UNIVERSITç DE NICE
FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES
000
LES FONCTIONS DU DROIT
PENAL ECONOMIQUE
dans les systèmes économiques
contemporains
o 0
: CONSE!!. AFRiCAIN ET MAlGA(.~~!:
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1
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POUR LE DOCTORA T 0 ETA T.EN D80Œ.co.~, .,;",'.c..-'_. __~_Y-.
Présentée et soutenue le 24 octobre 1985
par
M. Alexandre AYIE AYIE
JURY
Président:
Suffragants:
MM. Jean-Pierre BRILL, Professeur à la Faculté de Droit
et des Sciences Juridiques de Strasbourg
Robert CHARVIN, Professeur à la Faculté de Droit
et des Sciences Economiques de Nice
Martin GILLES, Maitre de Conférences à la Faculté de Droit
et des Sciences Econoniiques de Nice
Mme Paulette VEAuX-FOURNERIE, Professeur à la Faculté de Droit
et des Sciences Economiques de Nice

'.
liCe
qui tue une Société,
c'est
à
des
niveaux
différents
de
richesse
globale,
une
impuis-
sance
à
innover
et
à
modifier
les
tâches
de
production
et
de répartition. 1I
A. Piatier.
/

..
ABREVIATIONS ET SIGLES
1
Act.
jur.
Actualité juridique
2
Art.
Article
Bulletin
3
Bull.
crim.
desArrê~
de la chambre cri-
minelle.
4
Chr.
Chronique
5
C. Civ.
Code Civil
6
Civ.
Chambre
civile
de
la
cour de cassation
Code Pénal
7
C.P.
8 - Coll.
Collection.
9
Crim.
Chambre criminelle de la cour de cassa-
tion.
10
C.E.E.
Communauté Economique Européenne.
11
D.
Recueil Dalloz
12
Doct.
Doctrine
13
Doc.
Document
14
Ency.
Encyclopédie
15
Ed.
Edition
16 - Fasc.
Fascicule
17
Gaz.
Pal.
Gazette du Palais
18 - Ibid
Ibidem
19
1. D.
Ivoire Dimanche
20 - I.R.
Informations Rapides
21
J.A.
Jeune Afrique
22 -
J.C.P.
Juris Classeur PériodiGue
23 - L.G.D.J.
Librairie
Générale
de
Droit
et de Ju-
risprudence.
24 - Loc. cit.
loco citato
25 - mélo
Mélanges
26 -
N.E.A.
Nouvelles Editions Africaines
27 -
obs.
Obsérvation
28 - op.
cit.
opere citato.
29 - P.U.F.
~Presses Universitaires de Fr~nce.

.. '~",~:"
- ' ~.:.,:... ' -
29
bis.
R.D;L.
Revue de Droit et de législation
30
Rev.
Soc.
Revue des Sociétés.
31
Rev. crit.
Revue·Critique
32
R.I.D.P.
Revùe Internationale de droit pénal
,
33
R.I.D.C.
Revue internationale de droit comparé.
34
R.D.P.C.
Revue de Droit Pênal et de Criminologie
35
R.S.C.
Revue de science criminelle.
36
R.T.D.
Civ.
Revue Trimestrielle de Droit Civil.
37
R.D.T.
Com.
Revue Trimestrielle de Droit Commercial
38
Sem.
Jur.
Semaine Juridique
39 - Trav. Ass. H. Capitant
: Travaux de l'Association Henri Capitant
..

SOM MAI R E
.,/"
,- ---~'.
-,':"'"
INTRODUCTION GEN-ERALE
PREMIERE PARTIE
Droit pénal économique et économie politique
Titre l
: Droit pénal économique et propriété des moyens de
production
Chapitre l
Droit pénal économique et propriété capita-
liste.
Section l
:
La protection pénale des moyens privés de
production.
Section II
: La protection pénale des productions in-
dividuelles.
Section III
La
protection
pénale
de
la
monnaie
en
tant que moyen_de_l'échange des biens
_._ .JI
Chapitre II
: Droit pénal économiqu~~_propriétésocia-
l iste .-\\:;}!~7L·.:::;\\~>,
Section l
Droit
pénal
éconJ;>inique-··è.1/<~pllectivisa-
tion des moyens ~~'~r.~1uct1o~,~.,
Section II
: Le
droit pénal ~éconàm-lqu~: ert la protec-
tion de la propriété so~iJili~te.
'.~
~ ,l,
-' :::>\\.('
.. '
. .:i\\~#
'-"'o~lr"""'<7
Chapitre III
Droit pénal économique~africain et passa-
ge de la propriété mythique à la proprié-
té de production.
Section l
Le
poids
du
régime
coutumier
de
la pro-
priété
des
moyens
de
production
sur
le
développement d'une économie moderne.
Section II
Le droit pénal
écono~ue et la
modifi-
cation
du
régime
coutumier
de
la
pro-
priété des moyens de production.
..

Titre II
: Droit
pénal
économique
et
modes
d'organisation
de l'activité é~onomique.
'.'
..
..';
Chapitre l
Droit pénal économique et libre concurrence
Section l
Le
droit
pénal
économique
et
la
protec-
tion de la concurrence classique.
SectiOn II
: La
protection
pénale
de
la
concurrence
moderne.
Chapitre II
: Droit
pénal
économique
et
planification
étatique de l'activité économique.
Section l
Le
droit
pénal
économique
et
l ' inst i tu-
t ion
du
monopole
étatique
de
l ' activité
économique en U.R.S.S.
Section II
Le
droit
pénal
économique
socialiste
contemporain et la protection du monopo-
le étatique de l'activité économique.
Chapitre III
Droit
pénal
économique et
dépassement
de
l'économie de subsistance.
Section l
Le
poids
de
certaines
coutumes
sur
l'é-
dification d'une économie moderne.
Section II
La
répression
de
certains comportements
liés à l'économie de subsistance.
DEUXIEME PARTIE
: Droit
pénal économique et
politiques écono-
miques.
Titre l
:
Droit
pénal
économique et
politiques économiques
dans les pays développés.
Chapitre l
Droit pénal économique et politiques écono-
miques de crise et de guerre.
Section l
Droit pénal économique et politiques éco-
nomiques
capitalistes
de
crise
et
de
guerre:
le cas de la France.
Section II
: Droit
pénal
économique
et
politiq~e~--­
économiques de crise_p-+-~.d=-6"Ue:ln:::-----erl ré·-
_
~!!j_mes_socraTrs-17és.
-
-------------- ----
"
, - , -
..

Chapitre I I : Droit pénal économique et politiques d'ex~.
pans ion éC9nomique.
Section l
Droit
pénal économique et politiques ca-
pitalistes
d'expansion
économique
le
cas 'de la France.
Section I I
Droit pénal économique et politiques so-
cialistes d'expansion économique.
Titre I I
:
Droit pénal économique et politiques de dévelop-
pement économique.
Chapitre l
Droit
pénal
économique
et
financement
du
développement économique par l'Etat.
Section l
La
protection
pénale
des
ressources
na-
turelles.
Section II
La
protection pénale des
ressources fi-
nancières nationales.
Chapi tre I I
Le
droit
pénal
économique
et
la
création
des conditions du développement économique
par l'entreprise privée.
Section l
: Le droit
pénal
écbnomique africain et
la
protection de l'épargne privée.
Section I I
Le droit pénal économique ivoirien et la
règlementation du marché.
CONCLUSION GENERALE
.1
. -i
/.

t
...."
.~- .
".'-
......
..
~

AVANT-PROPOS
Les notions de "Droit Economique" et de "Droit Pénal
Economique" ne sont pas bien assises dans les sciences
juridiques aussi bien capitaliste que marxiste.
Hérétique en Droit Libéral et trop vaste pour lui concéder
une place autonome dans le Droit marxiste,
le Droit
(Pénal)
Economique demeure aujourd'hui encore,
un Droit "discuté".
Dans les pays communistes où le Droit Economique présente
une certaine cohérence en raison de la collectivisation des
moyens de production et de la planification économique,
i l
y a eu, et elles persistent encore,
des hésitations quant à
la reconnaissance de l'existence autonome d'un "Droit
Economique"
régissant les rapports socio-économiques (G.
Farjat,
Droit Economique P.U.F.
1982).
En Union-Soviétique,
la notion de Droit Economique admise
dans les premières années qui suivirent la révolution de
1917 sous l'influence de Stouchka et de Pachoukanis fut
rejetée sous le règne de Staline.
Aujourd'hui,
elle est plus ou moins reconnue,
du moins en
tant que matière d'enseignement.
La plupart des pays socialistes ont adopté vis à vis du
Droit Economique la même attitude que celle de l'Union-
Soviétique. Mais,
ces dernières années ont vu la codifica-
tion de la matière en Tchécoslovaquie,
en R.D.A.
et la
doctrine socialiste actuelle utilise l'expression "Droit
Pénal Economique".
. .. / ...


-
2
-
Dans les pays capitalistes,
le Droit Economique connaît le
même flottement que dans les pays marxistes.
Aujourd'hui
encore on a du mal à lui trouver une place dans le prisme
classique du Droit Capitaliste. Mais comme discipline
autonome d'enseignement,il tend à s'imposer en France
notamment après les efforts de systématisation de la doc-
trine (G.
Farjat op.
cit. Jacquemin,
Droit Economique P.U.F.
Que sais-je CL. Champaud,
Contribution à la définition du
Droit Economique D.
1967 chr.
215 . . . ).
Le Droit Economique
et le Droit Pénal Economique connaissent donc un sort et un
mouvement uniformes dans les systèmes juridiques actuels.
Notre étude sera conduite dans une optique "comparative"
pour la raison que le droit pénal économique ne présente pas
encore dans chaque pays,
une cohérence et un développement
suffisants pour être envisagé uniquement dans un cadre
national.
Sa cohérence n'est signifiante que si on l'observe
à travers plusieurs législations nationales.
L'analyse comparatiste nous permettra de découvrir un certain
nombre de convergences dans les droits pénaux économiques de
divers systèmes socio-politiques contemporains.
Une deuxième raison qui nous pousse à l'analyse "comparatiste"
est que,
chercheur ressortissant d'un pays sous-développé dont
le système juridique n'est pas encore bien assis,
nous devons
envisager les nouvelles notions de "droit pénal économique" et
de "droit économique" dans le droit de notre pays.
Dès lors,
i l nous faut analyser __p.;Lu_sJeurs e_xpé_r:'1-_~n~_~.?_ -pour -pouvoir en
-
, ~
- ----... ~-
-~
'-- .....
tirer,
pour notre pays,
des leçons utiles. C'est ainsi que-pour
la crédibilité de nos conclusions,
nous avons voulu dépasser
"l'éternel dialogue franco-ivoirien"
qui inspire presque toutes
les études juridiques menées par des Ivoiriens.


·
-
j
Cette solidité de nos conclusions,
nous l'avons préférée à
.
l'examen en profondeur d'un seu~ cas qui ne ~épondrait pas à
l'objectif de notre étude qui -est de rechercher pourquoi dans
les pays (développés) auxquels les nôtres (sous-développés)
veulent ressembler sur le plan économique,
on a recours au
droit pénal en matière économique
; et à partir de cette
analyse,
apprécier l'usage qui est fait ou qui doit être fait
dans nos pays, de cet outil juridique.
Notre étude s'appuyera donc sur des exemples tirés de plusieurs
droits nationaux.
Mais elle consistera essentiellement en l'analyse des droits
pénaux économiques français,
soviétiques et africains.
En Afrique,
nous insisteront en particulier sur le droit pénal
économique ivoirien.
Nous ouvrirons,
autant que faire se peut, des parenthèses sur
les droits d'autres pays capitalistes.
Pareillement, nous analyserons d'autres expériences socialistes
en dehors de celle de l'Union-Soviétique. Ainsi,
nous ferons
des allusions aux droits pénaux économiques Est-Allemand,
Tchécoslovaque,
etc ...
La focalisation de nos développements sur les droits français,
ivoirien et soviétique tient à divers motifs
:
Le choix du droit ivoirien s'appuie sur des considé~'ations
purement subjectives (l'auteur de cette thèse est Ivoirien).
Pour la France,
c'est d'abord en raison du fait qu'elle a été
la puissance colonisatrice de notre
pays avec lequel elle
continue d'entretenir des rapports de coopération très étroits
..

dans plusieurs domaines, notamment en matière politique et
économique. C'est de son droit que s'inspirent ceux des pays
africains d'expression française.
Le choix de la France tient
ensuite au faitq~e, form~ à l'école française, nous ne pou-
vort~ raisonner valablement qu'en droit français.
Enfin,
cette option s'explique par l'influence historique que
la Révolution Française de 1789 a eu sur tous autres Droits
des pays capitalistes.
Pour l'Union Soviétique, ~ori choix tient au fait que ce pays est
le premier qui a mis en pratique la doctrine marxiste. Il est
le pays socialiste qui,
après avoir exporté le socialisme vers
les pays de l'Europe de l'Est,
inspire leur vie politique,
économique et sociale,
et qui,
bien que dans un dégré moindre
ce~ dernières années, inspire leurs législations.
Il ne sera cependant pas question d'envisager,
dans ces pays,
le droit pénal économique sous tous ses aspects.
D'abord
parce qu'il n'est évidemment pas possible de le faire.
Ensuite
parce que l'objectif de l'étude n'exige pas que toutes les
infractions économiques soient examinées.
L'étude ne sera donc pas menée à partir d'une analyse exhaus-
tive des droits pénaux économiques. Toutefois,
elle s'appuyera
-sur un éventail suffisamment large d'exemples a partir desoue.J-~"----
~
nous analyserons,
non pas,
en tant que tels~_L~--cunçepts
uti-} isés par les 1égisl ateur_ç:-'_"'G\\:..rs-~les juridiques
établies,
surtout~...--l-e~ectifs, et. aussi, 1es enseignements
que
--------
l'_an-peut tirer d'el les.

t:%à'ii'''''''-~ ·p·V'T.......... i'f"""""'f
.
~
, ' ;
INTRODUCTION
GENERALE


."'.':
1.
Qu'une étude soit menée sur
les fonctions du Droit et
en particulier sur le
"droit pénal économique", voilà une en-
treprise qui peut à première vue surprendre tous ceux, des ju-
ristes,
que
l'inhabituel
trouble.
Le droit pénal apparaît
en
effet,
comme le catalogue des prohibitions,
la fiche clinique
de la Société, qui établit d'une part,
les maux auxquels celle-
ci est exposée et d'autre part,
les mesures prophylactiques et
les traitements qui s'imposent en cas d'échec de celles-ci.
2.
Quelles
fonctions
peut-on assigner à
la contrainte et
a l'intimidation qui caractérisent le droit pénal qui apparaît
avant tout,
comme un droit
"négatif"
qui incite plutôt à l ' i -
nertie ?
Mais surtout,
comment peut-on,
face
à
certains principes fon-
damentaux
des
di vers
ordres
socio-économiques
contemporains,
assigner des fonctions au "droit pénal économique"
?
3.
Droit
pénal
et
économie
libérale ou socialiste appa-
raissent
d'emblée
comme
les
termes
d'une équation absolument
insoluble (1).
Et
pourtant,
bien
qu'insolite
dans
l'orthodoxie
juridique
aussi bien libérale que marxiste,
le
"droit pénal économique"
n'apparaît
pas moins dans tous les systèmes socio-économiques
contemporains,
comme un outil
juridique auquel
sont assignées
des fonctions bien précises.
4.
Dès
lors,
se
pose
la question de savoir quelles sont
ces fonctions
et surtout,
à
qui
s'adresse le "droit pénal é-
conomique" .
En particulier,
dans les pays socialistes où dit-on,
les indi-
vidus ne travaillent que dans l'intér&t collectif,
pourquoi en
vient-on
à
élaborer
un droit pénar -ën mari-ère é'cono!!.!i-que qui
paraît impliquer une certaine fragilité du système marxi~t~~~'~
(1) VO,
infra,
nO 41 et suivants.
..

Quelles fonctions l'Etat et son lIarsenal répressif"
(1)
peuvent-
ils exercer dans l'économie socialiste alors que la doctrine
marxiste conclut à
leur dépréris~ement progressif jusqu'à la
société communiste ?
En ce qui c~ricerne les pays du tiers-monde,
notamment ceux
d'Afrique,
on peut également s'interroger sur les fonctions que
la contrainte pénale pourrait jouer dans les politiques de déve-
loppement. Autrement dit,
le Droit Pénal peut-il servir de
béquilles à un ordre ou à une politique économique ?
5. Le "Droit Pénal Economique" se présente comme un Droit
du "pouvoir". Dans ces conditions,
il pose suivant l'expression
du Doyen Carbonnier, le problème de 1I1'effe_ctivité de ses mesures"
(2).
Par ailleurs,
sur le terrain du Droit Pur,
l'on sait que la
fonction classique du Droit Pénal est la protection des valeurs
fondamentales de la société. Or,
la notion de "Droit Pénal
Economique" laisse suposer qu'il y aurait, dans "l'économique",
des valeurs fondamentales. Quelles seraierit donc ces
valeurs
fondamentales de nature économique ?
6. L'intérêt de notre étude réside dans la réponse à ces
questions. Mais il importe
au préalable de préciser quelle
réalité concrète désigne l'expression "Droit Pénal Economique".
En effet,
quoiqu'elle ait fait l'objet de nombreuses études, la
notion de IIDroit Pénal Economique" a toujours :un contour incertain.
Et l'on ne peut encore pas l'envisager dans une étude sans au
préalable tenter de la cerner le plus près possible (3).
(1)
Le Droit Pénal apparaît comme l'expression de la souveraineté
et de la puissance de l'Etat.
(2) J. Carbonnier,
Flexible Droit L.G.D.J.
1979, 4è éd. P.99
et suivantes.
(3) Nous conduirons notre analyse en nous appuyant sur le Droit
Français. Nous verrons après coup,
dans quelle mesure la
définition que nous aurons retenue peut s'appliquer aux
droits socialistes et africains.
., .

1.
Après· donc.l'avoird~finie (1),
nous
relèverons les apo-
ries
que
recèle
la
notion
de
"droit
p~nal économique "(II)
avant de constater sa relativit~ dans le temps et surtout dans
l'espace (III).
1 - DEFINITION DU DROIT PENAL ECONOMIQUE.
7. La notion de droit pénal économique a fait son appari-
tion dans
le vocabulaire
juridique sous la plume des juristes
qui, analysant les nombreuses et diverses dispositions répres-
si ves
adoptées
pendant
et
entre
les
deux
guerres
mondiales,
les ont,
face
à leur spécificité et à leur contenu exclusive-
ment
économique,
distinguées
des
dispositions
du droit
p~nal
classique,
sous la dénomination
"droit pénal économique".
Branche
ou
discipline
nouvelle
et autonome du droit
crimine~
I.~·.·.'··~
(1),
le
"droit p~nal économique"
a fait l'objet de nombreuses
(1)
La doctrine ne s'accorde pas sur cette question.
Pour cer-
tains
auteurs,
le
droit
pénal économique est une branche
nouvelle du droit
criminel
: Vouin,
le droit pénal écono-
mique de la
France,
R.I.D.P.
1953, P. 423 et s; H. DROST,
les problèmes principaux du droit pénal économique,R.I.D.P
1953, P.373; Kiraly, Le droit économique, branche ind~pen­
dante de la science juridique, sa nature,
son contenu,
son
système,
in mélanges Gény Tome III P.
111 et s;
G.
Levas-
seur,
caractères généraux et autonomie du droit p~nal éco-
nomique,
cours de
la
Faculté
Internationale de Droit Com-
par~, Luxembourg, 1959 (Ronéot).
Pour d'autres auteurs,
le droit pénal économique n'est pas
une
création
nouvelle
dans
la
science
juridique.
V.J.
Constant,
le système d'incrimination des
infractions éco-
nomiques, cours de la Facult~ Internationale de Droit Com-
paré,
Luxembourg,
1959
; Pisapia,
Les infractions écono-
miques en droit p~nal italien,
in Trav.
Ass.
H.
Cap.
Tome
XIII 1963, P.
668.
..

8.
études
(1)
qui
font
apparaître une controverse sur sa défini-
tion et surtout sur son contenu.
Cette
controverse
transparaît
dans
les
diverses
définitions
proposées
par
les
auteurs.
En effet,
ceux-ci n'épargnent
pas
leurs
efforts
pour
tenter
de
cerner
la
réalité
que
recouvre
cette notion de "droit pénal économique".
8. S'appuyant sur la définition de l'infraction économi-
que
donnée
par
les
Chambres
Réunies
de
la
Cour de Cassation
Française
(2)
M.
André Vitu définit le droit pénal économique
comme
étant
"1 f ensemble
des
règles
du
droit
pénal
et
de
la
procédure
pénale
destinées
à assurer
la
sanction
des
divers
textes qui,
dans le cadre de la politique de l'Etat,
règlemen-
tent d'une part,
les conditions de production, de distribution
des biens ainsi
que
les conditions d'utilisation des services
et d'autre part,
les moyens d'assurer
l'échange et l'utilisa-
tion de ces biens et services"
(3).
(1) J. Constant,
loc. cit;
du même auteur) Quelques aspects du
droit
pénal
économique
belge
in
Trav.
Ass.
H.
Cap.
Tonie
XIII 1963 P.656; Vouin,
op.
cit. P.
423 et s; H.
Drost op.
cit.
P.373; Wurtenberger,
Les problèmes du droit pénal en
matière économique.
RIDP 1953 P.438;
Kiraly op. cit.
p.111
G.
Levasseur.
op.
cit.;
Pisapia, op.cit.
668; Marzan Vivo-
da,
"Délits
économiques
en
droit pénal Yougoslave
in Tr.
Ass.
H.
Cap.
op.cit.
1963
p.635 et
s;
A.Mulder,
le
droit
pénal social économique, R.I.D.P.
1953 P.396 et s;
A.
Com-
met,
le droit pénal social économique,
R.I.D.P.
1953 P.290
et s.;
Vitu,
définition et contenu du droit pénal économi-
que,
études offertes
à
J.
Hamel
Dalloz
1961
p.
71
et s.;
J. Léauté,
le système d'incrimination des infractions éco-
nomiques, Cours de la Faculté Internationale de Droit Com-
paré,
Luxembourg 1959;
du même auteur,
les infractions é-
conomiques,
rapport
général
in
Trav.
Ass.
H. C.
op.
ci t .
P.618
et
s;
Jansens,
le
droit
pénal
économique
R.D.P.C.
1967-68,
P.
232 et s.;
J.
Hémard,
les sanctions en droit
pénal économique,
Rapport au VIème Congrès de droit compa-
ré R.S.C.
1958 suppl.
P.
53;
Escolano,
Intérêt général et
particularisme dans
le droit
pénal
économique,
thèse Gre-
noble
1972.
Max
Henry,
Essai
sur
le
particularisme
de
l'infraction économique, thèse Montpellier 1.
1976; J.
Pra-
del
Droit
pénal économique,
mémentos
Dalloz
1982;
Delmas-
Marty,
Droit
pénal
des
affaires.
P.U.F.
Coll.' Thémis 1981
Voir
introduction.
Fourgoux,
J.
Cl.
Concurrence et
droit
pénal économique Gaz.
Pal
1980 l
doct.
P.
273 et s.;
Voir
également
J.
Azéma,
Le
droit français
de
la concurrence.
P.U.F. Coll.
Thémis 1981.
(2) Ch. Réunies,
1er Août 1949 J.C.P.
1949 II nO 5033.
(3)
A. Vitu, op.
cit.,
P.
72.
..

9.
D ans
le même ordre dl idées,
M.
Escolano estime que
Ille droit
pénal économique est
le droit
répressif
du développement éco-
nomique conçu et mis
en oeuvre par l'Etat dans le cadre de sa
politique
économique
et
portant
sur
le
marché
des
biens
et
services Il
(1).
9.
Face à ces définitions qui
voient dans le droit pénal
économique un instrument de régulation du marché dans une pers-
pective
de
développement
économique,
se
dresse
celle
de
M.
Léauté
pour
qui,
cette matière est
"la partie du droit
pénal
directement
destinée
à
protéger
les
intérêts
du
Pays
en
ma-
tière
économique
le
droit
pénal
économique,
ajoute-t-il,
constitue un des instruments de la politique économique suivie
par l'Etat"
(2).
Dans
le même sens,
M.
Aftalion voit
dans
le droit
pénal éco-
nomique
"la
projection
sur le plan répressif de
la politique
interventionniste de l'Etat"
(3).
10.
Par
contre,
pour
M.
Vivoda,
l'infraction économique
est
"toute activité dirigée contre
le système économique d'un
pays
déterminé,
à
une
époque déterminée"
(4).
Dans cette op-
tique,
le droit pénal économique serait l'ensemble des mesures
répressives tendant à protéger le système économique.
En fin de compte,
les propositions de définition sont nombreu-
ses
et
elles
sont
bien
loin
de
s'accorder sur
le contenu du
droit pénal économique.
11.
Sur ce point,
partisans d'une
conception restrictive
et ceux d'une conception extensive,
s'affrontent.
Suivant
la
conception
restrictive,
le
droit
pénal économique
est l'ensemble des lois pénales destinées à protéger les inté-
rêts du pays en matière économique (5).
(1) Escolano, thèse prée.
P.23
(2) Léauté, op. cit.
in Trav.
Ass.
H.
Cap. Tome XIII, P.617.
(3) Aftalion, cité par Escolano, loc. cit. p. 17; Dans le même
sens,
Ancel,
La
défense
sociale
nouvelle

éd. Cuj~s
1966, P.l3.
(4) Marjan Vivoda, op. cit. p. 635.
(5)
J. Léauté op. cit. P. 617.

10.
Dans cette
conception,
le droit pénal
économique serait étran-
ger à la
protection des
intérêts
privés.
Il serait donc lié à
"l'ordre public économique de direction"
(1).
12.
Suivant
la conception extensive,
le droit pénal éco-
nomique tend à
la fois,
dans
une optique libérale,
à protéger
les intérêts économiques individuels et dans une optique diri-
giste,
à
assurer
le
respect
de
la politique
économique dl en-
semble de l'Etat
(2).
Le
droit
pénal
économique
dans
cette
conception,
aurait
un
double
aspect
un
aspect
dirigiste
lié
à
la
protection
de
"li ordre
public
économique de
direction"
et un aspect libéral
lié
a
la
sauvegarde
de
l'ordre
public
économique
de
protec-
tion"
(3).
Sur la base de cette distinction du reste inopérante
(4),
cer-
tains
auteurs
(5),
dans une conception étroite
du
contenu du
droit
pénal
économique,
estiment
que
celui-ci
se
limite
à
la
législation
"dirigiste"
sur
les
prix,
telle qu 1 elle émane des
ordonnances
nO
45-1483
et
45-1484 du
30
juin
1945 et
des di-
vers
textes
législatifs
et
règlementaires
qui
les
ont
tour
à tour, modifiées et complétées (6).
(1) Sur cette notion,
VO J. Carbonnier,
Droit Civil.
Les obli-
gations,
Vol.
4,
P.U.f.
1979, p.
128 nO
32.
(2) VO J.
Pradel.
droit pénal économique,
Mémentos Dalloz,1982
P.

(3) Sur les controverses auxquetles a donQé li~u la définition
plus
ou
moins
large
du
droit
pénal
écoriomique,
voir
J.
Constant
;
"Les
systèmes
dé'. répressi'ori./en
matière
dl in-
fract ions
économiques"
Annale's, de - la ,~faculté de Droit de
Liège
1959;
J.
Ma zard;
Aspects dii --erroi t
économique
fran-
çais R.J.C.
1957 suppl.
P.
19 et s.
(4)
Elle
est
inopérante
en ce
que llordre public économique
de direction peut avoir un aspect libéral,
qui résulte par
exemple,
de
la règlementation de
la concurrence.
Et l'or-
dre
public
économique
libéral
peut
avoir un aspect
diri-
giste
qui
résulte
par
exemple,
de
la
règlementation
des
prix.
(5) Vitu. op.
cit.,
Escolano,
Thèse précitée,
H.
Drost op.cit.
Mulder op.
cit.,
Vouin,
op.
cit.
(6)
Voir
notamment
décret
du
9 août
1953
(ententes
illici-
tes),
loi
du
28
sept.
1967
( position dominante
et
enten-
te
),
loi
du
19
Juillet
1977
(contrôle de
concentration,
ententes illicites et abus de position dominante).

11.
14.
D' autres
auteurs
(1),
dans
une
conception
large
du
contenu du droit
pénal économique,
estiment qu'il faut,
outre
la
matière
des
prix,
inclure
dans
son
domaine,
"les
infrac-
tions auxquelles donne lieu le fonctionnement des sociétés par
actions,
les
règles
du
droit
pénal applicables aux syndicats
financiers,
à la publicité financière,
aux sociétés d'assuran-
ce,
d'épargne,
de capitalisation,
aux entreprises de banque et
de crédit,
aux opérations de bourse et de spéculation,
au con-
trôle
des
changes,
sans omettre
le code de commerce constam-
ment modifié et complété"
(2).
Il s'agit là d'une vision très
large qui englobe dans le droit pénal économique,
le droit pé-
nal des affaires
(3).
15.
On
peut
alors
se
demander,
quels
rapports
y
a-t-il
entre le droit pénal des affaires,
le droit pénal financier et
le
droit
pénal
économique.
Ces
matières
recouvrent-elles
les
mêmes réalités? Criminalité d'affaires,
criminalité financiè-
re
et criminalité économique sont-elles des expressions syno-
nymes ?
L'utilisation de ces termes par la doctrine rend d'autant plus
ardue
la
distinction
des
uns
et
des
autres,
qu'elle
s'opère
dans une anarchie déconcertante.
16.
En
effet,
chaque
auteur donne
à
ces
expressions
des
contenus très variables.
Par exemple,
pour Mme Delmas-Marty,
le droit pénal des affai-
res ayant un domaine plus large,
englobe le droit pénal finan-
cier et
le droit
pénal économique.
"La criminalité économique
dit-elle,
apparaît comme toute
atteinte d'une
part,
à l'ordre
financier,
économique,
social
ou à
la
qualité de la vie d'au-
tre part,
à
la
propriété,
la
foi publique ou l'intégrité phy-
sique
des
personnes,
mais
seulement
lorsque
l'auteur
a
agi
(1) Champaud,
contribution à la définition du droit économique
D.
1967
chr.
P.215 et s.;
E.
Jansens,
le droit pénal éco-
nomique R.D.P.C.
1967-68 P.232; Vitu,
Regards sur le droit
pénal
des
sociétés
in études offertes
à
René Roblot
LGDJ
1984 P.247 et s.
(2)
E. Jansens et Champaud,
loc.
cit.
(3)
En ce sens,
Vitu,
Champaud,
E. Jansens,
loc. cit;
Co.ntra,
Delmas-Marty,
Droit
pénal
des
affaires,
P.U.F.
1981,
in-
troduction
P. 20;
dans
le
même
sens,
J.
Pradel,
le
droit
pénal économique, Mémentos Dalloz 1982,
P.S,
..

12.
dans
le
cadre
d'une
entreprise,
soit
pour le compte de celle-
ci,
soit
pour
son compte
si
le/mécanisme de
11 infraction
est
lié à
l'existence des pouvoirs de décision essentiels à la vie
de 11 entreprise"
(1).
"Le
droit
pénal
des
affaires,
précise-t-elle,
évoque
les
no-
tions
"d 1 infraction
économique
"
et
"d 1 infraction
financiè-
re
"
(2).
17.
Mais pour M.
Vitu,
c'est plutôt le droit pénal écono-
mique
qui
englobe
le droit
pénal des
affaires,
notamment
le
droit
pénal
des
sociétés
commerciales
(3).
"Au sein du droit
pénal économique écrit cet auteur,
la matière des Sociétés oc-
cupe
une
place
de
choix:
c'en
est,
dit-il,
l'élément
le
plus
ancien et
le
plus
structuré".
Or,
comme nous le disions,
pour
d'autres auteurs,
le droit pénal économique se limite à
la lé-
gislation
pénale
sur
les
prix telle
qu'elle émane
des
ordon-
nances
nO
45-1483
et
45-1484
du
30
Juin
1945
et
des
divers
textes qui les ont successivement modifiées et complétées
(4)·.
18.
On
voit
là,
les
tournures
dramatiques
que
prend
la
controverse et les malentendus qui peuvent résulter d'une tel-
le
confusion.
En
définitive,
note
Mme
Delmas-Marty,
tout sem-
ble dépendre de la libre appréciation de celui qui emploie ces
termes,
au moment où il les emploie (5).
(1)
Delmas-Marty,
introduction aux travaux du séminaire inter.
tenu à
l'Institut sup.
intern.
de sc.
crim.
à Syracuse les
24-29 nov.
1980 R.I.D.P.
1982,
P.
24,
Droit Pénal des affaires
P.U.F Coll Thémis op.
cit.
p.
20.
Dans le même sens,
J.
Pradel.
Droit Pénal Economique,
mémentos Dalloz 1982 P.S
(2)
Delmas-Marty,
introduction au séminaire préc.
P.
29,
voir
également du même auteur,
Droit Pénal des Affaires P.U.F.
op.
cit.
P.
[0
(3)
\\itu,
Regards
sur
le
droit
pénal
des
sociétés,
dans,
As-
pects
du
droit
commercial
français,
L.G.D.J.
1984
P.247.
D:lns
le
m8me
sens
Champaud,
contribution
a
la
définition
du droit économique D.
1967 P.215.
(4)
l~colano, op. cit.,
P.23;
Vouin,
op.
cit.
P.243;
H.
DROST,
op.
cit.
P.374.
(5)
lklmas-,\\larty,
introduction précitée,
P.23.

13.
19. Mais i l ne faut pas baigner indéfiniment dans la con-
,fusion.
Les notions de droit
pénal
économique, de droit pénal
financier et de droit pénal des affaires doivent être définies
et
distinguées les unes des autres.
Car en fait,
ces diverses
matières,
si elles peuvent avoir des domaines communs ou s'im-
briquer partiellement les unes dans les autres, et avoir ainsi
des traits communs, ne recouvrent pour autant pas la même réa-
lité.
Il
faudra
alors
déterminer un ou plusieurs critères qui per-
mettent
de
tracer
entre
ces notions
voisines,
les frontières
qui les séparent.
20.
Dans
la
recherche
du critère de définition du droit
pénal économique,
nous partirons du
"connu"
c'est à dire, du
domaine non discuté de
cette matière
la législation sur les
prix
(1).
Nous
chercherons
l'esprit qui animait les premiers
textes
pris
en
ce
domaine.
Nous
en
déterminerons
donc
leur
fondement,
leurs objectifs ...
C'est
de
là que nous pourrons,
à
travers les traits caracté-
ristiques de la législation sur les prix,
déterminer le ou les
critères qui pennettront
d'une part,
d'écarter les mesures ré'-
pressi ves
qui,
bien
qu'ayant
un
caractère
économique,
n'ont
aucun lien objectif avec le "connu"
et d'autre part,
d'inclu-
re dans le domaine du droit pénal économique,
les dispositions
qui, même si elles n'ont pas un caractère économique apparent,
ont
néanmoins
sur
la
base
du
critère
déterminé,
un
lien
étroit
avec le
"connu"
qu'est en l'espèce,
la législation sur
les prix.
21.
Nous saisirons la matière des prix dans son contexte
historique.
En
France,
jusqu'en
1936,
les prix des denrées,
marchandises
et
des
services
étaient
déterminés
par
le
jeu de
la
loi
de
l'offre
et
de
la demande telle que
précisée par
les articles
419 et suivants du Code pénal de 1810.
(1)
En dépit de la controverse sur la définition et le contenu
du droit pénal
économique,
tous
les auteurs s'accordent à
reconnaître que
la
législation sur
les prix relève du do-
maine de cette matière.
..

-"."":?",,re-mwxWT"
,.
14 ..
Mais
avec
une
loi
de
1936
(1)
apparut
dans
le
droit
pénal
français
un nouveau type det~xtes qui déterminaient en lieu
et place de la loi de l'offre et de la demande,
les prix.
En
effet,
cette
loi
ouvrit
la
voie à
une série de textes de
même
genre
dont ·-notamment,
les décrets des
1er Juillet
et
25
Août 1937, le décret du 9 Septembre 1939, la loi du 21 Octobre
1940, les ordonnances du 30 Juin 1945 sur les prix, etc . . .
22.
Les caractéristiques particulières de ces textes pé-
naux avaient très tôt frappé
l'attention de la doctrine juri-
dique
qui
constata que
l'élaboration et la mise en oeuvre de
cette nouvelle législation sur les prix se faisaient en viola-
tion des principes fondamentaux du droit pénal et de la procé-
dure pénale (2).
En effet, cette législation méconnaissait dans une large mesu-
re,
en ce qui concerne sa source,
le principe "nullum crimen"
nulla
poena
sine
lege".
La
loi
abdiquait
entièrement
ou
en
partie au profit de l'acte règlementaire.
Les infractions ré-
primant la hausse
illicite des prix devenaient des incrimina-
tions
en
blanc
dans
lesquelles
le
législateur
laissait
à
l'Administration
le soin de préciser l'empire exact de la rè-
gle sanctionnée par le droit pénal (3).
23.
On notait également
la violation des principes déri-
vés
de
la règle
"nullum crimen ... ".
Les principes de
la non-
rétroactivité
"in peor",
de
l'interprétation stricte des nor-
mes pénales, de l'individualisation des peines, avaient égale-
ment subi des atteintes (4).
Au niveau de la mise en oeuvre de la législation sur les prix,
on notait également des "anomalies". L'autorité administrative
prenait le pas sur l'autorité judiciaire en violation du prin-
(1) Loi du
19 Août
1936 sur
la hausse injustifiée de prix; VO
sur cette loi,
Tchernoff J.
La loi du 19 Août 1936 tendant
à réprimer
la hausse
injustifiée des prix. D.H.
1936 P.61
et s.
(2)
Voir Jeantet,
le code des prix et les principes fondamen-
taux du droit pénal classique 1943.
(3) J. Léauté, rapport précité P.618 et s.
(4) VO Escolano, thèse précitée;
Delmas-Marty introduction pré-
citée P.26; MAX Petit op. cit.
.


15.
cipe suivant lequel,
la répression pénale est judiciaire (1).
24.
Les sanctions, très sévères et parfois cyniques, n'a-
vaient
aucun
rapport
avec
la- faute
commise.
Certaines prati-
ques de
"marché noir"
par exemple,
étaient punies de la peine
de mort (2).
Contrairement
aux
sanctions
pénales
classiques,
celles
édic-
tées en matière des prix étaient généralement suivies de pei-
nes complémentaires. Les peines principales comme la privation
de liberté ou l'amende
étaient accompagnées de mesures de sû-
reté comme
la fermeture d'établissements,
la confiscation des
biens,
le
retrait
d'autorisation
d'exercer
des
professions,
les saisies sur des marchandises.
Par exemple,
l'article 40 du
décret
du
9
Septembre
1939
relatif
a
la
répression
de
la
"hausse injustifiée de prix"
autorisait les services de police
à opérer des saisies sur les marchandises existant dans le ma-
gasin du commerçant poursuivi pour hausse illicite.
25.
Par ailleurs,
l'existence de l'élément moral de l'in-
fraction n'était pas en cette matière,
une condition indispen-
sable de la répression.
De plus,
les cas de
responsabilité pénale du fait d'autrui é-
taient multipliés
et les sanctions étaient applicables même à
des personnes morales (3)'
26.
La prééminence des textes règlementaires,
la sévérité
des
sanctions
pénales
et
l'absence
d'élément
moral
étaient
donc
les
principales
caractéristiques
de
la
législation
sur
les prix.
C'est dans ces spécificités que certains auteurs ont
trouvé
l'intérêt
de
faire
de
l'ensemble
de
ces
textes,
une
branche ou discipline autonome du droit criminel, sous la dé-
nomination de "droit pénal économique".
(1) yo Causse, la Transaction en matière pénale, thèse Toulou-
se
1945;
R.
Gassin,
in
Ency.
Dalloz
répert.
droit
pénal
yo
"Transanction";
Boi tard,
la
Transaction
pénale,
R.
S.C
1941 P.15l.
(2)
yo
Les
lois
des
15
Mars et
31
Déc.
1942
qui punissaient
certaines pratiques
du
marché
noir
de
la
peine
de
mort.
yo
J.
Constant,
Aspects du droit
pénal économique belge,
in Trav.
Ass.
H.
Capitant
Tome
XIII 1963 p.6S6 et s; voir
également Dumorthier
l'attribution de
la
responsabilité
en
droit
pénal
des
affaires,
thèse
Lille
1977.
dacty;·
Faivre
La
responsabilité
pénale
des personnes morales,
R.S.C ..
1958 P.4S7.
.._ ....

