UNIVERSITE DE PARIS I
PANTHEO~ SORBONNE;:
!
, '.!
U.E.R D'HISTOIRE
09:
ICONSEIL-;;;;CAIN--Er M.JGACHE'1
: POUR L'ENSEIGNEMENT SU!:6ERIEURJ
C. A. M. E. ~ -- Q1J~~~UGOUI
, ~\\rrivee .2 j. JUlll ~~.~~.:
I
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'-il
'
I
: c:nreglsrrr;; sous n° w.{J·0· •. "1' ~'
,
CENTRE DE RECHERCHES1AFRICAINES
,
i
CHEZ lES AUTEURS DE LANGUE lATINE
i
THESE DE DOCTORAT DU 3rCYClE
I
I
PAR
EUGENE
ABOKEiI
r
, ' ,
UIRECTEUR DE THESE
I
!
PARIS 1983.
~1AN °iVDSS),
!

i
P R E F ACE
Que soient ici remerci~es tout~s les personnes,
trop nombreuses pour §tre cit~es, qui rn'ont'aid~ de diverses
manieres El. r~aliser ce projet.
I
Nous tenons, cependant, El. rendre spedaleinent hommage
I
El. Monsieur Jean DEVISSE, Professeur d'Histotre El. Paris I Sorbonne,
qui nous a prodigu~ les conseils necessaire~ pour la realisation
de ce travail.
Nous tenons ensuite El. remerder particul ierement nos amis
- Odile BOUSSEL
Fran~oise et Jean LEDRU
Armelle et J081
COURREGES
- Gisele et Vernier HIERSO
Bonaventure ABAKA
- Germain KOUASSI
- MALAN
- Simeon OKROU
pour leur assistance inestimable.
Enfin, El. la famille ABOKE,
nous dedions cette these.

o
. L7 N T ROD U C T ION
G
E
N ERA
L
E

1
I N T ROD U C T ION
G E l'l ERA L E
=========================================
:~======================~===========
"
Les Nail's sont infcrieurs aux blanes
! D'ailleurs,
il est fcrit dans la Bible el1e-m@me qu'i1s sont rnaudits parD1EU
et qu'iIs doivent etre 1es serviteurs des Blanes
I
"
Crest ~ peu pr~s en ces termes
(1)
que, dans une inter-
view recuei1li~
par un journnliste dans une revue des ann~es
60 (2),
une dame blanche d'Afrique du Sud, de confession protes-
tante, brandissant a la main une Bible, justifiait la condition
faite aux Noirs sous le regime de 1'" Apartheid"
en Afrique du
Sud.
Notre premi~re reaction,apres le choc et l'~motion cau-
ses par la lecture deces propos, a Gt€
de consulter la Bible pour
savoir si les Noirs y ant ete effectivement l'objet d'une mal~dic­
tion divine, et si oui, de savoir pouiquoj. et dans quel1e circons-
tance cette ma16diction a ete prononcee a Ieur encontre. En tant
que s€minariste
li "l'epoque, nous n'avons pclS eu de mal .1 retTouver
en Ce_~~se 9, 25 (3), le passage biblique 00, d' apres les propos. de
la dame, DIED aurait maudit les Noirs.
Dien entel1du, le pa'ssage en
question ne comporte aucune mention de cette malediction divine li
l'encontre des Noirs ; aucune allusion n'y est faite concernant les
Nail's.
(1)
Quoique nous citions de memoire ces propos, nous n1en d6formoris
pas tel1ement la forme, encore moins l'esprit.
(2)
11 s'agissait d'une ievue chl'etienne, §dit§e en France, mais
cl 0 n t
j e :ne In era p p e 11 e p 1 u s
l~ n om .
(3) Voila ce qu'on lit dans
le texte biblique concernant ce passa-
ge : " NOE, le cultivateur, commen<;a de planter la vigne. Ayant bu
du vin,
i1 fut enivr6 et se d~nuda li l'interieul' de sa tente. CHAM,
pere de CANAAN, vit la nudit€
de son pe re et avertit s'es deux fr~­
res au-dehors. >fais SEM et JAPI-:ET prirent le manteau, le mirent tous
deux sur 1cu1's cp3ulcsct, IIlarchont ~ rcculons, couvrircnt la nudi-
t6 d~ leur pere ; leurs visages €taient
tourn~s en arriere et ils
ne virent pas la nudit6 de leur p~re. Lorsque NOE se r6veilla de son
ivresse,
i1 apprit ce que lui avait fait son fils le plus jeune. Et
i1 dit : "~:laudit soit CANAA~! ! Qu r il soit rlour ses freres le clel'-
n i e r
c1 e s
e s cIa v e s
!
"
I 1
cl i t a u s s i :
" Den :i. s 0 .i t
YAf-IV E.
1 e Die u d e
SEfvI, et que CANAAN soit son esclave ! " " Cue DIEU mette
JAPHET a1.1
large, qu' il habi te dans les tentes de SE>1'- et que CANAAN soi t son
esclave!
" - clans la Bible de Jerusalem, op.cit. p.
1"7.

· }
I<J
Quelques annces plus tarel, crest une pi~ce de th§Atre
11
L'Europe inc:u1pee 11 (1), jouee 11 l'occasion d'une fete de la
Jeun~sse Etudiante Chretienne (J.r.c.), qui allait nOllS evoquer
~ nouveau ce th~me des Noirs, rnaudits de DIEU. Comrne scenario, la
pi~ce en question campait allegoriquement, dans un tribunal, l'Hu-
rnanite, NOE, ses fils SEM, CHAM et JAPHET, .ain5i que les cinq con-
tinents, Asie, Afrique, Europe, Amerique et Oceanie : on faisait
le proces d'EUROPE CJAPHET), coupcible d'avoir vendu 1es fi1s d'i\\-
FRIQUE
(CHAM), faisa11t ainsi allusion a la traite negriere, con5i-
derce comme la consequence ele la malediction divine a l'encontrc
des Noil's.
Ainsi,
comma on peut le voir imm~diatement
lIes pro-
pos de la dame blanche d'une part, et la reaction de l'au~euT a-,
fricain de cette piece, d'autre part, nOllS plongent en plein dans
le mythc de CHAM, my the qui, a partir d'une extrapolation perni-
cieuse de Genese )1,
25, etablit une association entre la ma1edic-
. tion du personnage bibliclue de (HAM et les peuples N::>its. Ce qUl
est commode pour expliquer et justifier bien des choses, pa~ exern-
pIe, le teint ~OiT (couleur pejorative), l'es'c1avage, etc ...
Ltimportance et l'inter@t des prGjug0s et des comporte-
ments engendres par cette construction de l'esprit ne sont que
trap 0vidents. Aussi, lorsque la qu~te d'un directeur et d'un su-
jet de ~aitrise nous fit rencontrer Monsieur JEAN DEVISSE, no us
n'h§sit§mes pas ~ porter notre choix sur le second, parmi les deux
sujc:ts qui ncJUS etaient proposes, ;] s3voir une recherche sur AL-;
eUIN,
Le conseiller de CHARLH1ACNE, ou b:i.en une recherche sal' le
regard porte par les auteurs ca~co1:jngiens sur l'Afrique et 125 1\\-
fricains.
Le choix de ce sujet s cons§cutif ~ 1 'int6r@t port~ ~ ce
my the nous faisait ainsi cntrer dans le groupe des participants au
seminaire sur 11 les mythes rel:ltifs aux peuplcs et au peupleIl~cnt
cle
l'J\\frique"
seminaire dont Monsieur IJEVTSSr est le principal'
'mimatcur.
(1)
L'aut6ur est un Africain, c'est malheureusement tout cc que je
sais de hd.

11 faut noter que d~s le d~but des travaux de ce s~mi­
naire, un certain nombr~ de th~mes avaient §t~ retenus (1) dont
le my the chamite ou hamitique.
Si ce my the slest peu a peu impo-
s~ pour devenir prioritaire d~s la ~remi~re ann~e et par la sui~e,
c'est parce qulil ,est incontestablement llun des plus, riches et
l'un des plus importants en raison des cons§quences de taus ordres
qu'il a cues jusqu'a nos jours :
- important, il l'est pour les " tr~5 pl'oches cultures a base mo-
noth~iste ", dont les rappoTts avec llAfrique et son histoire ant
~t~ tr~5 longs et tr~s pro£onds ;
- important et pernici~ux, il l'est ~ cause des preJug~s qu'il a
engendr~s et qui sont tOUjOUTS d'actualit~ : les rapports entre
Blanes et Noirs~ entre Europ~ens et Africainsen sont 'tr~~souvent
empoisonn~s, les unsnourrissant un complexe de sup~riorit~, etles
autres un co~plexe d'inf~riorit6
- en£in, int6ressant, il llest, parce qu'il faudra des annees et
des ann€es
d'investigation patiente pour d~tecter son origine, ses
6volutions et ses modifications.
Done, le desir de contribuer aux recherches en vue de
faire la lUl1li~re sur cc theme 5 i, ,important, nOllS a condui t a es-
sayer d'interroger l'6poque carolingienne~ Cette pGriode, comme
nous le sa"vons a ~te une cpoque charnH~re dans la diffusion et ,la
.
,
transmission de l'heritage culturel antique classique et de l'h§-
r ita gee u 1 tu reI bib 1 i que 0 u j u de0 - ch r ~ tie n, d an 5 tau t l' 0 cc id en t.
AIoTS qUe toute la vie intellectuelle 6tait pratiquement morte
dans cet Dccident barbare du VII~ et du d~but du VIII~ si~cle, a
l'initiative de CHARLEMAGNE et de ses successeurs revant de rea-
liser sur terre la Cite de DIEU, une nouvelle naissance (la" Re-
llaissance ") va avoil' lieu, fruit cl'une collaboTation etroite en-
tre l'Eglise et l'Etat, entre le pouvoir s~iYituel et le pouvoir
temporel, entre le ~ouvoir laic et le cleTg~. Dans les " scripto-
ria ", les moines recopient aussi bien les oeuvres des auteurs
chr~tiens des si~cles ant6rieurs que celles des auteurs palens de
l'Antiquit~ gr§co-romaine. Gr5ce a eux, la science et la culture
passeront ~ la post6rit6.
Si lIon n'oublie pas que dans la trans-
mission du savoir profane, les carolingiens n'ont pas omis ou ne-
(1)11 Y avait entre autres,
les mythes relatifs auxPeuh. aux Galla,
le my the Strazi, etc ...

4
gljg6 de v€hiculer
taus les rnythe~ anciens que nous connaissons
au j 0 U I' cl ' hu i , an peut' a us s i s ' in t err 0 g e r des a v 0 i I' s' i 1 s n 'on t pas
adopt€:
la meme attitude pour ce qui est de la transmission du sa-
voir dans l'aspect qui caratterise le plus certe periode, autre-
ment dit, le savoir dans son aspect theologique ou religieux. ~em­
bres dtune societe et hommes d'une epoque dont l'une des princi-
pales caract§ristiques est le culte du Pass§~ de l'ABtorit~ et de
la Tradition, notamment en maU,ere religieLlse, on peut H~git.ime­
ment s'interroger de savoir quelle part ils ont pris, sinon dans
l' elaboration nleme d'u myth'e de CHA.tvf, du moills dans son evolution
et dans sa modification. Ce qui r~vient ~ rechercher la rel~ti6ri
qu'il a pu y avoir entre ces hommcs et le my the en question. Mais
ltohjet du my the de CHM1 6tant les Noirs, peuple d6 l'Afriquc, la
question revient done i1' rechercher la relation entre les ~=arolin­
glens et les Noil's, entre les Carol,ingiens et·l)Afrique. Autrement
dit, quell,es connaissances les carolingiens avaient-jls des Noil's
et des Africai~s en general ? QU~lle connaissance l~Europe de ~ct­
te ~poque avait-elle de l'Afrique ?
;
Nous sommes convies la a une etude des mentalites 1(1)
qui englobe un champ tr~s vaste ; i1 couvre aussi hien les homme~
(les Noirs) que leur pays
(1IAfr~que) ; et comme l'Afrique n'est
pas habit~e uniquement par les Noirs, cela permet de voir aussi
si le my the de CHAM defini plus haut comme s'appliquant aux NoiTS,
s'applique Bussi a la population blanched'Afrique du Nord par e~
, xemple.
Ainsi se pr~sen'~dans taus ses aspects,
l'~tude du re-
gUfJ cnrolingieb sur 1 'AfTiq~e et les Africains. dans le cadre dll
my the de CHAM.
Devant un sujet aUSSl vaste, ]e problem",' etait de trouver
la fili~re
qui permette
de.pr~ndre en compte
tous
les61~ments. E~ cela
la rneilleure maniere nOLlS a sem-
hIe de l'aborder par le biais du vocabulaire, de tout le vocabu-
laire relatif ~ l'Afrique et aux Afri2ains.
---'---:-----------
(I)
NOllS entendOlls ici par etude des mentali tes,
l' entrq)l~i~e sui
consiste a appr§cier la relation entre l'Afrique et les Atrlcalns
~els qu'ils sont et la repr6sentation que les Carolingiens s'en
·f Oi\\t •

D~s lors, s'impose un d§paDillement syst~matique de
tous les textes de la p€riode
du VIII~ au X~ si~cle, afin d'y
re lever taus les t erme s re la ti fs aI' Afr i que et aux Afri c a ins.
Parmi ces termes,
i1 convenait d'inc1ure nature11ement l'adjec-
tif " niger " (noir), le mat Nilus et bien entendu, les noms de
CHAN,
CHUSH,MISRAU1, FUT (ou FUTri)
et CANAAN.
Nous en arrivons maintenant aux difficult€s
de cette
recherche, difficult6s qui
montrent, d'ap~~s l'intitul€,
de cet-
te th~se, que nous avons dO, en cours de route, lacheI' du lest,
c'est a dire 1aisser de c6t§ pour l'instant tout'un aspect ciu
champ initial.
La premiere di fficu1 te es t
inheren te a 1a nature du teI'-
r,"
rain de la recherche: ici le Moyen ~ge. Le Moyen §ge est sans
conteste l'une des periodes les plus ardues a a£fronter clans le
domaine de la recherche historique. Parmi les difficultes, cit~n5
"la connaissance de la langue latine, qui est la lan~ue usit6e au,
Moyen age ; mais le 1atin m€di€val
est un 1atin particu1ier par
rapport au 1at~n c1assique. Une ~utre difficulte : i1 £aut-p~s­
s0der une solide culture en Antiquite classique, mais surtout dans
le domaine religieux,
car les h6mmes de lettres aU,Moyen age, no-
tClmmellt dans 'le Haut Moyen age ,c'e sont presque exclusivement des
religieux. Si dans .ces damaines, nous etions assez armes tout en
reconnaissant que la compr§hension des textes latins noOs a pos§
d t 6normes probl~mes surtout dans les d€buts,
en revanche, autre
etait la difficulte pour un Africain, avec son mode de raisonnemept
sa sensibilite, sa c~lture, de s'aventurer dans cet univers m6di~­
val que le milieu estudiantin dans l'ensemble deserte ( meme les
€tudiants
europ€ens),
en raison justement des difficultes majeures
qu'il comportc. Dej~ il est assez difficile pour un Africain de co~­
prendre la mentalit€
europeenne et vice-versa. Mais quanel il fa ut
en, pjus ~ssayer de comprendre le fonctionriement mental d~ l'Euro-
peen m~di6va] dans une soci€t~ bien differente de la s6ci~te euro-
p6ennc contemporaine, et plus encore de la soci6te africaine, c'est
une v§ritablB gageure.
La deuxi~me difficult6 consiste dans le rep0rage des ins~
t Hlmen t s de t ra vai 1 et de Jeuy maniclaen t. Comme pour beaucoup, nous
avaIlS bien fJotte au debut, aVE:C b~atlcoup cl' amertU:lle et de tenta-

6
tion
de d€couragement,
voire d'abandon. Nous avons, en effet,
comrnenc€
notre investigation avec les M.G.H., mais nous allions
un peu au hasard ~ cause de la difficult§ de leur maniement : les
\\
information~ donn€es
souvent en pr~face des textes par les savants,
auteurs de ,la publication ou de l'€dition
des manustrits, sont dans
un latin scientifique tel que nous n'y compreniD~s rien la plupart
du t'emps.
La decouverte'de l' Index du Nouveau duO Cange (1) en
revanche, allait nous faciliter,les choses. Grace a: cett,e publi-
,
,
cation, nous avons pu ~enti~e~ environ les 99 % des aute~rs du
VIII~, du IX~ et du X~si~cleL .Dans cette rnass~ ~'auteur~ qui cou~
vrent les trois si~cles, comment savoir qui a parl€
de l'Afrique;
.
.
et des Africains, ou du moins les a seulement €voqu~s, et qui par
contre n'en a dit-mot ? Autrement clit, chez',quelauteur et dans le~
qu~l ou lesquels de son ouvrageou 'de ses ouvrages allions~nous
trouver employ€
tel ou tel mot du vocabulaire relatif ~ l'Afrique
et aux Africains ? Personne ne pouvait r€pondre
~ cette question,
car ~utant qu'on sache, ~ cette periode, au Moyen age, il n'exis-
,.
tait pas de traites syst~matiques sur l'Afrique ou sur les Afri-
!
cains
(tout autres etaient les preoccupations), d'ou on ne pou-
.vait d'av~nce savoir, parmi tous ces auteurs, qui etait d'int~r@t
pour nous et qui he l'~tait pas. Ainsi, i1 n'~ avait pas d'autre
alternative que le ~epouillem~nt,syst€matiquede toui les ouvrages .
de tous les auteuTS. £ette incertitude sur les auteurs et le sou~i
de n'oublier personne nous ont conduit ~ feuilleter page par p~ge,
la16upe ~ la main, pratiquement tous les textes de la periode, ~
l'exception des cartulaires et quelques autre~ qui de toute eviden-
ce ne pouvaient pas cOntenir des termes de vocabulaire africain~
Bien vite, devant le volume des textes du IX~ et du X~ si~cle~ nous
avons dO abandonner les auteurs du VIII~ si~cle, pour p~ivil€gier
ceux des deux autres si~cles.. Dans lamasse d'ouvrages compuls~s,
le
tiers seulemeni etait productif~ Quant ~ la moisson des ter~
mes, elle etai t si variee et si abondante ,,' qu' en raison du temps'
cons acre ~ cela et en raison de l'epuise~ent,nous avons dO nous
. arr@ter, negligeant vers la fin que1ques auteurs
(peut-@tre une di-
ziine ou tout au plus ~ne vingtaine) chez qui nous ignbrons quel
aurait €t€
le volume de ia moisson des termes. Quoiqu'il en soit,
ce petit nornbre ne met rien en cause, pour la raison que les au-
teurs disent pratiquement taus les m6mes choses.
(1) Cf. Bib1iographie.

7
Ainsi all total, nOllS avons retenus 78 auteurs sur les
deux periodes.
C'est devant la masse €norme
de documents recueillis et
class§s sous forme de fiches et par termes, que nous avons dO,
dans un premier temps, limiter notre sujet de maitrise ~ l'~tude
du seul terme g€ographique
" AFRICA "
Devant la masse des documents tDujours et devant certai-
nes ~otes mal prises la premi~re fois et qu'il a fallu compl§ter
en consultant de nouveau les textes, maissurtout en raison d'en-
nuis personnels de toutes sortes et dont nous ne pouvons' parler
ici, nous avons do~c dO laisser de c6t~ toute la partie anthropo-
10gique, c'est a dire le traitement des termes composant~Je champ
semantique " AFRICAIN " et autre annexe comme niger, ainsi que le
traitement de CHAM, CHUSCn, ~-1ISRAIM,
FUT et CANAAN,
pour ne rete-
nir dans ce travail, que les quatrc termes g€ographiques,
~ sav6ir
AFRICA, LIBYA, AETHIOPIA et AEGYPTUS, qui composent 1e'champs€man-
tique " AFRIQUE "
"
Qu~lles sont Ies'raisons de trait er iei ces quatre ter-
mes <'
Avant d'aborder toute population, il faut la situer dans
un contexte g§ographique, c'est ~ dire, dans son univers, dans son
cadre de vie. Le cadre de vie des Noirs ou de l'Africain d'une ma-
ni~re gen6rale, c'est bien entendu l'Afrique.
Dans l'Antiquit~ greco-romaine, i1 y avait deux termes.
pour designer le continent africain, du mains son correspondant
dahs la representation qu'en donnaient les Anciens : ces mats e-
talent" LIBYE 11 et " AFRIQUE ". Or dans. notre vocabulaire 1Il0derne,
seul le second terme est rest~ dans la d~signation du continent,
tandis que le premier, " LIBYE " ne designe plus le continent, mais
5 ' applique
seuIement a un pays bien preCIs, le pays du Colonel KHA··
DAFI. " ETHIOPIE " egalement d§signe aUjourd'hui un pays bien pr€-
eis. Et i1 en est de meme d' " EGYPTE ". Telle est la realite afri--
caine d'aujourd'hui. Autrement dlt, c'est ce que ces quatre termes
evoquent pOUT huus autres modernes.

8
Et ch e z 1e s aut e u r s d11 I Xe e t c.1 u Xe s i eel es, qu rev 0 que n C
ces termes ? Evoquent-ils les memes realites9l1t~vrpous
ou bien
dcsignent-ils autre
chose
?
En tant que detenteurs de l'heri-
tage antique et classique, les auteurs carolingiens ont-il et6 £i-
deles aux connotations de ces termes dans la transmission qu'ils
en firent aux figes posterieurs ? Les ant-ils modi£i6e5?
D§gager ~ travers ces quatre t~rmes que sont AFRICA, LI-
BYA, AETHIOPIA et AEGYPTUS, la notion que les Europeens du IXe et
du Xe sieclesavlllient dn continent africain ou encore la represen:
tatiDn qu'ils s'en faisaient, voilA qui nous semble la premiere de-
marche ~ entreprendre ici, dans notre projet de detection du my the
de CHN-i et de sa destruction unefois l' origine connue.
Le plan de cc travail est tres simple.
Les quatre premieres parties sont consacrees A l'etude
d~s quatre vocables pris isolement : AEGYPTUS~est, traite eti pre-
miere position a cause de sa plus grande £requence'dans le dorpus
vient ensui te 'AFRICA, puis LIBYA et ,AETHIOPIA.
La cinquieme partie est une synthese A travers laquelle I
se degage la representation d'ensemble du continent africain chez
les auteurs etudies.
Enfin, nous tentons de d~gager une conclusion qui, somme
toute. n'est que partielle etant donne tuut le dossier en suspen~.
+
+ +

PREf'1IERE
o
LET E R~I E
. "~
A E GYP T US

10
P L A N
D U
C H A PIT R E
AEG1¥PTUS.
i
I.
INTRODUCTION
i•••••••••••••••••••••
10
Tableau des auteurs
:
.
17-18
,
11. AEGYPTUS AU SENS MYIHIQUE
'
.
19
I.AEgyptus, le heros eponyme de l'Egypte
1• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
20
Il. Aegyptus, le roi des Latins
.
31
Ill. AEGYPTUS AU SENS GEOGRAPHIQUE ......... '" . '"

.
36
I
V· ·
/
1 .
i
.
lSlon geograp 11que
:
, ..
37
AI Definition de l'Egypte
!
. .
37
I
1- La situation
a. cl l' echelle continentale
.
37
b. cl l' echelle regionale
.
47
I. lilnites generales
;
;
.
47
2. limites particulieres
I
.
57
c. a l'echelle geo-astronomique
,
:
.
62
!
1. carte des climats
i
l
.
62
2. gnomonique
'
.
69
2- Les denominations
a. Aeria et Aegyptus
84
b. Cham et Mic,;raym
............ ·1· ..••.•..•.•••.••.•••.
87
B. Descr ipt ion
"
.
92
1- Presentation du pays
a. aperc,;u general
',' ................•....
92
b. la Haute-Egypte
. . . . . . . . . . . . . . . '
'i' . . . . . . . . . . . . . . . . , . . . .
100
~
c. la Basse -Egypte
"
.
102
I. aspect classique
.
102
2. aspect contemporain
.
106
I I - Hyd rographie
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .
.
116
A. le Nil
.
.
117
I. le nom Nilus
'
'
.
118
2. le probleme de l'origine du Nil ~
1 • • • •
124
I
:
A. la description du cours
~
.
124
B. l'hypothese de la source orientale
.
127
C. l'hypothese de la source occidentale
.
133
D. 1 'hypothese de la source meridionale
.
158
3. le probleme de la crue du Nil .. J ••••••••••••••••••••••
162
a. les caracteres de la crue
.
162
I. les dates de la crue et de la decrue
.
162
2. la qualite de la crue du 'Nil et ses
/
I
consequences
.
166
!

11
b. les causes de la crue du Nil
'.' .....•..
.170
1.
yen t s du nord
; ..
170
2.
fonte des neiges
.
181
3.
ac t ion du so 1 e i 1
.
187
4.
pluies
;
.
191
a.
theorie des
zones
.
194
b.
cycle des pluies
..
195
4.
l'identification du Nil au Geon
.
201
5.
1 a que s t ion du canal
.
212
B.
La Fleuve ou le Torrent d'Egypte
.
216
Ill.
La faune d'Egypte
..
219
11. Vision historique
.
241
A.
L'Egypte selon liimage biblique
.
241
1- Terre de refuge
.
241
2- Terre d' oppression
.
242
3 - Pays de seduc t ion
.
242
4- Le chatiment divin et la conversion finale
.
243
B.
L'Egypte selon l'image classique
..
243
1- L'Egypte sous la domination perse
.
243
2 - L' Egypte sous le sLag ide s
.
243
3- L'Egypte sous la domination romaine
..
243 bis
C.
L' Egypte musulmane
.
243 ter
IV. AEGYPTUS AU SENS SPIRITUEL ET MORAL
.
244
I.
Interpretations nega t i ve s
.
244
1/ Symbole des U~nebres
.
245
2/ Symbole du Monde
.
250
3/ Symbole de 1 'oppression, de l'affliction,
du tourment ou de la tribulation
.
254
4/ Symbole du calvaire
..
255
5/ Symbole de l'idolatrie
.
255
6/ Symbole de 1 r enfer
.
256
I I.
In t erp reta t ion po sit i ve
.
258
Commentaire
258

. I.
12
:INTRODUCt ION;
A I L'EMPLOI D'AEGYPTUS
1. MENTIONS ET CONTEXTES
--------------------~
Le d6pouillement du corpus des auteursde langue
latine au IXe et Xe si~clesa livr~ comm~ fr~quence totale,
1 166 (mille cent soixante six) mentions du terme AEGYPTUS.
L'emploi d'AEGYPTUS s'op~re dans une s~rie de
."~'
conteites relevant presque de tous les &e~res Ij.tt~raires
pratiqu~s dans le Haut-Moyen-Ige. On en ~ompte principalement
une Jouzaine ici. Ce sont :
- le contexte exegetique,
le contrexte geographique,
I
\\
- le/contexte historiographique,
- .le contexte poetique,
- le contexte polemicQ~dogmatique,
- le contexte apologetique,
- le contexte du comput liturgique,
- le contexte liturgique,
- le contexte ecclesiastico-discipl.inaire,
le contexte epistolaire,
- le contexte homil~tique,
- le contexte medical et enfin
- le contexte scientifique
Dans ce halo de cOhtextes,les diverses sortes
d'informations recueillies sur AEGYPTUS concentrent, toutes,
leuY eclairage sur une triple valeur semantique du teyme.

13
AEGYPTUS pr~sente en effet
11 ~quivaut ~ un anthroponyme, c'est-~-dir~ qu'il
est le nom-m@me de deux personnagcs l~gendaires : le roi
Egyptus, heros eponyrne de l'Egypte d'une part, et le roi
EgyptllS ou Athis, souverain latin, d'autre part.
AEGYPTUS, naturellernent, d~signe un espace geographique
determine; c'est une contree~ une region ciu monde ; c'est
le pays parcouru par le fleuve Nil. Autrement dit, c'est un
toponyme.
c / Une acception spiritu~ll~
Par '~nalogie avec le sens geographique ,AEGYPTUS
rev~t une troisi~me valeur, celle-l~ purement m6taphorique
ou all~gorique. Au contenu g60giaphique du terme se substitue
ici un contenu symbolique ou moral dont nous aurons l'occasion
de pr~ciser la signification par la suite.
B / LES AUTEURS
1.
L'EFFECTIF
COl1une eff ec t if, au 'total 55 (cinquante c inq) aut eurs
emploient AEGYPTUS. Cependant, au niveau des utilisateurs,
l'emploi se fait de fa~on inegale, c'est-a-dire que l'inven-
taire des mentions fait apparaitre des ecarts import~nts,
voire ~nOTmes chez les uns et les autres. Ainsi :
- plus de la moitie de la frequence totale d'AEGYPTUS
s'inscrit chez un seul auteur, RABAN MAUR qui emploie 710 fois
le terme, soit 60,89 % ;

14
- un autre auteur FRECULF qui vient en seconde
position enregistre pour sa part 103 mentions, soit
8,83 % du tctal.
- deux autres auteurs ANGELOME et REMY D'AUXERRE
comptent, quant a eux, 53 mentions en moyenne chacun, soit
l'~quivalent de 4,54 %.du total.
- les autres fr6quences se r6partissent comme suit
- 21
lIlentions
en moyenne, soit 1,80 9 chez
0
trois auteurs ;
- 16 mentions en moyenne, so it 1,37 , chez
trois autres
- 11 menti6ns en moyenne, soit 0,97 % chez
trois autres encore ;
6 mentions en mayenne, soit 0,52'% chez
six auteuys
,
3 mentions en moyennc, soit 0,24
chez
seize auteuTS ;
- enfin, 1 seule mention, soit 0,08 % chez
dix neuf auteurs.

15
Elle est assez delicate en raison de certaines dif-
ficultes telles, par exemple, l~uti].isation, dans certains
cas, de donnees plus DU moins approximatives en mati~re de
dates ou de fourchettes de dates.
Ici, pour simplifier l'operation, nous repartirons
les autcurs en plusieuTs generations en les group~nt par p6-
riodes d'activite: chaque periode correspondant en moyenne ~
un intervalle de temps d'un quart de si~cle.
SUT les SS auteurs qui utilisent le mot AEGYPTUS:
-
42 sont du IX~ si~cle, et
- les 13 restants, du X~ si~cle.
1 - Ati IX~si~~le.
Sur les 42 auteuTS que compte le IX~ si~cle, il
y a:
-
14 auteurs dont l'activite s'inscrit ~ peu pr~s
dans le premier quart du si~cle. Parmi eux, signalons toute-
fois 6, dont l'activite couvre pratiquement toute la premiere
moitie ciu si~cle. Cc sont: ECINHARD, RABAN MAUR, AGOBARD,
AMALAIRE, FLORUS et ANGELOME;
11 auteurs dont l'activit~ se situe environ dans
la periode du deuxi~me quart du si~cle;
- 8 auteurs dont l'activit~ se deroule a peu pres
dans la periode du troisi~me quart du si~cle;
- 9 auteurs dont l'activit€
a lieu dans le dcrnier
quart du siecle.

16
~
2 - Au X~ si~c].e.
Sur les 13 auteuTS que compte le X~ si~cle:
2 sont act ifs dans la pEriode du premier quart
du si~cle;
-
3 florissent dans la p§riode du deuxi~me quart
d~ si~cle;
'.",,' .
- 2 dans la p§riode du troisi~me quart,
..~
- et 6 clans celle du dernier quart.
.~.

_ _ _ _ ~
~..
....,
_
........ ....,
~.J,. .L.J"-'~.1-l
AUTEURS QUI UTILISENT AEGYPTUS
1/4
(800':'825)
2/4
(825-850)
3/4
(850-875).
4/4
(875-900)
- - - - -
1 AGOBARD
15 ANASTASE
26 .AENEAS
34 ALFRED LE GR!\\ND
2AMALAIRE
16 ANONYME SERMO
27 ANONYME DE SITU
35 ANONYME ANTIDO-
IN PASCtil\\
ORBIS
TARIUM
3 ANGELOME
17 ANONYME SYNODE
28 BERNARD
36 ANONYME CARMEN
i
4 ANONYME CARMEN DE
DE JACOB ET
RATIONETEMPORUM
DE THIONVILLE
29 CHRISTIANUS
JOSEPH
18 AUDRADUS MODICUS
5 .1I.NONYME CHRONIQUE
30 ERMENRIC
UNIVERSELLE
37 ANONYME CARMEN
19 BERNARD (EPISTOLE
. D' ELU'iANGEN
DESi;\\NCTA
VARIORUTvl)
6 ANONYME CONCILE
31 HERIC D'AUXERRE
BENEDICTA
.
D' AIX . LA CHAPELLE
20 BONIFACE
I
Al~IANE
I 32 . ..JEAN SCOT
38 ANONYME CARMEN
1 7
BENOI! D
DE SANCTO
I
21 DHUODA
,
ERlGENE
CASSIANO
1 8 CLAUDE DE TURIN
22 ERMOLD LE NOI~
33 REMY D'AUXERRE
39 ANONYME CARMEN
9 DICUIL
23 FRECULF
VATICANI
10 DUNGAL SCOT
. 24 THEGAN
40 ANONYME CARMINA
11
EGINHARD
25 WALAHFRID ST~I\\BON
SANGALLENS lA .
12 FLORUS
41
ERCHEMPERT
13 NENNIUS
42 HUCBALD
1 4 RABAN MA.UR
I
"'""--:--
p..h.
--..J

PERIODE DU X~ SIECLE
AUTEURS QUI UTILISENT AEGYPTUS
[
1 /4
( 9 0 0 - 9 2 5)
_I_2/4 ( 9 25 - 9 50)
I
3/4
(9 5 0 .;. 9 7 5 )
4/4
(975-1000)
I
_.,_
I
,
I ANON~~E
I
3 ANONYME
I 6 GONZON
8 ABBON DE FLEURY
AN~ALES DE
I
ALTERCATIO
ST. GALL
.cONTRA
SYNAGOGAM
9 AlMOIN DE FLEURY
7
LIUTPRAND
'"'E CREMONE
10 ANONYME ANNALES
2 ANONYME
ELNONENSES
DE REEDS IN
4 ANONYME POEME
I
ORIENTE
SUR LE MONAS-
I
MIRABILIBUS
TERE DE JUMIEGE
1"-
1: CARUS SCOT
I
12 ETHELVERD
5 ATTON DE
VERCEIL
13 GERBERT
L
, ~-------l-..---!_ _-------'-
~
00

19
.11.
A E GYP T U S
A U
S E H S
~1 Y T H I
QUE
Des trois sens du terme Aegyptus,
l'acception
mythique est la moins famili~re.
T eIn 0 ins, d' u n e p il r· t f i e 11 0 mb red e 5 0 C cur r e n c e 5
Oll
Ae9YEtLi~ revet la valeur mythique, et d'autre part, le
nombre des auteurs chez qui ces occurrences .sont enregis-
En effet,
sur l'~nsemble des 1 166 (mille6~nt
soixante six) mentions duo terme,
seules .7 (sept)
occur-
re n c e s d' Ae 9'YiE tu s p re s en': f'
I
!.' ace e 11' ~ , 'I my t hj q IJ C,
C e
qui
represente en pourcenta.
0
6 % de
J. ;:f1Iploi
du terille.
1
Quant aux auteurs chez qui ccs cas ~ont n~t~s,
ils sont au nombr.e de 3 (trois)
seulemen t,
sur I 'effect! f
des 55 (cinquante cinq) personnes enregistrees. En pour-
centdgc,
cela represente 5,45 %. Cc sont :' nABI\\I~ HAIJR,
FHECULF et l ' Anonyme du De S.itt~rbi·s.
I\\insi employ~ au sens mythique, Aegyptusest un
nom d'homme.
C'est le nom de deux personnages de la Mytho-
logie grecque et latine :
- 1 'un,
EGYPTUS ,
le heros eponyme de l'Egypte
'"
1 'autre,
[CYPTUS ,
un ro.i des Lat.ins.

20
I
.
'[CYPTUS,
lE HEROS
EPONYHE'
DE l' EGYPTE
Dans deux passages de son ouvrage encyclo~~dique,
le De Uni verso
(1 )',
I\\ABA~I HAUR rapporte : Ill' Egypte 'se nom-
malt jadls·A~riaq~ l'appellaiion d'Egypte Iui vie~t du nom
dlun 1'01,
Egyptus,
frere
de
Danaus,
qui
regna
dans ce pays."
(2).
Et encore:
tILes Egypt.iens sont ainsi nommes d'apres un
roi
appele Egyptus
i
car aI/ant Ju!,
i.l.s
etaient nommes Aerel 1t •
(3) •
A son
tour,
FRECUlF ecrlt dans
un pas'sage de sa
Chronigu! (If)
:
"1'Egypte detient son nom du
roi
Egyptus
;
a u par a v <1 n t,
e 11 e
s' ap p e J a i t
"A er i a ". (5).
Da n S
son '. 0 u v I' age i n t i tu 1 e De Si ·tu Orbrs (6), ]f ay -
\\
t e u r
i n con n u rep et e la mem e ('; h 0 S e que 5 e s d e va n c le r 5
: 1 1
I
ex pI i Cl u e en e f f e.t . q u Eo
11 ;,
,le n 11
v 1. (~I
:i u m0 t
'I E gyp t e ",
et
que
"Egypte ll ,
est tire du nom d IIIEgyptus 11 ,
le frere
dc'Da-
.-:....
naus.
(7).
(1)
RABIHl US HAUHLJ S,
De Un i. ve r sos J ve De Re rum n Cl t u r a ,
ec1:i. t. ion
I'Hgne,
Patrologie Iatine, "t.
I l l ,
coT-:-9..:l)14-.------
~
4
' .
,
,
'
(2)
"Aegyptus,
quae prius Aeria
dicebatur,
ab Aegypto Dana.i
fr:ltre
postea
ibi
regnante nomen
accepit."
RABANUS MAURUS,
De UniversD,
~d. Migne, Patrologie latine,
t.
I l l ,
col.
3l~1.
(3)
IIAegyptii ab Aegypto quodam rege
vocati
sunt
:. nam ante
Aerei dlcehantur. 1I
I1ABANUS HAUnUS, pe Un'iver'so,
ed~ Nigne P. L. to 111, col. 1~39.
(4,)
FRECULPHUS, Chroni'c'on, ed. M.i.gne, Patrologle latine,
t • .l06.
(5)
"Enj'm vera a praedicta Aegypto
rege nomen
accepit Aegyptus,
quae prius Aeria dicebatur ll •
FllECULPHUS,
Chronicon,
ed.
tvfJgne Patr.
lat.
t. 106, co1.
954.
(6)
Anonymus,
De Situ ol'bis libri
dUO,
eel. M. fv1aniLius,
S t ut t 9 a r[ ,
1. 8 8 l~
(7)
"Aegyptius ab Aegypto
;
Aegyptu5 autem <"b Aegypto Danai
fratre."
An 0 n yIn us,
De Sit U 0 r b is,
ed.
M.
1'.; ani till S,
1.
I,
l~ , p. 5 •
...
'

21
Ainsi,
chez les trois auteurs, Aegyptus d~5igne
ce rot ~ponyme, qui avait pOUf fr~re, Danaus, et qui aurait
regn6 en Egypte, et donn~ ainsl son nom ~ ce pays.
L'explication avancee la,
a propos de la denomi-
nation de l'Egypte,
rel~ve du my the ~tymologique.
Comme il convient de le signaler,
RAOAN MAUR,
FRECULF ainsi que llauteur anonyme ne sont poin~ ~ l'origine
d e c e s a f f i. r ma t i 0 n s.
E1 1e s r em 0 n t e fl t
a J ER0HE e t EUSE BE cl e
Cesaree,
et bien aU-dela,
chez 1-::5 auteurs anciens. RABAN
MAUR
et
l'auteur inconnu rfp~tent indirectement,
""il"
chacun,
les propos contenus chez Jer3me et EU5~be, p~r
1 ' i 11 t e r m~ cl i a.i. red ' I s i cl 0 re cl e SeviI .1 e (1) , tan d i s que F RECU.L F
emprunte de fa90n directe a J~rame e~ a Eus~be (2). Ce re-
cours direct a la source hi~~onymienne explique' sans doute
po u r Cl u 0 i,
des t r 0 i s aut e u r s,
FRECUL( est 1 e 5 eu 1, q tU,
0 u - ,
t r e I ' ex pI i cat. ion d e l ' 0 rig.i" e cl u no m del' Egyp t e,
f a it' a 1 J
j
lusion ~ un detail de 1:'
.l;ire du
. os
~ponyme : le m~ur-
tre des clnquante fl1s o'Egyptus rapport~d'ailleursavec
" ...;' ..
uhe ceitaine confusion.
(3)
Faisant echo a FRECULF, un quatrierne auteur, Al-
feed Le Grand,
rapporte egalement cettehistoire de meu.rtre
dvec une particularite cependant : chezlur, non seulemellt
.:
le personnage d'Egyptus est total~m~~t pass~ sous 5~lence,
mai~ encore, fa c0nfusion des faits est totale. Dansun pas-
s Cl 9 ed e sa Traduction
(4 )
de 1.' His t 0 i l' e cl e PAUL 0 R0 SE,
(5 )

(1)
Isidore,
Ctym'" ·XIV,
I l l ,
27
;
IX,'
11,
60-61.
- - - " -
(2)
Hieronym.
in Chr'onicon,
ad.
ann. Abr.
53l~.
( 3 ). "H 1. s
r 0 a n a 0, Cor ae e, Er jet h 0 n i 0 • • .., re 9n a n U. bUs, i n t e r
Danai
atque Aegip ti fratrum fl110s quinellli.lginta parrlcidia
una noctecommissa sunt, solo Lynceu evadente,
qui post cum
i'e~Jn a v.i. t ••• ".
F 11 ECUL PHUS,
Ch r 0 " ie 0 n,
f:. d. H.i 9 ne, P. L..
t. 1 0 6 c 0 1.
9:> 4 •
-
Hie r 0 11 Ymu $, ~hron' • 'a. Ab r • 550 •
(Li·)
King ALFRED'S Anglo-,saxon version of OROSIUS.!
ed. J.
Bosworl;h,
London,
185~----'
(5). PAULUS OROSIUS,
Histori.'l
adversu
p'aganos, ed. C.
Zan-
gemeister, 'Leipzig,
J:889.

22
ALFRED rapporte,
en effet,
qulen
Egypte,
en
une seule nuit,
cinquante hommes furent
tous assassin~s par leurs prop1'es
fl1s
;
et
tous ces hommes ~taient, dit-il,
les enfants de
d e u x f l' ere s.
lo r s q lJ ~ eel cl 5 e pro dui sit,
p 0 u r sui tAL F RED,
] e,s
de u x f l' ere s
en que s t ion
~ t a i en ten cor e· en. vie ; 1 I a,i ne des
de u x,
a ve c qui .c e ,m a 1 he u reo III men «a,
!.i' a p p cIa i t
0 ANA US. ,E n fIn,
le 1'01 anglo-saxon situe 1 '~venement en 11<'1n 605' avant la
fondation
de Rome
(1).
ALFRED commet 1 'erreur 'de prendre dans un sens trol)
'1 i t t era l I e
1 a tin
d I 0 R0 SEd a n s
I:: l'
pas sag e
:
" I n t e r
Dun Cl .i
a t que
Aegypti
fratrum
filios
quinquaginta parricidia una nocte com-
missa
sunt"
(2).
lci,
le mot
"parricidium" ·(parricide)
e'st
prls
trop
litteral~ment comme le meur~re d'un
.p~re seulement,
aIol's 'qu'il peut tout .aussi
bien
s'entendr~ comme le meurtre
d'un parent ou d!un
proch~, et dans le cas pr~senf, le meur~
t1'c d'~roux par' leu~s epo~ses. Referenc~ est. ici faite, di-
si 0 n s - n 0 us,
a u x' c i n q II ant e
f.i 11 e s de DANAUS,
qui
ass ass i. n eT Jn t
leurs cou~ini et epoux~ 1r
~inquan!
i.ls d'Egyptus.
La legende grecque ej"Aegyp Lus
(Aegyptos en
grec)
et de son
frere
DANAUS
(Danaos)
a ete 6voquee par bon
nombre
d 'auteurs,
aussi
bien
grecs que lati.ns"
dont PAUSANIAS,
ge-
ogrJphe grec du
lIe s.
av.J.-Co
(3),
HYGIN,
grammairien
la-
tin,
qu'on
situe entre
64 av.
et 17 ape
J.-C.
(it).,
OVIDE,
po-
,
etc la tin
qui
vi vai t
de
43 a v·.
a 1 7. a p. J.. C. <'5}, St - J ER6t'l E,
~crlvain latin eccl~siastique du I Ve S. a p. J. - C•. ( 6), e.t PAUL
(1)
Six hundred andfive years·before
the
building of Rome,
fif-
ty men,
in _Egypt., were all
slain in
one night,. by their OWII
sons;
arid all
these men were the offspring of two
brothers.
When
this was done,
the brothers were s t i l l living.
The elder,
w.ith.whom
the evil
beg'an)
was called DanaLis ••• "
King ALFRED'S,
Angl'o·:...sax·0nve-rs-ion
of·OHO-5-IU·S·,'
ed. J. B.o 5 W0 t t h , L0 n don, 1 88 9, le i,' c h a p. 8, 1, p. 6 9 •
(2)
OHOSIUS,
Hls1.
I,
11.
(3)
PAUSANIAS,
Gra,c'c.i,a'e'descripM.o,' VII,
21,
6
(ed.
Fr.
Spiro,
3 vol.
Lc.ipzig,-1903).
.
(4·)' HYCHWS,
Fabu.lae 168-170
(ed.
J.
H Rose Leyde,
~. J.(934).
(5)
OVIDE,
Pontique,s,
3,1,121.
(6)
HIERONYHUS,
Chroni'con 'a.
Abr.
53lj·,
550.

23
OHOSE,
autre ecrivain ecclesiastlque du lVe 5. ap.
J.-C.,
d'o-
rigine espagnole
(I): Cependant crest au c61~bre mythographe
.grec, le grammairien APOLLODOnE (lIe s. a\\'.
J.-C.)
(2), qu'il
faut principalement se repo~ter. C'est en effet ~ lui que la
plupart se r~f~rent.
D'apr~s la tra,dition legendaire recueillie par APOL-
L 0 DO RE (3),
Egyp tu s e t a i, t i e f r ~ r e j umeau d e 0 a n a us,
e t to U S
deux
fils de Belus (4) et d'Anchinoe (5).
Par son pere,
Egyp-
tus descendait dil-ectement dePoscldon '(Neptune chez les Ro-
ma1 n s ) ,
tan d i s q i.J e p J r s it mere it
de seen d a i t
de Ni.l u 5
( l e
dieu-fleuve Nil).
Belus qui r~gnait sur tout le vaste domaine afri-
cain,
avait ~tabli Oanaus en Libye, et Egyptus en Arabie.
Mais EgyptU5 conquit pOUf son compte personnel le pay~ des
~1~lamp()des (le::; "Pieds-Noirs") (6), et 11 appela ce nouveau
(l)
PAUL OROSE,
Histod
ddversu's p_'.~..:.~~', I , l l ,
1 (eel.
Zan-
gemeister,
Leipz1g-;-188~';".
".;
,(2)
L io.uvrage tres precie~x, la Bil?.liotheguet. qu 'on attribue
a APOL.LODOHE, passe pour etre la tentative la plus importante
cl e l l ep 0 que, po IJ r' re cue i 11 i r I a to till i. t ~ des t r a d i t ion s 1 e9 en -
daires du monde hellenique : il est consl.4er~ comme un recu~il
et un
" sy3 teme" des mythes
(ed. G. Frazer,
2, viiI.
(coIl. Lee!::),
Londres - New-York, 1921).
(3)
Apol1odore,
op. cit.,II, 1, lj.
(!'d
B(~los est J.'un des deux jumeaux que la nymphe Libye eut de
~os~rdon, 1 'autre ~tant Ag~nor~ Tandis ·que Agenorse rendait
en Syrie,
B~los resta en Egypte, ou 11 fut rol; et epousa An-
chi.noe, la fille du dieu Nil,
dont i1 eut deux jumeaux- : E~JYP­
t05 et Danaos auxqu~ls on ajoute parfois C~ph~e et Phinie (CF.
,Crirnal,
Diction. myth.,p.
65 au mot
"8elos").
(5) Anchlno~ 6tait l.a fille du dieu Nil, que B~lus ~pousa. Nl-
Ius
(Nilos),
dans les
t~aditions hel1~niques est le dieu du
Nil,
le f1~uve egyptien.
Comme toui les fleuves,
il est fils
~'O~ean. Mais bieni3t, une legende plus pr~cise prit naissance,
et, t G n d i t a
rat t a c her. I e fl e u ve a u eye led I J 0 • Epap hu S, 1 e f i 1 s
d'Io, auralt ~pouse Memphis, la fille de Nilus et e'es~ de
leur uhion que serait nee Libya
(Libye), la mere d'Agenor et
de
Bel us.
( cf. GRHi ALP i err e, Di c tJ 0 n. cl e l.~ t h 0 log i e 9 r e c 91I e
et ~ornalne, r U F, 1963, p.
316,
au mot "Nilos ll ).
(6)
Qui
sont-ils ces "Melampodes" ? Nous supposons qu'i1 est
fait
allus.Lon iei,
aux
habJtants de Jd
va:l.lee du Nil,
qui
sont
senses avo:i.r les pic:r!s noirs du faIt
du' 11nlon du aux crues du
NIl, qui rend ainsi n~ire la terre d'Egypte.

2 1.
.
.~
r ay a u me E.9.Y...2..!E.,' d i a p res son pro p re nom.
Egyptus avait eu cinquante fi1s de diff~rcntes femmes
de differentes femmes,
Danus,
de
son cote,
avait eu cinquante
fil1es.
A la suite 6'une dispute entre les deux f~eres pour le
pouvoir,
Danaus s'e~fuit a Argas (en Grece) avec ses cinquante
fil1es.
Les"fils d'Egyptus all~icnt trouver leur onele et Iui
demand~rent ses filles en mariage.
Da~us y consentit, mais,
suspectant une dup~rie, 11 les fit taus tucr par leurs fianc~es,
la n~lt des noces. C'est ainsi que perirent tous les fi1s d'E-
gyp t LI S,
ai' e x c e p t i on d' u n seu 1, Ly nee e, qu j flit e par 9n e par
Hypernmestre,
sa fiancee a lui Cl).
_oi-
Devorede chagrin a la suite de la.mort de ses enf<u)ts,
et redautant ~ son tour son fr~re, Egypius seretira ~ Aroe o~
11 mou:cul:
(2).
"L ' his to i T e des my the s ne se p res e n t e pas co mme/\\ un e
evolution continue,
ch;:'T'" ;.iythe a' -
": une origJne,
un stade
ep 1 que, u n s t a de t r Cl 9
i e
et,
even t :..: 11 e men t,
un s ta d e phi 1 0 -
sophique ou sophistique.
[lle~rev~le au ~ontraire u~e r~dction
continuelle d 'une forme s'ur l'autre."
(3).
Voila une remarque
to uta f a i t
e x act e.
En e f f et,
i 1 a r r i ve que des my the s . p r.i In i -
t i v e men t
et ran 9e r s a 1I n pay s, a un 't err 0 i r, par vi en nen ton nr:;
sait trap comme~t (peut-~tre p~r la migration OLl la colonis~­
t ion)
a s I:L mp.1 ant er dan s t e 11 e 0 u t e 11 ere 9Ion, et, a y rev' e-
Lir unc coulcur locale par suite d'unc osmose culturelle avec
1 e s t r'a d it ion 5 rJ u pay s.
Te 1 est 1 e cas de c e r t a ins, my the s pr i -
miUvement hell(~niques, qui se sont peu a peu t~tendus <1 tout
le bas.sin m~ditcrranee~ et parfois,
jusqu'aux limites du mon~
de ancien.
La " p l as ticlte," de ces mythes li.~ur Cl perrnis de
s'implanter dans divers lieux.
Nous en voyons justement deux
(1), On
rapporte que plus tard;
Lyncee venqea ses freres en
tuant Danus ainsi que ses fil1es
Cles Danaldes).
Aux enfers,
les meurtrieres re~l1rent uh chatiment qui cons.istait a C5sayer
de
remplir ~ternellement d'eauun vase perc6.
( cf. CHHt ALP i err e • 0 p.
c 1 t.
p.
J 1 5 " a u
n (l m 0 a n aid e s ) •
(?)
Cf. CRIMAL
(P.),
DicU.onnaire de la ~1yth. Ope cit. p. 135.
(3)
CIUHAL
(Pierre),
LaJ::!..LthoJoqie _illecque,
Se cd. P LJ F, Pa ..
ris,
Q.
S.
J.
? 1'10 532.p. 113.

illustrations lei, d'une part dans le my the d'Egyptus,
h6ros
~ponyme de l'Egypte, et d'autre part,
dans le second my the
-eelui d'Eyyptus,
roi des Latins- dont nous nous occuperons
par la suite.
L'histoire d'Egyptus,
heros eponyme de l'Egyp,te,
s'j,nscrit dans le cycle h~lleniq~e des amours d'Io et'de Zeus,
cycle auquel avait ~t~ peu ~peu integr~ le my the d'Isis, la
deesseegyptienne.
10 ~tait fille d'Inachos
(dieu~~ fleuve etp~emier
1'01
d'i\\rgos) e't de Mel:ia (1); pretresse de la deesse Hera,
l'epouse de Zeus,
elle s'attira la haine de cette dernr~re
pour avojr provoque 1 'amour de Zeus.'Bannie du pays ~jamais
par son p~re Inachos, sur l'avis des oracles, la malheureuse
10 fut transformee en une belle genisse blanche
(~). Af1n
d'empecher que Zeus,
son epoux,
ne la "connut""
Hera confla
loa 1 a gal' d e vi 9 i 1 ant e d', Ar go s,
be r ge r
9"e (\\ n t,
dot e d e, c e n'it
yeuxet dont/geux seule::"c,
se ferm
It en merne temps. Ou-
tee cemonstre,
I-Iera ll.
envoya un
t.l0n
pour la
tourmenter
sans cesse de so r t e, q u ' e 11 e ne';'put s' a r re t ern u 11 e p art.
Her -
mes,
char~~ par Zells, r~ussit .~ ~11miner le g~Jnt Argos. Mais
le taon ~tait tuujours 1~ pour tourmenter la, qui, apr~s avoir
err~ ~ trav~rs toute la terre, parvint finalement en Egypte,·
o~ l'ayant rejointe. Zeus lui rendit sa forme primitive. Tou-
chant de la main l.e corps de 10,
Zeus engendra ~n ills, Epa-
phos ("le toucher de leus").
Epaphos regna sur 1 'Egypte et
llAfrique et fut a 1 'origine de nombreuses dynasties, au nom-
ure desquelles
figUl'E: la famille royale dIA:rgos.
Te 11 e c st .1 a ve r s i 0" d' Es ch y .1 e, myth 0 9 rap he e t p0 -
et e
t l' a 91 que
9 r e c
(5'25 - 4· 56 Cl v.
J.
C.), r a con tee d ans 1 a pie c e
(1)
Elle passait aussi pour la fl11e de 1a505, fils de Triopas.
(2)
La met a m0 r p hose d e l 0
t3 t a j t
due a Her a, qui a v 0 u 1 u 1 a P lJ -
nir. Mais on dit aussiqu'elle etdlt due ~ Zeus, qui a voulu
soustraire 10 a la vengeance de sa femme.
!
~ •

n/' ;
."... ;..~..
La l~gende que rapporte le po~te latin OVIOE (43
av.
J.
C.
-
17 ape
J.
C)
est scnsJblement differente.
Selofl
iui,
10 se promenalt pr~s du fleuve lorsque Zeus l~ayant a-
percue,
lui donna rendez-vous dans les bois,
o~ 11 s'unit
~ eIle, apT~s avoir tromp~ la vigilance 'd~ ~~ra e~ couvrant
l'enclroit d 'une nuee.
Pour dissiper les soup90ns de l-Iera,
Zeus transforma 10 en g~nisse. La d~esse qui ne se l~issa
point duper,
demanda et obtint en cadeau de son mar! la ge-
nisse qu'elle confia a la garde d'Argos. Apd~s llelJminatlon
du monstre par Hermes,
Hera envoya Jlors a 10 une Erinye,
qui,
sous la forme d'un tClon,
la tourmenta a travel'S totl"te
la Terre. Parvenue finalement en Egypte,
o~ elle recouvra sa
forme humaine~ 10 y fut ador~e sous le nom de la d~esse ~gyp-
tie n n e I ~_ is. El J. e dG n 11 a n d- J'. 5.. '"~ a n c e ~ [=- p a 1-
,-,...~, 1-I (o.J s ,
q,I •.;
-l.L ,
idenU'fie
au dieu-taureau Apis:
reQut lul aussi un culte~ivin (2).
LeS: unions de '~e'-(', avec le"
""ortelles sont des le.gen--
des '1 ui , chez lcs Grecs. __ vaient gent:' ..demcnt pOUT obj et d I eta-
hlir lille g~nealogie. Ces l€gendes
pr6sentaiertt i
l'oTigine, une
valeuT puremen t
Ioca le. Chacune 'des gra.nde s t ribus he llene s,
C('nmle on le sait,
s 'est targuee d' avoiT Zeus COfilll1C souche ori-
ginelle .(3).
Iei, clans ~e my the d I Egyptus et de Danaus:, fils de
Belus, nous assistollS au fonctionnement du rn@me m6canisme g6-
nealogique: des amours dlToet de Zeus est n6 Epaphus, qui de-
vient roi dlEgypte; d'Epaphus et de Memphis (fiIle du dieu-
-------~._-_."---
--_o._-------
( 1)
Cf.
1'1 i c h a cl.
CHANT e t
Jolt n
HA Z EL,
L e Wh 0 I S
wIt 0
cl e 1 a ~~ >:_~:.!.!.2...:.
Jog ~£, .ecl. Se 9 her s 1 Par is, 197 'j, p. 2 4 i'- 8, Cl 11 - m0 t
i; I () If".
(;~) Cf. le5 memes auteurs, ib:id.
(3)
Les exemples ahonderit:
En Argolide, Tantnle,
l'anc§tre des
Astrides passait pour £ils de Zeus et de la n~nphe Callisto;
les LacedeJlloniens se reclamaient de Zeus et de la lI)'mphe Tay-
gcHe etc.

Zeu~"i "i IQ
Ni-los
I
r
Epaphos
MeI!!phis
1 -
-.-,,......l·~_----l
."
Ly~~ianassa~. PoseidoTl.
Tnebe
Ll.bye ~ Pose::..don

.
J
I
1
~
1
Bus iris
Agenor ~ Telephassa
BelOST Anchinoe
(ou Argiope)
Ares '.... Aphrodi te
I
I

:
.~
----,
1
i
I
I
I
'
~
!
Iia rrnon ie ,JoV Cadmos
Phoenix
cilix
Thassos
et Asteriof3
Danaos
Cephee
Egyptos
.
, Europe·I ...
I
z;us
I
I
r--
. 1
1
I
Minor
Sarp~don
Rhadamante
Cinquante
Cinouante i
\\
filles
fils
I
f •
- -------r·
I
-_...
.~
I
I
Autonoe M
Aristee
lno -
Athamas
Agave ~ Echion
Sfr,.81e 'V Zeus
. Polydoros _
Nycteis
Illyrics
I
I
. I
I
I
I
i
r------L--,
I
I
I
r-
1
r
Act~on
L6archos
Melicerte
Penthee
Diooysos
Labdac03
Haemon
I
,
(Palemon)
i
!
1
I
Lai05 -
Epicaste (Jocaste)
I
.
I
I
l
OEdipe
I
._---------
------J
Reproduction du Tableau g€n€alogique
des familIes Yoyales d'Egypte et de Libye
d'aprcs la Bibliothe:.S..ue dj!1POLLODORE (dans PIERRE" GRIMAL, Dic~ionnaire de la
• 1"
!2l
]'v'i
• '. '.
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l .• n)
~
1"1
. - er
o -1 -0.
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r 0 a·
ffi.l n ""
_,
..
Ope Cl_. p .
~. .,
'I
/
~ • J
'1''';'
........1

£leuve Nilus) naissent Lysianassa, Th€b€
et Libye; de Libys.
et de Pos~idon naissent deux jurneaux, Ag~nor et B€lus;
en-
fin ll§lus engendre Egyptus et Danaus (1).
11 re~sort de cette 16gende qu'Argos et 1'Argo-
lide sont lj m~re-patriedes rois d'Egypte, puisque la dy~
nastic egyptienne est issue d'Io, qui €tait
une argiennc.
Autrement dit, la maison d'Egypte vient de Gr~ce par
I'anc~tre 10. Mais iIressort aussi que la dynastie argienne
- du mains 5. partir de Dariaus ou de Lyncee - est ~ son tour
el' origine egyp t ienne. Bre f,
e·l 10 et en son fi 1 5 Epaphus,
de nombrcuses dynastiestrouvent~1eur origine. Et parmi elle:.;,
figurent les familIes 1'oya1es argienne et 6gyptienne; qui
sent en quelque serte soeurs.
Ainsi. par le fonctionnement de ce mecanisme ge-
~~alogique. nous voyons la captation ou la r~cup6ration po-
litique de l'Egypte par les Grecs
(2). D'ailleurs,
le rbnc-
tionnemenf genealog.i.·:;i1
.,' a pa~i
le seul procede de cap-
tation ou de, recup8i< ,.ion de l'E:g.:l:)te par les Grecs. Au
mecanism~ g6n§alogique s'est' ajolite tout un jeu d'assimila-
tioD avec les divinit6s indig~nes egyptiennes, jeu qui a
fini par int§grer au cycle d'Io, des elements de la mytho-
logic egyptienne vharaoniqlle', telsque les mythes cl I 1si5
et du baeuf-Apis, ~ l'origine, 6trangers au my the gree. Mais
l'interference de la mythologie he1.1enique dans'la mytholo-
gie egyptienne, OU mieux, les assimilations, voire les re-
cUp81'at.ions gl'ecques des mythes egyptien5 depassent ces
rl lo'
,-~. L'X
.l
C' 'J
.... co
,.~.
Lp <:
.,,:>
G"oe
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L~.I..a
co,
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l
1 f'
_,
ex']
1-'- .I' cat 1"..('n
U
I" 'r
'1) -
thique des dieux-animaux qui etaient adores en Egypte. Cette
e~plication se situe da~s un episod~ des ~Tands mythes th§o-
goniqucs. plus precisement. dans un episode de la giguntc:'"
machie, c'est-a-dire le combat des Olympie:i.1s contre les
(1) cf. tableau gGn~alogique.
(2)
On peut supposer que sous les Lagides par exemple~ les
Grecs aj.ent eu besoin de justifier en quelque sorte leuY
OCCUp<:i.tj on,
vo i re le"llr"US urpa t i OIl rl du t rone des PharClons.

29
G§ants: dans la 1utte ultime en vue de la supr~matie, pen-
dant que Zeus affrontuit Typhon ou Typh6e, manstre horrible,
qui avait attaqu§ le ciel, leur demeure, tous les dieux (~
I' excep t ion d I Athena ~;eule qui demeura) s t cnfui rent j usqu ' en
Haute-Egyp~e, se cacher dans les sables du d~se~t, oD, pour
micux se proteger, ils pri rent des formes anima.les: Apo1l'on
devint un milan, Herm~s un ibis, Ar~s un poisson, Dionysos
un bOllc, Hephafstos tUl boeuf, et ainsi de. suite (1). Tou-
jcurs ~ propos des assimilations, des auteuis tardifs, tels
EUSE13E et JEROME, IHenant la re:leve des mythographes anciens,
vont jusqu'~ voir dans les de~x fils de Belus, deux des pha-
raons egyptiens de la XVIITe dynastie dite <liospolitaine:
Egyptus serait, d'apr~s eux, la m@me pcrsonne que le souve-
rainappele Ramses.; Danaus et un autre souverain appele A1'-
mais ne ser2it, en realite~ qu'un,e seule et lHerne pc-rsonne(2).
Hotons qutEUSEBE de CESAREE, repris par JEROME, a
utiljse lq les materiaux Ju livre second de MANETHON, shns
.icen grec
',:TUS JULIUS dit l:AFIU,-
~.'r;-.·
(3)
1..'-I..:.1J
.'

+-
+
-j.
Pour finir, disons qu'AEGYPTUS, COlilme ,figuTe et
h ,-:0. ',' ,",
.1 ...._
.-
...... ~.
•_'
n
... ' .")
t 0'1', yr/'
' • ;:,
.1.-
,
nlest qu'une pure creation des mythographes
grE: CS.
I1 cs t
une personnificaticn du pays auquel 11 a em-
pnmte et non pas donn~ son nom.
En re3.1ite, le terme AEGYPTUS est un enipnmt latin
("1)
(-rr
11 T r;-l) f'1'::
i~RIJ~,f L\\J'
L'1' 'j'ly""'h 0 1 ()'n',"",
g-'",·r(·,"
~
co l '
'-' ~
T
.
_ . : .•.·L ~ ', .•~
,c,..
'U'\\.",
.. ~
l ' L
.
:~.:...~~_!~:~::::.'
.!..
'.<., '.' • oJ •
flo
582,
I).Uor::.,
I>;lTis)
fIe 33.
(2) JEROME, Chron.
(EUSEBE 1.
I, tables chronologiques
J'EUSEBE)
p.-r.-t-: 27, col. 99.
(~'\\) SOllS un des P~oleT!iee5, un pr@tre egyptien ncmme Manethan, qal
lisaH encore et COlllprena.:it les hieroglyphes, avaH compose, a la d.e-
lflimc1e du souverain grec, Line histoire de l' EgyptE:. !!~lheureusement, cUe
fut perdue et ne nous a ete tTan5mise que par 1arnbeaux , cians des cita-
tions de dif£erents auteurs: 1 'historien juif JOSEPHE, ct le grf;c SEXTUS
JULIUS M;RICANUS, lui-mem.e al}1'eg6 par EUSEBE de CESAHEE.

30
au grecAt.yurrro5, qui n'est vraisemblablement qu'une
deformation du nom indigene "I-II-KU-PTA" (="la maison, la
demeure de Ptah")
sous lequel les Egyptiens designent eux-
memes leur pays.
En rendant compte du nom de l'Egypte par ce rOl
eponyme, les Grecs
font
c1'Argos ou de l'Argolide, bref
de la Grece,_ le pays d'origine des souverains egyptiens
qu'ils rattachent ainsi aux rois grecs. Ce faisant,
ideologi-
quement, ils tentent de recuperer l'Egypte en la detachant
du monde africain pour l'integrer a0 monde mediterraneen,
en l'occurence, au monde hellenique.
L'evocation de ce my the par les auteurs carol in-
giens ne releve pas, ce nous semble, du simple souci litte-
raire. Elle parait revetir une portee ideologique:
l'Egypte,
croient-ils, n'appartient pas au mohde africain, mais parti-
cipe du me me monde que la Grece, c'est-a-dire le monde medi-
terraneen. Et i 1 ne pourrai t en et re aut remen t de ,_,ce pays
qui passe pour la "mere des arts", de la science et de la
civilisation; bref, le pays dont la Grece a tout re~u. Heri-
tiers de la culture grecque, ils s'estiment aussi les heri-
tiers de la culture egyptienne de par le lien de parente
qui unit la Grece a l'Egypte.

31
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ~
"
,
l l .
AEGYPTUS : EOr DES LATINS
Parmi les trois auteurs cites plus haut, c'est-a-dire,
RABAN MAUR, FRECULF et l'auteur anonyme du De Situ orbis, seul
le second
fait etat d'un roi des Latins appele SYLVIUS
EGYPTUS ou encore SYLVIUS ATHIS : "A la mort de JEROBOAM,
roi des dix tribus
(1) en Samarie, rapporte FRECULF, son fils
NADAB monta sur le trane. En ce temps-la, chez les Latins,
regnait EGYPTUS SYLVIUS, par ailleurs appele ATHIS SyLVIUS,
fils du roi ALBA l'ANCIEN ... " (2). Et un peu plus loin, en
faisant mention d'un autre souverain CAPIS SYLVIUS, l'eveque
de Lisieux explique que ce dernier roi etait le fils d'Aegy~tus
c'est-a-dire le denomme ATHIS (3)
(1)
11 s'agit des dix tribus du Nord. Apres la mort du roi
SALOMON un schisme divisa le royaume d'Isra~l en deux
entre ROBOAM et JEROBOAM, les deux ,fils et successeurs
de SALOMON (931-913 avt. J.C.)
: l~s deux tribus du Sud
Juda et Benjamin se grouperent autour de ROBOAM, avec
Jerusalem comme capitale. Les dix autres tribus, celles
elu Nord se grouperent autour de JEROBOAM avec comme
capitale Sichem, en Samarie. Ainsi :furent crees deux
royaumes
: Juda au Sud et Isra~l a~ Nord.
(2) " ... Ergo JEROBOAM, qui super decem tribus regnavit in
Samaria ~ortus, successit in regnum ejus filius Naelab.
Latinis iunc
AEGMPTUS SYLVIUS, qui alio vocabu]o
ATHIS SYLVIUS vncabatur, Albae superioris regis filius
rex fuit. Corinthiorum rex Prunis ~rat, Lac~c1aemoniorum
Doristus, Atheniensiumj"ersippus. Quo in Lempore Samus
condita, et Smyrna in urbis modum ampliata. Proohetabant
autqm
in Judae Azias, Amos, Johel et Azarias." FRECULPI-lUS
fhronicon,
eel. Migne. P. L. t.
106. col. 975
(3) "Qui dum deo supplicaret, multa flumina sunt emissa, et
haec quidem ait sub Achab, factam ~ignificans secitatem.
Quo' in tempore Latinorulll CAPIS SYLVIUS AEGYPTI, id est,
ATHIS superioris filius rex erat, qui CARPENTEM SYLVIUM
habuit successorem regni."

32
FRECULF, qUI compile textuellement la chronique
d'EUSEBE et de JEROME (1),
ins~re le r~gne d'EGYPTUS SYLVIUS
dans un cadre chronologique universel en ~tablissant une s~rie
de concordances entre le temps de ce r~gne et ce qu'il juge
§tre les principaux ~v~nements du monde. Ainsi, selon lui,
EGYPTUS r~gnait a l'~poque de PIRITIABES, trente deuxieme rOI
des Assyriens
; a cette ~poque, la construction du Temple (de
J~rusalem) ~tait achev~e depuis quarante quatre ans ; le
royaume h~breux ~tait divis~ entre les deux fils de SALOMON,
ROBOAM et JEROBOAM a la mort de leur p~re ... A cette m§me
~poque, le roi PRUNIS r~gnait chez les Corinthiens ; c'~tait
aussi l'~poque oG, le roi nORIS r~gnait chez les Lac~d~moniens
l'~poque oD TERSIPPES ~tait roi des Ath~niens. A cette m~me
~poque, la viI le de 5amos venait d'~tre fond~e
et Smyrne
~tait devenue une v~ritable ville. Pendant ce temps, en
Jud~e, proh~tisaient les proph~tesAZIAS (sic), AT'-'IOS, JOEL et
AZARIAS (sic).
L'importance considerable prIse par le cycle troyen,
explique la survie de traditions locales relatives par
exemple aHELENE, a ORESTE, a DIOMEDE, a ENEE etc ... Cela
est surtout vrai des formes que ces l~gendes ont prises
en Italie, notamment dans le Sud oG l'on trouve des traces
des heros troyens. La presence ou l'existence de ces legendes
en ces lieux semble le fait de l'assimilation, c'est-a-dire
que la tradition locale a et~ inser~e, ,int~gree dans le cycle
troyen beaucoup plus populaire.
En effet, aux lendemains de la guerre de Iroie,
chaque tribu hellenique se plaisait aux souvenirs de la
gloire qu'elle y avait acquise a travers les noms de
ses
chefs devenus des heros et celebres par les Homerides pour
leurs exploits. Mais bient6t le souvenir monarchique cedait
place aux progr~s de l'esprit democratique ; et l'imagjnation
rendue moins sensible aux souvenirs d'une ~poque deja lointaine,
la tradition poetique se pr~occupa surtout de l'infortune de
Troie, ville puissante detruite par d'impitoyables ennemis,
apr~s une r~sistance h~roique. Si totale qu'en fOt la destruction,
cependant tous ses habitants ne perirent pas. Ceux qui
(1) HIERONYM. CHRnN.

33
~chapp~rent port~rent dans leurs nouvelles patries 1e01's
peines d'exil~s ainsi que le souvenir de leurs infortunes.
Une tradition populaire repeta leurs plaintes avec une sorte
de pi~te filiale : soit par hasard, so~t par sentiment d'une
compensation pour de si grands malheur~, une sorte de
proph~tie se r~pandit, qui promettait ~ leurs descendants
l'empire du monde :
"At c101YlUS Aenea cunctis dominabitur orls,
Et nati natorum et qui nascentur ab illis"
(1).
Et bon nombre parmi les peuples, revendiqu~rent
I' honneur de compter ces vaincus parmi ileurs ancetres.
i
C'est justement le cas des Ro~ains, dans cette
tradition latine qui ~tablit ENEE comm~ le "stipex" d'ol!
I
proviennent l'ensemble des rois latins~ au nombre desquels
figure EGYPTUS SYLVIUS, ce souverain dont fait ~tat FRECULF.
A la mort done d'ENEE, la l~gende raconte que son
fils ASCAGNE r~gna sur les Latins. ASCAGNE, pour ne pis
;
porter ombrage ~ son demi-frere nomme SYLVIUS (lequelpasse
pour le fils d'ENEE et de LAVINIA,
la fille du roi LATINUS) ,
lui c~da d'abord la place ~ Lavinium, ~ille qu'ENEE avait
fond~e trente ans plus tot, et alIa lui-meme fonder Aibe la
Longue, la cit~ mere de Rome. Lorsqu'il mourut apres trente
huit ans de regne, ASCAGNE laissa le p~uvoir sur Albe ~
SYLVIUS, qui r~gna ~ son tour vingt neuf ans, avant de c~der,
I
.
~ sa mort, le royaume ~ son fils nomm~ 'ENEE comnle son
grand pere. SYLVIUS donna son nom ~ toJs les rois de 1a
dynastie, qui apres lui, r~gnerent sur :Albe jusqu'~ li
fondation de Rome. Et d' apres la liste !que nous donnent
I
FRECULF et sa source, c'est EGYPTUS qui est le septieme des
!
quinze rois de cette dynastie,
~ laquelle succede la dynastie
I
romaine avec ROMULUS comme fondateur.
(1)
cf.
11.
XX, vers 307 ; AEN.
Ill, vel'S 97. apud DUHERIL,
Po~sies in~dites du M.A, PARIS, 1854. p. 33

34
Au contraire d'EGYPTUS, h~ros ~ponyme de l'Egypte,
le personnage d'EGYPTUS, roi des Latins, ne pr~sente pas
d'int~r§t en ce qui concerne notre ~tude. En effet, il
n'existe aucun lien entre cette figure mythique et le pays de
la vall~e du Nil, ~ part un rapport de simple homonymie.
Cela dit, nous ferons une remarque en ce qui concerne
le systeme chronologique dont fait usage FRECULF. 11 s'agit
d'une fabrication dont l'~v§que de Lisieux pas plus que JEROME
ne sont ~ l'origine. JEROME a remani~ et continu~ la chronique
d'EUSEBE de CESAREE, ou plus exactement, une partie de la
chronique universelle : les tables chronologiques. C'est sur
ces tables qu'EUSEBE enregistre d'une maniere synchronique,
et cela ~ partir de la naissance d'ABRAHAM, les ann~es des
dynasties qui font successivement leur 'apparition dans
l'histoire. Ainsi,
il enregistre la dynastie des Assyriens
~ partir du roi nomm~ N1NUS, dont, selon lui, la quarante
troisieme ann~e du regne correspond a la date de naissance
d'ABRAHAM.
11 enregistre la dynastie des Grecs en y faisant
apparaitre en m@me temps plusieurs dynasties, apres les
diff~rents regnes. Viennent ensuite les dynasties des Egyptiens,
des Juifs, des Medes, des Perses et
de~ Mac~doniens. La
dynastie des Latins commence ~ partir d'ENEE, tandis que
pour les Romains,
il la fait commencer par ROMULUS, puis une
deuxieme fois par OCTAVE. Sur ces tables chronologiques,
sont aussi marqu~es les olympiades. Enfin EUSEBE y rapporte
~galement mais de fa~on succinte les ~venements les plus
m~morables, avec, ~ c6t~, les dates correspondantes.
La tentative d'EUSEBE, comme cela ressort dans
sa pr~face m@me, est de comparer ensemble l'histoire profane
et l'histoire sainte et de d~terminer les rapports chronolo-
giques de l'une avec l'autre. Son but principal est de montrer
que M01SE, 11l e premier de tous les prophetes avant la venue
11
du Messie , a promulgu~ la loi divine bien avant que ne
naisse le culte par en (entendez ici le culte des Grecs
et des Romains) .Et il aboutit a ces conclusions, savoir que

35
!':lorSE est le contemporain de r:ECROPS "qui, le premier cle tous,
a clonn~ un nom ~ ZEUS (JUPITER), a imagin~ les statues des
clieux, a ~rig~ cles autels et offert cles sacrifices"
; la
religion et la sagesse du peuple choisi sont clonc ant~rieures
~ la mythologie et ~ la culture classique.
EUSEBE, comme il convient de le noter, n'~tait pas
le premier clans cette voie. Bien avant lui, il y a eu
!
SEXTUS JULIUS dit 1 'Africain, ainsi que: HIPPOLITE, eveque
,
cle Portus (1) qUl s'aelonn~rent ~ cette ~~marche apolog6tique.
(1)
cf. .A. EBERT, H~stoire de la litterature d~ Moyen Ag~~n
~cclden~, traelulte par. J. AYMERIC et J. CONDA~IN, T. i,
eel. ERNEST LEROUX, Paris, 1883 p.) 224.

.111.
36
A E GYP T U S
A U
S ENS
G E 0 G RAP H I QUE:
Le sens toponymique ou g~ographique du terme AEGYPTUS est de
tres loin le plus usit~ des trois. Son caractere usuel est notifi~
de fa~on ~vidente par les donn~es statistiques. En effet :
- sur ]e total des 1 166 citations d'AEGYPTUS, 1 093 sont
des occurrences toponymiques ou g~ographiques. Ce qui rerY~sente
environ 93,73 % de l'emploi g~n~ral du terme ;
- sur les 55 auteurs enregistr~s, 53 font usage de ce
sens du terme. Ce qui repr~sente environ 96,36 % de l'effectif.
Quant aux deux aute\\lrS qui font exception~ ce sont deux po@tes
d'ailleurs peu importantspour notre sujet en ce sens qu'ils ne
mentionnent, chacun, qu'une seule fois leterme AEGYPTUS
L'un,
HUCBALD, est de la r~gion Nord-Loire et exer~ait dans le dernier
quart du IXe siecle ; l'autre, un anonyme'auteur des Poemes de
SAINT GALL (1), est de la r~gion Ouest-Rhln, et exer~ait aussi
dans le dernier quart du IXe siecle.
Chez la quasi totalit~ des auteurs comme dans ] 'immense
majorit6 de ses occurrences, AEGYPTUS est ainsi un terme g~ographique
qui d~signe une region du monde, un pays 4e la terre. Mais
comment ce pays est-il pereu par les auteurs ~tudies ? Quelles sont
les caract~ristiques qui s'en d~gagent a travers leurs textes ?
Telles sont quelques questions auxquelles inous essaierons de
r~pondre dans les pages qui suivent.
i
De l'Egypte, les auteurs carolingiens nous donnent une
double vision : geographique et historiqu~.
La vision geographique se r~duit a des indicatjons
concernant la d~finition de l'Egypte et la description du
pays.
(1) ANONYMUS, Carmina sangallensia

3'
La vision historique consiste: en des allusions ou en
des ~vocations touchant l'Egypte ~ travers deux sortes de
themes :
- d'une part, des themes ~ caractere r~trospectif
te1s
1es rapports entre l'Egypte et le peup1e de Dieu
l'Egypte sous la domination perse ;
1 'Egypte sous 1es Lagides ;
et l'Egypte sous la
domination romalne.
- d'autre part, un theme ~ caractere contemporain
ou d'actua1it~ : constituent ce theme des ~venements
aff~rents ~ l'Egypte du IXe et du Xe siec1e, sous occupation
musu1mane.
. I.
LA VISION GEOGRAPHIQUE
DE L'EGYPTE
A / LA DEFINITION DE L'EGYPTE
La d~finition de l'Egypte comme entit~ geographique
peut et re per~ue ~ deux niveaux :
d'une part, au niveau de la situation de ce pays
- d'autre part, auniveau de ses d~nominations.
LA SITUATION
- - - - - - - - - - - -
La situation de l'Egypte s'observe ~ trois ~che11es
"continenta1e", r~giona1e, et g~o-astronomique.
a / L'Egypte a l'~che1le "continentale"
La position g~ographique de l'Egypte est ici li~e ~
la th~orie de la division tripartite du monde CAsie, Afrique
et Europe)
~ laquelle adherent les auteurs caro1ingiens.
Dans cette conception, l'Egypte apparait chez eux comme
une r~gion situ~e en Asie et non en Afrique.

38
+
L'EGYPTE
une r~gion NON AFRICAINE
Le caract~re extra-africain de l'Egypte est indiqu~
chez trois auteurs, qui, parlant de l'Afrique et de ses r~gions,
l'en excluent indiscutablement.
Compilant textuellement ISIDORE DE SEVILLE,
l'encyclop~diste germain, RABAN MAUR, affirme que l'Afrique
commence aux fronti~res (Ouest) de l'Egypte (1).
Dans son Liber de mensura orbis terrae (2),
le
rh~teur irlandais, DICUIL, r~p~tant PLiNE l'ANCIEN, dit que
l'Egypte est situ~e a proximit~ de l'Afrique (3).
L'auteur inconnu du De situ orbis compilant a son
tour l'~v§que de S~ville, r~p~te ~galement que l'Afrique
commence aux fronti~res (Ouest) de l'Egypte (4).
La d~safricanisation de l'Egy~te, la, chez les
Carolingiens, n'est pas un fait original, mais d'h~ritage
culturel antique. Elle s'explique par les limites orientales
que certains auteurs anciens fixent au: continent africain :
ces auteurs en effet terminent l'Afriq~e ~ la frOjlti~re occiden-
tale de l'Egypte. Tel est le cas d'HERODOTE; de SALLUSTE, de
POMPON IUS MELA et de PLINE a qui d'ailleurs se r~f~Tent directe-
Illent DICUIL et peut-etre aussi RABAN et l'MTONYfJ1E par le
'",
truchement d'ISIDORE DE SEVILLE
(1)
"Incipit (AFRICA)
autem
a finibusAegypti ... "
RABANUS MAURUS, De Universo,
~d. MIGNE, P. L. t
111
col.
351
-
I s id.
Et ym.,
XI V,S, 3
(2)
DICUILUS, Liber de mensura orbis terrae, ~d. J.J. TIERNEY,
Dub 1 in,
19 6 7
(3)
"Plinius Secundus in quinto de flumine Nilo haec narrat
"Proxima Africae colitur Aegyptus intro~sus ;ld mericliem
re cedens donee a tergo praetendantur AeT-Jliopes".
DICUILUS,
Liber de mensura orbis terrae, op. cit, c VI,
2,
p.
58
- PLINE, V, 48.
(4) "Incipit (AFRICA)
autem
a finibus Aegypti. .. "
ANONYMUS, De situ orbis 11,
15,
~d. M. MANITIUS,
Stuttgart,
1884, p.
61

39
Soucieux de sauvegarder l'unit~ de l'Egypte,
HERODOTE~ en effet, se refuse ~ prendre en compte la tradition
ionienne, qui fait du Nil la borne orientale de la Libye,
c'est-~-dire l'Afrique. D'une maniere g~n~rale (1), il
distingue l'Egypte de la Libye,
en fixant les limites de
cette derniere ~ la frontiere occidentale de l'Egypte (2).
SALLUSTE, en bornant l'Afriqu~ ~ l'est par le
"Catabathmos" (3), excLUt
l'Egypte de ce continenL "Elle
a pour limites,
~crit-il en parI ant de l'Afrique, ~ l'Ouest
le d~troit qui unit notre mer (la M~diterranee) ~ l'Ocean,
~ l'Est un large plateau incline que les habitants nomment
Catabathmos"
(4). Plus loin, il ajoute
: "Donc, attenant
au Catabathmos", qui separe l'Egypte de l'Afrique, en suivant
la mer,
se trouve d'abord Cyrene, colonie de Thera"
(5).
POMPONIUS MELA fait finir lui aussi l'Afrique au
"Catabathmos", excluant ainsi l'Egypte : " Le Catabathmos,
ecrit-il, vallee qui descend en Egypte, termine l'Afrique"
(6).
Enfin PLINE L'ANCIEN egalement limite la Libye
(ou Afrique)
~ l'Est par l'Egypte, qu'il en exclut blen
en tendu (7).
(1) et (2) Hormis une occasion (HEROD.
IV, 42)
oD HERbDOTE
paralt comprendre l'Egypte dans la Libye (ou Afrique),
dans tous les autres cas,
il l'en distingue : "l'Egypte
est
limitrophe de la Libye"
(HEF-OD.
11,65)
; "La Libye
succecle a l' Egypte" (HEROD. IV, 41).
(3)
Mot gree
: XD("C0t, (<:I4.6e--0s, '''descente''. C' est le plateau qui
s'etend entre la Cyrenaique et l'Egypte.
cf. A. ERNOUT,
SALLUSTE, CATILINA, JUGURTHA,
fragments des histoires,
ed. Les Belles Lettres, Paris, 1941, p. 151 n. 3.
(4)
SALLUSTE,
Bellurn jugur thinu~
17,
4 apud.
A ERNOUT.
op.
e i L, p.
I 5 I
(5)
SALLUSTE, 19, 3 : "Igitur ad Catabathmon, qui locus
Aegyptum ab AFRICA dividit,
secundo.mari prima Cyrene est
colonia Theraeon ... " apud ERNOUT, op. cit.JP.
154.
(6)
MELA,
I,
40.
(7)
P L I NE, V,
2

40
+ L'EGYPTE
: une prOVInce de l'ASIE
L'attribution de l'Egypte a l'Asie est clairement
notifi6e chez deux auteurs, l'eveque breton NENNIUS et l'auteur
ANONYME du De situ orbis.
Dans son Histoire des Brctons(1), en effet, NENNIUS
cite l'Egypte au nombre des quinze provinces que compte, selon
lui,
l'Asie (2).
Compilant cette fois MARTIANUS CAPELLA (3), l'auteur
inconnu rapporte que l'Egypte constitue la partie extreme
de 1 'Asie (a 1 'Ouest)
(4).
Ainsi, que cela s'entende de fa~on implicite chez
RABAN MAUR, chez DICUIL, et chez 1 'ANONYME, lorsqu'i1s fixent
les bornes de l'Afrique a la fronti~re occidentale de l'Egypte,
ou que cela soit notifie en clair chez NENNIUS et chei le meme
ANONYME, dans tous les cas, c'est une evidence: pour ,1es
Carolingiens, l'Egypte appartient a l'Asie et non a l'Afrique.
En c1epit de son exclusion du continent africain et
de son rattachement au continent asiatique, cepenc1ant, chez
deux auteurs, savoir l'auteur ANONYME toujours, et le roi
anglo-saxon, ALFRED, l'Egypte affecte paradoxalement un
double caract~re : elle apparait en partie africaine et en
partie asiatique.
En effet, lor~que, repetant textuellement MARTIANUS
CAPPELLA, l'ANONYME du De situ orbis nous dit que l'Asie
est limitee a l'Ouest par le Nil (5)
; lorsque traduisant
(1) NENNIUS, Historia Brittonum, ed. Mo~msen, in M.G.H.
All c tor e 5 anTiCl. 18 98 t. 13, Ch r 0 n i ca min 0 ra, v 0 1. 3, p. 111- 122
(2) "In Asia sunt provinciae XV : India, Achaia, Parthia, Syria,
Persia, Media, Mesopotamia, Cappac1ocia, Palestina, Armenia,
Cilicia, Chaldaea, Suria, Aegyptus, Lydia".
NENNIUS, Historia Brittonum, op. cit. p.
159 n.
3.
(3) MARTIANUS CAP.
VI, 675
(4) "Aegyptus deinde, hoc est Asiae caput ... "
ANONYM US , De situ orbis, op. cit. 11,
10, p. 64
(5) "Hoc igitur freto,
id est Gaditano, levorsum Europa
distenditur usque in Tanai fluminis
gurgitem, a quo
inchoans Asia Nili itidem alveo limitatur".
ANONYMlJS, De situ orbis, op. cit. I,
7, p.
11
- ~~RTIANUS CAP. VI, 623

41
PAUL OROSE, le souverain anglo-saxon ALFRED rapporte ~galement
que l'Afrique commence au Nil, ~ l'Ouest de l'Egypte (1), ou
encore, que la frontiere entre l'Afrique et l'Asie passe ~
Alexandrie en suivant le cours du Nil
(2),
cela revient
~ couper l'Egypte en deux dans le sens de la longueur et a
en rattacher une moiti~ a l'Afrique et l'autre moiti~ a
l'Asie:ce qui est fort incommode.
Comme on le voit,
l' ambiguit~de la position de
l'Egypte, voire son ambivalence, chez les deux auteurs,
r~side dans le choix qui est fait du Nil comme borne orientale
de ] 'Afrique ou comme frontiere entre le continent africain
et le continent asiatique. Ce choix du'Nil releve de la
tradition antique et par cons~quent n'a rien d'original
chez l'ANONYME et ALFRED. Cependant, il ~voque les di~ergences
qui existent chez les auteuYS anClens iu sujet des bornes
orientales de l'Afrique ou du mode de d~marcation des
continents africain et asiatique. Trois opinions en effet
existent
a ce sujet : pour certains auteurs, c'est le
Nil qui est la limite de l'Afrique
; pour d'autres, l'Afrique,
comme nous venons de le voir, se termirte a la frontiere
occidentalc de l'Egypte, plus pr~cis~m~nt, au Catabathmos
pour d'autres enfin, cette frontiere est constitu~e par
l'isthme (de Suez) entre la M~diterran~e et la mer Rouge.
- La th~orie du Nil-frontiere est une vieille
conceptjon dont l'origine remonte aux g~ographes ioniens
(1)
"
On the east, Africa begins, as we said before, westward
of Egypt, at the river Nlle".
King ALFRED'S anglo-saxon verSlon of OROSIUS, op. cit.
c.I.30.p.
59
- OROSE,
I,
2, 87
(2)
"The division between Africa and Asia begins at AlexarH1ria
a city of Egypt; and the boundary lies thence soutb,
'
by the river Nile, and so over the desert of Ethiopia
to the southern ocean".
King ALFRED'S anglo-saxon version of OROSIUS,
I, p.
31

42
ant~rieurs ~ HERODOTE (480 - 425 ay. J.C). En effet, tout
partisans qu'ils ~taient de la th~orie de la division bipartite
du rnonde,
les g~ographes ioniens ont pourtant admis la
division en trois parties
(1), ou plut6t, une subdivision de
l'Asie en Asie et en Libye
(2), et ils ont consid~r~ le Nil
comrne la limite entre l'Afrique et l'A~ie. Selon leur
conception le Nil forme cette limite tbute enti~re, car
il communique avec l'oc~an, d'apr~s ce~que croit HECATEE (3),
peut-etre sur la foi des pretres ~gyptlens (4). A raison,
HERODOTE refuse pour sa part d'adh~rer a cette opinion du Nil-
fronti~re qu'il juge absurde. 11 trouve incommode de
partager ainsi en deux l'Egypte dans sa longueur,
~ p~rt le
Delta dont on ne sait alors que fa ire (5). Malgr~ la
critique de l'historien grec et son rejet de cette th~orie,
l'opinion du Nil-fronti~re n'en est pas moins aclnlise, voire
elle est adopt~e presque commun~ment par les auteurs
post~rieurs. Les auteurs romains tels POMPONIUS MELA (6),
PLINE l'ANCIEN (7)
et bien d'autres y adh~rent. A leur tour,
les auteurs medi~vaux la font leur : tels sont les cas de
l'ANONYME du De situ orbis, du roi ALFRE~etc.
(1)
cf. HERODOTE, 11,
16 "des Grecs et des Ioniens". O~)inion
ac1opt~e par PINDARE (Pyth., IX, 8), et qui
devint l;:t
plus repandue, quoique la division en deux parties n'ait
pas ete oubli~e.
(2) L'ouvrage d'HECATEE de MILET etait ,divise en deux livres,
l'Europe et l'Asie, dont le secondcomprenait la Libye.
Et celle-ci devait former une partie speciale. Cf.
S~ GSELL
Herodote, op. cit. p.
72 fl.
3
( 3) Cf. F r a gm. his t . g r ., I, p.
19, n 0
2 78
(=
i bid, p.
26 n° 339 )
apud STcGSELL,
H~rodote : textes relatifs a l'histoire de
l'Afrigue du Nord, Universite d'Alger, Alger,
1915 p.
72;n 5
(4)
Cf. DIODORE DE SICILE,
I,
37, apud ST.GSELL.
ibid.
(5)
Cf. HERODOTE, 11, 15-17
; IV, 45 apud ST.GSELL op; cit. p.
73
(6)
POMPONIUS MELA I,
1, apud FORCELLINI,
Totius latinitatis
~exicon... 1831-1833, T. 1. p. 83.
(7)
PLINIUS 3, proem 4,
apud FORCELLINI,
ibid.

43
~Contrairement
~ l'opinion pr~c~dente, certains auteurs
situent pour leur part, la frontiere de l'Afrique et de l'Asie
~ la limite occidentale de l'Egypte. Ce faisant, ils attribuent
l'Egypte toute entiere ~ l'Asie. Tel est le cas d'HERODOTE (1)
qui semble pourtant n'admettre que sous r~serve la division du
monde en trois parties dont il ne voitipas d'autre justification
que l'assentiment g~n~ral. Pour lui, l~Afrique n'est qu'une
annexe de l'Asie (2). L'Asie projette vers l'Ouest deux p~nin­
sules (entendez l'Asie Mineure et l'Arabie)
(3), dont l'une,
apres un isthme tres ~troit (isthme dei Suez) , s'~largit de
nouveau pour devenir l'Egypte, ~ laquelle succede la Libye,
c'est-~-dire l'Afrique (4). Nonobstant un passage oD il
semble l'inclure dans la Libye (5), l'Egypte, pour HERODOTE,
est distincte de la Libye. Elle en est seulement limitrophe (6).
Fluctuant, POMPON IUS MELA adopte encore,cette opinion.
11 fait
finir ~galement l'Afrique tout ~ l'Oue~t de l'Egypte, precl-
s~ment au Catabathmos, rattachant ainsi ~ l'Asie toute l'Egypte
et presque la Marmarique (7). SALLUSTE~galement partage cette
opinion (8).
Plus tard, PAUL OROSE la teprend en ces termes
"l'Afrique commence aux confins de l'Egypte et de la ville
d'Alexandrie, l~ oG se trouve la cit~ de Par~thonion, au bord
de cette Grande Mer, qui baigne toutes .les r~gions et
les
terresdu milieu du monde. Allant de l~ par les lieux que les
(1) HERODOTE 4,
197 ; cf. KAMAL YOUSSOUF, Monumenta c~rto­
graphica
Africae et Aegypti, T.
I
: Epoque avant PTOLEMEE,
1926, n° 36.
(2) cf. YOUSSOUF KAMAL, ibid.
(3) cf. HERODOTE 4,
38-39, apud ST.GSELL, op. cit. p .. 73
(4) cf. HERODOTE 4, 41, apud ST~GSELL, op. cit. ibid.
(S)
cf. HERODOTE 4, 42, apud ST·GSELL, op. cit.
ibid.
(6) cL HERODOTE 2,65, apud ST.GSELL,op. cit.
ibid.
(7)"Catabathmus, vallis devexa in Aegyptum, finit Africam."
MELA 8, 2 apud Forcellini, op. cit. p. 83
(8)5ALLUSTJUS, JUK. 17,4 ; 19,3.

habitants appellent Catabathmos, non loin du camp d'ALEXANDRE
La GRAND et traversant le lac Chalearzum, elle tourne ensuite
brusquement pr~s des limites des Avasites
Sup~rieures et,
par les d~serts d'Ethiopie, atteint l'6c~an m~riclional"
(1).
C'est cette m~me opinion qui se retrou~e chez deux des auteurs
carolingiens. D'abord chez le rh~teur, RE MY d'AUXERRE. REMY
en commentant un passage de MARTIANUS CAPELLA, cite
la ville de Par~thonion comme le lieu de d~marcation entre
l'Afrique et l'Asie (2). A propos de la mention de la ville
de Par~thonion comme limite des deux c6ntinents, notons la
similitude qui existe entre REMY d'AUXERRE et PAUL OROSE,
d'une part, et la divergence entre REMY et sa source, d'autre
part. En effet, quoique Par~thonion soit mentionn~e chez
MARTIANUS, elle n'est nullement donn~e !comme fronti~re
entre l'Asie et l'Afrique (3). L'autre auteur est le roi
ALFRED qui affirme ~galement que la limite de l'Asie et de
l'Afrique suit une ligne qui va du fleuve Don, au Nord,
et descend vers le SUd, en longeant laM~diterran~e et en
passant ~ l'Ouest d'Alexandrie (4).
(1) "Africae principium est a finibus Aegypti urbisque
Alexandriae, ubi Paraethonio civitas sita est, super Mare
hoc Magnum, quod omn~s plagas terr~sque medias interluit.
Unde per loca quae accolae CatabatGmon vocant haud procul a
castris Alexandri Magl1i et super lacum Chalearzum, deinde
juxta superiorum fines Avasitarum missa in transversum per
Aethiopica deserta meridianum contingit oceanum."
PAULUS OROSIUS, Hist. adversum Paganos
op. cit. 1,2,8, p.5
J
(2) "Parethonium oppidum ubi Asia et Africa disterminantur".
REMIGIUS AUTISSIODORENSIS, Commentum in MARTIANUM CAPELLAM
Ed. C.E. LUTZ, t.
I Leiden,
1962, VI, 334, 13, p.
154.
(3) cf. MARTIANUS, VIII, 667-668
: "Ab ea Arsinoe quaclraginta
tribus milibus et deinceps Ptolomais viginti cluob~s
proculque Catabathmos et Marmarides et in ora Svrtis
Nasamones. Deinde Mareotis Maretonium.
Inde Api~ Aegypti
locus, a quo Paraetoniul1l in sexaginta duobus milibus".
(4) Then on the north part of Asia, on.the right hand~ in the
river Don, there the boundaries of Asia and Europ~ lie
together ; and from the same river Don, south along the
Mediterranean sea, towards the west of the city Alexandria,
Asia and Africa lie together'~ KING ALFRED, op. cit. c.I,
p.
30.

45
- Enfin la troisi~me th~orie, ~ laquelle les Carolin-
giens ne font cependant pas echo (1), est celle qui attribue
toute l'Egypte ~ l'Afrique en etablissant l'isthme (de Suez)
entre la Mediterranee et la mer Rouge comme la fronti~re de
l'Afrique et de l'Asie (2). Cette opinion probablement
anterieure ~ HERODOTE, remontait, semble-t-il, ~
EPHORE DE CUMES (3). HERODOTE parait l'adopter, clu moins
dans un passage ou il dit que la Libye est entouree cl'eau,
sauf la partie qui confine ~ l'Asie (4). Ce qui scmble
signifier qu'il en place la limite ~ l'isthme dc Suez. La
theorie de l'isthme de Suez comme fronti~re de l'Afrique et
de l'Asie s'est maintenue
elle est agre€e
par STRABON (5)
qui la juge plus conforme ~ la realite ; APULEE (6) Y adh~re
~galement ; jugee plus commode et plus convenable (ce qui est
exact), elle a la faveur de PTOLEMEE, et ~ sa suite, celle de
bon nombre d'auteurs posterieurs jusqu'aux geographeS modernes,
qui l'adopt~rent et la consacr~rent definitivement.
(1) Le silence des autcurs carolingiens au sujet cle cette
derni~re limite de l'Afrique, ~ supposer qu'il ne so it pas
le fait d'une lacune des sources utilisees, pourrait bien
alors s'interpreter comme le fait d'un rejet pur et simple
de l'idee ou de la conception d'une Egypte africaine. Pour
eux, ce pays ne saurait etre autre qu'une terre d'Orient,
autrement dit d'Asie, en raison des reminisccnce~ bibliques
l'Egypte n'est-elle pas voisine cle la Terre promise, de la
Palestine, du royaume cl'Israel, bref de la Terre Sainte ? En
tout cas, il semble plus commode pour 'ces auteurs de faire
de l'EgypteunQ.te.t'"r~_ asiatique p]ut6t qu'africaine a cause des
prejuges defavorables clont jouit chez eux l'Afrique en tant
que continent.
(2) STRABON,
I, 4,
7
(3)
cf. D.J. GEORGACAS, The names for the african continent
AIBYH
- LIBYA, AFRICA, AETHIOPIA, and congeners,
University of North Dakota, Grand Forks (U.S.A.), p. 330
(4) HERODOTE,
IV, 42, apud ST.GSELL, op. cit. p. 73
(5) STRABON, I, 4,
7
(6) APULEE, De mundo, 7

46
En d~finitive,
s'il est manifeste que pour les auteurs
carolingiens, l'Egypte est une province de l'Asie, cependant,
en fixant au Nil la frontiere de l'Afrique et de l'Asie,
ils font en r~alit~ de l'Egypte, non plus une province
exclusivement asiatique, mais plut6t lui conferent de fa~on
implicite, un caractere ambivalent, une position ~ cheval
entre les continents africain et asiatique : elle appartient
alors moiti~ ~ l'Afrique et moiti~ ~ l'Asie.

47
b /
L1Egyptea I 'echelle reqionale ou locale
Au plan
regional
ou local,
l'espace geograrhique
egyptien est determine par une serie de bornes
- solt phy-
siques,
soit humaines
- qui lui sont assignees rar les au-
teurs.
La delimitation se presente ~ deux niveaux
* ~ un premier niveau, on rel~ve des indications
de limites precises ou
vagues,
expresses ou im-
plicites,
qui
semblent s'appliquer ~ l'Egypte,
dans sa generalite
:
nous pourrions Jes conside-
rer comme les limites generales de l'Egypte.
* ~ un second niveau, on rel~ve des indications
de limites
beaucoup plus precises et nettement
exprimees que les precedentes,
et qui
s'appli_quent
~ l'Egypte consideree cette fois dans chacune de
ses divisions,
c'est-a-dire, ,dans chacun de ses
deux pays,
a savolr,
la
Bass~-Egypte et la Haute-
Egypte.
Nous qualifierons ces limites de limites
particuli~res de l'Egypte.
I
LES LIMITES GENERALES
La delimitation affecte ici
certaines caracterls-
tiques
* elle est presque toujours Incompl~te
les dif-
ferents
auteurs se contentent d'indiquer seulement
une,
deux ou
trois limltes,
mais rarement la
tota-
11 tf:..
Chez un
seuJ auteur,
et dans un
seul
cas,
on
observe une delimitation
compl~te de J'Egypte avec
indIcation des bornes septentrionale,
meridionale,
orientale et occidentale.

48
* e11e n'est pas toujours formelle : en eff~t, il
n 'y a,
parfols,
chez les auteurs,
aucune intention
r~el]e de d~finir Ies bornes de I'Egypte
crest
d'une mani~re implicite que certaines indications
ressortent.
* eIle est parfois assez vague et ind~termin~e :
e'est notamment le cas Iorsque ces frontieres
sont
constitu~es par des popu1ations humaines difficiles
a Ioealiser.
Ces observations faites,
queIles limites les au-
teurs assignent-ils a 1 'Egypte ?
Tout d 'abord,
RABAN MAUR,
qui
seul,
donne une d~ll­
mitation complete,
nous dlt que l'Egypte a pour bornes,
au
t'l 0 r d,
1 a Mer d' Egyp t e
(1 a M~ d i t err a nee )
a u Su cJ,
1 e s • Et h i 0 -
piens
; a 1 'Est, la Syrie et la Mer Rouge; enfin, a 1 'Ouest,
la Libye
(1).
Notons que 1 'abb~ de FULDI\\ emprunte cette d~Jj­
mitation a Isidore de S~ville (2).
0) "l\\egyptus, quae prius "Aeria" dicebatur, ab Aegypto Danal
Fratre postea ibi
regnante nomen acceplt.
Haec ab Oriente
Syrlae ac Rubro t1ari
conjuncta,
ab Occasu Libyam
habet,
a
septentrione Mare Magnum,
a meridie vera introrsus recedit,
pertendens usque ad Aethiopes".
R1\\ BAN US M1\\ URUS,
De Un i Y er so ,
e d.
Mi 9 ne,
P.
L.
t.
J 1 1,
coL
3 41.
(2)
Ex
lsid.
Et ym.
XI V,
3,
27.

Outre eet enonee eomplet,
on
releve,
elu
reste,
tan t ehez RABAN HAUR que ehez hui t autres au teurs,
soi t
de
faeon
formelle,
soit de faeon
implieit~ une serie d'incliea-
tIons,
toutes partIelles,
et portant uniquement sur 1es 11-
mites meridionale,
oeeidentaJe et orienta1e de l'Egypte,
avee une omission
totale de la limite septentrionale.
Ainsi
clone
~
- au Sud,
ehez le meme nABAN HAUR,
tout eomme chez
FRECULF
(1),
les Ethiopiens passent pour eonsti tuer I.a limi te
de I 'Egypte.
La comprehension d 'un passage de 1 'Ecriture
(2)
amene effectivement l'Abbe de FULDA ~ fournir certaines pre-
cisions et certa1ns details concernant 'cette frontiere meri-
c1ionale
:
c'est,
c1'apres lui,
dans les environs de Syene
(Assouan),
l~ o~ sont les cataractes - les premieres cata-
ractes
- du Nil,
et o~ le fleuve devient non navigabl.e,
que
se situe la frontiere
;
c'est l~ que I 'Egypte et 1 'Ethiopie
confinent,
au voisinage des Blemmyes
cette contrec est du
reste infestee de serpents et c1e divers autres animaux pleins
c1e
venin
(3).
Dans .ra delimitation slid,
I 'extension de J 'Egypte
jusqu'aux Ethiopiens n'est pas originaJe ~ RABAN nl
a FRECULF.
Ce dernier auteur est redevable ~ EUSEBE.
(4).
RABAN,
quoique
apparemment personnel dans la forme,
pdur ce qui est des pre-
cisions qu'il
apporte concernant la limite meridionale de
(1)
"Aethiopes etiam
tunc,
ab Indo flumine consurgentes,
juxta
AegYl1tum consederunt."
fnEcuLT5HuS,
ChronJcon,
eel.
Miqne P.
L.
t.
106 col.
947.
- ex Euse b ~ Ch r 0 n.
40 b- 390 •
-
(2)
Ezech.
XXIX,
10.
(3)
""A Turre enim Syenes cadent in ea •.• ",
quae
in extremis
terminis Aegypti,
Aethiopiae Blemmyarumque confinis est,
ubi
Nilus innavigabilis,
et cataractarum fragor,
et omnia invia
plenaque serpentium et venenatorum animantium."
RABANUS MAURUS,
Comment.
in Ezech.,
ed.
Higne P.
L.
t.
110,
col.
808.
( 4)
Euse b.
Ch r 0 n.
an.
Ab r.
400 - 390.

50
l'Egypte,
s'inspire,
dans le fond,
du prophete EZECHIEL et
aussi
des auteurs classiques.
En effet,
EZECHIEL dont RABAN
commente le passage place pres de Syene la
frontiere entre
l'Egypte et l'Ethiopie
:
"]e feral
[Clest YAHVE qui
parl<D
du pays d'Egypte un
d~sert et une d~solation, de Migdol ~
Syene et jusqu 'a la frontiere cl 'Ethiopie" (1). L 'expression
"de Higdol a Syene" (2), d~signe pour le prophete, les fron-
tieres extr~mes - Nord et Sud - de l'Egypte. Migdo1,
en ef-
fet,
est une forteresse du Nord de l'Egypte,
tandis que
Syene - EI~phanti~e des Grecs - aujourd'hui,
Assouan,
est
une vil1e a l'extr~me sud de l'Egypte. Chez les classiques
grecs et romains ~galement, l'Egypte s'~tend de la premiere
cat a r act e cl u tH 1,
a I a M~ cl i t err a n ~ e. C' est l' 0 pin ion d' H~ r 0 -
dote qui
rapporte
"Lloracle cl'Amon
(dans l'oas1s libyque)
d~clare que tout le pays recouvert par la crue clu Nil est
l'Egypte,
et que tous ceux qui,
au-dessous cl'EI~ph<lntine, boi-
ve n t J e sea u x cl u Nil,
son t
cl e s
Egyp tie ri s"
(3).
Ch e z PLHI E (4 )
ainsi
que chez SOLIN
(5),
c'est ~galement a Syene que se si-
tue la frontiere ~gypto-~thioplenne. Quant aux Blemmy~s que
RA BAN MAUR mentionne a cette frontiere,
ils constituent si-
non
tous,
du moins une partie de ces Ethiopiens indjqu~s plus
haut comme formant la limite.
Chez les ·auteurs <lnciens,
les
(1)
EZECHIEL,
29,
10,
in La Sainte Bible tracluite en frall<;:ais
sous la direction de l'~cole bibiJique de J~rusaJcm, &d. Du
Cerf,
Paris 1956.
(2)
cf.
EZECHIEL,
29,
10
30,
6.
( 3)
HER 0 DOT E I I,
1 7,
cf.
1 8.
a p u cl A.
M0 r et,
1 e Ni t e t
1 a c i v i -
1 i s a t i 0 n~ gyp tie n n e (coLI.
Evolution cl e l ' Hum ani t e)
e d • revue
et corrigee
; Paris,
1926.
p.
29,
n.
I.
(4)
PLINE,
5,
59.
(5)
SOLHI,
32,16.

51
Blemmyes font l'objet de localisatioM assez
variantes.
lIs
ont d'abord
~t~ situ~s dans une contr~e ind~termin~c, pr~s
'des sources du Nil
(1).
POHPONIUS
HELA
(2)
et PLTI,JE L'Ancien
(3),
qui en font des ~tres fabuleux,
les situent tous deux ~
l'int~rieur de cc qui est suppos~ ~tre le. continent africain.
DENYS Le PERIEGETE
(4)
les place au
voisinage des Ethiopiens
riverains de l'Oc~an et proches de l'Ile Cern~. PTOLEMEE les
fixe sur la rive droite du Nil,
mais loin semble-t-il,
vel'S le
Sud,
entre la latitude d'Axoum et cell~ de M~ro~, approximati-
vement.
Leur localisation ~ la fronti~re ~gypto-~thjopienne,
l~. chez RABAN est ~ rapprocher plut~t de la position g~ogra­
phique que leur assigne STRABON d'apr~s
ERATOSTHENE.
Chez STRA-
B0 N e n e f f et,
1 e s
B1 e mmyes son t
sit u ~ s en t re H~ r 0 ~ et: le s Egyp -
tiens;
et STRABON fait d'eux des sll:iets des Ethiopiens
(6),
aIors qu'en un autre passage
(7),
il voit en eux des Ethio-
piens vivant au-del~ de Sy~ne. Lcs Ethiopiens,
Sy~ne, les ca-
taractes,
les Blemmy~s, ce sont apparemment,
diff~rentes enti-
t~s certes, mais qui chez RABAN HAUR, ont un lien commun,
sa-
voir qu'elles d~signent ou repr~sentent une m~me r~alit~, la
borne m~ridionale de l'Egypte.
-
~ l'Ouest, le roi ALFRED Le GRAND la borne par le
"con tinent" africain qu'il
fai t
commencer au Nil
(5).
(1)
Cf.
J.
DESANGES,
Ope
cit.
p.
184,
qui
cite THEOCRITE,
Idylles,
I,
2.
( 2) P0 ~1 P0 ~J IUS MELA,
I,
4 ,
2 3 ;
8,
48
: a p u d Des a n 9 e s
(I),
0 p •
eit.
p. 184.
(3)
PLINE,
V,
46,
cf Solin,
2 1 , 6 ;
Martianus Cap.
VI,
674;
Isidore de S~ville, Etym.
XI,
3~ 17 qui reprennent la fable des
Blemmyes sans
t~te : apud Desanges (7.) op. eit. p. 184.
( 4 ) DEt,1 YS LE Per i e 9 .;
2 20
: a p u d Des a n 9 e s,
0 p.
c i t .
p.
1 8 4 •
(5)
PTOLEHEE,
IV,
7,
10.
cf.
Desanges
(J.)
op.
cit.
p.
185 et
note 2.
(6)
STRABON XVII,
I,
2 aplld Desunges,
op.
cil.
p.
184.
(7)
STRABON XVII,
I,
53 apud Desanges,
ibid.
(8)
liOn the east,
Africa
begins,
as we said before,
Westward
of Egypt,
at the river Nile."
Kino Alfred's anglo-saxon
version
of Orosius,
op.
cil.
I,
30 p.
59.
- CL
OROSE,
I,
2,
87-89.

52
-
a
l'Est,
RABAN
HAUR
(1)
et,un
tIH~olo(]ien, ANGE-
LOHE De LUXEUIL
(2),
donnent
tous
deux'comme
borne
a l'Egypte,
1 e
" Tor re n t"
0 u
1 e
"F 1 e u ve d' Eg y P t e ".
Ce
c 0 u r s
d' eau,
rap p 0 r -
tent-lIs,
n'est pas le Nil,
mais
une
rivi~re qui couIe a tra-
vers la
vllle
appelee
Rhinocorura,
et separe
l'EgYllte de la
Palestine.
Cette delimitation,
chez
RABAN
et ANGELOME,
s'ins-
pire de
la
Bible et des
commentaires exegetiques auxq0els iJ
convient de lier ici
le nom
de
JERO~1E. ,Crest dans la Bible,
en
effet,
que le
"Torrent d'Egypte"
ou
l.e
"Fleuve d'Egypte"
est donne a differentes reprises comme la
fronti~re de demar-
cation
entre l'Egypte
et Je
pays
d'Isra~l. Ainsi clans le livre
de la
Gen~se, l'auteur sacn~ raconte : "Ce jour-lel, Yahve
conclut une
alliance
avec ABRAM en
ces
termes
:
"A
ta
Ilosterite,
je donne
ce pays,
du
Torrent d'Egypte
au
Grand
Fleuve,
le
fleuve
d'Euphrate"
(3).
Ailleurs,
clans de
nombreux
passages du
I
texte
bibJique,
le
"Torrent'! ou
le
"Fleuve d'EgYllte"
est en-
,
,
I
core atteste comme la
frontiere
entre
l'Egypte et
Je
royaume
I
I
d'Isra~l. Crest la limite theorique Sud-Ouest de la Terre Pro-
mise,
tandis que
l'Euphrate en
constitue la
limite Horcl-Est
(4).
(1)
"Regnum
Israel
ab Aegypto,
non
est Nilus,
sed
alius
est
non
Magnus Fluvius,
qui
fJuit
per Rhinbcoruram
civitatem,
unde
jam ad orientem
versus incipit terra
promissionis."
RABANUS MAURUS,
Comment.
in lihr.
Josue;
ed.
Higne,
P.
L.
t.
108,
col.
1087.
(2)
" "Semini tuo dabo terram hanc flumine Aegypti usque ad
fl u men
Eu p h rat em"
(G n.
XV,
L8 ).
De
quo
flu m i n e
Ae]l::.£l t~ d i x i t ?
1\\1 0 n erg 0
a flu mi n e ma 9 n 0
Ae gyp t i .
hoc est,
Ni 1. o.
s e cJ a par v 0 ,
quod dividit inter Aegyptum et Palaestinam
(dividit Aegyptum
et Pal a e s ti n a m) ,
ubi
est civitas
Rh i n a cur u r a
( Rhi n 0 cor u r a ) • "
-
ANGELOHUS,
comment.
in
Gen.,
ed.
I'Hgne P.
t.
t.
115 col.
179.
(3)
Gn.
15,
18.
(4)
Cf.
Nb
34,
5 ; IR.
8,
65
IIR.
24,
7
11 Ch.
7,
8
IS.
27,
12;
El.
47,
19,
etc •••

53
Au j 0 u r d ' h u i,
1 e
" Tor r en t"
0 u
l e " F 1 e u ve
diE gyp t e"
est i den -
tiFie avec le
WadJ-el-Ar1m,
au
sud
de
Gaza
(1).
Toujours a l'est, 11 semble, implici temen t,
chez
DICUIL,
que
la
Her
Rouge
delimite l'Egypte,
si
toutefois
c'est
bien
d'elle qu'il
s'agit
dans
ce
qualificatif
"Ocean
Oriental
de
l'Egypte"
qui
figure
chez
l'auteur irlandais
(2).
En
revanche,
chez le
theolog1en,
Claude,
eveque
de
Turin,
I
l..
i1
ressort effectivement que
la
Her
Rouge
eonsli.tue
la
limite
de
l'Egypte qui
confine a elle (3).
Encore a l'Est,
chez
DICUIL"
l'Egypte est limitee
par J'Arabie
Troglo~ytigue. C'est ce qui ressort iei, lorsque,
repetant
textuellement la
Divis10 Orbis
(4),
l'irJandais
eerit
"L'Arabie
Heureuse,
Phleemea,
s'etend entre les
deux
golfes
Arabique
et Persique,
puis,
en
de<;a
dui golfe
Arabique,
s'etend
,
I
1 I Ar a b jeT r 0 9 1 0 d Yt i que,
qui
to u c h e
a
1 i' Egyp t e.
Ell e s
son t
b 0 r -
nees,
a l'Est, par le golfe Persique, a l'Ouest, pelr le Nil,
au
Nord,
par Pharan
(Pharon
dans
DICUIL)
et l'ArabJe Vab
(5)
(Arabie t~abateenne) (6),
au
Sud,
par
la Her
Erythrce
(lCl
(1)
Cf.
Odelain
et Seguineau,
Dietionnaire
des
noms
pro~
de
la
Bible,
ed.
Cerf
et
Desclee
de
Brouw2r,
Paris,
1978,
p.
379,
au mot
Torrent;
CL
DE
VAUX,
Histoire
ancienne
d'Israel
des origines-a-----:fTInstal1ation
en
Canaan,
ed.
J.
Gabalda,
Paris,
1971
p.
20.
(2)
"QuoniClm
in
Orientali
oceano Aegypti
atque
australi
Aethio-
piae illius insulas esse non
legimus
sic.ut nec in "laii
Caspio •.• "
DICUILUS,
op.
elt.
VII,
48,
p.
86.
(3)
"
"Sue"
quoque
est soLitudo
inter
Cades
et
Barath,
exten-
den s
des e r tu m us que
ad Ha re
Rub rum
e sI; Ae gy p t i c 0 n fin i.o • "
CLAUDIUS,
Questiones
XXX
super
Libros
Regum,
ed.
Higne P.
L.
t.
104,
col.
659;
cf.
Gn
XVI,
7.
(4)
La
Divisio Orbis
est un
ouvrage
anonyme
qui,
dans
sa
forme
originale du
moins,
d'apr~s J. J. TIERNEY, depend enti~rement
de
la Carte d'Agrippa,
tout comme
d'ailleurs,
un
autre
ouvrage
anonyme,
le
Demensuratio
Provinciarum".
Sur
toutes
ces
sources
de
DICUIL,
voir J.
J.
TIERNEY,
dans
son
Introduction:
les
sources de
DICUIL,
p.
22.
(5)
et
(6)
Le
texte
presente
plusieurs
alterations,
dont
ce pas-
sage;
l'edlteur,
J.
J.
TIERNEY,
rend
ce mot
par
"i~abateen". cL
p.
53
paragraphe
5.
cf.
notes
et commentaire de
TIERNEY en
p.
108.

54
Her Rouge)"
(1).
-
Le pays des Troglodytes apparait egalement
comme la borne de l'Egypte chez JEAN SCaT ERIGENE et REMY
D'AUXERRE qui copie sur ce premier.
Tous les deux auteurs,
commentant un passage de MARTIANUS CAPELLA,
expliquent que les
Troglodytes sont des populations qui habitent en Orient,
sur
le littoral de la Mer Rouge,
aux confins de l'Egypte
(2).
Deux remarques s'imposent ici ~ propos de cette li-
mite-Est de 1 'Egypte.
a /
Comme on peut le remarquer,
cette cate habit~e par les
Troglodytes chez JEAN SCaT ERIGENE et REMY D'AUXERRE est de
toute evidence la contree qui repond au nom d'Arabie Troglo-
dytique chez DICUIL,
lequel l'etend jusqu'au NJl
(3).
Autre-
ment dit,
le pays des Troglodytes ou encore l'Arahie Troglo-
dytique,
c'est toute la partie orientale de l'Egypte,
c'est-
~-dire, la bande desertique qui va de la vaJlee du NiJ ~ la
Mer Rouge.
En consequence,
l'Egypte.
contrairement ~ la deli-
mitation precedente,
chez CLAUDE DE TURIN et peut-~tre chez
DICU1L,
o~ elle s'etend jusqu'~ la MeriRouge, se reduit pra-
tiquement ici,
chez le m~me D1CUIL,
comme chez JEAN SCaT ER1-
GENE et REMY D'AUXERRE,
~ la vallee du:Nil.
(1)
"Arabia Eudemon Phlecmea inter duos sinus Arabicum et Per-
sicum itemque citra Arabicum Trogodite~ (sic) Arabiam Aegypto
proximam.
Hae finiuntur ab Orienie soIls sinu Persieo,
ab oc-
cidente Nil0,
a septentrione Pharon et Vab Arabia,
a meridie
oceano Erithro;
"
D1CUILUS,
op.
cit. 11,
5,
p.
52.
-
Ex Divisione or~.
21.
(2)
"TrogodJtas Trogoditae sunt gentes in littore Haris Rubri
ad Orientalem partem habi tantes.
"Egyptum confinen" id est Tro-
godi tarum ••• ".
J 0 HA NNES SCOT TLJ S,
Ann 0 t a ti 0 ne s i n Mart i an u m,
e d.
C.
Eo
Lu t z ,
Ca mbI' id 9 e
(M ass a c h use t CS.
293,
22,
p ~ 1 37.
.
-
" Apud Trogoditas Trogoditae sunt gentes in littore Haris
Rub I' i a d 0 r i en tal em p a I' t em h a bit ant e s ,
"
Remigius Autissiodorensis,
commentum iA M~rtianum Capellam,
ed.
C.
E.
Lutz·,
T.
I.
293,
22 p. 135.
(3)
cr. DICUIL, Supra.

55
b /
Sans entrer ici dans l'~tude des populations,
signalons
cependant que les Troglodytes
(lI gens
qui
habitent dClns des
trous")
sont diff~remment si tues par les auteurs anciens.
Le
Periple d'HANNON
(1) les mentionne sur la cate occidentale
d'Afrique,
autour des grandes montagnes o~ le Lixus
(l'oued
Loukkos)
prend sa source.
Aux dires des Lixites,
iIs sont
plus rapides ~ la course qu'un cheval.
HERO DOTE egalement
mentionne des Troglodytes
tres
rapides ~ la course. 11 Jes
situe pres d'une autre population,
les Garamantes,
qui leur
don n e 1 a ch ass e sur des ch a r s
t i r ~ spar q u a t r e ch e v a u x.
0 n a
g~neralement situ~ ces Troglodytes dans le Tibesti~ au Sud-
Est du Fezzan
(2).
Mais il semble quIll faut les situ~r au
Sud
(3).
POMPO~lIUS MELA (4) et PLHJE L,'Ancien
(5)
signalent
par ailleurs des Troglodytes au
voisinage,
semble-t-il,
des
Au g i 1 a e ,
ha bit ant Sdi A0 u d j i I a,
en vir 0 n ; ~ 300 kms a u Su d Su d -
Est de l'actuel
Benghazzi,
et ~ 1 'Est des Garamantes (6).
EnUn,
DIODORE de Sicile
(7)
et PLINE
(8),
selon J.
J.
TIERNEY
(9),
placent les Troglodytes ~ l'embouchure de la Mer Rouge,
sur le littoral africain.
Crest peut-~~re ~ ces sources que
se rattachent indirectement DICUIL,
JEAN SCOT ERTGENE et REMY
D' AUXERI1E.
(1)
P~rlple d'HANNON, 7, apud J. Desanges, op. eit. p. 39.
(2)
Cf.
Desanges,
op.
eit.
p.
39.
(3)
Cf.
Desanges ibidem;
p.
139.
(4)
POHPONIUS fvIELA,
I,
23 apud
Desanges,
op.
cit.
p.
139.
(5)
PLINE V~
43,
apud Desanges,
ibidem.
(6)
Cf.
Desanges,
ibidem.
(7)
DIODORE,
lIT,
32-33,
apud J.
J.
TIERI~EY, Ope eit. p. 109
note IV.
(8)
PLINE,
VI,
169 apud
TIEI1NEY,
ibidem.
(9)
Cf.
J.
J.
TIER~/EY, Ope eit. p. 109.

56
Enfin,
toujours ~ l'Est, sur ce .qui ressort d'un pas-
sage de .L 'ouvrage anonyme De Rebus in Oriente mirabi.Libus ecrit
dans le Sud-Angleterre vers le premier' quart du Xe siE~cle
(1),
l'Egypte confine avec une contr~e fabu1euse denommee Lentibel-
slnea.
C'est une localit~ par o~ passent les gens qui se ren-
dent ~ la Mer Rouge.
Elle est etrange par la production d'un
nombre plethorique de b~tes monstrueuses,
dont les cynocepha-
les
:
I1
De meme l~,
ecrit I 'auteur anonyme,
naissent les
cynocephales,
que nous nommons conopoenas,
qui ont des cri-
nieres de chevaux,
des dents de sangliers,
des tetes de chiens,
qui soufflent le feu
et les flammes.
L~ se trouve la ville
voisine de ces liellx,
riche,
et remplie de bonnes choses
;
dans sa partie la plus ~ droite,
cette
terre est limitrophe
de I 'Egypte"
(2).
Ce passage du De Rebus in Oriente Hirabi-
libus,
comme 1 'ouvrage tout entier,
du
reste,
n 'est qu June
simple compilation,
o~ l'auteur anonyme, comme une sorte de
catalogue,
a cOllectionne divers fables et recits merveilleux
nes autollr de l'histoire de l'expedition militaire d'Alexandre
le Grand,
expedition qui le mena ~ la conquete de tout 1'0-
rient jllsqu'en Inde.
Ces merveilles.
forgees ou ampllfiees
appartiennent aux traditions
teratologiques qui
sont trans-
mises de l'Antiquite au Moyen Age.
(I) ANONYMUS,
De Rebus in Oriente Mirabilibus,
manuscrit en
1 a tin
e ten
a n 9 1 0 - s a x 0 n (d ate 9 9 5),
ed;, Y0 1I S SOLI f Ka ma1, r'1 0 nu -
menta cartoqraphica Africac et· Aegyptl,
op.
ciL
T.
3 fasc.
11
p.
679.
( 2 ) "
Similiter ibi nascuntur cenocephall quos nos cono-
poenas appellamus habentes jubas equorum,
aprorum dentes,
canina capita,
ignem et flammam flantes.
Hie est civitas vi-
cina dives omnibus bonis plena dexteriore parte ducitur ilIa
terra ab Aegypto."
Anonymus,
De Rebusin Oriente mira,bilibus',
op.
cit.
T.
3,
fasc.
2,
p.
679.

5'7
LES LIMITES PARTICULIERES
Ici,
les indications de fronti~res sont beaucoup
plus formelles et beaucoull plus precises que precedemment.
a /
La B~sse-[gypte
Elle est delimitee par trois rheteurs,
DICUIL,
l'A-
nonyme du De Situ Orbis"
et le ro! ALFRED.
- Au Nord,
DICUIL et l'auteur anonyme la delimitent
tous deux par.la Hediterranee,
denommee liNer d'Egypte" chez
DICUIL.
Singuli~rement, ALFRED la borne par la Pa.lestine.
- Au Sud,
seul DICUIL la 1im~te par l'Ethiopie,
tandls que l'inconnu du De situ orbis et le roi anglo-saxon
la bornent par la montagne appeJee C.li~ax.
- A l'Ouest,
tous les trois Iui assignent la Libye
comme limite,
avec toutefois deux preeisions
: la Libye deser-
tigue chez DICUIL,
et la Libye Cyrenaiquechez ALFI~ED.
- A l'Est,
enfin,
DICUIL parle du pays des Sarra-
sins
(1).
L'auteur inconnu nomme la Syrie et la Palestine
(2).
Et ALFRED cite l'Ar~b~e Troglo~ytigue des Scenites (3).
( 1)
11 Ae 9 y ptu s i n fer i 0 r
f i nit u r
ab 0 r i en t e Sce nit a rum Arabia
Trogodit~b occidente Lybia deserta, a Septentrione Mari
Aegyptio,
a meridie Aethiopia".
DICUILUS,
op.
cit.
IV,
1,
p.
54.
(2)
"Aegyptus inferior ab Oriente habet Syriam et Palestinam,
ab occasu Libyam,
a Septentrione Nare Nostrum,
a meridie mon-
tem,
qui appellatur Climax".
.
ANONn1US, pe Situ Orbis, op. cit. 1,4; p.
5.
(3)
"To the North of nearer Egypt is the country of Palestine,
and the East of it,
the district of the Saracens,
and
to
the
West,
the country of Libya,
and
to the South,
the mountain
called Climax".
10 n gAL F RED,
0 p.
cl to
I.
p.
3 3 •

58
Cette d~limitation de la Basse-Egypte appelle quelques
, I
remarques.
1. Au niveau des trois auteurs, les variantes ou les divergences
qu'on observe proviennent certes de l~ diff~rence des sources
utilis~es, mais elles refl~tent aussi certaines confusions
personnelles relevant de l'ignorance des auteurs au sujet
d'une r~alit~ qu'i~ne peuvent appr~hender autrement 'qu'en
imagination.
2. DICUIL r~p~te l'erreur de
la Divisi~_or~i~ (1) en assignant
la Basse-'Egypte l'Ethiopie comme borne-sud; Apparemment les
deux Egyptes ne sont pas l'une en prolongement de l'autre ~
raiseD de l'Ethiopie qui s'intercale entre elles. On ne peut
crOlre non plus que DICUIL consid~re plutBt l'Egypte dans son
ensemble comme
s'~tendant horizontalement, c'est-5-dire
d'Ouest en Est. Les propos qu'il emprunte ~ PLINE nous en
dissuadent puisqu'il dit que l'Egypte s'~tend vers l'int~rieur
en d ire c t i on duM id i
( 2). Par a i 11 e ur s' , i 1 re s so r t c he z 1 u i ,
que l'Ethiopie constitue aussi la borne-sud de la Hatite-Egypte.
Enfin, dans l'hypoth~se d'une Egypte s'~tendant d'Ouest en Est,
c'est logiquement la Haute-Egypte quidevrait etre la borne-Est
de la Basse-Egypte. Or tel n'est pas le cas chez l'irlandais
qui parle plutBt d'Arabie Troglodytique des Sc~nites, lequel
pose ~galement probl~me. Mais nous y reviendrons. 11 semble
inutile, dans le cas qui nous occupe, de vouloir chercher
d'autres explications ~ ce qui semble n'etre qu'une grossi~re
m~prise de la part de DICUIL recopiant servilement s~ source.
3. DICUIL mentionne l'Arabie Troglodytique des Sc~nites,
comme limite de la Basse-Egypte, ~ l'Est. Cette appellation
assez ambigu~ suppose, chez lui, une extension de l'Arabie
( 1)
Di vis io O! b i -'2,
20
(2)
"Proxima Africae colitur AEGYPTUS introrsus ad
1Tieric1H~rn
recedens
donec a tergo praete-ndan tur
Aethiopes".
DICUILUS, 01'. cit. VI,L - Ex PLINE V,48

59
Troglodytique jusqu'~ inclusion du pays occup~ par les Sc~nites.
L'alt~ration du texte de l'auteur, dans ce passage (1), ne
permet pas d'appr~cier exactement ce que l'auteur entend
d~signer l~, comme r~gion. On peut croire que la region en
question lCl est l'extremit~ Nord-Est de l'Egypte, soit la
peninsule du Sinai. En tout cas, chez PLINE (2),
les Sc~nites,
qui sont des Arabes vivant sous des tentes,
sont situ~s ~
lrextr~mit~ Nord-Ouest de la p~ninsule arabique.
4. Les autres auteurs, l'anonyme du De Situ Orbis et le rOl
ALFRED LE GRAND, ont une source commuhe : Paul OROSE (3).
Cependant on ne peut pas dire qu'ils s'accordent sur la
delimitation de la Basse-Egypte. Conf6rm~ment A OROSE,
l'auteur anonyme assigne ~ celle-ci, ~omme limites, la
M~diterran~e au Nord, et la Syrie et la Palestine ~ l'Est.
A la difference, chez ALFRED, qui traduit pourtant OROSE, la
borne-Nord est constituee par la Palestine, tandis qu'~
l'Est, la limite est le pays des Sarrazins. Concernant la
limite-Ouest,
il y a, certes, accord, cependant ALFRED
se fait plus precis qu'OROSE et l'ano~yme qui nomment
la Libye tout court, au lieu de Libye'Cyrenaique.
Enfin une identite de vue s'observe seulement ~
propos de la limite-Sud, que tous les trois auteurs
designent comme etant la montagne appelee Climax.
Dans l'utilisation des sources on peut noter que le
geographe inconnu du De Situ Orbis transcrit textuellement
Paul OROSE. Mais on ne peut en dire autant d'ALFRED LE GRAND.
Les variantes observ~es chez ce dernier, tant l~ qu'ailleurs
dans d'autres passages montrent bien que le roi du Wessex
ne fait pas une traduction ~ la lettre. Bien plus, certains
passages ou certains termes, chez lui, depassent m~me une
traduction
d'apres le sens, comparativement au texte d'OROBE
(1) L'~diteur J.J. TIERNEY, signale toutes les alterations du
texte par des signes x. En ce qui concerne le passage en question
cL
IV,'l.
p.
54
(2) PLINE V, 65
(3) OROSE,
I, 2.

60
par exemple la mention des Sarrazins comme limite-Est de la
Basse-Egypte ne figure nulle part chez :OROSE. 11 semble plut6t
qu'ALFRED adapte quelque peu le texte d'OROSE avec des ~l~ments
de lectures personnelles. On peut faire un rapprochement entrE'
les Sarrazins mentionn~s par ALFRED et les Arabes Sc~nites
dont fait ~tat DICUIL.
b / La Haute-Egypte
Des trois auteurs pr~c~dents seul l'ANONYME donne
une d~limitation compl~te de la Haute-Egypte. ALFRED en
indique les limites-Est, Quest et Sud, mais omet la limite-Nord.
Chez DICUIL, seule la borne-Suel est indiqu~e d'une facon
implicite.
- Au Nord,
la Haute-Egypte est limit~e par le golfe
Arabique, d'apr~s le g~ographe Anonyme.
- Au Sud, l'ANONYME et ALFRED lui donnent tous deux
l'oc~an pour borne. Chez DICUIL, il ressort que crest
l'Ethiopie dont il fait un sous-ensemble de l'Egypte (1).
- A l'Ouest, l'ANQNYME et ALFRED la bornent par la
Basse-Egypte. Ailleurs cependant, ALFRED lui assigne
imp 1 i c i t e men t co mm e b0 r ne 1a "L i bye des Et h i 0 pie n s " (2).
- A l'Est, enfin, elle se termine ~ la Mer Rd0ge,
d'apr~s l'ANONYME (3). Confus~ment, ALFRED lui assigne encore
l'oc~an, dont il la bornait d~ja au Sud. En outre la Mer Rouge
(1)
"Juxta Plinium secundum in_eadem longitudinem Aegypti
superioris cum sua AethioJ)ia" C decies et quat er et semel LXX
passuum, latitudinem Aethiopia
et Aegypti superioris DCCCCLVII
passuum Agrippa
existimavit . DICUILIS, op. cit.
IV, 2 p. 54
(2)
"On the West of LIBYA AETI-IIOPUM is the farther Egypt;'j
King ALFRED, op. cit.
I,
31
P 59
(3)
"Aegyptus superior in Oriente per longum extenditur, cui
est a septentrione sinus Arabicus, a meridie oceanus nam ab
occasu ex inferiore Aegypto incipit, ab Oriente
Rubro Mari
terminatur".
ANONYMUS, op. cit.
I, 4 p.
5

61
parait ~galement constituer cette limite-Est, toujours chez
ALFRED (1).
Dans la d~limitation de la Haute Egypte, Paul OROSE (2)
demeure encore la source commune ~ l'ANONYME du De Situ Orbis
et ~ ALFRED LE GRAND. DICUIL par contre, fait r~f~rence ~
PLINE L'ANCIEN (3).
x
x
x
Les variations observ~es chezlesauteurs carolingiens
~ propos des limites de l'Egypte apparaissent comme le reflet
m~me des diverses traditions litt~raires ant~rieures, qUI
relevent, d'une part, des connaissances
acquises par les
auteurs grecs sur l'Egypte, et d'autre part, des changements
d'ordre 3~o-administr~tif intervenus en ce pays aux ~po~ues
ptol~maique et romaine.
De l'Egypte, en effet, les Grecs ne connaissaient
I
jadis que le Delta (4). C'est lorsque HERODOTE eut remont~
le Nil jusqu'~ El~phantine, oD il s'arr@ta ~ cause des chutes,
que pour ses compatriotes la connaissance de cette partie
du pays devint effective. Dans le sens de la largeur,
SI
i
cosmographes grecs et romains ont th~oriquement situ~ la
I
frontiere de l'Afrique et de l'Asie, tahtot au Nil, tantot
aux Monts Catabathmos, tant6t encore ~ ~'isthme de Suez,
rejetant l'Egypte soit en Asie, soit en!Afrique, cependant
chez les auteurs tels HERODOTE et autre~ qui ont parcouru et
visite le pays,
l'Egypte, c'est pratiquement la vall~e du Nil.
/
(1)
"The farther Egypt lies east along the Red Sea, on the
South Side. On the East and South partsiof the country, lies
the Ocean; and, on its West side,
is the nearer Egypt".
King ALFRED, op. cit. I, 9, p. 33

62
c /
L'[gypte a l'~chelle geo-astronomi~
Defi~ie, en partie par une situation geographique
assez particuli~re, l'Egypte se caracterise, en outre, par une
certaine situation geo-astronomique qlJ'On
rel~ve chez trois au-
teurs
:
les deux premiers,
qui
appartiennent au groupe des rhe-
.
po ete
(1)
du premier quart du 1 Xe
'
teurs,
son t
:
un
anonyme
s J. e-
cle et REHY D.AUXERRE
;
le troisi~me, GERBERT
( 2) ,
qu i
devin t
Pare sous le nom de SYLVESTf(E 11,
est considere comme l'unique
"scientifique" parmi les auteurs etudies.
Chez ces trois auteurs,
et notamment chez GERBERT,
1 'Egypte est evoquee dans des considerations de geographie
mathematique ou astronomiquc qui
touchent a -" etude du cours
des plan~tes, en general, et en particLJlier, a ckux themes,
celui des sept cJimats,
d'une rart,
et celui de la (Jnomonique
et la duree du
jour,
d'autre part.
1.
l'Egypte dans la carte des climats
.. .. . .. .. ... .. .. .. .. ...... ... .. ... .. .. .. .. . .. .. .
Le terme
"climat" cst a prcnoreici clans son accer-
I
tion
etymologique grecque,
Oll
KA'I..-\\(j.
(en arabe
"iglim") de-
signc l'inclinaison de la terre vel'S le pale,
a partir de l'e-
quateur.
lci done,
ce mot
tradui t la
"-
meme notion que l"incli-
natio mundi" latin,
savoir,
l'inclinaison
de l'axe du monde,
(1)
ANONYMUS,
Carmen de Ratione Temporum,
ed.
K.
Strecker dans
H.
G.
H.
Poet.
VI,
1, 1951,
p.
196.
(2)
GERBERT
(940/45-1003),
d'abord moine d'Auri11ac,
puis abbe
de Bobbio,
ensuite archev~que de Reims et de Ravenne, et enfin
Pap e sou s 1 e nom deS YLVEST REI I,
est con si d ere co mme' 1 e pr e mi er
grand savant ayant vulgarise en
Europe,
da~s le monde latin,
les chiffres arabes et l'astrolabe.
On lui attribue legitime-
ment semble-t-i1,
le
traite intitule Libel' de astrolabio ou
libel' de utilitatibus astro1abii
(cf.
~lico1aus Bullnov, Gerberti
postea Silvestri 11 papae orera mathem~tica 972-1003,
Hildesheim,
1963,
p.
109 n.
1,
p.
116,
n.
la,
p.
117 n.
2,
pp.
370-375).
Ce
traite fut compose avant 999,
anneelo~ GERBERT devint pape.
Crest par les Arabes que l'auteur connait l'astrolabe qui,
dit-
il,
se nomme ega1ement Wa1zagora ou planisphere dc PTOLEMEE.

63
c'est-a-dire
tres exactement,
1 'angle que faIt cet axe avec le
plan
horizontal d'un lieu.
Cet angle est celui-m~mc qui exp1'ime
la latitude.
Aussi convient-on,
dans le vocabulalre astronomi-
que classique de traduire le climat par la "latitude"
(te1'1'es-
tr e) .
La t IH~ 0 l' i e des s e p t
cl 1 ma t s
vie n t a l a sui t e d' u n e
distinction fondamentale qui
se ret1'ou~e dans toute la geogra-
I
phie arabe
: 11
y a deux
terres,
eel-le: qu 'habitent les hommes
et celle qui n'est pas habit~e. Le globe terrestre est, en
effet,
partag~ en deux partie dont I' une est couverte par la
mer et est vide.
La moiti~ sup~rieure ~st partag~e en deux
par tie spa l' 1 e c ere 1 e d e l ' ~ q u ate u r.
L,a par t j~ e h a bit ee del a
terre dont on a connaissance se trouve! d 'un cote de l ' equateur,
dans la direction
du Nord.
Et cette portion habitee,
d'apres
1 'opinion
commune, ne represente que l~ quart de la terre-globe.
D'o~ parfois est-eIle appel~e du nom du Nord (ar1'ub
a;-;imali)
par les geographes a1'abes.
D~nomination imparfalte, puisque
le septentrion est d~sert, tandis que l'oecoumene deborde,
en
revanche,
au-dela de l'~quateur. Dans la representation de la
terre
(Sural-al-a1'd)
les geographes a1'abes divisent ce quart
habite en sept parties ou zones,
appelees cIlmats.
11
convient de noter que ce qui
vient d'~tre dit a
propos de la
representation de la terre et la divIsion en
sept
climats n'est,
a vrai dire, pas une originalite de la science
arabe.
C'est p1utot un
h~ritage de 1 'a:stronomle antique grec-
que
recuper~ par 1 'Islam chez PTOLEHEE, qui a adap te les tra-
!
vaux
de ses pr~decesseurs, notamment c.eux d'EI1ATOSTHENE (1).
( 1)
Nee n 2 40,
e t
mort 20 4 a v.
J. - C.
Ca ill e u l' SOil 1 e s i tu e e n -
tre
247 et 195 ay.
J.-C.),
ERATOSTHENE. est surtout c~lebre
par la
fonction
de bibliothecaIre d'Alexand1'ie <3 laqueJle i1
fut appele en
245 par PTOLEMEE EVERGETE,
et par la grande vari~­
te de ses travaux scientifiques ou lit~erai1'es. Dans le domaine
des sciences,
i1
s'occupa surtout de geographie
:
sa mesure
de la clrconference de la
terre est restee univcrsellement
celebre et admiree
;
il laissa en
outr~ une description de la
terre
(representation graphique de la terre)
qui
faisait de
lui le fondateur
de la g~ographie math~matiquc. En astronomie,
enfin,
il
~valuo a 11/83° de 360° (soit 23° 51' 19" - valeur
excellente)
l'obliquite de I '~cllptique.
Cf.
JEAN SOUBIRAN,
Vitruve,
commentaire p.
56 paragraphe 35.

64
ERATOSTHENE,
le premier des Grecs qui paralt avoir
e ss aye de
re cl u ire ens y stem e J a des cri pt ion cl e 1 Cl
t err e,
d 1 s -
tingue en effet sept climats,
qui se pr~sentent comme des sor-
tes de bandes d~termi~nes par des parall~les ou cercles pas-
sant par des points ou des lieux consid~r~s comme ~tablis as-
tronomiquement ~ des latitudes variabl~s par rapport ~ l'E-
quateur
:
- le premier de ces parall~l~s passe ~ 8 300 sta-
des
(l)
a u s u d d e l ' e q u ate u r,
par "1' i led e sEx Ll e s 11 en Egyp t e ,
par la partie m~ridionale de l'Ethiopie ou croit la canelle,
par la Taprobane
(Ceylan)
et sert de limite aux
reqions de la
terre OU,
suivant la croyance commune,
la grande ardeur du
soleil ne permet plus aux
hommes d'habiter
(2).
- le second parall~le passe par M~roe, ainsi que
par l'extr~mite m~ridionale de J 'Inde(3). 11 se si tue ~ 11 700
stades de latitude au nord de 1 '~quateur.
- le troisieme parallele passe par Syene
(Assouan)
et se confond avec le Tropique,
qu'ERATOSTHENE place ~ 5 000
stades de M~ro~ (4),
ce qui
situe ce paraJlele ~ 16 700 sta-
,
des de latitude au nord de J '~quateur.;
- le quatrieme paral1~le qui:passe par A1cxandrie
est fixe ~ 5 000 stades au nord du TrOI)ique, ou i1 21 700 sta-
des de latitude de l'~quateur.
- le cinquieme para11~le qu'ERATOSTHENE conduit dans
toute la longueur de la terre connue de SOn epoque,
passe par
(1)
D'apres les auteurs de l'Antiquit~:qui ont parl~ des tra-
vaux d'ERATOSTHENE,
ce dernier comptait 700 stades par degree
Cf.
par ex.
PLINE,
11, .112.
(2)
Cf.
STRABON,
1.
apud GOSSEL1N,
Geographie des Grecs analy-
see ou Jes syst~mes c1'ERATOSTHENE, de STRABON et de PTOLEMEE
compar~s entre eux, p. 8.
( 3)
Cf.
STRA0 0 ~I I I,
a p u d G0 SSELI Nap.
y it. p.
9.
(4)
Cf.
STRABON 11,
apud GOSSEL1N p.
9';
cf.
PLINE VI,
35.

65
les
Colonnes d'Hereule ou
le
D~troit d~ Gad~s (D6troit de Gil-
bratar),
le
d~troit de 5iei1e, les par~ies m~ridionales du P~­
lopon~se et de 1 'Attique, Rhodes, la Carie,
la
Lyeaonie,
la
Cataonie,
le
Golfe
d'Issus,
la r~~die, le long de la chaine du
Tau r us
qui
par tag e l ' As i e • ••
et s e t eT min e a T h in a e
( l ) .
Ce
parall~le est situ~ a 3750 stades d'Alexandrie (2), ou a
25450
stades
de
latitude
de
l'~quateur.
1 e
six i ~m e par all e 1 e pas se' par J' He 1 J PS P 0 n t
et
Byzance,
et
se
situe
a
8 100
stades
d'Alexandrie.
soit a
29800 stades de
latitude
de
l'~quateur (3),
-
le
septieme parall~le qui passe par 1 'embouchure
du
Borysth~ne (le Dniepr.) et les parties m~ridionaJes du
Palus Moetides,
se
situe a 5 000 stades de Byzance, 00 a
34 800
stades de latitude
de
1 '~quateur,
-
enfin,
le
huitieme parallele passe
par
J 'lIe de
Thul~ (Islande) situ~ a 46 300 stades de latitude de l'~quateur,
et
consid~r~e eomme 1 'extr~me limite s~ptentrionale de la ter-
re
habit~e.
Les
sept c1imats
sont
d~slgn~s du nom des lleux (sta-
tions)
les
plus
remarquables
par
o~ passent ces paral1~les.
Ainsi
s'echelonnent dans
l'ordre,
du
5ud
au
Nord,
les
climats
de
:
Mer 0 e,
5 y en e
( As sou an ).
Ale xa n d r i e , Rhode s,
1 I He 11 e s p 0 n t ,
1 e
B0 r y s t h ~ nee t
Th u le
(4).
(1)
Cf.
5TRABON 11
ibidem;
cf.
PLINE
V,
36.
(2)
Cf.
PLINE V,
36.
(3)
Cf.
Gosselin,
op.
eit.
p.
11.
(4)
Cf.
Les
Fragments
GeographiSLL!..es
d 'Eratosthene
(Eratosthe-
n i ca,
C0 mp 0 sui t
G.
BERN HARDY,
B e r 1 i 1, )
1 8 2 2 pp.
.I. 0,
5 3,
5 7 - 5 9
62-66
;
72,
73
;
ed.
Hugo
Berger 1880 pp.
qq.
Concernant les
7
elimats
d'Eratosthene,
voir
encore
Hugo
Berger,
Geschichte
der
Wissenschaftliehen
Erdkunde
cJer Grieeheh,
Abth.
I l l ,
1891,
pp.
9 4 - 9 8.
-
Cf.
5 TRABO N
LT e
e
0
8 ," 0 p" I Cd
(
d.
C.
Hu11 ere t
F.
Dub n er,
Paris,
1853)
1.
11 cc.
34-43.

G6
C'est dans
ce
contexte
climatique que
se
situent,
I
en
premier
lieu,
les
references
qui
sol1t
faites
a 1 'Egypte
I
I
chez
deux
c1es
trois
auteurs
cites plus' haut,
en 1 'occurrence
REMY
D.AUXERRE et CERSERT.
Chez RElAY,
toute la
reference
a 1 'Egypte resicle
clans
la mention
de
deux
termes,
"Diameroes" et
"Diasyenes",
dont l'auteur fait
une
glose
seche
(1).
Ces
termes.
puises
chez MARTIANUS CAPELLA
(2)
sont en
realite c1'orjgine ptole-
meenne
(3)
ils
designent deux
des
climats qui
passent par
1 'Egypte,
en
1 'occurrence,
Le
climat de Meroe et celui
c1e
Syene
(Assouan).
Ces
deux
climats,
comme nous
le
savons,
re-
pondent
au
premier et au
deuxieme climats d'Eratosthene.
CERSERT,
en
revanche,
se montre plus
proJixe
sur
cc chapitre
des
climats.
Dans le 1ivre. de
1 tAstr~abe,
CERSERT
expose,
en
effet,
a
ses lecteurs
le
tableau des
sepL climats
en
donnant pour
chacun,
le
trace,
c'est-a-c1ire,
La
region
o~
11
commence et celle ou
il
finit,
les pays,
les
villes,
etc .• ,
qui
y sont situes.
Et 1 rE~lypte,
comparativement, allx
autres pays ou
re-
gions rill moncle,
apparaIt comme
detenani une
position
geo-
astronomique particuliere,
voire
exceptionnelle
:
cl1e
est en
effet situee
successivement sur
la
trajectoire
c1e
trois cli-
mats parmi les sept qui
c1eterminent
toute
la
terre
habitee.
(1)
"
"Diamerocs",
id
est
de meroe
insula
Aegypti,
a Ivleroe
indpit.
"Dlasyenes"
id
est
c1e
Syene
quae: cs t
civi tas
Aegypt.l."
[{E!'IY
D.AUXERHE,
op.
clt.
1.
VIII,
462,·4,
p.
288.
(2)
MARTIANUS CAPELLA,
VIII,
462,
4.
(3)
Dans
sa Ceographie
(ed.
I'-'Iuller Paris 1883)
1.
I.
c.
23,
P to 1 em e e
en u mer e
21
par a 1 1 e1 e s don t
1 e ~ par all e 1 e s
4,
6,
8,
12,
13,
15 et 21
corresponclant
aux
7 p~ralle1es ou clirnats
d'ERATOSTHENE.
Dans l l Almageste
(ed.
Halma,
Paris 1813-16)
1.
IT.
c.
6,
le rnerne
PTOLEMEE
distingue
38
paral1eles c10nt
les para11e1es
5,
7,
9,
11,
13,
17 et
29 repondant aux
7
para11e1es d'ERATOSTHE~IE. Toujours clans l'Alrnageste
O. 11.
e.
12), 1'auteur donne la
earte
des
7 cJimats qui
sont
:
t~eroe,
S yen e,
l ' Egyp t e
I n fer i cur e
( des i 9 nee
sou s I ' e x p res s ion
'1
,d 't t.0
At'r LJ1t 'LOC;
) ,
Rhodes,
l'He11espont,
Le Pont-Moyen,
et
l'em'-
bouchure du
Borysthene.
'
Cf.
M.
BUBNOV,
op.
eit.
p.
139 n.
2.

67
Nous ne pr~senterons pas ic~ ces climats clans leur
totalit~. Nous consid~rerons uniquement ceux ayant trait a
J'Egypte ou du moins aux autres r~gio0s de l'Afrique :
- le premier climat commence en Orient.
clepuis
1 '0 c ea n (a l' em b 0 u ch u I' e duG a n 9 e) ~ e t is' ~ ten d jus q u 'a 1 a ~1 e I'
Rouge,
vel'S le Hidi en coupant ainsi l!'Inde~ I 'Asie et tous
ses confins qui vont du Levant a 1'lle de la Taprobane (Cey-
!
Jan),
les c1ix clt~s de cette lIe alnsi que plusieurs autres
c i t es (l' aut e urn e 1 e nom me pas) ~ Ant Lo c heT a r mart e (l),
I
Bit i n i a
(2),
1 aPe I' se,
que I que s
v I 11 e s: del' Ass y r i e,
AJ e x a n -
d r i e de Per s e ~ 1 a Her Per si que ~
1 I Ar a b,i e,
l ' Egyp l: e.
l ' E t hi 0 -
pie~ le Nil et J'11e de H~ro~, qui confere son nom a 'ce cli-
mat
(3).
- le deux.i~me climat commenc~ aussi en Orient, a
l'Oc~an (a l'11e Costra (4)
) et
traverse la Parthie et ses
confins~ une partie de la Perse,
passei au Nord vel'S le Hont
Sina"i: et au Sud
(Hidi)
vel'S les grancls: d~serts de Sodome et
!
Gomorrhe,
transite par Alexandrie d'Egypte
(5),
les peuples
de la Libye,
en partle l'Egypte Inf~rieure~ et ainsi s'~tend
a travel'S la Tripolitaine jusqu'a la HauTitanie
(6).
(1)
Antiochia Armata
: Antlochia Tarmata
Plppali ou Balec;vara
(Pauly -
WIssowa).
Cf.
N.
BUB~IOV
notes en p.
143.
(2)
Bitinnia
: Pitinna
(viDe
de J ' In de).
Cf.
BU 13t~ 0 V , op.
clt.
en notes Ibid.
(3)
"Initium prlmi climatis est ex parte orientali
ab Oceano,
ubi
sunt ostia Gangis pluvii et ambulat per Indiam et Asiam et
universos
terminos ejus ex parte Euri ~sque ad insulam Tapro-
banem,
quae est in oceano Indico,
ad ejus insulae civitates
decem
ceterasque plurimas
; et sic ab Oriente extenditur usque
ad Hare Rubrum contra meridiem,
scilicet Antiochlam Armatam,
Piternatam vel Bitinniam et Persidam et aliquas civitates As-
syriae,
Alexandriam Persiclae,
et Mare Persicum,
et
terram Ara-
bicam et usque Aegyptum,
et terram Aethiopiam pluviumque Nilum
et Hero.is insulam,
de qua etiam unum clima Herois appellatur."
GEr~ BE RTUS,
Lib e l' cl e a s t r 0 1 a b I 0
c.
XI X, , 1,
i n Ge rb e r t i
( S 11 v est r i
11)
opera mathematica,
~cl. ~Iicolaus Bubnov, Hildesheim, 1963,
-p:- 143.
(4)
Costra.
"insula Crise",
"insula Argire"? Cf.
I'!.
BUB~IOV,
op.
cit.
p. 144.
(5)
Alexandrie d 'Egypte et l'Egypte Inf~rieure (Basse-Egypte)
ap-
partiennent non pas au deuxieme climat~ mais plut8t au troisieme
("c1ialexandrias" chez ERATOSTHENE,
et "
"
chez PTOLEHEE).
Le parallele
qui passe clans cette
partie de l'Egypte lui confere son nom~
(6)
"Initium secundi climatls est ab Oceano de parte Orientis

68
-
le
troisi~me climat commence en Orient ~ rartir de
l'Ocean,
au ~1ont Tlmavus
(1),
traverse Antioche et
tous
ses
con fi n s,
pas se 1 e P h y son
(l e
Gan g e ),
0 'c cur e l ' AI' a c us i e,
l ' A1 -
banie,
en partie la Hesopotamie,
Gathogoras
(2)
et
Damas,
tra-
verse la Mer Morte,
la Libye CyrenaYque en partie,
puis
s'e-
tendant ~
travel'S diverses
autres regiOllS
que 1 'auteur trouve
long d'enumerer,
va finir
a 1 'ocean occidental
(3).
-
le
quatri~me climat ne traverse pas J'Egypte. Ce-
pendant,
il
n 'est ras
ininteressant de
J. 'enregistr~r
ici
a
cause de
diverses regions de l'Afrique qui
figurent
dans
sa
trajectoire.
Comme les autres
climats"
il
part aussi
d 'Orient,
et occupe en
premier lieu la Scythie e~ partie avec le cin-
q u 1 ~m eel i ma t ;
i 1
t r a Vel'S e
ens u i t e 1 e. Ca u cas e,
to u c h e e t
par -
tage
avec le
troisi~me climat une partle de la Mesorotamie, et
avec le
cinqui~me, la Cappadoc~, ensulte travers~ le Jourdain,
1 a Gal iJ e e,
e n p a I' ti e J e r usa 1 e In
e t
to us
se s
con fin s,
p u i s s ' e -
,
tendant ainsi
jusqu 'en Occident,
parta'ge Cyr~ne avec le troi-
sI~me clImat, tient Leptis Magna et en partie, la Numidie, la
TingItane et tous les autres
confins
j
squ'a 1 'Ocean occIden-
tal
(4).
i
(suite)
ab
insula Costra et
transIt per Parthiam ejusque
ter-
mInos et Persidae aliquas partes,
cont~a septendrionem montem
Sinai.
et contra merIdiem
deserta !"lagn'a Sodomae et Gomorrhae,
Alexandriam
Aegypti,
gentes Libyae,
pa~tlmque Acgypt0m infe-
riorem
et sic extenditur per Tripolitanam usque
ad Hauritaniam".
GERBErnUS,
Libel' de
astrolabio,
XIX,
2,
in
GerberU
postea Si1-
v est l' i
11 0 per a ~~ a the ma ti ca,
e d.
~I. Bu b n 0 v. Hi 1 er e she i m, 1 9 6 3 ,
p.
143-144.
(1)
Serait-ce l'Himalaya?
Cf.
N.
Bubnov.
op.
cit.
note
14 p.144.
(2)
Gathogoras
:
:
par la
partle,
c'est-a-dlre,
de 1 'Egypte
Inferieure,
le
troisi~me climat de Ptolemee, qui
repond
au
"dialexandrlas 1'
ou
climat d 'Alexandria
chez
ERATOSTHENE.
(3)
"Initium
tertii
climatis est in Oriente ab Oceano cle ~10nte
Timavo et ambulat per Antiochiam ejusq~e'cunctos termlnos,
tran-
sitque fluvium
Physon
tenetque Aracusiam et Alb~niam, partim-
que Mesopotamiam et Gothagoras,
-unde ~t ipsa nuncupatur-,
Da-
mascum,
transitque mare Mortuum
et pertim
Libyam
Cyrenaicam,
et sic per dlversos partium
terminos,
quos longum est edicere,
usque
ad Oceanum
Occidentis protensa finitur".
GERBERTUS,
Libel'
de
astrolabio,
c.
XIX,
3,
eel.
Bubnov,
op.
cit.
p.
144.
(4)
"Initium
vero quart!
climatis est in
Oriente
tenetque
in

69
Les pr~oeeupations quotidiennes d'ordre pratique et
utilitaire qui,
g~n~ralement, animent ~t sous-tenclent 1 'iJeti-
vit~ litt~raire ehez les ~erivains m~di~vaux, partjeull~rement
ehez eeux du IXe et du Xe sieeles,
tro~vent ~eho et illustration
iei dans le seeond theme,
eelui de la gnomonique,
qui va nous
o e e u per a p l' ~ S e n t. C' est, en e f f et, a e e them e que se rap p 0 r t e
le passage qui fait r~ference a 1 'Egypte ehez l'Anonyme du
poeme De ratione Temporum.
C'est egalement au
theme de la gno-
monique que
conduit tout naturel.1ement la
th~orie des elimats,
e he z GERBERT do n t l ' 0 b j e c t i f
fin a .1 est i d e men e r
s e s 1 e e t e u r s
a la science de la computation.
2.
gnomonique et r~fer~nces aux statio~s egyptiennes
................................... i
.
Dans 1 'Antiquit~ comme au Hoyen-Age, les 110mmes ont
!
-
~t~ confront~s au probleme pose par laimesure du temps. L'une
des applications Ies plus immediates et les plus anci~nnes de
1 'observation des astres a consist~ justement dans la' resolu-
tion de ce probleme.
La duree de l'annee et des mois,
avec
les tr~s nombreuses variantes chez les: differents peuples,
a de toute antiquite,
et~ determin~e par le cours dusoleil
et de la lune.
Par ailleurs,
crest le dep1acement iJpp'arent
du soleiJ
dans le ciel,
du lever au
coueher,
qui
a servi de
base a la division du jour. A vrai dire, eette division rev~t
plus un caraetere empirique que seientifique.
En effet,
au
lieu d'avolr On
jour de dur~e invariab~e, allant de midi a
midi par exemp.1e,
ou d'un lever au lev~r suivant (toutes les
divisions sont eoneevables iei)
et don~ les subdivislbns se-
,
ralent egales,
au
eontraire,
on
a defiri le jour par le laps de
temps que le solei1
passe au-dessus dei l'horizon.
Des: 10rs,
i1
I
(suite)
capite partim simu.1
eum quinto! Seythiam et
transit mon-
tem Caueasum,
et partitur aeeipitque e~m tertio partem Heso-
potamlae et eum quinto Cappadoeiam,
et] transit fluvium
Jordanis
et Galileam,
partim oeeupat Jerusalem buntosque suos terminos,
et sic ad oceidentem protensa partitur! Cyrenem cum
tertio,
tenensque Leptim t~agnam et partim NlImi~iam, Tingitaniam cete-
rosque terminos usque ad Oceanum,
ibique terminatur."
GEr-H3ERTUS,
op.
cit.
c.
XIX,
4,
p.
144.'

70
~tait n~cessaire de distinguer,
au moins approxlmatlvement,
les diff~rents moments de la journ~e : ce qu'on a faIt en ob-
servant la position du
soleil dans le ciel
(hauteur et direc-
t i on)
par 1 e rep er age del a 1 0 n 9 u e u r
0 u de l ' 0 r i en tat ion d e
l'ombre d 'un piquet vertical
appel~ "gnomon" (l).
Cependant,
il fallait
qu'on ;en arrive un
jour ou
I
I ' autre~ a une division r~guliere du jiour naturel. Cette divi-
I
sion fut
~tablie, d'apres la traditio~, par les Chal~~ens, qui
fixerent ~ douze le nombre des heures diurnes (et autant pour
les heures nocturnes par sym~trie san~ doute), et construisi-
rent les premiers instruments propresa determiner ces heures
avec une certaine exactitude
(2).
Te11e est I'orlgine de la
gnomonique.
11
convient de noter ici une lacune
:
cel1e qui
consistait a diviser en douze parties :~gales entre el1es, un
laps de temps variable d'un
jour a l'jutre. Les cons~quences
en
~taient que :
-
du
jour au lendemain,
la dur~e des heures se
modi fie
- les heures nocturnes,
pour un meme jour civil
ou astronomique~ ne sont ~~lales aux heures diurnes que 10rs
des ~quinoxes.
En d~pit de cette lacune f~~heuse~ cette division du
jour s'est
' .
' t '
I
t i t
t
l'A
. .
'
neanmO:lns perpe uee (uran
i ·-ou· e _
. ntJ_qu,Lte,
au
Hoyen-Age,
et jusqu'au XVle,siecle apJ
J.-C.,
posant'de serieux
!
(1)
Chez moi.
dans le Sud-Est de la Cate d'Ivoire,
1~s paysans
uti1isaient ~omme systeme, le rep~rag~ de la 10ngueur de l'om-
bre du
corps humain.
(2)
CL
HERODOTE II~
109,
apud J.
SOUBIRAN,
Vitruve,
De 1 'ar-
chitecture,
Livre IX,
texte ~tabli, traduit et comm~nt~ ~d. Les
Belles Lettres,
Paris, 1969,
p.
LVII. iD'apres J.
SOUBIRAN,
ceci
serait e~act et admis par
tous les hi
toriens des s~iences.
Cf.
n.
2 -.
i bid •

71
j1roblemes aux savants et ingenieurs preoccupes de gnomonique.
To u t
n a tu I' ell em en t ,
en e f f et,
1 e s Rom ai n s e t l ' Eu r 0 p e me die -
va 1 e 0 nth e I' i t e des GI' e c s 1 e u I' 9 nom 0 n i,q u e a ve c
to U s s e s i n -
convenients
: la division du
jour en douze heures de duree
variable,
les cadrans solaires et horloges .~ eau, designes
sous I' appellation commune d I horologia; (1).
Aider leurs lecteurs ~ resou~re ce probleme pose
~
A
I
,
par la mesure du temps,
tel j1arait etr~ le souci riu poete ano-
nyme et de GERBERT,
au travel's de ces
assages.
Ainsi,
parlant de la variatipn des ombres, ·le poete
!
, . '
anonyme rappelle que la 10ngueur des ombres portees par le
I
solei1
varient suivant les climats
(ce~ zones geographiques
son t
d if fer e mmen t
e x p 0 see s a u x ray 0 n s ;d u sol e i 1 ).
De c e fait,
on n'utilise pas pa~tout les m~mes cad~ans solaires (2) : il
I
faut changeI' d'instrument toutes les fbis
que l'ecar~ en lati-
I
tude d'un lieu ~ un ~utre depasse 600 ~tades (soit 94,5 km)
(3).
A titre d'exemple,
l'auteur cite :quatre zones geographi-
!
.
ques pour lesquelles il
indique la dur~e du jour le ~lus long.
Ce sont,
d'une part,
Meroe et Alexandr~e, de~x cllmats qui tra-
1
vers(~nt l'Egypte, et d'autre part,
Rome et la Brctagne.
L'ac-
croissement variable de la duree du jo~r, explique-t~il, fait
I
que le jour le plus long mesure 12 Ileu~es equinoxiaJes 8/9
i

Cl) Po u I' Ho I' 010 9 i u m
cad ra n so 1 a ire,
~ 0 l I' :
Ci c.
F am.,
XVI ,
1 8,
3 ; PLI NE I I,
1 8 7 ;
VI TRUVE,
I X,
7:,
2 e t
7.
P 0 U I' .H0 I' 0 1 0 -
gium
:
horloge ~ eau,
voir VITRUVE IX,! 8.
Ces instruments de
mesure du temps firent leur apparition: ~ Rome dans le' courant
du lIIe siecle ay.
J. -C.
pour le premi~r cadran solaire,
et au
lIe s.
ay.
J.-C.
(precisement en 159 av.
J.-C.
Cf.
PLH1E VII,
215,
Censorius XXIII,
7)
pour la premiere horloge hydraulique.
Cf.
J.
SOUBIRAN,
Ope
cit.
Introduction! p.
LIX.
(2)
Les cadrans solaires ordinaires n'~taient utilis~bles qu'~
la latitude pour laquelle ils avaient ~te construits, et cette
latitude correspondait ~ une hauteur dbnnee du soleil lors de
1 'equinoxe.
Cependant,
il semble qu'ili ait existe aussi
des ins-
truments utilisables pour toutes latit0des,
ou du moins pour les
latitudes les plus importantes du mond~ antique.
lIs devaient
&tre susceptibles de donner l'heure poGr la ville principale
de chacune des zones geographiques
:
ainsi pour Alexandrie,
Rhodes,
Athenes,
Rome,
Marseille,
Byzaf1ce,
etc .•.
(Cf.
PLINE
VI,
212 sqq.)
(3)
Chez PLIHE
(11,
74
(72)
182)
il
faut les chanqer 10rsque
1 'ecart depasse 300 ou
500 stades.

72
0)
a Her 0 e, "e x t rem i t e del' In de" (c cl put In die) (2 ), 14 he u res
a AJ. e x and r i e, 1 5 heu res a Rom e, e t 1 8 he u res e n Br eta gne (3) ( 4) .
L'une des applications pratiques et quotldiennes de
I
la mesure du temps au M.
A.
consiste Jans la regulation
harmo-
i
nieuse de 1 'existence journali~re (individuelle ou communau-
taire)
partagee habituellement en
tro~s periodes : l~s heures
I
de travail,
les heures de pri~re et l~s heures de repos.
Une
I
,
"
.
telle organisation suppose de la part [de l'homme medieval en
I
general,
et pl~ particuli~rement de c~lle du c]erc 00 du moine,
(suite)
Ces paliers sont determines par convention
d~ fagon que
les marges d'erreur ne depassent pas des limites acceptables
;
au lieu de ces deux nombres on
se contente habituellement d'une
.
I
valeur moyenne de 400 stades.
Cf.
STRABON 11,
87 apud.
I
0)
L'expression
"unius octo partes
(I<orae)" employee par l'au-
t e u I' anon y me p e u t
designer so i t
8 /l 2 ou 2/ 3 d' h e u re, c si 1 ' on
tient compte de la division de 1 'heure en
cfouze parties
tainsi
le comprend MARTIANUS CAPELLA
(VI,
695))
;
soi t
plutot 8/9
d ' he u I' e s e Ion 1 e se n s
h a bit u e I
del I e xp re s s ion
( cf.
rj LI NE VI ,
34,
21 7 :
"a d d ita non a p a I' t e un ius h 0 r:a e " ) .
:
\\
(2)
Sur Meroe,
les auteurs tiennent des propos diver~ents.
Chez PLINE par exemple,
on l i t :
".,.
Meroe,
ile du Nil habi-
tee et capitale du peuple ethiopien,
a 5 000 stacles de Sy~ne"
( Cf.
PL IN E I I,
75,
184) • Ch e z 1 e p 0 ~ t e anon yme d u De Temp 0 l' U m
Ratione r~eroe est 1 'extremi te de l'Inde
(cf.
note
3 ci-dessous),
REHY D.AUXERRE par contre fait
de Mero:e une ile de I 'Egypte
( cf.
Sup I' aRE HYD. AUXERR E).
- Mer 0 e e t'a i t
le nom d' u!! e v i l l e
situee sur la ri~e droite du Nil,
entr~ le 5e et le ~e catarac-
te,
en m~me temps que le nom du territbire compris eritre le Nil
e t
son a f flu en t
l ' As tab 0 l' a s
(a u j 0 U l' d I hu i
At bar a ).
Ce ~. t err i to ire
passait pour une grande 11e encerclee par deux bras ~u Nil. La
situation meridionale de Meroe
07° N.I)
lui avait valu une
grande celebrite comme lieu d'observat~ons geographlques et
astronomiques
(Cf.
STRABON I,
32;
11,,77,132 sqq.).
Sa dis-
tance de Syene
(Assouan)
a ete eva1uee!, par ERATOSTHENE a 5 000
stades
(=
790 km,)
[d'apres STRABO~1 II!. Jl4)~
-
i>
-
(3)"Lucis vario nam cremento
Bruta' namque Brittarir:dae
Caput Indie,
quod Meroe
Sensit sane superficies
Dicunt senes,
duodenas
Denisi octonis lucere Foebum".
Habet horas aequidiales
Atque unius octo partes
ANONYHUS,
R.
men
de Ratione
--:'---07-
Archa quippe Alexandria
Fusas horas cum fervore
Binas capit ac bissenas
Felix Roma fulget horis
In cancro celso quinis
deni s
..
(4)
Ces quatre regions ou zones figurent parmi les
7 climats
d'ERATOSTHENE.
Les chiffres proposes l~ ne sont pas tout a

73
un minimum de connaissances de la
"science des heures".
Le
souci de le Iui faire
acqu~rir conduit ici GERBERT ~ l'adop-
tion d'un moyen
tr~s pratique: l'utilisation de 1 'instru-
ment nomm~ astrolabe
(1)
pour r~soudre plus facilcment les dif-
ficult~s pos~es par le calcul g~o-ast~onomique. tel celui de
la latitude.
Avant d'en venir a 1 'usag,e de cet instrument,
l'auteur proc~de d'abord au rappel de :quelques principes de
base de la gnomonique,
tels la variat~on des cllmats, la ne-
I
cessit~ de modifier les horJoges suivant la situCltion de la
terre et les differences climatiques •• :.
Comme autorite,
il
cite en reference les noms d'ERATOSTHENE et de PTOLE~EE, les-
quels,
dit-il,
ont trait~ clairement ce Sujet
11
cite ega-
lement le nom de MARTIANUS ..
qui ..
d'apr~s lui, a expose abon-
damment non
seulement sur les variati~ns climatiques; mais
encore sur le m~ridien et la latitude !de chaque climat .. ainsi
que sur les heures~quinoxiales.
(suite)
fait conformes a la tradition, pour ce qui cdncerne
M~ro~ et la Bretagne : M~ro~ a habituetlement 13 heuies ;
quant a la Bretagne, depuis le voyage ,de PYTHEAS de ~arseille
on assimile g~n~ralement sa latitude a celle du Borysth~ne
( 1 e 0 n i e pr),
e t
1 a d u r ~ e d u j 0 u r 1 e p I ,u s Ion 9 yes t
del 7 h e u -
res.
!
(1)
Cet instrument etait familier
aux ~stronomes mus~lmans.
11 fut rapport~ de Catalogne par GERBE~T (peut~~tre ar~ce a
LLOBET de Barcelone ).
11 consiste en deux projections st~r~ographiques sur le
plan de I '~quateur (par rapport a leur, pole Sud) des deux
sph~res terrestre et celeste (la proje~tion de la premi~re
figurant 1 'horizon et les lignes propres a la latitude du
lieu pour lequel l'instrument a et~ construit). Les deux dis-
ques ainsi obtenus
(le tympan et l'araignee)
sont sup'erposes
autour cl'un pivot commun repr~sentant ~'axe du monde. Ainsi,
en faisant tourner l'araign~e (la cart~ c~leste) de
tielle sor-
t e q u ' ell e in d i que,
a un instant cl 0 nn~, 1 a position d ' un point
quelconque clu ciel par rapport au champ de 1 'observateur,
on
obtient ~utomatiquement la figuration ~u monde a cet'instant
et la solution graphique quasi
instant~nee de probl~m~s as-
tronomiques ou astrologiques
(lieu du [ever d'une et611e en
plein jour,
levers et couchers du soleil
en
tel
endroit ou a
tel1e ~poque de 1 'annee, etc ••• ). t"1eme lorsque 1 'astrolabe
se voit adjoindre une alhidade et un
cercle gradue,
il
ne sert
que tr~s accessoirement ~ 1 'observatioh.
- Nous avons emprunte
la description de cet instrument a
R:.
TATON,
Hist. ,q~n~raIe
des Sciences,
T.
I.
La science antique, et m~di~vale•••
2e ed.
P.
U.
F.,
Paris, 1966, p.
589.

74
11
estime par consequent utile
de
nous
I.ivrer
l'opi-
nion de
ce dernier,
ainsi
que l'opinion, arabe
a ce sujet (1).
,
.
Ce
rappel
termine,
vient ensuite
l'exp,ose proprement
technique
sur l ' u ti 1 i sat Ion
d e l ' as t r 0 1 a be po u r 'I e
ca 1 cuI
cl e
1 a 1 a t i t u d e
I
des difFerents climats,
et particuli~iement de celle du climat
ou l'on
est.
Ce procede doit etre conn:,u
a cause de son utilite
I
et de
sa necessite,
souligne GERBERT, iqui estime qu'on
ne
peut
le moins du monde parvenir a la "scien:ce des heures" ~si on l'i-
I
gno1'e
(2) •••
En
conclusIon,
l'auteur l;ivre,
comme donnees a re-
tenir,
en
ce quI
cbhcerne
chacun
des
s~pt climats,
d~une part
sa latitude p~r rapport a l'equateur terrestre. et d'autre part,
la duree maximale
du
jour
qui le
caracterise.
Ainsi
-
le
premier
climat
(3)
est
situe a la latitude 15°20'
de 1 'equateur
;
le
jour le
plus
long
y est de
13 heul~es equi-
noxiales
(4)
-
le
deuxi~me climat (5) passe a 23°16' de latitude
de l'equateur
;
la duree maximale du
jour y est
de 13 heures
I
,
(1)
Nous
verrons ce
qu'il
en
est de
ce
opinions
et de ces re-
Ferences lorsque noUs
aborderons infra le
probl~me des sources
de 1 'auteur.
(2)
"Hic dancla est ratio et utilissima: et valde
necessaria,
et
si ejus expers fueris,
minime
ad
horar~m scientiam p~rvenies."
GER BER TUS,
0 p.
c i t.
c
XV1 I I,
1.
p.
138.
(3)
Le
"Diameroes" ou
le climat de Herbe.
Dans
sa Geographie,
PTOLEHEE le
situe a 16°25' de l'equate~r, tandis que dans 1 'AI-
mage s t e,
i l 1 e
p lac e
a 1 6° 2 7 '. Che z 1'1 ART 1 AN US CAP ELL A', 0 n 1 it:
" ~l a m c 1 i ma t a 0 c t 0
sun t
:
sed
pro x i mu m s 0 J. s t i t i a 1 i
Di a mer 0 e s "
(Cr.
~1ART. VIII, 876) et aussi : "Ergo' secundum climata dies
d i.c u n tu r.
Di a mer 0 e s
ma x i mu s
dies
habet: a e qui n 0 c t i ale s
h 0 r a s
t red e c i m,
min i mu s d i e s
un d e c i m"
( Cf.
HART.
VI I 1,
S 7 7).
CF Ni co -
laus Bubnov.
op.
cit.
p.
141.
n.
9.
(4)
"Climatis primi latitudo
XV gradus: et
XX minuta
et dies e-
jus 1 0 n g u s
X1 I I
h r a rum
a e qui n 0 c t i a 1 i u m'." GER8 ERTlJ S,
I. i b e r
d e
astrolalJio
c.
XVIII,
3.
op.
eit.
p.
141.
(5)
Le
"Diasyenes" ou
climat de
Sy~ne (Assouan). PTOLH1EE le
situe a 23°50' dans sa Geographie,
et a 23°51' de latitude dans
l'Almageste.
HARTIANUS en
parle en
ces: termes
:
"deinde alterum
Diasyenes"
(Cf.
VIII,
876)
;
"Diasyenes maximus dieshoras
habet
q u a t u 0 r d e c i m,
mi n I mu s
d e c em"
( cr.
VI 1 I i,
8 7 7).
-
CF.
N.
BUBN0 V•
op.
cit.
p.
141
n.
10.

75
et
30 minutes
(1)
-
le
troisi~me climat (2) se situe a 30° 22' de lati-
tude
de 1 'equateur
;
et le
jour le plu.s long y
est de 14 heu-
res
(3),
*
* *
*
Ce s
con s id era t ion s
9 eo - a s t r 0 nom i que s,
0 u
1', Egyp t e
est evoquee,
appellent ici
trois
remarques.
-
.1
la
brEmi~re remarque porte surles sources de refe-
1
rences
de 1 'auteur
anonyme,
de
REMY D.AUXERRE et de
GERBERT
:
-
l ' An 0 n y me
f a i t
r e fer e n c ea: 1 ' Eg YP t e
d a n sun
p 0 em e
de
27 vers rythmiques,
qui
Si inti tule"De
Vario
Statu' umbrarum"
dans
ce
texte,
le po~te incannu s'lnsplre,
mais non
de facon
t ex tu ell e,
d' u n pas 5 age d u De
Temp 0 r u mi Rat i on e
(4)
cl u 010 i nee -
rudit
anglais,
BEDE le Venerable,
lequ~l a, par contre, compile
textuellement PlINE l'Ancien
(5).
(1)
"Climatis secundi latitudo
XXIII
gbadus
et XVI
mihuta et
dies ejus longus
XIII
horarum
XXX min~~orum,
quae est, medietas
horae".
GERBERTUS,
liber
de
astrolabio~ c.
XVIII,
3,
op.
cit.
p.
141.
I
(2)
le
"Dia1exandrias"
(ou
le
climat d'Alexandrie)
chez
ERA.
TOSTHENE
j
on
a
"per
Inferiorem Aegypt:V'
(:::
chez PTOlEHEE
(CL
PTOl.
Geogr.
IV,
5, i 55)
qui
le
situe a 30°
20'
dans sa
Geograp~ie, et ~ 30° 22' d~ns 1 'Almageste~ MARTIA.
NUS
(VIII,
8/6)
en
parle ainsi
:
"tertium Dialexandrias,
quod
ducitur per Cyrenas
in
Africam Carthagini
ab austro
a8jacen-
tem"
;
VIII
877
:
"Dialexandrias maxumus
haras
quatuo~decim
et disnidiam cum tricesima,
minumus no~em et dimidiamdempta
tricesima".
CF.
BUBNOV.
op.
cit.
p.
14i.
n.
11.
( 3)
"C 1 i ma t i s
t er ti i 1 a tit u d a XXX 9 r ad use t
XXI I
mi n II t a et die s
ejus maximus
XIV
horarum."
GERBERTUS,
Liber
de
astrolabia,
c.
XVIII,
3 op.
cit.
p.
141.
( 4 )
BED A,
De
Te mp 0 rum
Rat ion e,
XXXl,
20 - 5 4 "D e
d i_ spa r i
1 0 n 9 i tu -
dine
dierum et vario
statu
umbrarum".
(ed.
Jones,
Bedae opera
de
Temporibus,
The medieval
Academy of [America,
Ci'lrnbridge,
Mas-
sachuset~, 1943, p.
238-239).
(5)
PLHI.
Hlst.
Nat.
11,
75,
186-7.

76
-
la
r~f~rence ~ l'Egypte ch~z REMY D.AUXERRE re1~ve,
une
fois
de
plus,
de MARTIANUS CAPELLA: dont
U
commente l'ou-
vrage
(1).
-
clans 1 'un
des
passages
consacres a
cettc question
des climats,
GERBERT cite comme
autorit~s de r~f~rence, ERA.
,
TOSTHENE,
PTOLEMEE,
~lARTIANUS et une opinion arabe (2). Que
I
faut-it
en
penser plus exactement ?
Le: recours
~ EnATOSTHENE
I
I
et ~ PTOLEMEE ne d~passe gu~re la simple citation nominale.
I
En
effet,
comme le note
justcment N.
BUBNOV
(3),
il
semble
que GERBERT ait puis~ le nom dIERATOST~ENE chez MARTIANUS,
tout comme
celui
de PTOLEHEE soit chez: ce meme
auteur
(4),
i
soit -ce qui
est plus
vraisemblab1e-
a~pr~s de CASSIODORE (5),
,
ou
bien
de
BOECE
(6),
dont
s'inspire
CASSIODORE lui-meme.
Contrairement a
ce qu'affirme GERBERT
(7),
la questioh
du me-
ridien
et de la latitude
des
climats
n'est pas
trait~e chez
MARTIANUS,
mais
plutot chez
PTOLEHEE
(8).
-
~lalqre l'annonce
c1e
nous donner l'opinion
de MARTIANUS ainsi
que 1'opinion a-
rabe
(9),
GERBERT
suit uniquement cette derni~re clans, l'expos~
sur
la
technique
du
calcul
de la latitude
des
climats
au moyen
I
'
,
,
'
de
l'astrolabe
(10)
et dans les
donnee~ (la situation en degr~
de latitude et la
dur~e maximale du jour aux ~quinox~s) a re-
tenir sur
chaque
climat,
et particuli~tement sur ceux-la,
qui
(1)
11
s'agit de
"Des Noces
de Mercure:et'de la Phi101ogie et
des Sept arts' lib~raux, ouvrage deja ci te.
Le pas'saqe concerne
est tvlARTIANUS,
VIII.
462,
4.
(2)
Cf.
GERBERTUS,
Liber de astrolabio;
c.
XVIII,
1
(~d.
BUBNOV,
op.
cit.
p.
139-140).
!
(3)
Cf.
N.
BUBNOV,
op.
cit.
p.
139 n.
2.
(4)
CL
MARTIANUS,
VI.
595-598.
(5)
cr. CASSIODOnUS, De Ar'tibuS' ac dis6iplinis liberaJium lit-
terarum,
c.
VII.
(6)
GEnBERT peut
avoir
puise le nom dejPTOLEMEE dans l ' Astro-
nomie de
BOECE,
qui,
d'apr~s CASSIODORt, aurait traduit PTOLE.
MEEdu gree en latin.
Cf.
BUBNOV,
op.
elt.
p.
139,
n.
2.
(7)
GERBERTUS,
Liber de
astrolabio,
c.
XVIII,
I,
5
(~cI. BUBNOV.
op.
cit.
p.
139-140.)
,
(8)
Cf.
HARTIANUS VIII,
877 et PTOLEMEE,
Alm'ag.cc.
6 et 12.
( 9)
GER BERTU S,
Lib e r
d e a s t r 0 1 Cl b i 0,
c. ,X VI I I,
I,
5
(~d. BUBN0 V,
o p.
e i t.
p.
1 40 )
"C u jus se n ten t i a met Ar a b ie a m non
est in u -
tile
seribere."
'
(l0)
Cf.
GERBERTUS.
Liber
de Astrolabio,
c.
XVIII.
2.' (~d. BUB.
NOV;
op.
cit.
p.
140-141).

77
co mp re n n en t
l ' Egy P t e
(1).
Ce t t e 0 pin i oin a r a be q u 1 cl i f fer e de
I
c ell e d e ~1 ART I AN USe t par ti c u 1 i ere men t[ cl e c ell e cl e PTO LEM EE ,
I
semble avoir ~t~ puis~e par CERBERT da~s un ouvrage qui pour-
rait ~tre probablement le trait~ d'Ast~onomle (Liber Astrolo-
,
gia)
traduit en latin par un certain LbpEl de Barcelone,
et
dont CERBERT faisait la demande clans une correspondarice
(2).
Notons que N.
BUBNOV a d&couvert un fr~gment de tralt& de 1 'as-
trolabe,
traduit et adapt~ de 1 'Arabe i; ce traite pal~ait bien
i
avoir ~t& utilise par 1 'auteur du De Utilitatibus astrolab~,
,
autre nom du Liberde a·strolabio qu'on: s'accorde a attribuer
i
a CERBERT. Peut-~tre faut-il voir dans' ce fragment, le Liber
de astrologia traduit par LOPEl de Bar~elone et sollicite par
CERBERT
(3).
- En ce qui concerne MARTIANUS,
CERBERT le cite,
question de ne pas donner 1 r impression qu I i1 l'ignore.
La source de CERBERT en ce q0i concerne le chapitre
XIX est assez incertaine.
En effet,
toGt ce qu'on li~ dans ce
chapitre sur la carte des climats,
et particulieremcnt ceux
qui int~ressent l'Egypte (4), se trouv~ chez les auteurs la-
tins
(5).
Dans les differents noms g&ographiques qui
sont rap-
portes en ce chapitre.
il n'y a rien,
a vrai dire, qui d~note
.
i
une eventuelle trace de la science et 8e la langue arabe,
I
.
quoiqu'en
di~e un passage du texte(6)~ Au lieu d'une source
-
I
I
arabe,
GERBERT emprunte,
semb1e-t-il,
pour ce qui est de ce
passage,
a quelque source latine dont ~a1heureusement i1 ne
donne aucune indication.
(.I)
Cr. GERBERTUS,
Libe'r' de astrolabio,
c.
XVIII,
3 (&d.
BUBNOV
op.
cit.
p.
141).
(2)
En 984 i GERBERT ecrivait de Reims a un certain LOPEl de
Barcelone
(Lupito Barchinonensi) pour lui demander l'envoi
d'un traite d'astronomie
(Liber de Astrologia)
que ce LOPEl
avait traduit du sarrazin.
Cr.
DUHEME,: LeSysteme clu .Honde,
T.
3
:
L I As t r 0 nom i e 1 a tin eau 1'1. A.,
Her mann e t
F i 1 s ,:. Par is,
I
"
1915,
p.
165.
i
( 3)
Cf.
BUBN0 V,
App end i x V : F rag men t u ~l li be 11 i
de a s't r 01 a b i 0 ,
a quodam
(au Lupito Barchinonensi)
ex Arabico versi,
pp.
370-
375.
:
(4)
Cr.
GERBERTUS,
Liber de astrolabiol
c.
XIX,
1-4 (ed.
BU.BNOV
op.
eLt.
pp. 143-144).
,
( 5 ) Par e xe mp 1 e,
Cf.
PLI NE His t.
Nat. , VI,
3 3,
211 e t
3 4 .
(6)
En
final
de la pr~sentation des sept climats, on lit en
effet ceci
:
"Hae distributiones climatum et latitudines se-
I

78
i
-
2
-
La deuxi~me remarque a trai~ au rapport entre As-
tronomie et Comput.
La connaissance du monde ce.l.este a toujours ete
I
consideree par les Anciens comme une ~oie d'acc~s pri~ilegiee
au monde divino
Les Chretiens du Hoyen-Age adopterent cette
attitude en depit d'une confusion mi.l. .l.enaire de J 'Astronomie
et de l'Astrologie,
qui ne facilitait ~oint la distiMction
entre la connaissance scientifique et son utilisatiori supers-
titieuse,
et qui,
chez les grands auteurs ecclesiast~ques du
IV si~cle ape
J.-C.,
se traduisait par une stricte cdndamna-
tion de tout savoir astronomlque a cau:se de la mefiance de
I
1 'a s t r 0 log i e
(J.).
H0 ins cat ego r i que s d'ia n s 1 e u r
jugement,
les
,
.
' d
I
.
aut e u r s po s t er J. e u r s man t re r e n t o n c un: c er tal n attachement a
_
i
la connaissance astronomique.
ISIDORE De SEVILLE,
par exemple,
I
r e n 0 u a a v e c 1 a t r ad, i t ion d e l ' a s t r 0 nom ii e pro fan e
( d a n s lap el'S -
pective platonicienne)
il
considerai~ en effet llastronomie
comme essentielle a la culture chretie~ne, parce qu'elle fait
connaItre les symboles cosmiques des myst~res chretiens (2).
Pour tout dire,
connaissance astronomi:que et contemptation
religieuse sont clevenues inseparables.: Cependant.
cl June maniere
,
,
.
generale,
pour le commun des lecteurs rullement tent~ par les
I
speculations theologiques,
la connaiss~nce astronomi~ue, fort
modestement reduite a quelques notions! elementaires sur le
!
..
cours des principaux astres est etroit~ment 1iee a I j science
du computecclesiastique.
En effet,
ce! sont les astres qui
r~-
,
.... i
glent les divisions du
temps.
C est meme,
dans le Livre de la
!
Genese,
la fonction essentiel1e que le; Createur a confie aux
(suite) _cundum Arabicos fiunt auctores," Cf.
GEHOERTUS,
Libel'
de as t r 0 1 a b i oc . XIX
(e d.
BUD NO V.
0 p.
c :i. t.
p.
1 46).
H a i sOU 0 NO V
affirme qulil
s'agit d'une glosedu copistc,
car elle'manque
sur certains manuscrits.
Cf.
N.
BUBNOvL
op.
cit.
p. 146,
note
29.
(1)
Ainsi par exemple,
Saint Ambroise ~ui rejette tout savoir
astronomique,
fut-il
ordonne aux fins
elu calendrier agricole
( Cf.
Amb r.
Epi st.
4 4 ,
9 Ivl L.
t.
1 6 C.
1 1 3 9 b.)
(2)
CL
J.
FONTAINE,
ISIDOHE De SEVILLE et la culture.·dans
l'Espagne Wisigothigue,
T.
2,
Etudes A~gustiniennes,Paris,
1. 9 59.
p.
58 5 •
. ....

79
astres
:
"Qu'il y ait des luminaires au firmament e1u ciel
pour s~parer le jour et la nuit ; qu'ils servent de siqnes,
I
-
tant pour les fetes que pour les jours et les annces"
( l ) .
Ains i,
p 0 u r 1 e cl e r c 1 e p 1 u s m~ f i ant e'n ve r s 1 1 a s t r 0 nom i e ,
la connaissance ~l~mentaire des r~volutions astrales et de la
carte du ciel
s'av~re-t-elle indispen~able au calcul des dif-
I
fcrentes dates de 1 'ann~e liturgique et des heures de 1 'office
quotidien
(2).
On peLlt ais~ment compreindre ici
toute la por-
t
tee de l'entreprise de GERBERT ~ travers ces consjd~iations
astronomiques que nous venons d'analyser.
Le souci d'ordre
pastoral que refl~te implicitement ces pages trouve son fon-
dement-meme clans le premier chapitre de la Gen~se.
- 3
-
La derni~re remarque concern~ la rupture deGERBERT
d'avec line certaine tradition
l'inte~pretation astrologique
des climats.
Outre la relation existant ehtre Astronomie et comput,
rappelons ici le rapport etroit qU'il ~ a, par aille~rs, entre
Ast.ronomie et Astrologie.
Dans 1 lAntiqGi te en effet,et preci-
I
s~ment dans la civilisation hell~nisti~ue, la connaissance des
mouvements astraux est li~e ~ une croy~nce parenne populaire
tr~s vivace : la croyance astrologique, c'est-~-clire la foi
en la toute-puissance des astres sur la destin~e du monde et
des ,hommes.
Avec PTOLEMEE,
science des: astres
(astronomie)
et
religion
astrale
(astrologie)
paraissert definitivement asso-
ciees
(3).
Par l'astrolo~lie, l'homme e,t les etres vivants sont
integres au syst~me de l'univers : il ~'etablit entr~ eux et
1 'ordre du monde,
un ensemble
tr~s etrbit de relation's. Ce qui,
clans le domaine g~ographique, se tradu~t par la question des
I
rapports des creatures avec le milieu qu'elles occup~nt. Comment
s'etablissent-elles ces relations entr~ l'homme,
lesetres et
le monde ? D'apr~s la croyance,
chacun des sept climats est pla-
ce sous l'action et l'influence d'une plan~te- (4). A l'origine
(1)
Ge n es e l , 1 4 • Tr a cl. Bib 1 e de J~ r u sal em sou s 1 a cl ire e ti on
du R.
P.
de Vaux.
(2) Cf.
J.
FONTAINE,
Ope
eit.
T.
2.
p.1457-458.
(3)
Cf.
J.
FONTAINE,op.
cit.
p.
459.
(4)
On compte
7 plan~tes qui sont : le' soleil, la lune, Mars,
Jupiter,
Saturne,
V~nus et Mercure.

80
donc,
il y a une loi d'adaptation
a l'environnement astral.
Autrement dit,
d'apr~s les astrologues, chaque partie de la
terre est en rapport avec une partie de la sph~re c~leste, dont
elle est la projection et de qui elle re~oit son caract~re
propre.
Ainsi,
l'action ou 1 'interaction des plan~tes et leur
influence determinent et conditionnent sur
terre l'existence
des etres vivants,
et particuli~rement celle de l'homme, de-
puis sa naissance,
voire depuis sa ges~ation dans le sein ma-
t ern e 1 jus q u ' a sa mort , en un m0 t,
tout e sa des tin e e .
Sur c e s pr i n c i pes,
des aut e u:r san c :i en s e t m~ die v a u x
o n t
9 r e f fed e s i ri t e r p r eta t ion sou des ie x p 1 i cat ion s p s e u cl 0 -
scientifiques de certains ph~nomenes n:aturels ou imaginaires
ils ont emis des appreciations sur la ~lore et la fa~ne des
clifferents milieux geographiques,
porte au
etabli des jugements
de valeur sur les peuples ou les soci~tes, sur le co~portement
et les moeurs des hommes de tel
ou
tel climat,
sur leurs traits
physiques ou leurs caraeteres maraux.O).
0) Chez PLIHE L'Ancien
(11,
78
(80)
)
par exemple,
il y a
une relation de cause a effet entre l'~ction du soleil et les
differents caracteres physiques et mor~ux qui differencient
les habitants des trois gran des zones :terrestres
:
l~ zone froi-
de
(1 e
No rd),
1 a z 0 n e de ch ale u r
( 1 e Mi d i),
et en t r e 1 e s de u x ,
la zone temperee
Cl 'Europe). Ainsi 1es' Ethiopiens qui sont ro-
tis par la radiation
du soleil
tout proche,
et qui r~spirent
des la naissance l'air brule de 1 'astre,
ont la
barbe et les
cheveux crepus,
tandis que les ~lordiques ont la peau :blanche
et glacee,
avec de longs cheveux
blond~ ; alors que la mobi-
lite de 1 'air rend les Ethiopiens sages,
le froid
ra~de de
l'air rend par contre les Hordiques sauvages
;
la morphologie
de leurs jambes prouve que,
chez les Ethiopiens,
les sues sont
attires dans le haut du
corps de par l~ radiation s01~ire, et
que chez les Hordiques,
ils soni refoutes dans ses pa~ties
in fer i e u res par 1 a ch u t e cl e s 1 i qui des;
con c ern ant 1 a fa u ne,
la region glaciale produit des betes pesantes,
tandis que
dans la region chaude, les animaux ont: des formes variees,
et le feu celeste accelere la vitesse des nombreuses ':especes
d 'oiseaux qUi y vivent ;
dans les deux, regions toutefois,
les
etres sont de gran de t a i l l e :
dans un ca,s sous la pdussee
des feux,
dans 1 'autre,
sous l'effet de l'humidite nourris-
sante.
Quant a la zone intermediaire o~ temperee, le melange
bien dose de la chaleur et du froid y fait regner un
equllibre
harmonieux
: les
terres y sont fertiles en produits de toutes
s~rtes, la taille des etres mesuree, a~ee une juste proportion
meme clans la couleur de la peau,
les m~eurs y sont douces,
le
jugemen t
clair,
l'intelligence fecondei et capable d 'embras-
ser la nature toute entiere...
:

81
Chez GERBERT par contre,
rien
de semblable ~'est ~
signaler.
Le trait~ sur le cours des a~tres, et la position
climatique de l'Egypte ne donnent lieu: ~ aucune interpr~ta­
tion de type astrologique d~bouchant sGr des jugements de va-
i
leur pareils ~ ceux qu'on peut lire chez un PLINE ou chez les
auteurs musulmans,
au Moyen-Age
(J.).
L 'observation ou la
connaissance du cours des astres paral~ uniquement ordonn~e,
id.,
aux besoins pratiques et utilltaires du
comput.
et 11
I
ne saurait en etre autrement.
En effet i,
si l'hostilit~ de cer-
.
h
'
.
t
I .
t
.
f
' t
talns auteurs c retlens envers
·out sa~olr as ronomlque a
al
place ~ un accueil plus favorable de l;'astronomie chet d'au-
tres,
en revanche,
il
importe de soullgner chez
tous,
cette
attitude commune:
la condamnation con:stante de l'ast:rologie.
C 'est en efFet,
a cause de la croyancei astrologlque ~ laquelle
elle est li~e (2),
que les auteurs ant~r1eurs comme Saint-
Ambroise ou Saint-Augustin
(3),
contempora!ns d'un paganisme
:
encore vigoureux,
ont jet~ l'anath~me ~ur l'astronomie en bloc.
i
La constance de cette condamnation de l'astrologie se retrou-
ve chez les auteurs post~rieurs. C 'est: ainsi que tou t en em-
p run tan t. a 1 a t r a d i t ion ant i que c e t tee 0 n c e p t ion a s t r'o log i que
des climats consid~r~s comme des 11gnes c~lestes dont la pro-
jection d~termine sur la terre les dif~~rences entre les ca-
I
I
(1)
Comme les Anciens,
les auteurs mus61mans,
au Moyen-Age,
reprennent ~galement le th~me de la dl~tribution des aptitu-
des selon les pays et les peuples.
HAMbANI,
auteur arabe,
ori-
glnaire de l'Arabie du Sud,
mort en
33~ de l'h~gire (945 ap.
J. -C.),
~crit-il a propos de 1 'Egypte ': IILe pays de Cairouan
et l'Egypte particuli~rement dans le bas-pays subisseht l'influ-
ence des G~meaux et de Mercure
: les h~bitants sont rkf1~chis,
in telligents et sagaces en
toutes choses,
surtout en philoso-
phie,
en gnose et en
th~ologie... lIs s'adonnent a 1a'divina-
,
,
I
tion,
touchent a tout avec competence et pratiquent l~s mys-
t~res, en un mot, ils excellent dans l~s sciences th~6riques.
Ceux de la Th~barde, des oasis et de l~ Trog1odytique, se mo-
del ant sur la Balance ,et V~nus, sont d'un naturel vif; et actif.
Le u r
pay s est fer t i 1 e,
pro s p ~ r e e top u1 en t ".
HAMDMJ I,
a p u d A.
MIQUEL,
La G~ographie humaine du mon~e:mu5ulman jusqu'au mi-
lieu du' Xle s.,
t.
2,
ed.
Houton et Cie,
Paris,
1967, p.
145-46.
(2)
Les deux concepts
-Astronomie et A~tro1ogie- furent souvent
confondus sous les termes interchangeables "astronomia" et "as-
trologia".
C'est ISIDORE De SEVILLE qui
aurait ~t~ le premier ~
~tablir entre les deux mots latins une: "diff~rence" rest~e fa-
meuse dans 1 'histoire des sciences.
Ce!qui annonce la sp~ciali­
sation s~mantiquc des deux termes dans:les langues modernes. Cf.
J.
FONTAINE,
op.
cit.
p.
459.
(3)
CL
Ambr.
Epist,
44,
9. 1'1.
L.,
t.
16,
C.
11396.
- Cr.
Aug.

82
ract~res humains et les especes animales (1), CASSIOtiORE et
ISIDORE De SEVILLE,
n'en condamnent pa~ moins l'astrologie
avec ses d~pravatlons superstitieuses ~t ses croyances magiques,
qui sont des signes de paganisme.
GERBERT qui sans doute n'ignore pas -pour 1 'avoir
peut-~tre lu, sinon chez les auteurs ahciens, du moins chez
les aute~rs musulmans dont les ~crits lui ~taient familiers-
toutes les interpr~tations de type ast~ologique auxquel1es
conduisent le trait~ sur le cours des astres en g~n~ral et
en particulier le trait~ sur les climats, passe sous silence
c e t a s p e c t
del a que s t ion,
r 0 mpan t
a ins i,
s em b1 e - t - Lt: ,
a v e c
la tradition antique jug~e incompatibl~ avec l'esprit chr~­
tien.
Sa sensibilit~ et sa foi chr~tiehnes semblent Iui avoir
interdit de suivre une voie maintes fo~s condamn~e par
tous
1 e s "a u c tor ita t e s "_. .
** -)(-
*
i
Dans la repr~sentation graph+que de laterr~ habit~e
avec sa division en sept zones ou
clim~ts, l'Egypte o~cupe une
position particuliere.
En effet,
parmi, tous les pays,
seule
,
elle est travers~e par trois climats diff~rents, dont. les la-
,
,
titudes,
~valu~es a 15° 20' pour le premier, a 23° 16' pour le
second,
et a 30° 22' pour le troisieme~ passent respectivement a
M~ro~, a Sy~ne et a Alexandrie. De cet~e situation g~b-astro­
nomique,
il r~sulte que la dur~e du temps de passage du soleil
au cours de son mouvement apparent dans le ciel,
varie suivant
les diff~rents points de l'Egypte. Autrement dlt, le jour le
plus long n'a pas la m~me clur~e it Mero~,
a Sy~ne (Assouan) ou
a Alexanclrie: dans la premi~re localit~, la dur~e est de 13
( sui t e) 2~2, 1 5 ,
42,
CSE L,
t • 63,
p. 1 7 6 ,
2 3 = ML,
t • 3 2 ,
c. 1014 :
"astrologiam ••• magnum religiosis argumen.tum tormen-
tumque curiosis".
Cf.
Aug.
Doctr.
Christ.,
2,
29,
46,.p.
40,
18 sq.
Vogels.
(1)
IlS un t
enim,
ut dictum est,
climata; quasi septem lineae ab
oriente in occidentem directae,
in quibus et mores hominum dis-
pares et quaedam animalia specialiter diversa nascuntur".
CASSIODORE,
Inst.
2,
7,
3.
- Cf.
1SID., orig.' 3,
42,
4.

83
heures ~quinoxiales, dans la seconde, ~lle est de 13 heures
,
et demie,
tandis que la troisi~me enre~istre un jour maximum
de 14 heures.
Une autre cons~quence poGr 1 'Egypte,
e~t qu'on
ne peut y faire usage partout d'un m~me cadran solaire
11
faut en changer chaque fois
que l'on passe de M~ro~ ~ Sy~ne
ou de Sy~ne ~ Alexandrie.

