

-15-
et l'écriture, la langue française, le calcul et le système métrique, l'bis
toire et la géographie de la France, des leçons de choses, l'agriculture, l
dessin, le travail manuel, la musique vocale et des exercices de gymnatique.
Il y avait une trentaine d'heures de classe par semaine et la plus grande p
tie du temps était consacrée à l'étude du français.
Voici par exemple les programmes à l'école primaire en ce qui concerne
l'histoire: (circulaire Carde 1929)
-Cours élémentaire : "Ce qu'étaient les Noirs autrefois. Ce qu'ils sont
aujourd'hui. Ce qu'ils doivent aux Français ••• Donner les notions générales
très simples sur la France et les Français.
-Cours moyen: l'AOF, autrefois. Invasions
des pays noirs par les peu-
ples de race blanche : Peuls, Berbères, Arabes, Marocains, Européens, Fran-
çais. Les grandes époques de leur histoire. Leurs institutions. Leurs inven-
tions. Leur civilisation. Fondation de leur empire colonial. Les sociétés
commerciales. Contacts des Français avec les Noirs Africains jusqu'à la fin
du XIIe siècle.
Mais il Y avait trois niveaux d'enseignement. Le Gouverneur général Rou
me apportait en 19~1 une nouvelle organisation dans les école. Désormais on
pouvait à la fois distinguer:
1 0 Un enseignement primaire élémentaire
2 0 Un enseignement professionnel ;
)0 Un enseignement primaire supérieur
et commercial
40 Une école normale d'instituteurs commune à toutes les colonies.
L'enseignement"primaire était surtout dispensé dans les écoles de villa
ge, écoles régionales et écoles urbaines. Les écoles de village n'étaient pa
des "écoles à dip18mes" , car elles faisaient abstraction de tout enseigne-
ment théorique ou livresque pour
ne s'intéresser qu'à l'utile, au pratique
et surtout à l'immédiat. Elles ne s'adressaient pas à une élite. L'important
était la quantité des élèves (I)".
Les écoles régionales recevaient les élèves reconnus comme meilleurs
dans les écoles de village. Après trois ans , un certificat de fin d'études
leur était délivré, certificat portant la mention : Agriculture ou Travail.
(1) LEONARD Soso.o : L'Enseignement en Côte d'I:voir.e, op.cit.".~e 47.

-76-
L'enseignement professionnel était, quant à lui, dispensé à Dakar à l '
cole Pinet-Laprade et formait des m.a!tres-ouvriers à travers trois sections
bois, fer et pierre.
Et par.l'arr~té
du 6 juillet 1911, les autorités créèrent au
de chaque colonie,un groupe scolaire central. En Côte d'Ivoire, ce fut l'Ec
le Primaire Supérieure ou l'EPS de Bingerville. Elle comprenait deux sectio
la section pédagogique po~ la formation des instituteurs et moniteurs char
gés de propager la culture française, puis la section administrative et co
r-
ciale destinée surtout à aider pratiquement le colonisateur dans l'exploita
tion rapide des reSSQurces du pays. Ajoutons que cette section administrati
ve comprenait trois divisions distinctes :
-Postes télégraphiques : postiers et télégraphes.
-Santé : médecins et élèves infirmiers.
-Services administratifs et commerciaux
comptables et dactylogra
phes.
Malgré sa discipline assez militaire, l'Ecole Primaire Supérieure .se di 0
tingue à peine d'une école régionale digne de ce nom: le niveau de son ense 1-
gnement ne s'améliore que lentement.
En 1923, sous l'impulsion de Clozel, l'EPS subira d'importantes trans-
formations de structure :
- Elevation du niveau de recrutement.
-Recrutement
net
des jeunes choisis dans les familles de chef.
-Sélection des meilleurs pour le concours d'entrée à William-Ponty
De 1940 à 1941, le total des élèves de l'EPS remonte à 164 et à 240 en
1944-1945. Un demi-siècle a suffi pour qu'ils assimilent tous la culture fr
çaise. Ils ont subi à la fois une "orientation colonialiste et non humaniste
littéraire et non scientifique, sélective et non démocratique, professionnel
le plutôt que technologique, sanctionnée par des diplômes spécifiques (1)".
L'orientation colonialiste a surtout consisté à adapter l'enseignement
avec soin au milieu••• en inculquant à l'enfant ivoirien l'attachement au foy
au village, au sol ••• (2). Quant à l'orientation littéraire, on sait déjà que
celle-ci portait exclusivement sur la bonne connaissance du français. Il a f
(r) Etude Régionaled'Edueat:ion, op. cit.· page 60.
(2) Gaston Joseph, op. cit. par Etude Régionale d'Education, pp. 193-194.

-77-
lu donc former beaucoup d'interprètes aptes à faire comprendre aux colons l 1
autochtones. Sur l'orientation sélective et élitiste, on opérait depuis 191 1
1
une s~lection
assez rigoureuse. Ecoutons ici Bernard Dadié, l'un des Ivoir 1i
ens ayant subi ce climat: "l.'enseignement réduit, la sélection fut sévère.
es
Ecoles Régionales sélectionnaient, envoyaient les bons grains dans les écol
dites "cours de sélection" qui à leur tour sélectionnaient encore avant d'e :
pédier dans les EPS et ces dernières, elles aussi sélectionnaient avant de f
re passer le concours d'entrée à l'Ecole Normale de William Ponty ••• (I).
En ce qui concerne l'orientation professionnelle, re~uons surtout
qu'elle visait la formation agricole : pratique des assolements, utilisatio
du matériel oratoire. Mais on n'oubliait pas aussi d'autres
connaissances
a-
tiques portant sur le charronnage, la forge, la menuiserie, l'ajustage, etc.
Jusqu'en 1945, la structure du système d'enseignement officiel était à
deux niveaux : niveau primaire et niveau secondaire. Le
premier comprenait
généralement les écoles rurales et régionales pour fils de paysans et des éc·-
les urbaines pour fils de colons et d'autochtones dits "évolués", un foyer d
métis. Tous ces établissements étaient sanctionnés par le Certificat d'Etude
Primaires Elémentaires (le CEPE). Au niveau du secondaire, l'Ecole Normale d
Dabou fit son apparition après des débuts très timides à partir de 1936. Sa
création fut suivie de celle de l'Ecole d'Agriculture à Bingerville en 1942.
Cette dernière institution aura la lourde t!che de former plus systématique-
ment les jeunes Ivoiriens dont l'aide est jugée de plus en plus nécessaire
pour l'exploitation de la terre et même du sous-sol. Cette entreprise cadre
fort bien avec les orientations de la politique coloniale dont la doctrine
avait été clairement présentées dans un ouvrage de M. L. Albert Sarrault, mi
nistre des colonies (2) : "Si nous colonisons notre autorité de France, c'es
d'abord dans des buts intéressés. La France a besoin de plus en plus de ma-
tières et ces matières premières, souci de bien-être pour tous, qui font la
vie facile et multiplient les populations là où elles sont explOitées ••• ".
Il s'agit de créer de nombreuses écoles à vocation spécifiquement pra-
tique pour atteindre les grands objectifs déjà fixés : 2 Ecoles Primaires Su 1
périeures de plus en plus renforcées ( une pour filles,une pour garçons), un
Ecole d'apprentissage Clozel à Abidjan. L'année 1945 sera celle des recrute-
ments forcés
Les chefs coutumiers doivent fournir des contingents d'élève
par qu~tier et Bouvent par famille sous le mode du travail forcé et du serY 1
(I)Bernard Dadié : cf. Présence Africaine, nO XI, 1957.
(2)Albert SARRAUT: "Grandeur et Servitudes coloniales, in "Education Africa"
ne, nO 6.

-78-
ce militaire. Seule une vue assez globale permet de mieux appréhender ce q i
s'est passé dans le système éducatif colonial. En voici déjà un aspect:
-Tableau du développement de l'enseignement professionnel en Côte d'Ivoire
de 1904 à 1947. (1)
-1904. Projet d'une école professionnelle à Abidjan.
Deux Ivoiriens à l'Ecole professionnelle Pinet-Laprade (Sénégal) et
deux autres l'année suivant.
-1906. Démarrage de l'Ecole professionnelle d'Abidjan.
-1908. Arrêté organisant l'Ecole professionnelle d'Abidjan.
-1909. Transfert de l'Ecole professionnelle à Bingerville.
-1910. Légères modifications apportées à l'organisation de l'Ecole profes-
sionnelle.
De 1906 à 1912 inclus, pas d'Ivoiriens à l'Ecole professionnelle Pin t-
Laprade.
-1928. Création de l'Ecole professionnelle d'Abidjan.
-1941. Réorganisation de l'Ecole professionnelle d'Abidjan, dite Ecole ClozE •
Mesures pour favoriser l'entrée des Métis dans cette école.
1
Mesures en faveur de l'artisanatruralet.création d'ateleirsd'appre 11-
tissage ruraux dans les écolés régionales.
-Réorganisation de l'Enseignement technique fixant les attributions de la Di
rection de l'Enseignement technique.
~1947. Transformation
des écoles professionnelles de l'AOF en Collège techT
niques d'industrie. L'Ecole Clozel devient le Collège technique d'Abi -
jan (ultérieurement tranformé en Lycée).
Pour.les colons, il fallait envisager l'ense.ignement en relation avec
le développement économique du territoire de Côte d'Ivoire. La peur de for-
(1) Source: Histoire de l'Education en Côte d'Ivoire, par Paul Désalmand,
op. cit. page 295.
L

-79-
mer une élite très intruite qui deviendrait un danger pour les intér~ts de
la France, obligeait les autorités coloniales à mettre l'accent sur la for.
mation agricole et la formation professionnelle.
En 1948, la Commission de modernisation des territoires d'outre-mer d \\
la France établit un rapport détaillé sur l'enseignement dans les c910nies
Ce rapport recommandait une planification attentive et mettait en garde co tre
le danger de développer l'enseignement en se laissant guider par le hasard
"Il faut ••• adapter l'enseignement à l'activitééconomique de chaque territo
e.
Uniquement agricole en A.E.F., l'enseignement technique sera •.. polyvalent
A.O.F. et Madagascar. Le niveau de cet enseignement variera naturellement
selon le dégré d'évolution de chaque territoire. Ici, on pourra former de
ns
agriculteurs et des ouvriers spécialisés; là, on pourra songer déjà à pré
re des techniciens supérieurs, des médecins ou des ingénieurs . • • "(1). Le
p-
port reconnaissait la nécessité d'un développement rapide de l'enseignement
primaire et demandait que l'tffectif des élèves fût triplé pour 1956.
On comprend pourquoi en Cate d'Ivoire, déjà entre 1948 et 1954, des moi-
fications furent apportées dans l'enseignement:
-Création d'une inspection académique tendant à devenir peu é pe
comparable à -celle de la métropole.
-Organisation de l'enseignement privé.
-Progression des effectifs dans les écoles
primaires publiques
1er janvier 1953
1er janvier 1954
26 000 élèves
29 722 élèves
dont 4 870 filles
dont 5 758 filles
soit une augmentation globale de 3 722 unités, réparties dans 80 classes no -
velles environ. 604 classes primaires étcient réparties en 200 écoles à peu
près. Sur ce nombre, on comptait 7 écoles de filles avec 31 classEG (2).
-Créa tion de deux nouveaux ee-ntres d'apprentissage en 1954, à Bou
ké et à Adzopé auprès du G.ollège technique d'Abidjan, et du Centre d'apprent" -
sage d'Abidjan avec respectivement 162 et 164 (régime internat en principe).
Mais en dépit des transformations qui se manifestaient au sein du syst'
me éducatif colonial, il se posait dangereusement le problème des déperditi
ons scolaires. En effet, durant plus d'un demi-siècle de colonisation, les 1
autorités ont négligé ce problème important. Sur ce, rappelons par exemple
e
(1) L. Gray COWAN : Enseignement et politique en Afrique, col. "nouveaux hord-
zons"l 1969, page 26.
(2) Leonard Sosoo : op. cit. pp. 56-57.

-80-
que de 1918 à I9J2,
72 ivoiriens
seulement furent formés puis répartis "i-
rectement dans l'Administration, les chemins de fer ou dans les maisons de
commerce, alors qu'ils étaient au départ plus d'un millier endapit des re
serves des autorités coloniales sur la question de la scolarisation.
- Tableau de la progression des effectifs en Côte d'Ivoire depuis 1903 à
~. (1)
Date
Effectifs
Observations
approchés
1903
500
Peut-être un peu plus.
[905
750
Pour une population de 2 millions de personnes.
Taux de scolarisation de C,3 à 0,4% selon les modes
de calcul.
~9I3
2 000
l 682 élèves (garçons uniquement) dans 37 écoles publi l
ques, soit une moyenne de 45 par école; une quarantai
ne de filles à l'Orphélinat de Moossou et les élèves 0 -
ficiels ou semi-clandestins des missionnaires.
~9I8
4 000
4 010 élèves dans 56 écoles.
Diminution de 300 par rapport à l'année précédente du
fait de la fermeture de quelques écoles et du licencie
, ...
~
,
ment d'eleves trop ages.
68 maîtres ; environ 60 élèves par classe.
[924
4 500
4 354 élèves officiels.
Public : 4 If>? dont 139 filles.
Privé (off±ciel)-: 189 élèves dont 72 filles.
Les protestants qui viennent de s'installer ne sont
pas pris en compte dans les effectifs de l'enseigne-
ment privé.
~927
5 000
4 683 élèves officiels dont 485 dans le privé.
3 939 garçons et 259 filles soit approximativement
1 fille pour 15 garçons.
~932
7 000
6 722 élèves officiels.
Public : 5 322 dont 438 filles. "
Privé : 1 400 :
catholiques : 979 garçons et 167 filles.
protestants : 232 garçons et 22 filles.
(1) Source: Histoire de l'Education en Côte d'Ivoire, par Paul Désalmand,
op. cit. pp. 267-268.

-81-
1937
9 500
Chiffres officiels selon rapport 2 G 37/107 du
30.9.1937 (en comprenant
la Haute Côte d'Ivoire) :
Public :
8 383
l
238
Privé
:
2 535
330
la 018
l
568
soit une augmentation d'un peu plus de l
000 élèves
par rapport à 1936.
1941
II 500
D'après
les calculs effectués sur le rapport 2 G
45/75, en omettant les élèves scolarisés hors de
Côte d'Ivoire:
II 065 élèves officiels.
Public : 7 078 (dont l 062 filles)
Privé : 3 987 (dont 462 filles).
Le cacul a consisté à retrancher les élèves des
écoles de la Haute-Volta actuelle (environ 3 000
dont 450 filles).
1945
19 000
Selon le rapport 2 G 45/10 du 30.9.1945, 24 961,
dont 7 398 dans le privé, pour la Haute et la
Basse Côte d'Ivoire réunies.
Toujours selon ce rapport une augmentation de
4 011 élèves dans le public par rapport à l'année
1943-1944.
Marge d'erreur = 25%
Isabelle DEBLE entreprit de calculer les rendements scolaires dans le
écoles rurales de Côte d'Ivoire. Ces rende:nents étaient très faibles, les
taux de déperdition
trop élevés
(1)
Taux àe déperdition
Cours
Promotion 53
Promotion 54
Promotion 55
Moyenne
l
52,4
54,4
57,9
54,8
II
69,3
70,4
68,2
69,3
III
77,9
75,2
75,5
76,2
IV
82
81,7
78,2
80,7
V
85,4
85,9
VI
87,3
87,7
Rendement
12,7
12,3
(1) Source:Tiers-Monde.:Problèmes des pays sous-développés, 1964, P. 88.

-82-
Le tableau qui précède nous permet d'aborder le problème de la sélec-
tion sous le régime colonial. Cette sélection dépendait de deux
critères:
-1. Critère d'ordre politique :(appartenance sociale à des familles de che .,
soumission à la hiérarchie coloniale).
-2. Critère d'ordre intellectuel et moral
(intelligence, maîtrise de la
langue française, travail, caractère.
C'est trop demander aux colons que de s'opposer à leur politique de sel
lection. Que l'on se souvienne des déclarations de Pierron dans l'ouvrage
titulé :"Eléments de l'économie coloniale" : "La colonie, sans discussion
sible, doit se cantonner au double rôle de déversoir et de reservoir". Po
cela, il faut filtrer, choisir tous ceux qui peuvent par leur personnalité
leur intelliGence, aider facilement à l'exploitation matérielle du pays. C'
dire que l'introduction de l'école en Côte d'Ivoire n'est qu'une rationali
tion servant à masquer les véritables mobiles qui ont poussé les
s
à envahir
ce pays. Ces mobiles, on les connaît assez bien: expansionnism
recherches de matières premières, de marchés florissants. On découvre du c
que la doctrine coloniale qui constitue le coeur et le moteur de la coloni
tion, est porteuse d'une idéologie qui s'efforce de justifier 1 'injustifia
ble. C'est bien au sein
même d'une telle idéologie qu'il faut chercher le
causes
premières des insuffisances
du système éducatif colonial. Or, fac
à cette situation négative, on assistait à toutes les tentatives de brouil
ge de la part des autorités coloniales pour que les masses ivoiriennes
tent de remettre en cause l'ordre colonial, ce qui pourrait conduire a la
te pour la justice. Ces autorités réussissaient fort bien à endormir
riens par des propos
très flatteurs : "Notre souci majeur est de faire ac
der à un niveau supérieur de vie les multitudes attardées et favoriser l'ac
cès à de plus hauts destins, au même titre que les autres parties du terri-
toire national "(1). Et pourtant, la réalité sera tout le contraire. A la
rité, l'école coloniale n'avait pas en Côte d'lYoir~ pour but d:'améliorer le
rendements, mais de favoriser la métropole : Elle avait plusieurs missions
en Côte d'Ivoire
-I.Elle étai.t conçue pour maintenir et renforcer les intérêts de
France.
-2.Elle étaitci'ééepour entretenir les inégalités entre les en!
s
du pays, traduire les inégalités
socio-économiques de base et reproduire
s
mêmes situations que l'on retrouve en France.
(1) L'Education Africaine, nO 57, 1er mai, 1929, p.)).

-83-
-J.Elle était. créée
pour veiler à la sauvegarde des idéologies d . i-
nante~: impossibilité de promotion sociale et culturelle chez les colonisé,
maintien des barrières sociales ••.
-4.Elle s'efforçait d'entretenir l'idée que l'Ivoirien n'est pas
pour les études, qu'il est en retard "intellectuellement" et "culturelleme
-5.Elle avait pourfonction de justifier par tous les moyens la coloni
on de la Côte d'Ivoire :"Cette grande tâche est facile : nous ne sommes pa
d'insolents vainqueurs, nous continuons ainsi les belles traditions de not
vieux pays généreux; sans phases, sans éclat, nous pouvons prouver aux ind
gènes que notre main pour
être ferme, n'en est pas moins pleine de bien-
faits" (1). Tels étaient les pro.pos
des colons français.
L'école. se 'propo'sait
de reproduire la socié té française 1 d'entériner
ses pouvoirs sur la Côte d'Ivoire, de préparer l'Ivoirien à des rôles soci
dont il va faire l'apprentissage normal en son sein • . Il s'agit ici de re
forcer chez lui le sentiment d'appartenance à l'Empire Français: R. Guéri
sera très catégorique le 28 mars 1951 à Abidjan devant les instituteurs et
moniteurs à l'occasion de la cérémonie inaugurale du Salut aux Couleurs ."
penserez à la France comme à une personne vivante, Vous lui ferez serment
béissance et de discipline, vous jurerez de l'aimer, d'avoir foi en elle e
vous consacrer à la refaire grande, libre, forte et prospère comme le vain
de Verdun y consacre lui-même toutes ses forces et tout son amour .•• Nous
serons, la France demeure .•• (2).
Les élèves ivoiriens de la période coloniale soumis alors à une séle
on assez rude recevaient une instruction savamment dosée : "Considérons , éc
vait le Gouverneur général Roume en 1924, l'instruction comme chose
préci
se qu'on ne distribue qu'à bon escient et limitons-en les bienfaits à des
néficiaires qualifiés. Choisissons nos élèves tout d'abord parmi les fils d
chefs des notables, la société indigène est très hiérarchisée. Les classes
ciales sont nettement déterminées par l'hérédi t'éet la coutume. C'est sur el
que s'appuie notre autorité dans l'administration de ce pays, c'est avec e
surtout que nous avonsuneonBtant rapport de service. Le prestige qui s'at
che à la naissance doit se renforcer du respect que confère le pouvoir"(3)
A l'écoute de ces déclarations, on saisit du coup les causes profonde
des insuffisances du système éducatif colonial : maintien des inégalités
(1) Présence Afrioaine, nO 97, 1976, page 33.
(2) Paul Désalmand : op. cit. page 329.
(3) AbdouMoumouni, op.cit. 56.
1
!

-84-
le recrutement des élèves, discrimination renforcée par l'établissement d'
e
distinction hiérarchique entre les couleurs de la peau (écoles des métis d
Bingerville et de Moossou).
o
o
o
-2.- Conséquences Générales de l'Education Coloniale-.
La mise en place d'Un système éducatif et de structures propres à la
oc-
trine coloniale, le passage brutal de la société ivoirienne de type tradit
n-
nel à une société moderne, tout cela a contribué au bouleversement de l'Iv
rien et à la remise en question de ses valeurs traditionnelles. L'influenc
de
la colonisation, l'intrusion du monde occidental, tout cela a créé des tr
formations sociales, produit une ru~ture tendant à désarticuler les rappor
ancestraux des Ivoiriens. L'Occident par le biais de sa culture et de son
o-
le a couvert le peuple ivoirien de ses institutions, de ses lois, de
i-
gions, de ses systèmes de référence. Les conséquences de tels faits
a-
ru très vite à travers les attitudes des premiers scolarisés chez lesquels
n
pouvait découvrir les formes les plus révélatrices de l'esprit d'imitation
esprit qui les empêche d'être pleinement eux-mêmes.
Dès le départ, l'école coloniale se présentait comme un élément pert
a-
teur dans les sociétés ivoiriennes. Il s'agit ici d'évoquer les conflits e
tre les valeurs de l'école qui récompense la réussite et la compétition et
celles
de
la famille ivoirienne traditionnelle qui enseigne l'inégal
té entr·e les frères et l'adhésion inconditionnelle aux opinions des ainés.
Et plus les écoliers savaient lire et écrire, plus ils se sentaient supéri
~
aux adultes en connaissance, de sorte qu'un nouveau type de relations s'in~
taurait entre les générations. Et tout ceci s'explique par le fait que le
lieu scolaire contribue profondément à séparer l'écolier ivoirien de son c
dre familial traditionnel. Ces deux univers se présentent comme deux milie
très différents, séparés, étrangers l'un à l'autre. Il s'agit de deux mond
qui évoluent chacun en vase clos. A l'école coloniale, l'éducation est une
ouverture sur le monde élargi. L'enfant ivoirien y apprend à se familiaris
avec une forme de mentalité propre à l'Occident. Ici, on demande
ner sans cesse, de manifester l'esprit critique. L'école cherche
le jeune ivoirien aux pourquoi et comment des choses. On ne doit rien affi

-85-
mer sans démonstration préalable. De telles attitudes ne sont guère admise
1
en milieu traditionnel ivoirien où l'on distingue deux groupes: ceux qui
ai-
sonnent (les vieux) et ceux qui doivent se taire et écouter (les jeunes).
Par l'inculcation d'un savoir abstrait, dégagé des réalités concrètes
qui font le quotidien des sociétés rurales ivoiriennes, l'école coloniale
extrait l'enfant ivoirien de son milieu de vie et introduit une coupure qui
1
peut être radicale pour ses perceptions, représentations et comportements
II).
L'école coloniale a fini donc par classer la société ivoirienne en de
groupes : les "instruits" et les "illettrés". Tel est le caractère de cl as le
de l'école coloniale. Du coup, ce sont les scolarisés devenus "élites" qui
décideront ultérieurement, aidés du colonisateur, des grandes orientations
de la vie politiqur et sociale de la Côte d'Ivoire. En ce sens, on peut af ,ir-
mer que l'école coloniale s'est montrée comme le chemin d'accès aux rouage 1
de la grande administration coloniale. Il se créait alors à partir de 1924
une classe de fonctionnaires de l'administration et de techniciens du comm 1 -
ce et de l'industrie: interprètes, commis, moniteurs, infirmiers, médecin,
pharmaciens, instituteurs qui s'initièrent aux fonctionnement des affaires
ivoiriennes, certains méritant même par leurs compétences, d'occuper des p
tes plus importants. Parmi les premières élites ivoiriennes, on reconnaît
s
médecins comme Félix Houphou~t-Boigny, aujourd'hui Président de la Républi
de Côte d'Ivoire, Auguste Dénise , l'ingénieur des Arts et Métiers, Alcide
Kakou, tous deux anciens ministres.
Les premiers fonctionnaires ivoiriens formés ainsi à l'école colonial
cherchaient avant tout à se conformer et à se modeler aux valeurs occident
les. L'apprentissage de la culture métropolitaine fut pour eux une conquêt
chèrement payée, puisque tout était basé
sur la loi de la sélection impit
a-
ble. Et le fait d'être hors de cette élite apparaissait comme un handicap
très lourd. Le système d'accession par la réussite scolaire est le reflet
d'une acculturation bien menée. Les premiers "lettrés" de Côte d'Ivoire de
venaient ainsi les complices inconscients du système colonial qui est une
pression du capitalisme.
Et dans son effort de constituer à tout prix la classe des "privilégi
" ,
l'école coloniale restait constamment prisonnière de ses propres contradic
tions. Pour elle, éduquer,
c'est réaliser la rupture radicale entre le mo
(1) Travaux et documents de l'ORSTOM : Essai sur la reproduction des forma
tions sociales dominées: Côte d'Ivoire, nO 64, 1977, page 59.

-86-
traditionnel ivoirien et le monde moderne, c'est aussi former ceux qui doi
vent collaborer à la politique française et aider à l'exploitation au sein
de la Côte d'Ivoire. Tout cela est l'antidote d'une véritable éducation di ne
de ce nom. Car pour nous, éduquer, c'est préparer l'élève ivoirien à parti li_
per intelligemment aux affaires de son pays dans lequel il aura à vivre et à
travailler, c'est aussi l'amener à saisir et à comprendre les forces en je
et le doter des instruments efficaces et pratiques qui lui permettront d'ê1re
un authentique citoyen et non un esclave.
Quoi qu'il en soit, l'école coloniale ne pouvait en aucune manière fa 0-
riser l'éclosion et l'essor de la personnalité ivoirienne véritable. Ceci 'em-
ble être justifié quand on se :réfère à la politique éducative des colonisateur 1
français qui, sous le couvert de "civiliser" les Noirs, cherchaient plutôt à
les dominer, à les "inférioriser". A la vérité, ils n'ont pas donné aux Iv,i-
riens l'éducation qui puisse réellement répondre à leurs aspirations profo,-
des. En feignar~t de méconnaître les réalités sociales du pays, ils ont ex lé_
rement insisté sur l'insuffisance intellectuelle des élèves. Or s'il y a
suffisance, force est de reconnaître que celle-ci est le reflet
se adaptation au mode de production et de consommation de la société colo
ale. Plus le colon s'acharnait à transformer le milieu social ivoirien et
plus l'inadaptation scolaire s'aggravait. La cueillette. la pêche,
agricole et l'élevage étaient sans doute plus accessible's à l ~ el'l.fa.'fJ.t
que le monde de l'écriture et de la théorie. Mais il y a plus: "l'introd
tion de l'école dans sa vie s'est doublée immédiatement
d'une langue (le français) qui n'avait plus rien à voir avec sa 'llrop:re l
e
maternelle. On
pouvait imaginer facilement le paysage auquel tout écolie
dans ces conditions, était soumis. En même temps, il devait constamment se
plier à des contraintes nouvelles qui accentuent son dépaysement : La disc -
pline qu'on lui imposait était fort éloignée des obligations vécues' dans sJ
famille. Du coup, il devenait un individu affronté à d'autres. Toutes ces le_
lat ions scolaires étaient marquées par l'individualisme et la concurrence
é-
gative qui n'a rien de commun avec les expériences vécues dans les classes
d'âge. Sa transformation~était ainsi réalisée.
Et comme fait
assez remarquable , ce seront curieusement les intelle -
tuels qui, sur la voie de l'acculturation et de l'aliénation progressives, se
feront les véritables vecteUT0 de la pénétration des valeurs occidentales.
En Côte d'Ivoire, certaines élitès, fières de la culture reçue, ne pouvaie t
s'empêcher de manifester aux colonisateurs leur grati.tude : La déclaratio 1
(I) Il s'agit ici d'une véritable dé-culturation:

-87-
de foi de M. Houph0ü~t-Boigny en est un exemple assez frappant : "J'aime
France, disait-il, à laquelle je dois tout ••• C'est à la seule fin de se
la grande France, la France de 130 millions d' habitants, une et indivisi
ble ••• Mon oncle est mort bravement au service de la France ••• Des maîtres
Cais m'ont appris à l'école le devoir de l'homme avec ses semblables ••• l
n' y a un seul homme de bonne foi qui puisse démontrer que j'ai manqué de
loyalisme envers la France ••• Notre avenir est intimément lié et doit rest
intimément lié à celui de la France "(1).
Une telle profession de foi atteste - à n'en pas douter - que l'école
coloniale, institution étrangère, a pu atteindre ses objectifs généraux. E
effet, de la situation vécue pendant plusieurs années, il en a résulté che
la plupart des Ivoiriens, à des degrés divers, une profonde acculturation q'i
se traduit parfois par une admiration incontrôlée du pays colonisateur. Au
lieu de se soucier des séquelles dangereuses de la colonisation, certains
"instruits" ont préféré rester muets sur les enjeux idéologiques des ensei.ne-
ments reçus a l'école, ce qui a fait d'eux, une fois devenus responsables
lo-
I
litiques, des instruments chargés d'inculquer à leur entourage, un complex
d'infériorité. Et plus est, leurs attitudes ont renforcé les liens qui doi 1
vent unir la Colonie de Côte d'Ivoire à la France.
En tant que vecteur privilégié de l'acculturation, l'école coloniale
assigné au peuple de Côte d'Ivoire des structures artificielles non ma!tri:
sées dans leur ensemble et par conséquent, éloignée assez nettement des co
ons d'un véritable 'épanouissement. Ce faisant, elle a créé une situation pr
-
que tragique, car la mise en présence de deux modèles culturels a entraî-
né une situation de tension qui s'est traduite par des attitudes, des comp
tements et des schémas de pensée difficilement en harmonie avec la réalité
vécue. Mais ce n'est pas tout :
Dans le cadre professionnel, les relations entre les hommes ont connu
e
nouvelles dimensions. Ici, l'instruction, le diplôme ont été valorisés au
détriment des personnes qui ne savaient pas lire. Ainsi, l'intellectuel de
1940 avait conquis le droit de parole dans tous les milieux, puisqu'il par
lait la langue du color~sateur,exprimait
travers son comportement toute 1
culture
de celui-ci. Sur ce, la langue française va jouir d'un haut prestO 1
ge comme un agent bénéfique de civilisation et comme un élément qui doit to t
1
primer pour mieux traduire la personnalité de l'Ivoirien acculturé. Le Gouv'r-
XXIX~IO-42,
d'Ivoir~.
(I) Archives Nationales, Dossiers
(7I2I).' Abidjan, Côte
,1

-88-
neur William Pont y ne manquait pas d'ailleurs de situer clairement la fo
tion de la langue française dans la politique coloniale :" La diffusion
(
la langue française constituera un lien par~iculier souple entre nos SUj~~S
et nous. Grâce à lui, notre influence s'insinuera dans la masse, la
e-
ra et l'enveloppera comme un réseau tenu d'affinités nouvelles"(I). Selo
lui;
la langue française doit devenir une langue "à vocation universelle", un
x-
cellent moyen de faciliter les relations sociales et commerciales. Parler
français fait donc partie des connaissances utiles. Ponctionnaires et let
trés de Côte d'Ivoire sensibilisés par la grandeur de la France, ont cher,hé
1
a comprendre, aimer et admirer les oeuvres de son passé glorieux en appre
t
à goûter
à travers l'analyse des situations et des sentiments typiques d
ce
pays.
En fin de compte, on peut affirmer à juste titre ,que la scolarisation de
l'énfant ivoirien pendant la colonisation a apporté à la société traditio
le plus de forces de freinage que de forces'de facilitation. Or l 'éducatio 1
ivoirienne tradi tionr.elle
semble avoir atteint des objectifs nobles: A
fois rigoureux et harmonieux, ce système s'est caractérisé par sa fonctio 1
cialisante et intégrative, son adaptation au milieu. Quant à l'éducation
1
niale, elle s'est acharnée à détruire le patrimoine culturel de la'Cête 'd f.T
Tandis que l'éducation ivoirienne traditionnelle éduque tous les enfants,
système éducatif importé s'est adressé à une minorité, créant ainsi des i
galités dans les sociétés qui étaient peu hiérarchisées. En privilégiant
tout la formation théorique au détriment de la formation pratique, il va
lopper le mythe du diplôme qui sera l'apanage de ceux qu'on appelle génér
ment
"les bureaucrates", individus toujours au bord du chômage. Cela éta'
très prévisible, car lorsqu'une institution est créée hors d'un milieu spé ifi·
que donné, qu~d une telle institution,à savoir,l'école est étayée par des
concepts étrangers à ce milieu, il va sans dire qu'elle sera à l'origine de.
perturbations et des déséquilibres.
Certes, l'école a apporté aux Ivoiriens l'écriture et la langue qui l ur
permettent de mieux s'exprimer encore. Mais il n'en reste pas moins vrai q 'el-
1
le a formé des individus soumis à l'oppression de la division du travail,
es
individus en tant qu'agents conscients ou inconscients de l'exploitation c 110-
nialiste ou mieux capitaliste. Elle devient ainsi l'usine ayant produit de 1 in-
dividus voués à la cause de la métropole. Les valeurs q~'elle a présentées laux
jeunes Ivoiriens contribuent à la décomposition de leur existence. Toute l ,op-
pression de cette institution révèle une contradiction majeure avec l'état
e
(1) L'Education Africaine, nO l, janvier 1913, pp. 20-23.

-89-
l'évolution réelle de la Colonie de Côte d'Ivoire. Cette oppression s'expr
e
sous des formes très négatives, puisque la création des réseaux dans l'ens1i-
gnement aboutira à classer les élèves selon leurs origines, leurs attitude 1 et
leurs rendements, ce qui va les préparer à tenir plus tard des rôles insoue-
nables, du moins chez la plupart.
Toutes ées données nous obligent à considérer désormais l'école colon a-
le comme une machine à faire du rebut social: des inadaptés qui, bon gré,
al
gré, seront articulés sur le système capitaliste de recherche du profit, e
in-
tégrés à la consolidation de l'idéologie de la métropole.
On ne répètera jamais assez que l'histoire de l'éducation coloniale e
Côte
d'Ivoire
présente des caractères
spécifiques qui font d'elle un fa t
original. L'évolution de l'éducation s'est réalisée dans un climat idéolog Ique
ambigù, contradictoire, les colons tentant sans relâche d'imposer leurs ca
es
1
par le recours à l'idée de l'Ivoirien à "civiliser", à dégager des contra
tes des "ténèbres",à affranchir du poids de l'obscurantisme pour parvenir'
l'homme complet, équilibré, harmonieux et tendu vers le dépassement. Pourt
t
on remarquait le peuple ivoirien plongé dans une lutte désespérée pour éCh 1
per à l'étau de la colonisation. Et en dépit de cette lutte acharnée, la c
centration capitaliste aggravait son exploitation, renforçant sans relâche
a
contradiction entre travail manuel et travail intellectuel, en même temps
qu'elle imposait une politique d'asservissement aux impératifs de la produ
tion capitaliste
dont les conséquences -entre autres- pouvaient se lire dis
l'orientation des programmes scolaires coloniaux.
En dépit de ces faits assez négatifs, au fur et à mesure que l'action
es
colonisateur~ s'amplifiait, l'école connaissait un regain de popularité po 1
ainsi dire. Vers 1920
les chefs traditionnels arrivèrent à la conclusion
leurs enfants gagneraient beaucoup à comprendre les Européens, à parler le
langue afin qu'ils
puissent plus tard être utiles à leurs familles, aux
clans. Partout au sud du pays, à Bassam, à Bingerville, à l'est, la scolar
a-
tion progressait. Les populations étaient presque gagnées à la cause de l '
seignement colonial et le Préfet apostolique de déclarer avec satisfaction
"Nous avons été de bonne foi en scolarisant sur la demande des chefs de vi
a-
ges ••• (I). Prenant donc acte du profond besoin des Ivoiriens de s'aventure
dans la culture française, l'administration coloniale s'est alors donné po
(1) Partie de lettre du Préfet apostolique Hamard à l'Inspecteur Mourait,
27 juillet 1906 : Archives des Missions Africaines de Lyon, à Rome, dossie
SMA, R. nO 12/80402, Sociétés générales des Archives, entrée nO 30728.

-90-
but de renforcer à son avantage, les contenus aliénants de l'éducation. T
t
lui était bon pour gagner la bataille. Elle l'avait résolûment gagnée po
1
que les jeunes Ivoiriens fussent fortement scellés par la métropole qui e ~
censée posséder toutes les armes contre la regression intellectuelle. L'a ~
ministration coloniale en s'appuyant sur l'école était obligée de
a
des motifs idéologiques extérieurs au peuple ivoirien et incarnés
propre pouvoir pour inciter les élèves en leur demandant de "s'instruire
vantage, de s'affranchir chaque jour de cet obscurantisme que connaissaie
leurs ancêtres "(1). Il s'agit ici tout simplement de chercher à déperso
li-
ser chaque élève et lui inculquer un complexe
d'infériorité pour qu'il s
t
désormais entièrement fidèle à la cause coloniale et garant des profits
la
bourgeoisie métropolitaine (2). Il le sera d'ailleurs.
Rappelons ici que l'école coloniale n'a pas manqué d'engendrer une c
che
d'agriculteurs qui ont profité des nouvelles divisions du travail
r
en classe prolétarienne, les planteurs analphabètes. Elle a ainsi
à la naissance de la première couche de la "bourgeoisie" locale. Telle es
l'innovation remarquable qui va donc détruire tous les rapports "ancestra
"
voire précapitalistes. L'avénement de cette bourgeoisie a eu pour
principale de promouvoir les cultures d'exportation. Et nul doute
a
entièrement été favorisé par l'école sur la base de 1& sélection: Déjà,au
é-
'1
part - nous l'avons souligné - le colonisateur s'est surtout soucié de la
or-
1. ,
mation des "élites" en vue de l'aider dans l'oeuvre d'exploitation. Cette
l.SeE
va donc le contraindre à se pencher spécialement sur la formation des fut
s
"exploiteurs agricoles associés". Ceux-ci en tant que futures élites, vont
a-
voriser - nous le verrons - le processus d'occidentalisation des IvoirienslqUi
désormais, assisteront à l'effritement inexorable de leurs valeurs traditi n-
nelles. Mais ils chercheront à s'opposer à cette "mort" de leur culture pa
des
attitudes appropriées (3).
Avant de
c.onclure,
disons que l'école coloniale n'était pas rec'n-
naissance des valeurs traditionnelles ivoiriennes, mais constitution d'une per-
sonnalité sociale presque européenne. Les rapports pédagogiques reliaient
u
coup l'écolier ivoirien tourné vers l'Occident pour satisfaire les besoins Ilet
les intérêtsspéc±~iques de l'impérialisme. Et tout en vouant les écoliers 'voiu
riens au culte de la Métropole, l'école coloniale contribuait à les détour'er
de la production agricole. Soumis à un régime idéologique aliénant, les je! es
1
(1) L'inStruction en Côte d'Ivoire: op. oit. page 1.
(2) Cf. Lettre du Préfet apostolique Hamard en 1906.
(J) DUVIGNAUD Jean: La mort, et àprès. In" Cahiers Internationaux de Soc}olo·
U;..,__g_O_i_e_,_v_o_l_._L_I_-_ 19n, pages 293 et 294.

-91-
scolarisés se trouvaient dans l'impossiblité de goûter aux acquis sociaux
de la tradition. Et qui plus est, l'école coloniale s'acharnait surtout à
séparer les élèves des influences idéologiques de leur milieu d'origine, a ec
1
l'espoir de les sensibiliser. aux valeurs occidentales. Toutes ces Vl.sees
e
situaient fort bien.
au sein de la doctrine impérialiste, doctrine qui ten!
dait
à véhiculer des modèles fondamentalement éthiques, abstraits,satisf i-
sant bien les besoins économiques de la bourgeoisie métropolitaine.
o
o
o
- Conclusion.-
En fin de compte, que faut -il conclure? Il faudrait aussi considérer
'imw
pact non négligeable de l'éducation coranique sur lesattitud-es des Ivofr
ns,
surtout ceux du nord et de l'Ouest,qui ont été les premiers marqués par la pé-
nétration de l'Islam.
Lors de la colonisation, l'enseignement coranique en Côte d'Ivoire n' -
1
tait pas organisé par les pouvoirs publics, mais par les marabouts et par
es
organisations culturelles musulmanes. L'école coranique avait reçu le nom
d'"école arabe" par les autochtones en raison de la place tenue par l'ara
dans l'enseignement. Il faut dire que les, premières écoles coraniques en Cite
d'Ivoire apparurent en même temps que l'Islam. Loin de les combattre, l'a
i-
nistration coloniale estima plus judicieux de les contrôler. De ce fait, elles
vont connaître un développement sans précédent. Selon Mairot (1) qui s'ap
ie
sur la statistique générale arrêtée au 1er janvier 1905, les écoles corani1ues
auraient eu à cette date en AOP un effectif de 34 000 élèves (avec une maj1ri-
té de garçons) contre 7 000 dans les écoles publiques et 2 500 dans les éc1les
privées d'instruction française.
En 1938, le Gouverneur général··dansson rapport, présentait
pour la
d'Ivoire des chiffres assez appréciables :824 écoles avec 6 403 élèves (2
comprend pourquoi, au vu de ces chiffres, l'administration coloniale ne
s'empêcher d'être très attentive à l'égard des écoles coraniques.
(1) Mairot A.
: Etudes sur les écoles coranique
de l'Afrique occidental
fançaise, J.O.A.O.F., 1905, page 372.
(2) Paul Désalmand : op. cit. page 63.

-92-
Mais quelle était en réalité l'importance des écoles coraniques, quel
s
étaient aussi leurs fonctions sociologiques et culturelles pour qu'elles p 1 s-
I
Bent
contribuer comme l'école française à la dé-cu1turation des Ivoiriens i,
Au niveau organisationnel, il n'existe pas d'organisme centralisateur
émanent instructions, programmes, directives pédagogiques ou rég1ements. L
le coranique se caractérise par sa souplesse : pas à proprement parler d'h
ai~
re, de calendrier scolaire ou d'âge limite, d'inspecteur venant vérifier s
l'enseignement est conforme aux prescriptions de la collectivité. L'école
ra-
nique
ne délivre en fin de compte point de diplôme •
Sur le plan éducatif,l'éco1e coranique remplit généralement une fonct' n
ayant des incidences formatrices et culturelles.
En effet, l'ènseignement coranique a pour objet de donner aux enfants
e
formation religieuse. Il s'agit d'un enseignement donné en arabe classique
la
population dont la la langue n'est pas la langue maternelle. Il y a là enc
une question d'acculturation manifeste.
Dans le Coran, "livre surhumain communiqué- par-Allah" ,les musulmans t
vent le résumé de de ce qu'il convient de connaître ici-bas pour accéder a
heur de la vie future. Aussi très souvent l'unique objet de l'école corani
e
est la Mémorisation plus ou moins complète de la "Parole de
Dieu", doctr·le
sacrée de l'Islam. Sans avoir été initiés'à 1a1ec~~, les enfants, appelé
"karamokodeni" (enfants de karamoko ou marabout), commencent d'emblée à app en-
dre par coeur le texte sacré sous la direction de ce marabout, le maître,
li
leur ressasse le rudiment. Chacun est pourvu d'une planchette sur laquelle I st
inscrit le passage qu'il doit apprendre.
Les programmes d'études arabes
comportent aussi des oeuvres 1ittérair s,
de la théologie et de la grammaire. Toute la culture islamique et arabe va le
1
cristallisée : elle va s'appuyer sur la mémoire plus que sur le raisonnemen
en
faisant une part immense aux conceptions mystiques de l'univers, rejettant
lou_
te innovation et toute adaptation.
Quelles étaient les aspects sociologiques qui découlaient de l'existen e
des écoles coraniques ?
En liaison plus oumo;ns avecque1ques formes de la mentalité ivoirienn 1
traditionnelle, elles prodiguaient un enseignement difficilement intégrable à
la vie que préconisaient les colons. Toutefois, en dépit de leurs insuffisa
ces, elles vont entretenir "l'expression spontanée de la fraternité ( ••• ),
l'af-
i
firmation d'une fraternité universelle à partir d'un fondement spirituel mu

-93-
man"(I), ce qu'ignorait l'enseignement colonial.
Pour limiter notre propos, reconnaissons tout de même que les écoles
1-
raniques en Côte d'Ivoire - tout en s'accommodant d'un certain conservatis l
social, tout en ne désocialisant pas l'enfant et tout en s'intégrant d~s ]1
vie des communautés, - se sont donc rapprochées par endroits de certains as' cts
idéaux du milieu ivoirien traditionnel, en dépit de quelques divergences ,a
ez
profondes. Mais c'est au carrefour des réalités ancestrales, mu8U~~anes et
c-
I
cidentales qu'il convient parfois de situer le problème de l'acculturation
e
la plupart des Ivoiriens au seuil de l'Indépendance en 1960. En revanche'
s
notre étude, nous allons seulement appréhender le problème de l'occidental' a-
tion progressive des Ivoiriens. Tel était d'ailleurs l'un des objectifs de
0-
tre recherche.
(1) Pierre POUGEYROLLAS
Où va le Sénégal ? page 62 et suivantes.
,
u_;_

-94-
DEUXIEME
PARTIE
L ARE PUB L l QUE
D ECO T E
D'I VOl R E
"L'Indépendance a,certes, apporté aux hommes
colonisés la réparation morale et consacré
leur dignité. Mais ils n'ont pas encore eu
le temps d'élaborer une société, de cons-
truire et d'affirmer des valeurs. Le foyer
incandescent où le citoyen et l'homme se
développent et s'enrichissent dans des do_·
maines de plus en plus larges n'existe pas
encore" •
(Frantz
Fanon)

-95-
Chapitre Premier
.L'EVOLUTION ECONOMIQUE DEPUIS L' J..CCESSION A L'INDEPENDANCE (19602.
L'Indépendance de la CSte
d'Ivoire en 1960 impliquait la destruction des
structures sociales héritées de la période coloniale. L~ndépendance n'est pas
l'autarcie. Il fallait néanmoins trancher les liens de dépendance avec l '
cienne métropole. Il fallait réorienter les circuits financiers et commerc'-
aux. Car, à l'avénement de l'ère coloniale, le pays présentait les caracté ,is-
tiques d'une économie dualiste dans laquelle la métropole dominait le sect lur
moderne. Bien qu'aucun recensement de la main-d'oeuvre n'ait eu lieu duranl la
période coloniale, il était évident que les étrangers, en particulier les
an-
1
çais, accaparaient la quasi-totalité des professions libérales, des emploi
techniques, administratifs et de direction dans les secteurs public et pri ié.
Dans le système hiérarchique colonial, les Européens tenaient presque inv
is-
blement le haut de l'échelle. La faible participation des Ivoiriens au sec 1
teur moderne était due en partie au retard avec lequel ils s'étaient engag s
dans les activités marchandes, en partie aux barrières économiques qui le
1
étaient opposées. Dans le commerce, les contrôles administratifs
es
de délivrance des licences les reléguaient presque exclusivement dans les
l i -
tres ruraux pour la promotion des cultures d'exportation (café et cacao),
n-
dis que le commerce urbain était réservé aux colonisateurs, aux libanais ••
De plus, les banques commerciales possédées et dirigées par les Européens,
vaient tendance à pr~ter de façon discriminatoire, et cela au détriment de
Ivoiriens qui voulaient monter des affaires. Le manque d'expérience se con
guant parfois à l'absence de stimulants, très peu d'Ivoiriens avaient atte
t
1
en 1960 un degré de réussite économique susceptible d'encourager leurs voi
ns.
Eu égard à toutes ces indications, l'indépendance juridique n'était qu'un
lable. Un impératif s'imposait en effet au pays
développer une vraie éco
mie qui puisse apporter le bien-être à tous les Ivoiriens. D'où la "batail
du développement" qui renvoie tout d'abord au choix du modèle économique.
-1. Le Choix d\\l..l!lodèle-économigue.
Tout d'abord, un modèle est un ensemble d'idées cohérentes susceptibl
de constituer un guide pour l'action. Il suppose quelque chose à imiter, à
produire. Le modèle peut ~tre assimilé à une construction de l'esprit. Da
ce
cas, l'action aura pour objet de la traduire dans les faits,
de la vie quotidienne, faute de quoi, il reste sans consistance. Etudier
mo-
dèle ou le choisir, revient à aborder soit la politique de croissance, soi
la

-96-
stratégie du développement d'un pays.
Au lendemain de l'Indépendance, deux voies s'offraient à la Côte
re : La première consistait à opter pour une politique favorable à la
cause de l'économie dualiste et désarticulée, héritée de la colonisation.
la aurait donc occasionné un protectionnisme plus poussé, une diversificat"
géographique du commerce extérieur, la création d'un système bancaire ou m
é-
taire en fonction des besoins de l'économie nationale,l'introversion de
ar-
gne ou la mobilisation des ressources potentielles et humaines du pays. D
cette optique, le financement du développement
est plus l'oeuvre des nati
que des puissances extérieures, et plus certaines les perspectives
dance et de la libération économique. La seconde voie exigeait que
risât la
participation intense des puissances impérialistes, en l'occurre
e
l'ancienne, c'est-à-dire la France (1).
Les responsables politiques ivoiriens n'ont pas hésité à opter pour
se-
conde voie qui fait appel à toutes les initiatives publiques et privées,
5
~
le contexte de libre entreprise. La voie du libéralisme économique était
si
annoncée. Voici en quelques mots comment le Président de la République, M.
é-
lix HOuphouët-Boigny le perçoit ou mieux le
présente
"Avant tout, déclare-t-il, nous voulons donner l'assurance que notre _ 0-
bité à l'égard de ceux qui veulent nous aider ne se démentira jamais.
qui concerne les investissements privés en particulier, nous affirmons que
ront teujours possibles hors de notre pays les transferts de capitaux. Il
sera de même d'une partie des bénéfices. La Côte d'Ivoire ne pratiquera j
is
d'expropriation dans un domaine quelconque sans recherche préalable d'une
tente et d'un dommage équitable" (2).
Et l'ancien Président de l'Assemblée Nationale M. Yacé Philippe d'a~u
ter :n Je précise seulement que tous
ces principes que j'ai énoncés
duisent sur le plan de notre doctrine économique par un li béral.isme forcen'
mais raisonné ••• La politique économique que nous voulons suivre, et qui f ~ t
appel
à toutes les initiatives privées ou publiques dans un régime de lib 1
entreprise nous permettra de tirer le meilleur parti de tous les efforts s
s
exclure aucun "(3).
(I)Moustapha DIABATE : Le Modèle Ivoirien de Développement
thèse d'Etat
s-
titut d'Ethno-sociologie, Université d'Abidjân, p. 257 et ~uiv.
'
(2)Le Président Fél~Houphouët-Boignyet la Nation Ivoirienne. Ed. NEA, Ab~d-
1
jap. 1975, p.80.
(3)Ve Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire: 29-30-31 octobre, l '0,
p. 71.
i

-97-
A la suite de ces propos, la Côte d'Ivoire allait désormais ~tre dans
l'orbite du libéralisme économique total.
Au lieu de porter la décolonis i
tion jusqu'au coeur de l'économie de manière à faire disparattre tout lien
~
i
colonial d'exploitation de l'homme par l'homme, les dirigeants de Cote d'I-
voire ouvrent ce pays au capitalisme sauvage, le mettant ainsi au centre
d'une nouvelle oppression coloniale. Le résultat de tout ce processus est
que la Côte d'Ivoire laisse son flanc à une série de contradictions:
-I.Le libéralisme économique encourage la recherche du profit dans
pays essentiellement agricole dont les structures reposent sur l'esprit de
solidarité traditionnelle.
-2.Le pays fait appel aux entreprises privées étrangères qui sont imp i-
citement les centres de décisions. Ainsi, chaque entrepreneur dans le
ca
e
de ce libéralisme,va décider de ce qu'il produira et en quelques quantités 1
Chacun prend des décisions qui lui paraissent convenables pour soi et ne si
préoccupe
pas de l'ensemble. Le système va donc fonctionner globalement glâ-
ce aux mécanismes du marché. Ici, le rôle de l'Etat ivoirien sera de laiss1r
une liberté absolu aux impérialistes avec la dé vise : "liberté d'entrepris 1 ,
liberté d'exploitation, liberté de commerce".
1
-3.Dans ce courant de libéralisme, les matières premières appartienn nt
~ à la Côte d'Ivoire, mais les instruments de production et le pouvoir qU'il!
procurent,restent entre les mains des entreprises étrangères.
Sans entrer dans une étude détaillée des contradictions, remarquons t ut
de suite que ces quelques indications montrent bien la nécessité de bien r -
fléchir surtout avant d'adopter un modèle de développement, de tenter d'en me-
surer les conséquences sociales. Le choix d'un modèle quelconque de dévelo ~e­
ment constitue un problème très délicat dans la mesure où un pays qui a ac lé_
dé à la souveraineté nationale porte dorenavant toute la responsabilité de ses
f destinées. Certes, le libéralisme économique repose généralement sur des b -
ses assez intéressantes: Il prévoit un apport de capitaux et de technique ,
1
il facilite une intégration progressive au marché mondial, il permet une r
u-
lation interne de l'effort de développement par l'Etat. Il a aussi certain 1 ent
le mérite de stimuler l'esprit d'.entreprise et d'appsxter
:::é:~::::::tp~
t1sfàot1one
matérielles et pas seulement idéologiques. Il
sa
1
efficace quand l'Etat remplit correctement son rSle
de régulateur. Tel
e-
ra pas le cas pour la Côte d'Ivoire. Elle va au contraire favoriser la co
li-
dation d'une économie dualiste monopoliste où travailleurs salariés ou
petits et moyens ivoiriens dépendent tous des groupes impérialistes inter
tionaux en liaison directe avec les responsables politiques du pays.

- 2.- :Les caractères dé l'économie ivoirienne au moment de l'Indépendance.
Au moment de
l'Indépendance, la Côte d'Ivoire se présentait comme
pays essentiellement agricole, peu industrialisé. Son économie était forte ent
marquée par un dualisme entre deux types d'activités, l'un traditionnel, l au-
tre moderne. Il s'agit moins d'une simple justaposition qu'une interpénétr -
tion. Et plus précisément, une telle situation se caractérise surtout par
a
~ "coexitence de deux secteurs qui s'ignorent dans deux logiques parallèles,
;-
mais d'un secteur moderne et d'une société traditionnelle fondamentalement
perturbée dans son équilibre initial, à cause de la présence de ce secteur
,- En 1959, on distingue en Côte d'Ivoire un monde rural qui représente au mo
s
92% de la population active,opposé-, à un secteur évolué qui dispose de la
lua_
si-totalité des moyens matériels de production. Au système d'exploitations la-
gricoles peu différenciées à faible production, reliées étroitement à la c 1-
Iule familiale ou au village, se dresse un réseau d'entreprises de type ca lita,.
liste concentrées principalement à Abidjan (1)".
Le secteur traditionnel tout en conservant son caractère global se so cie
uniquement d'assurer la subsistance de la famille é~endue ou du clan.
Po' lt
-è.e
recherche de gain maximum et de nouvelles tèchni-ques permettant de l' ac rot·,
1
tre. Le calcul économique est à peu près inconnu : On ne tient pas compte
e
comptabilité écrite. Tout ceci est évident pour le planteur aussi bien que pOlU
l'artisan
désireux
de travailler simplement pour répondre à des besoi s
fondamentaux des communautés villageoises.
+
Le secteur moderne comprend toutes les entreprises de type européen,
qu'elles S_oient privées ou publiques. Elles ont un certain nombre de carac é-
~ ristiques communes qui sont celles de l'entreprise capitàliste. Leur instr -
-
-
.......---:..........._----~~--~.-_.-.--.~~, ..
ment de travail est fondamentalement l'argent. Celui-ci est le point de dé art
de toutes les opérations et le point d'arrivée. Avec l'argent dont dispose
l'homme des entreprises, il achète des marchandises, des outillages, du tr -
vail pour tirer de leur combinaison un gain d'argent aussi grand que possi Ile.
Il essaie de combiner les facteurs économiques considérés en termes de pri 1.
Il vise ainsi à utiliser au mieux les facteurs de production (le capital e, le
travail) qui permettent de produire à un moindre coût les quantités qu'il
!eut
vendre sur le marché. Il se soucie moins de satisfaire les besoins que de
J en-
dre des produits: son entreprise travaille pour le marché et ne s'intéresle
directement qu'au
prix de vente, pourvu qu'elle puisse vendre son produit _1
(~) Première Mission du Groupe de Planification en Côte d'Ivoire, op. cit. pa-
ge 15.

-99-
-~!~~eB annuelles de le population rurale r~sidente
Type d'octivit~
Totel
Types de transactions
en
---------.....----------111
Ressourcos non
Retosources
momHeires s 0%
monét\\)ire~s 0%
F cfe
Agriculture vi-
uri ère.
9 477
75,9
24,1
Elevage
789
65,7
34,3
Chasso et pê-
1
che.
1 443
89,.6
Agriculture d'ex-
portation.
25 2313 .
100,0
Autres activit~8
para-agricoles.
534
94,7
5,3
Total egricul-
37 581
25,3
ture.
-----,------4- -----t-----------I---------
Artisana t.
549
21 ,7
Services
416
97,7
Echange dE: pro-
duits importh
476
97,1
2,9
Total ertisan!'t
et. service
1 441
• 62,6
37,4
1
Selaires
607
8,4
91,6
Tren~fert de
fonda
1 503
100,0
1
B~ndrices com-
merciDUX
605
100,0
Totel dos entr~es
_....o:;d_e--'-f,,;;..(lI_n_;...;:d;...;:s:--
~12--1-----'1.J.•..L-
9
-+_.~98 ,1
Tnte1 de~ ressour.
141
737
25.1
74.9
Sources :. Côte d'Ivoire, Ministère du Plan, Etudes socio-économique
U
b_U_d_g_e_t_s_f_am_i_l_i_a_ux_,~:~B:TiS, SEDES, l 967.

-100-
au coût ou au-dessus du coût, l'entreprise est satisfaite "(1). Ce faisant,
-t le secteur moderne tend à repandre ainsi le système de valeurs des société 1
,
1
occidentales. Il fait alors appel à l'esprit individualiste et de competit on.
r
En outre,toute
l'idéologie productive qui définit l'esprit de l'ordre mod!r-
\\
ne se caractérise par la recherche sans frein du profit et de la consommat'on
toujours plus grande :"Produire plus, gagner plus" sont les mots directe
~
secteur moderne. Ces considérations s'additionnent avec d'autres faits:
-I.Culte du travail
et domination de la nature, ce qui est cont1ai-
re à l'esprit du secteur traditionnel.
-2.Exigences de la rentabilité a court terme sans souci des équi i-
bres sociaux fondamentaux à maintenir.
-J.Attitude trop volontariste et dominatrice •••
Le travailleur d'Abidjan est devenu prisonnier de la production puisq e
victime désormais de la rigueur des calculs et des prévisions: dispositio.
des ateliers, planification des activités plusieurs mois ••• Tout cela appal
rait toujours étranger au contexte socio-culturel de la Côte d'Ivoire rur
e,
et pourtant on assiste à la prédominance de plus en plus
poussée d'une st
c-
ture nouvelle dans
l'économie ivoirienne. Le tableau de la page précédent
permet de dire que les activités du paysan ivoirien étaient déjà articuléeJ RU
secteur moderne par l'exploitation des produits agricoles: ici par exe~Pll '
au niveau des types de transactions, les ressources monétaires représenta'fnt
1- les 3/4 de toutes les ressources. Cela suppose que le secteur traditionnel
bien que généralement extérieur au secteur
moderne, est tourné vers le m
ché pour les produits de son activité. Il est amené à évoluer et à s'adapt r
à cette nouvelle situation, car il joue un rôle de plus en plus important
le cadre de la valorisation des exportations : il fournit au secteur mode
des matières
premières agricoles à bas prix et de la main-d'oeuvre à mei i
leur marché. Les industries de valorisation des exportations transforment "es
ma t ,'
1eres
" 1
premleres
ocal es. Les ac t'
'
1V1t 'es
"
conJuguees des deux sec t eurs con~ l,1-
buent à l'enrichissement des zones rurales. C'est le cas d'Abidjan que co Jir-
ment d'ailleurs les statistiques :"Le produit intérieur brut en valeur av J t
augmenté depuis 1955 à un taux annuel moyen légèrement supérieur à IO% et
produit intérieur brut en volume au rythme de 6,5% compte tenu d'une haus
des prix annuelle de l'ordre de 4% en moyenne. Si l'on estime à 2 ;5% le t
moyen annuel de la croissance de la population, le produit intérieur brut
volume et par habitant a crû au taux annuel de 4%, l'un des plus élevés en
(1) François Perroux: Le Capitalisme, PUP. 1962, QSJ, page I5.

-101-
Productions végétales traditionnelles et Agriculture d'exportation
n
Côte d'Ivoire (1979)
Production Totale
Rendement
(en 1000 tonnes)
(1979 en T/Ha)
1970
1979
(T/HA)
FECULENTS
-Igname
1.555
2.068
7,5
-Manioc
540
1.112
5,2
-Bananes
'- plantain
650
1.178
l
-Taro
181
287
0,9
sous-total
2.926
4.645
CEREALES
-Riz
315
534
1,1
-Maïs-Graines
231
275
0,4
-Sorgho
13
32
0,6
-Mil
30
45
0,5
Sous-total
590
887
~LEAGINEUX POUR LA CONS01~~TION INTERIEURE
-Fonio
17
2
0,5
-Arachides
41
51
0,8
~ous-total
58
53
~ULTURES D'EXPORTATION
!-Café
239
277
0,2
I-Cacao
179
318
0,5
~Coton
48
114
1,0
~Huile de
palme
61
123
I-Sucre
°
102
5,0
~ous-sol
466
934
sources: Ministère de l'Agriculture - birection des Statistiques Rurales E ~
des enquêtes - statistiques Agricoles - 1979.

-102-
Afrique. Le produit réel par habitant était de 180 dollars en 1960 "(1).
1
Jusqu'au milieu des années 1950, toute la croissance du pays reposait 1;
'sUr
-une
économie de traite, basée sur le développement extensif de la \\pro-
duction de café et de cacao. A cet effet, on pouvait noter le rôle joué pa
le
commerce extérieur dans l'économie ivoirienne. Toute la production était 0 ien-
tée dans une proportion vers la vente sur les marchés extérieurs et dépend ~t
donc d'eux pour son écoulement. A la veille de l'Indépendance; la structur 1 des
exportations restait non seulement centrée sur le café et le cacao, mais a Issi
sur le bois et les bananes. Ces quatre produits assuraient 95% du volume d Is
exportations du commerce. Les exportations du café ont connu un accroissen nt
considérable, passant de 104.671 tonnes en 1959 à 147.488 tonnes en 1960,
oit
40,9% d'augmentation. Tandis que la France continuait d'absorber la majeur:
partie de ces exportations, celles des USA et de l'Italie étaient en hauss
sensible (2).
Exportation du café par pays:(I959 et 1960)
Pays
1959
%
1960
%
1
France
59 858
57,2
68 479
46,4
1
AlgéFiè
19 221
18,4
21 517
14,6
USA
20 891
19,9
37 779
25,6
Italie
l
422
1,4
7 877
5,3
Maroc
l
506
1,4
4 531
3,1
Belgique
124
0,1
l
732
1,2
1
Autres
l
649
1,6
5532
3,8
1
Source : Situation économique de la Côte d'Ivoire en 1960. Direction de
a
Statistique et des Etudes Economiques et Démographiques, page 93.
(1) Georges H. LAWSON : La Côte d'Ivoire: 1960-1970, Croissance et divers ~i
cation sans africanisation, in "L'Afrique de l'Indépendance politique à l ' p-
dépendance économique, Ed. Maspero,
1975, page 206.
(2) : Situation économique de la Côte
d'Ivoire en 1960, op. cit. p. 94.

-103-
Le tableau de la page qui précède indique bien que la France est de ICI n
le principal fournisseur de la Côte d'Ivoire. C'est là un aspect de la dépE
dance économique du pays à l'égard des pays occidentaux.
1
Il en est de même en ce qui concerne les exportations de cacao, qui sc t
restées stables: 63.263 tonnes exportées en 1959 et 62.816 tonnes exportéE
,
/
en 1960. Comme toujours, on enrégiBtre les mêmes partenaires tels que la F. an-
ce, les USA, l'Italie, l'Allemagne, etc.
Les exportations de bois ont progressé d'une façon spectaculaire, pasE nt
de 378.225 milliers de tonnes exportées en 1959 à 567.432 milliers de tonnE
en 1960, soit un accroissement de 47,3% en tonnage. On signale que la prem
re
cliente restait toujours la France qui importait près de la moitié des boiE
ivoiriens.
Bois exportés par pays clients. (Unité = tonne )

-104-
Quant aux exportations de bananes, elles connaissent à leur tour une
gression de 35% en tonnage et d'environ 20% en valeur selon les statisti
s.
E~ toujours parmi les clients, la France absorbe la quasi totalité de la
duction ivoirienne : 70 368 tonnes sur 72 620 tonnes.
En 1961, le Protocole franco-ivoirien renforça encore la position de
l'ancien pays colonisateur : "La Fra.'lce acceptait de maintenir les tarifs
ré-
férentiels accordés aux principales exportations ivoiriennes -café, cacao,!
bois, bananes et ananas - et de continuer à soutenir les prix du café et d s
bananes vendus en France. En échange, la Côte d'Ivoire acceptait de plafo !er
ses exportations de café vers la France à un maximum de 100 000 tonnes, qu
-
tité couverte par les subventions. Elle acceptait de plus certaines restri 1-
tions à la liberté de ses importations: maintien des achats de produits f,an-
çais au niVeau de 1960 (22,3 milliards de francs CFA), "planchers" pour le 1
1
importations de produits spécifiques pour lesquels les produits français n é-
taient pas particulièrment compétitifs sur les marchés mondiaux
achat s
le marché français de toutes les importations de blé et de sucre, de 70% d s
vins, boissons et cotons imprimés, de 60 % du lait, 50 % des tracteurs et
pa-
reils d'air conditionné, 30 % des radios et de l'équipement ménager. Enfin
elle acceptait d'imposer des taxes douanières discriminatoires, allant jus
qu'à 35 %, à l'importation de produits non-français, et même des quotas et
des taux de pénalisation encore plus élevés sur les importations en proven
ce de "concurrents déloyaux" ••• (1).
La dépendance économique de la Côte d'Ivoir~/éta.it: ren.tore6e pU' lf"in -
t>
tabilité des prix des exportations. Ceci est très
vif
'dans le cas du c
fé et du cacao. Le rapport du Ministère des Finances et des Affaires écono
ques et du Plan notait ceci: "En raison des difficultés du Marché Mondial
u
café, les prix ne sont pas libres en Côte d'Ivoire ••• On peut remarquer un
baisse sensible de ce prix gouvernemental qui est pourtant très loin d'acc
ser la même baisse que celle subie par le café sur le marché "(2).
Prix de campagne du café 1958-59 à 1960-1961.
(F. cfa/kg)
1958-1959
195 9~I960
1960-1961
Cours nu. Bascule Abidjan
115
105
95
(1) Georg€s
H. LAWSON : cp. cit. page 207.
(2) Situation économique de la Côte d'Ivoire, op. cit. pp. 4-5.
J.

-105-
On voit combien les prix des produits agricoles d'exportation étaient
sujets d'assez importantes fluctuations des cours mondiaux. Et tout ceci m
-
i
tre une fois de plus que l'économie de la Côte d'Ivoire était très tributa
de l'étranger au seuil et aux premières heures de l'Indépendance. Force es: de
reconnaître qu'une telle situation a été expressément créée par le colonis \\
teur français qui ne voulait pas couper le "cordon ombilical" qui le
i-
talement à toutes ses colonies comme la Côte d'Ivoire.· Il fallait marquer n
cessairement l'agriculture de cette dernière par la spécialisation que 1'0
connaît
bien: Le producteur ivoirien est contraint de s'adonner aux
es
économiquement "utiles et profitables aux colons" : café, caco, bois, etc.
u
coup, le paysan ou le cultivateur ivoirien se voit arraché
progressivemen
aux activités agricoles traditionnelles et intégré malgré lui au marché mo
dial , marché marqué par la monétarisation et la consommation des produits
i-
nis. Mais ce n'est pas tout : le colonisateur français a spécialisé certa'
s
régions du pays dans l'alimentation de la demande extérieure de tel ou
produit. Ainsi par exemple, la culture du riz et du mais était surtout
n-
trée àans le nord et l'ouest, à Korhogo et à Bouaké, ce qui a entraîné des
né-
galités régionales au niveau global.
L'extraversion des activités agricoles ivoiriennes a donc bloqué les
u-
rants d'échanges intérieurs et facilité l'accumulati?n dans les marchés d'
id~
jan des marchandises étrangères. Cette situation date de 1893 et elle est
résultat du phénomène de spécialisation que nous avons souligné plus haut.
Rappelons
que
c6~a' se réalise
en fonction des aptitudes culture.les de
a-
que région, aptitudes notamment à produire les denrées d'exportation les p
s
rentables pour les exportateurs coloniaux, donc aptitudes à s'intégrer à l
conomie de traite coloniale. On aboutira à une division technique de trava
l'embryon d'industries légères installées en Côte d'Ivoire, le bâtiment, l
transport et les fonctions administratives introduites par le colonisateur
créèrent une ségrégation sociale très forte qui désintégra progressivement
a
société traditionnelle ••• A la fin de l'époque coloniale, à la veille de l J n-
I
dépendance ,on pouvait distinguer trois types de zones dans le pays: une z
e
d'économie de traite active, donc parfaitement intégrée au capitalisme pér' hé··
ri que ,
,une zone pourvoyease de main-d'oeuvre, donc dépossédée de ses forc
vives et condamnée à être dans la périphérie de première zone,
enfin une
ne de reserve, car tout le schéma n'est favorable qu'à la mise en exploita
tion des secteurs immédiatement rentables (1).
[
(1) Kipré Pierre: Les facteurs de l'intégration économique dans l'histoire' de
la Côte d'Ivoire (1889-1973), in "GODa-GODa, revue de l'Institut d'Histoire,
d'art et d'archéologie, op. cit. pp. 30-32.

-106-
Et dans cette atmosphère "d'extraversion",tout concourt à la suprémat
du système de production capitaliste. A l'aube de l'Indépendance, tout ne
r-
Iait déjà que de profits, d'installations des équipements, d'accroissement
es
rendements, etc. L'organisation de la production cessait progressivement d ! -
voir le caractère familial, voire communautaire, car le but de la producti
n'était plus d'entretenir les relations sociales traditionnelles, mais d'e
richir soi-même au détriment des autres. Dans les régions peu habituées à
mercialiser leurs
productions, il fallait désormais constituer le cadre p
vilégié et fournir les moyens d'action les plus efficaces pour opérer la l
te
contre "l'économie naturelle" en la décomposant et en la désagrégeant. Une
ois
le capitlisme lihéral.
proclamé, il fallait renforcer la stratégie consi
tant à récupérer
le monde de la paysannerie en développant excessivement
mythe de la culture des produits
d'exportation. Ce mythe soigneusement en
e-
tenu pendant plus d'un demi-siècle, semblait avoir fait du monde rural un
pui
précieux pour la promotion du café, du cacao afin de permettre l'enrichiss
ment de la métropole. Le but poursuivi était la réduction complète du sect
r
traditionnel, ce qui obéissait bien aux lois du système capitaliste. Pour
etuI
lancer le nouveau système économique, il était donc nécessaire d'étouffer
s
structures artisanales àe l'agriculture traditionnelleconsidéré8s à tort 0
à
raison comme de véritables freins au développement du capitalisme.
o
o
o
_J.-Le Renforcement du libéralisme économigue-
Une fois le libéralisme économique choisi, la Côte d'Ivoire était d'o
i-
ce intégrée au sein du système capitaliste.Tournée vers la dépendance écon
i-
que, elle a choisi pour son développement le contrôle
privé étranger de s
industries d'exportation au lieu d'abandonner ou de mettre en cause les st
c-
tures économiques héritées de la colonisation. Sa politique de laisser-fai
résulte uniquement d'une politique qui cherche à éviter délibrement les me
res contraignantes susceptibles de décourager les investissements étrangers.
1
Les autorités politiques ont donc opté pour une coexistence qui, selon elle ,
pourrait assurer un flux constant et substantiel d'aide technique, de capit ux,
et un soutien à la balance des paiements de la
part de la France.Mais du c!up,
elles oubliaient que l'acceptation de la présence économique étrangère pouv~it
avoir des conséquences très négatives
des gisements minéraux pouvaient
ê re
mal exploités, une part trop grande des profits courants rapatriés plutôt qle
:
réinvestis, et des dévises étrangères gaspillées par des importateurs étran'ers
liés & des fournisseurs de leur pays d'origine pratiquant des prix élevés ( ).
(1) John D. ESSEKS : IntrQduction à l'Afrique de l'Indépendance politique à
l'Indénendance'économique' op. cit. page 10.
-
,

-107-
En dépit de ces inconvénients,
les autorités politiques vont donner pr,o-
rité au libéralisme pour soi-disant fortifier l'appareil d'Etat. En effet
ce-
lui-ci légué par le colonisateur était encore fragile • il fallait le
\\[i-
dyn
ser, lui donner une !me forte et plus stable, il fallait l'ivoiriser pour
ins
dire. Mais ce sera un leurre, car l'organisation administrative, militair , po
licière et judiciaire, la structure du pouvoir politique n'allaient pas c 1
ger avec l'option du système. On assiste en 1961 à la ruée des investisse 1
étrangers. Le Président Félix Houphouët-Boigny proclame avec force ses pr
tés et ses objectifs dans tous ses discours : "politique de libéralisme s
juguant avec un capitalisme d'Etat" : "Dans un pays jeune, dit-il, qui co
les trois cinquièmes de la superficie de la France, peu peuplé, où la ter
fertile ne manque pas, un pays aux richesses potentielles certaines, mais
quant de capitaux et de technique, ce serait un non-sens économique de se
cer dans les
nationalisations de je ne sais du reste quoi, et tarir les
ces de bonnes bonnes volontés qui sont indispensables à notre développeme
économique ••• Nous assurerons les garanties nécessaires aux capitaux
qui
dront s'investir chez nous, convaincus qu'il sera de leur intér~t bien co
de poursuivre le réinvestissement d'une partie de leurs bénéfices dans un
+où la sécurité et la stabilité ne leur feront jamais défaut "(1).
Comme on peut
le constater, le gouvernement de la Côte d'Ivoire a é
dès le départ les nationalisations forcées. Tandis qu'il promouvait dans
tains secteurs les entreprises nationales ou mixtes, les sociétés étrangè
asaient commencé à opérer dans une ambiance très libérale et à dominer les
vités autres que l'agriculture (2). Plutôt que de s'exposer à des relatio
conflictuelles par des mesures iCQnomiques.raEiicales. .-les dirigeants ivoirie l s
ont préféré attirer de nombreux investisseurs. Ainsi leur politique ouvert 1
dans la décennie 1960-70 attira effectivement un volume 5Ubstantiel d'inye1tis.
sements
entre 1960 et 1966 la production industrielle se développa à un iyth.
l
me annuel de 25%, créant. dans ce secteur trois mille emplois par an (J). p
ailleurs, tandis que les produits d' extrllv-ersion tels que le café et le cac 10
étaient 30% consommés sur place, on voyait les recettes d'exportation repr J _
~ senter 60 %de la production primaire. Déjà exclus des marchés, les plante' s
ivoiriens, par le biais de la Caisse de stabilisation et de soutien des prJx ei
des produits agricoles, caisse héritière des caisses créées en 1954 par
1 ls
(1) Houphouët-Boigny et la Nation ivoirienne, op. cit. p. 189.
(2) John D. ESSEKS : op. cit. 256.
(J )Voir Surveys of African Economies,
vol. page 247.
,1

-108-
administrateurs français, reçoivent 25 à 30 % des prix d'exportation F.O.B
On imagine ici aisément les sommes considérables drainées par cette caisse de
stabilisation qui deviendra bientôt le coffre-fort de la "bourgeoisie"locale ou
le lieu d'accumulation des sommes extirpées aux "braves paysans ivoiriens" 1
Quant au code
des investissements, il va autoriser lui aussi au capi al
financier de se fixer prioritairement dans l'économie nationale. Et les en
e-
1
prises dites "prioritaires" devenues comme telles soit par le secteur d'ac livi_
té auquel elles se rattachent (immobilier, industries), soit par leur
Ici -
pat ion à l'exécution des plans de développement fixés par le gouvernement,
ont
bénéficier de réductions fiscales importantes : Il y a exonération sur 5
des imppts
sur les bénéfices industriels et commerciaux, sur les patentes
es
contributions foncières, et exonération des droits de douane sur l'entrée
régistrement et de timbre, exonération sur 10 ans des droits de sorties de
produits exportés par les entreprises (1).
Le libéralisme économique tant proclamé par les responsables politiqu
1- de Côte d'Ivoire était respecté scrupuleusement et non sans log:que dans
ceptation des contraintes: l'ouverture extérieure en matière d'investisse
se doublait de garanties officielles concernant l'absence de nationalisati
brutale et autoritaire du capital et des fonctions de direction et d'encad
+ment, le mot d'ordre étant constamment :"Pas d'ivoirisation au rabais". (2
Après dix ans d'Indépendance, les résultats du libéralisme étaient le
suivants:
(J)
~ - On peut remarquer tout de suite que la croissance a été très rapide :
-Le Produit intérieur brut en termes réels a augmenté a un taux voisin de
7,5 %. par an.
-Le P.I.B. nominal par habitant est passé de 38 200 F (cfa) en 1960 à 73
OF
(cfa) en 1969, soit une augmentation moyenne de 4,5 % par an en termes rée~ .
De l'avis du ministre des finances d'alors, M. Henri KONAN BEDIE, ce taux
croissance est l'un des plus élevés du monde; il est nettement supérieur au
taux moyen de l'ensemble des pays en voie de développement (2,5% par an s
la période 1960-I967.
Cette évolution économique s'est surtout traduite par "le développeme
rapide d'un secteur industriel moderne et par l'accroissement des échanges.
(I)Rapports du Ministère des Finances,in ttLa Côte d'Ivoire en chiffres (I97~­
1980), op. cit. p. 311 et suiv.
(2)Y.- A. Faure et J.-F. Médard: Etat et Bourgeoisie en Côte d'Ivoire, Ed.
Y.arthala, I982 , page 23.
(3) Ve Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (29 30 31
t )
II
-
-
oc.
p.
7.

-109-
Le secteur industriel a connu lui aussi des progrès remarquables. Sa pro·
duction aux prix courants a augmenté à un rythme moyen annuel de 16,6 %'
ci,
certaines activités se sont
particulièrement distinguées:
-Energie (+ 26,5 %)
-Industries alimentaires (+ 21 %)
-Industries du bois (+ 18,8 %)
-Industries des métaux (+ 19 %)
En outre, le secteur des activités liées au commerce a enrégistré un
augmentation de 12,5 % par an à prix courants.
Le caractère très ouvert de l'économie a fait que dé 1960 à 1969, le
exportations se sont multipliées par 3 par rapport aux importations de ma!-
chandises qui ont été multipliées par 2,6.
D'où accroissement de l'excéd Int
commercial
-en 1960 = 6,4 milliards de francs cfu.
-en 1965 = la milliards de francs cfa.
-en 1969
32 milliards de francs cfa.
Et du coup, les disponibilités extérieures nettes du pays ont attein
le
niveau de 28 milliards en 1969 alors qu'elles atteignaient 15,6 milliards
n
1965. Grâce à cette augmentation très sensible, il a été admis au "club d
la", c'est-à-dire le club des Etats garants du bon fonctionnement du syst
e
monétaire international et de la nouvelle liquidité internationale. Une t
le
comme
consécration a été perçue par les autorités politiques ivoirierillesjune co
ir-
mation de la bonne physionomie du libéralisme économique. Le ministre de
nomie et des finances en profita pour vanter d'ailleurs les mérites du co
de
investissements en proclamant tout haut que "le nombre d'entreprises indu
trielles est passé
de 32 en 1960 à 248 en 1968, en soulignant fièrement
e
les salaires sont passés dans le même temps, de 6,3 milliards de francs c
. à
19,3 milliards de francs cfa et en précisant même que la valeur ajoutée
Côte d'Ivoire a été multipliée par 3,7 depuis 1960 et qu'elle représente
somme de 58 miliiards de francs cfa en 1969.
Au niveau des finances publiques, le rapport général du Ministère de
conomie et des finances apporte des chiffres très positifs : Finalement q
tre taux de croissance essentiels résument assez bien ce qu'on entend fon
mellt21ement par équilibre dynamique dans l'e~pansion :
:11,9 % par an pour les recettes fiscales.
10,7 par an pour les dépenses de fonctionnement.

-110-
-25 % par an pour les dépenses d'investissement.
12,2 % par an pour la P.I.B. commercialisée.
Ensuite, de 1960 à 1965, l'importance de l'épargne budgétaire a aisé
ment permis de financer les investissements plublics : 33 milliards d'épar
gne budgétaire totale. Malgré les profonds changements intervenus au cour
de
la décennie, on retrouve l'économie ivoirienne plus que jamais "ouverte"
très dépendante de l'extérieur. En effet, pour financer ses programmes de
é-
veloppement
accéléré, le pays a dû rechercher les financements extérieur
dans le cadre d'une politique de coopération internationale largement dive -
sifiée. C'est dans le domaine des prêts et des dons que se situe l'essent·ll
de sa dépendance. Il a reçu 80 milliards de dons depuis 1960, la
on
de la France ayant été très substantielle, environ 51 milliards. Quant a .
prêts divers, ils s'élèvent a près de 95 milliards de francs cfa. (1)
Avec tous ces prêts et dons, on assista au cours de la décennie (1960
1970) à des changements structurels tant au niveau secteur public que du s c-
teur étranger :"La croissance de ce dernier secteur fut p~ticulièrement f ap-
pante. L'industrie et les transports se développèrent plus rapidement que
la
1
production globale. De pl~s, la croissance de l'agriculture paysanne a en
f-
fet créé un marché intérieur suffisamment large pour que la fabrication de sub·
stitution à l'importation devint profitable. On commençait à transformer s
place les produits agricoles: les productions des nouvelles plantations,
10 -
tamment l'ananas, nécessitaient l'installation des conserveries, et on con1ta-
ta aussi des progrès au niveau du traitement des récoltes traditionnelles
It
de la préparation des bois d'exportation"(2).
(1) Selon l'exposé du Ministre de l'économie et des finances, il a été acc
dé à la Côte d'Ivoire entre 196(: et 1970 des prêts importants qui se décom
sent comme suit
-La Banque mondiale : II milliards de francs cfa.
-1,2- Communauté européenne
- Fonds Européen
de Dévelop pement
et
Banque Européenne d'Investissement (B.E.I.) : 4 milliards de francs
-La Fr~ce : 31,3 milliards de francs cfa.
-L'Italie 14,0 milliards pour le projet de San Pédro.
-Les U.S.A.
: 13,2 milliards dont 9,7 milliards de l'Export Import B
pour le projet de Kossou.
-La République fédérale d'Allemagne: 9,5 milliards.
-Israël : 900 milliards.
-La Development Bank du Liban : l milliard.
Quant aux dons, il faut également mentionner ceux du F.E.D.
23 mill".!
ds
de la République fédérale d'Allemagne: 5,8 milliards.
(2) Georges H. Lawson : aPi cit. page 211.

-111-
Déjà en 1964, on
pouvait enrégistrer au moins l 200 sociétés par ac-
tions. Plus de 90'7~ d'entre elles avaient des directeurs locaux étrangers. ),i.l.
1
même moment, on pouvait dénombrer 50 directeurs ivoiriens.
Le rôle joué par le secteur des entreprises étrangères était très impc 1"-
tant dans la mesure ou celles-ci renforçaient considérablement toutes les ~ -
tivités économiques du pays. Le tableau ci-dessous montre leur part élevée
e
la production totale.
Product.tot.
Production
des sociétés
Secteur
Valeur aj.
I.Agriculture et éle.vage
43,400
48,500
0
(
dont production de substance
06,000)
2.Agriculture industrielle
35,090
38,182
3,410
6~
et d'exportation
3.Bois
10,200
17,000
16,500
5'
4. Pêche::'ies
1,590
2,388
2,208
1~
5.Mines
1,153
1,600
1,600
II:
6. Industries dont :
22,577
42,644
31,194
25~
Industries alimentaires
4,403
9,940
,
8,590
4E
Huileries végétales
1,523
4,024
3,443
1:
Textiles
2,582
5,912
4,127
II:
Bois
2,930
5,600
5,300
6c
véhicules
3,006
5,465
1,455
2l
Industries légères
2,863
5,531
4,374
4c
Autres industries mécaniques
870
1,790
1,540
4'
Services publics
4,400
4,382
2,365
t
7. Bâtiment de travaux
1
10,780
24,969
16,434
14<
1
8.Commerce
17,251
87,751
75,000(est)43
9. Transport
10,528
17,785
-
12
IO.Autres services dont :
10,350
12,250
-
II
Hôtelerie
-
2 1
Banques
-
31
Autres
-
6
II. Valeur ajoutée par l'adminis-
tration
'1
32,600
Produit intérieur brut dont
249,500
mécanique, matériaux de construc-
tion, chimie, cuirs, plastiques
source: Bulletin Mensuel de Statistique, Ministère des finances, des Aff~ -
res economiques et du plan, 3e trimestre 1965; Abidjan.
- - - - - - - - - - -

-112-
A la fin de la décennie, le répartition des masses budgétaires total
se présentait comme suit:
10% pour le développement agricole.
·24% pour l'infrastructure et le développement économique.
15,5% pour l'enseignement et la formation.
8,5% pour le développement sanitaire et social.
24% pour l'animation économique, sociale et culturelle à travers
s
administrations •
.c-L
Devant tous ces chiffres, les autorités poli tÜJ,ues du pays ont sauLi
é
fortement l'originalité du libéralisme économique et vanter les mérites d
l'ouverture sur l'extérieur. Toutefois, elles n'ont pas manqué d'affirmer ,ue
"le développement économique constaté pendant la décennie a non seulement
ro-
voqué des mutations dans la société traditionnelle, mais a-~tégénérateur_d ter
sions et de déséquilibres. Les problèmes majeurs créés par un tel dévelop
ment ont trait à un certain nombre d'éléments: (1)
-L'inadaptation du système éducatif
-L'exode rural et le chômage urbain
-La pénurie de cadres techniciens;
-Les disparités régionales ;
-Les insuffisances du système de distribution ;
-L'insuffisante partipation des Ivoiriens en hommes et capitaux a
dé-
veloppement des secteurs critiques de l'économie que sont le corr~erce, l"
dus.
trie et les transports.
Ces remarques sont selon nous fort justes et ne peuvent surprendre p
sonne. Cela était prévisible dans le cas dtun développement qui se voulai
li-
béral. Il devait en résulter autor.mtiquement un bouleversement 'très prof'on
de:
structures économiques et sociales: localisé dans certain6s régions ou ce l -
taines activités, il devrait logiquement donner naissance à des écarts im Jr-
tants de revenus et de niveaux de vie entre les zones et les secteurs en . ~ie
de modernisation (le sud, par exemple) et ceux qui restent attachés à un
dde
de production plus traditionnel (le nord ou les milieux ruraux).
Il était donc normal que l'on aboutisse donc sur les conséquences so
i-
gnées plus haut. Par exemple, en ce qui concerne les disparités régionales ilv
de soi quèl'écart se creuse de plus en plus entre le nord et le sud sur Pl'-
1
sieurs plans lorsqu'on se trouve dans un régime de libéralisme économique.'
Qu'est-ce à dire?
(1) Ve Congrès du PDCI, op. cit. page 12].

Croissance du Produit National Brut, ~lobal et par habitant.
(Période 1960-1971
Population
Produit national
Taux de
brut
croissance
Pays
en
T. de crois-
en
par
Total
Par hab.
milliers
sance
milliers
habitant
%
96
Côte d'Ivoire
5.297
. 3 %
1. 730
330
7,7
4,6
Ghana
8.856
2,4 96

Nigéria
l"'\\
H
Sénégal
~
Cameroun
Congo
Gabon
-
Source
Atlas de la Banque Mondiale 1973.
~~"""'~..,.~~""''''''''''''''~~~'""''''''~~
"i5'+ ~
'::Zt!~~'
. -- -~.
~-

-II4-
Le sud du pays qui s'ouvre sur la mer a joui le premier de l'implant
tion d'une économie industrielle à l'époque coloniale. Le secteu~ moderne '/
large domination étrangère est venue se superposer très tôt aux structures
sociales et économiques traditionnelles. La présence de la Capitale qu'éta o \\
auparavant Abidjan a accentué la modernisation du sud par rapport au nord,
é-
gion de savane, parfois aride à l'opposé du premier qui est très fertile.
système libéral sera donc plus fonctionnel au sud, ce qui tend à amplifier
es
disparités régionales.
Ainsi après les dix
années
qui ont suivi l'Indépendance, la Côte d
voire s'est vue dans la nécessité d'adopter de nouvelles stratégies dans l
ca-
dre du développement économique.En cherchant à atteindre l'inàépendance éco
que par la libération du commerce et la diversification agricole, elle com
it
qu'elle se trouvait dans une certaine contradiction difficile à résoudre, ' sa-
voir que le financement externe de son développement
sacrifiait automatiq
ment son pouvoir de décision au profit de l'étranger.
-L
La seconde décennie va-t-elle être un tournant décisif dans
le but d
1
rectifier le tir? C'est ce que nous allons essayer de voir.
I~[
D'entrée de jeu, le Ve Congrès a réaffirmé en 1970 l'option en faveuru
1.
r'-
libéralisme économique et de l'initiative privée tant nationale qu'étrangèr
(1:
i '
l
Les objectifs définis par la Loi-Plan de 1971-1975 étaient les suivants: (,)
-la poursuite d'une croissante forte,
-l'accroissement de la participation des nationaux à l'activité é 0-
nomique,
-la réponse aux aspirations des citoyens ivoiriens par leur promo
tion individuelle et collective,
On peut examiner les progrès de la production selon différents secteurs
:
Il Au niveau du secteur primaire, la production intérieure brute a augl
menté en francs courants de 14,8% par an en moyenne de 1970 à 1974. La prod c-
tion de l'ensemble du secteur industriel, y compris l'artisanat, est passée Ide
143, 4 milliards F.cfa
1970 à 324,5 milliards en 1974 • En défin~tive, sel n
le rapport de la commission du Ve
congrès du PDCl, "la production intérieur 1
brute en francs courants a augmenté au rythme moyen de 19,7% par an de 1971 à
(1) VIe Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire - 15-16-17 octobre
1975, Fraternité HEBDO, page 182.
(2) VlleCongrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, 29 et30 septembre,
octobre 1980, Fraternité HEBDO, page 153.

-II5-
1974. Ce taux est particulièrement élevé mais reflète une forte hausse des
prix, car la croissance en termes réels a été de 5,S % en 1973 et de 6 % e
1974, ce qui correspond au taux fixé par l'ONU pour la 2ème décennie du dé
loppGme~t.
Dans le même.temps, le produit intérieur brut passait de 440,1 millia
s
en 1971 à 742,2 milliards en 1974.
Sur le plan du commerce extérieur, les exportations correspondaient à
36,4 % de la Production Intérieure brute tandis que les importations comp-
taient pour 29,5 % . Cette augmentation sensible de la part prise par le c
merce extérieur atteste une fois de plus la grande dépendance de la Côte d' -
voire 8 l'égard de l'étraÏ~er. 1e désavantage de cette dépendance se situe
u
niveau des importations qui posent tout le problème de la dégradation des
r-
mes de l'échange.
Les exportations auraient permis d'améliorer la situation, mais elles
étaient très vulnérables sur deux points : "D'une part eiles comprenaient'
raison de SO ou 90 % des produits primaires dont la plupart n'étaient
pas
exportés en quantité comparable par d'autres pays et n'étaient pas l'objet
d'accords internationaux effectifs ; en conséquence leur offre globale sur
le
marché dépassait périodiquement la dem~llde, et les ~prix s'effondraien
D'autre part, comme les revenus de chaque pays africain n'étaient en génér
dûs qu'à un petit nombre d'exportations, une dépression du marché d'un pro
duit majeur pouvait entraîner des tensions très. fortes sur la balance des
paiements, sinon sur l'ensemble de l'économie "(1).
L'augmentation des importations était due à la diversification des cli nts
et des fournisseurs, la France étant concurrencée désormais par de nouvea
pays qui vont
permettre à la Côte d'Ivoire d'obtenir d'autres sources de
nancement,donc d'alourdir sa dépendance vis-à-vis de l'extérieur.
Pendant cette période (1970-1974), tout le commerce extérieur
continuait d'enrégistrer une augmentation progressive des tnnnages et des v -
leurs, une augmentation des prix.
Au niveau des activités bancaires et monétaires, il faut noter le rôle
primordial joué Far laBanque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest, d"
e
(1) John D. ESSEKS
op. cit. page 343.
~ 1

-II6-
part, sur le développement de l'implantation des banques dans le pays et
es-
sai d'ivoirisation des capitaux et des agents de nombreuses entreprises d
secteur, d'autre part.
La Côte d'Ivoire comme les autres états africains va bénéficier des f
i-
lités de la BCEAO à l'intérie~ de l'Union Monétaire de l'Ouest Africain
UMOA. Alors que la BCEAO se constitue en "autorité publique internationale
ayant le monopole de l'émission monétaire pour l'UMOA, celle-ci reste le c -
dre dans lequel les Gouvernements des pays membres procèdent à des réforme
incessantes visant à un élargissement et une élévation du rôle de la Banq
Centrale.
Mais pour mieux marquer la dépendance des Etats affiliés à la BCEAO,
a
1
France reste toujours très associée à l'UMOA en continuant à garantir la l'bre
convertibilité du franc CFA à des taux fixes, sous la forme d'un découvert lil-
limité consenti par le Trésor français à la BCEAO sur le compte d'opératio s
en francs de l'UMOA.
Ainsi fortement contrôlée par la France, la Côte d'Ivoire voit tout d
même la liquidité de son économie, c'est-à-dire le rapport de la masse mon -
taire au produit intérieur, se maintenir entre 1970 et 1974 au taux annuel Ide
30 %. (1). En outre dans l'évolution de ses paiements extérieurs, la Côte
'1_
voire a connu successivement :
-Un excédent commercial constant :
-De 1969 à 1973, un excédent annuel moyen de 20,9 milliard
de
Francs cfa.
-En 1974, un excédent de 53,7 milliards.
-Un déficit croissant des services
augmentation à 40 milliards
n
1974.
-Un déficit de la balance des biens et services.
-Un solde négatif des transferts
environ 15 milliards en 1973
1974 contre 5 milliards en 1971.
Si la première décennie de' son développement -1960-1970 - s'est effec
tuée sans heurts notables, il va sans dire que la Côte d'Ivoire va connaît
dans la seconde décennie, des perturbations
importantes que nous_ signale
fi
1.
,
1
(1) Ve Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, op. cit. pp. 184-1.5.
~

-117-
plus haut les différents déficits.
A la fin de 1974, le prix du développement économique de la Côte d'1
re se solde par une dette extérieure de 255,9 milliards,
ce qui amplifie
core sa dépendance. Devant
un tel chiffre, les autorités politiques du p \\ s
ont franchement exprimé des craintes sur la fragilité de l'économie ivoir
ne, ses faiblesses. Elles ont même soulïgné les déséquilibres de la produ
agricole, la faible intégration de l'industrie, la structuration insuffis
te du secteur commercial, l'exaspération des disparités régionales, le ry
e
d'ivoirisation des cadres trop modéré, l'instabilité de l'équilibre des f
ces extérieures et enfin la mauvaise mobilisation de l'épargne nationale_
En dépit de ce bilan assez inquiétant, la résolution du 6e Congrès d
-t PDCI-RDA réuni les 15,16 et 17 octobre 1975 à Abidjan réaffirme son opti
en faveur du libéralisme économique et de l'initiative privée (2). Se con
n-
tant des résultats assez globaux, les me~bres d~ C~?grès n~t~~ent que,
!
la croissance globale de l'économie ivoirienne a été satisfaisante, attei
n
gnant un niveau élévé (6 % par an en termes réels).
,
1
..
Quoi qu'il en soit, force est de reconnaître que la dépendance de la
0-
te d'Ivoire lui a tout de même permis de connaître un minimum de prospéri ' •.
expansion de son marché interne par suite des investissements étr~~gers,
e
monétarisation élargie de ses secteurs et zones d'activité :"Elle a forte
nt
contribué, déclare E. Y. - A. Fauré, ··à la croissance soutenue de la Côte d' voi·
re et , en dégageant des ressources, elle a donné la possibilité au systè
politique de résoudre des problèmes, des crises, des tensions, indépendan
de
l'expansion ou créés par elle (3)". Soit. Mais il ne faut pas oublier que
l'économie du
pays comportait un ensemble ~e faiblesses et de handicaps
i
ne lui permettaient pas d'accéder à un développement assez autonome, l'op
que de départ. Elle était très vulnérable parce qu'elle a hérité et maint
une vision colonialiste d'organisation, à savoir que la Côte d'Ivoire ét
considérée comme un pays à "vocation agricole", comme le grénier naturel
matières premières agricoles nécessaires au développement des pays indust
alisés • (4)
(I)VIe Congrès du PDCI, op. cit. page 185.
(2)Ibid. page 186.
(3)Y.-A. FAURE et J.- F. MEDARD: Etat et Bourgeoisie en Côte d'Ivoore, op. dé-
jà cité, page 35.
(4~NGOM N'Goudi : La réussite de l'intégration économique en Afrique Noire
Presence Africaine, 1971, page 9..
'
!
1;i

-II8-
Les constats à la fin des années 1974-1975 sont les conséquences de
'hé-
ritage colonial. Même si la conjecture de la période qui débute vers 1970 )
quait déjà une forte croissance économique, il n'en demeure pas moins que
limites commençaient à se dévoiler doucement.
C'est ainsi qu'à juste
on a pu déceler d'autres traits assez négatifs du pays: (1)
-trop grande
sectorialisation des actions de développement not
ment agricoles,
-système d'encadrement rural trop dense, onéreux et peu éducati
qui favorise une mentalité d'assisté et conduit à la passivité,
-exode massif des jeunes vers les villes entraînant une
perte
s
forces productives et novatrices.

Mais il Y a plus. Certes la Côte d'Ivoire a réussi ju~~u'en 1975 à co
a~-
tre un
certain
succès économique. Cependant t ce succès masque des inéga
tés certaines entre les diverses couches de ses populations, malgré les p
ques à la fois de croissance économique et de redistribution des revenus.
n
peut alors à bon droit se poser la question de savoir à qui profitait réel e-
ment cette relative "croissance dans la dépendance"? Cette question est d' m-
l
portance. Nous y reviendrons ultérieurement dans nos réflexions
personnel es.
l
Mais en attendant t sans les approfondir, reconnaissons que cette croissanc
jadis appelée "miracle ivoirien" ne pouvait pas faire disparaître les inég1li-
1
~ tés ou du moins les atténuert à cause de l'idéologie capitaliste qui sous- en-
dait l'évolution économique de la Côte d'Ivoire.
li"1
Les dirigeants ivoiriens, au seuil de 1975, malgré leur parti pris de li-
II
béralisme et d'ouverture sur l'extérieur, se rendent sans doute compte de
er-
tains inconvénients de leur choix. Dans les diverses recoü~andations, ils
ont
prendre de nouveaux engage~ent~
pour prévenir certaines situations malen1on-
treuses àu cours du quinquennat à_yenir (1976-80).11 fallait en tout cas r1n-
1
~
forcer les objectifs déjà définis par la Loi Plan de 1971-1975 (2). Ces ObJec-
tifs étaient ceux d'une croissance économique forte assortie de la partici a-
1
"
tion accrue des nationaux à l'activité économique t de la promotion de l'ho
e
ivoirien et d'une meilleure adaptation de l'appareil économique, culturel
social pour répondre à ses aspirations (3) . Ces grandes options devraient
er·
mettre d'atteindre, selon le plan quinquennal, "le bonheur de l'homme ivoi
en. (4).
(I)Social t nO 2, op. cit. page 99.
(2)Cf. page 103.
(J)VIe Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, op. cit. page 76.
(4)Plan quinquennal de développement économique t social et culturel de la
Côte d'Ivoire: 1976-1980. Volume 1, Ministère du plant page 63.
f:
1 1

'-II9-
"L'expérience de l'évolution de la Côte d'Ivoire au cours des
er-
nières années, est riche d'enseignements. Elle peut être caractérisée d'
seule expression: croissance sans développement,
c'est-à-dire croissanc
en-
gendrée et entretenue de l'extérieur, sans que les structures socio-écono
ques mises en place permettent d'envisager un passage automatique à
ultérieure, celle d'un dynamisme autocentré et auto-entretenu "(1).
s'exprimait Samir Amin à propos du développement de la Côte d'Ivoire de l
0 à
1975. Comme on peut le constater, son étude s'est achevée sur une
le
moins déconcertante. Doit-on se rallier aux arguments évoqués par
teur pour demeurer dans le pessimisme?
Que nous apporte
le quinquenna
qui
va suivre ?
En effet, de 1976 à 1980, le taux moyen de croissance du Produit Int
rieur Brut a atteint 7,8 %. Cette croissance est due en
Partie aux expor
tions qui ont progressé plus rapidement que ies années précédentes (5,6 %
an en volume au lieu de 4,8 %.
Dans la même période, le taux moyen de croissance du secteur primaire a
encore enrégistré une progression par rapport au quinquennat qui vient de
ou-
cher a sa fin. On note + 4% par an avec une production de 492 milliards de F.
cfa. en 1979 au lieu de 240,9 milliards en 1975.
Le secteur secondaire a connu aussi une certaine progression puisque .a
production exprimée en francs courants est passée de 181,2 milliards F. c
en
1975 à 428,6 milliards F. cfa en 1979.
La dépendance continue de la Côte d'Ivoire vis-à-vis de l'étranger s' st
surtout caractérisée au cours des cinq années par une forte progression 0
er-
vée au niveau des importations (12 % en moyenne sur ladite période.). Les J u _
torités ivoiriennes recorillaîtront franchement que
la forte croissance de
es
importations a empêché la politique de développement de l'industrie de sub ti-
tution d'atteindre les effets escomptés sur la période (2). Leur aveu est
e
taille, puisqu'elles iront jusqu'à dénoncer les maux qui frappent l'indust ie
ivoirienne, à
savoir:
-non compétivité des produits ;
-mauvaise politique de distribution des sociétés commerciales
-fraude.
(1) Samir Amin, Le développement du capitalisme en Côte d'Ivoire, Editions de
Minuit, Paris 1978, pp. 280-281.
(2) VIle Congrès du Partie Démocratique de Côte d'Ivoire, op. cit. page 15

-120-
A propos de la non ··compétivi té
des produits, le rapport officiel so
gne avec regret, la dépendance profonde de la Côte d'Ivoire vis-à-vis de l
térieur en ce qui concerne surtout l'énergie, le
financement, la technolo
Quant à la mauvaise politique de distribution, il est mis un accent partic
sur le rôle dominant "des grands groupes commerciaux, souvent actionnaires
joritaires qui imposent un système compliqué et exclusif"(I).
Au niveau des autres activités économiques,il convient de noter en pa
i-
culier le renforcement des structures des banqllp.s et de la Banque Centrale
On
a assisté à l'augmentation des banques agréées à travers tout le pays. En
80,
on pouvait dénombrer 20 banques au lieu de 9 en 1975. "Le dédoublement du
m-
bre des banques s'est accompagné d'un accroissement très sensible du résea
des agences à l'intérieur du pays, qui dépassent 160 en 1980"(2).Mais ce n
st
pas tout. Car le système bancaire a connu un certain ralentissement
à
1979 bien que les dépôts publics soit passés de 50,6 milliards de F cfa en
1975 au chiffre record de 184,3 milliards de F cfa en 1977.
Il convient par ailleurs de souligner que , sur les quatre premières
nées d'exécution du Plan Quinquennal 1976-1980, les dettes extéieures ont
r-
tement augmenté. Ainsi au 31. 12.1979, la dette publique:t~ts.le·~xt'értelD"e'a
teint 969,6 millairds de F cfa, soit trois fois le niveau de l'année 1975
(326,8 milliards de F cfa) et sept fois celui de l'année 1971 (136,4 milli
ds
de F cfa), ce qui est déjà près de la côte d'alérte.
Mais le plus remarquable a été la partipation modeste des privés ivoi
riens aux fonds propres du secteur moderne de l'économie. En effet, à
de l'année 1978, cette participation s'élévait à 7,3 % du total de ce mode
e
financement. "En nombre d'entreprises, la présence ivoirienne privée est n
tement plus sensible, puisque, sur les 2 070 unités agricoles, industriell
de commerce et de service enrégistrées à la Centrale des bilans, 781 (soit
près de 38 % font l'objet d'une participation financière ivoirienne "(2).
l
Le secteur privé ivoirien réussissait ainsi timidement à contrôler en
ar...!
tie certains éléments de l'économie nationale. C'est ce que nous proposons
e
montrer avec le tableau de la page suivante :
(1) VIleCongrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, op. cit. page 155
~2) C. De Miras: L'Entrepreneur ivoirien, in
Etat et Bourgeoisie en Côte
d'!voire, op. cit. page 204.

-121-
Contré>le de l'économie nationale moderne par le secteur
privé ivoirien.
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73 403
32 B24
10 044
l 535
360 577
172 539
22 71,
B :7,34%
II,B6%
4,6B%
7,65%
4 ,2B9~
15 ,2B~b
32,52%
6 ,B3~
A : Valeur absolue contré>lée en millions de francs CFA.
B:
Pourcentage contrôlé.
Source: C. De Miras, op. cit. page 20B.
Il convient toutefois
de préciser ce contré>le. Car, quoi qu'il en sc t
un cinquième des entreprises à participation ivoirienne était
déficitaire.
C'est ce que note d'ailleurs M. De Miras en déclarant en supplément que les
n
treprises ivoiriennes étaient souvent confiées à des cadres expatriés, recon us
pour leur gestion rigoureuse et efficace (1):.
En considération de toutes ces données, on peut avancer que les entrepr,-
ses dites ivoirisées ou ivoiriennes dépendent encore du pouvoir de décisions des
expatriés
Qui, on le sait, en assument avec autorité toute la direction. Da s
1
ces conditions, doit-on parler d'un-contrôle véritable de l'économie nations e
par le secteur privé ivoirien? Telle est la question (2).
Devant les insuffisances de l'ivoirisation de l'économie, les responsab es
du pays ont eu l'idée d'élaborer une chartre, la Chartre
de l'ivoirisation
qui verra ses dispositions adpotées en I97B. Elle concernera fondamentalemen
les emplois et les capitaux.
Au niveau des emplois, les difficultés économiques qui apparaissaient d'ja
au seuil de l'année BO, ont rGlenti l'évolution des emplois à tel point que la
(1) C. De Miras, op. cit.
page 204
(2) VIle Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, op. cit. page 161
' - - - " - - - - - - - - - - -

"
-122-
Aperçu général du contrôle de l'économie nationale par les princi-
paux partenaires économigues (en millions de F cfa) .
!
Capital
Valeur ajoutée Immo bilisàtions
Capacité
nettes
bénéficiair
Privés
ivoiriem
22 910
7,34%
73 403
II,86%
32 824
4,68%
10 044
7, 5""1"
Français
83 225 26,67%
282 859
45,72% 129 715
15 ,647~'
54 467
41, 7
1
%'
Etat
145 349 46,59%-
146 421
23,89% 562 880
67,17%,
43 984
33, 19%
.
Nota Bene
En ramenant le capital à l'indice 1 pour chacun des parte-
naires, (cf. le dernier tableau de cette page) on constate que les différez: 's
agrégats ne représentent pas la
'"
meme importance pour chaque agent.
Résultats
Chiffres
Exportation
Importatic 1.
nets
d'affaires
Privés
ivoiriens
1 535
4,28%'
360 577
15,29%
72 532
32,58%
22 746
6 , 3'"1-'
1
Français
7·960 50,11%.
1 073 901
45,52%
POO 511
37 ,7%
165 881 49, 3'7:
Etat
9 640 26,8~.
440 228
18 ,651~'
61 603
II ,61~~
74 589 22, JO'::,
1-
-
-Contrôle de l'économie nationale Dar les Drincipaux partenaires écone
migues( indice).
! I l - - ! I l
1
s:::
s:::
1
..-l
!Il
!Il
0
0
..-l
'<Il
al
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ro <Il
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..-l
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al
al
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0.
0.
al
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H
~l::
o '<D <D
~ s:::
0 -
~
e
0
> al
P
~
'0
~
H
Privés iv.
1
1,61
0,63
1;04
0,58
2,08
4,43
0,93 1
.
Français
1
1,71
0,58
1,55
1,87
1,70
1,41
1,86
Etat
1
0,51
1,44
0,71
0,57
0,40
0,24
0,48
11
1
1
Il
l ! Source : C. DE MIRAS, op. cit. pp. 210-211.

-I2J-
part des nationaux dans les emplois salariés s'est avérée faible. Déjà en
75,
les statistiques officielles révélaient que "la part des emplois occupés p 1
1
les Ivoiriens pour l'ensemble du secteur moderne privé n'est encore que de: i 7%.
Les Africains non ivoiriens occupent également 47% des emplois et les non- \\ ri-
cains 6% (1). Jusqu'en 1980, les résolutions déjà prises pour améliorer la
i .
tuation de l'ivoirisation des emplois salariés n'ont pas atteint leurs obj
tifs. Un certain nombre de problèmes n'étaient pas encore près d'être réso
s,
à savoir
-l'accroissement du rythme de création d'emplois
en
milieu
bain;
-la promotion de l'emploi des nationaux;
-la recherche d'une meilleure adaptation
qualitative de l'offre et
e
demande d'emploi;
-la modération et la réorientation de l'exode rural;
1
-la recherche et l'expérimentation de modalités de partage de l'emp
i
1
II
disponible;
Ir
-la recherche d'une humanisation des conditions de travail (2).
1
1
i~
Par ailleurs, toujours dans le cadre de la politique d'ivoirisation,
part des Ivoiriens dans le capital des entreprises privées (sujet déjà abc
dé plus haut) entreprises contrôlées par l'étranger,est encore faible -: 45-
au
JO septembre 1980. Tout cela signifie que pendant deux décennies, le gouve
e-
ment de Côte d'Ivoire est arrivée à
peine à corriger les effets de la disc i-
l
mination entre entrepreneurs expatriés et les hommes d'affaires ivoiriens.
l
avait visé au départ l'idée d'offrir aux Ivoiriens la possibilité et les mo ens
matériels de devenir des capitalistes florissants comme l'étaient les étran I·ers
européens. Mais l'esprit du libéralisme a empêché d'arriver à ce but. Ceci 1-
tait très prévisible, dans la mesure où les investisseurs étrangers bénéfic"-
ant du droit de rapatrier leurs profits presque sans limites, d'employer àe 1
étrangers aux postes de direction, ainsi que d'autres libertés r&ppelant 1'"-
l
poque coloniale, livraient une véritable bataille "aux couteaux" à l'endroi
l
des entrepreneurs ivoiriens. Une pareille compétition risque ainsi de compr -
mettre l'avenir de la politique actuelle pour l 'Indépendance économique à l
terme, Et celle-ci-qui
est
tant viSÉe,'
tant voulue, tant souhaitée,s ,ra
irrémédiablement compromise si les entrepreneurs étrangers ne s'alliaient pis
(I)YIle Cong~ès du PDC~, op. cït. page 161_
(2)Plan quinquennal, op. cit. Volume III ,page 552.
1
1

-124-
Evolution globale
de l'économie ivoirienne depQiB 1960
Année
Produit
Population
Prod. intér.
intérieur brut
(milliers
brut par
(millions de
d'habitants)
(F.CFA)
F. CFA)
1960
142.615
3.735
38.183
1961
161. 422
3.840
42.037
1962
168.350
3.945
42.674
1963
197.810
4.050
48.842
1964
239.675
4.165
57.545
1965
239.586
4.300
55.718
1966
257.975
4.430
58.234
1967
275.681
4.560
60.456
1968
326.468
4.765
68.514
1969
365.568
4.940
74.002
1970
415.326
5.115
81. 138
1971
440.074
5.264
83.600
1972
472.480
5.960
79.275
1973
565.267
6.200
91.172
1974
738.661
6.460
114.344
1975
834.545
6.720
124.200
1976
L 113.957
7.022
158.640
1977
1. 582.472
7.600
210.996
1978
1. 727.360
7.940
234.104
1979
1. 937.251
8.230
257.312
Source
La Côte d'Ivoire en chiffres. Edition 79-80. Société Africaine
d'Edition, page 30.
1

-125-
aux intérêts des entrepreneurs ivoiriens.
Après ce survol assez rapide des activités économiques du paY8, le mo·
ment est venu de conclure tout en livrant des impressions personnelles.
o
o
0
-Réflexions générales
et Conclusion -
Durant ces deux décennies, force est de constater que la Côte d'Ivoir
a été incapable de freiner sa dépendance économique. Elle a continué &dép
dre de l'étranger pour l'essentiel de ses équipements productifs et de ses
équipements intermédiaires, au niveau des importations et des exportations. Il
est à craindre que cette dépendance
continuera
à se maintenir dans l'av -
nir d'autant plus que l'étranger contrôle et finance toujours l'économie du
pays.
La politique d'ivoirisation n' a pas donné tous les espoirs escomptés. El-
le aurait sans doute entrainé~- la consolidation des régions, un sens plus a gu
de l'identité nationale et un contrôle plus serré de la décision économique 1
permettant é~entuellement de progresser vers une autonomie croissante de lall
~l production nationale. Mais de peur de tarir les flux de capitaux étrangers e
f
de réduire la capacité des entreprises à s'autofinancer, les autorités poli o
1
" _
ques ont préféré adopter une politique de coexistence avec le secteur étra
r.
Une telle attitude constitue parfois un outil à double tranchant. outre les
vantages que cela permet au niveau des investissements
et du développement
d'entreprises nationales à l'aide de crédits, d'aides techniques à la
il est difficile d'ivoiriser les emplois par exemple aussi rapidement
permettraient les qualifications acquises par les Ivoiriens.
Toute l'évolution économique de la Côte d'Ivoire n'a pu échapper à deux'
contradictions principales
: D'une part, dans sa recherche de l'indépendanc

-126-
économique, elle a dû sacrifier au maximum la tendance vers une plus gran
autonomie de sa production. D'autre part, la politique mesurée d'imPortat· 1 n
,
pour mieux renforcer l'indépendance est souvent contrecarrée par les POUy :rs
de décision des prêteurs étrangers.
Aujourd'hui, après 25 ans d'Indépendance dite nomminale, il reste be
coup à fairG. La recherche de l'autosuffisance en de nombreux domaines, l
recherche d'un rééquilibrage économique entre les régions et la lutte cont e
les disparités existant entre les régions de forêt et celles de savane, to t
cela demeure encore dans l'insuffisance.
Il faudrait que la Côte d'Ivoire essaie_~intenant de reviser sa stra
tégie de développement. En effet, l'héritage colonial pèse encore sur tout
sa structure économique. Elle subit jusqu'à présent une dépendance économi
e
multiforme, dont un aspect décisif était qu'une partie majeure des biens cl -
sommés ou investis éta~
importé.• Avec la concentration de ses importat' ns
sur la métropole, avec la dégradation continuelle des termes de l'échange.
la vulnérabilité de ses exportations, il est difficile que le pays s'échapJ
à court terme de l'étau impérialiste. Pendant longtemps les autorités poli
ques ont misé sur le libéralisme économique sans chercher à l'adapter aux
contextes réels du pays.
Cette idée de libéralisme semble se nourrir des anciennes révendicati
s
II
adressées auX pays colonisateurs vers les années 1945-I946 t au . moment
li
i'
des luttes pour l'application du principe fondamental du droit des peuples
disposer d'eux-mêmes. Le député Houphouêt-Boigny et ses alliés avaient po
ob·
jectif essentiel la satisfaction des aspirations de liberté
et d'auto-dét
mination de l'Afrique encore dépendante. Toutes leurs préoccupations vont
fondre raàicalement dans la recherche effrénée de l'autonomie et de la libe té.
Le RDA (Rassemblement Démocratique Africain), le parti d'aubédience contine -
tale ayant une large assise populaire, sera le porte-parole des révendicati,ns
africaines, à savoir
-Egalité des droits politiques et sociaux.
-Liberté individuelle et culturelle.
-Union libtement consentie des populations d'Afrique et du peuple de
France (1).
(1) Archives Nationales de la Côte d'Ivoire, document reproduit par Eburnéa
1
nO 16 du 7 Août 1968, page 12.
1
1
i

-127-
Le RDA sera par ailleurs défini comme "un mouvement de tolérance : t
é-
rance à l'égard des intérêts divers, qu'ils soient étrang~rs ou non. Il s
git pour M. Houphouêt-Boigny de placer la tolérance au-dessus de tous les
tèmes, parce qu'en définitive~ ces systèmes eux-mêmes ne peuvent exister
surtout coexister que si un état d'esprit les précède qui garantisse préc' é-
ment leur possibilité d'être ce qu'ils sont "(1).
La lutte contre le colonialisme amène ainsi les responsables de Côte
'I-
voire à mettre en avant le thème de tolérance qui, du coup, ouvre la voie
e
liberté, d'autonomie, d'autodétermination, d'indépendance, de laisser-aIle
ou
laisser-faire. D'où l'évocation du libéralisme en matière de développement éco·
nomique. Et pour faire triompher cette doctrine à l'aube de l'Indépendance
lef
dirigeants ivoiriens ont eu incessamment recours à certains thèmes conçus
om-
me des thème'
"universels", à savoir: thèmes de dialogue et de coopératio l, dE
paix et de !raternité, d'union et de développement.
Comme on peut le voir, les autorités ivoiriennes manipulent ici des s 1 _
boles destinés à fixer les identifications afin de mieux maintenir la doci, té
et la mobilisation des masses. Les thème's
que nous venons
de survoler sero
sans cesse réactivés
à travers tous leurs discours (2).
A la vérité, nul doute que ces thèmes sont idéologiques, dans la mesu
où ils réinterprètent en les travestissant les conditions du bien-être, du
é-
veloppement général du peuple ivoirien. Ils montrent une coupure radicale e -
tre la théorie du progrès et la réalité sociale. Ces thèmes semblent trans 'r-
mer tous les problèmes autonomes, théorisés dans un système idéal. En feign nt
de traàuire les intérêts précis en termes à'intérêts généraux et universels
ils ne font qu'idéaliser les fonctions des responsables politiques en place
Socialement et économiquement, ces thèmes ont un accent conservateur; ils
é-
fendent en gros et avec fermeté, la propriété privée et s'opposent ainsi à
l'esprit dit "socialiste". Et plus est, ils se fondent dans le rationalisme
sommaire issu des anciennes déclarations des maîtres colonisateurs. Ainsi l
glissement de la pensée traditionnelle africaine vers une conception occide
tale de fraternité par exemple se heurte ici bel et bien à des difficultés.
t
pourtant, les responsables ivoiriens ne s'empêchaient pas de déclarer: "Po
affirmer notre volonté bien déterminée de réaliser l'émancipation humaine,
sociale dans la paix sociale entre les citoyens,
notre Parti a la prétenti
(1) Vile Congrès du PDCI, op. cit. page 70.
(2) A~SART Pierre: Idéologie'stratégie et Stratégie politique. In :"Cahiers In&
ternationaux de Sociologie, Vol. LXII - 1977, page 240.

-128-
de faire en sorte que nous donnions sa meilleure expres~on,
celle du li 'ra-
lisme, à ce que nous avons appelé: le Capitalisme d'Etat ••• (r).
Fondés donc sur la notion de tolérance, la plupart des thèmes qui pr \\ ent
d
b '
t
d
'
d
d
.
It ·
les vertus
u li eralisme met ent
u coup en exergu~ les idees
e mo ernlS
10r
d'expansion économique, de bonheur, d'égalité, de prospérité. On magnifie leau~
coup
l'avance de la bourgeoisie occidentale sans reconnattre tous ses asp cts
aliénants. Ici, aucun objectif social n'est proclamé B.vec plus de :force qu
Gelui de croissance économique. Et tout est mis au point pour atteindre ce te
visée. Certaines déclarations des autorités ivoriennes ne manquent pas de
prendre: "Nous réaffirmons, déclarait le ehef de l'Etat ivoirien,que les
ferts de capitaux hors de notre pays sont possibles, ainsi que d'ailleurs
le transfert d'une partie des bénéfices réalisés ••• La Cate
d'Ivoire deme -
rant dans la zone franc pour assurer son bonheur, nous attacherons à ce qu
le
franc cfa soit maint~nu à sa parité actuelle ••• Mais, je le répète, dans l' eu-
vre de développement économique envisagé, la place des initiatives privées ca-
pitalistes doit demeurer grande et mon Gouvernement pour les susciter et l s
encourager, continuera à leur assurer les faciJ_ités et les garanties prévu s
par la loi du 3 septembre 1959 (2).
En s'exprimant
de la sorte, M. Houphouêt-Boigny traduit indubitablem
t
toutes les préoccupations immédiates de la classe au pouvoir, la classe de :
privilégiés. C'est une "bourgeoisie politico-bureaucratique" très restreint
qui
représente moins de r % de la population. A la vérité, elle ne dispose pas
elle, d'un pouvoir économique réel. Elle est très liée aux firmes étrangèr
aux diplomates des pays occidentaux. Elle est agent actif du système capit
is-
te, réflétant tous les caractères d'une élite acquise à l'idéolgie de l'ex 10i-
tation. Elle représente assez nettement un prolengement pseudopodique du s
tè-
me capitaliste mondial. Cela signifie qu'elle est largement tributaire des
n-
térêts impérialistes dans le pays et qu'elle se trouve en situation de SUbo l -
dination à l'égard du capitalisme étranger. L'aide économique, militaire et
politique du capitalisme international constitue sa seule force. Mais il y
plus.
C'est une "bourgeois.ie poli tico-bureaucratique qui possède des moyens de
production et d'échange assez importants.Protégée par la doctrine du libéra
(1) Ve Congrès du PDC1, op. cit. page 72.
(2) Le Programme du Gouvernement: in : Le Président Houphouêt-Boigny et la
i
Nation ivoirienne, op. cit. pp. 178-181.
f'
1

-129-
lisme, elle développe toujours une économie axée entièrment sur l'esprit
pitaliste. Dynamisé par le PDCI, ce libéralisme empt.che curieusemp,nt les
ses ivoiriennes de jouir pleinement de leurs droits au
profit d'une bourg oi-
sie compradore qui, idéologiquement, se présente comme responsable de leu 1 des
tinées.
Le libéralisme économique auquel croient fermement les di~igeants de Cô-
te d'Ivoire apparaît selon nous comme un concept-clé de toute l'idéologie
'our-
geoise et impérialiste. Sa prétention à l'humanisme est en fait celle d'un
c l asse expl
.
01 t euse
d ont e Il e e x '
'-prlme pl us ou
.
mOlns
.
consclenunent l es .lnt ' ..1
ere s.
De ce fait, il est historiquement liw~té.
En effet, quand un pays sous-dé le_
loppé aspire sérieusement à l'indépendance économique et qu'il choisit po
cela
ce qu'on appelle: le libéralisme économique, le problème le plus ai
qu'il doit résoudre d'abord est celui d'une lutte pour les changements
conditions dans lesquelles sont investis les capitaux étrangers. C'est
que le plus souvent les capitaux étrangers contribuent moins à la réalisat
n
11
des plans nationaux. Rappelons qu'au cours des 20 années d'après-guerre, d'
1:
1945 à 1965, selon les données officielles du Ministère du Commerce des Et
s-
1.[
Unis, la comparaison de
la sonune exportée des Etats-Unis et celle des bén' i-
l'
ces et des intérêts reçus des investissements, montre que "l'exportation c.
1
pitale" pour le même pays de même que pour tout autre pays impérialiste
i-
fie l'attribution d'un revenu énorme, l'enrichissement sur le compte de
portation des peuples des autres pays (1). Cela veut dire que les pays imp
ia-
listes non seulement ne financent pas réellement le développ~ment
éconorni
e
des pays sous-développés, mais au contpaire, s'enrichissent à leurs dépens.
Tel est le caractère des relations économiques qui existent entre les pays
&-
pitalistes, d'une part, et les pays dits "en voie de développement", d'aut
part. Or au seuil de l'Indépendance, la Côte d'Ivoire sous la conduite inté es-
sée de ses dirigeants, était toute heureuse de donner libre cours au trans
rt
du volume des sommes du
Pays à l'étranger. Il fallait craindre que le rapa l
triement continuel des bénéfices commerciaux n'entraînât à brève~éohéance l
b~isse des activités économiques de la Côte d'Ivoire.
Par ailleurs, comme l'a bien souligné N'Goudi N'GOM, "les capitaux étr n-
gers se déplacent à la recherche du profit maximum de temps. Les capitaux e 1-
gagés dans les pays africains ne s'orientent que vers des activités qui perl
mettent une récupération rapide du capital et qui ne rapportent parfois rie
ii
,
,
r
au pays. A proprement parler, on ne peut esperer jouir pleinement des ~enéf
\\
Tl) Congrès International des Africanistes, 2e session, Dakar, 11-20, déce~
bre, 1967.

-1)0-
ces réalisés par les financements privés étrangers. En outre, les bénéfice
déclarés par les entreprises privées étrangères ne reflètent pas souvent l
réalité. En effet, chaque entreprise cherche à amortir le plus rapidement
ssi.
ble les capitaux investis. Les amortissements perdent ainsi leurs sene éco
ques et leurs calculs sont entachés de fraude afin de réduire autant que p
si-
ble les profits à déclarer, c'est-à-dire de payer le moins d'impôts possib
Ces bénéfices déjà réduits se trouvent encore profondément emputés par le
tant des'provisions qui servent, di-on, à la couverture des risques qui pè
sur l'entreprise "(1).
Comme on peut le constater, l'esprit d'exploitation est toujours prése t
dans la doctrine dite "libéralisme économique". Les entrepreneurs étrangers
à l'instar de la "bourgeoisie nationale", ne se soucient que de leurs profi s
et de leur satisfaction immédiate. D'ailleurs, tout capital étranger se lim'-
te souvent à une industrialisation qui participe rarement à la transformati n
i
de l'économie de traite.
~
Quoi qu'il en soit, le libéralisme économique en vigueur ne touche gue e
les classes défavorisées, tout au
moins pour en profiter le travail. Il te -
te de réaliser dans de nombreux cas la sortie des capitaux vers les pays ri
ches. Il accroît la richesse de la classe au pouvoir. Certes, au cours des
ux
décennies, il a permis en Côte d'Ivoire la multiplication des capitaux, la
croissance du revenu national et la part consacrée à la consommation des Iv
riens. Il a été par endroits un véritable stimulant au développement à tel
point qu'on a parlé parfois de "miracle ivoirien". Mais tous ces avantages
.n'ont pas exclu la dépendance renforcé du
pays. Au contraire, éelle-cf s'e
manifestée sous plusieurs formes
-Dépendance envers les pays fourni~seurs qe _ca.p~ talpC :
-D~pendance technologique envers les pays industrialisés, détente
de brévets, des équipements.
-Dépendance envers les pays qui font la loi sur les marchés mondi-
!
1
Il apparaît assez difficile de réaliser le vrai bonheur
des masses pop -
1
1
laires de Côte d'Ivoire en s'appuyant exclusivement sur le libéralisme écono i-!
que. Et pourtant, M. Houphouêt-Boigny, le Président de la République ne s'em l
pêchait pas de déclarer :"Nous nous proposons de tout faire pour construire
la
puissance économique et financière de l'Etat •.• (2).
(1) N'Gom N'Goudi : op. cit. page 41.
(2) Ve Congrès du PDCI, op.cit; 72 et suiv.
j
l,~I

-131-
On ne peut construire cette puissance si l'on maintient les mêmes st
tures, les méthodes, les habitudes, les modes de pensée bourgeoise, qui e
tiennent sans cesse la dépendance du pays. Loin de restaurer l'héritage
donné en 1960 par le colonisateur, les responsables ivoiriens proclament a
contraire leur foi à l'idéologie des impérialistes en se refugiant dans le
confort des situations acquises et des habitudes rassurantes, afin d'évite·
d'élaborer une politique qui prenne à bras le corps les difficiles problèm s
de la décolonisation et de la recherche de l'indépendance économique. De f i t ,
ils tournent résolument le dos àla voie certes difficile mais noble et SA le
qui consistait à opter pour une politique impliquant la mise en cause de l
nomie dualiste et désarticulée, héritée de la colonisation,
~
me relativement poussé, une diversification géographique du commerce
~
eure, la création d'un système bancaire ou monétaire en fonction des beso i
1:
1.
i'
réels de l'économie ivoirienne, l'introversion de l'épargne ou la mobilisa ,'on
l'
des ressources potentielles pt humaines du pays. Dans cette optique, le f'
n-
cement du développement estpluB ~'affairedesnationauxque des puissances
1
~i
térieures et plus certaines, les perspectives d'indépendance et de libérat' n
1.
1
!.i
économique (1). En choisissant la voie dite "libérale", les autorités ivoi
~
1
riennes ont surtout favorisé les plus nantis au détriment des économiqueme
1~
faibles. Ainsi derrière les grands discours lyriques, il s'agit pour
e
faire passer idéologiquement leurs finalités, leurs intérêts et leur
tion bourgeoise de la société en conditionnant tout un chacun afin de perme tre
la
pénétration profonde du capitalisme en Côte d'Ivoire.
Ainsi après plus de 20 ans, les transformations enrégistrées presque à
tous les niveaux traduisent aujourd'hui le mode de production capitaliste.
n
àssiste présentement :
-à la suprématie grandissante des capitaux étrangers et privés dan
le financement des opérations,
-aux disparités sectorielles et régionales au niveau de la croiss r
-
ce économique, sociale et culturelle,
-aux inégalités dans la répartition du produit intérieur brut et àu
produit national brut,
-au caractère toujours extraverti de la production commerciale,
-enfin au manque de rigueur dans l'observation du plan et la loi-p
gramme, surtout au niveau de la politique sociale.
P~r ailleurs - on s'en sbuviAnt - la Côte d'Ivoire s'était donnée au d .
~n (1) Moustapha Diabaté op. cit.pp. 280-285.
1.
1
1

-1)2-
part pour objectif l'expansion de son économie en dynamisant les secteurs
e
pointe afin de provoquer la croissance capable de dégager des revenus nécess1i-
res à la réalisation des investissements dont le pays avait besoin pour mo·er-
niser son économie. Or, ces revenus de la croissance
qui financent généra e -
ment le fonctionnement de l'Etat, garantissent le remboursement des dettes ex-
térieures
n'ont pas été à même d'atténuer la dépendance du pays vis-à-vis
e
l'étranger. Aujourd'hui, cette république connait un endettement assez imp
tant, le montant cumulé de ses dettes est excessif 8 tel point qu'elle vie
de demander le rechelonnement de celles-ci. Si des dispositions avaient ét
prises par les autorités pour assurer le remboursement d'une partie notabl
de ces mêmes dettes, nous n'en serons pas aujourd'hui là. Et pour mieux ma
quer les faits,tout est mis sur le compte de la conjoncture, mot actuellem
t
à la mode en Côte d'Ivoire.
Au seuil de 1980, l'horizon s'annonçait assez sombre. On parle partou
dans les milieux officiels de la détérioration des termes de l'échange, de
a
diminution du pouvoir d'achat des consommateurs et plus particulièrement dei
masses rurales, du ralentissement de la croissance du produit intérieur bru •
Une fois de plus on se rendait bien compte que l'économie "florissante" de
a
Côte d'Ivoire commençait à se heurter à des obstacles assez sérieux. Pour 11
première fois, on commençait à réaliser que la politique d'investissement a
xée principalement sur le développement de la production agricole n'était p us
assez rentable. Cela suppose que la seconde décennie du développement n'a pis
donné tous les résultats bénéfiques que l'on attendait. Même les autorités '0-
litiques du pays ne pouvaient plus s'empêcher de constater qu'après 20 ans
d'Indépendance, l'écart subsiste et parfois tend à s'aggraver entre les pay
pauvr~et les pays riches, les fluctuations des cours de certains grands pr)
duits pèsent sur les économies des pays africains, freinent leur développem
t,
tandis que diminue leur part dans le commerce international.
Ainsi, l'euphorie qui a présidé au "boom économique~des années 70 s'es
estompée en 1980. Face à cette situation négative, des mesures ont été pris
pour redresser l'économie ivoirienne et faire face à la conjoncture qui men
ce, dit-on, tous les pays du monde entier. C'est le problème de l'organisa-
tion de la croissance qui a été posé implicitement au 7e Congrès du P.D.C.I.
R.D.A., réuni les 29,30 septembre et le 1er octobre 1980 à Abidjan.
1
Le congrès a constaté notamment :
1
f
~
a) que depuis 1975, la croissance globale de l'économie ivoirienne
a été satisfaisante,
atteignant un niveau moyen de 7,8 en termes réels i
1
l

-133-
b) que tout permet de penser que l'économie ivoirienne poursuivr
1
son expansion
grâce à la politique de diversification des productions et
d'ouverture sur l'extérieur ;
c) qu'un effort vigoureux a été entrepris, en vue de réduire les 1 i8-
parités régionales
e) qu'une décentralisation inou.strielle au bénéfice de l'intérie
du pays a été entreprise, grâce à la création d'unités de grandes dimensi
s,
valorisant les matières premières nationales, et tournées vers l'exportat· n ;
d) qu'ont été mises en place des structures de projet
et d' ass· tan·
ce a l'entreprise ivoirienne
f) qu'a été largement réalisée l'ivoirisation du secteur bancaire
g) que la croissance globale de l'économie ivoirienne a été réali ée
dans un contexte économique international difficile "
Et pour améliorer l'avenir, il a été précisé l'ambition des objectifs de
développement. Ainsi on souhaite qu'à la fin de l'année, 1985, un certain!C.
brE
d'objectifs soient atteints, à savoir: (1)
1
l~ retour à un taux de croissance à long terme supérieur à 8 %
"
l'an (8,4 % ), accompagné d'une forte progression de l'emploi offert en mi
eu
\\
urbain, ainsi que l'amélioration de la qualité des emplois offerts en mili
rural.
-une forte accumulation de capital, devant permettre à la fois l
constitution d'un appareil productif moderne et la réalisation d'équipemen
collectifs et d'investissemnts en logements importants;
- une croissance des revenus individuels et de la consommation d
ménages de plus de 7,3 % par an en moyenne, c'est-à-dire une augmentation
s
revenus et de la consommation par tête supérieure à 2,5 % par ~~ ;
- une amélioration des comptes extérieurs qui se traduira, en fin
1985. par un excédent co~~ercial d'environ 140 milliards de F.cfa. , permet
tant de compenser les sorties de dévises dues aux transferts des revenus du
travail et du capital."
Est-ce à dire que tous ces objectifs une fois atteints en
1985 feron
de la Côte d'Ivoire moins indépendante
économiquement? On peut risquer 11
réponse .négative, car, déjà, l'échéance approche et le pay~~est de plus en
plus dans l'engrenage économique, sous le poids des décisions extérieures:
"La France continue à battre la monnaie. à en régler la circulation dans le
pays africains, à déterminer le volume des crédits à l'économie, à gérer le
(1) VIle Congrès du Parti Démocratique de Côte à'Ivoire, op. cit. pp.I63-I64.