16.
Mais certains auteurs soutiennent que le IIdroit pénal économi-
que est constitué de
l'ensemble des mesures de droit criminel
"portant sur le marché des biens et services"
(1).
En réalité,
comme nous le verrons,
le droit pénal économique a
un domaine beaucoup plus large que la législation sur les prix.
En
revanche,
son
domaine
est
plus
étroit
que
celui du droit
pénal des affaires.
27.
Affirmer en s'appuyant sur
les
caractéristiques par-
ticulières de
la législation sur les prix,
que le droit pénal
économique se ramène à celle-ci,
relève d'une vision bien som-
maire de cette matière.
En effet,
entre 1936 et 1945,
période au cours de laquelle les
mesures
pénales
sur
les prix s'étaient mises en évidence par
leurs caractéristiques particulières,
i l y avait d'autres dis-
positions
répressives qui
présentaient ces mêmes traits typi-
ques et qui ne portaient pas sur les prix.
La
législation
sur
"l'organisation
de
la
Nation
en
temps
de
guerre ll
(2) devenue plus tard
la loi sur le ravitaillement et
surtout
la législation sur les changes
dérogeaient également
aux
principes
fondamentaux
du droit
pénal et
de
la
procédure
pénale (3).
L'ordonnance
du
30
Mai
1945
sur
les
changes
établissait
des
incriminations en blanc à charge pour l'Administration de com-
pléter.
Par
exemple,
aux termes de
cette ordonnance,
"étaient
des
infractions
à
la
règlementation des changes,
les
infrac-
tions
aux
lois,
décrets,
arrêtés,
instructions
du
ministère
des finances et de l'office des changes ll
(4).
Les infractions aux dispositions sur le ravitaillement étaient
également très sévèrement punies.
-------------------~-------
(1)
Escolano,
E : op.
cit.
P.23.
(2) Cf.
La loi du 11 Juillet 1938.
(3)
VO
Vitu,
la règlementation des changes et droit pénal,
in
l'influence de la règlementation des changes en droit pri-
vé (1955); Voir également,
f.
Ch Jeantet,
op. cit.
in mélo
Hamel P.35
(4)J.
Léauté,
rapport prée.
P.618.


La
loi du
4 Octobre 1946 prévoyait la peine de mort pour cer-
tains
crimes
contre
le
ravitaillement et vingt
ans de
réclu-
sion criminelle en cas d'abattage clandestin de vache laitiè-
re
(1).
28.
La législation sur les prix n'était donc pas la seule
à déroger à cette époque de crise et de pénurie, aux principes
de base du droit pénal classique.
Il y avait tout un ensemble de mesures répressives fondées sur
la
nécessité,
face
à
la
crise,
de passer outre
les p'rincipes
économiques
(2)
et
juridiques
pour
assurer
"l'intérêt géné-
raI"
qui,
à
l'époque
était
la
lutte
contre
la crise et
ses
effets.
Toutes
ces
dispositions
sur
les
prix,
les
changes,
le
ravi-
taillement
auxquelles
i l
faut
adjoindre toutes celles qui or-
ganisaient
les
"comités
professionnels"
(3)
avaient
toutes,
le même esprit et le même
objectif.
Leur "particularisme ... nia
pu être que pour assurer
la prééminence des intérêts économi-
ques généraux porteurs de bien-être pour tous"
(4).
29.
Le droit pénal économique de cette époque
peut alors
être
défini
comme
étant
l'ensemble
des
mesures
répressives
destinées à
lutter contre
les effets de la crise et de la pé-
nurie consécutives aux guerres et
à
préserver ainsi les inté-
rêts généraux:
les intérêts de toute la Nation.
30.
A ce stade de
la
réflexion,
on a pu retenir "l' inté-
rêt
général"
(5)
comme
un
critère
possible
de
définition
du
droit pénal économique.
( 1) VO
Vassogne
et
Souleau
"les crimes contre
le
ravi taille-
ment
et
la
santé
de
la
Nation"
Rec.
de
droit
pénal
nO
1
1947 P.19 et s;
VO
également.
Ottenhof,
le droit pénal et
la formation du contrat civil. L.G.D.J.
P.11S et suivantes
(2)
Loi de l'offre et de la demande et principe de la non -im-
immixtion des pouvoirs publics dans l'activité économique.
(3) Cf.
lois des
16 août et 16 sept.
1940 et du 9 mars 1941,
relatives à
l'organisation professionnelle du commerce et
de l'industrie.
(4) Escolano, thèse précitée P.1S.
(5) Sur cette notion,
ses rapports
avec le droit pénal écono-
mique,
voir Escolano, thèse précitée.
.,

18.
Mais
si
l'on peut admettre ce critère,
i l
faut
tout de suite
faire
observer
qu'il
n'est
pas
suffisant
puisque
tout
le
droit,
en
particulier
le
droit
pénal
à
l'exclusion
des
in-
fractions
qui nécessitent la plainte de
la victime comme con-
"
dition de
l'action publique,
se réclame
de cette notion d'in-
térêt
général.
Et les notions de
droit pénal
financier et de
droit pénal des affaires qui suggèrent celle de droit pénal é-
conomique
s'appuient
également
sur
le
concept d'intérêt gé-
néral.
Comme le note Mme Delmas-Marty,
la référence à l'intérêt géné-
ral n'est pas exclusive.
Si elle
constitue l'un des traits du
droit
pénal
économique,
c' est
en
la
combinant
avec
d'autres
critères qu'on pourra tracer
les contours de cette matière et
préciser
ses
rapports
avec
le
droit
pénal
des
affaires,
le
droit pénal financier,
etc ...
(l) .
31. Comme le propose Mme Delmas-Marty,
les frontières en-
tre
ces diverses matières peuvent
être tracées en se référant
à la "valeur" que chacune d'elles protè·ge.
En effet,
dit-elle,
la valeur protégée par le droit pénal éco-
nomique est "l'économie"
c'est à dire "les structures relati-
ves
à
la
production,
circulation,
consommation des
richesses
dans
un
Etat
donné;
l'infraction
économique
étant
celle
qui
met en cause ces structures"
(2).
32.
Quant:
à
l'infraction
financière,
elle est celle qui
tend à protéger les "finances" c'est à dire les ressources pé-
cuniaires,
l'argent des
victimes qui
peuvent être des person-
nes de droit privé (3) ou de droit public (4).
(1)
Delmas-Marty,
Droit
pénal des affaires,
op.
cit.
P.20;
du
même auteur,
VO
introduction au séminaire,
précitée P.26.
(2)
Delmas-Marty
op.
ci t.
introduction
précitée
P. 25;
Droit
pénal des affaires,
op.
cit.
p.19.
Il
faut
préciser
ici
que
l'infraction économique peut ne
pas
viser
directement
les
structures en tant
que telles,
mais résulter d'un comportement prohibé par exemple,
l'a-
bus de position dominante (vo art.
50 et 51 ordo
française
1945 ; art.
85 et 86 du Traité de Rome).
(3)
Ex
abus de confiance,
escroquerie, banqueroute, etc . . . .
(4)
Ex : les infractions fiscales.
e.
-.

19.
En ce qui concerne le Droit Pénal des Affaires,
selon
Madame Delmas-Marty,
les valeurs protégées sont "l'économie",
"les finances",
la qualité de la vie,
la sécurité des travail-
leurs (1).
En faisant jouer ces critères,
on voit que le Droit Pénal
des Affaires comprend"
le Droit Pénal Financier,
le Droit Pénal
Economique,
le Droit Pénal du Travail et le Droit Pénal de l'en-
vironnement (2).
Mais i l demeure vrai que les cloisons qui
séparent ces matières juridiques ne sont pas étanches et parfois
.
,
/être
1
b .
. f I '
~ertalns textes penaux peuvent
SUlvant
eurs 0
Jectl s,
casses dans
l 'une ou l'autre d'entre elles.
C'est ainsi que certaines
mesures pénales relatives ou régime de la propriété des moyens
de production relèvent à la fois du Droit Pénal Economique et
du Droit Pénal de l'Environnement.
33. Ces diverses matières; en régissant toutes "la vie des
affaires", présentent des traits communs; tels que l'abondance,
en ce qui concerne leur source,
des actes réglementaires,
le rejet
dans certains cas (3) du principe de la rétroactivité in mitius
(4),
l'extinction de l'action publique par la transaction
et surtout,
les difficultés de leur mise en oeuvre dues à la complexité des
questions économiques et à la "qualité" des personnes à qui elles
s'adressent.
En effet, en visant les acteurs de la scène
des
affaires, des gens généralement retors,
la criminalité d'affaires
réussit souvent à être dissimulée par leurs auteurs,
ou à ne pas
être poursuivie à cause du "pouvoir économique" que bien souvent,
ceux-ci cumulent avec le pouvoir politique; d'où l'expression
de criminalité en col blanc (5)
pour désigner la criminalité
d'affaires.
( 1 )
VO Delmas-Marty,
oP.
cit.
P.U.F.
P.295 et s.
( 2 )
Delmas-Marty,
loc.
cit.
P.295 et s.
( 3 ) Nous verrons que ce principe n'est écarté que dans le "Droit
Pénal Economique de conjoncture" VO infra N°
349 et suivants.
Voir cependant,
en ce qui concerne les infractions douanières
et fiscales,
crim.
20 nov.
1978, bull. crim.

319 crim.
5 fév.
1979, bull.
crim.
n048.
(5)
Voir Kellen ; du crime en col blanc ou délit de chevalier, in Ann. Fac.
Liège 1968, p. 71; Delmas-Marty, le crime en col blanc: sa place dans
une criminologie économique, R.S.C. 1974p. 804.
·.

20.
34. Rameau du droit criminel
et relevant sp~cialement de
l'ensemble des matières composant le droit p~nal des affaires,
le droit
p~nal ~conomique se distingu~ donc des autres compo-
santes de cette matière par ses traits caract~ristiques et par
sa
r~f~rence à l' int~rêt g~n~ral et surtout à "l' ~conomique",
qu'il faudra bien comprendre comme visant et le système ~cono­
mique et les mesures d'int~rêt ~conomique g~n~ral adopt~es par
les
pouvoirs publics pour faire
face
à un problème ~conomique
ponctuel.
Il
peut à cet ~gard s'agir d'une politique de lutte
contre
une
crise,
d'une politique des prix
(1)
qui
peut con-
sister
en
leur
blocage ou à
leur lib~ration, d'une politique
de
restructuration,
de red~ploiement industriel et d~veloppe­
ment ~conomique, etc ...
35. Le droit p~nal ~conomique peut donc être d~fini comme
~tant l'ensemble des mesures de droit criminel destin~es d'une
"
" .
~At"!V?~~,
,
part,
a proteger le systeme economl~el'-\\et Cl '-a'Y:J{e part,
a sou-
t
'
1
d'
l't'"
J'::'\\' ~d Y,.-\\\\.
t
'
enlr
es
1 verses po l1ques econom':l:'ques
e C~OI!3~OnC ure mlses
l'~ l
,. \\
en oeuvre par les pouvoirs publics :',C? I-..C A ~Vl E
'i.\\
,
------------ ,
'1
Notre
d~finition du droit p~nal ~conomique 1,,:,,5' appuyant sur
des rapports qui,
dans leur
principe"
se-re'tl\\ô'uvent dans tou-
·.. S\\);·~'
~ 'Ip.rne,n~
tes
les
soci~t~s, est valable pour ledr.:0~i-t p~nal ~conomique
socialiste et celui des pays en voie de d~veloppement
en par-
ticulier
ceux d'Afrique.
Mais bien entendu,
i l n'aura pas comme nous le verrons,
le mê-
me contenu suivant la nature du système ~conomique et le stade
de
d~veloppement du pays.
D'ailleurs,
en ce qui concerne
les
pays socialistes,
en raison
de
la Collectivisation des moyens
de production et de la planification de l'~conomie, le problè-
me
de
lad~finition du droit p~nal ~conomique par rapport au
droit p~nal financier ou des affaires,
ne se pose pas.
Le
"commerce priv~", les "affaires",
~tant en principe inter-
dits
dans
ces pays,
le droit
p~nal des affaires (2) n'existe
pas.
On ne
peut
donc parler dans les pays socialistes
que de
droit p~nal ~conommique ; droit p~nal de l'organisation ~cono­
mique.
(1)
yo
J.
Cassel,
Concurrence et règlementation des prix,
~d.
Dunod,
9171.
( 2)
Au
sens
dans
lequel
i l
est
entendu
en occident
(Delmas-
Marty Droit p~nal des Affaires, op. cit.).
..

21.
36 .
Droit
pénal
de
l'organisation
économique,
le
droit
pénal
économique
intervient
dans
les
rapports
de
production
et de distribution.
IL
régit
donc
les
rapports
entre
les
producteurs
les rap-
ports
que
ceux~ci ont avec
les distr~buteurs
ceux des dis-
tributeurs
entre
eux,
et
enfin,
les
rapports
entre
ces
der-
niers et les consommateurs.
Il faut s'empresser de préciser et même d'insister sur le fait
que le "producteur" et le "distributeur" ne sont pas les mêmes
"personnes ll
suivant que l'on se situe dans une économie capi-
taliste
ou
socialiste
ou
dans
une
économie
sous-développée,
qu'elle soit d'inspiration capitaliste (1) ou socialiste (2).
Ces
personnes
peuvent
être
de
droit
public
(3)
ou
de
droit
privé (4)
suivant la nature du système économique.
Elles peuvent relever à la fois des deux catégories juridiques
( 5) .
37. Il faut également noter que les moyens et le domaine
d'intervention
de
ces
"personnes Il
ne
sont pas
les mêmes sui-
vant les cas.
Les moyens
dont dispose un producteur dans une économie capi-
taliste ne
sont pas,
du point de vue de leur étendue,
les mê-
mes
que
ceux
dont
dispose
l'Etat,
principal
producteur
dans
une économie socialiste.
38.
Par
ailleurs,
ce
qui relève
de
l'intérêt économique
général et qui
de ce fait,
est concerné par l'organisation de
l'économie
nationale,
n'est
forcément
pas
vu
comme
tel
dans
tous les pays.
Par
exemple,
dans
les
pays
sous-développés,
l'Etat
apparaît
comme le
principal producteur.
Il
en est ainsi,
même dans les
pays sous-développés qui se réclament du capitalisme.
(1) Cas de la Côte d'Ivoire,
du Zaire,
du Gabon,
etc ...
(2) Cas du Congo,
du Mali,
etc ...
(3) Cas des pays socialistes.
(4) Cas des pays capitalistes.
(5) Cas des pays à économie mixte, pratiquant Ille capitalisme
d'Etat".
..
..

22.
Les
atteintes
a
ses moyens d'action comme les ressources mi~
nières
nationales,
les
deniers
publics,
touchent
directement
la
production.
L'incrimination et
la répression des atteintes
à
ces
biens
relèvent
du
droit
pénal
économique
de ces pays
alors que dans ~es pays capitalistes où l'Etat n'est en prin-
cipe pas
producteur économique,
les atteintes aux deniers pu-
blics
n'ont aucune incidence sur l'économie nationale.
Les mesures protectrices de ces biens peuvent donc
être
écar-:
tées du droit pénal économique capitaliste (1).
39. Il faut également noter que le droit pénal économique
en
s'attachant
aux
structures
de
production
et
de
distribu-
tion,
donc
aux
principes
d'économie
politique
résultant
du
système économique,
est un droit pénal à forte coloration po-
litique et idéologique.
40.
Ainsi
définie,
la
notion
de
droit
pénal
économique
confirme
et
aiguise
encore plus finement
la portée des ques-
tions que nous nous posions (2)
à savoir
A qui s'adresse le
droit pénal économique
? Peut-il servir de béquilles à un or-
dre économique ? Comment et p~urquoi en vient-on à élaborer un
droit
pénal
en
matière économique alors que les deux grandes
doctrines socio-économiques qui dominent le monde actuel
sem-
blent rejeter la contrainte dans leur mise en oeuvre ?
Il
importe
donc
de
s'interroger
sur
les
fondements
de
cette
liaison
entre
le
droit
pénal
et
"l'économique"
qu'évoque
la
notion de droit pénal économique.
II
- DROIT PENAL ET "ECONOMIQUE"
LES APORIES D'UN "MARIAGElI
41.
Dans
l'orthodoxie
juridique
libérale,
comme
dans
l'orthodoxie juridique marxiste,
l'idée d'une liaison entre le
droit pénal et l'économique
est à tout le moins,
hérétique.
(1)
Ho.rmis
les
pays
"capitalistes ll
sous-développés,
pour
la
ralson que nous avancions dans ce numéro 38.
(2) Cf.
Supra, N° 4.
..

23.
D'abord,
elle paraît
"sacrilège"
à qui voit dans le droit ca-
pitaliste, un ensemble de règles désincarnées, neutres,
régis-
sant au-dessus des classes sociales et de l'Etat,
les rapports
sociaux et économiques que les
individus nouent librement en-
tre eux (1).
Dans
la
science
juridique
occidentale donc,
les pouvoirs pu-
blics doivent s'abstenir d'intervenir dans les rapports privés,
en particulier dans les rapports économiques; d'où le princi-
pe
de
la
non-immixtion
des
pouvoirs
publics
dans
l'activité
économique.
La
notion
de
droit pénal
économique qui évoque une
interven-
tion de la puissance publique
apparaît alors comme une notion
hérétique.
42.
De même,
l'idée d'un droit pénal servant de pilier au
système
économique
socialiste
ou
exerçant
quelque
fonction
dans l'économie collectiviste
paraît également choquante dans
la doctrine marxiste qui voit
le
Droit comme un phénomène de-
vant disparaître dans la société communiste.
Certes,
la doctrine marxiste présente le Droit comme une "su-
per-structure" devant jouer un rôle dans la phase du socialis-
me
,
mais il parait bien curieux d'imaginer le droit pénal a-
vec
ses
techniques
d'intimidation
et de répression,
jouer un
rôle dans une économie en principe mue par l'intérêt collectif
de toute la société.
L'élaboration et surtout le développement d'un droit pénal é-
conomique
social iste
(2)
amènent
à
Si interroger
sur
la thèse
de
l'étiolement
progressif de l'Etat et du Droit dans la
so-
ciété socialiste.
43.
Enfin,
de
façon générale,
le recours au droit
pénal
comme instrument de protection juridique du système économique
nous parait se heurter à une contradiction d'ordre rationnel.
Il
parait en effet paradoxal de
voir soutenir d'une part,
que
la mise en oeuvre de telle ou telle doctrine économique permet
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1)
VO
Ripert,
G
L'ordre économique et la liberté contrac-
tuelle,
étude Gény,
Tome II,
Lirey 1934,
P.347 et s.
(2) Buchholz
,
E : Le développement du droit pénal économique,
Rev.
de droit et de légis. de la R.D.A.
N° 1/67 P.19 et s .
..

24-.
de
satisfaire
les
besoins
de
toute
la
collectivité
et
que
dl autre
part,
on
recourt
à
la/ contrainte
pénale
pour
amener
les
individus
a
respecter. les principes tirés de ces doctri-
nes
;
un peu comme si,
contre
leur volonté,
on voulait
faire
leur bonheur
(1)..
L'une des caractéristiques des fonctions du
droit pénal économique réside d~nc en ce qu'elles révèlent les
contradictions des systèmes économiques.
44. Une étude sur les fonctions du droit pénal économique
prend son point
de départ dans ces contradictions entre cette
matière et les doctrines socio-économiques marxiste et capita-
liste.
Mais si théoriquement,
le droit pénal économique apparaît com-
me une notion aporétique dans les systèmes économiques contem-
porains,
dans
la réalité,
on s'est toujours accomodé de cette
technique autoritaire d'intervention en matière économique.
45. On a en effet, un peu partout et de tout temps, pensé
que
les
prescriptions
législatives
et
réglementaires
n'ont
d'efficacité que si elles s'appuient sur le droit pénal.
"Gen-
darme du droit"
(2),
le droit criminel, mieux que le droit ci-
vil,
est à même de faire respecter les lois (3).
Contre
cette
opinion,
certains
auteurs
ont
rétorqué
que
"le
recours à
la sanction pénale est une solution de facilité qui
ne peut procurer le résultat voulu
car elle nécessiterait au-
tant de gendarmes que d'intéressés"
(4).
Mais plusieurs raisons expliquent le recours au droit pénal en
matière économique.
(1)
Cette ambiguité du recours
au droit pénal comme moyen de-
vant
aider
à
l'instauration
d'un
ordre
socio-économique
nous intéressera dans le cadre de cette étude.
(2) Merle et Vi tu ; Traité de droit criminel, Cujas nO 89.
(3) Voir Oppetit
le rôle du juge civil en présence des pro-
blèmes économiques,
in Trav.
Ass.
H.
Capitant 1970 2.7 et s.
(4)
R.
Granger
;
Pour un droit du développement dans les pays
du Tiers-Monde, études offertes à J.
Hamel,
D.
1961,
P.65.
.. :

25.
46.
Juridiquement, cette attitude s'explique aisément.
D'une manière générale,
le dro1t
pénal est l'ensemble des rè-
gles juridiques destinées à défendre l'ordre social.
Il sert à
protéger les valeurs fondamentales d'une société.
Or, les principes du système économique d'un pays font partie
de ses valeurs fondamentales.
Il
en
résulte
que
ces
principes
peuvent,
au
même titre
que
par
exemple
l ' intégrité
corporelle,
bénéficier
de
la
pro-
tection du droit pénal.
47.
Par ailleurs
aujourd'hui,
sans doute plus qu'à nulle
autre époque de
l'histoire,
les problèmes économiques sont au
coeur des débats politiques.
La liaison du bien-être social
à la prospérité de l'économie,
amène l'Etat moderne,
investi de la responsabilité de pourvoir
à la satisfaction de ce "bien-être", à avoir tendance à élever
ses
politiques
économiques
au
rang
des valeurs fondamentales
de
la Société et à ériger
les atteintes
contre elles
en in-
fractions pénales.
48.
Le
recours au droit
pénal en matière économique peut
également s'expliquer par
le
fait
que
la violation de ces va-
leurs économiques fondamentales trouble l'ordre social.
Il en
résulte
que
le
droit
civil,
et
d'une
manière
générale,
le
droit privé qui ne concerne que les intérêts privés (1) et or-
ganise la
réparation des
préjudices individuels,
est inappro-
prié en ce qui concerne la défense de l'ordre social.
En effet,
i l est vrai que
les sanctions du droit civil telles
que l'annulation,
la révocation,
les dommages-intérêts, etc ...
qui ont un caractère strictement compensatoire
ne bénéficient
qu'à la personne lésée (2).
Il
convient
donc
de confier la
protection des valeurs fonda-
mentales que constituent les éléments de "l'ordre économique",
au droit pénal qui réunit les caractéristiques qui lui permet-
tent
de
combiner
la
protection
de
l'ordre
social
avec
celle
des droits individuels (3).
(1) VO cependant les réserves de M.
F.A.
HAYEK:
Droit,
légis-
lation et liberté vol.I règles et ordre,
PUF 1980 P.158 etS.
(2)
Stefani,
Levasseur et
Bouloc.
Droit pénal général,
Dalloz
12è éd.
nO 32 p.
35.
•.
(3) J. Pradel: droit pénal général, éd.Cujas, nO 69, p.78.

26.
49.
Enfin,
i l
faut
noter
que
bien
souvent,
les
seules
sanctions civiles ont
contre 6ertains actes,
des effets limi-
tés
par rapport à celles du droit pénal.
Le
droit
pénal
vient
au secours des autres branches du droit
pour
obtenir
des
indi vidus,
le respect de leurs dispositions
impératives ou d'ordre public (1). L'incrimination de la fail-
lite
frauduleuse
(2)
montre bien que
souvent,
les sanc-
tions civiles ont besoin de l'appui des techniques d'intimida-
tion et de répression du droit pénal.
C'est sur ces diverses raisons que
repose le recours au droit
pénal en matière économique.
50.
Aussi
bien,
dans
les
faits,
l'utilisation
du
droit
pénal par les pouvoirs publics comme moyen d'action économique
est une pratique très ancienne.
Les
droits
les
plus antiques contiennent des traces sûres de
tutelle économique.
On notera à cet égard,
les lois grecques qui réprimaient l'ac-
caparement
de
denrées
et
d'une
manière générale,
l'agiotage
au ravitaillement.
On notera également les lois pénales économiques romaines : la
"lege
julia de annona
poena statuitur
adversus ... " qui punis-
sait ceux qui enchérissaient les denrées dans les marchés pour
en faire augmenter le prix;
la "Annonam ademptare et vexare."
qui
visait
ceux
qui,
après
avoir
acheté
des
produits,
refu-
saient de les vendre
pour les faire enchérir (3).
On
notera
plus
près
de
nous,
les
lois
de
Manou
dans
l'Inde
britannique
qui
établissaient
un
principe
général
de
fraude
dans
les
ventes,
fraudes
touchant
la
nature,
la
qualité,
la
quantité,
l'origine ou la provenance des choses vendues (4).
51. Même au XYIIIè siècle,
après la Révolution bourgeoise
de 1789,
les doctrines économiques qui prônaient l'indifféren-
ce de l'Etat à l'égard de l'activité économique avaient elles-
J.
Pradel, op. cit. nO 68 P.78.
Yoir Delmas-Marty,
Droit pénal des affaires, P.U.F.
1983,
op.cit.
P.750 et s.
Chauve au et Helie,
Théorie du code pénal,
4è éd.
par Helie
1862 Tome Y P.538.
YO Pisapia op.cit.
p.669 et s.
..

27.
mêmes eu besoin pour s'imposer,
de
l'appui du droit pénal.
La
loi du 14 Mars 1791
dite loi le chapelier et les articles 414
et
suivants du code pénal du
13 Mars
1810
qui
imposaient
la
libre
concurrence
par
la
répression
des
coalitions
étaient
bien des dispositions de droit pénal.
52.
Plus près de nous,
les années IITrente ll et "Quarante"
ont
connu
par
rapport
aux périodes antérieures,
un type nou-
veau de tutelle économique.
Les difficultés des guerres et
les pénuries avaient rendu né-
cessaire
l'intervention
directe
des
pouvoirs
publics
dans
l'activité économique pour,
dans un premier temps,
la contrô-
ler
puis après,
la diriger
suivant
les méthodes actuellement
connues dans les économies socialistes.
Aujourd'hui,
cette
intervention
des
pouvoirs
publics
dans
l'activité
économique
persiste
dans
les
pays capitalistes en
dépit des prescriptions des doctrines économiques libérales.
53.
Dans
les
pays
socialistes,
en
Union
Soviétique
no-
tamment,
la
mise en oeuvre de
la doctrine marxiste avait dès
ses
premiers
instants
trouvé
son
écho
dans
le
droit
pénal.
Dans
l'instauration
du
socialisme,
il
siest
vu
assigner
des
fonctions
qui,
dit-on,
sont
justifiées par la nécessité d'im-
primer
dans
les
espr i ts,
Il la
menta lité
social iste"
des
rap-
ports
socio-économiques.
Il
Si agissait
dl enrayer
par la
ré-
pression
pénale
les
résistances
à
la
construction /~y~vel
---
----.....
-
""------~
ordre
économique.
C' était
en
effet,
sou~~J_a--mênace du droit
pénal
qu'était
assurée
ilIa
transfOTmat:lOn des forces
de pro-
--- ----
duction capitaliste en fgrces de production socialiste"
(1).'
Mais aujourd 1 hlliencore, le droit pénal 'demeure un moyen d' ac-
tion
économique
utilisé
par
les
pouvoirs publics soviétiques
et
européens
de
l'Est
comme
en
témoigne
la
place
de
choix
qu 1 il occupe dans leurs codes pénaux (2).
( 1)
Khalil
Sobhy,
le
dirigisme
économique
et
les
contrats
L.G.D.J. 1967, p.199.
(2)
Cf.
infra,
Piontkovsky et Tchkhikvadze,
"Système pénal so-
viétique",
in,
Les codes pénaux européens, tome IV,
Centre
Français de droit comparé.
..

28.
54. Ll u tilisation du droit pénal au service de l'économie
n'est
pas
l'apanage
des
seuls- pays
industrialisés.
Dans
les
pays
du
tiers-monde,
dans
ceux
d'Afrique
en
particulier,
le
droit
pénal
et
l'économie
entretiennent
des
rapports très
é-
troits.
Dans les pays sous-développés également,
le droit pénal écono~
mique est utilisé comme instrument diaction économique.
Il
faut
d'ailleurs
noter
que
l'inspiration
économique
des
droits pénaux africains a une origine qui remonte à la Coloni-
sation.
Le
colonisateur
avait
rendu
applicable dans
les colonies une
législation qui répondait à ses intérêts économiques.
Le
droit
colonial
applicable
était
avant tout,
un
instrument
pour la mise en oeuvre d'une politique économique comme en té-
moignent les dispositions du décret du 21 Août 1930 instituant
le travail forcé et l'attaque lancée notamment contre le régi-
me foncier coutumier (1).
55.
Au
moment
des
indépendances,
les
pouvoirs
publics
africains ont repris à leur compte la plupart des textes colo-
niaux.
Mais ils les ont complétés par de nouvelles dispositions fon-
dées
sur
le
développement
économique.
Celui-ci
a
en
effet,
donné
lieu
dans
les
pays
du
tiers-monde,
à
une
législation
particulière
le
droit
du développement
qui
a
pour
fonction
d'une part,
de mettre en place les structures du développement
et d'autre
part,
de
soutenir
les actions ponctuelles des pou-
voirs publics en faveur du progrès économique et social.
56. Mais l'orientation de cette politique est fonction du
modèle de
développement choisi,
c'est
à
dire,
du système éco-
nomique
suivant
lequel
elle
est
menée.
Dans
certains
pays
africains,
ce seront
les
structures économiques du socialisme
(1)
Sur le
régime
foncier
coutumier,
voir Kouassigan,
L'Homme
et
la terre"
üRTüM-
Berger-Levraul t. p. 9 et s;
A.
Ley
: le
régime domanial et
foncier
et
le développement économique
de
la
Côte
d'Ivoire.
L.G.D.J.
1972.
va
Introduction.

29. '
qui
seront
instaurées
( 1).
Dans
certains
autres,
ce
seront
celles
du
libéralisme
(2).
MaLs en tout
état
de cause,
cette
action conduit à la destruction des structures et valeurs tra-
ditionnelles africaines liées à l'économie dite de subsistance
qui prévalait en Afrique~ Cette action "dévastatrice" semble
s'imposer.
57.
En
effet,
la
mise
en
place
d'une
économie
moderne
exige une ouverture des esprits au monde moderne.
Or dans leur
grande
majorité,
les
populations
africaines
sont
soumises
à
des
systèmes
de
valeurs
socio-culturelles
dont
certains sont
incompatibles
avec
les
principes
économiques
auxquels
leurs
gouvernants ont proclamé leur attachement.
58.
La
volonté
de
surmonter
le
plus
rapidement
possible
l'obstacle cul ture1 à
la
création
d'une
économie
moderne
a
conduit la plupart des pays africains à se servir du droit pé-
nal
contre
les
structures
et
valeurs
traditionnelles en con-
tradiction avec le modèle de développement choisi.
L'incrimination
de
la
dot en Côte d'Ivoire,
du vol
coutumier
de
bétail
au
Niger
et
au
tchad,
des
dépenses
excessives
à
l'occasion des cérémonies traditionnelles
(3)
Si inscrit
dans
la stratégie juridique du développement.
Les
législateurs
africains
ont
ainsi
hérité de
leurs homolo-
cC>
gues
des
pays
développés
la
conviction
que
le
droit
pénal~
conformément à l'opinion générale,
contribue à rendre p-1J,-,,,......-éf-
ficaces les textes.
~ ,
En tout état de cause,
le "droit pén::lJ_du----developpement econo-
~
mique"
(4)
terme qui eXP13-me/ra lia ison entre le droit du dé-
veloppement et~~dr'61"tpénal
est fondé sur cette conviction.
~
- - - - - - -::::..-::- _.~.-;;;; ~..:'- - - - - -" - - - - - _. - - -
(1)-t~s, par exemple du Congo, du Mali, etc ...
(2) Cas de la Côte d'Ivoire,
du Cameroun,
du Zaïre,
etc ...
(3)
Voir infra,
532 et suivants.
(4)
L'expression
est
de Mme J.
Costa-Lascoux
(in Ency.
Juri-
dique de l'Afrique N.E.A.
1982) P.135.
..

30.
59.
Ainsi,
le
recours
au droit
pénal en matiêre économi-
que est une pratique universelle et ancienne.
La
notion
de
droit
pénal
économique
dégagée
de
l'analyse des
relations
entre le droit
pénal et
IIl'économique ll est par con-
séquent
une notion ancienne.
Il Le
droit
pénal
économique,
écri v ait
en ce sens M.
Constant,
est
de
tous
les temps,
mais comme toute
institution humaine,
i l
a
ses
heures
d'expansion,
ses moments d'épanouissement et
ses périodes de récession ll
(1).
Contrairement donc
à
une
opinion
(2)
assez répandue,
le droit
pé(lal
économique
n'est
pas
une
création
récente
qui
aurait
fait son apparition en France
avec la loi du 19 Août 1936 sur
la hausse injustifiée des prix.
III -
DE LA RELATIVITE DU DROIT PENAL ECONOMIQUE
60.
Comme nous avons pu le constater,
le droit pénal éco-
nomique est un "phénomêne social" universel.
Mais
lié à
un systême
ou à un ordre économique déterminé (3),
i l
a
nécessairement
un
contenu
et
des
objectifs
qui
varient
d'un pays à un autre.
Cette
relativité
du
contenu
du
droit
pénal
économique
dans
l'espace tient
à un certain nombre
de paramêtres qui sont no-
tamment,
la
nature du système économique,
le type d'organisa-
tion économique,
la structure du marché,
le stade d'industria-
lisation ou de développement,
etc ...
61.
Ainsi, on notera la différence de contenu et d'objec-
tifs entre les droits pénaux économiques des pays industriali-
sés,
qu 1 ils
soient
capitalistes
ou
socialistes
et
ceux
des
pays sous-industrialisés.
( 1)
J.
Constant
Cours
précité
Dans
le même
sens,
Vi voda
Marjan,
op.cit.
P.636.
(2) Opinion de Vouin,
op.cit.
P.423,
H.
Drost,
op.cit.
P.373
;
F.ch.
Jeantet,
op.cit.
in mélo
Hamel P.35.
(3) Cf.
notre définition,
Supra nO
35.
..

En
effet,
tandis
que
les
premiers soutiennent
des
politiques
économiques qui se limitent e~sèntiellement à réguler les rap-
ports
de
production
et
surtout
de
consommation,
les
seconds
tendent avant tout à favoriser la mise en place d'une économie
de développement_ national.
Pour l'essentiel,
les droits pénaux
économiques des pays sous-développés consistent à aider à ins-
taurer les structures du développement économique et social
(1).
62.
On notera également
une
variation du contenu et des
objectifs du droi~ pénal économique suivant
la conjoncture é-
conomique.
Ainsi,
par exemple,
le
droit
pénal économique d'un
pays
capitaliste
qui traverse
une crise sera différent de ce-
lui d'un pays capitaliste dont l'économie est en pleine expan-
sion.
Cette observation est tout
aussi
fondée
pour deux pays socia-
listes se trouvant dans ces mêmes conditions économiques.
63.
On
notera
également
une
différence
de
contenu
et
d'objectif
entre le droit pénal
économique d'un pays capita-
liste ayant un marché oligopolistique et celui d'un pays dont
l'économie repose sur le petit commerce,
etc ...
Il
y
a
par
exemple,
une
différence
de
contenu et d'objectif
entre le droit
pénal économique
français
des années "cinquan-
te"
qui était appelé à régir un marché composé de petits com-
merçants et celui de
la
période
actuelle où le marché est do-
miné par les grandes unités économiques.
64. Mais, plus fondamentale est la différence qui sépare
le droit
pénal
économique d'un
pays à économie capitaliste de
celui
d'un
pays
à économie marxiste.
En effet,
tandis
que
le
premier tend à instaurer la libre concurrence par des législa-
tions anti-trusts,
l'autre interdit le commerce privé et impo-
se le respect du monopole étatique de l'économie.
On pourrait multiplier les exemples en allant de nuance en nu-
ance
pour
établir
que
si
le
droit
pénal
économique
est
un
"phénomène" universel,
il varie d'un pays à un autre
en fonc-
tion de plusieurs facteurs.
(1) yo infra, nO
191 et s
; nO 323 et s.
.,

32.
65.
Mais
si
l'on observe
le
droit pénal économique en le
fixant
et dans le temps et dan~ l'espace, on s'aperçoit qu'il
se
présente sous deux aspects
fondamentaux.
La définition que
nous
avons
retenue
pour
cette
matière
met
bien
en
évidence
ces
deux
aspects.
Le
droit
pénal
économique
avions-nous dit,
est
11 ensemble
des
mesures
de
droit
criminel
destinées dl une
part à
protéger
le système
économique et d'autre part,
à sou-
tenir
les
politiques économiques de
conjoncture mises en oeu-
vre par les pouvoirs publics.
En
effet,
quel
que soit
le
pays
considéré,
quel
que
soit
son
stade de développement,
quelle
que
soit
la période à laquelle
on se
situe,
il
y a dans sa législation,
des mesures de droit
pénal
destinées
à
protéger
les
principes
de
base
du
système
économique qu'il a adopté.
Ces
mesures sont
à des nuances près,
les mêmes dans tous
les
pays ayant le même régime économique.
Elles établissent le mode d'organisation économique
et le ré-
gime de
propriété des moyens
de
production suivant la concep-
tion que le "pays"
(1) a
des rapports socio-économiques.
66.
C'est
ainsi
que
dans
les
pays
capitalistes,
il y
a
des dispositions
de droit
pénal
économique qui établissent et
protègent
la
libre
concurrence
et
la
propriété
privée
des
moyens de production.
Les
dispositions
pénales
protégeant
la
propriété
capitaliste
des moyens ont été rejetées du domaine du droit pénal économi-
que
(2).
Mais
i l
faut
noter
que
la
protection de
la
proprié-

privée
des moyens de
production dans son fondement,
ne se
dissocie en rien du droit pénal de la concurrence qui est una-
nimement
reconnu
comme étant
de
l'essence même du droit pénal
économique.
On
ne
peut, à
notre
sens, raisonnablement
soutenir
d'une
part
que
les mesures
pénales
protégeant
la concurrence relèvent du
droit pénal économique et d'autre part,
en exclure
celles qui
consacrent et protègent les moyens de production.
( 1)
On dirait mieux
"la classe sociale" qui dans ce pays,
dé-
tient le pouvoir politique.
(2) Vitu,
op.cit. mélo
Hamel P.73).
..

33.
La
protection
des
droits
de
propriété
industrielle
dans
les
pays
capitalistes
n'est
pas
moins
du
ressort
du
droit
pénal
économique que celle de la concurrence.
L'action
pénale
en concurrence déloyale
fondée
sur la contre-
façon et l'action pénale intentée contre une entente
ont tou-
tes les deux,
le même fondement
protéger la concurrence con--
tre
les
abus
qu'elle-même
peut
engendrer
et
contre
les actes
qui
la
restreignent
(refus de
vente,
pratiques discriminatoi-
res,
etc . . . ) ou qui la suppriment
(ententes).(l).
67. De même, dans la législation des pays socialistes, il
y
a
des
règles
de
droit
pénal
économique
qui
établissent et
protègent la propriété sociale et le monopole étatique de l'é-
conomie.
Le droit pénal économique apparaît dans cette perspective com-
me un instrument spécial
(2) au service des idéologies.
Il in-
tervient
avec
ses
techniques
d'intimidation
et
de
répression
pour imposer avec plus d'autorité (3)
les principes socio-éco-
nomiques découlant des idéologies.
Dans cette fonction,
i l vise à asseoir
au sein de la Société,
le système
et
le type
d'organisation économiques qui,
suivant
l'opinion politique dominante,
permettent
d'atteindre
pour
la
collectivité
les conditions matérielles du bien-être.
(1) Il
ne
faut
cependant
pas inclure
dans le droit pénal éco-
nomique toutes les dispositions sanctionnant les atteintes
aux
biens
dl autrui,
comme
le
vol,
l'abus
de
confiance,
l'escroquerie,
etc ...
portant sur
un objet
déterminé.
Les
mesures de droit pénal économique relatives à la propriété
pri vée
sont
celles
qui
visent
les
moyens
de
production,
les
productions elles-mêmes,
ainsi
que
les moyens de leur
échange,
c'est à dire la monnaie.
(2)
"spécial"
parce que,
comme nous
le disions,
tout le Droit
d'un pays donné véhicule son idéologie.
(3) "Autorité" par rapport à une règlementation sans sanctions
ou avec
des
sanctions telles que
la nullité des actes ac-
complis
en
violation
de
ces principes,
la
restitution ou
la réparation,
qui ne font que rétablir la situation anté-
rieure
à
l'acte
prohibé,
sans
autres
conséquences graves
pour l'individu.
..