84
2 • LES DENOMINATIONS DE L.EGYPTE
Comme entite geographique,
1"Egypte affecte diffe-
rents noms
dans les
textes.
Outre l'appellation
"Egypte",
eIle
est aussi
designee sous
~es denominatipns : AERIA, CHAM et
IH~RAYIM.
a
/
Aeria et Aegyptus
AERIA
Avant d'~tre designee sous sbn nom actuel,
l'Egypte
s'appelait
"AERIA",
nous dit RABAN MAUR,
et ses
habLtants
"AEREI"
(l).
L 'encyclopediste germain
est seul
panni les
au-
teurs ~ rapporter cette information doht l'origine remonte
aux
auteurs grecs.
11
la tient
directe~ent d'ISIDORE De SEVILLE
(2)
qui
la
doit a l'auteur romain AULU GELLE (3) par I'inter-
mediaire de
ST-J~R6ME (4).
AERIA,
cependant,
ne
designe pas
que l'Egypte dans
certaines sources cIassiques.
Chez le ~atura1iste rom~in,
PLINE L 'Ancien,
AERIA designe
aussi l ' t l e
de Thasos
(5).
Chez PLINE
(6)
toujours,
mai~ aussi chez SOLHl (7)
et AULU-GELLE,
grammairien du
lIe si~cle ape
J.-C.
(8),
AERIA
!
designe
egalement la Cr~te.
(1)
"Aegyptus,
quae
prius 6sBI6 dicebatur,
ab Aegypto
Danai
fratre
postea ibi regnante-nomen
accepit"
RA BAN US 1'1 All RUS,
0 e
Un i v e r so,
0 p.
c i t .
col.
3 41 .
"Aegyptij ab Aegypto
quodam
rege
vocati .sunt
:
nam ante ~~!:~!
dicebantur".
RABAN
MAUR,
op.
cit.
coL
439.
(2)
IS1D.
Orig.
XIV,
3,
27 et IX,
2,
60.
( 3)
AULU- GEL LE,
Nu i t sAt t i que s,
1 4 ,
6 ,
4
(e d.
Car 0 1 u s
H0 s ius,
t.
11,
Stuttgart,
1959,
p.
121).
(4)
HIERONYt'1US,
Chron.
a.
Abr.
537.
( 5)
P LIN.
Hi st.
Nat.
J V,
7 3
:
11 T has 0 s . ~.
0 1 i m Ae r i a
vel
Ae t h r i a
dicta."
(6)
PLHIE,
IV,S.
(7)
SOLIN,
XI,S.
( 8)
AULUS - GEL LIUS,
N0 c t i. u m a t t i car u m -' i b r i
XX,
1.
1. 4.
6,
4 ,
t-
11,
ed.
C.
Hosius,
Stuttgart,
1959,
p~ :12r:---
I

85
Outre ces acceptions g~ographiques au taponymiques,
AERIA,
par ailleurs,
est le surnom de la d~esse romaine JUNON,
du moins chez MACROBE
(1)
et MARTIANU~ CAPELLA (2). Chez le
po~te VIRGILE (3), c'est la d~esse IR~S qui se nomme ainsi ;
chez TACITE
(4),
c'est plutot,
la d~esse VENUS.
Le mot AERIA,
ne serait-ce qu'all seuJ
plan geographi-
que ou toponymlque,
ne s'applique done pas ~ l'Eqypte d'une
mani~re exclusive. Clest un nom poetique forge ~ partir de l'ad-
j e c t 1 f
" Ae r ius,
a,
u m"
(a u t r e for me de: Aere ~) e t
qui si 9 n i fie
del ' air,
qui
a p par tie n t
~ l' air, qui 'e s t f a i t d a n s J' air.
L'adjectlf aerills est un qualificatif dont 1 'application est
ass e z et end u e
:
i 1 sed i t
d' un e co u 1 cur,
d' un
1 i elL,
d' un ere-
gion,
du vent,
d 'un riuage,
etc •••
;
1.1, est souvent employe
camme synonyme d 'autres adjectlfs
tcls aetheriu5. ~iderus, su-
per us,
co e 1 est is
;
i 1 est a us s i u s 1 t e c (') mme s y n 0 n y me de sum-
mus,
altus,
excelsus,
etc ••.
Ainsi,
on comprend ais~ment pour-
quol le nom AEIHA qui en est d~rive, a connu diverses applica-
tions.
Dans son application ~ l'EgYbte, l'a~jcctif aerius
est employe par les po~tes pour al tuS,! excelsus,
qui
veulent
dire haut,
eleve.
L'Egypte est designe~ sous le nom d'AERIA
sans doute parce qu'elle est haute,
el~v~e (5). C'est peut-
~tre une allusion ~ la Haute-Egypte
dans cc cas,
la partie
est prise pour le tout.
(1)
MACROBIUS,I sat., 15,
20.
(2)
1'1 ART I AN US CAP ELL A,
I I,
.1 49 •
(3)
VIRGILIUS.,
Aen.,' 9,
803.
(4)
TACITE 2.
Hist.
3.
.
i
(5)
Cf.
FORCELLINI,
Totius latinitatis:lexicon
Dnomasticon,
t.
1., MDCCCLIX -
~IDCCCLXVII,
p.
133,
au mat AEIUA.
-,Selon
1'aute~r, une vi11e de la Gaule
Narbo~naise portait egale-
lement le nom d'AERIA,
parce qu'elle ~talt sise sur une hau-
teur.

86
EGYPTE
5i
l'on
en
croit
RABAN
MAUR et FRECULF,
te
nom
"E_
gypte"
s'est en
quelque
sorte
substitu,e a "AERIA".
Eh
effet,
le
pays
aurai t
ete ainsi
denomme en
soiuvenir du
roi
eponyme,
Egypte
(en
grec Aiguptos,
latinise en iAegyptos),
frere
de
Danaos,
lequel
en
avait
fait
la
conqu€te
(1).
Cette
information
rapportee ?ar les
deux
a~teurs a
e t e p r i s e c h e z
EU5 E BED e
C ESA RE E qui,
:n 0 n
pIu s,
n' en
est
pas
le veritable auteur
(2).
RABAN l'emprunte a l'ev~que de Cesa-
r e e
par 1 e
can a 1 d' 1 SI OaR E
(3)
e t
de
J ERa t'1 E
(4).
tan d i s
que
F RECUL FIe f a i t
par
l ' in t er me d i air e
d e
J ERa r~ E •
11
est inutile
de
rechercher
i~i quelque fondement
a cette explication. aU.ssi fantai~iste de la denomin~tion de
l'Egypte.
De
toute
vraisemblance,' l'origine de
cette appel-
lation
serait plut3t une
deformation
linguistique.
En effet,
le
nom grec
"Aiguptos ll
deriverait d'un
des
noms
les
plus
com-
mllns
de la
viJle
pharaonique
de fvIemphis,
"Hi-l<u.;.Pt<lh 'i("fvIai_
son
de 1 'ette de
Ptah"
(5),
qui
a
ete
applique
all
pays
tout
entJer
(6).
Autrement
dit,
"Egypte"
n'~st qu'une deformation
du
mot
egyptien
"Hi-I<u-Ptah" qui
a
ete grecise
sous
la
forme
Aiguptos et d'o~ est derivee la forme latine Aegyptus.
---------_._------_._-
(l)
"Aegyptus,
quae
prius
AErUAdicebatur
ab
Aegypto Danai
fratre
postea.ibi
regnante
nom'en
accepit. '1
- - - - -
RABi\\I'W5 HAURUS,
De Universo,
op.
cit.
col.
341.
-
"Enim
vero
a
praedIctoAegypto
rege
nomen
accepit
Aegyptus,
q u a e p r ius
Ae r i a
di c e b a tu r • "
.
FRECULPHUS,
Chr~nicon, Ope
cit.
col.
954.
(2)
Voir
supra.
notre
ler
chapitre
E~yptos, heros eponyme.
( 3 )
1'S 1 D. 0 r i .2.
X1 V,
3,
2 7 •
(4)
Hier,
Chr~.!:!. a. Abr.
537.
(5)
Dans
leur ouvrage,
le
Dic~ionnaire des noms propres de la
Bible op.
cit.
p.
116,
SEGUINEAUet ODELAIN
rendent-'ainsile-
n ~ m 11 Hi-I( u - Pta h"
;
c h e z
~~ asp e r 0, Me 1 a n 9 e s e 9 YEt °1 0 .9.l:~ e s, 2 e
serie,
Paris p.
372,
"Hai-I<ou-Ptah"
est
traduit
par
ilIa
demeu-
re
des
types
de
Ptah".
(6)
Cf.
Maspero.
Mel~nges egyptologiques, 2e Serie, Paris, p.
372.
Cf.
Br u 9 s ch, e:;e ographTSChe- 1 n s ch r i f ten,
t.
1.
p.
8 3 •

87
Aut r a ve r s
des den 0 mi n a t ion s: "A ERI A" e t " EGYP TE",
0 n
i
peut noter le fonctionnement
d'un
cer~ain mecanisme de capta-
t ion
c u 1 tu reIl e,
a 1 I 0 rig i ne, c he z 1e Si Gr e cs:
!
-
dans .le premier cas,
on
as:simile 1 'Egypte en lui
attribuant,
a l'instar d'une terre grecque, un surnom totalement
inconnu des habitants de
la Vallee du
Nil
;
-
dans le second
cas,
on
rec~p~re l'Egypte par la
transcription d'un
nom
veritablement indig~ne sous une forme
gredsee.
CHAM
Se Ion
d e u x the 0 log i ens,
RA BAN
etA NGEL 0 ~1 E, ·1 ' Egyp t e
s'appelle CHAM dans la langue des Egyptiens.
Et pour,expliquer
c e t t e a p p e 11 a t ion,
1 e s
d e u x aut e u r s, r e c 0 u re n t a u nee t y mol 0 9 i e
bibllque
:
ce nom serait tire de ceJui. de CHAt1,
considere comme
l'anc~tre eponyme des Egyptiens. De CHAM, en,effet" descen-
dralent,
d'apr~s RABAN, les habltants de cette partie du mon-
de,
qui
passe pour plus chauffee,
parc~ que situee a proximi-
I
te-meme du
soleil
(1).
i
Comme source,
RABAN
et ANGELpME pillent
taus deux
,
~
SAINT-JEROME par 1 'entremlse d'ISIDORE; De SEVILLE
(2).
La question
qui
affleure leL est celle de la
valeur'
de ces propos
tenus par l'a~be de FULDA et l'ev~que de LISIEUX.
Autrement dit,
quel
est le nom
veritable sous lequel
ies
ha-
bitants de la Val.lee du Nil
designent leur pays?
Quel
rap-
port y
aurait-il
entre
cc nom
egyptien: et le,nomme CHAH,
dans
.: ,
Cl)
" CHAM 'e a 1 i d u sin t e r p r eta t u r.
Et i p s e e x p r a e sag I 0
f u t u r i
cogn omina tu s.
Po s ter itas en im ej u seam, terrae p artem pos sedi t,
quae
vielno
sole calentior est.
Un~e e~ Aegyptususque hodie
Aegyptiorum lingua CHAM dicitur".
RABANU'S ~lAnRDs,
DeUniverso,
op.
cit.
col.
34.
, - - -
-
" •••
Unde
e,tAe91E:.!~~usque hodie Aegyptiorum lIngua Cam
dicitur."
\\
FRECULPHUS, ,ChronicoA',' op.
cit.
col.
l~2.
( 2)
I S ID.
0 r 1.9~ VI I,
6,
17.

88
la Bible?
Le s Egyp t.i ens a p p e 1 a i e n t .!S~.! (Kemi, " 1 a n 0 Ire") 1 a
paTtle cultIvable de l'Egypte,
c'est-~-dlre, la Val1~e du
NIl,
tan cl Is q u ' I1 s des I 9 n a i e n t
s o.U s 1 e nom cl e DS.!:.! (D 0she r ,
"le rouge claIr")
la partle desertique constituee aussi
blen
par le desert orIental qu'occidental.Il y a souventassocia-
tian des deux mots dans les textes pour exprimer que.pharaon
est le ma 1 t r e cl e la terre noire et de i1 a t e rT e rouge e 1 air
(1).
On
trouve auss! dans les textes egyptfens.
les duels TzwX
( To 0 u i
"1 e s de u x t e r re s ") et pIu s
tar d,
i dbwy (" 1 e s d eu x r i-
ves"),
en remp1acement de Kmt.
Autrement dit,
le pays peut
etre dlvIse dans le sens de la longucwr par. le NIl,
et dans
le sens de la 1argeur. Cependant,
la dIvIsion dans le sens de
la longueur n'est qu'un artifice litteraire,
tandIs ~ue la dI-
vIsIon
dans le sens de la largeur est ,conforme aux donnees
historlques,
car avant l'unificatlon de l'Egypte,
Il'y avait
des roIs du Nord et des rois du Sud
(2).
L'Egypte,
c'etalt pratiquement la vallee du Nil,
c'est-~-dire re Kmt (Kemi),tant pour .les Egyptlens eUx-memes
que pour leurs voisins,
tels l.es Libyens au les Hebreux,
qui
jadis ont sejourne en Egypte,
notamment dans le nome du "Dres-
s 0 i r 0 r i en tal " ( 3)
e t
~ El e p hant I ne, en Haut e - Egyp t e (4). Le ~
Hebreux done,
en contact avec l'Egypt~ pharaonlque,
n'igno-
ralent certainement pas le nom Kmt
<I<emi)
sous leque1 les in-
dIg~nes de la vallee du Nil desIgnaierit leur pays. Naturelle-
ment,
ils .1'ont enregIstre,
le transc~Ivant en h~breu, sous la
forme 8am·(5),
dont Ch-am"est la for.megrecque et 1atlne recueIl-
1 i e par 1 a ve r. s Ion
bib 1 Iq u e des Se pta n: tee t
par 1 a Vu 1 gat e •
,
J
,
r I ,
, . '
' . '
['
, "
------'--....;.-----'----'-----

0) Cf.
PIERI\\E ~10NTET, ~geographie de 1 'Egypte' a.o~ie.!:!.o~ t. 1.,
ParIs, 1957,
p.
4.
(2)
Cr.
PIE'RRE MONTET,
op.
eit.
p.
4.
(3)
Cf.
P.
~lO~nET, op. cit. p.
202.
( 4 ) Cf.
P • HO NTET,
0 p.
e it.
to
I 1. p. 1 6 ;
Cf.
AL. VI ~I CENT, La
r eligio ndesJu d eo'-Aram'eens' d·' E:lc~p han-tine; Paris, 1937.
(5)
Dans les psaumes
78,
51
; 105,23~27 et 106,
22,
les ex-
pressIons hebralques
les "tentes de (ham" au le "pays de Cham"
designent effectivement l'Egypte.

89
Ensuite, dans
l'~Jaboration du my the biblique de la
r~partition g~n~raJe des peuples ~ la ~urface de la terre,
I'auteur
sacr~, avec l'horizon g~ograp~ique restreint qui
~tait le sien, et dans la conjoncture g~o-palitique qui carac-
t~risait le Proche-Orient, ~ l'fpoque, n'a pas manqu~ ainsi
de
personnifier Cham et de Iui
adjuger
un
r61e,
dontla
justi-
fication,
~notre avis, ne saurait itre ailleurs sinon dans
un
certain
ressentiment que
nourrissait le peuble
h~breu ~
I'~gard de l'Egypte.
HI ~RA YUl
Intel'pretant un
passage de la
Bible,
en
lloccurrence
Genese 10,6,
ou sont enumer~s les fi1~ de CHM1,
RABAH
HAUR,
AHGELOME,
FRECULF et REMY O'AUXERRE
identifient unanimement
1 'Egypte avec tH~RAYIH, 1 'un des quatre fils de CHAM,(l).
La
source
commune
des quatre
auteurs est lci
encore
,
A
5AINT-JEROME
(2).
Toutefois
chez RABAN,
1 'accession
~ JEROHE
passe par 1 'interm~diaire d'I5IOORE De 5EVILLE
(3).
!
Comme dans les
cas prec~dent~, la question se pose
de
savoir
iei
~gaIement la valeur d'unb telle interpretation.
I
I
!
,
"~H<;rayim" est en effet le nom hebl'clI de 1 'Egypte.
Le nom
s~mit_i.qlle "magor" (4) qu'on retrouve sous la forme
(1)
"Mesl'aim
hodieque
ab Hebraeis nuncupatur Aegyptus"
RABANiISt-r:-Eomm ental' i a i n Libras I I
PaT al i p omen 0 n,
ed.
tH gn e
P.
L.
t.
109 col.
282.
-CL
15ID.
Orig.
IX,
2,
10.
" F i 1 i i Ch a m,---chLiS e t
~1 e s r a i m, e t F u t e tiC h a n a an". Ch u s hod i e que
ab Hcbraeis Aethiopia nuncupatur,
11esraim' Aegyptus,
Fut Libyes,
a quo
et Mauritaniae flllvius
usque in
~raesens Fut dicitur. Por-
1'0
Chanaan obtinuit terram quam Judaci! deinceps possederunt."
ANGELOMU5,
Commentar-ius in
Gn.
~d.~ligne P. L. t. 115 coL 164;
-
FRECULPHU5,
Chron.' op.
eit.
col.
934~
" •.•
Ipsa est Aethiopia,
Hesraim Aegyptus,
Phut Libya ••• "
RHI Y D I AUXERR E,
Co mme n t . i n Gen.
Mi 9 ne P.
L.
t.
1 31.
coL
80.
( 2)
H1 ER 0 NY MU 5,
Qua est.
He b r.
I I I,
206;
X,
6.
( 3)
I 5 AlE I 9,
6 ;
3 7 , 2 5 ;
11 I CHE E 7,
1 2";
cf.
ODE LAHI e t
5 EGUI _
NEAU,
Dietionnaire des noms propres
de la
Bible,
op.
cit.
p.
257:
fv1i9rayim.
( 4)

90
"mous'our" et "mous'ri" chez les
Assyriens,
et modifIee en
"moudraya"
chez les Perses,
est Inconnu des Egyptiens.
La
forme
duelle,
"mi<;rayim",
adoptee pal' les' Hebreux,
est une
allusion
evidente ~. la division officielle de l'Egypte en
"deux
pay s 11
:
e 11 e
des i 9 n e 1 a Ha ut e
et 1 a
Ba s s e - E9 Ypt e,
e t
est de
c e
f a i t , l ' e quI v ale n t
dum 0 t
e g: y p tie n
t z IV Y (t 0 0 u 1:
"les deux
terres ll )
(1).
Una u t rep ay s
de" M0 u sri" e s, t
c i t e d an s
1 e
p I' e mI e I'
Livre des R01s
(2).
C'est celui
qui
fournissait
des
chevaux
e t
des
c 11 a r s
a u r 0 i
Sal 0 m0 n.
0 n I e
s 1 t.u e
e n CI 1 1 c i e
(3).
Le
nom
de
"~lusur" est applique aussi a d"autres pays, dans l'Est
de la Hesopotamie et en
Arabie.
lIs on,t comme
caraeteristique,
d'~tre si·tu~s -taus ~ l.a p~riph~rie dlJ monde s~mi·tiqlle (4).
Aussi
admet-on
que les Semites ont app~le Husur les pays qu'ils
pouvaient
considerer
comme des marches
(5).
;
Les anciens
Eg~ptiens nommai~nt leur pays Kmt (K~mi)
la NoIre ou
ta Kmy,
la
Terre noire,
par
allusion manifeste au
sol
limoneux
de la
vallee,
qui
plus
qu~ les franges desertiques,
constLtue
veritablement l'Egypte.
La
nomination Cham mentionnee
iei par RABAN
et FRECULF,
n 'est qu June: deformatIon
semitique
aeeentuee par une grecisatlon ~t une latlnisation dela forme
i
du mot
indigene Kemi
lui-meme.
Quant a;Hi9rayim,
il
s'avere
~tre un surnom etranger, le nom hebreu: de l'Egypte. Cette ap-
pellation
se
justifierait,
dans le fond,
pat la position geo-
graphique de 1 'Egypte,
per<;ue
lcl
eomme
une marche de la Pa-
le s tin e,
et d a n s
1 a
form e,
par 1 I all u s 10 n ~ 1 are a 1 i t e 9 eo -
graphique Interne du pays
subdivise en deux
terres,
la
Basse-
Egypte et la
Haute-Egypte.
(1)
Cf.
!·.1aspero,
Ope
eit.
p.
372.
(2)
Cf.
I
Rois,
10,
28.
,I'
(3)
Cf.
Ed.
DH0 RME,
La
Bible,
1. I 0 77. ; a p u d HO NTET,
I ' Eq y P t e
et la
Bible,
eel. Delaehaux et Niestlt,Neuchatel 1959,:p. 49.
J
(4)
Cf.
PIERRE MONTET,
L'Eqypte
et la
Bible,
op.
eit.:p.
49.
(5)
Cf.
HONTET,
ibid.

91
*
*
*
*
Sur les quatre noms
donn~s au pays parco~ru par le
Nil,
deux
sont des
termes
d'origine
in8ig~ne, c'est-~-dire,
,
emprunt~s au vocabulaire des habitants de la vall~e e1u Nil-
"
meme.
Te1s sont,
d'autre part,
"Egypte",
d~riv~ grec du
m0 t
"H i -I( u - Pta h ",
et d' aut rep art,
"C h am ",
d ~ r i v ~ 5 ~m 1 t i que
grec et latin de
"Kmt"
(Kemi).
Les
deux
autres,
"AERIA" et
'HI~RAYIH" sont des surnoms ~trangers aux habitants dLi pays.
Cepencfant,
si
"~lI~RAYIM" pr~sente une certaine corr81ation
g~ographlque avec le pays des Pharaons, nous ne sauricins en
I
revanche
trouver d'explication
a la d~~omination "AERIA" dont
1'application a 1 'Egypte semble plus f6rtuite que fond~e (1).
(1)
Si l'11e de Thasos n'~tait d~sign~e ~galement de ce nom,
nous aLll'ions
suppos~ peut"':etre que les Grecs appelaient "AERIA"
les pays tels la Cr~te et l'Egypte,
a cause de leur position
tout a fait m~ridionale par rapport aLl'reste des terr~s grec-
ques.
Mais la position de
Thasos d~savoue une telle h~poth~se.

92
B / LA DESCRIPTION DE L'EGYPTE
De l'Egypte,
les Carolingiens ne donnent pas de des-
criptIon syst~matigue, c'est-~-dire, compl~te et d~ve]opp&e.
Toute la description,
chez eux,
se r&d~it ~ des indications
,
fragmentaires donn&es dans des passage~ de textes g&n&rale-
ment d&cousus et isol&s.
L'assemblaqe 0e ces indications per-
t
met,
cependant,
d~ tracer de l'Egypte 0ne esquisse sommaire
en trois volets,
dont le premier concerne la pr&sentation du
pays,
le second l'hydrographie,
le troisi~me, la flare et la
faune.
I
.
LA PRESENTATION DU PAYS
a / Apercu g&n&ral
Plusieurs
traits caracterisent 1 'Egypte d'apres des
indications donnees par six auteurs.
,
i
L'Egypte d'apres RABAN,
DICUIL,
et l'An()nym~ du De
Situ Orbis; s'etire de la Mediterranee:vers 1 'interie~r des
t err e s,
d a n s 1 a d ire c ti 0 n duM I DI,
jus ~ U I ace qu 'e 11 e con fin e
avec l ' Ethiopie
(l).
Les trois auteurs : r&petent chez PLINE
1 'Ancien
(2)
cette presentation de l'Egypte,
le premier,
par
i
l'interm&diaire cJ'ISIDORE De SEVILLE
(3), le deuxU~me'diree-
t e men t,
et 1 e t r 0 i si em e par 1 e b i a i s d ~ SOL HI (4),
g. &? 9 rap he
du IIIe siecle apres J.
C.
Chez RABAN MAUR,
l'Egypte est un pays sans felief
t
el1e est "basse et plate,
et ne possecJ~ aucune montagne (5)
(1)
"Aegyptus •••
a meridie vero intror~um rccecJit pertendens
usque ad Aethiopes .•• " RABANUS,
De Universo,
op.
cit. 'col.
341
- cf.
DICUILU5,
op.
cit.
VI,
2,
p.
58.
- cf.
ANONYMUS,
op.
eit.
11,
p.
65.
(2)
PLIN.
V,
48.
(3)
1510.
Etym.
XIV,
3,
27.
(4)
SOLIN.
XXXII, 1.
(5)
" ••• (1liluS)
irrigat Aegyptum humilem atque dcjcctam,
et
;
nihil in -se hclbentem montium."
,
RABANUS MAURUS,
Comment.
in Ezech·.
f"1 i 9n' e P.
L.
t.
110,
col.
798.
!

93
DICUIL ainsi
qu'ALFRED et 1 'Anonyme,
qui compilent
PAUL OROSE,
la pr~sentent comme divis~e en deux r~gions : la
Haute-Egypte et la Basse-Egypte
(1).
Donnant leurs dimensions
respectives,
DICUIL ~value celles de la premi~re ~ mille quatre
cent soixante-dix miUes de long sur neuf cent cinquante-sept
miUes de large,
d'apr~s PLINE (2), et telles de la seconde ~
trois cent soixante-quatre milies de long sur cent soixante-
sept miD.es de large d'apr~s un ouvrage: anonyme, J() Divisio
Orbis Terrarum
(3).
La nature a effectivement di~is~ l'Egypte en deux
r~gions
la Vall~e et le Delta.
La Vall~e,
sorte de couloir interminable q~i s'~tire
depuis la premi~re cataracte jusqu'~ Memphis, sur un~ longueur
de pres de 900 klffi et une largeur de 10' ~ 20 kms (4), est une
fail le longitudinale creus~e par le Nil dans le plateau ro-
cheu~ et d~sertique du Sahara oriental. Les eaux du Nil ont
~rod~ les rebords du plateau fissur~, tonstituant ainsi deux
falaises auxquelles on donne improprement les noms de' chafne
libyque et de chafne arabique.
Ces falaises surplombent de
200 m~tres d'altitude la plaine unifor~~ment plate.
Telle est
la moiti~ sud du pays que les auteurs bnciens appellent la
Haute-Egypte.
Lr~pith~te est d'une val~ur relative; en r~alit~,
le sol,
nullement ~lev~, descend en un~ pente insensible al-
lant de 90 m~tres (premi~re cataracte) \\ ~ 12 metres ~ peine
(r~gion memphite) au-dessus du niveau de la mer (5). Les Egyp-
(1)
"Duae sunt autem Aegypti,
superior: et inferior."
ANONYMUS,
De Situ Or·bis'"
I,
4.
p.
5.
-iEx OROSE,
I,
2,.
- cf. ALFRED,
0 p.
c it.
I,
9,
p.
33 - cf.
OR 0 SE, I,
2."
( 2 ) "...
J u x taP 1 i n i u m• ••
1 0 n 9 i tu din em •Ae gyp ti ' sue. e r io r i s cum
Dua Aethiopia C decieset quater et se~el LXX passuumi"
lati-
tudinem Aethiopiae et Aegypti
superioris DCCCC LVII passuum
A9 rip p a ex i s t i ma v it." DI clJ I LUS,
0 p.
c it.
I V,
2.
p.
5 4 :.
- Le s
rilesures de PLINE
(VI,
196)
sont en r~alit~ 2170 mines sur
1 296 mUles.
DICUIL commet l'erreur de :multip1ier les ~l~ments
entre eux
(21 x 70).
(3)
"Aegyptusinferio'r' •••
Longitudo milia passuum
CCCLXIIII,
1 a tit u d 0
CL XVI I." DI CUI LUS,
0 p.
c it.
I V,
I,
p.
54 - Ex DI VIS I 0, 2Cl.
(4)
CL
A.
MORET,
Le Ni-l et' -la Cl,v,i1.fscition ~gyptienne, ~d. Albin
fHchel,
Paris,
1926 p.
30.
(5)
CL
A. 1vl0RET,
ibid.

94
ti ens a p p e 11 en t
q u ant a e u x,
c et t e m0 i It i e d u pay s " To Ch em a" ,
c ' est - a - d ire,
" 1 e
pay s
qui
em erg e" (l ) '; par 0 pp 0 sit ion a " 1 a
terre immergee",
qui
designe la
Basse-Egypte.
Le Delta est constitue par la partie qui
va de la
r e9 ion mem phi t e ( Le Cair e act II e 1) a 1 a t~ ed i t err a nee
(A 1 e x a n -
drie).
A partir de Memphis,
en
effet,
le
pays
change
brusque-
ment.
Les falaises
libyque et arabique: entaillees en :V par
un ancien
golfe marin,
s'ecartent de
plus en
plus ets1ef-
i
fondrent dans la mer;
la vallee se deploie en un
DeLta,
for-
mant un
eventail
immense de 100 kilom~tres de longueur sur
600 kilom~tres de pourtour
(2).
Cette 6tendu~ demesuree de
I
plaine
tr~s basse, se·proJ.onge a perte de vue jusqu'a .la mer,
dont .les eaux
recu1ent chaque annee
devant les dep8ts d'al-
luvions
du
Nil.
"C'est l'aequor,
ou
terres,
canaux,
.lagunes,
rivages marins se confondent,
dans le man que absolu
de tout
relief"
(3).
TelJ.e est la moitie nor.cI
a laquelle ori donne le
nom d e
Ba s s e - Egyp t e.
Le s
Egyp tie n s l ' a p p e 11 en t
" To r1 e ha u "
c'est-a-dire,
"le paysimmerge"
(4).
RABAN MAun decrit aussi 1 'Egypte comme un
pays sec
et aride
"une region qui
n'est pas accoutumee a recevoir
les caux
du
ciel,
et qui
ignore 1es pluies.
Le Nil
seul,
qui
l'entoure,
ecrit-il,
arrose
son
sol
e t l a
feconde
par l'inon-
dation"
(5).
(1)
Le signe qui
symbolise ce nom est ~ne plante desertique,
nOllS dit PIERnE MONTET,
qui
trouve donc
inconvenable
de traduire
" T0
Chem a" par "1 e pay s del a pIa n t e C'i e ma". Ce t t e pIa n tee s t ,
dit-i1,
employee pour
ecrire un mat
ho~ophone qui sighifie le
contraire de
"Mehou ". "To Cherila" est donc
"le pays qui
emerge".
Cf P.
MONTET,
La Geographic de· l'E-gypteanc'ienne,. To
2.
ed.
C.
ICU.ncksieck,
Paris,
1961,
p.
7.
(2)Cf.
A.
HOnET,
op.
cit.
p.
30.
(3)
A.
MORET,
op.
cit.
pp.
30-31.
:
( 4 )
" To
t"1 e h 0 Lt "
n e
d 0 i t
pas et r e :i. n t e r pr e t e co mme Je'l pay s des
pap y r us"
d I a p res P.
MO NTET.
Le m0 t
"~1 e h 0 u " ( mhw) ne des i 9 n e pas
le papyrus qui
s'appelle hly,
en
Egypte
comme dant tout l'Orient
11 faut,
dit-i1,
traduire
"To-mehou " par
"le pays immerge".
"To
mehou"
a pu designer la moitie nord du
pays d'autantplus faei-
lement que
"mhw" et ."mhy"
sont presque des
homonymes de
"mht",
q Lt i
est e x act e men t
l ' e qui v a J. e n t
d u
" nor d ".
Cf.
P.
H0 I~ TET,
0 P •
clt.
T.
1,
p.
5.
( 5)"
Q\\ e 9 Y'ptuf) re 9 i 0 co e 1 i i mbib us ins u eta , et pIu v i a rum
ignara.
Nilus solus eam circumflUens irrigat,
et inundatione
feeundat."
RABANUS ~1AURUS,
De Universo,
op.
cit.
c:oJ..
341.

95
HERODOTE est a l'origine deces propos que I1ABAN
reprend textuellement chez ISIDORE De 5EVILLE
(1).
Pour l'his-
torien grec qui
r~fute certains contemporains, la fonte des
neiges dans la Haute-Egypte ne peut constituer l'explication
de l'inondation du Nil,
car dit-il,
on ne peut admettre la pr~­
sence des neiges dans un pays o~ la pluie m~me est inconnue,
et o~ l'ardeur du soleil est telle qu'elle y rend les hommes
noirs
(2).
-
L'action du soleil est en effet pr~rond~rante
en Egypte.
Dans la Haute-Egypte,
la s~cheresse des d~serts
voisins d~pouille l'atmosph~re ,de toute humidit~ et la rend
limpide
les brumes et les nuages sont rares.
D'o~ DIODORE
:
De SICILE ecrit "Le Nil est le seul
fleuve autour duquel il
ne s'~l~ve ni brouillard, ni vapeurs froides qui epaississent
l'air"
(3).
11
pleut rarement dans ce pays,
et lorsque cela
arrive,
crest sous forme d'orages viol~nts et tr~s c6urts,
en Mars et en Avril,
p~riode o~ souffle le vent violent du
i
d~sert que les Arabes appellent le Kha~sin (4). L'action des
deserts voisins rafraichitsensiblemen~l'air la nuit, d'o~
la pr~cipitation d'uneabondahte roseelmatinale qui remplace
la pluie en Haute-Egypte.
Dans le Delt~ o~ regne un cllmat
maritime a cause de la 'proximi t~ de la mer et de l' ~v'aporation
des eaux largement etalee~ dans les va~tes plaines,
l~ rayon-
nement solalre est plus intense mais attenue cependant par les
brumes.
lci,
les pluies d 'hiver sont r~lativement frequentes
et l'humidite y est beaucoup plus
fort~ qu'en Haute-Egypte (5).
(I)
ISID. Itym., XIV,
3,
27-28.
(2)
HERODOTE 11, 19-31.
CF.
A.
MORET,
Ope
cit.
p.
34.i
(3)
DIODORE,
I.
38.
- Cf.
A.
MORET,
op~ cit. p. 41 n.::l.
(4)
A.
MORET,
op.
cit.
p.
41.
(5)
A.
HORET,
op.
cit.
ibid.

96
Dans ce pays o~ la moyenne pluviom~trique totale
annuelle est de 0
(1),
c'est effective~ent l'eau de la crue
I
du Nil
qui
joue le role de pIu i e et I' ~;t ab 1 i t
don c J r e qui 1 i -
bre.
La crue du Nil est un phenom~ne g~ographique qui se re-
produit chaque ann~e ~ la meme saison.: Elle jouc un role cs-
sentiel dans la vie de 1 'Egypte
: ellei "arrose" le pays,
et
l'irrigation organisee par les hommes ~rolonge lcs effets de
cet arrosage.
Par la crue,
le Nil entretien le sol
cultivable
et lui rend l'humidite.
La terre limoneuse dont les eaux du
fleuve tapissent le sol
~gyptien conf~re ~ 1 'Egypte ~ne tr~s
grande fcrtilite.
Enfin,
chez JEAN SCOT
ERIGENE et REHY D'AUXERRE,
commcntant HARTIANUS CAPELLA,
"1 'Egypte passe pour 1 'Antarc-
tique"
(2).
Cette ictentification
faite;par SCaT ERIGENE,
et
rep~tee apr~s lui par REHY, vient d'unc appreciation erronnee
de la situation de l'Egypte.
Tous les g~ographes de l'Antiquit~ ant affich~ une
ignorance commune en sous-estimant gra~dement l'etendue de
I 'Afrique en latitude.
Pour eux,
I 'Afrique ne descend' meme
pas jusqul~ l'equateur (lat. + 100 environ)
la Haute-Egypte
est dej~ le bout du monde
(3).
(1)
Le Nil
connaIt deux types de regimes tr~s opposes au point
de vue pluviometrique totale annuelle.,Au nord du cours,
c'est-
~-dire en Egypte, la moyenne des pluie~ est de 0, tandis que
dans le sud,
sur le plateau ethiopien, lIes precipitations tr~s
abondantes atteignent une moyenne de
75 ~ plus de ISO cm.
- Cf BONNEAU
(D),
Lacr,ue du' Nil,
ed.
Klincksieck.
Paris,
1964,
p.
16.
( 2 ) " Ae 9 y t Pu mc 0 n fi n e m id est Tl' 0 god ita l' u m,
n a m est Ae gyp tu s
in a1iis locis Antarcticus dicitur".
JOHAN.SCOTTUS,
op.
cit.
293,
22,
p. 137.
-
"Aegyptumconfin'em id est Trogoditarum.
Nam Aegyptus in aliis
locis Antarcticus dicitur,
contrarius arctico,
id est: aquilo-
nari." REHY,
op.
cit.
293,
22,
p. 135~
(3)
Cr.
VITRUVE,
De 1 'Architecture, 1. 'IX,S,
4,
texte etab1i,
traduit et commente par J.
SOUBIRAN,
ed.
"Les Belles Lettres",
Paris. 1969, p.
24.
- Les traites techniques de l'epoque 1'0-
maine ratifient cette vue:
les cartesdressees par C.
HDLLER
(Strabonis' Geo,gr."
Paris,
1858,
tab.
I ,et 11) d lapres STRABON,
montrent une Afriq~e qui ne va gu~re au-del~ de + 100 de lati-
tude environ.
...
'

97
L'Egypte consid~r~e comme ~tant l'Antarctique par ERIGENE et
REMY,
rel~ve de cette vue des Anciens., Pour nos deux auteurs,
1 ' Egyp t e e s t
c e
q u ' i 1
Y a de
pIu s
m~ r i:d ion a 1, c e qui est a
l'oppos~ du cercle arctique, c'est-a-dire du Nord. L'Egypte
apparait ici
comme
situ~e aux confins :extremes de la terre,
dont la
limite est constitu~e par le cinqui~me et dernier
parall~le que MARTIANU5 d~signe du nom' de cercle austral ou
antarctique
(1).
Comme l'Ethiopie,
l'Egypte aussi
se voit as-
.1 •
si 9 ne run e po sit ion
a u s t r ale,
un e
po s Lt.l 0 n de" fin is t ere" d u
monde.
L'Egypte est pr~sent~e par R~BAN MAUR,
comme un
pays d'une
fertilit~ et d'une richesse! exceptionnel1es. C'est
le pays de
l'abondance-m~me.
? La fertilit~ lui vient du Nil qui la f~conde par
son
in 0 n d a t ion.
"C' est la
r a i son
pour 1 a que 11 e,
n 0 u s d i t
RA BAN,
elle est fertile
en
fruits
de la
terre et nourrit la plus
grande partie du monde."
(2).
L'~veque; germain r~pete': encore
textuellement son pr~d~cesseur espagnoi
(3).
Ailleurs;
dans
son
commentaire du Livre d 'EZECHIEL
(4),
RABAN
~voque; encore
cette fertilit~ de 1 'Egypte au travers: d'expressions telles
I
"omnem abundantiam Aegypti"
(5)
ou
"cuncta AegypU
abundantia"
( 6)
0 u
en cor e
" Ae gyp t u s fer t i 1 i s s i ma
est"
(7)
e t
par il' ~ n u m~ -
I
(1)
f.1ARTIANU5 CAP.
822
:
"Quintus autem idemque ultim'us
australis
quique
antarcticus perhibetur".
Idem,
588-589
:
"At cum •••
cum
illae antarcticis
terris conspituae ac! praenitentes e,t
velut
perpendiculatae capitibus
suspectentur~"
I
,
(2)
"Nilus solus eam
circumfluens irrigat,
et inundat'ione fe-
cundat
:
unde et ferax
frugibus multampartemterrarum
frumento
alit ••• "
Ri\\ BMW 5 fvl i\\ URU5,
De Un i v e rs 0,
0 p.
c i t .
col.
3 41 •
(3)
Ex
I5ID.
Etym.
(4) EZECHIEL,
29-30.
(5)
"Hec
hoc era fine
contentus •••
et omnem abundantiam Aegypti,
ideo et ipsum ••• ".
RABANU5 ~'AURU5,
Comment.inELECH.
~d.;tHgne, p. L. t. 110, co1.800.
(6)
(7)
"Sin
autem
per metaphoram in
rluvio
regnum,
in
rivo du-
ces ejus intellegimus,
et in
virore et' junco et papyro
cuncta
Aegyp~i abundantia, ut per ea opera Aegypti describantur, quo-
rum Aegyptus fertilissima
est".
RABANUS M.
op.
cit.
col.
808.

98
ration de certains produits du sol ~g;ptien~ comme
'le melon,
,
l'oignon,
l'ail et le concombre
(1).
o
La richesse de l'Egypte re:side dans J 'abondance
et la variet~ des produits dont elle r~gorge gr~ce au commerce.
I
11
elle est ~galement si riche dans ~ous les autre~ commer-
ces,
poursuit RABAN,
qui compile
toujours l'~v~que de Seville
(2),
qu'elle peut remplir tout le cercle des
terres des mar-
chandises qui y sont n~cessaires" (3).
La fertilit~ et la richesse de l'Egypte ont ~te pro-
verbiales dans toute l'Antiquit~.
La fertilite du sol eqyptien\\ gr~ce au depot de limon
est r~elle, tertes, mais elle a benefibie d'une certaine ampli-
fication fr81ant presque la legende
(~). Ainsi l'outrance du
propos de RABAN sur la capacit~ de 1 'Egypte qui,
~ l'en croire,
"nourrit la plus grande partie du monde".
On peut supposer la
une allusion de 1 'auteur a l'annone egyptien,
jadis, 'dans le
ravitaillement en bl~ de Rome puis de Byzance, capitales de
l'immense Empire romain.
Le Nil est souvent dit "fecondant",
et plus particuli~rement en ce qui concerne la production du
ble,
dont l'auteur romain Ammien Marceilin pr~tend que le ren-
I
dement peut atteindre jusqu'a 7 000 % (5).
L'extraordinaire fer-
I
,
tilit~ de 1 'Egypte trouve aussi un echb dans la Bible. Lors de
1 'Exode dans le desert,
les fils
d'Isr~~l ont plus d'Gne fois
pense au
temps OU, en Egypte,
ils asso~vissaient leur' faim de-
vant des marmites pleines de viande.
Nostalgiques,
lIs se plai-
(l)
lISin autem •••
filii foederis et Testamenti Dei,
qUl contem-
nentes ang~lorum panem
: Aegtpti peponum et ceparum et alliorum,
et cucumerum recordati
sunt. I
RABANUS ~lAURUS,
op.
cit.
col.
808.
(2)
1SIO.
Etym.
XIV,
3,
28.
(3)
" ••• cae terorum quoque negotiorum adeo copiosa,
ut'impleat
necessari;,S mercibus etiam orbem terrarUm."
RABANUS MAURUS,
De Universo,
op.
cit.
col.
341.
(4) L'apport du limon serait de 13
t.
a l'ha. Cf BONNEAU (D.),
Lac rue du, Nil"
e d.
K1 i n c k s i e c k,
Par is,: 1 9 64 ,
p.
11 6. ~
(5) AMH.
HARCEL.
XXII,
15, 13.
Cf.
BONNEAU,
op.
cit.
p. 130.

99
gnaient :
"Qui nous donnera de la viande a manger? Ah
!
Quel
souvenir!
Le poisson que nous mangions pour rien
en Egypte,
les concombres,
les melons,
les laitues,
les oignons et l'ail
r·laintenant nous deperissons,
prives de' tout ;
nos yeux ne voient
plus q u ed e 1 a mann e
! 11
( 1 ).
Le s anciens Egyp tie n s
r ass a i e n t
pour de gros mangeuis de viande,
surtoGt de viande de
boeuf,
d'oiseaux et de roissons
(2).
Dans cer~ains nomes,
sans doute
des interdits alimentaires. touchaient ~elle ou telle esp~ce
de poisson.
Cependant 1 'interdiction nj'etait point generale.
I
Et lcs poissons du Nil . comme ceux des hombre~x
,
lacs contribuaient
largement a 1 'alimentation surtout des: travailleurs . .Les fruits,
les salades et les legumes completaient le menu.
Les :pasteques
sont frequemment representees dans les monuments egy~tiens (3).
L'oignon paraIt quelquefois dans les marches
(4).
Les ouvriers
qui
travaillaient aux pyramides en aur~ient fait une enorme
consommation,
~ ce que rapporte HERODOTE (5). Pour l'ail, les
temoignages d'HERODOTE et de DIOSCOR1Dt conFirment le passage
bib 1 i q u e ( 6 ) •
La richesse de l'Egypte en matiere commerciale est
aussi reelle •. Dans le monde antique cl~ssique, 1 'Egy~te etait
le debouche des pays du Midi sur la Me~iterranee. Elie consti-
,
.
tuait une sorte de carrefour commercial entre le mond~ clas-
sique,
l'Ethiopie des Anciens,
qu'on i8entifie au rays de
KoucH,
le celebre royaume de Napata,
p~is de Meroe, qui s'e-
tendait au-d~la de la frontieremeridionale de l'Egypte, et
I
les pays de 1 'Arabie.
L'Egypte exportalt veTS les pays medi-
terraneens les produits africains et akiatiques
(1)
!-lb. 11,
4-5 in Bible de Jerusalem bp.
cit.
p.
149.
I
(2)
CF.
P.
MONTET,
l'Egyp·te' et ·la BibJ.~,ed. Delachaux et
~li est 1 e, He u c hat e.1, 1 9 59 , p. 8 4 .
(3)
Cr.
P.
HONTET,
ibid.
(4)
CF.
P.
IvIONTET,
ibid.
(5)
Cr.
HERODOTE 11,125,
cF.
P.
MONTET,
ibid.
(6)
Cf.
P.
HO~ITET, ibid.

100
-
'
a ] "
.. epoque h
e. l l " t
enlS 'lque,
I'"J.VOlre, ]'
..
or, 1 es
plumes et les oeufs d'autruchcs ainsi
~ue quelques esclaves
provenaient de M~ro~. De l'Afrique ori~ntale venaient l'ivoire,
la myrrhe,
l'encens et la cannelle,
qu~ l'Egypte r~exp~diait
vers le Bassin M~diterran~en sousforme: brute ou 'manufacturl~e,
dans le cas de I'ivoire
(1)
- a l'~poque romaine, l'Egypte, devenue en quelque
sorte l'~tape majeure pour les produits ~u Sud et del'Orient,
recevait du Sud,
par les interm~diaires de M~ro~ et peut-~tre
aussi du royaume d'Axoum,
l'~b~ne, l'ivoire, l'or, les esclaves,
les pierres pr~cieuses, les b~tes f~robes et les peaux d'ani-
maux
(2).
Par Alexandrie transitait une bonne part des produits
de 1 'Arabie,
de l'Inde et de la Chine.: Enfin,
1 'Egypte ~tait
aussi le seul
centre de production du papyrus,
produi.t spe-
cifiquement nilotique dont l ' ensemble du monde antique faisait
une grosse consommation
(3).
b /
La Haute-Egypte
A part sa d~limitation et ses dimensions donn~es
plus haut,
la Haute~Egypte est, du reste,
quasiment p~ss~e sous
silence par les auteuts.
Trois allusio~s seulement y sont fai-
tes
:
- la premi~re, par DICUIL,
qui rapporte d'apr~s
PLINE L'Ancien,
qu'elle s'appelle la
Th~barde (4)
~.la seconde, par REMY D'AUXERRE, qui y localise
la ville de Th~bes (5).
(l)
Cf.
art.
de J.
LECLANT "Egypte terrc<:l'Afrique" dans L'lma-·
ge ·du Hoir dans l:'art· occide·ntal, r. I., Publications de la
Henil Foundation INC,
Bibliotheque des :Arts, Paris, 1976,
p.
269-270.
(2)
et
(3)
CL
J.
LECLANT ibid.
(4)
"Summa pars contermina Aethiopiae Thebais vocatur."
DICUILUS,
Ope
cit.
VI,
2,
p.
58.
- Ex PLIN.
V,
48.
(5)
"Cum inferiore Aegypto est autem et superior ubi Thebe ci-
vitas est."
REHY D'AUXERRE,
Ope
cit.
VI,
334,15.

101
- enfin la derni~re, par l'A~onyme qui rep~end les
propos confus de NARTIANUS CAPELLA
":Quant a sa partie supe-
rieure,
voisine de 1 'Ethiopie,
dit-il,; elle possede beaucoup
de prefectures de villes qu'on
appelle nomes
;
entre elles
sont MenelaItis,
la region l'Alexandri~, et Nareotis,
celle
de la Libye"
(1).
Le nom ThebaIde rapporte chez DICUIL correspond ef-
fectivement a. la designation de la Haute-Egypte dont Th~bes
etait le chef-lieu.
Le
terme "nome" est grec.
L 'equivalent egyptien ori-
i
9 in a l e s t
11 spa t",
qui v e ut d ire
"d i v i si 0 n"
(2). Ce
terme evo-
I
que l'organisation sociale de l'ancien0e Egypte ou 1 e' nome
est a la fois un secteur d'exploitatio~ agricole et un sec-
teur administratif o~ l'autorite tradi~ionnelle, aux mains du
dleu protecteur,
est exercee par le roi ou le nomargu1.
Cha-
que nome comprend un territoire et une metropole,
si~~e du
dieu,
d'ol! le titre "seigneur" de la cite donne a ce 'dernier.
Cette m&tropole est aussi le si~ge de i'administration royale
ou locale pour l'exercice de la justice, pour le cont~~le des
imp6ts et de l'agriculture
(3).
D'apr~s les sources e~yptien-
I
n e s,
l ' Egyp t e e 0 mp l' e n a i t
42 nom e s,
don t
2 2 P 0 U l' 1 a Hall t e -
Egypte
;
pour la Basse-Egypte, les doc~ments anciens he parlent
que de 16 nomes,
auxque1s s'est ajouteiun dix-septi~me, plus
tard
;
puis ce chiffre a ete porte a 20. Quoique les trois der-
niers ne soient pas nommes avant l'epo~ue ptolemarque~ leur
creation cependant remonterait au Nouvel
Empire
(4).
(1)
"S umma autem ejus pars contermina Aethiopiae multas oppi-
dorum praefeeturas habet,
quas nemos
(sic)
vocant,
inter quas
Menelaitem A1exandriae regionem item Libyae Mareotin"~
ANONYHUS,
De Situ' Orbi·s,
op.
cit. 11, p.
64.
.
- E.
MARTIAN.
VI,
675-676.
.
(2)
Cf.
A.
MORET,
op.
cit.
p.
47.
(3)
Cf.
A.
MORET,
op.
cit.
pp.
49-51.
(4)
Cf.
P.
t-IONTET,
La Geog:.: de l'Egypteancienne T.
I; pp.23-24.

102
Le nombre des nomes n'a pas ~t~ immuable. Le tableau que les
auteurs classiques pr~sentent des nomes est beaucoup plus
confus.
L'Egypte comprendrait d'apr~s ~eurs t~moignages, 90
nomes dont 40 pour la Haute-Egypte et 50 pour la Basse-
Egypte
(1).
c / La Basse-£gypte
Cette moiti~ du pays, d'aill~urs prise pour la to-
talit~ par les ~uteurs, b~n~ficie seulb d'une br~ve descrip-
tion chez DICUIL,
BERNARD et l'Anonyme du
De Situ Orbis.
Un
fait interessant a noter. lci, pour la premi~re fois chez
I
deux auteurs,
en l'oceurrence DICUIL e~ BERNARD, on rel~ve,
outre les clich~s classiques traditionnels h~rit~s de 1 'Anti-
quit~, des informations d'actualite s'~ppliquant a l'Egypte
du IXe si~cle, sous 1 'occupation musulmane.
Comme traits,
la Basse-Egypt~ pr~sente donc a la fois
un aspect classique et un aspect contemporain.
1.
aspect classique
Dans un passage directement puise chez PLINE L'An-
cien,
DICUIL decrit la Basse-Egypte en, ces termes
"Le N-il,
divise en deux bras,
d~limite par son etreinte sa par.tie
(l'Egypte)
la plus basse
: l'embouchure du Canopic s'etend
vers 1 'Afrique,
et celle du Pelusiaque' vers 1 'Asie,
clans un
e spa c e d e 2 70 mill e s
(2) • Ce r t a ins aut e u r s
r iil n 9 e n t
l ' Eg y P t e
parmi les lIes du fait que cette division du Nil
donrie au
pays la forme d'un triangle.
C'est pourquoi
beaucoup ont
I
(1)
Cf.
H.
GAUTHIER,
Les nomes de l'Egypte depuis HEHODOTE
jusqu'a la conquite arabe,
dans Memoire de l'lnstitut d'Egypte,
XXV,
Le Caire, 1935.
apud P.
MONTET,
op.
cit.
p.
23-24.
GAUTHIER
remarque que ces nomes n'ont existe toy,·.s ensemble a aucun mo-
men t.
(2)
PLINE
(V,
48)
donne 170 mi]les de 1 ~embouchure du Canopic
a celle du P~lusiaque.

103
appel~ l'Egypte, le Delta, du nom de la lettre grecque. La dis-
tance de l'embranchement du Nil ~ l'embouchure du Canopic est
de 166 mi1tes,
comme est aussi
de 166 miRes,
la distance de cet
endroit a l'embouchure du Pelusiaque (l).
A ce premier passage,
DICUILI juxtapose un
second,
qu I il
tire cette fois,
de SOLIN,
g~ographe d~ milieu du TIle si~cle
I
ap.
J.
C.,
et o~ la description de la ~asse-Egypte n'est, a
quelques mots pres,
que la repetition ~u passage pr~cedent : le
Nil ceinture la partie la plus basse de l'Egypte,
se ~amifie
en deux bras a l'endroit du Delta et embrasse le pays auquel
il
donne la forme d'une lIe
(2).
L'Irlandais ne paraIt nulle-
~i
ment se douter que SOLIN a copi~ le meme passage de PLINE !
I
I
C'est egalement a PLINE que nous renvoIe
indirectement
.1 a des cri p t ion del a Ba s s e - Egy pt e ch e z: I ' An 0 n y me,
qui, c i t e
bout a bout deux tributaires du naturaiiste, c'est-~-dire SOLIN
(3),
une fois de plus,
et MARTIANUS CAPELLA.
Emprunt~nt a MAR-
TIANUS,
l'Anonyme ecri t
"De la commence 1 'Egypte,
partie ex-
tr~me de l'Asie, qui, a elle seule, a ~ingt-six fois ~ent et
trente-huit mUles
de l'embouthure de Canope ~ l'embo~chure du
P0 n t,
e t
s e i z e f 0 i sce n t
e t
s 0 i x ant e - q ~ I n z e mill e s cl e '1 a b 0 u c h e
du Pont a la bouche de l"1eotis ••. Sa partie inferieure' est em-
I
(1)
"Inferiorem ejus partem Ni.lus dextra levaque divisus am-
plexu suo determinat,
Canopicb ostio ab Africa,
ab Asia Pelu-
siaco,
CC LXX passuum
intervallo.
Qua~ ob causam inter insu-
las quidam Aegyptumret~ere, ita se fiAdente Nilo ut triquetram
terrae figuram efficiat.
ldeoque multi:graecae litter~e vocabulo
Delta appellavere Aegyptum.
Mensura ab unitate alvei;
unde se
primum findit in latera,
ad Canopicum hostium CLXVI
passuum,
ad Pe.1 u s ia cum CL XVI
pas s u u m".
-
DI CUI LUS,
0 p.
c it.
VI~
2,
p.
58.
- E
PLIN.
V,
48,
51.
- Chez PLINE,
les longueurs respectiv-es de
la branche Canopique et de la
branche Pelusiaque sont,146 milles
et 156 m.illes.
(2)
"Interiorem
cpour Inferiore~ ejus !partem Nilus drcumfluit,
qui scissus a loco cui Delta nomen est ad Insulae
faciem spacia
amplectitur interamna et incerto pene ~onte decurrens proditur,
ut loquemur." DICUILUS,
Ope
cit.
VI;
6;
p.
60.
.
- E SOLIN.
32,1
(Cr.
PLIN.
V,
48,
5l)~
0) ANONYMUS, op. cit. 11, p. 65.
- Ex SOLH1.
32, 1.

104
brass~e par le Nil qui ~e divise ~ droite et a ga~che, de sor-
te que l'on pourrait nommer l'Egypte uhe tIe du Nil.
On croit
que ce pays poss~de la configuration db la lettre Delta, a
cause du pourtour du fleuve qui le cerhe de flots"
(l).
Bien que sp~cifi~e, dans la ~es8ription qu'en don-
nent DICUIL et l'Anonyme,
cependant,
l~ Basse-Egypte, paraft,
chez les m~mes auteurs,
tenir lieu de l'Egypte enti~re. Autre-
ment dit,
le tout est pratiquement r~d~it ici ~ la partie.
Cette con~eption, qui remonte sans doute aux g~ographes io-
niens pour qui l'Egypte,etait le Delta seu]
(2),
peut s'ex-
pliquer simplement par le fait qu'avant HERODOTE,
aucun des
auteurs grecs n'avait remont~ le Nil au-del~ de Memphis. La
partie du pays circonscrite entre les deux
bras principaux
du fleuve
~ partir de cette ville, ~tait pratiquement la seu-
le connue d 1 eux.
D'o~ la r~duction de toute l'Egypte .~ cette
scule portion .•
Le nom Delta qui lui est appliqu~ appa~att
. dans HERODOTE
(3),
et DIODORE De SICILE l'explique
(4)
comme
le triangle des bouches du Nil
(5),
vUlde la ~er, dans 1'0-
1
rientation sud,
et qui a la forme de la lettre grecque ~
delta.
Outre cet aper9u physique de la Basse-Egypte on re-
l~ve aussi chez les auteurs quelques indications relalives aux
villes de cette partie du pays.
(l)
"Aegyptus deinde,
hoc est Asiae caput,
quae una ab ostio
Canopi ad hostium Ponti habet vicies sexties centena trigin-
ta octo milia passuum,
ab ore autem Po~ti ad os Meotis sede-
cies centena septuaginta quinque milia:passuum ••.
CujGs infe-
_ .
I
riorem situm Nilus dextra levaque divisus complectitut,
ut
AegyptumHili possis insulam voeLtare. !Nam ambitu circumfluen-
tis amnis etiam Deltae.litterae figuram creditur detinere."
ANONYMUS De Situ Orbis,
op.
cit. 11,
pJ
64.
-
Ex Martian.VI,
675-76.
(2)
Cf BONNEAU
(D.),
Ope
cit.
p.
124.
(3)
HERODOTE,
11, 15.
Cr.
A.
MORET,
opJ
eit.
p.
30.
(4)
DIOD.
Sic.
I,
33.
Cr. A.
MORET.
ibid.
(5)
HERODOTE
(II, 17)
enumere
7 embouchures du Nil.
don t I e s
prineipales sont
: .la Pelusi~que ~ l'E~t, la Seben~ytique au
Centre,
et la Bolbitique ~ l'Ouest.
:

105
Commentant un
passage ~ caract~re mythologique chez
MARTIANUS CAPELLA,
JEAN SCaT ERIGENE et REMY D'AUXERRE mention-
nent,
le premier,
Biblos comme une vLlle de l'Eqypte ,(1),
le
second,
PcHuse,
puis Memphis dont il
f:ait
tantot le symbole
de la
Haute-Egypte,
tantot celui de 1 'Egypte entiere, (2).
L'auteur Anonyme
du
De Situ ~rbis, mentionne pour
sap art 1 e s
v i l l e s
d e ~1 are 0 t is, d' Apis' et de Par eton i u m (3),
puis celles
d'Herculis,
d'Arsinoe et de Memphis
(4). ,Se
re-
ferant
toujours ~ MARTIANUS,
il
evalue ~ deux cent cinquante,
\\
s e Ion ART EMI DO RE,
1 e
nom b r e
tot al
d e
vi .1.1 e s
duD e 1 ta,; ( 5 ).
A
propos d'Alexandr:i,e enfin,
il
rapporte: :
"Sur la cote de la
Mer d'Egypte,
Alexandrie est la plus dis,tinguee
de
t~utes les
viUes,
etant fondee
par ALEXANDHE LE GRAND;
elle se ,trouve a
d 0 u z e mill e s
d e .1' em b 0 u c h u red e Can 0 pe,
p r ~ s d u .1. a c 1·1 a'r eo t i s
elle contient beaucoup d'tles et quatre
cents. passages;
sa
Ion 9 u e u r
a ins i
que s a l aT 9 e u r
0 cc u pen t ' un
e spa c e de
ce n t c i n -
(
quante mille pas"
(6).
;
i
I
(1)
"Biblos civitas Ae:gypti 'inde Byblios."
J 0 HA NNES S COT TU S,
0 p.
c i t.
74,
1 3 p.
7'2.
(2)
"A Pelusio oppidum Aegypti
scilicet ab Apollonia ,civitate."
REMY D'AUXERRE,
op.
cit.
VI.
338.3 p. 156.
"Memphis civitas es't Aegypti perquam intellige superiorem Ae-
ayptum' •••
Memphis civitas est Aegyp:ti :perquam totam Ae'gyptum
significat."
RD1Y D'AUXERRE,
Ope
cit.
lib.
11 c.
72;,
3 p.
194.
(3)
(4)
ANot~nlUS, De -Si,tu Orb·is, op. cit.'I. 11 pp.
60,
64.
-
E HART I AN.
VI,
6 69 - 6 74 ;
6 7 6 •
(5)
"In omni autem Del ta NLli
oppida
ducenta qu.i.nqua~j'inta fuis-
se Artemidorus attestatur
; 11
AI~ONYMUS, De Situ Or'bis-,
Ope
cit.
1 . 1 1 .
p.
67
-
E 1'1 ART I AN.
VI,
6 7 6 - 6 7 8 •
(6)
"In litore tamen Aegyptt!.1 maris pra,estantior urbium Alexan-
dria constituta,
ab Alexandro Magno
condita,
a Canopico
hostio
in duodecim milibus
passuum
juxta lacum Hareoticum,
~ui quam-
plures insulas habettractusque quadrigentos.
Cujus
tam longi-
tudo
quam etiam latitudo
centena quinquagena milia pjssuum
tenent. "
ANONYI'1US;
De Situ' Orbis',
op.
cit.
1.
11.
p.
68.
-
E MARTIAN.
VI,
676-78.
'

106
Les informations geographiques donnees par DICUIL
I
et BERNARD (1)
sur l'Egypte rev§tent uh inter§t tout parti-
lier en ce sens qu'elles diff~rent, qu~nt au caract~re, des
cliches traditionnels habituellement repris par tous les
auteurs posterieurs qui traitent de l'Egypte. Chez tous
en effet, le regard geographique porte] sur ce pays demeure
enti~rement retrospect if et fige : il ~el~ve essentiellement
des schemas herites des auteurs ancien~. Pour une fois, chez
DICUIL et BERNARD, ce regard s'affranchit des stereotypes
antiques pour se porter sur l'actualite, c'est-a-dire
l'Egypte du IXe si~~le, sous occupatioh musulmane. Le carac-
t~re d'actualite des informations donnees cohf~re aui.
temoignages des deux auteurs un inter§~ de premier ordre en
ce qui concerne la connaissance de l'Egypte chez les
Carolingiens.
i
Ainsi, cette Egypte du IXe si~cle est per~ue a
I
travers quelques indications
I
que nous pouvons regrouper
I
.
sous deux rubriques
:
i
i
- l'Egypte, pays de transit des p~lerins de la
Terre Sainte.
- l'Egypte a travers le regara desp~lerins
l'Egypte, pays de transit des p~lerins de la terre sainte
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
~
Le p~lerinage
est l'une des pratiques essentielles
de la vie religieuse au Moyen ~ge. C'e~t sans doute celle
qui figure au premier rang dans la pie~e des fid~les. Son

107
accomplissement ne se limite pas ~ la fr~quentation des seuls
santtuaires
locaux ou r~gionaux. Souvent, il depasse largement
le cadre national. Ainsi, les pelerinages lointains attirent
,
de plus en plus les fideles.
C'est le ~as tout particulierement
du Saint-Sepulcre de Jerusalem, lieu saint par excellence.
Dans son livre, au passage consacre au Nil, DICUIL
rapporte,
insere (ch. VI, 12-19), le recit du pEd.erinage ~
J~rusalem effectue par un confrere moi1ne irlandais ndmme
FIDELIS (1).
Afin de rendre le culte ~ Dieu dans la vill~ de
Jerusalem, rapporte DICUIL, le frere FIDELIS, ainsi ~ue des
i
clercs et des laics, naviguerent en b~teau sur le Nil et
arriverent jusqu' ~ 1 'entree de la mer ,Rouge (2), apres avail'
.
,
I
admire en route, les sept "greniers" qu'avait fait batir
JOSEPH pendant les annees d' abondance (3). De- l~, poursui t
D1CUIL, le moine et ses compagnons "firent la rapidement la
traversee dans la partie occidentale de la mer Rouge,
i
c'est-~-dire dans le golfe qui se prol~nge vel'S le Ncird"
(4).
(1)
Selon M. LETRONNE (cf. LETRONNE, ~echerches
geographiques
et cri t i9 ues sur 1 e 1 i vre "de mens.ura orb is terrae" de
DICUIL suivies du texte restitue, Paris,
1814)
le moine
FIDELIS aurait fait son voyage en~re les annees 762-765
ap. J.C.
.
(2)
Ici est posee la question du cana~ du Nil, c'est~~-dire
son fonctionnement au Vllle siecl~ ap. J.C. Nous'verrons
cette question plus loin, quand no us etudierons le Nil.
( 3) Le s " Gr e n i el'S de J 0 SE PH" des i g n e n t; 1 e spy r a mid e s ;d ' Egyp t e .
Nous y reviendrons plus loin. DICUIL parle des "sept
greniers de JOSE PH"
: il semble qJ'il est fait ici allusion
aux groupes de pyramides de Gizeh iet de Sakkara construits
a quelques kilometres des rives du Nil. Cf. J.J. :TIERNEY
op. cit. p.
112, n.
13.
i
I ,
(4) "Quamquam in libris ...
Inde in occiidentali parte
Rubri maris, hoc est in sinu extendente se longe,in
septentrionalem partem, velivola f,estinatione navigaverunt".
DICUIL, op. cit. VI,
12-18, p.
62

108
I
La navigation de FIDELIS et de ses compagnons ~tant
d~crite d'une fa~on vague et trap sobr~, nous ne pouvons la
reconstituer dans le detail et avec pr~cision. Tout au plus,
nous pouvons seulement en ~tablir, gro$so modo, la partie
,
egyptienne. Le moine et ses compagnons:ont remont~ le Nil
jusqu'a Babylone (1), apres etre parti~, soit d'Alexandrie,
soit de Tennis
(2). De Babylone, ils emprunterent le canal du
Nil, qui fait la jonction entre le Nil'et la mer Rouge. Le port
situ~ a l'entree de la mer Rouge, la ob FIDELIS esper~it voir
les traces des chars de Pharaon (3), ei que DICUIL nomme Oliva
,
,
et situe pres du "camp de Moise"
(4), est en realit~ la ville
d'Arsinoe , situ~e a l'embouchure du c~nal et de la mer Rouge.
(1)
11 s'agit de Babylone d'Egypte.
Cette ville dont .1e nom
copt~ ressemblait a celui de l'antique Babylone, etait
situee non loin de l'emplacement de la ville actuelle
du Caire.
.
(2) Aucune precision n!est donnee en ce qui concerne le lieu
d'ou partit cette navigation sur le Nil.
(3) Sur la foi d'OROSE probablement (C£. OROSE I, 10,.,17),
FIDELIS comptait trouver les trace~ des chars de Pharaon.
OROSE en effet assure qu'on les vOlt distinctement "non
solum in littore, sed etiam in profunda quousque visus
admittitur".
COSHAS INDICOPLEUSTES~
moine grec byzantin
du VIle siecle ap. J.C., qui a visite l'Egypte et,
l'Ethiopie et qui est l'auteur de la Topographie chretienne
'ecrite vers 536, rapporte a peu ptes la meme chose.
Bien plus, un auteur posterieur qui, comme COSMAS', a ete
sur les lieux, affirme le plus serieusement du monde que
"la trace des chars de Pharaon et I' empreinte des: pieds
de ses chevaux se voient encore sur le rivage ; et soit
qulon .les efface a dessein, soit q0e le mouvement des
ondes les fasse disparaitre, ajoutb-t-il, on ne m~nque
jamais de les voir le lendemain". Cf. BAUMGARTEN,< Travels
ap.
PURCHAS, in call. of voyages, T.
I, p.
401 daris
LETRONNE, op. c it. p. 88.
I
.
.
(4) DICUIL, VI, 20 p. 64 et VI.
21, p.164
L'imagination pieuse et populaire ~oyait en ce li~u
l'emplacement ob Moise et son peuple, fuyant
l'Egypte,
aurait campe avant de franchir la ~er Rouge.

109
Dans son court ~crit intitul~ Itinetarium In loca
sancta, le moine BERNARD (1) nous d~ctit le voyage qti'il
effectua de Rome ~ J~rusalem,
via l'Egypte.
11 fit ce
p~leri­
nage en compagnie de deux confr~res, un moine b~n~ventin et
un moine espagnol. Apr~s avoir re~u du Pape NICOLAS (2) la
permission et la b~n~diction d'entreprendre le voyag~, les
p~lerins visitent d'abord l'~glise du ~ont Gargano avant de
se rendre ~ Bari, port de l'ltalie m~ridionale, sur l'Adriatique.
Bari ~tait, ~ l'~poque, aux mains des Sarrazins. Dans cette
ville, ils se procurent des passeports en r~gle (3) aupr~s du
"sultan de cette ville" afin de pouvoi'r poursuivre leur
voyage a travers l'empire des califes'i Mais tr~s tot" h~las,
ilsdoivent apprendre combien peu utiles leur sont c~s
passeports. A Tarente, autre ville d~tenue par les Sarrazins,
et ob l'on ~tait occup~ a embarquer potir l'Afrique du Nord
neuf mille prisonni~rs chr~tiens de B~r~vent, ils trouvent
(1)
BERNARDUS~ Itinerarium in loca sancta, ed. MIGNE, P. L. t. 121,
COL.
569-~70
BERNARD est un ancien moine franc, qui appartenait peut-
etre a un monast~re d' Italie ; car: apres avoir pr~sent~
ses deux compagnons de voyage, il ~joute, dans l'intro-
duction : "Francia vera est nativitatis meae locu,s".
D'apres une remarque au ch.
9, la Champagne parait avoir
~t~ sa patrie (cf. A. EBERT, op. cit. p. 431).
'
(2)
11 s'agirait de NICOLAS ler, qui fut pape de 858 a 867
;
l'~poque de ce voyage se trouve ainsi d~ja d~termin~e
d'une mani~re g~n~rale. Mais la merttion qui y est faite
de THEODOSE comme pat r i arche de J ~rus al em (c.1 0), man t re
qu'il ne peut pas avoir ~t~ entrepris avant 864, vu que
THEODOSE n'a ~t~ ~lev~ a cette dignit~ qu'en cette
ann~e-la. GUILLAUME DE MALMESBURY ~arle aussi de cet
Itin~raire dans De rebus gestis Re,gum Anglorum I.~ IV, 2,
mais il place a tort ce voyage en l'an 870 ap. J.G.,
s'inspirant de deux manuscrits qUi10ffrent ~galement cette
date. Cf. A. EBERT, op. cit. t.
2. ,p', 431.
(3)
C.
3 : "Quarum textus epistolarum
otitian vult us nostri
vel itineris exponebat".

110
l'occasion de passer ~ Alexandrie apr~~ trente joursde
navigation (1). D'Alexandrie, nos trois p~lerins continuent
I
leur voyage sur le Nil et se rendent ai Babylone cl I Egypte.
De Babylone, ils rebroussent chemin ve~s le Nord. lIs passent
par Sitimulh, M6liAlla, Damiette et Thahis (Tennis), ~uis
se rendent ~ Farama, a l'entr~e du d~s~rt (Sinai} De :la, ils
parcourent le d~sert pour arriver a J~~usalem, en passant
i
par Gaza, Ram1eh et Emmalis.
2.
L'Egypte a ttavers le regard des p~lerins
.. .. . .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ~ .. .. .. .. .. ..
Le transit par l'Egypte donnei lieu, de la pa~t de
FIDELIS et de BERNARD, a que1ques i,nformations sur le' pays.
a / Les pyramides ou les "Greniers de JOSE PH"
Par1ant du Nil dont un des br~s se
jetterait
la mer Rouge (2) DICUIL raconte au ch. IVI 12-19, qu'apr~s
plusieurs jours de navigation sur le Nil, le frere FIDELIS
et ses compagnons de voyage aper~urenti au loin, les ~ept
greniers que JOSEPH avait fait batir sJivant le nornbr~ des
ann~es d'abondance ; ils ~taient dispos~s quat re en un lieu,
,
(1 )IIExeuntes
autem de Barre, ambu1avini,us ad mericliem,XC
mi11iaria usque ad portum Tarentinae civitatis, ubi
invenimus naves sex, in quibus erant novem mi11ia,
captivorum de Beneventanis Christi~nis. In duabus nempe
navibus quae primo exierunt Africam petentes, erant IlIa
captivi ; a1iae duae primo exeuntesi in Tripo1im
deduxerunt similiter III~.
:
In reliquis c1emull1 duabus intr?8unte s in quibus ,Cluo'Clue
j
praedictus erat numerus captivorum,: delati sumus in
portum A1exandriae, navigantes diebps XXX ... "
BERNARDUS, Itinerarium in loca sanc~a, ed. MIGNE P. L.
t.
121,
col.
569-570
(2)
11 s'agit du canal du Nil dont nous, aborclerons la
question apropos du Nil.

11t
et trois en un autre ; ils ~taient pa~eils ~ des montagnes et
il s 1 es admi re rent. Rendus aupre s de s :t ro i s premiers pour les
mieux contempler, ils trouverent derriere ces batisses un lion
et huit personnages qui, s'etant entretues, gisaient tous
I
morts. Les sept greniers etaient bati~ ~ des endroits d~serts.
Leur etonnement fut grand lorsqu'~ l'examen, ils con~taterent
qu'ils sont entierement batis en pierre, depuis la b~se
jusqu'au sommet. Les greniers etaient ~arres ~ la base, mais
!
~
arrondis au sommet, avec une pointe ef~ilee ~ l'extremite.
Le frere FIDELIS mesura alors le cBte ~'un des greniers : sa
dimension ~tait de 400 pieds, d'un angle ~ l'autre (1.).
Parlant pour sa part de Babyl?ne d'Egypte, BERNARD
~galement fait etat des "greniers de JOSEPH". C'est a Babylone
que d'apres lui, "a regne le roi pharaon sous lequel jOSEPH a
bati les seize greniers toujours exist~nts" (2).
( 1 ) "
deinde in Nilo longe navigandQ septem horrea i secundum
numerum annorum habundantiae, quae ~ sanctus Ioseph~ fecerat,
de longinquo admirantes tamquam mo~te~ viderunt,.~ua~tuor .
in uno loco ac tria in altero.Hind ad horrea trla mlracull
causa vadentes leonem et octo homi~es viros atque,·feminan juxta
ilIa mortuos invenerunt. Leo sua fdrtitudine occidit- illos ;
illi hastis et gladiis ipsum intertecerunt. Quia deserta
utraque loca sunt In quibus horrea \\septem construtta
fuerant.
i
Post haec diligenter consideranto ~ria horrea itetum
mirabatur a principio fundamenti uique ad finem aititudinis
illorum omnino lapidea fieri
; ilIa in inferiore parte
quadrata facta sunt, in superiore vero rotunda . in fine
sublimitatis quasi gratile acumen habent. Post haec
praedictus frater unum latus unius ,horrei ab angulo usque
ad alterum pedibus quadringentis mensuravit
DICUILUS op. cit. VI,
13-15 p.
62. i
(2) "In quointrantes navigavimus ad meridiem diebus,:et
venimus ad civitatem Babyloniam, ub~ regnavit Phaiao rex,
sub quo aedificavi t JOSE PH XVI horr'ea adhuc manentia".
BERNARDUS, Itinerarium in Ioca sancta, op. cit. col. 570.
i
IiI
!

112
Comme cela se devine ~ traver~ la description qui vient
d'en etre donnee chez DICUIL, les "gren'iers de JOSEPH'; evoques
II
par FIDELIS et BERNARD ne sont autres q0e les pyramides d'Egypte.
I
L'appellation "greniers de JOSEPH" n'esf pas propres aux deux
p~leTins' qui apparemment l'ont emprunt~e ~ la tradition populaire
~yant cours dans l'Egypte de l'epoque, ~u' seim1 cle'5 communautes
chretiennes,
tels
les couvents ou lesi monasteres VOL/(~S ~
!
,
l'accueil et ~ l'hebergement des pelerihs allant ou re~enant de
i
'
la Terre Sainte. Cette singuliere denomination se rencontre aussi
che z GREGOI RE DE TOURS (1), a ins i que dans I' Etymo log ic UlIl
Magnum (2). Elle designe les pyramides dans les deux cas (3).
!
b / La police del'empire des califes
Comme i1 a ete evoque plus haJt, ~ Bari, BERNARD et ses
deux confreres se procurerent des passeports en forme (4) aupres
des autorites (le "sultan de cette ville"), ce, afin d~ pouvoir,
sans difficultes,
pensaient-ils,
pours~ivre leur voyage a
travers les pays du Proche-Orient. Mais~ Alexanclrie lorsqu' ils
se furent rendus chez le gouverneur de ~a ville, on leGr signifia
la nullite de ces passeports.
Sur les i~stances de ce dernier,
ils durent payer chacun treize deniers ppur se faire ei~blir de
I
nouveaux passeports. D'Alexandrie, les t~ois voyageurs :se rendent
I
,
a Babylone par le Nil. Mais l~, malgre l~urs passeport~, ils
sont mi~ en prison. Ce n'est qu'apres av6ir enfin deboJrse treize
;
delliers comme ~ Alexandrie, qu'ils obtin~ent de nouveaux passe-
ports ; ceux-cietaient valables mais ~ i1a condition d'~tre vises
dans les villes par ou
ils passera1ent, :ce qUI leu1' occasionnera
de nouveaux frais
(5).
I '
(1) GREGOIRE DE TOURS, I, 10
(2) cf. LETRONNE, op. cit. p. 18
I
(3)
J.J. TIERNEY explique que les "greni~rs de JOSEPII" ~taient
devenus le nom traditionnel qui designait les pyra~ldes, mot
qu'on faisait cleriver ~ tort du mot ~rec designant 'ie ble.
J.J. TIERNEY, op. cit. p. 112 note 13.
I
';
(4) "Quarum textus episto1arum notitiam vultus nostri vel itineris
exponebat". BERNARDUS op. cit. c3 col. 570
"
(5) "Postquam vero infer ius nominatas ciYitates ingressi sumus,
non prius permissi sumus exire quam dhartam aut sigilli
impressionem acciperemus, quod unb v~l duobus denariis impe-
trebamus". BERNARDUS, op. cit. c 7. col. 570.
i

113
cl La vi11e d'A1exandrie
!
La presentation qui est fai tei d 1 A1exandrie te1eve
.
.
uniquement de cOhsideratiohs re1igieus~s. Ce qui traduit 1es
pr~occupations du moine et du pererin ~ulest BERNARD. Sous le
I
regard de l'auteur, A1exandrie apparalt plus comme une cite
chretienne que musu1mane. Conformement: a la tradi tion' popu1aire,
BERNARD rattache 1ui aussi le siege ~piscopa1 de la vi11e a
I
l'~vang~liste MARC, qui, le premier, y'aurait pr§che la
Bonne Nouve11e et exerce le pontificat (1). Geographiquement,
l'auteur situe la vi11e au bord de la mer et en donne~cette
description : "Hors de la porte Est se itrouve le mona~tere
de ce Saint (~ffiRC) dans 1eque1 sont dei moines, pres de
I
l ' eg1ise ou 1ui-meme reposait auparava~t... Hors de 1~' porte
Ouest est le monastere dit
des "Quaran:te Saints" ou vivent
ega1ement des moines. Au Nord se voit 1~ port de cette vi11e
au Sud,
le Geon ou Nil, qui arrose l'Egypte et traverse
la cite par le milieu, se jetant dans 1~ mer au port indique
plus haut " (2).
(1) "Haec
Alexandria mari adj acet, in qua praedicans sanctus
Marcus Evange1ium, gessit pontificate officium".
BERNARDUS, op. cit. col. 570.
:I
(2) "Extra cujus (A1exandriae) portam
orienta1em est mbnas-
terium praedicti sancti, iri quo sunt monachi apud .~
ecc1esiam,
in qua prius ipse requie~it... Extra pOTtam
occidenta1em est monasterium quod dicitur ad Sanctos
XL
in quo similiter
monachi degunt. Ab! aqui10ne est p6rtus'
i11ius civitatis ; a merid~e habet introitum Geon §ive
Ni1us, qui rigat Aegyptum, et curri~ per mediam
.
civitatem, intrans in mare in praedicto portu".
BERNARDUS, op. cit. col.
570
I

114
d/ Les autres villes
Outre Alexandrie, BERNARD fait ~tat d'autres villes
travers~es lors de son voyage.
Babylon_~
Partis d'Alexandrie, nos trois _p~lerins remont~rent
le Nil durant six jours et arriv~rent a Babylone d'Egypte .
..
Selon BERNARD, cette ville ~tait le siege elu Pharaon" qui,
d'apres le r~cit biblique, fit de JOSEPH, son premier
ministre (1).
Sit i mu 1h, fvl 0 hall a, Da 'n i e t t e, e t Than i 5
!
De Babylone, les trois voyage~rs "rebrousserent
chemin vers le Nord" ou ils travers~re~t successivement
,
les villes de Sitimulh, Mohala et Than1s
(Tennis). Thanis
i
que BERNARD situe tout a fait a la mer ;et au Nord de
Damiette, passe pour abriter "beauoup de chr~tiens ou"des
el~vots tres hospitaliers". C'est une ville sans territoire,
nous dit l'auteur, except~ la ou sont ~es ~glises et ou
se voit la plaine de Thanis. Dans cett~ plaine, repos~nt, a
lIen croire, les corps de ceux qui fure~t.massacr~s au temps
de ivlo i 5 e (2).
I
i
• ~ararna - Elle clot la liste des villes ~gyptiennes
travers~es par l'auteur, qui y rattache l'~vocation el'un
(1)
"In quo intrantes navigavimus ad metidiem diebus VI, et
venimus ad civitatem Babyloniam, ubi regnavit Phar~o rex,
sub quo aeclificavi t JOSEPH XVI horrea ildhuc
manentia ... ".
BERNARDUS, op. cit. col. 570
(2) "Fluvium Geon, Sitimulh progressi sumus ad Mohalla, de
fvlohalla transfretavimus ad Damiatem; quae habet ab aqui-
lbnari mari civitatem Thanis, in qu~ sunt Christiani multi,
aut enim religiosi hospitalitate ni~ia ferventes. ~aec
autem civitas nihil habet terrae, eicepto ubi,su/lt 1 ecclesiae
et
ubi monstratur campus Thaneos, in q00 jacent trium:instar
'
rnurorum corpora eorum qui extermina~i sunt tempore:Moysi".
BERN ARDUS, 0 p. c it. col. 57 0 :
.

115
~pisode du Nouveau Testament : la fuitb de la SainteFamille en
Egypte, sur le conseil de l'Ange de Di~u, qui d~joua ainsi le
I
dessein criminel du roi HERODE (1). D'kpr~s BERNARD,une
,
~glise a ~t~ construite en l'honneur de Marie, "3 l'endroit
,
OU,
sur l'avis de l'Ange, JOSE PH se refugia avec l'Enfant et
sa M~re". Dans Farama, du reste, l'aut~ur signale la pr~sence
d'une multitude de chameaux que les ~ttangers y louent,
dit-il, a prix d'argent aux habitants pour porter leuTs charges
dans le desert limitrophe dont la trav~rs~e dure six jours (2).
x
x x
Au contraire des cliches et des st~r~otypes qui nous
I
ont ete serVlS jusqu'ici, et qui confer,ent 3 l'Egypte~une
image d~mod~e, les informations donneeJ par DICUIL et'par
BERNARD r~v~lent une, Egypte aux trai ts :,contemporains, ~c' est-a-
i
'
dire medievaux ; une Egypte qui s'apparente a l'entit~
politico-historique du IXe si~cle, autr~ment dit, l'Eiypte
musulmane. Cependant, a c8t~ de son car~ct~re d'actua~it~,
cette Egypte n'affiche pas moins quelqu~s traits anciens, en
l'occurence biblique. En effet, la sens~bilit~ chr~tienne des
p~lerins, et plus encore, des moines qu~ sont FIDELIS 'et BERNARD,
ne peut se passer de l'image que la Bib~e et les text~~ saints
i
~
ont laissee de ce pays, qui, de ce fait~ leur est en quelque
I
sorte familier, voire plus familier que:cette Egypte musulmane,
pourtant contemporaine.
(1)
MATHiEU,2 , 13-18
i
(2) "In civitate Faramea ibi est ecclesia in honore sanctae
Mariae, in loco ad quem, angelo mon~nte, fugit
JOSEPH cum
puero et matre.
In ilIa civitate esi multitudo cam~lorum
quos ibi ab incolis ill ius pretio lcicant ,advenae ad ferenda
sibi onera propter desertum, quod h~bet iter dieru~ VI.
Huj us des erti int ro i turn a praedicta linc i pit c i vi ta te"
BERNARDUS, op. cit. col. 570

116
L' HYDROGRAPH lE
i
Deux cours d'eau composent l'hydrographie de l'Egypte. Ce sont,
\\
cl'une part le Nil, et d'autre part, l~ "Torrent d'Egypte".
Le Nil, considere du point de vue cosmographique, apparait
connne un point de repere, Wl element de demarcation: c'est
la frontiere presumee de l'Afrique et de l'Asie, clans le cadre
,
de la division tripartite de la terre. (1)
I
Mais le Nil, c'est avant tout le fleuv~ qui arrose toute l'Egypte
I
I
et fertilise son sol du limon apporte par ses inonclations. Il
s'identifie au Geon biblique, d'apres ies commentateuYsae l'Ecriture
Sainte.
Outre le Nil appele "le grand fleuve d ',Egypte' ou "le fleuve
I
d I Egypte"
tout court, les theologiens font mention d' un cours
i
d'eau moindre, le "Torrent d'Egypte", qu'ils presentent connne
,
i
constituant la frontiere de l'Egypte et: de la Palestine. (2)
i
1. Anonymus, De situ orbis, op. eit. 1. I, 7 p. 11 ; 1. Il,
p.41
Il, 3 p. 45.
Richerus, Historiarum, ed. R. Latouche
-11 Paris, 1930 ~ 37
(class. Hist. Fee M.A.) 1. I p. 6.
2. "Semini tUG dabo terram hanc a flumiI;le Aegypti usque ad £lumen
Euphratem" (Gen. XVI, 18). De quo £lumine Aegypti dixit ?' Non
ergo a fllffiline magno Aegypti, .hoc est, Nilo, sed a parvo ,. quod
dividit inter Aegyptum et Palaestinam .. :"
Angelomus, op. ci t. coL 179 .

117
A -
L E
NIL
Le Nil est le plus grand et le plus;celebre des £1euves cormus
des Anciens. Nul cours d'eau n'a suscite comme lui autant d'inte-
rih. Les Grecs puis les Romains ont :ete frappes par son importance
et son role detenninant dans la vie .de l' Egypte toute entiere.
11s ont nourri a son endroit la plus. vive curiosite, cherchant
a percer le mystere de son origine et a expliquer le phenomene
de sa crue. Us ont emis, en reponse~ differentes hypotheses qui
se sont transmises avec plus ou mOIns de fortune jusqu'au Moyen-
Age. C'est a l'heritage antique que se rattachent les infonnations
i,
que nous livrent sur le Nil, les auteurs du IXeme et elu Xeme
siecle.
0 0 0
o
Comme disposition, nous grouperons ici tous les elements des
textes sous cinq rubriques principales
1. Le nom Nilus
2. Le
probleme de la source
3. Le probleme de la crue
4. L'ielentification au Geon
5. La question du canal du Nil.

,
.,
118
1.
LE
NOM
NILUS
Certains fleu\\(es, nous eli t Raban HAUR, iont ret;u eles noms: qui leur
i
;
!
ont eU~ donnes pour caractcriser leurs :proprietes naturelles. Tel
!
serai t d' apres lui, le cas elu Nil, qui lest ainsi nonune par les
I
egyptiens a cause elu limon qu'il entraine, et qui procure la fecon-
iI
.
ch te a ses eaux. Pour asseoir son propo's, l' abbe de FULDA donne
l'etymologie de Nilus comne venant du glec "VE<l(Y
~Av)l; "
I

i
(nean ihm) , ce qUl vouc1rai t dire "qui ~ntraine" ; auparavant,
I
i
ajoute-t-il, le Nil s'appelait ''Melo'' en latin (1).
,
Cette explication du nom elu fleuve egyp~ien est rapportce egalement
I
I
!
par l'auteur anonyme duDe situ orbis, qui ecrit :
I
" .... Chez les egyptiens, on l'appelle Nil a cause du limon qu'il
i
!I
entraine et qui procure la fecondi te"
(2) •
i
Le mot orc1inaire pour designer le limon :en grec est
~). J{" (3) .
i
I
Des auteurs ont eru qu'il entre dans la lfollnation elu nom elu fleuve
I
(en latin Nilus). C'est en; tout cas ce qu'affinneritRaban
MAUR et l' anonyme c1li De Situ orbis, qui :ont, tous les deux, empruntc
!
!i
1. "Quidam autem
fluviorum proprlls ex ~ausis nomina acceperunt,
'
exquibus nonnulli notancli soot qui in historiis celebres memorantur ...
Hie (Geon) apud Aegyptios Nilus vocaturpropter limlllll queJl~ trjlhi t, qui
efficit fecunelitatem ; wlele et Nilus dietus est, quasi ve~lI t-~vv
nam antea Nilus Latine Melo dicebatur."
RABANUS MAURUS, De Lmiverso, op. cit.
I
2. "Hie (Geon) apuel Aegyptios Nilus vocatur propter limum quem trahit,
qui effici t faecwleli tatem."
j .
Anonymus De si tu orbis, op. ci t.l. 11, p.! 67.
3. Cf BOImeau (Danielle), La crue elu Nil
eel. Klincksieck;; Paris, 1964,
p. 115.

119
cette explication ~ Isidore de S~vill~.(t)
Cette explication
,
~tymologique de Nilus se retrouve aussi chez le gr3Jmnairien
I
I
Servius (Veme siecle apres J.C.). C' e:st peut-etre ~ lui que
l'~veque de S~ville a du l'emprunter pour sa part. (2)
I
Les poetes anCIens insistent surtoutsur la couleur noire que
donne le limon au sol de la vall~e. (3) Les Anciens savaient
!
que le limon ~tait fOrul~ de terres arrach~es sans cesse aux
montagnes d'Ethiopie par les eaux du Nil en crue (4), ii bien
qu'Herodote imagine un temps OU l'exhaussement continuel du sol
enpechera le fleuve de deborder au nord de Memphis. (5)
,
i
La terre d'Egypte a ~t~ formee par lei Nil, telle est Faffirmation,
apres H~rodote, de plusieurs autres aGteurs dont Strabon qui
insiste sur la nature alluviOImaire diJ sol ~gyptien. Pour lui,
I
I
l'origine du sol est une raison pour que le pays ait re~u le nom
I
>
1. Is idore de S~ville, ~. XI II, 21 i, 7
2. Servius, Ad Aen. IX, 31 : "Nilus dictus est quasi VE.O()I t'Avv"
hoc est novum limum trahens".
3. Nicandre compare la couleur de la peau d' un serpent·'lau
limon noir ~thiopien que le Nil en crue d~verse et r~pari.d dans
la mer par ses nombreuses embouchures 1, : Ther. 174 - 176, apud
Bonneau, op. cit. p. 116. - Le limon hair: Virgo Georg. IV,
295. - la couleur noiratre de la terre en Egypte : Plutarque 1.0
33. - Le mat ~gyptien Km (Kemi) qui vept dire "terre noire" d~signe
l'Egypte.
!
4. Diad. I, 34,2 : "Les eaux du Nil cbulant tres lentement, charrient
avec elles une grallde quantite de toufes sortes de terres".
I
S. H~rodote, 11, 14. Cf Bonneau op. cit. p. 116.

120
i
Aigyptos qui etait jadis la denomination du fleuve (le Nil) •
Strabon exprime la peut-etre une realite geologique prehistorique,
du moins pour une partie de l'Egypte (Delta). Les pretres
egyptiens avaient cOill1aissance de la formation du sol egyptien.(2)
Les Grecs recueillirent leurs affirmat'ions et les accepterent en
Ies controlant parfois a l' aide de donnees experimentalEis et
du raisoill1ement par anaIogie. Ainsi He~atee d 'abord vers 520
avant J.C. a fait a ce sujet des remar~ues dont Herodote a tire
profit (3). Quant a Herodote, il a luilegalement fait de~ obser-
,
vations persol1Delles pour preciser l'importance de l'apport
du limon, et l'origine alluvionnaire du sol egyptien. Ha observe
le Delta cOlmne etant "pIat, imbibe d'eau et forme de limon"(4)
iI a cons-tate que la vallee etai t "iloire, friable, fOllne~ de
i
limon et d'alluvions que le fleuve a apportes d'Ethiopie'! (5).
De ces constats, i l a tire la deduction' que l'Egypte mem~ est
nee du fleuve, et a
.repris a son compte la definition q0'Hecatee
avait recueillie des pretres egyptiens, la savoir que l'Egypte
est un don du Ni1.(6)
Contrairement aux affinnations de Raban!et de l'auteur Anonyme,
;
Ni1us ·qui derive du grec Ne. ,0) o~ , n,lest pas le nom egyptien
Iiii
j
1- Strabon I , II, 29 - cf. BOJilleau, op. Fit. p. 124.
2. ef. Bonneau, op. cit. p. 124.
3. Cf. Bonneau ibid.
4. Herodote II, 7.
5. Herod. II, 12 - Cf. Bonneau, op. cit. p. 124.
6. Herod. II, 5 et 10.

121
du fleuve.N€LAo;apparaitrait
pour la premiere fois chez Hesiode,
I
i
poete grec du Vllleme siecle avant J;C., et il serait d 1 0rigine
inconnue. (1)
Chez Homere (IXeme - ~IIIeme siecle avaht J.C.),
considere comme le premier poete gred, le Nil s'appelle Aigyptos
I
~
(A (. Y u n-l:' O(), ensui te seulement ce mot s' appl ique au pays que
le fleuve cree. (2)
Quant aux Egyptiens, le terme propre sous
lequel ils designent leur fleuve est 'plutot Hapi, qu'iis ont
d'ailleurs divinise. (3)
,
A l'instar de~ Egyptiens, il existe egalement chez les Grecs une
i
d ivinisation du Nil, longtemps
'1
avant: a
~
conquete 1
d
('Alexan re le
I
,
,
Grand (332 avant J.C.). Le Nil est presente dans la mythologie
1
grecque comme un Dieu-fleuve, dont certains caracteres sont lies
a la crue. (4) Dans l-Iesiode (5), le Nil est pourvu d'uhe genealo-
gle. 11 a une ascendance breve comme tous les autres fleuves
apparus tot dans la fonnation du monde : il est fils d'Ocean et
de Thetys. Par ce detail, son origine dans la mythologie grecque
rej oint la viei 11e tradi tion cosmogo~ique egyptienne d~ms laque11e
1. Cf. A. Moret, op. cit. p. 32
2. Cf. A. Moret, ibid.
3. Cf· A. Moret, ibid.
4. De part les contacts etroits que les Grecs ont eu avec l'Egypte,
ils ont assimilele Nil a Zeus. C'est Amon, le "Zeus thebain"
conmle di t Herodote I I, 54. 11 est le 'dispensateur de la crue. Zeus
est en Grece le dieu de la pluie (Paus. I, 32,2; Lucien, Sacr X).
Zeus et le Nil sont tous deux fournisseurs d'eau. Les Romains a
leur tour ont assimile le Nil a Jupi~er.
5. Hesiode, Theog. 337

122
le Nil tire son origine et son inondation de l' ocean pH mordial
(Nolill). (l)
Bientot cependant, lille ~egende plus preci~e prend
naissance et tend a rattacher le fleJve au cycle d'IO.: (2)
!
i
On prete au Nil une nombreuse descendance.
I
I
Le mythographe Apollodore (c. 150 avan t J. C.) lui dODlle pour
fille ~1emphis, l' epouse d' Epaphos f i~s d' IQ ; de ~1emphis et
d'Epaphos est nee Libye, la mere d'Agenor et de Belos.! (3)
Chez Diodore de Sicile (c. 50 avant J.C.), le Nil epouke
Hemphis (fille du roi fondateur de la ville du meme nom), qui
devient la mere d'Aigyptos (Aegyptus). Dans la tradition
evhemeriste, le Nil est un souverain qui a regne sur l'Egypte.
Ici intervient une autre explication:de l'Qrigine du n?m clu
fleuve. En effet, on part de l'histoire et du detail des actions
de ce roi egyptien (Neileus), pour fciire un rapprochement entre
i
le nom de ce roi et le nom du fleuvej: Le Nil tient tahtot son
I
I
nom du souvenir des travaux d'irrigation que ce roi aurait menes
dans le but d'accroitre la fertiliteidu sol (4); tantot il le
doit au suicide de_ce roi, qui, par ~xces de douleur apres la
mort de sa fille, se serait jete clans le fleuve. (5)' ,
1. Nous verrons plus loin cette conception.
,
2. et 3. Voir supra, le personnage d'Egyptus. cf. Grim~l, Diction
de la mythologie, op. cit. au mot Nilos et Nilee. cf. Bonneau
op. cit. p. 326.
4. Diodore de Sicile I, 63, 1. - cf. 'Bonneau op. cit. p. 325. -
cf. Grimal, op. cit. Nilos p. 316.
;
\\
5. Pseudo Plutarque, De fluv. XVI, 1 :; cf. Eusthathe, Corn. Den.
Perieg 220 .. cf. Bonneau, op. cit. p;325.
I

123
Ces details sur,le personnage mytho1ogique du Nil sont ,apparemment
incoherents. Deux caracteres sont a retenir cependant : d'une part,
!
i
la fecondite du fleuve, bien marquee par la nombreuse descendance
attribuee au Nil ; i1 apparai t COTrnne '1' ancetre des cinquante
Danaides et de 1eur cinquante cousins: ; et d'autre part, 1es liens
egyptiens, qui font clu Nil, dans cette mytho1ogie grecque, le
pere des clieux qUI, clans la tradi tio~ egyptielme, sont 1es maitres
cle la crue (Re, Ptah, Neith (Isis) , thoth.)
!
i

124
2. LE PROBLEME DE L'ORIGINE DU NIL
D'oll vient le Nil? DU le fleuve puise-t-il sa source?
I
I
i
!
i
Deux theses se degagent chez les aute1urs du IXeme et dLi Xeme
siecle sur la question de la source du Nil: pour les liTIs, le
fleuve prend sa source en orient; pour les autres, il coule a
I
i
.
partir de l'Occident. Nous allons don;c examiner chacune de ces
I
theses. Mais auparavant, pour une meilleure comprehens~on du
probleme, il naus semble important et: utile de dOlmer d' abord
i
en introduction et in extenso, la description du cours du Nil
I
I
telle qu'elle figure chez deux des aJteurs etudies. Dicuil et
I
i.
l'auteur anonyme du De situ orbis, qyl nous donnent cette
i
description, compilent textuellement !tous deux la Ineme,source,
Solin (1), qui est lui-meme tributaire de Pline l'Ancien (2).
A. La descrip~ion du cours du Nil
Presentant I' Egypte COlmne ceinturee par le Nil dans sa partie
i
inferieure, c'est-a-dire le Delta, Dicuil et l'Anon~ne'donnent
!
ensuite elu Nil la description suivan~e (3) :
1. Solin XXXII, 2 - 15
2. Pline V, 51 - 58
i
3. Dicuil VI, 7 - 11 p. 60 .,
Originem habet a monte:inferioris
AnonYJTIus 11, p. 65
Maur~taniae, qui oceano propinquat.
Hoc affirmant Punici Libri, hoc
Jubam regem accipimus ttadidisse.
Igitur protinus lacus efficitur,

125
"
11 prend son origine sur une montagne de la ~1auretanie
,
Inferieure, qui est situee a proximite de l'Ocean. C'est ce
,
qu'attestent les livres Puniques : nqus apprenons que le rOI
I
Juba a transmis ce renseignement. Donc le Nil forme bientot un
lac qui est appele Nilis. On preswne 'que c'est le Nil du fait
que le lac ne produit pas moins d'heibes, de poissons et d'ani-
11
maux que nous n'en voyons dans le Nil, et parce que, si la
~1auretanie ou il a son origine est arrosee par des chutes de
neige plus denses ou par des averses de pluies plus abondantes,
l'inondation, en Egypte, augmente. Mais, au sortir de ce lac,
il est absorb§ par les sables, et est cache par des cavites sou-
terraines. Ensuite, s'elan~ant dans la Cesarienne sous·une fonne
i
I
suite 3.
I
quem Nilum dicunt ; Nilwn autem
jam ,inde esse coniciurit, quod
hoc stagnum herbis piscibus belvis ni,hil
minus procreet quam
in Nilo videmus, quando Mauritania, undique origo ejus'est, a
nivibus densioribus aut imbribus iarg1ioribus irdgatur; unde
incrementa exundationis in Aegypto augeantur. Sed effu~us hoc
lacu harenis sorbetur et cuniculis caecis absconditur. :Deinde in
Caesariensis penita prorumpens ampliora eadem inditia ptaefert,
quae in exortu notavimus, rursusque subsidit nec priusredit
quam post intervalla itineris extenti' contingat Aethiopas, ubi
exit et Nigrum facit fluvium, quem supra diximus esse terminum
limitis Africani. Astapum eum inde gentes vocant, scilicet aquam
e tenebris prbfluentem. Multas magnasque ambit insulas; quarum
pleraeque sunt tam diffusae et vastae magnitudinis ut ~ix
eas
dierum quinque cursus praetermeet, ql1amvis concitus ibi feratur.
Nobilissima earum est Meroe (1), circiJrn quam divisus dextero
alveo Astisapes (2), levo Astabores nominantur
tLmc ...
1. Eroe, chez l' Anonyme
2. Astapes, chez l'Anonyme
Astosapes, chez Solin.

126
plus ample, il nous foumit les memes, caracteres que nous avons
de j a soul ignes a son origine. Puis ills' enfonce de nouyeau et ne
reparait qu' au moment Oll il atteint, :apres un long cours, les
Ethiopiens ; Hi il sort de terre et ~orme le, fleuve Niger, dont
nous avons dit plus haut, qu'il est ~a fin de la frontiere africaine.
De la, les indigenes l'appellent Astapus, c'est-a-dire eau sur-
giSSffilt des tenebres. Il baigne des iles nombreuses et grandes,
dont la plupart sont si etendues et si vastes qu'il en acheve a
i
peine le tour en cinq journees, bien :qu'il coule la vite. La
principale de ces i:les est Meroe (1) ,: autour de 1aque1ie se divi-
:
5 ant , il est appele, au lit a droite ~stisapes (2), a gauche
Astabores. Apres avoir parcouru enco~e une grande distfnce, aUSSl-
tot qulil devient violent par les ec~eils, faisant obstacle a son
cours, il s'eleve.avec de tels bouillonnements entre les obstacles
des rochers, qu' on croirait qu' il se ,precipite plut6t qu' il ne
!
coule. Finalement, il est sOr a partir de la derniere cataracte
i
,
c'est ainsi que 1es Egyptiens appell~nt quelques barrages de celui-
!
ci. Apres avoir aussi laisse derriere lui le nom de Giris, il conti-
nue bientot sans empechement. Il est :re<;u par sept bouches, il est
i
I
accueilli par la mer Egyptienne dans isa partie meridionale ... " (3)
I
I
!
suite 3.
. . .. quoque emissus magna longinqua cum primum occurentibus
scopulis asperantur, tantis agminibu5 exto1litur interobjecta
rupium, ut ruere potiusquam manare c~edatur,demumque
a cata-
racte ultimo tutus est. Ita enim qua~dmn claustra ejus Aegyptii
nuncupant. Relicto tamen hoc ponere se nomine, quod Giris
vocatur mox inoffensus meat. Septem qstiis conditur ; in
meridiem versus excipitur Aegyptio m~ri ... "
1. Eroe, chez l'Anonyme.
i
2. Astapes, chez l'Anonyme
Astosap~s, chez Solin.
I
,
3. Nous avons emprLmte la traduction ifran<;aise a Youssouf Kama1,
op. cit.
I.

127
B. L'hypothese de la source orientale du Nil
D'apres deux des auteurs, Angelome etiAlfred, le Nil prend sa
I
source en Orient.
Commentant1un passage du livre de la Genese (1), Angelome affirme,
suivant la tradition patristique, que; le deuxieme fleuve du Para-
dis terrestre, le Geon, est precisement le Nil, le fleuve d'Egypte,
quiceinture toute l'Ethiopie. Sur la: provenance de ce:fleuve,
l'auteur joue a outrance le concordisme avant la lettre en
poussant jusqu'a la confusion des deux traditions: En .. effet,
tout en utilisant la these de l'origine orientale suivie habi-
tuellement par les commentateurs scripturaires, il lui associe
celle de 1 'origine occidentale par 1 'introduction de 1 i Atlas qu I il
localise en Orient : "Celui-ci (c' est'-a-dire le Geon ou le Nil)
I
ecrit-il, coule ae l'Orient, evidemne~t du pied de l'Atlas, a
\\
ce qu'on dit, et se dirige vers le Nord ; grossi par l~s pluies
i
d'automne, il arrose l'Egypte jusqu'au moment Oll i1 se cache sous
I
terre sur la cote de la mer Rouge ; ensuite, reapparai~sant en
I
Egypte, iJ. poursuit son cours vers l',occident" (2).
i
!
I
1. Gene se 2, 13
2. "Qui ab Oriente fluens, a radicibJs videlicet Atlantis montis,
sicut autwnant, et ad septentrionem flexus, autwnnalibLi~ pluviis
anctus, plana Aegypti irrigat, usque :dum in littore maris Rubri
sub terra celatur, deinde irrumpens Aegyptum ad occide~tem fluit".
fulgelomus, Commentarius in Genesim ed. Migne P.L.t. 115 col.130.
:
.

128
Dans sa traduction de l'Histoire de Paul Orose, Alfred egalement
affirme, sans ambages, l'origine orientale du Nil, sans toute-
fois se departir entierement de l'opinion qui le fait venir de
l'Ouest : "La source du Nil ecrit-il, se situe pres de la fa-
laise de la mer Rouge (1), quoique certains pretendent qu'elle
se trouve aux confins Ouest de l'Afrique, pres du mont Atlas". (2)
0 0 0
o
. ~.
L'opinion d'Angelome ou de sa source, faisant descendre le Nil
d'Orient, tout comme celle d'Alfred ou d'Orose, localisant la
source du fleuve sur la cote de la mer Rouge, sont sans doute a
rattacher a la tradition fort ancienne, qui fait venir
le Nil
de l'Inde. Quant a cette tradition, il est fort probable qU'elle
soit inspiree, elle-meme, d'une vieille conception cosmogonique
egyptienne.
Les pretres Egyptiens consideraient en effet l'eau comme
l'element primordial de l'existence du monde
ils l'appellaient
le Noun, nom qu'ils attribuaient d'ailleurs au Nil dans la langue
sacree.
1. Orose I, 2, 28. dit : " ... Nilum, qui de litore incipientis
maris Rubri videtur emergere in loco, qui dicitur Mossylon
emporium ... ".
2. "The spring of the rIver Nile is near the cliff of the Read
Sea ; though some say that its spring is in the west end of
Africa, near the mountain Atlas ; ... " Alfred, Ope cit. e.l, 9 p. 33.

129
Le Noun, l'eau premi~re,
I
origine du jmonde, etait ce que les
Grecs traduisaient par "Oceanos". C~ Noun entourait la terre,
et c'est de lui que provenait le Ni~. Des Grecs ont recueilli
1
cette conception de l'Ocean, anteri~urement ~ Hom~te (1) .Quant
~ la forme de ce monde origine1, elie etait con~ue:par les
Egyptiens comme celle d'un oeuf d'Od se serait peu ~ peu de-
gagee la terre selon les uns,
le so~eil, selon les autres (2).
;
Avec trois auteurs grecs,
l'origine egyptienne du Nil fait
fortune:
Hesiode, au VIII~me si~cle avant J.C.,
fait de l'Ocean
le p~re du Nil (3)
; Thal~s, auVrr~:me si~cle avant J.C. par-
i
tage 1 a meme idee sur l' or ig ine du f leuve ; enf in, :' Heca tee,
peu apr~s 494 avant J.C.; suppose,
~ur la foi d~s pretres
egyptiens, que le Nil se raccorde a0 Sud avec l'Ocean circu-
laire, et attribue l'inondation annuelle ~ cette rencontre.(4).
Herodote, que cite Hecatee sans le ~ommer, trouve ibsurde l'opi-
"
nion qui fait venir le Nil de l'oce~n. Bien plus, il conteste
l'existence de cet ocean peripheriqu;e (S). Cependarit, sa nega-
I
tion de l'existence de l'ocean nla ~as eu d'echo.Et au fur et ~
!
.
mesure que le monde est connu,on aj9ute des branch~s ~ cet ocean,E
1 . cf. Bonneau D. op. cit. p. 1 44
2.
et. Honneau D. op. ci t. p. 1 43
3 . Hesiode, Theog. 338-cf. Bonneau op. ci t. ibid
4 . cf. Bonneau, op. cit. p. 1 46
5 • Herodote II,
21
et 23 .

130
continuant a croire qu'il entoure laiterre (1).
Au ler siecle avant J. C., Diodore de Sicile dOlme aussi: l' opinion
,
I
que le Nil nalt de ~'Ocean : "Les pretres egyptiens, etrit-il,
pretendent que le Nil prend son origine a l'Ocean qui I2ntoure
i
I
la terre" (2). Stephane de Byzance nipporte egalement que les
i
pretres egyptiens sont la source de i'opinion qui fait' provenir
I
le Nil de l'Ocean (3).
Cette explication egyptienne du Nil,;qui prend naissance dans
l'Ocean NoW1, en W1 point inaccessible du sucl, a peut-etre
-.
,
influence aussi 1 'opinion perse' pour! qui le Nil s'inflechit
vel's 1 'Orient, et sa jonction avec 1,'Ocean se fait clans la
direction de l'Ocean lndien (4). Ale~andre le Grancl, dit-on,
avait un moment cru que le Nil venait de l'lnde. Mais, a ce
i
I
A
~I ~
qu I il paralt, cette opinion aurai t ete professee en pl~emier par
i
1. Par exemple, au lleme siecle apres J.C. Aristide de Sn~rne
lui connait quatre branches: la' mediterranee , la Caspierme,
la mer Rouge et le Golfe Persique. cf. Bormeau, op. cit. p.146.
I
2. Diod. Sic. I, 37, 7.
3. Cf. Bormeau op. cit. p. 145.
'\\
4. Aristote, D.l.N. , 8 - cf. Bormeab, op. cit. p. 150.
I

131
le roi perse Artaxerxes Ochus, sans doute sous l'influence
egyptienne (1).
( .
Ainsi qu'il apparait, l'opinion qUl sltue en Orient la source
]
du Nil, remonte tres loin dans l'Antiquite. Les auteurs chretiens,
particulierement les commentateurs s~ripturaires, ont mis a
profit d'exploiter cette tradition ancierule pour justifier la
I
I
prevenance orientale du Nil-Geon, qUl "sort du Paradis:, Terrestre".
Cette exploitation a ete davantage favorisee par la cohfusion
i
:
Inde - Ethiopie etablie depuis l'Ant~quite. Cette confusion s'est
trouvee abondarnrnent reprise au IIIem~ siecle apres J .C:. ou
l'habitude a ete prise de designer par Inde l'Ethiopie. "La
confusion Inde - Ethiopie, ecrit de Medeiros, est d'autant plus
,,
appreciee par les auteurs chretiens de l'Antiquite qu'elle leur
perrnet de justifier I' interpretation qu 'ils croient tiier de la
i
Bible en identifiant le Geon "qui sort du paradis" au Nil". (2)
1. Dans le commentaire qu'il fait de l'expression "Ab oriente
veniens" apropos du Nil, dans un texte de Gregoire de: Tours,
J. Letronne croit reconnaltre des traces qui revEHent la prove-
nance egyptienne de l' opinion ,qui fait venir le Nil de, I' Inde ;
il croit deceler des renseignements qui ont ete puises en Egypte,
a la findu Veme siecle ,ou au commencement du Vleme siecle ; car
crest a cette epoque, pense-t-il, que cette opinion parait le
plus avoir eu de partisans. Et i l cite Procope qui c1it quelque
part : "N'~r..1os f'L)ll.f IydWV ~)f~A'run~cJ fl!fE.rGOfL ,~.
(Aedific V,I) cf. Letronne, op. cit.:p. 14-16.
2. Medeiros (Fran<;;ois de), Recherches sur l'image des noirs dans
l'occident medieval (XIIIeme - XVemesiecle) . These de doctorat
3eme cycle, Univers. Paris VIII-Vincennes1972-1973 2p + VII + 336 p.

132
En conclusion, dans cette these de l'origine orientale du Nil,
ce qu'il faut retenir semble-t-il, c'est l'effort des auteurs
chretiens de concilier et de consolider la theorie du Nil-Geon
avec celle de l'Inde - Ethiopie.

133
i
I
C. L' hypothese de la source occidentcl.le du Nil
Pour quatre auteurs, savoir Raban MaJr, Dicuil, Remy d'Auxerre
,
et 1 'Anonyme du De Situ Orbis, le Nil prend sa source dans la
partie occidentale du continent afridain.
Raban Maur, qui s'inspire d'Isidoire!de Seville, ecrit' a ce
sujet dans son commentaire du livre ~e la Genese : "La source
,
.
du Nil, dit-il, que l'Ecriture, disoris-nous, appelle le Geon, se
situe non loin du mont Atlas, qui est l'extreme limite de l'Afrique,
du cote occidental" (1). Par ailleurs, dans le De Universo, le
\\
meme Raban repete l' eveque de Seville en ces tennes : "Le Nil
prend son origine dans le lac Nilis, 'dont il sort vers' le SUd,
pour se diriger vers l'Egypte".(2)
Compilant textuellement Solin, Dicuil donne aussi le llleme aVlS
"Le Nil, ecrit-il, prend sa source sLir une montagne de la Maure-
tanie inferieure, qui est situee a proximite de 1 'Ocean". (3)
1. "Origo Nili vero, quem scriptura, 'ut diximus, Geon nuncupat,
non procul ab Atlante monte, qui est .ultimus Africae ad
occidentem finis". Rabanus Maurus, Comment. in. Gen. Migne
P.L. t. 107 col. 478.
2. "Apparet autem in Nilide lacu, de quo in meridiem versus
excipitur Aegypto, ... 1J
Rabanus Maur. De Universo, op. cit. col;
- Isid. Et~n. XIII, 21,7.
I
i
!
3. "Originem habet a monte inferioris Mauritaniae, qui'oceano
propinquat".
iI
Dicuilus, op. cit. VI, 7 p. 60
- Solin XXXII, 2.

134
Dans son conunentaire du Livre de la Genese, Remy d'Au.x~rre suit
la tradition patristique (St Jerome) :et affiTIlle la meme 9pinion:
"Le Geon, ecr it - il, prend sa source pres de l' Atlas, e~ i'-1auretanie"
(1) .
Enfin, le meme son de cloche s'entend chez l'Anonyme d~ De situ
orbis, lequel emprunte cette opinion respectivement a Solin et
a i'-1artianus Capella. Repetant Solin, :il dit : "Il (le Nil) prend
,
son origine sur Wle mon tagne de la MJuretanie inferieure qui est
!
situee pres de l'Ocean" (2). Compilant par ailleurs Martianus, il
I
ajoute : "Quant au Nil-meme, on pense qu'il procede de sources
I
I
inconnues, tandis que le roi Juba indique sa naissance du lac
Nilis, pres d'une montagne de la Mauretanie inferieure ; cela se
prouve par l'identite des animaux et,par cet arglunent que la
portee est pareille dans les deux lieux". (3)
L'opinion qui fait provenlY le Nil drOccident, remonte. a
i
Herodote, lequel ecrivait ceci dans un passage de son livre II,
au chapitre 31, ou il traite de l'or~gine du Nil: "On connalt
1. "Phison autem in Caucaso monte oritur
Geon juxta Atlantem
Mauri taniae ... "
i
Remigius Aut. Conunentarius in Gen. Migne P.L. t. 131 col. 61.
2. "Originem habet a monte inferioris Mauritanice, quioceano
propinquat."
Anonyrnus, op. cit. 11, p. 65
- Solin XXXI I, 2
3. "Nilus autem ipse incertis ortus fontibus creditur, cwn Juba
rex cum a monte inferioris i'-1auritaniae de lacu Nilide oriri significet,
quod animalibus isdem et argwnentis faeturae pari lis approbatur."
Anonyrnus, op. cit. 11 p. 64 - 65.
l~artianus VI, 676.

135
le Nil pendant quatre mois de route, disait-il, soit par eau,
i
soit par terre, on trouve qu'il
faut.ce nombre de moispour
aller d'Elephantine au pays des Transfuges. Ce qui est sur, c'est
que le fleuve vient du couchant, mais au-dela de ce pays, personne
ne peut rien dire de certain, car la contree est deserte a cause
de la chaleur". Pour appuyer ses propos, Herodote raconte un
voyage accompli a travers le desert p~r des Nasamons (1), qui
seraient parvenus ainsi jusqu'a un grand fleuve qui coulait du
Couchant au Levant, et qui, comme le Nil, etait habite par des
crocodiles.
Pour la comprehension du fondement de ila these de l' orig:ine occi-
dentale du Nil, voici brievement presente, le recit rapporte par
1 'historien grec, qui le detient de CYireneens, a qui 1 'histoire
a ete racontee par le roi des Ammoniens, Etearque, leur interlocu-
teur, devant lequel ils soutenaient que personne ne cOill1aissait la
source du Nil.
A Etearque qui voulai t avoir des rense,ignements sur les deserts de
la Libye, les Nasamons racontent que che:z, eux, des £i1s·;de chefs
tres audacieux designerent par tirage au sort, cinq d'entre eux
pour explorer les deserts de la Libye et tacher d'ensavoir plus
I,
que ceux qui jusqu'a10rs sly etaient le plus avances. Munis d'une
quantite de provisions d'eau et de viv~es, les cinq jeW1es gens
1. Les Nasamons sont un peup1e Libyen qui habite, d'apr~s
Herodote, la Syrte et W1 pays voisin de la Syrte, au Levant.

136
s'enfoncerent dans le desert, en direction du Zephyr (1), apres
avoir traverse d'abord la region hab~tee, puis le pays,des betes
sauvages. Apres des j ours et des j OUILs de marche durant lesquels
ils traverserent une longue etendue de sables, ils parvinrent
!,
dans une plaine, ou en cueillant des :fruits sur les arbres, ils
furent faits prisonniers par des horrunes de petite taille,
i
qui
les emmenerent. Les ravisseurset les Nasamons ne se com-
prenaient pas, du fait de la difference des langues. Apres
avoir traverse de tres grands marais, ils arriverent enfin it
une ville, dont taus les habitants etaient de la meme taille
que les premiers, et avaient la peau;noire. Le long de la ville
coulait un grand fleuve, qui se c1irigeait du couchant vers le
soleillevant, et ou il y avait des ~rocodiles.
Rentres cJ1ez eux, ainsi que le rapporte J-Ieroc1ote a la fin du
recit, les Nasamons affinnerent que des gens chez lesquels ils
etaient alles, etaient tous magiciens. Puis l'historien grec
de conclure : "Quant a ce fleuve quipassait le long de la ville,
ecrit-il, Etearque pensait que c'etait le Nil, et la raison le
veut ainsi. Le Nil vient en effet de ,,la Libye et la coupe par le
milieu. Jugeant des choses inconnues !par les choses COlUlues, j e
I
suppose qu'il a un cours analogue a qelui de l'Ister. Car ce
fleuve Ister prend naissance chez les Celtes, pres de la ville
1. Selon Stephane Gsell, la direction du sephyr correspond ici a
la direction du vent d'Ouest. L'Ouest s'avere la seule interpretation
naturelle que puisse comporter le texte du Grec.

137
de Pyrene, et traverse l'Europe par le milieu ... " (1)
Diodore de Sicile mentionne le recit cl'Herodote, mais doute de
la sincerite des Nasamons. D'apres lui, quand bien meme ces
Nasamons auraiEmt di t vrai, on ne sauiai t, avec J-lerodote, pre-
tenclre qu'ils aient fait connaltre le cours du Nil (2).
I
D'lUle maniere generale, il semble que Jes Anciens n'ont'pas
attache grande importance a ce recit, meme ceux qui ont place
la source du Nil dans l'Ouest de l'Afrique (3).
Concenlant l' expedi tion des Nasamons, si rien n' empeche ,d' ac1mettre
qu'elle ait eu lieu, quoique certains details aient pu etre alteres
par une serie d'intennecliaires avant de parvenir a Herodote,
I
'
cependant, on peut difficilement dire si l'lmique cause:etait
le clesiY de quelques jelUles gens de s'lllustrer par un a,uda-
cieux: exploit. Dans tous les cas, rien:ne nous foncle a penser que
ces jeunes gens soient alles a la recherche du Nil et qu'ils
aient cru l'avoir atteint. C'est plut6t Etearque, le roi des
Ammoniens, qui tira lui-meme cette conclusion a la suite des
renseignements qu' on lui avai t cOlluuuniques sur leur voyage.
1. Herodote II, 33 - cf.S. Gsell, Herodote
textes reHltifs
a l'histoire de l'Afrigue du Nord, Universite d'Alger, Alger,
191 5. p. 41 - 42.
2. Diodore de Sicile, I, 37. cf. Gsell~ op. cit. p. 203.
3. Cf. Gsell, op. cit. p. 203.

IJ6
11 n' emp'eche que cette pretenclue source occidentale elL! Nil
aura la vie dure. A preuve, 1 'echo ql;!'on enregistre chez bon
nombre d'auteurs posterieurs, dont les quatre carolingiens
mentionnes plus haut. Cette hypothese a ete a. la base d'lUle
serie d'identifications du Nil et de sa source avec certaines
rivieres de l'Ouest africain. En eff~t, plusieurs auteurs,
i
naturellement influences par la thes~ d'l-Ierodote, ont cru re-
connaltre le Nil dans differentes ri~ieres a l'Ouest de l'Afrique.
Mais avant de passer. en revue les differentes identifications
qui ont ete faites par les uns et les; autres, considerons
i
d'abord ce fleuve atteint par les Nasamons. Peut-il etre identifie ?
,
Partis de la zone nommee "Libye habit~e", c'est-a.-elire, elu
i
I
li ttoral oriental de la gnmele Syrte,! les Nasamons avaient
traverse la zOne di te "Libye des bete~ sauvages'~ et penetre
dans le desert, en direction du zephyr, c'est-a.-dire, dans la
direction Ouest (1). Si 1 'indication de la rnarche vers l'occident
est exacte, ce fleuve c1ecouvert par les Nasamons, et qui, coulait
elu Couchant au Levant, ne saurait etre identifie avec le BaI'h el
!
Ghazal, affluent de gauche du Nil: lE(s Nasamons n'auraient pu
atteindre cette riviere qu'en allant dans la direction sud-est (2).
1. Cf. S. Gsell, op. cit. p. 204
2. Vivien de Saint Martin, Le Nord de l'Afrique dans l'Antiquite
p. 18.

139-
Vivien de Saint Martin (1) place a. l'oasis d'Ouaigla, le tenne
cle 1 'expedition des Nasamons. Cette h'ypothese est refutee par
plusieurs auteurs (2), entre aLltres, Stephane Gsell, pour qui
l'oasis en question, ne re pond nullement aux indications d 1 Herodote:
on n' y trouve pas de tres grands marais, et l' oued 1'-lya, qui
aujourd'hui du moins, n'a qu'llil cours souterrain, se elirige du
sud au nord. On peut encore, avec moins d 1 invraisemblance,
estime Gsell, supposeI' que les explorateurs parvinrent a. l'oued
Saoura, vel'S Ksabi, au nord-ouest clu Touat. Cette riviere, il
est vrai, coule non d'ouest en est, mais du nord-ouest au 5ud-
!
est. Elle avait peut-etre dans l'antiquite plus cJ'eau que de nos
jours (3) ; en tant de crue, elle forme encore cle grancls marecages
(4). ComJl1e en signalent des textes anciens clans les cours d'eau
qui coulaient dans le sucl marocain, il est fort probable que
cette rivi~re etait habitee jadis par des crocodiles (5). De
plus, dans cette region, vivaient a l'epoque antique, des
Ethiopiens, c'est-a.-elire des gens a. la peau noire, ou tont au
1. Vivien de Saint-Martin, Le Nord de~ 1 'Afrique clans l'Antiquite,
p. 18.
2. Faidherbe, Revue africaine, XI, 1867, p. 59 ; Honceaux, Revue
historigue, XLVII, 1891, p. 27 ; Neum;'llln, Nordafrika, p. 81; dans
S. Gsell, op. cit. p. 205, n. 1.
3. Concernant les raisons qUI peuvent. le faire croire, VOIr S. Gsell,
Histoire
t.I p. 56, 70.
4. Voir par ex. Gauthier, Sahara algerien, pI. IX , fig. 18 p. 20.
5. Gsell, p. 66-67, signale qu'il en existe en plein Sahara a
l'epoque ou il ecrit.

140
moins foncee.On ne peut cepenclant affinner, qu'ils aient ete
de petite taille. Du reste, pense Gsell, on doit se garder
d'insister sur une identification possible de l'oueel Saoura
avec le fleuve des Nasamons (1). La brievete et le vague elu
recit el'Herodote ne pennettent pas de hasarder des hypotheses
acceptables.
L'hypothese souvent presentee est celle qui identifie le
fleuve des Nasamons au Niger (2). Mais cette hypothese n'est
admissible que dans la mesure 00 lIon suppose l'expedition
des Nasamons dirigee dans la direction sud-ouest et non vers
I
l' ouest, corrune le suggere le texte cl' Herodote ; dans la mesure
00 l'on suppose aussi qu'ils ont 8tteint le Niger dans la
I
partie de son cours qui va depuis les parages de Tombouctou sur
une longueur d'un peu plus de trois cents kilometres. Car, en
amont, le fleuve coule du sud-ouest aunord-est et en aval, du
nord-ouest au sud-est. Mais peut-on savoir si le cours actuel
du Niger etait bien celui qu'il avait deja 8U Veme siec1e avant
J.C. ? Deux auteurs, /'.11'1. Gauthier (3) et Chudeau (4) ont,montre
qu'autrcfois, non loin de l'emplacement de Tombouctou, il pre-
nait la direction du nord et parvenait a la region de Taoudeni,
1. Gsell fait remarquer sans tirer arglunent de cette concordance
possible, que des Anciens paraissent avail' regarde l'oued Guir
cOJrnne la Hhe elu Nil : or cette riviere fonne avec la Zousfana,
l'oued Saoura. cf. Gsell p. 206 N° 1.
2. Rennell, Heeren, Baehr, Rawlinson, Faidherbe (op. cit. p. 61-64),
de Quatrefages. (les Pygmees, p. 19), Nel@ann (op. cit.p.79) etc, ..
3. Cf. Gauthier, Sahara algerien, p. 228.
4. Cf. Sudeau, Sahara soudanais, p. 228.

141
a plus de SlX cents kilometres de cette ville. La modification
du cours du fleuve ne serait pas tres ancienne : selonGauthier,
elle se serait produite a une "epoque recente, historique".
Pourtant, il est impossible de dire si la direction actuelle
du Niger est allterieure ou posterieure a Herodote. Dans to us les
cas, la ville qu'il mentionne ne peut certainement pas etre
Tombouctou, qui ne fut fondee que plusieurs siecles apres
l'Mgire (1).
Une autre hypothese a ete d'identifie'r le fleuve des Nasamons
avec le Komandougou, riviere qui coule de l'cuest a l'est, et se
jette dans le lac Tchacl (2). Admettre: cette hypothese suppose,
i
contrairement au texte d'Herodote, que les Nasamons
aient marche
non en direction de l'ouest, mais plu:t6t vers le sucl, en obli-
quant a peine vers le Couchant.
Concernant les honunes nOHS, de petite taille, qui s 'emparerent des
Nasamons, puis les renvoyerent inclerrmes, nous en parlerons plus
t~rd, lorsque nous etudierons les populations de l'Afrique.
Revenons a la these de la source occidentale du Nil.
1. Cf de Quatrefages, op. cit. p. 21.'
2. Voir Monceaux, op. cit. p. 28.
,.

142
D'apres Herodote, le Nil etait COrulU jusqu'au territoire des
Transfuges,peup1e qui se serait fonne a la suite de la de-
sertion en masse des soldats du pharaon Psarnrnetique (1), et
qu'on 10ca1isait dans la region situee au sud du confluent
du Nil B1eu et du Nil Blanc, entre 1es deux fleuves. Au-dela
des Transfuges, on ne savait rien de certain, le pays etant
I
desert a cause de la cha1eur, nous dit Herodote. Ce qui ne
1 1 empeche pas de soutenir que le f1euve vient du couchant (2).
11 n'a pas eu, semb1e-t-il, d'autres lTIotifs de le croire que
:> .
le recit des Nasarnons, indiquant un grand fleuve qui cou1ait
de l ' ouest a l'est, et qui, cornrne le Nil, etait habite par des
crocodiles.
En sonune~· ce qui a porte 1es auteurs a crone fina1ement a cette
opinion de la source occidenta1e, ce fut uniquement l'identite
de certains anDnaux et vegetaux existant dans le Nil et dans
1es rivieres de l'ouest de l'Afrique (3). Notons que cette res-
~semb1ance de la falille et de la flore du Nil avec celles d 'une
autre riviere, probab1ement l'Indus, 'avait ega1ement fait croire
a A1exandre le Grand, que la source du Nil se trouvait en
I
I
1. Herodote, II, 30.
2. Herodote, II, 31.
3. Cf. Hugo Berger, Geschichte der Wissenschaft1ichen Erdkunde der
Griechen, 2° ed., p. 76. - On peut tenir compte aussi de certaines
ressemb1ances de noms conune le Nuchul ou Nuhu1 que nous verrons
plus loin. Gse11 note d'autre part un oued Ni1i dans le Sahara
a1gerien, entre Laghouat et le Mzab (Tissot, geographie I,p.92).

143
I
Inde (1). Dans le sud de la Berberie, il y avait en effet des
cours d'eau qui contenaient des crocodiles. Plus encore, vers
le midi, des fleuves nourrissaient et des crocodiles et des
hippopotames (2). Quoique ces cours d'eau se deversaient dans
l'Atlantique, cela n'empecha pas un auteur grec, Euthymene,
i
ainsi que nous le verrons par la sui tie, d' identifier I' un d' eux
avec le Nil. On a cru egalement voir !le Nil en d' autres
rivieres oU vivaient des crocodiles ;i ces rivieres se perdaient
clans le desert, mais on les retrouvai t volontiers au-dela.,
coulant sous les sables. Le phenomene des rivieres au parcours
souterrain eta it admis par les Anciens. Ceux-ci croyaient a
l'existence de lignes d'eau eparses, qui ne seraiellt, en
reali te, que des parties apparentes d 'un fleuve lmique. Et
nous retrouvons 1 'illustration de cette opinion a travers ces
propos de Raban Maur : "Enfin, dit-il, la plupart des historiens
racontent que le Tigre, l'Euphrate et le Nil sont precisement
le meme fleuve qui passe dans differentes regions, mais qu'apres
j
avoir effectue un detour en arriere, 11 continue son chemin en
i
un cours unique" (3). Avec ce raisonnement, il etai t evidenmlent
I
facile de retrouver le Nil sur differents points de l'Afrique
I
occiclentale.
Nous retiendrons lCl deLlX theses, celle d' Euthymene
i
1. C£. Strabon 'AV, 1, 25; Arrien, Allab, VI, 1 ; cf H. Berger op.
cit. p. 75-76 - cf. Gsell op. cit. p.i 209. Alexandre dit-on,
renonc;a vite a cette erreur que l'Ecrit De inundacione Nili
attribue au roi de Perse Artaxerxes Ochus : Fragmenta Aristotelis,
Didot. p. 213.
2. Hannon, Periple, 10 (Geogr. gr. min.,Lp.9); Pline, V, 10
(d'apres Agrippa): "Flumen Bambotum crocodilis et hippopotamis re-
fertum) cf.Gsell, Herodote:textes relatifs a l'histoire de l'Af ...
op. cit. p. 209 n.4.
3. Raban Maur, Comment. in. Gen. Migne. P.L.t. 107 col 478.

144
et celle de Promathos de Samos, lesquelles identifiaient ainsi le
Nil avec des rivieres de l'ouest africain.
Un Grec de l'-1arseille, Euthymene, qui navigua le long de la cote
atlantique de l'Afrique, parvint a lll1fleuve dans lequel il y
avait des crocodiles et des hippopotames (1). S' agissait-il
de ce fleuve qui, d' apres l' amiral carthaginois HamlOn, conte,
nait les memes animaux, et qui correspondrait peut-etre a la
Saguia el Hmnra, entre le Cap Juby etile Cap Bojador (2) ?
S'agissait-il du Senegal? On l' ignore. Mais tOl!jours est-il
que Euth~nene y reCOilllut le Nil. 11 se souvenait peut-etre de
la theorie de Thales de Milet, qui attribuait l'inondation du
Nil aux vents etesiens, qui soufflant de la mer pendant, la
saison chaude, faisaient refluer les eaux du Nil de la Medi-
terranee vers l'interieur du fleuve. Lorsque les vents etesiens
soufflaient, ils poussaient, croyait-i,l
,les flots de, l' ocean
(Atlantique) dans le lit de la riviere qu'il avait rencontree •
C'est done ainsi que se serait fonne le Nil, qui aurait ensuite
i
i
traverse la Libye (3) pour couler en Egypte. Mais EuthyIDene
i
I
peut avoir transpose et applique ici la vieille theorie ,'egyptieill1e
adoptee par Hecatee, et qui faisait provenir le Nil de l'Ocean
1. Aelius Aristide, Orat., ~~I, 85 et 96 (ed. Keil, 11, p.290
et 293) apud Gsell, Herodote : textes relatifs a l'Afr ... op.
cit. p. 210.
2. Gsell, Histoire, t. I. p. 491 - 3.
3. Fragm. hist. gr., IV, p. 408 ; H. Berger, op. cit. p. 133.

145
qui entoure la terre. Dans l'un ou l'autre cas, Euthymene
aura donc transpose d'est en ouest, le champ d ' app1ication des
deux theories.
D' apres Wle autre these attribuee a un certain Promathos de
Samos (1), le Nil prendrai t sa source dans Wle montagne d' argent,
dont 1es neiges, en fondant, le grossiraient ; de la meme mon-
tagne sortirait le Cremetis (2). Dans sa Meteoro1ogie (3),
I
Aristote mentionne le Chremetes qui allait se jeter clans la
mer exterieure, l'Ocean Atlantique. Ce meme nom se retrouve dans
!
le Perip1e d 'Halllion, qui designe peut-etre ainsi la SClguia e1
Hamra (4). Promathos l'aurait-i1 pris; dans Hanhon ? 11 ne semble
pas, car ses deux indications sur la montagne d'Argent et la
source du Nil ne figurent point dans :la relation carthaginoise.
,
D'ou se demande-t-on si son Chremetes' est bien le meme que
ce1ui du Perip1e d ' Hannon.Pto1emee (5) par1e d'une lIlontagne
1. Cette attribution figure dans un ecrit dont on nla qu'une traduc-
tion 1atine du Moyen Age (Libel' de inLmdacione Nili, clans Fragmenta
Aristote1is, collection Didot p. 213-215) et qui est ties probab1e-
ment le resume d 'Wl trai te cl'Aristote: ; voir Gsell, Heroclote : textes
re1atifs a l'histoire de l'Afrique clu' Nord, op. cit. p! 211.
2. P. 214 : "Promathus enim Samius ex; Argenti monte, unde et Cremetis,
1iquefacte nive ... "
3. Aristote, Meteor. I, 13, 21 apucl Gsell op. ci t. p. 211.
4. Cf Gse11, op. cit. p. 211.
5. Pto1emee, IV, 6, 3 apud Gsell, op. i cit. p. 211.

KO(fers ()fOS (Kaphas oros) , d' ou sort :le fleuve AO«.r:r[;;'
I
(Darados). C. Muller a ingenieusement rapproche la montagne
Darados avec la Inontagne d'argent enproposant de corriger
.. K<:Il~O(~1>' e-t\\ "Koc(JO<p'/, mot qui, en phenicien, signifierait
argent (1). Le Darados etant l'oued Draa (2), c'est avec cet
oued que s'identifierait le Chremetes de Promathos. Quant a-
la montagne d'argent, ainsi norrunee sins doute a- cause des
!
I
neiges dont elle etait couverte durant une bonne partie de
l'annee, on pense qu'il sl ag it du HaJt-Atlas marocain, d'ou sort
l'oued Draa. Pour la riviere identifiee avec le Nil, on pense
qu'il s' agi t de l' oued Ziz ou de l'miecl Guir, qui prennent aussi
naissance dans le Haut-Atlas (3). On ,ignore malheureusement a-
qui Promathos a emprunte ses assertions (4) et a- quelle epoque
:
lui-meme a vecu.
Aristote qui, clans sa Meteorologie, reprend les indications de
Promathos sans le nommer, dit que le plYemetes qui se jette
!
dans l'ocean, et la tete clu Nil (5),ont leur source clans la
i
montagne d'Argent. On pense que la riviere dans laquelle Promathos
et Aristote voyaient le Nil Hai t vra'isemblablement celle que les
textes posterieurs appellent Nuchul.
1. Voir par exemple, Corpus inser. semltlcarum~ I, N° 165, 1.3,5,
7, 9, 11; N° 167, 1. 7. apud Gsell, op. cit. p.211 rr.1
2. Gsell, Histoire 1. op. cit. p. 484 n.8 ; Gsell, Herodote
textes ... op. cit. p. 212.
3. Cf. Gsell, Herodote : textes relatifs ... op. cit. p. 212.
4. Si la conjecture de Muller est exacte, le nom donne par
Promathos au Haut-Atlas aurait He, t'raduit en grec, celui que lui
d~nnaien~ les Pheniciens. On pourrait:donc penser a une source d'ori-
glne pWllque. cf. G£ell, op. cit. p. 212. n.3

147
Un anonyme elu Vllleme siecle apres J.C., le Geographe de
Raverme, mentiOlme en Ethiopie quatre fleuves : "Agon, Nisis,
Chremetis et Nuchul" (1). Les trois premiers figurent precise-
ment chez Aristote qui les cite dans ,sa Meteorologie, en melTIe
temps que la tete elu Nil a laquelle il ne elorme pas ele nom
particulier. On suppose que cette ap~ellation ineligeneNuchul (2)
'ayant quelque ressemblance eloignee dvec le nom elu Nil, a pu
contribuer, avec la presence des memes animaux, a faire admettre
l'identification (3). Le Nuchul para~t avoir eu llile autre appel-
lation, celle de Gel', ainsi que l'attesterait le texte du
!
Geographe ele Raverme, legerement cor~ige (4).
Ce nom Gel' ou Gir, qui a,par ailleud, ete attribue par des
Anciens a une riviere elu sud ele la Mduretanie, ielentifiee avec
le Nil, etait un mot libyque qui sig~ifiait "cours d'eau" (5) .
SOIl sens general laisse pens er qu'il la pu et dO designer diverses
suite 5
"
"
T:ov NLl./lOCl "t°f.s.(I~eo"'pfWf:oY:"cL Arist. Meteor-I,43,
21. apud Gsell, op. cit. p. 212.
1. Geographe de Raverme Ill, 1 (eel. Binder et Parthey, p. 118-119)
,
2. Comme nous verrons, Paul Orose et Alfred ecrivent "Nuhul".
Il semble qu'i1 n'y a pas lieu de tenir compte de cette difference
cl'orthographe. cL, par exemp1e, "michi = mihi", "nicii = nihil",
el~1S des inscriptions africaines : Monceaux, comptes rendus de
l'Acad. des Inscriptions, 1914, p. 48,7. cL Gsell, op.cit.p.213 n.3.
3. Cf. Gse1l, op. cit. p. 213.
4 . Geographe de Raverme : "
Nuchul:. Ad frontem ejusdem Aethiopiae
Troglodytorum est maxima eremus quae dicitur Nitrensis, et Eger
appel1atur : Nihnn vocitant". Les mots "et Eger -.vocitant" sem-
blent, se10n Gsell, avoir ete transpOses: i1s doivent, dit-il,
etre replaces apres Nuchul. liEgeI''' est sans cloute le meme mot que
"Ger". Le Geographe de Raverme (1.2 p. 6) mentiorme lui -meme un
fleuve "Gel''' en Afrique. cL Gsell, op. ci t. p. 213 n. 4.
I
5. Gsell, op. cit. p.213 ; le meme auteur, Histoir~ I p. 316 n. 4.

148
rivieres (1), dont le Ger que le general romain Suetonius
Paulinus atteignit apres le franchissement de l'Atlas
(2))
et qui repond tres probablement a l'oued Guir.
Dans la filiation des sources, qui, a la suite d'Herodote,
soutiennent la these de l'origine occidentale du Nil, i l faut
citer tout particulierement le nom de 'Juba II, roi de ~1auretanie.
C'est a lui que se referent directement ou indirectement la
pll~art des auteurs latins qui rapportent l'opinion sur la sour-
ce occidentale du Nil : par exemple : Solin, Martianus Capella,
Paul Orose et Isidore de Seville, auxquels les auteurs caro-
lingiens empnmtent cette opinion, sont tous tributaires de
Juba par l' intermediaire de Pline 1 'Ancien. Tout en ll1entiOlmant
Juba comme le rapporteur de 1 'opinion qui situe l'origine du Nil
pres d'wle montagne de la Mauretanie, Solin dit en outre que ce
dernier a tire ce renseignement de sources puniques ou pheni-
ciennes
des Punici Libri (3).
Roi de Mauretanie, Juba en effet avaitfait entreprendre une
enquete sur 1 r origine du Nil. 11 avai t recueilli des infonnations
des docwnents qui lui paraissaient precieux. 11 utilisa particu-
lierement les Punici Libri dont il preiendit cOll1pHiter et preciser
1. Le rE.lp de Ptolemee (IV, 6,4) n' est sans doute pas le Ger de
Pline V, '15.
2. Pl ine V, 15 .
3. Solin XXXII, 2

14D
les indications. Qu'etaient ces Libri en question? (1).
Etait-ce le Periple d ']-Iannon que Juba a certainement consulte
(2) et 00 il etait question d'un fleuve plein de crocodiles et
!
d'hippopotames (3) ? Il n'y a pas de raison suffisante pour
;
croire qu'il s'agit ici de cette relation (4). Juba a semble-t-
I
il connu d'autres ecrits puniques, quiiparlaient du pays situe
au sud du Maroc. En effet, ces Libri
auxquels fait allusion
I
Solin, donnent plut6t des indications differentes de celles
,
d'Hannon : "Le Nil, ecrit Solin, prend! sa source dans Wle mon-
tagne de la Mauretanie inferieure, montagne voisine de l'ocean.
crest ce qu'affiTIlent les livres puniq~es, c'est ce que, a
I
notre connaissance, le roi Juba a rapporte" (5). Un autre auteur,
Ammien Marcellin, historien elu IVeme siecle apres J .C., qui
mentionne ces memes sources puniqu~ ecrit : "Sur la foi de
livres pWliques, le roi Juba expose que le Nil sort d'une mon-
tagne qui, situee en Mauretanie, regarde l'ocean. Ce qui le
I
prouve, dit-il, c'est que les memes gros aninlaux naissent dans
1. Les Libri se reduisaient peut-Hre a un seul ouvrage, ecrit
par un Carthaginois. cf. Gsell. ]-]eroelote : textes ... op.cit.p.214.
2. Voir Gsell, Histoire, I, p. 475 n.1; le meme auteur, Herodote
Textes: .. op. cit. p.214.
3. Voir Gsell, Herodote : textes ... op~ cit. p. 209.
I
4. Cf C. Th. Fischer, De Hannonis Carthaginiensis Periplo, (Leipzig,
1893) p.120,123-4- cf. A. Klotz, Quaestiones Plinianae (Berlin
1906) p. 44.
'
5. A noter qu'a part les mots "Hoc ac1firmant PLffilCl
libri",Solin
(XXXII,2) compile textuellement Pline (V,51).

150
ces marais, etc ... " (1). Connne on le ,voi t, les livres puniques
identifiaient nettement avec le Nil, lune riviere qui sortait
d'une montagne du sud marocain, au voisinage de l'ocean. On
peut noter ici la ressernblance de cette opinion avec celle de
Promathos de Samos.
Sur ce que Juba avait ecrit au sujetde l'origine occidentale du
I
Nil, c'est Pline l'Ancien (2) qui nous fournit des renseignements
assez detailles. Pline rapporte ~n e£,fet : "D'apres les recherches
qu'a pu faire le roi Juba, le Nil prend sa source dans Llne
I
montagne de la Jvlauretanie Inferieure ,! non loin de l'Oc§an. 11
I
forme aussitot un lac, appele Nilides. (3). Les poissons qu' on
!
y trouve sont des alabetes, des coracins, des silures.Un cro-
codile en a ete rapporte pour servir de preuve,et Juba l'a con-
sacre dans le temple d'Isi~, a Cesaree, ou il se voit encore
aujourd'hui. En outre, on a observe qpe la crue clu Nil correspond
a une abondance excessive de neiges et de pluies en ]\\'lauretanie.
Sorti de ce lac, le fleuve s'indigne !:le couler dans
une region
sablonneuse et aride ; il se cache sur un espace de quelques
jours de marche. Puis s'elanc;ant cl 'un: autre lac plus grand, situe
\\
dans le pays des Jvlasaesyles, en Mauretanie Cesarienne, il regarde,
I
en quelque sorte, les societes hwnaines ; les memes animaux: prou-
1. Anmlien Marcellin. XXII, 15, 8-9.
2. Pline, V, 51-53.
3. "Lacu ... quem vocant Niliden"

151
vent que c'est bien le meme fleuve. Absorbe Wle seconde fois
par les sables, il disparait encore dans des deserts de vingt
journees de marche, jusqu'aux Ethiopiens voisins de cette
contree. La, sentant de nouveau la pr§sence de l'hollTIne, il
jaillit, - cela est du moins vraiseniliiable, - d'Wle source que
lion appelle Niger. 11 separe ensuite;l'Afrique et l'Ethiopie. Ses
rlves sont habitees sinon par des peuples, du moins par des
betes sauvages, par de grands animaux, et son hlmlidi te cree
des forets. Puis il traverse par le milieu le pays des Ethiopiens,
I
sous le nom d' Astapus etc ... "
Le nom "Nilic1es" que Juba dOlma au premier lac etai t sans doute
lme al teration d' lU1 nom indigene dont la forme exacte nous echappe.
i
11 n'est pas sur, selon Vivien de Saint-Martin, que ce fut
Nuchul (1). Ce lac etait probablementWl grand marecage, et se
trouvait a proxirnite de 1 'Atlas maroc~in. Toute identification,
de nos jours, serait vaine. Encore pl~s incertain est l'emplace-
ment du second lac, situe dans la CesarieIU1e. Sur le littoral,
la Mauretanie Cesarienne cOnllneI1<;ai t a :clroite de l' embouchure de
la Moulouia (2), mais plus au sud, on:ignore les frontieres des
deux Mauretanies.
1. Cf. Gsell, Herodote
textes relatifs a l'Af. N. op. cit.
p. 216 n.2.
2. Cf. Gsell, Heroclote : textes relatifs a l'histoire de l'Afrique
du Nord, Universite d'Alger, 1915 p. 216.

152
D'apres Juba, au sortir du premier lac, le Nil se cache dans
une region sablonneuse et aride, sur un espace de quelques jours
ele marche, avant de resurgir plus loin en surface. Tous les
compilateurs directs ou indirects du roi de Mauretanie rapportent
ce phenomene. Ainsi Dicuil (1) et l' Anonyme elu De Situ Orbis (2),a
travers Solin ; Remy d'Auxerre (3), a travers Martianus Capella;
i
et Alfred le Grand (4), a travers Orose. Ce cliche elu Nil au
parcours en partie souterrain, se rat tache tout naturellement au
principe que nous avons deja evoque plus haut, chez les Anciens,
lesquels consielerent que certaines lignes d'eau eparses, ne sont
en realite que eles parties apparentes el'lID seul et meme fleuve.
Dans le cas du Nil precisement, cette idee d'un parcours souterrain
du fleuve, reprise par les Grecs qui appliquent ensuite le prin-
cipe a d'alltres fleuves, provient des! Egyptiens. Les Egyptiens
i
en effet croyaient a I' existence d' un! fleuve sOllterrairi, Wl Nil
!
I
inferieur, qui coulait elans le Douat, ~londe des morts; ce Nil
qui sort ele terre a un endroit donne correspond au Nil qui se
repand sur l'Egypte chaque annee. OU les anciens Egyptiens
plac;aient-ils cette sortie ? Tresprobablement a la premiere
cataracte, entre les rochers qu'IIerodbte appelle "Krophi" et
1. Dicuilus, op. cit. VI, 8 - g,p.Go
2. Anonymus De situ orbis, 1. 11, p. ?S.
3. Remy d 1Auxerre, Comment. in Gen.; ~1igne P.L.t. 131 col. 61.
4. Alfred le Grand, op. cit. I, 9 p. 33.

153
"Mophi" (1). Les Egyptiens norrrrnaient "veines du Nil" (2) l'issue
par ou sortent les eaux de la crue. Ce n'etait pas les sources
du £leuve proprement dites, mais l'en~roit par ou s'echappaient
les flots abondants du Nil. Nombreux sont les textes egyptiens
ou il est dit que le Nil sort de terre (3).
Le fleuve qUI separe l'Afrique de l'Ethiopie (entendez ici la
Berberie et le Sahara) et qui jailIit d'une source nOlllln~e Niger
ou Nigris (4) s'appelle Nigris dans Wl autre passage de·Pline (5).
AilIeurs encore, Pline remarque que le. £leuve Nigris a la meme nature
que le Nil : "il produit le roseau, le papyrus (6), les animaux,
et ses crues ont lieu aux memes epoques". Solin ainsi que ces
i
deux compilateurs - Dicuil et l'Anonyme du De Situ orbis - disent
que chez les Ethiopiens,· ou i l sort dei terre, le Nil fonne le
fleuve Nigris ou Niger, qui est la fin de la frontiere africaine
(7). En outre, dans lill passage de l'Anbnyme du De situ orbis, au
1. I-lerodote, Il, 28. Krophi = (en Egyptien Ker I-lapi) '" "caverne
du Nil"; Mophi = (en egyptien Mou Hapi) "l'eau du Nil"; cf.
Wainwright, JHS (1953) p. 106. En latin' scopuli : Petrone, Sat.134
cf. Bonneau, op. cit. p. 171.
2.Seneque , ~ IV a Il,7; Lucain, Ph'. X,325;Solin~~'(,,{Il, 10 ~
cf. BOnrleau, op. cit. p. 171.
3. Cf. Bonneau, op. cit. p. 171.
4. Pline, V, 52 "Fonte ilIo quem Nigrum vocant";VIII,77:"Apud Hesperios
Aethiopas fons est Nigris, ut plerique existimavere, Nili caput".
5. Pline ,V ,30: " ... ad £lumen Nigrim, qui Africam ab Aethiopia dirimit";
V,44.
'
6. Le papyrus est de trop.cf.Gsell,Herbdote ... op.cit.p.217n.1
7. Solin XXXII,S; Dicuil, VI, 9, p.60; Anonyme De situ orbis,II,
p. 65.

154
lieu du Niger, c' est p1ut6t le Tigre ,(Tigris) qUJ_ a la meme
nature que le Nil (1). Vivien de Saint-Martin (2) a, semble-t-i1,
raison d'identifier le f1euve Niger au Nigris avec l'oued Djedi,
qui nalt dans le vosinage de Laghouat et se prolonge vers l'Orient
jusqu'au Sud-Est de Biskra (3). Dans cette hypothese, on estime
bien fort le chiffre de vingt joumees de marche entre le second 1JC
et la source de l'oued Djedi (4).
On note que Juba a reconnu le Nil dans diverses rivieres, indepen-
dantes 1es unes des autres, et dans lesquelles 1ui ont ete
signa1es, a tort ou a raison, des ani~laux et des vegetalL"X: sern-
b1ables a la f10re et a la faune du f1euve egyptien. La croyance
des parcours souterrains a,semble-t-i~,joue ici, une fois de
plus; i1 a peTI)is d'etab1ir 1es raccords necessaires. Juba n'a
certainement pas ete le premier a recQurir a ce procede. Un de
ses contemporains, le geographe grec Strabon, s'exprilne ega1ernent
I
en ces termes : "On di t que 1es fleuves de la Maurousie (!'-1aroc)
nourrissent des crocodiles et d'autres animaux semblab1es a
ceux qui se trouvent dans le Nil. Quetques-uns croient merne que
1. "Omnis haec plaga ab Aethiopiae terminis Asiae Tigri flwnine,
qui Ni1um parit, ab I-lispania freta sclnditur". Anonymus, pe situ
orbis, 11, p. 62 - 63.
2. Vivien de Saint-Martin, op. cit. p: 437. cf. Gsell, i-Iero~.op.
cit. p. 217.
!
3. ef Gse11, Herodote ... op. cit. p. 217.
4. ef Gsel1, ibid.

155
les sources du Nil sont voisines des extrernites de la Maurousie"
(1). Cette opinion ayant ete soutenue bien avant Juba, on doute
que Strabon fasse id allusion au roi Maure. Dans W1 autre
passage, il mentionne till cours souterrain du Nil, a peu de
distance de sa source (2). Cette indication semble analogue a
celle rencontree dans Juba. 11 y a tout lieu de croire que
Strabon l'a empruntee a un auteur qui pla<;ait l'origine du Nil
dans l'Ouest africain.
D'apres Orose et Alfred le Grand, son traducteur, les iI1digenes,
riverains du Nil, lui donnent, pres d~ sa source, les noms de
Dara, pour les uns, et de NW1ul ou Nuthul, pour les autres (3).
La source a laquelle Orose puise ses indications sur l'origine
1. Strabon XVII, 3,4, apud Gsell, Herbdote ... op. cit. 217.
2. Strabon VI, 2,9 apud Gsell, Herodote ... op. cit. p. 217.
3. "Quelques auteurs disent que le Nil prend sa source non loin
de l'Atlas et est aussitot absorbe par les sables, puis, quia une
courte distance, il reparalt dans W1 tres vaste lac ; que de la
jusque pres de l'ocean (ocean indien',cf. Gsell, op. cit p. 222 n.4),
il se dirige vel'S l'orient, en coulant a travel'S les deserts
ethiopiens; qu'enfin il toume a gaucl)e pour descenclre en Egypte.
11 est exact, en effet, qu'il existeun grand fleuve ayant cette
origine et ce cours et qu'il produit tous les monstres du Nil.
Les barbares l'appellent Dara pres de sa source, ses autres ri-
verains Nuhul, etc ... ' I
Orose, I-list. acJv. Pag. , 1,2, 29-31.:trad. franc;. : Youssouf Karnal
- Alfred, I, 9.p.33 : "A l'endroit oule Nil jaillit du sol pour
la premiere fois, les indigenes le clenomment Nuchul, et certains
Dara".

occidentale du Nil nous echappe. Le Nuhul ou Nuchul, ainsi que
nous l'avions dit plus haut, semble s'etre applique a la riviere
qu 'on a appelee auss i Gel'. Quant au Dara, i l rappelle le Darat
(~O(r~~$), identifie a l'oued Draa (1). Mais ce nom, l'oued
Draa le gardait jusqu'a son embouchur~ dans 1 'Atlillltique , tandis
que selon arose, Dara designe seulement le cours superieur du
Nuhul. 11 faut, semble-t-il, admettre. ici que le nom Dara a ete
donne, soit a deux fleuves differents, soit qu'Orose o~ sa source,
,
a Tapporte a un seul fleuve, deux noms qui s'appliquaiJnt, en
realite, le pTemieT a l'oued DTaa, le second a une Tiviere se
diTigeant dans Wl autre sens, peut-etTe a l'oued Guir (2).
0 0 0
o
Si nous nous sommes Wl peu attaTdes S.UT I' examen des SOUTces
de I' hypothese de I' origine occidenta,le du Nil, cela en depi t
d'Wl ceTtain desequilibTe dans le tTaitement, crest POyT souli-
gner combien la cToyance que le Nil prend sa SOUTce en: accident ,
avait eu une immense fOTtWle. Cette 6pinion est la plus cornmWle-
ment avancee pal' les auteuTS caTolingiens. Elle se retTouve jus-
!
que chez les auteuTS aTabes (3) et dans les cartes eUTopeennes
elu Moyen-Age et de la Renaissance (4)!.
1. VOiT plus haut, p. 31.
2. Cf Gsell, HeTodote ... op. cit. p. 223.
i
3. VoirViviende Saint-MaTtin, op. <it. p. 21-22 note, et p. 447.
i
,
4. VOiT, entTe autTes, C. Th. Fischer:, De Hannonis PeTiplo, p.123
apud Gsell, op. cit. p. 223.

157
Depuis H~rodote, cette erreur a ~t~ pr~sent§e sous diff~rentes
formes, mais construite toujours sur l'identit~ de certains
animaux que l'on rencontrait de part et d'autre.
0 0 0
o
Quoique chez les auteurs §tudi§s, aucune r§f~rence n'y soit
faite,
cependant,
toujours au sujet de l'origine du Nil, nous
ne saurions passer sous silence une troisieme these, celle
selon laquelle le Nil prend sa source dans le Sud de la Libye,
entendue au sens du continent africain.

158
D. L'hypothese de la source meridiona1e
crest a Pto1emee qu'on attribue generhement l'opinion se10n
I
i
1aque11e le Nil vient du Midi.
Cependant, Eratosthene de Cyrene (III~me siec1e avant J.C.) et
Strabon (vers 50 avant J.C. a 20 apres J.C.) situaient dans le
sud de la Libye, de grands 1acs - reservoirs, auxque1s ils
dormaient pour emissaires 1 'Astaboras. (l I Atbara) et 1 'Astapus
(le Nil B1eu) (1).
Pto1emee (IIeme siec1e apres J.C.) qui a utilise des renselgne-
ments recueillis sur la cote de l'actuelle Tanzanie par W1
certain Diogene, fait jaillir 1es sources du Nil de montagnes
couvertes de neiges, et qu' i1 appelle i ''Montagnes de la Looe"
(Looae Montes) (2), sans doute parce que ces rnontagnes s'e1event
dans ooe region qui confine aux bornes de la terre. A l'appui
de sa these, Pto1emee d01U1e des indications pour le moins surprenantes
"les rnontagnes de la 1ooe, qui nourrissent par 1eurs neiges 1es
1. Strabon, XVII cf. Robert Con1evin,: 1es Memoires de l'Afrigue,
ed. Laffont, --P,\\Y"s , 1972 p. 98.
2. Cf. R. Cornevin, op. cit. p. 98 ; Bernard Pierre, Les Montagnes
de la Llme, I-1achette, Paris, 1959, p. 8.

159
lacs, sources du Nil, s'elevent par 12°30 minutes de latitude
australe entre les longitudes 57° et 67°" (1). 11 clonne aussi
des indications sur les coordonnees geographiques des lacs-
sources et sur le confluent des fleuves qui en sortent (2).
Les affirmations de Ptolemee ont stup§fie plus d'un savant
lorsque dix sept siecles plus tard, l'explorateur britannique,
le capitaine Speke a decouvert au coe~r de l'Afrique, tUl grand
lac semblable a une mer : le lac Nyanza baptise du nom de
Victoria Nyanza (3). Quant aux Montagnes de la Lune, elles ant
ete identifiees avec le Massif du Ruwenzori, dont le point
culminant est le sommet de la Margherita (5.119 metres d'altitude),
et oll il pleut 365 jours par an (4).
1. Cf. Ptolemee apud Bernard Pierre, bp. cit. p. 8.
2. Cf. Bernard Pierre, ibid.
3. C'est en 1858 que Speke decouvrit le lac Nyanza ou Victoria.
- Le Nil prend naissance au Burundi. Si on decide de sa source
selon la riviere qui a le plus gras debit, c'est le Niavarongo
si lIon en decide selon la riviere la plus longue - c'est le
critere generalement admis - c'est le: Rouvouvou (voir Hurst,
the Nile, p. 163 n.19 ; Ventre, les Egyptiens cOllJlaissent-ils
la source de leur fleuve ? BIE, I (1894) p. 21). Le Nil descend
ensuite de lacs en lacs (les ex-.lacs Victoria, Albert, Edouard,
qui servent de bassins regulateurs en grossissant lors de la
saison des pluies), de sorte que, au'sortir du Lac Albert, le
debit du Nil est sensiblement le meme, tout le long de l' annee.
cf. BOImeau, op. ci t. p. 17.
4. Cf. Bernard Pierre, op. cit. p. 90.

160
Pourtant, la these ptolemeenne n' a pas eu de credit. Conunent
faire croire, en effet, que sous le soleil tropical de l'Afrique,
il puisse y exister des neiges eternelles ? D'ailleurs, depuis
les affinnations de PtoH§mee, personne n' avai t vu les Montagnes
de la Lune. L'absence de contact avec la realite devait plutot
engendrer, au cours des siecles suivants, les representations
les plus fantaisistes dans les cartes de l'Afrique.
11 faudra attendre le bas Moyen-Age pour que les Montagnes de la
Lune, longtemps oubliees, reviennent au premier plan de l'actua-
lite. Ce regain de faveur accordee a. l' hypothese ptolemeerme
est dO aux incursions que les Arabes pousserent jusque dans la
region des grands lacs pour le conunerce de l' ivoire. Des manus-
crits arabes (1) parlent en effet d'une grande etendue d'eau
appelee "Zaire" et de montagnes neige~lses appelees Dj ebel Kmur
(l1lontagne bleue) ou Djebel el Kamor (montagne de la lune). Avec
les Arabes, et notmIUnent Edrisi, les rrontagnes de la Lune sortent
de 1 'imagination pour devenir presque:des realites. Et desonnais,
i l n'est pas d'Atlas qui n'en fasse mention.
0 0 0
o
1. Le plus CorIDU de ces manuscri ts date de 1344 : c' est celui
d' Edrisi, lequel ecri t : "La source des deux branches du Nil
est dans la lllontagne de la LLUle ou de Kohl', dont le conmlencement
est a. 16 0 au-dela de la li~le equinoxiale. Le Nil tire ~on
origine de cette montagne par dix fontaines, dont cinq s'ecoulent
et se rassemblent dans de grands lacs.' Au-dessous de la'Montagne
de la LLU1e, crest-a.-dire dans l'espace compris entre les dix
fontaines et les lacs, le Nil s'ecoule, vel'S le Nord ... ";
Edrisi, apud Bernard Pierre, op. cit. p. 8.

161
0 0 0
o
Pour les Egyptiens, le Nil prenait naissance dans 1 'Ocean Noun,
en Wl point inaccessible du Sud ;
Pour certains Perses, le Nil s'inflechit vers l'Orient,:et sa
jonction avec l'ocean se faisait dansla direction de liOcean
Indien ;
Pour les Grecs en general, le cours dJ fleuve vient de l'Ouest,
cOl11me le represente la table de Peutinger (cL BOTmeau p.1 SO)
et apres avoir partage la Libye en deJx, il se tourne vers le
Nord ; enfin, au sein-meme de cette d~rniere hypothcse, un Grec
(Euthymene de Marseille), LUl roi NLunide (Juba II) et LUl Romain
(Solin ??) apporterent successivement :des variantes.
,
i
Bien qu'elle soit incontrolable par l~s faits pour l'Antiquite
on tenta d'en prouver la veracite par ,des observations sur
!
lesquelles s'appuyerent des raisonnements par analogie. Si fausse
qu'elle fOt, cette tentative d'explication avait le merite de se
fonder sur les resultats extrapoles d'expeditions de voyages;
c'est peut-etre l'observation dans cette explication qui causa son
!
succes
comme
reponse au probleme d~s sources du Nil.
Pour Ptolemee enfin, le Nil prend sa source
aux Monts de la Lune
(Lunae ~10ntes) au Sud de la Libye.

162
·3. LE PROBLH-1E DE LA CRUE DU NIL
Le theme de la crue est aborde chez quatre auteurs
- Raban Maul' et Angelome i'evoquent tout juste, en pre-
sentant, l'un, les vents du Nord, et l'autre, les pluies d'autornne, corrune
I
les agents de l'inondation du Nil
- Dicuil et l'auteur anonyme du De situ orbis, traitent
davantage la question en indiquant certains caracteres de la crue, d'une
part, et en donnant~ d'autre part, les explications du phenomene.
Avant d'aborder la question de l'origine, examlnons
d'abord deux caracteres de la crue, rapportes par Dicuil et l'fulonyme.
a)
Les caracteres de lacrue
1. Les dates de la crue et de la decrue
Dicuil seul nous fournit des informations sur la periode
ou les eaux du Nil entrent en crue, et la periode ou le phenomene prend
I
fin. En effet, compilant Pline l'Ancien (1), l' Irlandais ecri t : "Le Nil
commence sa crue au moment de la nouvelle lune qui suit le solstice d'ete.
1. Pline, V, 57 - 58.

163
La crue est graduelle et moderee pendant que le soleil traverse le Cancer;
elle atteint sa plenitude quand le soleil traverse le Lion; pendant que
le soleil est dans la Vierge, elle demeure1au meme nlveau ; cependant elle
se retire entierement a. l'interieur du lit du fleuve, conlffie le dit Hero-
dote, le centieme jour, lorsque le soleil est clans la Balance. Pour les
rois ou pour ceux qui ont l'autorite, c'est Wle o£fense religieuse que de
,
naviguer sur le Nil quand il est en crue" (l).
!
De par l'exactituele avec iaquelle elle se procluit chaque
almee, l'inondation elu Nil constituait une'elate en soi, pour les Egyptiens.
Mais il n'en etait pas de meme pour les etrangers, c'est-a.-elire, les Grecs
et les Romains. Dans la traelition greco-latine, les auteurs signalent la
date ele la crue d'apres un repere astronomique, mais jamaispar une elate
elu calenelrier egyptien, nl merne par une elate elu calenelrier romain (2).
Quant au point ele repere ele l'inondation, les auteurs grecs ou latins
elonnent, soit le lever de Sothis qu'ils appellent aussi 1 '''etoile elu Chien",
soit le solstice el'ete, soit encore la place elu sole1l par rapport aux
constellations (3). A quelles dates correspondent-elles ces inelications ?
1. "Nilus incipi t crescere a
luna
nova quaecwnque post solstitiwn est,
sesim moeliceque cancrwn sole transeunte, abunelantissime autem leonem,
et resielit in virgine isdem quibus accrevit moelis, in tot1.lffi autem revo-
catur intra ripas in libra, ut traelit Herodotus, centesimo die. Quo
crescit, reges aut prae£ectos navigare eo ne£as dijuelicatwll est".
Dicuilus, op. cit. VI, 4 - 5. p. 58.
I
2. Exception Solin 32, 13 : "Inter XIII Kal. Aug. et XI ("entre le 20 et
le 22 Juillet") CF. D. Bonneau, op. cit. p;' 42.
3. CL D. Bonneau, op. cit. p. 43.

1G4
Le lever de Sothis
(19 - 20 Juillet) est la mani~re de dater
la crue, dans l'ann§e agricole
; ~'est le jour de la f§te de
l'inondation ~ l'§poque pharaonique ainsi qu'~ l'§poque
-
:
ptol§maique
(1).
La r§f§rence a cette date pour l'inonda-
tion du Nil t§moigne, de la part des auteurs grecs ou latins,
d'une certaine connaissance des choses §gyptiennes. Toute
autre est la r§f§rence au solstice; d' §t§ (21
Juin)
comme date
de l'inondation (2). Aussit6t apr~s l'§tiage, d~s le d§but
du mois de Juin, en effet, apparai~sent les premiers slgnes
de la crue, a El§phantine ; le Nil! cJ§borcle vers le 19 JLiillet;
la date cJu 21
Juin ne correspond a~ aucun fait pr§cis, a au-
cune §tape de la vie Ju fleuve.
Le~ indications de date
renvoyant au solstice d'§t§ remontent, selon D. Bonneau, a
une tradition tr~s ancienne, n§e a l'§poque 00 le solstice
d'§t§ et le lever de Sothis coinci~aient, vers 3 000 av.
!
J.C.
(3). L'explication de ces cl8U~ modes de datation de
la crue serait la suivante, d'apr~~ D. Bonneau : chez les
Egyptiens de l'§poque pharaonique, 'on peut penser que ceux
qui datent la crue par le lever de :Sothis, ont gard§ la tra-
dition initiale,
sans doute bien ant§rieure a I'histoire ;
ce pourrait §tre les pr§tres de Memphis. Ceux qui la datent
1. le m§me auteur,ibid.
2. Diodore de Sicile, I, 39,
4 ; 36, 2 ; Lucain,
Pharso, X,
298-299
; PIine, V,
9 ; Plutarque,
SylIa,
20
; H§liodore,
Eth.
IX,
9,1
- cf.
Bonneau,
op. cit. p.
43.
3. cf. D. Bonneau, op.
cit. p. 33 - 44.

165
par le solstice d'~t~, se seraient quant ~ eux attach~s,
pour des raisons th~ologiques, ~ ce qui souligne le r81e
du sole.il dans la venue de la crue
; c'est ~ la V~me dynas-
tie que le culte solaire prit tant d'importance en Egypte;
les pretres cl'I-1~liopolis auraient ,garcle cette rnarii~re de
clater le commencement cle la crue, ,que certains Grecs ont
~ leur tour recueillie, parall~lement aux autres moyens de
clatation (1).
Les partisans du troisi~me mocle cl~ clatation,
c'est-~-clire, ceux des auteurs qui clatent la crue Dar la
place qu'occupe le soleil dans les constellations s'expri-
ment d'apr~s les trait~s cl'astronomie ou les cal~nclriers
qu'on ~tablissait clans les temples. Cette clatation serait,
toujours selon D. Bonneau, cl'une origine presque contempo-
raine ~ l'~poque gr~co-romaine. D~apr~s les textes - et
I
I
c'est le cas ici, chez Dicuil
- l~ d~but cle la crue s'obser-
ve lorsque le soleil entre dans la constellation clu Cancer;
la seconde phase de l'inondation, qui corresponcl ~ la ple-
nitucle de la crue, est datee par la position du soleil clans
la constellation clu Lion.
La d~crue commence apr~s la periocle etale
des hautes eaux qui clure environ une dizaine de jours (10-
20 Septernbre). La decrue se cleroule en plusieurs phases:
1.
Cf. Le meme auteur, op. ci t p. '44.

166
une baisse sensible est observ€e
normalement ~ la fin du
mOls de Septembre ; ensuite,
le fleuve rentre dans son lit
~ la fin d'Octobre ; la descente des eaux, en revanche,
continue
tr~s lentement jusqu'~ l'€tiage
suivant. Peu
d'auteurs anciens ont not€
extactement ce processus de la
decrue. Comme l'indique Dicuil,
se, r€ferant
~ I-li§rodote, en
general,
les auteurs donnent ~ la clecrue la meme duree qu'~
la crue
(1).
2.
LA QUALITE DE LA CRUE ET SES CONSEQUENCES
La prosperite de l'Egypte depend essentielle-
ment de la regularite de la crue. Les irr€gularites
du fleu-
Ye, c'est-~-dire, une crue trop faible ou une crue trop for-
te, entrainent pour l'Egypte les pires consequences. C'est
l'information que nous livre
i ciD i c u il.
En e f f et,
c ita n t
toujours Pline l'Ancien,
l'auteurirlandais poursuit,
au
sujet de la crue
: "La crue se mesure aux moyens de puits
dotes de rep~res .. La crue normaleest celle dont le niveau
atteint 16 couclees. Un niveau d'eau trop faible ne permet
1 -
pas l'irrigation de toutes
les terres,
tandis qui
un nlveau
d'eau trop fort,
entraine un retaid dans le retrait des eaux
d'inondation et compromet ainsi les travaux.
Dans le dernier
cas,
les eaux occupent toute la p€riode
des semailles, du
1. Diodore de Sicile,
1,36, 8 "il decroit pendant une dur€e
e gal e cl e tern ps". Cf. 13 0 n ne a u , 0 p. c it.
p. 1 1 4 .
t.

167
fait que le sol Teste humide; dans le premIer cas,
elles
laissent peu de temps ]lour les semailles du fait que le sol
est dess§ch§. Ces deux faits sont bien connus des paysans.
Avec une crue de 12 coud§es, c'est la famine dans les campa-
gnes
; avec 13 coud§es, crest la disette
14 coud§es appor-
tent la j oie ; 1 S la securi t§, et 16 les d§lices.
La plus
grande crue enregistr§e fut une crue de 17 coud§es, sous le
r~gne de l'Empereur Claude, et la ~lus faible, une crue de
S coudees durant la guerre de Pharsale, comme si ]e fleuve
exprimait son degoOt du meurtre de: Pompee par queIque presa-
ge
funeste.
Quand la crue atteint: sa hauteur, Ies barrages
,
sont ouverts et I'eau y est stockee, et quand elle se r§pand,
les terres sont arros§es.
Le Nil est le seul, parmi tous les
fleuves, qui ne produit pas d'exha,laisons".
(1).
Ces considerations sur la qualit§ de la crue
du Nil se retrouvent aussi chez l'~uteur anonyme du De situ
orbis (2), qui les tient toujours :de Pline 1 'Ancien, mais
1. "Anctus per puteos mensurae notis deprehenditur. Justum
incrementum est cubitorum XVI. ~iriores aquae non omnia rigant,
ampliores detinent tardius recedendo.
Hae serendo tempora
assumunt solo madente,
illae non dant sitiente. Utrumque
reputat provincia.
In duodecim cubitis famem sentit,
iri XIII
esurit, XIV cubiti hilaritatem af~erunt, XV securitatem, XVI
delicias. Maximum incrementum ab hoc aevo fuit cubitorum
XVII Claudio principe, minimum V. 'Farsalico bello, velut ne-
cem magni prodigio quodam flumine ;aversante. Cum stetere
aquae, apertis molibus admittuntui
; ut quaeque liberata est
terra, seritur.
Idem amnis unus orrtniulll nullas expirat auras."
Dicuilus, op. cit. VI,
S. p.
S9 - '60.
2. Anonymus De Situ orbis, op. cit.
11,
p. 67.

168
par l'interm&diaire de Solin (1).
La qualit& de la crue du Nil est d'une Impor-
tance capitale pour les Egyptiens
: la r&colte en est fonc-
tion,
car il ne pleut pratiquement pas en Egypte.
Le pro-
bl~me des Egyptiens a &t& donc de ~hercher ~ s'assurer une
crue r&guli~re et &viter les inond~tions trop faibles ou
catastrophiques.
Si par la crue le, Nil arrose l' Egypte, ce-
pendant,
l'irrigation organis&e par les hommes a pour vertu
de prolonger les effets de cet
arrosage. Au cours des
si~cles, en effet, les diff&rents maitres de l'Egypte, pour
rem&dier aux variations du fleuve,; ont effectue des travaux
de protection et d'irrigation : cariaux, digues, barrages,
etc ...
Certains de ces travaux s'e~&cutaient au moment des
hautes eaux ; les digues, par lesquelles on ohstruait
les
canaux &taient rompues
lorsque les eaux &taient &tales.
Elles &taient form&es de masses (le terre,
parfois renforc&es
de briques et de bois
; elles &tai~nt plac&es perpendiculai-
rement au bord du canal, et leur &dification etait calcul&e
selon le volume d'eau qu'on entendait mettre
en r&serve
clans le canal. Au fur et ~ mesure que la crue montait,
la
terre diluee dans l'eau s'en alla~t et la digue sap&e ~ la
base,
s'effondrait peu a peu. Les :barrages permanents avaient
des vannes que des gardiens surve\\llaient. Cette op&Yation
1.
Solin, XXXII, 8.

169
du "13cher des eaux" se deroulai t
tout le long de la vallee t
par etape, en AoQt et en Septembre, partout 00 il y avait
des bassins et des res<Hvoirs a remplir (1).
Dicuil et sa source (Pline) nous disent que
le Nil est le seul, parmi taus les; fleuves, qui ne produi t
pas c1'exhalaisons. Cette prerogative du fleuve est rapportee
aussi par d'autres auteurs : Eschyle dit que l'eau du Nil
"salutaire aux troupeaux de boeuEs·"
(2), empeche l'Egypte
d'etre atteinte par les maladies
(3)
; Strabon,
lui t
remar-
que que les marais d'Egypte sont les seuls it etre sains :
"A Ale xand r i e,
jus t e q uand l' e t e co mm e nc e, d i t - i 1, 1e 5 eau x
;
debordees du Nil remplissent le la~ et ne laissent subsister
;
sur ses bards aucun dep6t vaseux d~ nature a produire des
nnasmes de1eteres".
(4). En apport:ant chaque annee une eau
!
fralche si abondante,
l'inondation' du Nil assainit effecti-
vement l'Egypte. Mais a l'action de la crue, s'ajoute ce1le
du solei1 dont le rayonnement intense concourt a donner a
ce pays un air pur et un climat sain.
1
CL D. 13onneau, op. cit. p.
114.
:
2.
Bsch. Suppl. 855,apud 80nneau, 'op. cft. p.
129.
3 .
Esch. Supp1. 561, apucl Bonneau, ,op. ci t. 1 29.
4. Strabon, XVII,
I, 7 apud Bonneju
ibid.
t

170
b. LES CAUSES DE LACRUE DU NIL
Dans les explications de la crue que nous
fournissent Raban, Angelome, DicuU
et l'Anonyme du De Situ
Qrbis, quatre elements apparaissent comme etant les agents
de l'inondation du Nil. Ce sont : ~e vent,
la neige, le
soleil et la pluie.
Examinons-les successivement.
1.
Premi~re
explication
la crue du Nil est_jue aux vents
du nord ou etesiens.
,
Deux auteur s, Raban;, pui s l' Anony~e du De
Situ orbis, imputent l'inondation tlu Nil ~ l'action des vents.
"Ce fleuve
(Le Nil),' ecrit en effet Raban,
prend sa source dans le lac Nilis,i dont il sort, vers le
sud, pour se diriger vers l'Egypte;, OU repousse par les vents
du Nord, il s'enfle,
ses eaux luttant contre leur violence,
et il produit J'inondation de l'EgYEte"
(1).
1. "Apparet autem in Nilide lacu, de quo in ll1eridiem versus
excipitur Aegypto, ubi Aquilonis flatibus repercussus aquis
retroluctantibus intumescit, et inunc1ationem Aegypti facit-"
Raban Maur, De Universo, op.
cit. tol.
- Isidore de Seville, £!z~. XIII, 21,7.

171
Repetant textuellement Solin
(1), ) 'Anonyme expose plus lar-
gement le jeu des vents clans le phenomene de la crue
: "Ceux
qUI connais·sent les astres et leslieux, ecrit-il,
ont clonne
des causes differentes de ses clebordements.Les uns affirment
que les vents etesiens rassemblent les nuages denses,
la OU
ce fleuve prend son origine, et q0e sa source m~me, gorgee
par le liquide cl'en haut, contient autant de substance d'inon-
dation que les rtuages ont fourni d'aliment au li~uide. D'au-
tres disent que, refoule par le souffle des vents, comme il
ne peut poursuivre son cours a larapidite habituelle, il
commence a gonfler,
les eaux se r~voltant clans l'espace
!
resserre, et que, plus les souffles contraires s'opposent
avec violence, plus sa rapidite a~r~tee s'eleve a une hauteur
vertigineuse, puisque non seulement le courant insolite"
retrecit le lit, mats encore,le fleuve etant deja presse par
ses propres veines, la masse des torrents survient, et qu'
ainsi, par la violence de l'elemcnt, poussant d'un c5te et
repousse de l'autre,
ses vagues hondissent,
et ii s'accu-
mule une masse d 'eau, qui cause le,s debordements:"
(2) (3)
1.
Solin XXXII,
9 - 10.
2. Trad. Youssouf Kamal.
3. "Ignari superum vel locorum var:ias de excess:ibus ejus
causas dederunt
; alii affirmant. aethesias nubium densitatem
illo cogere,
unde amnis hic auspica,tur,
ipsumque fontem humore
supero agitatum tantam inundationis habere substantiam, quantum
pabuli ad
liquorem
nubila
subministraverint.
Ferunt alii quod
ventorum
flatibus
repercussus cum fluores
solitae
velocitatis
non
quaeant
promoveri,
aquis
in
arto
luctantibus
intumescat~
et quo inpensius controversi spiritus repugnaverint, eo excelsius
sublimari in altitudinis vertices repercussam celeritatem, quando
nec solitus extenuet cursus alveum ~t stipato iam flumine venis
originalibus
pondera
supervenient
.' ita
concurrente
violentia
hine resistentis undis exultantibus'molem colligi quae excessus
facit."

172
Avant d'€tab1ir
l'origine de cette explica-
tion de la crue, nous remarquerons'd'aborcl deux d€tai1s
con-
cernant,
le premier,
la d§signation, par 1es auteurs, de
l'agent de l'inondation, et le sec6nd,
l'interpr€tation
du
role de cet agent :
- Raban et l'Anonyme d€signent
diff€remment
1es vents sup-
pos€s
~tre ~ l'origine de la crue ~
le premier atiteur 1es
appe11e "vents du Nord"
et le second, "vents §t§siens".
11
s'agit en fait de la m~me rea1it€
physique consid€r§e.simp1e-
ment ici ~ travers un double h€ritage
terminologique
1es
vents du nord, chez 1es Egyptiens, sont ceux que 1es Grecs
appe11ent 1es vents et€siens.
- dans l'exp1ication de la crue par les vents €t€siens,
i1
y a chez l'Anonyme, une double interpretation du jeu de ces
c1erniers :a10rs que dans un cas,
l~s vents €t§siens
sem-
blent p1utot un agent indirect agi~sant comme un €lement
dans un m€canisme,
dans l'autre, ces vents sont l'agent-m~me
dont l'action provoque directement i l'inondation.
La th€orie
qui €tab1it
une relation entre
les vents du nord ou vents et§sien~ et l'inondation du Nil
est ]'une des six exp1ications de la crue propos§es par 1es
Anciens. En quoi consiste-t-e11e ?

173
Selon les Anciens, chaque annee
(en Juillet-
Aout),
les vents appeles etesiens soufflent avec force du
:'.,
Nord-Ouest vers le Sud, dans la vallee du Nil 00 i~apportent
de la fralcheur en succedant aux verits dessechants du Sud.
lIs repoussentles flots ~u Nil auxquels ils font barr~ge
en les empSchant .de s'ecouler dans la Mediterranee, et ilS
obligent ainsi le N~l a deborder.
Quoique d'origine egyptienne,(l)
cette theo-
rle a ete attribuee au Grec Thales (640 - 562 av. J.C.) par
de nombreux auteurs dont beaucoup le nomment expressement (2).
1. Des textes hieroglyphiques evoquent souvent la fralcheur
des vents du nord qui apportent la vie. Ces textes toute-
fois ne sont pas assez explicites pour qu'on puisse etablir
immediatement un rapport entre la venue de l'inondation et
celle de ces· vents bienfaisant~. A travers le my the osirien,
cependant,
il semble qu'on peut deceler la relation: en
effet le vent d~ sud, vent de la secheresse, qui est Seth-
Typhon, pourrait Stre considere commel'oppose du vent du
Nord. Par ailleurs, une version dela legende d'Osiris, per-
met de conclure,selon D. Bonneau
(op. cit. p.
258
-
259)
que le vent du nord pour les Egyptiens, vents etesiens pour
les Grecs, est celui qui "causait
"la crue du Nil. Enfin,
un savant hollandais, B.H. Stricker, a rassemble une vingt-
aine de textes hieroglyphiques marquant les rapports entre
les vents du nord et lacrue, pour eclairer l~s origines
egyptiennes possibles de la Theorie de Thales
(cf. Bonneau
p. 152). En tout cas, selon Bonneau,
il y a eu de tout temps,
depuis le ~oyen-Empire jusqu'a ·la periode greco-romaine,
une constance des elements, savoir que la crue du Nil se
produit lotsque souffle le vent du nord, qui apporte la vie.
Or, crest le Nil qui procure a l'Egypte la nourriture
; il
est indispensable au maintien
de la vie. Dans le my the
osirien, crest la deesse Isis qui envoie le vent du Nord sur
l'Egypte (cf.
Bonneau p. 152). On ~eut, selon Bonn~au, tenir
pour acquis que lorsque Thales vint en Egypte s'instruire
aupres des savants, les pretres i~gyptiens avaient etabli
entre le vent du nord et la venue de la crue, une relation
d'ordre mythique que Thales aurait en quelque sorte lalci §e
pour en tirer une explication d'ordre physique.
2. !\\ristote D.l.N. 3 ; Diodore de Sicile,
I, 38,
2
Seneque
Q..:Ji.
"a
11,
22.

Le philosophe latin Seneque (c.4 av. - 65 ap . .] . c.) nous
fournit le mei11eur expose de cette explication: "Si l'on
en croit Thales, ecrit-il, 1es vents etesiens s'opposent 5
la descente du Nil, dont i1s suspendent le cours en poussant
la Iller contre ses embouchures. Refou1e,
i1 revient sur lui-
1Il~lIle. 11 ne grossit donc pas, mais trouvant l'issuefermee,
i1 s'arr§te, s'accumu1e, et bient5t deborde partout on i1
peut".
(1)
Ai1leurs,
le m§me Seneque ecrit : "Des vents plus insistants
fouettent l'embouchure du f1euve qui s'arr§te,
refou1e par
les vagues
: i1 ne sembl~ donc grossir que parce qu'il ne
peut s'ecouler"
(2). A travers ce passage de Seneque, il
n'y a pas, selon Tha1es, augmentation du volume d'eau, mais
seulement obstacle ~ l'ecoulement tlu fleuve. Un autre phi-
losophe,
Plutarque (c. 46 - c.120 ap. J.C) resume la theorie
en termes plus techniques
"Tha1es est d'avis, ecrit-il,
I
que les vents etesiens qui soufflent face ~ 1'Egypte, e1e-
ventla masse (d'eau) du Nil en repo,ussant son ecoulement,
I
par le gonflement de la mer qui s ':oppose 5 lui" (3).
1 . Seneq ue Q..:li. IV a I I , 22.
2.
Seneque Q.:Ji.
II I,
26, 1 .
3. Plutarque. Phil.
IV ,
I ,
1

175
Des critiques ont §~§ §mises contre cette
ex:plica tion.
La premiere est d'H§rodote qUl objecte
le
Nil d §borde meme quand les vents §t§siens ne sou££lent pas
les fleuves qUl, comme le Nil,
sont orient§s Sud -Nord, en
Syrie et en Libye, et qUl el§bouchent dans la {,1 eel i t err a n §e
devraient pr§senter le meme ph§nom~ne "el'autant plus nette-
ment qu'§tant moins consid§rables,
ils ont un c04rant mOlns
puissant" (1).
La cri tique tres judicieuse el'l-Ierodote a le
m§rite de prendre en consid§ration les forces en pr§sence,
d'une part,
l'§nergie des vents, e~ d'autre part la force
el'inertie elu courant elu Nil.
Aristote
(384 -
322[ av. J.C.), qui r§fute
aussi Thales, ajoute aux deux arguments d'l-I§rodote,
le r§-
I
sultat des observations faites par: Callisthene (331
ClV.
J.C?):
le Nil deborde peu a peu en-dessous et 1 'on voit 'le commen-
cement de sa crue venir el'en bas
(2).
Diodore aussi refut~ Thales en lui opposant
le second argument d'l-Ierodote
(3).;
1.
I/§rodote,
11,
20
- Cf Bonneau p.
154.
2. Ar i s tot e D. I . N. 3 cf.
B0nne Cl u,
0p. c it. p;
1 54 .
3. Diodore,
I, 38, 3
:
"Cette opinion, quelqlle probable
qll'elle paraisse, est aisement d§m!ontr§e comme fallsse".
cf.
Bonneau, op. cit. p.
154.

176
Dans son objection,
S§n~que m§le confus§ment
la th§orie de Thal~s et celle d'E~thymen~s. J1 objecte plus
explicitement encore qu'H§rodote, que le moment de la crue
dl! Nil, ni a son d§but, ni ......
..r=.
a s a ~. In,
ne coincide avec la
dur§e des vents §t§siens ; le volume de la crue n'est pas
proportionn§ a la violence des ven,ts, ce volume est beau-
coup tr op importan t
(1).
Aux argumefits pr§c§dents s'ajoutent d'autres,
dont ceux d'Aristide de Smyrne (117
- 187 ap. J.C.)
: a
partir d'une observation tir§e de Dion, il objecte qu'on
peut puiser de l'eau douce loin e~ avant des bouches elu Nil
au ~oment de la crue, ce qui serait impossible si les vents
§t§siens §taient la cause de la crue
; ou encore, partant
,
el'une observation personnelle, l'a~teur avance que lorsque
les Egyptiens vident leurs bassinsid'irrigation,
l'eau
s'§coule, ce qui serait impossible si les vents §t§siens
faisaient obstacle aux bouches elu fleuve
(2).
A la suite,
les aVIS des divers auteurs sont
partag§s : les uns r§futent (Arien, H§lioelore)
les autres
aelmettent (Philon, Diog~ne La~rce, Ammien
Marcellin ... )
1.
S§n~que Q..Ji IV all, 23
..
Cf. Bonneau p. 154.
2. Aristiele de Smyrne, Disc. Eg., 10 et 11
cf. Bonneau
p. 1 54.

177
D'une mani~re g§n§rale, ~ partir du III~me
si~cle ap. J.C, cette explication est rapport§e de fa~on
anonyme. Elle est m~me confonclue avec celle d'Euthym§n~s.
Sans tomber totalement dans l'oubli,
la th§orie de Thal~s
va etre rel§gu§e au rang d'explication "qu'on cite ~ titre
documentaire", au profit d'autres interpr§tations du role
des vents §t§siens dans la venue de la crue.
Euthym~n~s de Marseille (fin 6~me si~cle
av. J.C)
(1) avait lui aussi d'abord pris les vents §t§siens
pour l'agent-meme de la crue
mais persuad§ que le Nil
prenait naissance dans l'Oc§an ext§rieur, ~ l'Ouest du monde,
et ayant remarqu§ que les vents i;t§siens soufflent ~ partir
du Nord-Ouest plutot qu'en directi?n Nord-Sud,
il croyait
qu'au lieu de faire obstacle de fr6nt au courant du Nil,
ils le poussaient par derri~re.
A l'id§e d'Euthym§n~s, on opposait trois
objections
1) toute mer est de bout en bout sal§e, or le Nil r§pand
de l'eau douce ;
j
2)
les vents en hiver sont encore plus violents, or le Nil
ne d§borde pas en hiver
;
1. Voir supra,
la th~se de cet auteur dans 1 'opinion sur
la source occidentale du Nil.

178
3) l'eau de mer est b1eue, ce11e de la crue est sombre et
boueuse
(1).
Ceux qUI consid~rent 1es p1uies co~me cause
essentie11e du gonf1e~ent et qui p~nsent qu'e]le~ ont lieu
au sud du cours du f1euve, ceux-1a:accordent aux vents
§t§siens un ra1e important:
ce so~t ce~ vents, qGi, se10n
eux, poussent 1es nuages vers le sud, et am~nent 1es p1uies
aux 1ieux d'Ol] viennent 1es f10t~; de l'inondation.
Cette derni~re hypoth~se m§connait: 1 I impor-
tance des distances, puisque 1es vents §t§siens s!'§l~vent
au moment meme de la crue.
Ignorant la 10ngueur r§e11e du
Nil, 1es Anciens, comme on le voit~ ne tenaient pas compte
du temps n§cessaire aux eaux pour barvenir des ma~sifs mon-
tagneux d'Ethiopie a la premi~re cataracte. Nous Yerrons
plus loin,
l'origine de l'exp1ication de la crue par 1es
p1uies. Retenons simp1ement, que ce sont 1es Eeyptiens
(2)
qui, 1es premiers, avaient pressenti le ra1e jou§ par 1es
vents, dans l'orientation des p1uies d'ete. A 1eur suite,
p1usieurs auteurs grecs, dont Democrite (410 av. J.C.),
Aristote et Theophraste (c. 371
- a 270 av. J.C)" ont attri-
,;
bue aux vents et§siens le meme role en pr§cisant;.leur direc-
1. Sen~que ~ II, 23 - cf. Bonneau op. ci t. p. :1 56.
2. "Se10n 1es Egyptiens, 1es vents etesiens chassent de la
region sup§rieure 1es nu§es vers le sud ; de 10urdes preci-
pitations d'eau en resu1tent, qui font monter le .Ni1"
(trad.
01tramare, dans Sen~que Q.N. t 11, p. 190) apud Bonneau, p.
1 57 .

179
tion. D~s lors, cette explication tient une grande place,
s 0 i t a cot e de cell e de Tha 1~ s -, c' est c e qui est c on fir me
la chez Solin et Dicuil
-
, soit seule chez beaucoup d'auteurs
tels Lucr~ce, Mela, Lucain et autres, qui ont parle de l'ori-
,
glne de la crue (1).
Toujours, dans cett~ explication par les pluies,
on peut noter que le s vents ete s iens ne son t pa s 'eux -memes
l'agent de la crue, mais un element agissant dani un meca-
nisme.
Une autre theorie peu frequente prete aux
vents etesiens une action analogue
ils accumulent aux
bouches du Nil, non plus une masse d'eau, mais rlutot une
barri~re de sable, de sorte que lei deversement du Nil s'en
i
trouve arrete, du moins pendant la l periode 00 ils soufflent(2).
I
.
Cette explication peut etre elle aussi d'origine egyptienne.
Herodote remarquait, en effet, a quel point le limon formait
des depots importants dans la mer meme, au voisinage des
bouches du Nil (3) . Dans son traite Sur l'Inondation du Nil,
Aristote, fait allusion a la possibilite d ' ex p 1i qu er la crue
"a cause d'une obstruction, comme il
.
.'
arrlve aUSSl aux ca-
1.
CL Bonneau, op. cit. p. 157.
2. Cf.
Bonneau, op. cit. p. 157.
3. Herodote, 11, 5 - CL Bonneau, op. cit. p. 157.
/.

180
naux (si on leur fait barrage,
lecourant, refaule, monte)"
(1 ). Pompo n ius \\1 e 1 a (c. 4 5 a p. J. C.) rap po r t e c e t t e the 0 r i e
en m~me temps que les deux autresinterpretations du rale
des vents etesiens (2).
Enfin, on la trouve egalement reprise par Isidore de Seville
au 7eme siecle apres J.C.
(3).
0 0 0
o
L'explication de la crue du Nil par l'effet
des vents etesiens est peut ~tre le premier signe'du ratio-
nalisme grec applique au Nil en ce qui concerne la question
de l'originalite de son regime. Quoiqu'elle est souvent ci-
tee par les auteurs grecs et lat~ns, elle est,malgre ses
va r ian te s, peu di scu tee et peu
re<,;:ue
. C' est dans la me sure
oll le rale des vents
ete;iens est ,lie a celui des pluies
que cette explication est retenue,' notamment a partir du
ler siecle apres J.C. On voit apparaitre toutefois, un de-
sinteressement progressif a l'egaid de la theorie de Thales.
1. Aristote, D.I.N.
2 - cf. Bonneau op. cit. p. 157.
2. Pom po n ius /vI e 1 a, Ch 0 r 0 gr.
I, 9, ,53
: " lIs 0 b s t ru e n t se s
embouchures par des sables qu' ils ;poussent avec les flots
de la mer vers le rivage".
- cf. Bonneau, op. cit. p. 157.
3.
Isidore de Seville, Nat. Rer. XLIII
(Patr. lat. 83 col.
1013) .
/'

181
2. ~euxieme explication
la crue du Nil vient de la fonte
des neiges.
i
Deux auteurs, Dicuil et l'Anonyme du De situ
orbis, nous proposent une deuxieme: explication de la crue
les chutes de neiges abondantes sut les montagnes de la
~aur§tanie sont la cause de l'inondation en Egypte.
Citant tous les deux Solin (1), Dicuil et
l'Anonyme ecrivent respectivement : "On pr§sume que crest
le Nil du fait que le lac ne proJuit pas moins d'herbes, de
poissons et d'animaux que nous n'en voyons dans le Nil, et
parce que si la Maur§tanie 00 il a son origine, e~t arros§e
par des chutes de neiges plus dens~s ou par des averses de
pluies plus abondantes, 1 'inondation, en Egypte, augmente"(2).
Selon la th§orie ancienne reprlsel~ par Di-
cuil et l'Anonyme,
la chaleur augmentant l'§t§, fait fondre
la neige sur les hautes montagnes
; les cours d'eau enflent,
a1iment§s par 1es eaux de la fonte,
et ~ 1eur image,
le Nil
1.
Solin 32, 3.
2. "Nilum autem jam inde esse coniciunt quod hoc stagnum
herbas pisces be1vas nihil minus ptocreat quam in .Nilo vi-
demus, quando Mauritaniae rundique:origo ejus, a nivibus
densioribus aut imbribus largioribus inrigatur, unde incre-
menta exundationis in Aegypto augentur."
Dicuil, op. cit. VI, 7 - 8, p.
60 ; Anonyme De situ orbis,
II,
p.
65.
I.

182
grossit et deborde
(1).
Cette explication de la crue, croit-on, n'est
pas d'origine egyptienne (2). En effet, on ne connait tout
au long de la vallee du Nil, depuik la Mediterranee jusqu'au-
I
i
dela de \\1eroe (4eme cataracte), :iur plus de deux mille ki-
lometres, aucun mont assez eleve pour recevoir, meine en hi-
ver, des chutes de neiges. D'autre:part, elle sup~ose un
etat encore tres rudimentaire de la science geographique
une ignorance complete de l'inversion des saisons au-dela
!
de l'equateur, ~ue des Herodote, on soup~onnait, et la me-
connaissance du mouvement apparent:du soieil sur lequel
Herodote basait sa propre theorie sur l'origine d~ la crue
.-
du Nil.
L'explication par la fonte'des neiges s'appuie sur
la chaleur qui va en augmentant du1printemps a l'ete, comme
51
dans le cours superieur du Nil, cette chaleur croissait
a la meme saison qu'en Egypte.
I
Anaxagore de Claz()m~ne (c. 500 - 428 ay. J.C)
(3) passe pour le pere de cette idee que le Nil grossit
!
l'ete a la suite de la fonte des n~iges dans les Monts
,
I
1. Cf. Bonneau, op. cit. p. 161.
2. Cf. Bonneau) ibid. ; cf. A. Perreti, Eschilo ed Anassagora
sulle piene del Nilo, Stud.
Ital. filol class.
27/28
(1 95 6) p. 3 7 4 - 41 0 5 U r t DU t p. 3 83 .
3. Plusieurs auteurs de l'Antiquite citent nommement Anaxa-
gore comme ayant ete vraisemblablement le premier a soutenir
l'explication de la crue du Nil par la fonte des neiges.Parmi
eux,
il y a : Aristote (DIN), Diodo.re de Sicile (1,38,1),
Seneque (QN IV a l l ,
20). Notons qu'on ne trouve pas cepen-
dant,
la theorie d'Anaxagore dans les fragments qui restent
de lui
(cf Bonneau p. 162).

183
d'Ethiopie. Pour Anaxagore,
la par~ie la plus froide du
monde se trouve au centre d'une teTre con~ue comme ronde
et plate, et ~ l'extr~mit~ de laqu~lle nait le soleil ;
la partie la plus chaude est ~ l'ext~rieur ; de l~ viendrait
i
le Nil, dont les eaux issues des neiges fondues sous l'effet
de la chaleur, coulent dans la direction du centre du mon-
de
(1). Ce syst~me n'explique aucunement la formation des
neiges elles-m§mes.
Tous les auteurs qui rapportent cette expli-
cation sous le nom d'Anaxagore, situent dans les montagnes
d'Ethiopie le lieu de la fonte des' neiges. Anaxage a, sem-
ble-t-il trouv§ l'id~e d'appliquer ' au Nil ce qui §tait va-
lable pour les crues des fleuves d~Asie Mineure, en trans-
posant dans des r~gions m~ridionales le ph~nomene de la li-
qu~faction des neiges.
Eschyle reprend la th§orie d'Anaxagore de
fa~on explicite : "(En Ethiopie), tin soleil d'un rouge feu,
I
qui sort en brillant de la terre, fait fondre la heige des
rochers, et la brulante Egypte toute enti~re, remplie d'un
courant d'eau sacr~e fait apparaitte l'§p§e nourricier de
D~m~ter" (2).
1. Cf Bonneau, op. cit. p. 162.
2.
Eschyle, Fragments 304 (§d. Did~t, p. 210). Cf Bonneau
op. c it. p. 1 62.

184
Bien que cit€e
par ~n grand nombre d'auteurs
anciens,
l'explication d'Anaxagore:n'en est pas cependant
moins r€fut€e.
Pour H€rodote,
entre autres, la crue du Nil
ne peut venir de la fonte des neiges pour la raison que le
lieu Cil ne le nomme pas) de provenance du fleuve ne peut
avoir de neiges a cause de la chaleur qui y est trop forte
plusieurs preuves a cela :
- preuve par le raisonnement : il ~Iy a pas de neige en Egypte,
r€gion
temp€rre
Comment, a fortiori, peut-il yen. avoir en
Ethiopie, consid€r€e
comme une r€gion
plus chaude?
- preuve par les faits
: il y a les vents chauds du sud ;
l'absence de pluies engendr€es
n€cessairement
par la fonte
des neiges ou des glaces
; la couleur nOlre de la peau des
Ethiopiens ; la migration des Olseaux venus du nord pour
hiverner dans les r€gions
du sud Cl) .
I
I
Vers 420 ay. J.C, D§mocrite d'Abdere reprend
l'explication d'Anaxagore qu'il modifie sensiblement. Lui,
ne la f onde p Ius sur un r ais onnemeJ;l t par ana log i e', ma is sur
des faits d'observations qui la rerident beaucoup ~lus vrai-
semblable. La crue du Nil ne s'€labore
plus a partir des
1. Cf. H€rodote,
apud Bonneau, op', cit. p. 164.

185
neiges des contrees septentrionale,s
; ces nelges fondent
et s'evaporent au solstice d'ete
les vapeurs qui s' en
degagent se condensent en nuages
,ces nuages pousses vers
le sud'par les vents etesiens, se heurtent aux monts eleves
d' Ethiopie, se resolvent en pluies torrentielles qUl remplis~-
sent les marais d'ou sort le Nil (:1).
D ' autres auteurs egalement refutent la theo-
rie d'Anaxagore.
Panni eux, citolls Aristote, Ephore et
Diodore de Sicile.
Pour ce dernier: par exemple, il n ' y a
pas de neige
eh Ethiopie, et l' e te,
l'existence de neige
y est davantage
inconcevable. Et Diodore d'ajo~ter un autre
argument:
l'absence de brouillard, au-dessus de l'Egypte ;
selon lui, un fleuve issu des neiges en serait enrobe (2).
i
:
,
Lucr~ce (~ers 55 ap~ J.C) et Pomporiius ~ela
I
donnent quant ~. eux la fonte des n~iges comme cause possible
!
de la crue. Ainsi par exemple, Y1ela ecrit : "Les deborde-
"
ments du Nil proviennent soit de l~ fonte des nei~es qui
couvrent les hautes montagnes de l'Ethiopie, et dans les
I
grandes chaleurs, coulent dans ce fleuve avec une' telle
abondance que son lit ne peut le;, ~ontenir, soit.' .. "
(3)
1. CL Diodore de Sicile,
1,39,1
- 3 apud Bonneau, p.
164.
2. Cf .. Diodore. apud Bonneau, op. ~it. p. 165.
i
3.
Pomponius Mela, chorogr.
I,
9,
53 apud Bonneau
op.
cit. p. 165.
i
/.

186
A la fin du ler siecle apres J.C., on rete-
nait encore l'explication d'Anaxagore, sauf qu'on a trans-
pos§ ~ l'ouest, le lieu de la fonte des neiges.
La diffu-
sIon des travaux de Juba 11, qui a, remis en faveur la th§o-
rie de Promathos de Samos
(1)
a pe0t-~tre maintenu la for-
tune de cette explication de la crue qulon retrouve ainsi
chez Pline, qui note en passant : irOn a observ§ que la crue
du Nil correspond ~ l'abondance des neiges ... en ;vIaur§tanie"
(2). Au IIeme siecle, Claude Ptol§m§e admet lui aussi que
les neiges jouent un role dans la formation de la crue, aux
"\\1 0 n t 5 del a Luhe, don t I e 5
ma r a i 5 l duN i 1 re c; 0 i v en t 1e 5
I
neiges"
(3). Avec Ptol§m§e,
touteiois, le lieu de la fonte
des neiges semble de nouveau se replacer dans le Sud. Dion
Cassius qui situe la source du Nil; pres de 1 'Oc§an, au pied
de l'Atlas, estime que ce mont est: tres §lev§ "aussi est-
D
constamment couvert
d'une neige droll se forme lr§t§
une quantit§ prodigieuse d'eau"
(4). Enfin, tous les auteurs,
qui par la suite, rapportent 1 'e:cplication par la fonte des
rei~es (tel est le cas de Solin, Dicuil et l'Anonyme)
situent ~ l'ouest le lieu de la fonte des neiges~
1.
Promathos soutient que le Nil v~ent, par la fdnte des
neiges, des Monts d'Argent, droll coule le Cr€m§tes.
Cf.
Aristote DIN 7 in fine - apud Bonneau, p.
165.
2. Pline l'Ancien V,
90,10
:
la source de Pline est Juba.
3. Claude Ptol§m§e, apud Bonneau, p.
165.
4. Dion Cassius LXXV, 13 apud Bonneau, p. 165.