~~I.34-
pool des devises, dans le cadre des institutions créées par elle et pour
ainsi dire, pour les besoins qui ne sont pas étrangers à sa propre politi ,
que "(I).Certes, l'influence du gouvernement français depuis ces trois de
nières années commence à s'affaiblir sur la politique ivoirienne. De plus
gouvernement ivoirien a déjà fait les premiers pas vers un comportement p
s
indépendant à l'égard du secteur
étranger, en particulier dans les domai
s
des reserves en devises, de l'allocation du crédit, et de la fiscalité (2)
Mais la puissance des firmes françaises et étrangères, malgré la conjonct
e,
l
s'exprime particulièrement sur le marché du travail et commande tout le pr -
blème du chômage actuel. Il en résulte que le choix du modèle économique
qu'est le libéralisme n'a pas résolu comme on le souhaitait, l'indépendanc
de la Côte d'Ivoire. Tout s'est passé comme si le fruit de la croissance" i-
bérale"n'a servi qu'à la classe dirigeante en liaison avec les capitaliste
étrangers. Déjà en 1980, la Banque mondiale remarquait dans ses rapports
nuels que les 40 % inférieurs de la population se partagent 20 % de l'ense
des revenus, que les 40 % intermédiaires disposent de 29 % des revenus, et
que le reste, soit 51 % des revenus, sont concentrés entre les mains des 2
%
supérieurs de la population ( ) . Or au lendemain de la décolonisation, les
s-
pirations unanimes des populations ivoiriennes étaient tournées vers la ré
duction des inégalités sociales, le mieux-être et cela pour deux raisons:
les privations et les contraintes coloniales, d'une part, le bas niveau de
vie, d'autre part. En fait, pour répondre à ces aspirations, deux politiqu
économiques ont été simultanément proposées et mises en oeuvre: une polit·,
Il
que de bien-être et une politique de croissance économique ayant pour vecte,r
le libéralisme.
~
Aujourd'hui, on constate avec regret que cette doctrine n'a pas fait e
ne pouvait pas faire
réduire
_ les inégalités sociales, à cause peut-être
\\1
en grande partie du schéma socio-culturel qui sous-tendait cette mystique d
1
la croissance. Cependant, il faut savoir gré au libéralisme économique d'av ir
\\
permis une relative stabilité et allégé la pression politique qui se focali e
généralement, en Afrique noire, sur l'Etat.
1
!
Dans cette apologie, M. Fauré va plus loin :" Les succès rencontrés pa
les mesures juridico- économiques dont s'est doté le pays (convention d'éta
(1) Nicolas Atangana : Problèmematique du développement en Afrique tropical
Editions CLE, 1978, page 56.
(2) G. de Bernis, J. Dessau, J. Esseks ••. op. cit. page 229.
~
()
Y.-A. Fauré: op. cit. page 4).
l'1

',1
-135-
blissement,
allègements fiscaux, etc.) se sont nourris de l'exceptionnel e
stabilité du régime
politique et de la constanee avec laquelle les choix lini-
tiaux ont été sans cesse exprimés (libéralisme, avantages fiscaux, libert
de
rapatriement des capitaux et bénéfices, ivoirisation progressive, etc.).
s
crises et les tensions, que la stabilité présidentielle ne saurait
:.
n'ont jamais été des occasions de remise en cause de la logique du
ivoirien" : les aspirations de certaines élites ont été en grande partie
sarmorcée par la subtile stratégie de diffusion de l'esprit de planteur,
i-
tiée par le Président ••• --
De même les révendications ont
--
toujours été tradu ° es
1
en termes économiques: le chef de l'Etat les a souvent résumées en de p
s
questions d'argent. De graves difficultés sont-elles apparues dans la
1 on
trop dispendieuse des sociétés d'Etat? La solution n'est pas
un raffermissement du contrôle par les pouvoirs publics, mais dans
Il
élan de libéralisme (privatisation), dans la confiance renouvellée envers' a
régulation naturelle par le marché "(I). De telles indications sont intére -
santes, mais elles se détournent des vrais problèmes do la Côte d'Ivoire
ro-
fonde et de ses masses populaires. La stabilité dont a fait preuve le pays
depuis l'Indépendance jusqu'à nos jours n'a profité qu'aux classes déjà pr -
vilégiées. Nous reconnaissons avec M. Fauré que "la croissance ivoirienne Ixis
te, nous l'avons rencontrée ..• Nul ne peut la nier, nul ne s'y est risqué. Les
chiffres sont là, de même que la réalité quotidienne. Ses réalisations s'i po-
sent, dans leur agressivité même, au regard du voyageur
qui, venant d'aut,es
- pays environnants, débarque à Abidjan."Mais au-delà de ce dynamisme, le pr -
blème qui se pose est de savoir si l'option "croissance dans la dépendance
a
permis à la Côte d'Ivoire de résoudre un certain nombre de problèmes socia
Nul doute que l'indépendance politique n'est qu'un leurre sans le bien-êtr· de
popula tions,
,chaque pays se lance à la recherche de la meilleure voie qui
e-
ne rapidement au progrès économiq~e. De 1960 à 1965, c'était la période d
premiers plans de développement économique et social, c'était la période d

finition des politiques et perspectives de développement. A la vérité, on
ut
dire que ce travail fondamental pour l'avenir du pays n'a pas été réalisé
r
les Ivoiriens. C'est l'oeuvre d'une pléiade d'experts venus des pays occid
tauX: universitaires, anciens coloniaux, capitalistes.Soutenu
par les di
geants du pays, chacun lancera en tant que conseiller technique la formule
a-
gique qui devra en un minimum de temps permettre à la Côte d'Ivoire de corn
er
le fossé qui le sépare du prototype de référence qui est la société occide
a-
le. De 1960 à 1965 , c'était pour elle la période où la théorie du sous-dév
1
pement et les conditions d'en sortir, appliqués à toute l'Afrique noire, s
li
l,'
citeront le plus de talent. Mais après plus de quinze années
~!
écoulées~ c'esi
:1,1
l,
(I) Y.-A. Fauré
op. cit. page 50.
rirI
_f'_,_

-tIJG-
la déception en Côte d'Ivoire: le sous-développement pe~manent,
la dépen
ce continuelle
du
pays, la stagnation sinon la régression d'une grande par-
tie de ses régions, enfin la paupérisation croissante d'une importante par 'e
de sa population) tout cela commence à attirer l'attention de tout un chac \\ ,
en dépit de sa relative croissance au cours des années 75. Aujourd'hui, le
ays
ne progresse plus, mais tend à regresser. L'état actuel du développement e
inacceptable. Il n' y a pas eu de répartition équitable des. fruits de la d
e
croissance. Celle-ci s'est concentrée surtout dans les secteurs modernes d,
l'économie, et n'intéresse que dans une mesure négligeable les couches de
population qui disposent des revenus les plus bas. Et loin d'envisager des
é-
formes adéquates, les r9S ponsables ivoiriens demeurent toujours incapables
diriger les investissements étrangers vers les secteurs économiques confor '
ment à l'intérêt du développement de l'économie nationale. La production a
i-
cole s'est accrue et diversifiée, mais presque exclusivement dans le domai
de l'exportation et de la transformation. Mais la croissance comme toujour
touchait que les classes déjà privilégiées, les couches dirigeantes alliée
au
aux intérêts étrangers. Et depuis plus de 20 ans toute
l'économie reste
core spécialisé~, celle-ci a été déterminée depuis la colonisation et se pe -
pétue en fonction des besoins des pays industrialisés. L'orientation écono
que des investissements maintient encore le pays dans la dépendance des pa
occidentaux qui représentent ses débouchés essentiels. Pendant ce temps, l ' n-
Il
dustrialisation du pays piétine. On n'en voit
pas
la portée.• Et pourtan ,
i
l'industrialisation est à la fois comme une condition de la croissance inte -
ne et comme la clé de l'équilibre du commerce extérieur. En effet, si l'on
observe l'ensemble des pays aujourd'hui développés, l'histoire économique s m-
ble pouvoir
être approximativement
présentée
comme la succession de trois
schémas de répartition des activités et de la main-d'oeuvre: c'est le sec-
teur primaire (agriculture, pêche) qui occupe la place prépondérante dans l
première étape; le secteur industriel prend cette place lors de la seconde; la
troisième étape consacre le règne du secteur tertiaire, celui des services.
Les conséquences de l'industrialisation permettent la création d'emplois et
l'absorption d'une population active qu'augmentent les progrès démographiqu s.
~el est le cas en Côte d'Ivoire. C'est dans l'industrie que" les gains"de pr -
ductivité sont les plus rapides. Grâce à ces progrès se sont produites dans
les pays occidentaux une élévation du niveau de vie et une modification des
genres de vie sans précédent.
l'i
Par ailleurs, le pays étant essentiellement agricole, c'est là l'indic
1!
d'un retard qu'il est possible de combler en réalisant son industrialisatio .

-131-
Cette industrialisation passe
par des opérations de remembrement des ter! s~
par l'ach&vement de la mécanisation pour la réalisation de productions an
males et végétales à haut rendement, par l'aménagement d'un territoire où ,er-
taines régions sont insuffisamment industrialisées, par le développement
industries agricoles et alimentaires et la constitution d'unités de produ
ion
de taille comparable à celle du secteur industriel.
On se souvient du caractère très extraverti
de l'économie ivoirienne
Elle s'est ouverte de plus en plus aux pays occidentaux. Il est vital pour la
Côte
d'Ivoire à la fois de bénéficier au mieux de l'expansion internation le
e~ de résister aux menaces de pénétration sur son marché intérieur très se si-
ble à la concurrence des biens industriels étrangers. L'équilibre du comme ,-
ce extérieur du pays ne peut être atteint que par une croissance rapide de
ses exportations industrielles; seul un fort excédent de sa balance des
produits industriels peut réduire les déficits importants. Quoi qu'il en s it,
l'industrialisation progressive doit être organisée conjointement à l'init
tive des entreprises privées et des Pouvoirs publics.
1
1
\\'
r
Ce sont là des considérations capitales qui auraient pu permettre à l
Côte d'Ivoire de bien "partir". Mais elle a adopté d'autres voi~s jonchées
e
difficultés éparses. On ne peut pas reprocher exagérément à ses dirige~~ts
'a.
voir "r.epGS' "son économie· &Ur:les.oapi taux. les cadres e:i; les teohni que s proven
t
de l'extérieur. Cela est vrai pour les économies de tous les anciens pays
10-
...
niaux. Et plus est, on ne voit
pas comment la Côte d'Ivoire d'Ivoire peut
01-
\\
tre
à partir du néant, sans capitaux, cadres et techniques, des économies
0-
dernes et se passer ainsi des apports extérieurs. Force est de reconnaître
qu'en dépit de sa dépendance économique accentuée, il est impossible au pay
de se passer totale~ent des apports extérieurs comme l'insinuent parfois ce -
taines positions anti-capi taliste s • Mais il Qcnvientde- dire que la voie suiv
n'
pas profité à tous les Ivoiriens. Aujourd'hui, les responsables politiques
oi,
riens
en sont bien conscients. Partout à travers les mass-media et pour s
racheter, ils évoquent des thèmes susceptibles d'endormir la vigilance des
as-
ses populaires. Il s'agit respectivement de la paysannerie, de l'agricultur ,
de l·ivoirisation effective, de l'emploi, du militantisme, de la jeunesse,
e
la promotion
de la femme ivoirienne, etc.
Actuellement, le thème de la paysannerie est au centre des préoccupati ; s
- - - - - - -
1
des membres du gouvernement
dans leurs tournées de "consctientisation" à tr"
vers tout le pays. Ce thème ne date pas d'aUjourd'hui. En effet, on sait
qu le
développement
économique du
pays
reposait et repose toujours sur l'agri

-138-
culture. C'est pourquoi au seuil de l'Indépendance, les autorités ivoirie
es
se sont empressées de détourner les masses populaires et surtout les payss
généralement analphabètes vers des réactions et des comportements qui n'a
raient rien de révolutionnaire. Et qui plus est, elles leur feront croire
l'indépendance économique de la Côte d'Ivoire dépend uniquement des produ' s
\\
d'exportation (café, cacao). Autour des paysans, elles vont donc bâtir un
y-
!~
the, celui de
la "bravoure", en affirmant que tout l'avenir du _pays rep
e
t
essentiellement sur eux. Elles vont ainsi les exhorter à
travailler
ment" la terre, afin d'accrottre les profits des impérialistes.
!
Le premier bilan des efforts paysans dans les années 70 ne profite-q -aux
classes favorisées. Aucune transformation fondamentale de la condition pa
an--
ne ne s'est produite. Bien au contraire, la "bourgeoisie ivoirienne", pro
ié-
taire de vastes champs a constamment livré une lutte acharnée aux paysans.
Ceux-ci, concurrencés encore par les sociétés d'Etat a vocation agricole,
Mo-
toragri, Agripag, etc ••• ), ont éprouvé des difficultés insurmontables pour en-
tretenir leurs champs. Ils ont été tenus à l'écart des grandes décisions c,n-
cernant les problèmes agricoles. La baisse des produits d'exportation ne le r
a pas permis de connattre des revenus substantiels. La Caisse de stabilisalion
qui devait venir à leur secours s'est comportée au contraire comme une cai se
de pillage et d'exploitation.
On a_ensuite créé la Coupe du Progrès pour encourager les Boi-~isant" a-
ves
paysans!' .Du COUIJ ,la presse, la radio et la télévisicin se sont 'IDOD11'1:sées
ou:
lancer le slogan :" La terre à ceux qui l'exploitent". Ce faisant, elles s
f-
forcent d'occulter la réalité, de présenter comme intérêt général des inté
rêts particuliers. Elles voudraient dissimuler aux yeux de la paysannerie
s
contradictiOEs sur lesquelles est fondé l'Etat ivoirien.
Ainsi, le mythe de la paysannerie est un exemple caractéristique qui
er.
che à cacher les inégalités entre les gros planteurs et les "cultivateurs"
que sont les paysans ivoiriens. Mais le sommet de l'hypocrisie est atteint
quand, à grands cris de discours, on fait
d'eux des hommes indispensables
e
la nation. Il y a plus. On mène incessamment
des campagnes idéolo~iques do t
l'objet est de masquer constamment la prise de conscience des paysans, à 1,J i _
ok,..
deI mots bien choisis et savamment dosés. Pour preuve, écoutons cette déclar -
.
1
tion du Président de la République: "C'est en premier lieu - à tout selgne',
tout honneur - vers les masses paysannes que nous nous tournerons, masses p y-
sannes dont sont issus(nul ne peutl'igtl'}rer) tous les Ivoiriens de souche...
eE

-139-
masses paysannes souffrent, nous ne l'ignorons pas, ••• soit que la récolte ~u
café ait diminué par suite de l'insuffisance des pluies, au moment de la
raison, soit que les prix de vente de ce produit
ait subi une baisse
rable, tous les éléments entraînant une réduction sensible de leur niveau
vie "(1).
A la faveur d'une pareille déclaration, tout est mis en place pour dé
tourner la paysannerie. La stratégie est la suivante :
-1. Les problèmes sont déplacés
et suspendus: Les paysans sont
considérés comme
des seigneurs. Une telle louange facilite le maintien de
l'illusion, ce qui permet par la suite d'évoquer habilement les contrainte
du
moment, les mauvaises récoltes, lee mauvaises saisons, etc.
-2. Afin de continuer à aveugler les pauvres"paysans,on s'apitoi
sur
leu~ sort, leur retard culturel.
Et tout ceci est justifié en des termes
fort émouvants et réconfortants.
-3. Mais comme la question paysanne ne
peut être isolée, on s'e
presse de lier l'origine de chaque ivoirien à la paysannerie. Est-il besoi
de ra~peler que la Côte d'Ivoire est à 90% un pays à vocation agricole
te
évidence justifie idéologiquement la propagande politique, et du coup, on
ste
un instant quelque peu muselé et désarmé.
Gomment expliquer l'arrière-plan de toute cette propagande?
Aux prises dès le départ avec les difficultés du libéralisme économiqu
les responsables politiques
de Côte d'Ivoire ne pouvaient
pas autorisé
la mis~ en cause de leur option. C'est dire que l'intérêt qu'ils portent ex
cessivement à la paysannerie est lié à l'histoire coloniale. Qu'est-ce Ë di e ?
Les paysans restent fidèles aux mots d'ordre des politiciens ~n souvenir de
travaux forcés auxquels ils étaient astreintsc- Et
plus est i ils croient qu (ils
en ont été délivrés par ces autorités politiques. En outre, ces derniers le
font croire qu'ils sont la c.olonnevertébrale du paye puisque- "la Côte d'Iv i-
re, c'est l'agriculture, et cela,quel que soit l'angle sous lequel on se pl
-
ce "(2). Et pourtant, depuis l'Indépendance jusqu'à nos joùrs, la pays~~er e
n'a pas été récompensée à proprement parler de ses efferts. D'ailleurs, dÉj
en 1965, les premières études ont montré que le
milieu paysan n'a pas en gr
(1) Le Président Houphouêt-Boigny et la Nation, op. cit. page 242.
'
(2) Abdoulaye Saw~dogo, ancien ministre en CI : L'Agriculture en Côte d'Ivo -
re, PUF.

-140-
néral profité encore des bienfaits de la terre. "Certaines régions, décI
on, ont été favorisées,
d'autres ont moins bénéficié de revenus monétai ,es.
Il
L'artisanat
par exemple qui concerne une fraction importante de la popula;
tion paysanne a subi directement la concurrence de l'industrialisation qui "l'a
d'abord menacé dans ses
marchés traditionnels avant de le concurrencer s
le
plan des conditions d'emploi "(1).
PaF. ailleurs, les droits des paysans sur les terres collectives sourn ses
a l'autorité des chefs traditionnels se sont vus limités. Ainsi déjà le 3
an-
vier 1961, le Président de la République, rejetant au nom de la
modernit~ les
pratiques coutUJ'Hières, déclarait: "L'Etat, par un projet de loi que le Go -
vernement va soumettre à l'Assemblée Nationale, sera reconnu par tous comm
étant seul propriétaire des terres (forêts et savanes), du sous-sol, des l' -
vières et des lagunes. Désormais, c'est l'Etat qui répartira à l'ensemble
es
citoyens les terrains dispûnibles en vue d'une meilleure production "(2).
Comme on peut s'y attendre, par ce projet, les "collectivités tradit on-
nelles locales, c'est-à-dire, les paysans, étaient maintenant fondues en
e
collectivité nationale unitaire, dirigée
par le Président de la Républiqu •
Le chef de la terre qui, selon la coutume, procédait 2 la répartition des
er-
res dans l'intérêt général, était désormais remplacé par le chef de l'Etat (3).
En définitive, en croyantmettre en pratique les principes d~ libéralime
économique, les milieux politiques ivoiriens très riches se ruèrent sur le
terres des paysans. C'était une véritable course à la montre dans les anné s
64 et 65, de voir certains aisés de la Capitale défricher au maximum pour
s'arroger le droit de propriété. Les classes dirigeantes coupèrent et brûl -
rent les arbres, puis s'approprièrent le sol conquis, sans pouvoir autant
e
mettre en valeur ••• D'autres plantèrent des caféiers ou des cacaoyers sous le
couvert d'autres personnes moins influentes, annexant ainsi lli~e partie de
a
forêt en vertu du principe que ne peut être détruit ce qui a été planté de
main d'ho~~e (4). Tous les moyens étaient bons pour récupérer les bonnes t l'-
l'es au détriment des pauvres paysans, incapables de subjuguer une telle comp ti-
tion. A la vérité, au cours de la premmière décennie, on assistait à un pi -
lage organisé et soutenu par les autorités politi~ues du pays, à tel point que
(1) Henri Bourgoin et Philippe Guillaume, op. cit.
page 199.
(2) Ibid. page 200.
(3) Ibid. page 202.
(4) Ibid. page 203 et suiv.

-141-
les terres jadis considérées de traditionnelles ne revêtai~nt plus le cara t
ra
tère sacré que l'on connait: Elles ont été les proies directes des gens de
ville et des riches.
Il
Aujourd'hui, après de deux décennies, les autorités ivoiriennes const
ent
elles-mêmes-
qu'il
est impossible de parler d'indépendance économique s
ceux-là mêmes qui sont à la base de la croissance vivent dans l'exploitati
et l'indigence. L'influence des conceptions dites "libérales" qui dominent
toujours la pensée des dirigeants ivoiriens,risque - si l'on n'y pre na gar
de renforcer la paupérisation du monde paysan. Rien n'est plus éloigné de
pensée africaine traditionnelle que la réduction de la paysannerie à l'êta
de rouage ou d'instrument au service d'une bourgeoisie locale ou étrangère.
Comment peut-elle se libérer de cette situation réifiante qui porte obstac
à son développement harmonieux et qui favorise du coup son aliénation ? Te
e
est la condition-clé. Marx était absolÛIDent convaincu que toute aliénation
es-
sera avec la suppression de la propriété privée dont l'appropriation indivi
duelle des sols est un aspect du problème.
Donc plus ou moins conscients de la question paysanne, les responsable
ivoiriens cherchent maintenant à améliorer la situation par des promesses d
toutes sortes. En témoigne par exemple la résolution du VIle Congrès dernie
"L'aide aux paysans, dit-on, sera multiforme:
-qualitative, c'est-à-dire sans effets
perceptibles à court terill
nota.I1lElent· dans ses aspects touchant aux négociations internationales sur le
matières premières agricoles, la formation, les stratégies de développement
etc ••.
-et surtout quantitative se traduisant par
-des subventions
~ -des prêts
- des primes
-des défrichements sociaux
ou une politique de prh~ incit<=Ü8uT's aux p:r'tviucteu..rs (1)".
Il fallu donc attendre presque un quart de siècle pour annoncer aux
p y-
san.s de Côte d'Ivoire, des mesures plus "socialisantes" pour se donner bonn
conscience. Ces mesures viennent un peu trop tard et la question qui se pos
maintenant est de savoir si elles passeront sur le plan de la pratique.
Toutes ces promesses confirment bien que la croissance de la Côte d'Il'
voire nia profité qu'à une minorité et que désormais le libéralisme économi.ue
(1) VIle Congrès du Parti Démocratique de Côte d'I voire. op. cit. page 169.
- - - - - " ' - -

-I42-
est très limité. Si le raisonnement des autorités politiques sur la questi n
du libéralisme économique était bien fondé, la dépendance économique du pa s

1 ~
serait allégée après deux décennies. L'exploitation-du sol et du sous-sol,
l'extraversion des activités économiques, etc., n'ont pourtant pas entrain';
une élevation de la productivité et de la richesse des autres secteurs; e
dépit de l 'appropriation des revenus par la classe dirigeante ou -par ··ungr
pe de privilégiés, nous ne voyons pas apparaître en Côte d'Ivoire une épar ne
importante et encore moins une véritable industrialisation. Cela était pré isi-
ble quand on sait que le pays se caractérise par son sous-développement.
Qu'est-ce à dire? Il s'agit d'un pays qui, étant au départ moins bien po" -
vu sur le plan technique, a chois~la voie du libéralisme économique. Alors que
les besoins primaires de sa population sont dans le meilleur cas, à peine
a-
tisfaits, il produit des biens agricoles et des matières premières pour l ' x-
portation. Or par la voie libérale, sa participation au commerce ne peut l en-
richir à long terme, car au cours de ces deux décennies
- il a acheté plus cher qu'il n'a vendu: les prix des biens manufact res
ont augmenté plus vite que celui des biens agricoles;
- la tendance à la mono- production l'a placé sous la complète dépend nce
des pays nantis;
-les fréquentes variations des cours mondiaux des matières premières
nt
provoQué l'instabilité de son économie tout entière,
En considération de toutes ces limitations, que faire? Comment sorti
le pays du joug néo-colonial. Avant de répondre à ces deux questions fond
en-
tales, reconnaitsons que lorsque la vie économique d'un pays relève en tou
ou
partie d'un tiers, cela suscite et entretient indéfiniment des liens de su or~
dination de toutes sortes qu,'on
ne discerne pas toujours, mais dont les c nsé-
quences
peuvent faire problème t~~t sur le plan politique générale, que s r
le développement.Et cela étant, précisons tout de suite qu~ la dépendancé
co-
nomique présente de la Côte.d'Ivoire doit être expliquéé dans-Un contexte
lus
général. C'est ce que souligne justement Nicolas Atangana en disant: "C'e t
le régime colonial qui a créé l'économie de la Côte d'Ivoire sur des bases
0-
dernes, en partant certes des richesses naturelles jusque-là inexploitées
e
ce pays et du travail de ses habitants, mais grâce aux capitaux, cadres et
techniques ~portéB
de l'extérieur "(1). Dans ces conditions, il suffit d
rompre tout simplement avec les structures coloniales toujours
persistant s
en son sein.
TI) Nicolas Atangana
op.cit; page 9

-143-
Il suffit aussi d'agir
sur
un plan
plus
global,
dans le sens
d'une politique de regroupements régionaux des pays africains afin d'évite
"
que la division
actuelle de l'Afrique en petites entités économiques, pro·~s
faciles des impérialistes, ne renforce sans cesse la dépendance économique'~e
chaque état africain. Seule la liquidation du vieux système colonial est la
on-
dition de la survie des peuples d'Afrique noire et de la recherche d'une v
e
typiquement africaine de. développement économique.
Les regroupements mentionnés plus haut permettent de constituer un bl
plus consistant capable de lutter contre les positions trop individualiste
des
impérialistes.Il ne peut y avoir d'évolution économique équilibrée en Côte
'I_
voire si l'on n'envisage
pas de poser les problèmes en termes de luttes e
re
les pays industrialisés et les
Pays en voie de développement qui oeuvrent
n-
lassablement pour que leurs populations connaissent le bien-être. Au cours
e
ces deux décennies on a parlé exagérément
de la croissance rapide de la C
e
d'Ivoire. Il aurait fallu plutôt parler de "croissance perverse",
dans
mesure où son économie sous-développée est une économie
limitée par l'off
En effet, durant 20 ans, on a empêché rarement (si ce n'est maintenant) le
as-
pillage social qui consiste a faire dévier les ressources utiles pour satis
faire la consommation superflue et rapidement croissante des classes privil -
giées. Or, il importe de se rendre compte que tous les secteurs de l'écono
e
convoitent les ressources limitées, de sorte que les goulots d'étranglement
.
apparaissent dès que tous les secteurs interfèrent. Tel est le cas en Côte
'I_
voire où la croissance n'a pu profiter à tous les secteurs de la vie social
et économique du pays (1). On comprend pourquoi Samir Amin n'a pu s'empêche
de parler de "croissance sans développement". Mais il limite le sens de cet e
expresssion heureuse en la voyant
comme une croissance engendrée et entr -
nue de l'extérieur, sans que les structures socio-économiques miaes_en'plac
permettent d'envisager un passage automatique à l'étape ultérieure, celle d'
dynamisme autocentré et auto-entretenu"(2). Selon nous, une croissance sans
développement signifierait que l'évolution économique de la Côte d'Ivoire a
davantage profité aux classes privilégiées qu'aux masses populaires. Il n'
a pas eu amélioration globale, généralisée de toutes les couches sociales.
eul
un groupe minoritaire s'est enrichi au détriment de tout le reste de la pop -
lation· Ainsi le libéralisme économique qui prêche la libre entreprise, enc
(1) Ignacy Sachs: Pour une économie politique du développement, Flammarion,
1977, page 36.
(2) Samir Amin , Op. cit. pp. 280-281.

-144-
rage les investissements étrangers par des codes
nationaux très libéraux
t
laisse
libre cours aux mécanismes du marché pour l'allocation des res
ces, n'a fait que perpétuer les structures antérieures, ce qui permet de
surer les faiblesses de ce modèle. La dépendance vis-à-vis
persisté en aggravant les inégalités sociales et en saturant la capacité
en-
dettement de la Côte d'Ivoire. Après la mystique du "miracle ivoirien" des
n-
nées 70,
tout
est perçu
aujourd'hui comme un leurre, voire une pur~ . lu-
sion. Auj ourd 'hui encore, grande est la déception de la plupart des Ivoirien
fa-
ce au libéralisme économique: Ils attendaient de lui une contribution
te
au développement et une impulsion décisive vers le vrai changement et le
0-
grès. Ils en espéraient des bienfaits illimités, car ils avaient pris
i-
tude de l'évaluer comme tout modèle, en terme de rentabilité sans faille.
r
il semble que tout modèle digne de ce nom, pour aboutir pleinement, doit
ant
tout s'accorder à ce qui caractérise le plus une société donnée, à l'ense
le
des valeurs qui constituent sa personnalité. Le semblant "décollage écono
que'
dû au libéralisme économique en Côte d'Ivoire vient de créer des systèmes ,e
relations déshumanisées, anonymes, désincarnées qui font de l'homme ivoiri n,
une créature dépendante, consommatrice toujours à la recherche du profit
xi-
mum. Et pendant ce temps, le sous-développement se renforce à l'intérieur
u
pays et le peuple demeure solidement dans les structures aliénantes et opp es-
sives du néo-colonialisme.
Tout compte fait, le système éducatif actuel souffre de toute cette s -
tuation créée par le système économique. Et sans cesse,
be
système éduc -
tior~el a été le facteur de dépendance le plus déterminant de la Côte d'Iv ire.
Par le biais de l'aliénation économ~que, l'éducation ivoirienne a accentué cet-
te dépendance en reproduissant des schémas, des valeurs, des modes de vie.
in-
si, à l'heure actuelle, l'ensemble des scolarisés devient une sorte d'appe
de l'ancien pays colonisateur. Ainsi depuis l'Indépendance jusqu'à nos jo
un ensemble de problèmes d'éducation et d'enseignement
se poseavecbeauco p
d'acuité. C'est ce que justement le prochain chapitre se propose d'aborder
LL__

-145-
-Chapitre
Deuxième-
11- LES NOUVEAUX PROBLEMES D'EDUCATION ET D'ENSEIGh~MENT.
La colonisation avait créé une société hiérarchisée, inégalitaire et di-
visée en deux, où quelques intellectuels seulement avaient accès aux forme
ins
titutionnelles de l'enseignement, tandis que le gros de la population ne r ce-
vait qu'une éducation informelle ou occasionnelle, par la participation di ec-
te à la vie de famille et de la société et en tirant parti de la tradition ora-
le qui permettait
de se familiariser avec la culture ancestrale de la Côt
d'l
voire. Au seuil de l'Indépendance, le bilan de la colonisation était en to t
cas très négatif. A mesure que se développait le sentiment national, on vi
s'amplifier à travers tout le pays le mécontentement contre divers aspects du
système éducatif importé. La nécessité impérieuse d'asseoir un autre
éducatif s'imposait. Celui-ci devait viser à créer une Côte d'Ivoire
quement indépendante, et non une Côte d'Ivoire à la solde d'une culture
gère; le contrôle de l'éducation devait~tre exercé par les Ivoiriens e
mêmes; l'éducation devrait ~tre étroitement rattachée à la vie réelle des
toyens, au travail, à la productivité et à la transformation de la société
des programmes d'éducation des masses devaient ~tre mis au point en priori'
bref, l'exigence du contrôle de l'éducation devint partie intégrante de la
te nationale pour l'indépendance. Il s'agissait ici de mettre sur pied un
tème national d'éducation qui réponde comme il convient aux besoins et
pirations de la population, et qui soit un instrument puissant au service
développement national. Il fallait donc partir d'une décision délibérée qu
au type de société que les Ivoiriens devraient chercher à créer pour échap.
au mimétisme servile que l'on connaît bien. Pour ce faire, il convenait to
d'abord de définir les finalités sociales désirées et les structures socia
correspondantes qui permettront de déterminer les objectifs, le système de
leurs, le contenu, la structure, l'organisation et d'autres aspects connex
du
système national d'éducation. D'où l'importance des problèmes multiples à
- soudre, qui concernent en gros les transformations socio-culturelles. Cela
donc :
-des problèmes d'éducation en général
éducation de la jeunesse,
cation des adultes.
-des problèmes d'enseignement: priorité à l'enseignement à la foi
théorique et pratique, programmes différents de ceux de la Métropole, méth
des nouvelles mieux adaptées aux éduqués, eté.
-des problèmes de changement des mentalités: lutte contre la résisian-'
;
ce au changement, recherche des solutions nouvelles, etc.
L'-I
_

..146-
En effet, pour @tre plus précis, disons qu'après-avoir Bubi le joug
nial pendant plus d'un demi-siècle, la Côte d'Ivoire s'est trouvée confro
à de nombreux problèmes. Parmi ceux-ci, 'on trouve la
démocratisation et
voirisa.tion de l'enseignement. Mais i l y a plus: Il faut.' mettre en plac
des
structures nouvelles. Il faut accueillir une poppulation d'élèves en plei
expansion. Il faut définir une culture ivoirienne à la fois moderne et tr
i-
tionnelle. Il faut mettre au point une pédàgogie efficace. Il faut
l'école dans la société en pleine mutation. Telle était'l'approchédiffic' e
qui s'était présentée aux responsables politiques du pays à l'aube de 1'1
é-
pendance.
D'une manière générale, en se situant dans le prolongement du systèm
é-
ducatif conçu par l'ancien colonisateur, la Côte d'Ivoire était déjà "mal
ar-
tien. Le système,ainsi
faussé au départ, mais maintenu par le pays qui a
é-
dait aux responsabilités, était de toute évidence en opposition totale ave
l'orientation et les aspirations nationales. Etant donné que la Côte d'Ivo -
re est sous-développée, son développement devint une nécessité, une urgenc.
Il fallait donc penser à la formation rapide.des hommes capables de découv ir
la plupart des solution essentielles à son progrès dans le concert des nat ons.
Nous abordons ici les problèmes humains de développement. Une telle situat'on
s'explique par des difficultés diverses à surmonter avant d'arriver au but
Qu'est-ce à dire? La finalité du développement
qui est l'objet de l'éduc
tion et de l'enseignement pour ainsi dire se situe au niveau des actions q i
se soucient de promouvoir u~e nouvelle société en vue de réaliser des modi l-
cations de l'ensemble des comportements individuels et collectifs régissan
les rapports économiques, sociaux, techniques et culturels.
D'où l'intérêt de
présenter d'abord les différents niveaux d'intervention:
-I~Au niveau des finalités du système éducatif. : Le véritable rôle ct
l'éducation
est de préparer les jeunes et les adultes - culturellement,
cialement, civiquement - à occuper la place qui leur revient au sein de
ciété ivoirienne, compte tenu des aptitudes de chacun et des besoins du
C'est dire que l'éducation se doit de construire une société ou une nation
égalitaire et plus solidaire qui viserait à donner à chaque citoyen
ces aussi égales que possible~ car au seuil de l'Indépendance, le pays pré
tait de grands déséquilibres bien connus: hétérogénéité culturelle due a
, ( 1 ) Plan quinquennal de développement économique, social et culturel, op.
i t.
i
1
vol. 1. Page 44.
~

...147-
mul ti tude d'ethnies qui composent le pays, a leur antagonisme,
l
la coexi ten ..
ce d'un modèle culturel traditionnel et d'un modèle culturel importé, etc.
Les responsables ivoiriens de l'éducation restent donc catégoriques: Pou··
eux, la Côte d'Ivoire a nécessairement besoin de réformer en profondeur s
système éducatif, elle doit donc se doter des instruments de résistance a
fo
ces de déracinement et d'aliénation. Il s'agira surtout d'aboutir à un sy
è-
me renové qui favorise la créativité ,la
motivation de réussir par ses pr
res
efforts, au lieu d'un système qui se limiterait à la retransmission des v -
leurs culturelles d'une autre civilisation
sans prendre le récul méthodiq e
de les vérifier et de les transformer en de nouvelles constructions (1).
Dans cette perspective, on a attiré l'attention sur la nécessité de
ner à chacun suivant ses capacités des possibilités de formation débouch
sur des emplois, d'assurer la transmission des valeurs
tales et l'intégration sociale des générations nouvelles et de fournir à
cun des possibilités d'épanouissement de sa personnalité.
A travers de telles finalités, on reprochait
ainsi implicitement au
tème éducatif importé ses insuffisances, à savoir qu'il est incapable de
un rôle moteur au stade présent de l'évolution, qu'il n'a pris aucun appu·
le fondement culturel ivoirien et que par conséquent, il ne peut prolonge
racines dans l'environnement réel et traditionnel et transformer
le paysage culturel ••• (2). Ces indications soulignent bien que le système
question est inadapté à la réalisation de ces finalités mentionnées plus
A partir du moment où la Côte d'Ivoire jouit de la souveraineté nationale,
fallait concevoir des finalités qui répondent parfaitement aux exigences"
cette souveraineté. Point n'est besoin de s'appuyer désormais sur des
s
de l'individualisme et de l'esprit de compétition. Bien au contraire, il s a-
git encore de réexaminer tout le système mécanique sécrété par la colûnisa ion
et de repenser profondément un nouveau système éducatif en fonction du pro et
de société qu'impliquent les options politiques des autorités du ~ays. Or
n
ne pouvait éviter l'esprit individualiste et compétitif lorsque le modèle
co-
nomique choisi concerne le libéralisme économique. D'où la déclaration de
Houphouêt-Boigny : " ••• découvrir un système d'éducation et d'enseignement 'on-
cièrement efficace, des méthodezs réalistes de s~lection des élites et de
or-
mation des cadres .•. (3).
(1) C. DIA.RRASSOUBA : L'Université et la Nation Ivoirienne, op. cit. p. 47."
(2) Première Mission du groupe de planification en Côte d'Ivoire. Décembre 1962
février 1963. Rapport de synthèse. UNESCO, page 3.
(3) Discours du Président de la République de C. 1. à la Conférence des Mi üs-
tres francophones africains de l'Education, Abidjan, janvier, 1967.

-148-
Notre responsable politique cherche ainsi à créer chez les Ivoiriens
1.
sentiment particulier de confiance au libéralisme économique auquel devra sja-
dapter le nouveau système d'enseignement en vue de répondre aux besoins et .'lux
',.
désirs de la société ivoirienne. Mais pour dire vrai, l'enseignement sera c~nçu
pour servir surtout l'intégration politique en communiquant aux masses les "dées
du PDCI. en s'efforçant par tous les moyens de faire connaître à la jeuness , à
la paysannerie ses buts et sa structure. C'est dire que l'enseignement devr it
se développer sous l'impulsion du parti afin de mieux garantir, dit-on, le
ro-
grès économique et social. Du coup, l'enseignement était considéré comme l ' lé-
ment essentiel de l'édification de la nation ivoirienne et la base pour ain i
dire de lancement de la révolution économique dans le pays. Mais ses finali és
posent des problèmes, elles supposent· de multiples obstacles à surmonter.
En effet, peu importe de
déterminer les finalités de l'enseignement s
s
tenir compte de certains paramètres-clés. A l'aube de l'Indépendance,
d'Ivoire devait faire face à des problèmes sur lesquels elle
avait
peu
prise,et qui sont inhérents à la contexture sociale. On pouvait distinguer
s-
pectivement :
-Le problème de l'exode rural. L'enseignement aura pour
les individus sur les dangers qu'ils courent en étant victimes de
e.
-Le désir ardent des Ivoiriens de mieux profiter des bienfaits de
a
société industrielle.
-La demande impérieuse d'instruction dans toutes les couches soci
es.
La possession d'un diplôme devient comme le baromètre de la réussite social
et
ouvre à chacun la porte aux emplois divers.
-La dépendance dans laquelle se trouve le pays, et qui se traduit
ar
des aides extérieures: apport d'enseignants étrangers, subventions diverse
bourses ~ l'étranger, etc ••.
-Insuffisance des cadres locaux: d'où leur formation rapide.
- Le dualisme créé par une économie traditionnelle fondée sur une
gri •
..,J
culture de subsistance
et des cultures marchandes destinées à l'exportation
'Le~
dirigeants devront en particulier résoudre le problème du maintien de l'équ" ibrE
entre la deme..nde de capitaux nécessités par l'industrialisation et l'amélio
tio!:
de la production agricole.
Comme on peut le constater, avant de définir les finalités de l'enseign
ment, il faut analyser un ensemble de problèmes liés à la nature de la socié é
ivoirienne et même de ses traditions. mais ce n'est pas tout. La Côte d'Ivoii1e

-149-
a dû faire face au contenu de l'enseignement a dispenser pour atteindre a
maximum les objectifs préaJablement définis.
l'
- 2 . Au niveau du contenu de l'éducation et de la formation: Une fois l'In·
dépendance nominale acquise, la Côte d'Ivoire ne pouvait plus demeurer da s
l'imitation servile de l'Occident. Pour aborder les problèmes que pose le con·
tenu de l'éducation, une approche radicalement revue était nécessaire. Ju qu'-
ici, l'accent était mis sur les buts individuels de l'éducation et sur l'
quisition des connaissances; les finalités sociales, l'acquisition de co
tences avaient été négligées par les colonisateurs. Au nom des valeurs tr
tionnelles ivoiriennes,le contenu de l'éducation nouvelle devrait traduir
toutes les valeurs des ancêtres ivoiriens et refléter en même temps les p
cupations de l'esprit scientifique. Il fallait désormais mettre un terme
attitudes coloniales qui faisaient en sorte qu'une bonne part du savoir a
était s~~s rapport avec l'envirorillement immédiat et, chose plus grave enc
l'éducation était dans l'ensemble coupée du développement social, économi
et culturel du pays. La nouvelle école ivoirienne devrait être plus concr'
et étroitement liée à la productivité, pour ainsi dire. Une refonte des p
mes
s'avérait donc indispensable et constituait aussi une tâche assez
cile.
Pour aboutir à une réforme réelle du contenu de l'éducation, il faud
vi-
ser les valeurs collectives au détriment de l'élitisme, l'érudition et l'e,cy-
clopédisme. Les problèmes fondamentaux qui se posent généralement dans l'é abo-
ration des programmes
sont d'apporter aux
enfants au fur et à mesure qu' Is
grandissent des expériences éducatives correspondant à leur vécu quotidien
&
leurs besoins, compte tenu de la société post-coloniale où ils sont appelé
à
vivre désormais, ainsi que leur inculquer un certain nombre de connaissanc s
de base, pratiques et théoriques, et de dispositions d'esprit qui leur per et~
tront plus tard de continuer à apprendre par leurs propres moyens une fois
qu'ils auront quitté l'école. Pour les responsables ivoiriens, "le premier ob-
jectif du système devrait
être de transmettre un ensemble de connaissance
gé-
nérales et de valeurs constituant un minimum culturel assuré à tous et per et-
tant ensuite l'acquisition d'une formation professionnelle et une bonne in er-
tion dans la vie collective"(I).
Ce minimum correspond en effet à l'enseig e-
ment de certains des éléments de base de la pensée logique et numérique, e
(1) Plan quinquennal de développement économique, social et culturel, op.
dt.
li
page 44.
1:'
_I_i_

-150-
partant de l'idée qu'avec des méthodes pédagogiques améliorées et une mei 'eu-
'h
.
d
l
t
d
d"
. t .
d
.
.'1
re compre enSl0n
e
a na ure
u processus
acqu18l 10n
es connalssancen,
on pourrait, en s'y prenant plus tôt, relever de manière sensible le nive:l de
l'activité fondamentale
de l'intelligence chez l'enfant. Mais ce n'es
pa~
tout. Le "minimum ou:turel" corrrespondrait encore au minimum de valeurs t a-
ditionnelles ivoiriennes que les enfants devront acquérir au sein de l'éco e
si l'on veut que la jeunesse ivoirienne ait une personnalité assez forte.
ela
suppose que dorénavant, le contenu de l'enseignement s'appuie sur les donn es
qui se rapportent clairement à l'expérience et aux circonstances locales d
l'existence ainsi qu'à la culture authentique des élèves. On comprend pour uoi
à partir de 1962, les directives officielles obligeaient tous les directe-
des ecoles primaires et tous les maîtres à adapter leur enseignement au
local et au niveau des élèves. Un grand plan d "'ivoirisation" a été mis
point pour permettre de mieux adapter le contenu de l'enseignement à dispe
er
aux enfants. Mais le plan en question a été souvent contrecarré par de noo
eux
obstacles tels que l'insuffisance de la formation pédagogique
des maîtres
le
manque de matériel approprié, par exemple.
D'une manière assez généraie, la pénurie des moyens d'enseignement a
ns-
tituÉ l'une des barrières à surmonter si l'on ne veut pas que cela
entra
le
développement économique. Il a fallu recourir à l'idée de la planification
ui
pourrait permettre de
mieux clarifier et justifier le contenu de l'enseig
ment. La demande de scolarisation augmentant en pourcentage depuis l'Indép
dance, il fallait procéder à la planification de l'enseignement pour des r~ -
sons bien précises. Les problèmes qui se posent ici sont les suivants :
- Comment prévoir un pourcentage accru des enfants d'un même groupe, 'â-
ge ?
Comment décider du nombre d'enfants qu'il convient d'instruire par ni-
veaux et types d'instruction?
Quelle stratégie adopter pour que les nombreux écoliers qui sorten
de l'école primaire soient admis dans le secondaire?
- Comment doit être le contenu de l'instruction de base et de l'ense gne-
ment'primaire :
- Quels raffinements doit-on apporter aux programmes de l'enseigneme t
primaire, ~r exemple?
La Côte d'Ivoire se voyait donc dans l'obligation de redéfinir chaque
n-
!
-t
née les fins auxquelles doit tendre l'enseignement à chaque niveau. Mais lé:< dif-
ficulté majeure était d'arriver a assurer la liaison souhaitable entre la p 9.-

-151-
nification de l'éducation et la planification générale du développement. Le
uc-
cès dans une telle voie montre toute la nécessité de la planification. En
fet, dans un pays sous-développé
comme la Côte d'Ivoire où les séquelles
colonisation sont encore très manifestes, la prévision dans le domaine de
seignement est essentielle. Les responsables ivoiriens ont besoin
d'être
dés en évitant toutefois que le plan se substitue à eux. En outre, la cris
ac-
tuelle
de l'éducation en Afrique noire et particulièrement en Côte d'Ivoi
appelle la planification pour prévoir et organiser l'école. Le plan devre
nc
se donner comme finalité6 de réorienter l'enseignement dans son contenu,
s-
sainir la situation scolaire ou éducative, d'égaliser les efforts et les
n-
ces d'accès à la culture en vue de prévenir les mécontements populaires.
Ainsi pour être plus réalistes, les responsables ivoiriens, les memb
s
de la Commission de Réforme de l'Enseignement et les groupes de réflexions
pris des précautions afin de
prévoir
dans leur plan la recherche d'une
u-
tation fondamentale du système éducatif. Mais la néc.essité de doser l'impor an-
ce relative des facteurs tels que la durée des études, la qualité des rnaîtr s
pour mieux traduire le contenu de l'enseignement, la possibilité de se prec _
rer le matériel pédagogique approprié, ont rendu extrêmement malaisée l la t
che
d'élaborer des programmes adaptés aux besoins du pays.
La prise de conscience de ces problèmes constitue ici un facteur posi. f
susceptible d'orienter favorablement les efforts des responsables de l'éduc -
tion. Ceux-ci pourront porter plus particulièrement sur les méthodes et pro
grammes ainsi que sur les modes d'orientation et de sélection au niveau des
différents paliers de l'enseignement. Tout revient en fin de compte à don~e
pour cela une place plus importante à la formation civique, a l'initiative
0-
nomique et :'la technologique, disciplines qui, à nos yeux ,condi tionnent l' évol
tion de la société i~~irienne future.
3.- Au niveau des cycles d'enseignement et des populations concernées
Au seuil de l'Indépendance, la structure du système éducatif était tou
jours calquée sur celle de la Fr~nce. La Côte
d'Ivoire demeurait ainsi
r r -
sonnière de l'héritage colonial, car loin de rompre avec celui-ci, on cherc a
à le renforcer sur le plan des cycles d'enseignement, des programmes, de la pé-
dagogie et des sanctions. En ce qui concerne les cycles, la division en cyc es
primaire, secondaire (court et long) et supérieur était identique. Eten m
_
-misant le contexte socio-culturel.on!ixaarbitrairement à 6 ans l'âge d'entr
dans le primaire en évitant de rendre obligatoire l'éducation prÉscolaire,


-152-
qui empêchera donc sa généralisation et en même temps constituera une sor
d'inégalité devant l'instruction pré-élémentaire. C'est à ce niveau qutin ~9r­
'1
vient.encore le problème de la démocratisation de l'enseignement.
.
En effet, on ne dira pas assez que la démocratisation de l'enseignem
t
dans le cycle primaire est à la fois un impératif et un
préalable à l'av
e-
ment d'une société qui se veut désormais
~esponsable de son destin et quO veu1
supprimer l'élitisme et les cloisonnements artificiels. La démocratisatio
en
Côte d'Ivoire devrait se traduire normalement par le souci de promouvoir
système assez complexe d'éducation et de formation combinant le scolaire
l'extra-scolaire dans une perspective de
formation continue. Nous aborde
ns
plus loin cet aspect très important de la question. Mais en attendant, no
remarquons que le problème qui se pose au niveau du
premier cycle d'ense' ne-
ment est le suivant : Dans un pays où les structures d'éducation
soni
encore pauvres et où les possibilités de renforcement des acquis scolaire
soni
pratiquement inexistantes,que faire pour doriller à ce cycle d'enseignement
a
fonction la plus efficace? Cette question est d'importance, car on ne po
raii
ignorer l'intérêt de l'enseignement primaire qui doit être considéré comme la
clé de voûte de tout le système d'enseignement et le support de l'innovati n.
Il doit être réstructuré si l'on veut éviter les dangereux goulots d'étr
le-
ment. Or la Côte d'lvoiren'estpasàl'abri de tels goulots d'étranglement
uis-
que la demande sociale d'éducation a fait
suite
à
un flot d'élèves dans
le secondaire. A partir de 1963, on a assisté à une marée des élèves du pr -
maire aux portes des collèges d'enseignement alors même que de délicats pr blè-
mes de pédagogie restaient non résolus dès les premières années de la scol ri-
sation. Les problèmes qui se posaie~t
s'avéraient assez complexes
Comme t
accueillir cette poussée des enfants de II à 15 ans, mettre en place la fo mati
on générale et professionnelle qu'exigent l'ampleur et l'urgence des besoi s du
p~ys et respecter l'égalité des chalices ? Et pourtant, la Côte d'Ivoire n'
fait aucun effort pour rompre avec le modèle éducatif importé. Bien au con rai-
re, l'accès aux études s'est toujours effectué suivant les trois filières
ien
connues, qui sont parallèles et d'importance très inégale: la filière qui s'ar
rête au CEP, celle qui continue jusqu'au premier cycle, celle enfin, beauc up
plus fermée et réservée à des enfants privilégiés qui conduit au lycée d'A id-
jan et à l'Université. La volonté de démocratisation affichée par les repo sa-
bles ivoiriens pouvait-elle surmonter les obstacles que constituent la pou sée
démographique et la pression diffuse, mais réelle des masses populaires dé avo-
r
risées? Telle était l'interrogation fondamentale. Dès lors, la Côte d'Ivoi
éprouva des difficultés pour mettre en pratique tout l'esprit de démocratia-
tion. Elle s'avouait déjà vaincue puisqu'en 1965, l'ancien ministre de l'E Uca-

-I~J-
tion,. M. Amon Œa!loh,n.'a pu lil'emp~cher de déclarer en ces termes: "Tous l s
enfants ont théoriquement droit à l'instruction, les uns autant que les a
e-.
tres. L'Etat ne peut l'accorder qu'à une minorité. Les autres et c'est un yé-
ritable drame, sont plus ou moins sacrifiés "(1). Cela suppose
it
stopper ce qui est convenu d'appeler: "l'explosion scolaire". Il
es-
sant de souligner ici la réaction quasi favorable des populations
de l'instruction depuis l'Indépendance. D'où les graves goulots d'étrangl
ent
qui sont les conséquences naturelles de cette explosion scolaire. En
le cycle primaire, base de la pyramide, s'est développé en 1961 à un ryt
si
vertigineux, ce qui a accentué le retard de l'enseignement secondaire. Pa
ail·
leurs, parallèlement
..,
au système scolaire, les responsables ivoiriens étai
t
confrontés à un autre problème, celui d'envisager un dispositif extra-seo
i-
re et d'éducation permanente qui assurerait au
minimum l'alphabétisation
es
non-scolarisés et dormerait à chacun une fois engagé dans la vie active e
a
quelque niveau qu'il se trouve, les moyens de progresser. En effet, la
n
la plus rapide d'accroître la productivi té dails ce pays sous-développé qu' st
la Côte d'Ivoire, est de donner une formation aux adultes qui occupent déj
des emplois. C'est très bien d'instruire les enfants, mais l'apport de cet en-
seignement à la production sur dix années ne soutient pas la comparaison
ec
les résultats que peut donner l'enseignement des adultes. C'est ici qu'app -
rait l'importance de l'alphabétisation des adultes ruraux. Nous y reviendr ns.
_ 4. Au niveau des rôles respectifs des différents agents éducatifs.
L'éducation doit
·être l'affaire de tous. L'école ne peut assurer tou e
la formation de l'enfant. Ce serait une véritable démission que de mettre
out
le processus éducatif sous la responsabilité de l'institution scolaire. Un
fois l'Indépendance acquise, la Côte d'Ivoire était véritablement entrée d
s
une
ère d'enseignement de masse. GrAce à l'école, tous
les en~ants issus
différentes ethnies se côtoyaient. Ils recevaient une éducation dite forme
Ainsi. l'école
accueillai t désormais plus systématiquement
tous
les
u-
nes jusqu'à seize ans, mais une proportion croissante d'entre eux poursuiv
dans le second cycle du secondaire et dans l'enseignement supérieur. Au co
s
de leurs études, l'école arrive rarement à les confronter
à tous les prob
mes
de la vie
du fait de l'environnement social. Elle évite souvent d'interve
r
dans les domaines reservés à la conscience
personnelle de chacun. Alors q
faire ? Qui
peut jouer ce rôle éducatif? Seul le système éducatif entend
au
sens le plus large et qui cOill~rend, outre l'école et les dispositifs d'édu
(1) Education et Techniques, Bulletin pédagogiques du Ministère de l'EducatIon
nationale de Côte d'Ivoire, nO 32, novembre 1965, page 14.

-154-
tion extra-scolaire et de la formation permanente, la famille, les collec i-
l
vités locales, les média (radio, télévision,etc), les différents groupeme1~'
les organisations, etc. Les rôles complémentaires de ces différents agent i
éducatifs doivent 6tre clairement définis et surtout la cohérence et la c~plé
mentarité de leurs actions assurées, en particulier en ce qui concerne la
transmission des valeurs considérées comme fondamentales.
Il y a lieu de
e-
valoriser à ce niveau le rôle éducatif de la famille et de s'assurer par
em-
pIe que l'école et les media prennent à leur compte la diffusion des même
principes civiques et moraux et des mêmes valeurs collectives essentielle
(1)
Si la Côte d'Ivoire veut arriver à vaincre l'inadaptation de son système
catif, elle ne peut aboutir qu'à la condition de compter sur ses propres
r-
ces en tirant au maximum des ressources fondamentales qui sont :
-la
prise de conscience des adultes de leur rôle éducatif,
-l'apport de l'éducation traditionnelle ivoirienne qui pourrait
ien·
ter l'action des agents éducatifs.
Or avec l'Indépendance, il était difficile au départ de reconsidérer
leur juste valeur les rôles respectifs des différents agents éducatifs. 1
dop·
tion des conceptions occidentales de l'éducation ont fait que l'école a e
uf-
fé et réprimé l'action des autres agents éducatifs. Or le développement e
no-
mique et social de la Côte d'Ivoire
appelle la dynamisation de toutes le
for·
ces vives .D'où les problèmes importants qui étaient à résoudre entre aut
s :
-le contrôle populaire,
-la définition exacte des rôl~s des adultes ruraux anlphabètes d
s lE
processus éducatif,
-le rôle des intellectuels,
-la recherche des rapports sains entre l'école et l'environnement
so-
cial. C'est ici qu'il y a lieu d'évoquer la coopération indispensable entr
l'école et la famille
-La famille ivoirienne devait prendre davantage conscience de se
responsabilités: éduquer selon les 'principes
modernes ses enfants. Or, ellE
se trouve
dans le respect des valeurs traditionnelles, puisqu'elle est à
98% analphabète dans les zones rurales~
-Dans ces conditions, il incombe à l'Etat de favoriser l'éducati n
des éducateurs que sont les parents et les associer en profondeur à l'oeuv e
de la form-"'tion de la jeunesse.
-Ainsi._en union aV,ec les pare,nts d'élèves, l ' école ivoirienne do t
rechercher avec ceux-ci les moyens propres à assurer l'efficacité du trava!I,
1
1
ce qui n'est pas facile.
il
l,
(1) Plan quinquennal de développement économique, social, culturel, op. ci •
1
l'
~
pa_g_e_45 •
1

-155-
_ 5. -Les difficultés de la définition d'une nouvelle cul tare- ivoirienne ..
D'une manière générale, l ' éducation doit être considérée comme un prces--,
sus culturel puisqu'elle transmet des valeu:r:'~__:~ d~s tec~~ques d'un grou e
social donné, en un mot sa culture. Mais c'est aussi un processus de soci
isa
tion, c'est-à-dire d'intégration des jeunes générations aux anciennes, gr
précisément à cette transmission de la
culture. Enfin, l'éducation est un
n-
vestissement économique par sa relation avec la force de travail dont ell
élè
,...-----
ve la qualification et la productivité, ce qui accroît la productivité so "ale
Il en résulte que l'~ducation en général est le véhicule de la culture, c· le-
ci
pouvant être enfin perçue dans son sens ethnographique comme un ensem
e
complexe qui comprend les co~~aissances, les croyances"l'art, le droit,
morale, les coutumes, et toutes les autres aptitudes et habitudes qu'acqu
rt
l'homme en tant que membre d'une société (1).
Eu égard à ces définitions précitées, la Côte d'Ivoire, au seuil de
'In-
.-
dépendance,ne pouvait en aucun se complaire dans une vision étriquée de l
culture. Culture d'héritiers, culture de privilégiés, culture traditionne
e
il était temps, sans en nier les mérites, d'en mesurer les insuffisances.
les limites
et
de découvrir les exigences d'une véritable culture po
aujourd'hui. La formation d'un esprit moderne passe par la maîtrise des l
ga-
ges universels de notre temps: la -----
technique et la science. Il s'agissait
one
de donner à la culture en Côte d'Ivoire de nouvelles dimensions afin qu'e
e
ne soit plus jamaisune.nostalgie du passé lointain de l'Afrique, mais qu'Ile
intègre, s~~s aucune exclusive, tous les moyens de l'épanouissement intell c-
tuel et moral de l'homme ivoirien. Ce qui importe ici, ce n'est pas de tr
s-
mettre aux jeunes une somme de connaissances sur l'héritage
ivoirien, mai
bien plutôt la facult~ de s'adapter à une civilisation sans cesse en mouve ent
sans toutefois oublier le . passé.
En Côte d'Ivoire, .l'impact de la tradition fait que l'éducation se co fond
avec la sagesse, elle est parée des attributs de l'expérience et de l'anei-e
té,
ce dont' barbe blanche témoigne. Quelques écrivains ivoiriens en ont profit
pour exalter l'importance du patrimoine culturel de la Côte d'Ivoire et du rô-
le précieux des vieux dans la transmission
des valeurs ancestrales. Il es
compréhensible que dans les sociétés traditionnelles ivoiriennes où l'esse tiel
était de di~~lguer des traditions et un savoir lentement complété, les per on-
(1) Définition de Taylor , citée par le Professeur Lê Than.1-l Khôi, in " Aspe:ts
méthodologiques des études d'identification des sytles de développement, c m-
munication à l'UIŒSCO,
page 7, réf. STY.4.

-156-
nes âgées aient été quelques-unes des valeurs sûres. Le tem~s, accumulate ~
rdes souvenirs, de c01Ulaissances était le meilleur auxiliaire des "géronto cra-
~
'1
'tes". Pour l'enfant ivoirien, suivre le conseil de l'ancien, agir comme i
au-
rait agi ,était, dans la plupart des temps, la meilleure garantie.
Il n'est pas sûr que l'éducation traditionnelle qui est le véhicule
e
la culture des différentes sociétés ivoirier~es reste
exclusivement le
eil-
leur auxiliaire du système éducatif post-colonial. D-ans ces conditions, il
s'agit
de considérer l'éducation comme un tout, non comme une transfusio
de
connaissances, non comme un modelage d'attitudes et d'habitudes, mais au
contraire co~~e une
préparation à la disponibilité d'esprit, à la libert
de
conception et de jugement, au dyna~isme et 2 l'initiative, etc.
Il importe donc de concilier
les valeurs tradi tio1Ulelles avec les
en-
ces de la vie moderne. L'ancienneté et
le passé ne sont pas forcément
a-
ge d'efficacité pour une jeune nation qui veut être dans le concert des n
ion
Mais coœ~ent les élèves peuvent-ils arriver 2 satisfaire à la fois l
ex
gences de la tradition et de la vie
.moderne? Le problème était d'autant
grave qu'ils étaient et sont· toujours soumis a un flux de plus en plus in
se de sollicitations~d'informationsdiverses qui opposent les dor~ées tra
tionnelles et les dOlLnées scolaires. Sans doute, ce hiatus entre la vie s
re des élèves et l'expérience concrète de la vie quotidie1Ule au sein des
les peut être présenté comme l'une des causes des difficultés que rencont
sans cesse les autorités responsables de l'éducation dans leur effort de
ver le système éducatif.
Tout8fois, sans rejeter le passé, l'éducation d'aujourd'hui devra "ê
au centre des préoccupations de la société actuelle. C'est 12 que se
choix
i'onè.a:nentaJ.
: donnera-t-on au système éducatif post-colonial la
qui lui revient dans l'échelle des priorités du pays? L'avenir d'un tel
tème est fonction du projet politique de la société ivoirierJ1e dans laque l
e
il
s'insère. Bien plus, elle sert ce projet politique: tout système é
tif a toujours pour mission de pré~arer la jeunesse à un certain
tion sociale. Quel avenir
pour le système éducatif mis en place au début
l 'Indépendan'ce, et qui devra concilier le
passé et le
présent ? Cette
tion est inséparable d'une interrogation plus fondamentale: quel genre
ciété veulent les responsables du
~ays après
son accession à la
nationale? La réponse, on la c01Ulaît bien: construire la nation
sur la base du libéralisme économique, ce qui est en oppostion avec l'espl:it
1
1
u_l.

-I57-
traditionnel du pays qui prône constamment les valeurs collectives. Quel. le-
rai t donc l'intérêt d'une nouvelle culture ivoirienne entièrement vouée ài\\la
cause de l'esprit libéral? Quand un système scolaire est institué de tel:e
sorte qu'il soit le reflet de l'économie libérale, imaginez ce qui pourrai;)
arriver? En fait, dans la plupart des cas, les enfants entrés à l'école
u
même âge progressent tous au même rythme, selon un programme bien détermi e,
l'accès à la classe
supérieure ne peut être "automatique" : il est progr
mÉ. L'échec d'une portion importante des élèves fait donc partie intégran e
du sytèille, qui,
pour ainsi dire, institutionalise donc
les abandons et
es
redoublements. A cette constatation, s'en ajoute une autre. Les échecs dé en-
dent nécessairement des contenus de l'enseignement qui privilégie une cul ure
qui est inadapté à chaque élève. Il est difficile ~ ce dernier de se libf er
itotale8ent des images de l'éducation traditionnelles reçues dans le cadre fami
milial.Dès lors,les conflits vont
naître chez lui et s'exaspérer dans se
re-
lations avec le maître. Chargé de transmettre une culture étrangère dont
finalité n'est pas comp~~ee ~âr les ~eunes ivoiriens,il apparaît nécessai
ment comme le symbole de la contrainte. Le fossé entre les contenus de l'
seignement et les intérêts de ses éduqués est d'autant plus grand que tou
ne
parle que de crise du système éducatif. Qu'est-ce à dire?
En effet,
les valeurs transmises par l'école, institution d'importa ;on,
.-
correspondent en général à l'ideologie de la classe domin~~te dont le mai
e
mot est le capitalisme libéral. En conséquence, tous les examens, les pro
dés d'appréciation les plus idéalement justes ne peuvent donc finalement
" en·
tériner les inégalités entre les enfants, ce qui est iriliérent au système
en place. Il ne sera donc pas étonnant par exemple que les déperditions a
nt
un pourcentage plus élevé dans les villages que dans les villes, et qu'el l
s
scient plus particulièrement import~tes dans les bas quartie!s d'Abidja~.
Tout cela smppose qu'il n'est même plus question d'incriminer les procéds
de
sélection: C'est l'esprit même du capitalisme qui est à la base de toute
ces
incohérences signalées plus haut.
En conséquence, le problème qui se posait vers les années 60 était:
Comment concevoir un système éducatif qui puisse promouvoir certaines vale rs
culturelles traditionnelles de la Côte d'Ivoire, compatibles avec les rÉal -
tés de la vie d'aujourd'hui. Autrement dit, comment supprimer le diverce é·-
tre la culture ancestrale des Ivoiriens et celle de l'école, sans nuire 2
eur
personnali té ? On peut améliorer sans cesse les programmes scolaires, les 'pe-
1
thodes et les auxiliaires pédagogiques par exemple,
'
mais il n'en restepas
\\oin~
L que toutes les actions de modernisation subissent toujours les effets de
--
,l'idéologie en vigueur dans la société.
·.1
' - -

Evolution des teux r6els d'inscription dsn3 l'snsoignemont primaire
au cours dos cinq dernières années pour l'en~enble do la COte d'Ivoire.
Anndes 8colei::-es
Elève!; inscrits
Population r~elloment 800lerisable
Taux rdels d'inscript
Gerçons
Filles
Tate!
Ga rçons
Filles
Total
Gerçons
Filles Tot.
- -
1958-1959
127.631
37.602
165.233
314.000
320 .. 000
634.000
40, é%
11,8%
26, 1 ~
1959 -1960
150.796
49.250
200.046
329.000
335.000
664.000
45,8%
14,7'/,
3U,1,
1960-1961
175.6'79
63.093
238.772
343.000
350.000
693.000
51,2%
18,%
34,5,
1
1961-1962
191.720
73.342
265.062
358.000
365.000
723.000
53,5%
2 0, 5/~
36,7'
co
U"\\
~
1962-1963
205.539
93.177
298.716
372.000
780.000
752.000
55,2%
24,5%
39,77
Source
Première Mission, op. oit. page 72.
~
~ - - - - - - ~

Ifl'
-159-
-6-L'inadéguation de l'éducation aux réalités ivoiriennes.
En 1960, la Côte d'Iv0ire se présentait comme un pays dont l'unité é ~it
tout artificielle. Il fallait donc, à partir des micro-sociétés qui la co
saient, faire d'elle une nation riche, prospère, moderne. Parmi les moyen
doni
elle disposait,figurait l'école, le foyer d'éducation et d'instruction pa
ex-
cellence. En effet, l'école, expression la plus élaborée des systèmes imp
tés,
devait permettre par son enseignement -espérait-on- l'unité des 60 ethnie
If:ais on découvrait sans étonnement que ses structures étaient ey.ces
ve-
ment calquées sur celles de l'ancieillL~e métropole:
-Homologie tr~s grande entre le syst~me français et le>sys
me légué par le colon ;
-Homologie des valeurs;
-Enseignement trop sélectif, en fonction des besoins parti
li-
ers d'emplois du système colonial;
-Inadaptation du contenu de l'enseignement aux nouvelles r~ .li-
tés d'un pays qui vient d'accéder 2. 12, souveraineté internationale.
Dans ces conditions, la nÉcessité de r~former le système d'éducation
~
vigueur s' im;:,osai t avec une urgence particulière. Comment résoudre ce pro l- E;-
"me brûlant de l'inadéquation de l'Education aux réalités ivoiriennes?
La Côte d'Ivoire
est
un tout petit pays aux frontières encore trop
fragile.
Les ethnies qui
la composent ont des ramifications au-àelè. de
es
frontières. Seule leur intégration rapide pourrait le sauver des dissensio s
tribales, des antagonismes de toutes sortes. Cr les séquelles de l'éducati ~
coloniale pésaient encore sur ses épaules. Les grandes visées de cette Édu a-
tion sont co~plètement en opposition avec les données réelles du pays :
-La Côte d'Ivoire est essentiellement agricole. Il lui faut un ensei ne-
ment qui réponde aux préoccupations des grandes masses populaires, rurales. Or
l'éducation coloniale était d'essence élitiste, fondée sur l'esprit de div·-
sion et d'inégalité.
-La Côte d'Ivoire" veut "être dans leeoncert des nations sans renier sor:. pas-
se qui comporte par endroits des aspects très positifs. Or les consequence
ae
l'éducation reçue par ses fils sont telles que chaque Ivoirien aspire à de eu-
rer très individualiste.
-La Côte d'Ivoire veut proillouvoir et assurer l'instruction pour tous et
2
tous. Elle vise une éducation en adéquation avec les exigences de l'envi an-
nement, en particulier,économique. Or, avec l'esprit du système éducatif c ~lo­
niaI qui persistait au début de l'Indépendance, il était difficile d'attei dre

r
-160-
une telle finalité.
-1a Côte d'Ivoire étant un pays fortement marqué par le sous-dévelo pp !-
ment avait besoin pour l'son décollage économique", des scientifiques, des~-
Il
vants, des techniciens. Or l'éducation coloniale. a empêché pendant plus d'
de·
mi siècle l'émergence de ces cadres à tel point que le pays souffrait beau oup
de cette situation. 1e colonisateur avait surtout formé
des littéraires q i
s'évertuaient uniquement à louer le prestige de la langue française au lie
de
poser les problèmes concrets du pays.
Les ressources hum~ines produites par le système colonial n'étaient Q
c
pas conformes aUJ: attentes d'url pays qui veut entièrement jouir de sa souv
ai-
,
neté nationale. La recherche de l'Indépendance est un effort continu, ~~ e fort
de longue haleine, qui ne s'improvise
pas. Pour qu'elle ne soit pas lil v in
mot dans
les années à venir, il fallait donc tenir compte de certaines do -
nées assez fondamentales :
-1)- Eviter la discordance entre les produits de l'Ecole et la qua ifi-
cation ou la spécialisation r~elle nécessaire pour assurer la croissance é ono-
mique, baromètre de la santé d'un pays.
-2)- S'attaquer au problème de l'incapacité' de l'école à propos de
a
-
~ormation de tous. ceux qui doivent allervers l'agriculture et vers le sect ur
. tradition.nel ou non formel.
};'est-ce pas vrai c;.ue les éduqués fuient les t
vaux Chéi.lTI;lêtres au profit des emplois de bureau, ce qui est un reflet de l
ducation coloniale.
-.:))-Sm)êcher que l'Ecole ivorieillle de demain ne produise plus que l ':f
no-
mie ne peut absorber ses produits. Seule l'adéquation Formation-Emploi est
l'élément clé qui sauvegarde tout pays de troubles sociaux, de bouleverse~ _ts
i~~révisibles, etc.
CO::Ii:18
on nOUV2.it le constp..ter, tout le système d'éducation et de fors~ "ion
au
début
ùe l'Indépendance semblait être conçu presque exclusivement
ur
préparer aDJ. emplois dans les villes d'Abidjan et de Bouaké et ceci, dans l 'in- ,
différence totale des exigences du milieu rural qui aurait dû être la prio_ té l
des priorités.
Les inégalités sociales instituées par le syst~me
colonial étaient E
08-:,
battre farouchement quand elles menacent l'équilibre et la paix du corps s
cial. La solution apportée à l'inadéquation de l'Education aux réalités du
pays peut constituer l'un des moyens essentiels de lutter contre les contra·i.~1
dictions sociales.
iLL

-161-
-7-Le, roblème.de l'éducation des masses
0
ulaires en vue del'accélér ~
ti0n de l'édification de la nation ivoirienne.
Au lendemain de son Indépendance, la Côte d'Ivoire a élaboré des plan
de
développement national dans différents secteurs. Avant 1960,
il n'y ava
dans le pays qu'un nombre infime d'établissements scolaires tant au niveau
ri-
maire qu'au niveau secondaire
(1).
Mais au début de la souveraineté natio
le,
il s'agissait maintenant de former de très nombreux cadres et tec~_~iciens
e
reclamait le développement économique. Du coup l'éducation des citoyens et
a
réforme de l'enseignement devirœent des sujets brûlants.
Le problème essentiel pour la Côte d'Ivoire était d'arriver ~ organis
son système éducatif de façon qu'il réponde aux exigences imposées par les
b-
jectifs et les processus de développement national. De ce fait, le gouvern
ment, principal agent du développement, doit fournir les moyens nécessaire
après avoir défini les objectifs généraux et spécifique3 du développement.
Kais le développement en question est étroitement lié à l'enseignemen
et
2 l'instruction que reçoivent ou recevront les Ivoiriens. En rehaussant le
i-
veau de l'éducation dans le pays; en généralisant l'enseignement secondair
par
exemple, en introduisant, a l'échelle nationale les formes institutiorL~ell
d'éducation permanente et en rattachant multilatéralement l'école à la vie
e
manière à préparer les nouvelles générations à des rôles créateurs dans la
0-
ciété, l'essentiel serait ainsi réalisé pour la promotion
du peuple ivoir' n.
Eais le succès dans une telle entreprise réquiert indubitable!!!ent la collai- -
ratiot de l'école elle-même et de toutes les autres organisations sociales. Il
faudrait donc la participation de tous
Pour faire de la Côte d'Ivoire le _ ys
dégagé de l'obscurantisme et de l'analphabétisme ,pour ainsi dire. D'où le

blèmé général du développement de l'éducation. Car le système d'éducation
vigueur qui a une structure inéquitable et désuète est parti des bases hé~i
tées par l'arriération. C'est une des principales raisons pour lesquelles
taux des illettrés dominait au début de l'Indépendance. C'est dire que la
10-
nisation n'avait pas servi véritablement à l~élevation sociale et intellec
tuel1e des couches populaires très larges. Le pays étant essentiellement de
vocation agricole, comptait plus de B5% d'analphabètes. La formation
rapi- r"
de ces derniers aurait sans doute un rôle déterminant dans la modification
(1) Cf.
les pages relatives à l'Education coloniale.

-162-
l'évolution du système éducatif national.
Une tâche particulière incombe'
cet égard à l'Etat et aux pouvoirs publics en tant que responsables de l'é u-
cation des adultes, par excellence. Les autorités poli tiques du pays devro_'!j;
donc veiller à une élevation notable du niveau des connaissances des perso ~es
non scolarisées età la formation des cadres hautement qualifiés, ce qui, in
tablement constitue les conditions essentielles
d'une réalisation effic
de la construction nationale.
En définitive, pour permettre à la Côte d'Ivoire d'atteindre les obje
fixés en matière d'éducation et d'enseignement, les autorités furent dans
l'obligation de faire appel à d'éminents planificateurs étrangers, des spé
lisies qui firent une analyse détaillée de la situation éducative dans le
et rédigèrent un rapport dont les recommandations devraient
être suivies.
Si la situation éducative en Côte d'Ivoire avait ainsi fait l'objet d'
e
étude confiée à des experts internationaux, cela suppose que de multiples p 0-
blèmes étaient à l'ordre du jour après l'Indépendance. En effet, dans les r gi-
ons rurales, les paysans prenaient
conscience de leur libération, mais d~ 0-
rés par l'esprit tribaliste, ils étaient incapables de s'adapter aux struct -
res nouvelles. Le principal correctif à appliquer à cette situation d'insu~ l~
sance Était de les informer suffisamment sur le projet de construction nati na-
le. Dès le début de l'Indépendance, il était donc normal qu'on accordât une
priorité suffisante à la suppression de l'analphabétisme de ces masses pays n-
nes. o~ partait de l'hypothèse que l'alphabétisation des adultes ruraux per et-
trait d'accroître la capacité de production du pays
Il fallait en cons -
quence changer rapidement l'ordre de priorité suivi dans l'éducation par
l
colonisateur
qui n'avait
pas suffis~ent inclus l'éducation des masses il et-:
~rées dans la stratégie du développement, les efforts bénévoles des missio... ai ....
res ayant été trop dispersés et trop peu suivis pour doriller des résultats i ~­
gibles.
Nul doute que la contribution des paysans "instruits"
est essentielle au
progrès de la société ivoirienne qui aspire au bien-être de toutes ses cou-
ches sociales. Mais si cette contribution venait à faire défaut, des problè es
nationaux d'importance cruciale ne pourraient pas être réellement résolus.
our
que cette même contribution soit effective, il importe que les "villageois" re-,
'çoivent une formation appropriée et ~~e éducation qui leur permettent de J·o er
il
réellemént et pleinement un rôle actif.
'"

-I6J-
Nous
pouvons dès lors
mesurer l'importance de l'éducation et de la
or-
mation des ruraux dans la perspective du changement que postule la société Qvoi
il
riennepost-coloniale. Mais Wl tel changement, s'il présente de toute évi:i :pce
de nouvelles possibilités, est difficile à atteindre à court terme dans la~esu_
re où il fait alPe l
au pro bl ème de la langue d' ense ignement. De quoi s'agi
i l
L'analphabétisme qui sévissait dans toutes les zones de Côte d'Ivoir
res
tai t ainsi dir_ectement liéau fai t que les paysans qui devaient jouer le pre=
r
rôle d~~s l'émancipation du pays sont handicapés au niveau de
l'utilisati
quotièienne de la langue de l'ancien pays colonisateur. Et puisque la lang'
officielle est le français, il va sans dire que la formation et l'éducati0
des paysans devront se faire dans la langue d'emprWlt, car les langues
u-
laires étaient encore loi~ d'être transcrites, étant dorillé leur nombre t~~
éle·
vé, eLviron urle soixantaine.
Au début de l'Indépendance, il existera donc deux catégories d'obstacl s
au niveau des adultes r~aux analphabètes: leur attitude trop axée sur la
ra-
dition et les problèmes d'ordre linguistique. Il s'agit premièrement d'~e
er-
taine méfiance à l'endroit de l'alphabétisation ~,orteuse d'une culture étr
gère et secondairement de la langue à utiliser dans le cadre de leur for2~' on.
Le conservatisme était par ailleurs un autre obstacle au progra~e d'éduca
on
des paysans. L'une des tâches
les plus dÉlicates qui attendaient les res~
sables de l' éducation populaire af1'ectés au proj et , consistait à lever les dt
tes des parsans
et ~ les convaincre de l'utilité de modifier certaines
a-
bitudes et de la nécessité de savoir lire, écrire et compter.
Toutes ces actions ont pour but esselltiel de "conscientiser" les pays" '8
a mieux
oeuvrer dans le sens du développement du pays. Cette tâche bie~ c'
difficile n'est pas moins exaltante: Il faudrait que leur "rééducation" sa t
empreinte d'objectivité. Par ce biais, on vise ici la formation de perso:nrld l-
tés nouvelles, ayant de nouveaux horizons, de nouvelles capacités. Toute ré
forme du système éducatif qui ne prévoit pas le
~r8blème de la formation d s
adultes ruraux sera toutefois voué à l'échec. Les responsables ivoiriens on
compris très tôt que le développement soutenu de l'éducation ne sera possi
e
que si l'on
améliore
le niveau intellectuel de la paysannerie. Mais la
mise l~ pratique de ces dispostions comporte
url certain nombre de prool
mes.
:Quels progr~~es d'éducation leur fournir et qui répondent à leurs in
,------
térêts ? Comment faire pour leur do~_~er le maximum d'assurance au cours de
leur formation et les rendre plus responsables de leurs prograw~es ?

-I64-
A la question de la formation des adultes ruraux, s'ajoutait celle d
la
jeunesse ivoirienne en général. A mesure que la demande d'éducation batta t
1
son plein,les jeunes connaissaient un nombre élevé et plus grandes devena:ent
les difficultés de leur encadrement et de leur formation à la fois civiqu
et
moral~.La Côte d'Ivoire qui venait de sortir fraîchement de la colonisati
devait déjà initier et familiariser ceux-H mêmes qui auront à assurer la
elè
ve demain.
Au seuil de l'Indépendance ,toute la jeunessE ivoirienne se trouvait; us
radicalement confrontée au problème du passage de la tradition à la moder ·té.
1a nécessité d'examiner les difficultés qu'entraîne leur adaptation diffi
le
~ la société moderne a été soulignée dès le départ par le Ministère de la
eu-
nesse (1). En s'appu~ant sur des estimations statistiques officielles,
i
constatait
que les jeunes (de moins de 25 ans) constituaient au
moins 5 ~ ~E
la pO;lUlation globale donc représentaient une force dynamique inestimable
mettre à contribution pour la promotion du pays dans tous les domaines. A
tir des années 1962-1963, plusieurs congrès ont eu lieu pour souligner ave
force la multiciplicité des problèmes auxquels les jeunes
doivent faire
car les structures timidement mises en place par les colons ne répondent
aux exigences de la période post-coloniale. 120 scolarisation massive des j
nes a fait prendre conscience des difficultés qu'éprouvent les parents ana
bètes a assumer leur rôle d'éducateurs. Ils sont fortement poncurrencés
l'école et leur autorité échappe chaque jour à leurs enf2nts. Il était don
sentiel que les pouvoirs publics rechercnent des moyens propres à mainteni~
lien éducatif entre les parents et leurs enfants. Il était aussi nécess2ir
mettre en place un type d'organisation propre à assurer partout leur encaG_
et à favoriser leur ép~~ouissement. Pour cela, des enquêtes à l'échelon nat
nal étaient bien indiquées pour permettre 2. partir de leurs· besoins et de le
. ob
j ectifs que l 'Etat de Côte d'Ivoire élabore une poli tique de j eU-l'lesse 12 pl s
claire ~ossible. Car trop souvent les questions concernant la jeunesse étai nt
trai té es séparement au lieu d'être centralisées par le ministère de la jeur"é se.
Pour aborder le problème de l'éducation et de l'encadrement de cette j u-
nesse, le Kinistère de la jeunesse, de l'éducation populaire de Côte d'Ivoi e
a rapidement mobilisé les jeunes aux actions de développement en créant des char
tiers pour eux. '''Ces chantiers offrent aux jeunes qui y participent l 'occas on
d'acquérir des expériences personnelles dans les domainE:s
les plus divers"
(1) Cf.
Programme d'Education Télévisuelle, Vol. XIV, Côte d'Ivoire.
1]
(2) Jeunesse, Tradition et Développement en Afrique, Rencontres régionales
1
jeunes, U~~SCO, 1981, page 148.
1
1
l_1

-165-
Rappelons que selon le projet ivoirien de société, l~ problématique
développement de la jeunesse en général est cel~d'une formation rapide a
~-
l'emploi, d'une intégration à la production, d'une éducation en matière de,dé-
mocratie et de solidarité, suivant les grands axes du Projet de réforme de
l'enseignement déposé par la CommissionNationale de Réforme (1). Le problè e
d'insertion des jeunes dans la vie rurale devait alors
être perçu comme
e
certaine manifestation de la crise de l'éducation traditionnelle due à la
epré
sentation particulière de l'école par les jeunes. Ceux-ci "héritent des ad Ites
et du milieu une image de l'école comme
une voie d'accès à ~~ monde étran er,
riche, prestigieux et supérieur par rapport & un monde rural pauvre, médio re,
et humiliant.
(2).
Qu'ils soient scolarisés ou non, ils n'ont aucun goût
pour l'agricul ure
traditionnelle, et partent, pleins d'espoir, à Abidjan ou à Bouaké, pour c _s-
tituer une
première génération
de salariés ou de chômeurs.
Dans ces conditions, quelles mésures devrait-on
prendre pour persuad
les jeunes de retourner à la terre ? De telles mesures sont-elles indispen
bles au développement économique et social de la nation? C'est ici que se ~ose
le problème de l'information de la jeunesse. Ainsi très tôt, les hommes po
tique de Côte d'Iv0ire ont été fort sensibles au danger que constituepour
sta
bili té' des - jeu.TJ.es ivoiriens qui , d-otés ou non d 'un.se.voirélémémtaire'; rest nt
inoccupés, voire s~~s emploi et ce1a,2 une époque où le pays connaît de pr -
fonds changements. Conscients des dangers que court la jeunesse en mépris~
la tE'rre alors que le pays a une vocation typiquement agricole , ils

à certains
ministères ~e se pencher sur sa récupération (3).
ailleurs, à travers leurs attitudes, se manifestait vivement le pnénomène
rupture sur le plan socio-culturel : dissociation avec le terroi~, avec la
ture de base, etc.
En effet, les enquêtes ont presque révélé que les jeunes ne sont pas
lement satisfaits de la société traditio~~elle qui, selon eux, limite
ment leur désir de liberté. Aussi, la ville leur apparaît-elle
tion du milieu ancestral qui est toujours marqué par la résistance au ch
ment. La ville sera alors pour eux comme le creuset où se manifestent libre
,
1
toutes leurs aspirations.
Afin d'éviter qu'ils soient donc en rupture
om-,
1
plète avec le milieu rural, il faut créer des structures d'accueil permett8 t
i
i
de mieux les informer et les orienter, tâche qui n'est pas du tout facile.
~
(1) Etude Régional d'Education, op. cit. page 70·
(2) Rapport de synthèse sur les Opinions et les attitudes' Ministère du PJan'l'
Université d'Abidjan, page 38.
.
(3) Ferrari A.
: La mutation scolaire et le dévelo ppement d
e l '
.
enselgnement en
1
LJ_I__Côte d'Ivoire, région de Lakota. Résultats d'enquête. Université d'AbiJ. 19(;9.

-166-
Information et orientation de la jeunesse. Voici à coup sûr deux thè es
importants qui vont donc
retenir l'attention des responsables de l'éduca
en Côte d'Ivoire. Le second nous intéresse à plus d'un titrt. l'orientati
toujours fondée sur la recherche patiente des intérêts des je~~es, sur l'
couragement à leur prodiguer pour que se révèlent et se fortifient leurs
ti-
tudes. Si l'on veut contribuer à la résolution des problèmes de la jeunes
, i :
faut - a partir du moment où l'Ecole est devenue un facteur dt désorganis
ion·
faire en sorte qu'il n'y ait pas d'échec en permettant à tout effort de s
dé-
ployer, suivant sa nature et sa port~e. Ainsi, le principal b~t que devai
t
s'assigner les responsables ivoriens chargés de l'orientation des jeunes
ait
de s'appliquer à cov~aître toujours mieux l'enfant dans les différents do
ine:
où ses possibilités peuvent s'exercer. C'est là un effort d'ot~ervation
doit porter sur l'élève pris individuellement. C'est là aussi ~~ effort
doit se manifester pour rechercher et dégager des techniques nouvelles à
plo·
yer pour cette observation. Tâche délicate, de longue halei~e qui exige
formation psychologique spéciale pour les maîtres. A la veille de l'Indépe dan·
ce, la Côte d'Ivoire bien que consciente du problème de l'orientation, se
rou-
vait co~frontée au problème du m~~que de formation du persorJlsl enseignant en
ce dom3.ine.
Vers 1965, il a été entrepris au SCFED à partir des élèves entrant en 6èmE
des eXE..illens d'orientation. Mais auparaV?Y"lt, li:. Rémi CLIGIŒT 1 c:-,sf du SOPE]
avait fait des recherches sur la question en étudiant respectivement
-1 es relations fa2Tliliales dans différents
groupes etlmiques ave
étude de leur influence sur l'éducation des enfants,
-les aspirations professioILYlelles des jeunes élèves c:.s l'enseign -
ment secondaire,
-les problèmes psycho-sociologiques,
-la sociologie de l'enseigneilient primaire et seconQ3.~re.
T0utes ces recherches avaient pour but d'aider les responsables des 0
en-
tations à mieux
appréhender les problèses des élèves et limiter la déperd
tion scolaire. Formant ultérieurement la Commission Nationale è'Orientatio
ils
étaient invités chaque an~ée à définir 2 partir des besoins n3.tionaux conn'
(études de prospective) le volQ~e d'élèves à orienter vers chacune des spé
a-
lités nécssaires.
Et pour améliorer le système d'orientation, on créa dans l'enseignemen
supérieur un Service Universitaire d'Information, qui est ouvert aux parent
et aux enfants, diffusant régulièrement des bulletins d'inÎorill~tion surl'o i~n-

-I67-
tation et allant porter l'information dans les classes terminales des éta 1is-
sements secondaires.
1
1
1
Un autre problème se posa, celui des enfants qui entrent dans la vie~acti
ve ou même trop souvent dans l'oisiveté forcée. Faute de qualification, i 'S he
peuvent trouver d'emploi. Alors que faut-il faire pour eux? Un enseigneme It
post-primaire pratique ? Une formation
professionnelle courte? La multi.li-
1
cation éventuelle de centres techniques ruraux ou la mise sur pied d'un O,fice
national de, Formation ProfessioYL"'1elle ? Telles sont les solutions d'urgen le
qui SE- présentent au premier abord. LIais 'soulignons tout de suite que l'a op-
tion de ces formules
doit avant tout faire l'objet d'études approfondies
e-
nant compte à la fois des réalités psycho-sociologiques et des possibilit
dans l'ordre économique.
Venons-en maintenant au problème de changement de mentalités qui doi
gui,
der toutes.les actions entreprises
allant
dans le sens de la constru
ion
de la nation ivoiriewle. En effet, au lendemaiü
de l'Indépendance, l'a~pl ur
des problèmes était telle que les responsables ivoriens ne pouvaient se d' si-
muler les difficultés qui les attendaient. Face au développement rapide d
la
tec~I!ologie et des instr~~ents de production venus de l'Occident, le pays
e
trouvait d~"'1s la strié~e nécessité de s'adapter aux mutations du monde co~ em-
poraiL. Il
ne devait en aucun cas, au nom des valeurs traditionnelles a~ i-
caines, refuser catégoriquement d'intégrer la pensée moderne et spécialeme ,t
la pensée scientifique (mathématiques ,physiçue , chimie, biologie) pour les be-
soins "techniques" du dévelop~ement. D'où un changement de mentalités chez le3
rura~~ co~ne chez les urbains. Le problème est le suivant : Co~~ent ~~ener les
populations rurales à participer efficacement a~ dé\\eloppement sans se lai -
ser distraire par les exigences d8 la ·tradition ? Vivant dans un certain "e-
tard cu.l turel", elles éonsti tuent généralement des ,; sociét'és fermées", se
é-
fiant css nouveautés, centrées sur le maintien des valeurs traditionnelles et
de l'ÉQuilibre social. Ici, le sens du sacré, du surnaturel, de l'ordre du
on-
de, se présente lui-même
comme absolu, immuable, et sa critique par l'att_
rationaliste est un effort rare, dangereux et souvent remis en question. L
paysanE pour la plupart analphabètes continuenj à se ID0ntrer intolérants
'é-
gard d~ l'originalité et de l'i~~ovation. Toute la conscience collective r
a tendance
à recourir facilement à une autre métaphysique absolue chaque
is
qu'elle est confrontée à un phénomène nouveau, inattendu, non conventionnel!
~u'il E'agisse du comportement moral exemplaire d'un individu ou de la mort su-
bite ou accidentelle d'une personne, la métaphysique traditionnelle trouve, par

-168-
l'intermédiaire d'un devin ou d'un sorcier privilégié, une explication 10 i-
que qui apaise la curiosité collective."
Si l'on veut accélérer la croissance économique de la Côte d'Ivoire
de toute l'Afrique Noire en général, il convient de se détacher de cette
me de mentalité en brisant certains liens avec la tradition afin de promo -
voir de nouvelles valeurs. On sait que dans les pays dits développés, on
toujours tendance à apprécier les hommes plutôt en fonction des résultats
qu'ils obtiennent que de leur situation traditionnelle. Depuis un siècle,
a
théorie dominante est que l'ho~~e est forgé et conditio~~é par son milieu
a-
turel et social. Cette idée apparaît dans la théorie de Karl Marx suivant
a-
quelle la psychologie de l 'homme est le produit de ses condit:i"or~s de trav
Presque tous les spécialistes des sciences sociales des cent
~ernières an
es
ont envisagé l'homme comme le reflet de la société dans laquelle il vit.
Il s'agit maintenant, par le biais d'une éducation appropriée, d' ori' lter
la vision du monde de la majorité de la population analphabète des zones _ lra-
les. Leurs attitudes mentales et leurs structures sociales constituent au 'nt
d'obst~cles à la progression vers le bien-être: les attitudes mentales pa
e
que le paysan ivoirien, qu'il soit 2 Bouaké ou à Daloa par exemple, n'est
as
dégagé du grou~e et que la rationalit~ économique, c'est-à-dire la product vi-
té et la rentabilité, n'est pas perçue et, bien sûr, pas recherchée à caus
du
poids cie la tradition. Les structures sociales parce que les groupes famil am: l
tribaux empêchent la libération de l'individu et qu'elles favorisent les a ti-
tudes anti-économiques co~~e les dépenses ostentatoires par effet de démon tra-
tion, alors que le pays voudrait résoudre son problème de sous-développeme t.
L'impact de la culture traditionnelle sur le devenir de la :C&te d'Iv'
re
risque - si l'on n'y prend garde - de" retarder ou d'entraver (compte tenu
caractères que l'on cOilllaît dans la phase économique pré-inàustrielle et a
dustrielle) le àéveloppement de l'acquis nouveau.
Il
ne peut pas ne pas
tir la rapidit~
du
changement ou restreindre l'ampleur des moàifications
dues nécessaires par les nouveaux cadres àe vie. Le àanger est que le cult
la tradition enrichit la résistance au changement, ce qui est un véritable
heur
;pour un pays qui aspire au
"décollage économique
(1).
Four réussir, il fallait donc changer dE cap. Seule une information a I~ qua.
1
te et continue menée au sein des populations rurales et mêmes urbaines pour,
rait
apporter des llli~ières aux personnes encore trop fidèles au passé int:-
(1) Honorat Aguessy : La Problématique de l'identité culturelle africaine, ln
"Introduction è. la culture africaine, UNESCO, op. ci:t. 1981, p. 19.

-169-
gral de la Côte d'Ivoire. Pour y rémédier,seule la voie d'une éducation ap<ro-
. priée est bien indiquée. Le savoir scientifique acquis dans les cours d'a~lha­
bétisation fonctionnelle est la meilleure assurance pour chaque paysan d'a\\-
l
complir sa tâche quotidienne. Plus longue est la durée de l'éducation cons _
crée ~ l'acquisition des connaissances général~s, plus le niveau moyen du 1~_
voirest important et plus grande est la probabilité que la population rurale
sache s'adapter à toute situation nouvelle imposée à sa profession par l'É 0-
lution économique.
Ainsi, au début de l'Indépendance, il était essentiel de
prévoir dss
moyens efficaces de modifier et d'améliorer les attitudes mentales de tous
ceux c.ui refusaient le changement au profit du maintien co~nplet des valeu:
tradi tionnelles africaines qui ont
fait leurs preuves pendant des siècles.
our
effectuer ce travail, il fallait constituer plusieurs co~~issions qui aien' le
temps de se consacrer a faire des enquêtes dans toutes les régions de Côte
d'Ivoire, ce qui posait déjà d'énormes problèmes matériels et financiers.
L'Indépendance du pays en I96C apparaît comme le point de départ souh-' té
.par lequel le développement se ferait selon
les exigences de la vie moàe-'.
ne. Ces exigences veulent que chaque citoyen obtienne l'instruction, se li'
-
re des ccutumes incompatibles avec le développement économique , se libère
j~Tais dE la malnutrition, de l'ignorance, de la maladie, bref de la misèr~
qui l'écrase. Ces objectifs qui constituent le bien-être des Ivoiriens et
l
doivent être ceux de la nouvelle Afrique, ne seront réalisables qu'à parti-'.
du mo~ent où l'émancipation de toutes les couches sociales se fera par le
jet de cert~ines valeurs traditionnelles. C'est dire que le développement à
la Côte d'Ivoire post-coloniale appelle, de ce fait, un renversement total 1es
l
conce?tions dégradées et statiques de son organisation. D'où la nécessité è
mettre en place un véritable système éducatif qui puisse rendre le milieu s -
ciologique perméable au changement. au progrès, afin èe le préparer à une
ada;'tation aux techniques nouvelles. Le nouveau système éducatif doit aider
à opérer des changements mentaux par rapport aux milieux tec~~iques exist~ s,
pour accueillir les nouvelles techniques qui supposent l'anticipation dans
l'ave~ir. La rénovation des communautés traditionnelles ne peut aboutir que
es
par unE transformation systématique de leur vision du monde et la création
J
centres culturels indispensables pour l'éducation de la paysannerie et son
tégration dans la vie nationale.
l
, . t
e a'u ch8r,gement est le vrai moyen qui
L~ lutte contre
a reS1S anc
~
,
t
car la croissance et le
de co~battre efîicacement le sous-developpemen ~

-170-
loppement ne peuvent se concevoir que par une mise en cause des vieilles " bi-
tudes.
)
Kais la recherche d 'une me~1tali.ts neuve ne peut constituer une forcs :r-
1
résistible à laquelle il faut s'abandonner sans reserve. Seule une discri~~na-
tian critique parmi
"les éléments de l'héritage socio-cul turel ivoirien s~ par-
mi les éléments de la modernité" est la voie que doit suivre toute politi::. e
sensée d'éducation du peuple ivoirien.
Pour ~chapper
aux effets néfastes des coutQ~es surannées,il faut f~~.e
constaT~ent appel aux attitudes scientifiques. Elles peuvent assurer aux Ir i-
riens le bien-être matériel et le plein épanouissement auxquels ils
as~~~ .t.
Les questions
pertinentes qui étaient donc à l'ordre du jour au moment C~
l'Ind~~endance pouvaient donc se formuler co~~e suit: quel progrillillne d'~~i
20-
tian mettre sur-pied pour permettre aux Ivoiriens de se débarrasser des
cupations ancestrales infécondes ? Où trouver les méthodes sûres voire f~~- es
qui leur permettent de se détacher des attitudes superstitieuses qui emp&c~ nt
le développement des peuples? Il s'agit ici avant tout de s'attaquer à l'è ée
non scientifique que les gens se font du monde, à leur philosophie inada~:~
au monde moderne, et de la changer.
En effet, au moment de l'Indépendance, nous avons eu affaire en eSte ~ I-
voire à une pluralité d'etp_~ies qui ne vivaient que pour le respect de la t '20-
dition. Chaque tribu avait ses coutumes et sa langue propre. AucQ~e des lan.ues
du pays n'était employée pour la correspondance ou les actes officiels. ~~n
les villages, on s'accordait à respecter scr~puleusement les lois établies
ar
les Ancêtres. La
plupart des habitants continuaient à porter le pagne O~ l
boubou et adoraient les fétiche~ du clan. ChacQ~ é~ousait autant de ferr@s~
ue
sa situation Économique le lui permettait, recevait ~~e dot ~our chacune ~2 ses
fille~, rsglait sa vie perSOllEE:lle sur les coutmnes, les traditions et lé::
ois'
1
de S2 tribu, et préférait construire sa case et cultiver ses terres sur 12 , 0-
maine commlL~al de la chefferie.
Pour éliminer toutes ces situations anachroniques, il faut d'abord p~r e-
nir à assurer à tous les enfants, une instruction primaire. En ce qui conce.-
ne les adultes illettrés, c'est l'alphabétisation qui
pourra les ressusc~tl
Cette formule se présentait aux autorités ivoiriennes comme le moyen le plU
sûr d'opérer Q~ changement chez les ruraux. Ainsi, on était sur la voie de
construction de la nation ivoirienne.

,-171-
_ 8.
Scolarisation des filles et Promotion de la fe~ne ivoirienne.
Depuis des .décennies et des décennies. ·la t'emme ivoirienne avait évo
é
8ssentiellemént
dans le cadre étroit des coutumes et des traditions de
s
~Dcêtres. Elle avait ainsi évolué longtemps en vase clos, dans son milieu
ditionnel sans aucun lien avec le monde extérieur, les autres peuples et
s
autres civilisations (1).
Puis vint la colonisation et s'imposa l'école coloniale. Longtemps r c Jre-
sentée corr~e tlgardie~~e de la tradition et des coutumes, attachée aux ins: :tu-
tions familiales et religieuses, manifestant un concervatis;;!e qu'ur. besoil
psychologique de stabili t~ justifie", le. femme ivoirienne a éts victime de
eau·
coup de réticences à propos de sa scolarisation. Parce qu'elle est source
e
richesse par sa fécondité, le milieu mâle cherche donc à s'en assurer le
contrôle à tout prix. On peut comprendre cette réaction du milieu traditic _~el.
Elle est adaptée à la finalité et à l'organisation des sociétés iVoiriep~e
au
sein des forces de stabilité où le souci de l'ordre primait et où tout se léa_
1
lisait dans le cadre d'une pédagogie conservatrice dont l'objet fondament~
était de former des femmes en fonction de ce qu'on attendait d'elles pour
s-
surer la permanence des institutions, des pouvoirs et des valeurs.
Une fois l'Indépendance acquise, il était nécessaire pour la Côte d'l oi-
re nouvelle de revoir le statut de lE: ferrL'Yle afin de faciliter sa contribut 'on
à l'oeuvre de construction nationale.
Déjà pendant la colonisation, des dispositions avaient été prises par les
autorités coloniales pour hâter sa promotion. Elles avaient ay.~ leurs effo ts
sur l'~~élioration de sa condition: suppression de la dot, libére..tion de
la
feillllie par le choix de l'é~oux et 2 l'intérieur de la fa~ille, par le.. limit -
tion de l'autorits maritale, suppression du mariage des fillettes, aboliti
de le.. polygaüie, etc ... ~e..is e..u sein des populations rure..les, de telles pr ~­
criptions n' étaient jamais respectées. Et jusqu'en 1960, la femrne ivoirien...'
était encore marquée par le poids de la tradition. Cele.. suppose que l'écol
co-
loniale, malgré son désir d'a~éliorer la position de le.. ferr~e ivOirienne d
l'organisation sociale, n'a pas pu e..tteindre les objectifs qu'elle s'était i i-
xés. La preuve, c'est que dans toute l'Afrique d'expression française, le
fil
les représente..ient seulement IO~ des effectifs des classes enfantines et au ni-
(1) Me..re Le Guillerme : Conqu@te fre..ternelle en eate d'Ivoire, Nouvelles E~:­
tions Latines, Paris 1962, page 50.

-172-
veau des classes de fin d'études
primaires, on pouvait constater
5% seu
ment de filles.
D'après les statistiques officielles, l'évolution de l'enseignement
minin dans les .colonies françaises d'Afrique Noire, entre 1945 et 1960,
très lente. Les mêmes données statistiques permettent d'affirmer que la
d'Ivoire était très en retard sur la scolarisation des filles.
-Tableau:
Statistique par Etat du pourcentage des élèves de sexe fémi ,n
depuis la colonisation jusqu'en 1960 : (1).
Fays
Frimaire
Secondaire
Tec1h~ique et Prof.
Sup.
Carr18roun
13~L
20,4%
néan
Côte d'Ivoire
19 ,4~
13,I5t
GuinÉe
16 , 2~'~
13 ,5~:"'
Gaton
15 ,2~;
Haute-Volta
19 ,I5~
rte.li
26 , 3;~
17,65;
3'"
Niger
22 , 4~;
Teh::.::
10;0:
Bel Côte d'Ivoire, en dépit de l'ezplosion scolaire des é.2mees 60, on
2.
pas
enrégistré un développement spectaculaire de l'enseigne~ent tecl~~iQ
féminin. Par ailleurs, au niveau de l'enseignement primaire, la scolarisati n
été.i t
simpleHlen.t
lJe~ssée de II5~ à I4:·~· entre 1958 et 1960. DE..!l~ le SECOll.Q2_i
le Collège r::ode:r::::; des Jeunes Filles de Bingerville et le Cü1.J.rs Normal des
eu-
1
nes Filles de Bouaké ne con.ne.issaient qu'un accroissemellt d' e::fectifs assez
ti2ids. En définitive, au 31/12/62, on comptait 14% de filles sur l'ensembl
des élèves inscrits (1/7 environ).(2).
Les autres établissements féminins, tels que le Centre d'Enseignement
es
~étiers de Bouaké, le Centre d'Enseignement des Métiers Féminins d'Abidjan,
l'Ecole Normale Ménagère d'Abidj~1, tous ces établissaient n~ faisaient pas le
pleir, ,- ear l'absence des filles était très renforcée.
Devant cette situ2.tion d'insuffissnce, il fallait mettre ~ l'ordre le
0-
blème important de l'instruction de la fe~~e ivoirie~~e. t:algri les réticen
s
(1) Première Mission de Planification en Côte d'Ivoire, op. cit. 75.

-'113-
de certaines régions traditionnelles du pays encore trop prisormières d'
perception assez superficielle de la femrn~, des mesures seront prises
vraiDe~t réhausser l'image de 1a.femme ivoirienne pour qu'elle participe
1ement à l'évolution de son pays. C'est pourquoi l'AFI, association des f i-
mes ivoiriennes,par l'intermédiaire de ses ciirige.antes,avait été chargée
l'en-
treprendre des actions efficaces pour que toutes les fe~~es àu pays cievieD
nent cie plus en plus conscientes des transformations que subira le pays a
cours des années à venir. L'objectif était surtout de leur faire acquérir
es
attitudes nouvelles tant à l'égard de certaines habitudes héritées de la s
ciété tra~itionnel1e qu'à l'égard d'habitudes en formation, qualifiables ci
modernes.
Quoiqu'il en soit, cette tâche n'était pas des plus faciles h réalise
d'aut~~t plus que le conditiorillement mental subi par les femmes ivoirie~~~el
dans le ~assé lointain ou rÉcent les empêche d'avoir une prise de conscien,e
nette de: leur condition.
Con~e on peut le voir,la question féminine fait donc partie des prabl -
mes nouveaux d'éducation et de formation, voire d'instruction ou d'informa ,ion.
Elle se posait et elle se pose toujours rÉellement dans la pratique quotici;en-
ne et dans la conscience des responsables de l'éducation en CSte d'Ivoire. ·lle
se pose encore d~Ds la production matérielle où le rôle des femmes du pays est
a~pelé à égaler celui des ho~~es, à la fois
parce qu'elles dssirent exerc ~
1.1I~e activité professionnelle conrne l 'hOlmne et m~m(; se mettre ~. SEi he.uteur, ce
qui est interdit dans le milieu traditiorulel.Enfin, la question féminine s
pOa
se dans les rapports du couple avec la libération de la femmeparletravai
soci
al et ?ar 1GS nouvelles fonctions qu'elle va exercer pour la ~remière
fci
Nul doute que depuis la colonisation, la femme ivoirierille est très sen "ble
à
l'évolution de son pays. Depuis longtemps, 19ivoirierme "lettrée"
e
de remettre en question sa façon d'être épouse et mère. Complètement
n-
née, elle ressent continuellement le besoL~ d'une éducation qui lui permet
a
d'avoir un travail mieux payé et d'imposer sa personnalité à un mari plus
ill1-
cipé qui ne l'apprécie pas. Pour ce faire, il lui faudrait une instruction
assez solide, voire consistante. Malheureusement, comme le constate bien
ar.-
nuaire statistique de l'UNESCO (1965)(1), toutes les filles qui "commencen
leurs études ne les achèvent pas". Et plus est, "toutes les filles qui ont
chevé leurs études primaires n'entrent pas en général dans les lycées ou
les secondaires".
Cela étant, il faut porter remède à cette situation
suffisance pour éviter les injustices entre les sexes.
(1) Cf. Afrique en mutation: 1NADES, nO 1
op. cit.
page 18.

-174-
-9.- Au niveau des moyens humains, matériels et financiers nécessaires au
fonctionnement du système éducatif.
Vers les années 60,
afin de mieux défendre sa souveraifteté nationale, la
Côte d'Ivoire se trouvait dans la nécessité de produire des cadres pour s
développer, mais ces cadres étaient en nombre si insuffisant que le peu q
vaient former les colonisateurs ne pouvait guère avoir d'effet multiplica
ur.
L'école elle-même ne touchait qu'une faible minorité et au fur à mesure q
le
temps passait et que l'école tendait vers un enseignement supérieur, les
é-
dits qu'elle exigeait enflaient dans une relation inversement proportionn 1 le
au nombre des bénéficiaires qui lui se réduisait en conséquence. Le probl'e
du coût de l'enseignement était ainsi posé au seuil de l'Indépendance. La 'ôte
d'Ivoire enrégistrait en 1963, un enseignement coûteux, l'un des plus éle
s
d'Afrique et du monde. Le prix de revient des diplômes, compte tenu de ce
ui
précède s'établisssait comme suit : (1)
CEPE
270.000 F CFA
BEPC
1.288.000 F CFA
BAC
3.500.000 F CFA.
Au niveau de l'Enseignement Supérieur, les données chiffrées étaient
u-
rissantes. Ainsi, avec un budget de~ fonctionnement équivalent au budget to laI
de certains Etats africains, l'Enseignement Ivoirien produisait toutes pro or-
tions gardées, 2 ou 3 fois moins de diplômés que celui de ces Etats relati e-
ment Qoins favorisés. L'examen détaillé du Budget révèlait qu'une part pro or-
tionnellement trop importante des crédits de fonctionnement était consacré ~
l'Enseignement général,et de l'Enseignement technique.
L'Enseignement Primaire, avec 347.133 élèves revenait à environ 3 mil
aras de F.CFA (dont 2,715 milliards de dépenses de personnel).
L'Enseignement Secondaire avec 22.682 élèves coûtait près de 2 millia·
s
1/2 alors que les dépenses du personnel étaient en grande partie supportée
par
la France.
Devant cette situation, il fallait chercher à réduire les coûts et à ~ -
croître l'efficacité du système d'éducation et veiller è dégager les effect fs
de professeurs ou enseignants nécessaires en orientant massivement vers l'el sei
gnement les jeunes bacheliers.
(1) Education et Techniques, bulletin pédagogique du Ministère de l'Educati n
Nationale, op. cit. page 6