34.
68.
Parallèlement
à
ces
règles
qui expriment un idéal de
société,
i l y en a d'autres qu~ interviennent surtout à l'épo-
que
contemporaine
pour
combler
les
insuffisances,
corriger
les imperfections,
le mauvais fonctionnement ou même,
les "ex-
cès" du système économique.
Par exemple,
la doctrine économique libérale estime que la li-
bre concurrence "constitue dans une société libérale décentra-
lisée,
le
mode de
régulation
économique qui permet d'offrir à
la collectivité
le bien-être optimum"
(1).
Mais lorsque les mécanismes du Système économique ne fonction-
nent
pas
correctement,
sous
l'emprise
d' une
crise notamment,
les
pouvoirs
publics
interviennent
pour
combler
les
insuffi-
sances du Système quant
à
la satisfaction de l'intérêt écono-
mique général.
C'est ainsi que pendant la deuxième guerre mondiale,
dans pra-
tiquement
tous
les
pays
capital istes
belligérants,
les
pou-
voirs publics avaient
dû,
en lieu et place de la loi de l'of-
fre
et
de
la demande,
intervenir
pour
réglementer puis diri-
ger
(2)
l'activité économique,
ce
qui est contraire aux prin-
cipes du libéralisme.
69.
Au
strict
point
de
vue
des
objectifs,
la
frontière
entre ces deux séries des mesures répressives
et partant,
en-
.tre les deux aspects
sous lesquels se présente le droit pénal
économique
est difficile à tracer.
En effet,
les politiques
économiques
recherchent presque tou-
jours leurs
solutions
sur
la base
des principes du système é-
conomique
même
S l
parfois,
on
en
arrive
à
leur
porter at-
teinte ou à les écarter.
Il
est
à ce~ égard difficile de déterminer les limites entre
les
principes
d'économie
politique,
c'est à dire
ceux rela-
tifs
aux
structures
du
système
économique
et les
règles
ré-
sultant des politiques économiques de conjoncture.
( 1)
F.
Jenny et A.P.
Weber,
L'entreprise et les politiques de
la concurrence,
éd. d'organisation P.22.
(2)
VO
infra,
nO
366 et suivants.
..

35.
70.
Par
exemple,
la
protection pénale de
la concurrence
en tant
que
fondement
de
l ' écoIlOmie
libérale et celle des po-
litiques
économiques
s' appuyànt
sur
la
concurrence
sont deux
objectifs bien distincts
du droit
pénal économique.
Mais,
ré-
sultant des mêmes textes,
on n'aperçoit pas d'emblée,
la dif-
férence formeil~ entre ces deux types de fonction.
En effet,
en France,
la
réglementation de la concurrence dans
le but d'assurer sur le marché la coexistence de plusieurs en-
treprises
paraît
se confondre
avec
la politique de redéploie-
ment
industriel,
de concentration qui
s'appuie
sur la répres-
sion des pratiques anticoncurrentielles (1).
C'est en analysant
les textes dans
leur contexte social,
his-
torique
et
dans
leurs
modalités
d'application
qu'on parvient
dans notre exemple,
à distinguer la politique de la concurren-
ce,
de
la
politique s'appuyant
sur
la concurrence
"l' écono-
mie politique",
de "la politique économique".
71.
Mais
au point de vue
de
la technique
juridique,
les
deux aspects du droit pénal
économique
apparaissent nettement
bien distincts.
Les
mesures
répressives
protégeant
le
système
économique ex-
priment des valeurs fondamentales
des Sociétés.
Elles sont de
ce fait,
généralement immuables et par là même _" codi fiables" ( 2) .
A certains égards,
cet
aspect
du
droit pénal économique n'ap-
paraît pas comme de nature économique, mais comme sanctionnant
des
valeurs
morales
de
la
Société.
C'est
le
cas des
infrac-
tions
visant
dans
les
pays
socialistes,
la
protection
de
la
propriété
socialiste,
du
monopole
étatique
de
l'économie,
~~
_
dans les pays capitalistes,
la protection de-la propriété pri-
vée des biens de
production et
de
la
loi de
l'offre et
de la
demande.
Dans cette optique,
le droit
Qénat-:-éc-....no-~-~ .._~-~-,-~~.-------..:"""'-ra-----
~~
-~-rTt;é--(flê~suffisamment stable, précis et ainsi, soumis au
----- rêgime général du droit criminel.
------_._-------------------
(1) Voir infra.
(2) Cf.
Pisapia,
op.cit.
p.668.

36.
72.
Or,
sous son deuxième
aspect
relativement récent,
le
droit pénal économique présente des traits spécifiques.
Il ap-
paraît d'abord
comme un droit
très mouvant,
en perpétuelle é-
volution.
Résultant d'une politique économique,
i l évolue avec
elle au gré des vicissitudes de la conjoncture économique
(1).
73.
Au service d'une politique économique de conjoncture,
le droit
pénal
économique apparaît également
comme un droit
peu orthodoxe,
en rupture avec certains principes fondamentaux
du droit pénal et de la procédure pénale (2).
En effet,
le droit pénal économique capitaliste de conjoncture
conserve encore
aujourd'hui
ses traits
particuliers qui,
pen-
dant la guerre,
ont attiré sur lui)l'attention de la doctrine.
Résultant
pour
une
large
part
de
dispositions réglementaires,
i l méconnaît parfois le principe "nullum crimen ... ".
Il déroge
également à
la
solution traditionnelle du problème d'applica-
tion
des
lois
pénales
nouvelles
(3)
et
viole
le principe
de
l'individualisation
des
peines
(4)
en ne
réprimant bien
sou-
vent
les actes
que sur
la base d'un fait matériel,
sans tenir
compte des circonstances personnelles à l'auteur du délit.
74.
Surtout,
dans
sa
mise
en oeuvre,
l'Administration y
joue
un
rôle
prépondérant
(5),
qu'il
Si agisse
de
mettre
un
terme à l'action publique par la transaction (6), de prononcer
ds sanctions péno-administratives telles
que
l'amende
forfai-
taire et
la
fermeture
d'établissement
ou même,
qu'il s'agisse
de juger de l'opportunité des poursuites ~7).
VO Vi tu op. cit .
P.72 et
s
; J. Mazard,
op.cit.
P.l9 et s;
VO infra,
nO
366 et s.
( 2)
Levasseur,
cours précité;
J.
Constant op.cit.,
in T.A.H.C.
P.656.
( 3 )
Khalil
MAGDI
Sobhy,
op.cit.
P.119
et
s.
nO
168
a
171
Ottenhof op.cit.,
P.115 à
117.
( 4 ) Stefani,
Levasseur et
BoulO~, Droit pénal général,
Précis
Dalloz 1980, P.144 et s.,
nO
241 et s.
Loussouarn et Bredin
: la règlementation des ententes
: le
recul
du
contrôle
judiciaire
D.1963
chr.
P.33
et
s
Aubertin-Fauchille
les
relations entre
les tribunaux et
l'Administration
dans
le
contrôle
des
ententes,
thèse
Rennes 1976.
(6 )
Causse
la .transaction en matière pénale,
thèse Toulouse
1945;
Boi tard
la
transaction
en
mat ière
pénale
R. S. C.
1941 P.l5l et s.
Jeantet
F.Ch.:
le Code
des
prix ... op.cit.;
Vitu
: la
..
rè-
glementation des changes,
op.
cit.

37.
Ces caractéristiques du droit pénal économique sont liées à la
nature m~me de la mati~re qu'il régit.
L'économique est en effet,
une réalité,
aujourd'hui tr~s déli-
cate
et
tr~s complexe.
Il
a
acquis
dans
les
Etats modernes,
une importance telle qulil est devenu le vecteur de la politi-
que générale suivie par les pouvoirs publics.
L'économique est par
ailleurs
une
réalité
mouvante,
sujet
à
évolution plus ou moins rapide.
Ce
sont ces
caractéristiques de
lléconomique qui conf~rent au
droit pénal
qui
le régit,
sa
spécificité par rapport au droit
pénal classique.
75. Clest sans doute en pensant à ce rapport de dépendan-
ce
ou
d'influence,
qu Ion
a
pu parler de
"l'asservissement du
droit par
l'économie"
(l).
"Llesprit du droit économique,
di-
sait
en
ce
sens
M.
Champaud,
est
guidé
par l'idée
que
cette
science est servante de l'économie et non sa maîtresse"
(2).
C'est dans
le m~me ordre d'idées que M.
Farjat écrivait,
face
à
l'érosion
des
principes
fondamentaux
du
droit
criminel
du
f ait
de
son
intrusion
dans
l'économique,
que
"11 intrus
a

payer son écot"
(3).
76.
En fin
de compte,
on peut dire que le droit pénal é-
conomique
se
présente bien comme
ayant
deux aspects fondamen-
taux que
l'on peut distinguer
au double point de vue de leurs
objectifs et de leur
conditionnement
juridique.
Sous chacun de
ses aspects,
il
apparaît qu'il a des objectifs
spécifiques.
(1)
Jacquemin J
le droit
économique serviteur de l'économie
R.T.D corn
1972 p.283.
M.
Mohamed Salah (Rationalité juri-
dique
et
rat ionali té
éco.
dans
le
dt
de
la
concurrence
th~se Nice 1985) pense au contraire, que les caractéristi-
ques de
l'économique
peuvent
bien s'intégrer dans la "ra-
tionalité"
juridique.
"L'asservissement du droit" par l'é-
conomie
ne
résulte
pas
de
caractéristiques
particuli~res
de
l'économique
mais
plutôt,
de
ce
que
les
pouvoirs
pu-
blics veulent faire
du droit
régissant
l' éco...,
un instru-
ment de politique économique; d'où sa part active dans la
mise en oeuvre du droit pénal économique.
(2)
Champaud
:
Contribution
à
la définition du droit économi~
que D 1967 chr.
P.215.
(3)
Farjat G.
: l'ordre public économique LoG.D.J.
1963 nO 679

. ·':'k·
38.
Il
Y a
comme
nous
le
disions,
un certain nombre
de
disposi-
tions du droit pénal
économique
qui
visent les structures re-
latives
à
la
production et à
la distribution,
autrement dit,
le système économique.
A ce niveau,
il-faut
reconnaitre
que ses fonctions ne présen-
tent
guère
d'originalité
par
rapport
à celles du droit
pénal
classique.
Le
droit
pénal
économique
intervient
là,
comme
le
fait
le
droit
pénal général,
pour
poser des normes exprimant
des valeurs fondamentales de la Société.
77.
A côté de ces dispositions
"classiques" de droit pé-
nal
économique,
il y a
d'autres mesures sécrétées par les po-
litiques économiques de conjoncture.
A ce
deuxième
niveau,
le
droit
pénal
économique
exerce
des
fonctions particulières.
D'abord en raison du fait que les di-
rectives
de
politique économique n'apparaissent
pas comme des
valeurs
fondamentales
de
la
Société,
et
que
pourtant?
elles
bénéficient de la protection du droit pénal économique.
Ensuite,
parce que,
ces directives
pénalement
protégées vien-
nent bien souvent à l'encontre des principes des systèmes éco-
nomiques
qui,
étant
des
valeurs
fondamentales
de
la Société,
"méritent" seuls,
la protection du droit pénal.
Ainsi,
on
constate
que
par
rapport
à
celles
du
droit
pénal
classique
qui
assurent
de
façon
harmonieuse
la protection de
certains
principes
fondamentaux
de
la
société,
les
fonctions
du droit pénal économique se combattent entre elles.
Elles ré-
vèlent ainsi,
les contradictions et les insuffisances des sys-
tèmes économiques contemporains.
78. Aussi bien, dans notre étude, partirons-nous de cette
hypothèse
que si
le droit
pénal
économique a en principe pour
fonction
fondamentale
la
protection
des
principes
d'économie
~--------------
. -po-l-i-t-i-quQ-(-R~em i è.r:~.e Pa T'.t_.i..o-)~f:.e.ls_q....-Li-l:.::o-rê-S·UTL.ent d~ s s y st ème s
économiques,
il
----
intervient
bien
souvent, aussi
bien
dans
les
sociétés socialistes que capitalistes ~ctueiles, à contre-cou-
rant de sa fonction initiale,
pour protéger des principes con-
traires,
en
se
mettant
au
service
de
politiques
économiques
(Deuxième
Partie)
qui
sont
généralement menées en dehors des
cadres juridiques et économiques établis.


39' .
A la lumière d'exemples,
nous tenterons de montrer cette
"dualité fonctionnelle ll du Droit Pénal Economique,
qui revèle
comme nous l'avons dit,
les contradictions des systèmes
économiques contemporains et les insuffisances des techniques
du Droit Criminel Classique face aux situations économiques
de crise . •

41.
79.
Au
nombre
des
valeurs fondamentales
des sociétés ac-
tuelles,
figurent
au premier pfan,
les
principes socio-écono-
miques
celles
qui
déterminent
les
conditions
suivant
les-
quelles les membres de cette société doivent oeuvrer en vue de
la
production
des biens et services dont
ils ont besoin.
Ces
principes expriment
la conception que
la
classe sociale domi-
nante a des rapports socio-économiques.
Comme toutes les valeurs fondamentales de la société,
ces
principes
trouvent
leur écho le plus direct
dans
le Droit et
en particulier dans le droit pénal.
On
comprend
d'autant
plus
aisément ce
recours
au droit
pénal
qu'en étant des valeurs sociales fondamentales,
ces principes.
sont de surcroît issus des convictions politiques,
économiques
et philosophiques de la classe sociale au pouvoir.
Le droit pénal
de
l'économie
politique
intervient pour expri-
mer
sur
le
plan
juridique,
la suprématie de
ce groupe
social
dominant.
80. Le monde contemporain est dominé par deux principales
doctrines économiques
le libéralisme et le socialisme.
Le libéralisme physiocratique (1) en répudiant les ordres éco-
nomiques féodal et corporatiste (2),
estime que la satisfaction
(1)
Le
libéralisme
économique
est

des
théories
élaborées
par les "physiocrates" qui estiment que la richesse natio-
nale augmenterait si les gouvernants libéraient le commer-
ce et l'industrie.
ADAM Smith affirmait que "l'ensemble de
la
Collectivité
aurait
tout à gagner à une
libre concur-
rence entre
industriels et commerçants"
(Recherche sur la
nature
et
les
causes
de
la
richesse
des
Nations
1776)
yo
Glais et Laurent;
op.cit.
Gaz.Pal
1978 doct. 209.
(2)
En
Europe,
au
XYllè
siècle,
les
pouvoirs
publics
prati-
quaient
en
matière
économique,
une
politique de
contrôle
autoritaire des activités commerciales.
Ce contrôle avait,
dit-on,
fini
par
stériliser
le mouvement
des affaires et
décourager lléclosion d1industries nouvelles,
de sorte que
toute une école d'économistes français
du XYlllè siècle:
les physiocrates,
en préconisaient
l(abandon
;
Voir Gide.
Ch. Cours d'économie politique.
Lib.
Sirey 1911 P.21 et s .
..

42.
des
besoins
sociaux
sera
d'autant
m1eux
assurée
qu'il
sera
permis
a
chaque
individu
d'entreprendre
librement
l ' activité
économique de son choix.
C'est,
suivant cette doctrine,
de
la
rivalité des libertés é-
conomiques
individuelles
que,
en
quantité et en qualité,
les
biens produits couvriront tous les besoins de la collectivité.
Le
bien-être
social
précise-t-on,
ne tient
qu 1 à
la
condition
de permettre à tous les individus de s'affronter dans une com-
pétition économique dans laquelle chacun d'eux,
en recherchant
son
intérêt
personnel,
sera
conduit
par une
"main
invisible"
à la satisfaction de l'intérêt général
(1).
Il faut,
dans cette doctrine économique,
que les individus li-
bres
et
égaux,
restent
isolés
car
dit-on,
"s'ils
se
regrou-
pent,
ils rompront
l'égalité entre eux.
Ils imposeront un in-
térêt collectif plus puissant que l'intérêt individuel et con-
traire
à
l'intérêt général ... "
(2)
d'où l'institution de la
libre concurrence, et l'interdiction des ententes et des mono-
poles dans les sociétés capitalistes.
81.
Par ailleurs,
pour
les économistes libéraux,
la pro-
priété privée des moyens de production est un facteur économi-
que qui,
en éliminant
la paresse humaine,
incite l'individu à
l'action et ainsi,
stimule la production.
La
propriété
privée des moyens
de production est
de
ce
point
de vue, une condition de la croissance et d'un meilleur rende-
ment économique.
A cet
égard,
les libéraux reprennent
une idée d'Aristote qui
disait que la propriété privée est le seul moyen capable d'in-
citer
les
paysans
à
avoir
soin
de
leurs
terres
et
à· faire
d'eux,
de bons citoyens
(3).
(1) Adam
Smith,
Richesses
des
Nations
cité
par
G.
Farjat,
Droit privé de l'économie,
PUF coll.
Thémis p.49
; Voir é-
galement J.P. Marichi
Démocratie et libéralisme,
Ann.
de
Toulouse 1969 Fasc.
II p.217.
(2) G.
Farjat,
Droit privé de l'économie,
op.cit.
p.SO.
(3)
Aristote
ci té
par
J.
Ph
LEVY
Histoire de
la
propriété
PUF Coll. Que sais-je? P.
84.
.. -: .

43.
82.
Le socialisme résultant
des doctrines
économico-phi-
losophiques de Engels et de Kar~ Marx
estime au contraire que
la
liberté
économique
individuelle
ne
s'adresse
en
réalité
qu'à
cette
infime
partie du corps social
qui
dispose des mo-
yens de production.
Il
en
déduit
que
le
capitalisme
conduit
naturellement
à
une
exploitation
par
les
Il possédants Il
des
linon
possédants Il,
qui
seront obligés de louer à ceux-ci,
leur force de travail.
La doctrine socialiste conclut que le capitalisme ne peut dans
ces conditions,
conduire à la satisfaction de l'intérêt social.
Ainsi, elle préconise sa destruction et,
en ses lieu et place,
la collectivisation des moyens de production et l'organisation
étatique et coopérative de
l'activité économique dans l'inté-
rêt de toute la collectivité.
83. Mais comme ces doctrines socio-économiques s'appuient
sur
des
intérêts
antagonistes
de
classes sociales,
leur mise
en oeuvre dans une société donnée,
soulève dès le départ,
des
conflits sociaux,
déclarés ou latents.
La classe sociale dominante finit
par imposer sa concep-
tion des rapports de production et élabore en conf.équence,
une
législation destinée d'une part à proclamer l'ordre économique
voulu et dl autre
part,
à
le conserver en le protégeant notam-
ment contre
les
actes
II con tre-révolutionnaires ll
émanant de la
classe sociale dominée.
Cette domination de classe,
cette politique socio-écono-
mique capitaliste ou socialiste trouve dans
le droit criminel
les moyens d'intimidation et
de
répression et par conséquent,
les moyens de protection
les plus efficaces sur le plan juri-
dique.
On comprend dès
lors aisément,
que
les Révolutions bourgeoise
française de 1789 et socialiste soviétique de
1~17 aient donné
..

44.
lieu
et que les sociétés issues d'elles s'accrochent aujourd'
hui encore,
quoique de manière plus subtile,
à des mesures pé-
nales
(1)
ayant
pour
fonction.',
la
protection
des
principes
d'économie politique résultant suivant les cas, du libéralisme
ou du socialisme.
84. Dans les pays du tiers-monde en particulier dans les
anciennes colonies,
le passage d'une économie traditionnelle à
une économie de développement suivant le modèle capitaliste ou
socialiste
a
posé
les mêmes problèmes et trouvé sur le plan
juridique,
les mêmes solutions formelles que dans les pays dé-
veloppés.
En
Afrique
notamment,
l'adoption
du
système
capitaliste
ou
socialiste
devait
conduire
à
l'anéantissement
des
structures
de
l'économie de
subsistance
(2)
qui
était celle des sociétés
africaines
d'avant
et
même
d'après
la
colonisation.
Or,
ces
structures reposent sur des valeurs socio-culturelles de natu-
re coutumière considérées comme immanentes
auxquelles les po-
pulations se sentent liées.
Les pouvoirs publics africains vont
néanmoins décider de
détruire les structures de l'économie de subsistance.
Comme
leurs
homologues
des
pays développés,
les pouvoirs
pu-
blics africains vont s'appuyer sur le droit pour lutter contre
les
actes
et
comportements
liés à
l'éthique de
l'économie
de
subsistance.
(1) Les pays qui se sont vus imposer ces révolutions (les pays
colonisés)
ou
qui,
comme
la
Grande-Bretagne,
le Vietnam,
Cuba,
etc.
, l e s
ont
importées,
ni ont
pas
manqué
de
prendre à leur compte ces mesures.
(2)
L'économie de subsistance est selon les économistes,
celle
qui tend exclusivement
à
la
production des seuls biens de
consommation du producteur.
L'Homme ne produit que pour la
satisfaction de ses besoins propres.
L'économie de subsis-
tance,
contrairement à l'économie de marché,
se caractéri-
se par la faiblesse des moyens matériels et humains mis en
oeuvre
et
par
conséquent,
par
la
faiblesse de
la produc-
tion.
..

45.
85.
Ainsi,
sans
viser
directement
l'instauration
et
la
protection
du
système
économique
capitaliste
ou
socialiste,
les législateurs africains vont adopter toute une série de me-
sures
devant
conduire
à
l'instauration
des
fondements
socio-
économiques capitalistes ou socialistes suivant l'option poli-
tique des pays.
L'urgence et l'importance du résultat
visé à travers ces
mesures
ont,
de
façon
générale,
conduit
les pouvoirs
publics
africains
à
recourir
également au moyen
juridique qui
leur a
paru
le plus efficace
la
sanction pénale.
"La peur du gen-
darme écrit dans cette optique M.
Alliat, est souvent le seul
moyen de mettre rapidement
fin
a
des attitudes qu'on juge in-
compatibles avec le développement économique"
(1).
86.
Le
passage
d'un
ordre
socio-économique
a
un
autre
exige donc,
une
action destructrice sur
l'ancien ordre. Cette
action qui s'appuie sur
le droit pénal économique
s'accompa-
gne d'une autre qui tend à proclamer et protéger le nouvel or-
dre.
Concrètement
en l'espèce,
le droit
pénal économique in-
tervient
pour
apporter
sa
contribution à
l'instauration et à
la protection d'une part,
du régime de propriété des moyens de
production
(Titre
1)
et
d'autre part,
du mode d'organisation
de
l'activité
économique
(Titre
II)
tels qu'ils
résultent du
système économique choisi
(2).
(1) M.
Alliat;
Cours d'histoire des Institutions africaines
les Cours de Paris 1965 p.162.
(2)
Notre analyse, prendra comme point de repère,
la Ré-
volution
"bourgeoise"
de
1789.
C'est à partir d'elle
que
nous mènerons nos analyses sur la Révolution russe,
sur la
mutation
socio-économique
africain~ et leurs implications
juridiques en particulier en ce qui
concerne le droit pé-
nal économique.
..

TITRE 1
DROIT PËNAL ËCONOMIQUE ET PROPRIÉTÉ DES MOYENS DE PRODUCTION


:,i::)~;;
.~
87. Déterminé par le groupe social dominant
et présenté
comme l'un des piliers du système économique
comme une valeur
fondamentale
de
la société,
le
régime de propriété des moyens
de
production trouve
son
reflet
dans
toutes
les
branches
du
Droit (1).
Mais c'est principalement dans
le droit pénal économique que,
partout, comme nous le verrons (2),
le régime de propriété des
moyens de production se trouve nettement consacré.
Au coeur des conflits idéologiques, la classe sociale détenant
le
pouvoir
politique
trouve
dans
le
droit
pénal
les
moyens
juridiques
leS plus
SûT'!> pour
faire
prévaloir dans
la société,
le régime de propriété qui découle du système économique choi-
si.
Il
en
est
ainsi,
tant
i l
est
vrai que
les
relations de
propriété sont l'expression des relations de production (3).
En effet,
la liberté individuelle d'entreprendre
l'acti-
vité
économique
de
son
choix
implique nécessairement
la
li-
berté individuelle de posséder les moyens de production . .
De
meme,
la
"monopolisation"
de
l'économie
par
l'Etat
dans les régimes socialistes
entraîne logiquement la suppres-
sion de tout droit individuel sur les moyens de production
et
la collectivisation de ceux-ci,
aux mains de l'Etat.
(1)
Dans
le
droit
public,
voir en ce qui concerne
la
France,
le
préambule
de
la
Constitution
qui
fait
référence
à
la
déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.
Pour l'U-
nion Soviétique, voir art.
131 de la Constitution.
Dans le droit privé,
O
V
art.
544 et s. du Code Civil fran-
çais.
(2) Voir infra,
n091 et s.
(3) H.B. Acton. Ce que Marx a vraiment dit. Coll. livre de po-
che Marabout-Université,
P.
72 ; Voir également,
A.
Bajt
:
la
propriété
sociale en tant
que propriété de tous et de
chacun.
Revue
dl Etudes
Comparatives
Est-Ouest.
Vol.
11.
1980. n° 4 P.5l.
..

47.
C'est
pourquoi,
les
Révolutions
bourgeoise de
1789 en France
et
bolchevik
de
1917
en
Russie,
avaient
au
centre
de
leurs
préoccupations, __la
question
relative
au
régime
de
propriété
des moyens de production.
88.
Dans les pays africains,
après les indépendances,
le
choix
de
l'un
ou
l'autre
des
systèmes
économiques
actuels
avait exigé ll a doption de tel ou tel régime de propriété
cor-
respondant au système choisi.
Le régime coutumier des biens de
production comme la terre
qui fait de celle-ci un bien appar-
tenant aux dieux ou aux ancêtres,
devait faire place à un ré-
gime
fondé
sur
la nécessité de
batir une économie moderne . . .
une économie de développement.
Il est en effet vrai,
comme nous le verrons,
que la nature di-
vine ou mystique du droit sur la terre est ll une des causes de
sa sous-exploitation.
Comme
dans
les
pays
développés,
les
législateurs
africains
vont
faire
confiance
à
la
sanction
pénale
pour
garantir
le
passage de la propriété mystique à la propriété de production.
89.
Au
coeur
des
conflits
de
classes
donc,
le
passage
d 1 un régime de propriété à un autre,
se pose en termes de rap-
port
de
forces
car
il
SI agit
de
transférer
les
moyens
de
production,
des
mains
dl une
classe
sociale,
dans
celles
d"
une autre.
Il
en résulte que
les mesures
juridiques instituant et proté-
geant
le
nouveau
régime
sont
l'expression
de
la
suprématie
dl un
groupe
social
sur
les
autres.
Elles
sont,
à
cet égard,
parfois
très
vigoureuses
et
se
situent
à
la
limite entre
le
droit pénal et la violence pure et simple.
..

48.
En
effet,
à
la résistance de la classe sociale en déclin,
la
classe accédant au pouvoir,
répond par la "violence légalisée"
c'est à dire,
par le droit pénal (1).
LI instauration
et
la
protection
de
la
propriété
capitaliste
(chapitre 1) et celles de la propriété socialiste (chapitre II)
qui
supposaient
respectivement
l'expropriation
des
Seigneurs
féodaux
et
de
la
bourgeoisie,
nI ont
pas
échappé
à cette rè-
gle.
90.
Mais
en
Afrique,
sans
doute
parce
que
les dieux ou
les
ancêtres qui sont propr iétaires des terres ne peuvent, op-
poser une résistance ostensible, réelle,
à leur expropriation,
le
passage
de
la propriété mythique à la propriété de produc-
tion (chapitre III) n'a pas donné lieu à des mesures aussi vi-
goureuses que celles engendrées par les révolutions bourgeoise
et bolchevik.
(1) On
se
souviendra
que
la Révolution bourgeoise
avait con-
duit
à
l'élimination
d r opposants.
Babeuf
notamment
a
été
guillotiné
et
Proudon
avait
connu la
cour d'Assises pour
avoir publié son oeuvre "Avertissement aux propriétaires".
En ce qui concerne
la Révolution Russe,
voir infra ; Voir
également
Donnedieu
de
Vabres
la
politique
criminelle
des Etats autoritaires.
Lib. Sirey Paris.
p.lS6 et suivan-
tes.
..

CHAPITRE 1
DROIT P~NAL ~CONOMIQUE ET PROPRI~T~ CAPITALISTE
..

91.
Prônée comme étant
le corollaire indispensable de la
liberté
du
commerce
et
de l'industrie,
la préservation de ce
que
chacun
possède
contre
les atteitnes des tiers est,
comme
nous l'avons dit,
présentée dans la doctrine libérale comme un
facteur de croissance économique et un gage de la liberté éco-
nomique.
La
garantie
de
cette
"conservation
paisible"
est
assurée
au
moyen
d'une
réglementation
pénale
d'une
ampleur
discordante
avec l'attention qu'elle a suscitœchez les juristes.
Les problèmes relatifs à
la propriété capitaliste ont au con-
traire,
intéressé les historiens qui ont consacré des études
sur leurs implications sociologiques et philosophiques (1).
Si le droit de
propriété n'est
pas un droit expressément con-
sacré
par
la
constitution
si
sur
le plan civil,
(2)
i l ne
jouit
pas
d'une
protection à
la mesure de
l'importance qu'il
revêt dans le système capitaliste,
clest sur le plan pénal que
la
mutation
révolutionnaire
du
régime de
propriété se trouve
nettement consacrée.
En
effet,
le
code
pénal
français
contient
une
multitude
de
dispositions ayant pour fonction,
la protection de la proprié-
té capitaliste.
Parmi
ces mesures,
on distingue bien dans le code pénal fran-
çais,
celles qui ont pour fonction la protection des moyens de
production au profit
de leur titulaire
(Section 1), de celles
qui tendent à
protéger
les productions
individuelles (Section
II) et les moyens de leur échange (Section III).
(1) yo
J.Ph.
LEYY,
Histoire de
la
propriété.
P.U.F.
Coll. Que
sais-je ?
(2)
Yoir
cependant
les
articles
544
et
suivants
C.
Ci v.
qui
font
piètre
figure
face
à
11 ampleur
des
textes
de
droit
pénal. y o infra,
nO 92 et s.
..

50.
SECTION l
LA PROTECTION PENALE DES MOYENS PRIVES DE
=========
=========================================
PRODUCTION
==========
92. Le code pénal français regorge d'un nombre impres-
sionnant d'incriminations (crimes,
délits,
contraventions)
ayant pour fonction,
la protection des moyens privés de produc-
tion.
L'analyse de ces mesures de droit pénal économique nous permettra
de constater que la protection des moyens corporels de production
(par.
1) liée au capitalisme classique, tend à être reléguée
au second plan en faveur de la protection des moyens incorporels
de production (par.
II).
Paragraphe l
La protection pénale des moyens corporels
de production.
93. L'importance des matières premières et surtout des
instruments de fabrication dans toute entreprise économique,
avait très tôt conduit les pouvoirs publics capitalistes à ériger
en délits pénaux les atteintes à ces biens.
Une loi du 13 mai 1883 introduite dans le code pénal français
en son article 443
(1)
punissait la destruction des instruments
de fabrique d'une peine d'emprisonnement pouvant atteindre deux
ans.
L'article 443 tenait compte de la qualité du délinquant.
En effet,
si l'auteur du délit était un ouvrier de l'entreprise,
la pri-
vation de liberté était de deux à cinq ans.
L'aggravation de
la peine à l'égard de l'ouvrier s'explique sans doute,
par la
volonté des capitalistes de dissuader les ouvriers de profiter
du contact qu'ils ont,
en raison de leurs fonctions,
avec les
instruments de fabrication,
pour les détruire.
En effet,
la crainte du chômage avait très tôt conduit les
ouvriers à lutter contre le machinisme notamment par la destruc-
tion des instruments de fabrication.
Il s'agissait,
par les dis-
positions de l'article 443 du code pénal, d'étouffer les mani-
festations de cette hostilité.
(1)
Lié à une certaine conception
de la société,
ce texte a été
abrogé par les socialistes revenus au pouvoir en France en 1981
(voir loi du 2 février 1981).


u'

51.
94.
Ce texte,
suivant la jurisprudence française,
a une portée
générale c'est à dire qu'il visait tout acte de destruction ou
de dégradation portant sur les instruments ou matériels de
l'entreprise (1 ) ..
Mais la
détérioration des instruments servant à
la fabrication
n'était punissable qu'autant qu'elle était volontaire (2).
En effet,
on ne pouvait raisonnablement poursuivre des ouvriers
qui,
dans le cadre de leurs fonctions,
détérioraient involon-
tairement leurs outils de travail.
On les aurait poussé dans le cas contraire,
à l'inaction et
ainsi,
a une baisse de la productivité.
Les pays socialistes qui
pendant longtemps ont sanctionné péna-
lement les travailleurs pour tout acte dommageable à l'économie,
ont compris qu'il faillait renoncer à une telle attitude nuisible
à
la productivité des entreprises,
en admettant la notion de
"risque économique et de la recherche" comme fait justificatif
des infractions économiques notamment en matière de délit de
fonction (3).
95.
L'article 443 visait à
l'égal de ceux qui commettaient de
leur propre fait,
les détériorations qu'il prévoyait,
ceux qui
faisaient une opposition active,
violente et volontaire aux
mesures propres à les conjurer (4).
Dans le même sens et mû par les mêmes préoccupations,
l'article
451 du code pénal français prévoyait et punissait de peines
d'emprisonnement et de peines pécuniaires (5),
la destruction
d'instrument
d'exploitation agricole (6).
(1) Crim.
26 Décembre 1956 D.
1957 P.
148
(2) Crim.
I l
Juin 1932 D.H.
1932 P.
398
(3) Voir infra, deuxième partie. VO article 169 C.P. Est-Allemand
et art.
216 code pénal plonais.
(4) Crim.
4 Janvier 1958 D.
1958 P.
324
(5) Cf.
art.
455 C.P. français 1810
(6) Ces textes ont été abrogés par la loi du 2 février 1981.
.>

52.
A l'appui
de ce texte,
une
série de contraventions de
police
ont
été
adoptées
pour
rendre
plus efficace la
protection des
moyens d'exploitation agricole.
C'est
ainsi
que
l'inondation
de
la
propriété
d'autrui
mais
aussi le détournement d'eau d'irrigation privant d'eau la pro-
priété d'autrui sont
érigés en contraventions de cinquième et
quatrième
classe,
punies de
peines d'amendes et d'emprisonne-
ment (1).
Il en est de même pour l'incendie des propriétés mo-
bilières
ou
immobilières
d'autrui
par
défaut
d'entretien
de
ses
propres
biens
ou
par
des
pièces
d'artifices
allumées
ou
tirées par négligence ou par imprudence (2).
Les
articles
R. 38- 5 °
et
6 °
prévoient
et
punissent
des
mêmes
peines,
la dégradation des haies qui délimitent les propriétés
individuelles et le fait de causer volontairement des dommages
aux propriétés mobilières d'autrui (3).
Ces
textes
répressifs
auxquels on peut en ajouter bien d'au-
tres,
disséminés
dans
le
code
pénal
français
de
1810,
expri-
ment
l'idéologie
capitaliste
qui
voit
dans
la
conservation
paisible
des
moyens
matériels
de
production
un
facteur
de
croissance économique et de bien-être social.
Paragraphe II
La
protection pénale des moyens incorpo-
rels de production.
96.
La protection pénale des moyens incorporels ou droits
de
propriété
industrielle,
a
très vite
pris le
pas sur celle
des biens corporels.
En effet,
avec l'apparition de la grande industrie consécutive
a
la
concentration
capitaliste,
l'attention
du
législateur
s'est tournée vers la protection des intérêts capitalistes ré-
sidant
dans
les
grandes
unités
de
production
qui
fonction-
naient dès le milieu du XIXè siècle sous forme de sociétés par
actions.
(1) cf. art R 40-10° ; R 40-11°
R 38-8° C.P.
français
( 2)
cf.
art R 38-4°
( 3 ) crim.
12 Fév.
1948 D.1948 P.242.
..

53.
Les
nombreuses
dispositions
de
droit
pénal des
affaires con-
cernant notamment les sociétés commerciales (1) contenues déjà
dans
la
loi du
24 Juillet
1867 relatives aux sociétés par ac-
tions
et
plus
tard,
dans' la
loi du
7 Mars
1925 relative aux
sociétés à
responsabilité limitée traduisent nettement la mu-
tation de la propriété capitaliste.
97.
A partir du milieu du XIXè
siècle,
en effet,
on est
passé de la "petite propriété" à la
"grande propriété" capita-
liste matérialisée par des valeurs mobilières (actions,obliga-
tions,
parts
de
fondateurs
dans
les
sociétés
par
actions).
La
protection
des
intérêts
capitalistes à travers celles des
intérêts
sociaux
a
conduit
à
11 accentuation de
la protection
des
droits
de
propriété
industrielle
qui
constituent les mo-
yens de production de
l'entreprise.
Ce sont les brevets d'in-
vention,
les
marques
de fabrique,
les dessins et modèles,
le
Know-How,
le nom commercial,
l'enseigne ...
les obtentions vé-
gétales
(2)
etc ...
Ces droits
de propriété industrielle,
plus
que
les
moyens
matériels
de
production
sont
auj ourd 1 hui
les
facteurs essentiels de
l'expansion ou du développement écono-
mique
(3).
(l)
va Delmas-Marty,
P.U.F.
op.cit.
P.339 et
s;
Pinoteau,
la
législation
pénale
en
matière
économique.
L. G. D. J.
1959;
Lunais
et
Accarias,
le
droit
pénal
spécial
des
sociétés
par actions et
à
responsabilité
limitée
; Herzog,
la res-
ponsabilité encourue par
les
administrateurs des sociétés
anonymes pour abus de biens et du crédit de la Société JCP
1966 l
2032;
Pinoteau,
Des abus de pouvoirs dans les socié-
tés par actions Gaz-Pal.
1964 l
doct.
P. 45.
Vi tu,
Regards
sur
le
droit
pénal
des
sociétés
op.cit.
P.247
et
s;
G.
Sousi,
un délit souvent inadapté
l'abus des biens et du
crédit de la société. R.T.D.
Corn 1972 P.297 et s.
(2)
Sur
les
problèmes posés
par la
protection des
obtentions
végétales,
voir Marie-Ange
Hermitte,
Histoires
juridiques
extravagantes
la
reproduction
végétale,
in
la
gestion
des ressources naturelles d'origine agricole.
Journée d'é-
tudes internationales,
Dijon 17-18-19 Mars 1983.
( 3) va
Yves Saint
GAL
"Le rôle
économique de la marque" Revue
intern.
de
la
propriété
industrielle
et
artistique
1968
P.40 et s
;
Finiss,
les brevets et l'expansion économique.
Mél.
Bastian P.223 et Si
Yves StGal,
l'intérêt et le statut
juridique d'une marque européenne
(communautaire) mélo
Bas-
tian P.73 et s;
Ladas,
propriété industrielle et dévelop.
pement
économique
in
propriété
industrielle
1955
fasc .. 7
P.134 et s.
..

Pour
saisir
les
fondements
des
incriminations
des
actes
qui
tendent
a
troubler
l'exploitation
privative de ces biens ln-
. corporels par leurs auteurs
(B)~ il importe de montrer au préa-
lable, leur importance économique actuelle (A).
A -
L'importance
économique des d r 0 its de prop riété
industrielle dans le système capitaliste actuel.
98. La protection pénale des droits de propriété in-
dustrielle
s'appuie
sur
l'importance
économique
qu'ils
revê-
tent pour leurs titulaires.
On avance parfois l'intérêt des consommateurs et celui de l'E-
tat dont est ressortissant le titulaire du droit de propriété,
pour
justifier
la
protection
pénale
des
droits
de
propriété
industrielle.
Mais
i l
ne
faut
pas s' y tromper,
la protection
de
ces
biens
ne
vise
à
titre
principal
que
les
intérêts
de
leurs titulaires.
Certes,
leur protection peut avoir,
et a gé-
néralement
des
répercussions bénéfiques
sur
les consommateurs
et sur l'économie nationale dans ses rapports internationaux,
mais elle ne les a pas comme objectifs principaux.
Les
droits
de
propriété
industrielle
sont exclusivement pour
l'entrepreneur,
les facteurs
de
production qui
lui permettent
d'attirer
la
clientèle.
La
violation
de
ces
droits
nI ouvre
qu'à eux seuls,
sur le plan civil,
l'action en concurrence dé-
loyale
et
sur
le
plan pénal,
avec le ministère
public,
l'ac-
tion en contrefaçon
(1)
ou en divulgation de secret de fabri-
que.
Dans un régime économique de libre concurrence où l'importance
de la clientèle d'une entreprise détermine son degré de viabi-
1 i té,
assurer
la
jouissance
exclusive
par
leurs
titulaires,
des droits de propriété industrielle,
revient à protéger l'en-
treprise
elle-même.
Aujourd'hui
en
effet,
i l
est
beaucoup
moins important d'être le propriétaire des moyens matériels de
production tels que les instruments de fabrication,
que d'être
titulaire d'un brevet ou mieux encore d'une marque bien connue
du public.
(1)
D. Surrande,
"les rapports entre la contrefaçon et la con-
currence déloyale.
D.
S
du 27 sept.
1984.
..