187
0 0 0
o
L'explication de la crue du Nil par la fonte
des neiges ne serait pas d'origine egyptienne. Elle serait
nee d 'un raisonnement par analogie:, clans 1 'espri t du "physi-
cien" ionien Anaxagore. A la mode en Grece, au Veme siecle
i
avant J.C. aupres des poetes tragiques, elle a ete rejetee
par Herodote. Sans avoir, par la sGite d'adherents convain-
cus, cependant,
les doxographes ne:negligeaient pas de la
citer et de la discuter
; elle semble m~me avoir suscite
un regain d'inter~t 10rsqu'on tran~posa ~ l'ouest les monts
eleves capables de recevoir assez de neiges pour alimenter
la crue du Nil.
3. Troisieme explication
La crue ,du Nil est'due; a l'action
du soleil.
Outre les explications precedentes' qU'il
partage avec Raban \\1aur ou Dicuil,
l'Anonyme du ~e situ~rbis
nous donne seul une autre explicat~on, 00 le soleil apparalt
comme l'agent de l'inondation du Nil.
Citant toujours Solin (1), l'Anon~ne ecrit
1.
Solin XXXII, 11
- 12.

188
en effet : "Quelques-uns affirment: que sa source, qui est
appelee Phialus est mise en effervescence par les mouvements
des astres et,
aspiree par les rayons ardents du soleil,
est suspendue par le feu celeste, non toutefois sans une
certaine regularite, c'est-a-dire, au conunencement d'une
lunaison, mais que toute origine d~ gonflement part du so-
I
leil, et que les premiers debordem~nts causes par le gonfle-
~
,
I
ment,
se font quand le soleil entr~ dans le Cancer
qu'apres,
ses trente phases etant parcourues, lorsque, entfe dans le
Lion, il a eveille l'ascension de Sirius, toute la masse
vient e~ mouvement et toute la crue se dechaine. Qu'ensuite,
lorsqu'il passe dans la Vicrge,
il rappelle tous'les debor-
dements et les faits rentrer completement entre ses rives,
quand il est entre dans la Balance'," (1).
1.
"Nonnulli affirmant, fontem ejus, qui Fialus vocatur,
siderum, motibus excitari extractumque radiis candentibus
caelesti igne suspendi, non tamen ~ine certa legis disci-
plina, hoc est lunis coeptantibus :; verum omnem abscessus
originem de sole concipi primosque fieri excessus tumoris
cum prae Cancrum sol vehatur : postmodum triginta ejus par-
tibus evolutis, ubi ingressus ieon~m Syrios excitavit emis-
sis omnibus cumulis totam fluctuationem erumpere. Deinde
revocari exitus universos cum Virginem transeat paenitusque
intra ripas suas capere, cum Libram sit ingressus."
Anonyme De situ orbis, 11, p.
67.
Traduction
Y. Kamal

189
H§rodote est ~ l'origine de la th§orie qui
explique la crue du Nil par l'effet du soleil. L'historien
grec fonde sa th§orie sur une observation : la coincidence
de la s§cheresse et de la chaleur. Le probl~me de la crue
est pos§ ici de fa~on tres originale : il s'agit de savoir
pourquoi le Nil d~croit l'hiver et non pourquoi i1 grossit
l'§t~. A l'§poque d'HErodote, il semble qu'on connaissait
depuis peu l' inversion des saisons: : en Ethiopie, c' §tai t
l'§t~ lorsque l'hiver r§gnait en Gr~ce. Le Nil diminue comme
les autres fleuves, mais ~ une saison inverse; c'est-~-dire
en hiver, tandis que les autres fleuves diminuent en §t§.
En hiver, sous l'effet du soleil q~i passe au-dessus de la
z~ne m~ridionale, l'eau du Nil diminue par ~vapo~ation
c'est l'~tiage. Par contre, en ~t~~ comme il s'§loigne vers
la zone septentrionale, l'humidit§i augmente, le Nil reprend
son volume: c'est la crue (1).
Fr§quernrnent cit§e dans les si~cles suivants,
la th§orie d'H§rodote est r~fut§e par Aristote, Diodore de
Sic i 1e, P1in e, Ar i s t id e de Srnyr ne, . e t c . .. Lap r in c i pal e
objection (mainte fois utilis§e d'ailleurs contre d'autres
th~ories) est que le Nil est seul ~ se comporter comme il
le fait parmi les fleuves de Libye:
1.
Cf Bonneau}p. 188.

190
Dans leur explication de la crue du Nil,
d'autres auteurs grecs ou latins se referent a Herodote
sans toutefois le nommer. Tel est le cas de Pomponius ~ela,
qui ecrit : "L'hiver,
le solei1 est plus proche de la terre
et pour cette raison,
il amoindrit la source du Nil ; lors-
qu'il s'en va plus haut, il la laisse intacteet e11e coule
alors dans sa plenitude" (1). Notons que le mouvement 50-
laire, chez Mela, est d'ordre ascensionnel et descensionnel,
contrairement au mouvement nord-sud et sud-nord de chez
Herodote. Tel est aussi le cas de Solin a qui l'auteur
Anonyme du ~it~bi~, emprunte cette explication de la
crue.
La theorie d'Herodote n'est pas seulement
interessante par son originalite
(expliquer la decrue et
non la crue) , elle est egalement interessante par la con-
naissance qu'elle nous donne de l'etat de la science dans
la Jeuxieme moitie du Veme siecl() avant J .C.
; elle suppose
!
des connaissances acquises sur l'e~aporation, sur l'exis-
tence de zones de climats Jivers,
sur le mouvement apparent
du soleil et sur l'inversion des salsons.
0 0 0
o
1.
Pomponius Mela, Chorogr.
I,
9 - Cf. Bonneau, p. 191

191
Quoique H~roclote passe g§n§ralement sous
silence ses sources, ce~endant on croit savoir quIa l'ori-
gine de cette explication de la crue, qui donne un role au
mouvement apparent du soleil,
il y a une tradition mythi-
que §gyptienne, peu connue, semble-t-il (1).
La ros§e qui
existe en Egypte §tait pour les Egyptiens,
soit d'origine
terrestre
(la sueur de la terre),
soit d'origine c§leste
I
chaque soir, le soleil plongeait dans l'Oc§an souterrain
pour ressortir chaque matin revivifi§ par l'eau duNoun
dont il s'§tait nourri
; il aspire l'eau qu'il "garde par
devers lui" comme dit Herodote (2) et rend
le reste au monde
sous forme de rosee ou de pI uie. iLa r osee de scendue cl u cie 1
serait capable d'alimenter la crue. C'est d'ailleurs a cette
tradition egyptienne que se rattache ce vers de Lucain (38 -
65 ap. J .C)
: "On croi to .. que Ph§bus et le ciel s 'alimen-
tent dans l'Ocean : lorsqu'il touche les bras de l'ardent
Cancer,
le soleil aspire l'Ocean d'ou s'§leve plus d'eau
que l'atmosphere n'en peut assimiler
; le superflu est rendu
par les nuits et devers§ dans le Nil" (3).
4. Quatrieme explication
la crue du Nil est due aux pluies
Angelome, Dicuil et 1 'Anonyme du De situ orb}
nous donnent une quatrieme exp~ication de la crue,
ou la
1. CL
Bonneau p. 192.
2. Herodote Il,
25.
cL
Bonneau, p. 192.
3. Lucain Ph. X, 257 - 261.

192
~uie joue le role d'agent de l'inondation.
Cornmentant le livr~ de la Genese (1),
Angelome ecrit
"Celui-ci (le Nil-Geon) coule de 1 'Orient,
naturellement du pied de l'Atlas, comme on clit, et se di-
rige vers le nord
; grossi par les pluies d'automne, il
I
arrose les plaines d' Egypte . ... 1 (2).
Citant taus les de0x Solin (3), Oicuil et
l'Anonyme ecrivent respectivement ': "On preswne que c'est
le Nil du fait .que le lac ne produit pas moins d!herbes,
de po i s sons et d' animaux que nous 'n' en voyons cl ans le Ni 1,
et parce que, si la Mauretanie Oll il a son origine, est
arrosee par des chutes de neige plus denses ou pir des aver-
ses de pluies plus abondantes,
l'inondation, en Egypte,
augmente".
(4).
Disons d'ores et deja que les pluies sont
la cause veritable de la crue du Nil. Mais les Anciens le
savaient-ils ?
1. Genese 2,13.
2.
"Qui (Nilus) ab Oriente fluens ,: a radicibus vIdelicet
Atlantis montis,
sicu1: autumant, et ad septentrionem
fluxus, autumnalibus pluviis anctus, plana Aegypti irrigat, .. "
Angelome, Cornmentarius in Gen. ed. rvtigne, Patr. lat.
t.
115
col. 130.
3. Solin XXXII, 3.
4. "Nilum autem jam inde esse coniciunt quod hoc stagnum
herbas pisces belvas nihil minus procreat quam In Nilo

193
Strabon donne une filiation des savants grecs
qUl savaient que les pluies etai(~rit l' agent du cJebordement
du Nil:
ils remontent de Possidonius jusqu'a Hom~re.
D'apr~s Strabon, Hom~re (9~me ou 8~me si~cle
avant J.C),
le premier po~te grec.a avoir apnele le Nil
Aigyptos,
sait que la crue du Nil est due aux pluies
: preu-
Ye, l'epithete "~V'1TEtt.'t)" ("venu des pluies" ou "venu de
Zeus") dont il qualifie le Nil. D. Bonneau fai t remarquer
qu'Homere emploie ce m~me adjectif apropos d'autres fleu-
Yes. Cependant, en ce qui concerne le Nil, reconnalt-elle,
ce qualificatif "venu des pluies" paralt indeniable.
I-!omere,
qUl, aux dires de Strabon, n'ignore aucune des particula-
rites du regime du fleuve, applique l'epithete eh question,
clans un sens qui indiquerait sa connaissance de la cause
de la crue. Enfin,
il est fort possible qu'[-Iomere soitalle
en Egypte et qu'il ait entendu diie par des pr~tres egyptiens
~e la crue du Nil etait formee par des chutes de pluies
(1).
suite 4
~demus, quando Mauritaniae undique origo ejus, a nivibus
densioribus aut imbribus largioriblls inrigatur, unde incre-
menta exundationis in Aegypto augentur."
Dicuil, op. cit. VI, 7-8, p.
60.
Anonyme De situ orbis,
op. cit.
11, p.
65.
1. Cf.
Bonneau,
op. cit. p. 197.

194
Pour les autres auteurs grecs, l'indication
donn§e par Hom~re ne constitue pas une explicatibn suffi-
sante. Des points restent ~ pr§ciser
: ~ quel moment par
exemple les pluies tombent-elles pour que la crue se produi-
se en §t§ ? 00 se produit la chute des pluies ?
Serait-ce dans les r§gions m§ridi?nales qui paraissent Sl
s~ches ? A ces questions les philosophes grecs ten tent de
r§pondre, d'abord par la th§orie de l'inversion des saisons.
a)
la "th§orie des zones" ou l'inversion des saisons
Selon Diodore de Sicile (1), quelques phi-
J.osophes de ~emphis expliquent l'inondation du Nil par une
th§orie climatique. Dans leur conception,
la terre aurait
la forme d'une sorte de parall§l§pip~de relev§ aux quatre
coins,
et serait divis§e, sur sa surface sup§rieure, en trois
zones qU1 comprendraient, du nord, au sud
la zone habit§e
une zone inhabitable ~ cause de s~n climat excessivement
,
chaud,
r§gion qu'on appela d'abord Libye, dans son ensemble,
puis, qu'on distingua en la nomma~t Ethiopie ; une troisi~me
zone suppos§e inhabit§e, quoique de climat analogue ~ celui
de la zone habit§e
(2). Cette derni~re zone est en quelque
. sorte l'inverse de la premi~re.
1. Diodore de
Sicile,
I,
40,
1
-
4 -
cL
J30nneau p. 198.
2. Cf Bonneau p.
199.
,.

195
Si cette th§orie §gyptienne est arit§rieure
. a tout essai de ce genre, c'est dans ce cas a Pann§nide que
revient le m§rite de l'avoir compl§t§e en divisant la terre
en cinq zones,
au d§but duVeme ~;iecle avant J.C.
(1).
Cette th§orie qui suppose une certaine con-
naissance de la variation de la position de la terre par
rapport au soleil, et celle du soleil par rapport a la terre,
donne de la crue une explication simple:
le Nil, n'aurait
pas un r§gime diff§rent de celui des autres cours d'eau
.
connus dans l'Antiquit§ et qui §taient aliment§s par les
pluies
; la diff§rence avec les atitres fleuves viendrait
plutat de ce que ses crues, dues a des chutes de pluies, se
produisent a une saison inverse: l'hiver regne aux sources
du fleuve au moment oa l'§t§ d§sseche son cours final
(2).
D'autres auteurs pius particulierement ont
essay§ d'expliquer comment des pluies se produisent dans
une zone si chaude.
b) h~c)'cle des pluies
Thrasyalkes de Tha~os (milieu du Veme siecle
avant J.C.) passe pour le premier des auteurs gyecs, dont
1. Cf. Strabon Il,
2,2 apud Bonneau p.
199
cL A. Rivaud,
Hi st.
Ph i 1.
I, p.
5 9 .
2. Cf Bonneau p.
1 99.
,.

196
le nom se rat tache ~ une explication oD la chute des pluies
joue le role d'agent de la crue (1). L'explication progresse
avec Democrite d'Abdere, qui tente de decrire la genese des
pluies dans une region torride. Democrite/dit-on~ a ete en
Egypte et en Ethiopie vers 410 av~nt J.e., et pe0t y avoir
complete sa theorie par ses rense~gnements de voyage. Un
,
auteur inconnu,
l'Anonyme de Florence (IIIeme si~cle avant
J.e.), expose ainsi l'explication de Democrite : :IlDemocrite
soutient qu'au solstice d'hiver, l~s regions du riord sont
couvertes de neiges
; au solstice d'ete, une fois que le
soleil a change l'orientation de sa course,
la neige commen-
ce ~ fondre, et l'humidite qui se forme de cette fusion,
donne naissance ~ des nuages que les vents etesiens saisis-
sent et portent vers le sud. Quancl ses nuages s' amassent en
Ethiopie et en Libye, il se produit d'abondantes precipi-
tations qui ruissellent et font de*order le Nil ; telle est
i
la cause de la crue d'apres Democrite".
(2).
A part l'Anonyme de ;Florence, d'autres auteurs,
dont Diodore, Plutarque etc ... , ra~portent egalement l'expli-
cation de Democrite (3).
1.
Cf.
Bonneau p.
201.
2. Anonyme de Florence, 4. - apucl 130nneau p.
202.
I
3. Diodore
I, 39, 1 - 3 ; Plutarque', Plac.Phil.
IV, 1,4-
Cf. Bonneau p. 202.
/.

197
L'explication de D~mocrite d§crit la circu-
lation de l'eau dans l'atmosph~re!avec ceci comm~ m§canisme:
au nord, chute de neiges, d§gel, §vaporation et formation
de nuages
; ensuite, d§placement de ces nuages dans la di-
rection nord-sud ; au sud, condensation des nu§es contre
les montagnes, d'oG pr§cipitation~ ; puis, ruissellement
des eaux de pluies, grossissementdes lacs, et crue du Nil.
Cette explication fait en quelque sorte la
synth~se des connaissances acquises au cours du V~me si~cle
avant J.C.
Ell~ prend en compte les id§es re~ues sur le r~-
j
le de la fonte des neiges clans la :formation des crues
; le
role des vents §t§siens notamment \\;
la marche apparente du
soleil, et l'explication par llin~ersion des saisons.
Aristote reprend lui aussi le probl~me de
la crue du Nil dans un petit trait~ dont la verSIon grecque
est perdue. Quoiqu'il ne cite pas .le nom de D§moc;rite, seu-
le la th§orie de ce dernier semble: avoir quelque valeur a
"
ses yeux.
Le probl~me du Nil a pour Aristote un int§r§t
particulier en fonction des connaissances qu'il ~xpose dans
les M§teorologiques
(1).
11 veut examiner
le probleme sur
des donn§es scientifiques.
11 utilise a cet effet les ren-
1. CL J.
Balty - Fontaine, Pour une §dition nouvelle du
Lib erA r i s tot e 1 i s de inu nd a c ion e Nil i, ch r. Eg. XXXIV6 7
(1959) p.
95 - 102 - Cf. Bonneau, p.
203.

198
seignements rapport§s d'Ethiopie par son discipl~ Callisth~ne,
dont les observations personnelles confirment l'~xplication
de la crue par les pluies. A partir de ces donn§es, Aiis-
tote tire la conclusion que voici i:
"11 tombe sous le sens
I
I
que l' observation directe condui t:a l' evidence
; il est
manifeste que les pluies saisonni~res produites en Ethiopie
depuis la Canicule jusqu'au Bouvi~r (mi-septembr~) sont
tr~s abondantes, et l'hiver, inexistantes
; le fleuve s'ali-
mente de leur accroissement ; c'e~t pourquoi la crue vient
en m~me temps que les vents §t§siens
ceux-ci p6ussent une
grande quantit§ de nuages vers cette contr§e ainsi que tous
les autres vents d'ete qui les prec~dent ; les nyages se
I
heurtent aux montagnes, Y ruissell~nt jusqu'aux ~arais que.
traverse le Nil" (1,).
I
A partir des travaux d'Aristote et de Cal1is-
II
i
thene,
le prob1~me de la crue du Uil est consid§re comme re-
solu, clu moins pour les philosophek de tradition aristote-
,
licienne.
Suit alors une tradition: ininterrompue 'de cette
explication chez des auteurs te1s Eratosth~ne (284-204 av
J .C), Po1ybe
(205-120 av J .C.), Possidonius
(135-51
av J .. C) ,
Strabon etc ... A partir du ler si~~le av J.C, la ~ajorite
,
des ecrivains qui posent le probl~~e de la crue dG Nil
I
1. Aristote D.I.N. 12, apud Bonnea0, p.
203.
I

199
,
i,
I
adoptent l'explication aristotelitienne par les pluies.
I
I
Ainsi Pornponius Mela, Pline l'Ancien, Lucrece, Stace, etc ..
( 1 ) .
Cependant, au rn~rnernoment, la phy~ique stoi-
cienne repoUEe quant a elle le role de la pluie pour rete-
nir plutot l'explication de la crue par son origine sou-
terraine (2). C'est le cas chez S~neque, suivi pir Lucain
\\
et Aristide de Srnyrne.
Plutarque, Cleornede, Arrien,Heliodore et autres .Solin, au
I
IIIerne siecle,
la cite, et c'est a lui que Dicuil et l'Ano-
nyme la doivent, ainsi que nous l'avons dit.
o 0 0
o
D'origine egyptienne,
l'explication de la
,
crue par les pluies a ete portee a iun niveau elev~ de la
,.
\\
1. Cf. Bonneau p.
203.
2. Voir cette autre explication <1e la crue dans Bonneau p.l71 et
suivantes.

200
science au Veme siec1e avant J.c.i par Thrasya1kes et De-
mocrite, et a triomphe sous l'autbrite d'Aristote. Transmise
ensuite par 1es phi1osophes aristbte1iciens pendant quatre
~ cinq siec1es, e11e a semble per~re de sa clarte et de
son autorite sous l'empire romain, avant de reprendre toute
sa va1eur,
~ partiT du Veme - Vleme siec1e apTes' J.C.,
lorsque 1es ecrits phi1osophiques :prirent de nouveau essort
,
clans 1es eco1es et scriptoria de l'OTient (1).
En "fait, ces quatre e~plications qu~ ont ~t~
retenues par les auteurs carolingiens, ne sont pas les
seules qui aient ~t~ propos~es par les auteurs anciens,
dans leur recherche des causes deila crue du Nif. Deux
autres th~ories dont nous ferons seuleme"nt mention ici
avancent,
l'une, que la crue du Nil vient de l'Oc~an; l ' au-
tre, qu'elle sort de terre. Pour l'expos~ de ces th~ories'"
,
nous renvoyons a l'ouvrage de D. Bonneau (2).
1. CfBonneau p.
208.
2. Voir Bonneau, op.cit. p. 144 et suiv.; p. 171, et suiv.
I.

201
4. L' IDENTIFICATION DU NIL AU GEON
Dans la lignee des Peres de l'Eglise et des autres c~mnentateurs
de l'Ecriture Sainte, cinq des auteu-cs etudies ielentifient le
Nil d'Egypte au Geon de la Bible.
Comnentant le Livre de la Genese (1}, Angelome de Ll~euil ecrit :
"Le del~ieme fleuve du Paradis, le Geon, es t le mellle que le Nil,
I
le fleuve d'Egypte, qui ceinture l'Ethiopie toute entiere". (2)
I
Dans son commentaire sur le meIlle livr;e de la Genese, Raban Maur
confirme a son tour l' identification ,du Nil avec le Geon de
i
1 'Ecri ture, malS se contredi t sur la provenance : dans \\m passage,
il rapporte que le Nil ou le Geon procede du Paradis Terrestre (3),
I
pourtant, un peu plus loin, il affirme, dill1S un autre passage, que
i
le Nil ou le Geon prend sa source non; loin elu Mont Atlas, qui
est l'extreme limite de 1 'Afrique , a l'Ouest (4). Aill~urs, dans le
1. Genese 11, 13.
2. "Nomen fluvio secundo Geon, ipse est et Nilus fluvius Aegypti,
ipse est qui circuit onmem terram
Aethiopiae" . Angelomus, Commen-
tarius in Genesim, op. cit. col. 130.:
3. "Nilus namque qui irrigat Aegyptlnn', ipse est Geon, qUl In se-
quentibus de paradiso proceelere memoratur". Raban Haur, Comment.
in Gen. op. cit. col. 477.
4. "(origo) Nili vero, quem Scriptura~ ut diximus, Geon nuncupat,
non procul ab Atlante monte, qui est ultimus Africae ad occidentem
finis. II
Raban Haur op. cit. col. 478.

202
De Universo, l'auteur donne sur le Geon des details qLi'il emprW1te
a Isidore de Seville : "Le Geon est W1 fleuve qui sort du
Paradis et qui entoure toute l'Ethiopie
il est appele de ce
nom parce qu'il irrigue la terre d'Egypte par le gonflement
de ses flots produits par la crue. "~e" en effet signifie la
terre chez les Grecs. Il est nonune Nll chez les Egyptiens, a
cause du limon qu'il entralne, et qui produit la fecondite de
ses eaux." (1)
L'identification elu Nil avec le Geon ise retrouve egalement chez
I
Bernard (2),chez Remy d'Auxerre et chez l'Anonyme du De Situ
i
orbis
Remy localise la source elu Geon "pres de J'Atlas de
Mauretanie" (3), tandis que 1 'Anonyme, tout comme Raban ~1aur,
elonne sur le fleuve (4), les memes details empruntes a l'eveque
espagnol.
1. "Geon fluvius de Paradiso exiens, atque universam Aethiopiam
cingens, vocatus hoc nomine, quod incremento suae exundationis
terram Aegypti irriget. Ge enim terram significat Graecis.
Porro apuel Aegyptios Nilus vocatur propter limum , quem trahit,
qui efficit fecWlditatem".
I
Raban Maur, De Universo, op. cit. col: 319.
2. "Ab aquilone est portus illius clvltatis ; a .meridie habet
introitum Geon sive Nilus, qui rigat AegyptlUTI, et currit per
mediam civi tatem, intrans
in mare in \\praedicto portu. I i,
Bernard, Itinerarium in Loca sancta, qp. cit. col. 570 .•
3. "Phison autem in Caucaso monte oritur. Geon juxta Atlantem
Mauri taniae".
'
"Geon ipse est Nilus qui per ~'!auritanlam currit."
Remigius, Conunentarius in Genesim, op. cit. col. 61.
4. "Geon fluvius de Paradiso exiens atque universam Aethyopiam
cin,gens, vocatus hoc nomine quod incremento suae exundationis
terr3m Aegypti irriget, "ge" enim grece latine terram significat.
Hic apud Aegyptios Nilus vocatur ... "
Anon~ne de Situ orbis, op. cit. 11, p. 67.

203
L'identification du Nil avec le Geon est un des lieux cornmuns
de l'exegese medievale. Le point de depart de cette tradition
est le passage biblique de Genese 2, 10-15, oD. l'on lit: "Un
fleuve sortait d'Eden (1) pour arroser le jardin et de la il se
divisait pour former quatre bras. Le premier s'appelle le
Pishon : il contourne tout le pays de Havila, oD. il y a l'or;
l'or de ce pays est pur et la se trouve le bdellium et la pierre
d'onyx. Le deuxieme fleuve s'appelle le Gihon : il contourne
:.:,.....
tout le pays de Kush, Le troisieme fleuve s'appelle le Tigre
il coule a l'orient d'Assur. Le quatrieme fleuve est l'Euphrate".
A travers ce passage, il semble qu'il y a volonte de la part de
l'auteur sacre de preciser la situation du paradis terrestre. En
effet, on connaTt le Tigre et l'Euphrate, qui ont des sources
rapprochees dans les Monts d'Armenie. Le Pishon et le Gihon,
par contre, sont inconnus. Havila est une region d'Arabie, d'apres
Genese 10, 29, tandis que Kush designe ailleurs, dans la Bible,
la Haute-Egypte. Havila et Kush sont-ils a prendre ici dans ces
memes sens ? 11 n'est pas sOr, d'apres les exegetes modernes (2).
1. L' "Eden" que la versiongrecque de la Bible et toute la tra-
di tion par la suite traduisent par "paradis", est un nom geogra-
phique qui se derobe a toute localisation. Le paradis est repre-
sente cornme une oasis dans le desert oriental. cf. La Bible de
Jerusalem, trad. frse de l' Ecole Biblique de Jerusalem p . ./l 0
NoteJ .
2. cf. Bible de Jerusalem,
op. cit. p. 10, note i.

204
Quoiqu'il en soit, cependant, les Peres grecs et latins, ainsi
que tous les commentateurs scripturahes a la suite, ne se sont
guere embarrasses de reserve pour identifier les deL~ premiers
fleuves du paradis : le Pishon (1) est entendu corrmle etant le
Gange (2), tandis que le Gihon est considere conUl1e ne faisant
qU'Wl seul et meme fleuve avec le Nil d'Egypte.
Ainsi, dans le Liber generationis (3)"
on lit apropos du de~-
ieme fleuve paradisiaque : "Japhet possede le fleuve Tigre, qui
1
separe la Medie et la Babylonie
Sem l'Euphrate et Kwn le Geon,
!
qui est appele Nil" (4).
\\
Dans son ouvrage intitule "Sur les nolns de lieu clans la Sainte
Ecriture", Eusebe Pamphile, eveque de,Cesaree en Palestine
(c. 270 - milieu IVeme siecle apres J "C.) note apropos du Geon
"Gaion, le Nil chez les Egyptiens, ve~ant du paradis et' coulant
,
autour de tout le pays d'Ethiopie". (5)
1. Les commentateurs scripturaires transcrivent Phison et Geon.
2 . "Nomen uni Phison ... Ipse est enim :Ganges. Qui circuit onmem
terram Evilath". Remy d'A~erre, Commentarius in Genesim, op. cit.
col. 61.
3. Cet ecrit attribue a un certain Hippolytus Portuensis aurait
ete compose apres 234 apres J.C.
4. "Habet autem
Iafet flwnen Tigriderri, qui dividi t Mediam et
Babyloniam ... ; Sem autem Eufratam; et .Kam Geon, qui vacatur
Nilus".
Liber Generationis dans Youssouf Kamal, Monumenta cartographica
Africae et AegYl2.li, t.n fase. I, 1928 'feuillet 187.
5. Eusebe, sur les noms de lieu dans 1'a Sainte Ecriture, dans Y.
Kamal, op. cit. t.II, fase. I, 1928 feuillet 223.
i
,.

205
L'iuentification du Nil avec le Geon se r~trouve aussi chez St Ambroise
(+ 397) (1) et chez St Augustin (+ 430) (2).
Les auteurs carolingiens ont recueilli cette tradition du Nil - Geon chez
St Jerome et Isidore de Seville (3).
;
Chez Raban Maur et Remy d'Auxerre, cependant, l'identification des fleuves
est poussee si loin, qu'elle donne lieu a iune confusion entre le Nil, le
Tigre et l'Euphrate, chez le premier (4), :et entre le Nil, le Geon et
le Gange, chez le second (5). Raban ecrit ,en effet
"La plupart des
historiens disent que le Tigre, l'Euphrate et le Nil sont precisement
le meme fleuve qui coule dans differentes regions, mais qu'apres avoir
effectue un detour vers l'arriere, il reprend son chemin en un cours
w1ique". Pour sa part, Remy glose un passage de Martianus en ces termes
"Le Gange, c' est-a.-dire le Nil, et qu' on appelle le Geon".
Cette assimilation ou cette association de:differents fleuves par Raban
et Remy releve de l'antique croyance a l'existence d'wle communication
,
souterraine entre les fleuves. Les Egyptierts, avions-nous dit, croyaient
,
,
a. l'existence d'un Nil Inferieur, coulant dans le Douat, et dont la
1. Anlbroise, Abr. 2,10,68 (adVulg. Gen. :15,18 flumenAegyPti).
2. Augustin, De Genesi ad littermn, 8, 7 (C$EL 28,1 p. 240).
,
i
3. Isidore de Seville, ~. XIII, 21, 7.
4. "Denique eadem ipsa £lumina Tigrin, Euph'raten et Nilum ferunt historici
plerisque in locis terra absLUni, et aliquanto interjacente spatio rursus
emergentia, solitum agere curswn". Raban Maur, Comment. in Genesim,op.
ci t. col. 478.
5. "Ganges id est Nilus, qui et Geon vacatur".
Remy d 1 Auxerre, Conmlent. in Martian Cap.' op; cit. 302 - 8 p. 146.
I.

206
resurgence sera it ce Nil qui se repand e~ Egypte. Les Grec~
ayant re-
cueilli cette idee, I' ant etablie en princ,ipe s' appliquant a differents
£leuves. Ce qui revient a considerer ceux~ci comne les resurgences d'un
I
cours d'eau souterrain unique. Pour chaqub fleuve, la source est le point
i
\\
ou le cours d'eau cesse d'etre souterrainiet COlmnence son trajet a la
i,
surface de la terre. Concernant le Nil, cette conception a ete sans doute
a l'origine de certaines identifications clans l'Antiquite. Les Perses
avaient imagines que le Nil et l'Indus n'etaient que des parties diffe-
,
rentes d 'W1 meme fleuve (1). Chez Pausannias, i1 apparalt nettement que
le Nil communique sous terre avec d'autres fleuves. Cet auteur rapporte,
,
aux dires des Deliens, que "1' Inopos vient du Nil" (2). Ailleurs, i1
dit encore: "Ban nombre ant suppose que l'eau (venant de l'Atlas) ,
reparaissant hors des sables, forme le Nil d'Egypte" (3). Enfin, c'est
lui qui se fait I' echo de cette tracli ti on. 'qui reuni t par des cornmunica-
tions souterraines, l'Euphrate et le Nil (~).
Ide11tifie avec le Geon, le second fleuve du paradis, le Nil est l'objet
d'interpretations allegoriques ou symboliq~es chez trois auteurs, c'est-
i
!
a-dire Angelorne, Raban et Remy d'Auxerre. ;
1.Aristote, DIN 6. Artaxerxes III Okhos aurait fait a deux reprises des
projets pour cette idee.
2. Pausan.lI, S, 3.
3. Pausan.I, 33,6.
4. Pausan.II, S, 4.
,.

207
fu1gelorne dorme du Nil-Geon une interpretation dualiste : d'tme part, le
fleuve est qualifie de "tenebreux", du fait qu'il traverse l'Ethiopie
et 1 'Egypte (1) ; d' autre part, il signif:i.e "la grace de la terre" ou
bien "la fertilite", du fait qu'il rend les hommes heureux (2).
Chez Raban Maur, les quatre fleuves du paradis apparaissent sous une
!
double allegorie : d'une part, ils repres~ntent les quatre vertus car-
I
dinales, savoir, la Prudence, la Temperam:e, la Force et la'Justice (3)
i
d'autre part, ils figurent les quatre Evangiles qUI ont eteproclames
a l'intention de toutes les nations (4). Consideres ensuite individuelle-
ment, ces fleuves symbolisent respectivernent les quatre Evangiles: Le
Geon qui signifie le "coeur" ou le "precipice" symbolise l'Evangile de
Saint Matthieu, qui a ete redige
le
prem'ier en hebreu, par cet Apotre ...
11
irrigue l'Ethiopie et l'Egypte spirituelles, et par
lui se revelera
,,
le fruit de la foi et des bormes oeuvres (~).
i
1. "... Interpretatur quippe "tenebrosus", quia per Aethiopiam et Aegyptum
'I,
currit ;".
Angelome, COllunentarius in Genesim, op. cit~ col. 130.
2. "Sed melius "terrae gratia", vel "fertiiitas", quia felic8s homines
reddit". Angelome, Comment. in Gen.op. cit~ col. 130.
3. "Quod quatuor fluminibus de paradiso egredientibus terra rigatur :
solidum mentis nostrae aedificium prudentia, temperantia, fortitudo,
justitia continet :" Raban Maur, De UniverSo, op. cit. col. 334.
4. Mystice autem hi quatuor £luvii (ut sup~a dictum est) quatuor Evangelia
significant,
quae quatuor Evangelistae conscripserunt". Raban, De
universo, op. cit. col. 320.
S. "Narn Geon fluvius, qui interpretatur "pectus" sive "proeruptum",
significat Evangelium Matthei, quod primum conscriptum est ab ipso auctore
hebraica lingua ..• et terram Aethiopia et spiritales Aegypti quatuor
fluentis dogmatum irrigat, qua fructum fidei et bonorum operwn proferat".
Raban Maur, De Universo, op. cit. col. 320.

208
Chez Remy d'Auxerre, enfin, le Geon sign~fie le "precipice", car en
s' elanc;ant du haut des parois rocheuses, ',il produi t un brui t si violent
qu'il conelanme les riverains a la surdite (1).
L'exegese mystique et allegorique elu Nil-~eon, chez les trois auteurs
carolingiens, ne presente pas d'originalite.
Chez Angelorne et Remy d'Auxerre, les significations du fleuve ne sont
que des transpositions, des calques des caracteres physiques du Nil
decrit dans les ouvrages classiques
le qualificatif allegorique
"tenebreux'! applique au fleuve est dO a la transposition de l' idee
antique selon laquelle le Nil sort de cavernes souterraines (2)
l'interpretation du Nil-Geon comme la "grace de la terre" ou la "fer-
. I
tilite" repose sur une realite chimique, 4e11e des eaux de la crue dont
I
les proprietes limoneuses procurent la feftilite au sol de l'Egypte ;
enfin, l'interpretation du fleuve signifia'nt le "precipice" releve d'une
I.
allusion au cours irregulier du Nil qui est seme d'obstacles naturels
cornme les cataractes.
Chez Raban Maur, l'interpretation allegoriRue des quatre fleuves du pa-
I
radis s'inscrit clavantage clans la traditioh philonienne. crest en effet
I
a Philon d'Alexandrie que remonte l'applic8.tion des quatre fleuves du
1
1. "Geon ipse est Nilus qui per Mauritaniarn currit. Interpretatur autem
"praeruptus" vel "proeruptio", qui ex alti~simis rupibus a praecipi tatus
adeo validurn sonurn reddit ut incolas suos surditate dallmet".
Remigius Aut. Cornmentatius in GenesDn, op.lcit. col. 61.
- -
i
2. D'apres Solin (32,5), Dicuil (VI, 9) l'~onyme de Situ orbis (II,p.6S)
le nom Astapus donne au Nil par des indigenes signifie : "l'eau qui
surgi t des tenebres".
I
,.

__ ~._-L_'J ....
._.._
209
paradis aux quatre vertus cardinales, fr~quenunent reprise par les com-
<,mentateurs posterieurs. Philon fait du P:Lschon le principe de la sagesse,
du fait de sa me sure ; le Geon est le principe de la sobriete, etant
donne son caractere nourricier ; le Tigre, quant a lui, est le principe
du courage, tandis que l'Euphrate est ce~ui de la Justice (1). Ailleurs,
comnentant Genese 15, 18, Philon interprete le fleuve d'Egypte conune
representant le corps et ses vices, par opposition a 1 ,EupJ:rate qui
s~nbolise la vertu (2).
Chez Origene, l'Eden represente le cerveau, et les quatre fleuves les
sens dont le siege est dans la tete : le Phison correspond a la vue,
le Geon a l'ouie, le Tigre a l'odorat et l'Euphrate au gout. La simili-
I
I
tude du Nil avec l'ouie vient de ce qu'il: entoure la terre d'Ethiopie,
quasi inaccessible, comme un labyrinthe (3).
St Ambroise de Milan
qui s'inspire des ecrits exegetiquesde Philon
i
d'Alexandrie (4), considere lui aussi lesl quatre fleuves du paradis
I
conune representant les quatre vertus cardlnales. Cependant" chez
lui,
la source OU ces fleuves prennent naissance figure le Christ, alors que
1. et 2. cf. Philon, Quaest. et Sol. in
Gen. I, 2 in Marcus Philo
supplement I, 1953, p. 8 ; Philon, Legis allegoiiae I, 19 e.t 27 in
Benedictus Niese, V, I pp. 77 - 83 cit~ par Babacar Dior. La politique afri-
caine de 1 'Etat chretien romano-byzantin (IVeme- VIIeme siecle ap. J .C.)
These de doctorat du 3° cycle Universite de Paris I.Sorbonne,Fev.1981 .p.108.
3.cf. Origene, Contra haereses, 5, 9 et 10, 34, Patr. gr. 16 col. 3158 et
3454, cite par J.M. Courtes, Traitement patristique de la thematique
"ethiopiemle" in l' Image du Noir dans l' art occidental, 1. 2 vol. 1
Bibliotheque des Arts, Paris, 1979 p. 10.!
4. Le De opificio mundi et specialement le Legis allegoriae, cf. A.
Ebert, Hist. de la litt. du M. Age en occident. trad. fran~aise par
J. Aymeric et J. Condamin.
I
T. 1 P~ri ~
1lun,..,
1 (;1

210
chez Philon, elle indique la Bonte, consideree comme la vertu univer-
selle (1) . Chez Arnbroise, d'autre part, les quatre fleuves represen-
tent les quatre ages du monde. Du Geon, lleveque de Milan donne, du
reste, cette interpretation allegorique : "Le Geon symbole de la chas-
tete coule autour de l'Ethiopie pour layer le corps abject et eteindre
l'incendie de la chair meprisable. Dans son interpretation latine,
Aethiopia signifie en effet, "abject", "meprisable". Notre corps est
semblable a l'Ethiopia car il a ete noirci par les tenebres du peche".
(2) .
St Augustin ecarte, quant a lui, toute interpretation allegorique,
quoiqu'il etablit a son tour les identifications traditionnelles : le
Phison est le Gange, le Geon, le Nil, etc ... A part le Nil, les autres
fleuves cites ont leurs sources connues. Apparemment ces sources ne
""'-
sont pas celles de la Genese. Comment concilier ces'divergences ? Une
solution ingenieuse leve la difficulte. L'auteur recourt au principe
antique de l'existence d'une communication souterraine entre les quatre
fleuves, dont les sources ne sont que des resurgences apres le cours
souterrain unique (3).
1. cf. Arnbroise, De Paradiso c. 3
Philon, Legis allegoriae c. 19.
apud A. Ebert, op. cit p. 161.
2. Arnbroise, Discours sur le PS. 118. Sermon 12. Patr. lat. 14 col.1438;
De Noe, Epistolarum, P.L. 16 col. 1072 ; PL 14, L1 XXX col. 411.
3. August in , De Genesi ad Litteram, 8, 7 C.S.E.L. 28, 1 p. 240 cf.
J.M. Courtes.op. cit. p. 10.

211
Chez Bede le Venerable (Vllleme siecle apres J.C.), les quatre fleuves
symbolisent les quatre evangiles. Avec l'Evangile de Saint Matthieu,
l'apotre de cette region, l'Ethiopie est ceinturee par la grace, a
1 'image du Geon qui la cerne toute entiere, et les habitants peuvent
eux aUSSl esper~r la redemption. (1)
Bede semble, en toute probabilite,
la source directe a laquelle se refere l'exegese allegorique de Raban
en ce qUl concerne les quatre fleuves du paradis .
. ~:-,
1. Bede, Hexaemeron I, P.L. t. 91 col. 45.

212
5.
La question du canal du Nil
Chez Dicuil, il est fait, a trois reprises, allusion au canal
du Nil, dans un passage du texte, 00 l'Irlandais, cessant
toute compilation des auteurs classiques, se montre plus ori-
ginal dans les informations qu'il donne au sujet du Nil.
La premiere allusion relative au canal se presente dans le
cadre d'un temoignage indirect que nous rapporte Dicuil. 11
slagit d'un pelerinage effectue par un de ses confreres
moines, le frere Fidelis, qui, pour se rendre a Jerusalem,
a emprunte le Nil en bateau jusqu'a la mer rouge. Evoquant
le recit que leur a fait le confrere,Dicuil ecrit ceci :
"Bien que nous ne lisons nulle part qu'une branche du Nil
se jette dans la mer rouge, frere Fidelis n'en a pas moins
affirme l'exactitude du fait, en contant devant moi, a mon
maltre Suibneus (a qui, apres Dieu, j 'attribue le progres
que j 'ai pu faire) qu'a l'occasion d'un pelerinage a Jerusalem,
des clercs et des laics firent voilent jusqu'au Nil".(l)
1. "Quanquam in libris alicujus auctoris fluminis Nili partem
in Rubrum mare exire nequaquam legimus, tamen affirmans
Fidelis frater mea magistro Suibneo narravit coram me (cui,
si profeci quicquid, post Deum imputo) quod adorationis causa
in urbe Jerusalem clerici et laici habitaria usque ad
Nilum velificaverunt. .. " Dicuil, op. ci t. VI, 12, p. 62.

213
I
Dicuil raconte ensui te corrnnent ces pelerins furent emerveilH~s
,
par la vue des "sept greniers de Jo~eph" (les pyramides) (1) :
ils descendirent pour les visiter, ~t l'un d'eux, qui n'etait
I
autre que Fidelis en persOlme, mesuta meme le cote cl' Wle des
pyramides, ce qui faisait quatre cents pieds. Et l'irlandais
d'evoqller la suite elu voyage en ces,tennes : "Puis, s'embar-
quant sur le Nil, ils navigllerent jusqu'a l'entree de la mer
rouge. De ce port a la cote-est, jusqu'au chemin de HoIse
a travel'S la mer rouge, la distance est courte ... " (2).
La deuxieme allusion au canal apparal:t a la fin elu recit, dans
les propos de Dicuil, lui-meme, qui 'a finalement trouve chez
les Anciens, la confinnation c1u temo~gnage de son confrere :
"A present, dit-il, j'ai lu dans la tosmographie (3) ecrite
sous Jules Cesar et Marc-Antoine, qUi' une branche du Nil se
jette dans la mer rouge, pres de la ~rille d 'Oliva et du camp
1. Il pourrait s' agir des groupes de :pyramides de Giseh et de
Sakkara situees a quelques milles du :Nil. cL JJ. Tierney
op. ci t. p. 11 2 n. 13 .
2. "Deinceps intrantes in naves 1n Nilo flumine usque ad introitum
Rubri maris navigaverunt. Ex iUo portu ad orientalem plagam
usque ad Moysi viam per Rubrwn mare parvwn est spaciwll".
Dicuilus, op. ci t. VI, 17 p. 62.
3. All sujet de cette cosmographie J.J. Tierney, note que ce
sont les materiaux d'Agrippa (voir. J.J. Tierney, The map of
Agrippa Proc. R. LA., .1963, 63 c. 4)) qui ont ete ains i transmis
par les compilateurs de Pline, et, dans une fonne schen1atique
et ec1ulcoree, d 1 aboI'd sous le nom de c.osmographia caesaris,
plus tard sous ceuxdes anon~nes Divisio et Demensuratio ou
encore sous celui de l'Anonyme Missi Theodosii, que cite Dicuil.

214
de Hoisetl (1)
La troisieme et derniere allusion erifin, intervient dans des
considerations sur la longueur clu Nil selon Dicuil : "Que
i
quiconque desire connaltre la longueur du Nil, reconunande-t-
il, sache d'abord la distance en mUles de l'Afrique occiden-
tale a la partie orientale de l'Egypte, et de la jusqu'a
l'embouchure par ou une branche du £leuve atteint la mer rouge,
pres du camp de Moise et de la ville d 'Oliva ... " (2)
11 appert que par ce bras ou cette btanche du Nil, il faut
entendre le canal du Nil ou canal de Nechao. Ce canal,- en
effet, fut d'abord creuse par le pharaon Nechao 11 de la
XXVIeme dynastie (609-594P~t plus tard renouvele par le roi
,
des Perses, Darius 1er (4), ensuite Bar les premiers piolemees (5).
i
i
1. "I-Iodie in Cosmographia quae sub J0lio caesare et ~'!arco
Antonio consulibus facta est scriptani inveni partem Nili
£luminis exeuntem in Rubrum maTe juxta civitatem Ovilam
(sic) et castra Mosei". Dicuilus op. ,cit. VI, 20, p. 64.
2. "Quisquis longi tudimmNili cognosce re desiderat sciat prius
quot milia ab occidentali parte Africae usque ad orientalem
plagam Aegypti numerantur; inde
usque ad ostium per q~od pars
ill ius juxta castra ~10sei et civitatem quae nuncupatur Oliva
vadit in mare Rubrwn". Dicuilus, op. '=it. VI, 21,p. 64.
3. Nechao tenta la jonction Mer rouge~mediterranee entre la
branche orientale du Nil et le golfe de Suez (cf. J. Dheilly,
Dictionnaire biblique, Desclees, 1964 p. 804).
4. CL Herodote II, 158 ci te par Tierney op. cito p. 111 n. 12
5. Cf. Strabon A1JII, 1,25 ; Diodore
de Sic. I, 33, 8-12 ; Pline
VI 167.
!

215
et plus tard par les empereurs romains Trajan et Hadrien. 11
I
joignait le Nil au golfe Arabique 3.:Arsinoe. Des references
chez l'auteur grec, Lucien (c. 120 ~ 200 apres J.C.) (1),
montre qu I il etait ouvert vel'S la f~n du second sickle apres
J.C., et depuis l'histoire de Grego~re de Tours (2) il s'avere que
le canal etait navigable au moins jusqu'en l'an 500 apres J.C.
Au debut du Vleme siecle, le canal fut sans doute impraticable
et abandonne, puisqu' en 640, apn3s s' etre empare de I' Egypte ,
les Arabes devaient le deblaye r, puis le boucher a nouveau
sur l'ordre du calife Abou Giafar El· Mansour, en 767, afin d'empecher
l' envoi de vivres aux revo1 tes de la. ~ecque et de ~'Iedine. A la ques-
hon de savoir si le voyage du frere.Fidelis, dont Dicuil rap-
I
porte le recit, s'est deroule avant 767, date de la fellneture
defini tive du canal par El Mansour, ou bien si leeli t canal
a de nouveau ete deblaye apres El Marisour, on peut repondre, en
ce qui concerne la seconde hypothese " qu' on ne dispose, pas
d'infonnations sur Wle reouverture u1 terieure de ce canal.
Messieurs Letronne et J.J. Tierney par contre penchent pour la
premiere hypothese. Se Ion Letrorme, le moine Fide lis allrai t par-
couru l'Egypte entre les alulees 762 et 765 apres J.C., soit deux
ou quat re ans avant la rupture definitive de la jonction entre
le Nil et le golfe Arabique (3).
I
1. Luciell, Pseudomantis c. 44 cite par J.J. Tierney op. cit. p.111
n. 12.
2. Gregoire de Tours, I, 10 dans Krusch-Levison, Scriptores
rerum Merovingicarum, I, p. 11 n.4 cite par J.J. Tierney op. cit.
P·111 n. 12.
3. Voir Letroillle, Recherches geographigues et crltlgues sur le
livre "De mensura orbis terrae" de Dicuil suivies du texte
restitue, Paris, 1814.

215
B.
LE FLElNE OU LE TormENT D' EGYPTE
Chez trois auteurs-des exegetes-,l'hydrographie de l'Egypte
ne se restreint pas au Nil exclusivement. Il existe lm autre
cours d' eau design€:
sous les expressions "Fhmlen Aegypti" ou
"]hvus Aegypti" (le "£leuve d 'Egypte") ou encore "Torrens
Aegypti" ( le "Torrent d'Egypte"). Ce cours d'eau est la fron-
tiere presum€:e
de l'Egypte et de la Palestine.
En corrunentant les tennes de l' alliance conclue par Yahve avec
!
Abram (1) : "A ta posteri te j e dOlme! ce pays, du Torrent
d'Egypte au Grand Fleuve, le £leuve d'Euphrate" (2), Angelome
de Lu.xeuil fourni t ces precisions sur le Torrent cl 'Egypte :
"De quel fleuve d'Egypte s'agit-i1 ? Ce n'est assurelllent pas
a partir du grand £leuve de l'Egypte, savoir le Nil, mais p1u-
tot a partir d'w1 petit cours d'eau,qui delimite l'Egypte et
la Palestine, 13. ou se trouve la vill'e de Rhinocorura" (3).
1. D'apres Genese 17,5, le nom Abram deviendra Abraham. Ce
changement de nom marque done le changement de la destinee du
patriarche, clans l'esprit de 1Iauteur~sacre.
2. Genese 15,18.
3. "De quo flumine Aegypti dixit? Non ergo a fhunine magna
Aegypti, hoc est, Nilo, sed a parvo, quod dividit inter
AegyptLUn et Palaestinam (dividit Aegyptwn et Palaestinam),
ubi est civitas Rhinacurura (Rhinocorura)".
Angelome, Corrunent. in Gen. op. ci t. cql. 179.

217
Le fleuve ou le torrent d'Egypte est egalement mentionne par
Claude de Turin, clans son conunentaire sur le premier Livre
cles Rois (1). Raban Maul' aussi en fait etat clans plusieurs de
ses conunentaires bibliques : ce cours d 1eau qui ,explique-t-
il conune Angelome, marque la limi te entre l' Egypte et le
Royaume d'Israel, n'est pas le Nil, mais un fleuve plus petit,
qui traverse Rhinocorura, ville a partir cle laquelle, du
I
cote oriental, conunence inunediatemeJit la Terre Promise (2).
Le Torrent d 'Egypte, ou"Nahal Misrayim"en hebreu, est la
limite theorique Sud-Ouest de la Terre Promise, l'Euphrate
constituant la limite Norcl-Est. 11 est maintes fois cite a ce
titre dans la Bible (3). Us constituait la fronbere extreme
elu Bas-Pays conquis dans le sud par Josue (4). Aujourel'hui,
on l'iclentifie avec le Wadi el-Arish (au sud de Gaza) qui
pm"court tout le desert de Tih, avant de se j eter dans la
mediterranee a El-Arish. (5).
1. Claudius, Questiones XXX super libros regum, eel. Migne, P.L
104 col. 691.
I
I
2. "Flumen quippe Aegypti, qui finisiest disterminans regnwn
Israel ab Aegypto, non est Nilus, sed alius est non Illagnus
£luvius, qui fluit per rulinocorurwn divitatem, wlele jam ad
orientem versus incipit terra promis~ionis".
,
Raban Maul', Comment. in lib. Josue, ~1igne P. L. 108, col 1097.
cf. le meme auteur, Connnent. in Gen. ,Migne, P. L. 107, col 543
Expos super Jer. Mtgne P.L. 111, col.' 816 ; Connnent. in Ezech,
Migne P.L. 110, col. 1068.
3 et 4. C£ DictiOlUlaire archeologigue de la Bible, eel. ,F. Hazan
Paris, 1970, p. 315. c£ Dictionnaire des noms propres de la B.
op. cit. p. 379.
5. Cf Dictionnaire archeologique de la Bible, op. cit. p. 31'5.

218
I
COTIlITIe le Nil, le Fleuve ou le Torreht d'Egypte est egalement
l'objet d'w1e interpretation mystique et allegorique, chez
I
Angelome : " ... Par fleuve ou Torrent d'Egypte, ecrit-il, que
pouvons-nous comprendre de mieux sinon la mort temporelle ?
Puisque se trouvant en Egypte, c'est-a-dire dans les tenebres
de ce monde, nul ne peut y echapper ; temoin ces paroles elu
prophete : "Qui donc vivra et ne verra la mort ?" (PS. 88 V. 49) Cl).
1. " ... Necnon et loca ipsa quibus termini terrae Israel
descripti sunt, Emath videlicet et rivus Aegypti, lmic signi-
ficationi non contradicw1t, Emath enim interpretatur "Domini
veritas" ;et per rivum sive torrentem Aegypti quem melius
intelligere possumus, quam mortem temporalem ? Quia hanc in
Aegypto, id est in tenebris istius TIllineli consistens, nullus
evadere potest, Propheta attestante, qui ait : "Qui est homo
qui vivit, et non videbit mortem ?"
(PS. LXXXVIII).
Angelome, Enarrationes in libros Re gum , Migne, p. lat. 115
col. 459.

219
Ill.
LA FAUNE D' EGYPTE
Chez clnq auteurs, dont particulierement Raban Maul', on note
quelques indications relatives a la faune. En tout, sept
especes animales sont indiquees : une fait 1 'objet cl'Lme simple
mention, tandis que les six autres sont peintes sous les traits
generaux - reels ou legendaires - de leur caractere et de
leur comportement, avec quelques anecdotes qui illustrent et
egayent 1 'expose.
Conmle dispos i tion, nous examinerons ces animall.X clans l' ordre
d'importance du traitement dont ils sont l'objet au niveau des
textes. Ainsi, verrons-nous dans l'ordre, le moustique,
l'ibis, l'hippopotame, la couleuvre d'eau, le dauphin et le
crocodile. Nous dirons un mot sur ll el ephant, a la :tin, parce
que l'auteur qui en parle localise cet animal non pas clans
l'Egypte a proprement parler, mais dans une contree tres vague
entre le Nil et un autre fleuve qu' il appelle le Brixonte.
Les moustiques.
Les Illoustiques sont simplement mentionnes par Raban ~'!aur dans
le cadre cl'un expose sur les filets, en general, et d'une
,.

220
definition de la moustiquaire, en particulier : la plupart des
Alexandrins, explique Raban, utilisent la moustiquaire,
parce que en ce lieu (a Alexandrie), le Nil engendre beaucoup
de moustiques (1).
L'ibis.
Panni les animaLL'( cites, cet oiseau represente la seule espece
vivant en milieu desertique ; tous les autres vivent dans le
Nil qui les produit.
Remy d'Auxerre qui est le seul a citer l'ibis, le presente
comme la cigogne d'Egypte et l'ennemi des serpents, dont i l
fait sa nourriture. Cet oiseau, rapporte-t-il egalement, 8. le
don de se purger a l'aide de son becl Consideres comme les
,
elmemis implacables des serpents, c' est a ce titre, sans
doute, que Moise, affinne R§ny, envorta ces oiseaux avec lui,
quand il mena la guerre a partir de l'Egypte contre les Ethiopiens,
et qu'il dut traverser des
deserts pleins de serpellts (2).
1. "Conopewn retes, qua culices excludlmtur in lllocllUIl tentorii,
quo magis Alexandrini utlmtur, quia ibi ex Nilo culices copiosi
nascuntur :" Raban Maul', De Universo, op. cit. col. 557.
2. "In media Subaudis tabulae, erat ybis id ciconia Aegyptiaoa
inimica serpentibus, WIde et Grece opnion
dici tur,
id est serpentes comedens. Fertur autem rostro alvl..Un purgare .
. . . Has aves tuli t secwn Moyses cwn de Aegypto contra Aethiopes
in bellUlll pergeret, transiturus per solituclines serpentibus
plenas". Remy cl' Au,,<:erre, op. ci t. t. 2. c. 71 p. 193.

221
Ces indications de Remy sur l' ibis reH~vent a la Eois des
sources classiques et j udeo-chretiemleS. Cote classique, la
filiation remonte a Pline 1 'Ancien a travers Marticll1us Capella
et peut-etre aussi Solin. Parlant de l'instinct qui pousse
les animaux a trouver dans la nature, des remedes 8 leurs
maLLX (1), Pline en effet donne 1 I exemple de 1 I ibis, qui, di t-
il, '~tilise la courbure de son bec pour se laver cette portion
de l'intestin par ou il est essentiel pour sa sante
que
Slevacuent les residus de la digestirn~' (2). Le detaii sur
l'ibis qui se nourrit des oeufs de serpents, est contenu
chez Solin (3) et repris par Isidore de Seville (4). Cate
j udeo-chretien, nous ne saurions prEk.iser la source a laquelle
Remy a puise cette legende de tvIoise qui emporte avec lui
des ibis pour se debarrasser des serpents qui inEestent le
desert d'Ethiopie qu'il doit traverser dans sa cCllllpagne contre
les Ethiopiens. On peut, semble-t-il, penser ici a l'historien
Juif Josephe ou a quelque auteur du Ihilieu j uif d' Alexandrie.
1. D' autres anciens, dont Arrien (IX, 6) signalent aussi cet
instinct des animaLLX.
2. Pline VIII, 27.
3. Solin 32, 32-33.
4. Isidore de Seville, Et~n. XII,7,33.

222
L'ibis est W1 animal-dieu venere en Egypte. A I' origine, cet
oiseau faisait partie cles enseignes introduites par les
rois thinites <le la premiere dynastie ; i1 clevint l'eponyme
clu quinzieme nome de la Basse-Egypte (1). 11 arrive parfois
que le dieu <le la metropole du nome se confoncl, ou est en
etroite relation avec l'enseigne elu nome, tel fut le cas de
l'ibis qui devint a la fois enseign~ et clieu metropolitain clu
quinzieme nome. Conune clieu de la cite, l'ibis prend un aspect
"anthropolllorphe": c'est lU1 honune ibiocephale (2). COllune
enseigne de nome, il garde la fonne d1oiseau. L'ibis est
r"image vivante sur terre", l'animal-dieu de Thot, la clivinite ve-
neree
clans la ville egyptienne cl 'Glint (la "vil1e elu lievre"),
qui prit le nom cl 'Hennopolis (~1agna 7) sous 1 ,occupation
grecque. L'ibis Thot a aussi lm correspondant elans la mytho10gie
hellenique : il s' agi t elll clieu Bermes.
L'Hippopotame.
L'hippopotame est mentionne par Raban Maul' qui le clepeint en
ces termes : "l'hippopotame est ainsi nOJT1me parce qu'il ressem-
ble all cheval par la croupe, la criniere et le hennissement ;
1 .. Cf. A. Moret, op. cit. pp. 53-54.
2. Cf. A. Moret, op. cit. p. 56.

223
il a le mufle retrousse par les dents de devant, et la queue
etroite. La joumee, il demeure dans: ll eau , la nuit, il devaste
les recoltes. Le Nil l' engendre". (1)
Raban emprw1te cette peinture de l'hlppopotame a Isidcire de
i
Seville (2), lequel reproduit la desfription de PUne ,soit clirecte-
ment, soit a travel'S Solin (3). Rabah et sa source sautent certains
details descriptifs de 1 'animaldonnes par Pline:ainsi, le sabot fendu
,
COTIlffie les boeufs ; la queue du sanglier et ses boutoirs, mais
)
moins dcmgereux ; LU1 cuir dont on fal t des boucliers et des
casques impenetrables, sauf s'ils sont mouilles. Pline ajoute aussi
que l'hippopotame "devaste les recoltes, et on assure qu'il de-
termine chaque jour la moisson qu'ila resolu de devorer le len-
demain, et qu'il entre a reculons dans les champs, pour eviter
qU'on ne lui tende des embQches a son retour" (4). Chei Pline,
il y a W1 detail plus truculent encor,e sur 1 'hippopotame : "1 'hip-
,
popotame, ecrit-il, s'est meme revele comme un maitre clans certai-
ne partie de la luedecine. Quand l'abondance continue de nourriture
1. "Hippopotamus vocatus, quod sit equo similis dorso, juba et
hinnitu, rostro Resupinato a primis d8ntibus, cauda tor:tuosa, die
in aquis commoratur, nocte segetes depasci tur. Et hW1C Nilus
gignit"
Raban Maul'. De w1iverso, op. cit. col. 238.
2. Isidore de Seville, ~ XII, 6, ~1.
3. Solin 32, 30 - 31.
4. Pline VIII, 95.


22{
l'a rendu trop gras, il sort de l'eaupour inspecter le rlvage
00 l'on vient de faire une COL~e de rosea~~ ; et la, quand il
voit W1e tige tres aigue, il s'y appuie de fa~on a se couper une
veine de la jambe; puis, soul age par tette saignee de la maladie
qui genait, i l recouvre la plaie de limon" (1)
,
i
i
A quelques elements exacts concernant:les dents, l'epaisseur de la
peau et la queue etroite de l'hippopotmne, les auteurs grecs ont
mele dans leur description de l'animal, beaucoup de traits faux
concernant le pied fendu, la criniere; le nez retrousse, sans
compter evidemment les fables concernant d'une part, sa marche
a reculons dans les champs, pour eviter qu'on ne lui tehde des
embOches a son retour, et d'autre part, sa maitrise medicale dans la
pratique de la saignee. 11 appert qu'ils n'ont pas observe direc-
tement l' animal. Pline qui dans cette' description comp:i.le J-Ierodote
II, 71 (2), n' a pas songea corriger ou a completer ses ~10deles.
11 en est de meme de Diodore de Silic~ I, 35, 8,9 ; d'Ellien,
V, 53 ; de Solin, 32, 30 - 31, d'Amien Marcellin XXII, 15, 21
et les autres,dont Isidores et Raban;qui repetent a peu pres
exactement ce que dit Pline.
A l'epoque prehistorique, nous dit Bonneau (3), l'hippopotame se
I
rencontrait encore dans la partie de la vallee qui forme aujourd'hui
1. Pline VIII, 95.
2. Cf. A. Ernout, Pline 1 'Ancien, Histoire Naturelle livre VIII,
texte etabli, traduit et commente, ed~ Les "belles letttes", Paris
1952 p. 135.
3. Cf. Danielle BOImeau, op. cit. p. 298.

225
l'Egypte ; a l'epoque pharaonique, on ne le rencontrait que
vers le Sud ; au IVeme siecle, il avait completement disparu
d'Egypte.
Les Egyptiens faisaient une distinction entre l'hippopotame male,
I
i
considere comne malfaisant, et l'hippopotame femelle, qui etait
veneree sous le nom de Thoueris. Tous deux ont rapport avec la
crue du Nil. On connnemorait la lutte, entre Horus et Seth-;-
Hippopotame dans le premier moins de l'inondation, le ,26 (Thoth),
epoque ou les flots favorisaient aces animaux l'acces dans les
parties de la·vallee ou ils n'accedaient pas d'ordinaire. L'hip-
popotame femelle, elle,apparaissait sans doute conune un symbole
de fecondite a cause de ses nonmreuses mamelles et crest pourquoi
Thoueris avait le corps de cet animal. Un autre aspect de la
representation de l'hippopotame (representation qUl est peut-
I
etre liee a 1 'exactitude annuelle de: la crue) c'est le fait que
les Egyptiens indiquaient l'heure par un hippopotame (1). A
l'epoque romaine, l'hippopotame devint un attribut traditionnel
du dieu de la crue.
La couleuvre d' eau et l'iclmeLDnon
crest encore Raban qUl mentionne
ces deux anlmaux. Du premler,
il nous donne la description suivante : "La couleuvre d'eau est
ainsi appelee parce qu'elle vit habituellement dans l'eau ; il y
en a beaucoup dans le Nil. Si cette ~ete trouve un crocodile
1. cf. Horapollon, II, 20 cite par Danielle Bonneau op. cit.p. 298.

226
endormi, elle se roule d'abord dans:la boue, pUIS pen~tre dans
I
le ventre du crocodile par la gueule de ce dernier ; Une £ois
qu'elle est a l'interieur, elle lui'lacere les intestins et le
tue".
(1).
Du second, il dit : "On l'appelle iclmelllTIon en grec, du fait que
son odeur pennet de detecter les aliments sains et ce~~ qui con-
tiennent du poison. Il donne la chasse aux serpents. Lorsqu'il
engage le combat contre l'aspic, il'dresse sa queue; ce qui
capte toute l'attention de l'aspic, qui, la prenant pour la
veritable menace, y consacre toute son energie. C'est alors qu'il
se saisit de ce dernier, par surprise". (2).
COJmlle d' habi tude, Raban emprunte a I?idore de Seville :(3), les
1
propos sur la couleuvre d' eau (enhydros) et l' icJmeumon (4), deux
,
animaux bien clistincts,et que 1 'abbe de Fulda semble pourtant
assimiler l'un a l'autre. Chez Solini (5) dont s'inspire Isidore,
1."Enhydros bestiola, ex eo nuncupata, quod in aquis versetur, et
maxime in Nilo. Quae si inveneri t donnientem crococ1ilwn, volutat se
in luto primwn, et intrat per os eju5 in ventrem, et carpens
onmia interanea ejus, sic mori tur ;"
Raban Maur, De Universo, op. cit. col. 225.
2."Ichnewnon graece vocatus eo quod odore suo et salubria ciborlllTI
et venenosa prodantur ... Hic etiam s~rpentes insequitur. Qui ClllTI
adversus aspidem pugnat, caudam erigit, quam aspis maxime incipit
observare quasi minantem, ad quam cwn vim suam transfert, decepta
corripitur".
Raban Maur, De Universa, op. cit. col. 225 - 226.
3. Isid.~ XII, 2, 36 - 37.
4. 11 s'agit de la mangouste cf. A. Ernout, op. cit. p: 133.
5. Solin 32, 25.
/.

227
c'est plut6t l'ichneLUl1on qui repond a la description que Raban et sa
source font de la couleuvre d'eau. Cependant, dans certains manuscrits
du meme Solin, on note, dans le passage concerne, la substitution de la
couleuvre d'eau a l'ichneumon (1). C'est sans doute cette substitution
que reproduisent Raban et sa source. Chez Pline l'Ancien, source directe
de Solin, il n'est pas question de la couleuvre d'eau, mais plutot de
l'ichneLUl1on que le naturaliste clepeint co~e l'ennemi implacable de l'aspic,
aussi bien que du crocodile. Parlant de la'guerre a mort entre l'ichneLU110n
et l'aspic, Pline decrit le premier en ces:termes
"11 nait corrune l' aspic,
en Egypte. I1 se roule a plusieurs reprise~ dans la boue et se seche au
I
soleil ; puis quand i l s'est ainsi cuirasse de plusieurs couches de limon,
il marche au combat. Dans ce duel, la queu~ droite, et le dos toume,
il re<.;oit des morsures impuissantes jusqu'au moment ou la tEhe de cote
,
pour guetter l'occasion, il saisit son ennemia la gorge" (2). Contre
le crocodile, 1 'ichneumon adopte une strategie plus etoill1ante encore
d'apres ce que dit Pline : "Quand rassasie de poissons dont il fait sa
nourriture, et la gueule pleine de restes de chair, il (le crocodile)
II
se livre au sonuneil sur le rivage, Wl petit;oiseau, appele la-bas "tro-
chilos", et "roitelet" en Italie (3), l'invite a ouvrir la gueule pour
I
y trouver sa propre pature : il lui nettoie: d' abOI'd en sautil,lant I' ex-
terieur de la gueule, puis les dents, et a i'interieur, aussi le gosier
1. cf. Solin, Appendice p. 220, ligne 8.
2. Pline VIII, 88.
3. Le trochilos est identifie ici au pluvier d'Egypte, et non au roitelet
(regulus). L'erreur de Pline, d'apres A. Ernout, vient de ce que le nom
grec designe deux oiseaux differents : celui d'Egypte et un autre "qui
habite les fourres et les cavites du sol, et que
l'on appelle aussi
senateur et roi". cf. A. Ernout, op. cit. p.; 134 paragraphe 90.

228
que le crocodile, en vue de ce chatouillement agreable, ouvre avtant qu I il
peut ; l'iclmeumon le voyant saisi par le sOlmneil au milieu de cette jouis-
sance, s'elance comme un trait par ce meme gosier et va lui ranger le ven-
tre " (1).
Depuis IIERODOTE, les auteurs ant souvent racontre les rapports
du trochilos avec le crocodile. Ainsi ARRIEN (2), PLUTARQUE (3) et ELIEN (4)
chez les Grecs ; SOLIN (5) et .I\\MI\\HEN MARCELLIN (6) chez les Romains. On
note une difference entre le recit de PLUTARQUE et celui de PLINE ; chez
PLUTARQjE, il y a une sorte d'association entre le trochilos et le croco-
dile ; quand 1 'oiseau s' apen;oit que l' iclmeumon s' apprete a attaquer le
crocodile endormi, il reveille celui-ci a coups de bec et en criant ; en
revanche, le crocodile se laisse volontiers!nettoyer les dents par l'oi-
seau qui bien evidemment y trouve sa pature ; et quand le crocodile va fer-
mer la macho ire , i l l ' en avertit par un signe, de sorte qu' il puisse s' en-
voler auparavant.,. (7)
Selon A. ERNOUT, il est exact que la mangouste falt la chasse
I
aux serpents, et a leurs oeufs, comme aux oeufs de crocodiles, et qu'en les
cherchant dans les fosses et les terrains hllinic1es, elle se couvre de boue,
,
ce qui a pu faire croire qu'elle s'en cuirassait volontairement (8).
1) PLINE, VIII, 90.
2) AR. IX, 6 - 3) PLUTARQJE, SA 31,2 - 4) EL. Ill, 11 et VIII, 25, XII, 15 -
5) SOL. 32, 25 - 6) AMt\\lIEN MARCELLIN, XXII, ,15, 19.
7) cf. PLUTARQJE apud A. ERNOUT, op. cit. p.i 134.
8) cf. A. ERNOUT, op. cit. p. 133.

229
Enfin, notons que la mangouste etait veneree par les Egyptiens (1).
Les dauphins
crest egalement Raban Maul' qui en parle. pour l'abbe de Fulda, il ne
fait point de doute que les dauphins parlent, puisque dit-il, ils imitent
la voix de l'homme, ou encore s'attroupent pour chanter en symphonie. En
mer, affirme-t-il, rien nlest plus rapide qu'eux ; ils jaillissent de
l'eau, bondissent par-dessus les navires, plongent dans les vagues et
semblent aJU10ncer les tempetes ; leur veritable nom est sirnon. Dans le
Nil, poursuit Raban, vit W1 genre de dauphin qui a sur le dos W1e na-
geoire tranchante dont il se sert pour tuJr les crocodiles en leur fendant
.
I
le ventre, a l'endroit ou la peau est tendre (2).
Raban compile Wle fois de plus Isidore de Seville (3).
Quant a Isidore, sa source rernonte a Pline (4) par l'intermediaire de
Solin (5). Le combat entre le crocodile et le dauphin a aiguillon (6)
se retrouve egalernent dans Seneque (7), lequel cite conUlle sa source, T.
Claudius Balbillus, qui fut prefet d'Egypte depuis SS avantJ.C., et sern-
ble avoir ecrit W1 traite sur les merveilles de l'Egypte (8).
1. Cf. Idem et ibidem.
2. I'Delfines certwn habent vocabuhnn, quod;, voces hominum sequantur, vel
quod ad symphoniam gregatim conveniunt. Nihil in mari velocius isti : nam
plerumque salientes naves transvolant. Qua~do autem praeluc1unt in fluctibus,
et W1darwn se molibus saltu praecipiti feriwlt, tempestates significare
viclentur. Hi proprie simo nes nominantur. Est et delphinum gehus in Nilo
dorso serrato, crococ1ilorum tenera ventriuJi1 secantes interimW1t".
Raban Maul', De W1iverso, op. cit. col. 237:- 238.
3.Isid. Etym. XII, 6, 11.
4. Pline VIII, 91
S. Solin 32, 26.
6. Le dauphin a aiguillon en question chez ,Plille serait, d'apres Cuvier que
cite Ernout, le "squalus acanthias", s'il nlest pas entierement imaginaire.
cf. A. Ernout, op. cit. p. 134.
7. Seneque N.Q IV, 2, 13
8. cf. Pline XIX, 3. cf. A. Ernout, op. cit. p. 134.
,.

230
Le Crocodile
Par rapport aux autres especes de la faune egyptienne·, le crocodile est
l' animal le plus cOlmnunement cite. Quatre aJteurs le trai tent ~
D'abord Dicuil, qui cite Solin : "Parlant toujours de l'Egypte et du Nil,
Julius decrit la nature du crocodile, melant le vrai et le faux, en ces
tennes : "Le crocodile, mechant quadrupede, ,dispose d'egales possibilites
a la fois sur la terre ferme comne dans l'eau ; il n'a pas de langue et
a la machoire superieure mobile" ; plus loi~, il ajoute : "il pond des
oeufs comme ceux de l'oie ; il delimite son;domaine d'apres la providence
et n'aime couver ailleurs qu'au-dela de la limite que peuvent atteindre
I
les eaux du Nil en crue"
(1). Citant toujou~'s Solin, le moine irlandais
i
I
ajoute que dans l'eau, le crocodile a la vue faible, mais qu'a terre, il
j
est dote d'une tres grande accuite visuelle: ; il passe les quatre mois
d'hiver sans rien manger (2). Pour le reste,de la description que Solin
c10Tme du crocodile, Dicuil nous refere au d~uzieme livre des~Etymologies
!
.
1
d'Isidore de Seville (3). Ensuite, pour la ~remiere fois, l'Irlandais
1
I
manifeste ouvertement un esprit critique vi:s a vis de Solin, sa source,
i
illustrant ainsi sa critique initiale de ce: dernier, qui, disait-il
"mele le vrai et le faux" dans sa description du clJocodile.
i
1. "Idem Julius locutus de Aegypto et Nilo naturam corcodrilii refert
vera falsis conuniscens his verbis : "Corcodrillus malus quadrupes et in
terra et in flwnine par iter valet; linguam Inon habet; maxillaJn movet
superiorem". Et paulo post: "Qualia anseds edit ova; metatur locum
naturali providentia neE: alibi fetus premit quam quo crescentis Nili
aquae non possunt pervenire"."
Dicuil,op. cit. VII, 37"p.84.
2. "Et paulo post : "In aqua ObtW1Sius vident, in terra acutissime. Hieme
cibum nullum capiunt ; quin etiaJTI quattuormenses a ceptu bnunae inedia
exigwlt". "
Dicuil, op. cit. VII, 38, ~. 84.
3. Isidore, Etyrn. XII, 6, 19-20.
,.

231
Son scepticisme porte sur W1 autre episode de l'inimitie regnant entre
le crocodile et d'autres aninlaux, en l'occu~rence ici, des hommes. D'apres
i
Solin
donc, sur W1e 11e du Nil, vivent des ihommes de petite taille, mais
!
dont l'al0ace est telle qu'ils n'ont pas peJr de s'attaquer aux redouta-
bles nlonstres que sont les crocodiles. Ces terribles betes, en effet,
poursuivent ceux qui les fuient, mais redoutent ceux qui les affrontent;
I
ainsi, les petits hOlTUlles en viennent-ils a bout par la peur ;. ils par-
i
viennent ales maitriser, ales capturer et;a les asservir dans le Nil
meme; les crocodiles ainsi domestiques se montrent dociles pour leurs
vainqueurs, qui montent a cheval sur leur dos. C'est pourquoi ils fuient
loin de l'l1e et de ses habitants chaque fois qu'ils sentent leur odeur
(1 ) .
La description du crocodile chez Raban Maur: 5 'inspire textuellement de
i
celle d'Isidore de Seville. "Le crocodile, krit-il, s'appelle ainsi a
-
i
cause de sa couleur de saftan. Le Nil l'eng~ndre. C'est lUl quadrupede
redoutable dans l' eau connne a terre, il a g~neralement vingt coudees de
long, ses dents et ses griffes sont d'W1e grandeur demesuree ; sa peau
I
est si rugueuse que quelle que soit la viol~nce du choc, tout projectile
ne fait que ricocher sur son dos; il vit sous l'eau, la nuit, et demeure
1. "In aliis quae secW1tur illi non sum credulus, ita paulo ante dicenti :
"I-Iabitant in insula Nili homines exigui, sed audacia usque adeo periti ut
corcodrillis se ofEerant obvios. Nam haec monstra fugientes secW1tur,
Eormidant resistentes, et capiwltur suba etCique etiam inter aquas suas
serviW1t et perdolnita metu ita obsecW1tur ut in memores atrocitatis victores
suos equitantes in dorso vehant. Hanc ergo 'insulam et hanc gentem
ubiClmlque indicio odoris persenserint procLll fugiW1t"."
.
Dicuil, op. cit. VII, 39, p. 84.
- cf . Solin, 32, 22 - 25.
I.

232
a terre, le jour; il couve a terre ses oeufs ; le male et la femelle
!
!
veillent chacun a tour de role. Certains poissons qui ont Wle nageoire
dorsale tranchante le tuent en lui fendant la peau du ventre qui est
tendre. De tous les animaux, c'est dit-on, le seul qui ait la machoire
superieure mobile". (1)
Commentant Martianus 73, 3, R~my d'Auxerre presente le crocodile COITIDle
line bihe tres cruelle qui devore les honunes i ; il vi t habitllellement sur
terre et dans l'eau, nous dit-il ; ses ecailles forment Wl rempart si
rude qu'il resiste aux coups ennemis et rendent le crocodile invulnera-
ble par le dos (2).
Pour l'auteur anonyme du Libel' Monstrorum, qui compile line source incon-
nue, les crocodiles sont des lllonstres de taille gigantesque, qui vivent
dans le Nil; ils s'etendent sur la berge, a la grande ardeur du soleil,
et s'emparent des malheureux qUl commettent l'imprudence de somnoler a
(
I
1. "Crocodilus a croceo colore dictus. Gig~itur in Nilo, animal quadrupes
in terra et in aquis valens, longitudine plerumque, dentium ~t Wlguium
inunanitate armatum, tantaeque cutis duritia, ut quamvis fortiLun ictus
lapidLUIT tergo repercutiat. Nocte in aquis,die humi quiescit Ova in terra
fovet, masculus et femina vices servant. Hlinc quidam pisces"serratam
habentes cristam, tenera ventrium desecantes, interimunt. Solus ex
animalibus superiorem maxillam move re clicitur".
Raban Maul', De Wliverso, op. cit. col. 238i
- De Isid. Et~IT XII, 6, 19 - 20.
2. "Per crocodillLUTl vero, qui est animal in aquis vivens, rigorem hiemis
accipiwlt. Sicut enim crocodillus saevissima bestia devorat homines, ...
Crocodillus est animal in Nilo flumine connnWliter in terris ~t in aquis
vivens, tanta duritia squamarum tectLUn ut inimicorum ictibus resistat,
sitque tergo invulnerabilis".
Remy cl' Auxerre, op. cit. c. 73, 3
t. IT P ~ 197.
,.

233
proximite d'eux. (r)
Les propos que les quatre auteurs carolingiJns tiehnent sur le crocodile
i
par l'intermediaire d'Isidore, de Martianus:et de Solin, s'irispirent des
details de la description que Pline consacnb a 1 'animal. En effet, chez
le naturaliste latin, on lit,entre autre,que le crocodile est un mons-
tre a quatre pattes, redoutable sur terre comne dans le fleuve. C'est le
seul animal terrestre qui n'a pas l'usage de sa langue ; le seul aussi
qui a la machoire superieure mobile ; par une sorte de divination, la
femelle qui pond des oeufs gros comme ceux de l'oie, les couve toujours
l
au-dela de la lilnite'que le Nil atteindra a0 plus fort de sacrue ;
aucWl autre animal ne passe d'une origine si petite a une taille aussi
i
I
grande : le plus souvent, il mesure dix-huit coudees ; il est anne de
griffes et sa peau resiste a tous les coups; ; par besoin de chaleur, il
passe les joUrJleeS a terre et les nuits dans l'eau. Selon Pline toujours,
le crocodile
est wn fleau si grand que la nature ne s'est pas contentee
de lui opposer un seul enJlelni : outre 1 'ichneumon et le dauphin dont il
a ete deja question, le naturaliste ci te 1E~s Tentyrites, Wle population
!
'
nilotiques, ainsi appelees du nom de l'lle :qu'ils habitent (2)
1. "In Nilo autem flumine ferunt esse corcodrillos, belvas non modicae
staturae, quae ad solis aestum per litora se sternunt et hwnani generis
sunt rapaces si quos a 501000 excitati sibi Ivicinos persenserunt. Quae
bestiae maxime in aquis et in oris litorum'demorantur".
Liber monstrorum, ed. M. Haupt, p. 243.
2. Tentyra, ville d'Egypte,(cf. Pline V, 60,)en aval de Thebes, aujourd'hui
Denderah : ce n'est pas une 11e.
Cf. A. Ernout, op. cit. p. 134.

234
I
D'une presence d'esprit merveilleuse, ces gens, de petite taille, n'ont
!
pas peur de faire la guerre au monstre dansile Nil-merne
ils se jettent
i
a la nage dans le fleuve, et montes a chevai sur le dos du crocodile, au
moment ou 1 'animal renversant la tete ouvre· la gueule pour les mordre, ils
lui mettent un baton dans la gueule et tenant de chaque coteles deux
i
,
b
d
b~
d · 1 I
,
,
1
outs
u
aton comrne une sorte
e mors, l si ramenent a terre
eur capture,
l'effrayant par le seul son de leur voix ; ils le forcent rneme a revomir,
pour etre rendus a la sepulture, les corps de ses recentes victimes. D'ou
Tentyra est la seule De OU les crocodiles n'abordent pas; iien que
I
l'odeur de ses habitants met deja les crocodiles en fuite (1).
Un autre auteur, Seneque (2) parle
aussi des Tentyr i tes nlalS differem-
ment : pour lui cette population triomphe ~u crocodile non point par des
qualites propres a sa race et a son sang, mais au mepris qu'elle en a
et par sa temerite. Les Tentyrites poursuivent l'anirnal, et quand il
fuit, ils lui jettent ill1 lacet et le tirent de 1 'eau; la plupart pe-
i
rissent, pour avoir montre dans la poursui~e trop peu de presence d'esprit.
Pline l'Ancien tout conune les autres auteurs qui ont traite le crocodile
ont tous emprunte a Herodote. Dans son Histoire des animaux(3)
1. Pline, V, 89,- 94.
2. Seneque, Q.N. IV
.
i
3. e£ H. Dlels, Hermes 22 (1887) pp. 430 -1432 (clans l'article Herodot
lmd Hekataies pp. 411 - 444) apud Hombert ,CM),
Heroclote
l'Egypte ancienne, extraits choisis et annotes, ecl. Lebegue,
1942.

235
par exemple, Aristote a reproduit presque l~tteralement certains passages
ele la description d 'J-Ierodote. Chez Herodote,~ le merveilleux dccupe moins
ele place que chez la plupart de ses successeurs. Cependallt be~ucoup de
details de sa description du crocodile ne sont pas exacts :
- c'est inexact quand il dit que le crocodile n'a pas de langue : en
realite, la langue du crocodile existe, mais elle est petite 'et adhere
presque toute entiere a sa machoire inferieure;
Pline s'expri~e plus
exactement quand il dit : "unum hoc animal terrestre linguae,usu caret"
I
(f) .
I
I
I
I
]
- une autre erreur d' Herodote, et frequemme;nt repetee par les auteurs
i
a la suite, est la mobilite de la machoire :superieure du crocodile. Le
I
mouvement par lequel le crocodile redresse jla U~te quanel il veut saisir
I
une prole peut en effet dormer l'impressiori que sa machoire superieure
est mobile. En realite, il n'en est rien. Les Egyptiens ne s'y trompaient
pas : ~1. Hombert (2) cite un auteur, Wiedemarm, lequel dOlme 1 'exemple
I
d'un crocodile de bois, qui a servi de jouet a un enfant et dont la ma-
choire inferieure est mobile.
- I-Ierodote fait egalement erreur quand il di t que le crocodile a une
vue faible dans l'eau. L'eau etant son veritable element, le crocodile
y voit fort bien et fait la chasse a~~ pOlssons (3).
II
i
1- Pline VIII, 89 - cf. Marcel J-Iombert,
cit.
39
°Pi
p.
I
2. M. Hombert, op. cit. p. 39.
3. cf. ~1. J-1ombert, op. cit. p. 39.

236
- le crocodile n'a pas de sommeil hivernal connne l'affilllle lihistorien
I
grec. Selon M. Hombert, clans la saison froide, on le voit moihs souvent
parce qu' il se blotti t volontiers dans la b~)Ue. En revanche, .il estime
I
exact que le crocodile est capable de restet plusieurs mois sans man-
ger (1).
- le crocodile ne fait pas §clore ses oeufs ; mais il les enfouit dans
la terre (2). A sa sortie de l'oeuf, le jew:e crocodile me sure environ
vingt centimetres; l'animal adulte atteint'en moyelme clnq et au maxi-
mL@ sept metres de long (3).
En Egypte, le crocodile est v§ner§. Son culte ne parait pas fond§ sur
LID sentiment de crainte, du moins pas a l'§poque pharaonique et classi-
que (4). 11 est ador§ sous le nom §gyptien ~le Sobek (5), puis de Souchos
i
au FayoLUll (6) OU il est devenu le symbole de l'eau du Nil, ainsi qu'a
Onbos et a Coptos.
On attribue au crocodile la vertu particuliere d'indiquer la limite au-
clel3. de laquelle le Nil ne d§borderait pas, du fait qu'avant la crue, il
I
1- cL M. I-1ombert, ibid. p. 39.
2. le meme auteur, ibid.
3. le meme auteur, ibid.
4. cL BOJmeau (D), op. cit. p. 299.
,
s. Mot qui signifie "qui est dans l'eau". cf. Bonneau, op. cit. ibid.
6. Le crocodile est aclor§ dans tout le FayoUm et principalement a SI-ledit ,
appele en grec Crocodilopolis, clevenue Arsino§ sous Ptol§m§e .1 er, actuel-
lement Medinet el Fayoum cf. Bonneau, op. cit. p. 299, note 7.

237
I
depose ses oeufs a un endroi t que les eaux epm;gneront. ConnTIe nous l' avons
vu
plus haut, Pline voit dans cette particularite Wle prescience
(praedivinatio). Plutarque souligne que l'animal sait ces chases par
divination, non par raisonnement (1). Pour Elien (2) et Soliri (3), ce
I
i
don de deviner du crocodile tient d'une disposition naturelle merveilleuse.
i
Au crocodile, on accorde une autre caracteristique, celle de faire lUle
treve avec l'homme et de devenir doux plusieurs jours par 3n, c'est-a-
I
I
dire, au moment de la venue des crues, entre le 14 et le 20 juillet.
I
Ce comportement du crocodile qui releve c1u Iniracle pour les anciens,
pourrait tout simplenient, cOlmne le pense Dmhelle Bonneau, trouver son
explication dans ces lignes de Strabon qui rapporte comment clans Wle
bataille, des soldats vaincus ant pu traverser le Nil a la nage, sans
peril', "La force du courant en cet endroit ~cartant les crocodiles" (4)·
A partir de la mi-Juillet, en effet, les ea~ du Nil coulent avec force,
parfois en bouillonnant. Pline raconte qu'au moment des fetes d'anni-
i
versaire d'Apis (5) "pendant ces sept jours; personne n'est Hmchee par
les cr;ocodiles, mais le huitieme jour, apres la sixieme heure (6), les
1.
Plutarque, De sol An. 34 etI.O. 75 cite:par Bonneau, p. 300.
2. Elien, N.A. X, 19 apud Bonneau p. 300
3. Solin XXXII, 23.
4. Strabon XVII, 54 cite par Bonneau, op. cit. p. 300.
5. Ce sont les jours appeles aussi "jours ariniversaires du monde" ou
"jours anniversaires du Nil", c'est-a.-dire le demier jour de ~1esore,
les cinq j ours epagomenes et le 1er Thoth de I' an suivan t. cf. Bonneau,
op. cit. p. 300.
'
6. Si c'est la sixieme heure du jour, il s'agit de l'apres-midi; les
crocodiles somneillent pendant les heures chaudes.
I.

238
betes feroces revierment a leur cruaute" (1 j . Soliri precise .:. I, Ces
jours-Ia, les crocodiles font une treve, poyr ainsi dire, avet les pre-
tres et ne les touchent pas quand ils se baignent , mais le huitieme
JOur (2), les ceremonies achevees, comme si:la liberte d'etre cruels
leur etait revenue, ils reprennent leur cruaute accoutwnee (3).
Pour Pline et Solin, en fait, les crocodiles ne manifestent leur douceur
qu'envers les pretres lors des bains rituels que ces derniers' prerment
dans l'eau nouvelle d'inondation.
Les elephants
Seul l'Anonyme du Liber monstrorum fait etat des elephants qu'il localise
en orient, dans une region tres vague, entre le Nil et Wl autre fleuve .
;
I
nOlJnne Brixontis. Sur ces animaux, I' auteur ecri t : "Les elephants, bien
qu'ils redoutent les lions, sont cependant les plus grands de tous les
animaux. On rapporte qu'ils naissent chez les Gangarides (4); les Indiens
I
et dans la region situee entre le Nil et leiBrixontis. Le preinier, Pyrrhus
en amena vingt a Rome pour l'aide qu'ils lui apportent a la guerre : en
effet, au combat, ces derniers transportent: sur leur dos des .tours qUI
!
1. Pline VIII, 46.
2. Cette tradition d'wle treve des crocodiles prenant fin le huitieme jour
est tres ancierme si dans le calendrier des' jours fastes et nefastes, on
veut voir une trace dans les mots suivants: "22 Phcophi : ne .te baigne en
aucune eau ce jour-la, quiconque navigue sur le fleuve en ce'j our, sera
mis en pieces par la langue du crocodile". (ef. Chabas Papyrus,Sallier IV
hieratique). Ce 22 Phaophi est le 7eme jourapres la fete d'Osiris Ounefer
a Abydos,c'est-a-dire, de l'arrivee de la crue (1er Thoth sothiaque) vers
1150 avant J.C. a la fin de la XXeme dynastie. cf. Bormeau, p. 301.
3. So lin , 32, 21.
4. "Les hommes des rives du Gange "

239
abritent des archers ; ils tuent aussi les ennemis en les soulevant
avec leur trompe. Alexandre de Macedoine a raconte au philosophe Aris-
tote qu'il en avait vu egalement un grand nombre en'Inde, et qui etaient
de couleurs variees : il y en avait des blancs, des noirs et des rouges"
(1) .
Quoique la source directe de l'auteur anonyme du "Livre des monstres"
nous soit inconnue, cependant il ne fait aubun doute que crest a Pline
i
l'Nlcien que sont indirectement ell~runtes c~s propos sur les elephants.
Chez le naturaliste romain, qui a lui-meme compile Aristote, les ele-
phants se rencontrent en Afrique, par-dela ~es deserts des Syrtes et
,
dans la Mauretanie ; il y en a aussichez l~s Ethiopiens et les Troglo-
I
dytes ; mais les plus grands, dit-il, naissent dans l'Inde, 'IOU ils sont
perpetuellement en guerre avec les dragons ilssez grands eux-memes pour
I
les envelopper aisement dans leurs anneaux et les etouffer dans l'etreinte
de ce noeud" (2).
,
Les latins, en effet, ne connurent l'elephant qu'assez tard, ,et par
l'intermediaire des Grecs, dans la guerre contre Pyrrhus (3); L'emploi
1. "Elefanti autem licet sibi leones timeant, omnibus tamen cognitis
llBiores sunt animantibus. Qui aput Gangaridas et Indos et inter Nilun
fluviurn et Brixontem nasci perhibentur. Qudrum Pyrrhus in Romam XX
primus ad
auxilium deduxit, quod turres ad bella cum interpositis
jaculatoribus portant et hostes erectis promuscidibus caeclunt. Quorum
quoque Alexander Macedo innumerabiles albo nigro et rubicundo varioque
colore se in India vidisse ad Aristotelem philosophum descripsit".
Liber Monstrorum de diversis generibus, op.; cit. p. 238.
i
2. Cf. Pline VIII, 32. Ce fabuleux duel en~re l'elephant et le dragon,
qui se termine par la mort des deux antagortistes (l'elephant vaincu, en
s'abattant, ecrase de son poids le serpent iqui 1 'enlace) , est mentionne
aussi par Pomponius Mela (Ill, 62) et Lucain (IX, 732).
3. Cf. Pline VIII, 16 : "Elephantos Italia primum vidit Pyrrhi regis
bello ... " ; cf. Livii Periocha XIII: ''ValEirius Laevinus consul parum
prospere adversus Pyrrhum pugnavit, elephantorum maxime inusitata facie
territis militibus". - cf. A. Ernout op. cit.P.112,paragraphe 16.
I,

240
des elephants a la guerre est mentionne chez plusieurs auteurs (1).
!
Pour sa part, Pline ecrit : "Domptes ils (l~s elephants) sentent dans
les al~ees ; ils portent sur leur dos des tours garnies de sdldats, et
en Orient, ce sont eux qui, en grande partie, decident clu sort des
guerres : ils renversent des lignes, ecrasent les soldats" (2).
Les clifferents coloris attribues id a l'elephant de l'Inde font partie
des mille et une fables dont l'elephant etait l'objet chez les Anciens
(3) .
1. cf. par exemple Lucrece V, 1339 - 40.
2. cf. Pline VIII, 27.
3. cL par exemple Pline VIII, 1 qui preteune seYle de sentiments a
l' elephant : "intelligence du langage de sa patrie", obeissance aux
commandements, passion de l'amour et de la gloire, probite, prudence,
equite, le culte des astres, veneration du soleil et de la lune. etc ...
I

241
LA VISION HISTORIQUE
DE
L'EGYPTE
DI apres le caractere des inEorITlations historiques recueil1ies,
,
la vision de 1 'Egypte chez 1es auteurs caro:lingiehs est caracterisee par
une image A trois composantes :
!
I/ une Egypte anachronique, el'~nspiratJon biblicjue ;
2/ une Egypte anachronique, peb;;:ue A travers 1. I histoi re
classique grecque ou romaine ;
3/ enfin, une Egypte el'actuali,te, suggeree par ~ue1ques
evenements contemporains dui IXe ou elu Xe siecle.
*
*
*
A / L' EGYPTE SELON L' IMAGE BIBLIQUE
Au point de vue historique, le regard caro1ingieh sur l'Egy-
pte apparalt comme prioritairement trihutaire de l'imagede biblique de
I
ce pays. En efEet, la majorite des evocatio~s historiques re1~tives ~
1 'Egypte dans 1es textes etudies font refenbnce El des episodes de l'His-
I
.
toire Sainte, ou l' Egypte est mise en re1aqon avec Israel, le "Peup1e
de jHeu". D' apres 1es episodes ici en refen=;nce et commentes par 1es
i
auteurs, l' Egyptc apparait sous quatre trait,s principaux :
I/ COlTmle une terre de refuge ; i
2/ comme une terre d'oppressibn
3/ corrune un pays de seduction ;
4/ comlne un pays condaJlme a sUbir le chEltiment c1ivin,
mais
qui, en fin de compte, vena la conversion.
*
*
I/ L' EGYPTE, TERRE DE REFUGE.
Le theme de l' Egypte, terre de ,refuge et d' accueil se retrou-
ve chez la plupart des conunentateurs : I' Egypte accueil1e Abraham et sa

I
i

242
famille lors de la secheresse et de la fandhe (1) ; elle accueille Joseph,
i
I

vendu par ses freres : Joseph y devienclra un homme puissant, en quelque
sorte le bras droit de Pharaon, roi d'Egyptb (2) ; Joseph retrouve, son
p~re Jacob et ses fils (les freres de Josep~) l'y retrouvent (3).
Jeremie egalement se refugie en: Egypte en compagnie d' autres
Juifs, sous la menace assyrienne (4).
,
Enfin, c'est en Egypte que se refugie la sainte famille, pour
que l'enfant Jesus echappe A Herode (5).
2/ L'EGYPTE, TE~~ D'OPPRESSION.
Le theme de 1 'Egypte, terre d'oppression, terre d'affliction,
I
terre d' opprobre
bref, terre de captivite ou de servitude d'o~ Dieu libere
son peuple, est un topique clans la litterat~re medievale.
Nous n'en finirions pas de cit~r tous les autres carolingiens
i
qui evoquent ce theme. DOImons seulement qu81ques noms ici : J\\j\\·'1ALAlRE,
AGOBARD, RABAN, E~10LD le Noir (6) etc ...
I
3/ L'EGYPTE, PAYS DE SEDUCTICN.
,
Cette autre image de l'Egypte ievient sans cesse chez les
I
I
auteurs
Israel est toujours tente de retOLtrner en Egypte, seduit qu' il
i
est par son abondance, ses dieux, sa force militaire etc ... (7).
1/ ANGELOME, Comment. in Genesim, col. 115, il7l ; RABAN, Comment. in Genesim,
col. 534, 535, 543, 580.
2/ et 3/ AGOBARD, Dispos. eccl. ed. E. DUITUnler, in M.G. H. Epi?t. V, (1899)
p. 171. ; RAEAN, Ibid. col. 648.
i
4/ [~BAN, De Universo, col. 114.
:
I
"
5/ FLORUS, Camina, ed. Dummler, M.G.H. poet. II, 1884,
p. 517 ; CHRISTIANUS
DRUTI-fMARUS, Expositio brevis in Lucam evangelistam, ~1igne, P.L.' LI06,col.l50S
6/ A~1ALAlRE, Liber officialis, OP·.ciLp. 155.
AGOBARD, Epistolae, E.DLimmlet"
{·I.G.H., Epist. V, 1898, p. 208.
RABAN, COI1Tlnent. in lib. Josue, Migne P.L.: L
108, col. 1018.
E~10LD LE NOIR, Poeme sur Louis le Pieux ,et epitres all roi Pepin,
ed. Edmond Faral, Paris, 11932. p. 160.
7/ CLAUDIUS, op. cit. col. 104 ; RABAN, Expos. in super Jererniam,
ed. Migne, P.L. t. Ill, col~ 976.
i
I
I
i
I,

243
4/ L'EGYPTE, LE CHATI~illNT DIVIN,
~~IS AUSSI CONVERSION FINALE.
En raison de tout ce que 11Egypte a fait subir a Israel, en
raison de la tentation permanente qu'elle represente par son polytheisme
etc.,
Dieu chEltiera ce pays en le livrant !lUX mains de Nabuchodonosor,
I
roi de Babylone.
Mais, en fin de compte, l'Egypte se convertira aDieu, c'est-
I
a-dire au Dieu d'Israel (1).
13/ L'EGYPTE SELON L'I~~GE CLASSIQUE.
L'image classique de l'Egypte se degage a travers trois grands
themes qui sont
1/ L'Egypte et la domination perse
2/ L'Egypte et les Lagides
3/ L'Egypte et les Romains
*
*
1/ L'EGYPTE SOUS LA DOMINATION PERSE.
La colonisation de l'Egypte par les Perses est e\\roquee
seule-
ment par un seul auteur, FRECULF,
qui parle ide Call1byse, fUs de Cyrus,
qui, dit-il, vainquit l'Egypte, et d'Artaxerxes, qui rattacha"l'Egypte
I
a son empire (2).
i
2/ L'EGYPTE SOUS LESiLAGIDES.
\\
Deux auLeurs seulement, a savoi1r FRECULF
et RA13AN, rapportent
i
que1ques-uns des evenements relatifs a la co1onisation (le l' Egypte par
I
les Grecs :
I
i
Selon FRECUl;F,
apres la mort de Darius, le royaume perse
s'ecroula, et c'est alors que naquit l'empir,e d'Alexandre le Grand (3) ...
1/ RA13AN, corn. in Ezech, Migne, P.L. t. 110,: col. 824, 79::;, 801, 804.
FLORUS, Liber contra litros quatuor Amalarii, Migne, P.L. t~ 104, col. 349.
2/ FRECUGF, ~~. col. 947, 994, 1008.
3/ FRECULF, op. cit. col. 1018.

243 bis
A sa mort, son empire se disloqua dans 1 e p~rtage entre ses lieutenants,
et le sort attribua l'Egypte cl Ptolemee (1). EnsuJte, FRECULF et RABAN
racontent divers episodes de la guerre civ~le qui opposa Lagides et
Seleucicles (2).
3/ L'EGYPTE SOUS LA DOMINATION ROMAINE.
L'image de l' Egypte sous domin'ation romaine apparaJ.t El. travers
I
deux sortes de themes : des themes relatifs: El. 1 'histoire profane, d' une
,
part,et des themes relatifs El. l'histoire religieuse de ce pays.
i
,
En ce qui concerne l'histoire profane, e'est principalement
FRECULF et un peu Alfred, qui rapportent des; evenements tels la guerre
civile romaine (3) et la rebellion d'Achilleus au temps de DioclHien (4).
L'Egypte est presentee egalemeJ;1t par les auteurs comme le
pays des arts. de la science et de la cultute : gran@aire, geometrie,
agriculture etc. ant ete toutes
invente~s en Egypte (5).
Les themes religieux portent essentiellement sur l' Eglise
d'Egypte dont Alexandrie est le siege patriarcal.
Cette Eglise d'Egypte
es t caraeter isee par sa r ichesse en hommes iUus tres : philosophes, ermites,
thaumaturges (6), par ses coutumes auxquelles on fait reference notamment
dans les regles monastiques (7). Enfin,elle est celebre cl cause de la tra-
d i tion qui attribue son evangelisation cl St. ,tvlarc (8). Enfin. elle tire
,
,
gloire de la ville d'Alexandrie, consic1eree ,comme un modele de cite
terrestre prefigurant la cite celeste .
1/ FRECULF, op. ci t. col. 1022, 1023.
2/ FRECULF. col. 1023, 1033, 1047, 1133.
i
RABAN ~1AUR, Conmlent in Lib. Machab .• Mignb, P.L. t. 109, c01.1133. 1210.
3/ FRECULF, col. 1068.
4/ FRBCULF, col. 1189 ; Alfred, VI, 30. I. p l 188.
I
5/ RAI3AN, De clerjcorum inst. Migne, t. 107,' col. 401.
SCaT ERIGENE, 67, 5, p. 69 ; RBMY, Ill, 82, Il, p. 3.
6/ BEN01T d'Aniane, Concordia regularum, Migne, P.L. t. 103, cbl. 734,737.
7/ FRECULF, col. 1149 ; AENEAS, Liber advers0s Graecos, Migne.' P. 1. t. 121
col. 748.
!
I
8/ BONIFACE et ALEXANDRE, op. cit. p. 380.
I
I
I.

243 ter
Cl L' EGYPTE ~1USUU1ANE.
,
L' Egypte musulmane est simplement evoquee par EGINHARD.
parlant des largesses de Charlemagne en faveur des C01ll1l1unautes chretiennes
en terre musulmane (1) et par l' Anonyme qes Annales de St. Lall. qui rap-
porte une coalition entre l'empereur de ~onstantinople et les Sarrazins
d' Afrique et cl' Egypte contre l' empereur Otton (Icr) qui voulait 5' emparer
de ses territoires en Italie (2).
11 EGINHARD. Vita Karoli. p. 457
21 Annales Sangallenses majores, op. cit. IJ. 80.
i

•. IV •
Par analogie avec le sens top~nymique ou g60grapJlique,
Aegyptus pr€sente
une troisi~me et de~ni~re acceptatibn, aa,
i
:
entendu comme une m§taphore, une all§iorie, il rev@t diff§ren-
tes significations ; il d§signe symboriquement : les~t§n~bres,
i
le monde, l'opression,
l'affliction, le tourment,
la,tribula-
tion,
l'idolfitrie, le lieu de la crucifixion du Chri~t, l'en-
I
fer et enfin,
le peuple des Gentils.
I
I
Sur les 1.166 fr§quences d'Aegyptus, 66 occurrences
I
affectent le sens
spirituel ou moral, jee qui represe~te 5,66 %
I
de l'emploi du terme.
Quant aux auteurs qui l'utili~ent dans ce sehs, ils
sont 12 sur SS soit 21,8 ~o de l'effed:if total.
D'apr~s leur caract~re, nous classerons les diff€rentes
I
significations du terme en deux categories:
d'une part,
les
!
interpr§tations n§gatives, et d'autreipart les interpr§tations
positives.
I - AEGYPTUS
LES INTERPRETATIONS NEGATIVES
---------------------+------
Entendu au sens spirituel ou moral, Aegyptus se prete,
I
la plupart du temps chez les auteurs,1 a des interpr§tations de
caract~re n§gatif, etroitement li§ a l'imagerie bibllque de l'E-
gypte en tant que pays.
Ces interpret~tions sont ic~ au nombre
I
de six
1/ les t§n~bres
2/ le monde
;
3/ l'oppression,
l'affliction,
le tourment ou la tribu-
icition ;
4/ le lieu de la crucifixion idu Christ, autrement dit,
le calvaire ;
/.

245
5/ l' ido1atrle
6/ et enfin,
l'enfer.
Chez sept auteurs,
~ savoir l'encyc1op§diste RABAN MAUR,
1es th§ologiens ANGELOME,
l'auteur anonyme du Sermo in Pascha,
WALMIFRID STRABON, 1es rheteurs REMY D' AUXERRE, l' ANONYME du
Carmen de Sancta Benedicta et I-IUCBALD, I 1 'Egypte signifie symbo-
1iquement 1es t~n~bres (spiritue11es) par opposition ~ la 1u-
I
mi~re (spiritue11e).
Dans son Commentaire sur la Gen~se, ANGELOME :etab1it un
double para11iHe entre JOSEPH, premier! ministre du PJ1araon et
le CHRIST R§dempteur d'une part; et ehtre l'Egypte et la Jud§e
d' autre part.
La comparaison s' inscri t l dans un d~ve1oppement
sur la superstition des Egyptiens. JOSEPH, nous dit 1~ moine de
Luxeui1, pr~figure le CHRIST notre R~dempteur, car atin d'~tre.
§tranger ~ la vaine superstiti6n des Egyptien~ et afin d'emp~­
cher 1es enfants d'Israe1 d'offenser DIEU,
i1 1eur prescrivit
de transporter ses ossements hors d'Egypte.
Quant a i\\Egypte,
I
I :
c1it-i1, qu'on interpriHe comme etant 1.es tenebres, e11e annonce
la Judee
(entendez 1es Juifs) a cause ~e la noirceur~ (propter
obscuritatem) de sa perfidie ; 1es oss:ements de JOSEPH signi-
fient 1es vertus de la foi, que la Ju~ee fut indigne ~de conser-
ver ~ cause de ses ten~bres qui pousseht a l'ignoran~e (1),
(1)
" Et ideo ut esset alienus a vana supersti tione Aegyptiorum,
ne
a1inquando ad Dei injuriam ista fi.erent, praecepit ossa sua
asportari ab Aegypto ;
... Verum si cui spiritud1iter'interpre-
tari p1acuerit, videlicet ut JOSEPH significet Dominum ac Redem-
ptorem nostrum. Aegyptus, qui interpre:tatur " tenebrae ", Juda-
earn propter obscuritatem suae perfidi~
; ossa ejus, 'virtutes
fidei, quam Judaea retinere indigna,
sui exigentibus tenebris i-
gnorantiae,
fui t. ..
"
ANGELOMUS, Comment.
in Gen.,
ed. Mign~, P.L.t.
115 cd1.
243.

246
A plusieurs reprises, dans son Commentaire sdr l'Exo-
de,
RABAN interpr~te
l'Egypte comme ~tant les t~n~br~s spiri-
tuelles.
Dans un passage,
il fait le p~rall~le : les enfants
d'Israel, dit-il, marqu~rent leurs poites avec le sang de l'a-
gneau afin d' etre epargnes par I' ange !exterminateur ;
les peu-
pIes fid~les, pour leur salut, porten~ au front la mirque du
signe de la Passion du Seigneur, de sdrte que seuls 6nt ete
sauves dela mort, ceux qui ont ete signes au coeur et au front
par le sang de la Passion du Christ. .., De la, poursuit-il, cet
I
usage s' appelle " passage" parce que i" progressant vers les
!
choses meilleures apr~s avoir quitte les pires, nous abandon-
nons completement l'Egypte pleine de 1;en~bres"
(1).
I
Dans deux autres passages,
l'ibbe exhorte ses ouailles
I
en ces termes
: " ...
Si tu venais a fJir l'Egypte, Sl tu quit-
!

tais l'ignorance et les tenebres, et ~i tu suivais la loi du
Dieu de tv10Ise,
la mer pourtant te fer4it obstacle ... :" (2) et
encore " ...
lIs detruisent l'Egypte, 2eux qui n'acco~plissent
!
pas les oeuvres des tenebres
; i Is detruisent l' Egypte, ceux qUl
I
vivent non par h chair, mais par 1 'esprit;
(1) " Sanguine agni illiniuntur Istaeiitarum postes, ne vasta-
tor angelus audeat inferre perniciem ; signantur signo Domini-
cae passionis in frontibus
fideles populi ad tutelam 'salutis,
ut hi soli ab interitu liberentur, qu~ cruore Dominicae passio-
nis corde et fronte signati sunt ; ... ;Unde appellatur ista so-
lemnitas phrase, quod no§ transitum p6ssumus vocare, eo quod de
pejoribus ad meliora pergentes,
tenebtosam Aegyptum derelinqua-
mus ".
RABANUS MAURUS, Comment.
in Exod., ed
Migne, P.L.t.; 108, col.
54.
(2)
" . . .
Si Aegyptum fugias,
si ignorantiae tenebras relinquas,
et sequaris legem Dei Moysen, obviet autem tibi mare, et contra-
clicentium fluctus occurat, percute tu~obluctantes undas virga
Moysi, id est, verba legis et vigilantia scripturarum ;"
RABANUS MAURUS,
Commerit.
in Exod.,
op;
cit.
col.
67.

247
ils detruisent l'Egypte ceux qui rejet~ent absolument les
pens§es sordides et impures, ou les ch.assent de leur 'coeur,
comme le dit l'Apotre PAUL:
" Ayez toujours en main:le bou-
,
clier de la foi,
gr~ce auquel vous pourrez eteindre tous les
trai ts enflammes du Mauvais " (Ephes. VI,
16)
(1).
Dans son" Sermon pour Paques:"
(Sermo in Pascha),
l'auteur anonyme des XIV I!om§lies du IXeme s.
(2), donne a ses
fideles un enseignement capital sur le grand mystere; du salut
I
I
que constitue cette fete.
Le souci pa~toral qui se traduit dans
une certaine insistance sur l'aspect ~oral, amene l'auteur a
!
user d'un style fort imag§, c'est a dire a utiliser diverses
comparaisons on l'interpretation de l~Egypte comme symbole des
tenebres
c~toie d'autres interpretations aussi negatives mais
complementaires
: 11 Celebrant la sain~e (fete) de P~ques, ex-
plique-t'il, vous devez savoir,
freres,
ce qu'est P~ques. P~­
ques signifie " passage"
(transitus).
Cette fete est ainsi
appelee, parce que c' est en elle que les fils d' I sraEH " pas-
serent " d'Egypte, en elle aussi que le Fils de DIEU 11 passa 11
de ce monde au Pere. Hais a quoi vous! sert-il ele feter P~ques
SI
vous n'imitez pas ce que vous c§lebrez, a savoir, si vous
ne 11 passez 11 pas el'Egypte, c'est a dire des tenebres des vices,
a la lumiere des vertus, et ele l'amotir du monele a liattrait de
la patrie celeste? 11 y a en effet, :beaucoup ele chretiens qui
I
(1)
" . . .
Exstinguunt namque Aegyptum, qui non agunt!opera tene-
brarum. Exstinguunt Aegyptum, qui non carnaliter, sed spiritua-
liter-vivunt. Exstinguunt Aegyptum q~i cogitationes: sordidas et
impuras vel depellunt ex
corde, vel;omnino non rec~piunt, si-
cut et Apostolus dici t
: " Assumentes scutum fidei ,: ut possi tis
omnia maligni jacula ignita exstingu~re ".
(Eph. VI, 16) ".
RABANUS MAURUS, Comment.
in Exoel., op.
ciL
col.
67·.
(2) " Sermo in Pascha ", in
Pdul
MERCIER, XIV I1ome'lies du IXe
siecle, colI. Sources chretiennes, ed.
du Cerf, Paris, 1970,
p.----zn5-23.
;
Ces quatorze homelies dont fait partie ce sermon de Paques, ont
ete ecrites dans la region Centre-Norel de l'Italie, vers le mi-
lieu du IXe s. par un auteur inconnu.

248
se rejouissent en cette fete et celebrent cette solerthite,
mal cependant et pour leur rnalheur,
c~r ils ne passe~t pas
de ce rnonde au Pere, c'est a dire ils ne passent pas:de la
convoitise du rnonde et de la jouissande charnelle ~ l'arnour
de la patrie celeste. 0 rnalheuteux ch;etiens qui soni en E-
gypte, c'est a dire sous la dominatiori du demon, et se re-
jouissent dans leur malheur ! "
(1)
Dans ses Homilia in initiurn e~angelii Sancti Mat-
!haei, WALAHFRID STRABON, fait ce commentaire au sujet de la
genealogie de JESUS CHRIST fils de DAVID,
fils d'ABRAHAM
" ... Ainsi donc, ecrit-il, toutes les generations depuis A-
BRAHA!vl j usqu' au CHRIST sont au nombre[ de quarante deux : par-
,
ce que les enfants d'Isra~l partis d'Egypte - ce qui signifie
ce monde ou les tenebres - entr~rent ~ans la terre promise au
i
bout de quarante deux ans de sejours i".
(2)
I
(1) II lam quia sanctum Pascha celebritis, debetis scire, fra-
tres, quid est Pascha. Pascha transi~us dicitur. Ideo tali no-
mine vocata est ista festivitas, quii in ipsa transierunt fi-
liI Israel de Aegypto, et in ista transivit Filius Dei e~
hoc
mundo ad patrern. Et quid vobis prodest quod Pascha celebratis,
si non imitamini quod colitis, hoc e5t si non transitis ab Ae-
fy~to, id est a tenebris vitiorum ad !lucem virtutum' et a mundi
lUJUS amore ad desiderium caelestis patriae. ? Sunt enim multi
christiani qui gaudent in ista festivitate et colun~ hanc sol-
lemnitatem, et tarnen male· et malo su6, quia non trahseunt ex
hoc mundo ad patrern, id est non tran$eunt a mundi cupiditate
et a carnali delectatione ad caelestis patriae arnorern.
0 rnise-
ri christiani qui in Aegypto sunt, id est sub potes~ate diabo-
li, et gaudent in malis suis ".
ANONYMUSj Sermo in Pascha, dans PAUL;MERCIER, XIV Hornelies du
IXe s.
(call. Sources chretiennes), l§d.
du Cerr:, Paris, 1970,
p.
220, trad.
frse de PAUL MERCIER.
i
(2) " Omnes itaque generationes ab ABRAHAM usque ad CHRISTUM
generationes quadraginta duae sunt :i quia filii Israel ab Ae-
gypto profecti, quod hunc rnundum significat sive tenebras, per
quadraginta et duas rnansiones terrarn' repromissionis ingressi
sunt " WALAHFRIDUS STRABO, Homilia in initiurn evangelii Sancti
lIATTHAEI, op. ci t.
col. 860.
,.

249
Dans son Commentaire sur le L~vre de la Gen~~e, REMY
D'AUXERRE trouve une port§e mystique ~ cet €pisode
d~ l'his-
toire d'ABRAHAM qui, descendu en Egypie ~ la suite d'une gran-
de famine,
remonte de l~ a~ N€geb,
charg€
de richess~s de la
,
part de PHARAON : " ... Les richesses 4e l'Egypte, dit-il, sont
destin€es
au juste.
Car l'Egypte sign~fie les ten~bres ou l'af-
fliction"
(1 )
Dans un passage de son poeme intitule Carmen de Sanc-
ta Benedicta (2) le poete anonyme faisant allusion ~. l'Exode,
parle lui aussi des t€nebres
de l'EgYlhe : " Quelle fureur,
que lIe folie est en toi pour que tu croies les mensonges des
;
Isra€lites
(non les vrais, mais les faux)
et que tu fuies le
Seigneur, qui a conduit tes peres hors des t€nebres
~e l'Egyp-
te ~ travers les eaux de la mer Rouge~ en sanctifiait beaucoup
i
d'hommes par l'eau sacr§e du bapteme
! "
(3 )
Enfin, dans son poeme intitule Versus de diebus aegyp-
tiacis
(4),
J-1UCBALD affirme egalement que les tenebtes, c'est
!
l'Egypte : " Et parce que la mort, di~-il, force les yeux des
,
(1) "...
Ascendit autem de Aegypto,; usque erat dives valde "
Alia translatio dicit: " i\\scendi de Aegypto gravisvalde ",
quod bene mysterio convenit.
Sancto enim Vlro Aegypti divitiae
sunt. Aegyptus enim " tenebrae " vel !" moeror " interpretatur ".
RH1Y D'i\\UXERRE,
Comment.
in Gen.
op. 'cit. col.
83.
(2) Anonymus, Carmen de Sancta ITenedicta, cd.
P. VON WINTERFELD,
inM.G.H., Poet.
IV (1899), p.
209-231.
.
(3) " Quis furor est, que tanta animum dementia coepit,
Israhe-
litae ut gentis enim fallacia credas
(non veri Israhelitae, sed
falsi Israhelitae) ac vitas dominum qui patres duxit ovanter
Aegypti tenebris per ponti flumina Rubri, sanctificans multos
sacrl baptismatis unda ". ANONYMUS, Carmen de Sancta Benedicta,
op.
cit. p.
227.
(4)
HUCBALDUS, Versus de diebus Aegyptiacis, ed.
P. VON WINTER-
fELD,
in M.G.H.
Poet.IV; 1899 p.
272.

~50
hommes ~ se couvrlr de t~n~bres, et que les t§n~bres; c'est
l'Egypte, d'apr~s ce que veut dire le mot grec, on d§cida,
suivant la coutume, d'appeler ces jours les 'I jours d'Egyp-
te " "
Chez quatre des auteurs pr~c~demment cit~s, ~'est ~
dire RABAN,
l'encyclop~diste et les trois th~ologien~, ANGE-
LOME,
l'Anonyme des XIV Hom~lies
du IX~ s. et WALAHFRID STRA-
BON,
l'Egypte, symboliquement,
signtl~'aussi le mondej c'est
~ dire ce monde terrestre, consid~r~ com~e le domaine du mal,
et ou s'exerce l'influence de SATAN, Jar opposition au monde
!
celeste,
le 11 monde ~ venir 11 ou le monde de la 11 vie ~ternel-
le 11 avec DIEU.
Dans son Commentaire sur la Gen~se, ANGELOME explique
d'une part,
la signification de la descente d'ABRAIlAM en Egyp-
I
te, et d'autre part, celle de sa mont~e d'Egypte : la descente
du patriarche en Egypte signifie, seldn lui,
la desc~nte du
CHRIST en ce monde, tandis que sa mont~e d'Egypte, signif~tou­
jours le CHRIST notre Seigneur et R~dempteur qui, apr~s sa des-
cente en Egypte, crest ~ dire en ce monde, monte vers son P~re,
une fois le myst~re de notre r§demption accompli
(2).
(1) " ...
Et quia mors visus hominum tenebrescere cogit ac tene-
brae Aegyptus greci sunt famine verbiJ hos 11 Aegyptiacos 11 pla-
cuit de more vocare ; ".
!-!UCBALDUS, Versus de diebus Aegyptiacis, op.
cit.
p.' 272.
(2) 11 Des c e n d i t que ABRAM in Ae gyp turn"
( Gn . X I I,
1o. . . ). CH RI S -
TUS videlicet in hunc mundum,
juxta quod scriptum est:
11
Ecce
enim Dominus ascendet super nubem lev~m, et ingradietur Aegyp-
turn 11
(Isaii, 19, 1) ...
Igi tur ABRAM in hoc quod asc,endi t de
Aegypto, Dominum ac Redemptorem nostrum significat, qui, ut su-
perius diximus, descendit in Aegyptum, videlicet in hunc mundum,
expleto mysterio nostrae reclemptionis~ ascendit a Patrem 11
ANGELQJ\\1US, Comment.
in Gen.
op.
cit.
col.
170-171.
'

251
Dans son ecri t
inti tule Liber ,adversus Judaeos
(1),
RADAN explicite cette deuxi~me signification de l'Egypte :
" Au point de vue tropologique,
dit-il;,
l'Egypte qui;
dans
i
I
l'Ecriture Sainte,
a ete appelee par ~n autre nom, ajsavoir
~Iic;raim, ce qui veut dire" les ten~br,es ", signifie!le monde
present,
ou r~gne la mechancetc
PHA~ON, son prince, dont
\\
le nom est traduit en latin par " Neg~teur " ou " Destruc-
!
teur ",
figure le Diable, qui renie DIEU et detruit le genre
humain"
(2)
Comme ANGELOME,
RABAN MAUR,
qui commente cgalement le
li vr e de la Genes e,
trouve une autre figur e du CHRIST
en la
i
personne de JOSEPH,
tandis que par Egypte,
il faut entenclre
le monde :
" Quoi de plus manifeste erl ce qui concerne le
CHRIST,
demontre-t'il clans un passage; puisque sous la figure
de JOSEPH,
il est presente comme le sauveur non seulement de
,
~
la terre d'Egyrte uniquement,
mais
encore celui elu monde en-
t i e r ? "
(4)
Et l'abbe d'ajouter plusiloin : "Si les
freres
de JOSEPH ne l'avaient pas vendu,
l'Egypte aurait ete dans
la
penurie ; Sl 1es Juifs n'Dvaient pas crucifie le CI-IRIST,
le
\\
mond e aurai t
peri.
JOSEPH done signifie "
l ' accroissl:ement " ou
" l ' abondance ". 11ais JOSEPH n' a pas 9btenu l ' abonclance en ce-
(1)
RABANUS MAURUS,
Liber adversus JUdaeos,
ed.
E.
rlARTENE,
Thesaurus Anecdotorum,
t.V.
p.
403-594.
(2)
"
Tropo10gice vero Aegyptus quae a1io nomine inSacra Scrip-
tura Mesraim, quod interpretatur Tenebrae,
appel1ataest,
si-
gnificat praesentem mundum,
in quo ma~itia regnat, cujus prin-
ceps PI-IARAO, qui
in 1atinum tranfertu'r Denegans s ive Dissipator,
figurat diabo1um qui
et Dominum negatl,
et humanum genus diss i-
pat ".
'
RABANUS ;1AURUS,
Liber adversus JUdaeos,
ed.
E. ~1A~TENE, Thesau-
rus Anecdotorum,
t.
V,
1717, p.
550.
(3)
"
Quid manifestius de CHRISTO,
quando sub figura JOSEPH sal-
vator ostenditur, non tantum unius
terrae Aegypti sed etiam to-
tius mundi ? ".
RABANUS MAURUS,
Comment.
in Gen.
op.
cit.
col.
635.
, .
~

252
la
(sa vente), si cen'est l'Egypteseule; en notre vrai JO-
SEPH,
le monde entier a merite d'avoir l'abondance"
(n
Le commentaire sur le livre de l'Exode donne ;encore
lieu, chez RABAN,
d'entendre par Egyp~e, le monde av~c ses ten-
tations.
En effet,
commentant les pres~riptions de YAHVE ~ pro-
pos de la P§que
(entendez ici la victime et non la f~te), en
l'occurence Exode 12,
43-50, qui prec se dans quellecondition
ceux qui n'appartiennent pas ~ Isra~l pourront prendre part ~
la manducation de la P§que et comment !ce1le-ci doit etre appte-
tee,
l'abbe de Fulda explique : " ...
Donc on ne dit pas qu'ils
ont ces infirmites qui emp~chent (d'a~sumer) des charges, mais
I
qu'ils·n'auront pas ces infirmites qu'ont 1es Egyptiens.
Le
monde en effet s'appe1le metaphoriquement Egypte. Aihsi donc,
aimer le moncle et ces choses qui sont,dans le monde,,. est une
. faiblesse egypti enne. Observer les
jours,
les mois et le temps,
rechercher les signes, etre attache aux cours des etniles, est
une faiblesse egyptienne.
Etre esc1ave de la 1uxure, 5 'adonner
aux voluptes, vaquer aux delices, est une faiblesseegyptien-
I
ne ...
" (2)
(1)
" Nisi enim JOSEPH fratres
vendis~ent, defecerat Aegyptus ;
nisi Cr~ISTUM Judaei crucifixissent, perierat mundus.
JOSEPH i-
gitur interpretatur "augmentatio
",~ sive " amp1iatio ".
Sed
in illo JOSEPH ampliationem non habuit, nisi sola Aegyptus
: in
nostro vero JOSEPH, augmentatum habere meruit universus mundus."
RABANUS MAURUS,
Corrnnent.
in Gen.
op. ci t.
col.
637.
(2)
" Non ergo his dicuntur carere infirmitatibus, qui mandata
custodiunt : sed non habebunt i1las infirmitates quas Aegyptii
habent. Aegyptus namque mundus figur~liter appellatur. Diligere
ergo munaum et ea quae in mundo sunt,Aegyptius 1angt:0r est. Dies
observare et menses et tempora,
sign~ requiere, ste+larurn cur-
sibus adhaerere, Aegyptius languor est. Deservire carnis 1uxu-
riae, vo1uptatibus operam dare, vaca~e de1iciis, Aegyptius lan-
guor est ... "
.
RA BA NUS MAURUS, Can men t.
in Gen,
e d. :Mig ne,
P. L. t.
1 08,
col.
76 .

Commentant en outre Exode 20, et ell l'occuren~e le ver-
set 2, on en pr~lude aux dix commandements, YAHVE fait,~
Isra~l
ce rappel ,. llC'est moi le Seigneur, ton Dieu, qui t'ai fait sor-
tir du pays d'Egypte, de la maison de servitude ", P-ARAN expli-
que que tout homme qui affiche du mcpris pour le monde:prcsent,
qui est, dit-il, appelc mctaphoriqoement Egypte, et cela au nom
de la parol~ de DIEU, comme il est rapportc d'apr~s le~ Ecritu-
tures,
sans qu'on en decouvre le sens parce qu'il vise le monde
a venir, il propos de l'ame de cet homme·'Ia, DIEU dit : " C'est
moi le Seigneur, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pay~ d'Egyp-
te"
(1)
Enfin,
l'interprctation symbolique de l'Egypte comme
signifiant le monde se retrouve aussi chez l'auteur anonyme des
XI V j-[0 me 1 i e s du IX e s.
e t
ch e z 1'JALA HFR~ D STRA B0 N (2), l'e s que 1 -
les, nous l'avons vu rlus haut, donnent: egalement l'interpreta-
! .
tion de l'Egypte comme symbole des tenebres. Le theme
de la f@-
te de Paques permet a l'un des deux auteurs - l'ANONYJ,lE - de dc-
velopp~r ici tout le sens de ce symbole: : Paque signifiant " pas-
sage ", c'est en elle que les fils d'IsraEH " passerent " d'Egypt.:.
ur~ pl"om'3e.
,
comme en elle aussi le fils de DIEU " r-assa " de ce monde
au rere
; passer
l'Egypte est certes pa~ser des tcn~bres des vi-
ces a la lumiere des vertus, mais c'esti aussi pass er ~e l'amour
du monde ~ l'attrait de la patrie ccles~e ; passer
l'~gypte, c'est
encore passer de la convoitise du monde et de la jouissance char-
nelle a l'amour de la patrie celeste ; ~nfin, @tre en.Egypte,
c'est @tre sous la domination du demon :(3).
I
I
(1) " Locutusque est Dominus Moysi cunc~tos sermones hos : " Ego
su~ Dominus Deux tuus, qui eduxi
te d~ terra
Aegypti, de domo
servitutis "
(Exod. XX,
2). Omnis qui dicit se contemnere prae-
sens saeculum, quod figuraliter Aegyptus appellatur,
et per ver-
bum Dei, ut secundum Scripturas dicam translatus est,et non in-
venitur quia ad saeculum futurum festinat ac tend~t
, de hujusmodi
anima dicit Deus
: " Ego sum Dominus Deus tuus, qui eduxi
te de
terra Aegypti ". " RABANUS ~.!AURUS,
Comment.
in Exod. op. ci t. col. 94-
(2) WALAHFRIDUS STRABO, op. cit.
col.
860.
.
(3) " Pascha transitus dicitur.
Ideo tali nomine vocata est ista
festivitas, quia in ipsa transierunt filii Israel de A12gypto, et in
ista transivit filius Dei ex hoc mundo ad patrem ...
si non transi-
tis ab Aegypto,
id est a tenebris vitiorum ad lucem virtuturn et a
rnundi hUjus amore ad desiderium caelestis patriae ? .. quia non
transeunt ex hoc mundo ad patrern,
id est non transeunt a mundi cu-
riditate et a carnali delectatione ad caelestis patriae arnorem. 0
miseri christiani qui in Aegypto sunt,id est sub potestate diabo-
li, et gaudent in malis suis." ANONYMUS,
Sermo in Pascha, dans PAUL
~IERCIER, XIV llomelies du IXc s. op. ciL p. 221
- 222.

254
MENT OU DE LA TRIDULATION
Chez RABAN MAUR et REMY D'AUXERRE, l'[gypte ehtendue au
sens allegorique signifie encore l'oppr~ssion, l'afflittion, le
tourment ou la tribulation.
Dans un passage du De Universo~
l'abbe de fulda ecrit en
e f f e t : " L' Egyp tee 5 t i n t e r 11 r e tE~ e " 1 a i t rib u 1at ion re's t r i n g en -
t e "
; e t e l l e 5 i gn i fie le va in
1 ab e u r! q u ' ex e r c en ten' c e m0 n d e
les ennemis qui brQlent de la cupidite, de la poursuite,de l'a-
mour du gain terrestre, ainsi que de l'exercice des affaires du
monde : monde oil j amais i 1 5 ne trouven ti de repos pour :1 eur 5 ames,
!
mais de la tribulation de cette vie,
il~ aboutissent ~ l'angoisse
et e rn ell e"
( 1 )
Dans un autre passage relevant du commentair~ du livre
d'EZECHIEL, plus precisement d'EZECHIE~ 32, oil le proph~te pro-
I
nonce une complainte sur PHARAON, roi d'Egypte, compare a un cro-
codile, le meme RABAN explique que I r Eg'ypte signifie " ceux qui
oppressent " et " ceux qui affligent "bien entendu les gens qu'el-
le a pu soumettre a elle (2).
A sa mani~re, TIEMY D'AUXERRE ~ffirme aussi que l'Egypte
signifie " les tenebres " ou " I' affliction"
(3).
(1)
"
Interpretatur autem Aegyptus " tribulatio coangiJstans "
;
et significat vanum laborem, queminiqui exercent in hoc mundo
aestuantes p~r avaritiam, lucra saeculi sacrando, et hegotia mun-
di exercendo : ubi nunquam animabus suis requiem invenient, sed
de tribulatione hujus vitae in angustiam pervenient sempiternam "
RABANUS MAURUS, De universo, op.
cit. col.
342.
'
(2) " ... et Aegyptus in " tribulantes ':' et " affligentes," verti-
tur, eos videlicet quos sibi potuerit subjugare ". RA BAN MAUR,
Comment.
in EZECH.' op.
cit. col.
797.
'
(3) " Aegyttus enim " tenebrae " vel'" moeror " interpretatur "
REMY D'AOX RRE, Comment.
in Gen.
op.
cit. col. 83.
.

255
Outre les trois interpretations precedentes, l'Egypte
entendue toujours au sens metaphorique, 'signifie1e lieu de la
crucifixion du CHRIST, autrement dit,
le ca1vaire.
!
Cette quatrieme signification symbo1ique de l'Egypte,
apparait dans un passage du Commentaire de RABAN f\\1AUR 'sur le li-
vre du proph~te JEREMIE. L'auteur y ecr t en effet : r~ •••
11 y
a ceux qu.i croient obstinement que ce qui a ete ecrit;, a savoir
" le lieu oil notre Seigneur et Sauveur a eU; crucifie .s' appe11e
spiritue1lement Gomorrhe et Egypte " se rapporte aces ,lieux-me-
mes ; il y a, en revanche, les autres qui pensent que sous le
nom d'Cgypte et de Gomorrhe, c'est le monde entier qui est signi-
fie:
comme Gomorrhe a ete detruite pai le feu du cie1, ainsi en
sera-t'i1 du monde par le jugement de DIEU"
(1)
Chez un des auteurs, REMY D'AtiXERRE, l'Egypte, toujours
au sens spiritue1, affecte une cinquieme signification: l'erreur
ido1atrique.
Dans son Commentaire sur le Cantique des Cantiques (2),
REMY glose le verset 6 du troisieme poeme : It Ascendit (inquit)
per desertum (Qu'est-ce la qui monte d~ desert. .. ?) ", en affir-
mant que ceci est dit en imitation de l'ancien peuple judaique,
qui, libere de la servitude de l'Egypte, apres avoir passe la ~er
Rouge et traverse le desert, arriva daris la terre pro~ise. Et il
aj oute
"Ainsi donc l' Eglise montai t, a travel'S le desert des na-
tions, deja 1iberee de l'Egypte, a savoir de l'erreui de l'idola-
trie, et PHARAON, c'est a dire le diable
ayant ete ~nglouti, la
(1) " Sunt qui contentiose il1ud quod scriptum est, ',i locus in quo
crucifixus est Dominus atque Sa1vator spiritaliter Gomorrha, et
Aegyptus vocatur," ad ipsa 10ca referant ; a1 i i vera uni versum mun-
CTUm ~nomine Aegypti et Gomorrhae significari put ant : ut enim
Gomorrha divino igne deleta est:
ita !et mundum Dei judicio con~
cremandum It.
RA13ANUSMAURUS, Expos.
s'uperJer. ed.IMigne P.
Lat. t.lll,cel.l056.
(2) REMIGIUS, Commentarius in canticaicanticorum, ed. Migne, r.L.
t.
117, col.
295-358.

256
manne fut donnee en nourriture, et elle entra dans la veritable
terre promise"
(1 )
Dans le cadre de certaines realites historicb~contem­
poraines de l'epoque carolingienne, telle ici la controverse en-
tre Juifs et Chretiens, on ne manque pas de recourir, pour les
besoins de la polemique antijuive, ~ certaines comparaisons de
choc. Tel est le cas ici chez l'auteur anonyme de l'Altercatio
aecclesie contra Synagogam (2), qui, pour mettre plus en relief
l'abomination des Juifs, etablit ce paiallele entre la mort in-
fligee au CHRIST et l'Egypte
: les Juifs ayant crucifie JESUS-
CHRIST, l'ont envoye en Enfer, en Egypte pour ainsi dire ...
(3).
11
- AEGYPTUS,
L'INTERPRETATION POSITIVE
Apres la serie d'interpretatiqns negatives dbnnees a
Aegyptus, on note cependant, chez deux!des auteurs, ~ savoir A-
MALAIRE et RABAN MAUR, une interpretation enfin positive du sens
spirituel ou moral du terme. Dans cette interpretation unique,
Aegyptus signifie le monde converti aDIEU.
Ce symbolisme positif de l'Egypte s'inspire chez les
I
deux auteurs d'un passage du Prophete tSAIE, relatif a la conver-
I
(1)
" Ascendit
(inquit) per desertum "l Hoc dicitur ad imitatio-
nem priscae plebis judaicae, quae libe~ata de Aegyptia servitute,
per desertum mari Rubro transito, venit ad terram reparomissionis.
Sic et Ecclesia per desertum nationum ascendebat, jam de Aegypto
(hoc est, de confusione idolatriae)
liberata, et PHARAONE, id est
diabolo submerso, ut coelesti manna pa~ceretur, et veram terram
repromissionis ingrederetur I'. REMY D'AUXERRE, Commentarius in Can-
t i c a Can tic 0 rum, ecl. Mi gne, P. L . t. 1 1 7 I, col. 31 ~
(2) ANONYMUS Altercatio aecclesie contra Synagogam ed. B.
BLUMEN-
KRANZ, dans Revue M.A. Lat. Strasbourg, 1954.

(3) " ... Qui eum cruclfigentes sanctum. ejus spiritum ad infernum
quasi ad Egiptum duxerunt, corpus vero: ejus 1n sepulcro quasi in
egiptiaco carcere per tempus recluserunt."
ANONYME, Altercatio aecclesie contra s~nagogam, op. cit. p. 104.

sion de l'Egypte et de l'Assyrie
(1).
Eh effet, dans ISAIE XIX,
et en l'occurrence, aux versets 19 et 20, on lit ~ propos de
l'Egypte : " Ce jour-la il y aura un autel il YAHVE au milieu du
pays d'Egypte et pres de sa frontiere ure stele Q YAf-rVE. Ce se-
rant la des signes et des temoins de YA0VE Sabaot au pays d'E-
gyp t e.
La r s que sou s I ' 0 PPres s ion i 1 s c r:i era n t v e r s YA[-Iv E, c e 1u i -
ci leur enverra un sauveur qui les defendra et les dellvrera ".(2)
Ii
I
I
M
Dans l'exegese de ce passage, ~MALAIRE explique qu'au
11
milieu de la terre d'Egypte signifie q~e cet autel et 'cette ste-
le sont dans le monde, car par Egypte, :dit-il, il faut entendre
lemonde
(3).
Chez RABAN MAUR, le commentaire du passage d'ISAIE se
double d'un passage du Psaume 67, dont J'interprctation va dans
le m@me sens. Aussi, explique l'abbe de Fulda : " L'Egypte peut
signifier le monde converti aDIEU, comme dans le psaume
: " D'E-
I
gypte viendront des envoyes 11
(4).
Et clans ISAIE : " En ce jour-
I
la il y aura un autel au milieu de la terre d'Egypte. ;Sous l'op-
pression ils crieront vers le Seigneur) et celui-ci l~ur enverra
un sauveur et un defenseur qui les delivrera 1,. 11 (5)
:
(1)
ISAIE XIX, 16.
(2)
Trad. fran~aise de l'Ecole bibliqu~ de Jerusalem.Voir laSain-
re Bible, op. cit. p. 1007.
(3) "
In media terrae Aegypti significat istud altare et istum ti-
tulum in mundo esse. Per Aegyptum namque mundum intell igimus ... "
AMALAIRE, codex expos i tionis I I, ed. J;M.
HANSSENS, AMALARI I opera
liturgica omnia, t.
I, cita del Vaticano, 1948, p.
277.
( 4)
Ps a urn e 67, V.
32.
(5)
"
Potest autem Aegyptus mundum significare ad Deum conversum,
ut in psalmo : 11 Venient legati ex Aegypto ". Et in IS1\\IA : " In
die ilIa erit altare Domini in media terrae Aeg¥pti. Clamabunt e-
nim ad Dominum a facie tribulantis, et!mittet elS salvatorem et
propugnatorem qui liberet eos "."
RABAN MAUR, De universo, op. cit. col. i 342.

+
258
+
+
A l'issue de cet examen sur le: sens spirituel ou mo-
ral du terme Aegyptus chez les auteurs tarolingiens, ori s'aper-
~oit que l'Egypte a une connotation symbolique beaucoti~ plus
negative que positive. Devant ce constat, une serie de' questions
I
I
viennent tout naturellement
se poser.! Par exemple, quelles
sont les raisons qui conduisent ou favoiisent une tell~ inter-
!
pretation negative de l'Egypte ? Ce symbolisme negatif de l'E-
gypte est-il original aux carolingiens ou bien un fait d'heri-
tage culturel ? etc ...
La reponse ou les reponses a ces questions
i
ne peuvent @tre saisies en-dehors d'un contexte mental' qui ca~
racterise generalement l'homme du Moyen 6ge,
et partic~li~rement
le chretien de cette' epoque.
Pour les hommes du Moyen 6ge, le symbole est naturel.
Les noms des chases ne sont.pas le fait du hasard ni de l'arbi-
traire d'une conventjon ; leur structur~ manifeste celle des
chases. Ainsi, comme nous l'avons vu av~c ISIDORE DE SEVILLE et
son disciple RABAN MAUR, l'etymologie e~t done une ouv~rture sur
la realite.
Outre les noms,
l'homme du Moy~n 6ge explore les cho-
l
ses. L'etude de leurs proprietes physiques le conduit a la reve-
lation de myst~res supra-terrestres, autrement dit, au symbolis-
I
me.
Certes, a partir de quelques vagues analogies:, on peut
toujours inventer des symboles nouveauxl Mais, d'une mani~re ge-
nerale, les grands symboles du Moyen 6g~ remontent a une lo~gue
tradition d'interpretation garantie par~les P~res de l'Eglise'et
a leur suite par les commentateurs des Ecritures. Tel ~st le cas
de ces interpretations symboliques de l:Egypte. Car di~ons-le,
le symbolisme medieval de l'Egypte est essentiallement: de source
biblique ou judeo-chretienne. Et c'est avant tout un heritage et
non une invention originale carolingienne, quoiqu'on ne saurait
nier l'aggravation pejorative dont inconsciemment sans doute, se
sont rendus responsables ces hommes du IX~ et du X~ si~cles.

259
Dans l'enseignement biblique donne a travers les ser-
mons ou la liturgie, tel mot ou telle image ne manque pas d'e-
voquer immediatement des notions assez familieres aux tlercs,
voire aux laics. Et il n'est pas ose de croire que le mot Egypte
evoque bien des souvenirs chez les auteurs etudies. Ces souve-
nirs sont la plupart du temps lies aux evenements vetero-testa-
mentaires, c'est a dire a l'histoire d'Isra~l, en l'oc~urence
les relations entre Israel et l' Egypte. :Or qu' est ce qUl carac-
terise ces relations? Dans l'ensemble, 'elles sont loin d'etre
amicales, et c'est le moins qu'on puisse dire. A travers leurs
lectures ou leurs reminiscences bibliques,
l'Egypte est per~ue,
la plupart du temps, chez les carolingiens, comme le pays en-
nemi et hostile a Isra~l par excellence: c'est la 'I terre d'op-
pression ","le lieu d'esclavage ", " laimaison de la servitude"
I
pour le peuple de DIEU ; c'est le pays ~'oQ DIEU, par l'entremi-
I
se de son envoye MOISE, a fait sortir s~n peuple pour ~e condui-
re vers la Terre Promise, terre 00 coul~ le lait et le miel ;
mais l'Egypte c'est le pays de l'endurcissement du coeur, de l'en-
tetement dans le mal, en la personne de;son souverain, le Pharaon,
qui n'a consenti a liberer Isra~l qu'apres les terribles chati-
ments divins
(les dix plaies d'Egypte)
~ la rebellion des Egyp-
tiens contre l'ordre divin les menera,
~omme on le sait, ~ leur
,
perte, car YA/-NE,
pour sauver son peuple, a englouti PHARAON et
,
I .
son armee dans la mer Rouge. Aux souvenirs de l'Exode,: ne manquent
pas de s'associer d'autres souvenirs. Meme sorti d'Egy~te, ce pays
i
ne cesse pas d'etre toujours un danger pour Israel: c:est" le
pays de la seduction et du reve ", le p~ys de la tentation perpe-
tuelle du peuple de DIEU
puissance militaire a laqueile Israel,
quand la menace 'de l'Est. (Assur, Babylone) se fait redputable, est
tente de recourir,
soit pour demander secours,
soit pour y cher-
cher refuge
; d'o~ les prophetes ne cessent de rappele~ au peuple
,
que" l'Egyptien est un homme et non un'dieu ", que" i'aide de
l' Egypte est vanite et neant "; outre le manque de foi: (en YAHVE)
que trahit ce recours a l'Egypte, il y ~ pour les Israelites un
danger de contamination.
id6latrique,
a:cause des faux; dieux et
des magiciens egyptiens. Bref, l'Egypte; sejour des de~ons est le
type des puissances idolatres, hostiles 'et dangereuses au peuple
de DIEU. C'est pour cela que YAHVE la chatiera terriblement le
jour venu.

260
I
Telle est en gras,
l' image de l' Egypte pen;;lle par les
carolingiens ~ travers la bible. Et crest l'interpr6t~~ion his-
torico-biblique de l'Egypte qui donne lieu ~ son intetpr~tation
all§gorique ou morale. crest dire combi~n est importante l'in-
terpr~tation historique des §v~nements que nous venons d'~voquer.
Comme discipline, l'exegese r~pond, a l'origine, au d~­
sir d'int~grer l'Ancien Testament a l'ihterpr~tation chr~tienne
de l'histoire du Salut. Elle permet de kontrer comment l'histoi-
,
i
re d'Isra~l pr~figure celle du CHRIST. p~ja l'ap6tre PAUL dis-
tingue dans l'Ecriture, " la lettre " et " l'esprit "
(1).
Et a
sa suite, au Moyen ~ge, on en vient ~ 'distinguer classiquement
quatre sens de l'Ecriture
: le " sens hlstorique rI, le " sens al-
l~gorique ", le " sens moral" et le " sens anaf-"ogique ". Ces
I
:::>
,
sens ne sont pas a prendre sur le m@me blan. Le sens '~ litt~ral
ou historique " d'un fait passe de l'histoire d'Isra~i, fait si-
I
tue
dans le temps et dans l'espace, s'9Ppose a son "sens spi-
rituel ou mystique", qUI expose ce que! ce fait signifie aujour-
d'hui pour la foi,
la vie et l'esperance du croyant
(2). Le sens
spirituel se subdivise ensuite en trois: : le " sens aJhegorique
i
ou typique " indique que tel fait passe: prophetisait tel fait de
I' histoire du CHRIST ou de I' Eglise ; le " sens moral IOU tropo-
logique " pr~cise la le~on morale a tirkr de ce fait pass~ ; en-
fin le " sens anagogique rI, lui, definit ce que ce fait annonce
de la Vie future,
de la Vie §ternelle. Cependant,
il faut aussi
;
savoir que chacun d~ ces termes utilises pour designer l'une des
subdivisions du sens spirituel peut d~signer aussi le!sens spiri-
tuel dans son ensemble. D'ou pour tout simplifier, onpeut en
rester au double sens fondamental de l'Ecriture, pOllrdire que
I
'
chez les commentateurs, apropos du deurieme sens, c'est_a_dire
le " sens spirituel " il y a souvent la! treve dans les distinc-
I
tions ou dans le langage
on parle de " sens all~gorique " ou
de " sens spirituel " ou " d'intelligence spirituelle " ou encore
I
.
de " sens moral" pour dire finalement la m@me chose. En d~fini-
tive, la terminologie importe peu ; l'important, c'est le symbo-
(1)
I Cor. 10, 1.11; Gal. 4,21-34.
(2) Cf. P.Y. BADEL,
Introduction ~ la vie litt~raire ~u Mo en a-
ge (collection Etudes
ed. Bar as, Paris-Montreal, 1969, pp.
56-
57.
I

261
lisme ou l'all~gorisme du fait historiq~e.
Ainsi, il s'est ~tabli une veritable th601ogie de l'E-
gypte, c'est ~ dire que la signification spirituelle ~t morale
du terme trouve son fondement dans la bible et dans la tradition
exegetique.
Pour les auteurs du Moyen age comme pour les :Anciens,
leurs predecesseurs, l'histoire est" maitresse de vie" pour u-
tiliser le terme meme de CICERON (1)." La vie des preclecesseurs"
observe GREGOIRE LE GRAND dans les Moralia, sert de mdd~le aux
successeurs "
(2). L'histoire est donc une science morale, qu'on
etudie en vue d'ameliorer les moeurs. C'est du moins ~on but es-
sentiel. Qu'il s'agisse en effet d'actes bons ou d'acies mauvaisi
l'histoire en tire toujours un enseignement salutaire; en appre-
nant a imiter les uns et a eviter les autres (3). C'est la une
conception tr~s moralisante de l'histoire, et pareille conception
suppose assurement l'absence d'une cer~aine forme de curiosite
historique. Ouvrons ici une parenth~se :pour observer qu' au niveau
du commentaire biblique, chez les Carolingiens, le choix beaucoup
plus abondant de th~mes de l'Ancien Testament par rapport a ceux
du Nouveau Testament en dit long,
il nous semble. 11 doit etre mo-
tive par un objectif carolingien assez ;proche ou assez parall~le
de l'objectif paleo-testamentaire. L'univers v~tero-t~stamentaire
n'apparaissait-il pas comme le mod~le d'imitation de l'Empire ca-
rolingien, du moins dans les trois lignes maitresses qui caracte-
risent la re~i~i6n de l'Ancien Testament, a savoir le~6notheisme,
le moralisme et le messianisme ?
Mais revenons a la conception ,de I' histoire pour dire
que nos auteurs n'ont pas un sens de l'histoire analogue a celui
qui existe aujourd'hui.
Ils ont plus urt sens theologique de 1 'his-
toire, consubstantiel
a la pensee chretienne, que nous rien avons
,
nous. Precisement, tout sens de l'histoire suppose qu'on ne s'en
(1) CICERON, De orat.
1. 11, c.
IX, apud llENRI DE LUBAC Exegese
medievale
: les Quatre sens de l'Ecriture, 1~re parti~, t. 11, Au-
bier, 1959~ p. 466.
(2) GREGOIRE, Moralia, 1. XXII, c. XIX, n.
34
(P.L.t. 76,
271c)
apud H. DE LUBAC, op. cit.
ibid.
(3) Cf. FRECULF Chronicon, t.
11, praeface, apud B. DE LUBAC,ibid.

262
tient pas a I '
" historia"
c' est- ~L dire aux fai ts purs et sim-
pIes, ou au pur recit des faits.
11 suppose qu'on se place, au
mains a un second temps, a un autre point de vue que celui du
narrateur.
La plupart, pour ne pas dire taus les commentateurs me-
dievaux occidentaux n I exercent guere un," sens cri tique " comme
I
celui qui s'est developpe depuis quelqu~s siecles. Sans doute
n'etaient-ils pas taus si denues d'esprit critique co~me on pour-
rait etre tente de le croire.
lIs avaient peut etre quelques prin-
cipes. Mais, en aucun cas, ces principes - s'il en existent - ne
sont appliques a la Bible, a la sacro sainte Bible, livre consi-
.
I
dere comme ecrite sous la dictee de DIEU lui-meme
A,ket egard,
a parler en gras, disons que comparativement a ST JEROME ou a ST
AUGUST IN, un homme comme le pape GREGOIRE LE GRAND a affiche un
esprit parmi les mains critiques, et les carolingiens se sont da-
vantage conformes a son esprit qu'a cel~i d'un BEDE. lIs pre-
naient donc le texte biblique sans presque jamais rien soup~onner
de " sa prehistoire "(1)
- "
La critique litteraire, etait pour eux,
sinon inexistartte, du moinscirconscrit~ encore dans des limites
fort etroites, et leur idee de la divinite des Ecrituies, non pas
trap profonde, mais trap etroite et trap unilaterale, !ne les in-
citait point a chercher les traces des deficits humaiqs sur les-
quels notre attention est aujourd'hui attiree"
(2)
Ainsi, aut ant les Peres occid~ntaux que leurs successeurs
dans le commentaire des Ecritures, n'ont pas compris que les li-
v res del a Bib 1e 0 n t " 1 e u r his t 0 ire " i; et pIu spa r tic u 1 i ere men t,
;
I
que ceux qui re latent les faits ou e~enements auxquels. l'Egypte
est melee,
(notamment le Livre de l'ExQde et ceux des ;prophetes
.,
ISAIE, JEREMIE et EZECI-IIEL, oil le role ijoue par l' Egypte apparalt
plus negatif et par consequent determinant dans l'image defavora-
ble qu'elle a laissee) ant ete ecrits, ,malgre tout, par des hom-
mes, des Juifs naturellement preoccupes ou influences ,par les dif-
ferentes situations politico-historiques du Moyen-Orient de leur
epoque, ou bien soucieux de prevenir l~ur peuple face;a ce qu'ils
(1)
et (2) Cf. H. DE LUBAC, op. cit. p.' 472.
,.

2G3
consid§raient comme un danger pour le nationalisme et le mono-
i
th§isme juifs. Bref, dans leur ignorance de la mentalit~,s§mi-
tique et des contextes on les textes scri~turaires ant v0
le
jour, les Occidentaux ont pratiquement tout pris au pied de la
lettre
; et l'Egypte des lors leur est apparue ce pays odieux,
i
.
ennemi ciu Peuple de DIEU, et avec lequel" ce dernier en a vu
de toutes les couleurs, comme no us dirion~ aujourd'hui.
Ayant consid§r§ ainsi " la lettre " ou " l'histoire ",
les COllll11entateurs ont eu a s'occuper de '" J.'esprit ", c'est El
dire qu'ils ont eu El s'appliquer a mettre en lumiere la.signi-
fication mystique ou allegorique dont elle est chargee selon
eux. Par analogie avec la r§alite physiqJe, c'est a dir~ l'E-
gypte visible et historique, le terme Egypte est devenu l'ob-
jet d'une double' interpretation spirituelle :
- en mauvaise part, notamment par allUsi?n aux souvenirs des
evocations negatives vet§rotestamentaire~, il est charge de tou-
te une symbolique fort negative transmise et garantie par une
longue tradition ex§getique, et particuliere patristique : ain-
si, par exemple, l'Egypte symbole du mon~e p@c~eur se note deja
I
chez des auteurs comme TERTULLIEN (1), CYPRIEN (2), JEROME (3),
I
PRISCILLIEN (4) et CASSIODORE (S)
;
l'Egypte symbole des tene-
b res se v 0 i t de j a ch e z AM BR0 I SE (6), J ERO HE (7) etAUGUS TIN ( 8)
tout comme l'Egypte symbole d~ la pers§~ution, de l'oppression,
de l'affliction ou de la tribulation figure egalement chez AM-
,
BROISE (9), JEROME (10), AUGUSTIN (11), 'CASSIODORE (12), etc ...
Membres d'une societ§ dont l'une des caiacteristiques mentales
consiste El reconnaitre dans l'anciennet§ un signe de verit§
(13),
les auteurs carolingiens ant une fois d~ plus reprodui~ ces cli-
,
.
ch§s, c'est a dire, ces significations allegoriques de, l'Egypte
,
dans lesquelles se retrouve en fin de compte un theme vieux com-
I
me le monde et eommun El toutes les reli~ions : l'oppo£ition entre
tenebres et lumiere, presentee. dans la litterature sous diff§ren-
(1) TERTULLIEN, Advers. Marc.
3, 13 - :(2) CYPRIEN, Fortunat.7 -
(3) JEROi'-1E, Et:ist.. 46,7
-
(4) PRISCILL'IEN, Tract.
6,
78,
2; 10,
102, 4 - (S)
i\\SSIODORE,
In psalm. 134,; 8 -
(6) AMBR. ·(Pseudo Ambr.
Trin. 16)-(7) JEROME, Nom. hebr.
2,
29
-
(8)
AUGUSTIN, §¥INsal~.
'
17,
28 -
(9) AMBR.
ibid - (10) JEROME, ;ibid - (11) AUGU
,1:Cd
(12) CASSIODORE,
In psalm. 134, 8 -
(13) H. DE LUBAC,!!op. eit. p.
374.
'

264
tes expressions antithetiques telles
: n~it-jour, clarte-obscu-
rite, ten~bres-lumi~re, Bien-Mal, soleil~ombre, Vie-Mor~, sombre-
clair, blanc-noir ...
- en bonne part, cependant,
l'Egypte app~rait rehabilit~e, aux
souvenirs de quelques passages vetero-te~tamentaires, ~ais plus
particuli~rement a partir des evocations! neo-testament~ires (la
I
'
fui te de la Sain te fami lIe en Egypte ... )! et surtout par: allus ion
aux souvenirs heureux de son Eglise : ra~onnement de la tradi-
tion theologique alexandrine (PHILON, OR~GENE, etc ... ) .; chre-
tiente egyptienne florissante avec Alexa~drie comme si~ge apos-
tolique au meme titre que Rome; floraispn d'erudits de la phi-
losophie chretienne (CLEMENT d'Alexandrie et autres), de Saints
hommes ayant porte la vertu ascetique pl~s loin qu'elle ne l'a
jamais ete dans toute l'hist6ire de l'Eglise
(anachor~tes .du de-
sert, fondateurs du monachisme), divers saints et martyrs ...
Bref, l'Egypte a trouve au regard des e~eg~tes, l'illustration
,
de ce passage de l' Ecri ture : " La oD. le peche abonde, :~'la grace
surabonde I' (1). D'oD. le terme, revet p~r antith~se, une signi-
fication spirituelle positive : l'Egypt~ spirituelle symbolise
I
;

le monde converti a DIED, c' esL ~Ldire, lIes Gentils, <tUI appar-
I
!'
tiennent au monde de la lumi~re parce q~e vivant desormais sous
la loi divine . .
1
: -
/.


;'
UN IVERSITE DE PA RISIPANT HE0~ SO RB0NNE ~.
U.E.R D'HISTOIRE
09:
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I
,
CENTRE DE RECHERCHES AFRICAINES
2
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GHEZ LES AUTEURS DE lANGUE LATINE
i
AUX IXeET xe SIEClES
I
I
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THESE DE DOCTORAl DU 3~GYCLE
PAR
EUGENE
ABOKEI
I
j
i
;
rDlRECTEUR DE THESE
I
"
Ii
'IS 1983.
aJE:AN OEVISSE,
I
/
II

DEUXIEI"1E
PI~RTIE
LE
TER~1E
A FR I CA

266
P L A N
D U
C BAP I T R E
A F R I C A
INTRODUCTION
269
tableau des auteurs
272-73
A.AFRICA AU SENS ETHNIQUE
............................. 274
.B. ;'?RICA
AV
S~::5
G:SCGRAPH1Ql':S
276
I.
AFRICA AD SENS CONTINENTAL
277
A. Definition de l'AfriQue -
continent
.....••.......• ·277
1. a l' echelle cosmographique
278
a.
une des trois parties du rnonde
278
b. la troisieme partie du monde
• • • • • • • • • • • • ••
2 Ei4-
1. systeme de Crates et d'Hipparque
289
2. theorie de Macrobe
291
c.
la portio "Cham"
2. a l'echelle etymologique
. . . .. . .. . ..... ....... . . 297
1. la piste lybique
. • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301
2.
la piste semitioue
302
3. la piste latine
303
B. Description de l'Afrique
-
continent
............. 308
1. indications physiques
.......................... 308
a.
limites et dimensions
,
,
1
308
b.
aper<;u genera
. . . . . • . . . • • . • • • . . . . . • . . . • . • . . . 310
c. divisions regionales
. . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . 312
d .
l ' At 1 as
•••••••••••••••••••••••••••••••••••• 317
e. les iles de l'Afrique
. 325
2. indications relatives au peuplement
. 330
1. les leucoethiopiens . . . . . . . . . . • . . . . • . • • . . . . . . . 332
2. les nigrites
. 333
3. les atlantes
. 334
4. les troglodytes
. 338
5. les garamantes .....•..••...•.......•........ 340
6. les augiles
. . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 342
7. les gamphasantes
. 343
8. les blemmyes
. . • . . . . . . . . . • • . • . . . . . • • . . . . . . . . 345
9. les satyres et les egypans
. . . . . . . . . . . • . . . . • 349
10. les himantopodes
.~ . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 2
11. les pharusiens
. . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . 0 • • 353

2G?
....::.
L'AFRIQL~ SEPTENTRIONALE
•....•....•..•• '. . • . . . • •. 358
A.
Definition
. • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 0

358
1 . situation geographique
, ,
358
?
situatj.on geo-astronomique
36o
3
DESCRIPTION de 11Afrlque septentrionale
.;'62
..........
B.
Description physique
. . . . . . . . . . . • • . . . . • • . • . . . . 362
1. la Maur&tanie
. . . . . . . • . . •.......•.•........ ~
. 362

llijauretanie cesarienne
'
. 365
b.
pjauretanie tingi tane
. . . . . . . . . . . . . • 366
2. 1 a Nurn id i e
. • . • • • • • • • • • • • • • • . .". • • e- _ • • • • •.• • •
366
3. 1 a fa une . . . • • • . • • . .' .••'.. •'. • .- a. • • • • • • • .' • • • • " • ... 37 b
1.
aurochs ou bubales
•..••••••.
371
0
• •
0 . 0
• •
2.
hyenes
' ..
372
3 .
1 ion s
.. •. . . . . . . .' . . . . • • • • . . • • . . . .'. . ••
373
4.
elephants
.."
375
C.
Description humaine
. • • • . . • . . • . . . . . . . . . . . . . . . . 382
a. les Afri
'..
383
b. les Puniques ou Carthaginois
384
c. le.s Getule s
, 390
d. les Li byens
- . . . . . . . . .. . . . . . .. ..
392
e. les }'Iaures et les Numides
' ..••.....•.... 395
f. les f'1assyles
'
4.0Ci
g. les Gaulales
,-
'
:::1.01
h. les Garamantes
·.. ·
·
402
i. les Psylles
' ...• 403
1 .
Reflexion~sur les sources de nos auteurs
405
a. la tradition biblique ou judeo-chret. 405
b. la tradition de type classique .....• 406
c. les explications isidoriennes
409
2. Le probleme de fond
..••. ...••..... ...... 410
3. Raban Maur et l'adoption de
la methode &tymologique . . . . . . . . . . . • 414
D.
L' hydrographie
..... ..'. . . . . . . . . . . . . . . . . .. 415
,....
a. les fleuves
..
.
"
'
"
415
b. les sources
. .0 . • • . . . . . •..' • • . • . . • . . . . . . . . . . •
416
E,.
La flore
. .'
. 421
~ VISION HISTORIQUE
1.
L'Afrique sous le systeme tetrarchique
·
423
2.
Les resistances africaines
.••.•. o ••••••••, •••• 429
a. 1 ague rre de Jugurtha
..•........' ..' .•.... L129
b. le soulevement d~s Quinquegentanei
(31
c. la revel te de Firmus
. • . . . . . . • . . . . . . . . . . . 432
d. la revol te de G~:.ldon
. . . . . . . . . . . . . . . . • . . • 434

268
ITl.
LA PROVINCE ROMAINE D'AFRIQUE
:
~ .• 437
VISION GEOGRAPHIQUE
! • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
437
i
,
A.
D&finition de la province roma{ne
.••.•...••••
437
1l la situation g&ographique
.1 • • • • • • • • • • • • • • • • •
438
,
..
!
2. la situation geo-astronomlqqe
443
I,
Description de la province d'Afrique
445
!
1. 108 indications physiques
i
. . ................ 445
2. l,~:rl.ydrographie
•• •• •. •• . . . • . . . . • .. .•
452
a. le lac Triton
~
452
b. le Bagrade
1
457
c. les sources merveilleuses
.••.•.••. ,.,.
458
,
,
3. la faune
i
.................................. 459
I
VISION HISTORIQUE
,
................... .... 462
'
A.
Le faci~s antique
.
. 462
1. l'Afrique punique 0U carthaginoise
.•.•. J.•. 462
,
p
• ~
!
.
2. l'Afrique romaine
i
·................. ....... 471
3. l'Afrique vandale
i
l.
· ........................ 482
4. l'Afrique byzantine
"
....................... 488
I
B.
Le faci~s m&di&val
• • •• • • • • • • • . • • • • . .. • • •• 492
I
I
a. rivalit&s afro-europ&ennesi
493
!
b. relations diplomatiques
~
508
!r • • • • • • • • • • • • • •
. . . .
Sources de nos auteurs
·
.,
"
~ . •. 515
Remarques
i
.......................
.
'
518
"
I
I
CARTES
1.
r~gions d'Afrique du N~rd
521
I
...............
2.
populations d'Afrique ~u Nord
522
I

269
·INTRODUCTION
.
I
L'EMPLOI D'AFRICA
MENTIONS ET CONTEXTES
Le d~pouillement
du corpus des auteurs ~tudi~s a
Tr~ 317 (trois cent dix sept) mentions du terme AFRICA.
Comme AEGYPTUS, AFRICA est ~galement employ~ dans
douzaine de contextes, qui sont
- le contexte g~ographique,
",; ..
- le contexte
historiographique,
- le contexte ~x~g~tique,
- le contexte po~tique,
- le contexte liturgique,
- le contexte ~ccl~siastico-disciplinaire,
- le contexte ~pistolaire,
- le contexte apolog~tique,
- le contexte hagiographique,
- le contexte pol~mique,
le contexte homil~tique,
- le contexte du comput,
- enfin, le contexte scientique.
Les informations diverses qui ont ~t~ recueillies
AFRICA dans les contextes d~finis ci-dessus, concentrent
clairage sur une double valeur s~mantique du terme, qui
. ,
;':.
arait comme :
Un toponyme
AFRICA pr~sente ~ ce titre, trois degr~s de slznl-

270
cation
il designe
- soit l'ensemble du continent africain, ou plus
actement, son equivalent
- soit toute la partie septentrionale du continent
question ;
- soit enfin, une region particuli~re ducontinen~,
/ Un ethnique
AFRICA designe une population de l'Afrique du Nord
trement dit, les "AFRI".
/ LES AUTEURS
L'EFFECTIF
I
Au total, 52 (cinquante deux) auteurs font usage
~.
L'emploi du terme se fait dans'des proportions assez
riables entre les auteurs
:
-. deux auteurs
(RABAN et FRECULF) I 'utilisent ur:c
ixantaine de fois chacun, soit 18,76 % de la mention
ale.
- un auteur (l'ANONYME du De Situ Orbis) l'emploie
trentaine de fois,
soit 7,72 % du total.
- trois auteurs (DICUIL, REMY D'AUXERRE et ALFRED)
font usage une vingtaine de fois chacun, soit 5,5 %.
- enfin, quatre auteurs l'utilisent une dizaine de
5
chacun, soit 2,68 %.

La proportion d'utilisation est la suivante, pour le
3te des auteurs
:
- clnq l' emploient en moyenne 5 fois, soi t
I} 5 %,
- qUlnze l'emploient en moyenne 2 fois, soit 0,7 %,
- enfin, vingt deux l'utilisent qu'une seule fois
it 0,31
%.
,
~ "

1/4 (800-825)
2/4 (825-850)
3/4 (850-875)
4/4 (875-900)
1 AlvlALAIRE
13 AGNELLUS
22 ADREVALD
30 ALFRED LE
2 ANGELOME
I
GRAND
14 ANASTASE
23 AENEAS
3 ANONYME ANNALES
15 ANONYME CARMINA
24 ANONYlvlE DE
MAXIMINIANI
CENTULENSIA
SITU ORBIS
31 ANONYME CARME~
4 ANONYME ANNALES
DE SANCTO
16 ANONYME CHRONI-
25 BERNARD
TILIANI
CASSIANO
QUE DE MOISSAC
26 HERI C DI AUXERRE
5 ANONYME CHRONI-
32 ERCHEMPERT
17 ANONYME SYNODE
QUE UNIVERSELLE
27 JEAN DIACRE
DE THIONVILLE
33 JEAN VIII
6 ANONYME CONCILE
28 JEANSCOT
18 ASTRONOME
34 NOTKER LE
D'ATTIGNY
ERIGENE
BEGUE
19 FRECULF
7 EGINHARD
29 REMY D'AUXERRE
20 PRUDENCE
8 DICUIL
21 WALAHFRID
9 FABIEN
STRABON
10 FLORUS
11 NENNI US
1 2 RABAN MAUR
1
';0.
,",,;;;iic.=
IV
-....j
N
.'
:
..........

PERIODE DU Xe SIECLE
AUTEURS QUI UTILISENT AFRICA
1/4 (800-825)
2/4 (825-850)
3/4 (850-875)
4/4 (875-900
1 ANONYME
6 ANONYME LIBER
9 BENEDICTUS
13 ABBON DE FLEURY
ANNALES DE
MONSTRORUM
ST. GALL
10 LI UTPRAND
14 ADALBERON
7 ATTON DE
2 ANONYME
VERCEIL
CHRONIQUE DE
11 PIERRE DIACRE
15 AlMOIN DE FLEURY
SALERNE
8 FLODOARD
12 WIDUKIND
16 CARUS SCOT
3 AUXILLIUS
17 GERBERT
4 EUGENIUS
VULGARIUS
18 RICHER
5 REGINON
N
-.....1
W

· A .
274:
AFRIC;\\
A U
5 E N 5
ETH~l:tQUE
L'emploi d/AFRICA comme ethnique ne figure que chcz
seulauteur,
RABAN MAUR,
qui,
par deux fois,
d~signe sous
terme,
une population de l'Afrique.
L'utilisation du VDoa-
e dans cette acception ne repr~sente donc que 0.6 % de SOn
ploi total.
C'est dans le De Universo,
au chapitre int:Ltule "Des
ms d c s Pe u pIe s ",
que,
co mp i 1 ant ma 1 I 5 I DO RE,
RABAI~ don n e a
RICA,
cc sens particulier.
"Les Afri",
ecrit-il,
.sont ainsi
mmes,
a partir d/un descendant d'Abraham, qui s'oppelait
ER,
et qui,
dit-on,
avait conduit une arm~e contre l~ Libyc
r~s avoir vaincu ses cnncmis, il s'etait etabli en ce lieu,
a partir de son nom, avait appele AFRIQUE ses descendants,
s
"AFRI".
(1).
Un peu pIu.':> loin,
l'abb~ de FULOA ajoute
u d~but,
"Afrique" fut le nom des Libyens,
cnsuite celui des
ri,
puis des Getules,
enfin
des ~1aures et des Numidcs"
(2).
5ere fer ant a sas 0 u r c e h a bit ue 11e, RABMj 1'1 i\\ Ij R ,] i n -
""',
oduit la,
cependant,
une gro.':>si~re confusion. Chez l'eveque
5eville,
en effet,
AFRICA n1est nul1emcnt pris comme un eth-
que.
5i encore l'acception du terme peut pr~ter un peu a equi-
que dans le premier passage de son
texte
(3),
en revanche,
ns le second passage, le sens d'AFRICA ne souffre d'aucune
scussion
: le terme designe naturellement le pays et non une
p u1 at ion' . ( 4) •
) "AF.RI appellati
ab uno ex posteris ABRAHAE,
qui vocabatur
ER,
qui dicitur duxisse adversus Libyam cxercitum,
et ibi
ctis hostibus conscdisse,
ejusque posteros ex nomine
atavi,
AFRO 5 AFRI CA M nun cup ass e ".
HR1', BAN HAUR,
0 e Un i ve r so 0 p.
c i to
1.
443.
) " AFrH CM1 aut e m in, i nit ion 0 men h a b u ere Lib yes dei n d e AFRI,
s t hoc Get u1 i,
p 0 s t rem 0 1'·1 a u l' i
e t
Num i d a e ".
HRA13 1\\ ~I HAUR,
De
i verso,
op.
ci to
coL
444.
"AFIU appellati ab uno ex IJosteris Abrahae,
qui
vocabatur
ER,
qui dicitur duxisse adversus Libyam exercitum,
et ibi
ctis hostibus co~sedisse, ejusque posteros ex nomine atavi
AFR05 et AFRICAM nuncupasse".
I5IDORE,
Etym.
IX,
11, 115.
) 1510.
Etym.
IX,
11, 119 :
"AFRICMl autem initio habuere
bye s,
cl e i n cl e AFIH,
P 0 s t
h a e c Get u1 i,
p 0 s t rem um r·,! a u r i
e t
~I u -
:de 5" •

275
Chez RABAN,
la confusion
est marquee,
clans le pre-
e r
pas sa 9 e,
par 1 a sup P l' e s s ion
cl e 1 a con j 0 n c t :L 0 Ji
;.: ,~
, ,', () l' cl i -
tion
"et" qui,
clans le texte
d'ISIDORE,
relie les mats
FRI" e t " AF RI CA1"1 11
;
cl a n s
1 e cl e u x I em e pas sag e,
e n rev a n c he,
confusion
s I observe par
un e
addition,
cell e
cl u m0 t
11 nom en 11 ,
n t
1 I aut e u r
fait
d I "A F RI CMl"
J.' a p p 0 5 i t ion .
*
* *
*
Le sens ethnique
cl 'AFRICA,' 'comme nous
venons
de le
ir
chez RABAN MAUR,
ne pr~sente en fait
aucune
valeur
ni
c~n int~r~t. 11 est le r~sultat de la compiJ.ation d'un tex-
mal
assimil~ par l'abb~ c1e FULDA. Du reste, une confusion
ssi g1'ossierc
tracluil~ bien, chez J 'auteu1', le grand foss~
i
s~par~, d'une part, ses connaissances 1ivrcsques c1es cho-
s,
et d'autre part,
1es r~alit~s africaines dont il est
lestion.
I
RABAH
souleve en outre un
probleme,
ce1ui
de 1'01'1-
ne
c1es populations I~ord-Africalnes. L'ethnique AFER dont
pendent AFRICU,S,
,L\\FRICMlU-5 et AnnCA,
semble
avoIr
~te uti-
se pour
d~signer, ~ l'origine, la population qui vivait sur
s ter1'itolres
soumis
au
contr81e politique
de Ca1'thage.
Mais
.....
us aborde1'ons plus loin,
ce probleme
de
l'o1'1gine.
. .'

2?G
}\\ F R I C A
A U
S ENS
G E 0 G RAP H I QUE
A l'exception des deux occu ences ethniques, AFRICA se
~le, de toute §vidence, comme un terme g§ographique, autrement
, un toponyme. crest ce qu'attestent les 315
(trois cent quin-
occu ences sur 317
(trois cent dix sept) enregistr§es au to-
, soit l'§quivalent de 99,36 % de l'utilisation du terme. Et
emploi se retrouve chez taus les utilisateurs d'AFRICA,
soit
z 100 % de l'effectif.
Comme toponyme, AFRICA pr~sente trois accept ions dif-
entes. 11 §quivaut
:
soit au continent africain
soit a l'Afrique du Nord
- soit a une r§gion particuli~re du continent, c'est_a-
e,
la Province d'Afrique romaine.
Nous allons respectivement examiner ici les trois sens
terme et tacher de d§gager, d'une part,
les r§alit§s g§ogra-
ques qu'AFRICA recouvre,
et d'autre part,
leurs diff§rentes
acteristiques.
En .proc§dant du sens large au sens restreint, nous etu-
rons dans l'ordre, AFRICA au sens continental, puis au sens
frique du Nord, et enfin, au sens de
la Province d'Afrique ro-
ne.

. I .
277
A
F
R
I
C
A
:-. A U
S
E
N
S
"
.
: C 0 N'T I
N E N T' A L
.'
Dans 90 occurrences du terme,
soit 26.53 % de l'em-
oi,
AFRICA affecte un sens large et ~quivaut au continent
ricain dans son ensemble.
Notons que l'~quivalence, ici,
est pas reelle, mais seulement th~orique,car nous le ve;'-
ns,
i l
y
c: loin de 1 'etendue du continent,
tel que nous le
nnaissons aujourd'hui,
~ la conception qu1en avaient les
teurs ~edievaux.
\\. ~..
Sur les 52
(cinquante-deux)
auteurs qui emploient
terme AFRICA, 19
(dix-neuf)
l'utilisent dans ce sens lar-
, ce qui correspond ~ 36.53 % de 1 'effectif.
De::> quatre
t~qories d'auteurs, seul le groupe scientifique que cons-
tue tout seul GERBERT,
n1utilisepas AFRICA dans le sens
ntinental.
EFINITIONDE L~AFRIQUf~CONTINENT
L'Afrique,
au sens continental peut se definir cl
ux niveaux
:
- au niveau cosmographique,
ou elle apparaft comme
10)
une des trois parties du monde
2 0 )
la troisi~me partie du monde
30)
la part devalue a Cham,
un
des trois fils
de
I
Noe.

., r-/' S
I..
l
- au nlveau
~tymolog1que, ou son nom est expliqu~
10) par un calembour
2 0 )
par :~e nom de deux heros eponymes.
L 'Afrique
une de~ trois parties du monde
Pour plusieurs auteurs, 1 'Afrique est unc
G2S
trois
rties du monde.
A ce titre,
e11e est mentionnee en maintes
currences,
avec 1 'Asle et l'Europe.
- Chez
trois premiers auteurs,
AMALAIRE,
FLORUS et
LAHFmD STRABON, 1 1 Afrique cst mentlonnee comme une des
rties du monde,
all meme titre que l'Asie et l'Europe,
dans
e perspective theologique Oll pointe 1 'universalite de l'E-
lse.
Dails un passage d u Lib er 0 f f ic:L a li s
Cl), 1 J aut e u r ,
ALAIRE SYMPHOSIUS,
consid~re l'arche de Noe, avec ses hutt
scapes,
comme la prefiguration du temps du
bapt~me. 11 fait
parall~1e en s'appuyant sur un passage de la premi~re e-
tre de SAINT-PIERRE
(2)
; puis poursuivant,
il
etablit un
ral1~le entre les huit rescapes de 1 'arche et huit catego-
es d'~lus dans le temps du bapteme
- la premi~re caterogie est,
selon lui,
cellc de
Eglise p{imitive,
malmen~e au sein du peuple juif ;
) AH;\\LARIUS SYMPHOSIUS,
Liber o·fficiaU.s,
ed.
J.
H.
Hanssens,
alarii episcopi opera 1iturgica omnia,
t.
I et 11,
Rome,
1948.
) I Petr.
3,
20-21.
:: :

q
(.. r-/' 9
-
- la c1euxi~me cat~gorie, celle de cette meme Egli5c
imitive, p~n~trant chez les peuples
(parens)
- la troisi~mc cat~gorie, celle des Centils croyants
- la quatri~me, celle du peuple juif repentant
- la cinqui~me, celle de ceux qui viendront au temps
llAntechrist
0)
- enfin,
la sixi~me, la septi~me et la huiti~me cate-
'ries,
sont celles de ceux qui doivent ~tre rassembles uni-
rsellement d 'Asie,
cl' Europe et d I Afrique(2).
Dans un
autre passage du meme ouvrage,
AMALAIRE,
en
nt que liturgistc,
commente en ces termes le quatri~me verset
p s a um12 6 5,
ch ant ~ cam m12 sec 0 n cl "i n t l' 0 it"
( c h Cl n t
cl: (;;:1: r ee)
a
office de l'Octave de la fete
de L' Epiphanie
"Que toute la
1'1'12
t'adore,
Dieu",
tal,
qui appartient a la foule des croyants
'mme en premier,
les trois mages l'adorerent,
qu'ensuite tous
s croyants lladorent depui.3 l l Asle,
l'Afriquc et l'Europe
(3) .
Dans la
tradition chretienne
influencec par DANIEL
(On.
11,
,),
le personnaqe nomrne Antichrist ou Ant~christ (l In.
2,
18
3 ;
2 On.
7)
est considere comme le grand ennemi de Dieu.
'"
apparCll t
cornme un
"t
e-re personne 1 "
qUl se
'1
reve. era
'1-1"
a
a
,-In
s
temps
(tandis ql:e Satan,
dont 11 est 1 1 instrument,
a(Jit cles
intenant dans le
"mystere"),
exergant contre les c;oyants un
uvoir persccuteur et s~ducteur (cf. Mt.
24·,
24 ;
Ap.
13,
1-8)
ur la grande epreuve derniere a laquelle mettra fin le retour
Ch l' is t.
-
Cf.
LCl Sai n t e Bi bl 12,
t l' ;:: d.
f r ~ sed e l ' e col 12 bib 1 i -
e de J~rllsalem, eel.
du Cerf,
Paris, 1956,
p.
1563,
note i.
) 'f
S.~cut tunc octo animae fuerunt in arca,
ita possumus
venire dcto ordines electorum sub tempore baptisml.
Primus 01'-
est primitivae ecclesiae,
versantis in populo Judaico
se-
ndus,
ejusdem primitivae ecclesiae,
intrantis ad gentes;
rtius,
credentis gentilitatis
; quartus,
resipiscentis populi
daici
i
quintus,
eorum qui futurl
sunt sub tempore antichris-
i
sextus,
et septimus,
ac octavus,
eorum qui universaliter
11 i g 12 n d i
sun t
ex Asia ,
et Eu l' 0 P a,
a c AFRICA. " AH;\\ LARIUS,
Li -
l'
0 f fie i () 1: s,
I V,
10,
5,
ed. J. M. Ha ns se ns, Am ~.-~~_I~~L._ 12 piscopi
era 1 it u r 9 i c a 0 mn i a,
t.
I I.,
Rom e,
1 9 48,
p.
449 - LJ· ) 0 .
"Secundus
(Introitus)
e s t :
"Omnis terra adoret te,
Deus",
i
pertinet ad multituclinem credentium,
ut quem prima adora-
runt tres magi,
postea adorent omnes credentes ex Asia,
et
RICA;
et Europa",
Al'1ALArnUS,
Ope
ci"'l:.
p.
511..

nno
1-.0
Dan s son Tr a i t e de J' e.l e cti 0 n des
eve q u cs
Cl-), F L0 IW S ,
.ocre de .l'Eglise de Lyon,
expose le droit qu'ont le clerge
le peuple de se choisir un
ev~que. 11 fait voir d'abord, par
temoignage de SAHlT-CYPRIEN,
que l'ordination
du papc COR-
~ILLE s'est faite suivant le choix du c1erge et du peuple ;
!s eveques,
ajoute-t-il,
ant ete ainsi ordonnes dans toutes
:s Eglises de Dieu pendant pr~s de quatre cents ans ; et m~-
: depuis que les princes ont commence d'~tre chretiens, les
'dinations des ev~ques se sont faites avec la m6mc liberte.
Isuite,
il en donne une raison qui lui paralt evidente
:
land il nly avait qu'un empereur,
i1 n'etait pas possible de
'inFormer de tous les ev~ques qui devaient ~tre ordonnes en
lnt de vastes provinces d'Asie,
d'Europe et d'Afrique
(2).
dans la suite .la coutume s'est etablie,
en quelque royaume,
. consulter le prince pour l'orclination
des eveques,
cela n la
,e que pour entretenir .la charite et .la paix avec la puissan-
: secuLiere,
et non' pour autori.ser,
nl
rendre parfaitc 1'or-
nation qui ne se tonf~re p6int par la puissance secull~rc,
lis uniquement par l'ordre de
Dieu ct le consentement de 1'[-
ise,
car l'episcopat nlest point un present des hommes,
lis plutBt un don
du Saint-Esprit.
Dans le De ecclesiasticarum rerum exordjis et 1ncre-
ntis
(3),
l'auteur,
WALAHFRID STRABON,
apr~s c(voir fClit un
lrall~le entre les differentes dignites ecclesiastiques et
s difFerentes dignites profancs,
pousse plus loin
la compa-
ison en etablissant eg~lement un parall~le entre lcs circons-
iptions ecclesiastiques et les structures geo-politiques
) FLORUS;
Liberde elecUonibus episcoporum,
ed.
Hi9ne.
P.
Lat.
119,
col.
11-14.
)
"..•
Neque enim fieri
potuit,
cum unus imperator orb is ter-
e monarchiam obtineret,
ut ex omnibus latlssimis mundi parti-
s,
Asiae videlicet,
Europae ct Africac,
omnes qui orc!inclndi
ant episcopi ad ejus cognitionem deducerentur ... ".
ORUS,
Libel' de electionibus' episcoporum,
ed.
Higne P.
L.
G .
9,
col.
13.
) IVALAHFRIDUS STRABO,
De eccleslasticarum rerum exord;is et
crementjs,
in Capitula regum francorum,
ed.
A.
BoreLi.u.r. und
Krause,
to
JI.
Hanovre,
1883
(M.
G.
H.
Legum
sectio 1J),
474-516.
'
.: .:-

I
administratives qui
prevalurent dans l'Empire 1'omai.n
cH!
e
sietle ap.
J.-C .•
La viJ.J.e de
Rome,
reconnalt-iJ.,
n'ctait
s la seule capitale de 1 'epoque
;
les
autres parties
de
Empire en
avaient aussi
une
-sous-entendez Antioche pour
Asie,
et Alexanclrie
pour J.'Afrique-.
Parallelen:c:;:~, les au-
es EgJ.ise5,
c'est-~-dlre, celle d'Antioche en Asie et celle
AJ.exandrie,
cn
Afrique,
partagent
avec le
siege
romain,
la
me dignite
(entendez qu'elles sont des pat1'iarcats,
au m~-
titre que Rome)
(1)
(2).
Dans son
homelie
intitulee Homilia
in
Initium
Evan-
lii Sanct.i. Hathaei
(3),
le meme WALAHFRID,
commentant cc ver-
t
d e J.' Apot I' e tv1 ATTHIE U 11 Ab Abra h am
u s que
adD AVI D g e n en .-
one s q u a t u 0 I' d e c i m11
(Lj.) ,
em e t
to u tun
de vel 0 p pe men tOll
i [
cl.:. s -
ngue
trois ordres de
generations
:
un
premier ordre
comprc-
nt les trente premieres generations,
correspond a l'assef1i-
ee des fidcles,
avec
comme figure,
ABRAHAI"1
;
un
deuxiemc or-
e
allant de
J.a
trentieme a la soixantieme generation,
c'est-
d :i l' e,
jus qui a la, Depd l' t Cl t :i 0 n ~ Ba b y 1 0 ne, cor l' e s p 0 n d a u Ve u -
ge que
symbolisait en
Isra~l, la royaute sans roi ; enfin le
oisieme ordre de generation,
allant
jusqii'a la Vie1'ge,
cor-
spond a la Perfection,
laquelle s'entencl,
soit comme la
con-
ssion
de
la Sainte-Trinite et l'observance de
l'Ancien
et du
)
11
Sic ut v e l' 0
sum mu s
sa e c u J. i
pr in c i pat u s non
tan tu m a -
d Romanos,
verum etiam
apud aliarum
par~ium gentes interdum
i t ,
ita et aJ.iae ecclesiae dignitati
sedis Romal/ae
consotian:...'
1',
id est Antiochensis in
Asia,
Alexandrina in f\\FRIC/\\".
LAHFRIDUS,
op.
cit.
p.
513.
) Au IVe
s.,
l'Eglio5e a precise et mis
au point les rouages
sa hie1'crchie 10rs de plusieurs
conciles,
notamment ceux
de
cee
(325)
et de Constantinople
(381).
En
general,
les
circons-
iptions \\ecclesiastiques ont tendu
de plus en
plus ~ se mode-
l'
sur les divisions administratives
temporelles,
avec
toute-
is des exceptions et des nuances
tena~t soit a des traditions
c ale s,
s 0 i t a u x con d i t ion s
d.i f fer e n t e s
d e l I e x p cl n s.i 0 j-,
;; I", ]' c-
enne en Orient ou
en Occident.
Au point de vue
politique,
ux
autres
viJ.les
venaient,
au 1II-IVe s.,
rivaliser
plus ou
ins avec Rome,
comrne des
capita.l.es de .1. 'Empire rornain.
Ce
nt Antioche
qui devint la
capitale de
l'Orient depuis Constan-
. (338-350),
et A.l.exandrie,
qui prit un
esso1'
rernarquabJ.e
sous
Is Lagidcs.
Ces trois
v:Llles
devinrent
cga.1.ernent les troLS
inci.paux
sieges ecclesiastiques,
avec toutefois,
la
prePmj.-
nce au
siege rornain.
Quant a Antioche, e.l.le sera suppJ.antee
I'
Constantinople
sous Yempereur THEODOSE ler
(380).
) WALAHFRIDUS STIIABO,
Hornilia in
Initiurn Evangel;;
S,]flcti. Hat-
aei,
ed.
Hiqne r.
L.
t.
114 col.
849-862.
-
)
"...
Si'.' e - e ti arn
qui a
a t l' i bus mu n dip a l't i b u ::;,
f\\ si Cl
v i ~Je 1 i -
t,
AFRICA et Europa,
fideliurn
nurnerus
adirnpletur."
LAHFRI150S STr1ABO,
op.
cit.
col.
860.

282
uveau Testaments,
par quol
tous les Chr~tien~ font leur sa-
t
en parvenant ~ la vie ~ternelle
solt comme 1es trois p~r-
es
du monde,
1 'Asie,
l'Afrique et 1 'Europe,
dont les
re5-
rtissants
forment le nombre
des fid~les.
-
Chez qUutre
autres
auteurs
ensuite}
l'Afrique cst
ntionn~e comme une des trois parties du monde, ~ l'instar
1 'Asie et de 1 'Europe,
dans cles
consicl~ration~ geographi-
es ou
politiques.
Dans le-s Po-emesde ,SAUH,-RIQUIER ,(1),
1 r auteur
Lrr-
nnu,
un moine
cle laclite
abbaye,
donne
dans
un
poeme intitu-
"In
cruce" et ecrit en
vers
hexametres,
la
description
de
carte
du mondc
placee clans le
scriptorium du
monastere.
r
cette
"mappa muncH",
l'auteur distingue les
contours
d'un
n d e e n t r 0 i 5
P Cl r tie s,
q u- i
~ 0 n t
;
1 I As i e,
l ' Eu r 0 p e
e t
1 I ;\\f r i q ue
) .
Dans un poeme faisant partie
d'un
ensemble intitule
lloga
(3),
un
pretre
italien,
EUGENIUS VULGARTUS,
(;met des
uanges flatteuscs
~ I' adresse de 1 'empereur de Byzance (4),
':Ll
compare a la foudre lanc~e, qui,
d:~t-il, combattit 1 'Asie,
mpta 1 'Europe,
terrassa l'Afrique,
et
soumit
toute la
terre
rbare.
(5).
)
MlOHYr~US, Carmin-a GentuJensia, ed. L. Traube, in 1'1. G. H
et.
Ill,
1896,
p.
279-368.
"Hic mundi species perituri picta videtur,
Partibus in
ternis
qui
spatiatus inest,
Quarum Asia primumque locum
hinc Europa
secundGm,
Possidet extremum AFRICAdeinde
suum".
ONYHUS, :Carmina Centulensia,
ed.
L.
Traube,
dans M.
G.
H.
et.
I l l ,
1896,
p.
297.
)
EUGEtHUS VULGARIUS,
Syl10g-a,' ed.
P.
Von
Vlinterfeld,
H.
G.
Poet.
IV,
I
(1898)
p.
412-440.
) 11 s'agit
de LEON
VI
dit
le Philosophe,
qui
regna de 886
a
1.
)
"0 Sceptrum ThracLum,
missile fulmine
I
Quod
bel1a~s Asiam, ferrea pectora
Europam domuit,
stravit et AFRICAH,
Totam
barbaricam
subclidit orbitam."
J
EN IUS VULGARIUS,
S Y11 og a,
~ cl. P. v 0 n IV i n t e r f e 1 d, j n H. G. H.
_t.
IV,
18913,
p.
425.
'

283
flans
un passage
de
son Commentaire sllr les
epitres
SAINT-PAUL
(1),
ATTON,
archeveque
de Verceil
(Italic),
pliquant le mot
"tribut"
(1'impot)
suggere par
ce
vcr set de
Apotre
:
"Reddite ergo or.mibus debita;
cui
tr:U1utum,
tri-
turn;
cui vectigal,
vectigal"
(2),
affirme
que les Romains
Vi0erent le monde en
trois parties,
1 'Asie,
1 'Afrique et
Europe;
qu lils
appeJ.aient
"tribuns" les
hommes
places
<3
ur tete,
et des
"tributaires" les populations qui
pGY::I",nt
cens
(11 impo t)
(3).
Dans une
breve
epitre adressee
~ la princesse MA-
ILDE,
fille
de l'empereur OHION Le Grand,
~ laquelle iJ. de-
e son ouvrage,
les Gest'a rerumSaxonicarum(4), wtDUI<HJD,
ine de l'abbaye
de Corvey,
soJ.J.icite _le
soutien
de
la
jeune
incesse
en
fai.:>ant
son
eloge en
ces termes
:
"Pret ~l entre-
endre un
immense travail,
ou
du mains,
~ le reprendre -car
pIu.:> gran de partie est achevee- que votre Majcste veuille
en 1ui accorder
son
soutien,
elle qui
est reconnue
de
droit,
mme la souveraine de l'[urope
entiere,
bien
que la puissance
,
Ii'
votre pere se soit deja
etendue en
Afrique et en
Asie ••• (5).
) ATTQ,
[xposi,tic, in' [pis,to]'as S.' PauJ.i',' ed.
tvIigne,
P.
L.
t.
4,
col.
J.25-834.
Rom.
13,7.
) "
Tributum,
ut quidam volunt,
a
"tribucndo"
dicitur.
t
enim census,
aut redditus qui
exigitur a colonis,
vel
ter-
tor i is
j
rev era aut e m t r.i but u m a "t rib u bus"
die i t u 1'.
R0 [T) cl n i
qui cl e m mu n d urn
in
t res par t e s d i v i se run t ,
As i am,
/\\ F f:L c: Ai! c t
ropam,
quibus qui praeerant tribuni vocabantur,
et qui
censum
1 ve ban t,
t rib uta ri i".
TO,
Expos'itio'in [pistolas $<.
Pau,Li,
ed.
Mignc,
P.
L.
t.
':'J4,
1
1.
261.
) IVIDUI(HIDUS,
Reeumge'starum
saxonica,tum
libri tres
ed.
Waitz,
novre,
1882.
)
"Ingen~ opus coepturus, vel certe iteraturus -nam magna ex
rte peractum
est- tua gratia fulciatur,
quae domina esse
di-
sceris jure totius
Europae
;
quamquam
in
AFRICAM A.:>iamque
pa-
i s
tu i
j am pot est asp rot end <J t u r ••• ".
IVI DU l< I NDU S ,
Gc ss a rUin
r e-
mS a x 0 n :L car urn Jib r i
tr e s " ed. G. IV Cl i t z ,
in fv1.
G.
H.,
Ha n 0 v re,
82,
p.
52
prologue

284
-)(-
-lE-
*
*
A propos de
sources,
il
importe
de
noter que
dans
tte pr~sentation de l'Afriquc comme une des trois parties
monde,
les
auteurs
se montrent tous or_Lginoux
2ut:'cm,,;;lt
t,
cette
conception
de l'Afrique
leur
est propre.
*
L 'Afrique
.
la 'troisieme part5.e 'du monde .
Chez quatre
auteurs,
a
savoir
:
RABAN
MAUR,
l'Ano-
me du
De
s'it·u'.orbi's·,
le
roi ALFI1ED et RICHFR,
la
defin~tion
continer:t africain
se pr~cise davantage
: 10 terre
hclbi-
ble
se divi.se en
trois parties>
qui
sont l';\\sie,
llEurope
l'Afrique
;
et
crest l'Afrique qui
en
constitue
la troi-
eme partie.
Compilant textue11ement ISIDORE De
SEVILLE
(1),
,BAN nous presente,
en effet,
cette
division
de
la
terre
e cerc1e
de la terre,
dit-il,
est dlvi.se en
trois portles
premiere partie se nomme
Asie
;
la
seconde,
Europe;
et
troisiem~ Afrique. Les Anciens n'ont pas divi.s~ ce~ trois
rties
de
fagon
~gale, car l'Asie s'etencJ c1u Sud jusqu·iJU
,
rd,
~ travel'S l'Orient, l'Europe, cJu NorcJ jusqu'en accident,
l'Afrique,
de l'Occident
jusqu'au Sud.
De la,
bien
evidem-
:nt,
1 'Europe et l';\\friqup occupen-:: toutes les deux
la rlloi-
e dl! monde,
tanrHs
que l'l\\sie
seule en
occupe l'autre moitie".
cxplica~ion de cette position de l'Europe et de 1 'Afrique ?
est la GrancJe Her
(la Mediterranee),
qui,
purtant de 1 'Ocean
'Atlantique),
s'enfonce entre
ces deux
parties et les
separc.
est pourquoi,
poursuit RABAN,
" s i
vous
c1ivisez la
terL'C
cn
ux
parties
-une orientale et une occider.tale
-1 1 Asj_c occupe
) ISID.
Etym.',· XIV,
11,
1-3.

285
e partie
(l'orientale)
et l'Europe e~ l'Afrique, l'autre
trtie
(l'oecidentale)"
(1).
Repetant ficle.~.ement MARTIAHUS CAPELLA (2), l'autcur
onyme du
De situ orbis- r<:Jpporte lui au,Ssi ce partage de la
rre
:
"Le pourtour entier de la terre superieure et h<3bita-
e,
ecrit-il,
comme l'attestent la plupart des auteurs,
se
vise en trois parties:
Europe,
Asie et Afrique.
De eelles-
, la coupure faite
par l'Oeean separe la premiere de la der-
ere.
Car venant par le detroit deCades,
l'impetuosj.te de
Atlantique,
taillant une breche dans la profondeur de la ter-
:,
a coupe le flane libyque de l'Hibere et se r(~pClnd aussitot
ec tout son elan dans les etf~ndues liquide::; de la mer proche"
,).
- Em p l' Un tan t
par a i 11 e u l' 5
a P0MPO tH US 1"1 ELA (4), 1 e mem e
onyme ecri t
:
"L 'univers est divi::;e en
trois p2.rties par la
diterranee
(hoc mari)
et deux CaUl's d'eau celebres,
le Ta-
is
(le Don)
et le Hil
; le Tanais,
qui se dirige du Nord
1'5
le Sud,
se jette presque au cen tre de la Heotide
,
a l'in-
rse,
le Hil s'ecouie vel'S la mer.
Cette partie de la terre,
[i ::;'~tend du detroit jusqu'aux deux fleuves,
nous la nommons,
un cote
Af l' i que ;
del' aut l' e : Eu l' 0 pe;
v e r 5
1 e
i'l Ll: i\\ f l' i ..
le,
vel'S le Tana:(s,
Europe;
quant a la partie qui s'etend
-dela,
crest lll\\siel/ (.5).
"rOrbis circuli]
divisus est autem trifarie,
a quibus una
1'5
Asia,
altera Europa, ,tertj.a AFRICA nuncupatur
: qua5 tres
rtes orbis veteres non aequaliter divi::;erunt.
Nam Asia a me-
die per Orientem usque Septentrionem pervenit
: Europa vera
Septentrione usque Occi~entem : atque AFRICA ab Oceidente us-
le ad Meridiem.
Unde evidenter orbem dimidium duae tenent,
Eu-
'pa et AFRICA:
<:Jlium vera dimidium sola Asia.
Sed istae duae
eo partes faetae sunt,
quia inter utrasque ab Oceano mare
gnum in~reditur, quod sas intersecat.
Quapropter si in duas
rtes Orientis et Occidentis orbem dividas,
Asia erit in una,
altera Europa et AFRICA".
RABAH MAUR,
De Universo,
op.
clt.
1.
333.
) 1"1ARTIAr~US CAP.
VI,
622-26.
) "Circulus omnis superae habitabilisque telluris,
sicut ple-
que testantur,
in
tres partes est dlstrlbutus
:
Europam,
Asiam,
RICAMQUE.
Quarum primam atque ultimam lntcrruptio dissicit Oee-
i.
Nam Arllantici profundi ex Caditano fretu
vis intersecans
ofunda telluris Rybicum ab Hybero latus abseidit et confestim
in propinqui maris Llucnta diffundit".
MIONYMUS,
De situ 01'-
s,
op.
cit.
1.
I,
6,
p.
10.
MElI\\,
I,
8-13.
"Hoc mari et duobus inc1itis amnibus Tanao atque Nilo
in

non
~OO
Dans sa
traduction de l'Histoire de PAUL OROSE,
le
Ji ALFRED Le Grand fai~ ~galement ~cho ~ la traditicn de la
ivi5ion
tripartite du moncle,
tout en evoquant cependant l'opi-
ion des partisans d'une division bipartite.
En effet,
sim-
lifiant quelque pcu le texte original d'OROSE
(1),
le souve-
lin anglo-saxon
ecrit :
"~los ancetres, dit OROSE, ont divise
1
trois parties tout le globe terrestre,
environne compl~te­
~nt par l'Ocean que no us appelons Garsecg (2)
il~ ant don-
~ aux trois parties, trois noms, Asie, Europe et Afrique. Cer-
lins auteurs,
pourtant,
n'ont pas moins pretendu que le mon-
~ est d i vi::; e end e u x par tie s s e u1 em e n t
: As i e e~ Eu r 0 pelt
(3).
illcurs,
dans un autre passage,
ALFRED explique pourquoi
'Afriqu~ est consideree comme la troisi~me partle du monde
. ••
~I 0::; an c et res d i s a i en t q u ' ell e (l I Af l' i que) et Cl i t 1 Cl t r 0 i -
l~mc partie du monde, non pas parce qu'elle est tr~s etendue,
lis parce que la Mediterranee l'a compl~tement iso1ee ; parce
J'elle s'enfonce plu~ dans la partie sud que dan~ Ja partie
)rd
; que la chaleur sevit avec 'pIu::; de rigueur dans la par-
le Ncrd ; et enfin,
parce que tous les etres vivants sUPIJOr-'
~nt mieux le froid qce la chaleur. crest pour ces raisons
~ulte) tres partes universa dividitur, Tanais a septentrionc
j
meridiem vergens in mediam fere Meotidam defluit,
et ex diver-
) Nilus in pelagus.
Quod terrarum
jacet a freto
ad ea flumina,
) altero latere AFRICAM vocamus ab altero Europam ad Nilum
-RICAM,
ad Tanaim Europam ultra quicquid est,
Asia est.
10NYHUS,
De situ orbis,' opo
ciL
1.
11,
J.•
p.
4l.
.) Cr. 080SE, I, 2, 83-84~
~) J. BOSWORTH, l'editeur du texte, explique Ginsi ce mot
~ar::;ecg" :
"a spear-man,the Ocean;
homo
jaculo arrnatus,
;eanus".
- L 'ocean semble personnifie icL
QUJnt ,3
ce person-
Ig e " J r me diU n e 1 a n c e It e t qui par a i t s )'mb0 1 i s e ;~ 1 J 0 C ean, i 1
lit penser,
chez les Romains,
~ Neptune arme d'un trident.
l ) " 0 u r e I de r s,
s a i cl 0 R0 SIUS,
d i v i d e din t 0
tlw e e p act s,
a 11
le globe of this mid-earth,
as it is surrounded by the Ocean,
.ch we call GARSECG ~
and they named the three parts by three
Imes.
- Asia,
and Europe,
and AFRICA·· though
some said
there
~ r e but t IV 0 par t s, 0 n e As i a and the 0 the r
Eu r 0 pe".
I( i n gAL FRED's
anglo-saxon version of OROSIUS, op.
ci.t.
c.
I,
p.
29.

.....
hc,
que 1 'Afrique est plus petite
que l'Europe,
non
pas
ulement en
etencJue,
mais aussi
en
population"
(l)
Enfin,
dans
son
Hlstcire de
France
(2),
RICHER,
qui
pete
egalement OROSE
(3),
presente a son tour, la terre com-
divisee en
trois parties,
dont l'Afrique.
L';\\sie
qui
s'e-
nd,
cJ'apres lui," du
Hord
au
Sud a travel's l'Orient, est li-
tee ex t e r i e u r em e n t
pari 1 I 0 C ea n
;
in t e l' i e u re men t,
e 11 e
est
paree
de l'Europe
depuis les monts fliphees
jusqu 'a J' om bilic
la
terre par le Tanars,
le lac Meotide
et la Mediterranee.
pufs l'ombilic
jusqu'au Midi,
elle est
isolee
de
l'Afrlque
l'
le
Nil.
Quant a l'Afrique et a l'Europe, clles sont entou-
e sex t e l' i e u l' e men t
par l ' 0 c e an,
duM i d i
a u ~l 0 l' d.
L a ~'1 e d i t er -
nee qui
coule entre
e11es,
les separe.
Leurs limite:J
inte-
e u res
a v e e l ' As i e
se n t I e Nil
po u r I ' u ne,
1 a
Hccl i t c .c' l' cl nee,
••
,
11
Thanais et le lac Meotide pour l ' autre
(4).
-x- * -x-
*
) "
Our
elders said
that
i t was
the
third part of
this
d-earth,
not
because
there
was
so much of
the
land,
but
be-
use
the Mediterranean
sea
has
50
divided
i t
;
because i t
eaks more
into
the
south part than
i t
does into
the
north;
d the
heat
has
taken
more
hold on
the
south
part,
than
the
Id
has on
the
north;
and
because every
creature
can
better
thstand
cold,
than
heat;
for
these
reasons,
AFRICA is less
a n Eu l' 0 pe,
bot h i n 1 and
and
i n men".
I( HI GAL F RED J
0 p,
ci t •
I,
29 p.
58.
- Cf.
OROSE,
I,
2,86.
) RICHERUS,
Historiarum
libri
IV,
ed.
R.
Latouche,
t.
1-11,
RIS,
1930-1937
(class.
Htst.
de
France,
H.
A.),
)
Ct.
OROSE,
I,
2.
83-86.
,
)
" 0 l' b i s' ita que pIa 9 a , quae mortal i bus s e s sec 0 mmod a rn p r a e bet ,
cosmographis trifariam
divicJi perhibetur,
in
Asiam videlicet,
RICAM et Europam.
Quarum prior,
a
septentrione
per orient1s
gionem usque
in' austrum,
extrinsecus oceano
disterminata,
in-
rius a Ripheis montibu5
usque
ad
terrae
umbilicum,
Thanaf,
othide,
Mcditerraneoque
ab
Europa
distinguitur.
Ab
umbillco
1'0
usque
in
austrum,
Nilo
fluvio
ab
AFRICA est seclusa.
AFRI-
H vero et Europam,
exterius quidem
ab austro
in
septentrioneum,
anaisque
ac Heotis,
ut dictum est,
sejungunt ll •
CHERUS,
Historiarum
libri
IV,
ed.
R.
Latouche,
1.,
PMUS,
30-37,
(class.
Hist.
Fce H.
A.)
1.
I.
p.
6.