PRO D ü l TIN TER lEU R
JHiiI T -
DE PEN 5 F S . D E
~E-T l T
ET
DEPENSES
DES
SECTEURS
EDUCATION-FORMATION
EVOLUTION
DE
1960
à
1980
en milliarès
de
francs
CFA
Année
Produit
B l; r:i.2 ~ 1:
de
1. 1 E1.. r.l l~
~~~~nses Formation
R
A
T
1
Û

budgé-
Intérieur
taire
1
Brut
B G F
B S
l
E
B_G
Ll/2
5/3
4/1
5/1
-.?-
4 F_
1 ~ ~ ~ E
- 3 -
- 1 -
..
1.960
143
18,3
. . .
3,5
1
0,5
19,3 %
. . .
3 , 1 %
() , 4
%
- - - - - - -
--------
-------- - - - - - -- -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
1965
240
32,3
13,0
7,9
1,2
24,5
8,8 %
3,3
0,0
1966
258
36,0
13,8
9,5
1,2
26,3
8,7
3,7
O,p
1967
276
38,5
16,8
10, 5·
1 ,3
27,3
7,7
3,8
0,5
1968
326
44,8
19,9
11,9
1,7
26,6
8,5
3,7
0,5
1969
,66
-49,2
29,5
lLl,3
1
1,8
29,0
6,1
3,9
0,5
1
1970
...:15
61 , 1
24,8
16,3
3,7
26,7
1 Ll , 9
3,9
0,9
Ll'\\
t-
1971
440
65,6
41,7
20,8
2,5
31,7
6,0
4,7
0,6
tt
1972
472
75,0
34,9
26,0
1 ,4
34,7
4,0
5,5
0,3
1973
565
87,6
37,0
29,7
3,1
33,9
8,4
5,3
0,5
1974
739
109,3
44,3
39,6
1,9
36,2
4,3
5,4
0,3
1975
834
126,8
54,0
45,Ll
3,1
35,8
5,7
5,4
0,4
1976
1.114
153,7
60,1
59,7
4,8
38,8
8,0
5,4
0,4
1977
1.583
198,3
245,1
76,8
34,9
38",7
14,2
4,9
2,2
1978
1.783
253,6
257,2
97,3
16, 1
38,4
7,0
5,5
1,0
1979
1.945
304,6
219,8
120,8
31 , 1·
39,7
14,2
6,2
1 ,6
1980
2.216
338,4
312,8
147,4
37,6
43,5
12,0
6,7
1 ,7
-Source
:
B.ilan du développement de 11 éducation en Côte d'Ivoire au cours des d.eux dernières décennies, p. JJ.

-176-
Mais pour réduire les coûts, il conviendrait d'ivoiriser rapidement
maximum le personnel enseignant, de réduire la durée de formation de ce p
son.
nel, de recourir peut-être partiellement aux moyens audio-visuels. D'où l
pro.
blème fondamental de l'ivoirisation de l'enseignement.
_IO.-L'Ivoirisation de l'enseignement et ses difficultés.
L'ivoirisation ne sera possible que si l'on arrive à accélérer la fo
a-
tion des professeurs nationaux. Les cinq premières
années qui ont suivi l In-
dépendance ont révélé que la quasi totalité des professeurs (99%) apparte J it
à l'Assistance Technique étrangère et particulièrement française. Malgré
,e
bonne volonté, une compétence et un dévouement indiscutables, l'Assistance]Tecr
nique étrangère se heurtait et se heurte toujours à certaines barrières quO
l'empêchent en dehors de l'instruction proprement dite, de se consacrer a
es
tâches
d'éducation véritable sans laquelle l'instruction risque de deveni, un
danger. Cela suppose donc que dans le cadre de la véritable promotion des
Ivoi-
1.
riens, l'ojectif essentiel est de mettre en place un système d'éducation q l
paxte de la base, c'est-à-dire des Ivoiriens eux-mêmes. Un tel recours à e
pose automatiquement le problème de la culture nationale. En ivoirisant au
maximum l'enseignement,les éduqués éprouvent certainement moins de difficu
és
sur le plan de la vision du monde. Ainsi le code de vie, y compris le code
ul-
turel est mieux cerné, voire fondé en authenticité. Nous pensons que l'ivo' i-
sation de l'enseignement vise indubitablement la restauration de la dignit
na-
tionale, qui passe nécessairement par l'utilisation avant tout des forces"
-
tellectuelles du pays. Mais la Côte d'Ivoire avait-elle des moyens de se p
ser rapidement de l'aide extérieure? La réponse négative est ici très év:5..'-n-
te si l'on se réfère à sa dépendance économique.
Le problème majeur des responsables politiques du pays était de mettre en
oeuvre et de réussir une école qui réponde au type de société en accord av
les
attentes des masses populaires. Ce type de société est celui qui sauvegardelet
développe l'indépendance et la personnalité des Ivoiriens et qui fait que l urs
différentes activités aient pour point de dépar~ et d'arrivée
leur propre
pays
sans faire d'eux des appendices d'aucun bloc ni d'aucun pays .. Pour cé-
er la véritable école ivoirienne, il faut des enseignants ivoirienssoùcie
t.Qe~re-:p
d
ensemble' au niveau ,d8~ mé.thodss~t~Q..·la.,péda&o~1oe.n..,s'app~ant ,1
sur le patrimoine culturel legue par les dlfferentes ethnles 9U1 constltuent
la nation ivoirienne. En ivoirisant l'enseignement, on se démarque ainsi deI
l'école occidentale traditionnelle, qui est trop élitiste.

-177-
Le nombre restreint des enseignants ivoiriens au départ empêchait de com-
bler rapidement les lacunes énormes du système éducatif. Mais la formatio
des
formateurs ivoiriens ou l'ivoirisation de l'enseignement constitue une tâhe
difficile, voire délicate. La formation tec~ique par exemple exige des é a-
blissements d'enseignement très complexes et coûteux, il faut des ateliers
des
machines, des installations diverses. "Ivoiriser", c'est· former· des spéci lis-
tes nati-ona-.ut- . .ayant
une solide expérience de l'enseignement et de l'or ani-
sation, une grande habitude de la technique et de la production, une somm
de
qualifications que la Côte d'Ivoire ne pouvait rapidement avoir à sa di~p
tion après une décennie. Nul doute que la formation des enseignants néces ite
beaucoup d'investissements. (1).
La possibilité d'une transformation de l'école, est-il besoin de le
u-
ligner, repose ,donc
sur les enseignants typiquement ivoiriens. Il n'y a
s,
en effet, d'éducation sans rencontre des réalitÉs ~ndogènes, et la confre. a-
tian des éduqués avec les éducateurs ivoiriens es.t indispensable "à la form
ion
ou à l ' éducati.on de tous.
Beaucoup de parents en Côte d'Ivoire inquiets de la dégradation ou d
la
crise de l'enseignement souhaitent cette ivoirisation afin que leurs enfa.
s
échappent en partie aux effets aliénants de l'acculturation progressive.
ur
ce faire,l'Etat s'est trouvé dans l'obligation d'accélérer la formation de
en.
seignants à tous les niveaux, où la préparation pédagogique ait la place
u-
lue. Au cours de la première décennie, le recrutement massif des enseignar. s
nationaux au niveau du cycle
primaire a été le coup" d'envoi pour reposer
e
problème général de l'ivoirisation de tous les autres cycles à long terme. PaiE
les difficultés fin~~cières sont toujours là pour constituer des barrières sé-
rieuses tant au niveau des enseignants ivoiriens que des enseignants expa. iés.
(1) Il convient de rappeler ici que le côut de l'accroissement du corps en ei-
gnant pris en charge sur les ressources ivoiriennes propres était calculé
r
les bases suivantes :
Premier cycle (par exemple)
-Professeur Ivoirien······· ..••..•..•••••.••... I.250.000 F CFA
ar
an.
-Professeur expatrié militaire ..••...••....••••1.750.000 F CFA
ar
an.
-Professeur expatrié civil·.· •••.••.••••..••••. ).OOO.OOO F CFA
ar
an, soit, compte tenu.~u :a~io 1/5:-4/5, une moyerul e de 2.750.000 F ~F~ parlan,
par professeur expatrle. ftlalS depuls lors, les rapports· n'ont pas ete ma': fiE
en dépit de l'augmentation des traitements et salaires dans le secondaire' la
suite de l'élévation du coût de la vie en C~ote d'Ivoire.

DEPENSES DE ~ONCTIONNEMENT
DANS LES SEC~EURS D'ENSEIGNEMENT GENERAL
DE
1971
A 1980
(Milliards
de
francs)
DE?Ei--lSE;3
DE FONCTIONNE~ENT
FIN AN.:; E ~4 E N T
DE,:)
8EPEN3E3
-- .,'
SECTEUR
SECTEUR
TOUS
UH ER l SUR
INTERIEUR
EXTERIEUR
prJBLIC
PRIVE
SECTEURS
PUBLIC
PRIVE
1971
21,586
2,263
23,849
19,367
O,Boa
3,6'14
1972
25.066
2,381
27,447
22,675
0,916
3,856
1973
30,086
2,718
32,804
27,633
1,082
4,089
1974
37. 74 0
3.394
41,134
35,080
l,36O
4,604
1975
46,010
3,786
49,796
43.076
1,673
5,047
1976
55,848
5,035
61,783
54,614
2,795
4.374
1977
63,970
6,202
70,172
62,437
3.129
4,606
..
1978
78.266
7,239
85,505
77,907
3,735
3,863
1979
103,582
8.995
112.577
104.293
4,251
4,033
1980
122,259
10,282
132,541
123,196
5,205
4,140
-Source
Bilan de développement de l'éducation en Côte d'Ivoire, op.
cit.
page 32.

-179-
-II. -Le problème de la mise en place des structures nouvelles.
:él n'est pas très utile de rappeler que la colonisation a eu très tôt1re-
cours à l'école pour former les cadres indigènes, auxiliaires de la l'Adm li8_
tration, mais sans jamais courir le risque d'une instruction universelle q i
aurait pu éveiller c~ez les I,voiriens les sentiments de liberté., de digni t~ 1et
d'espoir. Aussi, apres l'Independance, l'enseignement restait~il le proble e le
plus préoccupant qui pût se poser avec acuité à la jeune république de Côte d'I-
voire.
D'.QÙ le.déf'ià r&lever.Le souci majeur était de dépouiller tout le pays
des séquelles de la colonisation en cherchant à réhausser le prestige d"'un
nou.
v&lle école pour bâter la prise de conscience des situations incohérentes l is-
sées par la colonisation.
On notait ainsi au départ l'insuffisance notoire des établissements s 0-
laires. L'école primaire publique se caractérisait par le manque de struct
es
d'accueil. Tout ne parlait que d'indigence et de vétusté." Dans le secondaire
i l
existait un seul établissement vers les années 1948-1949, grâce d'ailleurs'
la transformation en 1947, de l'ancienne Ecole Primaire Supérieure de Bing
ville en Collège d'enseignement général. Quant à l'enseignement technique,
'1
était quasi inexistant : le Co~lège Technique d'Abidjan-Cocody, seul établ
se-
ment sur la place, sera donc transformé en 1958 en Lycée technique. Mais i
s'organisera et se diversifiera à partir de 1960 avec la création de divers
en-
tres d'apprentissage (Treich-ville, Bouaké), de Centres de Métiers Féminin
(A-
bidjan et Bouaké), et de Centres Techniques de Formation Professionnelle (
zo-
pé, Treich-ville, Gagnoa, Ferké). L'objectif visé était de doter toute la
te
1
d'Ivoire de nouvelles structures scolaires plus viables en vue de permettr
aux
jeunes de poursuivre leurs études dans les conditions les plus favorables.
ul
1
doute que la mise en place des structures adéquates exigeait de forts inve
is-
1
ssements. Mais que faire? En tout cas, le pays n'avait pas de choix: Pou
con.
crétiser la souveraineté nationale et mieux prendre en charge les dépenses
'é-
ducation, il ne devait nullement hésiter de s'engager à corps perdu.
L'Indépendance a fait prendre conscience de la nécessité d'envisager
réformes de structures qui ont abouti en fin de compte à dédoubler les éta
i6-
sements scolaires. Il semble clair que la mise en place de nouvelles struct l es
contribue beaucoup à rendre plus fonctionnelle toute l'école ivoirienne. Il faui
bâtir
l'école du peuple, de tous les citoyens, c'est-à-dire celle qui doit évi-
ter d'être le reflet de l'école coloniale. L'école ivoirienne doit s'inscrl e
dans un "projet de société" dont elle doit ambitionner de devenir à la fOi~1 le
moteur et l'instrument. Mais comme tout héritage est ambigù, on ne pourra fl3ire
complètement abstraction du passé et nier certaines réalités quand on veut tne

-180-
institution nouvelle. Toutefois, le passé est souvent déconcertant. Faut-
continuer à maintenir les vieilles structures laissées par le colonisateu
Quel bénéfice en retireront ceux qui seront ainsi entrés dans les mê~es cyiles
d'enseignement s'ilsdoivent échouer à la sortie? Pour remédier à ces inc6'vé-
nients, il faut des structures plus adéquates, c'est-à-dire intégrées et
li_
fiées •• Il est sûr que les cloisonnements font obstacles à la démocratisatJon.
Il est non moins sûr que le décloisonnement ne suffira pas à lever tous lei oba
tacles. A première vue l'école primaire ivoirienne semble parfaitement int grée
unifiée. Or depuis la colonisation, les enfants qui en sortent se répartisJent
1
déjà en niveaux très inégaux; le
peloton n'est plus groupé. C'est toujo :s à
l
l'école primaire que tout se joue. Cela
constitue un frein à la bonn
marche de l'enseignement. Il faut que l'école soit bien structurée. Pour cl
faire, il est donc important de lui donner le meilleur cadre et lui offrir les
conditions de mise en oeuvre les plus favorables. Il est d'abord essentiel que
le climat nécessaire au bon déroulement des études soit assuré au sein de l' col e
1
La participation de tous à la marche des établissements scolaires doit se
a-
duire dans leur organisation institutionnelle et leur fonctionnement. Si 1 Is
établissements doivent être d'initiative et donc de responsabilité, la rép 1 ti-
tion des compétences entre leurs organes doit être claire pour ne pas nUir}
leur efficacité. Il convient à cet égard d'affermir les rôles des chefs de)
tablissements et de leur donner des responsabilités, y compris
dans le do
ne pédagogique.
Simplification de l'organisation scolaire: sur ce point les directiv
officielles veulent s'écarter des voies préalablement définies par les col
Il ne suffit pas que tous les enfants ivoiriens soient scolarisés, ce qui
impossible. L'important, l'essentiel, c'est de les former, de les éduquer
s
une ambiance très saine. Celle-ci suppose la mise en place d'une série
novations : amélioration des charges scolaires qui pèsent sur les nombre us
familles défavorisées, amélioration de l'orientation et des choix offerts
élèves, la rénovation pédagogique à tous les niveaux, la formation et le p
fectionnement des maîtres, l'adaptation des contenus et filières de format"
l'éducation permanente, la réduction des inéga.lités géographiques (le nord
e
la côté
d'Ivoire) .
Toutes ces nouvelles indications ont pour but, bien sûr, de résoudre e
partie le probl~m~ de l'inadaptation de l'enseignement. On a constaté que lré-
cole coloniale sortait souvent le jeune ivoirien de son milieu et le rendait'
inutile à ce milieu. Les effectifs pléthoriques des classes ne permettaient
'pas à l'enseignant de suivre le travail de chaque élève; on se contentait
il

-181-
d'une pédagogie de masse, d'où les piètres résultats et une déperdition de
,
effectifs
que, 1 f~(Jn~.oon.na~'t 'tort bien..
La situation était d'autant plus grave que tout le système de formati1n
était orienté vers l'acquisition dll diplôme, celui-ci étant considéré co
\\
l'unique mesure des connaissances et d'évaluation d'un homme; sur le marc é
du travail, il était le principal critère de recrutement, de rémunérationt
de promotion. L'accent était surtout mis sur l'instruction et non sur l'éd -
cation. En outre, les structures d'enseignement n'offraient de possibilité
de participation ni aux jeunes ni à la communauté. Il s'ensuivait d'une p~ !t,
1
une démission de celle-ci parce que le contrôle de l'Ecole lui échapp~it,
'au-
tre part,un désengagement des responsables de l'éducation qui maîtrisarent
moins en moins le projet éducatif de leurs institutions et s'interrogeaien
sérieusement sur la survie et le fo~ctionnement à venir de celles-ci.
1
Devant ces problèmes, les responsables ivoiriens de l'éducation se sont
dans l'obligation de'se
poser la question fondamentale: quel système d'é
cation pour le pays? C'est ainsi qu'ils commencèrent à définir la politi. 1
scolaire nouvelle·
Pour mieux organiser l'école ivoirienne, il s'agira
de réformer en
profondeur toutes ses structures. Ce fut donc la naissance
d'un ensemble d'établissements scolairesdans un esprit de renovation.
En 1963, le Centre d'Etudes Supérieures créé en 1958 est transformé e
Université. Celle-ci inaugure en 1965 ses premiers bâtiments réalisés sur
Campus Universitaire qui groupera, outre les facultés proprement dites, le
autres établissements d'enseignement supérieur existant ou à créer: Ecole
Nationale d'Administration, Ecole Normale de Travaux Publics, Ecole Normal
Su-
périeure, etc ••• La construction à Abidjan du
premier C.H.U. sur le cont·
nt
africain donnera à l'enseignement médical toute son efficacité. La
scolaire, comme l'éventail des orientations scolaires, se complète
er-
sifie, en inême temps que s'affirme la vocation inter-africaine de l'Enseig
ment
Ivoirien. (1). Nolis:y. rev~endz:l:>ns.
1
Pour hâter la scolarisation et l'instruction des enfants du peuple, il
)!
fallait donc porter tous les efforts sur la création ou la constructions dei
1
bâtimp.nts s~olaires en prévision des, difficultés complexes qui s'annonçaien
1
dès les premières-heures.dè l'Indépendance.,
à savoir l'augmentation sans
1
lâche des effectifs scolaires tous les ans, l'accroissement important du no l
'
l ,1
bre de postes budgétaires à tous les niveaux de l'enseignement, l 'augmentat' , n !i
du nombre des bourses, etc.
"
(I) Education et Techniques, op. cit. page 3.
1

oi.Ï82-
A travers toutes ces indications, on découvre aisément l'ampleur des
iffi
cul tés qui se posaie_nt
aux responsables ivoiriens au sujet de la réorg
isa·
tion ou de l'organisation de l'enseignement. Devant cette ":ruée vers l'éc
en ,
ils étaient dans la nécessité de réformer le régime de l'école. Pour cela
ils
ne pouvaient s'empêcher de procéder avec les experts de l'éducation à de
velles expériences et de mettre à l'épreuve des méthodes qui se veulent
efficaces. Car l'école est envahie à cause du progrès de la médecine qui
contribué à accroître davantage encore la population juvénile. Et toute ce te
situation a été renforcée par l'obligation scolaire. La création de nouvel es
écoles, la restauration des vieux bâtiments laissés par les colons, tout c la
1
constituait en quelque sorte des éléments de solution pour résoudre les pr,-
blèmes des locaux. Dans les villages, les autorités locales se sontvuee
s
l'obligation d'employer des moyens de fortune: utilisation de toutes sortis
de cases, classes de plein air, classes à mi-temps, ce qui a permis de dou!ler
les cours et parfois même de les tripler. Moyens quelque peu efficaces mai
ce~
pendant insuffisants. D'où la nécessité urgente de moderniser les structurls
de l'école, car, il semble absurde de chercher à construire les écoles ave
les matériaux de fortune.
Comme on peut le consf&ter, le problème de la réforme et de la démocr
i-
sation de l'enseignement ne trouve sa solution en partie que replacé dans
cadre
de l'amélioration des infrastructures scolaires. Et c'est le rôle
l'Etat d'y penser. Qu'est-ce à dire? En effet, à partir du moment où la
d'Ivoire a choisi son indépendance, il a compris qu'il doit prendre consciE' -
ce de son rôle et de ses devoirs et l'on .. peut supposer que les crédits qu
eoa8acre à l'enseignement pour le mieux structurer comme la coordination q
il
organise le conduiront peu à peu à concevoir une éducation nationale au se.
où tous les Ivoiriens l'entendent. Il s'agit de rénover l'école en
t
plus ivoirienne et la débarrassant du poids de la colonisation. Le
hû-
mogénéité de la structure de l'enseignement et la
nt
qui en résulte pour les divers niveaux et branches d'enseignement, n'ont ce sé
de compromettre plus spécialement les chances des enfants
issus des17i11:1
!
défavorisés,ce quinui.t .-à la .bonnemarche de·T'.école. Pour y rémédier, i l f!u-
drait au. niveau struèturelle plus large, assurer une plus grande intégrati·n
de tous les cycles d'enseignement, estomper les frontières artificiels entr
l'enseignement primaire et le premier cycle de l'enseignement secondaire, rJ-
l
définir les relations nouvelles entre le primaire, le secondaire et le supé
rieur, etc. D'où l'enchevêtrement des prQblèmes à résoudre.

-I8)-
-I2-. -Lés diffi.Qultl§s d'aCC11eil·des populàtionS d'élèves.··
.s
Cet accueil massif d'élèves dans le primaire et le secondaire (nous l
verrons) représente incontestablement une intensification délibérée des e lorh
en faveur du développement accéléré de l'Enseignement •. Plus
que des mots,lles
statistiques traduisaient de façon éloquente ce qu'il est convenu d'appele
:
"l'explosion scolaire en Côte d'Ivoire". Devant un tel phénomène, il fallaJt
reconstruire l'école afin qu'elle fût en état d'assurer l'ensemble des se \\iQe~
nécessaires
à la société ivoirienne moderne et de s'adapter constamment
besoins changeants de la jeunesse. La rapidité avec laquelle le désir de
larisation se développait en 1960, o.bligea lesautQritéa:à.améliorer les
c-
tù.res ·d!a.cèl1eil des .:collèges et des cours normaux à
Abidjan, Bouaké, Daloa
K
h
t
L
bl '
,
,
dr
' t
. t l
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t
C t "
1
or ogo, e c.
e pro
eme a resou
e e al
e SUlvan:
ommen
preVOlr·po
tous les jeunes une scolarité pleine dans l'optique d'une égalisation des
ces? Ici, le
plan qui déterminait l'organisation de l'éducation visait à
tre en place avant 1980 une scolarisation à IOO%, ce qui ne sera pas du to
faèile, pour ainsi dire.
Une meilleure scolarisation implique une planification et une progr
tion rigoureuses des diverses activités éducatives. La complexité du phéno
ne éducatif ne
permet pas de limiter une gestion efficace aux seuls aspec
quantitatifs. Par exemple, la normalisation des constructions scolaires ne
eut
être artificiellement séparée des conditions mêmes d'utilisation des ensei
gn~~ts et des techniques pédagogiques différenciées permettant de mieux acc eil.
lir la masse des élèves. En ce domaine les actions des divers services éduc l -
tifs doivent être iii·tégré-es et cohérentes. Un développement harmonieux dE:: l' n-
seignement, des structures d'accueil bien étudiées à l'intention des élèves
tout cela implique une planification de toutes les ressources : intellectue -
les (programmes, m~thodes) ; humaines (enseignants administrateurs) et maté li_
elles (équipements divers, financement), donc l'intégration d'aspects: quan i-
tatifs et quantitatifs.
L'accueil massif des jeunes au sein des établissements scolaires exige
n-
,core la création des organes permettant
d'éclairer en permanence les autor
és
responsables sur les adaptations du système
d'enseignement à réaliser et d
promouvoir une planification à long terme où les ressources a affecter à "1
plosion scolaire" pourraient être considérées comme de véritables investiss
ments.
1
_1\\'_"

-1:84-
Cet accueil massif des élèves exigera chaque année beaucoup
d'ensei 1
gnants qu'il faudrait alors former.
~artout ailleurs, dans le secondai e
comme dans le supérieur, il fallait créer des postes dans certaines disci
ine
!
ou ouvrir
des postes supplémentaires. Ensuite, il fallait aux enseignant' des
efforts personnels pour adapter leurs enseignements à l'afflux considérab
des élèves.
Cet afflux du nombre dans les écoles
doit 'être considéré comme un
jet d'évolution des mentalités et en même temps comme un sujet de fierté,
cela, pour trois raisons. D'abord parce qu'il traduit une renaissance démo
a-
I
phi que et le
désir,
de former
la jeunesse et faire d'elle l'espoir de
e-
main. Ensuite parce qu'il traduit une certaine démocratisation de l'ensei
e-
ment àans un pays dominé au départ
par les conflits des tribus;
parce qu'il a appelé et qu'il a obtenu de la part des pouvoirs ,Publics
ef-
fort financier, un effort d'équipement énorme qu'il ne faut
jamais oublié si
l'on se souvient de l'époque coloniale. Sur ce (nous le verrons en détail)
le!
chiffres importants ont été rappelés un jour par l'ancien ministre de l'Ed ca-
tion pour souligner les efforts accomplis
par le pays pour la scolarisati n
de ses enfants :" Bién que les réalisations scolaires de 1960 à 1965, dit- l,
ne constituent pas une "tranche" isolée du phénomène scolaire en Côte d'Iv lire,
elles représentent incontestablement une intensification délibérée des eff 1 ts'
en faveur du développement accéléré de l'Enseignement ••• Le taux de scolari
tion est passé dans le primaire de 28,45% en 1960 à 43,61% en 1965 malgré
croissement démographique, totalisant 347.133 élèves au 1er Janvier 1965 c
tre
200.046 au 1er Janvier 1960, soit un accroissement de 73.52% (1).
Naturellement, tout ne sera pas résolu pour autant. Il demeurait
des
n-
suffisances d'encadrement des élèves à tous les niveaux par exemple. En ef
t,
un système d'enseignement.
qui doit donner toute sa place à l'éducation de
en-
fants àe la nation doit ége.lement ne pas" méconnaître la nécessité de leur
n-
cadrement harmonieux par les éducateurs et les conseillers d'éducation. C'e t
dire ,que le vrai. problème ne se situera pas surtout 'au niveau du nombre des
élèves auquel l'école peut et doit faire face: il est celui de l'inadaptat·on.
Il existait des distorsions au sein de l'enseignement au profit des discipl'-
nes littéraires alors que le Plan quinquennal prévoyait de multiplier les s c-
tions scientifiques si l'on veut que la Côte d'Ivoire se développe assez ra1i-
dement. L'accueil massif des élèves dans les disciplines littéraires risque'l
1
si l'on n'y
prend garde, de créer à la longue ce qu'il est convenu d'appel 'r
la crise de culture.
(1) Education et Techniques, op. cit. page 5.

-185-
Pour un pays qui veut accélérer le rythme de son développement, i l es,
es-
1
sentiel que
Boient définie le niveau de son enseignement et la qualité i ' el-
lectuelle de ses ressortissants. De la qualité de ses cadres, dépend à tr \\
vers le. monde toute sa réputation. Or la Côte d'Ivoire qui souhaite amorc
son décollage économique a nécessairement besoin d'avoir des ingénieurs,
s
médecins, des professeurs, des techniciens de haut niveau. Seule une éduc
ion
ou une formation de premier
ordre peut permettre d'avoir tous ces cadres
u
agents supérieurs de développement. Mais une éducation de
premier ordre
se
fait pas du jour au lendemain, et elle coûte cher. Bien que privilégiée p
l'agriculture, la Côte d'Ivoire se présentait - relativement parlant - co
e
un pays pauvre. Elle n'avait pas les moyens financiers qui lui permettrai
t
de former assez rapidement les cadres dont elle a besoin pour son évoluti
Et même si elle en avait, il lui faudrait plusieurs ~~ées pour former des
techniciens compétents. Et les "formés" doivent encore, après avoir suivi
es
cours, acquérir de l'expérience, avant que leur travail n'influe sur la pr,-
duction économique.
Le colonisateur n'avait pas voulu "garnir" la Côte d'Ivoire de cadres di-
gnes de ce nom et on en connaît parfaitement les raisons. "La plupart des
,ays
qui ont été COlonisés, déclare Ben Mady Cissé, ont vu s'implanter chez eux une
école européenne qui était chargée de répondre à des problèmes européens d
s
un environnement qui était, africain. La plupart des écoles, sauf cas exce:tior
nels, avaient pour fonction de fournir à l'administration coloniale les a
liaires nécessaires à cette administration. Or, en termes de développement
l'administration s'occupait de fort peu de choses. Ce qui était essentiel,
c'était le développement, la production et toutes les activités qui y sont
liées. Or toute la formation qui était donnée visait à former des employés
u
des travailleurs à peine qûal~iés(I)"~ On comprend pourquoi à la veille
e
l'Indépendance, la Côte d'Ivoire n'avait pratiquement pas de cadres. Tandi
que l'école primaire comprenait plus de 60% de moniteurs, on enrégistrait
le secondaire "une terrible
pénurie d'enseignants locaux".
Au niveau
l'Enseignement Supérieur, de 1958 jusqu'en 1966, on ne pouvait que compter
4
enseignants nationaux:dont la répartition est la suivante:
- 13 Professeurs, dont aucun Ivoirien
-37 Maîtres de Conférences, dont 7 Ivoiriens
sur les 7 enseignan
nationaux, 6 appartiennent à la Faculté de médecine;
(1) Perspectives, Revue trimestrielle de l'Education, UNESCO, vol. VI, nO
pages 193-194,1976.

.\\
-IS6-
- 4 Chargés de cours, dont 2 Ivoiriens
-56 Maîtres-assistants, dont 18 Ivoiriens
-69 Assistants, dont 17 Ivoiriens.
Dans le secteur médical ,on ehr~gi~t~ait à peine:
-1 médecin pour plus de 40 000 habitants (non compris Abidjan)
-1 médecin pour plus de 22 000 habitante. en comptant Abidjan.
Il convient aussi de remar~uer deux ordres de faits :
-l'insuffisance globale en techniciens de laboratoire et en ingéni
s
sanitaires;
-l'insuffisance de formation administrative et comptable du perso
nel administratif subalterme (1).
Avec l'accession du pays à l'Indépendance, les responsables politiqu
ayant pris de plus en plus conscience de l'importance de la formation de
niciens dans la création des ressources humaines
nécessaires,
les écoles techniques comme 'des établissements de prestige. Le problème se po-
sait donc d'offrir partout ailleurs des cours de perfectionnement aux ense:-
gnants ivoiriens chargés de la formation des maîtres du technique, aux pri ci-
paux stagiaires d'enseignement technique. Des bourses devaient être accord! es
aux élèves méritants du Lycée technique d'Abidjan
pour se rendre à l'étr' gel
Tous ces efforts entrepris pour améliorer le niveau de l'enseignement supp -
sent bel et bien que la qualité de ceux qui viennent être formés ne répond pas
encore tout à fait aux attentes de la nation. Même les étudiants fraichemet
sortis des facultés ne se montraient pas suffisamment capables de fournir "u
pays la prestation conforme aux exigences du développement.
1
La qualité des gens capables de réhausser le pays sur tous les plans
st
lli~e donnée fondamentale sur laquelle devrait s'appuyer tout système d'enselgne-
ment évoluant dans un espace moins riche. One.omprend pourqu04. les,responsa
es
de l'éducation en Côte d'Ivoire avaient mis l'accent sur la formation des
dres, c'est-à-dire des administrateurs, des professeurs et même des savant
Cela est normal dans la mesure où l'on sait qu'un bon gouvernement dépend
grande partie d'un bon corps de fonctionnaires compétents qui seront appel'
à d'importantes fonctions administratives ou politiques.
(1) Ve Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, op. cit. pages

-Î4.-Le. Eroblème de la pédagogie à mettre en place.
,
Ayant pris conscience au départ de l'impérieuse nécessité de former, ln
vue de la promotion économique et sociale
une élite
intellectuelle et tec '. i-
que capable d'édifier aussi rapidement que possible la Côte d'Ivoire moder\\e,
les responsables politiques de ce pays ont demandé de renover la pédagogie dans
tous les cycles d'enseignement. Ils espéraient que l'amélioration de l'Ens i-
gnement et l'abaissement du taux de redoublement et d'exclusion accroîtron
la
1
rentabilité de l'éducation. Mais à défaut d'une pédagogie appropriée, il e
difficile d'atteindre ces objectifs. Il faut donc en finir avec la pédagog'
traditionnelle qui e_nseigne des connaissances fades sans influenceaucl,Ule
1
le comportement des' élèves et qui ·ne vise qu' à _co~solider et à justifier 1
pratiques scolastiques d'obéissance passive et d'instruction dogmatique. l
faudrait désormais inviter les enseignants à aller hardiment vers une form
pratique et constructive de' l'enseignement par la coopération sous toutes
formes, par
l'o~ganisation normale du travail et l'établissement de rappo
plus humains entre maîtres et élèves dans un milieu pédagogiquement
Avec le nouveau système mis en place après l'Indépendance, c'est la forme _
sociale et humaine - de l'école qu'il fallait reconsidérer.
La pédagogie coloniale ayait employé des techniques éducatives qui app ~
,
,
1
raissaient comme des mécanismes sans lien avec le comportement des eleves e
les exigences sociales en milieu non scolaire. Il en a résulté une fausse c 1-
ture qui n'est jamais intégrée à leur vie et qui ne les a pas préparés à jo er
leur rôle de citoyens actifs. La pédagogie traditionnelle est restée obstin _
ment axée sur un
passé désuet et a freiné les forces novatrices qui impuls nt
en ava..'1t.
Si l'on veut donc améliorer le rendement de l'école ivoirienne, il faui
donc asseoir une nouvelle pédagogie. Or, il n'y a pas de perfectionnement
pédagogique.
sans une longue chaîne d'opé,rations qui permettront de documen
r,
d'informer, de chercher, d'expérimenter et de produire ••• Par ailleurs, il
'y
a pas de pédagogie efficace, dynamique, adaptée, non plus sans une organisa
on
rigoureuse et une animation constante.
Le perfectionnement en pédagogie est une réponse aux besoins des ensei
gnants, notamment des maîtres des écoles primaires dont le comportement

gogique laissait à désirer: abus d'autorité,' improvisation, connaissances
:op
livresques,absence de conscience professionnelle, etc. Pendant les premières

-I86-
- 4 Chargés de cours, dont 2 Ivoiriens
-56 Maîtres-essistants, dont 18 Ivoiriens
-69 Assistants, dont 17 Ivoiriens.
Dans le secteur médical ,on enrégist~ait à peine:
,
L
1...
.
-1 médecin pour plus de' 40 000 habitants (non compris Abidjan) .,
-1 médecin pour plus de 22 000 habitante. en comptant Abidjan.
Il convient aussi de remar~uer deux ordres de faits:
-l'insuffisance globale en techniciens de laboratoire et en ingéni
s
sanitaires;
-l'insuffisance de formation administrative et comptable du perso
nel administratif subalterme (1).
Avec l'accession du pays à l'Indépendance, les responsables politiqu
ayant pris de plus en plus conscience de l'importance de la formation de
niciens dans la création des ressources humaines
nécessaires, ont consid
les écoles techniques comme 'des établissements de prestige. Le problème s
sait donc d'offrir partout ailleurs des cours de perfectionnement aux ens
gnants ivoiriens chargés de la formation des maîtres du technique, aux pr
paux stagiaires d'enseignement technique. Des bourses devaient être accor
aux élèves méritants du Lycée technique d'Abidjan
pour se rendre à l'ét
Tous ces efforts entrepris pour améliorer le niveau de l'enseignement sup" -
sent bel et bien que la qualité de ceux qui viennent être formés
encore tout à fait aux attentes de la nation. Même les étudiants fraîchem
sortis des facultés ne se montraient pas suffisamment capables de fournir
pays la prestation conforme aux exigences du développement.
La qualité des gens capables de réhausser le pays sur tous les plans
st
lli~e donnée fondamentale sur laquelle devrait s'appuyer tout système d'ense gne-
ment évoluant dans un espace moins riche. On -comprend pourquoi 1es -responsa les
de l'éducation en Côte d'Ivoire avaient mis l'accent sur la formation des 'a-
dres, c'est-à-dire des administrateurs, des professeurs et même des savant l•
Cela est normal dans la mesure où l'on sait qu'un bon gouvernement dépend ln
grande partie d'un bon corps de fonctionnaires compétents qui seront appel1s
à d'importantes fonctions administratives ou politiques.
(1) Ve Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, op. cita pages 180- 8I~

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2
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24,9
1 355
28,6
41
0,9
4 746
ES:
1 -
A par tir dei 9 70 /7 1 ces don née s sur 1 e p ers c n ne 1 e n sei 9n a n t s' e n t e n ~ ~ n 1: :
y compris les chefs d'établissement.
les censeurs et les Scos-Directeu
mais sans compter lE personnel enseignant spécialisé en dessin. musiq~ ,
travaux manuels ou ensei9nement ménager. ni
le personnel
de
l'éducatio
physique et
sporfive,
le personnel administratif n'appartenant pas à u
corps ense~çnant du second degré, ni
le personnel des ser~ices centrau
du Ministère. ni
celui
du Centre National
de Para-et Télé-Enseignement
Pour les années antérieures,
la a~ae définition n'a EtE appliquée que (\\..
la mesure des précisions disponibles.
2 -
les enseignants ivoiriens sont en très grande Bajorité,
des fonctionn!i
~,
les autres étant d~s 3aents temporaires.
1
3 - Les "AQents TelPeraires EtranQers" itaient.
iusQu'en 1979/80.
soit d~s
1
contrlctuels1ocaur (personnels non-africains)
soit
diS
djcisionnaires
(africains des pays riverains ou des pays ,ub-sahariens). Actuelle.ent il J'
1!
toua
soulis au 5~.e type de contr.t~ une diFF~rence itant ctpendant introdu
1
.ntre.scientiFiques" et
litt~rairesh sur le plan de la rémunération.
i
4 - Autres Assistant~ Techniques: aaEricains (corps de la Paix - ~SA). Canadien
Belge5,
Allelands.
'.

· ,.., ~.
-189- '
années de l'Indépendance, les responsables ivoiriens de l'éducation
cèrent ainsi à découvrir que l'un des plus importants problèmesd~"P~nse
ment, sinon le problème numéro un, est celui de la formation pédagogique
/'el-
1
le des maîtres. Cela signifie en clair qu'il ne s'agit pas seulement de l '.
donner des moyens de plus grande efficacité pédagogique "mais de se de
1
d'abord de quelles connaissances ils doivent être munis dans les diverses
ciplines.
Mais comment pourrait-on arriver à "changer" le comportement des ens
gnants, celui des anciens, par exemple ? Latentat10n est :grande de 'vouloir'
tuer à leur attitude généralement directive une attitude opposée,
dicale de non-directivité. La vérité n'est sans doute pas dans un
qui ne satisfait, par définition, qu'à moitié, mais dans une synthèse
tique, qui reste à définir en théorie comme dans la pratique.
Toutefois, il apparaît assez difficile de modifier l'attitude des ma
Or si l'on veut que l'école ivoirienne "change", il faut nécessairement
liorer la pédagogie des enseignants en les formant comme
ne peut plus former aujourd'hui comme hier l'enseignant dans une société
tous les rôles individuels et collectifs ont subi des modifications profo
des. Pendant plus d'un demi-siècle, la Côte d'Ivoire avait subi le joug c
niaI. Il en est résulté un malaise général dû à la domination forcée, à
jétion, bref, à la dépendance sur tous les plans. Après l'Indépendance,
veau système mis en place doit avoir pour mission d'armer l'ivoirien pour
vie en lui faisant prendre conscience du rôle qu'il est appelé à
cette perspective, le rôle de l'enseignant doit être bien défini au
sa formation pédagogique. Son rôle ne sera plus seulement de donner
mation et de transmettre Un savoir. Il doit surtout faciliter, par
cation professionnelle propre, la mise en commun et l'exploitation
ses que chaque éduqué possède ou peut acquérir.
Devant les nombreux échecs et déperditions des années 58, les renova
ont réclamé
en accord avec les parents ~'élèves une
1
::u::::n:~sU::s:::~::t:::~r:::sd~~:~~:~i::u:i:::a:::~:u:: possibilité las- 1i
sumer parfaitemnet leur tâche. Sans cela, comment dans un pays qui vient d' -
r
tre la proie de la colonisation, espérer élever le niveau intellectuel de !es
!
,
1
1
,
,
,i'
habi tants si l'on ne songe pasa réaliser la formation permanente ou le réc (la- i1
ge de ses enseignants ? Sans une remise en cause de leur formation
1i1i!

tous les appels lancés par les autorités politiques du pays
seront des pr -
ches dans le désert. Dans ces conditions, il ne faut donc pas se contenter de
lancer des appels, mais aussi penser à donner les moyens à ceux qui en cam ren-
1
nent le message d'en réaliser les objectifs. Par ailleurs, la formation pé'a-
gogique des enseignants ne doit être considérée, comme ,une action isolée. C la
veut dire que sitôt qu'un esprit nouveau soufflera dans les établissements sco~
laires
en
vue
du perfectionnement pédagogique des enseignants, il de ra
siffler
de même un vent de renovation générale dans tous les
autres sect urs
de la vie scolaire. L'un ne peut aller sans l'autre; améliorer le comport -
ment pédagogique des maîtres sans rien changer à l'organisation de l'école
ivoirienne tout entière, reviendrait à greffer un coeur vivant sur un cor
mort.
c'est pourquoi, dès que l'on réfléchit sur les moyens à mettre en oe
re
pour résoudre tous les problèmes mentionnés plus haut, on aboutit à cette
dée:
la rénovation
.pédagogique à tous les niveaux, la formation et le perfectO n-
nement des enseignants sont liés à toute l'organisation sociale, au systè
en
place. Point n'est donc besoin de les isoler.
A partir de telles considérations, il devient loisible de s'attarder
ur
la nécessité d'une ,r pédagogie appropriée permettant de réhausser la forma . on '
pédagogique des enseignants, ce qui nécessite bien sûr des investissement
création des CAFOP et des Ecoles Normales d'instituteurs, Centre de forma
on
permanente des maîtres, Instituts de Formations pédagogiques, etc. C'est ~ par-
tir de 1962 que la Côte d'Ivoire a entrepris assez vigoureusemetit de se p
-
cher sur le perfectionnement pédagogique
de maîtres. Il a été créé à Coc
y
dans l'enceinte de l'ancienne Ecole Normale Supérieure des structures per
t-
tant d'accueillir les instituteurs et les professeurs du second dégré.
Le
problème' d'encadrement s'est posé à tous les niveaux: Il était
e-
mandé aux spécialistes chargés de la formation des formateUrs d'axer tout
leurs actions sur le concret et l'étude du milieu afin d'habituer les sta
aires à pratiquer une pédagogie plus dynamique et répondant aux intérêts
s
élèves. La.constatation descarences du système éducatif légué par les col
s
incitèrent les responsables.du récyclage d'accorder beaucouP', d~'importanc .à
la formation psychologique des éducateurs.Avant l'Indépendance, la psycho Il gie
de l'enfant et de l'adolescent entrait à peine dans leur formation. Il fa
ait
. 1
maintenant les amener à ne plus se confiner dans leur
mentalité d:'adùlt/es': cul-
tiv~s, à
descendre jusqu'aux élèves, à essayer de voir dans leurs yeux"
e

-I9I-
saisir l'orientation de leurs intér~ts,cequ11e1U'--platt'eteequ'ils
ent
aisément.
Nul doute que la connaissance des élèves joue un rôle non
,moins
tant dans la formation des enseignants. L'observation du comportement
fants enrichit leur personnalité, car chaque jour, ils font de nouvelles
vertes au contact des jeunes. Pour cela, leUrs données psychologiques rel
vent à la fois des psychologies génétique, différentielle et pathologique
Et
c'est justement ce qu'il convient d'inclure
dans la formation des mattre
en
général. Sur ce plan, le renouveau
pédagogique visé imposera certainemen
la
confrontation des méthodes, des expériences et le dialogue des enseignant
ivoiriens à tous les niveaux. Fini désormais le temps du t~avail solitair
ou
de ·la:_ro.utine.
Tout ce projet pédagogique n'était pas facile à réaliser dans les pr
i-
ères années de l'Indépendance, car il impliquait surtout une profonde tr
foraation dans les habitudes d'enseignement, et en particulier une inévit . le
pluridisciplinarité. L'extrême~comp~exité du système éducatif hérité de
co-
lonisation d'une pat et l'hétérogénéité de la formation. des enseignants
IOUS
les niveaux, dûe à leur passé pédagogique d'autre part, nécessitent l'in
r-
vention des équipes pluridisciplinaires, sur la base de rapports nouveaux
our
mieux
organiser la formation et le perfectionnement des enseignants.
1
1
1
!

-192-
-15. La question de la formation post-primaire ou post-secondair
Devant les échecs répétés du système éducatif (déperditions, échecs, refde-
i
ments insuffisants, etc.), après avoir abondamment critiqué l'école colonia
les responsables de l'éducation en Côte d'Ivoire
constat,dent;; en 1962 que
"déchets" de l'école primaire ou ;secQ~da:tre ,~i_ttaientm&lgréel.\\X-i 'univers s
re et étaient désormais livrés à eux-mêmes' sans appui aucU1l•. Pace
à cette s tua-·
1
tion de dégradation,
et
soucieux de secourir
une grande partie des désc
ari~
l
sés, ils ont permis la multiplication des expériences visant à l'Organisatio
d'activités ouvertes :
1
-Ouverture de centres techniques ruraux par le Ministère de l'Educat,on
Nationale
pour la menuiserie, la maço~~erie,
-Expérimentation d'une formule de coopérative agricole a Katiola, g 'u-
pant I6Ôjeunes installés sur 150 ha de terre,
-Ouverture de centres Jeunesse et Travail et de Foyers
par le MiniS1ère
de la Jeunesse et des Sports,
-Création d'un service civique qui regroupe dans les camps du Minist re
des Forces Armées des jeunes gens et jeunes filles auxquels on donne à la fo s
une formation
Para-militaire et une formation agricole.
Mais quelles étaient les finalités de cette formation post-scolaire ?
Ecoutons les directives officielles :
"Les enfants qui ne
pourront se destiner à des emplois de cadres moyen
ou
supérieurs des secteurs tertiaires devront être orientés vers des emplois no
1
qualifiés des secteurs primaire
et secondaire
essentiellement. Beaucoup ct en-
tre eux - mais pas tous - devront s'intégrer à la production agricole ou art"sa-
nale. Au seuil de son intégration à la production p le jeune Ivoirien ayant rJ~u
la formation complémentaire de l'éducation post-primaire doit être capable dl
participer à l'effort familial et social de production et de développement.
Il se
prépare aL1isi à des rôles d'entrepreneur agricole ou artisanal
dans le mili u
rural ,,( 1).
Mais cette expérience voulue par les autorités politiques ivoiriennes n'a
pas apporté la réponse ou la solution escomptée. C'est ce que rèlate d'ailleu,s
le document P.E.T.V.
(volume 1). Selon le rapport officiel, les diverses for es
d'activités post-primaires ou post-scolaires ne touchaient qu'un petit nombr J de
jeunes, alors qu'il s'agissait de généraliser une action efficace auprès dei
400.000 jeunes Ivoiriens de 14 à 18 ans. En outre le même
document évoque l s
(l)Programme de développement de l'Education et de la Formation, op. cit. pa e 52
o

côuts élevés de il; ùtes ces activités tout en déplorant par ailleurs qu'ell s;
soient menées pa;--différents ministères en vrac, ce qui provoque de nombrel~es
"
interférences et doubles emplois au niveau des localités, dans l'activité :e
différents services ministériels.
La formation post-primaire
aurait pu être un moyen de retrouver l'e
a-
cinement culturel perdu, cette richesse dont on constate à peine la manife1ta-
tion chez les élèves en fin de formation. Or ceux-ci refusent en ,-,masse de Ise
livrer aux opérations post-primaires, préférant s'évader vers les grandes
il-
les.
En misant ainsi sur cette formule de formation post-primaire, assez c nfu-
se, ses responsables ont abouti à un échec. Mais il n'en reste pas moins v,ai
que le problème reste en suspens d'autant plus qu'elle s'inscrit dans la f!rmu-
le de la "ruralisation", thème assez galvaudé
par les spécialistes chargé 1 de
la réforme de l'enseignement en Côte d'Ivoire.
Les deux thèmes (formation post-primaire et ruralisation) ne pouvaien
en
aucun cas satisfaire les attentes profondes des jeunes déscolarisés. Où tr!uveI
des formules répondant plus à leurs préoccupations? Telle est la questionlque
devaient résoudre nos états généraux de l'éducation. A première vue, l'opé ,a-
tion dite "ruralisation de l'enseignement" semble souhaitable, car elle se fon-
de sur des postulats bien clairs, à savoir
"-contribuer, au niveau de l'éducation la plus élémentaire, au pr -
,
, .
I d ' .
.
't
1
cessus de developpement econollilque et culture
ans une reglon qUl reçol
,ar
ailleurs une série d'impulsions (développement de l'infrastructure, dévelo pe-
ment agricole, animation sur divers plans, etc;
-révaloriser le milieu rural dans l'esprit des enseignants et de
enseignés, ce qui implique la connaissance du milieu (donc son étude) et IJ a -
daptation à ce milieu"(I).
Comme on pourrait le constater, la "ruralisation" s'interprète dans
a
politique générale de refonte des programmes scolaires. Il s'agit précisém1nt
"de former des producteurs, des agriculteurs actifs, des artisans éclairés et
capables d'initiatives ••• Cette politique se soucie surtout de faire évolu r
la société indigène dans son cadre .•• Il s'agit de préparer les paysans, le 1
1
artisans de l'avenir "(2).
1
1
i
(1) Programme d'Education Télévisuelle, vol. 1, page 46.
1
(2) Pierre Erny: L'enseignement dans les pays
pauvres, op. cit. pp. 61-6-.
J

'-194- '
Rénexions -
Au lendemain de l'Indépendance, les responsables ivoiriens de l'Educ
tion s'étaient empressés d'édifier la nouvelle école ivoirienne
de remédier aux insuffisances des anciens modes d'apprentissage ou d'ense
ment devenus inadaptés. Cette nouvelle école, à vrai dire, entendait moin
dans la logique de son fonctionnement, satisfaire directement
tions des masses populaires dont la demande d'éducation était pressante,
sélectionner les éléments susceptibles de reproduire le système mis en pl
c'est-à-dire le capitalisme libéral. C'est dans une telle optique que les
geants du pays espéraient promouvoir un nouveau système éducatif ou l'édu
de l'Ivoirien nouveau. Comme on peut le constater, le but fondamental de
catiou, de l'enseignement, (but implicitement formulé), est de révolutio
la pensée et la conscience des Ivoiriens, tout leur monde spirituel,
prévaloir l'idéologie bourgeoise, la morale bourgeoise et la culture
dans un pays à vocation agricole.
Devant cette situation, le
problème qui pourrait se poser est le
Etant donné l'inadéquation évidente entre l'esprit capitaliste et
ty-
piquement africaine des Ivoiriens, que peuvent faire concrètement
sables de l'éducation en Côte d'Ivoire? Cette interrogation est d'imp?rt
car rien ne sert de proposer des recettes,ni de déterminer à l'avance une
gne d'action précise à suivre pour affronter les nouveaux proùlèmes d'édu
on et d'enseignement, qui étaient à l'ordre du jour
au seuil de l'Indépe
pour la simple raison que l'idéologie bourgeoise n'offrait pas assezdeg
tie
pour résoudre les problèmes brûlants du moment.
Rul doute que l'existence d'une politique réellement nationale
en rr tiè-
re d'éducation suppose une volonté clairement définie et qui part, de la
se
1
et non
des
valeurs d'emprunt. La mise au point d'un nouveau syst' e
éducatif passe d'abord nécessairement par la rupture avec le système capi
lis-
te, faute de quoi, les difficultés actuelles ou à venir iront en s'aggrav
t.
Quand on parle de système capitaliste ou de libéralisme économique, on fa'
aussitôt appel à l'appropriation privée de production
- à l'appropriation privée de production et une liberté de l'in" ia-
tive individuelle et privée,
- à la séparation des "apporteurs"defacteursdeprc>due'Uo.n (trav
et
capi tal) déterminant la relation du sàlariat.
- à la régulation de l'activité économique grâce aux mécanismes <u

marché et des prix, et enfin, par un mobile dominant
la recherche effréne
du profit maximum.
j
i
Le capitalisme (on ne le dira paS&8Sez) est un système économique d
le-
quel le pouvoir économique est dévolu à des propriétaires et à des gestio
ai-
res privés des moyens de production, et exercé par eux dans les
ées
par le pouvoir politique sur les marchés où ils ont à affronter d'autres p u-
voirs (notamment celui des travailleurs). La voie du capitalisme est jOnChle
d'embûches et le système lui-même arrive difficilement à surmonter ses pro,res
contradictions.
La première contradiction se trouve dans les rapports de production e -
tre la classe des capitalistes propriétaires des moyens de production et l s
classes démunies (paysans et ouvriers) qui vend sa force de travail, les dlux
classes étant complémentaires l'une de l'autre. Mais alors que la richesseJ le
1
capital, les moyens de production sont créés p~
leur travail, seul le pa Iron
a la propriété des moyens de production et des profits engendrés par la prlduc.,
tion, c'est-à-dire par le travail. Les ouvriers, les paysans en sont exclu
et
ne touchent que le prix de leur force de travail, mais non de toute valeur que
le travail a créée.
La deuxième contradiction est la contradiction fondamentale de ce cap·ta~
lisme : c'est celle qui existe entre le caractère de plus en plus soocial, col-
lectif de la production moderne, et le caractère privé et individuel"de la pro-
priété des moyens de production et donc des rapports entre patrons et ouvriers
ou paysans. Les ho~~es sont amenés à collaborer ensemble pour la productio l,
mais les instruments de production, et le pouvoir qu'ils procurent, resten l
entre les mains de quelques-uns qui exercent ce pouvoir à leur profit et al
détriment des masses travailleuses. Il y a donc contradiction, inadaptatio 1
1
entre la structure des forces productives (qui sont collectives) et la st
'c-
ture des rapports de production (qui sont privés).
Une telle contradiction ne fait que troubler le fonctionnement du sys e-
me capitaliste, et ce trouble se manifeste en particulier dans l'apparitio 1
des crises économiques. Celles-ci ont toujours un impact décisif sur le sy 1
tème éducatif de n'importe quel pays. Cela est vrai, car, n'oublions pas q 1
l'éducation en tant qu'élément superstructurel, est dépendant du réel, end 1
gène aux variations de la structure économique. Sa base matérielle repose
premier lieu sur l'existence des rapports sociaux.

-196-
Dans ces conditions, il est d'abord plus logique de chercher à
e
le propblème posé par ces raports si l'on veut que le système éducatif ne
ra-
duise pas les signes d'inadaptation et de dysfonctionnement que l'on conn, t.
1
Et c'est à partir de cela qu'il sera possible d'asseoir un nouveau systèm
d'en
seignement.
Ainsi, l'école nouvelle naîtra
d'un changement profond d'
'éco-
nomie transformée;d'une véritable mutation qualitative. .
'a
bien dit Marx,"on pourra ainsi s'évader une bonne fois de l'étroit horizo
du
droit bourgeois, et la société pourra fièrement écrire sur ses bannières:
'De
chacun
'selon ses capacités, à chacun selon ses besoins "(1).
Rompre avec l'esprit capitaliste sur le pl~~ de l'éducation, c'est d
modifier d'abord les bases matérielles de la société. c'est vouloir désorm
renforcement des valeurs communautaires, voire
"socialisantes" pour le b
des masses populaires, à savoir
-Approbation publique des moyens de production,
-Une économie centralisée (ou à direction centrale) réalisée à
tir des décisions politiques allant dans le sens des intérêts de tout le
D'où un mobile dominant, celui de l'intérêt général.
Or,en Côte d'Ivoire, on n'a pas du tout tenu compte àe toutes ces co
dérations avant àé mettre sur pied le nouveau système éducatif, avant d'e.
ger une réforme du système.
Pour être efficace et juste, l'orientation d'un nouveau système éduc
doit être imprégnée d'une réelle sensibilité sociale. En choisissant le c
talisme libéral en 1960, les responsables du pays visaient les points sui
.ts:
'-la poursuite d'une croissance forte dans laquelle le système éd
doit organiser, à tous les niveaux, l'offre d'une main-d'oeuvre qualifiée, a-
daptée aux besoins à l'économie,
-le passage d'une économie de croiss~~ce à une société de promo
on
qui doit permettre surtout l'accroissement du bien-être et l'épanouisseme
de
l'individu (2).
Il s'agit là des données très importantes mais qui malheureusement
reposent sur l'esprit capitaliste. D'où les problèmes qu'elles posent au
part.
(I)Karl Marx: Critique du Parti ouvrier allemand (1875)
(2) Plan quinquennal, vol III, op. cit. page 535.

-197-
Avec le
capitalisme libéral, c'est toujours la continuation sous une f r -
1
me déguisée du système éducatif instauré par le régime colonial. Les ~ouvea'~ pro-
blèmes d'éducation et d'enseignement qui viennent.d.'être exposés sont di!!i Iles'.
à ré~oudre:la tâche de l'esprit capitaliste n'est pas de faire disparaître l ~s ....
inégalités devant le savoir, l 'instruction ou l 'éducation en général ,mais d (ou-
blier expressément les masses populaires.
On ne pourrait ignorer qu'il existe toujours des liens entre les instit 1_
tions scolaires existantes et la structure économique et sociale. Cela suppo e
qu'avec le système bourgeois, tout système éducatif en Côte d'Ivoire sera no
seu·
.
'.
d
. t
f '
1
lement sans rapport
avec la solution des problèmes auxquels èe pays Ol
alr 1 fa-
ce, mais tendra à être positivement nuisible. Il
~largit le fossé entre le
mi-
n
n
norités privi~égiées et les masses ignorantes ou illéttrées.
On a souvent affirmé qu"'il est inutile de rêver d'une révolution dans l édu-
cation sans révolution dans l'économie". C'est là une vérité qui ne doit éch Ipper
à personne. Le colonialisme et ie capitalisme sont deux éléments qui s'enche IA -
trent, se compénètrent. Si le premier n'a pas révolutionné
l'éducation en A
i-
que Noire, ce n'est pas-·~e·sec0nd qui le fera.
A la vérité, c'est se leurrer que de parler de réforme dé l'enseignemen
dans un pays qui a choisi délibérément
le libéralisme économiquE. Inadaptàt
~
dysfonctionnement, faible rendement, exode rural, chômage accru, tels sont l '
maux qui sont difficiles à anéantir dans un tel système. Le systèméédlicatif
n
vigueur pouvait-il échapper à cet étau infernal? ~omment:le pourrai t-ïl
il
est
le
reflet de'la base économique du pays ?
Et pourtant, au seuil de l'Indépendance, M. Félix Houphouët B. disait
e
la Côte d'Ivoire connaîtrait rapidement une Scolarisation à 100%, ce qui vou
it
I:
dire que la politique éducative allait permettre aux classes défavorisées de
t _
traper les classes
privilégiées. Formule mystificatrice, à deux titres: D'
bord, parce qu'en faisant au seuil de l'Indépendance des
promesses globales, il
masquait les disparités qui allaient s'accroître bientôt parmi les jeunes. E
ui- i
te, à s'en tenir au plan général, une politique effective générale de démocra i-
j
sation exige que le Ministère de l'Education Nationale bénéficie à lui seul p us
~'I
1
1
de la moitié du revenu national, donc que la répartition de ce revenu soit ne te- ;
1
:
ment modifié. Or la loi d'orientation de l'époque n'apasproduit une telle mO:ifi-!
cation. C'est dire que l'objectif de la scolarisation totale ne sera pas atte'nt'!1
1
1
!
f

-eonclusion-
Nous venons ainsi de survoler un: ensemble de problèmes liés à l'édu
tion et à l'enseignement dont la nouveauté exige des solutions immédiate
Il
s'agit là d'une pluralité de problèmes qui touchent à tcus les aspects d
veloppement et du progrès de la Côte d'ivoire.
A travers nos ',"ti.±1"férents 'eJQosés, le lecteur a pu entrevoir l'ample
de
la crise qui existait au sein de l'appareil éducatif légué par le coloni
teUl:
ce qui est maintenant bien connu. Il fallait lui montrer les difficultés
attendaient le pays dans son essai de résoudre ces problèmes, de les env' ageI
globalement et pratiquement, le souci majeur étant bien sûr de juguler ce te
crise de l'éducation et de l'enseignement! Et tant que ne sera pas ~laire ent
défini le projet "d'ivoirisation" des structures de l'éducation et que le
res
ponsables ivoiriens n'auront pas dit quel type de société ils veulent édi ier
.
1
et, partant, quel type d'homme ils souhaitent former "authentiquement", n us
ne cesserons de connaître les ambiguïtés du système éducatif.
Ce problèm~ est ~ présent posé de façon aigu~ sinon nette et claire
ar
les responsables poli tiques ivoiriens et il sera bien difficile de l ' esqu·1
même si l'on parvient encore à gagner du temps. Souhaiter qu'on l'aborde
1
réalisme, c'est vouloir mettre un frein à la crise du système éducationne
tuel, caractérisée par l'enlisement de la scolarisation, les déperditions
t
les redoublements, l'inadaptation de l'enseignement, l'absence de solutio
nouvelles mieux adaptées aux conditions particulières du pays, à ses beso
s
et à ses possibilités, etc. etc.
Nous désirerons sincèrement croire qu'il est possible et nécessaire
'ap-
porter des solutions rapides à cet ensemble de problèmes que nous venons
souligner. Il ne s'agit pas ici de se limiter à des formules légères, peu
tiques. Mais il serait très utile de repenser tout le~ystème de formatio
citoyen ivoirien en tenant compte de ses réalités locales. et en permett
une
exploitation ~ationnelle de ses valeurs traditionnelles
constituées à p
d'idées, d'objets, d'habitudes. Bref, il convient d'assurer l'enrichisseme t
continu de ces valeurs, notamment par le retournement d'éléments de patr'
étrangers. Tel ne sera pas le cas du système éducationnel actuel que nous ,ous
proposons maintenant de présenter assez clairement,afin de montrer au lect1ur
qu'il est le reflet des valeurs importées.

-199-
TROISIEME
PARTIE
L E
SYSTEME
E DUC A T ION N E L
ACTUEL
"Tout système d'éducation est, au niveau avancé,
de type national. Il doit correspondre aux tradi..
tions et aux besoins
particuliers à chaque na-
tion. Il ne saurait reposer sur aucun modèle étr
_
ger. Des. conseil"s-.,d":ori:gine étrangère, en revanch 1
peuvent se révéler~~~iles. pourvu que les princi-
,pes.d 'o~ :,j.iitenlationa1B6ient-pi~~isi~ie
,èontexte 'national ".
.-
v. L.,-GRIFFITHS.
(Priorité à l'Education.)
1
1
1
1
1
1
1
i
1
1
1
j
11
1
1
1

-200-
1
Les vingt cinq ans d·'existence de la République de Côte d'Ivoire ont lété
Burtout~marqués par un.essor net de l'éducation.La situation dans les dif,é-
rents cycles d'enseignement avait ainsi fait l'objet d'une étude autorisé,
confiée à des planificateurs ou spécialistes (1). Les efforts d'instructi
se sont d'abord appuyés sur l'enseignement primaire. En outre, l'un des
1
0
_
jectifsinscrits dans les textes officiels était de rendre l'éducation ob
ga-
toire de six à 15 ans à partir de 1960.
Le développement spectaculaire de l'enseignement dans le pays depuis
on
indépendance va donc se caractériser de la manière suivante :
En vingt ans, les effectifs d'élèves au niveau primaire ont plus que
ri-
plé, portant le taux de scolarisation à plus de la moitié dë.;tApop~â~i6 ,-seo-
larisable~' La_'vi's~einitiale, c'était une orientation générale à donner à l 'é_
ducation en vue d'atteindre les objectifs suivants
-relever le niveau culturel national,
-supprimer à longue échéance l'analphabétisme,
-assurer un meilleur recrutement pour le secondaire,
-disposer d'un potentiel humain susceptible de contribuer au
é-
veloppement économique et social. (2).
Ensuite vient le cycle secondaire dont le nombre d'élèves in~crits a

multiplié par 12 depuis plus de vingt deux ans. Ce cycle a toujours été c
i-
déré comme un enseignement de charnière devant "consolider et développer l s
acquisitions de base, former des hommes capables de communication, d'unive sa-
lité et susceptibles d'adaptation et de développement". La période 1960-19 1 0
devrait permettre, selon les autorités politiques, de "former des cadres e
l'élite du pays dans les limites des emplois offerts par l'économie"(3).
Quant à l'Université, elle compte aujourd'hui plus de 10.000 étudiant tan~
d ·~~
que I
es d
gran
'
es ecol es se d'evel oppent
sans cesse. D
e nom b
reux '
etab 1.~s~
sements,de; ·formation technique et agricole ont par ailleurs été créés. Ma s
l'impact de la scolarisation reste inégal d'une région à l'autre, en parti 1 -
1
lier entre la savane et la for@t. Et pour mieux généraliser l'action de l ' co-
le, le Gouvernement, après de longues études des experts et de la commissi 1
(1) Première Mission de planificatign en CSte d'Ivoire, op. cit. page 131.
(2) Ib.id;.' page ~32.-
_
' .
(3) Extrait du plan quinquennal 1971-1975, Abidjan, 1981.

-201-
spéciale chargée de la Réforme de l'Enseignement,
a présenté au parle~enr un
t'exte de lois qui a été approuvé par ce dernier et promulgué par le Pres~éent
de la République.
C'est la loi nO 77-584 du 18/8/1977, portant réforme de l'enseigneme,t •
.Cette loi .eompr.end:72cart,~cles.r~pars~~~en10 titres.(I)
L'article 1er déclare que "la présente loi s'applique à l'ensemble d s
institutions publiques ou reconnues par l'Etat, qui sont chargées de l'éd ca-
tion, de l'ensemble et de la formation professionnelle".
Le titre 1er définit la nouve11e mission et les filières de l'école 'voi-
rienne. C'est ainsi que l'article 2 souligne: "ces institutions ont pour mis-
sion de développer l'esprit d'initiative et le goût de l'action, d'assure
une
éducation, un enseignement et une formation fondés sur les objectifs nati naux
de développement, et de réaliser l'intégration sociale et culturelle des lito_
yens tant-dans la communauté nationale que dans les grands courants de la ci-
vilisation universelle".
L'article 3 : "Elles doivent offrir aux enfants les mêmes chances delpro-
motion, sans distinction entre enseigne~~nt classique et enseignement tec
"-
que, en leur permettant de découvrir leurs vocations et leurs aptitudes e
d'accéder à la culture, tout en les préparant au métier qu'ils exerceront dans
la société",
L'article 4 : "Elles doivent contribuer à la formation de
l'affirmation de la personnalité ivoirienne, l'ivoirisation et
tion des programmes".
Le titre 2 traite des principes généraux. On y attire l'attention (
6) on précisant que "l'enseignement général est à prédominances scientifi
technologique" •
L'article 9 rappelle que ~les programmes et les méthodes d'enseigneme
doivent s'appuyer sur la tradition et la connaissance du milieu.
permettre de développer l'esprit de recherche et l'ouverture aux
monde rural et de la vie urbaine. Ils doivent faire prendre conscience de 1 a
,
culture nationale et du rôle de l'Etat dans la construction de la Nation".
(1) Jo~i Officiel de Côted"Ivoire, numéro spécial, en date du lundi 2
no-
vembre 1977, nO 50.

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filières
[nse ignement
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spécialis~es
supérieur
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Préparation
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.Source :!tabli à par:Hf. du rappo'H de la :C.N.~.E.
partan
(Commission Nationale de Réforme de l'Enseignement)
.1 Réforme de l'Enseignement
----,~-_._,._,_. ,.....__.. -_._..__._--._-----_.._._- ...-..-
....,."'=----------

-20)-
L'article 10 précise que "les institutions visées par la présente 1
doivent assurer :
1 0 L'enseignement général;
2 0 La préparation à l'emploi;
)0 Le perfectio~ement et la formation permanente".
Le titre) traite de l'enseignement général qui comprend (article 12
trois cycles: enseignement de base, enseignement par filières spécialisé s,
enseignement
supérieur.
Les articles 21,22 et 2) traitent de la sélection qui doit se faire
la
fin du cycle d'enseignement
de base, en fonction (article 22)
-des aptitudes et des motivations des élèves;
-des perspectives d'emploi établies par le·gouvernement;
-des études et statistiques réalisées par la commission d'enqu
e
de la Main-d'Oeuvre.
Il est institué (article 25) ·~quatre filières d'études
-filière de technologie;
-filière des sciences expérimentales et mathématiques,
-filière des sciences sociales, humaines et économiques;
-filière des lettres et des arts".
"L'accès à l'enseignement supérieur (article 29) est subordonné
au s c-
cès à l'examen de fin du cycle des filières spécialisées et aux résultats
le
tests d'aptitude et de connaissance, pondérés par l'analyse du livret".
Le titre 4 traite de la préparation à l'emploi: "les employeurs (art
le
44) sont associés à l'élaboration d'une politique de formation réaliste, à
a
détermination des contenus et des moyens de la formation, à l'exécution et
contrôle de cette formation.
Le titre 5 traite du perfectionnement et de la formation permanente.
Le titre 6 concerne la formation des formateurs.
Le titre 7 est relatif à la recherche scientifique.
Le titre 8 a trait aux langues ivoiriennes: "L'introduction (article ~ )
des langues nationales dans l'enseignement officiel doit Btre conçue comme
11

-204-
facteur d'unité nationale et de réva10risation du patrimoine culturel iv
rien".
Le titre 10 s'intéresse à la ~se en application de la réforme. pourloe-
la, il a été créé un comité de reforme de l'enseignemen~
dont la composi ion
et les règles de fonctionnement (article 70) sont fixées parllB,-àécret.
Voici donc présenté rapidement le fondement du système éducationnel
c-
tue1. Il a été ainsi prévu que les principales opérations en vue de l'éta
is~
sement réel d'une nouvelle conception de l'enseignement devraient ~tre me 'es
à bien a~t 1990. Dans la période présente, l'on devrait oeuvrer davant
en faveur "d'une juste appréciation de nos ressources financières et huma' es
au regard des aspirations normales des citoyens" (1).
L'examen attentif des nouvelles dispostions prises à propos de la loi por.
tant sur la réforme de l'enseignement indique bienque les idées de l'unité du
système .conçu -de~':f~~:r:.tè
et de caractères unilatéraux semblent ~tre dépa -
sées, parce que dans les .conditions différentes de développement et en ca
de besoins concrets différents le caractère uniforme du système d'éducatio
pourrait donner lieu à une nouvelle aliénation de l'enseignement par rappo
à la société. Mais.
n'oublions pas que le nouveau système d'éducation est
u-·
jours édifié suivant la conception du capitalisme libéral. C'est là que se
trouve le fondement idéologique de l'activation de tous les Ivoiriens -à la
réé
tion d'une nation dotée d'un système d'éducation au service du ~ibéra1isme
économique.
La réforme du système éducatif aura donc de profondes conséquences sur
l'avenir professionnel des élèves ou des étudiants. Ceux-ci doivent ··~tre
convenablement préparésà.partir du cycle secondaire afin de prendre une p
active dans la société de demain. Tous n'auront pas accès à l'enseignement
périeur.
On ne pourra pas donner à tous une éducation supérieure ,faute d'e
plois suffisants exigeant une telle éducation. C'est dire qu'en dépit de la
réforme qui vise à élever
le plancher de l'éducation en donnant à chacun
formation relativement équilibrée, voire harmonieuse, le fossé continuera
creuser entre ceux qui ont reçu une éducation poussée et les autres. Ce phé
mène est lié à la division économique du travail. Etant donné la structure p us
au moins claire de ce déséquilibre,

à la nature du capitalisme qui ent '-
1
1
(1) Citation du Président de la République Pélix HouphouUt-Boigny, reprise p r,
l'ancien Ministre de l'Education Nationale, M. Paul Akoto Yao. In : Fraternile
Hebdo, du 15 Janvier 1982, n~ 1186, page II.
1

-205-
tient l'existence doo "nantis" et dss "démunis", on ne risque·,gu."" .ds '.s 1
tromper en disant qu'il pourrait bientôt se cristalliser en un conflit. 1
Quoi..qu'ilen soit, la description détaillée par cycle d'enseignement
u
système éducationnel actuel nous montrera ··ta· Pèrpétuationparad~xa.le.-:-,du_ s-
.~~: de. domina~ion ·dônt les responsables ivoiriens de l'éducatio~ préten
daient s'affranchir. Aujourd'hui encore toute la structure du système d'
sei..
gnement actuel est calquée sur celle de l'ancienne métropole.

-206-
- L'Enseignement Primaire : Considérations préliminaires.
~II existe une disparité importante des taux de scolarisa-
"tion entre les régions, puisque ces taux_peuvent varier de
"95% à 5%, pour une moyenne générale de 40%.
"Le système actuellement pratiqué accélère l'exode rural;
"les effectifs admis au CEPE représentent 10,5% des effectifs
"présents au CPI ;
"Les maîtres
sont en nombre insuffisant, ne possèdent trop
"souvent qu'un faible niveau de qualification et n'ont pas
"été préparés à assumer des fonctions d'éducateurs au milieu
"rural.
"La densité de l'encadrement administratif et pédagogique
"est sans commune mesure avec le développement actuel de la
"scolarisation primaire. "
-situation actuelle de l'Enseignement Primaire-
in:
Programme
d'action pour le développement
de l'Enseignement du Premier Degré en Cô-
te d'Ivoire de 1968 à 1980, Ministère de
l'Education Nationale, page 1.)
C'est par cette longue citation que nous débuterons l'exposé sur l'en-
seignement primaire en Côte d'Ivoire. Nous voudrions montrer de la sorte _ q e
d'entrée de jeu, il faut considérer ce cycle comme un lieu de contradiction
diverses, d'incohérences, de conflits, d'ambiguItés et de dysfonctionnement.
C'est cette prise de conscience qui permet d'éviter une analyse trop i
'a~
liste de la situation de l'enseignement du premier degré. Il s'agit de ne p
cacher la vérité lorsqu'il-faut
aborder les problèmes d'éducation dans
pays en voie de développement comme la Côte d'Ivoire. En effet, ce pays, de
vant l'envahissement des idées et des structures d'importation, devant les
quelles de la colonisation encore vivace~, face au sous-développement et à
s
conséquences sur les plans
-social ;
politique, économique ,-- ne pouvait
se condamner à l'improvisation, au tâtonnement en ce qui concerne la formati.n
de base de ses enfants. Il poursuit un but, celui de réduire la pénurie, la
pauvreté, d'assurer un minimum d'éducation à toutes les couches sociales, d' c-,
cro!tre la domination de l'individu sur la nature, d'élargir les possibilité
de choix.
En conséquence, les responsables de l'éducation en Côte d'Ivoire

-207-
\\
verront uniquement dans l'école primaire le premier élément de promotion
0-
ciale, le seul espoir d'une promesse de vie harmonieuse. Le but poursuivilse-
1
ra'partout de fixer les connaissances fondamentales en donnant aux écolie s

1
une formation et des moyens leur permettant de tirer profit des acquis de l'é-
cole primaire.
Une amélioration globale du degré d'instruction, ainsi que la géné
sation de l'enseignement oni donc déjà été les préoccupations des responsab
s
de l'éducation en Côte d'Ivoire depuis plus de 20 ans. L'influence de l' e 1 ei.,'
gnemen~ primaire a été décisive à tel point que dès le départ, on a parlé 1 ar·,
tout d'explosion scolaire. En effet, cet enseignement a connu un développ
sensible de ses effectifs (voir les chiffres statistiques).Ce développeme
était fort attendu pour répondre à la demande sociale pressante d'instruc
tion, d'information, bref d'éducation pour ainsi dire. Partout ailleurs d~s
le pays, on ne cessait d'insister sur la priorité qu i il :rallait accorder- à ~~ en-
seignement primaire. Le monde intellectuel et politique multipliait depuis!
1
lors les mises en garde et les avertissements sur les dangers de l'analPha()
bétisme dans un pays à vocation typiquement agricole. Et depuis 1960 jusqu~en
I975,la~tiplicité
des réformes entreprises à l'école primaire témoigne
du reste de l'intérêt particulier qu'on porte à cette dernière. o Leur inéff ca-
cité actuelle met toutefois en évidence l'ampleur de la révolution qu'il f
t
encore accomplir en ce secteur.
Rénover la physionomie de l'enseignement primaire était devenu une
s-
sité quand on se souvient que celui-ci était
sujet à des difficultés s
nom dues au flottement général qui avait précédé et suivi immédiatement l"c-
cession du pays à l'Indépendance.
En dépit de la présence des planificateurs internationaux, la tâche qua
s'offrait aux dirigeants était immense. Nous l'avons déjà consignée en géné1al
dans le chapitre précédent. Mais pour la clarté de l'exposé et ,'pour tenir
compte des spécificités de l'enseignement du premier degré, nous rappelons
es
principaux problèmespen<;lant~ qui exigeaient des solutions urgentes. ILs po -
vaient se dénombrer ainsi :
-Organisation des services du Sécrétariat à l'Enseignement Pr~·~~c
-Réorganisation de l'Enseignement du premier degré.
-Nouvelle répartition des circonscription d'inspection.
-Adaptation des programmes scolaires du premier degré.
-Construction de nouvelles écoles.
-Dotation des circonscriptions d.'inspection en véhicules .pour les
tournées des Inspecteurs primaires et de leurs adjoints.

- - -
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Evolution des eHectifs et des Infra5tructurE's
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1
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1
[cales
Classes
[col es
Classes
Hlévisuel
PU et PR
ri l1es
1
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1
1
1
1
1

1959/1960
1
135 151
1
64 895
700046
t
49 250
939
2977
6()t.
1 608
- -
--
1
1960/1961
1
164 271
1
74 501
238 772
63 093
1 095
3 625
627
1 811
1
t
1961/1962
188 545
73 208
261 753
67 533
1 191
45Q8
560
1 723
1
1
19tiZ/1963
1
224 fjg2
1
B5 128
310 MO
9S 044
·1 329
5 130
600
2 245
1
1
1963/1964
1
235 851
94700
330 551
104 fi95
1 293
5 126
584
2 199
1
1
1964/1965
2817
1 417
25~ 401
1
95 732
347 133
113 489
1 298
5 2or.
559
2 18}
. 1
-
1
1965/1966
3 517
1
...
255 551
98 194
353 745
120 127
1 310
5 387
496
2 197
1
1
1966/1967
2 538
1
1 487
277 260
1
104 192
381 452
133 401
1 367
5 865
519
2 285
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'1
',':,\\'
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1
1
1957/1968
2 085
1 299
302 089
105 520
407 609
144 504
1 496
6 448
1,96
2 376
1
'l'.~
1
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1958/1969
1
1 .
3 441
1 967
322 701
104 328
427 029
153 811
1 600
7 093
451
2 378
CD
1
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1
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1969/1970
3 567
1
2 002
357 161
1
107 656
464 817
168 650
1 714
7699
463
2 532
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~ ~
1
f
1970/1971
4 110
2 jiO
393 479
1
109 Za6
502 865
182 950
1 826
8 549
425
2 511
1
1
1
1971/1917
4 031
2 038
1,15 286
1
20 500
112 329
527 615
193 711
1 B55
8 989
426
2 490
1
,
1972/1973
4 520
1
2 283
451 201
58 000
115 488
56G 639
210 603
1 956
9 730
1,21
2 539
1
1
1973/1 '}74
4 470
2 152
485 915
1
107328
120 348
606 263
225 474
2 123
10 463
420
2590
1
1974/1975
4 67/i
1
2 296
516 192
1
160 971
125 177
641 369
238 996
2 270
11 142
430
2692
1975/1976
4 656
1
2 260
547 383
1
231 211
125 324
672 707
253 582
2 470
12 174
434
2747
1
1!1Ï6/!977
4 669
1
2 229
601 552
1
312 26:
133 954 .
735 511
277 846
2 758
13 840
437
2985
.
t
1
1977/1978
5 059
2334
672 675
423 354
137 569
809 334
310 617
3 130
l'J 925
461
3087
1
1
1978/1979
5 456
1
2585
746 889
1
510 107
1/,1 839
888 728
344 407
3 531
18 016
472
3 212
1
1979/1980
1
6 081
2 887
Bll 141
633 S(i5
143 049
954 190
375 233
3 919
19 950 .
1
499
3 347
1
1
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190011981
6 291
2 953
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1
711 515
11.3 617
1 025 002
1
410 455
4 305
22 030
510
3 581
1
1
1981/198?
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1
"
-209-
-Amélioration de la qualité des ma1tres.
-Ivoirisation des cadres.
-Edition des manuels scolaires.
etc •••
En considération de ces données, la nécessité d'une réforme dans le
ri-
maire ne faisait plus aucun doute. Plus est, elle était mBme séduisante.
,veriait à point nommé pour mieux résoudre le. problème de la démocratisati
de
l'enseignement.
Nous connaissons déjà ce que cela ~ouvAit signifier. En effet, démoc a-
tiser-c'est permettre d'abord à tous les enfants ivoiriens d'avoir
'4ccè
à
l'école primaire, le point de départ de l'instruction par exemple. Hais c est
aussi faire en sorte que tous ces enfants soient en mesure de parvenir à
gré égal de formation, quels que soient et leur milieu social et leur éta '
fortune et leur situation géographique. Par la démocratisation, riche et
vre, citadin et paysan doivent se voir offrir des possibilités égales d'-
truction.
Mais la démocratisation ne saurait être aveugle : il est légitime d'
frir les mêmes espérances, mais à ceux-là qui sont capables. Et voici qu"
-
tervient paradoxalement l'un des rôles précis de l'école primaire:sél~iti
e~
C'est dire que tout se joue déjà à l'école primaire. On peut déjà considér r
celle-ci comme le lieu privilégié de l'observation du comportement scolair
et
des aptitudes intellectuelles de l'élève. Elle doi..t permettre ultérieurement de
diriger l'enfant vers les études auxquelles il parait le plus apte. Tout c
a
est beau. Mais en pratique, de nombreux obstacles restent actuellement à v
n-
cre à l'école primaire ivoirienne.
L'Etat veut assumer la charge de l'instruction comme il veut assumer
charge de l'économie capitaliste. Dans la ligne du développement économique de
la Natio~, l'école primaire ne pourra donc se défaire ou se détacher des scé-
,
-
mas déjà établis par l'ancienne métropole et du système en vigueur. Nous co -
prenons maintenant pourquoi toute la physionomie du cycle primaire s'inscri
toujours dans le modèle français au niveau des programmes, de la pédagogie, des
sanctions, des structures, des examens, etc. Par exemple, au niveau des pro
grammes, des variations de détail portant en particulier sur l'histoire et
géographie n'ont pas changé ~e :fond de l'enseignement qui reste un enseigne 1
ment général sans lien réel avec le milieu ambiant. La'pédagogie a égalemen
peu varié, ne réquérant t~ujours qu'une participation passive des élèves.··L 'e r-
1

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+
continue et perfectionne~ent professionnel
~'S"rY'? tiOflS
le~ instructeurs de for~ation professionnel

-211-
ganisation des sanctions est restée la même z discipline traditionnelle, clas-
sements hiérarchiques en fonction des notes, système des examens par leq ,el
tout le monde doit passer pour avoir une existence scolaire. Tout se te '~ e
au cours·.moyen TI ,soit par le C.I.P.E, soit par une très grande proporti \\
d'abandons, de redoublements et d'échecs. Les données statistiques ultér
eures permettront sans doute de se faire une idée plus précise de tous ce
aspects négatifs et fourniront les éléments de base indispensables
lyse objective des problèmes de l'enseignement primaire. Cela dit, essayo s
maintenant de préciser les faits en les développant.
o
o
o
-1.- Conception Générale
A première vue, .l"'enseignement
priIiîaire en Côte d'Ivoire voudrait co -
tribuer au développement économique et social en permettant aux enfants d'a
céder à des connaissances de base
c'est-à-dire:à une iilstrnétioilmiliima.lé
9
J
dée sur le soubassement de la culture ivoirienne.Ce nJe5t.pas·tout.-"-i'6ur le
re.sponsables __et: les ~pécialistes,- ~l' ensëignement primaire
doit ..;favoriser
la constiiutien~~des .basesp;r.emièresdu -développèmeilt,' -donD.ées m:iD.imales qui
permettront à l'ensemble des citoyens de communiquer et de partager les va-
leurs de leur culture commune. Il devra préparer l'épanouissement maximum de
la personnalité de chacun, en vue de sa promotion individuelle et de sa meil .
leure contribution au progrès collectif"(I). Ainsi, la responsabilité qui es
confiée à l'ense,;gnement. primaire ne parait pas moins grande. En effet, par
son biais, l'enfant ivoirien apprendrait surtout à lire, écrire et compter, c
qui lui donnerait la capacité de participer d'une manière éclairée à la vie
pl'.blique.
On considère toujours l'enseignement primaire comme un instrument de dé-
mocratisation ~'par T'égalisation des chances données dès la première enfance
avec l'idée qu'il a pour rôle de régulariser les possibilités de développement
1
de chaque enfant. Si tel est le cas, pourquoi parle-t-on 'san,;: "cesse
,'de ses
(1) Prem10re
Mission de Planification en Côte d'Ivoire, op. cit. p. 135

-212-
insuffisances, de ses déperditions, bref,de son inaàaptation ? Nous savon
que
les autorités du pays lui ont initialement:,ass·igné Un triple rôle, celui ,-
" -de fournir aux citoyens la'-b~~~ d~~e culture commune de ilype
moderne,
- d'orienter et sélectionner une minorité destinée à fo
r
au pays les futurs cadres moyens et supérieurs dont il a.besoin,
-d'adapter les jeunes à une participation effrénée au déve op-
pement "(I).
Essayons d'examiner les trois indications sus-mentionnées.
D'entrée, certains termes tels que "sélection" et "orientation" surp en-
nent déjà dans un enseignement qui se veut "démocratique". Qu'est-ce à d e ?
En effet, quelques esprits bourgeois diront que l'orientation est le com~
plément indispensable de la démocratisation. Et selon eux, sa finalité es
de
promouvoir chaque élève au niveau de formation le plus élevé auquel ses a [itw
des lui permettent d'accéder sans que sa situation familiale ou sociale n
constitue un obstacle. S'il en est ainsi, nous serons donc en présence de
'u-,
'ne des contradictions de l'enseignement du premier degré qui
se
soucie
et
d'orienter et de sélectionner et .de ~démocr~tiser à la fois.
Dans un pays hétérogène comme la Côte d'Ivoire où les structures de
colonisation sont demeurées les mêmes depuis plus de deux décennies et où
'oc-
cident est constamment l'objet d'imitation servile, il convient d'avoir
conception moins idéaliste de l'enseignement primaire. Il importe donc de
interroger suffisamment sur cette notion d'enseignement primaire qu~ sous
parence trompeuse de progrès individuel et social, couvre des réalités
é-
rentes. Car, par
le jeu subtil de cette dénomination, les cartes sont déj
brouillées. Derrière l'idée d'enseignement primaire, c'est un calcul poli i-
que bourgeois lucide que la réalité oblige à entreprendre
La finalité de cet
enseignement n'est pas lapromotion des enfants du peuple, mais l'accroisse ent
de la production agricole. L'école primaire 's'ouvre à tous les enfants po
tout simplement satisfaire les exigences des options économiques fondament
es
des plans actuels (2). sel~n les autorités du pays, elle.doit fonctio~er I m-
me des entreprises industr~elles, avec le souci de prod~e plus et m~eux 1
(I) Programme de développement de l'Education et de la Formation, Ministèr'
du Plan. Republique de Côte d'Ivoire, 197I, page 20.
(2) P.E.T. op. cit. page lB.
:1

... ~
-21.3-
moindre coût, afin de fournir avec rapidité et souplesse ce que le march
de-
mande (1).
Comme on peut le constater, l'école primaire ivoirienne, tout en se
ré-
sentant idéologiquement comme égalitaire et démocratique apparaît ici di
rè-
tement la plus efficace du point de vue de l'ordre établi. Les discours é a-
litaristes autour de l'enseignement primaire cherchent à masquer les atte -
1
1
tes de l'économie bourgeoise derrière des explications qui combinent l'id e
1
de bonheur et les besoins de la nation.
Il
Pourtant, si l'on veut bien se dégager un tant soit peu des visées h

IIl
nistes de l'enseignement primaire, on rencontre tout autre vérité: l'éco e
,1r
I
! primaire en maintenant l'injustice sociale, s'acharne à former des catégo ies
de travailleurs subalternes en vue de leur insertion dans la division soc a-
le et technique du travail. Comme nous le verrons dans les éléments stati ti-
Il
ques, un nombre réduit d'élèves passe en sixième alors que l'enseignement a é··
Il
té ,~énéralisa et qu'on parle partout de "boom de l'école primaire". Ceux
ont reçu
"l'instruction de base strictement nécessaire" doivent quitter
1\\
lieUx et aller à l'aventure, s'ils ne sont pas admis dans les lycées et c
ges.
1
A l'école primaire de Côte d'Ivoire, tout est remis en cause. Ecouto
li
ces remarques de l'ancien ministre de l'éducation nationale: ft L'école p
1
maire, loin d'~tre un facteur de développement, conformément à sa vocatio ,
c'est-à-dire de promotion, à la fois individuelle et collective, en est

vée à devenir une source de désintégration et de désagrégation de la
un obstacle sinon un frein à l'évolution harmonieuse du pays et à son évo
ti-
on politiquei elle n'~tègre pas l'enfant à son milieu naturel traditionn
mais lui donne le moyen de s'en évader sans lui permettre, faute
on
professionnelle adéquate, de s'~sérer dans les structures de la
i-
que moderne "(2).
Il est de l'~tér~t des autorités politiques ivoiriennes d'accorder
e
importance à l'enseignement élémentaire pour la formation initiale de l'en
fant ivoirien. Il va de soi que le succès ou l'échec de leur système dépen
étroitement des produits de cet enseignement. Car un départ maladroit, et
out
t
.
,
L
'
"t' d'
.
t
'
,
1
eseomprolllJ..B ou menace.: ane~es's~ e
,un ense~gnemenelementairepermet iant
- de garantir, -voire ,de consolide:l'lèlll-assises du capitalis1l19 iibéral est coJs-
(1) Message du Chef de l'Etat à la nation Ivoirienne, le 7 août 1967.
(2) Programme de Développement de l'Education, op. cit. page 28.
U_'

-214-
tamment affirmée dans les déclarations officielles, à savoir que l'éducat on
à l'école primaire "doit
'être au service du développement, favoriser l'e prit
1
1
de profit et inciter à la consommation "(1).
Depuis l'Indépendance jusqu'à nos jours, les responsables ivoiriens
s-
saient d'adapter l'enseignement primaire aux conditions de vie partieuliè
s
des communautés rurales. Ils savent que la majorité restera à ce niveau é é-
mentaire. On comprend pourquoi le thème de la ruralisation de l'enseignem nt,
est toujours à la mode. Il est à souligner ici que toute réforme dans le
y-
cIe primaire répond bien à des finalités politiques ; elle ne s'inscrit p
dans le ciel de la pure pédagogie, mais dans le cadre de l'évolution du s s-
tème capitaliste. Ainsi l'enseignement primaire .;"ruralisé': serviraa<i.mira le-
ment les autorités ivoiriennes. En effet, le contenu même de la ruralisat on
ne remet aucunement en cause la fonction de l'école primaire comme
de
la classe "bourgeoise" ivoirienne. L'enseignement qu'on y dispense
ultérieurement à diviser la
société. Il s'agit de faire vivre au rabais
rus
ceux qui ont été récalés et de maintenir la minorité chanceuse dans les s
c-
tures de la vie moderne. Les "déchets" du primaire doivent constituer la
d'oeuvre qui permet de promouvoir l'économie tournée vers l'exportation d
matières'premières.
Par ailleurs, si l'enseignement s'ouvre sur la ruralisation, c'est
simplement pour empriso'nner les jeunes écoliers dans les structures qui
nent rarement naissance à des réalisations tant soi peu concluantes : la
a-
lisation de l'enseignement primaire a donc une fonction de stabilisation
C
système; elle constitue une sorte de soupape de sûreté pour prévenir
1e
rural; c'est un moyen pour occulter les problèmes posés par l'augmentatio
pide des chômeurs.
Enfin la ruralisation de l'enseignement primaire suppose une formati
idéologique qui vante les mérites des activités agricoles présentées comm
épanouissantes. Or l'expérience prouve que cette formation n'intéressse
re les écoliers. Aux yeux de ceux-ci, l'école est faite pour sortir
villageois et non pour y faire prendre racine, et l'écolier qui n'y
pas sera toujours considéré comme un râté.
Il en résulte que tout l'esprit de l'enseignement primaire est faussé au
départ. Sa "ruralisation" n'est pas tellement faite pour aider les enfants',des
pauvres. Elle est mise en oeuvre 'pour
maintenir les inégalités dans le sY'ltè-
me en ~'.q.". O
'. "
,
.v '
' ,
-- ",'
:C,'
-, 'J ,;_".,
;
.
(1) Progi-amme dé 4Jvelo~nt de" l'Education, op. c;t.' page 20.

1[
-215-
Il
IlIl
'-2. -Organisation Générale-
Il
Il
L'organisation de l'école primaire n'est pas très ,'différente de ceU
que
If
t
1 'on c~is.~ait· à,:'l'époque coloniale._ On, y ,·prévoit six années
(du CP l au
Il
CM 2) -:a~ant i?-,.;·t~~'~admi~.~au-·B$ d,es clllèges. Des contrôles et examens per-
Il
manents y
ont li'eu et constituent de véritables handicaps,- qui rendent as sez
Il
difficile la ,progression des élèves. Tout est programmé pour que les je
es
Il
sortent à des niveaux différents : abandons t renvoi t échecs' etc.'.
t
1\\
On découvre un manque d'homogénéité
une rigidité et un cloisonnemen
au
t
1
niveau de l'enseignement élémentaire. Les premières années de l'enseignem nt
If
semblent 3tredisloquées et ne sont guère intégrées aux classes de fin d an-
, née.Ainsi,
,les '. liens réels entre les classes font obstacle à l'unific tion
du savoir dispensé. Mais il est non moins sûr que le décloisonnement ne s
ra pas à lever tous les ebstacles. Et m~me les institutions préscolaires
core naissantes (jardins d'enfants, crèches, ••• ) fonctionnent en autarcie
coordonner leurs activités au cycle primaire.
!
li
Les objectifs essentiels que l'enseignement primaire se propose en f'
de
compte d'atteindre doivent
~tre repréei8~s•. Ils se présentent comme su'
1
inculquer aux enfants les notions élém~ntaires de la nouvelle éducation f Idée
f
1
sur l'esprit du capitalisme libéral; aider à l'épanouissement général de
Ii
!
ves ; développer en eux des habitudes de travail; cultiver et stimuler
s
aptitudes
et inclinations individuelles (1).
De ce fait, la scolarité 0
toire commence à six ans. Elle s'achève à 15 ans en principe. Les struct
l'école primaire ne permettent pas l'obtention d'un certificat de qualific -
tion qui ait vraiment la valeur d'un titre d'études. L'élève détenteur du
er-
tificat d'études primaires ne peut occuper un emploi répondant à la format'on
reçue. Celle-ci est plus théorique que pratique et se borne généralement à des
savoirs étrangers aux contextes des élèves.
La division en trois cycles de l'enseignement primaire ne tient pas b
C9UP compte des différences individuelles des écoliers et ne prépare guère
l'enseignement secondaire. Les trois premières années seront celles de l'a
tissage des techniquesde base: lecture, écriture, langage
calcul. Le but
t
cipal du second cycle de trois ans sera d'entratner les enfants au travail i
-
!
tellectuel personnel.
. ,
En dépit de quelques aménagements apportes à l ' 8001e primaire, aucune fle-
sure n'est prise pour éviter les redoublements de tous ceux qui "accrochent'II ou
'ti) N~DR1N Allou David : op. cit. p. 114 et suiv.

-216-
éprouv.ent des difficultés de tous ordres pour s'adapter au programme en
gueur.
Depuis I97.0, ,on a essayé de réorganiser l'enseignement primaire et
lui donner une structure qui réponde mieux aux exigences du développement so-
cial et économique du pays. Avant cette date, il convient de souligner q
les
textes réglémentaires de l'enseignement primaire étaient vieux et répond
ent
tout simplement à des objectifs assez flous qu'à ceux d'un Etat devenu in é-
pendant. Si cet enseignement devait contribuer au développement économiqu
et
social d'une part et si, d'autre part il devait se soucier de l'avenir des jeu-
nes qui ne _pouvaient ni accéder à l'enseignement secondai~e court ou
à l'enseignement technique, il était devenu nécessaire d'~pporter des
c
ments en son sein. On se souviendra donc de l'expérience de la télévision
laire. De quoi s'agit-il?
En effet, devant l'ampleur des insuffisances et des difficultés
le primaire, les responsables ivoiriens ont cru devoir
améliorer la
en y apportant
quelques aménagements. Une volonté soi~disant nationale
sa le cadre et l'ordonnance des réformes sans même discuter des moyens à
en oeuvre par rapport aux intentions fixées. L'enseignement primaire, dis
on, doit se modeler un nouveau visage, rectifier son tir. On cherchera dé
mais à améliorer et à perfectionner ses structures. La Première Esquisse
Plan Quinquennal 1911/1915 pose les conditions de la réorganisation du cyc e
primaire en ces _termes : "L 'enseignement Q.u 'Premier Degré doit pouvoir fav
i-
ser la constitution des bases premières du développement ••• Il devra prép 1 er
l'épanouissement maximum de la personnalité de chacun, en vue de sa promo
individuelle et de sa meilleure contribution au progrès collectif "(1). E
conséquence, tout l'enseignement
primaire doit, selon les dispositions 0
cie11es, être "comme un inst~ent socio-économique, favorisant la produc
té et incitant à la consommation et conjointement eomme un processus de p
duction culturelle favorisant l'essor et la diffusion d'une eulture natio
vivante dans l'ensemble de la population "(2). Il s'agit maintenant, au p
dl
rénovation générale, "d'intégrer pleinement l'enfant à son milieu économi
et socio-cu1turel, de transformer l'instituteur en véritable animateur d'
région ou d'un village quelconque: Les diverses entreprises porteront soi
1~" pub~i~:~~igiLé, so~:t__ ~ur1eè mattr~s ;~.=.~,oi ts~ l'un et l'autre à ~la f
magazine des instituteurs, blocs audio-visuels de perfectionnëment~:enâei
(1) Programme de développement de l'Education, op. cit; page 20.
(2) Ibid. page 21.

-217-
ment programmé, introduction des mathématiques modernes, cahiers de péd
:ogie
.pratiqQe .du langage, cours d'orthographe à la radio, formation d'un corp
,spé.
1
cialisé d'instituteurs pour les classes enfantines ••• (I).
Maisles tentatives de réorganisation de l'enseignement primaire n'o
paf
réellement résolu la question fondamentale, celle de la mise au point de
grammes
qui soient à lafois mod~rneset plus accessibles aux enfants. 0
s'est au contraire plus occupé de porter remède aux déséquilibres région
er.
cherchant à créer de nouvelles écoles élémentaires dans les régions peu
risées, telles que Bouna; Odienné, etc;. On s'est efforcé de résoudre
moins le problème de l'insuffisance de la scolarisation des filles en
à l'intention de celles-ci des classes en plus
grand nombre et en forro
un
pluralité d'institutrices adjointes. D'autres mesures ont été prises conc r-
nant respectivement :
-la réduction du nombre d'élèves par classe,
-l'adjonction de conseillers pédagogiques aux inspecteurs prima res n
-l'organisation de stages pédagogiques,',-
-l'organisation de stages et de cours par correspondance pour l
re~'
cyclage et les perfectionnement des enseignwlts •••• (2).
A toutes ces mesures générales, il convient de rappeler celles que n us
avons mentionnées déjà
et qui ont trait aux enseignants et aux élèves.
On a donc créé une magazine des Instituteurs, qui apparaît régulière ent
dans la revue dite ft-Praternité-Hebdo", afin d'accélérer
le récyclage de
maîtres. Cette initiative s'est vue renforcée par la mise en place et la
fusion des "blocs audiovisuels"de perfectionnement ayant pour but d'assurE
,
une formatiorr compléme~taire
des
éducateurs. Chaque bloc audio-visuel
re-
sente un bon modèle et montre au maître la façon de conduire une leçon ac
ve. Il faut signaler aussi l'introduction d'un enseignement programmé qui
st
malheureusement demeuré en grande, partie au stade de la recherche, et qui
'a
intéressé que la région d'Abidjan.
Par ailleurs, afin de renforcer la francophonie et l'acculturation d
enseignants, on a édité la revue intitulée : Cahiers de pédagogie pratique du
langage, qui visent à leur exposer
dans un langage qualifié de "simple",
es
problèmes de prononciation, de vocabulaire et de structures.
1
1
(1 )Pr.oBramme
de développ~~ent
de l'Education, page 28.
(2)Prdg~amme
d'éducation télévisuelle, nO l, Côte d'Ivoire, page 55
1.
i
Ü

-218-
On s'est ensuite penché sur l'élaboration d'une méthode de français
our
les CAPOP et l'on a mAme conçu un projet d'émissions linguistiques (orth ~hO-
nie notamment) pour les élèves, de façon à créer 'des conditions d'une 1
is
tique des plus remarquables. Aux dires des responsables de la
te la formation tend à introduire dans les classes une pédagogie très
rée de celle de l'Ecole maternelle française (1).
Fàmiliariser~les mattres aux mathématiques mederne~ê -.est unenouvel;lè:" onm:
~e importante au sein de l'enseignement primaire. On connaissait d'aille
s
le niveau assez bas des enseignants. Recrutés en masse pour les besoins
gents de la scolarisation, ils n'avaient pratiquement pas de dip18mes. Se on
les enqu~tes de la première mission de planification, 15% du personnel ét ient
féminins" et -simplement titulaires dù CEPE. Les 3/5 des enseignants :t~sai nt
partie~du:contingentdes moniteurs.
-Seuls les 32% du personnel étaient
epré
sentaient par les instituteurs, les instituteurs adjoints (niveau brévet)
Dans le cadre de cette familiarisation des maîtres aux mathématiques mo-
dernes, il leur sera demandé de laisser à l'écart la démarche méthodique
radi,
tionnelle. On leur fera croire que les mathématiques traditionnelles sont ab-
jectes, peu pratiques. Et désireux
idéclogiquementde les adapter à l'évo utioJ
du système en place, les responsables du Ministère de l'Education Nationa e
déclareront incessamment que les mathématiques modernes apporteront un es
it
neuf, l'esprit de l'homme adapté à son temps.
Mais la plus grande innovation apportée à l'enseignement fut l'appar tion
de la télévision éducative,le I8 septembre I91I. L'hypothèse de base étai
que
l'emploi de la télévision ajouté à une meilleure qualification des maître , il
sera possible de généraliser le système de la promotion automatique, et
- .--_.---.
si, le nombre d'années-élèves effectivement fournies pour chaque enfant
nant en fin de cycle primaire, sera réduit de plus de 100% (2). Et très
toute la presse ivoirienne a commencé à chanter les louanges de la
scolaire : ""Avantages propres, à tout système audio-visuel :
ments concrets et plus seulement verbaux ; diffusion de bons
sonores, ouverture au monde, diffusion de toute espèce de documents,
tion permanente de l'enseignement en termes de contenus ou de méthodes ~.
tages propres à tout système centralisé: unification de l'enseignement,
gration des différentes matières dans une vision écologique plus cohérent
(1) Programme d'Education Télévisuelle, op. cit. page 45.
(2) Perspectives de l'Education, revue trimestrielle, vol. 1, nO 2, UNESCO:: p.
Il
16.
"
i.f':l
"il
li

t
"Ii
-219-
généralisation au profit de tous les ma!tres des travaux d'enseignements
pé-
~
cialisés de haute qualité ; avantages propres à tout système de télécoww,UH~-
cation moderne, immédiateté de la diffUsi~n, nombre de points de réceptio
susceptibles d'être accrus très rapidement et utilisables à div~rses fins

~<
, . . ; . . .
; __ \\
(0,.
"
Selon l'ancien ministre de l'enseignement téléVisuel, la télévision
pla-,
cera tous
les enfants d'âge scolaire dans les mêmes conditions de travai
avel
les mêmes chances de réussite, et mettra tout en oeuvre afin de réduire t ès
, . -'
rapidement la disparité des taux de scolarisation entre les régions, entr
1 'homme et la femme" (I). Mais les objectifs vj.sés dans la politique de 1 édu-
cation télévisuelle ont été davantage soulignés:avec force par le Présiden
de
la République. Pour lui, la télévision éducative doit contribuer
(2)
"-à,ménager la transition indispensable entre la vie dans la famill
africaine et la vie à l'école, puis entre les divers ordres d'enseignemen ,
-à agir en même temps sur la mentalité de la jeunesse en vue d'ori
ter le processus d'évolution de la société,
-à dispenser les connaissances techniques indispensables à l'inté
tion de tous les individus à la vie économique du pays ".
Les programmes de l'enseignement primaire seront caractérisés après
a-
venément de la télvision par la coexistence de quatre systèmes :
-le système traditionnel (public et privé) fondé sur les instructi
s
officielles définies en 1964,
- le groupe "G.R.P." correspondant à une modernisation des contenu
et
méthodes,
-le système télévisuel proprement dit,
-le système renové qui désigne un système transitoire de classes pr -té.
lévisuelles utilisant les programmes et méthodes de, l'enseignement télévis el
sans l'outi1 t la mise en place de ces classes devant permettre
là où il n est
t
pas encore possible de recevoir la télévision, de préparer son introductio
en
réduisant les écarts entre enseignement traditionnel et enseignement tél~v
suel "(J).
~outes ces structures seront ébranlées en Janvier 1980 à la suite deI
co-
r-
lère des Enseignants co~tre'
la.baisse dangereus~duniveaudel'ense.·
ment. On revint du coup vers l'ancien système qui reçut curieusement le nom
d'enseignement rénové".
(I) La Télévision au service de l'éducation, op. cit. page 7
(2) Ibid. page '8.
(3) Programme d'éducation télévisuelle, op. cit., vol. XIV, page 4.

-220:"
_J.-Programmes de formation-
D'une façon assez générale, on peut bien lier la notion de programme à
celle d'objectif. Dans ces conditions, on dévine déJà le contenu de l'ens li-
gnement primaire si l'on veut tenir compte des développements antérieurs. Nous
donnerons ultérieurement un aperçu du programme de la classe de CP l jus
'en
classe de fin d'année, uniquement pour apprécier à sa juste valeur le pro
me d'assimilation culturelle que l'ancien colonisateur nous a imposé.
En attendant notons tout de suite que les programmes desclaeses de
'é-
cole primaire s'insèrent
étroitement dans la perspective générale d'une
cation qui contribue essentiellement au développement économique et sa ci
pays" (I).
1
A~si, à travers les différents programmes d'enseignement, la référe
au milieu est apparue comme une dimension majeure d'ordre pédagogique.
grammes tiendront donc compte de cet élément fondamental pour mieux se
ire
Quoi qu'il en soit, les deux premières années sont consacrées à l'ap
tissage de la langue française : élocution, lecture, écriture, grammaire,
cabulaire, orthographe ••• Quant aux mathématiques, leurs objectifs ont été
bien précisés. On tient surtout à ft munir chaque enfant de connaissances
thématiques fondamentales, à
concourir avec les autres enseignements à la for·,
mation de l'esprit, à collaborer avec les autres disciplines à une certain
initiation civique et sociale. Il s'agit surtout de donner en tout premier lieu
à l'enfant un bagage expérimental dë faits mathématiques et ensuite un ens
,ble ju~ieux de :connaissaneesfGnàamentales (2).
En histoire et géographie, les programmes ont été adaptés aux réalité
africaines, mais les ouvrages ont été conçus par deséditions "étrangères q
sont étroitement en liaison'avec les éditions locales. Les éditeurs étrang
s
métropolitains sont toujours présents par leurs actions au sein des
ivoiriennes.
L'introduction des trav,ux agricoles , artisanaux et ménagers dans l~e
i-
gnement primaire revêt- un ,certain intérêt, mais
ne semble pas donner les
s-
poirs fixés au d~part. Cependant, on ne peut ignorer que tous ces travaux
;;.
nuels épousent l'8Sprit de' l.a tradi tionen pèrmettant d 'enseigner'les leçons de
(1) Programme d'éducation télévisuelle, vol. 1. Côte d'Ivoire, page 97
'2) Ibid. page 105.

-221-
choses qui se terminent en effet par des comptes rendus des élèvez, par le
dis·
eussions
et
par
la résolution des problèmes de la vie agricole et arti
nale. L'échec actuel de l'inadaptation des travaux agricoles accentue le
10-
blème de l'exode rural. L'enfant non habitué à ces travaux n'est donc pas
ré-
paré à embrasser le métier de cultivateur ou d'artisan.
Mais l'emploi de la télévision Bcol~
da~s.
l'enseignement pr
a apporté d'amples modifications dans les programmes et méthodes. Cette fo
on a tenu surtout compte de la psychologie, de la sociologie,
que, etc, pour asseoir les bases d'un véritable programme qui sera souten
une méthode moderne. Voici ce que disent les textes officiels
venu de faire la synthèse de tous ces aspects fragmentaires et d'imaginer,
enseignement, non plus dogmatique et statique, morcelé en matières arbitra -
res, séparées par des barrières abstraites, mais une éducation active et g 0-
baIe génératrice de dynamisme et de fécondité. (1).
On vise désormais "un enseignement en situation, méthode globale, déc uve))
te par l'élève, déduction, prévision, adaptation à de nouvelles situations
Du
concret au plus lointain dans le temps et dans l'espace, de l'individuel a
collectif, telle est l'attitude générale qui amènera l'enfant à
'comprendr
à aimer comprendre et donc à apprendre et à chercher, condition préalable
l'éducation continue indispensable à l'homme de demain"(2).
Le programme de français va attirer tout particulièrement l'attention des
responsables pédagogiques : La langue sera enseignée avec plus
me le recommandent avec insistance les directives officielles, èette
doit ~tre nécessairement mise au service de la pensée des enseignés.
mier souci du maître "sera donc de faire naître le besoin de parler la 1
française, d'intéresser l'enfant à l'expression française. Il devra
que lorsque l'enfant parle, c'est parce qu'il a quelque chose à dire et qu
c'est ce quelque chose qu'il dit ••• (3).
A titre d'exemple, nous présentons maintenant le programme télévisuel
n
usage dans l'Enseignement primaire depuis 1970 jusqu'en 1982 :
(4)
(1) Programme d'action pour le développement de l'Enseignement du Premier
e-
gré en Côted 'Ivqire ..de I968 à .I980, page 28
(2) Ibid. page 29.
.
(J) Ibid. page 31.
(4) Ibid. page 29.

-222-
Enseignement de base :
1.-
Langue Prançaise.
II.-
Mathématiques.
111.-
Sciences d'observation.
Education générale
1.-
Développement sensori-moteur.
II.-
Education pratique et manuelle.
I11.-
Education morale et civique.
IV.- Education esthétique.
V.- Education physique
VI.-Enseignement familial.
VII.- Enseignement agricole et pratique.
La méthode est la suivante : enseignement en situation, méthode activ
globale, découverte par l'élève, déduction, prévision, adaptation à de nou el-
les situations. Théoriquement, tout va bien. Pratiquement les principes ne sont
guère respectés. Pourtant, les directives exigent que les maîtres partent
u
concret à l'abstrait, du particulier au général, du plus proche au
tain dans le temps et dans l'espace, de l'individuel au collectif.
l'attitude générale qui amènera" espère-t-on, l'enfant ivoirien à mieUx p
ticiper- à sa formation à la fois théorique et pratique •.Tout l 'espri t de l
.pédagogie nouvelle est.. évoqué sans relâche· pour inciter les maîtres à modi i-
er à l'égard des élèves leurs anciennes attitudes pédagogiques.
Mais revenons encore au problème des programmes.
Toujours en ce qui concerne le français, les prescriptions sont les s
vantes : (1)
-Vocabulaire et constructions de base réaliste déterminés scientifi
e-
ment: le français fondamental 1er degré, première étape dans l'acquisition
e
la langue.
i
1
-Ce vocabulaire sera complété par l'introduction des mots disponible
dé-l
terminés par le contexte local, l'ensemble des activités scolaires et les
1
Î
cessités du milieu.
j
(1) Prog~e:d'aotion pour _le développement de l'enseignement du Premier
gré en côt~d'Ivoire de I968 à I980, op. cit. page ,32.

l .'
-223-
1
Pour mieux réaliser de tels programmes, on fit appel à un certain no
re
de procédés :
-Exploitation permanente des acquisitions dans l'ensemble des activit s
scola.ires.
-Illustration des récits et contes, soit par ie dessUl , soit· par ~l'usa e dei
figurines mobiles posées sur des tableaux de feutre.
-Dramatisation.
-Théâtre de marionnettes.
En ce qui concerne strictement les mathématiques, on veut donner aux
fants un bagage expérimental et un ensemble judicieux de connaissances fon a-
mentales. Il s'agit d'opter pour une meilleure compréhension des notions d
ba-
se et un meilleur apprentissage d'un certain nombre de techniques.
Ces notions et ces techniques concernent :
-les nombres (naturel, décimaux, fractions et entiers),
-des opérations sur ces nombres ,
-des éléments de géométrie (êtres et transformations),
-la mesure de certaines grandeurs (longueur, aire, masse, durée),
-la r~connaissance et l'exploitation d'une situation de proportio
li-
té entre deux grandeurs,
- une certaine initiation logique.
A partir de cet enseignement mathématique, les responsables d~sprogr
es
espèrent que les élèves qui continueront des études seront aidés par une e
ence utilisable et pourront construire un édifice plus solide.
Ils
pense
aussi que ceux qui seront orientés vers des études courtes ou "pratiques" e
ceux qui devront exercer leur activité dans des domaines d'applications c.o
tes verront leur action facilitée par une organisation mentale plus solide.
En ce qui concerne la formation générale, on veut apprendre aux enfant
à
inventer des modes d'action, à les améliorer, à les affiner. Selon les note
officielles, il s'agit ici d'une formation générale de l'esprit,basée, non
as
sur des techniques et des copies conformes de modèles, mais sur une struct
a-
tion progressive de l'esprit à partir d'expériences, sur la faculté de s'ad~p­
ter à des situations nouvelles pour trouver des modes d'action originaux. (p
1
():) DpC'llment nO 428 du Service Pédagogique. Programme-document. nO 431 du Se \\-
'vi~~ '·:p~dagogique. Abidjan, Côte d'Ivoire.

-224~
Quant à l'éducation physique et sportive, elle se- prepose
ici d'aid r
au développement parallèle et généralisé des capacités physiques et intel ec-
tuelles de l'enfant. Son domaine de prédilection est évidemment celui du
orps
L'éducation physique par le sport sera donc recherchée dès le troisième n"-
veau de l'école primaire. L'universalité du sport, élément social majeur
e
toute civilisation, requiert d'intégrer le sport à l'education.
Mais les textes insisteront assez timidement sur la valeur éducative du
travail pratique et manuel : Pourtant il s'agit du développement de la so
les·
se et de la précision du geste, du progrès des connaissances, de la mise
jeu des facultés intellectuelles, d'action morale par la pratique de la sida·
rité et de la saine émulation.
L'école' semble s'ouvrir aux jeunes dans un seul espoir: accéder au f
c-
tionnariat, devenir employé de bureau. Or, c'est par sa terre, ses atelie
et
ses usines que la Côte d'Ivoire s'enrichira, et le devoir de l'école prim
re
serait donc de lui préparer des ouvriers et des ouvrières dont la main se
la
servante accomplie de l'intelligence. Et justement, cette dernière préocc
a-
tion devrait primer dans la conduite des leçons de travail manuel : faire
ai-
sir aux élèves que sans la main qui agit, le cerveau reste impuissant. Le
di.-
rectives officielles ne lient pas assez le travail manuel aux autres discO li~
nes. On comprend pourquoi on fait rarement une large part aux arts locaux
la
sculpture sur bois, la poterie, la céramique, la vannerie, la broderie.

-225-
-4-.
Répartition des Horaires et des Disciplines -.
Toutes les classes de l'école primaire ont chacune 30 heures de cour
par
J
semaine. Les horaires se répartissent généralement dans la même proportio .
Mais ce qu'il importe de souligner ici c'est la prépondérance du français qui
retient l'attention. Il suffit d'évoquer les horaires de la classe de CM2 pour
remarquer tout le poids de la présence française et l' intenseaccul turati li- qu.:
règne au sein de l'école primaire. C'est ce que révèlent successivement 1 s ta,
bleaux ci-dessous : (1)
-Horaires.
Etude du milieu . . . . • . • . . . . • . . i~ •••••••••••,•••
3H 30 '
=
II,66;'Jj
- Dan.se, cha.nt
, musique ..•....•• ". ......•.••...•.•.
2H 25'
=
8,05 9
-Activités pratiques et
coopératives (jardinage, artisanat, etc •••••••••
2H
=
6,66 9
-Mathématiques . . . . a .••••••••••••••••••••••••••••••
5H 45'
=
19 ,16 ~
-Langue française
. I4H 15 '
=
46,11 'l
-Fréquence des disciplines par semaine.
.. . -_.
,
Nous allons montrer ici combien de fois un cours est dispensé
penda~
la semaine :
~
-Etude du milieu
:6 fois
=
12,96 %
-Danse, chant, musique, etc . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . :5 fois
=
10,63 oz
70
-Activités pratiques et coopératives ..•.•..•....•.
:2 fois
4,24 %
-Mathématiques
:10 fois
=
21,24 %
-Langue française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . :20 fois
=
42.55 %
Comme l'attestent fort bien les deux tableaux ci-dessus, l'étude du m -
lieu joue un rôle de second plan par rappo~t à la langue française. On pré
fère privilégier celle-ci au détriment de la
maîtrise par l'enfant ivoiri ~
de son environnement physique et social. Il y a là un essai de dé-culturat on'
de chaque écolier qui, désormmais est tenu de me connaître les réalités con rè-
tes de son milieu. Et tout ce qui intéresse le cadre de vie de
r
l'enfant,
.~
,
(I).N'DRIN·Allou:David : Enseignement et Acculturation des enfants de l'éc 'ae
1
primairé 'de Côte d'Ivoire. Doctorat de 3e cycle, T. 1, Paris V - Sorbonne, :l982·

~
-226-
voit
sous-représenté. Il en est ainsi aussi pour la danse, la musique, le
jardinage, l'artisanat, etc.
Ces remarques montrent clairement quel est le rôle de l'enseignement pri-
maire dans la défense de la langue française. Dès lors, toute réforme de
éco~
le primaire passe d'abord par la révalorisation et l'adaptation du milieu
ocal
de l'écolier. Les deux tableaux qui précèdent révèlent qu'il n'en est rie
Le
d~~ger est qu'on risque de désintéresser.les jeunes des problèmes de leur nvi•.
ronnement immédiat, ce qui peut même les conduire à devenir plus tard les
om-
plices involontaires des desseins de tous ceux qui aspirent à renforcer l',cci-
dentalisation de tous les Ivoiriens en vue de leur dé-culturation complète.
l
Il serait donc utile que les états-majors de l'éducation procèdent ma
te-
r
nant
à des exercices d'autocritique et élsborent des plans de réformes po
1
adapter les programmes scolaires aux réalités ivoiriennes.
~
~
Si elle prend au sérieux son rôle d'organe de formation initiale, l'é ole
primaire devrait réhausser à travers son programme les valeurs typiques de la
Côte d'Ivoire avec une détermination Supérieure à célIe dont elle fait pre
e
1
1
pour valoriser la langue française.

-227-
-5- Evolution ét Rendements de l~Beignément Primaire
Cet enseignement a connu rapidement
un développement sans précéden •
Rappelons qu'en 1959/1960, sur une population scolarisable de 664.000 do It .
)29.000 garçons et 335.000 filles, on compte seulement 200.046 enfants d ' t
150.796 garçons et 49.250 filles. En clair, les estimations nous donnent
comme taux moyens réels d'inscriptions (45,8% de garçons et 14,7% de fil
Après 10 ans les taux de scolarisation ont été doublés (1).
On observe .
-En 1960 ......•.•.•••••••.•.••••••..•••••.•••.••••••••••• 28,45%
-En 1965
_!. • • • • • • • • • • • • • ••
43.61%
-En 196(1........ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • . . . . • . .. 44. Oe>%
-En 1968 •••••••••••••••.••••••••••••••••••••••••••••••••• 42.50%
-En 1969•.••..•.••.••••.••••..•.•.•••••.•••.••••••••.••.• 43,10%
-En 1970 •.•.•.••.•.••••••••••••••••.•••.••••••••••••.•.•• 49.4%
Ainsi au 1er janvier de l'année 1970, 465 000 enfants ont suivi l'en ei-
gnement; le taux de scolarisation est estimé à 49,4% contre- 4J,6:r%en 196 •
D'autre part, le recrù.tement 4es filles devient
de plus en plus impo tant
dans les établissements : en effet, les filles
représentent )6,)% des
f-
fectifs contre 32,7 en 1965. Ce recrutement n'a été possible que grâce à
a
participation active. des populations qui ont construit spontanément 2,800
les de classes.
Toutefois, il existe une disparité importante des taux de scolarisati
entre les régions, puisque ces taux peuvent varier de 95% à 5% pour une
ne générale de 40% (2). La répartition de l'effort de scolarisation est
très inégale: il existe un obstacle à l'homogénéisation de l'effort scol
qui est constitué par le rythme de croissance. économique très inégàl lui
si selon les régions, les plus riches pouvant mieux participer à cet effo
()J
Jusqu'en 1976, le taux moyen de scolarisation est à peine inférieur à
60%. Près d'un million d'enfants seront scolarisés en 1980 et l'on
prévoy it
une scolarisation totale vers 1990 de la classe d'âge des 7 à 12 ans. Et d jà
le 18 septembre 1971, on assiste à l'apparition de l'enseignement télévisu 1.
(1) Première Mission du Groupe de planificztion, op. cit. page 41
(2) Programme d'éducation télévisuelle, op. cit.
25.
()
Ibid. page 26.

-228-
ENSEIGNEMENT
DU
PREMIER
DEGRE
Evolution
du
nombre de classes et des effectifs
~"'-ooo
1
1

~~-ooO
1
1
1
toooo

,
1
1
..
..-48 000
1
1
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1
100-000
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1
1
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G-ooo
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1
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~LP~::J
NOl1ell.lt
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~c..OI.1H'l1 ii"i.
~LI\\_Uf"S
~/r-r-r i,.Oj~
Il
'7
'7
1
-Source = Bilan du développement de l'éducation en C.I. , op. cit. page 13.
1
1
j
1

-229-
1
En 1977, près de 500 000 élèves sont scolarisés par le petit écran e
_~) Qe ministre ,de l'Enseignement télévisuel pouvait déclarer que la première pro-
'1
!(motion entièrement télévisuelle avait réussi à 50,01 %le concours d'entr'e
! en sixième. (1). Jamais on n'avait atteint un tel pourcentage. En effet, ,vant
1970, on estimait que 20% des enfants scolarisés terminaient leurs études
primaires. "Sur 10.000 ~lèves entrant ensemble au CP l, seulement 3(900' on
suivi le CE 2; les 2/5 de la génération auront bénéficié d'un acquis dura ~e
et retireront de l'enseignement primaire un profil minimum (élèves imprégJ és).
30% de la génération arrivent au niveau du CM l et 20% au niveau du CM 2. Le
nombre de diplômés n'est que de 1.565, soit moins du sixième de la généra
tion "(2). Les défections sont ici particulièrment nombreuses et ce phénol e-
nes résulte de la combinaison de deux facteurs; les abandons qui se prod ~­
sent lorsque des élèves
arrêtent
leurs études avant la fin d'un cycle
scolaire (de quatre ou' six ans, par exemple pour l'école primaire, et les "e-
doublements de classe (3).
C'est à partir des années 1965-1966, que les déperditions ont commeI~é
à attirer l'attention
les responsables politiques et les parents. Ils étf ent
très étonnés 'de constater que la souveraineté nationale n'avait pas encore ap-
porté sa contribution à la résolution de8 problèmes de l'éducation. L'ensE'-
gnement primaire n'obtenait toujours pas les résultats escomptés; il ne p rmet
tait pas aux enfants de parvenir au terme du cjycle de six années dans un d -
lai de 8 années.
Les travaux menés par 1 'Institut d.'Etude du -LDéveloppement économique e
social (Université de Paris) avaient donc permis de connaître plus clairem nt
ou précisément le déroulement de la scolarisation de l 000 élèves inscrits en
première année
T
T+I
T+2
T+3
T+5
Sortants
CEP
EffectUs
1000
51.1
490
414
510
510
20
dont
Redoublements
341
213
150
122
128
206
Promus
653
455
421
368
346
304
(1) Henri Bourgoin et Philippe Guilhaume : Côte d'Ivoire et Sociétés, stoc
1919, page 2 5 6 . '
li
(~).~ère Missionde.Planification ~n Côte d'Ivoire, op. cit. page 45.
'i
(3) Manuel des Statistiques de l'Education, UNESCO, 1961, page 17.
,
l1,,
(4) Source: Première Mission de Planification en Côte d'Ivoire, op.cit? pagel 45.
:1 .,.....
-
I
I
I

--
"
/
.r
,or
Année Scolaire 1980/81
Enseignement du Premier Degré Public et Privé
RENDEMENT
INTERNE
TAUX DE TRANSITION (%)
Année de la
CP1
CP2
CEl
CE2
CM1
CH2
Sous-ensemble ou
transition
ensemble considéré
Promo
Red.
Ab.
Prom
Red
Ab.
Pro 11\\
REd
f;b
Prom
Red
Ab
i'rom
Red
Ab
1
Red
Moyenne pour
Public
62,5
31,2
6,3
78,3
28,4
1,3
69,3
27,0
3,,7
73,6
25,1
1,3
66,2
31,0
2,~
51,S
1967, 1968 et 69
Publ ic + Pri vé
60,8
29,6
9,6
71,5
27,1
1,4
68,8
26,1
5,1
73,5
24,2
2,3
65,7
30,4
3,9
49,1
Publ ic
85,8
13,8
0,4
87,7
11 ,5
0,8
85,5
11,8
2,7
85,4
12,6
2,0
86,0
15,7
-1,7
49,S
1977
Privé
82,6
12,2
5,2
86,0
10,2
3,8
84,7
10,9
4,4
86,1
14,2
- 0,3
83,6
20,3
- 3,9
41,5
Public + Privé
85,3
13,6
1,1
87,4
11,3
1,3
85,4
11,6
3,0
85,5
12,9
1,6
85,5
16,6
- 2,1
48,0
.~C\\l
1
Public
64,0
14,3
1,7
B5,9
13,0
1,1
86,1
13,2
0,7
85,4
12,8
1,8
87,6
16,2
- 3,8
50,6
' 0
Q)
t"'\\
1978
Privé
82,5
' 12,0
5,5
88,0
10,4
1,6
84,7
10,9
4,4
89,4
10,4
0,4
87,3
17,9
- 5,2
41,8
bO
~
m
Pub lie + Pri vé
83,8
14,0
2,2
86,2
12,6
1,2
85,9
12,8
1,3
86,1
12,4
1,5
87,6
16,6
1.:. 4,2
49,0
p.
......
Public
81,3
15,8
2,9
84,7
13,5
1,8
82,9
15,1
2,0
85,0
13,2
1,B
89,2
15,4
- 4,6
48,6
....
1979
Privé
81,5
12,9
5,6
64,3
11,4
4,3
80,7
13,5
5,8
86,2
Il,1
2,7
90,9
13,9
- 4,8
38,6
t)
.
Publi c + Pri vé
81,3
15,4
3,3
84,7
13,2
2,1
82,6
14,8
2,6
85,3
12,9
1,8
89,5
15,1
4,6
46,8
p.
o
Public
Bl,9
16,2
1,9
84,3
14,4
1,3
81,8
15,6
2,6
84,1
15,2
0,7
90,3
15,7
- 6,0
48,9
l7.I
1980
Privé
80,6
12,7
6,7
80,4
Il,8
7,8
79,6
13,4
7,0
83,2
12,0
4,8
96,9
12,5
- 9,4
40,6
Q)
Public + Privé
81,7
15,8
2,5
83,7
14,1
2,2
81,4
15,2
3,4
84,0
14,8
1,2
91,4
15,2
- 6,6
47,4
&
....
.....
III
•.-1
.....
Note
:
Prom.: taux de promotiùn
Red. : taux de redoublement
Ab. : taux d'abandon.
al
.....
CI)
Remarques
Les taux de transition indiqués sur ce tableau Il'ent pas été ajustés.
Un taux d'abandon négatif signifie une incohérence des données recueillies sur les effectifs d'une année scolaire, d'une part, et'les redoublants
Il
de l'année suivante, d'autre part. Concernant les CMl, les taux d'abandon négatifs s'expliquent par une sous-estimation des redoublants (ou triplants)
CI)
()
au niveau des GH2 et, par conséquent, une sur - estimation des taux de promotion en fin de CM1.
~CI).1__1.-_···
<---

-231-
Selon cet Institut, pour 490 élèves au CE2, 3.567 années/élèves étai nt
l
fournis (2.735 sans redoublements); pour 510 élèves du CM2, on totalisait
3.719 années/élèves sans les redoublements et 4.885 avec les redoublement
d'une seule année.
En 1965, l'Institut a pu établir les composantes de l'enseignement du pre-"
mi~r degré de la manière suivante :
-Promotion : 59,5% des effectifs.
-Redoublement : 32,5%.
-Abandon: 7,8%, soit un taux de déperdition de 40,5%.
D'une façon générale, la première décennie (1960-1970) a présenté un
physionomie assez terne de l'enseignement primaire. Elle est surtout marq
par le problème des déscolarisés. Ecoutons le rapport des milieux officie
"Les déscolarisés, ce sont bien les enfants, la limite d'âge de 15 ans, a
ein.
te, sont exclus des CM2 (avec ou sans CEPE) sans avoir obtenu l'entrée en
sixième ••• Ils ét&i.ent 8.84B en 65/'6 (22% 'de l-'~fJectif des m&2); 15.846
n
69/70 (23%). Ils étaient en 1970 environ 3.258 (30% de l'effectif). Plus
190.000 en 10 ans" (1).
A partir de 1971, malgré les chiffres flatteurs de l'enseignement télé i-
suel,on
va assist@r à une aggravation de l'éch:c scolaire. Toute une poli i-
que de sélection fondée sur l'âge va s'instaurer. Ainsi comme le remarque
ort
bien M. Kanvaly Fadiga (2) : "une discrimination basée sur l'âge permet aul
système éducatif de classer les élèves au terme de chaque cycle de formati n
en trois catégories :
-1)- Les élèves à exclùre de l'enseignement primaire pour arrêt
'é-
tude ou pour limite d'âge.
-2)- Les élèves autorisés à redoubler à cause de leur âge.
- ) - Les élèves autorisés à passer au cycle supérieur d'enseigne ent
en raison de leur jeune age se situant en décà de la limite d'âge.
Désormais, on instituera trois séries au sein du concours d'entrée en
sixième: "série spéciale", "série première", série deuxième". Ces trois s
sont définies en fonction des âges s'étalant entre get 15 ans. Cette dise
(1) Bilan du Développement de l'Education en Côte d'Ivoire au cours des de ':c
décennies. Ministère de l'Education NatioJ1B-3:e, I~8I, page )6.
. i
(2) Kanvaly Padiga : A qui profitent nos ecoles . in : Annales de l'Univers ,té
d'Abidjan, série P, I98I?tome IX, pi 10)-108.

~.....
Année Scolaire 1980/81
Enseignement du Premier Degré Public et Privé
EFFECTIFS, REDOUBLANTS ET PROPORTION DE REDOUBLANTS
PAR ORDRE D'ENSEIGNEMENT, SEXE ET ANNEE D'ETUDES
CP\\
CP2
CEl
CE2
CMl
CM2
T O r t . : '
Hf
Red
% R
EH
Red
% R
EH
Red
% R
EH
Red
% R
EH
Red
% R
EH
Red
% R
Eff
R,'df%R" •
1O~~8
Public
G
100995
14640
14,5 /1 91775
112013
13
85540
11706
13,7
77308
9489
12,3
670i5
9141
13,6
106689
47559
44,6
529322
1 19 ,7',
F
74400
12416
16,7
65903
1
9360
14,2
60372
9480
15,7
50858
7348
14,4
42142
7004
16,6
57972
24153
41,6
351647
69761
19,8
T
175395
27056
15,4
157678
21373
13,5 145912
21186
14,5
128156
16837
13,1
109157
1611.5
14,8
164661
71712
43,5
880969
174309
19,8
G
15370
1845
12
13200
1551
11,7
12340
1643
13,3
11355
1336
11,7
11226
1560
13,9
21913
8678
39,6
85404
16613
19,4
Privé
F
11695
1452
12,4
10394
1156
11,1
8980
1232
13,7
8026
991
13,3
7487
1081
14,4
11630
4445
38,2
58212
10357
17,8
T
27065
3297
12,2
23594
2707
11,4
21320
2875
13,5
19381
2327
12
18713
2641
14,1
33543
13123
39,1
143616
26970
18,8
1
C\\J
TOTAL
G
116365
16485
14,1
104975
13564
12,9
97880
13349
13,6
88663
10825
12,2
78241
10701
13,6
128602
56237
43,7
614726
121161
19,7
1""\\
. C\\J
NATIONAL
F
86095
13868
16,1
76297
10516
13,8
69352
10712
15,4
58884
8339
14,1
49629
8085
16,2
69602
28598
41
409859
80118
19,5
1
T
202460
30353
15
181272
24080
13,2
167232
24061
14,4
147547
19164
13
127870
18786
14,7
198204
84835
48,8
1024585
201279
19,6
-Source
Statistiques, op. cit. page 23.
=~~=~=~~~=

-233-
~mination consiste à exiger comme condition de la réussite au concours d'E~­
!
trée en sixième moins de points (donc moins d'effort) aux plus jeunes.
A titre d'exemple, voici l'exploitation des ressources d'admission ! ~
concours d'entrée en sixième en eSte d'Ivoire .. : (1)
-Juin 1977-
-Séries
-Seuils d'admission par série
% d'admission,
spéciale
86 à 90 points
40,90%
Première
88 à 107 points
19,3%
Deuxième
106, 25 à 120 points
3,1%
-Juin 1978-
-Séries
-Seuils d'admission par série
% d'admission
Spéciale
88,25 à 95,25
37,45%
Première
90,25 à 111,25
17,64%
Deuxième
109,25 à 130
5,90%
-Juin 1979-
Séries
-Seuils d'admission par série
% d'admission•
Spéciale
89,25 à 104,25
33%
Première
94,25 à 130
18%
Deuxième
110,25 à 150
3,2%
L'examen ·,desètrois tableaux ci-dessus révèle que l'enseignement .prima '-
re oeuvre pour renforcer l'inégalité entre les élèves.Au lieu d'homogénéis r
les chances, il se contente d'assurer des divisions entre eux. Au discours éga-
litaire,,: des années 1965 , a fait place depuis l' avénément de la télévision
éducative, une véritable ségrégation à l'intérieur de l'école primaire. Ma"s
ee n'est pas.tou~. Les xésult~ts du.concours d'entrée en sixième n'ont guè e
évolué, car on assiste'raremeüt à une
:amélioration des résultats depuis 1 60.
~

1
D'ailleurs, après deux décennies,tout concourt à la déterioration des rend'~
ments.
(1) Kany~ly Padiga
op. cit. pp. 103-108
:11"
',1

-234-
En guise de comparaison, nous présentons ici les résultats du conco ' s
d'entrée en sixième depuis 1958 jusqu'en 1962.
Années
Présentés au concours
Admis
1958
2 480
l
571
63%
1959
3 879
l
650
43%
1960
5 560
2 971
~3%
1961
10 221
4 328
42%
1962
12 668
4 178
34%
Source
~remière Mission de ~lanification en Côte d'Ivoire, op. cit. p.
1.
Comme l'atteste bien ce tableau, le pourcentage des écoliers admis
i-
nue d'année en année. ~eu accèdent facilement en classe de sixième, ce q
aggrave le problème de l'éducation post-primaire. Il s'ensuit que de mill ers
de jeunes accèdent à la vie active sans qualification, rejetés par le sys è-
me éducatif. Pourtant, des mesures sérieuses auraient dû être prises éner ique
ment pour remédier à ce lamentable gâchis ou à cette injustice sociale.
En effet, la fin de l'enseignement primaire a toujours été dramatiqu
Une partie des élèves quitte l'école, l'autre redouble. Parmi les premier, on
distingue quatre sortes d'élèves :
-ceux qui quittent définitivement l'école ou sans diplôme. Il
peu
vent être récupérés ou non par l'économie. Parmi les élèves refusés, au CE
certains de la zone rurale peuvent être récupérés par les tâches agricole
condition de ne pas manifester trop d'exigences, d'autres quittent la cam
gne pour la ville à la recherche d'un travail ~pothétique.
-ceux qui vont dans les centres d'apprentisage.
-ceux qui obtiennent le diplôme de fin d'études primaires, le
EPE
-ceux qui sont admis dans l'enseignement secondaire après le
concours d'entrée en sixième. Mais les deux catégries ne co1ncident pas n
es-
sairement. On peut réussir au CE~E et ne pas accéder à l'enseignement sec
daire. Et c'est là où la situation se complique pour l'écolier malheureux.
Devant les insuffisances du rendement interne de l'enseignement on
,ur-
rait mettre en doute l'efficacité de la télévision éducative. Or les promo eur!
de cette technique loin de la remettre en question, poursuivaient la génér li-
~
sation de la réception télévisuelle dans tout le cycle primaire. Ainsi en 1980 r
les effectifs bénéficiant de l'enseignement télévisuel pa.ssent à 714 au li~;u

-235-
.1
de : 32 770
en
197~ (soit 85% du. total des élèves en 1980 contre 54% en
1976).
jl
C'est donc Is poursuite progressive vers une scolarisstion totsle, LI
.taux de scolarisation va passer de 57% en 1976 à environ 80% en 1980. Les ef-
fectifs totaux (enseignements publics et privés) évoluent de 723 700 en 1 76
à 973 000 en 1980. Le nombre de classes (voir tablea~page 208).
passe do e de
13 600 à 19 800 (enseignement public seulement).
Les effectifs de l'enseignement primaire passeront en définitive
à
1 095 336 en 1981/I982, soit un taux moyen de croissance annuelle de 8,05
et
un rapport de l
à 5. En 1984, les effectifs atteignent par finir le chiff e de
1 165 473, ce qui montre que l'explosion scolaire se poursuit toujours de
is
plus de 20 ans.
(1)
(1) Enseignement et Formation en Côte d'Ivoire
Statistiques, année scol ire
1980-1981, page 25.
,
_1_'
_
."
'ii

1f
-236-
1
1

-6.-
Les Coûts dans l'enseignement primaire-.
Depuis l'Indépendance jusqu'à nos jours, la Côte d'Ivoire s'est mont lée
très disposée à consacrer une part importante de son budget annuel à desépen.
ses d'éducation. Ses responsables espèrent que .les:etf.9rtsfinanciers
le
domaine de l'1nstructiondes citoyens permettront l'expansion de l'éducat
n,
ce qui aura pour effet d'accro!tre la main-d'oeuvre disponible pour le dé
pement.
D'entrée, ils ont donc cherché partout
les
possibilités de f
ce-
ment extra-budgétaire de l'éducation et de la formation. Il a été pris de
sures susceptibles de faciliter le financement en question.
Dans l'enseignement primaire, les dépenses de fonctionnement ont évo
é
rapidement pour atteindre un seuil critique
qui ne pouvait plus être supp
té par l'Etat. Mais au départ, il convient de. rappeler que les crédits
'en·
seigaement primaire représentait seulement 31,5% en 1960 du budget
de
cation nationale.
En 1965, on pouvait remarquer que le cycle primaire n'occupait que )5 )%
de ce même budget. "A ces dépenses s'ajoutent celles qu'entraîne l'assis
ce
technique ainsi que la part des dépenses communes (administration central
concernant l'enseignemeht primaire, et celles qu'assument les institution
d'enseignement privé, sur leurs propres ressources (indépendamment des su
ventions reçues du Gouvernement ••• Au total donc, l'enseignement public d
1er degré s'est vu affecter en 1967, 3.60) millions pour 277.260 élèves.
incluant la part de dépenses communes, on obtient un coût unitaire de
frs. CFA."(I). Ce sont là des données chiffrées qui montrent une fois
que l'éducation, si l'on entend momentanément par ce mot le système
mission du savoir à l'école primaire, n'est pas une ~ince affaire.
Le budget alloué à l'Enseignement Primaire de 1970 à 1980.
(en millions de frs CFA)
Budget Enseignement primaire
Budget Education Nationale
1970
5.000
:IJ.:Oo-O
1975
8.300
20.'000
1980
12.000
27.000
(1) Programme d'éducation tél~visuelle, op. cit? p. 321
(2) Ibid, page 322,

-237-
11
Pour mieux conna.!tre la part importante que l'on consacre implicitemE ilt
à HEnseignement primaire, nous pr~sentons maintenant un autre tableau :
Budget de l'Etat (I)
Budget de l'Education nationale %
1965
34.348
7.460
2I,7%
1967
47.505
8.600 (I)
22,I%
197C
47.505
13.600 (I)
27,5%
1975
66.224
20.000 (I)
30,3
1980
88.985
27.000 (I)
)0,3
en peut donc déduire de ces indications la part importante de l'Ense -
gnement primaire dans le budget de l'Etat.
Si l'on tient compte des déperditions énormes signalées plus haut et des
problèmes divers que cela provoque sur le plan social, on pourrait dire
ue
l'enseignement primaire est véritablement budgétivore et peu rentable. Fa ~-il
dans ces conditions continuer
à y investir pour des résultats infructue~ ?
On ne peut opter que pour la réponse négative. A la vérité, l'Enseignemen
primaire coûte très cher pour un faible rendement. Son coût démesuré grèvE
fortement le budget de l'Etat et ralentit presque tous les projets votés
ri-
tialement dans 1 'enthOusiasme.'On, a dépensé beaucoup d'argent pour organise
un
enseignement qui ne produit que du gaspillage.
A la vérité, on a beaucoup attaché de prix à l'enseignement dans l'ee poir
d'élever le seuil de l'instruction et combattre définitivement l'ignorancE et
l'analphabétisme. Car déjà à travers les études de l'UNESCO, i l était état i
que "le développement de l'instruction et celui du revenu national sont ét oi-
tement liés et que l'essor économique d'un pays est d ',autant .plus rapide q e
l'instruction élémentaire y est plus répandue et qu'inversement un taux él vé
(1) Ces chiffres comprennent les charges représentées par l'aids .stéri.url au
1
personnel et qui ne sont pas imputées au budget proposé du Ministère de l' 'ldu-
cation nationale.
III
Il
L_

-238-
d'analphabétisme tend à freiner le développement de la prospérité
• (I)
C'est donc en considération de cette conception que les autorités 0
donc proclamé au début de l'Indépendance que l'éducation est la priorité
es
priorités. On comprend pourquoi les dépenses de fonctionnement vont évol
r
d'une manière vertigineuse.
Mais la connaissance des différentes sources de financement de l'éco e
primaire permettra de voir que celle-ci n'était pas réellement libre pour évi-
ter les phénomènes d'acculturation et de domination.
En effet, nous savons qu'elle reçoit l'aide extérieure. Rappelons qu
sur
un montant total des dépenses publiques au titre de l'éducation approxima
ve,-
ment évalué en 1962 à 8,7 milliards de F CFA (1), près de deux milliards,
oit
plus de 1/5 ont été financés par l'aide extérieure(française en grande p i e ) ,
Déjà de 1960 à 1964 par exemple, l'aide extérieure de l'école
primaire p
sait de 41 millions à 120 millions de F.CFA., l'aide française s'élévant
1964 à 60 millions de F. CFA.
Cette aide est la source de 'financement la plus importante parmi les
our-
ces extérieures. D'une façon générale, le montant des crédits pour tous le
cy-
cles d'enseignement s'élevait déjà à 965 millions de F CFA en 1960, année
e
l'Indépendance; il atteignait 2 163 millions, soit plus de 80 % de l'aide ex-
térieure totale. L'aide française s'applique
surtout à toutes"les natures de
dépenses: dépenses en capital, dépenses de matériel, de transfert, etc •••
o
o
o
Quelles réflexions générales se dégagent de ces coûts dans le secteur de
l'enseignement primaire? Que doit faire le pays pour les atténuer? En qu i
ces coûts ." ren'foZ'Cent-ils
sa dépendance vis-à-vis de l'extérieur?
D'aucuns pensent que l'éducation est un bien
supérieur qui doit donc ê-
tre distribu-é 1e plus largement ~Possible ·sans se préoccuper ~xcessive!Ilent es
sordides qu~stions de coût. D'autres ,au c~ntrà.ire,s'intéressent à l' éduc .- "
(1) André PAGE: L'économie de l'éducation, PUF, pp. 63-T33.

-2.39-
tion telle qu'elle est produite, distribuée et reçue dans une société do
Ils concentrent plus leur attention sur les réalités ou les possibles
que sur les finalités. C'est davantage sur ce terrain que se place en
al
la réflexion des économistes de l'éducation.
Les premiers que nous qualifierons d'''humanistes'' se placent donc su
un
terrain normatif. Selon eux, chaque individu a droit a la même quantité
à
la même qualité d'éducation. Ainsi, l'école primaire, pensent-ils, doit
le lieu de l'égalisation des chances, car si l'éducation est également di
ri-
buée, on réalise du coup la démocratie économique.
Mais l'une des contraintes qui échappent à nos humanistes, c'est l'in er-
tion de la production et de la consommation d'éducation dans un système pr duc-
tif d'ensemble se caractérisant par un mode de production donné. Cette ins r-
tion modèle inévitablement le visage du système dans un sens qui n'est pas né-
cessairement celui du discours humaniste qui apparaît ici par nature assez idé-
aliste.
Revenons donc à la réalité pour rappeler que nous sommes en Côte d'Iv ire
dans un régime de libéralisme économique. Dans ces conditions force est de sou-
ligner que les groupes d'individus n'ont pas tous les mêmes cartes, que ce,-
tains détiennent une partie importante du pouvoir et que d'autres en sont
a-
tiquement exclus. Restons par conséquent plus circonspect : Plus les
e
l'enseignement augmentent et même si l'éducation'à l'école primaire doit ê
e
également distribuée, le problème de son financement
sera surtout l'affai
des aides extsrieures pour raffermir la dépendw1ce au profit des enfants d
classes privilégiées qui sont obligés de passer avant tout par l'école pro
i-
re. Dans la mesure où
ils
auront plus de chance de réussir, qu'importe
'en·
visager le cas de ceux qui ont été recalés à mi-chemin et qui sont issuE,;.
s
classes défavorisées?La démocratisation de l'enseignement au départ n'étai
dorrc qu'un simple leurre pour mieux tromper la vigilance des personnes non
ver-
ties du stratagème de l'esprit capitaliste.
Tout ce développement a pour but de montrer que les coûtSde l'enseigne
ment primaire avantagent énormément les enfants des milieux aisés. Les dépe ses
sont généralement supportées à raison des 3/4 par l'Etat aidé bien-sûr par
es
pays étrangers.
1
Les conséquences d'une telle situation ne manquent pas d'ê:.tre"·61armante(s.
'1,

-240-
Tous ceux qui détiennent
les
clés du pouvoir dans les partages bu gé-
taires savent que l'école est le tremplin par lequel leurs enfants doivent né-
cessairement passer pour atteindre plus tard le sommet de la réussite. Po Î e~
il n'existe que deux sources de financement de l'enseignement primaire: l'Etat
et les pays étrangers. Ils rejettent du coup les collectivités locales, le
fa-
milles, les entrepris'es. Da.71S leurs discours, ils évoquent sans cesse les
a-
crifices consentis par l'Etat et les "pays amis" pour réhausser la physion
ie
de tel ou de tel cycle d'enseignement. ,
En remerciant les pays donateurs occidentaux, les responsables de l'é
ca-
tion contribuent à perpétuer les liens de dépendance, oubliant que les obj
tifs de l'aide sont à la fois politiques et économiques et cela, au profit
e
ces mêmes pays. '~es pays qui ont dû renoncerà leurs empires, déclarent Ti
r
Mende, ont trouvé dans l'aide l'instrument le plus commode pour prolonger
ur
influence et leur pouvoir. Privés des moyens de participer de façon décisi
à
la rivalité des nouvelles super-puissances, ces liens C•.. ) leur offrent 1
seu-
le façon convenable de conserver une sphère d'influence "CI). Ainsi, l'éco
primaire arrange bien les choses et pour les responsables de l'éducation e
pour les pays nantis.
CI) Tibor Mende: De l'aide à la recolonisation
les leçons d'un échec,Edi
ons
du Seuil, 1972, page 98.
~-

Il
.
i
-241-
1
Réflexions.et Conclusion.
i•
,
\\
Nous venons d'examiner le cycle primaire depuis l'Independance jusqulen
1984. Force nous est maintenant de reconnaître que l'Enseignement prima
a
.
.
.
1
encore beaucoup de prob1èmes"àrésGudre. L'explosionsccilai~.d:~\\aDllées '0,
qui était comme le signal d'une aspiration de masse n'a pas tout à fait r c -
pondu aux aspirations de tout un chacun. Les parents voulaient aider leur
en-
1
fants à échapper par le biais de l'école aux conditions traditionnelles d'exis.
tence. Or en scolarisant ces jeunes, ils ont ignoré que l'enseignement pr'
irQ
est très élitiste, inégalitaire par la discrimination qu'il opère au sein 1 es
écoliers. Cet enseignement comporte tout un lot de paradoxes, de eontrove ses
ses, d'ambiguités, etc.
En effet, l'école primaire s'est ouverte à de masses croissantes de
nes, mais c'est pour les diviser et les orienter arbitrairment selon l'op
que du capitalisme libéral.El+ese présente d'abord comme une industrie ca
de réaliser le bo~eur
de chaque écolier ivoirien, mais en réalité elle
charne à sélectionner les meilleurs qui iront dans le cycle secondaire.
On a entrepris sa réforme, sa "modernisation", mais en fait on a agi
contrario en reprimant par des moyens
arbitraires au concours d'entrée
sixième, aux examens, e.tc •••
L'école primaire se veut obligatoire jusqu'à 15 ans. Elle apparaît
à première vue comme un service social, voire public. Mais son action de
se en charge contraste avec le climat de solitude, d'abandon et de compéti ion
qu'elle entretient inlassablement.
L'école primaire fonctionne constamment sur un double régistre : elle jOU€
à la fois la carte de l'ivoirisation des programm~set celle de l'imitation ser~
[
vile de l'ancien pays colonisateur. Et voulant être démocratique, elle ma
ti-
Il
1
ent constamment l'esprit de l'individualisme en favorisant du coup une é
a-
1
tion malsaine au sein des élèves.
1
En fin de compte, l'école primaire ne fonctionne pas pour satisfaire Ues
besoins et les attentes des parents démunis, mais elle fonctionne tout sim 1e-
ment pour assurer les assises des.enfants issus des milieux aisés. Ce fais
t,
elle engendre un antagonisme entre les couches sociales du pays. Cette si
1
tion risque donc de compromettre l'édification de la nation ivoirienne.
Sans entrer dans le flot des paradoxes de l'école primaire, remarquon .
tout de suite que le malaise dont elle souffre paraît très délicat. Ses tr
i-

-242-
tions coloniales et ses principes "modernistes" déterminent parfois un~e
b1e de pratiques complètement inadaptées aux aspirations d'une société à 1
re-
cherche de sa complète indépendance. En dépit de quelques innovations, de
'a-
ménagement de;ses méthodes et s.tructures, l'école primaire apparaît toujo
s
démunir~~ Tout espoir de guérir àom mal au moyen des techniques audiovisue
es
est proprement erroné et absurde, car de telles tentatives sont bel et bi
l'expression de la modernisation de l'exploitation bourgeoise à
crète et perfide. En effet, après l'expérience manquée de la télévision,
en-
seignement primaire reste encore dans son essence ce qu'il était au temps
010·
nia1. Il en résulte que tout système éducatif qui continue à s'enfermer d
s
un tel climat ne reproduira que des rapports de domination. L'espace sco1
re
primaire est en voie d'éclatement, car les contradictions qui le menacent ,e
sont pas près de s'amoindrir. Les autorités ont voulu rapidement changer
les
structures au moyen de la télévision tout en maintenant l'esprit caplta1is e.
En même temps qu'elles accomplissaient des efforts de renovation, on assis ait
i
chaque jour à l'occidentalisation effrénée de l'enseignement primaire. Et
es
.~,
écoliers presque dévorés par l'aliénation, perdaient graduellement foi dan
les
prétendues vertus d'un
système qui apparaissait de plus en plus condamné
plus ou moins longue échéance.
Si l'on veut que l'enseignement primaire ivoirien "colle" aux jeunes
t à
la réalité de leurs efforts, il est souhaitable que les grandes décisions
soient prises en accord avec toutes les masses populaires, les maîtres, le
pa-
rents. Tel n'a jamais été le cas. Bien au contraire, on a toujours désigné
'en
seignement primaire comme le secteur de l'éducation, le plus apte à fourni
fin de cycle, un nombre important de "recalés", pour les activités subalte
es.
Cette perception de l'école primaire rélève d'une conception trop colonial
partisane'de'la sélection à outrance et de la planification de l'échec po
les
besoins du système en vigueur. Rappelons ici que l'intérêt particulier que
es
1
colonisateurs portaient à l'enseignement primaire pour le développement éc
omi,
que visait tout simplement la formation des auxiliaires
en vue de dépense
moins. Cela suppose que l'éducation coûte cher; elle pèse
de façon immé,ia-
te sur le taux de profit. On comprend pourquoi l'enseignement télévisuel a

supprimé en 1980 non pour arranger la situation des élèves mais pour étudie
le
1
choix de la dépense d'éducation en fonction de la rentabilité pour le capit 1.
Dès lors, à partir de l'année scolaire 1981~ les responsables ivoiriens ont
pris la décision de donner désormais un certain type d'éducation qui revien
moins onéreux et non une éducation en soi. On peut affirmer déjà ici que le/mo-
de de production capitaliste a "engendré depuis 1981, :',~on éducation" pour 1
mieux intensifier ses contradictions et la division sociale de l'écolier de I[:Ô_
,
1
te d'Ivoire.

· ,
1
-243-
\\
Dans ce mode de production, c'est par rapport à la force de travail, pla-
cée en situation de marchandises que se réalise le développement du mode
'é-
ducation; c'est par cet intermédiaire que s'exerce la relation des forces
ro-
ductives et les rapports de production et que se comprend celle du mode
pro
duction au mode d'éducation. Tout cela signifie que l'enseignement prima le
va chercher désormais à s'inscrire davantage dans l'idéologie du moindre
~àt.
1
Le problème des responsables de l'éducation est maintenant bien connu: . Ives _
tir moins, dépenser moins pour l'enseignement primaire.
Les difficultés actuelles du cycle primaire sont les conséquences
mauvais calcul au départ. La Côte d'Ivoire, à l'instar des autres pays, sjé-
tait purement
engagée dans les programmes d'expansion de l'enseigneme t.
Considérée comme la nouvelle religion, l'instruction du peuple était au c n-
tre de toutes les préoccupations des dirigeants ivoiriens. Il ne pouvait
n
être autrement, tant l'engouement pour l'école était grand. Celle-ci app
sait du coup comme l'unique espoir d'une promesse de vie nouvelle. On att
dait d'elle un rôle de premier plan en souhaitant par son action et ses e ·fets
une libération rapide de l'enfant ivoirien. Le problème n'était plus de ri e-
nir à la Côte d'Ivoire traditionnelle : il s'agissait plus fondamentaleme 1
en analysant la situation du pays, d'opérer un vaste mouvement de régénér
ion
capable d'une nouvelle pensée, voire d'une nouvelle philosophie, alors su
ep-,
tible de mieux fonder la personnalité ivoirienne. Tout cela justifie bien
'en-
thousiasme manifesté à l'issue de la première conférence des Etats Africa
s el
I96I sur le développement de l'éducation.
Mais si après plus de 20. ans le cycle élémentaire
en Côte d'Ivoire
a
pu jouer le rôle qu'on attendait de lui et si les déperditions et les ins
fi-
sances du système sont devenues des cas dramatiques, cela suppose que la v
e
capitaliste en éducation est jonchée d'épines. L'école primaire ivoirienne
lieu d'apprentissage, est reliée à un modèle économique que se passe de pré
sentation. C'est le modèle bourgeois avec son individualisme et son esprit 1 de
classe. Et lJerreur impardennabledes responsables de l'éducation, c'est
a-
voir mal posé les problèmes relatifs à l'instruction du peuple. Ils se so
plutat~enfermés dans une perception à la fois coloni~e et néo-coloniale sl s
remettre d'abord en cause les anciens rapports de domination, portant ains
la
1
marque d'une conception européocentrique. Ce faisant, ils ont oublié que llap-
plication inconsidér€e
des conceptions ou théories éducatives découlant de
l'expérience des pays industrialisés, ne peut aboutir qu:à des ~SUffi:anCj~
notoires. Dans ces conditions, pourquoi donc parler de democrat1e de l ens 1-
gnement ? C'est ici qu'appara!t toute la mystification au sein du primaire.

, \\.
-244-
On a voulu démocratiser l'enseignement primaire. Nul doute que cette, dée
est bien liée à celle de justice sociale et d'égalisation des chances. Ma
quand on est en
système
capitaliste, ce serait errer dans les ill 1
sions que de croire que l'enseignement primaire apportera le bonheur à clue
élève issu des masses populaires. La démocratisation bourgeoise de l'anse
e-
ment consiste tout
simplement à permettre aux enfants des milieux aisés d
suivre tranquillement leurs études.
Tous ces propos ne doivent en aucun surprendre le lecteur. Qu'il se
vienne qu'en Côte d'Ivoire, nous avons une société qui a été déformée dep
1960 par l'esprit du capitalisme libéral. Elle a été dès le départ soumis
règne de l'impératif marchand. Ses responsables politiques n'ont pas
rompre radicalement avec les séquelles de la colonisation pour mieux
toutes leurs promesses. Considérant l'héritage colonial comme allant
ils ont évité de s'interroger sur les limites d'un tel héritage, ses visée
son idéologie, etc. Et tout cela permet de mieux saisir les difficultés de
l'enseignement primaire.
On ne pourra pas parler de démocratie dans le cycle primaire sicelui
i
ne repose pas sur la satisfaction des enfants et des parents,s'il
n'es
pas lié
à leurs attentes et à leurs intérêts. La démocra~isation de l'ens i-
gnement primaire est un préalable pour assurer le bonheur de chaque enfant
mais elle fait nourrir de fausses aspirations chez les enfants des parents dé-
munis, enfants qui - on s'en souvient- sont continuellement exposés à la l i
de la "filtration" de l'école.
Certes, l'enseignement primaire peut être considéré comme la clé de la
transformation sociale, mais comment peut-il y avoir une telle transformat"on
lorsque les enfants des classes défavorisées connaissent des injustices dé ou-
lant de la programmation des échecs et des succès? Il importe donc ici de
nous interroger plus profondément sur le rôle de l'enseignement primaire e
cSte d'Ivoire. Il semble que celui-ci, sous l'apparence trompeuse de progr1s
individuel et social, essaie constamment de couvrir des réalités différent s.
Derrière ses préoccupations, c'est un calcul politique bourgeois qu'on
ve It
nous cacher: Quoiqu'on dise, il semble que la vraie finalité de l'enseign -
ment primaire en Côte d'Ivoire n'est point la promotion de l'enfant, elle
Ft
plutôt conditionnée par les rapports de classe,. le libéralisme économique
~i
caractérise le système en place fondant le développement de l'instruction
Ur
les structures de la demande
solvable, négligeant ainsi les vrais besoins I~U

-245-
peuple au profit des seuls besoins solvables. Le capitalisme libéral ne s,oc-
cupe que des besoins rentables et néglige en général de répondre directem!nt
aux besoins d'éducation des masses populaires. C'est pourquoi on pourrait\\qua-
lifier les notions de démocratisation et de scolarisation comme des notio
.
1
globalement "mystificatrices et métaphysiques en système capitaliste. Et
'ail,
leurs point n'est besoin d'affirmer que la mystification ou la métaphysiq e
1
sommeille toujours derrière les visées nobles et humanitaires telles que
a
démocratisation de l'enseignement ou l'instruction des enfants du peuple.
Les écoliersqui sont rejetés par l'enseignement primaire à la suite
e
leurs échecs répétés au concours d'entrée en sixième appartiennent
aux milieux défavorisés. -Reconnus
comme étant "trop âgés", ils
abandonnés. Du coup, on retrouve la contradiction existant entre les décI
tions o-fficielleset le rôle joué par l'appareil scolaire dans la reproduct 1
sociale (c'est-à-dire dans les processus de sélection-orientation des élè
s.)
Aujourd'hui, une telle situation est devenue tellement manifeste au point
rendre difficilement crédible le rôle "libérateur" de l'école primaire.
En définitive, l'ensemble des efforts consentis par les parents dé
s
en vue de permettre à leurs enfants de tirer le meilleur profit des moyen
d'instruction à l'école primaire, semble avoir échoué. Un ensemble de fac
défavorables est responsable de tout cela. Aux conditions
J
rielles, vient
s'ajouter l'influence persistante de l'impérialiame qui
ta-
pi dans l'ombre, veille jalousement au maintien des anciens rapports colo
Et l'on ne pourra jamais s'emp~cher de dénoncer sa présence étouffante.
En dépit de son accession à la famille des Nations-Unies, la Côte d'
oi-
re demeure toujours la chasse- gardée deI 'ancienpayscolonisa~ur. Rappel, s
que la première mission de planification de l'éducation a été conduite
dernier. Elle s'est tenue du 20 novembre 1962 au 31 mars 1963. D~JlS sa
sition, ne figurait aucun Ivoirien, mais des "spécialistes" étrangers dont les
tâches avaient été bien définies au. départ : Ils ont été appelés
à :
-examiner la situation de la Côte d'Ivoire en matière d'éducatin,
-identifier les problèmes à étudier aux fins de la planificatio
tant du point de vue de l'amélioration des structures et du contenu de l'e -
seignement que de son expansion quantitative,
-formuler des suggestions et des recommandations en vue de la s lu-
I
tion de ces problèmes et du développement qualitatif et quantitatif du sys è-
me d'enseignement,
-établir des prévisions numériques en matière d'effectifs globa

-246-
des estimations financières en fonction de certaines, hypothèses (1).
A l'issue de leurs travaux, les planificateurs formulèrent un certa"
nom.
1
bre de recommandations à propos de l'enseignement primaire. Sans entrer dis
un examen détaillé de ces recommandations, nous en présenterons les point
saillants, àeavôir :
- "Aucun élève ne doit être inscrit au
CP l, s'il n'a pas s '
ans dans l'année ou s'il a plus de huit ans".
- "Aucun élève ne pourra redoubler plus de deux fois au cour
de
sa scolarité".
- "L'enseignement sera donné uniquement en français" (2).
Cela dit, les autorités ivoiriennes ne prendront aucun recul pour
y-
ser minutieusement toutes ces recommandations qui exhalent déjà l'odeur
néo-colonialisme. Et plus est, elles passeront rapidement à leur applicat· n
intégrale sans tenir compte des problèmes spécifiques du pays, agissant a"l si
comme de véritables valets de l'impérialisme •
. 1
Quoi qu'il en soit, il apparaît assez dangereux pour un paY3 qui veut ·é-
fendre sa souveraineté nationale de confier toute la planification de l'éd-
cation de ses fils à des soi-disant
spécialistes ou experts étrangers qui
connaissent à peine les réalités du pays et qui, hier colons, revêtent auj ur-
d'hui les habits des moines. La planification est une affaire trop délicat 1
pour qu'elle soit confiée entièrement à des "non nationaux". Planifier e~
du-
1
cation ou en économie, c'est d'abord définir un ensemble de be~oins pour l en-
semble de la communauté; c'est ensuite mettre
sur pied un ensemble de moy
s
pour réduire progressivment ces besoins, c'est-à-dire faire des prévisions
les possibilités de leur satisfaction échelonnée. On est ainsi amené à pos
le
problème de la convergence et de l'harmonisation des options du plan éduca"f
et du plan économique: Comment faire en sorte que l'orientation particuli
e
donnée au système ne contredise pas les orientations générales prises pour 1 e
plan en vigueur?
En Côte d'Ivoire, le problème de la planification de
l ' èusejgnement
se posait pas en ces terges aussi nobles que sympathiques. La présence des
-perts--en plaiaifi'cation en Côte d'Ivoire ·.est l'expression Q. 'une vQlonté-, ce
d'orienter, de programmer le développement du pays dans la direction souha"' ée
/
-(Il Prem:iè;e Mission de Planification en Côte d'Ivoire, op. cit. pp. 170~I7 •

-247-
par le grand capital.• Il s'agit de proposer
aux autorités politiques
oi-
riennes fortement att~~hées aux intérêts de la bourgeoisie internationale f un
document qui renferme toutes les idées susceptibles de contribuer à la me\\lleu
re exploi~ation des masses populaires.
La version impérialiste de la planification, c'est de permettre aux
our-
geois." locaux ou ivoiriens
d'orienter leurs décisions politiques en fon -
1
tian des perspectives de développement les plus probables de l'Occident.
bor-
der donc la planification dans l'enseignement primaire, c'est poser en te
es
précis, le problème de choix de la dépense d'éducation en fonction
1
tabilité pour le ~~pital. Dès lors, la question du rendement interne du
élémentaire doit être placée dans le cadre général du mode àe production
liste : C'est par rapport à la force de travail placée en situation de
dise que se réalise ici le développement du mode d'éducation.
Le problème de fond qui se pose alors est le suivant : Comment satis
re les révendications du peuple en généralisant l'enseignement primaire e
comment abaisser le coût
de l'acquisition du savoir nécessaire à la fo
de la force de travail? Ces~'questions ont fort embarrassé les responsablef
l'éducation en cSte d'Ivoire au niveau du cycle primaire et c'est ce qui
que actuellement les difficultés de l'enseignement primaire, synonyme ici
dépenses monstrueuses,d'investissement, de financement de toutes sortes.
ce, voici ce qu'affirment d'ailleurs les économistes bourgeois engagés d
la
voie de la micro- économie de l'éducation: "L'enseignement ( ••• )
soit en raison des dépenses supportées par l'individu enseigné et
soit en raison du manque à gagner qui en résulte pour ceux-ci, du
l'enseignéne
produit pas pendant son temps d'apprentissage"(I).
Il en résulte que le cycle primaire dérange énormément. Initialement, l'un
de ses objectifs était de
préparer les élèves ivoiriens à leur future car iè-
re professionnelle (finalité économique). Mais pour les responsables ivoir,l ens
attachés à la conception
bourgeoise de l'éducation, il faut conceptualise
l'enseignement primaire comme un système de production, concevoir son coût
comme un investissement et la formation dispensée comme la constitution d'
capital. Le produit arrivé au CM2 devra s'inscrire(si besoin est.)dansle r' a-
ge de l'économie libérale pour être rapidement rentable.
Mais avec les insuffisances l'école pr~aire', il n'est pas possible
pérer. D'où les mesures, les décrets incessants au niveau de l'enseignemen
(1) J.C. Delaunay, oP. cit. page 238.
1

-248-
des mesures parfois impopulaires qui lèsent les enfants issus des famille
très pauvres. Ils sont victimes des recommandations des experts de la pl
fication de l'éducation en Côte d'Ivoire.
Ces recommandations en matière d'enseignement sont, selon nous, les
nières les plus insidieuses pour freiner le développement de la Côte
e
et renrorcer le néo-colonialisme. En conséquence, c'est une fiction sans d
te confortable et utile à la stabilité sociale, mais en fait fort dangere
e
,
1
de se remettre aux soins des experts etrangers pour asseoir les bases de l'en-
seignement en Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, il semble presque erroné de parl·r
d'un système éducatif ivoirien dans la mesure où celui-ci se présente touj lurs
comme le produit des travaux de la première mission de planfication du gro pe
des planificateurs internationaux. A ce titre, il apparatt plus qù'un inst
ment de reproduction de la société capitaliste et sa fonction est essentie .
ment idéologique.
L'enseignement primaire n'a pas répondu aux attentes des masses
es
~
de Côte d'Ivoire. De nombreux jeunes victimes de la sélection
produits inachëvés de l'école primaire. Ils n'ont reçu aucune formation le
préparant à quelque activité productive que ce soit. Ce qu'ils ont appris
trouve directement inutilisable dans leur environnement, puisque l'enseign
qu'ils ont appris n'est qu'une copie conforme de l'enseignement français e
dépit de quelques innovations. Certes, ils ont dû assimiler beaucoup de ch
à l'école, mais peu sont exploi~bles immédiatement dans leur vie quotidie
Qu'ils aient abandonné l'enseignement primaire en chemin ou qu'ils aient 0
1
nu le CEPE, ils sortent généralement de l'école, tout dépaysés, incapables
se tirer d'affaire dans leur environnement naturel, c'est-à-dire dans le
traditionnel qui, du coup, devient pour eux, quelque chose d'étranger ou
trange. Ils sont donc inadaptés à leur milieu à cause de l'école qu'ils
fréquentée.
1
.,
Cette inadaptation natt surtout aussi des conditions de vie économique
1
ment déterminées. Ce qui crée encore l'inadaptation de nos écoliers, c'est
moins l'enseignement dispensé à l'école primaire que le mode de reproductio
capitaliste et les structures socialement~ssivesqu'il engendre.
Ainsi, à partir de 1965 ,"l'armée des sans-emploi" produite par le cycl
primaire a commencé à épouser l'exode rural. Les enfants recalés, rejetés
par le système, sont écartelés entre la vie moderne et la vie traditionnell .

-249-
La plupart ont fui les villages pour éviter les moqueries de leur entOll~'~~
Ils sont allés rejoindre le camp des "désoeuvrés" des zones urbaines. Là,
s
espèrent trouver le cadre approprié pour mieux se défouler et repenser le 1
b1eSBUres causées par l'enseignement primaire.
La programmation de l'échec scolaire, l'inadaptation des programmes
'-------~
.1il
1aires, l'esprit de compétition, tout cela incite les écoliers à quitter
1
.'1
1
villages pour venir en ville, principalement à Abidjan. Et plus le niveau
st
d
1
1
élevé (CM2), plus la tendance est forte chez
les filles qui ont le désir
e
trouver un époux à leur "niveau" dans un centre urbain. C'est ce que révè1
en général toutes les enquêtes réalisées en Côte d'Ivoire.
En effet, selon une enquête récente, B% de garçons et 11% de filles
tent la campagne. Ils représentent respectivement 42% et 55% de jeunes rur ux
qui savent lire et écrire, 61% et ~% de ceux qui ont obtenu leur certific1t
d'études primaireà(I). Mais ce diplôme qui est inadapté aux exigences du
1
ché
de l'emploi actuel, ne permet pas l'accès aux fonctions élevées particu1iè.e-
ment dans le secteur administratif très attaché aux
conceptions mandarinales.
Pourtant, selon les directives officielles, les dépenses de fonctionnement pour
obtenir un diplôme du primaire -s'élevait déjà en 1962 à près de 250.000 F. Icfa)
tandis que le coût d'investissement
était en moyenne de 20.000 F_. (cfa), le 1
coût d'un titulaire du Certificat d'Etudes Primaires E1éméntaires s'é1evan
à
peu près à 270.000 F.(cfa).
En dépit de ces dépenses importantes, les rendements internes de l'en. i-
gnements sont faibles et les produits qui en sortent sont dans une situati
très critique. Voici comment Michel BOSQUET a essayé de décrire a~ec c1art
1
toute la situation: "L'école primaire, avec ses salles de classe, ses ma.
tres, son encyc10pédisme et ses méthodes intellectuelles fondées sur la mé
risation, la répétition, la discipline, la sélection, n'est rien d'autre qt un
1
gaspillage stupéfiant de ressources déjà rares, de temps et d'énergies. La
a-
jorité des élèves en sort en ayant perdu, pour la vie, le goût d'apprendre.
Pour la minorité qui arrive jusqu'au bout du primaire, de deux choses l'un
1
i
ou bien elle retourne dans sa famille rurale et illettrée ; elle n'a pas a
ris
à mieux travailler la terre de ses ancêtres ; elle ne trouve pas à sa port
ni livre, ni affiche, ni même, dans les cas extrêmes, de panonceau ou de p
1
Il
que de rue qu'elle puisse lire
elle retombera donc dans l'analphabétisme
n
1
peu d'années. Ou bien, cas assez fréquent, cette m~orité lettrée en milieu 1
analphabète, croit avoir acquis à l'école des titres de noblesse, elle refus ra
(1) Roussel : Etude rapportée par LE THAN KHOI, in "Jeunesse exploitée, Je
se exploitée, op. cit. page 173.
(s-

-250-
donc de travailler de ses mains et n'acceptera rien d'autre qu'un poste d
__
fonctionnaire à la ville"(I);.Tel est en partie le bilan de l'enseignement 'ri-
maire, lequel
a contribué ainsi à stériliser les énergies productives q1e
le milieu traditionnel ivoirien aurait pu intégrer en son sein. Et comme
lait
contradictoire, leur niveau d'instr~ction ne leur permettra jamais d'être com-
pétitives
sur le marché du travail. Titulaires ou non d'un Certificat d
tu-
des Primaires Elémentaires,
les élèves se livrent souvent à des emplois
i
parviennent rarement à assurer leur équilibre dans les villages. D'où l'e
de rural.
On ne dira pas assez que l'exode rural est l'expression d'un désarro _ qui
traduit du coup la crise du système éducatif ivoirien. Il est causé par 1
fUs des responsables de l'éducation de donner du travail à tous ceux qui
passé dans l'enceinte de l'école (primaire) et qui n'ont pas été admis d
les lycées et collèges. L'école a feint de s'ouvrir à eux, mais c'est po
emprisonner tout simplement dans l'immobilisme et le chômage chronique.
dre que l'exode rural provient uniquement de l'inadaptation des programme
des méthodes d'enseignement comme semblent l'affirmer les responsables du
c'est tomber dans une interprétation idéologique des faits. Si à
cle primaire les écoliers ivoiriens ne trouvent dans leur milieu rural auc
e
1
structure d'accueil autre que le système familial et socio-économique tra
ti-
1
onnel et qu'ils se voient dans l'obligation de le quitter pour la ville, i
convient de rechercher les causes de cette situation au niveau des réalité
concrètes du pays. Car on ne peut rien comprendre à l'exode rural en Côte
'I-
voire des "primairiens" , si l'onne voit pas qu'il-est la conséquence d'uni po·
1itique qui prône délibérément l'individualisme, le "chacun pour soi", la ,our·
suite effrénée du profit, et cela, au détriment des valeurs ivoiriennes tr -
ditionne11es.
La récrudescence de l'exode rural en Côte d'Ivoire prouve une fois de
lus
que l'enseignement primaire, loin d'être un facteur de développement confo
é-
ment à sa vocation, en est arrivé à devenir une source de désintégration e
de
désagrégation de la société ivoirienne, un obstacle sinon un frein à son é
lut ion harmonieuse. Jusqu'à présent, il n'a pu intégrer l'enfant à son mi
eu
économique et socio-culture1. Pourtant au cours de ces décennies, il a été
maintes reprises réstructuré,rénové. S'il a échoué, c'est que l'esprit qui
l'entretenait était celui du capitalisme. On lui demandait de fonctionner
1
manière à satisfa~re.1es exigences de la re~tabi1ité et.de la ~ircu1~ti~n ~!f
~apital pour ainsl. dl.re. Il faut que la 10gl.que de ce1Ul.-ci prevale l.ndepen.,'
(1) Michel BOSQUET:' op. cit. pages J8 et suiv.

-251-
damment des insuffisances, des maux et des difficultés que connatt l'ense
gnement primaire. Il faut que sa suprématie soit assurée indépendamment d i
malaises que vit' celui-ci. La règle principale est de conduire un_enseign
ment "calculé" pour qu'il serve et ne trahisse pas les intérêts du pouvoi
en
place. Et curieusement
à partir de 1976, on n'attendra plus de l'enseign
ment primaire une production immédiate et directe. Désormais, on veut qu' 1 se
greffe uniquement au ~arti, le seul objectif qu'il devra viser. Du coup,
devint de moins en moins "la priorité des priorités" pour s'incarner enti' e-
ment dans les idées dominantes du pouvoir en place.
Les premiers essais de rénovation de l'enseignement n'ont guère donné
des résultats appréciables. Et les responsables de l'éducation n'ont cessé
d'affirmer que les insuffisances de l'enseignement primaire devraient être
expliquées en partant de l'école elle-même et des milieux familiaux des él ves.
Voilà une étranges manière de camoufler la vérité. Les difficultés de l'éc le
primaire ont leurs causes ailleurs. Les phénomènes qui s'y
produisent doi Ijnt
être considérés comme étant les réflets fidèles d'un système qui n'est aut e
que le capitalisme. On ne . peut sous le ciel de ce système, prétendre appo
ter des améliorations véritables au cycle primaire, car tout ce que l'on f ' a,
aura tOUj.ours un caractère marginal si l'on ne modifie pas avant tout l'or
n-
tation idéologique qui en est le support permanent.
On comp~end pourquoi toutes les tentatives de rénovation de l'enseign
ment dans le cycle primaire n'ont pas réellement résolu la question fondam
...·1
tale, celle de la mise au point des programmes à la fois modernes et plus
ces,
sibles et adaptés aux écoliers.
Une véritable prise de conscience débouchant sur une remise en questio
de la structure de l'école primaire constitue, certes, un pas en avant sur
a
voie du changement. Mais à quoi serviraient ces tentatives de renovation sil
elles ne répondent pas réellement aux attentes des élèves ? Les mésures pri es
pour réhausser la physionomie de l'enseignement primaire nous parait être i1i
l'expression d'une crainte de la part des responsables ivoiriens de l'éduca l
tion de perdre la face. C'est aussi la conséquence à la fois du développeme t
des exigences sociales nouvelles, de l'apparition de nouvelles aspirations.
L'expérience de rénovation entreprise au sein du cycle élémentaire est une
é-
ration ayant pour but d'empêcher les mécontements des masses populaires. Ce
e
!
expérience a porté - on s'en souvient - sur certaines innovations, à savoir ::
le magazine des instituteuzs, les blocs audio-visuels de perfectionnement,'

-252-
l'enseignement programmé, les mathématiques modernes, les cahiers de péd
que du langage, etc.
Nul doute que tous ces différents éléments pédagogiques contribuent be
bien à l'amélioration de la classe. Mais ils ont malheureusement été con
à
partir des expériences et des modèles étrangers. En conséquence, les
et leurs élèves se verront dans l'obligation d'apprendre et d'appliquer
solutions préfabriquées, d' appli quer sur leur situation, des schémas de r
e-
xions "hors de leur champ". D'où leur dépendance.
1
1
Tous ces éléments pédagogiques sont de véritables produits bourgeois, qui
apparaissent ici comme de faux-brillants et qui sont donc loin de résoudre les
problèmes de l'enseignement élémentaire.
Par exemple, la soi-disant nécessité impérieuse d'imposer les blocs a dio-
visuels auxmaitres atout.d'abordété justifiée à grands coups de critiques:
n
déplorait le niveau assez bas des instituteurs et moniteurs: "formation t·op
traditionnelle", "gens inexpérimentés", manque de formation pédagogique ap.l ro-
priée", formation linguistique approximative", "absence d'une formation c
,tu-
relIe", etc ••• Les conseillers et les experts responsables de la rénovatio
de l'enseignement primaire se contentaient d'affirmer que toutes les insuf,i-
sances constatées compromettaient les rapports enseignants-enseignés, d'où la
nécessité d 'y remédier rapidement (1) .C,es propos teintés de psychologisme
se-
ront constamment renforcés pour inciter les autorités politiques à signer
convention d'achat du matériel pédagogique en provenance de l'Europe. Il s' -
git ici d'écouler par tous les moyens sur le marché ivoirien les blocs aud'
visuels en stockage dans les usines des bourgeois étrangers.
Quant à l'enseignement programmé, toute son organisation répond
une nécessité d'ordre économique : On vise tout simplement à réduire le co
de la formation qu'à contribuer vraiment au recyclage des maîtres. Il y a
us.
On découvre ici encore une nécessité sur le plan idéologique : interdire 1 1 s-
1
. ,
t f I t '
.
t'
d
" t
. . "
pr1t de rem1se en cause e
orcer
a par 1C1pa 10n
es
s ag1a1res , en ma .1
tenant ces derniers dans uneposition de subordination à l'égard des machin
d' importation bourgeoise~:.Pourtant, i l Y aurait été plus intéressant de ré
i-
1
ser cette opération de récyclage des enseignamts avec des moyens plus mode
et éloignés des formules "robotisées". On aurait ainsi recyclé
beaucoup d
maîtres .. Ma'is
du point de vue capitaliste, de tels procédés ne rapportent
(I) Programme' d'Education Télévisuelle, oP.cit.· pp. 43-44.

·1,
-253-
re, ils constituent un "gaspillage inutile et déraisonnable". C'est ce q
nous rappelle à juste titre Marx dans un chapitre du Capital (le 5ème du
III, initulé : "Economies dans l'emploi du capital constant"), où il ana
les différentes méthodes utilisées par les capitalistes pour défendre le
intérêts.
Tout eelapermet d'affi~er facilement que
les mesures de renovati n à
l'endroit de l'enseignement primaire s'inscrivent bel et bien dans un sys ème.
de formation idéologique qui vise à transmettre aux maîtres et aux écolies le
valeurs d'importation qui ont un impact décisif sur leurs attitudes.
L'opération de familiarisation des maîtres et des moniteurs aux mat éma-
tiques modernes n'a pas atteint toutes.1es.espérances pour des raisons qu
nous connaissons fort bien et qui sont inhérentes à l'esprit capitaliste.
n
effet, les responsables ivoiriens guidés par leurs experts étrangers, ont 1 osé
le problème du récyclage des maîtres en termes de révalorisation de l'enô
gnement
primaire, de la promotion sociale et individuelle.
Ils
devaien
s'exprimer de la sorte pour mieux masquer le sens politique ët économique' e
cette initiation a~ mathématiques modernes.
Selon nous, l'initiation des enseignants du primaire aux mathématique
mo-
dernes n'est pas faite pour leur permettre d'améliorer l'enseignement. D'
l-
Ieurs, la prétendue modernité de ces mathématiques peut occulter toute an
yse
sérieusede l~ur'univers. En affrontant les mathématiques dites "modernes", il
est demandé aux ~îtres de laisser à l'écart la démarche méthodique tradi
tionnelle. Du coup,le recyclage leur fera
croire que les mathématique l
traditionnelles sont abjectes, peu pratiques. Et pourtant,celles-ci ont to -
jours fait leurs preuves. Mais les directives officielles n'en.·.veulenL:.pl
désireuses idéologiquement d'adapter les maîtres à l'évolution du système
cio-économique. Il.s'agira5dônc~d'assurerleur recyclage pour les besoins
pres du système en place. N'oublions pas que·. j;out.e~modificationSlopéréeau
d'un système éducatif correspond essentiellement à la restructuration
'co-
nomie capitaliste. On sait que depuis 1961, une telle réstructuration est
venue tine nécessité vitale pour le système qui, afin de se mieux
s'accumuler et s'élargir, doit s'effectuer sur de nouveaux modes
tion et de consommation. Ceci permet donc aux responsables ivoiriens de re ' or~
cer de toutes parts des mesures radicales dites de "perfectionnement, de
o-
vation, de recyclage", de réformes, de modification des programmes, etc.

-254-
Revenons maintenant à un autre thème de rénovation de l'enseignemen· prie
maire: c'est celui des cahiers de pédagogie pratique du ,langage. Ces ciers
. -
1
devaient .servir à la fois et les élèves et surtout les maîtres. Ils -,88, : opo ..
1
sent'·· de résoudre les problèmes de langage, du vocabulaire, de la synt
;,
dés tournures dites "maladroites", etc.
Selon les directives officielles, il est spécifié que si les maître
dé-
sirent acquérir une masse de connaissances, seule la maîtrise du
constitue l'unique remède. Du coup, le français devient comme la
pen-
sable de la réussite pedagogique des maîtres comme il l'était à l'époque
010-
naiale.
Mais quelle est l'utilité réelle des cahiers pédagogiques du langage?
Les formateurs des enseignants ivoiriens se plaignent constamment de cons atel'
que ces derniers éprouvent assez de difficultés à l'école primaire pour s ex-
primer correctement en français. Dans ces conditions, il faudrait donc ag
énergiquement pour enrayer le mal qui les ronge. Pour les responsables de
'é-
ducation, la maîtrise du français est ce que les:instttuteurs ont en moin
que
les autres enseignants de l'appareil éducatif et c'est pourquoi l'enseign
ent
primaire fonctionne mal et que les enfants du peuple souffrent et n'ont p
de
bons rendements.
On comprend ici tout le mécanisme idéologique: il s'agit icibél et
ien
d'un conditionnement manifeste : inculquer aux maîtres qu'ils souffrent d
rences linguistiques. S'ils arrivent alors à l'idée qu'ils sont très "lim"
dans la langue de Baudelaire, la langue de l'ancien colonisateur,
buts sont atteints : ils se seront ainsi "dépossédés". Le souhait des "ré
cleurs étrangers, c'est d'arriver en fin de compte à l'intériorisation idello~
gique de cette dépossession
par les enseignants du primaire eux-mêmes. L'
selon laquelle la langue française, une fois "domptée", pourrait -alJ;éger le
dont souffrent
'ceux-ci avec leurs écoliers, laisse en principe supposer
tous
les enseignants ivoiriens doivent nécessairement percevoir cette l
e
dans la logique de l'efficacité, c'est-à-dire comme l'instrument
de progrès, d'enrichissement, de civilisation, etc. Mais ne nous
tS
ici, car si les responsables du récyclage de nos maîtres voient dans la l
~e
française comme la garante d'un savoir véritable ou d'un développement h
it:-
type, il n'en reste pas moins vrai qu'une telle perception doit être analy lée
soùs l'angle des supports de domination capitaliste : prononciation, vocab !fai.,
re, structures, gestes, syntaxes,
etc. sont imposés aux maîtres comme des ,i.m-
1
pùratifs absolus (1).
(1) Programme d'éducation télévisuelle, op. cit. page 45.
'.

:1
-255-
Nous avons déjà évoqué un autre thème qui fait partie des solutions
. _
visagées pour résoudre certaines difficul tés
de l'enseignement primaire. If.l
s'agit
du phénomène dit "ruralisation" qui, nous le savons bien, s'inscr l~
dans la politique générale de refonte des programmes scolaires.
En "ruralisant" l'enseignement primaire, on vise ainsi" à former de
pro-
ducteurs, des agriculteurs actifs, des artisans éclairés et
ia-
tives : le premier cycle doit constituer un tout ayant ayant sa finalité
0-
pre et ne pas être conçu en fonction d'études ultérieures, et prévoyant t
tes sortes de dispositions en ce sens (1)". Cette citation de Pierre Erny
a-
dre bien avec les vues du Gouverneur Général Brévié qui, en 1931, disait: "La
politique
de ruralisation se soucie de faire évoluer la société indigène
Il s'agit de préparer les paysans, les pasteurs, les artisans de l'avenir•• ,~.
Nos écoles ne sont utUesqu'à la condition de rester adaptées ' aux milie
de
pêcheurs, de pl~teurs, de cultivateurs et d'ouvriers a~~quels elles s'adr s-
sent, c'est-à-dire, de s'enraciner dans la région et de vivre avec et pour le
pays" (2).
Ce thème de"ruralisationr.a été r.epris en charge hardiment par les res on-
l
sables
ivoiriens
vers les années 1965. Mais, curieusement, il ne va p s
concerner les enfants issus des milieux favorisés. Et en approfondissant 1
réflexion sur ce thème, on s'aperçoit du coup qu'il contribue à reprosuire
a
division sociale du travail et son corollaire, la division entre travail
nuel et travail intellectuel. Mais ce n'est pas tout : la ruralisation ser '
les responsables ivoiriens de trois façons :
- Premièrement, le contenu même de la ruralisation ne remet aucune
nt
en cause la fonction de l'école comme appareil de la société capitaliste.
participant elle aussi à l'oeuvre de rénovation de l'enseignement primaire
l'opération de ruralisation favorise la division des écoliers ivoiriens:
d'une part elle fait vivre ceux qui sont dans les villages des expériences h es
préparant à cette division du travail que nous avons déjà évoquée, d'autre
part, maintenir la minorité des enfants dans les structures de la vie urba
e,
qui seront dispensés de l'enseignement "rural".
-Deuxièmement, l'école primaire s'ouvre surIe thème de la r u r a l i - '
tion, mais c'est tout simplement pour emprisonner les jeunes élèves dans le
(1) Pierre Erny : L'Enseignement dans les pays pauvres, op. ,cit. 61.
(2) L t Afrique Française. Rènseignement's coloniaux, 1932,1, p. 37 ~

~256-
structures qui donnent rarement naissance à des réalisations tant soi pe \\ con-
cluantes. La ruralisation a en fait une fonction de stabilisation du sys leme
:1
1
en place ; elle constitue une sorte de soupape de sûreté pour prévenir 1
xode
1
-
1
rural, un moyen pour occulter les problèmes posés par le nombre grandiss
t
des chômeurs.
-Enfin, nous savons que les rendements de l'enseignement sont as
z
bas et n'ont jamais été améliorés. Par ailleurs, la rigueur de la sélectin a
toujours permis de donner un sens à la distinction entre "intellectuels" I t
"manuels". Ces derniers peuvent être définis par leur inadaptation à la c n-
ceptualisation et leur aptitude au travail dit concret. Dès lors, ruralis r
l'enseignement, c'est supposer une formation idéologique qui vante les ve--
tus des activités agricoles présentées comme épanouissantes.'
A regarder les choses de près, on peut être amené à penser que tout
bonheur de l'écolier ivoirien
se trouverait dans le milieu rural. A trav
s
le langage officiel,il semble que ce n'est plus l'effort et le travail co 1 i-
nus qui créent le bien-être dans les villages, mais le fait d'y rester qu
l'engendre. Il ne s'agit plus de travailler la terre pour être heureux. E
pourtant, les jeunes ont choisi de déserter les campagnes pour aller à Ab' -
jan, le pôle d'attraction, refusant ainsi d'être les artisans de la réval 1 i-
sation du travail manuel ou agricole, selon les propres termes de l'ancie
président de l'Assemblée nationale, M. Yacé Philippe (I).
A notre avis, le sens profond de la ruralisation de l'enseignement, c est
l~institution d'un système de formation au rabais tout juste pour différen
cier les enfants des villes et ceux des milieux pauvres. L'expérience de
ralisation est mise en oeuvre pour tous les jeunes qui ne sont pas "doués" et
qui gênent les enfants dits "intelligents". Il s'agit là d'une entreprise
é-
thodique ayant pour but de diviser la société ivoirienne en couches bien d"s-
tinctes et, si possible, séparées, et de persuader les enfants qui ne réus is-
sent pas, qu'ils ont plus d'intérêts communs avec les couches paysannes.
i
1
1
Nous ne pourrions terminer nos analyses
sans faire état de la derniè
formule de rénovation dite "formation post-primaire. Il convient de rappel
qu'elle a été l'une des tentatives de réponse aux problèmes posés par les
nes qui,n'ayant pas accédé au secondaire,sont rejetés et ne jouissent pas
structures d'accueil pouvant les préparer à obtenir des emplois.
(I) Ve Congrès du PDCI, op. cit. page 65.

-257-
L'éducation post-primaire avait pour caractéristique fondamentale "d . _
pliqu~r une action de masse" ; elle se proposait d'assurer l'intégration !B
jeunes à la vie sociale et à la production ; elle voulait "constituer une ~ran.
sition entre l'éducation scolaire et l'éducation non
scolaire. (1).
Mais cette expérience de formation post-primaire ne pouvait
un échec. C'est ce
qu'atteste
le rapport officiel du programme de rén
tion de l'enseignement primaire. Selon ce rapport, les diverses formes d'
tivités post-primaires ou post-scolaires ne touchent
en général qu'un pe
nombre de jeunes, alors qu'il s'agissait de
généraliser l'opération. En
il y avait le problème des coûts de celle-ci et les difficultés créées pa
manque de coordination des ministères intéressés par cette formation post
maire.
En définitiye, l'échec de la formation post-primaire ne peut surpren
dans la mesure bÙ elle s'.insère elle aussi dans les contradictions du systèm
place. Elle apparaît ici comme le contre-feu allumé par les responsables . oi-
riens afin d'éviter l'incendie général. C'est une manoeuvre du pouvoir en 1 e
de l'avortement des manifestations éventuelles de la jeunesse exclue du c
primaire.
En définitive,nous pouvons dire que l'expérience de 20 ans au niveau 'e
l'enseignement primaire permet d'avancer
que l'avenir de celui-ci sera p
sémé d'embûches si l'on n'envisage pas aujourd'hui une réforme radicale
tout le système éducatif. Et tant que les responsables de l'éducation ne
seront pas débarrassés du complexe d'infériorité qui conduit à considérer
me allant de soi tout ce qui vient de l'Europe. Avant la suppression de l
lévision éducative ,on a assisté à la désaffection par les enfants des
aisés du cycle primaire. Leurs parents préféraient les envoyer en France 0
dans les pays voisins tels que le Bénin, le Togo. Mais pour l'instant. de
1983, on expérimente une formule spéciale
sans support télévisuel à l"
primaire. Et les responsables ivoiriens de l'éducation espèrent que cela
mettra de donner un nouveau souffle au cycle primaire. Mais ils oublient
'ont déjà sacrifié des générations e-~tièrés à '1 ''e'sPrit du système télévisu
Ion nous, il serait très difficile de reconvertir celles-ci lorsqu'elles
veront dans les lycées et collèges.
(1) Programme de développement de l'éducation et de la formation. op. déj'
té, page 2.

-258-
En résume, il parâît nécessaire à présent de préciser un programme d
c-
tion en faveur de l'enseignement primaire si l'on veut remédier à certain
ficultés qu'il connait :
i
1
-Répartir l'effort scolaire, afin que l'école primaire soit un fac 'eur
1
d'unification nationale tant culturelle qu'économique. Pour cela, éviter
disparité des taux de scolarisation entre les régions,puisque ces
,. ent
toujours entre 95% à 5%. L'inégalité de la répartition de l'effort de
ri-
sation peut nuire à l'unité nationale et favoriser l'esprit tribal ou cl
que.
Pour améliorer cet état de chose, il serait nécessaire de porter d'abord
mè-
de au rythme de croissance économique très inégal lui aussi selon les régi
s,
les plus riches (les régions du Sud) pouvant mieux participer à cet effor
Il
convient de noter que l'essentiel des réalisations industrielles, sociale
et.
~~obilières a été jusqu'ici concentré à Abidjan, Bouaké et à Yamoussoukro
la
nouvelle Capitale, les autres régions n'en bénéficiant que
pari
ce qui risque d'aggraver encore l'écart entre les secteurs privilégiés
is
longtemps et le reste du pays. Dans ces conditions, l'action éducative doi
favoriser un meilleur équilibre économique entre régions en appuyant l'améage.
ment du territoire, et en faisant coïncider la carte scolaire avec la régi,nali
sation cohérente des objectifs de développement. Mais ce n'est pas tout. l
s'~
git encore de faire en sorte que les projets de l'enseignement primaire s'
fec·
tuent en tenant compte des principes suivants déjà énoncés par la Loi-cad
,e-
qui n'ont pas été bien respectés:
(1)
Lier les implantations d'écoles aux opérations de dévelo pe-
ment,
---Faire participer activement et plus directement l ' ensem
e dl
personnel enseignant à l'action de développement,
-Intégrer au maximum l'école dans l'économie régionale et
0-
cale.
Par ailleurs, pour diminuer les coûts de l'enseignement primaire, il
a
lieu de rechercher les mesures adéquates en évaluant l'effort monétaire et non
monétaire (investissement humain et matériaux locaux) fournis par la popul tio)
pour la construction des écoles et le logement des maîtres, en rationalisa t
l'effort de construction économique et sa
répartition en fonction de la c rte
1
scolaire projetée, adaptée aux projets de développement, en procédant à l'"n-
ventaire des diverses modalités de financement par la population des dépen1es
de fonctionnement entraînées par l'enseignement du premier degré.
-
1
(1) Pr~ramme
d'action pour le développement de l'enseignement du premier de-
gré en Côte d'Ivoire de 1968 à 1980, page 6.

-259-
Les autorités ivoiriennes doivent surtout songer à lier l'effort sc
ai-
l
re aux projets de développement, de telle sorte que les jeunes sortant de . 'é-
cole primaire puissent s'intégrer à un milieu dynamique, ayant des·raisons:et'
des avantages à le faire au lieu de partir en ville. Nous soulevons ici le dou~
loureux problème de l'exode rural. On sait fort bien que l'une des manifes a-
tions les plus inquiétantes d'un mauvais rendement de l'enseignement prim
re,
évalué du point de vue de ses effets généraux sur la société ivoirienne, s mble
être ce phénomène. Et la Loi-Plan 1968-1970 avait déjà prévu que la majori1é
des jeunes aurait
des difficultés à s'y insérer. Selon elle,l'exode
rurll
n'affectera pas seulement la population récemment scolarisée.
"L' explosio,
scolaire" intervenue
dans les dernières années, en sera pourtant le facte'r dÉ
cisif. La Loi-Plan souligne encore
,les difficultés rencontrées pour adapt1r
l'enseignement aux réalités ivoiriennes: les conséquences de cette inadéq a-
tion
pour les régions rurales sont très graves puisque la scolarisation p ati~
quée actuellement aboutit dans la plupart des cas à une émigration des élé ent~
1
formés. Les écarts entre les taux de sCûlarisation, aggravés par l'émigrat'on
des jeunes à la sortie des écoles, permettent de mieux comprendre les désé ui-
libres économiques.
-Une autre question à envisager est celle de l'amélioration du re~ldem nt
financier de l'enseignement afin que le plus grand nombre possible d'élève
ad·
mis au CPI terminent le cycle dans un delai normal en ayant acquis les co
,ais-
sances fondamentales jugées indispensables à la promotion sociale et humai e d(
tout citoyen ivoirien. Mais la recherche de ce rendement meilleur suppose
es
méthodes et des programmes renovés, un personnel bien qualifié, un encadre ent
administratif technique pédagogique suffisant. Tel n'est pas toujours le c s.
1
1
1
1
1
,1

-260-
-CHAPITRE
DEUXIEME-
- L' ENS E l G N E MEN T
SEC 0 N DAI R E _
"L'admission dans l'enseignement du second degré - qu' l
soit traditionnel ou technique - reste très sélective
même si le développement des effectifs est très rapid ,
posant un difficile problème d'accroissement des coût
(investissements et côûts de fonctionnement) et d'in
fi sance de l'appareil de formation de formateurs n.
Henri Bourgoin et Philippe Guillaume
(Côte d'Ivoire : Economie et Société)
p. 257

-261-
- L'E N SEI G N E MEN T
SEC 0 N DAI R E _
-Introduc'tion-
------------
La décision de.créer un grand nombre d'écoles secondaires fut prise
r
le gouvernement ivoirien deux ans avant l'Indépendance. Auparavant, dans
s
années 1950, l'objectif était modeste: il s'agissait d'assurer une forma
tion moyenne à une minorité d'élèves ayant franchi les barrières du cycle
ri-
maire. Toutefois, force est de Fappeler que l'enseignement secondaire a co _
mencé à se manifester à partir de 1925 par la création dû l'Ecole Primaire Su-
périeure de Bingerville, établissement qûi correspond à nos 'collèges actue s.
Il a fallu attendre l'année 1953 pour que les choses se confirment mi ux
avec la transformation du Cours secondaire d'Abidjan en lycée classique. D
s
ces conditions et à proprement parler, on peut donc dire que l'enseignemen
secondaire est de création récente.
En 1960, lors de la proclamation de l'Indépendance, on pouvait dénomb.er
47 établissements du second degré
(34 publics et 13 privés) comportant 263
as-
ses avec pour effectifs 8.326 élèves dont 755 pour le second cycle. Au mêm
mo-
ment, il n'y avait que le Lycée d'Abidjan et l'Ecole Normale de Dabou qui
é-
para,ient. au baccalauéat. Grâce à ce diplôme, toute l'attention des respons Iles
ivoriens était orientée sur l'enseignement secondaire. Ils avaient
soin de bien préciser sa finalité et ses objectifs "L'enseignement
' e,
déclarent-ils, constitue la base de formation indispensable :
-d'une partie des ouvriers qualifiés, des employés qualifiés et d'
e
partie des cadres moyens, par le Premier Cycle,
-d'une partie des cadres moyens et de tous ceux appelés à des carro. res
de cadres moyens-supérieurs et supérieurs, par le Second Cycle.
Il doit être ouvert aux individus les plus doués, sur la seule base d
leurs aptitudes, et en fonction des objectifs du développement national. l
doit permettre à tous ceux qui en bénéficieront de développer leurs dispos'
tions à l'éducabilité, c'est-à-dire à posséder les moyens et le désir de c
ti-
nuer d'apprendre pendant toute la durée de leur vie; il est l'instrument
une
éducation permanente (1).
A travers de tels
propos, on découvre du coup toute l'importance de 1 en-
seignement secondaire. On comprend alors pourquoi son évolution sera accélé ée
(1) Programme de développement de l'éducation et de la formation (1971-1975:,
Ministère de l'Education Nationale, page 60.

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LES ETABLISSEMENTS DU SECOND DEGRE
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-Source = Statistiques, op. cit.
page 53.
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Statistiques, op. cit. page 54.
1

-264-
pendant la première décennie. Ainsi en 1974 par exemple, on assistera à
augmentation sensible du nombre des établissements secondaires : 136
sements, soit 78 publics et 58 privés fonctionnaient. 28 possédaient une
larité complète et préparaient au baccalauréat. Le tébleau de la page pré
dente permet de conna~tre la progression des effectifs et des établisseme
o
o
o
-1.
-Organisation-
------------
Au niveau structurel, l'enseignement secondaire ivoirien appara~t to
comme la réplique QU système français. On constate une homologie très gr
en ce qui concerne les cycles d'enseigne~ent, les programmes, la pédagogi
le:
sanctions. En un mot, le système d'enseignement dans le cycle secondaire
un héritage de la métropole. En effet, tout l'enseignement repose sur l'e
tence de deux cycles
le premier cycle qui compte quatre années de scol
allant de la sixième à la troisième a pour fonction de fixer et d'enrichi
l'enseignement àe base. Santionnée par le BEPC, la formation qui
ée
contribue -on l'a souligné plus haut - à la formation des cadres moyens.
deuxième cycle d'une durée de trois ans s'étale sur les classes de second
de
première et de terminale, et débouche sur le baccalauréat. Ce cycle secon
présente respectivement trois voies de formation: la voie littéraire, la
scientifique et la voie économique et technique.En règle générale, cette
ère est assurée dans les lycées ou collèges d'enseignement.
Le maintien de ces cycles n'est p~s neutre ; chacun se propose de jo
un certain rôle .P~ exemple, dans le premier cas, c'est-à-dire de la 6è
à la 3ème, une sélection assez sévère ~oit freiner au maximmum l'afflux d
élèves dans le second cycle. Celui-ci reste donc fortement marqué dans se
structures par les restrictions, les barrières, les handicaps, les sélect'
qui sont fondés en dernière analyse sur des modèles de stratification·hié
chique extrêmement conservateurs. A tous les niveaux, de la 6èmme à la te
le, en passant par la 3ème, toute une série derègles
arbitraires, de mes
administratives restreignent considérablement les possibilités d'étude ch
les élèves (1). Certes, dans le premier comme dans le second cycle, exist
des passerelles autorisant le passage d'une section à une autre, ou même
(1) Plan quinquennal 1976-1980, op. cit. pp. 356-357.

-265-
scolarité à une autre. Mais ces mesures de souplesse n'arrangent guère la si-
tuation et ne renversent pas non plus la tendance à transformer les élèvel
en
objets passifs du processus de production capitaliste, car il est dit que'
"l'accès des élèves sera régulé en fonction des besoins de l'administrati(n
et de l'appareil économique par le dispositif d'orientation-sélection" (1 \\
Et de plus, le second cycle se veut entièrment comme "un cycle de formati.n
complémentaire, comportant l'approfondissement de savoir et de l'acquisit
n
d'une formation professionnelle spécialisée, en fonction des besoins quan i-
tatifs de l'économie"(2).Il comprend un certain nombre de filières qu'il
om-
porte de préciser: filière de technologie, filière des sciences expérime -
tales, filière des sciences sociales, humaines et économiques, filière de
lettres et des arts.
A l'idée officielle que l'avenir appartient à la Science, les deux p e-
mières filières seront considérées commes les priorités des priorités. Du
coup, les responsables ivoiriens ont cherché à mythifier la Science et
ech
nologie. Jouant sur les mots, ils laissent constamment entGndre que la Sc
ce est source de promotion et de progr~s social : "Les découvertes scient
i-
ques des trente dernières années,déclare le Président Houphouët-Boigny, l
prodigieux bond en avant de la technique et de la recherche appliquée, am
e-
ront nécessairement les profonds changements dans la structure des nation
et
l'équilibre du monde ••• Ce
dont nous avons le plus besoin en l'état actue
de
notre développement, ce sont des scientifiques, des techniciens. On ne ré ~te-
ra jamais assez que dans le monde où nous vivons, l'avenir, donc le progr'
es
la Science." (3).
~ \\
En faisant ainsi l'apologie de la Science, les autorités du pays ess
ent
de passer sous silence les vrais problèmes du système éducatif. Le proces
s
idéologique consistera donc à privilégier les sections scientifiques et t
h-
niques. Mais rien ne sera fait pour résoudre leurs difficultés : pénurie
professeurs de mathématiques, mauvaise pédagogie, renforcement des préjug
po,
tant sur l'inaptitude des élèves aux "sciences mathématiques et physiques"
Comme les séries littéraires connaissent une certaine saturation, il faut
onc
! _ - -
chereher~détourner l'attention des masses populaires sur le mythe des mat ère
scientifiques dont les coefficents seront abusivement
élevés pour décour
er
les élèves dans le choix de ces matières.
(1) Plan Quinquennal, 1976-1980, vol. III, op. cit. page 543.
(2) Ibid. page 359.
(3) Le Président Houphouët-Boigny et la Nation ivoirie~~e, op. cit. pp. 25 -
258.

-266-
EvO LU rIo N ~ë.S
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1.·f,I'I.s.Elc.NêN~Nï J>v S€Cl:JIO,b JiG~é.
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'1
1
Derrière la prétendue nécessité de former "scientifiquement" les je .nes
collègiens, les responsables ivoiriens tentent de masquer la réalité de
:~ di~
'1
vision capitalist~ du travail. Pour eux, il est nécessaire de raccourcir ~es
~
\\
temps de formation, d'assurer rapidement la participation effective des
lè-
.
i
ves au développement économique du pays. C'est pourquoi les études assez lon-
gues les rebutent: l'enseignement technique qui permet d'obtenir rapide rnt'
des travailleùxs qualifiés dont a besoin le système, les attire
énormé ent.
Ils veulent avoir dans des délais très brefs une masse de jeunes insuffi Lm-
ment formés ayant tout juste le CAP, le BP ou le BTS.
Tous les programmes de l'enseignement secondaire seront donc réamén fés,
remaniés avec l'objectif suivant: "Le nouvel enseignement devra donner' cha·
cun, selon ses capacités, des possibilités de formation débouchant sur d
em"
plois tout en favorisant l~épanouissement des personnalités" (I). Ce dis
semble méconnaître l'articulation profonde entre tout système éducatif et
société; il oublie que l'éducation est un phénomène social et que ses f'
tés doivent être elles-mêmes sociales. On ne doit en aucun cas détermine
fins de l'éducation par référence à l'individu, c'est-à-dire à l'homme ab
\\
trait. Tout. pr.oje.t-qu··s'appuie sur une définition a.bstraite des
'ves, n'a pour rSle que de servir discrètement les intérêts de la
i-.
geante et de masquer encore les conditions de vie réelles des élèves derr"ère
des considérations idéalistes.
Depuis I975 , les filières techniques ont été renforcées pour mieux r pon-
dre aux exigences de la rentabilité immédiate. Pourtant, en I960, on ne c mp-
~
tait que trois établissements scolaires. Il a·fallu attendre I980 pour e
gistrer 38 étabiissements. Les effectifs pris en charge par le ~tème
ainsi
augmenté
d'environ 83% sur les cinq dernières années. "Ce
paradoxalement, remarquent les autorités ivoiriennes, les effectifs des é
blissements dépendants du Ministère de l'Enseignement Technique et de la
mation Professionnelle qui se sont accrus au rythme modéré (58% en cinq
Quant aux établissements privés techniques autorisés et recommandés, ils
nissent au total un minimum de I6.700 élèves. Ces établissements
t
actuellement une progression de 90% sur le quinquennat"(2).
Mais s'il est vrai qu'on assiste toujours à une augmentation considé a-
I
ble des effectifs au niveau de l'enseignemedt secondaire, il ne faudrait
as
~
(I) Plan Quinquennal, I976-I980, vol. I, page 20.
(2) Fraternité Hebdo, nO II26, Côte d'Ivoire, page 7.

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-
1
1
~"'.•IIvoiriens Ilo.oOQ 11.700 12.475 12.670 12.700 12.700 12.700 12. 001
-~I Etrc.ngcl's
5.J~) 1
530
560
590
620
650
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1
1
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1
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8.830
8.700
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470
495
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620
650
80 1
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9.300
9.195
IG.76()
11,475
11.690
11.730
11.760
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8.760
9.355
9.500
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530
560
590
620
650
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7.795
7.9301
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385
410
460
485
510
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1
R D'1ER CYCLE
1
1
1
III
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2, 145 1 2.26~
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545
1.145
1.305
2.030 1
2.300!
~.52Cl r 3.0::0 3.2~J;
.. Eirûna-ers
180
190
200
210 1
220 l
230 1
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I-(OTAL~
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725
1.335
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3.,1 J \\
,
"
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i
1
il
déduire que les choses vont bon train. Attention à la mystification stati
i-
que. Elle <peut fournir - à n'enp!its douter - des arguments de poids pour
tifier l'idéologie du système en place. Car en montrant par exemple qu'il
a
une proportion importante' de jeunes qui accèdent aux établissements second 'lire8~
elle peut apporter de l'eau à's~n moulin. Mais rien n'est encore achevé p
s-
qu'il va se poser al6Es~ le ~roblème f~ndamental des rendem~~ts internes
l'el
l'enseignement secondaire.
o
o
0
-2-. Rendements
et
Evolutions Générales.
Déjà en I962 , si l'on se réfère aux résultats d'une enquête effectué
par
la Direction de l'Enseignement secondaire, les rendements quantitatifs ét
ent
très faibles (I). Ainsi, les taux de redoublement au niveau des élèves iv
riens se présentaient comme suit :
-.Classe de 6 0 .............................................. 9%
-.Classe de 5°
10%
-.Classe de 4° •.••••.••••••••.•.•..•••.•..•..•....•.•••..•. 11%
-.Classe de 3°
9%
-.Classe de seconde •..•.•.•.••••..•......•••••.•.••.•••••••. I5%
-.Classe -de premiàre ..•••••.•••.•.•.....••••.••.••.•••.•.... 35%
-. Classes terminales
30%
La succession par cours des promotions se présentaitcomme.~uit-:
JO
Terminales
l 000
880
757
606
26I
222
IJJ
1
" i
Comme on peut le constater, on assiste ici à une ~aisse régulière de ia
promotion au moment du .' Passage de la troisième à la seconde. En outre, s '~
(I) Première Mission de planification en Côte d'Ivoire, op. cit.

-Un exemple frappant de déperditions-
.,
COl: rs ~ui v : s
1
2
4
5
6
7
8
. 9
10
-:-otol
Si;,cième
8.800
1.200
10.000
·Cinquième
7.138
2.158
9.296
Quetribme.
5.405
2.334
7.739
. 1
0
r-
Troisième
3.909
2.359
~
6.268
1-
Seconde
1.454
1.308
2.762
Promière
520
79,9
305
1.624
Classes termlneles
204
377
225
42
848
SourcE:t 1 Première mission du groupe de planification de l'dducetion en COte d'Ivoire (d~cembre
('
~'-.,," ..
1962, février 1963- Rapport de synthèse, page 62.

-271-
10.000 élèves entrant au mBme moment en sixième, 6.26B,ont suivi la c1as e
de troisième qui termine le premier cycle d'enseignement (soit les 3/5),
6%
de la génération accèdent en première et B% aux classes terminales.
Mais de 1965 à 1970, les données ne changent guère. On constatera to -
jours les goUlots d'étranglement: :au niveaJ du passage du Primaire au S con-
daire'et au niveau du passage du premier cycle et deuxième cycle. Tout ne par-
le ici que de déperditions excessives d'effecti~s à tel point que les aut ri-
tés politiques ivoiriennes ne purent s'emp~cher de déclarer: "Que deviem ent
alors les jeunes certifiés de l'école primaire qui se pressent à l'entrée du
secondaire sans pouvoir y ~tre admis? Jusqu'à présent, aucune structure
tac
cuei1 n'a été mise en place pour eux. Que deviennent également les élèves qui,
entrés dans le premier cycle de l'Enseignement secondaire, ne peuvent ni
bte-
nir le brévet, ni passer dans le second cycle? Quelques-uns, parmi eux,
rou-
vent à continuer des études plus concrètes et mieux adaptées à leurs form s
d'esprit. Mais les autres? (1)".
-1. Taux de passage.
(jusqu'en 1970)
(2 )
3°/2°
-Collèges et Lycées
BO,O
6B,B
72 ,1
59,2
65,5
-C.E.G.
74,9
63,5
56,3
-2. Taux de redoublement.
-Lycées et Collèges
15,8
17,B
21,2
19,2
18,2
24,7
4,0
-C.E.G.
22,5
25,5
25
24,4
(1) Discours de l'ancien ministre de l'Education nationale, M. Guédé L., •..n
5° Congrès du PDCl, p. 1 7 5 . '
~4) 'Source' : Ministère de l'Eduè8.tion!-Nationa1e : Situation de l'Enseignement
-
J
général en 1970.

.272-
Il ne fait donc pas de doute que l'expansion
de l'enseignement sec n-
I
daire s'est accompagnée d'un renforcement des déperditions. Certes le s'Y tè-
me éducatif reste "ouvert", mais il favorise un grand nombre de "déchets. En
facilitant la "démocratisation" du secondaire, il met en avant l'esprit
e
sélection sévère.
Les tableaux qui précèdent montrent très bien que lesredoûblements ~àns
l'enseignement secondaire sont,relat1vèment··élevés, puisqu'ils représent ' t eIl
moyenne les 20% des effectifs de chaque classe. En confrontant
statistiques que nous venons de présenter, on s'aperçoit aisément
nes entrent massiveMent à l'enseignement secondaire, mais ils ont de mo
moins de chances d'arriver au niveau des classes supérieures.
Ce phénomène ne date pas d 'hier. Déjà vers 1955, les jeunes sortaie
-des
collèges aux niveaux les moins élevés de formation et sans formation. La
en-
dance constatée dans les années 1965 à propos des déperditions d'effecti
va
à son tour se confirmer en 1970 et s'accentuer entre 1972 et 1974, comme
e
montre le tableau ci-dessous :
-Evolution moyenne d'une cohorte de 1.000 élèves.
Premier Cycle
BEPC
Second cycle
B c


Termin.
-Cohorte
1.000
923
723
596
322
181
129
:102
~Source : Ministère de l'Education Nationale
Situation de l'Enseignemen
général en 1970.
La lecture du tableau montre donc que sur 1.000 élèves inscrits en 6 ,
102 seulement arrivent en classe terminale, soit un taux de 10,2, ce qui
st
très faible. On comprend pourquoi en 1975, la nécessité de revoir tout le sys-
tème éducatif devint une urgence, puisque m~me le nombre de candidats ivo '.rien:
admis au baccalauréat était encore de loin inférieur aux besoins du pays ,~ur­
tout en ce qui concerne les disciplines dites scientifiques
ett~chniqu :$.

~:~;<~";!lf;fco;;~~J;~O{;~.it'if~$2:.i:·~:!,;~:~~?~~f.'~:lr~'~~?,-ii~;;~'f.~~f~~~f~I~;f8:';f{J.~~~,\\~~r.~~~=tf~"'I1A~~:??;s!::'._'"~~~:\\S~~~~~~~~1f~~j~~~~~Y~~!~~~;:h::~~·. p
,
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'.'~"
:
"
. '
-27)-
Année Scolaire 1980/81
Enseignement Général du Second Degré
"
EFFECTIFS DES NOUVEAUX INSCRITS, DES REDOUBLANTS
i
ET PROPORTION DE REDOUBLANTS
PAR ORDRE DI ENSEIGNEMENT, SEXE ET ANNEE D'ETUDES
J
Enseignement PUBLIC
Enseignement PRIVE
PUBLIC + PRIVE
G
F
Total
G
F
Total
G
F
Total

N. Insc.
24404
9298
33702
11978
7003
18981
36382
16301
52683
Redoub.
931
1224
2155
1101
1113
2214
2032
2337
4369
%Red.
3,7
11 ,6
6,0
8,4
13,7
10,4
5,3
12,5
7,7
N. Insc.
23219
8682
31901
8243
4322
12565
31462
13004
44466

Redoub.
1541
998
2539
989
712
1701
2530
1710
4240
%Red.
6,2
10,3
7,4
10,7
14,1
11,9
7,4
11,6
8,7
....
N. Insc.
19260
5522
24782
6072
2930
9002
25332
8452
33784

Redaub.
1885
1043
2928
1101
711
1812
2986
1754
47~
%Red.
8,9
15,9
10,6
15,3
19;5
16,8
10,5
17,2
12,3
N. Insc.
14522
4095
18617
4384
1880
6264
18906
5975
24881

Redoub.
1828
915
2743
1371
564
1935
3199
1479
4678
% Red.
11,2
18,3
12,8
23,8
23,1
23,6
14,5
19,8
15,6
N. Insc.
6705
1501
8206
967
300
1267
7672
1801
9473
2de
Redoub.
914
285
1209
117
32
149
1041
317
1358
%Red.
12,1
16,0
12,8
10,7
9,6
10,5
11,9
15,0
12,5
N. Insc.
4950
1140
6090
490
162
652
5440
1302
6742

Redoulro
1671
448
2119 :
161
33
194
1832
481
2313
%Red.
25,2
28,2
25,8
24,7
16,9
22,9
25,2
27,0
25,5
N. Insc.
1876
433
2309
152
72
224
2028
505
J!533
Tle
Redoub.
1447
386
1833
75
22
97
1522
408
1930
% Red.
43,5
47,1
44,3
33,0
23,4
30,2
42,9
44,7
43,2
1
N. Insc.
81405
27597
109002
30677
16135
46812
112082
43732
155814
10 Cyc1 e Redoub
6185
4180
10365
4562
3100
7662
10747
7280
18027
%Red.
7,1
13,2
8,7
12,9
16,1
14,1
8,7
14,3
10,4
N. Insc.
13531
3074
16605
1609
534
2143
15140
3608
18748
2° Cycle Redoub.
4042
1119
5161
353
87
440
4395
1206
5601
%Red.
23,0
26,7
23,7
18,0
14,0
17,0
22,5
25,1
23,0
.
N. Insc.
94936
30671
125607
32286
16669
48955
127222
47340
174562
TQTAL
Redoub.
10227
5299
15526
4915
3187
8102
15142
8486
23628
% Red.
9,7
14,7
11,0
13,2
16,1
14,2
10,6
15,2
11 ,9
!
,
,
-Source = Statistiques, op. cit. page 56.
\\
,1

Ann6e Scolaire 1980/81
Enseignement Général du Second Degré
EFFECTIFS DES NOUVEAUX INSCRITS, DES REDOUBLANTS
ET PROPORTION DE REDOUBLANTS
'\\
PAR TYPE D1ETABLISSEMENT, SEXE ET ANNEE D'ETUDES
\\
1
'1
il -Source = statistiques ,op. oit. page 57.
1
1
1
Lycées - Collèges
C. E. G
Collèges Privés
Collèges Privés
i
1
PUBLICS
PUBLICS *
CONFESSIONNELS
LAICS
·' 1
G
F
Total
G
F
Total
G
F
Totil1
G
F
To 1
\\
N.Insc.
11079
4774
15853
13325
4524
17849
1565
1016
2581
10413
5987
164 0
Redoub.
399
613
1012
532
611
1143
124
137
261
_ 977
976
19 ~
i
%Red.
3,5
11,4
6,0
3,8
11 ,9
6,0
7,3
11,9
9,2
8,6
14,0
l ,6
i
N. rnsc.
10079
4590
14669
13140
4092
17232
1330
843
2173
6913
3479
10 2
44{)
Redoub.
715
558
1273
826
1256
121
126
247
868
586
ll~
%Red.
6,6
10,8
8,0
5,9
9,7
6,8
8,3
Ô,O
10,2
Il,2
14,4
,3
\\
1
N. Insc.
9175
4028
13203
10085
2096
12181
1181
732
1913
4891
2198
70
Redoub.
934
602
1536
951
441
1392
116
101
217
985
610
15
%Red.
9,2
14,9
10,9
8,6
17,4
10,3
8,9
12,1
10,2
16,8
21,7
18
N. Insc.
7441
2806
10247
7081
1289
8370
885
531
1416
3449
1349
48~
30
Redoub.
1014
594
1608
814
321
1135
95
54
149
1276
510
m
%Red.
12,0
17,5
13,6
10,3
19,9
11,9
9,7
9,2
9,5
26,7
27,4
26,
N. Insc.
6663
1499
8162
42
2
44
224
87
311
743
213
9<;
2de Redoub.
916
283
1199
8
2
10
21
9
30
96
23
Il
%Red.
12,1
15,9
12,8
16,0
50,0
IB,5
8,6
9,4
8,8
11 ,4
9,7
11,
N. Insc.
4930
1135
6065
20
5
25
188
66
254
302
96
391
10
Redoub.
1667
447
2114
4
1
5
51
17
68
110
16
12
%Red
25,3
28,3
25,8
16,7
1.6,7
16,7
21,3
20,5
21,1
26,7
14,3
24,
N. Insc.
1876
433
2309
113
34
147
39
38
77
ne Redoub.
1447
386
1833
54
15
69
21
7
28
%Red.
43,5
47,1
44,3
32,3
30,6
31,9
35,0
15,6
26,
N. Insc.
37774
15596
53370
43631
12001
55632
4961
3122
8083
25716
13013
3872Ç
10 Cyc Redoub.
3062
2367
5429
3123
1813
4936
456
418
874
4106
2682
6781:
%Red
7,5
13,2
9,2
6,7
13,1
8,1
8,4
H.a
9,8
13,8
17,1
14,~
N. Insc.
13469
3067
16536
62
7
69
525
IB7
712
1084
347
1431
ZO Cyc. Redoub
4030
1116
5146 .
12
3
15
126
41
167
227
46
27
%Red.
23,0
26,7
23,7
16,2
30,0
17,9
19,4
18,0
19,0
17,3
11,7
16,0
1
N. Insc.
51243
18663
69906
43693
12008
55701
5486
3309
879';
26800
13360
401& 1
1
OTAL Redoub.
7092
3483
10575
3135
1816
4951
582
459
1041
4333
2728
706 ~
\\
%Red
12,2
15,7
13,1
6,7
13,1
8,2
9,6
12,2
10,6
13,9
17,0
15,
1
* Le CEG de SEGUELA accueille cette année une classe de Seconde et une classe de Première sans qui il ait été proei:dé
à la dénomination de cet établissement qui, officiellement, demeure un Collège d'E~seignement Général.

Et plus est, depuis 1967 jusqu'au moment de la réforme du système éd cati:!
on a noté un nombre assez restreint d'admis dans les séries scientifiques alorf
que le nombre de candidats augmentait considérablement à chaque session.
t
tout cela ne faisait que renforcer le malaise de l'enseignement secondairt
Fait plus grave, aucune disposition particulière ne sera prise à l'e -
droit des "ratés" du premier cycle et du second cycle. Et c'est à juste t tre
i
que b.eauco~p·,de gens en Côte d'Ivoire se demandent si l'enseignement seco dai-
. rn·;;"'ii~ .• "
1
re assure""
une véritable démocratisation ou s'il n'en a que des apparenc s.
Les recalés au baccalauréat par exemple à la suite de plusieurs échecs n' nt
plus le sentiment d'avoir poursuivi un cycle relativement lo~g. Leur reje
les
laisse dans le désarroi 'et l'inquiétude puisqu'ils sont appelés à rejoinQ e le~
autres primairiens déjà abandonnés par le système. La situation est plus gê-
nante pour les jeunes qui, ayant cru aux disciplines scientifiq~~s. n'ont pas
pu dé~rocher le ba~calauréat. Pourtant, leurs "Séri(lB "ont toujours été l' 01 jet.
d 'admir,ation profonde. des responsables de l'éducation, qui inlassablement s
pla:
sent à dire que "l'avenir appartient aux séries C et D.". (1).
Nombre de candidats ivoiriens admis au bac de 1967 à 1977
Toutes séries
A
B
C
D
Autres s ries
1967/68
283
126
14
31
105
7
1968/69
427
231
30
16
141
9
1969/70
558
320
50
33
142
13
1970/71
852
437
66
44
215
90
1971/72
1.192
623
95
38
334
102
1972/73
1.666
868
120
77
505
96
1973/74
1.612
896
122
75
420
99
1974/75
1.920
1.035
89
70
594
132
1975/76
2.233
1.231
128
108
648
118
1976/77
2.620
1.374
III
105
849
181
1977/78
2.893
1.501
145
109
927
211
Source
La Côte d 'Ivoue" en chiffres •. Edition 79-80, Société Afrièaineè Edi~
;t.ions, Abidjan, page 274.
(1) La faveur accordée aux disciplines scientifiques
fait toujours parti ~des
grands discours des respo~sab1esde.la politique d'éducation en côte d'I~~ire.
Dès .le .début des années s6ixante, Ils ri' àccordaient ·pa.s uneprioi'ité suft ::lsan<.
·.tés .~uxsériesscientifiqùeset partaient de 1 'hypothèse que toutes 1.es d1 ~3ci-
p1ines considérées sur Un plan égalitaire, pouvaient permettre rapidement le
développement ,du pays.

;":";'W' '- -:,...(J'o'·:; '!''''~.:.l.;i;;,<:''j' "'.é .;
" :..-: ":. ;'~,: - ..~.! <':z" '-;...: .~::: ~':... ~..f~ ".; -, ~ ~ :'.~ j~~~~~!f)f~';-r.,;..,,;-·:: ~. - .... \\.
.;~1r~.{~~
!
-276-
. :'~i
,.
Ce qu'il faut noter ici, c'est la vigueur de la croissante des série
lit·
1
téraires au fil des années au détriment des séries scientifiques
'II
qui, mal ré
'1
tout, progressent assez lentement.
Il
La prépondérance des séries littéraires s'explique toujours par l'hi toi-
1
re de la colonisation. "C'est là, remarquent R. Clignet et P. Poster, une ten-
1
dance française qui consistait à réhausser les "humanités" dans les étude
1
;
.
tendance qui manifestait déjà une certaine décadence d'avec les Téalités
e la
société industrielle, et qui se mànifeste ici encore en Afrique'Noire, "(1 •
1
Il
l,
Cette situation est la conséquence de l'imitation servile par les re pon-
sables de l'éducation en Côte d'Ivoire. Elle relève plus précisément du p éno-
mène Accult~ation dont les effets ne cessent de s'amplifier au jour le j ur.
On proclame continuellement l'importance des séries scientifiques,
on ne fait rien de concret pour améliorer leurs rendements. Il y a beauco
d'échecs en mathématiques et en physique. Est-ce à dire que nos collégie
ne
sont pas capables d'affronter les disciplines scientifiques? Si l'on ve
bien se dégager
quelque
peu des discours politiques, on s'apercevra
taux d'admission dans les séries scientifiques ont été planifiés : les t
d'admission dans chaque série ont
toute l'empreinte de l'idée que les
sables politiques du pays se font de l'enseignement du second degré. En
tant qu'un système donné tend à ne poser que les problèmes qui peuvent ê
resolus dans le cadre de ce système, il est donc illusoire, voire imposs'
de considérer les rendements internes de l'enseignement secondaire, à to
les
niveaux, comme idéologiquement "neutres".
Les redoublements, les sélections, les taux de réussite
dans les d"
rentes séries se développent
en fonction des demandes du pouvoir capit
te en place. Les disparités dans les résultats entre les séries littérai
s et
Il
f
les séries scientifiques ne sont pas indépendantes de l'idéologie du par
po-
1
litique en vigueur. Ainsi l'enseignement du second degré est au service
,e
'1
buts prédé~erminés , il se développe dans une cèrtaine direction qui fav ~i­
se bel et bien les jeunes dont les parents sont placés en haut de la hié ar-
chie sociale.
1
1
La préférence donnée aux séries scientifiques doit en définitive êt e
!
comprise comme un choix clairement en accord avec la rationalité capital .ste.
I1
,
, ' " ,II
,
~::-"'--_":-"_----------
Il
(r-)R.Clignet et P. Poster ,: La. proéém1.."nence deI 'enseignement class1." que ,!:, 9n
11
-'e~.:te d t:!Y'oire : Un exemple d
Il
ass1.ID1.1at1.on, in" "Revue fran
.
d
. '
1966, VII, pp. 32-47.
ça1.se
e SOC1.0 agie
!l
1
f
)1
"
il

·~~r~~\\~~g~·~~}~··~-···- '~~~1~~
-277~
, -:.;,
En effet, la stratégie repose sur l'idée que la formation scientifique e
tech-
nique qui ~iétine depuis longtemps permettra d'avoir certaines attitudes
acè
au travail professionnel. Pourtant on assiste chaque année- à la ,rest~icti~n deI
' .
'. . ...
1"
taux--d'admission dans les sections scientifiques. On s'acharne à décourag rIel
élèves qui optent pour les séries littéraires et, selon un processus bien .lani.
fié, on cherche à livrer aux industries,
aux usines les quelques chance
des
filières technques tandis que les malchanceux du second dégré quittent le
bancs sans le baccalauréat.
Etant donné que les sections scientifiques et techniques constituent les
perles rares du système, on comprendra que leurs produits seront des plus rare:
livrés aux comptes-gouttes, ce qui permet alors de retarder la formation
es
cadres indi6pens~bles au développement rapide du pays.
...
Tous ceux qui décident de la politique éducative de ce pays ont bie
sur
leur logique interne~ car ce ne sont pas tellement les succès dans telles ou
telles séries qui les préoccupent essentiellement, mais c'est surtout la
épar.
tition la plus avantageuse (pour eux) des jeunes dans la division sociale du
travail. Si cette répartition présente plus d'aspects positifs en section
sci·
entifiques (puisqu'e~çore minoritaires) qu'avec des diplômes en sections
ypi-
quement 11ttéraires"ilfaut faire semblant de minimiser ces dernières et prIer
abondamment des séries scienti~iquese_t,techniques.
On ne peut rien comprendre aux raisons qui poussent les responsables ivoi·
riens de l'éducation à vanter les mérites des disciplines scientifiques s
on
ne voit pas qu'une telle attitude s'explique par leur désir de s'emparer ,es
forces productives issues d'une formation pratique.
et rapidement utilis
le
sur le marché du capitalisme. Cependant, le secteur littéraire ne se dép
cie
guère bien qu'on ait multiplié depuis ces dernières années les centres de for-
mation technique. Il en a résulté des motifs d'insatisfaction des "litté
ires
qui ont maintenant le sentiment d'être complètement abandonnés par le sys ème.
Pourtant, si l'on réfléchit bien, rien ne permet de dire que les secteurs sci~
tifiques et techniques ont eu leurs places au soleil. Certes l'Enseigneme t
technique
par exemple a connu un développement spectaculaire depuis 1'1
dance. En 1960, alors que l' on comptait trois étàblissements seulement, o-n:d
om-
breaujourd'hui plus de J~ établissements (4 lycées techniques professio IlS'
10 Centres de formation professionnelle continue?
(1)
(1) Bilan du d;éveloppement. de 1 'Edu9ati~n en .,Cô_~.e d 'Ivoire ~1l' cours'l,de.s·eux;
décennies, .ju~ 1982, :Directien de "là~·l'J:anïficatl.on<; Minis,tère de ..T'.Edùc tion
Nationale, .pages I9-2-o~"
. ' :
" ..,.
. .
il
,.-

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"\\~flo
.. i~6;î
--
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.....
ENSEIGUEMENT TECHNIQUE
~1~f
ET FORHATION'ROFE5SrONNELLE
t24;:
-Source = Statistiques, op. cit. p.80~
~t;.
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Ens.
Pdvé
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E-;sei gr.ement
·.1;{
..~"!
Année
_.'.
-
Autres
ENSEIG~[MENT
TECHNIQUE
FORMATION PROFESSIONNELLE
Hab lissclllenh
Scolaire
Minist~rea
ET PERFECTICNNEMENT
PERMANENT
Conventi')nnb
'- ,i
'~
F'cr:JIation en
Garçons
Filles
Total
Garçons
fi Hes
Total
Entreprises
f

1960/61
1'230
255
1 485
480
45
525
<~Î
1961/62
1 273
329
1 602
1071
75
1 146
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,'~
196~/63
1 459
427
1 886
1229
133
1 362
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1963/64
1 628
53b •
2 164
1559
186
1 745
,''}'i;.
1964/5:'
1 482
807
2 289
1 262
l
163
1 425
1
~t~·)t~
1965/66
1 540
930
2 470
1 196
54
1 250
1966/67
1 646
876
'2 522
1 180
8
1 188
;~ )1,"'l~~
1967/68
1 S07
933
2 740
1 106
4
1 110
~~
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1968/69
2 089
960
3
' ,t,,·
Ol+~
1 255
1
1 256
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1969/70
2 278
975
3 253
1 529
12
1 541
r-- :-(~
1970/71
2 344
1040
3 38t.
1 711
28
1 739
-1~~\\'.'Jf-.:[
1971/72
7 428
1 123
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J 551
2 Q97
74
2 171
....;-
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~,
:~'
.1972/73
~ 4J38
1 175
3 653
2 393
e2
2 475
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"
. ;;~
1973/74
2 358
1 154
3 512
1 983
31
2 014
' '.J,i
~\\.\\
1974/75
2 347
1 300
3 641
1 979
101
2 081
'la 000·
5 135
~~~;.'.!.:"-
,
.,.t-:.
1975/76
2 803
1 295
4 0ga
1 755
220
1 985
9 364
5 455
' ,
~:'.
.;~if;
1976/77
3 136
1 593
4 729
2 925
2ï4
J 199
14 129
7 915
:'":.
:~.E
,
1977/78
J 447
1 661
5 lOB,
2 910
255
3 165
16 510
9 199
';;~
1978/79
3 652
1 539
5 191
J 659
:131
J 990
19 208
7 ~30
ï:~
-
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3""6'H
~,
1 L:t
8~OJ)
I~·
:;~~
,.