55.
Une
marque
à
laquelle est
attachée une forte
clientèle appa-
raît comme le bien le plus important de l'entreprise.
Elle est
le vecteur de
ses politiques économiques internes (programma-
tion de la production,
publicité, etc ... )
100.
Par
la
protection
des
biens
incorporels
de
l'entreprise,
i l s'agit en
réalité d'assurer à celle-ci,
sur-
tout
avec
la
"publicité",
la
fidélité
de sa clientèle.
Celle-
ci
est en effet,
plus portée vers les articles de marque qui,
dit-on,
offrent une garantie d'origine et de qualité.
Les droits
de
propriété industrielle exercent donc une influ-
ence sur l'offre et la demande,
et jouent ainsi un rôle impor-
tant dans la productivité des entreprises et dans leurs condi-
tions de distribution.
Leur
essor
économique
exige
donc
une
protection
efficace
de
leurs moyens
incorporels de
production contre les usurpations
qui
non seulement constituent des manques
à gagner,
mais aus~
si,
par la mauvaise qualité des produits contrefaits,
jettent
sur
les
entreprises,
un
discrédit
qu 1 elles
ont
généralement
beaucoup de peine à effacer dans l'esprit du consommateur.
B.
La
p~otection pénale des droits de propriété in-
dustrielle.
101.
C'est essentiellement par la
répression pénale
de la contrefaçon et de la divulgation des secrets de fabrique
qu 1 est
assurée
la
protection
des
droits
de
propriété
indus-
trielle.
Mais
il
faut
préciser
que
certains
àe
ces
droits
ne bénéfi-
cient pas d'une protection pénale.
L'enseigne
n'est
protégée
que
par l'action ci vile en concur-
rence
déloyale
fondée
sur
les
articles
1382
et
1383 du code
civil français.
..

56.
Il
en est de même,
dans
une certaine mesure,
pour les brevets
d'invention.
En
Fr.çlOce,
avant
1978,
la
contrefaçon de brevet était pénale-
ment sanctionnée.
La
loi
du
2
janvier
1968
(1),
en son article
52 ,
organisait
les
conditions
de
la
répression
(2).
Il
s ' agissait,
avec
ce
texte,
de
garantir
aux
"inventeurs"
la
jouissance
pri vati ve
des fruits de leurs recherches,
et d'encourager ainsi,
l'inno-
vation.
Mais la loi du 2 janvier 1968 qui s'inscrivait dans la tendan-
ce générale du Droit Capitaliste à user de la répression péna-
le pour assurer la protection de moyens individuels de produc-
tion,
a été modifiée par une loi du 13 juillet 1978 (3).
Cette
loi
a
innové
en
supprimant
le
caractère
pénal
de
l'acte
de
contrefaçon.
Comme
le
précise
l'article
51
alinéa
2 nouveau,
la
contrefaçon
n'engage
que
la
responsabilité
civile
de
son
auteur.
102.
On
explique
cette
étonnante
dépénalisation
par
le
fait
que dans le
système mis sur pied par la loi du 2 janvier
1968,
le
juge
pénal
n'avait ni
un pouvoir d'appréciation des
faits
de contrefaçon,
ni
de
la validité du brevet
et ne pou-
vait
statuer
sur
ces
questions
qu 1 après
la
décision
du
juge
(1) yo
Gaz.
Pal.
19681.119; R.
Plaisant: la loi du 2 jan-
vier 1968 sur les brevets d'inventions et ses textes d'ap-
plication.
D.
1969 chr.
99 ; yo également Chavane et Burst
Droit de propriété industrielle.
Précis Dalloz 1980 P.262.
(2) CHAYANE et BURST.
Loc.
cit.
; R.
Plaisant:
loc.
cit.
( 3 ) yo J. Calvo et G. Fruchard : Du nouveau En matière de bre-
vet
dl invention
la
loi
du
13
Juillet
1978.
Gaz.
Pal.
1979 1. doct.
P.
125.
.,
.'.
..

57.
civil.
Sa seule mission consistait.
dit-on,
à apprécier l'in-
tention délictueuse et à appliquer
la peine prévue
(1).
On avance par ailleurs,
qu'en pratique,
la voie pénale n'était
utilisée que de façon exceptionnelle
(2).
102 bis.
Mais
en
réalité,
la
modification
du
droit
français
du brevet d'invention tel qu'il résulte de la loi du 2 janvier
1968
s'explique par la volonté des pouvoirs publics d'aligner
la
législation
française
sur
le
droit
communautaire
(3).
Toutefois,
en ce qui concerne la protection du brevet d'inven-
tion,
on ne
peut
pas
parler d'une véritable et totale dépéna-
lisation.
Deux infractions pénales subsistent en matière d'at-
teinte aux brevets.
D'abord,
le
fait
de
se
prévaloir
indûment
de
la
qualité
de
propriétaire
d'un
brevet.
demeure
incriminé
(4).
On
voit

que
le souci de protéger les biens de production dans l'inté-
rêt exclusif de leurs propriétaires n'est pas perdu de vue.
Ensui te,
reste
une
infraction
pénale,
le
f ai t
d'enfreindre
sciemment
11 une
des
interdictions
portées
aux articles
25 et
26 de la loi (5).
Les modifications apportées au droit des brevets par la loi du
la
13 juillet 1978 constituent plus un réajustement dei protection
pénale des brevets,
qu'une "dépénalisation" pure et simple.(6) .
(1) J. Calvo et G. Fruchard op.cit. P.132.
(2) J. Calvo et G.
Fruchard.
loc.
cit.
(3)
VO
Rapport
de
M.J.
Foyer
sur
la
loi
du
13
juillet
1978
P.21. cité par Calvo et Fruchard. loc. cit.
(4) Cf. art. 60 loi du 2 janvier 1968.
(5) Cf. art.
61 loi du 2 janv. 1968. Les articles 24 à 27 ont
trait
aux
droits
du ministre
chargé de
la défense natio-
nale,
quant
aux
demandes
de
brevets
intéressant
son
dé-
partement.
(6) Dans un
certain sens, l'article 418 C.P. est toujours
applicable aux brevets. Voir Infra,
ND 114
...

103.
En
Allemagne
fédérale,
ces mêmes f ai ts sont punis,
mais la répression s'opère dans/des conditions techniques par-
ticulières.
L'article
203
du
code
pénal
allemand
(1)
punit
d' emprisonne-
ment
"celui
qui,
sans y
avoir
été autorisé,
révèle
le secret
dl un
tiers,
relatif
notamment
à...
son
industrie.
ou
à
son
commerce,
qui lui
avait été confié
ou dont il avait connais-
sance de toute autre façon en sa qualité ... "
On peut
penser que ce texte ne vise que la protection des se-
crets
de
fabrique.
Mais,
au regard des personnes qu'il
vise,
on
voit
que
l'article
203
du code pénal allemand tend égale-
ment à protéger les brevets d'invention.
En effet,
le texte précise que les personnes visées "sont cel-
les dont les fonctions permettent d'avoir ces informations.
Ce
sont ,
dit
le
texte,
les
notaires,
les
consei ls
d'invention,
,
etc ... i. n
Dans
les
mêmes
conditions,
l'article
204 du code
pénal
alle-
mand
aj oute
"celui
qui,
sans y
avoir été autorisé exploite
le
secret
notamment
industriel
ou
commercial
d'un
tiers
au
respect duquel
i l était tenu en application de l'article 203,
est puni de deux ans d'emprisonnement ou d'une peine pécuniai-
re"
(2).
Ce texte vise clairement les secrets de fabrique
et également
dans
une certaine mesure,
les
brevets d'invention par l'allu-
sion qu'il fait à l'article 203.
104.
On voit bien à travers ces mesures qu'à l'heure ac-
tuelle,
en
France comme en Allemagne et sans
doute dans tous
les
Etats
membres
de
la
C. E. E.,
c' est beaucoup moins
la pro-
tection
des
techniques
nouvelles
elles-mêmes,
que
celle
des
manières,
des procédés de leur mise en oeuvre,
qui est au cen-
tre des préoccupations des législateurs en ce qui concerne les
droits de propriété industrielle.
(1) Art.
203 tel qu'il résulte du code pénal allemande
de 1975
(2) Comp.
art.
60. Loi française du 2 janv.
1968.
...