288
Ces propos
sur la
division
du monde
et la place oc-
I p e e
par .1.' Af r i que
clans
c e
part age, reI eve n t
des
conceptions
Ismographiques
antiques,
et
appe.l.lent quelques
~claircisse­
'n t s.
Comme HOMERE et
HES100E,
les
auteurs
grecs
ant~rieurs
1 ape r i 0 cl e
d' HEn 0 DOT E ( Ve
s.
a v.
J. - C • ),
con s i d era 1 e n t
la
rre
comme
un
disqu~ entour~ entierement par 1 lOc~an. Ce dis-
e
etait partage en
deux
segments par une 11gne d'eau
conti~
e,
qui
s'Qllongeait d'Ouest
en
Est,
de l'Ocean
a
l'Oc~an.
tte ligne
d'eau
etait
constituee pat la Mediterranee,
l'He.1.-
~spont, le Bosphore, le Pont-Euxin et le Phase,
fleuve
:.:.up-
s~ relie a ,la Caspienne. c'est··a-(iire ~ l'Oc~an, dont la
spienne n'aurait
ete qU'L!n golfe
(1).
Au
fleuve
Phase,
c!'c1U-
e s
aut e u r s
sub s t i t u a i en t
p.1. u tot 1 eTa n a i s
(1 e
Don)
(2),
,\\ u
rd
de
cette lignc
d'eau
ainsl
definie,
les
auteurs
situalcnt
Europe;
lIs l~la\\-aient par contre 1 'Asie au Sud,
en
y
in-
u ant l ' Af l' i que,
Au
cl e but,
en
e f f et,
on
c l' 0 Ya i t a
l ' e x j st: e n c e
deux
continents,
1 'Asie, et 1 'Europe
(3).
L 'Afrique
(ou Li-
,
,
' 1 '
1 1 '
\\
I '
"
'd'
,
e,
d a p res
a p p e ~
a t l 0 n 9 re c que,
n e t a l t
pas
co n s l
er e e
mme un
continent a part entiere.
Les uns l l incluaient clans
Asie,
si
bien
qu'on
employait 1~ nom Asie pour designer en-
mble l'Asie
et l'Afrique
(4).
Ainsi,
selon
HECATEE,
l'Afri-
e
semble
n' a v 0 i r e t e q u ' u n e
sub d i vi:.:. ion
de 1 I i\\ SL C
(5).
Le s
tres par
contre,
la renfermaient
sous 1. 'Europe,
parce
quills
(2)
Cf.
STEPHMIE GSELL,
Herodote,
textes
relat~dsa ], 'Afri-
le d u Ho r cl,
0 p.
c i t .
p.
72 •
-
Cf.
HUG 0
BE Ii G1:.11 Ge se hi ch t e
Wi ss.
dkunde,
2e
ed.,
p.
84 ;
p.
91.
Cf.
H1PPOCRATE,
De Ae1',
13.
Cf.
W.:'!< RM~ Z,
i n H.
T h.
B0 :.:. s e l' t,
As i a' (1 s t a mb u1,
]. 9 4 6) ,
7 f.
cite par
D.
J.
GEORGACAS,
The nam'es
for
the
african
ntinent:
LihyH.
Libya,; Africa,
Aethiopia
and
congeners,
and For k s
(U.
s. A.), cl par Cl I t l' e d a n s 1. are vue t-j cl me s. '"CCl) , 1
971) • '
- - - - . '
) Cf.
D.
J.
CEO RGACAS,
0 p.
c i t .
p.
3 3 O.
-
Cf.
H1 PPOC R .,
I) c
1','13.
-
CL
H.
F.
Tozer,
A His·t6ry of· Ancient Geography
ambridge,
1935),p.67.

289
aient persuades que l'Europe a ete separee de l'Afrique r:;ar
1'-1 e d i t err an e e,
a I ' em b0 u c hu red u d e t r 0 i t de Gib r (~ 1'·' :.', a p res
disjonction des Montagnes Calpe et AbinnJ
(Abyle),
denom-
es les "Colonnes d'HERCULE".
Pourtant,
les geographes ioniens ant admis la divi-
on du monde en trois parties, ou plut3t une
s~bdivison de
Asie en Asie et en Afrique.
Pour leur part,
PINDAR~ ARISTOTE
~TRArrON ont adopte la division tripartite avec 1 'Afrique
nsideree comme le troisieme continent
(1).
HEHODOTE,
lui,
a
sapprouve la division en trois parties
(2)
et ratt:::c.'
:,]u-
t
l'Afriquc a l'Asie. QU~ique la division en deux parLic~
ait pas ~te oubliee, crest,
cependant,
la division tripartite
i ~ prevalu, et taus les auteurs a la suite, Grecs comme la-
ns,
l'ont adoptee.
Les auteurs medievaux n'ont pas ete en
ste pour admettre a leur tour, sous 1 Jautorite antique, cette
vi~ion tripartite.
Chez ALFRED,
la conception de l'Afriquc comme moins
endue et moins peuplee que l'Europ~, releve d'une part,
du
steme de Crates pour ce qui concernc la question de l'eten-
e du continent,
et d'autre part,
de la theorie de MACROOE
Jr ce qui concerne la population~
les systemes de CRATES et d'HIPPARQUE
. ' • • • • • • • • • • • . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • ·11
• • • • •
Les geographes anciens pensaient pour la plupart,
qu~
avait jonction entre la mer des Indes
(ocean Indien)
et 1'0-
an Atlantique. Cette opinion,
repandue
chez lcs Grec~ ct dans
ecole d'Alexandrie,
du moins,
a 1 'orlgine, et jusqu 'au L~crTipS
-lIPPf\\RQUE
(lIe "" .•
ay.
J~ -C;), semblait autorisee par la di-
'"
)
PJ ND.
P Yt h.
'9,
8
Aristote,
Meteor.
1,
3,
STRABON,
17.
2,
f.
) HERODOTE,
IV,
42,
45.
chez Steph.GSELL,
op.
c:Lt.
p.
72.

':.
".{
290
ction des cBtes de l'Afriquc apr~s le Cap des Aromates
(ac-
elle cBte somalienne ?)
et apr~s le d~troit des Colonnes
HERCULE
(D~troit de Gilbratar). Dans toute la partie fr~quen­
e par les navigatcurs,
on s'~tait aper~u que la cBte orien-
le de l'Afriquc s'inclinait vers la direction Ouest,
et on
persuada qu'clle rejoignait la cBte occidentale
(dite cBte
s Ethiopiens occidentaux)
o~ on observe au-del~ des Colonnes
HERCULE,
une inclinaison semblable, mais cette fois
en sens
ntraire,
c'est-a-dire,
une inclina:Lson en direction
l;\\.,
l'Est.
ns cette hypoth~se, l'Afriquc, ~ ce qu'on croyait, n'attei-
ait nulle part l'Equateur.
On pensait g~n~ralement qu'cllc
ait la forme d'un
trap~ze (1), ou m~me, d'une sorte de tri-
gle rectangle
(2)
dont la base pouvait ~tre rcpr~sent~e par
cBte,
depuis les Co1onnes d'HERCULE
(D~troit dc Gibraltar)
squl~ P~luse (en Egypte) en passant par toute la cSte m~di­
rraneenne ; le Nil formait le c6t~ perpendiculaire qui se
olongeait jusqu 'a llEthiopie
(actuelle)
et 1 'Oc~an
; l'hypo-
en use eta i t
1 a cB t e co mp r i sed e p u i sIc d et r 0 it dc,', Colon n e s
HERCULE jusqu'a l'Ethiopie. On savait que le sommet de ce
iangle s'etendait au-dela du Cap des Aromates,
mais on ne
oyait pas qulil
atteignlt l'EquateGr.
Quant aux parties du
obe correspondant au cercle de l'Equateur,
elles etaient cen-
es ~tre occup~es par une zone de mer qui cmbrassait toute sa
rconferencc.
Tel1e ~tait 1 'opinion du philosophc grec CRATES
(IVe
ay.
J.··C.)
cette opinion fut adopt~c ensuite par de nom-
eux gecgraphes dont CLEOMEDE,
ERATOSTHENE,
STRAOON,
POMrONIUS
"." .:::
LA
(3)
et HACROBE
(4).
Pour cos auteurs et pour beaucoup cl 'ou-
es, l'Afrique enti~re est plac~e en-de~a del'Equateur.
) et
(2)
Cf.
STRABON 1.
11 et Ill,
chez GOSSELIN,
Recherches
r la Geo 9 rap hi e s y st em at-i 9 uee t
pos it i ved e s Anciens, 1 790 ,
194 et suiv.
MELA,
De situ orbis,
1.
I,
c.
I.
) MACROB E,
InS 0 mn.
Sc i P i 0 nis, 1.
I I,
c.
9,
Jp U d GO SS E'- HI,
0 P .
t.
p. 194-195.

291
Mais HIPPARQUE
(lIe s.
av~ J.-C.) rejetant cette th~­
~, pro p 0 s J un s y s t ~m e for t d if f pr e n t. Po u r .l ui, 1 e s mer s e-
lient divis~es en plu~ieurs bassins s~par~s 1es uns des autres
n'y a pas de communication entre e.lles.
Les cates orientales
l'Afrique, pensait-i1~ al1aient rejoindre celles de l'Asie
j -
del a de .l I em b0 u c h u red u Ga n 9e. Le s d ~ co u v e r t e 5 p:) ~~: '~ :: r i e u res
HIPPARQUE ne fircnt point abandonner son opinion
on se con-
!nta de rcculer plus au sud la cate qu'on suppoSJit circons-
'ire la mer Erythree
Cl'oc~an Inoien). MArUN De Tyr,
(geogra-
le romain
de la fin
du Ier ~. ay.
J.
C.)
et PTOLEHEE
(IIe ~.
).
J~-C.) cnnsacr~rent cette hypoth~se ; et elle paralt avoir
Jbsist~ lontemps quoique d'autres geographes tinssent a celle
~ CRATES Cl).
Le syst~me de CRATES, en effet, pr~va1ut jusqu'au
,yen-Age.
Les propos contenus chez le roi ALFRED illustrent
_en la continuit~ de cette opinion. Et crest toujours a par-
_r d'elle,
qu'auront lieu,
au XVe-XVle s., .le::, tentatives du
:ince portugais HENRI le Navigateur,
et le succ~s de VASCO
~ GAHA, qui d~montr~rent enfin .la justesse de cette hypoth~sc.
la th~orie de HACROBE
Le n~oplatonicien
AHBROISE THEODOSE MACR08E
(395-
15 ap.
J. -C)
partage le globe terrestre en cinq zoncs ell
(noes,
suivant les diff~rents c1imats qui y r~gnent. Trois
ces zones sont soumises a 1 'exc~s des contraires du fait
la trop grande intemperie qui y r~gne. Crest le cas,
l~ d'une part, des deux zones contigu€s
a l'axe du
obe;
elles sont la proie des frimas et des neiges,
et con-
lissent un froid
d'une rigueur telle qu'elles sont inhabita-
cs pour tout etre vivant
;
) Pour 1lexpos~ de ces syst~mes, voir GOSSELIN, ouvrage cit~.
194 et suiv.
:;:

292
-;dlautre part,
la zone au ce~tre ;
elle est embra-
e des feux et des souffles irrespirables ;
la chaleur ter-
ble qui y
s~vit la rend ~galement inhabitable. L'Afrlque est
~cis~m~nt situ~e en grande partie dans cette zone centrale
rride,
dlol! elle nlest que partiellement habitee.
Ainsi,
sous l'influence conjuguee du
syst~me de CRA-
S et de celui de MACROBE, l'opinion antique et medievalc e-
it
que,
d~s trois continents, Afrique, Asie et Europc\\
~frique ~tait la plus petite en ~tendue, et aussi, la moins
Jplee.
I' AFIUQUE ,.
la ,UPortio' CHM1"
Ch e z t r 0 i s aut e u r s,
a s a v0 i r,
MI GEL 01"1 E,
I~ E~l ~I IUS c t
lUS SCOT, 1 'Afrique entendue comme la troisi~me partie du
,de, s'identifie ~ la partie de la Terre,
qui echut ~ CHAM,
rs'du partage du monele entre les trois fils elu patriarche
e.
"C h a m,
c' est 1 I Af r i que r use e,
~ cri t Ml GEL 0 HE; eel a
t connu eI'apr~s le presage.
En cffet,
sa posterite poss~de
ttc partie de la Terre,
qui est trop
chaude ~ cause de la
)ximite elu soleil"
(l).
~JENNIUS ecrit quant ~ lui : "Les trois fils de ~loe
lis~rent le monele en trois parties d~s apr~s le deluge. SEM
Jna en Asie,
CHMI en Afrique,
JAPHET en Europe ;' ils repar-
~ent ainsi leurs elomaines en trois parties,
parce qulils
1 i e n tau, tan t
eI e f r ~ res"
(2).
" Ch a m AFRI CMl ca 1 i cIa m,
e t i p see x p r a c sag i 0
f u '!:: u r i
cog nom i -
:ur.
Posteritas enim ejus cam terrae partem pos~idet, quae
;ino sole calentior est".
ANGELOMUS,
Commentarius in Genesim,
~1i 9 ne,
P.
L.
t.
11 5 co 1.
1 6;> .
" Tres f 11 ii ~J 0 e cl i vis e run tor bem i n t res par t e s p r i r.1O p 0 s t
uvium.
Sem regnavit in Asia,
Cham in ArRICA,
Japhet in Europa.
; dilataverunt terminos suos in
tres partes,
quia tot erant
I t res".
~l Dj NIUS,
Eu J. 0 9 i u m Br i t'a n n :La e si vc Hi s't (\\ r i a Br it 0 n u m
y. I I,
ecl. Hen r y Pet r i e, in M. G. H. Se rip t. 1- 8 48, t. 1. ,JL 58.

293--
Dans la Vita Sancti Clementis (1), CARUS SCOT, mOlne
~ Metz, fait ~galement ~cho
au partage de la terre entre les
'ois fils de NOE.
Selon lui, SH1, CHAM et JAPHET firent ce
Lrtage ~ l'§poque 00 le monde comptait tr~s peu d'habitants.
~M prit donc possession de l'Asie, et CHAM re~ut l'Afrique ;
iant ~ JAPHET, il eut comme part, l'Europe, pour sly r~pandre
Lr la grace (2).
Si nous pDuvons avancer le nom d'ISODORE de SEVILLE (3)
lmme la sourcedirecte probable d'ANGELOME, en revanche, nous
! saurions pr~ciser les sources auxquelles recourent directe-
!nt NENNIUS et CARUS SCOT, car le partage du monde entre les
'ois fils de NOE est une tradition r~pandue chez les auteurs
~dievaux. Cette tradition qui s'inspire de la Bible (4) est
adaptation chr~tienne de la conception cosmographique antique
: pafenne de la division tripartite du monde. Dans la filia-
_on de cette tradition,
figure ~ l'origine la chronique d'HIP-
lLYTUS PORTUENSIS, mort apr~s 234 apr~s J.C. Dans cet ecrit,
1
effet, il est question du partage du monde entre les trois
LIs de NOE. Mais ce partage est fait par une formulation qui
Lff~re beaucoup de celles qui figureront par la suite dans les
!c~nsions ult~rieures auxquelles donnera lieu la chronique
I
CARUS SCOTUS, Vita Sancti Clementis, ed.
K.
STRECKER in M.G.H.
)et. V, 1937.
I " Justi Noe tres liberi
dividunt terram coloni
SEM, CHAM, JAPHET, tune perpaucl
habitatores seculi
NAM ~S Et'1 P 0 s sed itA s i a m,
et Cl-lAM accepi t Af'fricam,
JAPHET invasit Europam
dilatandus per gratiam ".
~RUS SCOTUS, Vita S.
CLH1ENTIS, op.
cit. p.
122.
I
I SI DO RED E SEV I LLE, Et ym . VI I,
6,
1 7 .
I
Gn.
10.

d'HIPPOLYTE sous les noms de Libri generationum et de Libri ge-
nealogi (1)., Dans l'ecrit d'HIPPOLYTE, l'1\\sie,
l'Europe et 1'1\\'-
frique, ne sont pas nommement designees et attribuees aux trois
freres.
Les possessions de SEM, CHAM et JAPI-IET sont donnees sous
d'autres formulations comme celles-ci : 11 Apres le deluge,
les
t l' i bus des t l' 0 i s f l' ere s, SEM,
KAM e t J API-I ET, 0 n t e t e d i IT i see s .
Et SEM le premier ne s'~tend de la Pe~se et de la Bactrianc jus-
,que loin dans l' Inde ... j usqu' ~ Rhinocori ra.
KAM, le second" 'de
Rhinocorira ~ Gadira (Gades = Cadix). JAPHET,
le troisiemc,
de
la Medie a Gadira au Nord ".
(2)
; ou cel1e-1a : "Et SH!,
ll a1 -
ne, rec;:ut I' Orient, KM-I la Medi terranee, JAPHET 1 'Occident "(3);
ou encore ceci, au suj et de la part attribuee a CI-IAJ\\1 : " Les
confins de KAM s'etendent en longueur, de Rhinocorira, qui se-
pare la Syrie et l'Egypte, a Garira " (4).
(1) Selon BABAC1\\R DIOP, cette chronique d'HIPPOLYTE n'est connue
que par ses recensions ulterieures. A.
BAUER distinguerait deux
recensions : un manuscrit grec de Madrid (Matrineusis GR 121 cf.
R.
HELM GCS 36 Leipzig 1929, ~5/94) et une version latine (Excer-
pta Barbari)
; la seconde serait etablie sur la base d'une tra-
duction armenienne de 686/7 et d'une chronique latine le Libel'
generationis qui se presente s6us deux formes,
le Libel' genera-
tionis I qui contorde avec le texte armenien, et le Libel' gene-
rationis II appele parfois Chronicon anni 334 ouChronographlls
354. D'autres recensions sont ~galement ~ slgna1cr, comme par ex.
re--Barbarus Sca1igerie : Patr.
Gr.
col.
4883 - Quant au Libel' ge-
nealogus de l'annee 427 appele aussi Origo humanis generis,
il
derlverait du meme original dontI-JIPPOLYTE se seralt lLn-meme
inspire ... cf.
RABACAR DIOr.
La politique africainc de l'etat
chretien romano-byzantin
(IV - VIIemes s. ap. J.C.).
These de
doctorat du 3eme cycle, dactylographie. Universitc Paris I Sor-
bonne, fevrier 1981
- p.
182 - n.
2.
(2) " Post c1iluvium SEM KN-1 et IAFET trium fratum tribus divi-
sae sunt. Et SEM quidem primogenito Cl Persida et Bactris usque
in India longe ... usque Rinocoriris est.
Kam auteur secundo a
Rinocoril'is usque Gac1ira.
IAFET auteur tertio a Media usque Ga-
dira ad Borram ".
HIPPOLYTUS PORTUENSIS,
Libel' Generationis.
Apud YOUSSOUF KAJ\\lAL, op.
clt. t.
II,
fasc.
1,1923, p.
137-8.
(3) " Et quic1em SEM primogenitus accipit Orientem, KA~'1 auteur
Meditertaneam,
I1\\FET Occidentem ".
Idem et ibidem.
(4)
Libel' generationis, op.
cit. p.
137.
'I
,\\

2·,...
0 EF ItH TI 01\\1
/\\ L' ECHELL E ET YMOL 0 GI QUE
----------------------------------~
Deux auteurs,
RABAN
MAUR
et 1lAnonyme du
De
situ
orbis avancent trois
sortes d'hypoth~ses comme explication de
l'origine du
nom
"Afriquc"
donne a la tr01sipme par'::ie dL: llloncJe.
a
/
Explication
philologlque
ComplIant la m~me source,
c1est-a-dire
ISIDORE de
SEVILLE
(l),
RABMI puis l'Anonyme
expliquent tous les deux la
denomination
du
continent par
un
jeu
de mots
assez fantalsiste
e n t l' e
11 AF RI CA"
e t
1 I a d j e c t i f
1 Cl tin
11 a p l' i c a· 11
( mCl s cuI i n
i) P l' i c us)
qui
veut
cHre
"ensoleil1ee"
:
11
M,Jis
certains
auteurs,
rap-
portent-~Us, pensent que l'Afrique est ainsi denommee, comme
si l'on disait
,renso1eillee"~ pour la raison qu1e1le est expo-
see au
ciel ou
au solei1 et qu'e11e
ne
connalt pas le frisson
du froid"
(2).
Cette premiere tentative d 'exp1.ication
de l'origil~e
de la denomination
du
continent
africain,
remont~ aux grammai-
riens la.tins.
Le premier~ FESTUS,
qui ecrit vel's' 372 ap.
J. -C.,
prete
a AFRICA une origine grecque : "Apricum locum a sole aper-
j
>
J
tum.
A gracco
vocabulo
'ff'Ktl appellatur,
quasi
~'ff,x1(;,.. id est
sine
horrore,
videlicet frigoris
;
unde
etiam putatur
et Afri-
ca ap[1e11ari"
(3).
Dans
son
commentaire de
l'Eneide)
Servius
(grammairien
du
Ve
s.
ape
J.-C.)
fait
egalement un
rapproche-
ment entre AFRICA et l'adjectif
latin
" apr icus"
signifi2.nt I'en-
soleille".
Ce mot viendrait,
d'apres 1ui,
de la locution
grec-
(1)
1510.
Etym.,
XIV,
5,
2.
( 2 )
11 AF RI CAM
aut e m nom i n a t a m qui d am
in d e ex i s t i mant,
q u as l a p l' i-
cam,
quod sit aperta
caelo
vel
soli et sine ho1'1'o1'e frigoris".
RABAN MAUR,
De Universo.
Ope
cit.
col.
351.
-
Anonymus
De
Situ
Orbis,
op.
cit.
L.
I . ,
4 p.
5.
(3)
P.
FESTUS,
2,16 cite [1ar Michele
Fruyt,
"DI;\\fr:icCl \\'entus
a Africa Terra", article publie dans Revue de Phi1oJogi.e de·
Litt~rature et dlHistoire anciennes~ T. L. fasc. 2, ~d. Klin-
cksieck l,: Paris, 1976, p.
221.
t
'i
,/
.'

d'HIPPOLYTE sous les noms de Libri generationum et de Libri ge-
nealogi (1)., Dansl'ecrit d'HIPPOLYTE, l'Asie,
l'Europe et l'A:
frique,
ne sont pas nommement designees et attribuees aux trois
freres.
Les possessions de SEM, CHAM et JAPHET sont donnees sous
d'autres formulations comme celles-ci : " Apres le deluge,
les
tribus des trois freres,
SEM, KAM et JAPHET, ont ete divisees.
Et SEM le premier ne s'etend de la Perse et de la Bactrianc jus-
que loin dans l'Inde ... jusqu'~ Rhinocorira.
KM1,
le second, 'de
Rhinocorira ~ Gadira (Gad~s = Cadix). JAPHET,
le troisiemc,
de
la Medie a Gadira au Nord ".
(2)
; ou ce11e-1a : " Et SEt'!,
l'aJ:-
ne, re <:; ut 1 1 0 r i e n t, KAJVf 1a Med i t err an e e, J API-I ET l' 0 c cid e n t
11 ( 3) ;
ou en cor e c e c i, au s u jet del a par t a t t rib u e e a CHAlvf : " Le s
confins de KAM s'etendent en 10ngueur, de Rhinocorira, qui se-
pare la Syrie et l'Egypte, a Garira " (4).
(1) Se10n BABACAR DIOP, cette chronique d'I-IIPPOLYTE n'est connue
que par ses recensions u1terieures. A.
BAVER distinguerait deux
recensions : un manuscrit grec de Madrid (Matrineusis GR 121 cf.
R.
HELM GCS 36 Leipzig 1929, ~5/94) et une version 1atine (Exce~
pta Barbari)
; la seconde serait etab1ie sur la base d'une tra-
ductiori armenienne de 686/7 et d'une chronique latine le Liber
generationis qui se presente sous deux formes,
le Liber genera-
tionis I qui contorde avec le texte armenien, et le Liher gene-
rationis II appe1e parfois Chronicon anni 334 ouChronographlls
354. D'autres recensions sont €galement
~ slgnaler, comme par ex.
~Barbarus Sca1igerie : Patr. Gr. col. ~883 - Quant au Liber ge-
nea10gus de l'annee 427 appe1e aussi Origo humanis generis,
i1
d6rlverait du m@me original dontHIPPOLYTE se seralt lUl-m0me
inspire ... cf.
RABACAR DIOP.
La po1itique africainc 02 l'6tat
chretien romano-byzantin
(IV - VIIemes s. ap. J.C.).
Ih~sc de
doctorat du 3eme cycle, dacty10graphie. Vniversitc Paris I Sor-
bonne, fevrier 1981
- p.
182 - n.
2.
(2) " Post cliluvium SEM KNo1 et IAFET trium fratum tribus divi-
sae sunt. Et SEM quidem primogenito a Persicla et Bactris usque
in India longe ... usque Rinocoriris est.
Kam auteur secundo a
Rinocoriris usque Gadira.
IAFET auteur tertio a Media usque Ga-
dira ad Borram ".
HIPPOLYTUS PORTUENSIS, Liber Generationis.
Apud YOUSSOUF KAMAL, op.
cit. t.
II, fasc.
I, 1928, p.
187-8.
(3) " Et quidem SEM primogenitus accipit Orientem, KAM auteur
Meditertaneam,
IAFET Occidentem " .. Idem et ibidem.
,~
(4) Liber generationis, op. cit. p.
187.

Ainsi, comme on peut le noter,
l'attribution de l'Asie
a SE M, del' Af l' i que a CHAM, e t del' Eu l' 0 pea J API-I ET, n 1 est pas
explicite. Bien plus, cette attribution est confuse dans la
formulation 11 et SEM,
l'aine, rec:;ut l'Orient, KAM la Mediter-
ranee, JAPI-IET l'Occielent ".
Si a travel'S les termes 11 Orient 11
et 11 Occident 11 on peut comprendre l'Asie et l'Europe, en re-
vanche l'Afrique ne saurait @tre designee sous le terme Medi-
terranee.
Dans le Libel' genealogus de l'annee 427 ap.
,C.
non
plus, la formulation n'est pas categorique avec les trois con-
tinents nommement designes et attribues aux trois fils de NOE.
On lit seulement ceci,en ce qui concerne le lot de CHAM
11
Ceux-la (les fils de CHAM) obtinrent pour leur part le pays
depuis l'Egypte jusqu'a l'Ocean, a partir de Rinocorur, la oD
se trouve l'endroit qui separe la Syrie de l'Egypte, jusqu'a
Gaddis au Sud, et ils possedent le fleuve Geon ".
(1). Dans
les recensions ulterieures
(Vlleme s. ap. J.C.) elu Libel' gene-
rationis d'HIPPOLYTE, on ne releve pas non plus d'assimilation
formelle des lo~s de SEM, CHAM et JAPHET a l'Asie, a l'Afrique
et a l'Europe, explicitement indiquees, quoique quelques va-
riantes apparaissent c:;a et la. Ainsi, dans le Libel' genealogus
redige a une date incertaine d'apres un manustrit du Vlleme
siecle
(2),
la formulation de la part attribuee a CHAM, ne dif-
fere pas sensiblement de celle du Libel' de Itannee 427.
Sur le
partage lui-m@me, le redacteur anonyme note ceci, apres la pre-
sentation generale des peuples issus des enfants du patriarche :
"'Alors NOE,
leur anc@tre, divisa entre ses fils la (,:,-r.; oD ils
devaient habiter ; SEM, le fils aine rec:;ut pour son lot la par-
1 .
(1) Libel' genealogus, dans YOUSSOUF KAMAL, op. cit. t.
11 fasc.
11, p.
323.
(2) Libel' genealogus, ed. H.G.H.
Script. t.
IX, chronica minora,
Berlln,
1892,
clte par YOUSSOUF KAMAL, op. cit. t.
II, fasc.
II,
p.
326.

296
tie temperee ; CHAM re~ut la partie chaude
IAFET re~ut la
partie froide"
(1)
Si tout compte fait,
on peut dire que la tradition du
partage de la terre entre les fils de NOE, a partir de la Ta-
ble des Nations a
vu
le jour vers le IIIeme s. ap. J.C., ce-
pendant la systematisation de ce partage dans la division du
monde en trois parties suivant le nombre des enfants de NOE
d'une part, et l'identification formelle de leur domaine res-
pectif avec chacun des trois continents, d'autre part, et par-
ticulierement de l'Afrique avec la part de CHMi, n'ont ete e-
tablies que bien plus tard, a partir du Vlleme siecle apres
JESUS-CHRIST, et vraisemblablement a l'epoque carolingienne.
(1) Liber genealogus, d'apres un manuscrit du Vlleme s. ap. J.C.
ed. ~l.G.H. Script t.
IX, chronica minora, Berlin, 1892, cite par
KAJv!A L YOU SSOU Fop.
c it. t.
I I, fa s c.
I I, p.
3 26 ve r so.

"2",-,
0 EF I tH TI 0 N A L' ECHELL E ET YMOL 0 GI QUE
Deux auteurs,
RABAN
MAUR
et l'Anonyme du
De situ
orbis
avancent trois
sortes
d'hypoth~ses comme explication de
l'origine elu
nom
"Afriquc" donne a la troisipme partie du moncJe.
a
I Explication philologlque
Compilant la m~me source,
c'est-a-dire
ISIDORE de
S EVILL E (l),
RABMI P u i s I ' An 0 n y me
ex p 1 1 que n t
t 0 u s
I e s
d e u x 1 a
denomination
du
continent par
un
jeu
de mats
assez fantalsiste
e n t l' e
" AFnI (' A11 e t
1 J a cl j e c t i f
I Cl tin
11 a p l' 1 c a- 11
( ma s cuI 1 n
iJ P l' 1 c us)
qui
veut dire
lensoleLllee"
:
11
Hals
certains
autcurs,
rap-
portent-ils,
pensent que 1 'Afrique est
ainsi
denommee,
comme
si 1 'on
disait
"ensoleilleell,
pour la raison
qu'elle
est expo-
see au ciel ou
au
soleil et qu'elle ne
connalt pas le frisson
du froid"
(2).
Cette premi~re tentative d ' expllcation de l'origiGe
de la denomination
du
continent
africain,
remonte
aux grammai-
r i ens 1 a, tin s.
Le p rem i er,
F EST US,
qui
ecri t ve r s' 3 7 2 Cl p. J. - C . ,
prete a AFRICA une arigine grecque : IlApricum locum a sole aper-
J
>
I
tum.
A gracco
vocabulo
'ff'l<l"\\ appellatur,
quasi
oi1r/),;1~.. id est
sine horrore,
videlicet fr1goris
;
unde etiam puti1tur
et AfrL-
c a a pp ell a l' i 11
(3).
Da n s
son
co mmen tal l' e
d e l I En ei (I e J Se l' V 1 u s
(grammairien
du
Ve
s.
ap.
J.-C.)
fait
egalement un
rapproche-
ment entre AFRICA et 1 'adjectif latln
"aprlcus"
signlfi2nt
" en -
solel11e".
Ce mot viendrait,
d'apr~s lui, de la locution grec-
(1)
1510.
Etym.,
XIV,
5,
2.
I
-
( 2)
" AF R1 CAM aut em
no In i n a t am q LI i d a In
in de
ex 1 s t i man t,
q u as i
a p l' i -
c a In,
quo d sit ape r t a c a e 1 0
vel
sol i
e t
sin e
h 0 r r 0 r e f l' 1 9 0 1'i s " •
RABAN HAUn,
De Universo.
op.
clt.
col.
351.
-
Anonymus
De
Situ
Orbis,
op.
cit.
1.
1.,
4 p.
5.
( 3)
P.
FE 5 TUS,
2,
1 6 cite par Mic h e1 e F r u y t,
11 D J Ai' i'i< c l " en tu s
a Af l' i ca Terr all, art i cl cpu bIL e d an s Re vu e cl e Ph i 1 0 1 0 0 i. C cl e
Lit te rat u r e et d' His t 0 ire
an c i en n e s,
T.
L.
f a se.
2 ,
ed. 1(1 i n -
cksieck J,: Paris, 1976, p.
221.
-
j i
"

298
)/
/
que CXVEU
lff,xl1c; (1). Crest a SERVIUS qu'ISIDORE de SEVILLE a
pris cette explication
(2)
que r~p~tcnt a leur tour, RA BAN et
I ' auteur Anonyme.
Dans cette
~tymologie, les auteurs tentent de faire
coIn cider une valeur s~mantique avec une similitude phon~tique
fortuite.
crest un essai d'expllcation par r~f~rence au climat
I
chaud de 1 'Afrique.
Le grec
" ~Atpf(X'1. " dont d~riverait, d'a-
pr~s cette hypoth~se, le nom du continent, est attest~ relati-
vement tard,
c'est-a-dire au lIe s.
ap.
J.-C.
par ailleurs,
il est,
lui,..meme,
un
emprunt au latin AiRICA et non 11 inverse
en.
b / Ire explication mythique
Puisant encore chez le
~
meme ISIDORE de SEVILLE (4),
RABAN MAUR et l'auteur anonyme,
rendent compte de la d&nomi-
nation
du continent africain par le nom d'un h~ros ~pony~e,
AFER,
fils
d'Abraham et de C~thura.
En effet,
dans un
passage de sonCommcntaire sur'la
Genese,
RABAN rapporte
:
"On dit qu1un des descendants d'Abra-
ham,
qui s'appelait Apher,
a conduit une armee contre la Libye,
et qu'apr~s avoir vaincu ses ennemls,
il
s'est ~tabli sur ce
~~territoire auquel ses descendants donn~rent le nom d'Afri~uc,
d'apres le nom de leur ancetre " . (5).
~I
(1)
SERVIUS,
En.
5,128
:
"apricum autem quasi O(V(u
lfP'XYlS
sine frIgore ;""- 6,
312
"indc et AFRICA quod est calidior".
apud,
Michele Fruyt,
op.
clt.
p.
221.
( 2)
I SI D. ~ 0 r 1 g'. 14,
5,
2.
(3)
Cf.
Mich~le Fruyt, op. clt. p. 221.
(4)
ISID.
Etym.
IX,
2, 115 ;
XIV,
4,
la.
( 5 ) " Die ,L tu r
aut emu n u s ex po s t er i sA bra h a e qui a p pe 11 a tu r
f\\ p he r
duxissc adversus Libyam exercitum,
et
ibi victis hostibus con-
sedissc,
ejusque poster05 ex nomine atavi,
AF8ICAH nuncupasse".
RA BMl MAUR,
Co mmen t .
in Gen.,
0 p.
c it.
co J • 579-.-

299
Faisant
6chq
~ RABAN, 1 'Anonyme du De situ orbis
confirme
"Les
autres
disent
que
l'f\\frique
est
denommee
ainsj
~ partir d'un des descendants d'Abraham et de Cethura, qu'on
appelait
AFER."
(1.).
L'explication
d'AFRIQUE
~ partir d'AFER, descendant
d'ABRAHAM
est
une
tradition
juda{que que
rapporte
clans
ses
'''Antiquites
juives"
(2),
l'historien
julf,
FLJ\\VIUS
JOSEPHE
Oer
s.
ap.
J.-C.).
El1e
est
probablement
issue
des
milieux
jui,fs
helleniqucs
d'Alexandrie.
D'apr~s la tradition, APHCrA DU APHER,
l'un
des
trois
f i l s
d'ABRAHAr~ (APHERA, SURIM et JAPHRA)
a
c1on-
ne son
nom
au
pays
qu'il
a
conquis.
FLAVIUS
JOSEPHE
tient
cet-
t e e x p 1 i cat .i 0 n
d' ALE XA~l DREP 0 L YHIS TOR
DE MI LET,
his tor 5 C i:
q U .L
f10rissait
entre
70
et
60
av.
J.-C.
Quant
~ ALEXANDRE POLYHISTOR,
1.1
cite
CLEODEt~E cornrne garant (3).
EUSTATHE
(mort
entre
361
et
382)
rapporte
cette
tradition
en
ces
termes
"SOPHRnl
ayant
fait
campagne contre
la
Libye
et
s'en
etant
empare,
ses
des-
cendants,
c'est-~-dire ses petits-fils qui l'habitaient, don-
n ~r en tau pay s
son
nom
et 1 I a pp e.1 ere n t
AF RI QUE .' •• "
(4).
LIe v e-
que
EUCHER
de
Lyon
(Ve
s.
ap.
J.-C.)
f<Jit
lui
aussi
echo
~
cette
tradition
(5),
qui reprend
~ son tour l'eveque de Seville,
1S1DORE,
lequel
l ' a
transmise
aux
auteurs
posterieu[s.
Notons
enfin
que
cette
tradition
d'APHER,
f i l s
d'ABRAHAM
et
heros
e-
ponyme
dont
le nom
exp1iquerait
celui
du
continent
africain,
se
retrouve
ega1ement
clans 1 'historiographie
e1u
Moyen
~ge arabe,
qui
l ' a
empruntee
aux milieux
juifs.
(l )
"Alii
d i c u n t ,
AF RI CAMa p p ell a r i
ab
uno
ex p 0 s t e r i 5
/\\ bra h a e
de Caethura,
qui
vocatus
est
AFER".
MIONYMUS,
De
situ
orbis,
cp.
c.i.t.
1.
I,
4 . p .
5.
"~, (2) FLAV1US JOSEPI-IE, Antiquites cJuives, I, 15.
"
( 3)
Cf.
~1I CH EL E F RUYT, 0 p. c it.
p.
221.
Cf.
FOR C ELL Hi]
The -
saurus l'inguae latin,i.
( 4)
EUS TAT HE,
C6 mme nt ai.'r e
sur I' Hex a mer 0 n· ,
ed. Mi 9 n cP. G. t. :. -3
col.
765.
apud
YOUSSOUF
I<AHAL,
op.
cit.
t .
11.
fasc.
JI.
p.
257.
(5)
EUcHERUS,
Tnstr.
2 , 4 .
cite
par
Hichp.1e Fruyt.
op.
cLt.
p.
221.

300
c '': /
I le ex p 1 i r;a'ti 0 n my t hiq u e
:I .
. ':::.
Cette troisi~me ~tymologie de la d~nomination du con-
tinent est
donn~e par l'Anonyme seul, qui la tient de SOlIN (1).
Comme dans l'explication pr~c~dente, i t i ~galement, l'AFrique
doit son
nom ~ un h~ros ~ponyme nomm~ AFER
;
mais ce personna-
ge,
issu
de la mythologie greco-latine,
est le fiIs
de l'HER-
CUlE libycn
"En
effet,
~erit 1 'Anonyme, queIques-uns ont ac-
cepte que la libye soit denommee
d'apr~s libyc, la fille d'E-
PAPHUS,
et l'Afrique,
d'apres
AFER,
le fils
d'HERCUU~ Ubyen "
( 2) •
Outre
SOlIN,
~ qui l'Anonyme a emprunte cette etymo-
logie d'AFRICA,
notons que MARTIANUS CAPEllA fait
~tat lui aus-
si de cette explication;
"llAfrique et la libye,
dit-il,
t i -
rent leur
nom drAFER
libyen,
fils
d'HERCUlE
(3).
Dans ce cas comme dans le prec~dent, ce personnage,
AFER,
n'a
ete,
bien
evidemment,
cree que pour la
circonstance.
Pour expliquer
~galement.·i'~tymologie du nom du con-
tinent,; des historicns et des
philologues modernes n 'ont pas
manque ~ leur tour de proposer les hypothesesles pl~s fantai-
sistes
(4-)
qu'::'l
n I y a pas lieu
de
consid~rer un seul instant
i c i.
T0 u t e e q u ' 0 n p e u t
d ire,
e' e,s t
que 1 a que s t ion
cl e l l 0 rig i n e
d'AFRICA est loin
d'~tre resolue.
(1)
SOlIN/'XXIV,
2.
. "',
( 2)
,,[ Qui cl a m t a men ]
L Yb i a m a l y b i a,
Epap h i
f il i a,
f\\ F RI CMI
a u -
tem ab Afro libe Herculis filium
potius dictam
receperunt."
ANONYMUS,
Des-itu orb'is,
op.
eiL
1.
11.
p.
62.
(3)
MARTIANUS CAPEllA,
VI,
667.
(4-)
BOCHART
(Chanaan 1,25,
colI.
Journal
Asiatiquc
XIII
nO
75
p.
191)
y voit la
racine
aphar
qui veut dire
"poussiere".
TH.
MOHMSEN
(Romisct:e Geschiehte,
rJerlin .lR85,
I,
p.
14-3)
ecarte
l'origine grecque et penche lui
aussi,
pour une racine semitique.

..
-.··.·.'·.·1.
301
...'
Une tentative plus serieuse consiste aujourcl'hui a
faire appel aux clonnees indig~nes, e'est-a-dire, a recucillir
clans la langue berb~re, les voeables qui pourraient partici-
per de la meme racine que 1 'ethnique "AFER".
En effet,
dans
son His t 0 ire Cl n c 1e n n e cl e l ' Af T 1 que duN 0 reI
(1),
sn: PHAN E GSELL
constate que la locution AFRICA TERRA re~ulte d'une derivation
,·:i·
purement latine sur l'ethnique "AFER" generalement employe au
pIu r i e 1 " AFRI".
I 1 f aut don c c her c her non pas 1 let y m01 Cl i; ~: C
d ' AFRI CA) ma i s p.l u t [) t
c e 11 e d' AFER.
Un e 0 rig i n e 1 a tin e cl' 1\\ I~ u\\
paratt invraisemblable a ST.GSELL qui pense,
en revanche,
que
les Romains tiennent ce mot des gens de 1 'Afrique-meme
: 11
sup p0 s e q u ' AFER cl c '.' Cl i t
ct I' C C mplo yes 0 i t par 1 c sin cl i g en c-~
(ceux qu'on nomme les Berb~res), soit par lcs Carthaginois, soit
par les uns et les autres. Mais comme AFER ne figure pas sur
les inscriptions puniques,
alors qulon y rencontre le mot LBY,
correspondant du grec A,g~1' l'auteur pense que la solution
la plus probabl& est cel1e d'une orig1ne indigene,
c'est-a-dire
berbere.
Dans cette nouvel1e perspective,
trois directions de
recherche ont ete proposees a titre d'hypothese. En les pre-
sentant lei brievement, nous al10ns ainsi faire le point sur
1 'etat de la question
de l'orig1ne elu nom elu continent afr1-
c a in.
1. la piste libyque
........ " .... " ...
Du cBte c1es langues berberes,
llonamastique ouvre
plusieurs perspectives. On rapproche AFER de
:
_ lFRlI, une divinite libyque mentionnee par une ins-
cription 1atine (2)
(1)
ST.GSELL,
Histoire ancienne de l'Afrique elu Nord,
ed.
Ha-
chette, Paris, 1913-1928 to VII, p.
2-9
; to
IV,
p.
257-258
t.
V,
p.
102-115.
(2) Corpus Inscriptionum Latinarum, VIII,
5 673,
cit~ pa~
~ .
DECRET
(F.)
et FANTAR
(H.), I 'Afrique du Nord d'ans 1 Ar;~~.qllLte,
des. origines· au Ve sicc1e,
cd. Payot, Paris, 1981, p.
. .i.ii

304
gr~c /\\/e ufC"
en phenicien LBY et en egyptien Lebou
(l),
,L\\FRI,
~u contraire, n1a aucun correspondant sOl' da~s une autfe lan-
gue ~ue le latin.
Si done AFRl est atteste abondamment et en
i~ti~ uniquement, et si crest au latin que les langues moder-
nes ont emprunte AFRI~A pour en faire la denomination du conti-
ne n t
af l' i c a in,
pen s e l l aut e u r,
c I est par 1 e 1 a tin,
et eve n -
tue11ement,
les 1angues italiques,
qu'on a chance de pouvoir
eclairer AFRICA et AFRI, (2).
Dans le cadre done de cette hypo-
the se, 1 I aut e u l' est i me quI AF RI CA e t
AFER n e son ,t pas c\\ I 0 l' i Cl i n e
latine.
Les latins on t d' apres elle,
emprunte a l'osque un
ad j e c t if a f r i co i
pas.<; e en 1 a tin a a f ri c us,
a use n s de 11 p1 u \\' i e u x ,
qui apporte la pluie~. Cet adjectif qualifie un vent qui souf-
~le du Sud-Ouest (africus ventus)et qui. de par son humidite,
apporte la pluie.
Si africus est un
emprunt a l'osque, la de-
nomination
de la
terre
(AFRICA)
est posterieure a celle du
vent
: on a appe].~ AFRICA TERRA la terre qui se trouvait dans
1 a c1 ire c t ion d lOll so u f f 1 a i t
1 I Af r ic us ve n t us
(3).
Ce r t e s AF R1-
CA TERRA est atteste a la fin du lIle, et debut du lIe siecle
av.
J.-C.
(4),
tandjs que AFRICUS VENTUS e~t atteste seule-
ment au Ier siecle av.
J.-C.
(5).
Mais l'auteur estime c,u'une
difference de cet ordre dans les dates d'attesta~ion ne peut
~tre rigaureusement prise en consideration pour ce qui est dr
l'apparition de ces mats dans la langue.
Et il ajoute par ail-
leurs, que le vent du Sud-Ouest dans toutc la Mediterranee
Occidentale, y compris l'Italie meridionale,
est suffisamment
important par le mauvais temps et les temp~tes qu'il provoque,
pour qulil ait en
latin,
une denomination anterieure au ler
siecle av.
J.-C.
(6).
Pour MICHELE FRUYT done,
il y a eu pas-
(1)
LEBOU a ete trouver les hiernglyphes du pharoon MENEPTAH
au XlIIe S'.
av.
J. -C.
Voir CH.
A.
JULIEN,
Histoire de l'Afri-
q u ed uNo r d,
Pay 0 t ,
Paris,
1 9 51 -1 9 5 2,
p.
54. Cf.
111 I CH EL E F RUYT ,
-"""~ 'AFRICA '.Ientus ~ AFRICA Terra, article paru dans Revue de· Phi-
10109ie)
de litterature et d'histaire onc',i.ennes;
t.
L.
fasc.2,
cd.
I<lincksieck,
Paris,
1976,
p.
223.
(2)
Cf.
tvlICHELE FRUYT,
op.
cj.t.
p.
223.
( 3 ) Cf.
~1I CHEL E Frw YT, 0 p. ci t. p.
2 2 9 .
(4) EI~tHUS, le cognomen de P. COIHIELIUS SCIPIO t'\\FfnC/I~ilJS, et
PLAljTE.
(5) 'Voir CESAH,
B.
C. ·3,
26,
4,
etc ...
SALLUSTE,
hist.
fr<).
2,
56;
CICEROH,
I'lat.
dear, 1, 101;
VITRL;VE,
J,
6,
5 ..•
cite par
111.
FRUYT p.
229.
(6) Cf.
H.
FRUYT,
op.
cit.
p.
229.

301
Une tentative plus s~rieuse consiste aujourd'hui ~
faire
appel aux donn~es indig~nes, e'est-~-dire, ~ reeueillir
dans'la langue berb~re, les voeables qui pourraient partiei-
per de la meme raeine que 1 'ethnique "AFER".
En effet,
dans
son His to ire <l n e i e n n e d e l ' Af r i que d u ~J 0 r d (1),
STEP HAr~ E GSELL
eonstate que la locution AFRICA TERRA r~sulte
d'une d~rivation
purement latine sur l'ethnique "AFER" gen~ralement employe au
pIu r i e 1 " AFRI".
I 1 f aut done ch ere her non pas 1 I e ty rn 0 1 0 (jl. C
d ' AFRI CA,
ma i s pIu tot cell e d' AFER.
Un cor i gin e 1 a tin e d I 1\\ FUl
paraIt invraisemb1able ~ ST.GSELL qui pense, en revanche,
que
les Romains tiennent ee mot des gens de l'Afrique-mp.me
: il
suppose qu 'AFER
clevait ctre employe soit par les indig(~ne-~
(ceux qu'on nomme les Berb~res), soit par les Carthaginois, soit
par les uns et les autres.
Mais comme AFER ne figure pas sur
les inscriptions punlques,
alors qu'on y reneontre le mot LBY,
correspondant du gree A,g~~, l'auteur pen se que la solution
la plus probabl~ est celle d'une origine indig~ne, c'est-~-dire
berb~re.
Dans eette nouvelle perspective,
trois directions de
recherche ont ~t~ proposees ~ titre d'hypoth~se. En les pr~­
sentant ici bri~Yement, nous allons ainsi faire le point sur
1 I~tat de la question de l'origine du nom du continent afri-
cain.
1.
la piste libyque
. . . . . . . . .
eo
6
• •
eo
• • •
Du cate des langues berb~res, 1 'ono~astique ouvre
plusieurs perspectives. On rapproche AFER de
:
lEBlL,
une divinite libyque r.1entionn~e par une ins-
cription latine
(2)
(1)
ST.GSELL,
Histoire ancienne de l'Afrigue du Nord,
~d. Ha-
ehette,
Paris,
1913-1928
t.
VII,
p.
2-9
;
t.
IV,
p.
257-258
t.
V,
p. 102-115.
( 2) Cor pu sIn s cri p Lt 0 n um La tin a rum,
VI I I,
5 6 7 3,
e i t e par
DECRET ( F .)
e t F A1~ TAR
U'1.),
L' Af r i que duN 0 r d d a n s 1 I Ant i Cl u i t e ,
des· origines· au Ve· siecle,
ed.
Payot,
Paris,
1981,
p.
25.

l j
302
-
BENI-IFREN,
le nom
d'une
tribu
berb~re du Moyen
"-
."q.g e
que mentionne
l'auteur
arabe
IBN
KHALDOUN
;
-
IFERA,. un
lieu-dit,
mer.tionne par CORRIPPUS,
mais
qu'on
n'a pas r~ussi ~
identifier;
-
IFUR/\\CES, une
population mentionr.ee
egalement par
CORRIPPUS,
et dont les
territoires se
situeraient,
au VIe
si~cle, en Tripolitaine ;
- IFIRA,
un
toponyme
de la Grande
Kabylie
r'
-
IFRI,
un mot
berb2:Te qui
signifie
" gro tte",
de
sorte que les
BENI-IFREN
d'IBN
KHALDOUN
sont
supposes ~tre Cl
l'origine des troglodytes,
d'autant plus que le phenomene
du
troglodytisme
etait frequer.t
en
Afrique du
Nord
(1).
Ainsi,
on
a propose de
rattacher l'ethnique /\\FER a
uhe racine
libyque
dont deriveraient IFRI',
"la grotte",
IFRU,
la divinite libyque,
le nom
des
BEtH·-IFRENainsi que le
topo-
nyme IFIRA de la Grande Kabylie.
Les AFRI
seraient-ils,
ini-
tialement,
les habitan ts des grottes ? L' ethnlquc AFER
appar-
tiendrait
dans
ce cas ~ la langue libyquc d'o~ vienr.cnt les
dialectes
berberes
(2).
2.
la piste semitique
• •
e
. . . . : . e " . t : I l
• • •
O . . .
Du
c5te des langues dites
semitiq0es,
des
philologues
avaient propose de rattacher AFERa la racine
"BR II
signifiant
"traverserll '
;
d'autres,
a la racine "FR II designant "la pous-
siere,
la
cendre".
Mais
L~ faut dire qu'on ne sait cependant
pas comment orthographier AFER
en
semitique,
et en
1 'occurrence,
en punique.
D'o~ on ne saurait d~terminer quelles sonL les COm-
posantes
consonantiques
de la
racine.
Or
sans
une
connaissance
(1)
Le
troglodytisme est atteste aujourd'hui encore,
a CHENINI
De TATAOUINE,
en
Tunlsie Meridionale.
Cf.
DECRET et FANTAR,
l'Afrique du
Nord
dans 1 'Antiqulte.'••
op.
clt.
p.
25.
(2)
Cf.
DECRET et
FMITAR,
op.
cit.
p.
25.

£J 0 0
v
.J
parfaite du radical,
aucune hypoth~se ne peut ~tre s~rieuse­
ment credible.
Et pourtant,
un semitisant eontempor::\\in,
STA-
N1SLAS SEGERT,
a repris la question
de
l'origine d'AFRICA en
relangant l'hypoth~se de 1 'etymologie semItique. 11 a propo-
se le rattac,hement d'/\\FER a "BR" avec transformation du "B"
en
"P" ou
"F"
; cc qui aurait donne "FR".
Avec la chute de
la gutturale,
on
i'lurait ainsi AFER.' Dans le cadre de eette
hypothese,
l~s AFRl, scIon SEGERT, pourJ~aIent correspondre
aux Phenieicns d'Afrique du Nord,
ceux qui avaient
"traverse"
I,'
la mer.
Par '~lne evolution semantique interne, toujours d 'a-
, p r ~ sce t t e hy pot h ~ se, f\\ FRI
a fin i
par des i 9 ne r
en Af c i que;
les habItants de la campagne par oppositIon aux citadins
; 11
devait done designer un statut social,
un
genre de vie
pIu-
tot qu' une ethn jque
(J).
Aussi laborieuse que soit la demarche de SEGERT,
elle ne repose sur aucune base objective.
AFER n I est pas at-
teste dans les documents libyques eonnus jusquJ~ ce jour, et
rien ne permet l'hypoth~se d'apr~s laquelle les emigrants
pheniciens auraient porte un nom forme a partir de la racine
"BR" ou
"I=-R" avec le sens de
"traverser"
(2).
3.
la piste latine
Reconsiderant la question
a son point de depart,
une linguiste,
MICHELE FRUYT,
Cl
propos~ quant a e11e, une au-
tre direction de recherche:
eelle qui fait
appel
au latin
et essentiellement aux langues italiques pour ~elairer AFRICA
et AFRI.
A J a base de sa demarche,
11
y a un double
constat
f a i t
par 1 " aut cur.
1)
AFRI
s e cl i s tin g u e des aut res d ell 0 min a -
tions des peuples d'Afrique du Nord dans l'Antiquite
: alors
que les noms des Maures et des Numides se retrouvent a la
fois en gree et en latin,
au contraire, !:,.FR1 n'existe qu'en
la-
tin seulement ;
2)
alors que Libyes a pour eorrespondant en
0) Cf.
DECRET et FAI~TAR, op.
eit.
p.
26.
(2) Cf.
les memes auteul~s, op.
eit.
p.
26.
/

305
sage d'Africus ventus ~ Africa Terra,
autrement dit,
on est
pass~ de la d~nomination du vent ~ celle de la terre d'o~
souffle cc vent.
Cette r~gion d'O~ provient ce vent, quelle
est -ell e ? C' est,
a use n s an c i e n cl' Af l' ic aTe l' ra,
" 1 e t e r -
ritoire domin~ par les Carthaginois autour de Cartha~e J
c'est-~-dire la ~artie Nord-est de la Tunisie actuelle. Cer-
tes AFRICA a connu ensuite de nombreuses extensions s~manti­
ques,
mais ~ l'~poque ancienne, nous dit l'auteur.
il
~tait
limit~ ~ la terre qui se trouvait approximativement au Sucl-
Quest de l'Italie,
et d'O~ semblait provenLr lrAfri~2 0).
En ce qui concerne AFER et AFRI,
toujours dans la logique
de cette hypoth~se, on est passe de la d~nomination de la
terre ~ celle des habitants ensuite
(2).
Aussi s~duisante que soit cette derni~re hypoth~­
se,
elle est ~ rapprocher avec l'une des explications a-
vanc~es par les Anciens pour ~clairer l'origine de la dC'1:)-
mination grecque de ce m~me continent afl'icain
: la Libyc,
d'apr~s cette tradition grecque est ainsi d~nomm~e ~ cause
du vent Libs qui souFfle en provenance de cette r~gioll. En
admettant cette ~tymologie grecque du nom du continent a-
fricain,
la d~nomination latine de ce m~me continent, d'a~
pres 1 'hypothese de ~IICHELE FRUYT, ne serait alol's qu lunc
transposition,
voire un calquage,
au niveau latin,
e1u pro-
cessus grec.
*
-J(- *
-J(-
L'Afriquc appr~henel~e ~ travel'S cette d~finition,
,
- -
nous sugg~re trois principales remarques concernant sa re-
pr~sentation, ses caract~ristiques physiques et son histoire.
(1)
Cf.
H.
FRUYT,
op.
cit.
p.
231.
(2)
Cf.
le meme auteur,
ibid.

- 1 -
La repr~sentation.
L 'image ~ retenir est celle d'une Afrique-continent
aux proportions singuli~rement r~duite, et dont la partie
est prise pour le tout.
La configuration g~n~rale du continent peut ~tre
ma t ~ r i a 1 i see par 1 a fig u r e for m~ e par 1 e [\\1 i l ~ 1 rEs t, 1 a
cote m~diterraneenne au Nord,
et ~ l'Ou~st et au Sud, par
une cote ethiopique,
dont le trac~ releve plus de l'ima9i-
nation que
de la r~alite. Ce qui 'represente un trapeze ou
en cor e un
t r i a ng 1 c rl 0 n t
1 a b a s e p Cl r J i t
con s t i t u e e par 1 a '"
cote m~diterraneenne, depuis les confins Ouest de l'Egypte
jusqu'aux Colonnes d'HERCULE
(Detroit de Gibraltar)
;
l~
cote perpendiculaire,
par le Nil,
qui se prolonge jUSCjU'JI
1 'Ethiopie et ~ la mer australe ; enfin l'hypothenuse par
la cote qui va de 1 'Ethiopie jusqu'aux Colonn~s d'HERCULE.
La partie repr~sentee par le sommet de ce triangle s'etend
au-del~ des limites de la terre habitable et est par conse-
quent consideree comme inaccessible du fait
dc l'intense cha-
leur qui y regne.
Autrement dit,
ItAfrique qui nous
interes-
se,
se ramene uniquement ~ la base du triangle,
c'esl-~-
dire la partie situ~e en-de9~ des Ilmites de la terre habi-
t~ble. Mais dans cette partie elle-m~me, seule est habitee
une petite frange
s'etendant parallelement ~ la base du tri-
ar.gle et qui n'excede pas,
en largeur,
plus de
250 miles.
Quant ~ l'etat physique general du continent afri-
cain,
11 s'apparente ~ la description physique d'une region
per~ue ic~ comme etaht la c6te atlantique du Maroc actuel,
ainsi que lcs tIes Acores
CrIes Fortunees,
puis lIes Canaries).
2 -
Les caracteristiques physiques.
L'Afrique apparalt essentiellement comme une terr\\':
des contrastes
:

307
- Sur une zone,
ou plus exactement,
sur une bande
restreinte
(elle n'exc~de pas 250 miles en largeur, selon
<"DICUIL),
elle est 'Iextremement fertile"
et est habitE~e ; -"
- A part cette bande,
tout le reste du continent
passe pour sterile' et inhubite,
du fai t
de la conjonction
de plusieurs facteurs
:
aridit~ du climat (pas dJeau de sour-
ce ni de pluie),
etendues de deserts de sables steriles
(les
"vastae solitudi'les")
en direction
du Hidi
;
- Duns cctte partie du continent apparemment hos-
tile ~ l'homme, grouillent paradoxalement d'innombrables be-
tes malfaisantes,
particuli~rcment les serpents.
Ainsi,
i1 slen
suit qu'au regard des Carolingiens,
l'Afrique est une terre peu engageante et peu rassurante,
bref,
une terre hostile a l'homme.
-
3 -
Le point de vue historique.
Du point de vue "historique", 1 'Afriquc apparalt
comme la terre des mythes Btcles legendes.
Pour les Crecs et
les Romains,
l'Afrique
(ou Libye)
representait le bout du mon-
de, 1 a terre extreme d uc 0t e cl e l ' 0 c cid en t
et d u Midi.
Con t i -
nent pratiquement isole des deux autres,
l'Afrique etait me-
connue,
et se pl'etait comme un
cadre privilegie
a
toutes
les projections de l'imaginaire curopeen.
Ainsi,
en dignes
heritiers,
les auteurs etudies evoquant fables et ieqendes
.
-
antiques,
y localisent ATLAS et ANTEE dont ils font des rois
avec chacun son l'oyaume ;
dans ce continent se trouve le Jar-
din des Hesperides,
o~ HERCULE vient cueillir les pommcs dlol'
gardees par un monstre
du reste le heros laisse des traces
de son passage
(les Colonnes d'HERCULE)
c'est encore aux
confins de 1 'Afrique qu'habitent les fameuses Corgones.

308
B /
DESCRIPTION
DE L~AFRIQUE-CONTINENT
I
• INDICATIONS PHYSIQUES
a
/
Limites et
dimensions
de 1 1 Afrique
* Trois auteurs fixent comme suit les limites de
l'Afrique.
-
ilL 'Afrique,
ecrit
RABMI,
qui' compile
ISIDOHE,
co mmen c e El 1 a fro n tie r c d e l lEg YP t e e t
s 1 et en d a u Su d par
I ! ;:.
thiople
jusqu1au Mont Atlas;
au
Nord,
e11e est
bornee par
la
Mediterranee,
et elle
se
termlne cu
detroit
de
Gades"
(l).
-
ilL 'Afrique est limitee a 1 'Est par le Nil, par-
t 0 u t a i 11 e u l' spa r
1. a mer ",
eel' i t
P 0 U l'
sap art,
1 I MI ml YH E d u
De situ orbis,
qui
compile POMPONIUS MELA
(2).
Transcrivant aROSE,
ALFRED Le Grand
ecrlt
quant
a
lui
:
"La division
entre l'Afriquc et l'Asle
commence a
Alex-
andrie,
ville de l'Egyptc,
et la
borne
s'etend au
Midi par
le
Nil
et va j~squ'a l'Ocean,austral a travel'S le desert d'Ethio-
pie;
au ~lord-Ouest, l'Afriquc a pour borne la Mediterranee,
qui
vie n t
d e l ' 0 c ean, a I ' en cl r 0 i t 0 U son tIe s C0 J. 0 n n e s d' HEI~­
CULE
;
sa limite,
a l'Ouest, est la montagne Atlas et l'11e
Canarie
(3)"
(4).
(1)
"r AFRICA) Incipit autem a finibus Aegypti PC1'0I:(;' :juxta
merj.diem per Aeth.i.opiam usque
ad
At1antem montem,
a
septcn-
triona1i vera
parte Mediterraneo mari
conjuncta clauditur,
et -
Gaditano freto
fin.i.tur . . . ," RABMJ r'1AUR.,
De Universo,
op.
cjt-
co 1.
351.'- :r. SI D.
0 rig. 'x I V,
5,
3.
(2)
"AFRICA ab Oriente parte Nilo
terminata pelago
a caeteris".
ANa HYt~ US,
0 e
sit u 0 r b is,
0 p.
c i t.
1.
I 1.
p.
4 3 •
-
P 0 MP 0 ~II US tl ELA,
I,
I 5 .
(3)
PAUL aROSE
(I,
2,11)
parle
des lIes Fortunecs,
tand5.s que
ALFRED,
nomme
seulement une fIe.
(4)
liThe division
between Africa onc]
Asia
bqlins
at
Alexandria,
a city ef
Egypt;
ond
the
boundary lies thence
south,
by the
river Nile,
and
so over the
desert of
Ethiopia
to
the
southern
ocean.
The north west Ij.mit of
AFRICA
is
the Mediterranean
Sea,
which
shoots from
the
ocean,
where the
pillars of H[RCULE stand
and its end,
right west,
Is
the mountain,
which 1S named Atlas,
and the
.lslond called Canary".
ALFRED,
op.
cit.
c.
I,
p.
31.
-
OROSE,
I,
2
8-11.
j

* Un seul auteur, DICUIL, nousdonne les mesures de
cette par1ie du monde.
, ~
. "',En effet
empruntant a PLn~E L 'Ancien dont 11 n' a
''/r'!
'
pas compri7i:2\\ies ehiffrcs,
DICUIL evalue approximativement la
1 0 n9i tu de ..' ;J:~;;::;l ' Af r i que 2. 3 478 (t r 0 ism i 11 e q u a t r e c e n t so i x an _.
t e - dix - h u i t'~i.:in i 1e s ; q u .) n t a l a 1 a tit u cl e, d' ap res .1 u j, e 11 e
..~,' ~
,
h'exc~de nuife part 250 (deux cent cinquante) miles, dans la
l
. .
partie h;:;I~:tt.ee de 1 'Afrique 0).
L
Au sujet des limites de l'Afrique,
on remarque que
les trois a~t~urs qui en parlent donnent,
tous les trois,
le
Hi l co mme s a b0 r n e a I ' Est.
En pro c e d ant a ins i,
RAB1\\ 1\\1,
l ' MI 0-
NYME du De situ orbis et ALFRED obeisscnt tout simplement, rap-
pelons-le,
a la tradition eosmographlque antIque qui etQblit
le fleuve
egyptien comme la frontierc
du continent afrlc~in et
du continent asiatique
(2).
Concern ant les dimensions de 1 'Afrique,
les mesures
de DICUIL ne correspondent pas avee celles de sa source.
En
effet,
en comparant le passage de PLINE avec celui de DICUIL,
i1 5' a v ere que .1.' 11'1 and a i 5 n' a pas eo mpr I s 1 e Rom a i n :
J. e s
eh i f -
fre~ de PLINE sont XXXVII
XCVIII pour la longitude,
et DCCL
pour la latitude,
soit 3 798
(trois mille sept cent quatre
vingt dix-huit)
et 750
(sept cent einquante)
DICUIL,
par
eontre, les rend par
"C trigies et quater et LXXVLLI',
soit
3 478
(trois mille quatre cent soixante-dix-huit)
pour la lon-
gitude et "CCL",
soit 250
(deux cent cinquante)
pour la lati-
tude.
DICUIL n 'ayant pas compris le systeme numcrique romain,
Cl
tout bo~nement multiplie le premier groupe de chiffres par
le second,
c'est-a-dire 37 x 94,
ce qui lui a donne le chiffre
de3 478
(3).
(1)
" I cl em
\\ P LI HIUS l
d i c i t i n
sex t o :
" AFRI CAE
(u t
me d i a e x
omni varietate prudentium sumatur eomput<Jtio)
effieit IOJio!tudo
C trigies et quater et LXXVIII passuum
;
latitudo,
qu,Cj::;clitur,
nusquam CCL exeedit"."
DICUIL,
op.
eit.
Ill,
3,
p.
54.
-
PLIrH::,
VI,
208.
(2)-VOir a AEGYPTUS, ce qui a ete dit sur la delimitation de
l'Egypte.
(3)
PLINE,
VI,
208;
CL
J.-J.
TIERNEY,
op.
elt.
notes:
C.
Ill,
3 p.
109.

i . (~
'JAG
. d J
.
A . t r ~ v er sJ a me sur e de la latitude de l' Af r i que,
tantO chez PLINE que DICU1L,
en peut,
une fois
de
plus,
noter
l'influcnce du systeme de MACROBE.
La latitude de 250
(750
chez PLH1E)
miles donnee n 'est que partielle et relative.
Elle
concerne uniquement l'etendue Nord-Sud de la partie du conti-
nent consideree eomme habitee.
Autrement dit,
l'Afrique n'est
habitee que sur une
bande d'une largeur maximale de
250 miles
(ou 750 pour PL1NE)
en partant de la Mediterranee vel'S l'in-
terieur du continent.
En donnee ki16metrique,
eela equivaut
approximativement ~ 369,375 ou 370,625 kilometres d'apres 01-
CUlL et ~ 1 108,125 ou 1 111,875 kilometres selon PL1NE (1).
La latitude donnee par 01CUIL n'est done que partielle,
et il
ne peut en etre autrement,
car d'apres la theorie de MACROBE
l'Afrique es~ en grande partie occupee par la zonC torride
dont on
ignore tout sinon que nul etre ne peut y vivre· en rai-:
son de l'immense chaleur qui y regne.
b / Aper~u general
L'ANONYME du De s"itu ~rbis nous donne de l'Afrique
unedescription generale en ees termes
:
"L'Afrique est limi-
tee ~ l'Est par le Nil, partout ailleurs par la mer.
Elle est
plus courte que 1 'Europe puisqu'elle ne s'etend en
aucun
point
leiong de l'Asie ·ni le long de la cote ?uropeenne toute en-
tiere.
Sa prop re lon~ueur depasse egalement sa largeur.
Celle-
ci est la plus grande dans la partie eontig~e au fleuve
; a
me sure qu'elle s'en eloigne,
et tandis que le ~errain s'eleve,
suriout au milieu,
suivant des cretes de montagne,
sa forme
suit une cou~be ver~ l'Ouest et finit graduellement en pointe
ainsi ~onl~mpleur diminuant peu ~ peu, la largeur est la plus
reduite ~ son extremite. L~ o~ l'Afrique estpeuplee, elle est
extremement fertile,
mais comme la grande partie est inhabi-
tee,
eiant ou bien recoUverte de sables steriles,
ou bien de-
(1) Le mile romain,
etant inexactement connu,
les archeologues
ont evalue tour ~ tour sa longueur ~ 1 477,5 m et ~ 1 482,5 m.-
Cf.
La Gl' a nd e En c y e lop e die,
t.
2 3,
Par is,
art.
~1i lIe .

311. "
laiss~~ ~ cause du man que d'eau de source ou de pluie, ou en-
core infest~e par de nombreux animaux ma1fai~ants, el1e est
plutot vaste que popu1euse"
(l).
La description
de la configuration
de cette partie
de l'Afrique
(il
slagit de J"a partie septentrionale du
conti-
nent,
qui va des c6tes de la Libye actuelleau
d~troit de Gi-
braltar)
prise h~las pour l'ensemble du continent africain,
m~rite d'~tre sign~l~e. Cette description emprunt~e par l'au-
teur anonyme ~ POMPONIUS MELA
(2)
se rapproche d'une fa~onre­
m~rquable de la forme r~elle de l'Afrique m~diterran~enne, a
peu pr~s connue par les Anciens. Cependant,l'ANONYME et MELA
tout comme les An~iens en general, n 'echappeilt pas a la con-..
ception
d'uneAfr"Lque de forme trapezoidale,
qui ne s'etend
gu~re au-dela du 16e degre de latitude.
"Ila ou 1 'Afrique est
peuplee,
nous dit l'MlOt'~YME,
elle est extr~mement fertile,
mais,
poursuit-il,
comme la gron-
de partie est
inhabitee,
~tant ou bien recouverte de sables
st~riles, ou bien delaissee a cause du manque d'eau de source
ou de pluie,
ou encore infestee par de nombreux anima~x mal-
f a i san t s,
e 11 e est pIu t <3 t
vas t e que pop u 1 e use ".
Dan sce t t e
description,
1 'auteur dresse 1 'etat phy~ique general du conti-
nent,
qui,
ainsi,
apparaft comme une terre hostile a l'homme,
a raison des contrastes phy~iques qu'on y rel~Ye
a part une
infime partie extr~mement fertile,
ou l'Afrique csL habitec,
'''<,
tbute la majeure partie du continent est depourvue de popula-
tion,
soit parce qu'elle est couverte de deserts de sables ou
(1)
"AFRICA ab Orientis parte Nilo terminata pelago
a cacteriL;.
B~evior!est qUidem quam Europae quia nec usquam Asia est et non
totis hujus litoriblls" obtenditur
; longior tamen
ipsa quam lu-
tior,
et qu~ ad Hilum attingit latissima, u~que inde procedit,
ita media praecipue in
juga exsurgens pergit in
curva ad occa-
sum fatigatque
se molliter
; et ideo ex spatio paulatim adduc-
tior
;
ubi finitur,
ubi maxime angusta est.
Quantum incolitur
eximie fertilis,
verum quod pleraque ejus inculta et aut arenis
sterilibus obducta aut ob sitim caeli terrarumqllc Jcserta sunt
aut infcstantllr mul to ac malefico" genere animalium,
vasta est
ma 9 i s q u a m fr c que n s • "
ANONYMUS,
Dc situ orbis,
op.
cit.
1.
11,
p.
43-44.
(2)
t~ELA I, 15-24.

.::....':
.... :.:-
312
,
rien ne pousse,
soit parce qu'elle est soumise a un cllmat
torride et en proie ~ l~ s~cheresse, soit simplement parce
qu 'elle est pleine d ":animaux dangereux,
er. 1 'occurrence des
serpents venimeux.
Prenant la partle pour le tout,
l'ANONYME du De 21tu
orbis,
nagu~re, faisait de la configuration de la cBte m~di­
terran~enne de l'Afrique, la configuration g~n~rale du conti-
nent africain.
Le m~me proc~d~ s'observe ~gaiement ici OU,
dans l'~tat physique g~n~ral de l'Afrique dress~ par le m~me
AN 0 ~1 YME, 0 n d ~ c ~ 1 e' 1 a t ran 5 po 5 i t ion e t
1 I a d apt a t ion
del a des-
crip~ion d'une r~gion particuli~re, Initialemtnt apparcnt~e
~ la cBte atlantique du Maroc actuel (1).
c l Les divisions r~qio-n'ales
-
-
Qu a t rea u t e u r 5 p r i n c i pal em en t
n 0 us- don n e n t
1 e s ··d i -
visions g~ographiques du continent africain.
Cependant,
nom-
breuses sont les divergences qu'on observe ~ntre eux,
et quel-
quefois,
chez un m~me aut~ur,
en ce qui concerne le nombre et
1 e 5 n 0 ni 5 des' r ~ g ion 5 del' Af r i que •
~Japr~s la table des mati~res figurant au prologue
du Libel' de mensura- o'rbisterrae
(2)
d' une part,
et d I apres
(1) C'est dans le Voyage d'EUDOXE De CYZIQUE,
rapport~ par POM-
PONIUS MELA ~ partir d1un ouvrage perdu de CORNELIUS NEPOS, que
figure le passa~Je original
"Apres la Corne du Midi,
commence
cette cBte qui s'incline i
l'Occident,
et que
baigne la mer A-
tlantique.
Sa premi~re partie est habit~c par des Ethiopiens ;
celle du milieu est d~serte ; ici, elle est brGl~e par les ar-
deurs du ~bleil ; l~, elle est couverte de sables arides ; plus
loin,
elle est infest~e de serpents".
EUDOXE eopj.e le P~riple
d'HANNON dont i1 ne fait que renverser 1 'ordl'e afill
de--.r"adap-
ter a la direction Est-Ouest de la mal'che qu'il
pr~tcnd avoil'
suivie.
Sur ce pr~tendu voyage d'EUDOXE De CYZIQUE, yoir MELA,
1.
Ill,
9 et 10.
(2)
CL
DICUIL,
op.
eit.
Prologue,
6,
p.
44.

, ,
.! t,.
313
.0\\
'.
~ :.. ;
le contenu
des
chapitres
III
et
IV
de l'ouvrage
0)
d 'autre
~art, DICUIL, apparemment, r~partit l'Afrique ou Libye en deux
grandes zones
d'un
cBt~, l'Afrique tout court, c'est-~-dire,
toute la partie
septentrionule du
continent,
qU~L s letend ~
1 1 0uest de J'Egyptc,
de 1 'autre,
l'Egypte et l l Ethiopie,
c'est-
~-dire, toute la partie m~ridionale ou int~rieure du continent.
Dans ce dispcsitif
g~neral, l'Irlandais distinglie, d1apres la
Divisio orbis
(2),
six
r~gions pour la premiere zone. Ce sont
1 a Ga u 1 a 1 i a
(3 )
e t
1 a Ma u l' ~ tan i e
(4 )
1 a Num I die e t
1 I Af r i qu 'C
Carthaginoise
(5)
enfin,
la Tripolitaine et la LIbye Cyr~-
nalque ~ laquelle appartient la Pentapole
(6).
La
seconde zone
se compose en
revanche
de
deux
r~gions : d'une pa~t, I 'Egyptc,
divis~c en "Egypte inferieure" (Basse-Egypte) et en "l::gypi,c JU-
p~rieure" (Haute-Egypte) ~ laquelle est rattach~e une partif;
de l ' Et h i 0 pie
(7 ),
et d I aut r e
part,
l ' Et h i 0 pie
( 1 e r e s t e )
quI
"s '~tend de 1 1 0rlent d 'hIver ~ l'Occident d 'hiver"
(8).
De tou-
tes ces r~gions, DICUIL donne les d~limltations et les mesures
d ' a pr e s
1 a
Di vi si 0 0 r bi s e t P LHI ELl An c i en
( 9 ),
a 1 I ex c e p t Ion
(l)
Cf.
DI CUI L,
0 p.
c i t .
1 e s
c h a pit res
I I l e t I V,
p.
54· •
(2)
11 a d~ja ~t~ question de cette source de DICUIL.
-
Divlsio
orb:ls,
25
;
26.
,(3)
Le nom
correct est Gae,tulia,
dans
la
DivLsio.
(u)
"Gaula11a et Mauritania finiuntur
ab oLLente
fJur.line
Amsaga,
abOccidente Oceano
Athlantico,
a septentrione mari Africa,
a
mer i die miJ r i, 0 c e ana
Ae th i 0 pie 0 • • • " •
DICUIL,
op.
cit.
c.
I l l ,
1,
p.
54.
(5)
"Numidla et Afri'ca
car,taginensis finiuntur
ab Ori.ente Syrti
minore ••• ".
01 CUI L,
0 p.
c it.
c • I I I , 2 ,
p.
54 •
( 6 ) tvl ens u l' a m Trip 0 1 ita n 'a e
pro v i n t i a e. in t e r
d u asS y r t e s e t men-
suram Libyc:e Cyrlnacae cum
sua Pentapolitanae provint5.,} nequa-
quam adhuc scrlptam
repperi
secundum Theodosii mlsso's",
DICUIL,
op.
cit.
c.
I l l ,
4,
p.
54.
(7)
'~xta P1lnium Secundum in eadem 10ngitudinem Aegyptl suoe-
rio1'is cum
sua f\\ethiopia'.,.. ".
DICUIL,
op.
cit.
c.
IV,
2,6'-.-54.
(8)
"Aethiop.l'a
ab oriente hiberno
ad occldentem
hibernum . . . ".
DICUIL,
op.
clt.
c.
IV, '3,
p.
56.
(9)
CL
PLINE,
V,
21,
26;
PLINE VI,
196-8.

3-.1 4:
de la Tripolitaine,
de la Libye cyn~rarque et du reste de l'E-
thiopie.
P6ur la Tripolitaine et la Libye cyr~narquc, 11 ne
donne pas de mesures faute
d 'en
avoir trouv~ dans la .'?i.y_:~~io,
comme i l le dit lui-nieme.
Quant a l l Ethiopie,
celle-la quj
est d~finie comme s'~tendant
de l'Orient d'hi0er a 1 'Occident
.
I
d'hiver~ el1e repr~sente l'Afrique lointaine, qui ~chappe Cl
la connaissance des auteurs anciens dont les iriformations a
ce sujet rel~ve davantage de 1 'imagination que de la r~alit~.
D'o~ DICUIL ne fait point ~tat de sa dimerision. Mais nous re-
viendrons en
d~tail sur ces r~gions 10rsque nous les aborde-
rons plus loin,
chacune dans son contexte particulier.
Co~pilant sahs doute quelque version du Liber Genc~­
10gu~, 1 '~v~que breto~ NENNIUS reconnalt douze provinces en
Afrique,
tandis qu'il en compte quinze en Asie et quatorze en
Europe.
Au travers de l'~preuve des transcriptions et des com-
pilations successives,
ces provinces africaines s'~num~rent
comme suit:
la Libyc, la Cirmi,
la Pentapole,
l'Ethiopie,
la
Tripolitain6, la Byzancia,la G~tulie, la Nat~brie, la Numidie,
la Samarie, la Grande Syrte et la Petite Syrte
(1).
RABAN MAUR,
q~i em~runte a ISIDORE De SEVILLE (2},
distingue,
lui,
neuf provinces en Afriquc.
Ce.·sont,
d'Est en
duest
: la Libyc cyr~narque, la Pentapole, la Tripolitaine, la
Byzac~ne, Carthage (J),la Numidie, la Maur~tariie Sitifienne,
la Maur~tande Tingitane, et enfin, ~ux environs des feux du 50-
leil,
l'Ethiopie
(~).
' . '
,
. " , :
..
'
(1)
"In Africa sunt provinciae XII:
Libya, Cirmi,
Pcnt'apolis,
Aethiopia, Tripolitana,
Byzan~ia, Getulia, Natabria, Numidi~,
Samaria,
Syrtcs, majores et minores".
NENN1US,
op.
cit.
c.
XII,
p.
58.
- Si a travers les provinces d~nomm~es "Cirml" et "Uyzantia 11 0n
peut reconnaltre sans trap de peine la Cyr~n~rque et la Byza-
c en e, e n rev a n c he,
1 a " ~l a tab r i a 11 e t 1 a "S a mar i a" r. e san t 9 u ere
identifiables avec une q~elcorique r~gion ouptovincc africaine.
( 2 ) I SI D0 RE,
Et Ym.
'X I V,
5,
3 •
(3)
11 s'ag'it ici de la "Provincia africa" avec Carthage comme
chef-Lieu.
(4)
"'CArR1CA]
habens provincias LibYum Cyrenensem,
[Jentapolim,
Tripolim,
Byzancium,
Cartaginem, Numidi~m, Mauritaniam Sitifen-
sem, Mauritaniam Tingitanam,
et circa solisa.cdorem Aethiopi.am".
RABAN MAUR,
De Universo, op.
c:it.
col.
351.

: . .1','
; I
i' ,",
315
i .J '
A chacune des neuf provinces,
RABAN
consacre une
br~ve description qu'il nous sera donn~ de pr~ciser par la
suite lorsque nous traiterons 1 'Afrique du Nord,
la province
":':":''''=.",.
~'Afrique, la Libye et l'Ethiopie.
Pour sa part, 1 'ANONYME du De 'situ orb:i:s,' ut:i.lisont
dans un premier temps MARTIANUS CAPELLA,
nomme ~ix provinces
en d~crivant lrAfrique d'Ouest en Est,
c'est-a-dire de l'A-
tlas a la Cyrinarque.
Ce sont
: les deux Maur~tanies, la Nu-
midie, la Zeugitane ou, l'Afrique proprement dite,
la Byzac6ne
et la Cyr~narque (l).
Dans un
second temps,
i.l compile ISIDORE
De SEVILLE en
donnant les limites d~ lrAfrique et l'ensemblc
de ses provinces qui sont
: la Libye,
la Cyr~narque, la Penta-
pole, la Tripolitaine,
la Byzac6ne, Carthage,
la Numidie,
la
Maur~ta~ie C~sarienne, la Maur~tanie Tingitane, et enfin, l'E-
thiopie,
qui est sise aux environs des feux
du solc:~
(2).
-)(-
* -)(-
-)(-
A travel'S cette pr~sentation des divisions r~giona­
les du continent africain,
on remarque deux faits essentiels
:
- d'abord,deux grandes entit~s g~ographiques entre
lesquelles le continent se r~partit. Ces deux entit~soppo­
s~es l'une a l'autre, sont d'une part, la partie septentrio-
nale ou m~diterran~enne du continent,
d~sign~b sous le terme
d'Afrique,
e t a laquelle fait pendant la partie ~loignce ou
int~rieure du continent, d~signce sous le nom d'Ethiopie. La
premi~re' rartie, l'f\\frique, qui va gen~ralement des confins

~ .' :


'
"

t
.
(1)
MJONYHE De situ orbis, op.
cit. 1. 11,
p.
58-60.
- MARTIMlUS,
VI,
667-74.
(2)
"t AFRICA l
habens provincias Libyam,
Cirensem,
Pentapol_Lm,
TriroUm,
Bizancium,
Cartaginem,
NumidiiJm,
tvlauritaniam Caesa-
riensem,
Mauritaniam Tingitanam et circa solis ardorem Aethio-
piam".
ANO~lYME, De situ' orb.i.s,
1.
11.
p.
61-
.. ISIDOIiE,
Etym,.;
XIV,
5,
3.

316
ou est del' Egyp t e jus qu ,~ 1 a po in t c de Tan 9 er, f a i t 1 'ob jet
d'une connaissance plus concr~te de la part des Anciens.
Ph~­
niciens,
Grecs,
et Romains notamment l'ont explor~e, colonis~e,
exploit~e et admini~tr~e. A cc titre, elle ~tait plus famili~rc
aux auteurs anciens,
qui en ont laiss~ la d~limitation, les
m~~suration~ et la description dont h~rit~rent les auteurs m~­
di~vaux. La multiplicit~ des d~coupages g60graphiques qui la
caract~rise l~ dans les textes des auteurs 6tudi6s est 1 'h6ri-
4,.'
tage des d~coupagcs administratifs romains dont elle a ~t6 l'ob-
jet a differentes 6poques de l'histoire de 1 'Emp.ire Romain.
La seconde partie,
c'est-~-dire, l'Ethiopie, fait en revanche
1 'ob jet d I lJ nee 0 n n a i s san cc pIu s t h ~ 0 r i que qu.' c f fee t i v e, pIu s
i~aginaire que r6elle pour la raison unique qu'elle 6chappait
.~ l'exp~rience concrete des Anciens. Les seuls renseigner.lents
quel'on en
avait,
~taient ceux colportes au f{l des compila-
tions,
et dont l'origine remonte a HANNON Le Carthaginois et
au Romain
POLYBE,
lesquels avaient navigu6 en partic sur
la.
c6te du Maroc actuel,
QU
encore ~ SUETONIUS'PAULIN, qui avait
dil~ig6 uneexpedition militaire dans la region de l'Atlas. Ces
renseignements tres fragmentaires et tres laconiques s'etalent
scleros~s,laissant I'lus cle place ~ l'imaginaire qu'au reel.
Le manque Je connaiss~nces su~ cette partie de l'Afrique expli-
que done,
de la part des auteurs ~tudies, le caractere assez
sommaire du
traitement qui lui est accord~ par rapport ~ la
pa~tie septentrionale.
-
Ensuite,
chez un
des auteurs tout particulierement,
en l'occurrence DICUIL,
le principe et l'o~position de ces deux
ertites g60graphiques est davantage mis en relief par la dis-
positio~ formelle des matiercs trait~es dans son ouvrage. En
e f f et,
a u me met it re que 1 I As i c e t
l ' Eu r 0 p e qui f on t I e sob-
jets des chapitre~ I et 11 du livre,
DICUIL traite la partle
Nord et la partie Sud du continent africain en
deux chapitres
distincts
: 1 'un,
le chapitre III traitant de 1 rEgyptc,
de
1 'Ethiopie et ses iles.
Au
travers de cc dernier Ch.3pitre, on
observe un fait
important,
~ savoir, l'apparcnte in~egration
de l'Egyptc au continent africain alors que les autres auteurs

g~n~ralement! l'int~grent au .continent asiatique, dont lIs
en
font
une province.
d / L'Atlas
Tl' 0 i s aut e ut s,
DI CUI L,
RA BAl\\j et 1 I MI 0 Irn'i L~ cJ u 0 e
Situ Orbis,
nous d~crivent l'Atlas et nous donnent par ail-
leurs l'expllcation
sur l'origine de ce nom appliqu6 ~ la
montagne cJu continent africain.
Citant textuellement SOLII\\j
(1),
DICUIL,
donne de
la montagne cette description
(2)
"Le mont ,I\\tlas :S'~lance
du sein
de ces immenses plaines de sable,
pour
cacheI' sa t~­
te au-dessus des nues,
dans le voisinage de l'orbite lunaire.
Du cote de l'Ocean auquel
11 a donne son nom,
i1 n 'y
i1
que
des sources,
de sombres
bois,
d'~pres rochers, de la steri-
lite,
une
terre nue et sans verdure
mais .en regard de l'f\\-
frique,
i l
6taJe de riches productions qui na.issent d 'elJes-
m~mes, des arbres ~leves et touffus qui exhalent une odeur
pen6trante~ et do~t les feu.illes, semblables ~ celJes du cy-
pr~s, sont recouvertes d'une laine qui ne le c~de en ri.en aux
tissus de soie.
On trouve en abondance,
sur les flancs
du
mont,
l'euphorbe dont le sue est excellent,
soit pour eclair-
cir la vue,
solt contre les poisons~ Son sommet est toujours
couv~rt de neige. On trouve dans ses bois dcs quadrup~des,
des serpents~ d'autres animaux, m~me des ~l~phants. Pendant
le jour,
il y regne un silence universe1
et une solitude non
sans inspirer l'horreur.
Des feux nocturnes projettent des
lueurs et p~rtout r~sonnent des choeurs des Egipans
on per-
(l)
SOL '(N,
24,
8 -1 0 .
(2)
"Julius Sol-thus in Collectaneis hace de monte Athlante
docuit
"Atlas mons e media harenarum consurgit vastltate et
eduetu5 in vieiniam lunaris circuli ultra nublla caput condit ;
qua ad oceanum extenditur,
cui
a se nomen
dedit,
manat fontibus,
nemoribus inhorrescit, rupibus asperatur,
squalet jejuna humo
nuda nec herbida
;
qua contra AFRICAM versus est,
felix
nas-
centibus sponte
frugib~s, arboribus proceris opacissimus, qua-

318
....:.::..
goit aussi le son
des flutes et le tintement des cymbales."
(1).
L'Irlandais cite ensuite un
passag~ d'ISIDORE De SEVILLE,
qu'il oppose a SOLIN
"Au sujet du meme Atlas,
dit-D,
ISI_
DORF- ecrit dans le treiz_iE~me livre des Etymologies
"L'Atlas
est: denomme ainsi,
parce qulil est tres haut et qu'il, paralt
sup p 0 l' t e l' 1 e c i e 1 e t
1 a v 0 u t e e e 1 est e " ."
(2).
F Cl i- san t
p r e u v e
d'un certain esprit critique -chose a combien rare chez les
auteurs de l'epoque
!-
DICUIL,
sur l'autorite de l'eveque de
Seville,
denonce les cbntradictions qu'il
Cl
observees chez
SOLIN
"JULIUS SOLHl , d i t - i l ,
se contredit en quelque sorte
ici, quand il affirme que l'Atlas cache son sommet au-dela
des nuages qui
sletendent du cate de l'Oceon,
et qUE: son
som-
met est toujours 60uvert de neige,
il ne peut etre toujours
au-dessus des nuages,
objecte '1'auteur irlandais,
et s'il se
situc toujours au-dessus des nuages,
non
seulement ces der-
niers ne peuvent jamais le cacher,
mais encore ils ne peuvent
pas 1'atteindre.
De fait,
les nuages,
J,es greles,
les pluies,
le tonnerre et les fleuves ne montent pas a partir des nuages,
m~is descendent toujours des nuages.
En
indiquant que la mon-
tagne dresse son sommet au-dessus des nues,
dans le voisina-
ge de l'orbite, lunaire,du cate de l'Ocean,
il
(SOLIN)
affir-
me clairement que l'Atl~s transcende par quelques pics les
nuages ~utour desquels la neige,
je crois,
s'etend comme une
couronne.
Et comme ISIDORE nia pas dit qu'il
depasse les nua-
ges,
je pense quIll
lcs depasse a peine ... " (3).
(sui~e) rum odor gravis, comae cupress
similes vestiuntut la-
hugine sericis velleribus nihil viol~re. In cd latere et herba
euforbea copiosa,
cujus sucus ad occulorum proficit c1aritatem
nec medlocriter percellit vim venenorum.
Vertex semper nivalis.
Saltus ejui quadrupedes ac serpentes et ferae et cum his ele-
phanti oc~upavcrunt. Silet per diem universus nee sine horrore
secretus est.
Lucet nocturnis
ignibus,
chorls egipanum undique
"'.-:':
personatur ;
audiuntur et cantustibiarum et tinnitus cymbalorum.
De eadem Isidorus Athlante in
XIII Aethimologiarum scripsit li-
bro
: Athlas cognominatur,
qui propter a1titudinem suam quasi
caeli machinam atque astra sustentare videtur".
(l)
No usa van s em p run t e" 1 a t r a due t ion f ran <; a i sed a n s YOU SSOU r~
1< A~1 AL,
0 p.
c i. t .
T.
J I. ;f a 5 c •
I,
1 92 S,
p.
119.,
(2)
ISIDORE,
Etym.
Ill,
25,
1.
(3)
"Duo hie quasi contraria JULIUS SOLINUS de Ath.l.ante monuit
quod ultra nubila eaput condit qua ad Oceanum 'extenditur,
e~

319
Mieux que DICUIL,
et toujours ~ partir d'ISIDORE De
SEVILLE,
RA8AN ~,1f\\UR aussi nous donne l'explication sur l'od-
-", gin e dun 0 m del I At 1 a s :
" At1 a s e t a i t
(d; l' e
d e PRO ~1 ET HEE -,e t
roi d'Afrique,
nous dit l'abbe de FULDA
;
il fut)
dit-on,
l'in-
venteur de l'Astrologie,
et pour cette raison,
on
dit qulil
a soutenu le ciel.
Ainsi donc,
~ partir des connaissances de
cette discipline,
et ~ partir de la science du Ciel) on a de-
rive du nom de ce personnage celui de la montagne d'Afrique,
qui Iilaintenant s'appel1e Atlas,
et qui,
a cause ,de sa hauteur,
paralt soutenir en quelque sorte la voGte du ciel et les as-
tres".
Versant ensuite dans le symbolisme qu'il
prise tant,
RABAN trouve ~ llAtlas diverses significations : il designe
tant6t l~ Sauveur notre Seigneur, tant6t la Sainte Egli58,
tan-
tSt encore les Ap6tres et les proph~tes, ou encore les Saints
hommes pour la grandeur de leurs vertus
;
mais par opposition,
il designe aussi les hommes fiers et gonfles d'orgueil dans la
puissance mondaine de leur autorite,
ou
bien les heretiques,
ou encore le diable,
lui-meme
(l).
Comme DICUIL,
l'ANONYME du De situ ,orbis nous donne
egalement une description de l'Atlas empruntee cette fois
~
MART I AN US CAP ELL A
" ~1 0 n loin del ~
(c I est - ~ - cl ire Gu jar din
des He s per i des e t
del are s i den c e d I ANT EE),
eel' i t
J I AN 0 Nn1 E ,
le mont Atlas, fait
surg,irson sommet du sein des sables
les
(suite)
quod vertex ejus semper nivalis.
Si vertex ejus semper
nivalis est,
transcendete se~per nubes non potcst,et si nubes
semper altitudo
illius excedit,
non
solum numquam tegi sed nec
tangi nivibus valet.
Nives etenim et gran dines ac pluviae at-
que tonitrua fulminaque non ascendunt a nubibus,
sed semper de
nubibus. descendunt.
In eo quod
innuit quod eductus
in vlcinlam
lunaris circuli ultra nubila caput condit qua ad oceanum exten-
ditur manifesto instruit in aliquibus pinnis Athlantem trans-
ccndere nubes,
quarum circum latera nives tamquam coron~m Fa-
cere puto.
Et cum ISIDORUS tacuit ilIum transire altius i:ubcs,
quod vix excedit ipsas existimo".
DICUIL,
op.
cit.
c.
IX,
(,-S,
\\ p.
100.
(1)
"Atlas frater
Prolilcthei fuft et rex Africae,
a quo ilstro-
logiae artem prius dicunt excogitatam,
idcoque dictus est sus-
tinuisse caelum.
Ab eruditione igitur disciplinae,
et scientia

320
habitants l'appellent Addiris.
11 s'~l~ve jusqu'aux confins
cl u c ere 1 e 1 una ire,
a u - del a del a cl Ci min a t ion des n u ,J 0 ( ::;. Sa
partie occidentale tourn~e vers la c5te de l'Oc~an est cou-
verte de for~ts, abonde en sources, mais reste inf~coride a
eau sed e s roe her s ;
tan d i s que 1. a par ti e t 0 urn ~ eve r s 1 I Af r i -
que est toute fertile;
en outre,
elle
fait pousser des arbres
semblables aux cypr6s,
mais ayant une odeur forte,
et qui pro-
duisent une Sorte de laine aussi pr6cieuse que la sole.
L'A-
tlas restecalme pendant la journ~e, mals la nuit,
des feux
y
brillent,
des flOtes,
des chalumeaux,
des cymbales et des
tam-
bours retentlssent,
les satyres et les ~gip~ns y c~16brant
leurs bacchanales"
(1).'
Enfin,
se r~f~rant a 1S1DORE, tout comme RABAN pour
l'explication du nom de la montagne,
l'ANONYME fait
d6river
l'Atlas du
personnage mythique du meme nom
(2).
Toutes les deux descriptions de llAtlas,
celle de
D1CU1L aussi bien que
c~lle de 1 'ANONYME proviennent indirec-
tement de la meme source,
savoir PL1NE L'Ancien,
dont est tri-
butaire SOL1N que compile a son tour NART1ANUS CAPELLA. PLINE
associe dans cette description,
a la fois des mat~riaux prove-
(suite)
coeli nomen ejus in montem Africae derivatum est,
qui
nunc Atlas cognominatur,
qui propter
altitudinem suam quasi
machinam coeli atque astra sustentare videtur.
Aliquando
Do-
minum Salvatorem significat,
aliquando sanctam Ecclesiam,
ali-
quando apostolos et prophetas,
sive sanctos viros pro celsi-
tudine virtutum.
Et e contrario aliquando
superbos homines et
tumidos in potentia mundan~ regni designat,
aliquando
haereti-
cos,
aliquiJndo vero ipsum diabolum".
RARAN MAUR,
De Unj',".::rso,
op.
cit.
col.
363-364.
-
1SID.
[tym.
XIV,
8,
17. --_._ ...._~-
(1)
"N~c 10nge mons Athlans de gremio cacumen proferens are-
narum
;
hunc incolae Addirin vocant,
is usque in confinia lu-
naris circuli evectus est ultra nubium potestatem.
qui ab oc-
casus parte litora prospect at oceani,
nemorosus fontibus
sCa-
tens,
sed rupibus infecundus ;
qua vero Africam spectat opi-
mus omnls.
Arbores praeterea gignit cypressi similes, odore ta-
men graves,
quae lana obducunt instar serici praetiosam.
Per
diem silet,
nocte et ignibus micat et tybiis fistula
cimbalis
tympunisque percrepat,
Satyris Egypunisque bacchantibus".
ANONYMUS,
De situ orbis, 1. 11,
p.
58.
- HARTIANUS CAPELLA,
VI,
667.
(2)
At~ONYME, De situ orbls, I, 4, p. 8.