La période 1975-1980 a surtout permis d'enrégistrer considérablement la
croissance des moyens de formation: en 1979-1980, on a obte~u
45.000 élè-
_.._-
ves. Les effectifs globaux pris en charge par le système ont ainsi accru
~~_envi'
ron 83% sur les cinq dernières années. Les établissements dépendants du M nis-
tère de l'Enseignement technique et de la Formation Professionnelle qui
paient 8.500 élèves en 1975 en comptent aujourd'hui près de 16.000 avec
ac-
croissement de 74%. ,L'apport appréciable des établissements privés (une t en-
taine) officiellement identifiés et classés en 3 catégories (les établiss ment~
autorisés et recommandés qui peuvent accueillir des boursiers de l'Etat,
es
Centres de formation spécialisés
'et recommandés, les établissements auto isés:
ils réunissent au total un minimum de 16.700 élèves actuellement en forma ion.
En dépit de ces chiffres élevés, il n'en reste pas moins vrai que le taux
de croissance dans les formations techniques et professionnelles est touj·urs
beaucoup plus faible que dans l'enseignement secondaire général (1).
1
1
1
Ainsi en 1960/61, lecrapport s'établissait à 30 élèves dans le "tec
i-
Il
que" pour 100 dans le "général". On obtenait les autres résultats suivant
li
-En 1964/65
20,3
Il
-En 1969/70
II,9
i..
1
-En 1974/75
8,3
l
-En 1979/80
7,5
-:
Il n'est pas besoin de souligner ici que
la place des formations
chni
ques et professionnelles regresse de plus en plus dans l'effort d'éducat
n.
Cette situation montre une fois de plus que tous les discours qui prônen
le
règne de l'enseignement technique ne restent en dernière analyse que des
oeux
assez pieux. Après deux décennies, la situation de l'enseignement techni
e
fèce à l'enseignement général offre suffisamment de recul pour être obje
de
critique 'ou d'analyse sérieuse. A travers les réformes successives, les
sais
et les ajustements fréquents ont certes
montré la volonté des responsab es
ivoiriens de mettre au premier plan la formation scientifique et techniq e. Le,
thèse.0fficielle postulait que cette formation accélerait le processus d
dév€
loppement. On était persuadé qu'elle réduirait à brève échéance le poids ri-~e
la dépendance économique. Aujourd'hui,oncollstate avec amertume que l'en
des
:eux
(1) Bilan du développement de l'Education en Côte d'Ivoire au cours
dernières décennies, op. cit. page 19.
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G
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Total
G
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Total
G
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Total
G
F
Total
G
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Total
G
F
Total
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'·A Philosophie - Lettres
2305
643
2948
1112
384
1496
48,2
59,7
50,7
2168
5lt4
2712
1054
319
1373
48,6
58,6
50,6
~'~.~~\\I;'~1'.
1
i~:. B Economique et Social
164
49
213
106
39
145
B4,6
79,6
68,1
145
29
174
93
21
114
64,1
72,4
65,5
'~.\\
'Ii}'
C Math. et Sc. Physiques
444
50
494
190
28
218
42,8
56,0
44,1
356
20
376
:~1lt
f
9
163
43,3
45,0
43,4
~':r'
f
}
o Math. et Sc. de la Nature
2637
361
2998
usa
221
1379
43,9
61,2
46,0
2391
266
2657
1069
158
1227
:-:t.
44~7
59,4
46,2
:i'
-<.,.
:JI::
O' Sciences Agro. et Techn.
52
9
61
42
5
47
80,8
55,6
77,1
52
9
61
42
5
47
80,8
55,6
77,1
,·E Math. et Techniques
75
1
76
37
0
37
49,3
...
48,7
69
1
70
36
0
36
52,2
...
51,4
~l~ fI ConstructionMécanique 48 - 48 27 - 27 56,3 - 56,3 39 - 39 24 - 24 61,5 - 61,5
~., 1
~' ~ F2 Electronique
11
-
11
6
-
6
54,6
-
54,6
6
-
6
3
-
3
50,0
-
50,0
'li>~; e:t.
F3 Electrotechnique
44
-
44
19
-
19
43,2
-
43,2
42
-
42
19
-
19
45,2
-
45,2
;f~, .!
F6 Chimie
38
1
39
30
1
31
78,9
...
79,5
36
1
37
29
1
30
80,6
...
81,1
~ F7SciencesBiologiques 21 18 39 16 13 29 76,2 72,2 74,4 19 17 36 14 12 26 73,7 70,6 72,2
fil
".;;.,
,. Gl Techniques Administ.
9
165
174
2
84
86
22,2
50,9
49,4
8
142
150
1
68
69
12,5
47,9
46,0
"
~ .G2 Techn. quantit. de Gestion 523 61 584 124 6 130 23,7 9,8 22,3 489 44 533 116 4 120 23,7 9,1 22,5
i ,G3 Techniques Commerciales 59 16 75 24 3 27 40,7 18,8 36,0 56 14 70 23 2 25 41,1 14,3 35,7
,:~
~~
;;.'..J
TOTAL
6430
1374
7804
2893
784
3677
45,0·
57,1
47,1
5876
1087
6963
2677
599
3276
45,6
55,1
47,0
"
'K1"~'1:
Remarques
: Si lion ne tient compte que des candidats "officiels" fréquentent ré9ulièrement les établissements secondaires les taux d'admission se relèvent très sensiblement ':ant au niveau
~~t
global (61,4 %'aù lieu de 47,1 %, toutes nationalités) que dans certaines séries (A : 70,3 %- B : 81,6 %- C : 49,2 %- D : 54,S %- D' : 100,0 %- Gl : 85,3 %- G2 : 65,2 %
.::"
G3 : 51,1 %) à cause des résultats médiocres (16,4 %) des 2474 candidats "libresll •
\\~;
.,.
_._.
---
~ . .~~-~-,
~,_._,
...,....
.~
"
:::t.-
, .....Souroe~=
S'b~s
. =--cfit· :9h
:',C:;'
i
.
' . ,
,op.
'.

,~J,i'

";281-
gnement technique n'a pas donné les résultats attendus et n'a fait qu'ag ra-
ver le chômage rural et l'exode vers les villes. Par manque de débouchés a-
près l'ènseignement technique, tous les élèves se pressent aux portes de
bu-
reaux d'embauche, mais rarement ils y sont sati~f~its.
,,: ~ \\
Le secteur technique à l'instar du secteur de l'enseignement généra
of-
fre toujours
peu
d'emplois aux jeunes sortis des établissements scola!
surtout
aux
diplômés des centres d'apprentissage formés essentiell
Il
pour répondre aux nécessités économiques en compétences techniques moye
Il
Mais partout ailleurs, on ne cesse de prôner l'importance de la fo
1
on technique. D'ailleurs les élèves des collèges et lycées techniques che
et exigent la pleine reconnaissance des établissements de formation prat
1
Ils exigent des programmes d'études qui soient aussi un instrument d'act
\\
/~
1
ciale immédiate dans l'optique d'une transformation de la société
e.
i
Ils veulent des institutions à vocation technique ou scientifique qui le
per
Il
mettent d'avoir prise sur l'évolution du pays. Ils ne veulent plus ~tre
lés : "les futurs forgerons de la nation",
par opposition aux "cols blanc
Il
Il ne fait pas de doute que les responsables ivoiriens de l'éducation,
Il
mêmes préoccupés par le problème de la formation technique, observent av
térêt les débats qui s'instaurent entre l'enseignement général et l'ense"
Il
ment technique. Nous reviendrons plus loin sur un aspect de ce problème.
Dans un domaine comme l'enseignement technique, où la spécialisati
est
de règle, l'apologie ,de la formation pratique devient très urgent au
de tout pays dit sous-développé. Les autorités ivoiriennes estiment de
en plus nécessaire de donner aux futurs "techniciens" une formation qui
permette d'affronter les problèmes complexes nés de l'influence de la te
gie sur la société ivoirienne en évolution ou en transformation. Cette p
pation a ét~ particulièrement manifeste à travers la loi du 16 Août 1977
tant sur Réforme de l'Enseignement en Côte d'Ivoire (1).
Le contenu de cette loi répond à la préoccupation actuelle d'axer l ' nsei·
gnement sur une relation étroite entre la théorie et la pratique : elle c nsis·
te à prévoir la nécessité de la formation professionnelle, c'est-à-dire,
on-
crète, s'appuyant sur l'interaction entre le développement scientifique e
tec:
nologique et le système politique, économique et social (2).Mais ce n'es
pas
(.1) Cf. les. pages 201" 202 ·et' suive
Il
(2) Loi nO 71-384 du 31 juillet 1971 portant plan de développement économ- que,
social et culturel. In : "Plan quinquennal de développement (1971-1975), op.
1\\
cité, p. 399 et suivants.
Il
li

\\ ';~:I l:'f~. ·:-:t-:·:7·,,,~-\\
.
! -
~
( t
-282-
tout.L'option:politique formulée dès le début de la décennie I960 était c
e
suit: "sauvegarder la qualité de l'enseignement à tous les niveaux en l
i-
tant le plus possible les engagements des enseignants insuffisamment form IS.
La politique de la formation des formateurs au niveau du secondaire reste a
donc la forsation des enseignants au double point de vue à la fois quanti a-
tif et qualificatif afin de parvenir à l'amélioration de ses rendements
ter-
nes.
En effet, sur le plan quantitatif,
l'évolution des effectifs des en ei-
gnants est un fait à souligner. A la différence de l'enseignement primair
don1
1
le personnel est à 99% constitué d'Ivoiriens, dans l'enseignement seconda're,
1
la répartition du corps professoral indique un nombre important de profes eurs
!
,
expatriés. D'après les directives officielles on comptait déjà 2.689 prof s-
1
l
seurs en 1974-1975. On distinguait respectivement :
!
- 1.324 professeurs de l'Assistance technique française, soit 4·,23%
1
(52,87% en 1973-1974).
1
- 77 professeurs de l'Assistance étrangère, soit 2,86% (contre
,66%
1
en 1973-1974).
- 804 contractuels locaux (majorité française), soit 29,89% (co tre
1
29,10% en 1973-1974).
1
- 484 cadres nationaux, soit 14,29% (14,29% en 1973-1974).
1
1
i
1
Mais depuis 1978, on assiste tout de même à une relative améliorati
~
effectifs au niveau
des cadres nationaux. La formation de ceux-ci relèv
l'Ecole Normale Supérieure d'Abidjan. Cet établissement d'enseignement s
1
eur a considérablement accru ses effectifs depuis 1974 :
1
j
1
- 1974-75 ••.••••.••••••••.••••••••..••.•.•••••••••.• 694 élève
1
- 1975-76 •.•.••••••.••••••.•••.•.•••••.•..•••••••... 894 élàve
- 1976-77•.••.•••••••••.•••••••••••••.••••••.••••.. 1.135 élève
1
1
1
- 1977-78•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 1.263 élève
- 1978-79 .•.••••.•••••••.••••••.•.••••••••••••••••• 1.986 élève
- 1979-80 •.••••.•••••••••••••.••••.••.•••••••.•.••• 2.691 élève
Ouverte en 1962, l'Ecole Normale Supérieure forme donc pour le Seco
De~
gré des professeurs
du 1er cycle et des professeurs de Lycée après comp r~
ment de formation à l'Université d'Abidjan. Elle forme encore des profes,.;eurs
du deuxième cycle pour l'obtention du CAPES avoir ·avoir préalablement sa 1s-

t:~i;"&~'i:''l~'_:f': '", ... ,
'"
1
1
-283- .
If
fait préalablement au CAP/CEG, dipï8me des professeur~ du premier cycle.
1)
Voici quelques chiffres sur les professeurs de chaque cycle
-Professeurs de C.E.G. (titulaires du CAP/CEG)
-1970-1971
s 31
-1971-1972 s 53
-1972-.973 :
scolerit~ prolong8e d'un ~n, pas de r{~~l-
tets.
-1973-1974 s session 1974 : 162 admis au CAP/CEG theD-
rique 'dont 58 autoris~'s à suivre les cours E:n licence.
-Pr.ofesseurs ~rtifiés
(titulaires du CAPES cr~t1 en 1972 :
-1971-1972 s 34
Il
li
-1972-1973 s 51,
.1
- ·-11
1973-1974:
68.
If
Pour plus de clartd, nous pr~sentons rsspectivemant deux
e-
!
bleaux Qui permettront d'avoir une vue g~n~rele Et complète su
l'dvolution du nombre d'enseignants dans le secondaire (1).
1975-75
1976-77
1977-78
197E
79
Cadre netionel
-Di rection
72
84
116
'1 2~
-Enseignement litt~reire
452
617
825
111 '
-Enseignement scientifique
178
248
272
3DL
-~usique-Dessin-Enseigne_
. 55
64
58
SE
ment ménager
55
64
58
5E
-Education physique
222
247
270
28
·Sous-totel
979
1260
1541
189 1
Assisteoce technique
-Di re-ction
44
46
46
4.
-Enseignement littÉraire
785
728
652
-Enseignement scientif.
53
564
570
652
-Musique, Dessin
75E
2
2
2
~.
-Edücetion physique
30
23
19
*Sous-total
2C
1425
1369
1371
135i:
(1)
Source: Le COte d'Ivoire en cl,iffres, Ed. i979-80,p. 272.

-284-
"':Deu~i~me teble.;:u s
(vue plus ..g6n~role)
(1).
1570-71 197î-72 1972-73 1973-74 1974 75
-Enseil!ljne-mcnt secondei ra
-Ef'f ecU fs dlèves
-Totel
49 463
77 1 B8
84 052
89 909
96 2
"
0j
1
,
-Public
49 463
57 078
62 826
67 909
69 7( r·
1
1
1
-Priv~
N.C.
20 110
21
226
22 808
26 5
1
~
1
1
1
-~~ombre de profes seu rs
2 103
2 359
2 804
3 087
3 2 :4
i
dont
!
-::adre national
416
353
621
743
9 0
-ltslOistence techni-
que françeise
1 205
1 407
1 479
1 447
1 3 B
Etet du recrutement
de l'As. tech.
391
284
186
164
1 ~ P
-Créations
194
150
80
32
~ 9
-~ombred'~tablisse-
ments
69
119
120
125
1 0
dont
-Publics
69
71
72
75
~
-Privés
N.C.
48
48
50
c ~
-Ecole ~ormele Sup~riaure
-Effectifs ~lèves(toutes
sections)
320
497
697
735
-Etat du recrutem~nt
des professeurs A .T.
18
14
21
13
(1) 50u~: Ministère de l'Educ3tion National, C.I., revue
formation,
page 28.

, ..: ','~.,~ t:,~\\r-?~~:·~".~::~".~85';
t~:l."J1.;'ffr;;'~::~·· ':'.Y::. ::.... :..", ~"·,;:.:lt~rt::~·"...".·"· ':~"'::1~1~.~,j: t··~:'tj;·~~·;i("f,''''.::~~~~,:~i·~,·
,'~
:,'lr,:-'~i.7?"·' '<'.:: "!. ~: ~~r-':<7 " " ,~,'
Enseignem;nt Général du Second Degré Public
Anie ~olai re 1980/81
..
Il
PERSONNEL ENSEIGNANT DES ETABLISSEMENTS PUBLICS
Il
I-source = Statistiques, op. cita page 69.
Répartition par Etablissement
Répart i tion
di spensant :
par cycle
FONCTION
STATUT
Effectif
TOTAL
le 10 Cyc le 20 Cyc
les deux
1er
2 d
seul
seul
Cycles
Cycle
Cycle
A- Chefs d'Etablis-
Cadre National
159
93
11
55
121
38
sements
Contrats locaux + déch.
2
2
1
1
Censeurs
Assist. Techn. Française
33
12
4
17
21
12
Sous-Directeurs,
TOTAL
194
105
15
74
143
51
B- Enseignants
Cadre National
375
236
30
109
316
59
Disciplines
Contrats locaux + décis.
612
402
14
196
546
66
Scientifiques
Assist. Techn. Française
1018
401
92
525
723
295
Autres Assist. Techniques
17
15
o
2
16
1
TOTAL
2022
1054
136
832
-
1601
421
~ - Enseignants
'Cadre National
1634
870
102
662
1355
279
Contrats lOcaux + décis.
568
329
25
214
487
81
\\,
[1: sc~pl~nes
1
l', :.t':ral res
Assist. Techn. Française
304
130
27
147
168
136
1
Autres Assist. Techniques
24
18
5
1
20
4
Il
TOTAL
2530
1347
159
1024
2030
500
Il
Ir
Cadre Nati ana 1
2168'
1199
143
826
1792
376
Ilt
Contrats locaux + décis.
1182
731
39
412
1034
148
Assist. Techn.,Française
1355
543
123
689
912
443
+ B + C
Autres Assist. Techniques
41
33
5
3
36
5
TOTAL
474fj
2505
310
1930
3774
972
Il
- Musique, Dessin
Cadre Nati ana 1
59
30
5
24
50
9
Enseignement
Contrats locaux + Décis.
12
5
1
6
10
2
~énager. Travaux
Assist. Techn. Française
1
o
o
1
1
o
Manuels
TOUL
72
35
6
31
61
11
IlE- Education
Cadre Nêt :.l:r,al
339
176
27
136
265
74
! Physique et
Contrats locaux + décis.
20
5
5
10
12
e
l ,Sportive
Assist. Techn. Française
15
2
,2
11
11
4
374
183
34
157
288
i
TOTAL
B6
1
Cadre National
2566
1405
175
986
2107
459
r + B + C + D
1214
741
45
428
+
E
Contrats locaux + décis.
1056
158
Assist. Techn. Française
1371
545
125
701
924
447
Autres Assist. Techniques
41
33
5
3
36
5
TOTAL
5192
2724
350
2118
4123
1069
1
1 - Ne sont pas comptés: les enseignants détachés dans les Services Administratifs (77), au CNPTE (31), dans les
établissements privés ou ne relevant pas du Ministère (12) ainsi que le persor'IlI'J administratif des
établisseme~ts n'appartenant pas à un corps enseignant du Second Degré.
2
le personnel enseignant des établissements dispensant les deux cycles est ~parti au prorata des classes
avec pondération tenant compte ,des horaires et charges dl enseignement.

ECOU: l'iUAAf\\U SiiPHUWllE • .
,
-Souroe .. Sta,tistique, op. cit. p.72.
PRCKIfRE [T O[UY.IERf SrCTION
['-;'ec.tir~ par distip}i"e et annêe d'~tUde des Efèvl's ivoiriens
S[CT~O:iS
LITHEnR[$
S[CTIoNS SC![NTIFlQU[S
~rofesseur~
de C. E. G.
f'raf. de Lycée
Tolal
Proft.sseurs de C. f. G.
Prof. dt l)'c~e
TalaI
:j':,'.l
GE~RAl
Ann. Prépar.
"
1° A (2)
2° A (2)
3° A
Licence
CArES
li ttérairE
Ann. Prép~
)OA{2)'
2° A (2)
3° A
' Licence
CAPES
Scienti fi
(4)
7.~;
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(3)
(4j
(I)
(3)
(4)
.,:§~(
1962/63
9
9
2
11
9
[;
Ci
15
2ti
~t
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.'::
\\'
1963/64
34
24
10
34
20
24
6
30
M
1964/65
33
39 ( 2)
11
50
37
50
(3)
12
) ,i
,67
J12
~,"Ii, 1965/66
28
57 (11)
25 ( 2)
82
17
61
( 2)
14 ( 4)
75
157
11:'
1966/67
24
60 (20)
44 (11)
2
]06
29
44
(14)
23 ( 2)
7
74
180
W
1967/69 :
39
48 (24)
57 (21)
2
107
27
55 (42)
34 (17)
7
96
203
'·~i::::r
(
1958/61
43
64 (44)
62 (31)
15
14]
40
58
(44)
33 (19)
18
109
250
,4
·~t
1ge9/70
48
94 (78)
57 (39)
2S
1~
38
73
(60)
43 (34)
16
132
308
ai,
D~
1»70/11
108 (l8)
66 (49)
38
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97 (31)
44 (30)
27
168
380
D,
~.,
480
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.
1971/n
139 ( 5)
77 (2J)
57 .
32
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51 (34)
24
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.,"
"
. ~:"'; .
19n113
193 ( e)
98 ( 5)
36
49
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102
28 ( 7)
35
6
171
547
~;"
687
1973/74
227 ( 6)
178 ( 4)
26
23
43
497
100
42
12
24
12
190
if
1974/75
197 ( 1)
208 ( 6)
77
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1976/n
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(1) - Ju~'en 1959/70. l'année PrEparatoire accueillait des non-bacheliers (niveau Première ou Instituteurs) voulant entrer l l't.N.S.
;~·.:-,-'~2)--A...,), ; dont_U~vn_$llivMt_lts_cour.!Là_l 'Unive-:si.tf._Jusqu!.en 1910/11. lelLUèv.es..dela SeC.tio-'I'~r:.:otesseur::sde ly.cée."_sui),~nt Jes_cou~s de ~l Ou ~rs l ,et II~ l'Universa,. et ceux
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4ellll·$Q,ti~,"Prore"e\\l.rs de ,t.E.G." 11IE.ti.S~ PM Ia suite les cours de 1° tt 2° annfecievinrent tOllllUns. à l'LN.S.
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~·"I1";,,Q... ;t&~

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"';:'i:'~1
-287-
-t.~,;
Dans le 1er cycle du secondaire, l'ivoirisation du personnel enseign
t
a progressé tout de même à un rythme satisfaisant. La part du cadre natio ~l
est passé de 24,9% avec 569 professeurs en 1975-76 à 46% avec 1.295 profe seure
en 1978-79. Mais comme toujours on constate que 1 'ivoirisation asurto~t ~ieu d
1
Il
côté des littéraires où le cadre national représente 56,2% du total en 19 8-78
tandis que l'on compte,,26% des scientifiques, parmi lesquels 505 as'sistan S",
1
te chni que s :~f~ançais.
Il
"
Dans le 2e cycle du secondaire, toutne parle que de lenteur dans l'ivo risa~
tion du personnel enseignant. On assiste encore ici à une divergence entr
les
deux séries de disciplines, scientifiques et littéraires, comme au premie
cy-
cle. Mais le nombre des enseignants ivoiriens du 2e cycle passe de 142 en
975-
76 à 251 en 1978-79.
Au niveau de l'Enseignement technique et de la Formation professionn Ile,
l'institut Pédagogique national de l'Enseignement Technique et Professio
el
(IPNETP) s'occupe du perfectionnement des formateurs nécessaires aux diff ren-
tes structures mises en place.
1
A la suite de toutes ces considérations, un certain nombre de
es
1
s'imposent. Tout d'abord, l'examen de tous les tableaux qui précèdent pe
et
i
donc de
découvrir l'existence d'une dichotomie entre le personnel
cadre
a-
i
tional et le personnel de l'Assistance technique. Il convient de rassemb
quelques éléments d'explications pour éclairer en quelque sorte la
1/
créée par ces deux catégories de personnel enseignant. Ainsi, nous pouvo
Il
d'emblée avancer que le personnel cadre national, c'est-à-dire les ensei
Il
ivoiriens qui sont généralement formés à l'Ecole Normale Supérieure d'Ab' jan,
reste dans une position de subordination face au personnel
Il
étrangère. L'Ecole Normale Supérieure, loin de résoudre le problème de 1
for-
mation accélérée des professeurs ivoiriens, se contente constamment
de
Il
mer davantage des "littéraires, alors que'la pénurie des professeurs de
thé-
matiques et des sciences Physiques contribue sans cesse à renforcer la d
ens-
dance du pays.
Il semble que les responsables ivo±riens ont intérêt à maintenir un
telle situation, car en retardant ainsi la formation des professeurs des dis-
ciplines scientifiques, cela permet de recruter.
massivement les ensei inantt
étrangers qu'ils soient africains ou européens. Et pour brouiller les c
'tes,

li
-288-
on se plaira à déclarer: "Le pays s'intéresse aux bonnes volontés qui dé i-
1
rent l'aider à sortir du sous-développement". Et ce faisant, on dispose d
deUJ
moyens pour persuader le peuple : ou bien, recourir aux données statistiq es
1
1
pour présenter les progrès réalisés par les apports des non-Ivoiriens dan
la
formation générale des enseignants ivoiriens, ou bien exploiter toutes le
mys-
tifications du langage bourgeois pour avancer que la formation à tous les ni-
veaux coûte très cher à l'Etat et que le
problème;! de l'ivoirisation des ca-
dres n'est pas un problème pressant, puisque "la généreuse France est con tam-
ment disposée à
prêter ses va,illants fils pour remédier à la pénurie des en-
seignants ivoiriens
(I). De tels propos, renforcés par un vocabulaire bi n
coloré, fonctionnent comme des calmants et contribuent bel et bien à cou
ir
la réalité objective.
Pourtant, le 'problème de la formation rapide des cadres nationaux e t
considérée partout en Afrique comme la priorité des priorités.Kaisen Côt
d'I-
voire ~.··les ;responSable~.. ne .cessent :de
déclarer d.epuis 1977 que les ress ur
dupayssiépuisen..t dangereusement en dépit de ses progrès.
Dans ces coodi-
tions, il ne suffit plus, selon eux , de former des "gens", en leur attrib ant
inutilement des diplômes qui ne font que dégrevér le budget de l'Etat. Ce a di1
on assistera depuis 1980 à un recrutement
mesuré, calculé des enseignant ivoi~
riens, la sélection à l'Ecole Normale Supérieure restant encore des plus
des
et sévères.
Point n'est besoin de s'en étonner. De telles mesures accompagnent tou-
jours la fonction idéale de toute activité capitaliste : il s'agit de déc u-
rager toutes les âmes ivoiriennes désireuses d'aider la Côte d'Ivoire à sor-
tir du sous-développement; malheureusement, celles-ci sont bloquées par
es
lois du recrutement impitoyable: avoir ·plus de:2 ans
d'expériences pédagogi-
ques, avoir moins de 31 ans pour commencer à servir l'Etat, obligation d' tre
titulaire de diplômes reconnus par la Fonction Publique, suspicion
à l ' n-
droit des diplômes en provenance des pays de l'Est, acceptation sans con
tion
des diplômes qui portent le sceau de la France, -etc •••
En effet, les diplômes français en Côte d'Ivoire constituent le baro ètre
de la réussite scolaire. Le Président Houphouêt-Boigny déclarait en ces t r-
mes :" Notre ambition de toujours est de voir nos écoles délivrer des di
ômes
t
.
.
t ·
'
,1 1·
équivalents à ceux des écoles de France, plaçan
a~ns~ no re Jeunesse a ega ~-
té de connaissances avec celle d'une des nations les plus civilisées du
~n­
de "( 2).
(1) Le Président Houphou~t~~oigny et la Nation ivoirienne, op. cit. page 43.
(2) I~id<l' .pa.g~:,2J8.
.

1
Au lieu de se préoccuper sérieusement de la formation des formateurs ivoi.
Il
riens et de leur recrutement massif, on se pla!t à admirer l'ancien pays
010-
nisateur en mettant en avant ses diplômes. Et plus est, on filtre les can ida._
Il
tures
au poste d'enseignement, on contrôle la '~oralité, c'est-à-dire la fi-
délité au régime politique, le PDCI,' on doute des diplômes non français 0
non
ivoiriens. Par ailleurs,
on demande à la France de donner des enseignant
pOUl
aider la Côte d'Ivoire à "décoller". Peu importe si ces enseignants revie dron1
très cher au pays. On fait plus confiance aux expatriés qu'aux nationaux.
Nul doute que cette situation est expressément entretenue par le pou oir
pour mieux sauvegarder la présence occidentale et légitimer sa
supérior'té.
Dès lors, tous les discours sur l'ivoirisation rapide de l'ènseignament
adui.
sent les caractères du mensonge ou de la mystification.
L' aécro.isseIilent .:des effectifs d'élèves implique nécessairement un ac rois .

sement des effectifs d'enseignants. Il est regrettable de constater qu'ap ès
dix ans l'accroissement du nombre des professeurs se soit fait au rythme
e
75 professeurs par an alors que le pays avait besoin de relever rapidemen
l'assistance technique. On préférait ainsi avoir des macro-groupes en cla se.
On était satisfait d'avoir au premier cycle plus de 35 élèves par classe, ce
qui ne facilite nullement". la tâche du professeur. Il y a plus. Dans le s -
cond cycle, on pouvait compter plus de 30 élèves par classe. Pendant ce t mps,
aucune mesure particulière n'était prise pour améliorer les taux de recru emen'
des enseignants ivoiriens. Et les responsables de l'éducation comptaient
omme
'toujours sur l'aide de'1'Assis~él:llce française "(1).
Mais il fallut a
en-
dre 1978 pour constater des progrès sensibles dans le corps enseignant n
io-
nal. En 1976, il Y avait dans le premier cycle du second degré 24,9%
sen-
tant le taux d'ivoirisation. L'année 1978 va permettre d'enrégistrer
Dans le second cycle, le taux d'ivoirisation global est passé de 23,9 en
975/
76 à 53,3% en 1?81/82. Et pour l'ensemble des deux cycles, malgré la pro
gande en faveur de l'ivoirisation des cadres et des disciplines scientif' ues,
on est tout étonné partout ailleurs de remarquer la diminution des taux d' voi-
risation des professeurs scientifiques
22,7% en 1978/79 à 19,7% en 19
/800'
Parailléurs dans les établissèments du Ministère de l'Enseignement Tec
que
et de la Formation Professionnelle 300 formateurs sur 1 000 appartenanaie t
au corps national pour le secteur public et 167 sur 540 pour le secteur
livé
en 1979/80. "Da:a les établissements relevant d'autres ministères te:chniq
Il
(1) Bilan du développement de l'Education en Côte d'Ivoire au cours des
..".dernières décennies, op. cit. page 54.
Ill'[l!
1

Il
-290-
!
1
i
on comptait
1
50% de ,nationaux ,sur l 'I5'0 formateurs (I). Le problème de l ' lvoi-
1
risation se posait et se pose toujours avec acuité. Il semble donc qu'un ~es
premiers objectifs d'une planification qui se voudrait efficace doive êt l de
~
réduire à brève échéance la présence des formateurs étrangers. Or une te 1 e
réduction porte atteinte aux intérêts de la classe dirigeante. Il faut a
rs
en tirer les conséquences qui s'imposent sur la
politique générale de 1
for-
mation des cadres nationaux.
Jusqu'à maintenant, le développement de ·1' enseignement
a
reposé
n
grande partie sur l'Assistance technique française. Des mesures n'ont pa
été
prises à temps pour poser le problème de sa relève après deux 'décennies.
esh
sitations ont été telles que les personnalités politiques du pays ont dû
onsa
crer tout leur temps à éviter une soi-disant formation au zabais avec le
en-
seignants typiquement ivoiriens. Pourtant l'effort engagé pour ivoiriser
'en-
seignement du second aurait coûté' moins cher et aurait été plus rentable à
long terme. Ces remarques nous obligent à évoquer les coûts de l'enseign
ent
et de la formation des formateurs au cours de ces deux décennies -écoulée
o
o
o
Les coûts .en question comprennent à la fois les dépenses d'entretien des
élèves, les charges communes de l'appareil éducatif, la masse salariale d
corps enseignant
En ce qui concerne le' côut d'entretien, il s'agit bien, comme le pr ci-
sent les textes officiels, "des dépenses effectuées par les économes ou 1 s in-
tendants des étab1issuments. Rapportées à la tête d'élève et par an, elle
s'é·
nonçaient comme suit en 1971 selon le type d'établissement secondaire :(2
-E1èves des Collèges modernes (Premier Cycle)
- Internes............................. ... ..... .....
..6~.OOO
.' Cfl
-Demi-pensionna.ires. • • •• • • • • •• • • • •• •• •• • • • •• • • •• • • ••
JI.OOO
- Externe s. . . . . . • • . . • • . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
10.000
(1) Bilan du développement de l'Education en Côte d'Ivoire, op. cit. p. 5 •
(2) Programme de céve10ppement de l'Education et de la Pormation 1971-197 ,
op. cit.
67.

,,--...~~
"
-Elèves des Collèges d'Enseignement Général (Premier Cycle)
-Dem:1:-pensionnaire s. • • ••••••••••••••••••••••••••• ; •• 23.550
cfa
-Externes allocataires ••••••••••••••••••••••••••••.. 23.900
cfa
-Externes.............................................
5.900
cfa
-Elèves des Lycées (Second Cycle)
-Internes
64.500
cfa
-Demi-pensionnaires •••••••••••.••••••••••••••••••.•. 32.800
cfa
-Externes
12.000
cfa
Le coût de fonctionnement présenté au niveau de ce qu'on appelle ft
charges communes" repré~ente non seulement le Budget de fonctionnement d
nistère de l'Education Nationale, mais il inclut aussi les dépenses effe
pour le compte de ce ministère par d'autres ministères tels que le Minis
la santé publique et de la population, le Minis~ère de la Jeunesse et de
Sports, le Ministère de la Construction et de l'Urbanisme, etc. Toutes l
charges seront prises en compte et exprimées, par type d'établissement,
charges par élèves et par an :
-Collèges Modernes (Premier Cycle) ••••••••••••••••• 90.500
cfa
-Collèges d'Enseignement Général (Général Cycle) ••• 82.500
cfa
-Lycées (Second Cycle) ••••••••••••••••••••••••••••• 90.500
cfa
Le coût de l'accroissement du Corps enseignant pris en charge sur le
res
sources ivoiriennes propres à partir de l 'année"-I968-I969 était calculé
les bases suivantes
-Premier Cycle
~ Professeur ivoirien ••••••••••••••••••••• 1.250.000 F.
a/an
• Professeur expatrié militaire ••••••••••• I.750.000 F.
a/an
• Professeur expatrié civil ••••••••••••••• 3.000.000 P.
a/an
(soit, compte tenu du ratio I/5 - 4/5, une moyenne de 2.750.000 P. cfa/
par
professeur expatrié.)
(I).
1
(I) Programme de Développement
de l'Education et de la Pormation, op. c ·,;t.
1
Il
page 70.
li


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!
.1
Quant aux Qoûts au n1ve~~'de l'E~seignement technique, ils
intègre [
toutes les dépenses d'entretien et de charges communes, ainsi que la mas
salariale des enseignants ••• Le coût différentiel du cro!t annuel d'ense'
gnants
a été additionné à ces données, année par année et ét~blissement ar
établissement pour obtenir le résultat de la page '295 (1).
or ,',
,Que peut-on conclUre à présent ?Diisons
en général qu'au niveau de l, édu-
:::';"'--'
.'
cation et ·de. la forma.tion, l~s dépens~s de fonctionn~mentet d'investisse ent
ont connuun'a~croissement assez considérable:
1
1
i
1
Les dépenses de fonctionnement ont beaucoup évolué depuis 1960. On es
1
passé de 3,5 milliards en cette date à 147,4 en 1980. Au cours de la pre
1
décennie (1960-1970) le taux de croissance annuelle de ces dépenses fut
16,5%, mais on assistera encore à une croissance plus rapide de l'ordre'
1
24,5 % • "Par rapport au :P'roduit Intérieur Brut, les dépenses de fonctio
e-"
1
~
i
1
ment représentaient, jusqu'en 1970, moins de 4 %. En 1971 et 1972, le rat 0 es'
1
brusquement passé à 4,7 % et 5,5. Après une stabilisation à ce niveau de
972
1
à 1978, un nouveau palier a été franchi en 1979 et 1980 : 6,2 et 6,7 % (Z. n.
En 1977, le BSIE ayant été brusquement
multiplié par 4, la part des in~~1
tissement.s
dans l'éducation est passée de 8,0 % à plus de 14,0 % et ell
re-
présentera 2,2 % du PIB en 1977 contre 0,4 % précisément. Les dépenses d', _
vestissement sont passées de 0,5 milliards à 1,2 en 1965, 3,7 en 1970 et
1
.
il
en 1976. Par rapport au Budget Spécial d'Investissement et d'Equipement
i
l'Etat, elles variaient entre 4 et 9,0 et
représeRtaient 0,3 et 0,6 % du
1
P.1. B.
Ainsi l'élévation rapide des effectifs, le recrutement des professe· s,
la formation des formateurs, tout cela va augmenter sérieusement le coût
e
l'enseignement secondaire et technique. L'ensemble des dépenses d'enSeignlment
va tripler en une dizaine d'années.
Quelles sont les raisons de cette situation?
La conjonction de deux facteurs explique pour une large part toutes
es
données chiffrées :
(1) Programme de développement de l'Education et de la Formation, op. cit
pagE
89.
il
(2) Bilan de développement de l'Education en Côte d'Ivoire au cours des d
décennies, op. cit.
pp. 29-)0.
:1
Il

-294-
:!~!~!~~~~~~!_!~~~~~~!~~~§~~~~~~-~-~~~!_~!_!~~~!!~~!~~=!~~!_!:!~!~!~!~!.!
(en miliions. de FRANCS cfa)
(1)
-
456~8
459,3
Il 321, ~)
368,5
397,8
425,2
433,3
158,2
182,8
107, '[
211,7
222.,3
2~6,9
228,2
If
.53,0
61,3
66,3
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7 ti,8
76,1
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1
Il
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1
12~ ~
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924,2
D98~6
1.()G9,Ü
1.110,9
1.146,4
Les effectifs de l'Znseigl10Iacnt Secondnir8 Générc:.l Privé étant
stnbili!36s ( Cf. Tc.bl~l).u N° Es/i ), l'a.it:.e de l'EtALt lui sera. r-n.intcnuc
il. son voll.'u<' u-ctuel d.e 200 Mi 11 i ons de F. CFA environ par cm, qui Yi enn·:)" t
donc s'ajouter & le charge publi~ue ~nonc6e RU Tableau N° Es/o ci-dcSffilS I
~(~I~)~I-s-o-u-r-c-e--~Programme de développement de l'édùcation et de la formation, op. Citll p.
73. i
1
1
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1\\
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Il

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1ii;
-Enseignement teéhnigue public-:.coût de_.-~onct~~IUle~e_~thannuel par étab=.isse-
i
~
(I)
I:f'
1
(en millions de Francs cfa)
10n)
Ise-
1968
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1970
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Sr;.n:"'IS.3::y-n rTS
1
1969
1970
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c~s tr~vaux et atilicés ici sont les suivants:
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-296-
-Le désir de poursuivre les études et les progrès de la scolarisation "
-La hausse des conts de la scolarité.
A l'heure actuelle, 20% des jeunes de 12 ans sont dans les collèges et
Lycées. En dépit de la sévère sélection au niveau de la Jème, J5% des jeunes
" " f " -
de seize ans vont en seconde et 25 % peuvent espérer le baccalaUréat.
L'accroissement des coûts s'est opéré parallèlement à la poussée des ef
fectifs. Mais les principaux responsables de l'augmentation des dépenses sont a s':',
silesservicesd'enseignementproprcmen'tdits,lesservices annexes, etc. Les tJ-
:
bleaux despages 291 et29J permettent de se faire une idée plus précise de cJt-
te évolution.
La part des enseignants d~~s les dépenses est à souligner. Le décrocha-
ge des salaires des enseignants ivoiriens a quelque peu montré que ces demi r3
sont des privilégiés à côté des autres catégories professionnelles de la Fon!-
tion Publique.
Le décrochage a été la décision du gouvernement d'accroi'cre substantiel e-,
ment (40%) les traitements des seuls enseignants au sein de la Fonction publ -
que. Pour un P1B réel de l 626 milliards, cela repr~sente 7,7 % dont plus de la
moitié est consacrée à l'enseignement secondaire.
p
1
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Il
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-297-
4.- Incidences de l'élevation des coûts de l'ensei nement seconda
e.
L'ensemble des données qui précèdent montre combien l'enseignement du
e-
cond degré coûte cher. Si l'on répartit le coût annuel de ce système d'ens
gne-
~-­
ment entre tous les citoyens ivoiriens, il est très élevé. Et ce constat p
e
le problème des fonds pour mieux faire fonctionner le système.
Les dirigeants ivoiriens ont.considéré l'enseignement.sec()ndair~comm
un grand sèrvice social.nsont cherché partout les moyens de financement
son maintien et son bon fonctionnement. Et pour y parvenir, ils ont plutôt
m-
pnL~té à l'étranger au lieu d'obliger par exemple la population à se prive
de
tout ce qui fait le confort moderne.
1
L'aide internationale s'est limitée en général à différentes sortes d
s-
1
,
sistances temporaires: aide accordée [-,)ur l'envoi des professeurs et des
n-
i
1
seillers, dons en espèces pour la construction de certains bâtiments, etc ••
1
Dès lors, on pourrait se poser la question suivante : Co~~ent se fait
l
que le pays écrasé par le système capitaliste, ne recherche ~as d'autres v
es
pour échapper à cette aide
qui renforce dangereusement sa
dépendance?
1
.~
En réalité, le système en question qui a un pouvoir tant dans le doma·· e
i
politique qu'économique a su jouer dès
l'Indépendance de la situation du
ys
i
pour lui imposer des comportements de dépendance. Des modes de pensée, des
a-
bitudes de vie ont été entretenus par les responsables ivoiriens de l'éduca
on
qui sont restés prisonniers du schéma
de la colonisation. Ils ont fait de
'ai-
1
de internationale lli~e valeur
en soi, supérieure à toute autre pour résoud
1
les difficultés du système éducatif.
1
Cette situation a pour effet de créer le sentiment d'éternels assistés.
Grâce à ceci, les pays impérialistes assurent par leurs dons ou leur aide 11
pérennité de leur assistance, le maintien de leur domination sur le pays. A -
jourd'hui, pour bon nombre de critique.s ivoiriens, le problème de l'aide oc1a-
,l
,
'"
1
sionhp.
par
l'elevation des couts exorbitants de l'enseignement seconda re
se pose avec acuité. De leur côté, les pays capitalistes, pour des raisons
lue

'd
t "
,
d l ,
l'on connalt fort bien, admettent que leur al e es
necessalre ~our repon r
a
la demande sociale d'élevation du niveau intellectuel de la jeunesse
ivoi
rienne.
1
.\\':
~'allègement des charges diverses que connaît le second degré par les
1
:1
'\\1
:!

i
-298-
1
,
soins de l'assistance étrangère - s'il procure des possiblités de facilit
ion:
oblige le pays aidé à se soumettre aux exigences de cette assistance. Cer
s,
nous l'avons vu, les progrès au niveau de l'enseignement secondaire ont é ','
très rapides en dépit des déperditions. Dans ses contacts avec les organi
tions internationales, la Côte d'Ivoire a -pris conscience, de son retard
r ce
plan que le régime colonial, pour des raisons évidentes, ne tenait pas à
've~­
lopper. La conférence qui se tint à Addis-Abéba en 1961, BOUS l'égide de
CO et la Commission Economique pour l'Afrique, lui servit de point de dép
t
pour une action raisonnée et vigoureuse. Cette réunion lui donna l'occasio
d'al
prendre qu'il faut dépenser beau~oup pour l'enseignement si l'on veut rép
drü
aux besoins du développement économique.
1
i
A partir de ces leçons, les dirigeants ivoiriens allaient multiplier
es
1
établissements d'enseignement
secondaire
et technique. Et pour accélér
1
i
leur expansion, ils ont fait appel aux aides extérieures diverses qui ont
oué
le rôle de facteurs de développement de l'éducation.
Mais il est bien certain qu'un tel système se perpétuant, l'enseigne
nt
secondeire risque de demeurer sous une tutelle à durée indéterminée. Car
fil
de compte, on assistera à la colonisation de tout le système éducatif sou
pré.
texte de coopérer avec les "pays amis".
'rl
!
1
i
1
1

-299-
.5·.,•.Le problème. de la démocratisation.del'enseignelllent-seoonda1re.
L'un des problèmes les plus urgents parmi ceux qui se posent aujourd t ui
en matière d'éducation, c 'e,stsurtout de permettre facilement l'accès de
les enfants à l'enseignement secondaire. De l'avis des spécialistes de l"
cation, celui-ci joue un rôle capital dans le développement économique. ct
pourquoi la plupart estiment quton doit le favoriser aux dépens de It ense
ment primaire.
Il serait très difficile à un cycle d'enseignement d'aller à l'encon
mouvement des jeunes qui veulent à tout prix stinstruire, se cultiver,et
de réguler les inscriptions ou les admissions en fonction des besoins du
chê
du travail. Depuis un certain temps, l'Etat ivoirien essaie déjà de modif
le principe de la gratuité de l'instruction dans les établissement second
es
public (bourses, aides ,·secours, etc.), qui servent de moyen de régularisa;· on
et de la répartition du flux scolaire. Il a presque l'intention de freine i
certaines limites la croissance de l'enseignement secondaire pour favoris,
d'autant plus l'éducation élémentaire et extrascolaire.
1
Les principaux risques que représentent ces tendances sont: l'utili
-
1
tion unilatérale de l tenseignement secondaire en vue de satisfaire des be
ins
1
1
1
1
d'une classe sociale déterminée,
l'endoctrinement implicite qui irait ju Iqut à
!
planifier la programmation complète des succès
et échecs au profit du sy
ème
en vigueur.
On ne dira pas asse z qu'il
faut faire une large place au,· secoudair
pour pouvoir résoudre des problèmes immédiats tels que : la proportion él
1
\\
,!
de ceux qui abandonnent le primaire pour de multiples raisons, le dévelop
1
1
incomplet du système d'enseignement, la rapidité de Itévolution économiqu
!
sociale, telle que Itinstruction reçue à une certaine date qui ne convien déjà
1
plus, au bout de très peu de temps •.•
1
Il est évident que, dans un pareil contexte, tous les efforts faits
ur
faciliter Itaccès
à Itenseignement secondaire auront une influence
ter-
me sur le développement économique et social du pays. De toutes les façon
on
est toujours persuadé que plus le niveau de l'enseignement
est
élevé, p
s
cela rend
possible ltaccès à la science et la technique qui comme tell
sont sources de développement.
Dans ces conditions, la sélection à outrance au sein de l'enseigneme,
se~
condaire constitue un frein sérieux à ceux qui veulent goûter au savoir e 1 à la

"
.. _ " J " "
-
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-300-
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PfiOFES~IOlHi[l
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GARCCN:;
PRE5ENTATIuN PAR
PRINCIPAUX CHOIX, BRANCHE D'ACTIVITE ET NIVEAU O'ACTIVITE
SELmll'CRIGI:I[ SOCIALE,
LA CLASSE D'AGE ET LE TYP( D'tTABlISSthlENT FREQlltHTE
(1)
Pourcentages par rapport au total vertIcal
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D' AGE
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12623
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674
305
15H /78'51
3699
7140
158\\
5911
4248 1 80J 1661
(I) Orientation 3ème - 1977 : Ministère de l'éducation Nationale, service ft r-.;
chives".
\\/
les ~ ont ~té arrondis à l'unlU la plus proche
• •
InfPricur) 1 ~
d
'"1

-)01-
culture. Les autorités ivoiriennes reconnaissent que depuis 1978 la progr s-
sion des effectifs de l'enseignement du Second Degré freine sans cesse. Cl a
est dû au fait qu'elles ne veulent plus soutenir l'action des établisseme Its
1
privés qui, présentement, connaissent un faible taux de croissance :( 9,)' au
1
lieu de 25 %de 1979/80).Quant aux établissements confessionnels, on enr' is-
tre 2,8 % contre 6,1 % : ceux-ci ne se développent pratiquement plus, de
s
1
quelques années, n'ouvrent plus de nouvelles portes. L'essentiel de l'ace 1 is-
sement des effectifs est donc à mettre à l'actif du secteur public qui, d
uis
1980, a connu un taux de croissance de 18,1 %. (1).
La croissance des effectifs est plus élevée dans le Second Cycle (20 '1 %)
que dans le Premier
(14,) %)et cela, quel que soit l'ordre d'enseignement
MaiE
ces résultats ne sont pas du tout encourageants dans la mesure où il exist
dé-
jà une sélection sévère à la fin de la classe de troisième, ce qui réduit
éjà
considérablement les chances de la majorité des élèves de poursuivre leur
étu~
des.
Cette forme grave de sélection est justifiée aussi par l'insuffisanc
structures d'accueil et les compressions budgétaires,et dénote donc la vo
de réduire les chances de promotion des jeunes. Elle est, selon nous, en
port avec les soucis des re~ponsables fv6iriensde mettre à la disposition
entreprises capitalistes une réserve de main-d'oeuvre jeune, peu qualifié
bon marché. Cela arrange d'ailleurs les employeurs qui, guidés par une m
i-
sation des taux de profit, préfèrent souvent recruter des jeunes sans gr
instruction qu'ils forment sur le tas.
Ce type de politique, nous le verrons plus loin, n'a pas résolu pour
u-
tant le problème de chômage des jeunes.
Nous déduisons de ce qui précède que l'Enseignement secondaire, qui
nc-
tionne de plus en plus au profit des besoins en main-d'oeuvre d'un systèm
capi
taliste et dans le cadre d'une économie largement dépendante, ne peut don
pas
être démocratique, c'est-à-dire prétendre répondre aux besoins et aux asp
a-
I
.
tions des masses, autrement dit, aux attentes des enfants des catégories
c~-
ales moyennes-pauvres.
Si l'on veut que l'enseignement secondaire participe plus efficaceme
au
développement du pays, il faut l'ouvrir davantage à tous les jeunes en su
ri-
1
mant surtout le concours d'entrée en sixième. Il s'agit donc de condamner
es
choix éducatifs faits à son niveau au cours de ces deux décennies, dans le/sens
d'une politique éducative de restriction. A la vérité, les choix n'étaient'pas
en adéquation avec les "priorités du développement". Un développement véri1a-
(1) Enseignement et Pormation en Côte d'Ivoire: Statistiques de l'année solai.
re 1980-1981, page 49.

1
,1
-302-
1
ble dépend surtout des choix éducatifs et de l'adoption d'une politi.que·
é-
grée et planifiée qui peut contribuer à réduire les inégalités. Si l'élit
di-
rigeante ivoirienne est quelque peu réticente à la démocratisation
ei-
gnement du Second Degré, c'est qu'elle feint d'ignorer les aspirations lé ,ti-
mes des élèves et de méconnaître le poids des structures sociales en occu
ant
les conflits de classes.

-303-
-6. - -La question de l'enseignement technique.
A mesure que l'on assistait au développement de l'enseignement class que
secondaire, les responsables de l'éducation n'ont pas manqué de faire une lar-
ge part à l'enseignement technique. Mais l'implantation d'un authenti(~ué:
sei.
gner.;ent technique a été précédée de .peu pa.r 1 'Indépendance.- I l existait av
t.I96,
le lycée Technique d'Abidjan et les grands Centres d'Apprentissage, assur 1 t
ainsi la formation des premiers techniciens et ouvriers véritablement "qu
i-
fiés" .
Le problème majeur de l'Enseignement TecŒ~ique dans la ligne du déve
ppe~
ment national était de parvenir à "coller" l'orientation des formations à
a
réalité. Il s'agit de resserrer d'année en année la liaison avec la profe
ion,
gage de réussite pour l'enseignement de type technique. IL est évident qu
un pareil contexte, tous les efforts faits pour développer l'enseignement
ech-
nique ont eu une influence immédiate sur le développememt économique et s i a l
du pays. Le ministère de l'Ens-eignement technique a maintes fois souligné
e
rôle qui revient a l ' enseigner::ent technique daI1!:' le développement global
la
Côte d'Ivoire et a même constaté le caractère indispensable d'UJ1e
a-
tion continue de l'action éducative de l'enseignement technique en liaiso
avec
le ùéveloppement
économique du pays (1). Il a ~)ar ailleurs souligné que
s
effets de la formation technique sur la capacité de production justifient
lei-
nement les dépenses consenties pour la répandre, que le développement du
c-
teur technique doit être un des
éléments du développement économique et
'en-
fin l'enseignementtechnique doit être considéré
comme UJ1 investissement e ono-
mique aV2~tageux.
De tels propos se justifient devant l'ampleur des besoins de la Côte, 'I-
voire en "techniciens" et le prix élevé qu'il en coûtera pour y répond~e.
t au
cours des aP~ées 70, les tâches ci-après avaient été considérées comme pri,ri-
taires : développement accrue de l'enseignement technique, réforme et miselau
point des programmes en fonction de l'originalité de cet enseignement, fo
a-
tion du personnel enseignaJ1t pour tous les niveaux.
Quoi qu'il en soit, déjà en 1967, l'Enseignement technique tout en re·her-
chant sa voie nréférait conserver les structures de base du modèle frW1çai', la

,

A
( ' f '
l
h' d
t
°1 f
1
gamme d'exrunens et ae dlplomes
re erence sur
e marc e
u
l'aVal
rancopro-
ne), sa tenue culturelle, etc. Mais iJ a fallu attendre 1975 pour mieux dé'ou-
vrir l'égarement de l'enseignement technique.
Pour remédier à cette sit'a-
(1) VIe Congrès du P.D.C.1., op. cita page 195.

Année Scolaire 1980/81
Enseiqnement Technigue et Formation Professionnel Je
ETABLISSEMENTS RELEVANT OU HI~[STERE DE L'ENSEIGNEHENT TECHNIQUE ET DE LA FORHATION PROFESSIONNELLE.
- EVOLUTION DES EFFECTIFS DEPUIS 1972/73 -
Direction, Etablissements. Localité
1972/73
1975/77
1977/78
1978/79
1979/80
1980/81
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DIRECTION DE LA FORHATION PROFESSIONNELLE (Suite)
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Centre de la formation Professionnelle - Gagno~
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1
90
95
92
91,
:+>
S~
(/)
Il
CFP
Mankono
-
1
45
·ri
Il
CFP
Odienné
-
1
46
44
.~o
Il
CFP
San-Pedro
-
1
51
53
67
55
67
~'"
Il
1
-a>
CFP
Touba
45
90
90
97
97
Htlll
1
Il
COct\\
CFP
yamou ss ouk ro
95
1
87
90
88
90
90
0\\ Po.
H
CFA
Centre de formation Artisanale
Bondoukou
63
1
68
125
69
100
107
1
-
Il
oa>
CFA
Bongouanou
59
1
84
52
204
61
83
COr-.
Il
O\\-ri
CFA
Katiola
57
1
94
54
119
92
142
HO
Uni tés Mobi les
120
250
271
>
wH
1
.~;o
~
Sous-Total D. F. P
1111
1303
1537
1564
1711
1924
:Il
..--\\/1)
o
a+>
1""\\
0(0
1
(/)C)
INSTITUT NATIONAL DU PERFECTIONNEMENT PERMANENT (INPP)
a>

'(\\)
(\\)
Formation continue
INSET (3)
(51)
(150)
(259)
(366 )
Centre de Perfectionnement aux Techniques Commerciales (ex. Cours de Promotion Sociale)
485
749
857
1078
~io
(/)'ri
ETE
Ecole des Techniciens de l'Encadrement - Abidjan
555
372
275
500
142
403
(\\)+>
~al
CEPAV
Centre de Perfectionnement Audio-Visuel - Abidjan
(4)
180
314 .
159
C'l=1
..-l
Centre dl alphabétisation - Abidjan
240
835
552
783
532
257
+>l=1
(/)0
CPH
Centre de Perfectionnement des Métiers du Bâtiment - Abidjan
57
1
80
67
88
55
127
, .ri -ri
CPM
"
Il
du Bois
-
Abidjan
59
1
50
25
99
39
47
i +> +>
al al
CPMA
Il
" d e llAutomobile-Abidjan
51
1
49
38
37
50
98G
1 +>0
Cf.l~
CPMME
Il
Il
de la Mécanique et de IIElectricité-Abidjan
201
1
186
146
70
123
63
'0
CPHI
Il
Il
de l'Imprimerie - Abidjan
1
-
-
-
23
67
CPPI
Centre de Perfectionnement et de Pr'omotion Industrielle -Abidjan
(5)
1
-
-
-
59
70
~H
1
~
Sous-Total l N P P
1
1364
1
1895
1747
2426
1980
3087
~
1
TOT A L Toutes Directions
6138
1
7928
8392
9181
8901+
J0259
- ~---
__
~_........, __~ •..•• __
~_...
1
~_
....-~.
~
.
- -
--
-_ ... -
'--'
(3)
Effectifs rappelés pour mémoire

-)05-
tion défavorable, il entreprit
de se détacher progressivement du décalqu
de
modèle français en adoptant un certain nombre de formules, à savoir:
-réduction de la distorsion entre les exigences de qualification
er-
eues d'une part par les entreprises, d'autre part par les formateurs, don
a
intéresser très directement les employeurs à la form::.tion en les faisant
lla-
borer 2 l'élaboration des proerammes, des recherches pédagogiques, etc ...
-recherche d'une véritable concordance entre le développement de.
en-
seignements technq'l'.es et les besoins annuels en personnel qualifié de tou.
ni-
veaux ;
-création en envirolmement technologique, un équipement pédagogL f::
par l'introduction des méthodes nouvelles et actives propres à développer
curiosité et le dynamisme des élèves et par là même le rendement des étud
et
leur productivité.
Depuis 1980, le programme de l'Enseignement Tecr..nique qui vise a
re les besoins en: cadres techniqlles de maîtrise, cadres techniques et comEll rci-
aux moyens, ouvriers et .artisans qualifiés du pays, n ' arrive pas à satisfa \\ e
les intéressés alors que le progranlme a été
établi
en fonction des p J'Vi-
sions de développement et en liaison avec la profession. On avait restruct ~é
il Y a dix ans, l'Enseignemènt Technique pour fournil' les contingents de c~ dres
moyens d'ouvriers et d'employ~s estimés nécessaires. L'extension de celui-·i a
demandé beaucoup d'investissements corres~ondant à la mise en place des st uc-
tures d'accueils, des méthodes pédagogiques modernes telles que les Unités Pé-
dagogiques du groupe industriel, les sténodactylos, les Bureaux commerciau
,
les stages, les travaux actifs r-our les élèves, un enseignement destiné & eVE;-
lopper l'esprit d'analyse, d'initiative, de curiosité (1).
A la vérité, au niveau des méthodes modernes, aucune innovation n'est ve-
nue illuminer la physionomie de l'Enseignement Technique. Rappelons qu'en
1970,
le ministère de l'Enseignement Technique, compte tenu de l'acuité des prOblèmes
divers, n'a pu s'empêcher à la Direction des programmes et examens(D.P.E.) d'é-
tudier si les progra~mes européens habituellement suivis correspondent aux. é-
cessités de l'enseignement technique en Côte d'Ivoire (2). D'ailleurs, il
ra
demandé à la D.P.E. de préciser quel devrait être la part réservée à la fo
a-
tion générale suivant les sections? Quel devrait être également suivant l s
sections le degré de polyvalence technique souhaiteble pour les élèves, avl_ le
postulat d'une possible nécessité de reconversion Of
(1) Côte d'Ivoire: Dix ans d'Indépendance (1960-1970, op. cit. page 114.
(2) Ve Congr~s du P.D.C.I. op. cit. 198.

,/'.
ethnIque et Formation Prufe5s,onn~Jle
ETABLISSEMENTS RELEVANT OU MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
- EVOLUTION DES EFFECTIFS DEPUIS 1972/73 -
Direction,
Etablissements. Localité
1
197t./73
1976/77
1977/78
1
1978/79
1979/80
1980/81
1
DIRECTION DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE - D.E.T. -
1
1
1
UA
Lycée Technique - Abidjan
(1 )
1549
1
1652
1873
1871
1858
1891
LPC
Lycie Professionnel Commercial
- Yopougon
-
1
592
527
625
618
639
LPI
Lycée Professionnel Industriel - Bouaké
-
1
506
596
659
705
745
lPH
Lycie Professionnel Hctelier ~
- Abidjan
-
1
-
-
-
-
78
UY
Lycée Technique - Yopougon
)
1
123
132
135
136
123
CETF
) 250
Collège d'Enseignement Technique Féminin - Abidjan
1
122
119
160
209
194
CETF
1
"
"
"
\\1
- Bouaké
138
156
142
158
127
152
1
CETF
\\1
Il
·
1"'\\
"
"
- Agbovi lle
46
61
65
67
88
83
CX)
1
CTF
Centre Technique Féminin - ~bidjan - Port-Bouët
170
222
213
194
188
196
(li
1
GTA
Groupe Technique d'Accueil-Il.bidjan
bD
212
107
168
165
122
123
al
1
1
CETI
Collège d'Enseignement Technique Industriel - Abidjan
392
344
369
'-D
377
336
264
1
P.
0
CETC
1"'\\
"
"
" Commercial - Abidjan
336
258
277
248
1
273
263
1
CfT!
Il
"
Il
Industriel - Bouaké
)
1
229
248
251
261
273
CETC
Il
Il
11
Commercial - Bouaké
) 570
1
277
279
281
282
224
1
·

.,-i
1
o
Sous-Total D. E. T.
3663
4729
5108
1
5191
5213
5248
1
·p,
1
o
1
DIRECTION DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE - D. F. P -
1
Cl)
1
(li
CH
Centre Horloger - Abidjan
59
1
23
20
14
14
25
g.
.,-i
EIBM
Ecole Ivoirienne de Bijouterie et des Métiers Annexes - Abidjan
25
1
19
18
12
17
12

Cl)
Ecole Céramique - Abidjan
-
1
25
25
-
-
-
.,-i
~cole Céramique - Katiola

-
1
-
14
13
10
10
al
L,ole de Boulangerie et de Patisserie - Yamoussoukro
1
-
13
Il

15
15
16
1
CI)
CFP
Centre de Formation Professionnelle -
Abengourou
125
1
95
99
98
95
95
CFP
"
"
Il
Abidjan - Yopougon (2)
-
1
86
76
70
-
-
(li
CFP
Il
"
Il
Adzopé
129
1
91
96
97
100
97
o
1
J.i
Il
11
11
CFP
Bi abresso
llO
160
209
208
221
234
:=J
1
o
CFP
"
Il
"
Daloa
J03
88
94
91
98
__CJ),=
1
.102
-
CFP
Il
.
"..,'~
3 1 =
,......
"
Il
Divo
_...~..===-==I .
-
~~
~-~
SB
54
--.

CFP
\\1
"
Il
Eerké·
---..........-.
1
' - '
94
96
102
100
114
91
,
-•. '='
1

-307-
Après 20 ans de fonctionnement intense, l'enseignement technique deF
s
1960, n'a pas atteint la plupart des objectifs fixés. Le problème fonda~er. al
consistait surtout à contribuer à résoudre les difficultés nées de
. l'af 1 ux
des jeunes dans l'enseignement général ,en créant les conditions psycholog i ues
et structurelles d'une orientation vers les formations professionnelles ut les.
Ainsi l'enseignement technique n'a pas à proprement parler ouvert grandes les
portes pour recevoir la plupart des élèves incapables de suivre le circuit clas
sique
que l'on connaît bien.
L'enseignement technique n'a pas Jui-m&me en son sein permis tout ~ f it
l'accession à la nroduction - comme c'ét;;d.t nrévu - d'un nombre croissant
'homo
mes techniqUement' qualifiés, responsable:;; et' dynrtmiques. Il s'est toujours pré-
1
senté RU fil des ans cormne un système éducatif, coûteux, mal adapté aux 0:' gen-
ces du développement économique. Pour reP.1édier à ces i·.spects négatifs, des ac-
tions de rénovation ont eu lieu et porté.
sur les points suivants :
-centralisation des moyens et en particulier,substitution à une st, .ctu·
1
1
:
t .
. . 1"
, .
"
l
. t bl"
t
d '
1
re pal' sec lons specla_lsees, alspersees aans
es e a
lssemen s,
une st- ctu_
re de fOTIJ1ation par famille de métiers,qui permet la mise en commun des m~ ~ri­
€~s, outillages, machines, etc, et, par ailleurs, rend possible une réfont
du
systèmE pédagogique
-refonte du système de formation, &- partir de troncs communs s'afÎi"ant
:[
au cours des années, pour, en terminale de chaque cycle, aboutir à des sp": ia-
'1
lis2tions ouvertes ou fermées en fonction des besoins j
1
1
-introduction de méthodes audio-visuelles, tout particulièrement )'
l '
l'apprentissage des langages techniques (technologie, dessin industriel, e, .)
-mise en place d'une collaboratiorl véritable entre formateur's et "'...10-
yeurs dont on assez dit par ailleurs qu'ellle était la clé de l'insertion
0-
1
fessionnelle des je~~es ivoiriens formés. (1).
1
-création des conditions d'un meilleur recrutement, en particulier .ar
la mise en place de systèmes nationaux d'orientation et de sélection scola, e
et professionnelle.
1
,
Toutes ces mesures étaient nécessaires pour aplanir les difficultés al
quelles était confronté
l'enseignement technique: mauvaise coordinati .
sur le plan administratif et des objectifs de formation, insuffisance de f
tion des instructeurs et professeurs techniques nationaux, recrutelilent ane.~1
que entre divers établissements, mauvaise information des élèves, inexister
i
de passerelles permettant l'accession à nes niveaux supérieurs de formatio_ i
i
:1
'1
(1) VIe Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, op.
ci t. page 195 . .
1
1
î

..- ~.
..
.-
~
-' _.
-
Année Scol,aire
1980/81
f±.nsE~'Jfjemebt--"hn:hrrh;;be et 1 01 iIIaEiJIl f3ror èS{j lOfJnt·! ~e
,
,
PERSONNEL ADMINEfRATlF ET ENSEIGNANT DES ETABLISSEMENTS PUBLrCS
1
H
Personnel Àdrninis~ratif
Personn,:l
Ense,qnant
1
0
Direction et établissements
Fn·j.~"mb l e
Ik,
-
-+»
Cadre
Assist.
Contract.
Cadre
Assi,;t,
1 Cc,ntract. '1
l
Cadre
';ssist.
CGntract:.
Ta tal
i!
Q)
T
l
National
Technique
local
Natio'lal,Technique . local
Il Tota
!<Jattc'nal
TAÇr.·<
1
1
il ,ota
:J:Jt;
-+»
-",----
oca
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~
0
DIRECTION
Q)
E~SErGNEMENT TEChNIQUE
1
8
Q)
Lycées techniques
70
43
~
-
113
50
137
28
215
120
137
71
321
r,o
Lycées professionnels
133
2
'M
196
1
4
139
63
107
9
179
109
13
318
Q)
C.E, r.
58
7
75
34
65
fIJ
-
9
108
102
65
16
183
~
G.T.A.
9
-
-
9
6
Il
-
17
15
rz'l
11
-
26
..
C.E. T.F.
40
2
9
51
44
23
17
84
84
25
26
135
H
CO
0'1
Sous-tota l D. E. r.
320
4
63
387
19 7
:
343
63
603
517
347
126
990
~
1
1
a
CI,)
0'1
DIRECTION FORMATION PROFESSIONNELLE
H
Q)
Centre de Formation Professionnelle
175
H
-
35
210
95
76
5
176
270
75
40
3B6
.~
Centre de Formation Artisanale
35
3
39
aj
-
2',
14
1
39
60
14
4
78
ri
..-1
o
a
71
Centre de Formation Prof. :pécialisée
5
2
9
8
4
-
12
14
5
2
21
()
1
fIJ
Ateliers d'Application et Production
il
-
-
8
8
B
lt'\\
Q)
0'1
Uni tés Habi les
2
5
1
-
7
2
5
1
7
'Q)
1
1
§ ~
i
d
m
Sous-total O. F. P.
217
40
258
137
1
99
6
Il
7.42
1
~
0.
46
500
1
CIl
Q)
Q)
INSTITUT ~ATIONAL DE PERFECTIONNEMENT
~
H
0" ,,.j
PERHANENT - INPP-
141
8
149
57
1
101
19
177
27
:9~ -r:
326
·ri
0
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::-
ta
H
,,.j

1
-+»
'0
1
aj
INSTITUT PEDAC~GIOUE NATIONAL - IPNETP -
54
5
8
57
31
1
54
2
B7
85
1
59
1CJ
+>
Q)
\\ 154
(1)
-+»
<0
Il
o
INSTITUT NATIONAL SUPERIEUR - INSET -
81
17
nR
55
1
lOi'
13
Il
175
1 1 136
107
.10
273
1
Il
r~CI).~
---r-
1
1
- - - -
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aj
TOU. l
813
10
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959
477
:104
l?84l
1 12':iù
i
71L
l ,'39
a
~[-
• • o
_ _ _ _
.-~

.;
J
·1
-309-
i
I l convient de chercher ~ r~soudre tous ces probl~mes pour mettre fL
a
l'inadéquation des connaissances acquises dans le cadre de l'enseignement
ech-
nique ;J8.r ra;Jport à celles exigées en r83.1ité.
Certes les structures de f ' ma-
tian techn5,que ont en CO!ThïlUn de j1ermettre l'obtention d 'un di!,lôme de quaI
ico.-
tian ~rofessio~~elle imm~diate qui a la valeur d'un titre d'études; l'él'
e
détenteur d'un tel titre se ser:.t eT! "droit" d'occuper l'em:iloi auquel ses l'tu,;,;
,
,
deS l'ont prepo..re.
I l est théoriquem~;nt plus heureux que son voisin qui a ' ré-
quent p l'enseignement secondo.ire et qui a eu Lele for;n~ltion s:JU.vent tro:) a
trai te
ne corresl)ond2_~lt plus 8.UY- besoins de la vie rr::-~tic]HE:. Cet ens8ign
vis2.i t
tout simpler:,erlt a former le te.lent sui V:lllt 1.'1 S]'Olitanéi té subjecti'.
qui
sc' fOY':::e 2. l'intérieur des sché,>~~;..s culturels ])ro;,res È, une société détermi .6e.
1
En CE qui concerne ses m~thodes, les diverses ex?)4riel~ces lnE~fe3 montrent
~11e
1
partout cet ordre d 'enseigne~:ent gén~r2.1 2. tro) :,eu de cœ:.tC:.C:é: E'vec le r"-ol~c1.e
1
C~8ses concr9tes.
1
2.spects ~ositifs, l'inadéquation existe entre l'eusei ne-
1
ment technique et le tr::w2,il. Ceux Ge:i ont acquis prése~teme~t des co~~ais 2n-
ces ;-rofessio~--,-'1elles dallS les centres d' ::tT';,rentiss2.C8 c>rouver~t des diffic l t~c.
1
de C8S institutions, on leu
2.
'\\1
f2i t
croire aD. l i b!'E choix Drofessio!mel. r~~is aujourd 'hui, cel2. leur ap;i2.
~
assez absurde puisqu'il n'existe pas de possibilité de travail. Pour évite
ces
e:,os'?.lies,
il est utile d 'h2.ITnoniser, plus par le l'c.ssé, la planification
e

li
-310-
l'
1
'1
-Réf1:exions-
'1i
1
1
L'essor prodigieux de l'enseignement secondaire en Côte d'Ivoire n'a pas
1
permis de satisfaire complètement la demande
sociale accrue d'éducation.
es
i
figures des pages
qui
précèdent
ont revelé une forte accélération de
j
1
croissance à partir de 1960, année de l'Indépendance. Après une décennie
pouvait constater que l'expansion de cet ordre d'enseignement a été plus
pi-
\\
de si on la compare à celle de la France. En effet, celle-ci, après la
nde
guerre mondiale, n' avai t connu que 7 9; de croissance de l'enseignement se
nda:
re. Ce taux n'est rien en comparaison de
ce
qu'a été le développement d
l'"e~
seignement secondaire en cSte d'Ivoire.
!
:1
Comme le montre le graphique de la page 269.,
le taux de croissanc
n'a
.1
'!
pas été de 7 9{, mais de 28% à )0% '. En considérant selon les spécialistes q
!
!
un taux de ro% les effectifs doublent en 7 ans, en 4 ans pour un taux de
% e1
1
en 2 ans et demi pour un taux de )0 %, on comprend que l'essor de l'ensei
e ...
ment secondaire a été extraordinaire et risque d'inquiéter en 1990 ou en
2000.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que pour un pays sous-développé co
e la
Côte d'Ivoire, il coûte horriblement cher de maintenir la croissance a 10% de
nos jours, compte tenu des problèmes assez aigus que ce pays connaît: dét rio-
ration des termes de l'éèhange, la conjoncture économique difficile, la sé!he-
resse, le chSmage des intellectuels, etc.
En dépit de cette situation assez délicate, l'évolmtion des effectifs d~~s
l'enseignement secondaire ne cesse de s'affirmer depuis 1980. Cette croiss nce
est généralement due aux effectifs toujours grandissants du primaire et s t o u t
de cette demande sociale d'instruction qu'il n'est politi.quement pas possible de
décevoir, d'empêcher, pour ainsi dire.
D'aucuns diront à cet effet qu'il faut procéder à des réformes pour rsou-,
dre au mieux les problèmes posés. Mais il semble que de telles réformes au lont
lieu lorsque les états-majors de l'éducation envisageront de se détacher d
mo-
dèle français d'enseignement secondaire. Tel n'est pas toujours le cas.
En effet,malgré les 25 ans qui se sont écoulés depuis l'Indépensdance
l'enseignement secondaire en Côte d'Ivoire demeure encore comme la répliqu
GU
C.E.G. ou du lycée français modèle 1950. Sur le plan structurel, on quitte :a

-)II-
dernière classe primaire, c'est-à-dire le cours moyen 2e année après un
a-
men d'entrée en 6e. On connaît la suite du processus, peu importe d'y in ,ster
Mais là où le b~t blesse toujours, c'est que la réussite aux examens dans l'en
seignement secondaire confère des diplSmes valables de plein droit en Fr
ce.
Dans les lycées et collèges d'Abidjan et de Bouaké, les jurys comptent d,l il -
leurs de nombreux professeurs français et l'office du baccalauréat situé' CO{o·
dy a été créé avec l'assistance de la France.
Par ailleurs, co~~e il est de coutume ,les horaires et les programmes des
différentes classes, depuis la sixième juqu'en classe terminale, correspo dent
aux normes françaises. En outre la plupart des manuels sont édités en Fra cebu
sont achetés sur les crédits du Fonds d'Aide et de Coopération.
Pierre RESCOUSSIE décrivant l'enseignement secondaire dans 18 états
ran-
cophones d'Afrique et de Madagascar, écrivait ceci: "Les C.E.G. ou les e • • S.
sont implantés pour la plupart dans les petites agglomérations de la brous e.
Ils sont généralement mixtes. Leur multiplication est l'oeuvre remarquabl
de~~
indépendances. Les lycées sont concentrés dans les capitales ou dans les
res
villes. On y
rentre
, comme en France avant la réforme des e.E.S. dès la
e.
L'ordonnance des classes y est celle que nous avons connue. Les b~timents
e
resse~blent. Le régime est le même: internats,
externate, sonneries, co
osi
tions; conseils de classe, etc. Seul l'uniforme kaki des élèves jette dan
ce
paysage familier une note exotique "(1).
On découvre ici tout le phénomè
de
l'imitation servile de la France, ce qui aggrave l'inadaptation de l'ense
ne-
ment secondaire aux réalités ivoiriennes.
1!1
Même en eSte d'Ivoire, c'est le comble,~si l'on peut s'exprimer de l
sor
!
i
te. Les plans de construction des lycées
sont toujours importés au détr'
nt
'.
'1
de l'architecture traditionnelle,mieux adaptée
à l'enVironnement des élè
s e
qui n'exige aucun appareil de climatisation .Tout l'enseignement secondai
en
Côte d'Ivoire semble donc utilis~r: pour son fonctionnement _ les_
cadres ins·
titutionnels importés. En observant bien la réalité des choses, on arrive
la
conviction que les éléments d'importation exercent sur l'enseignement seco,dai·
re une influence déterminante qui freine quelque peu son développement et !ela
dans la mesure où il apparaît de plus en plus que la France et les autres !ays
occidentaux pourvoient aux besoins du pays en matière de formation. Celui-i a-
dopte tout sans que soitmodifiée l'organisa tian de l'enseignement
secondai 1e.
.
1
(1) pierre RESCOUSSIE : L'enseignement secondaire dans les Etats francophoes
d'Afrique et Madagascar, in " Afrique contemporaine, nO 67, mai-juin 1973, p.
12.