59.
La dépénalisation de la contrefaçon de brevets d'un côté et le
renforcement de la répression de la contrefaçon de marque,
de
dessins et modèles de l'autre côtê,
sont révélateurs de cet
état d'esprit.
105. La T'épression de la contrefaçon
ne vise plus que. les
marques,
les dessins et modèles.
Quant aux autres moyens incorporels de production,
leur protec-
tion est assurée par les règles relatives à la divulgation
du secret de fabrique.
Aussi,
verrons-nous
en un premier temps,
les modalités rela-
tives à la répression
des actes de contrefaçon (a) et dans un
second temps,
celles relatives à la protection de ces droits
par la répression de la divulgation des secrets de fabrique
(b).
a)
-
~~=~;~~~~~!~~=~~g=~;~!~g=~~=~;~~;!~~~
!~~~g~;!~!!~=~~;=!~=;~~;~gg!~~=~~=!~
~~~~;~f~~~~
La protection des droits de propriété indus-
trielle résulte d'une réglementation très détaillée de ces
biens ainsi que de leur usage,
qu'il s'agisse des dessins et
modèles,
des marques de fabrique et du nom commercial.
106.
La violat ion du droit exclusif aux dessins
et modèles par reproduction est sanctionnée par les lois des
19-24 juillet 1793, du 14 juillet 1909 et du 11 mars 1957.
Si la répression de la reproduction des dessins
et modèles est une condition de la jouissance exclusive de ces
biens
par
leurs
auteurs,
il
faut
remarquer
que
la
..

reproduction à elle seule
ne cause pas de grave préjudice aux
titulaires de ces biens incorporels de production.
C'est surtout la mise en vente des objets contrefaits qui por-
te
des
atteintes
sérieuses
aux
intérêts économiques des
pro-
priétaires.
Aussi, le législateur a-t-il prévu de sanctionner spécialement
la vente et la simple mise en vente des produits contrefaits.
Les articles 425 et 426 du code pénal punissent la contrefaçon
de dessins et modèles de peines pécuniaires (1).
L'article 427
prévoit
en
cas de récidive une
peine
de privation de
liberté
de trois à deux 'ans
accompagnée de la fermeture temporaire et
définitive de l'établissement du contrefacteur d'habitude
(2).
Il
convient
de
préciser
que
la mauvaise
foi
du contrefacteur
est exigée comme élément constitutif de l'infraction.
Les tri-
bunaux doivent l'établir avant toute répression (3).
2 -
La
protection
pénale
de
la
marque
de
fabrique.
107.
La protection pénale de la marque in-
dustrielle
ou
commerciale
est
également
assurée
par
l'action
en contrefaçon.
L'exercice en dehors du ministère public par le seul titulaire
de la marque,
de l'action en contrefaçon
donne à
celui-ci
un droit de propriété exclusif et absolu sur sa marque
(4).
L'exploitation
de
la
marque
d'autrui
est
assimilable
au
vol
d'un bien corporel.
(1)
Ces
dispositions
prévoient
une
peine
d'amende
de
360
à
20.000 F', crim.
30 Déc.
1938 D.H.
1938 P·324 ; crim 8 déc.
1934 D.H.
1934 P·34 ; Paris 12 Nov.
1974 D.
1976 P.230.
( 2 )
Cf.
art.
427
al
2 tel
qu'il
résulte
de
la
loi
du 11 mars
1957.
( 3 ) Cf. crim.
8 déc.
prée.
( 4) Cf. crim.
12 juin 1956 J.C.P.
1956 II 9484 note CHAVANNE.
..

61.
Mais elle
ne tombe
pas
sous le coup de
l'article
379 du code
pénal.
CI est
l'article
422
(1)
qui
prévoit
plusieurs
délits
diffé-
rents
punis
certes,
des
mêmes peines
(2),
mais
qui,
par
leur
variété procure à la marque une protection plus efficace.
En effet,
l'article
422
incrimine
d'abord,
l'usage d'une mar-
que sans autorisation du titulaire
(3).
Ensuite,
il interdit l'apposition frauduleuse d'une marque ap-
partenant à autrui sur ses produits.
Enfin,
lJarticle 422 prévoit et réprime la vente et la mise en
vente de produits sous une marque contrefaite.
L'article 422-1° renforce la protection en étendant la répres-
sion à l'imitation simple
(sans contrefaçon) des marques d'au-
trui,
et au recel de produits contrefaits.
En cas de
récidive,
déclare
l'article 423,
les peines prévues
aux
articles
422
et
suivants
pourraient
être
élevées
à
leur
double.
108.
On espère par cette mesure,
renforcer
le caractère dissuasif de la peine dans sa fonction protectri-
ce des marques industrielles et commerciales.
Les mesures complémentaires qui
assortissent
les peines prin-
cipales reposent sur cette espérance.
En effeti outre la privation des droits professionnels
(4) et
la
publication
du
jugement
de
condamnation dans
les
journaux
ou par affichage,
il
est
prévu,
non seulement la confiscation
des
produits
mis
en
vente,
mais
aussi,
ceux mis
en stock et
portant la marque usurpée
(5).
(1) VO art.
422 C.P.
complété par la loi du 30 juin 1975.
(2) Cf.
art. 422
qui
prévoit
une
amende
de
500 à
20.000
F et
une peine d'emprisonnement de 3 mois à 2 ans.
(3) Crim.
8 juillet 1970 bull.
crim.
nO 230 P.554.
(4) Notamment,
le droit de participer aux élections des tribu-
naux et chambres de
commerce et d'industrie,
des chambres
d'agriculture et des conseils de prud'hommes.
VO art.
423-1.
(5) VO art. 423-2° C.P. Français.
..

62.
Par
ailleurs,
le
tribunal
pourra
ordonner
que
les
produits
confisqués
soient
remis
au
propriétaire de
la marque contre-
faite
ou frauduleusement
apposée ou imitée,
et cela sans pré-
judice des
dommages-intérêts auxquels le délinquant
pourra ê-
tre astreint.
3 - La protection pénale du nom commercial
109.
La loi du
28 mai
1824 en son article
1er,
réprime
certaines
atteintes au droit
sur
le nom commer-
cial.
Ce
texte
était
celui
qui,
avant
la
loi
du
31
décembre
1964,
sanctionnait
la
contrefaçon
de marque.
Il
frappe
"qui-
conque aura apposé,
soit fait apparaître par addition,
retran-
chement ou par une altération quelconque sur les objets fabri-
qués,
le nom d'un fabricant
autre que celui
qui
en est
l' au-
teur
ou la
raison commerciale
d'une
fabrique autre que celle
où les dits objets auront été fabriqués".
Dans
les
mêms
conditions
qu 1 en
ce
qui
concerne
les
dessins,
les modèles et les marques,
la vente et la mise en vente d'ob-
jets ainsi présentés sont également réprimées.
b)
~~_p~~~~~~~~~_~~~_~~~~~~_~~_p~~p~~~~~_~~~~~:
~~!~!!~_p~:_}..?__r_éy!,_e_~s}_o_n__<!.~ _~~ _~! ~~!~~~~~~
~~-~~~~~!_~~_!~~~!g~~.
110.
Les droits de
propriété industrielle abs-
traite
insusceptibles de par
leur nature,
d'être protégés par
l'action en contrefaçon,
se trouvent garantis à leurs titulai-
res,
par la répression de la divulgation de secret de fabrique.
Il s'agit du secret de fabrique lui-même et du Know-How ou sa-
voir-faire.
.. .,,.

63.
1 -
La protection pénale du Know-How comme
secret de fabrique
Défini
comme
"une
connaissance
technique
transmissible
mais
non
immédiatement
accessible
au public et
non breveté"
(1),
le Know-How confère à son détenteur un droit
de
propriété
(2)
dont
la protection est assurée par l'article
418
du
code
pénal
français
qui
réprime
la divulgation de
se-
cret de fabrique par un salarié de l'entreprise.
2 -
La protection pénale du secret de
fa-
brique.
111.
Le secret de fabrique ou "savoir-fai-
re"
ou
"moyen de
fabrication
ayant un caractère industriel et
secret"
(3)
est
pour
l'entreprise,
une
création industrielle
d'une
importance
comparable
a
celle
du
brevet
et
même de
la
marque.
C'est par lui,
après la chute du brevet dans le domaine public,
que
les
entreprises
ayant
le
même
objet,
se
distinguent
les
unes
des
autres.
Ainsi,
chaque
entreprise
a-t-elle
intérêt
à
une protection sérieuse de son secret de fabrique.
L'article
418
du
code
pénal
français
qui
réprime
la di vulga-
tion du secret de fabrique,
vise ceux qui
(directeurs,
commis,
ouvriers ... ) dans
l'entreprise
sont à même
de le connaître et
de le révéler aux tiers,
concurrents ou non.
( 1) M.
Mousseron,
Aspects
juridiques
du
Know-How,
cahiers de
l'entreprise na 1,
1972,
p.2.
(2)
Une
controverse
siest
élevée
à
propos
de
la
nature
du
droit
sur
le
Know-How.
Certains auteurs parlent de
droit
de
propriété.
D' autres
estiment
que
le
Know-How
ne
peut
donner naissance à un droit privatif que dans la mesure où
il
a
été
breveté.
La
cour
de
cassation
est
en
ce
sens.
VA Casso
3 oct.
1978 D 1979 I.R.P.
56; J.C.P.
1978 IV.332.
( 3 ) Sur la
définition
du
secret
de
fabrique,
VA
CHAVANNE et
BURST op.cit.
P.273;
Roubier,
Les droits
de propriété in-
dustrielle Tome l
P.210.
..

64.
112.
Si le secret de fabrique a été commu-
niqué
à
des non-nationaux ou à' des nationaux résidant
à
l'é-
tranger,
l'auteur
de
l'infraction
sera
puni d'un emprisonne-
ment de deux à cinq ans sans préjudice de peines pécuniaires.
Par
contre,
si
la
révélation a été faite
à
un national
rési-
dant sur le territoire français,
la peine privative de liberté
est de trois mois à deux ans.
Les
raisons de cette différenciation sont claires.
Dès le dé-
but
du
XIXè
siècle,
on
voyait
le
secret
de
fabrique
non pas
seulement comme un bien appartenant à son titulaire mais aussi,
comme "une richesse nationale"
(1).
Bien sûr,
le projet primi-
t i f du code pénal visait la protection des secrets de f~brique
dans l'intérêt privé de
leurs titulaires,
mais le texte défi-
nitif de l'article 418 opta pour une protection plus générale.
Avec
ce
texte
d'un
intérêt
actuel
(3),
i l
s'agit de
frapper
fort
ceux
qui,
par
leurs
actes,
livrent
à
des étrangers des
éléments du patrimoine national aussi
important
que sont les
secrets de
fabrique,
Know-How appartenant
aux entreprises na-
tionales.
La
divulgation
de
secret
de
fabrique
disaient
Chauveau
et
Helie
"nuit
à
la
nation
entière
qu 1 elle
prive
d'une
source
de
richesse,
(L'auteur)
trahit
son pays en même
temps qu'un intérêt privé".
L'article
418 du code pénal apparaissait
donc,
dès ses origi-
nes,
comme un moyen de lutte contre l'espionnage économique.
Vise
le
même objectif,
l'article
417
du code pénal
qui
punit
"quiconque,
dans la vue de nuire à l'industrie française,
aura
fait
passer
en
pays
étranger,
des
directeurs,
commis
ou
des
ouvriers d'un établissement ... "
(1) Chauve au et Hélie op.
cit.
Tome V P.516-517.
(2)
Sur l'historique de
ce texte,
voir Chauveau et Hélie loc.
cit.
(3)
L'internationalisation de
la concurrence actuelle
confère
à CP texte une importance considérable dans le ~ystème ca-
pitaliste.
o.

65.
113.
La
prise en considération de
l'inté-
rêt
économique
national
par
ces
textes
(1),
à
une époque de
libéralisme " or thodoxe",
p<iraît bien surprenante.
Mais en
réalité,
cette attitude du législateur s'explique par
des
considérations
autres
que
celles
fondées
sur
l'intérêt
économique national.
En effet,
comme le rapportent Chauveau et
Hélie
(2),
le
texte
initial
de
l'article
417
visait non pas
"1 'industrie
française ",
mais
un
établissement
français ".
La
modification
du
texte
reposait
dit-on
(3)
sur
la
volonté
du
législateur
de
ne
pas
renfermer
la protection des
secrets de
fabrique
dans
"les
limites
d'un
intérêt individuel froissé 11 •
La
prise
en
compte
de
l'intérêt des établissements nationaux
conduirait
à
faire
de
l'ouvrier,
un prisonnier de son emplo-
yeur.
Mais tout en évitant cette
situation,
le législateur ne
voulait
pas
que
l'ouvrier use de
sa "liberté" pour transférer
à l'étranger les secretsde fabrique nationaux.
L'entreprise victime du délit
de divulgation de secret de fa-
brique conserve néanmoins la possibilité de se constituer par-
tie
ciyile
pour
obtenir réparation du préjudice subi du fait
de son employé.
L'intérêt individuel de l'employeur n'est donc
pas perdu de vue.
114.
Les
juges
a
qui le caractère
secret des procédés de fabrication
est laissé à la souveraine
appréciation (4) ont élargi la notion de secret de fabrique.
(1) Articles 417 et 418 du code pénal de 1810.
(2)
Tome V op.
cit.
P.515
(3) VO Chauveau et Hélie loc.
cit.
(4) Crim.
29 juin 1960.
Bull.
crim.
n0350 P.706.
..

66.
Ainsi,
pour la cour de cassation,
présente le caractère secrêt
de fabrique, tout procédé de fabrication offrant un intérêt prati-
que ou commercial
mis en oeuvre par un industriel et tenu ca-
ché à ses concurrents (1).
Il n'est donc pas nécessaire que ce
procédé soit une~invention brevetable f-
Il
peut consister en un simple tour de main (2) ou en un pro-
cédé ingénieux d'importance mineure,
mais qui réduit les coûts
de production ou améliore la qualité des produits (3).
Il
a
été
jugé que
la mise en vente du produit n'enlève pas le
caractère secret de ses procédés de fabrication
(4).
Certains
auteurs
voient
en
la
répression de
la
collaboration
avec les concurrents par les articles 177 et 179 du code pénal
français
une
autre
forme
de protection du secret
de
fabrique
et
du
Know-How
(5).
Ces
textes
instituent
une
obligation
de
fidélité de 11 employé à son employeur.
Cette
obligation
péna-
lement sanctionnée,
si elle ne
peut
"humainement" être inter-
prétée
comme
faisant
des
employés,
des
biens
appartenant
à
l'employeur,
peut à tout le moins être comprise comme visant à
préserver par
le maintien des employés qui, dans l'entreprise
les
détiennent,
les
secrets
de
fabrique
et
Know-How
de
l'employeur.
Ces
di verses
mesures
répressives
protectr ices
des
secrets de
fabrique sont des manifestations du protectionnisme économique
que
les Etats,
même ceux qui
se réclament du libéralisme,
ont
toujours pratiqué.
Par ces mesures,
i l s'agit en effet,
de te-
nir
cachées
aux
pays
étrangers
les
inventions,
techniques et
savoir-faire nationaux.
S'il est vrai
qu'elles engendrent une
(l)
Crim.
30 déc.
1931 bull.
crim.
nO
305 P.579
(2)
Amiens 18 mars 1904 D 1904 II P·409
(3) Soc.
5 janv.
1967 D 1967 P.212
;
Douai 16 mars 1967 D 1967
P.637.
(4) Crim.
7 juin 1961 préc.
(5) Chavanne
A et
Burst J.J op.
cit.
P.275 et s
;
Lucas A,
La
protection
des
créations
industrielles
abstraites,
coll.
C.F.I.P.I.,
lib. tech.
1975 P.127 et s.
..

certaine aliénation de
la
liberté des travailleurs,
i l est é-
galement vrai
qu'en mettant un
obstacle
à l'espionnage écono-
mique,
elles
facilitent
la
conquête
des
marchés,
notamment
ceux du Tiers-Monde et constituent dans cette mesure,
un gage
de la prospérité~économique des pays qui les détiennent.
SECTION, II
LA PROTECTION PENALE DES PRODUCTIONS INDIVIDUELLES
115. La protection des biens produits revêt une importan-
ce évidente dans tous les pays.
Parmi
les
atteintes
dont
ces
biens
peuvent
être
l'objet,
la
plus
courante,
la
plus
universelle
et
la
plus
réprouvée
en
particulier dans les pays capitalistes, est le vol.
Délit classique
dont
l'accoutumance masque
la
portée économi-
que,
le
vol
est
l'infraction
la
plus
étroitement
réglemen-
tée
(1) et la plus sévèrement punie (2).
Même
les
biens
immobiliers n'ont
pas été mis
complètement en
dehors
de
la
protection
pénale
contre
le
vol.
L'article
456
du
code
pénal
français
prévoit
en effet,
une
peine d' empri-
sonnement
d'un
mois
à
un an et
des
peines
pécuniaires contre
"quiconque
aura...
déplacé
ou
supprimé
des
bornes
ou
pieds
corniers ou autres arbres plantés ou reconnus pour établir les
limites
entre
les
héritages"
(3).
Il
faut
également
relever
l'ancien délit,
le stélionat ou hypothèque de l'immeuble d'au-
trui
qui
traduisait
avec
la
répression
du
vol,
le
caractère
exclusif de la propriété capitaliste.
Vingt
deux
articles
du
code
pénal
de
1810
(art.379-400)
répriment le vol sous toutes ses formes.
Il faut ajouter à
cette
liste,
l'article
R. 38
al.
7
qui
réprime
le
vol
de
récolte;
VO art.
392 C.P.
ivoirien.
(2) Avant
l'abolition de
la peine de mort,
l'article 381 C.P.
français punissait de mort,
les individus coupables de vol
s'ils étaient porteurs d'armes au cours du vol.
(3) Cf. art.
456 C.P.
français.
.,

68.
Ce délit a été aboli parce que les institutions qui intervien-
nent dans la constitution des hypothèques réduisent les cas de
constitution de ces sGretés sur la chose d'autrui
(1).
116.
Mais
ce
sont
essentiellement
les
productions
agri-
coles
qui
ont
suscité
chez
le
législateur
français,
le
plus
dl attention.
La
tradition
agricole de
la
France en est,
sans
aucun doute,
la cause.
Le
texte
de
base
en
cette
matière
est l'article 444 du code
pénal qui pW1issait la dévastation
IIdes
récoltes sur pieds ou des
plants venus naturellement ou faits de mains d'homme"
d'un em-
prisonnement de deux ans au moins et de cinq ans au plus. (2)
Les dispositions de
l'article 444 sont,
selon la jurispruden-
ce,
générales et absolues.
Elles ne souffrent dit-elle,
d'au-
cune
exception et étaient applicables
à
quiconque
a
arraché
ou
fait
arracher intentionnellement des
plants qu'il
sait appar-
tenir à autrui et dont i l n'avait pas le droit de disposer (3).
Absolu,
l'article
444 n' avait rien de restrictif
et pW1issait toùte
dévastation
de
récoltes
sur pieds ou de
plants,
quelle
qu'en
soit l'importance (4).
L'intention criminelle dëmeurait cependant un élément
constitu-
t i f
de
l'infraction
prévue
par
l'article
444
du
code
pénal.
Elle devait
par
conséquent
être
constatée
expressément
par
le
juge (5).
L'article
440 du code
pénal
visant
le même objectif que l'ar-
ticle
444, prévoyait des
peines très sévères contre la destruc-
tion des denrées alimentaires.
Il énoncait que
IItout pillage de
denrées ou marchandises,
effets,
propriétés mobilières commis
en
réunion
ou bande et à
force ouverture,
sera puni de la ré-
clusion criminelle
à
temps
de
dix à vingt ans ... Il.
Néanmoins,
(l)
On
peut
voir
sur cette
question,
notre
mémoire de
D.E.A.
IILes sGretés sur la chose d'autrui ll Nice
1979.
( 2 )
Les articles 444 et s. ont été abrogés ou modifiés par la loi
du 2 février
1981.
crim.
10 Avril 1972 D. 1973. Som. 83
(4 ) Crim. 15 Mars 1966 D. 1966 P.656
( 5 ) Crim.
12 Février 1948 D. 1948 P. 242
e.

disposait l'article 441,
ceux qui prouveront avoir été entraînés
par
des
provocations
ou
sollicitations
a
prendre
part
a
ces
violences
pourront
n'être
punis
que
de
la
peine
de
réclusion
criminelle à temps de cinq à dix ans.
Mais si les denrées pil-
lées ou détruites sont des produits alimentaires,
la peine que
subiront
les
instigateurs
ou
provocateurs
sera
la réclusion à
temps de vingt ans
(1).
117.
La
sévérité
des
peines
édictées
contre
la
destruc-
tion des 'productions d'autrui,
en particulier des denrées ali-
mentaires,
peut surprendre dans la mesure où en France et dans
certains
autres
pays' de
la
Communauté
Economique
Européenne,
on détruit
volontairement
des
produits
agricoles
et d'élevage
pour
maintenir
leurs
cours
au
ni veau
voulu
par
les
pouvoirs
publics
et
les
producteurs.
Mais
si
l'on
replace
ces
textes
dans
leur
contexte
historique,
on
comprend aisément
les
rai-
sons qui expliquent leur sévérité.
En
effet,
à la
fin
du
XVlllè siècle,
où ces textes ont été a-
doptés,
les famines et les disettes sévissaient régulièrement.
La
loi
du
26
Juillet
1793
qui
punissait
"ceux qui
dérobent
à
la
circulation des
marchandises
ou
denrées
de première néces-
sité . . . ",
de
la
peine
de
mort,
les
articles
441
et
suivants
ont
été
promulgués,
certes
pour
protéger
les
intérêts
privés
des producteurs,
mais surtout,
pour lutter contre les destruc-
tions volontaires de denrées de première nécessité.
A
ces
textes
dont
le
taux
élevé
des
peines
SI expliquait par
l'importance
des
objectifs
qu 1 ils visaient, il
faut ajouter une
multitude
de
règlements
d'administration
publique
notamment
les
articles
R-26-14°,
R.30,
R.
38-7°,
R.
40-8°,
etc . . .
qui
concourent
a
une
protection
plus
efficace
des
productions.
(1)
Cf.
article 442 c.P.
1810.
..

70.
SECTION III
LA
PROTECTION
PENALE
DE
LA MONNAIE EN TANT QUE
MOYEN DE L'ECHANGE DES BIENS
118.
Le capitaliste ne produit pas pour se préserver des
"vices"
résultant de
"l'oisiveté"
ni
pour sa propre consomma-
tion.
Il
produit
pour vendre.
Le capitalisme s'oppose à
l'é-
conomie
de
subsistance
en ce qu'il
produit pour établir dans
les relations inter-personnelles, des rapports marchands.
Si tel est le moteur psychologique de la production capitalis-
te,
celle-ci ne peut se développer sans une protection effica-
ce de la monnaie en tant que moyen de l'échange (1).
Il
faut
faire
observer que
la protection de la monnaie par le
droit pénal n'a cependant pas toujours eu le même fondement.
Dans
la
Rome
antique,
ce n ' était pas
seulement
la
f alsi f ica-
tion
de
la
monnaie
que
punissait
la
loi,
Cl était
l'offense
faite a la personne du Prince,
c'était surtout l'usurpation du
droit impérial de battre monnaie
: de là,
la qualification qui
plaçait la fabrication de fausse monnaie au rang des crimes de
lèse-majesté (2):
Cette
idée
a
prédominé
jusqu r à
la
Révolution
bourgeoise
de
1789 où on vit en la fabrication de fausse monnaie,
non plus seu-
lement
comme un crime de
lèse-majesté,
mais comme un des cri-
mes
"qui créent
le
plus de dangers et
inspirent
le
plus dl a-
larme,
en ébranlant
la
confiance qui
est dûe à la monnaie na-
tionale,
qui
fait
disparaître toute sécurité des transactions
civiles"
(3).
Ce
qu'il
faut
noter
est
que
la
philosophie
marchande
de
la
bourgeoisie
a modifié
le
fondement
du délit de fabrication de
(1) Le troc comme moyen de l'échange commercial est inconceva-
ble
dans
le
système
économique capitaliste qui
conduit
à
une production abondante et
où,
dès
la deuxième moitié du
XIXè
siècle,
avec
la concentration capitaliste,
les prin-
cipaux producteurs sont des personnes morales. Certes le
troc redevient un moyen d'échange dans les relations
commerciales lblTe::IH.J",.OtJ'I\\..r:s mais il demeure un
procédé
exceptionnel.
(2) VO Chauveau et Hélie op. cit.
Tome II,
p.
251
(3)
Ibid.
P.
253
.. .:1

71·
fausse
monnaie.
On
disait
même
que
"chaque monnaie
falsifiée
mise
en
circulation...
constitue
une
atteinte
à
la propriété
privée,
puisqu'elle
lèse celui qui
l'a acceptée pour bonne et
qui en découvre les vices"
(1).
119. La protection pénale actuelle de la monnaie serait donc
liée au capitalisme et à sa philosophie marchande
(2).
Aussi
ne
faut-il
pas
s'étonner de constater que c'est la même
loi
du
13
mai
1863
qui
introduisait
dans
le
code
pénal
des
dispositions protectrices des
instruments de
fabrication
(3),
qui
organise dans
les articles
132 et suivants,
la protection
de la monnaie (4).
Le
législateur
de
1863 estime
que
celui qui
"aura contrefait
ou
altéré
les monnaies d'or ou d'argent
ayant cours
légal
en
France, ou participé à l'émission ou exposition desdites mon-
naies contrefaites ou altérées,
ou à
leur introduction sur le
territoire
français . . . " devra être banni de
la Société humai~
ne
En effet,
l'auteur de
cette infraction encourt la réclu-
sion criminelle à perpétuité!
(5).
Le
législateur
de
1863,
toujours
dans
l'intérêt bien compris
de
la sécurité dans
les
rapports marchands,
punit d'un empri-
sonnement pouvant atteindre trois ans,
celui qui s'est borné à
colorer
la
monnaie
off icie lle
dans
le
but
de
tromper sur
la
nature du métal
(6).
(1) VO Chauveau et Hélie,
op.
cit.
Tome II P.255.
(2) C'est ce lien qui,
ayant été
fait
par K.
Marx,
l'a con-
duit à annoncer l'abolition de la monnaie dans une société
entièrement
délivrée
de
l'échange
grâce
à
la disparition
de
la propriété privée des moyens
de production (vo Henri
Denis,
l'économie
de
Marx.
Histoire
d'un
échec.
P. U. F.
1980
p.26-27).
Il
faut
noter
que
le
programme
du
Parti
communiste soviétique de 1919, prévoyait l'abolition de la
monnaie comme moy~n d'éc~anges vo G.
Farjat.
op.cit.
P.636.
(3)
Article 443 C.F .. voir également,
art.
437 C.P ..
(4) Voir cette loi D.P.
1863 IV P.79
(5) Article 132 C.P.
(6) Cf. Article 134 C.P.
.,

72.
Certes,
une
loi
du
27
Novembre
1968 (1) est venue atténuer la
vigueur des
peines en cas d'infractions
à la législation pro-
tective
de
la
monnaie,
mais cette loi
renforce par
ailleurs,
la
protection
par
les
mesures
prophylactiques qu'elle adopte
( 2) .
120.
L'internationalisation
des
rapports
commerciaux
a,
en 1957, conduit le législateur français à une modification de
l'article
133
du
code
pénal
de
1810.
Une
loi du
11
décembre
1957 prévoit que la contrefaçon ou l'altération de monnaies ou
valeurs monétaires étrangères seront punies comme s ' i l s'agis-
sai t
de
monnaies
ou
de
valeurs
françaises
(3).
En effet,
le
développement du commerce
international exige que soit garan-
tie
la
sécurité
dans
les
rapports commerciaux notamment en
ce qui concerne la monnaie en tant que moyen d'échange commer-
cial.
La
loi du
11
décembre
1957 est fondée sur cette exigen-
ce.
Par elle,
on voit
bien que l'ordre économique internatio-
nal,
comme
l'ordre interne,
fait
également
appel au droit pé-
nal économique.
( 1) La
loi
du
27
novembre
réduit
la
peine
dl emprisonnement,
de la réclusion criminelle à perpétuité à cinq d'emprison-
nement au maximum.
(2)
Notamment,
la confiscation des métaux et instruments ser-
vant à la contrefaçon.
(3) Cf.
article 133 C.P ..
..

73.
CONCLUSION
DU
CHAPITRE
l
121.
Bien que
les
divers textes répressifs protégeant la
propriété capitaliste aient peu retenu l'attention des juris-
tes
sur
leurs
implications
idéologiques
et
économiques,
ils
présentent
néanmoins,
dans
la
science
juridique
libérale,
un
intérêt considérable qu'il est temps de bien mettre en éviden-
ce.
En effet
ces textes
que nous venons d'analyser véhiculent
la philosophie capitaliste qui voit dans le régime de proprié-

privée
des moyens de
production,
le gage de
la croissance
économique.
C'est pour quoi,
comme nous l'avons vu,
aux lende-
mains de la Révolution bourgeoise de 1789 en France,
plusieurs
textes de
droit
pénal économique ont été adoptés pour assurer
la protection juridique des moyens privés de production.
122.
En cette matière,
les objectifs du droit pénal éco-
nomique sont multiples.
Il s'agit d'abord de protéger les ins-
truments
de
fabrication
contre
d'une part,
les atteintes des
concurrents,
d'autre part,
contre les actes de vandalisme per-
pétrés
par
les
ouvriers
eux-mêmes
agissant
par
malveillance
pure ou luttant,
par crainte du chômage,
contre le machinisme.
Dans ce meme objectif de la protection de la propriété capita-
liste
contre
le
fait
des
ouvriers,
s'inscrivent
comme
nous
11 avons
dit,
les
articles
417
et
418
du
code pénal
français
qui
répriment
la
divulgation
des
secrets
de
fabrique
aussi
bien à des entreprises nationales concurrentes (espionnage in-
terne)
qu'aux
entreprises
étrangères
(espionnage
économique
international).
Sur le
plan
interne,
les
articles 417 et 418 traduisent toute
la méfiance
des entrepreneurs envers leurs ouvriers.
Ils con-
sacrent
par
ailleurs,
une
certaine
aliénation
de
la
liberté
des travailleurs aux intérêts des entrepreneurs.
..

74.
Sur
le
plan international,
le
problème se pose dans les mêmes
termes
en ce qui
concerne
la
liberté de l'ouvrier de travail-
ler à tout moment dans l'entreprise de son choix.
Mais
également,
ces
dispositions
pénales
apparaissent
comme
des garde-fous ~~ns la concurrence internationale.
Comme nous l'avons vu par ailleurs,
le code pénal français re-
gorge
de
textes
pénaux ayant
pour
fonction
la
protection des
productions individuelles notamment les productions agricoles,
et de la monnaie en tant que moyen de l'échange commercial.
123.
Toutes ces mesures auxquelles i l faut ajouter toutes
celles
relatives
à
la
protection des droits de
propriété
in-
dustrielle,
constituent un aspect très
important
du droit pé-
nal
économique capitaliste.
Si
le
caractère économique de ces
mesures
ne
nous
paraît
pas évident,
si elles nous
paraissent
comme des mesures allant de soi,
sanctionnant des valeurs plu-
tôt
morales
qu'économiques,
c'est
en
raison
d'une
part,
de
leur archaisme
(1) qui les a faites entrer dans nos moeurs
et
d'autre part, du fait que,
sur le plan de la technique juridi-
que,
le
régime de
ces mesures
ne présente guère d'originalité
par
rapport
à
celui
des
dispositions
"classiques"
du
droit
criminel.
En effet,
comme nous
l'avons vu, toutes les mesures
pénales
protégeant
la
propriété
capitaliste
sont
contenues
dans
le code
pénal,
qu'il
s'agisse des lois au sens technique
du terme,
que des
règlements
d'administration publique.
Aussi
bien celles qui
visent
la
protection des Qoyens de production
que
celles
qui visent
la
protection des
productions
et de
la
monnaie,
ces mesures expriment toutes une
politique cohérente
ayant sa source dans les idéaux de la Révolution bourgeoise de
1789.
(1)
La plupart de ces mesures datent du XIXè siècle.
•.

CHAPITRE II
DROIT P~NAL ~CONOMIQUE ET PROPRI~T~ SOCIALISTE
.,~

75.
124.
Faire
table
rase
des
structures
socio-économiques
capitalistes, voire féodales de-la Russie tsariste,
était tout
naturellement,
l'objectif primordial des révolutionnaires
so-
viétiques de
1917.
Il
fallait
avan~ tout,
procéder
à
l'expropriation des capita-
listes des moyens
de
production dont
ils disposaient, et met-
tre ceux-ci à la disposition de l'Etat.
Cette
nécessité
avait
conduit
à
l'abrogation
immédiate
du
"Droit bourgeois" et à la promulgation de nouveaux textes pour
la plupart,
de droit criminel qui, tout en prescrivant la col-
lectivisation des moyens de production,
assurent la protection
des biens collectivisés contre
les actes dits "contre-révolu-
tionnaires" émanant de la bourgeoisie dépossédée
125.
Le
recours
au
droit
pénal
économique comme
instru-
ment
devant
aider
à
l'instauration du nouveau régime de
pro-
priété peut s'expliquer par un certain nombre de données.
D'abord,
la doctrine marxiste elle-même,
préconise le re-
cours
à
la
violence contre
les
classes
Il possédantes Il
(1).
Et
les
pouvoirs
publics
soviétiques
dans
la
mlse
en
oeuvre
de
cette
doctrine,
ne
pourront
pas s'empêcher de
l'utiliser ef-
fectivement
(2).
Ensuite,
i l
faut
noter que
la Révolution Soviétique n'é-
tait
pas une révolution de masse.
Elle était semble-t-il, or-
(1) Le "Manifeste du Parti Communiste",
oeuvre commune à Engels
et à Marx,
se
termine
en ces termes
:
"Les communistes . . .
déclarent
ouvertement
que
leurs
desseins
ne peuvent être
réalisés
que
par
le
renversement
violent de tout
l'ordre
social
traditionnel.
Aux
classes
dirigeantes
de
trembler
devant
l'éventualité
d'une
révolution
communiste
!
Les
prolétaires
n'ont
rien
à y
perdre,
que
leurs chaînes.
Et
c' est
un
monde
qu'ils
ont
à
gagner.
Prolétaires
de
tous
pays,
unissez-vous".
(2)
Boukharine écrivait en
1917.
"La dictature du prolétariat
est aux mains
de
l'ouvrier une hache finement aiguisée . . .
la violence
prolétarienne,
sous
toutes ses
formes,
à Com-
mencer
par
la
fusillade ...
conduit
à
la transformation du
matériel humain de l'époque capitaliste en citoyens commu-
nistes".
Ci té par Donnedieu de Vabres op.
ci t.
P. 197.
-.

]6.
chestrée
dans
leurs
intérêts,
par
des
"révolutionnaires pro-
.~--
fessionnels"
et non par
le
prolétariat et la paysannerie (1).
Il
en
résulte
que
ces
masses
populaires
étaient
a
conquérir
par tous moyens y compris la menace de la répression ou par la
répression elle-même.
Trotski
devait
faire
observer
à
cet
égard,
qu'au
lieu
d' une
dictature du pr9létariat, c'est une "dictature sur le proléta-
riat"
(2).
Avant de
s'élever contre
les exécutions staliniennes,
Trotski
lui-même,
justifiait la violence
"Il
faut,
dit-il,
anéantir
l'ennemi ...
l'intimidation est un puissant moyen d'action po-
litique.
Il
faut
ajoute-t-il,
être un véritable Tartuffe pour
ne pas en convenir"
(3).
126.
Le recours au droit pénal pour protéger la propriété
socialiste
"propriété du peuple tout entier ll ,
s'explique par
le fait qu'en réalité, elle appartiendrait non lpas au Il prolétariat
organisé en
classe dominante Il
mais à
la
II c l a s se dririgeante
la Nomenklatura ll
(4).
C'est cette IIclasse sociale" qui,
par le
biais de l'Etat, possèderait la propriété socialiste au même titre
que
les capitalistes détiennent
les moyens de production dans
les sociétés libérales.
Il n'y a donc rien d'étonnant dans l'utilisation par les diri-
geants soviétiques,
du droit pénal économique pour protéger la
propriété socialiste
IIl eur propriété ll .
Le droit pénal économique se mettra ainsi, à la disposition de
la IIcollectivisationll des moyens de production.
Conçu
en
un
premier temps comme un
instrument devant
aider à
la
création
d'une infrastructure de base dans
la voie
du so-
cialisme
par
la
collectivisation
(Section 1),
le droit
pénal
(1) M. Volensky
: la Nomenklatura:
les privilégiés en U.R.S.S
Coll.
Livre de Poche 1980 P.55 et s.
(2) Trotski cité par Volensky loc.
cit.
P.34
(3) Trotski cité par Donnedieu de Vabres op.
cit.
P.197.
(4) Volensky,
op.
cit.
P.177.
•.

77.
économique
après
l'inhibition
du
pouvoir
capitaliste sur
les
moyens
de
production,
devra
en
un
second
temps,
assurer
la
protection de la propriété socialiste
(Section II).
SECTION l
DROIT
PENAL
ECONOMIQUE
ET
COLLECTIVISATION
DES
MOYENS DE PRODUCTION
127.
L'une des fonctions fondam~ntales sinon,
la fonction
première,
du droit pénal économique soviétique dès la prise du
pouvoir politique par les bolcheviks,
était d'apporter sa con-
tribution ·à
"l'accumulation
socialiste"
par
la
collectivisa-
tion des moyens de production.
Il
s'agissait concrètement
d'exproprier sous
la menace de la
répression
pénale, la bourgeoisie et de vaincre définitivement
l'aristocratie Tsariste.
Dans
la
mesure

"le
prolétariat
révolutionnaire
entendait
confier à l'Etat le soin d'organiser dans son intérêt l'écono-
mie nationale,
notamment la production,
sur les terres et dans
les entreprises industrielles et
commerciales,
la
répartition
de la main-d'oeuvre entre les diverses branches de l'économie,
et la distribution des produits de consommation à la Collecti-
vi té
( 1 ),
l'existence
de
pouvoirs
pr i vés
sur
les
moyens
de
production
ne
peut
se concilier
avec
la nouvelle éthique éco-
nomique résultant du socialisme.
128.
Ainsi,
la
première mesure
économique
avait-elle été
de supprimer
la propriété privée
sur
les terres
et de mettre
celles-ci à
la
disposition des
comités
locaux de paysans
les
soviets de paysans.
Cette
mesure
visant
les
terres
a
été
étendue
progressivement
(1) R.
Charvin,
les Etats socialistes europeens.
Précis Dalloz
P.293.
..

78.
aux
usines
et
aux
entreprises
industrielles et
commerciales
ainsi qu'aux compagnies d'assurance et aux banques (1).
A
l'origine ,
dit-on,
les· pouvoirs
publics
soviétiques
comp-
taient sur la persuasion politique pour faire admettre ces me-
sures par
la
population
(2).
Il
semble que cette solution ré-
sulte de
l'influence
des
socialistes révolutionnaires de gau-
che
qui
étaient
hostiles
à une
liquidation brutale des
oppo-
sants au nouvel ordre économique
(3).
129.
Mais,
suite
à l'intensification de la collectivisa-
tion,
à la résistance capitaliste, à l'aggravation de la crise
économique et surtout à la multiplication des attentats contre
les personnalités du nouveau régime,
Lénine décréta le S sep-
tembre
1918,
la
lIterreur Rouge ll
qui
influença dans le sens de
la sévérité,
la physionomie du droit pénal économique
(4).
La
collectivisation
des
moyens
de
production devint
radicale
et toute entrave à son libre cours
était considérée comme une
infraction
contre-révolutionnaire
et
punie
par
la
peine
de
mort.
Une
police
spéciale,
la
Tchéka était créée spécialement
pour sévir contre les atteintes à la Collectivisation.
130.
Il faut noter que les éléments constitutifs de l'in-
fraction
d'atteintes
à
la
collectivisation
ni étaient pas dé-
terminés.
En effet,
à cette époque,
le nouveau régime n'avait
pas
encore
promulgué
de
code
pénal
ni
de
véritables
textes
pénaux.
( 1) Cf.
décrets
du
7 novembre
1917
sur la
réforme
agraire et
l'établissement
d'un
nouveau
régime
de
propriété sur
les
immeubles
;
du
26
janvier
1918 portant nationalisation de
la marine marchande
; du 18 août 1918 portant nationalisa-
tion des constructions et usines des villes ; du 29 novem-
bre 1920 portant nationalisation des entreprises bancaires
et industrielles.
(2)
R.
Charvin loc.
cit.
(3) J. Bellon, op.cit. p.S8.
(4) Donnedieu de Vabres, op.cit. P.13.
..

79.
En
ce
qui concerne le droit
pénal de
droit
commun notamment
en
ce
qui
concerne
les
infract ions
contre
les
personnes,
le
code pénal de l'ancien régime était applicable.
En matière po-
litico-économique,
les
juges
s'étaient
vus
conférer
les
pou-
voirs
les plus
larges.
Ils devraient
juger suivant leur'~ons­
cience socialiste"
(1).
Les
juges n'étaient donc pas liés par
une liste exhaustive d'incriminations et de peines.
Comme
le
fait
remarquer
Donnedieu
de
Vabres,
les
juges
n' é-
taient même
pas tenus d'assigner
aux peines qu'ils prononcent
un
terme
fixe.
Notamment,
à
l'égard des
"ennemis de
classe",
ils peuvent décider que la condamnation s'exécutera jusqu'à la
réalisation
d'un
évènement
déterminé
dont
la
date
n'est
pas
prévue, tel que la fin de la guerre civile (2).
On peut donc dire
que
le droit pénal économique résidait dans
la "conscience socialiste" des juges.
Tout
acte
contraire
à
cette
"conscience"
et
qui
visait
les
biens
collectivisés
était
réprimé
sans
ambages,
surtout
s ' i l
émanait d'un ancien "possédant".
131.
Il
a
fallu
attendre
le
code
pénal
de
1922
(3)
et
surtout
celui
de
1926
pour
donner
corps
aux
mesures
pénales
relatives à la collectivisation.
Le contenu de ces deux codes pénaux était essentiellement con-
sacré
à
la
protection des biens collectivisés contre
les
diver-
ses atteintes
dont
ils
pouvaient
être
l'objet
(4).
Toute
atteinte intentionnelle à ces biens était considérée comme une
infraction
"contre-révolutionnaire"
et -encourait
de
longues
peines d'emprisonnement ou parfois
la peine de mort.
(1) Sur cette notion,
voir Andrejew Igor;
Le droit pénal com-
paré des pays socialistes.
éd. Pedone 1981 p.6.
(2)
Donnedieu de Vabres op.cit.
P.157.
(3) Nos développements s'appuient sur le code de la R.S.F.S.R.
lun des Etats fédérés de l'U.R.S.S.
(4)
Cf,
les articles
113 et
s,
180 et
s ...
186 et
s.
du code
pénal de
1922 et
les articles
79 1-2-3,
128 et s.
du code
de 1926.
..

1 2
Par exemple,
l'article 79 -
- 3
du code pénal de 1926 punit de
dix
ans
d'emprisonnement
la
détérioration
ou le détournement
des biens collectivisés.
D'une
manière
générale,
les
peines
frappant
les
infractions
contre-révolutionnaires
étaient
toujours
assorties
de
peines
complémentaires
dont
la
plus
courante
était
la
confiscation
des
biens.
Celle-ci
nia dailleurs pas en l'espèce,
un
fonde-
ment étranger à la collectivisation.
Il
faut
également
noter
les
dispositions
de
la
loi
nO
9
de
1931
(1) introduites dans le code pénal de 1926 sous l'article
3c
59
qui
prévoyaient
la
peine de mort contre
la destruction
et
la dégradation de matériels,
lorsque
l'auteur de l'infrac-
tion avait pour mission de les livrer.
132.
Les
sanctions
pénales
ne
frappaient
pas uniquement
les
entraves
à
la
collectivisation
ni
seulement
la destruc-
tion et
l'appropriation illégale portant sur ces biens.
Elles
étaient
également
édictées
contre
les
individus qui,
dans
le
cadre
de
leurs
fonctions,
faisaient
un
usage
"illégal"
des
biens collectivisés qui leur avaient été confiés.
Dans ces cas,
le but de
la
peine,
comme nous
l'avons dit,
é-
tait de les éduquer en leur inculquant la conscience socialis-
te des responsabilités (2).
C'est ainsi que,
l'article 128 du code pénal de 1926 punissait
d'une privation de liberté au maximum de deux ans,
les indivi-
dus
qui,
dirigeant
des
organismes
ou
entreprises
étatiques,
causaient par leur négligence ou manque de conscience et d'at-
tention
dans
l'exécution
de
leurs
tâches,
des
pertes
ou
des
dommages aux biens appartenant à ces organismes étatiques.
(1) Cf.
loi nO 9 du recueil des lois de 1931.
(2) J.
Bellon op.cit.
p.60.
..

81.
133. Mais cette tendance conciliante du droit pénal éco-
nomique à l'égard des ouvriers ne s'est pas éternisée.
La dif-
férenciation
infractions
contre-révolutionnaires,
infrac-
tions
d'inconscience,
devait
disparaître
avec
l'arrivée
au
pouvoir de
Statfne
qui
décida de
parachever la collectivisa-
tion par l'adoption de mesures très énergiques.
La
première en ce sens,
date du
20 janvier 1930. Elle répri-
mait
l'abattage
ou
la
mutilation
de
bétail
accompli
dans
le
but
d'entraver
la
collectivisation
(1).
A la
suite
de
cette
loi,
furent adoptées d'autres qui réprimaient notamment,
la
détérioration de matériels agricoles (2) et l'abattage illégal
de chevaux (3).
En
1932, frappé par la multiplication des ~ols commis à l'oc-
casion
des
transports
au
dépens
des
organismes
socialistes
comme
les
coopératives,
le
législateur· soviétique adopta une
loi
protectrice de
la
propriété socialiste.
Cette loi
(4) in~
titulée
"loi sur
la
protection des biens des entreprises d'E-
tat,
des
kolkhozes
et
des coopératives
et
sur
l'affermisse-
ment
de
la
propriété
socialiste",
édictait
la
peine
de
mort
pour de nombreuses
infractions notamment
le vol de marchandi-
ses en cours de transport ou de biens appartenant aux coopéra-
tives.
Les dispositions de la loi du 7 août 1932 avaient été étendues
aux vols de semences et à la détérioration de machines agrico-
les (5).
134. Les éléments constitutifs de ces infractions étaient
mentionnés
d'une
façon
si
large
que
des
juges
zélés
ont
pu
(1)
Loi
du
20 janvier 1930 introduite dans le C.P.
1926 sous
l'article 79 1 .
1
(2) Cf art. 79
C.P.
1926
loi du 20 mars 1931
(3) Loi du 29 Avril 1932.
(4) Loi du 7 Août 1932.
(5)
M.
Ancel introduction au code pénal R.S.f.R.S.
op.cit.

82'.
étendre
l'application de
la
loi du
7 Août
1932
à des
infrac-
tions
minimes,
à
tel
point· que
le
tribunal
suprême
de
la
R.S.F.S.R.
(1)
a

réagir
par une décision de principe:
"Il
faut
dit-il,
diriger
la
répression
conformément
à la loi du 7
Août
1932
non
contre
les
cas
particuliers
de
vols
insigni-
fiants,
mais contre les vols importants et organisés"
(2).
Après
cette
mise
au
point,
les
vigoureuses sanctions pénales
n'intervenaient
que
s ' i l était prouvé
que
le prévenu était un
"ennemi
du
peuple"
et
qu 1 il
avait voulu s'attaquer aux bases
de l'économie soviétique (3).
Par
contre,
les
vols
de
peu
d'importance
économique
étaient
symboliquement punis (4).
L'interprétation
judiciaire
de
la
loi
du
7
Août
1932
s'inspirait donc essentiellement du principe de
"la conformité
au
but Il
(5).
Cl est
là,
une
attitude
qu'on
retrouve
dans
le
droit
pénal
économique
français
notamment,
en droit
pénal de
la
concurrence

la
répression
des
ententes s' opère suivant
la règle de la "conformité au but"
(6).
135.
Les
besoins
de
la
collectivisation
des
moyens
de
production avaient
rendu nécessaires d'autres mesures
pénales
(7) qui renforçaient les peines encourues en cas d'infractions
visant la propriété socialiste.
(1) Initiales pour désigner la République Fédérée de Russie.
(2) VO J.
Bellon op.cit.
p.S6.
(3) VO Donnedieu de Vabres op.cit.
p.16S.
(4) Cf.
Art.
162 C.P.
1926.
(5)
J.
ANOSSOV
Jurisprudence
soviétique
l'application de
la
loi
du
7
Août
1932.
Cité
par
Donnedieu de Vabres op.
cit.
P.16S.
(6) Voir infra,
2ème Partie,
Titre l,
chapitre II,
section 1.
8
(7)
Le décret du 16 Août 1946 modifiant les articles 74 et 168
du code pénal
de
1926,
les décrets des 10 Fév.
1941 et 29
Juin
1942,
et
surtout,
le décret
du 4 Juin 1947 qui abro-
geait la loi du 7 Août 1932.
..

Ces nouvelles dispositions,
en particulier le décret du 4 juin
1947 devaient être d'une application rigoureuse comme le lais-
se
croire
une
décision
rendue
par la cour suprême soviétique
qui annula un jugement d'un tribunal.
Ce
tribunal
était
saisi
d'une
affaire dans
laquelle trois
a-
griculteurs étaient accusés d'avoir volé du blé dans un convoi
destiné
à
une
ferme.
Découverts
par
le
gardien
de
la
ferme,
ils avaient été obligés de
rendre
le blé volé.
Leur acte tom-
bait sous le coup du décret
du
4 juin
1947
sur
la protection
de
la
pr·opriété
socialiste
( 1).
Mais
le
tribunal
eut
pitié
d'eux et appliqua une disposition du code pénal qui permettait
de réduire la peine au-dessous du minimum légal s ' i l existait,
de l'avis du tribunal,
des circonstances atténuantes.
Le
tribunal
condamna donc
deux des accusés
à
deux ans,
et
le
troisième à trois ans d'emprisonnement.
La cour suprême annula la décision au motif que la circonstan-
ce
que
les accusés avaient
rendu le blé volé
à
la
ferme
col-
lective,
parce
qu'ils
avaient
peur,
ne
constituait
pas
une
raison
suffisante
pour
leur
infliger une
peine
inférieure au
minimum prévu par la loi pour l'infraction par eux,
commise (2).
136. Par la vigueur et la rigueur des textes
et de leurs
peines,
les
pouvoirs
publics
soviétiques
entendaient
d'une
part,
lutter contre tous ceux qui,
en résistant et sabotant la
collectivisation,
visaient le rétablissement des structures é-
conomiques capitalistes.
Ils
voulaient d'autre
part,
imprimer
dans
les
mentalités
la
nouvelle
façon
de
concevoir
les
rap-
ports
Hommes-biens.
Dans
tous
les
cas,
1 1 objectif
du
droit
pénal
économique
était,
à
ce
niveau,
de
faire
en sorte
qu'il
(1)
Le décret du 4 Juin 1947 prévoyait une peine de sept à dix
ans dans un camp de travail pour les délinquants primaires
et
une
peine de
dix à
vingt ans avec confiscation totale
des biens,
pour les récidivistes.
( 2)
Décision
citée
par
R.
David
et
Hazard
op. ci t .
Tome
I .
P.
108-109.
..

84~
soit
clair
aux
yeux de tous,
quella
propriété collectivisée
,
est
sacrée"
(1)
et qu'elle
e9~'la condition de l'organisation
étatique de l'activité économique qui constitue le second fon-
dement de l'économie socialiste.
(~) Cf. art 131 de la constitution soviétique de 1936.
..

85.
CONCLUSION DE LA SECTION l
137.
"Réaliser
le
communisme
écrivaient
MM.
David
et
Hazard,
c'est avant tout,
dans une première phase,
donner à la
société
une
structure
économique
socialiste,
éliminant
l'ex-
- - - - - - - - - - - - -
PRE MIE R E
PAR T l E
DROIT P~NAL ~CONOMIQUE ET ~CONOMIE POLITIQUE

86.
Lénine
lui-même
suggéra
en
1921
a
Kourskii
(1)
d'élaborer le
concept
de
la
terreur
rouge,'d'en motiver
la nécessité,
d'en
marquer les limites dans un code pénal.
"Les tribunaux,
disait-
il,
ne
doivent
pas négliger
la terreur
mais
ils doivent
la
légaliser
en
justifiant sa nécessité
(2)."
Il vaut mieux,
déclarait par ailieurs Lénine,
"laisser en prison des dizaines
ou
des
centaines
de
factieux,
coupables
ou
non"
(3)
que
de
laisser peser sur la révolution communiste la menace d'une au-
tre révolution capitaliste.
Ainsi,
la
répression pénale devenait
aveugle
voire inhumaine.
Ce
qui
a
pu laisser dire
du droit pénal économique socialiste
qu'il
est
simplement
"une
organisation
de
la
violence"
(4)
contre la bourgeoisie.
En effet,
l'appartenance à cette classe
sociale
constituait
par
ce
simple
fait,
une circonstance ag-
gravante de
l'infraction.
Il en
étâit de même de la moindre
relation que lion pouvait avoir avec une association contre
révolutionnaire (4).
139. Mais à côté de ces incriminations qui étaient inspi-
rées par
le souci d'éliminer tout
ce qui,
de l'ordre économi-
que ancien, résistait
au socialisme,
i l
y avait d'autres mesu-
res
qui
répondaient
au souci d'éduquer
la masse populaire et
former
celle-ci
a
la
"conscience socialiste
des
rapports so-
cio-économiques".
Le
droit
pénal économique
socialiste né
avec la Révolution de
1917
véhiculait
ces
deux
objectifs
dans
la
collectivisation
des moyens de production.
Il avait en dépit de ses tendances "autoritaires et violentes"
le
mérite
d'affirmer
dès
l'origine
la
doctrine marxiste,
de
montrer l'idéal vers lequel le nouveau régime entendait se di-
.
rlger . . . "
(1)
Kourskii était le commissaire du peuple à la justice.
(2)
Lénine cité par Donnedieu de Vabres op.cit.
P.153
(3) Lénine cité par David et Hazard op.cit. Tome l P.10S.
(4) Donnedieu de Vabres op.cit. P. 153
(S) R. David et Hazard op.cit. p.108.
.,

SECTION II
LE DROIT PENAL ECONOMIQUE ET LA PROTECTION DE LA
PROPRIETE SOCIALISTE.
140.
La finalité ultime de la collectivisation est d'éta-
blir un nouveau
régime
de
propriété
: la propriété socialiste
des moyens de production.
Au milieu des
années
"soixante",
certains pays ont déclaré a-
voir
atteint
ce but
et même,
avoir franchi
l'étape du socia-
lisme
pour
être
au stade
dit
de
la
"société socialiste déve-
10 ppée "
(1).
En tout
cas,
aujourd'hui,
tous
les
pays socialistes affirment
"le
triomphe de
la
Révolution
dans
leur
société,
ceci,
pour
exprimer
le
succès
de
la
collectivisation
par
l'élimination
des "capitalistes" de la direction des moyens de production
Mais
dans
leurs
législations,
on
cherchera
en
vain
les
prémisses du "dépérissement Il progressi f du Droit et du rôle de
l'Etat dans leurs sociétés.
Sur ce point,
l'Union Soviétique offre l'une des expérien-
ces les plus décevantes.
Le droit et l'Etat ne se sont jamais
aussi
bien
portés
qu' aujourd 1 hui.
Et
pourtant
on
affirme
le
succès de
la
collectivisation et
la
réduction des atteintes à
la propriété socialiste (2),
à des cas marginaux.
En tout état de cause,
la protection de la propriété socialis-
te
demeure
une
fonction essentielle du droit pénal économique
socialiste comme le souligne l'article 1° du Code pénal sovié-
tique de 1960.
(1) Wieslang Lang: Le droit de la société socialiste dévelop-
pée,
Annuaire de
l'U.R.S.S.
et des pays socialistes euro-
péens 1976-1977.
P.1 et suivantes.
(2)
La
propriété
socialiste,
ou
suivant
certains
auteurs
(Andrejew,
op.cit.
P.22)
propriété sociale,
est la base du
système
économique
socialiste
(cf.
article
10 de la cons-
titution soviétique).
Elre
se
présente
sous deux formes:
la
propriété
d'Etat
ou
propriété commune
et
la
propr'iétê
coopérative.
..

88.
141.
La
plupart
des
infractions
considérées comme étant
"particulièrement dangereuses"{ 1)
pour le
système économique
socialiste,
visent
les
biens
étatiques ou sociaux.
En effet,
ces biens ne
peuvent subir d'atteintes graves sans compromet-
tre le régime tout entier.
Aussi font-ils l'objet dans les co-
des pénaux et dans les textes annexes
(2) d'une réglementation
minutieuse
(3).
Mais
comparativement
aux
mesures édictées en
vue
de
la
formation
de
la
propriété
socialiste,
les
mesures
répressives actuelles présentent des caractéristiques particu-
lières.
Au
ni veau
de
l'éventail
des
peines,
l'amende
comme
sanction
pénale fait
son apparition dans
le droit pénal économique so-
cialiste.
Auparavant,
c'était plutôt la confiscation partielle
(s'il s'agit d'un travailleur imprudent ou négligent) ou tota-
le
(s'il
s 1 agit
d'un ancien capital iste)
des
biens qui
était
prononcée comme peine à caractère patrimonial.
(1) Le code pénal soviétique distingue dans sa partie spéciale,
les
infractions
"particulièrement dangereuses"
auxquelles
il
réserve
un
traitement
spécialement
sévère,
des autres
infractions
vis
à
vis
desquelles,
la
répression
pénale
s'est assouplie depuis le début des années It so ixante".
(2) Cf.
par exemple,
la loi est-allemande du 2 octobre 1952 et
le décret polonais du 4 mars 1953.
(3)
Les
codes
pénaux
socialistes sont très
souvent modifiés.
Par exemple,
le code pénal Yougoslave du 4 déc.
1947 a été
abrogé par celui du 2 mars 1951. Celui-ci a été modifié en
1959,
1962,
1965,
1967,
1969 et en 1973.
Depuis le 28 sept.
1976,
la Yougoslavie a un nouveau code pénal.
Sauf abrogation récente,
le code pénal en vigueur en Tché-
cos lova quie
est
ce lui
du
29
nov.
1961
amendé
en
1969 et
1973·
Un nouveau code est en préparation.
Celui
de
l'Albanie date
de
1977 (celui du
7 Août
1952 é-
tant abrogé).
Celui de la Bulgarie est de 1968.
Il a été modifié en 1975.
En R.D.A.,
le code pénal
en vigueur est celui de 1968.
Il
a été modifié
en
1979.
Le code de
la R.S.F.R.
date du
27
octobre 1960.
Face à
ces multiples et
fréquentes
modifications,
on nous
pardonnera si nos références aux articles des divers codes
se
trouvent
faussées
par
une
modification
plus
ou
moins
récente.
Ce
qui
est
important
ici,
ce sont
les
principes
généraux qui découlent des textes et qui n'évoluent prati-
quement pas.
..

La confiscation des biens qui avait son fondement dans la col-
lectivisation
ne se justifie plus à l'heure actuelle où théo-
riquement
du
moins,
tous
les principaux moyens de
production
sont propriétés de l'Etat ou des organisations socialistes.
cette peine demeure néanmoins prévue dans les législations
pénales socia~istes. Elle vise essentiellement les spécula-
teurs dont les actes causent àl'écnnomie nationale
un dom-
mage important.
Toujours au niveau de
l'éventail
des
peines,
on notera égale-
ment les
peines comme
les travaux correctifs et surtout l'in-
novation
en
cette
matière
par
le droit
pénal
économique est-
allemand qui prononce face à des infractions pénales,
le blâme
et la "Citation en responsabilité"
(1).
Ces
mesures,
comme
nous
le
verrons,
sont appliquées aux
auteurs d'infractions à conséquences peu importantes pour l'é-
conomie.
143. Au niveau du taux des peines, il n'y a aucune commu-
ne
mesure
entre
les
peines
de
la
période
révolutionnaire
et
celles d'aujourd'hui.
La
peine de mort
est devenue exception-
nelle.
Elle
ne frappe
que
les auteurs dl infractions "particu-
lièrement
dangereuses"
qui
visent à
"saper le fondement poli-
tique et économique de l'Etat socialiste".
A ce même niveau du taux des peines,
le nouveau trait caracté-
ristique
du
droit
pénal
économique
socialiste
réside
dans
la
différenciation
très
marquée
des
mesures
applicables aux au-
teurs d'infractions très graves d'une
part
et aux menues 1n-
fractions d'autre part (2).
Comme nous le verrons,
une infrac-
tion
à
conséquences
graves
pour
l'économie nationale
encourt
les peines
d'emprisonnement
les
plus
sévères ou parfois même,
la peine de mort.
En revanche,
les
sanctions pour
les
infrac-
(1)
Cf.
art.
158
et
159
et
s.
du code
pénal est-allemand de
1968.
La
citation en
responsabili té
consisterait,
semble-
t-il,
à dénoncer publiquement l'acte illégal perpétré.
(2) Igor Andrejew : le droit pénal socialiste.
in Aspects nou-
veaux de la pensée juridique op.cit.
P.37.
e.

90.
tions de moindre importance matérielle contre la propriété se-
ront très sensiblement adoucies
(1).
144.
Mais
en
dépit
de
cet
effort dans le sens de l'adou-
cissement
et
de
la
différenciation
des
peines
suivant
leurs
conséquences matérielles,
le droit pénal économique socialiste
conserve à plusieurs égards, ses caractéristiques de droit "vi-
goureux"
et comporte ainsi une valeur d'intimidation qui selon
la doctrine
juridique socialiste
(2)
est orientée vers la pré-
vention
et
l'éducation
des
délinquants.
"L'action
éducatrice
exercée
par
le
droit
pénal ,
écrit
en
ce
sens
M.
Solnar,
est
conditionnée par sa puissance de conviction"
(3).
Et
cette
puissance
de
conviction
réside
dans
la
vigueur
des
peines prévues contre les infractions à conséquences matériel-
les
graves
pour
l'économie
nationale,
même
si,
semble-t-il,
aujourd' hui
"le
droit
socialiste
recourt
rarement
à la mesure
ultime qu'est la condamnation à mort ou à un isolement de lon-
gue durée . . . "
(4).
145.
Le
droit
pénal
économique
socialiste
contemporain
demeure
l'expression
des
valeurs
fondamentales
de
l'économie
socialiste.
Son
maintien
et
même
son
renforcement
contre
la
doctrine
de
11 étiolement
progressif
du
droit,
répondent
à
la
nécessité
de
consolider
la
propriété
soci.aliste
qui, au vu des
incriminations
pénales,
peut
encore
souffrir
de
deux
types
d'actes illégaux.
(l)
Voir Toeplitz
"le nouveau code pénal de la R.D.A.
in Revue
de
Droit
et
de
Législation
de
la R.D.A.
nO
2 1968. P.9 et
suivantes.
(2)
Igor Andrejew op.cit.
P.367 in Aspects nouveau ... ;
Du même
auteur,
in le droit pénal comparé socialiste op.cit.
P.157
nO
4.
(3) Vladimir Solnar, op.cit. P.2.
(4)
Igor
Andrej ew,
le
droit
pénal
comparé
socialiste
op. ci t .
P.157.
..

91.
Ce sont
d'une
part,
les diverses
formes d'enrichissement
individuel
au
détriment
de
la
propriété socialiste
(Par.
1),
et
d'autre
part,
les
actes
de
vandalisme
perpétrés
contre
elle
(Par.
II).
Paragraphe l
La
répression des diverses formes d'enri-
chissement
illicite
au
détriment
de
la
propriété socialiste.
146. De nombreuses dispositions des codes pénaux des pays
socialistes prévoient et répriment les diverses formes d'enri-
chissement
illégal
en
contradiction
avec
l'ordre
de
valeur
dont se réclame le système économique socialiste.
A l'origine,
dans
la
législation soviétique,
le vol
de biens
sociaux était une
infraction
spéciale considérée non en fonc-
tion
du titulaire
de
la propriété de ces biens, mais en fonc-
tion
du lieu où ces biens ont été soustraits.
Le vol de biens
entreposés
ou en cours de transport
par chemin de fer
ou par
eau
faisait
l'objet
d'une
répression
très
sévère
l'auteur
pouvant dans certains cas encourir la peine de mort (1).
On considérait en effet,
que ces formes d'atteintes contre les
biens
étatiques
et
sociaux
relevaient
d' une activité contre-
révolutionnaire.
147.
Aujourd'hui,
on observe
un
changement dans l'appré-
ciation des vol,
appropriation illicite, escroquerie ... perpé-
trés
contre
la
propriété
socialiste.
Ces changements consis-
tent
de
façon
générale,
en un
affaiblissement des sanctions,
en une individualisation de la responsabilité pénale et en une
certaine différenciation des formes d'atteintes à ces biens
(2).
(1) Cf. art.
126 du code pénal soviétique de 1926.
(2)
Andrejew op.cit.
p.88;
du même
auteur
"le droit pénal so-
cialiste"
in
Aspects nouveaux de
la
pensée juridique, Re-
cueil d'études en hommage à Marc Ancel Tome II P.367.
..

92.
En
effet,
si
l'on
admet
que
la
propriété
socialiste
est
le
fondement
irréductible
du .système
économique
socialiste,
et
qu'elle doit de ce fait,
bénéficier d'une protection adéquate,
i l est évident que tout enrichissement individuel à son préju-
dice, ne constitue pas une atteinte au fondement économique du
régime.
Toutes les atteintes à la propriété socialiste ne visent pas à
la
supprimer en tant qu'institution,
en tant que base du sys-
tème économique socialiste.
Ceux dont
l'action contre la pro-
priété
socialiste
est
animée
par
la
volonté
de
remettre
en
cause le
système économique en tant que tel, ne procèdent pas
par
simples
vols
ou escroqueries,
mais par des opérations de
grande envergure par exemple,
par
l'organisation de sédition,
de pillage
sur une grande échelle contre la propriété
socialiste.
148.
Le trait caractéristique de
la
politique pénale ac-
tuelle dans le domaine de la protection de la propriété socia-
liste est qu'une distinction est faite entre les menus vols et
les grandes affaires économiques (1).
En effet, tous les pays socialistes actuels distinguent et ré-
priment
dans
leurs
codes
pénaux,
les
actes
d'enrichissement
illicites
de
peu
d'importance,
par de
légères peines avec
la
possibilité de
renoncer à
la
répression lorsqu'il s'agit d'un
délinquant
primaire.
Au contraire,
les actes d'enrichissement
portant sur une quantité importante ou qui provoquent des dom-
mages importants à l'économie nationale,
entraînent des peines
de privation de liberté de longue durée et la confiscation des
biens du délinquant (2).
C'est dans cet esprit
que
l'appropriation privative des biens
étatiques ou sociaux se heurte dans tous les codes pénaux so-
cialistes,
à une réglementation pointilleuse qui prend soin de
préciser
les
diverses
formes
d'enrichissement
illicite
et
les modalités de leur répression.
(1) Andrejew Igor,op.cit.
p.89
(2) Ibid.
e.

93.
149.
Le
code pénal soviétique de
1960 illustre parfaite-
ment
la tendance actuelle du droit
pénal économique à la dif-
férenciation en ce qui
concerne
la protection de la propriété
socialiste
contre
les
appropriations
illicites.
L'article
89
puni t
dl au
maximum
un
an,
"la
soustraction
clandestine
de
biens publics ou sociaux"
(1).
Si la soustraction est "relati-
vement
importante ... ",
la
privation
de
liberté oscille entre
cinq et quinze ans (2).
La répression de la soustraction de biens étatiques ou sociaux
commise par vol s'opère dans les mêmes conditions.
Le
délit
"simple"
est
puni dl une peine d'emprisonnement pou-
vant
aller
jusqu 1 à
un
an,
alors
que
la
peine
est
de
SlX
à
quinze ans avec ou sans confiscation des biens, si l'acte in-
criminé produit des conséquences importantes sur l'activité de
l'organisme propriétaire (3).
La différenciation fondée sur l'importance du dommage causé se
vérifie également dans le code pénal Tchécoslovaque.
LI article
132
réprime
le
pillage
de
la
propriété
socialiste
sous toutes ses
formes.
Les peines prévues vont de six mois à
quinze ans
suivant
l'importance du dommage causé à l'économie
nationale.
150.
Des
sanctions
pénales
nI existent
pas
uniquement
a
l'encontre
de
ceux
qui s'approprient
par vol,
pillage et es-
croquerie ... des biens étatiques ou sociaux.
Elles sont égale-
ment
prévues
contre
ceux
qui
se
livrent
a des actes de des-
truction ou de détérioration contre la propriété socialiste.
Sur ce terrain également,
l'intention coupable se combine avec
l'importance
matérielle
du
dommage
pour
la détermination des
peines applicables.
(1)
art.
89 al. 1 C.P.
soviétique
( 2 ) art.
89 al.2.
( 3 ) art.
90.
ya
dans
le même sens, l'opposition entre l'alinéa
1 et l'alinéa 2 de l'art. 93 ; art. 96.
..

94.
Paragraphe I I
La
répression
de
la
destruction
de
la
propriété socialiste.
151.
La
rép-ression des actes tendant à détruire ou à dé-
tériorer
les
biens
appartenant
à
l'Etat ou aux unités socia-
listes revêt une importance considérable et évidente.
De
toutes
les
atteintes
dont
peut
être
l'objet
la
propriété
socialiste,
les actes de vandalisme sont les plus redoutables.
En
effet,
ils
ne
visent
pas
à
enrichir
leurs
auteurs,
mais
tout simplement,
à entraver l'activité économique de l'Etat et
des
organisations
socialistes
en
les
privant de
leurs moyens
de production. C'est
pourquoi,
en
dépit
de
la relative
atté-
nuation
de
la
rigueur
des
peines
du
droit
pénal
économique
contemporain,
la
réaction
répressive contre
les actes de des-
truction de la propriété socialiste,
demeure encore énergique.
152.
La plupart des "infractions contre l'Etat"
visent la
protection de la propriété socialiste contre les actes de des-
truction.
L'article 68 du code pénal Soviétique de 1960 prévoit une pei-
ne
d'emprisonnement
de huit à quinze ans contre
les actes de
sabotage.
Le texte laisse au juge une option entre cette peine
et la peine de mort.
L'article 163 du code pénal Roumain du 21
juin 1968 prévoit la même peine contre le même acte.
En Tchécoslovaquie,
les articles
95 et
97 prévoient également
la peine de mort contre les "activités de sape" et "le sabota-
ge"
lorsque ces actes ont
été accomplis alors que le pays est
"sur pied de guerre".
En
dépit
des
taux très élevés des
peines,
la différenciation
des
mesures
applicables
aux
délinquants
n'est
pas
perdue
de
vue.
Le code pénal Roumain en ses articles 231 et 232 offre un
exemple très intéressant.
L'article 231 punit le délit "simple" de destruction des biens
étatiques
et
sociaux
de trois mois à trois ans d' emprisonne-
ment.
..

95.
Si le dommage causé à l'écono~ie de l'organisme propriétaire
est grave,
la
peine d'emprisonnement est comprise entre dix
et quinze ans avec confiscation partielle des biens.
Si la destruction a entraîné une lI c atastrophe ll la peine encourue
est la peine de mort avec confiscation totale des biens. Même
en ce qui concerne la destruction non intentionnelle,
le code
Roumain établit la lIhiérarchisation" des peines en fonction de
l'importance matérielle du dommage.
En effet,
l'article 232 punit le délit "simple"
d'un emprison-
nement de un mois à deux ans.
Si le délit a eu des conséquences
graves,
la peine d'emprisonnement s'élève de deux ans à six ans
et si la destruction non-intentionnelle a entraîné une "catas-
trophe",
le coupable est passible d'un emprisonnement de dix
à
quinze ans.
153. La protection de la propriété socialiste contre les
actes de vandalisme ne se limite pas aux biens matériels.
Elle
s'étend contre principes et dogmes marxistes (1)
aux biens
incorporels notamment aux valeurs monétaires.
En Union Soviétique,
une loi du 25 juillet 1962 prévoyait la peine de mort contre la
détérioration de la monnaie par la fabrication ou le trafic de
fausse monnaie.
L'article 140 du code pénal tchécoslovaque sans éditer la peine
de mort, ne prévoit pas moins de quinze ans de privation de
liberté lorsque le coupable de contrefaçon a commis son acte
lIdans une étendue considérable".
154. Si, comparativement aux peine prévues contre ces
actes dans les premières années qui avaient suivi les changements
de régime,
les peines actuelles sont assez "souples ll ,
le droit
pénal économique socialiste n'a pas pu,
vis à vis de certains
faits,
se priver d'ériger des sanctions qui,
somme toute,
sont
asservissantes pour l'individu.
(1)
K. Marx annonçait l'abolition de la monnaie dans la société
communiste.
La monnaie est selon lui,
liée à
la propriété
privée des moyens de production VO H.Denis op. cit.
P.
26. ..

96.
En
effet,
les articles
99 et 100 du code pénal soviétique de
même que l'article 137 du cod~ pénal Tchécoslovaque et l'arti-
cle
113
du
code pénal bulgare,
incriminent et punissent
"les
comportements peu consciencieux en matière de garde des biens
étatiques ou sociaux".
Cette incrimination aussi
vague que contraignante,
repose sur
la volonté
des pouvoirs
publics socialistes de fixer au moyen
de
la
menace
de
la sanction pénale,
l'attention des travail-
leurs sur leurs devoirs.
Elle est beaucoup moins une mesure protectrice de la propriété
socialiste
qu'une
disposition
tendant
a
forger
la conscience
professionnelle des travailleurs dans
une
économie socialiste
étatisée
dans
laquelle
l'émulation
fondée
sur le profit per-
sonnel est absente.
..

'.
CHAPITRE
III : DROIT PtNAL tCONOMIQUE AFRICAIN ËT PASSAGE DE
LA PROPRIËTt MYTHIQUE ~ LA PROPRItTË DE PRODUCTION.
;

97.
155.
Comme
nous
le
notions,
après
la
colonisation
des
pays africains,
le choix par leurs nouveaux dirigeants de l'un
ou
l'autre
des
systèmes économiques
que connaît
le monde ac-
tuel,
exigeait
des
réformes
des
structures et valeurs coutu-
mières
liées
à . l ' ancien
mode
de
production
le
système
de
l'économie
de
subsistance.
Reposant
sur
des principes socio-
économiques bien précis,
le développement dans
la voie du ca-
pitalisme
(1) ou du socialisme
(2)
ne peut être mené que si la
société qui .doit le construire et
le recevoir obéit aux prin-
cipes qui
gouvernent
le
système économique choisi.
On ne peut
prétendre mettre sur
pieds une
économie capitaliste sans ins-
tituer
la
propriété privée des moyens
de production
; de même
qu'on
ne
peut, sans procéder à
la collectivisation des moyens
de production,
vouloir instaurer une économie socialiste.
156.
Or,
en
Afrique
Noire
en
particulier,
certains
des
principaux moyens de
production comme
la terre,
sont enfermés
dans un système de
croyances mystiques qui empêchent de faire
d'eux,
des
facteurs
de
production et
ainsi,
de développement.
Dans certains systèmes fonciers traditionnels,
la terre appar-
tient
aux dieux.
Dans d'autres,
elle est la propriété des an-
cêtres.
Il
en résulte
que
ce bien d'importance économique fondamenta-
le,
ne
peut
être utilisé librement,
sans procéder à des céré-
monies cultuelles de
"main-levée"
du
pouvoir des dieux ouf-.an -
cêtres.
Les valeurs monétaires subissent également le poids du système
des valeurs traditionnelles.
L'argent
en
particulier
n'a
pas
dans
certaines
régions
afri-
caines,
une
existence propre.
Il
est
lié à
l'activité de
la-
quelle il résulte.
Provenant de telle ou telle activité,
il ne
peut servir à financer telle ou telle opération,
parce qu'il y
aurait des interdits prescrits par les ancêtres.
(3).
(1) Cas de la Côte d'Ivoire,
du Gabon,
du Zaïre,
etc ...
(2) Cas du Congo,
de l'Ethiopie,
etc . . . .
(3) Voir infra, nO 162.
..

98.
Les rapports
que
les hommes ont avec ces biens font donc obs-
tacle à leur utilisation pour
le développement d'une économie
moderne qu'elle soit capita11ste ou socialiste.
157.
C'est
pour
cette
raison
que
la
plupart
des
Etats
africains
"mode rnes"
ont,
a
leur
accession à
l'indépendance,
opté
pour
l'anéantissement
de
ces
valeurs
coutumières,
qui
stérilisent les moyens de production.
Il s'agira pour les pays
ayant
choisi
le
libéralisme,
de
créer
entre
l ' homme
et
les
biens matériels,
des
liens
objectifs
qui
permettent l ' appro-
priation privée
des moyens de
production.
Et pour les pays a-
fricains d'obédience socialiste,
il s'agira de substituer l'E-
tat aux ancêtres ou aux dieux dans leurs rapports avec les mo-
yens de production.
Dans cette action d'autant plus délicate qu'elle porte sur des
conceptions sociales considérées comme immanentes par
les po-
pulations africaines,
les pouvoirs publics n'hésiteront pas à
recourir au droit pénal.
Cette
solution
a
suscité la réaction de
certains
juristes et
sociologues africains qui voient en elle,
une solution de fa-
cilité devant
l'ampleur des tâches à
accomplir pour le décol-
lage économique.
Il
nous
semble
opportun
(1)
avant d'analyser
la contribution
du droit pénal
économique africain au passage de la propriété
mythique à la propriété de production (Section II),
de montrer
le bien-fondé du recours au Droit, en particulier au droit pé-
nal, en appréciant le poids qu'exerce sur le développement,
le
régime
coutumier
de
la
propriété
des
moyens
de
production
(Section 1).
SECTION l
LE POIDS DU REGIME COUTUMIER DE LA PROPRIETE DES
MOYENS
DE
PRODUCTION
SUR
LE
DEVELOPPEMENT
D'UNE
ECONOMIE MODERNE.
158.
La
mise
en
oeuvre
d' une
économie
moderne
suppose
(1)
Bien
que
notre
étude
soit
une
étude
juridique,
il
n'est
pas sans intérêt de montrer les éléments sociologiques qui
expliquent l'attitude du législateur.


99.
dans tous
les cas,
une utilisation optimale des ressources et
des moyens de production.
Or
les
sociétés traditionnelles
africaines n'ont pas avec ces
biens,
des
rapports objectifs de sorte que les hommes ne peu-
vent entretenir des rapports fondés sur la notion de producti-
vité.
Nous
présenterons
l'influence
néfaste
du
système
tradi-
tionnel
des
rapports
hommes-ressources
à
travers
deux
exem-
ples ; celui des rapports des hommes avec la terre (Par.
1) et
celui
des
rapports
des
hommes
avec
les
valeurs
monétaires
(Par.
II).
Paragraphe l
Les rapports hommes-terre
159.
Les
conceptions
que
l'africain
traditionnel
a
des
relations entre
lui et
la terre,
est à certains égardsfacteur
de stagnation économique.
En effet,
la terre,
dans la plupart
des sociétés africaines,
est un bien collectif, un bien insus-
ceptible
d r appropriation
privée
parce
qu 1 elle-----
est
une
création de
la nature qui
existe dans l'intérêt de tous et ne
saurait de ce fait,
donner lieu à un droit de propriété privée
individuelle (1).
Dans
certaines
autres
sociétés
africaines,
la terre est
déifiée.
Vue
comme un bien
laissé par
les ancêtres,
la terre
est l'objet de culte.dans certaines régions.
Elle est considé-
rée comme une divinité génitrice dont
la mission est de pour-
voir
aux
besoins des hommes qui
l'occupent.
De ce
fait,
elle
n'est pas plus le bien de la colléctivitéque celui d'un indi-
vidu.
S'appartenant à elle-même,
personne ne peut en disposer.
N'étant
pas
un
bien matériel,
son aliénation paraît même
in-
concevable.
( 1) Kouassigan Guy Adj été "L' Homme et la terre" ORS TOM- Berger
Levrault. P.9
..

100.
Il
'existe entre la terre
et
le groupe social qui l'occupe un
lien qui ne
s'analyse pas en.un simple lien juridique; c'est
une véritable pprticipation.
Et le droit qui s'exerce sur elle
étant
plus
fort
que
le
simple
droit
de
puissance,
n'est
pas
pour autant un. droit de propriété.
,
C'est
l'originalité
du
statut
juridique
de
la
terre
en
Afrique Noire (1).
Bien
collectif
en
étroite
relation
avec
les
structures
sociales
et
faisant
l'objet
d'un culte particulier dans cer-
tains
cas,
telle
était,
et
demeure
encore
dans
les
secteurs
traditionnels des sociétés africaines,
la situation
juridique
de la terre avant la colonisation européenne du XIXè siècle (2).
Cette
conception
des
rapports
hommes-terre
qui
consacre
l'immobilité et l'inaliénabilité de la terre enlève à celle-ci
son caractère d'instrument économique.
Puisqu"aussi bien,
--
-----l'esprit communautaire qui
sous-tend le régime
juridique
de
la terre
intervient malheureusement peu dans son exploita-
tion.
La communauté villageoise qui possède d'une manière col-
lecti ve
la
terre,
ne
se
1 ivre
qu'à
de
peti tes
exploitations
familiales pàrfois même individuelles.
160.
Dans
le système traditionnel
africain donc,
la pro-
priété n'est guère liée directement à l'activité économique (3).
Par
ailleurs,
la
propriété divine de
la terre
conduit à
une sous-explication de celle-ci.
Le chef de la terre (4) qui
dans les sociétés traditionnelles africaines est le mandataire
des ancêtres ou des dieux propriétaires des terres,
ne concède
des
droits
d' exploitation
qu'aux
autochtones
descendants
de
(1)
Kouassigan Guy Adjété
"L'Homme et
la terre" ORSTOM Berger
Levrault P.9.
(2) Kouassigan op.cit. P.9-10.
(3) J.Y Calvez op.cit. P.122.
(4)
Voir
sur
ce
personnage,
ses
fonctions,
ses
pouvoirs,
Kouassigan, op.cit.
ORSTOM -
Berger-Levrault.


101.
èes ancêtres.
Les allogènes, parfois plus nombreux et plus ac-
tifs,n'acquièrent que très difficilement des
droits d'exploi-
tation.
Cette discrimination dans les concessions,
fondée sur l'appar-
tenance au groupe,aboutit comme nous l'avons dit à une exploi-
tation
insuffisante
de
la
terre.
Elle
s'est
certes
atténuée
aujourd'hui,
mais elle demeure
encore vivace dans les esprits
et inspire parfois des réactions xénophobes (1).
En conclusion,
le droit foncier traditionnel est un droit mys-
tique et mythique dans son fondement
et i l est de ce fait,
un
droit
sociologiquement
très
fort,
mais qui ne
permet
pas une
exploitation de terre suivant les règles et les formes que re-
quièrent
les
modèles
de
développement
économique choisis par
les pays africains~près la colonisation.
Paragraphe II
L'utilisation
"anti-économique"
des
rl-
chesses.
161.
"L'argent
apparaît
comme
un des noeuds
du dévelop-
pement.
C'est
l'intermédiaire
entre
l ' activité
productive
et
la consommation.
C'est lui,
par le crédit,
qui permet l'inves-
tissement"
(2).
Le développement économique est donc
incompatible avec l'uti-
lisation
dans
un
but exclusivement autre qu'économique des
r.ie:hesses monétaires.
L'argent dans la conception traditionnelle africaine,
apparaît
plus comme un moyen de prestige social qu'un facteur économi-
que
d'où l'utilisation irrationnelle dont
i l fait l'objet à
l'occasion des décès,
des cérémonies rituelles,
des fêtes,
des
mariages,
etc ...
( 1) Il
semble
que
la
révolte
Bété de
Côte d'Ivoire
contre
le
pouvoir avait son origine dans un conflit né de l'exploi-
tation des terres "bété" par des allogènes
(Gbagho Laurent
Côte d'Ivoire
Pour une
alternative démocratique.
L'Har-
mattan 1983).
( 2 ) G.
ALTHABE "Progrès économique et communautés villageoises
l'exemple de la Côte Orientale Malgache in structures tra-
ditionnelles çt développement
op.
cit.
P.102.
..

102.
Le résultat est que l'épargne nécessaire a l'investissement ne
peut
se
constituer,
si
non , e l l e
est
détournée
des
circuits
économiques
dans
lesquels
elle
devrait
normalement
s'insérer
pour promouvoir le développement.
162.
Parfois
ce
sont
des
considérations
d'ordre psycho-
sociologique
qui font obstacle à l'utilisation économique des
ressources financières.
En
effet,
comme
le
rapporte
M.
ALTHABE
a
propos de certains
peuples de
la Côte orientale malgache,
"quand on observe l ' u-
tilisation
réelle
de
l'argent
dans le village,
on s'aperçoit
qu'il
ne
possède
pas
(un)
mode
d'existence
abstrait
par
exemple,
constate-t-il,
l'argent tiré d'une
prestation matri-
moniale ne pourra être utilisé que pour l'achat d'un vêtement,
en aucune manière,
i l ne pourra servir à obtenir de la nourri-
ture.
Si
un
vi llageois
a
"1 ' interdit
du
poulet",
i l
peut
l'éleve.r
mais non le consommer.
L'argent tiré de la vente du poulet ne
pourra servir à acheter de la nourriture ...
(1).
L'utilisation
de
l'argent
peut
donc
dans
certaines
régions
d'Afrique,
dépendre de son origine.
Dans ce cas,
i l reste en-
fermé en celle-ci et
perd de
ce
fait,
sa
fonction
de bien é-
conomique.
Les exemples pourraient être multipliés à volonté.
L'argent est dans certaines sociétés un objet cultuel.
Ai~s~,
par ~xemple, la cérémonie d'établissement d'une "fraternité de
sang" à Madagascar s'effectue sur des pièces de monnaie ou sur
un billet de banque.
Il en est de même de nos jours,
pour la dot
. Celle-ci consis-
tait
dans
la
société
traditionnelle
pure,
en des prestations
de
service
gratuites
et/ou en des dons
symboliques de biens
matériels par le fiancé à sa future belle-famille.
(1) G. ALTHABE op.cit.
P.102.
..

103.
Aujourd' hui
la
dot
consiste
en
des
prestations
pécuniaires
tr~s élevées.
Et c'est à juste titre qu'elle est vue comme un
facteur
détournant
l'épargne
de
sa
destination rationnelle
l'investissement économique (1).
163.
La thésaurisation constitue un autre facteur révéla-
teur de
la
méconnaissance de
la valeur économique de l'argent
et des richesses tel que l'or.
En conclusion,
nous faisons
nôtre,
une
remarque de M.
ALTHABE
qui
dit
que
Ill' argent,
s'intégrant
dans
l'uni vers villageois
est
redéfini
par
lui,
il
devient
signe
d' une
communauté
qui
émerge
du
rapport
avec
le
pouvoir
extérieur
.
les
agents du
développement
économique
] ui
donnent
un
mode d'existence qui
n'a rien à voir avec celui-ci ... " (2).
SECTION II
LE
DROIT
PENAL
ECONOMIQUE
ET
LA MODIFICATION DU
REGIME
COUTUMIER
DE
LA
PROPRIETE
DES
MOYENS
DE
PRODUCTION.
164.
La conception coutumi~re des rapports entre l'Homme
et
la
terre est comme nous
l'avons dit
incompatible
avec les
fondements
du nouvel ordre
économique
auquel
les pouvoirs pu-
blics
africains
ont
proclamé
leur attachement
apr~s leur ac-
cession à l'indépendance.
Cette conception coutumi~re qui fait de la terre,
un bien mys-
tique
insusceptible
d'appropriation
par
l'homme,
heurte
de
front,
les
régimes de
propriété capitaliste et socialiste des
moyens de production.
Les
législateurs
africains
vont
donc
recourir
au
droit
pénal
pour
soutenir
les mesures du droit
du
développement en
faveur de la démythification de la terre
(Par.
1).
(1) Voir infra deuxi~me partie, titre II
(2) ALTHABE G. op.cit.
P.t02.
•.

104.
Ils vont,
dans la même· optique,
s'attacher à réprimer une pra-
tique coutumière connue dans les pays pastoraux qui est fondée
sur le seul attrait du prestige.
Il s'agit du vol coutumier de
bétail (Par.
II).
Paragraphe l
Le droit pénal économique et la démythifi-
cation des rapports "Hommes-terre".
165. L'exploitation des terres suivant le système écono-
mique socialiste ou capitaliste, exige que l'on s'attaque à la
conception coutumière des rapports entre les hommes et la ter-
re.
Mais,
en introduisant dans une société qui ne connaissait pas
réellement
le
droit
de
propriété
sur
la
terre,
les
pouvoirs
publics
africains
se
sont heurtés au problème de la
réparti-
tion des terres et surtout à
celui du respect de cette répar-
tition.
En
effet,
comment
peut-on
faire
admettre
des
droits
indivi-
duels sur des biens que les hommes ont toujours considéré com-
me étant insusceptibles d'appropriation privée?
Les
pouvoirs publics africains n'ont cependant
pas reculé de-
vant
les
difficultés
du
probème.
Mais
leurs
attitudes
n'ont
toujours pas été les mêmes.
En Côte d'Ivoire par exemple,
le législateur a adopté un prin-
cipe
"révolutionnaire".
La
terre,
dit-il,
appartient à
celui
qui
la met en valeur.
Les dieux et les ancêtres en sont ainsi
dépossédés du moins théoriquement puisque d'une part,
le texte
ayant proclamé ce principe (1) nia jamais été promulgué et que
d'autre
part,
dans
les
mi lieux villageois,
l'on
continue
de
croire que la terre ne peut appartenir en propre à l'individu.
Il demeure cependant possible en Côte d'Ivoire comme dans d'au-
tres pays africains comme
le Sénégal,
que l'homme peut acqué-
rir, un droit individuel sur la terre en vertu d'un titre fon-
cier ou d'une décision administrative.
(1)
VO Albert Ley;
le régime domanial et foncier et le déve-
loppement économique de la Côte d'Ivoire L.G.D.J.
1970
..

105
Le
titulaire
de
ce
titre
foncier
a
un droit
privatif sur
la
terre à
lui concédée.
Comme on_le voit, c'est le régime capi-
taliste de la propriété sur là terre qui est ainsi instauré en
Côte d'Ivoire et au Sénégal.
Le législateur Sénégalais va plus loin que son homologue ivoi-
rien.
En effet,
le droit de propriété sur la terre est pénale-
ment protégé au Sénégal.
L'article 423 du code pénal incrimine
le
fait
de
cultiver
ou
dl occuper
"Une
terre
dont
autrui est
titulaire en vertu d'un titre foncier
ou d'une décision admi-
nistrative". La sanction prévue est une peine d'emprisonnement
pouvant atteindre trois ans.
On
imagine
aisément
les
malentendus et les problèmes
sociaux
que
peut
engendrer
la mise en oeuvre
dl une telle disposition
pénale
dans
une société qui,
jusque là,
croyait que
la terre
appartenait aux ancêtres (1).
166.
D'autres
mesures
répressives
qui
accentuent
le ca-
ractère exclusif du droit de propriété institué sur la terre,
ont
été
adoptées
par le législateur sénégalais
(2)
ainsi que
par ceux d'autres pays africains où le problème de la réparti-
tion de l'eau d'irrigation se pose.
Afin de ne pas priver certaines propriétés de l'eau, certains
législateurs
africains
sont
intervenus
pour
imposer
au moyen
du droit
pénal économique,
le
respect
des règles qui détermi-
nent les modalités relatives à la répartition de l'eau.
Ainsi
à
Madagascar,
11 article
473
du
code
pénal
punit
d'une
peine
d'emprisonnement
de
quinze
a
vingt
neuf
jours
les
in-
fractions aux règles de répartition de l'eau.
L'article 606 du
code
pénal
marocain
punit
la
même
infraction
de
peines
plus
sévères.
Il
élève
en
effet
la
peine
d'emprisonnement
a
deux
ans.
( 1) C'est
sûrement
à
cause de ces problèmes que
le
Président
ivoirien n'a jamais promulgué la loi de 1963.
(2) Cf.
art.
18-8 0
du Code pénal Sénégalais.
..

106.
Plusieurs
autres
codes
pénaux
africains
répriment
les viola-
tions des règles relatives à l'eau (1).
168.
A l'~mage du code pénal français de 1810, la protec-
tion
des
moyens de production s'étend en Afrique à
celle des
produits (2).
Ainsi, les codes pénaux nigérien (3),
centrafri-
ca in
(4),
sénégal ais
(5),
gabonais
(6),
prévoient des peines
d'emprisonnement
contre
la
destruction
des
biens,
récoltes
d'autrui.
L'objectif de ces diverses mesures
instaurant des droits
de
propriété individuels sur les terres est simple.
Il s'agit,
en
considération
du
système
économique
choisi,
de supprimer des
esprits,
l'idée
selon
laquelle
la
terre
et
les
fruits
de
la
terre,
appartiennent aux ancêtres ou aux dieux.
Paragraphe II
La répression du vol coutumier de bétail.
169.
Parmi
les
coutumes
africaines dont
le respect con-
duit a des attitudes incompatibles avec le nouvel ordre écono-
mique,
le vol coutumier de bétail
offre l'exemple le plus ty-
pique.
Considéré
par certains peuples de pasteurs non comme la sous-
traction frauduleuse
de
la
chose d'autrui,
c'est à dire comme
un
vol,
mais
comme
un
exploit
à
la gloire de
son auteur,
le
vol
coutumier
de
bétail
constituait,
et
continue
dans
une
certaine mesure
d'être un fléau qui décime les cheptels (7).
(l)
yo
art.
295-4 0
C.P.
centrafricain;
226 C.P. malien
342
C.P.
gabonais;
18-8 C.P.
sénégalais . . . .
(2) yo Supra,
chapitre l
(3) yo art.
395 C.P.
nigérien
(4) yo art.
275 C.P.
centrafricain
(5) yo art 416 C.P.
sénégalais
(6) yo art.
344 C.P.
gabonais
(7)
J.
Costa-Lascoux,
une
politique pénale contre le sous-dé-
veloppement Penant 1967 nO 716 P.169.
S. RANDRIANAHINORO
.
la jurisprudence de la Cour Suprême de Madagascar en matiêre
de vol de boeufs,
pénant 1984,
N°783,
P.S.
et s.


107.
Simplement fondée sur la seule volonté de prouver sa bravoure,
par
le seul
attrait du prestige social,
la coutume du vol de
bétail constitue un obstacle sérieux au développement de 11é-
levage.
Elle
fait
penser
à
la
coutume
qui,
au Burkina Faso,
oblige le
jeune Mossi sur
le point de se marier,
a prouver sa
bravoure
à
ses --futurs
beaux
parents
en
commettant
des
vols
spectaculaires.
En incriminant cette pratique coutumière,
les législateurs des
pays pastoraux comme le Niger,
le Burkina-Faso, Madagascar,
la
Guinée . . . .
entendent
affirmer la valeur économique du bétail,
et rompre avec cette coutume en contradiction avec les besoins
socio-économiques actuels.
Cependant,
quoique répondant aux mêmes aspirations, ces légis-
lations pénales contre cette coutume n'ont pas le même esprit.
Les lois pénales nigériennes et malgaches
(B) contre le vol de
bétail ont en effet, une inspiration différente de celle de la
Guinée qui
assimile cette
pratique coutumière au détournement
de deniers publics (A).
170. Considéré en Guinée comme une richesse nationa-
le,
comme
un
bien
public.
(1),
le
bétail
fait
l'objet
d'une
protection dont
la vigueur
des
peines édictées rappelle celle
des mesures françaises de l'économie de guerre
(2).
En
effet,
le
droit
pénal
économique
Guinéen
é-
tablit
entre
bétail
et bien public,
entre cheptel et deniers
publics
une
équation
qu 1i l
érige
en
norme
juridique
dont
la
violation
attire
sur
son
auteur,
les
sanctions
pénales
les
plus sévères.
(1) y o
ordo
nO
14
du
14 février
1959
loi
75-62 du
23 Nov.
1962 ; loi n°
11-64 du 2 janv.
1964 ; loi 43-65 du 21 sep-
tembre
1965.
(2) y o infra deuxième partie,
Titre l,
chap.
1.


108.-
L'article
332
du code
pénal guinéen
prévoit contre
le vol de
bétail,
outre
l'emprisonnement,
la
confiscation
de
tous
les-,
biens
du
délinquant
(1).
Le
vol
aggravé
de
bétail peut être
puni de la peine de mort
(2).
Le souci
des pouvoirs publics guinéens de sensibiliser la po-
pulation à la valeur économique du cheptel national,
s'exprime
dans
l'extension de
la
répression pénale
aux complices et aux
receleurs.
Ceux-ci peuvent également
voir
leurs biens confis-
qués au profi~ de l'Etat.
B - ~~_~~e~~~~~~~_~~_~~~_~~_~~!~~~_~~_~~~~~~~:~~~~_~
~~~~~~~~~~-~!_~~-~!~~~~
171.
Au
Niger
et
a
Madagascar
comme
en
Guinée,
le
vol
traditionnel
de
bétail est perçu comme une menace
perma-
nente
sur
les cheptels et en tant que telle,
est érigé en dé-
l i t pénal.
L'ampleur des législations (3) de ces pays témoigne de la fer-
me
volonté des pouvoirs publics de
rompre au moyen de l'inti-
midation et de la répression pénale le lien coutumier qui unit
les populations à cette pratique lI an ti-économique ll •
Sans assimiler le vol de bétail et détournement de deniers pu-
blics,
les textes nigériens et malgaches ne sont pas pour au-
tant moins vigoureux que ceux de la Guinée.
Cette vigueur apparaît d'une
part
au niveau des conditions de
l'incrimination et d'autre part,
au niveau des peines encourues.
v° les dispositions de la loi du 2 janvier 1964, reprise
par la loi du 21 septembre 1965 portant code pénal guinéen.
( 2 )
VO art.
332 al.
2 C.P.
guinéen.
( 3 ) Voir
pour
le
Niger
ordo
59-061
du
17 Avril
1959 ..JJ.O.
1er Mai
1959 P.240,
loi
de
ratification nO
2-59 du 7 Août
1959)
;
VO également
les
articles
321 à 331 du code pénal
du 15 juillet 1961
Pour Madagascar
: ordo
60-106 du 27 septembre 1960 et ordo
62-090 du 1er octobre 1962 (J.O.
19 octobre 1962 P.2371).
Pour
le Burkina-Faso
:
loi
7-80 du
4 juin
1970 décret de
promulgation nO 80-191 du 17 juin 1980.
..