321
nant du P~ripled'HANNON et une information directe et pre-
c i sed ' u n e xplo rat e u r
r 0 ma i n " SUE TON IUS PAULHI US,
e cri t
PLINE,
(que no us avons vu consul)
est le premier chef romain
qui ait depasse l'Atlas de quelques milliers de
pas.
Sesrap-
ports sur la hauteur de cette ch~tne concordent avec tous les
autres
: le pied de l'Atlas est rempli de forgts
~pai~ses et
profondes,
d"'arbres d'une esp~cc inconnue ; leurs troncs sont
brillants et sans noeuds,
leurs feuilles rappel1e~t rielles
du cyprcs
leur odeur est penetrante et ils sont rC(;(:',!\\/crts
d'un leger duvet dont on peut faire,
en le traviillant,
des
v~tements comme avec la soie. Les cimes de l'Atlas sont cou-
vertes, meme"en ete,'d'une couche epaisse de neige ll
(1).
Et
.le naturaliste romain poursuit
:
"En
dix jours, SUETONIUS
PAULINUS arriva ~ l'Atl~s, puis au-del~, a un fleuve -qui se-
rait appele Ger- en traversant des desertsd'un sable noir,
o~ emergent de place en plac~ des rochers comme brGles ; cc
pays est rendu inhabitable par la chaleur meme en hiver,
com.:..
me i l en a fait l'experience.
Ceux qui habitent les forets
voisines,
remplies d'el~ph~nts, de fauves et de serpents de
toute sorte,
s'appellent Canariens.
C'est qu'ils vivent comme
des chiens
(canes)
et partagent avec ces animaux les entrail-
les des fJuves"
(2).
La mention des feux qui couvrent l'Atlas et celle
de la musique dont cette montagne resonne,
la nuit,
provien-
11 en t,
~ 1 I 0 rig in c, du per·i plc d' HA NN0 ~I (3). DCl n sun pas sag e
de sa l\\e1ation,
l ' auteur rapporte eeei
"Nous vogames le long
d'une e6te odoriferante et embrasee,
d'o~ sortaient des tor-
rents de feu qui se preeipitaient dans la mer.
Le sol ~e eette
terre eta~t si brG~ant que les pieds ne pouvaient en supporter
l~ ehaleur.
Nous nous retirames done auplus vite de ces lieux
;
~~~t aurant quatre jours de navigation, la terre nous paru~ cou~
Cl)
et
(2)
PLH~ E V,
6 et sui v.
; V, 14 e t sui v •
Cf.
PLHJ E ,
eit~ dans Le Haroe ehez lesauteursanciens, p. 33, dans Le
Monde Libieo-Bcrbere dans l~Antiquite, ill rrevue Documentation
,Pedagogique Afrlcaine ~o 7, ed. Institut Pedagoglque National
1964, Paris,
p.
48.
(3)
HANt~ONIS C<Jrthag. regis Periplus, dans GeogTo -.Jl!:.aee. Hi-
nores,
t.
I.
11··12.

322
verte de f1ammes
toutes les nuits.
Au milieu 'de ces feux,
il
s'en ~levait un
beaucoup plus grand que les autrcs
;
il
sem-
bla~t atteindre jusqu'aux astres ; mais de jour, on ne dis-
tingllait qu'une haute montagne appelee
"Theon Ochema",
le
char des dieux.
Ap~~s avoir passe ces torrents de feu, nous navi-
g~mes trois jours et nous arriv~mes ~ un cap, formant 1 cn-
,,1
tree d' un go 1 f e
:
c e cap' est nom me "la Cor ne d u Hid i " • " 0 ) .
Ces feuxque H~NNON et ses compagnons virent brillcr
de t~utes parts, poutrai~nt ~tre, comme on le pense g~nera­
lement
(2),
des signauxque se faisaient les populations de
la cBte pour slavertird'un objet extraordinaire Gui frappait
leurs regard~ : la vue des vaisseaux carthaginois qu'elles ne
connaissaient pas,
et 1 'arrivee de ces etrangers devaient en
effet inspirer de la meFiance sinon de la
terreur.
En
1462,
le Portuguais PIEDRO.De CINTRA d~couvrant ia Cote de la Ser-
ra Leone,
aurait rcmarque,
en avangant vers Capo del Monte,
que le jour,
les populations faisaient
une fumee
~paisse et
que la nuit,
elles a11umaient des feux
pour se pr~venir mll-
tuellement des dangers dont lIs se croyaient menac~s par l'ap-
proche des navires
portuguais
(3).
De nombrellx navigateurs
ont,
paralt-il,
note ces slgnaux de feu.
MAGELLAN,
par exem-
ple~ aurait donne le nom de Terre de feu ~ l'11e qui porte
ce nom parce qulil y apercevait
beaucoiJp de fumec::
le
,j;;'Jl'.,.
et
1 a n u it,
u n 9 r Cl,;;'l d nom bred e feu x
( 4 ) •
Ainsi,
lcs habitants de la cate marocaine de l'A-
tlantique10nt pu user du m~me expedient.
(l)
ef.
HANNON,
cjte par COSSELIN,
Recher.
sur la
geo. systc-
--':~.,--="'::"':"_"':""'::--;""=-=~----d.."':""'::--=--=....L"':::-:::'-::'_
matiquc et positive des Anciens,
op.
cit.
p.
97.
(2) Cf. GOSSELIN
; ibid.
(3)
Cf.
Hist.
GIc des Voyages,
t.
11,
p.
320,
cit~ par GOSSELIN
op.
cit.
p.
97.
(4)
CL
GOSSELIN,
ibid.

r't
;'.
r'
~) !.- ~)
;:\\ ,. ;
Quant a u x d eta LIs, t e 1 s 1 I ex t I' em e ch ale uI' d u sol
{!
i
q~t empeche dry poser le pied, le feu plus 9rand que, taus
le's! autres,.'et qui semble s'elever jusqu'au ciel
au point
~ 1..
' , . . '
~
. ,
:
~
d~atteindre meme les astres, ou encore ces torrents enflam-
.
~
(
,
mes qui se precipitent dans la mer,
on peuta
juste titre,
'.' I
'
J
'
les rejeter au rang des fables
que les Grecs,
d'apr~s PLINE
(1),
ant ajoutees au recit d'HANNON.
Au rang des fables,
il
-faut ega1ement ranger
satyres et egy'pans dont PLINE,
et,
a
sa suite,
de nombreux auteurs
(2)
ont peuple J.'i\\tlas
(3).
L'etymologie du nom de la chaIne de montagnes A-
tlas est a verser aussi au compte dela
fable geographique.
D'apr~s la mythologie grecque, ATLAS etait un Titan, fils
cl e J APE T et· d e .1' 0 c ea n i cl e CLYH01 E ;
i l
e t Cl i t
f r ~ red e 1"1 E _
NOETIOS,
PROMETHEE et EPIMETHEE.
Pour avoirparticipe a la
lutte des Titans contre les dieux o.1ympiens,
ZEUS .1ul infli-
gea une punition qui
consista a soutenir sur ses epaules .1a
voute du cie1.
Sa c1emeure etait generalement situce dans l'ex-
treme accident,
au
pays des Hesperides.
D'apr~s la version
rap p0 I' tee p Cl r 0 VI DE
(4),
Af, LAS a v a i t a p pr i 5 d' u n oracle qui u n
fi1s de ZEUS volerait un
jour les Pommes d'Or du
jardin des
Hesperides, garde par le monstre LADON.
Aussi ATLAS refusa-
t-i.l d'accorder son hospitalite ~ PERSEE qui ctait de passa-
ge dans son pays.
PoGr se venger donc,
PERSEE le D:~rifia en
lui montrant la tete de MEDUSE
(5)
et le transforma en une
ehaine de montagnes sur laquelle repose le c1e1 (6),.
Telle se-
(1)
Cr. PLH1E,
V,
.1 cite par GOSSELII~, p.
97.
(2)
PLINE V,
7 ;
SOLIN .•
24,
la
; MARTIANUS,
VI,
667;
DICUIL,
I X,
4.
MW wm E,
Des i t u orbis',
I I,
p.
58.
(j) D'apr~s GOSSELIN, ees satyres et ces Egypans ne seraient
~"'" au tr es que des
Ora ng s -ou ta ng s q u 'HANNOI~ ren co n tr a d an s --1 es
marais de .1a rivi~re Nun, et qulil prit pour des hommes sau-
vages parce que ces an,imaux marchent debout,
se defendent a-
vec un
b~ton ou une pi~rre. L'imagination debridee des Grecs
et des Latins les Cl relegues dans la foret
et les 11eux d~­
serts~ et en a fait des satyres et des egypans.
( 4) 0 VI DE,
Iv1eta m0 I' Ph 0 S e s,
I I,
2 9 6 ;
VI,
.1 74 .
- Cf.
GRAN T c:,
HAZEL, Le Who's Who de la Mythologie,
ed.
Seghers,
Paris,
1')75,
voir ATLAS p.
75 et PERSEE,
p.
319.
(5)
MEDUSE etait une des trois Gorgones,
les deux autres ctant
STHENO et EURYALE.
Seule des trois,
elle etait morte11e d'o~
e.11e fut tuee par PERSEE gr5ce a l'aide d'ATHENA.
Meme mort,
le
regard de MEDUSE changeait une pef§onne en pierre.
( 6) Cf.
GRMlT e t
HA ZEL,
0 p.
c it.
pp.
7 5 e t
3 1 9 ; GIn fv1 AL,
D5. c -

, I,
raitil'origi~e des montflgnes de llAtlas marocain.
\\
~. i :' '.
Enfin,
des sp~culations tardives consid~rcnt ATLAS
"...>
com~e un astronome,
qui enseigna
aux hommcs les lois du ciel,
et fut divinis~ pour cela
(1).
Cette fable est purement g~ographique. ATLAS, que
lIon fait regner sur les confins occidentaux du continent a-
fricain est bien
~videmment une personnification de la chaI-
ne montagneuse qui domine llAfrique du Nord,
et a laquellele
"' ..:.:
personnage mythique a emprunt~,
et non
donn~, son nom. Le pre-
mier auteur qui parle dlAtlas comme d'une montagne est HERODOTE
quiecrit ceci dans un passage,
a propos des populations ele
la Libye
"Apres eux
(il
s 'agissait des Attarantes),
a la
distance de dix autres jours de chemin,
se trouve un autre
tertre de sel avec de 1 'eau,
et autour habitent des hommes.
Voisine de ce sel est une ~ontagne, qui s'appelle Atlas;
elle" est etroite, ronele de toutcs parts,
et si haute,
dit-on,
qulil est impossible d'en voir les cimes
car jamais elles
ne sont libres de nuages,
ni en
ete ni en
hiver
;
cette mon-
tagne,
au dire des gens elu
pays,
serait la calonne d:l.!c-ciel.
t'est d'elle que ces hommes ant pris leur nom;
on les appel-
le effectivement Atlantes ••• "
(2).
SeIon
GENCVIEVE DESIRE-
VUILLCMIN,
il ne peut s'a9ir,
dlapres cette description,
de
ce quenaus appelons les chaInes de llAtlas de l'Afrique du
l'lord.
Cette montagne
"etroite,
ronde de toutes parts" COrl~es­
pondrait assez bien,
d ' apres elle, aux massifs volcaniques
de l'Ahagar
(Atakor
3 000 m)
et elu Tibesti
(Emi Koussi
3 415 m).
Les cimes de ccs montagnes sont
bien
vislbles,
fait-elle
re-
marquer,
c,ar llai1' est d'une particuliere limpidite dans
ces
(suite)
tionhaire de la Mythologie grecgue et romaine,
P.
U.
F., Paris,
1969,
p.,59.
0) GRH1AL, Ope ciL p.
59.
(2)
Texte dlHERODOTE
(trad.
PH.-E.
LEGRAtlD,
ed.
"Les Belles
Lettres")
cite par GENEVIEVE DESIRE_VUILLEMIN dans la revue
Document~tion Pedagogique Africaine nO 7, Le mande Libyco-
Berbere dans l'Antiquite,
ed.
Institut Pedagogique National,
Paris, 1964, p.
41.

325
regions.
En definitive,
suppose-t-elle,
lIce' qui aurait pu
incliner HERODOTE a nommer ces mo'ntagnes
"Atlas",
c'est la
confusion qu'il a pu faire avec le nom du petsonnage mythique
et le mot berb~re de consonnance voisine
"Adrar" - qui si-
gnifie
:
"montagne"
0).
Quol qu'il en soit,
l'id~~tification particuli~re
d'Atlas avec la chalne de montagnes de l'Afrique du Nord
vient d'une tradition recente
(2),
c'est-a-dire qu 'elle a
vu le
jour apr~s HERODOTE.
e / Les iles de 1 'Afrigue
Deux auteurs,
DICUIL et RABAN MAUR,
nous donnent
des informations sur les lIes de l'Ocean Atlantique,
a l'Ouest
du continent africain.
"Lcs Fortunees, les Gorgodes et les Hesperides,
e-
crit DICUIL,
sont ces lIes que
beaucoup
situent dans la mer,
a l'Ouest de l'Afrique. Les Gorgode~ sont plus eloignees de
l'Afrique que les Fortunees,
et les Hesperides plus que les
Gorgodes.
Parce que dans la Cosmographic, lefleuve Malva
(3)
passe pour prendre sa source au-dessous de l ' i l e Fortun~e!
on pretend que celle-ci est proche de 11Afrique. Toutefois
les Gorgodcs sont a deux jours de mer du continent comme le
dit ISIDORE au quatorzieme livrc des Etymologies ll
(4).
(1)
Cf. G.
DESIRE_VUILLEfvJIN,
op.
cit.
p.
l~l note 2.
(2)
Cf.
GRANT et HAZEL,
op.
cit.
p.
75.
(3)
11 s'agit de l'oued Moulouya,
en Mauf8tanie
U1aroc).
( 4 ) " For t'Li n a t a e a t que G0 r go cl c sHe s per i de's que ins u 1 a e quo d
sunt in Occidentali pelago Africae multi! nuntiant.
I_ongj_us
ab Africa Gorgodes quam Fottunatae ac He~perides quam Gor-
godes,
quoniam in eo
quod in Cosmographib fluvius Malva sub
insula Fort~nata nascifertur;
ex hoc prope ad Afrlcam esse
perhibertur.
Distant autem Gorgodes a continenti terra bi-
dui navigatlone,
ut in quarto
decimo libro Aethlmologiaru~
Isidorus ait".
DICUIL,
op.
cit.
VII,
5.

.'.,
326
"
',i >;,.
Co r.l p i 1 ant l ' eve que de' Se v ill e
Cl), RA BA~l parI e des
Fortunees en ces termes
:
"Les 11es Fortunees sic)nificnt par
le sens de leur nom,
qu'el1es produisent toutes les choses
bonnes,
comme si l'on disait heureuses et opulentes par l'a-
bondance des fruits qu'elles produisent •••
Elles sont situees
dans l'Ocean,
en face
de la cate occidentale de la Mauretanie,
tres voisine de l'Ouest,
et separees par la mer qui est en-
tre elles."
(2).
Sur les tIes Gorgodes,
il dit,
d'apres le prelat
e spa 9 no 1
11 Le s
G'0 r 90 cl e s son t
des i 1 e s del' 0 c e an,
en f ace
d'un promontoire qui est nomme Hes~~ruceras,
que vinrent co-
loniser les Gorgones, qui etaient des femmes douees d'ailes
rapides,
au corps hirsute et dur,
d'O~ ce~ 11es re~urent leur
nom.
EIIes sont scparces du
continent'par une distance de
deux jours de navigation
'.'.
" •
(3).
Enfin,
sur les 11es Hesperides,
il
rapporte toujours
d'apres 1S100RE :
"Les lIes des I-Iesperides sont ainsi nommees
del a viII e d' He s per is, qui ex i s t il a 1 I e x t r cm i t e cl e 1 a r'~ a u r e -
tanie.
Elles sont situees au-de1a des Gorgodes,
pres du ri-
vage de la mer At1antique,
dans des golfes profonds de la
mer;
1es fables racontent que dans leurs jardins est un
dra-
gon tres vigilant qui a la garde des pommes d '01'"
(4).
(1)
1SIO.,
Etym'.
XIV,
6,
8.
(2)
"Fortunatae insulae vocabu10 suo significant omnia ferre
bona, quasi felices et beatae fructuum ubertate •••
Sitae sunt
autem in Oceano contre 1acvam Mauritaniae,
occiduo proximae J
et inter se interjccto mar! discretae".
RABAN 1'1AUR,
De Universo',
Ope
cit.
col.
354.
(3)
"Gorgodcs,
insulae Oceani,
obversae promontorio quod vo-
catur H~speruceras, quas inco1ucrunt Gorgones, feminae alitum
pernicitate,
hirsuto et aspero corpore,
et ex
his insulae cog-
nominatae.
Distant autem a continenti terra bidui navigatione".
RA0A~l 1'1 AUR,
De Uni ve r so'; 0 p.
c i t.
col.
3 5 5 •
(4)
"Hesperidum insljlae vocatae a civitate Hesperide,
quae
fuit in fine Mauritaniae.
Sunt ultra Gorgadis sitae sub Atlan-
ticum littus in
intimis maris sinibus,
in
quarum hortis fin-
gunt fabulae draconem pervigilem aurae mala servantem."
RABAN ~~AUR,
De Universo,' op.
cit.
col.
355.

·',
. ,.
327
11
Sur ces lIes d~ l'Oc~an, il a cxist~ toute unc tra-
dition.
Le poete HESIODE
(1)
(Vllle s.
ay.
J.-C.)
passe
pour le premier auteur grec qui a,
semble-t-il,eu quelques
donn~es positives sur l'existence de l'oc~an accidental ou
Atlantiquc
;
il place sur ses bards le s~jour des Hesp~ride5
et celui des Gorgones (2":3).
Crest 1 'l1istoire des go1'i11es ou
des
orangs-outangs rapport~e par HANNON qui a sans doute don-
n~ lieu ~ HESIOO[ de placer dans le m~me endroit la demeure
des Gorgones.
A mains que la fable des trois Gorgones nlait
~t~ tout simplement invent~e ~ partir de ce qu'on avait appris
sur les trois goril1es en faisant un l~ger changement ~ leur
nom et en empruntant au r~cit d'HANNON le caractere et 1 'as-
pect f~roce qu'on pr~tait a ces "femmes". En tout cas, les
Anciens ant 1'econnu 1 'identit~ des Go1'illes,
des Go1'gones,
et
des Go1'gades.
XENOPHON De LAMPSAQUE,
que cite PLINE L 'Ancien
(1)
HESI 0 DE,
The 0 9 0 n,
2 7 l! -2 7 6 •
( 2)' 0' a pr es 1 a my t h010 9 i e 9 l' e c que, 1 e sHe s p e1'i des ~ t a i en t f i 1 -
les d'ATLAS et d'HESPERIS.
C'~tait des nymphes au nomb1'e de
sept,
et appelees tant6t Atlantides,
d'apres le nom de leur
perc,
et tant6t Hesp~rides d'apres celui de leur mere
(010.
DORE De SICILE;
Bibl.ioth.
IV,
27).
Elles habitaient un
jardin
(le Jardin des Hesp~rides) dans l'extr~me accident et gar-
daient avee l'aide du dragon Ladon,
l'arbrequi portail 1es
pomr.1es d 'or,
cadeau de noces offert par GAlA a HERA (femme
de ZEUS).
Le onzipme
(ou le douzieme)
des t1'avaux d 'HERACLES
(HERCULE)
consista a d~rober ees pommes et ~ les rapporter a
EURYSTflEE.
Le h~ros r~ussit cette mission impossible. Cepen··.
dant,
apres le vol,
la d~esse ATHENA veilla a ce que les pom-
mes fussent ramen~es dans ie jardin (ef. GRANT et HAZE:L, op.
cit. p.
237).
(3)
Les Gorgones ~taient trois cr~atures femelles d'aspect mo~~­
trueux
; 611es ~taient les filles de PHORCYS et de CETO, deux
divinit~s marines. Elles s'appelaient STHENO, EURYALE et ME.
OUSE.
Elles habitaient loin,
a l'ouest, sur les bards de 1'0_
c~an. A l'exception de ~lEDUSE qui fut tuee par PERSEE, STHENO
et EURYALE ~taient
immortelles.
Les traditions dif~6rcnt en
ce qui concerne l'aspect des Gorgones.
Pour certai~b auteurs,
elles ~taient tres belles, et ATHENA aurait donn~ a' PERSEE
le pouvoir de tuer MEDUSE parce que cel1e-ci sl~tait vant~e
de surpasser la deesse en
beaute.
Par contre,
el1cs' sont g~n~-

n2°
\\:)
C
(1)
pla~e les lIes Gorgades pres du promontoire du Couchant ;
d'apres lui,
autrefoi:>,clles etaient habitecs par les Gorqo-
nes, et il ajoute qu'HANNON qui ~ penetre dans ces lIes, rap-
porte que ces femmes sont toutes velues,
et pour attester sa
decouverte,
qulil a rapporte ~ Carthag~, les peaux de deux de
c e s Go r 9 0 n e s.
0 u, t re XEN 0 P HO N 0 e LM1 P SA QUE,
PO MPO I'll USHE LA rap--
porte lui aussi que les lIes Gorgades ont ete habitees par Jes
Gorgones
(2).
Enfin,
~ la suite de PLINE, cette tradition se
retrouve chez SOLIN
(3),
MARTIMlUS CAPELLA
(4)
et ISIDORE De
":'.'
SEVILLE
(5).
Ces traditions,
comme on
peut en convenir,
sont vi-
sib 1 e men t e a 1 que e s sur I e Per i pIe d I HMI NON.
Ce qui si 9 n i f i c que
l'expedition du Carthaginois est bien anterieul'e ~ l'epoque
d'HESIODE.
Une autre tradition
est celle qui concerne 1es lIes
Fol'tunees et les Hesperides.
Le s Gre c s nom ma i en tHe s per i e 0 u 11 0 C cid e n tal e s 11 ;.. t 0 u -
tesles contrees situee~ plus ~ l'ouest qu~ le Pelopon~se (6).
Sur des notions confuses d'un pays tres riche et tres fertile,
situe aux extremites octideritales de la terre,
s'est etablie
(suite)
ralement representees avec des
faces rondes et hideuses,
une chevelure de serpent et des defenses de sanglier
un sou-
rire cffrayant,
un nez camus,
une langue pendante,
un
visage cou-
vert de poils,
des y~ux etince1ants, des mains de bronze.
~elon
la lege~de, un seul regard de ces monstres suffit ~ changer un
homme en pierre
(Cf.
GRANT et
HAZEL,
op.
cit.
p.
190.
(1)
XENOPHON
De LAMPSAC apud F'LINE,
VI,
3G.
( 2)
ME LA, 11 I I,
9.
(3)
SOLIN,
56,10-12
(4) MARTIANUS CAPELLA,
VI,
702.
(5)
ISIDORE,
Etym.,
XIV,
6,
9.
(~) En Europe, note GOSSELIN, les Grecs donnerent aussi succes-
sivement le nom d'HESPERIE ~ l'Epire,
~ l'Italie et ~ l'Esnagne,
a mesure que leurs conn~issances geographiques s'etendirent vel'S
1 'Ouest.

329
une tradition ancienne qui y place une lIe ou
des lIes ou tout
simplement un
lieu plus heureusement situi que tous les au-
tres,
un viritable s~jour de f~liclt~ apr~s lequel soupiroient
sans cesse les Grecs sans jamais le rencontrer et quIlls re-
liguaient toujours au terme le plus ~loign~ que leurs spicula-
tions g~ographiques pouvaient atteindre.
Successivement,
ils
lui appliqu~rent les noms de "Bienheureux", de "Fortunees" ou
de
"Jardin des Hesperides".
Du voisinage de IIEgyptc a la cote
de l'Ocean Atlantique,
le Jardin
des Hespirides a ete localise
~ plus d'un endroit : danslle~ environs du fleuve Lathon (1)
'-"",,~ui:::;e jette dans la grande Syrte ; dans la grancJe oasis (2)
~ l'ouest, au midi de la CyrenaIque (3). Le btuit de Jlexpedi-
t ion d I HANN 0 N s' eta n t
rep and u d a n s 1 a Gr ec.e, 1 e c. p0 Cc t ('; ,', t ran s -
port~rent bient6t le Jardin des Hesperides des cotes de la Me-
diterranee sur cel1e de 1 'Oc~an Atlantlque : les bordsdu fleu-
ve Lixus se preterent a leur tour a cette localisation.
EniOj.n,
la decouverte d~s lIes Canaries dans des temps post~rieurs of-
frait un
point pIu3 eloign~ encore que le Lixus, et on y trans-
f~ra pour la derniere fois le sejour du Bohheur et s'il y res-
ta fixi,
c'est parce que ces lIes (~rtunees (Canaries) furcnt
le terme de toutes les d~couvertes des Anciens dans l'Ocean A-
tlantique.
,.
(1)
PLHIE,
V,
5 ;
PTOLEMEE,
Geogr. IV,
4 ;
STRABON,
XVII,
dit
que le fleuve Lathon
se rend dans le lac des Hesperidcs.
(2)
HERODOTE,
ThaI.
fIr,
26.
(3)
"On pretend,
dit STRABON
(XVII)
que du
fond
de la Grande
Syrte,
en
passant par Automala,
et en tirant vcrs le levant
d'hiver,
on parvienten quatre jours a ce jardin, et que clest
un lieu rempli de palmiers et de
fontaines,
semblable a ceJui
ou est situi le temple d'AMMON.".

330
Chez
trois
auteurs
seulement,
a
savoir
DICUIL,
"
I
REMY D AUXERRE et I ' Anonyme du
De Si tu
Orbis,
on
reI cve
JCJ
et l~, quelques indications relatives aux populations du
continent africain.
Dans
sa description
de l'Atlas,
empruntee
a SOLHJ
0), DICUIL mentionne les Egipans, qui, la nuit tombee, a la
lueur des miIIe feux
dont brille la
for~t de l'Atlas, ceIc-
brent en
ces lieux leur
bacchanales en faisant
resonnertoute
la montagne de Ieurs
choeur~, du son des flOtes et des cym-
bales
(2).
Dans un
passage de
son Commentaire
de MARTIANUS CAPELLA
Rn~Y glose ainsi le mot "Interior" (3)
" llllInterieur",
c'est-
~-dire cette partie de l'Afrique, qui fait face ~ l'ocea.f1
e t h i 0 p i que,
a p 0 u r
h a bit ant s
1 e 5
'I L e u c 0 - e t h i 0 pie n s ",
c' est - a-
dire les
"Ethiopiens
blancs"
"
(4).
Decrivant egalement llAtlas dans
un
passage pris
t e x tu e 11 em en t
C;, h e z
MARTI AN US CAP ELL A (5),
l ' An 0 n y me
cl u
i) c
Situ Orbis situe dans les for~ts de cette montagne les satyres
et les Egipans qui y
cel~brent 1es bacchanales, la nuit, ~
la lueur
des feux,
aux
sons
des flOtes,
des chalumeaux,
des
cymbales et des
tambours
(6).
(1)
SOLIN,
24,
8-10
(Cf.
PLINE,
V,
6-7).
(2)
" •••
Silet per
diem universus nec sine horrore
secretus
est.
Lucet /locturnis
ignibus,
choris egipanum undique perso-
natur
;
~udiuntur et cantus tibiarum et tinnitus cymbalorum. "
DICUIL,
op.
cit.
IX,
3,
p.
98.
(3)
IIInterior autem Africa ad meridiem
versus ••. "
(HARTIANUS
CAPELLA,
VI,
672 et suiv.).
(4)
IIInteriorid est ea pars AFRICAE quae
spectat oceanum Ae-
t hi 0 p i cum ,
ha be t
Le u co a et hi 0 pes id est a 1 b 0 s
Ae t hi 0 pes 11 •
RnlY Of AUXERRE,
op_
cit.
VI,
335,
3,
p.
155.
(5)
MARTIANUS CAPELLA,
VI,
667
(cf.
SOLIN,
24,
8-10).
(6)
IIPer
diem silet,
nocte et ignibus micat et
tybLis
fistula
cimbalis tympanisque percrepat,
Satyris
Egypanisque
bacchanti-
bu s. "
ANONYMUS,
De Situ Orbis,
op.
clt.
11,
p.
58.

331
Dans un
autre passage beaucoup plus d~velopo~,
qulil emprunte encore textuellement au m~me MART1ANUS, 1 'auteur
Anonyme nOus dresse cette fois
un v~ritable tableau ethnogra-
phique de l'Afrique en ces termes
(l)
IIL'interieur de l'Afri-
que,
interrompu vers le Midi par les deserts,
a pour habitants
les Leuco~thiopiens, les Nigrites,
et dlautres peuplades d'une
etrangete monstrueuse
; plus loin,
des solitudes ~ fuir vers
l'Orient.
Le f1euve ~liger, d 'une parei1le nature que le Nil-:
Les Atlantes passent leur vie entre les solitudes
;
ils n'ont
pas de noms les uns pour les autres et chargent d'imprecations
le solei1, qui les brGle sans cesse,
ainsi que leurs recoltes.
11 para!t qu'ils ne font
jamais de r~ves. Les Trochodytes
(2)
demeurent dans des cavernes,
se nourrissent de serpents et
sifflent plutBt qulils ne par1ent.
Les Garamantes s'associent
ordinairement avec les femmes,
sans mariage.
Les Authgiles
(3)
rendent le culte aux esprits infernaux.
Les 1ampasantes
(4),
nus et paisibles,
ne se me1angent jamais avec les peuples etran-
ges.
Les Blemmies n'ont pas de tete et portent la bouche et
les yeux sur la poitrine.
Les Satyres n'ont de 1 'homme que la
figure.
Les Himantopodes,
ayant les pieds debiles,
rampent
plutBt qu'ils ne marchent.
Les Pharuses etaient les compagnons
'd'HERCULE. II
(l)
11 I n t e r i 0 r
aut e m Africa ad mer i die m versus inter v e n i e n t i bus
desertis habet Leucoaethyopes Nigritas et campos monstruosae
novitatis,
post quos solitudines fugiendae,
versus interveniens
fluvius Niger ejus,
cujus Nilus est prorsus naturae.
Inter so-
litudines degunt Hatlantes qui neque inter se ulla nomina ha-
bent et soli interprecantur,
quod eos cum messibus semper am-
burat.
Hi numquam somniare videntur.
Trochoditae in specubus
manent,
vescunturque serpentibus,
stridunt potius quam locuntur.
Garamantes vulgo feminis sine matrimonio sociantur
; Aut~gile
inferos colunt,
Iampasamptes nUdi et imbelles externis numquam
miscentur.
Blemmiae sine capite sunt,
os et oculos in pectore
gerunt.
Satyri hominum nihil
habent nisi
faciem.
Himantopodies
debilitate pedum serpunt potius quam incedunt.
Farussi comites
Herculis fuerunt. 1I
ANONYMUS,
De Situ Orbis,
op.
clt.
11,
p.
60-61-
(2)
pour Trogodytes ou Troglodytes.
(3)
pour Augiles.
(4)
pour Gamphasantes.

332
*
* *
*
Ces differentes popu1ations de 1 'interieur de l'A-
frique,
mentionnees ou decrites de fagon
si pittoresque susci-
tent'ici quelques commentaires.
Passons-les en
revue en suivant
1 'ordre d'enumeration du tableau de llAnonyme.
1. les Leucoethiopiens
...................
Traduit du 91'ec AEvk'OIA~Qlo~~Es(Leucoaethiopesen latin)
le terme Leucoethiopien signifie 1ittt~ralement "Ethiopiens
blancs".
POMPONIUS MELA
(1)
situe vague~ent cette population
tout comme les Libyegyptiens et les Getules,
"au-dessus" des
riverains de la mer Libyque(Me~iterranee), au nord de la re-
gion
inhabitable. PLINE
(2)
en revanch~, les place avec les
Libyegyptiens au sud de deserts qui les isolent des Getules.
Au sud des Leucoethiopiens viennent ensuite les Nigrites, les
Gymnetes Pharusiens et pres de l'Ocean,
a la frontiere de la
Mauretanie,
une autre population,
les Perorses.
PTOLEMEE
(3)
qui est plus precis dans ses renseigneme~ts, situe les Leucoe-
thlopiens parmi les peuples mineurs de la Libye Intcrieure,
"sous" le mont Rhysadium,
c'est-a-dire au sud de celui-ci
;
ils sont separes des Perorses par la "plaine flamboyante".
Selon toute vraisemblance,
co~me pense J.
DESANGES
(4),
i1 s'agit de populations metissees de Libyens et d'Ethio-
piens qui
habitaient soit au sud de la plaine de Marrakech et
aux abords du Haut Atlas,
soit dans la partie interieure du
Son s.
0)
r~ELA, I, 23.
(2)
PLINE L'Ancien,
V,
43.
(3)
PTOLEMEE IV,
6,
6.
(4)
J.
DESANGES,
PLINE L'Ancien,
histoire naturelle, 1.
V, 1-46,
t e x te t r ad.
e t
C0 mmen t e,
e a.
"[ e s Be 1. I e s [ e t t res ", Par is, .1 98-V;-
p.
451,
4.

333
Pourtant,
STEPHANE GSELL
(l)pense quant ~ lui,
qu'il ne s'agitpas de m~tis, mais que l~ d~nomination Leuco~­
thiopiens s'explique plutGt par la coutume quia cette popu-
lation de se peindre le corps en
blanc.
Pour J.
DESANGES qui
rejette l'hypothese de SI.
GSELL,
les Leucoethiopiens consti-
tuent bien plut6t 1 'extremit~ occldentale d'un grand ensem-
ble ethnique intermediaire represente notamment par les M~­
lanogetules, qui s'~tendaient ~ l'est jusqu'aux Garamantes
(2).
Les Leucoethiopiens sont donc situes ~ l'extr~me-ouest,
a 1 i 0 pp 0 sed e s Lib y e gyp tie n s qui son t qu ant ~ e ux situ e s ~
1 'extr~me-Est
(3).
2. 1 e s ~l i 9 r i t e s
C'est STRABON
(4)
qui les mentiohne a partir d'une
source anterieure qu'il tient pour peu credible.
A cc qu'il
.rap p 0 r t e,
I e s Ni 9 r i t e s e t 1 e s P h a r u s i ens,
sit u e s .<J
I: i' C n l~ e
j 0 u r s
de marc h e
(s 0 i t
900
~ 1 0 50 km) deL un x (L clr a c he), a u r-a j. en t
detruit trois cehts etablissements pheniciens sur les golfcs
qui sui ve n t
1 I Empo r i que,
ci u Su d
de Li x us.
STRABO N (5 )
c i t e
encore les Nigrites et les Pharusiens comme etant des archers
a l'instar des Ethiopiens, et a la difference des Libyens ;
i l s
utilisent
des
chars
armes
de
faux
et
habitent
au-dcssus
des Maurusiens,
vers les Ethiopiens occidentaux.
POMPONIUS
MELA
(6)
dlstingue les Ethiopiens des Nigrites et des Pha-
rusiens.
Les Nigrites sont consid~res par lui commc riverains
de l'Atlantique.
PLINE
(7)
classe quant a lui les Nigrites
et les Pharusiens parmi les Ethiopiens.
11 explique l'origine
de leur nom a partir du fleuve Nigris (ou Niger). PTOLEMEE (8)
(1)
SI. GSELL,
Hist,.'anc'. Afr'.' Nord,
to
1.
p.
299.
( 2) PTO L .
IV,
6 ,
5,
p.
7 42 - 743 a p u d J.
DES ANGES,
P LI NE,
0 p.
c it.
p.
451
n.
4.
(3)
CL
J.
DESANGES,
PLINE •••
op.
cit.
p.
451.
(4)
STRABON,
XVII,
3,
3.
(5)
STRABO~j XVII,
3,
7.
( 6 )
P 0 ~1 P 0 1'1 IUS l'v1 E LA,
I,
2 2 •
(7)
PLHIE,
V,
4,3.
(8)
PTOLEMEE,
IV,
6,
5.

334
qui compte les Nigrites parmi les peuples majeurs de Libye
interieure,
les situe au Nord du Niger,
fleuve issu de l'Atlas
marocain.
Dans l'ordre de citation, les Nlgrites sont inter-
cales entre les Guiri
(les habitants des bords du fleuve Guir ?)
et les Daradal.
,
A partir de
toutes ces indications,
il semble re-
sulter que les Nigrites et les Pharusiens vivaient en contact
etroit,
et qu'on hesitait ~ les classer parmi les Ethiopiens,
tout comme il en sera des Garamantes
; ils devaient hablter
le versant Sud-Est de.l'Atlas marocain,
entre le Draa superieur
et l'oued Guir
(1).
3. les Atlantes
HERODOTE
(2)
est la. source premi~re de ce qui est dit
sur les Atlantes. Mais chez lui, l'absence de noms individuels
et la haine du soleil sont attribuees ~ une autr~ population,
les Attarentes,
tandis qu'aux Atlantes-m~mes, il attribuc l'abs-
tinence des viandes et l'absence de songes.
HERODOTE localise
les Atlantes sur le bourrelet montagneux qui est ~ proximlte
d'une montagne,
nommee Atlas,
d'o~ cette population tire son
nom.
lIs sont situes a vingt journees de marche ~ l'Ouest des
Garamantes,
dont ils sont separes par les Attarantes.
Une erreur s'est glissee dans les manuscrits de
·.l'oeuvre d'HERODOTE
(3),
erreur qui s'explique peut-~tre par
le voisinage des deux ~opulations, et aussi par la ressemblance
de leur nom.
Quoi quIll en soit,
cette confusion de la tradi-

(1)
Cf.
J.
DESANGES,
PLINE,
op.
cit.
p.
227.
(2)
HERODOTE,
IV, 184.
(3)
CL
J.
DESANGES,
op.
cit.
p.
466.

335
tion manuscrite se retrouve chez les au~eurs post~rieurs (1)
par le truchement de POI"lPOIHUS rvlELA
(2)
et PLINE l'Ancien
(3)
qui la doivent a une source commune mais inconnue de
noms.
Des Attarantes,
HERO DOTE dit exactement ceci
"Seu1s des hommes que nous connaissons,
ils n 'ont pas de noms
propres ; car,
si tous r~unis portent le nom d'Attarantes,
chacun d'eux n'a pas de nom particulier.
lIs maudissent le
solei1 quand il est trop ardent,
et 1ui adressent en outre
toutes les injures imaginables,
parce que ses feux 1es consu-
ment,
eux-memes,
les hommes,
et leur pays"
(4).
STEPHANE GSELL
(5)
ne croit pas aux assertions d'HE.
~~,
RODOTE,
qui affirme que les Attarantes n 'ont pas de nOm indi-
viduel, mais seulement leur nom co11ectif.
Les Attarantes,
estime-t-il,
cachaient certainement 1eur nom aux ftrangers,
de peur que ceux-ci,
en en usant,
n'obtinssent ainsi un pou-
v 0 i r ma 9 i que sur e u x.
Lap r e c i s ion
IJ,i n t e r i p sos"
j, n t rod u i t e
par PLINE ct repetee
("inter se")
par MARTIANUS et l'Anonyme
du De Situ Orbis, parait pourtant s 'opposer a cette inter-
pretation,
du reste pertinente
(6),
comme le fait remarquer
(1)
Ainsi chez SOLIN,
XXXI,
2-6
MAlnIANUS CAP.,
VI,
674
Anonyme DeS! tu Orb'is,' 11, p.
60.
(2) MELA,
I,
43.
(3) PLINE,
V,
45.
(4)
HERODOTE IV,
184,
t,rad.
de Ph.
E.
Legrand,
ecJ.
"Les Belles
Lettres" apud Genevieve Desire-Vuillemin,
Le monde libyco-
berbere dans 1 'Antiquite,
Revu·e Document·atiol1' Peda'90g'iqueafri-
caine r.l,o
7, 1964,
p.
41.
(5)
SLGSELL,
HERODOTE',
Ager,
1915, p.
192-193.
(6)
En Cate d'Ivoire,
chez 1es Attie tout comme dans beaucoup
d'autres ethnies,
on croit effectivement quia
travel'S le nom
d'un individu, on peut exercer un pouvoir magique sur sa person-
ne,
car le nom est le substitut de la personne et participe a
l'essence-meme de soh etre.
Ainsi,
entre autres exemples,
te-
lui des "1<a1o-Kan-son"
(1es tueurs aux cadenas).
Pour tuer net
sa victime,
il suffit,
dit-on,
a cel~i qui a acquis ce pouvoir
ma1efique,
de pointer en direction du soleil un cadenas qulil
tient ouvert,
de prononcer le nom de son ennemi et de fermer
immediatement le cadenas pour qu'aussitBt sa victime passe de
vie a trepas. rvJais son coup accompli, le "Kalo-Ko-sin" n 'en

336
J.
DESANGES
(l),
qui reconnait d' ailleurs que PLH1E l ' a pro-
bablement risqu~ sans motif s~rieux. Quant au nom col1eetif
"Attarantes",
plusieurs explications en ant ete propos~es,
qui s'av~rent plus ing~nieuses que eonvalncantes
(2).
La lo-
calisation de cette population pose ~galement probl~me (3).
En tout cas les Attarantes habitaient une region particuli~~
rement torride,
puisqu'ils ant comme seconde caracteristique
paradoxale,
de maudire le soleil.
L'Anonyme du De Situ Orbis
e t
sas 0 u l' c e
( MART I AN US)
f 0 n t
s i 1 e nee
sur un e p;' (; c i si 0 n que
PLINE et MELA doivent ~ lcur source, ~ savoir que les male-
dictions des Attarantes se font entendre au .lever et au cou-
cher du soleil.
N~tons que ce d~tail, qui est une innovation,
. ,:..:
dOe probablement ~ la source intermediairc ~ laquelle puiscnt
MELA et PLINE,
n~ figure pas chez HERODOTE. Les imprecations
des Attarantes contrastent avec l'importance du culte solaire
chez les Libyens.
En effet,
HERODOTE affirme que les Libyens
ne sacrifiaient qu'au· soleil et a la lune (4). 11 est atteste
aussi dans CICERON
(5),
que le roi RASSINISSA rendait gr~ce
au soleil.
Du reste,
dans les s~pultures libyennes,
la fre-
quence d'une orientation de la t~te ~ l'Est,
t~moigne d'une
heliol~trie manifeste (6). Dans diverses villes de l'Afrique
romaine,
on a pumettre en evidence
(7)
l'existence d'un culte
solaire.
(suite)
reste pas la.
Le cynisme de cette mort etant de faire
souffrir la victime,
le redoutable tueur occulte,
va,
apr~s
l'inhumation de sa victime,
"reveiller" celle-ei dans la tombe
en reprenant l'operation a l'envers
: cette fois,
le cadenas
fer m~ e t p 0 i n t eve l' s 1 e sol e i 1, i 1 pro non e e ~ J1 0 U \\ (: il U 1 e n om
du malheureux et ouvre aussit8t ledit cade~as. Alors, la vic-
time revenue a elle, de se debattre dans son eercueil, appe-
lant a l'aide, etouffant, tentant en vain de se sortir de des-
sous la masse de terre o~ e11e a ete inhumee.
Evidemment,
il
s'en suit la mort naturelle,
par asphyxie.
Cl)
Cf.
J.
DE SAN GES,
0 p.
c i t.
p.
46 6 •
(2)
Voir J.
DESANGES,
op.
eit.
p.
467.
n.
l .
(3)
St.GSELL,
Herodote,
p.
155.
n.
4 propose sous
toutes re-
serves de les situer ~ CIDAMUS (Ghadam~s).
(4)
HERODOTE,
IV,
188.
(5)
C1CERO,
Rep. VI,
4.
(6)
CL
J.
DESANGES,
PUne,
op.
cit.
p.
467.
n.
5.
(7)
A Mactar,
Althiburos,
ThLigga,
Sutefetula - Cf.
J.
DESANGES,
op.
eit.
p.
468.

337
Remarquons que DIODORE
(1)
et STRABON
(2)
affirment,
d'apr~s une source commune beaucoup plus ancienne (3), qu'au
Sud de 1 rile de Meroe,
au voisinage de la zone brulee par le
soleil,
c'est-b-dire ~ la limlte de la terre habitable,
il
existe des Ethioplens athees qui consld~rent le soleil comme
un ennemi et qui le maudlssent quand il se l~ve. 115 habitaient
un pays marccageux o~ ils trouvaient refuge pendant la journce
(4).
Les Attarant~s etaient-ils des Ethiopiens ? Ou encore,
HERODOTE a-t-il
transpose vers l'Ouest une tradition egyp-
tienne 11ee au Haut-Nil ? On ne saurait insister sur cette
interrogation car ce
th~me "folkloriquel' comme le dit J.
DESANGES, pouvait ~tre applique ~ toute la marge torride de
l'oikoumene
(5).
Concernant les traits propres aux Atlantes,
PLINE,
MARTIANUS et notre auteur anonyme n'ont retenu que le second,
~ savoir, d'apr~s HERODOTE, qu'ils ne font pas de r~Ves. No-
tons encore ici le contraste entre l'absence de vision des
Atlantes pendant leur sommeil,
d'une part,
et d'autre part,
d'apres toujours HERODOTE
(6),
la pratilJue de 1 'incuba'tion
chez les Nasamons,
qui s'endorment sur le
tombeau de leurs
anc~tres pour savolr l'avenir et se conformer en tous points
aux visions qulils ont eues.
(1)
DIODORE De SICILE,
Ill,
9,
2.
(2)
STRABON,
XVII,
2,
3.
(3)
DIODORE,
Ill, 11,
2,
fait appel,
semblc-t-il,
a l'autorite
d'AGATHARCHIDE
(Sur l'Asie, 11), d'ARTEMIDORE
(Livre VIII)
et
d'autres auteurs residant en Egypte, pour fonder
ce qulil dit
sur l'Ethiopie
(cL
DESANGES,
p.
468.
n.
4).
Ces developpements
sur la vallee du Nil et les moeurs des Ethiopiens ont ete cer-
tes be~ucoup enrichis au lIIe s.
ay.
J.-C.,
mais certains de
leur~ elements remonteraient a HERO DOTE et a CTESIAS (cf. DE.
SANGES, op.
cit.
ibid.).
Notons que DIOD.
Ill,
9,
3 et STRAB.
XVII,
2,
3,
attribuent aux habltants de Meroe la coutume de pr~­
ter le serment le plus solennel sur les tombeaux,
coutume qui,
cl an sHE ROD 0 TE I V,
1 72,
s' a p p1 i que a u x Na s a m0 n s.
0 !: U e u t I ma g i -
ner que CTESIAS a consacre a l'Ethiopie nilotique dc~ d~velop­
pements qu'HERODOTE applique a la Libye. La theorie du Nil oc-
cidental a pu favorlscr de tels glissements.
Cf.
DESANGES,
ibid.
(4)
DIODORE,
Ill,
3,
2,
2,
rapporte que les Troglodytes se re-
fugient clans des lieux marecageux quand les chaleurs sont exces-
sives.
(5)
CL
J.
DESANGES,
op.
cit.
p.
469.
(6)
HERODOTE,
IV, 172.

n3°
J
()
4.
les Troglodytes
...............
HERODOTE
(1)
est encore a
l'origine de
ce que rap.,...
porte l'Anonyme du
De situ orbis' sur les Troglodytes Ethio-
piens.
Chez l'historien
g1'ec,
on l i t
tres exactement ceci
:
"lIs se nourrissent,
les Troglodytes,
de
serpents,
de lezards
et d'autres reptiles.
lIs ont un
langage qui
ne ressembl~ a
aucun
autre,
mais qui
rappelle les Cl' is aigus des
chauves-
souris"
(2).
Bien que l'orthographe attestee par les papyri
soit
'r f
y
(,0
0
& ~ T cu.
(3),
d' 0 U 1 a form e
" Tl' 0 god Yt e s 11
( 4 )
j ,
1 e s
e-
rudits modernes font provenir le mot
"Troglodytes" du grec
. :;,
" "t"p r.1.J y >..l'(
11
(=
"trou fait par
un
rongeur")
et
"
S UL.G 11 (=
s'enfoncer)
(5).
Ainsi
les Troglodytes sont ceux
"qui
habi-
tent dans des
trous".
L'ophiophagie des Troglodytes etait deja
attestee
par HERODOTE,
ainsi
que nous
ve~6ns ·de le voir plus haut.
D'apres HELA
(6)
et PLINE
(7),
les Troglodytes de la mer
Rouge se nourrissent aussi
de serpents.
Entre le regime ali-
(1)
HERODOTE,
IV,
183.
(2)
Trad.
de St.GSELL,
Herodote,' p.
23.
(3)
W.
SCHULZE,
Orthographica,
Marbourg,
1894,
p.
XXIV,
parage
10
;
E.
HAYSER,
Grammatik del' gr·iechischen Papyri
aus del' Pto-
lemaerzeit,
I,
Berlin et Leipzig,
1923, p. 187. - Mais,
chez
ELIEN
(H.
A.,
IX,
44)
deja,
1 'ethnlque est considen~ comme de-
rivant du
type d'habitat.
CL
DESMiGES,
op.
cit.
p.
470.
n . 4 .
(4)
La forme
"Trogodytes" prevaut chez ~1ELA (I,
44)
et PLINE
(V,
43),
et a leur suite, chez 1"IARTIANUS (VI, 672 et .sq.) etc.
Chez DICUIL
(VII,
42,
p.
84)
et l'Anonyme du
De situ orbis
(II,
p.
60) !,
ell e
s 1 est a 1 t er ee en" Trag 0 d Yt e s" p 0 u r 1 e p rem i er, e t
en
"Trochodytes" pour le second.
( 5 )
H.
F RI S K,
Gl' i e ch.· e t y m• wo l' t e rbuc h, I I, p.
9 3 9 ;
p.
CHAN.
TRAINE,
Dlct·.etym.
de la langue' grecque,
IV,
1,
p.
1142.
CL
DESANGES,
Ope
cit.
p.
470.
(6)
HELA,
I l l ,
8 1 . ,
(7)
PLINE VI,
169.
-
11
semble que l~s Troglodytes mangcurs de
serpents,
me~tj.onnes par ELIEN (H. A., IX, 44), solent ~ situer
sur la mer Rouge,
car,
en
XVII,
3,
i1
fait
etat,
chez
ce peu-
pIe,
de viperes de 15 coudees,
d'apres 1 'auteur d'une
"Histoire
des Ptolemees"
(Nymphls).
CL
J.
Di;:SANGES,
Ope
cit.
p.
470.
n.
6.

339
mentaire des Troglodytes et Ieur habitat,
la correspondance
n'est sGremeht pas fortuite.
Habitants des pays rocailleux
o~ iIs trouvaient ~ s'abriter, Ies Troglodytes florissent
dans le m~me environnement que Ies serpents.
Selon STRABON
(1),
certains Pharusiens avaient des habitudes troglody-
t i q u es,
c' est - a - d ire,
q u ' i 1 s
" h a bit ale n tau s s i
d a n s des t r 0 us" •
Dans Ieur voisinage,
des tribus portaient des v~tements en
peaux de serpents.
La promiscuit~ ophidienne des Troglodytes -sinon
Ieur habitude ophiophagique-m~me- favorlse leur rapprochement
avec les serpents:
en effet,
il n'est pas jusqu'a 1eur sif-
flement qui ne rapproche Ies Troglodytes des serpents,
bien
qu'HERODOTE ait compar~ plut6t Ieur Iangage aux cris aigus
des chauves-souris.
A partir de cette notation de I' historien
grec,
des auteurs modernes ant essay~ sans grand succ~;, d'i-
dentifier Ies Troglodytes.
En effet,
on
a souvent assimil~ (2)
Ies Troglodytes d'HERODOTE au T~bou ou T~da du Tibesti,
dont
la langue,
dit-on,
comporte des sons siffles.
Cependanl:,
comme
1 e fa i t
rem a r que r
St. GSELL
(3),
ch e z HER 000 TE (4),
1 e b0 U r -
relet sablonneux sur lequeI sont etablis les Garamantes etant
la derni~re region habitee vers le Sud, iI s'av~re difficile
de rechercher dans cette direction ses Ethioriens Troglodytes.
Abondant dans le ,m~me sens que St. GSELL, J.
DESANGES
(S)
obser-
ve que les montagnards communiquent souvent par des sifflements
conventionnels et que rien n'est plus natureI que de comparer
des bopulations habitant des grottes a des chauves-souris.
Cl)
STRABON,
XVII,
3,
7.
(2)
Vo~r la bibliographie ancienne de cette hypoth~se dans St.
GSELL,
H~ r od 0 t e , p. 1 S3 n. 8 • Voir ~ gal e men t J.
DES AN GES,
P1 i ne,
••• , op.
cit. p.
381 n.
3.
(3)
SLGSELL,
Herodote,
p.
lS4.
(4)
HERODOTE,
IV,
181.
(S)
J.
DESANGES,
op.
elL
p.
381.

3.{0
Quant aux
serpents qui
constituaient la
base de leur alimenta-
tion,
slil
faut en
croire PLINE
(1),
llarriere-pays de la
Petite Syrte en
recelait
beaucoup.
On ne peut assimiler,
quoi qu I il
en
soit,
et avec
quelque certitude,
les Troglodytes d'HEROOOTE et ceux
de PLINE.
"Les populations troglodytiques etaient nombreuses en
Afrique,
depuis le Maroc interieur
(~) jusqu'au rivage de la mer Rouge
(3),
e n pas san t
par 1 a Cy l' e n a :i que pro p l' e men t
d i t e;'
(4) 11
(5).
Et de
nos
jours,
le troglodytisme est encore attesteen Afri-
que du Norcl.
Sou 1 i g non 'se n fin,
que 1 e
car act ere par ado x 0 g rap h i que
des Troglodytes,
qui
" s ifflent plutot qulils ne par}ent" est
plus accentue chez PLINE 1'Ancien
(6)
qui
ajoute entre autres
commentaires,
que
"toute possibilite de
conversation leur fait
d e f aut ".
0 e p 0 u l' vu s
d e l an gag e
hum a in,
par
co n s e que n t i n cap a -
bles de
communiquer
avec l'espece humaine,
les Troglodytes
sont
places,
en
quelque sorte,
en marge de l'humanite.
5.
les Garamantes
..............
"Les Garamantes s'associent ordinairemcnt avec les
femmes,
sans mariages",
nous di t
l ' Anonyme du
De
situ o1'bis.
Une fois
de plus,
il
faut
remonter ~ HEROOOTE,
qui
evoque explicitement la communaute des femmes
chez les Nasa-
mons
(7)
et les Auses
(8),
et la laisse
supposer chez les Gin-
danes
(9).
Par cohtre i l n'en
est pas question
chez les Gara-
,'
(1)
PL1NE,
V,
26.
0;
(2 )
S TRABO N,
XVI I,
3;
7,
a u s u jet des P h a r u s U•
(3)
0100.
I l l ,
32
j
PLINE,
VI,
169
;
173-174 etc ••.
(4)
PTOLEMEE,
IV,
4,
6 ;
J.
OESI\\NGES,
Catalogue
destribus afri-
caines de 1"Antiguiteclassique,
~VOuest du NiJ,Universite
de Dakar,
Section
Histoirc,
nO
4,
Oi1kar,
1962,
p.
151.
(5)
J.
OESMIGES,
Pline~' Ope cite p. 381-382.
(6)
PLINE V,
45.
(7)
HEROOOTE,
IV,
172.
(8)
HEROOOTE,
IV,
180.
(9)
HEROOOTE,
IV,
176.

341
mantes.
La source commune qu'exploitent MELA et PLINE s'est
apparemment inspir~e plus particuli~rement de ce qu'HERODOTE
/
dit des Auses,
a savoir : "Lorsque l'enfant d June femme atteint
l'5ge de la pubert~, les hommes, dans une assembl~e qui a lieu
trois mois apr~s, le d~clarent fils de celui auquel 11 res-
semble".
La confusion qu'on observe existait sans doute depuis
longtemps,
car chez ARISTOTE d~ja, il est rapport~ que des
Libyens de Libye ~up~rieure (c'est-a-dire, sans doute, de
l'int~rleur des terres) usent des femmes en commun et se par-
tagent les enfants d'apr~s la ressemblante. Or c'est dans les
populations du littoral que HERODOTE signale la communaut~
des femmes.
Peut-etre,
sous 1 'expression vague de
"Libye
d'En-Haut",
ARISTOTE vise-t-il les Caramantes.
Les Caramantes ignorent-ils le mariage comme le pr~­
tendent HELA,
(1),
PL11~E (2) et a leur suite, ~'lARTIANUS et l'A-
nonyme du De situ' orb'i~? STEPHANE CSELL
(3)
observe que les
Nasamons,
selon HERODOTE,
usent des femmes en commun, mais se_
marient cependant,
~tant au reste, polygames. Visiblement
le paradoxog~aphedont s'inspirent MELA et PLINE, et a travers
eux tous les auteurs post~rie0rs, a exclu le mariage simple-
ment parce quIa ses yeux cette institution est un trait d'hu-
mani t ~
(4). Con c ern an t 1 a co h a bit a t ion ha b Lt u e 11 e de l ' h0 mme
et de la femme,
HERODOTE ne la nie que chez les Auses,
qui,
dit-il,
s'unisseht comme le b~tail (5). Pour une raison qui
nous ~chappe, le paradoxographe a transf~r~ 1 'observation au
d~triment des Caramantes, qui sont ainsi rel~gu~s parmi les
peuples dont le statut ,humain est plus ou moins douteux.
. :: .'.
(1)
MEtA,
1,45.
(2) PLH~E V,
45.
(3 )
STo CS ELL,
Her 0 d ot e',
p.
194 -195 •
(4) Cf. H.
ROSELLINI et S.
SAID,
Usage de femmes et autres nomoi
chez les I'sauvages" d 'HERODOTE,
in Annali della scuola norm.
sup.
oi Pisa,
cl.
dl lett.
e filos.,
serle Ill,
VIII, 1978,
p.
955-966.
apud J.
DESANCES, op.
clL
p.
472.
n.
2.
( 5 )1-1 En 0 DOT E ,
IV, 1 80 •

342
6.
les Augiles
...........
"Les Authgiles renclent le culte aux esprits infer-
naux",
nous dit 1 'Anonyme.,
A pro p 0 s d e cc t t e pop u1 a t ion,
PO HPO NIUS Iv! EL A (1 )
plus prolixe que PLINE L'Ancien
(2),
consacre une longue no-
tice qui contraste avec la totale discr~tion d'HERODOTE (3).
Et pourtant,
le paradoxographe dont il s'inspire n 'en a pas
moins util,is~ l'hist6rien grec ; mais,
comme dans le cas des
Garamantes,
le paradoxographe a report~ sur les Augilcs les
donn~es relatives ~ ~'autres peuples, en particulier les Na-
samons
: par exemple,
la coutume d'accorder ~ tous les hommes
presents aux noces les faveurs de la mari~e, imputee aux Aw-
giles par MELA,
est plut8t attribuee par HERODOTE
(4)
aux Na-
samons ; de m~~e le culte des morts attribue aux Augiles, est
applique par HERODOTE aux Nasamons.
On assiste done ~ un glissement de la documentation
de peuples habitant la bordure maritime mediterran~enne comme
les Nasamons et lIes Auses,
~ des peuples vivant dans l'Int~­
r i e u r
(5 )
co mme 1 e s Au 9 i 1 e s et le s Ga r a man t e s.
La r a i son ?
On ne saurait la dire,.
Tout all plus,
peut-on conjecturer que
1 a p r ~ s e nee des Na s am0 n s d a n s 1 'oa s i sdi Au 9 i l a
(f\\ 0 u cl j i 1 a ) (6) ,
une partie de l'ann~e, a pu favoriser une confusion entre Na-
samons et Augiles.
(1)
~lELA, 1,46.
(2)
PLH1E,
V,
45.',
! '
(3)
HERODOTE,
IV, 182.
(4)
HERODOTE,
IV,
172.
(5) C'est-~-di~e du j'bourrelet de sable", dans la terminologie
d'HERODOTE.
(6)
HERODOTE,
IV,
172 et 182
St.GSELL,
HERODOTE,
p. 184 n.
3.

34:3
7. les Gamphasantes
"Les Iampasantes,
nus et paisibles,
nous dit l'Ano-
nyme,
ne se nl(~langent jamais avec les peuples etrangers".
L'6rigine de cc qui est dit des Gamphasantes -car il
s'agit bien de "Gamphasantes" et non de "Lampasantes" comme
mcntionne dans le texte edulcore de l'Anonyme- remonte une fois
e n cor e a HER 0 DOT E, 1. e que 1 ecri t e x act e men tee c i
:
" 1\\ u - cl e s sus
des Nasamons,
en allant vers le Sud,
dans la region
des b~tes
sauvages,
habitent 1.es Gamphasantes,
qui fuient tous les hom-
mes et
toute soci~te, ne poss~dent aucune arme de guerre et
ne savent pas se c1cfendre"
(.1.).
Dans les manuscrits d'HERODOTE,
cc devcloppement est
applique aux Garamantes, peuple qu'HERODOTE dedrit par la suite,
sur 1.e bourrelet de sable,
plus a l'interieur. 11 s'agit done
d'une errcur au nivcau de la tradition manuscrite.
Gr~~e a
1 a sou r cc co mmun e d e I~ EL Act d e PLI NE,
.1 e nom
" Ga mp has ant e 5 "
a pu ~tre restitue.
Et cette denomination est sans doute en
rap p 0 r t
a v eel a P h a z ani a e t
le nom du Fez z an
( 2).
S' i l
a p r e -
cedemment fait la confusion entre Atlantes et Attarantes,
cette
fois le paradoxographe n la pas,
comme STEPHANE DE BYZANCE
(3),
confondu les Garamantes et les Gamphasantes.
(1)
HERODOTE,
IV,
174,
trad.
Ph.-E.
Legrand,
ed.
"Les Belles
"~""
Let t res ",
a p u d Ge n e vie v e Des ire - Vu ill e min,
0 p.
c it.
p.- '- 3 9 •
( 2)
0 •
BATES,
The Eastern Lib Ya n s ,L 0 n d res,
I 91 4,
p.
53,
n.
7.
Cf.
J.
DES ANGES;-' 0 p. c it. p. 4 73 - 4 74 •
I.-
I
(3)STEPHANE DE BYZANCE,
$.
v.
rd~d.~G\\V'"t:t~, p. 198, apud J.
DESANGES,
op.
ciL
p.
474.
n.
2.

344
L'absence d'armes de guerre chez les Gamphas~ntes
estrendu de fa<;on
trop
concise par l'auteur anonyme du De situ
o t b is e t
5 a sou r c e,
par 1 e q u a 1 i fie a t i f
11 i mbell e 5 11
( " p a i 5 i b1 e 5 11 )
donn~ a cette population. Cette absence d'armes m~me semble
~tra~~e pour une ~opuiation qu'HERbDOTE place dans 1~ Libye
des b~tes sauvages.
Quant ~~la nudit~des Gamph~santes, elle ~tonne da-
vant~ge, car e11e n'est pas mention~~e par HERODOTE. Pour sur-
vivre ou subsister dans un enviroririement de b~tes sauvages,
il leur fallaitbien,
aux Gamphasantes,
nous semble-t-i1,
dis-
poser de quelque gourdin,
epieu ou lance pour se prot~ger ou
se d~fendre contre d'~ventuelles attaques des fauves qui de-
vaient ~tre nombreux.
Du reste,
comme tant de Libyens,
ils
pouvaient se vetir,
a tout le moins, d'une peau de bete tu~e
pour les besoins de l'existence.
. ....-
lei com~e ailleurs,
il semble que le souei du para-
doxe fausse le t~moignage.
Enfin,
la
"s~gr~gation" pratiqu~e par les Gampha-
santes s'explique peut-~tre par le~r petit nombre et leur
grande dispersion dans un pays livre aux fauves.
Du reste,
~
eau se des f a u ve 5 " c e pay 5 n I a r i end I a t t ray ant pour 1 es a u -
tres p~uples avee qui, les Gamphasantes pourraient se melan-
ger. 115 sont do~c vietim~s de leui isolement. Par ailleurs,
ils ne doivent guere s'agglom~rer entre eux, sinon'ils aUDaient
aequis une eertaine puissance.
L'union ne fait-elle p~s la
force ?
f..

"
,
345
8 '. ; le s B1 e mmyes
"Les Blemmyes n'ont pas de tete et portent la bou-
1
ch~ et ies yeux sur la poitrine". Ainsi affirme 1 'Anonyme du
De:: si tu 0 l' bis.
HERODOTE
(1),
parlant de la partie de la Libye qui
s'etend
(dans sa pensee)
a 1 'ouest du fleuve Triton, dit que
les betes sauvages y sont en bien plus grand nombre,
et il
mentionne des lions, des ours,
des elephants et plusieursau-
tres especes,
terminant son enumeration en ces termes
;
11
des cynocephales, des acephales,
qui ont leurs yeux sur la
poitrine,
du moins d'apres ce que disent d'eux les Libycn5~
~ ..:
des hommes et des femmes sauvages et un grand nombre d'autres
betes, lesquelles ne sont pas fabuleuses."
(2).
Comme on le
voit,
chez HERODOTE,
ces etres etranges,
dont il doute d 'ail-
leurs de 1 'existence, ne sont nullement identifies aux Blemmyes.
Chez le poete tragique grec ESCHYLE
(525-456 ay.
J.-C.)
deja, on trouvait mentionnes des 2:'1:Efv0'f{}~At-'0l e..nmeme temps
que des c y n 0 c e p h ale s e t des h0 mme s - a-1 '0 e i 1 - u n i que (M 0 v ~ r I":.~ or0 l ).
M~is quelles que soient les suppositions, on n'est'pas sOl' que
,la source d'ESCHYLE aussi bien que ceile d'HERODOTE soit HE_
CATEE (3),
dont on n'a conserve aucune nbtice a cc sujet (4).
D'autre part, ~n ignore si le fragment d'ESCHYLE se rappo~tait
a l'Inde ou a la Libye. En effet, un passage djAULU-GELLE (5),
grammairien latin de la premiere moitie du lIe siecle ap.
J.-C.,
prouve que les anciens ectivains mentionnaient des hommes I'sans
(1)
"
HERODOTE,
IV, 191.
( 2 ) Tr ad.
St. GSELL,
Her od ot e, p. 1 00 •
(3)
St.GSELL,
Herodote, p.
60 apud J.
DESANGES, op.
cit. p.
475.
(4) CL
J.
DESANGES, op.
cit.
ibid.
(5)
AULU_GELLE, N.,att-. IX,
4,
9.

,.
, ·C.; I
tete et ayant J. e s ye u x d.a n s : 1 a p 0 i t'r i ne",
a ins i
que
des
h0 m-
;
mes a la
tete de chien. ou encore de.s
hommes-a-l'oeiJ.-unique,
e'{'qu'ils les situaien't dans l'Inde.
PLINE
(1)
a repris cette
t i 1di ti 0 net p a rl e d' 'h om me s' san s t e t e, a y ant 1 e s y e u x sur 1 a
poitrine
j
iJ. les mentionne apres les
"Monocoli" et les
"Scia-
podes" et avant les Satyres de I ' Inde.
IJ.
emprunte
cet ensem-
ble de peupJ.es fabuleux
a CTESIAS (2), qui localisait des Ac~­
phales a 1 'ouest des Troglodytes (3). A ce qu' il semble, crest
dans son PeripJe' de J'As·ie
(4)
que CTESIAS a propose cette lo-
calisation.
Dans cet ecrit,
en
effet,
il
donnait des rensei-
gnements plus ou moins fabuleux
sur les pays de 1 'interieur
(5),
considere ~ partir de l'Ocean Indien et des Golfes Arabique
et Persique.
Cet ensemble maritime passait evidemment pour
asiatique.
,-
D'apres J.
DESANGES
(6),
la localisation
des Ace~ha-
,
les a l'ouest des Troglodytes
correspond
bien a cel1e des Blem-
myes,
qui,
dit-il,
ne sont pas mentionnes par les sources clas-
siques avant THEOCRITE
(IIIe
s.
ay.
J. -C.).
A partir du
IIIe
siecle ape
J.-C.,
les Blemmyes,
comme on
le sait,
constitue-
rent une menace constante pbur les communications entre la
v~llee du Nil et Berenice des Troglodytes. Jusqu'a cette epo-
que,
il
semble que les Grecs et les Romains les aient confondus
(1)
PLINE,
VII,
23.
(2)
Cf.
W.
REESE,
Die gr·iechis'che' Nachl'ichten
libel'
Indien
bis
zum Feldzuge Alexander's' des Gro'ssen-, Leipzig,
1914,
p.
30,
nO.
VI.
apud J.
DESANGES,
Ope
cit.
p.
475.
. (3)
Cf.
J.
DES Ml GES,
0 p.
c it.
p.
4 7 5 •
/
(4)
CL
Suidae Lexicon,
s.
v.LKldnobe<",
ed.
A.
Ad1er r "IV,
Leipzi~r; 1935, p. 378, nO. 601; STEPHANE De BYlf\\NCE, s. v.
I.:yuvvoc.
, p .
565
j
apud J.
DESANGES,
op.
cit.
ibid.
n.
10.
(5)
Ainsi les renseignements svr2:,yVY)}oc.
concernent une v111e
d'Egypte.
Cf.
J.
DESANGES,
op.
cit.
p.
475,
n.
11.
( 6 )C f.
J.
DES ANGES,
0 p.
c 1t.
p.
4 7 6 •

347
avec les Troglodytes.
D'~troites relations les unissaient
aux
"fvlegabari"
(1),
consid~r~s eux-memes parfois comme 'un ra-
meau des Troglodytes
(2).
Dans la mesure o~ ils vivaicnt non
loin de la mer Rouge,
consid~r~e comme un golfe de 1 10c~an
~rythr~en ou indien, CTESIAS pouvait les attribuer ~ l'Inde.
Po~r sa part, HERODOTE semble avoir situ~ tout ce gro~pe fa-
buleux a l'ouest des Troglodytes voisins des Garamantes (3).
"CTESIAS,
grand lecteur d 'HERODOTE et parfois lec-
teur distrait
(4),
~crit J. DESANGES, a extrait des /\\ ,bu}<o:
.
I
~OYOl
de son pr~d~cesseur quelques donn~es particuli~rement
pittoresques susceptibles d'enrichir 1 '''excursu.s" qulil
con-
sacrait aux pays et aux peuples situ~s entre la mer Rouge et
le ~lil."
(5). Comme on le sait, maints auteurs d'''Aeth.iopica''
'ont ~t~ influenc~s par l'oeuvre de CTESIAS, particuli~rement
son compatriote AGATHARCHIDE DE CNIDE
(6).
On peut conjecturer
que sous son influence,
certains d'e~tre eux continu~rent de
placer des Ac~phales a l'ouest des Troglodytes, et que cer-
tains ont meme ~t~ jusqu'~ les identifier aux Blemmyes qu'ERA.
TOSTHENE
(7)
consid~rait, lui, comme un peuple r~el et bien
localis~ entre M&rb~, la rive droite du Nil en aval de cette
ville, les Egyptiens et la mer Rouge
(8).
(1)
CL
J.
DESANGES, op.
cit.
p.
476 n.
3.
(2)
DIODORE de SICILE,
Ill,
33, l .
(3)
CL
J.
DESANGES,
op.
cit.
ibid.
(4) Cf.
DIODORE, 11, 15 : il y apparaIt que CTESIAS attribue
a HER 0 DOT E, a tort (cf. HER 0 DOT E I I I, 24), ce r t a i ne .s af fir ma -
tions au sujet de l'Ethiopie.
Selon HEhoDOTE IV, 191, la source
de la l~gende des Ac~phales serait libyenne. CTESIAS a dO trans-
planter a l'ouest des Troglodytes de la mer Rouge, ce qui se
d i s a it;· a l' 0 rig i ne, cl e s r ~ 9 ion s sit LJ ~ e s a l I 0 C c i c: e n t des Tr 0 -
glodytes voisins d~s Garamantes. Le transfert ~tait facilit~
du fait que les croyances ~gyptiennes elles-memes faisaient
une large place a l'ac~phalie. CL J. DESANGES, op. cit. p.
476,
n.
5.
(5)
J.
DESANGES, op.
cit.
p.
476.
(6)
STRABON,
XV]?,
4,
20.
AGATHARCHIDE avait ~crit, comme CTESIAS,
un "P~riple de l'Asie" int~ressant aussi l'Egypte et l'Ethiopie.
Cr.
DIaD., 111, 11, 1-2.
apud J.
DESMIGES,
Ope
cit.
p.
477 n. 1.
(7)
STRABON,
XVII, 1,
2.
(8) CL
J.
DESANGES,
op.
cit.
p.
477.

348
Ainsi se sont transmises parall~lement une tradi-
tion ethnologique et une tradition mytho~raphique. L'auteur
Anonyme du De situ orbis,
comme~~n le voit, se rattache .~ la
seconde tradition en relevant,
dans la filiation litt~raire,
de l'auteur exploit~ par MELA et PLINE.
Dans ce contexte, on
pouv~it ais~ment et arbitrairement situer ces Blemmyes sans
t~te n'importe o~, en Afrlque profonde, de pr~f~rence dans
les solitudes.
Sous l'influence de 1 'hypoth~se de la source
occidentale du Nil, on pouvai t
encore,
~ 1 I instal' du po~te
DEN YS LE PER lEG ETE (debut lIe s.
a p;
J. - C.)
(1),
10 c a 1 is er
ces Blemmyes acephales ou pburvus d'une t~te, proches du Nil,
mais loin ~ l'ouest, au voisinage de Cerne et des Ethiopiens
occidentaux.
Sous I' influence d I "auctorita tes ll comme POMPONIUS
MtLA et PLINt, mals aUssi d'un homme comme Saint-Augustin
(2),
les hommes sans t~te et qui portent la bouche et les yeux sur
la poitrine, les hommes qui n'ont qu'un seul oeil sur le front
~ la mani~re des cyclopes a~tiques, ou encore ceux qui ont unc
t~te de chien et quI vomissent des flammes, tous ces ~tres
fantasmagoriques resteront lies,
au Hoyen-Age,
~ l'Afrique in-
terieure.
Peut-on s~voir maihtenant~ pour~uoi le peuple des
Blemmyes a-t-i1
servi aihside support ~ la 1egende des Ace-
pha1es ? A cette question,
J. DESANGES risque 1 'hypoth~se
suivante, en partant de 1 'identification de l'iconographie du
Blemmye gr~ce aux travaux de L. CASTIGLIONE (3)
: ce peuple,
constate-t-il,
est represente comme trapu,
avec un v~tement
f1ottant,
qui recouvre la tete comme un
Froc ; les Blemmyes
peuvent,
dl t-il,
apparaitre ainsi comme "ayant la t<~te dans
1 e 5 e p i'lU 1 e 5" et,
par a f f a bu 1 at ion,
1 es ye u x d an 5 1 a po i t r in e (fj.).
!,'
(l)
~ ENYS, Per i e 9'. " 2 20 - 2 24 , d a n 5 GeogT'• Gr a e c.' I'LL nor. , I I, e d .
C. Muller,
Paris, 1861, p. 114 apud J.
DESANGES,
p.
477.
(2)
CL
AUGUSTIN,
Civ'. Dei, XVI,
8.
(3) L.
CASTIGLIONE,
Diocletianus und die Blemmyes,
in Zeitsch.
L
Ag.
Sprache u.
AIL,
XCVI,
J.970,
p.
J.Ol.
( 4 ) Cf.
J.
DES MI GES, 0 p.
c i t.
p.
4 7 7 - 4 78 •

349
C'est possible que la morphologie et le style ves-
timentaire des Blemmyes aient favoris~ la fixation de cette
l~gende sur ce peuple. Mais il ne s'agit l~ que d'une simple
hypothese.
9. les Satyres et les Egipans
.................... .......
Chez DICUIL,
seuls les Egipans sont mentionn~s comme
ha bit ant s del I At I as,
t a'n d i s que I I An 0 n yme du ~_~~~_~- II 0 T b is ,
les mentionne ensemble avec les Satyres.
Aucune indication des-
criptive nlest donn~e sur les Egipans. Quant aux Satyres, le
seul aspect humain qu'ils ont,
selon l'Anonyme,
crest leur fi-
gure.
Comme sa source -MARTIANUS- 1 'Anonyme ~numere les Sa-
tyres parmi les peuples de I 'Afrique int~rieure.
Chez POMPON IUS MELA
(1)
et PLINE L'l\\ncien
(2), les
Satyres et les Egipans sont des habitants de 1 'Atlas ou son~
ehcore localis~s dans des plaines bord~es de collines, entre
le "Theon Ochema"
(3)
et les Ethiopiens occiclentaux de la
"corne de 1 'Occident".
MELA,
PLINE,
et tbiJS les auteurs posterieurs,
dont
DICUIL et 1 'Anonyme,
expri~ent l'opposition entre le silence
diurne angoissant et le vacarme des nuits,
dans la foret de
1 'Atlas, mettant ~insi en evidence le contraste et I 'etrangete
qui caracterisent l'univers de ces Satyres et de ces Egipans,
qulils considerent comme des peuples de llAfrique.
Cette opi-
(1)
MELA,
Ill,
95.
(2) PLINE,
vi, 197.
(3) Autre nom de l'Atlas. Cette expression grecque,
ti~dition­
nellement rendue par "char'des dieux",
semble bie'n signifier
en realite,
selon J.
DESANGES,
"support des dieux".
CL
J.
DESANGES,
p.
99.

350
nion devait etre assez repandue dans 1 'Antiquite,
en ce qui
concerne les Satyres.
En effet,
ils etaient souvent represen-
tes sous les traits de Noirs,
comme l'a montre F.
M.
SNOWDE~I,
JR.
(.l).
Or l'Atlas marocain,
clans sa partie meridionale,
est
situe ~ la limite du monde ~etule et du monde ethiopien
(2).
Quant aux Egipans,
lies au dieu Pan,
on pourrait voir en eux
les divinites "des bois et des vallons qui,
aux dires d'Elien
(3),
protegeaient les elephants dans les forets situees au
pied de l'Atlas,
o~ ceux-ci achevaient paisiblement leur lon-
gue vie.
Selon cet auteur,
sui trois cents chasseurs qui
traquaient ces elephants,
deux
cent quatre vingt-dix-neuf pe-
rirent de la peste, frappes par les divinites locales
(4).
En
Nubie, les Grecs identifi~rent ~ Pan, un grand dieu des Ethio-
piens
(5),
tout comme ils assimil~rent a ce dern"ier, 'un dieu
r~v~r~ par les cl1asseurs d'~1~pI1ants dans J.e. d~sert oriental
de l'Egypte
(6).
Comme les Blemmyes, la localisation des Satyres tout
comme celle des Egipans a ete egalement sujette a des fluc-
tuations.
Nous venons de voir POMPONIUS MELA,
PLINE,
et a leur
suite,
DICUIL et l'Anonyme en faire des habitants de l'Atlas,
ce qui les situe pr~~ de l'Ocean Atlantique ou de l'Ocean Me-
ridional.
Au contraire,
dans le t~bleau ethnographique presente
par 1 'Anonyme,
et qui remonte au paradoxographe ~ travers MELA,
PLINE,
et MARTIANUS,
tout autre~st l'emplacement de ces etres.:
enumeres avec les autres peuples,
ils sont relegues a 1 'inte-
rieur du co~tinent, plus precisement, dans les vastes solitudes
del i Af r i que.
Aill e u r s,
c he z PLI NE (7)
e t
EL 1nl
( 8),
des Sat y res
sont encore localises en Inde.
(1)
F. M.
SNOWDENJr./
Black-sin Antiguity,
Cambridge
U1ass.),
1970,
p.
I 60.
.
( 2) Cf.
J.
DES ANGES, 0 rl. • c it.
p. 1 0 2 •
( 3 )
ELI Dl,
N.
A.,
VI I,
2 •
(4)
CL
J.
DESANGES, op.
cit.
p.
103.
(5)
DIODORE De SICILE,
Ill,
9,
2 ; STRABON,
XVII,
2,
3.
(6) Cf J.
DESANGES, op.
cit. p. 103.
(7)
PLINE,
VII,
24,
situe des Satyres dans les montagnes de
l'Est de l'Inde,
sans doute d'apres CTESIAS.
CL
J.
DESANGES,
op.
cit. p.
478.
(8)
ELIEN,
N., A. i , 2.1., evoque plus en detail les Scltyres de
l'Inde,
sans doute d'apres MEGASTHENE.
CL
J.
DESANGES,
op.
cit.
ibid.

j "
(" !
:1'. ~\\.... 1.......
Quant au caract~re des Satyres et des Egipans, il
est ambig~ : cc sont des ~tres en partie homme et en partie
animal. Le Satyre est repr~sent~ avec le haut du corps comme
celui d'un homme, et le bas,
~ partir de la taille, comme
celui d 'un cheval ou bien celui d 'un bouc ; dans l'un et I' au-
tre cas,
il est dot~ d'une longue et large queue,
tr~s fournie,
et semblable a celle d 'un cheval, et d 'un membce viril per-
p~tuellement dress~, de proportions surhumaines. On les Ima-
ginait dansant dans la campagne,
se livrant aux orgies avec
DI 0 HYSOS
(I), p 0 u l' sui van t I e s M~ n a des e t I e s ~I ymplc s , .. "v i c -
,times plus ou moins reluctantes de leur lubricit~" (2). Peu a
peu sur les repr~sent~tions, le catact~re bestial de leur fi-
g u l' e s' est a t ten ue .; 1 curs mem bl' e sin f ~ l' i e"u l' s son tee u x diU n
bouc, les Egipanssont ~galement repr~sent~s mi-hommes et mi-
boucs
(3)
: ils ont une figure barbue,
toute pliss~e, avec
une expression de rus~ b~stiale, un menton fort saillant, le
front portant deux cornes, le corps velu et Ies pieds pour-
\\IUS d'un sabot fendu,
enfin,
les membres inf~rieurs deboue.
Comme les Satyres,
ils sont li~s aux for~ts, dans 1 'entourage
de Pan
(4),
depuis l'~poqLie h~l~nistique.
Leur caractere afnbigu -des etres'semi-bestiaux-,a_
valu aux Satyres et aux Egipans d'etre d~stingues par le pa-
radoxographe au nombfe de§ peuples fabuIeux vivant dans llin-
',:, '
, ",: '~
t~rieur du eontihentafricain. Eux,aussi font partie de ce§
,
,
:.'
, :
i'mirabilia"
que:
tecele J. 'Afrique dans l'imaginaire europ~en.
: "
(1)
DIONYSOS ou BACCHUS, est le dleu de la vigne,
du vin ~t du
d~lire mystique, bhez les Grecs et les Romains. Son eor~~~e est
compose des M~nades (des "femmes poss~dees" par le d~lirebac­
chi q iJ e L, des Sa tyre set des Egip an s. Se 1 b n J. a 1 ~ 9 en de, c e' cor -
tege s~ livrait ~la debauehe sexucille. DIONYSOS passe pour a-
voir beaucoup voyag~. C'est ainsi qu'il alIa ~n Egypte (on lui
i~pute la fondatidn de l'o~aele d'Ammon), en Inde, et en Ethiopie.
(2)
Cf.
PIERRE GIUMAL,
Diet-.
de l'aHythologie greeque et romaine,
p.
U.
F., Paris 1951, p.
416.
'
(J)
Lap l' e mi ~ l' e par tie dei cur nom est for m~ e par 1 e nom 9r e c de,
la chevre,
eompagne de Pan.
CL
J.
DESANGES, op.
eft.
p.
479 ri.4~
(4) CL J.
DESANGES, op.
eit.
p.
479.
,
,
~'
....
. ','
"

( "
..:_"
l
352
,
I,
.
!!.1
,
"/:
, 'I i'
, i
I _
, ~ I
10.
................
les Himantopodes
"Les Himantopodes,
ayant les pieds debiles,
ram-
pent plutot qu'ils ne marchent".
Ainsi,
affirme l'Anonyme.
"
I
Le m0 t
" Him ant 0 pod e s ",
dug r e c
l I-" cJ. \\) TO 7\\ 0 S & c.,
P e u t
se traduire par
"aux piecls"
(et par extension
"aux
jambes")
"en lanieres de
cUir",
c'est-a-dire'flexibles et inarticules
(1).
Ce mot a ete applique a l'echasse (2).
Au lIe si e c.1 e
av.
J. - C.,
1 e my t h () 9 rap he
9 re c, A P 0 L _
LODORE
(3)
mentionnait,des Himantopodes.
Mais deja,
au
debut
du IIIe Siecle ay.
J. -C.,
on
notait chez H,EGASTHDIE
(!~), que
,
.-
les
"Siritae",
une population
de 1 'Inde,
etaient qualifies cle
" 9 e n t e m an 9 u i u m mod 0
1 0 rip e d e,m
(5)!',
a 1 0 r s . q u ' ELl EN
(6 )
no u s
dit seulement qu'il
y ayait d'enormes
serpents sur leur
t~r­
ritoire.
A ce qu~il se~ble donc,
la legende des Himantop6des
a d'abord
ete attistee en liaison
ayec l'Inde.
crest du moins
ce que suppose J.
DESANGES,
qui
affiche
cependant une certaine
prudence,
car cette priorite,
teconnaIt-ii,
est peut-~t~~ ~Ge
seulement au
hasard de la ~~ansmission des textes antiques
(7).
,
:
"
: :
, .
!".!"
(l)
Cr.
J.
DESANGES,
op.
cit.
p.
480.
(2)
PLINE,
X,
130.
(3)
J.
TZETZES,
thil'~1 VII, 766, distingue dans un passage ins-
,
c
,
~
c
~'
pire d'APOLLODORE,
les l!-'cAV'l:H"TOOEC,
et les
1f-!-(J.Y'lo<rJd:.Xclt;
apud .. ·
J.
DES MI GES,
0 p..
ci t.
p.
48 O.
n.
1.
(4)
PLINE,
VII,
25.
( 5 )
" Lb rip e s" est. 1 a t r ad u c t ion e x act e
dug r e c
.<
(6)ELIEN,
N.
A.',.XVI,
22 :L~~Fd;"t'(n
apud J.
DESANGES p.~ 480. , .
(7) .On note
beauc~up de floitements dans Ijattribution~~~'peu~~~
p 1e spa r ado x a u x a::1' I n de eta .1' Et h i 0 pie,
v 0 ire . d a n sun e m0 i n -
dre me sure a la Libye.
En
regIe generale,
les peuples etranges
sont,
comme le df't J •. DESANGES,
tout naturellement assocj.es
aux zones o~ la vie est matginale.
lIs
s'agglomerent
au voisi-
nage des
"Faces
brGlees"
(deja
si
etranges.
cr.
PLINE,
VII,
6)
de la zone marginale
du
Sud,
mais aussi
autour des Scythes.
..
<.
~""
.

353
~ . '
QuoLqu'il en soit,
chez POHPONIUS HELA
(1),
les
Himantopodes sont cit~s parmi les peuples du rivage atla~t{que,
an Nord de 1 'Atlas,
dans une region infest~e de fauves. Le fait
qu'il les compareimplicitement ~ des serpents justifie cette
localisation.', O"ailleurs,
~ en croire certi:lins auteurs, la re-
,....
9 ion
del' At 1 a s ab 0 n d era i ten s e r pen t s
:
d I a p l' e sOlO 0 OR E (2),
qui cite OIO~lYSIOS SKYTOBRACHION
(IIe s.
av.
J.-C.),
lesAma-
....,'
zones voisines des Atlante~' se serviraient de la peau des grands
serpents pour se prot~ger'~ la guerre ; chez STRABON (3)
cer-
tains peuples de Maurousie
(Mauretanie)
useraient de peaux de
'~
serpents et d'~c~iiles de p6issons commede v~tements et de
couvertures. Conv~ntionn~liement, on repr~sentait les Atlarites-,
m~mes comme des~e~ies angGipedes (4). Notons aussi qu'aux a-
bords des Syrtes
(5),
d IOU' mainte l~gende (6)
emigra vel'S 1 'Oc~-:- .'.,'
an Ex tt~ l' i e ul'
( a l IOU est),
u n e tradition a n c i e n n e pIa <; a i t d <1 s
femmes-serpents.
Ainsi,
que MELA ait maintenu la relation des
~imantopodes ~ li~tlas, on" peut le comprendre. Quant a l'Atlas,
sa localisation meme a vari~ comme 1e montre l'exemple d 'HEROOOTE.
11.
les Pharusiens
"Les Pharusiens~taient les compagnons d'HERCULE II ,
;'"
.,'.
rapporte l'Anonyme.
. . ". '
..... '
.,' y"
Apparemment,
les Pharusiens ne pfesentent aucuntrait~
~onstrueux (ou simplemeht"aberrant par rapport ~ la norme hu-
maine),
qui
justifie,a priori, leur insertion dans ce tableau
(suite)
Du
"Libykos logos",
remarque encore OESf\\NGES,
i l e t a i t ,
a i s e de pas s e l' ~ 1 i 11 I hd i k0 s logo s ", p Cl l' 1 ere 1 a i s des 11 Ae t hi 0 -
pica ll du des periples erythreens • .11 en aliait "de meme de la
demarthe inverse~ Par exe~ple, ce que MEGASTHENE disait des
In die n s se i l' ita e
:
11 9 e n t e ni. ••
n a l' i um 10 c o f 0 l' Cl mi n a tan tu m h a -
ben t em 11
(d a n s P LI NE,
VI I , 2 5 ) est l' e p r i s par 1\\1 ELA, Ill, 9 1 , et
plus exactement encore par PLINE VI, 188,
qui le rapportent,
d'apres une source commune,
aux regions des~rtiques de l'Ethio-
pie i n t e1'i e ure. Cf. J; [) ESMI GES, 0 p • c it. p. 4 8 0, n.
7.
(1)
IvIELA,
III
103.
l
(2)
0100.,
111,54,3.
(3)
STRAB.,
XVII,
3,
7.
(4)
1vI.
LECLAY,
Saturne africain.
Histoire,
Paris, 1966 (= B.
E.
F.
A.
R.,
CCV); p.
2'11
apud J.
OESA~IGES, Ope ci.t. p.481.
( 5)
Cf.
J.
0 E S AI~ GE S,
0 p.
c i t.
p.
48 1
n.
6 •
(6)
~ar exemple la localisation en cette region, du jardin des
Hesperides.
,
"
.~ .I. ::.: ...

354
.; ';.
des peuples paradoxaux. Mais on peut supposer que crest le~r
titre de compagnons des ex plo its fa bu1 e ux d' HER CULE, q u l'e x -
plique leur placedans cette revue des peuples.
Che z PO t"1 P0 NIUS ~1 ELA (1), c e t t e . pop u1 a t ion est i n -
tegree,
tout comme les Himantopocles, a sa description du lit-
toral atlantique : Pharusiens et Perorses habitent a la lisi~re
occidentale des v~stes solitudes,
tout comme Garamantes,
Augiles
et Troglodytes vivent a' lalisi~re orientale de celles~ci.
Probablement qu 'on a confondu Pharusiens et Perorses dans l e u r "
rapport aux Perses.
. ,.
SALLUSTE
(~) mentiohne des Perses au hombre des
pagnons d'HERCULE,
q~'il fait mourir en Espagne. SeIon 'lui;
ces Perses pass~rerit en Afrique apr~s la mort du heros g r e c '
e t
s' ins tall ere n t. p res del I 0 C e an.
~ .. .. '.
Les Phaiusiens servirent,
en Mauretanie,
de support
a cette legende en raison d1un simple rapprochement de leut
nom avec celui des Perses.
Ainsi pense STEPHANE GSELL (3).
11
semble que,
dans. cesconditicns, les Percrses, leurs vOiSjJlS,
....
ont ete sans nul dout~ ehglobes dans ces ~peculations. ScIon
-
toujours St.GSELL,IIPha~·usii,i et "Perorsi" sont deux fagoris.de.
t ran s cri reI e meme > e t hni Cl u e afT i ca i n (4). Da n s 1 'us age des'
."
sources classiques~ il est fort possible que les deux formes
'.-
aient servi a designer deux branches en voie de differen;iation;··
diu n mem e 9 r 0 u pe' et h n i que 0 rig i n e 1
(5).
(1)
r~ELA, Ill; 103.
I,
..: "
; ,.: ./f.
(2 )
SA LL USTE, . Jug.,,. XVI I I, ·3 - 5 •
';, .
(3)
St. GSELL,
H. A,.
A.' N,.,,' I,
p.
295-296.
'
. . .
"
(4)
Idem et ibid.Cf.DESANGES, op.
cit.
p.
482
cr ~ ·',1 e meme
auteur, Catalogue,. p.
232.
(5) CL J.
DESANGES, op.
tit. p.
482.
. :;'~. .' ' .' '. .."

0)5""
o
.
,-.,
0.
MELA
(1) et PLINE
(2)
egalemen tmentionnent les Per-
ses dans la suite~'HERCULE lors de sa marche ver~ le Jardin
des Hesperides,
j~rdin que PLINE situe ~ Lixos (Larache), en
Tingitane.
Ces deux ~uteurs ne semblent pas suivre la m~me
tradition que SALLUSTE qui· evoque la pr~sence des Perses et
des M~des dans le cort~ge d'HERCULE qui meurt plutBt en Es-
pagne.
M~me si lIon n~ peut attribuer au paradoxographein-
connu, la localisation precise -comme le fait PLINE- de l'e-
pisode des Hesp~rides ~ Lixos, du moins il n'y a pas de doute
qu 'a t r a ve r s 1 u i, MEL A et PLHI E c r 0 i e n t
~ gal em en t que 1 e s
Perses accompagn~ieni HERCULE en Libye. 11 y a donc desaccord
entre cette source commune de MELA et dePL1NE et la sourte
de SALLUSTE.
La Ihcalisation de la mort d'HERCULE en Esp~ghe
est aberrante et 11 est aussi curieux de .voir SALLUSTE I' at-
tribuer aux Africains
(Afri).
Aussi,
se demande-t-on,
s'il
ne s'agit pas diun my the forge ~ Gad~s (Cadix en [spagne) et
.. que le roi africain HIEMPsAL ~urait recueilli (3) .
.x-
* *
*
'.,.
"".:'
Llexamen des indications sur le peuplement,
nous
conduit aux obser.vations suivarites
- 1 -
Ici,
p~s plus que dans les pages pr~c~dentes, on
.
.
ne decele la mofndre originalite de1a part des Carolingiens,
sur ce qui est, dit despopulations du continent africain.
Les
materiaux sont,
encore ~ne fois, d'heritage antique etcl~s­
sique.
En effet, la revue de ces peuples 'Ietranges ou derou-
tants", situes en Afrique tient plus de la par<Jdoxographie que
:,.
de lle~hnologi~ et s'inspiie d'HERODOTE a travel'S mouh au-
teurs,
dont le paradoxographe inconnu,
POMPONIUS HELA,
PLHIE,
SOLIN et MARTIANUS CAPELLA.
Chez MELA et PL1NE cependant, on
.",
:.
(l)
MELA Ill, 103.
. ".'.":"
(2)
PL1NE V,
3.·
(3)
Voir J.
DESANGES,
Ope
cit.
p.
483.
"
....
" ,
"'. ":1' '-.. ' .
. ,.

n c:: 6'
00
.. . ,
,hote un certain scepticisme sur ces populations i~gendaires
ou franchement myih{ques,'scepticisme qui~~notent les e~­
pressions
" s i
c~ederE;libetll chez MELA, et"quidam •.. ~~t·er­
posuerunt" chez PLINE.
Chez les Carolingiens en revanche,
le
caractere fabuleux
de ces populations ne f.ait 1 'objet dela
. moindre cr i tiquc,
voire , i 1 ne soul eve chez eux aucune in'-
terrogation.
Crest l~ une ~anifestation de la cr~dulit~,·de
la na'ivet~ ou encore du gout du merveilleux qui caract~rise
1 e s h0 mme s de c e t t e ~ p0 cl u e,.
......•
DIU n e mani er e 9 ~ ne r ale,
d an s 1 I Ant i qui t ~ co mmeau
-Moyen ~ge, pointn'~i~it besoin de connaltre la positio~ exac-
te de telles pop~lationspour les repr~sehter sans trop de
scrupules sur lescartes dans le vide de l'Afrique interieure.
11 Le u r s
noms se r va i e n t
a um 0 ins a ma i n ten i r. un e c er t a i ne p.1 a -
ce aux terres inconnues,
car,
faute
de legendes comme no~s
l'apprend PTOLEMEE,
la repre.sentation
de ces terres ~tait
plus ou moins neglig~e par les cartographes"
0).
- 2 -
D'apres les traits etranges qui les caract~risent
-par exemple,
les Troglodites qui sifflent plut8t qulils ne
parlent, les Blemmyes acephales qui portent la bouche et'les
yeux sur la poitrine,
les Satyres et les Egipans qui sont mi-
hommes, mi-b~tes, les Himahtopodes qui rampent ~ la maniere
des reptiles,
etc ••• -, la plupart de ces peuples ne sauraient
etre pleinement humains,
depourvus qu'ils sont,
en partie,
de
ce qui constitu~ la norme de 1 'humanite. Quant aux autres,
s'ils n10nt apparemment rien qui soit contre nature,
ilsn'en
sont pas moins depourvLis de comportements humains
: ainsi les
AtlantFs sans noms i~dividLiels ou ehcore qui ne font j~mJis
0) J. DES ANGES ,0 p. c i t. p. 464 .
. .. ".:
" ... '
,
-;:.: •. ::.,
"
,."

. '.,:'
357
de r~ves
les Tr6g1~d~tes_dont la demeureest la caverne
et
~
dont la nourriture est le serpent
les Garamantes qui ignorent __
l'institution du mariage
les Gamphasantes qui
ignorent les
v~tements et vi~ent d~hs l~ nudit~, tous ces peuples donc sou-
l~vent aux yeux de l'homme m~di~val, un certain scrupule ~ ~tre
ranges au sein de la soci~t~ des hommes "normaux".
Bref, la na-
ture ~quivoque ou ambigu~ de ces peupIes d'Afrique soul~ve des
questions th~ologiques gr~ves que pour l'heure, nous nous con~
tenterons de poser,
~ savoir, entre autres, cespeuples d 'Afri-.-
que descendent-ils ~galem~nt d'Adam e.t d'E~e ? Quelle attitude
l'Eglise doit-ell~ adopter ~ leur endroit en mati~re de salut ?
...'
.,~.
'. '.,'
',.'
. '~'.", '. .
. .
~.
."
L-
:..

. 11 .
358
A F'R'I'C'A
L
' A F R I Q U E
S E P TEN
T RIO N ALE
" . t , •
, !
'
,
"
Dans
52
(cinquante deux)
occurrences,
soit 16,40 %
d e l I em plo i,
le' t er me Af l' i cad e si 9 n e l ' Af 1'i que
duN 0 r d cl an s
sOn
ensemble,
a
llexclusion
de
llEgypte.
Dans
cette acception
semi-large ou
semi-restreinte,
AFRICA correspond
~ ce que les
Ar a be s
d en 0 mmer e n t e n s u it e le Hag h re b
(0 u
" le Couch an t " ) .
Parmi
les
52
(cinquante deux)
auteurs qui
font
usage
d'AFRICA,
9 seu1ement 'l'uti1isent dans
c~sens. Ce qui repre-
sente 4.68
% de
1 'effectif.
Et
toutes
.1cs
quatre categories"
d'auteurs
connaissent £et
emploi
du
terme.
"
. . .
.
, "
.':'
*
* *
*
A /
DEFHnTIO~1 DE L I AFRI'QUE SEPTENTRIONALE
L'Af1'ique
entend~e ici au sens de toute l'Afrique clu
Nor d pe ut se cl e fin i r
a de u x n i v eau x·':d 1 a pr e s sa's i tu at lo n 9 eo -
graphique d rune part,
d 'ap1'es sa sitllJtion
geo-astronomique,
d'autre
part.
1
.
LA SITUATION
GEOGRAPHIQUE
* D'apres des indications de type c1assiquc conte-
nues chez DICUIL,
l'Afrique se definit
lei,par rapport '~l'E­
gypte et ~ l'Ethiopie :
.
dans
un
premier
cas,
elle
es~ peryue, comme -"le
""
pays
qui est a .1 'Ouest de 1 'Egypte : DICUIL nous dit, eneffet,.' >
q 1I e l l Egyp t c s ' et end
~ 'c 0t e d e JI Af r i que (J)
.
dans un
second
cas,
el1e est
per~uecomme la par-
(1)
"Proxima lJ.frieae coLitur Aegyptus .•.• ".'
DICUIL,
op.
clt.
VI,
2,
p.
44.
'- P LI ~I E,
V,
4 B •
. ... -.
' . "

359
,
tie Nord du continent,
par opposition ~ la partie Sud, qui est
l'Ethiopie,
ou encore,
comme la partie ~ la fois septentrlon61e
et occidentale du continent par rapport ~ l'Egypte et ~ l'Ethio-
pie qui sont les pendants oriental et m~ridional. Dans Ja ta-
ble des mati~res de son ouvrage, DICUIL oppose, en effet, l!A~
frique ~ llEgypte et ~ l'Ethiopie en les traitant en des cha-
pitrcs distincts,
l'Afrique constituant le troisi~me chapitre
du livre,
et l'Egypte et l'Ethiopie,
le quatri~me chapitre (1).
* Suivant la tradition ex~g~tique, et en l'occurrence
St. JEROME
(2),
FRECULF et RABAN MAUR identifient tousdeux 1'(\\-
frique du Nord ~ la part du continent attribu~e ~ FUTH, un des
quatre fils de CHAM.
Selon les deux
~v~ques, FUTH, c'est la
Libye ou les Libyens.
RABAN pr~cise
que les H~breux appellent
encore aujourd'hui la Libye FUTH.
De l~,
expliquent les deux
pr~lats, le fleuve de la M~ur~tanie est jusqu'~ pr~sent appel~
FUTH.
Crest pourquoi,
ajoutent-ils,
dans une part{e seulement
de cette r~gion, l'ancien nom de Libye demeure encore, tandis
que le reste du pays s'appelle Afrique
(3).
(1) III De AFRICA
lv
De Aegypto atque Aethiopia cum illius insulis.
DICUIL,
op.
cit.
prologue,
6.
p.
44.
(2)
HIERONYMUS,
10,
6
(Hebraicae Quaestiones in Gen.
dans Cor-
pus ChrisJianorum.
seri~5Latina LXXII, Turhhout (Belgique),
1959.
(3)
"Chus hodle ab Hebraels Aethlopia nuncupatur,
Mesraim
Acgyptus,
Futh Libycs,
a quo et Mauritaniae fluvius,
usque in
praesens Futh dicitur;
o~nisque circa eam regio Futhensis nun-
cupatur.
Modo ta~~n
in un~ tantum climatis ejus parte anti-
quum Libya nomen residet,
et reliqua terra vocatur Aphrica."
FRECULPHUS,
Chronicon, op.
cit.
col.
934.
- - - - -
-
"PHUT
(hodieque ab Hebraeis nuncupatur)
LibyiJ.,
a quo et Mau-
ritapiae fluvius usque in praesens PHUT dicitur,
omnisque cir-
caeu~ regio Phutensls.Multi scriptores) tam graeci, quam la-
tini,
hujus rei testes s0nt.
Quare in una tantum climatis parte
antiquum Libyae nomen resederit,
et rellqua terra vocata sit
AFRICA,
••• "
RABAN MAUR,
commentaria in Libros 11 Paralipomenon,
~d. Migne,
P.
L.
t.
109·,
col.
282.

: '. "('
i \\
360
,
,
Deux remarqu~s sont a faire.
ci
/
Africa ,au sells d 'Afriqu,e 1eptentrionale a ete cal-
que sur le modele du grec J\\(C~l'l. (la Lybie) qui designe l'en-
semble de 1 'Afrique du ~~ord, le pays des .A~eU[c;., c ' est-a-c1ire,
des Africains blancs, par opposition a Aethiopia, le pays des
Nail'S ou
A_~Q:or .
I
b /
La correlation entre A d';>u'yt(Libya)
et Africa au
sens d'Afrique du Nord est adoptee et adaptee dans la geogra-
phi e sac l' e e p a l' St. J ER 0 tv1 E et 1 e s aut l' e s c om men tat e u rs s c rip -
,
turaires qui identifient la partie septentrionale du fbntine~t
avec le domaine attribue ~ PHOUT (ou FUTH)
dans le partage dc
l'Afrique entreles fils de CHAM,
et l'aire de COUSH a la par-
tie interieure ou meridio~ale, c'est-a-dire, l'Ethiopie.
2, • LA SITUATION GEO-ASTRONOMIQUE
-----------------------------
Dans l'a represeri'tati'on de la carte de la terre habi-
table,
les geographes mathematiciens distinguent,
comme nO us
l'avons vu
(1), sept grandes regions ou climats,
dans lesquels
se repartissent les differents pays et villes de la terre.
Ces
sept, regions ou climats,
sont,
rappelons-le,
les projections
terrestres de sept regi6ns celestes dont elles subissent'les
influences astrales.
Ce qui determine la diff~rence descarac-
teres naturels des ~tres suivant les regions terl'estl'es.
D'apres sa situation geo··astl'onomique donc,
l'Afrique"
au sens d'Afrique du Nord,
se definit
icipar une quadruple ap~
parten~nce climatique. En effet, dans la presentation qui est
faite des differents climats par GERBERT,
on note que cette
partie du continent africain s'etend a la fois clans le premier,
le d~uxieme, le troisieme et le quatrieme climats :
- fait partie du premier climat,
dit de Meroe,
la par-
tie de cette Afrique qui
"depuis le Sud a trtivers le pays des
Garamantes,
le fleuve Geon et le Mont Astrixi,
et a travel's le
0) Voir ce qui a ete dit, au chapitre "Aegyptus".

: ;
°6-1
J 1 .
pays des Maures,Matibiens,et;ainsi,:continue vel'S l'Ouest,
jus quI a I ' 0 c ean, 1<3 0 U, s ,e I t e I'm i n e ~ e p I' em i e I' cl i mat" .' (l)
1
- au cJeuxief\\le:climat appar,tient la partie qui s'e-
'tend "a
travel's la Trlp61itaine jUsqu'a la Mauretanie,
et de 1;1
jusqu'a l'Ocean". ,(2).
-' au troisieme climat appartient en partie la Libye
cyrenalque.
- enfin, le quatrieme climat partage Cyrene avec le
precedent,
puis englobe la villede Leptis Magna,
une partie
de la Numidie,
et la Tingitane.
(1)
"Initium primi climatis est ex parte orientali ab Oceano •..
et Merois insulam,
de qUa etiam unum clim~ Merois appellatur.
Deinde in Africac partibus a meridie per Garamantes fluviumque
Geon,
et montem Astrixi,
et per deserta arenosa et ceteras par-
~es, et per Mauros Matibierises, et sic ih Occidentem usque ad
Oceanum,
ibique terminatur •. "
GERBERTI,
postea Silvcstri 11, opera Mathematica,
ed.
r\\l.
BUBNOV,
Hildesheim, 1963, p.
143 : Libel' astrolabio,
c.
XIX,
1-
(2)
"Initium secundi climatis est ab Oceano de parte Orientis
.•.
Alexandria Aegypti,
gentes Libyae, partimque Aegyptum infe-
riorem et sic extenditur p~r Tripolitanam usque ad Maur{taniam.
Dehinc ad Occidentem usque ad Oceanum".
GERBERT,
Ope
cit.
c.
XIX,
2,
p.
143-44.

362
\\DESCRIPTION Of L'AFRIQUE 5EPTENTRIONAL~
/
DESCRIPTION PHYSIQUE
La physionomie g~ographique de la partie septentrio-
nale du continent africain se d~gage ~ travers les indications
que nous donnent DICUIL,RABAN MAUR et l'MlONYivl[ du De situ
orbis sur les diff~rentes provinces qui ia composent. [x~mi­
nons-les respectivement diOuest en Est,
a 1 'exclusion dela
Province d'Afrique,
c'est-~-rlire la r~gion carthaginoise, sur
laquelle nous reviendrons particuli~rement un peu plus loin.
1 • LA MAURETANIE,
DICUIL qui traite les provinces par pariti, mention ne
a v e c la Ma u r ~ tan i e, un ea u t r e province, la Ca u 1 a 1 i a (l), q u_' 11
a emprunt~e a une source anonyme, la Divisio Orbis (2).
"La
Caulalia et la Maur~tanie, dit-il, ~ont limi~~es ~ 1 'est par
le fleuve Amsaga ,a 1 'Ouest par l'Oc~an Atlantique, au Nord,
par 1 a mer d' Af r i que,
a u Su d,
par l ' 0 c ~ a n ~ t h i 0 Pi que.
Co mm e
longitude,
elles font quatre cent soixante-deux miles,
et com-
me latitude, mille de~x ~ent trente. miles. SeIon PLINE Secundus,
dans son troisi~me livte, poursuit-il, l~ longitude de~ deux
Maur~tanies ~st quatre cent quatre-vingt miles, et la latitude
trois cent soixante-huit miles."
(3).
(1)
11 s'agit de""la Caetulia,
c'est-~-dire, le pays des Cet111es.
Le titre correct est "Caetulia et Mauretania",
dans la Divisio
tout comme dans le De!1ensura orb;.,;> terrae..
(2)
Divisio orbis,
26.
(3)
"C;'lUlalia et Mauritania finiuntur ab oriente flur.lihe I\\msaga,
ab occidente oce~no Athlantico, a septentrione mari Africo; a-
meridic mari oceano Aethiopico.
I~ longitudine milia passuum
CCCCLXII,
in latitudine duodecies XXX.
Juxta Plinium Secundum
in tcrtio utriusque Mauritaniae longitudo CCCCLXXX,
latitudo
CCCLXVIII. "
DICUIL, 'op.
cit. 111,1, p.
54.
- PLINE,
V,
21,'

363
Empruntant a ISIDORE De SEVILLE
(l),
RABAN MAUR don-
ne de la Maur~tanie une d~~cription beaucoup plus d~velopp~c.
"La Maur~tanie est d~nomm~e, dit-il, d'apres la couleur de ses
habitants
; en effet,
les Grecs d~signent le "noir" par le ter-
me "mauron".
De meme que la Gaule a ete denommee a cause de la
blancheur de ses habitants,
de m~me la Mauretanie a ete denom-
mee cri raison de la couleur noire de sa population.
Sa premiere
province est la Mauretanie Sitifienne, o~ se trouve la ville de
Setif dont la region
a tire,
dit-on,
sa d~nomination. Vicnt
en suite la colonie de Maur!tanie Cesarien~e, dont Cesar~e etait
la cit~, et qui re~ut son nom d'elle. Aihsi, l'une et l'autre
provinces r~unies ont, a liEst, la Numidie, au Nord, la Grande
Mer
(Medi terranee),
a l'Ouest, le fieuve Malva (la Moulouya),
au Sud,
le Mont Astrixi,
qui separe la terre fertile des sables
qui s'etendent jusqu'a l'oc~an. La Ma~r~tanie Tingitane a ~te
denomm~e d'apres la vilie de Tanger, qui est la capitali de
cette province.
Cette ultime partie de 1 'Afrique s'eleve par
se p t
m0 n tag ~ e s ; ell e ale fIe u veI'l a 1 v a
(M0 u1 0 uy a ) a 1 I Est, 1 e
de t l' 0 it d c Gad es ( Ca d i x) aLl Nor d, l' 0 c ~ an At 1 ant i que a l' 0 uest,
enfin au Sud,
elle ales Gaulales
(Getules)
nomades
jusqu'a
l'Ocean des Hesperides ;
cette region produit des dragons tres
feroces de m~meque des autruches ; en plus, e11e ~tait, jadis,
pleine d '~l~phants, que seule l'Inde prodJit mc:intcnant".
(2).
(1)
ISID.
Etym.
(2)
"Mauritania vccata a colore populorum;
Graeci enim nigrum
mauron vocant.
Si~ut enim Gallia a candore populi,
ita Maurita-
nia a nigro nomen"" sortita est.
Cujus"prima provincia Mauritania
Sitifensis est, quae Sitifi habet oppidum,
a quo et vocabulum
traxisse regio p~rhibetur. Mauritania verci Caesariensis colonia,
Caesaria civita5fuit, et nomen provinciae ex ea dictum.
Utrae-
que i~itur prov~nciae sibi conjunctae ab oriente Numidiam ha-
bent,
a septentrlonc mare Magnum,
ab occasu flumen
Malvam,
a me-
ridie montem Astrixim,
qui discernit inter fecundam terram et
arenas jacentes usque ad Oceanum.
Mauritania Tingitana,
a Tingi
metropoli hujus provinciae'civit~te vQcata est.
Haec ultima
Africae exsurgit J
montibus ~eptem, habens ab Oriente flumen
Malvam,
a septentrione fretum Gaditanum,
ab oeciduo occ~num A-
tlantieum,
a meridic Gaulalum gentes usque ad oceanum Hespcrium
peretrantes,
regio gignens ferocissimos
dracones et struthiones,
olim "etiam et elephantibus plena fuit,
quos sola nunc India
parturit. "
RABAN MAUR,
De Universo,
op.
ci t.
col.
352.

\\ ..
364
. ' : I '
, '
;
, ;
I
La description de la Mauretanie
par l'auteur anonyme
apparait beaucoup pl'us'confuse,
l'auteur operant par ailleurs,
I ;
,.
des choix dans le texte de, II1ARTIANUS CAPELLA.
"Au-dela du mont
I
,]
'.,,:
:
<
I

(l'Atlas),
dit-il,
vel'S la c&te occidentale, les hauteurs boi-
sees,
sur un espacc de quatre cent quatre vingt seize miles,
sont habitees par les fauves de Libye.
Non loin de la sont les
se pt montagnes qu'on
appelle des Fr~res a cause de l'egalite
de leur sommet
elles abondent en elephants et se trouvent
au-dela de l~ province Tingitane. De m~me la ville de Siga, de-
puis la region,
regarde Malaca,
la ville d'Espagne.
Sur la c&-
te,
se trouve aussi Cartenna et la grande ~ille de Cesaree.
Dc
,m~m~ Icosium, qui est egalement une colonie ; de m~me Rusconiae
et Rusuccuru,
de plus Aldae
(Saldae),
Aeeiae ct les autres ci-
tes.
Le fleuve Ambuga
(Ampsaga)
est eloi0ne de Cesar~e de trois
cent vingt-deux miles.
La longueur des deux Mauretanies est de
dix fois cent et trente-huit miles,
la largeur de quatre cent
soixante-sept"
(1).
,
L 'origine du nom des Maures est obscur.
Le grec
"
M «v f',ac
" e t le latin
"Hauri", viendraient du phcnicien
..
"111 a h 0 u rim"
qui s ig n if i era i t " 1 e s 0 c e id en tau x".
ST. GSE LL pen s e
qu'il pourtait avoir
ete emprunte independamment par le 9rec
et le latin
(n.
L~ royaume des Haures, qui s'etendait de l'Atlantique
jusqu'aux confins de la Numidie,
a ete divise en
deux gran des
provinces par les Romains
: la Mauretanie Cesarienne et la Mau-
retanie Tingitane.
0) "Ultra ipsum ad occasivum litus per quaclrLngenta nonaginta
sex milia passuu~ ~altus f~ris Lybicis occultum. Nee plurimum
distant septem montes qui paritate cacu~inis Fratres sunt ap-
pellati,
sed helephant6ru~ pleni et sunt ultra provintiam Tingi~
tan a m• Item S i 9 ao p p i dum ere 9 ion e Ma lac a m ul' b emS pan i a m c en t em -
platur.
In litore quoque Carmenna magisque oppidum Caesarea.
Item
Icosium aeque colonia,
item Rusconiae et Rusvicurus,
Aldae,
Ac-
ciae caetereque civitates.
Fluvius vera Ambuga abest a Caisarea
trecentis vigintl duobus milibus.
Utrlusqu~ Mauritaniae longitu-
do decies triginta octo milia,
latitudo quadringenta sexaginta
septem. "
A~I ml YMUS,
Des i t u 0 l' b is,
I I,
p. . 58 - 59 .
- MARTIMIUS CAPELLA,
VI,
668-69.
(2) Cf.F.
DECRET et H.
FANTAR,
l'Afrique du Nore! clans l'Anti-
gUite, op.
cit.
p.
192.

· '.;
365
a / La Maur~tanieC~sari~nne
Son nom vi~nt de celui de sa capitale, C~sar~e (Cher-
chell).
Cette province s'~tend entre le territoire de la Numi-
die et le fleuve Mulucha
(Moulouya)
qui marque la fronti~re
avec l'autre Maur~tanie, la Tin~itane. crest une bande de ter-
re qui atteint pr~s de 800 km, dans sa grande longueur et va-
se r~tr~cissant d'Est en Ouest. A son extr~mit~ occidentale,
elle se r~duit pratiquement ~ l'~troit ruban du littoral,
l'ar-
ri~rc-pays montagneux d0 massif des Trara ~chappant ~ son
controle.
La province ~t~nt souvent agit~e par des r~voltes
des populJtions indigenes
(en particulier la confeds1'ation
des Baquates)
les deux Maur~tanies furent,
~ plusieurs moments
critiques,
regroupees sous une administration unique,
lors-
que les r~voltes se propagdaient simultan~ment sur de larges
districts des deux provinces
(1).
Avec la reforme de DIOCLETIEN,
la Mauretanie C~sa­
r i en n e f uta mput ~ e del a par tie 0 r ~:e n tal e des 0 n t err it 0 1 re,
qui forma
la Maur~tanie Sitifienne. Cette nouvelle province
avec Sitifis
(S~tif) pour chef-lieu, s'etend de 11Ampsaga
(oued EI-K~bir), c'est-~-dire de l'ancienne fronti~rc avec la
....
Numidie,
jusqu'~ la hauteur de Rusuccuru (Dellys), et dans le
Sud, elle recouvre la zone du Hodna
(2).
Quant aux districts occidentaux de la Cesarienne el-
le-m~me, entre le cours inf~rieur du Ch~lif et lavallee de la
Tafna,,) 'occupation romaine s 'y restreignit et devint de plus
en plus effacee tout au long du Bas-Empire pour devenir nulle
en fin
de compte
(3).
(1)
CL
F.
DE CRET e t
~1.
F MIT AR,
1 I Af r 1 que d u ~I 0 r d d a n s 1 I /\\ n ti -
quit~, op. cit. p. 192.
(2)
CL
les memes auteurs;
p.
193.
~
(3)
Cf.
le::; memes auteurs, p. 193.

366
b / La M~ur~tanie Tingitane
Elle tire sari nom de Tingi
(Tanger)
quin'a certai-
nement pas ~t~ pour autant l'unique chef-lieu durant son his-
toire.
Volubilis a ~t~ aussi, croit-on savoir, la r~sidence
des Gouverneurs
(1).
Le territolre de c~tte province a ~t~,
se retrecissant,
et des 284-285 ap.
J. -C.,
comme toute la re-
gion interieure du pays,
Volubilis passa sous le controle des
Baquates.
Avcc le repli et les mes~res de r~organisation pro-
vinciale en vigueur sous la T~trarchie, la Maur~tanie Tingi-
tane fut alors d~taeh~edu diocese d'Afrique et rattach~e ~
celui des Espagnes
(2).
2 • tA NUMIDIE
ComplIant ~ nouveau la Divisio,
DICUIL mentionne en-
semble la Numidic et la Province d'Afriquc,
donnant la d~limi­
tation
de ces deu~ provinces reunies ainsi qucleurs dimen-
sions
:
"La Numidie et l'Afriquc Carthaginoise,
ecrit-il,
sont
limit~cs ~ l·'Est par la Petite Syrte, ~ l'Ouest par le fleuve
Amsaga,
au Nord, par la mer d'Afriquc,
au Sud, par
l'Oc~an.
La longitude est einq cent quatre-vingt miles,
la latitude,
deux cents miles.
PLHIE l'Ancien en donne les memes mesures".
Reproduisant exactement ISIDO~E De SEVILLE,
RABAN
d~crit la Numidie en ces termes
"La Numidie est d~nomm~e
d'apres ses habitants,
qui ~ont des nomades,
car
lIs n'ont
aucune residence fixe.
En effet,
dans la langue de ces gens,
on d~sJgne par f'Numides"
(nomades)les habitats incertains et
to·
indetermine~. El1e commence au fleuve Ampsaga (oued EI-Kebir),
(1)
Cf.
les memes auteurs,
p.
194.
(2) CL
F.
DECRET ET M.
FANTAR,
op.
elt.
p.
194.
(3)
"~Iumidia et Africa cartaginensis finiuntur ab Orieflte Syr-
ti minore,
ab o<;:cidente flumine Amsaga,
a septentrione mari
Africa,
a meridieoceano.
Longitudo
D LXXX,
latitudo CC.
Juxta
Plinium Secundum eadem mensura est."
DICUIL,
op.
c i t . I I I ,
2,
p.
54.
- Divisio,
25.

367
a 1 a 1 i mi t e 0 LI f in i t
1 a Ze u g ita n e,
e t a l ' Est,
1 aPe t i t e Sy l' t e ,
a uNo r d , la mer qui, c; , e ten d v e r s la Sa r d a i 9 ne,
211' CJ :1 est ,
la
Mauretanie Sitifienne,
a~ Sud, les peuples des Ethiopicns
crest une region
tr~s grasse (riche) par ses champs; e11e
posc;~de des for~ts etproduit des b~tes sauvages ; c'est aus-
.
.
si une region
elevee' de par ses cr~tes ; elle produit des che-
v~ux et des onagre5.El1e poss~de un marbre rare qu'on appel-
le le numidique.
Elle a aussi des vil1es particuli~res
Hippo
regius
(Hippone,puis Arinaba)
et liusicade
(Skikda)"
(1).
La descriptiDn de la Numidie par l'ANONYME tient ~
peine en trois 1ignes. Mais plus que son caract~re succint,
elle est en partie incomprehensible et ne presente aucun 1n-
ter~l, en raison de la mutilation partielle du passage de
MAliTIANUS emprunte par l'ANONYME
(2).
Ch e z HE CAT EE (.3),
HE Ii 0 DO TE (4)
et P HJ DARE
(5),
1 e
mot "nomadcs" revet sa signification courante de
"pasteurs" et
de~igne une parti~ des libyens. Chez d'autres auteurs cepen-
dant,
II noma des" est employe comme un ethniquc. Tcl est le cas
chez POl YSE
(6),
chez DIODORE De SICIlE
(7)
et chez
STf~ABO~I,
d ' a p l' es EIi AT0 STHE I~I E (8). Ch e z 1 e s aut e u l' s 1 a tin s (9),
" nom a des "
s em b1 e u n d 0 u b1 et p 0 et i que cl e
" ~l u mid a e " .
(l 0 ) •
(J)
IINumidia ab inco1is passim vagantibus sic vocata,
quod nul-
lam certamhaberent sedem.
Nam lingua eorum incertae scdcs et
vagae,
Numidia dicuntUr.
Inciplt autem flumine Ampsaga,
in
Zeu-
gitanum limitem deslmit, habens ab ortu Syrtes minores,
a sep-
ten~rione mare, quod intendit Sardiniam,
ab occasu Mauritaniam
Sitlfensem,
a meridieAethiopum gentes:
regio campis praepin-
guis,
ubi autem silvestris est,
feras educat ;
ubi jugis ardua,
equos et onagros p1'ocreat.
Eximio etiam marmore praedltatur,
quod Numidicum dicitur.
Habet autem urbes praecipuas,
Hipponem
regium ct liusicadam." RABMI MAUIi,
Dc Universo,
op.
cH.
col.
352.
- Isid.
Etym.
(2)
IIAbsaga fvlunidiae nomine cale.brata.
Numidae Hunides c1icti,
cujus in mediterraneis colonia Circa interius Sicca atque Bulla
Regia;
in ora vero litoris Ypos Regius ac Tabraca".
MlONYMUS,
De sit,u o1'bis, 11, p.
59.
- MA Ii T I Al~ US, VI,
6 6 8 •
( 3 ) '. AP u d St ep h a n e de By z a n cc. Cf.
DES A~I GES, 0 p.
c it.
p.
1 2 6 n.
{4
(4)
HERODOTE,
IV, 181,
186,
187,
188,
190,
191,
192.
cr DESANGES,
op.
eil.
p.
126.
( 5 ) PIN DAIi E ~
P Yt h .,
I X,
1 2 3 a p u d DES Ml GES,
p.
1 26 •
( 6 ) P0l YBEl, 1 9,
3 ;
I,
3 1,
2.
Cl P u cl
DES A~I GESib id.
(7)
0 I 0 DO RE,
XI I I ~
8 0,
3 ;
XX,
38 - 39 -
a p u cl 0 ESA 1'1 C[~; 1_ bid .
(8)
Apucl STRABO~I,
1 1 1 , 5 , 5 .
Cf.
DESANGES,
ibid.
(9)
Cr.
V:::RGIlE,
En.
IV,
320,
535
;
MAliTIAl,
XII,
26,
6 et c.
Cf.
DESAHGES,
ibi:cr:-
(10)
Cf.
DESANGES,
p.
126.

368
Let e r me Num id a c a p a l' f 0 i:; des i 9 net 0 u s J. e sin dig en c s
d'Afl'ique du Nord,
sauf les habitants du
territoire Carthagi-
nois,
PUi3 de la province romaine d'Afrique
; m~me au sens re5-
treint,
iJ. s'applique,
aux yeux des Grecs et des Latins,
aux
sujets des souverains masaesyJ.es et massyles ; mais
11 est pos-
sible qu'il
se soit applique,
a I'ol'igine, a une tribu. La for-
me NOlllades n'aurait ete dans ce cas,
qu1une interpretation gl'ec-
que d'un terme J.ibyquc,
fondee
sur une sorte de calembour
(1).
Pour des raisons essentlellement strategiques,
la
Numidie avait ete ~rogressivement occ0pee a partir du princi-
pat d'AUGUSTE.
Le roi JUBA 11 s'etant montre incapable d'impo-
ser son autorite sur une partie dc son territoire,
particulie-
rement sur les zones parcourues par les tribus Getules,
et par-
ce que son royaume n'assumait pas J.a fonction
de gJ.acis protec-
teur qu10n en attendait,
la lIe legion cntreprit alors d'oc-
cup er Ies regions nevralgiques qui constituaient une menace
pour 1<1 securite de 1 iAfrique ProconsuJ.aire
(2).
En
37 ap.
J •.. C.,
J.'empereul' CALIGULA decida de <;:on-
Pier au Iegat legionnaire,
outre le pouvoir militail'e,
Ies pou-
;
.:
voil's administratifs et
judiciaires sur ces regions.
11 se
constitua ainsiune zone en marge de la province civile,
et qui
echappait a I'autorite du proconsul. Cependant, crest seulement
sous le principat de' SEPTH1E SEVERE que la Numidie fut officiel-
lement detachee de la Proconsulaire et erigec en province,
avec
un gouverneur a sa t~te (3). Lambese en devint le chef-lieu ~
partir de 80-81 ap.
J.-C.
Comme delimitation,
a I'Ouest, J.a
Numidie commence a l' em bouchUl'e de l'Ampsaga (l' oue d EI-Kebir)
et sui~ant la vallee du fleuve vel'S 1 'Ouest puis vel'S le Sud
pour aboutir au Chott eI-Hodna et au-deJ.a,
continuer en zone
saharienne o~ etaient postees les sentinelles avancces de la
province
(Castellum Dimmidii)
(4).
(1)
CL DESANGES, op.
'+
C l " •
p •
127.
(2)
CL
DECRET et F ANTAR, op • c it. P • 191.
.
A
(3)
CL
Ies memes auteltJrs;
i b i (1 •
( 4)
Cr. DECRET et FMJTAR, op. ci t. P . 191 •.

369.
Avec la r~farme de DIOCLETIEN, la Numidic fut drabard
partag~e en deux r~avinees : la Numidie de Cirta et la Numidic
militaire
(au Numidia militiana).
Mais cette divi~icn ne fut
pas de langue dur~e. En 314 ap. J.-C. les deux provinces furcnt
~ nouveau r~unies sous l'autarit~ d'un unique Gouverneur, et
la capitalc, Cirta,
devint Constantinc,
en l'honneur de l'em-
pereur CONSTANTIN
(l) •
. .,
,.
,.
(1)
Cf. 1es
A
memes auteurs,
ibid.

. : ~
370
. LA{~~UNE DE L'AFR1QUE SEPTENTRIONALE
)
I. I ...
\\
."
DI CUI L,
RABAN et l ' ANa NYfvl E d u De ,situ 0 r b is n0 u s d on -
nent quelques ~l~ments fauniques de cette partie du continent.
Outre la Maur~tanie et la Numidie o~ ces animaux se signalent,
DICUIL en mentionne egalement dans l'Afrique Cyr~na:lque, au-
tre province de la r~giol1 septentrionale du continent, mais
plus connue sous le nom de Libye Cyr~narque ct que, pour ques-
tion de terminologie, nous aborderons seulement dans 1 '~tude
du terme Libya.
Les esp~ce~ qui composent cette faune sont, pour la
pIu par t,
se u1 em e n t
men t ion fl ~ e spa r 1 e s aut e u r s, a 1 I ex c e p t io n
.d~s aurochs, de la hy~ne, des lion5 et des el~phants qui font
1 'objet cl 'une description relative chez OICUIL et RABAN.
Sont seulement mentionnes par OICUIL,
des l~nx, des
chameaux, des rhinoceros et des tigrcs que 1 'Irlandais place
to u s d a n s 1 I Af r i que Cy r en a i: que, 0 ~ d' a p r ~ s SOL H1
(l),
i 1 s S I a c -
c.ouplent avec les lions,
par inversion
(2).
Pour sa part j
RABAN MAUR place dans la Mauretanie
Tingitane,
des
"dragons tres feroccs"
ainsi que des autruches
(3).
En Numiclie par contre,
il signale des chevaux et des ona-
gres
(4).
.
Quant a l'ANONYME, il rapporte sans autre p?ecision,.
et a partir de MARTIANUS CAPELLA, qu'au-dela du mont Atlas,
vel'S l~ c6te occidentale, les hauteurs boisees sont habitees
par les fauves de Libyc
(5).
(l)
SOL HI,
2 7,
1 7 (e X PLHI E,
8,
4 5 ;
1 0,
17 3) .
(2)
DICUIL,
op.
cit.
VI,
34, p.
82.
(3)
RABMI HAUR,
De Universo,
op.
cit.
col.
352.
(4)
Idem et ibid.
(5)
ANONYME De situ odds,
11,
p.
58.

;:
( t":
371
.', .
Pour les esp~ces faisant l'objet d'une certaine des-
cription,
nous les examinerons dans l'ordre d'importance du
traitement qui leur est accord~ au niveau du texte.
Ce qui don-
ne le classement suivant
: les aurochs,
la hy~ne, les lions
et enfin,
res ~l~phants.
1 . LES AUROCHS OU BUBALES
crest DICUIL qui fait
~tat de ces animaux en citant
un pas sag e de SO LHI
(1).
"I 1 y a a us s i
cl e s a u roe h s,
cl 1t - i 1 ,
qu 'on appelle populairement bubale~ mais des bubaJes qui ont
cle pr~s l'apparence de cerfs, et que l'on
trouve en Afrique.
Pourtant, ceux que nous appelons aurochs ont des cornes cle
taureaux tellement
longues que,
~ cause de leur grancle capa-
cit~, on les fait tomber et on en fait des coupes ~ boire dans
les banquets princiers"
(2).
SOLIN,
la source de DICUIL,
a repris lui-m~me PLINE
L'Ancien
(3),
lequel mentionne en Germanie les bisons et les
u res
(a u r 0 c h s),
a u x que I s 1 a f 0 u 1 e i 9 nor ant e,
d i t - 11, d on n e 1 e
. h '0 m de" b u b a I e s ",
a I 0 r s que 1 e bu b ale p0 u r sui t - i 1,
est u n pro-
duit de l'Afrique,
ayant une certaine ressemblance avec le cerf.
('est le philosophe SENEQUE
(4)
qui mentionne pour la pre~i~re
fols les bisons avec les aurochs.
Les Grecs,
semble-t-il, n'ont
~as connu clirectementces animaux, quoiquc PAUSANIAS les nomme
(5).
JULES CESAR
(6) consacre en revanche tout un
chapitre aux
aurochs qui sont clans la for~t hercynienne~ SeIon CESAR, ces
ani ma ux se r a i e n t i n d 0 mpta bI e s.
Ma i s d' a pr ~ s tvl ART I AL (7),
i l s em -
(1)
SOL,HI,
20,
5 (ex PLINE,
8,38)
(:2)' "Sunt et
url,
quos inmeritum vul<jus vocat bubalos,
cum bu-
ball penc ad cervinam faciem
in AFRICA procreentur.
Istis porro
~ubs uros dicimus ta~rina cornua in tantummodum protenduntur,
~t clempta ob insignem capacitatem inter regias mensas potuum
gerula fiant".
DICUIL,
op.
clt.
VII,
16,
p.
76.
(3)
PLINE,
VIII,
38.
(4)
SENEQUE, Phaedr.,
64.
(5)
PAUSMIIAS,
X,' 13,
1.
(6)
CESAR, ~~ VI,
28.
(7)
tvlARTIAL,
Epigr.,
22,
10
(ou
23,
4).
i.'

' )
.!
.. '.
372
~le que sous l'Empirc,: on ait reussi a les'atteler. Dans',VIRA
GLLE
(1)
on
trouve' aussi ·le mot
"urus",
mais
Ll
c1esigne chez
IUi le buffle (2), etl'on con'c:;oit que le "vulgus imperitum",
c:
comme le dit
PLINE,
ait
confondu
les
deux
animaux
(3). Mais,
'. :'
critique A.
ERHOUT,
"le vulgus ne confondait c10nc pas l'urus
avec
le cervide africain
nomme aussi
bubalus,
et
PLINE ne s'est
pas rappele que le m~me mot designait en latin deux animaux
differents
: le buffle
inclig~ne, et l'antilope bubale que ~i-
9 n ale n t
HER 0 DOT E,
I V,
1 9 2,
STnAB 0 N,
e t c.
a cot e del a 9 a z e 11 e ,
(4).
Enfin,
ERNOUT
fait
remarquer
que
le latin
a
emrrunte
pour designer
le buffle et que le mot n'ap-
p~ralt clans cc sens qu'~ l'epoque imperiale (5).
2 • LA I,IYEN E
Crest
egalement
DICUIL
qui
parle"de la
hy~ne, toujours
cl 'apres
SOLHI
(6).
Citant ce dernier,
l'Irlandais
dit
:
"11
y
a un
autre
animal
enAFRIQUE Cyrena'j:que,
dont nous n 'avons
lu
l'existcnce nulle part
ailleurs.
A son
sujet,
le m~me auteur
(= SOLIN)
ecrit dans un
passage
un
reu plus developpe
"1'A-
friquc
produit aussila
hyene dont
le cou et
l'epine dorsale
forment
une
unite rigide et continue.
Elle ne
peut
se retourner
que par une rotation
e1u
corps tout
entier"
(7).
Ce
pas~age ,rapporte par DICUIL, d'apres SOLIN, est
tire de PLINE
(8)
qui rapporte,
entre
autres,
beaucoup de 1e-
gendes
sur
la
hyene,
legencles relevant
des
croyances populaires:
(i)
VI RGI LE,
Ge 0 r g.,
I I,
374 et
I I I,
532 a p u d A.
[IHI ON T,
0 p •
clt.
p.
118.
e;:>,)
C f'::
A.
ER N0 UT,
0 p.
c i t .
11 8 ,
co mmen t air e par a g r.
38,
1.
e3) MART I AL, Epig r.. ,2 2, 10 (0 u 23, 4) ecri t
I,' DU
(=
r h i -
iiocerotl)
cessit atrox,bubalus atque vison"j
il
designe
evi-
e1cmment 1'urus
(ou
l'auroch).
'
~4) Cf. ERNOUT, op. eit. p. 118 paraCJr.
38.
(5)
Cf.
le m~mc auteur,
ibid.
(6)
SOLI~I, 27, 23"(ex PLINIO, 8,105).
,(7)
"Est
aliucl animal
in
AFRICA Cirinacia
quod
in
alia
tcrra
fieri
non
legimus.
~quo idem ita 10nge ante infit
"Hienam
~uoquc mittit AFRICA, cui cum spina riget collum continua uni-
tate
;
flcctit
nOIl
nisi toto corporis circumaetu".
DICUIL,
op •
• f-
Cl,-- •
(8) PLINE, VIII, 105.

~3 73
la hy~ne, croyait-on, a les deux sexes; la femelle engendre-
~ a i t sans male';' c eq u I ARI STOT E n i e, s e Ion PLI ~J E. PLI ~l Era p -
borte d'autres faits
merveilleux sur
la hy~ne, sans trop y croi-
~e lui-m~me : par exemple, cet animal imiter~it le langage hu-
~~in, s'exercerait A apprcndre le nom d'un ratre qu'elle ap-
pelle au-dehors pour le mettre en pi~ccs, ctc ...
Gien qu'HERO-
DOTE
(1)
connaisse la hy~ne, c'est ARRIEN qui fournit ~ PLINE
ces principaux traits de l'animal
(2).
Quant a cet autre trait
~e la hy~ne, savoir, le cou et l'~pinc dorsale formant une u-
hit~ rigide et continue, de sorte que l'animal ne peut se re-
tourner qulapr~s une rotation compl~te de tout le corps,
il
rel~ve d'un texte pe~ sGr qu'on r~tablit d'apr~s PLINE (3) et
SOLIN
(4).
Chez
ARRIEN,
U
est seulement dit que la crini~re
de la hy~nc, faite de poils ~pais et durs, se prolonge tout le
long de l'~chine (5).
Enfin, PLINE dit aussi que les hy~nes
naissent tr~s nombrcuscs en Afrique (6).
De l'union de la hy~­
he et de la lionne r./'Ethiopie,
nalt,
selon
le naturaliste ro-
~ain, le corocotte, ~ttange b~te qui imite clle aussi la voix
dc l'homme.
(7).
3 .
L ES L I 0 ~l S
Toujours a' partir de SOLIN (B),
DICLlILsignale les
lions en AfriqueCyr~na'ique, ou ces animau,x affichcnt des com-
portements qui d~fient les lois dc la nature.
Citant done SOLIN,
'DICUIL ecrit
"Le m~me JULIUS parle en ce's mots,
de l'Afrique
Cyr~naJque et de ses lions: "les lions, par deviation (sexuel-
le),
s'accouplent non seulement entre eux,
mais encore avec les
lynx,
les chamdaux,
les el~phants, les rhinoc~ros et les tigres.
Les lionnes mettent bas,
a leur premier lit, cinq petits, puis
le nombre diminue de un a chaque naissance au cours des ann~es
(1)
HERODOTE,
IV,
192.
(2)
Ar.
VIII,S,
2 ;
AG.,
lIT,
6
fin,
arud A.
ERNOUT,
op.
cit.
p.
13B.
(3)
PLINE,
XI,
177.
(4)
SOLIN,
27,
23.
( 5)
Cf.
A.
[ R~l 0 UT,
0 p.
c it.
r. 1 3B•
( 6 )P LHl E ,
VIII,
10 7 •
(7)
PLINE,
VIII,
lOB.
( 8)
SO LHl,
27,
23.

374
~Jivantes, et finaIement, lorsque leur fertiIit~ est descendue
( ".
'
: i
~ un, eIles deviennent steriles pour toujours" (1).
PLINE L'Ancien est ici la r~f~rence de SOLIN, en
ce qui concerne ces moeurs amoureuses assez etranges qui sont
pr2tees aux lions d'Afrique.
S'inspirant lui-m2me d'ARRIEN
(c.
9 5 -·1 7 5 a p.
J. - C. ), r LHI E, e n e ff 'c t, d it q Li e .1 e s Li 0 n s son t
tr~s portes au cort (2) et que le rut rend furieux les m~les
(3).
SeIon lui,
c'est l'Afrique qui est le principal the~tre
de ces fureurs,
car le manque d'eau y rassemble les h2tes aux
bords de quelques rivi~res. "Aussi y voit-on naitre des hybri-
des aux nombreuses formes selon les accouplements divers qui
~~lent de gre ou de force les femelles aux m5les (4). De l~,
aussi,
ajoute-t-jt_,
le proverbe gree
"l'Afrique apporte tou-
jours quelque chose de nouveau
(5) ".
PLINE! refute ensuite la
fable de la lionne qui n'enfantait qu'une fois,
du fait qu'el-
1e se dechirait la matrice avec ses griffes dans ses efforts
pour mettre bas
(6).
11 transmet en revanche,
d'apr~s ARISTOTE,
ce que nous venons de lire chez
DICUIL,
par l'intermediaire de
SOLIN
(7).
ARRIEN
aussi refute cette fable:
"Ld Jionne,
dit-
.il, met
bas au printemps, ordinairement deux petits,
au maximum
six,
parFois un
seul.
La legende selon Idquelle la lionne e-
jecte son uterus en mettant bas n 'est qu 'une sornette ..•
les
Iionnes de Syrie mettent bas cinq fois,
une premi~re fois cinq
pet its,
Pu is end i min u ant cl I un ch aq u e f 0 i s ;
a pr esce 1 a, ell e s
deviennent steriles " (8).
(l)
"Idem JULIUS de Africa CJrenacia et leonibus ill ius his ver-
bis locutus
:
"Leones aversi coeunt,
nee
ips1 tantum,
sed et
Iinees et camel! et elephanti et rhinocerotes et tigrcs.
Et leo-
nae fetu
prima catulos quinque educant,
deinde per singulos nu-
rri e rum ~d emu n t i n se que n t i bus
ann i 5 et po s t rem 0
cum ad un um mate r -
na fecunditas advenerit sterilescunt in
aeternum".
DICUIL,
Ope
cit.
VII,
34,
p.
82.
( 2 )
P L I~! E,
VI I I,
lj·2
(e x Ar.
VI,
1 8 ) •
(3)
PLINE,
VIII,42
(ex Ar.
VIII,
28,
7,
606 b.
sq.)
(4)
PLINE,
VIII,
42.
( 5)
P L Hl E,
VI IT,
L!·3.
(6) PLINE, VIII,
43.
(7)
PLINE,
VIII,
45.
(8)
AfUUEN,
VI,
31,
cite par ERNOUT, Ope
cit.
p.
120.

\\ . I"
375
(,
4
LES ELEPHAHTS
De taus lesani~aux signal~s, seuls l~s ~l~phants
~ont cit~s par les trois auteurs ~ la fois. lIs les localiscnt
~h Maur~tanic, et pr~cis~ment dans la Tingitane(l). Ccs ani-
maux font aussi l'objet du traitement le plus d~velopp~ de la
part de DICUIL et de RABAH.
DICUIL parle de l'~l~phant dans deux passages tout
a fait originaux.
Dans le premier passage,
l'~.l.~phant africain
passe pour inf~rieur, du point de vue de l~ taille ~ l'~l~­
phant de l'Inde.DICUIL cite SOLUI comme l.'auteur de cette af-
firmation
"De meme qu 1 (J nouveau,
JULIUS
(= SOLIN)
rapporte
que les ~lephants de l'11e susdite
(la Taprobane
(2))
sont
beaucoup plus grands que ccux de l'Inde,
de meme,
parlant de
'la Maur~tanie et de ~es ~l~phants, il affirme que ces derniers
sont plus petits que ceux de l'Indc"
(3).
Dans le second passage,
DICUIL se montre ctitique
vis-~-vis de SOLtN qui pretend que l'~l~phant ne se couche
pas.
"Mais,
dit-il,
le meme JULIUS,
en parlant de la Germanic
et de ses lIes,
commet une erreur au
sujet des
el~phants quand
il dit que 1 'el~phant ne se couche jamais, ulars que,
pr~cis~­
ment,
cc dernier se couche comme un boeuf,
ainSi que l'ont vu,
~our la plupart, les peuples de l'Empircdes Francs, au temps
de l'empercur CHARLES.
Mais la raison
de cette uffirmation er-
ronn~e ~ propos de l'elephant, crest peut-etre le fait qu'on
~e distingue pas clairement ses genoux et ses jarrets, except~
lorsqu 1 il se cauche
(4).
(1)
L~auteur Anonyme du De situ orbis, paralt cependant situer
les el~phants dans la Hauretanie Cesarienne (voir infl·a). Cette
erreur vient de!sa sourc~ (MARTIANUS)
dont les materiaux rel~vent
du P~TiplecleSCYLA par I' interm~diaire de POMPOHIUS HELA.
Quant
~ SCYLA DU l'auteur de cc P~riplc, quel ~u'il salt, il a pris
pour base le Periple d'HAHNON,
dont il a confondu les divers
rapports et boulevers~ l'ordre des positions en procedant d'Est
vers l'Ouest.
(2) 11 s'agit de 1'11e de Ceylan
d~nomm~e aujourd'hui Sri~Lanka.
(3)
"Et quemadmodum idem JULIUS elephantes pracdictae insulae
majores multo fieri
quam elephantes India~ nuntiavit,
ita ele-
phantes Mauritaniae minores fuissc quam elephantes Indiae 10-
quens de Mauritania
ipsiusque clephantibus narravit.".DICUIL,
Ope
cit.
VII,
33,
p.
82.
(4)
llS e d idem JULIUS nuntiando de Germania insulisque cjus unum
de elephantibus mentiens falso
loquitur di~en5 elephantcm num-

l
i
3'76
'.
t '
'.1' .
:\\ I'
I:
CompilJnt ISIDQRE De SEVILLE
(1),
RABAN MAUR nous
dbnne cette description de l'elephant
:
"Les Grecs pensent que
,:U e1 ephant est nomme a c ause des a 9r 0 5 S e ur, du f a it qu ' i 1 J
la
Forme d 'une montagne.
Car en grec, montagne se dit
"lophos".
Chez les Indiens, en
revanche,
il s'appelle "barrus" a cause
de sa voix
;
d'oll son cri se dit
"barrisscment", et ses dents
"ivoire".
Son museau s'appelle la "trompe",
parce qu'il s'en
sert pour porter le fourrage a la bouche, et el1e ressemble a
un serpent protege par un rempart d'ivoire.
Les Romains appel-
lent les elephants les "boeufs de Lucanie"
: boeufs,
parce
qu'ils ne connaissaient pas d'animaux plus grands ;
de Lueanie,
parce que c'est en Lueanie que pour la premi~re fois,
PYRRHUS
les utilisa dans la bataille contre les Romains.
Car
cc genre
d 'animal est propre a la gllerre.
En effet,
sur le dos des ele-
phants,
les Perses et les Indiens,
apr~s avoir etabli des tours
en bois, comme du haUl d'unrempart,
combattent aux javclots.-
Les elephants ont beaucoup de memoire et sont tr~s intelligents
ils marchent en
troupe
; ce groupement fait leur force
; ils
connaissent la salutation
ils fuient
le r a t ;
ils s'accou-
plent par deviation.
Quand les femelles mettent bas, elles lais-
sent les petits dans l'eau ou sur une lIe,
a cause des dragons,
leurs ennemis,
qui les tuent en les enlacant.
ElIes portent
~endant deux ans, elles h'engendrent qu'une seule fois, et pas
plus d'un
petit.
Les elephants vivent
trois cents ans.
Jadis,
ils naissaient seulement en Afrique et en Inde ; maintenant,
seule l'Inde en produit.
L'elephant signifie le p~cheur mons-
trueux par
ses crimes, et sale par la laideur de ses mefaits
(2).
(suite) _quam jacere,
dum
ilIe sicut bos certissime jacet,
ul: po-
puli communiter 1'egni Francorum elephantem in tempore impcrato-
ris Kiroli viclerunt.
Sed forsitam
ideo
hoc de elephante ficte
jestimando scriptum est, eo quod genua et suffragines sui nisi
quando
jacet nonpalam apparent.
DICUIL,
op.
cit.
VII,
35,
p.
82.
(1)
ISIDORE,
Etym.,
XII,
2, 14.
( 2)
"E 1 e ph ant em Gr a e c i a ma q nit u cl in e cor po l' i s v 0 cat u m put ant,
quod formam montis proferat.
Graece enim mons lophos dicitur.
A~ud Indos autem a voce barrus vocatur. Unde et vox ejus barri-
tus,
et dentes ebur.
Rostrum autem promuscis dicitur,
quoniam
illo pabulum ori admovet,
et est angui similis vallo munitus
eburneo.
Hi boves lucas dieti ab antiqui Romanis;
boves,
quia
nullum animal grandius videbant;
lucas,
quia in Lucania illos

377
Chez l'auteur anonyme du De situ orbis,
les ~l~phants
sont seulement mentionn~s. Apr~s les fau~es de Libye, qu'il pla-
ce dans les hautcurs
bois~es, au-del~ de l'Atlas, vers la c8te
occidentale,
l'Anonyme signale non
loin
de l~, sept montagnes
appel~es tIles sept fr~res" a cause de l ' ~gaJ.ite de leur sommet.
Ces montagnes,
dit-ll,
abonclent en
el~phants, et sont situees
au-del~ de la Tingitane (1).
A part DICUIL,
qui se montre original et r~fute SOLIN
(2),
pour avoir vu,
lui-meme,
un
~l~phant vivant 0), RABAN
et l'ANONYME,
pour le.ur part,
rep~t~nt les propos des predeces-
seurs : RABAN emprunte ~l'eveque de S~villc (4) sa desc~iption
del I ~ 1 ~ p h ant, tan d is qLA e l ' MW NY~1 E men t ion nee e 5 ani ma LA x d' a p res
fvIARTIANUS
(5).
En placant les elephants en Maur~tanie, DICUIL, RABAN
~t l'ANONYME sont en conformite avec les auteurs anciens. PLINE
auquel remontent en d~finitive leurs propos,
~crit en effet :
"Des auteurs rapportent que,
dans 1es montagnes de Maur~tanie,
leurs troupeaux descendent quand
brille la nouvelle lune,
sur
J e 5
b0 r d 5
d' un f 1 e u v e nom me Ami 1 us"
(6).
PLHI E c e pen d ant 5 i 9 n ale
(suite)
primos PYRRHUS in
praelio objecit Rom~nis. Nam hoc genus
animantis in rebus
bellicis aptum est.
In eis enim Persae et In-'
di lign~is turrib0s collocatis tan quam de muro jaculis dimicant.
intellectu autem et memoria multa vigent
: gregatim incedunt
:
motu quo valent,
salutant, murem fugiunt,
aversi coeunt.
Quando
~utcm parturiunt in aquis vel in insulis dimittunt fetus prop-
ter draeones,
qui~ inimici sunt, et ab eis implicati necantur.
aiennio autem portant fetus,
nec amplius quam semel gignunt,
nee
plures,
s~d tantum unu~. Vivunt autem treeentos annos. Apud 50-
lam AFRICAM et Indiam elephanti prius nasc~bantur : nunc sola
India cos qignit.
Elephas autcm significat peccatorem immanem
5 c e 1 er 'i bus ~
~ t f a c in 0 rum d e for mita t e 5 qU a 1 id um." RA BAN 1"1., 0e
Universo,
Ope
cit.
col.
221-222.
0) ANONYfvlE,
De situ orbis, 1.
II.
p.
58.
(2)
SOLIN,
25,
8.
(3) 11 s'agit de l'~lephant offert ~ CHARLEMAGNE par le calife
de Bagdad,
HAROUN~AL-RASCHID, et que tout le monde admira ~ la
co ur
de 1 I em per e 11 r.
Cf.
ECIN HAR0 , An na 1 e 5,. a.
801
(e d.
Per t z ,
~1. C. H. Script. t. T. p. 190)
;
Annales~1aximiniani, a. 801,
(~d. Waltz, M. C. H. Script. t. XIII, 1881 p. 23.
(4)
ISID.,
Etym.XII,
2,
14-17.
(5)
MARTIAt;J.
VI,
668.
(6)
PLH1E,
VIII,
2.

3'78
./
;
aussi les
~l~phants au-del~ des d~serts des Syrtes, de meme
que
chez
les
Ethiopiens et les Troglodytes
(1).
DICUIL
rapporte
d'apr~s SOLIN, que les ~l~phants
africains sont plus pet! ts
que
ceux de 1 1 Inde
(2).
SOLIN
se
r~f~re a PLINE, qui eerit, d'une part: "Les elephants d'Afri-
que ont peur
de
ceux
de l'Inde
et n 'osent pas
les regarder
ceux de 1 'Indc
sont en
effet de plus grande taille 'l
(3)
et
d 'autre
p a r t :
"L 'Afrique produit dcs
el~phants par··dela les
d~serts des Syrtes et clans la Maur~tanie ; il y en a chez les
Ethiopiens et
les Troglodytes,
eomme on
l ' a dit
;
Illais les plus
grands naissent
dans
1 I Inele ••• "
(4).
Cette idee de
la
superio-
tit~ de l'el~phant indien sur l'~l~phant afrieain se retrouve
~galement chez STRABON (5) et chez DIODORE (6). Dans l'Indc
rileme,
les plus grands elephants
etaient
ceux de 1 '11e de Ta-
pro ban e
( Ce y i an,
a li 50 u r d ' h u i
SRI - L 1\\ 1'1 I< A),
co mme 1 e r a p p 0 r t e
DICUIL
(7).
On
croyait en
effet que
cl~tait clans l'Inde que se
trouvaient
les animaux
et les v~getaux les plus grands
(8).
L 'Etymologie grecque
du
nom
de 1 f elephClii l~ proposee par
RABAN MAUR d'apr~s
ISIDORE de
SEVILLE n'est,
encore une
fois,
que pur e
fan t a i s i e d e l a par t
d e' 1 ' eve que
s e viII an, c h a mp ion
des rapprochements de mots
abusifs.
Le grec
lI e l ep hant"
et
"ivoire"
auquel
le
latin
a
emprunt~ le nom de 1 1 ~lephant
sous la
triple forme ,"el,ephas,
elephans,
elephantus"
(9),
pour-
(1)
PLHIE,
VIII,
32.
(2)
Voir supra.
"
(3)
PLINE VIII,
27.
(4)
PLINE,
VIII,
32.
( 5 )
ST'n ABO N XV,
70 5 •
:( 6)
DI 0 DO [l,E
DES I Cl LE,
I I,
1 6.
( 7)
V0 1 r
s:u p r a ~
(8)
Cf.
PLH1E VII,
21;
VIII,
36.
(9)
L "'n" ,de clephans,
qui,
e1u
reste, ne
se prononyait pas,
pro-·
vient des
autres
cas.
Cf. ERNOUT,
op.
eit.
p.
107.

\\ ..
379
r a i t
b i e net re,
c 0 mme 1 e m0 t
e b ur
":~ v0 ire", un em p l' U n t a l ' e gyp -
tien
(1).
Le premier auteur qui fait mention de l ' c1 ephant est
HERODOTE,
mais il ne le decrit pas,
et ne semble pas en avoil' vu.
C'est seulement avec l'expedition d'ALEXANDRE LE GRAND dans l'ln-
de que les Grecs eurent directement connaissance de cet animal.
La plus ancienne et la meilleure description de 1 'elephant est
don nee par AR1ST 0 T E• C' est 21
c e d ern i e r
que PLn~ E il bcall C 0 U P em-
prunte directement Oll non.
Les latins,
eux,
ne connurent qu'as-
sez tardivement l'elephant,
et par l'intermediaire des Grecs,
dans la guerre contre PMRRHUS
(2).
Le nom
"barrus" ne figure pas
dans PL1NE, mais
il e5t employe chez HORACE
(3)
et est d'ail-
leurs peu usite.
L 'emploi des elephants de guel're est mentionne par
plusieurs auteurS dont le po~te LUCRECE (95-54 av.
J.-C.)
et
PLHI EL' An c i en.
PLHI E d i t a
c e pro p 0 s
" Do mp t<~ s,
i 1 s
( 1 e s e1 e-
phants)
servent dans les armees
ils portent sur leur dos des
tours garnies de soldats,
et en Orient,
ce sont eux qui,
en
grande partie,
decident du sort des guerres
: ils renversent
les ligncs,
ecrascnt les soldats.
Et ces memes animaux sont ter-
rbrises par le cri du moindre cochon
(4)
blesses et effrayes,
ils reculent sans ceSSe,
aussi dangereux
alol's pour leur p~o­
pre parti"
(5).
RABAN et ISIDORE nous disent que les elephants fuient
le rat.
Mais ils ne nous en donnent pas la raison.
Chcz PLINE
L'Ancien,
c'est plutot de haine qulil est question
"De tous
les animaux,
rapporte le naturaliste,
crest le rat que les e1e-
'phants haIsscnt le plus, et s'Jls s'apergoivent qu'un rat tou-
1.
(1)
Cf.
A.
ERr'lOUT, Ope
cit.
p.
107.
( 2 )
Cf.
PLHI E,
\\i I II, 1 6 •
( 3 ) HO RAC E,
Ep 0 cl, " 1 2,
1.
(4)
Cf.
SENEQUE, De Ira,
11, 11,
5 ;
Elien,
I,
38,
XVI,
36,
qui
raconte que 1es Romains l~ch~rent ainsi des coehons contre les
elephants de PYRRHUS,
et les Megariens,
contre ceux d'ANTIPATER.
( 5)
PL HI E,
VI I I,
2 7 •

380
'che au
fourrage place duns leur creche,
ils n 'en veulent plus"
(1). PLINE non plus ne fournit
d'explication sur cette animo-
site des elephunts envers le rat.
l'accouplement des elephants pur deviation n 'est pas
dans PLINE, mais dans SOLIN qui rapporte que les lions,
par
deviation,
s'accouplent non seulement entre eux, mais encore
avec les lynx,
les chamealJx,
les elephants,
les rhinoceros et
les tigres
(2).
L I inimitle entre elephants et dragons,
et qui oppose
ces deux geants de la gente animale dans un duel fabuleux,
est
men t ion nee a u s sip a r
PLI 1'1 E ,
PO MP0 ~II US ~1 EL A (3), APULEE (4 ) e t
LUCAIN
(5).
PLINE rapporte que dans l'Indc, les elephants sont
perpetuellement en guerre avec des dragons
(6) assez grands
eux-m~mes pour les envelopper aisement dans leurs anneaux, et
les etouffer dans 1 'etreinte de cc noeud.
Ce duel,
ajoute-t-il,
se termine fiar
une double mort:
le vaincu,
en SI abat.tant,
e-
erase de son poids le serpent qui 1. 'enlace.
PLHJE donne aussi
des details sur la strategie qu'adopte chacun des deux anta-
gonistes pour l'emporter
(7).
Quant ~ la raison-m~me de cette
inimitie,
le naturaliste ne trouve nulle autre explication,
sinon que la nature,
riit-il,
se compose pour elle-m~me le spec-
tacle de ces duels
(8).
:;
Pour autant que nous sachions,
les auteurs anciens
ne mentionnent pas de dragons en Mauretanic,
contrairement ~
RABAN et a sa source,
ISIDORE De SEVILLE,
qui y signalent la
presence de
I'dragons tres feroces".
La croyance en
la fable du
0)
PLHJE VIII,
29.
( 2)
SOL HI
27, 16.
(3)
MELA Ill,
62.
(4)
APULEE,
Flor.
VI,
p.
20.
(5)
LUCAHI,
IX,
732.
(6)
Dragon est. ici employe pour serpent.
PLINE rccourt ~ ce
sens pour decrire des serpents gigantesques, ou de moeurs e-
tranges,
et de caractere magique.
Cf.
A.
ERNONT,
p.
116.
( 7) Cf.
PLI ~J E \\' I I I,
3 3 - 34 •
(8)
PLINE VIII,
33.

381
duel entre les~l~phants et les dragons paraIt ~tre la raison
qui a amen~ ces deux.auteurs ~ placer aussi des dragons dans
cette r~gion. Autrement dit, la pr~sence des ~l~phants semble
~ppeler celle des dragons.
RABAN MAUR rapporte d'apr~s ISIDORE Dc SEVILLE, quill
n'existe plus d'~l~phants en Afriquc, mais sculement en Inde.
Outre PLINE L'Ancien, nombreux sont les auteurs qui signalent
la pr~sence des ~l~phants en Afrlque du Nord, et notamment en
( Maur~tanie Tingitane. ScIon S. REINACH (1), I' ~lephant qui ne
fIgure pas sur lcs monnaies de la Cyrenarquc et sur celles de
Carthage, est en revanche uncles symboles frequents de la nu-
mismatique numide et mauretanlenne. L'autcur signale aussi la
figuration
de l'~l~phant dans les sc~nes de chasses que repre-
sentent les dessins rupestres de la region
d'Oran,
en Algerie
-;.:
( Z) •
Enfin,
concernant la duree de la gestation dc 1 '~l~·­
phant, PLH1E refuse la croyance populaire qui la fixe a dix
ans pour s'en tenir ~ l'o~inion d'ARISTOTE selon 1aquelle, el1e
est de deux ans,
et la portee,
d'un se~l petit, t~ndis que la
femelle n'engendre qu'une fois
(3).
ARRIDI,
lul,
rapporte pIu··
sieurs opinions sur l~ duree de la gestation: tant6t, il en-
s~igne que la femclle potte deux ans et n'a qu'un petit p~r
portee
(4)
tant6t il rapporte que selon les uns,
la gestation.
dure un an et six mois,
selon d'autres,
trois ans.
L'explica-
tion cle cette incertitude provient,
scIon lui,
de la difficul-
te d'observer le c6rt(5).
Sur la longevite des elephants, PLINE
donne "deux cents ans,
et quelqucfois,
trois cents"
(6).
ARRIEN
hesite entre cent vingt, deux cents et trois cents ans
(7).
(1)
S.
REINACH,
cite par A.
ERNOUT, op.
'+-
Cl".
P • .l 0 8.
(2)
S.
REINACH,
cite par A.
[R~lOUT ,
op.
cit.
P • 108.
(3)
PLHIE VIII,
28.
( 4)
ARRIEN, V, 14, 14.
( 5 ) ARRIEN, VI,
27,
2 apud ERNOUT, p . 11 {~-ll 5 •
( 6)
PL H~ E,
VIII,
78.
I
(7)
ARRIEN,
VIII,
9
;
46
Qpud ERNO~T , p. 115.

382
/ 6ESCRIPTIOt,~ HUMAIN E
Dans l'ensemble,
cinq autcurs nous donncnt des indi-
cBtio~s sur les pcuples habitant la partie scptentrionale de
l'Afrique.
Ccpendant,
pr~s des trois-quarts des renscigncments
sont fournis par un
aut~ur particuli~rcment,
RABAN MAUR,
qui,
de surcrolt, GOUS d6nne certains d~tails.
Les indications pr~sentent deux caract~res
les uncs
sont de type bibliquc
; les autres,
de type classique.
1
LES INDICATIONS A CARACTERE BIBLIQUE
EIIes ~manent de trois auteurs, savoir ANGELOME, FRE-
CULF et RABAN MAUR,
qui assurent ici le telais de la tradition
ex~g~tique. En effet, prenant en compteles donn~es ~tablies
par St.JEROME dans le Commentaire du Livre de la Gen~se, ces
-trois auteurs identifient les G~tules, peuple de l'Afrique du
Nord,
avec HEVILA,
personnage biblique,
pr~sent~ comme un des
fils de COUSH L'Ethiopien
:
"HEVILA,
expliqucnt-ils d'un com-
.::.
;
mun accord,
ce soht les G~tules~ fix~s dans le d~sert, dans la
.:-., .:::
parl:ie la plus teculee de 1 'Afrique"
(l).
2 • LES INDICATIONS A CARACTERE CLASSIQUE
Elles sont de loin les plus importantes et sont don-
nees par RABAN et deux autres auteurs,
JEAN SCaT ERIGENE et
REMY D'AUXERRE.
, O a n 5
un
ch a pit red u 0 e Uni v er so,
in t i. t u1 ~ " 0 e 5 nom 5
des peuples",
nASAl"! IV1AUR traHe des diffh',ents peuples de la
terre;
au nombre figurent neuf qui appartiennent ~ l'Afrique
(i)
"Evila,
Getuli in parte remotioris Africae,
eremo cohaeren-
t e 5 ". Ml GEL 0 MUS,
C0 mmen tar ius 1n Gen e 5 i m,
0 p.
c i t.
coL
1 64 .
- FRECULPHUS, Chronieon,
op.
eit.
col.
93[~.
- RABAN MAUR, Comment.
in lib.' 11 Paralipomenon, op.
eit.
col.
283;.irlem,
Comment.
in Cenesim,
op.
cit.
col.
527.
- Cf.
HIE R0 ~I YIv) US,
He bra i e a e Que 5 t.
i n Gen. ,- la,
7.

Septentrionale.
Passant ces peuples en revue,
l'abb~ de FULDA
tbnte de les d~finir les 0ns apr~s les autres ~ travers ce
I
qu'il consid~re comme leurs caract~rlstiques principalcs, savoir
leur nom et leur origine.
a / Les AFIU
Empruntant a ISIDORE De SEVILLE,
RABAN nous pr~sente
ainsi ce peuple
: .. "Les AFRI ont reGu leur nom d 'un
descendant
d'ABRAHAM,
appel~ AFER
eet homme,
dit-on,
ayant conduit une
arm~e contre la Libye, et s'~tant ~tabli dans le pays une fois
ses ennemis vaineus,
donna ~ ses descendants le nom de leur
ane~tre et appela les AFRI, AFRIQUE (1).
Comme nou~ l'avions not~ pr~e~demment dans les hypo-
th~ses sur l'origine du ri~m du continent africain, cette tra-
dition,
qui fait d'AFER,
fils
d'ABRAHAM et de CETURA,
l'anc~­
tre &ponyme des AFRI,
est transmise par l'historien
J0if JO-
SEPHE, qui la rapporte dans ses
"Antiquites ,juives"
(2).
En reallt&,
AFER est un ethnique qu10n
trouve dans
PLAUTE.
Pour rappeler ses origines afrlcaines,
dont
il semblait
si fier,
le poete TERENCE se donna
le surnom d'AFER.
Cet eth-
nique dont d~rivent des formes eomme "Africus,
Afrieanus,
A-
frica" semble avoir
~t~ utilis~ pour designer la population
qui vivait sur les territoires soumis au contr8le politique ct
administratif de Carthage.
11 est frequemment employe dans la
iittcrature et l'historiographie latines posterieures a la
destruction
de Carthage et ~ la er~ation de la Province romai-
ne d'~frique (3).
(1)
"Afri appeLlati ab uno ex posteris ABRAHAE,
qui voeabatur
AFER,
qui dleitur duxissc adversus Libyam exercitum,
et ibi
vlctis hostibus eonsedisse,
ejusque pOsteros ex nomine atavi,
et AFROS AFIUCAM nuneupasse".
RAOAN MAUR,
De Universo,
op.
eit.
coL
443.
:.. ISIDORE,
Etym.
IX,
2,
115.
(2)
Voir Supra.
(3)
Cf.
DECRET et FAtHAR,
Ope
clt.
p.
23.


I
384
Dans l'emploi dlAfer,
on observe une,cert~ine confu-
~ion chez les auteurs. Pour TITE-LIVE par cxemple, les Afri
~embient corresp6~dre aux Libycns de Polybe, c'est-~-dire, dUX
I
0fricains soumis ~ Carthage.
Dans les indica,
ARRIEN qualific
1 1 amiral carthaginois HANNON
de Libycn,
tandi~ que chez HORACE,
HANNIGAL est qualifi~ d'Afer.
(1).
Chez certains auteurs latins,
les Afri sont dis-
tincts des Maures ou des Numides,
de sorte que l'ethnique "A-
fer" paralt designer une tribu ou une federation
de tribus dont
les territoires correspondraient en gros ~ la Tunisic du Nord-
Est
(2).
Chez CICERO~1 (Ad Quintum fratrem)
et PLINE Le Jeunc,
on note que les habitants de la Numidie annexee par CESAR sont
parfois designes par l'ethnique
"Afri" (3).
Chez d r uutres au-
t e u r 5,
c' est t 0 u tela pop u 1 a t ion nor d - a f r i c a i n e qui est cl e 5 i 9 nee
par l'ethnique "AfrL"
(4).
St.GSELL signale meme un cas ou "A-
fri" fut employe pour designer les habitants de tout le conti-
nent africain
(5).
',".
Au terme de cet examen,
nous retiendrons deux choses
d 'une part le caractere tres mouvant de l'ethnique "Afer",
qui
est'~ l'origine du nom Afrique ; d'autre part, la confusion que
lion remarque dans l'historiographie classique,
au sujet de
i'utilisation de cet ethnique.
b / Les Punique's ou C'arthag inois
RABAN les definit ainsi dans des termes empruntes a
ISIDORE
:
"Les Puniques sont les Carthaginois ainsi denommes
~ par~ir des Phenicicns, qui emigrerent avec DIDON ; le nom
des Tyriens leur vient de Tyr,
la ville phenicienne d'ou ils
.partirent pour venir s'etablir sur la cote de l'Afrique"
(6).
(1)
Cr.
DECRET et FAtHAR,
Ope
cit.
ibid.
(2)
Cf.
DECRET et FANTAR,
Ope
cit.
23.
(3)
id.
et ibid.
( 4 ) SAL LUSTI
,
La Gu err ed e J u gu r t ha,
XVIII,
.3
j
COR NELl US NEPOS,
Lysandre,
Ill,
2
;
POfvlPONIUS MELA,
I,
25
;
POMPONIUS MELA,
I,
25;
PLINE L I Ancien,
Hist.
nat.
VII,
200,
apud
DECRET et FANT f\\R,
p.
23.
(5)
Sf.GSELL, Hist.
an Afr.
N.,
t.
VII,
p.
7.
apud
DECRET et
FANTAR, Ope
cit.
r.
23.
(6)
"I'oeni autem Carthagincnses sunt a Phocnicibus nuncupati,
qui cum Didone profecti sunt
: Tyrii vero a Tyro urbe Phocnicum no-
minati,
de qua
rrofccti sunt,
et in Africac littus venerunt".
Rf\\BAN MAUR,
De Universo,
col.
443. ,-Jsld.
Etym.,
IX,
2,
116-117.

385
Selo~ M. FMITAR (1), l'ethnique "phenicien" designe
cn
fait
deS Can~~~ens enrichis par de nouveaux apports ethni-
ques,
techniques et culturels issus elirectement OU indirecte-
~~nt de la fameuse invasion des peuples de la mer, fait marquant
l'age clu fer.
Le
t,erme
"pheni~i:ien", usite seulement par les
Crccs et leurs imitateurs est tire d'une racine designant a la
fois un arbre et une couJeLir
: il s'agit du palmier et de la
couleur rouge-pourpre.
La
justification de cet ethnique ? La
theorie la plus courante actuellement reconnait clans
llpheni-
'cien" la traduction de
"canane"en"
qui lui-meme se rattacherait
~ une racine semitique contenant le sens de rouge-pourpre (2).
Pour le constat des
rapportschronologiques entre
la gen~se
de 1 'ethnique "plll~nicienfl et les ehangements introduits dans
l'unlvers cananeen ~ la suite des circonstances creees par
l'inv~sion des Peuples de la Mer et l'invention de la metallur-
gie elu fer,
nous,renvoyons a J'expose de M. FANTAR (3).
L1installation des Phenlcien~ en Afrique du Nord
s'inscrit dans uh cadre plus general,
celul de la grande aven-
ture de ce peuple a travers la Mediterranec occidentale. Dans
cette aventure,
on
distingue generalement une phase d'explora-
tion ou de reconnaissance,
suivie d'une phase d'exploitation
d'abord strictcment commereiale,
m~terialisee sur le terrain
par de petits comptoirs destines a faciliter les mouvements de
la flotte marchande.
A ces petits comptolrs egrenes le long
des c6tes mediterraneennes se substitu~rent ensuite des etablis-
sements permanents,
c'est-a-dire des veritables colonies de peu-
plement.
.
En ee qui concerne l'Afriquc du Nord,
on ne sait pra-
tiqucment rien sur la phase d'exploratlon
: elle se perd dans
~n passe lointain ; on la situe avant la fin du Xlle 5. ay. J.-
C••
La phase d1exploitation
beneficic,
clle,
des temoignages,
(1)
DECHET et FANTAH,
op.
cit.
p.
46.
(2)
Les m&mes auteurs,
ibid.
(3) Voir DECHET et FANTAR,
op.
cit.
p.
~7 et suiv.

386
de l'historiographic antique et du concours de l'arch~ologie.
D10DORE De S1C1LE, par exemple,
nous donne des renseignements
vraisemblables
: "Les Pheniciens qui,
rapporte-t-il,
depuis
une ~poque lointaine, naviguaient sans cesse pour faire le
commerce,
avaient fonde beaucoup de colonies sur la cote de la
Libye et un certaIn nombre d'autres dans les parties occiden-
tI
tales de I' Europe
Cl).
Comme on le voit,
ce texte de. D1DDORE concerne les
actIvites commerciales des Phenicicns en Mediterran~e, et les
fondations de ces derniers en Afrique du Nord et sur certaines
cotes de l'Europeoccidentale.
Concernant ces fondations pheniciennes en Afrique
du Nord,
STRABON rapporte lui-aussi
:
"Les Phenicicns parvin-
rent au-del~ des Colbnnes d'HERCULE et fond~rent des villes
dans ces parages,
comme aussi vers le milieu de la cote de la
Lib ye,
pe u de t em ps a pr e s· 1 a 9 u err e de Tr 0 i e
(2).
Et \\f ELL EIUS
PATERCULUS precise qu'environ 80 ans apres la chute de Troie
(3),
"la flotte tyrIenne qui dominait sur la mer,
fonda Gades
~4) ~ l'extremite de l'Espagne et au terme de notre monde ;
Utique fut fondee par·les Tyriens, peu d'annees apr~s (5). U-
tiquc elle-m~me avait ete precedee de bien d'autres fondations
dont les plus importantes etaient
: Lixus,
fondee vers 1 100
a v.
J •.. C•
( d an s 1 are 9 ion diE L ARAC H- LARA CH E)
Le p t I s Ma 9 n a ,
en Tripolitaine,
Hippo Regius
(6),
et Tingi
(Tanger).
,
11 est impcrtant de noter,
a propos de ces fondations
phenieiennes,
que pendant une longue periodc,
c'est-~-dire,
pres ~e trois ~ q~atre siecles,
il s'est agi d'etablissements
(1)
DIODORE De SIC.
V, 20. apud DECRET et FANTAR, p. 49.·
(2)
STRABON,
cite par GENEV1EVE DESIRE-VU1LLEH1N,
Ope
eit.
p. 73.
(3)
Vel's 1 100 ay.
J.-C.
(4)
Gad~s : actuellement Cadix.
( 5)
v. Pat ere u1 us, c i t ~ P Cl r GE~J EVI EVE DES IRE- VUILL nu N, p. 7 3 .
Uti que a ur a i t
et e f 0 n d eeve r s 110 I a v. J •.-C•
(6)
HIPPO RECIUS : Hippo siCJnificrait
"port" en phenicicn
; Hip-
po RcgIus
: Port royal.

387
provisoires,
cc qui
devait se traduire par des constructions
l~g~res et un renouvellement contlnu des r~sidents charq~s de
la bonne marche des affalres.
Mais ~ partir du VII le si~cle,
intervient un changement radical
dans la nat~re de la pr~sence
ph~nicicnne en Afrique du Nord. Cc changement se traduit POf
, :','
le passage du comptoir dont
l'objectif
&tait essentiellement
commetcial,
~ des ~tablisscments permanents, de type colonies
de peuplement,
avec un
transfert de population
d'Est en Ouest,
des cit~s ph~niciennes de la cate syro-palestinienne vers l'A-
friquc
du Nord,
appcl~es ~ joucr un rale consid~rable avec Car-
thage.
On peut se demander quels sont les facteurs
responsa-
bles de ce changement ? DIODORE De 5ICILE
(1)
laissc entendre
l'existcnce d'une colonisation officielle,
qui
serait la cons&-
quence du commerce cxerc~ par les ph~nicicns en M~ditcrran~e
occldentale.
5ALLU5TE
(2)
laisse entendre, quant a lui, une
colonisation qu'on pourrait qualifier de
spontan~e ou de sau-
vage
; cc serait une colonisation priv~c
faute
de moyens de
bien vivre chez eux o~ l~ press ion d~mographique ~tait forte,
des Ph~niciens ~migraient donc pour aller s'installer aillcurs,
~.
notamment sur les cates nord-africaines,
dans l'espoir d'une
meill.cure vie? 5ALLU5TE
Fait allusion
~ des aventuriers qui,
faute d'avoir pu faire carri~re chez eux, pattaient en qu~te
de meilleurs ho~izons. Comme il
leur fallait des gens pour fon-
. "::
der une colonie et entrcprendre une
aventure qui comporte des
risques,
ils ne manquaient pas de recourir a ~a propagande et
~ tous les moycns possibles pour sensibiliser et s~duire les
m~contents ind6cis, les aventuriers, les hommes avides de nou-
veaut~s ; mais le gros de leur troupe dcvait se composer des
gens du peuple,
notamment ceux des villes,
tels les artisans
en cho.mage, lesdockers,
les m,arins licenci~s" etc ...
(3).
(1)
DIODORE,
V,
35
:
"Ce commerce,
exerc~ par cux pendant lor1\\l-
temps,
accrut leur p~issance et leur permit d'envoyer de nombreu-
ses colonies soit en 5icile et dans les lIes voisines,
soit en
Lib ye,
e n 5 a r d Cl 1 9 nee ten I b er i e ".
a p u dOE CRET e t
F MlT AR,
p.
5 1 .
(2 }
5 ALL U5 TE,
La 9 u err e d e Jug u r th a, XI X ~ 1 - 2 : " L_ e 5 Phen .i. c i ens,
les uns pour d.i.minuer
la population qui se prcssait chez eux,
les autres,
par e16sir de domination"
entralnerent des gens elL!
peuple et eJ'autres hommes avirles de nouveaut~s et fonderent sur
le bord de
la mer Hippone,
Harlrumete,
Leptis et e1'autres villes.
Ccs colonies prirent vite un grand rlevcloppement et e1evinrcnt
l'()ppui ou l'honneur
de leur m~re-patrie", apud DECRET et FAN-
TAR, 0 p.
c it.
p.
52.
(3)
CL
DECRET et FA~ITAR, Ope
cit.
p.
52.

388
11 ressort de ce qui pr6c~de ~ue les fondations ph~­
niciennes ~tablies en Afrique du Nord r~pondaient ~ des situa-
tions diverses et pour ainsi dire sp~cifiques. Les causes qui
ont pr~sid~ ~ la fondation de Carthage (1), la plus prestigieu-
se de toutes
les fondations ph~niciennes, n '6chappent pas ~
1 a r eg 1 e.
Les questions concernant la date et les causes de la
fondation
de Carthage oht
~t~ d~battues. Les origines de Car-
thage bai~nent dans la l~gende. SeIon la tradition, cette vil-
le aurait ~t~ fond~e par une princesse de Tyr,
ELlSSA, ,soeur
du roi PYGMALION ct ~pouse d'ACHERbAS (2) ,grand pr8fie du
dieu MELGART.
Devant la tyrannie et
la cupidite de PYGMALlON
qui ne recula pas devant le crime pour s'emparer des richesses
de son beau-fr~re, ELlSSA prit le chemin de l'exil en s'en-
fuyant de Tyr avec un groupe de partisans et ses richesses.
Apr~s une navigation pleine de peripeties; ~ princesse aborda
en Llbye.
Les cheFs locaux consentirent ~ lui vendre le ter-
rain qui serait d~limit~par une peau de boeuF. Mais ELlSSA
'(appel~e ensuite DlDO~I) decoupale cuir en fines lani~res qu'cl-
le mit bout ~ ~out. Ce qui lui permit d'ehclore un espace suf-
fisant pour fonder
une ville et installer ses compagnons
(3).
Une fois faite la part de la l~gende, on croit pou-
voir dire que la naissance de Carthage repondait ~ une volont~
politiquc ou oFficielle ;
il s'agit d'une fondation officiclle,
con9ue et r~alis~c par la ville de ~yr.La princesse ELlSsA
semble avoir
joue de pres ou de loin un r61e dans la conception
ou la realisation
du projet. Mais la l~gende sans doute a sures-
time son rBle enlui attribuant tout le merite de la fondation
(4).
(1) Carthage est la traduction frangaise du latin Carthago,
t ran s po: i t ~ 0 n p h0 n e [;i que ~I u g~' e c
k 0( fx.. '1 8' c:, v (r< a 1~ c I: e ~ 0 n) q 1I i
transcrlva~t assez arrroxlmatlvement le vocable phenlclcn Qart
Hadasht
: Ville Nouvelle.
- Cf. G.
D.-VUlLLEMlN, op.
cit.
p.
73
n.
4.
(2)
Acherbas
: deformation latine du phenicien
Zlkerbaal
(ou Si
k e r
b a a I ). Cf.
D[ CRET e t
FAN TAn,
0 p.
c i t.
p.
5 l~
(3)
Cf.
G.
D.-VUlLLEMlN,
Le Monde Lybico-Berbere dans l'Antiqulte,
dans D.
P.
A.
nO
7,
Ed.
I.
P.
N.,
1964,
p.
72,
n.
1.
(4) Cf.
DECRET et FANTAR,
l'Afrique du Nord dans l'Antjquit~, op.
cit.
p.
54-55.

389
A premi~re vue, la fondation de Carthage peut ~tre
consid~r~e comme la retomb~e d'un conflit ayant oppos~ le tr8ne
~ l'autel. Voulant amoindrir la puissance du grand pr~tre, PYG-
MAL10N aurait suscit~ une violente opposition qui, vaincue, dut
s'exiler vers l'Occ.i.dent.
Mais cette hypothese se heurte a une
difficult~ s~rieuse. Rien dans l'historiographie antique ne fait
allusion
~ un quelconque conflit entre Carthage et la ville de
Tyr.
Bien au contraire,
il est plut8t question de la
tres haute
consid~ration que Carthage avait manifest~e envers la mere-
patrie,
tout a~ long de son histoire.
Cette d~f~rence se tra-
duisait mat~riellement par de riches cadeaux adress~s au tem-
ple de Melgart e~ par des sacrificcs.
Bref, Carthage s'~tait
toujours compott~e comme la fille de Tyr.
Aussi est-l1 diffici-
le.de voir en elle une fondation
issue de la rupture avec le
pouvoir tyricn.
11 s'agirait plut6t d'une fondation
offlcielle,
b~n~ficiant de la sollicitude de l'Eta~ ph~nicien, et en l'oc-
currence du roi et des milieux dirigeants.
La
pr~sence d'une
princesse,
ELISSA
(ou Didon),
soeur du roi et ~pouse du grand
pretre de Melgart soulignerait plut8t le caractere hautement of-
ficiel de cette fondation
(1).
Du feste,
d'apres le choix du site,
il semble que
d'embl~e, on voulait faire de Carthage une cit~ importante sur
le plan
~conomique ct sur le plan strategique. Cette politique
repondait ~ la situation qui pr~valait alors en Ph~nicie. Ce
qui nous am~ne ~ la question de la date de la
fondation
de Car-
thage.
Les donhees de l'historiographie antique proposcnt la
fin du IXe siecle ay.
J.-C.,
alors que·les t~moignages archeo-
logiques,
reconnus ~ ee jour, ne remonteraient pas au-del~ de
la
lG~ moitie du Vllle siecle ay. J.-C. 11 serait raisonnable,
pense M.
FANTAR
(2),
de situer la fondation
de Carthage entre
la fin
du IXe siecle et le milieu du V1lle siecle,
et m~me de
se rapprocher davantage du milieu du Vlllc siecle,
epoque ou
., -.:.
(1)
Cf.
DECRET et FANTAR,
op.
elt.
p.
5l~.
(2)
idem p.
55.

390
.ies Ph~niciens vivai~nt sous le signe d'un double danger,
leurs
int~r~ts et leur vie m~me ~tant menac~s par les Assyriens en
Orient,
et par
les Gre~s en M~diterran~e occidentale
(1).
Car-
thage succ~da done ~ Tyr en tant que grande place commerciale,
tout en disposant des moyens pouvant garantir la
s~curit~ des
richesses
ph~nicicnnes contre la cupldit~ assyrienne et contre
le danger que repr~sentaient les Grecs, eux aussi, commer~anls
entreprenants.
Ses activit~s 6conomiques et ses responsabilit6s
militaires firent de Carthage la plus grande fondati~~ ph6ni-
cienne.
c
/ Les G6tu les
Se r~f6rant toujours ~ l'~v~que de S~ville, RABAN
MAUR explique <:Iinsi l'origine des Getules
"On raconte que
les G~tules 6t<:lient des G~tes, qui,
ayant
q~itt~ en grand nom-
bre leur pays sui des navires,o£eup~rent la r~gion des Syrtes,
en Libye.
Et parce qulils descendaient des G~tes, on
les a ap-
pel~s G6tules, par d6rivation. De l~ vient cette opinion chez
les·· Goths,
qu' ils appel~rent a eux les Maures, lesquels etaien t
voisins d'eux p~r la consanguinite,
par suite de I'anciennc
parente qui
les unissait" (2).
Le t e r me" G~ t u I cs"
r 0: : 1:: ouAo L en 9 re c, Ga e t u I i ,
en latin)
qui se reneontre depuis la findu
lIe si~cle ay.
J.-
C.
(3),
d6signe des
indig~nes d'Afrique du Nord qui paraissent
avoir
6t6 auparavant confondus dans
l'ensemble de peuples ap-
(l)
Cf.
DE CR.E T et FAN TAR,
0 p.
c it.
p.
54.
(2)
"GetuIi Getae dicuntur fuisse,
qui
ingenti agmine i:1
locis
suis navibus conscendentes Ioca Syrtium
in. Libya occupaverunt
et quia ex Getls venerant,
inde derivato nomine Getuli cognomi-
nati sunt
; unde et opinio est,
apud Gothos ab antiqua cogna-
tione Mauros consanguinitate propinquos sibi vocare".
RAIJAN MAUR,
De Universo,
op.
eit.
col.
443.
- ISIDORE,
Etym. IX, .2,
LLB.
(3)
Tite-Live,
XXIII,
18,
1.
Cf ST.GSELL,
Hist.
anc.
Afriguc du
Nord,
op.
cit.
t.
V,
p.
109.

391
?el~s Numides. On suppose qu'au d~part, ce nom s'appliquait
a une tribu,
avant de s'~tendre a bon nombre d'autres' (1).
Jamais ccpcndant les 'G~tules n 'ont constitu~ un E-
tat
(2).
C'~taient les habitants d'une vaste zone qui s'al10n-
geait au Sud des r~gions bord~es par la M~dltetran~e et occu-
,
pees par
les Maures,
les Mas~esyles, les Massyles,
les sujets
de Carthage et de Rome;
au Nord de la lisi~re saharienne qu'oc-
cupaient ca et la des Ethiopiens (3). La G~tulie (Gaetulia),
com~e expression g~ographiquc, s'applique done a une suite de
plaines seches et nues,
ainsi qu'aux chaines de montagnes qui
la bordent du c6t~ du d~sert
(4).
Les J.imites m~ridionales de
cette zone s~paraient les domaines des Blancs et des Noirs.
Mais il n'y a point de preuve que la G~tulle ait eu au Nord,
des limites anthropologiqucs.
La structure du sol et du cli-
mat n'imposant pas non
plus une d~marcation p1'~cise, on peut
c1'01re que le nom de G~t~les a ~t~ donn~ aux tribus qui,
lors
de la constitution des 1'oyaumes maure,
masaesyle et massyle,
sont rest~s en d~ho1's de ces Etats (5).
Au Ma1'oci il y .~va1t des tribus g~tules entre l'oued
130u negreg,
le Littoral de l'Oc~an et 1 'Atlas
(6),
ainsi que
dans l'Atlas mcme
(7).' Laprincipale ~tait la tribu des Auto-
loles
(8)
; leur territ01re tres vaste s'~tendait dcpuis le
voisinage de nabat jusqulau-dela de Mogador
(9).
Dans l'Alg~-
0) Cf. GSELL, op.
clt.
p.
109.
(2)
STRABON
(XVII,
3,2)
dlt des Getules quills sont le plus
grand des peuples libyques.
En r~alit~,
c'~tait,
selon l'expres-
sion de GSELL,
"une longue train~e de tribus" (cf.
GSELL,
op.
cit.
t'. V, p. 109) ; POMPO~lIUS HELA (1,23) ecrit
"Natio f1'e-
quens multiplex Gactuli".
(3) Voir SALL.
Jug.,
XIX,S;
STRABON, 11,
5,
33'; PLHJE,
XXI,
77 ; PTOLEr~EE I~,
5.
apud ST.GSELL,t.
V,
p.
109 n.
6.
(4)
STnABON,
XVII,
3,
9 ; XVII,
3, 19 ; PLINE,
XXV,
78-79.
(5)
Cf.
ST.GSELL,
op.
cit.
p.
t.
V,
p.
110.
(6)
PLINE V,S;
cf.
GSELL,
p.
110.
(7)
AGnIPPA apud PLINE, V, 10 ;
PTOLEMEE,
IV,
6,
6.
apuci GSELL
p.
1l0.
(8)
PLINE,
V, 17 ; 11 faut co1'rlger Autoteles en Autololes.
(9) Cf.
ST.GSELL,
op.
cit.
p.
Ill.

392
rie orientale,
la limite septentrionale
du
pays
g~tule passait
~ peu de distance au Sud de Cirta (ex-Constantine) ; au Midi,
le fleuve Nigris separait la Getulie
de
l'Ethiopie
(1)
:
c'e-
tait tr~s probablement l'oued Djedi,
qui va depuis
les environs
de Laghouat
jusqu'au Sud-Est de Biskra
(2).
Au
Sud
de la
pro-
vince romaine
d'AFRICA,
les Getules atteignaient le littoral
des Syrtes
(3).
On
signale aussi
des Getules en
Tripolitaine
et m~me en Cyn~raIque (4).
Enfin,
les Getules
etaient presque
tous
des nomades
(5).
d I Le s L ib y en s
En
ce qui
con c ern e 1 e s
Lib yen s,
con t r air e men t a ' s a
m~thode, RABAN n~ propose pas d'explication sur leur nom ni
sur
leur origine.
Bien
plus,
i l ne mentionne ce
pcuple qu'JU
passage
:
-
dans un
cas,
RABAN
alt~re deliber6ment les pro-
pos de
l'eveque de Seville,
qui disait
"Les
premiers habi-
tants
de
l'Afrique
furent
les Libyens,
ensuite les Afri,
puis
1 e s
G~ t u le s , en fin
1 e s
r~ a u res e t le s Num i des" (6 )
i 1 e e r i t,
q u ant ~ lu i, " Af r i q u,e" f u t I e pr e III i ern 0 m des Lib yen s, ens u i t e
des Afri,
puis des G~tules, enfin
des Maures et
des Numides"
( 7) .
-
dans un
autre,
en
expliquant 1 1 0rigine
du nom
des
Maures,
il rapporte d'apr~s ISIDORE,
que ce sont les Libyens,
(1)
PLINE,
V,
30.
(2)
CL
GSELL,
p.
Ill.
( 3)
Vir q.
En e i de,
V,
1 9 2
" i n Ga e t u 1 i s
S y r t i bus"
;
F 10 r us,
I I ,
31
:
liGaetulos accolas
Syrtium"
;
STRABON;
XVII,
3,
9.
Apud
GSELL,L,p.
Ill.
(4)
STRABON,
XVII,
3,
19 et
23
;
OROSE,
I,
2,
90.
Apud
GSELL,
p.
112.
(5)
SALL.
Jug.,
XIX,
6 ;
POfclPONIUS MELA,
111,104
OROSE,
VI,
21,
18.
apUdGSELL,
p.
112.
(6)
ISID.
Etym.,
IX,
2,
119
:
"Africam autem
initio
habuere Li-
byes,
deinde Afri,
post
haec Cetuli,
postremum Mauri et Numides".
(7)
"Africam autem
in
inil~io nomen habuere Lib'yes, deindc Afri,
post Getuli,
postremo Hauri ct Numidac".
RABAN IvJAUR,
De Universo,
op.
cit.
col.
444.

~193
~abitants de l'Espagne voisine, qui par alteration du nom des
~edes, y substituerent la forme Maure, dans leur langue bar-
hare (1).
Par le ter.mei\\.~tuEc;(Libyens) les Grecs designaient
soit l'ensemble des habitants de l'Afrique du Nord,
soit une
partie d'entre eux. 11 serait d'origine africaine
(2).
Des do-
cuments egyptiens anterieurs au ler millenaire ay.
J.-C.
men-
tionnent les Rebou ou Lebou,
peuple qui vivait entre la val-
lee du Nil et le golfe des 5yrtes
(3).
Les Grecs ont connu ces
Lebou,
soit indirectement,
par l'intcrmediaire des Egyptiens,
soit directement sur
le littoral mediterraneen
ils 1es ap-
pelerent j\\ I/~vEc:;et leur pays J\\,g~l'\\. (Libye), nom qui se trouve
' :
dans l'Odyssee d'Homere
(4).
Des le VIe siecle ay.
J.-C.,
le nom Libye avait ete
~tendu a tout le continent africain par les geographes ionien~
(5)
et il garde par la suite cette signification.
Cependant,
le mot Libyen
lui,
ne recut pas une extension aussi grande.
Pour HERODOTE,
par exemple,
la Libye
" es t
occupee par
deux
peuples indigenes,
•••
les Libyens et les Ethiopiens,
qui ha-
: ....
bit e n t,
1e sun s a u ~l 0 r d,
1 e s
aut res a u 5 u d del a Lib ye"
(6).
Chez des auteurs plus tecents,
le terme Libyen est applique aux
habitants de l'Afrique septentrionalc,
depuis les confins Ouest
de l'Egypte jusqu'~ l'Ocean Atlantique, depuis la Mediterranee
jusqu'au pays o~ vivent les Ethiopiens. Ainsi par exemple, les
(1)
"Hedi autem cum Libyis se miscuerunt,
quiproximam Hispa-
niam inhabitabant,
quorum nomen
paulatim Libyes corruperunt,
barbara lingua ~'lauros pro Medis appellantes, .•• 11
RABAN ~MAUR,
De Universo,
op.
cit.
col.
444.
- 15ID.
Etym.
IX,
2,
122.
'~"'"
( 2)
Cf.
5 T • G5 ELL,
H • A • A • ~J • t. V, p. 10 2 •
(3)
BATE5,
The Eastern Libyans,
p.
212
5T.G5ELL, HERODOTE,
p.
70;
le meme auteur,
Hist.
A.A.N . t .
V,
p.
102.
(4)
HOHERE,
Odyssee,
IV,
85
;
XIV,
295.
Cf.
G5ELL,
op.
clt.
p.
102.
.
....
....
(5)
HEI~ODOTE, 11, 16. Cf. GSELL, HERODOTE, p.
71
; Hist.
A.
A.
~ t.
V, ,p.
1 0 2 •
(6)
HERODOTE,
IV,
197.

394
Nu~ides, les Maures, les Massyles sont des Libyens (1).
Dans divets:pass~ges d'aoteurs tcils DIODORE De SICILE,
POLYBE nu APPIEN
(2),
un sens plus restreint encore a ~t~ donn~
au mot Libyen.
Les Grecs appelerent ainsi ceux que les Romains
nommerent AFRI,
c'est-~-dire, les indigenes du territoire sou-
mis ~ la domination officieIle de Carthage, par opposition au·/
(Nomades),
qui vivaient au-de1~.
Probablement Ies Carthaginois ont eux Jussi d~sign6
des indigenes sous ee terme car des inscriptions de la Carthage
punique mentionnent des gen~ appel~s LBY, LBT
(= LoubI
? Lou-
bat ?),
e'est-~-dire, autant qulil semble, IIIe Libyen ll , r~a Li-
byenne ll
(3).
Plus tard, au d~but du ler siecle de notre ere,
une inscription neo-punique qualifie de IIchef de l'armee au pays
des Loubim
(LWBYfvI)1I un proconsul de la province dlAfrique
(4).
Les Phenicicns ont-ils emprunt~ aux Crecs ou bien ont-ils des
une epoque Iointaine,
fait usage de cc nom quIlls auraient em-
prunt~ plut8t aux Egyptiens ?
11 semble que 1es Hebreux ont connu ce terme par Ies
Ph~niciens : on 1e trouve sous la forme LehabIm dans un pas-
sage tres ancien de la Gen~se (5), et sous la forme Loublm
'dans des textes plus recents de la Bible
(6).
5'11 semble
(7)
que des indigenes usant de la lan-
gue grecque acceptaient ce nom que leur donnalent les Grecs,
en
revanche, onn'a aueune preuve que ce nom ~tait usite chez les
(1)
VOir ST.GSELL,
H.
A.
A. N.
t.
11,
p.
99 n.
4 ;
t.
V.
p.
103
GSELL,
HERODOTE,
p.
119 n.
1.
(2)
DIODORE,
20,
55,
4,
distinglle nettement les Libyens,
sujets
de Carthage,
des Nomades
(
) ;
P61ybe, Ill,
33,
15 et
16; Cf.
GSELL, op.
cit. t.
11,
p.
99 n.
5 et 6.
(3). Voir GSELL,
op.
cit.
to
IV,
p.
174 n.
13 et 14 ;
t.
V,
p. ,D3
(4)
Rep.
d'epigr.
semit.,'II,
662 et 943.
apud GSELL,
t.
V.
p.
1 0 L~
(5)
Genese X,
13.
(6)
II
Chron.
XII,
3 ;
ibid.
XVI,
8
;
NAHUM Ill,
9
DANIEL XI,
43.
(7)
Voir
GSELL, Ope
cit.
t.
V.
p.
J.04.

3Q l)'
v '
in dig en e s qui p'a r 1 a i 'e n t
s e u 1 em e n t I e u l' pro p r e I a n ~l u e. Cer fe s
on trouve les Libyens ,mentionn~s avec les G~tules comme les
plus anciens habitants de l'Arrique du Nbrd,
dans le recit que
SALLUSTE'
reproduit d'apres des "libri Punici"
(1),
recit con-
forme,
affirme-t-il,
~ l~opinion des gens du pays. Mais cc de-
vait etre,
selon tOllte apparence,
un empl.'unt soit ~ des Cartha-
glnols,
soit ~ des Grecs (2).
Enfin,
HEROOOTE
(3)
r~partit les Libyens en pasteurs
I
~
~
v Clt-" ('J SEC;
)
et en
a 9 r i cuI t e u l' 5
«() y':l '\\: 11. f ~ s ) .
e I Les Haures et' les Numides
Compilant toujours ISIOORE De SEVILLE,
RABAN HAUR
n 0 use x pose co mme 5 u i t
1 I 0 l' .i. gin e des d e u x p e u pIe 5
" Le 5
~1 iJ U -
res et les Numides -selon
l'oplnion
des Afri- ont dO leur 01'1-
gin e et 1 e urn 0 m del a mani ere 5 u i van t e a p l' cs .1. a m0 r t
d' I-I ER-
CULE en Espagne,
son
arm~e, composee de peuples divers, ~ta.i.t
priv~e de son chef
de tous c8t~s, ces gens se mirent done
en quete c1'endroit pour s'etablir,
et dans le nombre,
les M~­
des,
les Perses et les Arm~niens passerent en Afrique sur des
vaisseaux et occuperent les contr~es voisines de la mer. Hais
les Perses,
ne trouvant pas de -mat~riaux dans le pays pour se
construire des habitations,
et l'ignorance de la langue leur
interdisant tout commerce,
se mirent ~ errer ~ l'aventure ~
tra'vers les vastes campagnes et les solitudes cliv,crses,
et ~
cause de cette vie errante,
se donnerent ~ux-meme~, dans leur
langue,
le nom de Numides,
c 'est--~-dire, vagabonds et errants
sans vU.les"
(4).
(1)
cr. I n f r a' •
(2)
Cf GSELL,
Ope
cit. p.
105.
(3)
HERODOTE,
IV, 181, 186,
187,
188, etc .•.
Voir GSELL,
HEI~O­
DOTE,
p.
167.
(4)
"Mauri et Humidae
(ut AFRI putant)
sic sumpserunt exordium
ct vocabulum.
Nam postquam,in Hispania Hcrcu1es
intcr;;t,
et
exercltus ejus compositus ex vart;s gentibus,
amisso duce,
pas-
s i m sib i 5 e cl e s q u a c l' e ban t;
e t
e x eo n umer 0
Med i,
Pc r 5 a e et i\\ r -
meni navibus Africam transvecti,
proxima mari
loca'occupavere.
Sed Per 5 a e dum mate 1.' i a m in
a 9 l' is pro con s t rue n d i s
cl 0 mic i 1i is non
invenirent, et ignota
lingua commercium prohibcret
: per patentes

396
Et l'abbe de FULDA de poursuivre
"Quant aux Hcdes,
ils se m~l~rent aux Libyens, qui habitaient l'Espagne voisine
mais peu ~ peu leur'nom fut altere par les Libyens, qui, clans
ieur lanque barbare,'y substituerent la forme
"Maures",
bien
que .1.es Grecs donnent aux Maures ce nom ~ cause de .1.eur cou-
.leur : en effet,
"sombre"
se dit
"Hauron"
en CJrec.
De fa:it,
~".
atteints par la chaleur brulante du soleil,
ils
(1es"I'1aures)
attirent le regard par J.eur couleur noire
(.1.).
Les Maures forment,
au IIle si~cle ay. J.-C., l'une
des trois nations d'indigenes d'AFrique du Nord,
vivant entre
le territoire punique et l'Ocean Atlantique.
lIs s'~tendent
sur le Norcldu fvlaroc.
Les Grecs les appellent
}1-Q(uf('~-:;-'Ol, (2).
DIODORE De SICILE les mentionne en racontant des evenements qui
se pass~rent ~ la fin du Ve sikcle ay. J.-C.
Des Romains qui
utilisent des sources grecques transcrivent ee terme sous la
for me HCl u r us ii (3).
Le nom .1 at in est Ha u r i
; t e]e se r a i t a us si
l'appellation indigene,
si l'on en croit STRABON
(4).
Par imi-
tation des latins,
quelq~es auteurs grecs de l'epoque imp~ria­
le transcrivent
M(;(-:'rOl
au lieu de
MiJ..V?O~<rIOL (5).
(suite)
agros et diversas solitudines vaqabantur et
perambu-
lationibus vagabundis,
semetipsos propria lingua Numidas ap-
pellaverunt,
id est,
sine oppido vagos et errantes.
.' ....
Medi autem cum Libyis se miscuerunt,
qui proximam
Hispaniam inhabitabant, quorum nomen paulatim Lj.byes corrupe-
runt,
barbara lingua Mauros pro Medis appellantes,
licet Maurl
ob colorem a Graecis vocentur
: Graeci enim nigrum mauron va-
cant.
Aestifero quippc calore afflati speciem atri coloris du-
cunt.".
RA BAN ~iA UR,
De Un i ve rs 0,
0 p.
c it.
co 1.
444.
-
IS ID.
Et y m. ~ I X, I X, 2 ,
1 20 - 1 21.
(1)
l ..
...
",
( 2) Ce nom se· r e tr 0 u v e cl a n s P0 LYBE (X V,
11 ;
XXXVI rI,
7,
9)
e t
dans de nombreux auteurs plus r~cents dont DIODORE,
STRABON,
PLUTA RQUE,
AP PI D~ ~ AT HEN EE,
EL I E~I, HER 0 DQTE; PRO COP E, et e ••.
CL
St.GSELL, op.
eit.
t.
V,
p.
88.
(3)
TITE-LIVE,
XXIV,
49,
5 ; PLINE,
V,
17
:
"Maurorum ...
quos
plerique Haurusios dixerunt".
I
(4)
STRABON
XVII,
3,
2 : "Ceux qui sont appeJe s l1d-I.'f our.-;ol par les
Grecs, MU~fC>l par les Romains et par les indigenes". apud ST.
GSELL,
op.
eit.
t.
V,
p.
88 n.
8.
(5) JOSEPHE, Ant.
jud., 1 , 6 , 1 3 3 ; le meme,
Bell.
jud., 11, .1.6,
381
;
PAUSANIAS, 1,
33,
5 ;
etc ...

397
Tant dansl'Antifjuite que
de nos
jours,
on
a propose
cliverses
etymologies du
terme.
11
Paut naturellement
ecarter
celles que
donne RABAN,
~ savoir que Mauri aura it ~te une d~For­
ma t ion
par
I e s i n dig en e s (Lib yen s) dun 0 m 'd e s Med e s
( Me cl i) ,
compagnons
d'HERCULE avec les Pe1'ses et les Armeniens.
11 faut
. e 9 a .1 e men t
r e jet el~ 1 r 'e t y malo 9 i e . Cl u i act c t ire e cl u m0 t CJ r e c
.........
: J . : "
~a(Jf0c,
(pour
ctt-"-~lJf:J <',
"obscur" et
qu 'on
a
pretendu
explifjuer
par le teint fonce
des
indigenes
(I).
Les G1'ecs,
rappelons-Je,
I
disaient
}/Lo;vJ0l.l(J,Ol et
ils n'ont
adopte qu'exceptionnellcment
la forme .M <>-:yo\\.. , d'apres l'usage ; elu reste,
il
se
peut,
pense
St.GSELL,
que l'ex.i.stence c1u mot
r-u.uf0C;
dans
la
langue grecque
et le
teint
basane des Maures aient contribue ~ cette tent0tl-
ve d'expJ.ication,
qui
n'eGt
ete alors
qu'un
simple
jeu
de mots
( 2 ) •
Un
hebra",Lsant,
SAMUEL
BOCHART
(3),
a avance une
ety-
mologie
phenlcienne qui
a seduit
beaucoup d'auteurs modernes
(4).
11
s'agirait d'un mot signifiant
"les Occiclentaux"
les
Carthaglno.i.s auraient appele
"Maouharlm" les habitants du
Hord-
Ouest de l l Afrique,
tout comme les
Arahes appelerent cette con-
t r e e
"1' 0 c cid e nt ",
" 1"1 i] 9 h r .i b"
;
c e t t e cl e s i 9 n a t ion
9 e 0 9 rap h i que
d'origine
et1'angere ne serait devenue un nom ethnique
que plus
tard
seulement
(5).
Aussi seduisante qu'elle
soit,
cette expli-
cation,
pas
plus
que les
autres,
ne repose sur
des
preuves re-
elles
;
el1e n'est
qu'une conjecture.
11 n'y
a pas,
en revanche,
de
bonnes
raisons de 1'e-
jeter J.'assertion
de
STRABON
qui attribue
au
nom Mauri une o1'i-
gine indigene.
Apres
tout,
i.I. n'est pas
impossible qu'en
l'a-
doptart,
les Carthaginois l'aient altere et lui aient donne un
sens clans leur
langue. Sref,
tant
qu 'on n 'aura 'pas trouve un
(1)
Cette
etymologie date,
selon
ST.GSELL,
au plus tard,
des-
e n vir 0 n s
cl e I I ere
c h l' et i en ne,
car 1'-1 MII LIUS
(I V,
7 2 7 - 8)
y f a i t
allusion.
Rappelons que RABAN
l'a
reprise par
l'intermediaire
cI'ISIDORE
Dc SEVILLE.
(2)
GSELL
fait
remarqu~r qu'en francais on emploie familierc-
ment
le mot moricaud,
qui
vient de More,
pour designer
des gens
a u t e i n t
b a san e.
Cf.
CS EL L,
0 p.
c it.
t.
V.
p.
89 n.
6.
(3 )
S .
Ba UI ART,
Ge 0 ~F a phi a sac ra
(e d.
cl e Ca en,
1 646 ),
p.
5 LI·I+.
(4)
PClr
ex.
De CHEN1ER,
Itecherches hist.
sur
les Maures,
1,
p.
38
;
VIV1E~1 De ST.fvIAfHIN, op. cit. p. lOO ; T1SS0T, Geogr. de
la
prov.,
ram.
c1~Afr. J, p.
392; ·E.
CAT,
Essfli
SUI'
lCl prov.
rom.
de Hauretanie Cesarienne,
p.
55
;
Quedenfe.lt
dan's
Rev.
af'rlc.,
XLVI,
1902,
p.
84.
Apucl GSELL,
p.
89 n.
8.
(5)
Cf.
ST.GSELL,
op.
cit.
t.
V,
p.
90.

:398
textc donnant le nom punique,
il vaudrait mieux se m~ficr.
Un pasSage de PLINE autorise a supposer que le terme
Maures d~signait d'abord une tribu. Le naturalistc dit, en ef-
f e t : " 0 an s . 1 e s t l' i bus cl e la province
(1' 0 ma in e)
cl c 1"1 a u re tan i e
Tingitanc,
la principaleetait jadis celle dcs Mauri,
qui lui
a donn~ son nom et que la plupart ont appelee tvlaurusii.
Dcs quer-
rcs l'ont reduite a quclqucs familIes" Cl).
Lac 0 n tt- ~ e sur 1 a que 1 1 e s' eten d i t J' Eta t f 0 n d ~ par
cette tribu re<;ut des Grecs le nom de
l'1d.U!OU'T":<:J. (2) et dcs
Romains,
celui dc Mauretania
(3).
Le royaume des Maures existait d~s le milieu du IVe
si~cle ay. J.-C.
(l~) et peut-ctre mcme plus tot (5). Les Car-
thaginois qui possedaient des colonies sur la cote du Maroc,
entretenaient des relatiOns avec les souverains de cet Etat
(6).
..
A la
fin
du IIIe si~cle, ay.
J.-C.
TITE~LIVE (7) mentionne un
1'01 des Maures,
BARGA,
prince puissant.
Un
si~cle plus tard,
SALLUSTE
clit que BOCCHUS,
beau-p~re de JUGURTHA, 1'e9nait sur
tous les Maures
(8).
Ce royaume,
qui gtoupait un ~ertain
nombre de t1'ibus
auxquelles fut etcndu le nom des Maures,
faisait face a l'Es-
p a gne,
a u ~l 0 r d
a l' 0 uest, i 1 eta i t ba i 9 n e par 1 I 0 C ea n At.l an'-
(1)
PLINE V.
17.
PLINE mentionne aussi la tribu des Masaesyles
qui fut
~tei.nte et ajoute
"Gaetulae nunc
tenent gentes",
ce
qui dolt,
pense GSELL,
se rapportcr ~ l'ancien territoire de
la tribu des Maures aussi bien quIa celui de la tribu des Masae-
syles.
Cf.
GSELL,
1:.
V.
p.
90,
n.
3.
'
( 2)
St RABO N I I,
3,
4 ;
XVI I,
3,
2 ; PLUTA RQUE,
Se r to l' ius,
7, e t c.
(3) VITRUVE,
VIII,
2,
16 :
"Maurusia,
quam nostri Mauretaniam
appellant";
CICERON, Pro Sulla,
20,56;
CESAR,
Bell.
civ.,
I,
6,
etc ...
(4) Cr.
GSELL,
1:.
V,
p.
91.
(5)
JUSTIN,
XXI,4,
7 ; GSELL,
t.
11,
p.
255 et suiv.
t.
V,
p.
91.
(6)
CL
GSELL,
t.
V.
p.
91.
(7)
TITE-LIVE,
XXIX,
30, 1.
(8)
SALLUSTE,
Jugurtha,
XIX,
7.

399
tique
; il ne semble pas s'~tre avance tr~s loin vel'S le Sud,
ou il etait borde par les Getules
(1)
; a l'Est, le fleuve Hu-
lucha
(Houlouya)
formait dans son cours infer1eur,
la limite
entre le royaume des Haures et celui des Numides.
A la fin
du lIe si6cle et au milieu du Ier s16clc
ay.
J.-C.,
quand la front1~re du royaume de Hauretan1e fut a-
vancee vel'S l'Est,
clans la contree appelee Numidie et qu'clle
atteignit,
sur la Hediterranee,
l'embouchure de l'f\\mpsaga
(oued
el Kebir),
au Nord-Ouest de Cirta
(ex-Constantine),
le nom Hau-
res suivit cette progression et s'etendit m~me beaucoup plus
loin que le nom Hauretanie,
qui resta confine dans les limites
des provinces tomaines auxquelles il fut
donne.
On en vint a
appeler Haures tous les indig~nes de la Berberie, m~me ceux qui
vivaient dans les autres provinces africaines
(2).
A partir du IIIe si~cle ape
J.-C.
surt6ut sous le Bas-
Empire et aux epoques van dale et byzantine:
cet emploi genera-
lise du terme Maures devient tr~s frequent.
Tous les indig6nes,
depuis l'Atlant1que jusqu'a' la Cyrena1que,
sont desormais des
Maures
(3).
11 n'y a pas de raisons de croire que les indig~nes
eux-m~mes aient: aclopte ce sells elarqi du terme Maures qui etait
limite peut-~tre jadis a une tribu du Maroc actuel. En tout cas,
:'.'.
ce nom ne s'est pas conserve dans les dialectes berb6res,
pas
".,'".
plus que dans la langue arabe
(4).
Une fois de plus,
ce sont
les Europeens qui 1 1 0nt applique a des habitants de l'Afrique.
0) "Cf. GSELL, t.
V.
p.
91.
"
(2) CL
GSELL,
t.
V,
p.
94.
L'auteur du recit de la campagne de
J.
CESAR qualifiait deja de Maures des cavaiiers Numicles
(Bell.
a f r i c,
I I I,
1, VI,
3 ; VI I,
5).
Au I e r
s.
a p.
J. - C.
LUCf\\ IN
( I V,
784 ; VIII,
283)
et au lIe s.
FLORUS
(II,
13,
34)
appellent
Haures des Numides.
(3)
Cf.
GSELL,
t.
V. p.
94.
, . ,
:.:.
(4) CL
ST.GSELL,
t.
V.
P • 95.
..

f
/ Les Massyles
Au sujet des Massyles,
RABAN qui se r~f~re toujours
a ISIDOf\\E, expLique
"1\\1assylia est une ville d'Afriquc,
situ~e
non loin de l'Atlas et du Jardin des Hesp~rides ; les Massyles
tirent leur nom de cette ville
; nous autres les appelons Mas-
sulas piH deformation.
A leur sujet, Vlf\\GILE ecr:ivait
: "Une
pr~tresse du peuple des Massyles, venue de la-bas, m'a 6t~-pi~­
sent~e"." (1)
(2).
Entre le royaume des Maures et le territoire cart ha-
,'::
. '
ginois,
il y avait au lIIe si~cle ay. J.-C., deux autres royau-
mes indig~nes, celui des Masaesyles et celui des Massyles. Ccs
deux noms semblent d'origine africaine
(3).
Le terme Massyles fut
probablement un nom de tribu
devenu ensuite le nom d'Un
Etat. Mais on
ignore o~ se trouvait
le territoire decette tribu.
Le Medracen, mausol~e colossal
situ~ pres du "lacus regius", au Nord-Ouest de l';\\ures, etant
p e u t - et reI a s ep 1I 1 t u red ' u n r 0 i mass y 1 e ~ l' Au r ~ s po u r l' a ita v0 i r
~te le berceau de 1~ dynastie massyle (4).
Les Massyles sont mentionnes pour la premiere fois
au temps de la premiere guerre punique
(5).
PLINE
(6) en fait
une tribu d~ la province d'Afrique, les situant entre l'Ampsaga
et la CyrenaIque.
STRABON
(7) fixe au Cap Treton
(Cap Bougaroun,
au Nord de Cirta
(ex Constantlne)
la
fronti~re entre le royau-
me des Masaesyleset celui des Massyles.
(l)
11 ~1 ass i 1 i a
c i v i t a s AFf\\ I CA e s_t non
Ion 9 e a bAt 1 ant e e t
nor t1 s
Hesperidum : Cl qua civitate Massylij vocati sunt,
quos nos cor-
rupte Massulas vocamUs
: de quibusVirgilius
: Hinc mihi Massy-
1 a e 9 e n t ism 0 n s t rat a
sac e r t 0 s 11.
RABMJ t"1 AUf\\,
0 p.
c it.
coL
4 4l.J .
(2) VIRGILE,
En~'ide, IV, 183.
(3) Cf.
GSELL,
t.
V p.
95 n.
8.
(4) Voir ST.GSELL, op.
clt.
t.
V.
p.
97-98.
(5)
HESIANAX,
F.
h.
g.,
t.
Ill,
p.
70,
n.
11 apud J.
DESANGES,
op.
ciL
p.
110.
(6)
PLINE,
V,
30.
(7)
STf\\ABON XVII,
3,
9 et 16.
...:.

Dans la seconde moiti~ du lIe s. ay.
J.-C.,
il semble que le
royaumc Massylc s'arr~tait cn-dec~ de Cirta, du cBt& Ouest,
tandis qul~ l'Est,
il bordait le territoire punique,
a peu
pr~s sur l'actucl1e fronti~re alg~ro-tunisienne (1).
Le nom des Massyles a pris rapidement une valeur va-
9 u e et p0 ~ t i que (2). SJ LIUS TJ AL I CUS (3) f a i t deS YP HAX, r 0 j
des Masaesyles, un Massyle.
Les deux termes furent
bientBt
confondus et des auteurs comme PRUDENCE
(IVe si~cle ap.
J.-C.)
(4),
JULIUS HONOHIUS (Vc sieele ap.
J.-C.)
(5)
plaeent les HiJs-
syles dans le Notd de la Maur~tanie Tingitane
(6).
11 en est
de m2me d'ISIDORE De SEVILLE, qui les situe pres de l'Atlas
(7).
'\\
9 / Les Gaul ales
Compilant toujours ISIDORE,
RABAN nous pr~sente ainsi
cette population
:
"Les Gaulales sont des peuples nomades qui
errent depuis le Sud jusqu'a l'Oc~an des Hesp~rides ; ils tiCll-
nent leur nom de l'11e de Gaulo~ qui est voisine de l'Ethiopic,
et ou pas un seul serpent ne nalt ni ne vit. I1
(8).
(1)
Cf.
J • DE Sj\\t\\i GES, 0 p. c i t. p~ 110.
(2) PLINE X,
22,
lui donrie encore une valeur g~ographique. Mais
VIRGILE
(En'. IV,
183), LUCAHl
(Pha'rsale~·· IV, 682), SILIUS IT/\\I_I-
CUS, MART I AL, CL/\\ UDIE Net COR I PrJ US, c e t c r men ' est q u run e des i -
gnci'tion po~tique. Cf. J.
DESANGES op.
cit.
p.
110 n.
5.
( 3)
SI LIUS I TA LI CUS, Punic a ,
XVI,
258 ;
XVII,
110.
(4) PRUDENCE, Peristephahon,
IV,
45-46,
par le de rois Massyles
~ Tingis (Tanger). Cf. J. DESANGES, p. 110 n. 7.
(5)
JULIUS HONOR1US.
A.
48 G.
1. m.
p.
54 cite les Hassyles en-
tre les Bacuates
(= Baquates)
et les Abenna
(confondus,
sem-
ble-t-il, avec lc promontoire d'Abyla).
Cf.
J.
DESMIGES, p.
110
n.
8.,
(6)
Sur la confusion,
voir J.
CARCOPINO,
Le H:arocantique, p.
284-6.
(7)
IS1D.
IX,
2,
123.
(8)
"Gaulalii gentes sunt a meridie usque Oceanum Hesperidum per-
vagantes
: his riomen Ga010e insula dedit quae est juxta Aethlo-
piam ubi nee serpens nascitur neque vivit".
RABAN HAUR,
De Uni-
verso,
col.
444.
..:- .::

402
D'apr~s PAUL OROSE (1), Galaules est le nom qu'onL
recu de son temps les Autololes riverains de l'Oc~an Atlanti-
que.
Ce nom apparalt chez Prudence sous la forme Galaulas
(2)
et chez ISIDORE et RABAN sous la forme Galaulas
(3)
et chez
ISIDORE et RABAN sous la forme Gaulales
(3).
Selon M.
W.
VICICHL
(4),
"Autololes et Galaules representeraient une meme
racine pr~cedee par deux elements differenLs : ga- et aut- (=
ait-)
qui expriment la
fillation~
h / Les Garamantes
Sur les Garamantes,
RABAN,
repeLant une fols de plus
l l eveque de S~ville, ecrit "Les Garamantes, peuples de 1 'Afri-
que,
qui habitent pr~s de Cyr~ne, tiennent leur nom du roi GA-
RAMAS,
fils
dIAPOLLON,
qui fonda GARAMA,
la ville qui porte son
nom;
lIs sont voisins des Ethiopiens.
VIRGILE parle d'eux en
ces termes
"Les Garamantes qui habltent au bout cJu monde" (5).
Au bout du monde,
en effet,
parce qulils sont barbares et retI-
res de la communaute humaine"
(6).
A propos des Garamantes, nous renvoyons au eommentai-
':'.
re que nous avons fait
sur eux plus haut,
101'5
de l'examen des
populations du contin~nt afrieain.
Iei,
nous noterons seulement
cette fable qui les pres~nte comme des descendants d'APOLLON.
Signalons,
aussi,
que le nom des Garamantes a trouve une sin-
gu 1 i ere res 0 n n a n ce ch e z 1 e s po et e s 1 at ins qui 1 Ion tab 0 n d a mmen t
employ~ sans aucun souci d'exactiLude. Tel est l~, le cas de
VI RGI LE qui r cl e9 u e J e s Ga r Cl mant e s a u bo u t dum 0 n de ha bit e.
Cl)
OROSE,
I,
2,
94.
(2)
PRUDENCE,
Symm., 11, 807.
(3)
ISIDORE De SEVILLE,
Etym., IX,
2,
124 et
XIV,
5,
12.
(4)
W.
VYCICHL,
Die Nisbe.
-Formationeni j_m Berberischen,
Annali
de l'IsLituto Universitario orientale di Napoli,
IV
(1952),
p.
11 6.
Cf.
J.
DES AI~ GE S,
0 p.
c it.
p.
2 1 5,
n.
7.
(5)
VIRGILE,
les Bucoligues, VIII,
44.
(6)
"Garamantcs populi Africae prope Cyrenas inhabitantes,
a
Garamantc 1'ege Apollinis filio nominati,
qui
ibi ex ~uo nomine
Garama oppidum condidit ;
sunt autem proximi gentibus Aethio-
pum.
De quibus Vi1'gilius
:
"Extremi Garamantes". E-<trend autelll,
quia saevi et a consortio humanitatis remoti." RAI3MI MAUR,
De
Un i v e r so,
co 1.
4 l f 4 •
-
ISIIJORE,
Etym.
IX,
2,
125.

403
i
/ Le s Ps y·u cs
. : .
. .:
Apr~s
"
ce tableau ethnique donn~ par RABAN MAUR, JEAN
SCOT ERICENE et REMY D'AUXERRE.mentionnent ~ leur tour un autre
peuple,
les Psylles, qulils nous pr~sentent comme des charmeurs
de serpents.
Commentant MARTIANUS CAPELLA,
JEAN SCOT ERICENE rap-
porte qu'en Afrique,
les Psylles,
de la nation marse,
tout com-
me les Narses en Italie.,
etaient des charmeurs de serpents,
qui,
soit subitement tuaientces reptiles,
soit les emp~chaient le
plus possible de nuire
(l).
Dans s~h Commentaire du m~me NARTIANUS, REMY, se re-
ferant ~ JEAN SCOT ERICENE, affirme lui aussi que les Psylles,
peuples d'Afrique,
sont naturellement immunises contre les ser-
pents dont ils sbnt les meilleurs charmeurs
(2).
Dlapr~s HERODOTE (3), les Caramantes habitent au-des-
sus des Psylles,
tandis que,
~ en croire PLINE (4), les Psylles
se situent au-dessus des Caramantes.
Chez HERODOTE et chez PLINE,
il appert que la position ,sllperieure en Afrique est une position
plus meridionale
(5).
11 y a eu erreur ~ situer les Psylles ~
l'interieur des terres,
alors qu'il s'agit d'un peuple proche
. ...:
elu littoral de la Grande Syrte
(6)
; cette erreur s'est vraisem-
blablement produite ~ un staele intermediaire : une source de
(1)
"Marsicae nationis PsUli in Africa,
~larsi in Italia fuere
.':
incantatores serpenti8m,
qui eos aut subito interficiebant,
aut min ime nocere sineban t. "
JOHMINES scon-us, Anno'tationesin Martianum, Ope cit. Appendice
1 53, 'J. 7, p.
235 .
(2)
"Psylli populi Africae muniti contra serpentes naturaliter
et aptimi earum incantatores".
REHY D' AUXERRE, op.
cit.
VI,
333,
21 p'.
154.
(3)
HERODOTE,
IV,
J.74
( 4 ) PL HI E, V,
2 7 •
(5)
/-IERODOTE, 11,
24-26 appe11e Libye sup~rieure 1'Afrique mcri-
diana1e.
PLINE, V,
43 situe les peup1es ethiapiens au-ciCS5US
(su-
per)
des GetuJ.es et des Leucaethiopiens ;
inversement, en XIII,
107, i1 situe J.1Afrique sous l'Ethiapie.
Cf.
DESANCES PJ.ine LIAn-
cien, '-list·.' Na·t.
Livre V, 1-46,
~(J. "Les BeLles Lettres", Paris,
1980, p.
252.
(6)
STRABOH, 11,"5,
33.
".::

PLINE,
imm~diat~ ou non aura interpr~t~ ~ eontre-sens une posi-
tion relative, faute de d~termlner eorreetement le point ou
l'axe de r~F~rence de la relation
(1).
De son temps,
HERODOTE
(2)
disait que les Psylles
avaient dlsparu,
ensevelis sous le vent de sable du midi,
et
que leur
territolre ~tait oceup~ par 1es Nasamons.
HECATEE,
un
demi-si~ele auparavant, appelait la Grande Syrte du nom de Gol-
Fe Psyl1ique, ee qui signifierait, pour eet auteur,
que les Psyl-
les ~taient le peuple riverain de ee golfe. PLINE (3) dont l'in-
terpr~tation parait plus vraisemb1able que eel le d'HERODOTE,
rapporte peut-atre ~ partir d'AGATHARCHIDE, que ee sont les Na-
samons qui an~antirent presque eompl~tement les Psylles. Quoi
quIll en soit,
il subsista des groupes de Psyl1es ~ l'~poque
romaine
(4)
et PLHIE dit en avoir vu
(5).
Mais on peut supposer
que depuis longtemps leur
tribu n'~tait plus eoh~rente : leurs
dons de eharmeurs de serpents dont ils tiraient sans doute des
moyens d'existenee ont pu les mener ~ une certaine dispersion
(6).
I.
(1)
Cf.
J.
DESANGES,
op.
eit.
p.
252.
(2)
HERODOTE,
IV, J73.
(3)
PLH1E,
VII,
14.
(4) PLINE,
VII,
14 ~la fin.
(5)
PLINE XXV, 123
: vidimusq~e Psyllos.
PLINE XI,
89 atteste
la pr~senee de Psy11es en Italie.
( 6)
Sur 1 e s P s y 11 e s men t ion n ~ spa r den 0 mbr e u x aut e u-r s.
Cf.
St.
GSELL,
H.
A.
A.
N.~ I.
p.
133.
n.
1 ; Id.
HERODOTE op.
elt.
p.
126-128.

405
'" ~ .
* * -x-
*
A travers ce tableau ethnique qui vient d'etre exami-
ne,
se pose le ~robl~me de l'origine des populations nord-afri;
caines.
A ce sujet,
plusieurs r~flexions nous viennent ~ l'es-
prit et qui portent sur trois points
les textes et les sour-
>G,~S de r~f~rence des auteurs ; le probl~me de fond
enfi'n la
m~thode de traitement adopt~e par R·ABAN.
," .
.
LES TEXTES ET LES SOURCES DE REFERENCE DES AUTEURS
Dans cette tentative d'explication de l'origine des
populations norcJ-africaines,
nous pouvons d~gager en gros trois
sortes de sources auxquelles se r~f~rent ici les diff~rentes
th~ories explicatives. Ce sont
- la tradition de type biblique ou jud~o-chr~tien
- la tradit10n de type classique
- enfin
la
troisi~me source, d'inspiration classique
elle aussi,
mais originalis~e partic~li~rement par un auteur,
ISIDORE De SEVILLE ; certaines des explications propos~es par
RABAN MAUR nous semblent en
effet des ~laborations personnel-
les d'ISIDOliE,
aussi les qualifierons-nous
"d'expl:Lcations 1si-
. doriennes".
a / La tradition de type bi·blique ou jud~o-chr~tien
I.
D'elle rel~vent, d'une part, la th~orie qui rend compte
de 1 'origine des AFRI par
le personnage mythique nomm~ AFER,
. ',,'
fl1s c1'ABRAHAM et d'une concubine,
CETHURA
i.et d'clutre part,
la th~orie qui donne les G~tules comme les descendants d'un per-
sonnage biblique,
EVILA au HAVILA,
d~sign~ comme un des fils de
CHOUSH l'Ethiopien.

-406
Comme il a ~t~ d~j~ signal~, la premi~re explication,
rapport~e par l'historien juif FLAVIUS JOSEPHE, ~mane de quel-
que milieu judaIque d'Alexandrie.
Elle ne rev~t aucune valeur
parce que fond~e sur un jeu de mots purement fantaisiste. La
seconde explication,
c'est-~-dire 1 'identification d'EVILA et
de sa descendance avec les G~tules, entre dans le cadre de la
tentative de SAINT.JEROME d'harmoniser,
dans un
but apolog~tique,
les ~lements de la geographie biblique, notamment les donnees
de la table des nations (2),
avec les elements de la geographie
antique" et cIa s s i q1I e c 0 n ten u s c h e z des aut e u r s co mme MEL A,
PLI NE
et autres.
C'est,
disons-le,
une sorte de
"concordisme" avant
la lettre,.
EVILA et les G~tules, pas plus d'AFER et les AFRI,
n'ont de rapprochement reel.
Remarquons encore que l'identifica-
tion d'EVILA et de sa descendance avec les Getllles,
chez JEROME
et les commentateurs bibliques,
revient ~ ranger implicitement
les Getules au rang des Ethiopiens,
donc a en faire un peuple
de la partie meridionale de liAfrique au lieu d'une population
de la par tie septentrionale.
) / La tradition ,de 'type- cla'ssique
D'elle rel~vent les theories qui rendent compte de
l'origihe des Carthaginois,
de celle des Maures et des Numides.
La part de la legende faite,
l'explication de
l'origine pheni-
:',:
cienne des CarthaginQis ou Puniques est fondee
historiquement.
En revanche,
1 'explication de l'origine des ~laures et
',.'.
des Numides appelle quelques commentaires.
crest ~ l'historien
latin SALLUSTE que RABAN MAUR,
par l'intermediaire d'ISIDORE De
SEVILLE, ~" emprunte lei explications qui rendent compte du nom
des Maures par une alteration libyenne du nom des M~des, d'une
part,
et de celui des Numides par les errances des Perses en
qu~te de terre ou s'etablir, d'autre part. En effet, dans son
(1)
Cf. Genese,
X,
7.
(2) Voir Genese X.

I
' ;
4.07
recit de la "Cuerre de JUCURTHA",
SALLUSTE insere un passage
emprunte aux Livres Puniques du roi HIEMPSAL
(1)
et relatif
a u x 0 rig in e s des p e u p 1 e s del 1Af r i que cl u ~I 0 r d. Lie x p res s ion
de SALLUSTE ne permet pas de savoir l'auteur ou
les auteurs
de ces "Punici libri"
: s'ag1t-il d'ouvrages ecrits en punique
par le roi numide lui-m~me ? S'agit-il plut8t d'ouvrages puni-
ques acquis par ce roi ? Les deux cas sont bien possibles, car,
comme on le salt,
les rois numides avalent choisi la
langue
carthaginoise pour leurs besoins politiques et culturels et ils
etaient souvent de fins
lettres qui slinteressaient ~ Ilh1s-
toire et ~ la geographie. Par ailleurs, on sait aussi qu'apres
la prise de Carthage en 146 ay.
J.-C.,
les Romains donnerent
aux princes Numides,
leurs allies,
les ouvrages de la biblio-
theque de la ville, qui avc:Jient echappe ~ J'incendie, et n 'en
garderent que le traite agronomique de MACON,
dont ils slins-
pirerent
(2).
HIEMPSAL, petit-fils et petit-neveu des rois
contemporains de la chute de Carthage,
a pu consulter ces oeu-
vtes d'ecrivalns puniques ou grecs pour
la redaction
cl1une
Ilh1s-
toire de l'Afrique du ~Ior.d" dont SALLUSTE nous a transmi.s le
resume
(3).
Comme nous pouvons en
jugerd'apres le texte de SAL_
LUSTE; RABAN MAUR et .sa source,
c 'est-~-dire ISIDORE, ont cha-
c~n, ~ son n1veau, opere une selection dans le choix des mate-
riaux,
resumant ou mod.ifiant parfois les donnees du textc de
l'historien la~in. Apparemment,
ils ne se referent qu1au pas-
sage concernant l'origine des Maures et des Numides,
faisant
l'impasse sur divers passages dont celul-1~, qui sert en quel-
que sorte de preambule chez SALLUSTE,
et qui comporte deux faits
important~ quill con~ient de souligner
0)
HI01PSAL
(debut elu ler s.
ay.
J.-C.).
(2)
Cf.
DECRET et FANTAR, op.
cit.
p.
28.
(3) Voir le texte de SALLUSTE rapporte in extenso en
index.

408
':(.
- Concernant l'o1'igine' des premiers habit ants de
,<'Afrique du Nord, SALLUSTE fait allusion a une "tr\\adition ge-
neralement adoptee~' sans doute dans les milieux latins et grecs,
et qui diff~re de celle qu'il rapporte ici ; cela implique que
ies contemporains de SALLUSTE d6tenaient des
informations sur
l'origine des Africains.
Ces informations devaient ~t1'e bien
connues pour que l'histo1'ien latin estim~t inutile de les 1'ap-
peler.
Ce qui est dommage,
car c'eGt ete
tr~s interessant pour
nous de savoir quelle etait cette autre tradition
sur l'origine
des populations nord-africaines.
- Au temps de SALLUSTE,
-!-es
"Livres Puniques" etaient
encore accessibl~s dans les milieux que frequentait le ler gou-
verneur de l'''AFRICA Nova".
On savait le punique et le latin.
Pour la traduction de ces "Punici libri",
SALLUSTE [Jouvait avoir
recours,
soit ~ des amis africains,
soit ~ des Romains ou Crecs
d'origine,
qui maltrisaient sansdoute la
langue carthaginoise
(l) .
Quant au passage expliquant l'origine des Maures et
des Numides,
il est aussi l'objet de modifications et d'omis-
sions de la part d'ISIDORE et de RABAN.
Par exemple,
sont omis
chez l'un et l'autre,
des passages comme
" .•.
Peu ~ peu, ils
(les Perses)
se melerent aux Cetules par voie de mariage." ou
"Aux ~1~des et aux Armeniens se joignirent les Libyens ... " etc.
Par ailleurs,
~ la difference d'ISIDORE, RABAN modifie le pas-
sage de SALLUSTE :
"Les premiers habitants de 1 'Af1'ique furent
les Cetules et les Libyens" en
"Les Libyens tout d'abo1'd por-
'."
..... :..:..
t~rent le nom d'Afrique, ensuite ce fut les AFRI, apr~s eux,
""l,e sCe t u 1 tp,
end ern i er 1 i e u,
1 e s ~1 a u l' e s e t 1 e s ~l umid e s " . '.. Ce s
omissions et ces modifications semblent n 'avoir com~e but que
d~amener a ce qui paralt, aux yeux d'ISIDORE et de son disci-
ple,
RABAN,
~tre l'essentiel, savoir l'explication etymologique
(1) D'autres sources pe1'mettent d'affirmer qu'a Rome, dans les
cercles cultives,
le punlque n'ctait pas inconnu
: l'illustra-
tion est que le Senat romain a confie a SILANUS la traduction
dG t1'aite agronomique de MACON.
Cf.
DECRET et FANTAR, Ope
cit.
p.
29.
...

409
des mots clef ~ travers lesquels on peut atteindre la v~rit~,
c'est-~-dire la connaissance des populations qulils d~signent.
Ces mots-clefs ~tant ici, les termes G&tules et Numides, seuls
les &l~ments du texte, qui favorisent l'&laboration de leur
&tymologie, retiennent,
semble-t-il,
l'attention des auteurs,
tandis que le reste est n~glig~.
Quoi qulil en soit,
il doit y avoir une explication
~ l'insertion des Perses et des M~des dans ce r~cit. Concernant
les Perses,
SLGSELL a propos~ une solution qui semble valable :
il a rapproch~ les Perses de SALLUSTE d'une population africai-
ne que PLINE appelle "Perorses"
(Perors.i)
ou "Pharuses"
(Pharusi)
leurs territoires se situ~ient sur la cate atlantique du Maroc
actuel.
11 y aurait done eu passage de "Perorsi" ou
"Pharusi"
a "Persae" (Perses)
le recours aux Perses semble donc avoir
··1
..
~te, a l'origine, une tentative de rendre compte de l'ethnique
Petorsi au Pharusi
(1).
Quant a l'insertion des M~des, elle au-
rait ~t& command~e par le d&sir d'expliquer le nom des Maures.
Les Grecs pourraient bien avoir ~t~ ~ l'origine de ces rappro-
chements ~ base phon~tique, tant ils appr~ciaient le calembour,
:~ ......
~our rendre compte d'un toponyme ou d'un ethnique. Le proc~d~
&tant tr~s f~cond, 1 'imagination grecque ne manquait pas sou-
vent d'en tirer partie
(2).
En tout cas,
l'etymologie de l'eth-
nique "Numide " par le grec "Nomades" laisse voir clairement la
participation grecque ~ l'&laboration du r~cit rapport~ par
SALLUSTE,
et dont s'inspire RABAN MAUR par le truchement de
1 'eveque de Seville.
c / Les explications Jsidoriennes
! .
A ll~laboration personnelle dIISIDORE,
RABAN a emprun-
t~ les ~xplications qui rendent compte de l'origine des G~tules
(1)
(2)

410
par le recours aux G~tes;'de telle des Gaulales par le rappro-
chement avec l'11e de Gaulo~, de celle des Massyles par la vil-
le de Massilia, et enfin,
de celle des Garamantes par lfappel
~ GARAMAS, fils du dieu grec APOLLON.
Comme nous venons de le voir au sujet de l'insertion
des M~des, le d~sir d'expliquer ~ tout prix les ethniques G~­
tules, Gaulales, Massyles et Garamantes,
commande,
chez ISIDORE
et son disciple 1 'abb~ de FULDA, llintroduction des C~tes, de
1 'lIe de Gaulo~, de Massilia et de Garamas.
,~
Sans insister sur le caract~re fantaisiste de ces ex-
plications qui se pr~sentent comme de simples jeux de mots, nous
remarquerons en revahche,
en ce qui concerne les G~tules, que
RABAN ne para It m~me pas se rendre compte de la contradiction
dans ses propos
: sa rif~rence ~ ISIDORE 1 lam~ne ~ dire que les
G~tules ~taient des G~tes, donc ~ en faire des immigr~s venus
d'Europe,
en 1 'occurrence de la Germanie,
alors que plus haut,
suiv~nt ST.JEROME et la tradition ex~g~tique, il les identifiait
~ EVILA et ~ ses descendants. Cons~quence, dans la g~n~alogie
noadrique,
les G~tules, paradoxalement, descendent ~ la fois de
CHAM et de JAPHET •
• LE PROBLEME DE FOND
.
-------------------
Le tableau des populations nord-africaines,
pr~sent~
par RABAN MAUR et les alJtres auteurs,
ne comporte ~ratiquement
pas de fond autochtone. Tout au plus,
on pourrait consid~rer le5
Massyles comme le seul fond autochtone,
du fait que RABAN MAUR,
n'indique,aucune provenance en ce qui les concerne,
~ part seu-
lement qulils tirent selon lui leur nom de Massilia,
ville qulil
~itue pr~s de l'Atlas, non loin du Jardin des Hesp~rides. En re-
.of
~anche, tous les autres peuples apparaissent comme des immigr~s
ies Afri viennent de l'Orient en tant que ~escendants dIAFER,
fils d'ABRAHAM
les Puniques ou Cartha~inois viennent de Ty,
en
Ph~nicie
les Libyens sont indiqu~s comme des habitants de

411
i'Espagne voisine
a travers les M~des et les Perses,
les Mau-
c-r:,es et les Numides viennent egalementde 1 'Orient comme l-es Afri
les Getules,
de par
leurs anc~tres les G~tes, viennent du Nord,
c'est-~-dire de la Germanie ; les Gaulales viennent de l'11e
de Gauloe
(1)
les Garamantes,
~ travers leur anc~tre eponyme,
viennent de la Gr~ce ; enfin les P~ylles, peuple appartenant
~ l~ nation des Marses, viennent d 1 Italie. Ainsi, la population
de llAfrique du Nord apparalt presque exclusivement comme une
population d'immigr~s.
D'apr~s les indications des auteurs, les immigrants
presentent deux origines
: les uns,
Asiatiques,
viennent du
Moyen-Orient
(AFER, Pheniciens,
M~des, Perses et Armeniens (2) ),
les autres,
Europeens,
v-iennent du Nord ou de l'Occident
(Li-
byens, Getes,
Gaulales,
Garamas,
Psylles).
Autrement dit,
le
peuplement de l'Afrique du Nord se caracterise par
~ preponde-
rance,
pour ne pas~ire l'exclusivite, de l'apport ethnlque e-
t ran 9era u d et rim eri t
d' un f 0 n cl aut 0 c hton e q u a s i men t i n e xis tan t .
La tradition,
qui faft appel
auxM~des, aux Perses et
aux Armeniens,
pr~cise que cesimmigrants asiatiques faisaient
partie de l'armee d'HERCULE, mort en Espagne
:
- une inte~pretation de cette tradition a reconnu der-
ri~re cet HERCULE, le dieu phenicien, MELQART, le patron de la
ville de Tyr,
le protecteur des marins.
A Tyr,
il semble que
MELQART ait ete adore comme une divinite marine responsable du
succes des entreprises maritimes.
Ainsi decryptee,
la tradition
( 1) I SI D0 ~ E a em p run t e Ga u 10 e a PLHI E V, 4 2 . PLIN E en e f f e t men-
tionne cet~e lIe sous le nom de Gaulos ;
la terre de cette lIe
tue,
seIon lui,
les s6orpions,
animau~ qui sont une plaie de
l'Afrique.
Cette lIe est placee par PLINE en Mediterranee,
a qucl-
que cinquante miles de Cercina et Cercinitis et pres de Lepadusa
(trois autres lIes).
J.
DESANGES identifie 1111e de Gaulos ou
Gauloe avec 1 rile GOllO,
au Nord-Ouest de r~alte. ef. J.
DESANGES,
PLHIE V,
1-46
;
texte etabli et commentaire p.
440
paragr.
2.
(2) Au sujet des Armeniens qui pass~rent dlEspagne en Afrique
en m~me temps que les M~des et les Perses, RABAN ne nous dit
plus rien.
L'abbe de FULDA les ~ tout simplement oublies, a ce
quIll semble.

412
de l'origlne des Maures et des Numides ferait plut6t allusion
a l'immigration phenicienne
(1),
ce qui aurait completement
echappe aussi bien a SALLUSTE qu'a ISIDOAE et aRABAN MAUR.
'
.
- une autre interpretation pref~rait percevoir dans
cette tradition,
l'echo d'une migration
europeenne
: sous la
pression d'uneinv~sion nordique, des peuplades gauloises au-
raient ete contraintes de passer en Espagne, refoulant ainsi
une partie de ses occupants,
qui,
a leur
tour,
seraient done
passes en Afrique du Nord.
Ces evenements se situeraient vel'S
1600 ay.
J.-C.
(2).
Sans vouloir discuter de l'historicite de
cette invasion nordique du XVIe si~cle ay. J.-C., nous consta-
terons seulement l'absence de donnees obJectives sur lesquelles
s'appuyerait la
these d'une migration massive d'Espagne vers
l'Afrique du Nord.
Cela dit,
on remarquera la ressemblance que
presente le profil de cette immigration Jlypothetique avec
l'a-
venture vecue par les Vendales sous le commandement de leur
chef, GENSERIC,
au Ve si~cle de l'~re chretienne, et qui les
a amenes a s'etabli~ en Afrique du Nord.
..",'"
Outre cette tradition classique rapportee par SALLUSTE
et reprise par RABAN d'apres ISIDORE,
il y a dans l'h.i.storio-
~raphie antique une aUtre tradition relative a la population de
l'Afrique du Nord et a ses origines : cette tradition est rap-
portee par l'Historien byzantin, PROCOPE
(3).
Comme pour le re-
cit de SALLUSTE,
le texte de PROCOPE se rapporte davantage aux
immigres, c'est-a-dire, a ceux qui sous la pression de circDns-
tances divetses
(polltiques,
economiques et militaires)
quit-
""', terent leur pays c1'origine pour venirs'etablir en Afrique du
", Nord. De,la population autochtone, PROCOPE, tout comme SALLUSTE,
dlt tres peu de choses
; il se contente seulement dlen prendre
act e
: " Avan t
e u x (le s i mmi 9 res)
e cri t - i 1,
1 a Lib y e eta i t
h a b i -
tee p~r d'autres peuples qui,
sly trouvant fixes depuis une hau-
(1)
Cf.
DECRET et FANTAR,
op.
cit.
p.
31.
~1. FANTAR signale que
sur les monnaies frappees clans les ateliers tyriens,
MELQART
chevauche l'hippocampe.
(2) Cf.
les m~mes auteurs,
ibid.
(3)
PROCOPE,
Bell.
Vand.
11, 10, 13 et suiv.
Cf.
DECRET et FAN-:-
TAR, op.
cit. p.
32.

413
te antiquite,
etaient regardes comme autochtones".
Ainsi,
com-
me dans le recit de SALLUSTE,
il y a aussi chez PROCOPE, des
autochtones et des immigrants
et ces immigrants sont d'ori-
gine asiatique.
Cependant dans le recit de l'historien byzantin,
les elements paraissent se referer davantage ~ un fond histo-
rique : ~ travers la trame des faits plus ou moins travestis,
l'exeg~se du texte reconnalt ainsi, l'invasion des Peuples de
la Mer,
les Philistins,
les I-Iebreux en terre cananeenne.
En
somme,
le texte de PROCOPE concerne presque exclusivement les
immigres asiatiques,
cananeens en l'occurrence.
11 reconnalt
·'1
'.
l'existence en Afrique d'une population anterieure,
constituant
le fond autochtone
; mais pas plus que le texte de SALLUSTE,
il
n'aborde le probl~me des origines de cette population.
Ainsi,
autant dans l'histor~ographie antique que me-
dievale,
les informations relatives ~ la population nord-afri-
caine et ~ ses origines portent ~resque exclusivement, sur les
elements immigres, ceux qui vinrent de l'exterieur, grossir et
enrichir le substrat indig~ne. Si les textes antiques mention-
nent tout de m~me l'existence de ce substratum, les textes medie-
vau>',
en revanche,
n 'y font aucune allu,sion
: apparemment toute
la population nord-africaine se voit attribuer une origine asia-
tique ou europeenne,
~ part un seul element -les Massyles- qui,
implicitement, peut ~tre regarde comme autochtone. 11 semble,
d'ailleurs,
que sous l'influence de la culture phenicienne,
qui
a connu une tr~s large diffusion en Afrique du Nord,
la popu-
lation autochtone elle-m~me a finl par s'attribuer des origi-
nes cananeennes
: dans une de ses lettres,
ST-AUGUSTIN rapporte
qu'interroges sur leurs origines,
les paysans de la region
d ' HIP PO NE 1 0 ' act ue 11 e An nab a, en A19 er i e) rep 0 n d a i en ten 1 an -
gue punique qu r ils etaient cananeens
(1).
La chronique de ST-
H1PPOLYTE compte les Afri parmi les descendants de CANAAN
(2).
(1)
et
(2) Cf.
DECHET et FANTAR,
op.
cit.
p.
33.
... -~-

, 414
3 . RABAN MAUR ET L' ADOPTION DE LA METHODE ETYHOLOGIQUE
"-----------------_._-_._-----"---------'-'------_._------
.~
A travers ses indications relatives a la population
nord-africaine, RABAN MAUR apparalt,
plus que jamais, comme le
fid~le disciple d'ISIDORE De SEVILLE, car la co~naissance ~u'il
nous transmet sur ces populations est enti~rement· inspiree par
1 'esprit de la grammaire isidorienne.
Comme caract~re
distinc-
tif,
le savoir grammatical a,
chez l'ev~que de Seville, l'a~--
~bition fondamentale d'~tre une methode universelle de c~nnais­
sance.
Dans cette conception,
l'etymologie est p~ur lui, la
pointe. la plus fine de 1 'analyse grammaticale, et la recherche
de l'etymologie est une sorte de methode de differenci~tion par
excellence, qui permet 'de connaitre chaque chose et chaque
,.....
~tre dans son originalite propre.
(1).
En verite,
cette importance de l'etymologieprovient
des philosophes storciens qui seuls, avaient reconnu ~ Y·'ety-
mologie la plenitude d'une connaissance scientifique,· capable
d'atteindre la verite des choses ~ travers les mots quiles
des i g n e n t •
(2). Ch e z I SI DO RE et c he z RA BAN c e pen da nt,
1 ' et)lnl 0 -
logie est devenue la demarche essentielle de toute connaissance.
Mais,
c"est a ne pas sly meprendre. La plupart du temps, l'e-
tymologie du terme-m~me est ignoree, et c'est une explication
plus fantaisiste que fondee,
qui est proposee ~ la place (3).
(1)
Cf.
J.
FONTAINE,
ISIDORE De SEVILLE et la culture classique "
dans l'Espagne wisigothigue,
t .
I,
Paris,
1959, p.
203.
(2)
Cf,'
J.
FONTAINE, op.
eit.
t.
1.
p.
41.
(3)
Cf.
supra,
toutes 1es explications de RABAN.

415
~L 'HYDROGRAPHIE DE L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE
Les indications donnees par les auteurs sur l'hydro-
graphie de l'Afrique septentrionale sont tres maigres
:
d'un
cote,
DICUIL,
RABAN et l'ANONYME du
De situ orbis se contentent
de mentionner seulement le nom
de
deux fleuves
;
de l'autre,
RABAN signale deux sources,
l'une dans l'oasis d'AMMON,
l'autre
chez les Garamantes,
et dont
les caracteres les rangent tout
simplement au rang des merveilles.
a / Les fleuves
Le premier fleuve
en
question est appele Amsaga
par DICUIL,
Ampsaga par RABAN MAUR,
Ambuga ou Absaga ou encore
Ansaga chez 1 'Anonyme du
De situ orbis.
Chez
les deux
premiers
auteurs,
ce fleuve est presente expticitement comme la frontiere
entre la Mauretanie et la Numidie
(1),
tandis que chez
le der-
nier auteur,
c'est-a-dire,
l'Anonyme,
il
l'est de fa90n
impli-
cite
(2).
- Le deuxieme fleuve,
la Malva,
est mentionne par
RABAN seul,
qui en fait
la frontiere
entre les deux Mauretanies
(T in 9 ita nee t
Ce s a r i en ne
(3) ).
(1)
-
"Gaulalia et Mauritania finiuntur
ab Oriente flumine Amsa-
ga ••• " ou
"Numidia et Africa Carthaginensis finiuntur
ab Oriente
Syrti minore,
ab Occidente flumine
Amsage ••• ".
DICUIL,
op.
cit.
Ill,
1-2.
p.
54.
-
"Incipit
(Nimidi<i)
autem a
flumine
Ampsage,
in
Zeugitanum
limitem desinit,-habensab ortu Syrtes minores ..• ".
RABAN "lAUR,
De Universo,
col.
352.
( 2 )
"F 1 u v ius v er 0 Am bug a ab est
a Ca e s are a t r e c e n t i s v i gin t i
duo-
bus milibus .•.
Absaga Munidiae
(Numidiae)
nomine celebrata •..
ad quem Numidiae et AFRICAE ab Ansaga longitudo sunt milia quin-
9 e n ta,
1 a t i t u d 0 due e n t a ." ANON Y'-1 US,
Des i t u 0 r b is,
0 p.
c i t.
I I ,
p.
58-59.
(3)
"Utraeque igitur provinciae sibi
conjunctae ab oriente Numi-
diam habent,
a septentrione mare Magnum,
ab occasu flumen
Malvam,
a meridie montem Astrixim,
"
RABAN MAUR,
De Universo,
op.
cit.
col.
352.

:',
416
".,." .
.::,
' . "
'.,
La Malva ou
la Mulucha est l'actuel
cours d'cau ma-
',rocain
appcle Moulouya.
Quant a
1 'Ampsage,
c'est 1 'actuel
Oued-'
.el-Keblr,
situe en
Algerie.Ces deux
rivi~res ont joue un r61e
de fronti~res polltiques et administratives a l'epoque romaine.
Jadis,
le royaume
indig~ne des Maures s'etendait de l'Atlan-
. tique a
la Moulouya
(1).
Le royaume
des fvlasacsyles
allait
de--
la ~oulouya au Cap ir~ton (Cap Bougaroun, au nord de la ville
~eConstantine, en Algerie) et peut-~tre m~me jusqu'a l'Ampsaga
" (oued-el
I(ebir)
(2).' Entre 1 'Ampsaga et
le territoire de
Car-
:thage,
s'etendait le royaume des Massyles
(3).
Sous l'adminis-
;itration romaine,
1 'Ampsaga
etait consiclere comme la
fronti~te
:~ntre la Numldic et le bloc des deux Mauretanies, tandisque
la Malva
(la Moulouya)
constituait la
limite entre la. Maureta-
nle Cesarienne,a
l'Est j
et la Mauretanie Tingltane qui s'etencl
;i~squ'a 1 'Atlantiquc.
b / Le s sou l' oes
.:, ...
Parlant d~ l~ dlve~site des eaux naturelles, RABAN
"':MAUR distingue
:
des. eaux de. sel,
de nitre,
d'alun,
de soufre,
~e bltume, et des eaux .qui s'emploient dans la cure des mala-
.,. .~ ..
des.
Cette distinction
faite,
l'abbe de FULDA en
vient ensuite
'.:aux nombreux prodiges que
les hlstoriens,
dit-il,
ont racontes
a u s u jet d e c e sea u x.
Ain si,
en
c e qui con eel' n e l ' Af l' i que s e p -
.
,
··tehtrionale,
RABAN
rapporte deux
cas de ces prodiges
aquatlques,
eh compilant ISIDORE.
. '.'
.
, ... '.
Le p rem i e l'
ca s
con eel' n e- un e
sou l' c e 's i tu eeau x con'f in s
"~Ouest de 1 'Egypte, 'dans 1 'oasis de Syouah : "11 y d, ecrit
~A~AN, une source dansle voisinage du temple d'AMMON, en Afri-
..
--;que,
qui
arrache la terre par les etreintes. du liquide,
et qui
'durcit m~me la cendre en mottes". (4) •
..
'.' . . i
'
.
.., .,,'c.----'-
_
~
~
';0)
CL
GEI'JEVIEVE
DESIRE-VUILLEfvlIN,
Le monde Libico-berb~re dans
,/l'Antiquite in
Documentation Pedagogiquc Africaine,
nO
7.
1964,
.'p.77.
(2)
Cf.
Idem,
p.
78 •
.~ , .
'(3)
CL
Idem,
p.
78.
'
.. .
,.1
':(4)
"Fons est in
AFRICA circa templum
Ammonis,
qui
humcdis nexi-
bus
humum
stringit
:
favillas
etiam
in
cespitem
solidat. ".
'. RABAN MAUR,
De Universo,,' Ope
cit.
col.
309
...: 15ID.
Etym'"
XIII,
13 8.
~ l".:

'. "
: ~
417
Le
second cas concerne une
source situ~e au pays des
Ga l' a mant e s : 11 0 n d it, ra p po rt e J' a b b ~ , que ch e z 1 e s Ga r a mant e s ,
. se trouve
une source si froide
pendant
le jour,
que
son
eau
est
'imbuvable
et
si chaude pendant
la nuit,
qu'on
ne peut
la
tou-
'<'cher"
(1).
C'est HERODOTE qui
signale,
chez
les
Ammoniens,
une
source,
la
"fontaine du
soleil"
(fans
solis),
c10nt
la
temp~-
: l' at u l' e
v a r i e
s e Ion
1 e s ' ,h e u l' e s
d e
1 a j 0 urn ~ e.
Ce t t e
sou l' c e
f u t
~9~1~bre clans l'Antiquit~, et divers ~crivains, grecs et latins
::)2), ant
r~p~t~ ce qu'en c1it HERODOTE. D'apres 1d description
"'que ID 1 0 DO RE De
SIC I LEa don nee
de l ' 0 a s .i. s
( 3),
c e t t e
so u r c e
se
itouvait pr~s drun temple d'AMMON situe en dehors de l l acropo-
"':.,
:)e,
dans
1 'oasis de
Syouah.
ST .GSELL
identifie
la
"fontaine
du
"';'
'soieil" avec
l'Aln
cl
Hammam,
une
source qui
nait
entre des
:,palmiers,
et qui forme
un
petit
etang
e11iptique
(4),
au
Sud
,Jd ' 0 um Be i cl a. L' eau cl e c et t e sou l' c e est t l' e s 1 imp id e, no us d i t
,ST.GSELL
;
du
fond
remontent
des
bulles
(5)
qui,
dit-.il,
rap-
,p e lIe n t
( s i
l ' 0 n v eu t )
1 e s
mat s
d' HER 0 DO T E :
" e 11 e
s' a 9 i t e e n
-;'bouillons".
La temperature
de
cette eau
ne
varie
pas
contraire-
,,:...
:ment ~ l'affirmatio~ d'HERODOTE
:
elle est
de
29
(vingt-neuf)
!.-: .
'.degtes
(6).
Cependant,:el1e;parait plus fraiche
le
jour,
a
"~aus-e de la cha1eur de '1' alr'ambiant : telle est, scIon St. GSELL,'
~l'otigine de l'erreur c1es informateurs d'HERODOTE, erreur enjo-
.,.
'
·)ivee de
details pr~cis, mais fantaisistes.
Dan\\s
cettc oasis.
:>....' - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
'0)
"Apud Garamantas fontem
esse
(aiunt),
ita
algentemdie,
ut
<i1bn
bibatur
;
ita
ardentem
nocte,
ut non
tangatur. 1I
'RABMI MAUR,
De
Universo',
op.
cit.
col.
309.
>- ISID. Etym. XIII, 13" 10.
:(2)
Cf.
DIODORE
XVII,
50
;
Quinte-Curce
IV, 7,
22
;
ARrnOl,
Anab.,
':111,
4,
?-. LUCRECE, VI, 841 et suiv. ; OVIDE, Metam., XV, 309-
'
; 31 0
;
P 0 HP 0 ~l IUS ~1 ELA,
I,
3 9 ;
P L I ~I E,
I I,
2 2 8,
e t C. • •
'.'"
(3)
DIODOI1E,
XVl1,50,
sans doute
d'apres CALLISTHENE,
qui
ac-
60mpagna ALEXANDRELE GRAND a 1'oasis d'AMMON.
'(4)
Vues photographiques dans Steindorff,
fig.
37 et
43,
apud
":GSELL,
HERODOTE,
op.
cit.
p.l06.
,(5)
Naturellement,
1 'ascension
de
bulles,
ainsi
que
le remarque
ST.GSELL,
n 'est pas
un
phenomene particulier a cette source tie-
de.Cr.
GSELL,
HERODOTE,
op.
cit.
p.
106 n.
6.
(6)
Steindorff,
apud
GSELL,
op.
cit.
p.
106 •
.~. ,
;.':.

'. r
" '
. . '. ~:
418
~d'AMMON et ailleursencore (1), des fontaines ti~des provoquent
,la m~me illusion;
des
textes anciens et m~di~vaux mentionnent
ies pr~tendues variations de temp~rature d'autres sources dans
'~\\,1 e des e r tar r i c a in ( 2). Te 1 est 1 e cas, i c i, d e c e t t e s ~c 0 n d e
,,Sour'ce situee chez les Garamantes.
Dans PLINE,
on
l i t :
"Au-
dei a de ce mont (le'mont 'Ater), des d~serts, puis Thelge, ville
,des Garamantes et aussi
Dediis avec sa source qui repand
des
~aux brGlantes de midi'a minuit et des eauxglacees autant
'?'lieures jusqu'a midi, e t Garama,
la tr~s celebre capitale des
> ...
;Garamantes, ••. "
(3).
A la suite de PLINE,
divers
auteurs,
dont
,',SOLIN
(4)
et
5T .AUGU5TIN
(5)" se
sont
faits 1 'echo
de cette mer-
,v~ille existant au pay~ des Garamantes ; il en est de m~me d'I.
';. ....
'SIDORE
(6)
a
qui RAG,AN ,MAUR
doit sa repetition.
Dans
le desert,
comm'e le soulignent 5T .G5ELL
(7)
et J.
DE5ANGE5
(8),
des
sources
......:'
ti~dei paraissent extr~mement fralches au milieu de la journee
~',e n r'a i so n de 1a ch ale ur de l' air am b i ant. La n u it, a u con t r a i re ,
,bien' que leur temperature re~te a peu pr~s constante, ces m~mes
;~~u~ces paraissent chaudes a, cause toujours de l'air ambiant
. " \\
,
devenu tres froid
la nuit.
Quoi
qu'il n 'y ait pas lieu de
confon-"
:;ore la source de l'oasis d'Ammon
(5youah)
avec la
source des
<',Garamantes,
il est 'fortvraisemblable que\\PLH1E ou 1 'auteur
in-
,
,.
.
'
\\
'connu qu'utilise le naturaliste ait rappr6che dans
son
esprit
'"
;U 'ob s e r vat ion f a i tea De d r i s a v e cIa des cri p t ion b i en con n u e ,
e la source de l'oasi~ d'Am~on par HERODE.,
I
"',~ .'
*
* *
*
" .>.:
Malgre
so~ c~ractere tres sommaire, cet apercu hydro-
'.". .~
~raphique de l'Afri~ue septen~rionale debouche sur une observa-
ion
int~ressante sur l'homme medi~val, savoir, son goOt de pro-
;·..·(1)
Par exemple,
dans 1es oasis
de
Baharieh
et
de
Dak1eh
: Cf.
,e V~ VI EN De ST. MAR THI, Le NOT d cl el' Af r i q u ed aon s '1" Ant i g u it e, p. l~ 1.
«2)'PLINE 11,
228
signale un
"fons solis"
chez les Troglodytes
PLHIE,
V,
36
;
SOLHI XXIX,
1-4 ;
RABMI,
De Universo,' col.
309.
:!( 3) PL HI E , V, 3 6 •
'
::(4)
50LIN,
XXIX,
1'::4.
!(5)
AUGU5TIN,
eiVi.' Dei",XXI,
5.
;:(6)
I5ID.
Etym.
XIII,
13,
10.
.,
(~) G5ELL, cf. supra.
(8)
J.
DESAIIJGES,
PLH1E L'Ancien,
1.
V.,
1-46.
op.
cit.
p.
393'.
':...

'.,
!
J
,,~ '. f .
: :
419
' " : , '
dig e e t d u fI me I' v e ill e u x ".
En e f f et,
c e them e del a sou I' c e qui
durcit la terre par des contractions du liquide qu'elle contient,
et qui agglomere les centres en mottes,
ou de la source qui se
refrbidit pendant le jour, et au contraire,
se r~chauffe pendant,
,la nuit,
s'inscritdans la typologie des ph~nomenes prodigieux
dont les manifestations caract~risent l'univers m~di~val, et
dont la croyance emporte ,tout naturellement I'adh~sion de 1 rhom-
me.
Divers ph~nomen.es "merveilleux fl sont en rapport avec les
eaux.
Dans les cas qui nous occupent,
nous assistons ~ l~ mani-
~estation exceptionntlle, crest-~-dire d'une fa90n curieuse d'~­
;l~ments, qui rompt le cours normal de la n~ture. En effet, d'a-
pres les lois de la Nature,
c'est-~-dire d'apres l'exp~rience
~humaine commune, I'action de l'eau sur la terre ou la cendre
conduit au ramoJlissement,
a la d~sagr~gation et ~la dissolu-
'tion de ces matier~s, mais jamais ~ leur renforcement et ~ leur
:ponsolidation. Or,
que se passe-t-il ? 11 se passe que cette
'source afr1caine dont le liquide f).:lralt dot~ d'on ne sait quel-
le vitalit~ magique, exerce une action contraire aux 101s na-
'turelles: elle c1urcit la ter're au lieu de la ramolU.r et de
l'effriter
; elle consollde les cendres,
les agglomere en mottes
'au lieu de Ies dissoudr~ nor~alement. Quant ~ lraction du so-
:
'.
,,'le il qui s' e xere e pen da ri tIe' j 0 ur, ell e de vI' a i t norm ale men t I' en -
::'dr e l ' eau ch a u de,
t cl n d i s que la d i spa r it i 0 nd e l ' as t I' e de v I' a i t
~ehtralner la fralcheurd e l'eau pendant la nuiL Mais ici ega-
·.r-
lement,
tout se pas~e '~' l'envers comme si la Nature ~tait d~­
,traqu~e dans son mecanisme : pendant le jour, 1 reau est gJ.ac~e
--au point qu' on ne peut la boire,
tandis que la nuit,
el1e c1e-
. .~ "
,; .
vie n t
s 1 c h a u de,
v 0 ire .b r u1 an t e, q u ' 0 n n e p cut 1 a t 0 u ch er.
,; :
"
11 va sans dire que les propri~t~s ou les caracteres
'cl t t i i bu ~ s ~ c e s sou t c cs I' e 1 eve n t, d an sun cas, del a f a bu1 at ion "
et daris l'autre,
de l'erreurou de l'illusion.
Hais iI n'en
.,.demeure pas moinsqu'aux yeux d'un
homme du Moyen-Age comme
·:RABAN MAUR,
l'Afrique,
th~atte de ces prodigcs, ne saurait e-
:'tre consid~r~e comme un monde normal, ~ I 'instal' de 1 'Europe.
:,:-
/ .. ;,.:;"...
!-.,
,:
"
,,-
, . '
. .
: '
"i• .)-:"
.

. ".:
420
Ces ph~nom~nes contre nature qui s'y produisent laissent plu-
tot penser que crest un monde"diff~rent",
un monde a part, bref,
un monde o~ beaucoup de choses sont ~ 1 'inverse de ce qu'elles
sont en Europe. C'est pour tout dire,
un monde myst~rieux, voire
~trange, et partant, un monde suspect.
",,,,,'
..
,
... .
':..
,',
. . .;;".
.,';"
' . '
'.,:.
"
:' .,':.;.:.
:.t·
- ....
' , ' , .
.... .

421
E / LA FL"ORE DE L 'AFRIO~F SEPT[tJTF~)Or~"lJ_
De tous les auteurs,
seul
RABAN MAUR nous parle de
deux elements de la flore
africaine
il
s'aqit du Cedre et
du Terebinthe.
Apropos du cedre,
RABAN ecrit
(1)
"Le cedre que
les Grecs appellent
"cedron" pour
ainsi
dire "caiomenes druos",
c'est-a-dire "seve de l'arbre ardent"
a des feuilles qui res-
semblent a celles du
cypres
son
bois est d'une senteur agre-
able,
il
est tres resistant et les mites ne 1 'attaquent jamais.
De cet arbre,
le poete PERSE dit
:
"Et 1 'on parle du digne ce-
dre",
evidemment, a cause de sa durabilite perpetuelle.
D'oll,
a cause de sa longue duree,
on utilise son
bois pour faire des
lambris dans les temples.
Quant a sa resine, qu'on appelle re-
sine de cedre,
elle est si utile dans la
conservation
des livres,
que,
lorsqu'ils en sont enduits,
ils
(les livres)
ne souffrent
ni
des mites, ni ne s'usent avec le temps.
Le cedre pousse en
Crete,
en Afrique et en Syrie.
De fait,
le cedre est,
comme on
dit,
l'arbre imputrescible de toute la Nature;
il est de sen-
teur agreable,
d'aspect elegant;
allume,
il fait
fuir
de leur
nid les serpents et les tue.
Toutes ces qualites sont reunies
chez ceux qui
sont parfaits,
et dont la patience est invincible
excellente reputation
dans la pratique des vertus,
presence ap-
preciee dans tout ce qui est
bien,
autorite pour refuter et con-
fondre ceux qui resistent a la verite,
des qualites tout a fait
inalterables,
que seuls ont ceux qui,
dans cette vie et dans
la vie future,
brillent par
leur superiorite plus que le reste
des Saints".
Entrant ensuite dans des considerations d'ordre
spirituel,
RABAN reconnait
au cedre une signification mystique
il designe le Christ ou la Sainte Eglise.
Symboliquement aussi,
le cedre figure les prophetes et les Apotres.
Mais par ailleurs,
les cedres figurent
aussi
les heretiques orgueilleux,
ou bien
les philosophes ou encore les demons.
(2).
(l..2) "Cedrus
quam Graeci cedron vocant,
quasi caiomenes druos u-
gron,
id est,
arborls humor
ardentis,
cujus folia
ad cypressi
similitudinem respondent:
lignum vero
jucundi odoris est,
et
diu durans,
nec a. tinea unquam exterminatur,
de quo Persius
:
"Et cedro digna locutus," scilicet propter
durabilem perpetiuta-
tem.

i' "
422
Parlant de la resine des arbres,
qulil definit commc
etant la larme ou la goutte de gomme que les bois exhalent en
~ueur, RABAN cite en tout premier lieu, et dlapr~s ISIDORE, la
resine du terebinthe ou la terebenthine
"La premiere est la
resine du Terebinthe,
superieure ~ toutes les autres. Elle pro-
vient d'Arabie Petree,
de JUdee,
de Syrie,
de Chypre,
dlAfrique
et aussi des iles Cyclades ••• "
(l).
;.:;.
:"',"
.i,.
',"
.
. :;
.' .;.. ,',
,
(suite)
"Unde et in templis propter diuturnitatem ex hoc ligno
iaquearla fiunt.
Hujus·ligni resina cedrea dicitur,
quae in
'~"
con s e r van d i s lib r is ad e 0
est uti 1 is,
ut per 1 i t i
ex ea n e c tin e a s~
patiantur, nec tempore consenescant
: nascitur in Creta,
AFRIC/\\-
.... :
atque Syria. Cedrus namque,
ut diximus,
arbor est imputribilis
6mnino naturae, odoris jucundi,
aspectus nitidi,
serpentes ac-
censa nidore fugans ac perimcns
: quae universa perfecti£ qui-
busque conveniunt,
quorum insuperabilis est pati~ntia : fama
virtutum cximia,
piaesentia cunctis gratissima bonis,
autoric-
. tas ad revincendos confutandosque eos qui veritati resistunt,
~onstantissima : qui et in hac vita et in futura singulari prae
caeteris sanctis eminentia fulgent.
Nempe cedrus Christum sive
san~tam Ecclesiam ~ystlte significat ••• Item cedrus prophetas
atque apostolos typice~figurat••• Item cedri superbos haereti-
cos;
sive philosophos,
seu etiam daemones figurant."
'RABAN MAUR,
De Univer,so',' col.
517.
:- ISID.
XVII,
7,
33.
(1)
"Resinam Graeei retinent vocant
: reon enim graece dicitur,
quidquid manat.
Est enim lacryma sudore exhalata lignorum
: ut
cerasi, )entisci,
balsami,
vel reliquarum arborum sive virgul-
-torum, quae surJare produntur
: sicut et ordorata Orientis ligna;
sicut gutta balsamiac ferularum vel succinorum,
cujus lacryma
""durescit in gernmam.
P~ima es·t resina terebin'thina omnium praes-
~",
.. tailtior.
Affertur autem ex Arabia patria
r Petraea l at,que Judaea:
e t
Sy r i a, Cypro e t
Af r ie a ,i ex ins u1 i s quo qLI e Cy cIa efi bus: . • " .
RABAN ~1AUR,
De Uniserso,' col.
523.
-
I SI D.
Etym. ' 'XVII,
7,
71.
'.'.,
, ,'., ...~ .
.' '~.." ' .:;

423
LA VISION
HISTORIQUE
Les indications historiques donn~es par les auteurs
sur l'Afrique septentrionale sont maigres,
et peuvent ~tre
'regroupees sous deux
rubriques
:
- d'une part,
l'Afrique sous le syst~me t~trarchique
- d'autre part, les resistances africaines a la conqu~­
te ou a la romanisation du pays.
1, • L' AFRIQUE SOUS LESYSTEME TETRARCHIQUE
(l)
.
-~-----------'-------------------------
A travers quel~ues passages tires principalement de
.1'Histoire de PAUL OROSE,
deux auteurs,
FRECULF et le roi ALFRED
Le Grand, nous indiquent le sort de l'Afrique dans les reorga-
riisations successivesde l'Empire romain
sous l'empereur DIO.
CLETIEN et ses successeurs.
Dans sa t]~aduction de J. 'Histoire de PAUL OROSE,
le r o i "
ALFRED,
~voquant la premiere tetrarchie (2) fait etat de la mis-
~5ion, que 1 'empereu~ DIOCLETIEN avait confiee a MAXIMIEN, en
Afrlque
: "Alors, rappotte-t-il,
il
[DIOCLETIEN J plaga sous
lui trois Cesars
: le premier etait MAXIMIEN,
le second CONSTAN.
,C E,
1 e t r 0 i si em e, GAL ERE.
l I e n v 0 y a en Af r i que MAXU1I EN,
qui
(1) ,La t~trarchie est un syst~me de gouvernement a 4, instaure
par l'empereur DIOCLET1EN en 293 ap.
J.-C.,
dans le but d'evi-
,ter les ,troubles de successions imperiales. Ce systf~me faisait
'coexiste'r deux "AuQustes", dotes des m~mes attributs et des
;'in~mes titres, <Jvec-cependant, la primaute ~l l'aine Oe "plus
::fort",
le "premier").
Ce qui devait eviter tout desaccord entre
:'eux~ Ce couple d 'Augustes etait double c1'un couple de "Cesars",
chacun de ces Cesars etant l'auxiliaire d'un Auguste qui l'avait
~choisi pour son merite et non pour des raisons d'ordre familial.
/,(
(2) ... / ... )
.;".

424
vainquit
leurs ennemis .0).
Compilanttextuellement PAUL OROSE,
FRECULF nous par-
: 1 e i c i d I u n d eu x i em e par tag e del' Em p ire ram a in,
p () r tag e qui
vit l'attribution
de l i Afrique
~ CONSTANCE, qui la e~da ensui-
te ~ GALERE
:
"GAILERE et CONSTANCE,
dit-il,
les premiers Augus-
t e s
d e l I Em p ire ram a'i n,
1 e
d i vis ere n t e n
d e u x par t s
: CALE RE
MAXIMIEN obtint
l'Illyrie,
l'Asie et
l'Orient
;
CONSTANCE re~ut
~l'Iialie, l l Afrlque et les Gaules. Mais CONSTANCE, homme d1un
naturel
tres palsible,
eida
toutes les,autres partIes ~ GALERE,
s e c 0 n ten tan t
s e u 1 e men t
d e l a Ga u 1 e r e t
d e l ' Esp a g n e J 1,1
(2 ) •
: (suite)
Chaque Cesar sueeedait ainsi ~ son Auguste lorsque eelui-
. ;" e i
m0 u r r a it 0 use re t i r it i t •
DI 0 CLET I EN
co u ran n a cc t
id i Fie e en
:deeidant que
ehaeun
des
quatre souverains
(empereurs)
devait
",abdiquer au
dibut
de sa vingtieme
ann~e d 'exereiee. Telle est
-.; d an s, 1 a the 0 r i e Fin n 0 vat ion
pal i t i que quI
v It 1 e
j 0 u r
a u p r in -
:':temp's de l'annee
293 ap.
J.-C •
./(
(z,) ••• / ••• )
Dans la pratique,
DIOCLETIEN devenu
empereur en
: Se pt,em b r e 28 4 a p.
J. - C.
s' a d j 0 i 9 nit
d' a bar d MAXI MI EN HER CUL E ~
;-qui :iJ.
aeeorda le titre de Cisar en
286
ap.
J.-C.,
puis
eelui
,d'Auguste en
287
;
11
lui
eonfia
l'Oeeident pendant que lui-
<nieme s'oeeupait de l'Orient.
Au printemps de
l'annie
293,
les
~deux Augustes adopterent deux Cesars : DIOCLETIEN adopta GALERE
:- e t
MAXH1I EN
ado pta CON STAN CE.
CHL0 RE.
C I est 1 a p rem I ere t et r a r -
" chie.
.
I
.
.:t(l) ·"He
r DIOCLETIMJ l
,then
placed three Caesars under him:
) ':8 n w~a s MAX I MI MJ, th e s ec 0 n cl , CON STAN TIUS, the t h i r d CALE RIUS.
:, He s'ent MAXHl I MJ In t 0 AF RI CA,. who 0 v ere a met h e i rap pan e u t s . "
. : I< in g; ALFRED IS, 0 p.
c i t.
VI,
30,
1,
p.
1 8 8 •
-;< .:. 0R0 SE, VI I, 25, 4 •
>'(2)
"GALERIUS et CONSTANTIUS Augusti primi Romanorum
imperus
, ( in
du asp art e s
cl i v i se run t
: GAL ER IUS 1"1 AXI MI AN US I 11 Yr i cum ,
'. ,,' As i a met 0 r i en t em; : CON STAN TIUS I tal i a m,
AF RI CAt'1 e t e a 1 1 i a s
. >: 0 btin u it... Se cl CON STMI TIUS vi r t ran qui 11 is i mus, Gall i a tan tu m
::rHispaniaquel,contentus,
GALERIO eeteris partibus eessit".
:.FR ECULP HUS, CIlT 0 n i con ,'ap. c it. coL 1 1 90 •
.>OROSE, VII, 25, 15.
'
. .
. .~ , "

i<
425
Traduisant un autre passage d'OROSE,
le roi ALFRED
parle lui aussi de ce deuxi~me partage de 1 'Empire romain de
, fac;on plus complete que FRECULF
: "COHSTAHCE, rapporte-t-il,
prit toute 1'Italie, l'AfriqUe, l'Espagne, la Gaule et la Bre-
tagne ; mais i1 ~prouvait peu d'envie pour ces biens temporels
:.;
et pour le pouvoir supr~me ; et pourcette raison, de s~n plein
gr~, il abandonna ~ GALERE, 1 'Italie et l'Afrique. GALERE nom-
ma deux empereurs
l'un s'appelait SEVERE,
~ qui il donna
l'Italie et l'Afrique
l'autre, MAXIMIN,
recut ks provinces
"'occidenta1es (1).
D'apr~s OROSE toujours, ALFRED mentionne lci deux ~­
,v~nements, d'une patt"le passage de l'Italie et de l'Afrique
,sous lrautorit~ de LICINIUS, ~ la suite d'un nouveau remanie-
;,ment imp~rial ; et d'a~tre part, la pers~cution subie par les
,,.',. ch r ~ tie n s en Af l' i que : 11 Al 0 r s, d it - i 1, GAL ERE don n a I ' I tal i e
',,':et 1 'Afrique a LICHIIUS, et i1 y ordonna le bannissement de
i,touS les chretiens ferVents"
(2).
L'attribution successive de l'Afrique aux empereurs
. '\\
'CONSTAHCE, GALERE, SEVERE et LICIHIUS appelle un bref rappel
'historique.
: (l )
11 C0 ~I STAN TIUS
too k a 11 I tal y,
and AFRI CA 'a n d Spa in,
and Ga u 1 ,
',:and Britain;
but he had little wish for these worldly tings
~~~nd for tfle great 'p6we~ ; and tllerefore, of his own will, he
gave up Italy and AFRICA to GALERIUS.
GALERIUS placed two kings
. .''.
under him
: one was named SEVERUS, to whom h~ gave Italy and
AFRICA;
and he placed MAXIMINUS in the eastern countries.
kinQ ALFRED's, op.
cit. VI,
30,
3, p.
189.
Cf. 'OROSE,
VII,
25,
15~16 .
. ,:.,
(2)
"GA~ERIUS then gave Italy and AFRIC,Ato LICINIUS, and he
ordered all the be~t christians, that were there, to be banis-
hed."
,King ALFRED's, op.
cit. VI,
30,6, p.
190.
Cf. OROSE VII,
28,11-12.
1 . · ••

42G
La deuxi~me et la troisi~me t~trarchies, auxquelles
font allusion FRECULF et ALFRED,
s'expliquent de la mani~re
suivante. Le ler Mai de l'ann~e 305 ape J.-C., l'empereur 010"
CLETIEN, auteur du syst~me t~trarchique,
abdiqua suivi de MAXI~
MI 01 HER CULE: 1 e s d e u x Au g u s t e s , .c 0 mme con ve nu,
1 a i s s a i e n t
ainsi la place aux deux C~sars, qui devenaient, ~ leur tour,
Augustes. Mais avant d'abdiquer,
DIOCLETIEN et MAXIMIEN nom-
m~reht deux nouveaux C~sars, SEVERE pour l'Occident et MAXIMIN
DAIA pour l'Orient.
De propos d~lib~r~, les deux empereurs sor-
tants ~cart~rent donc les h~ritiers du sang, MAXENCE, fils de
MAXIMIEN HERCULE, et CONSTANTIN,
b~tard de CONSTANCE CHLORE :
ce fut la cause principale des desordres qui suivirent presque
-. aussit6t, et qui aboutirent ~ la troisi~me t~trarchie (306 ape
J.-C.).
Selon la pens~e de DIOCLETIEN,
la place des Augustes
n1etait pas aux pos~es de combat, qui ~taient reserv~s plutBt
aux Cesars.
Mais au contraire,
les nouveaux Augustes,
au lieu
de ~evenir vers le Sud, demeur~rent sur le f~ont, CONSTANCE
CHLORE ~ Tr~ves,
CALERE ~ Serdica. CONSTANTIN, qui avait reussi
~ rejoindre son pere CONSTANCE, se fit proclamer empereur par
l'a~mee de Bretagne, ~ lamdtt de ce dernier (25 juln 306 ape
- j.-C.) sans se soucier de son Cesar. La nouvelle tetrarchie
I
rcomprit donc deux Augustes, CALERE et SEVE~E, et deux C~sars,
. MAXIMIN DAIA et CONSTANTIN.
., ,' .
. ', ... '.
Le d~sorJre ne s'~rr~ta pas l~. Le 28 octobre 306,
MAXENCE s'insurgeait ~ Rome, prenant pour l'instant le titre
',,',
de i'Princeps".
Dans laguerre qui s'ensuivit,
SEVERE fut tue
(307 ape
J.-C.).
CALERE se porta ~ son tour, contre MAXENCE,
mais sans succes.Par ~illeurs, CONSTANTIN epousant FAUSTA, la
soeur do.MAXENCE, prenait le titre d'Auguste.
Ainsi,
donc,
la
~~volte des princei du sang fit ecrouler le syst~me de DIOCLE-
. '.'.\\
_, TIEN.
", .,' ~
Le vieil empereur
(DIOCLETIEN)
sortit de sa retraite
et, d'accord avec GALERE et MAXIMIEN,
tenta en vain,
~ l'entrevue

427
d e. Car nun tu m,
dere tab 1 i r 1 a t e t r a r ch i e
:
i 1 pro p 0 s a i t
co mme
Augustes, GALERE et un compagnon d'armes de ce dernier,
LICINIUS
et comme Cesars MAXIMIN et CONSTANTIN.
Pour flatter ceux-ci,
o n 1e ur 0 f f r i t I e tit red e "f i 1 s des Au 9 u s t e s 11. ~~ a I s CON STAN THI
n'abdiqua pas le titre d'Auguste.
Maximin l'usurpa ~ son tour.
MAXENCE conserva l'Italie et s'empara ensuite de l'Afrique
en reussissant ~ abattre 1 'usurpateur DOMITIUS ALEXANDER. L'Em-
pire comptait alors cinq Augustes ~ la fois.
Le ban~sse~ent des Chretiens en Afrique comme d'ail~
leurs dans les autres provinces de l'Empire, n 'est qu'un des
episodes de la persecution.des chretiens sous DIOCLETIEN et ses
successeurs. Cette persecution declenchee par DIOCLETIEN fut
consideree par la tradition chretienne comme 1ft plus cruelle
.. ~'.,
qui ait eu lieu, et en meme temps,
la plus longue de toutes.
Ce-
pendant,
sa duree et sa brutalite varierent beaucoup suivant
les regions de l'Empire et suivant les empereurs.
Avant LICINIUS.,
MAXIMIEN semble avoir donne l'exemple en Espagne,
en Gaule et
en Afrique,
des 295 ape
J.-C.
Le premier edit de persecutIon
(23 fevrier
303)
ordonna la fermeture des eglIses et la confis-.
cation des livres ~aints. A la resistance des Chretiens, il re-
pondit par deux edits qui ordonnaient au clerge de sacrifier
(~: l'empereur etaux dieux patens) ; puis un dernier edit eten-
di~ aux fideles l'obligation de sacrifier.
FRECULF,
qui se reFere cette fois ~ SEXTUS AURELIUS
VICTOR
(1), nous p~r1e eJ'un autre partage de l'Empire romain,
. .'.; ..
entre les heritiers de1 ' empereur CONSTANTIN Le Grand: dans
. '; .
ce partage, rapporte-t-il, CONSTANTIN 11 regut la partie trans-
alpinel;
la part de CONSTANCE commengait au detroit de la Pro-
pohtide et comprenait l'Asie et l'Orient,
~ CONSTANT revenaient
i'Illyrie, l'Italie et l'Afrique
; quant ~ DELMACE, il regut
la Thrace, la Macedoine e t l 'Ach~re. Cependant, la dispute ne
'.-' '
(l)
SEXTUS AURELIUS VICTOI1,
Epitome de Caesad.bus,
41
(ed.
Hist.
Rom.
ss. m.
1789).
","".' ..

:. ,.;
428
tarda pas a naitre entre CONSTANTIN et CONSTANT a cause de la
,possession de I'Itjlie et de I'AfriqUe
(1).
Enfin, compilant OROSE,
FRECULF fait
~tat de la prise
du pouvoir a AUTUN par MAGNENCE, pouvoir que ee nouveI emper.eur
etendit aussitot a la Gaule, a l'Italie et l ' Afrique (2).
En
335 ape
J~-C., I'empereur CONSTANTIN(iI avait
ir~ussi a retablir llunit~ de tout l'Empir~romain), avait r~­
~dige un projet de part~ge de I'empire entre ses trois fils et
;ses neveux,
Ies deUx fiIs de DELMACE
(son demi-fr~re). Apr~s
s~ ~ort, du 22 mai au 9sebtembre, l'Empire continua d'~tre gou-
'verne en son nom.
Ses fils ne consentaient pas a accepter son
projet de partage et niacceptaient pas non plus de se subor-
donner a l'aine d'entre eux~ Finalement, un massaCre supprima
~'~les fr~res de CONSTA~TIN et pr.esque tous leurs descenda~ts. Et,
a 1 'entrevue de Viminacium, les trois fils se partag~rent I'Em-
,
,
, p ire : CON STAN THl J u n i <:> r
( C0 ~l STAN TIt~ I I) e t CON STAN T e ur en t ,
~ie premier, 1 'Euro~e, le second l'Afrique
CONSTANCE,
pour sa
part, prit I'Asie et l'Egypte. Cependant, CONSTANTIN et CONSTANT
"
.....
;ne purent s'entendre,
et COt'/STANTIN fut tue a la bataille d'A-
.' I'"
'::quUee
(Avril
340 ape
J.-C.).
Un autre partage eut lieu,
et
,~, .. '
:'CON STAN T r e <; ut, 0 u t res a par tan c i e n ne
(l I Afr i que),
1 e s Ba 1 ka n S
~~ved Constantinople~ En jan~ier 350, CONSTANT fut victime d'une
:'con~piration militaire: il fut tu~ pr~s d'Autun par un officier.,
MAGNENCE, qui se fi~ proclamer empereur.
(l) "Hi singuli has partes regendas habuerunt : CONSTANTINUS Ju-
, n i 0 r c un c t a t ran sAl pes, CON STAN TIUS a f r et 0
Pro p0 n t id is As i a m
atque Orientem, CONSTANTUS I1Iyricum Italiam et Aphri'cam',
DaI-
matius Thraciam Ma6~doniamque et Achaiam. Interim ob Italiae
Africaeiue jus ~iss~ntire st,atim CONSTANTINUS et CONSTANS coe-
.perunt.
" FRECULP HUS, 0 p.
c it.
col. 1 20 3 •
". - SEX TUSA.
VI CTOR,
Epit 0 me',; 41 •
• ' (2)
"~1AGN[NTIUS enim apud Augustodunum arripuit imperium, quod
'continuo per Galiaril, APHRICAMItaliamque porrexit",l
• FRECULPHUS, op.
eit.
col.
1206 •
. .:. OROSE, VII,
29, 8.

429
-l(-
* *
*
En guise de remarque apr~s ces premi~res ~vocations
historiques, on peut noter qu'aux yeux des auteurs ~tudi~s,
' , 1 'Afrique dont 11 est ici question,
fai t partie integrante de
1 'Empire romain,
au m~me titre que l'Italie, la Gaule, la Ger-
~anie ou la Bretagne (Angleterre). Comme terre, llAfrique done
h~rite du m~me patrimoine historique que ces pays cit~s ; elle
,fait partie du monde romain,
de la civilisation romaine,
bref
elle partage la m~me culture que ces pays europeens : par ex-
emple, ~ travers le; diff~rents partages de 1 'Empire, auxquels
:nous venons d'assister;
le sort de liAfrique est presque tou-
":jours li~ ~ celui de liitalie a travers 1 'autorit~ d 'un me-
. . ·.·:0
me empereur.
A ce niveau historique donc,
on peut dire que l'A-
'frique est en quelque sorte famili~re ~ FRECULF, a ALFRED et
a leurs contemporains.
2 .
LES RESISTAHCES AFRICAIHES
---~-------------~--'------
De PAUL aROSE exclusivement proviennent,les informa-
tions que nous donnent FRECULF et ALFRED sur les :conflits qui
:ont oppose Romains et indigenes de 1 'Afrique.
En, effet, FRECULF
',- et ALFRED evoquent sommairement iei,
quelques faits de la re-
,
,', sistance des Afri~ainsa la domination romaine en Afrique du
'., Hord. Ce sont
:
la gue~re de Jugurtha ;
le souievement des Quinquegentanei
- la revoltede FIRMUS ; et enfin,
I"
- la r~volte de GILDOH.
a / La guerre-de- JUGlIRTHA
C'est le roi anglo-saxon qui rapporte seul,
un ~pi-
:,-:. sode de la longue ~uerre que souti~ le roi Humide JUGURTHA contre
Rome: les Romains, no us dit ALFRED Le Grand,
envoy~rent contre
..>.
:,,'

'\\.
430
l
;".
'JUOURTHA le consul AULUS POSTHUMIUS avec soixante mille hommes
{
,
"
l~s deux armees se renp6ritr~rent ~ Calama (Cuelma) et les Ro-
mains furent
battus ; peu de temps apres,
une paix fut
conclue
entre les deux parties, et alors presque toute 1 'Afrique revint
~ JUCURTHA. Cela se passait,' selon ALFRED, 635 (six cent trente-
cinq)
ans apres la fondation
de Rome
(1).
De 112 ~ 105 ay. J. -C., les Romains durent soutenir
contre le Numide JUCURTHA,
une guerre longue et dure, et au
cours de laquelle lIs subirent beaucoup de revers
(2).
L'~pi­
sode dont il est ici question eut lie'u en l'ann~e 110 ay.
J.-C.
Le consul romain SPURIUS POSTHUMIUS ALBINUS venait de laisser
le commanrlement de 1 'armee romaine a son frere AULUS POSTHUMIUS
pour aller tenir l~s comices ~lectoraux ~ Rome. AULUS voulut
~urprendre la ville de Suthul (Cuelma) et subit un desastre ;
,il capitula et son armee passa sous le joug
il promit a JU-
CURTHA la paix et l'alliance
(hiver 110-109 ay.
J.-C.).
Quant ~
JUCURTHA,
apres l'~limination physique de son frere ADHERBAL, i1
se trouvait maltre ~lun tres vaste royaume qui s'~tendait de la
,1'1 ULUCHA (t10 u Iou y a ), fro n tie r e n umid 0 - ma u1.' eta n i en ne,
jus qu' a 1 a
fossa Regia,
quis~parait les territoires numides de la province
romaine d'Afrique.
Cette victoire sur les Romains conforta donc
sa position.
Sans vouloir exposer dans sesdeveloppements la
"
suite de cette guerre,' rappelons seulement que JUCURTHA fut
en
"fin de compte trahi par son propre beau-pere,
le roi BOCCHUS
"de Mauretanie,
q~i le livra aux Romains.Son ex~cution dans la
,prison du Tullianum
(janvier 104)
amena un d~membrement de sa
possession:
en recompense de sa trahison,
Rome gratifia BOCCHUS
de la Numidie occiden~ale, et le reste de la Numidie, c'est-~­
dire,
la partie orientale, fut
donn~e a CAUDA, petit-fils de
' . .'
/
I
I
,
0)
"In the year aFterwards
r six hundred and thirty-five years
",after the bui-ldlng of Rome);- the Romans sent A1us Posthumius
'" the consul with sixty thousand
(men)
against JUCURTHA.
Their
~eeting was at the city Ca1ama, and there the Romans were over-
come (sic)
; and,
after a little while,
they made peace bet~een
them , and t h en a 1 m0 s t
all Africa turn e d to J UCUR THAil .
,King ALFRED's Version of OROSE, op.
cit.
V,
7,
2,
p.
164.
- Cf.
OROSE,
V,
15, 6.
',( 2) Pour 1 'histoire' de cette guerre,
voir A.
PICANIOL,
Ld
Conque-,'
~te romaine, dans la collection Peuples et Civilisations, P. O.
F.
Paris, 1974.
"
' . ;

L.
F': .
431
, :
MASSINISSA.
Les limitesde la Province romaine d'Afrique rest~­
~e~t sans changcment.
b I Lesoul~vementdes Quinquegentanei
FRECULF seul fait allusion
au
soul~vement des tribus
maures de la Maur~tanie C~sarienne, les Quinquegentanci
- dans un premier passage o~ il dresse l'~tat de la
situation g~n~rale de l'Empire romain ~ la fin du lIre si~cle
ap. J.-C., sous DIOCLETIEN, il mention~e entre autres troubles
'11 es Ga et la,
l'insurrection des
"Quinquegentiani",
qui,
dit-
• • < . ;
", i 1 ,
envahirent l'Afriq~e (1)
- dans un autre passage-,
il rapporte que I' empereur
'. MAXHlIEN a dompte,
en Afrique,
les
"Quinquegentiani"
(2).
Dans les annees 290 a 293 ap.
J.-C.,
de l'Ouarsenis
"au Djurdjura et ~ la Petite I(abylie,
se developpa une grave in-
"surrection, celle des
"QuinqLJegentiani" ou
"Quinquegentanei",
. .;.:
";~~uissante federation de cinq tribus maures de la Mauretanie C~-
: sarienne.
Malgre une seric d'operations militaires des troupes
romaines ~ la t~te:desquelles etait le gouverneur de la province
de Mauretanie C~sarienne, ies troubles se poursuivirent les an-
nees suivantes,
au point que,
en
297 ap.
J.-C.,
l'empereur MAXI-
NfEN en personne,
dUt venir en Afrique pour mettre un
terme a
:',c e t t ere v 0 1t e : i 1 rri e n a des 0 p ~ l' a t ion s qui sed er 0 u1 ~ l' e ntap a l' -
jtlr de la ville de Tubusuctu
(Tiklat),
dans lcs montagncs de la
,;~kabylie. La revolte reprimee, en mars 298, il pouvait ainsi ren-
. .:,
,'1=1' er tri~omphalemeh t
a Car t ha ge.
' " "
0 '
, ( 1)
" I 9 i t u r
per 0 ni n e s Rom ani imp er u fin e 5, sub ita l' u m t u l' bat ion u m
ifragores concrepue1'unt, Carausio in Britannia rebel1ante,
ACHIL-
LEa in Aegypto,
cum et APHRICAM Quinquegeritiani infestarent,
Nar-
seus etiam 1'ex Persarum orientem belle p1'emeret".
:FRECULPHUS,
op.
cit.
coL
1189.
,- aROSE,
VII,
25,
4.
'( 2 ) " At Ma x i mi an usA u 9 u s t u s Qu in que 9 e n t i a no s en AFR I CA do mu it. 11
:, F RECULP HUS,
0 p.
c i t.
col.
1189.
, - aROSE,
VII,
25,
8.

432
.'~
"
cl, La revolte de FIRMUS"
FRECULF
et
ALFRED font
etat,
tous
les
deux,
de
la
dangereuse
revcilte
du
chef
kabyle,
FlRMUS,
revolte
qui
agita
la
region
kabyle et
se
propagea
sur
une
gran0e
partie
des Maureta-
nies Sltifienne et Cesarienne
dan$
le
dernler tiers
du
lVe s.
ap.
J.-C.
Le
premier,
FRECULF,
rapporte
a ce sujet
"Dans
l'ln-
'ctervalle,
les Maures
sletant
souleves
dans
les provinces
de
l'A-
drique,
FlR~lUS se proclama roi et devasta llAfrique et la Mau-
'retanie
11 donna
en
butin
aux
Barbares,
la
tres
celebre ville
de Cesaree,
apres avoir
pris
la Mauretanie
par
la
ruse
puis
' i l llacheva
par
les massacres
et
les
incendies."
(1).
ALFRED,
apparemment plus
preoccupe par
le
souci
de
",.
:'l'edification religieuse
de
son
peuple,
resume
en
quelques
lignc5
l'histolre de
la
revolte
de
FlRMUS pour
nlen
retenir
que
l'es-
': se n tie 1 a se s ye u x,
s a v 0 i r
1 a
fin
d u Ch e r ma u l' e pr e se n t e co mme
'un martyr
liEn
ees
jours
(375-6)
i l y avait en
Afrique,
cJit-i1,
~un homme appe1e FIRHuS, qui voulait le pOllvoir. Alors VALENCE
[l'empereur]
y envoya son
officier,
THEODOSE
(le
perc
du
bon
,". THE 0 DOS E , l e f u tu rem per e u r ),
a ve c
un e a r me e.
FIR MUS f u t e a p tu r e
•... :.
:dans cette expedition
et emmcne pour
~tre mis a mort; alors
11 sollicita dlabord
le
bapt~me. Quand il recut le bapt~me, sa
'fol dans
le
"Royaume
des Cieux"
devint
telle,
a l'ecoute du ser-
<mon
du
pretre qui
le
boptisa,
qu III langa
a
ses
bourreaux
"A
", present,
faites
comme i1 vous
plaira
!"
;
et,
penche vel'S
eux,
. de
sorte qulils
puissent
lui
trancher
la
tete,
i l
devint
un
mar-
tyr
du
~hrist." (2).
, (l)
" I n t ere a
1n AF RI CAE' part i bus
FIR Ivl US s e e xci tat i s
r,j Cl u l' 0 rum
'; gentibus
regem constituens,
APHRICAM,
Mauritaniamque vastavit,
Caesaream urbem nobllislmam,
Mauritaniam
dolo
captam,
deinde
caedibus
incendusque
completam,
Barbaris
in
praedam
dedit." /
',FRECULPHUS,
op.
elt.
col.
1219 •
.:.. OROSE,
VII,
33,
5.
(2)
"In
those
days
r 375-6; there was in AFRICA, a man, called
,:FIRMUS,
who
wished
for
the government.
Then
VALENCE
sent
thither
.... "

433
.: l .~ ( ",
.'
[
L'insurrection de FIRMUS
(370-375 ape
J.-C.)
est
sans aucun doute l'exemple le plus typique de la r6sistance des
populations berb~res au'pouvoir et a la mainmise de Home sur
i"Afrique du Nord,
resistance dont la Mauretanie demeura le
\\
foyer permanent.
FIRMUS,
issu d'une riche et puissante famille berb~re
de Kabylie,
avait servi avec distinction dans l'armee romaine et
~mbrasse le christianisme. Jusque la, comme les rois numides
'MASSINISSA ou JUGURTHA,
all debut de leur carriere,
i1 semblait
sletre rallie a la cause romaine.
\\!
Mais rentre chez lui j
il euta s~ plaindre du Comte
,d'Afrique
(1),
qui alIa jusqu'a l'accuser aupr~s de l'empereur
.~VAtENTINIEN. FIRMUS~deja considere comme coupable, se vit en
quelque sorte contraint d'entrer en rebellion
contre Home
(371
i",
a p.
J. - C• ).
Pe ut - et re mem e f ut - i 1 pro cl am eAu 9 u s t e en Ka by 1 i e
et ambitionna-t-il de porter ce titre dans toute l'Afrique ral-
',liee a son appel ? On a pu, a raison des multiples soutiens que
: le- chef berb~re sut attirer a sa cause, parler, a cette occa-
~ion, d'une authentiq~e revolte nationale de tout un peuple au-
,.quel FIRMUS etait rattache par son origine et dont il incarnait
~01es aspirations (2)~
D'eclatantes victoires marquerent la premiere periode
'err Mauretanie et en Numidie
: occupation de Cesarea
(Cherchell),
'd'Icosium
(Alger),de Tenes,
et prise de Rusicade.
Puis vinrent
'les echecs,
dont c~lui devant Tipasa, qui rallentirent le mou-
vement.
Entre temps,
dons l'ete 373 ape
J.-C.,
Home avait depe-
.' ch 6 a v e q des t l' 0 U pes 1 e
f a me u x ma i t l' e d e c a v Cl 1 er I e FLAVIUS THE 0 -
:'DOSIUS (THEODO,SE L'Ancien"
pere de THEODOSE L,e ,Grand),
qui,
de-
(suite)
his officer,
THEODOSIUS,
with an army,
father of the good
.:..
~~tHEODOSIUS, who was afterwaids emperor. FIRMUS was taken in that
'expedition,
and led forth to be put to death;
then
he hImself
begged that he might first
be baptised.
When he was baptized,
he
had,
by the teaching of the mass-priest,
who baptized him,
such
full
belief of the kingdom of heaven,
that he said to the people.,
"Do now as you will"
; and leaned forward to them,
that they
might cut off his head;
and he became a martyr of Christ." Kinq
ALFI1ED's,
op.
cit.
VI,
34,
2,
p.
193.
- aROSE,
VII,
33,
5-7.
.
'~;, (1) C' est 1 e tit r e que p0 r t e sou s 1 e Ba s - Em p ire, 1 e h aut f 0 n c t ion -
naire qui gouverne une province (c'est l'equivalent de l'ex-pro-
consul).
(2) Comme soutIens, FIRMUS avait avec lui une quinzaine de tribus

. (
434
i ,',
barque' a 19i1gi1i, re9ut le 'concours de G1LDON, frere de F1R~1US.
Pres de trois annees durant,
les combats se poursui-
virent avec des alternatives de succes et d'echecs dans les deux
camps. Mais avec le temps, THEODOSE reussit par la negociation
a de t a c her .d e FIR MUS 1 a ma j 0 r it e des e s r art is an s gag ne spa r 1 a
lassitude et les ~qrtes sanglantes subies. F1RMUS,
toutefois,
restait insaisissible.
Devant la difflculte,
sinon
l'impossibi-
lite d'une solutlon militaire,
le commandemerit romain compta une
fois de plus sur la trahlson.
En
375, THEODOSE s'entendit donc
avec un certain 1GMAZEN, qui a l'insu des hommes de sa tribu,
fit arreter F1RMUS.
Pour echapper a la capU.vite, FIRMUS se sui-
cida.
Ainsi s'achevait une 10ngue guerre qui avait ete bien pres
>d'aboutir a la findu pouvoir imperial en Mauretanie.
'd / La revolte de GILDON,
FRECULF est seul a rapporter la revolte que mena a
>son
tour,
contre l'autbrite imperiale, G1LDON,
frere de F1RMUS
- dans un
premier passage,
l'eveque de Lisieux ecrit
:
i'Dans l ' intervall~,' le Comte G1LDO~1 qui gouvernait I' Afrique au
. ,'.:
'.
debut du regne de celLii-ci
CHONOR1US J, aussltot qu' il apprit
'la mort de l'empereur THEODOSE,
ou que des gens la lui rappor-
terent,
entreprit de rattacher l'Afrique aux parties de l'Em-
". pire d 'Orient" (1),
dans un autre passage,
i1 dit de G1LDON,
quill a
.. '0 se us u r per 1 r Af r i qu e et 1 a sou s t r air e cl Li res t e d e l ' Em p ire,
'~\\~ousse plus par 1'independ~nc~ nationale qU'll n'etait ~onfle
de l' ambition de brigu,er,le Pouvoir JmperiaJ,(2)"
~(suite) ou de confederations maures directement engagees dans les
.~perations ; il avait deux torps de troupes auxiliaires apparte-
. nant a l'armee romaine d'Afrique ; il etait allie avec les Dona-
".tistes ; par ailleurs,
se joignirent a lui les Circoncellions
'(journaliers ou travailleursambulants ou saisonniers qui cher-
chaient ~ se louer de ferme en ferm~) qui reclamaient de meil-
:, leuresconditions d'existence.
Cf.
DECRET et FMHAH, op. cit.
p.335
'•. (l)
" I n t ere a GI LDOe 0 me s,
qui
i nit i 0
r e 9n i
e jus
rHO NOR U) , A•
.
- -
;.~.
.' (
(2 ••• / ••• ))
"
.:.:-:

': -..
, t'
L
435
I
- dans le dernier passage enfin,
FRECULF rapporte la
~ort de GILDON qui, dlt-Il, futeontraint ala fuite ; embarque
~~r un navire qui tentait de gagner la haute mer,
il fut re-
~ris et ramene en Afrique, o~ il mourut etrangle quelques jours
apres
(1).
Dans la lutte qui avait oppose FIRMUS a Rome,
sonfr~­
re GILDON,
pour des questions de querelle de famille,
avait e-
pouse le parti de Rpme,
pr~tant son eoncours efficaee au gene-
ral THEODOSE.
Le benefice qulil retira de sa trahison et de sa
collaboration depas~a de loin les etroites perspectives provin-
'ciales d'une autonomie maure envisagee par FIRMUS.
En effet,
en
, 386,
i 1 f u t
nom me" Co mt e d' Af r i que e t
ma i t l' e cl e s d e u x mi 1 ice s " ,
'~ssumant ainsi le commandement supr~me de toutes les troupes
d'Afrique.
Cette ftinction
faisait de lui,
le personnage le plus
;;, puissan't de tout le pays,
et le situait,
en fait
sinon
en droit,
,au-dessus du proconsul et du vicaire.
Sien plus,
l'empereur THE-
ODORE jugea m~me opportun dletablir des liens entre les deux
.familles
: il maria SALVINA,
la fille de GILDON a un neuveu de
l'imperatrice AELIA FLACCILLA,
sa propre epouse.
Tant que re-
(gna THEODOSE,
GILDaN resta fidele.
Mais la rupture intervint a
'''<- 1 a m0 r t de THE0 DOSE. PIu s que son f reI' e FIR MUS, GI LDON, qui n' a s -
;pirait pas seule~ent a detacher la Mauretanie de la tutelle im-
. per i ale, ma 1 s b i (~n' 1 I Af 1'1 que to u tee n tie l' e ' quI i 1 con t r 0 1 a it de-
j a mil ita ire men t ,1' e f usa d ere con n a i t reI ' aut 0 r 1t e d' HO NOR IUS,
empereur d 'Occ'1dent,
et pretendit faire transferer 1 'Afrique
~dans le domaine d'ARCADIUS, empereur d'Orient. Suivant son cal-
';: cuI, GILDON ,p,ensait que ,de son siege de Constantinople,
ARCADIUS
,
,
(suite) PHRICAE praerat,
simul ut defunctum THEODOSIUM comp~rit,
sive ut ~quidam ferunt,
quadam praemotus invidia,
APHRICAM Orien-
t a 1 i s imp er li par t i bu s j un g ere m01 it use st. " .
; FRECULPHUS, op.
eiL col.
1235.
',- 0 RaSE, VI I,
36,
2 •
,(, (2.;./ . . . »
"APHRICAM, exemptam a societi1l~e reipub1icae usurpa-
' r e <lUSUS est GILDO,
gentili magis licentia contentus,
quam am-
bitu re91ac affectat10nis inflatus."
" ,FRECULP 1-1 US, 0 p.
c it.
col.
1 2 35 .
,-- aROSE,
VII,
36,
3.
(1)
"GILDO et ipse, fugam m01itus arrepta navi in
altum provec-
tus e s t ;
deinde revocatus in APHRICAM,
post aliquot dies stran-
gulatus interut."
fRECULPHUS,
op.
cit.
col.
1236 .
. ':"; aROSE,
VI I,
3 6,
11.
.....
'

436
ne pourrait pas contr&ler ce lointain dioc~se drAfrique et donc
l'abandonnerait ~ sa pleine souverainet~, ~ lui GIlDON. Pour
Imposer sa volont~, GILDON qui s'~tait attribu~ un pouvoir d~­
passant de loin les pr~rogatives de sa fonction, et gouvernait,
en fait,
toutes les provinces de l'Afrique,
d~cida, en 395, de
limiter le service de l'annone,
avant de l'interrompre totale-
ment ~ l'automne de l'ann~e suivante. C'~tait l~ une arme d'au-
tant plus redoutable que Rome ~tait d~j~ pfiv~e du bl~ d'Egypte,
et la perspective de la
famine
inqui~tait la capitale.
Devant ce p~ril, Rome trouva la m~me parade, comme
avec FIRMUS
: le Vandale STILICON,
qui assumait la r~gence de
l'Empire d'Occideni,
~ la minorit~ d'HONORIUS, s'allia ~vec un
~.
.
.
cfr~re de GILDON, MASCEZEL, qui prit la t~te de l'exp~dition.
D~s la premi~re rencontre, pres d'Ammaedara (Haldra), ses trou-
pes mettaient en d~route celles de GILDON, qui tenta de fuir.
~ar mer. Mais son navife ~choua. Pris et jet~ en prison, on ne
sait trap s ' i l se suicida ou s ' i l fut
~trangl~
.
- "."'
Ainsi prenait fin
cc nouvel essai de s~paratisme a-
'. "
l.
i,_
:" .:"
, ...;
,'.:.

.111 •
437
A F R I C A
L A
PRO V I N C E
ROM A I N E
D I
A F R I QUE
Sur les
315
(trois cent quinze)
mentions d 'AFRICA
comme
toponyme, on enreqistre 173 (cent soixante-treize)
oc-
currences o~ le terme. pr~sente un sens restreint et d~siqne
par con s ~ que n tun e r ~ 'g ion par tic u 1 i ere del' Af r i que d u ~I 0 r d
il s'agit de la P~ovince d'Afrique romaine
(la Provincia a-
frlca)
qui a ~t~ ~rig&e sur l'ancien domaihe carthaginols.
L'emploi d'AFRICA dans cette acception
repr~sente cnviron 55 %
de son utilisation comme toponyme.
:,"
Quant aux auteurs qui l'utilisent dans ce sens,
ils
sont au nombre de 46
(quarante-six)
sur un effectif
total de
52 (cinquante-deux)
ce qui rerr~sente envlron 88,5 %.
D'aprei ces deux donn~es, i1 s'avere que le sens pro-
vincial
est incontestahlement le plus familier chez ceux des
auteurs du IXe et du
Xe siecle
qui font
usage du terme AFRICA.
LA VISION
GEOGRAPHIQUE
A I DEFINITIOI'1 DE LA PROVH1CE ROMAINE D'AFRIQUE
D'apres les indications g~ographiques donn~es par
trois auteurs,
DICUIL,
RABAN et l'ANONYME du
De situ orbls,
la Province romaine d'Afrique peut ~tre d~finie d'apres sa si-
tuation
g~ographique et sa Situation g~o-astronomique.

438
" ,
1,'
1 . LA SITUATION GEOGRAPHIQUE
.;: : - - -.- - - - - - ',- - - - - - - - - - - - - - - -
;,'C'
DICUIL qui,par',le truchement de la
Divisio orbis
(1)
emprunte au cosmographe rbm~in AGRIPPA (2),
sa division
de l'A-
frique du Nord par ensembles g~ographiques, groupe la Numidie
et la ProviMce d'Afrique et attribue comme limites ~ l'ensem-
ble
: la Petite Syrte ~ l'Est ; le fleuve Amsaga (oued el Kebir),
~ l'Ouest ; la mer d'Afrique (M~diterran~e) au Nord ; et 1'0-
c~an, au Sud (3).
Quoique DICUIL n'indique pas sa fronti~re avec la Nu-
'";.':
,.midie, d rune part,
etqu ' i l lui
fixe 1 'Oc~an comme limite-Sud
(4),
d'autre part,
la Province d'AFrique,
d~sign~e ici sous
,
11
le nom d'AFRICA Carthaginensis" se reconnalt comme etant la pro-
vince romaine erig~e sur ledomaine pu:;ique, apres son annexion
par Rome
:' crest l'AFRICA au sens restreint,
qui correspond ~
1 a vie ill e pro v in c e;
1'" AFRI CA vet us" •
Chez RABAN MAUR qui compile ISIDORE De SEVILLE (5),
la Province d'Afri~ue apparalt comme un ensemble administratif
._<
i
.
bonstitu~ de trois sections qui sont; d'Est en Ouest, la Tri-
politaine,
la Byza~ene et la Zeugitane consideree comme 1 'A~
."
;'.'
,:' FRIQUE proprement dite
.",-
la Tripolitaine,
dont le nom,
selon RABAN,
s'expli-
que pat ses principales villes qui sont au nombre de trois,
savoir Oea
(Tripoli),
Sabratha
(Sabrata)
et Leptis Magna
(Leb-
da),
est limitee ~ l'Est par la Grande Syrte et les Troglodytes
;" '
(1)
Div!sio orbis, op.
eit.
25.
, (2) Cf.
JEHAN DESA~IGES,
Pline l'Ancien,
hist.
nat.
2.
V,
1-46
'. '. (1 I Af r i que d u t\\l 0 r d );
0 p.
c it.
p.
20 5,
1 3 .
(3)
"Numidia et AFRICA Cartaginensis finiuntur
ab Oriente Syrti
minore,
ab Occidehte flumine Amsaga,
a septentrione mari AFRICO,
a meridie Oceano".
DICUILUS,
op.
cit.
Ill,
2,
p.
54.
(4) L'ocean dont il s'agit est celui qu'au paragraphe pr~cedent
(Ill,
1),
DICUIL designait sous le nom de
"mari oceano Aethio-
pico",
et dont.il faisait d~ja la limite Sud de la GaulaU.a el:
de la Maur~tanie. L'etablissement de l'Ocean Austral ou Ethio-
pique comme borne-Sud de la Province d'Afrique revicnt a pro-
longer cette derni~re au-dela de ses limites habituelles et m~­
me a la substituer ~ l'Ethiopie.
(5) ISIDORE De SEVILLE,
Etym.
XIV,
5,
6.