..)12-
Certes l'école étant une institution étrangère, il serait peut-être
sez
abs~rde de penser que la Côte d'Ivoire doit se passer complètement du mod' e
français, au niveau
de l'organisation de l'enseignement secondaire, de se. ob-
jectifs
généraux, de ses finalités, etc ••
C'est l'aptitude des Ivoiriens dans l'assimilation et dans l'utilisat on
1
des éléments importés qui fait problème. Il s'agit de savoir dans quelle m su-
re ils sont c~pables de profiter des modèles occidentaux, de Ies utiliser Ivec
art et tact
il s'agit de choisir les tâches à assigner à l'enseignement
eeon
,
, '1
tt
t l
. t ' ,.
l '
,
l
1
daire
afln qu l
serve ne
emen
es ln erets des
vo~r1ens suivant. eu I~
propres modes de pensée;ll s'agit de concevoir un enseigne~ent secondaire S 1-
vant les normes institutionnelles qu'ils auront fixées au préalable ; il s agit
enfin de discriminer toutes les valeurs étrangères véhiculées par l'enseig
ment secondaire afin de dégager certains aspects qui répondent à leurs sys
mes
de référence.
L'écueil fondamental que les responsables ivo:iriensdoivent surtout· é ,'ter
est celui qui consisterait soit à vouloir non seulement: remplacer tout l'~
qui anime l'enseignement secondaire, soit à transplanter en son sein certa' es
conceptions des sociétés ivoiriennes traditionnelles qui ont COlillU des cris
a~
contact avec le monde occidental. Ce qu'il faut faire, c'est emprunter des
om-
posants, c'est faire des adaptations en tenant cmmpte du fait que la press' n
de la demande sociale d'instruction par le biais de l'enseignement seconda' e
ne permet jamais d'inventer à un rythme souhaitable.
Si l'on est d'avis que l'éducation est un facteur de développement,il
a
sans dire que l'enseignement secondaire est un élément de la stratégie de d -
veloppement. Or cette stratégie veut que tout pays qui se veut libre, indép1n-
dant, s'attache à inventer ses propres institutions et l'efficacité de cell1s-c:
sera fonction de son pouvoir d'insertion dans la société concernée où elles\\se-
ront plus acceptées que subies. La dite stratégie appelle d'abord une analy e
critique des modèles importés, pour en saisir les limitations qu'elles impo lent
au processus du développement et à la bonne marche de tout le système éduca'if,
ces limitations pouvant concerner le blocage du pouvoir de décision, la déf
i-
tion précise des objectifs de l'éducation.
Quelle que puisse être l'opinion que l'on se fera de nos préoccupation,
nous pensons qu'il n'est pas sans intérêt de tirer des enseignements de l'h !
toire contemporaine, tels que ces enseignements se dégagent de l'expérience
é-

-313-
cue par d'autres pays.
Et d'abord, voyons ce qui s'est passé en Amérique Latine
1
Dès leur accession à l'Indépendance, les pays d'Amérique Latine dont
es
colons s'étaient révoltés contre les métropoles, l'Espagne et le Portugal, se
.sont constitués en états suivant
les modèles des anciennes métropoles. Ma's le
bas niveau de l'évolution générale de la masse des Indiens et des Noirs, 11 ca-
,
1
ractère arriéré des économies, ne fais~ient guère bon ménage avec les ~st tu-
tions héritées de l'Espagne et du Portugal.
Certes ces pays ont connu depuis lors certains progrès dans la croiss
ce
de leurs économies, mais ces progrès ont été réalisés dans des conditions
ciales, culturelles et poli tiques déplorables, à tel point qu'il est diffic. 'le
de parler de dÉveloppement à l'endroit de ces pays.
A l'opposé, le Japon nous donne l'exemple dynamique de ce que pourrai' êti
un pays qui, tomt en utilisant des éléments étrangers, réfléchit sur lui-m' e
pour créer ses propres institutions.
En ce qui concerne la Côte d'Ivoire, il s'agit qu'elle repense mainte
certaines~struétures institutionnelles étrangères. On peut par exemple ret
ir
à présent
celles qui concernent les lycées et collèges, en raison des ré
ces et implic~tions culturelles et économiques. Ces écoles portent toujour
l'empreinte de l'esprit colonial. Mais l'honnêteté peut
nous
obliger à f
re
une petite éloge de l ' efficacité avec laquelle la société co-leJrl.ale--s!es.t
ta-
ch'ée È. réaliser ses objectifs. Les résultats qu'elle a obtenus sont considéla-
bles, ce qui du reste encourage parfois les promoteurs de l'enseignement & \\ 'in.
génier
à maintenir aujourd'hui encore sous des formes diverses quelques-
I s
de ses tendances.
On comprend alors tout le sens actuel de la politique de coopération e·tre
la France et la Côte d'Ivoire. Si aujourd'hui la France décidait unilatéral me~
de rapatrier l'effectif de ses professeurs en coopération, la position de l
Côte d'Ivoire deviendrait très difficile, voire intenable. Les pages--285 et _8~
montrent
que la présence des professeurs français dans les lycées et coll ges
est une nécessité vitale pour le pays. On a beau leur reprocher leur ignora Ice
du milieu socio-cul turel, leur manque de formation professionnelle~,'leurj'E. [ es-
l
se, ils constituent toujours les éléments moteurs de l'enseignement du
1
1
-Il11

-314-
degré. Si le professeur d'histoire n'a reçu aucune
initiation à la tradi ion
orale et à l'ethnologie, si le professeur de géographie est rarement spéc
lis-
te de géographie tropicale, si le professeur de sciences naturelles n'est ~as
davantage un spécialiste de biologie tropicale et si le professeur de scielces
économiques s'est beaucoup penché en France sur les modèles nord-américain
et
soviétiques, il n'en demeure pas moins vrai que tous
ces enseignants expa riés
continuent de présider aux de6tinées de l'enseignement secondaire en Côte
'1-'
voire. Certes, "ils interprètent en se référant au code de valeurs europée , le!
réactions, les performances et les erreurs de' leurs élèves tandis que ceux ci
vivent les paroles et les gestes de leurs professeurs français à travers l ur
propre code,d'où difficultés de communication qui peuvent provoquer des pé io-
des de tension pour des motifs apparemment incompréhensibles "(1). Mais to t ce
ci n'est rien en comparaison de la domination qu'exercent les premiers, c' st-à
dire les professeurs français et de la transcul turation qui crée un ensemb e .de
conflits chez les seconds, c'est-à-dire les élèves ivoiriens.
~-1
Pour remédier à cette situation, on cherche depuis
1975 a ivoiriser e
.\\
vain l'enseignement secondaire. Il suffit de se référer à la page. 282
pou
1
s'en convaincre. Le tableau indique ici que l'Ecole Normale Supérieure a ag-
menté au fil des ans le nombre d'admissions des élèves-professeurs pour ré bu-
dre le problème de la pénurie des enseignants nationaux.
Comme toujours, le schéma de leur formation a été mis au point par la
ran.
ce
Pour les professeurs de C.E.G., bivalents, niveau de recrutement: le
2C-
calauréat : durée des études: trois ans ; titre d'admission à l'enseigneL
t
:
le certificat d'aptitude pédagogique (C.A~P.C.E.G.).
Pour les professeurs du second ëycle, spécialistes d'une discipline, 1 e
niveau de recrutement est, soit le D.U.E.L. - D.U.E.S. ou le C.A.P.C.E.G.
les études durent deux ans ou trois suivant les cas. Le niveau de sortie e
la licence; le titre d'admission à Itenseignement est le C.A.P.E.S.
Malgré l'afflux des étudiants à l'Ecole Normale Supérieure, la relève .es
professeurs françaispose toujours des problèmes à tous les niveaux. Rappela·s
Que de 1963 à 1972, cet établissement n'avait produit qu'une dizaine de lic n-
ciés. Ce n'est qu'en 1973, qu':i.l
commença à obtenir ses premiers capesiens~Il
(1) Pierre RESCOUSS1E
op. cit. page 15.

..
,
\\.
-315-
Ann~ Scolai re 1980/81
Formation des Enseignants
des PREMIER ET SECOND DEGRE
1 - ENSEIGNEMENT DU PR[~IER ŒGRE
:
INSTITUTEURS - ADJOINTS ET INGTITUTEURS
Instituteurs Adjoints
(1)
Instituteurs
CAFOP ...
Abengourou
290
CAFOP Dabou
140
CAFOP
Bouaké 1
122
CAFOP Daloa
145
CAFOP
Bouaké 3
151
CAFOP
Gagnoa
2BB
Ecole Normale d'Instituteurs/
CAFOP
Gra n{}-Bas sam
153
Bouaké 2 -
1ère annéé
126
CAFOP
Korhogo
152
-
Î.e
année
151
CAFOP
Man
264
Sous-Total Instituteurs Adjoints
1420
Sous-Total Instituteurs
562
Total Instituteurs-Adjoints et Institut.
19S2
* CAFOP : Centre d'animation et de Formation Pédagogique
(1) Instituteurs Adjoints: Formation en 1 an/ recrutement : classe de 3ème
Instituteurs
: Formation en 1 an / recrutement: termi nal e
ENI
:
Formation d'instituteurs en 2 ans! recrutement: Instituteurs Adjoints
1
2 - ENSEIGNEMENT DU PREMIER DEGRE
:
PROFESSEURS - ANIMATEURS DE CAFOP
10 année
20 année
30 annÉE
TOTAL
Ecole Normale Supérieure - 4ème Section
33
28
33
94
- ENSEIGNEMENT DU PREMIER DEGRE :
INSPECTEURS D'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
10 année
20 année
30 année
TOTAL
Ecole Normale Supérieure - 3ème Section ...
5
-
-
5
... Le recrutement a été suspendu de 1977/78 à 1979/80
MENT DU SECOND OEGRE :
PROFESSEURS DE CEG ET CERTIFIES
-
Sections et disciplines
10 année
20 année (1 )
30 année
4° année
TOTAL
Ecole Normale
Lettres
711
615
210
1.536
Supérieure
Sciences
403
;;>76
42
nt
2èmc Section
Sous-total
1. 114
891
25;;>
2.257
..
Ecole Normale
licence (2)
CAPES
Supérieure
Lettres
227
303
530
1ère Serti on
Sciences
130
58
188
Sous-total
357 ..
361
718
TOT AL 20 et 10 Sections
2.975
* y compris. en maîtrise ou DEA, 21 littéraires et 4 scientifiques
1) à l'issue de la 20 année, les étudiants sont orientés soit en 30 année pour préparer le CAP-CEG Pratique,
soit en année de licence.
2) les étudiants inscri ts en licence et en maÎtri se sont par ai Jl~urs inclus dans les eFfectiFs de l'Université.
(1) Source : STATISTIQUES, op. cit. p. 22.

-3I6-
La fornlE'.tion psycho-pédagogique des étudiants-professeurs sortant de
'Eco
le Normale
supérieure pose encore de sérieux problèmes dans la mesure où Ils
reçoivent non seulement une formation professeionnelle mais une formation
ca-
démique. Ces deux situations_entravent leur formation pédagogique normale.
La
solution la plus satisfaisante selon nous c'est de permettre désormais à l
ni-
versité d'assurer une formation académique qui sera complétée par une forrn tion
rédagogique approfondie à l'Ecole Normale Supérieure.
En vérité, l'insuffisance de formation pédagogique des professeurs na io-
naux de l'enseignement secondair~ nuit aux rendements de celui-ci. Il y a
eu
de professeurs pyscho-pédagogues à l'Ecole Normale Supérieure d'Abidjan. 1.s
17 professeurs de psycho-pédagogie du Département des Sciences de l'Educat'on
n' arrivent- pas à encadrer les 2 500 étudiants de l'Ecole Normale-Supérieur.
d'Abidjan. Un recrutement massif s'impose.
Il faut qu'il en soit ainsi
pour
assurer le meilleur encadrement de,;,
élèves qui entrent dans l'enseignement secondaire. Traumatisés par le conc
rs
d'entrée en sixième, la plupart aspirent, une fois admis, à retrouver une'
biance de sécurité et de compréhension. Les comportements des professeurs
ns-
ti tuent descondi tions très importantes .. dans 1.' adaptation ou l ' inadaptat' n
,
I f '
.
aDPropriée
des jeunes au college. Seu e une
ormatlon psychologlquej ~~s ~nselgnants
ut
permettre d'améliorer les relations pédagogiques et partant, de favoriser
bonne ambiance tant souhaitée dans le processus éducatif.
c'est un fait que la très faible proportion de population scolarisabl
dan:
le secondaire pose encore des problèmes. Depuis 1970, la situation ne fait
.ue
se dégrader. Sur une population de 15 à 19 ~~s, évaluée à
453 000 jeunes
es
effectifs sC01arisés dans l'enseignement secondaire s'élèvent à 54 000, ce
ui
représente un taux de 12 % . Il suffit de revoir le tableau de la page 2;0
our
s'apercevoir qu~un grand nombre d'élèves ne rentre pas dans le secondaire.
In
découvre ici la sévèrè sélection qui frappe l'enfant ivoirien dans son dési
d'aller au collège. '
Même une fois admis dans l'enseignement secondaire il est encore en p oie
à de nouvelles difficultés. Sa faiblesse en français est bien connue. Bien -ue
nous présenterons plus loin le problème linguistique en Côte d'Ivoire, cela ne
nous empêche à présent d'éclaircir le diagnosctic : Le collégien ivoirien a
généralement'une compréhension écrite et une compréhension orale bonnes, mals
i
1
ponctuées d'erreurs inattendues non seulement au plan phonologique mais enc·re
.,
1
1
\\
l1

-317-
au plan sémantique du faitdes interférence6,des glissements de sens, de l'- pos
sible transposition de mots abstraits sans équivalents dans les langues iv iri-
ennes.
I l est vrai. que la pratique du français en dehors de l'école est un fait
rare en milieu rural dans les C.E.G •• Il s'ensuit pour chaque élève une ce tai-
ne tendance à parler uniquement la langue maternelle, oubliant que l'entra
e-
m~nt en français conditionne les pro~rès scolaires. En outre, l'absence de
ia-
logue réel et d'échange entre lui et les professeurs aboutit à une méconna' san,
ce des clés de la conversation et ne facilite pas sa motivation d'apprendr
le
français pour mieux le mattriser, l'assimiler. L'absence d'échanges, entre
s
élèves et les professeurs entratl~ encore une série de difficultés: expre
sion orale hésitante en cas d'interrogation, expression écrite caractérisé
par
la confusion des différents registres de la la~gue d'où voisinage
0-
pies des expressions les plus familières voire les plus triviales de la l
ue
parlée avec les couplets les plus précieux de la langue écrite (1).
Nul doute que la très mauvaise utilisation des structures de la langue
française va irrémédiablement retentir sur les rendements de l'enseignement se-
condaire. Selon nous, le français est pour une grande part responsable des
au-
vais rendements chez les élèves. Jusqu'à présent les taux de redoublement,
es
taux d'abandons et les taux de déperdition se passent toujours de commentai e.
Dans les collèges en prov~nce, les taux de redoublement par classe varient
n-
tre 10 à 407~. Les taux d'abandons ,pour chaque classe semblent varier dans
es
m~mes proportions. Le tableal1 de la page 271
nous permet d'estimer à plus 70%
les taux de déperdition.
Par ailleurs, le graphique de la page
270
pose tout le problème en tera
mes d'''entrée'' et de "sortie". Il compare les enfants dans le système, c'es
a-
dire les élèves de sixième, et les sorties du système, c'est-à-dire les dipJ~­
més de l'enseignement secondaire.
En considération de toutes ces indications, on pourrait bien se poser
question suivante:
Comment supprimer les déperditions dans l'enseignement
e-
condaire sans abaisser le niveau?
Cette interrogation est d'importance et souligne discrètement toute la lé-
1
,
.
t ·
t
, . . . . ~
cessité d'une série de 'reformes au seln de l enselgneDen
seconaalre lvolrle~.
1\\
Il
(1) Fierre RESCOUSSIE : op. cit. page 20
\\
11
'Ii1i
li

-)18-
Ici, le problème numéro un n'est pas la recherche de solutions impor ées
qui ne tiennent pas compte des réalités locales. Il s'agit davantage, po
[nou:
de déterminer les types de programmes au sein desquels, pour le service
éli
ves, les lycées et collèges disposeraient des moyens pour dispenser des e
ei-
gnements adaptés au contexte social de la Côte d'Ivoire.
De manière générale, les réformes doivent surtout porter sur les mat
res
telles que l'histoire et la géographie, les sciences naturelles et les maé-
matiques'
y
compris les sciences économiques. sans oublier le françai
Adapter les programmes de l'enseignement secondaire au contexte
fri.,
que et plus spécifiquement à celui de la Côte d'Ivoire, doit être la préo
upa"
tion majeure
des états-majors de l'éducation en Côte d'Ivoire. Nul doute
ue
ce vaste mouvement permettra de mieux rattacher à la vie concrète ivoirie
e
tout l'ensfrignement secondaire.
Nous ne pourrions terminer ce chapitre sans rappeler une réflexion de M.
Pierre Rescoussie(I)~"Le renouvellement des méthodes et des programmes, po,r
utile, pour nécessaire qu'il soit ne résoudra pas le problème posé par l'a,apte
tion de l'enseignement secondaire au développement. Les déperditions seron
peut-être supprimées et le niveau des élèves amélioré, le problème demeure a.
La pédagogie n'est qu'un moyen. La solution passe par une réflexion sur le

fins ..• Avant de rénover, ou tout en rénovant, il faudrait analyser chaque si-
tuation, sérier les objectifs prioritaires et définir les stratégies possi,les"
(1) Pierre Rescoussie
op. ci t. page 25.
i
1
1
li

.....-Cone1usion-
Tous les pays du monde, même les plus avancés, ont d'énormes diffic
tés pour résoudre les problèmes de leur système éducatif. Mais la Côte d' voim
re qui. se trouve intégrée
au système capitaliste est par conséquent dan
une situation plus critique : Le malaise de son enseignement secondaire t ent
avant tout à l'incapacité du système de dépasser ses contradictions. En d fi-
nitive, il n'est pas étonnant de constater en son sein tout un ensemble d
phé
nomènes assez déconcertants : inadaptation, éclatement, émiettement, inju tice
disCGurs idéologiques,disparités, inégalités, sélections, etc.
Les .problèmes
actuels
du second degré sont
dûs en partie au fait que
tout le système éducatif n'a pas suffisamment été repensé avant d'être im o-
sé. On n'a pas procédé à une étude et à une planification sérieuses pour
l ' i l
réponde aux besoins exacts des Basses populaires. L'esprit qui l'anime ne
eut
correspondre aux attentes réelles du milieu ivoirien. Une fois l'Indépend 1:e
acquise il aurait été nécessaire d'introduire d'urgence des changements p
fonds et de poser les vrais fondements d'une nouvelle école en
rIeS
fins et les idéaux d'une éducation fidèle aux aspects positifs de l'éduca aon
ivoirienne traditionnelle. On a plutôt préféré l'imitation servile de l '
li-·
en pays colonisateur. La question d'un changement radical du système éduc~tif
bien que formulée, n'était pas mise en application comme il le fallait.
n-
seignement secondaire depuis 1960 jusqu'à nos jours, de~eure toujours co
la
réplique de celui de la métropole. L'"Ivoirisation" des manuels, l'adaptat on
des programmes ainsi que l'enseignement dans son ensemble lié aux besoins
t
conditions de la Côte d'Ivoire, deviennent des données assez récentes dans
a
politique d'éducation depuis 1980.
Comme on le voit, l'esprit de réforme n'a pas pénétré rapidement tout le
système. Il a fallu attendre longtemps, environ deux décennies, pour asseo r
clairement l'idée d'une adaptation de l'enseignement aux changements écono i-
ques. Mais avant tout, les principaux projets ont visé des modifications p us
ou moins profondes de la structure du système scolaire. Ce qui a été carac é-
ristique au début des années 62, c'était l'élimination de la barrière entr
l'enseignement élémentaire et l'éducation secondaire. Certes, on n'a pas s p~
primé l'examen d'entrée en sixième, mais, pour les besoins de l'économie,
b
n'a permis que l'école secondaire accroisse sa population. L'évolution deslf-
fectifs dans le secondaire
montre désormais que ce dernier peut être c ~-
sidéré comme l'"écolepour tous" si l'on essaie de minimiser les nombreuse
dé·

-320-
perdi tions qui ont eu lieu en son
sein.
Cet engouement traduit ici bie
le,
aspirations des masses populaires à l'enseignement secondaire qu'ellee.c
s1d~
rent à juste :titre comme une voie de salut. Les J,.~oéesetcollèges permettron
ain
si aux enfants des milieux défavorisés de recevoir une instruction génér
e s
lide et ensuite d'avoir accès à l'université ou dans certaines éc.oles su~-
rieures.
Mais peu importe de "démocratiser" l'enseignement secondaire si 1'0
n~
s'efforce pas de résoudre d'abord les questions concernant d'une part le
nu, et d'autre part les méthodes pédagogiques. Les problèmes les plus im
r-
tants qui s'imposent dans ce domaine et qui sont l'objet de nombreuses d'eus·
sions dans les réunions internationales comme dans la presse pédagogique
on~
temporaine sont les suivantes :
1° Quelles connaissances faut-il donner aux nouvelles générations ·ui
fréquentent par exemple l'école secondaire?
2° Que doivent comprendre l'enseignement général et l'enseignemen
sp~
cialisé ?
)0 Quel type d'homme cherche-t-on à former pour qu'il apporte eff ca-
cement son aide au développement ?
4° Comment concilier les besoins et les exigences de la société i'oi-
rienne avec les possibilités et les intérêts des adolescents?
5° Comment lier l'enseignement secondaire à la vie moderne et pré
er
la jeunesse pour la vie?

-321-
Chapitre Troisième.
- L' ENS E l G N E MEN T
S U P E RIE U R
"Une université en Afrique, et particulière
ment celle d'Abidjan, doit d'abord remplir
les fonctions traditionnelles qu'assument
les institutions de même nature dans les
pays les plus évolués ••• Notre.ambition de
toujours est de voir l'Université d'Abidja
délivFer des diplômes équivalents à ceux d s
universités de France, plaçant ainsi notre
jeunesse à égalité de connaissances avec
celle d'une des nations les plus civilisée
du monde " (1).
Félix Houphouët-Boigny
-Introduction-
La révolution intervenue dans l'enseignement ivoirien depuis 1960 a
tout été l 'a.véne~.e.I}..t ,.de, l 'Uni1Tersi té d! Abiçljan et; desjG~andes. Ecoles. Les
politiques considéraient l'enseignement supérieur comme l'élément essenti
de l'édification d'une nation. La confiance qu'ils ont eue dana cet· ordre
seignement, on la rencontre également chez les parents et les étudiants,
les exigences dépassent souvent les possiblités du pays.
A la suite de l'Indépendance, on cherche à créer chez les Ivoiriens
nouveau sentiment de confiance qui leur permette de se montrer à la haute
des exigences de compétence personnelle requise par la transformation et
modernisation de la société ivoirienne. Lés dirigeants politiques de Côte
voire sont tous d'avis que la création et le développement des moyens d'e
gnement supérieur sontindispensablesà·la construction économique et
à l'amélioration des conditions de vie et à l'éveil da sentiment de respo
lité.
Ainsi avec beaucoup d'empressement, l'Université était adoptée en Côt
d 'Ivoire.,et dans les milieux très politisés du pays on était très reconnai -
sant
à la France d'avoir exporté ainsi l "ml. 'de, ses modèles à la jeune répu li-
que. On était convaincu que l'Université d'Abidjan aidera les jeunes à con ui-
re le pays ~ vers un destin meill8\\lr et comblera le l-ourd fardeau dont. souf re :
continent africain dans la course au progrès de l'humanité" (2).
(1) Discours prononcé à l'occasion de la pose de la première pierre de l'U i-
versité d'Abidjan. Paru dans Fraternité (Abidjan) le 15 février 1963, p. 6.
(2) Ibid. p. 6.

-322-
Comme on peut le constater, il s'agit de pourvoir la Côte d'Ivoire
un
outil efficace, voir supérieur de formation de sa jeunesse. C'est
à
la rentrée scolaire d'octobre 1958, sous les auspices du Rectorat de Dak
et
sur la demande des autorités ivoiriennes les premiers cours furent assuré
à
Abidjan par quelques professeurs du Lycée Classique, des magistrats et de
chercheurs de l'ORSTOM.
Au mois d'octobre 1959, ce centre d'enseignement supérieur réouvrait ses
portes avec 48 étudiants et 23 capacitaires en droit. Personne n'imaginai
que cet embryon universitaire allait se développer assez rapidement.
Le 24 avril 1961, les dirigeants politiques ivoiriens demandèrent à
'an~
cien colonisateur une assistance que les accords de coopération allaient
ser comme suit
"La République française s'engage à aider la République
Côte d'Ivoire à créer et à développer sur son territoire un enseignement
rieur d'un niveau égal à celui de l'enseigneEent supérieur français n. C'
donc précisément cette coopération qui a permis une évolution spectaculai
l'établissement qui en est résulté.
Les premiers enseignements. dispensés
furent des cours de Propédeut.i
lettres ~t sciences de la Ièreannée de capacité eù l'on parlait
peu de
tières scientifiques. Mais peu à peu, commençait à se préciser la physion
ie
de la jeune université. Les certificats d'études supérieures de S.P.C.N.
m-
mençaient à mieux s'affirmer. L'année 1962-1963 voyait déjà la création de
l'école de médecine.
Ce n'est que le 9 janvier 1964 qu'un décret du Président de la Républ que
de Côte d'Ivoire donnait officiellement naissance à l'Université d'Abidjan don
M. Pierre Huard devenait le
premier ~ecteur. Dans la même année en octobr
le Président Houphouët-Boigny inaugurait les premières installations du c
pus
L'école des sciences se transformait en
1966-I967 en faculté pendant que
e
centre hospitalier universitaire entrait en fonctionnement. En 1967-1968,
'in:
titut universitaire de technologie commençait ses cours et l'école de méde Qne
accédait au titre de faculté que recevait l'année suivante l'école de droi •
En 1971, la faculté des Sciences Economiques était séparée
de celle
du
Droit. Deu _ années plus tard, c'est-à-dire en 1973, on créait l'Institut d 0-
dento- ·Stomatologie et enfin, en 1977, était créée une école de Pharmacie
Li
devint une Faculté en 1981 (1).
~
Cf) Valy Charles DIARRASSOUBA : L'Université Ivoirienne et le Développement de
la Nation, Ed. NEA, Abidjan, 1979, pp. 5~7.

-323-
A côté des formations assurées par ces facultés qui restent la base
e
~'Université d'Abidjan et à l'image du système français, se sont
des formations plus pratiques, plus concrètes. Il s'agit des Grandes Ecol
te:
les que l'Ecole Normale Supérieure d'Abidjan, l'Ecole Nationale Supérieur
d'Agronomie, l'Ecole Nationale Supérieure des Travaux Publics, l'Ecole Na
le d'Administration, l'Institut National Supérieur d'Enseignement Techniq
l'Ecole de Statistique et l'Ecole Nationale des Postes et Télécommunicati
s.
Divers instituts et centres de recherche vont naître pour permettre'
l'Université Nationale de Côte d'Ivoire de jouer son rôle d'établissement
t
de recherche. Ce sont : (1)
- En droit et en Sciences économiques, il a été créé un institut de c i-
minologie en 1970, le Centre Ivoirien de Recherche Economique et Sociales
CI-
RES) en 1971, le Centre Ivoirien de Recherches et d'Etudes Juridiques (CI
J)
en 1973.
-L'Iustitut·d'Ethno-sOciologie (lES) a été créé en 1966, l'Institut de Lin.
guistique Appliquée (ILA) également.
- L'Institut d'Histoire, d'Art et d'Arch~ologie Africaine (IHAA) et le Cen.
tre d'Enseignement et de Recherches
Audio-visuels (CERAV) ont tous été cr és
en 1969.
- Le Centre Universitaire d'Etudes Françaises (CUEF) est né en 1972.
- Le Centre de Recherches Architecturales et Urbaines (CRAU) a été cré
une année après et l'Institut de Littérature et d'Esthétique Négro-Africai e
(ILENA) en 1974.
- Le CIERPA (Centre Ivoirien d'Etudes et de Recherches en Psychologie
_.
pliquée) a vu le jour en 1975.
- On ne pourrait ne pas mentionner le Centre National de Floristique (
créé en 1973 et l'Institut Universitaire d'Ecologie Tropicale (IUET) en 19
avec le Centre Universitaire de Traitement de l'Information (UTI) en 1974.
- Enfin, l'Institut de Recherches Mathématiques (IFm~) a été créé en l
(1) Dossier sur l'Education en Côte d'Ivoire, in "Fraternité-Hebdo, revue
tée en Côte d'Ivoire, .no 1126 du 21 Novembre 1980, page 16.

UNIVfRSITE
NATIONALE
[VOUJllON
DES EFFECTIFS
~C1[1,:L~
jtl~TITlJT i ECOLE
DIlDIT
rCONOil ï-
1l[D[CHif CüQli1 oc,T~
Année Universitôirp
[1[
SCIENCES
LETTRES
1. U. T
CIERPA
TOTAL
OBSERVATION:;
0)
QtJ[5
(L')
IoIfl lOLOCH
P::~H~"CJE
(3)
(4)
1
1
1~~·9/60
7
14
27
48
Création du Centre d'En~ei9neœen: Supérieur
&0/51
~4
7
29
57
147
61/62
BD
6
67
104
257
6//63
112
65
89
144
410
Création d~ llEcole de Médecine
U/&4
187
91
1:6
184
618
lran~for~ation du C.E.S! en Uni~ersit'
~J65
?52
109
218
252
831
1
[,'..,/1',5
341
123
303
375
1 147
6L/57
410
167
381
498
l '456
Création du C. H. U.
67/b8
514
2j9
368
552
14
1 687
Création ,de 1'1. U. T.
5~' '1'
0,0"
fla
290
1,97
557
60
2 042
6':;/70
ail -
418
j.l,9
829
94
2 701
7C/71
1 (j 75
450
602
869
96
3 092
71/72
1 2:la
.:.31
525
992
131
3 317
;2/73
B22
770
537
756
1 112
181
4 178
Création de la Faculté des Sciences Econ~iques
73/74
975
7&0
601
817
1 332
222
4 734
Création de Illnstitut d'Odonto-Stoaatoloiie
74/75
1 227
870
634
835
1 514
226
5 366
,75/7f,
1 527
912
730
1.9
922
1 935
6 075
LII. 'U. T est tran~féré à l'I.N.S.E.T.
76/77
1 690
1 lê5
818
43
1 121,
2 361,
10
7 214
Création du C.I.E.R.P.A.
77j78
1 884
1367
&!.3
96
3f,
1 294
2 B15
8
8 341
Cr[~tiûn de l'Ecole de Pharœacie
7a/79
2586
1667
925
92
4l,
1 437
3068
12
9 831
79/80
2972
18ig
: 000
89
58
1 633
3 603
9
Il 203
8C/81
3 020
2100
lOôB
88
Ba
1 B2B
3 511
18
11 741
(1)
y Cumpris les ;~udiants de Crimjnolo~ie en 1919/80 (42) et 1981/82 (127)
(2)
[n 1~~/7b tt 1976/77, lèS étudiants de 1 ère annle de l'Institut d'Odonto-Stomatoligie sont inclus dans les effectifs de Médecine
(J)
[n 1975/76, les I.U.T. ont été t~ar.5férés de l'Univer~ité à i'Institut National Supérieur de l'Enseignement Technique - I.N.S.F..T.-
(4)
Le C.I.(.R.P.A. - Centre Ivoirien d'Etudes et de Recherches en Psychologie Appliquée - fut un I.U.T avant d'être rattaché à l'INSET pour une année seuleaent (1975/76 : 33 étudiants)
=~=========-========--------'-_.,----,.
---",. _. (.J:~)=So~ce-z=S-tact4;-s-i4ques=:=op;-~'-c1.-t.---pa:ge"J2-:·

-325-
E.VOL.UT/ON
.!la!'6
E:IFEC.7/FS
L 'UNI V~R~/Të .NA710fUH~,
.sc. Ec.c. .
• 1
.,
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Il
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,
H
60
:&1,1 c 1
r
!
!
Il

l
Anné 1980/81
-326-
3.
FACULTE ŒS LETTRES ET SCIfNCES HUMAINES
10 A
2° A
Licence
Maîtrise
DEA
Doctorat
Autres
TOTAL
3° Cycle
Diplômes
Et~diants
G
758
460
800
280
30
11
3
2342
IvJiriens
F
190
174
207
BD
7
3
-
661
T
948
634
1007
360
37
14
3
3003
Il
ri
G
851
526
894
378
40
15
3
2707
To~l toutes
Hatlonali tés
F
239
203
240
107
12
3
-
804
Il
T
1090
729
1134
485
52
18
3
3511
4.
ŒNTRE IVOIRIEN D'ETUDE
ET DE
REDJERCHE
EN PSYDJOLOGIE APPLIQUE - CIERPA -
1° A
2° A
TOTAL
'1
"'t' G 7 6 13
l
.1.
VOl lens
F
2
2
4
1
i
T
9
8
17
-
!
Totall toutes
G
8
6
14
NatiJinal ités
F
2
2
4
Il
T
10
8
18
5.
CENTRE UNIVERS IlAIRE DIETUOES FRANCAISES - C.U. E.F. -
,
i
10 A
2° A
3° A
40 A
5° A
TOTAL
Diplômes préparés
1
1° A. : Diplôme Universitaire de
d· 11
Hu l~nts
G
4
6
4
4
-
18
Françai s parlé
Ivoiriens
F
-
-
1
1
-
2
20 A. : Certificat Pratique de
T
4
6
5
5
-
20
I!
Langues Françaises
3° A. : Diplôme d'Etudes Françaises
Natio~t"t"
G
18
21
33
31
8
111
Tot,l i
4° A. : Dipl. Supérieur d'Et •. Franç.
li tés
F
30
27
32
26
3
118
T
48
48
65
57
11
229
5° A. : Dipl. pour l'Enseign. du
1
,
1
Français - Langue étrangère.
LI d'
.
da
N.B'
a mISSIon
ns e cyc 1e dl'etude d'epend du mveau du d"IplAome 't
,d'
e ranger posse e.
i
.. .'
6.
FACULTE DES SCIENCES
.
DES
Autres
1° A
2° A
Licenc"e Mafrise
Doctor.at*
TOTAL
ŒA
,
- .
Diplômes
:tudian~s
G
554
354
305
103
4
25
10
1355
[
"
"
1
VOlrlens
F
45
28
27
14
1
5
4
125
T
600
382
332
117
5
30
14
1480
1\\
rotal t~utes
G
651
415
359
154
18
28
15
'1640
11
lationa! i tés
F
72
40
36
23
2
7
8
188
T
783
455
395
177
20
35
23
1828
\\1
* 110octeur - l ' .
ngemelJr: 1 1 ""
VOlnen.
. l,
Docteur S"p'écialités Sciences: 9 dont 5 Ivoiriens
dbcteur dlEtat : ê2 dont 21 Ivoiriens
tt'''' d'U,i_,it' , 3r"i.;,", Source , Statistiques. op. cit. p.74.

,
,
Année 1980/81
-327-
.,
. .
.~.
7.
FA CUL TE DE MEDECINE
1° A
2° A
3° A
4° A
5° A
6° A
Clinique
Doctoral
CE:>
TOHl
d'Hat
~
100
93
55
81
60
89
76
8
691
tudianls
G
129
Lti'i'"
F
37
41
33
22
22
18
23
11
6
203
T
166
141
126
77
103
78
102
87
14
~,.
14
j!1
124
ln]
64
93
69
106
97
11
Il
lolal TO'J tes
G
Il.(i
National i tés
F
51
54
45
30
30
23
21
13
10
777
T
197
17B
146
94
123
~2
127
110
21
)88
1\\
1
1
,
i'
1
f
,
8.
ÎNSTITUT D1OOONTO - STOMATOLOGIE
1° .~ *
20 A
3° A
TOTAL*" *
* la 1° A- PCEM 1. Dentaire - commune avec les peE 1
Médecine-est assurée par la Facu]tf de Médetine.
1
'l'di'""
G
17
22
6
45
oH Les 40 A et 5° A nécessaires à 118btenlion de fJo·:t
II ..
rat
Olrlens
F
13
13
7
33
en Chirurgie Dentaire sont assurées à l'étranger
!\\
T
30
35
13
78
~---_.
Il
G
17
26
10
53
T~tal Toutes
N.~tiollalités
F
14
14
7
35
T
31
!,O
17
88
1\\
:11
!
9.
ECOLE DE PHARMACIE
10 A
2° A
3° A
4° A
TOTAL
l tJdiants
G
25
12
7
4
49
~v~i.riens
F
13
8
7
5
33
T
39
20
14
9
82
\\i
Tct~,I Toutes
G
29
12
7
II
52
Nal~onali tés
F
14
10
7
5
3G
Il
T
43
22
il,
9
88
10.
I~STITUT
DE CRIMINOLOGIE
1
1
1° A
2° A
TOTAL
1
EtJdiants
G
83
15
99
Iv liricns
F
4
-
4
T
87
16
103
\\
Il
Tottil Toutes
G
97
23
120
"
Naqonali tés
F
7
-
7
T
104
23
127
Source : Statistiques . op • cH. page 75.
1\\

-328-
L'ensemble de ces
créations
Jevait donc exiger la constructio
des
immeubles et l'obtention des crédits nécessaires à leur existence et à le
fonctionnement. De 1960 à 1970, l'apport de la France a été substantiel:
a dépensé un peu plus de cinq milliards de francs C.F.A pour le fonctionn
ent
de l'Unive~sité et un peu moins de cinq milliards de francs C.F.A. en inv ftiS.
sements. Un tel effort a facilité la construction du rectorat, de la bibl
-
thèque, des cinq bâtiments de la facultés des sciences, de cinq amphithéâ ' es
(dont un de 500 places), du b~tiJllent de l'école des lettres, du bBtiment .~ 10
faculté de droit, de trois bâtiments affectés aux Instituts de recherche, lie
la première série des bâtiments de la cité université et des pavillons de 1 a
faculté de médecine intégrée au C.H.U. de Cocody.
Telle est en gros la présentation de la physionomie de l'Enseignement Su-
périeur en Côte d'Ivoire. Et comme toute création a sa raison d'être, a se
justifications, ses objectifs, etc, nous allons donc aborder son idéologie
-I.-."Les 'diseours -à ,'prcpos·de· 1:.'-\\ln1veraité-
Nous savons déjà que pour la majorité des intellectuels ivoiriens, l ' ni-
,
versité ap~arait comme le aymbole
d'un avenir heureux, voire lumineux qui at-
tend le pays~ L'ensemble ,des discours officiels préfugurait
déjà dans un
certaine mesure le mode de raisonnement sur le changement et le progrès qu '
devrait apporter tout l'enseignement supérieur tant au niveau individuel ql\\'au
niveau collectif.
~
Ainsi, selon le Président Houphouët-Boigny, "une Université en Afriqu;,
et
particulièrement celle d'Abidjan, doit d'abord remplir des fonctions t !Ja _
ditionnelles qu'assurent les institutions de même nature dans les pays les
évolués, c'est-à-dire, élargir le champ des connaissances au moyen de l'en
gnement et de la recherche, et de promouvoir une large éducation libérale
laquelle il n'est point de véritable culture pour les individus comme
peuples "(1).
no~b~euse~ ."fOnction~ d~ gardie~e défe~~
Ses activités seront
:
et de
du
patrimoine de la communaute afr1ca~e"••• "m1ss10n de preparer les me1 ï
leurs de la jeunesse aux tâches immenses" •••• "dispenser un ensemble de di ci-
(1) Disoours prononcé le 7 février 1963.

-)29-
plines ouvrant l'accès à des diplômes et à des carrières "...
Mais ce n'est pas tout : L'Université doit jouir d'une physionomie p r-
ticulière. Pour cela, elle doit apparaître comme "un carrefour, un lieu d
ren~
contre incomparable de toutes les couches de la population, elle doit ~tr
le
rendez-vous des élites issues de toutes les couches de la popluation"(I).
Pour qu'elle soit davantage à l'image de ce que l'on attend d'elle,
faudrait que "l'Université fonctionne comme des entreprises industrielles
c'est-à-dire avec le souci de produire plus et mieux au moindre coût, de
nir avec rapidité et souplesse ce que le marché exige "(2). Cela implique
un renforcement des cellules d'orientation et la multiplication des struc
es
.)"
d'accueil.
Selon les déclarations officielles l'orientation à l'Université
"pe
tra une meilleure adaptation réciproque entre les types de formation, les
e-
soins de l'emploi et les aptitudes des jeunes ivoiriens. Elle assurera le
aSSé
ge harmonieux de l'Université à la vie professionnelle "())."
Comme on peut le constater, les responsables du pays veulent rendre 1 Uni~
versité rentable, efficace et très sélective à la fois. Pour ce faire, ils sou-
haitent la doter de cadres nombreux et compétents. "L'Université d'Abidjan
devra surtoùt engager en son sein des enseignants capables de lui donner
e
physionomie originale et d'opérer une synthèse entre le monde moderne et 1 s
valeurs nationales "(4) .
..
En m~me temps qu'on pr~che ainsi la nécessité pour l'Universi~é d'Abi jan
de révigorer le
patrimoine culturel du pays, on lui demande d'être encore la
gardienne des valeurs fondamentales en provenance des pays capitalistes.
Mais est-il possible de concilier au sein de l'Université d'Abidjan 1 es-
prit conservateur entretenu par les valeurs traditionnelles ivoiriennes av rr ce]
,
les, de la -France? L 'Université d'Abidjan en tant que création étrangère peu ',-el-
li
le vraiment plonger ses racines jusqu'au plus profond du terroir ivoirien
-t
palpiter du m~me souffle que les masses populaires? Cette visée des respo la-
J
bles ivoiriens relève d'une véritable illusion (5). Celle-ci rend parfois
Discours prononcé par le Président, le 19 novembre 1964.
Discours à la Nation le 7 Aôût 1968.
ra-
programme de développement de l'Education et de la Formation, op. cit. ~.14
Discours du 19 novembre 1964, op. cit. p. 23.
Cf. la suite du discours du 19 novembre 1964.

-330-
pable d'envisager le danger de l'impérialisme culturel qui s1ege au coe
de
cette institution i~portée qu'est l'Université d'Abidjan. Et quand on se
vient que l'école en général a toujours cherché à effriter le patrimoine
turel de la Côte d'Ivoire,on découvre du coup toute la fausseté des disc
à l'endroit de cette université.
En effet c'est un lieu commun pour les dirigeants de Côte d'Ivoire
uti..
liser avec force le langage pipé qui a les apparences romantiques
'û-
tantes, surtout s'il est appuyé par des images très fortes. Tous les prop.s
portant donc sur l'Enseignement supérieur en général regorgent de termes
s-
sez expressifs. En témoigne cette déclaration : "Démocratique dans son re ru-
tement, l'Université doit devenir de plus en plus un instrument d'action
ur
les hommes et les femmes possédant des connaissances techniques qui leur
er-
mettront de participer pleinement et utilement au développement économiqu
et
social de la Côte d'Ivoire "(1)".
Tous ces propos s'inscrivent bel et bien dans le cadre d'un
apparei
idéE
logique, car en réalité, ils sont porteurs d'un système de pensée qui évo
sans cesse dans le royaume des contradictions~ L'Université d'Abidjan ne
à la fois ~tre le lieu de la formation des élites et le centre de la démo
a-
tie.
En définitive, disons que le défaut 6e tous les discours autour de l
ni-
versité et des Grandes Ecoles, est tout entier contenu dans le fait que l
Pou
voir tente de donner une image heureuse des faits pour mieux défendre ses
ro-
pres intér~ts. A la vérité, tout cela
semble constituer une manisfestati
de
l'idéologie rénovée du système capitaliste dont le but est de faire admet
e
·1
par tous les Ivoiriens l'utilité de l'Université, de son rôle dans le dév
op-
pement de la nation. Mais de quel développement s'agit-il? Point n'est b
oin
, .
de souligner ici que toute l'Université d'Abidjan avec les Grandes Ecoles
1n
crit fort bien dans le développement du mode de production capitaliste. E
con
séquence, elle est presque condwm1ée à ne fabriquer que des "élites" dont 'l'es.
prit sera complètement adapté au système. Dans ces conditions, il est perm~s
d'avancer qu'elle ne peut réellement satisfaire les aspirations des masses~po­
pulaires. Et qui plus est, elle risque d'obéir à la logique du profit, de ~'ex
ploitation et de la domination. Dès lors, loin d'~tre le foyer de la cult 'te
authentiq~e et.de l:épanouisse~e~t: elle po~rait f~nctionner au contrairelcom
me une ideolog1e qU1 sert d'a11b1 a l'oppres10n cap1ta11ste.
~1
(1) Discours du 19 novembre 1964, op. cit: page 252.
!1

-331-
-2.-L'or anisation de l'Université d'Abid an
A la remor ue de l'ense
e-
ment français.
A la vérité, il faudrait une étude spéciale pour montrer comment le
français pèse considérablement sur la vie de l'Université d'Abidjan et d
Grandes Ecol~. Nous ne nous engagerons point dans cette voie difficile,
nous essayerons de montrer dans un raccourci assez saisissant que l'Ense
e-
ment Supérieur en C~I. repose sur une organisation traditionnelle déjà b"
connue en France.
En effet il a fallu attendre le décret du 16 Avril 1966 du Président de
la République, M. Houphouët-Boigny pour en savoir davantage sur l'organis tion
du. cycle dit supérieur. Ainsi à sa tête, se trouve le recteur qui est no
é
conjointement par le gouvernement ivoirien et par le gouvernement françai •
Etant considéré comme le directeur des enseignements
supérieurs et de la re ... ·.'
cherche et comme ordonnateur du budget de l'Université, il a presque le r ng
des présidents d'Université tels que les a engendrés la loi d'orientation fran
çaise de 1968.
L'article 12 du décret d'organisation stipule
"Le Recteur administre le patrimoine de l'Université. Il tient le re istr
d'immatriculation pour l'ensemble des étudiants relevant de tous les étab
sse
ments d'enseignement supérieur".
Ainsi l'importance et la multiplicité des tâches dévolues au recteur
nt
contribué au développement
des services rectoraux qui s'occupent, sous l
u-
1
1
torité d'une secrétaire générale, du budget, de la comptabilité, de l'ent
tien, de la gestion des personnels enseignants et administratifs, mais au
i
des bourses, des examens, de l'inscription et de la scolarité des étudian
C'est uniquement
sous la présidence du recteur que le conseil de l' nive:
Il
R...
sité prépare le budget et propose des programmes d'enseignement. Il
t
.1
a
ou 9ursl
compétence pour les questions disciplinaires, la réglementation des
il
1
cours et
la fixation des vacances
universitaires.
Le conseil comprend les doyens des facultés et deux représentants él
pour deux ans par chaque faculté. Il nomme en son sein une commission de
rité qui contrôle la validité des inscriptions et une commission de

-332-
qui s'adjoint deux membres élus parmi les pairs des personnes soumises
juridiction (enseignants ou étudiants).
Chaque faculté est administrée par un doyen assisté par un assesse
préside l'assemblée de faculté et assure l'exécution de ses délibération
Le
doyen est nommé pour trois années par décret sur proposition de l'assemb
après avis du recteur. L'assemblée comprend le doyen, les professeurs et
maîtres de conférence qui ont voix délibérative, trois représentants des
•1-
tres-assistants titulaires et deux représentants des chefs de travaux et
s-
sistants ti~ulaires élus par leurs pairs qui ont voix consultative.
Le personnel enseignant bénéficie " des franchises traditionnelles n ces-
saires à l'exercice de ses fonctions d'enseignement supérieur" (1). Mais
on-
formément à la tradition et à la règlementation française,
les enseignan s du
supérieur sont considérés comme les agents de l'Etat et le mode de leur r cru-
tement est variable selon les catégories.
Pour les Assistants, il s'agit d'une sélection qui a lieu chaque ann e à
la Commission n~tionale de recrutement. On exige des intéressés le titre
docteur )0 cycle avec la mention "Très Bien". Mais une fois recrutés en t
t
'qu'enseignants ivoiriens, ils sont simplement considérés comme des profes
urs
licenciés pour ~tre remunérés à ce titre avec une indemnité compensatrice
bi·
en sûr. Une telle disposition permet de réduire assez habilement la base
s
salaires des Assistants, ce qui est frustrant et dévalorisant sur tous le
plans.
Après trois années de fonctionnement ou deux au moins, les Assistant
peu·
vent poser leur candidature au CAMES. Et au vu de leurs recherches et tra
ux
personnels y compris les rapports sur leurs activités pédagogiques, ils pe -
vent ~tre déclarés admis ou non à èxercer les fonctions de maîtres assist
ts.
L'Université comprend aussi les organes de gestion. Il s'agit ici de
eux
"1
organes importants: le Centre Universitaire d'Information et de Programma!ion,
'1
et le Centre Universitaire de Traitement de l'Information.
Au niveau des Etudiants, l'admission à l'université est prononcée par la
Commission nationale de sélection et d'orientation des titulaires du bacca au-
réat. Mais le contrôle de l'admission des Etudiants échappe souvent à l'Un~er.
\\
(1) Decret du 16 avril 1966 portant organisation de l'Université et des eniei-
gnements supérieurs. (Journal Officiel de la R.C.I. ).

-JJJ-
sité qui se borne à accueillir des Etudiants sélectionnés par cette Commi _
.
1
sion nationale sans que l'on sache s'il y a réellement une conccrdance en re
ces recrutements et les objectifs quantitatifs et qualitatifs des différe tes
formations à assurer "(1).
Après leur admission, les Etudiants jouissent du CNOU, le Centre Nat 0-
nal des Oeuvres Universitaires, qui est responsable des logements, des re tau-
rants, du paiement des bourses, de l'organisation des transports et de la ges-
tion des services sociaux tels que :
service de santé, sports et loisirs
_J._L'Imitation excessive du modèle fran ais :.Pes_t~tr~s valables de
ein
droit.
Partout en Afrique francophone, le souci des autorités politiques e r
d'obtenir un enseignement parfaitement semblable en tous points à celui q i
est dispensé en France. Ainsi, on pouvait lire partout dans les Etats afri-
cains anciennement colonisés et possédant un centre d'enseignement
supér'
ces indications: "Les grades et diplômes d'enseignement supérieur délivr
à
( •••••••••••• ) dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d'
t
que les grades et diplômes français correspondants sont valables de plein
oi,
sur le territoire de la République française et produisent tous les effet
sont attachés à ces derniers par les lois et règlements français" (2).
Ainsi en Côte d'Ivoire, pendant l'année universitaire 1969-1970 par e em-
pIe, 2 701 étudiants pouvaient prétendre aux tires suivants, "valables de
,leir
droit sur le territoire de la République française" : examens
spéciaux d' n-
trée dans les universités ( A et B)
-Médecine : Doctorat en médecine (examen de fin de 1ère et 2ème années du
er
cycle, examens de fin de 2e t Je, 4e et 5e années, examens cliniques de thè es).
-Sciences: Diplômes universitaires d'études scientifiques (DUES Ire et 2e'an-
nées) ; mathématiq~es~ et physique ; physique et chimie ; chimie et biolog e j
biologie et géologie.
(1) Valy Charles DIARRASSOUBA op. cit. page 24.
(2) L'Enseignement en Afrique, in " Revue Française d'Etudes Politiques Af i-
caines", mensuel, nO 11 , Année-!911, page 56.

-334-
-Licences ès sciences physiques et ès sciences naturelles.
-Maîtrises ès sciences physiques et ès sciences naturelles.
-Certificats d'étùdes supérieures de pétrologie et de géologie histori
e.
-Dip~ômes d'études supérieures de sciences phy.siques et de sciences na L-
relIes.
-Attestations et diplômes d'études approfondies (AEA et DEA) d'océanogr
phie et biologie des pêches et d'écologie tropicale.
-Doctorat d'Etat ès Sciences.
-Droit et Sciences économigues
-Capacité en droit (Ire et 2e années).
-Licence en droit (Ire, 2e, 3e, 4e années).
-Licence ès sciences économiques (re, 2e, Je, 4e années).
-Certificat d'aptitude à la profession d'avocat (C.A.P.A.).
-Lettres et Sciences Humaines
-Diplômes universitaires d'études littéraires (D.U.E.L. Ire et 2e années
de
lettres modernes, de lettres étrangères (anglais ou allemand), d'histoire
:t
géographie, de philosophie (Ire année exclusiveme~t).
-Certificat de licence L : lettres modernes, lettres étrangères (anglais ou
allemand), histoire moderne et contemporaine, géographie.
-Certificat de maîtrise CI
études du français classique, moderne et co tem.
porain ; langue, littérature et civilisation (anglaise ou allemande) ; lit é-
rature et civilisation américaines : linguistique générale ; civilisation
Ile·
mande; histoire des civilisations africaines; économie et sociétés du Mo en-
Age ; géographie des pays tropicaux.
-Certificats de maîtrise C2 ; géographie et urbanisme des villes tropica es,
linguistique africaine.
-Licence d'enseignement
lettres modernes, anglais, allemand, histoire, géo.
graphie.
"
-Licence libre, maîtrise de géographie, maîtrise spécialisée de linguist IFue
africaine, certificat pratique de langue française (1er degré), diplôme d' tu-
des françaises (2e degré).
Comme on peut le constater, toute l'Université d'Abidjan porte les m r
ques essentielles des Universités françaises. Dès lors, il est permis de s 1 po·
i
ser un certain nombre de questions:

-335-
-Comment l'Université pourrait-elle préparer les étudiants à la vie
fessionnelle ?
-Ne risquera-t-elle pas de favoriser dangereusement l'émergence des
prits essentiellement préoccupés à défendre des intérêts égoïstes ?
-Ne va-t-elle pas réserver des surprises désagréables à ses produits
un proche avenir en les mettant aujourd'hui dans un certain confort sécur
sant, illusoirement à l'abri des aléas de la conjoncture économique?
-Et une autre question non moins importante, c'est de savoir si l'Uni ersj
té ivoirienne répond vraiment aux besoins pressants des masses populaires
t
si elle les aidera à la prise de conscience de leur exploitation par les " pé-
rialistes •
Partout ailleurs, on a tendance à considérer toute université comme
instrument au service à la fois des exigences collectives
'et des
spé-
cifiqués. Il s'agit là d'une représentation assez idéaliste qui, si l'on
y
prend garde - risque à long terme de décevoir sérieusement. D'ailleurs éta
sur la même longueur d'onde que les universités fr~çaises,il sera très d" fi-
cile de défoncer les portes de l'Université ivoirienne pour l'adapter aux
éali
tés nationales. Etant donné qu'elle a emprunté une partie importante des p in-
cipes de son organisation et de son fonctionnement aux idées de l'enseigne ent
supérieur français, on
assistera en son sein à l'émergence' des idées bo
geoises, individualistes.Lors-qU·"o'n .examine les structures que nous venons
e
présenter plus haut, on voit qu'elles ont été conçues d'abord en fonction
'un
système qui les
précédait et qui les déterminait, en vue d'une finalité p 0'-
pre. Ces structures apparaissent comme un,instrument de réduction quantita ive
de toùs ceux qui souhaitent prolonger leurs études.
-4-. Une ivoirisation assez difficile
La
eur des di lômes au rabai •
Après une décennie, l'Université d'Abidjan et les Grandes Ecoles enré is-
1
traient un nombre assez restreint d'enseignants ivoiriens : il n'y avait a 1
cun africain parmi le~ professeurs. Huit maîtres de conférences, un chargé ~'en
seignement, neuf maîtres-assistants et vingt asssistants étaient de nation ~ité
ivoirienne. Sur les 189 enseignants que rassemblait seulement l'Université
146
étaient des Français. Toutefois, l'établissement le plus ivoirisé était la
a--
éulté de médecine dont le quart des enseignants était constitué par des na ~o­
naux (1).
(1) Revue Française d'Etudes politiques Africaines, op. cit. page 45.

\\.
'1
-336-
L'idée de pourvoir la Côte d'Ivoire de professeurs très compétents,
tarda l'ivoirisation de l'Université d'Abidjan et des Grandes Ecoles. Le
res-
ponsables politiques voulaient des enseignants ivoiriens capables d'assum
va-
lablement des responsabilités et de prendre les initiatives qui s'imPosent~
Non seulement nantis des diplômes universitaires, il leur faudra posséder, en
outre, un certain 'nombre de qualités parmi lesquelles l'esprit d'innovat ,n
et le sens pédagogique. Posséder l'esprit d'innovation, cela signifie être ca-
pable de s'adapter à la société ivoirienne en pleine mutation, d'inventer
u
sein d, l'Université des rôles nouveaux compatibles avec l'esprit du capit lis-
me libéral et de trouver des solutions à des problèmes à la fois complexes let
concre ;s. Quant au sens pédagogique, il s'impose compte tenu de la spécifi ité
de la fonction enseignante. L'enseignant du supérieur devrait donc jouer
rôle éducatif important, consistant non seulement à transmettre et démulti lier
le savoir acquis, mais également à former et à préparer aux responsabilité
les étudiants, de façon qu'ils se situent mieux un jour dans leur milieu p 0-
fessionnel!' (1).
Ce profil de l'enseignant du supérieur idéal demeurera un
voeu pieUx 8.i
l 'on ne met pas .,fin
aux
moyens de bord. La formation dès cadres supérie
est une oeuvre de longue haleine. En accédant à l'Indépendance, la Côte
oi~
re s'est trouvée comme les autres pays africains,dans tous les domaines
tous les niveaux, confrontée à l'effroyable sous-développement de l'éducat
n
et de l'enseignement. L'orientation trop sélective de l'enséignement colon
l
avait divisé le pays en deux groupes : ceux qui savent lire et écrire et q
peuvent, grâce à l'instruction reçue, se faire une situation en aidant 1'0
u-
par~ à gérer les affaires du pays, et ceux qui n'ont aucune ressource inte
ec-
tuelle, en dehors de la tradition millénaire, pour améliorer leurs conditi
s
d'existence. En rendant difficiles les conditions d'entrée à l'Université
ur
enseigner, la nouvelle administration mise en place après la colonisation
n-
force le déséquilibre qui rend compte en partie aujourd'hui de l'inégalité
e
chance entre les enseignants expatriés et les enseigaants nationauxpour ac
à l'Enseignement supérieur. Cette anomalie illustre bel et bien l'un des a
pects de l'époque coleniale.
En retardant la formation ou ,l'utilisation des nationaux en place sus
tibles de prendre en main l'organisation intégrale de l'Université, cela c
tribue à l'amplification de la dépendance sur tous les plans. Accorder don
la priorité dès le départ à la formation rapide des enseignants n~tionaux,
c'est stopper en partie le développement du sous-développement dans lames

(1) Cf. Discours du Président Houphouêt-Boigny dans : " Le Président Houph
Boigny et la Nation Ivoirienne ,"p. 73.

-337-
la présence nombreuse des enseignants ivoiriens au sein de l'Enseignemen
su-
périeur apparaît comme un impératif primordial. Il s'agit de donner à l'
i-
versité les moyens de produire le plus possible de cadres sans trop nUir,!au
niveau des diplômes. Certes l'effort de f~rmation à tous les niveaux -par
permettre l'émergence des cadres nationaux est en grande partie a~ crédi
de
\\
nombreux coopérants étrangers. Mais en matière de progrès ou d'évolution, il
faut avant tout compter sur soi-même, s'aider d'abord au lieu de compter
ur
l'aide extérieure.
Le tableau de la page suivante montre que 20 ans après l'Indépendanc
l'ivoirisation des enseignants du supérieur est loin d'être effective. S'
,68 enseignants, on note 310 Ivoiriens et 258 étrangers, ce qui donne res-ec-
tivement 54,5 % et 45,5 %.

-----..
_,.-~~__..._r-.-.r.- ..----- '-~-~~-=1
MM~IIT
1
Personnel Enseignant par Grades et Nationalités
Année 1980/81
~ Professeurs MaîtresdeConférence Maîtres-Assistants Assistants
Total
.
National ités
Facultés
I~oirien5 Etra~gers
Total
Ivoiriens Etrangers
Total
Ivoiriens Etrangers
Total
Ivoiriens Etrangers
Total
Ivoiriens Etrangers
Total
,
Droi t
-
4
4
2
-
2
3
3
6
32
19
51
37
26
63
.,
Sciences Economiques
-
5
5
3
1
4
3
4
7
18
37
55
24
47
71
Lettres
3
4
7
4
5
9
43
19
62
22
24
46
72
52
124

Q)
n
Sciences
11
5
16
11
8.
19
n
39
29
68
14
39
53
75
81
156

Médecine
17
12
29
16
6
22
-
4
4
58
18
76
91
40
131
Odonto-Stomatolo9 ie
-
-
-
-
-
-
1
-
1
3
4
7
4
4
8
Pharmacie
-
1
1
-
-
-
2
2
4
5
4
9
7
8
15
TOTAL
31
31
62
36
20
56
91
61
152
152
145
297
310
258
568
Remarques
-
Les enseignements dans les Instituts spécialisés (CIERPA, CEFEE· et Criminolc gie) sont assurés par des Enseignants rattachés aux diverses Facultés.
-
Parmi les enseignants "étrangers", 33 sont ressortissânts d'autres pays africains (2 Martres de Conférence. 7 Maîtres-Assistants .et 24 Assista!ltsl
-
Ne sont pas pris en compte dans ces statistiques les Lecteurs et_le~nseignants~détaehés~du~Secondairé~(18
en.DrOï~8 en Lettres, 7 en Sciences Economiques,
..
2~en~Sciences~et-1~enPllarmacie).
.
~n'l"""'O
0
o ........... - ...... --

-339-
-5-. Les Rendements
internes-
Depuis sa création, l'Enseignenent Supérieur n'a pas encore d'une
iè-
re générale joué suffisamment le rôle qu'on attendait de lui. L'Universit
par
exemple aurait p~~~ermettre aux étudi~ts de"p~~nir à la'!1D"4ucycle
4an
nées dans un delai maximum de 6 années, et leur avoir assuré une instruct on
très élevée leur permettànt de s'insérer dans la société ivoirienne.
Or,à cause
des nombreux abandons et surtout redoublements en cours· 'étu
des, un
nombre
important
d'étudiants ne parvient pas au terme du c cIe
de 4 ans, ou bien occupe trop longtemps les places qui devraient être ch ,ue
année
offertes à des étudiants nouveaux ou promus.
Une étude récente de M. Cuvier (1) a montré que le rendement appare
de
l'Université d'Abid~an se situait à 12% en 1974. Il faut admettre en prem ère
année 8 étudiants si l'on veut obtenir l
étudiant en maîtrise après 4 ann1es
d'études. Mais pour un étudiant en licence, ce taux de rendement avoisine
23 %. Par ailleurs, le Recteur Valy Diarrassouba précisait comme suit : " e
taux-global de succès aux examens (rapport du nombre d'admis sur l'effect f de
étu~iants ~~i se sont réellement présentés à l'examen) est de 55% en 197
mais le taux le plus élevé est celui de la Faculté de Médecine (79%) et
plu
faible, celui de la Faculté des Lettres (47 %)~.;Par ailleurs, en Médec' e la
sélection est assez sévère en
première année de sorte que, par la suite, les
taux de succès sont plus importants. C'est ainsi qu'en 1978, le taux de
,ccès
pour la première année de ~édecine (P.C.E.M. 2)a été de 98%(119 admis sur
21
présentés). En revanche, pour la faculté des L~ttres, le taux de succès e
pre
mière année (D.U.E.L. 1) ne diffère pas trop de celui de la deuxième ann
(D.U.E.L. 2). Les taux sont respectivement de 58,4 % et de 54,8 %. (2).
Quant à la durée moyenne effective des études, le même auteur appor
plu
de précisions pour compléter les remarques de M. Cuvier: "La durée effe
ive,
tota~sée par les étudiants diplômés en 1978,pour une licence de Lettres ,u de
Sciences dont la durée normale
est de trois ans, est respectivement de
75 e
4,13 années soit une prolongation de cette durée normale de l'ordre de 25 %
pour les Lettres et 28 % pour les Sciences. Pour la maîtrise d'économie
cel
le de droit, dont la durée normale est de quatre années, la durée effect've a
l
(1) M. CUVIER, auteur cité par le Recteur Valy DIARRASSOUBA. P. 175..
~2) Valy DIA~BASSOUBA.:,L'Université Ivoirienne et le Développement de l "Na-
tl0n. Les Nouvelles Edltl0ns Africaines, 1979,
page 176.

-340-
été en moyenne respectivement de 4,52 et de 4,88 années Boit une prolo
atiol
de 1) % pour les Sciences Economiques et 22 % pour le Droit. En revanch ~pow
la Kédecine, au lieu de sept années d'études, les diplôm's de 1978 avai ' t te
talisé 9,56 années en moyenne soit une prolongation de )6 ~ par rapport a la
normale "(1).
Comme on peut le constater
les résultats sont ici généralement
~ais depuis 1980, on assiste à une amélioration lègère des rendements
de l'Université. Le tablecu dela page suivante présente des résultats
confortan~s qu'autrefois.
Bien que le plan prévoit en général un accroissement sensible du
ce~
tage d'étudiants se consacrant à des études scientifiques et techniques, les
taux
chez
les littéraires augmentent dE façon non négligeable.
En général, l'évolution des résultats en Université par faculté ne
eut
guère satisfaire si l'on tient compte des besoins
urgents en cadres de
'éco
mie du pays. Les besoins de formation, voire
les prévisions de sortie so,t en
inédéquation avec le nombre des étudiants qui résssissent dans les facul és
après avoir subi atrocement les lois de la sélection.
-Evolution de la ré artition des Etudaints Ivoiriens
ar Pacu
té depuis 1970 à 1979.
Facultés
1970-71
1975-76
197 -79
-Lettres et Sciences Humaines
3~
1 507
2
84
~Droit
~3
l 187
2
65
-Sciences Economiques
241
703
l
50
-Sciences
246
733
l
80
-Médecine
175
498
50
-Sources: Valys D1ARRASSOUBA, op. cit. page 176.
Cette évolution semble ~tre très importante si l'on veut obtenir le maxi
mum de cadres dans les prochaines années. Malheureusement les abandons e 1 dé-
~
(1) Valys DIARRASSOUBA, op. cit. page 176.
'~

-,-
M"nee IlfllUl Il 1
,
Résultats
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Jvoir. 1voirien~
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Jvoir.
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1er cycle
111 A
475
400
45,6
~fi
431
68,9
2BO
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41,6
487
422
SO,8
Il
2° A
304
237
37,9
3fil
2~
70,8
211.,
177
47,1
453
392
63,4
li cence
225
189
78,1
3~
21,0
81,9
21f,
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373
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Maîtrise
160
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-
Ivoi r.
ciriens
1er cycle - peEM 1
150
132
79,5
1er année
13
12
0,8
Il
- peEM 2
155
12]
85,B
2èrn~ anné~
11.,
12
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2° cycle - DerH 1
120
101
79,5
3èm' annf~'
9
9
1. ,3
Il
DŒM 2
BI.,
58
Be,3
4ème année
9
9
1 ,0
Il
DCEI-. 3
116
97
94 ,2
CIERP~
Il
DCE~, 4
65
53
70,7
]ère année
B
B
1 0,0
3° Cycle - Doet. D'Etat
38
29
100,0
2èrr>e année
5
5
,5
CPHUNOLOGI
roJt\\10 -STOMATOLOGIE
lere année
30
26
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dont
% Alp
Aclrr:i s
Jvoir. Ivoiriens
2èm:: ê:ïné:-
12
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PCEM 1 dentaire
21
21
60,0
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1
2ème année
27
22
75,9
Admis
% t P/prés
lere année : Diplôme Universitaire
34
,5
3èrue année
16
12
lCO,O
de Français Parlé - 0 Ur P -
2° année: Diplôme Pratique de
29
,1.,
langue Française - DP L F -
3° année: Diplôme d'Etudes
48
,7
Françqises - D [ F -
s :>urce ,. Statistiques, op. cit. p. 78.
4° année : Diplô~f Supérieur
1,1
d'Etudes Françaises - D S [ F -
~.9
1
'1
'\\
!
5° année : Diplôm~ pour l'ensëi9n. du
7
7 '7
, '
Français - Langue rtrangère - D r F L r
i
i
i
i
1
J
i~
li
1

-J42 ..
perditions enr~yent tous les espoirs escomptés. Entre-temps,les données
~a­
tistiques avancent le nombre de qualifications professionnelles que devr
atteindre la c~te d'Ivoire au cours des années pour échapper en partie al SOUf
développement. D'ailleurs. il y a une décennie que les besoins du pays el
mains-d'oeuvre avaient été publiés. Les deux tableaux ci-dessous en donnE lt
l
une certaine idée :
-Besoins en mains-d'oeuvre de l'économie ivoirienne Dour les ennE. S
1976-1985. (1)
-Nive&u de qualification
Secteur privé
Secteur public
et
semi public
1976-1980
1981-1985
1976-80 1981- 5
-Cadres et Techniciens
4 915
5 766
7 448
8 56 .
-MAîtrise
7 980
9 137
5 897
6 78
-Emplois qualifiés
18 973
21 306
8 357
9 61
-Autres
70 462
78 870
7 219
8 29 .
-Total
102 330
115 079
28 921
33 25
-Besoins en cadres de l'économie i voir~ enne.
(1)
-Professions
1976-1980
1981-1985
1\\
li'
-1 -Agricul ture
384.
553
It
[
-2-Bâtiments et travaux publics
361
398
,
t
-3-Métaux, mécanique
351
261
i
-4-Transports
28
30
1
-5-Autres professions techniques
322
355
1\\
-6-AdmL~istration. Economie
1671
2 341
1
1
-7-Commerce
1 008
1 410
-8-se..nté
867
1 884
-9-Enseignements littéraires
2 219
4 629
-10-Enseignement scient. Rech.
2 324
5 416
-II-Autres
93
147
Total
.
,
9 628 .
. 17 424
(r.) Sources: O.N.F.P.
: "Les besoins en m:=.in-d.'oeuvre de l'économie. Hypdhè-
se de base, vol 1 n. 1976.

-343-
En observant les deux tableaux de la page précédente, i l est permis
'a-
Ivancer que les besoins en cadres ne pourront ~tre satisfaits en 1985, ét
Î
donné le rythme assez lent de formation des étudiants à l'Université et
ns
G:~:~Bp::O:::~Ple,
l-
les
l'Ecole Normale Supérieure qui avait été officiel
ment déclarée établiBsement d'enseignement Bupérieur en 1969, piétine tou furB
à présent. Au départ, sor- but était la fornation rapide ~ratique des f Iturs
professeurs de l'enseignement général pour relayer l'Assistance technique
étrangère qui coûte très cher au pays. On a donc assisté depuis 1968-1969 f
l'augmentation de l'ensemble des effectifs d'étudiants à l'ENS: De 377 é r-
diants, cet effectif global est passé à 1049 en 1976-1977, l 267 en 1977-~ 978.
En 1978-1979, i l atteint 1876 étudiants. L:ais depuis 1981, ses effectifs c ~t
atteint un seuil qui dénote du
coup
la volonté des responsables po1itic es
d'accélérer le processus d'ivoirisation.
~a1gré l'amélioration des résultats en licence et en CAPES, les besoi s
en professeurs des Lycées et Collèges restent encore non satisfaits, surtc't
en ce qui concerne les disciplines scientifiques. Pendant ce temps, à l'Ecc e
Normale Supérieure, on continue à former plus de littéraires que de scient fi-
ques : Pour l'année Scolaire 1980/81, les chiffres
ont été les suivants:
Prcfesseurs de CEG et Certifiés.
Sections et
disciplines
l°année
2°année
3°année
4°a.:'......~ée
Tota
Ecole Normale
Lettres
711
615
210
1.53·
Supérieure
Sciences
403
276
42
72
2ème Section
Sous-total
1.114
891
252
2.25
Ecole Normale
Licence
CAPES
Supérieure
Lettres
257
303
53'
1ère Section
Sciences
130
58
18·
sous-total
357
361
Total 2° et 1° Sections
97~
2.
~
Sources
Enseignement et Formation en Côte d'Ivoire
Statistiques Année s-
colaire 1980-1981. page 72.

-J44-
S'il en est ainsi, on peut dire que le système éducatif semble être
ai-
ment inadapté à l'évolution du pays. Il est vrai qu'en dépit des restrict
ns
de toutes sortes les jeunes fréquentent de plus en plus longtemps l'Unive
ité
et les Grandes Ecoles. En outre, le nombre de diplômés a considérablement
ug-
menté depuis
plus de 20 ans. Et pourtant les responsables ivoiriens ne ce sent
de parler d'une pénurie de cadres ou de main-d'oeuvre qualifiée. Mais de
'oi
s'agit-il en réalité? pourrait-on objecter. La réponse, on la conna!t
c'est à la formation scientifique, technique et professionnelle qu'ils fo
souvent référence. Pourtant les centres supérieurs
d'enseignement technio,e et
commercial ont été créés,tel l'INSET par exemple. pour résoudre le problèm
de cette pénurie. Mais la réalité sera tout autre pour ainsi dire.
Cet institut avait pour vocation de former assez rapidement les ingé
nieurs dont l'absence entravait sérieusement le développement du pays.
en
1974, il regroupe d'une part les anciens départements de l'Institut de
0-
logie (I.U.T.) commerce, Chimie, Electro-mécanique, d'autre part deux Gran es
Ecoles: l'Ecole Supérieure
de Commerce d'Abidjan (E.S.C.A.) et l'Ecole K -
tionale Supérieure d'Ingénieurs (E.N.S.I.).
Ainsi l'I.N.S.E.T. fDrmeréellement des techniciens supérieurs au sein de
ses Instituts de technologie, qui,à présent,sont regroupés en deux catégorOes
celui de la technologie industrielle qui comporte trois sections (électro-.é-
caniq~e et chimie) et l'Institut de technologie tertiaire qui comporte éga e-
ment trois sections : Finances et comptabilité, Gestion et Co~erce, Touri me.
Quant aux deux Grandes Ecoles que comporte l'I.N.S.E.T., elle~ forment des in-
génieurs en cinq aILlées.
N5is les premières promotions sorties à partir de 1979-1980 ont prése té
des taux d'admission très bas dans chaque section de formation, ce qui ne
eut
guère surprendre quand on sait déjà qu'au niveau secondaire, c'est - a - d re
dans l'Enseignement technique et la Formation Professionnelle où l'on pass
généralement le B.T.S., le B.T., le C.A.P., les résultats aux examens n'on
jamais
été
fameux. Plus on va vers les diplômes les plus intéress~~ ~,
plus le pourcentage des admissions diminue. Depuis 1982, on enrégistremo
de
25 ~ d'admis parmi les candidats présentés aux différents examens.
"L'avenir appartient à la Science et à la Technique". C'est ce qu'aff" -
ment irùassablement les autorités politiques de la Côte d'Ivoire. Entre-te ~s,
~
les jeunes ne cessent depuis plus de cinq ans de se diriger vers les filiè ?s
techniques et scientifiques. Parallèlement,
la dévalorisation croissante

,! AnnEe Scolaire 1980IBI
INSTITUT IATlONAL SUPERIEUR [)[ L'EWS(IGNEIIlEHl TECHNI~
i
\\
1 (Instituts dt Technologie
( ••• ) dont lIles
AnnEe
1° A
2° A
T01JJ..
Préparatoire
Il
JI
In~ti tuts de
Finances comptabilitE
-
26
( 4)
24 ( 2)
50 (
Teihhnol og ie
Té1hiaire
&stioL commerciale
-
23 ( 7)
n ( 5)
45 (1 )
1
Chimie Industrielle
-
13
( -)
13
( 3)
26
(
Il
1ntitut de
1
Electronique
18 H
17
( 1)
8
43
(
1\\
Teehnologie
Maintenance Electromécanique
-
2S
( -)
13 ( -)
38
(
\\i11
Electrotechnique
23
(
-
-)
11
( -)
34
(
1
Ind 'stri'e JJe
Génie Mécanique
-
15
( -)
6
( -)
21
(
Il
Ins~itut Supérieur d'Informatique
-
30
( 2)
-
30
(
l
\\1
Total
1TT ~
III
~
ISI
lB
( -)
172
(il, )
97 (10)
287
(24)
II Ecoles Nationales Supérieures - ESCA et
ENSI~, -
i
1° A
2° A
3° A
4° A
5° fi
TOm.
1
[cofe Supérieure de Commerce
28
( 5)
25 (5)
14 (3]'"-
20 (4)
18 (2)
105 (1 )
II
- [ S ( I < -
EcO~~ Nat:cnale Supérieure
23
(-)
la (1 )
8 (-)
7 (-)
9 (-)
57 ( )
d'In1énieurs - f N S 1 A-
lOTJl Escr,
- El\\SI~
-
51
(5)
35 (6)
22 (3)
27 (4 )
27 (2)
162 (2 1
li
i
Il
ormation continJt :
~iplôrr.es d'Etudes Comptables Supérieures - D.CC.S. :
1
- Certificat d'Etudes Comptables
:
130 (-)
\\
- Certificat d'Etudes Economiques
:
38 (-)
- Certifi~at d'Etudes Juridiques
:
83 (-)
I!ettror::quc - Mécanique automobile
: 115 (-)
N.B. fORMATIONS SUPERIEURES ne dépendant pas de l'INSET
-
\\
Secrétariat de Direction (lycée Technique, CEPAV) : 316 (306)
~.1.S
,
Source z Statistiques, op. cit. page 79.
Il
1