109
172.
Au niveau de l'incrimination, celle-ci s'étend,
outre l'auteur principal de l'infraction,
à toutes les person-
nes qui,
d'une manière ou d'une autre,
ont participé,
facilité
ou même seulement,
omis
de dénoncer le coupable.
Toutes ces personnes sont
passibles des mêmes peines que cel-
les
applicables à
l'auteur principal
de
l'infraction.
Les ar-
ticles 15 de l'ordonnance malgache du 27 septembre 1960 et 328
du
code
pénal
nigérien de
1961
le
précisent nettement.
L'au-
teur
de
l'infraction
et
"celui
qui
a
dissimulé
ou
tenté
de
dissimuler les animaux volés"
(1) encourent les mêmes peines.
Au niveau de
la
rigueur de
l'incrimination,
il faut également
noter
les
dispositions
de
l'article
329
du
code
pénal
nigé-
rien.
Celui-ci
considere
comme
complices,
les chefs de grou-
pe,
de groupement
et de
village
qui,
ayant eu connaissance du
délit,
ne
l'ont
pas
dénoncé aux autorités administratives ou
judiciaires (2).
L'extension
de
la
sanction
a
ces
derniers
constitue
dans
l'orthodoxie du droit criminel,
un fait bien curieux.
En effet,
la complicité obéit
à cette double
règle qu'elle ne peut être
réalisée
par des
faits
postérieurs
à
l'acte principal
ni par
une
simple abstention
(3).
Certes,
en ce qui concerne la pos-
tériorité des faits
(4) et la "positivité" des agissements,(5)
l~ législateur", et la jurisprudence apportent des exceptions,
(1)
Texte de l'article 328 C.P.
Nigérien
(2)
Dans le même sens, voir art.
6 de l~ loi burkinabé de 1970
relative à la répression du vol de bétail.
(3) M.
Puech:
les Grands arrêts de la jurisprudence criminel-
le,
cujas
1976 P.346
;
YO crim.
22
juin
1972 R.S.C.
1973
401 obs. Yitu;
crim.
5 nov.
1943 S.
1944. 1.44.
(4)
Crim.
30
avril
1963
Bull.
nO. 157
R.S.C.
1964,
134
obs.
Légal.
(5) Crim.
27 oct.
1971 R.S.C.
1972375 obs.
Légal.

'.
110.
mais,
i l ' demeure qu'en visant
les
chefs
de
groupement
et
de
village,
le. législateur
nigérien
consacre
un
cas
spécial
de
complicité par omission.
En
l'espèce,
ce
qui préoccupe le lé-
gislateur nigérien comme d'ailleurs
la
plupart de ses homolo-
gues
africains,
n'est
pas
le
respect
d'une
règle
juridique
aussi
fondamentale
soit-elle,
mais
la
nécessité
d'enrayer
de
la
société,
une
pratique
coutumière en contradiction
avec
l'ordre
de
valeurs
économiques
auquel
les
pouvoirs
publics
africains ont proclamé leur attachement.
On voit déjà là,
l'u-
ne
des
particularités
du droit
pénal économique
celle d' ê-
tre
peu respectueux des
principes
qui
d'ordinaire,
gouvernent
le droit criminel
(1).
173. Là vigueur des textes malgaches et nigériens en
matière de vol
de bétail apparaît
également au niveau du taux
des peines encourues.
En effet,
les articles 321 à 323 du code
pénal nigérien et les articles 5 et 6 de l'ordonnance malgache
du 27 septembre 1960 punissent le vol qualifié de bétail de la
peine de mort ou de la prison à Vle.
En dépit du taux très élevé des peines,
les législateurs nigé-
riens et malgache refusent au délinquant,
le bénéfice des cir-
constances atténuantes et du
sursis à
l'exécution de la peine
prononcée (2).
Il est question par ces textes,
au Niger comme dans la plupart
des
pays
pastoraux,
d'enrayer
une
pratique coutumière en rai-
son de
ses effets contraires
aux besoins du nouvel ordre éco-
nomique.
Dès
lors,
il
faut
employer les moyens d'intimidation
et de répression qui,
sur le plan juridique, sont les plus ef-
ficaces,
c'est à dire les sanctions pénales.
(1) Voir supra nO 73 à 75 et infra,
nO 260.
(2)
Cf.
art.
325.
C.P.
Nigérien
1961 et ordo
du
14 Mai
1960
(Madagascar)
il
semble
que
si
la
peine
prononcée
est
la
peine de mort,
le condamné peut bénéficier des circonstan-
ces atténuantes (Niger).

111.
CONCLUSION
DU
CHAPITRE
III
174.
Comme
nous
venons
de
le
voir,
le
régime
coutumier
de
la
propriété __ des
moyens
de
production
qui
correspond
aux
besoins et
aux
"non-besoins"
de
l'économie de subsistance, ne
peut permettre la mise en oeuvre d'une économie capitaliste ou
socialiste.
Le recours au droit pénal contre le système foncier tradition-
nel
est
une
exigence
du
choix
d'un
système
économique
autre
que celui de l'économie de subsistance.
Mais
certains
auteurs
ont
critiqué
les
politiques
pénales
africaines contre le système traditionnel.
"La
vie
politique
africaine,
écrit M.
Adjété
Kouassigan,
té-
moigne de l'échec constant de la règle de droit que l'on tente
de
légitimer
p~ le prétexte de stabilité politique nécessaire
au développement économique et social"
(1).
Pour certains autres auteurs,
la conservation du système tra-
ditionnel
constitue
une
affirmation
de
la
personnalité afri-
caine,
une
lutte
contre
le
colonialisme
culturel
et
même
un
facteur de développement économique (2).
175.
Cette philosophie,
fondée sur "l'attrait du rétrovi-
seur", constitue à notre sens,
une idéologie qui masque,
faute
de pouvoir les résoudre,
les véritables problèmes de l'Afrique.
Le
développement
économique
est
un
impératif
pour
l'Afrique.
De
lui,
dépend,
dans
le
monde
actuel,
le
bien-être des peu-
ples.
Or,
il suppose une ouverture des esprits aux réalités du
monde moderne,
et exige de
ce
fait en Afrique,
une action no-
vatrice sur les structures et valeurs traditionnelles.
(1) G.A.
Kouassigan, Q~elle est ma loi? Tradition et moderni-

dans
le
droit
p"rivé
de· la__.famiU.e- en
Afrique
Noire
francophone.
éd. Pedone 1974 P.13.
(2)
Sakombi
Inongo ci té
par
Youssouf M.
Bargane Guissé ';---Phi:-
losophie
culturelle
et
devenir
social
en
Afrique
Noire.- _______________
N.E.A.
1980 P.32.
.-

112.
"Le temps,
disait M. André Tunc,
n'est pas à une vaine nostal-
gie.
Il
est
à
l'effort.
Dans J'admiration
du
passé,
mais en
considération de l'avenir, cj~st à peu près l'ensemble des va-
leurs traditionnelles qui devra sans doute être réformé .. " (1)
La civilisation n'est en effet pas un phénomène figé.
Elle é-
volue
et
l'Homme
doit
savoir
la
faire
évoluer si elle ne le
fait pas d'elle-même (2).
(1) A.
Tunc
: les aspects
juridiques du développement,
Dalloz
1966 P.23.
(2) A.
Tunc. op. cit.
P.23.
..

TITRE II
DROIT P~NAL ~CONOMIQUE ET MODES D'ORGANISATION DE L'ACTIVIT~
~CONOMIQUE
..

113.
176.
Le
mode
d'organisation
de
l ' acti vi té
économique ou
modalité suivant
laquelle,
dans une
société donnée,
les indi-
vidus
produisent
les
biens
et
services
dont
ils
ont
besoin,
vient, avec le régime de propriété des moyens de production,
en
première ligne- des affrontements idéologiques de classe socia-
le.
Les règles
relatives au mode
d'organisation de l'activité
économique
résultent
de
la conception que
la classe dominante
a
des
rapports
de production et
de distribution des biens et
services.
L'instauration de ces règles ne va généralement pas sans créer
des
conflits
sociaux,
parce
que
chaque
groupe
social
a, des
rapports
de
product~on, une
conception qui
lui
est
propre
et
qui répond à ses intérêts.
Ainsi,
la classe ouvrière est d'une
manière générale
plus
favorable
aux modes d'organisation éco-
nomique
permettant
l'autogestion
au
niveau
des
entreprises.
Par contre,
les détenteurs des moyens de production sont favo-
rables
aux
systèmes
renforçant
le
"pouvoir capitaliste"
à
la
direction des entreprises.
L'adoption et l'instauration d'un mode d'organisation économi-
que
reviennent
en
fait,
à
imposer à la classe sociale minori-
taire ou dominée,
le
système économique qui sert le mieux les
intérêts de la classe dominante.
177.
Détentrice
des
pouvoirs
polltique
et
économique,
cette classe va naturellement organiser
la protection du sys-
tème de production et de distribution contre les actes tendant
à entraver son bon fonctionnement.
l'une des
"faces"
(1)
de cette protection
la "face" la plus
courante,
est
la
protection par
le Droit,
en
particulier par
le droit criminel.
( 1) On
peut
songer
à
la
protection
poli tique
(propagande
et
police politique) et militaire
(ex.
intervention militaire
en Tchécoslovaquie et en Pologne par l'armée Soviétique).
..

114.
En
effet,
d'une
manière
générale,
on
pense
comme
en
ce
qui
concerne
la
propriété
des
moyens
de
production
(1)
que
le
meilleur moyen pour obliger les individus à travailler suivant
les conditions
voulues,
est
de mettre
en oeuvre
un" appareil
coercitif permanent" (2)
s'appuyant sur le "Gendarme du droit":
le droit
criminel.
On comprend dès
lors
pourquoi,
aussi bien
dans
les pays socialistes
que
dans
les pays capitalistes,
les
règles relatives au mode d'organisation de l'activité économi-
que sont exprimées par des textes pénalement sanctionnés.
178.
Dans
les pays capitalistes,
il
s'agit d'utiliser les
forces d'intimidation
du droit pénal pour instaurer et proté-
ger la liberté du commerce et de l'industrie.
En effet,
comme
nous
le disions,
la doctrine libérale en com-
battant
le corporatisme,
estime que
le bien-être social est
lié
à
la
libre
concurrence -en matière
économique.
L'ensemble
de la collectivité disait en ce sens Adam Smith,
aurait tout à
gagner
à
une
1 ibre
concurrence
entre
industriels
et
commer-
çants (3).
Dans
les régimes
socialistes au contraire,
il s'agit,
par
le
droi t
pénal,
d'amener
les
individus
à
mettre
leur
force
de
travail à la disposition de la planification économique.
L'or-
ganisation
étatique
de
l ' acti vi té
économique
est,
suivant la
doctrine marxiste-léniniste,
le meilleur moyen pour la collec-
tivité, d'atteindre le bien-être matériel.
Mêmes
les
pays
du tiers-monde qui
ont
adopté récemment
l'une
ou
l'autre
de
ces
doctrines
socio-économiques,
recourent
(1) Voir supra, titre l.
(2) Lénine,
Oeuvres,
éd.
sociales,
Torne 29,
P.483.
(3) A. Smith, cité par Acton H.B. What Marx really said. Trad.
Anne Laurens,
éd. Marabout.
Université 1967.
P.19.


115.'
également
au
droit
pénal
pour
"asseoir" dans
leurs
sociétés,
les
principes
économiques
résultant
de
ces
doctrines.
Mais
dans ces pays,
i l s'agit plutôt
au moyen de la sanction péna-
·le,
de
faire
respecter
les
règles devant
permettre 11 instau-
ration puis le. ~~veloppement dl une économie moderne,
condition
du bien-être social.
Les
pouvoirs publics des' pays sous-déve-
loppés,
ceux
dl Afrique
en
particulier,
entendent ainsi,
avec
l'appui du droit
pénal,
assurer
le passage de l'économie tra-
ditionnelle dite de subsistance,
à une économie moderne de ty-
pe capitaliste ou socialiste.
Ce sont là,
grosso modo,
les fondements socio-économiques
qui
expliquent
le
recours
au droit
pénal économique pour ins-
tituer
et
protéger
dans
les
pays capitalistes,
en France no-
tamment,
la libre
concurrence
(chapitre 1),
dans les pays so-
cialistes,
le
monopole
étatique
de
11 activité
économique
qui
Si exprime
concrètement
par
la
planification
( chapitre
II)
et
dans les pays africains,
les mesures adoptées pour conduire au
dépassement de lléconomie de subsistance (chapitre III).
..

CHAP 1TRE
1
ORO 1T
PtNAL
tCONOM 1QUE
ET
LiBRE
CONCURRENCE
L'EXEMPLE DE LA FRANCE
..

116 . .
179.
Faisant partie de l'ordre de valeurs auquel se réfè-
re le système économique capita~iste, la libre concurrence ré-
sultant de
la liberté du commerce
et de llindustrie va,
comme
la propriété privée des moyens de production, bénéficier de la
protection du droit pénal.
La
liberté du commerce et de
l'industrie est l'une des liber-
tés
fondamentales
de
11 Homme,
proclamées
par
la
Révolution
française de 1789.
"Tout citoyen,
disaient les " r évolutionnai-
\\
res
de
1789"
est
pareillement
libre d' employer ses bras,
son
industrie et ses capitaux,
ainsi
qu'il
le juge bon et utile à
lui-même.
Nul
genre
de travail
ne
peut
lui être
interdit.
Il
peut
fabriquer
et
produire ce
qui
lui
plait,
et comme
il
lui
plait
i l peut garder ou transporter
a son gré toute espèce
de marchandises,
et
les
vendre en gros ou en détail.
Dans ces
diverses
occupations,
nul
part iculier,
nulle
association
n'a
le
droit
de
le
gêner,
a
plus
forte
raison de
l'empêcher.
La
loi
seule
peut
marquer
les
bornes
qu 1 il
faut
donner
à cette
liberté comme à toute autre"
(1).
Ce
texte
de Sieyès modifié par
plusieurs
autres au cours des
travaux préparatoires des
Droits de llHomme,
aboutit au texte
proposé
par
d' Allarde
Il A
compter du
1er avril
prochain,
il
sera
libre
à
tout
citoyen d'exercer telle profession,
art ou
métier
qu'il trouvera bon,
après
s'être pourvu d'une patente,
et
en avoir acquitté
le
prix suivant les taux ci-après déter-
minés,
et à la charge de se conformer aux règlements qui pour-
ront être faits Il •
Il
s'agit

d'une
liberté
qui
apparaît
comme
le
corollaire
indi spensable
de
la
1 iberté de
posséder à titre
privat if
les
moyens de production.
180.
Dans tous
les
pays qui
l'ont adoptée,
la liberté du
(1) J.L. MESTRE:
le conseil constitutionnel,
la liberté d'en-
treprendre et la propriété, Recueil Dalloz nO du 5 Janvier
1984.
.'.

117.
commerce et
de
l'industrie
a donné
lieu à des mesures juridi-
ques qui,
tout en la proclamant, organisent sa protection.
En
droit
français,
on
peut
observer
ces
mesures
dans
toutes
les branches du Droit.
La
liberté
du
commerce et de
l'industrie,
est
d'abord consa-
crée
par
la
constitution
(1)
par. la
référence
que
celle-ci
fait dans son préambule,
à la Déclaration des Droits de l'Hom-
me.
On
peut
ensui te
noter
une
jurisprudence administrat ive,
bien
qu'aujourd'hui en recul,
qui
tend à protéger ce principe con-
tre
les
atteintes
de
l'Etat
résultant
de
son rôle
économique
actuel (2).
En droit privé également,
le principe de la liberté du commer-
ce et de
l'industrie se trouve
dans une certaine mesure,
con-
sacrée.
La liberté contractuelle (3)
repose sur ce principe.
181.
Mais
paradoxalement,
la
libre
concurrence,
expres-
sion de la
liberté du commerce
et de l'industrie donnera lieu
à des mesures répressives.
En dépit de
la
liberté qu'il
prône,
le libéralisme s'appuyera
sur
le droit
pénal.
La
liberté
économique absolue peut débou-
cher
sur
des
"excès"
notamment
en
ce
qui
concerne
la valeur
quantitative des biens produits et
leurs prix.
Le droit pénal
économique
intervient
alors
pour
la
proclamer
et
également
pour conjurer les abus auxquels elle peut conduire.
(1) VO J.L.
MESTRE op.
cit.
(2)
VO
G.
FARJAT,
droit
économique
Thémis
P.U.F.
1982 P.441.
Lemoal
: Droit de concurrence,
éd.
Economica 1979;
F.
Drey-
fus
;
la
liberté
du
commerce
et
de
l'industrie,
Berger-
Levrault 1973; Maillot,
la place du principe de la liberté
du commerce et de l'industrie en droit administratif fran-
çais.1964.
(3) C.F.
art.
1134 C.
Civ.
Français.
E. Gounot,
le principe de
l'autonomie
de
la
volonté
en droit
privé;
contribution à
l'étude
critique
de
l'individualisme.
Thèse
Dijon
1912 •..