{39
a I ' 0 uest,
par 1 a By z ace ne;
a uNo r d,
par 1 a ~1 erA dr i a t i que ,
~t au Sud, par les Getules et les Garamantes, qui s 'etendent
selon RABAN,
jUs~u'~ l'Ocean Ethiopique (1)
- la Byzacene,
selon
l'abbe de FULDA,
doit son nom
au nombre -deux- de ses villes,
qui sont tres celebres,
et
dont l'une s'appelle Adrumete
(Sousse)
e11e s'etend sous
Tripoli,
sur deux cent mille miles ou davantage
(2)
-
la Zeugitane,
la region ou se trouve Carthage dite
'.
la Grande, est selon RABAN,
l'Afrique proprement dite
; elle
. est comprise entre la Byzacene ~t l~ Numidie ; el1e touche a la
mer de Siciie au Nord,
et s'etend au Sud,
jusqu'au pays des
Getules
(3) •
. ' , .
j
La Province d'Afrique percue chez RABAN
s'apparente
a 1 'AFRICA au sens large et correspond ~ la gran de province,
l'Afrique Proconsulaire,
issue du
remodelage des provinces par
l'Empereur DIOCLETIEN au IVe siecle apres J.-C.
La partie consi-
; d ere e co mme 1 a " v er a Af r i ca" 0 u Ze u 9 i s
(l a Ze u 9 ita n e)
for me
avec le Byzacium,
l'Africa au sens restreint
(4), ce qui cor-
res p0 n d a 1 a vie i 11e Pro v in c e, l' Af r i c a Vet u s (5) •
.t:
- Compilant MARTIANUS CAPELLA
(6), lequel utilise
'PLINE l'Arlcien
(7),
lui-meme tributaire d 'Agrippa,
l'ANONYME
>
~u De situ orbis rattache la Numidie a la Province romaine d'A-
··.0)
"Tripolitanam quoque provinciam Graeci lingua SU21 sign ant de
numero trium magnarum urbium, Oea,
Sabrate, Leptis magnae.
Haec
habet ab Oriente Syrtes majores et Tro~lodytas, a septentrione
mare Adriaticum,
ab Occasu Byzantium,
a meridie Getulos et Ga-
ramantes usque ad oceanum Aethioplcum pertendentes".
RABAN IvlAUfI,
'De Universo,
col. )51.
. (2)
"BysClcena regio ex duobus nobil.issimis oppidis nomen sorti-
ta est,
ex quibus unu~ Adrumetus vocatur.
Haec sub Tripoli est
.
pat ens pas s u u m cl u c e n t a mill i a vel a mp 1 ius".
RA BMI MAUR,
De Un i .-
verso,
col.
351.
-(15ID.
Etym.
XIV,S,
7.)
( 3 )
" Ze u 9 is,
ubi Car t hag 0
ma 9 n a,
i p s a est e t
v era Af r i c a in t e r
Byzancium et Numidiam sita,
a septentrione mari Siculo juncta,
et a meridie usque ad Getulorum regionem porrecta, ... " RAOAN
HAU R,
De Un iv e r so , col.
3SI.
- (1 SI D• Et y m.X I V,S,
<':J,.)
',.
(4)
Cf.
PLINE V,
23-24.
(5)
Cf JEHAN DESANGES, PLINE L'Ancien,
Hist.
~l. 1. V, 1-46, Ope
cit.
p.
209,
paragr.
24.
(6)
MARTIANUS CAPELLA, VI,
669.
(7)
PL IN EL' An c i en,
V,
22- 23.
' . "."

440
riique et donne le~r mesure comme ~tant,
dcpuis l'Ansaga
(sic)
jusqu'~ la Petite Syrte, d'une longueur de cinq cen~ quatre-
v in 9 t
mill e s del 0 n get de u x c en ts miU c s del a r 9 e ; d an sce ten -
sem~le, il distinguc cependant la Province d'Afriquc, dans la-
quelle il discerne deux r~gions : la Zeugitane, qui estil'A-
frique propre~ent dite ; et le Byzacium, o~ habitent, selon
l'aut~ur, les Libyph~niciens, et dont le circuit est ~valu~ a
deux cents cinquante m.fies
(1).
La Province d'Afrique percue l~ est l'AFRICA au sens
restreint,
qui correspond ~ la vieille province, l' "AFRICA Ve-
tus", a laquelle il convient d'ajouter le littoral des villes
de Thenae et Sabrata (2).
L 'aire design~e sous le nom d' "AFRICA" est ~ 1 'ori-
gine, le territoire carthaginois annex~ et ~rig~ en province
l' 0 ma in e
sou s 1 e nom de" PRO VI NCI A AFRI CA"
pal' r~ 0 mc, a p l' e s
la destruction de Carth~ge lors de la troisieme guerre punique
049-146 ay.
J.-C~). A sa fondation en 146 ay. J.-C., la "PRO ..
,VINCIA AFRICA" etait asscz etroite,
car,
par ses multiples em-
~ietements, l~ r6i numide MASSINISSA avait beaucoup reduit
le territoire carth~ginois~ La frontiere se dirigeant d'abord,
,d'une maniere generale,
du Nord-Ouest au SUd-Est,
puis de
i'Ouest a l'Est, enjin du Nord-Nord-Ouest au Sud-Sud-Est, par-
tait de l'embouchure de la Tusca
(Oued el K~bir), pres de Tha-
braca
(Tabarca), passaiten-deg~ de Vaga
(Beja),
de Thubursicu
Bure
(Teboursouk)
et de Thugga
(Oougga),
puis au Sud dudjebel
Za 9 h0 u a ne,
e t a b 0 uti s s a i t ~" ~ I' e n t r e e del ape tit e Syl' t_~ ( 9 0 1 -
fe de Gabes)
(3).
Cette frontiere
fut marqu~e par un fosse que
SCIPION,EMILIEN
fit
creuser et qui,
longeant le royaume numide,
,'....
(1)
"Interius Zeugitana regia,
quae propriae vocatur AFRICA;
.. Mox alia distinctio Libiae Phenices vocantur,
qui Bizancium
., in.colunt,
quae regio ducentis quinquaginta milibus passuum cir-
. cuitut •••
contingens Syrtim minorem,
ad quem Numidiae et AFRI-
CAE 'ab Ansaga longitudo sunt milia quingenta,
latitudo ducenta."
ANONYMUS De situ orhis,' 11, p.
59.
(2)
Cr.
JEHMl DESANGES,
PLINE L 'ANCIEN, Ope
cit.
p.
209.
(3) Cf.
ST.GSELL,
Histoire ancienne de l'Afrique du ~Iord, t.
7.
~d. Hachette, Paris, 1928, p. 9.
'i .
, . ,'~

441
fut appele la "fossa Regia"
(1).
L 'espace qui constituait ain-
si la Province d'Afrique,
peut ~tre evalue ~ 20 000 km2,
25 000
au maximum
(2),
et correspondait ~ peu pr~s ~ la partie Nord
et ~ la partie Est de la Tunisie actuelle (3).
En 46 ay.
J.-C.,
au lendemain de sa victoirc sur
les partisans de Pompee en Afrique du Nord(victoire de Thap~
sus)
le dictateur JULES CESAR annexa le royaume du chef numide
JUBA Ier,
qui avait epouse le pa~ti de son rival POMPEE,
lors
des hostilites.
La nouvelle province ainsi creee,
~ l'ouest,
devint l'''AFRICA NOVA" tandis que l'ancienne etait tout natu-
reIl em e n t
des i 9 nee sou s le nom d'" AFrn CA V.e t us".
Le s de u x pro-
vinces demeurerent distinctes Jusqu 'en
27 av.
J. -C.,
ou sous
oCTA VE, ell e s fur en t f 0 ndue s en un e se u1 c. pro vi n c e, 1'" AFRI CA" ,
simplement designee,
par la suite,
sous le nom de
"PROCONSU-
LAIRE", et placee sous l'autorite d'un unique gouverneur,
un
ancien consul.
L 'AFRICA ou l'AFRIQUE PROCONSULAIRE s'etendait
donc des confins de la CyrenaIque ~ la fronti~re occidentale
de 1 'AFRICA NOVA,
ffonti~re co~stituee par le cours de l'Amp-
sag a ( 0 u e cl el-I< e b i r ).
Lab and e d e' t err e a ins i con c ern e ere c 0 U -
vrirait aujourcl'hui le sebteur Nord-Ouest de la Libye a~tuelle,
la Tunisie dans son ensemble et le Constantinois algerien
(4).
" ' , . '
En
37 ape
J.-C.
sous l'empereur CALIGULA,
la zone Sud-
Ouest c1e cette grande province fut soustraite ~ l'administra-
:
.-
",'\\ tion
du
proconsul .pour~ const.ituer une marche militaire confiee
1 l'autorite du legat commandant la troisieme legion romaine
(la "IIIe Augusta").
C 'est l ' amorce de la creation de la pro-
',(1)
PLINE L'Ancien,
V,
25
CL
ST.GSELL,
op.
cit.
p.
9 n.
2.
,', . ( 2)
Cf.
ST. GS E'- L,
0 p.
c It'.
I bId.
"(3)
Cf.
F.
DECRET et MH.
FANTAR,
l'Aft'ique du Nord dans l'Anti-
quIte;
ed. Payot,1981.
p.
142.
(4) Cf.
F.
DECRET et MH.
FANTAR, Ope
cit.
p.
189.

i
.
vince de Numidie,
qui,
officiellement,
ne sera d~tach~e de la
Proconsulaire et ~rig~e en province avec un gouverneur a sa
t~te que sous le principat de l'empereur Septime S~v~re (1).
Dans sa vaste entreprise de r~forme pour un meilleur
contr61e de l'Empire,
l'empereur DIOCLETIEN,
agissant en plu-
sieurs op~rations successives et suivant les circonstances,
subdivlsa ceitalnes des provinces africaines et confia I'ensem-
ble du
territoire
(moins la Maur~tanie Tingitane) ~ l'autorit~
d'un nouveaufonctionnaire,
le vicaire d'Afrique,
chef hi~rar-
'chique de tous les gouverneurs,
~ l'exception du proconsul.
",<!'
Comme le proconsul,
le vicaire r~sidait lui-m~me ~ Carthage. La
''',- Pro con s u .1 air e f u t
don c in 0 r c e I ~ e en t r' 0 is' un i t ~ sad min .L s-t rat i -
·... ves qui sont
:
-
la Procons~laire proprement dite, qui est d~sign~e
... :.<
'~galement sous le nom de "Zeugitane" ; Cartilage en est la capi-
tale, mais son
territoire est cantonn~ au Nord d'un axe g~n~­
ral reliant le district de Theveste
(T~bessa) au golfe d'Ham-
mamet
(2)
-
la
"Byzac~nell, avec Hadrumete (Sousse) comme r~si-
",
,"
'dence du gouverneur.;
elle recouvre en particulier les steppes
'de la'Tunisie Int~ridure actuelle, s'~tendant jusqul~ une 11-
:gne passant entre l~ littoral, aux abords de Tacape (Gabes) et
/la r~gion de K~bili (Nefzaoua)
(3)
-
la "Tripolitaine" enfin,
avec un gouverneur ~tabli
; " ,
.
-"
.
~ Lepcis Magna (Lebda) ; elle comprend les territoires du Sud
'compris ,entre le Djerid et le fond de la Grande Syrte
(4).
( 1 ) Cf.
F.
DE CRETe t
MH.
FA t,j TAR,
0 p.
c it.
p.
1 91 •
(2) Cf.
les memes,
p.
190.
(3) Cf.
les meme~ ~uteurs, ibidem.
(4) Cf.
idem et ibidem.

443
-)(- * *
*
Les differences qu'affecte la Province romaine d'A-
frique chez DICUIL, RABAN et 1 'ANONYME proviennent d'une part,
~ du mode de decoupage du cadre nord-africain, et drautre part,
des fluctuations administratives qu'ont subi,
dans le temps,
' l e s differentes provinces •
. l~'·
Chez DICUIL et 1 'ANONYME du De situ orbis, le grou-
., p e ni e n t
de l ' Af r i que et de la Num i die entre la Petite Sy r t e et
ilAmpsaga
(oued elKebir) repond ~ une division de l'Afrique
d~ Nord par ensembles geographiques ; cette division geogra-
'phique a ete empruhtee ~ Agrippa par la Divisio orbis et PLINE
~l'Ancien, sources auxquelles se ref~rent ces aQteurs. L'AFRICA
correspond chez ces deux auteurs, ~ la Province romaine -la
"Provincia Africa"- creee sous la Republique apr~s l'annexion
". 'd u do ma in e pun i Cl u e
( 1 46 a v.
J. - C.)
et q u ' 0 n des i 9 nap a r 1 a sui-
te'
sous le nom d "'AFRICA Vetus" en distinction de l'''AFRICA
...... Nova" constituee par 1 'annexion de la Numidie orientale, c 'est-
...;
.
~ - d ire 1 e r 0 ya ume de J UBA le r .
Chez RABAN MAUR,
au contraire, le cadre nord-africain
"obeit a une division administrative; constituant un ensemble
. '
.
a dmin i s t ra t if, AFRre A , . co mme pro v i n c e, a f f e c t e 1 e s ens 1 e p1 u s
large et correspond a 1 'Afrique Proconsulaire avec ses trois
~nites administratives : Ij Proconsulaire proprement dite, l~
<·Byzacene et la Tripolitaine. C 'est l'Afrique qui ressort du re-
modelage des provinces par 1 'Empereur DIOCLETIEN, au IVe siecle
. ap.
J. - C.
l ..
LA SITUATION GEO_ASTRONOMIQUE
: ."
---------_._------~-----------
......,
Du .p 0 in t
de vue 9 eo - a s t r 0 nom i que, 1 a Pro vi n c e d I Af r i -
~que peut ~tre definie comme la partie du continent qui s'ins-
crit dans le troisi~me des sept climats de la terre.
En effet,
d'apres les indications que nous donne GERBERT dans son livre
de l'Astrolabe, le troisi~me climat, denomme "Dialexandrias"
pour cette raison qulil passe par la ville d'Alexandrie d'E-
gypte",
se prolonge via Cyrene vel'S la partie de l'Afrique qui
", .
~touche Carthage, par le Sud.
, .:-.;

!:
!.:'"
\\
*
* *
*
Au terme de cet essai de definition
de'la Province
d'Afrique,
l'image que nous pouvons en retenir est
-
du point de vue geographique,
celle d'une entite
fluctuante.
Le caract~re fluctuant de l'AFRICA s'explique par
la nature des materiaux,
c'est-~-dire par les differentes sour-
'ces auxquelles DICUIL, RABAN et l'ANONYME empruntcnt les indi-
cations qu'ils donnent sur Cette province:
chez DICUILpuis
l'ANONYME,
qui empruntent ~ Agrippa son cadre geographique, la
'Province d'Afrique fait corps avec la Numidie
les deux consti-
tUent un ensemble,
voire une unite geographique,
allant de
l'Ampsaga
(oued el-kebir) au golfe de la Petite Syrte ;
les ter-
ritoires ainsi
impliques cotrespondent ~ l'AFRICA du temps
d'AUGUSTE,
c'est-~-dire qu'lls comprennent la Provincia AFRICA
originelle, autrement dit,
le territoire punique annexe par la
Republique romaine en 146 ay.
J.-C.
au lendemain de la troisi~­
me guerre Punique, et le royaume de JUBA Ier
(la Numidie orien-
tale) ~ l'ouest du domaine carthaginois. La Province d'Afrique,
consideree l~, ausens strict du terme, s'apparente donc fon-
d~mentalement ~ l'ex-territoire de Carthage. Chez RABAN MAUR,
qui,
en revanche, ~tilise un cadre administratif datant de l'e-
'poque du Bas-Empiie,
AFRICA correspond ~ la Province d'Afrique
dans sa plus grande extension.
En effet,
la
"Vera Africa",
qui,
dans cette acception etroite, correspond a l'''Africa Vetus",
c'est-~-dire ~ l'ancien territoire carthaginois dont il vient
d'~tre question, implique un sens plus large de 1 'AFRICA qui
s'apparente ici ~ l'Afrique Proconsulaire issue du remodelage
,.
administratif des provinces par l'Empereur DIOCLETIEN,
au IVe
~i~cle ap. J.-C.
d'o~ les trois composantes que distingue f'au-
.teur,
savoir,
la Tripolitaine,
la Byzac~ne et la Zeugitane ou
Afrique proprement dit~. La Provinced'Afrique,
ici,
s'etend
donc depuis la fronti~re de la Numidie jusqu'au golfe de la
Grande Syrte,
aux confins ouest de la Cyrenaique .
. ',.'

-
du point de vue g~o-astronomique, eel le d'une r~gion
qui se situe dans le troisi~me des sept climats ou divisions
g~ographiques du Globe. De ce fait, elle apparalt comme la zone
la plus septentrionale de
tout le continent africain
; cette
position climatique la distingue des autres parties de l'Afri-
que et la rapproche davantage du monde m~diterran~en auquel
a~partiennent les auteurs ~tudi~s. Cette proximit~ relative
s "est av~r~e, sans aucun c1oute,
ben~fique a cette r~gion, en ce
,qui Concerne les jugements ou appr~ciations c10nt elle a pu ~­
tre l'objet de la part des Europeens.
I DESCRIPTION DE, LA PROVIN,CE D' AFRIQUE '
Les quelques indic~tions descriptives relatives a la
Province d'Afriquese rel~vent chez quatre auteurs,
savoir,
RABAN MAUR,
JEAN
SCOT ERIGENE,
REMY D~AUXERRE
et l'ANONYME du
. 0 e s i tu
0 r b is.
I
• LES INDICATIONS ~HYSIQUES
Elles sont donn~es par RABAN,
REMY D~AUXERRE
et l'ANO-
-
NYM E.
- Chez RABAN ~AUR,
la Province d'Afrique s'apparente
a la grande "AFRICA Proconsularis", et sa description se r~su­
~e en une br~ve presentation de chacune des trois r~gions dont
elle se compose.
Procedant dans le sens Est-Guest,
RABAN les
presente ainsi,
dans l'ordre
l.
-
"Dans leur langue Ies Grecs d~signent egalernent la
'province de Tripolitairie d'apr~s le nombre trois de ses grandes
viII e s,
s a v 0 i rOe a
(T rip 0 1 i ),
Sa b r ath a (S a bra t a)
e t
Le p t i s I a
~rande (Lebda). Celle-ci a, a l'Est, les Grandes Syrtes et les
- -Troglodytes,
au Nord,
la mer Adriatique,
a l'Ouest, la Byza-
c~ne, au Sud, les Getules et les Garamantes qui s '~tendent
.
;
',"
":;

r:" '
jusqu'a l'Ocean Ethiopique"(l) •
., '.
"La region
de la Byzacene,
poursuit l'abbe de FULDA,
a obtenu de la dest~ne~ 'son nom' d' apres deux villes tres cele-
bres, dont llune s'appelle'Adrumete.
Celle-ci s'etend sur deux
cents mille pas ou davantage,
au-dessus de Tripoli.
Elle est
feeonde en
huile
(d'olive),
et Son sol est si gras que lorsqu'on
y seme,
on recolte presque au centuple
(2}.
- enfin,
il termine avec la Zeugitane,
en ces ter-
mes
"Zeugis, ou se trouve Carthage la Grande,
est la meme
que l'Afrique proprement dite
elle est situee entre la Byza-
. :,"
cene et la Numidie
; elle est unie a la mer de Sicile au Nord,
et s'etend au Sud jusqu'au pays des Cetules.
Ses parties qui
.' ,'.
sont proches sont toutes fertiles,
tandis que ses parties eloi-
gnees sont pleines de betes et de serpents,
ainsi que de grands
bnagres,
qui errent dans le desert.
La Getulie est la partie
mediterraneenne de l'Afrique"
(3).
- La description de la Province d'Afrique chez REMY
se resume en une brev~ explication d'un passage de MARTIANUS
CAPELLA (4),
portani sur les Syrtes
:
les Syrtes,
explique-t-
il,
sont des banes de sables
"SYRO" en grec veut dire "j'at-
tire",
dlou les Syrtes sont dites
"attrayantes" parce qu'elles
attirent a elles les navires ; ce sont aussi des bas-fonds,
ajoute-t-il.
Mais egalement des amas de sable caches sous la
mer;
de la vient le nom des Sirenes parce qu'elles attirent a
>-';
<elles les etres vivants(5).
<I)
RM3 Ml,
De Un Iv er so,' 0 p • cit.
coL
351
;
cf.
le
"
meme auteur
.>
suprq.
(2)
"Byzaeena regio ••• , fecunda oleis,
et glebis ita praepin-
guis,
ut jecta ibi semina incremento pene centesimo frugis re-
'>naseantur." RABAN, .. De Universo,
op.
cit.
col.
351-352.
'":" I SID.
Et Ym.X I V,
5,
6 ;
XI V,
5,
7 .
'(3)
"Zeugis, ubi Carthago magna,
ipsa est et vera AFRICA inter
Byzancium et Numidiam sita,
a septentrione mari Siculo juncta,
et a meridie usque ad Getulorum regionem porrecta,
cujus proxi-
ma quaeque
frugifera sunt,
ulteriora autem bestiis et serpenti-
bus plena,
atque on~gris magnis in deserto vagantibus. Getulia
.....
au tem AFRICAE pa rs rnedi terran ea es t.
\\~...'.
11
RABAN MAUR,
De' Un i verso,
op.
cit.
col.
352.
-OSID.
Etym.
XIV,
5,
8.)
(4) MARTIANUS CAPELLA.
(5) "Tertius sinus
scilicet AFRICAE.
Syrtes sunt loca arenosa
-·in mari, nam syro Grece traho,
unde Syrtes dicuntur trahentes,
quod
trahunt naves ad se.
Idem sunt et brevia.
Sunt autem laten-
.;'

447
._, , .
- Chez i'ANONYME,
la description de la .Province d'A-
frique est relatlvement plus
fournie que chez RABAN MAUR.
L 'au-
teur inconnu,
qui compile d'abord MARTIANUS CAPELLA
(1),
esca-
mote cependant certains passages du texte du n~oplatocicien.
Par ailleurs, cette description se pr~scnte dans un cadre g~­
n~ral qui est celui de la division de l'Afrique du Nord par
ensembles naturels ou g~ographiques. Ce qui explique que l'ANO-
NYME groupe ensemble la Numidie et l'Afrique d'une part,
et
d'autre part,
qu'il groupe les deux Syrtes et les rattache ~
l'Afrique.
Ainsi la Province d'Afrique apparalt chez lui comme
constitu~e de trois r~gions, savoir, la Zeugitane, la Byzac~ne
et les Syrtes
- de la Zeugitane,
il donne la description suivante
". (2)
" A 1 I in t ~ r i e u r (s' et end)
1 a r ~ 9 ion Ze u 9 ita n e qui est pro-
. prement appel~e AFRIQUE ; elle poss~de trois promontoires
celui d'APOLLON,
eri face de la Sardaigne
; celui de MERCURE,
visant la Sicile ; s'avangant dans la haute mer,
ils forment
deux golfes ~ p~rtir d'Hippo Diarrhytus (Byzerte)
;
ens~ite,
le cap d'APOLLON et,
dans une autre baie, Utique,
m~morable par
la mort de CATON.
Plus loin, Maxu1a
(Rades),
Carpi
(Mra'lssa),
Messua
(Sidi Daoud)
et Clya
(pour Clypea~Kelibia) sur le cap
de MERCURE.
De memeCurubis. (Korba),
Neapolis
(NabeuU ".
- A propos de la Byzac~ne, i1 ecrit : "Ensuite une
. autre division.
Ceux qui habitent la Byzac~ne s'appe11ent Liby-
ph~niciens. Cettc r~gion a deux cent clnquante miles encir-
". cuit., Les semail1es y ,don,n,e,n,t, ,~ ,1ar~c.olte, ,une, r~compense au
.:-,:-:
(suite)_tcs cumu1iarenae in mari,
inde etiam dicuntur Syrenae
eo quod .trahunt ad se animalia. " REMY D'AUXERRE, Ope cit. VI,
333, 17;'p. 154.
(1)
HARTIANUS CAPELLA,
VI,
669-71-
(Z)
" I n t e r ius
Ze u 9 ita n are 9 i 0,
q u a e pro p r i a e v 0 cat u r
AFrn CA;
habet haec ttia promuncturia
: Appo1linis adversum Sardiniam,
Mercurii respectans Sici1iam,
quae in altum procurentia duos
efficiunt sinus ab Yppone Diarritu
; deinde promuncturium Apol-
linis et in
alio sinu Utica Catonis morte memoranda.
Demum Maxu-
la, Carpi,
Messua, Cliaque in promuncturio Mercurii.
Item Curu-
bis, Neapo1is".
ANONYMUS,
De situ orbis, 11, p.
59.

448
",;
"
"
!
I
' I ,
~entuple. L~ sont les ~iiies
Puppu~, Adrom~te,(pour Hadru-
m~te ::: Sousse), Leptis (Lebda), Ruspes, Tapsus (Ras Dimass),
Tenea,
Besma, Coma,
Desta, Capesa,
Brata, qui confine ~ la
Syrte Mineure, jusqul~ laquelle la longueur de la Numidie et
de l'Afrique,
en partant de l'Ansaga, est de cinq cent quatre-
vingt miles,
la largeur,
deux cents."
Cl).
- Con c ern ant 1e s Sy r t e s,
i 1 d i t
(2)
"L e t r 0 i si em e
golfe se divise dans les baies doubles des deux Syrtes, .. ou la
mer est pleine de bas-fonds et sujette ~ la mar~e. La Syrte
Mineure est ~loig~~e de Carthage de trois cents miles ; ~ la
Majeure on acc~de par les deserts habit~s par des serpents di-
vers et des fauves.
Derri~re elles sont les Garamantes ; au-
; des sus dIe u x, son t
1 e s Ps y 11 e s.
Aufo n d del a b Cl i e,
s e t r 0 u v e n t
les cites d'Oea et de Leptis la Grande.
De l~ la Grande Syrte
a six cent vingt-einq miles en circuit".
A travers leursource respective -ISIDORE et MARTIA-
NUS CAPELLA-, c'est~PLHIE l'Ancien que RABAN tvlAUR et l'auteur
inconnu ont inditectement emprunte chacun les elements de leur
description de la ptovince d'Afrique.
La "Zeugitana regio", mentionn~e a la fois par RABAN
et l'ANO~IYME commeetant l'Afrique proprement dite, a proba-
.blement son origined,an,s, ,le, ,"pagus ,Zeuge,i" ,0), ancienne cir-
. (1) Mox alia distinctio Libiae Phenices vocantur,
qui Byzancium
- incolunt,
quae regio ducentis quinquaginta milibus passuum
~circuitur. Cujus satio bentesimo messes incremento feneratur.
Hic oppida Pupput Adro~etus Leptis Ruspe Tapsus Tenea Besma
Coma Desta Capesa Brata contingens Syrtim minorem,
ad quem Nu-
midiae et Africae ab Ansaga longitudo sunt milia quinquaginta,
latitudddLicenta." ANOI~YMUS, De sJtu orbiS', op. cit. 11, p. 59.
(2)
"Tertius sir:luS dividitur in geminos duarum syrtium suces-
sus vadosa reciproquo mari.
Sed minor Sirtis a Gartagine abest
trecentis milibus ; ad majorem vero per deserta pergitur,
quae
serpentibus diversis ac feris habitatur.
Post haec Garamantes
;
~uper has fuerunt Psilli. In deflexu civitas Oensis et Leptis
magna.
Inde Syrtis,major circuitu sex centorum viginti quinque
milium." MIOI'-lYMUS,
De situ orbis,' op.
clt.
11, p.
59-60.
(3) Cf.
R.
CAGNAT, A.
M~RLIN et L. CHATELAIN, Inscriptions 1a-
tin es d lA f T i q1I e, Par is, 1 9 2 3 ,
422 • a p u d J.
DES ANGES, PLIN E l ' An -
cien op.
elt.
p.
209.

449
conscription territoriale de Carthage
(1).
Un
passage de
la
seconde redaction
de la Cosmo'gr'aphie de JULIUS HONORIUS
(2)
nous renseigne quelque peu
sur
sa localisation.
Le
bagrada
(t~ e d j er d a) a r l' 0 se" Ze u 9 i ", en t l' e 1 e s pIa i n e s d e Bu 1 1 aRe 9 i a
et Utique.
rvlais
i.l s'avere que chez PLH1E,
la
"Zeugitana regio"
est plus
etendue.
Elle embrasse au moins le
"pagus Muxsi"
(3),
qui
correspond ~ 1'extr~me Nord de la Tunisie actuelle, et le
"p a 9 u s Gun z u z i"
(4),
v l' a is em b 1 a b .l~m e n t I e co u rs maye n cl e l l 0 u e d
Kebir-Miliane avec la plaine du
Fahs
(5).
PAUL OROSE
(6),
re-
pris par la Casmographie dite d'Aethicus
(7),
oppose
"Zeugis"
au
"Byzacium" et a la ~lumidie, dans laquelle il comprend ~ la
fois
Hippo
Regius et Rusicade.
11
ajoute que le terme
a
servi
a designer toute un'e province. Ce qui est exact, car le "La-
terculus Veronensis"
(8),
nomme au
debut du
IVe
siecle
(9~),
ia Proconsulaire,
"Zeugitana".
Apres le remodelage des provin-
ces par
DIOCLETIEN,
l'adjectif
"Zeugitana" a done
designe un
ensemble territorial
plus vaste que
la
"Zeugitclna regio"
de
PLINE,
puisqu'il ehglobait en
plus la Numidie d'Hippone au
Numidie ProconsuLaite
(10).
(1)
Cf.
G.
PICARD,
l'aclm:i,nistration
territoriale de
Carthage,
in Melanges
A.
Piganiol,
Paris 1966,
Ill.
p.
1263.
apud
DESANGES
Ope
cit.
p.
209.
(2)
IIONORIUS,
B 47;
in
A.
Riese,
Geogr,.' Lat<.' MinoT'.Heilbronn
1878,
p.
52.
(3 )
Ins er i p t ion s
1 ci tin e s
d' Af r i que,
0 p.
c it.
4 2 2 ;
J.
DES MI GES ,
Rex Muxitanorum Hiarbas~ in Phi101ogus,
CXI,
1967,
p.
304-308.
(4)
G.
PICARD,
A.
MAHJOUBI,
A.
BESCHAOUCH,' "Pagus Thuscae' et
Gunzuzi",
in
Comptes-renclus de 1 'academie des
inscriptions et
belles 1ettres,
1963,
p.
124-130.
apud
DESANGES,
op.
cit.
p.
209.
(5)
CL
J.
DESMIGES,
op.
clt.
p.
209.
(6)
OROSE,
I,
2,
45.
,": :
(7)
Cosm. 'd'Aet"lcus,
45,
in Geogr,., L'at.
~1inor,.,,. op.
cit.
p.
100
( 8)
t~ 0 mi nap l' 0 v i n cia rum 0 mn i u m, 1 2, i n G. L'. I M, • p. 1 2 8 •
.","
( 9)
A.
CH AS TAG NO L,
Lap refe et u re
u rb ai n e
~ Home 'so us 1 e Ba s-
Emp'i're,
Paris,
1960,
p.
3-4~
(l0)
CL
J.
DESANGES,
PLHIE, l'Ancien. l ..
Ope
cit.
p.
210.

450
Quoiqu 'oh n 'en ait pas la preuve,
le "Byzacium" consi-
d~r~ comme une autr~ division de la Province d'Afrique fut peut-
etre a 1 'orlgine une circonscription du territoire de Carthage
(pagus)
(1).
Les Libyph~niciens dont RABAN MAUR, l'auteur anony-
me ainsi que leurs sources peuplent le "Byzacium", ont ~t~
tr~s diversement situ~s g~ographiquement. Pour DIODORE De SI-
CILE (2),
ils h~bitent des villes maritimes, mais dans l'Est
de la Province d 1 Afrique plut6t que dans l'ouest,
semble-t-il
'if
( 3). TIT E- LI VE ;flj,) v 0 it en e u x' un m~ 1 an 9 e de Pun i q u es et d' Af r i ;
Po u r sap art,
Spl 0B0 N 1 e s J 0 ca 1 is e v a 9 u em e n ten t reI a c 6 tee t
les montagnes d~S G~tuJes. A partir d'indications de POLYBE
{5) et de DIODO~E (6), les Libyph~niciens ont ~t~ parfois consi-
d~r~s comme une entit~ juridiqu~ plut6t qu'ethnique (7). lIs
~taient particuli~tement nombreux dans les r~gions o~ l'~nfluen-
,
c cpu n i que sur l~e s Lib yen s a ~ t e pIu san c i c n nee t pIu s for t e .
Et c'~tait ~ertainement le cas dans les plaines qui s'ouvrent
en arri~re du golfe d'Hammamet, zone fertile que Carthage s'ef-
for9a de soustr~ite a la convoitise des Romains d~s san premier
traite avec Rome
(8).
La fertilite exceptionnelle du sol entre Thapsus
(Ras
Dimass) et Neapolis
(Nabeul)
e,st deja celebree dans le P~r·i'-·
',pIe' du' pseudo'-'Scyla'x ,(9).
Dans les:Res rusticae(10)
le gram-
mairien latin VARRON attribue all "Byzacium" un rendement de
cent pO,ur un., C'est s,a,n,s ,d,oute 1ui que suit PLINE 1 ',Ancien,
(1)
G. Ch.
et C.
PICMW,
Vie; et mort' de C'arthage,
Paris 1970,
p.
90.-Pour la d~nominati6n e1u Byzaclum ~ la Byzac~ne, voir J.
DESANGES, (Etendue et importance du Byzacium avant la creation,
sous DIOCLETIEN,
de la province de Byzac~ne, in Cahiers de Tu-
n is i e,
XI,
n 0
44, 1 963, p.
7 - 22 ,) qui en t ra e e l ' his to ire.
(2)
DIODORE,
XX, 55;
4.
(3)
DIODORE,
XVII, 113,
2.
(4)
TITE-LIVE,
XXI,
22,
3.
(5)
POLYBE, VII, 9,
5.
(6)
DIODORE, XX,
55,
4.
(7)
CL
S.
F.
Bondi,
I Libifenici nell'orelinamento cartaginesc,
in R.
A.
L.,
ser le VIII, vol.
XXVI, CCCLXVIII, 1971 Jr. 653-661.
CL
J.
DESANGES, op.
eit.
p.
227.
(8)
Cf.
J.
DESANGES, op.
cit.
p.
227.
(9)
P~riple de Scylax, 110, in Geogr. Grace. Minor., I. p. 88-89.
(10)
VARfL, R.,
I,
44,
2.

451
source lointaine de RAGAN MAUR et de 1 'ANONYME.
Le naturaliste,
en effet,
affirme.dans un premier. passage,
que le
IIByzaci~mll
~st "d'une fertilite hors pair., puisque le sol donne aux 'ag1'i-
'.
.
,
culteurs un rendement de cent grains pour un
(1)
; dans deux
autres passages, ou il utilise des renseignements plus recents
(2),
il evalue encore plus haut le rendement du "Byzacium",
qU'il cstime a cent cinquante pour un
(3).
Cette extr~me ri-
chesse de la region en cereales et plus particul{~rement en ble,
explique que,
d~s AUGUSTE (4), un procurateur imperial etait
en fonction
dans le "Byzacium ll ,
sans doute comme fonde de pou-
voir,
charge de gerer le II pa trimonium ll du prince
(5),
a une e-
poque ou de tels fonctionnaires etaient encore tr~s peu nombreux.
Les 1'endements mentionnes par PLINE et ses compila-
teurs,
dont RABAN et l'ANONYME, n 'ont rien d'invraisemblable.
L 'afrique a ete mise en "coupe reglee" et,
a cet effet, la poly-
~ulture qui s'y etait organisee a ete rratiquement sacrifice _
aux exigences d'une exploitation cerea1i~re intensive, dont le
premier resultat fut d'etend1'e les tcr1'es emblavees au preju-
dice de la viticulture et de 1 '01eicu1tu1'e
(6).
C'est ainsi que
.. PLINE a pu d' autre part porter cette appreciation
IILe sol de
,. 1 iAfrique a ete donne par la nature tout entier a Ccres ; l'l1,-,i-
le et le vin lui ont presque ete refuses;
toute la gloire du
pays est clans ses moissons ll
(7).
Gome etait la premiere a pro-
fiter de cette production.
Les c~~vois de ble d'Afrique allaient,
sans grands frais de transport,
r~joindre les docks du port
d 'Ost i e
(8) ,.
(1)
PLINE V,
24.
(2)
Lettres de l'epoque d 'AUGUSTE
(XVIII,
94)
faits rapportcs
. :-
sous NER,ON
(XVIII,
95).
( 3 ) PLIN' E,
XVI I,
41 et XVI I I,
94 .
"',\\ ( 4)
P L Hl E,
XVI I I,
9 4
(5) Cf H.
G.
PFLAUM,
La mise en place des procuratel~s financie-
res dans les provinces du Haut-Empire romain,
in R.
H.
D.,
XLVI,
1968, p.
369.
apud J.
DESANGES,
op.
cit.
p.
229, n.
8.
(6) CL
F.
DECRET et M.
FANTAfI,'op.
clt.
p.
213.
(7)
PLINE,
XV,
8.
(8) Cf.
F.
DECRET et IVl.
FANTAfI,
op.
clt.
p.
213.
M.
DECRET eva-
lue approximativement a un total de 1 260 000 quintaux par an,
la quantite de blequi allalt ainsi a Ostie, depuis le principat
de NERON jusqu'auIVe siecle.

452
: ,
L'Aft~que fourni~sait, au ler si~cle ap. J.-C., les
diux-tiers du ·bl~ ~~cessaire au ravitaillement de Rome. A jus-
te titre, comme I'~criv~it I'historien juif FLAVIUS JOSEPHE,
i 'Afrique etait le "greriier de Rome" (1). L 'annone -service
d'Etat charg~ d'approvisionner la metropole en denrees alimen-
taires et principalement en ble- occupa ainsi une place cen-
trale dans les rapports de Rome avec l'Afrique
(2).
2 • L'HYDROGRAPHIE
Ch~z quatre auteurs,
savoir RABAN MAUR,
JEAN SCaT ERI-
GENE,
REM Y D' AUXERR E et I 'ANONYME d u "L i be r M0 n s t r 0 rum" , on I' e -
l~ve des indications relatives a l'hydrographie de la Province
d'Afrique.
Ces indications portent sur trois elements qui sont
le lac Triton,
le Bagrade et les eaux merveilleuses.
a / Le lac Triton
Le Triton est un lac d'Afrique,
nous dit RABAN MAUR,
qui ajoute que la deesse MINERVE,
a ce qu'on rapporte, etait
apparue sur ses bords, a une certain~ epdque ; c'est a ~ause
''-'"''. de eel a, a f firm e - t- il , que MJ Nit RVE a et ~ a ppe lee 1 a "T r it 0 n i e n -
ne" •••
(3).
Dans leur comm~ntaire respectif de MARTIANUS CAPELLA
(4),
JEAN SCaT ERIGENE et REMY D1AUXERRE expliquent
:
- le premier, que l'adjectif
"tritonien" derive du
nom "Triton", le lac d'Afrique,
la ou un
temple a ete edifie
(I) F~AVIUS JOSEPHE, Bellum Judaicum, 11, 16, 4.
(2)
Cf.
DECRET et FANTAR, op. cit.
p.
214.
( 3 ) " Tr i ton en i m AFRI CAE pal use s t , circa q u am fer t u I' vir 9 in a 1 i 3
apparuisse aetate
propter quod Tritonia nuncupata est
"
RABAN MAUR,
De Universo col.
432.
(4) MARTIANUS CAPELLA, VI,
477-9.
'.;.
".'.

453
en l'honneur du dieu TRITON
(J.)
...t (2).
i
- le second"
que "la Tritonienne",
appEdlation par
1 a que 11 e 0 n des i Cl ne 1 a de e s s e PAL LASou MIN ER VE, :1 u i
vie n t
d u
Triton,
le lac d'Afrloue
(3).
Chez HERDDOTE, on
trouve mentionne le grand lac Tri-
tonis
("'~lIrr Trl"C.unJL~), lequel re<;oit le grand fleuve Triton
(rro"Cott!-0S 'et.'C W)I) (4).
Ces noms,
qui se rencontrent en Gr~ce (5), ont ete
probablement transportes au-del~ de la Mediterranee par les
colons grecs quI s'etablirent en CyrenaXque.
Avant HERODOTE,
en effet,
plusieurs auteurs signalent en Libye,
un lac Tr1to-
nls,
un fleuve Triton.
Ce fut sur les rives du lac Tritonis
,que selon PINDARE (6),un dleu offrit ~ l'Argonaute EUPHEMOS,
l'anc~tre des rolsde Cyr~ne, la motte de terre, gage d'hospi-
talite,
portion duterritoire que devaient occuper les Grecs
venus de l'11e de Thera.
Dans la pensee du po~te, ce lac e-
tait vralsemblablement plus ou mrrins voisin du lieu o~ s'eleva
la ville de Cyrene'.
Bien avant PINDARE,
un lac Tritonis etait
'localise en Cyrenalque,
dans l'Est de cette contree
(7).
Apres
' "
,
"
(l)
" Tl' it 0 n idea TI' i ton e pal u d e Af l' i c a e ubi t em pIu m in
h 0 nor e s
ejus constructum est."
JOI-IANNES SCOTTUS, Annotat'ions in Mart'ianum,' op.
cit.
477,
13 p.
191.
( 2) TRI TON,
f i l s d e ~l EPTUN E (= P II s e i don, c he z 1 e s Gl' e cs) e t
d'Amphitrite,
etait un
demi-dieu marin,
dont la partie supe-
rieure du corps figurait un
h6mme nageant,
et la partie infe-
"rieure, celui d'un pOiss6n ~ longue queue.
(3)
"Tritonidemidest Pallantem vel Minervam,
a Trltonia palu-,
<:J e
AFRI C; AE. iI REM Y D' AUXERR E, 0 p.
c i t.
I X,
4 79,
2 p.
30 7.
- MI NEfl ':"
VE (ATHENA)
et PALLAS sont considerees habituellement comme la
m~me divinlte. Les Grecs m~me associent les deux noms PALLAS-
ATI-IENA.
Cependant,
d'apres certains po~tes, ces deux divinites
ne sauraient &tre confondue~. PALLAS, appelee la Tritonienne
(elle est fille de TRITON et serait nee sur les bords du lac
Triton)
avait ete chargee de l'education de MINERVE.
Cf.
P.
COW~ELHI, Mythologie grecque et roma'ine,' ed. Garnier Fr~res,
Paris 1960 p.
31.
(4)
Sur la question du fleuve Triton et du lac Tritonis,
voir
,en particulier
: Tissot, Geographie de la Province romaine d'A-
frigue',
1(1884) p.
100-142 ;
Dr.
ROOIRE, La decouverte du bas-
sin' hydrographique de la Tunisie centrale et l'emplacement de
5 a 7 ... 1...

454
PINDARE,
ESCHYLE mentionne un fleuve Triton en Libye,
sans
autre precision
(1).
Dans les textes plus recents,
on retrouve
ies m~mes noms Triton!s et Triton, mais les Grecs les trans-
port~rent plus ~ l'Ouest, en dehors du pays qu'ils avaient co-
lonise.
Ainsi le lac Tritonis et le fleuve Triton d'HERODOTE
sont fort
eloignes de la Cyrenaique ;
ils sont localises au-
del~ de la Syrte, au voisinage d'une population, les Machlyes,
qui touchent au fleuve et habitent autour du lac
; le fleuve
les separe des Auses,
dont le territoire s'etend aussi le long
du lac
(2).
11 faut donc admettre que le lac Tritonis et le
fleuve Triton se trouvent ~ une grande distance de Cyr~ne, dan~
la direction du Couchant
(3).
D'autr~ part, HERODOTE les place
en-de<;a du peuple des Gyzantes,
du cote duquel est situee l'ilc
de Cyraunis,
que ST.GSELL identifie comme etant tr~s probablement
I<erkenna
(4).
En consideration de ces indications,
GSELL n'est pas
d'avis avec divers a~teurs, entre autres TISSOT, pour identi-
fier le fleuve Tritonlet le lac Tritonis avec le Chott el Dje-
rid,
qui s' et end a' 1 I in t er i e u r
des t err e s,
a 1 IOU est de Gab ~ s •
Ce lac, objecte-t-il,
est et a toujaurs ete sans communication
avec la mer,
il nere<;6it aucun fleuve.
11 rejette egalement
l'identification avec le lac des Biban,
situe au Sud-Est de
';1 'ile. de Djerba,
et qui, ,re,90it l'ou,ed Fessi (5)'.,
(suite)
l'ancien lac Triton
(Paris,
1887) et divers ecrits du
m~me auteur ; A. du Paty de Clam, le Triton dans l'Antiquite et
a l'epoque moderne (Paris, 1887)
GSELL,
HERODOTE;, op.
ciL,
p.
77-84.
(5 ••• I . L )
GSELL,
Histoire,
I, op.
cit.
p.
323.
(6 ••• 1••. ) PINDARE,
Pyth."
IV,
20-21
(ecrite en 466 ou en 462
ay.
J.-C.).
(7 •.. 1..• ) Fragm •. ,hist'.'9r'.','I,p.
80,
nO
33, d
fragment de
PHERECYDE.
Cet auteur,
qui parait avoir ecrit vers le debut du
Ve s.
pla<;ait un lac Tritonis dans la region d'lrasa,
situee
entre Cyrene et le golfe de Bomba
(Conf.
HERODOTE IV,
158).
(1)
Es ch.,
Eume ni des
(en 458 a v.
J. - C• ),
v.
29 2 et sui v.
Cf.
GSELL,
HERODOTE,
p.
77.
(2) Cf. GSELL,
HERODOTE,
p.
78.
(3) Cf. GSELL,
HERODOTE,
ibid.
(4) Cf.
le m~me auteur, ibid.
( 5)
idem p.
79.

.
'.
: ". >
455
L'hypoth~se l~ ~lus vraisemblable, selon lui, est cel-
le qui identifie le lac Tritonis flvec la Petite-Syrte,
c'est-~­
dire le Golfe de Gab~s (1).
Elle expJique bien,
selon lui,
la
l~gende relative aux Argonautes, ~ qui on attribuait la m~sa­
venture ~rriv~e ~ une flotte romaine lors de la premi~re guerre
punique
: parvenue a0pr~s de Djerba, cette flotte s'~choua, au
reflux,
dans des bas-fonds et ne se d~gagea difficilement, au
flux,
qu'apr~s avoir jet~ son chargement par-dessus bord (2).
Quoi qu'il en soit,
il nous faut reconnaltre que la description
d'HERODOTE ne permet pas une conclusion pr~cise.
Les textes plus r~cents qui mentionnent, ~ l'Ouest de
la Cyr~narque, un Jac Tritonis et un fleuve Triton, n '~clairent
en rien les indications .de l'historien grec.
11 s'agit sans
doute pour les auteurs de rattacher deux noms c~l~bres ~ un lac
ou a une lagune
(c'est le sens que tous donnent au mot ~~fV~
(~) et ~ un fleuve de Libye. Quant aux identifications, elles
',:
v ar i en t.
Le P~riple du Pseudo-5cylax place le lac et le fleuve
~ l'int~rieur d'un grahdgoije situ~ entre Hadrum~te (Sousse)
et N~apolis (Nabeul), par cons~quent, ~ l'int~rieur du golfe de
~~mmamet (4) ; M. ROUIRE identifie ce lac a~ec l'ensemble for-
m~ par deux lagune~ voisines d'Hergla que des marais unissent
J
d~ns la saison des pluies, et dont i'une recoit, ~ cette sai-
.'
so n , les eaux de lioued Bagla. lequel serait le fleuve Triton.
• . •
,
• •
,
:
"
I .

" "
) .
'

, . "
( 1) C' est 1 I cl pin ion de M1\\ NNER T,
d' AVEZAC ( v0 i r
0 AEHR,
n.
~ p. 6 J 7),'
d~ ME LTZER (G e s chi ch t e, I, p. 429) , de MULLER (~d • de PTO LE ME E ,
n.
~ p. 625) et de G5 ELL (H ERO DOT E, p. 79 et n. 5.), ma i s re j e -
t~e par T15S0T (1, p. 136 et ll~l).
(2) POLYBE,
I,
39;
D10DORE
(IV,
56),
interpr~tant HERODOTE, in-
dique la l~gende selon laquelle les Argonautes auraient ~t~ jetes
par les vents dansles 5yrtes ;
ils auraie~t apprisde TRITON
qui r~gnait alors en Libye, la nature de cette mer.
D'apr~s une
s col i e a LYCOP l-I R0 N (e d. Sch e er, p.
281
: A1 ex . " 8 71 ),
J AS 0 Net
les Argonautes ~ur~ient eleve un sanctuaire a HERACLES dans la
Syrte de Libye.
Cf.
St.GSELL,
HERODOTE,
p.
80 n.
1.
(3)
Cf.
ST.GSELL, op.
cit.
p.
81.
(4)
Cf.
ST.GSELL, op.
cit.
p.
80 et n.
1.

456
•.....
Cette hypothese aurait peut-etre quelque vraisemblance si, comme
le fait remarquer ST.GSEll
(1),
il ~tait certain que lac et
fleuve se trouvaient bien ~ l'int~rieur du golfe de Hammamet.
Mais le Periple donne au sujet de ce golfe des indications qui
conviennent plut3t au golfe de Gabes
: il l'appelle la Petite
Syrte;
i l
l'appelle aussik~~XL\\)L"C~, d'apres une ile situee,
non pas dans le golfe de Hammamet, mais dans la partie Nord-Est
du golfe de Gabes
le golfe dont il parle a deux mille stades
de pourtour et 11 y signale des marees : ce qui est exact pour
le golfe de Gabes
(2), mais non pas pour celui de Hammamet.
Comme on peut lecroire, le Periple a commis une confusion ana-
logue au sujet dulac et du fleuve
(3).
POMPONIUS MElA (4)
situe le lac Tritonis et le fleu-
ve Triton au-~essus de la Petite Syrte (au sujet de la laquelle
il donne des ~ens~ignements erron~s)
~ part ce detail geogra-
phique, crest HERODOTE qulil repete.
Se Ion Pl IN Ell An c i en
(5),
1 e 9 l' and 1 a c qui l' e go i t_ 1 e
fleuve Triton estde~bmme Pallantias par le poete grec CAllIMAQUE
(Ire moitie du Ille ~. ay. J.-C.), et se trouve en-deg~ de la
Petite Syrte,
"citra minorem Syrtim". Pour PlHIE dont la des-
cription va de l'Ouest a l'Est, cette expression signifie "au
couchant de la Petite Syrte l '
;
mais slil reproduit textuellement
une indication de CAllIMAQUE,
il faudrait alors donner a "citra"
un
sens oppose:
CALLIMAQUE pourrait bien etre de ceux qui,
aux
dires de PlINE (6),
placent le lac entre les deux Syrtes (au
lac des Biban ?)
(7).
0) CL GSEll, o p. ci t. p. 81.
,-
( 2)
CL
TISSOT I , p • 182
GSEll,
p.
82.
(3) CL GSEll, p.
82.
( 4)
MElA,
I ,
36.
"-',-
( 5 ) PlINE,
V,
28.
( 6 ) PlINE, V, 28.
(7)
Cf.
GSEll,
p.
83.

457
En fin,
PTO LEH EE (1)
s},g n ale un fIe u veT r i ton qui d e -
bouche dans la Petite Syrte,
pr~s de Tacape (Gab~s) et que ST.
GSELL
identifi~
avec l'oued el Akarit
(2).
Dans un autre passa-
ge du ~~me PTOLEMEE (3), le fleuve Triton sort du mont Ousalai-
ton,
qui marque le commencement de la Libye deserte
(4),
et il
se dirige du Sud au Nord, en formant les lacs Libye, Pallas et
Tritonis
: contrairement ~ HERODOTE, chez PTOLEHEE, le fleuve
ne se perd pas dans le lac,mais le traverse pour aIler se je-
ter dans la mer
(5).
Quoi qu'en pense TISSOT
(6),
pour qui ces
lacs pourraient ~tre ceux du Sud de la Tunisie et de 1 'ex-Pro-
vince de Constantine
(le Tritonis etant le Chott el Djerid), 11
semble que le syst~me hydrographique decrit par PTOLEHEE ne re-
pond ~ rien de feel
(7).
, b / Le Bag rade '
Seul 1 'auteur anonyme du
"Liber 'Honstl~orum" mentionne
le Bagrade
(flumen Bagrada)
pour situer et preciser le cadre
d'un recit quIll rapport~
l'armee romaine,
raconte-t-il,
au-
rait decouvert pr~s de ce fleuve, en Afrique, un serpent d'une
taille gigantesqu~ e~ dont on ne vient ~ bout qu'au moyen de
balistes et de catapultes
(8).
(1)
PTOLEMEE,
IV,
3,
3.
apud GSELL,
p.
83.
(2) CL
GSELL,
p.
83.
TISSOT;
I,
p.
138 est d'un autre avis.
(3) PTOLEMEE,
IV,
3,
6,
apud GSELL,
ibidem.
(4) Selon ST.GSELL,
l'identification de ce mont avec le djebeJ,
Ousslet, est impossible, ce dernier etant situe dans une autre
region, a 1 'Ouest de Kairouan : opinion de ROUIRE, de C. MULq=R
(ed.
de PTOLEHEE, n.
a p. 635) etc. ; contra; TISSOT, I,p'.25.
(5) PAUSANIAS (IX,
33,
7)
fait aussi duo fleuve Triton un
cmis-
saire'du lac Tritdn,is •• Cf. GSELL,
p.
83 n.
7.
(6) T1550T,
I, p.
139.
(7)
CL
ST.GSELL,' p.
83.
(8)
"Quidam quoque serpens horrendae magnitucJinis a Romano excr-
citu in AFRICA juxta flumen Bagradam repertus describitur, •.. "
Liber monstrorum,
ed.
~1. Haupt, opo cit. p. 248.

458
Le
"flumen
Bagrada" est
l'oued Medjerda
dont
l'em-
bouchure primitive se trouvait
~ 15 kmsau sud de l'embouchure
actuelle
(1).
Chang~ant de lit, il est venu couler ~ une faible
distance ~ l'Est du ~ite d'Utique, envasant la baie dlUtique
(au sens restreint)
et faisant
ainsi
reculer
le rivage
(2).
Le
"B a 9 r a d a"
(0 u
"B a 9 l' a d as")
sou v en t
men t ion n e p a l' 1 e s
sou l' c e s
1 i t -
t era ire s
(3)',
a d met cl a n s I ' Ant i qui t e,
c 0 mme l ' "A mp sag a ",
plu-
sieurs origines
:
VIBIUS SEQUESTE~~le fait couler pr~s de Musti
(Le Krib),
ce qui
pataIt convenjF approximativement
pour
l'oued
Tessa
;
JULIUS HONORIUS
(5)
fixa
sa
source ~ Tubursicu Numidarum
(Khamissa),
ce qui
designe nettement
la
Haute-Medjerda actuelle
PTOLEMEE
(6)
lui fait
prendre sa source dans
le mont MO(~~cxpoV
qui nlest pas
identifie.
Apr~s la source de l'oasis d'Ammon et cel1e du pays
d es Ga l' a mant e s,
RABAN MAUR men t ion n e
i c i d a n s
1 a Pro v i n'c e d' Af l' i -
que,
deux autres soutces aux
proprietes non
moins merveil1euses.
-
Au
sujet de l i une,
il dit
:
"La source de
lama,
en
Afrique,
rend lesvoix harmonieuses"
(7).
''-I
-
Sur '1 1 autre,
il rapporte
:
"Dans I ' Inde,
il y a un
etang
qui se nom~e Slden, dans les eaux duquel rien ne peut sur-
nager,
et ou tous' les objets coulent
au fond.
Mais
au contraire,
en Afrique,
dans
le lac Apucidamus,
tous
les objets
surnagent et
aucun
ne va au fond,.1I
(8).
(1)
et
(2)
Cf.
J.
DESANGES,
PLINE .lIAncien,
op.
cit.
p.
216.
(3)
Cf~ CESAR, 8. C., 11, 24 ; 26, etc ••• Liv., XXX, 25, 4 ;
MELA,
1 , 3 4 ;
LUCAIN,
IV,
588;
SIL.,
VI,
lL~l
APP.,
Civ.,
11,
45
; PTOL.,
IV,
3,
2
U'~d. C. Hlillet, Ptolemee, Geograp~ Paris,
1901)
p.
618.
(4)
VIBIUS,
Flum.,;' 37,
S.
v.
Bagrada,
ed.
R.
Gelsomino,
p.
8.
( 5)
H0 ~l 0 RIUS, Cos m. " A 4 7, 1n Ge 0 9r. la t,.
mi nor. '" p.
5 2 •
(6)
PTOLEMEE,
Geogr.IV,
3 , 6
(ed.
C.
Muller,
Paris,
1901) Po 635.
Une hypoth~se, dans J.
DESANGES,
Catalogue',' p.
108-109,
tendrait
a situer le mOlltM~~tfo'.PoV"
dans
la
region
de t'~actar. Le Bagra-
das serait alors l'oued Siliana ••
Cf.
J.
DESANGES,
PLHIE l'Ancien,
op.
cit.
p.
216 n.
9.
,
(7)
"Zamae fons
in AFRICA eanoras voces
facit."
RABAN MAUR,
De
Universo,' op.
eit.
col.
309.
(8)
"In
Indiis Siden
vacatur stagnum,
in
quo nihil
innatat,
sed
omnia merguntur.
At contra
in
AFRICAE lacu Apuseidama omnia flui-
tant;
nihil mergitur".
RABAN MAUR,
De Universo,
op.
cit.
col. 309.

459
Les indications relatives ~ la faune de la Province
d'Afrique sont tr~s sommaires et assez vagues dans l'ensemble.
Elles ~manent de trois auteurs : RABAN MAUR, l'ANONYME du De
situ orbis ~t celui du Liber monstrorum.'
Dans sa desc~iption physique de l'AFRICA, RABAN MAUR
qui compile ISIDORE De SEVILLE,
avions-nous dit,
se contente
d'indiquer vaguement ~ propos de l~ Zeugitane, que ses parties
les plus &loign~es sbnt pleines d~ b~tes et de serpents, ainsi
que de grands onagres,
qui ~rrent dans le d6sert
(1).
"
,
Dans sa de~cription ~ lui, l'ANONYME du De situ orbis
ne se montre gu~re plus pr~cis. De surcrolt, chez lui, ce n'est
pas dans la Zeugitane, maisplut8t du c6t~ des Syrtes qu'est
s i 9 n ale e 1 a f a u ne:
11 A 1 a
Sy l' t e'M a j e u l' e,
d it - i 1, 0 n a c c ~ d e par
des d~serts habit~sde serpents divers et de fauves
(2).
La presence des serpents signal~s par RABAN et 1 'ANO-
NYME du De situ orbi'strouve egalement un
~cho et une illustra-
tion dans l'histoire 'que rapporte le Lib'er monstrorum'.
En effet,
parmi les prodig~s les plus inours qui tiennent leur place dans
ce recueil tel qU'ori" le~ aime au Moyen-Age, il y a l e cas de ce
serpent ~ la taille horrifiante que l'arm~e romaine aurait de-
,
couvert dans la Province d'Afrique,
pres du Bagrade
; les sol-
dats romains qui entendaient venger ceux de leurs compagnons que
la b~te avait devor~~ d'un seul trait, l'assaillirent donc de
toutes parts avec leurs javelots.
Bref,
pour en venir ~ bout,
on dG~ recourir ~.u~~ baliste ~ laquelleon fi~a une grosse pier-
re ~ moudre ; le proj~ctile r~sonna sur le dos de 1 'animal, qui,
: '::'.
tel une carapace de ~buclie~s, avait ju~que-l~ repouss~~ gr~ce
~ ses ~cail),es, tous lestr,ai ts ,qui lui avaien,t ~t~ lane~s.
: /
0)
" ... cujus proxima quaeque frugif'erasunt,
ulteriora autem
bestiis et serpentibus plena,
atque onagris magnis in deserto
vagantibus." RABAN MAUR,' De Univer'so, op.
cit.
col.
352.(ISID.
Etym-.,
XIV,
5,
8.)
(2)
" ••• ad majorem vero per deserta pcrgitur,
quae serpentibus
diversis ac feris habitatur." ANONYMUS,
De situ orI1 .1.s,' op.
eit.
11,
p.
60.

: ::
460
Une fois le serpent tu~, sa peau fut emmenee jusqul~ Rome, par
la mer Tyrrh~n enne, et on pr~tend qu'elle mesurait cent-vingt
pieds de long
(1).
Les auteurs latins, depuis TUBERGN(2)
jusqu'~ FLORUS
(lIe s.
apr~s J.-C~) mentionnent ce serpent gigantesque dont la
l~gende est parvenue jusqu'~ OROSE (3) et au-del~, chez l'auteur
inconnu du Liber monstrorum,
comme nous venons de le voir.
PLINE l'Ancien qui joue souvent 'un rale de charni~re
dans la transmission des l~gendes classiques au Moyen Age, re-
court parfois au mot "draco"
(dragon)
pour d~crire des serpents
gigantesques, ou de moeur~ ~tranges et de caract~re magique. Ces
serpents ou drago~s sont g~h~ralement signal~s en Inde ou en
Ethiopie. C'est en parlant pr~cis~ment de deux de l'Inde, qui,
selon MEGASTHENE' (4),
atteignent une taille assez grande pour a-
val~r des cerfs et des taureaux tout entie~; ou encore,
de ceux
des bords du
fleuve Rhyndacus
(5)
dans le Pont, et qui,
scIon
METRODORE
(6), aspirent et engloutissent les oiseaux qui passent
au-dessUs d'eux, quelles que soient la hauteur et la rapidit~ de
'. leur vol,
que PLINE ~gale~ent rapporte'l'histoire de cc fameux
serpent de la Province d'Afrique. "On connait,
dit-iJ., 1 'histoi-
re du serpent qui,
dans les guerres puniques,
aupr~s du fleuve
Bagr,ada (la Medjerda), .rut, pets d 'assaut, comme une place forte,
(1)
"Quldam quoque serpens horrendae magnitudinis a Romano exer-
citu in AFRICA juxta flumen Bagradam rep6rtus describitur,
et pro
u 1 t ion e mi 1 it u m q lJ 0 S Prim 0
de v 0 r a v i t
imp e t u cum c un et i s c u net i
Romani clrcumdederunt jaculis, et tandem ballistis infixo molari
lapide jactus in spinam crepuit, qui prius cuncta squamis tela
velut obliqua scutorum testudine repllJ.it.
Cujus corium transmare
Tyrrhenllm ad Romam usque decluctum est,
quod CXX pedes longitudi-
nis hahuisse perhibetur."
( 2)
TUB ER0 Nap .G ELL., VI I,
3.
Cf.
A.
ERN 0 UT,
PLIN Ell An c i en, 0 p •
c it. ' p.
11 7;
co mmen t.
par ag r.
37.
(3)
Cf. OROSE,
IV,
8,10.;-15.
(4) Cet historien'grec,
sOurce de PLINE aux 1.
VI et VII,
viva it
au IV ou au IIIe s.
ay.
J.-C.
Cf.
A.
ER~IOUT,
op.
cit.
p. 117,
comment. paragr.
36.
r
(5) Le Rhyndacus
(ou le If PVV~ot.XO~ " des, Grecs) serait aujour- I
d'hui le Ivlualitsch. Cf.
A.
ER~IOUT,
op.
cit.
p. 117.
comment.
pa-
ragr.
36.
'(6) ,Autre historien
grec
(Ier s.
ay.
J. -C.).

461
par le g~n~ral REGULUS (1) ~ 1 'aide de balistes et de catap~ls
tes
: il avait cent vingt pieds de long;
sa peau et ses m~choi­
res ont ~t~ conserv~es ~ Rome, dans un tem~le,
jusqu'~ la guer-
. re de Numance"
(2). Le Naturaliste,
~videmment receptif n 'est
nullement gene dicijoutercette conclusion
"Ce qui donne cr~­
anee ~ ces recits, dit~il, c'est la presence en Italie de ser-
pents appeles "bova", qui atteignent une telle grandeur que,
sous le regne du dieu CLAUDE, on
trouva dans le ventre de l'un
d'eux,
tue au Vatican, un enfant entier
(3).
lIs se nourrissent
d ' a b0 r d duI a i t d e s vac he s
: c' est de 1 ~ q u ' il s ' t ire n tIe u r nom"
( 4) •
Au term~ de' c~ commentaire, disons simplement que 1'1-
magination a senslblement 'a~randi ce serpent trouve sur les bords
de la M~djerda~ A~-del~ de tous ces d~tail~ nourris par l'ima-
ginaire et le mervellleux,
ce reptile,
si tant est qulil ait
exist~, n'~tait peut-et~ci qJ'un boa ou un python vivant dans
les environs relaiivement humides de cet oued.
,
,
,
I
I
J
(
I
I
I
' :
~,
I
'
I
(1) ATILIUS REGULUS e~t uri personnage de legende, dant le devaue-
men t
et le respect d e.l a par 0 1 e- don nee,
eel ~ br ~ s par HO RAC E ,
(Od.,
Ill,
5 v. 13 et suiv.)semblent purement imaginaires.
( 2 ) PLI NE,
V,
37.
- Tr a cl u c t ion f ran 9a i sed eA.
ER~1O UT.
(3)
SOLIN,
2,
34reprend cette anecdote •
..
(4)
Cf.
SOLIN,
2,
33:
"Calabria chersydris frequentiss1ma et
boas gignit, quem al1guem ad inmensam molem ferunt convalescere.
Captat prima greges bubulos et quae plurima lacte rigua bos est,
ejus s~ uberibus innectit, suctuque continuo saginata longo in
saeculo ita fellebri
satietate ultimo extuberatur,
ut obsistere
magnitudini ejus nulla vis queat
; et postremo depopulatis an1-
mant i bus re 9 :i 0 ne s . Cl u a sob s c d e r i t
cog i t a d vas tit ate m".
- L' im a -
gination populaire a fait un rapprochement entre bos, et bo-a,-
ou bava: la forme du mot varie dans les mss.,
etl"'etymologie
en estinconnue.
D'autre part,
il est douteu~ qu 'aucun serpent
d'Italie ait ete de taille ~ devorer un enfant.
- Cf.
A.
ERNOUT,
Ope cit.
p. 118, n.
4.
--

, ' "
'
462
", LA VISrOH ,HISTORI.QUE '
sUn LA'P RovI NeE D; AFRI Qu:i::';
Au point de vue historlque,
la Province d'Afrlque,
vue
t' d I"" ,le s aut e ur s car, 0 11 n9 le ns, pres e n t e u n d0 ubi e f a c i e s : d' u ne
part,
un facles a~tiq0e, et d'autre part, un facies medieval.
A' / LE FACI ES·MlT I QUE
11 se d~ga~e a iravers une seried'informations qui
apportent sur l'A{rica uneclairage. de car~ctere retrospectif.
Sous ce facies, ,la Province d'Afrique se pr~te ~ une s~rie d'i-
dentifications!
c'est-~-dire qu'elle affecte tour ~ tour les
traits des differentes entites politico-historiques qui se sont
corPstituees sur ce territoire,
en se superposant les unes aux
autres •. Alnsi e.lle' s'identifie tantot a l'ancien domaine puni-
que ou carthaginois ; tantot ~ la "rrovincia africa" creee par
Rome arres l'anne~ion du te~ritoire carthagi~ois
; tantot en-
core au territoire occupe par les Vandales;
tantot enfin a
l'aire controlee par les embereurs byzantins.
Elle es~ pergue ~ travers des info~mations que nous
llvrent
trois auteurs; RABAN MAUR,
FRECULF et ALFRED, et qui
portent particuli~re~ent sut les rivalites quiorroserent, d'une
part, Carthaginoi? et Grecs au IVe s.
av~ J~-C., d'autre part,
.. Carthaginois et ROinains aux lII'i!.et lIe S', ay.
J.-C.
t.<
Avantl~ theme des rivalites, AABAN MAUR et FRECULF
evoquent d'abordla fond~tion des premiers etablissements phe-
niciens en Afriq~~ du Nord.
- Compilant ISIDORE De SEVILLE, RABAN MAUR nous ap-
prend que les Phe~ici~nsi qui fonderent la ville de Tyr, en Sy-
rie,
etaient les ~~mes qui fonderent en ~frique, Utique,Hippone

463
(Annaba), Jebtin(l) et d' autres. villes sur la cote, (2).
- A son tour,
pulsan t chez l ' eveque grec,
EUSEBE De
,
.CESAREE
(267-340 ape
J.-C.),
FRECULF rapporte que la ville de
Carthage fut fonde~ en Afrique par la reine DIDON (3).
Le conflit qui opposa,
au IVe siecle ay.
J.-C.,
les
Carthaginois auxGre6s d~ l~ Sicile, ~ propos du controle de
la Mediterranee o~~identale, est evoque par FRECULF, ~ travers
.deux passages empruntes textuellement ~ l'Hi'sto'ire'de PAUL OROSE.
- le premiercpa~sage fait allusion ~ l'expedition mi-.
. litaire qu'AGATOC~E, t~ran de Syracuse, mena contre Carthage en
310 ay.
J.-C. AGATHOCLE, rapporte FRECULF,
etait assiege ~ Sy-
racuse par les Car~haglnois ; comme il voyait quiil etait mili-
tairement inferieur de par l'equipement de ses troupes,
et qu'il
ne pouvait soutenir lesie~e"~ cause de l'insuffisance de la
solde des soldats, il tint un conseil deguerre dans le plu~
grand secret,
et ensuit~ passa en Afriq~e avec son armee ; l~,
il devolla ~ seshommes l~ plan qu'il avait ourdi, et leur indi-
qua comment le ~ettre ~ execution (4).
- dans le seconet "passage, l ' eveq'ue de Lisieux raconte
. qu'une rumeur s'~taitrepandue ~ travers toute l'Afrique, qu'en
"Sicile, ANDRO,
le\\~rere d'AGATHOCLE, avait ecrase l'armee car-
thaginoise et soh chef, apres les avoir surpris, olsifs. A cette
nouvelle,
poursuit~il, non seulement les cites tributaire~ des
Carthaginois, mais encnre les rois,
leurs allies, firent defec-
tion.
Parmi ces d~rniers, figurait le roi de Cyr~ne, ASELLAS (5),
• •
,
J

• •
, : ' "
"
I
:
.
r
I
,.
' I
I : " " ,
" ' . '
,
(1)
Set'ait-ce Leptis ou Leptis Magna
(Lebda) ?
(2)
"Nam piscem Phaenices Sldon vocant.
Ipsi etiam Tyrum in Sy-
'''"
ria,
ipsi Uticam in AFRICA,.Iponem,
Jebtin,. aliasque u"rbes in
oris maritimis.1' RABAN ~lAUR,
De Universo, op.
cit.
6.01.
380.
- ISID.,
XV,
I,
28,
.
, (3)
11 Car t hag 0
a' Did 0 n e i n AFRI CAc 0 n d ita e s to 11 F Rcc ULPHUS, c hr 0 -
n i co n " col.
964.
-
EUSE iJ IUS CA ES . Ch r 0 ni con,
490 - 500 •
(4)
"Namque Agathocles, cum apud Syracusas a Carthaginensibus
obsideretur,
ac se neque b~llo parem instructu copiarum, neque
obsidionis patientem,
stipendiorum sufficientia videret
: bene
proviso ac melius dissimulato consilio,
in AFRICAN cum exercitu
t ran s i i t ;
i b i fin i s
\\ su i SI' qui d mol i a t u rap er i t ; dei n d e
quid facto opus sit docet. 11- FRECULPHUS,
Chronicon,
col.
1025.
- OROSE,
4,
6,
24.
(5)
OROSE,
4, 6,
29 ecrit AFELLAS.

464
qui conclut ~galement avec AGATHOCLE une alliance militaire,
p'ousse qu'll
etait par un ardent d~sir ~e,siemparer de l'Afrique
mais,
ajoute FRECULF,
une fois fusionnes ensemble leurs armees
et leurs camps,
AGATHOCLE usant de flatterie,
Fit assassiner
son allie dans un guet-apens
(1).
Les informations sur le conflit romano-carthaginois
(les guerres Puniques)
nous viennent de FRECULF principalement.
ALFRED, pour sa part,
n'y fait allusion que deux fois.
Et PAUL
OROSE est la commune reference des deux auteurs.
Le premier
~pisode que rapporte 1 'eveque de Lisieux
~est u~ revers subipar"l'armee carthaginoise. Les consuls 1'0-
mains, raconte-t-il,
a la tete de trois cents trente navires,
"cherchaient ~ gagner la Sicile pour pouvoir porter la guerre en
""Afrique. Alors, le,general carthaginois,
HAMILCAR,
et le comman-
"
"
dantde la flotte,
HANNON,
se port~rent ~ leur rencontre. Au
cours de la batailie navale qui s'en sUivit,
les Carthaginois
furent battus et perdirent soixante-quatre navires.
Victorieux
donc,
les consuls romains se t1'ansporte1'ent en Afrique et ob-
tin1'ent la reddition de la ville de Clupea
(Kelibia).
De l~,
che1'chant ~ atteindre Carthage, ils devast~1'ent trois cents ha-
meaux ou davantage,
repanciant partout les marques de l'hostilite
"',qu'ils nourrissaient ~ l'egard de la ville punique. Puis, le
consul MANLIUS, partant d'Afrique avec sa flotte victorieuse,
emmena a Rome vingt-sept mille pris,onniers avec d'enormes butins(2,L
(1)
"Nam et apud SiciLiam ,deletus cum impera,toreoAfrorum exerci-
tus nuntiiatur.
Quem revera incautum ac peneotiosum M1DRO,
AGA-
THOCLIS frate1',
oppres£erat~ Hoc per totam AFRICAMrumore disper-
so, non tributariae tantum urbes, ab his, Vel?um etiamsocii regcs
deficiQbant.
Inter quos rex quoque CY1'enarum Asellas pactus est
cum AGATHOCLE
communionem bell i,
dum.r:egnum AFRICAE ardenter af-
fectat·:
sed postquam in uhum exercituset castra junxerunt, per
AGATHOCLEM blandimentis et insidiis circumventus occisus est."
FRECULPHUS, op.
eit.
col.
1025 -(aROSE,
4,
6,
28-30.)
( 2 ) "C 0 n s u .1 e s vel' 0
d um in AFRI CA Mbe 1.1 u m t l' an sf e 1'1' e nIt ere n tu l' ,
cum trecentis t1'iginta na~ibus Siciliam petierunt ••• Victo1'es
consu.1es in AFRICAM transvecti sunt,
primamque omnium Clupeam
urbem in
deditionem reccperunt ••• Manlius consul,
APHRICA ~um
vitricl classe decedens,
septem et viginti millla captivorum cum
ingentibus spoliis Romain revexit." FRECULPHUS,
op.
cit.
col.
1034.
- aROSE,
IV,
6-9.
." "'.

465
L '~pisod~ suivant concerne le triomphe des Carthagi-
n 0 is, qui in f 1 i 9 ere ntun e cui san t e d ~ f a i tea l' a l' me.~ l' 0 ma in e ,
fais~nt dans ses rangs cinq cents prisonneirs, dont;REGULUS, le
g~n~ral en chef. Apres ce succes des Carthaginois, raconte FRE-
CULF, leur allie,
XANTIPPE, 1'01 de Lacede~one, craignant un e-
ventuel revirement de la situation apr~s un coup si audacieux,
quitta sur-le-champ l'Afrique [lour la Grece.Et 1 'elV,errue de Li-
. ,\\."
.. sieux, de poursuivre
: "Dohe, une fois apprise la noj\\,yelle de
la captivite de ~EGULUS et du desastre subl par 1 'a~mee romainc,
.
~.~.
les consuls PAUL EMILE.etFULVIUS NOBILIOR, qui av~{"ent re<;u
:1 'ordre de passer~n Afrique avec une flotte de trol~ cents na-
vires,
gagnerent Clupea".
(1).
Dans cet autre episode,
il est fai~ allusion a la cam-
pagne d'HASDRUBAL,
frere d'HANNIOAL.
"A partir de la, nous dit
FRECULF (2), HAS DRUB AL, 1 e n 0 u ve Cl u 9 en era 1 car t hag in 0 is,
a v e c c e n t
trente elephants ei pl~s de trente mille ca~aliers et fantas-
_-~ins, vint d'Afrique aLilyb~e et aussit6t livra bataille au
consul METELLUS, a Paletme
(3).
Dans l'episode s0ivant, FRECULF evoque une bataille
"navale qui opposa,
aux. lIes Egates, la flot.te romaine commandee
I
par LUTATIUS,
et la flotte punique commandee par HAI'lNON.
Ayant
profite de la nu it pour, prendre position,les deux flottes e-
taient done face a fad~. C'est alors que, au lever du jour, nous
.•, ··dit FRECULF, le premier, LUTATIUS,
donna le ·signal c1u combat.
Comme la hatailledevenait plus violente,HANNON qui voyait qu'il
Cavait perdu, fit faire de~i-tour a son na~ire, et bien que le
,
,
chef" ,le pre,m,ier",i;l, p,r,it la fuite,' ,Avec, lU,i, aj,o'\\-lt,e FRECULF,
(1)
" • •'.XANTIPPUSj
tam ,audacis facti conscius, rerum instabilium
mu tat Ion em t i men S ,
ill i C 0 ex AF RI CA, mi 9 r a v i tIn Gr a e cia m.
I 9 i t u l'
Aeml1ius PAUL US et FULVIUS NOBILIOR consules,
audita captivitate
Reguli et elade exercitus Romani,
transire in AFRICAM cum classe
t re c en tar urn n a v i um jussi, Cl u pea rn pet un t. " . FRECULP HUS,
0 p.
c it.
col. 1034.
- OROSE, IV,
9,
4-5.
(2) Comme repere chrono10qique, OROSE situe cette campagne sous
le consulat de L. CAECILIUS METELLUS et C.
FURIUS PLACIDUS
(~f.
OROSE IV,
9,
14.)
,
(3)
"Hinc HASDRUBAL,
novus carthagincnsium imperator,
cum ele-
phantls centum triginta, et equitum peditumque amplius triginta
millibus, Lilibeum venit ex APHRICA, et cOhtinuo cum'Netello_don~
sule apud Panhormum f1ugnam conservit." FRECULPHUS,
op.
cit.
col.
1035.
- OROSE, IV, 9,14.

466
Une grande partie de son armee regagna l'Afrique,
tandis que le
reste s'enfuit a LUybee (1).
Iei,
l'ev~que de Lisieux evoQue la campagne africaine
, deS c i p ion l ' Af r i c a in
" Da n s 1 I in t e r v all e, d it - i 1,
Se i p ion ,
qui venait de reduire en province l'Espagne tout
enti~re, de-
puis les Pyr~ np.es jllsqu i a 1 'Ocean, rentra a Rome; apres sa
nomination eomme consul avee LICINIUS CRASSUS,
il se rend it en
,Afrique, tua le general carthaginois, HANNON,
le fils d'HMlILC/\\R,
et detruisit son armee, en partie par le carnage, 'en partie par
.
' .
ies prisonniers qu'il fit
(2). Un peu plus loin,
il ajoute, tou-
jours a propos de SCIPION, que ce ~ernier, ayant attaque en A-
frique les quartieis d'hiver des Puniques ainsi que ceux des
Numides, quartiers qui etaient,
les uns et les autrcs,
non loin
d'Utique,
les fit
incendier avant le milieu de la nuit
(3).
c{..t episode-cl se rapporte au fameux general carthagi-
'nois HANNIBAL en personne.
"HANNIBAL,
rapporte FRECULF, a qui
l'ordrefut donne de rentrer en Afrique afin de venir au secours
des Carthaginois epuIses,
abandonna a regret 1 'Italie apres a-
'Voir fait massacrer tous les sold~ts du peuple italique quI a-
vaient refuse, de le ,su,ivre ••• "
(,4).
(1)
It • • • Crudescente
pugna victus Hanno navem avertit,
et dux
fugae prlmus fuit.
Aliquanta cum eo pars exercitus sui APHRICAM
petlit, alii confugere LiJibellm." FRECULPHUS, op.
cH.
col. 1036.
:... OROSE,
IV, 10,
7.
' "
(2)
'IInterea SCIPIO universa Hlspania a Pyrenaeo usque ad Ocea-
.rium in provinciam redacta Romam venit, co~sul cum L. Crasso cre-
atus,
in APHRICAM transiit, Hannonem Hamilcaris filium ducem
PPoenorum interfecit, excrcitum ejus partim caede,
partim capti-
vi tat e d i s per did it." FRECULPHUS, 0 p.
c it.
col. 1043. (- 0 R0 SE I V,
'18,17.)
'(3)
"SCTPIO in APHRICAaggressus hyberna Poenorum atque alia Nu-
mid a I' um, q u a e utI' a que ·11 au d pro cuI a bUt i c a era nt, n 0 c t e co n c u -
bia fecit
ineendi." FRECULPHUS, op.
cit.
eol.l043.(- OROSE, IV,
18, 18.)
(4)
"HANNIBAL redi1'e in AFRICAM jussus, ut fessis Carthaginen-
'~ibus subveniret flen~teliquit Italiam, omnibus Italici generis
. militibus, qui sequi nollent,
interfectis ••• " FRECULPHUS, op •
.... , c i t .
co 1. 1 043. (- 0 R0 SE,
I V,
1 9, 1.)

467
Enfin, a travers ce dernier ~pisode, FRECULF ~voque
.:,
le sort tragique qu'a sub! Carthage au terme de ce conflit.
"Done, apres la decision
du Senat de d~truire Carthage, dit--il:
les consuls
(L.
CENSORINUS et M.
MANILIUS)
se rendirent en Afri-
que, de meme que SCIPION,
alors tribun mllitairc,
et fils,
dit-
on, de SCIPION le premier Africain
(1),
et ils ~tablirent leur
'~amp rr~s d'UtiqlJ~. L~, les Cart'laginols"'~y~nt ~t~ convoqu~s,
1 'ordre leur fut donn~ de rend re leurs aimes ainsl que leurs
havires.
Sur-le-ch~mp, une telle quantite d'armes fut soudaine-
ment remise
qu'il y avait de quoi armer l'Afrique toute entiere"
.( 2) •
Outre FRECULF,
le toi ALFRED egalcment fait allusion,
a deux reprises,
~ la guerre Punique.
Dans un premier passage portant sur le d~but des hos-
~,
~ilites, le souverain anglo-saxon rapporte qu'~ la nouvelle de
la mort de PYRRHUS,
les Tarentais envoyer~nt qu~rir de 1 'aide
~upres des Carthaginois, en Afrique, et e~trerent de nouveau
~n conflit avcc lei Romains, qui les vainquirent peu apres, eux
et leurs alli~s (3).
'(1) Le jeune P.
CORNELIUS SCIPION AEMILIANUS ou SCIPION le se-
bond Africain,
~tait petit-fils de SCIPION lci premier Africain,
'qui fut tue en 211'avL' J~-C. en Espagne, lors de la campagne
'tontre les freres d'HANNIBAL
(HA~DRUBAL et MACON).
(2)
"Igitur cum SenatLis delendam Carthaginem censuisset,
profec-
ti in AFRICAMconsules~ et SCIPIO tunc tribunus militum, filius
ut ferunt,
majoris Africani,
prope
Uticam castra tenuerunt.
Ibi
- Carthaginensibus evocatis,
jussit ut arma et navestraderent.
~Nec mora, tanta vis armorum repente tradit~ est, ut facile tota
:ex his AFRICA potuisset armarL" FRECULPHUS, op.
cit.
col.
1050.
,;" OROS~,
IV,
22, 1-2.
:,.
(3)
"\\Vhen the Tarentines heard that PYRRHUS was dead,
they sent
intb AFRICA to theCarthaginians for
help, and went again
to
war with the Roman~ : soon after they cam~ together,
the Romans
'had a victory." ALFnED,op.
cit.
IV,
1,
6,
p. 130.(- OnOSE,
IV,
3,
1-2.)
,.:",

468
Le second p~ssage porte sur la fin
du conflit
"Sous
' l e consulat de OIEUS CORNELIUS LENTULUS et de LUCIUS MUMHIUS
, (i 46 a v
J • - C• ) , d i t -il,
SCl PlO N se re n di t
po u r 1 a t r 0 i si em e
fois en Afrique parce,q~'il souhaitait la destruction de Car-
thage."
(1).
.j(-
* *
*
11 n'estpa~question de faireici tout,
1 'historique
de la longue rivalite entre Rome et Carthage, ,et>qui aboutit a
la destruction de la derriiere.
Nous nous contenterons dlen
r~p:
peler seulement les,grandes lignes.
A l'origine du conflit,
il y av~it l'hegemonie en Me-
diterranee.
Rome,~ui ~entait tout l'inter~t, commercial et stra-
tegique,
du detroit de Messine au moment o~ el1eimposait sa
,
'
~omination a llIt~lie Meridionale, se jugea menacee d'encercle-
in en t
par Car t hag e , -q u ~ 1 u i s em b1 a i t
d eve n i r
d e p lu s en pIu s
dangereuse
(2).
En
depit d'anclens traites
(3)
qui soulignaient
l'importance vitale du detroit de Messine pour les deux puis-
sances,
tout en re60nnaissaht a chacune uhe zone d'influence,
<.
~avoir, 1 'Italie du Sud pour Rome, et la Sicile pour Carthage,
'~ependant les Romains, avec une mauvaise fol manifeste, commen-
~erent la guerre en 264 ay. J.-C., pour emp~cher les Carthagi-
.~ ,nois de s'emparerde Messine •
....
.-
"Carthage avait pour elle sa richesse proverbiale,
ses
"',~ ere en air e s et la ma 1t r i s e de la mer ; Rome, sono r 9ani sat ion
::: ";:
milita\\re epr,ouvee,
son regimeequllibre,
son pa,tTiotisme,
et
(l)
" When
CNEUS COR NELl US LENT ULUSa n d LUCIUS MU~l tH US wle r e
consuls (B.
C.
146), SCIP10 went a third time into AFRICA,
be-
cause he IV ish ed to ov efth ro w Car thag e." Kin 9 ALFRED,
op',.
c i t.
IV,
c.
13,
3. (- OROSE,
IV,
23.1.)
,
(2 )
Car t hag e po s s e cl a i ten e f f e t : - 1 a Cor se,
la Sa r d a i 9ne,
1 e s
-lIes Liparis et laSicile de l'Ouest
; el1e menait des intrigues
a ve cHI ER 0 N DeS y r a c use e t I e s Ma mer tin s d e fvl e s sin e,
e t
~ j tun e
tentative vaine aupres des Tarentins.
Cf.
PAUL PETIT,
Precis
d I h'i s t 0 i r ea n c i e n ne,
P.
U.
F • Paris, 1 9 71, p.
21 6 .
(3)
En
348,
en
306, et m~me contre PYRRHUS, rol d 1 Epire, en 278
.'~v. J.-C. - CL PAUL PETIT, op. cit. p. 216.

469
,
ses recents succes.
Des deux
cBtes les chefs furent, mediocres,
mais Carthage eut a la fin HAMILCAR BARCA"{U. Apres de nom-
breuses peripetiesqui eurent lieu,
en
5ic11e
(2),
en Afrique-
'meme
(3),
c'est finalement
sur mer que,
paradoxalement,
les Ro-
mains qui
etaient ~ans~xperience militaire~ obtinrent l i de-
cision,
gr~ce a la~i~toire decisive rempor~e~ auxl1es Aegates,
. •i,.
'en
241 ay.
J. -C.
par LUTATIU5 CATULU5.
La
premiere guerre Pu-
t ~: ~ique s'acheva ainsi a~~c la defaite de Carthage qui perdit
la 5icile et les il'esLlparis,
et dut
payer une lour-de amende
de
3200 talents, ;estinee ~ l'affaiblir ~ourlongtemps (4).
;
La deuxiemeguerrePuniquefut celle
de
la
revanche
car t hag in 0 i se per son n a 1 is ee par HMJ NIB AL , q u i f u t i ' in con t e s -
;',table heros et 1 'animateut de
la lutte durant
cetteperiode
I'
(220-202 ay.
J . - C . ) . ,
On
con~af~ les grandes lignes de sa campagne foudroyan-
te des
annees
218':;'216av.
J.-C.
:
le
passage des> Pyrenees par
""" i 'Espagne, le frarichissement ,e1u Rhone et des Alpes, H~s vic-
io1res successives, du Tessin,
de la Trebbi,a,
au passage du pa,
··",du lac Trasimene,et enfin
en
216 ay.
J.-C.,
cell,c de Cannes,
en
Apulie,
qui f u t l e
plus grand
desastrede 1 'histoire mili-
:,:; t air e r 0 ma i n e
(5).
Ma i s 1 e s t rat egee art h ~g 1n 0 i s qui a v a i t
r eu s -
si a detacher de Romc'une partie de ses ailies, ~a~~ir, dcs Cau-
l 0 i s
eI uNo r eI et eel' t a ins I tal i que s
d u 5 u el, c 0 mmi t e e pen d ant 1 'e r -
'.
.
'
,
",
r~ur fatale de n'aVoir pas profite de la situation propice pour
s 'attaquer d;irectcm,en,t,a ,1'Urbs (Rome).
11 allaplutBt se confi-
(1)
PAUL PETIT, ,op.' cit.
p.
216.
(2)
Exploits defenslfs'd'HAMILCAR,
au Mont Eircte~ pres e1e Pa-
ierme
;l,au mont
Eryx
et a Lilybee, en 5icilc occicJentale.
-
( 3)
De bar que men t
des a st r e u x d eRE CULU5,
e n 2 5 5 a v •
J. - C •
(4)
Cf.
PAUL PETIT,
op.cit.
p.
216.
(5)
On
evalue lespertes romaines a 40 000 tues et prisonnie~rs
"
contre seulement 6 000 adversaires,
dont
des Caulois,
pour La
'< plupart.
Cf.
PAUL PETIT,
bp.
ci t.
p.
227.

470
h~r pendant quinze ans dans le Sud de l'Italie, dans l'attente
'sans doute de renforts en provenance d 'Afrique
0). Le Senat,
qui etait l'~me de la,resistance romaine, ~n profita done pour
teprendre la situation ,en main
en reorganisant les forcesro-
~aines avec la lev~e de nouvelles troupcs~
Peu a ·peu,
la situation se renversa.
A 'son tour, le
jeune SCIPION EI"iILIEN,
qui venait d 'etre elu consul, debar-
'quait en Afriqueen
205 ay.
J.-C.,
a la tete de 40 000 hommes
et mena<;ait Carthage a revers, avec 1 'aide du roi Numide, MAS-
SINISSA.
La situation de Carthage provoqua ainsi le rappel
d'HAN-
NiBAL,
qui fut
bat'tu a.lama,
en
202 ay.
J.-C.,
par les Romains
allies aux Numides~ L~:paix fut severe: Carthage dut payer une
indemnite de guerre dilO 000 talents a raison de 200 talents
.... par an,
durant cinquante ans
; elle perdit aussi) 'Espagne,
ses
elephants,
sa flotte
(sauf dix navires)
et son
independance di-
plomatique.
HANI11IBAL,. sUfete six ans plus tarci,
en 195 ay.
J.-
~.~ tenta de reorganis~r l'Etat, en le de~ocratisant, pour pre-
parer la revanche une t~is -de plus ; mais denonce aux Romains
par les aristocrates puniques,
il dut s'exiler
(2) .

,- .~I
Defaite et desarmee,
la malheur~use Carthage se trou-
'vait dans une situatioh': precaire : d 'un cote,
les Romains sur-
-" ve ill a i e n t a ve c d ep i t~o n' ~ e1 eve men tee 0 nom i que qui set r ad u i -
~ait par son commeice et so~ agriculture en plcin essor, et CA-
TON l'Ancien prBnait sa destruction comme~une necessite ; de
~'autre, le roi numidci, MASSINISSA, allie,de Rome, ne cessait
d'empieter sur sondomaine, au point qulii l'encetclait de s?n-
.,vaste royaume allant depuis le Maroc jusqu'a la Cyrenarque.
. ';
A partir;de 150 ay.
J.-C.
il fa11ut en finir.
Les Ro-
'....
mains ne pouvant aclmettte que Carthage rearm~t pour se defendre
:.. ~
-•.. contre MASSINI SSA ".,d,ec,ideren t.que .1 e seul,. mo/en d:' arreter
(1)
En fait,
HANNIBAL ne re<;ut pas de renforts substantiels
en
207,
son frere HASDRUBAL,
echappe de Baecu1a
(Espagne)
avec
un ear mee de sec 0 U rs , '-se f i t t u era u Met a u r e (Italic) , sans par-
venir ~ le joindre ; d'autre part on peut aussi s'interroger de
"savoir si Carthage a voulu r~el.1ement lui faire p~rvenir des
renforts importants.
(2)
Cf.
PAUL PETIT, op.
cit.
p.
227.

471
' ; "
I',.
les Numides,
~tait de d~truire la cit~ pUhique et d'occuper eux-
'm~mes son territotre. D'abord, ils invit~rent les Carthaginois
~ .d~sarmer, puis brutalement, ils leur intim~rent 1 'ordre d'~va­
~uer leur ville. Exc~d~s done, les Carthaginois livr~rent le
combat du d~sespoir ~ SCIPION EMILIEN.
Ilfal1ut ~ ce dernier,
trois ans de guerre,
des mais de si~ge, et des jours de combats
de rues au milieu,des}rasiers,
pour venit ~ bout' de leur resis-
t a nee h ~ r 0 J: que, a u. p r in t em psI 46 a v.
J. - C.
La viII e f u t
r a s~ e
et se m~ e des el, 1 e s ha bit ant s 11 V 0 U~ S 11 a u x die u x. Let err it 0 ire
annex~, dcvint la Province d 'Afrique roma~ne avec Utique commc
capitale (l) .
. _
. Ains i,
a ve cIa cl est rue t ion d e Car t hag e ,'.' s '0 u v r a i t
1 e-
I
.....
're de 1 'aventure romaine en Afrique du Nord.
. '~.'
Ell e est' p erg u e a t r a v er s d e u x s ~ r i e s d,' in for ma ti on s ,
dont la premi~re, de catact~re profane, porte sur la guerre cl-
vile qui a sec 0 u ~ 1 a n~p u b1 i que r 0 ma i n eau 1 el's. a v . J. - C•
",'
deux auteurs, FnECULF et HERlC D~AUXEnRE,nous livrent cette
,.~remi~rc serie dji~~orm~tions ; la deuxi~mes~rie~ plus fournic
<~Lie la pr~ceclcnte, est'decaract~re religieux,- etporte sur 1 'E-
glise d 'Afrique
:cJix auteurs nous transmettehtces informations.
, "
- C'est~FnECULF; prinbipalement, qui evoque la guerrc
:·;:,,·~·givile romaine ~ traversquelques-unes deses p~r.ip~ties. Pour
";isa part~'HEnIC D'AUXERREn'y fait allusionqu'une seule fois. PAUL
. '~'.
, -'(l)
Cf.
P AUL PET IT,
0 p.
c i t.
p.
2 31.

472
est un e f 0 i s:d e plus la source de 1 le v e que
de Lis i e u x ,
HERIC cite un
r~ssage de SUETONE.
'.,....:..
1: .'.
Dans un
~assage relatif ~ ce conflit, ~RECULF rapporte
'.
que le pro-preteur,
FABIUS HADRIANUS,
qui
aspita{t ~ s'emparer
:du ~ouvoir, en Afriqu~, gr~ce ~ la troupe.d'esclaves qu'il s'e-
tait constituee,
fut
brGle vif,
lui et
tous les siens,
~ Utique,
's~r un bucher de ~arm~nts qu 'on avaIt amasses (1) ~
,
Dans u~ a~tr~ passage,
il
rapporte la
campagne du
ge-
,.'neral romaIn,
PO~1PEE, :'en Afrique
"Le meme POMPEE,
dit-il,
e-
O'tant passe en Afrique,' fitune
sortie dansl.es environs d 'Uti-
que e t
t u a d i x - h u 1 t
mill e h 0 ni me s" (2) •
....
:
"
;
.-,!
lci,
i l rapporte que SERTORIlJS"/lOmme puissant par la
ruse et 1 'audace,
iuya~t devant SYLLA ~ cau~e de son apparte-
'hance au
parti de MARIlJS,
s 'echappa
d 'Afrique etgagna les Es-
; pagnes,
d'o~ 11 ex6it~~ la guer~~ des peuples tr~s bellIqueux
: e t tr~s fougueux(3).
, ' ,
, .~
,'"
L~, il est questIon de JlJLES CESAR.··Pendant qu'en Es-
' : :~agne, CESAR menait campagne contre les partisans de POMPEE,
':"pareillement,
nous dit l'eveque de LisIeux,
ses lieutenants,
'~Iest-~-dire, CU~ION, VALERIUS et VARUS, rejetaient, le premier,
" .CATON hors de la SicIie, le second COTTA hors de la Sarclaigne,
, et le cl ern i er,
TUB ER0 N;
hors cl I Af l' i que" ( 4-) • ' Au s u jet cl u premIer
(1)
"FabIus vera
Hadrianus,
cui
imperium
pro praetore erat,
reg-
num AFRICAE ~ervorum man~ affectans,
apud lJticam,
congestis sar-
~entIs, cum omni famiiia vivus Incensus est". FRECULPHUS, Chro-
;':: n i con,
0 p.
c i t .
col.
i 06 8. (- 0 R0 SE, V, 20, 3.)
.
.
'.' "(2)
"Idem Pompeius
in
AFRICAMtransgressus,
eruptIone circa lJti-
'c am facta., 0 c to d e c i m ni ill i a h0 min um in t e l' ~ e c it". FRECULPHUS, 0 p •
' c 1 t.
coL
1 0 6 8. (- 0 R0 SE:,
V,
21,
1 3. )
.
"
"'(3) "S er torius siqLiidem; vir dolo atque audacia potens, cum par-
"tium Marianarum fuisset~ Syllam fugiens,~x AFRICA dilapsus i~
Hispanias,
bellicosissimas ferocissimasque gentes in
arma exci-
tavit".
-
FREClJLPHlJS,op.
cit.
col.
1071. (- OROSE,
V,
23,
2.)
\\
...
,
...
( 4-)
" S i mi l i t e r e t
due e s
e jus,
hoc est,
Cur i 0
Cat on emS i c i 1 i a
.,expulit,
Valerius Cottam Sardinia,
Tuberonem Africa
Varus ejecit.
FREClJLPHUS,
op.
eit.
coL
1090. (- OROSE,
6,
15,
7.)
. ; .
>

473
des trois lieutenantsc.ites,
l'auteur ajoute
:
"De la Sicile,
':C,URION passa en
Afrique avec son
armee,
et' immediatement apres,
.:.. i e r 0 i J UBA 1 e tu a .' a p r es 1 I a v 0 i r sur p r is, a ve c to u t e s se s t r 0 u -
.
" ( )
..~ .. pes
1

:, ,:" .
Faisant·aJ.l~sion au debarquement de JULES CESAR·en
Afrique,
toujours dans'le contexte de la gu~rre civile, HERIC
.' ~'AUXERRE repet~ SUETONE en ces termes : ~ ••• Pou~suivant la
~avigation vers l'Afrique, qu'il fallait soumettre par les armes,
n
[CESAR J Si avan <.;a, 'au debarquement du navire •. Et comme le
~,presage avait toui'ne en'sa faveur: "Afrique
s'ecria-t-il,
<ij e t e tie n s !" (2)~
:.::
Plus que 1 'e~ocation de la g~erie civile romaine, crest
da van tag e a t r a v e r s 1 es' sou vc n i r s 1 i es a u Ch r i s t i ani s me en A-
f r i que q LI e
se cl e gag e,
ch e z 1 e s aut e u r s e t u die s, I' image de 1 I A-
.' jrica romaine.
Temoinjie hombre relative~ent ele~e des auteurs
',(huit)
qui
evoquent cc theme,
d'une p a r t , e t d'autre part,
l'a-
" , bbndance relative des informations de caractere religieux .
..... .::
Da n sce . pas sag e d'u n e 1 e t t r e a d res see a" son con f r ere ,
';-"
f-l I L DUI N,
1 I a LI t e u l' , q u l e s t
AMALAIRE S I MP HOS IUS,
don n e son a vis
~n se referant a une certaine variation qO'il not~ dans le-jeO-
~ Ae, t e1 qu' i leta i t Pr~t i que da nsI' E91 is e d' Af l' i que : "P uis que,
~~r~out en Afrique, dit~il, il arrive qu'une Eg115e OLl plusieurs
',Eg1ises cl rune memereglon
permcttent,
les unes,
a'Jellrs fideles
".
de manger le jour du Sabbat, les"autres, de jeOner,
je
suis
..•. d'avis qu'il faut,suivre la coutume de ceux dont l'assemblee de
; . ,
• . . •
,
:
: '
,
. .
I
I . ,

,
"
I
.>:.'0) "Curio ex Slci1ia in AFRICAM cum exercitu transgresslIs est,
·.:quem JUpA rex continuo:exceptum cum omnibu's copiis trucidavit."
.f RE CULP I-IUS, 0 p. ci t. CID 1. la 90 • (- 0 R0 SE, 6, 1 5, 9.)
( 2 )
" Per 9 ens n a v 1 9 i 0
i h AFRI CM1 d e bell and a m in
e 9l' e s sus n a vis
prolapsus est.
Versoque'ad mellus omine
:
"Teneo te,
inquit,
AFRICA"
!
.
.'.
.
HEIRICOS,
Collect'anea;, ed.
R.
Quadri I
coilectanea ell [1rlco ell
AUXERRE.,. Fribourg,
1966,
p.
105.
'
-' Ex
libris' Suetonii fianquill
de Vita Caesaruni.'
':\\
:., ...

474:
....
, ~.
' l e u r s fideles
leur a confie la charge de les diriger."
(1).
-.:~ ;'
t
Dans son'~art~rologe (2), RASANMAuR ~voque la m~moire
,~~ plusieurs Saint~ et Martyrs que connut 1 'Eglise d'Afrique :
-
au
VI
des Kalendes de Janvier,
en Afrique,
note-t-il,
t'est la commemorationdu martyre
(3)
des
Saints
DACE,
JUL1EN,
"
VINCENTE et de tre~te~deux autres Saints,ainsi que celle de St-
<SULPICE,
eveque e-tconfesseur
(4)
"',
-
au V e1es Kalendes de Fevrier,
en
Afrique,
a lieu
" i a f et e des Sa i n t s DO NA T, JUS TE, ROT ULE, HER DJ E, PIS ION, PAMP H1.1- E ,
-' . ~ .
;NESTOR et CHASTE
(5).,
. '. ~
"'.~.
"
~""'---,-----------'----'--"----'--------------'---------------
(1)
"Sed quoniam contirigit,
maxime in AFRICA ut una ecclesia
vel
unius
regionis ecclesiae alios
habeant Sabbato
prandentes,
alios
,jejunantes, mos
eor~mmihi sequendus videtur, quibus eorumdem
'.'~populorum congregatio r~genda commissa est". AMALARIUS, Epistula
,ad Hileluinum'" eel.J. M.HANSSENS, M~ALARTep'i'scoptopera litur-
'~ 9 i c'a 0 mn i a, t. I, c ita cl e 1 Vat i can 0, 1948" p. 356.
,(2)
Le Martyrologe de RABAN
compos~ apresMars 840 ap. J.-C. a
,,~our base celui ~eBEDE Le V~nerable, mais tel qulil avait ete
en
partie remanie parFLORUS,
et RAOMl n'a fait qury faire
des
additions puisees a d'autres sources et retoucher,le style en
. . 'differents
.
endroits.
.
,
,
,
,(.))
L'expression
"nativitas"
(naissance)
d'un
Saint,
ne designc
,: ,pas 1 e j 0 u l' cl e sa na is san c e t err est l' e, ma is c e lu L des a n a i s -
,;:~ance au cie1. Autrement dit, c'est la commemoration della date
: "d e s a m0 l' t
0 u
e n cor e 1 a f etea n n i ve l' s air e d li Sa in t.
,
'
(4 )
" J a n u a r ius -
VI
Ka 1.
IN Af l' ie a' n a t i v ita s
0 a ti,
J 1I 1 i ani,
Vin -
: Ce n t i a e, eta 1 i 0 rum t rig in t a duo l' u m [" v i gin t i s e p t em) c.e t n a t i -
"'\\: \\ti t ass a n c t i
Su 1 pit i i,
e pis cop i
e t
con f e S so l' i s " . ,
-
RAsANUS MAURUS,
Martyro10gium,' ed.
~1igne, p. L. t~ 109, col. IJ.30.
,
'
,",(:5) "F e b l' U a r ius - V Ka 1.. I n Af l' i ca n a t i v ita s san c tor u m Don a t i ,
Justi,
Rotuli,
Herenei
CHerenae J, Pisionis, PamphilL
Nativi-
tas Nesit;oris et Castae." -
RABANUS M.
Mar-tyT010 g-ium, op.
cit.
;;, ,c 0 1.
11 3 3 •
;;
":..';'
.... ",. '.;.

.........
475
~
..
.. .".,
-
' r '
.;, ....
-
au
IX des Kalendes de F~vrier, toujouts en Afrique,
".;""
"
.
a 1 i e u 1 a co mm ~m0 rat ion des Sa in t s VER0 L, SE RV0 L, SEC0 N0IN, SY-
~RICIUS
FELIX,
SATURNIN,
FORTUNAT et
seize autres;
crest aussi
. .
: ", '. .
,
'
la date de la d~pdsition (inhumation) de Salnt-EUCHER,
eveque
~etconfesseur. (1).
..:..., .:
-
au
XI des Kalendes
de F~vrier, en Afrique,
f~te des
. ";$a in ts martyrs PUBLIUS;JULIEN et MARULE ;, fet'e e~alement des
'.i.
"'Saints JULIEN,
MARCE L ;<, ' TUL, L AMPAS E, MAI EUL et J ULIE N ( 2 )
;
.
.
.
.
-
au V des K~lendes de Mars, enAfrique~ fete de Saint
~OCAT et Saint SUCCES '~~t~saree (eh Mauretanie)~,deposition
';(inhumation)
de
Safnt~ACOLAPHE
en
Afrique ehcore,
fete
de sei-
·;;ze autres
saints
(J).
. . . . . . i
-
enfin,
~uXdes I<.:ilendesde Mars,en Afrique, fete
,.,de Saint FIDELE,
alnsi, que de
vingt autres
(4) •
.:.:>
'
~, .. '.
:1.,.
S'inspirant.de St.JEROME,
FRECULF parledes docteurs
de I'Eglise qui
flori~~aieht sous le r~gne des empereurs SEVERE
, . '
<et ANTONIN
;
parmi eux ~,. i l mentionne TERTULLIEN e~ ces terme's
:
':,I'ciest seulement
apres VICTOR et APOLLINI~S' qu lon:'compte le pre-
f~e TERTULLIEN com~e le premier des Latin; de Carthage, vi~Ie
<de la Province diAfrique,
ou son
pere futcenturio..n
proconsulaire".
,:( .5 )
~t·.·.~:.: ... : ,'-,'
I
,
I
I
I
,'
. . ' : . ' :
I
'
,
,
,
. .:.. ~ ...
(1)
"Februarius IX, Kal~
In
Africa' nativltas sanctorum VEROLI
'. rVERULIl
SATURNINI, FORTUNATI et aliorum
sec\\ecim
et depositio
,ED CHER I I -; e pis cop let , co n f e s so l' is." RA BMl US ~1 AURUS, 0 p. c it • co 1 •
······;1133.
:)]2) "F e br u a r ius - rx I( a1. Nat i v ita s san c tor um in Africa Pub 1 i i ,
',jULIANI~ MArWLII. Item JULIAIH, MARCELLI,TULI, LAMPASII,MAJULI
.·l'e't JULIANI." RABANU·.S M~URUS, op_ cit. col.:l.l33.·
<
.... (':3) "Martius - V l<al.:"In Africa natate ROGATI, SUCCESSI ; et in
Caesarea Mare
r Forte Hauritaniae l depositio sancti DACOLAPHI ,;
,<'.et in
Africaailorum
sedecim.".
RABANUS MAURUS,
op.
cit.
col. 1137.,
'<: (4 )
"M art ius

X I(a 1 •
In
Afi"i ca n a t a l.i s
F id e 1 i s e t a 1 i 0 rum vi -
';;'9intL" RABANUS MAURUS,op.
cit.
col.
1137.
:( 5 )
" Te r t u 11 i a nu s pres by t e t
dum
d em u m p rim u s post Vi c to r em e t
", Apol1inium Latinorum ponitur provinciae Africae' 'civitatis Car-
"thaginensls,
patre centurione proconsu1ari." FHECULPHUS,
op. cit.
, co 1. 11 7). (- HIE H0 Ny tW S,
Cat a log: us,
63 - 64. )

'~,76
. '
.'.",
..
"
~,'.,:;~
.
\\.-
,".,,;"'."
"::
Faisant allusion
~ la persecution des chretiens sous
, l~s m~mes empereur~ -StVERE et ANTONIN- FREtULF r~pporte qu'~
cette
epoque-la,
ont subi le martyre,
Sainte"'FELICITE et
S~Jinte'
,PERPETLJE,
qui furent liVrees aux
betes,
dans 1 'arene,
pendant
1 e s
non e s
d e Ma l' s , . en
Af r i que ; i 1 a j 0 u t e qui ALE XMl 0 REa u s s i
a
confesse publiquement le nom du
Seigneur
(1) •
. ::
.
• .~
Par mi
1 e s
h 0 mme s
i l l u s t l' e s,
il
c it e e nAf l' i que 1 e r h e -
teur ARNOBE,
qui,
dit-il~ sous l'Empe1'eur DIOCLETiEN, enseigna
t rE~ s brill a mmen t la Rh'e tor i que et e cri vi t con h- e 1 e s 8 a l' bar e s
(les pa:lens ?)
des'liv~es qui restent bien connus des gens: '(2).
"
'Et. ailleurs,
i l ajoute,
toujours ~ propos de ce personnage
"Le 1'heteur ARNOBE'et~it considere comme brillant, en Afrique,
.
,
sfbrillant qu'il
etai~ le premier sous le regne ~e l'Empereur
bioCLETIEN.
Et a
Sicca;,lorsqu'il
enseign;:lit a'lajeunessel'art
'. de la declamation, . encore palen, ses extravagances le poussaient
'a)a cruaute ;
i l ri'acceptait pas de l'eveque d'embrasser la foi;
:~uiil combattait sansgesse, et il s'appliquait ~ecrire des li-
.. vres t l' es brill ant scan t r e 1are1 ig ion cl I aut re f 0 is; en fin, i 1
ab"tint le pacte
de lar~iete par certains gages. "( 3).
"
j
:h) "Qua tempestate Perpetua et Felicitas, pro" Chtisto passae
{Jnt,
nonis Martiis apud Carthaginem Africae,' in
castris
bes-
t i is cl e put a t a e,
ALEX AHDE R quo que 0 b con f e ss ion em
Do min i c i
no-
'minis cLlrus exstltit".·FRECULPHUS,
op.
cit.
col.
1173 •
....•.. (2)
"Arnobius sub Diocletiano principe apucl Aphricam
florentis-
Si~e rhetoricam docuit,sc1'ipsitque contra gentes~voIumina quae
'vu1go exstant".
FRECULPHUS,
op.
cit.
col.
1192.
t- HIERONYfvlUS,
'.' . : Cat a 10 gu s',
87 - 90 • )
.
(3)
"Arnobius 1'hetor in.Africaclarus habebatur,
quamvis et prius
"§tib Diocletiano
p1'incipe
:
qui cum
Siccae 'ad
declamandum jUvenes
~i~diret, et adhucethnicus ad crudelitatem somniis compell~~e­
bur, ne~ue ab episcopoimpet1'a1'et fidem, quam semper impugnave-
tat,
elucubravit adver~um pristinam reIigionem luculentissimos
l}bros,
et tandemquibusdam
obsidibus pietatis foedus
impe-
travit." FRECULPHUS,
Ope
eit. 'col.
1200.(- HIERONYMUS,
Cl1ron. 2340.)
. > :'1
,.
, .
" )~. . ..
: .. ' ~

, - :',
. . '; ~.~.'
477
To u j 0 u r s a , pro p 0 s
d e l a 9 I' and e per sec uti p n,
l ' eve que
deL i s i. e u x d i t ,
s I in s piI' ant
c e t t e f 0 i s '
d' EUSE BEd e
CES ARE E
'iDonc,
comme EUSEBE le rapporte,
cette persecution,
sous
D10-
CLOTIEN et ses successelJrs,
vit le jourdans l'aym'ee elle-meme,
, , et co mme a
p a I' t i r ' d ' u ne
pe t i t e
eU. n cell e, 'ell e en f 1 a mma pr e s -
~que tout le monde~o~~in, notamment 1 'Egypte, i'~frique et la
"C~auretanie ; les sold~ts recherchaient attentivement dans1leurs
."
',"
, ' r an 9 s
1 e s
ChI' et i e ns , 0 b 119 e a i e n t
c e u x q u ' i 1 s t I' 0 Uv a i e n t
a' s il -
':'c I' i f i e r ;
c e u x qui I' efu s a i en t,
il s
le s
I' e v 0 q u a i e ~ t . de l' a ~ me e et
,
1 e s met t a i e n t
a m~r t ,i. Cl) •
,
,
Du
Don~fis~ei FRECULF evoque a part1rde St-JEROME
;'Sous les Empereurs CONSTANT1N et CONSTMJCE,sur toute I' etendue
de l'Afrique,
DONAT -d!ou vient le nom
des
Don'atiens- qu/re-
~prochait aux n8tres d'avoir, pendant la pe~sepution, livr~ les
:Sa in t e sEc r i tu res a u x 'p a i: ens, en t I' a 1n a d an s I ' e I' I' e u r par sap e I' -
'suasion,
presquc toute l'Afrique et sur tout la Numidie"
(2).
Enfin,
au
sujet des
reliques de
Saint'ETIENNE(3),
l'e-
veque de Lisieuxecrit:
"Les miracles que le;SeJ.gneur a c>peres
....."a travel'S la venesatio~ des reliques du Biin~~eureux ETIENNE, en
. ......
. : . "
.
,,' ces memes jours,
e'nAfrique,
et les
faits nombreux et fort
eton-
?nants,
que I ' emin~nt'docteur AUGUST1N avaitreco~nus aveccerti-
'tude,
il
(AUGUSTIN)
les inscrivit dans les livresde la
"Cite
"':':de Dieu"
"
(4).
.
I " '
f
( . ,
.'.:
!
(l)
" I 9 i tu I' Euse b io
r e fer en t e, h a e c per seC uti 0 sub Di 0 cl e t i a n Q
"et reliquis principibiJs ejusdem temporisab ipsis militibus exor-
.'
'.,
"dium cepit,
et velut:ex parva scintil1a,pene totum
Romanum
in-
,~tlammavit orbem, maxime Aegyptum, AFRICAM et Mauritaniam"dum
~inter se diligentius perquirerent Christianos, rebertos a~tem
~immolare cogebant~, nolentes,militia et Vitil privabant.".
FRECULPHUS,
o p . e l t . 'coL
1192. (-
EUSEBIUS,
Hi'st., [cc1es.:,'8, [I. 6.)
"(2)
"Donal;us,
a quo
Donatiani,
per APHRTCAH, 'subConstantin6
et
Constantio
princi~ibus~ ~sserens a nostris Scripiuras in perse-
~::cLJtione ethnicis traditas, totam pene AFRICAM"
et maxime Numi-
::d i a m s q ape r sua s i cl n e de c e p it ".
F RECULP HUS,
0 p.
cl t.
coL
1208.
:.:: HI ER.
Cata], ogu s,> 99,-ioo.
"
~(3) Ces reliques d~ St-ET1ENNE furent amenees de Terre-Sainte par
, l:OROSE,
qui avaitete 'erivoye la-bas,
aupres de St~JEROHE, pour
's'informer sur la.question
de 1'origine de l'ame:
: (4)
"lvIiracula vero,
qLiae Dominus
per ven~randas reI iquias' Beati
Stephani gessit,
eisdem diebus
in
APHR1CA,
eximius doctor Au-

"
I"
. "
, ,
, .
;... :! \\'
'."
,478
" :jj'
1:
-)(- * *
*
',"
.
:,
Un
peu
plus haut,
nous avons
deja
dit un mot sur ces
persecutions dont l'Egli~e d'Afrique tout particuli~rement eut
~ souf'frir sous DIOCLtTIEN et ses successeurs. Une des cons~-
quences de ces p~isecutio~s fut Ilher~sie donatiste.
En
effet,
l'Eglise d'Afrique,
deja
profondement agi-
tee et divisee aulendemain
de la grande persecution
-cel1e de
DIOCLETIEN- ,voit l'eciosion,
en
311-312 ?p.
J.-C.,
d 'un
verita-
b 1 e
s chi s me,
le Don at ism e ,
qui,
quo i que to u j 0 u r s
de me u r c c ~~ f i -
';
ne aux
provincesafricaines,
n'en
a pas moins et,e d'une e'xtrerne
"gravite.
A Carthage,'un parti de rigoristes s 'ctait dresse con-
tre 1 'Eglise officie11e a
qui il
reprochait ses:trahisons de-
Vant les exigcncei d~ pouvoir
(1)
ou
simplement~on indul~ence
,: ,envers les apostats
repentants
(les 1.apsi). A c~s scrupules
" c e r t a in em e n t
sin cc r es d a n s
be a u co u p d e con s c i en c e s,
s e me 1. ere n t
.
. :
personne de
DONATdonf e11e devaitgarder le nom': dans l'histoire.
,... ,
: ::~,"'"
Condamnes
successivement
aux
conciles ..de Rome en
313,
-:Cd I Ar 1 cs en 31 4, 1 e s Do 'n a t i s t e s d em e u r ere n t n ea n ni:o in s in sou mis.
~>.;{:
. '
Le s
t r 0 ubI e set. 1 es des 0 r d res quI i 1 s sus c ita i ent' a men ere n,t 1 I em -
<:"pereur CONSTANTH1.a
res -condamner a
son
tour et "a declencher con-
:tre eux une veritabl~persecution, qui les condamna a l'exil,
avec confiscation
de :leurs biens.
(suite1Y"gustinus pIu'rima et valde miranda,
quae 'procerto'nove-
rat f act a,
in 1 i b r i s < de Ci v ita t e
0 e i
con 5 cri psi t:~" FRECULPHUS,
',op. cit. col. 1243.
.
.
. . (1)
Ce r t a ins
eve que s,: I' t r a d it e u r SI' des 1 i v r e ~ s a in t s, C I est - a-
d ire,
qui a u r a i en t
1 i vI- e 1. e lJ r sex e mp 1 air e s
d e l a Bib le,
sur r e-
~~i~ition des agcnts~e I:empereur! eta~ent consideres comme
lndlgnes de rester pre~o~es a la dlrectlon de leur troupeau.
:., ;'

479
Enfin,
un
~dit de tol~rance du m~me CONSTANTIN, en
,,21 ape
J.-C.,
retablit la
paix
sans avoil' pour autant
extirp~
,·to tal em e n t
l ' h ~ I.' ~s i e qui d u reI.' a pIu s d' un si eel e •
. ".' ;;'
'-~'. '. '.",
Outre ses hommes illustres,
ses. docteul's et ses hlar-
·tyrs,
le souvenir de litglise d'Afrique,
chez lesCarolingJ.ens,
;:,,~e tradui taus si par des r ~f ~ren ces a ses con c il e.s et a 1eu rs
):,c:;anons en matiere de discipline
eccl~s~astique. Ainsi
-
dans
cc passage emprunt~ proba.blemenF aux AnnaJ.es
Bertiniani
0), onnotecomment, au Concile de Thlonvil1e'(2),
., :U est fait reference a un des concHes d'Afrique, pour r~sou-
, .
.
d r e I a
que s t ion
des
jug e s
s y nod a u x
:
"Et Cl an s 1 eS y n 0 cl e,
in d i que
.
~.
ie rapport,
afinque
tout
soit
accompli
selon les10is parles-
.
;
~~elles l'Eglise,e~t gouvernee, et en m~me temps, avec ceux
, qU'elle s'est choisis cohlme ses juges d'apres
les'canons de
la
·::.province d'Afrique'(3),:et conform~ment ace quedisait llApotre
"Ne retiens une accusation
contre un
pretre que sLir le temoigna-
"<: ,ge de deu,x OU, tr.oi,S t~rnoih,sl1 (4)" .(5).,
(1)
Cf.
Ann:'ale-sBertiniani,' anno
835.
en Le Conci1e de Thio~ville a ~t~ tenu au palaisde l'empereur
'LOUIS Le Pieux,
en.fevrier-mars de l ' annee 835.
11 est rapport~
par les Annales
Bertinl'ani,' anno 835.
(~d.Waitz, p. 10 sq.)
". ,:~::
',:(:3)
Les canons enquesdon
apparticnnent a
divers conciles tenus
~n Afrique et notamment dans la ville de Carthage. Ces canons se
,r~rrennent les un~,les~~utres et concernent ie.i le nombre des ju-
"ges eeclesiastiques requis pour le jugemerit cl 'un' elcrc.Suivant
: 1 e d e 9 I.' e hie I.' a I.' c h iq u e, de l ' ace use a use in de .1: lEg 1 i .s e d I Af r i que ,
, . ,. i l fa u t
t e 1 0 u t e 1 no in b red e jug ~ ? po u r
l ' a u d it ion
cl u p r OC (~S
:
~~insi le r~glemente laloi qui fixe a trois le nombre des juges
s ' i l
s'agit
d'un
diacre.;
a
six,
slil
s'agit d'unpretre,
et a
do\\.ize,
s ' i l
s'agitd'ud
~v~que. Sur cetteqllestion, voir Cone.
,C a r t11a g.. A. 345, C~ 11. QJ an s Cor p 1I S ChI.' is t i a nor u m, s ~ I.' i e 1 at in a
.C' XC L I X'.
Con c il i a Af I.' i c a eA.
3 45 - 5 2 5,
p.
8 ) ;
Con c.
Ca I.' t hag • A•
'C' 390,
c.
1 0
[ i bid • . r.
1 7 ) •
.,
:(4) L
Tim.
5,
19.
.', "
( 5) "Etu tom n i a sec u hcl um 1 e 9 e s, qui bus m0 cl e r at u r, e c c 1 e s i a .~ in
,"sinodo legaliter adimpleret,
slmul
cum eis,
quos secundum Afri'-
. ca e pro v i n cia e c an 0 n e s
e 1 e 9 era t
sib i
j u die e s, ~ cl i ce n tea p 0 s to 1 0
·."TTf\\dversus presbyterumaccusationem noli recipere ·nisi sub duo-
.-
bus vel
tribus
tesfibus", ••• ".
Concilium
ad
Theodonis
-' VLi1am
congregatum,' ed.
A.
Werminghoff,
dans H.
G.
H •. Concilia 11,
2,
1908,
p.
699 •
.~
• ; ' : <
• •
. ". ~.

480
-
Cette question
des
juges des synodes ~t la r~f~ren­
aux canons conciliaites africains se
retrouvent,textuell~ment
chez FLODOARD,
chanoine de
Reims
(1) .
....:. "
.. ,~~ . '
',.~ .,;
-
le synoded'Attigny
(2)
fait
egalement reference a
:0 es de c i s ion s
p r i se spa r
1 e s per e s
con c 11 i air e s a ' 1 I 0 cc a s io n
.' __<~'j un e si tu a t ion t r ~ u b.1 e e e nA f r i que
a p res
a v 0 i r
c i t ~ le canon
.:.... ,
:::';"". ,. •
Et
s I 11
per sist e a t r o'u b1 e r e t a t 0 u r men t e r
I' E9 1 is e, < i 1
':>;~ei'a poursuivi entant que sed itieux par les puissances exte-
...if l.eures 11 (3) , le rapp~rteuraj 0 ut e : 11CI e ~t la que 1e s Ca~0 ns
::><de la province d 'Afriq.ue prirent une
decision
(4);
(5) .
. i. . .' ','
..
-
le pas~agi:suivant,~tir~ d'urie lettredu PapeJEAN
:>;\\iI I i (6), f a it e gal e men t Cl 11 u s ion a un con c i 1 e a f~ i ca in ten u _ e ri
. : ..:~.,
;.:\\::):·,~glement du problemedes Donatistes (7) : lors de cette assem-
r
,
!
I ' ! . '
I
I
!
'
I
I
(
I
I
...~,,: ~.~ '. ,
':'::',0) FLODOAr:DU~ Historia Remensis ecclesiae', 1~, 11. ed. I. HelIer
,:Y:It. G. Wa it z, in M. G. H. SS. XI I I, 1 881, P~ 473. '
"(2 )
Ce s y n 0 de ,
ten u a u 1 er j LI .ill et
de 1 ' an nee 8 74 a p.
J. - C.
a
Attigny,
dans lesArderlnes,
~st probablement une des nombt~uses
.~eances du Coneile pr~vincial de Reims, sous l'episcopat d'HINC-
,;':: ~1A R , po u r
re g 1 er 1 e
d if f ~ r en d qui 0 P po sa i t I e r 0 i
CH ARL ES Le
: t hci u ve a HI N01 AR Le J e u ne, n eve u d u p rem i er, et eve que deL a 0 n .
•~
1'"
:;b) Con c 11 e d IAnt i~che, can 0 n 5.
-, >:':
.
'C 4) "... 11 Quo d s i e cc 1 e s i am co n t u r bar e e t so 11 i c ita rep er s i s tit ,
:·tahquam seditiosus'per potestates exteras'opprimatur"
(Cone.
":Antioch.
c.
5.).
Hinc etiam AfT'i'c'ae; provinciae cahones decreve-
';'}u n t. 11 Syn odu s
At t in i a cen si s,
in
Ca p'itul'ari'a T'cg urn' ,f ran co rum "
.<ed. A. Boretiu5 und V. I(ranz, t. 11, Hanovre, 1883 (IV1. G. H. leg.
:;~s ec t i 0 11), p. 459 ~
,
1'-':;:fS) Cf. ConciJe deCarthaCJe 11 (anno 390)c. 8. ed. Mansi Ill,
",,:.. ;201.
695 - 4.5
( co d.
c an on.
p. 18 9, c • ], 0 ) ;'
-\\"{Z,e concile de Carthage; a. 390, c. 8, in Corpu"s'ChrJst'i'anorum"
. ' s e r i e , l a t .
CXLIX,concilia Africae,
A.
345-.525,
p. 1 6 . '
,
:;/;'(6') Ce t t e 1 e t t red ~ JEAN VI I I a' et e e cri t e en" A0 ut 8 79 'e tc 0mp0 r -
..
":',1:
"
e deux versions,
un e 9 re c q Li e
et un e 1 a tin e.
Ell e est a d res see
', ..
~~J~ Empereurs, BASILE l~r, CONSTANTIN et ALEXANDRE pour les re-
'mercier au sujet de la reverence du siege'romain, conformement
,~ la coutume gardee de'ses pred~cesseurs ; elle repond egalement
.)Ux yoeux des patriarthes et de
tous les autres
~v~ques pour
·l'avenement du nouveaupape,
ainsi quIa
leur p~tition au sujet
,':de l'affaire PHOTIUS. '"
"
.
::·.,~:;U) Le concile africa5.n dont il s'agit ici est leconcile de Car-
.·thage,
tenu le 13septembre de l'ann~e 401.
CL
Concile, de Car-
thage VI,
a.
401,
c.
2
(DIO~jYSII col. Can. synodus ape Cartha-
.. ginem L 9.
V.
cod. cC].n.
eccl.
Africanae),
c.
68.
~d. t"ligne, P.
L.
t.
LXVII,
col.
204.'

, I C~ :', '
,', I : '
·: '.,
, ,."
~. (~ i' ,

I
r:
.
481
'\\U:': ,
: 't
tl~e, a1ns1 que l~i~dl~~e la lettre, on traita de, la cQnduite
la
plus
utile
~ tenir envers les Donat1stes ; on r~soIut d'agir
envers
eux
avec
beaueoup de
douceur,
et
de
leur
faire
comprenclre
si
possible
leur
erreur tout
en ~sp~rant que Dieu ouvrirait
leurS
yeux
et
leur coeur
;
11
fut
donc
d~cid~ qu'on rccevrait
dans
ks honneurs
et
les
fonctions
de
Ieur
minist~re
les ec-
cl~s1(]stiques donatistes qui voudraient se rallier a l'unit~
de
l'Eg11se Catholique
(1).
Enf in"
dans .cc passage du
De ordinationibus
a
Formoso
papa
factis
(2),
I'aui~~r, le pr~tl'e franc AUXILIUS, fait allu-
.."-
':.510n
a la' situation de<schisme (3) qui pr~valaitdans l'[g],isc
,',d'AfLi,que du IVe
si,~cl~.. : "Au sujet de ceux qui v}-ennent d"Afri-
,q Li e 0 u de Ma u r ~ tan i e ,'~c r i t - i I, et qui ne s a v e n tp as d a n s q u c 11 e
,~' sec t e i 1 son t ~ t ~b a p t'l ~ ~ s , en fa i t i I s s a v en t q u 'i 1 son t ~ t ~
.,: 'b apt 1 se s, ma i s d a n s q Li e11 e f 0 i, et par qui, v Cl i I a cc qui i 1 s a-
,; .
..
.-
\\'
~ .
I ' . ' ·
vouent
ne
pas
savoi,r"~·"(4).
'.'
.
' .. '(1)"
" I d et:i. a m san c t u m con c U. i u m a put AF RI CMf; 9 est u m k a pit u 1 0
XXXV.
j u bet,
u t " C1 e r i ciD 0 n a t i s tar u m i n ec c 1 e s i a
pro p t e r e c -
clesiae pacem et utilitatem,
si
correcto consilio
ad
cathoJ1cam
,.url.ttatem
transire voluer1nt,
si
hoc
paci
christiane
prodesse vi-
~sL,m fuerit, in suis honoribus suscipiantur non utconcilium,
qLiod
in
transmarinis
p~rtibus de hac re factum est, djssolvatur,
,;1 ri' quo videlicet con c i 1 J 0
s tat u tu m est,
ut
0 r din a ti.
in
parte
.. Donati,
si
Cad JCatho,licam partem transire volu.erint,
non
sus-
'.. ci pia Jl t u l' in h 0 nor i bus ,s u is" . "
JOHAHt'~ES VIII, Epistola:207, ~d. E. Caspar, in IlL G. H. Epist.
}.l! I,
1 9 2 8
p.
~. 6 9 •
'
,
,,('2" AUXI LIUS , De. 0 r d i ri~t:t 0 nibusa Form0 s 0 'papa fa c t is, ~cl .M i -
9ri e,
Pat l' 0 log i e
1 a: tine;': t.
129 coL
10 59- 1102 .
( :3) Le s chi s me don ~ ti>it,e cl :i. vis a it en e f f et, 1 e s Afr i c a ins a pr e s
,(
avoil'
resiste a tOLlsles efforts des empereurs COIIISTAHTHI,
puis
CON S TA HT.
Dcpu i s
.li:~ sed its cl e J ULIE H 1 I AP 6 s tat, la sec t e don a -
~iste pers~cut~e a~ait,pris un essor nouve~u, ,si ~ieJl que clans
i e d ern'i e t q u art d LJ I Ve, s i ec 1 e, 0 n con s tat a i t 1 a 'c 0 e x .L s ten c e e n
'Afrique,
de
deux
Eglises rivales,
aussi
fortement"organis~es
"
j i une que l ' autre . " "
T
",
-:..... :. ..
.'(4)
"De
his
autem qui,ex Africa,
vel
ex Mauritania
veniunt,
et
he s c i u n t ,1 n q u a sec t a -'5 u n t b a IJt i z a t i, non se bap t i z (] t 0 s ne s c .l un t ,
~ed cujus fidei fu~rint qui cos baptizaverunt se nescire p~ofi­
tentur ll •
. • AUXILTUS,
Dc ordination.ibUs
a
Formoso
pClpa
factis,
ed.
Mi.gne,
Pi,lat.
t.
129,
col.
1075.

482
3 . L'AFRIOUE VANDALE
------~----------
Elle est pergue ehez trois auteurs,
FRECULF,
BEN EDICT
et ABBON
De FLEURY,
dont les textes relatent iei et la quelques
faits relatifs a l'invasion des Barbares,
partieulierement cel-
le des Goths et des Vandales,
qui s'installerent en Afrique du
t,j 0 r d,
a u I Ve· s.
a p.
J. - C •
Compilant BEDE Le Venerable
(672-735),
FRECULF racont~
ainsi l'invasion de l'Afrique par les Vandales
:
It • • •
De la
rc'esit-
a-dire d 'Espagn~, ils passerent en Afrique avee toute la famil-
le, les Alains et les Goths s'etant joints a eux,
ils devaste-
rent tout par le fer,
le feu,
le pillage et en meme temps aussi
avec l ' impiete qui caraeterise les Ariens"
(l).
BENEDICT,
moine italien du couvent de Saint ANDRE (au
pied du mont Soraete),
rapporte lui aussi cette invasion van-
dale avee quelques variantes terminologiques dues aux Gesta
episcoporum neapolitanorum
(2)
qu'il compile, mais aussi avec
des fautes de latin qui n'ineombent qu'a lui-meme
:
"La nation
sauvage des Vandales,
des Alains et des Goths,
dit-il,
passant
d'Espagne en Afrique,
devasta tout par le fer,
le feu,
les pil-
lages en meme temps aussi avec 1 'impiete qui caraeterise les
Ariens"
(3).
(1)
It • • •
Hinc transeunt in APHRICNl cum omni familia,
Alanis
secum junetis et Gothis,
omnia ferro,
flamma,
rapinis simul
et Ariana
impietate foedaverunt. It
FRECULPHUS,
op.
cit.
col.
1244.
(2)
Gesta episc. Neap.,
9,
16 (ed. G.
Waitz,
in H.
G.
H.
Script.
re rum La u g,
1878,
p.
407)
(3)
It • • •
Efferans
(sic) gens Huguandalorum
(sic),
Alanorum et
Gothorum transiens,
omnia flammam
(sic),
ferro,
rapinis,
simul
et Arriana impietatem
(sic) fedavit".
BENEDICTUS,
Chronicon,
ed.
G.
Zucchetti,
Roma,
1920,
p.
17.

483
Dans ce passage emprunte a PROSPER D'AQUITAINE (Ve s.
a p. J. -C. ),
FnE CUl F fait allusion a u sac de la viII e de Rome
par 1e s Van d ale spa :rti s d' Af r: i que . "
En e ff et,
1 e m0 i s d' a -
pr~s (l'assassinat de l'empereur VAlENTINIEN lII), rapporte-t-
il, a la nouvelle de l'arrivee du roi. GEISERIC d'Afrique, beau-
coup de patriciens cit gens du peuple se mirent a fuir· la ville ;
comme tout le mondeava{t re9u la permission
de partir,
et que,
. . . .
I
dans la panique,
il~(PETRONE MAXIME, qui s'etait fait proclamer
empereur)
voulait s~en al1er lui aussi, il fut mis en pi~ces
par la foule,
et ~n;uite; precipite membre par membre dans le
Tibre ; ainsi fut-it prive de sepulture. "(1)
(2).
Ici,
l'e~~que de lisieux fait allusion a une tentative
de debarquement en Afrique, de la part de l'empereur d'Occident,
pour contrer les Vand<iles
"l' empereur MAJORIDl,
dit-il,
une
fois la paix conclue avec le roi THEODORIC, alIa en Espagne ;
il y avait ordonne d'app:r~ter des navires, af.in de passer de la
en Afrique et attaquer les Vandales."
(3) •
. ":'.'
(1)
" •••
Nam post a:lterum mensem nuntiato ex Aphrica Gaizerici
regis adventu,m~ltisque nobilibus ac popularibus ex urbe fu-
gientibus,
cum ipse:quoque"
data cunctis' abeundi licentia,
tre-
pide vellet abscedat~ .cunctis abeundi licentia, trepide vel1et
abscedere, a famulis dilaniatus est,
etmembratlm dejectus in
Tyberim,
sepultura quoque caruit. 11
FnECUl PH US, 0 p. ci t • col. 1 246 .
- Prosperi Aquit.:Chionicon(ed.
Roncalli, pa~s I, 675).
(2)
le sac de Rom~ auquel il est fait allusion icl, eut lieu en
455 ,ap.
J.-C.
Apr~51'assassinat de 1 'empereur VALENTINIEN III
(455)
par deux officiers du patrice AETIUS,
l'un des conjures,
PETRbNE MAXIME,
s'etait fait proclamer empereur. Son r~gne ne
dur~ que deux mois et demi~ car il fut massacre par la populace
que la nouvelle del'arrivee d'uneflottevandale aux bouches
duTi b rea v a ! t
jet e e~ d a n s i a pan i que.
" J 0 u ant a u v e n 9 e u l' d e .
_
VALE NTni I Dl 11
( R.
F0 LZ),
1 e r. 0 i
Van d a 1 e, GEl ZER I C 0 u GENS ER I C -fit
pUler'Rome de fond'en comble pendant quinze jou1's (du 2 au 17
juin)
et ramena en Afrique un
immense but in. tant materie1 qu 'hu-
main.
Parmi ses c~ptlfs, figuraient la v~uve de l'empereur ains!
que ses deux filles~ dbnt l'une epousera son fils HUNE~IC. Ce
nouveau pillaged~ Rome qu'i survenait donc un demi-si~cle
apr~s
son saccage par le r6i AlARIC et s~s Goths,
f~t durement ressen-
t i p a l' 1 a pop u 1 a t.i 0 n, l' 0 ma in e qui res tap Ion gee a ins i
d a n sun e
certaine apathie, et ~rivee d'empereurdu1'ant un bon bout de temps.
( Cf.
R• F0 l Z,
Del' An t i q iJ i t e .a u m0 ri d e nl(~ die va 1', d a n s 1 a coil.
P e u p1 e s e t Ci v i 1 i s a ti 0 n s, P. U. F., Pari s, 1 9 7 2, : p. 61 - 6 2 •
3 ••• / •••
. ~:.

484
La,
a travers l'assistance portee par le Pape SYM-
MAQUE aux Eglises d'Afrique et de Sardaigne en difficulte,
FRE-
CULF fait allusion a la persecution des
populations catholiques
d'Afrique par les Vandales ariens
"A cette epoque-la,
dit-il,
le Pape SYMMAQUE, qui se trouvait entre plusieurs Eglises qu'il
a soit creees de fond en comble,
soit renovees,
fit
construire
pres des basiliques de Saint PIERRE,
de Saint PAUL ainsi que
de Saint LAURENT,
des demeures pour les pauvres
;
outre cela,
chaque annee,
a travers l'Afrique ou la Sardaigne,
il fournis-
sait aux eveques qui etaient en exil,
de l'argent et des vete-
ments.
(1).
Mieux qu'une simple allusion,
cette persecution de
l'Eglise catholique d'Afrique par les Vandale~ est clairement
rapportee chez
BENEDICT qui ecrit
"ONORIC,
roi arien
des Van-
dales,
en Afrique,
fit subir a plus de trois cent trente-trois
eveques catholiques exiles et disperses,
ainsi qu'a leurs Eg1i-
ses, des supplices de toutes sortes' : et certes,
il fit
tran-
cher les mains a un grand nombre,
leur fit couper la langue,
cependant,
il ne put leur arracher la langue de la confession
catho1ique"
(2).
(
(3 ••• / ••• )
) "Majorianus autem imperator, pace composita cum
THEODORICO rege,
tendit ad Hispanias, navesque praeparare jus-
serat,
ut inde transiret contra Wandalos in Aphricam".
FRECULPHUS,
op.
cit.
co'l.
1248.
(1)
"Tunc Symmachus papa inter multa ecclesiarum opera, quae
vel a fundamentis creavit,
vel prisca renovavit,
et juxta basi-
licas sanctorum Petri et Pauli,
atque Laurentii
pauperibus habi-
tacula construxit,
et singulis annis per Africam vel Sardiniam
episcopis qui in exsilio erant,
pecunias et vestes ministrabat. 1I
FRECULPHUS, op.
cit.
col.
1252.
- Gesta Pontificorum romanorum,
in Sym.
pp.
L Ill.
(2)
1I0 nor icus rex Wanda10rum
Arianus,
in
Africa,
exulatis diffu-
gatisque plus quam tricentis
XXX.III episcopos
(sic) catholicis,
ecclesias
(sic) eorum,
variis efficit suppliciis,
et quidem in-
numeris manus abscidens,
linguis precidit, nec tamen loquellam
catholice confessionis eripere potuiL"
BENEDICTUS,
Chronicon, op.
cit.
p.
20.
-
Gesta episcoporum neapolitanorum,
11,
XVIIII.

485
ComplIant vraisemblablement BE DE
(1),
le meme BENEDICT
et un autre auteur,
ABBON
De FLEURY,
~voquent iei, tous les deux,
un
autre
~pisode de la pers~cution des catholiques ~fricains
par les Vandales.
Situant l'6v~nement sous le r~gne de l'empe-
reur byzantin ANASTASE,
BENEDICT nous dit que THRASAMUND,
roi
des VandaIes,
fit
fermer
les
~glises de Gulte catholique et ex i-
la en Sardaigne deux eent vingt eveques.
C'est ~ cette occasion
q~e, scIon nos ~eux auteurs, le Pape SYMMAQUE (2), parmi plusie~~3
~gljses, dont il ~tait, soit le fondateur, soit simplement l~
restaurateu~, d~ploya toute une op~ration de secours et dt~ssis··
tance aux pauvres
; aux
eveques en
exil,
il envoyait,
tous les
ans,
~ travers l'Afjique et la Sardaigne, de llargent et des v~·
tements
(3)
par ailleurs,
ajoute ABBON, ·il rachetait les cap-
tifs dans diverses
provinces
(4).
Ces bribes d'informations relatives aux
Vandales,
en
Afriquc, appellent quelqucs commentaires.
L'invasion vandale evoquee par FRECULF et BENEDICT,
se
situe en Mai
429 ap.
J.-C. Leur activite guerri~re ayant peu ~
peu
epuise l'Espagne o~ lIs ~taient etablis, ainsi put naltre,
semble-t-il, chez ces Barbares,
le projet dIaller exploiter
1 IAfri~ue, la seul~ terre de 1 'Empire qui rut encore intacte en
0) BEDE, Chronicon, 505-508.
(2)
Le Pape SYMMAQUE,
d'origine Sarde,
succ~da au Pape ANASTASE
11 sur
la chaire pontificale le 22 novembre 498,
et mourut le
19 juillet 514,
apr~s un regne de 15 ans, 7 mois et 28 jours.
(3)
"Eo tempore quo Anastasius sumpsit
imperium,
regnavit ann.
XX.
et VIII.
Trasamundus Wa~dalorum rex catholicas ecclesias
clausit et CC.XX.
episcopos
in
exilio Sardinia misit.
Symmachus
papa inter multa ecclesiarum opera,
que vel a fundamentis Crea-
vit vel renovavit sicut± a prisco temporibus,
ad beatum Petrum
et beatllm PallIum ct
beatum Laurentium ...
pauperibus habitaculum
construxit.
Et victum et que neceisaria sunt ministrabant pau-
peribus,
et omnis annos per AfTi~a et Sardinia episcopis,
qui
in exilio,
pccunias et vestes ministrabant".
BEN EDI CTUS,
ChI' 0 n i co n , 0 p • . c it.
p.
21.
( 4 ) "
Hie
r Symm a c hus) 0 mn i i) nn0 per Af r i caIn "', e t ca pt i v0 s
per diversas
l)i-ovincias recfemit".
ABBO FLOrUACENSIS,
Epitome de XCI
Rom.
Pont.
vitis,
~d. Migne,
P.
1.
t.
139,
col.
546.

486
Occident. GEISERIC ou GEHSERIC,
devenu roi des Vandales en
423,
prit donc la mer a Tarifa en Mai 429,
avec environ 80 000 per-
sonnes,
dont 15 a 20 000 guerriers.
Cette horde franchit
le de-
troit de Gibraltar et debarqua sur les plages des environs de
Tanger.
De la,
ils s'acheminerent vers l'Est par la trouee de
Taza.
lIs envahirent la Numidie et la Proconsulaire,
battant en
rase campagne le comte BONIFACE, qui s'enferma en mai 430, a
Hippone. Apres une resistance de plus d'un an,
la ville finit
par tomber aux mains de GENSERIC en aout
431.
Ayant reussi quel-
ques temps plus tard a vaincre une armee de secours envoyee par
1 'Empire romain d'Orient,
GENSERIC devint ainsi ma1tre d'une par-
tie de l'Afrique.
Ne se sentant pas en etat de prendre Carthage
pour 1 'instant, il accepta le traite que lui offrit Rome.
Sa
conqu~te comprenait la Numidie grossie de la Sitifienne et d'unc
partie de la Proconsulaire
(Hippone, Guelma)
: l'Afrique se trou-
vait ainsi dissociee.
Quatre ans plus tard, GENSERIC reussit a prendre Car-
thage (oct.
439). Hors d'etat de lui resister,
1 lempereur VA-
LENTINIEN III se resigna a conclure avec lui un nouveau traite
qui, abandonnant la souverainete romaine sur une partie QU ter-
ritoire,
creait un Etat Vandale qui comprenait alors une petite
frange de la Numidie
(a l'Est de la ligne Philippeville-Constan-
tine),
s'etendait'desormais sur la Proconsulaire, la Byzacene
et la Tripolitaine, c'est-a-dire sur la region la plus riche et
la plus romanisee d'Afrique du Nord. L'Empir; par contre,
rede-
venait ma1tre de la Numidie et des deux Mauretanies (I).
Quant a la tentative de debarquement de MAJORIEN a
laquelle fait allusion I lev~que de Lisieux, elle eut lieu en
459-460 ape
J.-C.
Nomme empereur en 457, MAJORIEN fut le dernier
empereur d'Occident qui tenta de redresser la situation et de
(I)
Cf.
ROBERT FOll,
De l'antiquite au Monde medieval, dans la
collection Peuples et Civilisations,
ed.
P.
U.
F.,
Paris, 1972,
p.
57-59.

487
conserver ce qui:sub~istait de l'E~pi~e'romain. En 459, apr~~
s'etre {ait reconnaltre par les populations de la Gaule du Sud,
' , '
il tenta, a partir de l'E~pagne,ded~barquer ~n,Afrique, ~ la
tete dfun ramassis de m~rcen~ires, pour y attaquer les Vandales
,
.
-,
qui, depuis 455,~uliipliaie~t les~aids contre les lIes de la
m~diterran~e oc~identale. Nais GENSERIC, renseign~, fit capturer
la flotte de d~barqueme~t concentr~e ent~e Alicante et Cartha-
g~ne, et l'empeieur fut contraint de signer avec le roi vandale,
en 460, un trait~ qui lui reconnai~iait la possession de tout
son d 0 ma in e a f r i c a i ri a c c r u de Ci r t a ( ton s t a nt in e ) et de que 1 -
que~ places sur la c6te maur~tanien~e (Tipassa, Cherchell, Ceuta);
il lui abandonnait en outre les B~l~ares, la Corse et la Sar-
daigne (1).
. :.
..'
Enfin, concern ant les pers~cutions des Catholiques
par les rois HUNERIC et THRASAMUND;il convientde rappeler que
1 e s Van dale s, 1e s Got hs e t 1 e s aut r-e s B a'r bar e s ~ t a i en t po ur 1 a
p lu par t
con v er t is ~ 1 I Ar i an ism e. Ce qui, en 0 ut re" 1 e s f a is a i t
d~tester des pdpuiaiionscatholiques~despays envahis. En Afri-
que, les Vandal~s tent~rent de r~pancire llinfluence arienne en
mati~re religieUse. Mais'leurs es~ais maladroits etbrutaux pour
r~p~ndre cette h~r~sie nienregistr~rent que des ~checs de la po-
• •
.
1

pulati6n fid~leau catholicisme. Cette pers~cution d~clench~e
.,"
' .
,"
contre les catholiques, et dans laquelle l'~piscopat fut l'objet
de d~portations r&p&t~es auSahara et en Sardaigne, ne s'att&-
nua quelque peu que dan~ les derni~tes ann~es du royaume van-
d a J e, ~ par t i rd u r ~ 9 n e d eT HRASM1 UND (496 - 5 2 3 ) • Et encore, si
en 533-534, Je g~n~raJ byzantin, BElISAIRE, n'avait pas mis un
terme ~ l'Etat Vandale, cettainement que ces hostiJit~s auraient
dur~ ~es g~n~rations avant de prendre fin (2).
, , ,
(1)
CL
R.
FOlZ,
bp.
ci t.
p.
62.
( 2 ) CL R. FOlZ,,' op. ci t. p • J 0 9 •
.\\
. ' , ' , .

.~
"
' . " .
.(
,'.,.
:::,._.'
488
, .~ , '
.. ' ;'- ::~.:.
'.
.; 4
L 'AFR I QU E BY Z'ANTINE,:·
-----------_._-~_._~~.:
Elle
st ~~~cue ~AJ~ six auteurs, et principal~ment
'~':' a travel'S l'evoca:tiqJ<de' qu~lques.. faits politico-militaires,
" q u i s'inscriveri't dan's 'le contexte,'general
de la
tentative de
::.
reconquete,
sur· {~s:Barbare~';':'des' parties occidentales de l'Em-
<.~ pire romain par:.. .les·:·~.~mpe,~eur"s d'Orient, aux Ve, VI·e et VIle s.
t:"
ape
J.-C.
"i
;
Ainsi\\"~'lhspirant'<:/'un~ source inconnue; l'auteur
.. anonyme
de la Ch~on {;~ue Un'ive'~selle (1) rapport~ que sous le re-
.. ::·gne de l'emperE~LJr JU,STINIEN~(2), neveu de I' empereur JUSTIN (3)
,,~ par sa soeur (~:ten'~:l'annee '38e ou ailleul's, en 1 'annee 3ge du
. ;'.
,.:."
'regne),
le patric,e I?ELISAIRE,envoye en
Afrique par 1 'empereur,
'detruisit la nation
andale'(4).
"
.:.
"
.
'. ~.
CompLlant:;:fci JOROANES
(5),
FRECULF
rapporte lui aus-
si la mission
dUge~'~'ral byi'~;{tin~' en Afrique : " •.. Oon<;: BELI-
SAIRE,
dit-il,.":~pie's ~voir, traverse la mer de la Sicile en A-
f r i que,
~ vec s a~:ti'0nrii~ et0 i i ~], a bit ue 11 e, mi ten f ui t e 1 e s r e bel -
les,
libera la::pr~vj:'h'~e, eta' nouveau, apres avoir installe SO'-
LOMO~1 a Cartha~Id>r~:G~gna')~:Sicii(:~1I (6).
, ;....
(1)
Chronicon
u'rifver:sale,
ed',' G.Waitz,
in
M.
G.
H.
Script.
t.
-,.;
XIII,
1881.
'.'., ..
<~..:.,
(2)
et
(3)
11
S 'agit"de l'empereur JUSTINIEN
ler
(527-565 ap.
J.-C.)
et de
s6n
pre~ecesseur et bncle 1 'empereur jUSTIN ler
., (518 - 527 a p.
J '.- C • ) ~:: '
, "
(4)
IIJustinianus;
Ju;~tini ex sol'ore nepus, ann. 38, alibi 39.
Belisarius patrici~~~~ Justi~iano in Afri~am missus, Wandalorum
. gen tem del ev i LW",:;::;,
, : 1 •
Chronicon
unive;r~·ale;·;,ed~ G~ \\Vaitz, in M. G. H•. ScripL XIII,
.,.1881, I p • 11.
'.:.,:;:;:':.,'
' . . i,'·· .. ,
....
( 5)
J 0 r d a ne s,
S0 ~v e nt; ,a p p e 1 e-: ~ tor t J 0 r n and e s, eta it Got h 0 u
,.:
Alain
de
race,JnoinEC'et secretaire d 'un maitre
de la mil.ice
( Gun t h i 9 is)
;
it vec:u f
a u VI e s.
a p.
J. - C "
e n tvh~ si e. 0 n 1 u i do i t
',' 1 e Rom a n a,
eel' i t a p r e's
5 5 2,
his to ire a b r egee del I a n c i en n e Rom e
et le Getica',
d:atant'des memes
annees,
abrege de l'ouvrage de
Cassiodore et d"un
iutre'li~i~.
'
.
"(6)
"Emenso
erg6
Be1;'i{zariusa Sicilia in
AFRICAM pelago,
solita
felicitate
reb;el1esfugat,
provinciam liberat,
Solomonemque rur-
sum Ca r t hag in e' C() 116.<:: a ri s
Sic i 1 i am re di t • If F RECULP HUS,
0 p.
c i t .
. co 1. 1 2 5 3. (- J 0 RCl AN.
0 ~ t e 9 nor u met t em p 0 rum su cc e s s ion e'.
2 41. 42
.,
..
,', .'
'·r
';.;
~ '. l'
.;; ;.

489
~ • >
A un
passage ,de son;'His,tol'ia FrancoTum
Cl), AH10IN De
F LE URY,
d a n s
II n
d i a 16'9 u e ~ or 9e po u l' des be so ins 1 i t t era ire s
d'ordre stylistlque,"et qu'll
pr~te ~ l'empereur JUSTINIEN ler
et ~ son general,AIMOIN donci' fait egalement allusion ~ la cam-
pagne militaIre men~~ contre les Vandales pour la reconqu~te de
l'Afrique.
Au
discours de JUSTINIEN,
destinesemble-t-il,
~ le
~alvanIser devant la rude et d~licate missIon d'aller reconque-
rir l'AfrIque,
BELI~~iRE, repondant par.l'affirmative, ajoute
11 Don c
u' n e part l' e de ":1 ' a rm ee,
a j 0 u tee
b i e n en ten du,
a u x do u z e
'" mille
jeunes geh,s,
E({aux ·qLiatre mille,
attaqueront,
par terre,
, 1 e s r e 9 ion s
d e '\\:';A f t'i que. En, ,rev an ch e mb i, a v e c 1 ere s t e del I a l' -
'mee,
naturelle~~ht ~vec l~s six mille soldats et les huit mille
.. .'
~.
jeunes gens,
je':gagriefai,
par mer,
les confins de la
Libye~ Et
,
" ..
mutuellement vo~cj ~u~l sera notre signal: dans vos camps, qu'on
a 11 u me un 9 ran cl' .feu ' ;" e t
no us,
s u ~ 1 e s n a vir e s, no use x h i bel' 0 n s
;.
..
" ,
"
.',.>les feux
de nos',torches." Et,
en
conclusion,
AH10IN
affIrme que,
joignant le ges'te; ~''ia parole, apres avoir regIe la marche, ils
.' ~
se dirigerent vel'S L'.Afl~ique (2) •.
~~., .,
'
Parlaht, dU~,fondateur de'la dynastie des Heraclides,
1 'auteur de la CilTori:'i\\jue,Universelle',
dit
"HERACLIUS etant pa-
,'trIce,
les provlnces;,,'de l'Afrique
toute
entiE~re le nommerent em-
pereur avec 1 'appro~'~tion'du,Senat ; avec une flotte armee" ,il
7:,
'}:.', , ,
I
, ·f
(1)
AIMOINUS,
H{stor';i~ Francorum, ed. Migne, P. lat. t. 139,
col.
6 2 7 - 7 9 8 •
'/ , "
(2)
"Per
Ipsumhamqu\\~"Bel'isarium Imperator Justlnianus multarum
sibi subjugaver~t fefItatem gentium.
Spondente
itaque_illo •.•
dignitate acquisisti"?ii Quo
respondente:
"Etiam sunt" adjeclt
i l I a :
"As5umpta
igitur parte rililitum,
ad
duodecIm
scilicet mH-
',;, lIa puerorumque'ad quatuor miilia,
terrestri
itinere parte's ag-
~ gredere AFRICAE~Ego~vero cu~'reliquo exercitu, videlicet sex
.
mi l l i 11 u s mill t u,m , e t,'o et 0 . mI l l i bus p u e r 0 rum,
n a v a 1 i
eve c t ion e f I-
ne s
pet a m Ly b 1 a e:> Ho'cq Li e nob i sad in v ice mer 1 t
si gnu m :
ut' tu i
in
cas t r i s
cop i 6~ u m ,'a cc end ant i 9 n em, e t h 0 sin n a v i bus 1 u men 0 s -
ten d a mu s
fa c i b u ~ ".
Qui d 'p 1 u r a ?
F act i s d i c t a' c 0 mpen san t e s',
Af l' i -
,jcam partito
petunt
agr!,lne."
'
AIMOINUS,
Hi'stot-ia Francorum,'l.
11,
ed.
Migne,
P.
lat.
t.
139,
C 01.
667.
.,;~
~::~~ :. ;.
,".
, ,,'.
' , ' ,
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:~' ..
' ; ' J . :
. ..,',' ,','
,
' I t
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. ~
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490
,< pen et r a ch e z 1 es Pe
etramena~toute la Perse sous son auto-
.: t 1 t e (l).
,
,
' .
\\
..........
Dans SOT! o;Livrage , l e Libel Pon t-if'ical'is ecc-les-iae Ra-
"
c',:'{vennatis (2),
i\\G~ELL;~S, empr,untant a l'Histoire des Lombards (J)
de P AUL DI ACRE CV i I le,,', s • a p ; .J'. - C • j, par 1 e 1 u i
a u s s id', HER ACL IUS
,,L e n c e s t e r me s::,<u H~ ~.~'c LIE N (\\), qui, en c e s j 0 u r s -1 ago u v ern a i t
>:::"i 'Afrique, entra'>en<rebel1ion contre ce PHOKAS, et venant avec
,',
.
,;son armee,
il
lu{eHlevale p,Ouvoir et lui ota la viell
(5).

,
'~" _ •
, • J •
, , ' ,
-:-'.f":
Enfin,>dan,s son,'ecrit
intitule Antapo·dosi·s,
LIUTPRAND,
~veque
, . f '
de Crerno'n,e
(IJalie),par}ant de la capitale de l'Empire
.'romain
d'Orient'\\'ec~~}t ceci :,IILavil1e de Constantinople qu'on
,
appelalt d 'abor~J. Byz.~l')ce;' ma,is qu 'on appe~11e maintenant la Nou-
'. >'velle Rome,
a
et'e'fo'hdee ausein
de nation's tres
intrepides.
El-
1 e a ,
en
o
f
e f f et, "a u N~r d " 1 es Ho n 9 r 0 is, 1 e s P i zen a que s, 1 e s Kh a -
z a r s,
1 e s
Ru s se's, que:, no usa u t res no usa p p e Ion spa run
aut r e nom
,
,
, ; : ~ .
- .
. ':' .
:···:....les NO'rmands- .,.· et .>~..e.s Bulgares, .qui leur sont tre's voisins ;
: . - ,
:
:~~.. ~: ..;
' .
~
a l'Orient,
e l l e a l~s Bagdes ;
entre
l'Orient
et le MIdi,
elle
.
~. ,....
" . ' 'I', ' "
ales habItants' de l'lEgypte et de la Babylonie
;
au Midi,
elle
...... ,
a l'Afrique ainsi q~~ cette ~le, la Crete, qui lui est tres voi-
,; : ~ in e et 0 p po,s e e 11'( 6 )::
,
. I'
' : / ' ( i )
IIHeraclius,"cum"~sset"patricius,universe Africe provinclls
'J;:cum consensu sellatu "in
imperium sublimatur;
cum exercitu evectu
'n av ale Per sas i'n 9red 1 t' u r . tot a mque Per s i d a m sue d i c Ion i r e dIg it. 11
Chronicon univers:ale'~:'op.,cit. p. :13.
'
" ,
( 2 ) Le Lib er
oh ti of rtci 1 i ·s· e c ~ 1 es i a eRa ve n n a t i s
(a van t
8 38 - a p res
'.. :'846)
est une imitation
du Liber Pont·ificalis
ecrit anterieur,
fort
celebre,
histoire des
eyeques de Rome,
attribuee a Anastase
.~:: 1 e Bib 1 i 0 the c air e,) • ':~: '
"
(3)
L 'Hlstoire "de'~ l'6mbards '(Historla Langobardorum) de PAUL
DIACREi. fut
termin ee ~ers 786 et compte six 1 ivres ; I' ouvrage a
,. Joul,
durant
tOlJt,le.~oyen,;;age', d!une faveur extraordinaire, et
'"
a tout prendre, meritee.
, .
..: ,:' ( 4)
i\\ GNE LLUSpa ~ l~ , ':'i ui , d' HER ACLIE N (H era c lea n us), ma i s en rea-
.
0 ' , :
lite,
il s 'agi t'- d'HERACLIUS,fils: d 'HERACLIUS, l'exarque (gou-
"("verneur)
d',Afrique.:;
. ,
,
. '('5)
"HERACLIMIU"S","veii; q'ui' In:: illis diebus AFRICAM regebat, con-
.tra hunc Focace~~re~~11avit~ atque veniens cum exercitu, priva-
: , v i t eum regn~ et: \\;it~~"'. AGNELLUS, 'Libel pontificalis ecclesiae
Ra v e n n a t is;' cd.;' O.
H,b 1 de r
- £:.9 9 er,
in M.
G.
H.
SS.
Her u m La n g
et iL:l1ic.
1878-;' 'po ,348.
. .....
.
" ( 6 )
"C 0 n s tan t i n;?~:bl ita n a Ur b ~, q u a e pr ius By z ant i u m, No van un c
...
:.::' .
' ,
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. "~ ~ .

491
. - . '
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"
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J':'"
*
. . ~ .
**
*
Le f a {t e~~ que . d an s le s : t l' 0 i s Pl' em i e l' spa s sag e s co n c e l' -
ne la brillantic~m~a~ne que mena, de 533 ~ 534 ape
J.-C.
contre
. le s
Van d a le s,
~n"Af r'~ qu~ , le grand s t ra t(:~9e by z ant in, le 9 en e-
· '. l' a l' BEL I SAl RE .C h'a l' 9e par 1 I em p er e u l'
JUS TUlI EN I er
de l' e p l' en d l' e
.
.
- ....
.':: l'Afrique tombeedepu~s sous le joug des Barbares, BELISAIRE
"quitte Constanti~~pl~ ~ la t~~e de cinq cents navires portant
,
--.
..
- -.
.i:':: ~ ,
· . six m111 e ·c a v a 11 e l' S; et d i x mi.i 1 e
fan t ass ins.
I I
de bar que a Cap ut
Vada,
entr'e
Sou~se e't'Sfax ij:l bat le 1'01 Vandale GELIMER a
":,.Decimum
(pres d~Tun:is) et entre a Carthage le 15 septembre. Bat-
:', tu
une seconde "f~is:a 'Tricacamarum, le roi Vandale est capture
.~. '.;
par BELISAIRE,
qui
i'emene a Constantinople pour son triomphe,
a la maniere antiqu~::(l). Ainsi l'Afrique Van dale disparut a ja-
. '. ~ a i s sous 1 e s co up s;8'~s By z ant ins.
;./.. , ..
,
...•
'
;.:.
'.,
•. ,:;,,·.i: .••
''''f,
,
Le pei~onna~e e~oque dans la Chronique UniverSBl1e et
.' 'chez AGNELLUS esfHE'RACLIUS,'le fondateur
de la dynastie byzan-
.
c .
tin e des Her a c i:id:e s ~')\\ . 1 'a p p ~ 1" de' 1 I a r i s t 0 C l' a tie con s tantin 0 -
. '>: p0 11 t a i ne, en but't ei'X l' a t yl' ann i e . de l' em per e ul' PHO 1< AS, I' e xa l' -
'~ que (gouverneu;)d l~frique,HERACLIUS (le pere) envoya son ne-
~ ~ :
. "veuNICETAS en::60'S ~'p'~' J~~C: s'emparer' de l'Egypte, puis equl-
'. '-p a
un e
fl
n
0 t t e
q"u 'il;$:0 f .i a .a :'~o n f. i 1 s, . HER ACLIUS i: c e 1 u i - c i , le
, .
"
;!:.r."
~
,
3 octobre 610 ~t~iva!devant Cbnst~nt.inople, quI lul fut livree
..
par le parti de.~:ve~~'t:s;~.tfU.~ co~ronne ~mpereur. deux jours a-
.'
pres,
par l~ patr.~ar'c~e. Ainsi. commen9ait 1 'un des plus grands
regnes de 1 'hls·t<)'ire"bYZa~tin~, qui est, a vrai dire, 1 'hlstoire
, ' : d~ I 'Empire .gr~c·:~eJl~val. (2).


--, r
',~ ~
'. '•
., (s u i t e)
d 1 c i t u 1" Rom L' in t e l' fer 0 c 1 s s i ma s 9 en t e s est con s tit uta.
·.·.Habet quippe aILA'qul:J.6ne·.Hungarios,
Pizenacos,
Chazaros,
Rl-!ss-ios,
quos alia
nos nomine"Nordmanrios appellamus,
atque Bulgarios
n i m1 u m sib:l vie i no s'.;
ab Or i e n t e Bag d a s
i
inter' 0 r i en t e m et me -
·ridiem Ae~ypti ~Babyl~ni~eq~e .i~eolas
i
a meridie vera Africam
habet et nominatam
illam nlmi~m vieinam sibique contrariam in-
". sulam Crete".
LJUTPRANDUS,
Antapodosis,
ed.
J.
Seeker,
Die Werke
Liutprands van Cremoi'fa,'Hanovre,
1915.
(M.
G.
H.
SS.
Rer.
Germ.),
p.
9.
'." .
. (l)
Cf.
J • CALM ET TE ,.L e man d e
f eo d ai,' d a n s
I a Co 11.
Cl i 0,
e d •
P.
U.
F., .P a l' is,' 1 9 ~;5 • c.
I 1.
2. p. 66.
,
. :
I
'.'':.-." • .
, ,
( 2 ) Cf.
n. F0 Li , 6p .,'\\ e 1 t. p. t7 3 •
' .. !
'. ,'.
>••

,:. .. .,'
'
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:.'.
492
, .~ >
':~lV';" ';'
, , '
." '.
,~~>:; '.: .
,.," ,
'B"/, LE FAC1ES ~lED1EVf\\L \\:'
. ;
'.
'
.' ,
..
<' ••
I
11 sed~gi~~ ~ travers une s~rie d'in~ormations qui
. i ':
' n o u s donnent de'l'Afiiquenon':plus l ' image retrospective ~ la-
:.quelle les aut~urs ,~~us avaien~ jusqu'ici habitues, mais plu-
,,: tot un e
i mage cl' act ~.;? ~i t ~ 0 u de cb nt em p0 r:a n e i t e par rap p0 r t a
,.. la periode du 1Xe e~':du Xe siecles.
, . ~
",'"
Sous :ce,fa~'i,~s, l'Afrique affecte les traits de la
::derniere entite polrfic~-hi~toriq~i, qui s'estconstituee sur
..
.- : '
,"
,.
': ., '.. . . :
~
..... :: .i ' ancien t err ito'ir e"pu n i que;- de v e nu' r 0 ma i n par la sui t e , puis
van d ale,
ens u i t ~ by ~:~n tin.' Ce t't e en tit e qui, d an,s l' 0 r d r e ch r 0 -
. .
. , : ' .' .
. .~
, .
'.
nologique,
se su~~r~~se ~ 1 'Afrique byzantine, o~ mieux, se subs-
_ . " .
,
. "
i
tit0e ~ elle, iirdeRfifi~avec la:province d'Afrique musulmane,
, a p p e 1 e e IF RT QI YA,: p ar'l e s ,A r ab e s , qui 0 n t
ca 1 que son nom sur la
: ':, t e r min 0 log i e r 0 ~'a in
Ce t t e IF RI QI Y.-I\\ est 1 a pr ef i 9 u rat ion del a
" , : . '
,Tunisie moderne'o"
l
. : .~ •
L 'IFR1Q1YA MUSULM'A'NE,
,~-
.~~---------------'--~
,
;': ~ ,
..,
,',
.
Ell e e's t
p~ r <; ue c he: z qui n z eau t e u r s, eta t r a v e r sI" e-
. ,...
.' ~.~'. :.
. .,. " " '.
,',:vocation de
faits; hi)3toriqLles ,.touchant aux relations internatio-
...
,
.';.~.
'
':, nales dans le Bassin':rTlediterraneen,' aux 1Xe et Xe siecles.
Dans
',ce con texte,
de'~~ th'~~es mett~'~ t ~~ evidence I'image de I'IFR1Q1YA
'.
,
' .~
~'::Ce sont :
\\
';
,~
l
I
,
'
' "
'
,,'"
-
d'un'e,pa'tt,'Iesrivalites politiques entre Francs,
"",Lombards, Grecs:(i3yz.~ntin~)e't.Ar~bes d'Afrique du Nord, dou-
,<,cblees,
a l'arrie~'e fi6~d, du ,conflit ideologique ou religieux en-

. "
. ; t
,:'.,
' .
'
"tre Chretient~ 'etMon"deislamique, aux IXe et Xe siecles,
: -~.. ..
.;~.:.' :.:~,:
et;d"a'u(te part,' I'~tablissement de relations diplo-
~atiques, a la "~~me(~p'oque,:e'ntre':souverainschretiens d'Europe
et princes musL;I;n:~nl'~:9'A(r)que;
,~ ;, .
. ; , '
::..,,:"':':".;,
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.
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"
, I
: ...~
.",
"
,
"',' .
"
:
: ....
'j':'"
,
;'"

. '
a
Chez'douz~::'auteurs parmi les quinze annonces, 1 'Afri-
.' .
'
que ou IFFUQIYA 'aff~cte. une triste image: son souvenir est
','
' f 0 r t em en t
1 i e a 1 a '~'i 01 en c e. Po u r >- c e s Eu r 0 p e ens 0 u c e s Ch r et i ens,
,,'
en e f f et,
l ' Af r iq u en j est autre que la terre d' 0 U vie n n en t I e s
Arabes ou Sarr~zins;G0i m~nent sans cesse incursions et razzias
<f"sur les cotes d'Itaife nieridi:onale.
Le danger permanent qu'i1s
, :' representent po,:~~"ll':;ChretL~~~te, et particuli~re.ment la peur
qu' ils
inspirent'au~':populationsdes regions en question, tels
.' .', "~.
'.,~
' .
. : ' "
sont les propo~ quir.ess6r~ent ici' dansces passages recue),llis
-, ".c h e z 1 e s
aut e u r s '~ .
.
. ..
'
~,,'
C'est'danLles,Anna:ie's 'dites d'EGINHARD
(1),
le cel~-
-'
:.:.
. '
,",
..
'bre biographe de,CH,{\\RLEMAGNE;
que nous
relevons,
en
premier lieu,
"'.'
cette beliigeran;~e.<Il s'agit,d 'un fait qui date de l'annee 812
:ap.
J.-C.
L 'Em~ereut:':~HAI\\LEfvlAGNE, apres avoir congedie les en-
voyes de son
h~~oloiG~ b~zantin, MICHEL, succes~eur de NICEPHORE
"
"":"~ :, '.. .
, :
:
'
,sur le trone de Constantinople,
tint
solennellement une assem-
b1 e e 9 en era 1 e a':Ai x L{a- Ch ape 11 e ;' a I ' is sue d e c e t t ere u n ion ,
.
. • '.'.:
.
. I'
rapporte EGINH~RD, CHARLEMAGNE envoya en Italie son neveu BER-
NARD,
fils
de PEf:>IN;'et comnie le'bruit s'etait repandu qu'une
flotte
allait venir{d'AfriCl~e"et d'Espagne pour'ravager 1 'Italie,
• il ordonna a WAL'A, ~'iis de BERNARD'; son cousin, de I' accompa-
9 n er,
jus q u 'a c ,e : q u ~:' i a's LJ it ~ : des: evene men t s 1 e~ r ass u rat. (2 )
-1;.. .,,; ';.-..... '
;.-
',,0"
,'.
. '
. '."'~ ", ".
, l ,
~
Da n s u h aUtre passage d:e s Ann ales', i 1 e mem e EGHI HA RD
,.,:
, .....
evoque I' audacieux debarque;"ent opere, en, i',an," ee 828., ap"
J,' -C.
.
. . ,
.. ,:.~. :
i,
'
"
'
.
" ,
I
,,;.
",
.'
',.
-
"
"
-
I'
(1)
Voir E.
EBERT,
Histoire generale ~e la litterature en Occi-
den t ,1 t.
I I,
t r a d u c t ion J. AY 1'1 ER ICe t
J.
CON DAMIN,
Par is,
1 8 8 9 ,
p:-Tll.
.~
...:::,. '. .
(2 )
" ••• Qui b u s d i mi $' s is,
imp era tor 9 en era 1 i
con v en t u Aqui s
sol em -
nit~r habito, BERNHARDUM flli~m Pipplni, nepotem suum, in Ita-
11am misit
;
et propterfamam cl~ssis, quae et de Africa et de
Hispania ad vastand~mItaliam ventura dicebat~r, Walanem filium
BE RHMW I
pat rue.1 i s?~ i
cum
illo
e s s e
jus sit,
quo ad u s que re rum
eventus' securitatem 'nostris adferret."
_ EINHARDUS
(EGINHARDU.S),
Annales,' an.
812
(ed.
A.
Teulet,
Oeuvre's
d'Eginhard,' traduite.sen fran<;ais,
Paris, 1856 p.
131.
,;
'-. , :
..•• Il.
-.. ".: .
." ;!.;:


...', ;:: :,~;,
I .. ••
494
'. ::
en Afr Ique"
et'j~sq~, dan s 1 ~", gol f e de 1 'actuelle Tunis, par
':,'
une flotte toscarie c'~'mmandee~par 1~ Comte BONIFACE De LUCQUES
"Le Co mt e BaN I FA CE ,':'l:' a con t e ::. t :- il ,. a qui etait confiee alors la
,
,
surveillance de
l~ Corse, ay~nt pris avec lui son fr~te BER-
CHAIRE et quelques ~utres Co~tes d~ Toscane, apr~s avoir fait
le
tour de la Corseet de laSardaigne avec une p~tite flotte,
. !
.
comme
il n I avai t,'tro,uve dans:la mer aucun
pirate,
traversa
jus-
q u ' en Af r i que ' et -'d e?,? ~ q u a en tr e U~ i que et Car t hag e ; 1 a, il
trouva une foul~ im~~nse diindig~nes rassembles subitement, et
contre eux,
il "~~9a~~:a ie c~~bat;- l'ayant dispersee et mIse en
,fuite cinq'foi~ ,et ~rlus,il l'a,battit, et une fois cette gran de
. . .
. .
.'
mas§e d'Atricains abattus ayant perdu
bon
nombre de leurs compa-
gnons par suite de 1~4r temer~te,il se retira sur ses navires,
"
j
e t
par c e t a c t e; :ins p ~r a un e 9 r a nde f ray e u r a u x Af r i c a ins".
(1).
;,
" '
' Ch e z I' AN 0 NYM E a p p e1 e As t r 0 nom e, e t
a, qui 0 n at t rib u e
"
1 a VI ta Hlu do wi cl p ii
(V i e
deL 0 u i s 1 e PIe u x ),
c e
c 0 u p d' a u d ace
du Comte BONIFACE est
egale~ent rapporte, mais eVidemment, a
,partir d 'EGINHARD
(2),i'
'\\
;.:,,:
.....
.' '.' .
'-:1'; .'<
Le danger"que representent les Sarrazins trouve une
illustration
d a n sce>' ~ a i t d a tan t de 1 ' ann e e 8 42 a p. J. - C., ~ t
que rapporte dqns les Ann-ales'de' S'aint BERTIN,
PRUDENCE,
eveque
,'-
.
"
,
(1)
"Bonifaciusc6mes~ cui tutela Corsicae insulae tunc erat
commissaasumpto
sec~~ fratre Berehario nec non et aliis quibus-
dam comltibus de' Tus~ia, Corsicam atque Sardiniam parva classe
circumve6tus,
Cu~ n~lium in mari piratam invenisset, in AFRICAM
tra~ecit,
et inter Ut!cam atque Kartaginem egressus,
innumeram
incolarum multitudin~m subito congregatam offendit,
cum qua et
proelium consefuit, ,et quinquies vel
eo amplius fusam fugatamque
., '.
profligavit,
m~g~aq~e Aftorum multitudine prostrata, aliquantls
"etiam,sotiorum suorum per' temeritatem
amissis,
in naves suas
se
,
'recepit,
atquehoc
facto
ingentem Afris
timorem
incussit."
EGIN HARDUS,
An n ales,
an.
828,
0 p.
c i t.
p.
1 73.
'(2)
ASTRO~IO~lUS; Vita"Hludowicilmp,.,"an. 828, ed. Pertz, in M. G.
H.
Script.
1.
Ill,
Hanovre,
1829,
p.
632 •
. '~'.'.
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(~).!
:~ i ..I
de Tr'o yes
"
Da n s 1 I in t er v all e,
r a e 0 n t e - t - i 1, 1 e s 9 ens de
B~n~vent, ayant des;~issentiments entr~ eux, appel~rent d'Afri-
que les' Sarrazins, mais ees derniers,
venus d 'abord en allies,
devinrent par la suite des envahisseurs tyranniques,
qui obti~­
re n t
par 1 a
for e e; 1 a p 1 u par t
des e it es '1 (l).
Dans un
passage de la relation
de
sonp~lerinage fait
a J~rusalem,
le t~moignage du' moine BERNARD nous fait voir le
sort des ehr~tiens ~urop~ens tomb~s aux mains des Sarrazins. En
effet,
evoquant la premiere etape de son voyage,
BERNARD raeon-
"
.
te
:
"Sortant de Bari:
nous pareourumes quatre-vingt-dix
. miles vers le ~Gd jJ~quJ~u port de Tarente, o~ nous trouv~mes
L' " ..
''':;~.
six vaissea~x iur lei~uels etaient neuf ~ille prisonniers ehre-
tiens de B~n~veni. 6}, sur d~~x navires qui partirent pour la
premierei'oispourr:'Afrique,
11 y avait trois mille prisonniers
deux autres,
partant'pour l a premiere foispour Tripolis,
en
transporterent; e~alenjent trois milles ••• "(2)
Ma 1 9 r ~,1 e >d a n 9 err e pr e s en t e par 1 e s Sa r r a z ins d' Af r i -
.,. '
que,
il
arrive que 1~~s le c~~p chr~tien, on n'hesite pas, sui~
vant l'enjeu desint~,~ets poiitiq~es, a reeourir a l!..allianee
des
infideles.Ainsi·>d~nsce passage des Gesta episcoporum nea-
polLtanorum,
ddnt
It"aute~rest JEAN DIACRE. Leshabitants de


, ' 0
,.~
, "

Constantinople ;rapp6rte I' auteur,
eouronn erent empereur,
MICHEL,
qu'ils venaien~,die~t'raire de prison. Les Syracusains, sous la
f.!:.,,-: I
,
'
"
,
'
(1)
".~" Interea; Beheve~tanis inter se dissidentibus, Saraeeni
: ! '
ab AFRIC'Aab eisinvitati,
primoquidem auxiliatores,
postmodum
vero violenti
inseeu:l;ores,
plurimas civitatum vi obtinent."
PRUDENTIUS,
Anriales,:Bertiniani,
ed.
F.
Grat,
J'. Vielliard et S.
Clemeneet,
Annales de St-BERTIN,
Paris,
1964,
p.
43.
L~
. ".
.: ~.::' .':
,
\\
.'
(2 )
" Ex e u n t e s
aut em ':,d e B? rr e ,< a mb u I a v i musa d mer i die m XC mill i a -
ria u~que ad portum~T~rehtlnaeeivitatis, ubi ihvenimus naves
',. se~,
in
quibus.·:.·e~rant·:-riovem iilillia captivorum de Beneventanis
Chiistianis.
In,(Juab~s ne~pe navibus quae prima. exierunt AFRICAM
, pet e n t e s,
era n t
IlIa: cap t i v i ;
a 1 i a e d u a e p rim 0
ex e u n t e s
in
Tripolim deduxeruntsimiliter Ill. 0
BERN ARDU S,
I t in eta r i u rii i ii L0 ca -Sa n eta,
e d.
Hi 9 ne.
Pat r.
I at.
t.
I 21, cb 1.
56 9 - 5 70 •
!>,~ , .
...
':', .'
" ,
. ;.'.: '.,:
. ,
0:"
:".
"i

496
co~duite d'un certafhEUTH!MIUS, entr~rerit en r~volte contre
ce MICHEL,
et
tu~re~t CRICORA, le patrice de Syracuse. Pour cet-
te raison,
l'empereur qui avait
~t~ pr~venu, envoya contre eux
une grande arm~e, dont le nombre for9a les Syracusains ~ pren-
dre la fuite
;
c'est' alors
que le chef des
insurg~s, EUTHIMIUS,
ayant.lui aussi
gagn~ l'Afrique avec sa femme et ses enfants, at-
,
'
tira ~ son tour sur ,les Grecs (Byzantins), le chef sarrazin, El-
I<adi avec une grande: flotte
de navires
(1)
(2).
Ce r~couri de~ Syracusains aux Sarrazins d'Afrique
"
con tre les
Byzantins: est repris
par la Chroni'qu'edeSale-rne
(3),
qui
I' a emprunt~'~ JtAN DIACRE, bien entendu. Cependant, chez
l'auteur anonyme'de'~,et~crit, on note un certain arrangement
':.; ..
a u n i v eau d e l a fo r me:
en e f f et,
0 ut r e I e
nom d u ch e f
s y r a c u -
;~
.
:,". '.'
. _
i
sain
modifi~ en tUfimius, sans doute par
alt~ration du texte,
l'auteur
inconnu :ati~ibu~~ ce personnage un bref discours rap-
..
. 'port~ en style direct et~pparemment forg~ de toute pi~ce dans
. '..
.
"':'"
.:
. . '
........
le seul
but derendi~ le r~cit plus vivant ; enfin, on peut no-
ter aussi
que .lemob~Xiede 1 'intervention d 'EUFIMIUS aupr~s des
Sarrazins semble ic~,:davantage-d'ordre'personnel -il veut venger
l'honneur de sa i~m~~~ qued'~rdre politique, savoir, la r~volte
.. ;.:., "-
,.
;.
,.,',.
("
',,';...
(l ) , ". . .
Et
s t a. t i m ex Cu sum d e car c ere Mic h a h e 1 i u m a u 9 u s tal i
d i a -
demate coronar~nt. Adversus hunc Michahelium Syracusani cujus-
dam Euthimii factione' rebellantes',
Grigoram patricium
interfe-
. cerunt.
Idcirco
praefatus augiJstus magnum contra
eos vexavit
r pour vexit }.exercitum, cujus piuralitate Syracusani fugere
sunt compulsi:. jllequoque Euthimius AFRICAM cum uxore et
filiis
petens~ Arcarium r E.l;;.I(adi) ducem Saracenorum cum magno navium
apparatu
super eoSdem Creeos adduxit."
,',,'
-.
JOHM1NES DIACONUS,
Gesta episc,.
Neapol.,' ~d.
Waitz
in M.
G.
H.
Script.
rer.
Lang. ,:Hanovre,
1878, p.
429.
(2)
Cet
ev~nement a ,iieu'en 820 ap. J. -C.
(3)ANONYMUS,
Ch'ronl'c~nSalern-itanum, ~d. G. H. Pertz, in M. G.
H.
Script.
t.
3., 1839 ;ed. ,Ulla
Westerbergh,Stockho.lm,
1956.-
Nous donnons
~galem~~t ce~te moins r~cente ~dit~on de Pertz dans
,les M.
G.
H.
parce ({Lie nous
y avons trouve une occurrence d 'A-
f ri ca qui ne fig u r ep as dan S 1 I ~ dit ion d' Ui 1 a IV est e r b erg h •
-
:"".,~
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t
;:t.
I.,
497
, -,
I
."
..
.. .
.
contre llempereur HICHEL
0)'(2).
"",'
'",.~. .
Dans un
aU,tre
ecrit,
la Translatio Sancti Severini
(3),
JEAN
DIACRE nous rapporte ce' qulil consid~re comme un miracle
de ST.SEVERIN,
dont
l'inter~ession celeste sauva l l rtalie de
l'invasion
de l'emir Ibrahim d'Afrique.
En
ce temps-l~, c'est-
~ - d ire, en l' an 902' a p. J. - C. I' a con t el' aut e uI' ,(4~e I'0 i d I Af r i -
que venant avec une armee considerable,
voulait envahir toute
l ' I t a l i e
;
arrive en
Sicile,
il
s'empara aussit8t .de Taormine,
ville
tr~s bienfo~tifiee e~ si se au sommet d'une montagne ; il
s'empara aussi
d.es .n~mbreux~Chretiens que cette ville comptait
apr~s avoir essaye,;,'envain,' de les detourner de leur foi pour
, ,,"
~
. . . . . . , . : . :~;.;'
.
1 es en t I' a 1 n e I' a 1 a "d eb a LJ C he,
i 1 don n a I ' 0 I' d I' e d e l e s
en fer mer
dans une
eglise ~avec,: l' eveque PROCOPE et son clerge, puis, dans
.:.....
.
sac I' u aut e ,
i 1 le s ,fi t
br G1 er
p a I' 1 e feu
;
ens u i t e,
a y ant
fa i t
latraversee en'~ai;bre, il pr it la ville de Regio. Pendant que,
poursuit JEAN
DIACRE:,
i1 assiegeait
avec
la meme ardeur,
Cosenze,
une autre
vill~ d'lf~lie, et qu'il etait decide ~ s'en emparer~
la meme nuit
(5), 0& l'on vit dans les etoiles le signe d'une
: .' ~.
:
0) " .... Quod dum in'-:patulo exiit atque Eufimii nuntiatum fuisset,
tal i a n i mi I' Um v er b a',de pro msit
:
11 He a m
n a mque fed a s t i s
uxorem
;
hoc
per eat an ri 0" s i,no n fed a I' e facio
piu rim 0 I' Um ux 0 I' e s
! 11
Qu a pro p -
ter cum servis sui~( navem ascendit AFRICAMQUEproperavit, atque
I' e 9 i
t e I' I' e i l l ius h uj u sin b d i
vel' bad e p ro msit
: - 11 Mu 1 t a I' u m n a vi u m
d i I' i gem e cum q u ate n us' spa c i 0 sat e I' I' a v est red i c ion i
co mmic t a m. "_
Chronicon
salernita'num,. e'd.
ULLA Westerbergh ,
Stockholm,
1956,
60,
p.
59.
'c,.
( 2)
I 1 s I a 9 i t d eH re HE L t I,
( 8 20 - 8 2 9 ) .
(3)
JOHANI'lES D'IACON'DS, Translatio S.
Severini(ed.
G.
Waitz
dans
H •. G.
H •
SS.
I' er:
Lahg. 1878) p. 220 - 2 2 2 •
( 4 )
11 I-I ace ten i m t e mpes tat e
(' 0 c L
90 2 )
I' e x Af I' ice cum inn u me I' a -
bili,exercitu advenlens,
tot~m Italiain invadere cupiebat ; qui
. ;.,
cum pervenissetin
Sicilicirri;
Tauriminensem civitatem optime mu-
.',
nit a met
in m0 n t i s ;,ve r tic e po sit a m s tat i m a ppI' eh end it,
i b i que
multos Christiahos;'cumad nequiciam sue fidei
eos flectere ne-
qui s set,
cum Pro cob ~ 0" e pis cop 0
e j us que C 1e I' 0
in
una
e eel e s i a
recludens,
crudeliter
ig~e cpmbussit, transfretansque ad Cala-
",
;'.
5 ••• / •••
. ~,
.\\ ~,
.., "'-.
.('
".

498
.~ ~'-" .'..:~'"
')0.-
(suite)
briam,
Regiil~ comprehendit. Cum autem eodem conamine ob-
sideret Cosentiam Italiae urbem et apprehendere niteretur, ea-
de m no c t e q u a pr e diet um s.l 9 hum s tell a rum vis um est,
c e 1 est i 9 1 a -
dio percussus,rep~ntina morte interiit.
Exercitus vero il1ius
metu ac pavore pert~rritus, ad AFRICAM redire cupiens,
pene om-
nis naufragio consumptus est;
sicque Dei omnipotentis misericor-
dia Italia in articulo mortis posita ab ejus gladio liberata est".
JOHANNES DIACONUS,
Tr'anslatio S. Severini,. ed.
G.
Waitz,
in fvJ.
G.
H• Scri 0 t.
r e~ .F a n9 ~, 1 878, 7. p. 457.
(
5 ••• / •••
)Cette'nuit-l.3.~ rapporte JEAN DIACRE dans le pas-
sage qui precede ce'recit, 11 y eut,'un prodige dans le cie'l
: du
premier chant du co~ au lever du soleil, on vit des etoiles tres
denses former une sbrte de iance tres longue fendant l'espace
celeste.
Ce quieff~aya
fo~t ie monde, car jamais, de memoire
d'homme, on n'a~ait~vu par~il phenomene.'
(1)
Ennorgueillipar ses sucees ':'conquete de Regio en 899,
et
celle de Taormine eh: 902.:..,
l'emir IBRAHIM"
gouverneur de l'Ifri-
qiya,
faisait la menace de eonquerir Rome et Constantinople, ce-
la malgre la pre~ence des deputes des villes italiennes qui lui
demandaient, mais ~n vain, la paix ,et un traite d'alliance. 11
etablissait dej~ so~, camp sur la~route ~e Naples, ~ Cosenza.
Pr is de pe u r
de van t ' l I a r me e sa r r a z in e, GRE G0 IRE,
1 e con suI de
Nap 1 e s, a ins i
que IT eve que, Con s e ill ere n t I e s h a bit ant s due h a-
teau-fort de LUCULLI de se r~ndre ~ Naples et de detruire le
castel qui pouvait ~~rvi~ de,forter~sse ~ l'ennemi pour a~sie-
ger la vi11e. Mais l'abbe du monastere de Saint-SEVERIN, a Na-
ples, demanda et obtint les reliques du Saint, et,
le 13 sep-
tembre de l'annee 902,
elles furent transportees dans cette vil-
le.
Cependant, iBRAHIM ne tarda pas ~ mourir -historiquement,
IBRAHIM IBN-AHMED esl mort d'une-dysenterie,
en oct.--902,
pendant
qu'il faisait lesie~e de Co~enze.-(Cf. G. GLOTZ, Hlstoire Gle,
Histry,ire du M.
Ai,
t.
2,ed. A.
Fliche, P.
U.
F., 1930,
p.•
45-48-)
ce qui fit disparait're tout sujet: de crainte. Oil disait que St'
PIERRE lUi-meme~poJ~ proteger sa .ville de Rome, lui avait ou-
vert les flanes.
Cf;' A.
EBERT,
Hist.
de la litterature du M.
A.
e n
0 cc.
0 p •
c it.
p. '22 2 ~
,', .
I.
' .

499
Compiiant'JEAN DIACRE, l'ANONYME de la Chronique de
Salerne, rapporte ~~a sui~e, cette t~ntative d'invasion de la
Basse-Italie parlegouverneur de l'Ifriqiya
(1).
Dans ion
~crit intitul~ Historia' Langobardorum Bene-
ventanorum (2), 'le moine b~nedictin, ERCHD1PERT (ou ERCHEMBERT)
de B~n~vent, rapporte lui aussi plusieurs faits de la bellig~­
ranee entre Sar~azins ~'Afrlque et populations de 1 'It~lie du
Sud
:
d a ns' 1 e 'p r ~ m1 e r pas sag e, l' aut e u r f a i t a 11 u s ion a u x
~v~nements relat'lfs~ la Slcile entre l.es ann~es 831 et 832 ape
J.-C.
"Vers cette, ~poque, racorite-t-ll, les "Agareni" (3), sor-
tant de Babylo~e (4) et d'Affique avec une forte armee comme un
essaim d'abelll~~, '~e jet~rent su~ la Siclle et devast~rent tout
I.
c e q u 'il y a v a it· a u to u r."
(5).
- dans le~euxi~me passage, les evenements datent de
l'annee 871 ape 'J.-C,. ParI ant des hostillt~s entre Lombards et
Grecs
(Byzantl~s), ERC~EMPERT se livre ~ une interpretation di-
vine des donnees e~du cours de l'histoire. Ainsi, s'inspirant
(1)
ANONYMUS, Ch:ronl.con Salernit'anum, op.
cit.
p.
549.
: ..,::.
(2)
ERCHEMBERTUS, Historia Langobardorum Beneventanorum,
ed.
G.
IV a i t z ,
in M.G. . H• Se rip. to
re r. Lan o.
t.
3., 1 878,
p.
231 - 264 •
(3)
Eniendez i~i~le~:~escendants d'AGAR, la servante egyptienne
d'ABRAHAM.
AGAR ~tait la m~re d'ISMAEL, considere comme l'anc~­
tre des Arabes,d';~ le nom d'Ismaelites donne encore aux Arabes.

(4) Ville d'Egypte dont le nom copte ressemblait ~ celui de l'an-'
tique Babylone
(AssyriEd~ Elle etait situee non loin de l'empla-
cement de la ville acfuelle du Caire.
C'est a Babylone que 'AMR
conquerant et gouve.rneur de 1 'Egypte,
Installa sa r~sidence, en
642.
( 5 ) " Cire a h Q e c temp <> rag ens A9 are nor u m a Ba b i Ion 1 a et Af r i c a
ad instar examen apu~ manu cum vallda egredlens, Siciliam pro-
per a v it, 0 mn i a c ire uin q ua que de vas tan s
;
••• " ER CHE \\VI BER TU S,
Hls-
toria Langobardorum Beneventanorum,
ed.
G.
Waitz,
in M.
G. ~
Script.
rer. lano. 1878,
p.
239.

500
de ce
passage de 1 'Ecritu~e:
"Frappe le pasteur,
et les
brebis
du troupeau
seront dispersees"
({),
il
voit a
travel's 1 'invasion
des
Sarrazins ~e~u~: d'Afriq~e co~tre les Lombards, l'interven-
tion
de
Dieu,
q~i veut, par ce moyen, venger l'empereur byzantin,
son
protege,
de la m~me mani~re quill vengea la mort de son Fils,
par
l'entremis~ de l'empereur Vespasien et de son fils TITUS.
(2)
(3).
,
1 ' even emeh t
rapporte dans le tro is i eme p-assage se
" -.:.
..
"
situe en
l'annee 876. ape
J. -C.
"En
ce temps-la,
rapporte
le
"
moine
benedictin;
O,T,HMAN,
qui avait
ete ex i l e par le su 1 tan, re-
.'
,
,
yen an t
d'Afrlque
aV,ec MiNOSE,
entra
a
Tarente,
ou
i l fut procla-
,
me roi
;
puis 'ressorti,
i l
alIa
saccager gravement
BENEVENT,
TALESA et ALIFA.'~ (4).
,
lci,
l"ANQNYME
de Salerne
fait
echo a
ERCHEMPERT en
'.
lui empruntant. cette
l~formation (5).
0>' ZACH. 13, 7l
( 2 )
L' aut e u l'
fait
i ci" all u si ci n a la destruction de la v ill e de
Jerusalem en
70
ap •.··J.-C.
par
TITUS,
le fils
de l'empereur VES-
PASIEN.
(3)
"lmpletusque est
sermo
Domini ex
prophetia
sumptus
r suptuS)
"P ere u t e,
in qui d,
pas tor em,
e t
d i s per 9 e n t u l' 0 ve s
9 r e 9 i s I~
Con s 1s-
tente
itaque augusto
in' custodia
r custodiam), excitavit Deus
spiritum Hismaelitum eosque
ab Africa
regione protinus evexit,
ut ulsciscerentur
r
ulscisceretur
)
augusti obprobrium,
sicuti Fi-
l i i
Dei passionem Vespasianus et ritus ul ti
sunt."
ERCHEMBERTUS,
op.
cit.
p.
247.
(4)
'!Quo
tempore Utmagnus
rOthman);
qui
a
Saugdan
exul
fuerat,
a b Af r i ca' cum i\\ n nos 0
ve ni e n-s j
Tar ant u m in t r a v i t ,
l' e x e f fee t u s
est,
egressusque'Behiven~um graviter depredavit et Talesam et
Alipham;
,..
.
ERCHEMBERTUS,
op~ cit.' p.
24~.
(5)
ANONYMUS,
Chronicon
Salernitanum,
op.
cit.
p.
133
red.
Pertz
p.
533).
'

; . ! \\
! l" " ~,! , ;'
,', "
'? \\;
---"
[,,1;
le~lfait~· reiat~s dan~ cepassage datent de l'ann~e
,
"
':';',',:
.. 1
882 ap.
J.-C., ~t concernent la guerre entre les deux princes
lombards,
GUAIFEH et ATHANASE.
GUAIFER n 'hesite pas a demander
l'aide d'un Sarrazin d'Afrique
"A cette ~poque-la, rapporte
ERCHEMPERT,
grace a la volont~ de Dieu,
de qui
procede tout
bien,
il
(GUAIFER) appela d 'Afrique un
"Agarique" de sang royal,
et l'envoya a Agropolis, puis de la a Gar~liano, o~ demeurait
une arm~e d'Isma~lites ; apres avoir mont~ l'esprit de ses com-
pagnons,
sur ses exhortations,
tous les Sarrazins,
aussi bien
ceux de Gareliano que ceux d'Agropolis,
se regrouperent ensem-
ble et firent diligence vers la Calabre,
o~ en plus des Sarra-
11
zins, demeuraitl'armee grecque statibnnee a Ste-SEVERINE
;
(l) .
en+i~, da~s le derni~r passage, l'auteur evoque des
eve ne men t s qui' s e s 'on t
d er 0 u 1 e s e n I ' ann ~ e 8 8 8 a p. J. - C. 11 A 1 a
meme epoque,
dit"~il, partis de Constantinople sur des navires,
les Grecs s'approchaientde la c6ntree de Regio,
tandis quia
l'oppose,
les Ismaelitesf~isaient diligence a partir de l'A-
frique et de la Sic~le ~ les uns et les aut res se rencontrerent
entre Missene,' une vilie de la Slcile,
et Regio."
(2).
"',<
Dans un pa~sage de:sa Chronigue (3), REGINON,
abbe
:',
d e Prum (e n Germ ani e),
fa i t
e gal em e n t
~ c ho' a 1 a sit u at ion con fli c -
tu~lle prevala~t en~~~ gen~ d'Italle m~ridionale et Arabes d'I-
friqi~a. Faisantallusion a l'ann~e 867, ap. J.-C., il dit
(1)
"Tunc nutu' Dei,
aquo omne procedi t
bonum,
quendam Agarenum
ab Africa evocanS,
regia d~ stir pe generi ,sui procreatum, Agro-
polim,
Inde GafIiIahGm,
quo tesIdebantagmina Hismaelitica, mi-
sIt,
atque omnium i11brum mentem ascendens,
ejus hortatus univ~r­
si Sdraceni tam ~e Gariliano quam de Agfopnli communiter collec-
ti,
Calabriam,
qua residebat Graecorum exercitus s~per Saradcnos
in Sanc ta Sever ina tommor ant es,
pro par aru n t ;
11
ERCHEMPERTUS ',.
op., cit.
p.
257.
(2)
ilPer idem ternpusGraeci navaU.ter a Constantinopo1im ad Re-
gium tellurem ~dvent"ahte~, ex diver so et Hismae1itae ab Africa
et Sicilia pro~etantes, utrique juncxeruhtse inter Messanam,
u r b emS i c i 1 i a e,
et Re 9 i u m ;' ••• 11 ERC HEM PER TUs
, 0 p.
c i t.
p. 26;l.
(3)
REGINO,
Chronico~, ~d. G. H. Pertz, dans M. G. H. SS. ,t. 2,
Hanovre,
1826,
p.
536~612.
: .
:.

;
,:'
. ""1' l • .
t
~ . i
502
\\: ..
"A cette memeepoqu~, les, Sarrazins, venant d 'Afrique a Benevent,
,
"
envahirent presque toute' cette region,
depeuplant tout par des
massacres,
de~p'ill,ages, et des incendles." (1).
Le s Ann ale s d e Saint-CALL
(2)
men t ion n e n t -'e gal e men t
les Sarrazins d'Afrique qu'elles rangent aux cotes de l'empe-
reur byzantin NICEPHORE PHOKAS,
dans un conflit qui l'opposait
a 1 'empereur d'Occident, OTHON le Grand. ilL 'empereur OTHON, e-
crit l'annaliste,
n~n satisfait des fronti~res de son p~re, pen-
d~nt qu'il etait a Rome, sortit pour occuper la Campanie, la Lu-
canie,
la Calabre, l'Apulie ainsi que t6utes les parties ulte-
rieures de l'Itilie-jusqu'a la mer sicilienne et au port de
Traspit.
Ce voyant,'l'empereu~_de Constantinople,
a qui apparte-
naient ces terres,
essaya d'abord,
mais en vain,
par le biais
de messagers, d~ lui fai~e renoncer a son entreprise. Ensulte,
il,mena en gu~r~e, contre lul,
les Sarrazins de
la Sicile et
.I).
, ' .
des autres lIes de la mer,
ainsi queceux des territoires de l'A-
h' i que et deL' Egyp t e
(3).,
Out r e I e s' 1nfor ma t ion s quI i 1 e mprun t a i t
plus h aut a
JEAN DIACRE et a ERCHEMPERT, l'auteur anonyme de la Chronique de
Salerne rapporte ici d'autres faits relatifs aux rivalites entre
Chretiens et Musulmahs
( 1)
11 Per
i d e m t em pus 9 ens S a r r ace nor u m i n Bene v e n tan 0
ex Af r i c a
veniens,
universam pene regionem illaminvaserunt,
ca~dibus, ra-
pinis ac incendiis omnia depopulantes."
RECINO,
Chronlcon,
a.' 867, ed. G. H. pertz,in·.~~ Co Ko, Script t.1Hano-
vre,
1826,
p. 578.
( 2 ) ~ n n ales Sari a 11en se's: ma jor cs di c t i He id ani, e d. 1. v 0 n At x
in M.
c. H., Script, I
182,6
p.
73-85~
: . ' .
,. '
(3)
11 0 t t 0
imp e'r at oin 0 n co n ten t u s fin i bus pat r i s sui ,
dum e s set
Romae,
egressus"'est:occupare Campaniain,
Lucaniam,
Calabriam,
A-
puliam,
et omnesulteriores partes Italiae usque ad mare Siculum
et portum Traspitem~'Qua ~ausa imperator Constantinopolitanus,
sub cujus erathaec~mhis terra imperi~, primo per nuntios ne-
quiquam eum temptatrevocare ab incoepto.
Dein Saracenos ex Si-
cilia et alii~ i~sulis maris et finibus Africae et Aegypti ad-
versus eum conduxitin praelium. ".
An n a 1 e s San 9 a 11 en s e s ma j 0 res d i ct i
He p i d ani,
ed. 1. V0 n Ar x , in
M.
r.. H. Scrint. rpr. Germ. t. I, Hanovre 1826, p. 80.
...
',

503
Par la n t d u due de BEN EVE NT,
SIC ARD (833),
q u ' i 1 pr e-
.
.
se n t e e 0 mme
un
de b a ye h e qui ne se pas sa i t
pas d t "a i mer"
1 e s
f e m-
mes de ses sujets,
le chroniqueur rapporte qu'un
jour o~ il se
promenait,
ce
~rinc~ rencontra Une femme d'une tr~s grande beau-
te,
et
que des.lc luien
prit
de la
posseder
;
afin
d I assouvir sa
concuplcence,il pi9jetad'eloigner le mari
de
la
belle,
un cer-
tain NANNIGON,qu'il
fit
mander
expressement
pour
lui d i r e :
"Je
voudrai$ tlenvoy~r 'tom~e mon ambassadeur en Afrique, puisque,
avec
la
bienveilla~cie de Dieu, tu nous reviendras honore de la
part du roi
dece
pays"
(1).
-
Da:~s l~Second passage, le chroniqueur fait etat
d'un conflit opposant
le duc. de Salerne, 'ARICHIS,
aux
eveques
de la ville.
AUduc,qui
lesmen~~ait d'exil en Gaule, chez les
..
.",:
Francs' (ennemi' s" des Lombards),
les
ev eques,
certe s
ef frayes,
ma i s con f i ant s
d a n s
i e Seigneur, rep 11 que n t en c est e r me s : .. " Ce
.
. . '
. .
que nous avons pro~is nag~~re ~ votre dignite,
nous
l'avons ac-
complI
ensemble
evidemment;
fais
ce que tu
es
sur
le point de
".
' . " . , '
" ,
falre
;
ne parlons meme pas' de
la Gaule,
mais si tu veux,
en-
v 0 i e - n 0 use n Af r i que
!"
(2).
; .
.
. .
Le conte~te d~sdeux derniers passages est celui d'une
lettre imper.iaie qLJ~, selon'le chroniqueur,
le souverain franc,
Louis 11
a adressee:a son
homologue
byzantin, ,BASILE
ler,
pour
(l)
" .•.
Tunc Nannigonem ad se fecit
ascire
;
sed dum vocato ve-
nisset et ante suum·aspectum astaret,
princeps taliter est ei
allocutus
:
"Voluetam tee legatum Afri'cam mictere
(sic),
quate-
nus
ad
nos,
Deovolente,cum honore
a parte regis terre illius
rev e r t er is" ••••• ". . ','.
.....
ANON.vr~US, Chro~ic'onSalernitanum,.ed. UII.) Westerber.gh, Stockholm,
1956',
65,
p.
63.
- ( Cf.
ER CH01 PER T,
12 et I n vent i 0
S.· TT op hi men is'
11,
21 •.• )
. .
(2)
" •••
At i l l i
perterriti,
sed tameh fisl
in Domino,
dixerunt
" Quo d dig nit a t:i. v est r a e n U per
pro mi s s i mu s
s i mu 1 que n i mi rum et
implevimus
;
minas tuas
non
pavemus
;
fac
qu~d facturus es ;
non dicimus Galliam;
sed si velis
nos mitte AFRICAN "••••• ".
ANONYMUS,
Chronicon Salernitanum,
op.
cit.
11,
p.
17.
:!. ,"

'.. ' "
504
lui demander l'~nvor d'une flotte de guerre qui lui permettrait
de combattre etdedeloger de Bari les Sarrazins qui sly etaient
retranches
-·dan~.le ptemier passage de lalettre en question,
l'empereur LOUIS s~mble presenter a BASILE la situatiop qui pre-
vaut en Italie
manipules par des traitres, .certains 'habitants
de la ville de Naple~, auxdires du souverain franc,
desertent
leur devoir ets~abstienne~f de se ranger au c8te des Ch;~tiens
"
Donnant aux irdidelesdes armes,
de la nourriture et d'au-
t res sub s i des,
e c r i~.':" i 1, i 1 s' (1 e s .Nap 01 ita ins) con dui s e nt I e s
i n fi del e s ~ t r a ver s ,<1 e 11 t tor a 1 de t 0 u t
not r e em p ire,
e t a v e c
eux,
ils essaient d~piller les fronti~tes du territoire de
Saint PIERRE,chef .des Ap8tres,
de sorte.que Naples semble de-
v e n i r e 0 mme Pal er me 0 u l ' Af r i que 11.
(1).
-
dans,le deLixieme passage,
enfin,
LOUIS 11 semble
toucher au but essentiel de sa lettre
: ir •••
En outre,
tres cher
frere,
ecrit-il,
sache ceei
grace a la puissance du Createur;
supreme,
notre a.rmee a soUmis BARI,
selon le 'plan prevu par nfs
vibtoires
; elleabattLi et menace les Sarrazins de Tarente et
l" . de Calabre ; elle les aneahtirait plus rapidement encore sous
\\:
I
". -
la conduite de'DieD,si on les em~eChait derecevoi; par mer le
ravitaillement. d~s '~rimb~eux navires de Palerme ou d1Afrique (2)
(3) •
.' '., ~ : :..
( i ) "
Nam infideiibus arma et alimenta et cetera subsidia tri-
b u e nt e s ; et
per t 0 c ius i mpe r i i
no s t r i
1 i t or a eo s 'd u c u nt ,
et cum
ipsis toties be~tiP~tri apostolorum principis territorii fines
fLirtim depraed~ri c~nantur, ita ut facta videtur esse Neapolis
Panormus vel Africa. II,
. .
ANONYI'lUS Chronicon.SalernitanLim, op.
cit.
p.
119.
.
"
.
.
(2)
"De cetero,
frater I<cirissime, .. noveris cum virtute summi opi-'
ficis;' (nostri)exercitLiin rio~trum,ordine' prenotato Bari trlumphis
nostris summissa,
Saracenos Tarenti
pariter et Calabrie mox mira-
biliter humiliasse~imul et comininuisse"
hos tele~ius duce Deo
~enitus contritutum ~i a mari prohibiti fuerint escarum ammicte-
re copias vel eciain classium a Panormo vel AFRICA
suscipere mul-
titudines." ANONYMUS,
Chronicon Salernitanum,' ed.
UIL~ Wester-
b erg h,
S t 0 c k h 01 in ,
19 5 6;
P • 119.
(3) LOUIS 11 obtint effectivement l'appui de la flotte byzantine
gr~ce a laquelle il reprit Bari en 871 ; et l'annee suivante,
le~ habitantsde Bari, menaces d'un nouveau siege par les Arabes,
firent
appel augouVerneur byzantin d'Otrante,
qui entra dans
la ville.
.