~
[rbeiçrle,RèllC Téchmque ét Formation Pra! è'~lènflè;le
RESULTATS ';UX
EXAMENS
-SESSION 19BG-
Sections
inl!us tri elléS
Sections commérciale"
économiques et sociales
OiplÔlles
présentés
TOfAL
Public
Privé
C. libr~s
fotal
Pub lic
Pr j,é
C. 1ibres
Total
B.T .S.
Présentés
-
-
-
-
343
-
28
371
371
Bre~et dt Techni-
Admis
-
-
-
-
100
-
2
102
102
~
0\\
cien Supérieur
% Ad./Pr.
-
-
-
-
;~9, 2
-
7,1
27,5
27,5
(j)
tlO
al
0.
B.T
Présentés
2û7
6
13
226
420
-
20
'!
666
.
Bre~et de
Admis
169
6
4
17<)
23(,
-
3
l39
418
~
-ri
Technicien
% Ad./Pr.
81,6
100,0
30,8
79,2
56,2
-
15,0
5lt,3
62,8
()
.
1
0.
\\.0
..,.
o
r'\\
B.E.P.
Présentés
79
66
31
176
290
4.083
47'.
4.847
5.023
1
III
Bre~et dlEtudes
AdIlis
59
25
la
94
191
1.240
54
1.485
1.579
(j)
Professionnelles
%Ad./Pr.
74,7
37,9
32,3
53,4
65,9
3û,4
11,4
30,6
31,4
50
-ri
~
CIl
'ri
~
LII.P.
Présentés
148
24
22
1~4
95
1.471
65
1.631
1.825
al
~
Certificat d'Aptitude
Admis.
56
II
6
73
91
300
2
393
466
Cf.l
25,5
Professionnelle
%Ad/Pr.
37,8
45,8
27,3
37 ,6
95,8
20,4
3,1
l4,l
1
(j)
()
Préstntés
-
-
-
-
-
327
67
394
1
391.
~
101
o
Capacité
Admis.
-
-
-
-
-
gr:.
5
lOI
Cf.l
1
% Ad/Pr.
-
-
-
-
-
29,4
7,5
25,6
25,6
".B.
_ Le CPflI - Yopougon prépare aux Br~~ets Prvfe:>"ivnnels (B.P.) d'Ajl::.ta'Je, fra~5age et tournage : ~ur 25 cand~JJt.", pré~ent~~. 12 en. été aomis.
_ Les résultat::. au B.1ccalauréat sont présentés dans letableau cor'respondant de la page 70
~~~=====~~=~-"'-~'------.,--_.~-
...

diplômes littéraires n'a pas permis de recruter en masse les travailleur] "scl
entifiques ou techniques".
Cette contradiction s'explique facilement quand on comprend que ce
sor
pas les travailleurs qui sont insuffisamment formés dans les discipliness
tiques, mais les structures d'accueil
ou les emplois qui font défaut po
ceu
qui viennent de terminer leurs études à l'Université et dans les Grandes
cole
Pend~~t ce temps, à travers les discours des responsables ivoiriens, re-
viennent constamment les mots: épanouissement, réussite, ég~lité des ch
ces"
démocratisation, ivoirisation ... Mais si l'on regarde l'envers du décor,
·n a·,
perçoit la progra~ation de l'échec è l'Université et dans les Grandes Ec·les.
C'est ce que confirmen~d'ailleursles Centres d'enseignement Agricole et
l'Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie (E.N.S.A.).
Cette école forme les ingénieurs agronomes. Les étudiants préparent ,'a'-
bord pendant deux années à la Faculté des Sciences.le D.U.E.S. ,option Agr·no-
me. Ensuite, après une sélection très sévère, ils accèdent à un second cy le d
deux années conduisant au diplôme d'agronomie générale. Un troisième cycl
de
spéci~lisation
permet l'obtention du diplôme d'Ingénieur agronome après
ne
année d'étude. Enfin, il est possible de préparer un doctorat de spéciali é.
Former des ingénieurs&8rcnomesaurait dû être la préoccupation fond
en-
tale de tous les responsables de l'Education en Côte d'Ivoire si l'on se
ou-
vient que ce pays est agricole à 90%. Or depuis 1968, les recrutements à
'Eco-
le Nationale Supérieure d'Agronomie (E.N.S.A.) se font au peigne fin.
Le
a-
bleau de la page qui suit montre que la production de cette école est en
a-
déquation avec les besoins urgents du pays en cadres d~~s le secteur de 1 agri.
culture.
En freinant l'accès d'un grand nombre d'étudiants à l'E.K.S.A, tout
e
système éducatif en vigueur semble porter atteinte au progrès de l'agricu tu-
re même si autrefois celle-ci a connu le grand boom • On a pu parler ains
du
"miracle ivoirien".
~ul doute que le développement écono~ique appelle .nécessairement be~f.coUP
de cadres, en particulier les ingénieurs agronomes qui auront pour tâche
I~
mettre en valeur les terres dites arides. infertiles. Mais. le système du libé·
l,:
.~"
1

ria1isme économique préfère préserver les intérêts
de classe. Premiè
il programme les taux d'admission dans c~que ordre d'enseignement po
vegarder son profit. Deuxièmement, il maintient surtout dans l'enseign
ent
supérieur la structure inégalitaire de la société. L'ENSA, l'INSET et
1
[au-
tres Grandes Ecoles deviennent 1es"endroits"rares pour la majorité des . eune.
ivoiriens. On les considère comme des écoles "vraies et objectives" qui
~
perm,
tent &ux hommes de transformer efficacement la nature, ce qui signifie
;.1il
tement qu'elles sont la source du progrès social.
AUjourd'hui,tous les Ivoiriens ont presque
intériorisf l'idée qu~ c~~
écoles-idoles donnent pouvoir à ceux qui les fréquentent. On comprend
inteo
nant pourquoi leur accès est rendu difficile. Et de plus en plus, on co tir:Ut
È. les valoriser.
Ainsi, 1 'INSET dE- Yamoussol-:ro, la nouvelle Capi tale d~
é.
C~
te d'Ivoire,ne cesse de véhiculer l'idéologie des écoles dites "spécial
travaillent pour la science et la technique~ Telle est la formule typiq
~
sert aUjourd'hui d'alibi à l~ sélection des élèves et à la programmatio. à€~
échecs.

-349-
. ENSEIGNEMENT AGRICOLE
Ch-DRES A. EFFECTIFS ET PRODUCTION DE L'ECOLE
NATIONALE D'AGRONOMIE
(E. N. S. A.)
~COLARITE ET DIPLOMES
1968
1969
1970
1971
1972
1973
197·1
19 5
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
19 6
1
:1
'iENSA. Effectifs ivoiriens
J'
25
23
32
40
45
75
100
1 la
1
1 e année
[Fac. D. U. E. S.
e
{t
ann~e
5
15
12
18
22
26
40
5
1
2 e
3
annee
la
4
12
la
16
20
23
5
t
,n ern. ENSA
.
Il
4 e année
12
13
7
13
13
17
23
8
ill
.
DIPLOME AGRO. GENERALE
9
la
6
la
la
14
18
3
~lle année, spécialisation
- en Côte d'Ivoire ...•.
6
la
la
14
8
a
e ranger ••.•.....
1
9
la
1
-
... l"t
1
:1
'
DIPLOME E. N. S. A.
9
10
6
la
la
14
8
:11
-
e
6
année, spécialisation
- à l'étranger. ~ .'
.
2
3
3
4
5
7
i
1
.
-"S1:E. CTION SPECIA~E
1
2.ill1<2 e
I l
I l
I l
I l
e
Il
2 . année
I l
I l
11
1
1
1\\
S!ECTION TECHNIQUE
"1 .
1 e anné.e
20
20
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i
2 ê
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annee
19
19
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~
3
armée
18
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,
L1:
2,nnee
1
:TIN"GENIEURS EN FORIV.LATIüN
tOIfPLETE A L'ETRANGER
15
15
15
15
Il
Il ~ource
: Programme de développement de l'éducation et de la formation, op. ci •
ra 100.
. .. /' ..
1
',1

-350-
-.6-. InadaptatiQn- Renfo~cement de la.dépendanee_ et difficultés
re
pleinement auX aspirations des masses
Il semble que jusqu'à présent, la vraie mission de l'Enseignement Su '-
rieur n'a pas encore été clairement définie. Dans un pays en
p-
pement comme la Côte d'Ivoire, l'Enseignement Supérieur doit se détacher
s
modèles trop occidentalisés. En effet, la nécessité d'accomplir
e
de développement économique national a conduit le pays à la formation pro
am-
mée des cadres. Le rôle de ceux-ci était ainsi: permettre au pays
assez 'rapidement les difficultés de son développement économique.
la
recherche universitaire devait constituer l'un des moyens efficaces pour'
. e~~
les abordér. Or cette recherche reste toujours "pure, sans visée à priori
sanl
but utilitaire, une ,'recherche libre, destinée à former les esprits, à ap
00;.
fondir et à enrichir les cOlUlaissances (1)". Même les recherches effectué
pal
les instituts de recherches spécialisés échappent rarement à '.ees"remarql1e
Comment s'org;anise donc la recherche à l'Université et dans les gran
s
Ecoles ?
Tout d'abord, il a été créé des organismes en relation avec les dépa
e-
ments d'enseig~ement.Ainsi, la Faculté des sciences présente différents l' o-
ratoires qui
sont utilisés
par des Instituts tels que le Centre Nation
de
Floristique (C.N.F.), l'Institut Universitaire d'Ecologie tropicale, etc.
Dans la Faculté de Médecine, est créé le Centre de coordination de l
Re-
cherche Médicale.'On en trouve pareillement
à
la Faculté des Lettres e
des
Sciences Humaines, à la Faculté des Sciences Econorn~ques.
En dehors des organes de coordination, il existe au niveau de l'Univ
si-
té une certaine coordination qui_est réali5é~ par le Centre Universitaire
e
Recherche de développement (C.U.R.D.). Il s'occupe des instituts en relat on
avec la Faculté des Lettres.Mais
présentement, la coordination est assur'e
par le Conseil de la Recherche Upiv~rsitaire au sein duquel siègent tous
es
Directeurs d'Instituts et les représentants des laboratoires de recherche (~).
L'analyse détaillée de tous les progra~es de recherches au sein de
'Unj
versité montre une variété de thèmes qui n'intéressent pas tou~ours les p 0-
blèmesfondamentaux de la Côte d'Ivoire, problèmes liés à son déve19Ppeme 'it.
(I) Valy Charles=nf..criRASSOUBA, op. ci t. page 77.
(2) Ibid. page 80

Certes"
au niveau des sciences naturelles par exemple, l'enseigneme
et
la recherche sont centrés spécialement
sur la Côte d'Ivoire et l'Afriqu
en
général. D'ailleurs, un diplôme universitaire d'études scientifiques "agr
omi~
ques" prépare les jeunes
à l'Ecole nationale supérieure d'agronomie. Un
ma!,
trise de physique industrielle, un diplôme
d'études
approfondies d'écol
ie
tropicale attestent par endroits que l'Enseignement Supérieur en Côte d'l [ire
manifeste le souci de délivrer des diplômes adaptés aux'beBoins de ce pay',
Ce n'est pas tout
: Car à l'école des lettres et des sciences humai es ,
on essaie a'ivoiriser
plus ou moins les programmes. La pensée africaine
la
littérature et la linguistique font l'objet d'Une étude sérieuse.Les prog
mes d'histoire et de géographie se libèrent progressivement de l'emprise
dentale. Désormais, on consacre une place de premierpl~ aux réalités iv
riennes. Ecoutons Alain Faujas, chef du service de la scolarité de l'Unive

"Chacun des instituts de recherche répond à une vocation particulièr~
se consacre aux réalités ivoiriennes. L'institut d'écologie tropicale ass
coordination des études écologiques et la formation de chercheurs. Ses
toires se penchent
sur l'écologie des insectes, l'écologie animale et h
la biocénotique expérimentale. La station de Lambo, en zone de savane,
l'institut un important terrain d'expériences. L'institut d'8thnosociolog_
ef·
fectue des recherches dans le domaine de la sociologie et dG l'anthropolo
L' insti tutd.è géographie tropicale est chargé de l'élaboration d'Ull atlas
la
'1
Côte d'Ivoire. L'institutd'histoire, d'art et d'archéologie africains rass
r
tous les chercheurs s'occupant de l'histoire ancie~~e et moderne de l'Afr
En 1970, deux chantiers archéologiques ont été ouverts à N'Gat y et à la
ie;
un inventaire précis des sites archéologiques potentiels a été établi et
me·
sures propres à leur conservation et ~ leur exploitation ont été
précisé
L'institut de la linguistique apyliquée étudie les langues négro-africain
et
participe à la définition d'mle pédagogie de l'enseignement du fra'nçais.
centre d'enseignement et de recherches audio-visuelles a mission de dével
l'enseignement des langues et d'élaborer de nouvelles méthodes pédagogiqu
Enfin, le sécrétariat général aux publications est chargé de l'édition de;
nales de l'Université, de son annuaire, du bulletin de liaison du centre
versitaire de recherches de développement et de la revue ivoirienne de
droit (1)".
Mais toutes ces structures de recherches contribuent à peine à résou 'Ire
l
bl'
, .
~
es pro
emes ep:Lneu...x du pays. Elles n'ont pas véritablement encore entam~i la
en.Alain Fa1;lja~ : "L'Université d'Abidjan", in
lltlques afrlcallles, nO 71, ~97I; p. 49.
française d'étUdl{ p.

-352-
mutation nécessitée par les changements multiples intervenus depuis l'acc s-
sion du pays à l'Indépendance.
Les types de recherches qui cnt lieu au sein de l'Université ont été pro-
grammés d'avance et s'orientent généralement vers le maintien du système
cono·
mique en place,
renforçant
les liens de dépendance avec l'ancienne "mét opo·
le". C'est ainsi que les départements et laboratoires de la Faculté des S ien-
ces et la plupart des instituts de recherches comme l'Institut Universita re
d'Ecologie Tropicale (I.U.E.T.) et l'Ecole Nationale Supérieure d'Agronom e
(E.N.S.A.) travaillent en collaboration avec l'Office français de la Rech rche
Scientifique et Technique Outre-Mer (O.R.S.T.O.M.).
Ces recherches s'occupent surtout de la connaissance du milieu physi
e
du pays. Il s'agit surtout de faire l'inventaire des ressources locales (
ments miniers,réserves
d'eau souterraine, patrimoine floristique et for
er) et de fournir les éléments
nécessaires à leur exploitation par les
'nds
capitalistes ou les sociétés étrangères.
La comlaissance du milieu biologique végétal et animal intéresse par
cu-
lièrement les obj3ctifs du Plan en matière de recherches sur les possibil
és
du tourisme en CSte d'Ivoire, ce qui pourrait favoriser l'entrée massive
s
bourgeois et des dévises dans le pays.
D'aileurs, les autorités de l'Université d'Abidjan sont fières de re
voir l'aide des organismes internationaux: "L'intérêt primordial de ces
cherches, déclare l'ancien Recteur, de portée mondiale,conduites pGr
ul-
té des Sciences leur vaut l'appui scientifique des plus grands spécialist
1
mondiaux (1)". On comprend pourquoi depuis 1980, plus de
chercheurs du Laboratoire de Physique de l'atmosphère de la Faculté des S
en-
ces sont·en,liaison étroite avec les organismes étrangers et travaillent
r
le développement de tec~~iques de modification du climat et des précipita
ons
provoquées.
Les études de botanique, d'agronomie, de technologie appliquée, entr
ri-
ses par l'E.N.S.Afournissent des informations intéressantes qui profitent
ux
riches Ivoiriens, propriétaires des champs de plantation (hévéa, soja, ni
pois carré, etc •••
L'E.N.S.A a la responsabilité de quatre opérations ayant trait à,l'
1
(1) Valy Charles DIARRASSOUBA, op. cit. p. 85.
.i
'1;·.·.·
~ [,
~
~1

353-
ration des techniques de production et des variétés de légumineuses alim
taires, à la protection des cultures, à l'accroissement des productions
à
l'amélioration de la qualité des produits grâce à une lutte efficace con
e le
adventices.
L'E.N.S.A s'intéresse à l'étude c6mparative des matériels et de leur
de
d'utilisation, à l'étude des contraintes agronomiques liées aux modes de
ra-
vail du sol.
COITLme le précise bien le Recteur, Il l'action de l'E.N.S.A. dans ce
mai-
ne concerne plus particulièrement l'inventaire des exploitations mécanisé s et
l'étude des systèmes de production où entre la modernisation. Toutes ces
péra
tions sont du plus grand intérêt
pour les sociétés du développement agri ole
qui en attendent des enseignements précieux sur l'adaptation de technique
aux
cultures pluviales dans le cadres des différents agrosystèmes (1)".
Ces sociétés
de développement agricole ont des ramifications avec
'ex-
térieur. Elles travaillent souvent pour le compte des grandes compagnies °nter
nationales. Jusqu'à présent elles ne cessent d'être les supports financie s de
l'Université et des Grandes Ecoles.
En effet, lés efforts du Ministère de la Recherche Scientifique en C te
d'Ivoire ne suffisent pas pour rédyn~~iser les Instituts de recherche. Ce tes,
l'évolution de la masse budgétaire mise à la disposition de l'Université
our
ses activités de recherche par le Ministère de la Recherche Scientifique
tau
jours été croissante. D'après les rapports de la cellule de gestion des c 'ditl
la
subvention
a
évolué comme suit (en millions CFA)
:
1972
I973
Iill.
1975
1976
U11.
1978
4
26,2
TIl
154,9
157,3
321,6
430,6
,
En dépit de cette croissance, l'Université est obligée de faire appe
é.
l'extérieur pour soutenir l'effort de reche~ches. C'est ainsi que le C.R.
U.
a signé des conventions avec les organismes étrangers tels que les Nations
nie;
et le P.N.U~D. et avec l'O.N.P.R. intéressé par ses recherches sur l'arch
ec-
ture traditionnelle.
'1
Le C.I.R.E.S. est subentionné par la Fondation Ford, par l'A.I.D. et +a
C.D.E.A.O •• tandis que l'I.E.S. par l'O.N.P.R., la Banque Mondiale. Quant
aux
(1) Valys Charles DIARRASSOUBA, op. cita page 93.

-354-
chercheurs en sciences médicales et pharmacologiques, ils reçoivent les c é-
dits de la part du C.N.R.S. français.
D'après les différents rapports toutes ces aides qui proviennent des
r-
ganismes internationaux représentaient 23 % du budget de la recherche de
semble des Instituts en 1976, et 42 % en 1977. Aujourd'hui, avec l'évo1ut
n
de l'Enseignement Supérieur en Côte d'Ivoire, la dépend~~ce à l'égard des
i-
nancements extérieurs s'est accrue. Les apports extérieurs atteignent
ma
te-
nant 48% du budget.
Presque tous les instituts sont liés aux organismes étrangers qui so t à
vrai dire ~es véritables utilisateurs et profiteurs. Et de plus en plus P
renforcer la dépendance des instituts de recherche, les autorités de l'Un" ver-
sité ont souhaité une "internationalisation plus importante du financemen
des
recherches conformément aux objectifs de Plan quinquennal 1976-1980 qui p é-
voit dans les cadres du développement de la coopération internationale,
e
diversification des partenaires et modalités d'aide extérieure en matière de
recherche.
Pour le moment, les apports extérieurs s'imposent de plus en plus.
'est
ainsi que l'Université d'Abidjan, les Grandes Ecoles et le Ministère de 1
Re-
cherche travaillent avec plusieurs chercheurs étrangers. Par exemple le C R.A.'
a signé des conventions avec des organismes tels que les Nations-Unies et le
P.N.U.D., et avec l'O.N.F.R. intéressé par ses recherches sur l'architect
e
traditionnelle - le C X.R.E.S. reçoit des subventions de la Pondation Por , de
l'A.I.D. et de la C.E.D.E.A.O., et l'I.E.S. de l'O.N.P.R., de la Banque M ndi-
ale et encore des Naions-unies. Les chercheurs du C.H.U. bénéficient de c édit
de l'I.N.E.R.M. et du C.N.R.S. français CI).
Tous ces apports extérieurs constituent les facteurs qui exp1iquen l
la dépendance dans laquelle se trouve la Côte d'Ivoire dans la recherche
e
l'élevation du niveau intellectuel de ses citoyens. Le développement de s s
instituts dépend étroitement des subventions des pays métropolitains qui
nt
exclusivement les pouvoirs de décisions sur l'orientation de toutes
les
re-
cherches.
On comprend maintenant pourquoi la plupart des programmes de rech rche
sont entièrement sous la responsabilité des chercheurs étrangers pour perm t-
tre - dit-on - une meilleure gestion des crédits accordés aux instituts d
re.,
~
(1) Valy Charles DIARRASSOUBA, op. cit. pages 32 suiv.
1\\1

-355-
cherche. Comme toujours, ces chercheurs s'imposent pour déterminer
vement la politique à suivre en matière de recherche. Cette situation va
prolonger tant que les responsables de l'Université et des Grandes Ecoles
se soucieront pas de résoudre les diffioultés rencontrées dans le fonctio
ment général de ces établissements, difficultés dues surtout à l'insuffis
de chercheurs et de techniciens ivoiriens de laboratoire, au manque de
à l'instabilité même du personnel expatrié, au problème de recrutement
la
pénurie de candidats qualifiés.
Il convient de résoudre rapidement ces problèmes qui entravent
marche de l'Enseignement supérieur avec toutes' ses
structures de
C'est dire que des réformes doivent être effectuées en son sein dans
d'une meilleufe réorganisation de son fonctionnement en vue
de la
des spécialistes ivoiriens pour l'économie na;tionale. Cette formation s'av
e
nécessaire et urgente pour mettre fin au pillage impérialiste, au pompage
s
ressources naturelles et à la monstrueuse exploitation de la population iv
rienne qui attend toujours vainement de profiter des résultats bénéfiques
s
recherches effectuées dans les nombreux instituts de l'Enseignement supéri
r.
L'histoire nous donne suffisamment d'exemples de pays qui se sont he
és
à de très sérieuses difficultés pour n'avoir pas su utilis~r les forces in
1-
lectuelles endogènes pour relever le niveau de vie de leurs populations. L
prie
se en charge effective par les nationaux de toutes les structures de reche
atténue la dépendance et accélère rapidement l'essor des forces productive
L'avenir du développement des recherches dans l'enseignement supérieu
dé-
pend surtout de la mesure àans laquelle les responsables ivoiriens sauront
imi·
ter les financements extérieurs et y assurer la consolidation des position
chercheurs ivoiriens. Cette indication constitue un critère décisif pour d
ner la voie d'un "développement moins capitaliste" de l'Université et des
des Ecoles. Le temps est maintenant venu d'une décision énergique. Elle ne
vrait pas présenter plus de difficultés que l'accélération de la concertat
entre les différents instituts de recherche, la création d'une politique c
ne en matière de recherche.
La désintégration permanente au sein des différentes facultés et des
des Ecoles aggrave le problème àe l'inadaptation de l'Enseignement
aux réalités nationales. Devant une telle situation, les responsables
n'ont pas encore renoncé à se cantonner dans la méthode du "suivisme" qui
ge tout le pays à attendre que les pays nantis apportent leur aide considéée 8

-356-
tort ou à raison comme des plus indispensables. ce qui aggrave les problè
s
assez divers à l'intérieur de tout l'enseignement supérieur.
Depuis 1975, on a commencé à constater une certaine disparité entre
Unie
versité et le marché du travail. Le gonflement des inscriptions, imputabl
à
des facteurs démographiques, scolaires, sociaux et politiques a obligé le
res~.
ponsables/de l'éducation à prendre des mesures quelque peu contraignantes. La
politique de la démocratisation de l'enseignement supérieur ou mieux de l
ft por
te ouverte" par laquelle ils tâchaient de s'adapter à la demande sociale
cru~
exprimée
par le nombre d'élèves sortant de l'enseignement secondaire,
con~
nu des difficultés innombrables. Rien ne sera donc fait pour synchroniser
e
flux scolaire avec les possibilités du marché,
Et pour remédier à cette situation,
on a eu tendance à limiter l'ac
s à
certaines facultés: médecine, droit, sciences économique~, etc. Les mesu
s
ont été prises pour chercher à canaliser en vain et à répartir de façon e
i-
cace le flux scolaire.
Il n'est pas inutile d'examiner dans quel contexte apparaît la dispa

entre université et marché du travail, et les mécanismes qui la commandent
pour étudier s'il est possible d'instaurer,une pol tique rationnelle de ré
la-
tion des inscriptions.
En effet, le tableau de la page34ü montre l'évolution des inscriptio
de
1970 à 1979. On peut constater que les inscriptions ont plus que tripler
n-
dant la décennie considérée,
Par ailleurs, on constate l'~~portance croissante du secteur des dise pli-
nes classiques(sciences humaines) et du droit et des sciences sociales, ai si
que la faiblesse des disciplines scientifiques.
Les progrès des inscriptions féminines ont été très significatifs:
g_
mentation
de 35 % contre 15 % pour les étudiants de l'autre sexe. Si en 19&0
il Y avait IOfemmes pour 100 étudiants, en 1980, ce chiffre
atteint35. La ten·
dance laisse entrevoir une proportion de 45 % en l'an 2000.
Quoi qu'il en soit, rappelons que depuis I5 ans, le total des jeunes f'llle:
inscrites à l'Universitaire représente 10%" en moyenne de l'ensemble des in -
cri ts. On le!? retrouve dans toutes les facultés et au niveau des discinlin!ts
.
-
dites scientifiques, elles occupent une place de choix depuis 1980 :

")57-
Année 1980/81
UNIVERSITE D'ABIDJAN
EFFECTIFS PAR FACULTES ET
INSTITUTS
Nombre d'étudiants par sexe et nationalités (1)
Ivoi riens
Afric. non Ivoir
Non Africains
TOTAL
G
F
T
G
F
T
G
F
T
G
F
T
1
,
1. Faculté de Droit *
1858
448
2306
289
88
377
15
31
46
2162
567
27i9
2. Fac. Sciences Economiques
1396
193
1589
396
84
480
19
13
32
1811
290
2101
3. ,Fac. lettres et Sc. Hum.
2339
659
2998
335
76
411
29
67
96
2703
802
3505
4.
C.I .E.R.P. A.
13
4
17
1
-
1
-
-
-
14
4
18
5.
C.U.E.F.
18
2
20
88
81
169
5
35
40
111
118
229
6. Fac. de Sciences
1354
125
1479
259
34
293
26
29
55
1639
188
1827
1
}. Fac. de Médecine **
691
202
893
66
26
92
54
47
101
1
811
275
1086
1
8. 'Inst. Odontcr-Stomato. -
45
33
78
-
1
1
8
1
9
53
35
88
9. Ecole de Pharmacie
49
33
82
2
1
3
1
2
3
52
36
88
10"jlnst. Criminologie
99
4
103
21
3
24
-
-
-
1iO
7
127
!TOTAL
7862
1703
9565
1457
394
1851
157
23
382
9476
232?
11798
* Non compris les personnes inscrites en Capacité en Droit (783) et au CUFOP - Centre Un1versitaire de Formation Permanente
(261)
** ,les étudiants en 10 année d'Odontcr-Stomatologie ne sont pas comptés en Médecine mais en T.O.S.
(1) ~EMARQUE
: Ce tableau indique le nombre réel d'étudiants et non celui des formations djspensŒ~ comme dans les tableaux sui ants.
Les différences dans les totaux proviennent de doubles ou multiples inscriptions.
1.
FACULTE DE OROIT
Capacite
10 A
2° A
licence
Maîtrise
CAPA *
TOTAL
en droit
Etudiants
G
B04
554
216
217
176
1967
715
Ivoiriens
F
203
136
41
57
41
478
13
-T
1007
690
zr'
'JI
271,.
217
2'"45
ï28
Total toutes
G
917
664
262
250
198
2291
766
Nationalités
F
253
182
50
66
51
602
17
T
1170
846
312
315
249
2893
783
* CAPA : Certificat d'Aptitude à la profession d'Avocat
;
2.
FAUCLTE DES SCIENCES ECONOMIQUES
10 A
2~ A
licence
Maîtrise
D.E.A.
Doctorat
TOTAL
3° Cvcle
ttudiants
G
593
336
276
175
13
2
1395
( voiriens
F
83
60
?fi
23
1
-
193
,
T
676
3%
302
198
14
2
1588
1
,
,
1
Total toutes
G
726
452
380
231
16
5
1810
lationali tés
F
123
86
44
34
2
1
290
1
T
849
538
424
265
18
6
2100
1
,1
-Source : Statistiques, op. cit. page 73.
'i
Il

-358-
-Pharmacie
45,5 %
Odonto
41,17 ']t,
Médecine
25,20 %
Sciences
o %.
Les difficultés de l'Enseignement supérieur sont probablement renfor ées
par le développement rapide de l'enseignement secondaire, à tel point que le
taux de diplômés de l'enseignement supérieur augmente à l'avenant. La pro or-
tion de jeunes de 24 à 25 ans qui terminent actuellement leurs études sup
i-
eures est de 10 % environ ; elle passera selon les estimations à 15 % en
Cette progression entraînera également des transformations dans la struct
système éduc~tif. Si en 1960
les inscriptions au niveau supérieur réprés
taient seulement 1,2 % du total des effectifs et si elles représentent au our-
d'hui 5 % de ce même total, elles atteindront plus de 12 % en l'an 2000.
Ces modifications de la structure du système éducatif se retrouveron , am,
plifiées, sur le pl~~ financier, chaque place occupée dans l'enseignement
upé'
rieur coûtant bien plus cher que dans l'enseign~ment primaire ou secondai
.L~
financement de l'instruction deviendra également une charge de plus en pl
lourde, car la jeunesse ën raison de sa soif d'instruction fait que la
or-
tion de scolarisés est gonflée par rapport à la population économiquement
c-
tive.
Il semble actuellement difficile d'aller à l'encontre de la démocrat'
sation des .entrées.et de réguler celles-ci en fonction des besoins du mar
travail. Mais depuis Octobre 1984, les responsables ivoiriens ont limité] 'oc-
troi des bourses et seuls auront désormais des bourses, les étudiants issl
de familles pauvres. Ils veulent ainsi modifier le principe de la gratuit~
l'instruction. Mais ils n'osent pas construire une autre université à l ' i
rieur alors que d!wlllée en année, les effectifs s'accroissent
a un rythm
céléré. Cette situation est toujours source de dysfonctionnement et d'agg
tion
des tensions. L'Université d'Abidjan avec les Grandes Ecoles urbain
se
trouv.e·d.a.nsl:.'o.bligati-onséTbmse de satisfaire à peine la demande social
ducation et de formation,ce qui·se tra.duit
par une baisse des niveaux, acc
pa-
gnée
d'une
augmentation des abandons et des frustrations concernant t
les aspirations de l 'université à l'excellence que les espérances d' épano
ment personnel des étudiants.
Ainsi apparaît une contradiction entre deux impératifs : d'une part
dre à la demande des masses importantes et, d'autre part, préserver la qu
des études dans un cadre qui connaît de nombreuses difficultés matérielles.

"
-359-
:
'Année Scolaire 1980
Ense i gnement GEnéral
DEPENSES DI INVESTISSEMENT
~
en millions de francs CFA
FINANCEMENT INTERIEUR PUBLIC
%
AIDES
BSH
BSIf
BSIE
Autres
TOTAL
par type
Trésor
CM
CSSPPA
Sources (1)
EXTERIEURES
d'enseigne&l t
!
,
Enseignement Primaire
et Education Télévisuelle
2.111,0
-
4.500,0
743,1
911,0
8.265,1
32,8 %
,
,
1
~nsei9nement Secondaire
1.634,0
-
7.845,0
2.94lt,7
25,0
12.448,7
49,3 %
1
1
~nsei'gnement Supérieur
E!ole Normale Supérieure
119,0
-
-
-
-
119,0
Ut
.,
nlverslte
1.564,0
-
-
278,8
12,8
1.855,6
r
C N0 U
-
-
1.864,0
300,0
-
2.164,0
1
1
\\
Sous-Total
1.683,0
-
1.864,0
578,8
12,8
4.138,6
16,4 %
,~
AFfaires Culturelles
303,0
-
-
75,5
-
378,5
1,5 %
1
1
TOT A L
5.731,0
-
14.209,0
4.342,1
948,8
25.230,9
100,0 %
1
%1.
d f'
~r type
e Jnancement
n,7 %
-
56,3 %
17,2 %
3,8 %
100,0 %

(1)
Dépenses d'équipement et d'investissement du B.G.F. (y compris les dépenses imprévues - Compte Spécial du Trésor),
des Budgets Autonomes (Université, CNOU).
.
-Source
Statistiques, op. cit. page 10.
.
1

-360-
-7. Enseignement Supérieur: Espoir ou Désespoir?
-7.1. ~~~~!~i~~~!~~~_E~i!~~~!~=~.
Notre présentation de l'Université et des Grandes Ecoles se voulait
explicite, précise. Les,analyses qui précèdent avaient le souci de sensib
le lecteur sur. un ensemble de problèmes que ,connaît tout le .systèmeéduca
de la Côte d'Ivoire "acculturée". Il convient cependant denoterqu8'pour
qu'elles soient, ces
analyses
ne sauraient, bien entendu, prétendre ê
exhaustives. Nous avons simplement essayé de rassembler un ensemble de ré
e-
xions qui nous tenaient depuis longtemps à coeur.
On
parle actuellement beaucoup de l'Université d'Abidjan et des Grar es
Ecoles dans les coulisses du
Ministère
de l'Education Nationale et du M
is-
tère de la recherche scientifique. On définit ces temps-ci le rôle qu'ell
doj
vent jouer en principe dans la croissance.Et par ailleurs ,le public non av
ti,
exprime sa fiert~ de voir que la Côte d'Ivoire possède des Instituts de v
eur
non négligeable. Sans en connaître bien les rouages ni à fortiori les inc
vé-
nients, on se plaît à leur
lancer
des fleurs, et les mystifications von
grand train. Il est paradoxal et ironique de s'apercevoir par exemple, qu
u
moment où la France s'apprête comme toujours à sécouer le manteau des Uni
r-
sités, la Côte d'Ivoire, quant à elle, fonde sa foi sur l'Enseignement su
rieur.
On connaît assez les maux dont souffrent les universités françaises
la
centralisation asphyxiante a longtemps livré les cycles d'enseignement su 'ri-
eur à la sclérose bureaucratique et a presque freiné tout esprit d'entrep
se,
vital en cette période de révolution scientifique.
Dans ces conditions, la Côte d'Ivoire devrait se chercher une voie q
laisserait aux enseignants et à tous ceux qui, au sein de l'université, s
t
parties prenantes, les coudées plus franches et solliciterait beaucoup pl
d'initiatives, sans se laisser aller pour cela, au risque de se perdre, d'
s
une effrénée concurrence préjudiciable à l'idéal universitaire pour évite
ai~"
si les travers des universités américaines. La trop grande liberté laissé
par
ces dernières pourrait conduire à l'éparpillement et à des inégalités pré
ci·,
ables, dans une question où l'intéret national est en jeu.
Depuis sa création, l'Université d'Abidjan a cru devoir adopter cert ine~
solutions importées pour mieux résoudre ses problèmes. Aujourd'hui, celle
~
qu'elle croyait recommander
se trouvent remises en question. Il convient onc
de réfléchir plus avant aux problèmes spécifiques de la Côte d'Ivoire.

-36I-
L'Université d'Abidjan et les Grandes Ecoles doivent chercher à forg
maintenant leur identité, faute de quoi, elles risquent d'être submergées
un ensemble de difficultés assez complexes
qui augmenteront et iront en
plifiant dans les années à venir. Il est certain que si l'on n'y prend pa:
de, on retrouvera toujours en leur sein l'organisation de l'enseignement
blable au modèle français.
L'obligation absolue d'adopter
ce
modèle a un certain nombre de co
quences sur l'enseignement supérieur et c'est ce qui retient ici d'abord
attention.
L'adoption intégrale du modèle français bloque l'autonomie de l'ense·
e-
ment supérieur en Côte d'Ivoire. En principe, toutes les activités de
sité ivoirienne doivent être liées à l'objectif fondamental tendant à
les recherches indépendantes, pertinentes, génératrices d'idées, de
de théories se rapportant à la spécificité de la situation du pays et aus
à
la nature générale des problèmes du sous-développement. Or les liens de
dance et le poids de l'assistance technique renforcent la main-mise qui
ce sur l'Université ivoirienne. On saisira mieux le caractère écrasant de
te présence en remarquant que les Français occupent les places de concept·
à l'intérieur des instituts de recherches. Quelle que soit leur position·
viduelle, ils pèsent d'un poids considérable sur les décisions concernant
seignement supérieur ivoirien. Soucieux de défendre
certains assistants techniques français croient que ce qui est bon pour l
ce l'est aussi pour la Côte d'Ivoire. Pourtant, la Côte d'Ivoire
veau de développement de IR France. C'est un tout petit pays qui aspire à
ter le sous-développement. Or le rôle des instituts de recherche au sein
enseignements supérieurs ivoiriens pèchent par la quasi absence de liaison
tre la recherche et le développement. Les organismes étrangers de recherc
nous l'avons vu - oeuvrent dans le sens d'une meilleure connaissance de la Côtt
d'Ivoire afin de mieux ajuster leur politique d'exploitation. Ils imposent gé-
néralement des thèmes de recherche aux instituts du pays, mais c'est pour
es
solliciter à travailler pour le compte des grandes sociétés capitalistes.
n
comprend pourquoi il y a déjà eu des querelles entre chercheurs et utilisa eur~
au niveau de la méthodologie d'approche des problèmes. En effet, à partir
e
1976, les autorités ivoiriennes pour "rectifier le tir", sont intervenues
i-
goureusement en demandant de mettre l'accent sur l'adéquation du contenu d s
programmes de recherche aux différentes politiques de développement défini s -
niveau ~u Plan quinquennal de développement économique, sooial et cul turel:~ et
c'est par rapport aux objectifs contenus dans chaque élément de politique le

-362-
développement que les résultats des recherches passées sont évalués-et le
positions examinées.
Les organismes étrangers tiennent une place importante dans la mise
place des structures de recherche. Leur rôle dans l'élaboration des polit'
de la recherche dépend en définitive de l'importance accordée par eux-mêm
et
les décideurs politiques anopymes à la recherche des st~eture8 de
e
nationale.
En effet depuis 25 ans, on continue à faire appel aux sociétés d'étu
trangères pour effectuer les études de recherche
au compte de l'administ
tion,et jusqu'à présent, on en a de plus en plus besoin. Et toujours dans
cas de la Côte d'Ivoire, le plan et les recommandations techniques au niv
des ministères et des sociétés de développement sont réalisés par les exp
qui appartiennent tous à l'une ou à l'autre de ces sociétés d'études.
Quoi qu'il en soit, celles-ci oeuvrent en vase clos. On n'ajamaisr elle
ment voulu intégrer les organismes nationaux de recherche comme partenair
lo-
caux à toute étude de recherche effectuée par les sociétés d'études étran
res.
Par ailleurs, au sein des instituts de recherche, s'il est vrai que]
s
priorités de recherche sont définies dans un cadre assez rigoureux, on n"
pas
souvent la garantie que les programmes de recherche ont un intérêt nation
On comprend pourquoi la recherche scientifique dans les différents instit
s de
l'Enseignement supérieur est loin d'être satisfais~lte : C'est à peine si
es
divers laboratoires de l'Université procèdent vraiment
à des recherches a
quelque ampleur ayant un rapport avec les objectifs du développement du p TS ~
ayant une importance sur le plan international. Pour assouplir nos remarq-' s,
disons que les organismes nationaux de recherche se plaisent plutôt dans
recherche fondamentale au lieu de porter une attention accrue à la recher .8 a;
pliquée en vue de la solution de problèmes concrets, ce qui suppose
ro-
che interdisciplinaire, une collaboration avec le secteur productif et di
rs
groupes de la collectivité ainsi qu'une étroite relation entre la recherc.
et
les objectifs de développement.
Les recherches effectués par les dits organismes nationaux devraient
tre
liées à la politique nationale et être intégrées dans la planification na
de la recherche au service du développement. De cette façon, elles ne ser
plus exclusivement dictées par des intérêts étrangers , mais répondraient v

-363-'
blement aux besoins de la Côte d'Ivoire.
L'indépendance nationale sur le plan de la recherche
et
l'élimi
tian
des
dépendances
à l'égard de l'extérieur exigent un regain d'efforts
ur
développer la recherche et la formation scientifique et teèhnique. Il con
ent
par conséquent de renverser la tendance à réduire la place de la recherche dans
l'enseignement supÉrieur au profit des secteurs privés étrangers et des i
ti-
tutions non universitaires du secteur public. Une telle situation n'est p
fai
te pour stimuler les travaux de recherches au sein des départements unive
itai
res et cela a des répercussions importantes sur leurs structures internes.
Mais en attendant, il serait intéressant de voir chaque unité de rec
rche
renforcer de façon concrète sa propre
capacité de recherche. Mentionnons
cet
effet, trois processus concrets qui pourraient permettre une transformatio
ef-
fective de l'enseignement supérieur axée sur la formation scientifique po
qu'il s'acquitte de la fonction de recherche actuellement nécessaire au pa s
stimuler chez les professeurs l'esprit de recherche et l'aptitude à utilis r
des méthodes et des techniques de recherche dans leur enseignement ; procé er
à une révision des plans et des progr~~es d'études pour y intégrer des tr vaux
~e recherche relatifs R leur contenu; enfin, encourager et orienter de faç n a~
propriée les activités de recherche.
L'esprit de recherche doit être présent chez tout enseignant du supér'eur
et chez tout étudiant. Un comportement orienté vers la recherche est indis en-
sable à la personnalisation et à l'indépendance de l'enseignement supÉrieu •

-364-
- Thèmes et Programmes de Recherche -
-Politiques nationales
Thèmes de recherche
Organismes de recherche.
-01. Politique d'améliora-
L'atmosphère, cli-
Fac. Sc. -oRSTOM
tion de la connaissance
mat.
du milieu naturel ivoi-
Le sol, le sous-
Fac. Sc. -oRSTOM
rien
sol et les ressour
ces en eaux.
La végétatio:tl.
Fac.Sé. -oRSTOM-
Centre Landais - Ce -
tre Suisse.
S/Total 01.
3 thèmes.
-02.
Politique nationale
Les céréales.
IDESSA (IRAT)
d'autonomie alimen-
ENSA - ORSTOM
taire
Les plantes à tuber-
Fac.Sc. - IRAT ENSA
cules, les féculents
ORSTOM
protéagineux.
1
L'élévage, les pâtu-
IDESSA (CRZ) -ENSA
rages, fourrages
1
SA - IUET - ORSTOM
FAC. SCIENCES
La lugune, pêche et
CRO - CTFT - IUET
la pisculture en eau
AVB/FAO
douce.
L'océan et la pêchE
CRO
maritime
IRHO - ORS TOM
-03.
Politiaue d'accrois-
Les oléagineux.
1
IRHO - ORSTOM
sement 'et de diver-I
Les plantes stimUlln-
IFCC - ORS TOM - FAC
sification des pro-du tes.
SCIENCES - IRFA -
ductions agricoles
Fruits-légumes.
FONDATION - IRFA -
d'exportation.
Canne à sucre.
ORS TOM - SODESUCRE
Plantes à fibres tex-
IDESSA (IRCT)-ORSTO
tiles.
IRCA - ORS TOM - FAC
1
L'hévéas, latex caout-
choue.
1
Les forêts et product.
CTFT - ORS TOM
forestières
1
-04
Politique d'intégra-
Les systèmes d'exploi-
MRS - IDESSA - ENA
tion régionale du d1'- tation
ORSTOM - FAC
veloppement
-05
Politique de dévelop- Transformation et cbnser- ITIPAT
pement industriel
vation des productions a-
gricoles.
Physique et Chimie
FAC. SCIENCES
l,
(1) Source: Africa-development, Vol. III nO 4, anné 1978, CODESRIA, p. II •

-365-
( suite)
1
-Politiques nationales
Thèmes de recherche
Organismes~de recherche
-06. Politique sociale
Les problèmes écono-
CIRES - GERDAT -
économique du déve-
miques et humains dq
Eco -ORS TOM -lES
loppement
développement ruralJ
IGT - CRAU
Les problèmes de l'ur-
IGT - CRAU - lES -
banisation de l'aména-
IHAA - ORSTOM - CIRES
gement urbain et ré9io-
nal.
1
L'industrialisation et
ORSTOM -SR - CIRES
de l'artisanat moder-
CRAU - lES.
ne. Etude des grands
équilibres monétaires,
économiques et finan-
ciers.
-07
Politique nationale
Le projet "Taï"
FAC. SC. -IPCI UNIV de
de l'environnement
Rome - CENTRE NEERLA:NI: IS
CENTRE SUISSE.
-08
Politique de valori-
FAC. SCIENCES.
sation de la connais-
sance médicinale tra-
ditionnelle.
-9.
Politique de santé
Do~:.nées biologiques et
INSP - CRU - CTSCI - ] bCI
classique
sanitaires actuelles àe
l 'homme ivoirien.
1
Pathologie liée à l'en- IPCI - INSP - CRU -
viro~~ement.
1
FONDATION TLE
Pathologie liée au d,é-
CHU - lES - CIRES -
veloppement.
INSP - IGT.
-10. Politique de forma-
Adaptation du contenu
CERAV - ILA -CRAU
tion
et des méthodes d'en-
GRTO - lHAA
seignement.
1
Orientation formation
CIERPA
-CERAV - lES -
et intégration soci1le. CIRES -üRSTOM -SR.
-II. Politique culturelle
Les bases culturelles et lES -CRAU - mAA
~is~o~iques de la njtion
:l.VO:l.r:l.enne.
Langues et traditions
ILA - lES - IHAA - GR 0
orales ivoiriennes.
ILE.
-Total des thèmes
=
)0 thèmes
source: Africa-development, a quaterly
journal, revue trimestrielle, vol.
III, nO 4, affilée 1978, C.O.D.E.S.R.I.A. page 117.

-366-
En dépit de ses nombreuses difficultés, point n'est besoin de soulig
que l'enseignement supérieur en Côte d'Ivoire a connu tout de même une ex
sion remarquable, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif.
attendant qu'il
ait sa véritable personnalité, il faudrait le considére
me dépendant étroitement des contraintes découlant des autres secteurs de
'édu
cation nationale. A ce titre,ilméiit&,done une attention particulière. Po
ce
la, il doit poursuivre un double but : tout d'abord assurer la transmissio
aux
jeunes générations l'héritage culturel, ~ocial, voire économique
de c tte
Côte d'Ivoire dans laquelle elles sont appelées à vivre ; ensuite promouvo r et
développer la recherche dans tous les domaines de la connaissance afin de
om-
pIéter et d'enrichir l'héritage ainsi reçu.
Mais avant d'arriver à réaliser ce double but, l'enseignement supérie
doit revoir ses propres structures surtout en ce qui concerne son enseigne
utilitaire (technique et professionnel) et son enseignement fondamental p
.----
litaire. C'est probablement dans le rapport entre ces deux types d'enseig
que doivent être recherchés les termes dans lesquels se pose désormais la
ro-
blématique de l'enseignement supérieur dans le pays. En effet, on ne peut
'em~
pêcher de constater que ces deux types d'enseignement, tels qu'ils se sont dé-
veloppés en Côte d'Ivoire jusqu'ici, sont fort distincts et même relative
nt
opposés: d'un côté l'on a un enseignement utilitaire et sélectif dispense à
l'INSET et de l'autre, un enseignement général et massif, formant un nom
e
important de diplômés qui ne peuvent pas s'intégrer immédiatement au proce sus
de production.
C'est ce qui ressort de l'évolution des effectifs d'étudiants depuis
960
jusqu'.en I98~. Pour rémédierà cette situation, il semble qu'il faille en
sa-
I
ger dès maintenant une modification profonde du rapport entre l'enseigneme·t ge
néral pré~ssionnel et l'enseignement technologique. C'est à l'issue
telle modification qu'il semble alors possible-de définir le rôle qu'on po· -
rait attendre de l'Enseignement supérieur~ ~aute de quoi, tout n'est que
pieux.
Dans les années à venir, l'Université et les Grandes Ecoles devraient che~
cher à s'insérer mieux au sein des réalités nationales. Cela suppose qu'el es
j] doivent sortir de leur léthargie et servir d'instrument de construction et de
. consolidation de la conscience et de l'unité nationales.
Pour que toutes ces institutions soient des instruments de développe~r'
:1
~

-367-
il faut qu'elles évitent désormais d'oeuvrer comme par le passé~da,n.s le s
s.cle-
l'assimilation de l'Ivoirien à l'Européen, son colonisateur et ma!tre d'h
r et
d'aujourd'hui. Cela a contribué à sa dépersonnalisation et à l'effacement
e
son identité au profit d'une personnalité et d'une identité d'emprunt.
Sur .unpl~ général,
l'Université et les Grandes Ecoles ont un rôle
e pI'
mier.plan.à .;j0118Jl'•.];l,.:l~:ur,appartient " de mettre à la àisposition de la p pu-
..... ~ .., .-
lation des schémas qui leur permettront de mieux appréhender son existence et
d'arriver à formuler les moyens d'un "savoir-être" ."11 faut que l'Univers té
puisse ma!triser la diversité des cultures ethniques, les spécificités nat"ona-
les, les authenticités. Pour cela:, un grand effort doi t'être fait par tou : étu
diants, professeurs, chercheurs doivent s'intéresser aux réalités objectiv s ac
tuelles du pays. Comme partout ailleurs en Afrique, l'Université doit en pus
faire un effort de créativité, donc de réflexion, sur la matière brute qu'Ile
récolte par son contact avec la réalité nationale, afin d'élaborer des sch mas
pouvant permettre de définir un modèle de vie ••• "(I).
Pour parvenir à la réalisation de ces objectifs, une réorientation e t n€
cessaire.·a.f.i.1'l·.d'imprimer à l'enseignement supérieur un mouvement dynamique plus
capable de faire de lui un instrument de développement socio-culturel. ct e t en
s'adaptant aux réalités nationales, en s'orientant vers la réalisation des ob-
jectifs nationaux que l'enseignement universitaire contribuera au développ meni
national. D'où nécessité absolue d'établir entre lui et le développement n tioa
nal une relation dynamique. Pour ce faire, il va sans dire que programmes
t
contenus de l'enseignement universitaire doivent désormais s'adapter aux
e-
soins et aux objectifs de la nation. C'est dire qu'une refonte et une adap
tion du contenu de l'enseignement s'avèrent nécessaires. Car l'inefficacité
tuel1e de l'enseignement universitaire tient en partie au fait que son con
est sans rapport avec les réalités nationales.
On parle aujourd'hui partout de la crise des valeurs africaines. En p
tant de ce constat, î'Université ivoirienne doit apporter sa contribution'
résolution de cette crise. N'oublions pas que cette crise comporte des élé
pré-coloniaux, des élémentsc9l9~iaux et néo-coloniaux. Parmi les éléments
coloniaux, on peut citer l'émiettement ethnique qui pose actuellement le pro
du tribalisme, une forme de mentalité incompatible avec l'économisme d'auj
(1) Interview du Directeur de l 'A.U. P.E. L. F. par "1. C.A. Information", 197
c')

par Valy Charles DIARRASSOUBA, op. cit. page 131.

-368-
d'hui. Parmi les éléments coloniaux et néo-coloniaux, on peut citer l'ouv
ture
forcée de la Côte d'Ivoire au monde occidental, inscrite dans le grand de
ein
d'une oeuvre d'exploitation et d'assimilation brutale ayant entratné la
te
de la confiance en soi et la subordination aux valeurs, modes de vie et
no-
mies des sociétés capitalistes, la culbute des valeurs propres au terroir
l'~
troduction de la technique scientifique, etc •••
L'une des ·tâches, de l 'lJIü:v:er~j.té;.ae_~ .ci.es~_'.ioL-a:a&uu ·.~la-irem6lnt .: e
e Sel
doit de mieux définir son plan d'action dans cette "bataille de développe
en se fondant sur les réalités nationales. En effet, étant donné que la C
e
d'Ivoire est un pays agricole, elle doit aider à la promotion de l'agricu
ure
en participant
efficacement
_ aux recherches destinées à permettre à ce
e-ci
de se dégager de ses multiples contraintes techniques, sociologiques
ta-
les.
L'Enseignement Supérieur-devra
contribuer surtout à la formation
s
cadres agricoles dans
ses
écoles spécialisées qui devront désormais s
u-
vrir à tous les candidats.
En fin de compte, le but recherché, c'est que l'enseignement super~e
,e~
dépit de ses contraintes nombreuses, vive-au-rythme des réalités national
en
permettant la vulgarisation de ses recherches dans le cadre de l'animatio
so-
cio-culturelle et de l'encadrement des masses rurales.
~1ilIl

-369-
-7-3. Les rôles
attendus-
Les indications qui précèdent ont donc montré assez suffisamment les
bsta·
cles généraux qui gênent et freinent le progrès de l'Université et des Gr
des
Ecoles de Côte d'Ivoire. Nous Bavons déjà que ces institutions sont la tr
s-
position
intégrale des universités françaises, avec leurs structures, le
s
méthodes, leurs objectifs. Or, ni ces objectifs, ni ces structures, ni ce
mé-
thodes déjà inadaptées à la réalité française de la deuxième moitié du XX
siè,
cle, n'étaient adaptés a fortiori, aux nécessités du développement économ que
de la Côte d'Ivoire.
Au cours de ces deux décennies l'enseignement supérieur est demeuré
u-
jours traditionnel en dispensant une formation de luxe qui ne répondait p a u :
réalités du pays. Les étudiants pourvus de leurs diplômes, avaient des di
i-
cul tés à s'insérer dans la société.
Ayant choisi la formule de l'université nationale sans toujours avoi
claire conscience des orientations à lui donner, ni Ulle estimation précis
des
,
moyens à lui consqcrer, les responsables ivoiriensn'ont jamais cherché à
dé·
gager du modèle universitaire français. Av lieu d'abandonner le principe
la
validité de plein droit des diplômes et le remplacer par l'équivalence qui pero
mettra de préserver l'indispensable cohérence entre les systèmes nouveaux
lis
en oeuvre au cours des différentes réformes de l'enseignement, ils ont pr
éré
développer des filières de formation dont les produits ne correspondent p
tOi
jours aux données de développement et aux prévisions des marchés de l'emp
i.
Aujourd'hui, à travers toutes leurs déclarations, ils reconnaissent la né
ssi.
J
té d'une réforme globale de l'Université et des Grandes Ecoles, mais aucu
d'eL
tre eux ne propose une solution compatible avec les exigences d'un dévelof- e-
ment harmonieux de tout l'appareil éducatif. Des problèmes se posent déjà
our
l'entrée à l'enseignement supérieur: on n'éprouve mainten~Dt le besoin de fre:
ner son expansion de m~Dière à limiter le nombre des boursiers. Partout, 0
tend à écourter la période de scolarité
en vue de sélectionner plus sévèr men"
ceux qui doivent accéder à la maîtrise ou au D.E.A.
Après la licence, le problème prioritaire est celui de l'intégration
e ~
formation reçue et de la formation professionnelle. Au cours de~s ou q a-
tre annnés passées à l'université, les étudiants ont assimilé des programm s
qui ne sont pas adaptés
au monde du travail. On a uniquement privilégi/ la
formation générale au détriment de la formation professio~Delle. Jamais on n'a
envisagé d'alterner vie nrofessionnelle et moments de formation générale ou

il

-:370-
technique. Pourquoi ne pas intégrer dès maintenant dans l'enseignement su é-
rieur les programmes en adoptant des matières à option et en introduisant des
matières techniques dans l'enseignement général?
L'Université et les Grandes Ecoles Qoivent par leurs. formations incu quer
les méthodes susceptibles d'appréhender les situations de plus en plus co
le-
xes qui s'offrent à l'homme engagé dans l'activité économique. Elles doiv
t
s'ingénier à mettre en lumière et à développer pour le maximum d'étudiant· tou.
tes les possibilités qu'ils recèlent. Tous ceux qui sont appelés à les fr'quen.
ter devront nécessairement partager le temps de travail entre une formati
gé.
nérale, si humble soit-elle, et une éducation pré-professionnelle.
Dans l'état actuel de développement de la Côte d'Ivoire, l'Universit
et
les Grandes Ecoles doivent contribuer à la construction d'un type de soci
dans lequel les rapports entre les hommes seront aussi peu hiérarchiques,
neu dominateurs que possible. Nous sommes conscient que nos voeux seront
. i-
tés par les exigences du système économique en vigueur, mais comprenons a
d 'hui que tout n'est que changement et que ce àystème peut être bàlayépar l'a-
vénement du multipartisme dans les temps à venir.
La perspective décrite est irréaliste, diront certains: les mécanis
s
du capitalisme libéral ivoirien seront violemment dénoncés,par les univer
taires, mais pour aboutir à quoi? Selon nous une pareille critique a pou
but
de masquer les vices du système économique actuel.

-371-
-Conclusion-
Il est évident que tous les moyens utilisés par l'Université et les
an-
des Ecoles contribuent d'une certaine façon au développement de la Cête d' voi-
re. Les effets positifs de toutes les~recherches'
au sein de l'Enseigne ent
supérieur seront sans doute manifestes dans les prochaines décennies. Mai
en
attendant, des difficultés pressantes, voire urgentes perturbent le rythm
du
développement du pays, et le rôle de l'Université, c'est
de les résoudre
sans
tarder. Tel n'est pas le cas.
Le principal objectif en matière d'enseignement et de recherche est
changer un système qui n'est pas adapté aux besoins d'un pays en voie de
loppement. Or, les autorités de l'Université semblent toujours se rallier
l'image traditionnelle des Universités européennes: "Il est évident, déc
re
le Recteur, que dans un pays comme le nStre,une synthèse s'impose entre l
ob~
jectifs de cette mission traditionnelle de l'Université et les exigences
ono~
miques, sociales et culturelles de la nation "(1). Il faudrait en finir a
c
l'idée d'une université dont la mission, aux dires de notre Recteur, sera'
la formation de l'élite (2). Une telle conception relève d'un certain nom
e
de mythes, à savoir: "développement de l'esprit d'initiative, du goût de
'ac·
tion et d'intégration sociale et culturelle, de promotion du milieu, etc •. ft
Si l'Université continue à épouser l'esprit éljtiste,
elle ne pour_
J,
ii
jamais satisfaire les 'besoins des masses populaires et sa tâche ne consti
era
1'1:
li
qu'à transmettre à une minorité
des savoirs typiquement littéraires et
ci-
entifiques. Et quelles que soient les transformations qu'elle va connaitr
ul-
térieurement, il ne sera pas mis fin à sa fonction idéologique qui est ce
e
de trier les enfants en fonction des besoins de la société bODIgeoise.
A la vérité, l'Enseignement Supérieurne joue pas réellement le rôle q
pourrait attendre de lui,
celu~ de défendre les intérêts des classes défa
ri-
sées en mettant à leur disposition les résultats des. recherches dans les
bo-
. ratoires. Les instituts de recherche travaillent généralement pour le corn
e
des agences internationales au lieu d'aider la paysannerie dans la connai
an-
ce du sol par un encadrement régulier. En conséquence, eell:a-civégète dans
'a8
miration et la pratique des techniques agricoles surannées.
Pourtant, l'Université d'Abidjan se couvre de l'épithète "nationale.
Or
depuis sa création, on constate qu'une telle épithète n'a aucunement
co tri··
.(1) Valy Charles DIARRASSOUBA, op. cit. 74.
(2) Ibid. page 75.

~
-372-
1
1
1
i
bué à donner une physionomie particulière à cette institution supérieure.
u
1
1
1
contraire, sa "nationalisation" a renforcé la main-mise de l'ancien pays
10-
nisateur. Et plus est, les responsables de l'Université cherchent à masqu
let
multiples contradictions qui règnent dans cette "tour d'ivoire" en remett
t
au goût du jour le mythe d'une institution dite "nationale" qui doit "con
i-
buer à la formation de la nation "(1). Sur ce, le plan quinquennal (1976-
promettait de restructurer l'Université afin de donner aux jeunes les mêm
chances. Mais en. fait, il n'en est rien. Car, par les promesses globales,
e
plan prévoyait en même temps "la mise en place d'une sélection sévère & 1
trée de l'Université et 2 la sortie de l'année commune: cette sélection
feu
rait en fonction dœ priorités du sec~eur de l'emploi et des aptitudes de
étu·
diants "(2).
A travers cette déclaration, on découvre aussitôt le rôle assigné à
Uni.
versité d'Abidjan. Au lieu de modifier les modèles hérités de situations
'gém1
niquesantérieures ou fondées sur la dépendance, l'injustice et l'inégalit
le cherche à favoriser l'ascension sociale d'un, clan de"veinards"au momen

l'on l'imaginerait multipliant les prises de conscience, critiquant les
su-
res arbitraires du pouvoir, dévoilant les jeux perfides des autorités, et
Force est de constater que les objectifs de l'Université d'Abidjan s
t
loin de satisfaire
les attentes de la majorité des Ivoiriens, fussent-il
en-
li
seignants, étudiants ou non. Erc vérité, professeurs et étudiants vivent i
dans l'atmosphère de l'aliénation et de la mystification, èar peu à peu,
s
commencent à découvrir qu'ils sont à la fois au service des intérêts cach
non conformes aux besoins rÉels des classes populaires et au service des
lté-
rêts généraux des capitalistes. Est-il nécessaire de rappeler que pour le
di-
rigeants du pays, l'enseignement que reçoivent les étudiants doit "être c
me
un instrument de stimulation socio-économique, favorisant la productivité
t
incitant à la consommation(J)".Et c'est oe qu'exigent présentement les dir
ti-
ves officielles. Il s'agit de préparer tous les étudiants à entrer dans l
cercle infernal de la consommation en faisant parvenir habilement à l'emb
r-
geoisement
tous ceux qui ont franchi les barrières de l'école élémentair
et
secondaire. Tout concourt donc à réhausser le règne de la consommation, c
qui
signifie que toutes les actions de l'Université iront dans le sens d'une
plI
fication de la dépendance du pays.
(1) Valy.
Charles Diarrassouba, op. cit. page 196.
(2) Ibid. page 199.
.
. . .
_
(J) Programme de développement de l'Educatlon et de la Formatlon, I97~-I9 5,
Ministère du Plan, page 20.

-373-
Pourtant, au départ, toutes les autorités de l'Université visaient l'- té-
gration
de la dimension technologique au sein de ce grand établissement.
ujOQ
d'hui, les activités technologiques sont à l'état de balbutiemmentaprès p us
de vingt ans de souveraineté nationale. Seules y prédominent généralement
es
productions littéraires qui, malheureusement, n'ont pas encore présenté le
for
mulesréalistescapables de
briser l'étau impérialiste qui empêche le dével ppe-
ment rapide de la Côte d'Ivoire.
Ces productions littéraires qui ont été bien décrites par le Recteur DIAR
RASSOlffiA, semblent être profondément influencées par les idées ayant trait au
problème de l'identité culturelle, à la sauvegarde dupatrimoine
culturel. Un
courant d'optimisme se manifeste fortement depuis 1975 au sein de l'Univer ité
d'Abidjan, à propos de la recherche sur
les traditions orales en vue de m'eux
saisir le passé des ancêtres de Côte d'Ivoire. L'intérêt porté à l'examen
u
passé a surtout été encouragé en 1973 par le Secréatriat d'Etat aux Affair s
Culturelles, qui déclarait: "Il est désormais admis que tout plan de déve op~e
ment économique qui ne s'appuierait pas sur un développement culturel de l
Cô-
te d'Ivoire, commencé en retard par rapport au développement économique et so-
cial auquel sont allés presque tous les efforts du pays depuis son indépen ance
est devenu maintenant une préoccupation fondamentale ••• La culture, en eff t,
loin de constituer une activité seconde par rapport aux autres secteurs, e t
désormais perçue par les autorités comme le support, la dynamique de tout
é-
veloppement,car le développement économique, à lui seul, ne suffit pas pou
dé-
terminer le degré d'évolution d'un pays "(1).
Mais dans quelle mesure la réhabilitation du passé ivoirien revêt-ell
un
intérêt dans les recherches à l'Université? Certes, co~ne l'a bien soulig e
BABiŒAR Sine (2), "la fonction du passé est fondamentale dans la form2.tion
d'une conscience n2.tionale et politique, dans la mesure où ce passé a été
é-
formé, faussé, sinon tout simplement occulté par le colonis2.teur, mais à c,ndi ..
tion de ne pas 2.jouter à la déform2.tion coloniale une autre déform2.tion, s rL8·
posée en quelque sorte à elle, sous la forme d'une idéologie passéiste"
ais
à l'Université d'Abidjan, la fonction du passé n'a pas été un thème de pré ilè~
tion. D'ailleurs,comme l'a bien avoué le Recteur, les productions littérai es
au sein de l'Enseignement supérieur" s'apparentent, dans la plupart des c s à
une promotion et non à la véritable création qui,étymologiquement, se réfè e a~
néant "(2).
(1) Jeune Afrique, nO 627 du 13 ja,vier 1973.
A(2)hrBABAKJu~ Sine : Impérialisme et Théories sociologiques du Développement Ed.
nt
opos-Idep ,1975, pp. 272-273.
.
(3) Valy Charles Diarrassouba, op. cit.
page 51.

-374-
Notre Recteur est très inquiet sur le rôle culturel de l'Université e
souligne avec force que ses activités culturelles sont encore bien insuffi
santes
"la recherche au niveau des Instituts cormaît de nombreuses limit s
tenant notamment au faible effectif du persormel de la recherche c~lturell
dont la plupart des éléments sont souvent de jeunes chercheurs, à la pénu
e
des moyens de la recherche et au caractère limité de la diffusion de ces
cherches ••• L'animation culturelle au sein de l'Université rencontre les mê es
difficultés en raison certes d'~~e apathie intellectuelle des étudiants,
is
aussi de. la dispersion des cités universitaires à travers la ville. L'obst cIe
tenant à l'absence d'une coordi~ation de ces activités culturelles au sein de
l'Université disparaît du fait que l'I.L.E.N.A. accepte de jouer désormais le
rôle de la cheville ouvrière de la politique culturelle à l'Univerzité en
01-
laboration avec le C.R.G.U., le Centre National des Oeuvres Universitaires "(1)
filais selon nous, rienne~ert de s'apitoyer sur le rôle culturel de l'U ivel
sité. Contrairement à ce que pourraient croire la plupart des intellectuel
as~
sez idéalistes, personne en Côte d 'Ivoire.ne souffre <i.e ·cul ture.ou de tra ° ion.
Et cela est
exact
autant dans les milieux ruraux que dans les milieux
r-
bains plus scolarisés. Même les paysans illettrés qui sont toujours restés fidÈ
les aux pratiques des religions traditionnelles ignorent le prétendu problme
de la culture. Le moins qu'on puisse affirmer avec conviction, c'est qu'il
sont simplement prisonniers de structures archaiques de production et qu'i s
sont insérés dans un réseau social qui ne dépasse pas souvent les limites
u
village et qu'ils sont incapables d'appliquer le progrès technique à l'int -
rieur même de leur production, en raison de la complexité que présente la
aî-
trise des techniques modernes agricoles. Mais tous ces handicaps ne. les e
ê-
chent auc~~ement de bien communier avec les valeurs ancestrales dE leur te -
roir.
Pour être dans le vrai, disons que le malaise se trouve dans le ca~p
es
soi-disant universitaires ou intellectuels qui, pour avoir abondamment bu
ans
la coupe du savoir occidental, ne cessent de disserter abusivement sur l '
gen o
ce qu'il y aurait à réveiller la culture ivoirierme.
Force est d'insister désormais sur le côté mystificateur de leurs attOtu_
des, attitudes qui contribuent bel et bien à occulter le problème des lutt s
de classes et à détourner les masses populaires de l'idée de leur eXPloita~d,
tion et de leur asservissement par l'impérialisme (2).
1
1
,
(1) Valys Charles DIARRASSOUBA, op. cita p. 169
l'
(2) Pierre FOUGEYROLLAS : Les Processus sociaux contemporains, pp. 247-265~,
Pa;yo t, 1980.
,

L
\\;
-375-
On ne dira pas assez que le penchant trop exclusif pour la culture 0
le
retour au passé risque d'amener les intellectuels à sous-estimer systématiue-
ment les problèmes sociaux du pays, tels que le pillage de la paysannerie, le
chânage, le tribalisme, les disparités régionales, la corruption, etc •••
Au moment où l'on parle de culture, le pays est ravagé par des maux d vers
Ainsi depuis 1980 par exemple, plus de 800 licenciés en lettres et science
hu-
maines traîne~t dans les rues d'Abidjan en quête d'un "boulot".
Si l'Université d'Abidjan a connu jusqu'à présent une augmentation co.si-
dérable de ses effectifs, il n'en reste pas moins vrai que le chemin
à'pa-
courir pour atteindre son épanouissement, voire sa plénitude, est encore t es
long. En accueillant en son sein un grand nombre de jeunes, elle aurait dû
être un instrument privilégié pour la rédynamisation de la vie sociale et
co-
nomique. Or, dans les contenus de l'enseignement qu'elle véhicule, dans se
structures, dans ses modes de fonctionnement et dans ses finalités, elle e t
toujours proche du modèle étranger. Prise dans l'étau de ses contradiction ,el.
le vise
~ former pour ainsi dire des cadres de très haut niveau. Malheure se-
ment les individus qu'elle essaje de former n'arrivent pas à affronter les réa-
lités puisqu'ils sont le produit d'une culture i~posée par l'ancien pays c loni
sateur.
L'Université d'Abidjan ne pourrait jouer le rôle -qu'on promet- de ma eur
de la conscience nationale, tant qu'elle ne rompt pas avec l'esprit du sys eme
capi taliste qui la
caractérise. Ce n'est pas le fait du hasard si , à prés nt 1
l'enseignement supérieur reste sans débouchés pour la majorité des jeunes
ssus
des sectior.s littéraires et même scientifiques. Tout se pase COm.JIle si "l'U ivel
sité ivoirienne, par une sorte de processus cumulatif, touchait en priorit
lë3
catégories sociales ou géographiques les plus avantagées, accentuant le ha di-
cap des moins favorisées "(1). Tel est en fin de compte l'aveu des respons ble~
ivoiriens, aveu que rappelle sans gêne le rapport concernant le pl~D quinq en-
nal de développement.
A notre avis, toutes ces considérations n'ont rien de surprenant. En e ,fet l
l'Université et les Grandes Ecoles en tant que centres
d.'Enseignement s pé-
rieur, apparaissent après l'économte COlline les secteurs où en Afrique Noir
les bourgeoisies locales ne peuvent s'abstenir. A la vérité, il n'y a auc
1
milieu qui ne soit aussi manipulé directement ou indirectement que le mili-'U
(1) Plan Quinquennal de Développement, op. cit. page 536.

-376-
universitaire. Et on ne répètera jamais assez que dans le monde capitalis e, ~
principale caractéristique de l'Enseignement supérieur cowfte de l'Enseign
ent
secondaire ou Primaire, c'est de servir en particulier les intérêts non d
peu.
ple mais d'une classe sociale déterminée, la classe privilégiée. Il s'agi
ici
d'entretenir le dualisme et de fortifier le régime de faveur qui distingu -
rait les enfants des masses populaires des enfants de la classe aisée.
Une telle action a eu en Côte d'Ivoire dme sérieuse-incidence, sur le
st~
me éducatif. Et elle avait été
clairement pré\\~e, voulue et exprimée off ciel.
lement. Les responsables de l'éducation recoID1aissent sans détours que le sys-
tème éducatif ivoirien ne concerne
qu'une minorité, alors que, comme dan
tou
pays en croissance rapide, les besoins en éducation sont largement répart
dans l'ensemble de la population. Et quoi qu'il en soit les jeux
étaient
Pour les autorités ivoiriennes, ïl faut restructurer l'enseignement
euro Cette frestructuration est nécessaire en vue
d'une meilleure divisi
travail social: "d'un côté, on doit transmettre un ensemble de connaiss
générales et de valeurs constituant Ull minimum cul turel assuré à tous et fon
en
talement aux jeunes ruraux pour la modernisation et la mise en place d'un sys-
tèn:.e unifié d'orientation-sélection qui doivent permettre àl 'Université de p
rer non à un emploi immédiat, mais plutôt à des postes qui risquent d'évo
avec le temps et à la formation de l'élite "(1).
(1) Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
tome 2
.
'
,
op. c~t. page 31.
i,

-377-
-s y N T li E S E-
Nous venons de survoler les trois cycles d'enseignement.
Ils nous 0
permis de découvrir que dans la marche vers le progrès, l'éducation est l
fac-
teur primordial et la clé de cette existence meilleure et de ce niveau de
ie
plus élevé que l'on ne cesse de promettre aux Ivoiriens comme la récompen
de
la lutte. pour la libération nationale. Aussi, les responsables ivoiriens
nt-
11s se préoccuper au début de l'Indépendance de développer rapidement l'e
ei-
gnement primaire, pour des raisons autant politiques qu'économiques. Cet
sei·
gnement apparaissait aux yeux de tout le monde comme la clé d'une communi
tion plus large avec les masses. Grâce à ce cycle élémentaire, on pensait
us-
citer dans la population une véritable prise de conscience politique qui
ci-
literait considérablement la mobilisation de la collectivité entière
a
mutation sociale qui suivit l'Indépendance politique. Par un endoctrineme
pré
co ce de la jeunesse, le Parti unique de Côte d'Ivoire espérait voir l'écol
prj
maire provoquer une acceptation plus complète de son idéol~gie.
Les premières réformes des années 62 entreprennent une réorganisation
éné~
raIe de l'enseignement primaire selon des options précises: redonner à l' n-
seignement son caractère national, l'unifier, le démocratiser et l'ouvrir
r
le monde extérieur. Du coup, la scolarisation a fait l'objet d'~~e planfic tior
à long terme qui prévoyait notamment la scolarisation totale des enfants i oi-
riens pour 1980. Mais jusqu'à présent, il n'en est rien. L'ampleur des eff rts
accomplie durant ces deux décennies qui viennent de s'écouler n'a pas perm s
~.
d'atteindre
tous les objectifs fixés. Néanmoins ,on a assisté durant toute
ettE
11
période à une augmentation croissante du nombre d'enfants scolarisés ce qu
a
abouti à ce qu'on a appelé: "l'explosion scolaire". Par ailleurs, on a pu en-
.
/
régistrer la multiplication des écoles primaires dont l'implantation a béné icié
surtout aux régions du nord du pays jusque-là défavorisées. Et pour faire
'ace
à l'explosion scolaire, le gouvernement de Côte d'Ivoire a consacré une pa t
élevée de son PIB aux dépenses d'éducation à l'école primaire.
Mais le modèle d'éducation dispensé au cycle élémentaire était emprun é
aux pays capitalistes et de ce fait minimisait l'effet des structures soci Iles
et économiques sur les choix éducatifs. Le développement de l'enseignement pri~
maire avec l'insuffisance de son rendement interne et externe et la faible se
des acquis par rapport aux sacrifices consentis, contrastait avec les diff r
cul tés du
s;'stème économique.
L'un des objectifs initiaux de la réforme consistant à rendre possibl . à
toute la population d'accéder avant 15 ans au moins à l'éducation générale a
'\\Il

1;
-378-
connu de nombreuses vicissitudes. Toutes les réformes n'ont pas donné les
sultats attendus et. n'ont fait qu'aggraver le chômage rura~ et l'exod~ v~ i lef
ville~_. Et partout ,1.1 n'y _a, eu que dysf'CnctionAement ,1 'ensel.gnement prl.mal. ~e mei
tant -toujours au
'premier plan toutes les connaissances livresques comme 1
tré~
sor le plus précieux : examen, concours destinés à vérifier la reproducti
dee
connaissances enseignées dans les livres,
rejet de la pratique véritable ••
Quant à l'enseignement du second degré, celui-cin'a pu _ échapper a
servations que nous venons de souligner. Ici encore, tout ne parle que
dons, de redoublements nombreux,
d'où un système d'enseignement trop gén
trop désincarné, n'intégrant pas suffisamment la technique, la technologi
le
scientifique et se dévp.loppant sans réellement tenir compte des réalités
la
iÇ'ôte d'Ivoire.Ilya eu en c'onséquence inadàptation de finalité, car l'ense'
ment secondaire devrait devenir un réel facteur de développement; il devr ,t
élargir son influence et se fixer de nombreux objectifs, au-delà d'une
sante
"acculturation"
de
l'ensemble
de la population. Il y a éu
1
~ tion de ses structures, ou plus exactement de la carte ecolaire(cf.
l
précédents). Alors que 805; de la population viv&nt dans_les zones ,rurales,
·!
'.!
établissements du second
dégré
se trouvent fortement concentrés dans le
les (Abidjan, Bouaké, Yamoussoukro, Daloa, Korhogo ••• ). L'accès dans le se
da ire fondé sur la sélection par voie de concours national ne favorise gé
ment que les enfants des zones urbaines et issus des milieux sociaux et cu
reIs évolués, mieux préparés. L'inadéquation de l'enseignement secondaire
,
li
tre qu'une très forte proportion d'élèves ne s'arrête ~qu'àrm.~_ehemin-de-le s
k
études. Il y a là un phénomène qui caractérise toute la situation de liens i-
1
,
gnement du second degré en Côte d'Ivoire.
1
i
L'Université et les Grandes Ecoles offrent à peu près le même spectac ~
et point n'est besoin de nous répéter. Mais le moins qu'on puisse souligne
en·
core,'-c'est qu'on ne doit séparer ces établissements d'enseignement supérie
des autres types de niveaux d'éducation, mais les articuler à
eux. Il app raî~
particulièrement nécessaire de bien articuler l'enseignement primaire, l'e sei.
gnement secondaire et l'enseignement supérieur, car l'absence de continuit
entre les trois niveaux, les lacunes de la préparation et de l'orientation dan~.
l'enseignement primaire ou secondaire sont responsables dans une large mes
e
des échecs et des frustrations subis pendant les premières années de liens i-
gnement supérieur. Les établissements d'enseignement supérieur
en Côte d' ~voi.­
re doivent être partie intégrante du sytème éducatif et, du fait de leurs
Ilcti..
:~
vités de formation et de recherche, ils doivent activement participer au f nC- 1
tionnement et à l'effort d'innovation de ce système, considéré dans sa tot lit<1
J
II
!1

i:
-379-
Il est nécessaire de considérer désormais l'éducation dans toute 'son
' ité.
dans toute sa globalité. Le rôle de l'école primaire, de l'enseignement se fnda:
re et du cycle supérieur est d'exprimer cette sorte de totalité. "Mutiler
'e
sens de l'éducation, dit Olivier Reboul, c'est mutiler l'homme".
C'est ~ire
que les trois niveaux d'enseigneaent doivent donc coordonner leurs actions édu-
catives.
Il ne s'agit pas de développer en tous sens la scolarité en ne tenant
as
compte de 1 'harmonie qui doit exister. entre les cycles' d'ensrigne.ment. On - e
peut adapter la politique scolaire aux nécessités du développement économi
e dl
pays en dissociant l'enseignement pré-primaire ,V~,nse.i.gnement primaire, l'
sei.
gnement secondaire et l'enseignement
supérieur. Tous doivent s'unir, s'ac
der pour éviter les disparités, les désarticulations, l' espri t de désunion. l'ab.
sence de concertation entre ceux qui prennent les décisions à propos de ce
trois niveaux d'enseignement, les finalités différentes de l'éducation po
et l'autre typed 'ema.e:Lgnenent, tout cela constitue
aussi les raisons es icnti.
elles pour lesquelles tout le système éducatif ivoirien n'a pu jusque-là s IrviI'
plus efficacement le développement et permettre la meilleure ,transformation
!es
structures sociales.

-380-
QUATRIElffi
PARTIE
LEP U B L I e
E T
LES
l N S T l TUT ION SEN SEI G NAN
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v
a
h
"

-381-
- l N T R 0 DUC T ION -
-Considérations Générales-
--------------------------
Allport
disait :"Si vous voulez savoir ce que sentent les gens, que
es
sont leurs expériences, ce dont ils se souviennent, leurs émotions, leurs
obi-
les, pourquoi ils font ce qu'ils font, pourquoi ne pas le leur demander ?U
Fort de cette pensée, nous avons voulu savoir con~ent évoluent les attitud s
des Ivoiriens en général. En effet, la recherche sur les attitudes prend u
im~
portance croissante dans les sciences humaines. Les attitudes des individu
et
divers groupes sociaux à l'égard de l'éducation, de la vie quotidienne, de
mu-
tations de leur société, tout cèla
constitue un ensemble de thèmes qui pa
ion.
nent actuellement les sociologues, les politologues, les éducateurs, etc ••
1
Dans le cadre de nos investigations deux groupes sociaux nous ont par
cu-
, lièrement intéressés. Il s'agit respectivement des analphabètes des zones ra~
li
les confrontés
au problème du modernisme et des sujets scolarisés,
di-
li
re sachant lire et écrire,vivant dans la Capitale économique, Abidjan.
ri
Les moyens nécessaires à l'analyse de leurs attitudes face au modern" me
sont divers, variés.
L' enquêt~ "auprès d'effectifs importants, représen
tif:
1
R
de ces deux groupes peut être une voie d'approche. Mais elle n'est pas touj.urs
possible ou elle ne donne qu'une information sur les grands courants d'op'
ons
sans qu'aucune analyse détaillée de leurs attitudes et de leurs motivation
puisse être effectuée,
Dans certains cas, une recherche plus approfondie
ut
être indispensable sur un échantillon restreint par la voie d'entretiens sé i-
directifs. Les conclusions d'une telle étude fournissent indubitablement le
él(
ments d'une typologie des attitudes des deux groupes et permettent de mieux cer·
ner la réalité
de leurs problèmes respectifs en donnant des indicateurs ut les
à la définition d'une nouvelle politique en éducation. Tout cela
montre la corn·
plexité et la diversité des attitudes en ce domaine. C'est pourquoi nous av ns
préféré écarter de notre travail les analyses raffinées de
données statist'que:
susceptibles de fournir certaines informations sur les attitudes par les ét des
de corrélation entre certaines évolutions des mentalités et les facteurs quO 1er
commandent.Nous avons écarté cette approche méthodologique en utilisant tout sim,
plement un questionnaire pour tous les sujets de notre enquête. Ce questio
air,
comprend à la fois des q~estions ouvertes et des questions fermées. Il abor~e
un certain nombre de thèmes: la langue, la nourriture, les vêtements, les
ass"
1
media, les loisirs, les habitudes de la vie quotidienne, la perception du m de
1
il

-382-
de vie de l'Occident, le système éducatif importé, les sentiments à propo
des
transformations actuelles, etc •••
C'est à ·partir de 1979, au mois de février que nous avons commencé n
pré-enquête. Celle-ci nous a permis de rectifier certaines questions ambi
ës
et de supprimer les questions à caféteria. L'enquête proprement dite à dé

en 1980 et a pris fin en Octobre 1981. Elle nous a donné l'occasion de co
a-
rer les attitudes des ruraux et
celles des urbains à l'égard des thème
pré~
~
[.i
cités.
En nous intéressant au monde rural, nous avons voulu appréhender les
tti-
1
tudes tradi tionne.lles qui déterminent et orientent les processus modernes
changements sociaux. Il est indé~iable que le monde de la paysannerie est
télÉ
ment ~ondamental de la révolution et des transformations. Dès lors, "le so io-
logue comme le politique ne peut éviter de penser que l'avenir de la Côte
'I-
1 voire reste, en dernière analyse, commandé par ce qui se passe et ce qui s pa~
~l~ sera au sein des masses paysannes (1). Dans cette optique, il importe pour nOUf
de savoir comment le monde rural analphabète par rapport au monde urbain s
co~
1
porte, s'adapte,
réagit à la civilisation occidentale, comment il perçoit les
1 changements actuels au moment où la crise du système éducatif ne cesse de 'ag~
graver dans le pays.
f:
Il
li
Voici les données essentielles de notre enquête
- Répartition régionale des personnes enquêtées
Nous avons interrogé 8 3
personnes :
-Région d'Abidjan
. 256
30,4%
-R~gion de Korhogo .••••••••••••••••••••••••.• 137
16, 3~0
-Région de Daloa . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . 149
17,6%
-Région d 'OtlIIlé . . • . . . . • . . • . . . . . • • • . . . . • . • . . . • 188
22,3%
-Région d'A bengourou . . . . . . • • . . . • . • • . . . . • . . • . .
61
7,2%
-Région de Bondoukou ••••••••••••••••••••••••
52
6,2%
Total
843
100,.0%
L'observation de ce tableau permet de constater que les régions rural s eh
régistrent 69,6% de l'effectif total des personnes interrogées.
Les 843 sujets enquêtés présentent les caractéristiques suivantes
(1) Pierre Fougeyrollas, op. cit. page 45.

-.385-
laisse à penser que tout n'est pas pour le mieux dans la civilisation occ
tale. Ainsi tantôt, ils optent pour certaines valeurs africaines, tantôt
d'autres valeurs européennes. Et contrairment aux ruraux, ils ont plus de
sibilité et de perméabilité au changement. Il est des changements auxquel
ils
se résignent plus volontiers, par exemple, en ce qui a trait au rejet des
croyances contraires à l'esprit scientifique.
Par aïlleurs, nous avons esta·
té qu'ils prenaient
souvent des distances à l'égard de certaines pratiqu
ditionnelles telles que la dot, la polygamie, etc. On remarquera alors qu
1
'1
attitudes tranchent radicalement sur celles des ruraux au niveau des habi
1
Il
quotidiennes,) comportements vestimentaires et alimentaires, besoins et as
1
tions, perception de la civilisation africaine et de la civilisation euro
if
perception du changement, etc •••
!
Dé manière .,générale, disons que, depu~s l'avénement de l'Occident les tran1
formations ,qût se sont opérées en Côte d'Ivoire ,sont imm~nses. Elles seso t re'J
i
forcées surtout
après l'Indépendance en 1960. Quels sont les gr~~ds trai s de
1
ces changements ?
En effet, depuis 1960, la vie moderne en tant qu'espace nouveau ou r ali-
té nouvelle qui s'est imposé à la Côte d'Ivoire, semble avoir créé un tas de bl
soins autant chez les citadins que chez les ruraux: besoin effréné d'arg nt,
besoin de vêtement, besoin de posséder une maison en dur , un camion ou
e vo:
ture. Actuellement, le pouvoir des vêtements est tel qu'il crée un certa
pre,
tige dans les réunions publiques, dans la rue, dans les bureaux, au march
S'endimancher tous les jours est maintenant enraciné dans les moeurs. Ave
des
nuances et une intensité variable, les habits intéressent toutes les couc es
sociales. Le souci de mieux s'habiller, de bien s'habiller attire l'atten ion
1
de la plupart des Ivoiriens.
1
Mais le caractère impérieux du vêtement en Côte d'Ivoire s'explique
ujou:
1
d'hui et de plus en plus au moment où l'on assiste de plus en plus à l'oc iden·
talisation rapide du pays. Et tout ceci ne peut être séparé d'une ambitio
éco.
nomico-idéologique.
A partir de telles réflexions, s'annonce déjà la possibilité de tout s le
déviations à propos des vêtement~ : dépenses exhorbitantes pour mieux p ~er 1.
corps, recherche des habits européens rares,
soif
d'être à la mode occi ~entB'
I!
le, confiits entre les vêtements europ'éens et les vêtements africains ou i :oi-
riens, croyance que l'habit fait le moine. Si le choix des vêtements ivo"iens

-383-
a)- ~ :
Abidjan
Zones rurales
Tot~
Masculin . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
185
482
Féminin
.
71
105
Total
.
256
587
b)- Age :
Abidjan
Zones rurales
TotEG.
Moins de 25 an2 ••••••••.•.•.•••••••••. 40
4C if
De 25 à 29 ans ....................... 54
98
152 •
De 30 à 34 ans ........................ 38
134
172
De 35 à 39 ans ..•••••••••••••••.•••••• 46
125
11"'1
De 40 .'é'. 44 ans •••.•••••••••..••••••••• 42
139
18T II
>.J·'I
De 45 ans et plus ..................... 36
91
127:1
Total
256
587
c) - Religion :
Abidjan
Zones rurales
Total ~
Religion traditionnelle
2
335
3371
Musulmans ••••••••••••••••••••••••••••.
87
144
231 1
i
Catholiques
.
98
45
145'
Protestants
.
35
36
71
Religions synchrétiques •••••••••••••••
13
20
33
Sans rel igion
.
8
2
10
Non déclarés
.
13
5
18
-----~------------""""="~-------~~-------:'--:+'-
Total ...............•......... 587
587
843
d) - Niveau d'instruction.
Abidjan
Zones rurales
Tot Ù
Analphabètes . . . • • . . . . . . . . . • • • . • . • . • . . .
587
587
Formation primaire ••••••••••••••••••••
47
-
47
Formation secondaire •••••••••••••••••• 102
-
102
Forma tion supérieure..................
68
-
68
Doctorat, Agrégation••••••••••••••••••
22
-
22
Non déclarés............................
17
-
17 ,-
Total .••.•••••.••.••..•.•...•. 256
587
843

-386-
renoue bien avec la pensée ivoirienne traditionnelle,il n'en demeure pas
ins
que 47 % des citadins et 13 %de ruraux préfèrent tantôt porter des vêtem
ts
africains, tantôt des vêtements européens. Ainsi, de manière générale, le
os-
tume, le pantalon, la culotte ou la robe par exemple, jouissent désormais· 'une
certaine importance partou
ailleurs dans la vie quotidienne des Ivoirien
servation atteste que s'habiller à l'européenne représente aujourd'hui en
ôte
d'Ivoire l'espace d'identification:vnquissur un monde traditionnel régi
sen··
tiellement par le port du pagne, du boubou ou du caleçon. S'habiller comm
parisien ou une parisienne est le désir pressant de tous les jeunes ivoir
ns.
Et quoi qu'il en soit, l'habit est inscrit dans la réalité des faits qUot,l iens
du
pays,
mais masqué tant bien que mal par le système
rpré
té en général comme un signe de modernisation.
Abordons maintenant un autre thème ; la nourriture ;
La consommation de la nourriture fait naturellement partie de la
de l'équilibre et du bien-être de chacun.
Tous les hommes sont égaux
besoin de se nourrir, de bien manger et de manger selon leurs moyens,
goûts, leurs préférences. Mais dans un pays SOUS-développé
comme la Côte
voire, les objets de consommation tels que la nourriture par exemple, dev
nent
ainsi
de plus en plus significatifs du rang social et du degré
culturation. Ainsi, la consommation de la nourriture (prise au sens de
se, d'achat J connaît un rôle des plus éminents,car elle n'homogénéise pa
vantage le corps social. Et plus est, elle en accuse même la disparité. 0
donc tenté de poser le comportement alimentaire comme un stimulant à la h' 'rar-
chie et à la discrimination sociales. En fait, l'idéologie de la
alimentaire dans un pays qui conserve encore les séquelles de la
joue bien ce rôle. A ce niveau, il .eonvient .de rappeler que la propagande
lière en faveur des mets européens contribue
a renforcer l'acculturatio
l'aliénation du peuple de Côte d'Ivoire. On sait que le public, indépend
de son pouvoir d'achat, est constamment invité par les mass-media à s'en
tre aux objets d'importation
(1). Se fier donc aux mets européens, c'es
cheri!· privU:égier la :gastronom1e: des pays dits développés dont on
de
vanter les vertus. En Côte d'Ivoire toute critique sévère des mets
est du coup rejetée comme relevant d'une attitude obscurantiste. Il faut
ter,déclare-t-on sans cesse, la nourriture· qui vient des Blancs, parce que
"c'est sain, hygiénique et lié
à la "civilisation", "la nourriture de l'
0-
péen est toujours contrôlée par les machines ••• " • Quant aux mets
n'en parlons pas: Qui veut toujours s'intéresser uniquement à'.de
si
(1) ABDOU Touré : 1a Civilisation quotidienne en Côte d'Ivoire, Ed. Karth
P,
ris, page 63.

-381-
voit taxé de prolétaire, c'est-à-dire celui qui vit dans une indigence ou
e
certaine détresse.
D'après les résultats de nos enquêtes, l'intérêt va
tout de même ve
la
manière ivoiriennesur le plan de la gastronomie : 78 % des citadins et 98
de
ruraux mangent à la manière "africaine ".. On pourrait donc
parler ici
sorte d'attachement
naturel des Ivoiriens aux mets du terroir.
Mais si l'influence des mets africains reste très prépondérante de
t
et d'autre, il ne reste pas moins vrai que la mixité alimentaire est appré
par 17 % de nos enquêtés qui sont en principe
des gens de la ville et quO
généralement plus fortunés et plus occidentalisés. Il y a lieu d'évoquer l
pre
blème des contraintes économiques
pesant
sur les familles démunies qui ai-
meraient aussi se nourrir comme les Blancs. Heureusement, on peut constate
que
les fêtes solennelles et les grandes cérémonies constituent les occasions Ipéci
fiques où les repas européens sont en honnéur. Les invités s'adonnent à co ur
joie pour dévorer les beefteks,la salade, les frites, les poulets rôtis. Et fai1
encore plus curieux, on se plaît souvent à fêter l'anniversaire de X ou de ~ er
se mettant à l'heure de l'Occident.
Quoiqu'il en soit, acculturation et recherche d'identité culturelle s en-
chevêtrent dans les comportements de tous les Ivoiriens. Toutefois, force
st
de reconnaître que cette situation ambiguë contribue doucement à la destru ~ior
de nombreuses conduites sociales traditionnelles.
Enfin, il est intéressant de constater qu'en général la mixité alimen
ire
a toujours entraîné la mixité vestimentaire : Plus les individus mangent d
deux manières, plus ils ont l'habitude de porter tantôt les vêtements afri
inE
tantôt les vêtements européens. Tout cela traduit - à n'en pas douter - le
ou-
ci de chercher à maintenir l'équilibre entre les valeurs culturelles de
la Cô-
te d'Ivoire et celles des pays métropolitains.
Un autre thème non moins important que nous avons abordé a été celui d s
loisirs.
Comme on le sait fort bien, le loisir est "l'ensemble de s occupations
ux,.
quelles chacun
peut
s'adonner de plein gré après s'être dégagé de ses obl'ga·
tions professionnelles, familiales ou sociales, pour se reposer, pour se di err.
tir ou pour développer de façon désintéressée son information et sa forma~
tion "(1). Mais le loisir doit être aussi cerné dans sa nature faite de par do.
xes : Comme le travail, il libère et asservit, détruit et reproduit l'ordre so~
(1) Joffre DUHAZEDIER : Sociologie du loisir, in "Sociologie -Encyclopédie- a-
rousse, 1978, page 197.

'-384-
Rappelons que l'enquête que nous avons menée tant au niveau urbain qi'au
niveau rural avait pour but de voir dans quelle mesure l'avéneuent de l'O'ci-
dent avait
transformé les mentalités et les attitudes, surtout en ce qu 1 con.
cerne les paysans analphabètes.
Mais les résultats de notre enquête appelle plusieurs remarques. Que [es
différences de comportements soient plus tranchées entre les ruraux et le
ci-
tadins, cela va de soi, puisque les urbains ont profondément par le
l'instruction baigné dans la civilisation européenne. Il est donc normal
c:
il
les ruraux perpétuent davan~age la tradition, puisque celle-ci est étroit ment
;\\
liée au terroir.
1
il
Quant aux citadins, leur position est plus complexe, voire très ambi lë.
Ils manifestent parfois à travers leurs déclarations le souci de rester f'~è-
1
les aux principes de l'éducation africaine traditionnelle tout en cherch
demeurer dans la modernité. Cette attitude
ambivalente est le résultat deleu1
perplexité.
Mais les ruraux qui (on le sait) sont plus attachés au respect de la tra-
dition, se laissent aussi parfois influencés par les objets d'importation: voi
ture, télévision, radio, etc. Influences occidentales~et influences ·:·a:f.ri'Ca~
se croisent
à leur niveau. Ils reconnaissent généralement que les valeurs.-
trangères, voire occidentales comportent tout de même des éléments très PO!li_
tifs par endroits, tels que l'école, l'argent, la technique, etc •••
Ils
~ont
'"
il
tous
très sensibles au génie
de l'Occident meme s'il leur arrive parfo~js d:e
critiquer durement celui-ci à travers les comportements de leurs enfants s :ola':
risés. Toutefois, la lecture attentive de quelques-uns
de leurs propos ates-
te
fort bien qu'ils souhaitent que leurs enfants aillent à l'école des B anc~
pour s'instruire, se cultiver. Cependant, ils craignent que ceux-ci renien
les,
valeurs culturelles ivoiriennnes, une fois intégrés à l'école.
Il ressort encore des divers entretiens que nous avons menés avec les ru-
raux que la vie moderne ne les effraie pas. Toutefois, ils regrettent qu'e le
contribue à l'effritement du patrimoine culturel ivoirien.
1
1
1
l,
Du côté des citadins, tous sont unanimes a rejeter
ce
qui consti he
le noyau du système éducatif traditionnel capable de constituer un frein s -
rieux au décollage économique de la Côte d'Ivoire : cul te des Morts, funér 11- ~
les grandioses, idolâtrie, superstitions, parasitisme clanique ou ethnique •.•
M~is leur hésitation à l'endroit de certaines valeurs de l'éducation afric :Lne

-389-
d'orienter la société ivoirienne suivant les principes bourgeois.
com-
me en brousse, les Ivoiriens aspirent frénétiquement aux biens de conso
ion.
A leurs anciennes croyances, succède maintenant une conception
'u
monde, à savoir
immoralité, individualisme, valorisation absolue du ga'
et
du luxe. Toutes ces données étaient étrangères aux sociétés ivoiriennes t
,di-
tionnelles où l'essentiel, la hiérarchie des besoins et
s-
faction étaient maitrisés~ La valeur d'usage ne s'était pas diluée dans 1
va-
leur d'échange. La plupart des biens et des services étaient produits et
'n-
sommés sur place par les mêmes individus.
Aujourd'hui, on peut dire*"Adieu~i! au monde de la tradition. Hélas!
. 'é-

tait l'univers de l'auto-subsistance. Parce qu'elles étaient fondées sur 1
fi-
délité aux ancêtres et relativement fermées aux influences exté~ieures, le
so-
ciétés de cette époque étaient remarquablement stables comme n.ous l'avons 11 'j à
souligné ; les besoins et la façon de les satisfaire étaient considérés co
e
immuables, "naturels". On satisfaisait les besoins dans le cadre de l'espr t de
solidarité.
Aujourd'hui, un tel esprit se trouve radicalement opposé à la logique du
capitalisme qui sévit en Côte d'Ivoire. Cette logique, tout en aggravant 1 s
conditions d'existence des individus sociaux, tend à exploiter pour son gr
d
profit, les besoins accrus de ces mêmes individus. Il s'agit ici pour une
elle
logique de susciter et de développer les besoins individuels. Ainsi, les 1 oi-
riens qui sont toujours confrontés au phénomène du capitalisme libéral, ar iver
dif~ici1ement à. surmonter
cette situation. Il en résulte que chez eux, de ma-
nière générale, les besoins à satisfaire en premier lieu sont essentiellem nt
de type "moderniste" : Ils pensent à l'achat d'une maison en dur (76 %); e VOYE
leurs enfants en France s'ils avaient les moyens (42 %) ; placer l'argent
la
banque •••• Les ruraux qui sont pour la plupart des agriculteurs rêvent non seu.
lement d'avoir une maison en dur (84%), mais voudraient posséder à tout pr x
1
des machines agricoles (88 %).
En vérité la possession d'une maison de style européen attire autant
'at"
tention des citadins que des ruraux. Comme on peut le constater, le monde
ra:
n'est pas contrairement à ce que l'on a coutume de croire, une sorte de co
vatoire des archa!smes et des idées non progressistes. Les villageois que
avons enquêtés nous ont exprimé leur profond désir de rejeter les cases et
es
paillotes de leurs villages pour se contruire des maisons plus solides, pl s
modernes :" Les cases ne tiennent plus debout. Elles font la honte de notr
village ". Tel est l'aveu de nos enquêtés. Ainsi engagés dans un processus ,de
modernisation, il semble que ruraux et citadins se trouvent sur le même na 'ire
i
il

-390-
Dès lors, on comprend pourquoi le monde moderne a presque le même im act
sur leurs besoins respectifs. Mais par endroits, les citadins et les rura
on~
des positions divergentes, opposées à l'endroit de certaines réalités de
ViE
sociale quotidienne.
Ainsi par exemple, les urbains optent généralement pour la famille d
ty-
pe occidental (87 %)7par
opposition aux ruraux qui optent résolument po
la
famille de type africain. (97%).
On le voit, l'organisation traditionnelle de la vie africaine
sur
la famille étendue se trouve complètement rejetée par les citadins au pro 't
de la famille nucléaire (père, mère et enfants). Et pour se justifier,
a-
vancent les arguments suivants: "La famille nucléaire permet d'éviter
dé-
penses inutiles". "Avec la famille à l'européenne, on s'occupe mieux de s e n ·
fants".
" On ne peut plus s'immiscer dans vos affaires". On
évite d'avo'
SUl
le
dos une armée de fainéants, de parasites". "La famille de type occide
al
doit être vivement recherchée à cause des difficultés de la vie moderne
Marqués donc profondément par l'esprit "moderniste" ou occidental,
ci·.
tadins
battent
vivement &n brèche la ~amille de type 'traditionneL Ils
sent comme M. Henri Bourgoin et Philippe Guilhaume qu'une pareille struct
e
est inadaptée au développement. D'abord, parce que l'esprit de solidarité
ui
l'imprègne, limite la compétivité sur le plan économique: d'une part, le
grol
pes jeunes et bien portants prennent en charge les champs des vieillards e
de~
infirmes; d'autre part, même si personne n'est oubliée, l'exploitation
ili·
ale ne vise qu 'à assurer les besoins élémentaires de ses membres" (1).
L'esprit "moderniste" gagne du terrain partout en dépit de quelques
ti-
cences de la part de nos ruraux. Le thème de l'argent revient dans tous le
propos :"avoir beaucoup d'argent, être riche .•• "
En considération de tout ce qui précède, on remarque que les besoins
es
~
Ivoiriens ont énormément évolué. Pour l'Ivoirien traditionnel qui vivait d
s
le respect strict de son patrimoin~ culturel, sa production se mésurait à
es
besoins. On ne cherchait pas à produire une grande diversité de biens, on ,ro-
duisait ce qui est indispensable à la survie du groupe. Le monde est donné et
l'homme le subit ou s'y adapte. On s'adapte à la nature, on
accepte son
tat. Il faut produire pour la communauté villageoise ou mieux pour le clan ou
la tribu.
Aujourd'hui l'Ivoirien est défini dans ses besoins par un ensemble de
prescriptions et de droits entretenus par le système capitaliste. Il est
!int,
CI) Henri Bourgoin et Philippe Guilhaume, op. cit. p. 1 8 4 . ! 1
11\\

!
-391-
1
nant sollicité à se conduire en consommateur aliéné, usager. Maiè il ne p
ra
guère satisfaire ses besoins de façon spontanée et autonome, car il dépen
du
sytème capitaliste qui ne socialise que le besoin, ce qui fait" renaître
a
compétition pour le nécessaire" (1).
o
o
o
Aujourd'hui, on assiste
à travers toute la Côte d'Ivoire, à l'altéra ion
progressive de l'éducation ivoirienne traditionnelle à cause de la présen
def
institutions enseignantes occidentales. Celles-ci y ont semé une nouvelle lon_
ception de la vie aussi étrangère que possible au modèle traditionnel ivo
Les modèles que proposent l'éco1e,les mass-media,et1'idéa1 d'homme que ce
ments font entretenir, ne peuvent en aucun cas se concilier avec l'esprit
tionne1 ivoirien. Aujourd'hui, on remarque avec beaucoup d'amertune que 1
Ivoiriens sont presque conditionnés par les influences de la civilisation,
dur:
trie11e du 20e siècle. Ils ne peuvent se défaire du boulet qu'ils trainen
avoir hérité ou adopté les idées et les critères découlant d'une expérien
toute différente.
Toutefois en nuançant nos propos, force est de constater que les rur
~
semblent être relativement encore enracinés dans les valeurs ivoiriennest
d
tionne11es.L'éducation ancestrale qui avait marqué toute leur existence,
1
ce~
se de définir et d'orienter toutes leurs façons d'agir et de penser.
Comme on peut le voir, leur attitude
constitue à nos yeux, un phéno
de résistance au processus d'occidentalisation progressive. Nos paysans-ne
sent pas de jouir des bienfaits de la civilisation métropolitaine, mais l
inquiétudes présentes sont liées aux conséquences dangereuses de cette ci
sation qui tend à saper à la base toutes les structures et valeurs tradit
nelles des villages, éléments qui ont toujours maintenu les collectivités
ay-
sannes dans une sorte de stabilité quasi parfaite.
Quoiqu'il ejl soit, nos ruraux sont entraînés par le vent :du Dlodel."l1i
et,
âe l'espr~t capitaliste. Ils sont précipités dans un processus irréversibl
sans en avoir le loisir ni la liberté, obligés cependant d'en assumer les ~~s-
(I) Karl Marx: La Pleiade, Oeuvre II, page 91.

-392-
ques. Ils sont écartelés entre deux mondes
di~nétralement opposés. Ainsi
les
valeurs du monde moderne suscitent d'une part chez eux de l'admiration, e
d'al
tre part, des sentiments de répulsion. Nous avons constaté au cours de nos di-
verses observations et entretiens libres qu'en dépit des influences multi [es
qui s'exercent partout sur eux, ils ne sont pas près de rejeter toutes le
va-
leurs traditionnelles de la Côte d'Ivoire : Attitudes ~avorables et défav
bles se combinent dans le processus de transformations sociales. Critique
bes par endroits à l'égard de certains principes occidentaux susceptibles
néantir toutes leurs conceptions de la vie ancestrale. Méfiance à l'égar
certaines valeurs importées qui risquent de perturber leur vision du mond
individualisme, sentiment de supériorité, hypocrisie, abus du tabac et d'
racisme, etc.
Mais certaines habitudes européennes rejoignent les préférences des l
riens: Conscience'professionnelle (64% avec les citadins et 36% avec les
raux), amour du savoir, de la science (54% et 28%), esprit de démocratie
Telles sont les principales valeurs que les Ivoiriens admirent chez
Occidentaux. Ils veulent incarner toutes ces valeurs en vue d'accélérer 1
changements positifs en Côte d'Ivoire. Lorsqu'on s'avise de leurdeœander
ment ils perçoivent les changements qui sont intervenus depuiA-20 ans ën
d'Ivoire, ils déclarent tous que le pays est "devenu riche (65% et 52%),-
Y a maintenant beaucoup d'hommes d'affaires ivoiriens "(15%). "on s'habil
mieux (75% et 52%), "l'individualisme est trop poussé" (45% et 72%), "les
lat ions adultes-enfants sont très tendues"(60% et 52%), "il Y a beaucoup
chômeurs dans le pays" (57% et II%),etc •••
Manifestement, chez la plupart de nos enquêtés, les aspects matériels
es
changements l'emportent largement sur toutes-les autres considérations. L
vi-
sion de la "modernité" semble être autant identique chez les citadins que
les ruraux généralement analphabètes. Mais des entretiens très approfondi
ces derniers
-nous ont révélé l'existence d'un manque d'informations obje
ves. En aucun instant, ils n'ont réalisé que la fonction de l'Etat capita
s-
te ivoirien est de dissimuler les antagonismes et les inégalités sur lesq
ls
il est fondé. Et qui plus est, ils ignorent même que les discours et slog
s
politiques constituent des armes ide' 1
i
bl
o og ques capa
es de les dérouter, de les
faire rêver, de les plonger dans l'univers de l'ide'alisme t t 1
.
o a • A1nsi aUj,ur-
d'hui, ils croient que la prétendue prospérité de la Côte d'Ivoire est le
"affaire" ; et ils en sont très fiers : A preuve, ils ne cessent de glorif';er
le Président de la République ,- à qui ils souhaitent sans cesse longue vie ai sa.;
té "de fer" pour sa poli tique di te ~de clairvoyance", "de prudence", "de f Ifa_
Il

-393-
ternité", "de dialogue", etc •••
A s'en tenir aux résultats de nos enquêtes et de nos observations pa
ticipation, on serait tenté d'affirmer que tous nos sujets, qu'ils soient
bains ou ruraux sont quelque peu à la lisière de l'aliénation et de l'end
nement. Victimes du culte de la personnalité, ils sont satisfaits d'évoqu
s~;
relâche les souvenirs du "boom économique de la Côte d'Ivoire", du "mirac

voirien. Et qui plus est, ils attribuent ce soi-disant progrès au Préside
Houphouet-Boigny.
Oubliant pour ainsi dire leurs conditions concrètes d'existence, ils
cessent de s'identifier aux "apparences" qu'offre la vie moderne introdui
l'Occident. Bien que vivant en général dans la misère et la détresse, voi
dans l'exploitation, ils ne peuvent s'empêcher parfois d'exprimer
leurs
tis,
factions à l'endroit de tous les objets d'importation comme les voitures,
es
villas, ete •••
Le propre des réponses fournies par nos enquêtés est de réconstituer
quelque sorte sur un plan imaginaire, une certaine vision unitaire qui se
d'horizon à leur vécu. Ainsi l'idéologie de la croissance fort entretenue
le pouvoir a feint de méconnaître les conséquences négatives de cet état
ch~
se.
Aujourd'hui, nos sujets ne
connaissent que les aspects quantitatifs
e lé
croissance ou du développement. Selon eux, l'enrichissement de la Côte d'
oi-
re devrait .conduire posi tivement à la transformation de chaque ivoirien.
c'est précisément la transformation de cette croissance par le citoyen iv
rien - et non la croissance en tant que telle - qui doit être l'élément f
da-
mental en question. C'est l'homme ivoirien dans les conditions concrètes
qui doit influer sur le processus de la croissp~ce~
Cette croissance de la Côte d'Ivoire n'a pas, selon nous, permis de
ver le réel concret, c'est-à-dire le citoyen ivoirien dans sa plénitude,
complétitude, voire son équilibre authentique. Nous assistons aujourd'hui
de~
perturbations de tous genres qui rendent difficiles ses relations avec
au•.
tres. L'exemple des rapports entre adultes et jeunes n'échappe pas ici à
s
observations. De quoi s'agit-il donc?
Depuis l'Indépendance, force est de reconnaître que les relations en
e
les adultes et les jeunes ont été profondément modifiées voire sérieuseme
ébranlées.Le système éducatif qui est un prolongement du système éducatif
porté n'a guère contribué à améliorer les rapports entre les générations. Ain~
cherchant à se dégager des contraintes du milieu familial, les jeunes éPrl1,lve.,
lili
Il

-394-
le besoin ardent de satisfaire toutes leurs ambitions dans les nouvelles s ruc-
tures socio-économiques adaptées à la nouvelle notion'à~' pouvoir moderne.
ls
Be trouvent entre la tradition ivoirienne avec touteB BeB valeurs et l'enB i-
gnement métropoli tain ,qui présente une certaine ph1:1-osophieoPPo.Bée. ,à' ·i-a-m ntal
té des Ivoiriens. A partir de cette philoSophie qui est centrée sur la forme vi-
tale émanant d'une source unique;
"l'être Buprême", découle la notion de
é-
pendance des individus du groupe par rapport au chef, à la personne la plu
âgée, à l'ancêtre, à l'esprit; et les actes et comportements humains repr sen-
tent une manifestation de la conBcience collective. Toutes ceB considérati ns
sont loin du principe de la responsabilité individuelle de la Beconde et d
son
corollaire,l'autonomie de la volonté, l'esprit d'initiative. L'une des pri,cipa
les caractéristiqueB de l'esprit occidental est que beaucoup de rapportB B nt
sur
plutôt baBés sur des dispoBitions contractuelles que/des dispositions trad tion
nelleB. L'efficacité,l'engagement et l'esprit d'entrepriBe n'attendent pas d'a-
bord le nombre d'années passées sur terre. Or en Côte d'Ivoire et surtout
ans
les milieux ruraux, la gérontocratie eBt là, vivace, qui empêche les jeune
de
s'exprimer, de s'extérioriser et de B'affiner pleinement. lIB souffrent do c de
ne pouvoir manifester leur dynamisme, d'être à l'écart de ce qui leur para t
l'élément moteur de la Bociété villageoise. Ils supportent la domination d s
aînés avec beaucoup de difficultés et préfèrent parfois embrasser la voie
e
l'exode rural.
Ils ont en général découvert à l'école une culture dont le rôle a été de
propager un ensemble de valeurs contraires à celles que les adultes leur 0 t
enseignées. Ils baignent maintenant dans un système opposé
,à l ' espri t
ces-
tral ivoirien. La culture diffusée'
par l'école est censée être "légitime"
elle opère une certaine coupure entre ceux qui savent lire et écrire, puis ceux
qui ne le Bavent pas, ce qui va créer des Bituations très conflictuelles e tre
les enfants scolarisés
et leurs parents analphabètes.
En effet, les jeunes ont pleinement intégré le savoir occidental. Dés r-
mais, au sein de certaines familles, ce sont les adultes qui s'en remetten
à
leurs enfants qui savent lire et écrire. Toutes ces indications traduisent in-
dubitablement le rôle de plus en plus décisif joué par le capital scolaire dans
l'accès aux positions de pouvoir. Tout se passe comme si la transmission d
pou
voir (intellectuel) s'est inversé. Au lieu de s'effectuer comme autrefois
ous
l'impulsion des adultes, elle semble aujourd'hui s'effectuer en grande par ie
SOUB le contrôle des jeunes générations par la force de l'école. On compre ,dra
ici que l'exclusion des adultes analphabètes de l'univers du Bavoir modern ~"
constitue - à n'en pas douter - un handicap assez Bérieux dont les effets
'e
font présentement Bentir dans toutes leurs relations avec les jeunes.

-395-
Disons que le lien entre l'éducation reçue par ces jeunes et le mili
tr8
ditionnel semble assez problématique bien que fondamental. Les jeunes qui
quentent les établissements scolaires refusent le travail manuel. Ils est
que l'apprentissage du travail de la terre peut se faire sans aller à l'é
En outre, avec l'économie capitaliste, le travail champêtre rapporte peu: il
est difficile et incertain. Par ailleurs la plupart des jeunes que nous a
ns
interrogés ont trouvé que la vie au village est monotone. Ils pensent plutô
aux.
emplois urbains qui, selon eux, rapportent argent et prestige. Ils aspire
donc aux avantages et attraits qu'offre la vie citadine. Celle-ci permet' vrai
dire une plus grande liberté de moeurs.
Ainsi, dans l'espoir d'échapper à la pression adulte qui s'exerce san
ces
se sur eux au sein des communautés villageoises, la plupart des jeunes ve
se débarrasser de . l 'autorité de ce milieu.Aussi, l'autorité·parentale V&...t
lIe
connaître des faiblesses: on assistera donc à l'échec de la relation
té parents-enfants. Et en conséquence, bon nombre de parents (surtout
)
se plaignent constamment des attitudes de leurs enfants. Ils leur reproche t
d'être paresseux, hautains, insoumis, impolis, moqueurs. Par rapport au cl -
mat de leur propre. enfance ,le comportement des jeunes leur paraît incompré en-
sible, invraissemblable, inadmissible.
Aujourd'hui, tous les parents de Côte d'Ivoire sont désemparés : ils
'ar-
rivent plus à inscrire leurs enfants dans les structures de la mentalité i oi-
rienne traditionnelle. Ils sont foncièrement partisans d'une autorité asse
forte capable de mieux endiguer la fougue des jeunes qui sont trop épris d s
idées de modernisme, de changement, d'aspirations nouvelles, etc ••• Ceux-c
ne
peuvent s'empêcherde repousseray~c.horreurles valeurs traditionnelles quo son'
toujours eu. vigueu;r. Ils. ~uvent
au village un facteur de rigidité,
ixi
té traditionnelle, incompatible avec l'esprit enseigné par l'école, cette
sti
tion étrangère qui apprend la remise en cause, l'esprit de contradiction,
comment et le pourquoi des choses. Or dans les zones rurales, tout semble
oir
un caractère assez définitif, irréversible: on est affecté à son clan par
a
1
naissance, on porte avec soi cette appartenance jusqu'à la mort. Mais en v
le,
on peut appartenir à d'autres groupes extra-ethniques, à des associations
ver'
. ses dans le cadre professionnel. Dès lors, on imagine aisément ce que
tèJ
me villageois peut avoir de désespérant pour les jeunes par rapport à
as-
pirations éventuelles de promotion sociale. D'où leurs rapports tendus ave
le5
.. ,
aJ.nes.
Tels sont les résultats généraux de nos investigations. Nous allons
nant présenter au lecteur d'autres aspects plus spécifiques de notre
J

'-.396-
-Chapitre
Premier-
LA
QUESTION
LINGUISTIQUE
"Aliénés et extravertis ,nous le somme.B. p
les
langues que l'école nous oblige à appren
e
en nous faisant comprendre que nos langu
,ne
sont pas capables d'exprimer la nouvelle
ivi-
lisation dans laquelle nous sommes entré
et
qu'elles sont incapables de nous aider à
muniquer avec les autres peuples, du moi
ceux qui veulent seuls écrire l'histoire
laquelle nous, sommes obligés de nous ins . er" •
.-N:IAXOORAN". BOUAH-
---------------
Au cours du séminaire organisé en décembre 1977 par le Ministère
de
Af-
faires Culturelles, les participants ont souligné la diversité des nombre
es
ethnies que la colonisation a rassemblées dans le même territoire ivoirie
Nous l'avons vu, dans leurs structures, ces sociétés ethniques sont hétér Lè-
nes. Mais de cette diversité de structures à la fois socio-politiques, éc ~omi
ques et linguistiques, l'Etat veut faire un ensemble homogène ayant parto r la-
même organisation politique et administrative, les mêmes structures de pr ~uc­
tion et d'échange, le même système d'éducation scolaire, la même langue o' i-
cielle.
Une fois l'Indépendance acquise en 1960, le français fut adopté comm
la
langue pouvant jouer le rôle unificateur. Le choix de cette langue
a~
tion dans laquelle doit s'effectuer la diffusion des connaissances ne se
pas seulement dans le cadre du nationalisme culturel, mais il était lié p
nécessités de la construction nationale. La tâche essentielle consistait
cet
égard à dispenser à l'ensemble des Ivoiriens une instruction qui leur pe
tte
de participer à la vie réelle du pays. Mais
on savait déjà que de larges
teurs de ces populations, surtout dans les régions rurales reculées,reste
peine touchés
par 1"enseignementde la langue française tant qu'il ne 1
.
.
sera pas donné dans leur langue maternelle.C~. problème apparaît très dél"
quand on s~it qu'une économie ou une société moderne efficiente et démocr
implique nécessairement pour son développement, une information scientifi
masse. Or celle-ci n'est possible que par l'usage de langues et de
cessibles à tous. Toute information véhiculée englobe généralement
,1
de la culture matérielle de la communauté qui parle une langue, et au-de
r., la
totalité de la culture tout court: modèles de comportement, valeurs moraes,

-397-
croyances, etc. En dépit de oes constatations, rien ne sera fait pour ré
us-
ser les langues nationales. Plus est, on s'est content~
de mettre démés
é-
ment en valeur la langue :française comme si elle constituait la seule réal té.
La prétendue nécessité de celle -ci est abondamment justifiée dans les dé la-
rations des dirigeants ivoiriens. L'impact de leurs discours s'est tradui
dan!
les programmes scolaires depuis 1960 jusqu'à nos jours.Les matières litté
ire:
sont bel et bien conçues pour préparer les enfants à mattriser le françai . La
prépondérance de cette langue sur les autres constitue en fait un système asse:
contraignant et sélectif. La division entre les élèves "forts en français
et
les é!èves "faibles en français", est pratiquement totale. Dans ce sens e· avec
le français, le cadre de la division du travail et le bon fonctionnement
la
structure sociale de classes s'est déjà élaborés depuis les classes primai es
jusqu'aux classes supérieures. Il semble ainsi que toute l'école ivoirie
s'acharne à renforcer la croyance selon laquelle, seule la langue françai
es'
le seul facteur d'unité et de cohésion. Elle apprend à tous les scolarisé41à
maîtriser les systèmes de concepts et les discours théoriques 1nconnusdan~ led
langue maternelle. Elle devient du coup le lieu où l'on dispose et légit'
la
langue de l'ancien colonisateur.
Ainsi depuis plus de 25 ans, la langue française ne cesse de rivalise
avec les langues nationales. Elle rivalise énormément avec les deux langue
les
plus utilisées en Côte d'Ivoire. Il s'agit du dioula et du baoulé. Partout ail-
leurs, à l'école, dans l'administration, dans le privé, toute la littérat
réalise essentiellement en français. Tandis que l'on prolonge en ouvrant l
ra·
dio aux langues nationales, l'écriture reste majoritairement (et
ent
un fait français. Et selon l'expression de Louis-Jean Calvet, on peut avanc
que "l'école tend à conforter cette supériorité statique
dans le domaine
crit"(I).
Pourtant,la réalité quotidienne
montre que la langue française est
me~talement, pour l'Ivoirien, une langue étrangère. Il y a, dans l'ensembl
pays encore très peu de foyers où le français soit parlé comme première l
e.
Le monde linguistique dans lequel .se déroulent les premièrès années de l'e
ant
l
ivoirien, est un monde dioula, bété,
senoufo, agni, gouro, ébrié, etc ••••
Le dioula occupe en Côte d'Ivoire une place tout à fait spéciale. C'e . en
effet avec le français la Beul~ langue véhiculaire pour l'ensemble du paYS'~Le
dioula fait
Partie du groupe mandé; c'est la langue parlée sans de grandes dif.
1
1
(1) Louis-Jean Cal vet : Linguistique et Colonialisme, Payot, page 213.
il

1
férences dialectales, du Sénégal au nord du Ghana et du sahel è la mer:
1
1
'i
Kali, langue principale, et dan. 1•• autr•• état., langue véhiculair•• En fôt.
d'Ivoire, il n'y a pas une seule ville, un seul village important qui n'a r sor
1
quartier dioula. Une enquête faite en décembre 1968 au lycée classique d' rid-
jan, montre que plus de la moitié des élèves a des parents "Qui parlent ce "te
langue. Parler le dioula est une nécessité sociale en Côte d'Ivoire. l '
'uen"
ce du dioula est d'autant plus forte que les langues locales sont nombreuf s)et
dans certaines régions comme celles de Bondoukou, il tend è remplacer com 1 ète-
ment certaines petites langues.
le baoulé qui vient après le dioula est assez connu a travers tout l
paye
Il fait partie du groupe linguistique &kan.
1
l1
Depuis 1966, l'Institut de linguistique appliquée d'Abidjan a approtJ di
1
l'étude de
ces deux langues prédominantes. Il prolonge maintenant ses ét
es
i,'
1
,
sur les autres langues nationales. Ses recherches sont souvent conduites
ni-
li
veau des thèses dont les sujets concernent les grandes zones linguistique
Par
exemple, "La description synchronique de la langue abbey" (Attin K.),"L'
ude
i
phonétique de l'Adioukrou" (Hérault), "L'étude de la grammaire de Koyo" (
ko-
1
ra D.P.), "L'étude phonétique et l'esquisse phonologique du Baoulé" (Kra
),
·etc. Les études appliquées sont également nombreuses et tendent pour la p
part
à l'adaptation du contenu et de la méthode d'enseignement dans les classe
élé-
mentaires. (1).
De telles initiatives montrent une fois de plus que l'enseignement de
langues ivoiriennes est au coeur même de la problématique du développement cul-
turel : le séminaire sur "la spécificité et la dynamique des cultures nég,-
africaines" qui s'est tenu à Yamoussokro en 1978 a mis l'accent sur ce pro lè-
me capital de l'adoption des langues nationales non seulement comme moyen à. ex-
pression mais encore comme élément de promotion sociale (2).
Mais le problème épineux qui se pose actuellement est celui de passer a
l'écriture les langues nationales. Les linguistes ivoiriens de l'Universit
d'Abidjan cherchent à mettre sur pied des syllabaires permettant la posses ion
d'un outil de travail simple et efficace (3). Le but visé, c'est la créati n
(1) Entente Africaine : Revue Trimestrielle, nO 55, 1983, page 34
Il
(2) Valy Charles DIARRASSOUBA : L'Université Ivoirienne et le Développemen~ de
la Nation, op. cit. 136.
(J) Ibid. 136.
1\\1

-399-
de quatre dictionnaires qui auraient pour but "de réunir non seulement le
motf
de la langue représentant chacun des courants principaux mais aussi les
es
des autres langues qui viendraient enrichir celle initialement choisie.
enrichissement constant sortirait sans aucun doute une nouvelle langue 0
na1e et beaucoup plus riche que celle ayant servi à sa création••• (I).
L'Institut de Linguistique Appliquée oeuvre donc depuis plus1~urs
pour la restitution et la réva1orisation des langues ivoiriennes, mais il
'a
pas encore abordé les problèmes de fond, concernant l'institution, ne sera t-
ce qu'à titre expérimental, de l'enseignement obligatoire d'une langue pré 0-
minante des populations dans les programmes scolaires du pays. Il va de so
que
tôt ou tard, les Ivoiriens de demain auront vivement besoin de se
s
l'usage très large de leurs langues nationales, encore faut-il que les ini
tives soient déjà manifestes.Or en parlant français
chaque jour, ils rieq ent
d'étouffer complètement leurs propres langues, et d'être à jamais à la tra
le
d'une langue étrangère dont les structures phonétiques, syntaxiques et sé
tiques sont radicalement différentes des langues ivoiriennes. C'est donc
l'enfant ivoirien un obstacle difficile à surmonter que ce passage d'une
guE!
ivorienne à une langue étrangère, par exemple le français.
En effet, au niveau des particularités phonétiques, un certain nombre
e
sons apparaissent dans toutes les langues de Côte d'Ivoire et non en franç
s.
Il est évidemment difficile de donner par écrit une idée de ces sons. On p
t
..
.
néanmoins imaginer celui qui se prononce à mi-chemin entre "tian et "kia",
ue
l'on retrouve dans la quasi totalité des langues ivoiriennes et que
e
par la lettre c. Ainsi, en dioula, "cogo" (on prononce tiogo ou kiogo), en

~, la noisette (2).
On trouve également dans un certain nombre de langues de Côte d'Ivoire
des sons dits implosifs qui se prononcent accompagnés d'une légère rentrée
d'air. Ils sont difficiles à prononcer pour un·non-initié.
Une autre particularité est la fréquence des sons notés gb et kp, abse ts
de la langue française. Il ne s'agit pas ici de la succession d'un g etd'
b,
ou d'un k et d'un p, mais de la réalisation simultanée de deux occlusives,
'u- I
ne au niveau vélaire (g ou k), l'autre au niveau labial (b ou p) ; ainsi, e
baoulé "abga" (le manioc), en attié "sogba" (nager), en toura "gbo" (canari,
en ébrié "agbu" (fusil), en aladian "dakpé" (cuiller), en bété "sekpa" (gre
(1) Valy Charles·DIARRASSOUBA,op. cit. 137.
(2) Bullet~ de liaison, nO 1, Linguistique, Université d'Abidjan, 1970, pp.J8-
39
:,1
.

..... vu·
nouille.
Bn outre, 11 faut noter que les langues ivoiriennes .ont les l
je ~
'ons~. Une langue dite -è tons~ est une langue où des différences de 8 rs pe
vent Itre indiquées par des différences de hauteur des Bons. Ainsi, eD goure
11i/ avec un ton haut, 8igni!ie l'eau, avec un ton bas, a1gLifie le Boeil.
ébrié /awo/ avec deux tons hauts, signifie le chiffre ID et "awo", avec
t~
bas et un ton haut signifie le chat. Dans cette langue, OD a trois tonE (iffl
rents que l'on note: (haut) - (moyen) - (bas).
Certaines langues d~ Côte d'Ivoir~ ont plus de quatre tons phonolo :~ueE
COmI:lE'
le gagoù par exemple.
"La phrase devient une véritable mélodie Ot;
différence de niveau m~lodiC1ue est significetive"(J). Ici, hs tons se
différencier des mots homonyrne~ ; ils
ont également une fonction !r
ticale. Ainsi, dans plusieurs langues de le basse Côte d'Ivoire, la dif
entre le futur, le présent et le passé, est seulement marquée par un c
ment de tons.
Il existe encore un autre niveau de la lanfuE, celui du découpage s ~ti
que, ou, une fois de plus, les voies des langues ivoiriennes et eu:ropéeœi =: di~
verge::.t. PaT exemple, le langue françE.ise nt: connE.it qu'une racine, lt Ir • so-
leil, pour traduire deux r€ali tés différeLtes : "lt: soleil blanc qui BE-
'ole Q,.
matiL" et "le soleil qui brûle dans la journée". La langue ivoirienne et
~,
quant ~ elle, connaît deux mots différénts : "bene H et "kje", qui corres. ~de~
à ces deux notions. Là où une l~[Ue ne voit qu'une diffÉrence d'aspect.
'au-
tre veit une différence de nature. Il eL est ainsi pour tout le vocabul~: ç.
On rencoLtré, dans plusieurs le:.rLg'L1es, le mê=:e tt:rrne pour désigner ce ql.:.'O
a;>~
pelle eL fr~~çF-is un gendre et un beau-père. En revancht:, dans certau.=: c-=:,~
y a~ ôeux mots pour "l'oncle", suivant qu'il est le ~rère dt: la mère o~ éu
père U~).
En considération de toutes ces àonnées, on imagine déjb les multipl
difficul tés qui se présentent il l'enfant ivoirien qui doit passer de la l
E
maternelle à la langue française. En fait les deux langues ont chacune le'
do
maine : celle que l'on parle au village reste la langue du village, des r<: 1-
ports Î~iliaUY.
le français est la langue de l'école, de la promotion E:aia-
le, du travail, de la ville. L'équilibre entre les deux langues est tOUjo"~s
très fict if : la balance penche constanunent du même côté, celui du ~rançE.: :.
(1) Eulletin de liaison, op. cit. page 38.
(2) Ibid. page 39.

-401-
Sur le plan pédagogique, la situation. réelle
, se présente de la
nière suivante :
En entrant
à l'école, l'enfant
ivoirien affronte une situation par
lière jamais vécue: Il doit apprendre à parler français,' c'est-à-dire :
-Posséder une conaissance active des structures et du vocabulaire
à
nis par le "Français Fondamental - 1° degré,
-Etre eapable de décrire une situation, d'exprimer des sentiments en
ap-
port avec son âge.
- Il doit lire le français, c'est-à-dire, déchiffrer, comprendre, être
apa·'
ble d'effectuer une action commandée par écrit.
·-11 doit écrire le Français, c'est-à-dire exprimer par écrit en phrase
correctes et avec des mots usuels les situations, sentiments en rapport av c
son âge, avec une syntaxe et une orthographe correctes.
Il Y a ici nécessité d'un décalage dans le temps entre l'enseignement de
la langue parlée et celui de la langue écrite. Mais le problème initial se si-
tue au niveau de la lecture. Lire, c'est déchiffrer. Or pour déchiffrer, i
faut connaître le code. Dans le cas de la lecture, nous avons deux.~odea
e
premier est la langue, le second est le aigne écrit qui permet de transcri
une langue orale. Pour l'enfant ivoirien, comme pour tout autre, il est do
nécessaire de disposer d'abord du
premier code
la langue, ensuite il po
ra petit à petit s'initier à la reconnaissance de signes écrits correspon-
dant à des situations linguistiques connues.
Comme on peut le constater, le passage de la langue maternelle de l'e
fant ivoirien à une langue étrangère ne sera point facile. Des problèmes gé
raux de méthodes se posent sérieusement. On comprend ici les causes des éc
enrégistrés sous forme d'une baisse sensible des niveaux et-qui' set~\\lit P
une très coûteuse déperdition. Ceci devrait en général conduire les respons -
bles ivoiriens
à une réflexion pr~fonde'2ur l'enseignement actuelleme~t di _
pensé
dans tous les établissements scolaires du pays.
Il convient de ne jamais perdre de vue que la langue française est av
't
tout pour l'élève de Côte d'Ivoire un moyen de communication. Mais il y a p us

-402-
L 'utHi té de cette langue se fait d'autant plus sentir net qu'elle'8 '-ur.
pays où tous les habitants éprouvent le besoin de parler français. En acq
la connaissance est ici pour eux une nécessité de la lutte contre l'analp
tisme. Cela veut dire qu'avant d'être une langue de culture, le français
être vécu par eux comme un instrument d'émancipation et de pro~otion soci
Toujours chez notre élève, le problème de la langue française dans l
le doit s'effectuer la diffusion des connaissances, est donc soulevé par
nécessités de la nouvelle société ivoirienne. La tâche des enseignants, ct
é-
ducateurs du pays consiste à cet égard à dispenser à l'ensemble des scola
une instruction en français qui leur permette de participer à la vie réel
de
la nation.
On comprend pourquoi dès qu'un Ivoirien estime connaître un peu
çais, il cherche aussitôt à travailler dans un bureau ou un magasin.
peut le constater, la langue française est encore saisie ici à travers
sibilités d'emploi dont bénéficient ceux qui sont passés par l'école.
En conséquence, si la connaissance de la langue est conçue comme le
d'insertion sociale et professionnelle, elle n'est plus alors çu'un
parmi d'autres, de déracinement sociologique et culturel. En effet,
première d'un peuple à laquelle tout enseignement doit
sa langue. Il faut en tenir compte en Afrique Noire et particulièrement en
te d'Ivoire si l'on veut enraciner l'intellectuel, le scolarisé ou le let
dans sa terre et rompre le lien factice établi, sous le régime colonial,
la langue française et le travail bureaucratique. Pour y rémédier, on a m"
sur
le tapisle thème de la révalorisation des langues ivoiriennes. Il s'agit .
lutter contre les forces extérieures qui les menacent. On connaît
de l'école qui tend à les flétrir. On connaît aussi son caractère
de contrainte, de coercition et même de violence qui tend à reproduire la
ation coloniale où le frffilçais est devenu la langue dominante faceaux'l
locales. I l est.la langue de l'administration et desaf'faires
la langue du p'u-
voir. Face à lui, végètent les langues locales qui n'ont même pas le dDoit
d'exister à part entière. Car selon le discours colonial, l'introduction d
français dans les colonies est une "bonne chose". Le colon affirmera que l
co-
lonisé a tout à gagner à apprendre le français pour qu'il s'intègre mieux
la
civilisation occidentale. D'après l,oui&-Jean Calvet, il pense que "les lang es
locales sont incapables de remplir cette fonction, incapables de véhiculer~des
notions modernes, des concepts scientifiques, incapables d'être des langue

-403-
d'enseignement, de culture ou de recherche (1)". Il est ici important de
' m_
prendre le mécanisme idéologique qui sous-tend cette forme de pensée .. On
tendance à croire en l'existence d'une étroite parenté entre l'idée que l
A-
fricains n'ont pas de langues à proprement parler, mais simplement des la
ues
d'esclaves, et l'idée que l'école doit s'efforcer de re~onter cet handica
en
faisant adopter la langue française.
Mais quel est en réalité le fond du problème? Comme le souligne fort bier,
Louis-JeanCalvet,"il s'agit à travers la péjoration des langues locales, ct as-
seoir cieux la domination de la langue française" (2). En clair, le coloni a-
teur va s'acharner
en sorte que l'Ivoirien intériorise l'idée que la lang e
française donne légitimement pouvoir, c'est-à-dire qu'elle est ce que l'Iv iri-
en a en moins que le Blanc et ce, pourquoi il est en retard sur l'échelle
u
progrès. Ainsi, notre Ivoirien apparaît comme celui qui souffre de carence. lin
guistiques. L'idéologie coloniale va donc réduire radicalement la portée d s
"
langues ivoiriennes en évoquant les arguments suivants :
"Ces langues sont des langues subalternes parce qu'elles ne sont pas
é-
crites"."Ce sont des langues figées,incapables
de progrès".
"Ce sont des
an-
gues barbares, drôles. "Et cooone il en est ainsi, il faut les remplacer en
our-
nissant à l'enfant noir IDle dose intensive de français, la langue de salut
la
seule capable de stimuler le développement".
Il est difficile de se
rallier à de tels arguments qui traduisent to
le caractère de l'impérialisme culturel et de l'endoctrinement. Tout a été
dit sur les avantages et les inconvénients de l'introduction des langues a
i-
caines ~ l'école. Les interrogations qui reviennent le plus fréque~~ent sen
blent être les suivantes :
- Comment accroître par le biais de ces langues la qualité et la renta
li-
té de l'enseignement actuel?
- Dans quelle mesure l'introduction des langues africaines à l'école e
adéquate
pour préparer l'enfant à se maintenir plus tard dans une société
n
1
perpétuelles transformations ?
1
Comment dispenser aux enfants une formation scientifique au moyen des
langues africaines qui les préparent à jouer un rôle novateur dans le dével.p-
pement national ?
(1) Louis-Jean Cal vet
Linguistique et Colonialisme, Payot, 1979, p. 123.

-404-
-Compte tenu de la multiplicité des langues locales enA!rique NOire.rue11
r
langue choisir pour qu'elle favorise le développement souhaité et fasse d
enfants les meilleurs producteurs et les citoyens plus ouverts?
La plupart nes spécialistes pensent qu'il n'y a pas à proprement par er
de choix à faire au niveau des langues africaines et des langues d'import
"Dans la situation actuelle, disent-ils, il faut accepter les deux termes
présence si l'on veut éviter d'une manière ou d'une autre, un suicide cul
el.
L'Afrique d'aujourd'hui 'est plus culturellement une : elle se situe entr
pôles dont les langues européennes d'une part et
les langues locales
l'autre sont comme les sy~boles et les points de cristalisation. Personne
e
songe sérieusement à mettre un terme à l'enseignement du français ou de l' n. _
glaisou à en diminuer l'importance, car ces langues sont devenues des réal tés
sociologiques centrales "(1).
Remarquons ici que les problèmes qui viennent d'être soulevés sont is us
simplement d'une certaine prise de conscience commune à tous ceux qui aspi ent
à la sauvegarde du patrimoine africain. Ils proviennent non seulement des
f-
fets pour le moins ambigus du caractère glottophagique des langues europée
es
et du système éducatif actuel, mais surtout des difficultés que rencontren
tous les Etats d'Afriqu,e
pour concrétiser l'idée de souveraineté" nationa
En Côte d'Ivoire, depuis 1970, on a véritablement pris conscience de
éva-
loriser le patrimoine culturel par le biais des langues nationales. Mais c
faisant, on n'oubliait
null~ment
de mettre démésurément en valeur
la
langue française comme si elle constituait l'élément fondamental dU· pays.
ussi
sa prétendue nécessité sera-t-elle
abondamment justifiée dans les décla a-
tions des autorités et présentée
co~ne indispensable pour renforcer la co pé-
ration et la francophonie. On tient ici à sauvegarder la prise de conscien)e
d'une solidarité linguistique et culturelle, d'un héritage commun. L'enric
sse
ment mutuel qui doit résulter des contacts entre civilisations différentes cons
titue en effet une des raisons d'être de cette francophonie.
Mais peut-on maintenir sur la même longueur d'onde la rélève des lan
s
ivoiriennes et la dynamisation de la francophonie? N'est-ce pas vrai que
dée de francophonie sous-entend le réhaussement soutenu
de la langue de l '
ci-
en colonisateur? On ne dira pas assez qu'elle tend à la valoriser au détr'
(I) Pierre Erny-: op. cit. pp. I73-I74.
1::

-405-
d~s laneu€s ivoiriennes. Or tout le monde sait qu'on ne peut mener l'édu.&_
tien èes masses dans l'indifférenc~ è l'égard de C~S langueE. En Jes éduquant
e><lu$iveoent dans la langue du colonisateur, on crée du coup le Phénom'I, de
disccntinui té cul turell(> f'onda.mente.1E:. Cela se manifesh dans trois dama iines
-1.' instrument de comInt..::,ication n'est PB::; celui du peuple.
-1·' instrument véhicul~ un~ iàéoloeie étrangt:re nu
contexte tradi ti
û1e}
àv pe.ys.
-: 'instrument crée un "uni vers cul turel" b travers lequEl on assist
b IR
n2.iEE?_:ice
d'unt, nouvelle l"~lüitÉ q'cli se sUj'er)iOSl È: lé rù.Jitt orieir,(ClJr;. Et
Ji--
è~\\Ersit( linGuistique, véritF.ble h<:'rita[:e à(C p,n:..nàf v<-.lEur lOur lequE:-l lé
pey~ ~fvrait fo~der Je senti~ent dE s~ cohésion et de sa co~~cience natiG. ale,
dev~f'::~ insi[i:ifïar'lte, !!lci!'JS è;yn2.:.'.iquE- et celé, eu pr0:it èt le langue tt 2;.[,-
g~re ~u'est par exemple le franç&is.
l ' :"'nconvtnient du frarJ-;r.is, c' est que tout en iJ1Jpr~€Ii&Lt t't r~gi55é:.;.
l'e'~stenc' ries Ivoirien", il tr~nsforrne leurs mentalités. Désormais, en , r-
1 ale t
frar,çais, i l s é ,'0,,",,,, t le s principes d" vie étrangers aux tradit ions
v('i.
rie;:.c E:'
;
il f' util isent dES syr:Jboles PéTfois tro:~ "Ésc)tÉriç~;ES" ; ilE SGk,; mt-
~es ~~srirÉs p~r la loi du profit Et de l'intér&t individUEl do~inant. L~ ar-
:C'2.:1ç,~ise
n;E
] eur t.rans:liet dE:'E 5ystèc:es de penSf€
qüi se diffusent en V&['Jes
5"ùccessiv€s
et ~Di, dE :;:>rOC;-le eT; ;.-,roc:he, gagnent les a.ttitU::E:-E et les co=:-
tE-
::2;.C,
€;,
tE.!1t que mcyeL de co::-c,l.ll'ücatioYl, c'est PE.:; le françE.is que vc. t
SE
fC!Y:er d~so:r=.E.i:: les cor;ce;:-t:ë' et s'éveiller l '::'T1téll:i.[€I!cE:
èu jeune ivci
rieL. Et par aillEurs, on assistera ~ la division de la soci~t€ : les ge~E ui
S2xe:-.t lirE:, écrir'€
en français et ceux qui ne le savent ,'SE', Dans le prE:=::'e
cas,
lE:
frE:.~·'ç2is est adapt~ tûté.J ew€r-,t par Cf>U): cr..;,i ont ~t? sC81arisfs et çu
sc;;t :ïEve::,us 1 ;c.:; voiE:- ne cor,séque;lCe, pl us proches àeé i'r-a::-.çais et qui tcy
c
Le plus utiliser du tout leur langue
m& t8rnelle.
Ils ne p2rlent
'" ,
C.c..
lan[;'C:t-
: 18 frar:çe.i:::.
Ils sont dever..us monolineues ]Jour air,si dire. Le seCOT"
cas s'iLscrit da~s wle sorte de diff~renciation villE/villaee. Et selon Loui _
<ïe2.i.
Cé.lvet, 1& force de l'acculturation Ve. amener les classes il1:férieureE 2-
e.:'rrE:~rE:- 12. laneue dOr.Jinante- pour chercher al' acquérir co:::::,lètement (I).
E;; COrlS€qUenc~à.r il s' ensui t pour le peupl € i voiric'"
un risque série:.J:
f-
se J f:.::'SSE;T [B.€T1er/lé
mythe d'WH:: larl,gue étrangÈ-re qui bs.J aiE- sur son paSE2.f.€
S2
le"'Ëue metorn'l1e. Or,
comme 1 'e bien SOulign, le Proù$seur Armonstro),[ 'il1\\

"C'est à notre langue maternelle que nous devons cc que nouf. sommes" (J
On pourrait certes s'émerveiller en fin de cornr,te de l'adoption de la l
-eu€:
fra~~&ise par toutes les m~sses ivoiriermes en corn~tant sur les conséq~ .CL6
heureuses qu'elle leur réserve sur le ~lan de l'ouverture au monàe, Bur
t
p1â
du procrès scientifi.]Ue et technique. };ais que peut signifier une hlle
itU8
tio}; c:ui n'est r,lus qu'une main-:rJise culturelle?
Or: connait fort bien l'influencE: qu'un(o laceu(
eXérCE- eérléraJemer,t
·.:r 11
F,('t
~
C.!l2.CU~: ] E: s2voir socif-.l Cu:;-,uJ ( nc)~
sr·'.)} (''":','o:,t
S0U~ lé: for;;:c du lu.[ Le
èc~li~: S::-:. U~Ü té- avec J G ::C1~(e, mé~is aussi f:OUS l? fa!';:,(
àes syctèr:-:es de,
2-
cio~.s !"·é':,S dE- vue q\\l'elle est le sUT"port cl'une certeôirJE- idÉ-aloeie. Et CE- C:' 'il
y a d'e!:co'~br2.nt ici lorsque deux grou!'es eTJtre!',t er. contE:.ct, c'est tou2 'J.!'E'
l'iàéo1oeie du groupe domir,ant qui inpose sa culture, c'est-à-dire sa fa
d~
penser et d'agir. La langue, à ce niveau, apparaît ainsi co~e l'inst~
privilégiÉ de l'idéologie de la claSSE da~inante. Dès lors, parler la la~,
ÉPOU8f~ l'U:liv€::-s
mc:tal dc.ns lequE:l il évoluE. J:1.,;,l cioute qUE: les mouve=-_~._:E'
c;;i IT:E:tent url B.ccer,t pe.rticulier SUT la T'~ve}.è.ic2tior, du, lan[ues nE.tio
o;,t C'é::.?(') C;:C·( ê' tiri[er uu
sortE: CiEc è.éfeLse cûntY'E- le mo·:'Sle occiàE;;té.::'.
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E-:~'\\:lo..-~'(:; lES co:-,sCiE:r,cfs: EllE
"c 0;;'.1'1 E: n. t l
-pe-I.(.
ment le peu~lE: peut-il aCCE)ter dE: r(n.~ncer ~ lé. lanGuE fr2:;aise qui, SE-' lE,
est of::icielleJ>E:r;t aè.!;-,is€
par c8u:x.-1È ~&::-:es qui veulent lE. u;ettre 2. terrE-, et
qui eL font ll..Tle OCCE.sio}~ àe pro;'1E.Canà E- T,olitique ? <.3)
POUJ'tant, fêce È àE telles interrogations,les pays africé.ins, en l'oc l.:~
nonCE- lé Côte d'Ivoire ,ne peuvent prE:ldre àes :rosi tions tré.:ich~es. Les rE-E~~C:'-
(I) Cii:~ pE.rAl~IOLJ~ lrE-le, in Présence J..fric~ÜnE, },O 47,1963, pau 219.
(2) ;.F. t:.Akouta }.:'EOUTOl;
: Le Français el~ Afrique l;oirr, Ecrias, 1973, ,::-.;'(
(3) Jbici.
~2.ce ,1.

-401-
sables politiques ivoiriens restent toujours perplexes et Be posent des
es-
tions ;" Quelle
lanCue
choisir, par exemple, comme langue
officielle
pour
un pays comme la Côte d'Ivoire qui en compte W1e soixantaine. Choisir l
lan-
gue d'W1e ethnie donnée, et l'imposer pour ainsi dire a~ autres ethnies,
n'est-ce pas exercer vis-à-vis de ces dernières un impérialisme culturel du
même genre que celui qu'on veut éviter par l'abandon de la langue françé se ?
Certes, la pluralité des langues en Côte d'Ivoire constitue un certain 0 ~ta­
cIe all choix d'une lanGue définitive qui puisse rallier tous les Ivoirier.
lClis cetb:, situ2.tion n'eP.if'êdH: nullement àE: choisir unE' lancue âe basE:.
ut
le n;~)1.àE: est è'accord qu'il n'est pas qlH::stion qUE: les laneUf;s ivoiriewlt'
disparaissent SOUR la pression du franç~is ou de l'anglais par exemple.
Au cours d'unE: t2.ble ronde sur les lallcues africaines, un orateur a
u
déclarer C0!l11ne suit: " A propos des langues africaines et de le. poli tiqu
lin·
guistique, voici les problèmes qui se posent 2- mon avis : Il faut tout ct'
créer UY! véri table int~rêt pour les langues africaines parmi les Africé..ir.
effet, iJ ne faut pas se faire d'illusions, qUffild on veut imposer une lan
e,
il faut beaucoup de force et de conviction. Je crois que la premi~re chose 2
fair8, pour les gens qui en ont conscience, c'est de promouvoir tout ce çu
existE co~~e richesse dans les langues africaines
de l'~crire ~ventuElle ent
et de Je publier pour qu'on se rende com~te qu'il y a quelque chOSE: Qan~ c s
IF_:~C1.JCS, et ql:'on peut en tirer quelqUE chose. Ensuite, d8.J1s chaque Etat,
iJ
Is'..;.ir,ü t cTÉer UYl drfpartement, un mi:~üstèY'E: sT'';cialE:iJJent charg~ des le.èLl. leS
africe:.:'nes"(I). Voici ~ cOUf-' SÛT des slJbgestions qui méritent d'être étu::i' s
È:. fon:;.
J,;,':Ïs 01"1 risque ci' êtrE: pris au piègE si l'on restE: uniqueme::t au r.i
au
de la rÉvendication simple des laYJ[lJPS Rfricaines sens approfondir le pro'bl me.
D'ailleurs, Qu'est-ce qü'une langue? A la vérité, eller!'estnile 'produit d' ne
convel~,tion ért,i traire ni le prodvi t s}:,ontar",: d 'W-1E fOY"lctiorl biologique quel 0]";-
que, trJe:.is W'; produit social li~ Èi le [,ratique humaine sociale. l'arler' w,e 1 'i-
~ue, c'est percevoir le monde et le saisir intellectuellement È:. travers ce
ou' or, a~Delle
: "les lunettes sociales". On comprend pourquoi Lér,ine a pl' a
.
. .
firmer qu'elle est le moyen le plus important entre les hommes (2). C'est c
que clarifie Marx en disant que la "langue prend naissance seulement du beso n,
de l'insistante nécessité des relations entre les hommes"(J). C'est pourquoi
avant à' étudier le problème du choix d'une langue m'.tiouale en Côte d'Ivoire 1
il convient d'aborder son aspect social. ~!cublions ras que la langue ,quelle
qu'ellf soit "assure la ccmmunication entre les membres d'une même société e
(1) Présence Africaine, n067, 1969, pages 69-70
(2) Linine ; Oeuvre compl~tes, t. 20, page J6R.
(3) Karx : Idéologie Allemande ;tlOeuvres comJlètes de Karx", t. VI, éd. Alfr ~
Costes, Paris 1937, p. 168.

-408-
exclut de la com:nunication les membres des autres sociétés. A travers la
an-
gue s'affirme une sorte d'identité collective des membres de 1& société
s'accorepaGne de l'exclusion du reste de l'humanité par rapport à cette
en-
tité "(1).
Ainsi, la'langue est à la fois ouverture et fermeture si l '
s'exprimer de la sorte,
Il faudrait ici souligner le rôle joué par les responsatles ivoirie s qUI
dans leur perplexité, ne posent pas clairement le problème
des langues
ans
le pays. Afin d'éviter l'exaspération des méfiances et des dissensions a
sei)
des d:'fférent,,', grou;:>es ethniques, ils veu.lent È. tout prix essayer de pri ilé-
cier tOlltes les langues locales à If'- radio. Chaque repr<2Sell 'mt des diff T>enb
c;rou::,ements
ethniques expose
une fois par semé:.ine le joul'nal
une demi-heure au moins agrémentée de chants et danses folkloriques. Peri
ce temps, on est pour le maintien de la langue française, langue ayar.t,
on,un pouvoir unificateur. Et par ailleurs, on prône l'idée de la
i
1
l'ide~tité culturelle par le truchement des langues du pays. Or une véri
1
1
politique de conscientisation des masses doit éviter de s'éterniser sur
bic
fondé des laneues ivoiriennes ou des langues d'importation.
"Plutôt qUE-
gnifier la conservation d'une langue au nOQ du maintien de l'identité col ecti·
ve ou de glorifier le passage è une communauté linguistique plus vaste a~ no~
du prob~ès de la co~~~~ication - attitudes essentiellement idéologiques -1 il
convient d'étudier le devenir des rapports sociaux fondamentaux sur la ba €
du-
quel ces phénor.;ènes linguistiCj,ues se sont produits "(2).
Ceci étant dit, il serait nécessaire désormais è'aborder le prob1èwé
in-
guistique sous l'~~gle des r~yyorts sociaux. Il
importe peu. de
savoir
. la
langue française ou une langue ivoirienne Vé. l'emporter sur les autreE 12 ûes.
Le problème qui se pose est celui de savoir comment la l~~gue en tant que
oye}
de co~~unication entre les citoyens d'un paYE dorillé contribue à améliorer
eurf
rapports. Les éléments de réponses sont déj2 en place quand on connaît le
E-
gime politique" adopté par lL."1 pays.
Quant à la Côte d'Ivoire, elle ne peut échapper aux lois
d'airin dE
'im-
périalisme occidental, puisqu'elle a choisi le capitalisme libéral. Dans c
cas, o~ ne devrait pas être ét01U1é de la voir participer activement à la r -
production de l'esprit bourgeois. Les responsables politiques qui ont onté lOID
l'unipartisme rÉsoudront le problème linguistique du pays dans la défen~f Il
(1) Pierre Fougeyro1las
Les Processus sociaux contemporaj,ns, payot 1 198[;" p.
252.
"
(2) Ibici.
pp. 252-253.
ilIl
li

-409-
leurs intérêts ;:ersonnels. Les inégalités sociales en Côte d'Ivoire se
nt
1
.
renforcées depuis 1970 avec l'expansion du libéralisme économique. Les
oupe
ethniques qui ont joui le rlus de la croissance économique du pays ont é É ce
qui avaient le pouvoir de décision sur les grandes orientations de la vi
du
~ays. Il s'agit ici des Baoulé et des Dioula. Cela a entratné un certain l'ecu
sur le plan politique de 18 présence des autres ethnies. Faisant donc fi
e la
question d~s minorités ethniques, les responsables issus des ethnies bao lé~
diaulE, ont pris conscience de leur pouvoir économique et veulent discr~ emen
im~0sfr leurs lan[ues comme laneues officielles. On voit partout dans le
li-
brairies des mÉthodes r2.;Jides 0 'apprentissE:.ce de ces deux langues. Cett'ô (O~lE'
tatéition,loin de cimenter l'union nationale, ne fait que soulever l'inà.i· ...,~­
tian è.cs autres grou]'emE'nts etrl.11iques qui ont mé'.intenant découvert que l
pou·
voir économique renforce la dominatio~ d'urle ethnie par une a~tre. On ab
tit
ainsi È la division de la société en plusieurs classes antagonistes. Poi,
p'est besoin de statistiques pour constater sur le terrain les tensions
i
existent entre les ethnies privilégiées et les ethnies "abandon.'1ées". D'
e fé
çon plus générale, ce qui se voit directement, c'est la nû~:ination ~ to
l€~
rostes importants des BRoul~ et des Dioula.
<:
Cutre leur rôle cépi t<.:.l dans la vie du pays, la langue be.oulÉ et la
angu
èioula a?p~r2~ssènt comme de véritables instruments de promotion sociale
t d~
réussite sociale. Le trait le ~lus car~~t~ristique de ces deU): lanEues E
qU(
leur extension progressive tend à 'exclure les autres groupements ethniques
u bé
n~fice de l'accumulation de c::...::.'ital et du développement social pour ains" dirE-
11:'.. pression la plus sérieuse a laquelle les langues nen dO!!1inaIltes s ·nt
SOl.eÜses est telle qu' elles doivent se "taire" pour permettre au baoulé a
au
dioula de connaître·
la prospérité. On ne dira jamais assez combien le ca re
baoulé ou dioula tient à cbte~ir au plaIi politique l'équivalent du pouvoi
qu'il s'est taillé dans le domaine économique depuis l'Indépendance en 19 o.
Il ne faudrait pas être surpris par cet état de chose: c'est la loi du c ~i­
talisne libéral reposant sur les rapports d'inégalité.
A trav€rs
cette appréciation critique de la prépondérance de la lan
e
baoulé ou dioula en Côte d'Ivoire, nous cherchons ainsi à montrer que rie
ne
sert à.'aborder le problème linguistique sans le rélier avec la "base réel e"
de ce pays. La suprématie des deux langues que nous corme.issons repose sur ~eUT
pouvoir économique par rapport aux autres langues ivoirierules.

--uo-
Pour notre part, nous estimons qu'il est urgent que les autorités i
riennes adoptent des attitudes de compréhension et de souplesse pour rés
dre le problème linguistique auquel est confronté le pays pour le choix
ou de plusieurs langues parlées et écrites nationales. Il s'agit de remp
la multitude de langues parlées existantes par quelques langues couramme
prises de tous les Ivoiriens. Mais le choix apparaît délicat. Aussi, nos
ponsables ivoiriens doivent-1ls_eomprendre que toute réforme de langage
être menée que graduellement afin de ne pas exacerber lesméfiancea ,et.
sions qui existent traditionnellement entre les divers
groupes ethnique
et
linguistiques. En effet, des mécontents du régime pourraient tirer parti· 'une
telle situation,ainsi que certaines factions à l'intérieur du Parti, qui
spi-
rent à prendre la place des dignitaires.
Sans doute, le choix de quelques lar~ues au lieu de plusiaurs langu
dis
tinctes ,e,st un pas vers l 'unité
poli tique, voire nationale.
Il a un
unificateur en un certain sens, dans la mesure où cela va faciliter l'alp· bé~
sation des masses populaires. L'unité politique va de pair avec l'alphabé isa-
tion des masses, et le pivot entre elles est l'adoption d'un certain nombffe de
langues locales.
Il
1
Le multilinguisme facilite les bons rapports entre les groupements e hni-
ques. La République Unie du Cameroun qui regroupe en son sein environ de
cents langues distinctes en est un exemple frappant
(1).
En effet, les Camerounais continuent à attacher à leurs langues une
por·
tance sans faille même si po.ur les relations officielles ils utilisent le lfran.
çais et l'anglais. Et depuic 1966, le Collège Libermann de Douala a intro lit
l'enseignement des langues
nationales dans les premières années du 1er
e.
Les motifs qui ont décidé l'introduction de cet enseignement peuvent
é-
SUIDés de la façon suivante :
-Besoin impérieux de donner une place à la culture africaine pour év ~er
un déracinement complet des jeunes du fait de leur formation actuelle dant la
culture occidentale.
-Conviction que cette culture africaine est véhiculée d'abord par la àan-
gue maternelle.
I!
(1) François de Gastines : L'enseignement des langues nationales au camer 1\\ID'
in : Revue Recherche-Pédagogie et Culture, mars-avril 1978, nO 34, page l 1~il\\1
Il
1

-411-
-Donner aux élèves une plus grande fierté de leur patrimoine tradit'onneJ
et une plus grande estime mutuelle par une connaissance de leur héritage com-
mun.
La Côte d'Ivo:ire·pourrait se servir de l'exemple du Cameroun pour d welo;
per les langues locales. Comme nous le montrerons,
le
français doit être
conservé pour des raions d'ouverture plus facile au monde. En attendant,
l
faut encourager l'éveil des langues ivoiriennes. Ceci est un avantage ma
à la diffusion de la lecture et de l'écriture
à travers les masses rura
Les travaUJ: de l'Institut de linguistique appliquée de l'Université.
t~~
onale de Côte d'Ivoire demeurent encore trop cloisonnés et manquent de c
dination. Depuis 1977, une loi portant sur la réforme de l'enseignement
chargé cet institut de préparer l'introduction des langues nationales d
l'enseignement. Cette décission a entraîné, à la rentrée universitaire
1978, une restructuration des recherches aÏin de rendre celles-ci plus
mes aux priorités définies par le gouvernement. C'est ainsi que quatre