118. -
En France,
la protection pénale de ce principe économique
a connu plusieurs péripéties.
Quelques années avant
la Révolution,
l'édit de Turgot de 1776
abolit les compagnonnages qui,
selon les physiocrates,
consti-
tuent une entrave à la "libre concurrence"
(1).
Mais la résis-
tance
des
négociants
à l'application de ce texte conduisit à
son abandon six mois après sa promulgation (2).
Après
la
Révolution
de
1789,
le
premier
soin
du
législateur
Français
fut
d'interdire
les
corporations
et
les coalitions.
La loi le
chapelier du
14-17
juin 1791 interdit aux individus
exerçant
une
acti vi té
semblable de
se
consul ter
ou de
former
des coalitions sur des sujets d'intérêt commun (3).
Le code pénal du
13 mars
1810 reprit
ce texte dans ses
arti-
cles 414 et suivants.
Mais
au mi lieu du XIXè siècle,
ces textes
furent
abrogés ou
profondément modifiés,
de
sorte qu'il
n'y avait que l'article
419 qui dans une formule bien confuse,
visait la protection de
la concurrence.
Alors
que
ce
principe
constitue
avec
celui
de
la
propriété
privée des moyens de production,
la base du Système économique
(1) y o
Blake,
the
law of the Restrictive Trade practices cité
par J.A.
Finkelstein,
les accords de distribution exclusi-
ve aux Etats-Unis et en France, Rev.
intern.
de droit com-
paré 1982 P.9.
(2)
Finkelstein,
loc.
cit.
(3)
yo
art.
2 et
4,
loi
le chapelier de
1791
D.
1885 L.
664.
"Si, dit l'article 4 de cette loi,
contre les principes de
la
liberté
et
de
la
constitution,
des
citoyens
attachés
aux mêmes professions,
arts et métiers,
prenaient des dé-
libérations ou faisaient entre eux des conventions tendant
à refuser de concert ou à n'accorder qu'à un prix détermi-
né le secours de leur industrie ou de leurs travaux,
les
auteurs
seront cités devant
le tribunal
de police
con-
damnés chacun à cinq livres d'amende".
..

119.
français,
sa protection fut donc laissée,
jusqu'en 1953 (1),
à
l'article 419 et dans une cer~aine mesure,
à l'article 412 (2)
du code pénal de 1810.
En ce qui concerne la protection pénale
de la concurrence en France,
on peut donc distinguer le régime
antérieur à 1953 de celui d'après cette date.
En
réalité,
l'évolution
du
droit
pénal économique de
la
concurrence
à
partir de
cette date est
liée
au passage d'une
certaine forme de concurrence
: la concurrence classique (Sec-
tion
1)
à une autre forme
la concurrence monopolistique ou
moderne (Section II).
SECTION l
LE
DROIT
PENAL
ECONOMIQUE
ET LA PROTECTION DE LA
CONCURRENCE CLASSIQUE.
182. La concurrence classique ou concurrence pure et par-
faite
ou
atomistique...
est
celle
qui
résulte
de
la
théorie
économique libérale.
Clest celle qui prône "la multitude d'en-
treprises
qui
luttent
sans avoir chacune une influence déter-
minante sur le marché"
(3).
Sans doute
pour
"coller"
à
l'esprit
qui prévalait aux premiè-
res heures du libéralisme,
en France, on a hésité pendant long-
temps
à
organiser
la
protection juridique de
la concurrence.
(1) 1953 est en effet,
l'année d'adoption du décret du 9 Août
rétablissant
la
concurrence
après
la
"cartelisation"
de
l'économie
française
par
les
comités
d'organisation
pen-
dant
la
deuxième
guerre
mondiale.
y o
infra,
nO
218
; y o
également P.
Barbry et R.
Plaisant
; la libre concurrence
et ententes industrielles ... D.
1954 chr. P. 67 et s.
(2) L'article 412 du code pénal qui réprime les entraves à la
liberté
des
enchères,
tend
dans
cette mesure,
à
protéger
la
concurrence.
yo
Aubertin-Fauchille,
thèse
précitée
P.
22-23.
(3) G. Farjat : Droit Economique, op. cit. P. 551.
..

120.
Jusqu'en
1953,
en effet,
i l n'y a jamais eu un texte comme le
Sherman Act Américain (1)
quio~ganise la protection pénale de
la
concurrence.
On siest contenté
pendant
plus d'un siècle et
demi,
des lois du 2-7 mars 1791 dites décret d'Allarde,
du 14-
21
juin
1791
dite
loi
le
chapelier
qui
supprimait
le
régime
corporatiste.
Les textes
les plus significatifs protégeant
la libre concur-
rence à l'époque,
étaient les articles 414 et suivants du code
pénal
(Par.
1),
la loi du
20 avril 1916 et la loi du 3 décem-
bre
1926,
qui
a
modifié
la formulation
initiale
de
l'article
419 (Par.
II).
Paragraphe l
Les dispositions du Code pénal de 1810.
183.
Les
articles
414 et
suivants du code
pénal
avaient
été adoptés essentiellement pour
interdire
les coalitions.
Le
code pénal prévoyait deux espèces de coalitions
: celle qui se
forme soit entre employeurs pour abaisser les salaires des ou-
vriers,
soit entre les ouvriers pour suspendre et enchérir les
travaux
et celle
qui
se forme entre des commerçants pour o-
pérer la hausse ou la baisse des cours d'une certaine marchan-
dise au-dessous ou au-dessus du prix fixé par la libre concur-
rence.
A - La répression des coalitions entre employeurs ou
entre ouvriers.
184. Llarticle 414 du code pénal de
1810 interdisait
"toute coalition entre
ceux qui
font
travailler des ouvriers,
tendant
a
forcer
injustement
et
abusivement
l'abaissement du
salaire,
suivie d'une
tentative ou d'un commencement d'exécu-
tion ... Il
Le Sherman Act fut voté le 12 juillet 1890.
En son article
1er,
il
déclare
Il illégal
tout
contrat,
toute
association
ou
toute
entente
en vue
de
restreindre
les échanges avec
les pays étrangers.
Toute
personne
partie à un tel accord
se rend coupable d'un délit . . . "


121.
Qu ant
a
l'article
415,
i l
incriminait
"toute
coalition
pour
faire cesser en même temps de travailler,
interdire le travail
dans un atelier,
empêcher de s'y rendre et d'y rester avant ou
après certaines heures,
et en général de suspendre,
empêcher,
enchérir
les
travaux".
Il
faut
faire
observer
que
l'article
415 n'exigeait pas comme le faisait l'article 414,
que la pre-
tention prétexte
à la coalition fût
"injuste et abusive"
(1).
Dès lors,
pour les ouvriers,
la coalition était incriminée en
tant
que telle.
Peu importait
que
les réclamations qui la mo-
tivaient aient été justes ou légitimes.
Alors que pour les em-
ployeurs,
la
coalition
n'était
réprimée
qu'autant
qu'elle
avait pour but de forcer "injustement et abusivement" l'abais-
sement du salaire (2).
Cette différence de traitement exprime d'une part,
la lutte de
classe "patrons-ouvriers" et d'autre part,
l'attitude partisa-
ne du législateur dans cette
lutte~ Elle témoigne de l'esprit
qui prévalait au XIXème siècle, dans les relations des patrons
avec
leurs ouvriers.
On pensait en effet,
que toutes revendi-
cations
salariales
étaient
nocives
pour
l'économie
(3).
Par
contre,
celles des employeurs n'étaient répréhensibles que si
elles avaient pour but d'obtenir
"injustement et abusivement"
la réduction des salaires.
En d'autres termes,
les employeurs
avaient
le
droit de
"coaliser"
sous réserve
de
ne
pas abuser
de
ce
droit
tandis
que
les
ouvriers ne pouvaient en aucun
cas
le
faire.
On
voit
bien
le
caractère
de
"législation
de
classe" des articles 414 et 415 du code pénal de 1810.
185. Certes, une loi du 27 novembre 1849 avait atté-
nué
cette
différence
de traitement,
mais il
a
fallu attendre
en
France
la pression d'un
courant de pensée
né au milieu du
(1) y o Chauveau et Hélie op.
cit.,
Tome Y P.520 et s.; yo spé-
cialement
Philonenko,
Article
419 du
code
pénal
la
loi
de
l'offre et de
la demande,
et
le concept de
libre con-
currence Gaz.
Pal.
1953,
P.15 et s., nO
31 et s.
(2) Chauve au et Hélie op.
cit.
Tome V,
P.
522.
(3) H.B.
Acton op. cit.
P.20.
..

122.
XIXè siècle,
pour voir le législateur reconnaître aux ouvriers,
le
droit
de
se concerter et
de
s'entendre sur leurs
intérêts
collectifs.
En
effet,
c'est seulement en
1864
(1)
et en
1884
(2) que deux lois ont été adoptées pour reconnaître la liberté
syndicale et notamment le
droit de
Il suspendre
de concert,
les
travaux", c'est à dire,
le droit de grève
(3).
Ce courant de pensée favorable aux ouvriers ne s'est manifesté
que beaucoup plus tard aux Etats-Unis,
soit en 1914 lorsque le
Clayton
Act,
en
modifiant
le
Sherman
Act,
a
déclaré
que
"le
travail d'un être humain n'est ni une marchandise ni un arti-
cle
de
commerce.
Aucune
disposition
des
lois
anti-trusts
ne
sera interprétée de manière à empêcher l'existence ou le fonc-
tionnement des organisations ouvrières~
186. Mais en France, en dépit des termes très clairs
des
lois de
1864 et
1884,
on a
pu croire
qu'elles
validaient
du coup, et les syndicats ouvriers et les ententes patronales.
En
effet,
dans une espèce tranchée
par la
cour de
Paris,
une
association
avait
conclu
un
certain
nombre
de
contrats
avec
des
fournisseurs
parisiens.
Ces
contrats
interdisaient
aux
fournisseurs de vendre à des clients qui ne faisaient pas par-
tie
de
l'association,
sauf
a
le
faire
à
un prix plus élevé.
Les
membres
de
l'association
attaquée en
justice,
firent
va-
loir
pour
leur
défense,
que
la
loi
du
21
Mars
1884 annulait
outre les articles
414 et
415,
l'article 419 qui interdit les
coalitions entre principaux détenteurs d'une marchandise
(4).
La Cour d'Appel de Paris décida que l'article 419 n'était nul-
lement remis en cause par
la
loi du 21 Mars 1884 (5).
L'objet
de cette
loi
précisait SARRUT,
diffère
absolument de celui de
l'article
419 du code pénal.
Cette
loi,
ajouta-t-il,
est sans
(l) Loi du 25 Mai 1864
( 2) Loi du 21 Mars 1884
( 3) Voir Philonenko, op. cit. P. 17 nO 31 et s.
(4 ) Voir infra nO 187 et suivants.
( 5) C.A.
Paris 28 Fév.
1888 D.P.
1893 II.
69.
..

123.
influence sur l'article 419 qui est étranger à l'ordre d'idées
auquel elle se réfère.
(1).
B -
La
répression
des
coalitions
entre
principaux
-détenteurs d'une marchandise.
187.
La
fonction
traditionnelle
de
l'article
419
était donc
d'imposer conformément aux thèses physiocratiques,
la concurrence "naturelle et libre" par la répression de toute
entente entre
industriels ou commerçants.
Mais surtout au dé-
but
du
XIXè
siècle,
ce
texte
visait
"ceux qui
dérobent à
la
circulation,
des marchandises ou denrées
de première nécessi-
té ... " (2).
Mais
l'application
de
l'article
419
aux
coalitions
s ' était
très
tôt
heurtée
à
des
di ff icul tés
résultant
de
ses
propres
termes.
En
effet,
on
se
demandait
à
quelles
conditions
les
coalitions étaient-elles
interdites,
on se demandait,
s ' i l ne
fallait
pas faire
la distinction entre
les ententes dites dé-
fensives et celles faites dans un but purement spéculatif pour
monopoliser une marchandise ou pour dominer le marché.
La
doctrine
avait
suggéré
cette
distinction.
"Il
fallait,
écrivait
Amiaud,
laisser
la
possibilité
aux
industriels
et
commerçants de se
préoccuper d'organiser
leurs professions et
de
régler
par
des
ententes
entre
eux,
les
problèmes
qui
les
concernaient"
(3).
(1) Louis Sarrut, note sous crim.
24 Avril 1891 D.P.
1893 1.60
Certains auteurs ont pu soutenir le contraire. Voir Batbie
la
loi
sur
les
coalitions
cité
par
Sarrut,
loc.
cit.
;
Amiaud
la
règlementation
juridique
des ententes
indus-
trielles
en
droit
français,
in étuàes de droit
contempo-
rains.
Trav.
et
rech.
de
l'institut
de
droit
comparé
de
l'Université de Paris.
Sirey 1953 P.71.
(2)
va loi du 26 juillet 1973 qui constitue avec celle du 14
juin 1791 la double origine de l'article 419 du code pénal
du 13 mars 1810, va Chauve au et Hélie op. cit. Tome V P.540.
(3) Amiaud,
la règlementation juridique des ententes industri-
elles en droit français ..
Sirey 1953 P.171,
voir également
du même auteur,
les
nouvelles
formes
d'entente entre pro-
ducteurs devant la loi pénale.
Thèse Paris.
1914.
..

124.
La
jurisprudence
suivit
cette
opinion
et
faisait
la
distinc-
tion
entre
ententes
défensives
qu'elle
ne
réprimait
pas,
et
ententes
spéculatives,
auxquelles
elle
appliquait
l'article
419 du code pénal
(1).
A partir
de
ce
moment
donc,
ce
texte
f i t
l ' obj et
d'une
application sélective qui limitait son domaine d'application.
Par
ailleurs,
l'article
419,
dans
sa
rédaction
initiale
de
1810 vit,
face à l'accroissement de la spéculation au début du
XXè siècle et surtout au cours de la première guerre mondiale,
son
efficacité
limitée
par
des
lacunes
que
les
lois
du
20
Avril
1916 et du 3 décembre
1926 devaient venir combler.
Paragraphe II
Les
lois
du
20
Avril
1916
et du
3 Décem-
bre
1926.
188.
L'article 419 du code pénal français de
1810 dans la
répression
de
l'accaparement
sous
sa
forme
individuelle
pré-
sentait
des
lacunes
que
révèle
l'histoire
de la protection de
la concurrence.
L'article
419
réprimait
outre
la
coalition,
l ' altération des
prix
au-dessous
et
au-dessus
de
ce
"qu 1 aurait
déterminé
la
concurrence
naturelle
et
libre",
lorsque
cette
altération
é-
tai t
provoquée
de
manière
individuelle
par
certains
moyens
frauduleux.
Si l'on s'en tient à
la lettre du
texte,
la hausse ou la bais-
se des cours des produits ne pouvait être réprimée que si elle
était
réalisée
grâce
aux
moyens
frauduleux
déterminés
par
la
loi
;
ce qui constituait une limite à son efficacité du moins,
à son rayon d'action potentielle.
(1)
vo P. Garaud ; l'état actuel de la législation et de la
jurisprudence françaises
relatives
à
l'accaparement,
à
la
spéculation
i l l i c i t e
et
aux
coalitions.
Bull.
de
la
soc.
de légis.
comp.
1924.
P.
344 et s.;
VO E. Garçon et autres
op.
cit.
P.391.
..

125.
SUivant le principe de l'interprétation stricte des lois péna-
les,
la jurisprudence n'appliquait l'article 419 qu'en présen-
ce de manoeuvres dolosives (1).
Or,
la
hausse
ou
la
baisse
artificielle
des
prix
peut
être
réalisée individuellement sans recours à des moyens frauduleux.
C'est l'hypothèse du refus de vente qui,à l'époque,
ne consti-
tuai t
pas
en
tant
que tel1~
une
infraction
pénale.
Cet
acte,
suivant les dispositions de l'article 419,
ne pouvait être pu-
ni
que
s' i l
était
accompli
dans des
conditions frauduleuses.
Et
pourtant
ce
comportement,
qu'il
se
réalise
avec
ou
sans
moyens frauduleux,
a
un effet ,négatif potentiel sur le jeu de
la loi de l'offre et de la demande
(2).
189.
En outre,
la non-incrimination de
la tentative fai-
sait
obstacle
à
la
répression
des
délinquants
qui
n'ont
pu
accomplir
leur
spéculation
pour
des
raisons
indépendantes de
leur volonté.
La jurisprudence répressive s'est toujours tenue
à
une application stricte du texte
: pas de délit sans hausse
ou baisse effective des prix (3).
La Cour de
Cassation affirmait de
façon constante que IIl a loi
pénale n'atteint
pas les coalitions dont
le résultat est pos-
sible ou même présumable, mais seulement celles dont le résul-
tat justifié est la hausse des prix
ou,
ce qui revient au mê-
me,
l'empêchement de la baisse Il
(4).
L'impunité
de
la
tentative
réduisait
à
l'égale de
l'exigence
de manoeuvres frauduleuses
l'efficacité de l'article 419 dans
la mesure où elle dépouillait la répression de sa fonction in-
timidatrice générale.
(1) Paris
24
Août
1860 D.P.
1860-5-59;
Seine
3 Mai
1901
D.P.
1903 II P.97;
Paris 5 Août 1890 D.1893 1.
P.49 noteSARRUT
(2)
VO
infra, la
répression
des
pratiques
restrictives
de
la
concurrence
dans
les opérations de vente et prestation de
services.
(3) S.
Aubertin-Fauchille, thèse précitée P.17;
Voir crim.
1er
Fév.
1834 S.
1834 l
P.81;
crim 29 Mai 1840 S 1840 l
p.831;
crim.
14 juil.
1854 D 1854 l
P.
301.
(4) Crim.
16 Nov.
1911 S 1912.I.P.536.
..

126.
C'était
pour combler ces lacunes que
la
loi
du
20 Avril
1916
(A) et la loi du 3 Décembre 1926 (B) ont été adoptées.
A - La loi du 20 Avril 1916 (1).
190.
La
loi du
20 Avril
1916 n'avait pas,
à propre-
ment
parler,
modifié
l'article
419
du
code
pénal
français.
Elle avait simplement élargi son domaine d'application.
Désormais,
l'article 419 s'applique à tous les actes de spécu-
lation qui,
quelles que
soient les conditions dans lesquelles
ils
ont
été
perpétrés,
avaient
pour
but
de
procurer à
leurs
auteurs,
un
gain
qui
ne
résulterait
pas du
jeu de
la
loi
de
l'offre et de la demande.
La loi du 20 Avril 1916 marquait ainsi une évolution importan-
te par rapport à la situation antérieure.
D'abord la tentative devenait
punissable et ensuite,
l'emploi
de
moyens
frauduleux
et
la
coalition n'étaient
plus
les
élé-
ments déterminants de l'infraction.
"le critérium de l'infrac-
tion
résidait
désormais
dans
le
but
de
spéculation
illici-
te ... " (2).
La
Cour
de
Cassation
pouvait
dès
lors
déclarer
que
"la
loi
n'exige
pas
que
la
réunion ou la coalition entre
les princi-
paux
détenteurs
d'une
même
marchandise
soit
accompagnée
de
voies ou moyens frauduleux
quelconques
qu'il ressort du tex-
te même de
l'article 419 du code pénal (3)
qu'il suffit qu'il
y
ait
eu,
soit
réunion ou coalition entre
les principaux dé-
tenteurs
d'une
marchandise,
soit
emploi
de
voies
ou
moyens
frauduleux
quelconques tendant
aux mêmes
fins,
pour que,
dans
l'un comme dans l'autre cas,
l'application du dit article soit
justifiée"
(4).
(1)
Il était prévu que la loi du 20 Avril 1916 ne resterait en
vigueur que pendant trois ans.
(2)
E. Garçon et autres,
op.
cit.
P.
392.
(3)
Tel
que
modifié
par
l'article
10
de
la
loi
du
20
Avril
1916.
(4) Crim.
14 Déc.
1916 S 1917 1. P . 65.
..

127.
191.
L'article
419
dans
son
inspiration
nouvelle a
donné
lieu à
plusieurs
procès au cours desquels les tribunaux
se
donnèrent
les
pouvoirs
lès
plus
larges
d'appréciation
du
critère illicite de la spéculation.
Or,
d'après l'article
10 de
la
loi du 20 avril 1916 qui a mo-
difié
l'article
419
du
code
pénal,
la
spéculation
illicite
n'est
établie
que si elle n'est
justifiée ni par
les besoins
des approvisionnements du commerce,
ni par de légitimes prévi-
sions industrielles et commerciales.
Les décisions rendues à cette époque étaient parfois si sibyl-
lines
dans
leurs
motivations
qu'il
est
impossible
de
tirer
d'elles
une
jurisprudence claire et
précise sur la notion de
spéculation illicite.
Par
exemple,
pour
le
tribunal
correctionnel de Marseille
(1)
"le
délit
de
spéculation
illicite
ne
peut
être
retenu
à
la
charge de
courtiers pour
avoir
revendu du blé à raison de 109
francs
les
100
kilogrammes,
s ' i l
est
établi
que
c'est
à
la
suite
d'une
série
de
tractations
commerciales
que
ces
dits
courtiers
ont
fini
par
conclure
le marché
au prix incriminé,
qui était alors le cours du jour".
S'appuyant sur des
considérations d'une toute autre nature,
la
Cour d'Appel de Paris estimait que le délit de spéculation il-
licite ne
saurait être
retenu contre
un commerçant malheureux
ou
maladroit
en
affaires
qui
avait vendu sa marchandise avec
un
bénéfice
normal
et
rationnel
bien
que
son
prix
de
vente
élevé
ait
eu
une
répercussion
sur
le
mouvement
ascensionnel
des prix ( 2 ) .
Pour
la
Cour
d'Appel
de
Grenoble,
constitue
une
spéculation
illicite
au sens de l'article
10 de
la
loi du
20 avril
1916,
le
fait
pour
un
marchand
de
charbon de
vendre
au prix de
10
francs,
les
100
kilogrammes
alors
que
le
prix
d'achat de
ce
charbon était de 6,90 francs
(3).
(1)
Trib. corr. Marseille 8 Mai
1919 Gaz.
Pal.
1918.
P.372.
(2) C.A.
Paris 12 Avril
1918 Gaz.
Pal.
1918-19.
P.341;
voir é-
galement crim.
31 Mars 1918 Gaz.
Pal.
1918-19 P.357.
(3) Grenoble 31 Janv.
1918 Gaz.
Pal.
1918 P.364.
e .
.. ..
~,

128 ..
Le
caractère
illicite
de
la
spéculation était donc
un
élément
de
fait
laissé comme tel,
à l'appréciation souve-
raine des juges du fond (1).
192.
La loi du
20 Avril
1916 venait ainsi d'établir
un dêlit nouveau,
distinct de celui de l'article 419 qui sup-
posait l'accaparement ou la coalition.
IILa spéculation dit-on,
pour
être
illicite,
ne
suppose
pas
forcément
l'accaparement.
Celui-ci
n'est
que
l'une
des
formes
de
spéculation
qui
peut
être réalisée par tous autres moyens ll
(2).
Mais cette
loi
qui se présentait comme une loi de circonstan-
ce,
a
cessé d'être applicable à
l'expiration du délai de vie
(3) qu'on lui avait prescrit.
L'abondante jurisprudence à laquelle elle avait donné lieu (4)
en
témoigne
d'une
certaine
efficacité.
C'est
ce
qui
a
sans
doute
motivé
sa
reconduction
par
une
loi
du
23
octobre
1919
pour une nouvelle période de trois ans (5).
A l'expiration
de
ce
nouveau
délai,
le
législateur
prit
un
texte
la
loi
du
3 décembre
1926,
qui modifiait,
cette fois
de façon définitive,
l'article 419 du code pénal.
B - La loi du 3 Décembre 1926.
193.
La
loi
du
3 décembre madi fiai t
donc
l'article
419 dans sa rédaction de 1810. Comme le notaient ses commenta-
teurs,
elle
ne
fait
que reprendre
les dispositions
de
la
loi
(1) Crim.
31 Mars 1918 préc.
(2)
Voir
spécialement,
Trib.
corr.
de
Libourne 26 avril et 10
mai 1918 Gaz.
Pal.
1918 P.314 .
. (3) La loi du 20 avril 1916 avait en effet été promulguée pour
une période de trois ans.
(4) Crim.
21
janv.
1915
D.
1920.1.82;
Trib.
corr.
Seine
12
juin 1917 Gaz.
Pal.
1917 P.712;
Marseille 15 Nov.
1917 Gaz
Pal.
1917
1023;
Paris
12 mai
1917 Gaz.
Pal.
1917.
673;
14
Nov.
1917 Gaz.
Pal.
1917999, etc ...
(5) Loi du 3 Octobre 1919 J.O. 1919 11790.
·,

129.
du
20
avril
1916.
Elle
constitue
une
consécration
définiti-
ve
(1).
Mais
en
réalité,
la loi de
1926 constitue un compromis entre
le texte initial de 1810 et l'article la de la loi de 1916.
En
effet,
comme - l'article
419 dans sa version initiale,
elle
se
voulait
protectrice
dl une
certaine forme
de concurrence
la concurrence "naturelle et libre". Mais par rapport aux dis-
positions originelles de
1810,
la
loi de 1926 marque une évo-
lution
qui
la
rapproche
de
la
loi de
1916 dans
la mesure où
elle comble les lacunes du texte de 1810 en ce qui concerne la
répression de la tentative et de
la hausse illicite en dehors
de tout emploi de moyens frauduleux.
L'article
419
ainsi
modifié a
constitué
jusqu'au décret du 9
Août
1953
(2)
relatif à
la
répression des ententes illicites,
le seul véritable texte pénal garantissant ...
du moins
rappe-
lant
le fondement libéral de l'économie française.
194.
Mais
l'article
419
du
code
pénal
a
servi
de
fondement
à
peu de
condamnations,
sauf en ce
qui concerne
le
boycott
d'entreprises
concurrentes.
En
effet,
la plupart des
décisions de condamnation rendues sur la base de ce texte
visaient les coalitions faites
dans
le but d'éliminer une en-
treprise concurrente (3).
Mais,
ce texte a surtout été appliqué de façon négative,
c'est
à dire,
pour rejeter les demandes de condamnations à des sanc-
tions
pénales.
Les
notions
"d 1 action
sur
le
marché"
et
de
"gain anormal"
(4)
étaient très
restrictivement entendues par
les tribunaux.
(1) L.
Mazeaud commentaire de la loi du 3 décembre 1926 D.1927
E.
Garçon et autres,
op.
cit.
P.393.
(2)
Décret du 9 Août 1953 J.O.
1953 P.6143.
(3)
VO
spécialement crlm.
I l
juin
1937
D.
1938.
33;
crim.
13
ma r s
1952 J. C . P.
19 5 2 II 7 1 09 .
(4)
C'est
à
dire,
le
gain
qui
ne
résulte
pas
de
la
loi
de
l'offre et de la demande,
du jeu de la concurrence.
..

130.
Ainsi,
pour
la
jurisprudence,
l'action sur
le marché
résulte
de
"tout
élément
susceptible,d'i agir sur
le marché
par simple
influence,
en
dehors
du
fait
matériel
de
la
violation de
la
loi économique ... "(1). Mais i l faut "rechercher si les parties
en cause,
sont en mesure d'exercer une influence déterminante
sur
les cours et si,
ayant mis en oeuvre cette influence,elles
ont
la responsabilité de
la hausse
(2).
Il faut également te-
nir
compte
des effets virtuels de l'action sur
le marché
no-
tamment,
de
ses effets non pas seulement
au
jour où les
par-
ties en cause ont agi, mais également,
pour l'avenir (3).
En ce qui concerne l i gain anormal,
c'est à dire celui qui ne--
résulte pas de
la
loi de l'offre et de la demande,
les tribu-
naux ne visent
que
le caractère excessif du bénéfice (4).
Car
la recherche de bénéfices est de l'essence même de l'entrepri-
se capitaliste.
Certains auteurs ont,
pour cette raison,
pro-
posé
de
supprimer
toute
répression pénale des ententes.
Elle
"aboutit
disent-ils,
à
la
limitation
du
bénéfice
par
le
ju-
ge
;
une pareille limitation est inadmissible ; la produc-
tion ne peut,
dans les conditions économiques modernes,
s'ac-
comoder d'une telle entrave"
(5).
Aussi,
sensibles à
cette
remarque,
les tribunaux veillent-ils
à ne réprimer le "gain anormal" que si celui-ci résulte de bé-
néfices excessifs.
Le problème s'est alors posé de savoir com-
ment déterminer
le caractère excessif des bénéfices. Certains
tribunaux
ont
résolu
le
problème
en
recourant
au
ministère
d'experts (6).
(1) Paris 19 avril 1937 D.
1937.
II P.35 note Tchernoff
Colm
24 ma r s
1938. Ga z.
Pal.
1938 1.
7 10 .
(2) Paris 30 mars 1949 Gaz.
Pal.
1949 l
P.200
( 3) Douai 28 nov.
1951 D.
1952 P. 13.
(4) Crim.
8 mars 1930 D.H.
1930 P.301
;
1er mai
1931 D.H.
1931
P.
350 ; 13 mars 1952 J .C.P.
1952 II 7109.
(5)
L.
Mazeaud
le
problème des Unions de producteurs devant
la
loi
française.
Dalloz
1924.
P.8;
Voir
également,
L.
Sarrut,
note précitée P.51
; J.
Bourgeois: Pour ou contre
la répression en matière économique R.S.C.
1949 P.422.
(6) Montpellier 27 déc.
1936 Gaz.
Pal.
1936 l
425.
..

131.
195.
Dans
leur
grande
majorité,
les tribunaux sont
restés près de
la lettre
de
l'~rticle 419. Le gain révélateur
d'une
entente
illicite
est
celui
qui
ne
provient
pas
d'un
fonctionnement
normal
du marché.
L'une des causes principales
qui faussent le - jeu de
l'offre et de la demande,
c'est le mono-
pole de
fait
dans ce cas,
dès qu'il
y a
une
action sur les
prix,
le gain est présumé anormal (1).
Ce fut le cas notamment
de
l'action
d'un
Syndicat
pour
obliger
ses
membres
à
vendre
aux prix maxima autorisés (2),
de la location par deux commer-
çants de toutes
les boulangeries de Saint Denis de la Réunion
avant de relever le prix du pain (3).
Le rôle
de
l'article
419
était et demeure d'assurer la police
du marché.
Mais "le gain anormal" et "l'action sur le marché",
qui sont les conditions de la spéculation illicite ne sont pas
elles-mêmes répréhensibles.
C'est ce qui explique la réticence
des tribunaux à appliquer l'article 419 du code pénal aux
en-
tentes.
Ce texte
lié à
"l'époque où dominait le modèle idéologique de
la concurrence parfaite"
(4)
s'avéra
après
la deuxième guerre
mondiale,
à la fois lacunaire et "trop ambitieux"
(5)
pour ré-
gir à bien l'économie néo-libérale française.
(1)
AUbertin-Fauchille op.
cit.
P.40.
(2) Crim.
13 mars 1952 préc.
J.C.P.
1952 II 7109.
(3) Crim.
8 mars 1930 D.H.
1930 P.301,
précité.
(4) G.
Farjat op.
cit.
P.487.
(5) Lacunaire parce qu'il a un domaine bien limité:
l'article
419
ne
vise
les ententes que dans
la mesure où elles ont
une influence sur les prix.
Trop ambitieux,
est
l'article 419,
parce
qu'il a vocation
à s'appliquer à toutes les formes d'ententes modernes;
or
justement,
celles-ci,
dans
le cadre des
nouvelles politi-
ques économiques,
ne
sont
pas automatiquement
répréhensi-
bles
(VO
infra,
2ème
partie,
Droit
pénal
économique,
et
politiques économiques actuelles de la France).
.-

132;
SECTION II
. LA PROTECTION PENALE DE LA CONCURRENCE MODERNE.
196.
Après
plusieurs
années
de
tutelle étatique plus ou
moins
absolue
(1)
suite
aux
crises
économiques
consécutives
aux deux guerres-mondiales,
l'économie française a renoué avec
le libéralisme.
Mais si cette "renaissance du libéralisme" n'est qu'imparfaite
comme
en
témoigne
la
survivance de mesures
dirigistes dans
le
droit
économique
actuel
(2)
de
la
France,
elle
a
"réanimé"
l'article
419
du code
pénal,
et surtout,
elle a
engendré une
législation anti-trust d'une inspiration tout à fait nouvelle.
Le droit
pénal économique
français
s'est en effet, enrichi de
mesures qui,
quoique servant par ailleurs,
diverses politiques
économiques
(3), se révèlent également protectrices d'une nou-
velle forme de concurrence dite "concurrence moderne" ou enco-
re,
"concurrence monopolistique"
ou
"oligopolistique".
On ex-
prime par ces néologismes,
la mutation de l'état du marché li-
béral
qui, naguère
composé
de
petites et moyennes
entreprises
concurrentes,
est
aujourd'hui
dominé
par de grandes unités é-
conomiques
(4).
Cette
mutation
des
structures
du
marché
n'a
pas
entraîné
la
suppression de la concurrence.
Elle en a cependant modifié les
données.
197.
La
concurrence
moderne
se
développe
à
deux ni veaux
différents
la
concurrence
au niveau international
et celle
qui se pratique au niveau national.
Au
ni veau
international,
elle
prend
l'allure
d' une
rivalité,
dl une
compétition
entre
Etats.
Cette
situation
exp~ique la
(1)
Voir infra,
deuxième partip, titre 1,
chap.
(2) Voir G.
Farjat,
2è éd.
1982 op.
cit.
(3) Voir infra,
deuxième partie,
titre 1,
chap.
II
(4)
Voir
A.
Piatier
les
formes
modernes de
la
concurrence,
Gauthier-Villars 1964;
F.
Perroux:
L'économie du XXè siè-
cle,
1969 P.123 et s
;
...

<••
. ..... ,.
133 .
U.
tendance
des
Etats
modernes
à \\1 subst i tuer a
leurs entreprises
nationales
qui
sont
les
véritables acteurs de
cette compéti-
tion.
Au
ni veau
interne,
la
concurrence
est devenue complexe.
Elle
met
aux
prises
d'une
part,
des grandes unités de production
entre elles,
et d'autre
part,
ces grandes unités avec les pe-
tits
commerçants
qui
sont
passés
au
travers
du
filet
de
la
concentration capitaliste.
Face à cette nouvelle forme de con-
currence,
le droit pénal économique classique tel qu'il résul-
te des
articles
419 et
suivants du code pénal
demeure appli-
cable.
Màis ces nouvelles données de la concurrence capitalis-
te
ont
rendu nécessaire
l'adoption d'une
législation nouvelle
qui,
dans
la pratique,
a
pris le
pas
sur
les articles
419 et
suivants.
198.
Cette nouvelle
législation
qui
prend sa source dans
le décret
du
9 août
1953 et dans les textes qui l'ont modifié
(1)
pose ou I1re-pose"
le principe de la liberté du commerce et
de l'industrie
et érige
des sanctions pénales contre les ac-
tes tendant à
en entraver le libre exercice.
L'économie politique libérale actuelle exige encore une règle-
mentation
qui
sur
le
plan international vise
les bar-
rières privées à la concurrence.
C'est à cette fonction que se
destinent
les
articles
85
et
86
du
Traité de Rome
en ce qui
concerne les pays de la C.E.E.,
le GATT et les accords de Bet-
ton
Woods
relatifs
aux barrières
douanières.
Sur
le
plan in-
terne,
l'ordonnance du
30
juin
1945
qui a recueilli la légis-
lation anti-trust française vise les entraves à la concurrence
qui
se
réalisent
à l'occasion des opérations de vente
(2)
ou
de prestation de service
(Par.
1) ou par des ententes et cons-
titutions de positions dominantes
(Par.
II).
( 1) Ce
sont
notamment
la
loi
du
28
sept.
1967 relative
à
la
répression des abus
de
position dominante et la loi du 19
juillet 1977 relative au contr&le de la concentration et à
la
répression
des
ententes
illicites et abus
de
position
dominante.
(2)
Raymond
G.
les
techniques
de
vente
au
regard du droit
pénal.
Gaz.
Pal.
1973.
753
Delmas-Marty:
le droit pénal
de
la
vente
D.
1973,' chr.
324.
pour
leurs effets
sur
la
concurrence,
voir
Raymond,
loc.
cit.
P. 757;
Cosnard
le
refus
de
vente
R.T.D.
Corn
1962
P.187;
J.
Azéma
:
le droit
français de la concurrence P.U.F.
1981 P.322 n0530.

., ~,
'.
134.
Paragraphe l
La
répression
des
pratiques
restrictives
de
la
concurrence
dans
les
opérations
de
vente.
199.
L'ordonnance du
30
juin
1945 relative aux prix et à
la
répression des
infractions à
la
législation économique in-
crimine un certain nombre de pratiques réalisées dans les opé-
~àtions de vente ou de prestation de service.
Ce
sont
principalement,
le refus de vente,
les pratiques dis-
criminatoires de
vente et des prix minima imposés ou conseil-
lés (1).
L'incrimination et la répression de ces pratiques s'inscrivent
dans
"l'économie
politique"
libérale
actuelle
qui,
dans
la.
nouvelle
conception
de
la
concurrence,
entend lutter
(par la
concurrence elle-même) contre les actes de nature à bloquer le
processus
évolutif
des
structures
économiques.
En
effet,
au
cours des années "cinquante", ces pratiques restrictives de la
concurrence,
le
refus
de
vente en particulier,
s'étaient dé-
veloppées
et
visaient
surtout
les grandes surf aces qui appa-
raissaient
à
l'époque comme des
nouvelles formes de distribu-
tion très compétitives.
Les
producteurs refusaient de vendre à
ces grandes unités
de
distribution ou ils pratiquaient à leur égard,
des discrimina-
tions,
notamment dans les conditions de livraison,
de paiement
du
prix,
etc.
parce
qu'elles
consentaient d'importants ra-
bais
sur
les
prix
au
détail.
Elles
étaient
ainsi
boycottées
par
les producteurs
favorables
aux prix uniformes et ainsi au
petit commerce qui les pratique.
C'est pour empêcher le boy-
cott
de
ces
nouvelles
structures de distribution qui avaient
la
faveur
des pouvoirs publics
que le refus de vente (A),
les pratiques discriminatoires de vente et des prix minima im-
poses ou conseillés sont interdits (B)
( 1)
A côté de
ces
pyatiques,
on peut relever les
procédés de
vente comme les ventes avec loterie,
au déballage,
par en-
voi
forcé,
à
la boule de
neige et surtout,
la vente avec
primes qui ont,
dans une mesure plus ou moins grande sui-
vant les cas,
des effets nuisibles à la concurrence.