505
Chez LIUTPRAND,
eveque de Cremone (Italie),
le theme
de~ rivalites ~~~~~'E~rope~ns et Arabes d'Aftique est egalement
ev 0 que. En e f f e °t, da n sun ~ pas sag e del' Ant a pod 0 s is, 1 e pr e1 at
raconte qu'~ cette epoque -entendez en l'an 900 ap.
J.-£.- les
S~rj~zins, partis d'Afrique su~ des navires, occup~rent la Ca-
labre,
l'Apulie,
Benevent et presque toutes les villes romaines,
de sorte que les Romains avaient la moitie de chaque cite,
et
les Africains l'autr~ moitie. Sur le mont Gareliano,
poursuit-
il,
ils
(les Romains)
avaient
etabli leur retranchement,
o~ lIs
gardaient suffisamment en sGrete le~ femmes,
les enfants,
les
escl~ves et to~s le~ biens qu'ils possedaient (1).
Dansun autre passage,
a en croire LIUTPRAND,
l'incur-
sion arabe
(annee 934-935)
aur,ait ete ahnoncee e~ presage par
un prodige survenu ~Janua, (G~nes ?), ,une ville des Alpes,
eloi-
gnee de Iwit cents'stades de,P~vie: d 'apr~s 1 'eveque de Cremone,
~ Janua, une foritaine deversa abpndammeht des flots de sang, pre-
,
,
"
/
sageant ainsi,
defaconm~nifest~, la catastrophe qui allait ar-
river.
Car la meme annee,
dit-il,
les "Carthaginois"
(Poenil
(2)
,
atriv~rent en ce lieu avec une multitude de vaisseaux, e~, a
l'insu des habitants,
ils ~ntr~rent dans la ville en massacrant
tous les hommes,
~ l'e~ce~~iQn des ,enfants et des femmes; ensui-
te,
apr~s avoir charge ,tous ,le's ttesors de la ville ainsi que
ceux des eglis~s d~ Dieu sur leurs, ni~i~es, ils slen retourn~rent
en Afrique.
(3).
( 1)
"E 0 de m t em por e r 90 b "1 Sa r ace ni, a b Af r i car at i bus ex e Li n t e s
Calabriam, Appuliam,- Beneventum,RomanorLim etiam poene omnes ci-
vitates ita occ~pav~rLint,ut unamquamqUe civitatem mediam Romani
obtinerent,
medlam~Africani. In monte Gareliano munitioriem cons-
tituerant,
in quo uxores,
parvulos,
captivos omnemque suppeJlec-
tilem satis tuto servabant".
LIUDPRA~lDUS, Antapodosis, ed. J.
Be c k!e r,
i n 1V1.
G.' H.
S c tip t.
r er.
Ge r m.
i n u sum S c h 0 I a rum,
Ha n 0 v r e
et Leipzig,
1915,
1.
11,
43.
p. ,57.
"
(2)
Notons que ~IUTPRAND_ qualifie les Arabes de l'Ifriqiya de
"Poen!",
c'est-~-dire, de Puniques ou Carthaginois. Comme nous
pouvons en jug~r, d'~pr~s cette termlnologiei
l'evocation de l'ac-
tu a l i t e con t em p bra i he a f r i c a i ne net r a dui t
pas far c em e n t,' un e
cons~ience, voite uhedonnaissance effective de la realite, c'est-
~-dire de l'identite de ceux qui habttent l'Afrique de so~ epo-
que. ,Le poids de l'heritage antique l'amenetout simplement 'a
confondre les a~ciens habitantsde Carthage - les Puniques - avec
les nouveaux hapit~nts, les Arabes ou du mains les mu~ulmans.
, ( 3)
"Per idem tempus
C934 - 9 3 5 J i nJ a nLi ens i ur be, quae est in

• r
l
r
506
Dans son
~erit Intitul~ Ex Mir~eulls Saneti Agrippini
(1),
PIERRE,
diaere de la ville de Naples,
fait
~tat, lui aussi,_
des hostllit~s arabo-eutop~ennes en Italie m~ridionale. L'oeeur-
renee iei est une tentative d'deeupatlon
de Naples
par les Ara-
bes de l'Ifriqiya,
en l'ann~e 960 ap.
J.-C.
Citant dlverses
per-
sonnalit~s eomme rcp~res chronologiques de l'~v~nement (sous le
,
rrineipat des cmpcreurs ROfvlAHl
et CO~lSTANTIN ;' sous le ponti f i-
cat du pare JEAN XII,
etc.),
l'auteur raeonte que la
nation im-
rie des Arabes,
venus des parties de l'Afrique,
eherchalent ~
s'emparer de la ville de Naples par un comhat nava],
avec d~­
ploiement de maehiri~s vari~es, et en lancant des assauts
(2).
Comme dan~ l~s extraits pr~e~dcnts, crest toujours des
i .
incursions arabes qu'lls'agit,
dans ces
passages de la Chronl-
que de BENEDICT.
-
Dans le premier
passage,
l'ineurslon des Sarrazins
semble diet~e par le d~sir du gouverneur de Palerme de ravir une
jeune ehr~tienne Lombarde, dont 11 a tant entendu vanter la bcau-
t~ et 1erefus de tout cdmmerce avec les homm~s, par amour et
(suite) Alpibus Cotz~ae oetingentls stadiis Papia distans supra
Africanum mare eonstituta,
fons
sangllinls larglsslme f1uxit
sub-
secuturam cunctls patenter ruinam insinuans.
Eodem qulppe anno
Po e n i
cum mul t i t u d i ri e ela s s i u m ~_11 0 per v e n i u n t e i v i bus que i 9 no-
rantlbus civitatem ingr~diuntur c~~~tos, pueris exceptis et mu-
lieribus,
trucidantis e~nctosque civitatis et ecclesiarum Dei
Thesauros
navibus imponcntcs' i nAfr_lcam sunt reversi ".
LIUDPI~ANDUS, Antapodosis,
op.
clt.
1.
IV,S,
p.
105.
(1) 11 s'agit des miracles de St~AGRIPPIN, ~v~que de Naples. Cet
~crit est une appendice des Gesta episcoporum Neapolitanorum
i1 en est une continuation.
( 2)
" nc 9 n ant e i 9 i t u r
R0 I'M N0 e t
CON S TMJ TTN0 imp era tor i bus et l' e s :i -
dente in sede beati Petri duodecimo JOHANNE papa et in hac civi-
tat e Par the nap ens e t er t i 0
pr e s II 1 eAT HA NAS I 0 et J 0 HMI NE con suI e
hac duce,
gens nefanda Agarenorum ex AFRICA partibus adveniens,
hanc prefatam Pclrthenopensem urbem navaLLPrelio diversisque ma-
chinis et expugnationibus eam comprehendere conabatur."
PET RUS DTACON US,
I~ X ~1 i r a c u li sS. A9 rip pin i, ~d. G. Wa i t z, i n H.
.G.
H.
Script.
re1'.
Lano.
Han'ovre,
1878,
L1,
p.
464.

507
fid~lit~ pour le ChrIst. La r~putatlon de la beaut~ et d~ la vertu
de GYSA,
la soeur de ROHUALD,
duc de BENEVOIT,
~tant parvenue
jusqu'~ ses orei11es, le roi de Pa1erme, nous dit BENEDICT, ras-
sembla donc sous ses ordres des bar bares d'Afrlque,
de Palerme
et de Babylone,
ainsi qu'une flotte constitu~e d'innombrables
navlres et de b5timents de combat
; ce prince et ses hommes par-
vinrent ainsi
~ Amalfi, et d~vast~rent la r~gion comme des sau-
terelles
(1).
,
,
-
Les faIts
evoques dans
le deuxl~me passage semblent
annoncer le sac de Rome par l~s Sarrazins, en 846.
BENEDICT rap-
porte,
en effet,
que les rois francs commenc~rent ~ se battre
entre eux,
d'O~ la nouve11e parvint ~ Cordoue et dans tout Car-
.
'
thage,
en Afrique
; ils form~fent le projet perfide de pousser
a nouveau les Sarrazins ~ pr~ndre possession de leur royaume et
a expoller l'~gllse d~ Saint PIERRE (2).
-
Dans le d~rnier passage, comme en r~pllque ~ ce qui
precede,
1 1 autelJf rapporte que les r~omains, d I une mani~re beau-
coup plus perfide,
en~oy~rent, contre les Francs, des ambassa-
deurs ~ Palerme eten Afrl~ue, pour que les S~rrazins vlennent
prendre possessio~ du~.royaume d'Italie (3).
(1)
"0 mn l s vero Langobardis in regno Italie,
relicto errore a
Christi moderamineconversis,
fide sancte Trinitatis tenentes.
Interea GYSA SOfor ROMUALD,
in Christi
amore accensa,
nullo modo
a virile amplexussatagebat.
Eratque venustas,
eleganti forma,
qui exiit fama
pulchritudinis per h~niversus horbem.
Devulgatum
est enim Florenti,
rex Palermitano pulchrituaine ejus puelle
congregatique barbaro~um gens,
AFRICE,
Palarmo et Babylonie,
c 1 ass e s n a v e imp e t II m rim p 1e t u m ) n a v i 9 _i 0 que c e r tan t J. bus,
a d A-
ma I vis per v e n e r un t
; qLi 0 t err a co per u e l' u n t
sic ut 1 0 c u s t e. 11
BENEDJCTUS,
Chronicon, ~d. G.
Zucchetti,
Roma,
1920,
p.
57.
(2)
"Coeperunt pugnare inter se reges Francorum
;
unde exiit
fama
i n Cor d u a,
et i n Af r i ce,t 0 t a Car tag i ne,
c e per u nt
rea gel' e Sa r r a -
cenls consillum maligno,
ut regnum ':Jsurparet,
et ecclesia sanctl
Petri expoliarre."
.
BENEDICTUS,
Chronlcon,· ~d. G.
ZucchetU,Roma,
1920,
p.
147.
(3)
"l~ornani plus magis fraudulenter contra Francos miserunt le-
gatianes a Palarrno,
ei Africe,
ut venirent et possidcrent Ita-
lico'regno."
BENEDICTUS,
Chronicon, Ope
clt.
p.
152.

508
,i'
b /
Relations diplomatiques
A cat~ de la b~llig~rance ~voqu~e manifestement dans
les pas'sages que ,nous venons d' examiner,
on enregistre para lle-
lement d'autres ~changes, ceux-l~ pacifiques,
entre Africains et
Europ~ens~ ~changes qui se traduisent par l'~tabllssement d'am-
bassadcs entre [Jrinces curop~cns et princes musulmans d'Afrique
du Nord.
Quatre auteurs nous donnent quelques indications sur
ce que furent ces relations diplomatIques.
Ce sont
: EGINHARD,
le s deux An 0 n yme s des Ann ale s Ti l.ia n i
(l )
et Maxi nd. n i a n I
(2) ,
et
un moine saxon de ~'~bbaye de Corvey,
WIDUKIND.
C'est d'EGINHARD que nous tenons lcs infor~ations con-
cernant les relations d'amiti~ entre l'cmpercur CHARLEMAGNE et
le Ca life de Sagdad,
H~RUN-AL-RASCHID (786-809). Les Anonymes
des Annales Tiliani et Maximinianl qui mentionnent aussi ces re-
lations entre Jes deux souverains,
empruntent leurs informations
au biogra~he de l'empcreur des Francs.
En l'ann~~ 801 ap. J.-C., rapporte en effet EGINHARD
d a n s s e s An n ale s,
1 :e mpe r e u r CHA I"{ LEMAGNE set r 0 u v a i t a Pa vie,
en Italie,
quand Uapprit
le debarquement a Pise des ambassa-
deurs d'HARUN
(AARON)
roi
de Perse
; 11 envoya done des messa-
gers au-devant d'eux et se les fit
pr~senter entre Verceil et
I v re e .
L 'un,
po u r sui t -i1,
~ t a i t d 'Orient, en v 0 y e dud i t r 0 I, c I est -
~~dire d'HARUN, l'autre (EGINHARD precIse qu'ils etaient deux,
ces envoyes),
un Sar'ratin d.'Afdque,
envoye de l'emir ISRAHHl
(AORAHAM)
prince de Fossatum
(3),
aux confins de l'Afrique.
(1)
Annates TiliClni"
eel. G. H. Pertz, in M. G. H. Script. t. 1,
1826,
Hanovre,
p.
219-224.
( 2) An11 a J e s Ma xi mi Jl j ani,
~ d. G. Wa i t z, M. C. H. Script . XIII,
1881,
p.
19-25.
( 3) A.
TEULET
(C f • . EGUHI ARD,
0 e u v res . c 0 mpLE~ t e s , par A. TEULET ,

-,
il.i
' l
\\
509
;:..
Ce~ envoyes, poursult le chroniqueur, annonc~rent a CHARLEMAGNE
le retour prochain,
avec de riches pr~sents, d'un certain ISAAC,
un Juif que l'empereur avalt envoy~ quatre ans ,plus tot au 1'01
d~ Perse,
HARUN,
avec deux autres ambassadeurs,
LANTFRID et
SIGISMOND
(1).
Plus loin,
dans un autre
passage,
EGINHARD nous ap-
prend enfin l'arrIv~e dudit ISAAC,
le JUIf,
lequel revient d'A-
frique avec un ~J~phant destin~ ~ l'empereur
IICette m~me annee
( c ' est - ~ - d ire tou:i 0 u r s ,e n I ' ci n nee 801 a p. J. - C. ), a u m0 is d IOC-
tobre,
rapporte-t-il,
le Juif ISAAC,
revenu d'Afrique avec un ~-
L~phant, debarqua ~ Poit-Vendres (1)
et ne pouvant passer les
Alpes,
a cause de la
ne1ge,
i1 hiverna a Verceil." (2).
( suI t e ) _ 18 5 6,
t r a d u c ti. on f ran 9 a 1 se,
p.
.Ll 0 not e 1),
t I' a dui t
"Fossatum" par
"Casrcadym".
Dans son editI.on ~ lui, G.
H.
Pertz
explIque en note:
"Fossatum,
id est regnum Fez".
Le texte d 'E-
GHI HA R0 par t e q u ant a 1 u i
-" 1 n con fin 1_ 0
Af r i c a e i n F0 s sat u m" •
TEULET refute l'explication de PERTl comme inadmissible po~r la
ralson que le royaume et la ville de Fez
(situ~e dans le Maroc
actuel)
ne furent
fond~~ que sept ans apr~s l'~poque de cette
ambassade,
en 1 'an 192 de 1 'Ilcgire,
ou en 808 de notre ~re. Se-
Ion TEULET,
les auteurs arabes disent que le prince aglabite ~­
BRAHIM
(ABRAHAM)
dont il est question ch Cl EGINHARD,
ayant qu1tt~
la ville de Cayroan
(s~c), a quelques journee~ au midi de Car-
t hag e
(T u n 1 s ),
a v Cl i t
~ tab 1 i' 's are si den c e d a nsIc Cas l' cad y m, mat
qui,
en ar2lbe,
signifie "le vicux chateau".
Pour adm-ettre,
conclut
TEULET..
q u' EGIN HA RD a put I' a d u _i. l' e J e mat a l' a be" Cas rea d y m" par
"Fossatum", 11
faut,
dit-il,
se rappeler que dans la basse lati-
nite,
on se sert quclques fois de ci mat Fossatum pour designer
un chateau,
une ence1nte.
Et TEULET renvoie ~ DU CANGE,
et sur
le chateau de Casrcadym,
situe aux envIrons de Cayroan,
aux No-
tIces des Hanuscrits,
t.
XIII,
p.' 477.
- -
(1) ""Imperator de Spoletio Ravennam venit,
et aliquot dies ibi
moratus,
Papiam perrexit.
Ibi
nuritiatur ei
legatos Aaron,
regis
Persarum,
portum Pisas IntrCls~e ; qui bus obviam mittens,
inter
VercelLos et Eporediam cos sibi fecit
praesentarir ~nus enim ex
e 1 s era t
Per sad e O,f i e n t e,
.1 e gat lJ s
p r a e cl i c t i r e 9 is':" n () m duo-
fuerant
- alter Sar~acenus de AFRICA,
legatus amirati
Abraham,
qui in confinis AFRICAE in Fossato praesidebat, qui Isaac Juda-
eum,
quem imperatoran(e quadriennium ad memoratum regem Persarum
cum Lantfrldo et Sigis~undo legatis suis miserat,
reversum cum
"'" ma CJ n ism un er i bus nun t 1 a vcr u n t " .
'TIGINHARDUS,
Annales,
a.
801,
eel.
A.
Teulet,
EGHIHARD,
Annales des
Francs,
t.
I,
Paris,
1840,
p.
250.
(2)
"Ipsius anni mense octobris Isaac Judaeus de AFRICA cum e1e-

510
Les Annales Tiliani et les ~nnales Maximiniani, rappor-
tent ~galement cette ambassade envoy~e par le calife de Bagdad
~ CHARLEMAGNE. Toutes les deux pr~cisent que l'un des ambassa-
d cur s est l ' e nv 0 y e d e 1. 1 em i rIB RAHI M ( A8 RAHM1) " qui a v a i tIe com-
mandement en Afrique"
(1).
Les Annales Maximiniani
particuliere-
ment rapportent de faeon ramassee dans un m~me passage, et l'ar-
rivee des envoy~s musulmans,
et celle du Juif ISAAC avec l'ele-
phant
(2).
Cependant,
comme nous l'indiquions plus haut,
crest
~ EGINHARD que ces deux Anonymes empruntent ces informations.
oa nsun aut r e e c r 1, t - 1a c ~ 1 e br e Vi ta l< a r 0 Li. (1 a vie
de CHARLEMAGNE)
(3)-',
EGINHARD fait encore etat des relations
d'amitie etablies par l'empereur des Francs avec les princes mu-
sulman~~ dont ceux d'Afrique. En effet, parlant de la g~nerosit~
de CHARLEMAGNE env~r~ l~s communautes chretlennes des pays tom-
bes sous le contr31e de l'IsIam,
le biographe de l'empereur dit
(suite)
fanto regressus,
portum Veneris intravit
; et quia prop-
ter nives AIres transire non
potuit,
Vercel1is hiemavit."
EIGHJHAIWUS,
Annalcs,
a.
801,
op.
cit.
p.
:111.
( 1)
"... Un use rat d e Pe r sa, 1 e gat u s r e 9 i s Per s a rum,
a 1 t e r
d e
AFRICA Saracenus."
MI ON YHUS,
A11 n ale s ' Ti l i cmt,
Cl n.
8 0 1,
e d.
G.
H• Per t z i n M.
G.
H.
Script.
t.
I,
Hanovre,1826,
p.
223.
"l..~....
'.~''''
'( 2)
" E0 d e m ann 0
(80 1) • ••
Aa r 0 n Per s a l e gat usA mi r a 1 - Mu mi 1 i n venit et
legati Mirati Abraham,~ui in Africa presidebat. Qui Isaac Juda-
cum,
quem imperator ante 'quadriennium ad regem Persarum cum Lant-
frido et Sigismundo miser~t, reversurum cum magnis m~neribus nun-
tiClverunt et elephantem secundum ducentem,
Lantfrido et Sigis-.
mundo defunctis."
ANON YMUS,
Ann ale s fvI a xi mi n i ani;
Cl.
8 0 .1,
ed. G. IV a i t z, i n 1"1. G. H.
Script.
t.
XIII,
1881,
p.
23~
- El GTNHA R0 LJ S,
Ann a le s ,
Cl.
8 0 1.
(.3)
EIGINHARDUS,
Vita I<aroll,
ed.
L.
Halphen,
Vie de CHARLEfvlAGNE,
par EGINHARD, Paris,
1923.

511
,-
"[mpresse a secourir les pauvres et a faire ces largesses desTn-
teressees que les Grecs' appellent
"aumones",
il -entendez CHAR-
LEMAGNE- n'en usa it, pas ainsi
seulement dans sa patrie et son
royallme,
mais i1 avait coutllme d'envoyer de l'argent au-dela des
mers
: en Syrie,
en Egypte et en Afrique,
a Jerusalem,
Alexan-
drie et Carthage,
o~ il avait appri; que vivaient dans la pauvre-
te des chretiens dont la detresse excitait sa compassion
; et
s ' i l rechercha l'amitie des rois d'outre-mer,
ce fut surtout pour
procurer aux Chretiens places sous leur domination quelque sou-
lagement et quelque reconfort"
(1).
Enfin,
dans ~on ouvrage intitule Rerum gestarum Saxo-
nicarum
(2),
le d~~nie~ auteur, WIDUKIND, rapporte pour sa part,
une ambassade envoyee par un prince d'Afrique du Nord aupr~s de
l'empereur OTHON
ler Le Grand,
en 1 'annee 973.
Apr~s sa'campagne
italienne,
o~ i1 v~nait de iemporter plusieurs victoires sur les
Byzantlns et les Sarrazins,
l'empereur OTHON,
rapporte WIDUKIND,
retour ne en Germanie o~ on vient delui apprendre le dec~s de sa
m~re Jlinsi que lil mort d'un de ses familiers,
le due HERI~1AN.
Faisant halte a Mesbollrg a l'occasion de la f~te del'Ascension,
i J y r·e G0 i tun e a mb ass ad eve nu e cl I-A f r i que
"
Apr es a v 0 i r re -
9U
les a~bassadeurs venus d'Afrique, raconte WIDUKIND, il les re-
tin t
a v e c des h 0 n n e u r s et cl e s c a cl ea u x dig ne s d ' u n r 0 i ". ( 3 )
(1)
"Circa paupcres' sustentandos et gratuitam 11beralltatem,
quam Graeci eleimosynam vocant,
devotisslmus,
ut qui
non in pa-
tria ~ol~m et in suo regno id facere curaverit, verum trans ma-
ria,
in syriam et Aegyptum at que AFRICAM,
Hierosolymis,
Alexan-
driae atque Carthagini,
ubi
thrIstianos in paupertate vivere
compererat, 'penuriae Illorllm compatiens pecun·iam mettere solebat,
ob hoc maxI me transmarinorllm regum amicitias expetens ut Chris-
tianis sub 'corum dominatu degentibus refrigerium aliquod et re-
velatio proveniret".
EINHAIWUS,
Vita
KaroLi HagnJ,
ed.
L.
Halphen,' V'ie de CHARLEHAGNE,
Paris,
1923'.',
p.
31.
(Z)
WIOU KHID US,
Re rum Ge s t'a rum Sa xo n i car u m. lib Ti t res e d.
P.
Hlrsch,
in M.
G.
H.
Script.
t.
Ill, ,Hanovre 1935.
(3)"
Tristis autem ilIa
Ioca perambuIat obitu optimi vir.l
du-
cis Herimani qui prudehtiae a justitiae miraeque vigilantiae in
rebus clvilibus et externls cunctis retro mortalibus aeternam
reliquit niemoriam.
Post slJsceptos ab AFRICA legatos eum regi~ ho-
nore et munere visitantes secum fecit
manere."
. WIOU 10 t,w US,
r~ e r 11 m Gest a rum S d x0 ni car u m, 1 i b . I I I,
LXXV,
e d.
P.
Hirsch .•
.in 11.
G.
H.
Script.
t.
Ill,
Hdnovre,
1935,
p.
466.

512
*
* *
*
Un mat sur ces relations diplomatiques
~voqu~es parti-
culi~rement par EGINHARD.
11 semble que d~s l'~poque de PEPIN Le Bref, p~re de
CHARLEMAGNE.
des relations diplomatiques avaient d~j~ commence
d'exister entre Bagdad et la cour franque.
On signale en effet,
~ la fin du r~gne de PEPIN, une ambassade de ce dernier au CaliFe
ABOU-DJAFAR EL MANSOUR.
Cette mission qui
partit en 765 ape
J.-C.
fut
de retour troIs ans plus tard,
accompagn~e par une d~l~gation
sarrazine
(1).
11 nly ~ut plus rien ensuite pendant une trentalne
, .
d'ann~es. jusqu'en 797 o~, suivan~Ies Annales. une ambassade fut
e nv 0 y cc P(11' CI-I AnLE'" (I GNEau CClI i Fe I-I Anu l'l - AL - nACHI 0 ., En 80 1, a
P a vie,
a u re tau r
d u. v 0 y age den 0 me,
CH ARLD1 AGN E a pp r end 1 e r e tau r
de
la mission quliI
avait envoy~e au "rol des Perses, AARON",
quatre ans auparavaht.
Cette mission se composait de deux comtes
francs,
LANTFRID et SIGISMOND.
~ qui le Juif ISAAC s~rvait d'in-
terpr~te. 11 est peu probable, pense-t-on (2), que l'intention
de CHAnLEMAGNE eQt
~t~ .seulement d'obtenir de la munificence du
Calife divers cadeaux.
entre autres un
~l~phant pour la m~nage­
rie royale
; on peut plut5t crotre que le~ d~I~gu~s Imp~riaux
avaient pour instruftion d'appeler sur le~ s~vices auxquels
~talent expos~s Ies Chr~tiens de Palestine I'attention du Calife
qui passait
pour lib~ral. Cette mission partie jusqu'~ Bagdad
a perdu en route les deux comtes LA~lTFRID et SIGISMOND,
mais en
revanche.
s'est renforc~e d'un envoy~ d'HAnUN et d'un ~missaire
envoy~ par un prince sarrazin de I'Ifriqiya.
En 802.
une nouveIle d~l~gation partit de Francie pour
Bagdad,
et ne fut
de retour que vers la
fin
de 806
(3).
( 1) Cf.
Con tin u a tor Fred e 9 a r .L i,
CXXXI V,
a.
7 68,
a p u d.
E.
Afv1 A~l t~ ,
Hi s t 0 i re d e l ' E9 l i se,
t.
6.
p.
19 7 .
(2) CL
E.
AHANN,
Ope
cit.
p.
197.
( 3)
EGHl HA 110,
A~ale s,
a.
80 6,
a p u dE.
M1 ANN,
His t 0 ire d e l ' E9 1 i -
~,
t.
6.
p.
197 et suiv.

A son arrjv~e a la tour franque,
~ Alx, e11e comprenait t~ois
categories de personnages
: ies "missi" francs
envoyes en 802
des moines de Jerus~lem, GEORGES et FELIX,
envoyes
par le nou-
veau patriarche THOMAS;
enfin,
u~~ del~gation sarrazine dont
le chef etait un certain ABDALAH
(1).
Parmi les presents ofFerts
par HARUN~ CHARLEMAGNE, on nota it specialement une horloge ~
sonnerie,
vraie mervei11e m~canique pour ces rustres Francs. Les
annalistes se sont complus ~ nous decrire ces cadeaux au lieu
de nous donner la physionomie des negociations entre les emis-
saires du souverain de Bagdad et l'empereur des Francs.
On s'est donc
pose la question de savoir quels etaient
le sob jet s d e c e s a mb ass a des.
EGHI HA RD e cri t
p 0 u r tan t
" Ar r i -
v e s a up res d I HMW I~, 1 e s e nv 0 yes d e CHA RLEH AG~1 E 0 btin r e n t
del u i
ce qu'ils demandaient
j~ nom de leur maltre ; mais de plus, le
ca life lui conceda d'avoir sous son autorlte le lien sacre d'o~
Le Sal u t
eta i t
v e nu' (J u x h 0 mme s
(2).
0 n p e u' t,
s e Ion H.
Ml ANN
(J),
entendre par
l~, au moins la possession ~ titre eminent, des
Lieux Saints par excellence,
c'est-~-dire cette vieille basili-
que de l'''Anastasis'' qui contenait ~ la
Fols le rocher du Gol-
gotha et le s~pulcre du Sauveur. 11 est plus diFficiie,
quoi-
qu'il en so it des affiplifications du moine de St-GALL
(4),
dit
AMANN,
de supposcr :qu'll s'agit de la concession d'une sorte de
protectorat sur
l'e~semble de la Terre-Sainte. Du mains cette
,
" " ,
'
re con n a i s san c e 0 f fi c) ell e de .l' cm per e u r
f ran c sur 1 cs Lie u x -
. Saints constitua·t-~.lle de la part du "Commandeur des Croyants"
(5),
un geste d~ grande courtoisie a l'endralt de CHARLEMAGNE,
et pour celuj-~j, un titre de plus a favoriser les Chretiens qui
sejournaient en ce pays au y venaient en pelerinage.
La sollici-
tu de de CHARLEMAGNE ne s'est pas manifestee uniquement envers les
Chretiens de Terre-Sajnte
le souverain franc
a egalement sou- ~
tenu en nombre de regions ~par exemple en Afrique et en Egypte-
(1)
EGIIHIARD,
Annales a.
807,
apud Eo
M1MlN
op.
cit.
ibid.
( 2)
EGHI HA RD,
Vita I< a r a I j,
XVT,
a p u dE.
AMAml,
a p.
c 1 t.
p.
1 9 7
et suiv.
(3)
CF.
E.
AMANt~, Ope cit.
p.
197 et suiv.
(4)
Cf.
De Gesti CaroH Mag!2l.,
It,
XI-XIV,
apud.
E.
M1ANN,
ibid.
(5)
Titre accarde (Jux CaliFes,
notamment
~ HARUN-AL-RACHID (cf.
les MlI Le et line nujts.).

51{
les
Fid~les noyes dans les masses musulmanes (1).
Tout c~la a done pu porter certains auteurs mod ernes
a parler de ce "protectorat de la France" exerce deja par CHAR-
LEMAGNE sur les Chretiens vivant parmi
les infid~les (2).
(1) Cf.
EGINHARD"
V.ita l<aroU tvfagni,
ed.
L.
Ha1phen,
Vie de CHAR-
1--EHAGNE, Paris,
1923,
p~
31-
;(2)
Cr.
L.
BREHJER,
Les origines des rapports entre la France et
la Syrie.
Le protectorat de CHARLEMAGNE,
dans Congr~s frangais
~~ri e, S P. an c e s et t r a v a u x, .1 9 .1 9 fa se. 2, p. 15 - 39 •

+
515
+
+
Avant de conclure sur ce faci~s m6di~val de l'Afrique
chez les auteurs 6tudics, il convient d'abord de dire un mot
sur les sources de toutes ces informations dans lesquelles ap-
paralt a l'arriere fond l'Ifriqiya, et aussi de faire un bref
rappel historique de cette lfriqiya musulmane.
_ A la difference d'6crits historiographiques co~me la
Chronique Universelle, la Chronique de FRECULF ou l'Histoire
d'ALFRED LE GRAND, qui, affectant une ambition universelle se
,caracterisent par l'utilisation - notamment a travers les com-
pilations d'EUSEDE de CESAREE, de ST JEROME et de PAUL OROSE -
de materiaux d'origines diverses et appartenant a diff6rentes._
~poques du pass6, le~quels, de ce fait, nous donnent de l'Afri-
que une image r~trospective et par cons6quent anachronique, nous
avons au contraire affaire ici a des documents historiographiques
dont les matcriaux sont originaux et d'cpoque, c'est a dire per-
sonnel~ et contemporains 'de9 auteurs du IXeme et du Xerne siecles.
Ce qui c~nfere a l'i~age de l'Afrique qui s'en degage, un carac-
tere vivant et d'actualit6.
En effet, nos informateurs sont ici,
des biographes
(1), des annalistes
(2), des chroniqueurs
(3),
des historiographes ~crivant l'histoire de leur " nation" ou
peuple
(~), et enfiri, un voyageur (S). A quelques degr6s pres,
la plupart de ces ~crivains etaient .plus ou mOIns les tcmoins
oculaires des faits ou 6vcnements qu'ils rapportent.
Les autres,
s'ils n'ont pas ~t6 des t6moins effectifs, racontent ces cv~ne-
''''·.ments en prenant pour base, l'histoire d'un pass~ plus moins ~­
loign~, mais qui en aucun cas ne d€borde
du cadre du si~cle 00
ils ont v~cu.
(1) EGINHARD et l'auteur de la Vie de LOUIS LE PIEUX connu sous
le nom d'ASTRONOME.
(2) EGINHARD,
les auteu.rs des Annales,Tiliani et Haximiniani ,
PRUDENCE ev~que de Troyes, et l'auteur des Annales de SI GALL.
(3) L,anonyme de la Chronique de SALERNE et BENEQICT.
(4) JEAN DIACRE, ERCHEMPERT, ~EGINON,LIUTPRAND,
PIERRE DIACRE,
et WIDUKIND.
(5) BERNARD.

51G
Dans l'cntpurage des souverains
~ le cour desquels ils vivaient
dont ils §taient des familiers,
EGINHARD,~ASTRONOME, PRUDENCE,
LIUTPRAND ou WIDUKIND, ont pu VIvre en personne les actualit§s_
politiques, sinon en acc~s direct aux documents politiques
qu'ils ont pu ainsi mettre ~ profit. De par leuy.appartenance
a la r§gion de l'Italie Meridionale et a des villes comme Naples,
Benevent ou Salerne, des auteurs comme JEAN DIACRE,
PIERRE DIA-
CRE,
BENEDICT, ERCHEMPERT ou l'Anonyme de Salerne ont pu VIvre
de pr~s ou de loin, d'une fa~on effective ou a partir de ce
qu'ils tiennent de la tradition orale,
les evenements dont leur
Y§gion et leurs villes ont ete ainsi le the5tre aux IX~me et
X~me si~cles. Ces materiaux §manant ainsi de premi~res sources,
pour la plupart, et quelquefois seulement de seconde main, voi-
la ce qu'il est tr~s interessant et tr~s important de souligner,
car a travers eux, il n'est fait allusion qu'a une regIon par-
ticuli~re de l'Afrique du Nord certes, mais pour une fois,
cette
~~,Afrique la ne rev@t plus une image r§trospective et anachronique,
breE, elle n'est plus un cliche, mais correspond, en idee tout
au moins, a une realit§ contemporaine medievale, a savoir l'en-
tite politique musulmane qui s'est substituee a l'Afrique Byzan-
tine.
Au d§but du VIII~me si~61e apr~s Jesus-Christ,
l'Afri-
que du Nord dans son ensemble etait conqulse et annex§e a l'em-
pire arabe.
Cependant, ;l partir du_milieu du siecle, les trois
entites politiques qui s'etaient constituees
(1)
rompirent les
liens qui les rattachaient au Califat de Bagdad.
La partie qui
nous interesse ici, c'est a dire la partie orientale de l'Afri-
quedu Nord, appelee en arabe Ifriqiya (transposition du latin
Africa) echappa ainsi tr~s vite au contr6le direct du gouverne-
ment de Bagdad.
En 800 apr~s Jesus-Christ IBRAHIM IBN AL-AGHLAB,
(1)
A l'Ouest,
il y avait le royaume de Fez; "a-u Centre, la prin-
cipaut§ Kharidjite, avec T5hart comme capital~
enfin dans la
partie orientale, ~a principaute Aghlabide.

517
, :
qui avait pris une part active aux ,operations militaires menees
:1
-':"
dans ces regions ~ la fin du VII~me si~cle, obtint du Ca1ife
I-1ARUM AL-RAC/lID, la concession de l'cmirat de Kairouan ~ titre
hereditaire, moyennant 'une redevance annue11e de 40.000 dinars.
11 fonda ainsi une dynastie, ce1le des Agh1abi~es, qui regna
en Ifriqiya jusqu'au debut du Xeme si~c1e,
protegeant efficace-
ment l'empire Abbasside contre 1es tentatives des Berberes de
1~ partie centrale de l'Afrique du Nord.
Cependant, les Aghlabides ne se contenterent pas de ce
role defensif ; ils conquirent de nouveaux territoires et eten-
dirent ainsi la domination de l'Islam au-del~ de l'Afrique.
En
effet, des le debut du IXeme siecle, ils prirent pied en Sicile,
~ Mazzara et entreprirent de s'etablir dans la partie occiden-
tale de l'1le.
En 839, ils s'emparerent de la ville de Palerme,
apres un slege de 13 mois, et en 843, prirent Messine. Apr~s
l'occupation des principaux ports,
ils essayerent ensuite de se
rendre maltres de 1 'interieur ou resistaient les !~ernieres trou-
pes byzantines.
En 878,
les musulmans s'emparerent de Syracuse,
puis, en 902, Taormina, le dernier repaire byzantin tomba egale-
ment entre Ieurs ~ains. Les AghIabides avaie~t aIors constitue
une importante flotte ~qui leur permettait d'etendre leur domi-
;
.-_.
nation sur toute la Mediterrahee centrale.
Avant m@me la fin de la conqu@te de la Sicile, les
Aghlabides avaient ~ntrepris de s'etablir egalement en ItaIie
Meridionale. Des 843,
la flQtte musulmane attaquait les cites
de Pouille, de Calabre et de Campanie, et les Sarrazins s'ins-
tallaient dans les lIes de Ponza et d'Ischia ; en 846, partis
de l'embouchure du Tibre, ils allaient piller Saint Pierre de
Rome, puis devastaient la Campanie. A la m@me epoque, ils s'ins-
tallerent ~ Benevent d'ou ils seront deloges en 871 par l'Empe-
reur Carolingien, LOUIS 11, ainsi qu'~ Tarente d'ou ils ne se-
ront chasses qu'en 880 par l'Emper~ur Byzantin BASILE ler. Les
ports de la cote italienne furent successivement attaques par
l~s musulmans, qui atteignirent m@me Comacchio, dans le Nord de
l~Adriatique et au Nord de Ravenne. Entre-temps, l'emir AGHLA-

\\.
518
BIDE avait reus si a s'emparer de l'1le de Malte, ce qui lui
perme~tait de contr6ler etroitement tous les mouvements de na-
vires entre les deux bassins de la ~editerranee.
Ainsi,
tout en gardant leurs'distances a l'egard des
califes a qui ils se contentaient de verser un tribut annuel
et de demander l'investiture lorsqu'un nouveau membre de la
famille accedait au gouvernement de l'1friqiya, les emirs Agh-
labides furent d'ardents d6fenseurs de la cause islamique, et
contribu~rent a la domination de l'Islam dans des regions 00
les musulmans n'avaient pas penetre avant eux
(1).
+
+
+
L'exam~n du faci~s medieval de l'Afrique debouche sur
trois remarques:
1/ C'est dans le groupe des rheteurs, et dans ce groupe exclu-
sivement qu'affleure cette image d'une Afrique medievale, con-
temporaine des auteurs etudies.
Cependant, m§me dans cette fa-
mille 1itteraire, cette image est loin d'§tre familiere a tous
elle se d6gage chez une dizaine d'auteurs seulement, et qui pra-
tiquent tous, a divers ti~res, le genre historiographique. Ce
sont : les biographes, les annalistes, les chroniqueurs, les
auteurs d'une 'histoire II nationale ", et enfin un voyageur.
La
vie des uns dans l'entourage officiel des princes,
leur confe-
rait un r6le d'observateurs privilegies, d'une part, et d'autre
part, une possibilite d'acces a des documents politiques qu'ils
ont pu ainsi mettre a profit. L'appartenance des autres a une
11
nation II
(les Lombards), a un pays (1' Italie meridionale) ou
~ des villes (Naples, Eenevent, Sa1erne ... ) devenus le champ et
l'enjeu des iivalites entre Francs, Lombards, Grecs et Arabes
d'Afrique ou entre chretiens et musulmans, cette appartenance
donc fait de la plupart des t6moins authentiques ou des contem-
porains ayant vecu ces evenements ou ces faits qui sont rappor-
tes et derriere lesquels se profile en arriere plan l'image
(1)
cf.
R.
FOLZ, op.
cit. p.
429-431.

519
d'une Afrique d'actualit~, c'est ~. dire l'1friqiya du 1X~me et
du X~me si~cles. A la diff~rence des autres groupes
(encyclop€-
diste, scientifiqtie,
th€ologien
et m@me dans une large mesure,
une grande partie du grbupe des rh€teurs),
'l'Afrique, chez cette
dizaine d'auteurs en question (des m€diterran~ens ou des m€ri-
dionaux exclusivement), n'est plus cette 11 Afrique d'h€ritage
11
auvisage encombr~ par les clich€s
poncifs qui l~ fixent,
immua-
ble, comme si le temps n'avait aucune emprise sur elle, bref,
une Afrique fossile, rnais au contraire, une " Afrique pratique 11
en quelque sorte parce que5ensible presque quotidiennement ~
cause de la menace constante qu'elle repr~sente de par le voisi-
nage g€ographique
et politique ; une Afrique avec laquelle ils
'sont en contact ~ iravers ses redoutables hab~tant~, ~i les Sar-
razins ; bref, une Afrique dont la peur qu'elle inspire est plus
irrationnelle que r~elle.
2/ En aucun cas, cette Afrique conternporaine ~ laquelle les au-
teurs font allusion ne d€signe
l'ensernble de l'Afrique du Nord
rnusulrnane.
11 s'agit urtiquernent de sa partie orientale, qui cor-
respond ~ peu pr~s ~ la Tunisie actuelle, et que les Arabes d€-
nornrnaient 1friqiya, par transposition du latin Africa. Cette A-
frique ou Ifriqiya se distinguait de l'ensemble de l'Afrique du
Nor d a pp e 1 ~ e en a r ab e 1 e 11 ~,1 a gh re b 11 ( 1 ).
L' I f r i q i y a € t a i t
1 a
principaut€
des Aghlabides, qui avaient fait de la Sicile leur
t~te de pont pour tenter de s'€tablir
en 1talie m€ridionale.
3/ A part: sa mention comme €tant
le pays d'oD. viennent les Sar-
razins tant 'redout~s des populations europ€ennes,
les auteurs
ne nous donnent aucune
autre
information
sur cette Afrique
m~di€vale ou contemporaine. Tout au plus, les chroniqueurs et
les annalistes ont 5 ignal€
ici ou l~' des ambassadeurs envoy€s
par le 11 roi " d'Afrique. nais de l'organisation politique, 50-
ciale ou €conomique
de ce pays on ne sait absolument rien, pas
(1) L'appellation 11 Maghreb 11
(ou 11 Couchant ") donn€e
~ l'Afri-
que du Nord s'explique par la situation occidentale de la c6te
d'Afrique relativement ~ l'Egypte et aux autres pays du Moyen~
Orient ou f0t le premier si~ge de la puissance et de la civili-
sation arabe
(cf. Has -Latrie, Trait~ des Chr€tiens
a~~c les Ara-
bes d'Afrique au f10yen Age, €d.
PIon, Paris,
1866, p.l).

520
plus qu'on a une quelconque indication g~ographique. Cette la-
cune dans l'information s'explique essentiellement par le man-
que de contact de la part des europ~ens avec l'Afrique : le
danger que representaient ces infideles au regard du chr~tien
~tait tel,·que pour l'europ~en de cette ~poque s'aventurer sur
les c6tes de l'Afrique, equivalait presque ~ aller au royaume
de Satan.
Si les sarrazins viennent sur les c6tes europ~ennes
ou s'y sont 6tablis, ~ l'inverse, les europ~ens eux ne sont
pratiquement jamais alles dans l'Ifriqiya.
Cela dit,
il est important de faire cette autre ob-
servation. Jamais chez nos auteurs,
l'Ifriqiya n'a ete associee
ou confondue avec l'Espagne en depit de l'identite de leur po-
pulation.
L~s Sarrazins dont parlent les auteurs ~t0dies, vien-
nent toujour~ d'Afrique, c'est ~ dire de l'Ifriqiya. Parfois,
c'est en association avec ceux de Babylone d'Egypte qu'ils vien-
nent accomplir leur funeste besogne sur les c6tes italiennes,
malS en aucun cas il lr~cst question des Sarrazins d'Espagne.
En d~finitive,
si les auteurs du IXeme et du Xeme
siecles ont meconnu m~me l'Afrique contemporaine, en l'occuren-
ce l'Ifriqiy~ musulmane, du moins ~ travers le rapport qu'ils
ont toujours etabli entre l'Afrique et les Sarrazins de leurs
textes, on peut dire qu'une partie de la r~alite geopolitique
qui pr6valai~ dans la M6diterranee occidentale ne leur a pas e-
chappe.

521
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lINIVERSITE DE PARIS I
PANTHEON SORBONNE
U.E.R, D'HISTOIRE
09
CENTRE DE'RECHERCHES AFRICAINES
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3
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AFRICA
LI VA. THIOPIA.ET .GYPTUS
CHEZ LES AUTEURS DE LANGUE LATINE
e
AUX IXeET X SIECLES
e
THESE DE DOCTORAl DU 3 CYCLE
. PAR
EUGENE
ABOKE
DIRECTEUR DE THESE
ARIS 1983.
..JEAN·OEVISSE,
,~

523
T R 0 I S I E MEP ART I E
LET E R ME
LIB Y A

52.4
P L J\\ N
D U
C H A PIT R E
LIB Y A
INTRODUCTION
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . 525
Tableau des auteurs
527
I. LIBYA AD SENS MYTHIQUE
529
11. LIBYA AD SENS GEOGRAPHIQUE
533
1. Libya = le continent africain . . . . . . . ... 534
Essai de definition
1 • la Libye
une des trois parties
du monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 534
2 . La Libye = la "Portio Cham" . . . . . . . . . 536
3 . La Libye
les hypotheses etyrnologi-
ques . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 536
a. Le vent "Lybs" ou "Africus"
536
b. Libye, l'heroine eponyrne
536
c. Afer Lybien, le heros eponyrne
537
11. Libya
l'Afrique septentrionale
540
I I 1.
Libya
La provlnce de Libye
545
A. Essai de definition
545
B. Description de la provlnce de Libye ..... 548
1.
La Lib Ye ~'I are 0 t i s . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 548
2.
La Libye cyrenaique et la Pentapole . 549
3.
La province d'Afrique
552
Commentaire
553
C. Quelques indications sur la faune
556
a.
la hyene
:
556
b.
les lions
558
c.
les serpents
560

525
:INTRODUCTION
A I L I H1 PLO I DE" LIB YA" (1)
1. MENTIONS ET CONTEXTES
i
Le depouillement du corpus des: auteurs cites a donne
!
116 (cent seize) mentions du terme LIBYA.
L'emploi du vocable se present;e dans six principaux
contextes, a savoir :
- le contexte geographique,
- le contexte historiographique,
- le contexte exegetique,
le contexte hagiographique,
- le contexte polemique,
- enfin, le contexte scientifique.
Au point de vue semantique, les informations;
I
recueillies sur LIBYA dans les differents contextes, se
focalisent toutes sur une double valeuT du terme :
a I LIBYA est un toponyme
C'est un terme geographique q~l presente tout comme
AFRICA, trois degres de signification .quant a son application.
(1) On rencontre quelquefois la forme tIBYE (genetif LIBYES)
pour LIBYA. Cette forme est grecque tandis que la derniere
est latine.

526
Ainsi, il designe
- soit une region precise, situee dans le Nord
du continent africain ;
soit toute la partie septentrionale du continent
- soit encore, l'ensemble du continent ou du moins
son correspondant.
b / LIBYA est un anthroponyme
C'est le nom d'un personnage legendaire, l'heroine
eponyme de la Libye ; le terme presente ici une signification
mythique.
B / LES AUTEURS
Les auteurs qUI emploient le terme LIBYA sont au
nombre de 18 (dix huit).
Au niveau de la frequence d'utilisation, il regne
des ecarts appreciables entre les auteurs :
~~BAN MAUR compte a son actif 34 mentions,
soit 29,31 % de la frequence totale ;
- l'auteur ANONYME du De Situ Orbis en compte 24,
soit 20,68 % du total ;
- trois auteurs, REMY D'AUXERRE, FRECULF et DICUIL
utilisent LIBYA en moyenne une dizaine de fois chacun, soit
9,18 % du total
- trois auteurs l'emploient en moyenne cinq fois
chacun, soit 4,31
% du total;
- deux auteurs l'utilisent deux fois chacun, soit
1 ,72 %
- enfin, sept auteurs, pour leur part, ne l'utilisent
qu'une seule fois,
soit 0,86 %.

PERIODE DU IXe SIECLE
AUTEURS QUI UTILISENT LIBYA
1/4 (800-825)
2/4 (825-850)
3/4 (850-875)
4/4 (875-900)
1 ANGELOME
6 ANASTASE
9 ADREVALD
14 ALFRED
2 DICUIL
7 BONIFACE
10 AENEAS
3 DUNGAL
8 FRECULF
11 ANONYME DE
SITU ORBIS
4 NENNIUS
12 JEAN SCOT
ERIGENE
5 RABAN MAUR
13 REMY D'AUXERRE
~
N
-...j

PERIODE DU Xe SIECLE
AUTEURS QUI UTILISENT LIBYA
1/4 (800-825)
2/4 (825-850)
3/4 (850-875)
4/4 (875-900)
1 ANONYME
2 LIUTPRAND DE
3 ABBON DE FLEURY
LIBER MONSTRORUM
CREMONE
OU
DE MONSTRIS ET
BELLVIS
4 GERBERT
tJl
l'"'\\
O'J

529
. I
.
r--L I B Y A
A U
S ENS
M Y T H I QUE
L'acception mythique de LIBYA est manifestement peu
familiere aux auteurs
- d'une part, sur les 116 occurrences du terme"
6 seu-
lement affectent le sens mythique. Ce qui represente un pourcen-
tage, environ 5 % de l'utilisation de LIBYA;
- d'autre part, seuls deux auteurs sur 18 en font
usage, ce qui represente environ 11 % de 1 'effectif.
o
o
0
LIBYA
HEROINE EPONYME DE LA LIBYE
Chez deux auteurs, saVOlr RABAN MAUR et 1 'Anonyme du
De situ orbis, Libya affecte une valeur purement mythique. C'est
un anthroponyme ; et comme tel, il designe une figure legendaire,
Libye, qui d'apres la tradition grecque et latine, aurait regne
en Afrique, et aurait ainsi laisse son nom au pays, la Libye.
Dans le De Universo, RABAN MAUR, evoquant a partir
d'Isidore de Seville, le rapt d'Europe (l'heroine eponyme du
continent Europe) par Jupiter, qui l'avait enlevee d'Afrique et
emmenee en Crete, precise qu'elle (Europe) est la fille d'Agenor,
roi de Libye ; quant a Agenor, l'abbe de Fulda dit qu'il est

530
le fils de Libye, cette femme dont la Libye, c'est-a-dlre
l'Afrique, tire sa denomination (1).
Chez I 'Anonyme du De situ orbis, nous disposons de
quelques renseignements sur l'identite de cette heroIne epo-
nyme. En effet :
- dans un passage emprunte textuellement a Isidore
de Seville (2), I 'Anonyme declare: "Les uns affirment qu'Epa-
phus, le fils de Jupiter, qui fonda Memphis, en Egypte, eut de
son epouse, Cassiope, une fille nommee Libye, laquelle regna
ensuite en Afrique. C'est a partir de son nom que cette terre
fut appelee Libye" (3),
- empruntant par ailleurs a Solin (4), I 'ANONYME
reprend la meme explication du nom du continent, mais de fa~on
ramassee : l'Afrique, dit-il, est appelee Libye a cause de
Libye, la fille d'Epaphus
(5).
(1) "Europa quippe (ut gentiles fervent) Agenoris regis Libyae
filia fuit quam Jupiter ab AFRICA raptam Cretam adrexit, et
partem tertiam orbis ex ejus nomine appellabit.
Iste est
autem Agenor Libyae filius, ex qua Libya, id est AFRICA
fertur cognominata".
RABAN MAUR, De Universo, op. cit., col. 347.
- Isid. Etym. XIV, 4, 1.
(2) Isid. E-tym. XIV,S, 1.
(3) "Alii aiunt Epaphum Iovis filium, qui Memphim in Aegypto
condedit, ex Cassiopa uxore procreasse filiam Libyam, quae
postea in AFRICA regnum possedit ; cujus ex nomIne terra
Libya est appellata".
Anonymus De situ orbis, op. cit. I, p. 5, 11, p. 61.
(4) SOLIN, XXI, 2.
(5) "Porro quod in illo ambitu Aegyptium finitur pelagus et Li-
byeum incipit, placuit ut Africam Libyam vocarent. Libyam a
Libya, Epaphi filia" Anonymus, De situ orbis, 11, p. 62.

531
Dans la mythologie grecque et romalne, Libye est, 'd'apres
la tradition que suivent RABAN et 1 'Anonyme, la fille d'Epaphos
(Epaphus en latin) et de Cassiope (1)
d'apres une autre tradi-
tion, elle est fille d'Ephaphos, mais a pour mere Memphis (la
fille du dieu-Nil)
(2). Quoi qu'il en soit, elle eut de Posei-
don (Neptune chez les Romains), deux jumeaux Belos (Belus en
latin) et Agenor (3). St Augustin (4) lui attribue un troisieme
fils, le tyran Busiris, qu'elle eut du meme Neptune
ailleurs
par contre, ce troisieme fils se nomme Lelex (5).
Plus en amont dans la filiation des sources, Herodote
declarait que la plupart des Grecs affirment que la Libye fut·
ainsi appelee du nom d'une femme indigene (6). Et antetieure-
ment a Herodote, on trouve chez deux poetes, Eschyle (7) et
Pindare (8), une figure mythique portant ce nom de Libye ; et
d'apres Stephane Gsell
(9), dans un groupe consacre a Delphes
par les Cyreneens, vers le milieu du VO siecle, Libye fut re-
presentee par un char avec Battos (10), qutelle couronnait (11).
(1) Cf. Mythogr.II fab.
75, colI. Hygin, fab.
149 ; Isid. Etym.
14, 4, 1 et 5, 1.
(2)
Cf. GRANT et HAZEL, Le Who's who de la mythologie, ed.Seghers
1975, p. 266, au mot Libye.
(3)
Cf. Hy g in. f ab.
157 .
(4 )
Cf. AUGUSTIN Civ. Dei, 8, 12.
(5)
Cf. GRANT ET HAZEL, op. cit., p.
266.
(6)
HERODOTE IV, 45. apud St GSELL, Herodote, op. cit. p. 70-71.
(7)
Eschyle, Les SUl?pleantes, 316 et ~~liv
Le .vers 316 est .incom-
pl.et: On. a !e~t 1 t ue rH elJ'1 ~£XL6"l.OV [o~fl1'kl1} ~prrou~f(;.Y'7: Esc.h III e au
ralt donc mdlque que Llbye avalt re<;:u son num du pays,
con t ra 1 re-
ment a ce que dit Herodote. Mais il faut probablement lire,
comme le propose St Gsell
: "'£'rl~OY yn>
[TrEdOV-].
(cf. GSELL, Herodote, op. cit. p.
71, n° 1.
(8)
Pindare, Les Pythiques, IV, 14 ; IX, 55 et 69.
(9)
St GSELL, Herodote, op. cit., p.
71
( 10 ) Battos est le fondateur de la colonie grecque de Cyrene, en
Libye.
(11) Pausanias, X, 15,6.

532
De toute evidence, Libye comme figure et heroine
eponyme, n'est qu'une pure creation des Grecs. Elle est une
personnification du pays, auquel elle a emprunte et non pas
donne son nom.
A travers cette legende de Libye fille d'Epaphos et
relne eponyme de la Libye, il ressort, comme le~on aretenir,
que la Grece est en quelque sorte la mere-patrie des rois de
la Libye a l'instar de ceux d'Egypte .. En effet, descendant ge-
nealogiquement d'Io (mere d'Epaphus), qui venait d'Argos, la
dynastie libyenne, par ses origines lointaines se rattache a
la Grece a travers l'Egypte.
Par ce mecanisme geneaIogique, ilOUS voyons, comme
dans le cas de I 'Egypte, une captation ou une recuperation
grecque de la realite africaine. La raison de cette recupera-
tion ? EIIe peut @tre interpretee comme un besoin de la part
des Grecs de justifier politiquement leur colonie de Cyrene et
de sa region.
Quant aRABAN MAUR et ANGELOME, ils rapportent ce
my the antique, semble-t-il, non pas par simple souci litteraire,
mais parce qu'il correspond a leur propre vision du monde.

• 11 •
533
LIB Y A
A U
S ENS
G E 0 G RAP H I QUE
Le sens geographique de LIBYA est de tres loin le plus
usite par les auteurs:
- d'une part, 110 occurences sur 116 mentions sont
employees dans ce sens, so it environ les 9S % de l'utilis~tion
de LIBYA;
- d'autre part, tous les 18 auteurs qUI font usage du
terme, l'utilisent dans cette acception. Ce qUI correspond a
100 % de l'effectif.
Entendu dans son acception geographique, LIBYA, comme
nous l'avions dit, presente trois degres de signification et
designe, tant6t l'ensemble du continent africain tel qu'on le
concevait au Moyen age; tant6t la portion septentrionale de ce
continent par opposition a sa portion meridionale; tant6t enfin
une region particuliere, situee dans l'Afrique du Nord.
Examinons respectlvement les entites que le terme
recouvre sous ces trois applications, et voyons ce qui les
caracterise les unes et les autres.

534
1.
LI BY A =
.
:LE CONTINENT AFRICAIN'
Sur les 110 occurences de LIBYA au sens de toponyme,
51 s'appliquent a la Libye entendue comme etant le continent
africain. Cette signification represente 46 % de l'acception
geographique du terme.
Quant aux auteurs qui font usage de ce sens large de
LIBYA, ils sont 11 sur 18, soit 61 % de l'effectif total.
'
L'examen des indications donnees par les auteurs
nous permettra de degager ici les caracteristiques de la Libye
comme continent.
ESSAI DE DEFINITION
La Libye entendue au sens du continent africain peut
etre definie sur un triple plan:
- sur le plan cosmographique, Oll elle apparalt comme
une des trois parties du monde;
- sur le plan de la geographie d'inspiration biblique,
Oll elle s'identifie a la partie du monde attribuee a Cham, lors
du partage de la terre entre les trois fils de Noe;
- enfin, sur le plan etymologique, Oll plusieurs
hypotheses sont avancees comme explications de son nom.
a) Chez un des auteurs, savoir DICUIL, la Lybie est
nommement designee comme l'une des trois parties du monde, par
opposition a l'Asie et a l'Europe.

535
En effet, compilant un passage de la Divisio orbis (1),
le moine irlandais declare: "Le monde est divise en trois,parties
appelees Europe, Asie et Libye, comme le divin Auguste l'a montre
le premier dans sa chorographie" (2).
b) Trois autres auteurs, a savoir RABAN, I 'ANONYME du
De situ orbis et REMY D'AUXERRE, apportent une precision de
taille: comme partie du monde, la Libye s'identifie a l'Afrique
entendue, bien sur, au sens de continent.
Evoquant le personnage d'Agenor, roi de la Libye et pere
d'Europe, l'heroine eponyme du continent du meme nom, l'ab~e de
Fulda dit: "Cet Agenor est le fils de Libye, de qui la Libye,
c 'est-a-dire l'Afrique, a re<;u son nom, a ce qu'on dit" (3).
Dans un passage pris chez SOLIN (4), I 'ANONYME du
De situ orbis dit: "En effet, puisque crest dans ces parages
que finit la mer egyptienne et que commence la mer libyque, nous
appellerons donc l'Afrique Libye" (5).
Commentant un passage de MARTIANUS CAPELLA, REMY
D'AUXERRE assimile la Libye a
l'Afrique, avant de distinguer
ensuite deux Libyes: l'une appelee "Libye" tout court, et l'autre,
appelee "Xero-Libye", c'est-~-dire, "Libye seche" (6).
1) Divisio
orbis, 1.
2) "Terrarum orbis tribus dividitur nominibus, Europa Asia Libia.
Quem divus Augustus primus omnium per Chorografiam
ostendit."
DICUIL, op. cit. I, 2, p. 44.
3) "Iste est autem Agenor Libyae filius, ex qua Libya, id est
Africa fertur cognomina."
RABAN ~~UR, De Universo, op. cit. col. 347.
- Bid. Etym. XIV, 4, 1.
4) SOLIN, 25, 1-2.
5) "Porro, quod in illo ambi tu Aegyptium fini tur pelagus et libycum
incipit, placuit ut Africam Lybiam vocarent."
ANONYME De situ orbis, op. cit. 11, p. 63.
6) " ... Lybiae, id est Africae. Duae sunt Libiae, una 'quae tantum
Libia, altera quae Xerolibia, id est sicca Libia, appellatur."
REMY D'AUXERRE, op. cit. VI, 333, 9 p. 154.

53G
Suivant la tradition heritee des commentateurs scrip-
turaires, et notarnrnent des "Libri generationis", un seul auteur,
RABAN MAUR evoque le partage du monde entre les trois fils de
Noe et attribue la Libye a CHA.-t\\j et a ses descendants : " ... Donc
en ces trois fils de NOE, ecrit-il, la race humaine tira sa
seconde origine, de sorte que les trois parties du monde furent
remplies a partir de la generation des trois. En outre, en leurs
descendants, ils prirent possession, SEM, de l'Asie; CHAM, de
la Libye; et JAPHET, de l'Europe" (1).
Deux auteurs, RABAN et l'ANONYME du De situ orbis,
tentent de nous fournir l'explication de la denomination "Libye",
en avan~ant ici diverses hypotheses remontant aux auteurs
anciens.
a) Le vent "Lybs" ou "Africus"
Selon nos deux auteurs, qui compilent textuellement,
tous les deux, ISIDORE de SEVILLE (2), le nom de Libye, donne a
cette partie du monde, viendrait du fait que le vent appele
"Libs" ou encore "Africus", souffle en provenance de la (3).
1)"
In his ergo tribus filiis Noe secunda origo saeculi
surrexit, ut tres partes mundi atrium generatione implerentur.
Porro Sem in filiis suis Asiarn, et Cham Libyam, et Japhet
Europam possederunt."
RABAN MAUR, De universo, Ope cit. col. 34.
2)
ISID. ~. XIV, 5, 1.
3) "Libya est dicta, quod inde Libs flat, hoc est Africus."
MBAN MAUR, De universo, Ope cit. col. 351
; ANONYME De situ
orbis, Ope cit.
I, p. 5 et 11, p. 61.

537
b) Libye, l'heroine eponyme
Selon toujours nos deux auteurs qui repetent encore le
meme ISIDORE (1), la Libye aurait re~u son nom a partir d'une
femme appelee Libye - la fille d'Epaphus et de Cassiopee - et
qui regna ensuite en Afrique (2).
c) Afer Lybien, le heros eponyrne
Selon I 'ANONYME du De situ orbis, qui rapporte .seul,
cette derniere explication prise chez MARTIANUS CAPELLA (3) ,
les deux appellations du continent africain, c 'est-a-dire "Afrique"
et "Libye", seraient tirees, l'une et l'autre, du nom d'un meme
personnage, Afer Lybien (ou Libyque) , le fils d'Hercule (4).
Autrement dit, l'Afrique detiendrait son nom d'''Afer'' et la
Libye,
le s ien de "L iby s", le s deux c ompo san te s du nom du heros
eponyme.
1)
I S ID. Et ym. XI V,S, 1- 2 .
2) " ... alii aiunt Epaphum Jovis filium, qui Memphim in Aegypto
condidit, ex Cassiopa
uxore procreasse filiam Libyam, quae
postea in Africa regnum possedit, cujus ex nomine terra est
ilIa Libya appellata."
RABAN MAUR, De universo, op. cit. col. 351
; ANONYME De situ
orbis, op. cit. I, p.
5 et 11, p. 61.
3) ~~RTIANUS CAP., VI, 667.
4) "Africa igitur ac Libya ab AFRO LIBE, Herculis filio."
ANONYME De situ orbis, op. cit.II, p. 58.

538
Dans la filiation des sources relatives a ces hypo-
theses etymologiques, au-dela d'ISIDORE et de MARTIANUS, dont
RABAN et 1 'ANONYME sont directement tributaires, il faut citer,
en amont, les noms de SOLIN (IIIe s. ap. J.C.)
(1) et d'HYGIN
(ler s. ay. J.C.)
(2).
Quant aux hypotheses memes, elles ne revetent aucune
valeur, etant tout simplement fantaisistes: Libye ne vient
nullement du nom de ce vent appele "LIBS" ou encore "AFRICUS",
et par quoi on rend egalement compte du nom AFRICA (3): elle
ne vient pas non plus du nom du personnage mythique, Libye,
fille d'Epaphus, ni davantage de celui d'Afer Libyen, cette
autre f~gure legendaire, car il est evident que Libye, l'heroine
eponyme, n'est qu'une personnification du pays, auquel elle a
emprunte, et non pas donne son nom, tout comme Afer Libyen n'est,
pour sa part, qu'une creation de circonstance.
En realite, LIBYA est un emprunt au grec Albury
qui fut lui-meme forme du nom d'un peuple - les "Lebou" - qui
habitaient une region situee le long de la Mediterrannee, entre
l'Egypte et le Golfe des Syrtes (4). Les "Lebou" etaient men-
tionnes dans les documents egyptiens des Xllle - Xlle siecles
av. J.C.
(5). Les Hebreux connurent ces "Lebou" par l'interme-
diaire de l'Egypte, et les appelerent "Lehabim" (6) ou ILoubim"(7).
1) SO LIN, 24, 2.
2) HYGIN, fab.
149.
3) Voir l'article de Michele Fruyt intitule, "D'Africus ventus a
Africa Terra", dont nous avions rendu compte en dressant 1 'etat
de la question sur l'origine du nom AFRICA.
4) cf. Odyssee, IV, 85, ou la Libye (l\\l~V~ ), mentionnee avec
Chypre, la Phenicie, les Egyptiens etc., paralt bien et re un
pays d'une etendue restreinte - cf. GSELL, Herodote, op. cit.
p.
70 n. 1.
5) CHABAS, Etudes sur l'Antiquite historique, 2e ed. p. 191 et
suiv., 229, 232, 242._MASPERO, Histoire ancienne des peuples de
l'Orient classique, 11, p. 430 n. 4, 431 n. 2, 456. apud GSELL,
Herodote p. 70 n.
2.
6)
Genese, X, 13. Lehabim est indique cornme un des fils de Mesraim.
Pour l'identite du nom avec celui des Libyens, cf. JOSEPHE,
An t. J u d., I, 6, 2.
7) I I Ch r 0 n ., 1 2, 3; i bid.
16 , 8; Na hum, 3, 9; Dani el, 11, 43. Le
mot a ete traduitl\\d~ue.~ (Libyes) par les Septante.

539
11 semble que la connaissance de ce peuple par les Grecs ait
ete faite de la meme maniere, c'est-a-dire par l'intermediaire
toujours de l'Egypte, a moins
qu'ils n'apprirent
directement
leur nom quand ils vinrent en Cyrenaique au VIle siecle ay. J.C.,
car les deux mentions de / \\ '-~ V'r)
dans 1 'Odyssee ne datent
peut-etre pas d'une epoque plus ancienne (1).
Quant au nom "Lebou", quoique des surnoms de peuples
soient donnes par leurs voisins dans la langue de ces dernicrs,
cependant, on suppose qu'il appartient plut6t au libyque, c'est-
a-dire l'ancienne langue berbere (2).
1)
Odyssee IV, 85 et XIV,
295. Selon St. GSELL, d'ailleurs, rien
n'empeche d'admettre que des Grecs aient aborde au pays des
Lebou avant la periode de colonisation. Cf. GSELL, Herodote,
op. c it. p. 70, n. 5.
2) Cf. DEMETRIUS J. GEORGACAS, The Names for the African Continent:
,
- LIBYA, AFRICA, AETHIOPIA, and con eners, Gnlverslty
o
Nort
Da ota, Gran
For's
USA, p. 339.

r - - - - - - - -
-
-
-
- - -
540
n.
LIBYA =
L'AFRI QUE SEPTENTRIONALE
Dans un sens semi-large, LIBYA designe l'Afrique du Nord dans
son ensemble, a l'exlusion de l'Egypte, consideree comme une province de
l'Asie. Done la libye represente ici la portion-Nord du continent africain,
par opposition a la portion-Sud, qui est l'Ethiopie.
Des trois accept ions du terme, cette utilisation est la moins
frequente : d'une part, elle enregistre seulement 10 (dix) mentions, ce qui
represente 9 %de l'ernploi de LIBYA au sens toponymique ; diautre part,
S (cinq) auteurs seulement en font usage, ce qui represente 28 %de
I' effectif.
Sur la Libye entendue cornme telle, les informations sont tres
maigres. A part les quelques mentions de cette entite ici ou la, ce qu'il
convient de retenir comme caracteristique principale, c'est l'identification
de cette Libye a FUrH fils de C~1.
. lA LIBYE = FlJlH
Suivant la tradition adoptee par Ies commentateurs de l'Ecriture
Sainte a propos de Genese 10,6 , qui enumere les fils de C~1, quatre
auteurs savoir ANGELCME, RABAl\\J MAUR, FRECULF et ID1Y D'AUXERRE, identifient
unanimement la Libye a FlIT (ou PHlIT), un des quatre fils de CHAJ,1.
Corrnnentant en effet le verset 6 : " Les fils de COOl sont : CHUS,
MESRAIM, FVf et CHANAA.N ", ANGELCME et FRECULF glosent : " Auj ourd; hui encore,
disent-ils, les Hebreux appellent l'Ethiopie CHUS, l'Eg)~te ~~SRATh1, et les
Libyens FUT ; de la vient que, jusqu'a present, un fleuve de la ~nuretanie
est nornme FlIT ... ". (1).
- - - - -- -- - - - -
(1) " i FILII CHAM, CHUS et MESRAIM, et FlIT et CHl\\liAAN". COOS hodieque ab
Hebrais Aethiopia mmcupatur, MESRAIM Aegyptus, FUr Libyes, a quo et
Mauri taniae fluvius usque in praesens FUr dici tur. .. "
ANGELOMUS, Cornmentarius in Genesim, ed Migne P.L. t.11S, col. 164 -
FRECULPHUS, CHRONICON, op. cit. col. 934

541
A son tour, RABAN MAUR, auquel ~W D'AUXERRE fait echo dans
presque les memes tennes, commente : " Jusqu'aujourd'hui, les Hebreux
appellent l'Ethiopie CHUS, l'Egypte MESRATIM, et la Libye PHUT; de la vient
que jusqu'a l'heure actuelle, un fleuve de la Mauretanie est nomme PHUT, et
toute la contree qui se trouve .autour de lui, la region Phutienne. De nombreux
auteurs tant grecs que latins l'attestent. C'est pourquoi 1 'ancien nom Libye
est demeure seulement dans la designation d'une partie de la region, tandis
que le reste du pays s' appelle
Afrique" (1).
La source connnune des quatre auteurs est SAINT JERQ\\1E (2) ..
Toutefois, chez RABAN, l'emprunt a JEROME se fait par le biais d'ISIDORE
DE SEVILLE (3).
Quelle valeur peut-on accorder a cette identification de la
Libye a PHUT, personnage de la Bible?
Le tableau du peuplement de la terre dresse par Genese 10, apparait
base moins sur un groupement des peuples selon leurs affinites que sur un
groupement d'apres leurs rapport historiques et geographiques : les descendants
de JAPHET peuplent l'Asie Mineure et les iles de la Mediterranee ; ceux de
CHAM occupent les pays du Sud : Egypte, Ethiopie, Arabie, et Chanaan leur
est rattache en souvenir de la domination egyptienne sur cette contree.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
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(1) " PHUT hodieque ab Hebraeis nuncupatur LIBYA, a quo et 1'-1auretaniae fluvius
usque in praesens PHUT dicitur, omnisque circa regio Phutensis. 1'-rulti
scriptores, tarn Graeci, quam Latini, hujus rei testes sunt. Quare in
una tantum·climatis parte antiquum LIBYAE nomen resederit, et reliqua
terra voeata sit AFRICA, ... "
RABAN Ml\\.UR, Comment. in libro~Il-Paralipomenon, ed. Migae, P.L.
109,
col. 282. - cf. REl'-W D!AUXERRE, Comment. in Gen., ed. Migne P.L.
131
(2) HIE~O~S, Hebr~i~ae
~estio~es in Genesim~O~ , dans Corpus
ChrlstlanoTUm, serle Latlna, LXXII, Turnhout lBelgique), 1959.
(3) ISID. Etym. IX,2,11.

542
Les rapports historiques et geographiques entre l'Egypte et la Libye expli-
quent egalement, a notre avis, pourquoi l'auteur sacre fait de LEHABIM
(ou LEHAB) W1 des fils de M1RCRAY1M (1).
"LEHABIM" ou "LOUB1M", avions-nous dit plus haut, est l'appellation
hebraique des "LEBOU", peuple mentionne dans les documents egyptiens, et que
les Hebreux connurent par l'intermediaire de l'Egypte. Dans les
Antiquites Juives, l'historien juif FLAV1US JOSEPHE (2) identifie
le nom LEHAB1M avec celui des Libyens. Dans la version grecque
de la Bible, 1es Septante egalement traduisent LEHAB1M parAL'~
c'est a dire les Libyens (3).
Enfin,
chez
les
cornmen-
tateurs scripturaires, dont ST JEROME lui-meme, LEHAB1M
(ou LABA1M) est indique comme l'ancetre dont les Libyenstirent
leur origine (4).
Suivant la tradition biblique fondee sur Genese 10,13 ,
ce n'est done pas PHUT, mais plut6t LEHABIM qui est identifie
aux Libyens. Genese 10, du reste, ne mentionne pas de fils a PHUT
ou PUT comme i1 en mentionne a chacun des trois autres freres,
savoir CHUS, M1~RAY1M et CHANAAN. Phut est apparemrnent oublie
dans la table des nations.
Mais a1ors, d'oll vient-il que JEROME identifie les
Libyens avec ce personnage ?
Chez PL1NE l'Ancien (5), un cours d'eau appe1e FUT par
1es indigenes, est mentionne en Mauretanie, et il est separe de
deux cents milles de l'Addiris, nom sous lequel d'apres PL1NE,
les indigenes designent l'Atlas. Dans les Antiquites Juives de
FLAV1US JOSEPHE, contemporain
de PL1NE, le nom apparait sous
la forme
fOliC"
(6).
- - - - - - -
(1)
Genese 10,13
(2)
F. JOSEPHE, Antiquites Juives, 1,6,2.
(3)
11 Chron., 12,3 ; ibid., 16,8 ; Nahum, 3,9 ; Daniel, li, 43.
(4)
"JEROME 10, 13-14 : "Exceptis Labaim,a quibus Libyes postea
nominati sunt. .. " ; 1sid. EtYci.1X,2,19 : ."Filii Mesraim
Labaim, a quo Libyi, qui quon am Phutaei
vocabantur".
(5)
PL1NE,V, 13.
(6)
F. JOSEPHE, Ant. Jud. 1,6,2.

543
PTOLEMEE (1) mentionne ,ew8
au Sud d'''un mont du Soleil"
('H>t~ov 6'r~) qui parait etre la transposItIon grecque
du "promunturium Solis", lequel provient lui-meme du grec
l:o AOE.lCi (2). Comme en general, on identifie le promontoire
2:, o"A E.LS
ou Solis au Cap Cantin, on est porte a identifier
donc le FUT au Tensift, le premier grand oued qui se jette dans
la mer au Sud de ce Cap (3). L'oued Tensift, pense J. DESANGES,
a pu en effet porter un double nom : "Koud"o(.
"pres de son
embouchure, et "FUT" pour l'ensemble de son cours (4). Ainsi,
les "Multi scriptores tarn Graeci quam Latini", autorites sur
qUI JEROME et ses disciples s' appuient pour identifier ll,Afrique
du Nord avec le domaine de PHUT, pourraient bien et re PLINE,
JOSEPHE et PTOLEMEE.
En tout, cas l'identification de la Libye (Afrique
du Nord) et des Libyens a PHUT, fils de CHAM est sans valeur.
Elle est le fruit d'une extrapolation basee sur une similitude
phonetique entre le nom du personnage biblique et celui d'un
cours d'eau de la Mauretanie. Utilisant sa culture profane,
JEROME introduit ici un element de la geographie classique a
cote d'un nom biblique pour montrer la voie ou la possibilite
d'une connaissance du monde en general, et de l'Afrique en
particulier, a travers le texte de la Sainte Bible.
Mais cette identification de la Libye a PHUT ne va pas sans
poser quelque probleme : si les Libyens tirent leur origine
de LEHABIM, fils de MI~RAYIM, peuvent-ils encore tirer leur
origine de PHUT, frere du meme MICRAYIM ? Cette contradiction
n'est qu'apparente pour JEROME qui contourne la difficulte par
cette declaration : "Exceptis Labaim, a quibus Libyes postea
nominati sunt, qui prIus Futhei vocabantur ... " (S)
(1) PTOLEMEE, IV, 1 ,2
(2) cf. J. DESANGES,PLINE, op. cit. p. 132
(3) cf. J. DESANGES, ibid.
(4) cf. J. DESANGES, ibid.
(S)
JEROME, Hebraicae Quaestiones In Gen., op. cit. 10,13,14.

544
Outre l'identification a PHUT, la Libye affecte,
chez RABAN, des traits bibliques et apparait ainsi comme un
pays allie de l'Egypte.
En effet, dans son Commentaire sur EZECHIEL (1),
l'abbe de FULDA cite en ces termes un passage du prophete :
" L'Ethiopie, la Libye, les Lydiens et tous les autres peuples,
et Chub et les fils de l'alliance de la terre tomberont avec
eux par 1 'epee". Bien entendu, il s'agit du verset 5 du cha-
pitre 30 : " le Jour de YAHEE contre l'Egypte ", chapitre qui
s'inscrit lui-meme dans un theme general: les "oracles contre
les Nations". Au jour oD l'epee viendra sur l'Egypte, c'est
a dire quand le chatiment de Dieu s'abattra sur ce pays, ses
"satellites" tels, l'Ethiopie, la Libye et les autres nations,
ne seront pas epargnes, parce que tous sont associes dans
le mal, c'est a dire qu'ils sont ennemis d'Israel.
La prophetie d'EZECHIEL annonce ici l'invasion de
l'Egypte par NABUCHODONOSOR et son armee. Le roi de Babylone
re~oit licence de depouiller l'Egypte, en tant qu'executeur
des chatiments divins. Du fait des relations historiques entre
l'Egypte et la Libye (2) tout comme entre l'Egypte et l'Ethiopie,
ces deux pays sont inclus par le prophete dans le chatiment.
(1 )
RABAN MAUR, Comment. in EZECH.ed. Migne, P.L.t. 110
col. 493-1084.
(2)
Des troupes libyennes et egyptiennes faisaient partie de
l'armee egyptienne a l'epoque pharaonique.

I I I .
LIBYA =
545
:LA PROVINCE DE LIBYE:
Sur les 110 mentions de LIBYA au sens de toponyme, 49
occurrences,soit les 44,5 % de la frequence geographique, pre-
sentent une acception restreinte, dans laquelle Libye s'entend
comme une region particuliere de l'Afrique du Nord, a savoir la
Province de Libye. Quant aux auteurs, tous, soit 100 %, utilisent
le terme dans ce sens restreint. Ce qui signifie que cette der-
niere acception est, pour eux, la plus familiere des trois.
Quelles sont les principales caracteristiques de cette
Libye?
A / ESSAI DE DEFINITION
+ Quatre auteurs,
savoir DICUIL, NENNIUS, RABAN MAUR
et l'ANONYME du De situ orbis, citent nommement la Libye comme
une des provinces de l'Afrique. En effet:
- apres avoir donne les limites et les mesures de la
Gaulalie et de la Mauretanie d'une part, et celles
de la Numidie et de l'Afrique Carthaginoise, d'autre
part, DICUIL en arrive a la Tripolitaine et a la
Libye Cyrenaique avec la Pentapole, en declarant:
"Quant a la mesure de la province Tripolitaine, entre
les deux Syrtes, ainsi que de la Libye Cyrinacia (sic)
ensemble avec sa province Pentapolitaine, je ne les
ai, jusqu'a present, aucunement trouvees decrites
d'apres les envoyes de Theodose" (1).
- Mentionnant en Afrique douze provinces, l'eveque
breton
NENNIUS cite, en tete de liste, la Libye,
suivie de la Cirmi (sic) et de la Pentapole, dont elle
1) "Mensuram Tripolitanae provintiae inter duas Syrtes et mensur~~
Libiae Cyrinaciae cum sua Pentapolitanae provintia nequaquam
adhuc scriptam repperi secundum Theodosii missos." DICUIL, op.
cit. "Ill, 4, p. 54.

546
est distincte; viennent ensuite les neuf autres pro-
vinces, citees pele-mele, certaines, sous des appel-
lations aberrantes, avec en cloture de liste, les
deux Syrtes, dont il fai t deux provinces r:espectives(1).
- Compilant ISIDORE DE SEVILLE, RABAN, pour sa part, cite
d'Est en Ouest, neuf provinces, avec en tete de liste
la "Libye Cyreneenne", qui est, dit-il, la premiere
province africaine (du cote oriental).
(2).
Enfin, compilant egalement ISIDORE, I 'ANONYME cite ne-
anmoins dix provinces, avec en premier lieu, la Libye,
qu'il distingue de la Cirensis (sic) et de la- Penta-
pole (3).
+ D'apres
la situation geographique, la Libye, definie
par rapport a l'Egypte, apparait comme la region limitrophe de
l'Egypte, a l'Ouest. Ainsi en est-il chez DICUIL, RABAN, l'ANONYME
du De situ orbis et REMY D'AUXERRE, qui, to us les quatre, bornent
1 'Egypte Inferi eur e (la Bass e- Egypte) par la Li bye, a l' occident (4) .
crest le cas aussi chez Alfred le Grand, qui affirme: "A l'Orient,
l'Afrique commence, avions-nous dit, vers l'ouest de l'Egypte, au
Nil. Vient ensuite sa region la plus orientale, qui s'appelle
Lybie Cyrenaique." (5)
1) "In Africa sunt provintiae XII: Libya, Cirmi
ijicJ, Pentapolis,
Aethiopia, Tripolitana, Byzantia, Getulia, Natabria, Numidia,
Samaria, Syrtes, Majores et Minores."
NE NNIUS, His t. Br i ton urn, 0 p. c i t.
I, c. XI I, p. 58 .
2) "[Africa] h~bens provincias Libyam Crrenensem, Pentapolim.,
Tripolim, Byzancium, Cartaginem, Numldiam, Mauritaniam) Siti-
fensem, Mauritaniam Tingitanam, et circa solis ardorem Aethi-
opiam."
RABAN ~AUR, De Universo, op. cit. col. 351.
3) "[Africa] habens provincias Lybiam, Cirensem, Pentapolim etc."
ANONn1E, De situ orbis, op. cit. 11, p. 61.
- ISID. ~. XIV, 4, 3.
4) DICUIL, op. cit. IV, 1, p. 54; RABAN MAUR, De Universo, op. cit.
col. 342; ANONYME De situ orbis, op. cit. I, 4, p. 5; REMY
D'AUXERRE VI, 336.5 p. 155.
5) ALFRED, op. cit. I, p. 33; 1,30, p. 59.

548
+
Mais, comme province, la Libye affiche des traits
fluctuants : elle s'entend, tantot comme la partie de la region
qui touche directement a l'Egypte, et qu'on appelle Libye
Mareotis; tantot comme cette region ajoutee au territoire de la
colonie grecque de Cyrene, et qu'on appelle Libye Cyrenaique ou
Libye tout court; tantot enfin, et de fa~on impropre, comme la
Province d'Afrique romaine.
A travers la description que les auteurs nous en donnent,
voyons comment se preci sent done les t rai t s de cet te prov·ince.
B / DESCRIPTION DE LA PROVINCE DE LIBYE
1 / LA LIBYE MAREOTIS
Au lieu d'une description, elle est seulement mentionnee
par trois auteurs:
- d'abord, par l'ANONYME du De situ orbis, qui decrit
ainsi l'Egypte superieure (ou Haute-Egypte): "Quant a sa partie
superieure, voisine de l'Ethiopie, elle possede beaucoup de pre-
fectures de vi lIes qu' on appelle nomes; parmi
elles sont Menelaitis,
la region d'Alexandrie, et Mareotis, celle de la Libye." (1)
- ensui te par BONIFACE et ANASTASE qui, evoquant
I 'histoi-
re de St. Menna, martyr ,parlent de
I' eg I i se ou du sane tua ire de ce
saint, qui fait la gloire de toute la Libye (2).
- Enfin, par GERBERT pour qUI le deuxieme climat, apres
aVOIr traverse plusieurs pays, passe au sud vers les grands de-
serts de Sodome et de Gomorrhe, passe ensuite par Alexandrie
1) ANONYME, De situ orbis, 11, p. 64: "Summa autem ejus pars
contermina Aethloplae
multas oppidorum praefecturas habet,
quas nemos [nomos] vocant, inter quas Menelaitem Alexandria
e regione item Libyae Mareotin."
2) BONIFATIUS et ANASTASIUS, Sanctorum martyrum C ri et Johannis
laudes et miracula LXX, Scrlptore SSophorii6
, Int~rpretl us
Boriifat-io et
Anast"asio. - A. Mai, Spicil. III (1840), c. 46
p. 487

549
d'Egypte, chez les peuples de la Libye, par l'Egypte inferieure,
et ainsi s'etend a travers la Tripolitaine jusqu'a la Mauretanie et
a l'Ocean, en Occident (1).
DICUIL se contehte de mentionner la Libye Cyrenaique
et la Pentapole ensemble, en declarant qu'il n'a nulle part
trouvees decrites leurs mesures d'apres les arpenteurs d~
Theodose (2).
Tout en signalant la jonction de la Pentapole a la
Libye cyrenaique, RABAN MAUR donne, cependant, la description de
chacune des deux provinces en ces termes empruntes a ISIDORE:
- "La Libye cyrenaique est la premiere province de
l'Afrique; elle est ainsi appelee de Cyrene, sa ville capitale,
qui est situee sur ses frontieres. Cette contree a l'Egypte a
l'Orient, les Grandes Syrtes et les Troglodytes a l'Occident, la
mer de Libye au septentrion, au Midi, l'Ethiopie, et plusieurs
nations barbares et des deserts inaccessibles, qui produisent des
serpents basilics" (3).
"La Pentapole, poursui t-il, est ainsi nommee, en grec,
de ses cinq villes, qui sont: Cyrene, Berenice de Ceutria, Apollonia
et Ptolemais. Berenice et Ptolemais ont ete ainsi appelees du nom
des rois qui y ont regne. Au reste la Pentapole est jointe a la
Libye Cyrenaique, et elle est comptee dans les memes frontieres(4).
1) GERBERT, op. cit. p. 144.
2) D1CU IL, op. c i t. 1 II, 4, p. 54.
3) et 4) "Libya Cyrenensis in parte Africae prima est a Cyrene
urbe metropoli, quae est in ejus finibus nuncupata. Huic ab
oriente Aegyptus est, ab occasu Syrtes majores et Troglodytae,
a septentrione mare Libycurn, a meridie Aethiopia et barbarorum
variae nationes et solitudines inaccessibiles, quae etiam basi-
liscos serpentes creant. Pentapolis Graeca lingua a quinque ur-
bibus nuncupata, id est Cyrene, Berenice de Ceutria, Apollonia,
Ptolomais, ex quibus Ptolomais et Berenice a regibus nominatae
sunt. Est autem Pentapolis Libyae Cyrenensi adjuncta et in ejus
finibus deputata."
.
RABAN MAUR, De universo, op. cit. col. 351
- ISID. Etym. XIV, 5, 4-5.

5:10
Au I ieu de la Li bye Cyrenaiq ue, I' ANONYME du De situ orbis·
emploie quant a lui l'expression "la region de la Cyrenafque" en
empruntant a MARTIANUS CAPELLA, sa description. " ... Enfin, dit-il,
la region de la Cyrenaique qui est aussi celle de la Pentapole,
fameuse a cause de l'Oracle d'Ammon, eloignee de Cyrene de quatre
cents milles.
Ici il y a surtout cinq villes: Berenice, Arsinoe,
Ptolomaida, Apollonia et Cyrene elle-meme. Mais Berenice, situee
sur la pointe extreme de la Syrte ou sont les Jardins des Hespe-
rides, le fleuve Leton et le bois sacre, est eloignee de Leptis
de trois cent soixante-quinze milles, et plus loin, en vingt-
deux milles, Ptolomais ... " (1).
Dans son commentaire de MARTIANUS CAPELLA, d'abord,
REMY D'AUXERRE explique d'une part "Cirenaica regio" et d'autre
part, "Pentapolitana (regio)": la premiere expression designe
d' apres lui, la "region qui depend de Cyrene, ville ainsi denom-
mee d'apres sa reine"; la seconde expression signifie: "la
region des cinq villes" (2).
1) "Tun c Cyrenaica regio; eadem est Pentapoli tana Ammonis oraculo
memorata. Urbes maximae ibi quinque Berenicae, Arsinoe, Tho-
lomaida, Apollonia ipsaque Cirenae. Berenice autem in extremo
Syrtis cornu, ubi Aesperidum orti, fluvius Loeton, lucus
sacer, abest a Lepti trecentis septuaginta quinque milibus et
deinceps Tolomais viginti duobus,
... "
ANONYMUS De situ orbis, op. cit. 11, p. 60.
- MARTIANUS CAP. VI, 673.
2) "CIRENAICA REGIO a Cirene civitate quae a regina ejusdem nomi-
nis dicta est. Pentapolitana quinque civitatum regio. Ammonis
Jovis Libici qui in Libia in arena apparuit, quae Ammon Grece
dicitur."
REMY D'AUXERRE, op. cit. VI, 334, 3 p. 154.

551
Pour ensuite expliquer la genese du surnom "Ammonis
Jovis Libici" donne a Jupiter, REMY evoque la legende de l'appa-
rition de ce dernier dans les sables de Libye: Dionysius (ou
Bacchus), dit-il, ayant assujeti l'Inde, s'en retournait chez
lui, avec son armee, a travers l'Ethiopie. Comme ses hommes
mouraient de soif, Dionysius done implora le secours
de Jupiter,
son pere, qui lui apparut, dans les sables de Libye, d'abord
sous la forme d'un belier, lequel disparut pour laisser ensuite
apparaltre une source d'eau vive. De la vient qu'on l'appela
"Jupiter-Hammon", c'est-a-dire "des sables", du fait qu'il etait
apparu dans les sables de Libye. C'est pourquoi, conclut-il, a
cet endroit, on lui batit un temple celebre ...
(1). Par ailleurs,
commentant le sobriquet "Bromius" donne a Bacchus a raison de
son penchant orgiaque, REMY en vient a parler des "sables chauds
et brulants de Libye", a identifier la Libye a l'Afrique, d'une
part, et d'autre part, a la qualifier de "regions qui abondent
en serpents" (2).
Enfin, chez GERBERT, la Libye Cyrenaique est seule-
ment mentionnee comme l'une des regions, ou passe le troisieme
cl ima t
(3).
1) "Hammon ipse est Jovis Liby cus. Fabula talis est: Dionisius
post subjectam Indiam cum per Aethiopiam reverteretur et
exercitus ejus siti laboraret, invocabit Jovem patrem suum.
Mox illis aries quidam apparuit quem cum insequerentur evanes-
cente ariete, fons visus est, unde intellexerunt Jovem sibi
apparuisse et Hammonem eum vocaverunt, id est arenarium, quod
in arenis Lybiae eis apparuerit. Ubi etiam templum illi fabri-
catum est centum aris famosum ... "
REMY D'AUXERRE, op. cit. 11, 67, 1 p. 186.
2) " ... Haec autem adducitur ex arenis anhelantis Libiae id est
ferventis et aestuantis. Putabat enim earn esse de Lybia vel
AFRICA, quae sunt regiones abundantes serpentibus,
... "
REMY DrAUXERRE, op. cit. IV, 153, 10 p. 17.
3) "Initium tertii climatis est in Oriente ab Oceano ... Damascum,
t ran s i tque mare Mortuum et part irn Li byam Cyrena icam, et sic per
diversos partium terminos, quo
longum est edicere, usque ad
Oceanum Occidentis protensa finitur."
GERBERT, op. cit. p. 144.

552
Chez deux auteurs, savoir FRECULF et DUNGAL, LIBYA,
mentionnee par usurpation de sens a la place d'AFRICA, designe
plut6t la Province d'Afrique romaine au lieu de celle de Libye.
Cette application abusive du sens provincial de Libya s'observe
uniquement dans l'evocation de quelques faits historiques
empruntes par les auteurs en question a des ecrits d'origine
grecque.
Ainsi FRECULF, parlant de la revolte juive qui eclata
en Afrique, sous l'empereur Trajan, affirme que "les Juifs
combattirent farouchement les habitants a travers toute la ,
Libye" (1). Ailleurs, evoquant le triomphe de ltempereur Cons tan-
tin, devenu, au IVe s. ap. J.C., le seul maitre dans l'Empire
romain, il dit que grace a la protection de Dieu, il (Constant in)
s'est rendu maitre de l'Europe enticre, de la Libye et de la plus
grande partie de l'Asie (2). De l'empereur Gratien, fils de Valen-
tinien, l'eveque de Lisieux dit aussi qu'en plus de l'Europe, dont
il detenait le sceptre imperial, a la mort de son pere, il obtint
encore le gouvernement de l'Asie et de la Libye; du fait que
Valence n'avait pas laisse d'heritiers a sa mort (3). Enfin, a
propos de Belizaire, general de l'empereur byzantin Justinien, le
meme eveque raconte qu'envoye en mission dans le Sud avec son
armee, il detruisit l'Etat Vanclale
et rattacha la Libye a l'en-
semble de l'Empire (4).
1) "[Trajanus] sub quo Judaei in se.ditionem versi, uno tempore,
quasi rabie efferati, per diversas terrarum partes exarserunt.
Nam et per totam Libyam adversus incolas atrocissima bella ges-
serunt." FRECULPHUS, op. cit. col. 1153.
- aROSE, 7, 12, 6.
2) "Hae igitur optimus imperator [Constantinus] pietate decoratus
egit,
... Quapter et ipse divina protectione POtlUS est et
Europam universam, atque Libyam, super has etiam maximam Asiae
partem tenens,
... " FRECULPHUS, op. cit. col. 1200.
- EUSEBIUS, Hist. Tripartita, 3, 3.
3) "Porro Gratianus, Valentiniani filius,
cum dudum patre defuncto
Europae sceptrum tenuisset, defun cto etiam Valente sine sobole
Asia quoque Libyae que regna suscepit;"
FRECULPHUS, op. cit. col. 1221. -(EUSEBIUS, Hist.Tripartita,9,4.)
4)
"lBelesarius] qui, favente Domino ... Wandalos superavit
Libyamquead corpus totius
reipublicae jungens, Wandalorum
gentem delevit." FRECULF. col. 1252.
- JORDh~ES, De regnorum successione, 241, 42.

553
Enfin, dans son Liber adversus Claudium (1), DUNGAL
SCOTT, louangeant Saint Cyprien, eveque de Carthage, mort sous
la persecution de Diocletien, ecrit: "Et la puissante Carthage
se rejouit en Cyprien, son martyr; a partir de sa bouche en
meme temps que de son sang, de l'eau abondante feconda les
sables de la Libye aride" (2).
+
+
+
Le caractere complexe de la province de Libye, tel
qu'il apparait a travers les indications des auteurs, appelle
ici un bref commentaire.
Au sens restreint ou specialise, la Libye est consti-
tuee par la partie de la region qui s'appelle "Libya Mareotis" (3)
et qui est aux frontieres de l'Egypte. Elle est detenue par les
Marmarides, les Adyrmachides, ensuite les Mar&otes, cornme l'ecrit
PLINE l'ANCIEN (4). C'est, a l'origine, le pays' des Lebous. Cette
region, Oll se trouve Ammon, est parfois appelee "Libye exte-
rieure" afin de la distinguer de la "Libye interieure" quis'etend
plus largement, et que lIon dit deserte, inhabitee. Au sens tres
etroit donc, cette Libye qui touche l'Egypte, ou plutet sa partie
bordant la Mer Mediterranee,
est consideree comme un nome
(province) egyptien (5).
1) DUNGALUS SCOTTUS, Liber adversus Claudium Taurinensem, ed.
Migne, P.L. t. 105 col. 465-530.
2) "At Carthago potens Cypriano martyre gaudet, cujus ex ore
simul profusi et sanguine fontes fecundaverunt Libyae sitientis
arenas."
DUNGALUS 5COTTU5, Liber adversus Claudium Taurin., op. cit.
col. 515.
3)
"Mareotis" est un adjectif employe par PLINE l'ANCIEN (V,62-63,
XIV, 39). 11 est forme sur le nom de la ville de Marea (Kern el-
Idris pres de Mergheb) [Cf. J. Desanges, Pline, op. cit.p.41lV
sise sur une petite presqu'ile qui s'avan~ait vers la rive Qeri-
dionale du "Mareotis lacus" et chef-lieu d'un nome (PTOLEMEE,
IV,S, 4).
4)
P L I NE, V,
62.
5) PTOLEMEE, IV,S, 4.

554
Ainsi la Libye proprement dite se trouve-t-elle entre
l'Egypte et la Cyrenaique.
La Cyrenaique en revanche est, a l'origine, la colonie
grecque situee a l'ouest de l'Egypte, ou plus precisement, entre
la Lipye Mareotis et le golfe de la Grande Syrte, et dont Cyrene
est la capitale. Elle comprend essentiellement le plateau de
Barka (ou Barca), d'une altitude moyenne de 500 metres. Sur ce
plateau sont les cinq villes qui forment la Pentapole, dont le
nom est souvent utilise pour designer la region entiere. Ces cinq
villes sont: Cyrene, Barca (Ptolemais ou Tolmeita), ArsinDe
(Taukra), Berenice (Ben-Ghazi) et Apollonia (Marsa Sousa) ."A l'in-
terieur des terres, les limites de la Cyrenaique sont indecises,
etant formees par le desert de Libye; a l'est, la frontiere est
marquee par une grande depression appelee Catabathmos (La Grande
Chersonese, Ras et Tin), a l'ouest, elle est marquee par les
autels des Philenes, a l'angle oriental de la Grande Syrte. La
partie essentielle est la cote, divisee en deux parties par le
promontoire Boreum (Ras Teyonas, au sud de Ben-Ghazi) ; a l'est
de ce cap est la Pentapole (1).
Sans evoquer l'histoire tres
troublee de la Cyrenaique,
rappelons simplement qu'en 322 ay. J.C., la Cyrenaique devint
une dependance de l'Egypte Ptolemaique. En 117, elle fut erigee
en royaume au profit d'un b6tard de PTOLEMEE PHYSCON, du nom
d' APION. A sa mort en 95 ou 96, APION
legua son royaume aux
Romains, qui reduisirent la Cyrenaique en province a la suite de
querelles intestines entre les cites (2). Sous l'administration
romaine, la Libye Mareotis est adjointe a la Cyrenaique, formant
ainsi une entite appelee tantot "Libye" (3), tant6t "Cyrenaique"(4).
Par consequent elle est appelee aussi "Libye Cyrenaique" (5)
1) et 2) Cf. La Grande Encyclopedie, T. 13, ed. H. Lamirault,
Paris, 1885-1902, au mot Cyrenaique, p. 712-713.
3) PLUTARQUE, Brut. 19.
4) APPIEN, B. civ., 4, 57; HORACE, 2, Sat., 3, 10l.
5) OROSE, I, 2, 87; ALFRED le GRAND,
I, 30 p. 59.

555
ou "Libye Cyreneenne" (1). Au lieu de l'expression grecque "Libye
Cyrenaique", PLINE l'ANCIEN (2) utilise l'expression latine
"Afrique Cyrenaique", et est suivi en cela par DICUIL (3), qui,
en outre, emploie l'expression grecque sous la forme "Libya
Cyrinacia" (4). POMPONIUS MELA (5), lui, emploie "Cyrenaique"
tout court. 11 est suivi par l'ANONYME du De situ orbis (6) a
travers MARTIANUS CAPELLA (7).
Sous le regne de l'empereur DIOCLETIEN, la province de
Libye fut divisee en deux: d'une part, la "Libya sicca" (Libye
seche), et d'autre part, la "Libya Pentapolis" (Libye Pent.apole).
Les deux nouvelles provinces etaient administrees independqmment
l'une de l'autre par un conseil, sous la direction du prefet du
pretoire.
Ainsi, outre l'alteration du terme "Cyrenaica" ou
"Cyrenensis" en "Cirmi" chez NENNIUS, en "Cyrinacia" chez DICUIL,
et en "Cirensis" chez l'ANONYME du De situ orbis, les variations
constatees chez les auteurs a propos des limites de la province
de Libye, viennent de ce qu'a travers les sources respectives,les
uns, cornrne NENNIUS et 1 'ANONYME, presentent la Libye dans un
cadre mixte : geographique et admini s t ra t if; tandi s que les autres,
comme DICUIL, RABAN et ALFRED, la presentent plut6t dans un
cadre administratif uniquement. Quant a l' extension ou a la trans-
position de la Libye a la Province d'Afrique ou a l'Afrique Pro-
consulaire, cela est da au fait qu'a l'epoque romaine, lesauteurs
1) RABAN MAUR, De Universo, col. 351.
2) PLINE, V, 38.
3) DI CUI L, VI I, 34 p. 82 (C f.
SO LIN 27, 16-1 8) .
4) DICUIL, III, 4 p. 54.
5) MELA I, 39.
6) ANONYME De situ orbis, 11, p. 60.
7) MARTIANUS CAPEL. VI, 673.

556
grecs
(FRECULF utilise directement ou indirectement des materiaux
provenant de l'eveque grec EUSEBE de CESAREE, tandis que DUNGAL
imite quelque poete grec ) , lorsqu'ils rencontraient le nom
Africa dans les sources latines, le traduisaient par Libya.
L'oracle du dieu-belier AMMON ou HAMMON
de I 'oasis de
Syouah est sans doute la principale caracteristique de la province
de Libye. Cet oracle dont elle tirait sa renomrnee fut a l'origine
une sorte de succursale de I' oracle du dieu egyptien AMON de
Thebes (1). En tout cas, il paralt bien avoir ete plutot de carac- .
tere egyptien que grec. Le roi CRESUS le consulta en 549 av.J.C.(2).
Toutefois il dut sa celebrite a la visite d'ALEXANDRE LE GRAND(3).
Les Cyreneens prirent tot l'habitude de se rendre en " p el er inage"
au sanctuaire de Syouah, lieu presume de l'apparition de JUPITER-
AMMON. PLINE evalue a 400 milles, soit environ 592 km, la dis-
tance qui separe Cyrene de l'oracle.
C / QUELQUES INDICATIONS SUR LA FAUNE DE LA PROVINCE DE LIBYE
Trois auteurs, a savoir DICUIL, l'ANONYME du De situ
orbis et REMY D'AUXERRE, donnent quelques indications relatives
a la faune de la province de Libye.
Designant ici la Libye sous l'appellation d'Afrique
Cyrenalque, DICUIL y mentionne la hyene et le lion, dont la
description qu'il en donne confere a cette region un caractere
des plus pittoresques.
a)
Lahyene
De cet animal, le moine irlandais donne la peinture
1) Cf. F. CHAMOUX, Cyrene, p. 333-334; cf. J. DESANGES, Pline,
p.351.
2) HERODOTE, I, 46.
3) ARRIEN, Anab., Ill, 3, 1-5; PLUT., Alex., 26-27.

suivante (1)
: "ll y a un autre animal en Afrique Cyrenaique, qui
ne se rencontre nulle part. De lui, le meme auteur (SOLIN) parle
longuement dans un passage precedent: "L'Afrique produit aussi
l'hyene, dont le cou et l'epine dorsale forment une unite rigide
et continue: elle ne peut se tourner que par une rotation du
corps tout entier. On raconte maintes merveilles a son sujet.
D'abord, qu'elle recherche les fermes ou gftent les bergers, et
qu'en ecoutant continuellement ceux-ci, elle apprend leurs noms
pour pouvoir les reproduire en imitant la voix humaine, cela
afin d'attaquer, la nuit, les hommes qu'elle a reussi a faire
sortir dehors par ruse. On dit aussi qu'elle imite le vomissement
de l'homme, et qu'en faisant semblant de vomir, elle reussit
ainsi a attirer les chiens qu'elle devore. Si par hasard, en la
chassant, les chiens, dans leur poursuite, sont au contact de
son ombre, ils perdent la voix et ne peuvent plus aboyer~"
"La meme hyene, poursuit-il, fouille les tombes pour en
deterrer les cadavres. En outre, il est plus facile de prendre
le male; les femelles sont beaucoup plus rusees. Les yeux de la
hyene ont mille varietes et mille changements de couleurs. Dans
leurs pupilles se trouve une pierre appelee la "pierre de la
hyene", et qui possede un pouvoir tel que si on- la place sous la
langue d'un homme, il peut predire l'avenir. Bien sur, tout ani-
mal, dont la hyene fait trois fois le tour, reste fige sur place;
c'est pour cette raison qu'on a Jit qu'elle possede la science
de la magie"".
1) "Est aliud animal in Africa Cirinacia quod in alia terra fieri
non legimus. De quo idem ita longe ante infit: "Hienam quoque
mitt it Africa, cui cum spina riget collum continua unitate;
flectit non nisi toto corporis circumactu. Multa de ea mira.
Primum, quod sequitur stabula pastorum et auditu assiduo
addiscit vocamen quo exprimere possit imitationem vocis huma-
nae, ut in hominem astu accitum nocte seviat. Vomitus quoque
humanos mentitur falsisque singultibus sollicitatos canes sic
devorat; qui forte si venantes umbram
eju5 dum secuntur
contigerint, latrare nequeunt_ voce perdita."
"Eadem hiena inquisitione corporum sepultorum busta eruit. Pre-
terea promptius est marem capere; feminis enim ingenita est cal-
lidior astutia. Varietas multiplex inest oculis colorumque
motatio. In cujus populis lapis [hieniaJ invenitur (hieniam
dicunt), praeditum ilIa potestate ut cujus hominis lingae fuerit
subdi tus praedicat futura. Verum hiena quodcumque animal ter lus-
traverit movere se non potest; quapropter magicam scientiam
inesse ei pronuntiaverunt."
DICUIL, op. cit. VI, 33-34 p. 68.

558
.1
_
Le nom de la hyene, (,/0(,)10('
en grec, est fonne sur {;(
a cause de sa ressemblance avec le porc (1). Comme animal,. la
hyene est connue d'HERODOTE (2); cependant, les principaux traits
sous lesquels DICUIL nous la peint ici proviennent d'ARRIEN (3),
par l'intermediaire de PLINE (4), dont est tributaire SOLIN (5),
la source du moine irlandais. A propos de la continuite de l'eplne
dorsale de la hyene, il est seulement dit chez ARRIEN, que la
criniere de la bete, faite de poils epais et durs, se prolonge
tout le long de l'echine. Au nombre des fables,
il faut ranger ici
plusieurs details de la description de la hyene, tels: l'imitation
du langage humain et
le
fait
d'apprendre le nom des bergers
afin d'attaquer ces derniers; la paralysie des animaux dont elle
a fait trois fois le tour; l'aphonie qu'exerce son ombre, etc.
La hyene a donne lieu a d'autres fables dontcelle d'avoir deux
sexes. En effet, on croyait qu'elle est alternativement, chaque
annee, tant6t male, tant6t femelle, et qu'elle engendre sans
male (6). Outre les fables, la hyene a egalement donne lieu a
une serie de superstitions dont l'une est la paralysie des ani-
maux dont elle a fait trois fois le tour (7).
b) Les Lions
Sur les lions, le mOlne irlandais ecrit: "Le meme SOLIN
rapporte ceci a propos de l'Afrique Cyrenaique et de ses lions:
"Les lions, par deviation, s'accouplent non seulement entre eux,
mais aussi avec les lynx, les chameaux, les elephants, les
rhinoceros et les tigres. Et les lionnes, a leur premiere portee,
mettent bas cinq petits, et ensuite ce nombre decrolt de un a
1) Cf. A. ERNOUT, Pline l'Ancien, 1. VIII, op. cit. p. 138.
2) HERODOTE,
IV, 192.
3) ARR I EN, VI I I,
5,
2.
4)
PLINE l'ANCIEN VIII, 105-106.
5 )
SO L IN, 2 7, 23- 2 6 .
6) PLINE, VIII, 105.
7) Concernant les superstitions auxquelles la hyene a donne lieu,
voir P.W. Suppl. IV, 761 et.suiv.

559
chaque portee dans les annees suivantes, et en fin de compte,
quand leur fertilite est tombee a un (petit), elles deviennent
steriles pour toujours. On connait l'age du lion d'apres son
front et sa queue, comrne on comprend les sentiments du cheval
a ses oreilles'~ (1).
SOLIN (2), que cite de nouveau DICUIL, se ren~re a PLINE (3).
PLINE, lui, attribue a ARISTOTE ce qui est dit sur la fecondite
de la lionne. Notons que cette fable se trouve aussi dans
HERODOTE (4). ARRIEN (5) la refute:
"La lionne, dit-il, met bas
au printemps, ordinairement deux petits, au maximum six, ·parfois
un seul. .. " Un peu plus loin, il ajoute cependant: " ... les
lionnes de Syrie mettent bas cinq fois, une premiere fois cinq
petits, puis diminuant d'un chaque fois; apres cela, elle~ de-
viennent steriles".
Quant aux accouplements contre-nature entre les lions
et les autres especes comme le lynx, le chameau, l'elephant, le
rhinoceros ou le tigre, PLINE - ni SOLIN d'ailleurs - ne precise
qu'ils ant lieu en Cyrenaique, comme l'affirme pICUIL. PLINE
parle seulement de l'Afrique comrne le principal theatre de ces
dereglements sexuels entre animaux. Le manque d'eau, dit-il,
1) "Idem Julius de Africa Cirenaica et leonibus illius his verbis
locutus: Leones aversi coeunt, nec ipsi tantum, sed et linces
et cameli et elephanti et rinocerotes et tigres. Et
leenae
fetu prima catulos quinque educant, deinde per singulos nume-
rum demunt insequentibus annis et postremo cum ad unum materna
fecunditas advenerit sterilescurrt in aeternum. Annos leonum
frons et cauda indicant, sicut motus equini auribus intelligun-
tur."
DICUIL, Ope cit. VII, 34, p. 82.
- SOLIN, 27, 16-18.
2) SOLIN, 27, 16-18.
3) PLINE VIII, 45.
4) HERODOTE Ill, 108.
5) ARRIEN, VI, 31 et suiv.

560
y rassemble les betes au bord de quelques rivieres. D'ou on y
voit naitre des hybrides aux nombreuses formes, selon les
accouple-
ments divers qui me lent de gre ou de force les femelles atix
males. Ce qui justifie, selon lui, le proverbe grec: "L'Afrique
apporte toujours quelque chose de nouveau" (1).
c) Les Serpents
REMY D'AUXERRE presente la Libye comme une regIon ou
abondent les serpents. Ces betes vont jusqu'a caracteriser pour
ainsi dire deux populations, les Marsi et les Psylles, chez
lesquelles la nature, nous dit REMY, a place leur siege. La pre-
sence des serpents semble avoir entierement immunise ces papula-
tions contre le venin et les poisons. Pour savoir SI leurs en-
fants sont bien d'eux, les Psylles pratiquent une curieuse cou-
tume:
ils exposent leurs nouveaux-nes aux serpents; si l'enfant
est veritablement de son pere presume, c'est-a-dire, de la race
psylle, la piqure de serpent est sans effet sur lui; mais s'il est
le fruit d'un adultere, il succombe (2).
1) PLINE VIII, 42.
2) " ... Lybia vel Africa, quae sunt regiones abundantes serpentibus ...
Apud Afros enim sunt Marsi et Psylli quibus in media venenorum
et serpentum natura sedem dedit nec tamen nocent eis serpentes,
qui etiam de se natos filios serpentibus obiciunt et si de
semine Psyllorum fuerit cum pupugerit aspis, nihil nocet, si
vero adulterinus, mox percussus interit."
REMY D' AUXERRE, op. c it. IV, 153, 10 p. 17 .

561
Q U AT R I E MEP ART I E
LET ERn E
A E T H lOP I A

562
P L A N
D D
C H A PIT R E
A E T H lOP I A
I.
INTRODUCTION
564
tableau des auteurs
.................. 567
11.
AETHIOPIA
AD
SENS
GEOGRAPHIQUE
................ 569
A. Definition de l'Ethiopie
...................... 570
1. L'Ethiopie : une region de l'Afrique
••..•••
570
a. Portion meridionale du continent africain •
571
b. Region sub-egyptienne
•••.•••..•••••.••••
572
c. Cote ouest del' Afrique
•••.••••...•.••••
574
2. L'Ethiopie = une region extra-africaine
••••
575
3. L'Ethiopie =
Coush
•.•••..••••••••.•
576
0
• • • • • •
B. Description de l'Ethiopie
• • • • • • • • • • • • • • • • • • •-..
579
1. Description physique
• • • o . • •
• • • • • • • • • • • • • • •
579
2. Les iles
... ................................ 583
3. Les eaux
................................... 584
4. Flore et faune
• • • . • . • • • • • . • • • • • • . . • • • • • • • • •
585
- la flore
a, f e rul e
•.••
585
0

0











b. ebenier
••••...•..••.•..•
586
c. cannelle
•••••.••••••••••
586
- le s quadrupede s
1. ehorococte
. • • • . • . ••
587
2. rhinoceros
•••••••••
588
3.--girafe
••.••••.•.•••
590
4. loup
• . • • . . . . • • . . • • •
591
- les serpents
1. dragon
• • • . . . • • • . . • • . .•• •
593
~
2. basilic
.•...•••.•...••••
597
-
l~ fc:Jvr"..;
Q.e.
'e..s
Q·I~e.~U'K
• •
. . . . . . .
• • •



. . .
• • • • •
600
5. Minerais
a. la pierre des dragons
••.
601
0


• •

• • •
• •
• • • • •
b. la hyacinthe
•••••...•........••.••....•
601
c. la chrysoprase
.•.•.•.•••. '0 •••••••••••••
602
d. la chalcedoine
.•.••..••••••....••.••..••
602
6. Populations
a. Inf orma tions a carac tere classique 604
1. les peuples ~normaux"
• • • • • . • . • • • • • • . . • . . •
604
- &thiopiens Aroteras
•••.•.•.•••..••••
604
_P Erythreens
• • . • • • • • • • . • • . . • • • • • • • • • • •
605
H~~p~riens
••••.••••.••••.•••••••.•••
605
- Troglodytes
• • • • • •• • • • • • . • . • • • • •• •• • •
608
Ichtyophages
•••••••.•.••.••..••••.••
609
Garamantes
.••••••••••••••.••.•••••••
610
Indiens
• • . . . • . • . • • . • . . • • • • • • . . • • . • • •
612
Pamphages et Hini
•..••...•••••••••••
612
Commentaire
•••••••••••••••••••
612
2. les peuple s monstrueux
• • • • • • • • • • • • . • • . • •
613
- Artabatices
••••..•.•••••••.•••••••.•
613
Egipans et Satyre s
• • • • . • . • • . • • • . •• • •
614
Sciopodes
••••..•••••••••.•••••••.•••
616
bo Informations a caractere biblique
616

563
111. AETHIOPIA AD SENS SPIRITUEL OU MORAL
619
A. Les interpretations negatives
.•.•••••.........••
619
1. L'Ethiopie symbole du monde du peche
.•.........•...•
619
2. L'Ethiopie symbole du peuple infidele .. .•.. •.......••
620
B. L'interpretation positive:
Ethiopie la terre des Gentils
. . . . . . . . . . . . . . . . . ..
620

· I
.
56~
lNTRODUCTION
/
A / L'EMPLOI D "AETHIOPIA"
1. MENTIONS ET CONTEXTES
Concernant le terme AETHIOPIA, le depouillement
du corpus a donne 115 (cent quinze) mentions comme frequence.
L'utilisation du terme a lieu dans quatre principaux
contextes qui sont :
- le contexte geographique,
- le contexte historiographique,
- le contexte exegetique,
- enfin, le contexte scientifique.
A travers les informations qui se degagent des
differents contextes, AETHIOPIA presente une double valeur
semantique
a / AETHIOPIA est un toponyme,
qui designe
soit une aire geographique' africaine
a ce titre
il a trois degres d'application :
- tantot, AETHIOPIA designe vaguement la partie
meridionale du continent africain, faisant ainsi pendant a
LIBYA qui designe la partie septentrionale
- tantot, il designe la cote marocaine

565
- tantot encore, il designe la region
sub-egyptienne.
- soit une aire geographique extra-africaine, qui
s'apparente au domaine asiatique. Nous y reviendrons plus
loin.
b /
"AETHIOPIA" est une metaphore, un symbole,
et designe a ce titre
- soit le monde du Mal, du peche, c'est-a-dire,
des infideles et du paganisme ;
- soit le monde des convertis a Dieu, la "Gentilite",
autrement di t.
B / LES AUTEURS
10 (dix) auteurs au total utilisent le terme
AETHIOPIA. Cependant, l'inventaire des occurences enregistrees
par les uns et les autres fait apparaitre des ecarts importants
dans la frequence d'utilisation du terme :
- un auteur, RABAN ~~UR, cumule tout seul, plus
de la moitie des occurences d'AETHIOPIA, soit 51,30 % ;
- un autre, DICUIL, enregistre pour sa part,
18 mentions du terme, so it l'equivalent de 15,65 % de la'
frequence totale ;
- deux autres emploient AETHIOPIA une dizaine de
fois chacun, so it 8,69 % ;
- deux autres comptent 5 a 6 mentions du terme chacun,
soit en moyenne 4,78 %

- deux autres enregistrent 2 a 3 occurences chacun,
so it 2,17 %
- enfin, chez deux autres, AETHIOPIA, n'est
mentionne
qu'une seule fois, ce qui represente 0,86 % de
la mention totale.

PERIODE DU IXe SIECLE
AUTEURS QUI UTILISENT AETHIOPIA
1/4 (800-825)
2/4 (825-850-
3/4 (850-875)
4/4 (875-900)
1 ANGELOME
5 FRECULF
6 ANONYME DE
9 ALFRED LE GRAND
SITU ORBIS
2 DICUIL
7 JEAN SCOT
ERIGENE
3 NENNIUS
8 REMY
D'AUXERRE
4 RABAN MAUR
eft
en
'.1

PERIODE DU Xe SIECLE
AUTEURS QUI UTILISENT AETHIOPIA
1/4 (800-825)
2/4 (825-850)
3/4 (850-875)
4/4 (875-900)
1 GERBERT
Ul
en
00

·
11
.
569
A E T H lOP I A
A U
S ENS
G E 0 G RAP H I QUE
D'apres le resultat statistique, l'acception topon)~que ou
geographique d'AETHIOPIA est de toute evidence la plus usitee et la plus
familiere chez les auteurs. En effet, tous ceux qui mentionnent lete~e, soit
100% de l'effectif, l'emploient clans le sens geographique d'une part, et
d'autre part, sur une frequence totale de lIS mentions, 112 occurences
d'AETHIOPIA affectent la signification geographique, ce qUI correspond
a 97% de 1'utilisation du terme.
AETHIOPIA etant donc, au prime abord, un terme de geographie
physique, a quelle aire s'applique-t-il, chez les auteurs qui l'utilisent ?
Autrernent dit, a quoi correspond l'ETHIOPIE au moyen age? Quelle image en
a-t-on ? Qu'est ce qui la caracterise en tant que region ou contree ?
Les informations recueillies sur l'ETHIOPIE nous la presente sous
une double optique : geographique et historique. D'oD nous examinerons
d'une part, la vision geographique de l'ETHIOPIE, et d'autre part, sa vision
historique.

570
L A
V I S ION
G E 0 G RAP H I QUE
D E
L ' E T H lOP I E
A / DEFINITION DE L'ETHIOPIE
La :defini t ion de I' Ethi op ie comme en t i te geographique
peut etre tentee a deux niveaux: au niveau de la situation'ou
de la localisation de cette region, d'une part, et d'aut~e part,
au niveau de son identification au personnage biblique de Coush.
D'apres sa situation geographique, l'Ethiopie est presen-
tee, chez tous les auteurs, comme une region ou une contree afri-
caine. Cependant, chez un auteur, en l'occurence FRECULF, l'Ethio-
pie parait designer egalement une rffigion asiatique.
Tous les auteurs (soit 100 % de l'effectif) donnent
l'Ethiopie comme une region du continent africain.
Trois auteurs, saVOlr NENNIUS, RABAN et 1 'ANONYME du
De situ orbis, la citent comme une province de l'Afrique, une
province si tuee, selon RABAN et I' ANONYME, a proximi te de I' ardeur
du soleil (1).
Mieux encore, RABAN MAUR nous la definit en ces
termes empruntes a ISIDORE de SEVILLE: "On appelle Ethiopie la
region qui, situee sous le feu du soleil, produit la population
noire" (2), ou encore: "L'Ethiopie est ainsi appelee a cause de
1)
NENNIUS op. cit. I, c. XII, p. 58; " ... et circa solis ardorem
Aethiopiam": RABAN MAUR, De Universo, op. cit. col. 351;
ANONYME De situ orbis, 11, p. 61.
- ISID. Etyrn. XIV, 5, 2.
2) "Aethyopia appellatur regio quae sub ipso ardore solis si ta
nigrum populum gignit": RABAN MAUR, Liber adversus Judaeos,
ed. E. Martene, Thesaurus Anecdotorum, V, 1717, col. 552

571
la couleur de ses habitants que le voisinage du soleil brQle.
La couleur des hommes de cette contree prouve la force de
l'astre; et en effet, il y regne perpetuellement une chaleur
torride, car elle se trouve toute entiere sous l.e "cardine"
(hemi sphere) sud" (1).
Mais l'Ethiopie comme province du continent africain,
se caracterise par une grande fluctuation, clans son application
territoriale. En effet, la contree designee sous ce terme s'appa-
rente tantot
a toute la portion meridionale du continent
africain; tantot a la region du Haut-Nil) c'est-a-dire la Nubie
des Anciens; tantot enfin) a la cote ouest de l'Afrique, plus
precisement, la cote atlantique du Maroc.
a) L'Ethiopie = La portion meridionale du continent
africain
Chez 100 % des auteurs et dans 60,71 % de ,ses occurrences
geographiques ou toponymiques, AETHIOPIA designe, d'une maniere
generale, toute la portion meridionale de l'Afrique par opposi-
tion a sa portion septentrionale, qui est la Libye. C'est en tout
cas ce qui ressort ici dans la delimitation de l'Ethiopie par
les auteurs) particulierement chez DICUIL et RABAN ~~UR.
Repetant PLINE l'ANCIEN, dans une formulation ambigue
et on ne peut plus vague, ou se traduit l'embarras du naturaliste
en personne, DICUIL presente l'Ethiopie comme s'etendant de
l'Orient d'hiver a l'Occident d'hiver (2). Beaucoup plus clair,
RABAN MAUR, a la suite d'ISIDORE de SEVILLE, affirme que le ter-
ritoire de l'Ethiopie s'etend de l'ouest, du mont Atlas vers
1) "Aethiopia dicta a colore populorum, quos solis vicinitas torret.
Denique vim sideris prodit color hominum. Est enim ibi jugis
aestus. Nam quidquid ejus est, sub meridiano cardine est, ... "
RABAN MAUR, De Universo, op. cit. col. 352.
- ISID. Etym., XIV, 5, 14.
2) "Aethiopia ab oriente hiberno ad occidentem hibernum."
DICUIL, op. cit. IV, 3, p. 56. - cf. PLINE, VI, 197.

572
l'Est jusqu'aux frontieres de l'Egypte; et il ajoute qU'elle
est bornee du cote sud par l'Ocean et du cote nord par le Nil (1).
Le "Niger qui engendre le Nil" ou encore, le "Nil ou Geon, qui
vient du Parradis terrestre et qui ceinture toute l' Ethiopie" (2)
apparalt chez les auteurs comme la borne de demarcation (3) entre
les deux blocs antithetiques que constituent l'Ethiopie et la
Libye ou Afrique (Afrique du Nord).
Outre cette acception generale et tres frequente,
l'Ethiopie se prete a des localisations un peu plus precises:
b) L'Ethiopie
la region sub-egyptienne
Chez quatre auteurs - DICUIL, RABAN, l'ANONYMEdu
De situ orbis et GERBERT -, soit 40 % de l'effectif, et dans
33,05 % de l'emploi du terme au sens toponymique ou geographique,
l'Ethiopie designe la region voisine de l'Egypte, c'est-a-dire,
la region du Haut-Nil, a partir de la ville de Syene (Assouan).
Chez DICUIL, cette Ethiopie apparalt comme le prolonge-
ment, voire une sorte d'appendice de l'Egypte. En tout cas,
elle en est la dependance, car, dans son ouvrage, non seulement,
au sommaire, il mentionne l'Egypte et l'Ethiopie ensemble comme
objet du quatrieme chapitre du livre (4), mais encore, dans le
traitement, il ne manque pas d'associer les deux entites dans une
meme mensuration: "D'apres PLINE 1 'ANCIEN, dans son meme ouvrage(5L
ecrit DICUIL, Agrippa
estimait la longueur de l'Egypte superieure
avec son Ethiopie a mille quatre cent soixante-dix milles~et sa
1)"
cujus situs ab occiduo Atlantis montis ad orientem usque in
Aegypti fines porrigitur. A meridie oceano, a septentrione Nilo
fl umine claudi tur ... " RABAN MAUR, De Uni ver so, op. c it. col.
352. - cf. ISID. Etym. XIV, 5,14.
2) et 3) ANGELOME,Comment. in Genesim, col. 130; RABAN MAUR,
De Universo, col. 319; ANONYME, De situ orbis, 11, p. 63.
4) DICUIL, op. cit., Prologue, 6, p. 44: "De Aegypto atque
Aethiopia cum illius insul is" .
5) 11 s'agit de l'Histoire Naturelle, 1. VI, 196.

573
largeur a neuf cent cinquante sept milles (1).
Dans le De Universo, sous l'autorite d'ISIDORE de
SEVILLE, RABAN MAUR distingue deux Ethiopies: l'une du cote de
l'Orient; l'autre du cote de l'Occident, en Mauretanie (2). A
I' Ethiopie entendue comme etant la region sub-egyptienne correspond
done chez l'Abbe de Fulda la premiere Ethiopie, c'est-a-dire
l'orientale, ou pour employer l'expression meme de l'auteur,
l'Ethiopie "circa ortum solis". C'est de toute evidence cette
Ethiopie qui est evoquee par ailleurs, dans le cornrnentaire que
RABAN fait du livre du prophete Ezechiel (3). 11 en etabl.it la
frontiere avec l'Egypte aux environs de Syene (Assouan) {4) ,la oQ
sont les cataractes(5) , dit-il~t oQ le Nil n'est plus navigible:
cette region, il la presente aussi comme infestee de serpents et
autres betes venimeuses (6).
1) "Juxta Plinium Secundum in eodem longitudinem Aegypti supe-
rioris cum sua Aethiopia C decies et quater et semel LXX
passuum, latitudinem Aethiopiae et Aegypti superioris ~u~C~C~C~C~L~V~I~1
passuum Agrippa existimavit."
DICUIL, op. cit. IV, 2, p. 54.
2) "Duae sunt autem Aethiopiae, una circa ortum solis, altera
circa occasum in Mauritania."
RABAN MAUR, De Universo, col. 352. - ex ISID., Etym., XIV, 5,16.
3) Cf. Ezechiel 30.
4) Syene ou Elephantine des Grecs, aujourd'hui Assouan, etait une
ville a l'extreme sud de l'Egypte; elle passait pour etre
pres de la frontiere ethiopienne.
5) 11 s'agit de la premiere cataracte.
6) "'A turre enim Syenes cadent in ea,
quae in extremis terminis
Aegypti, Aethiopiae
Blemmyarumque
confinis est,
ubi
Nilus
innavigabilis, et cataractarum fragor, et omnia invia plenaque
serpentium et venenatorum animantium."
RABAN MAUR, Comment. in Ezech., ed. Migne, P.L. t. 110<:01.808.

574
Chez l'ANONYME du De situ orbis, il est seulement fait
allusion a l'Ethiopie sub-egyptienne a travers la compilation
d'un passage de MARTIANUS CAPELLA (1). En effet, parlant de
l'Egypte, cet auteur ecrit: "Quant a sa partie superieure,
voisine
de l'Ethiopie,elle possede beaucoup de prefectures de
villes qu r on appelle nemes [pour nomesJ" (2) .
Enfin, GERBERT, decrivant le premier climat, qui
selon lui, debute vers l'Orient, a l'embouchure du Gange, le
fait passer par l'Egypte, par l'Ethiopie jusqu'au Nil etl'ile
de Meroe dont ce climat porte le nom (3).
Ainsi, l'Ethiopie en question, correspond ici a-
l'Ethiopie proprement dite, c'est-a-dire la Nubie des Anciens,
ou encore le royaume de Meroe.
c) L'Ethiopie ~ La cote ouest de l'Afrique
Chez trois auteurs, RABAN; FRECULF et_RE~~ D'AUXERRE,
l'Ethiopie designe aussi la cote atlantique du Maroc actuel. Ce
deuxieme sens particulier du terme represente environ 4,5 % de
l'utilisation toponymique.
1) MARTIANUS CAP. VI, 676.
2) "Summa autem ejus pars contermina Aethyopiae multas oppidorun
praefectus habet, quas nemos vocant,
"
ANONYME De situ orbis, 11, p. 64.
3) "Initium primi climatis est ex parte orientali ab Oceano,
ubi sunt ostia Gangis fluvii et ambulat per ... Aegyptum, et
terram Aethiopiam fluviumque Nilum et Merois insulam, de qua
etiam unum clima Merois appellatur."
GERBERT, op. cit. p. 143.

575
Dans sa distinction de deux Ethiopies, RABAN qui compile
ISIDORE de SEVILLE, comme nous l'avions dit plus haut, situ~ l'une
du cote de l'Orient, et l'autre du cote de l'Occident en Mauretanie
(1), c'est-a-dire sur la cote marocaine.
Mais, autant pour l'abbe de Fulda que pour FRECULF et
REMY, la designation de la cote marocaine sous le nom d'Ethiopie
repose tout particulierement sur l'identification, d'apres l'au-
torite de Saint Jerome (2), de "la cote occidentale" d'Afrique
au domaine occupe par deux descendants de Kush, l'ethiopien,
savoir Dadan et Havila ou Hevila:
"Dadan est un peuple d' Ethiopie, sur la cote occidentale",
affirment l'abbe de Fulda et l'eveque de Lisieux (3). REMY ne
diverge point de ces deux devanciers quand, du reste, il assimile,
d'une part, le domaine d'Hevila a la partie de l'Ethiopie occiden-
tale, et d'autre part, celui de Dadan a la partie la plus reculee
de l'Ethiopie (4).
Chez un seul auteur, savoir FRECULF, AETHIOPIA deborde
le cadre africain pour s'appliquer plutot a une contree d'Asie;
la region designee par ce vocable est celle a laquelle la Bible
donne le nom de "Pays de Madian" et qui se situe au sud d'Edom
et a l'est du golfe d'Aqaba (5).
1) "Duae sunt Aethiopiae, una circa
ortum solis, altera circa
occasum in Mauritania".
RABAN, De Universo, col. 352.
2) JEROME, Hebraicae Quaest. in Gen., 10, 7.
3) "Dadan gens est Aethiopiae in occidentali plaga."
RA BAN , Comment. in Gen. col. 528.; FRECULF, Chron., col. 934.
4) "Hevila pars Aethiopiae occidentalis."
"Dadan Aethiopiae ultima regio est."
REMY D'AUXERRE, Comment. in Gen., ed. Migne, P.L. t.131, col.80.
5) Les Mandianites sont des tribus nomades situees habituellement a
I' est du gol fe d' Aqaba, pI us pro ba bl ement dans la peninsule sinai-
tique. Cf. IR, 11, 18. Gn. 25, 1-4 les rattache a une serie de
tribus arabes issues de Qetura, femme d'Abraham. Cf. Diet. des
noms propres de la Bible, op. cit. p. 238.

576
L'identification de l'Ethiopieavec le "pays de 1-1adian".
repose ici sur l'evocation, par FRECULF, d'un episode de l'histoire
de Moise dans la Bible: l'eveque de Lisieux fait allusion, en
effet, au mariage de Moise avec la fille d'un pretre de Madian,
ou il s'etait refugie apres le meutre de l'Egyptien, cela afin
de se soustraire a la colere du Pharaon,roi d'Egypte ; de Madian,
Dieu le renvoie en Egypte pour liberer son peuple (1).
Si le theme est biblique, cependant, les materiaux ne se
referent pas exactement au texte de l'Exode, FRECULF les aempruntes
a l'historien juif FLAVIUS JOSEPHE (2).
3/ L'ETHIOPIE =
(OUSH
Conformement a la tradi tion
;atristique et exegetique,
quatre auteurs, ANGELOME, RABAN MAUR, FRECULF et REMY D'AUXERRE,
identifient l'Ethiopie a la terre occupee par COUSH (un des fils
de CHAM) et ses descendants.
"Auj ourd' hui encore les Hebreux appellent l' Ethiopie
COUSH" (3) ainsi repetent respectivement ANGELOME, RABAN MAUR et
FRECULF, dans la filiation des commentateurs scripturaires,
principalement de ST JEROME (4). A son tour REMY leur fait echo en
affirmant que COUSH est la meme (terre) que l'Ethiopie (5).
1)"
Quod per consilium praedictae puellae citius expletum est,
eamque Moses celebratis nuptiis suo c6pulavit matrimonio :
demum debellata AETHIOPIA, revertitur in Aegyptum cum trilUllpho."
FRECULPHUS, op. cit col. 951.
2) FLAVIUS JOSEPHE, anbq. Jud.
2,9-12 (cf. Exode, 2, 11, 22).
3) "Chus hodieque ab hebraeis AETHIOPIA nuncupatur".
ANGELOME, op. cit. col. 164.
"Chus usque hodie ab hebraeis AETHIOPIA nuncupa turf'.
RABAN MAUR, comment in gen. col. 527
" Chus hodie ab hebraeis AETHIOPIA nuncupatur"
FRECULPHUS, op. cit. col. 934.
4) HIERONYMUS, Hebr. Quaest in gen. 10, 6.
5)
"Chus ipsa est AETHIOPIA". REMY D'AUXERRE, Coment. in-gen. coL131.

577
Au terme de cette definition de l'Ethiopie chez les
carolingiens, nous pouvons retenir quatre principales caracteris-
tiques de cette region.
1) - L'Ethiopie sest per~ue comme une terre marginale.
Situee "toute entiere sous le cardine", crest a dire dans l'hemis-
phere sud, et "dans le voisinage meme du soleil", cette region
apparalt comme l'extremite du monde. crest en quelque sorte le
"finistere" de la terre habitable, dans le sud ;
La situation doublement extreme de l'Ethiopie au point
de vue cosmographique (elle occupe la position limite du m~nde
d'une part et d'autre part, se trouve placee dans la vicinite
digeographique (l'idee de l'extreme chaleur qui y rcgne et qui
la rend peu attrayante pour ne pas dire hostile) auront pour
consequence de derober cette contree a la connaissance reel le pour
la livrer plutot aux representations imaginaires.
2) - L'Ethiopie est per~ue comme une regIon floue, com-
plexe et ambiguc. Elle apparalt tantot comme une grande zone vague
et indeterminee situee vers le Sud, au dela de la partie mediterra-
neenne du continent africain ; elle est per~ue ainsi a la fois
comme le complement de l'antithese de l'Afrique ou Libye, entendue
au sens d'Afrique du Nord pris dans son ensemble. Tantot elle
apparalt avec des sens plus precis et localises pour designer,
soit la region adossee a l'Egypte,
(l'Ethiopie proprement dite)
et qui correspondrait a peu pres au Soudan et a l'Ethiopie actuels,
s oit la Cote-ouest de l'Afrique, c'est a dire la cote atlantique
du Maroc actuel. Tantot enfin, elle apparalt carrement comme une
region d'Asie plutot qu'une region africaine.
Ce flou, cette complexite et cette ambiguite qui carac-
terise ainsi l'Ethiopie nous semblent dus essentiellement a un
fait:
a l'oppose des autres entites comme l'Egypte, la Libye ou
l'Afrique (entendue au sens d'Afrique Septentrionale, l'Ethiopie,
a l'ouest du Nil ne comporte pas de realite administrative.

578
L'absence du cadre administratif. qui serve de support de fixation de la notion
d'Ethiopie dans lrespace, a favorise,
chez les auteurs tant an-
ciens que medievaux, ce nous semble, un certain vagabondage d'es-
prit dans la representation de cette entite.
3) - Mais l'Ethiopie est caracterisee principalement
par sa specificite ethnique : la couleur noire de ses habitants.
La definition de cette entite n'est pas a rechercher a partir de
la geographie physique mais plut6t a partir de l'element anthropo-
logique. L'Ethiopie est le pays de l'''AETHIOPS'' mot grec qui signi-
fie "face brlllee". Le teint bnl1e de l' element humain de cette re-
gion soumise a l'action du soleil, voila done ce qui definit essen-
tiellement l'Ethiopie. Et RABAN, n'a pas tort d'affirmer que
l'Ethiopie est ainsi appelee a cause de la couleur de ses habitants
que le voisinage du soleil brule.
Au demeurant,
les fluctuations de l'Ethiopie, traduites
par la difficulte d'une localisation geographique, s'expliquent
par le fait que chez les auteurs anciens et leurs successeurs
medievaux,
les cri teres d'apprehension de ce trai~ physique speci-
fique constitue par la couleur ou le teint de l'Ethiopien sont aus-
SI
vague qu'imprecises (1).
4) - Enfin, consideree dans le cadre de la geographie
sacree promue par les peres de l'Eglise, et notamment par ST JEROME,
l'Ethiopie, pour les carolingiens, n'est point d'autre que cette
partie du monde occupee par le premier des fils CHAM, COUSH et ses
descendants, dans la repartition des peuples sur la terre. Par cet-
te identification, cette contree marginale, situee a la limite du
monde habitable se voit integree a l'ensemble des terres "connues".
1)
11 semble que le mot ethiopien recouvre chez ces auteurs plus
d'une nuance chromatique. Partant ils ont naturellement designe
du nom d'Ethiopie toutes les regions dont le teint des habitants
va du basane au noir.

579
B / LA DESCRIPTION DE L'ETHIOPIE
Deux auteurs, DICUIL et RABAN MAUR, donnent de l'Ethiopie
les descriptions suivantes qu'ils ont empruntees, le premier, a
PLINE l'ancien (1), et le second a ISIDORE DE SEVILLE (2).
"L'Ethiopie, ecrit DICUIL, s'etend de l'Orient d'hiver a
l'Occident d'hiver. A l'equateur verdoient des forets d'ebeniers. En
son centre, dominant la mer, une haute montagne brule de feux eternels.
les Grecs l'appellent "Theonocemma" ("le char des Dieux"(3)).A quatre
jours de navigation de la est un promontoire nomme "Hesperu·Ceras"
(autre forme pour "Hesperi cornu", cap occidental), aux confins de
l'Afrique pres des Ethiopiens occidentaux. D'aucuns placent aussi
dans cette region les modestes collines desAegipans et des Satyres,
couvertes d'une agreable verdure. EPHORE, EUDOXE ainsi queTIMD~.
nous ont transmis qu'il y a dans toute cette mer plusieurs tIes
Clitarque
toutefois rapporte au roi-Alexandre que ... " (4).
1) - PLINE, VI, 197-198.
2) - I S ID. Et ym. XI V,S, 14 - 16 ~
3) Plutot que "Char des Dieux", J. DESANGES (Pline op.cit. commen-
taire P. 119) propose de traduire "The on Ochema" par "support des
Dieux".
4) "AETHIOPIA ab oriente hiberno ad occidentem hibernum. Meridiano
cardine silvae eve no maxime virent; A media ejus parte imminens
mari mons excelsus aeternis ardet ignibus, Theonocemma dictus
a Grecis, a quo navigatione quatridui promuntorium Hesperu Ceras
vocatur confine Africae juxta Aethiopas Hesperios.
Quidam et in eo tractu modicos colles amoena opacitate vestitos
Aegipanum satiroru~que produnt. Insulas toto eo mari et Ephorus
complures esse tradidit et Eudoxus et Timostenes. Clitharcus vero
Dicuilus, op cit IV, 3, P.56.
Traduction fran~aise prise dans Kamal Youssouf.

580
Pour sa part, RABAN ecrit : "L'Ethiopie est ainsi
appelee a cause de la couleur de ses habitants que le voisinage
du soleil brule. La couleur des hommes de cette contree prouve la
force de l'astre
; et, en effet, il y regne perpetuellement une
chaleur torride, car elle se trouve toute entiere sous le "cardine"
(hemisphere) sud. Vers l'ouest, cette region est montagneuse, formee
en son milieu d'un desert de sable, et elle est deserte du cote de
l'est. Le territoire de l'Ethiopie s'etend de l'ouest, du mont
Atlas vers l'est jusqu'aux frontieres de l'Egypte
; elle est
bornee du cote sud par l'Oceean et du cote nord par le Nil. Elle
est habitee par des peuples nombreux aux visages divers ethorri-
bles a voir par suite de leur aspect monstrueux. Cette region est
egalement remplie d'une multitude de betes feroces et de serpents.
C'est la que lIon rencontre le rhinoceros,
la girafe, le basilic,
d'enormes dragons, de la cervelle desquels on retire des pierres
precieuses. C'est la aussi que l'on trouve l'hyacinthe et la
chrysoprase (emeraude)
; on y recolte egalement la canelle. 11
existe deux Ethiopies
: l'une du cote de l'orient ; l'autre du
cote de l'occident en Mauretanie" (1).
1)
-
"AETH10P1A dicta a colore populorum, quos solis·sicinitas
torret. Denique vim sideris prodit color hominum. Est enim
ibi jugis aestus. Nam quiquid ejus est, sub meridiano cardine
est, circa occiduum acetem montsuosa est, arenosa in medio,
ad oriental em vero plagam deserta, cujus situs ab occiduo
Atlantis montis ad oriemtem usque in Aegypti fines porrigitur
A meridie Oceano, a septentrione Nilo flumine clauditur, plu-
rimas habens gentes diverse vultu et montuosa
specie horri-
biles, ferarum quoque et serpentium referta est multitudine.
1llic quippe rhinoceros bestia et camelopardus, basiliscus,
dracones ingentes, ex quorum cerebro gemmae extrahuntur ;
hyacinthus quoque et chrysoprasus ibi reperiuntur, cinnamomum
illic
colligitur. Dtl~e sunt Aethiopiae, una circa ortum solis
altera circa occasum in Mauritania."
RABAN MAUR, De Universo, op. cit. col. 352.

581
Cette description de l'Ethiopie chez les deux auteurs,
appelle quelques commentaires.
Le premier conunentaire porte sur l~ plan general. Si,
d'entree,la delimitation que donne DICUIL d~ l'Ethiopie porte sur
cette entite consideree dans son ens~nble, 4u reste, la description
qu'il en donne s' applique Et une particulari te seulement : l' Ethiopie
occidentale. Autrement di t, clans sa description, DICUIL prend la
partie pour le tout. Par ailleurs, la description de l' lrlandais qui
compile PLINE s'interrompt brusquement Et la: fin. Diverses interpreta-
tions en ont ete donnees. PAR11-lEY considere cela comme une lacune
i
imputable Et DICUIL, qui par erreur, ne se souvenait plus du contexte
de PUNE (1). Pour DEFfLESEN, DICUIL, "le plus stupide interprete de
PLINE~'n'a pas su trouver les coupures correctes dans l'esprit du
texte (2). Mais pour BIELER, la lacune commenc:ant· au milieu cl'un mot
(renuntiat (am ... ), cela suggere plutot la perte materielle (d'une
ou plusieurs lignes), soh dans le texte de! DIC UI L, soH dans celui
de PLlNE lui-m§me. Et i l a des doutes Et propos du texte plinien (3).
Peut-Hre, comme le suggere J.J. TIERNEY deyrait-on lire "renuntiat
(un) am adeo divitem ... alteram ... " ou bien; "renuntiat (um un) am".
I
On peut donc supposer, selon le m§me auteur; que DICUIL commenc;:a Et
ecrire ce que CLITARQUE avait dit Et propos des lIes cle 1 'Ethiopie,
mais realisant que c'etait d'un caractere tout Et fait different des
informations precedentes, il s' arr§ta dans l' intention d' utiliser
ses renseignements plus tard. Mais il ne revint jamais sur ce
passage (4).
La description de RAEAN MAUR, en revanc11e,affect& un
caractere plus general. L'abbe de FULDA compile une fois de plus
ISIDORE
de Seville.
Au niveau du detail, nous relevons quelques points.
D'apres les deux auteurs, particulierement RABAN MAUR, l'Ethiopie
passe pour une region montagneuse, du moins sa partie occidentale.
DICUIL y mentionne le "Theon Ochema", et MEAN, y fait etat de l'Atlas.
La mention du "Theon Ochema" chez DICUIL s'inscrit dans la tradition
de la relation de deux Periples, celui de POLYBE
"rapporte par
1) (2) (3) (4) cf. J.J. THIERNEY, op. ch . . 110 n. 3 sur le' ch. IV
i, '

582
PUNE, et surtout, celui de I' amiral carthaginois HANNON, c10nt il a
ete deja question. La mention de cette montagne, comme du reste,les
materiaux de la description, que 01CU1L a empruntes a PUNE, provien-
nent de ces deux sources, et notanunent, ele lil relation elu voyage
el'HANNON, qui est a l'origine eles connaissa~ces acquises parIes
Anciens sur les c5tes occidentales ele l'Afrique (entenelez ici les
c5tes elu Maroc actuel).

583
Apres les avoir seulement rnentionnees dans le prologue
de son livre, DICUIL revient sur les lIes de l'Ethiopie dans
le chapitre 7. D'abord il rappelle qu'en ecrivant sur la partie
de l'Ethiopie qui est en rapport avec l'Afrique (entendez
l'Afrique Septentrionale), il a evoque brievement, a partir de
PLINE, ses nombreuses tIes sans toutefois en nommer une seule.
Mais a present, il se propose de mentionner quelques-unes par
leur nom, tel qu'il l'a appris (1). PLINE, dit-il, declare dans son
sixieme livre, qu'il y a des lIes pres des Ethiopiens Aroteras
("laboureurs"). Puis DICUIL ci te trois aut res lIes, Bachi.as,
Antibachias et Stratioton, toujours a partir de PLINE (2).
II
PaTlant de PRISCIEN (grammairien du VIe s. ape J.C.), l'auteur
irlandais rapporte que dans son livre appele "Periegese" en
grec, c'est-a-dire "description de la terre", livre qu'il a
ecrit en tres beaux vers rnetriques, ce dernier place a cote de
l'Ethiopie, dans l'Atlantique, l'ile Erythree au sujet de la-
quelle il ecrit: "Les Ethiopiens, hommes au coeur droit, vivent
en Erythree, a proximite de l'Atlantique; d'ordinaire ils
jouissent d'une grande longevite" (3). Se referant ensuite a
ISIDORE de SEVILLE,I'Irlandais poursuit: "L'ile de Gaulea s'etend
dans l'Ocean austral, a l'ouest de l'Ethiopie; Isidore en rendit
le nom celebre dans le livre neuvieme des Etymologies" (4) . Puis
il aj oute: "Beaucoup d' auteurs indiquent que les lIes Fortunees,
les Gorgodes et les Hesperides se trouvent dans la mer occiden-
tale de l'Afrique. Les Gorgodes sont plus loin de l'Afrique que
les Fortunees, et les Hesperides plus loin que les Gorgodes. Du
1) DICUIL, op. cit. VII, 1, p. 72.
2) "Idem Plinius Secundus in sexto libro juxta Aethiopas Aroteras
insulas esse docet, item Bachias et Ant i bachias et Stratioton."
DICUIL, op. cit. VII, 2, p. 72. - (PLH·lE, VI, 173).
3) "Priscianus in libro qui in Greco Periegesis nominatur, id
est descriptio orbis terrae, quem per metrum valde bonum fe-
cerat, Erithream insulam juxta Athlanticam Aethiopiam foret
monet inquiens:
'Aethiopies habitant Erithream pectore justi
Athlantem juxta longevi finibus olim'."
DICUIL, op. cit., VII, 3, p. 72. -
(PRISC. Perieg. 570 Sq.).
4) DICUIL, op. cit. VII, 4, p. 72.

584
fait que dans la Cosmographie, il est dit que le fleuve Malva
(la Moulouya) prend sa source pres des lIes Fortunees, partant
on raconte que c'est tout pres de l'Afrique. Les Gorgodes sont
eloignees du continent de deux jours de navigation, comme
I' affirme ISIDORE dans le quatorzieme livre de ses Etymologies (1) .
Tout en citant PLINE (2), PRISCIEN (3) et ISIDORE (4)
en reference, ce passage de DICUIL sur les lIes de l'Ethiopie
est l'un des plus originaux de tout son ouvrage, du moins en
ce qui concerne la forme, car a part quelques mots ou quelques
lignes dfemprunt direct, comme ce qui est dit sur les Ethiopiens,
le reste releve de la composition personnelle du moine iilandais.
3 / LES EAUX DE L'ETHIOPIE
Les indications hydrographiques sur l'Ethiopie sont
maigres. Outre le Nil identifie au Geon de la Bible, et dont
les auteurs disent qu'il ceinture toute l'Ethiopie (5), seul
RABAN MAUR mentionne dans cette region trois eaux de caractere
merveilleux:
" En Ethiopie, rapporte-t-il, il y a un lac ou les
corps qui s'y baignent brillent comme s'ils etaient passes
dans l'huile" (6). Un peu plus loin, il dit: "Celui qui boit
dans I a source rouge d I Ethiop ie, devien t I ympha t ique" (7). Enfin,
1) DICUIL, op. cit. VII,S, p. 72.
2) PLINE, VI, 173.
3) PRISCIEN, Periegese, 570 et suiv.
4)
ISID. Etym., IX, 2, 124.
5) RABAN MAUR, Comment. in Genesim, col. 479; ANONYME, De situ
orbis, 11, p. 67.
6) " In Aethiopia lacus est, quo perfusa corpora velut oleo
nitescunt".
RABAN MAUR, De Universo, col. 309.
7)
In Aethiopiae fonte rubro qui biberit, lymphaticus sit".
RABAN MAUR, De Universo, col. 309.

585
il ecrit: "11 y a que, dans le lac des Troglodytes, trois fois
par jour, l'eau devient amere, et aut ant de fois, ensuite, elle
devient douce" (1).
Notons, une fois de plus, que l'abbe de Fulda emprunte
ces histoires a l'eveque ISIDORE de SEVILLE (2).
A / La flore.
Les indications sur la flore d'Ethiopie nous viennent de
DICUIL et de RABAN. Elles portent sur trois especes vegetales:
la ferule, l'ebenier et la cannelle.
a - La ferule.
Seul DICUIL nous en parle brievement. "Les ferules,
di t-il, croissent aussi hautes que les arbres. Celles qui sont de
couleur noire, quand elles sont extraites, donnent un liquide
tres amer; par contre, celles qui sont de couleur blanche donnent
de l'eau meme bonne a boire" (3). DICUIL emprunte ce passage a
SOLIN (4).
1)
"In Troglodytis lacus est, ter in die sit amarus, et deinde
toties dulcis".
RABAN MAUR, De Universo, col. 309.
2)
ISID. Etym., XIII, 13, 2 et 4 et 9.
3)
"Ferulae surgunt ad arboris magnitudinem; earum quae nigrae
sunt expressae liquorem reddunt amarissimum, quae candidae,
aquas revomunt etiam potui accomodatas".
DICUIL, op. cit. VII, 42, p. 84.
4)
SOL IN, 56, 15 .

586
b - L'ebenier.
Se referant a PLINE, DICUIL mentionne des forets
d'ebeniers dont la partie centrale de l'Ethiopie serait cou-
verte (1). Quant a la description de cet arbre, crest RABAN
MAUR qui nous la donne en ces termes empruntes a l'eveque de
Seville: "L'ebenier croit en Inde et en Ethiopie; une fois
abattu, il devient dur comme pierre; son bois est noir et son
ecorce legere comme celle du laurier; mais l'ebene indien est
plein de petites taches blanches et jaunatres; en revanche
l'ebene d'Ethiopie, qu'on considere comme le plus remarquable,
n'a aucune tache, mais est noir, doux et dur comme de la
corne" (2).
c - La cannelle.
RABAN seul la mentionne et nous en fait la descrip-
tion en compilant ISIDORE: "On l'appelle cannelle, dit-il,
parce que son ecorce, dans le genre du roseau, est ronde et
mince. Les regions de l'Inde et de l'Ethiopie la produisent a
partir dfun petit arbrisseau de deux coudees seulement, de
couleur noiratre ou cendree, de peti tes branches
tres minces.
Car elle est meprisee parce qu'elle se developpe en epaisseur;
mais remarquable parce qu'elle pousse plus mince, et que
lorsqu'on la rompt, elle laisse voir un conduit (canal) par
ou apparait une substance transparente ou poudreuse" (3).
1)
"Meridiano ca rdine s il vae eveno maxime vi rent".
DICUIL, op. cit. IV, 3, p. 56.,- Cf. PLINE, VI, 196.
2) "Ebenus in India et Aethioria nascitur, quae caesa durescit
in lapidem, cujus lignum nlgrum est, et cortex levis, ut
lauri; sed indicummaculosum est in parvulis distinctionibus
albis ac fulvis: Aethiopicum vero, quod praestantius accipi-
tur, in nullo est maculatum, sed est nigrum, lene et cor-
neum."
RABAN MAUR, De Universo, op. cit. col. 518.
- I SI D. Et ym. XV I I, 7, 3 6 .
3) "Cinnamomum dictum, quod cortex ejus in modum cannae sit
rotundus et gracilis. Gignitur autem in India et Aethiopiae
regionibus, frutice brevi duorum tantum cubitorum, colore
sub-nigro vel cinereo, tenuissimarum virgarum. Nam quod in
crassitudinem extenditur, despectui est; quod vero gracilis
provenerit, eximium: quod cum frangitur, visibile spiramen-'
turn emittit ad imaginem nebulae sw pulveris."
RABAN MAUR, De Universo, col. 525.;
- I SI D. Et ym. XV I I, 8, 10 .

587
B / La Faune.
Les indications concernant la faune d'Ethiopie sont
relativement abondantes. Et c'est encore DICUIL, et plus parti-
culierement RABAN MAUR, qui sont ici nos informateurs. Quant
aux elements de cette faune, ils peuvent se repartir en quatre
groupes: les quadrupedes, les serpents, les fourmis et les oi-
seaux.
Les deux auteurs en mentionnent quatre, qui sont: le
Chorococte,le rhinoceros, la girafe et le loup.
1°_ Le Chorococte.
DICUIL est seul a nous parler de cet et range animal,
produit des amours contre-nature de la hyene et de la lionne:
"Dans une partie de l'Ethiopie, dit-il (l), elle (l'hyene) s'ac-
couple avec la lionne, et de leur union nait un monstre qu'on
appelle Chorococte.Cet animal aussi imite la yoix de l'homme.
Ses yeux constamment ouverts, il maintient le regard braque fi-
xement, sans cligner des yeux. Dans sa gueule, point de langue,
mais une denture unique et continue, qui se ferme naturellement
comme une bOlte, de sorte qu'elle n'est jamais emoussee."
DICUIL compile SOLIN (2), lequel s'est sans doute ins-
pire de PLINE l'ANCIEN (3). Le nom de l'animal est exactement
corocot te; il prov ien t du grec xroxo 'C"C.c:ac$'
don t corocot ta en
latin n'est sans doute qu'un doublet. Chez SOLIN tout comme chez
PLINE, le monstre est depourvu de gencives et non pas de langue.
PLINE dit exactement: " ... ses deux machoires, depourvues de gen-
cives sont garnies chacune d'une denture continue, et s'embol-
tent l'une dans l'autre pour ne pas s'emousser en se choquant".
1)
"In Aethiopiae parte coit cum leena, unde nascitur monstrum
cui choyococta nomen est. Voces hominum et ipsa pariter af-
fectat. Numquam cohibet aciem orbium oculorum, sed in optu-
turn sine nictatione contendit. In ore lingua nulla, deus unus atque
perpetuus, qui ut nunquam retundatur naturaliter capsularum modo clau-
clitur." DICUIL, VI, 35, p. 68.
2) SOLIN, XXVII, 26.
3) PLINE VIII, 107.

588
Quoi qu'il en soit, la source de cette description du corocotte
doit etre cherchee dans AGATHARCHIDES, sinon dans MEGASTHENE ou
CTESIAS (1). C'est d'eux que proviennent les descriptions d'ani-
maux reels ou fabuleux dont PLINE l'ANCIEN fait echo (2). Parmi
eux, PLINE mentionne les
crocotes, animaux qu'on croirait issus
du chien et du loup, et qui brisent tout avec leurs dents et di-
gerent aussit6t ce qu'ils ont devore (3). Les noms corocotte et
crocote designent une meme bete, la hyene que CTESIAS appelle
xuvo'Auxos (4). On l'imaginait issue du croisement tant6t du
chien et du loup, tant6t de la hyene et de la lionne (5).
2~ Le Rhinoceros.
Le rhinoceros est mentionne aussi bien par DICUIL que
par RABAN, qui nous en donnent tous les deux une description.
DICUIL, tributaire de SOLIN (6), dit de lui ceci:"Il
y a le rhinoceros en Ethiopie; de cet animal ou d'un autre du
meme genre, SOLIN parle longuement en ces termes:
'Avant les
jeux de Cneius Pompee, le rhinoceros etait inconnu aux jeux
romains. Cette bete est de la couleur du buis;_ sur son nez est
plantee une corne unique et saillante, qu'elle affute souvent
en pointe par frottement sur les rochers, et avec quoi elle part
en guerre contre les elephants; leur etant egal quant a la lon-
gueur, rnais plus court de pattes, le rhinoceros cherche naturel-
lement ales atteindre au ventre, la seule partie qu' il _sai t
pouvoir percer de ses coups." (7).
1) Cf. A. ERNOUT, Pline l'Ancien, Hist. Nat., op. cit. p. 126
paragr. 72.
2) PLINE VIII, 72.
3) PLINE VIII, 72.
4) Cf. A. ERNOUT, Pline l'Ancien, 1. VIII, op. cit. p. 127.
5) Cf. idem et ibid.
6) SOLIN, 30,21
(PLINE, VIII, 71).
7) "Est renoceron in Aethiopia sive ejusdem vel alterius similis
generis, de quo Julius Solinus longe ante sic ait: Ante ludos
Gnei Pompeii renocerotem Romana spectacula nesciebant. Cui
bestiae color buxeus, in naribus cornu unicurn et repandurn,
quod subinde attritum cautibus in mucronem excitat eo quod
adversus elephantos proeliatur, par ipsis longitudine, bre-
vior cruribus, naturaliter aluum petens
, quam solarn intelli-
git ictibus suis perviam." - DICUIL, op.cit. VI,32,p. 66-68.

589
La description de RABAN MAUR, plus pittoresque que
celle de DICUIL, est empruntee a ISIDORE de SEVILLE (1): ."On
l'appelle rhinoceros en grec, ecrit-il, ce qui signifie en la-
tin 'qui a une corne sur le nez'. On l'appelle aussi monoceros,
c'est-a-dire 'unicorne', parce qu'il dispose, au milieu du
front, d'une seule corne de quatre pieds, tellement pointue et
solide que tout ce qu'il attaque avec, il le projette en l'air
ou bien il le perfore. En effet, le rhinoceros est toujours en
lutte avec l'elephant qu'il terrasse en le blessant au ventre.
On dit que c'est un animal dote d'une telle force que quelle que
soit sa bravoure, aucun chasseur ne peut le capturer. Mais ceux
qui ont pris la peine d'etudier serieusement le caractere des
animaux qu'ils doivent decrire, affirment que, lorsqu'une jeune
fille vierge est exposee devant le rhinoceros et que celle-ci
decouvre son sein quand l'animal avance, aussit6t, ce dernier,
oubliant toute sa ferocite, baisse la tete, et ainsi endormi,
ceux qui cherchent a le capturer le trouve soudain inoffensif.
On le decrit comme ayant la couleur du buis. Et celui-ci, a ce
qu'on raconte, lorsqu'il engage le combat contre les elephants,
avec sa corne, qu'il porte isolem~rit sur le ne2, frappe le
ventre de ses adversaires, de sorte qu'avec cela, il blesse les
parties qui sont plus molles, et abat facilement ses assail-
lants" (2).
1)
ISID. Etym. XII, 2, 12.
2)
"Rhinocerota graece vocatus, latine interpretatur, in nare
cornu. Idem monoceros, id est, unicornis, eo quod unum cornu
in media fronte habeat pedum quatuor, ita acutum et validum,
ut quidquid impetierit, aut ventilet aut perforet. Nam et cum
elephante semper certamen habet, et in ventre vulneratum pros-
ternit. Tantae autem fortitudinis esse dicitur, ut nulla ve-
nantium virtute capiatur: sed, sicut hi asserunt, qui descri-
bendis naturis animalium laboriosa investigatione sudaverunt,
virgo ei puella proponitur, quo venienti ilIa sinum aperit,
in quo ille, omni ferocitate postposita, caput deponit sicque
soporatus, ab eis, a quibus capi quaeritur, repente velut in-
ermis invenitur. Buxei quoque coloris esse describitur. Qui
etiam cum elephantis quando certamen aggreditur, eo cornu,
quod in nare singulariter gestat, ventrem adversantium ferire
perhibetur, ut cum ea, quae molliora sunt vulnerat, impugnan-
tes se facile sternat."
RABAN MAUR, De Universo, col. 220.

590
,
Rhinoceros vient du grec ft )lfJX.€fW'.
ARRIEN ne semble
pas le connaitre, mais AGATHARCHIDES (1), DIODORE (2), SIRABON (3)
et PAUSANIAS (4) le signalent. Contrairement a l'affirmation de
SOLIN rapportee par DICUIL, le rhinoceros etait connu a Rome
avant les jeux de Pompee, et la forme de son nez y etait devenue
proverbiale (5). Sous l'Empire, on donna souvent en spectacle le
rhinoceros uni- ou bicorne (6); on le faisait combattre contre
des taureaux, ou des ours (7); on utilisait sa plus grande corne
pour y mettre de l'huile (8). A en croire ELIEN (9), la corne
du rhinoceros passe pour posseder des pouvoirs magiques, chez
les Indiens. On croyait par ailleurs que le rhinoceros, ou plus
exactement le monoceros (unicorne) ne peut etre pris que par une
vierge; et cette epr~uve devint une sorte d'ordalie. Le rhino-
ceros figure sur les monnaies de l'empereur Domitien (10).
3°_ La girafe.
Seul RABAN MAUR nous en parle en empruntant sa descrip-
tion a l'eveque de Seville (11). "On l'appelle cameleopard, dit-
il, parce que, tout en ayant le corps couvert de taches blanches
1) AGATHARCH., 71.
2) DIOD. Ill, 35, 2, 3.
3) STRAB.
(d'apres ARTEMIDORE), XVI, 4,15; 51. XVII, 44.
4) PAUSANIAS, IX, 21, 3.
5) Cf. le passage de LUCILIUS, Sat. Ill, 8, cite par NONIUS,
25, 35: "Broncu' bouillanus dente adverso eminulo hic est
rhinoceros"
apud A. ERNOUT, op. cit. p. 126.
6) Cf. SUETONIUS, Aug., 43.
7) Cf. MART. Spect., 19 et 22.
8) I de m, XI V, 5 2, 53; J UV. 7, 13 0 .
9) ELIEN,
IV, 52.
10) Cf. A. ERNOUT, op. cit. p. 126 paragraphe 71.
11) ISID. Etym., XII, 2, 19.

591
comrne le leopard, tout en ressemblant au cheval par l'encolure,
et tout en ayant les pieds du boeuf, cependant, par sa tete, il
ressemble au chameau. C'est l'Ethiopie qui le produit" (1).
Cette description de la girafe chez RABAN et ISIDORE,
est a rapprocher de celle que cons acre PLINE a cet animal, dont
la graphie du nom est camelopardalis. Selon PLINE toujours, les
Ethiopiens 1 'appellent "nabu" (girafe)
(2). Le nom "camelopar-
dalis" ou "cameleopardus" ("chameau-leopard") vient du grec
x~(:t~Aon-~ef~~,~ qui est mentionne pour la premiere fois dans
AGATHARCHIDES (3). Quant au nom "nabu" que mentionne PLINE, on
l'explique generalement comme voulant dire en arabe "eleve,
haut". En Europe, durant le haut Moyen age, on ne connaissait
plus la girafe; ce n'est que plus tard qu'elle y fut exhibee.
Le nom moderne "girafe" provient egalement, par l'intermediaire
de l' i talien "gi raffa", de l' arabe " zara fa" (4).
4°_ Le Loup.
RABAN seul en parle, et toujours d'apres ISIDORE de
SEVILLE (5). "'Loup', dit-il
(6), est traduitdansnotre langue
par derivation grecque. Les Grecs, en effet, appellent les loups
'lycous'. 11 (le loup) s'appelle 'Lycos' en grec a cause de ses
1) "Cameleopardus dictus, quod, dum sit, ut pardus, albis macu-
lis aspersus, colla eqLD
similis, pedibus bubulis, capite ta-
men camelo est similis. Hunc Aethiopia gignit".
RABAN MAUR, De Universo, op. cit. col. 222.
2) PLINE, VIII, 69.
3) AGATHARCHIDES, Le Periple de la mer Erythree, 72.
4) Cf. A. ERNOUT, op. cit. p. 125 paragr. 69, 1.
5) ISID. Etym. XII, 2, 23-25.
6) "Lupus Graeca derivatione in linguam nostram transfertur.Lu-
pos enim illi lycous dicunt. Lycos autem Graece a morsibus
appellatur, qui rabie rapacitatis quaeque invenit trucidat.
Alii lupos vocatos aiunt, quasi leopos, quod quasi leoni, ita
sit illi virtus in pedibus: unde et quidquid presserit pede,
non vivit. Rapax autem bestia et
cruoris appetens. De quo rus-
tici aiunt, vocem hominem perdere, si eum lupus prior viderit.
Unde et subito tacenti dicitur, lupus est in fabula. Certe si
se praevisum senserit, deponit ferocitatis audaciam. Lupi to-
to anno nom amplius quam dies duodecim coeunt. Famen diu por-
tant, et post longa jejunia multum devorant. Lupos Aethiopia
gignit cervice jubatos, et tantum varios, ut nullum colorem.
ill is dicant abesse." RABAN MAUR, De Universo, col. 223.

592
morsures; et le loup tue par la fureur de sa rapacite tout ce
qu'il trouve. Les uns affirment qu'on les appelle loups, en
quelque sorte 'leopos', ce pour ainsi dire 'leoni', cornrne si
sa force reside dans ses pattes: d'ou tout ce qui a ete touche
par ses pattes ne vit pas. C'est une bete ravisseuse
et avide de
sang. Et a son sujet, les paysans affirment que si le loup voit,
le premier, l'homme, ce dernier perd la voix. De la on dit de
celui apropos duquel on se tait subitement:
'le loup est dans
la fable'. En tout cas s'il se sent decouvert il abandonne l'au-
dace de sa ferocite. Les loups ne s'accouplent pas plus de douze
jours par an. lIs supportent la faim longtemps, et apr~s' un long
jeune, devorent tout. L'Ethiopie produit les loups qui portent
une crini~re au cou, et d'autres si varies, qu'on dit qU'aucun
coloris ne leur manque."
Toutes ces considerations etymologiques sur le nom du
loup sont bien caracteristiques de RABAN MAUR et de sa source,
ISIDORE de SEVILLE. Chez SOLIN (1) et chez PLINE (2), elles sont
absentes; en revanche la description consacree au loup fait une
bonne place aux croyances populaires auxquelle$ a donne lieu cet
animal. ISIDORE et RABAN ne rapportent qu'une seule de ces croy-
ances: le regard nuisible du loup qui fait perdre la voix a
l'homme que l'animal a fixe le premier, avant d'en etre vu.
Cette croyance avait d'ailleurs donne lieu a l'expression prover-
biale "lupus in fabula", employee apropos d' une personne qui
vient inopinement interrompre une conversation ou lIon parle de
lui (3). Pour le reste, telle la croyance au loup-garou, que re-
jette PLINE lui-meme (4), ou bienle talisman amoureux que cons-
titue un petit poil situe dans la queue du loup etc., il semble
que la sensibilite chretienne de l'abbe de Fulda et de son mai-
tre ait ete heurtee par ces superstitions paiennes dont le relent
magique ne peut que les rebuter. D'ou ils les ont tout simple-
ment passes sous silence. Par ailleurs, le loup, comrne animal,
etant plus familier au monde europeen, cela pourrait expliquer
en partie leur reserve par rapport a PLINE et SOLIN.
1) SOLIN, 2, 35-37.
2) PLINE, VIII, 80-84.
3) Cf. VIRG. B., 9,
53-54; cf. THEOCR.,
14, 22: PLATON, ~ I,
p. 336 d apud A. ERNOUT, op. cit. p. 130.
4) PLINE VIII, 80.

593
Cela dit, pour les autres details de la description
de l'animal, RABAN et sa source font echo a SOLIN et a PLINE,
voire, ils repetent leur erreur, par exemple, en ce qui ~oncer­
ne l'accouplement. En effet, PLINE semble avoir mal compris le
texte d'ARRIEN (1) et confondu l'epoque de l'accouplement avec
l'epoque de la parturition: "Le loup, dit ARRIEN, porte et met
bas comme le chien: meme duree, meme nombre de petits, qui nais-
sent aveugles comme les jeunes chiens. lIs ne s'accouplent qu'a
une seule epoque de l'annee, et la louve met bas au debut de
l'ete. On raconte a ce propos une histoire qui tient de la le-
gende: on dit en effet que tous les loups mettent bas dans douze
jours de l'annee; et l'on en donne pour raison que c'est dans le
meme nombre de jours que Latone, deguisee en louve par ~rainte
de Junon, se rendit de chez les Hyperboreens a Delos." Chez
ELIEN aussi, on lit: "Les loups mettent bas difficilemerit et il
leur faut 12 jours et autant de nuits" (2). Ainsi donc, apres la
confusion faitepar PLINE, SOLIN (3) naturellement a reproduit
l'erreur du naturaliste, erreur qu'ont repetee a leur tour ISI-
DORE et RABAN.
Deux especes sont traitees ici: le dragon et le basilic.
1° - Le Dragon.
C'est encore RABAN MAUR, qui traite du dragon, toujours
d'apres l'eveque de Seville (4). "Le dragon, rapporte-t-il (5),
1) ARRIEN, VI, 35, apud A. ERNOUT, op. cit. p. 131.
2) ELIEN, IV, 4, ibid.
3) SOLIN, 2, 36.
4)
ISID. Etym. XII, 4, 4-5.
5) "Draco, major cunctorum serpentium sive omnium animantium su-
per terram. Hunc Graeci draconta vocant. Unde derivatum est in
Latinum, ut draco diceretur. Qui saepe ab speluncis abstractus
fertur in aerem, concitaturque propter eum aer. Est autem cris-
tatus, ore parvo, et arctis fistulis, per quas trahit spiri-
turn, et linguam exerit. Vim autem non in dentibus, sed in cau-
da habet, et verbere potius quam rictu nocet. Innoxius autem
est a venen is: sed ideo huic ad rnortem
faciendam venena non es-
se necessaria, quia si quem ligarit occidit. A quo nec elephas
tutus est sui corporis magnitudine. Nam circa semitas delites-
cens, per quas elephanti soliti gradiuntur, crura eorum nodis
illigat, ac suffocatos perimit. Gignitur autem in Aethiopia
et India in ipso incendio jugis aestus."
RABAN MAUR, De Universo, col. 229-230.

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l'ig. ~ : Conrad von J\\kgt:nberg
HI/ch dcr Nal/lr, Augsburg 147X.
hg.
I ()
Conrad von Megcnberg
HI/ch dcr NalUr. Augsburg 1478.
( 0
~
Extrai t de
MONSTRES DEMONS ET MERVEILLES a
a fin du Moyen Age
de Claude KAPPLER
(payot 1980)

595
est le plus grand de tous les serpents ou de tous les animaux
qUI sont sur la terre. Les Grecs 1 'appellent
'draconta'. De la
est derive en latin le mot 'dragon', comme nous disons. Souvent,
ce monstre, sorti de son antre, se transporte dans les airs, et
tout autour de lui, l'air s'en trouve enflamme. 11 a une crete,
une petite gueu1e, des fanons etroits, par lesque1s il respire,
et il tire sa langue. Sa force reside non pas dans ses dents,
mais dans sa queue: il fait plus de mal avec ses coups de queue
qu'avec sa gueule. 11 est inoffensif par son venin: du moins
pour tuer, le venin ne 1ui est pas necessaire; il 1ui suffit
seulement de s'enrou1er autour de sa victime pour la faire pe-
rir. Ma1gre sa masse corporel1e, l'e1ephant n'est pas a l'abri
de ses coups. Ainsi, se tenant cache aux environs des sentiers
par ou les elephants passent, il enlace de ses noeuds les pieds
de ces derniers et 1es fait perir par etouffement. L'Ethiopie
et l'Inde le produisent dans la chaleur bru1ante de l'ete per-
petue1."
llDragon" (du grec ~O()(Wy- DYCO( 1atinise en "draco,
-onis" comme "leo, -onis") est atteste depuis ENNIUS (1). Tout
comme ,en grec DU bfOO(W\\I
es t employe pou r
Ofl"(J"
( serpent), en
latin egalement, "draco" est souvent employe pour "serpens" ou
"anguis", sans distinction de senSe Mais le mot designe aussi
l'anima1 1egendaire de taille surnature11e, gardien de tresors,
dote ou non d'ai1es, de crete, d'une gueu1e effroyable crachant
du feu, etc.; c'est pourquoi PLINE y recourt pour decrire des
serpents gigantesques, ou de moeurs etranges et de caractere
magique.
Concernant le duel fabuleux entre dragon et elephants,
duel que mentionnent p1usieurs auteurs (2), et particu1ierement
PLINE l'ANCIEN (3), nous en avions deja par1e dans la descrip-
tion consacree aux elephants. Sans y revenir a nouveau, rappe-
Ions seulement que selon PLINE, ce duel se termine par la mort
des deux antagonistes: l'e1ephant vaincu, en s'abattant, ecrase
de son poids le serpent qui l'enlace (4).
1) Cf. A. ERNOUT, op. cit. p. 116.
2) MELA, Ill, 62; LUCAIN, IX, 732.
3) et 4) PLINE, VIII, 32.

596
Selon RABAN, l'Ethiopie et l'Inde, contrees de chaleur
perpetuelle, produisent le dragon.
L'Ethiopie, tout comrne l'Inde, passait pour et re la
regIon privilegiee du gigantisme: domaine de vegetaux geants,
de monstres humains de toutes sortes, d'animaux gigantesques et
monstrueux (1). Concernant les dragons tout particulierement,
PLINE l'ANCIEN ecrivait: "L'Ethiopie produit aussi des serpents
pareils a ceux de l'Inde; ils ont vingt coudees (2). Seulement,
je me demande pourquoi JUBA a cru qu'ils avaient des cretes (3).
On appelle Asacheens (4) les Ethiopiens chez qui on les trouve
en plus grand nombre. On rapporte que sur les cotes de ce,pays,
ces serpents s'enlacent par quatre ou cinq, en forme de claies,
et que, tete dressee, faisant pour ainsi dire voile, ils se
laissent porter par les flots vers l'Arabie, pour y trouver
meilleure nourriture "(5) .
1)
PLINE (VI, 187) dit: "Animalium hominumque monstrificas effi-
gies circa extremitates ejus gigni minime mirum, artifici ad
formanda corpora effigiesque caelandas mobilitate ignea."
2) ARRIEN (VIII, 28, 6) mentionne aussi en Libye, des serpents
d'une taille enorme, qui, a en croire certains auteurs, au-
raient devore de nornbreux boeufs; certains de ces serpents
auraient meme poursuivi leurs vaisseaux, et auraient fait
chavirer une trireme dont ils seraient montes a bord. LUCAIN
(1.
IX, 700 et s.) consacre egalement aux serpents d'Afrique
un long developpement OU, entre autres, il parle des "dragons"
et de leurs combats contre les taureaux et l'elephant. Cf.
A. ERNOUT, p. 11 7 .
3) Notons le scepticisme de PLINE, la, comme en PLINE XI, 22
ou XXIX, 54; cependant les poetes ont accueilli la legende,
cL OVIDE (Meta.,
IV, 599, Ill, 32, etc.) chez les latins,
et chez les Grecs, ELIEN (XI, 26) et PHILOSTR., VA,
Ill, 7.
ARRIEN (I, 5, 4) signale aussi des serpents aileS-dont PLINE
ne parle pas. Cf. A. ERNOUT, p. 117.
4) Ce sont les habitants d'une region rnontagneuse, signalee en
PLINE VI, 191.
5) PLINE, VIII, 35. trad. A. ERNOUT.

597
Enfin, les dragons d'Ethiopie ne sont pas seulement
enormes quant a leur taille; ils sont en plus exceptionnels en
vertu d'une originalite toute particuliere: leur cervelle te-
cele des pierres precieuses. C'est en tout cas ce que nous ap-
prend RABAN MAUR, a la fin de la description consacree a l'Ethio-
pie: "Cette region, dit-il, est egalement remplie d'une multitu-
de de betes feroces et de serpents. C'est la que l'on rencontre
le rhinoceros, la girafe, le basilic, d'enormes dragons, de la
cervelle desquels on extrait des pierres precieuses" (1).
2°_ Le Basilic.
Le basilic est un veritable fleau, a en croire RABAN
MAUR qui nous le peint en ces termes pris a l'eveque de Seville:
"Appele 'basilic' en grec, il est interprete 'regulus'
(roi) en latin, parce qu'il est le roi des serpents, au point
qu'a sa vue, tous les autres prennent la fuite, parce qu'il les
tue
par son seul regard. Et de fait,
s'il porte meme son re-
gard sur l'homme, c'est la mort. Aucun oiseau volant ne passe
indemne sous son regard: aussi loin qu'il soit, l'oiseau est
devore, entierement brl'ile par sa gueule. L' aspi-c est vaincu ce-
pendant par les belettes, que les hommes fourrent dans les trous
Oll il se cache. C'est pourquoi a la vue de la belette,
il pr end
la fuite. Mais celle-ci le poursuit et le tue. Cet Etre admi-
rab 1 e qui a cree le s chose s n' a rien etabli sans remede. Le basilic est
marque de taches blanches et est long d'un demi-pied. Les basi-
lics, comme les scorpions, frequentent tous les lieux arides
et une fois parvenus vers les eaux, ils font des hydrophobes et
des lymphatiques. Le "sibilus" est le meme que le "regulus": car
1)"
ferarum quoque et serpentium referta est multitudine.
Illic quippe rhinoceros bestia et camelopardus, basiliscus
dracones ingentes, ex quorum cerebro gemmae extrahuntur;"
RABAN MAUR, De Universo, col. 352.

598
il fait perir avant meme qu'il ait mordu ou brule sa victime"(l).
,
Le nom du serpent basilic vient du grec (3ot(Jt.>'f.6"X1r ,
que les latins ont simplement transcrit, ou qu'ils ont traduit
par le mot "regulus". Le basilic a donne lieu a nombre de fables,
dont nous voyons quelques-unes, la, chez RABAN ~~UR. Toutefois,
crest chez PLINE l' ANCIEN que nous lisons de ce fleau la descrip-
tion la plus pittoresque, encore que le naturaliste ait, lui aus-
si, ecourte ces fables
(2).
PLINE, en effet, le peint en ces
termes: "Le serpent basilic n'a pas moins de pouvoir (3). crest
la province Cyrenaique qui le produit: sa longueur ne depasse pas
douze doigts, il a pour marque une tache blanche sur la tete,
qui lui fait comrne un diademe. Son sifflement met en fuite tous
les serpents. 11 ne progresse pas, comme les autres, par une se-
rie d'ondulations, mais il s'avance en se tenant haut et droit
sur le milieu du corps. 11 tue les arbrisseaux, aussi bien par
son haleine que par son contact; il brule les herbes, il brise
les pierres, tant son venin a de force. On croyait jadis que,
1)
"Ec~siliscus Graece, Latine interpretatur regulus eo, quod rex
serpentium sit, adeo ut eum videntes fugiant; quia olfactu
suo eos necat. Nam et hominem si vel aspiciat, interimit. Si-
~uidem et ejus aspectum nulla avis volans illaesa transit:
sed quam procul sit ejus ore combusta devoratur. A mustelis
tamen vincitur, quas illic homines inferunt cavernis, in qui-
bus delitescit. Itaque ea visa fugit. Quem ilIa persequitur
et occidit. Nihil enim parens ille rerum sine remedio consti-
tuit. Est autem longitudine semipedalis albis maculis line-
atus. Reguli autem, sicut scorpiones arentia quaeque sectan-
tur et postquam ad aquas venerint hydrophobos et l}~phaticos
faciunt. Sibilus idem est, qui .st
regulus: sibilo enim occi-
dit antequam mordeat vel exurat."
RABAN MAUR, De Universo, col. 231.
- ISID. Etym. XII, 4, 6-7.
2) Par exemple PLINE a omis notamment de mentionner que le chant
du coq fait mourir le basilic (c£. ELIEN, Ill, 31; V, 30);
cf. A. ERNOUT, p. 129.
3) PLINE venait auparavant de parler d'une autre bete, appelee
"catoblepas" et qu'il situait pres de la source du Nigris,
chez les "Ethiopiens du soir" . .A en croire le naturaliste ro-
main, cette bete assez mediocre, qui tient la tete toujours
inclinee vers le sol tant elle est lourde, serait le fleau
du genre humain s'il en etait autrement, car tout homme qui
a vu ses yeux meurt aussit6t. Cf. PLINE VIII, 77.

599
s'il etait tue d'un coup de lance porte du haut d'un cheval, son
venin remontait le long de la hampe et tuait a la fois le cheval
et le cavalier (1). Et pourtant un tel monstre - on en a fait
souvent l'epreuve pour des rois qui desiraient le voir une fois
mort - ne resiste pas au venin des belettes: car la nature nla
rien voulu creer sans contrepartie. On four re celles-ci dans les
trous des basilics, qu'on reconnait aisement a l'infection du
terrain. Elles tuent le basilic par l'odeur qu'elles exhalent,
et meurent: ainsi se termine le combat de la nature contre elle-
meme" (2).
Le Basilic, ce serpent fabuleux, au regard et a,l'ha-
leine aussi pernicieux que sa morsure, n'a rien de commun avec
le lezard qu'on designe aujourd'hui sous ce nom (3). Le ~asilic,
comme l'aspic, est devenu proverbial chez les Peres de l'Eglise
(4)
et il a pris une valeur symbolique. C'est ainsi quia la sui-
te d'ISIDORE (5), RABAN MAUR, l'interprete comme etant le diab-
le (6).
1) Dans LUCAIN (XI, 828), pour eviter pareille mort, Murrus
s'ampute la main. Cf. A. ERNOUT, p. 129.
2) PLINE VIII, 78. Traduction fran~aise de A. ERNOUT.
3) Cf. A. ERNOUT, p. 129.
4) Cf. AUGUSTIN, in Psalm., 90, 9 (13): "rex est serpentium ba-
siliscus, sicut diabolus rex est daemoniorum".
5) ISID., in gen., 5,8: "aspidemdixitmortem,basiliscus
pec-
catum, leonem antichristum, draconem diabolum".
6) RABAN MAUR, De Universo, col. 231: "Basiliscus autem diabolum
significat, ... tt.

600
C / La founni.
C'est toujours RABAN qui nous en parle, et dans les
m~mes termes que sa source habi tuelle : "On il' appelle "founni",
dit-il, par ce qu'elle transporte les grains de froment, et qu'e11e
est d'une grande ingeniosite. Elle est prev6yante pour l'avenir,
et apprete en ete ce qu 'e11e mangera en hiver. Elle trie le froment
au sein de la recol te sans toucher cl l' orge.: elle extirpe la
!
totalite pendant qu'une pluie de grains luiitombe dessus. On dit
I
qu'en Ethiopie, il y a des fourmis qui ont la forme de chiens, et
qui, avec leurs pattes, extraient des. sables d' or qu' elles gardent
de sorte que celui qui vole cet or, elles l~ poursuivent en cherchant
cl 1 I attraper pour le mettre cl mort". (l)
D / Les oiseaux.
RABAN mentionne seulement les oiseaux au passage en
i
disant que les especes sont si nombreuses, qu'il est difficile de
les connaltre ou de les identifier toutes, cl moins d'explorei tous
les deserts de l'Inde, de l'Ethiopie ou de la Scythie (2).
1) "Formica dicta ab eo, quod ferat micas f~rris, cujus soleitia muIta.
Providet enim in futurum, et praeparataestate quod hieme icomedat.
In messe autem elegit triticum, hordeum' non tangit : dum:pluit ei
super frumentum, tOtLml ej icit. Dicuntur in Aethiopia esse formicae
ad fonnan canis, quae arenas aureas ped,ibus eruunt, quascustodiunt
ne quis auferat, captantesque ad necem persequuntur".
RABAN MAUR, De Universo, col. 227.
- Isid. ~. XII, 3,9.
2) " ... Nam volucrum quot genera sint, inve'nire quemquam posse diff icile
est. Neque enirn Omnia Indiae et Aethiopiae aut Scythiae deserta quis
penetrare poteri t, qui earum genus vel 'differentias nos set" .
MEAN MAUR, De Universo, col. 241.

601
Compilant, comme a son habitude, l'eveque de Seville,
RABAN MAUR nous donne ici quelques indications relatives aux
minerais qui sont produits en Ethiopie. Ces minerais sont tous
des pierres precieuses.
a - La pierre des dragons.
Les premieres gemmes mentionnees en Ethiopie sont d'une
originalite particuliere; elles ne sont pas produites par le sous-
sol de cette contree, mais plutot par un des elements de sa fau-
ne. Autrement dit, ces pierres sont tout bonnement extraites de
la tete d'enormes dragons que l'Ethiopie produit, a en croire
RABAN MAUR (1).
La production de cette pierre appelee "dragontite" par
ISIDORE (2), et "dragontia" par SOLIN (3) et PLINE (4), obeit a
une condition: l'extraction doit se faire sur le dragon vivant,
sinon la transformation de la matiere cervicale en pierres pre-
cieuses n'a pas lieu, ainsi affirme l'eveque de Seville, qui a-
joute que pour cette raison, on retire les pierres de la tete des
monstres apres les avoir endormis par la magie; les hommes intre-
pides explorent les repaires des dragons, y repandent des plantes
medicinales destinees a provoquer le sommeil des monstres, et
ainsi, une fois ceux-ci endormis par les soporifiques,on depece
leurs tetes (ou leurs cervelles) et on en extrait les gemmes (5).
1)"
dracones ingentes, ex quorum cerebra gemmae extrahuntur;"
RABAN MAUR, De Universo, col. 352.
2) I SID. Et YID. XV I, 14, 6- 7 .
3) SOL IN, 30, 16.
4) PLINE, XXXVII, 158.
5) Cf. I SID. Et YID ., XV I, 14, 6- 7 .

602
b - La Hyacinthe.
Repetant lleveque de Seville, RABAN parle de cette
pierre precieuse en ces termes: "La Hyacinthe se rencontre en
Ethiopie; elle est de couleur bleue. La plus recherchee est
celle dont la teinte nlest ni claire, ni attenuee par l'epais-
seur (opaque), mais qui brille de la combinaison des deux tein-
tes, et prend agreablement la couleur de la fleur pure. Elle ne
brille pas de la me me maniere, mais change comme l'aspect du
ciel: elle est transparente et agreable quand le temps est serein,
se fane et disparalt des yeux quand le temps est nuageux"
(1).
c - La Chrysoprase.
Cette pierre precieuse est seulement mentionnee avec
la hyacinthe, dans la description generale que RABAN MAUR donne
de l'Ethiopie (2).
Chez ISIDORE, dont l'abbe de Fulda est tributaire, la
chrysoprase semble specifique a l'Ethiopie. C'est une pierre que
la lumiere cache, mais que l'obscurite revele; elle est etince-
lante la nuit, et de la couleur de l'or, le jour (3).
d - La Chalcedoine .
ISIDORE et particulierement RABAN parle de cette pier-
re d'apres le livre de l'Apocalypse (4) qui la mentionne comme
1)
"Hyacinthus in Aethiopia reperitur, caeruleum colorem habens.
Optimus, qui nec rarus est, nec densitate obtusus, sed ex
utroque temperamento lucet, et purificatum sU8viter florem
trahit. Hic autem non rutilat aequaliter: sed cum coeli facie
mutatur: sereno autem perspicuus atque gratus est: nubilo co-
ram oculis evanescit atque marcescit."
RABAN MAUR, De Universo, col. 469.
2)
" . . .
hyacinthus quoque et chrysoprasus ibi reperiuntur;"
RABAN MAUR, De Universo, col. 352.
3 )
I SID. Et ym., XV I, 1 4, 8.
4) Apo c a 1 yp se,
21, 19 .

603
lt une des douze pierres precieuses qui ornent les fondations de
la cite celeste. D'apres l'abbe de Fulda, cette pierre, comme le
feu pale de la lampe, redevient brillante d'aspect et d'eclat
quand elle est en plein air, mais en revanche, ne brille pas dans
une maison. Et d'apres lui, on la trouve chez les Nasamons, dont
par confusion, il fait du pays une province d'Ethiopie (1).
Remarquons en passant, que chez ISIDORE de SEVILLE, le
nom de la pierre en question n'est pas "chalcedonius" mais plu-
tot "carchedonia". Certes, elle est produi te chez les Nasamons,
a partir de la pluie (2). Mais l'eveque de Seville ne commet pas
l'aberration de placer le pays des Nasamons, riverains de'la Me-
di terranee, en Ethiopie. Une telle confusion chez RABAN, vient
sans doute d'une association d'idees evoquees par les mots "Na-
samons - Niger - Ethiopie", a la suite de l'histoire rapportee
par HERODOTE a propos de l'origine occidentale du Nil. RABAN qui
sans doute se rappelle vaguement
l'anecdote, fait la confusion
ici entre la region d'Oll partit l'expedition des jeunes Nasamons
et la region Oll cette expedition aboutit. Autrement dit, l'au-
teur melange ici le point de depart avec le point d'arrivee.
1) "Chalcedonius quasi ignis lucernae pallentis specie renitet,
et habet fulgorem sub dio, non in domo ... Et quod apud Nasa-
monas, quae est Aethiopiae provincia, nascitur,
"
RABAN MAUR, De Universo, col. 466.
2) I SID. Et yID., XV I, 14, S.

60~
Les indications relatives a la population de l'Ethio-
pie nous sont fournies par cinq auteurs: ANGELOME, DICUIL, RABAN,
FRECULF et REMY d'AUXERRE. Les informations affectent ici un
double aspect: classique et biblique.
a - Informations a caractere classique.
Cette premiere serie d'informations emane de
deux
auteurs, DICUIL et RABAN MAUR, et tout particulierement du der-
nier. Les sources de reference sont PLINE l'ANCIEN pour le moine
irlandais, et ISIDORE de SEVILLE pour l'abbe de Fulda. A travers
elles, les materiaux relevent de l'Antiquite classique.
D'apres les indications donnees ou suggerees par les
textes, nous pouvons ici repartir la population de l'Ethiopie en
deux categories: les peuples apparemment "normaux", d'une part,
et les peuples monstrueux, d'autre_part.
Sont ici consideres comme normaux les peuples mention-
nes seulement, ou ceux qui le sont sans indications physiques
particulieres pouvant les differencier de maniere essentielle et
jeter le doute sur leur humanite. Cette categorie comprend: les
Ethiopiens Aroteras, les Erythreens, les Hesperiens, les Troglo-
dytes, les Garamantes, les PamphagBs, les Hini, et les Ichtyo-
phages.
- Les Ethiopiens Aroteras.
Ces Ethiopiens "laboureurs" (1) sont seulement mention-
nes, et chez DICUIL seul, d'apres PLINE l'ANCIEN (2). Dans leur,
voisinage, il signale plusieurs lIes dont Bachias et Antibachias,
ainsi que Stratioton (3).
1)
Cf. J.J. TIERNEY qui, dans le passage de D1CUIL VII, 2, p. 73,
rend "Aroteras" par le mot anglais "Ploughmen".
2) PLINE, VI, 173.
3) DICUIL, VII, 2, p. 72.

605
- Les Erythreens.
Les Ethiopiens Erythreens sont egalement mentionnes
chez DICUIL seul, mais d'apres PRISCIEN (1), cette fois. Habi-
tants de l'Erythree, dont l'auteur fait une lIe de l'Ethiopie,
dans l'Atlantique, ces insulaires passent pour des hommes jus-
tes, ayant le coeur droit et jouissant d'une grande longevite (2).
- Les Hesperiens.
Les Ethiopiens "Hesperiens", dont le nom signifie
"Occidentaux" sont mentionnes a la fois par DICUIL et par RABAN.
Chez DICUIL, dans la description generale consacree a
l'Ethiopie, ils ne sont que mentionnes ("Aethiopas Hesperios").
Et le moine les localise pres d'un promontoire nomme "Hesperu
Ceras" (cap occidental)
(3).
Chez RABAN MAUR, les Hesperiens apparaissent tantot
comme un peuple de l'Ethiopie, tantot comme une population de
l'AFRICA au sens d'Afrique Septentrionale. En effet, dans un pas-
sage qui clot le traitement consacre aux differentes populations
de l'Afrique du Nord, l'abbe definit les Hesperiens comme etant
"les peuples qui habitent autour de l'Espagne", car l'Espagne,
dit-il, est la meme que l'Hesperie (4). Et cependant, dans un
autre passage qui suit presque immediatement, et ou il est ques-
tion des populations de l'Ethiopie, il distingue trois groupes
d'Ethiopiens: les Hesperiens, qui habitent l'Occident; les Gara-
mantes, qui demeurent a Tripoli; et les Indiens, qui habitent
1 'Orient
(5).
1) PRISCIEN, Periegese, 570 sq.
2) "Aethiopes habitant Erithream pectore justi Athlantem juxta
longevi finibus olim."
DICUIL, VII, 3, p. 72.
3) " ... a quo [Theonocemm~ navigatione quatridui promuntiorum
Hesperu Ceras vocatur confine AFRICAE juxta Aethiopas Hespe-
rios." DICUIL, IV, 3, p. 56.
4) "Hesperii vero sunt, qui circa Hispaniam commorantur; nam His-
pania Hesperia dicitur." RABAN MAUR, De Universo, col. 444.
5) "Aethiopes ... quorum tres sunt populi: Hesperi, Garamantes et
Indi. Hesperi sunt Occidentis; Garamantes Tripolis, Indi Ori-
entis." RABAN MAUR, De Universo, col. 444.
- ISIDORE, Etym., IX, 2, 126; 128.

50£)
La localisation des Hesperiens pres du promontoire
"Hesperu Ceras" par DICUIL, et l'ambigui'te de la position de ce
peuple considere comme ethiopien, mais qui parait aussi bien
etre une population de I' Afrique du Nord, voire une population
a rattacher a l'Espagne, d'apres la definition et les propos de
RABAN, tout cela reflete assez bien la confusion qui s'observe
dans les sources anciennes a propos des Hesperiens.
En effet, la description du monde (1), faite par un
poete anonyme de la fin du lIe siecle ay. J.C.
(2), fixe abusi-
vement dans l'lle de Gades (Cadix) des Ethiopiens Hesperiens (3).
Cependant, il est possible que deja le Periple de Scylax (4), re-
dige vers le milieu du IVe siecle, ait fait mention des Ethio-
piens Hesperiens (5). Ces Ethiopiens habitaient aut our du fleuve
Xion, non loin de Cerne, que le Periple situe a dix jours de na-
vigation du cap Hermes et a douze jours des colonnes d'Hercule(6).
Chez STRABON (7), le pays des Ethiopiens Occidentaux
se trouve au-dessus de la MauTousie, sur la mer exterieure.C'est
un pays mal peuple dans sa plus grande partie, -et ou vivent des
girafes, des elephants, des lions et des rhises (8). Bogus, roi
de Maurousie, fit campagne contre ces Ethiopiens (9). Chez
STRA-
BON (10), il Y a en outre cette precision: les Pharusiens et les
1) Cf. C. MULLER, GeoEraphi graeci minores, t.I, p. 200, v. 157,
apud J. DESANGES,
atalogue des trlbus ... op. cit. p. 246.
2) Cet auteur a parfois ete identifie a SCYMNOS de CHIOS. Cf.
DESANGES, Catalogue des tribus, ibid.
3) Cf. DESANGES, op~ cit. p. 246.
4) Periple de Scylax, 112, in Geographi graeci minores, op. cit.
p. 93.
5) Cf. DESANGES, op. cit. p. 247.
6) Cf. le meme auteur, ibid.
7) STRABON, XVII, 3, 5.
8) Ce pourrait etre de grand buffles, d'apres ST. GSELL (H. A.
A.
N.,
I, p.
108 n. 2).
9) On peut, a bon droit, penser avec ST. GSELL, que ces Ethio-
piens Hesperii ne devaient pas etre tres eloignes des Etats
du roi Maur.
10) STRABON, Ill, 4, 3 et surtout XVII, 3, 7.

607
Nigretes, situes au-dessus des Maurousiens, vers les Ethiopiens
Hesperii, sont des archers comme ces derniers. Et les Ethiopiens
paroceanites , en qui l'on reconnalt les Ethiopiens Hesperii, se
trouvent a neuf ou dix journees de marche des Garamantes (1).
POMPONIUS MELA (2), qui reprend le Periple d'Hannon,
ou il n'est pourtant pas question d' Hesperii, place cependant
des Ethiopiens Hesperii entre la Corne de l'Occident, limite de
leur territoire, et la Colonne des dieux. crest chez eux que se
trouve le "Nu(c)hul", tenu pour une des sources du Nil. PLINE
l'ANCIEN (3) de meme situe le "fons nigris" ou "niger" chez les
Ethiopiens Occidentaux. 11 mentionne encore les Hesperii au voi-
sinage des Perorsi (4) et des peuples qui vivent aux confihs de
la Mauretanie, tout comme reprenant la tradition du Periple d'Han-
non, il les place pres de la Corne de l'Occident, promontoire si-
tue a quatre jours de navigation (en allant vers la Mauretanie)
de la Colonne des dieux et aux confins de l'Afrique (5).
Apres ce que nous venons de voir, il est difficile de
localiser ces Ethiopiens Occidentaux. Neanmoins, avec certains
indices un peu precis comme les rapports des Hesperii avec le roi
Bogus de Mauretanie, la proximite des Perorsi, la tradition sur
la source du Nil avec le Nuchul
(que PAUL OROSE (6) assimile au
Dara) ou le "fons nigris" de PLINE, il semble interdit de placer
les Ethiopiens Hesperii dans l'Afrique tropicale. "Hesperiens" ou
"Hesperii" est un terme generique et vague, qui designe, semble-
t-il, certains Ethiopiens riverains de l'Ocean, dans le sud du
Maroc actuel, et plus specialement _peut-etre, ceux dans la re-
gion du cap Noun, qui resta longtemps le point le plus meridional
et le plus occidental qu'aient frequente les navigateurs sur la-
route des Canaries (7).
1) STRABON, XVII, 3, 19.
2) MELA, II I, 96.
3) PLINE, VIII, 77.
4) PLINE, VI, 195.
5) Idem, VI, 197.
6) OROSE, I, 2, 31.
7) Cf. J. DESANGES, Catalogue, op. cit. p. 248.

608
- Les Troglodytes.
Les Troglodytes sont mentionn@s ~ la fois par D1CUIL
et par RABAN.
Dans un passage, dont le texte s'est altere, le moine
irlandais cite les Troglodytes et les Ichtyophages comme les ha-
bitants des parties recul@es de l'Ethiopie brul@e par le soleil(1).
L'abb@ de Fulda affirme qu'ils sont des Ethiopiens; et
rendant compte de leur nom, il dit: "lIs sont ainsi nomm@s parce
qu'ils sont dou@s d'une telle rapidit@ qu'ils poursuivent ~ la
course les animaux sauvages" (2).
Des Troglodytes, il a d@j~ @te question dans le traite-
ment consacre aux populations du continent africain; aussi, nous
ne nous attarderons pas ici ~ leur sujet. Remarquons cependant
un certain transfert, voire une substitution dans la d@finition
qu'en donne RABAN MAUR. Chez l'abb@ de Fulda et son maitre, ce
qui caract@rise les Troglodytes comme peuple, c'est leur grande
v@locit@ ~ la course: ils sont si rapides qu'i~s poursuivent ~
pied les animaux sauvages; les Troglodytes sont d@nomm@s donc
d'apres leur aptitude physique. Certes la grande c@l@rit@ des
Troglodytes est d@j~ signalee par les auteurs anciens; c'est d'ail-
leurs ~ cause de cette rapidit@ que leurs voisins, les Garamantes
ne peuvent leur donner la chasse que mont@s sur des chars tir@s
a quatre chevaux. Cependant, chez les anciens, l'originalite de
ce peuple et sa distinction par rapport aux autres, lui viennent
plutot de son mode d'habitat: les Troglodytes sont les habitants
des grottes ou des cavernes. C'est ce mode d'habitat qui leur
vaut ce nom. Dans sa manie de l'explication, ISIDORE a d@rap@ une
fois de plus sur l'@tymologie reelle du mot "Troglodyte", cela
par ignorance - il n'a apparemment pas su faire le rapprochement
entre les Troglodytes et leur mode d'habitat, bien qu'il sache
1)"
Habitari etiam adita Aethiopiae adusta Tragoditarum et
Ictiofagorum + nam cum + ( •.• )"
DICUIL, VII, 42, p. 84. - CL SOLIN, 56, 9.
2) "Trogodytae gens Aethiopum ideo nuncupati sunt, quod tanta
celeritate pollent, ut feras cursu pedum assequantur."
RABAN MAUR, De Universo, col. 444.
- lSID. Etym., IX, 2, 129.