férents, bien qu'étroitement liés entre eux, ont été choisis:
-didactique des langues,
-alphabétisation fonctionnelle,
-langues africaine et tradition orale,
-sociolinguistique.
Dans la première section, se trouvent regroupées les opérations dépe dant
des anciens programmes :
- adaptation du contenu et des méthodes de l'enseignement à la Côte
'Ivo
re,
-appui à la pédagogie, élaboration de matériel didactique,
-psycholinguistique,
Quant à l'alphabétisation fonctionnelle, elle vise à
-la mise au point de méthodologies d'alphabétisation fonctionelle,
-l'élaboration des documents pédagogiques nécessaires,
-l'expérimentation des méthodes élaborées.
"
La section "Langues africaines et tradition orale étudie systématique ent
~
les langues KWA, KRU, MANE et GUR. et s'intéresse à la publication de textlls se
rapportant à l'histoire (Chronique des grandes familles
d 'Odienné. Table~iIOnd€

-412-
sur l'histoire des origines de Kong en version bilingue).
En ce qui concerne la dernière section, la sociolinguistique, son p ogran
me est articulé en dix opérations liéss sntre slls. st en opérations ponruelo
les complémentaires dont le nombre et la durée varient en fonction de co ~en­
tions signées par l'Institut de linguistique appliquée.
Cet institut connait des problèmes dans la programmation de ses rec er-
ches. Ses organisateurs qui sont le plus souvent des enseignants à plein ~emp~
préfèrent généralement qu'on les laisse planer dans les hauteurs de la r fher-
che fondamentale et théarique.Leur répugnance est de voir orienter la r~~her­
che vers la solution des problèmes trop pratiques. Cette réticence vient
u
fait que les programmes de recherche de la plupart d'entre eux sont des
jets
de Doctorat dont la période de gestation varie entre 5 à la années ; non
eule
ment ils sont réticents à diffuser des résultats partiels mais surtout il
es-
timent ne pas avoir besoin de directives émanant d'autres personnes que 1 urs
directeurs de thèse.
Avec ces difficultés de conception, il reste très malaisé d'apprécie
les résultats déjà obtenus par la recherche à l'Institut de Linguistique
ppli,
quée. On comprend pourquoi depuis longtemps son rôle est à peine signific tif
dans la politique de développement des langues nationales. D'ailleurs, le
or-
ganismes internationaux qui financent en partie les recherches dans cet . sti-
tut n'agissent que par esprit de profit et d'intérêt. Avec leurs mentalit s
plongées dans le capitalisme, ils veulent soumettre la recherche aux néce sité:
de la reproduction de la doctrine et les moyens qu'ils lui affectent sont à la
mesure des fonctions de reproduction matérielle et idéologique
qu'ils lu
as-
signent.
Ainsi toute la recherche au sein de l'Institut de Linguistique Appli
ée'
de Côte d'Ivoire ne cesse de subir une pression plus forte de
la part de
exic
gences de la reproduction du capital: parce qu'elle est davantage imprég 'e dE
l'idéologie dominante, et qu'elle a une fonction directe dans ~a ~a~ional~ a-
tion capitaliste de la poli tique de révalorisation des langues J.voJ.rJ.ennes.l,
J
A la vérité, il est permis d'avancer que le. recherches de l'Institu
de
Linguistique Appliquée participent paradoxalement.à l'enrichis.ement.d~p~ten­
tiel scientifique' des pays dominants. Autrement dJ. t,l'effort sCJ.entJ.fJ.quel'tde
cet institut confine ici à l ' absurdi té, en ce qu'il bénéficie prinCiPalemeflt
l':
ii!
I il

-413-
aux pays avancés, dont il renforce la position dominante.
Si la néce.sité du dévsloppement des langues ivoirisnnes parait clalle-
ment établie, le contenu d'un tel développement s'avère difficile en rai~n
des rapports de domination entretenus par les pays avancés. Et si l'on n'
promotion des langues ivoiriennes, de voir disparaître ces dernières
d
les
usages quotidiens. Partout
domininants, les pays avancés qui financent
A-
frique Noire la soi-disant promotion des langues africaines, travaillent
out
de même en sourdine pour que leurs langues soient considérées au point de vue
scientifique comme les outils indispensables pour s'insérer dans le monde mo-
derne. Pourtant, on sait que sur le plan des sciences humaines, nul ne pet
ignorer que les langues africaines dites péjorativement "vernaculaires" s nt
irremplaçables: Sur le plan le plan de la philosophie, sur celui de la r ligi
on, c'est un point de vue très important et sur le plan de l'histoire, le
in
térêt est incontestable.
'Ces langues 'vernaculaires "deviendraient alors e sen-
tiellement des langues de savants
et elles conserveraient aussi un conte u
sentimental, en matière de poésie par exemple, en attendant que plus tard
el-
les prennent entièrement à l'école les places des langues d'importation.
l es
certain qu'une langue étrangère ne pourra rendre le système d'images prop e à
chacune de ces langues ivoiriennes, la traduction étant plus que jamais
e
trahison (1).
Or en Côte d'Ivoire, les responsables de l'Institut de Linguistique
quée travaillent davantage pour le maintien de la langue française. Ils 0
àrailleurs réorganisé leurs recherches pour mettre en évidence un certain
bre d'options dont les plus importantes sont les suivantes :
-Parité absolue accordée aux recherches concernant la didactique du
çais et la didactique concernant les langues nationales.
-Perfectionnement des méthodes didactiques portant sur le français,
an-
gue non maternelle :
-Au niveau de l'enseignement primaire:
- Amélioration d'ouvrages déjà publiés comme "Le Vocabul
e
essentiel" ou la "Grammaire essentielle", une étude des c
respondances graphie/phonie constituant une banque de do
ées.
-Elaboration de textes de français faciles (traductions del~
(1) Rencontres Internationales de Bouaké : op. ci t. pages 194-195.
I!':
1,
1
l.
!i
I li

-414-
-contes ivoiriens), d'un dictionnaire illustré à l'usage de
éco
liers.
-AU niveau de l'enseignement secondaire: une grammaire, des f
ci-
cules d'exercices et un livre du maître sont en cours d'él bo-
ration pour le premier cycle des établissements ivoiriens.
-Au niveau de l'appui pédagogique à fournir aux enseignants:
-Un projet important est à l'étude pour le perfectionnemen
du
français écrit des matires du primaire" adaptation aux ré
i-
tés ivoiriennes.
L'importance attribuée au français est telle que ce parler
domine Il e
loin, suivi du dioula et du baoulé, lesquels sont également suivis de lo~ par
le bété_ .La prépondérance du français par rapport aux langues ivoiriennes Irst
un réalité qui n'échappe à personne. Pour trouver une réponse exhaustive ~rx
problèmes d'éducation et d'enseignement, les responsables politiques iVo~ ens
ont préconisé le maintien de cette langue qui
devient du coup le trait d '1
i-
on entre les différents groupements ethniques du pays. Il y a eu Plusieur~
contres internationales en Côte d'IvG1re au cours desquelles les conféren~
et les-intervenants ivoiriens ont exprimé la nécessité de sauvegarder 10
le français en tant que "véhicule culturel et mOyen de communiquer
te du monde •
. Le maintien impératif du français a été justifié comme
Etant donné que le français a été choisi, il constitue
un outil économiq
et
dans la mesure où "l'Afrique s'est inscrite dans un système économique do
il lui est nécessaire d'avoir la langue correspondante à ce système économ"que"
Autrement dit, il faut préserver à tout prix en Côte d'Ivoire la langue fI'
çaise puisqu'elle correspond à l'esprit du capitalisme choisi par le paYE
Si l'on admet une telle position, il va sans dire que les pays d'expr
sion française' et en partioulier la Côte d'Ivoire sont en conséquence conf
tés à des difficultés réelles pour édifier un système d'enseignement qui l'
on-
de aux réalités africaines. Ils ne_pourraient donc pas se payer le luxe de
é-
velopper un système scolaire propre à la pensée négro-africaine puisqu'ils
ti-
1
lisent tous la langue de l'ancien colonisateur pour se développer
écon04a-
quement. Dès lors.repenser les problèmes linguistique" ." fonction du rég~t
(1) Rencontres Internationales de Bouaké : Tradition et Modernisme en Afriq~e
Noire, op. ci t. pages 197-198.
1"
Il!
1,\\

-415-
économique en vigueur, c'est donner la priorité à une culture étrangère
doit orienter l'avenir de la Côte d'Ivoire. Mais le plus souvent, on ne
se
pas le problème en ces termes. Et qui plus est, on préfère plutôt exalter p o u t
le pouvoir de la langue française, mais on ne montre pas comment celle-ci ai-
derait à lutter efficacement contre le sous-développement.
Sans doute Bera -t-on fier de présenter au monde les richesses des l
es
locales ivoiriennes?Mais généralement on reste sceptique .sur leur rappor
en
matière économique. Aussi répète-t-on inlassablement que ce qu'il
Côte d'Ivoire, ce sont des savants et des ingénieurs. Peu importe
s'ils utiliseront leurs propres langues comme moyens d'expression ou de co
nication.
Il est impossible de susciter cpez les Ivoiriens une conscience du d
e-
loppement avec ur! enseignement
adapté
dont les programmes, le conte
et
les méthodes seraient exprimés exclusivement en français. Précisément, uni el
enseignement ne favorise que le déracinement sociologique et culturel et
. pê-
che l'Ivoirien de penser les problèmes et les réalités qu'il n'a jamais v
au cours des années de sa formation. D'autre part, si l'emploi du françai
sup,
pose une plus grande ouverture sur le monde, l'utilisation des langues iv
riennes à l'école semble selon nous une nécessité inéluctable. En défini t1' e,
opposer la langue française aux langues ivoiriennes pour privilégier la p, -
mière, c'est supposer implicitement que le principal obstacle au décollag
éco-
mique réside dans l'utilisation des langues ivoiriennes qui sont toujours
onsj
dérées comme des langues "primaires".
Ce qui caractérise actuellement le drame de la Côte d'Ivoire, c'est
'el~
le subit par le biais de la langue française les modes de vie, les motiva
ons
et les types de besoins du monde européen. Dans un tel contexte où l'adopt on
du français
est
un des moyens de promotion sociale J l'Ivoirien devient l'i-
mitateur servile du style de l'ancien colonisateur: il cherche à calquer
es
expériences françaises, à imiter les modèles français, à se décharger de p n-
ser par lui-même ce qui convient. Rien n'est plus conforme à la nature de
'ac-
culturation que l'attitude qui consiste à identifier la langue française a ec
l'idée de progrès, de développement et du style de vie du colonisateur d'hj"er
et d'aujourd'hui.
En
~6rehant sans cesse à parler en français, à étudier en frQnçais 1 à
apprendre en français, à enseigner en français, l'Ivoirien révèle qu'il n' st
"
l'1
1
',:·
Il
l

-416-
pas seulement dominé en économie, mais aussi en culture, en humanisme. l
là un aspect essentiel de la colonisation dans la mesure où les Ivoirien
lent forger leur destin en exploitant aux sources la langue française. P
e
dépendre la vie de la'Côte d'Ivoire de celle-ci, c'est accepter le jeu del!l'im
périalisme culturel qui ne profite, en définitive, qu'à ceux qui nient l'~~té-
rêt des langues de ce pays.
1
Or utiliser sa langue maternelle, étudier dans sa langue maternelle
eut
être considéré en un certain sens comme un reflet de l'instinct de conse
a-
tion de l' ià.lj.J6titié. ou de la. personnalité. Ainsi, .paree que la langue rep esen
te l'un des moyens pour l'homme d'assurer en quelque sorte son existence, on
peut parler d'une "légitimité de la langue maternelle"
En t~~t que véhicule de la culture, toute langue quelle qu'elle soit
pero
met aux hommes de communiquer entre eux. C'est un héritage à travers lequ
ill
peuvent se reconnaître ou non comme issus d'une même culture. L'une des p'iemiè'
res fonction de la langue est de permettre aux citoyens d'un pays quelcon ~e d~
préserver et de perpétuer la langue. On sait par exemple le rôle de l'Aca ~mie
française, on connaît l'effort qu'elle déploie à travers le monde pour la
éfe~
se et l'illustration de la langue française. Ainsi, la langue apparaît co
e \\il
moyen de reconnaissance par les autres peuples.
Il s'agit donc de respecter, de sauvegarder et de favoriser le droit Ire
l'individu à accéder aux langues de son pays - droit dont il peut être pr'ré
par différents facteurs: sous-développement socio-économique, discrimina fon,
oppression politique, acculturation, aliénation, obscurantisme, pression
l'ancien pays colonisateur en connivence avec la "bourgeoisie compradore". Il
en découle qu'il faut promouvoir le droit des langues ivoiriennes à s'aff'
er
et à s'imposer
au même titre que le français. Il s'agit d'éviter le "bov
s-
me" qui conduit une société à perdre confiance en ses langues locales et à cher
cher ailleurs une ou plusieurs langues pour s'accomplir, se réaliser.
La France, rappelons-le, dans sa mission dite civilisatrice, s'est év r-
tuée à réduire les langues ivoiriennes à la condition de quelque chose d'- fé-
rieur. Elle les considéra comme la manifestation d'un primitivisme des plu
ari
des et arriérés. C'est là tout un processus d'acculturation, de dépersonna isa·,
tion et recherche de déséquilibre chez les Ivoiriens. Et selon une formule de
Frantz Panon, les langues de ces gens au cours de la colonisation et après lIa
colonisation "continuent de subir un déclassement qui les contrarie dans l'ur
1
1:
l'!;
Iii

-417-
développement, les menace dans leur existence ••• (1).
Aujourd'hui, on évoque partout en Côte d'Ivoire les conséquences né
stes
de l'enseignemen.t que reçoivent les enfants à l'école. On regrette lesta
ef-
frayants des déperditions scolaires. Les coûts actuels du système éducati
ap-
paraissent insupportables pour le budget du pays. Ce phénomène s'explique en
partie par le fait que la langue d'enseignement est une langue importée.
n ob
servant bien la réalité des choses, on arrive à la constatation suivante
la
langue de culture importée exerce sur les Ivoiriens une influence déterm
qui freine quelque peu leur développement authentique et cela dans la
e~
il apparatt de plus en plus qu'ils adoptent directement
cette langue
gèr'
sans mettre suffisamment en question l'idéologie qu'elle véhicule.
n~ais il serait absurde de penser ou de laisser croire que la Côte
'lva-:
i
re doit se passer de tous les éléments étrangers comme la langue,par exem
e.
C'est son aptitude dans l'assimilation et dans l'utilisation de tous les
éléments importés qui fait problème.
Il s'agit de savoir dans quelle mesure les Ivoiriens sont capables d
fiter des connaissances acquises par l'utilisation de la langue française
les transposer dans leur milieu et les transmettre aux générations à ven'
s'agit encore de savoir les tâches qu'ils veulent assigner à la langue fr
se afin qu'elle sert admirablement leurs propres modesde penséE:. 'Bref,il s .
d'utiliser la langu.e française suivant les normes institutionnelles qu'il
ront fixées au préalable.
Ce qui
doit
être nécessairement original et enraciné dans la
sociologique de la Côte d'Ivoire, c'est la sauvegarde de ses langues. Mais
attendant
d'être plus apte au rendez-vous des nation~,ce pays doit
le français comme un outil
indispensable pour se familiariser avec
010
gie du monde moderne.
Quelle que puisse être l'opinion que l'on se fera de notre position,
ous
pensons qu'il n'est pas sans intérêt de tirer des enseignements de l'histo're
de l'Afrique Noire actuelle: Une politique trop nationaliste a retardé un cer-
tain nombre de pays sur le chemin du développement pour avoir voulu rapideent
Il
tout "a:friean.iser". Pourtant, très loin d'eux, le Japon leur donnait l'exe pIe
dynamique de ce que pourrait être un pays qui, tout en utilisant des éléme '~s
étrangers, réfléchit sur lui-même pour créer ses propres institutions.
(1) Frantz Fanon, op. cit. page 32.

-418-
La liberté à laquelle la Côte d'Ivoire pouvait légitimement préten
e ne
sera effective qu'avec le développement conjoint de ses langues et cela ,arce
que celles-ci rendent un pays moins dépendant
à l'tegard
de l'extérie r.
Le but global qu'elle doit viser,
c'est
en principe la promotion des lan-
gues des différents groupements ethniques. Il s'agira d'une promotion t-nali.
sée par le désir d'apporter une solution au problème des ~5~fi~&nees d
système éducatif actuel.
En partant des observations simples de la vie quotidienne, il nous
sé de comprendre que les langues nationales ont surtout un
rôle
prép
dé-
rant à jouer dans la bataille contre l'acculturation et l'aliénation. On
que l'issue en demeure réllement incertaine, les langues d'importation c
le français par exemple oeuvrant en douce en faveur de leur maintien en
d'Ivoire.
Le problème qui se pose ici justifie donc les préoccupations de la
UpaI
des intellectuels ivoiriens qui pensent que le français s'acharne
r
sur tout le pays une influence dont le rôle essentiel consi~te àrenvoye
les
langues nationales au silence. Il semble difficile de réduire une telle' . flu·,
ence dans la mesure où sa présence défend énormément les intérêts de l'an ien
pays colonisateur.
Ce serait une erreur d'appréciation pour les Ivoiriens
d'espérer que
les maux de leur système éducatif disparaîtront si l'on se contente tout
,impl
ment d'améliorer l'enseignement du français sans tenir compte de l'introd ctio
des langues nationales à l'école. En réalité, la tendance au rejet de cel es-c
pose le problème d'une méconnaissance de leur importance dans la tormatio
gé-
nérale des élèves
et des masses populaires, dont l'intégration aux divers s
actions de développement sont aisés à faire.
Autrement dit, une
ati
on à juste titre des langues nationales est une tâche à laquelle
de
s'attacher préalablement à tout effort de développement.
C'est par la langue maternelle que l'enfant interprète le monde, reç
neralement
son éducation de fUtur citoyen producteur-consommateur. Or le
tions multiples de sa langue sont constamment mises en cause par la prox
du français. Cette situation constitue dans bien des cas, un
pation intellectuelle du jeune ivoirien dans ce sens qu'elle l'immobilise
quelque sorte sur la voie de la créativité personnelle.
Cela suppose donc que le rôle de. l8l1g\\les nationales est d'une imPor,':"ce
i,~1

-419-
capitale.
C'est d'elles que dépend en partie la
solution
au problè
de
l'inadaptation du système éducatif actuel en Côte d'Ivoire. Dans l'espr
de
la plupart des gens préoccupés par la francophonie, le problème de l'ado·tion
des langues nationales à l'école apparaît comme un sujet d'importance seonda
re dont i l faut se méfier, tandis que la langue française.st co.n.s1déré9 com-
me -jouant
bien
son rôle, celui qui permet une formation plus adéquat
et
sûre.
Ce n'est là qu'une vue superficielle des choses: L'expérience mont e qu
l'enfant éprouve moins de difficultés à évoluer dans sa langue maternell
que
dans une autre langue. Il est tout entier motivé à évoluer
dans
une tell·
langue. Pour améliorer sa vision du monde et être à l'aise, il a besoin
e
maîtriser tout d'abord cette langue maternelle.
Parce que les langues nationales réalisent l'idée de souveraineté n ~io-
nale, elles doivent- être repensées dans la perspective des impératifs de
Vil
moderne. Associées au français pour la réalisation de cette mission,
ront d'autant plus aptes à contribuer à l'évolution du pays qu'elles
plus dynamiques et compétitives.
L'indifférence à l'égard des langues nationales ne facilite pas du
leur participation à l'oeuvre de construction nationale. L'avenir de
gues devient dans ces conditions, incertain. La non-utilisation
maternelle de l'élève à l'école entraînant l'absence
de sa pratique
ne, notre écolier reçoit un enseignement sans le support de l'expérience
ingu
stique de son milieu, qui lui aurait éveillé l'esprit. Il évolue au sein
e ce
te institution qu'est l'école, écartelé donc entre deux mondes qui ne se
ejoi
gnent pas: le français et la langue maternelle, si bien que devenu
gran, il
n'arrive pas à bien s'exprimer dans la langue de son milieu familial.
Pour éviter que se perpétue une telle situation, il nous semble que
'ap_
prentissage des langues nationales en Côte d'Ivoire doit être mené conjoi
e-
ment avec celui du français.
Il faudrait donc prévoir un programme approprié de ces langues natio
les,
Le choix de celles-ci ne fait en aucun cas problème. outre les trois lan
s
plus populaires dans le pays, on pourrait privilégier aussi les langues
les véhiculaires.
Ceci étant dit, on pourrait déjà a l'école primaire entraîner

-420-
une connaissance et une pratique exacte de l'écriture, de la lecture de
gue ainsi que de la grammaire. On devra l'amener à étudier systématiquem
documents de la tradition orale: contes, chants, devinettes. Il faudra
enrichir son vocabulaire et l'entraîner à
cu ou imaginé. Il s'agit de suivre la méthode que l'on utilise
pour le français en essayant encore des exercices
ue
de fragments des textes étudiés en cours de français. Il y a plus : Assim la-
tion orale d'el'ments de courte conversion à l'aide de soutiens pédagogiq es
divers (magnétophones, figurines, dessins au tableau), etc •••
L'enseignement de la langue maternelle de l'enfant permet la connais an~
et le respect des valeurs coutumières (contes, proverbes, traditions ••• )
e
la vie moderne fait souvent ignorer et mépriser. La connaissance des cout
es,
des traditions et de l ' .histoire du pays par le biais de la langue maternel e
donne également au jeune une connaissance de lui-même, de son identité qu
est
un précteuxatout pour son développement personnel.
En cette époque d'acculturation intensive, rares sont les élèves qui
eu-
vent se vanter de savoir lire et écrire couramment leur langue. Beaucoup
'ar_
rivent même plus à s'exprimer entièrement dans leur langue sans faire app
au
français. Ils sout presque étrangers à eux-mêmes puisqu'ils ne connaissen
pas
l'histoire de leur peuple.
Il convient ici d'insister sur les difficultés que représente au
des enfants ivoiriens le fait d'avoir à la fois à apprendre à lire et à
dans une langue étrangère telle que le français. Il paraît donc logique
l'on commence l'apprentissage de la lecture et de l'écriture dans leur l
e
maternelle pour passer ensuite à l'étude du français comme langue second6. Nul
doute que cette démarche est incontestablenent la seule rationnelle sur le
plan linguistique. et pédagogique; elle l'est également sur le plan politi ue
et-sur le plan pratique ou opérationnel. Qu'est-ce à dire?
Il semble que l'introduction de l'apprentissage de la lecture et de l é-
criture en langues maternelles à partir de l'école primaire ne peut en auc
cas perturber le système d'éducation actuel. Elle représente un intérêt
déniable pour l'enfant qui parvient en plus de la maîtrise du français à
maîtrise écrite de sa propre langue. Cette situation ne manquerait pas en
fet une dynamique qui, sans traumatisme inutile, amène progressivement
fant à adopter les deux ~ystèmes linguistiques.

-421-
Sur le plan des relations de l'école et du milieu social de l'enfant
les
difficultés seraient aplanies en grande partie. En effet, on sait que l '
d~s
facteurs qui contribuent à la coupure actuelle de l'école et du milieu ti
encore au fait que l'école utilise une langue étrangère. De ce point de
la possibilité de travailler
donc
à partir de l'école primaire aussi
en français que dans la langue du milieu ,contribuerait puissamment à
cette intégration tant recherchée entre l'école et les vil~ages dont les
fants sont originaires.
La maîtrise écrite de la langue maternelle par l'enfant débouchera n ces-
sairement sur la volonté de redécouvrir par lui-même son propre patrimoin
lit·
téraire (l'histoire, les contes, les proverbes) et scientifique (la pharm copé~
les connaissances botaniques, les techniques, etc.). Qui ne voit tout le
lrti
que l'école pourrait tirer de ce désir d'enracinement?
Nul doute que l'utilisation des langues maternelles des élèves ivoir ens
peut contribuer à résoudre le problème des blocages linguistiques. En effE~,
toute culture - on le sait - est en général véhiculée par une langue qui
ri
est propre. Dans la pratique, culture et langue véhiculaire s'identifient aans
la maîtrise et la perfection de l'une ou l'autre. Chaque culture est
d'une langue qui est son mode de développement, d'épanouissement. Et la
e
est élaborée en système de communication, d'expression au service
re. Cela étant, il faut rappeler que l'école ivoirienne est une école de
ture à dominante française. Elle a destructuré la base sociale et désorg
le système économique et culturel de la Côte d'Ivoire traditionnelle. La
tion de ses langues,.la défense des langues nationales, l'introduction à
réco~
le de la langue maternelle ••• sont autant de slogans qui attestent les mé jits
de cette école. Parmi ces méfaits, il y a, en matière d'enseignement, tou
la
gamme des déviances d'ordre linguistique
et c'est tout cela qui résume le
problèmes de la communication. Mais la maîtrise de la langue maternelle de
élèves est l'une des conditions pour améliorer l'apprentissage du français
Le
but visé est de pouvoir passer de la langue maternelle à la langue frança"
Et du coup, on évite bel et bien les blocages linguisti~ues si l'on
similé d'une façon identique les deux langues en présence (français et l
e
ivoirienne). Pour passer d'une langue à une autre, il faut la maîtrise
deux. Or les élèves ivoiriens qui ne connaissent pas toutes
leur langue maternelle éprouvent (on le sait fort bien) des
montables pour s'exprimer déjà en français. (1).
(1) Massène Nguénar Diouf: Communication et Pédagogie, in "Recherche,
gie et Culture, nO 41/42, Mai-Août 1979, page 6.
1:

-422-
Afin d'éviter une telle situation, il faudrait
créer chez les élève
les
conditions matérielles, psychologiques
pour que les
choses aillent sans
ficulté. Face uniquemen~ à la langue française, les jeunes ivoiriens 8emb
nt
être sans raciné, et c'est là sans doute l'un des éléments de la crise de
édu-
cation en Côte d'Ivoire. Il Lmporte donc de mettre en place, dès l'école
i-
maire
et partout,1es cours d'initiation aux langues maternelles qui perme tent
des prises de contacts permanents avec le patrimoine culturel. Il est néce sai-
re, dès l'école primaire, de permettre aux jeunes d'étudier la langue de 1
ré-
gion où ils habitent.
Au premier abord, la langue maternelle de l'écolier ivoirien doit êtr
con
sidérée comme une matière d'enseignement,non facultative, mais surtout obl'ga-
toire. Son enseignement doit aller de pair avec celui du français. Une tell
initiativepourrai t bien arranger les tenants de la ruralisa tion de l'ense
e-
ment dans la mesure où une partie du programme scolaire sera orientée sur
es
problèmes agricoles qui seront traités avec les élèves dans leur langue ma er-
nelle. L'ultime but visé, c'est d'arriver à enrayer éventuellement et part elle
ment l'exode rural, le déclin de l'agriculture, le démantèlement de la soc' été
traditionnelle, le relâchement des moeurs, etc •••
En vérité, il serait absurde d'empêcher
l'introduction des langues
oi-
riennes à l'école. Partout dans le monde, même dans les pays
dits dévelop és,
on cherche à soutenir la politique de reviviscence des anciennes langues en ore
en veilleuse dans les campagnes. Et qui plus est, il existe aciuellement e
France des écoles où l'enseignement est dispensé, ici en basque (ikastol~s
ici en breton (dwans), là en corse (scole corse), en occitan (calandretas
ou
en catalan (bresolas). (1).
Certes, toutes ces langues sont enseignées
dans les écoles privées
é-
ralement la!ques sans contrat : elles sont relativement coûteuses et ne pe
vent donc pas être ouvertes au tout-venant, de façon massive tout au moins
dans les conditions actuelles. Mais le fait de les enseigner de nos jours
n-
tre, à n'en pas douter, toute leur importance dans la reconquête progressi
des racines d'un peuple donné.
~! L'expérienceamontré, dans plusieurspays, qu'il est impossibledem'eux
motiver les élèves sans teni~ compte de la langue d'enseignement du ,maitre.l
J
1
Lorsque l'enseignement se fal. t hors de leur langue maternelle, ils eprouve l'
(1) Parti Socialiste: La France au pluriel, Ed. "Entente", 1981, page 77 •
.'

-42)-
de sérieuses difficultés sur le plan de l'assimilation et de la mémorisat
On n'a pas essayé d'étudier profondément la structure des langues materne
des écoliers ivoiriens afin de dégager le niveau de leur interférence sur
prentissage du français. Les opérations financées par le gouvernement fr
1
en faveur des études linguistiques en Côte d'Ivoire, visent d'abord à pe
et-
tre de mieux définir la nouvelle pédagogie du
français. C'est l'intérêt ,l la
langue française qui, bien qu'il n'apparaisse pas au premier plan, décide ~e
la sortie des fonds. Et les responsables ivoiriens de l'éducation renforc ft l~
situation en se battant pour le rayonnement d'une langue non-africaine qu' st
le français. Il s'agit selon eux de favoriser cette langue pour éviter

baisser le niveau de l'enseignement.
Comme on peut le constater, c'est là une entreprise dénuée de sens
de
chercher à relever le niveau de l'enseignement en se fondant exclusivemen
sur
la langue française. C'est là encore une façon indirecte d'affirmer que 1
langues ivoiriennes sont inaptes à réhausser le prestige de l'enséignemen
N'oublions pas que les jeunes élèves peuvent mieux relever le niveau de l ' nsej
gnement par le biais de leur lar~e maternelle, c'est-à-dire qu'ils sont
pa-
bles de mieux réfléchir à partir de leur langue maternelle. Toute une vis··n
du monde est cachée derrière les langues ivoiriennes et coome toute visio
du
monde, elle est nécessairement partielle et incomplète. Mais il n'est po
nécessaire, pour la compléter, de transformer les langues ivoiriennes elle -
mêmes jusqu'au point de détruire ce qui, en elles, constituait l'élément 0 igi~
nal et essentiel. Il faut au contraire essayer de sauvegarder cet élément
ui
seul est susceptible de conserver au jeune Ivoirien qu XXe siècle, une per on-
nalité
équilibrée.
Les langues ivoiriennes ont un grand rôle à jouer dans la consolidati n
du système éducatif actuellement en crise et de cette personnalité. Elles
ont
loin de contribuer comme le français à la dépersonnalisation et à l'efface ent
de l'identité des Ivoiriens au profit d'une personnalité et d'une identité
d'emprunt. Tandis que la langue française oeuvre dans le sens de l'assimil ~
tion de l'Ivoirien au Français, son
colonisateur et maître d'hier, les 1
~
gues ivoiriennes luttent contre sa dé-culturation et renforcent son enraci e-
ment culturel.
Aujourd'hui encore plus qu'hier, ceux qui ne maîtrisent pas leur lane
~
maternelle s'exposent à la domination et à l'asservissement sous toutes le rs
"
formes. C'est ainsi que la volonté de développement chez les Ivoiriens dem ,U-

-424-
rera un voeu pieux tant que sur leur Bol, en Côte d'Ivoire, ils n'auront p
encouragé sérieusement la promotion des langues nationales.
Certes,o:1. :ne doit en aucun cae ehercher à se débarrasser des langues d'· por-
tation comme le français. Mais il est absolument impérieux pour les Ivoir
qu'ils se débarrassent du complexe d'infériorité, des clichés et des préj
és
qui les empêchaient de réhauBser la valeur de leurs langues en raison de
présence de la langue française. Il s'agit là de représentations fallacie -es
créées de façon contingente par
la situation coloniale au sein de laquell
les
images valorisées du français furent celles des premiers scolarisés ivoiri ns
qui s'amaginaient en quelque sorte faire le travail de leUrs maîtres, les -0-
10ns
ce qui n'était évidemment qu'une grossière erreur. Nous considérons ·ar
9
conséquent que l'une des prinéipales tâches des responsables ivoiriens est de
développer la recherche sur les langues nationales sous toutes ses formes, non
pas évidemment pour le simple plaisir de prouver que les Ivoiriens ont des lan-
gues capables de supplanter le français, mais pour mieux participer à l'or en-
tation autonome du développement du système éducatif actuel et, ce faisant
per
mettre l'actualisati.oJ:laas-po~entialitésque recèlent ces langues et qui s nt
toujours au second plan. Il s'agit donc de comprendre que les langues nati
a-
les ne sont nullement inaptes à l'école et qu'il ne saurait être question
our
les Ivoiriens d!accepter de demeurer enfermés à jamais dans l'admiration b a-
te de la beauté de la langue française.
!
Tout cela étant posé, ilreste a définir et à organiser une stratégie
i
puisse permettre la promotion des langues ivoiriennes.
La~olution qui s'impose tout de suite à tout esprit est celle de la
n-
fection des programmes de recherches de telle sorte qu'ils soient coordonn
au niveau des instituts de recherche soucieux de la promotion des langues . 01-
riennes. Nous avons par exemple l'Institut d'Ethno-sociologie ,l'Institut
e
Linguistique Appliquée de l'Université d'Abidjan, etc.
Il faudrait qu'à la langue française qui est actuellement en usage d
tous les milieux soient associées une ou deux autres langues du pays qui
i-
ent enseignées dans toutes les
régions.
L'uni té nationale serait en
t
dénuée de signification si les cadres ivoiriens n'étaient
pas- capables deom-
muniquer entre eux dans une ou plusieurs langues communes ivoiriennes.
Il s'agit pour les universités de participer à la création d'une nouve i-
~ 1

1
-425-
le conscience ivoirienne reposant sur les oeuvres écrites dans les languei du
pays. Nous préconisons ainsi des réformes du système éducatif pour atténu ~ la
trop grande dépendance de l'enseignement à l'égard de la langue française
Les
écoliers, les élèves et les étudiants devraient passer l'ensemble ou une
de leurs examens en français
et une autre dans les langues nationales
Bien évidemment, toutes ces dipositions auront sur le système éducat
un
effet très positif. Mais qui dit enseignement des langues nationales dit
gnants ivoiriens pour les enseigner, donc formation de ceux-ci.
Etant donné le découpage arbitraire de l'Afrique Noire dansl'ignor_
de ses groupements ethniques, il est également souhaitable de mettre au
un programme concerté, destiné à faciliter et à généraliser le libre éc
des professeurs et d'étudiants entre tous les établissements africains
gnements. Ainsi, par exemple, les Baoulé du Togo et les Baoulé de Côte
pourraient élaborer des programmes de recherches comparatives et favorise
l'échange des chercheurs et de matériaux de recherche en vue d'une
de la langue baoulé dans les écoles. Il en serait de même pour les Dioula ,u
Mali et de la Côte d'Ivoire, etc.
Pour cimenter tout cela, il faut procéder à la diffusion et à la mon
al~
sation des valeurs de civilisation africaines ou ivoiriennes, ce qui suppo e
l'organisation et le développement d'une édition nationale indépendante de ti-
née à :
-promouvoir les ouvrages de vulgarisation, la diffusion des oeuvres d
langues ivoiriennes, les traductions des chefs-d'oeuvres de la culture uni er-
selles en ces langues ;
-éditer les ouvrages scolaires adaptés et à bon marché, développer l ' di-
tion des oeuvres d'auteurs ivoiriens ;
-organiser un réseau de bibliothèques.
o
o
o
Mais nous ne pourrions terminer ce chapitre sans présenter quelques r sul-
tats de notre enquête. A ce niveau, nous avons voulu connaître réeellement les
opinions de nos sujets enquêtés sur l'un des aspects de la question lingui ti-
que. Etant donné que toute langue constitue un élément capital du phénomèn Ac-
èulturation, il a donc fallu d'abord leur poser la question suivante:
uelle lan
e utilisez-vous le nlus souvent avec vos
arents et
?
Voici les réponses que nous avons obtenues
ili'If

-426- ,
-Quelle langue utilisez-vous le plus
souvent avec vos parents et amis ?
Pourcentages des réponses ,bte-
nues (Moyennes générales e tre
citadins et ruraux.
-Langue maternelle
.
,
65~;
i
-Autres langues ivoiriennes ••••••••••••••••••
10%
1
-Français
.
13%
-Autant le français et une langue ivoirienne.
l 29i",
li
-Non déclaré
.
O~,
1
li
Comme le montre le tableau ci-dessus, la majorité des Ivoiriens utili
1\\!:j
langue maternelle pour comuniquer en gén~ral avec les parents et les amis.
démontre un certain attachement à la langue du terroir. Les sujets qui ont
nit une telle réponse ont déclaré être plus à l'aise en parlant leur langu
ma-
ternelle !
"Il est plus facile de parler la langue de chez soi.
On n'a pas besoin de chercher les mots, car tout coule"rap _
dement. On est en paix ".
"Avec la langue maternelle, on perd généralement moins
de temps et d'~nergie mentale. Tout est facile."
Cependant, on notera que l~ langue française occupe une bonne place, l
deuxième d'ailleurs, ce qui atteste bien que son usage s'impose comme une r a-
lité quotidienne irréfutable.
Quant aux personnes rurales, elles ont opté pour les langues locales :
elles préfèrent parler autant leur langue maternelle ou des langues ivoirie
es
que le français qu'elles ne comprennent pas généralement du tout.
1
li1
L'enquête nous a révélé que le recours à la langue française chez certa
s
ruraux ou citadins se
si tue
à dp.s moments exceptionnels. En ville, lorsqu'
rencontre une personne que l'on ne connaît pas, on lui parle spontanément e
français ou dans une des lan~~es bien populaires telles que le dioula ou le
a-
oulé. La persistance de ces deux langues ivoiriennes offre ainsi la possibi
té d'action en permettant de surmonter l'épreuve de la transition de la tra
tion au modernisme. N'oublions pas que cette situation provoque souvent des
is-
ques
d'aliénation et de dépersonnalisation. Le français étant généralement
a
langue des soi-disant "intellectuels" et des "scolarisés", il s'ensuit que p ur
nos ruraux illettrés, cela constitue un obstacle assez sérieux. On comprend
pourquoi ils se fient aisément au "français de Moussa".
(1).
(~) ~o!te Q~ français à l'ivoirienne. Véritable créole ivoirien qui paràît c~~a­
que vendredi dans l'une des colonnes de l'hebdomadaire I.D. C'est une revue
iu-
mouris tique.
Iii:
"

-427-
Quoi qu'il en soit, disons que l'équilibre entre le français et les
gues ivoiriennes est très fictif. Généralement en ville, la balance pench
jours du côté de la langue française qui -reconnaissons-le - est
dans les milieux aisés de la capitale et où on demande surtout à l'enfant üe
s'exprimer en français, faute de quoi, il reçoit des reprimandes.
On remarque encore ici une certaine influence de la langue française
ur
les mentalités des Ivoiriens. Mais le choix est souvent difficile à opére
en-
tre le français et les langues ivoiriennes lorsqu'il s'agit de poser le p
me du maintien ou de la sauvegarde de l'une de ces langues. Aux dires de
enquêtés,
la
protection des lW1gues ivoiriennes permet à chacun de ret ou-
ver "sa personnalité hors de l'emprise occidentale".
Pour en savoir plus, nous avons posé la question ci-dessous
ensez-vous de l'avenir de la lan~e fran aise en Côte d'Ivoire
ace
1:
aux lansges ivoiriennes ?
~.
Voici les réponses obtenues
% des réponses obtenu s
(Moyennes générales)
-Triomphe certain
.
2J,};
-Grande chance de supplanter les langues ivoiriennes ••.
27%
-Avenir incertain à cause des langues ivoiriennes ••••••
48%
-Non-r~ponses.• ••••••••.•••••••••••.••••.••••••.••....•
27;
Ta tale
.
Ioo'}h
Les réponses du tableau ci-contre expriment des points de vue très
is.
Les difficultés de la langue française à se maitenir dans l'avenir sont
n-
cées assez clairement par 48% de nos enquêtés, qui croient à une promotion
ul-
gurante des langues ivoiriennes. Pour la plupart de nos sujets, celles-ci
ront de plus en plus valorisées et l'on assistera bientôt à une "ivoirisat··n
authentique" de l'enseignement
"Point n'est besoin de s'alarmer. Nos langues auront
un jour leur place dans les programmes scolaires en
dépit du caractère envahissant de la langue françai-
se. Un jour arrivera où il sera question de choisir
défini tivementà l'école une ou deux langues de chez
'.
nous" .
,'1
Ainsi partout en Côte d'Ivoir€,
on co~~ence a prendre sérieusement
JI .
conlllCl.-
1

-428-
ence de la nécessité des langues locales dans la vie quotidienne. Tout le rOnd
s'accorde à dire que les langues ivoiriennes rivaliseront efficacement av cIe,
langues
d'importation bien que celles-ci offrent des possibilités accrue' de
communication, voire de dialogue sur le plan scientifique et international
prépondérance -on le sait- est un phénomène qui persiste depuis la coloni
tion. On ne dira pas assez que le français a la même ampleur et la
A
merne i
en-
sité il y a 25 ans. C'est pO"I.lIquoi il nous sera difficile de nous prononce
1
"
tre les langues nationales et les langues importées. Certes, les langues i
riennes ont relativement réussi à stopper un peu le rythme naturel de la
1 française dans le cadre de l'occidentalisation et de l'acculturation à
!
ce. Mais le français demeure toujours un facteur de conditiorillement de 1'1
i-
rien comme consommateur acharné de la culture française.
I!

-429-
-Chapitre
Deuxième-
------------------
- ~E
HOLB
DES
MEDIA-
"Rendre perceptibles à tous le travail du Gouvernement et ses orienta ions
permettre à l'opinion d'être informée des événements extérieurs et de la
ie d
la Nation, éduquer et renseigner, favoriser le dialogue, participer aux c
gnes d'intérêt national sont l'apanage des services de l'information: pr
radio, télévision qui doivent également distraire et animer les loisirs"(
Voici comment s'exprimait le Président de la République de Côte d'Ivoire
cours du 7° Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivpire qui s'est tenu
Abidjan les 29 et 30 septembre 1980. Le chef d'Etat ivoirien définissait ~
~ façon le rôle des media dans SOll pays.. Mais auparavant, en 1968, son ID
tre dê l'InformationM. Mathieu Ekra faisant le bilan de son ministère de
t
les membres du
Conseil Economique et Social, assignait trois rôles aux 0
r
,.
nes d'infonnation. parmi eux, le premier est la construction de l'unité.
t
deux autres sont la transformation des mentalités et l'éducation
"
En ce moment-là, la doctrine qui prévalait était la suivante :
-S'efforcer de créer entre les ethnies une conscience nationale.
-Les mass-media, en l'occurrence la presse et la télévision, doivent
hre
uniquement au service du Parti:
"L'information est devenue pour les peup
s
une denrée de première nécessité. Mais il est aussi admis ~le cette denré.
ne
doit pas être servie sans discernement. Il y a donc un équilibre à réalis
en
tre
l'information donnée en vrac et Une information sélective et conform
aux
aspiration::; du peuple et aux idéaux du Parti "(J). Tellé est la déclarati
présentée par le président Yacé Philippe dans son rapport moral au VIe Cc
rès
"
1\\
du P.D.C.I. ;" R.D.A. Elle illustre parfaitement l'esprit et les objectifs
e
,
la politique ivoirienne de l'information.
En cc~séquence, le rôle des mass-media en Côte d'Ivoire sera à la fOB
flou, discret., contradictoire, à tel point que leur e:::J.pr1se. sur les. ci toye
épouse
les accents de l'impérialisme. Il y a plus. Dans un pays comme la
ôte
d'Ivoire, pays soumis
aux lois d'airin de cet impérialisme, le rôle des me-
dia est très spécifique : il se situe à la fois au niveau du soutien renfo cé
de l'Etat et au niveau des instances internationales bourgeoises.
Mais avant d'aller plus loin, présentons rapidement la situation et
ques problèmes des media en Côte d'Ivoire.
I~
(1) VIle Congrès du P.D.C.l., op. cit. page 108.
(2) Généviève ROUX: La Presse ivoirienne, miroir d'une société, thèse de
,,,
I~
cycle, 1975, Paris, page 39.
(3) Henri Bourgoin et P. Guilhaume : op. cit.
page 314.
li

\\~'1..1
-430-
-Présentation et problèmes des mass-media. en Côte d'Ivoire
Les moyens de communication de masse mi.s au service de l'animation s cio-
culturelle en Côte d'Ivoire comprennent la presse écrite, la radio et la
élé-
vision.
-La Presse écrite-
1
l,
"
i~
r
La Côte d'Ivoire possède une agence de presse, l'A.I.P.
(Agence Ivoi "en-
:~
il
ne de Fresse) qui a une dizaine de bureaux et de nombreux correspol1dants '. l ' i:
'fi térieur du pays. Mais en général, l'A.I.P. collecte l'information à
tout le pays grâce à 8 bureaux permanents,
installés dans les principale
vil·
les.
L'A.I.P. est un établissement public à caractère industriel et comme
ial
Elle détient le monopole de la distribution en Côte d,Ivoire de l'informa
on
extérieure qui lui est fournie pRr cinq grandes agences internationales~
L'A.I.P.a pour rôle: (1)
-de diffuser en Côte d'Ivoire des informations nationales qu'elle re-
l'
çoit de ces agences internationales,
-de diffuser à l'intérie-~ et à l'extérieur les nouvelles du pays
Deux grandes agences de presse étrangère ont des bureaux a Abidjan
'A-
gence France-Presse et l'Agence Reuter.
Un quotidien national d'informations générales est édité a Abidjan
ra-
\\
l,
n
".
teI'ni té -Ma tin.
"
Deux hebdomadaires de grande diffusion sont également édités a Abidj
~~
si que plusieurs autres publications périodiques
-Ivoire-Dimanche (I.D.), magazine hebdomadaire de variétés,
-Fraternité-Hebdo, journal à caractère très politique,
-La semaine d'Abidjan, hebdomadaire diffusé gratuitement et renf r-
mant les informations abidjanaises (spectacles, horaires, programmes, etc • • )
-Abidjan 7 jours, hebdomadaire de même nature que le précédent.
Tous les quotidiens parisiens et plusieurs quotidiens régionaux franç is
ou quotidiens européens ainsi que les grands hebdomadaires ou mensuels fr
çais ou autres sont en vente en Côte d'Ivoire. Ils sont importés et distri ~ és
par EDIPRESS.
'
(1) La Côte d'Ivoire en chiffres, Ed. 1980, M.E.F.P.
page 284.

-431-
Par ailleurs, la Côte d'Ivoire possède un institut d'opinion publique
(I.I.O.P.) qui effectue des enquêtes de pénétration de produits et marques
de
prévisions, d'habitudes de consommation, d'études de marchés, etc •••
Quant aux agences de publicité, il en existe cinq à service complet ( on-
seil, conception, réalisation sur tous les supports (presse, radio, télévi
on,
etc .•• ), campagnes de promotion, marketing, édition. On distingue:
- J Agences de secteur privé
-Edition-Publicité.
-Ivoire-Scribe.
-Publi-Ci.
t
- 2 Agences à participation étatique :
II
-Ivoire-Media.
Il
-Ivoire-Conseil.
\\'
\\
-Africom.
Comme on peut le constater, 141nformation en Côte d'Ivoire a fait d'é or-
mes progrès quantitativement. Toutefois, il demeure un problème qualitatif
e
cette information pour les mass-media. Et il faut
rappeler
que l'informati
véhiculée touche davantage les populations citadines par opposition aux pop
tions villageoises qui sont plus en contact avec la tradition. Sur ce, Jac
Delanoé, Directeur de l'T.I.O.P, souligne
en
ces
termes :
"Si l'on
te
que la population des villes est maintenant touchée
d'une façon satisfaiSar\\e
par les moyens modernes d'information, la mesure que l'on fait de ce que le
gens retiennent de l'information, tend à montrer que l'information passe pa fois
mal. Nombreux sont ceux qui retiennent que peu de choses de l'information q'
leur est transmise. Il y a un problème tI(I)".
Toutefois, il faut reconnaître que les milieux ruraux sont
presque· pl·n-.
gés
dans l'analphabétisme. La presse écrite constitue généralement pour e
un handicap sérieux. Mais' par ailleurs, la divèrsité des langues locales, le
problèmes techniques de distribution et l'absenced'une.presse locale en lan
es
nationales expliquent en grande partie les difficultés de l'information par· a
presse.
- La Ra·dio -
L
Créée en 1954, la radio est depuis 1960 gérée par les firmes qui dispos nt
de l'assistance technique de l'O.C.O.R.A.
(Office de Coopération Radiophoniq ~).
111
IIII;l

-432-
Elle se propose de répondre 8 quatre missions
- Informer
35 %
- Eduquer
20 $b
- Cultiver 20 %
- Distraire: 20 %
Et en respectant la répartition suivante, on obtient
Information nationale
50 c:'
1"
Information africaine
25 o~
1"
- Information (Monde)
20 0'
l"
ir
je
En conséquence, depuis 1965, de véritables campagnes éducatives sont
e-
J
r
nées notamment par trois types d'émissions destinées aux auditeurs du mon
rural :
- "Slogans et microprogrammes", répétitions de phrases en
ranR
çais et
dans les langues locales.
Un magazine,
"La terre au soleil", qui expose une activ'té
agricole et valorise le patrimoine du pays.
- "La Coupe nationale du Progrès", concours organisé a 1'0 Ca-
sion cie la campagne destinée à promouvoir les cultures vivrières.
En outre, la radio ivoirienne diffuse en moyenne 130 heures de progr
e
par semaine dont une quarantaine d'heures d'information:
48 journaux parlés en langue française.
i~I!{
6 journaux en langue anglaise et trois fois par semaine
11
Des magazines d'information dans II langues locales.
j
On estime à 1 200 000 en 1978, le nombre de récepteurs pour l'essenti l,
appareils transistors montés dans une usine d'Abidjan. Aujourd'hui, depuis
1984, on en compte plus de deux millions.
- La Télévision -
Le fonctionnement de son réseau débuta le 7 Août 1963, à partir de l'é et-
teur d' Abobo. Dès 1970, la moitié de la population était concernée. Mais d8)uis
1977, on évalue à 200 000 récepteurs en service, soit à peu près 1 200 000 Jé-
lili
lespectateurs ivoiriens. Les émissions télévisuelles font apparaître un tr
Iii

-433-
large emprunt à des programmes étrangers et surtout français (variétés et docu.
mentaires) et américaines (films et séries).
1
l'·
1:
'.
- Le Cinéma -
En dépit de la production proprement ivoirienne, on constate un taux
portant de fréquentations des 85 salles de diffusion, présentant des longs
étré
ges d'intérêt culturel fort inégal pour les Ivoiriens.
Le cinéma présent partout dans les grandes salles du pays n'exerce pr
î;,f
moins une fonction innocente sur les masses populaires et en particulier s'
les jeunes. Son influence est telle qu'il impose des héros, des modes de v e,
inspire des comportements, sert généralement l'idéologie capitaliste. L'af lu-
ence massive et massifiante des films western et des films asiatiques (k~r té)
ainsi que celle
des feuilletons sur la jeunesse ivoirienne actuelle se pa se
de commentaire.
1:
Les films typiquement africains ne sont guère présentés sur les écran
Leur rareté surprend d'ailleurs. Et plus est, on se platt chaque jour à
en-
1 ter abond~lliilent les films américains qui, on le sait, reposent toujours s une
l'i
conception violente du monde. C'est essentiellement un cinéma qui prône
di-
;f
"
vidualisme, la loi du plus fort. C'est par la lutte, la compétition,
nte
ment et par la libre entreprise qu'on présente l'évolution du monde.
o
o
o
Après cette présentation rapide des media à titre àoric:introductif; no s
allons
maintenant
définir leurs rôles· précis dans lepeys. En effet
on
ne saurait sous-estimer l'importance de. leurs rapports avec l'éducation. Le ' s
fonction sintéressent d 'une ma~ière générale: les responsables poii tiques qu 1
ont nécessairement besoin de leur soutien pour mieux tenir les rênes du pou ~
l
1:
voir. Et quoi qu'on dise, les mass-media L10difient le mode de vie, le cadre de
.'
vie, le rythme de vie des populations. Il serait par conséquent insensé àe
es

-434-
considérer comme des données à part, analysables sans références constant
à
tous les aspects de la vie quotidienne' des citoyens.
"Il est temps, déclare Babacar Sine, que l'on répudie l'idée selon 1-
quelle les mass-media constituent
de simples supports. C'est raisoriller
te!
mes purement mécanistes. Ils sont des écoles qui dispensent du savoir ou
l'idéologie, qui exigent l'apprentissage de leurs teclmiques"(I).
Les mass-media diffusent autant de connaissances que l'école qu'ils
condent ou concurrencent dans sa mission "éducative". Et pour .Jean-Marie
,me-
nach, "il devient de plus en plus difficile de distinguer la propagande po iti-
que de l'information ••• Les media diffusent en effet non seulement des in~ rma.
tions, mais de véritables modèles sociologiques"(2).
On ne cessera donc de dénoncer partout ailleurs la puissance incontrô ée
des wedia qui - pense-t-on- manipulent sans limite l'opinion et les mental tés.
Mais ce n'est pas tout. On souligne que le conditionnement opéré par les m ss-
media conduit le plus souvent le sujet récepteur à adopter sans s'en rendr
compte, des modèles de comportement ou de pensée plus ou moins complexes. Le
mes
sages diffusés par les media cherchent à flatter -dit-on- le public ou l ' i di-
vidu dans son conformisme. Le spectateur est encouragé à se référer aux va eurs
de la classes dominffilte. Certains auteurs vont jusqu'à affirmer que le cin ma
ou la télévision n'offrent qu'une illusion de co~~unication. Et Roland Bar hes
d'assimiler '1 'tinivers des media à une idéologie distillée dans 'le but de ren
r-
~.
l'
'
-
cer le système social capi taliste.'No'tre auteur va choisir l'arme
r
pour dénoncer les paradoxes de ces moyens d'information
(3).
Mais qu'en est-il en Côte d'Ivoire? Quels sont les problèmes majeurs
0-
sés par les media en ce pays , Quels rôles y jouent-ils en général
pé-
cifiquement ?
Aborder de telles questions dans un pays en voie de développement,sup
se
donc qu'on n'en sépare point les aspects politiques, pyschologiques, mora
idéologiques des aspects économiques. Nous n'en voulons pour preuve qu'un ce -
tain nombre de phénomènes apparus depuis
l'Indépendance en 1960
(1) Babacar Sine: Impérialisme et Théories sociologiques du développement, op.
cit. page 195.
(2) Cf. Encyclopédie du Monde actuel (EDWlli), 1981, page 39.
(3) Roland Barthes: Mythologies, Ed. du seuil, 1957.

-435-
-Le dévelo
ement raide des mo ens d'information
our les nécessité
de
la construction nationale. !En effet, les dirigeants étaient conscients du rôle
politique des moyens de communication. Ils craignent de voir une oppositi n
utiliser ces moyens d'action puissants pour soulever les masses contre e
- Le remplacement du journal -Abidjan-Matin" par "Fraternité-Matin" : En
tant que journal d'inspiration R.D.A., ce dernier pourrait permettre
aux dire:
du Sécretaire Général du Parti, de mieux traduire la position du Gouverne ent •
.
-En l 62
remise a la Côte d'Ivoire
le 31 décembre
des installatio'
ra·
dio de la France: Très vite, ce medium devient le plus populaire: )00.0
ré·
cepteurs sont déclarés - qui touchent la moitié de la population au moins
- Le re li brutal des autres
en lutte avec l
R.D.
A.
- P.D.C.I.
Comme le rappelle Pierre du Prey (1), les premiers journa
éd:
tés en Côte d'Ivoire à partir de 1911 étaient des bulletins d'inspiration
cor·
poratistes présentant la défense
des intérêts des colons.
- Le renforcement de la radio
ar la création de la télévision en aoû
l 6~
On veut réaliser le complexe " Radio-Télévision i voirierme li ou R. T. 1. pou
mi-
eux exprimer la souveraineté nationale aux yeux des citoyens et des autre
payr::
Et déjà au seuil de l'Indépendance, les responsables ivoiriens se pr
o-
saient d'édifier les moyens d'information assez rapidement pour permettre l'é-
closion progressive d'une identité culturelle nationale qui s'impose peu ~ peu.
D'où :i.e rôle prépondérant qu'allaient jouer et que jouent présentement le
media dans le pays.
-1- Le cas de la Presse.
Les dirigeants de Côte d'Ivoire ont eu le mérite de dég~ger très tôt
es
grands traits de cette presse. Parlant du journal "Fraternité-Matin", le
ési-
dent Houphouët-Boigny déclarait en 1959 : "}iotre journal sera de plus en p us
un iournal d'amour. Il s'attachera résolÛrnent à provoquer l'amour du proch in
dan: le coeur et l'âme de chacun de ses lecteurs, à alimenter cet amour pal
toutes les informations qui rapprochent entre eux les hommes, en écart~~t ,éli-
rI
'i
(1) Pierre du Prey
La Côte d'Ivoire dp A à Z, Abidjan, 1970

'Ii
-436-
Il
1
1
bérément tout ce qui peut les séparer"(I).
Mais la conception du rôle de la presse sera mieux précisée
a-
dou Coulibaly, Président du Conseil Economique et Social qui, en 1959 déc
rait en ces termes : Le journal Fraternité-Hebdo a four mission de défini
la
doctrine du Parti, de fixer les objectifs à atteindre. Il indique les dif. '
rents aspects des problèmes posés, signale les étapes évolutives ou
i-
ves, l'alternance éventuelle des succès et des échecs. En alternant
'o-
pinion publique, il exalte la foi des partisans, convainc les habitants,
ran.
le les adversaires. Dès lors, les idées prônées
s'incrustent, se fortifier
,se
répandent; le journal porte de la sorte a la masse des données sur lesque
elle peut se faire une opinion et prendre position. La presse traduit
ili·
tants du Parti les raisons d'espérer, donc de persévérer; en d'autres te
s,
elle éduque ses lecteurs au niveau de la doctrine du Parti"(2).
j
Par ces caractéristiques, la presse ivoirienne se veut au service et
la
défense des intérêts du pouvoir en place. Le Parti est sa raison d'être. S·n
objet sera, selon l'ancien Président de l'Assemblée Nationale, M. Philoppe Yacé
"de mettre à la disposition des militants les connaissances qui leur perme
tront de prévoir, dans leur secteur d'action, les conséquences de leurs ac es .•
Ainsi "Fraternité" enseigne l'art de l'action efficace; car, le problème
e
l'information demeure un problème d'éducation .•. ( ) .
Comme on le voit, l'accent est surtout mis indirectement sur la form~ ion
des militants du P.D.C.I - R.D.A. La presse doit distiller.à.leurintenti
des idées et des commentaires conçus suivant les modes de pensée de l'équi e
gouvernementale. Mais ce n'est pas tout, car pour Mathieu Ekra, la presse
oit
contribuer à la progression du sentiment national en aidant à la transform tion
de la mentalité des citoyens et à l'éducation globale des masses :" A quoi ser-
viraient des productions nouvelles pour un peuple renfermé sur lui-même, att ché
à un mode de vie dépassé, ni producteur, ni consonMateur ? •• Nous avons e sa-
yé de ne jamais perdre de vue que la bataille du développement repose sur
'ap-
titude de l'homme à se convertir ••• (4).
Si la presse peut permettre d'atteindre ces objectifs, c'est qu'elle
e
:résente comme un outil important, ~oire un moy~n d'accélérer des Changeme.~,:
CD Texte reproduit dans lIFraternite" du 22 avrll 1966, p. 5
1
(2) Texte de Mamadou co~l~baly lors d~ l'inauguration cie "Fraternité" en l p9.
Reproduit dans "Fratern1.te" du 22 avr1.1 1966.
t
(J) Discours du Président Philippe Yacé pour les 10 ans de "Fraternité" : 1 }i'ra-
terriité-Hebdo ll du 25 avril 1965.
(4) Cf. Généviève ROUX, op. cit. page JJ.

-437-
sociaux positifs. Cela veut dire que la presse ivoirienne ne saurait seul ment
se caractériser par un rôle de divertissement ou de propagation des nouve les.
Bien au contraire, son rôle va déborder largement la fonction d'informati,n or
dinaire pour apparaître davantage comme un véritable instrument dé dialog e en
tre les gouvernants et les gouvernés en vue ue la réalisation de l'unité
u
pays :" Elle favorisera, déclare l'ancien Ministre de l'Information, une
,rati
que de là justice sociale plus grande et forcera l'adhésion et la partici atio
de tous à l'oeuvre commune, donc à la naissance progressive de la Nation" I).
De ce fait, les dirigeants du Parti vont obliger gén~ralement la pre se a
se conformer à ce qu'ils estiment être l'intérêt bien compris du peuple.
eur
souci majeur est de s'assurer que rien ne soit publié par la presse qui
oit
en contradiction avec l'esprit du Parti. Et selon eux, la presse doit con tam-
ment renforcer
les objectifs du gouvernement : ce qui sert le mieux les
intérêts
GU Parti est ce qu'il y a de mieux pour tous.
Dans ces conditions, les nouvelles, les communiqués
de la presse au ont
non seulement pour\\but d'informer, mais
Ils
devront avant tout chercher è
mo~trer la toute-puissance de l'Etat incarné dans le Parti. Ici, la fonct'on
d 'animation politique reste primordiale : "Fraternité-Matin" @t "Fraterni é-He'
do" sont à la fois des instruments cl 'identification et d'appartenance au P rti.
Ces deux journaux appara.îtront cornIlle des supports
indispensables à la sourn ssio:
des Ivoiriens au régime politique en place. Leurs contenus respectifs ser
t
toujours orientés suivant le sens politique d'un pouvoir qui se veut seul dé-
tenteur d'une vérité absolue dont on veut abreuver le peuple à longueur d
jo~
née.
Le gouvernement ivoirien cherche inlassablement à conserver à son bé éficl
exclusif toute la presse du pays. Aussi, les journalistes seront-ils obli és~e
communiquer au public tels aspects de ces événements qui corroborent les
nions du parti. Sous couleur d'en faire des instrwnents de la mobilisatio
des
masses pour la construction nationale, bien sûrj les responsables ivoirie
ne
donnent aucune possibilité aux professionnels
de la presse de diffuser a
.chose que la vérité d'Etat.
Ainsi, tous les organes de presse doivent en conséquence livrer au p
et dans leur intégralité, tous les documents officiels préparés par les s
ces tecmliques des ministères, sans qu'il soit envisageable de les assorti
(1) Texte reproduit dans Fraternité-Matin du 24 mars 1972, p. 5.

-D8-
d'un commentaire autre que laudatif.
c'est de cette façon que le Parti croit pouvoir faire jouer à la pre se
un role actif dans l'éducation des masses, éducation qui se garde bien d' veil
1er chez le citoyen ivoirien, l'esprit critique qui éclairerait
peut-être mieu
sa compréhension des problèmes.
Ainsi, "Fra terni té-J.~atin", "Fra terni té-Hebdo" et "Ivoire-Dimanche" n
cherchent - ou si peu - à éveiller le goût d'Wl public souvent peu au fai
des
mécanismes de l'orientation politique, et qui a besoin, d'abord, de compr ndre
l'événement. Bien au contraire, ces trois moyens d'information ont l'habi ude
de présenter d'une façon incomplète les événements. Et pour justifier cet
tat
de chose, voici ce que déclarait le Ministre de l'information: "Nous avo s
l'habitude ici de prendre le recul nécessaire devant tel événement, d'avo
a
notre disposition tous les éléments nous permettant de donner une informa ion
saine, une information objective avant de transmettre aux organes chargés de
sa diffusion, la nouvelle à communiquer à la nation ••• Nous observons bie
en-
tendu le temps raisonnable devant nous permettre de réunir tous les éléme ts
indispensables "(1).
Co~~e on peut le constater, les autorités ivoirie~~es se contentent s
s
relâc11e d'apaiser le peuple en essayant de lui expliquer les buts que le
uve]
nement poursuit, les difficultés qu'il rencontre, les solutions qu'il pro ose.
Mais l'expérience a montré qu'il existe une disproportion flagrante
Itre
les assertions gouvernementales que véhiculent nos trois journaux mentiom 's
plus haut et la situation objective que vit le peuple tous les jours dans
on
cadre habituel. Et pour mieux masquer une pareille situation, tout est re
oyé
au culte de la personnalité.
La personnalisation desévénéments va toujours s'articuler autour d'
per-
sonnage central: le chef de l'Etat, M. Félix HOUPHOUET-BOIGNY. Celui-ci
ns-
titue en quelque sorte "la source vitale de la nation", l'élément indispe
a-
ble à la survie de t("US les Ivoiriens.
Comme partout ailleurs en Afrique Noire, le rôle de la presse écrite
st
de "gonfler l'événement par les biais divers: chiffres, imaces, citation
re~
dites ... et le dramatiser au besoin, pour le hisser au rang de l'Histoire, ns-
(1) Généviève ROUX, op. cit. page 35.
..~

-439-
tanée quand bien même sa dimension ne s'y prête pas. Et de 'façon général
c'e::
une presse intimément liée aux structures du pouvoir. Sur ce point, écout"ns
André BADIBANGA (1) : "La presse procède par l'injection, dans la nouvell
ori
ginelle, de tous ses titres officiels, ses noms
propres, ceux accumulés
u
cours de l'exercice du mandat présidentiel, de ses pronoms personnels, de
cit
tions de ses discours ••• Une autre fonction remplie par cette injection de
élé
ments intrus dans la nouvelle, consiste à rassembler la nation derrière l
PrÉ
sident .•• La mise en évidence du nom et des titres du Chef de l'Etat est u e ca
ractéristique de la presse africaine. Témoins ces titres: Fraternité-Mat n du
1° février 1978 titre sur toute la largeur de la première page en lettres capi
tales : "Houphouët-Boigny à Lomé : Notre Entente est devenue majeure". Pu' s,
une photo couvrant six colonnes présente trois persollilalités officielles. Lé-
gende : "L'esprit de dialogue a encore prévalu au cours du Sommet du Cons il d
l'Entente à Lomé ••• Les présidents Sangoulé Lamizana, Houphouët-Boigny, Gn ssin
gbé Eyadéma et Seyni Kountché s'entretiennent dans une atmosphère amicale"
Ainsi par goût du griotisme ou par manque d'initiative (puisque viva t
dans la contrainte), les journalistes ivoiriens se bornent toujours à pré en-
ter le Président de la République comme la plaque tournante de l'actualit
au
lieu d'apporter à leurs lecteurs ou à leur auditeurs une analyse qui les
ide
o
à vivre au lieu de subir les événements.
Si le pouvoir compte beaucoup sur la presse écrite, c'est que, dans
le
large ~roportion , c'est elle qui ouvre dans ses colonnes toutes les sema nes,
des débats entre les intellectuels, lesquels permettent de co~::...'tlaître plus ou
moins leurs positions face au pouvoir. Elle met souvent à la portée de to s le:
Ivoiriens des débats d~ grande portée qui ont trait au développement soci l et
économique du pays. Le pouvoir va donc profiter de ces échanges pour fair
des
mises au point en mettant en évidence dans la première page de "Fraternit -Ma-
tin, les recommandations du Bureau Politique.
En fin de compte, la mainmise du Parti sur la presse ne permet pas à cel-
le-ci de définir ses propres orientations. On comprend pourquoi M. André
DI-
BANGA n'a pu s'empêcher de déclarer ceci: "La presse gravite constamment
u-
tour du pouvoir par un réseau de relations verticales, qui la rabattent a
rané
d'un appendice de l'univers politique •••• Entre cette presse et le pouvoir
il
se tisse un système de communication qui fonctionne presque à sens unique
si
(I) André BADIBANGA ~ La Presse afr-rcaine et le culte de la personnalité. In Re
vue française d 'Etudes Politiques Africaines, N° 159, mars 1979, pp. 42-43~"

-440-
non unipolaire. C'est pourquoi sa fonction tri bu!1Ï tiemle, celle consistan
c
additionner au terme d'wle sélection non partisane, les desiderata du mil "eu
socio-culturel est nulle, en raison de son ouverture par trop large aux m'cro-
mil ieux que constituent les cénacle s poli tiques". (1)
En dehors de ses attaches profondes avec le pouvoir, la presse écrit
JOUi
tout de même un rôle complexe sur les masses populaires. Ses fonctions so iale:
et psychologiques sont d'ailleurs multiples et malaisées à isoler. Aussi b' en
l'action exercée par exemple par "Ivoire-Dimanche n'est-elle jamais auton
elle se conjugue avec celle des autres moyens d'information et d'éducatio . 1'01
tefois, il convient de souligner que la lecture de la presse exige par
quent Wl effort plus grand que l'~coute de la radio ou l'assistance au
cIe télévisé. On comprend pourquoi son action sera faible dans les zones
,
é.-
les du pays où le taux des "illettrés"est élevé et où le règne de l ' orali t
passe de tout corunentaire. Cependant, la presse écrite continue à jouer
le dans la transformation des mentalités des paysans. Souvent; ceux-ci ré
autour de leurs adolescents scolarisés, les écoutent en train de lire
intention les nouvelles du jour. Ils désirent ardemment être informés
;Jas être complètement déphasés et être mieux au courant de tout ce qui
se daJ1S le pays et le monde. C'est ainsi que les: journaux leur inculquent
leurs politiques et morales de la nouvelle société ivoiriel1J1e. On trouve
ralement dans "Fraternité-Katin", les informations internationales et nat"
les, les annonces et les faits divers, les pages pour les sports, spectac
détentes.et la publicité, les informations d'ordre économique et culturel. Et
}Jour empêcher les gens de méditer sur leurs conditions de vie assez l~er.
bIcs
on se borne le plus souvent à leur présenter des informatioBS qui ont un - -
pect très distractif : importance du sport (foot-baIl), courrier des lect
rs
pour les problèmes d'ordre sentimental, etc •.. Il s'agit ici de recherche
pour
le Dublic, les conditions qui leur pB?mettent le mieux d'oublier pour un i
s-
tant
leurs maux, leurs souffrances.
A la vérité, la presse ivoirienne ne cherche pas du tout à faire pren
e
conscience des contradictions sociales. Son univers informatif se limite
"nc
à la suppression des possibilités de discussion. L'absence de commentaires
et d'interprétation des informations retient particulièrement l'attention
une
lecture sérieuse. Cette carence est très manifeste au niveau des informati·ns
internationales qui sont mal vues par le gouvernement. On les accuse de ba -
gner dans une atmosphère de crise, de contestation, de convulsions. D'où g :i an -
de méfiance des autorités politiques.
(1) André BADIBANGA : op. cit. page 45.

-441-
En effet, nos autorités politiques ne tolèrent jamais que soient mise
en
exergue dans la presse,
avec toute l'objectivité souhaitable, les lutt8s
'in-
fluence au sein du Parti au pouvoir, les discussions tribales, les "accro
agef
entre les divers ministères, etc ••• Il est surtout demandé à la presse de
a-
cher les informatinns qui peuvent créer des préjudices à l'équilibre du g
ver-
nement et de mettre l'accent sur la convergence des buts poursuivis par
tat.
On coc?rend pourquoi tout ce qui est imprimÉ, tout ce qui est photographi_ est
soumis avec beaucoup de rigueur ~ la censure des pouvoirs publics. Car se
n
l'ancien ministre de l'Information, le rôle de la presse est "de dévelc~!p
che
les Ivoiriens une conscience aussi claire que possible de ce que chacun D
t
jouer dans la construction nationale, afin d'éviter toute contradiction e. re
l'impulsion du gouvernement et l'attitude des individus ou des groupes sa
ciauxt! (1).
Comme on peut le constater, la presse ivoiriènne n'aura pour bpt
le
pré~enter au PUb~ic qu:un aspect des choses en tentant de lui imposer des uta-
matls~es de pensee et ne comportement, occultant les opinions contraires
rce
que décrétées par le Parti comme étant erronées ou tentilllt de les présente
de
telle sorte qu'elles perdent aussitôt toute cohérence.
o
o
o
Nous ne pourrions terminer l'examen de la presse écrite sans adresse
au
lecteur quelques résultats de nos enquêtes. Sur ce, nous avons voulu savo'
les
quotidiens que nos enquêtés lisent fréquemment. Pour ce faire, nous aYo~s
i-
quement interrogé les citadins (zone abidjanaise) et nous avons obtenu
le
ré-
sultats suivants:
-Fraternité-Matin (89%); Ivoire-Dimanche (92%); Semaine d'Abidjan (90%); L
lion.
de (71%); L'Humanité (2%); France-Soir (6%); Jeune-Afrique ()%); Fraternit -Heb.
do (48%); Le Canard Enchaîné (1%); Les journaux anglais (1%).
En considération de ces ,taux, il est permis d'avancer que les Ivoirie s
s'intéressent particulièrement à la presse "nationale". Mais quelle en estlla
cause réelle? Ecoutons donc Généviève ROUX (1) : "Fraternité-Matin se pré ,en-
[\\
te en format simple, bien illustré parfois abondamment. Les photos et dess~s
..
(1) Génviève ROUX
Op. cit. page 50
1Il

-442-
occupent en moyenne 28% de la surface utilisable. Cette proportion a peu
rié
depuis l'origine jusqu'à présent. C'est un journal de présentation attrey
te.
On peut regrouper ses rubriques en six grands chapitres:
1- Informations internationales.
2- Informations nationales.
)- Annonces et faits divers.
4- Sports, spectacles, détentes.
5- Publicité.
6- Informations économiques et culturelles. h
Et après un long exposé, Généviève Roux va conclure comme suit: "Fr
nité-Matin se présente comme un journal moderne, destiné à un large
Sa
présentation et son contenu évoquent ceux des grands quotidiens de provine
France: accent mis sur les informations locales qui intéressent les lecte, s,
aspect distractif, importance du sport, des annonces et avis locaux..• Cep n-
dant, ses pages spéciales, notamment celles de l'économie marquent un soue
de
formation de ceux auxquels le journal s'adresse ; mais leur langage les ré erve
aux cadres et aux étudiants. L'absence de commentaires et d'interprétation des
information~ retient particulièrement l'attention à une lecture sérieuse.
ette
carence est plus accentuée
au niveau de la page des informations internat"ona-
les qui émanent toutes d'agences étrangères et sont données à l'état brut".
L'hedomadaire I.D.
joue lui aussi
Wle grande audience auprès du publ"c.
"Cet hebdomadaire, déclare M. Vieyra, est tenu de rester dans la ligne du 'ar-
ti. •• Mais T.D. n'est pas un journal "politique" : Son but, c'est d'être a
ser·
vice de l'Ivoirien moyen. Nous ne nous adresserons pas, dit son rédacteur
n
chef, toujours en la personne de M. Vieyra, d'abord aux intellectuels, mai
a
tous ceux qui sont un peu déconcertés par le monde moderne. Nous voudrions leur
donner une image de l'homme ivoirien moderne, ce qu'il doit faire, ce qu' l
doit être •••• Maintenant, nous voudrions
bien, l'aider en lui apprenant c
qu'il a besoin de savoir pour sa famille, pour lui-même, pour l'éducation
e
ses enfants "(2).
Dans I.D., le sport occupe une grande place. I.D. donne des informati ns
surtout sur le foot-baIl ivoirien. Pourquoi cette importance accordée au sort?
"Nous nous occupons du sport, dit son rédacteur en chef, parce que cela fat
~;1
(1) Interview réalisé par Généviève Roux, op. cit. page 71.
(2) Généviève Roux: op. eit. p. 57 et suiv.

-443-
vendre le journal. Nous avons constaté que les numéros dont la
couverture é-
tait consacrée au sport se vendaient mieux que les autres. En fait, le foo -
ba11 est le sport le plus populaire de Côte d'Ivoire. C'est le premier loi ir
de l'Ivoirien urbanisé, mais il est aussi très apprécié dans les villages. Il
y a Jà une sorte de mythe collectif "(1).
I.D. est donc un hebdomadaire de spectac1e~ et de loisirs, de détente et
d'humour (chronique de Moussa), de photos-romans et de conseils. On compre d
donc pourquoi nos sujets l'ont choisi en masse:
"I.D. est le journal le plus captivant de la plac • Il
fait oublier les soucis de la semaine".
"I.D. est sensationnel. Il traduit toute la menta ité
de l'Ivoirien commun".
tlL D. n'est pas difficile à lire comme les autres jour·
naux. Il répond rapidement aux attentes de
la p
part des Ivoiriens".
Si la grande masse éprouve encore de l'admiration pour I.D. ou pour
ternité-Matin, il existe par voie de conséquence une bonne majorité d'inte
ec-
tuels pour prendre le recul par rapport à ces deux revues. Et le moins qu' 0
puisse dire, c'est que le niveau d'instruction influe souvent sur le choix ~es
journaux. Ces remarques sont d'ailleurs attestées par les spécialistes.
eux, les personnes les plus instruites sont proportionnellement les plus p
tées vers la presse étrangère ou vers les valeurs occidentales"(2). Ainsi,
lieu de chercher à se débarrasser de l'étau de l'Occident en se plongeant
s
la lecture de
la presse nationale, la plupart des intellectuels iVoi~iens
forcent leur acculturation en se fiant à la presse étrangère.
(1) Généviève ROUX: Op; cit. page 76.
(2) Enquête du Centre d'Etudes sociologiques de Paris sur les moyens de co
u-
nication de masse en Afrique. Enquête dirigée par M. Michek Hoffman en 196
-Cf. aussi Louis-Vincent Thomas : "Les fonctions culturelles de Dakar", arti
e
ronéoté, contribution aux travaux du groupe d'études dakaroises. Universit
de
Dakar-octobre, 1965.

-444-
-Le cas de la Télévisio~.
Comme la Presse, la Télévision joue de plus en plus un rôle dans la
rec·
tions des affaires politiques, économiques, sociales et culturelles. Elle
'a
pas seulement pour but de distraire et d'amuser, mais elle veut endoctrin
le
public ivoirien.
Le contrôle de l'Etat sur ce moyen d'information s'av~re chaque
r~s
strict. La
censure ne se cantonne pas uniquement dans le domaine des
i té~
t~l~vis~es; elle s'~tend aussi à l'ensemble des ~missions. Il s'agit
es
responsables poli tiques ivoiriens d'offrir tout simplement une "sorte de
i-
net d'eautiède" où toutes les révendications populaires se neutralisent e
se
ramollissent.
C'est là une façon fort habile d'endormir les esprits. Il s
fit
de programmer un ma.tch de foot-baIl ou de boxe, ou de programmer un weste
et
un show sur l'unique chaîne, et l'endormissement des masses ivoiriennes e
gé·
néralement assuré. La télévision ivoirienne fait ici le tri de ce
re-
tenu comme seul digne de devenir une information qui ne mette pas en caus
le
pouvoir.
L'autonomie relative du service de l'information à la télévision - s
l'al
tonomie il y a - n'est qu'une façon discrète pour les autorités ivoirienn
de
se reserver le droit exclusif de décider ce qui est une informa.tion capab
d'intéresser le grand public et ce qui ne l'est pas. Elles tierment ici 2
e
pas ouvrir la télévision à tous les courants de pensée et à toutes les fo
e8
d'expression capables de contredire les grandes options prises par le Par
Toute l'idéologie de ce Parti est propagée de mani~re efficace à tra
rs
les commentaires télévis~s des journalistes et animateurs de la RTl. Il er ré-
sulte une fausse inf~rmation qui dissimule aux yeux des citoyens ivoirien
la
véritable physionomie du pouvoir en place. A premi~re vue, il est tr~s di
ici-
le de démasquer cette idéologie et les moyens de manipulation entretenus
l '
la dite télévision. Le souci de construire la nation ivoirieTh~e à l'abri
s or
positions et des antagonismes est constamment évoqué
ici pour maintenir
peu
ple dans une sorte d'obscurantisme qui l'empêche de réaliser qu'il est 1'0 jet
de ' duperie.
Que sont les spectateurs quand ils quittent les émissions télévisuel ~s a-
pr~s deux ou trois heures d'attention? La réponse est ,simple
Habituelle üent ,
on trouve des êtres à la pensée à peine libre et critique. Il y a 'plus
d

-445-
découvre des gens conditionnés à respecter aveuglément les idéaux du Part' et
à agir ensemble pour son Dien à l'image des vrais militants. On trouve au si
des gens devenus passifs prêts à se soumettre mécaniquement aux mots d'or re
du Parti et à rivaliser pour obtenir les bonnes grâces des dirigeants poli ique
On ne dira pas assez que la télévision reflète à travers toutes ses émiss ons
les buts da P.D.C.I. - R.D.A.
qu'elle sert. Nous nous trouvons donc en fa e
d'un peuple, le peuple ivoirien, qui dans la plupart des cas, est netteme t vi
time de l'impact de la télévision. Habitué à s'organiser autour de certai s my
thes savarrunent présentés et transfigurés par les spécialistes de la RTl,
se
trouve aujourd'hui dans l'inca~acité de se débarraser de l'envahissement
s il
formations télévisées. On lui inculquE: ici les idées d'abondance, de libe
é,
de prospérité, de démocratie, de Justice, de fraternité. La télévision est
ai-
te pour perpétuer le système en place. Elle engendre et renforce comme le
au-
tres moyens d'information la croyannce selon laquelle le Parti Unique et
li.
béralisme économique ou le capitalisme d'Etat apporten)nt indubitablement
e
boruleur à tous les Ivoiriens.
Comment les contenus et programmes de la télévison sont-ils
agencés
our
perpétuer le système?
Tout d'abord, les questions d'intérêt national (ch
-age,
déperditions scolaires, coût de la vie,etc,)sont isolées de leur contexte
0-
cial et économique. Les explications fournies par les porte-parole
du go
er-
nement ont parfois des accents paternalistes et condescendantA
par rappo
au:>:
opinions et aspirations des gens de la rue. Cette attitude de la télévisio
cor
res~Jollè. bien à son engagement total en vue de défendre les intérêts du po
air
en place.
L'émission "Grand Débat" choisit les invités qui peuvent réha
ser
l'image du Parti en montrant que la voie choisie par la Côte d'Ivoire est ·es
plus réalistes. L'impact d'une telle émission a influencé profondément tou
les
jewles cadres qui rêvent d'une promotion dans l'arène politique: il suffi
de
passer avec
,
sucees 1 e t es t du "G
'D'b
rana
e
t"
a-
pour ....e t "
, I I
re remarque e t
'
appele p r le
Parti pour leshaates fonations.
Quant aux programmes du journal télévisé.
se rapportant aux questions spé-
cifiques (la paysannerie, l'agriculture, le co~~erce, etc ... ) tout est con u
pour que les Ivoiriens découvrent les progrès réalisés par l'équipe gouver emen
tale et le souci permanent du Parti de voir une Côte d'Ivoire riche, flori san-
te. Les messages de la télévision véhiculent ici un "programme caché" pour ain-
si dire qui transmet donc l'idéologie du pouvoir et qui renforce le contrô Ir du
peuple. Par exemple, dans la présentation de l'histoire de la lutte dite" kan-
cipatrice", les premiers pionniers du P.D.C.I~ - R.D.A. sont dépeints comm
des

-446-
demi ..urges. On les appelle "militants de première heure". Chaque année, l urs
souvenirs fleurissent les propos des grands dignitaires du Parti qui, a l
té-
lévision, racontent l'histoire de la colonisation au peuple ivoirien.
A l'instar de la Presse, il est demandé a la Télévision de favorise
une
~olitique culturelle nationale d'~Dification
On souhaite qu'elle soit d ail-
leurs le support particulièrement efficace d'une politique culturelle nat ona-
le globalE .(I)~
LA nécessité de faire participer l'ensemble de la population pour pr pare
l e s cadres
et les hommes aptes à promouvoir un développement économiqu
et
cul ture1 harmonieux imlüique une éducation de masse, une éducation popula re,
qui doit dépasser le stade de "l'enseignement" au sens strict, pour arriv r a
une formation à la fois sociale, civique, et professionnelle des individu
Un
tel rôle a été confié à la télévision. On comprend pourquoi à titre de pu lici
té ou de propagande, on parle partout de "Télévision au service de l'Educ tion
ivoirienne"~Les autorités qui utilisent ~e slogan en abondance espèrent a'nsi
sensibiliser les citoyens sur le bien-fondé de la télévision en Côte d'Ivo're.
"L'éducation populaire par la télévision informe; elle éduque aussi et l'on
peut songer à tout ce qui pourrait être fait sur le plan de l'éducation s cia-
le et civique du citoyen, aux problèmes d'hygiène sociale et familiale en re
autres "(2). 'l'elle est la déclaration du porte-parole du gouvernement lor
de
la prÉsentation officielle de l'enseignement télévisuel.
La télévision semble donner au pouvoir politique un instrQ~ent de ma
se sur· les 8spri ts. Les communiqués du Bureau Poli tique sont présentés av
certaine gravité qui dénote une sorte de mise en garde contre tout mouvem
de caractère révolutionnaire. Le journaliste de la télévision déploie tou
art dans ~8 préparation des esprits, avec les démentis auxquels les naïfs
vent se laisser prendre un temps, puis dans la transmission du message, a
un recours au conditionnel qui laisse planer un doute sur les plus
bles certitudes. Le mot d'ordre est d'orienter les télespectateurs dans l
du conformisme gouvernemental.
Comprenant l'importance de la télévision, le Pouvoir ne cesse de s'e
sai~
sir. Il la dirige, la manipule selon son plaisir et son intérêt. Et les p 'vre2
citoyens de eSte d'Ivoire sont presque "intoxiqués" par le substil poison
qu'est le culte de la personnalité.
l,
(1) Cf. Document intitulé ,"La Télévision au service de l'Education Ivoir'~lme,
édité par l'Ancien Sécretariat d'Etat chargé de l'Enseignement Primaire,
~.- 10.
(2) Ibid. page 15.
Il

-447'-
Les émissions télévisées commencent généralement par la présentatio
de
la pensée du jour du Chef de l'Etat avec sa photo. Les informations sur 1
po:
litique gouvernementale précèdent toutes les autres nouvelles. Et réguli' emer
le Président de la République apparaît au petit écran dans une attitude
sez
paternaliste pour s'adresser au peuple en exploitant comme de coutume le
mot~
bien connus, È: savoir: fraternité, union, dialogue, conscience national
etc
Toutes
ses
déclarations semblent réduire souvent les citoyens à
de l
cepteurs passifs puisqu'elles laissent toujours dans l'ombre leurs préoc
pa-
tions, leurs voeux, leurs expériences. Et par le biais de la télévision,
e
Chef de l'Etéèt ou l 'lUi de ses ministres va avec beaucoup d'habileté just-i ier
toutes les d~cisions prises par le gouvernement dans le sens des intér&t~ "su-
périelU's" de la Nation.
Comme on le voit, à l'image des autres media, la télévision demeure e
Côt
d'Ivoire un précieux instrument de conditionnement de persuasion du peuple
Sa
mission
sera
donc.
de SBJ:'Vir d'abord la cause du Part-i et de contribu
à
sa stabilité et à son maintien en cherchant à adapter les individus à sa
ropr
"culture", à son idéologie. Il s'agit ici de favoriser par son action l '
misationsociale autour des idéaux chers au Parti. En accroissant lË déra.dan-
ce de chaque citoyen à l'égard de celui~ci, la télévision tend donc à pro'uire
une mentalité sownise dans laquelle l'admiration béate des autorités poli ique
devient presque une fin en soi.
Et. cela suppose que la télévision est
ussi
le relais par lequel passe encore le pouvoir qui, à vrai dire, dispose ~
a
fois des données et des sources d'information et qui en outre contrôle le
ins
trument~de com~Q~ication.
Tout concourt en conséquence à renforcer l'acceptation des idées état ies
par l'équipe gouvernante aux dépens de la pensée indépendante et du sens
ri-
tique l
le mot d'ordre étant, bien sûr, de réussir à transmettre à tout pr x,
les valeurs et les normes du système en place.

-448-
-QuelQues résultats de nos enquêtes-
Quoi qu'on dise,il faut souligner que les Ivoiriens sont actuellement épri
des vertus de la télévision. C'est pourquoi nous n'avons pas pu nous empêher
de demander aux sujets enquêtés de nous faire part de ce qu'ils aimeraien
voi
et entendre le plus Bouvent"à la télévision.
Voici les réponses que nous avons obtenues
% des réponses recu illi
Abidjan
Zones r .raIe
Informations nationales
.
92
98
Informations internationales •••••••••••••••••••••••••
80
16
Emissions sur les cultures africaines ••• •••••••••••••
78
95
Musi que africaine
.
88
98
Musique non africaine (jazz: concerts, classique ••• ).
52
8
Musique "pop,·
.
41
2
Emissions religieuses
.
38
75
Emissions historiques
.
38
9
Emissions "Grand Débat" . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
82
18
Emission humoristique " Comment ça va?" de Groguet •• '.
90
95
Emissions sportives
.
85
64
Feuilletons
.
60
72
:Films (longs mé trage s ) •••••••••••••••••••••••••••••••
75
85
La Coupe du Progrès
.
68
80
Emissions pour les jeunes
.
58
22
Ne regardent pas la télévision
.
2
14
Non déclarés
.
l
8
To tale
.
(1 )
(1 )
Comme on peut le constater, tous ceux qui ont choisi les information
in-
ternationales appartiennent généralenent aux zones urbaines pour la plupa t al·
phabètes.
Par ailleurs, il n'est pas étonnant de voir que les personnes des mi ieux
ruraux choisissent les émissions portant sur le sport, la Coupe du progrè , la
musique africaine. De tels choix étaient fort prévisibles: En tout état d
cau
se, la ruralité est un paramètre important pour déterminer le degré d'acc
tur~
tion. Il est normal que les émissions relatives à l'agriculture aient la
ia-
veur des "privinciaux". Les réactions de résistance à la poussée occiden t he
semblent être plus fortes dans les villages. Cependant, l'existence d'un
~r­
i
tain "retard culturel" n'y fait aucun doute: Les ruraux sont ici la proiE: des
(1) Le total est supérieur a' 100, les per 0
.
t
,
1
s nnes 1n errogees ont dorillé plu Qeurs
réponses.

-449-
exigences de la tradition, mais ils veulent en même temps goûter à la mo
r-
nité : désir d'avoir
à la fois un poste-radio, un électrophone et une t
évi-
sion. Déjà, dans certains villages de Côte d'Ivoire, en particulier chez
es
riches paysans (Agni, Bété, Baoulé, Sénoufo, ), la télévision noir-blanc
st
rejetée au profit du téléviseur-couleur. Ainsi, l'attraction exercée par
es
biens de consommantion ne fait que s'amplifier partout chez les Ivoiriens
On
notera que ceux qui ont déclaré ne pas regarder la télévison font partie ·e
ceux qui ne peuvent pas se donner le luxe de se payer un tel moyen de dis rac-
tion, de divertisssement •••
Au-delà de ces considérations, il est permis de penser que l'achat
un
poste-téléviseur apparaît comme un indice de "réussite ou promotion soci
e".
i
,
Car l'argument de base que la plupart de nos sujets se plaisent à évoque
est
,1
le suivant :" L'appareil coûte très cher, i l
ne peut être à la portée de tout
le monde.".
Quoiqu'il en soit, la télévision comme la radio, joue pratiquement l
mê~
me rôle. Chaque jour les "dignitaires" du Parti l'exploitent à fond pour
aire
écouter leur évangile ou le nouveau testament du PDCI-RDA. Ils espèrent
e pa
le truchement de la télévision, leurs messages vont favoriser l'unité nat onal
pour qu.e les Iv~iriens soient associés dans une solidarité au sein du part
com,
comme s'ils avaient les mêmes objectifs. "rI s'agit ici d'une position ass z
idéologique: Certes,l'avènement de la télévision en Côte d'Ivoire contri ue
aussi aux transformations de ce pays, mais
il
ne peut diminuer lesanta
nis.
mes sociaux.

-450-
- L'exemple de la Radio -
Nul doute que le renforcement du P.D.C.I. - R.D.A., la ~articipation ·es c
toyens
à l'oeuvre de développement et la construction de l'unité nationa e ne
peuvent se réaliser en l'absence de ce moyen de communication qu'est la r dio.
Généralement plus rapide que les autres formes de communication, elle di~
à travers tout le pays non seulement des informations, mais de véritables
odè·
les sociologiques. En effet, dans un pays en voie de développement comme
Côte d'Ivoire, elle assure en grande partie les rôles divers sur le plan
la
promotion sociale, sur le plan de l'endoctrinement et sur le plan de la c
tur!
Informer, distraire, éduquer, voici les trois verbes qui résument ses act
Après l'Indépendance, les autorités ivoiriennes ont vite pris consci
ce
de l'importance de la radio. De 'civilisation typiquement oral, le pays av
nécessairement besoin de ce moyen de communication pour accélérer le proc
sus
de développement et participer à "l'enracinement culturel par l'améliorat
n
des formes d'expression de la tradition orale qu'elle devra valoriser en
ar-
gissant sa portée et son ray.:m:tmement "(1).
En dehors de ses fonctions d'information et d'éducation, de loisir e
de
divertissement, il est surtout
demandé à la Radio de se mettre exclusive
~t
au service du système politique qu'elle doit servir à son maintien plutôt
u'à
sa mise en cause. On comprend pourquoi depuis l'Indépendance jusqu'à main
nant
elle ne cesse d'apparaître comme un puissant moyen de diffuser l'idéologi
du
P.D.C.I. - R.D.A.
Mais avant tout, les progra.'TIlTIes de la Radio se composent essentielle" nt
d'émissions musicales (grande musique, danse, jazz, folklore, etc •.• ), éd\\ a-
tives (causeries, exposés, enseigne:c.:ent agricole, sanitaire, etc ••. ) et c
tu-
relles (théâtres, littérature, etc ••. ).
Mais la Radio !YQuienne reste en grande partie dépenda....'1te, car depuis 1960
la motié de ses programmes provient topjours des organismes étrangers tels que
l'OCORA, l'O.R.T.F., U.N.E.S.C., l'U.R.T.N.A., B.B.C. ,etc .•• ).
Sur le plan éducatif, la Radio ivoirienne vise particulièrement le pu lie
rural. Ainsi ses magazines parlées dans les langues du pays, se soucient q 0-
[1
"CI) Ethiopiques : Revue socialiste de culture négro-africaine : La Radio,
Il
,oyen
de communJ.cation, pin' Boùbakar Mor Dock, N° 2, oct. 1975, page r'42.

-451-
tidier~lement de rappeler aux paysans et aux analphabètes les principes e
men.
taire8 d'hygiène collective, de soins culturaux, d'aménagements agricole c
Pa2
rapport à la télévision, elle a un réel avantage : Elle surclasse la télé isie
dans le domaine de l'~ormation au jour le jour, elle est rapidement à 1
pOI
tée de tous, prête à renseigner sur les moindres faits. Elle se rép~d p ~tout
dans les villages, les campements. On s'en sert abondamment. Bref, la rad 0
semble envahir la vie quotidienne des Ivoiriens, apte à combler leurs loi ira,
débordant, s'insinuant dans le temps des corvées ménagères, des repas, de
dé-
placements, du repos ••• ).
Cet envahissement, ce débordement ne sembk pas être dû au hasard: • rta:
nes fonctions que la radio remplit répondent
à des besoins profondément res-
sentis dans la vie quotidienne. Ainsi depuis l'Indépendance, elle contrib e in
tensément à la participation active et effective des Ivoiriens à la vie d
pay
D'une manière générale, elle apporte a la plupart des éléments qui peuven
les
aider a se guider et a s'adapter aux multiples changements que connaît le Côte
d'Ivoire.
Son rôle dans la modernisation de ce pays est immense. à travers les
ébat:
qu'elle permet entre les auditeurs à propos des thèmes très importants:
pre
blème de la dot, l'intégration effective de la femme ivoirienne dans la n
ion
en formation, la polygamie et ses effets négatifs, l'épargne, la famille
clé·
aire et son rôle dans le
développement économique du pays, ·etc •••
Comme il en est ainsi, on peut dire que la radio en Côte d'Ivoire n'
t
pas seulement le grand moyen de distraction et d'évasion, mais elle est a
si
un puissant instrument de la liquidation du sous-développement. Mais ce
st
pas tout : Elle apparaît sur place comme une méthode de motivation et de
cientisation. Sans doute est-elle un remarquable moyen de stimulation des
riens. Mais sa véritable efficacité, c'est d'exercer sur l'opinion une in
ce suffisamment grande pour que tous les citoyens soient réceptifs aux idé s du
Parti. Inutile de s'apesantir sur les causes de cet état de choses car ell s
son bien connues~ "La radio doit, comme ,les autres:moyensd'information, a.por-
ter une participation active dans ,lB. définition des objectifs poli tiques.Si c
obft
jectifs ne sont pas poursuivis, s'ils sont déformés, si les voies et moyen
dé-
cidés en commun sont abandonnés, son devoir est de les dénoncer "(1).
(1) Le Président Houphouêt-Boigny et la Nation Ivoirienne, op. cit. page 1;6.
,

-452-
Chaque jour, la radio essaie de pénétrer dans les moeurs en structur
t
les comportements des Ivoiriens. Elle se découvre du coup comme une prime à la
reproduction presque
indéf~e du système en place,en amortiésant les po saée
d'opinions contraires aux idéaux du Parti. On assiste à des mises en gard i con·
tre les Boi-disant"fauteurs en eau trouble", les "apprentis sorciers", l s
"égarés assoiffés de pouvoir", etc ••• Les communiqués ou avertissements d
Bu-
reau Politique sont brefs et tranchants. C'est là une indication précieus
in-
citant à affirmer que la radio ivoirienne constitue un~véritable frein au chan,
gement politi~lie.
En effet, comme l'a fait remarquer M. Madani SY dans le premier numé.o de
la revue "Ethiopiques,
le Parti unique joue un rôle prépondérant dans l '
ien·
tation de la radio en Afrique Noire. -Aucune action, déclare-t-il, ne peu
s'o.
pérer en dehors de l'orientation et de ses structures pensées par le Part. SUl
tout, lorsque le Parti unique joue un rôle historique dans la consolidati
de
la nation et dans la transformation rationnelle de la société "(1). En Cô e
d'Ivoire, nul n'ignore la toute-puissance des commissions de censure
mi rs el
place par les dirigeants du Parti. Pas question ici de "lâcher un peu de
~st".
car pour les responsables du
pays
l'information par la radio semble êtr
ne des clefs du pouvoir, ce qui n'est pas sans fondement. La radio devien
moyen de mise en condition du peuple ivoirien et sous l'étroit contrôle d
l'Etat, elle sert surtout à asséner des
Messages "conformistes". Et le p
souvent, il s'agit de chercher à convaincre les foules, les masses popula
des arguments développés par le monologue gouvernemental. Ce faisant, le
voir clame ainsi son souci de défendre l'ordre établi et, dans ce but, or
i-
se
ou donne donc sa caution à une "information dirig~e". En définitive,
sous le couvert d'un certain risque que l'Etat use en conséquence de tous
es
moyens pour "orienter" la radio. Son rôle est donc ici capitale.
On ne saurait, certes, négliger les pressions diverses auxquelles so
soumis les fonctionnaires de la RTl. On comprend pourquoi depuis l'avèneme t
de l'Indépendance, aucune tentative sérieuse n'a été faite par les journal s-
tes gouvernementaux pour proposer au public autres' chos@s que ~e.s..d.i·sct)urs ou
messages officiels. Il n'y a pas eu d'exemple d'une série d'articles à "re ents
contestataires" qui aient été stoppés sous le couvert des "nécessités du m in-
tien de l'ordre". Nos journalistes ont préféré oeuvrer dans le sens d'un "I riO _
tisme" qui n'a fait que renforcer l'emprise du PDC1-RDA.
:
(1) Ethiopiques, Revue socialiste de culture négro-africaine, op. cit.
,1
nov Im-
bre 1975, pages 45-46.

-453-
-Quelques résultats de nos enquêtes en milieux urbain et rural.
Nous venons de montrer d'une manière générale la place énorme que ti ~t
la radio dans la vie politique, sociale et m~me culturelle des Ivoiriens. Mais
une donnée
reste
fondamentale: les réactions des personnes interrogées
leurs attitudes, leurs choix, la hiérarchie de leurs intér~ts face à la r dio.
Voici les réponses fournies par nos sujets à la q~estion ci-dessous
-Quelles sont les émissions de la radio que vous écoutez le plus s u-
vent ?
Les réponses des populations rurales n'ont présenté aucune surprise par-
ticulière. Ici, presque 96% d'analphabètes optent pour les émissions port1 nt
sur les cultures africaines ou ivoiriennes et sur les émissions en langue
10-
cales.Mais il y a plus. Examinons le tableau ci-dessous:
% des réponses ra ~es
Abidjan
Régions rura]~s
Informations nationales •••••••••••••••••••••••
73
96
Musique Africaine ..•••••••.••••••..••...•....•
43
90
Emissions sur les cultures africaines ou ivoiriennes 42
92
1
Emissions de station-radio étrangère •••••••••••••••
16
2
Emissions sportives
.
75
10
Il
Musique non africaine (Jazz, pop. classique) •••••••
20
l
Emissions religieuses
.
17
22
Emissions sur le monde rural et agricole •••••••••••
"32
96
Emissions en langues locales •••.•••••••••••••••••••
50
98
Emissions culturelles (science, technique) •••••••••
15
2
Ecoutent san.s préciser
.
8
l
N'écoutent pas la radio
.
,0
0
Non déclarés
.
l
l
Ta tale
.
(1 )
(1 )
De manière générale, les ruraux ëxpriment dans l'écoute des informati ns
sur la.tradition,ivoirienne
une très.grande satisfaction qui leur donne l ' m-
pression d'être à l'aise:
"Quand nous écoutons la radio parler des choses de chez nous, no s
sommes alors très heureux. Nous sommes contents quand on nous fkt
entendre.les danses Ziglibiti et Gahou, qui sont des danses ivo ~i­
ennes très rythmées. Elles nous rappellent ainsi l'ambiance dan 1la-
'j
l
quelle vivaient nos Ancêtres. Nous sommes alors très éloignés d ,s
,
rythmes très agaçants des Blancs".
II
li
, .
. 100
les personnes interrogées
ont donné plusi j1lurs
(1) Le total est super1eur a
,
il!:1
réponses.
1
d

-454-
Les informations nationales intéressent également les ruraux et cons
tuent pour eux l'instrument essentiel permettant de connaître mieux la Cô
d'Ivoire, les actions du Gouvernement
"C'est à travers les informations nationales que
nous saisissons mieux les réalités de notre pays,
ia -Côte 'd'Ivoire. Il en faut dav8..l"l,'tage pour mieux
savoir ce qui se passe dans les autres ethnies du pa
C'est grâce aux informations nationales que nous
apprenons tout ce que les dirigeants du pays font
ou ont décidé de faire pour nous Il
Le tableau précédent indique encore l'intérêt particulier que manife
les ruraux à propos des problèmes de l'agriculture. Ils ont tous le souci 'e SE
voir guidés par les conseils utiles portant sur l'amélioration des techni
es
agricoles :
"Nous voulons que nos plantations de café et de cacao
ro~
duisent mieux. Nous ne connaissons pas encore bien c
qu'il faut faire. Depuis 1975, on nous aide à entret
ir
nos champs par des conseils appropriés à la radio :
qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire. Nous
ou-
Ions que les émissions de ce genre se multiplient"
Dans la région abidjanaise, les réponses semblent plus "parlantes".
mme
on peut le constater, les motivations des sujets ne sont pas les mêmes.
si
au niveau des taux de réponses, on découvre beaucoup de variations. Les
er-
viewés ont généralement opté pour les informations nationales d'abord :
"Les informations nationales nous font prendre dav~~t
e
conscience des problèmes internes et fondamentaux. cr st
en écoutant de telles informations que nous pourrions
mieux participer au développement du pays".
"Un Ivoirien qui ne s'intéresse pas aux informations
tionales est un Ivoirien qui marche sans boussole : i
est indigne du pays".
Fait notable, il semble que les "affaires traditionnelles ou locales"
préoccupent généralement les Ivoiriens. Si les émissions portant sur les c 1-
tures attirent encore leur attention, il n'en demeure pas moins vrai que l s
émissions en langues ivoiriennes rejoignent leurs préférences. C'est d'ail eurs
ce que confirment les 50% de réponses, chiffre assez significatif. Mais en
s'intéress~lt aux informations nationales, la plupart
de nos sujets perde t
rarement de vue les émissions sportives. N'est-ce pas que celles-ci permet ,ent

-455-
facilement le divertissement, la diversion, voire la détente? En effet,
les
tendent de plus en plus à devenir les moyens d'évasion et d'oubli tempora
es
des soucis et des peines. Grâce à elles, l'individu arrive à surmonter ce
ai-
nes situations difficiles de la vie quotidienne.
En développant le travail hautement manuel et répétitif dans les vi
es
et les villages, au sein des usines, en soumettant les travailleurs agric
généralement analphabètes à des efforts inouis
en vue de la promotion de
tures d'exportation (café, cacao, ananas, etc.), le système va participer
l ' •
puisement
physique de nos "braves paysans". D'où la fatigue en fin de j
née. D'où le désir ardent de ces masses exploitées de s'offrir des moyens
distraction comme -la télévision, la l'adiO . .A.insi;l-es informa:.tions nationale,
les émissions sur la musique traditionnelle ivoirienne constituent des mo
thérapeutiques après l'asservissement au travail abêtissant, à la dure né
té économique.
Par ailleurs, l'examen du tableau précédent permet encore de constat
qUE
peu de sujets s'intéressent aux émissions culturelles. De telles émission
foni
appel àla culture générale et exigent un certain effort intellectuel. No
su-
jets aiment, plutôt les émissions qui privilégient les jeux, la distracti
"Les émissions culturelles sont trop sérteuses et par
is
ennuyeuses. Elles ne répondent pas du tout à nos att
tes" •
"Il faut être bien instruit pour comprendre les émiss' ns
d'ordre culturel, car leur niveau est très élevé".
"Ce sont les gens de haute culture qui s'intéressent
ce~
genres d'émissions".
En revanche, nos sujets préfèrent écouter parfois a travers les émis
ons
étrangères un peu de musique (pop, Jazz).
Ainsi de part et d'autre, autant à Abidjan que dans les villages, on
ssis
te aux mêmes réactions à l'égard des émissions culturelles. Mais les diffé ents
propos de nos enquêtés nous ont fait prendre conscience de la nécessité de
connaître réellement l'influence du niveau d'instruction sur le choix des
mis-
sions. En groupant tous les choix indépendamment des zones d'enquêtes~ voii
les résultats que nous avons obtenus:
~
Il
l'i
(1) Ces émissions culturelles sont relatives aux problèmes internationaux~ aux
1
grands débats internationaux sur la faim, la sécheresse,la guerrre, etc.

-456-
%des réponses reçues et réparties selon le ni-
veau d'instruction.
-Analphabètes
Form. p.
Form.S.
Form. su .
Informations nationales ••••••
82
82
63
60
Musique Africaine ou ivoirienne ••
98
75
72
54
Emissions sur les cultures afri-
caines ou ivoiriennes ••••••••••••
93
88
70
58
Emissions sur les stations radio
étrangères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
16
70
90
Emissions sportives ..............
54
88
72
45
Emissions religieuses ••••••••••••
72
41
28
13
Musique non africaine ...........
I I
36
78
Emissions sur les questions rura-
les et agricoles .................
98
14
22
54
Emissions en langues locales •••••
96
43
36
68
Emissions culturelles étrangère s ••
14
29
87
Ecoutent
'
.
sans prec~ser••••••••••••
3
8
N'écoutent pas du tout la radio •••
Non déclarés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
J
8
Total . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
(1 )
(1 )
(1 )
(1 )
On le voit, la répartition des fréquences de choix des émissions sel ~ le
niveau d'instruction fait apparaître que plus les sujets sont instruits e
plu
ils sont portés vers le choix des émissions étrangères. Il en résulte néc ssai,
rement un fait fortement lié au phénomène Acculturation. Imprégnés de la ,ul-
ture occidentale, nos enquêtés, une fois instruits, ne peuvent pas s'empê her
d'aller s'abreuver, lorsque les circonstances le permettent, aux sources
ksa·
voir des pays dominants. Et ce faisant, ils semblent
minimiser les valeu ~ de
leur propre terroir. On pourrait, sans risque de se tromper, parler d'une cer-
taine aliénation de leur part. En effet. ils portent encore en eux, quelq es
séquelles de la domination étrangère.
o
o
o
Il nous a paru utile, voire intéressant de chercher à connaître l'in 'u-
ence de l'âge dans le choix des émissions à la radio. Voici donc les résu rats
que nous avons obtenus :
:il
(1) Le total est supérieur a 100, les personnes interrogées ayant pu donner
1
plusieurs réponses.

l,
-457-
,1
1
:1
1
% des réponses reçues selon l'âge
Moins
De 25
De 30
De 35
De 40
De 45 e
de 25
à 29
à 34
à 39
à 44
pl s.
Informations national es •••••••••••
72
67
65
50
62
4 :
Musique Africaine ou ivoirienne •••
83
70
63
43
54
5
Emissions sur les cultures afri-
caines ou ivoiriennes •••••••••••••
42
40
45
24
43
6
Emissions sur les
stations radio
étrangères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
14
34
48
56
68
9
Emissions sportives . . . . . . . . . . . . . . .
89
68
54
62
24
l
Emissions religieuses . . . . . . . . . . . . .
21
28
17
9
15
5
Musique non africaine .............
46
30
17
10
24
l
Emissions sur le monde rural et a-
gricole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
18
24
25
34
20
5
Emissions en langues locales .•••••
24
20
23
15
II
4
Emissions culturelles étrangère s· •• 10
17
36
78
87
8(
Ecoutent sans préciser............
15
4
12
14
3
N'écoutent pas du tout la radio •••
3
l
Non déclarés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
Total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
(1 )
(1 )
(1 )
(1 )
(1 )
( )
La répartition des fréquences d'écoute des émissions sur le plan des ~hoiJ
selon l'âge revèle des indices tout aussi intéressants. On peut constater ~ue
les jeunes préfèrent davantage les émissions ayant trait aux divertisseme ~s
(musique, sport), tandis que les adultes optent pour les émissions culture les.
Dans l'ensemble, les jeunes abordent la radio en aspirant à l'évasior et
à la détente. Valorisation donc ~e ce que pourraient être les émissions qt
é-
vitent de poser les problèmes difficiles de la vie quotidienne. C'était de c
prévisible. Cette attitude, on le comprend, est particulièrement conforme
la
plupart des jeunes: L'adolescence est l'âge où l'on aimerait parfois se d s-
traire beaucoup et réfléchir moins sur les réalités concrètes de l'existen e.
Si l'on veut que la radio ivoirienne soit un véritable instrument de
obi-
lisation et de conscientisation de la jeunesse et des masses populaires en géné
raI, il faudrait qu'elle présente des thèmes qui vont dans le sens d'une c·n-
tribution à la construction de la nation en évitant les voies de la facili é ,
la tendance à offrir des émissions qui n'incitent pas à la réflexion.
(1) Le total est super1eur a 100, les personnes interrogées ayant pu donne !',l
plusieurs réponses.

-458-
S'il fallait une conclusion, laquelle? Sachons que l'avénement des
edis
en Côte d'Ivoire fait partie de l'héritage des révol~tions importées. Et cet
héritage - quoi qu'on dise - apparaît aujourd'hui de plus en plus étrange
aua
manières de penser des Ivoiriens.
Il reste que pour l'essentiel, l'admiration béate des media doit céde
la
place à une appréhension réaliste des problèmes qu'ils soulèvent dans le
uti
lisation. Car enfin, il faut bien se rendre à l'évidence: Les mass-media peu-
vent faciliter ou bloquer la marche vers le développement. La tentation e t
grande de se laisser envahir par ces moyens de communication avec l'espoi
qu'ils résoudr8at miraculeusement les problèmes du moment. Une attitude a
ez
réfléchie à leur endroit implique à la fois un examen ou un réexamen de c
qu'ils ont apporté, une définition aussi précise que possible des orienta
ons
souhaitables pour rectifier le "tir", en fonction d'une réalité qui ne se
lie
pas facilement aux idéaux du rêve.
Enfin, le danger que pourraient courir les mass- media dans un pays so s-
développé comme la Côte d'Ivoire, c'est d'être à la solde complète de la c as-
se dirigeante et oublier de défendre les intérêts des classes démunies. Il con·
vient ici de dénoncer les actions parfois "perverses" de ces moyens d'iofo
tion de masse.
: "Quiil s'agisse de maintenir, déclarait le ~tesseur ~e
VIGNAUD, les groupes disparates
d'une société du "Tiers-Monde" dans les
pectives de la
classe dirigeante, cinéma, télévision et radio sont évide
par cela même porteurs d'idéologie. Plus encore, ils sont idéologiques dan
leur substance technique même, puisqu'ils communiquent par le truchement d
l'image (qui se veut toujours dans sa présence même, absolue et
e)
une version limitée mais incontestée de ce que doit être l'homme "(1).
(1) DUVIGNAUD Jean: L'Idéologie, cancer de la conscience. In "Cahiers
na~
tionaux de Sociologie. Volume XLVI, 1969, page 48.

-459-
-Chapitre Troisième~
LA
QUESTION
DE L'EMPLOI
Le problème social le plus grave qui se pose actuellement en Côte d'
re est celui du chômage dont les conséquences sont économiques autant que
litiques. Il est dû généralement à un exode excessif de la main-d'oeuvre
all
et surtout des éléments quittant l'école qui se dirigent en principe vers
villes comme Abidj~~ et Bouaké,par exemple. Plus précisément, il s'agit d
jeu-
nes qui, à leur sortie de l'école primaire ou de l'école secondaire, n'on
plu:
aucun goût pour l'agriculture traditionnelle et qui partent, pleins d'esp irs,
pour constituer dans les centres urbains
les de"mandes d'emploi. Mais co
e le
nombre des emplois et les possibilités de formation professionnelle sont
suf·
fisants en ville, on assiste donc à une situation de déséquilibre
qui, s
1'01
n'y prend garde, risque de compromettre la relative stabilité du système
ocio·
politique ivoirien. Depuis 1970, les responsables du pays en étaient fort cons·
cients. Et plus est, ils constataiént en 1975 avec regret qu'en matière
d'emploi, la politique prévue n'avait pu être pleinement mise en oeuvre,
es
tendances produisant les principales distorsions s'étant poursuivies au p
d'aggraver les déséquilibres antérieurs (1). Une telle situation va les 0
ger à se poser
un certain nombre de questions dont voici.quelques-unes
-Quelles sont les mesures à prendre pour ouvrir des emplois aux
qui sortent àe l'école et aux adultes qui chôment?
-Ces mesures sont-elles indispensables au développement économi
social de la Côte d'Ivoire?
-Quelles autres mesures pourr~it-on prendre? etc •••••
Avant de répondre à ces questions, il convient de présenter les prin
pa-
les caractéristiques de la situation actuelle de l'emploi.
o
o
o
Tout bon en avant sur le plan économique s'accompagne toujours de
bouleversements, voire d'un exode des ruraux vers les villes. Déjà, le Pl
1971-1975 avait ouvert une décennie qui devait être essentiellement marqu
par
(1) Plan quinquennal de développement économique, social et culturel, vol. III,
page 551.

-460-
"le passage d'une économie de croissance à une société de_promotion indiv duel·
le et collective ayant pour aboutissement le bonheur de l'homme ivoirien"
).
Ce but général s'explicite à son tour en trois grands objectifs: poursui
d'une croissance forte
accroissement de la participation des nationaux à
tivité économique (ivoirisation) et enfin réponse aux aspirations des Ivo
i-
ens.
De tels objectifs impliquent de profonds bouleversements, aussi bien
u
systèDe productif que de la société ivoirienne en général. De grandes mut
ion:
vont affecter l'ensemble des secteurs d'activités
-L'agriculture
Nous l'avons vu, elle est la principale richesse de la ( te
d'Ivoire. Elle va connaître des améliorations à cause des techniques nouv
les
de la
généralisation de vastes programmes intégrés et de la promotion d'
plo:
tatians familiales modernes. "C'est l'agriculture qui ~st à l'origine de l
s-
sentiel de la distribution des revenus, c'est l'agriculture qui fournit l
ma-
jeure ~artie des matières premières industrielles, c'est elle dont la pro
éri·
té a Entraîné le développement du secteur terticüre ••• "(2).
M~is de
nombreux facteurs ont joué en faveur de la croissance de l'
ri-
cultUI-8 en Côte d'Ivoire: les conditions climatiques et pédologiques, l '
-pori
des capitaux étrwlgers, l'assistance technique. Et si les chiffres indiqu
que depuis l'Indépendance le secteur agricole a progressé à un taux moyen
nuel supérieur à 6 %, une analyse sectorielle montre
que cette croissanc
est
principalement le fait des cultures industrielles et d'exportation et de
éco-
nomie forestière (3).
-L'industrie: Elle a déjà franchi, au cours du plan 1971-1975, une étape
portante de son développement et elle bénéficie d'une nouvelle politique
à favoriser d'une manière plus systématique les entreprises tournées vers
portation. Il s'agira par exemple de transformer et de valoriser les prod
du sol et du sous-sol du pays à partir des complexes exist~~ts, dans
tions économiques et commerciales qui le rendra moins sensible aux fluctu
tions des marchés étrangers (4).
(1) Plan quinquennal de développement économique
et social, op. cit. page
51
(2) Henri Bourgoin et Philippe Guillaume, op.
cit. page 35.
(3) Ibid. page 36.
(4)VIe Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, 15-16-16 octobre 19115,
page T I 9 . !:t

-461-
Pratiquement inexistant
dans le pays, le sectBur industriel s'est t
s
vite développé au point d'employer dès 1976 plus de 57.000 salariés et de
éal:
serun chiffre d'affaires total supérieur à 3.500 milliards de francs CFA.
Cet effort d'industrialisation a joui d'un climat politique favorabl
aux
investissements divers, d'une amélioration des équipements et de l'infras
QC-
ture, à la disponibilité de facteurs de production à des prix compétitifs
etc.
Dès lors, on assiste au développement du secteur textile, déjà en pleine
sion grâce au lancement des complexes de Dimbokro et d'Agboville, la capa
de fila ture-tissage devant passer
de II. 000 tonIles en 1975 à 40.000 en l
à 55.00C en 1985. Les productions des principales industries agro-aliment-
vont être considérablement augmentées : celle du sucre devrait atteindre
150.000 tonnes en 1980 et celle du riz dont la capacité d'usinage sera po
à 250.000 tonnes de riz décortiqué. Le plan avait encore prévu la créatio
d'une industrie chocolatière, de même qu'une industrie intégrée du cuir d'
e
capacité annuelle de 120.000 peaux de bovins et 200.000 peaux d'ovins ou
ca-
prins, ce qui fut réalisé
(1).
Les conséquences positives de ces efforts devraient se situer dans le do-
maine d'emploi. Tel ne fut pas le cas : on ne créa seulement que 28.000 e
lois
industriels de 1976 à 1981. Il en a résulté du coup des effets très négat i
s à
,1
l'échelon national, des effets qui exigeaient des mesures immédiates, car, en
fait, le chômage urbain a tendu à augmenter plutôt qu'à diminuer. Ainsi la situ
ation de la Côte d'Ivoire s'est trouvée aggravée par quatre éléments de ba e:
1. Un accroissement démographique accéléré.
2. Un déséquilibre résultant de l'augmentation rapide de la scolarisa ion.
3. Un élargissement de l'écart entre les revenus ruraux et urbains.
4. Deux déséquilibres de sens, contraires entre 14 0 ffre et la demande
'em-
ploi en milieu rural d'une part, et en milieu urbain d'autre part.
-Accroissement démographique accéléré. Alors què les pays industrialisés d Eu-
rope connaissent une expansion démographique de 1,5 à 2 % par an, la popul tion
ivoirienne s'accroît d'au moins 4 % par an dans toutes les régions et de pl s
de 5 % dans certaines régions, ce qui a permis d'évaluer cette population
8 000 000 habitants depuis le 1er janvier 1980. On y distingue un fort po
cen-
(1) Revue Française d'Etudes Politiques Africaines, 14e année, nO 159, mar ,
1979, page 20.
f
\\

~\\
-462-
Il
li
tage d'étrangers, essentiellement africains : Les effectifs de ces popula
ons
étrangères s'élevaient au dernier recensement de 1975 à l 485 130 indiviC p
dont 875 520 hommes et 609 610 femmes. (1).
Par ailleurs on note un fort pourcentage de jeunes, plus de la moitiE de
la population ayant moins de 18 ans (cf. tableau
ci-dessous).
Répartition par grandes classes d'âges (recensement àe 1975)
sexes
Effectif
Pourcentages
Classes d'âge
Hommes
Femmes
Total
C}:. F.
~~. To al
En outre, l'analyse de la répartition géDgraphique fait apparaître unE
augmentation plus sensible de la population urbaine :
1965
1975
Population rurale ••••••••••••••••••
76%
68%
Population urbaine
.............
24%
32%
source : :Ldem
Il convient de re~arquer ici que le développement de la population urb ine
est bien évidemment dû aux effets cumulés du croît naturel, de l'exode rura
et
il
!
(I)Henri Bourgoin: La Côte d'Ivoire, Economie et Société, op. cit. page 24

-463-
des immigrations. Abidjan, la Capitale économique attire la majorité des
i-.
.
.
grants (taux de croissance annuel supérieur à II %). Elle compte actuelle ent
plus de
.r 200 000 habitants alors qu'en 1965, on ne pouvait y dénombrer leule,
ment que 425 000 âmes. Chaque année, elle enrégistre au moins 50 000 nouv aux
immigrants.
Depuis 1980, on a constaté que son taux moyen d'accroissement a atte
t
15 %. Cela est dû à l'addition de deux mouvements
Incidence de naissan
SU]
les décès, et excédent de l'immigration.
L'accroissement naturel de la population au niveau de toutes les rég'
du pays va s'a?compagner d!un maintien des gens sur place, mais comme d'a
forces _favorisent la migration, plus la population augmente, plus l'exod
s'accentue."Celui-ci aura donc déterminé un rythme de croiss~~ce des pers
es
d'âge actif en milieu urbain supérieur a celui des offres d'emploi en vil
Et de 1970 à 1975, la population d'âge actif en milieu urbain a augmenté
9% par an, tandis que l'ensemble des emplois des secteurs secondaire et te
re, moderne et traditionnel, n'a
augmenté que d'environ 7 %' Pour la se
agglomération d'Abidjan, la population d'âge .actif a augmenté de plus de l
%
par an, alors que le rythme annuel de croissance des emplois s'établissait au-
tour de 9 % (1)."
La nette accélération de la croissance démographique que nous venons
e
souligner
~'explique
en grande partie par le développement de l' du-
cation sanitaire et des services de santé. A côté des différentes mesures
es-
tinées à améliorer les performances de l'appareil de soins, à développer l'édu-
cation sanitaire et nutritionnelle de l'ensemble de la population et à cré r
des condi tiens générales de moindre vulnérabilité à la maladie, on a assist
de-
puis plus de 20 ans à la réduction de la pathologie parasitaire et infectu
se,
à la réduction de la mortalité infantile, à la réduction du nombre et de l
gravité des accidents.
Du point de vue humain, la croissance démographique peut être source
e
joie, ~~is lorsqu'on s'avise de regarder l'exemple des nations européennes
on
ne peut demeurer que quelque peu triste. Qu'est-ce à dire? En effet, à de.
stades analogues de leur développement économique par rapport à la Côte d'
re, ces nations avaient rarement dépassé des accroissements démographiques
nuels supérieurs à l %' Jusqu'en
1900, la Grande-Brétagne
eut ~~ accrois
ment annuel légèrement supérieur à l %, tandis que l'Allemagne, l'Autriche
(1) Plan Quinquennal de Développement économique, social et culturel, op.
p. 551.

-464-
l'Italie et les pays scandinaves avaient tous un taux inférieur à l %' Ma B ce
n'est pas tout: Dans les économies européennes du XIXe siècle, la format"on
du capital fut non seulement un processus qui se prolongea pendant bien d s
décennies, et à une époque à laquelle la croissance démographique était f 'i-
ble, mais il se produisit aussi bien avant que l'on commençât à consacrer une
quantité un tant soi peu considérable de fonds publique au
service de sa té.
S'il n'y a rien de malencontreux dans les accroissements démographiques,
l
faut pourtant se poser la question de savoir si la Côte d'Ivoire était en
e-
sure de faire progresser son économie à un rythme suffisamment rapide pour
_e
se réalise l'espoir qu'ont ses populations d'améliorer leur niveau de vie ou
parfaire leurs conditions d'existence.
Une autre question non moins importante est la suivante : Le dévelop e-
ment économique de la Côte d'Ivoire peut-il faire mieux que se maintenir
taux de croissance annuel de la croissance de la population, c'est-à-dire
%
environ? L'Etat ivoirien peut-il trauver des moyens
et en même temps de
tee]
niques et des ressources financières peuvent-elles être découvertes - qui
r-
mettent de fournir les possibilités de fOl~ation et de travail constructi
si
vivement souhaitées par les jeunes?
Le problème ne sera pas tant de fix
des objectifs que de trouver les moyens de les atteindre.
- Déséquilibre résultant de l'augmentation rapide de la scolarisation. Il
nécessaire de rappeler rapidement "l'explosion scolaire" qu'a connue la
d'Ivoire depuis l'Indépendance:
En 1960, l'Enseignement Primaire accueillait 200.000 élèves, le Seco
8.000 élèves, l'Enseignement Technique, un millier. 2.100 candidats se pr
taient au concours d'entrée en sixième. L'Enseignement Supérieur était exc usi·
vement assuré hors du pays. La part du budget de l'Etat consacrée à l'Ense gne·
ment était de 12,5 %. Le taux de scolarisation était inférieur à 10 %'
En 1980, nous comptons 800.000
élèves dans le Primaire, 120.000 dans le
Secondaire, 45.000 dans le Technique. 200.000 élèves postulent à l'entrée
n
sixième.
Les Etablissements d'Enseignement Supérieur, Facultés, Institut d'Odo,to-
~
Stomatologie, 1NSET réunissent près de 9.000 étudiants ivoiriens. La partlu
budget est passée à 33 %' Le taux de scolarisation atteint 75 %' (1).
(1) Voir :"Bilan de développement de l'Education en Côte d'Ivoire au cours Iides
deux dernières décennies", op. cit.
pp. 11-34.
Il

1
-465-
' f
1
e de
Comme on peut le constater,
l'objectif recherché par la Côte d'Ivoi
l'Indépendance a été de parvenir très rapidement à une scolarisation tota
puis
a dès lors assisté à une véritable explosion tant e
ce
le de la jeunesse. On
nombre d'écoles et de
classes
qui concerne les effectifs d'élèves que le
En elle-même, la scolarisation ne provoque pas d'émigration vers les
il-
les
c'est son accélération rapide qui a cet effet. A l'époque coloniale où
moins de 5 % seulement des enfants arrivaient au terme
des études primai
tous pouvaient expérer obtenir des emplois hors de l'agriculture avec un
nu sensiblement supérieur à celui de la moyenne des agriculteurs. Mais 10
la proportion atteint maintenant au moins 50 %, alors le désespoir est gr
d dl
trouver du travail sur le marché des emplois. Et en attendant, le décalag
ent!
la réalité et les espoirs conduit à des déceptions très pénibles.
Aujourd'hui, ceux qui sont passés par les écoles primaires, même sans con-
tinuer leurs études dans les écoles secondaires ou professionnelles n'arri ent
plus du tout à trouver du travail leur assurant un travail régulier. Tout
im-
plement titulaires du C.E.P.E., ils savent désormais que ce diplôme ne con ient
plus sur le marché du travail a une société ivoirienne caractérisée par un
é-
volutionextrêmei~1Émtrapide. Il fut pendant très longtemps et jusqu'à une da e
relativement récente, un diplôme très envié. Jusqu'en 1941, il ouvrait les por-
1
tes de l'Ecole Primaire Supérieure, qui préparait elle-même à des emplois
on-
1
'1
voités. Obtenir le C.E.P.E., ce fut donc, pendant très longtemps, pouvoir
c-
1
céder à l'honorabilité, à la sécurité, au confort d'un emploi intéressant, bien
\\
payé et beaucoup moins pénible que les travaux des champs.
Quels sont, aujourd'hui, les débouchés qui s'offrent aux "certifiés"
La continuation de leurs études ne peut être envisagée, ni
nt
classique ou moderne,ni dans l'enseignement technique. Ils doivent se ta
vers le marché du travail.
Aujourd'hui, leur diplôme ne leur permet plus comme en 1965 de se
n-
ter aux concours de recrutement des emplois de la fonction publique
danf
la catégorie D. Car le nombre de ces emplois est extrêment réduit et la qu
i-
totalité
des
jeunes doit se mettre à la recherche d'un emploi dans le se tell!
privé. Ils découvrent du coup
que leur diplôme n'est qu'une simple référen e,
3~n8 v~leur sur le marché où les employeurs réclament une qualification pro essj
onnelle et leur préfèrent les brévetés, les bacheliers et mê~e des postulan s
sans titre mais pouvant faire état d'une petite expérience.

-466-
Considérés
comme de "simples peti ts lettrés" ,ils sont en
général
l ' bjet
de dévaJorisation ou d'humiliation. Et c'est justement pour éviter une te le
situation que l'Ancien Ministre de l'Education Nationale, Monsieur Amon T
OH
ne put s'empêcher de déclarer: "Je pense pour ma part, qu'il faudrait mo;ifie:
le contenu et le but même du Certificat d'Etudes Primaires Elémentaires.
~l fa'
drait réexaminer son contenu, lui donner un aspect de pré-formation profe sion·
nelle, en vue de permettre à ces jeunes gens de s'intégrer au développeme t a-
gricole."(I).
Tout cela suppose déjà que la grande masse des jeunes qui sortent de l'éc
le primaire munis d'un C.E.P.E. trôuve.
diffilement et rarement du trava 1.
C'est dire que l'évolution vers l'enseignement primaire pour tous offre d nc
des possibilités, mais aussi des problèmes sur le plan de l'emploi.
Tous les problèmes majeurs ont été bien consignés dans le plan quinqu
al
de développement 1976-1980. Nous nous proposons d'en présenter les autres as-
pects qui n'ont pas été rappelés.
Sur ce, mentionnons tout de suite que les Ivoiriens ont compris déso
ais
que le nombre des emplois non agricoles est inférieur au nombre des jeunef qui
quittent généralement l'école. Les bureaux de l'Office de la Main-d'oeuvrE aff:
chent chaque année le nombre des déscolarisés sans-emploi. Une étude séri
se
réalisée par le ministère du Travail et mise à la disposition de la commi
ion
de réforme de l'enseignement, a f~it ressortir que la plupart des demande
s
d' emploi proviennent généralement des déperditions scolaires au niveau du
E. P.
et du B.E.P.C.
Sur le marché des emplois, ils sont considérés comme des gens sans
li-
fication professio~~elle,
ce qui semble vrai. Nombreux sont les élèves
quê.
te d'un emploi à leur convenance, mais dans un endroit déterminé et tout
é-
cialement à Abidjan. Ils acceptent rarement un emploi hors de la capitale
t er
core moins dans l'agriculture, même dans les cas où les conditions de rém
é-
rations sont supérieures aux salaires minima légaux. CertGines offres d'e
loi
consistant à ramassèr tout simplement des plantes médicinales ont fait l '
jet
d'un refus catégorique de leur part •••• Ils appréhendent le travail de for
i
"
"
,rejettent avec répugnance les œmplois salissants (2).
(1) Conférence des ministres de l'Education nationale des pays d'expressio}
française d'Afrique et de Madagascar. Abidjan 26 janvier - 1er février 196/.
Rapport sur les problèmes d'ajustement et d'adaptation au cours de la vie é~CO­
laJ.re, p. IJ.
(2) Ve Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire, op. cit. page 221.

'Ii
:j
-467-
1
Entre-temps, on découvre que le secteur traditionnel et rural offre
e
maximum d'emplois au moindre coût et plus de possibilités d'auto-emplois. Il
recèle de fortes potentialités puisqu'il occupe 33 % de cette population et qt
sa part tend à s'accroître progressivement de 35% en 1990.
Mais l'explosion scolaire n'a pas permis aux élèves de s'insérer au
i fa
cilement dans le monde du travail. Pourtant - on s'en souvient - le rappo t de
la Commission de Politique Sociale et Culturelle du VIe Congrès déclarait en
1975 : "la finalité de la nouvelle formation en Côte d'Ivoire sera l'inté ra-
tion des jeunes dans le circuit productif et leur participation au dévelo.pe-
ment économique et social du pays "( 1). Pour ce faire, seule compte
la. f r-
mation de ces jeunes, mais à condition que le système mis en place, les ID tho-
des et le contenu de la formation soient étroitement adaptés au contexte
ocal
c'est-à-dire au marché de l'emploi. Tel n'a pas été le cas.
Le déséquilibre constaté plus haut a été accru par l'insuffisance d'
pol
li
tique de formation post-primaire ou post-secondaire. En effet, le projet
e la
Il
loi-cadre - faut-il le rappeler - avait fixé en 1967 en matière d'éducati n le
effectifs du CM 2 à 21,8 % . Il en résulte que 72,2 % qui restent vont co sti-
tuer la masse des "déchets". Mais les pouvoirs publics ont essayé d.e mult -olie
à leur niveau des expériences visant à l'organisation d'activités ouverte
-Ouverture de centres techniques ruraux par le ministère de l'Educa
on
!
.,
nationale pour la menuiserie, la maçonnerie avec 541 en 1967.
-Expérimentation d'une formule de coopérative agricole post-scolair , a
Katiola groupant des jeunes installés sur 15 ha de terre.
-Ouverture de Centres jeunesse et Travail et de Foyers par le Minis
re
de la Jeunesse et des Sports.
-Création d'un service civique qui regroupe dans les camps du Minis
re
des Forces armées des jeunes gens et jeunes filles auxquels on cherche a
nne:
à la fois une formation para-militaire et une formation agricole.
Mais quelle était la finalité réelle de cette formation post-primair
?
Devant la ruée des jeunes vers l'école, compte tenu de l'explosion s,lai·
re qui se passe désormais de commentaire, les responsables ivoiriens ont
ché à créer des structures d'accueil pour résorber en partie le problème
l'emploi des jeunes déscolarisés dont le
nombre dépasse chaque année les 'ré-
!l
visions officielles. Mais pour éviter les mécontements des masses pOPulau'!s,
(1) Cf. le dossier sur l'Education en Côte d'Ivoire: "Un million d'élèves,et
d' étudiants en 1980". in "Fraternité He bdo. nO II26. page ro.
\\1
Il
ilIl

-468-
ils vont se justifier assez rapidement en ces termes : " Les enfants qui
e
pourront se destiner à des emplois de cadres moyens ou supérieurs des se reurl
tertiaires, devront être orientés vers les emplois non qualifiés des sec eurs
Il
primaire et secondaire essentiellement. Beaucoup d'entre eux - mais pas
ouS·
1
devront s'intégrer à la production agricole ou artisanale. Au seuil ùe s i n ·
tégration à la production, le jeune Ivoirien ayant reçu la formation com 1 émer
taire de l'éducation--post-primaire doit être capable de participer à l'e
ort
familial et social de production et de développement. Il se prépare ainsi à de
rôles d'entrepreneur agricole ou artisanal dans le milieu rural"(I).
Plus précisément, l'éducation post-primaire avait pour caractéristi
e
fondamentale "d'impliquer une action de masse". Elle devrait "assurer
gration des jeunes à la vie sociale et à la production". Elle devrait co
ti-
tuer une transition entre l'éducation scolaire et l'éducation non scolai
Quoi qu'il en soit, l'objectif de l'éducation post-primaire est "d'amener et
d'organiser la réinsertion des élèves dans leur milieu d'origine et princ'pale
ment le milieu rural "(2).
Cette politique d'emploi en faveur des jeunes que nous venons d'obse
er
semble être un excellent exemple de stage pratique. Mais les méthodes app i-
quées pour répondre aux besoins des jeunes sortis en masse de l'école éta ent
mal coordonnées. Au ministère de la Défense Nationale, la formation était très
structurée tandis que dans les autres ministères concernés par la formati
post-primaire ou post-secondaire, les jeunes étaient souvent livrés à eux
ê-
mes et à découvrir
eux-mêmes les solutions futures de leur insertion dan
le
monde du travail.
L'opération dite formation post-primaire a certes réussi à recruter
es
jeunes dans quelques secteurs de la vie artisanale, mais il est
de
con~tater
que la croissance rapide des effectifs scolaires d'année en
empêche depuis 1960 jusqu'à maintenant de résoudre au mieux le
problème
la
formation post-scolaire.
L'élar issement de l'écart entre les revenus des ruraux et des urbain
L'écart entre les revenus urbains et ruraux aggrave à son tour la
1:1a-
1
tion de l'emploi en Côte d'Ivoire. Le problème de cet écart entre les revelUS
Ill'
(1) Programme de développement de l'Ed~cation et de la Formation, op. cit.<p.2C
1
(2) Ibid. page 2.
1
'II
'1

-469-
présente de multiples aspects. Mais ces aspects ont un point commun : i l
son'
liés au développement économique, à son rythme et à ses formes. Le
pe-
ment du capitalisme libéral en Côte d'Ivoire s'est traduit surtout par
boue
leversement très profond des structures économiques et sociales.
né naissance à des écarts importants de revenus et de niveaux de vie
zones urbaines et les secteurs qui sont restés attachés à un mode de
tion plus traditionnel ; ces disparités expliquent à leur tour, au moins
partie, des transferts de population active.,qui posent des problèmes d'e
et entraînent des modifications continuelles des structures professionnel es.
Mais par ailleurs, nous avons déjà vu que l'économie de la Côte d'Iv ire
était une économie assez dualiste: L'agriculture traditionnelle (produit de
subsistance) conserve une place appréciable, cependant que l'agriculture
com-
merciale n, fondée sur la production du cacao et du café, se juxtapose à
a
précédente et .monétarise
les flux agricoles. On peut dire qu'approxima ive-
ment le nord du pays qui dispose de revenus monétaires plus faibles s'opp se a
sud où sont implaùtées les productions de café et ·cacao. Il faut cependan
ajc
ter que les cultures vivrières sont néanmoins répandues dans tout le pays, mai
que les régions de savane produisent surtout des céréales (mais, mil, sor
0,
riz, etc.) et les autres des féculents (ignames, manioc, bananes, etc.) M
y a une forte progression de la part commercialisée. En dépit ~e cela,on~ nst~
te que la part du revenu intérieur allant au milieu rural diminue plus ra
ment que la proportion de la population concernée dans la population tota
Il en résulte une dégradation de la part relative rurale. C'est ce qu'att
te
du moins le tableau ci-après :
P l B et population rurale en Côte d'Ivoire.
(en %)
1960
1965
1970
19
Part du revenu intérieur affectée en milieu
rural.. ..
..
52
43
40
33
Part de la population vivant en milieu
rural. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
80
78
72
66
-Source: Essai d'estimation des ressources agricoles, ministère du Plan, ~Abi'
jan, OEA, mais 1972.
,1
"
Il

-II.
1
-470-
1
Une autre présentation (tableau ci-dessous) apporte des lumières sur ~a
répartition de la valeur ajoutée en fonction des secteurs.
1
Côte d'Ivoire :Evolution de la valeur ajoutée en coût des facteurs par
grands secteurs d'activité de 1960 à 1971 (en milliards de francs cfa COUIrntS)
1960
1968
1971
En
En
En
Secteurs
valeur
En %
valeur
En %
valeur
Secteur primaire
61,2
54,5
103,1
42,8
121,1
,7
Secteur secondaire 18,5
16,3
47,3
19,6
79,3
t. 1 ,7
Secteur tertiaire
32,8
29,2
90,5
37,6
120,9
,6
112,5
100
240,9
100
)21,)
le
Total
-Source:
Revenu des travailleurs agricol~s en Afrique Noire, deuxième pa tie,
page 34, op. cit.
Dans ce tableau, on voit que, si la production en valeur du secteur s con-
daire et celle du secteur tertiaire ont été multipliées par 4 environ (re~ pec-
tivement un peu plus et un peu moins) en 1960 et 1971, la production agric le
a simplement doublé. On y trouve la confirmation par ailleurs du fait que
a
part allant à l'agriculture tend à diminuer plus fortement que la part de
a
population rurale dans la population totale. Ce phénomène aura donc un im~ ct
appréciable sur le flux migratoire.
Voyons maintenant les disparit63 de salaires. L'analyse des disparité
de
salaires révèle l'existence de déséquilibres qui donnent
simplement une n u-
velle dimension au problème évoqué.
L'étude des disparités des revenus entre travailleurs ruraux et salar"és
fera apparaître donc des différences extrêmement importantes entre d'une p ~t
les centres urbains et la "campagne", et d'autre part entre les régions ag i-
coles elles-mêmes. C'est ce que révèle d'ailleurs les recherches de J. Lee il-
lon et de D. Germidis (1). En croisant la distinction géographique et la d"s-
1
(1) .J.LecailloIl et D. Germidis ; Inégalité. des Revenus et Développement écb-
mique. Etude réalisée pour le Bureau International du Travail - Génève.
(C~~­
i'Ii
roun, Côte d'Ivoire, Madagascar, Sénégal),
PUF, 1977, page 161.
j
li

-471-
tinction par secteurs t on obtient un certain nombre d'indications signifi ati-
ves.
On peut notamment constater dans le tableau ci-dessous que la compar i-
son est nettement
à l'avantage de la région d'Abidjan par rapport au res ~e du
pays.
Salaire moyen par secteur et région.
(en francs cfa)
Reste du pays
Ensemble
Secteurs
Abidjan
du pays
Primaire
16 034
12 338
14 140
Secondaire
30 559
23 905
28 909
Tertiaire
40 977
28 521
39 430
Ensemble
32 272
19 118
28 672
Source
Le secteur privé
et para -public •••• tOp. cit. t 2e partie
Après avoir ajoute la distinction par catégorie professionnelle t obte·u li
une analyse plus fine et des des résultats plus significatifSt J. Lecaillo
et
D. Germidis ont formulé les remarques générales suivantes: (1).
"Les disparités de salaire entre la capitale et l'intérieur du pays s nt
en général plus importantes pour les qualifications les plus élevées t not
en1
les deux premières t à savoir le
personnel de direction et les cadres et t ch-
niciens "
"Le secteur tertiaire se caractérise par les disparités régionales le
plus amples t au profit t toujours t de la région capitale."
"Pour certaines qualifications t les disparités salariales entre la ca "ta~
le et le reste du pays sont ou bien insignifiantes ou bien tournent à l'av
ta-
ge de "l'intérieur du pays" ; c'est le cas des cadres de maîtrise dans le
econ
da ire ".
Mais d'une manière générale t il faut surtout souligner que les diSpar"fés
par grands secteurs (primaire t secondaire t tertiaire) recoupent en partie l~op­
position ville-campagne. On peut évaluer comme suit les revenus mensuels p :r
(1) J. Lecaillon
et D. Germidis t op. cit. pp. 161-162.
'1
1
~ ·1

-472-
personne en Côte d'Ivoire vers 1970 (1)
-Agriculture (2 ) •••••••••••••••••••••••••••••• 5 600 P cfa
-SMIG ouvriers première catégorie •••••••••••• 10 100 P cfa
-SMIG employé de bureau, première catégo-
rle . . . . . . . ., .. o ••••••••••••••••••••••••••••• 13 100 P cfa
-Employés de l'Etat ........................ 14 000 F cfa
,
Ainsi, l'ouvrier et l'employé gagnent approximativement le double de
tra·
vailleurs agricoles, le fonctionnaire près du triple et ces écarts se ret
u-
vent à peu près partout avec des ordres de grandeur similaires.
Il n'est plus maintenant nécessaire d'aller plus loin pour comprendr
POU]
quoi les jeunes abandonnent l'agriculture pour s'employer à temps partiel
ans
les villes, bien qu'il y ait pénurie de main-d'oeuvre à la campagne et ex
dent dans les villes •.
Depuis 1978, l'accentuation de l'écart des salaires entre les ruraux et
les urbains a été aussi renforcée par la caisse des revenus agricoles due
à
la
conjoncture économique actuelle. L'agriculture ivoirienne connaît
aine
tenant un certain nombre de problèmes. De quoi s'agit-il en réalité
?
Il a été toujours reconnu
à la Côte d'Ivoire une vocation typiqueme
agricole. La surface agricole utilisée représente environ 90 % du territo' e
national. L'agriculture contribue
en très grande partie aux exportations
voi.
riennes. Grâce à cette agriculture, le pays a eu une base solide et les e
é-
dents ont été investis en grande partie dans l'industrie agro-alimentaire
su-
cre, huile de palme, raffinage d'huile végétale ••• pour 15% du total), le
ex-
tile (11%), la chimie et les corps gras (12%), l'industrie de bois (8,5%),
transport et distribution (10%), bâtiment, travaux publics (10%).
Aujourd'hui, toute l 'économie ivoirienne a cessé d'être prospère. Depu s
quatre ans, la situation s'est dégradée complètement et l'on observe maint -
nant une crise grave qui inquiète tous les Ivoiriens. Les prix du café et
u
cacao ont baissé de moitié puiqu'ils étaient toujours soumis à des mécanis es
concurrentiels des marchés capitalistes. Les fluctuations des prix des pro uits
1\\
primaires ont donc entraîné des effets négatifs en recettes au moment où le'
(1) J. Lecaillon et D. Germidis, op. cit. page 199.
(2) Rappelons que dans de nombreux pays d'Afrique noire, il existe deux ba~lè­
mes de salaires minimum: le salaire minimum interprofessionnel garanti po~
la main-d'oeuvre industrielle (StUG) et le salaire minimum agricole garant',
pour la main-d'oeuvre
agricole:
(SMAG)
Il

-473-
prix des produits importés continue d'augmenter.
Aujourd'hui l'évolution économique du pays dépend des capitaux exist~ts.
et de la possibilité de trouver des Ivoiriens compétents dans le domaine ~e
l'agriculture et de l'industrie. Câr il faut souligner que la création d' ~ dus
tries modernes, qu'on a toujours présentée comme la panacée au problème ci.
l'emploi s'effectue avec beaucoup de lenteur. Les rares industries à gran e
échelle actuelles avec les phénomènes secondaires que leur établissement
0-
voque sont donc bien loin de pouvoir fournir une solution aux problème dé chô-
mage massif en Côte d'Ivoire.
Comme nous le verrons plus loin, une _véritable politique d'erepl~d ci.
viser .la résolùtion conjointe des .problèmee abordés et éviter les oscilla
multiples
et brutales. L'écart entre les revenus urbains et
raux qui est l'une des issues normales du chômage, constitue
essentiels de la politique de l'emploi.
D'une.manière générale, "le différentiel existant entre les revenus
secteur moderne et ceux du secteur rural est la cause majeure de l"exode
al
~in le coût élevé de la main-d'oeuvre qualifiée réduit d'autant le vol
global de l'emploi. La structure des revenus favorise à la fois le chômage
baIe actuel et le chômage catégoriel futur ••• Tant qu'un cadre supérieur
ra èn un mois ce qu'un paysan gagne durant toute sa rie " il Y aura un efÎe
de
démonstration et obstacle aux projets intégrés de développement."(I).
Mais pourra-t-on réduire les écarts de revenus sans porter atteinte
l'esprit du libéralisme économique qui anime les responsables ivoiriens?
el-
le est la question importante.
On sait que dans le libéralisme économique, il n'y a pas d'ajustement
planifiés, ni d'organisation des marchés. Le libéralisme apparaît comme un
philosophie qui correspond à une certaine conception de l'homme responsabl ,
de l'homme "agissant" et non pas de l'homme "agi". Chacun se trouve donc l bre
de s'enrichir en quelque sorte sur le dos des autres, de rechercher frénét"-
quement le profit, de renforcer même l'écart de revenu qui le sépare de so
voisin, de maintenir une compétition sans relâche avec les autres •••
Comme on peut le constater, seul un réexamen du système capitaliste d,lt
précéder toute politique de réduction des écarts de revenus.
\\
(1) J. LECA1LLüN et GEP~IDIS : op. cit. page
2)1

-474-
-Inadéquation entre l'offre et la demande: La situation de l'emploi est
a-
Il
ractérisée par deux déséquilibres de sens contraires entre l'offre et la d ikan_
de d'emploi en milieu rural d'une part, et en milieu urbain d'autre part.
En milieu rural, en raison du départ des jeunes, la croissance de la
lat ion active a tendance à diminuer et seule l'immigration étrangère a pa

jusqu'ici le déficit de travail nécessaire à la croissance agricole. Ces
une,
quittent les villages pour de multiples raisons: La grande ville, Abidja
sé-
duit d'abord les plus ambitieux, auxquels elle devra surtout
offrir les
anci
de promotion sociale que leur milieu d'origine leur refuse. D'autres
chel
surtout à Abidjan la sécurité de l'emploi: ils peuvent devenir commis, e
loy.
contre-maîtres avec leurs diplômes. Le désir de promotion sociale semble e
fil
de compte déterminant. Les jeunes partent à la ville parce que les salaire
y
sont plus élevés.
En milieu urbain au contraire, l'exode rural entraine un rythme d'au
entl
tion de la population d'âge actif supérie~ à celui de la création et de r nou·
veau des emplois d'où un chômage important.
En 1978, d'une manière générale, sur 90 000 demandes, 16 000 placemen s
ont été réalisés, mais 20 000 offres n'ont pu être satisfaites qu'en parti,
cette année-là, en raison de l'insuffisance de formation professionnelle d s de
mandeurs, mais surtout à cause des difficultés d'ordre psychologique et f"
cier. En effet, les jeunes qui quittent l'enseignement primaire ou
font preuve de prétentions excessives. Ils méprisent le travail de
les emplois comme ceux des plantons, des vaguemestres, dûnt les perspectiv
financières sont inférieures à celles qu'offrent les grandes entreprises d
la
place (1).
L'absence de formation professionnelle aggrave les problèmes d'embauc
des jeunes. Au niveau même de l'Office National Ivoirien de Formation Prof
sionnelle, des difficultés se passent de commentaire. Cette situation résul
de plusieurs causes dont les principales sont:
-inadaptation quantitative, et parfois qualitative des moyens de formati
-manque de coordination - parfois même dispersion - des actions de forma . on,
-insuffisance de moyens de sélection et d'orientation, permettant d'info
er
les jeunes ivoiriens et de les diriger vers des emplois et des carrières q
conviennent à leurs aptitudes et répondent aux besoins du pays.
(1) VIle Congrès du PDCI, op. cit. page 95.

-475-
Il faut
noter l'insuffisance de coordination
ou de concertation delS
:1
ministères impliqués dans la politique d'emploi en faveur des jeunes. Act\\el-
If(
lement, le souci de coordination des politiques économiques, démographiqubs,
d'emploi et de formation, n'apparaît pas de ,façon évidente au travers âes::in-
terventions des différents agents du développement. Le choix des investis e.
ments dans le secteur moderne, les politiques à l'égard du secteur artisa al
et traditionnel, la modernisation de l'agriculture, sont conçus trop souv nt
sans tenir compte de la situation de l'emploi en Côte d'Ivoire. Les polit que~
démographiques et notamment d'immigration, ne concourent pas pour leur pa t au
meilleur équilibre du marché de l'emploi. C'est ce que revèle le dossier
'ur
l'éducation, paru
le 21 novembre 1980 dans.la revue 'Fraternité Hebdo
(1.
De telles indications permettent de mieux comprendre les causes prof
des
du problème de l'emploi en Côte d'Ivoire.
Sur le marché du travail, le demande est constituée de l'ensemble
des jeunes de 16-18 ans et des adultes, aptes à occuper un emploi et voul
t
travailler, qu'ils aient un emploi ou qu'ils en cherchent un. Ils représe
ce qu'on appelle la population active. Face à la dite dema.'1de, l'offre de
travail
émane ou provient en ginérâl des sociétés privées, de la Fonctio
pu-
blique et des Sociétés d'Etat. Des problèmes se posent souvent quant
à 1
qua
lité des emplois offerts. Jeunes et adultes refusent constamment les
d'emploi lorsque leur qualité est jugée insuffisante. Cela tient le plus
u-
vent à la nature même du poste de travail, définie par son degré de pénib' ité
son niveau de rémunération ou sa valeur au regard de la stabilité de
oie
Cela tient aussi à l'environnement: localisation de l'entreprise et situa ion
dans la profession, ambiance du travail et réputation à cet égard sur le p an
local et professionnel. D'où l'importance des facteurs psychologiques dans l'é
tude des problèmes liés au chômage. Les demandeurs d'emploi qui sont en ma ori
té les jeunes sortis de l'enseignement primaire et secondaire ressentent g né-
raleQent un sentiment de frustration quand on leur présente un travail qui ne
répond pas à leur niveau d'instruction. Ils ne sont pas les seuls à éprouv r
un tel sentiment. Même les diplômés de l'enseignement supérieur commencent a
se montrer de plus en plus exigeants sans tenir compte de la capacité d'ab orp·
tion des cadres par le pays qui, à la vérité, se trouve actuellement dans
'im·
possibilité d'utiliser
tous ces diplômés. Comment expliquer clairement une tel
le situation?
(1) Fraternité Hebdo, nO 1126 du 21 novembre 1980
"L'Education
un tier": du
budge t national ", page II.
"
,<
l'
iili

!
~ f
-476-
En Côte d'Ivoire, les investissements bruts ont atteint environ 15
1 de
son PIB, mais le nombre d'emplois qu'ils ont créés a été relativement fa ~le.
Un inv.stiosement de cet ordre ne peut n. peut accro!tre 100 poooibilité n
~de
l'emploi dans ce pays tOUjours livré au sous-développement et cela, pour
es
ra1eons qui se passent souvent de commentaire
-Salaires élevés par rapport à la productivité et au coût de
ma-
chines.
-Installations plus grandes que la demande. Les normes de "pr sti.
ge" aàoptées pour la construction des usines et autres établissements rev.en-
nent très cher.
-Existence d'un fossé entre les grandes entreprises à finance ent
étranger et fortement capitalisées
et les petites entreprises ivoirienne.
.
don
le financement est insuffisant.
-Effets négatifs des réalisations grandioses pour la défense
prestige national. Ici, le plan devrait obligatoirement indiquer, pour ch
ue
projet, le nombre d'emplois que sa réalisation permettra de créer.
Co~e on peut le constater, le chômage des jeunes et même des adultes est
aussi lié
aux investiGsements non agricoles qui ne créent pas autant d'em loi:
qU'ils le devraient.
o
o
o

-477-
-Lutte contre le chôma e
me-
sures gouverDementales.
1-
Les objectifs opérationnels retenus en matière
d'emploi en Côte d'I oi-
re sont les suivants: (1)'
1. L'accroissement du rythme de création d'emplois en milieu urbain.
2. La promotion de l'emploi des nationaux.
J. La recherche d'une meilleure adaptation qualitative de l'offre et de
la demande d'emploi.
4. La modération et la réorientation de l'exode rural.
5. La recherche et l'expérimentation de modalités de partage de l'em
oi
!
disponible.
~. La recherche d'une humanisation des conditions de travail.
En outre, dans la résolution relative àl'emploi et à la formation, le
le
Congrès du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire insistera à son tour sur le
points suivants: (2)
-1°)- L'orientation effective de l'ensemble du système d'enseignement et
de formation vers la satisfaction des besoins d'emploi de tous les
secte
s
d'activités et à tous les niveaux.
_2°)_ Des recherches en vue d'une meilleure connaissance de l'ensembl
cel
ressources et des besoins en ressources humaines,
"-
-J o )- La multiplication des occasions d'emploi des cadres nationaux g
ce
notamment à l'accélération du processus d'ivoirisation,
-4°)- Une action de sensibilisation de l'ensemble de la population en
ue
d'une reconversion des mentalités trop orientées vers le fonctionnariat au 'é-
triment de l'esprit d'initiative tendant à la promotion de petites et moye
nes entreprises dans les différents secteurs d'activité,
-5°)- Des mesures de tous ordres tendant à la promotion des emplois d
toute nature notamment en milieu rural où l'on devrait favoriser la promot' n
des entreprises et des activités artisanales.
Toutes ces mesures prises pour lutter contre le chômage ont c3rteE' cu l
m~­
rite d'être réalistes mais restent encore insuffisanteB.
(1) Plan quinquennal de développement économique, social et culturel, vol.
II.
page 552. op. cit.
(2) VIle Congrès du PDCI, op. cit. pages 18J-I84.
"II

-178- ,
Quoi qu'il en soit, l'emploi est un indicateur à la fois économiqu
et
social. Il est économique puisqu'il signale la contribution des travail eurs
l'accroissement de la production. Il est social dans la mesure où il le ~ as,
re non seulement un revenu, mais aussi la dignité personnelle. Un fsibl 1 tau:
c.:e chômage constitue ou doit constituer un objectif de la poli tique de
léve14
pement. Il y a.développement authentique lorsque chaque citoyen en âge
e tri
vailler trouve un emploi répondant à ses attentes. Les mesures prises p
~
sorber le chômage en Côte d'Ivoire semblent manquer d'efficacité même
endroits elles signalent quelques traits pertinents. En effet, il a été t~:::
qué trois moyens en vue de la réalisation des objectifs mentionnés plus [e.ut.
Ce sont respectivement: (1)
-la recherche d'une croissance aussi forte que possible des se .eUT:
secondaire et tertiaire,
-l'encouragement des activités et des techniques utilisatrices
e
m.aïn-è 'oeuvre ,
-le développement et la modernisation du secteur artisanal.
En s'employant a améliorer la croissance par le biais des secteurs
ecor
daire
et tertiaire
on contribue plus ou moins à réhausser le niveau

des couches sociales. Ceci pourrait peut-être déboucher sur une diminut' TI dE
inégalités sociales. En mettant l'accent sur l'encouragement au dévelop. ~ent
des activités et à l'utilisation des techniques les plus utilisatrices d
mai
d'oeu>Te, en favorisant la transformation du secteur artisanal, les pou v irs
publics font certainement preeve d'une nouvelle vision des choses, se re éran
ainsi à une nouvelle problématique différente de celle des années 1960-1 65.
Mais toutes ces actions menées n'en constituent pas pour autant une pol' ique
spécifique. En particulier, la politique de l'emploi reste une conséque
e de
la politique économique, alors qu'on pourrait concevoir l'inverse, c'est ~-di
re une P?litique économique d'abord au service de l'emploi et du travail à p~
curer à toute la population en âge et en état de travailler. On pourrait donc
ouvrir
le débat.
Les causes les plus importantes des difficultés de l'emploi relèven
génl
ralement de la structure économique des pays ou de la politique des gouv rne-
ments et des multinationales.Elle~ varient elles aussi selon les pays. Q oi
qu'on dise, il n'y a pas d'amélioration réelle et durable de l'emploi s
~
assainissement en profondeur de la situation économique. Le chômage actu ~'1:
(1) Plan quinquennal de développement économique, social et culturel,
I:[
op. cit. page 552.

-479-
Côte d'Ivoire tient surtout à la nature du système économique en place.L~
th·
me de l'évolution dépend des capitaux existants, de la possibilité de tro ver
des responsables ivoiriens capables de rejeter l'idée de recherche de pro ·it
et intéressés à promouvoir les domaines de l'agriculture et de l'industri , a-
fin de mieux répondre aux exigences d'un développement accéléré. Tel ne s ra
pas le cas.
Lorsqu'un pays sous-développé choisit par exemple le capitalisme lib raI,
il est toujours confronté à un problème très délicat : Il doit chercher 2 lut-
ter pour les changements des conditions dans lesquelles sont investis les capi·
taux étrangers. Mais ce serait erroné de croire d'emblée que dans un pare
climat de libéralisme, ceux-ci contribueront à la réalisation des plans n
naux du développement économique et s'intégreront aisément dans les activ
és
du pays.
Rappelons qu1au cours des 20 années d'après-guerre, de 1945 à 1965,
'elon
les données officielles du ministère du Commerce des Etats-Unis, la comp
de la somme exportée des Etats-Unis et celle des bénéfices et des intérêt
çus des investissements, montre que"l'exportation " capitale"
pays de même que pour tout autre pays impérialiste signifie l'attribution
revenu énorme, l'enrichissement sur le compte de l'exportation des
autres (1). Cela signifie que les pays impérialistes non seulement ne fi
pas le développement.économique des pays sous-développés, mais au contrai
s'enrichissent à leurs dépens. L'instabilité et le rapatriement continuel
bénéfices commerciaux entraînent la baisse des activités économiques et r
tissent sur la politique de l'emploi. Et les capitaux étrangers qui devai
permettre de créer des emplois se déplacent à la recherche du profit max~,
sans chercher à contribuer à la résolution du problème du chômage~ par ex
On le voit, le libéralisme économique ne semble pas toucher les diff
tés des masses populaires si ce n'est pour en profiter le travail. Au
il tente de réaliser dans de nombreux cas la sortie des capitaux vers
riches. Il accrôît généralement la richesse de la bourgeoisie politico-b
cratique du pays sous-développé.
Or le libéralisme économique
peut,
particulières, permettre la multiplication
Il pourrait ainsi accroître le revenu national et par
(1) Congrès International des Africanistes, 2e session, Dakar, 11-20 Déce
1967.

-480-
saor'e à la consommation des individus. Par ailleurs, la Confianoe rese
ée
dit B1st~me - proportion toute gardée - constitue ~to1s un stimulant al
lOPl'emeri.t.'Bais oes avantages -Ji'excluent pas la dépendanoe. Bien au
celle-ci se manifeste soue plusieurs formes i dépendanoe envers les pays
nisseurs de capttaux, 44pen~ce technologique envers les ~s hautement
trialisés, détenteurs des brévets, des équipements requis et des spécial
capables d'appliquer les procédés de fabrication, dépendance envers les
qui font la loi sur les marchés mondiaux. Exploitation organisée des mas
populaires au profit des bourgeoisies nationales alliées à l'1mpérialism
. Ainsi, loin de réaliser la décolonisation complète et l'indépendance, le
capitalisme libéral tout en aggravant la servitude de la Côte d'Ivoire,
. s'av~re très inapte à trouver des solutions réalistes au problème .de l'e ploi
Le problème de l'emploi ou du chômage massif des jeunes ivoiriens qu
so
tent de l'école étant récent, on ne peut lui trouver de solution en étudi
t
les modes de développement d'autres pays. Les système importés _ on
n'aident pas d'ailleurs à réSOUdre au mieux les difficultés d'insertion p r-
fessionnel1e
des jeunes si ce n'est pour les a.mp1ifier. Pour parvenir à
!es
solutions pratiques, il faut partir de l'examen minutieux de la struçture
ua-
liste de l'économie ivoirienne en, analysant les domaines de croissance so
l'aspect des emplois dont ils peuvent permettre l'ouverture, en étudiant
s
priorités dans les dépenses et l'action gouvernementales.
o
o
o

',,'
lt'~'
- -
i
l, ,',
l';
l'l
Rdpertition des. femmes par c a tégor1eBprofeeoionelle6 et teux d'ivoiris8tion.
C.tdgor1e8 professionnelles
Proportion des femme. sslerides
Taux d'ivoirisetion des em-
par catdgorie& professionnelles
plois f~minins par cetdgor!es
prafe&a!onnellea.
1971
1973-74
1975
1976
1977
1971
1973-74
1975
1976
1977
..
~-
CADRES
12,3
13,0
7,6
7,5
7,5
16,0
18,4
15, a
26,4
29,6
;.,....
.~.J', -..

HA~IRISE
16,4
20,9
14,8
13,8
14,1
22,8
21,4
30,4
36,7
38,7
toi
,CI)
.,.
EMPLOIS QUALIfIES
49,0
33,7
32,7
30,7
35,7
37,2
51 ,1
49,7
61,9
66,2
EMPLOIS NON QUALIfIES
22,3
32,4
44,9
48,0
42,7
83,6
86,5
70,7
74,5
72,8
TOTAL
100,0
100,0 100,0 100,0
100,0
1 or, 0
100,0 100 O 100,0
J
.
Source J
Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan J l63 femmes dans le secteur privd
(1971-1977).
~-:.":'---...~'-~-

" J ' : , > ; " ' -
' . . . . '""
:',:..0 ;...:,:.:;·,C
'~,:";
'," ,'~"": .":;~,:t··'! i!-:'i,:;,-; ..1::;ï:ji;', .., 1<~:~:7.'.'!:
-482-
..
..
,.' ~,~;:'(:....*A.~-:'" ,,' .,.. _;~ .~
Tableau 1 Evolution dans l'emploi. (1)
Cet~gories pro-
Proportion des femmes par catégories sur
feasionnell es
le total des emplois : Hommes + Femmes
1971
1973
1975
1976
1977
1974
CADRES
9,5
7,2
7,0
7,5
7,5
MAITRISE
14,5
16,5
12,4
12,2
11,8
EMPLOIS QUALIFIES
10,1
9,8
6,8
6,8
7,6
1
EMPLOIS NDN QUALIF.
1 ,2
1,5
2,6
3,3
2,9
Totel
3,8
3,6
4,1
4,7
4,7
(1) Source J Emploi et Fonction des Femmes en COte d'Ivoire,
ONFP/DE R, décembre 1979.
1
1
1
l
1
1

-Que taire ,
Répondre à cette question, c'est bien .ar formuler un cer1ain nombr
4'0'
rien'ations permettant de
T'soudre au mieux le problème 4e l'emploi. C' ~st.a1
si avancer
un ensemble 4e propositions aussi ooncr~teB que possible.
,
Pour
amél~~re~
la situation de l'emploi, 11 oonvient d'agir s01t
la demande d'emplois pour la diminuer, soit sur l'offre pour l'augmenter 'tout
en ne perdant pas de Vue que nous sommes ici dans un système qui .•edit : capi
talisme libéral.
I)-La réduction de la demande d'emplois: Comment? Par la limitation
u mi
nimum des licenciements économiques. Cela passe par le redéploiement des
dus
tries, par la restructuration de secteurs industriels traditionnels, par
'in-
jection de capitaux
dans les entreprises les plus dynamiques, par la rel ve
des sociétés d'Etat qui ont été dissoutes arbitrairement.
Pour inciter les entreprises à investir davantage, il est nécessaire de
mettre
en place une politique de crédit meilleur marché et de stimuler l ~cha'
.
1
d'actions par les particuliers, par les allègements fiscaux. Mais cette r
anc~
des investissements de production, si elle est souhaitable, risque d'avoi
à
court terme un effet limité en matière d'emploi; ce surcro!t de productio
peu1
ne pas trouver de débouchés.
Par ailleurs, on pourrait relancer la consommation pour soutenir la
0-
duction. On favoriserait ainsi le redressement des industries de bien de
mation largement pourvoyeuses d'emplois et on agirait indirectement pour
·e
progression équilibrée des industries de biens de production. Kais le risq e à
éviter reste l'inflation, car la demandé augmentant, les producteurs ne se ont-
ils pas tentés d'accroître leurs prix 7
Le freinage de l'immigration peut-il être une possibilité de réduire
demande d'emplois? Ce problème revêt une importance mineure en Côte d'Ivo
e
dans la mesure où les Ivoiriens répugnent à certains travaux qu'ils jugent d ~ra­
dants.
Seule la présence des Hossi, des Haoussa, des Nigériens permet par bis
au pays de se tirer d'affaire. En effet, il semble difficile présentement l
certaines entreprises de la place (les entreprises de nettoyage général du~er-
1
rit 0 ire) de trouver des travailleurs ivoiriens remplaçant les travailleurs :i.m-
migrés pour des postes ingrats et souvent mal payés. Cela nécessiterait uneiré-
valorisation du travail Jœl1ue1, une amélioration des conditions de travail ;~uf-
~

',:>'~f'~~~j;f:;':t;îi'~2-;".'
-484-
.
fisamment importante pour attirer les Ivoiriens vers ces activités.
Trois expédients .t'eis;;l~e,,1 t armée, le prolongement de la scolarité, .e s-
tage en entrepri8eon~"'~:t~"utilisésp,ourrésotièire le p;roblème de l'emploi ·;En
:; -,: ..'
.le·
Côte d "Ivoire ,<de,' :~ël~e:s:fo~.u.~~sso~~.1rieffioaoes etne:font ~e·.,d~;l.~~e.
problème sans le'r.ésoudre. "
"r<~"
En effet, le service militaire est loin d'être un régulateur du marc é de
l'emploi. On ferait mieux de créer de nouveaux emplois avec les dépenses
tées dans là .prolongememt::'de ce service. En ce qui concerne la scolarité
gatoire jusqu'à 18 ans, il serait plus urgent d'établir des passerelles e
re
l'école et l'emploi, entre les différentes filières de l'enseignement. L'
tion entre les études poursuivies et les emplois offerts devrait être plu
grande. Le problème posé par la liaison formation-emploi tend à devenir c
de surqualification plutôt que celui d'une insuffisance de main-d'oeuvre
lifiée, presque toujours celui d'une mauvaise adaptation de la formation'
ploie
Le dernier problème, celui du stage en entreprise, essaie plus ou mo
s de
résoudre la question qui vient d'être mentionnée. Il jette en effet un pon
en-
tre l'eseignement et la pr,ofession. Le stage permet aux entreprises d'adap er
le jeune à l'emploi disponible; il ~avcrise l'ajustement de la demande à l'of-
fre. La résolution relative à l'emploi et à la formation avait déjà insist: en
1980 Sur l'urgence et l'importance de ces indications (1).
A la vérité, il ne semble pas que les mesures visant à réduire la dem· de
suffisent à ellesseules à résorber le chômage, il faudrait donc agir sur 1 ~u­
tre composante: l'offre d'emplois.
2)-L'offre d'emploi.s : On pourrait développer ici les investissements
01-
lectifsau niveau de l'agriculture, ce qui augmente les revenus et crée de
conditions favorables à l'installation"d'inGustries nouvelles. La Côte d'l
ire
entretient une économie que l'on pourrait appeler "économie d'exportation", re-
posant sur le café et le cacao dont le chiffre de vente représente plus de
a
moitié de son commerce extérieur total.
Les améliorations apportées à 1 a-
gricul~e peuvent donner un nouvel essor aux cultures principales existant s,
en qualité et en quantité, et permettre une diversification plus saine, ce
ui
accro!t le produit des exportations et réduit les risques dûs à de mauvaise
(1) Cf. VIle Congrès du PDCI, op. cit. page 183.
l
il~

.. '": :.'( ;~::''':f~''F!t';:~y.
",,;'~::':',~::f~~~;~~jty,~::;i'~~:j;~~~~:',ù'?~~<~~~'6;~*J~,:~~~\\~~;,Y;:';:1.~'-:'
...: .. '':'~ ';:~' '
-485 -" '",-,','
" "
récoltes ou ,à des fluctuations dans les cours'mondiaux. L'accroisseme~t d
nu national permet de dégager plus de fonds- tant publics que ~prives - p ur
les investir dans l'industrie, fonds auxquels peuvent venir S'ajoute; tec ~
queset capitaux:etrangers.
Il :est 'fa~ile de -voir que ,le ;,plein 'emploi ne sera réalisé que ~s:C'au
oins
60 ~ des jeunes se tournent vers l'agriculture. Il est nécessaire 4ue les jeu-
nes demeurent dans l'agrioulture si l'on veut que les besoins alimentaire
la Côte
d'Ivoire soient satisfaits. C'est donc dans l'agriculture qu'il
trouver le nombre le plus considérable d'emplois possible. Mais il ne ser
rien de dire aux jeunes qui sortent de l'école de retourner à la terrre s
n'a rien prévu pour les y aider; ils ont besoin d'une certaine assistance
té·
rielle au départ, d'une formation "sur le tas", quand ce ne serait que de
sites régulières poUr entretenir un perfeotionnement continu qui leur ass
lin meilleur rapport et fera de la culture, à leurs yeux, un travail qui v
sa peine.
La formation post-primaire ou post-secondaire devrait se débarrasser
e
sa gangue idéologique pour tenir compte des conditions locales. La formati n
d'agriculteurs modernes nécessite une réforme des programmes en vigueur d
,
,
les écoles ivoiriennes. On y introduirait désormais des notions de
té simple dans les leçons de mathématiques. avec des exemples pris à la fe
e
ou au marché; les cours de langue se feraient à partir de la vie et de la
térature ivoiriennes; la géographie et l'histoire commeneeraient ,par des
é-
rences locales, nationales; les élèves aborderaient l'étude des sciences
l'analyse de leur monde à eux.
.
Certes, on a toujours parlé de la ruralisation de l'enseignement. Il
git ici d'une formale dont la conception s'adapte encore mal aux réalités
pays. Mais on pourrait l'améliorer si l'on ti.ent
compte des suggestions p
sentées plus haut. Toutefois. force est de reconnaître que ces indications 's-
sez f~agmentaires ne résoudront pas à elles seules le problème de l'emploi.
Quoi qu'il en soit. on ne
pourrait
ignorer que l'offre d'emploi
dépendra surtout des éléments moteurs de l'économie, c'est~à-dire, pour la
ô-
.,'
te d'Ivoire. des exportations agricoles. de l 'industrie et 'ausside l'e~c ~on
pétrolière.Plus vite ces activités se développent,
et plus l'expansion de~ '
services et par conséquent de l'emploi dans les secteurs autres que l'égricl~'

• ......
-

"'

1• •
ture,:t96P.à.','~:p;i.~,.' ,E.u~rt:~c,~ :l~r ,::Pius ''];è,s.'Wné~1ces de l' ~rÏ:cl,Ù:t.\\l1'.e s.eront:i
sub~t~tièls ~'.pl\\ÀS="on aura de~haJiêe-'de'~v.o'ir ,au ,lll0ins 60 ,,%~ê-jeJUi,~~:-é'i'e 11-
ger ,de -bq!l',gré en sor'tant d~ l'ééole. . '
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\\
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...' ~ ......r-.
..:~.,-"?:_.
,
- L'iyo1risation--
lUl doute que dans le domaine de l ' ••ploi, l'aspect le plus 1mport
te la politique d'ivo1risation. Avant d'aller plus loin, U convient de
1er que l'1vo1risation a ' t ' l'un 4es trois ob~ectits 88s1gn4s A la 4é~e
I970-X98D. De quoi s'agit-il en rlSalit4 ,
n s'agit d'aocro!tre 4e faoon systématique et décisive la mattrise
les nationaux de la réalité économique, sociale et culturelle du pays (1)
Cet objectif général s'explicite en cinq objectifs opérationnels vis
à
permettre la programmation dee processus d'ivoirioation 1
1
1) l'ivoirisation des emplois publics par types d'activités et de pe son-
nels,
2) l'ivoirisation des emplois privés par secteurs et par niveaux de
li..
fication,
)
l'ivoirisation des centres de décisions et de management,
4) l'ivoirisation des petites et moyennes entreprises industrielles, com-
merciales et artisanales,
5) l'ivoirisation du capital industriel et commercial.
Jusqu'à présent, la réalisation de l'objectif général n'a pas connu
rythme suffisant et l'expérience montre qu'elle se beurte à de multiples
sis-
tances. Sur ce, écoutons cette déclaration du Président Houphouêt-Boigny
"Quant à l'ivoirisation qui est un de nos objectifs nationaux, elle est ce tes
freinée par la mauvaise volonté de certains employeurs ••• Nous comprenons l s
difficultés que rencontrent les employeurs au sujet du renvoi en métropole des
cadres moyens, sans qualification suffisante, en service chez eux depuis p u-
sieurs années et qui ont fait preuve de beaucoup de sérieux et d'efficacit
L'insuffisance de qualification rend, en effet, ardue leur insertion dans
e
circuit industriel ou commercial en Prance. Il n'en est pas de même pour 1 ~
cadres supérieurs qui peuvent trouver aisément, à leur retour en Prance, d
situations correspondantes à celles qu'ils avaient en Côte d'Ivoire. Nous
m:
prenons donc le problème humain qui se pose à eux. mais nous leur demande
[de
comprendre qu'en ce qui nous concerne la nécessité de l'ivoirisation des c
dres est non seulement un problème humain, mais aussi économique, social e ~po­
li tique "(II).
!
(1) Plan quinque hnal de développement écùnomique, social et culturel, 1976- 30
op. cit. vol. III, pages 561-562.
'
(2) VIIe Congrès du PDCI, op. cit. 96.
\\
l

'.JI.•
-487-
Comme on peut le oons'a'er, le Pr4sident Houphoult-Bo1gny essaie,
son rapport de PQlitique a~n'ra1e, de supplier en vain lea 'trangers, en bar-
'ioulier les lr&n9ais expatriés, 4e faciliter l'1voirisation de. postes.
'ette
situation traduit en quelque sorte la 4épendance dans laquelle est englu
pays qui se *rouve dans 1 '1Doapacit ' 4e .i-igler ,lu1c4be ,son propi'fl Bort.
Toutefois
on assiste depuis 1978 à un important effort d'ivoirisati '
dans le secteur public ",oomme 4anB le aecteur privé. (I).
Cette ivorisation - à la vérité • était devenue une nécessité. Déjà 1
7
aoat 1973, le Président Houphouêt-Boigny avait précisé dans son message qu il
s'agissait là ~d'une exigenëe normale de la souverajnèté 1 -Boua veillera
déclarait-il, à ce qu'il en soit ainsi". L'ivoirisation était ainsi oonçue et
l'une
voulue comme/des voies principales de l'indispensable participation des na io-
naux à la construction d'une société véritablement ivoirienne.
(1) Il est tr~s difficile d'évaluer les effectifs de l'emploi, puisque la
rité des travailleurs ivoiriens
a
des activités agricoles échappant è to
'entative 4e reoensement précis. On estime depuis 1980 aux environs de 400
les travailleurs d.u secteur ;moderne (salariés et assimilés) répartis dans
dustrie, le Dâtiment et les travaux publics ( environ 100.000), l'Adm1nist
tion et les entreprises du secteur public et para-public (environ 80 000), ,t
l'atisanat, le secteur primaire et le secteur tertiaire è l'exclusion des s r-
vices publics (190 000).
Aujourd'hui, la plupart des postes de direction et de responsabilité d
.
secteur public sont occupés par des nationaux. Sans doute subsiste-t-il enc re
aujourd'hui un certain nombre d'expatriés, principalement des français, en
-,
lité de conseillers teéhnique~.mais on peut maintenant considérer que l'ens
ble du personnel de l'Administration est presque entièrement ivbirisé.
Mais comme on le 8ait déjà, i l va tout autremeüt de l'encadrement des
nismes para-publics et surtout du secteur privé. Quoi qu'il en soit, on as
te tout de même à une évolution de l'ivoirisation des emploi dans certains
teurs des milieux privés. C'est ce qu'atteste le tableau ci-dessous
Evolution de l'ivoiriBation des emplois dans l'industrie
(nombre de 'travailleurs ivoiriens par rapport au 'total de la main-d'oe -
vre):
.Almées
Pourcen'tage Ivoiriens
Hombre
-1969 •••••••••••••••••
58,5 ~
18 649
-I970 ..••••.•.••.•...•
5~,5 ~
21 689
-'1971 •••••••••••••••••
61.4 ~
23 987
-1972 •••••••••••••••••
'1,6 ~
25 171
\\
-I97) ..•••••••••••••••
61,7 ~
27 019
;
-1974 •.•••••••••••••••
63.3 ~
29 272
1
-1975 •.••••••.•.•••.•.
65,3 ~
34 44è
:1
..1976 .••••••••••••••••
66,1 ~
)8 )05
-1977 •••••••••••••••••
n,o ~
44 701 BUr 63 000
-------------------------------------+.l~r
-Source 1 Henri Bourgoin e't Philippe Guilhaume. OD. cii:_ n ....... 'lTn

-488-
.'aGu4re les probl~es pos4s par le oh8maae 4e8 ~euneB .ort1. 4e lt 'Dole 1
'JDAD.tl8 ~u ~0J1 te 41pl8mes. oe ntest pas seulement a14er.les pouvoirs pub 1cs
en 41tf1oult'.- oe qui ne peut 8tre oons14'r6 que ~omme une 891ut1on t
1-
toire - maie e' est ~8eherCAer clans des ~1reetions nou.velles· des .o)"eD.84..er~u
aérer cesdéscolarisés danBle ~onde ~u·t~~a1l.
Pour parvenir à des solutions pratiques, 11 faut examiner attentivem nt
toute la structure de l'économie ivoirienne, analyser les domaines de CI"O s-
sance soue l'aspect des emploie dont 1ls peuvent permettre l'ouverture,
s
étudier les priorités dans lee d~penses et l'action gouvernementale.
Comme l'a 'bien souligné Philippe Hugon (1), -11 ne s'agit plus de saloir
quel emploi sera créé et quel enseignement sera requis par un objectif de broi'
Bance. mais au contraire de connattre quel processus de production et que
projet de d~ve1oppement est le plus à même de mobiliser les énergies huma
et quel type de formation est susceptible de développer l'esprit de créat
La séquence opératoire est alors inversée R~ Pour notre auteur, il ne fau
plus envisager la croissance comme un phénomène financier d'accumulation
ca.
pital et négligé ainsi les besoins de création d'emploi et de formation. L·
sens de la liaison production-emploi-enseignement doit 'tre inversé.
D'une favon assez indirecte, Philippe Hugon semble poser le problème
e
la rupture avec le système en vigueur. En ce qui concérne par exemple la C te
d'Ivoire, rompre avec le système capitaliste n'est-ce pas embrasser un syst
e
plus colectiviste pour mieux résoudre le problème de l'emploi? On s~itque
un régime collectiviste, la planification est poussée au maximum, c'est-à-u~L~~
qu'elle n'est pas seulement faite d'orientations mais de décisions. le pro
è-
me du choix individuel ne se posant pratiquement pas. La personne est tota
ment intégrée au système,.Et l'éducation des enfants, puis la formation des
eu-
nes, qui tiennent compte des aptitudes et des capacités, sont prédétermin.
es.
Il n'y a pas à vrai dire de recherche d'une activité professionnelle et le
choix se trouve réduit, cela au début comme au cours de la carrière. si des
possibilités de promotion individuelle n'en existent pas moins mais général -
ment dans un cadre qui rend difficile i0ut chàngemeBt-volontaire. La contre~1
partie de ce système est l'élimination à peu près totale du chSmage et donc:,
i,I._
(I) Philippe Hugon 1 Problitme de l' emploi e~ Afrique ~01re francophone et
I(
glophone. In Présence Africaine, nO spécial sur les Ind'pendances. 1971. pel2e

.. :'\\.<1~~~':.;:;7:7"~ :::'l~~~~{:i::~:, .'.
-.: (
'. "
.. 489- ..····
pour le salari~, la garantie absolue d'avoir un emploi. La libert~ de ch
n'existe pas et l'int~rêt collectif seul importe même s'il ne peut être
qu'au d~triment .de la personne. Or dans le système. ivoirien, système iss
/~Ji.esprit capita;liste, chacun se donne laqualifica·t1on ,~~r.fa1-t;qu'il .so
..
'~'ette .liberté :··~t~tt~mp'rée.parles oriéntati~J;1s s'~ol~~;s'-cilverses:et
"
par lesréal~té'~:de la vie économique.Ensuit'~'.·ê~~~'~~'~h~~che
-'-i 'empi~{"q
'coz
respond à son niveau de formation, à ses aptitudes, à ses désirs personne s ...
et il ne trouve pas toujours cet emploi qu'il aimerait avoir.
Au contraire, en économie collectiviste, la planification intégrale
rga-
nise l'emploi d'une façon systématique et rigoureuse, et l'enseignement,
a
formation, la recherche des aptitudes ont pour b~t de diriger les personn 8
vers les emplois existants ou créés et considérés comme devant leurconve

Le risque de la recherche personnelle est donc systématiquement éliminé à
ques eEceptions près, puisque l'homme est préalablement conditionné pour
ploi qui lui est destiné. Le choix est donc organisé et il peut répondre
besoins de la personne, mais aussi ne pas y correspondre. Il n'existe auc
séquilibre, aucun fl'ottement apparent.
A l'autre extrême se trouve le libéralisme économique intégral, qui
s'appuie sur la liberté totale du choix, des choix et cela à tous les niv
de la vie économique. Il n'y a plus ici d'ajustements planifiés, ni d'org
tion des marchés, mais un équilibre qui doit se réaliser entre l'offre et
demande au niveau de la concurrence, dans tous les secteurs y compris
lui du travail.
A dire vrai, cette liberté absolue, ce "laisser-faire" sans limites
lui-même une théorie qui ne saurait s'appliquer dans un pays comme la Côte
d'Ivoire, pays marqué généralement par l'esprit de l'éducation africaine t
ditionnelle.
Comment Julius K. Nyerere décrit-il la société africaine traditionnel e ?
"Elle se compose, dit-il, de travailleurs - et seulement de travailleurs.
ha-
que membre contribuera par son travail à la somme de richesse et de bonhe
produits par la société ••• La société a aussi une responsabilité envers toule
personne qu'elle prive de l'occasion de gagner sa vie. Le système collecti rs-
te ne peut tolérer la présence d'un groupe de "chômeurs permanents" (1).
Il!l'
:1
De telles vérités se passent de commentaires. Dans ces conditîons, far
(1) Ju11us K. Nyerere: Liberté et Socialisme, Ed. Clé, 1972, page 40

mieux l'esprit cOmmuDaUta1re ou socialiste? Bi l'on tient compte dem ap citi
citlSs 4e la cate d'Ivoire nul doute que choix tu oolecti...ime "rait 1'1
. ,
t1me
Oar selon Juliu 17erere. les Africains auraient toujours 4ft& soo1al1ate •
froim prinbipes fondamentaux r4gieoaient lear socialisme , prem1~rem.nt.
e.
gens vivaient et travaillaient ensemble; deuxi'memement, toue les biens
damentaux ~taient propri'té commune; personne ne pouvait .outfrir de la
tandis que d'autres entassaient des vivres, ni 8e voir refuser un abri B
d'a,
tres en avaient plus qu'il ne leur fallait; troisièmement, chacun (même
s hé
tes) était tenu de travailler. (1).
Cette iDBistan~e de J. Nyerere sur le développement selon des modèl s
traditionnels de vie sociale signifie indirectement qu'il faut essayer de rom·.
pre avec le système capitaliste si l'on veut r~soudre le problème du chô
e
en Afrique Boire. Hais si l'on y rénéchit fort bien, .Qn..remAJ'fp~e.rafll181·
"iàè8e-s·t"lrle~t.,...e;~-a8elÙ~ ••lution,à,.lIi..;4'~1l4':Dc.ou à l'emploi par
em-
ple .erait la rupture totale d'avec le -marché capitaliste mondial", para ssen'
souvent illusoires.
Il est difficile d'opérer chez un peupla marqué par les séquelles de
a
colonisation des changements rapides de mentalités. Il faut d'abord procé
progressivement à des prises de conscience. Le bien-fondé des orientation
lectivistes ne peut être vérifié qu'à très long terme et la mise en prati
e de
l'esprit collectiviste reste conditionnée dans l'avenir par le degré d'in_'rma-
tion objective et mobilisation de l'ensemble des Ivoiriens. En attendant,
e
faut-~ faire pour améliorer la situation de l'emploi?
Il n'y a pas de solutions-miracles. Tout dépend de l'attitude réaliste qu'il
convient d'adopter en face de. problème. 4pineux qui engangent le de.tin d ~.
r.
société donnée. La Côte d'Ivoire est un pays à vocation typiquement agrico
La création d'emplois dans le secteur rural doit constituer un objectif pr
ri-
taire. Elle suppose que les programmes et ~es projets de développement soi
t
convertis en objectifs d'emplois 1 11 s'agit d'une prospective normative e
d'une 'technique prévisionnelle.
On peut donc st1Jllu1er le développement en investissant prudemment de llll&r-
gent 4ans l'agriculture, ce qui augmente les revenus et crée des conditionsj:ta-
vora'bles à l'emploi. Les améliorations apportéE:s à 1 'agrioul ture peuvent do !lner
,
Il
un Douvel essor aux cultures principales, ce qui accro!t les possibilites dl~m-
lI) Julius Nyerere: op. eU·,; pp. 107-110.
J

.' ;, ~::}:i/;;::ri'::~:;: '.,;::,?>~;;'~i~~~:. c·. '. . ,1~-~~'J;;":", .. :. :, .,..' ~1'~;'''' ..' .
. :11"
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:1'; . : :
·-491-
.,,
if
.bauohes dans oertains secteurs de l'agriculture.
Il s'agit 'pour le:gouvernement de ohercher à oréer une véritable éoo omie
~'... -' :,.:" "::;",~'.'~
êii'.::enè~ûrS.geantla production d'excédents.pour les ·marchés locaux et l'e or-
:;tation. :Il,ne.sera.,pl)lB,;que.stiond'.aooapàrer :-le surplUs :écoDomiquequi':pr :vien
pOllr.unef~t ·de·l~a1de;extéri~ùrè/èt.po~<J."8.utr~ :part' ~e ':~;,.agrioui~~. La
.:


.
. ,
' " " .
h '
,.;
'
.
,

croissance ;qui résoud considérablement le problème du chÔmage n'est possi le
que sile surplus économique est.~:pr1or1ta.LreiB,!iîiil.lit1.1.1Bé::par les milieux
raux à Jilat.:1.~ta~~::clê~::·~jJatl:utlli~~~e-;;~:,·1~:;~·.~·cihi~~~:~·~·it~~~loi en eSte d
trouvera a~si en partie sa s1gnification et ses solutions dans une nouve
fectation du surplus.
Dans ces éonditions,il faudrai.t èommencera initier les ~eunes déscola:t
"
-.'
~
~.
au commerce : Ici en eSte d'Ivoire, oe.sont les Nago(I ), les Libanais et les
la
qui se plaisent à exercer généralement les opérations diachat, et qui
dent les articles importés et qui détiennent parfois de petites industrie
fabrication. La plupart des Ivoiriens hésitent à se lancer dans la concur
trouvant cela :indigne, dégradant au regard des années qu'ils ont passées
les bancs de l'école. Un changement de mentalités s'impose donc. Pour y p
e-
nir assez rapidement, on pourrait créer dans tous les coins du pays des
i-
ces de vulgarisation de la petite entreprise, qui donnerait ses conseils a
jeunes gens fraîchement sortis de l'école en leur :indiquant comment organi er
leur affaire. avec plus d'efficacité.8tprès s'être :installés à leur p!70pre c mp-
te, aidés bien sûr par les pouvoirs publics.
Mais c'est surtout en faisant progresser l'agriculture que l'on trouv ra
le plus .grand nombre d'emplois possible. Mais il ne sert à rien de d~ a
jeunes qui sortent des établissements scolaires de retourner à la terre
'on
.
.
n'a rien prévu pour les y aider; ils auront Qesoin (nous l'avons souligné
us
haut), besoin d'une certaine assistance matérielle au départ, d'uIie format
n
rapide pour être adaptés sur le plan professionnell On mettra .' au point de
pro,
grammes réalistes aptes à former de jeunes cultivateurs modernes à partir
systèmes communautaires peu onéreux d'auto-assistance, le but étant ici de
an-
cer des unités agricoles économiquement saines et qui se développeront.
En conclusion, dès maintenant, il appara!t très urgent de bâtir un pl l
réaliste d'emplOi de la jeunesse qui serait soumis à une révision permanent.
Ce
plan
d'emploi de la jeunesse coordonnerait tous les aspectsA~ Pj'0":.
blème, si bien qu'au lieu de solutions fragmentaires fondées sur des perspeJti~
ves limitées,on pOurPait rechercher-des solutions d'ensemble liées au dével!lp-
pement économique du 'pa-ys..
..
.
~
(1) Il s'agit des Yorouba,
immigrés en Côte d'Ivoire.
1

:1l
-Chapitre Quatrième-
_ Problèmes de la conscience nationale-
------------------------------------
"En vérité, ce sont les forces historiques ,pro ),on-
des et passablement énigmatiques de l'agregat
z:
:0]
des ethnies et de la ségrégation des ensemble
a
l'intérieur d'une même aire culturelle qui en :en-
drent les nations".
Pierre FOUGEYROLLAS.
Depuis l'Indépendance jusqu'à nos jours, la société ivoirienne est bie
à
la recherche d'une nouvelle identité qui serait tout à la fois contemporai
de
son passé et du présent du monde. Si une telle recherche convoque tout ense ble
le national et l'universel, les formes et les contenus, le passé et l'aveni ,
c'est que toutes les combinaisons et interférenc~s sont autant de signes d' dé-
quations et d'inadéquations.
En effet, la souveraineté nationale à laquelle a accédé la Côte d'Ivoi e
~.
depuis un quart de siècle, est considérée comme l'un des faits marquants de son
histoire. Reconnue de droit en tant que nation souveraine, elle affirme cha ue
jour, dispute sa souveraineté de fait. Mais ceci ne veut pas dire que les p 0-
blèmes de la conscience nationale y ont été résolus pour autant.• Pendant pl. s
d'un demi-siècle, la colonisation, par une contrainte effective - on l'a vu -
après avoir ébr3:nlé l'équiltbre de ses sociétés, a essayé de regrouper cell s-
ci dans un
ensemble
relativement vaste. Le regroupement et la cohabitatio
de
ses 60 ethnies dans une même entité géo-politiqua n'ont pas permis d~asseoi des
comportements et des aspirations communes pouvant, au seuil de l'Indépenàan e,
être considérés comme les m~rques d'une conscience nationale. Qu'est-ce à d're ?
Pour la clarté de notre exposé, il convient tout d'abord de donner à c tte
notion une idée plus précise.
Elle implique donc un ensemble d'êtres hmnai s
unis par l'histoire et par le désir de vivre ensemble. Il s'agit spécifique
ment de construire ensemble une nation.:~Une construction qui tienne compte' la
fois des tendances actuelles au regroupement
de ces 60 ethnies et de 11idé 10-
gie nationaliste qui habite désormais les Ivoiriens, une fois l'Indépendanc
acquise. En clair, le problème fondamental ·est le suivant: Comment, à trav rs
leurs cultures ethniques distinctes, les Ivoiriens développent et affirment
e
identité culturelle qui les enrichit et sert de base à la conscience nation le?
Est-ce que depuis 1960 jusqu'aujourd'hui, les responsables ivoiriens sont-i s
arrivés à transformer la conscience parcellaire des masses en une conscienc.
nationale ? Tel est le problème fondamental.
Comme on peut le constater, il faut désormais dépasser la notion de cl
et de tribu si l'on veut mieuxappréherider c·e" qu'est la conscience national
Celle-ci, quoi qu'on dise, suppose cet ensemble de liens, de valeurs qui vo
:','1-
.
,
.,
,",'. ;~~. '.:;'
:·~~:{~~f~;;\\«kT:·/:Ù'

1
distinguent 4es oitoyens des autres pays. La oonscienoe nationale est ~enl
tion qui est vécue par chaque individu. Ille est prouv'e par l'homos' ~ité
~ groupes bilmajns qui .Be l1.1st1ngu.eraient, des autres.
- ..~' -
Cela dit, il s'agit maintenant d'apporter ici quelques éléments 4 into
mations concernant les. probl~mes de la oonscienoe nationale tele qu 4 il d~~
sent en Côte d'Ivoire.
Comme l'a bien !souligné le Professeur Lanciné Sylla (1)," 'avant
i'
des l'rançais, . le pays était morcelé en une infini té de principautés
gnaient presque toujours l'anarchie, les guerres intestines et les
humains et de très rares relations d'affaires unissant parfois les
sines ft. Avant la colonisation, c'est-à-dire avant la main-mise de la
sur la Côte
d'Ivoire, les Bociétés ivoiriennes constituées en tribus,
feries, ou Etats, vivaient en quelque Borte d'une manière isolée _., les
autres. Les peuples de Côte d'Ivoire pourraient être considérés
comme
semble de clans ou d'ethnies, le clan étant bien sûr une famille
e
groupant tous les individus d'un même ancêtre.
Chaque société ivoirienne avait mis sur pied une organisation adm'
tive et politique qui présentait un ensemble de traits communs : rôle e
fication de la famille, signification des faits sociaux (mariage, naiss
décès, notions métaphysiques) ••• Une même conception philosophique,
l'organisation de la société et régissant tous les membres autorise
rer ces sociétés comme ayant certains traits forts qui seraient peut-êt
constante de la personnalité ivoirienne.
Bais des différences existaient fortement d'une région à une autre
En pays Mandé, lés Malinké, d'origine malienne, étaient des guerriers co
er·
tis brutalement à l'islam depuis les conquêtes de Samory; ils ont une 0 ranj
sation sociale hiérarchisée, formée de eastes. Chez les ethnies Dan de t
di·
tion -animiste" ,. l'organisation sociale est plus lâche à cause de l'abs
ce-
d'une chefferie vraiment
autoritaire.
Dans le groupe vo1taique, les Sénoufo et les LObi, installés au nor
du
pays, s'appuyent sur de solides coutumes marquées par le culte des ancêt
(1) Lanciné SYLLA : Tribalisme et Parti unique en Afrique Noire, 1977

1,
matriarcat et une tradition 4'mooratique et ~galita1re.
ti
Lu .lhn1ee du ll%'Oupe Aken. or1&1J>a1ree du Ghana. .ont 1netallBe e au
bien en savane qu'en zone toresti.re dans.le oentre-est et le sud-est du
1s.
An1m1st8s .en Jro~AÜla:èür.; ~ii.lê~:~~~~_t .."n-group" ~.tJ'~•. 41UéreJlc1.~s 'k-
.
. .... _
' : .
".
. ....\\
(.
",,i~"-'-'''''~.-'-
' .
' . ,
. •

~
oul', Abron, Agni dans la partie eeptentrional, et Ibrié, Ab~ et Abouré a
8ud,
Le groupe Krou est composé de quatre ethnies principales (Dida, Godi , Wé
et Bété) formant des populations traditionnellement implantées dans la fa
t
occidentale, animistes et très repliées sur elles-mêmes.
Avant la colonisation, on se trouvait donc en~ace d'un ensemble de p upIe
duxtaposés et hétérogènes - quatre grands groupes auxquels se rattachent
e
multitude de sous-ethnies et de tribus ayant chacune ses singularités 1
stl
ques, ses particularités culturelles et ses conceptions originales sur 1'0 ~­
nisation de la vie sociale.
Les groupes ethniques ne se connaissaient pratiquement pas. Chaque gr
..
connaissait plutôt ses coutumes, ses traditions, mais ne cherchait pas è c
l '
tre celles des autres. Il y avait une méfiance et parfois même des idées p
conçues à l'endroit d'un groupe à l'autre. Des légendes qu'on racontait sur tel
ou tel groupement ethnique, renforçaient la méfiance des uns et des autres
te)
point qu'un groupe ne cherchait pas à
comprendre les comportements d'un au-
tre groupe. Ainsi l'Agni a peur de séjourner seul dans un village Dan, car
our
lui tous ces gens de l'Ouest sont plus ou moins suspects d 1:e.nthropophagie.L 'a tié
trai te de sauvages les autres blocs ethniques qui sont opposés à ses moeurs
à
ses coutumes (1).
Chaque groupe ethnique avait conscience de sa culture. Celle-ci fixait
es
normes sociales et les formes de comportement toutes tracées qui, par leur r af·
firmation constante, donnaient à ceux qui en étaient imprégnés une certaine
a-
rantie de paix, de sécurité et de liberté. Tout ne parlait que de culture et'

que. Chaque individu à l'intérieur de son ethnie, avait conscience de l'iden i-
té et de l'intégrité territoriale et politique de son groupe.
Il en résulte que les sociétés traditionnelles ivoiriennes entretenaien !
des cul~es plus ou moins refermées sur elles-m~mes et constituaient ainsi
\\~s
II ) Gabriel Rougerie : La Côte d'l vo1re.
Q. S. J. n "11J7. l're BBe 0 UniveroitaiJ.
res de France, 1972, page 61.
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éléments assez distincts.
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Quoi qu'il en soit, il existait entre les groupes ethniques de la Côte
"" !
"d'Ivoire certains rapports nés par des contacts, le oommerce, la politiqu ,.iù
.~- .
, .
. àiles Dio~'a n'ayant p~sde tradition agricole, paroouraient le~~dpour a ../ ,
" chetir et vendre les de~éesde première .nécessité:.: Ce sozitdes artisSns, bi-
les (tissage) et de remarquables commerçants qui sillonnaient;tout le ~er i-
toire. Les Mandé du sud pratiquant une agriculture itinérante convenablem nt
adaptée au milieu naturel,échangeaient souvent les produits de leurs acti ités
agricoles avec les autres groupes ethniquE9Bvoisins en recevant en retourl
ob.
jets qui leur font défaut dans leur terroir. Les,Sénoufo sont de véritabl's
sculpteurs (bois) et de remarquables agriculteurs, qui initiaient ie~ au, es
groupes ethniques plus proches géographiquement à certaines formules d'ar
Certes, il Y avait parfois des guerres inter-ethniques, mais elles
pêchaient pas les relations souvent saines entre les groupes
ethniques
Il suffit de rappeler que les relations entre les différentes ethnies
ennes étaient généralement régies par les principes de solidarité, de
té. La parenté à plaisanterie permettait surtout de canaliser et de résou
les conflits entre les ethnies. D'autres systèmes remplaçaient valablemen
1
:11
principe
de cette parenté à plaisanteries. Ainsi, l'attribution des noms
'!
ter-ethniques renforçait
l'esprit de reconnaissance et d'entente. Car,
ne
iii
faudrait pas ignorer que dans les sociétés traditionnEÙles ivoiriennes, le ,om
véhicule toujours un contenu psychologique significatif. Mais, il est néce sai·
re de revenir sur la parenté à plaisanteries pour montrer à quel point ell
.".
constituait un élément important dans les relations inter~ethniques.
Cela étant , voici quelques exemples de relations à plaisanteries <.qui: etis
té.iént~ent-re·certainesethnies :
-Dida (Krou) ••••••••••••••••••••••••••••••• Abidj i (Akan)
-Dida (Krouo) ••••••••••••••••••••••••••••• -Abé (Akan)
-Abidj i(Akan). i. ~ •••• ~
-M' Batto (Akan)
-Gouro (Mandé Sud) ••••••••••••••••••••••• -Yacouba (Mandé Su
-Malinké (Mandé Nord) •••••••••••••••••••• -Sénoufo (Voltaiqu
-Baoulé (Akan) •••••••••••••••••••••••••••• -Malinké (Mandé No
-Baoulé (Akan) •••••••••••••••••••••••••••• -Agni (Akan)
On le voit bien, la solidarité entre les différentes ethines existait
et bien avant' l'arrivée des colons. Les échanges interculturels étaient un
pratique courante, voire générale. L'orfèvre qui est une spécialité akan a

,.:-".
\\.'.'
,
..
T
-
·"of
496-
1
,",-= •
enseignée aux Gouro par les Bao~é.Le ~issage et la.sculpture sur bois (s~­
tout masque ) ont été, au contraire, empruntés par les seconds aux premier Il. La
IL
',;.
. fête'.:: des ignames qui est célébrée de nos jours en pays tours est un emp "lnt,·
fait aux Agni de l'Indénié. L'art du "tohorou" dans lequel excellent les
été
trOll.ve son origine en pays Wè (1).
Dans toute cette atmosphère qui respire l'entente pour ainsi dire et
\\
1
conflits et OPP9sitions inter-ethniques, tout ne parle en général que de
cienceclanique-voire ethnique.
Les
sociétés ivoiriennes semblaient ig
:1
la notion ~'unité nationale. On-ne pouvait donc pas parler de conscience n
1
1
nale, car pour fonder celle-ci, certaines conditions semblent.- être·nécges
.1
Il faut
-le sentiment d'avoir les mêmes intérêts économiques et d'être
fait obligés de s'organiser ensemble pour assurer la sauvegarde de ces
rêts,
-la langue commune, qui est l'expression vivante de la communauté,
-un passé. commun,' e.te •...
Nous y reviendrons plus loin.
En considération de toutes ces données, on s'aperçoit que les société
traditionnelles souffraient de graves infirmités nationales si l'on peut s ex-
priœer ainsi. Caractérisées par une pluralité ethnique, linguistique, hist ri~
que, elles n'avaient jamais posé le problème fondamental de l'intégration
om-
pIète des tribus.
C'est sur ce fond assez amer que la colonisation marqua ses empreinte '.
Co~eon s'en souvient; -elle a. .pemie ~e regroupement-et la'c~habitationplu
dé-
cisifs de toutes les ethnies dans une même entité géo-politique, ce qui, a
ns-
nous dit, va créer des comportements et des aspirations communs. Comme l'a
ien
souligné Jean-Pierre N'Diaye (2), "les habitants vont prendre conscience d
leur .persQnnalité.noJlvêlaJe,-·de colonisés. La conscience de leur identité de
0-
Ionisés va déplacer leur conscience 'sociale ou tribale antérieure pour s' at
quer directement à l'antagonisme premier: le fait colonial. La conscience
0-
ciale va ainsi s'atténuer pour faire place à la conscience nationale. En f
t,
la domination étrangère, après avoir utilisé les discriminations tribales,
oit
celles-ci se liguer contre elle: la voie au nationalisme, à l'idée de natir
est ouverte "~
j
Ces déclarations montrent ici que l'idée de nation modenne, le nationa :is-
'!
.l
(I) K. N'Guessan : Tribalisme en Côte d'Ivoire : Mythe ou Réalité? In "Kas!
Bya Kasa, Revue Ivoirienne d'Anthropologie et de sociologie, nO 2, p. 139.
(2) ,Jean-Pierre N'Diaye, op. cit. p. 154.
1
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - " -

• -"J'o'
-497-
/
me, a pris réellement naissance par l'incidence du système colonial.
.,'
é~ergiqUeme~t
Comme tous les autres Africains, les Ivoiriens lutteront
dans le cadre de ~e système pour obtenir les libertés ;d~môcratiques et l,Indé-
pendance. 'Mai~avant cette dernière, ils durent subir beaucoup de contra
t'es.
Et~au.·~J~~~~?meâure que la colonisation prenait de l'ampleur, "la
ence
des colonisés se déplaçait de l'axe . d.u
milieu· . ethnique
en fave
de
l'axe socio-politique sur lequel se fondait et s'exerçait l'autorité colo iale
Cet axe, c'est "la population territoriale", la population ou l'ensemble
es
groupes ethniques réunis dans un territoire donné"(I).
La période coloniale va donc contribuer à un certain rapprochement d
.'-
groupelÎl~n.tset~i<quesde la Côte d'Ivoire. Cette sitaation est renforcée,
re fa,~iliti;";ar'l~s expériences atroces que subissait~:chaque ethnie. En
la,~~lonisation de tous ces groupements n'a pas éte une tâche
colons fr~çais. Ils ont menacé directement et impitoyablement les habit
r
non seulement dans leurs us et coutumes, mais aussi dans leur réalité pol'
1
Les travaux forcés, les emprisonnements, les brimades, la condition d'infé
té qui leur sont imposés par un pouvoir étranger ont fini par leur
e
sorte de conscience politique. C'est
justement cette conscience à la fois
spontanée, diffuse et chargée qui va s~exprimer dans le nationalisme à ven'r.
Pour mieux lutter contre le colonialisme, les forces politiques, les
ar-
tis politiques vont se constituer. Dès 1945 est créé un Syndicat des chefs su-
périeurs et de cantons (2). En, fait, il s'agissait plutôt d'une associatio
fraternelle que d'un:véritable syndicat. Ce syndicat se donnait pour missi
de défendre les intérêts aé" ses "inembres et même des masses populaires.
Partout dans le pays, on assistait à la formation des associations et
i-
ques et régionales. Ces groupements "ont à leur tête tous les lettrés auto
tones de la circonscription, et entretiennent des rapports de plus en plus ,i-
rects avec le chef du territoire. Le siège social est en principe au chef-l eu
d'un cercle, mais en fait, Abidjan en est la tête ( ••• ). Les sections d'Abi -
jan observent l'évolution générale et donnent des directives aux sièges soc -
aux et autres sections dont le rôle se borne à signaler les abus qui se co
et-
tent dans la "brousse" et à recueillir les cotisations, généralement mensue le8l
payées par tous les membres occ~pant
un emploi rétribué.
1
(I) Jean-Pierre N'Diaye, op;.cit. 154.
\\
(2) AMON d'Aby : La Côte d'Ivoire dans la cité africaine, Paris, Larose, 19 'il,
p. 37.
'\\)

: \\
"";:...,,.
-498-'
·1
Petit à petit, naissaient donc des associations vOl-ontaires dont lesiplus
:;
importantes
étaient 1 "l'Union des Or
inaires des Six cercles de l'Oues'i~,
"l'Odienné Idéal" et "l'Union Voltat9ue"(~).
'.'" ..
:
1
,L'Union des Originaires des Six Cercles' de l 'Ouest regroupait 'les re sor..
.1
.
,.
:'
tissants des cercles de Daloa, Gagnoa,Man, Sas sandra , Tabou. Cette assoc
tion était issue de la "Mutualité Bété", société d'entraide et de luttes
an"
destines 'èontré"';les forces coloniales.
Quant à "l'Odienné Idéal", il regroupait les ressortissants des cerc
s
du Nord (Odienné, Korhogo, Séguéla).
En Haute Côte d'Ivoire, "l'Union Vot) l talque" était ,,plus engagée" polit
ment. Cette association tenait le milieu entre les deux extrêmes que cons
tu~
aient les chefs politiques.
Le décret du 7 Août 1944, instituant des syndicats professionnels en
A.O.P. permit l'essor du mouvement syndical Africain. En Cô"te' d'Ivoire exi ..
taient à la fois un syndicat patronal relativement ancien, fortement const"tué
et puissant et un syndicalisme ouvrier jeune et combatif.
Dans le syndicalisme patronal, il convient de séparer les syndicats
nâu.x européens
et les syndicats Patt'onaux africains.
Les Syndicats Patronaux Européens avaient pour but de bénéficier de
~a sur les marchandises et le matériel contingentés, dont la répartition é
it
faite par l'intermédiaire des organismes professionnels (2). Ces syndicats
ons
tituaient des groupes de pressions particulièrementefficaces.Ils s'employ 'ent
à obtenir des pouvoirs locaux, le maintien de privilèges, trop souvent exh
bitants. Sur le terrain proprement politique, ils prenaient une part activ
aux
différentes activités politiques et se signalaient sur la scène politique.
r
des prises de position conservatrices et même franchement réactionnaires.
urs
attitudes maladroites
vont
.contribuer à accélérer la prise de conscience po ..
lit~qU~ des Ivoirien~.ce:u~ permit l'évoljtti~n rapide des Syn~ic~ts patr~na(
Afrl.caUlS d.ont ,l'un aes .elements est ~.e Syndl.cat Agricole Afrl.caw. CelJ,1l.-c
-
.
.
..
-
~...
.' .
.
- - ,~
fut le premier 'et le plus important des syndicats d'employeurs africains.:1
"
,
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(1) Jean-NoUl ·LOUKOU : Les forces politiques en Côte d'Ivoire de 1944 à 195 ,
in "Kasa Bya Kasa, Revue d'Ethno-sociologie de l'Université d'Abidjan, n~ 1 ,
février 1981. pp. 14-15.
(i) A.N.C.l. Rapport Politique 1951, p. 62.

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-':,.: .....!!"- .' '''~~ 0-:-0·"
il<,
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-,
-"499-
.,!
naquit le 3 juillet 1944 et fut autorisé par le décret du 8 Août 1944.
Voici comment M. HOUPHOUET-BOIGNY expliqua ën:-l95 0 , ..~a"_gênè~e :d~ "me)
.
".
-
" . '
ment
"Nous ne pouvions donc pas assister impuissants, à laru1ne des agr
u~.
teurs ~ont dépendait le sort de la population entière de notre territoire
A
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, en 1944, de prendre nous meme
en mains la défense de:;,ilos iIiterêts" (1 ).
Le syndicat qui comptait à sa création l
600 adhérents atteignit rap de-
ment le chiffre de 20 000 planteurs comportant~les principaux représentan s
des différentes ethnies du pays. L'organisation et l'action du syndicat d -
vaient servir à l'amélioration de la condition de tous les planteurs de l
Cô-
te d'Ivoire et plus généralement de tous les Africains.
L'objectif fondamental de ce syndicat était de s'attaquer sérieuseme
à
l'exploitation économique dont était victime le peuple. Il s'agissait don
de
venir au problème politique de la domination coloniale.
D' ~~tres,syndicats-seront.cr.éés .pour .mieux lutter· con-tre 1,~oppreBsio co-
loniale. Cesont:.
-Le Syndicat des Commenrçants et Transporteurs Africains de Côte
'1-
voire,
-Le Syndicat du Personnel enseignant africain de Côte d'Ivoire,
-Le Syndicat des Cheminots Africains de la Régie Abidjan-Niger.
La presse à son tour va se joindre aux mouvements syndicaux pour renf
cer les luttes anti-coloniales. Elle était représentée par cinq titres don
deux appartenaient au R.D.A.
: le Réveil et le Démocrate ; et les trois a
partis adverses: le Progressiste, la Vérité, l'Inde endant de la'Côte d'I
ire
La presse du R.D.A n'était point réactionnaire et cherchait surtout à
x-
primer la misère et la réalité brutale du colonialisme et traduire autant
e
faire se pouvait les aspirations des masses ivoiriennes (2).
Le rôle du R.D.A sera très décisif dans la prise de conscience des Ivo ri-
~
ens. Ce parti politique est né sous l'effet de la colonisation et voulait liii-
i
(1) Rapport DAMAS, Abidjan, 1965, tome l, page 7.
;
','
(2) Jean-No~l LOUKOU, op. cit. page 26.

'.".
~500-
ter le règne exorbitant des colons et réduire l'oppression dont étaient
ic-;
times les masses populaires ivo::l:riennes ·'et africaines. On : parlera déso
:ds
.\\
en ce qui concerne la Côte d'Ivoire de parti déroocra tique de Côte d'Ivoi i i& et
a~Rassemblement Démocratique africain (P.D.C.I.- R.D.A.)
Le ·P.D.C.1.- R.D.A.
connaîtra un suce'ès éclatant en 1946 avec ses 6 .000
adhérents et 271.000 une année plus tard. Il sut dépasser le cadre tribal tout
en l'utilisan~. En suscitant l'intégration des ethnies, il fut le premierl par-
\\
ti politique de masse de l'Afrique française et renforça le front anticol, nia-
Il
liste pour faire échec à la pression incessante des colons'.·
La structure du parti en .question sera une structure pyramidale grou ant
des comités de villages ou de quartiers! et des Bous-sections. Chaque villa e es
doté d'un comité qui
représente le parti. Les comités préparent et faci
tent le travail des sous-sections, notamment par le placement des cartes
'a-
dhésion et la diffusion des mots d'ordre du Parti.
"Le parti repose sur 6es éléments de base que sont les sous-sections
Leurs secretaires généraux, "illettrés pour la plupart ou ne possédant qu
le
Certificat d'Etudes Primaires ( ••• ) firent preuve d'une maturité politiqu
puisée à l'école de la souffrance, dans le triste souvenir de l'Indigénat~
C'est grâce à ces se~ritairesg~nérauxqui parcouraient les villages,
, le
poursuites, que des souscriptions furent recueillies pour faire face aux
é'
reux frais de justice et aussi venir en aide aux autres territoires pend
toutes les élections "(1).
-
Le P. D. C. 1. -l'l. D.A. connut des succès très éclatants pour la bonne ra -
son qu'il contestait inlassablement les aspects archaïques et injustes int 0-
duits par la colonisation. Ses positions généralement assez réalistes vont don<
créer une certaine prise de conscience sociale chez toutës~les ethnies de
ôte
d'Ivoire. Sur ce, écoutons les propos de Claude Gérard (2) : "Durant les
nées I947-I956, le R.D.A. domine la vie politique africaine, soit par sa
ce croissante dans certains territoires
comme la Côte d'Ivoire •••• L'éten' e
de son implantation dans l'Afrique au sud du Sahara est aussi remarquable
. e
la profondeur de son enracinement dans les masses •••• Les dirigeants du R.D ~
agissent à la fois dans plusieurs directions : ils tentent inlassablement
k
réaliser l'union avec tous les Africains. A l'origine, il s'agit surtout d ~q
(I) 'Koffi 'Gadeau .: {,~pportd'organisati~~,
in "Actes du )0 Congrès du P.D. lI.-
R.D.A., Abidjan, ,mars ·"t959,~cité ·par 'Jean-Noël Loukou •
,il
. (2 ) Claude -Gérard:: "Les "pion.Ïliersde;~l 'IndépëlidaiJ.ce , .Ed. Int er.,cont inents,
pages .30.
.
. .
. . .
. "
. '
f75>,

·~, -' . ",<
../'"
"-5oi-
faire tomber les barrières ethniques ••• ".
Pour mieux rallier les masses, le P.D.C.I. - R.D.A. s'appuyait
~d69S ma!tresses très efficaces : Il se pla!t gé~eralement à analyser la s
tian économique et sociale '.·de,la ;08te d'Ivoire en· s' iilspirant de certains
oli-


• -
......
.$
"
.
-
'
cepts marxistes •.,Ses dirigeants reconnaissent 1" existence a~'claBses soci
es,
mais pour Be~sibiliser fortement les groupements ethniques, .ils rejettent
éli~
,
,
t '!
bérément toute lutte de classe: "Notre societe, affirmait en 1947M. Houp ouet
Boigny, n'a ,cependant pas la même structure que celle des autres pays plus évo-
lués, car chez nous,on ne peut pas envisager comme solution la lutte des c as-
ses. Ici, il y a bien une classe exploitée, un prolétariat soumis d'aille
s à
des conditions de vie pires que celles des autres pays, mais nous n'avons p ~ de
capi~listes autochtones, mais nous n'avons pas une classe d'exploiteurs q a
puisse être comparée à celle des trusts métropolitains,par exemple. Il se
OUVI
donc que nous n'avons pour ennemi commun que le colonialisme, l'impérialis
"(1:
Ce sont là des propos qui ont un contenu très anticolonialiste et quie
~quent pas de soulever les masses rurales victimes du travail forcé. Consi é-
rant donc la domination coloniale comme une emprise totale de leur pays, ce les~
ci vont réagir en vue d'obtenir la libération au moyen du P.D.C.I. - R.D.A.
La Côte d'Ivoire tout entière sera soumise alors à un mouvement irréve
i-
ble : Pour la première fois, l'aspiration commune de liberté est exprimée p
de vastes mouvements de masses. Toutes les couches ethniques unies· pour la
u-
part derrière le P.D.C.I. - R.D.A. remettentvi·gotlFeusement
.en ,question
or-
dre ancien pour celui d'une ère nouvelle où la liberté, la dignité, le prog
s
et la prospérité seront assurés, ou pour le moins amorcés. Tous ces idéaux,
es
aspirations fontpartie~d~ l'idéologie du P.D.C.I. - R.D.A.
Tout en préservant leur culture et leur personnalité originelles, les
th-
nies et tribus de Côte d'Ivoire renforcent leur entente pour constituer donc
front commun de lutte contre le colonialisme. Le but po~~suivi était la cohé ion
des groupements ethniques pour mieux dynamiser cette lutte. Les dirigeants d
P.D.C.I. - R.D.A. vont en conséquence s'employer inlassablement à favoriser
'é-
mancipation des masses avec le souci permanent de voir dépasser la conscienc
ethnique par la conscience nationale.
Quand l'Indépendance arriva en 1960, -on s'apel'çutqu9 celle-ci n'était las·
(1) Réveil, nO 272, 29 décembre 1947, p. 3.

~.
,
~., .
'e
'l"
-502-
Il\\,,
,l
du tout facile à réaliser dans un bref délai. Cert.es, les groupements et 11-
ques s'étaient engagés dans une sorte d'"union sacrée" contre le colonisa~eur
pour défendre leur dignité bafouée. Cet acte éveilla en eux le sentiment ~ ;Id 'un
té dur~t toute la période coloniale. Mais à la vérité, il s'agissait ici d'un
sentiment d'unité assez factice, sans consistance. Car, il convient .de ra pe-
-'"Jf.•.• ,\\._;, .l,. '.::!.,-';::
~er que la colonisation avait tout de même'~ontribué assez. paradoxalement à la
prise de conscience ethnique ou tribale. Il n'est d'ailleurs pas besoin d, sou
,
ligner ici que le P.O.C.I. - R.D.A., au départ, s'était reposé sur le gou rrne
ment ethnique."Chaque groupe ethnique avait ses représentants. Au moment
t il
il
Ya eu une autonomie plus poussée et la loi-cadre, la Côte d'Ivoire devai [a-
1
:1,
::1:é:::n::p:::e::::t:a:u:;:u:.~'::::::~::.t~~r:t::~:~e~.:ng:::i:u:n::::. ~n.::.
':(
vestis par le parti, mais celui-ci regardait chaque groupement ethnique p ~
désigner quelqu'un. C'est bien naturel, parce que certains groupements et
1-
ques se disent : "Si nous n'avons pas un représentant dans le gouvernement
tout se passera en dehors de nous, on ne -.sait pas ce gui se fera' si les me
es
qui seront prises ne le seront pas contre nous. Alors il faut bien que nou
ayons un représentant de façon à ce que nous ne soyons pas lésés."(I)
Après l'Indépendance, on va assister au problème de la représentativi é
de chaque ethnie au sein du nouveau gouvernement mis en place. C'était la ,our-
ses aux postes de responsabilité : chaque groupement ethnique voulait une
rt
des rè~ponsabilités. La voie des dissensions était ainsi'~uverte. Alors qu
faire ?
On découvre ici que la tâche des responsables politiques ivoiriens ét
immense. Le Président Houphouet-Boigny avait rapidement perçu que pour évi
le tribalisme, il faudrait à tout prix asseoir l'unité si Pon veut quel'
dé-
.pendaneesoit une réalité:"Nous sommes condam:ués à l'unité, déclarait-il, l
survie ,de la nation est à ce prix"(2).
Il fallait donc résoudre les divergences et les contradictions entre l s
modes de pensée et comportements des diverses ethnies et les harmoniser. Il
fallait moderniser les pratiques traditionnelles pour les faire répondFe a
exigences du monde moderne. Il fallait codifier le droit traditionnel en vu
d'unifier toutes les pratiques culturelles des ethnies.
Toutes ces indications avaient pour but de donner aux Ivoiriens une
taine image d'eux-mêmes, qui leur soit commune et leur permette d'entrer s
(1) Tradition et Modernisme en Afrique Noire : Rencontres Internationales
Bouaké (Côte d'Ivoire), Ed. du Seuil, 1965, page 224.
(2) Henri Bourgoin et Philippe Guilhaume, op. cit. page 182.

-503-
la scène politique mondiale: Il faut faire en sorte que la conscience d'n.p-
partenir à une ethnie préoise ne vienne pas contrecarrer ou masquer lac
cience nationale en germe. Il faut éviter que les éléments d'un,-même,,-gro
.... ~~.~J-....
-
iet~i4ueau sein des différents ensembles de lignages aient conscience de
J
. . . '
'
• • ~,
ticiper à la même cul ture _,. '.origine11e. Cela 'suppose clairement que les
teurs d'hétérogé~éité et~ique risquent de rèndre malaisée une vie politi
e
commune: communication difficile en raison de la diversité ethnique.
En fin de compte, -on le voit- le problème qui se posait aux dirigea ts
ivoiriens au seuil de l'Indépendance était celui de savoir comment passer de
la tribu à la nation, comment passer du nationalisme ethnique à un nation lis-
me territorial pour ainsi dire, dans un cadre géographique poly-ethnique,
Pace à ces interrogations, les autorités ivoiriennes vont s'acharner à
travers de multiples discours à conditionner le peuple: '~"IT'·i:l't~'B.pas,aft"
en1
,
.elles" d'intérêts opposés
au sein de la société ivoirienne: Tout le mon e
:\\
1
doit s'unir pour lutter en commun contre la pauvreté des individus et le,. ous-
'1
développement "(1). Proscrivant donc le multipartisme, elles vont considé, er
1
le P.D.C.I. - R.D.A " comme représentant du peuple et comme guide et coor ina~
teur de l'action du Gouvernement, qui doit permettre d'enrayer "ces rival tés
ethniques et ces ambitions partisanes qu'il serait tout à fait absurde de
é-
connaître et de taire "(2).
Le problème de l'intégration des ethnies dans le souci de 'eonstruire la
nation ivoirienne allait donc devenir le problème fondamental des dirigea ~s
politiques. Il se pose ici le problème capital de l'unité de l'Etat ivoir" n
on veut créer donc une nation alors qu'auparavant il n'existait que des
locales. Celles-ci étaient d'ailleurs renforcées du fait que les unités
li-
tiques traditionnelles recouvraient à la fois le domaine économique, soci
religieux. On comprend pourquoi l'obsession de l'unité et le problème des
th-
nies étaient-ils au premier rang au début
de l'Indépendance.
Le P.D.C.I. - R.D.A va donc insister sur la nécessité de construire ede
renforcer l'unité nationale. Cet objectif a un caractère mobilisateur impo -
tant pour l'encadrement des populations que l'on sait très hétérogènes. Il s'a-
git pour ce parti de tenter de surmonter au moins deux sortes de divisions
La
,.
première, évidente, est la divison entre les ethnies: elle s'exprime bien sur
1
I(
il
(1) Ve Congrès du P.D.C.I., op. cit. page 55.
li'1
(2) Ibid. page 116.
"
'
i
f
\\

-504-
i
par ~~s antagonismes entre groupes
composant l'Etat ivoirien.La seconde :li-
vision dont il faut tenir compte concerne la division entre le secteur mo~erne
de la population, Abidjan, essentiellement urbanisé
et en contact avec ,'It
if
monde de type occidental, et le secteur traditionnel constitué
partout s le
.masses rurales du pays.
Il faut éviter l'amplification de la stratification sociale,
les dOf_
férences et les
oppositions entre régions qui s'expliquent par des diver ence
d'intérêts ajoutées aux différences ethniques et religieuses.
1
1
1
1
Ainsi à défaut d'une conscience nationale, le P.D.C. - R.D.A. se pro ose
\\
1
d~éviter les cloisonnements fondés sur une base ethnique ou régionale. Sa tâ-
i
)
che sera de créer un réseaude fidélité et d'encadrement idéologique qui p ,
1
rait surmonter les différences ~thlliques et créer en fin de compte cette Jons-
cience nationale.
Mais les premières années qui ont suivi l'Indépendance ont permis
sister à l'exaspération du tribalisme. Les séquelles de la colonisation n
pas permis aux groupements ethniques d'accélérer le processus de la conat
c-
tion nationale.
En effet, quoi qu'on dise, la colonisation a fortement contribué à 1
pe~!i
sistance du sentiment
ethnique
au sein des populations ivoirie
s.
L'hétérogénéité de ces populations a permis à l'administration coloniale
diviser les Ivoiriens. Il fallait agir de la sorte pour empêcher le dévelo pe-
ment d'une conscience nationale. Au lieu de structurer le pays sur la base des
communautés organiques qui le composent et donner à chacune d'elles la pos i-
bilité de s'administrer et de participer à travers son propre épanouisseme t
à l'épanouissement de l'ensemble de la colonie, les colons, fidèles à leur doc-
trine, se sont intéressés séparement à chaque zone ethnique. frofitant de
a
situation géographique et économique, ils vont d'abord favoriser le progrè
des
régions du sud sur les côtes lagunaires et au sud-est du pays. Les Agni bé é-
ficieront largement
de leurs faveurs alors que les populations du nord se ont
laissées pour compte.
Cette situation va donc créer des tensions permanen es
entre les "côtiers" et les "nordistes". On parlera alors d'une "Basse Côte C'I-
voire 1agunaire" p1us riche, p1us prospère, par opposition à une"eSte d'Iv flore
des savanes et de l'harmattan"au sol plus aride.
Il
i~
';
Par ailleurs, on saura que les grands planteurs du sud, du centre-est bnt
li
eonseieneede leur puissance économique au seuil de l'Indépendance. Il en
lirit

.H
;r
-505-
",
i
. ~
ainsi pour les tribus d'Oumé, de Divo qui jouissaient déjà des terres fe ~ileE
,
,j
c
pour la culture des produits d'exportation (café et cacao). Pendant ce tenps,
;~
1
,j
'le cultivateur du nord, se débat a~ec un sol très impitoyable qui rappelle 1les
1
régions du Sahel.
i
il
'l
-..
q
d
Ainsi pour le colonisateur, il fallait à tout prix manipuler, divise
les
'1
ethnies de Côte d'Ivoire
. et
empêcher leur entente éventuelle. Pour ce f ire,
il fallait surtout opérer sur un terrain économique qui permettrait de fa ori-
1
,1i
ser les uns et de handicaper les autres. L'amplifi~ation de l'agriculture dans
1
:[
certaines zones ethniques du sud va créer une économie de profit et entre enir
'1i
les inégalités entre les ethnies. Le développement sans précédent des cul ures
li,1i
d'exportation pour promouvoir ou alimenter les industries européennes va
onc
"
:1
provoqùer un essor prodigieux des régions déjà fertiles concentrant et op osan
"
i
.:[
les ethnies qui étaient jadis éloignées les unes des autres •
:~
Certaines tribus alors coupées de leurs cadres traditionnels, se son
re-
groupées ailleurs sur des bases ethniques. Ainsi, on pouvait rencontrer d s
colonies de Baoulé
à Oumé, à Daloa, à Gagnoa en vue de l'exploitation de
ter·
res riches appartenant _è aux tribus de ces régions. Les Ivoiriens du nord
en
général grands commerçants comme les Dioula, sillonnaient de toutes parts
es
régions du sud afin de mieux faire prospérer leurs affaires et au besoin
installer pour toujours, créant ainsi les mécontentements des habitants d
ces
régions.
Avec le régime colonial, tout ne parlait que d'argent, de recherche
fré.
née de profit au détriment du respect inter-ethnique. La modification des
truc
tures de l'économie sera aussi à l'origine du sentiment renforcé de l'app
te-
nance ethnique ou tribale. A la veille de l'Indépendance, on se plaisait' dé-
signer du doigt
les groupements ethniques qui avaient été favorisés par
pénétration occidentale. Et depuis lors, ceux-ci avaient donc pris conscie ce
de leurs intérêts respectifs. Ainsi ap,paraissaient .déjà, à l·'horizon et au-de à
des solidarités, une "conscience politique tI
'et
des comportements nouv aux.
Au seuil de l'Indépendance, les jeux étaient
presque déjà faits: la co-
lonisation qui avait voulu auparavant freiner l'essor des classes, a en eff t
créé des co~ditions "plus propices à la manifestation des clans" (1). Dès ~ors,
en 1959. la vie politique ne sera plus une lutte entre les colonisateurs e ~ les
(1) Georges BALANDIER
Anthropologie Politique, Paris, P.U.F., 1967, p. l 'J.
il~ ,

-506-
colonisés, mais entre les groupes d'ethnies pour la conquête du pouvoir.
Eu égard à cette atmosphère quelque peu conflictuelle et tendue, il
lait asseoir les bases de la Nation ivorienne.Il fallait donc créer de
"
velles institutions pour tout le pays : renforcement du parti unique, co
oli-
dation des structures gouvernementales,
parlementaires, administratives, finB
cières et militaires, etc. On verra crôître très rapidement des appareils poli
tiques et administratifs cherchant à embrayer de leur mieux sur le pays
el.
La nécessité de choisir les gens assez capables de mener à bien la chose
u-
blique ne pouvait en aucun cas être mise en cause. Mais la survivance de
'es-
prit tribaliste va jouer un rôle assez négatif en bloquant le fonctionnem nt
d'une démocratie à l'OCcidentale.
En effet, les élites issues de chaque ethnie cherchaient à entreteni
des
attitudes claniques, voire tribales. Jouissant des -postes de responsabil té,
elles voulaient surtout sauvegarder les privilèges de leurs ethnies. Pour 'la
plupart, une telle attitude semblait être un refuge nécessaire pour mieuxlcon-
forter la renommée de leur ethnie. On le voit, en procédant de la sorte,
les
n'agissaient pas de manière inconsciente. Chez certains représentants pol
i-
ques le souci d'être les représentants de leurs tribus constituait en un
er-
tain sens une sorte de revanche sur d'autres groupements ethniques.
Progressivement, le fait ethnique deviendra le lieu de justification
des
décisions du pouvoir de convaincre ou de tai.re patienter les masses. Les
rités l'utiliseront sans cesse pour organiser, à la base de la société, 1
multiples hiérarchies nécessaires au renforcement du P.D.C.I. - R.D.A. El
vont donc favoriser la promotion de certaines ethnies au détriment des au
Logiquement, il en résultera des compétitions, des antagonismes, voire de
nes dans les rangs des militants du parti, tout simplement parce qu'il n'
a
pas assez de postes pour satisfaire la représentativité de chaque ethnie
s
l'appareil politique.
L'enjeu des rapports entre le parti et les masses représentées par un
plu.
ralitéd'ethnies n'est pas entre les discours idéologiques opposés, mais d
s
cette pression exercée sur les politiciens pour qu'ils résolvent ce problè e
de la représentativité de chaque ethnie au sein du gouvernement. Mais le p I~-
il
ti, sous prétexte d'éviter les cloisonnements fondés sur une base ethnique pu
régionale, a toujours créé et maintenu un réseau de fidélité pour neutrali irr
1

-')07-
les actions év~ntuelles de certaines ethnies m~contentes et d~çues~ Il ent~nd
contraler tout le climat du pays pour r~compenser les groupements ethniques qui
sont profondément d~vou~s a sa cause. Il s'agit de faire comprendre à tout
e
monde que le gouvernement ne peut coop~rer seulement
qu'avec tous ceux qui
sont r~ellement épris de ses idéaux.
Cela étant, on comprend maintenant mieux pourquoi le parti a des implan a-
tions locales sous la forme de sections entretenant des rapports réguliers
t
.
vari~s avec les organismes nationaux. Décidément, il. veut surtout apparaîtr
comme un regroupement ayant la volonté délibérée de prendre et d'exercer le pou-
voir politique avec tous les programmes ethniques. Et c'est sur ce plan que
transparaît parfois le problème de la répartition ginérale des repr~sentant
de chaque ethnie. Or Henri Bourgoin et Philippe Guillaume pr~tendentque les
:1,1'i-
geants suprêmes du l).D.C.I. - R.D.A.
"s'efforcent sans cesse d'atténuer aut nt
que possible les rivalités en équilibrant soigneusement la composition du gou-
vernement."(I). Au contraire, selon nous, le P.D.C.I. - R.D.A.
semble parfo s
s'appuyer abusivement sur l'élément ethnique pour coméJoser le gouvernement.
Nous pouvons rappeler d'~illeurs pour mémoire la composition du gouvernemen
géopolitico-ethnique du J février 1981 (2).:
-Sud
..
II ministres
-liard
..
7 ministres
-Ouest
..
7 ministres
-Centre
..
7 ministres
-E st
..
4 ministres
Ce sont là des chiffres très significatifs qui ne sont pas près de co -
tenter les ethnies dont les ressortissants ne figurent pas sur la liste des
ministres choisis.
Comme on peut le constater, le sud bénéficie d'un grand nombre de sièg s.
D'où parfois oppositions , rancoeur_~ déception chez les ethnies minoritaire.
Même au sud, certaines ethnies ont eu rarement des représentants au sein d
gouvernement. C'est le cas des Ebrié qui sont les authentiques originaires
d'Abidjan, et qui souhaiteraient avoir leur place dans les instances sup~r·r
eures de la nation en construction. Aujourd'hui, ils sont très tristes et
~ont
(Ï) Henri Bourgoin et Philippe Guilhu~e : op. cit. page 182.
(2) Voir l'hebdomadaire Fraternité-Matin du 4 f~vrier 1981.
:.,'

,
- .
il
!ÜUS
confiance en l'avenir. On sait que depuis longtemps, le systeme foncle 1
et du lotissement a mis fin à la oronriété commune des terres : par exemple, l ,s
Ebrié, premiers habitants de la région d'Abidjan, ont été expropriés et cha:-
1
sés/assimilés à la ville. Ils ont donc perdu la cohésion
ethnicue et ils v~nt
maintenant grossir les rangs des chômeurs de Treich-Ville èt d'~djamé. A l' ~eu-
re actuelle, leur revendication-clé, c'est bien leur conservation au sein d s
60 ethnies que renferme le pays, avec toute la reconnaissance des drois par i-
culiers que cela entraîne pour eux. Ceci permet de comprendre pourquoi ils
é-
sirent ardemment être représentés
dans le gouvernement par la nomination d
l'un de leurs ressortissants pour qu'il défende mieux leurs intérêts au con
seil des ministres qui a lieu chaque mercredi au palais de la Présidence.
Toutes ces réactions ne sont pas spécifiques aux Ebrié. Bien au contra're,
/
-,...
on les retrouve au niveau des autres ethnies dites minoritaires. Et quoi qu'on
dise,la conscience tribale ou ethnique survit toujours en dépit des objecti s
que les autorités ivoiriennes s'étaient fixées en vue de la construction de la
nation ivoirienne. Elles ont dormé aux divers groupes ethniques l'illusion
e
:Jouvoir alors que la réalité du pouvoir est toujours restée concentrée dans
es
mains du Président de la République. E;ntre-temps, on vit partout dans l ' i l l -
sion : Le paysan gouro par exemple essaie d'oublier ses mis~res et son expl i-
tation en es)ér8.nt que l'un des siens
sera un jour ministre. Et quand cela
e
réalise;
il a l'impression d'être dans le gouvernement. I l en est donc
fier et pense que "leur ministre gouro" aura une fonction de revendication
our
mieux réhausser l'ethnie gouro au détrliaent des autres ethnies.
Aujourd'hui, le désir effréné que manifeste chaque groupement ethnique
dcns le but de voir l'un des siens au Parlement ou à la magistrature suprêm
a créé de nombreuses difficultés dans les relations inter-ethniques. Ces dif i-
cuItés n'ont d'ailleurs pas manqué d'opposer certaiiles ethnies. Ainsi, les
a-
oulé ne s'entendent pas bien avec les Bété. Ces derniers accusent les Baoul
d'avoir occupé illicitement
les terres de leurs ancêtres. Considérant que
es
Baoulé sont plus privilégiés sur le plan politique (Le Président de la Répu li-
que est un Baoulé), les Bété
acceptent difficilement de voir les Baoulé ch z
eux en train d'exploiter leurs terres pour s'enrichir.
De telles a tti tudes - à la vérité - bloquent l'élan pour la constructio J,
,
Il
de la nation. Et plus est, elles compromettent l'atteinte
des objectifs prl~-
"
lablement fixés. Est-ce à dire que chaque groupement ethnique en Côte d'Tvo Te
serait opposé à l'édification de la nation ivoirienne? M. Sylla Lanciné no s
:. ':'.. :<;.
--~':';~:'\\;;"':1~;~j,1~~~~,fi.~':'::è':;
--
::------

-509-
apporte ici des éléments de rélionse : "La nation en tant que telle,
il, n'est nullement refusée par les différents groupes etlmiques et
mais acceptée ou convoitée par tous, pour en avoir la primeur, pour en
la primauté, pour y exercer une hégémonie politique "(1). Cela suppose
tribalisme exercé par les différentes ethnies traduit
tout simplement l '
.
.
,'.-
tion de participer politiquement à -la vie de la nation sous toutes ses forme
Mais notons qu'il y a bien 'derrière les multiples révendications, '
de l'ethnocide qui s'empare de chaque groupement
ethnique. Ainsi,
le,
l ' occupation des terres appartenant à l' ethnie Bété est interpl?étée dans
sens de viol et
de mort. En effet, comme le remarque fort bien Kéba M'Bay
"entre l'Africain et sa terre, il s'établit des rapports complexes .•. Ce so
des liens d'essence religieuse, économique et sentimentale ... Les droits c
tumiers sur la terre ne comportant pas l'abusus, sont simplement gérés au r m
:;/"
et pour le compte de 18, tribu
ou de la collectivité pé1:rentale " (2).
Il en résulte que la terre garantit toute la survie des ethnies. Dès
rs,
on comprend pourquoi la présence d'une autre ethnie dans les
munauté tribale est proscrite. La terre étant destinée à la survie du
la tr~bu et constituant pour ainsi dire le gage de la continuation de
va de soi que son explai ta tion par une autre ethnie fasse l' 0 bj et de haine
de luttes.
Toutes ces indications montrent à quel point la cohésion nationale es
encore très fragile en Côte d'Ivoire. Et pour y rémédier, le gouvernement
force en vain de répartir dans l'armée, le personnel d'encadrement en tena
compte des origines ethniques. Il en est de même à travers les reformes a
tratives où il "procède à un amalgame des cadres civils et militaires et
brassage constant des fonctionnaires" en vue de cimenter une solidarité
le entre les Ivoiriens (3).
En dépit de ces tentatives, le cloisonnement ethnique est fortement

dans la mentalité de chaque'ivoirien. Il ressort sous des formes nouvelles
ans
les nouveaux regroupements, dans la structuration de l'exploitation agrico
dans les réunions au niveau des quartiers urbains •••• Les antagonismes eth
ques et les rivalités entre savane et forêt continuent d'entraîner, sinon
(1) Sylla Lanciné : Posi tioncie Thèse sur le Tribalisme et Parti unique en . fri-
que Noire., Bibliot. Université d 'Abiçljan, page. 32.
"
,
~
(2) Kéba M'Baye. : Voie Africaine du socialisme et Propriété, in "Ethiopique:3,
janvier 1975, Dakar ,pp. 46-.47.
.
'
,
1
(3) Henri Bourgoin et Philippe Gùilhaume, op. cit. page 183.
. -.,': '.,-, ~.(..-:;~.
'~·~:'~T",:,~>·;.~~;:l:.~E~~itlL~""c,...-._.--
' m

-510-
constituti'Ün des partis d'opposition, du moins des courants plus ou moins
vés qui marquent de malaises sporadiques la stabilité du régime (1).
Est-ce à dire que la conscience nationale n'est pas du tout en voie d'
gence dans la vie sociale des Ivoiriens? C'est le moment pour nous de reve
nir à juste titre sur cet ensemble de concepts tels que "sentiment national' ,
"nationalité","conscience nationale" elle-même. Tous ces mots se trouvent d
s
le même champ sémantique si l'on veut. Une défini tionclaire de ces concepts,
particulier
celle de conscience nationale est qu'ils représentent un sentim
t
qui pousse les hommes à penser qu'ils sont unis par quelque chose qu'ils on
en
commun, et qu'il importe peu de savoir si ce lien commun provient d'élément
d'ordre historique, culturel, économique ou politique. Une définition préci
est d' émunérer ces éléments ; la plus récente énumération est celle de Bayd
Schafer (2). Selon lui, la conscience nationale est nécessairement]Jée
à
ensemble de considérations pour ceux qui vivent dans un contexte bien d~fin"
1. Un territoire qui est le leur et auquel ils sont dévoués.
2. Des caractéristiques - langue, cout~~es, manières, littérature - qu'i
partagent.
3. Des institutions sociales et économiques communes.
4. Un gouvernement commun et auquel ils sont loyaux.
5. Une histoire et une origine ethnique communes.
6. Un amour pour ceux qui partagent ces croyances.
7. Une dévotion pour la nation.
8. Une fierté commune pour les réalisations de la nation.
9. Une indifférence ou hostilité pour les autres nations.
10. L'espoir que la nation possède un aven~r glorieux, sûr et heureux.
Bien qu'elle soit peu opérationelle et d'accent relativement idéaliste
cette image de la conscience nationale se retrouve plus ou moins dans les m 1i-
festations de la vie en Côte d'Ivoire.
En effet, pour hâter cette- prise de consci.ence· ..nationale,la Constitution
adoptée le 3 novembre 1960 fixe l'ensemble des règles de l'organisation pol
i-
que administrative et judiciaire de la Côte d'Ivoire. A l'exemple de la nat" n
française, on adoptera des textes qui définissent clairement les institutio ~
de la République de Côt'e d'Ivoire :"Etat 'lUlitaire,la République de Côte d'I Di-
re est une et indivisible " précisera la Constitution. Celle-ci est assez l ~_
Il
(1) Gabriel Rougerie : op. cit.
p. 116.
(2) Revue Historique, nO 522 (avril-juin 1977) P.U.F. p. 292.

-511-
gement inspirée du modèle français de 1958, mais elle fait une large place Ri
des préoccupations spécifiquement ivoiriennes.
Dans le souci de l'unité nationale, les textes donnent des pouvoirs é
dus au chef de l'Etat qui devient à la fois chef du Gouvernement, véritabl
chef de l'Administration, "détenteur excluslf du pouvoir exécutif" au term

l'article 12. Cela montre une fois de plus que la construction de la natio
repose entièrement sur lui et que la réalisation de l'unité nationale est
tièrement son oeuvre.
Et pour mieux rallier à lui toutes les masses ivoiriennes, le Préside
de
la République s'est radicalement appuyé sur le P.D.C. - R.D.A. Ainsi depui
l'Indépendance jusqu'à nos jours, ce parti présente une organisation très
structurée. Déjà en 1956, il ne cessait d'affirmer que la vraie démocratie
oci-
ale s'exprime non par les querelles d'un parti mais par l'adhésion populai
Mettant alors fin à toute forme de pluripartisme, il va déclarer à tous le
groupements ethniques ." Nous sonunes condamnés à l 'unité. La survie du pay
est
à ce prix" (1).
Comme toujours, le P.D.C.I. - R.D.A. aura une organisation pyramidale, dé-
finie par ses statuts établis en 1965, assise sur le soubassement social p
existant à l'Indépendance. C'est ainsi que les comités du village, les com o és
de quartier en ville, constituent les cellules de base. qui représentent l
moyen le plus direct de toucher tous les citoyens. Ces comités sont chargés de
mettre en place lessous~sections qui représentent en principe les sous-pré
c-
tures.
Le P.D.C.I. - R.D.A. oblige tous les Ivoiriens à s'inscrire d'office,
accepter son programnle, a se soumettre à ses décisions et à payer les coti
tions annuelles.
A l'échelon supérieur
du parti se trouve le Comité directeur, qui do
e
les directives aux sous-sections et contrôle leurs activités. Mais son ins
nce
suprême est le congrès qui, depuis
1970, se réunit en principe tous les c· q
ans, chaque réunion étant l'occasion d'importants discours révélateurs des
rin-
cipQles orientations de la politique nationale.
Sur le plan doctrinaire, le P.D.C.I. - R.D.A. soutient deux principes
e\\
base: l'unité et le dialogue. En effet, pour le Parti,"l'unité nationale
,[-
(1) Henri Bourgoin et Philippe Guilhaume : op. cit. p. 292.

-512-
tour de l'entité juridique Cate d'Ivoire constitue un
prcialable impératif h
tout développement harmonieux du pays. Il importe essentiellement que les II/oi-
riens comprennent que le Gouvernement représente non pas une ethnie
la nation. Pour édifier et consolider la construction nationale, il est d'
indispensable de rassembler toutes les volontés, de mobiliser toutes les é
gies. La prise de conscience du fait ivoirien doit s'entendre comme un corn
t
pour l'union et la fraternité de tous les habitants du territoire contre le
barrières tribales. CI).
Ce sont là des
propos
qui définissent la doctrine du Parti po
ainsi dire. Malheureusement, les héritages ethniques s'affrontent partout d ns
le pays avec les exigences de la construction ~lationale. Il est difficile d
couler les formules modernes dans le moule de la tradition. Il est difficil
en effet, de prendre en charge un organisme complexe, avec ses héritages di ers
et antagonistes, avec les modalités et les stades multiples des évolutions,
avec ses contradictions et de faire en sorte que la Côte d'Ivoire, hier pay
colonisé, aujourd'hui libéré
en partie, puisse résoudre d'emblée le problè e
de l'wlité nationale et de la conscience nationale.
o
o
o
Mais comment faciliter et hâter la prise de conscience nationale dans
pays qui ne parle çue de capitalisme libéral 1 Le P.D.C.I. essaie de rallie
toutes les masses ivoiriennes à la cause de. ·1 'unité nationale ; pour favori
l'entente au niveau~des citoyens, il "recherche obtinément· la paix par .le d
logue et la négociation" : mais en même temps il encourage la recherche eff
née du profit par chaque Ivoirien et cela, dans "un régime de libre entrepr
e".
Le problèmè qui se pose alors est de savoir si cela peut permettre l'intégr
i -
on de toutes les ethnies dans' un contexte national.
Certes l'économie est le moyen sûr de réaliser le ralliement de toutes
es
ethnies de Côte d'Ivoire, de changer leurs mentalités en vue du projet de c
s-
truction nationale. Mais les intérêts économiques divisent tout autant qu'i
unissent les hommes. Dans un régime de libéralisme économique, la situation
très aggravée par l'esprit qui l'anime. Derrière les conflits d'ethnies ou
CI) Cf. Henri Bourgoin et Philippe Guilhaume : op. cit. page 296.

-513-
tribus, c'est tout le problème des intérêts économiques qu'il faut recr:msi
Nul doute que la question économique est très importante dans l'intégratio
des ethnies. Mais elle n'est pas la seule question. Tous les obstacles à l
lisation rapide de l'unité nationale et à l'affirmation de la conscience n
tionale relèvent non seulement de l'économie, mais aussi des domaines à la
politique, culturel et sociologique.
Ainsi par exemple, les manifsstations des attitudes "non-nationales"
le sens du tribalisme s'expriment
en sourdine et risquent parfois de pren
une forme extrêmement violente entre les Ivoiriens. Les particularismes trib
sont toujours dynamiques dans les réalités de la vie quotidienne
sent encore les rivalités inter-ethniques. Les populations du nord très is
,i-
séeset qui comprennent un grand nombre de Dioula, ethnie continuellement
; ; /
mouvement, alliant commerce et pros~lytisme religieux, sont en opposition
vée avec les populations"animistes"de l'Ouest et du Sud. Les populations c,-
tières qui ont été les premières en contact avec les commerçants européens
ceptent difficilement d'aller travailler au Nord. Chez les Akan , les ress
tissants du roi d'Assinie, Amon N'Doffou III, aujourd'hui réfugié au Ghana,
sont toujours mécontents de n'avoir pas pu jouir de leur autonomie en créa
un état dans l'état.
Toutes ces populations parlent généralement des langues assez différe
Si le baoulé ou le dioula est à peu près en vogue, il n'en reste pas moins
qufen ·dehors du français, les diverses ethnies se comprennent assez diffic
e-
ment. Certes, il existe un certàin nombre de traits communs à toutes les l
gues de Côte d'Ivoire, ne fût-ce que l'emploi général des suffixes, préfix
et infixes ou la pauvreté du vocabulaire
en éléments abstraits et sa gran
richesse en éléments concrets. Cependant l'obstacle linguistique renforce
u-
jours le tribalisme et l'esprit de clans en dépit de la langue du colonisa
ur
qui, dans une certaine mesure, contribue paradoxalement à une certaine uni '
linguistique.
Pour l'unité nationale et principalement en ce qui concerne la prise
conscience nationale la langue constitue un sérieux obstacle au regroupeme
de tous les Ivoiriens. En effet, on sait que le dioula a pris une importan
considérable dans les activités commerciales en Côte d'Ivoi~e. C'est la la
du commerce et des affaires pour ainsi dire. Elle privilégie aujourd'hui l
Dioula
qui - à la vérité - détiennent le plus souvent l'essentiel des moy
de production et le pouvoir financier. Nul doute que la différence des deg
. ". :«. r
---."~~o-.,.'::.L.::}~::0~~~[~~:,_...,...,.".~-_._....

':'514-
d'évolution économique entre les ethnies est ~~ empêchement à l'unificatio 1
d~s Ivoiriens. Elle aboutit à la concurrence ~conomique qui, au lieu d'@tr
l'élément de promotion collective, attise les haines et les mésententes de
toutes parts.
L'appar;tenance ethnique en premier
lieu,
la puissance économique,
'ap.
J
partenance linguistique, tout cela contribue à aiguiser le problème de la
ns-
cience nationale. Les transfonnations multiples vécues par le pays sur tou, les
plans n'ont pas supprim~ les tensions et les clivages ethniques traditionn
s.
La persistance des particularismes ethniques demeure un obstacle majeur à
r-
monter par les Ivoiriens. En effet, il existe des motivations différentes
fonction de l'ethnie d'origine. Etant donné que les incitations aux idées
dernes (Etat, Nation, Patriotisme ••• ) proviennent surtout de l'ext~rieur,
société étrangère (européenne), ce n'est pas en tant que commis, fonctionn
re,
ouvrier ou cadre supérieur ou personnalité politique qué l'on va r~agir, III
s
en tant que baoul~, dioula ou s~noufo, quelle que soit la place que l'on 0
u-
pe dans la sociét~ ivoirienne.
De l'avis de M. K. N'Guessan (1), le P.D.C.I - R.D.A. serait en grand
partie responsable de cet ~tat de choses : " Le moyen le plus efficace uti

- par le pouvoir poli tique. •• consiste 2. rechercher et à identifier le leade
non en tant que citoyen ivoirien mais en tant qu'élément rattaché à un gro .e
ethnique. En responsabilisant et en culpabilisant le groupe ethnique
tion pour les actes d'un de ses éléments, on aboutit à la production d'un
é-
mène de rejet, de désapprobation et de r~probation qui sape le moral de l"
di-
vidu considéré ••• Comme tout conditionnement psychologique produit tôt ou
tard ses effets, on peut dire qu'on est en train de passer progressivement du
mythe à la réalité du tribalisme. Toute la gente politique, consciente du
ou-
voir mobilisateur (ou démobilisateur) du tribalisme a commencé à cultiver
t à
entretenir avec art cet objet si précieux, l'argument fondamental pour un
an-
didat pour réussir à convaincre l'électorat ébrié, baoulé, b~té, etc ••• , à ne
pas ~lire un député ou un maire qui soit d'une autre ethnie, était de pr~s
ter Abidjan, Bouak~, Daloa, etc ••• non comme ~tant des villes de Côte d'Iv ire
pouvant être administrées par tout Ivoirien ayant des capacit~s physiques
t
morales nécessaires mais, d'abord, comme des villes appartenant respective ent
aux Ebrié, aux Baoulé, aux Bété, etc ••• Ainsi, les associations de dévelope-
ment: r~gionales (encouragées par les Pouvoirs Publics eux-mêmes qui pensen ~ que
le déveloPBement national
doit passer par le développement régional) sont Ire-
(1) K. N'Guessan : Tribalisme en Côte d'Ivoire : Mythe ou Réalité? op. ci ~
pages 151-152.

-515-
1"
venues l'un des principaux foyers du tribalisme. Les autres Ivoiriens qui vi-.
~
."
'vent dans~la région.sont'm'connus ou n'ont pas le droit à la'parole parce ,qu'!'
sont considérés comme des "étrangers". De ce fait. ils sont devenus des s 'ecta,
il
"
.
Il ,
teurs de la vie socio-politique des l' égions ou ilsr-',vivent. Dans les assem lees
où il est souvent question du bilan du développement 'économique et social ~e 11
région et des actions à promouvoir pour sortir celle-ci de sa léthargie,
ne
i':
pense plus
'ou on ne pense jamais
Nation mais_~E'thnie. La pratique s' est
tme
étendue aUX équipes de foot-baIl de l'intérieur dont les directions, depu rIe:
dernières élections législatives et municipales, sont en train de se "tri ali-
ser".
1
Cette longue citation a surtout pour but de souligner la persistance
al'
le pouvoir politique de l'esprit "clanique" qui sévit dans toutes les rég" ns
du pays et quir.:·empêche l'évolutien de la conscience nationale. Et si l'on
'y
prend garde, on risque de maintenir à jamais plusieurs failles dans la co
t»uction de la nation ivoirienne.
Il semble que le découpage arbitraire d'unités ethniques, réalisé au
empf
de la colonisation, persiste encore. La politique du "diviser pour régner" est
ici repris avec art par le régime politique en place, qui - à la vérité -
n-
courage les différences et les oppositions ethniques et les utilise à son
1 ' 0 -
fit.
Dès lors, le décollage économique qu'. a dÛ...Gonna.i.:tl'e. le pays à cause
'un€
certaine stabilité assez relative risque de demeurer précaire 'si l'on ne t ent
pas compte de cette unité nationale nécessaire et vitale pour la
a
jeune république. C'est le moment de rappeler ici à l'attention du lecteur
plusieurs eomplotsont déjà été déjoués et ~oncés par le gouvernement lui
ê-
me. Le dernier remonte d'ailleurs à juin 1973. Mais l'emprise du P.D.C.l.
R.-
D.A. et un système policier assez efficace ont permis le maintien de l'or
Et quoi qu'il en soit, de nombreuses forces jouent encore à l'encontre de
u-
nité nationale et de la stabilité politique: C'est le cas des jeunes cadI'
des universitaires et de certaines masses paysannes ou urbaines qui, prolé
ri-.
sées, .souhaitent ardemment le changement. Mais comme en Côte d'Ivoire
'si-
tion ouverte est brutalement"matée'.t,les mécontents restent muets dans l'esp·ir
qu'un jour, un certain Messie viendra les libérer du joug du parti unique p~é-
pondérant.
1\\
Ce parti unique qu'est le P.D.C.l.- R.D.A. a toujours trouvé sa justif ca-

-516-
1
tion principale dans le désir de l'Etat que les partis politiques ne soielt
pas le véhicule principal de l'expression des particularismes ethniques.
~ntrE
q
"
temps, ilfav.orise
énormément les baoulé,.etles.41oula, 'qui jouissent d
pOf
':1\\
~_:, '.
'/
II;
tes très 1mpor~ants dans l'appareil politique ou gouvernemental. D'où exi ten-
"
q
J,.,,
ce de tensions accrues dans la mesure où les autres ethnies semblent être relé
.
guées loin des postes-clés.
Il:11
,1
Entre-temps, le parti se pla!t avec beaucoup de dextérité 'à
reconf rter
tous les groupements ethniques par des propos fort moralisateurs. Le voca ulai
re employé est très suggestif,. On
parle de "fraternité", de "dialogue"
de
"dévouement", de "responsabilité", "d'esprit de sacrifice", etc •••
L'appel à la conscience des citoyens est renforcé par des thèmes de
oli
darité", de "grande famille",
"d'unité".
"d'amour''-,de "respect". Et po
en
core mieux sensibiliser toutes les masses populaires ,on leur fait croire
garant de cette grande "fraternité" qui unit toutes les couches sociales
pays, c'est le Président de la République, le"Père de la Nation,".
Le Parti s'est chargé tout spécialement de lui adresser des laudation
in-
cessantes. Comme dans les mass-media, M. Félix Houphouùet-Boigny est non
ment le Président de la République, mais il est surtout le"Chef de l'Etat'
hOl
me-symbole, cantateur et faço~eur de l'histoire de la Côte d'Ivoire. Il cons-
titue la source vitale de la nation et le sel fécondateur qui donne de la
a-
veur à la vie de tous les Ivoiriens.Et autour de sa" personne tout a été m s
au point pour stimuler leur imagination afin qu'ils acceptent d"avoir
un
père commun et par conséquent .qu'ils doivent nécessairement ~tunir pour co s~
truire le pays avec lui.
Constatant que la cohésion nationale est difficile à réaliser à brève é-
chéance. ayant compris que le pays est très divisé par des intér~s ethniq es
très opposés. le Président de la République ne put s'empêcher de stigmatis 'r
la position de certains opposants à son régime et ceci. dans l'espoir de m
i-
miser les réactions tribalistes :" C'est, déclarait-il, une des grandes ch
ce~
de la Côte d'Ivoire que la multiciplicité des tribus et la diversité des g fU-
pements ethniques étrangers qui peuplent ce
pays, loin d'être une entrave r
l'union indispensable, peuvent être considérées comme un levain de l'unité par-
~
ce que les plus égoistes parmi nous ont au moins la conscience aigu~ que p r-
sonne dans ce pays ne peut se baser sur une seule tribu ou un groupement etilli-
que pour réaliser quoi que ce soit d'efficace "(1).
(1) Paul-Henri Siriex : Félix HOUPHOUET-BOIGNY, l'Homme de la paix, Segher
Nouvelles Editions Africaines, 1975, page 21).

'1
-517-
Par ces propos~ notre Président invite chaque Ivoirien à prendre co I~ci­
ence qu'il appartient à une Nation et que le destin de celle-ci dépend popr
..
\\'
une part de lui. Mais Bon appel n'empeche pas. l'appartenance ethnique de pesel
(
fort dans l'attribution des postes, et à la solidarité de lignage de cont e-
I,\\ili,\\
carrer la conscience nationale.
i
__ ',
il
ï !q
1
il
o
!i
1
ii;1
o
o
Que faire pour rèmédie~ à cet état de choses qui entrave
la marche
1 'unité?
Nous pensons qulune"rupture -avec le système en place et une édu
tion des masses suffisent largement pour créer .m: certaï.? équilibre au se

pays • .Le gouvernement'partage d'ailleurs cette dernière idée ,qui.-,repoS'ê :sur . -a
fO.r.IU.tiolLdesmasses; sur leur sensibilisation effectivEl. Déjà en 1966, l'
de:
porte-parole du gouvernement, le ministre de l'éducation populaire déclar
"Dans un pays en 'Voie de développement et en Côte d'Ivoire en particulier,
ducation consistera essentiellement en une éducation de base appliquée
nes et aux adultes en dehors de l'école, qui permette à l'individu une fo
tion morale et un meilleur épanouissement de sa personnalité; en même temp ,
elle doit aider à l'insertion de l'individu et de son groupe ethnique dans la
nation et leur participation au développement économique du pays; elle fav ri-
sera une meilleure compréhension entre les groupes raciaux régionaux. Ains
donc, l'éducation populaire doit être un facteur positif pour atteindre le
deux objectifs définis par le Chef de l'Etat: l'unité de la Nation et le
éve-
loppement économique national". (1).
Nous ne discuterons point du bien-fondé de ses déclarations. La forma
on
de la jeunesse est une action primordiale puisqu'elle constitue l'espoir d
de-
main. Son importance est indéniable pour l'avenir du pays. Il convient
de l'orienter judicieusement pour qu'elle évite justement le chemin du tri
ir
lierne.
(1) Fraternité-Matin du 18 Avril, page 4: " A propos de l'Inauguration du 1e11-
tre Culturel d'Anyama. Côte d'Ivoire".

-518-
1
Il faut donc dispenser une éducation civique à la jeunesse ivoirie
lui donner un sens de ses responsabili tés'dans le .'pays. Elle doit aider à
truire et développer la nation en coordonnant ses activités. On sait que
gouvernement se soucie de réaliser l'unité de la jeunesse en ralliant to
les énergies des jeunes générations au service de l'Etat à construire. l
très conscient de la place essentielle qu'elle occupe en Côte
une population estimée à 7 300 000 habitants en 1977, ce pays compte plus de
50 % de moins de 20 ans, contre à peine 5 % de plus de 55 ans. L'importan e
numérique de la jeunesse a toujours posé de 'sérieux problèmes au gouverne ent.
Inquiet, le Président Houphouêt-Boigny a.. vite chcisi de l'intégrer .d'offi e~au
Parti afin de mieux l'unifier. Une telle formule nous semble assez danger use
dans la mesure où la jeunesse une fois coiffée par le Parti, on assistera in-
dubi tablement à un phénomène totalitaire qui risque de bloquer .'ses
ini t ati-
ves. L'exemple du Mouvemment des Elèves et Etudiants (M.E.E.C.I.) en est
i~lustration frappante. Depuis 1968, ce mouvement est devenu une sous-sec
on
du P.D.C.I - R.D.A.
Selon nous, il para tt très important d'unifier toute la jeunesse, .·ma
, 1 9 idée d'une--,jeunesse· du ... -Parti doi<têtre condanmée,. car elle compromet
li·
berté qui doit appartenir à elle-même et qui ne doit pas se laisser asser
r
par une organisation politique. Et comme le rôle du Parti unique consiste
di-
viser pour mieux régner, il est certain que la jeunesse rééduquée suivant
et-
te :conception ne s'empêchera pas de reproduire· dans l'avenir la situation ,ue
nous connaissons actuellement.
L'unification de la jeunesse actuelle . passe nécessaire par la ruptur
avec l'esprit du capitalisme que le
pouvoir veut lui inculquer. Le capita
s-
me, c'est la division entre les citoyens ivoiriens, c'est la recherche du
0-
fit sur le dos des autres, c'est l'esprit de compétition à outrance, c'est
a
reconnaissance des différences sur le plan économique; ce qui du coup, fai
prendre conscience à chacun de son origine ethnique, de sa classe sociale.
Il est difficile d'espérer l'affirmation d'une conscience nationale c
z
les jeunes d'aujourd'hui, si on s'acharne à leur dire qu'ils sont issus de
rou·
pements ethniques différents. qu'ils doivent travailler pour la renommée de
leurs ethnies.rrspectives.lnjectés de force dans le M.E.E.C.I., les jeunes
'au-
jourd'hui s'efforcent d'obéir aveuglément aux impulsions et au directives d\\
P.D.C.I - R.D.A. Le manque de coordination de leurs activités au sein de lelr
mouvement amplifie chaque jour leurs divergences et leurs antagonismes.

-519-
C'est un non-sens de vouloir ~ tout prix inf~oder la jeunesse dans le
~r­
ti unique, car comme toujours, elle voudrait voir évoluer ou cha.nger les st u-
tures sociales, économiques et politiques; elle veut secouer le joug de ce -
taines coutumes et traditions dont la diversit~, d'une tribu ~ l'autre frei I~
l'~lan vers l'unité nationale.
Nous croyons que la jeunesse ivoirienne aspire à bien s'insérer dans l
monde contemporain. Pour ce faire, elle veut prendre part à sa transformati
en tant qu'actrice et non en spectatrice passive. Tous les jeunes actuels ,
ns.
exception; dépel,dent ou sont issus d'un statut économique et social qui n' e
pas leur fait. Aussi tentent-ils souvent d'échapper aux pressions incessant
du Parti, car quoi qu'on dise, ils développent chaque jour une gestuelle tr
s-
gressive de normes et de.
codes conventionnels du système .en place. Et ce q
~
les pr~occupe aujourd'hui, c'est le problème de l'emploi. Pour l'heure, les 'tu-
des ont montré qu'ils doutent que leur survie ~conomique puisse être assuré
1
par le Parti. Ils sont deven~ls presque sourds et indiff~rents dans l'attent
d'une r~ponse à la question de la légitimit~ des moyens de leur survie.
Le chômage, le sous-emploi, la sous-~ducation, la sous-qualification ~
la déqualification de la jeunesse ivoirienne dépendent du système économiqu
et social mis en place par le capitalisme colonial, système qui a détruit l
structures sociales, économiques et culturelles des soci~tés traditionnellp.
en exerçant sur elles une fonction au profit des centres métropolitains. L'
d~pendance politique n'a pas entraîné de véritable rupture avec le système
0-
nomique colonial, puisque la Côte d'Ivoire a choisi la voie du capitalisme
b~ral. La p~riode post-coloniale accentuera d'ailleurs de façon radicale le
systèmes d'inégalit~, sans abolir totalement les rapports sociaux coloniaux.
On se trouve présentement dans un univers où fonctionnent plus je urs logique
contradictoires. L'unit~ de la jeunesse est par cons~quent affectée par ces
contradictions:et, du coup, elle a difficilement conscience d'appartenir a u
nation. Et malgré les mouvements de jeunesse qui sillonnent tout le pays, l
Parti se trouve toujours dans l'incapacité de créer et de maintenir une con
ence minimale d'appartenance à un ensemble commun. A cause des différences
niques et tribales, la jeunesse ivoirienne est actuellement très divisée.
En considération de to,Utès· ces ·données, que .faire ? Il semble quel 'un r
ficationde la jeune~se ivoirienne doit être soutenue par un rôla accru du
ou-
i
vernement qui, après avoir mis en cause son système en vigueur, s'efforcera
d'asseoir' une nouvelle politique d'éducation et· de" conycüntisat.ion.

Revenons maintenant au problème de l'éducation des masses populaires,
c'est-à-dire des adultes. Nous nous intéresserons surtout aux adultes rurau~.
Leur formation commencera par une information judicieuse. Rappelons ici que iI(
l'information est le processus par lequel on met au courant le peuple des p ~lo-
blèmes de l'actualité (l'événement) quelle que soit la nature de cette actu ~
li té.
Informer les masses populaire~, c'est les façonner, les instruire, les
"éclairer, les motiver, les renseigner pour qu'elles participent pluseffica e-
ment à la construction de la n~tion. Les finalités de cette information doi
vent avant tout être sociales, c'est-à-dire nationales. Elles doivent aider
es
adultes à mieux réfléchir sur les besoins vitaux de la nation.
Mais quel est l'objectif principal de,cette information? Il est très
clair: Il s'agit d'arriver à ce que le milieu adulte ~;renne absolument con -
cience de ce qui se passe autour de lui. l ' information apparaît ainsi comme une
science, un projet. Une fois déeagée de sa gp.ngue idéologique, elle peut te dre
vers la sensibilisation des masses populaires qui, au terme de cette action,
pourraient être désormais capables d'exprimer leur sentiment national. C'es
probablement la seule démarche préliminaire qui soit la plus apte à permett e
l'intégration des ethnies. C'est aussi le champ d'investissement par excell
ce
si l'on veut que ces masses populair~s participent efficacement à l'oeuvre
e
construction nationale. Aussi, convient-il d'intégrer et de coordonner l'in. or-
mation et l'éducation non seulement au niveau de ces masses, mais au niveau de
l'école. Dans un
pays neuf qui aspire à l'unité nationale et qui veut bris
l'étau des oppositions tribales et ethniques, l'information doit prendre do c
une grande extension, à tous les niveaux, depuis l'alphabétisation et la sc
a-
risation des adultes et enfants jusqu'à la formation des cadres supérieurs.
population dans son ensemble doit savoir lire, écrire et compter, pouvoir p
ticiper énergiquement aux affaires publiques de la-Côte d'Ivoire.
L'inforrnation tout comme l'éducation doit devenir un instrument de rée
ciliation des groupements ethniques. Dans les conditions actuelles, en tant
qu'une arme sûre, elle doit aider à lutter contre le tribalisme et l'esprit
e
clan. C'est dire que l'on doit porter l'intérêt sur une information ordonné
des fins non idéologiques. L'information dont i l s'agit ici se présentera co
une sorte de préparation à la lutte contre les tendances séparatrices et bo
geoises.
L'expérience nous a appris que toutcequiva'~l'encontre d'une informati
, , .•....
."/'-1,;5;;%i~~~i~~1i~::t:.':.-:---

-521-
1
réaliste est d'emblée l~é à l'esprit de division. Pour y rémédier, il fa
in.
former les gens avec la plus grande objectivité possible. Ce qui manque
our
\\
;i
favoriser la conscience nationale, frein à la désunion, c'est une opinio ~pu-
blique bien informée, intelligente et active. Il existe un abtme effray
t en-
tre les élites et les masses. Cette grande différence d'éducation nuit sé ieu-
sement à la communication des idées et donne lieu à des conflits sociaux.
En définitive,
on peut remarquer que l'éducation des adultes peut co tri-
buer d'une façon très efficace à résoudre le problème de la conscience na liona
le
en rendant chaque individu familier avec les réalités du ·pa,.s ~t en.·p ~rmet
tant à la plupar~ des ·gens d 'être,plus conscients des intérêts supérieurs ~e la
nation en construction, en encourageant l'ouverture des groupements- ethni les.
La recherche de l'unité nationale . passe surtout par l'établissement
'un
vaste programme de formation à tous les niveaux et BUrtout en milieux rura
La mise au point d'un ensemble de formules d'éducation spécialisé en milie
analphabètes permet l'éveil de la conscience nationale. Les paysans, les v llac
geois pour ainsi dire devront savoir lire et comprendre les instructions d nnée
par les autorités politiques.
Nul doute que la participation effective
des ruraux "illettrés" à l' euVI
de construction nationale est un facteur crucial pour tout effort de dével
ment. Il faut persuader la population rurale que son destin et son évoluti
propre ne reposent plus Sùr
les clans et les tribus. L'engagement des co
E
pe-
u
tés rurales est un outil nécessaire permettant d'accro!tre le niveau de la bODJl~
cience nationale.
Pour accélerer la prise de conscience nationale, il faudrait encadrer
tématiquement nos paysans. Leur conscientisation doit être assurée par des
tructeurs officiels, des bénévoles. Ceux-ci seraient ·appel·és : "a8fmt.s -dec
ment". Car leur rôle est
de mettre en action un processus de changement de me~
talités :(passer du clan à l'esprit de la nation). La direction que prendra ce
changèment devrait être décidée au cours des dialogues avec les intéressés.
)
Les agents de changements doivent s'engager au service de cette popula ion
analphabète toujours plongée dans le respect inconditionnel des valeurs anc~s~
traIes. Ils doivent le faire avec foi en considérant leur tâche comme un moen
capable de faciliter l'intégration des ~traditionnalistes" à la Côte d'Ivoi e
moderne.E~Laucuh.eas:·, il·5 ne .doivent chercher~.à'imposer de· foree
lelU's idé ,S
\\1

-522-
1
aux paysans. Ils doivent plutôt oeuvrer dans le sens d'une auto-disciplinl pou
mieux jouer leur 'rôle d'encadreurs conscients.
arriv~ra
Mais c'est en s'intéressant à leurs propres problèmes que l'on
à
sensibliser les ruraux sur les ,exigences de la construction nationale. De nom~
breuses enquêtes ont montré que les villageois de Côte d'Ivoire souffrent d'~
sous-information et que la sensibilisation aux méthodes agricoles leur éc
pe
en général. On a remarqué que si leur curiosité était grande,
tion pour une formation de type techllique ou 'économique était très manife
Dans ces. conditions, la mise en place d'action de formation agricole cont
doit tendre à les encourager, à les sensibiliser sur leurs besoins,d··int~
tion et sur les moyens d'y répondre.
Pour terminer, disons que l'action gouvernementale en faveu:r;odes:rur
analphabètes ne peut modifier vraiment les attitudes ,de ces derniers dans
1
!
sens d'une prise de conscience nationale qu'à condition ~~être suivie par
e
éducation permanente. Mais ce n'est pas tout. Le gouvernement devra s'eff
de rémunérer.
à leur juste valeur les activités agricoles. Cela veut
les prix du café et du cacao doivent être substantiels pour que les
soient satisfaits et qu'ils aient le sentlinent de ·se trauver cians un
défend réellement leurs intérêts économiques. Telle est la voie pour
ruraux analphabètes se sentent plus concernés par la construction de
ivoirienne. Il ne s'agit donc pas de chercher à éveiller en eux le sentime t ~
tional ou le nationalisme comme a tendance à le faire le P.D.C.I. sans se
réo(
cuper de leurs attentes. Certes le nationalisme participe à la réduction d s Sr
pécificités locales ou ethniques, renforçant ainsi la conscience nationale (I)~
mais il faut l'entretenir par une justice sociale qui n'est autre que la s tis~
faction des individus sur le plan économique. voire matériel.
(I) ANSART Pierre : Idéologies -Conflits et Pouvoirs.
P.U~P. p. 58.

-52)-
- CON C LUS ION
G E N E R ALE _
" -Chaque li'~e achevé creuse le sentiment du gouffre dtignoranee _ "
( KHI -ZERBO )
1

, .
. .'
\\
. ,
1 •
~ .
ii,
!
/
"1
.1,
III

/
-524-
1
-Conelus1on';aénéra1e-
Nous voici au terme de notre ~tude. Las d~ve1oppements qui pr~c t
dent sont autant de matières à r~flexion qui nous invitent à regarder d'
oeil critique le chemin parcouru depuis l'accession de la Côte d'Ivoire à
souveraineté internationale. Les thèmes que nous avons évoqués tour à to
cours de notre travail n'ont pas manqué d'int~r~t. Mais tout
été dit. Certains aspects,;:ontété vol'ontairement passés sous silence parc
qu'ils n'ent~aient pas directement dans notre propos. D'autres ont dû êtr
traités plus rapidement que nous l'aurions souhaité, par souci
Dans un domaine aussi vaste et aussi complexe que l'éducation,
tion ou les transformations des structures sociales, nous étions obligé d
faire des choix qui correspondent aux problèmes dom~ts de la Côte d'Ive.
En effet, cette étude doit ~tre considérée comme un schéma de réflexion s
les problèmes particulièrement préoccupants de ce pays.
Au cours de nos différents exposés, nous avons voulu surtout porter n -
tre réflexion BUr les contradictions du système
éducatif
en essayant d'é a-
luer de la façon ia plus objective possible les conséquenees,majeures'de 1 oe-
cidenta1isation progressive. Et à travers un ensemble de critiques et de
g-
gestions, le lecteur a pu sans doute déviner nos positions personnelles. N bs
croyons lui avoir ddnné suffisamment de preuves dans nos propres analyses
~ur
qu'il se fasse sa propre opinion.
Cette analyse quelque peu critique de la Côte d'Ivoire ne pouvait êtr
en-
treprise avant que nous n'ayons en quelque sorte éclairé notre étude par 1
xa-
men des héritages sociaux. C'était là pour nous l'occasion de faire de rap' es
incursions dans le passé ivoirien, ne serait-ce que pour mieux comprendre
présent. Ce survol était également nécessaire pour mieux apprécier
les ap
rts
de l'Occident au cours de la colonisation. Ainsi, l'analyse de la situatio
ac-
tuelle du système éducatif, par référence au passé, devrait nous conduire t ut
nat~ll~ment à envisager les réformes de l'éducation pour l'avenir.
L'examen du passé récent aide ainsi à comprendre que le prix à payer p ur
asBUrer l'Indépendance et le développement du pays est certainement la désa·~ié­
nation
et le travail acharné pour quitter le joug de l'impérialisme. Les l I~i­
riens seront alors amenés à se poser des questions sur' ce qut.lly:..aura.±t;à,"f 1re
pour être plus libres. Et parmi les réponses à donner à leurs interrogation , "
il'y aurait 'lieu de poser en premier lieu le problème de l'organisation des s :roc·

525-
1
tures du pays dont le modèle actuelconstitue un'lourd héritage de l'époque colo
niale. Il s'agit de repenser profondément et sérieusement ses structures d
pro
il
duction et de oonsommation, son système éducatif pour améliorer les activ';tés
1.
:1
de pro duction agricole, industrielle et d'éducation.
i\\l':1\\'Il faut· que·les struotures éducationnelles de la!Côte d'Ivoire soien re-
vues en fonction du patrimoine culturel et compte tenu des objectifs déjà fixé:
car le système éducatif actuel calqué sur le modèle des écoles et univers rés
françaises n'arrivera jamais à égaler ces dernières dont l'histoire s'enr cine
dans un fond culturel différent
de celui des Ivoiriens.
Mais il convient de partir de l'économie, de son examen attentif si
on
veut arriver à révolutionner l' éducation. N'oublions pas que l ' éeonomieiv-oi 'enn'
reste encore largement le fait de l'initiative étrangère: 55% du capital
es
entreprises industrielles à la clôture de l'exercice 1978, contre 33% à l' tat
et seulement 12% aux privés ivoiriens; plus de deux tiers des activités f,r-
melles (modernes) et informelles, groupées sous le vocable "arii'sanat"
et moyennes entreprises au recensement de 1976, relèvent de l'initiative é ran-
gère (1).
En outre, l'impérialisme a imposé aux dépens du pays le développement d'ur.
mode de production qui s'appuie de toutes parts sur les forces productives soc1
ales. Partout en Côte d'Ivoire, on voit se manifester de plus en plus nett
ent
une tendance persistante à appliquer toutes les techniques occidentales. L
réa
lisation des principes de production capitalistes a augmenté au jourlejo
besoins et les aspirations des masses populaires.
De manière générale, les Ivoiriens se trouvent de plain.-pied dans l'
vers de l'esprit capitaliste. Ils risquent en conséquence de
tion d'exploités sans la comprendre. Il leur faut maintenant découvrir
ment la nature du combat qui peut mettre fin
times. Mais ils sont loin d'avoir cette prise de conscience, puisqu'ils
ch~nt plutôt à imiter servilement les valeurs occidentales. Et rarement
dénoncés à travers les media,les mécanismes d'exploitation capitaliste"
a
lutte systématique n'est proposée.
On ne parlera pas assez de cette catégorie d'Ivoiriens rompue dans
d'imiter les modèles venus de l'Europe ou des Etas-Unis d'Amérique.Elle reg 'ou-
(1) Didier Kouakou Koffi : La Création d'entreprises privées par les nation .ux
en Côte d'Ivoire depuis 1960, CEDA- Abidjan, 1983, page 160.
.

--526-
1
pe
·les "lettrés" de haut niveau. Dans leur soif effrénée de jouir des b en-
faits de la civilisation ; occidëntale, ils ont même oublié de s'occuper d B
'1
if
masses déshéritées,de leur faire comprendre ce qui devait être changé. III for
\\1
mulent des revendications qui ne reflètent nullement les besoins de ces
~
ses~ Se oo~tentant des mots qui se terminent en "isme", ils dissertent 1
- ,
relâche sur l'identité culturelle africaine, sur la négritude, sur l'auth
cité africaine, etc. L'enjeu de leur combat, c'est eux-mêmes. Ils se batt
d'abord pour leur propre maint~n, leur progression et l'acquisition
se économique. Conscients de leur prestige et de la représentation social
leur statut, ils se montrent généralement indifférents des
sociales. Par des menaces ou grèves incessantes rapidement reprimées par
forces de l'ordre, ils cherchent à'montrer au peuple qu'il est légitime p
eux d'occuper la position qui est la leur et de prétendre prendre la plac
re occupée par l'Etranger. Et tous ceux qui sont par la suite appelés à 0
parmi eux des postes parlementaires, vont rapidement oublier de lutter et
plaindre contre le Pouvoir qu'ils ont tant sévèrement critiqué au grand j
Et plus est, ils deviendront du coup les défenseurs implacables de ce Pou
Ils ont changé de physionomie'pourcombattre désormais les révendications
times de tous ceux qui se sentent dans l'oppression.
Pourtant,nos "lettrés" en question
étaient mieux placés que quiconq
pour mieux assimiler le caractère impérieux du système bourgeois ou capit
Au lieu de mettre l'accent sur l'exploitation des masses paysannes ou défa ori.
sées, au lieu d'ouvrir aux pauvres les possibilités d'acquérir une maîtris
progressive
sur le milieu rural, ils refusent de s'engager, bref, de se " ouij
1er". De ce fait, ils sont encore loin de jouer le rôle qu'on pouvait atte dre
d'eux, celui de l'éveil des consciences collectives par l'analyse des cont adit
tions et conflits sociaux. Bien au contraire ,on" assiste depuis· plus de 20 ans


1 "
à une prolifération
accrue
d'affairistes'soucieux de conserver leurs ac uis
antérieurs (fonctions précédentes), préoccupés par l'obtention de gains
é-
diats par tous les moyens.
Pendant ce temps, tout se désagrège au niveau du système éducatif. Fo
est de reconnaître qu'il pèche par ses contradictions et ses insuffisances
ne remarque pas le caractère démocratique dont les responsables ivoiriens
voulu le couvrir. On a beau repéter de façon incantatoire que l'éducation
la priorité des priorités, les faits sont là : Nous avons un appareil éduc
qui est un véritable rouage fortement dépendant de l'esprit oceidenta.l. Le
trôle bourgeois s'accroît de plus en plus sur toutes les structures de lié
Il

-527-
1
La fonction éducative de celle-ci est de plus en plus déléguée à des fo
dont le rôle attendu est d'agir efficacement en sorte que les éduqués as
lent plus les idéaux du Parti que les connaissances reconnues universell
L'école ivoirienne est une école vouée au culte de ce Parti. Et toutes
cisions qui concernent l'av3nir de l'éducation sont prises à partir de c
dans le souci de satisfaire à la fois les exigences de l'Occident et du
eat
Politique au sein de l'institution scolaire. On tente de reproduire toute
lef
situations pédagogiques déjà vécues en Occident en brandissant le drapeau de l
modernité ou de la technologie (enseignement télévisuel défunt). Les diff ren-
tes réformes de l'enseignement(quelles que soient les bonnes intentions d s au
torités politiques) étaient destinées à ne devenir qu'un nouvel instrumen
de
sélection (le cas de la programmation de l'échec avec les trois séries po
l'entrée en sixième et l'institution des filières).
1
i.11
L'idéologie qui est de règle depuis toujours se traduit dans l'ensei
11'1
ment par l'intérêt relatif accordé aux matières scientifiques. "L'heure es
la Science, diront sans relâche les autorités ivoiriennes. Dès lors, reco
sons que l'emploi du mot "science" n'est pas un accident. Il s'agit de 1
ce produit dans l'enseignement (comme on lance un produit dans le commerc
sous forme attrayante :(c'est "moderne", les disciplines scientifiques so
d'une nécessité urgente si l'on veut quitter le .:sous-développement, mais
samment ésotérique pour qu'une minorité d'enfants seulement puisse y accé
et que les autres enfants admettent plus facilement leur déqualification,
qu'ils n'ont pas le don des matières scientifiques ou "la bosse" des mathé
ques, par exemple. Du coup, on co~prend ainsi que la désaffection
a-
les "C" n'est pas un fait du hasard, mais la conséquence normale
du systè e
d'enseignement.
Dans ces conditions, on comprend maintenant pourquoi l'Université d'A
jan et les Grandes Ecoles ne sont pas au service du peuple. En effet, elle
fonctionnent dans l'intérêt du même Parti et reflète sans cesse ses buts.
en
est de même pour l'enseignement
secondaire dont les contenus, les méth6de
et
programmes sont agencés pour perpétuer les valeurs et les structures hérit
de la colonisation. Considérons par exemple le premier cycle : Il est comp
ment la réplique de ce qui existe en France, à part quelques aménagements
timides en histoire et en géographie. Les classes de 6e, 5e, 4e
tuent des divisions artificielles. Touslas . cours .. sont destinés
les futures élites de la nation.
Il est donc urgent de repenser sérieusement tout le système éducatif a:~

-528-
!
tuel, car il est bourgeois à plusieurs titres
-Il fait de l'école la seule voie de réussite sociale, masquant ain :l les
vis~es profondes du système global dans lequel il prend ses inspirations.
-Il prévilégie la promotion indidividuelle en exigeant l'obtention d,s di
plômes qui deviennent du coup les véritables baromètres de la réussite so iale
-Il est la cause première ou du moins un élément important de l'inég lité
des chances entre les enfants de la Nation. C'est surtout par l'école que se
transmet maintenant 1 'héri tage culturel de l'Occident, ce qui renforce le 'r ac
culturation.
-L'esprit du système éducatif actuel est trop lié - on ne le redira
amai
assez -. à la propriété
privée des moyens de production - ce qui est cara ~éri
tique des pays capitalistes. L'école devient par ce biais le premier sout en d
l'esprit bourgeois.
-Le système éducatif actuel est aussi source de la division des rôle
(ma
nuels et intellectuels). Il nous paraît donc évident que cette situation
i ~
lève de la persistance d'un esprit capitaliste sous-tendu par la dominati
àe
uns et l'infériorisation des autres, constitue un handicap sérieux pour 1
dév
loppement de l'éducation.
Comme on le voit, le système éducatif actuel s'est collé de trop
et
trop systématiquement à la réalité
occidentale. Et si l'on n'y prend
,il
risque d'être victime pour toujours de l'asservissement à l'idéologie
eoi
se.
Il faut à la Côte d'Ivoire un système éducatif authentique qui permet e à
ses populations de se reconnaître, de se conformer dans leurs propres ryt
et qu'ainsi, averties de leur situation, elles réclament les moyens de le

veloppement. L'objectif est de rendre les gens conscients de ce qu'ils
et
de leur faire découvrir le ~hemin et la promesse des efforts à déployer po
leur accomplissement.
En conséquence, il faudra réorienter le système éducatif
en vigueur,
:,elu:
ci cessant d'être sélectif et académique pour faire place à une pédagogie
~ti·
ve" s'articulant sur l'expérimentation, le dialogue, l'initiative. Cette n 'U-

0629-
1
velle orientation ne doit pas se limiter à multiplier les écoles, les bo
ou à facilite~ les recrutements parallèles dans les établissements secon
par exemple. Ces initiatives n'ont guère résolu le problème de l'éducatio'l en
cSte d'Ivoire. De surcro!t, il est à craindre que ces actions n'aboutisse U
à
amplifier les inégalités entre les élèves. L'objectif à atteindre
l'instauration de la démocratie sociale en matière d'éducation: c'est-à- ire
donner
une instruction plus poussée à plus de gens, sinon à tous. Et pure
faire, il faut chercher à rompre à partir de maintenant avec la conceptiolsta
tique de la formation (occuper une place, tenir son rôle grâce aux diPlôm~s Ot
tenus, aux connaissances rassemblées), pour faire une conception dynamiqu Il qui
prépare à la disponibilité et à la mobilité, qui développe la curiosité et ll'in
tiative bien plus qu'elle ne dépose les connaissances.
Aussi convient-il nécessairement de trouver des moyens d'enseignemen
va.
riés, adaptés à la diversité des talents, des situations, des carrières.
fa
drait donc chercher à rompre avec l'uniformité des programmes et de la pé
gie, avec le système malthusIen des diplômes et certificats,
système qui
'ad
met pas la valeur pédagogique ou éducative des activités extrascolaires 0
ex-
tra-universitaires.
Rappelons que les dernières grandes réformes du système éducatif ivo
ien
datent de 1977. En dépit de quelques orientations prometteuses, elles n'e
ent
cependant qu'un caractère marginal, se bornant pour l'essentiel à créer d
nou
velles filières qui renforcent encore les déséquili~resde l'école. Le nou
au
système que nous préconisons doit poursuivre un certains nombre d'objectiI
-En tout premier lieu, il est nécessaire d'harmoniser le contenu de 1 en-
seig~ment scolaire et cela, à tous les niveaux en vue de mieux satisfaire les
exigences du monde moderne sans renier le'passé.Nul doute que la préparat on
de la jeune génération à la vie et au travail dans les conditions du progr s
scientifique et technique moderne impose des exigences nouvelles au systèm
éducatif.
-En second lieu, l'enseignement doit doter les jeunes ivoiriens des c p-
naissances indispensables à la compréhension des aspects techniques des pr'~-
cipaux processus modernes de production.
1
-Le troisième objectif est de faciliter davantage l'action de l'école 90~
la formation d'une conscience plus juste du monde chez les élèves, afin de tes
préparer à démasquer les actions néfastes de l'impérialisme et de l'esprit de
~

-5)0-
bourgeois. C'est au cours de ce processus de formation générale que doit
l'ef.
fectuer l'assimilation des notions qui sont à la base
de l'équilibre de
:'hom
me et qui développent les indispensables qualités et attitudes morales, a~si
que les compétences et habitudes nécessaires du travail.
Eu égard à ces indications, nous préconiserons donc le principe de 1 écol
unique pour tous les enfants d'un groupe d'âge déterminé. Il est souhaita le
que l'instruction géJlérale soit dispensée à tous les jeunes et __que:' chacunp ~isse
poursuivre sans obsta~le ses études, du plus bas au plus haut degré àe l' lsei
gnement, mais toutefois en respectant les potentialités et les aptitudes
~ ch
cun.
En outre, il faudrait surtout supprimer tout privilège dans le domain
de
l'enseignement, qu'il soit général, technique ou scientifique, afin d'arr' er
à la création d'une école réellement populaire de formation globale et de
é-
veloppement harmonieux des générations montantes. Cette suggestion nous p
ait
intéressante , car elle peut servir vraiment les intérêts du peuple ivoir'tn e'
non ceux d'une classe ou d'un groupe social donné. Elle exclut en effet
t
dualisme, tout régime de faveur qui ferait une différence entre des ensei
e-
ments destinés aux enfants des classes défavorisées et aux enfants des mil eux
aisés.
Avant d'atteindre l'âge de la scolarité obligatoire, tous les enfants de
Côte d'Ivoire doivent être admis dans les établissements de"pré-ini tiation"
ce
qui permettra de combler les éventuelles lacunes dans leur développement et de
préparer le déroulement ultérieur de leur carrière scolaire. D'où l'intérê
de
créer sur toute l'étendue du territoire des écoles maternelles.
Personne ne pourrait ignorer que l'école maternelle est un instrument de
démocratisation par l'égalisation des chances données dès la première. enf
ce.
"La fonction de l'école maternelle ,précise Jeanne Bandet (I), est de prépa
pour chaque enfant un juste avenir, c'est-à-dire d'égaliser dès le départ
s
possibilités de développement tout en donnant à chacun les moyens de dével
pe~
au maximum ses possibilités ft.
En Côte d'Ivoire, tous les enfants n'ont pas encore eu la chance de f
quenter les établissements pré-scola.ires. Seule une catégorie d'enfants iss
des milieux favorisés y
a
accès. Pour cela, il faudrait que désormais l'
(I) Jeanne BANDET : "Le niveau pré-scolaire", in "Traité des Sciences Péda
giques, P.U.F., 1972, pp. 8)-84.

-5.31-
1
lité règne au niveau de l'éducation, car celle-ci doit reposer sur le dr It
réel de chaque enfant à s'instruire, à se cultiver, à défaut duquel tous
autres droits et libertés demeurent une déclaration purement formelle
ussi
creuse qu'elle para!t attrayante. La valeur des connaissances pré11mina
Ls
qu'offre l'école maternelle est indéniable pour le développement et l'ép JOUiE
sement ultérieur de chaque enfant. Il faut déjà qu'en so;sein-
tous
le
édu-
catrices évitent de considérer les jeunes comme un ensemble de "citoyens .bs-
traits" qu'on pousserait vers la massification dans l'individualisme le p us
sauvage pour les besoins futurs de la cause bourgeoise. Marx
ne disait-i~ pas
que "le libre développement de chacun est la condition du libre déve10ppe~ent
de tous" ? Repenser et généraliser la formation des tout-petits, c'est pe. ett
que tout le système éducatif de la Côte d'Ivoire soit quelque peu équi1ib lé.
Quant à l'école primaire, elle devra remplir désormais trois grandes fonc
tions : (orientation et éducation); (préparation aux connaissances); (éve l de
aptitudes des élèves). Dans ce cycle primaire, il ne s'agira plus d'un en eign
ment trop rigide. On y utilisera une grande variété de jeux éducatifs for
ing
nieux comme dans les maternelles et jardins d'enfants. On s'efforcera don
de
développer chez les enfants la curiosité, la capacité d'assimilation
et
'art
Q'apprendre, pour ainsi dire. On cherchera encore à développer chez les é
liers un ensemble de traits de caractère : comment se comporter en public
ans
la vie de chaque jour. Et pour clore tout ceci, on introduira dans les pr
mes généraux de formation les techniques de créativité pour mieux dévelop
leur imagination.
Dans les lycées et collèges, on ar~anise~a pour les jeunes qui ne po
pas terminer leurs études, des cycles d'adaptation au métier et des cycle
pro
fessionnels dans les écoles. Il faudrait ensuite consacrer à ce niveau
du
temps pour les sciences et les mathématiques et 45% aux humanités, car le
on-
de demain est aux discipline~ dites scientifiques.
D'une manière générale, les lycées et collèges d'enseignement généra
.technique doivent donner aux jeunes une formation équilibrée d'acquisition
connaissances indispensables pour s'insérer au mieux dans la société, à vi
e
ses réalités, à les analyser et à recenser les difficultés.
Pour les déscolarisés du primaire et du secondaire ne pouvant pas êtr 'j in
tégrés facilement dans les structures d'accueil, il faudrait prévoir systé lati
quement des foyers d'enseignement pratique, ce qui leur permettrait, à la
ior-
. i

-?32-
1
tie d'exercer des activités artisanales ou agriooles. La formation dans
foyers doit surtout viser à les insérer dans le milieu rural pour transi
mer celui-ci. On aura ainsi un .yst~me d'encadrement traditionnel, basé
UD
réflexion mode'me de la vie et sur l'adaptation des ~eunes au monde de l
sannerie. On ne fera pas seulement appel à des enseignants de métier, mai
on
songera aux expériences des adultes ruraux, des artisans locaux pour leur incu
quer de manière économique et efficace les savoirs qu'ils ont acquis dans le
travail concret, c'est-à-dire manuel.
Au terme de leur
formation, les jeunes doivent être regroupés au se
deI
coopératives agricoles, sur une base matérielle. Le résultat recherché ic'lest
de satisfaire leurs désirs les plus pressants en favorisant les possiblit
d'emploi en milieu agricole, en donnant un enseignement et une expérience
ri.
co1es. Par ce biais, on pourrait certainement augmenter sensiblement les c
n-
ces de stabilisation des jeunes dé scolarisés en milieu rural, dans la me
l'on favoriserait l'accession rapide de cette tranche d'âge à l'autonomie
co-
nomique, c'est-à-dire à la gestion de leur propre exploitation. On aura ré 0-
lu en partie l'épineux problème de l'exode rural. Car n'oublions pas que 1 ~une
des causes de ce phénomène est Bans doute la difficulté où se trouvent les 'eu·
nes de constituer une exploitation agricole personnelle ou collective. Le
mp~
est maintenant révolu où la famille étendue constituait l'unité économique ae
base et où la situation d'aide familiale permettait de satisfaire tous les
e-
soins. L'émancipation économique apparaît aujourd'hui comme une aspiration
éné
raIe chez les jeunes ivoiriens.
On ne dira jamais assez la nécessité de repenser profondément le systè e
éducatif actuel. Il s'agit de concevoir maintenant une école qui réponde da an-
ge aux besoins des masses populaires et qui soit réellement à leur service.
~ais tout cela est difficile à réaliser rapidement, tant le problème de l'é
cation est complexe. "Nous vivons, déclare R. Delchet, à la dimension plané
taire, le temps des réformes de l'enseignement et de l'éducation. L'idée de
changement et de transformations du système éducatif se retrouve à certaine
périodes cruciales de son histoire. Cependant cette idée n'a jamais atteint
e
degré d'urgence et de précision, dans les principes comme dans les faits"(I)
Bien que fort justes, ces remarques ne doivent en aucun cas nous empêch.r
de proposer sans relâche d~s suggestions pour permettre d'améliorer la polit~-
'1
que de l'éducation. de rechercher les voies et moyens qui permettent de mie
'
"rectifier les tirs" et d'adapter l'enseignement aux mutations du monde cont m-
(1) Richard DELCHET : in "Traité des Sciences Pédagogiques -)- Pédagogie
J
Com a-
'rée, P.U.P., p. 207.
~

-533-
porain.
Et quoi qu'il en soit, l'adaptation actuelle de l'éducation ou pour nieUJ
dire la nécessité urgente de cette adaptation ne devrait pas seulement! Se\\ISi~
tuer au niveau des jeunes. Elle doit aussi être au service des adultes v 'ant
surtout dans les zones rurales et qui sont généralement des analphabètes. Il
suffit de considérer toutes les réformes qui ont eu lieu depuis 1960 jus

maintenant pour se rendre bien compte que leur formation a été pratiqueme t nÉ
glïgée. En vérité le Gouvernement de Côte d'Ivoire n'a pas inclus l'éduca ion
des adultes "illettrés" dans la stratégie de développement et les efforts pré~
sents sont trop dispersés et trop peu suivis pour donner des résultatats
angi
bles. n'où l'intérêt de repenser leur formation si l'on veut qu'ils jouen
pIe
nement un rôle dans le processus du développement. Leur formation doit êt.e
étendue que possible et ne doit pas porter uniquement sur des questions t rhni
ques qui relèvent du domaine agricole, mais également sur les questions s ICio-
économiques. Les programmes doivent être assez souples, simples et pratiqes e
sans prétention et ils doivent se fonder sur l'observation des faits et 1
pra
tique des opérations de la vie quotidienne. 'L'objectifprincipal' de toute
ett,
formation est d'arriver a ce que la population analphabète prenne conscie le
de ce qui se passe autour d'elle, dans un monde moderne qui demande que l,In
s'adapte aux exigences de l'évolution de la science et de la technique.
L'Université d'Abidjan et les Grandes Ecoles auront un grand rôle à j uer
dans la consolidation de ce système éducatif. Il en est de;même pour tous les
q
,
formateurs depuis les Ecoles maternelles jusqu'aux enseignements supérie
Leur tâche ne saurait donc, à notre sens, consister à entretenir et répan
e
une culture sans aucun lien avec l'activité matérielle quotidienne des ho
es.
Moniteurs, instituteurs, professeurs, tous doivent désormais se désaliéner à
l'égard des cultures étrangères.Il leur est demandé de savoir intégrer les par·
ticularismes ivoiriens au patrimoine humain universel. C'est à ce prix qu' ls
pourront valablement être les guides éclairés des jeunes générations
tout en.
se débarrassant de n'importe quel complexe.
Par ailleurs, il convient de pou:rvoir plus .largement ··aux motivations
0 -
fessionnelles de tous les formateurs ivoiriens en vue de faciliter leur ad
tion au métier. Il s'agira donc de leur donner les bases dont ils auront b
pour mieux développer, tout au long de leur carrière, leurs qualités d'ens
gnants et d'éducateurs.
Seule une information adéquate de tout ce public et des autres couche
so-

-534-
ciales'peut améliorer tout le devenir de la Côte d'Ivoire. L'information alpa-
raIt ici comme un effort, voire un projet. Ses finalités doivent être soc .ales
Elle doivent nécessairement traduire toutes les normes et les besoins des Imili
eux défavorisés.
L'information tout comme l'éducation apparaîtra donc comme un inst
ent
social au service du prolétariat. Dans les conditions actuelles, en tant
i 'uni
arme efficace, elle aura pour mission de lutter contre les forces d'explo ;ta-
tion. Elle se présentera par conséquent comme une sorte de préparation à
l l~
te contre les inégalités sociales, contre la société capitaliste, bourgeo·Le.
Dans son ouvrage intitulé: "L'information et le développement natio
1",
Wilbur Schram (1) a cherché à définir clairement le rôle de l'information ,ans
les pays en développement : "Au moment où l'Afrique, déclarè-t-il, corumen
à
évoluer de la société traditionnelle vers la société moderne, l'informatio
es
un problème d'importance vitale ••• Elle contribue au développement nation
en
aidant à provoquer des transformations sociales, plus précisément à favori er
l'adoption de nouvelles coutumes et pratiques, et ,dans certains cas, l'intr duc,
tion de nouvelles relations sociales. Ces modofications de comportements r po-
sent nécessairement sur des transformations
,profondes des attitudes, des
onv
ctions, des techniques et des normes sociales".
"
Point n'est besoin de souligner ici les liens très étroits qui existe t
entre l'information et les transformations sociales. Toute campagne d'info
a-
tion doit viser de larges publics. Mais l'information dont nous prônons le
ve:
tus ne devrait pas simplement consister en un ensemble de propagandes creu es.
Il s'agit de prendre des mesures adéquates pour organiser partou~ où l'on I[s_
se"des discussions de groupes à l'intérieur des villages et même des campe
ntl
Tant que les intéressés n'ont pas discuté de leurs problèmes en groupe
et
ue
le groupe ne s'est pas prononcé en faveur des tranformations à envisager,
formation reste sans effet. La discussion est donc importante dans le proc
su!
de conscientisation et sensibilisation. Après tout, il s'agit surtout de v' er
la participation des masses populaires à l'élaboration des décisions: c'es
~
le meilleur moyen d'accélérer et de faciliter le passage à l'acte, prélude
es
(
1
transformations sociales. Et si au terme de son action
l'information perme;
aux masses populaires de mieux critiquer le système en dévoilant ses mUltipl\\es
contradictions, on aura
abouti alors à la fonction éducative de cette inf ,'r-
mation. Cela signifie que nos masses démunies sont devenues désormais capab es
de faire preuve d'esprit critique et de proposer des solutions réalistes pour
(1) Wilbur Schram : L'Information et le Développement national; Edo Nouvea
"
Horizons, E 115-1913- pp. 12-13.

/
-535-
mieux, résoudre leurs problèmes.
Ainsi s'achève notre travail. Nous n'avons nullement la prét-ention ci ,avo1
épuisé tous
les problèmes posés en Côte d'Ivoire par l'éducation, l'accu :tura
tion et les transformations sociales. Toutefois, nous pensons avoir déb1a ~é
quelque peu le chemin pour permettre à d'autres chercheurs de mieux les c i
rcon
crire.
Mais actuellement, le moins qu'on puisse affirmer, c'est que depuis
960,
la Côte d'Ivoire ne cesse de s'occidentaliser sur tous les plans. Elle n'
pas
cherché sa voie ailleurs que dans l 'imitation
presque servile du modèle ,cci·
dental. Avec le capitalisme libéral prôné exagérement par·ses propres dir'
geants, rien ne permet aujourd'hui de dire clairement si les Ivoiriens se
rou·
vent dans l'abondance. Bien au contraire, le pays subit au jour le jour le
a-
trocités de l'impérialisme et de la "bourgeoisie locale". Il y domine sans ces·
se les rapports de production privés. Toutes les idées sociales, économiqu s ei
culturelles sont appréciées "uniquement à leur valeur commerciale". Dans
~e
telle situation, on ne peut que trouver l'essence et les principes d'une p 1itj
Il
que d'exploitation des masses laborieuses.
1
1
Les difficultés qu'éprouvent les dirigeants de Côte d'Ivoire pour déf' ir
'II,1
les fins de l'éducation et proposer des réformes du système, démontrent un
1
i
fois de plus que la pensée socio-philosophique bourgeoise en matière d'édu a-
1
i
tion est vaine et subira toujours des échecs manifestes.
1
1
1
Le succès d'un nouveau système éducatif constituera un bond du "monde de
la nécessité" dans le "monde de la liberté", la création des conditions du
veloppement de la société ivoirienne, dans lesquelles l'éducation eesserad
au service exclusif des intérêts privés. Seul un système d'éducation basé
la défense des masses populaires sera la véritable voie de démocratisation
l'enseignement. Un tel système aura certainement le mérite de résoudre en
tie les contradictions sociales du pays.
Le tout est de parvenir à une société où règne à la fois l'esprit de j-sti·
ce et de rejet de l'exploitation. Dans ces conditions, on ne sera pas loin
e
l'a~énement d'une société plus viable, puisque seront alors bannies au ma
certaines formes d'oppressions et d'inégalités sociales. On sera ainsi pa
mu
Il
à résoudre en partie les contradictions "entre l'homme et la nature, entre
l'homme et l'homme ••• "(I). Tels étaient sans doute les souhaits profonds de
Marx.
(1) Karl Marx: Manuscrit de 1844, page 87.

-536-
-A N N E X E-
Voici le texte 'des différentes questions que noua avons posées au' co. s
de nos enquêtes sur 1...e :;,t~rraini .-
-1. S 9xe.
-2. Age.
-3. Relig;;'on.
-4. Degr~ d'instruction.
-5. Lieu d'enquête.
'1
-6. Quelle langue utilisez-vous avec vos parents et vos emis
-7. Que penssz-vous de l'!venir du françeis face eux l~ngues
de c~te d'Ivoire 7
,1
-8. Quel genre de vêtement pr~f~rez-vous porter sauvent?
\\
1
i
-9. Quelles sont les raisons qui vous ont pouss~s à choisir
i
j
l'un des deux types de vêtements 7
\\
1
-10- Mangez-vous dars le
1
vie tous les jours s
1
i
1
e)- à la mani~re El fricaine ?
,1
!
b)- à le manière europ~anne 7
1
c)- autent d'une meni~re Que de l'autre
i
?
1
-11 - Quelles sont 1 ElS ~missions de la radian que vous ~coutez_
le plus souvent 7
-12- Quelles sont les ~missions de le t~l~vision Que vous 8i-
m€riez
voir et entendre le plus souvent 7
-13- Quellos sont principeles distractions, les jours de fête,
les samedis après-midi et les dipenches ?
-14- Si vos revenus 6toient brusquement ougment~s, ouelle SOI-

-537-
,i
te de besoins satiferez-vous en premier lieu 7
,i
'J'1
-15- Quel genre de vie familiale pr~f~rez-vous ?
1
-16- Que demanderiez-vous si vous pouviez émettre tout de su _
1
te de~ voe~x les plus vitcu~ pour vous.? (numerez-Gn tr is
1
1
1
,!
seulement.
-17- Quelles sont les cerect~ristiquss de l'~ducation efri-
ceine treditionnelle que vous préferez ?
-18- Selon vous, quelles sont habitudes de le vie afiicaine
Qu'il faudrait complètement rejetées?
-19- Selon vous, quelles sont les habitudes européennes qu'i.
faudrait imiter?
-20- Quelles sont les habitudes européennes qu'il faudrait r -
jetées à tout prix ?
-21- Les changements affectsnt aujourd'hui l'existence de to los
les couches socieles ivoiriennes.
Pourriez-vous nous di a
exactement les faits les plus merquen~uents selon vous,
qui tr~duisent les trensformetions subies par le COte
1
:i
d'Ivoire depuis l'Indépendance jusqu'à nos jours?
. j
!

-538-
1
1
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i'\\
!j
1
!
- B
l
B
L
l
o
G
R
A
P -
H
l
E -
-------------------------------------------------------
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L' a c c roi s sem e nt ver t i gin eux ' de lad e ma ndes a c i ale d' é duc a t i' n
et J. e s c:'o û t s t r è s é lev é s de s dép,e nses con sac ré e s à liE duca t ion pa r l a
:Côtè"d'Ivoire pour élever le niveau i.ntellectuel .et assurer le bien-ê re'
de sa ~opulation, accélèrent sa dépendance vis~à-vis d~ l'extérieur e
empêchent l'expression de son pouvolr de décision.
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C'est cette réalité qu f a conduit lia ute u r de c e t ouvrage à
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tion - Tradition - Modernisme ~Refo -
me - Capitalisme - Impérialisme -
Inadaptation - Domination
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Dualisme - Contradiction.
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M. SEM l Tl .A n i - J u les est né' l e' 28 0~ c e mb rel 94 2 à OUM E (C ôte :1
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idIIvo,ire)~ Maître-Assistant à .l'Ecole Normale Supérieure d'-Abidjan, ':) (
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ii~ en~eigne à 11 Institut de Formation Sociale et à l'Institut de la J
jnesse et des Sports 'dépuis 1975.
Il est chargé actuellement de l'enca
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Idrement des Capesiens (Langues et M~sique) et de la formation Pédag~g
!que des Conseillers 'd'Education et des Cap-Cegiens.
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