609
le grec -, a moins qu'il ait prefere a l'originalite de l'habi-
tat, cette autre originalite, savoir, la velocite de ce peuple.
Quant a RABAN, son ignorance de la langue grecque et sa docili-
te habituelle a l'autorite qu'est ISIDORE ne lui permettent au-
cune possibilite d'interrogation sur la justesse de la defini-
tion des Troglodytes.
- Les Ichtyophages.
Tous les deux auteurs les mentionnent:
- DICUIL les cite avec les Troglodytes comme etant les
habitants des parties reculees de l'Ethiopie brQlee par le so-
leil (1).
- Quant aRABAN, il explique leur nom par leur regime
alimentaire compose exclusivement de poissons (2).
Les Ichtyophages ou "mangeurs de poissons" sont men-
tionnes par DIODORE de SICILE (3), qui leur attribue la fondation
de la viI le de Menen (Meninx = el-Kantara a Djerba?) sur les bords
du lac Tritonis. Differemment, chez PTOLEMEE (4), les Ichtyopha-
ges sont signales sur le grand golfe dit Hesperios au Nord des
Ethiopiens Hesperii. Autrement dit, les Ichtyophages du premier
auteur sont a l'Est, sur la Mediterranee, tandis que ceux du se-
cond, se trouvent a l'Ouest, sur l'Atlantique.
On a tente (5) d'assimiler les Ichtyophages du golfe
"Hesperios" aux nomades pecheurs de poissons, Chnagla du Rio de
Oro (actuel Sahara Occidental) ou Imraguen de Mauretanie, Ber-
beres metisses de Noirs. Mais etant donne la conclusion prece-
dente au sujet de la position des Ethiopiens Hesperii, il semble
1) DICUIL, VII, 42, p. 84. - Cf. SOLIN, 56, 9.
2) "Ichtyophagi, quod venando in mari valeant, et piscibus tan-
tum alantur. 11 RABAN MAUR, De Uni verso, col. 444-445.
- ISID. IX, 2, 131.
3) DIODORE de SICILE, Ill, 53, 6 apud J. DESANGES, Catalogue,
op. cit. p. 249.
4) PTOLEMEE,
IV,
8, 2, ibid.
5) Cf. R. CAPOT-REY, Le Sahara fran\\ais, Paris 1953, p. 175 et
209; Au sujet des Imraguen, cf. L.C. BRIGGS et col. LE ROMEUR,
A propos de R. ADAMS et des Imraguen, dans B. L. S., nO 38,
1960, p. 121-2.

610
qu'une localisation plus septentrionale de ces "mangeurs de
poissons" paratt plus appropriee (1).
- Les Garamantes.
Les Garamantes sont mentionnes ici par RABAN MAUR,
qui ne paratt nullement trouble par les propos contradictoires
qu'il tient a leur sujet, a peu d'intervalle. En effet, dans
un premier passage s'inscrivant dans le contexte du traite des
populations relatives a l'Afrique Septentrionale ou Libye, l'ab-
be, compilant ISIDORE, parle des Garamantes en ces termes: "Les
Garamantes sont des peuples d'Afrique habitant pres de Cyrene;
ils sont ainsi nommes du roi Garamas, fils d'Apollon, lequel
fonda en ce
lieu une ville qufil appela de son propre nom. Les
Garamantes sont voisins des peuples des Ethiopiens"
(2) ~ Mais
a quelque intervalle plus loin, parlant des Ethiopiens, toujours
d'apres ISIDORE, il declare: "Ceux-ci, partant du fleuve Indus,
vinrent s'etablir pres de l'Egypte, entre le Nil et l'Ocean au
Sud, dans la proximite immediate du soleil; ils forment trois
peuples: les Hesperiens, les Garamantes et les Indiens; les Hes-
periens habitent l'Occident, les Garamantes demeurent
a Tripoli,
les Indiens sont a l'Orient" (3).
Comme nous venons de le voir, les Garamantes sont
d'abord presentes comme un peuple de lfAFRICA, au sens d'Afrique
Septentrionale, et localises dans la Cyrenafque (pres de ~yrene);­
en plus, RABAN precise qu'ils sont voisins des Ethiopiens, ce
qui signifie qu'ils ne sont pas Ethiopiens. Pourtant ensuite,
nous voyons le meme peuple inclus parmi les Ethiopiens, dont ils
composent un des trois groupes.
1) Cf. J. DESANGES, Catalogue ... , p. 249.
2) "Garamantes populi Africae prope Cyrenas inhabitantes, a Ga-
ramante rege Apollinis filio nominati, qui ibi ex suo nomine
Garama oppidum condidit; sunt autem proximi gentibus Aethio-
pum." RABAN MAUR, De Universo, col. 444.
- ISID. Etym.
IX, 2, 125.
3) "Hi quondam ab Indo flumine consurgentes juxta Aegyptum inter
Nilum et Oceanum in Meridie sub ipsa solis vicinitate insede-
runt; quorum tres sunt populi: Hesperi, Garamantes et Indi.
Hesperi sunt Occidentis, Garamantes Tripolis, Indi Orientis."
RABAN MAUR, De Universo, col. 444. -ISID. Etym. IX, 2, 128.

611
Sans nous attarder non plus sur les Garamantes, disons
simplement que la contradiction de l'abbe de Fulda reflete les
divergences qui s'observent au niveau des auteurs quant a la pla-
ce de ce peuple. HERODOTE cite les Garamantes parmi les peuples
etablis a l'interieur de la Libye; il les dit fort nombreux et
les localise a dix journees d'Augila (1). Chez ME LA (2) et PLINE
(3),
les Garamantes sont mentionnes avec les Troglodytes dans les
"vastes solitudes" de l'Africa (Afrique Septentrionale), et PLINE
les place a douze jours d'Augila; leur capitale est Garama (Dj er-
ma). Parmi les auteurs qui considerent les Garamantes comme des
Ethiopiens, citons PTOLEMEE, qui en fait parfois des Ethiopiens
(4), mais parfois semble implicitement distinguer Garamantes et
Ethiopiens (5); citons egalement SOLIN (6) et ISIDORE (7). Parmi
ceux qui les en distinguent, citons STRABON (8), DENYS le PERI-
EGETE (9) et ISIDORE (10). Enfin, observons que meme au niveau
des auteurs modernes,il existe egalement une divergence: ainsi
par exemple, STEPHANE GSELL (11) est de l'avis de ceux qui consi-
derent les Garamantes comme des Ethiopiens, tandis que G. CH. PI-
CARD (12) les en distingue.
1) HERODOTE, IV, 183.
2) MELA, I, 23.
3) PLINE, V, 43.
4)
PTOLEMEE, I, 8, 5.
5)
PTOLEMEE, IV, 6, 5.
6)
SO L IN, 30, 2.
7)
ISID. Etym. IX, 2, 128.
8) STRABON, 11,5,33; XVII, 3,19.
9) DENYS le PERIEGETE, V, 217-218.
10)
ISID. Etym. IX, 2, 125.
11) GSELL, Hist. A. A. N., t.
I, p. 298.
12) G. CH. PICARD, Castellum Dimmidi, Paris, 1947, p.
25; La ci-
vilisation de l'Afrique romaine, p. 67 et n. 48, p. 373.

612
- Les Indiens.
A la suite d'ISIDORE, RABAN distingue trois groupes
d'Ethiopiens, dont les Indiens ("Indi"), qu'il localise a l'Ori-
ent (1). Dans la theorie de la dualite de l'Ethiopie, les Indi-
ens apparaissent comme les habitants de l'Ethiopie que l'abbe
de Fulda designe sous l'expression "circa ortum solis". Autre-
ment dit, ces Ethiopiens-Indiens sont les Ethiopiens Orientaux,
voisins de l'Egypte.
- Les Pamphages et les Hini.
crest RABAN MAUR qui mentionne les Pamphages et les
Hini, toujours a partir d'ISIDORE (2). "Les Pamphages et les Hi-
ni, dit-il, sont egalement en Ethiopie; ces peuples se nourris-
sent de tout ce qui peut se manger et de tout ce qui leuT tombe
par hasard sous la main; drOll ils ont ete ainsi appeles" (3).
+
+
+
L'examen de cette premIere categorie de populations
de l'Ethiopie debouche sur deux observations:
'"
1) La plupart du temps, les informations que nous don-
nent les auteurs sur ces populations ne depassent guere la simple
mention de leurs noms ou de l'origine de ces appellations. Quant
a ces noms eux-memes, ils n'ont aucune realite africaine, c'est-
a-dire qu'ils ne sont nullement ceux par lesquels les indigenes
se designent eux-memes. Ce sont des denominations dues a des
etrangers - Grecs -, qui les ont appliquees aces peuples d'apres
leur mode de vie (les Aroteras = les laboureurs?) ou d'apres
leurs habitudes alimentaires (les Ichtyophages = les "mangeurs
1) RABAN, De Universo, col. 444.
2)
ISID. Etym. IX, 2, 130.
3) "Panfagii et Hini [al., HiJ in Aet~io¥ia s':lnt. quibus esca
est, quidquid mandi potest, et omnIa
ortultu
gignentia:
unde et appellati."
RABAN MAUR, DeUniverso, col. 444.

de poissons"; les Pamphages et les Hini = les omnivores). De ce
fait,
ils revetent un caractere artificiel.
2) La fidelite et la docilite de RABAN a reproduire
ISIDORE sont telles qu'apparemment, aucune contradiction au ni-
veau du maitre sevillan ne parait soulever la moindre objection
ou la moindre critique chez le disciple germain, qui, a sa sui-
te, distingue seulement "trois peuples d'Ethiopiens", savoir les
Hesperiens, les Garamantes et les Indiens, alors qu'aussitot
apres il reconnait d'autres "peuples d'Ethiopiens" en la person-
ne des Troglodytes, des Pamphages, des Hini et des Ichtyophages.
En supposant que pour l'abbe de Fulda et sa source, tous les
Ethiopiens soient compris dans ces "trois peuples" ou groupes,
faut-il encore qulon sache oQ, dans ces groupes, classef ces
Troglodytes, ces Pamphages, ces Hini et ces Ichtyophages. Ce qui
nlest nullement indique. Toutes ces incoherences et toutes ces
contradictions denotent bien le caractere fantaisiste des infor-
mations colportees dlauteurs en auteurs sur une contree -
llEthiopie - dont la connaissance, chez eux, r~leve davantage de
l'imaginaire que du reel.
0
2 _ ~~~_~~~~!~~_~~~~!I~~~~~
Outre la premiere categorie de populations dont nous
venons de parler, DICUIL et RABAN MAUR font etat d'une autre ca-
tegorie d'habitants de l'Ethiopie, dont les caracteristiques phy-
siques assez etranges jettent le doute sur leur humanite. Tel est
le cas des Artabatices, des Egipans, des Satyres et des Sciopodes.
- Les Artabatices.
Seul RABAN mentionne ce peuple en compilant ISIDORE.
11 en parle en ces termes: "On dit que les Artabatices en Ethio-
pie, marchent les bras au sol, comme les animaux. Aucun d'eux
ne depas se l' age de qua ran te ans" (1).
1) "Artabatice in Aethiopia proni, ut pecora, ambulare dicuntur.
Quadragesimum aevi annum nullus supergreditur."
RABAN MAUR, De Universo, col. 197.
- Cf. ISID. Etym. XI, 3,20.

614
- Les Egipans et les Satyres.
Selon DICUIL, qui rapporte l'opinion sans en nommer
les tenants, les Egipans et les Satyres sont des habitants de
l'Ethiopie, car crest dans cette region que se situeraient les
collines couvertes d'agreable verdure, qui sont leur demeure (1).
Pour sa part, RABAN, qui compile ISIDORE, nous parle
des Satyres en ces termes: "Les Satyres sont de tout petits hom-
mes aux narines retroussees; ils portent des cornes sur leurs
fronts; ils ont les pieds semblables a ceux des chevres; tel fut
celui que vit Saint Antoine dans le desert. On dit que le ser-
viteur de Dieu lui ayant demande qui il etait, le Satyre repon-
dit:
'Je suis l'un de ces hates mortels du desert auxquels le
paganisme, egare par ses erreurs nombreuses, rendit un culte
sous le nom de faunes et de Satyres'"
(2).
Pour en avoir deja parle, nous passerons egalement sur
le cas des Egipans et des Satyres; toutefois, ici, outre l'as-
pect physique des Satyres, on peut aussi noter, a travers cette
anecdote aux relents polemiques et antipaiens,-l'introduction
d'une nature morale de ces monstres. 11 ressort en effet que le
Satyre est une creature douee de raison puisque Saint Antoine
l'interroge sur son identite; il participe a la nature humaine,
et il a une ame; de plus, il apparait ici comme une creature di-
vine docile au Createur: il desavoue sans complaisance le culte
que le paganisme lui rendit, et semble plutat revendiquer sa
juste place, celle de creature soumise. Si l'image du Satyre,
particulierement ici son aspect physique, le culte qui lui est
rendu et sa rencontre avec le saint ermite dans le desert, sug-
gerent un rapprochement avec le demon, cependant l'attitude et
le comportement de ce Satyre montrant tant de delicatesse et de
docilite empechent de pousser plus loin la comparaison!
1) DICUIL, IV, 3, p. 56. - Cf. PLINE 11, 242.
2) "Satyri homunciones sunt aduncis naribus, cornua in fronti-
bus, et caprarum pedibus similes: qualem in solitudine Autu-
mus /Antonius/ sanctus vidit, qui etiam interrogatus a Dei ser-
vo, respondisse fertur, dicens:
'Mortalis ego sum unus est
accolis eremi, quos vario delusa errore gentilitas faunos Sa-
tyrosque colit." RABAN MAUR, De Universo, col. 197. - ISID.
Etym. XI, 3, 21
(HIERON. Vit. Paul. erem. 8).

615
2. Un pied: Sciopodes (doublet de Sciapodes).
El y a de. celle gent q~i n'on{ que un pie; el si VOnt si 10Sl que cesl mer-
vellles, el SI est ce pie SI. large que il en font umbre a IOUl le corps deuls
encontre le sol ell, quand 11 se couche du travers (Mandeville (")).
Fig: 16
fig. 17
1. Mon5lres sans lele.
SJemmyes :
Et en une autre ylle devers mydy demeurent gens de laide estature et de
mauvaise nature, qui nont point de leste el ant les yeux el les espaules et la
bouche torse comme fer de cheval et en my la pointrine. El en une autre ylle
\\' a des gens senz tesle, et onl les yeux et la bouche par derrieres les espaules
(MandeviJl.e (9)).
us seconds ne sont qu'une variante du premier type.
Fig. 11
Extrait de MONSTRES DEMONS ET MERVE1LLES A LA FIN DU MOYEN AGE.
Claude KAPPLER • ( Payot 1980 ) •

616
-
Les Sciopodes.
Empruntant a lfeveque de Seville, RABAN parle ainsi
de cette population:
"On raconte que le peuple des Sciopodes
vit en Ethiopie;
ils nlont qu'une
jambe, et ils eourent avec
une rapidite admirable; de la les Grecs les nomment Sciopodas
( (}x L 0 """()~5
) "a ux p ieds d' ombre", pa ree que, lorsque le
temps est chaud, ils s'etendent tout de leur long sur la terre, et
se donnent de l'ombre par la grandeur de leurs pieds".
x
X
X
11 nly a pas lieu de no us arreter un seul instant sur le
cas de ces etres tels, lea Artabatices, qui marchent a quatre pattes,
a la maniere des animaux, ou encore, les Sciopodes (doublet de
Sciapodes), qui associent a l'unicite de la jambe, une hypertrophie
du pied, dont la grandeur est telle, qu'ils s'en servent comme veri-
table parasol, aux heures chaudes. Ces peuples, aussi bien que les
Egipans et les Satyres, sont a classer dans le repertoire des fables
et des rnerveilles transrnises par l'Antiquite au Moyen Age.
b - Informations a caractere bibligue.
Cette deuxieme serie d'informations sur la population de
l' Ethiopie vient d' AN G-E..l..OMC, de RABAN MAUR, de FRECULF et de REMY·.
La reference de tous ces quatre auteurs est JEROME~lequel, dans la
geographie de caractere sacre dont il est incontestablement le
principal promoteur, traite du peuplernent de l'Afrique d'une maniere
generale, et de celui de l'Ethiopie, en particulier. lci, les mate-
riaux d'information relevent d'une double origine : ils proviennent,
d'une part, d'elements empruntes dans les ouvrages des auteurs anti-
ques et classiques, et d'autre part, d'elements pUises dans la Bible.
- Les Ethiopiens
Les Descendants de KUSH
Dans l'esprit de la geographie chretienne, les quatre
auteurs precites, identifient l'Ethiopie a la terre de KUSH, fils

617
de CHAM, et les populations d'Ethiopie Et ses descendants, cela en
conformite avec JEROME (1) et tous les cormnentateurs de l' Ecriture.
Pour ANGELOME, RABAN et REMY, qui cOltlmentent tous trois
. I
le livre de la Genese, tout comme pour FREC\\JLF, dans sa Chronique,
,
l'Ethiopie est la region impartJe Et KUSH, un des quat re fils de CHAM,
i
lors du pseudo-partage de la terre entre les fils de NOE (2). En conse-
quence, les habitants de cette contree sont:,les descendants de KUSH.
Mieux encore, RABAN MAUR explicite 1 'origine "Kushite"
des Ethiopiens en ces tennes : "Les Ethiopiens sont nommes du nom
d'un fils de CYW1, qui etait appele KUSH, d~:)]1t ils tirent leur ori-
gine
KUSI-I, en effet, en hebreu, est interp~ete par "AETH 10 PS"
Jadis, ces peuples etant partis du fleuve Indus, vinrent s'installer
pres de 1 'Egypte, entre le Nil et l'Ocean, au sud, dans
le voisinage
I
rnE)me du soleil ; il en vint trois peuples : i les Hesperiens, les
Garamantes et les Indiens. Les Hesperiens sont Et l' Occident, les
!
Garamantes Et Tripoli, les Indiens Et 1 'Orient". (3).
Les propos de RABAN MAUR nous conduisent Et deux remarques
importantes concernant, d 'une part, la coul~ur de 1 'Ethiopieri', et
d'autre part, la valeur de cette identifica~ion des Ethiopiens Et
I
KUSH et Et ses descendants.
1) Dans le cadre de cette etude strictement limitee Et
"Aethiopia" en tant que terme geographique, iD faut souligner
1) HIE RONY!vIUS , Quaest. hebr. II 1, 206.
2) ANGELOME, Cormnent. in Genesim, col. 164.
RABAl\\l MAUR, Comment. in Genesim, col. 527
RHW 0' Auxerre, Comment. in Genesim.
col
13l.
fRECULF, Chronicon, col. 934.
3) "Aethiopes dicti a filio Cham, qui vocatus est Chus, .ex quo onglnem
trahunt. Chus enim lwbraica
lingua Aethiops interpretatur. Hi quondam
ab Indo flumine consurgentes juxta Aegytum inter Nihun etOceanum in
Meridie sub ipsa solis vicinitate insederunt ; quorum tres sunt
populi
Hesperi, Garamantes et Indi. Hesperi sunt Occidentis ; Garamantes
Tripolis, Incli Orientis".
RABAN MAUR, De Universo, col. 444.

618
;
que la question de la couleur de l'Ethiopien est seulement suggeree
chez RAI3AN MAUR, en deux endroits : d' une p'art" dans sa clef ini tion
!
de l'Ethiopie,quand il dit : "l'Ethiopie eS',t ainsi nommee Et cause
de la cOLlleur de ses habitants que le voisinage du soleil brOle",
I
et d'autre part, lorsqu'il affirme que le t~nne hebreu "Kush" se
traduit en grec par le mot "Aethiops". L'examen d'''Aethiops'' en
tant qLle terme ethnique, s'inscrivant dans le cadre d'une etude
,
d'ordre anthropologique concernant le champ! semantique "Africain",
nOLls permettra plus tard, de traiter veritablement de cette
question.

• 111 •
619
A E T H lOP A
A U S E N S
S P I R I T U E L
0 U M 0 R A L
Sur la frequence totale de 115 (cent quinze) mentions
d'Aethiopia, seules 3 (trois) occurrences affectent une acception
spirituelle ou morale. Ce qui equivaut a environ 2,6 % ou en gros
3 % de l'emploi du terme.
Et parmi les 10 (dix) auteurs qui utilisent le terme,
un seul, RABAN MAUR, lui accorde ce sens. Ce qui represente 0,1
%
de l'effectif.
Quant a Aethiopia, il conna1t dansces trois cas un
transfert de sens par substitution analogique ; vide de son con-
tenu geographique, il a plut6t une valeur metaphorique et presen-
te une triple signification: deux negatives et une positive.
A / LES INTERPRETATIONS NEGATIVES
Dans le Liber adversus Judaeos, RABAN MAUR, apr~s avoir
donne la definition physique au geographique de l'Ethiopie comme
etant la region situee sous l'ardeur meme du soleil et qui pro-
duit le peuple noir, en vient ensuite a sa signification spirituel-
le et dit : 11 cette region signifie, au sens trapologique, le mon-
de actuel ou tout homme na1t pecheur par la generation charnel-
le ".
(1)
(1)
11
Aethiopia appelatur regio quae sub ipso ardore solis sita mi-
grum po~ulum gignit : quae regio tro~ologice praesentem mundum in
quo omnlS homo per generationem carnlS peccator nascitur, signifi-
cat."
RABAN MAUR, Liber adversus Judaeos, ed. E. MARTENE, Thesaurus anec-
dotorum, V, 1717, col.
552 - 553.

620
Dans le passage qui suit immediatement la premiere si-
gnification que nous venons de voir, le meme RABAN expliqHe que
l'Ethiopie, c'est le peuple infidele, car contre cette Ethiopie,
dit-il, le Seigneur, au sujet du jugement futur,
adresse ces me-
naces par la bouche du prophete EZECHIEL : 11 Poussez des cris
11
Ah ! Quel jour! 11 Car le jour est proche,
il est proche le
jour du Seigneur, ce sera un jour charge de nuages, l'ere des na-
tions. L'epee viendra sur l'Egypte, l'epouvante s'abattra sur l'E-
thiopie, quand les morts tomberont en Egypte, quand on emportera
ses richesses, que ses fondements seront renverses. L'Ethiopie,
la Libye, la Lidye et tout le reste des peuples, et Cherub et les
fils de l'alliance de la terre tomberont avec eux par l'epee ". (1)
B / L'INTERPRETATION POSITIVE
~~fTHIQPIf_~_~Y~~Q~f_QV_PfVP~f_Qf~_Gf~TI~~_QV_Qf_~~
TERRE DES GENTILS
Apres les deux significations negatives, toujours dans
le meme ouvrage, RABAN en vient a la troisieme signification de
l'Ethiopie, celle-la positive. " En bonne part, dit-il, l'Ethio-
pie prefigure le peuple des Gentils, revenus de la noirceur de
le~rs peches. Au sujet de cette Ethiopie, dans le psaume, une pre-
diction avait ete faite jadis : " L'Ethiopie tendra les mains
(1) " De qu a Aet hy 0 pia, hoc est in f id e 1 i pIe be, Dom i nu s per EZE-
CHIELEM prophetam de futuro judicio comminatur dicens : 11 Ululate,
vae, vae diei, quia juxta est dies, et appropinquat dies Domini,
dies nubis, tempus gentium erit, et veniet gladius in Aegypto, et
erit pavor in Aethiopia cum ceciderint vulnerati in Aegypto, .et a-
bl~ta fu~r~t multitudo illi~s et destructa fundamenta ejus. Aethy-
oplaet Llblae, et omnes rellquum vulgus, et Cherub, et filii ter-
rae foederis cum eis gladio cadent ".
RABAN MAUR, op. cit. col.
552 - 553.
Cf. EZECHIEL 30, 2 - 5.

vers DlEU".
(1)
Dans un passage du De UniversoL RABAN explique qu'en
hebreu, Chush, c'est
l'Ethiopien, et que c'est dans le pays de
Chush que le saint homme JOB, dit-on, a vecu, comme cela est
ecrit dans son livre
(le Livre de JOB.)
Et l'abbe d'ajouter :
"Pour cette raison, on dit que le saint homme y a vecu, cela
pour exprimer le merite de sa vertu. Car, qUl ne sait pas que
Chush est la terre des Gentils ? •• "
(2)
*
*
*
Tout comme pour l'Egypte, le symbolisme de l'Ethiopie
comme lieu, remonte a une longue tradition d'interpretation ga-
rantie par les peres de l'Eglise, et a leur suite, par les com-
mentateurs des Ecritures. Autrement dit, ce symbolisme est essen-
tiellement d'origine biblique ou jUdeo-chretienne.
Malgre l'extreme importance de la thematique et de
la symbolique ethiopiennes en raison de l'immense repercussion
qu'elles ont eu sur les mentalites et les comportements qui en
decoulent aujourd'hui encore dans les rapports inter-raciaux,
et tout particulierement, dans les relations entre Blancs et
Noirs, il n'est pas ici pour nous question d'aborder veritable-
ment ces sujets dont la matiere principale est constituee davan-
tage par "l'Aethiops", c'est a dire le personnage de l'Ethiopien
que par son pays. Nous n'effleurerons que le probleme en nous en
tenant a la symbolique du lieu uniquement.
Cela dit, une observation est frappante : le discours
symbolique de l'Ethiopie n'est pas du tout developpe chez les
carolingiens.
(1)
"In bonarn vero partem l>ethyopia praefigurat plebem g?ntiliurn de nigretudi-
ne peccatorurn suorurn ad Deurn conversa, de qua in psalnD lirn praedictum
fuerat : "l>ethyopia praevenient manus ejus Deo" (PS. 67 (68) V. 32).
RABAN MAUR, Gp. cit. col. 552-553.
(2)
"Chus ~braice Aethiops interpretatur.... In cujus terra dicitur beatus
JOB
habitasse cum in capite libri illius ita scriptum est: "Vir erat in
terra Chus rornine JOB" (JOB Il. ldcirco sanctus vir ubi habitaverit
dicitur, ut ejus rreriturn virtutis exprirnatur. Chus narrque quis nesciat
qucxl sit terra gentilium ?"
RABAN MAIJR, De Universo, op. cit. col. 33.

622
C'est,du moins,ce que nous r~v~lent les don~~es statistiques.: un seul
auteur, RABAN, donne une interpr~tation spihtuelle a 1 'Ethiopie. inter-
pretation empruntee, bien entendu, a Isidore de S~vil1e, d'une mani~re
directe, mais qui s' inscrit naturellement dans la tradHion exegetique
medi~vale.
La double interpretation - n~gative et positive - dont fait
l'objet l'Ethiopie conline lieu, depuis les P~res jusqu'a Isidore et MBAN
I
MAUR. repose,d'une part, sur l'ex~g~se des textes bibliques,et,d'autre
part./.sur l' interpretation particuli~re de la couleur noire dans la rnen-
talite chretienne occidentale.
Consid~rons d'abord l'interpreiation n~gative, c'est-a-dire
:
1 'Ethiopie, symbole du monde pecheur ou du lhonde du paganisme. D'abord,
on doit observer ceci : dans la Bible. l'image de l'Egypte est beaucoup
plus negative que celle de l'Ethiopie. En effet, outre les graves lacunes
qu'on dec~le aujourd'hui au sujet du vocable "Ethiopie" dans les versions
bib1iques de la Septante et de la Vulgate, le souvenir proprement biblique
de l'Ethiopie apparalt moins charge p~jorativement. Dans 1 'AnCien Testament,
ici ou la. notaJmnent chez les prophetes Isaie, Jerernie et Ezechiel, 1 'Ethio-
pie est perc;ue cornrne l' alli~e de I' Egypte, :une de ses alh~es (1) dans
le mal. c'est-a-dire son alliee contre Israel.
Aussi, au jour du cha.timent de 1 'Egypte par Yahve, cette der-
niere ne sera -t-elle pas epargnee. La menacy des chiltiments divins contre ce
pays, dans les propheties, apparait comme une explication potentielIe d'une
certaine image negative de l'Ethiopie. Mais le passage de l'Ecriture. dont
i
l'exegese a. sans doute, joue plus en d~faveur de l'Ethiopie est, du
Cantique des Cantiques, cette phrase que 1 'a·uteur sacre faH dire a 1 'Epouse:
"je suis noire et pourtant belle, fiUes de~erusalern, COlmne les tentes
de Qedar. conIIne les pavilIons de Salma".
1) Mais il n'y a pas que l'Ethiopie ; on y vpit aussi d'autres alli~es
telles la Libye, la L,idye etc ... Ccf. Ez~chiel 30).

623
SYNTHESE
+ + +
+

624
P L AND E
L A
S Y NTH E S E
I. PANO~~ SOCIOLOGIQUE DES AUTEURS
~..
626
A. Les Au teurs
~ . ..
626
B. La fonnation et la culture intellectuelle des auteurs
~ . .
630
TABLEAU DONNANf LA RE PART IT ION GEOGRAPHIQUE
PAR QUART DE SIECLE
: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
635
i
11. LE VOCABULAIRE RELATIP AL' AFRIQUE ....•....................
643
A. Les terrnes et leur emploi
t • •
643
B. Les differentes significations des termes
644
a) Libya, Africa, Aethiopia et i\\bJ'Pt:l:J
,
au sens geographique
.;....................
644
b) Libya et Aegyptus au sens mythique .. !. • • • • • • • • • • • • • • . • • • •
661
c) Aethiopia et Aegyptus au sens spirituel et moral ..... :..
661
TABLEAU SYNOPTIQUE DU VOCABULAlRE
RELATIF A L' AFRIQUE
662 bis
REPRESENTATION GRAPHIQUE DES TERMES
AUX IXe et Xe SIECLES
662 ter
COURBES CO~1PARATlVES DE L' UTILISATION DES TERMES
AFRICA ET LIBYA AU SENS CONTINENrAL, AUX IXe ET
Xe SIECLES
662 quater
Ill. LA REPRESENTATION DE L'AFRIQUE
A. Une Afrique au faci~s classique
663
1) Traits cosmographiques
'. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
663
,
2) Traits geographiques
; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
669
a) Forme, dimensions et limites du continent
669
b) Les Subdivisions du continent
!
:...
671
- bipartition : Libye et Ethiopie .'......................
672
- Les provinces de ]'Afrique
'
','"
673
- La desafricanisation de l' Egypte I
'...
674
I
- Les iles de l' Afrique
678

625
c) Caracteristiques principales
du milieu africain
! • • • • • • • • • • • • • • • • •
681
1) climat et paysage exceptionnels
.
681
2) animaux d' Afrique, veritaJ:2les curiosites
zoologiques
'
.
685
3) peuples plus ou moins "nonnaux" J..•••.•••.•.••...
688
a ) peup I es " nonnaux" . . . . . . . . . . .. .
.
688
b)
I
, , ·
"
peup es
seml-normaux
.. . . . .. .
.
689
c) peuples monstrueux
'
.
689
3) Traits historiques
690
1• • • • • • • • • • • • • • • • •
El) L'Afrique, terre des mythes
.
690
b) L'Afrique romaine
..
691
c) L'Egypte
;
,
.
692
B. Une Afrique au facies biblique ou judeo-thretien
.
693
i
1) Traits cosmographiques
i•••••••••••••••••
694
Afrique ou Libye, la "Portio CHAM"
;
.
694
1
2) Traits geographiques
.
.
695
3) Traits historiques
.
698
C. Une Afrique au facies contemporain .....
699
CON C L U S ION
G E N ERA L E
701

626
PAN 0 R A M A
S 0 C I 0 ,L 0 G I QUE
0'13 S
AUT 13 U R S
A / LES AUTEURS
1) Sur les 78 auteurs qui comRosent le corpus, seuls
4 (EGINHARD, BERNARD, son epouse OHUODA, e~ le roi du \\vessex; ALFRED
le GRAND) sont des laIcs ; tous les aut res isont des religieux, ce qui
transparalt dans leur activite litteraire. Ces braves moines; prHres
et ev~ques, qui presque tous, appartiennen~ A un m~me milieu,socio-
poli.tique, A savoir l'aristocratie, sont confrontes aux probiemes quo-
tidiens inherents A leur tache de prieur d'une abbaye, de cure d'une
paroisse (JJ de pasteur d' un diocese. C' est en vue de resoudre, ces pro-
blemes qu'ils ont ecrit, la plupart du temp~. Leurs preoccupations sont
d'ordre pratique, d'ordre uti1itaire.
Concernant l' Afrique, ils ontclonc ete amenes An' en
parler que par accident. A aucun de ces hommes il n' est venu: A I' esprit,
comme but ou preoccupation directe, de faire un traite sur l'Afrique.
i
Dans 1eurs preoccupations reli.gieuses, ilsont ete amenes a situer le
lllonde clans l' univers crM par Dieu, A considerer les differentes parties
cle ce moncle OU vivent les hOlmnes, hOlmnes qui tous, ou qu'ils soient,
c'est-a-dire, qu'ils soient d'Europe, d'Asie ou cl'Afrique, font partie
de l' Egli.se clu Christ ; et 1 I Egli.se a pour mission cle 1es rassembler
I
tous sans exception et de les mener au sa14t.Tel est le cadre ou le con-
texte general dans lequel
intervient la m~ntion de l'Afrique ou bien
l'evocation geographique ou historique cle ~e continent clans sa totalite
ou clans ses parties.
I
2) En consider-ant la nature cles differents ecrits, on peut
!
'
dire que tous les genres litteraires pratitiues dans le Haut-Moyen

627
Age sont representes. Ainsi :
- des ecri ts historiographique,s, tels les biogrCiphies,
les annales, les chroniques ,i et les histoires "nationales"
- des ecrits geographiques;
i
I
- des ecri ts exegetiques ou th'eologiques se ramenant
essentiellement aux commentdires de l'Ecriture ;
- enfin, une serie d'ecrits div'ers tels des lettres, des ecrits
i
sur des questions d'ordre di~ciplinaire ou d'ordre liturgi-
que, des poemes dont les themes d'inspiration sont la plu-
part du temps des themes religieux, des ecri ts polemiques,
des martyrologe s,
des rapports de concHes. etc ...
i
La polyvalence et le caractere: "touche-a-tout" des auteurs
du IXe et du Xe siecles rendent tout classe~ent difficile ence qui les
;
concerne. Une classification plus simple de; ces auteurs par famille
litterahe a abouti
Et la constitution de quatre groupes :
;
le groupe encyclopediste, qu'i est constitue par un seul
auteur, RABAN MAUR ;
- le groupe "scientifique", consitue egalement par un seul
auteur. GERBERT ;
,
I
le groupe des theologiens. cbnpose d'une dizaine
d'auteurs ;
enfin ,le groupe des rheteurs!. compose par tout le reste
des auteurs. (voir tableau) !
3) Quelques figures se distingiJent parmi ces 78 .auteurs
mentionnes
- RABAN MAUR, abbe du monastere de Fulda, puis archeveque
de Mayence, est l'une des figures les plus marquantes de
la periode carolingienne. En: ce qui conerne l' Afrique.
i
c'est.de tres loin.l'auteur 9ui draine le plus d'infor-
mations. en raison du genre meme qu'll pratique. Et savoir
,
I' encyclopedie. ~1ais MEAN. qui toutche ainsi Et tout. ne
i

628
prend aucune distance par rapport Et sa source, qui est presque essen-
tiellement 1 'Eveque de Seville, 1S1DORE RABAN recopie textuellement,
tout le temps, son predecesseur ; il n rest nullement original, et de ce
point de vue, est assez peu interessant.
- DICUIL, c'est un Irlandais venu sur le continent. Cet auteur, toute
proportion gardee, est le meilleur parmi tous ceux qui nous donnent
des infonnations geographiques sur 1 'AfriqJe. Certes, il compile egalement
les auteurs anciens, notarrunent PLUm et un :ecri t anonyme : la D1V1SIO
ORB1S : parfois, il se montre critique vis-Et-vis de sa source: par exemple,
i l a,plus d'une fois, remis en question SOLlN
par exemple, Et propos de
l'elephant qui, selon SOLIN, ne se couche pas; pour avoir vu lui-rneme
un elephant (celui qui avait ete offert Et qHARLEjvlAGNE), D1CUIL objecte
et affirme que J' animal arrive Et plier ses :genoux et Et se coucher. Dans
la description des animaux, celle de DICUIL est beaucoup plus objective,
beaucoup plus pr~s de la realite : rarement les fables s'y rnelent. Enfin,
signalons que DICUIL est le seul, parmi les iauteurs etudies, qui inclut
l'Egypte dans l'Afrique, d'une part, et d'~utre part, l'un de ceux
Cl' autre est ALFRED) qui donnent Et la terri une forme spherique. Ainsi,
D1CU1L est, sans conteste, le plus interessant parlllj. nos informateurs
geographes.
- FRECULF, Eveque de Lisieux et historien, rest apres RABAN MAUR, celui
!
qui nous donne le plus d'infonnations. Mai~,les materiaux proviennent
d'une multitude de sources differentes cOlll~ilees les unes Et la suite
des autres, sans la moindre critique ; son !livre est une veritable
!
mosalque de compilation. Cependant,ses pri~cipales sources sont OROSE
!
et EUSEBE de CESAREE. A l'illlage de RABAN, l'Eveque de Lisieux n'est
pas tr~s interessant.
- Un groupe d'historiens, s'avere tres important de par la relative
I
fralcheur des informations qu'ils drainent. Ce sont les biographes,
!
les annalistes, les chroniqueurs, et ceui qui ecrivent une histoire
nationale. L~ plupart de ces auteurs sont originaires de l'ltalie.

629
,
La caracteristique des informations donnee~ par ces auteurs resjde
.
I
clans I' actualite des faits ou evenements racontes : Us gravitent
tous aut our d' un theme principal, Et savoi r les relations entre le
I
moncle chretien et le monde musulman. AinsU les infonnations por-
i
tent particulierement sur les rivalites entre les Sarrazins, venus
,
cl' IFRIQIYA
Cl' actuelle Tunisie) et d' Egypte (musulmane) et les popu-
lations europeennes du sud de l'Italie ; mais,parfois aussi,les infor-
mations se rapportent aux relations diplomatiques entre Charlemagne
:
et aLltres princes chretiens et les prjnces !musulmans d' IFRIQIYA et de
j
l'empire des Abbassides. Pour avoir plus o~ moins "vecu" ces relations,
soit par leur appartenance aux populations :eprouvees par Jes, raids
des
Sarraz.i.ns, ~,oit parce qu'jls vivaient clans !l'entourage des princes, ces
auteurs nous fournissent des informations d'actualite sur l'Afrique,
l'Afr.i.que (du moins une partie) de leur epdque.
CLASSIFICATION DES Al~EURS PAR FAMILLES LITfERAIRES.
I
Encyclopediste
RABAN MAUR.
I
Scientifique
GERI3ERT.
7
Theologiens
AGOI3ARD de Lyon
AMALAIRE i de ~1etz
ANGELOME'de Lux eui1
CLAUDE de Turin
FLORUS de Lyon
\\~ALA[-[FRID STRABON
ATWN de. Verceil
69
Rlleteurs.

630
B/ LA FORMATION ET LA CULTURE INTELLECTUELLE DES AUTEURS
11 est indispensable, pour apprecler la relation entre
l'Afrique telle qu'elle est et la representation qu'en donnent les
auteurs du IXo et du Xo siecle, de garder constamment a l'esprit
les criteres auxquels ces hommes se referaient, les traditions qui
les modelaient, les mentalites qui les conditionnaient.
D'abord .un climat general a favorise la naissance et
le developpement de cette litterature. Ce climat est celui de la
"Renaissance carolingienne".
Le declin general de la science antique amorce des le
Bas Empire a ete precipite avec les grandes invasions et la des-
truction de 1 'Empire Romain d'Occident
(476 ap. J.C.). Certes,
succedant a la generation de traducteurs, de compilateurs, d'abre-
viateurs et de commentateurs qui avaient fleuri au IYo siecle,
quelques hommes comme Boece (vers 480-524), Cassidore
(vers 480-
573),
lsidore de Seville (vers 560-636) ou Bette Le Yenerable
(vers 673-735), avaient tente, du
o
y
au Ylllo siecle, de sauver
les epaves de la culture antique et de les transmettre aux ages
futurs apres les avoir ramassees sous une forme assimilable par
les esprits medievaux, et apres leur avoir donne l'habillage
chretien necessaire. Cependant, malgre ce role de sauvetage joue
par ces derniers temoins de la science antique, la tradition de
l'humanisme classique avait disparu pratiquement devant les
transformations profondes que connut l'Occident au cours du Yllo
et de la premiere moitie du YIIlo siecle, et dont l'aspect le plus
spectaculaire fut sans doute la ruralisation de la societe.
Cependant, grace aux echanges culturels qui s'etaient
etablis entre toutes les regions de l'Occident, et surtout grace
a l'impulsion apportee par les maitres irlandais et anglo-saxons,
les monasteres s'ouvrirent aux etudes litteraires sans pour autant

631
renouer avec le programme de l'ecole antique a laquelle ~vait
succede, depuis, l'ecole religieuse et chretienne. La science,
essentiellement monastique, etait circonscrite autour de la gram-
maire, du comput et du chant; et elle avait pour unique but,
l'etude de la Bible et la celebration de l'office liturgique (1).
Si, dans les milieux monastiques, on cultivait encore
quelques debris de connaissances, en revanche la situation intel-
lectuelle etait des plus lamentables dans le reste de la societe,
au debut de la dynastie carolingienne. L'ignorance s'etait instal-
lee au point que partout l'instruction des laics etait devenue
un fait exceptionnel : seuls savaient lire ou ecrire de tres
grands personnages, comme certains princes, par exemple. Cette
disparition de l'instruction des laics concentra la pratique
bureaucratique dans la main des clercs qui,
seuls, savaient lire
et ecrire et par consequent, pouvaient tenir les registres et
rediger les actes princiers. Quant aux clercs eux-memes, leur
role de scribe etait a vrai dire la seule manifestation de leur
culture. Victimes des bouleversements politiqu~s et de la grave
crise materielle et morale que subit 1 'Eglise franque, bon nombre
d'eveques etaient les creatures des Carolingiens qui les avaient
places a la tete des dioceses. Par leurs moeurs et leur ignorance,
les plus importants parmi eux ne differaient pas tellement des
laics. Les autres clercs suivaient l'exemple de leurs superieurs.
lIs ne connaissaient plus le latin et devaient etre nombreux a
baptiser "in nomine patria et filia" comme dirait Pierre Riche.
Bref, la degradation etait totale.
Devant pareille situation on devine l'enthousiasme
qu'a pu susciter la reforme culturelle patronnee par Charlemagne
et ses successeurs, et que les historiens ont baptise du nom de
(1) Cf. RICHE (Pierre), Education et Culture dans l'Occident
barbare, ed. Le Seuil, Paris, 1967.

632
"Renaissance carolingienne".
En effet, dans la situation precaire qui prevalait
a cette epoque, et qui etait caracterisee par la perspective
d'une fin du monde toute proche pour Charlemagne et ses succes-
seurs,
il s'agissait, suivant une application pratique et poli-
tique de la theologie augustinienne chere a Gregoire le Grand,
de realiser sur terre la cite de Dieu. Mais comment y parvenir
avec une administration et un clerge dont les membres etaient
pour la plupart illettres ? De la les capitulaires, les lettres
et les canons de conciles, ordonnant l'ouverture et la reorga-
nisation des ecoles dans les eveches et les monasteres
: "Que
dans chaque eveche et dans chaque monastere on enseigne les
psaumes, les "notae", le chant, le comput, la grammaire et que
lIon ait des livres soigneusement corriges", ecrivait Charlemagne
dans son capitulaire de 789 (1).
Meme si les legislateurs pensaient a l'instruction des
laics, c'etait avant tout aux futurs clercs et- aux futurs moines
qu'ils s'adressaient (2).
Le programme d'enseignement de ces ecoles ecclesias-
tiques pouvait etre plus ou moins ambitieux. On commen~ait
d'abord
par llapprentissage de la lecture, de l'ecriture et du chant
l'enseignement du latin demandait un certain temps en raison de
l'habitude qu'on avait de parler la langue vulgaire (le roman ou
le germanique). A un echelon supeiieur, par exemple, a l'ecole
du palais, on apprenait les "arts liberaux". Alcuin, un des grands
maitres de l'epoque, \\
: de nombreux disciples, dont RABAN
(1)
Capitularia Reg. Franc., t.
1, pp.
53-62, ed.
BORETIUS, in
M.G.H.
(2) Louis le Pieux n'opposa pas de resistance a Benolt d'Aniane
qui voulait faire fermer les ecoles exterieures des monasteres
pour preserver les moines de la corruption du dehors, c1est-a-
dire conserver le monopole culturel du clerge.

633
1vIAUR, durant leur formation, aurait voulu que tous les clercs fussent
instruits du "triviwl1" (grammaire, rhetorique et dialecUque) et 111e111e
c1u "quadriviu111" (geo111etrie, arithmetique, 111usique et astronomie).
En fait, on se contentait, bien souvent, c1e l'enseignement
de la grammaire et de la rhetorique.
La grammaire, particulierement, cons-
tituait l' essentiel ou la base de I' enseigrlement aux IXe et Xe siecles.
Elle consistait en la science du bien par1~r et en l'art de bien ecrire.
A travers la graITllllaire on parvenai t a toutes les aut res
sciences et notamment a l'ethique qui se superpose aux sept arts liberaux
et les coiffe en quelque sorte. Mais l'ethique ici, c'est larphilosophie
chretienne, qui, de fait, sera inaccessible a tous les moinesde l'epoque (1),
,
car ils n'ont pas la culture necessaire pour renouer avec la grande tradi-
tion de la philosophie antique.
S' Us ne pouvaient acceder a la philosophie El cause de leurs
lacunes-notalllITlent ] 'ignorance de la langue [grecque -, ces auteurs n'avaient
certainement pas le sentiement d'y voir unihandicap tres serieux, du moment
qu'ils parvenaient El ]' essentiel, c' est-a-qire la "sacra pagina". L' etude
de la grammaire permet, en effet, d'acceder El la science des Ecritures,
la premiere de toutes.
Toute la science, toute la formation et toute la culture aux
IXe et Xe siecles reposaient. de fait. sur ,deux idees fondelllentales
d'une part. on etait persuade que chacune des disciplines pr~fanes. c'est-
a-dire les arts liMraux. doit servir El l'~laborOltion des "dj_sciplines
spirituelles". c' est-a-dire avant tout. El 1 ':explication de ]' Ecriture ;
d'autre part. on considerait l'Ecriture coJrtme la "reine des arts". la
i
source et la SOITlllle de tout savoir.aussi bien profane que sacre. Autrement
i
dit.dans un cas.on faisait tout confluer v~rs l'Ecriture. et dans l'autre.
on en faisait tout decouler, en considerant la theologie comme contenant
(1) Un seul auteur. l'Irlandais Jean SCOT ERIGENE,
y parvienClra, mais
il sera incompris parce que trop en avance sur son temps.
I

634
d' avance au moins le principe de toute science humaine (1). Pour tous
les medievaux, 1 'Ecriture etait la premiere en tout, en autorite,
en utilite, en antiquite ; elle etait "qua~i eruditionis fons" (2) (3),
et toutes les disciplines hwnaines lui son~ subalternes. Aussi, dans
la science medievale OLl dans la culture medievale, tout etait orclcxme Et l' in-
I
telligence de l'Ecriture suivant la recornmandation commune d'un Origene,
d'un Augustin ou d'un Jer6me. Dans l'Ecriture, en effet, on croyait
contenue toute la Revelation divine.
Donc, la grammaire etait la premiere clef pour l' etude de
la Bible. En tant que science polyvalente, :non seulement elle pennet de
traHer tous les sujets Et travers le commentaire des auteurs, mais
encore, elle pennet, grace aux mots, de parvenir aux sens caches dont
Us sont les clefs. On comprend,ici,pourquo'i le fondement de la peclagogie
medievale est 1 1 etude des mots et du J.angage.
(I) cf. Henri de Lubac, Exegese medievale, les 4 sens de l'Ecriture.
ed. Aubier, T. I vol. I , 1959, p. 76
(2) cf. H. de Lubac, op. cit. p. 79.
(3) On disait que la science et la sagesse des Grecs ne possedaient d'au-
thentique valeur que IXJur leurs emprunts Et la Bible : Platon etait le
disciple des disciples de Moise (= les Egyptiens), le "prtmier sage".
Ii

REPARTITION GEOGRAPHIQUE
DES AUTEURS
Nord
Sud
Bas
Haut
Nord
Sud
Angle-
Irlancle
Loire
Loire
Rhin
Rhin
Italie
Italie
. terre
Premier quart du IXo siecle
AGO BARD de Lyon
X
AMALAIRE de Metz
X
ANGELOME de Luxeuil
X
Annales Maximiniani (Autun?)
X
Annales Tiliani (Milan? )
X
BENOIT d'Aniane
X
CARMEN de RATIONE TEMPO RUM
Chronique Universelle (Autun?)
X
CLAUDE de Turin
X
Concilium aquisgranense
X
Concilium attiniacense
X
DICUIL
,
X
DUNGAL SCOT
X
EGINHARD
X
FLORUS de Lyon
X
.-..
'-'
NENNIUS
X
f",
.~
.,"1
"-
RABAN MAUR
X

REPARTITION GEOGRAPHIQUE
DES AUTEURS
Nord
Sud
Bas
Haut
Nord
Sud
Angleterre
Irlande
Loire
Loire
Rhin
Rhin
I tal ie
Italie
2eme quart du IXo siecle
AGNELLUS
X
ANASTASE le bibliothecaire
X
ASTRONOME
X
AUDRADE de Sens
X
BONIFACE
X
Carmen Centulense
(St Riquier)
X
Chronique de Moissac
X
Concile de Thionville
X
DHUODA (Uzes)
X
Epistola Bernardii
X
ERMOLD (Abbe d'Aniane)
X
FRECULPH (Eveque de Lisieux)
X
PRUDENCE de Troyes
X
THEGAN (Treves)
X
WALAHFRID STRABON
X
C'J
5ermo in Pascha
X
..
W
CJ
"

REPARTITION GEOGRAPHIQUE
DES AUTEURS
Nord
Sud
Bas
Haut
Nord
Sud
Loire
Loire
Rhin
Rhin
Italie
Italie
Angleterre
3eme quart du IXo siecle
Irlande :-
ADREVALD (Fleury)
X
AENEAS (Paris)
X
ANONYME DE SITU ORBIS
X
BERNARD LE SAGE (Champenois
X
CHRETIEN (Druthmar)
X
ERMENRIC (Elwangen)
X
HERIC d'AUXERRE
X
JEAN LE DIACRE
X
JEAN SCOT
ERIGENE
X
REMI D'AUXERRE
X
C':l
W
---...1

REPARTITION GEOGRAPHIQUE
DES AUTEURS
Nord
Sud
Bas
Haut
Nord
Sud
Angle-
Irlande
Dernier quart du IXo siecle
Loire
Loire
Rhin
Rhin
Italie
Italie
terre
ALFRED LE GRAND (Wessex)
X
Antidotarum liber
X
Carmen de Sancta Benedicta
X
Carmen de Sancto Cassiano
Carmen de Joseph et Jacob
X
Carmen Sangallensis
X
Carmen Vaticanum
X
ERCHEMPERT
X
HUCBALD de Saint-Amand
X
,
JEAN VI II
X
I NOTKER 1e Begue
X
I
C'J
w
en

REPARTITION GEOGRAPHIQUE
Nord
Sud
Bas
Haut
Nord
Sud
DES AUTEURS
Angleterre
Irlande
Loire
Loire
Rhin
Rhin
Italie
Italie
1er quart du Xo siecle
Annales Sangallenses III
X
AUXlLIUS rnoine fran~ais
X
Chronique de Sal erne
X
EUGENIUS VULGARlUS
I
REGINON de Prurn
X
De Rebus rnirabil ib v s
C':l
W
<:.0

REPARTITION GEOGRAPHIQUE
DES AUTEURS
Nord
Sud
Bas
Haut
Nord
Sud
Angleterre Irlande
2eme quart du XO 5 iec 1 e
Loire
Loire
Rhin
Rhin
Italie
Italie
Altercatio
contra
synagogam
ATTON de Verceil
X
Carmen de monasterio
Gemmeticensi (Jumjeges)
X
FLODOARD
X
Liber monstrorum
en
~
Cl

REPARTITION GEOGRAPI-IIQUE
DES AUTEURS
Nord
Sud
Bas
Haut
Nord
Sud
Angleterre
Irlande
Loire
Loire
Rhin
Rhin
Italie
Italie
3eme quart du Xo siecle
BENEDICTUS
X
GUNZO (Eichstadt en Baviere)
X
LIUTPRAND (Cremone)
X
PIERRE DIACRE (Mt Cassin)
X
..
WIDUKIND (Corbie)
X
I
CJ
~
~

REPARTITION GEOGRAPHIQUE
DES AUTEURS
Nord
Sud
Bas
Haut
Nord
Sud
Angleterre
Irlande
Dernier quart du Xo siecle
Loire
Loire
Rhin
Rhin
Italie
Italie
ABBON de Fleury
X
ADALBERON
AlMOIN de Fleury
X
CARUS SCOT
X
ETHELWERD
X
GERBERT
X
RICHER
X
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643
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A F H I
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AI
LES TERMES ET LEUR EMPLOI
Pour designer 1 'Afrique, les auteurs du IXo et du
XO siecle utilisent quatre termes principaux herites du voca-
bulaire antique greco-latin. Ce sont :
LIBYA (Libye), AFRICA (Afrique) /AETHIOPIA (Ethiopie)
et AEGYPTUS (Egypte).
La frequence enregistree par chacun de ces termes au
niveau du corpus est d'environ
:
1.166 mentions pour Aegyptus, chez 55 utilisateurs
-
317 mentions pour Africa, chez 52 utilisateurs
;
- 116 mentions pour Libya, chez 18 utilisateurs
;
- enfin, 115 mentions d'Aethiopia, chez 10 utilisateurs
Employes dans une dizaine de contextes (exegetique,
geographique, historique, poetique, liturgique, ecclesiastico-
disciplinaire, epistolaire, hagiographique, apologetique, pole-
mico-dogmatique, homiletique, "computistique", medical et scien-
tifique), LIBYA, AFRICA, AETHIOPI6 et AEGYPTUS affectent diffe-
rents sens :
- LIBYA en
compt e deux
un sens mythique et un sens
geographique ;
- AFRICA, deux
un sens ethnique et un sens geogra-
phique
- AETHIOPIA, deux egalement
un sens geographique
et un sens spirituel.

644
B/ LES DIFFERENTES SIGNIFICATIONS DES TERMES
a) LIBYA, AFRICA, AETHIOPIA et AEGYPTUS, au sens geographique
LIBYA, AFRICA, AETHIOPIA et AEGYPTUS apparaissent
d'abord et avant tout comme des toponymes. C'est ce qu'attestent
de fa~on eloquente les donnees statistiques sur chacun des ter-
mes. En effet :
- dans 95 % de l'emploi, et chez 100 % de ses utili-
sateurs, ~IBYA P~l~
le sens toponymique ou geographique
- il en est de meme d'AFRICA qui enregistre clans
cette acception 99,36 % de sa frequence chez 100 % des utilisa-
teurs
- AETHIOPIA enregistre ce sens a travers 97 % de sa
frequence, et chez 100 % de ses effectifs.
- enfin, AEGYPTUS affecte cette acception dans 93,36 %
de son emploi, et chez
96,36 % des utilisateurs.
Entendus comme toponymes, LIBYA, AFRICA, AETHIOPIA et
AEGYPTUS sont des termes de geographie physique, qui, dans l'ap-
plication a l'espace, presentent differents degres de significa-
tion : respectivement, LIBYA et AFRICA en compte trois:
AETHIOPIA en compte deux et AEGYPTUS une seule.
1. LIBYA
Du sens restreint au sens large, le terme LIBYA de-
signe
premierement une region restreinte, une region parti-
culiere, situee dans l'Afrique du Nord ; ensuite tout 1 'ensemble
de l'Afrique du Nord a l'exception de 1 'Egypte consideree comme
une partie de l'Asie ; et enfin le continent africain dans son
ensemble.

645
- LIBYA = LA PROVINCE DE LIBYE
Dans 44,5 % de l'emploi du terme au sens geographique
ou toponymique, et chez 100 % des utilisateurs, LIBYA designe
une region particuliere de l'Afrique du Nord, a savoir la
"PROVINCE DE LIBYE", que les auteurs definissent comme etant
la region situee a l'Ouest de l'Egypte (1), et qui, en tant que
province du continent africain (2), en constitue la partie la
plus orientale (3).
D'apres la frequence enregistree d'une part, et d'apres
l'effectif des auteurs, d'autre part, le sens provincial de LIBYA
est le plus courant des trois sens du terme, chez les Carolingien~
Mais la "Province de Libye" affecte des traits fluc-
tuants en raison de sa delimitation. Elle apparait
- au sens strict du terme, comme etant la regIon
immediatement voisine de l'Egypte. Autrement dit, la region
appelee Libye proprement dite ou encore "Libye Mareotis" (4),
- au sens large du terme, comme etant l'ensemble cons-
titue par cette premiere region et le territoire de l'ancienne
colonie grecque de Cyrene, ensemble designe sous le nom de Libye
cyrenaique, avec son district, la Pentapole (5).
- par substitution de sens, comme etant la PROVINCE
d'AFRIQ~RO~~INE,
creee apres l'annexion du territoire cartha-
ginois et qui correspond a peu pres au territoire de la Tunisie
actuelle (6).
(1)
DICUIL, op. CiL IV, 1, p. 54 ; RABAN MAUR, De universo co1.342
Anonyme De situ orbis, 1,4, p. 5.
(2) NENNIUS, op. cit. I, c.XII, p. 58 ; RABAN ~UR, Deuniverso,
co1.351
; Anonyme De situ orbis, 11, p. 61.
(3) ALFRED, op. cit., 1,30, p. 59.
(4) Anonyme, De situ orbis, 11, p. 64.
(5) RABAN ~UR, De universo, col. 351.
(6) FRECULr
,op. cit. col.1200; DUNGAL, op.cit. col. 515.

6{G
- LIBYA = L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE
Dans 9 % de son emploi au sens toponymique ou geogra-
phique, et chez 28 % de ses utilisateurs, LIBYA designe 1 'Afrique
du Nord dans son ensemble, exceptee l'Egypte consideree comme
faisant partie de l'Asie. La Libye s'entend ~ci comme tout le
pan ~ord du continent africain par opposition a tout le pan
9ud, qui est l'Ethiopie. Elle va dans le sens Est-Ouest, depuis
la frontiere occidentale de l'Egypte jusqu'a l'Ocean Atlantique,
et dans le sens Nord-Sud, depuis la Mediterranee jusqu'a la li-
siere septentrionale du Sahara, ou commence a peu pres 1,'Ethio-
pie. LIBYA est ici synonyme d'AFRICA au sens d'Afrique_du Nord.
Des trois acceptions de LIBYA, ce sens semi-large est
le moins courant chez les auteurs etudies.
La Libye entendue comme telle, se caracterise essen-
tiellement par son identification a Fut (ou Phut) et a son do-
maine, dans le pseudo-partage de la terre entre les fils de Noe
et leurs descendants (1).
- LIBYA = LE CONTINENT AFRICAIN
Dans 46 % de l'usage du terme au sens toponymique ou
geographique, et chez 61
% des usagers, LIBYA affecte un sens
large et designe le continent africain dans son ensemble
qui e~/~
moins theoriquement, son correspondant. LIBYA est ici synonyme
d'AFRICA.
(1) ANGELOME, op. cit. col. 164 ; FRECOlP , op. cit, col. 934
RABAN MAUR, Comment in libros 11 Paralipomenon, op. cit.
col. 282 ; REMY d'AUXERRE, Comment in Genesim, op. cit.
col. 80.

647
Au point de vue usage, le sens continental de LIBYA
vient en second, apres le sens provincial.
La Libye entendue dans cette acception, se definit
chez les Carolingiens comme etant l'une des trois parties du
monde, precisement la troisieme, par rapport a l'Asie et a
l'Europe (1)
; elle s'identifie a la "Portio Cham", c'est-a-dire
a la partie du monde attribuee par le sort a Cham, lors du pseu-
do-partage de la terre entre les trois fils de Noe (2)
; 1 'appel-
lation "Libye" lui vient, pense-t-on, du nom d'un vent,·le "LIBS"
ou 1 '''AFRICUS'', qui souffle en provenance de la (3), ou bien
des noms de deux heros eponymes, a savoir une femme, L~bye,
fille d'Epaphus et qui regna en Afrique (4), ou un homme,
AFER LIBYEN, fils d'Hercule (5).
o
o
0
LIBYA est un emprunt au grec/\\{&~ry, qui fut lui-meme
forme d'apres le nom d'un peuple indigene d'Afrique du Nord, les
"LEBOU", qui habitaient une region situee le long de la Medi-
·terranee, entre l'Egypte et le Golfe des Syrtes (6). Les Grecs
ayant connu ces "LEBOU"
soit indirectement par le biais de
l'Egypte, soit directement lors de la fondation de la colonie
de Cyrene (VII O s. av. J.C.), helleniserent leur nom sous la
forme "(~v~)' qui veut dire "Libyens" et designerent leur pays
(1) DICUIL, op. cit.
I, 2, p. 44
; RABAN ~~UR, De Universo, op.
cic., col. 347
; Anonyme, De situ orbis, 11, p.
63
; REMY
d'AUXERRE, VI, 339, 9, p. 154.
(2)
RABAN MAUR, De Universo, col. 34.
(3)
RABAN MAUR, ibid. col. 351
; Anonyme De situ orbis,
I,
p.
5 et 11, p.
61.
(4)
RABAN MAUR, ibid., col. 351
Anonyme De situ orbis, I, p. 5
et 11, p. 61.
(5) Anonyme De situ orbis, 11, p. 58.
(6) Cf. St GSELL, H.A.A.N., t. V, p. 102.

6'{8
par le termel\\(6~~ (la Libye).
Al&~~, dans la tradition litteraire grecque, connalt
trois applications
1. Par le motA~eu€.) (les Libyens), les Grecs en gene-
ral designaient les populations blanches habitant l'Afrique du
Nord, par opposition aux populations noires ou de peau foncee
habitant le Sud, c'est-a-dire l'Ethiopie.
Par extensi~n
doncA(~~'ldesignait la contree Oll vivaient ces Blancs. Autrement
dit, la Libye, c'etait toute l'Afrique Septentrionale, excep-
tion faite de 1 'Egypte. Elle s'etendait donc depuis l'Ouest
de 1 'Egypte jusqu'a l'Ocean Atlantique comprenant les territoires
actuels de la Libye, de la Tunisie, de l'Algerie et du Maroc.
2. Des le VIa s. ay. J.C., le nom;1(@~y!' avait ete
e tendu par des geographes ioniens a tout le continent africain
ou du moins a ce qu'on considerait comme tel
(1), et il garda
desormais cette signification large. Seule sa delimitation orien-
tale faisait l'objet de divergences entre les auteurs : pour les
uns, c'etait le Nil; pour d'autres, l'isthme de Suez et la mer
Ro~ge ; pour d'autres enfin, la frontiere occidentale de 1 'Egypte
qu'on situait au Catabathmos.
3. La troisieme acception
de Libye vient du fait
que le motAl~V£S c~nnalt un sens plus restreint encore: les
Grecs appelerent ;\\tGu£s ceux que les Romains nommerent AFRI,
c'est-a-dire les indigenes du territoire soumis a la domination
officielle de Carthage, par oppositions"" N'Of'4O<dEC
(Numides),
(1)
HERODOTE, 11, 16 ; cf. GSELL, op. cit., p. 102
idem,
Herodote, op. cit., p. 71.

6'{9
qUI vivaient au-del~. Une fois ce territoire annex~ par Rome
au milieu du rro s. ay. J.C., la nouvelle province, l"'AFRICA"
des Romains, fut nomm~eA(e,U~ (Libye) par les Grecs (1).
Ainsi, les trois significations du terme LIBYA chez
les auteurs ~tudi~s refletent grosso modo les diff~rentes appli-
cations deA(~~~ dans la tradition litt~raire grecque et relevent
par cons~quent de 1 'h~ritage culturel classique. Cependant, sur
cette interpr~tation classique du terme, se greffe uneautre
interpr~tation, celle-l~ biblique, et qu'on releve auniveau de
la signification de LIBYA au sens d'Afrique Septentrionale d'une
part, et de LIBYA au sens du continent tout entier, d'autre part:
LIBYA est dans un cas, identifi~ ~ FUTH, et dans 1 'autre, ~ CHAM.
Cette interpr~tation conforme~ une autre_tradition litt~-
raire, celle-la jud~o-chr~tienne releve de 1 'h~ritage biblique.
2. AFRICA
Du sens restreint au sens large, le terme AFRICA
d~signe
: d'abord une r~gion particuliere de l'Afrique du Nord
puis l'Afrique du Nord dans son ensemble, et enfin, tout le
continent africain.
- AFRICA = PROVINCE RO~ffiINE D'AFRIQUE
Dans 55 % de l'emploi du terme au sens g~ographique,
et chez 88,5 % des auteurs qui l'utilisent, AFRICA pr~sente un
sens restreint et d~signe par cons~quent une r~gion particuliere
de l'Afrique du Nord : il s'agit de la "PROVINCE ROMAINE D'AFRI-
(1)
Cf. GSELL, Hist. MC. A.N., t. 5, p. 103.

650
QUE" (la PROVINCIA AFRICA) erigee sur le domaine punique ou
carthaginois par Rome apres son annexion au milieu du lIe s.
av. J.C. Cette province correspond a peu pres au territoire
de la Tunisie actuelle.
D'apres les donnees statistiques, il s'avere que,
des trois significations d'AFRICA, la signification provinciale
est iI1contestablement la plus familiere chez ceux des auteurs
carolingiens qui utilisent le terme.
Entendue dans ce sens, l'AFRICA se caracterise par
sa situation geographique et geo-astronomique d'une part, et
par ses traits historico-politiques d'autre part.
* geographiquement, elle presente des fluctuations
dans ses limites, fluctuations dues essentiellement a des rai-
sons historiques, c 'est-a.-dire aux differentes modifications
administratives qu'elle a subies, ainsi :
- au sens strict du terme, AFRICA designe le terri-
toire punlque autour de Carthage, celui-la meme qui a ete annexe,
puis erlge en province. Autrement dit, c'est la "PROVINCIA
AFRICA" originelle ou I 'AFRICA proprement dite
(1).
- au sens large, AFRICA est un ensemble constitue de
trois provinces, a. savoir la Tripolitaine, la Byzacene et la
Zeugitane. Autrement dit, c'est la grande province appelee
"AFRIQUE PROCONSULAIRE" et qui s'etend depuis la Numidie jus-
qu' a 1a reg ion de Cyrene (Afr ique Cyrena ique)
(2).
(1)
DICTJIL, op. cit., Ill, 2, p. 54.
(2) RABAN, De Universo, col. 351.

652
continent asiatique. AFRICA, pris dans ce sens est synonyme de
LIBYA et s'oppose de facon antithetique a AETHIOPIA : il s'entend
comme toute la portion-nord du continent par rapport a toute la
portion-sud appelee Ethiopie. Dans un meme ordre d'idee, l'Afri-
que correspond ici a ce que les Arabes denommerent le "Maghreb"
Cl e "Couchan t ") .
D'apres les donnees statistiques, l'acception septen-
trionale d'AFR1CA est la moins courante des trois sens du terme
chez les utilisateurs du IXo et XO siecle.
L'Afrique entendue comme telle se caracterise chez les
Carolingiens par sa situation geographique, sa situation geo-
astronomique et son identification :
- geographiquement, c'est le pays a 1 'ouest de
1 'Egypte
(1),
- au point de vue identite, c'est Futh, autrement dit
la part du continent attribuee au troisieme des quatre fils de
Ch am (2),
- au point de vue geo-astronomique enfin, elle se si-
tue confusement a la fois dans le premier, le deuxieme, le troi-
sieme et le quatrieme climat de la terre
(3) .
(1)
DIe UI L, VI, 2, p. 44.
(2) FRECULr , op. cit. col. 934 ; RABAN MAUR, Comment. in libros
11 Paralipomenon, op. cit. col. 282.
(3)
GERBERT, op. cit. c. XIX, 1, p. 143 ; XIX, 2, p. 143-144 ;
XIX, 3, p. 144.

653
- AFRICA = LE CONTINENT AFRICAIN
Dans environ 26,5 % de son utilisation au sens geo-
graphique et chez environ 36,5 % des utilisateurs, AFRICA
affecte un sens large et designe tout le continent africain,
tel qu'on le concevait au Moyen-Age.
Ici AFRICA est synonyme
de LIBYA, entendu comme partie du monde.
Des trois acceptions d'AFRICA, c'est le sens continen-
tal qUl est le plus employe chez les auteurs, apres, bien enten-
du, le sens provincial.
L'Afrique entendue comme telle, se definit chez les
auteurs d'une part, comme l'une des trois parties du monde, en
l'occurrence la troisieme, par rapport ~ 1 'Asie et ~ l'Europe (1)
et d'autre part, comme etant Cham ou la part de la terre echue
en heritage ~ ce dernier, lors du pseudo-partage du monde (2).
Quant ~ son appellation "AFRIQUE", elle vient, croit-on, soit
du mot "aprica" (au masculin, apricus), qui veut dire "ensoleil-
lee", car l'Afrique, exposee au soleil ne connait pas le froid(3)
soit des noms de deux heros eponymes
: 1 'un, AFER, fils d'ABRAHAN
et d'une concubine, Cetura (4), 1 'autre, AFER LIBYEN, fils
d'Hercule Libyen
(5).
(1)
AMALAIRE, op. cit., p. 449-450 ; FLORUS, op. cit., col. 13,
RABAN MAUR, De Universo, col. 333 ; Anonyme De situ orbis, I,
6, p. 1 0 ; AL FRED, op. c it. c. I, p. 29 et I, 29, p. 58 ;
RI CHER, op. c it., I, p. 6.
(2) ANGELOME, col.
162 ; NENNIUS, op. cit. c.XII, p. 58
CARUS SCOT, op. cit., p. 122.
(3) RABAN, De Universo, col. 351
Anonyme De situ orbis, I, 4,
p.
5.
(4) RABAN MAUR, De Universo, col. 579
Anonyme De situ orbis, I,
4, p.
5.
(5) Anonyme De situ orbis, 11, p. 62.

654
Au contraire de LIBYA, AFRICA est un toponyme forge
par les Latins a partir de l'ethnique "AFER" (generalement
employe au pluriel "AFRI") dont une origine latine paralt invrai-
semblable. On pense que les Romains tenaient ce mot des Africains
eux-memes : il devait etre employe soit par les indigenes (ceux
qu'on nomme aujourd'hui les Berberes), soit par les Carthagi-
nois, soit par les uns et les autres. Cependant, etant donne
que le mot "AFER" ne figure pas sur les inscriptions puniques,
al or s qu' on y rencon t re 1 e mot LBY, c or re spondan t au grec I\\~e,v),
c'est l'origine indigene qui paralt la plus probable (1).
Si parmi toutes les hypotheses avancees pour~l'etymo­
logie du mot "AFER", il fallait en retenir une, la plus serieuse
de nos jours paralt en effet etre celle qui fait appel aux don-
nees indigenes, c'est-a-dire, qui recueille dans la langue ber-
bere
les vocables qui pourraient participer de la meme racine
que l'ethnique "AFER".
Ici, l'onomastique ouvre plusieurs pers-
pectives. Ainsi, on a propose de -rattacher 1 ',ethnique "AFER" a
une racine libyque dont deriveraient "IFRI" (la grotte), "IFRY"
(une divinite libyque), "BENI-IFREN" (une tribu berbere), et
"IFRIRA" (un toponyme de la Grande Kabylie). Les "AFRI seraient-
ils initialement les habitants des grottes ? L'ethnique "AFER"
appartiendrait dans ce cas a la langue libyque d'ou viennent
les dialectes berberes. Mais il ne s'agit la que d'une hypothese
ou d'une piste de recherche. Pour l'heure, on ignore l'origine
de ce nom et, par consequent, dunom AFRICA donne a notre con-
tinent.
Quoi qu'il en soit de son orlglne, le terme AFRICA,
dans la tradition litteraire latine, connaft trois applications:
(1)
Cf. GSELL, Hist. Anc. Afr. N., t.
7, p. 4.

655
1. L'''AFRICA TERRA" designait a 1 'origine le pays de
ceux que les Romains appelaient "AFRI " , c'est-a-dire les indi-
genes qui vivaient sur le territoire punique (1). L'''AFRICA
TERRA" etait donc ce territoire qui, annexe par Rome, devint
la "PROVINCIA AFRICA", puis "AFRICA" tout court par abrevia-
tion. En 46 ay. J.C., 1 "'AFRICA" s'agrandit de la province que
Jules Cesar crea alors en annexant, a l'ouest, le royaume de
Juba Ier. L"'AFRICA" au sens administratif donc comprenait
l"'AFRICA NOVA" (l'Afrique nouvelle) c 'est-a-dire, la nou-
velle annex ion , et I' "AFRICA VETUS" (la Vieille Afrique)., c 'est-
a-dire la province originelle. Comme limites, elle s'etendait
a l'ouest, de l'Ampsaga (Oued el Kebir) jusqu'au Sud-Est, aux
Autels
des Philenes au fond de la Grande Syrte
(2).
Plus tard, c'est-a-dire au debut du 111 0 siecle ap.
J.C., la partie "AFRICA NOVA", a laquelle le nom "Nimidia" resta
attache dans le langage courant, fut detachee et devint offi-
ciellement la province de "NIMIDIA" (la Numidie). A la fin du
meme siecle, ce qui restart de 1 "'AFRICA" autrement appele
"AFRICA PROCONSULARIS" (Afrique Proconsulaire) fut morce1e
par l'empereur Diocletien en trois unites administratives, a
savoir la "ZEUGITANE", ou 1 '''AFRICA'' proprement dite, la
"BYZACENE" et la"TRIPOLITAINE':
Apres s'etre elargi avec·la province, le sens adminis-
tratif d'AFRICA se restreignit avec elle et ne s'appliqua plus
qu'au Nord de la Tunisie et au Nord-Est de l'Afrique. C'est avec
cette signification qu'il survecut a l'Antiquite : rrfRIQIYA
(1)
Les indigenes etaient les memes que les Grecs, appelaient
A[~~~ (Libyens). Cf. St GSELL, Hist. Anc. Afr. N., t. 7,
p. 3, qui cite Tite-Live et Justin.
(2)
Cf. St GSELL, ibid., p. 6.

656
des Arabes ~tait ~ peu pr~s la province d'Afrique du Ba~­
Emp ire (1).
2. Outre cette premi~re application, AFRICA s'est
applique a l'ensemble de 1 'Afrique Septentrionale, au pays
des Blancs par opposition a l'AETHIOPIA (l'Ethiopie), le pays
des Noirs, ou du moins, des gens a peau foncee. Cet emploi est
assez rare. Ici il faut souligner la correlation entre AFRICA
et LIBYA qui designent tous les deux 1 'Afrique Septentrionale,
c'est-a-dire le pays des Blancs. On suppose que des auteurs
latins, rencontrant dans des sources grecques le mot LIBYA le
rendaient par AFRICA, et que des auteurs grecs faisaient pareil-
lement en traduisant par LIBYA le mot AFRICA qu'ils rertcontraient
dans les sources latines.
3. Enfin, une application plus etendue a ~te donnee
a AFRICA, employe
non plus comme terme administratif, ni comme
terme de geographie ethnique, mais comme terme de geographie
physique. 11 designait le continent tout enti~r, du moins l'idee
qu'on s'en faisait theoriquement. Ici egalement notons la corre-
lation entre AFRICA et LIBY~, d~signant tous les deux une partie
du monde. Les deux termes etaient synonymes dans ce sens. Pour
la limite de l'AFRICA, partie du monde, il y eut naturellement
chez les Latins les memes divergences que chez les Grecs ~ pro-
po s del a A~ g~ ry : po u r 1 e s un s, c' ~ t a it 1 e Nil ; po u r d' aut re s ,
l'isthme entre la Mediterran~e et la Mer Rouge; d'autres enfin
terminaient l'Afrique a la fronti~re occidentale de l'Egypte.
Ainsi, dans l'Antiquite, on peut remarquer une sorte
de chass~-croise entre l'emploi d'AFRICA et celui de LIBYA. Tan-
dis que chez les Latins, on elargissait le sens du terme' AFRICA
(1)
Cf. St. GSELL, op. cit., p. 6.

657
et s'en servait pour traduire le motAle~~, chez les Giecs,
on restreignait la portee du terme AI@u~ et on faisait usage
pour traduire le vocable AFRICA, l'appellation officielle de
la Province romaine.
0 0 0
Chez les auteurs etudies, les significations d'AFRICA
au sens geographique relevent en general, d'une double tradition
litteraire, la tradition latine et la tradition judeo-chretienne.
Par consequent, elles participent du double heritage: classique
et biblique. Cependant, une signification d'AFRICA releve de la
nouveaute : il s'agit de l'IFRIQIYA. AFRICA au sens d'IFRIQIYA
a une acception plus politique que geographique. Bien que ce
sens nouveau du terme s'impose avec la realite geo-politique
contemporaine, cependant il n'est en usage que chez les seuls
mediterraneens qUI en ont conscience Slnon dans le terme (ils
continuent, a tort ou a raison, d_e 1 'appeler "AFRICA") du moins
dans les faits, et pour cause!
3. AETHIOPIA
- L'ETHIOPIE = UNE REGION AFRICAINE
Dans environ 98 % de son utilisation au sens geogra-
phique et chez 100 % des utilisateurs, AETHIOPIA designe une
contree, une region du continent africain. Cette region se de-
finit comme 1 'une des provinces de 1 'Afrique (1)
;
c 'est la pro-
vince qUI, situee sous le feu-meme du soleil, produit la popula-
tion noire (2)
;
c 'est la couleur de ses habitants que le soleil
(1)
RABAN, De Universo, col. 351
Anonyme De situ orbis, 11,
p.
61.
(2)
RABAN, Liber adversus Judaeos, op. cit. col. 552.

658
brule, qui doit a cette contree le nom d'Ethiopie (1), car
comme province, elle est tout
entiere situee dans le "cardine"
sud, c'est-a-dire, I 'hemisphere, et il y regne perpetuellement
une chaleur torride (2).
D'apres les donnees statistiques il va sans dire que
la connotation africaine d'AETHIOPIA est la plus courante.
Mais l'Ethiopie, comme province africaine, se carac-
terise par une certaine fluctuation dans son application terri-
toriale : elle slidentifie tant6t a toute la portion merldio-
nale du continent, tant6t a la region au sud de llEgypte, c1est-
a-dire la region du Haut-Nil, tant6t enfin a la c6te-ouest de
IlAfrique, en lloccurrence la c6te atlantique du Maroc actuel.
a) AETHIOPIA = LA PORTION MERIDIONALE DU CONTINENT
AFRICAIN
Chez 100 % des utilisateurs et dans environ 61
% des
cas ou il equivaut a une region africaine, AETHIOPIA designe
d1une maniere generale toute la portion meridionale (3) du con-
tinent par opposition a la portion septentrionale qui est la
Libye ou IlAfrique.
L1Ethiopie, pays des "AETHIOPES", c1est-a-dire des
"Faces brulees" s'oppose ici de fa~on antithetique a la Libye
ou Afrique, contree habitee par les "Libyes ll (Libyens), c'est-
a-dire les Blancs.
(1)
RABAN, De Universo, col. 352.
(2) RABAN, De Universo, col. 352.
(3) DICUIL, IV, 3, p. 56 ; RABAN, De Universo, col. 352.

659
Le sens general du terme AETHIOPIA est de loin le
plus courant et le plus familier aux auteurs etudies.
L'Ethiopie s'identifie a Koush et au domaine qui re-
vient a ses descendants dans le partage de la terre
(1).
b) AETHIOPIA
LA REGION SUB-EGYPTIENNE
Dans environ 35 % de l'emploi d'AETHIOPIA au sens de
region africaine, et chez 40 % des utilisateurs, le terme se
prete a une localisation plus precise: il designe la region
voisine de l'Egypte, c'est-a-dire la region du Haut-Nil, a par-
tir de la ville de Syene (Assouan). Cette region qui equivalait
a la Nubie des Anciens et au royaume de Meroe, est l'Ethiopie
proprement dite. Elle correspond a peu pres aux territoires du
Soudan et de l'Ethiopie actuelle.
L'Ethiopie etant consideree comme double ou bipartite,
cette region est celle qualifiee de "una circa ortum solis",
c'est-a-dire l'Ethiopie orientale (2).
c) AETHIOPIA = LA COTE-OUEST DE L'AFRIQUE
Entendu
toujours au sens de region africaine, AETHIO-
PIA, chez 4,5 % des utilisateurs, et dans 4 % des cas, se prete
a une deuxieme localisation precise
: il designe la cote-ouest
du continent, en l'occurrence la cote atlantique du Maroc.
(1)
ANGELOME, col. 164 ; RABAN, Comment in ~en. col. 527
RE MY d'AUXERRE, Comment.in Gen., col. 1 1.
(2)
DICUIL, IV, 2, p.
54 ; RABAN, De Universo, Col. 352.

660
Cette Ethiopie se definit ici comme etant 1 'Ethiopie
occidentale ("circa occasum in Mauritania")
( l ) ,
le pays des
Ethiopiens Hesperii. Elle s'identifie aussi a Dadan et a Hevila(2
deux descendants de Koush.
- L'ETHIOPIE = UNE REGION NON AFRICAINE
Chez un seul auteur, soit 1 % de l'effectif, et dans
2 % de l'emploi d'AETHIOPIA au scns geographique, le terme de-
borde le cadre africain pour s'appliquer a une region .diAsie,
celle qui, dans la Bible est
rang ee sous le nom de "Pays de
Madian" (3).
o
o
0
Le terme latin AETHIOPIA est un emprunt au grec
Ale~ Or ,derive de Ai.eLOTTI'O(, qui veut dire· "face brGlee".
AETHIOPIA designe done le pays des Al.e;o77lS , les
"Faces-brGlees", c'est-a-dire les Noirs ou du moins les hommes
a la peau foncee ou sombre, par opposition a LIBYA, le pays des
Africains blancs.
Dans 1 'Antiquite, AETHIOPIA ne s'est jamais applique
au Nord du continent africain, ni a l'Egypte non plus. 11 s'ap-
pliquait a l'aire au sud de l'Egypte, au Sahara et au prolonge-
ment sud du continent, tel qu'on le concevait a l'epoque.
(1) RABAN, De Universo, col. 352.
(2) FRECULF, col. 934 ; RA BAN , De Universo, col. 528
RE MY
d'AUXERRE, Comment. in Gen., col. 80.
(3) FRECULF , col. 951.

661
Autrement dit, AETHIOPIA n'a jamais designe le continent tout
entier, mais seulement sa portion sud.
L'affirmation d'Homere (1), que les Ethiopiens,
hommes des confins du monde, se repartissent en deux groupes,
au levant et au couchant, a entraine par la suite chez les
auteurs, la division de 1 'Ethiopie en deux parties: l'Ethiopie
Occidentale, domaine des Ethiopiens Hesperii et l'Ethiopie
orientale, domaine des "Indiens". Mais la bipartition de l'Ethio-
pie ne se limitait pas, semble-t-il, au continent africain. En
tout cas, a haute epoque, le fait qu'on ait pu considerer comme
des Ethiopiens tous les habitants de la zone meridionale du
monde habite (2), a entraine l'extension de l'Ethiopie au-dela
du cadre africain.
b) LIBYA et AIGYPTUS au sens rnythigue.
LIBYA et AEGYPTUS affectent un deuxieme sens, le sens
mythique ; et dans lequel ils designent des personnages de la mytho-
logie greco-romaine •
. LIBYA est le nom de l'heroine eponyme
. AEGYPTUS est, d'une part, le nom du hero.seponym€
de
l'Egypte, et d'autre part, le nom d'un roi latin.
c) AETHIOPIA et AEGYPTUS, au sens spirituel et moral.
AETHIOPIA et AEGYPTUS connaissent un dernier sens, dans
lequel les termes sont vides de leur contenu physique au profit d'un
(1) Homere, Odyssee,
I, 23-24.
(2)
Cf.
STRABON, I, 2, 27.

662
contenu spiri tuel. Entendu cornrne tel, AE11-IIOPIA et AEGYPTUS sont des
lTIetaphores :
AETHIOPIA designe symbohquement le monde pecheur,
le peuple des Infid~l~s, d'une part, et d'autrci part,
I
le peuple des Gentils.
AEGYPTUS DESIGNE EGALEMENT SYlvlBOLIQUEMENT
- le monde pecheur ;
les ten~bres ;
- 1 'oppression, l'affliction;
le calvaire
- l' enfer ;
I' idoH.t r ie
et enfin le monde des Gentils.!

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HERIC d'Auxerre
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Carmen de Sancta Benedicta
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Carmen de Sanoto Casaiano
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Carmen de Joseph et Jacob
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Carmen Sen~allensis
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Aliercatio contra sYna~o~am
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I"ernontee.
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{'\\.,0 nee I' n cl n t_ "Libya", on C(J11state la meme evolution avec,
~toutefo i s une rernontee SCIiS i b I e dan~; le 3/4 dl! ! X° si cc le.
3/ Dcl n ,.; I' ens e In b le, 0 nob s e r' v .~ u nee 1"t<~1 i n par a I I e lisme cl a n s
I ' u t l l isation
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deux
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cours
de
cette
p6riode,
en
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c e pen d ant,
que
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"A F R I CA"
est
he a U c 0 U f.:
c!11ploye
que
le terrne
"I.ibya".

• HI •
G63
L A
REP RES ENT A T ION
D E
L ' A F R I Q v ;E
L'Afrique per~ue chez les auteurs du IX~ et du X~ si~­
cl~ se caract~rise par une image ~ tiois composantes
- un facies classique, sous lequel el;le affecte les traits de
l'Afrique d~crite'par les auteurs anc1ens, grecs et latins
- un facies biblique, sous lequel sesl traits s'apparentent a
ceux de l' Afrique amenagee par les auteurs chretiens' dans le ca-
dre d'une geographie sacree, plus con~orme a leur vision du mon-
de
;
- et un facies
contemporain, sous
le~uel elle prend les traits
de l'Ifriqiya, c'est a dire l'entite bolitique musulmane qui

i

s'est substituee a l'Africa antlque et qUl est la pr~figuration de
la Tunisie actuelle.
A / VNE AFRIQVE AV FACIES CLASSIQUE
Les traits qui composent ce facies s'observent dans la
,
presentation que les auteurs nous font de l'Afrique aux plans
cosmographique, geographique et historique.
Sous l'influence des Anciens,
les Carolingiens pretent
a la terre une forme ronde, au premie~ niveau de la representa-
tion du moins. Au deuxi~me niveau cep~ndant, on note une diver-
gence.
Les uns pensent a juste titre que la terre est un " rond
plein ", c'est a dire une boule, une slphere : tel1~ est l'opinion
I,

GG4

G65
d~ DICUIL (1) et d'ALFRED LE GRAND (2) qui 'utilisent le terme
" globe" ; pour eux donc, la terre estspherique. Les autres
estiment, quant a eux, que cette terre est un " rand plat ",
c' est a dire une roue, un cercle : td]~ est la conception de RA-
BAN MAUR (3), de l'ANONYME du De situ orbis (4) et de RICHER (5),
lesquels utilisent le terme " orbe "
; autrement dit, pour ces
derniers, la terre a la forme d'un disque.
Communement, les auteurs affirment que la terre est
ceinte par l'Ocean (6).
lIs estiment aussi qu'elle est partagee
en deux moities ou hemispheres: le nord et le sud. L'hemisphere
sud passant pour entierement recouvert par l'Ocean, seul l'hemis-
phere nord represente la terre habitable. Mais dans cette " moi-
tie superieure " de la terre, seule une infime partie, soit en-
viron le
quart, est effectivement habitee, tout le reste e-
tant inoccupe a cause de la rigueur du froid qui sevit a son ex-
tremite nord (le pole) d'une part, et de l'epouvantable chaleur
qui regne a son extremite sud (vers I' Equateur), d' autre part. L'ef-
fet du froid au nord et celui de la chaleur au sud expliquent pourquoi,
selon DICUIL, qui se fonde sur l'autorite d'ARTEMIDORE et de PLI-
NE,
la largeur (la me sure nord-sud) de la terre habitee c'est a
dire du
quart dont nous venons de parler, se trouve reduite
approximativement a la moitie de sa longueur (7). Autrement dit,
si, comme le demontre DICUIL, lIon mesure la longueur (la longi-
tude) donnee depuis la pay'tie est de l'Inde jusqu'aux lIes Ga-
des
(Cadix) au moyen de bornes indiquant un mille romain chacune,
( 1) DI CU IL, V, 2, p.
56.
(~) ALFRED, op. cit. c. I, p.
29 - PAUL OROSE dont ALFRED traduit
l'ouvrage n'emploie pas le mat" globus ", mais plutot le terme
" orbis ". Aussi nous. nous interrogeons, a savoir si dans ce pas-
sage 11 all the globe of this mid-earth" du texte anglais, le mat
" globe 11 a ete employe par ALFRED lui-meme dans le texte origi-
nal en anglo-saxon, ou bien s'il est a mettre plutot au compte de
J. BOSWORTH, l'editeur.
(3) RABAN MAUR, De Universo, col. 332-333 -
(4) ANONYME De situ
Orbis, II, 1, p. 41
-
(5) RICHER, op. cit.
I, p. 6.
(6) DICUIL, V, 1, p.
56 ; RABAN MAUR, De Universo, col. 333 ; AL-
FRED, C. I., p. 29.
(7) Cf. DICUIL, V,
2, p.
56 (cf PLINE,
II,
245).

G6G
ellesera de 6.630 (six milIe six cent trente) milIe~ rom~in~ (1j~
et la largeur du nord au sud (la latitude), de 3.348 milIes ro-
mains, eiclusion faitedes parties susdites oD le frbid et la
chaleur sont intolerables (2). En donnees kilom6triques done la
partie de la terre effectivement habitee, mesurerait, selon le
moine irlandais, enViron 9.796 ou 9.829 kilom~tres de long sur
4.946,5 DU 4.963,5 kilom~tres de large, soit une superficie de
48.455.914 ou 48.786.241 kilometres carres.
Sous l'influence des Anciens toujours, les auteurs caro-
lingiens divisent la terre habitable en trois parties: Asie, Eu-
rope et Afrique ou Libye (3). La Mediterranee et deux cours d~aux
celebres, ~ savoir le Tanais (le Don) et le Nil, concourrent ~
cette division dont la figuration est un rond dans lequel s'ins-
crit un " T " : la Mediterranee, que designe la hampe du " T ",
separe l'Europe de l'Afrique, tandis que le Tanais et le Nil, qui
se partagent la barre du " T ", separent, le premier, l'Asie de
l'Europe, et le second l'Asie de l'Afrique (4). Cette division
n'est pas egale : l'Asie, consideree comme la plus grande partie
du monde, occupe seule toute la moitie orientale de la terre ha-
bitable, tandis que l'autre moitie, la partie occidentale, est
oceupee par l'Europe et l'Afrique (5).
Ainsi, dans la representation de la terre avec ses di-
visions, l'Afrique ou la Libye constitue une des trois parties du
monde, au meme titre que l'Asie et l'Europe.
Mais comme partie du monde, qu'est-ce qui, ~ part bien
entendu le nom, distingue l'Afrique ou la Libye de l'Asie ou de
l'Europe ? Autrement dit, qu'est-ce qui, au point de vue cosmo-
graphique, caracterise cette partie du monde par rapport auxdeux
(1) Le mille romain etant inexactement eonnu ,les archeologues ont
evalue tout ~ tour sa longueur a 1.477,5 m et a 1.482,5 m. Cf. La
G"T<iiide Encyclopedie, t. 23, op. eit. article" mille ".
(2) DICUIL, V, 2 et 3, p. 56.
(3) DICUIL,
I, 2, p. 44 ; RABAN t-1AUR, De Universo, col. 333.
(4) ANONYME De situ orbis,
II, 1, p. 41
; RICHER, 1.
I, p. 6.
(5) RABAN MAUR, De Universo, col.
333.

G67
aut res ?
Nous pouvons trouver une reponse a cette quest~on dans
ce passage du roi anglo-saxon ALFRED LE GRAND : " ... Nos ance-
tres, explique ALFRED, disaient qu'elle
(l'Afrique) ~tait la
trois~me partie du monde, non pas parce qu'elle est tr~s eten-
due, mais parce que la M~diterran~e l'a compl~tement isol~e
parce qu'elle s'enfonce plus dans la partie sud que dans la par-
tie nord ; que la chaleur s~vit avec plus de rigueur dans la par-
tie sud que le froid ne s~vit dans la partie nord ; et enfin, rar-
ce que tous les etres vivants supportent mieux le froid que la
chaleur. C'est pour ces raisons donc que l'Afrique est plus peti-
te quel'Europe, non pas seulement en ~tendue, mais aussi en popu-
1a t i on. "
(1)
Donc, sous l'influence conjugu~e du syst~me de CRATES
et de la th~orie de MACROBE, l'opinion des auteurs m~di~vaux
est que, parmi les trois parties du monde, l'Afrique ou la Li-
bye est la plus petite puisqu'elle n'atteint nulle part l'Equa-
teur, et aussi la moins peupl~e puisqu'elle est situ~e en grande
partie dans la zone m~diane ou " torride " reput~e inhabitable a
cause des feux, des souffles irrespirables et de la chaleur ter-
rible qUl y s~vissent.
La situation cosmographique de l'Afrique n'est pas sans
cons~quence sur la destin~e de cette partie du monde.
D'abord, isol~e compl~tement par la M~diterran~e comme
l'estime ALFRED, l'Afrique apparalt, au regard europ~ocentrique
de l'Occidental, comme un continent a part, un " autre monde If,
un monde totalement ~tranger et diff~rent de l'univers europ~en,
bref un monde myst~rieux. Et comme tout ce qui est ~tranger est
par principe insolite et suspect, l'Afrique apparalt donc comme
un continent qui suscite une certaine m~fiance.
Ensuite, la situation de l'Afrique aux fronti~resmemes
de la zone torride la rend encore plus inqui~tante. Pour rhomme
(1) ALFRED, op. cit.
C.
1,29, p.
58.

GGS
Vl

G69
d~ Moyen... 6ge, en effet, tout se passe comme si ~ partir d'un cer-
tain seuil, d'une 'cert~ine limite (dans la l~titude sud), il s'o-
p€raii
une rupture d'€quilibre
des €l€ments
: les effets du so-
leil, la chaleur excesslve, renversaient taus les signes, faisant
basculer ainsi d'un monde a un autre, c'est a dire, du normal a
l'anormal, du naturel au ph€nom€nal,
de l'ordinaire a. l'extraor-
dinaire, de l'ordre au chaos, bref, de la vie a la mort. D€ja
en
grande partie' incluse dans la zone redoutable o~ nul @tre vivant
ne peut survivre en raison de la chaleur excessive qui y r~gne, le
reste de ce continent, autrement dit l'Afrique effective,qui cons-
titue l'ultime partie de la terre habitable baigne donc dans la
confluence des signes du normal et de l'anormal, du naturel et du
ph€nom€nal,
etc ... Une situation aussi pr€caire
peut, a tout mo-
ment, la faire basculer enti~rement dans l'un ou l'autre des deux
ordres.
Ainsi, pour l'homme du Moyen age, si la premi~re raison
d'etre de toute chose est le lieu o~ elle se trouve, on peut d'o-
res et d€ja
deviner quelle peut etre l'interf€rence
decettesitua-
tion de l'Afrique au sein du monde sur le milieu g€ographiqueafr~
cain, autrement dit, les incidences ou les influences que la si-
tuation cosmographique de l'Afrique peuvent avoir sur la terre,les
plantes, les b@tes et les homrnes de cette partie,du monde.
Au plan g€ographique,
les traits classiques de l'Afrique
sont per~us a travers diff€rents
themes relatifs a la description
du continent, soit dans sa g€n€ralit€,
soit dans ses particulari-
t€s
r€gionales.
a / Forme, dimensions et limites du continent
A l'instar des Anciens, l'Afrique per~ue chez les caro-
lingiens est un continent aux proportions singulierement r€duites,
et dont la partie est prise pour le tout.
En effet, la configuration g€n€rale
du continent peut

G70
etre materialisee par la figure formee par le Nil a l'est, la
cote mediterraneenne au nord, et a l'ouest et au sud, par une
cote ethiopique, dont le trace rel~ve plus de l'imagiriation que
de la realite. Ce qui represente en qu~lque sorte un trap~ze ou
i
encore un triangle, dont la base paraii constituee par la cote
I
mediterraneenne, depuis les confins ou~st de l'fgypte jusqu'aux
" Colonnes d' Hercule "
(Detroi t de Gibr;al tar)
; le cote perpen-
diculaire par le Nil, qui se prolonge j!usqu' aI' Ethiopie et a
la mer Australe ; enfin l'hypothenuse ~ar la cote qui va de l'E-
thiopie aux " Colonnes d' Hercule ". La :partie representee par le
sommet de ce triangle s'etend au-dela ~es limites de la terre ha-
,
bitable, c'est a dire qu'elle appartien,t a la zone dite" torride"
I
et est par consequent consideree comme ~naccessible
d~ fait de
:
:
l'intense chaleur qui r~gne dans cetteregion du globe. Autrement
dit, l'Afrique qui nous interesse se ra~~ne uniquement a la base
du triangle, c'est a dire la partie sittiee en-de~a des limites
I
de l' " habitable"
'
Ainsi, ce qUl passe pour l'ensemble du continent chez
les auteurs etudies, ne correspondrait :a peu pr~s qu'a la partie
septentrionale de not re Afrique actuell~, c'est a dir~ en gros
a u des e r t duSa ha r a etaux t err it 0 ire s a,c tu e 1s del a Lib ye, del a
Tunisie, de l'Algerie et du Maroc.
Pour les dimensions de l'Afri~ue, DICUIL, qtii a visible-
ment mal assimile les mesures deja aber~antes de PLINE l'Ancien
!
evalue la longueur (entendez la mesure est et ouest) a 3.478 mil-
les romains, et la largeur (la mesure n~rd sud) comme n'excedant
I
nulle part 250 milles romains dans la p~rtie habitee du con-
tinent
(1).
En clonnees kilometriques,
L'Afrique ne mesurerait, d'a-
prcs DICUIL, qu'environ 5.139 ou 5.156 kilom~tres d'est en ouest,
!
et 369,5 ou 370,5 kilom~tres du nord oui sucl, c'est a dire de la
i
Mediterranee vers l'interieur (2). Ce qUl represente une superfi-
(1)
DICUIL,
Ill, 3, p.
54
(c£. PLINE, VI,
208).
(2) La mesure cle la latitude de l'Afrique est partielle, et il ne
peut en @tre autrement a cause du grand inconnu que representetou-
te la partie meridionale du continent, situee clans la ;zoned'extre'-
me chaleur, au-dela de la terre h~bitab~e, d'aprcs la theorie de
MACROBE. Le peu qu'on sait de cette partie, rel~ve uniquement de
la conjecture.

cle de 1.898.860,5 ou 1.910.298 km2 environ.
G71
L'indecision n'est pas moindre en ce qui concerne la
delimitation du continent. L'echo des ~ivergences antiques en ce
qui concerne la limite orientale se re~rouve en parti~ chez RABAN,
qui fixe la borne de l'Afrique ~ la frbnti~re (ouest) de l'Egypte,
d'une part, et chez l'ANONYME du De situ orbis et le roi ALFRED LE
GRAND qui, la fixent au Nil, d'autre p~rt ; en revanche l'etablis-
sement de cette borne ~ l'isthme (de Syez) entre la Mediterranee
et la mer Rouge n 1 a pas d'echo chez les Carolingiens, qui s'oppo-
sent ainsi ~ PTOLEMEE et ~ ses heritiers, les auteurs mu~ulmans,
leurs contemporains.
Four le
reste, on baigne encore plus dans
la confusion: pour RABAN MAUR, la limite sud de l'Afrique est le
Mont Atlas, sa limite nord, la Mediter~anee, et sa limite ouest,
le detroit de Gades
(Gibraltar)
(1)
; mieux, et i} juste titre,
i
1 ' ANONYME b 0 r ne l ' Af r i que " par t 0 uta i 11 e u r spa r
1 a mer "( 2) ; en -
fin chez ALFRED, l'Ocean Austral en constitue la limite sud, laMe-
diterranee,
sa limite nord-ouest, et l'Atlas et l'ileCanarie(sic)
sa limite ouest
(3).
b / Les subdivisions du continent
Aux anciens en general, mais ;plus particulierement a
AGRIPPA, MELA et surtout PLINE l'Ancie~, les Carolingiens doivent
directement ou par le biais de pr~curs~urs tels ISIDORE DE SEVIL-
I
LE, MARTIANUS CAPELLA ou l'auteur anonyme de la Divisio Orbis, le
cadre ou la structure physique gen6ra~'qui caracterise l'Afrique
ou la Libye d'apres la description int~rne qu'ils en donnent.Ain-
si, au plan interne, le continent africain se caracteriseau point
de vue structure, par:
- sa bipartition geographique en Libye :(ou Africa) et 'Ethiopie,
i
suivie d'un certain decoupage geographfque et administratif en
!
provinces ;
- la desafricanisation de l'Egypte
(1) RABAN MAUR, De Universo, col. 351.
(2) ANONYME De situ orbls,
II, p. 43.
(3) ALFRED, c. I, p.
31.

- et enfin les lIes.
G72
- La bipartition de l'Afriqu~
la Libye et l'Ethiopie
Geographiquement, l'Afrique comme partie du monde, se
divise en deux grands blocs: au nord,! la Libye, au sud, l'Ethio-
ple.
La Libye
: C'est toute la portion septentrionale du con-
tinent, autrement dit l'Afrique du Nord consideree dans son en-
semble, a l'exception de l'Egypte qui, elle, est attribuee a l'A-
sie. La Libye est la partie de l~Afrique peuplee par les Libyens,
c'est a dire les Blancs, les ancetres ~es Berberes. La Libye, de
par sa population blanche, s'oppose do~c geographiquement a l'E-
thiopie. Comme entite geographique, la'Libye s'etend : d'est en
ouest, de la frontiere de l' Egypte a 1;' Ocean Atlantique ; du nord
I
au sud, de la Mediterranee a un fleuvei dans lequel Anciens et Me-
dievaux croient recbnnaltre le Niger et le Nil confondus ensemble
et qui demarque la Libye de l' Ethiopie;. De nos j ours, cette limi te
sud de la Libye correspondrait approxirnativement a la lisiere sep-
I
tentrionale du Sahara.
L'Ethiopie
: C'est la portio~ meridionale,la partie in-
terieure ou la partie profonde du continent. C'est le pays des
I
Noirs ou d'une maniere generale, des hbmmes a la peau sombre. L'E-
I
thiopie, de par sa population noire oUI foncee,
s' oppose done a la
Libye, pays des populations blanches.
~on nom lui vient, comme
I
I' explique RABAN,
de la couleur sombre! de ses habi tants que le so-
leil brQle perpetuellement du fait de sa proximite
(l).
Elle s'e-
tend, a l'est, depuis le sud de l'Egypte jusqu'a l'Ocean, a l'Ou-
est; au Nord, a partir du Nil, dont elle est ceinte, jusqu'a 1'0-
i
cean austral ou Ethiopique, au sud.
L'Ethiopie aujourd'hui, cor-
respondrait approximativement au Sahara.
La grande caracteristique de: cette partie du continent,
i
veritable" finistere " de la terre habitee, crest la chaleur per-
petuelle dans laquelle elle baigne.
(1)
RABAN MAUR, De Universo, col. 352.1

- Les provinces de l'Afrique
673
L'Afrique se subdivise en plusieurs provinces. La struc-
ture de l'espace africain se presente :ici dans un melange de di-
visions a caractere administratif (tel est le cas des entites com-
me les deux Mauretanies, la Numidie,
l'Africa ou Zeugitane, la Bi-
zacene, etc ... ) et de divisions a car~ctere purement geographique
ou cartographique et donc teintees d'~maginaire (tel est le cas
de la " Caulalia " de DICUIL et des Sirtes .de NENJ'HUS, qui ne sont
i
pas des entites administratives, ou e~core de l'Ethiopie, qui e-
chappait a l'Imperium Romanum).
Cependant sur le nombre et l~s noms des provinces, des
I
divergences apparaissent entre les auteurs, divergences qui s'ex-
!
.
pliquent par 1 a difference et le degre :d' al teration des relais de
transmission.
Chez DICUIL,
la Libye, c'est ,a dire le continent compte
neuf provinces qui sont, de 1 'ouest a ;1 'est: la Gaulalia (pour
i
.
la Getulie), la Mauretanie, la Numidie,'
l'Afrique carthaginoise,
la Tripolitaine, la Cyrenaique et la ~entapole, enfin l'Ethiopie
et l'Egypte, qui, de toute vraisemblan~e, chez lui, fait partie
du continent africain (1). NENNIUS en compte pour sa part douze,
qu'il enumere p@le-m@le sous des noms ~ort aberrants pour certai-
nes. Ce sont : la Libye, la Cirmi, la ,Pentapole, l' Ethiopie, la
!
Tripolitaine, la Byzancia, la Getulie,1 la Natabrie, la Numidie,
la
i
Samarie, la Grande et la Petite Syrtes
(2).
Quant a I\\ABAN et 1 'A-
NONYME,
ils en recensent,
le premier, ~euf, et le second, dix. Ce
sont, d'est a l'ouest : la Libye Cyrenaique (scindee en deux pro-
vinces,
la Libye tout court, et la Cyr~naique, chez 1 'ANONYME) ,
!
'
la Pentapole, la Tripolitaine, la Byzacene, Carthage(sic), la Nu-
I
midie,
la Mauretanie Sitifienne, la Mauretanie Tingitane, et en-
fin,
a proximite des feux du soleil, 1:' Ethiopie (3).
( 1) DI CD I L,
I I I, 1, 2,
3 et 4, p.
54 et
IV, 1 et 2, pp.
54
-
56.
(2)
NENNIDS, op. cit. p.
(3)
RABAN MAUR, De Universo, col.
351
ANONYME De situ orbis, op.
cit.
Il, p.
61.

674
- La desafricanisation de l'Egypte
I
Pour les auteurs carolingiens~ l'Egypte ne fait pas par-
tie de l'Afrique ou de la Libye
(1),
mais appartient plutot a l'A-
Sle, dont elle est une des provinces
(2) et l'extremite occiden-
tale
(3).
Plusieurs faisceaux de raison
apparemment les conduisent
a faire ce rattachement de l'Egypte a i'Asie et non a l'Afrique :
ra1sons cosmographiques ou geographi~ues
les Anciens, ont eux-
memes rattache l'Egypte, tantot a l'A(rique, tantot a l'Asie,se-
Ion le repaire choisi comme limite oribntale de l'Afrique ou de la
Libye. Autrement dit,
le sort ou le caract~re de cette region e-
tait fonction de ce repaire ou limite,: crest a dire, 'selon qu'il
s'agissait du Catabathmos
(vallee a l'ouest de l'Egypte) ou de
l'isthme (de Suez) entre la Mediterran~e et la mer Rouge, ou bien
I
du Nil
clans ce dernier cas, l'Egypte:affichait une position am-
bigu~, 00 elle apparaissait ~n realite comme mi-africaine et mi-
asiatique. L'influence antique se retrbuve ici quand les carolin-
giens fixent la frontiere Afrique - Asie soit a l'ouest de l'Egyp-
te (4), soit au Nil
(5). M~lgre l'incommodite voire l'ambigu!te
de l' etablissement du Nil comme limitei des deux continents, les
auteurs n'en considerent pas moins l'E~ypte comme extra-africaine.
C'est sans doute cette conviction qui explique en partie
(6)
chez
eux le fait que la limite de l'Afrique; ou de la Libye n'ait ja-
mais ete avancee au-dela du Nil, 'c' est, a dire jusqu' a I ' isthme
(de
Sue z) .
(1 )
(2)
(3)
(4)RABAN t.1AUR, De Universo, col.
351
·i ANONYME De
situ orbis, 11,
, i
15, p.
61.
(5) ANONYME, De situ orbis,
I, 7, p.
1:1
; ALFRED,
op.: cit. ch.
I,
30,
p.
59.
l
(6)
11 Y a certes,
chez nos auteurs,
l~ meconnaissance des ecrits
ptolemeens. ~1ais cela semble insuffisantl'olJ,expliquerle fait qu'ils
passent sous silence cette theorie don~ ils peuvent tout aus~ibien
avoir eu connaissance par la filiation: d'auteurs comme STRABON et
APULEE.
'

675
- raisons administratives
: chez les Anciens toujours, l'Egypte
etait comptee dans la " Pars Orientis ~, de 1 'Empire Romain. Ain-
si, par exemple sous DIOCLETIEN, le territoire de la partie 0-
rientale de l'Imperium Romanum etait divise
en deux prefectures
du pretoire : la prefecture d'Orient a~ec cinq dioc~ses, dont
I
l' Egypte, et celle de l'Illyricum avec deux dioceses.;
- raisons religieuses
: au IVe et V~ siecle ap. J.C., d'une manie-
I
re generale, les circonscriptions ecclesiastiques etaient cal-
I
quees plus ou mains sur les divisions ~dministratives temporelles
de l'Empire Romain. Ainsi, l'Eglise d'rgypte, avec ~ .sa t§te le
patriarcat d' Alexandrie, appartenai t
~i l' Eglise d' Orient, et se
distinguait nettement de l'Fglise d'Afrique
qui, avec Carthage
comme siege,
dependai t
de Rome. "Au po ~ nt de vue re 1 ig ieux tou-
;
jours (et bien qu'on sorte ici de l'influence classique), on doit
I
souligner aussi
que leurs reminiscences bibliques ant egale-
I
ment conduit les auteurs carolingiens ~ rattacher l'Egypte ~ l'A~
sie plut6t qu'~ l'Afrique. Pour eux, eh effet, l'Egypte ne saurait
§tre autre 1v 'un pays de 1 'Orient du fai t qu' il est voisin de la
Terre Promise, du Royaume d'Isra~l, de la Terre Sainte. D'ailleurs
divers episodes de l'histoire Sainte ne plaident-ils pas en sa fa-
I
veur ? Qu'on se rappelle ABRAHAM qui,
fuyant la famine,
se refugie
en Egypte ; les fils de JACOB qui sly rendent pour acheter du
!
grain ; le peuple hebreu qui en sort delivre par YAHVE et qui sous
I
la condui te de MOISE s 'etablit dans la: Terre Sainte
; plus tard,
I
le proph~te JEREMIE qui sly refugie, ehtraine par ses compatrio-
tes ; et plus manifestement, la Sainte: Famille qui s i y enfuit
sur
I
.
l'ordre de DIEU, afin que l'enfant JES4S echappe au cruel HERODE.
Enfin, pour les pelerins occidentaux qhi vont en Terre Sainte,
1
l'Egypte est ce lieu de passage pour atteindre la Palestine. Com-
I
ment ces va-et-vient entre l' Egypte et! la Terre Sainte peuvent-
ils s'expliquer,
~ leurs yeux, si ces ~eux regions appartenaient
I
,
~ des continents differents et non ~ une m§me aire geographique ?
.!,
I
- mais,
somme toute,
les raisons veritablement defavora-
I
bles ~ une insertion de l' Egypte en Afrique, sont, ce' nous semble,
les prejuges dont est victime l'Afriqu~ comme partiedu monde.
L'heritage culturel antique n'a pas manque de creer chez les au-
teurs medievaux un conditionnement intellectuel generateur de pre-
juges defavorables ~ l'Afrique. Les Anciens ant, en effet, trans-

G7G
mis ~ leurs h€ritiers
la vision d'une Afrique " terre d'anorma-
lit€
g€ographique,
physiologique et intellectuelle " (1). D'ou,
chez ces derniers, une pr€disposition
~ consid€rer
cette partie
I
du monde comme €trange
et €trang~re, et ses populations comme
des sous-hommes.
Sur ce continent ignor€
(hormis la petite fran-
ge m€diterran€enne
et l'est nilotique, iet encore !), ou tout est
plac€
sous le signe funeste du soleil et de la chaleur, on sait
que vivent des hommes plus ou moins co~parables aux atitres hu-
mains.
Les uns, apparemment" normaux ':', n'en demeureht pas moins,
p~~ leur mode de vie, au stade du primitivtsme et de la sauvagerie no-
toires :ainsi ces Atlantes sans noms les uns pour les autres, ou
bien ces Troglodytes, dont l'habitat e~t la caverne, et qui, ~
i
la place du langage humain, n'€mettent1que
des sifflements ; ain-
si ces Garamantes qui ignorent le mariage et s'associent aux fem-
mes aussi librement que les animaux males aux femelles, ou encore
ces Gamphasantes qui vont tout nus.
Quant aux autres,' v€ritable-
,
men t " anormaux " comme ce 5 Blemmye 5 5 an 5 HHe, et don t
1 a bouche
et les yeux sont plant€s
sur la poitrine, ou ces Satyres et
I
Egipans, mi-hommes
mi-b@tes, ou enc~re ces Himantopodes, aux
pieds d€biles,
qui rampent comme des serpents, ils font tout sim-
plement planer le doute sur leur human~t€.
I
Devant une telle image de l'Afrique et des Africains, com-
ment expliquer, dans l'optique carolingienne, qu'un pays comme l'E-
gypte, connu pour sa brillante culture et sa civilisation, puisse
faire partie de ce continent? Au cont~aire,
l'Egypte~
appartenant
~ l'Asie, chez nos auteurs, se rattach~ plut6t au bassin de la M€-
diterran€e
(orientale) , c'est-~-dire, ~u m@me domaine~
~ la m@me
I
aire g€ographique
que la Gr~ce et Rome; Ainsi s'expliquent pour
eux, les liens qui existent (car il y en a) entre l'Egypte et ces
derni~res. L'Egypte, pensent-ils, au p6int de vue culturel, est la
i
m~re de la Gr~ce, et la grand-m~re de Rome. Et etant de culture
:
latine, eux-memes pensent qu'ils sont les h€ritiers
de l'Egypte.
!
crest tout cela qui est signifi€
et exprim€
par la r€cup€ration
qu'ils font du my the grec d'Egyptus, h~ros €ponyrne
de l'Egypte.
i
Par le fonctionnement g€n€a
logique, l~s premiers, les Grecs ont
!
(1)
Cf. J. DEVISSE, " De la menace d€m~niaque ~ l'incarnation de
la saintet€
", dans L'image du Noir dans l'Art occidental, Publi-
cation de la Menil Foundation Inc., Biblioth~que des Arts, Paris,
1979,
p.
52.

677
desafricanise l'Egypte en la captant, en la recupcrant pour l'in-
i
tegrer au monde mediterraneen dont ils! font eux-memes partie, ce-
I
la pour justifier non seulement leur otcupation politique de ce
pays, mais encore les nombreux emprunt~ faits ~ la civilisation
I
egyptienne dans le domaine culturel, nptamment dans les sciences
I
et les arts. Si les auteurs carolingiehs reprennent ce my the, ce
nlest certainement pas par simple souc~ littcraire, mais bien par-
ce que son fonctionnement cadre avec lbur propre vision du monde,
et particulierement de l'Egypte.
Si, d'une maniere generale, l~s Carolingiens soustraient
ainsi l'Egypte de l'Afrique, il y a cependant une exception: le
cas du rh et e u r i r 1 an d a is, DI CUI L. Ch e z ice tau t e ur, en e f f et, l' E-
,
gypte fait partie de 1 'Afrique. Dans un passage oil i l repete PLI-
NE, certes le moine irlandais paralt lui aussi distinger l'Egypte
i
du reste du continent africain en affirmant qu'elle est situee ~
proximite de l'Afrique
(1).
Cependant la disposition formelle des
matieres traitees dans son ouvrage montre ~ l'evidence que, chez
lui, cette region n'appartient pas ~ lJAsie, mais bel et bien ~
la Libye ou l'Afrique. Dans le premieri chapitre, consacre ~ l'Eu-
rope comme partie du monde,
l'Egypte ne figure point au nombre
des provinces que l'auteur y traite(2)~
Pas plus qu'elle ne figure
parmi celles de l'Asie ~ laquelle est ~onsacre le chd~itre deu-
xieme
(3).
En revanche, on remarque qu~ le chapitre troisieme trai-
te de l'Africa, et le quatrieme, de l'tgypte ainsi qu~ de l'Ethio-
,
!
pie et de ses lIes (4).
L'affirmation,:par DICUIL, d'~n monde di-
vise en trois parties, Asie, Europe et, Libye, emp@che l~, dans le
chapi tre troisieme, d' attribuer ~. " AFRICA" un sens continental
et de donner au contenu du chapitre quatrieme, l'cquivalent d'une
partie du monde a part entiere, la quatrieme, en quelque sorte.
En depit de la distinction de leur contenu, il est bien evident
que les deux chapitres en question traitent d'un seul et meme the-
i
me, ~ savoir la troisieme et derniere ~artie du monde, la Libye.
Au travers du chapitre quatrieme donc,:on note, chez DICUIL, l'in-
I
tegration de l'Egypte au continent africain.
i
!
(1) DICUIL, VI,
2,
p.
58
(C£. Pline, V:
48) ~
(2)
Cf. DICUIL, Prologue, 6, p. 44
ch.
I,
pp.
44
-
50.
(3)
C£. DI CU I L , Prologue, 6, p.
44
cJ:1. II, pp. 52 - 54.
( 4)
C£.
DI CU I L ,
Prologue, 6, p.
44
ch.
Ill, p.
54 et ch.
IV,
pp.
54
-
56.

- Les lles de l'Afrique
G78
Par 1eur nature, certains 1ie~x sont pr~destin§s ~ une
I
fonction mythique, ~ une germination m~rvei11euse et surprenante.
C'est le cas particu1i~rement des lles~ 1ieux aim~s de l'imagi-
naire, a cause de 1eur univers c1os, r~p1i§ sur 1ui-meme. Par cet-
te nature donc, mais aussi et surtout par 1eur position g§ographi-
que, la p1upart des t1es de l'Afrique ~ffectent un caract~re fabu-
1eux aux yeux des auteurs §tudi§s. En effet, ces i1es sont situ§es
toutes a l'ouest du continent, dans l'Oc§an Occidenta1 (ou At1an-
,
tique confondu parfois ave~ l'Oc§an Au~tra1 ou Ethiopique) et ap-
partiennent toutes a 1 'Ethiopie
(occid~nta1e). Cette double posi-
I
tion de ces lles n'a rien de tr~s surp}enant. Car le mervei11eux
I
existe rarement dans 1es 1imites de no~re horizon : 1~ p1upart du
,
temps i1 nalt la oD le regard ne porte:p1us. C'est la raison pour
I
1aque11e 1es" extr~mit~s" de la terr~ sont fecondes : qu'i1 s'a-
gisse des regions po1aires, de 1a'peri~herie de la terre ou tout
i . . .
.
simp1ement des terres myst§rieuses,
in~xp1orees, bref~ des terres
aux con fins de la t~rre connue. Or, ju~tement, l'ouest africain et
l'Ethiopie ont ete, sans conteste, aussi bien chez 1es Anciens que
chez 1es medievaux, 1es confins du monde connu, et comme te1, des
regions au suj et desque11es i1s §tai ent d' une r§ceptivi te extreme
I
qui 1es pr§disposait a l'etat d'esprit 11e plus favorab1e a la cr§-
!
du1it§ et a l'affabu1ation. 11 n'est d6nc pas §tonnant que cette
I
zone passe pour contenir, a tort ou ~ ralson, une multitude d'l-
I
1es
(1)
dont DICV1L et RABAN MAVR par la me~tion de que1ques unes,
i
font ainsi §cho a la tradition et aux fables, qui depuis l'Anti-
quit§ s'attachent a certaines d'entre ~lles.
!
I
Si 1es trois premi~res lles q~e cite D1CV1L d'apr~s
PL1-
NE,
~ savoir Bachias, Antibachias et Stratioton, n'ont rien de
particu1ier sinon qu'e11es sont situee~ pr~s des Ethiopiens Arote-
ras
(1 ab oureurs)
(2), en revanche 1es cinq aut re s men t ionn~ es pa r
!
'
l'ir1andais et RABAN MAVR,
sont c~l~br~s
- l'i1e Erythr§e, citee par D1CV1L d'apr~s PR1SCIEN, est transpo~
s§e de l'est, c'est a dire, de la mer Erythr§e
(Ocean'1ndien) a
l'Oc~an At1antique. Mais la caract§ris~ique de cette i1e, c'est
(1)
DI CV I L, V I I,
1, p.
7 2 .
(2)
DI CV I L, VI I,
2,
p. 72.

679
qu'elle porte une race d'hommes tr~s p~rticuli~re : " Les Ethio-
piens, hommes au coeur droit,
qui vive~t en Erythr~e, ~ proximi-
t~ de l'Atlantique, d'ordinaire jouiss~nt d'une grande long~vi­
t~ " (1). On peut dire que la long~vit~ est un reve en relation
,
avec le my the de l'immortalit~ dans toptes les soci§t§s humaines,
cependant,
ici, dans la typologie des ph§nomenes monstrueux ou
merveilleux, au Moyen §ge,
il nous sem~le qu'aus~i bien la brie-
vet§ de la vie que la long§vit§ particiipent de I' " anomalie " ou
i
de l' " arbitraire"
Autrement dit, c;es Ethiopiens' habitants de
cette ile, quoique doublement valoris~~ positivement, n'en diffe-
rent pas moins des etres " normaux "
- l'ile de Gaulea,
les lIes Fortun§es
(Canaries), les lIes Gor-
godes et les iles Hesp€rides,
sont cit~es par DICUIL c~mme par
!
RABAN, d'apres ISIDORE DE SEVILLE. Mais alors que l'irlandais,
s'en tient ~ l'€valuation
de leur dist~nce par rapport aux conti-
,
nents et rapporte que les Gorgodes
(sic) sont plus eloign~es de
l'Afrique que les Fortun§es,
et les He~p€rides, plus que les Gor-
I
godes
(2), au contraire,
le Germain,
f~ru d'explications etymolo-
I
glques, fait ~cho
aux fables et aux lii~gendeS que la tradition at-
tache ~ chacune de ces lIes. Ainsi :
- l'ile de Gaulea que DICUIL situe ,t dans l'Ocean Au~tral de l'E-
,
thiopie Occidentale "
(3), est la meme: lIe d~nommee Gaulo§ chez
RABAN,
qui la situe pr~s de l'Ethiopiet tout court
du nom de cet-
I
te lIe proviendrait celui des Gaulales\\ (G§tules), population qui
s ' § ten d du " s u d jus q u 'a l' 0 c ~ and e s H,e s p §rid e s ". Ma i sce qui ca-
racterise davantage cette ile, c'est qpe pas un serpent n'y nalt
nl n'y vit
(4).
La " diff§rence " ou mieux " l'exception " est aus
si un suj et d' emerveillement. En effet: dans une Afrique et plus
particuli~rement dans une Ethiopie ou :1' imaginaire etiropeen fai t
grouiller toutes sortes de betes venim~uses, notammerit les ser-
pen t s, quo i cl e pIu s § ton n ant que 1e c a:s de c e t t e l l e .! A jus t e
I
titre, " l' ile est par nature
un lieu: ou le merveilleux
existe
pour lui-meme hors des lois communes et sous un r~~icie qui lui
(1) DICUIL, VII,
3, p.
72.
(2) DICUIL, VII,
5, p.
72.
( 3) DI CU I L, VI I, 4, p.
7 2 .
(4) RABAN, De Universo, col.
444.

G80
est propre
crest le lieu de l'arbitraire"
(1 )
,
- les lIes Gorgodes
(pour Gorgades),
s~tuees en face du promon-
;
toire Hesperuceras, et separees du continent par une distance de
deux jours de navigation, doivent leurinom aux fabuleuses crea-
tures qui les auraient colonisees, a s1voir les Gorgones, " fem-
!
mes douees d t aj.les rapides, au corps hirsute et dur"
(2)
I
- quant aux lIes Fortunees
(lIes Canar~es), dont le nom traduit
l'opulence et l'abondance de" toutes les bonnes chos'es"
(fruits)
;
qu'elles passent pour produire
(3), et: aux lIes des Hesperides,
dont le nom proviendrait d'Hesperis, ville qui aurait' existe " a
l'extremite de la Mauretanie ", ce sont en fait les memes lIes
nonobstant la distinction qu'en fait R~BAN, qui du reste, carac-
terise ces dernieres, crest a dire lesiHesperides, par l'evoca-
tion de leurs jardins fabuleux ou sonti les pommes d'or confiees
a la garde d'un dragon tres vigilant (4).
Quelles soient denommees " Bi~nheureuses " ou " lIes For-
tunees " ou encore" lIes des Hesperid~s"
a travers la tradition
de ces lIes, s'expriment le phantasme et le reve d'urt lieu tres
riche et tres fertile,
situe aux extre~ites occidentales de la
!
terre, sejour de felicite apres lequel; les Anciens, notamment les
po§tes, soupiraient sans jamais le rencontrer, et qU'~ls rele-
guaient toujours au terme le plus eloigne que leurs speculations
geographiques pouvaient atteindre. Localise a plus d'un endroit,
depuis le voisinage de l'Egypte jusqu'a la cote de l'Ocean Atlan-
tique, Sl en fin de compte, ce sejour du Bonheur resta fixe aux
lIes Fortunees, crest a dire aux lIes ~anaries, crest que la de-
couverte de ces lIes, dans les temps posterieurs, fut' le terme de
toutes les decouvertes des Anciens sur1les cotes de l:'Ocean Atlan-
tique.
S'il Y a lieu de faire une ob~ervation a propos des lIes
de l'Afrique, nous dirions qu'outre une bonne part de fantaisie,
I
(1) Cf. CLAUDE KAPPLER, }10nstres, demohs et merveilles a la fin du
Moyen age, ed. Payot, Paris, 1980, p.
35.
(2) RABAN MAUR, De Universo, col.
355.1
(3)
Idem, De Uiliverso, col.
354.
I
(4)
Idem, De Un1verso, col.
355.

~..
Got
de confusion et de merveilleux dans le~quels elles baignent du
point de vue geographique, ces iles, a. une exception pres - les
Gorgodes - presentent des traits plus positifs que ceux du con-
tinent.
c /
Les caracteristiques Erincipales d~ milieu africain
L'Afrique, une terre etrange, une terre de monstres et
de merveilles, telle peut se resumer d!une mani~re generale, la
representation geographique de l'univeis africain ]lerite des An-
ciens par les auteurs carolingiens.
Continent egare aux extremite~ de la terre et place dans
la confluence de deux mondes, celui dUi" normal" et celui de
,
" I' anormal ", l)ar consequent
baignanF en quelque sorte dans une
i
zone de turbulence des signes et des elements, terre,. plantes, a-
nimaux et hommes d'Afrique subissent i~eluctablement les conse-
quences de cette situation defavorable.
L'anormal, l'extraordinaire, le phenomenal, l'extrava-
gant,
bref tout ce qui fait de l'univers africain un monde a l'en-
vers du monde europeen transpire dans presque chaque element geo-
graphique.
I
Tout est place sous le regne du soleil en Afrique
: l'ar-
deur du soleil et la chaleur qu'il provoque sont excessifs au re-
gard de l'homme mediterraneen II qui se i croit me sure de toutes cho-
I
ses "
(1).
L'action despotique du soleI I est telle, que la terre
africaine est seche, aride, avec de no~breux deserts de sables bru-
lants
: consequence, elle est impropre a l'agriculture dans sa
grande partie. En Ethiopie, notamment, c'est-a-dire dans cettepar-
tie du continent ou s'exerce plus qu'a lleurs cette action demort
de l'astre solaire, les habitants sont: de ce fait,
toutdifferents:
:
ils sont tout noirs
(2).
(1)
Cf. JEAN DEVISSE " Chretiens et No rs " dans L'image du Noir
dans l'art accidental, op.
cit.
t.
11, vol.
1, p.
49.
(2J CL ItAEAN, Llber adversus Judaeos, op. cit. col.
552.

G82
Et pourtant, contraste
! Au ~ilieu de ce pa~sage de
d§solation et de tourment, des zones ~pparaissent lCl et l~,
tr~s riches en cultures (c'est le cas en Africa), des for§ts
luxuriantes verdoient au centre de cette extraordinaire Ethio-
pie; une v§getation abondante avec les plus grandes:especes
v§getales
(la ferule, etc
) et les essences les plus extra-
ordinaires
(l'eb§nier, etc
) y crois,sent (1).
Hais le caractere §trange de :ce paysage ne se limite
pas l~. D'autres el§ments viennent en~ore l'accentuer. Ainsi
l'Atlas et le Nil.
L'Atlas, denomme ainsi du fait que, par sa hauteur,
!
il
parait soutenir la voute celeste et les astres
(2)
est
incontestablement la plus haute montaghe du monde. Cette mon-
tagne pr§sente un caractere v§ritablem~nt surnaturel; car si-
tu§e en Ethiopie,
ou la chaleur passe bourtant pour excessive,
elle nehapas moin? son sommet couvert de neiges eternelles! (3)
Hais le mystere de cette montagne resi~e dans d'autres details
,
Bien qu'elle 11 s'elance du sein d'imme~ses plaines de sable If,
I
:
elle presente cependant un environneme~t de " sources, de bois
!
sombres
de riches productions, q~i naissent d'elles-m§mes,
i
des arbres eleves et touffus " etc ...
(4)
;
plus §trange ! Pen-
,
"
dant le jour, il r~gne dans cette montJgne un II silente univer-
i
sel " double d'une solitude effrayante.i Mais que vienne la nuit,
alors c'est un dechainement fantastique,
une animation sans pa-
reille
: " des feux nocturnes projetterit des lueurs et partout
!
resonnent les choeurs des Egipans "
(5~ : Egipans et Satyres sont
I
au rendez-vous, celebrant leurs bacchanales dans une orchestration
,
ou se m§lent flutes,
chalumeaux, cymbales et tambours
(6)
!
I
Continent de la chaleur, de la secheresse, de l'aridite
du sol, bref, continent defavorise par ile manque d'eau,
l'Afrique
est cependant, des trois parties du monae, celle qui ~ossede le
fleuve le plus grand et le plus extraordinaire qui so~t, ~ savoir
(1)
Cf. DICUIL, op. cit.
IV,
3,
p.
56
;" IX,
3-5, p.
98-100.
(2)
Cf. RABAN, De Universo, col. 363-364.
(3)
Cf.
DI CU I L ,
I X, 3 - 5 .
(4)
Idem et ibidem.
(5)
Idem et ibidem.
(6) ANONYME De situ orbis,
11, p.
58.

G83
le Nil. " Le Nil est le prince de tous: les fleuves 11 ,ecri t
l'ANONYME du Liber monstrorum.
Cel~bre 'et e~ceptionnei, le Nil
l'est a plus d'un titre: de tous les grands fleuves cel~bres
de la terre, crest le seul dont on ignqre la source: bien que
1 'origine occidentale paralSSe 1 'emporte~ a raison des nombreux
adherents qu'elle compte chez les Anci~ns, a vrai dire, les Ca-
i
rolingiens sont tres embetes par cette question de la provenan-
ce du Nil, car ce Nil, n'est-ce pas le meme que les Peres, par
ailleurs identifient au Geon, l'un des quatre fleuvesprovenant
du Paradis terrestre ? Quant a l'origin,e meridionale, 'ils l'ont
completement ignoree, cela a cause de ~eur meconnaissance de
Ptolemee. Quoiqu'il en soit,
l'extravagance meme du Nil peut
concilier toutes les opinions sur sa s~urce, car n'est-ce pas
( a ce qu' on croi t) le meme fleuve qui IdisparaJ::t dans les sa-
bles peu de temps apres sa sortie de si source, au pied de l'A-
tlas en Mauretanie, et qui ressurgit plus loin pour se diriger
ensuite vers le nord, en direction de ~'Egypte, qu'il va ainsi
irriguer ? Mysterieux, le Nil 1 'est aus!si par ses crues extra-
ordinaires dont on ignore la cause. C' e:st en effet le seul fleu-
ve dont le regime est contraire a celui! de tous les autres fleu-
ves de la terre
il entre en crue quan~ les autres sont en e-
tiage, et entre en etiage quand les autres sont en crue. Dans ce
cas comme dans celui de sa source, tou~es les explications avan-
cees par les Anciens n' ont aucunement l:eve le mystere, et le Nil
i
a ete, autant dans l'Antiquite qu'au Mojen ~ge, un veritable phe-
nom~ne aquatique de par l'enigme de sa source et de sa crue.
I
,
\\
Enfin, les dernieres merveille~ du paysage africain, ce
sont ces sources particulieres, qui tie~nent du prodige : dans le
voisinage du temple d'AMMON, en Libye, une source arrache la ter-
re par les etreintes du liquide, et durtit meme la cendre en mot-
tes
(1)
;
la source du pays des Garamantes est si froide pendant
le jour, que son eau est imbuvable ; en! revanche, la nui t, elle
!
devient tellement chaude qu'on ne peut meme pas la toucher (2)
en Ethiopie, un lac a la propriete de fkire briller les corps de
ceux qui s'y baignent comme s'ils etaie~t passes dans de l'hui-
!
le
(3)
; qui boit dans la source rouge d'Ethiopie devient lympha-
I
tique (4), tandis que le lac des Troglodytes, lui, devient amer
,
trois fois par jour, et autant de fois ensui te,
il devient doux (5\\
(1)
(2)
(3)
(4)
(5) Cf. RABAN MAUR, De Universo, col.
309.

G84
I

k)cc At~il1lJt(\\a ~lIIC txNeiccr bcptcca limc 't'tbillllll> in:rcl'l"~ (.~JW,l
!
Fig. 6 : Ikrnhard de Brcvdcnbach
Ilillerari/IIII IIicr(lsol\\,lIIilOIlIlIll <le III
tcrrtl"1 sallela"l,
Extra.i t
de J\\1ONSTRES DEMONS ET J\\mRVEI LLES A LA FIN DU NOYEN AGE •
Cla,ude KAPPLER

Payot 1980.)

685
" L'Afrique apporte toujours quelque chose de nou-
i
veau" !
(1).
C'est parce proverbe attribue aux Grecs que le
grand naturaliste romain PLINE l'Ancie~, en conclusion d'un
passage de son livre,
l'Histoire naturelle,
justifiait l'appa-
rent desordre ou der~glement de la Nat0re en Afrique,. oD l'on
rencontre quantite de betes monstrueuses, notamment des hybri-
j
des, produit
des amours contre-nature :entre animaux d'esp~ces
!
.
totalement differentes. Ce sentiment de desordre, de deregle-
,
ment des lois de la Nature, ce sentime~t de l'insolite, de l'ex-
travagant, de l'anormal, de l'extraordinaire, bref du jamais vu,
far rapport a ce qui se passe ou se rencontre en Europe, plus
I
precisement dans le monde mediterranee~, telle est l'impression
etrange et generale qui se degage de l~ rep~esentation que les
Carolingiens, en l' occurence DICUIL et :RABAN, nous donnent de la
faune africaine dont la description des elements recele plus de
fab 1 es et de racon tar s que d' 0 bs e rva ti o~s ree lIe s. Comme e sp~ces
citees simplement ou decrites, il y a, :parmi lesmammif~res: l'e-
lephant, le buffle, la girafe, le loup; le rhinoceros; le lion,
la hyene, le chorococte et l'hippopota~e ; parmi les reptiles, on
note le crocodile, mais l'abondance des serpents est remarquable,
et parmi eux, se trouvent le dragon etle basilic ; chez les in-
sectes, il y a la fourmi et les moustiques
; un seul poisson, le
I
dauphin est signale dans le Nil,
tandi~ quIa part l'ibis, les
i
,
oiseaux sont seulement signales en Ethiopie oD ils pas sent pour
,
nombreux et varies. Parmi tou tes ces especes fauniques, certains
elements apparaissent comme de veritablies phenom~nes zoologiques
de par leur forme,
leur comportement oJ leurs moeurs.
I
I
I
I
Ainsi, extraordinaires sont c~s deux monstres qui vivent
en Afrique
(en Mauretanie et en Ethiopi'e) a savoir, 1 '.cH~phant et
le dragon (2). Ce sont les deux plus grps animaux de la terre, a-
I
ve c c e pen d ant 1 a p rim au te a udr ago n (3) :. Ce r t e s I ' As i e ( e t p re c i -
I
sement l'Inde) en compte aussi, mais ce~x d'Afrique ne le cedent
I
en rien.
Si l'elephant mauretanien passe pour plus petit que son
(1)
PLINE l'Ancien, VIII, 42.
(2) DICUIL, VII, 33, p.
82.
(3) Cf. RABAN MAUR, De Universo,
col.
229 - 230.

G86
homologue indien (1), en revanche, le 4ragon d'Ethiopie n'a pas
son pareil, non pas tellement a cause qe sa taille gigantesque,
maIS surtout ~ raison de la fortune faritastique que rec~le sa t§-
te : eh oui ! du cerveau de ce monstre) on extrait des pierres
precieuses
(2)
Enfin pour completer se bref apen;u,
il faut a-
jouter un autre detail : elephants et dragons nourrissertt une
I
inimitie implacable les uns vis-a~vis ~es autres,d'ouils sont
perpetuellement en guerre (3).
i
A I 'oppose de ces deux monstres, il y a, par exemple,
I
dans le jeu des formes, un petit reptile, long seulement d'un de-
mi pied
c'est le serpent basilic. Ma~s cette bestiole n'en est
I
;
pas moins phenomenale ! C'est meme un fleau, a en croire la peIn-
ture que nous en donne MBAN MAUR : le basilic est le'" roi " des
serpents, et le roi incontestable car
on seul regard'tue tous les
autres serpents et m~me l'homme ; voil~ pourquoi tous le fuient
i
m§me de loin, il brOle sa victime de sa, gueule
! Mais: paradoxale-
ment cet " Attila des serpents " est a son tour la victime facile
d'une simple belette
(4).
Certaines de ces b§tes monstrtieuses comme le redoutable
crocodile (5) et l'hippopotame
(6), sorit uniquement des genera-
tions du Nil (7). D' autres comme la girafe
(le "chameau-Ieopard")(8)
et le terrible rhinoceros
(9) sont specifiques a I' Ethiopie
(10).
Mais sans doute le cote ou le idetail le plus etonnant
I
dans ce paysage faunique africain, ce ~ont ces dereglements dans
le comportement des animaux, autrement !dit, ces deviations sexuel-
les, ces amours contre-nature qui unis~ent entre elles de nombreu-
i
ses especes differentes et qUI produis~nt ainsi des hybrides de
(1) Cf. DICUIL, op. ci t.
(2) Cf. RABAN MAUR, ibid.
(3) Cf. RABAN MAUR, ibid.
(4)
Cf. RABAN, col. 352.
(5) Cf. DICUIL, VII, 37-39, p.
84"; RA~AN, De Universo, col. 238
REMY D'AUXERRE, op. cit. t.
11.
c.
73, ,3, p.
197
; ANONYME Liber
monstrorum, p.
243.
(6) Cf. RABAN MAUR, ibid.
(7)
Idem et ibidem.
(8)
Idem, op. cit. col.
222.
(9) Cf. DICUIL, VI, 32, p.
66-68
RABAN MAUR, op. cit. col.
220.
(10) RABAN MAUR, ibid.

G87
. 'i.
/iA':'
•. ~
I
".:
# ,
.
. .:( ~{
. ~ ,
~_.;.:~.;',~:,~i
Les races du bout du monde evoqu~ par SOLIN :et reprises au XIIo s.
i
par HONORIUS D'AUTUN.
( Ms. du XIIo s. British Museum
Extrait de LA CIVILISATION DE L'OCCIDENT MEDIEVAL. :
Jacques LE GOFF •
( Arthaud
1972).

G88
i
toutes sortes comme ce monstre appel§ chorococte seloh DICUIL,
et qui serait issu de l'accouplement de la hy~ne et de la lion-
ne
(1).
Plus que celle de la terre ou:de la faune,
la repr§sen-
I
tation carolingienne des populations d~ l'Afrique l§gu§e par la
tradition antique gr§co-romaine est plus impressionnante encore
par son caract~re fabuleux, mythique et p§joratif. Decidement, ce
continent secr~te le monstrueux en rai~on de sa natur~ et du des-
i
tin qui p~se sur lui
i
En depit d'une certaine fantaisie dans la disposition,
cependant on peut dire qu'en gros, cette population africaine s'§-
,
tage suivant la connaissance g§ographi~ue du continent. Ainsi ap-
!
paraissent trois groupes de peuples qu~ nous distinguerons ici
,
sous les qualificatifs de
: " normaux"
"semi-normaux" et "
monstrueux "
i
I
La connaissance relative de la partie nord d~ continent
( e n ten de z i c i 1 a po r t ion
1 i byq ue , qui i s ere dui t p rat :t que men t a
la frange mediterran§enne) grace aux Egyptiens et a quelques "ex-
plorateurs" comme HERODOTE ou grace a la colonisation grecque,
phenicienne et surtout romaine, a rendu plus ou moins ," familiers "
les noms de certaines populations habitant cette partie de l'Afri-
que, et dont RABAN nous fournit la lisie suivante : Afri,
Puni-
ques ou Carthaginois, G§tules, Libyens ,i Maures, Numides, Massyles,
Gaulales, Garamantes et Psylles.
A ce premier groupe de popula{ions integr§esen quelque
sorte dans la liste des peuples ordinaires ou " normaux " et dont
RABAN MAUR,
l'inconditionnel de l'explication etyrnologique, trouve
,
a bon nombre, soit une origine europee~ne (2), soit une origine
(1) DICUIL, VI, 35, p.
68.
(2) RABAN MAUR, De Universo, col.
443.

GS9
i
asiatique
(1), il faut ajouter bien entendu, Romains et Grecs
que l'abbe de FULDA semble avoir oubli~s et les Egyptiens que
nos auteurs rangent generalement en As~e.
Au sud de ce premier groupe, dans une zone intermediai-
I
re entre la Libye et l'Ethiopie profonde, autrement dit, dans un
espace delirant, contr6le plus par l'i~agination que par la con-
naissance geographique, vit
une seri~ de populations dont la
liste s'etablit ainsi : Garamantes, Heiperiens,
Indiens, Troglo-
dytes, Pamphages, Hini,
Ichtyophages, Leucoethiopiens, Nigrites,
Atlantes et Augiles.
Les peuples constituant ce groupe sont consideres comme
" semi-normaux " parce qu'ils sont mentionnes sans indications
physiques ou physiologiques particuli~~es pouvant lesdifferentier
de mani~re essentielle et jeter ainsi le doute sur leur humanite.
Mais a part cette caracteristique fondamentale, certains suscitent
tout de m@me l'etonnement ! Ainsi ces ~eucoethiopiens au nom pa-
radoxal (2), ou ces Pamphages, Hini et :au tres Ichtyophages, cu-
rieusement denommes, c'est a dire d'ap~~s uniquement leun habitu-
des alimentaires (3), plus inquietant pariaft le cas des::Troglodytes,
I
non pas parce qu'ils demeurent dans des! cavernes, mais parce qu' ils
sont depourvus de la parole et n'emettept que des sifflements (4).
L'ignorance de l'Ethiopie-m@me, c'est a dire ~es parties
i
plus au sud, des parties interieures, a'laisse la bride longue a
l'imagination et aux
fantasmes des Europeens qui l'ont ainsi peu-
1
plee a loisir d'une multitude de peuples aussi fabuleux que mythi-
ques, et don t RABAN MAUR parle en ces termes : " Elle Cl' Ethiopie)
est habitee par des peuples nombreux, aux visages divers et horri-
bles a voir par suite de leur aspect monstrueux " (5).,
(1) RABAN MAUR, De Universo, col.
443-444.
(2) ANONYME, De situ orbis,
II, p.
60-61.
(3)
RABAN MAUR, De Onlverso, col. 444 . .
(4) Idem et ibidem.
(5) Idem, op. cit. col. 352.

G90
Sur ces dernieres populations du continent, une gran-
de
incertitude plane, et les interrogations ne manqu~nt pas:
Sont-ils reellement des etres humains :ou sont-ils simplement
des betes ? Telle est, entre autres, la question queise pose
l'homme du Moyen §ge, ~ propos des Bl~mmyes sans tet~ et qui
po r ten t 1 a b0 u c h e e t I e s ye u x sur 1 a P:0 i t r i ne; cl e s fI i mant 0 p 0 -
des et autres Sciopodes aux pieds df~bi'les, qui ramperH plutot
qu ' i 1 s ne marc hen t, e t qui, par a cl 0 x a 1 e'm e n t
son t cl 0 u C~ d' un era -
piclite etonnante ; crest aussi la ques~ion qu'il se pose ~ pro-
pos des Satyres, cles Egipans, des Antipodes, des Lemnies ou cles
Cynocephales, hommes ~ tete de chien
qui vomissent cles flam-
mes
(1 )
Au plan historique,
les trait~ classiques de l'Afrique
I
sont per~us ~ travers deux sortes de th~mes
.
i
- d'une part des themes relatifs a la inythologie grec,ciue, et ro-
J
i
maine, et a travers lesquels le continent africain apparait com-
me une terre de mythes
;
- d'autre part cles themes relatifs a l!histoire ancienne ou clas-
sique, clans lesquels le regard historique proprement dit porte
;
sur certaines parties seulement de l'A~rique, ~ savoir l'Egypte,
un peu l'Ethiopie sub-cgyptienne et surtout l'Afrique romaine,
i
'
tanclis que le reste du continent demeure clans l'ombre.
Le continent africain, aussi bien dans son ensemble que
I
dans ses parties, apparait comme un immense thc§tre ou se rencon-
.
I ·
trent differentes figures mythiques,
'
heros des fa-
bles et legencles de la mythologie grecque et romaine.
Consider& dans son ensemble,
~'Afrique apparait ainsi
comme :
I
- le royaume de LIBYA, fille d'IPAPHOS; cle laquelle elle t~r~ son
(1) Cf. RABAN MAUR, De Universo, col. 196-197.
Cf. ANONYME De situ orbls,
11, p.
60-61.

G91
nom de Libye
(1)
- le pays d'AFER LIBYEN, l'autre h~ros eponyme (2)
;
- le royaume d'AGENOR, fils de LIBYA et fr~re de BELUS (roi d'U-
gypte)
(3).
L'Afrique consideree dans ses,parties
: l'ouest du con-
tinent, d'une maniere gen~rale, apparait comme le royiume du ge-
ant Antee (4) et celui d'Atlas
(5)
; considereecomme l'extremite
occidentale du monde, c'est egalement l~ que se situe le fameux
Jardin des Hesperides avec les Pommes d'Or (6)
; c'est enfin la
demeure des terribles Gorgones
(7).
Qu~nt a l'Egypte,,<.lk est le
royaume d'Aegyptus, le heros eponyme du pays
(8) et aussi celui
de BUSIRIS,
le tyran (9). L'Ethiopie e~t per~ue comme le pays
par ou passa DIONYSOS ou BACCHUS, 5 so~ retour de l'Inde, avant
qu e JUPI TER HA.!';JMON ne 1ui appa rut dans :le 5 5 ab 1 es, en Libye, la
ou se trouve son temple
(10).
Chez les Carolingiens, l'Afri~ue romaine se reduit au
n1veau historique aux traits de la seute province d'AFkICA dont
I
Carthage est la capi tale. Ainsi per~ue ,i cette province apparaft
comme l'une des plus prosperes de tout \\l'Empire romain : c'est
avec l' annone, le grenier a ble de Romel. Hais chez nos auteurs,
I
elle est surtout illustre a cause de so~ Eglise, veritable fl~u­
I
ron de la chretient~ romaine, 3 traversi ses docteurs (ST AUGUS-
i
TIN), ses martyrs (ST CYPRIEN) et ses conciles.
I,
Par ces traits, cette Afrique paraft quelquepeu fami-
liere aux Carolingiens qui sans doute s~ sentent des affinites
avec elle : n'appartient-elle pas en effet au meme domaine cultu-
reI que l'Europe ? N'adhere-t'elle pas, en outre, a la meme reli-
( 1 )
RABAN MAUP-, De Universo, col. 351.
i
(2)
ANONyt1E De Sl tu Orb1s,
I I, p.
58.
(3)
RABAN MAUR, op. cit. col. 347.
I
(4) ANONYME De situ orbis, op. cit.
II,:p.
58.
(5)
RABAN MAUR, op. cit. col. 363 ; ANONYME, op. c i t .,1, 4, p. 8.
(6)
RABAN MAUR, op. cit. col.
355.
(7 )
(8) RABAN MAUR, De Universo, col. 341
(9) FRECULF, col.
954.
(10)
REMY D'AUXERRE, 11,67,1, p.
186. 1!!

gion qu'elle,
~ savoir le Christianisme ?
G92
L'Egypte apparait comme une puissance politique de
t 0 u t
pr em i e r 0 r d r e :
a v e c l ' Ass y r i e et: 1 a Gr ec e, c 1 e s.t l' un
I
des trois premiers grands empires du monde. Cependant, ces
I
trois empires seront supplantes par un: quatrieme, Rome.
Mais l'Egypte, c'est aussi le.berceau de la civilisa-
I
tion, de la science et des arts:
agriculture
(1),
culture de
i
la vigne
(2),
geometrie
(3),
grammaire
(4).
(1)
JEAN SCOT,
op. cit.
63,
( 2)
(3 )
(4)

693
13 / UNE AFRIQUE AU FACIES BIBLIQUES OU ]l[lEO-CHRETIEN.
Dans l'heritage antique greco-romain que nous venons de
voir, les auteurs chret iens, notamment les Peres del' Eglise ont
apporte un certain amenagement. Tres tot, en effet, le christianisme
I
a essaye de remettre en ordre ce legs et de: I' adapter a sa propre
vision du monde. Dans l'esprit des Peres, c~t effort d'adaptation
voire de conciliation de la culture palenne avec la mentalite chre-
tienne tiree de la Bible est ne d'une conviction fondamenale.: les
philosophes paIens ont emis, par hasard, des verites utiles a la foi
chrHienne, surtout les platoniciens : non seulement les chretiens
ne doivent pas craindre ces verites, 'mais ils doivent les arracher,
pour leur usage,a ces illegitimes detenteur~. Tel est le nouveau
programme trace par Saint AUGUSTIN dans le De doctrina christiana,
qui ouvre en fait la voie cl toute une- gammed'utilisations de la
culture greco-Iatine.
Dans ce contexte donc,les Peres, et tout particuli~re­
ment, Saint JERO~1E, ont, dans un amalgmrune d' ~lements empruntes tant
a la Bible qu'aux auteurs classiques, mis er) place une geographie
I
originale, la geographie sacree,.qui fait une large place a l'Afrique
et cl ses populations. Les auteurs carolingi~ns ayant adopte sans
reserve cette nouvelle geographie jugee plus conforme cl leur sensi-
b.ilite de chretiens, c'est d'elle que releve la deuxieme composante
de l'image qui nous est donnee du contineritafricain et de se~
habitants.
Les traits qui composent le fades geographico-biblique
I
du continent africain s' observe cl trois niv~aux :
au niveau de la representation cosmographique
I
- au niveau de la representation geographique ;
I
- et,enfin,au niveau de la repr~sentation historique.

694
1. TRAITS COSfvlOG RAPH I QUES .
Au plan cosmographique, la conception de la place de
l' Afrique au sein du monde est en gros la rrleme que chez Ies Anciens,
I
mais avec cependant quelques modifications.:
I
Sur la fonne de la terre plusi~urs th~ories subsistent.
DICUIL, ainsi que nous l'avons vu, con<;;oit \\la terre comme un globe :
pour lui, elle est sph~rique.
I
RABAN ~1AUR qui lui donnait pr~c~denunent la forme du
cercle, lui donne encore la forme d'un carr:~. Plus exactement, chez
1ui, la terre, tou t en ~tant ronde, Si inscrii t dans un carr~. RABAN
essaie au prJx de toute une gymnastique
jJ1~ellectuelle, de raIlier
le cerc1e et le carr~ tout simplement pour :rester en accord avec la
parole biblique qui pr~dit quiA la fin du m~nde, Dieuenverra ses
anges sonner la trompette aux quatre coins de la terre (1).
Ainsi, au sujet de la repr~sentation de la terre, il
appert que les auteurs carolingiens ont admis la coexistence de
plusieurs fonnes.
AFRIQUE OU LIBYE, LA"PORTIO CHN-1."
A la suite des Peres et autres:commentateurs, 1es auteurs
carolJngiens ont adopt~ et christianis~ la 9ivision tripartite du
globe. 11 y a trois parties du monde, A savoir l' Asie, l' Europe et
I
l'Afrique. Mais cette tripartition repose sur le nombre des [i1s de
I
I
NOE, qui sont trois: SE~1, CHAM et JAPHET : "Lys trois fiIs de NOE,
dit NENNIUS, diviserent le monde en trois p~rties des apres le
d~luge. SE~1 r~gna en Asie, CHAM en Afrique,! JAPJ-IET en Europe,; ils
1) cf. ~1ATTI-IIEU, 24,31.

695
repartirent
ainsi leurs domaines en trois p4rties, parce qu'Us
1
etaient autant de freres" (1).
Ainsi, le continent africain, d:' apres ce partage; s' iden-
tifie Et la part qui echut Et Cl-JAM, le fils ~audit de NOE.
A travers ce partage de la terre et l'attribution de
1
1 'Afrique, ou de la Libye Et Cl-lAM, il n'y aJpas desonnais que· les
I
parties egyptienne, sub-egyptienne (Ethiopi~) et un peu la partie
i
au Nord-Ouest de l'Egypte (Libye), O-es seules familieres dans
Cl 'univers biblique,) qui soient prises en compte dans la repartition
!
des peuples sur la terre. Dorenavant, c'est le continent tOllt entier,
ainsi que tous ses habitants, aussi bien ceux de l'Bst que de l'Ouest,
I
1
ceux du Nord que du Sud, qui sont integresidans la vision chretienne
du monde. Mais au revers de la medaille, t~us les peuples de cette
Afrique se voient frappes d'une malediction commune Et travers le
personnage de Cl-lAM.
2. TRAITS GBOGRAPHIQUES.
i
I
'
Au plan geographique, les traHs de cette Afrique judeo-
I
chretienne apparaissent essentiellement Et ,havers la genealogie des
;
fils de NOB, en 1 'occurrence les descendants de Cl-lAM, et leur repar-
tition sur le continent africain.
A CHAM, le maudit parmi les t~ois fils de NOE,est revenue
1 'Afrique dans le partage du monde (2). Entre ces quatre f ils,' CHUSH,
1) NENNIUS, op. cit. t. I, c XIII, p. 58
,
2) Le cas CANAAN : Genese 10, sur quoi la tradition chretienne fonde ce
partage de la terre, donne, sous la fo~e d'un tableau genealogique,
une table des peuples, groupes moins selon leurs affinites ethniques
que d'apres leurs rapports historiques et geographiques : les fils
de Cl-lAM occupent les pays du Sud : Egypte, Ethiopie, Arabie ; et
CANAAN leur est rattache, en souvenir de la domination egyptienne
sur cette contree. Bnfin,- pour beaucoup d' auteurs dont les carol ingiens
d'une maniere generale, l'Egypte est eUe-meme un pays d'Asie ; dans
ce contexte, il n'y a pas que CANAAN qui s6it seul en cause. Les carolin-
giens n'ont pas l'air de se rendre compte de leur propre contradiction
dans la mesure Oll l' Afrique equivaut Et la "portio CHA~1".

696
~USRAIjvl, FUT et CANMN, devrait donc s' operer le partage, cette fois ,
de I' Afrique. ~1ais cudeuselllent, le dernier des fils, CANAAN ; n' a pas
I
de part africaine et est relegue en Asie (2). Qu'~ cela ne tienne !
le partage se fait entre Cl-ruSH, ivlISRAIM et FlITI-I, qui rec;;oivcnt : CHUSH,
l'Ethiopie
MISRAl~1, l'8gypte;et FUIH, la Libye. Chacun s'identHie
~ son d~naine. Afin de ne pas laisser en re~te toute la partie ouest
du continent, on termine la repartition en faisant appeI El deux des-
cendants de CHUSH, EVILA et DADAN,. qu' on y localise.
8nfin, pour arroser cette aire.africaine ainsi christia-
nisee, on identifie le Nil au Geon de la Biple, l'un des quatre
fleuves qui partent du Paradis Terrestre poGr arroser toute la terre.
Si jusqu'ici tout se passe assez bien dans ce "concor-
disme" avant la lettre, une fois qu'on aborde les populatiolls afri-
caines, les choses deviennent moins faciles, car divers problemes
i
d'ordre theologique ne Illanquent pas de se poser.
i
D'abord, U faut rappeler que la geographie antique greco-
I
romaine a place sur le continent africain t'oute une serie depeuples
I
dont les uns paraissent "normaux", les aut r,es, plus ou moins ,"nonnaux" ,
enfin,d'autres, carrement "Illonstrueux". Si ces representations des
populations africaines ne selllblent pas avoir trop gene lcs autcurs
classiques, en revanche, pour des auteurs c!1retiens comme les caro-
lingiens ou leurs devanciers, cela pose de serieux problelllcs: 11s ne
peuvent pas ne pas s'interroger ~ divers ni~eaux. Par exemple
I' Ecri ture Sainte enseigne qu' ADAM et EVE s:ont le,s premicrs I~onllnes
crMs ~ l' image de DIEU, et de qui descend itoute l ' humanite. Or, en
I
'
Afrique, et precisement en Ethiopie, U y ~ des hommcs qui sont tout ~ fait
noirs de peau, donc c1ifferents des Europee~s. Conunent expliquer alors
I
que ces Ethiopiens descendent eux aussi du imeme ancetre connnun
I
AD~I,
I
qu i, cela va sans dire, est blanc ?
j
I
i
Dans cette Afrique, on parle ercore de peuples aussi
I
monstrueux Ies uns que les autres : si ce ~'est pas dans la touleur

697
de la peau, c'est dans la fOTIle. Tous ces ~tres bizarres (les uns
n' ont pas de tete et portent les yeux et l~ bouche, sur la poitrine
les autres ont une t~te de chien et vomisse1nt des ncmffiles ; certains
n 'ont pas de j cunbes et rampent etc ... ). S0l1t - il s des honnnes ou des
I
hetes, autrement dit, ces etres ont-ils une ame ? Sont-ils de la
descendance d'ADAM ? TelIes sont quelques unes des questions qui
I
preoccupent nos auteurs.
,
La reponse tres embarrassee dei RATRAMNE a un confrere qui
lui avait ecrit pour l'interroger sur ces questions theologiques,
illustre bien ces propos. Dans sa reponse, !RATRAJVJNE, apres avoir fait
,
un tour d'horizon des criteres (la vie en societe qui suppos~ des lois
et des conventions juridiques ; le sens de la pudeur, qui invite a
s' habiller ; la pratique de l' agriculture, notCUTUnent
de l' elevage
d'animaux domestiques) qui, chez l'homme dui Moyen Age, caracterisent
1 'humain par rapport a la bete, finit par declarer qu'en depit de
l'aspect monstrueux de ces ~tres, en l'occurrence les cynocephales,
Hs doivent etre consideres,non comme de feroces brutes, mats cOllune
I
des hOllunes doues d' une Elme agissant sous le's ordres de la raison.
(cf. dans les toutes dernieres pages 1 'ANNEXE numero 4).
i
Dans l'Antiquite, chez ARISTOTE, la notion de monstre est
tres large et tres relativ isee : la premierie caracteristiquedu mons tre
est d'~tre different. La Nature ne fait ri~n au hasard, ni s~ns but
elle ne se trompe pas ; elle a ses "habitudes" que nous considerons
I
COlTUne la norme ; les exceptions que nOLlS appelons. "mons tres"·· ne
consti tuent en aucun cas une remise en ques,tion de I' ordre universel (1).
ARISTOTE, AUGUSTIN et le tvloyen Age s' accordent sur ce point.
Cependant AUGUSTIN, dans la CiFe de DIEU (2), nes 1 interesse
qu 1 aux monstres humains. parce qu' ils posent un probleme theologique
I
et representent pour le chretien une occasi:on de douter. AUGUSTIN
i
invite le fidele a ne pas douter du bien fonde et de la
perfection de la creation dans sa totah te.' Pour AUGUSTIN, c' est en
tennes de "convenance" et de "rapport" qu' h faut penser la monstruo-
I
site : il ne faut pas envisager les monstrJ,s comme I' oeuvre d' un
1) cf. Claude KAPPLER, MOllstres, demons et merveilles Et la fin du M.A.
Ed. Payot, Paris, lY80, p. 209.
2) Aug. Cite de Dieu, XVI, 8.

698
artisan moins parfait. Dieu a ses raisons. L'Univers est beau mais
divers dans ses parties. Pour AUGUST IN , qui'minimise la gravite de
la dissemblance, ce n'est pas parce qu'ils re ressemblent pas aux
aLltres etres humains, qu' ils ne tirent pas leur origine, eux aussi,
J
du premier honune. La ressemblance reste don;c le er itere de la nor-
malite. Et crest autour de cette notion que gravite 1 'essentie1 du
raisonnement : en effet,s'il existe ailleurs,dans le monde, des "races"
monstrueuses, elles sont la justification d~s individus monstrueux qui
figment panni nous Et titre d'exceptions : ces derniers ne seront
plus sans equivalents dans l'Univers, Us ne seront plus "absurdes".
AUGUSTIN s' obstine clonc cl classer les monsfres pall1d les descendants
!
d'ADAtvl. Ce qui importe,c'est une definition de l'homme au lieu de
celle du monstre : l'homme est "animal rationale mortale". Le monstre
est un detail. Le monstre est celui dont 1 ',aspect. nous est inhabituel
par la fonne de son corps, sa couleur, ses lnouvements, sa voix "et
meme les fonctions,parties ou qualites de sa nature" (1).
Le Moyen Age donc, et en l'occu~rence,les carolingiens,
:
subissent la marque de la tradition, et ne ~ontrent
aucune origi-
I
nali te. Nous comprenons Et present, pourquoi! les cynocephiJ.les' et
aunes monstres signales dans le continent \\:tfricain, ne sontpas
rejetes de la souche adamiquc.
3. TRAITS HISTORIQUES.
Au plan historique, les traits'de cette Afrique biblique
ou judeo-chretienne se ramenent pratiquement cl ceux de ] 'Egypte et de
l' Ethj_opie.
La vision du role joue par l'Egypte dans l'histoire du
peuple hebreu, aboutit Et une image negative: de ce pays, ce qui a
I
donne lieu Et une serie d'interpretations morales dans lesquelles
i
.
l'Egypte apparait conune le symbole des tenebres, du monde pecheur,
1) c. KAPPLER, op. eft. p. 209-213.

699
de l'oppression et de 1 'affliction, etc ..
Cependant, cette image
n~gative est quelque peu contrebalanc~e : en consid~ration du
souvenir de I' Eglise d' Egypte, et en consid;~ration de quelques pro-
ph~ties relatives a. 1 'Egypte dans la Bible,. 1 'Egypte affiche une
image plus positive, laquelle d~bouche sur ~ll1e interpretation favo-
rable : l'Egypte devient le syrnbole des Gentils, c'est-a.-dire de tous
les paiens convertis aDIEU.
L'interpr~tation de certains passages de la Bible, beau-
coup plus que le r61e jou~ par l'Ethiopie qui apparatt c~mne l'alli~e
de l'Egypte dans l'histoire d'lsrael, d~bouche aussi sur une image
n~gative de ce pays qui apparatt alors comme le symbole du monde
i
p~cheur, du monde de l' infidelit~ aDieu. Mais l' interpretation
d'autres passages bibliques et plus particulierement le souvenir de
l'Eglise d'Ethiopie, aboutit a une image pl~s positive de ce pays
qui devient alors le syrnbole de la Gentilit~.
C / ONE AFRIQUE AU FACIES CONTEMPORAIN.
Les traits de cette Afrique s'apparentent a. ceux de
l' IFRIQIYA (l' en tit~ poli t ico-musulmane qui; Sf est consitu~e sur les
ruines de la province romano-byzantine) et de l'Egypte musulmane du
IX et du Xe siecles.
Cette Afr ique du Nord musulmane (il s' agi t seuleinent des
parties orientales) est peq;ue a travers deux themes : d' une part,
la bellig~rance entre les musulmans (les Arabes Oll Sarrazins) et les
populations ellrop~ennes de l'Italie m~ridionale, et d'autre part,
les relations dipl~natiques ~tablies entre princes de l'Occident
chr~tien et princes musulmans.
A travers le premier theme, l'Afrique affecte les traits
d'une terre de danger, d'une terre hostile,! ennemie de l'Europe et de
toute la chr~tient~.
A travers le deuxieme theme, son image est mains effra-
yante, puisque des souverains chrHiens peuvent ~tablir des relations
i
d'amiti~ avec ses dirigeants.

700
i
De tautes les repr~sentatians de l'Afrique, ee faei~s
est le plus interessant. 11 est le seul sau~ lequel I' Afrique ean-
I
temparaine des auteurs apparalt. On a,iei.,une Afrique d'aetualit~
et nan plus une Afrique r~traspeetive. San image n'est plus fig~e,
anaehronique, mais bien vivante.

CON C L U S ION
G E N ERA L E
701
=============================~=======
,
==============================
[tant entendu que la partie anthropologique du dossier
n'est pas encore traitee,
il va sans dire que, par rapport au grand
theme, celui du my the de CHAM, la conclu~ion que nous tirons de ce
travail n'est que partielle. Cependant, sur le sujet, elle apporte
d'ores et dej~ quelques reponses.
Places a une epoque charni~re de l'histoire de l'Occi-
dent, les hommes des IXe et Xe siecles o~t joue un role. de courroie
de transmission certes, mais un role tre~ important dans la me sure
i
ou, a travers le double heritage, classique et biblique, ils n'ont
,
pas fait que transmettre de l'Afrique une image defavorable, mais
I
qu'ils ant contribue a l'amplification et a l'aggravation de cette
lmage.
,
Dans l'heritage greco-romain, :ils ant transmis a la pos-
I
terite l'image d'un continent dont les elements sont a taus points
de vue excessifs : la rigueur du climat avec le soleil qui cuit tout
au point que certains habitants
(les Ethiopiens) ant la peau tout~
noire, l'extreme chaleur, la secheresse, ~ la multitude de betes mal-
!
faisantes, notamment les serpents, qui i~festent le milieu, la ple-
thore de monstres de toutes especes, aus$i bien parmi les animaux
que chez les humains,
telles sont les caracteristiques de l'Afrique.
Dans l'heritage biblique ou judeo-chretien, on assiste,
chez les Carolingiens, a la systematisation du partage de la terre
entre les fils de NOE, et cela est une n6uveaute. Jusqu~au VIle s.
i
.
ap. J. C., les parts des trois freres etaient representees par de
I
grandes zones geographiques
: a SEM revenai t I' Orient, a CHAt,!, la
!
Mediterranee, et a JAPHET l'Occident. Avec le$ Carolinglens, c'est
!
','
l'identification des trois zones avec les trois continents, et l'at-
I
tribution de l'Afrique a CHAM. Une brech~ est d'ores et l deja ouverte
I
dans la voie des modifications que va cortnaitre le my the.
Mais une chose est a signaler; Aucune segregation n'est
faite dans l'application de la malediction:
toutes les populations
du continent so~t frappees sans exception, aussi bien ceU~du nord

702
que celle.s du sud,
les Libyens que les Ethiopiens, les Blancs que
les Noirs.
crest sur un autre plan, cepe~dant, que decisive sera
la contribution des Carolingiens au myth~ de CHAM. Leur repulsion
I
pour la couleur noire, et partant, pour ceux qui en sont porteurs,
I
.
amenent ces hommes a faire une assimilation entre le 11 boir " et
le peche, le 11 noir 11 et le mal, le 11 noir 11 et le demon. Cette
interpretation de la couleur noire conduit 11 naturellement " a l'as-
similation de l'Ethiopien avec le diable:ou encore avec le pecheur
et l'Ethiopie est par excellence la terre du peche,
la terre des
pecheurs.
Ainsi, l'attitude carolingienne ouvre desormais grande
la voie a tous les derapages qui vont, e~ fin de compte, aboutir
!
a l'application de la malediction chamit~ aux seuls Noirs.
!
i
L'Occident du lXe et du Xe siecles n'ayant eu aucun con-
i
tact physique avec les Noirs, on ne saurait voir dans sa repulsion
:
pour le " noir ", ou dans son hostilite ~ la couleur noire, une at-
titude ideologique, un comportement raci~te. Cependant, il n'emp§-
I
che que les Carolingiens ont une enorme tesponsabilite dans le my-
:
the de CHAM. lls n'ont pas cree ce mythel certes, mais ·ils n'en sont
pas moins responsables quant a sa deformation et a sa deviation.
Sans le vouloir, ils sont un peu a l'origine certes lointaine, mais
I
tout de meme a l'origine du racisme et de ses mefaits, tels que l'es-
I
'
clavage, la traite negriere, la colonisation, l'exploitation, etc ...
!
Le paradoxe du my the de CHAM en m§me temps que le scan-
dale de ce my the, c'est qu'avec des mateiiaux d'un livre tel que la
i
Bible qui pr~che justement l'egalite entte tous les hommes, des es-
i
prits stupides et perfides en soient arrives a forger un my the dont
les consequences ne cessent chaque jour cl'empoisonner les rapports
entre l'Afrique et l'Europe, entre Europeens et Africains, entre
I
Noirs et Blancs.
"Science
sans conscience, n'est que ruine de l'ame 1"(1)
(1) MONTAlGNE.

703
P I E
C E
S
: A
NI
N:
E
X
E
S
+
+
+

ANNEXE
numero .1.
704
" LA COSMOGRAPHI E "e; D' AETI-II CUS
!
(Date incertaine)
Division du monde en trois p~rties par les Romains.
Asie, Europe et Afrique.
I
I
" Cependant cette division a: ete 1 'objet d'une grande
controverse entre les savants. Plusieurs, en effet, tres verses
dans la connaissance des choses divines~ ont voulu qu'on n'en
.
comptat que deux,
l'Asie et l'Europe, et que l'Afrigue fut consi-
deree comme une dependance de l' Europe.; lIs ont appuye leur opi-
nion d'une raison tres plausible, en disant que l'Afrigue est une
contree en grande partie inhabitable a cause des fruits empoison-
nes de son sol, et surtout a cause de sbn climat brDlant. Et m§me
ceux qui ont voulu en faire une des parties du monde, n'ont pas
pretendu la comparer aux deux autres sous le rapport de la cele-
brite et de la fecondite
; ils ont, au contraire, nomme en dernier
cette contree funeste et aride, comme P9ur la distinguer de l'Asie
et de l'Europe et ils ont seulement accepte une division imposee
par la nature, qui a place la mer entre' 1 'Afrigue et le reste de
la terre 11
AETHICUS, COSMOGRAPHIA, apud Kam~l YOUS~OUF, Monumenta Cartographi-
ca Africae et Aegypti, t.
II,!£as.
II, 1932, p. 298.

ANNEXE . numero
.2.
page 1;
VOYAGE D'EUDOXE DE CYZIdUE
705
NOTA : On le trouve dans P~mponius M6la qui
l'avait extrait d'un ouvrage de Cornelius Nepos,
qui n'existe plus. Le passage conserve par Mela
(1.
Ill, c.
9-10) suffit pour que Pline
01.67)
et Martianus Capella (1. VI) le citent egalement
sur la foi de Nepos dont la source est in~onnue.
Mela racontant les pretendJes decouvertes;d'Eu-
doxe sur les cotes d'AfriqJe Orientale, rapporte
en ces termes, ces quelque~ passages
:
" ... Au-dela des cotes desertes dont nousvenons de par
ler, on trouve des peuples muets, qui I ne peuvent se faire entendre
que par signes
; les uns ont une lang~e et ne peuvent articuler au
cun son, les autres n'ont point de larigue ; d'autres ont les levre
jointes ensemble, et n'ont qu'un petit trou sous les'narines, par
lequel ils boivent au moyen d'un chalJmeau, et lorsqu'ils veulent
manger,
ils aspirent une a une les gr~ines qu'ils rencontrent.
Avant l'arrivee d'EUDOXE, le feu etait tellement inconnu a quelque
uns de ces peuples, et ils en furent ~i emerveilles, qu'ils embras
saient les flammes avec transport, et :cachaient dans .leur sein des
charbons ardents,
jusqu'a ce que la d~uleur les leur fit abandon-
ner ...
,
Apres ces peuples
(ceux a qui le feu etait inconnu), la
cote forme un vaste golfe, et dans ce :golfe est une grande lIe
qu'on dit n'@tre peuplee que de femmes dont le corps,est velu, et
qui deviennent fecondes sans le concours des hommes. 'Elles sont si
farouches, que les liens les plus for~s suffisent a peine pourles
contenir.
crest Hannon qui rapporte ce fait;
et l'on ne peut se
refuser a le croire, puisqu'apres en ~voir fait tuer quelques-unes
il les £i t
ecorcher et en rapporta les; peaux. On remarque, apres
av6ir passe ce golfe, une montagne el~vee, et toujouis embrasee,
que les Grecs appellent Theon Ochema, il e Char des Dieux ...
Au-dela de cette montagne, .la cote, pendant un long es-
pace, offre des collines verdoyantes it des prairies la perte de
vue, habitees, ~ ce que l'on croit, par des Pans et des Satyres ;
car elles ne laissent apercevoir ni culture, nl habitation, ni riel
qui indique la presence des hommes. Dans le jour, ce~n'est qu'une
vaste solitude et un silence absolu : ~endint la nuit, brillent unE
mul ti tude de feux epars, comme si une iarmee innombrable en occupai 1
toute l'etendue ; le bruit des cymbal~s, des tambour~, le son des
flutes,
se fai t entendre, et ce brui t ;est bien superieur a celui
que les hommes tirent de semblables idstruments ...

ANNEXE
numero .2. page
2
70G
, ~
Apres la corne du Midi,
commence cette cot~ qui s'in-
cline ~ l'Occident et que baigne la mer Atlantique. S~ premiere
partie est habit~e par des Ethiopiens i celle du mili~u est d~­
serte
; ici elle est brQI~e par les ardeurs du soleil:; l~, elle
est couverte de sables arides
; plus loin, elle est ihfest~e de
serpents...
i
i
I
Apres le canton qu'infesten~ les serpents,~on trouve
Himantopodes ...
ensuite les Pharusii .. J puis les N~grites et les
G~tules ... Le Teste de la cote apparti~nt ~ la Mauritanie ... "
Voyage d'EUDOXE DE CYZIQUE apud P.F.J. Gosselin.
Recherches sur la g~ographie syst€mati~ue et positive des Anciens,
1790.
EUDOXE a copi€
le P€riple
d'Hannon dont il n'a fait que renverser
l'ordre afin de l'adapter ~ la directidn de la marchepr~tendue
qu'il est cens~ avoir suivie.

ANNEXE
numero
.3.
707
ORIGINE
DES
AFRICAINS
.
h bitants de l'Afrique furent les q~tu~es
Les premlers
a .
t
barbares
qui se nourrlssalent
lers
et les Libyens, g:ns gross
e
de'l'he~be des pr~s, a la
de la chair des betes sauv~~es! ou
-!
' n i 'pc.r :La coutume,
fa~on des troupeaux. lls n :tzle~t goyvetr~e~'aventur~
.
1
l '
i par un maltre
,erran
a
"
.
nl par
a
01, n
.
1
t ou les surprenait la nUlt.
dl' <:,pers~s
ils s' arretalent seu emen

1
~. S
J '
E
- c'est cU mOln
Mais apr~s la mor~ d:Hercule en .~pag~~mpos~e de peu~les divers,
l'opinion des Afrlcalns - son armee,!
.
.
.
.
,
de son chef
et tiraill~e entre plusleurs rlvaux qUl
p r l v e e ,
l '
d~bander
tous voulaient le commandement, ne ta~ca pas a se, .
.
Dans le nombre, les M~des, les ~ersesl et les A~me~le~:s
pass~rent en Afrique sur des valsseau~ et occuperfe.t.,
t
contr~es voisines de notre mer. Les Perses toute -015 tlreren
plus vers l'Oc~an
et ils se firent d~s c~banes en re~ou~nant
la coque de leurs'barques, car il n'y;aval~ peS ~e b01S
e
construction dans le pays, et ils ne pou~alent s en procurer
en Espagne par achat ou p~r ~ch':lng~ :! l' etendue de l~ mer ~t
l'ignorance de la langue Interdlsa~en~ tout.comm~rce. Peu a peu
ils se mel~rent aux G~tules par VOle 4e marlage , et:c?mm~
dans leurs diff~rentes tentatives pout trouver un terrl~olre
convenable, ils s'~taient souvent d~p~ac~~, il~ s~ donnerent
eux-memes le nom de Nomades. Du reste~ aUJourd hUl e~core,
les habitations de~ paysans Numides, qu'ils appellent
,
"Mapalia", avec leur f?rme allong~e, l~s flancs, recourbes .
qui leur servent de tOlt, ressemblenta des carenes de navl~es.
Aux M~des etaux Arm~niens se joignir~nt les Libyens: - car lls
habitaient plus pr~s de la mer d'Afri~ue, les G~tules ~tant
plus pr~s du soleil, non loin de la zone torride - et ils
eurent de bonne heure des villes fort~s ; car n'~tant s~par~s
de llEspagne que par un d~troit, ils ~vaient ~tabli avec ce
pays un commerce d'~changes. Le nom d~s M~des fut peu
a peu
alt~r~ par les Libyens, qui dans leur ;langue barbare:y
substitu~rent la forme Maures. La pui~sance des Perses s'accrut
rapidement
; et plus tard,
sous le no~ de Numides, une colonie
de jeunes gens, que le surpeuplement ~ontraignit d'abandonner
le foyer paternel,
prit
possession ,du pays voisin;de
Carthage qulon appelle Numidie.
Puis ~'ancien et le nouveau
peuple,
se pretant un mutuel appui,
sdumirent par les- armes
ou par la crainte les pays limitrophe~, et se procur~rent
renom et gloire,
surtout ceux qui s'~iaient avanc~s du c6t~ de
notre mer, car les Libyens ~taient moins belliqueux que les
G~tules. Finalement, presque toute la ipartie inf~rieure de
l'Afrique tomba en possession des Numides
; les vaincu~ prirent
le nom du vainqueur, avec lequel ils ~e confondirent:
Plus tard les Ph~niciens, le~ uns pour d~charger leur
pays d'un exc~s de population, d'autr~s par esprit d~ conquete,
ran¥eant de leur c6t~ la pl~be et les :gens avides d' ~ventures,
a~lerent fonder sur la c6t~ Hippon~, Hadru~~te, Lep~is~ d'aytre
v 111 e s en co re, et ,c e 11 e s - Cl, b 1e n tot pro s pe re s , de v 1n r en t
1 a p)
ou la gloire de leurs m~tropoles. Poui C~rthage, j 'alme mieux
nlen TieD dire que d'en dire trop peu; puisque man sujet
mlentraine ailleurs.
(1)
,
(1) SALLUSTE,
Guerre de ~~gu!:tha. Traduct. A. ERNOUT - PAR1~
coll.
"Les Belles Lettres".

-
ANNEX";
numero
.4 •
page: 1
;
SUR LES PEUPLES DE L' AFR1QUE
708
!
A Rimbertus,
le venerable pretre RATRAMNE ...
(1)
,
Vous avez recherche ce que ~ous devez croire au su-
jet des Cynocephales, ou bien s'ils sont nes de la descendance,
d'Adam, ou bien s'ils ont des ames de brutes.
Et cette question
peut etre resolue ainsi qu'il suit en termes brefs
: s'il faut
les tattacher au genre humain, aucun d6ute ne doit subsister
qu'ils descendent de la lignee du premier homme.
11 n'est aucu-
nement permis de croire que l'origine humaine puisse provenir
d'une source autre que la substance du .premier pere. Que si on
les compte au nombre des brutes,
ils n'ont de commun avec l'hom-
me que le nom, et n'ont aucun rapport 4vec lui par la:nature.
rarmi ces questions se pose icelle de savoir si nous
pouvons nous contenter de l' opinion de inos autori tes ,. c' est a
dire des docteurs ecclesiastiques, o,ue ;1' on doi tIes classer
parmi les betes plutot que parmi les hommes, par cette raison
que la forme de leur tete et leurs abo~ements de chiens demon-
trent qu' ils sont semblables non a des \\hommes, mais bien a des
betes
; que, de plus,
les hommes conte~plent par un regard verti-
cal, le ciel concave, tandis que les cHiens, avec leur tete oblon-
gue et leur museau allonge regardent l~ terre, que les hommes
parlent, alors que les chiens aboient. j
Et cela d'autant plus que l~s lettres qui nous ont ete
adressees par votre charite, alors qu'elles determinent tres soi-
gneusement leur nature, nous apprennen~ certaines choses qui pa-
raissent convenir a la raison humaine plutot qu'a l'instinct ani-
mal;
c'est ainsi qu'ils respectent certains contrats sociaux,
ce qu'atteste ce fait qu'ils vivent en 'societe dans des habita-
tions champetres ; qu'ils se livrent a l'agriculture, ce qui est
etabli par ce fait qu'ils moissonnent les fruits de la terre;
qu'ils ne laissent pas a decouvert leurs parties natuielles, comme
le font les animaux, mais qU'ils les cachent avec une discretion
tout humaine, ce qui est la preuve qu'ils ressentent la pudeur ;
que en ce qui concerne leur usage de s'habiller, vous avez ecrit
que non seulement ils se servent de peaux, mais qu'ils ont des
vetements et tous ces faits semblent bien attester qu'il existe
en eux quelque chose qui ressemble a une ame agissant suivant les
ordres de la raison.
Puisque l'on dit qu'une cite' est une reunion d'hommes
qui vivent tous egalement sous la meme ~oi, et que l'on affirme
que ces etres habitent ensemble dans les maisons de bourgs, on
peut croire que parler de cite a leur occasion n'est point une
chose hors de sens, puisque leur multitGde provient dU fait qu'ils
se reunissent pour vivre ensemble, et qG'ils ne pourraient coha-
biter d'une telle maniere, sans les conventions juridiques resul-
tant d'un certain pacte...
:
(1) RATRAMNE
(843 a 877), Epistbla de Cynocephalis ad Rimbertum
I2resbyterum scripta, ed. Higne,
r.L.
+.121,
col.
1153 et
suiv.
(traduction prise dans Youssouf KAMAL,
op. ci t. T. 3
fasc.
1. p.
527).

ANNEXE
numero
.4.:
page 2
709
Ces etres semblent introduiire une procreation mons-
trueuse dans l'ordre nature I de toutela race humain~, ces mons-
tres prodigieux des hommes, et beaucoup d'autres,
qu'il serait
long de mentionner, commes les Pygmees,
les Anticaudes, dont les
uns, dit-on,
ont un corps de la hauteu,r d'une coudee, tandis que
chez les autres,
Ja plante des pieds n~it immediatement par der-
ri~re de leurs cuisses, chacun de leur~ pieds ayant ~uit doigts ;
les Hippodes, qui joignent la forme hu~aine ~ des pieds de cheval
les Macrobes, qui surpassent la stature de l'homme de pr~s de deux
fois
; cette race de femmes dans l'Ind~, qui con~oivent dans leur
cinquieme annee, et dont la vie ne depasse pas huit ans, et tous
les autres innombrables sur lesquels on raconte des choses qu'il
est impossible de croire ...
Puisque lIon rapporte que l~s Cynocephales poss~dent
une multitude dlanimaux domestiques,
il ne conVlent point de leur
attribuer le caract~re feroce de la brute, par suite de la douceur
grace ~ laquelle s'apprivoisent chez eux les animaux 'domestiques ...

710
ANNEXE
numero 5
pa.ge I
I
LE SYSTEME DE MACROBE
La terre est une sph~re selpn MACROBE, l'horizon la
divise en deux parties §gales ou h§misph~res.
i
" Cette terre donc ", §crit: MACROBE, " qui n'est
qu'un point relativement au ciel,
est pour nous un corps sph§-
rique tr~s §tendu, qu'occupent alternativement des r§gions
brOl§es par un soleil ardent, et d'auties affaiss§es sous le
poids des glaces. Cependant au centre de l'intervalle qui les
s§pare se trouw~des contr§es d'~ne temp§rature moyenne ...
Les cercles polaires
(c'est\\ a dire les extr§mit§s)
bor€al
et austral sont en tout temps a~trist§s par les
Frimas
;
ces deux zones ant peu de circonf§rence parce que situ§es pres-
que aux extr€mit§s
du globe
; les terr~s dont elles marquent la
limite n'ont pas d'habit~ts parce que la nature y est trap en-
gourdie pour pouvoi~ donner l'@tre,
soit aux animaux,
soit aux
v~g§taux ...
La zone centrale,et cons§quemment la plus grande,
est toujours embras§e des feux de l'astre du jour. Les contr§es
que borne de part et d'autre sa vaste ~irconf§rence ~ont inha-
bitables a cause de la chaleur excessiye qu'elles §prouvent ;
mais le milieu de l'espace que laisse ~ntre elles cette zone tor-
ride et les deux zones glaciales appartient a deux autres zones,
moindre que 1 'une, plus grande que les! autr!=s, et jouiss.dnt d'une
temp~rature qui est le terme moyen de 1'exc~s de chaud ou de froid
des trois autres.
Ce n'est que sous ce~ deux derni~res que la na-
ture est en pleine activit§...
;
Des deux zones temp§r§es " 6u les dieux ant plac§ les
malheureux mortels ",
il nlen est qu'uhe - la zone temp§r§e bor§-
ale - qui soit habitee par des hommes de notre espece, " Romains,
Grecs ou BarhH':~". Quant a la zone temp§r§e australe, la raison
seule nous di t
qu' elle doi t
etre aussil le s§j our des humains,
§tant donn§ qu'elle est placee sous des latitudes semblables. Mais
on ne sait et ne peut jamais savoir qu~lle est cette espece d'hom-
mes, parce que la zone torride est int~rm§diaire et nbus empeche
de communiquer avec eux ...
,
La zone temp§r§e sous laque~le nous vivons
(c'est
MACTZOB El' Europ€en
qui parle)
a des parties ou la chaleur est
plus forte que dans d'autres, parce qu!elles sont plu~ pr~s de
la zone torride
: de ce nombre sont l'Ethiopie,
l'Arabie,
l'Egypte
et la Libye.
L'atmosphere, dans ces contr§es, est si dilat§e par
la chaleur qu'il s'y forme rarement de~ nuages, et que les habi-
tants connaissent a peine la pluie.

ANNEXE
numero 5 page:2
711
Au contraire, les regIons de la zone ternp§r§e qUI sont
lirnitrophes de la zone glaciale bor§al~, telles que le Palus-
M§otide, celles baignees par l'Ister et le Tanals, celles enfin
qui se trouvent au-del~ de la Scythie (les hyperbor§ens) ont un
hiver qui dure presque toute l'ann~e. Mais le centre de la zone
temp§r§e jouit, en revanche d'une temp~rature uniforrne et bien-
faisante...
.
L'un et l'autre tropiqueS sont les limites du zodiaque,
et jamais le solei 1 ne les d§passe.
Les zones temper§es dans l'un
et l'autre h§misphere,
comrnencent
ou:finit le zodiaque, ou si
l'on veut, la zone torride
: le soleilireste perpetuellernent dans
la zone torride ; il n'en sort jarnais.:.
Les lirnites de la zone torrlde ont cela de commun avec
les zones temper§es, qu'elles ont des habitants
: en effet Syene,
~§ro§ et le pays de la canelle sont situ§s sous le tropique (du
Cancer) ... "
MACROBE, Commentarius ex Cicerone in Somniurn
Scipionis, 1.
II, c.
5 et c.
8, apud Kamal YOUSSOUF,
Monumenta Cartographica Africae et Aegypti, t.
11,
fasc.
11, 1932, pp.
262 et
264.
Selon MACROBE
Nos antipodes
sont " la zone australe,: dont les habitants ont
les pieds diam§tralement oppos§s aux n6tres 11
!
Nos p§ri(kiens sont 11 ceux qui habitent la partie inf§rieure de
not re zone "
(la zone te:mperee borea le) .
I

Nos anteciens
sont" les peuplades de :la partie sud-est de la
zone temperee au s t r ale ""
cf. MACROBE op. cit.
I(,Y.
p.263.

712
BIB L lOG RAP HIE
I - OUVRAGES GENERAUX ET INSTRUMENT~ DE RECHERCHE POUR
I
I
L'ETUDE DU MOYEN AGE
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- Hincmar, archev@que d~ Reims 845-882; Th~se pour
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Potthast digestum, nunc cura collegU!historicorum e pluribus
nationibus emendatum et auctum
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Series collectionum, Rome, 1962
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antique et medievale,
2° ed., Paris
1966.
Thesaurus linguae latinae,
Index, Onomasticon, Leipzig, 1900
~
sqq.
Atlas historique Larousse sous la dir.
de G. DUBY, :Paris, 1978
I
Atlas historique~ Paris, Stock, 196~.
_ _ _ _ _ _ _ _ _---''--
SIECLES~
I I - LES SOU RCES DE LA PER lODE ETUD lEE
IX O
XO
-
-----,-------.1
Les editions les plus utilisees pour! leur cornrnoditel
et le numero du tome.
2. Les Monumenta Germaniae
series.
Dans un souci de lisibilite
feres aux chiffres romains.
/ /
,/
/
ABBO FLORIACENSIS.
- Epitop/
PL 139.
/
/

71{
RICHE P.
_ Education et culture dahs l'occident barbare,
2° ed., Paris, 1967.
I
SOUTER A.
_A Glossary of later latin to 600, Oxford, 1957.
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- I-1istoire generale des sciences. 1. La Science
j
antique et medievale,
2° ed., Paris;
1966.
Thesaurus linguae latinae, Index, O~omasticon, Leipzig, 1900 et ......
sqq.
Atlas historique Larousse sous la dir.
de G. DUBY" Paris, 1978.
i
Atlas historique~ Paris, Stock, 196~.
I I - LES SOU RCES DE LA PER lODE ETUD I:EE
IXO - XO SIECLES
i
Les editions les plus utilisees pour; leur commodite ont etE~
I
1.
La Patrologia latina de l'abbe Migne, citee simplement PL
et le numero du tome.
2.
Les Monumenta Germaniae historica: dans leurs differentes
series.
Dans un souci de lisibilite les chiffres arabes ont ete pre-
feres aux chiffres romains.
ABBO FLORIACENSIS.
- Epitome de XCI ~omanorum pontificum vitis.-
PL 139.

------
715
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- G.A. Hilckel, dans M~langes d'hist6ire du Moyen-Age publ.
sous la dir.
de A. Luchaire, Paris,: 1901.
ADREVALDUS.- Miraculorum sanc.ti Benedicti liber 12Iimu2.-
o. Holder-Egger, MGH, Script. 15,1 (1887).
AENEAS PARISIENSIS.- Liber ·adversus graecos.- PL 121.
*
AGNELLUS.- Liber pontificalis ecclesie Ravennatis. L
O. I-Iolder-Egger, MGH, Script. rer. Lang.
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AlMOIN FLORIACENSIS.- De Gestis Fraricorum libri VI~ PL 139.
ALFRED LE GRAND.- King Alfred's A~lo-Saxon Version of Orosius.-;
J. Bosworth, Londres, 1859.
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ALTERCATIO ECCLES lE CONTRA SYNAGOGAM.- B. Blumenkranz in
Rev. ~1.A. lat, 10,1954.
AMALARIUS SYMPHOSIUS.
- Codex expositionis 11
- Epistula ad Hilduinum
Liber officialis
J.M. IIanssens, Amalarii episcopi opera liturgica omnia t.
I et
ill.
Citta del Vaticano, 1950.
ANASTASIUS voir
BONIFATIUS
ANGELOMUS LUXOVIENSIS.
Commentarius in Genesim
- Enarrationes ln cantica canticorum
Enarrationes in Libros Regum
in P L
115.
*
AGIUS.
- Epicedium Hathumodae,
abbatissae Gandersheimensis.-
L.
Traube, MGH, Poet. 3
( 1896).

717
BONIFATIUS et ANASTASIUS.- Sanctorum martyrum Cyri; et Johannis
laudes et miracula LXX, scriptbrc 51 Sophonio, interpretibus
Bonifacio et Anastasio.- A. Mai, Spicil. 3 (1840).
CAPITULARIA REGUM FRANCORUM.- A. Boretius und V. Krause, t. 1-2,
I-IanOVfE! , 1883-1897 (MGH, Legum Sectio 2).
CARMEN DE JACOB ET JOSEPH. Voir
VERSUS _•.
r
CARMEN DE TEMPORUM RATIONE. Voir
RYTHMEN ...
CARMEN DE SANCTA BENEDICTA.
- P. von Winterfeld, MGH, Poet. L~ (1;889).
CARMEN DE SANCTOCASSIANO.-
i
- P. von Winterfeld, MGH, Poet. 4 (1:899).
CARMINA CODICIS VATICAl\\jI.- K. Strecker, MGH, Poet. 6, 1 (1951).
CARMINA SANGALLENSIA.- E. Dilmmler, MGH, Poet. 2 (1884).
I
!
CARUS SCOTUS.- Vita s. Clementis epi~copi Mettensis.- K. Strec-
ker, MGH, Poet. 5 (1937).
CHRISTIANUS (DRUTHMARUS)
STABULENSIS. -
PL
106
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CHRONICON EPISCOPORUM SANCTE NEAPOLITANE ECCLESIE (ad 1151).-
G. Waitz, MGH, Script. rer. Lang.
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CHRONICON MOISSIACENSE A SECULO QUARTO USQUE AD A. 818 ET 840.-
G.B. Pertz, MGH, Script. 1 (1826).
CHRONICON SALERNITANUM.- G.H. Pertz,:MGH, Script. 3 (1839).

718
CHRONICON UNIVERSALE.- G. Waitz, MGH, Script. 13 (1881).
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CLAUDIUS TAURINENSIS.- Questiones X~X Super libros Regum.-
PL 104.
CONCILIUM ATTINIACENSE.- A. Werminghoff, MGH, Concll. 2, 2
(1908) .
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CONC IL IUM AQU I SGRANENSE a.
816. - A.: Werminghof f, MGH, Cone il. 2,
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MGI-I, Concil. 2, 2 (1908).
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DHUODA.- Liber Manualis, E. Bondurand, I 'Education carolingien-
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DICUIL HIBERNICUS.- Liber de mensura orbis terre.-J.J.
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- Annales a.828.- G.H. Pertz, MGH, Script. 1 (1826)
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(C I ass. his t. Fr an c eM. A. ) .
ENNIUS, Voir
NENNIUS.

719
EPISTOLE VARIORUlv! INDE A SECULO NONO MEDIO USQUE AD MORTEM
KAROLI 11 IMPERATORIS COLLECTE.- E.: Dummler, MGH, Epist. 3
(1892).
ERCHEMBERTUS CASINENSIS.- Historia Langobardorum Beneventanorum.
G. Waitz, MGB, Script. rer. Lang.
(,1878).
ERMOLDUS NI GELLUS . - Carmina. - E. Dumml er, MGH, Poet. 2 (1884).
ETHELWERDUS.- Chronicon de rebus anklicis.- A. Campbell,
,
The Chronjcle of Aethelwerd, Edinburgh, 1962 (Medieval Texts).
EUGENIUS VULGARIUS.- Sylloga.- P. van Winterfeld, MGH, Poet. 4,
1
(1899).
,
EX MIRACULIS SANCTI AGRIPPINI,· comp~~ment des Gesta episcoporum
NeapolitanDrum.- G. Waitz, MGI-I, Scrlpt. rer. Lang.
(1878).
FLODOARDUS.- Historia ecclesie Remensis.- PL 135.
FLORUS LUGDUNENSIS.
- Carmina.- E. Dummler, MGH, Poet. i (1884).
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I
FRECULPHUS.- Chronicorum tomi duo.-PL 106.
GERBERTUS.- Liber de astrolabio ou Uiber de utilit~tibus astro-
labii dans Gerberti postea Silvestri 11 papae opera mathematica
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Bubnov, Hildesheim,
1~63.
GESTA BERENGAR II IMPERA TORI S . - E. Du:mml er, MGH, Poet. 4 l
1
(1899) .
\\\\\\

720
GESTA EPISCOPORUM NEAPOLITANORUM. Voir
CHRONICON ...
GEZO.-
Liber de corpore et sanguine Christi
- PL 137.
GUNZO.- Epistola ad Augienses.- PL 136.
HERICUS AUTISSIODORENSIS.- Collectahea.- R. Quadri, I
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(Spicilegi.um
Friburgense 11).
HRABANUS MAURUS. Voir
RABANUS MAURUS
HUCBALDUS ELNONENSIS.- Versus de diJbus Egyptiacis.-
P. von Winterfeld, MGH, Poet. 4 (18~9).
JOHANNES VIII.- Epistolae.- E. Casp~r, MGH, Epist.
7
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JOHANNES DIACONUS.- Translatio Sancii Severini, compl~ment des
Gesta episco£orum Neapolitanorum.- G. Waitz, MGI-I, Script. rer.
Lang.
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JOHANNES SCOTTUS ERIGENA.- Annotationes In Marcianum.-
C.E. Lutz, Cambridge (Massachussets)', 1939.
I
I
LIBER MONSTRORUM DE DIVERSIS GENERIBUS.- M. Haupt, Opuscula, 2,
Leipzig, 1876.
LIUTPRANDUS.- Antapodosis.- J. Becker, MGH, Script. rer.
Germ.
in usum Scholarum (1915).
NENNIUS.- Eulogium Britanniae Slve Historia Britonum.-
H. Petrie et J. Scharpe. Monumenta Historica britannica, 1,
Londres, 1848. et
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\\
Au c t. an t i q . 13 (1 898) .

721
PRUDENTIUS. Voir
ANNALES BERTINIA~I.
RABANUS MAURUS.
- Carmina.- E. Dummler, MGH, Poet. 2 (1884).
Liber de computo.- PL 107.
- Commentariorum in Genesim libri IV.- PL 107.
- Commentaria in Ezechielem.- PL 110.
,
- Commentariorum in Exodum libri IV~- PL 108.
- Commentaria in libros 11 Paralipomenon.- PL 109.
I
*
- Enarrationes in librum numerorum.~ PL 108.
- De Universo sive de rerum naturis~- PL 111.
REG1ND PRUM1ENSIS.- Chronicon.- Fr. Kurze, MGH, Script. rer.
Germ.
in usum scholarum (1890).
REMIGIUS AUTISSIODORENSIS.
- Commentum in Martianum Capellam.- C.E. Lutz, 1 _ 2, Leyde,
1962-1965.
Commentarius in Genesim.- PL 131. !
RYTHMEN DE RATIONE TEMPORUM.- K. Str~cker, MGl-l, Poet. 6, 1
i
(1951).
SERMO IN PASCHA.- P. Mercier, XIV Homelies du IXe siecle d'un
,
auteur inconnu de l'Italie du Nord, Paris, 1970 (Sources chre-
tiennes, 161).
VERSUS DE JACO~ET~OSEPH.-
K. Strecker, MGH, Poet. 4 (1923)
E. Du Meril, Po~sies in~dites du Moy~n Age, Paris, 1854.
WALAHFRIDUS STRABD.
Homilia in initium evangelii s. Matthaei.- PL 114.
- Vita s. Galli.- PL 114.
JE
RABAN j\\1AUR
y.
Enarrationis super Deuteronomium libri IV
PL 108.
- Expositio super Jeremiam .- PL 110.
- Expos~~iones in Leviticum .- PL 108.

722
WIDUKIND .- Res geste Saxonice.- P. IIirsch, MGH, Script. rer.
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III - OUVRAGES GENERAUX ET SOURCES POUR L'ETUDE DES PERIODES
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: I
729
INTRODUCTION GENERALE
....... .
. I
LE
TERME
AEGYPTUS
...... ..
. 10
,
LE
TERME
AFRICA
LE
TERME
LIBYA
LE
TERME
AETHIOPIA
, \\
SYNTHESE
PIECES
ANNEXES
.................... 703
BIBLIOGRAPHIE
• • . • . • • . • . • . . . . . • . •. 712
I',
,
"!
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ASTRONOMUS.- VHa Ludow.ici irnperatoris.- G.H. Pertz, MGH,
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ATTO VERCELLENSIS.- Expositis epistolarurn Pauli. PL 134.
AUDRADUS MODICUS.- Carmina
_ _ _ _ _
- L. Traube,
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MGH, Poet. 3 (1896).
i
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BENEDICTUS S. ANDREE.- Chronicon.- Gl Zucchetti, Rofua, 1920
i
,
( Fon t. Stor. I tal i aSS) .
BENEDICTUS ANIANENSIS.- Concordia regularum.- PL 103.
BERNARDUS MONACHUS FRANCUS.- Itinerarium factum in ioca sancta.-
PL 1 21 .

ERR A T A
Volume I
Introduction generale
P. 3, note 1 :li-re my the Sirazi au lieu de Strazi
P.
10, lire Mi~rayim au lieu de Mi~raym
,.}
- Chapitre AEGYPTUS
P.
12,1 ire contexte geographique au lieu de
contrexte
P.
21,note
5
lire adversus paganos au lieu de
adversu
P.
52,note
lire Israel au lieu de Isra~l
Volume II - Chapitre AFRICA
P. 293,note 2:.lire tunc perpauci au lieu de tune
P.
340,note 2:lire Pharusii au lieu de Pharusu
Dans ce chapitre, il y a une erreur de disposition~
aussi bien dans la table des mati~res (page 267)
que dans le corps du texte. L I Hydrogr~!i~
(D., pages 415-420) et :la Flore
(L>
pages 421-
422)
sont El ranger dans la description physique
de l'Afrique Septentrionale.; ce qui devrait
donner cette disposition :
B. Description physique
1. - La Mauretanie
2.
- La Numidie
3.
- L'Hydrographie
4. - La Flore
5. - La faune
.' Ft .' ......
,.. ~.\\

Volume III
Chapitre LIBYA
P.
530,note 1 : lire ut gentiles ferunt au lieu
de fervent
P.
532, 5eme ligne: lire Epaphus au lieu de Epaphos
P.
536, 2eme ligne: lire Libri generationum au
lieu de generationis
P.
547, le croquis de la Libye est a rattacher
a la Libye au sens continental, c'est-a-dire
page 534.
Volume III
Chapitre AETHIOPIA
P.
569, a la place du dernier paragraphe~lire :
"les informations recueillies sur l'Ethiopie
nous la presentent quasiment sous le seul plan
geographique".
P.
570, supprirner le titre
La vision geographique
de l'Ethiopie.
P.
577, 2erne paragraphe: lire l'Ethiopie est per~ue
au lieu de sest per~ue.
P.
57~. 3~me paragraphe:lire voisinage geographique
au lieu de vicinite
digeographique
P.
57~ 4eme paragraphe,5eme ligne: lire le comple-
ment et l'antithese au lieu de le complement de
I 'antithese
P.
577 )dernier paragraphe, 4eme ligne: fermer la
parenthese apres le mot Septentrionale
P.
578,3eme paragraphe, derniere ligne~ lire vagues
au lieu de vague
P.
578,dernier paragraphe,3erne ligne : lire n'est
point autre au lieu de n'est point d'autre
P.
581, 2eme paragraphe ,10eme ligne :mettre entre
guillemets "le plus stupide interprete de
Pline" car cette reflexion est de DEFTLESEN.

P. 581, 2eme paragraphe, 15eme ligne : lire plinien
au lieu de plimien.
P. 584, 1e r p aT a grap he : fer mer 1 e 5 gu i 11 e me t 5
apres le mot Etymologies.
P. 616, ler parag"raphe : la citation de RABAN est
tiree du De
Universo, col.
197.
P. 617:remplacer le dernier paragraphe et sa
suite,en page 618,par:
De tous les auteurs
RABAN MAUR seul fait etat de la couleur nOlre
de llEthiopien : en deux endroits il la suggere
seulement en disant d'une part, que l'Ethiopie
est ainsi nommeea cause de la couleur de ses
habitants que le soleil brQle, et d'autre
part que le terme hebreu "Kush" se dit
"Aethiops"
en grec. JvIais dans un passage il
est formel
: "lIon appelle Ethiopie, dit-il,
la region qui, situee sous le feu du soleil,
produi t
le peuple noir."
Vol ume III
SYNTHESE
P. 628, 2eme paragraphe, avant-derniere ligne
lire DICUIL est au lieu de DICUIL et
P. 632, derniere ligne, lire: ALCUIN ... par gUl de
nombreux
P. 633, lere ligne ,lire :durent leur formation
3effie ligne,lire:elu "quaelrivium" au lieu de
des quaelrivium
P. 639 : Situer EUGENIUS VULGARIUS dans la
case
Italie elu Nord.