135.,
A -
La répression du refus de vente
200.
L'incrimination et
la
répression pénale du re-
fus
de
vente remontent
à
la deuxième guerre mondiale.
t'opération permettait
à certains commerçants d'aiguiser
la pénurie résultant de la guerre en stockant leurs marchandi-
ses
pour
les vendre plus tard,
à des clients connus d'eux,
à
des prix de marché noir (1).
Aujourd'hui,
la répression du refus de vente répond à d'autres
préoccupations. (2)
Quoiqu'elle ait une "résonnance anti-libérale"
(3),
l'incrimi-
nation
du
refus
de
vente
est
fondée
sur
la protection de
la
concurrence.
La rétention des marchandises par le
producteur relève de fa-
çon artificielle les prix.
Elle bloque le jeu normal de la loi
de l'offre et de la demande.
Le
refus
de
vente
rappelle
l'ac-
caparement que réprimait à la fin du XVIIIè siècle et au début
du XIXè siècle,
l'article
419 du code pénal français
(3 bis).
Ce sont là,
deux pratiques aux conséquences identiques et qui,
comme
le
disait
M.
Delvolvé,
"condamneraient
le
libéralisme
s ' i l n'y était remédié"
(4).
Exerçant
une
influence
"ascen-
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1) Voir Gulphe P.
L'évolution du refus de vente in études of-
fertes à J.
Hamel Dalloz 1961 P.423 et s.
; Levasseur
: la
répression
des
infractions
à
la
règlementation
des
prix
J.C.P.
1943 -
193.
(2)
Le
texte
de
base
est
l'article
37
de
l ' ord.
du
30
JU1n
1945.
Ce
texte
a
été
a
plusieurs
reprises
"modifié".' On
citera
à cet égard,
le
décret du
24 juin
1958
la circu-
laire Fontanet du 30 Novembre 1960, etc.....
'
(3)Voir
Delvolvé;
le
refus
de vente
D.
1960 chr.
P.
206,
qui
explique
"Dans un régime de
libre entreprise
où la li-
berté
de
produire
et
de
commercer
est
inscrit~ dans les
Constitutions,
(l'expression refus de
vente)
est choquan-
te.
Puisque
l'individu
est
libre de
commercer et de pro-
duire,
il est aussi
libre de
ne faire ni llun ni l'autre.
Ou
s ' i l
produit,
quelle
raison
de
le
forcer
à
vendre
?
Eriger
en
délit
sanctionné
pénalement
le
refus
de
vendre
est à priori impensable".
(3 bis) VO
supra,
nO 187.
(4) Delvolvé,
loc. cit.
p.206.
.'~~
-.---

136.'
sionnelle Il
sur
les
prix,
le
refus
de
vente
est
réprimé
dans
une optique de
libéralisme orthodoxe,
"désincarné",
pour per-
mettre
le
jeu naturel de
la
loi de
l'offre et de
la demande,
de la libre concurrence.
201.
Mais actuellement,
la
protection de
la concur-
rence
par
la
répression
du
refus
de
vente,
vise
surtout,
le
boycott d'entreprises.
Toujours
dans
une
perspective
de
libre concurrence mais sur-
tout,
d'égalité économique,
l'incrimination du refus
de vente
tend
aujourd' hui
a
mettre
tous
les
acteurs
économiques
(1)
dans la même situation face aux fournisseurs.
Cette
"égalité économique"
maintenue
par la répression du re-
fus de vente
répond,
comme
nous
le disions,
au souci des pou-
voirs publics d'empêcher le boycott des grands réseaux de dis-
tribution.
Elle est conforme à la philosophie néo-libérale qui
est
favorable
à
la
concurrence oligopolistique,
c'est à
dire
par
"grands réseaux économiques"
comme en témoigne l'attitude
actuelle
des
pouvoirs
publics à
l'égard des contrats de
con-
cession exclusive (a) et de distribution
sélective (b).
al ~~~~~_~~_~~~~~_~! __~~~~~~~_~~_~~~~~~~~~~_~~=
clusive.
202.
Le contrat de concession exclusive est une
convention
par
laquelle
un
commerçant
a
l'obligation
de
ne
s'approvisionner que chez un concédant.
L'inverse est également possible.
Dans cette hypothèse,
c'est
le producteur,
le grossiste ou l'importateur,
etc ...
concédant
qui est tenu de ne
livrer qu'à un ou plusieurs concessionnai-
res distributeurs bien déterminés (2).
(1) Consommateurs,
commerçants de gros ou de détail,
etc . . . .
(2)
VO
Ryziger J.
Contrat d'exclusivité et refus de vente.
Gaz.
Pal.
1961
doct.
P.19
et
s.;
Y.
Serra
la validité
des clauses de non-concurrence D.
1983 chr.
P.51 et s.
..

137.
Les
rapports
entre
les contrats d'exclusivité et
le
refus de
vente sont évidents.
Sur la base d'un tel contrat,
les parties
peuvent refuser à d'autres commerçants,
leurs prestations (1).
Avant
le
décret du
24
juin
1958,
une
jurisprudence qui avait
plus, le
souci
de
respecter
la liberté contractuelle des par-
ties que de
veiller à
la' protection de la concurrence,
recon-
naissait facilement la validité des contrats de concession ex-
clusive (2).
203.
Mais
avec
le
décret
du
24
juin
1958,
et
surtout
sous
l'effet
de
la circulaire
Fontanet,
la
jurispru-
dence a évolué en ce qui concerne ce problème.
La circulaire Fontanet admet la validité des contrats d'exclu-
sivité.
Mais elle exige trois conditions essentielles à cette
validité.
Il
faut
que
l'exclusivité soit réciproque:
le con-
cédant
et
le
concessionnaire
doivent
limiter
simultanément
leur
liberté commerciale.
Le concédant ne devra approvisionner
que le concessionnaire dans un secteur donné et ce concession-
naire doit s'engager à ne pas vendre des produits concurrents.
Il
faut
ensuite
que
le contrat ne conduise pas à des prix im-
posés
(3).
Enfin,
le contrat doit avoir pour but d'assurer un
rueilleur service au consommateur.
Les
prescriptions
de
cette
circulaire
qui
n'ont
en
principe
aucune
force
juridique
autonome
(4),
ont cependant
influencé
la jurisprudence, dans ses décisions en matière économique.
La
Cour
de
Cassation
dans
les
arrêts
Brandt
(5)
BruneI
(6)
(1) Ryziger, loc. cit. J. Azéma, P.U.F. op. cit. P.332 et s.
( 2 ) VO,
C.A.
Paris 17 déc.
1932, Gaz.
Pal.
1933 J.P.
290; Cass;
3 août
1934 Gaz.
Pal.
1934 J.P.
640;
Trib.
comm.
Versail-
les,
14 juin 1939. Gaz.
Pal.
1939 J.P.
360.
VO infra,
nO
207 et s.
Il s'agit en effet,
d'une simple circulaire qui
juridique-
ment ne lie pas le juge,
n'étant pas une source du Droit.
(5) Casso
11 juillet 1962 J.C.P.
1962
II 12799·
(6) Casso
9 janvier 1963 Gaz.
Pal.
1963 J.P.
275·
..

Sénéclauze
(1) . . .
s'appuie sur ces conditions pour reconnaître
la
validité
des
contrats de
concession
exclusive
ou pour
ré-
primer
les
refus
de
vente
fondés
sur
eux
lorsqu'ils
n'obéis-
sent pas à
ces conditions posées par la circulaire Fontanet.
Comme
on
le
voit,
cette
jurisprudence tirée
de
l'application
de
l'article
37
de
l'ordonnance
de
1945,
et
de
la
circulaire
Fontanet,
tout
en
luttant
contre
le
boycott
dl entreprises
attitude anti-concurrentielle,
permet par ailleurs,
de favori-
ser
la
concurrence
par
réseaux
de
distribution.
Il
suffit
à
cet
égard
d'apprécier
plus
ou
moins
restrictivement
suivant
le
résultat
voulu,
les
conditions
de
validité
des
contrats
de concession exclusive.
bl Refus de vente et contrat de distribution
sélective
204.
Le contrat de
"distribution sélective"
(2)
est
"celui
par
lequel,
d'une
part,
le
fournisseur
s'engage
à
approvisionner
dans un
secteur
déterminé
un
ou plusieurs com-
merçants
qu 1 i l
choisit
en
fonction
de
critères
objectifs
de
caractère
qual i tatif,
sans
discriminat ion
et
sans
1 imitation
quantitative
injustifiée,
et
par
lequel
d'autre
part,
le
distributeur
est
autorisé
à
vendre
d'autres
produits
concur-
rents"
(3).
Il
s'agit
également: là,
d'une
convention
dont
l'application
débouche normalement sur le
refus de vente.
(1)
Casso
21 Mars 1972 Gaz.
Pal.
1972 J.
p.855.
(2) VO J.
Azéma,
la distribution sélective ou l'ambivalence du
droit
français
de
la
concurrence.
Sem.
Jur.
Cahiers
de
droits
de
l'entreprise
nO
du
3
nov.
1984,
nO
14089;
V.
Selinsky
op.
cit.
in
sem.
jur.
Suppl.
du
17
Mars
1983
Vilmart.
Ch:
Contrat
de
distribution
sélective.
Arrêts de
la
cour
de
cassation.
Affaire
Du
3
Novembre
1982.
Sem.
Jur.
Suppl.
du 17 mars
1983
;
Burst et Kovar,
La distribu-
tion
sélective et
le
droit
communautaire
de
la concurren-
ce.
R.T.D.
Corn.
1978 P.459 et s.
(3)
VO
casso
3
nov.
1982,
VO
Sem.
jur.
Cahiers
du
droit
de
l'entreprise 1984 N°
1408.
V O annexe 1.
..

139.
Un
producteur
en
choisissant
certains
distributeurs
auxquels
i l
réserve
la
revente
de
ses
produits,
refuse du f ai t
de ce
choix, de vendre aux autres distributeurs.
Comme
le
f ai t
observer
M.
Azéma
(1),
"
ce système est de
nature
à
f auss.er_ le
j eu
de
la
concurrence,
puisqu' i l
limite
dans les secteurs économiques où il est utilisé,
le nombre des
compétiteurs.
Il est,
dit-il,
susceptible d'être appréhendé par le droit de
la concurrence".
Et l'on pense,
à l'article 37 de l'ordonnance
du
30 juin
1945
(2)
qui
incrimine le
refus de vente.
La cour
de cassation y est d'ailleurs favorable
(3).
Mais
comme
en ce qui
concerne les contrats de concession ex-
clusive,
elle ne
réprime pas automatiquement
"la distribution
sélective".
Elle
exige
que, le
ou
les
concessionnaires
soient
choisis
en
fonction
de
critères .objectifs
à
caractère
qualitatif,
sans
discrimination
et
sans
limitation
quantitative
injusti-
fiée
(4).
Le caractère objectif des critères du choix peut résider en la
preuve par le producteur, de la compétence du distributeur "sé-
lectionné"
à présenter son matériel et,
surtout,
à en assurer
la maintenance par le
jeu de
différentes opérations d'instal-
lation et de service après-vente (5).
205.
Il
faut
faire
observer que
l'interdiction
des "limitations quantitatives" est sans effet pour la concur-
rence.
Car
d'une
part,
la Cour de Cassation elle-même semble
(1) J.
Azéma,
la distribution sélective op. cit.
nO
14089.
(2) M.
J.
Azéma
démontre
qu'on
pourrait
bien
appliquer
aux
contrats de distribution sélective~ L'article
50 de l'or-
donnance
du
30
juin
1945 incriminant
les ententes. VO cet
auteur
in Sem.
Jur.
1984 nO
14089 loc. cit.
; du même au-
teur P.U.F.
1981 n0443.
(3) VO Casso
crim 3 novembre 1982 LANVIN et Ste LANVIN Parfums
op.
cit.
qui
fonde sa décision sur l'art.
37 1° de l'ordo
du 30 juin 1945.
(4) Casso crim.
3 Nov.
1982 loc. cit.
(5) V. Selinsky op. cit.
P.
1-2.
..

140.
ne pas exclure la prise en compte de critères quantitatifs dès
lors qu'ils seraient "justifiés 'i
(1),
et d'autre part,
la dis-
tribution
sélective
constitue
objectivement
une
limitation
quantitative du nombre des revendeurs
et
porte ainsi directe-
ment atteinte à-la concurrence.
Mais
l'effort
de
la
cour
de
cassation
pour
poser des bornes
dans ces pratiques qui
débouchent
sur
des refus de vente, té-
moigne de
son souci d'une
part,
de préserver le fondement li~
béral de
l~économie française, contre l'abus de ces pratiques
restrictives
de
la
concurrence,
et
d'autre part,
de celui
de
permettre le développement des "réseaux intégrés" de distribu-
tion
conformément
à
la
conception néo-libérale de
la concur-
rence.
L'incrimination
et
les
conditions actuelles de
la ré-
pression des
pratiques discriminatoires de vente et celle des
prix minima imposés ou des prix minima conseillés s'inscrivent
dans ce même objectif.
B - La
répression des
pratiques discriminatoires de
vente et
des prix minima
imposés ou conseillés.
206. L'incrimination de ces pratiques s'imposent dès
lors qu'on veut faire jouer la concurrence au niveau du détail;
Elle apparaît d'ailleurs,
comme le corollaire indispensable de
l'incrimination du refus de vente.
En
effet,
comme
le
note
M.
Far j at,
si
seulement
le
refus de
vente
avait
été interdit,
on aurait
vu se multiplier les dis-
criminations sur les prix et les conditions de livraison et de
paiement
(2).
Il est en effet,
possible aux commerçants obli-
gés de vendre, pour échapper à la répression pénale pour refus
de vente,
de passer par d'autres moyens pour ne réserver leurs
produits à des clients privilégiés.
Ils le pourront en consen-
tant des
réductions de
prix,
les meilleures conditions de li-
vraison,
des facilités de paiement, etc ...
(1) Cf.
les termes de l'arrêt du 3 nov.
1982 prée.
(2) G.
Farjat, op. cit.
P.498-499.
.-

141.
C'est
pourquoi
le
législateur
français
a érigé en délits pé-
naux,les pratiques discriminatoires de vente (1)
qui,
comme le
refus de vente,peuvent aboutir à l'élimination de concurrents.
L'incrimination
des
pratiques
discriminatoires
a
donc
éga-
lement pour
fonction
de
favoriser
la concurrence dans le sec-
teur de la distribution (2).
207.
Il en est de même en ce qui concerne l'incrimi-
nation des prix minima conseillés ou imposés.
Il
arrive
en
effet
que
certains
producteurs
ou
grossistes
posent comme condition à
l'approvisionnement de
leurs détail-
lants,
la
revente des produits
à
des prix fixés ou conseillés
par
eux.
Or,
i l
est
clair
que
le
respect
par
les
çommerçants d'une telle clause conduit à supprimer l'effet de
la concurrence sur les
prix au niveau du détail.
Ces prix im-
posés
ou
conseillés
étant diffusés
par la publicité,
les dé-
taillants
pourront
vendre
à ces
prix sans crainte
de
concur~
rence éventuelle.
Toutefois,
des
arrêtés interministériels peuvent
accorder des
dérogations
à
l'interdiction
des
prix imposés à
la
satisfac-
tion de ce~taines conditions (3).
Mais ici également
la concurrence,
mais surtout une certaine
forme
de
concurrence, apparaît
bien comme l'objectif par
rap-_
port auquel ces conditions sont appréciées.
Paragraphe II
La
répression
des en tente s
illicites
et
abus de position dominante
208. La doctrine économique libérale, nous l'avons vu,
ne
tolère en principe ni monopole,
ni entente entre industriels
(1) Cf.
art.
37 et 38 ordo du 30 juin 9145 VO circulaire Four-
cade du 30 mai
1970 et scrivener du 10 janvier 1978.
(2)
Calais-Auloy,
la
loi
Royer
et
les
consommateurs
D.
1974
chr.
P.91
;
G.
Farjat,
op.
cit.
P.499.
Sur les conditions
de la répression VO P.
498 à
502.
(3) Voir art.
37 al.
2 § 4 de l'ordo
du 30 juin 1945.
..

142!
et commerçants,
parce qu'ils font obstacle à la concurrence.
Le
droit
anti-trust
français
prend
sa
source
dans
l'article
419 du code pén?l,
puis dans
l'ordonnance du 30 juin 1945 mo-
difiée
par
le décret du9
aoGt 1953,
la loi du 2 juillet 1963
sur
les positions dominantes et
la loi du 19 juillet 1977 re-
lative au contrôle de la concentration et à la répression des
èntentes illicites et abus de position dominante.
L'article
50 de
l'ordonnance
du
30 juin 1945 pose le principe
de l'interdiction des ententes et positions dominantes.
Il vi-
se
"les
actions
concertées,
conventions,
ententes,
expresses
ou
tacites,
ou
coalitions sous quelque
forme
et pour quelque
cause que ce soit,
ayant
pour objet ou pouvant avoir pour ef-
fet
d'empêcher ou de restreindre s~nsiblement le Jeu de la
concurrence . . . .
"Les
activités
d'une
entreprise
ou
d'un groupe d'entreprises
occupant
sur
le
marché
intérieur
ou
sur
une
partie
substan-
tielle de celui-ci une position dominante caractérisée par une
situation de monopole ou par une concentration manifeste de la
puissance économique,
lorsque
les acti vi tés ont pour objet ou
peuvent avoir
pour effet d'entraver
le fonctionnement du mar-
ché" .
Ainsi,
sont
en
principe interdites
les ententes et
les
posi-
tions dominantes
(1).
Cette
interdiction de
principe est exi-
gée par le fondement libéral de l'économie française.
Elle est
d'ailleurs commune à toutes les économies capitalistes actuels
quel
que soit leur stade
de
développement,
et quelle que soit
la configuration de la structure de leurs marchés.
On retrouve donc,
invariablement,
dans
les
législations péna-
les
des
pays
capitalistes,
des
dispositions
anti-trusts con-
damnant
les ententes et les monopoles.
On citera à cet égard,
l'article
1 0
du
Sherman
Act
américain,
de
l'article
50
de
llordonnance
française
de
1945,
de
l'article 85 du traité de
Rome, etc ...
(1) BonassiâS P.
: Les fondements du droit communautaire de la
concurrence
: la théorie de la concurrence-moyen in études
A.
Weill Dalloz lit'ec
1983
P.151.
.,

143.
209. Sur la base de ces dispositions,
des sanctions péna-
les sont ici et là,
prononcées qui expriment l'attachement des
L
f~
pays capitalistes à la concurrence (1).
ï
!•. -
Au
Japon,
par exemple,
on relève un
regain de vitalité de
la
: .
législation anti-trust.
On rapporte
(2)
qu'en Septembre 1980,
le tribunal
suprême de Tokyo avait
prononcé des peines priva-
tives de
liberté contre quinze agents de douze grandes firmes
du pétrole qui s'étaient entendues sur les prix et sur la pro-
duction pendant la crise du pétrole de l'année 1973 (3).
Même
dans
les
pays
capitalistes du tiers-monde,
des
législa-
tions anti-trusts existent.
On notera à cet égard, la loi du 28 juillet 1978 promulguée en
Côte d'Ivoire et qui réprime dans les mêmes termes que l'arti-
cle
50
de
l'ordonnance
française
de
1945,
les
pratiques
qui
suppriment ou restreignent la concurrence (4).
Les pays sous-développés d'Amérique Latine vont même plus loin,
au-delà de
la simple incrimination des pratiques anti-concur-
rentielles résultant des ententes.
t
if--
On
rapporte
(5)
qu'au
Chili,
la
répression des
ententes
est
très
active
depuis
1974
lorsqu'on
a
constaté
l'existence
(1)
Voir
par
exemple C.A.
Paris
19 Juin
1969 J.C.P.
1969 II.
16474
crim.
8
avril
1967
J .C.P.
1967
II
15248
note
Gav aIda,
voir
la
récente
condamnat ion
à
des
amendes
de
quinze fabricants de parfum pour atteinte à la concurrence
(Le
Monde
du
28
décembre
1984
P.25).
Pour
l'art.
85
du
traité de Rome,
voir
arrêt Grundig-Constern du 13 juillet
1966 Rec. de la jurisprudence de la cour 1966 XII 4.
P.433
Pour
le
Sherman Act,
vor les nombreuses décisions citées
A.
Finkelstein, op. cit.
P.26-27.
(2) K.
Tiedmann : les atteintes a la concurrence R.I.D.P.
1982
P.303·
(3)
En
1973,
au cours de
la guerre du Kippur entre Israël et
les pays Arabes, ceux-ci avaient décidé de faire du pétro-
le,
dont
ils
sont
de
gros
producteurs,
une
arme
de
guerre contre les pays occidentaux qui soutenaient Israël.
Il s'en était suivi une
raréfaction du pétrole, ou plutôt
une augmentation de son prix d'achat.
(4)
VO
art.
10 loi
ivoirienne du
28
juillet
1978,
voir
infra
deuxième partie, titre II.
(5) ~aus Tiedemann, les atteintes à la concurrence Rev.
intern;
de dr.
pén.
1982 P.
303 et s.
•.

144.
"d'arrangements"
entre
des
sociétés-mères
et
leurs
filiales,
en vue de partager le marché sans se faire concurrence.
La
filiale
peugeot
du Chili
siest vue
infliger des sanctions
pénales pour entente conclue entre les distributeurs d'automo-
biles sur les prix.
Pareillement,
le
"konzern nord-américain Seagram"
a
été sanc-
tionné pour des accords sur les régimes d'exportation du pisco
chilien aux Etats-Unis et au Canada.
(1).
210. Mais si "l'idée d'une protection pénale ou quasi-pé-
nale
de
la
concurrence
jouit
aujourd' hui
d'un
grand
intérêt
dans presque tous les pays qui
pratiquent un ordre économique
de marché"
(2),
toutes
les
législations anti-trusts prévoient
des exceptions à la répression.
Elles
établissent
des
sortes
de faits
justificatifs qui font
obstacle à la répression de certaines ententes.
En
effet,
l'article
51
de
ll or donnance
française
du
30
juin
1945, l'art icle 85 aL
3 du Traité de Rome, "the rule of rea-
son" britannique
(3)
et
américaine
(4)
mettent à 11 abri de la
répression certaines ententes qui répondent à certaines condi-
tions.
Les ententes qui résultent de l'application dlun texte,
ou qui
ont pour effet d'assurer le développement
du progrès économi-
que (5) échappent à la sanction pénale.
Il
revient
à une Commission,
la Commission de laCo~currence,
d'apprécier
si
l'entente
ou
la
position
dominante 'en
cause,
répond aux conditions posées
par l'article 51 de l'ordonnance
de 1945.
(1)
Klaus Tiedemann.
Les atteintes à
la concurrence.
Rev.
in-
tern.
de dr.
pén.
1982, P.303 et s.
(2) Ibid.
( 3 ) VO Teyssié : Le contrôle des ententes en Grande Bretagne.
R.I.
dr.
comp.
1977 p.689 et s.
(4) Finkelstein op.
cit.
p.26.
(5) Cf. art. 51 ordo du 30 juin 1945 (version 1977).
..

211.
C'est
là,
l'une des
caractéristiques du droit pénal
économique en particulier du drôit pénal de la concurrence.
En
effet,
en
procédure
pénale
classique,
l'opportunité
des
poursuites est laissée à l'appréciation du Ministère Public.
Or,
en
droit
de- la concurrence,
la Commission,
en appréciant
les conditions de la répression des ententes illicites et abus
de
position
dominante,
joue en quelque
sorte
le
rôle
du Mi-
nistère public;
rôle qui,
par ailleurs,
comme nous le verrons,
lui
permettra
en
s'appuyant
sur
la
concurrence,
de viser des
.objectifs
autres
que
la
protection
de
la
concurrence
(1).
L'absence d'incrimination "per se" des ententes a conduit
à poser la question de savoir si les articles 50 ~ 51 établis-
sent
ou
non,
le
premier,
une
prohibition et
le
deuxième,
une
exception ou un fait
justificatif.
La question est
importante.
Si on
répond à cette question par
l ' affirmative,
on
dit
que
les
ententes
et
monopoles
sont
en
principe interdits.
Mais
si
on
répond
par
la
négative,
on
dit
que
les
ententes
sont en principe
permises sauf
si
elles ne résultent pas d'un
texte
ou si elles n'ont pas
pour effet de
favoriser
le déve-
loppement du progrès économique.
Il
semble
qu 1 i l
faille
répondre
à cette question par

négative si l'on en croit le rapport
de la commission tech-
nique des ententes et positions dominantes (1954-1959)
(~) qui
aff irmait
"il
ne
suffit
pas
de
constater
qu 1 une
entente
a
pour effet d'apporter une entrave au plein exercice de la con-
currence ...
(1) Voir infra,
deuxième partie.
(~) C'est ainsi que s'appelait la Commission chargée d'appré-
cier
le
bilan
économique
des
ententes.
Cette
"commission
technique des ententes et positions dominantes" a été rem-
placée
par
la
"Commission de
la concurrence"
en
1977
par
la
loi
du
19
juillet,
relative au contrôle de
la concen-
tration et à
la
répression
des
ententes illicites et abus
de position dominante.

146.
Si
le décret d~ 9 août
1953
avait cette portée,
i l ne serait
qu'une
réédition
de
la loi
l~ chapelier". La commission tech-
nique des ententes et positions dominantes estimait donc qu'en
principè,
les ententes sont licites sauf si elles ne fonction-
nent pas dans les conditions prévues par l'article 51'de l'or-
donnance de 1945.
Ce
raisonnement
conduit
à
dire
que
la concurrence n'est
plus
regardée comme le fondement du système économique français.
La réalité permet d'affirmer le contraire.
Si tels doivent
être
le
sens et
la portée
des articles
50 et
51,
il
faut
remarquer
qu'on
aurait
pu
faire
l'économie
d'un
article.
Le texte aurait pu ê t r e :
sont prohibées les ententes
et
positions dominantes qui
n'ont
pas
pour effet de favoriser
le développement du progrès économique.
D'autre part,
et c'est
là l'argument
sans doute le plus déci-
sif,
la "preuve" que les ententes sont interdites en principe,
réside dans le fait que c'est aux entreprises surprises en en-
tente de rapporter la preuve que leur accord répond aux condi-
tions posées par l'article 51 de l'ordonnance de 1945.
212.
En réalité,
la liberté du commerce et de l'industrie
qui
s'exprime
sur
le marché
par
la concurrence
demeure bien
le principe fondamental d'économie politique qui sous-tend les
économies capitalistes.
A notre
avis,
l'article
50
de
l'ordonnance
de
1945
pose
un
principe
l'interdiction des
ententes,
monopoles,...
(1).
Et
l'article
51
en
apporte une
exception,
une sorte de fait
jus-
tificatif qui fait échapper l'auteur de l'infraction à la pei-
ne.
(1)
En
ce
sens
Aubertin- Fauchi lle,
op.
ci t.
p. 9
Bonassies
op.
cit.
P.56.
..

147. '
La
résistance
des
articles
419
(1)
et
412
(2)
du code
pénal";
aux
"soubresauts"
de
la
conjoncture économique est
la
preuve
que la loi de l'offre et de la demande,
autrement dit,
la con-
currence,
constitue
le
fondement
des
économies
libérales
ac-
tuelles.
Il
demeure
cependant
vrai
que
les
conditions
matérielles
d'existence
conduisent
les
pouvoirs
publics,
plus
ou
moins
suivant les pays et les époques,
à mener .des politiques écono-
miques
opportunistes
dans
lesquelles,
le
plus
important n'est
pas le respect ou la violation d'un principe économique,
aussi
fondamentale soit-elle.
213.
I l
est
en
effet
vrai
que,
même
si
le
capitalisme
suppose la concurrence,
aujourd'hui dans tous les pays capita-
listes,
à des nuances près,
elle n'est pas
ou n'est plus prô-
née comme une valeur de soi.
En Grande-Bretagne,
les divers textes,
de la common-law jusqu'
au "Fair trading Act"
de
1973 sur l'exercice loyal du commer-
ce,
font
référence
a
la
"rule
of reason" ou "règle de raison"
qui permet de distinguer comme en France
les ententes i l l i c i -
tes de celles qui ne le sont pas.
En
Grande
Bretagne,
les
ententes
peuvent
même
être
enregis-
trées
à
la
demande
de
l'une
des
parties.
Ce
sont,
parmi
les
ententes enregistrées,
celles qui sont présumées illicites qui
sont
portées
devant
la
"Restrictive Practrices
Court" qui est
( 1)
L' articLe -4L9__~C. P.
continue
dl être
appliqué
en
cas
d' at-
teinte à la concùrrenèë~=--ta-···cour-d-'-appeL_de_N.ancya condam-

sur
son
fondement,
une
entente
entre
commer~--nts'-qu-i ~~
visait
l'élimination
d'un
concurrent.
Nancy
8
déc.
1960
Gaz.
Pa 1.
1961
l
P. 57
La
cour
de
cassation
saisie
d'un
pourvoi,
entérina la décision de la cour d'appel de Nancy.
y o
crim.
12 déc.
1961
J.C.P.
1962 som.
P.6 voir également
crim.
12 nov.
1957 bull.
crim.
nO
724.
(2)
En matière
d' entente,
l'article
412
C. P.
est toujours ap-
plicable
lorsqu 1 i l
s ' agit
d'adjudication.
Y0
crim.
6
mai
1978
D.1970
P.445;
Coutances
6
juillet
1953 D.
1954 p.16;
Chateaubriant 12 oct.
1954 Gaz.
Pal.
1954 II P.400
;
Crim.
25 nov.
1953 D 1954 P.
45.
..

148.
l'équivalent
britannique
de
la
Commission
française
de
la
concurrence
(1).
Aux Etats-Unis,
le Sherman Act,
prohibe de façon générale les
ententes
et
coalitions
qui
restreignent
la
concurrence
(2).
Dans
le
même
sens,
le
Clayton
Act
interdit
les
contrats
de
concession exclusive qui
"entravent de
façon significative le
jeu de la libre concurrence"
(3).
On
pourrait
penser
que
ces textes américains établissent des
incriminations ''per se"en ce qui concerne les ententes. Il n'en
est
rien
La Cour Suprême des
Etats-Unis décida dans un ar-
rêt (4) que le Sherman Act, comme le Clayton Act (5) devraient
être interprétés suivant la "rule of reason".
En Allemagne
Fédérale également,
on admet des exceptions dans
la répression des ententes (6).
Pour tous les pays de la Communauté Economique Européenne,
les
articles
85 et
86 du Traité de Rome posent en ce qui concerne
ce problème des ententes et positions dominantes,
la solution
qui prévaut en ce moment dans tous les pays capitalistes (7).
(1) va B. Teyssié, le contrôle des ententes en Grande Bretagne
Rev.
intern. de droit comp.
1977 p.689 et s.
'
(2)
Cf.
art.
1er
du
Sherman
Act
américain,
va L. Franck op.
cit.
P.46 et s.
(3) Cf. art.
3 du Clayton Act américain. va L.
Franck loc.
cit
P.51 et s.
(4) Standard oil co of New Jersey v.
U.S.
221 Us1 cité par J.A
Finkelstein op. cit.
p.26.
(5) Tampa electric co V.
Nashville Coal Co,
365 U.s.
320 (1961)
cité par J.A.
Finkelstein op.
cit.
p.28
(6)
Tomasi
A.
A propos
de
la
loi
allemande sur les cartels.
R.T.D.
Corn.· 1958 P.35 et s;
Voir surtout K. Tiedmann,
op.
cit.
Rev.
intern. dr.
pén.
1982 P.305.
(7)
va P.
Durand;
l'évolution
contemporaine
du
droit
de
la
concurrence,
in mélo
Roubier 1961 Tome II P.439 et s;
voir
spécialement
G.
Farjat
qui
note
que
"la
possibilité
de
sauver
des
atteintes
à la concurrence en raison de
leurs
mérites économiques
apparaît comme universelle"
( Droit é-
conomique
op.
ci t .
P. 559);
Voir
également
dans
le
même
sens J.B.
Blaise: Le statut juridique des ententes.
Paris
1964
P. 17;
Du même
auteur
;
Une
construction inachevée
le droit français des ententes et des positions dominantes,
in Aspects du droit commercial
français,
études dédiées à
R.
Roblot,
L.G.D.J.
1984
P.159
et
s;
J.
Azéma,
le
droit
français de la concurrence 9181 p.28 et s, qui présente la
concurrence comme un "phénomène ...
instrument de politique
économique";
Voir ch.
Carabibier
Trusts,
Cartels et En-
tentes.
L.G.D.J.
1964 P.11 et s.
..


149.
Par exemple,
même
une
clause
de
non-concurrence
insérée dans
un contrat de vente d'un fonds de commerce peut tomber sous le
coup de
l'article 85 du
Traité
de Rome.
Mais une telle clause
ne
sera
sanctionnée
que
si
elle
a
pour
objet
ou
peut
avoir
pour
effet,
de
déterminer une
atteinte conséquente
à
la con-
currence globale dans
le
secteur d'activité économique consi-
déré ... " (1).
214.
En définitive,
comme
le
fait
remarquer M.D.
Brault,
"il
n'y
a pas
, de droit pénal écono-
mique
en matière de
concurrence,
sans tempéraments,
sans une
grande relativité,
sans une grande contingence,
sans une gran-
de
confiance
vis
à vis des autorités qui
l'appliquent,
qu'il
s'agisse
des
tribunaux ou des
autres
autorités.
Il
n'y
a
pas
de
système de droit de
la concurrence qui échappe à cette rè-
gle dl or ... " (2).
La
répression des seules
atteintes
"graves Il
à la concurrence,
qu'on
peut, à
la
limite, justifier
par
le
principe
pénal
de
l' opportuni té
des
poursui tes,
ne
signifie pas que
les écono-
mies
capitalîstes
ne
sont
plus
concurrentielles.
La
réalité
est que,
d'un capitalisme concurrentiel,
on est passé à un ca-
pitalisme monopoliste
(3)
dans lequel la concurrence n'est pas
totalement absente.
En
effet,
la
concurrence
monopolistique,
comme
le
précisent
les
économistes
qui
la
défendent,
n'empêche pas dl atteindre
les
mêmes
effets
favorables
sur
les prix qu'une situation de
concurrence
pure
et
parfaite,
fixation
au niveau le
plus bas
compatible avec
les nécessités
de
la
production,
dès lors que
(1)
Corn.
13 nov.
1975 D 1976 P.17;
VO Yves Serra,
la validité
des clauses de non-concurrence au regard de la règlementa-
tion
française
et
communautaire
relative
aux ententes
D.
1983 chr.
P.51;
Voir également sur le droit communautaire,
Gide,
Loyrette et autres,
op.
cit.; Guyenot,
le régime ju-
ridique
des
ententes
économiques
et
des
concentrations
d'entreprises dans le Marché Commun L.G.D.J.
1971.
(2)
Brault
D,
Deux problèmes d'actualité du droit
de
la con-
currence Gaz.
Pal.
1981 doct.
1. P.194.
(3) vo A. Piatier, les formes modernes de la concurrence, Gau-
thier-Villars 1964 op.
cit.

150 •

deux conditions sont remplies
: il existe une fluidité de
l'offre et qu'aucune entreprise ne domine suffisamment les
autres pour pouvoir agir appréciablement sur le niveau des
prix,
pluralité de l'offre
(1).
L'interdiction et la répression des ententes et positions
dominantes demeurent suivant les pays,
plus ou moins en
veilleuse face aux politiques économiques !là finalité diri-
giste ou opportuniste"
(2).
Et le recul de la répression
pénale vis à vis des ententes et positions dominantes ne
constitue guère une apostasie.
(1) Pigassou. Restrictions de Concurence D.
1982 chr.
p. 113
(2) G.
Farjat, op.
cit.
2è édi. P.
554 ; voir infra
2ème partie.


151.
CONCLUSION
DU
CHAPITRE
l
215.
En dépit
de
la liberté dont il se réclame,
le libé-
ralisme avait besoin dès ses origines,
de la protection de ses
principes de base.
L'ordonnance
de
Turgot
(1),
les décrets d' Allarde,
la
loi
le
chapelier,
les
dispositions
du
code
pénal
napoléonnien,
les
articles 412 ...
419 et 420,
avaient pour fonctions,
la procla-
mation et
la
protection de
la
liberté du commerce et de l'in-
dustrie
contre
les
entraves
dont
à
l'époque,
elle
pouvait
faire l'objet.
La
répression de
l'accaparement et de
la spéculation illicite
avait
pour objectif d'instaurer et de
protéger la concurrence
dans
le
domaine de la
"consommation".
On
se souviendra de
la
lutte contre les accapareurs qui provoquaient des disettes ar-
tificielles
en
stockant
leurs
marchandises
pour
les
vendre
plus tard à des prix exorbitants.
Aujourd 1 hui,
comme
nous
avons
pu
le
voir,
la
concurrence
et
les textes qui la protègent ont considérablement évolué.
Dans
la
concurrence
dite
monopoliste
actuelle,
l'article
419
et
autres
dispositions du code
pénal de
1810,
font
figure
de
textes spéciaux face
à l'ordonnance du
30 juin 1945 plusieurs
fois modifiée.
Ils demeurent
en vigueur,
mais ils font,
comme
d'ailleurs
les
articles
37
et
50
de
l'ordonnance
de
1945,
l'objet d'une application sélective.
Peut-on
en
déduire
qu'ils
sont
inefficaces
dans
leurs
fonc-
tions protectrices de la concurrence ?
En
matière
cl' efficacité
ou
d' "effectivité",
il
faut
faire
la
part des choses.
Tout dépend de l'esprit du texte considéré et surtout de l'ob-
jectif qu'il vise.
(1)
L'ordonnance
dite
"édit
de
Turgot"
supprima les corpora-
tions.
va
Recueil
des
anciennes
lois
françaises.
1826.
P.
370.

-.
152.
En
ce
sens
M.
Carbonnier
précise
que
"l'ineffectivité
d'une
norme n'a pas forcément le sens d'un échec".
Et parfois,
l'in-
applicabilité vaut effectivité.
Le
droit
pénal
établit toujours deux
règles
la
prohibition
et la sanction.
Si
la
norme
pénale n'est
pas appliquée
parce que
l ' interdic-
tion n'a
jamais été violée,
la
règle prohibitive est effecti-
ve.
La loi pénale est dans ce cas,
efficace.
Mais
si
une
infraction
a
été
commise
et
qu'une
sanction
ne
s'en
est
pas
sui vie,
la
loi
pénale
est
"doublement
ineff ica-
ce"
(1).
Dans
l'optique
de
cette
analyse,
en ce
qui
concerne
le
droit
pénal
économique
de
la
concurrence,
i l
y
a
lieu une
fois
de
plus,
de
distinguer
la
période
d'avant
1953 et celle d'après
cette date.
216.
Avant
le
décret
du
9 août
1953 et particul ièrement
avant
la
deuxième
guerre
mondiale,
le
droit pénal
économique
était
d'une
certaine
effectivité
qui
peut
s'analyser
comme
étant un
indice d'efficacité.
L'article
419
a été constamment
appliqué vers la fin du XIXè siècle et surtout pendant la pre-
mière
guerre mondiale.
Mais après
1953 on peut dire qu'à l'é-
gard
des
ententes,
le
droit pénal économique est
"doublement
ineffectif".
En effet,
comme nous l'avons vu,
les ententes ne sont pas sys-
tématiquement
réprimées.
Certes, cette
application
sélective
date
du
début
de
notre
siècle,
mais
elle
n'a
été
nettement
consacrée par le législateur qu'avec le décret du 9 août
1953.
Mais si
aujourd'hui,
les articles
37 et
50 de l'ordonnance de
1945 et
l'article
419
du code
pénal font
l'objet d'une appli-
cation "hésitante", cela ne veut nullement dire que la concur-
rence
nI est
plus
la
base
fondamentale
du
système
économique
libéral.
(1) Carbonnier flexible d~oit L.G.D.J.
1979 P.99 à
103.

'.
153.
217.
Dans
les économies capitalistes d'aujourd'hui,
il y
a une dose irréductible de concurrence
(1)
plus ou moins gran-
de
suivant
les pays
dose
sans laquelle
on ne pourrait plus
parler de libéralisme ou de capitalisme dans ces pays.
Auss i
loin
qu \\ 1.ls
peuvent
aller dans
la
Il permission Il
des en-
tentes,
les pouvoirs publics capitalistes ne_to:Lèreront jamais
une
suppression
totale
de
la c\\JlI(.;urrence.
Celle-ci
sera tou-
aussi
bien
contre
les
pratiques
qui
la
res-
treignent
ou qui
la suppriment
que
contre les excès auxquels
elle peut donner lieu et qui sont notamment,
les actes de con-
currence déloyale.
Ainsi,
les
actes
de
contrefaçon
de
marques
industrielles
et
commerciales,
de
dessins
et
modèles,
etc...
seront
toujours
pénalement réprimés.
Mais avec
la
répression de
ces actes de concurrence déloyale,
on entrevoit
la cohérence de
la
politique criminelle économi-
que
des
pouvoirs
publics
libéraux qui
ne
peuvent,
comme
nous
l'avons vu,
édicter des
règles
protectrices de la concurrence
sans élever au même niveau de protection,
le droit de posséder
à titre exclusif les moyens de production tels que les marques
de
fabrique,
les dessins et modèles,
les Know-How ...
les ins-
truments de fabrication.
Le maintien des structures du libéralisme demeure une des
fonctions fondamentales du Droit Pénal Economique dans les
pays capitalistes.
(1) vo en ce sens, Hans Merz, Des buts visés par les lois sur
les cartels; mélo
offerts à R. Savatier, lib.
Dalloz 1965
P.
658, VO spécialement p.
661


CHAPITRE 11
DROIT PËNAL ËCONOMIQUE ET PLANIFICATION ËTATIQUE
DE L'ACTIV1TË ËCONOMIQUE

154.
218.
Proclamé par
la Révolution
socialiste de
1917 comme
étant désormais le moteur psychologique de l'activité économi-
que
en
Union
Soviétique,
Il L'intérêt
collectif Il
exigeait
la
destruction des
anciennes structures
économiques et
l'instau-
ration à leur place,
des principes socio-économiques socialis-
tes.
Il
ne
suffisait
pas en effet,
de
proclamer
la fin
du système
économique capitaliste qui
selon
Engels,
est
fondé sur la cu-
pidité
(1),
mais
surtout,
de
procéder
a
la
réorganisation de
l'économie
sur
la
base
des
nouveaux
fondements
auxquels
ce
pays venait de proclamer son attachement~
Pour ce faire,
il a fallu d'abord s'attaquer à tout ce qui,
de
l'ordre économique
ancien,
entrait
en contradiction
avec l ' i -
déologie marxiste.
La
règle de
IIl a isser-faire,
laisser-passer Il
qui,
i l est vrai,
dans le sociétés libérales,
ne s'adresse qu'à ceux qui détien-
nent
des moyens
de
production,
devait
faire place à une orga-
nisation centralisée de l'économie,
à la planification des ob-
jectifs à
atteindre,
ceci par
l'institution
au profit de l'E-
tat,
d'un monopole de ll ac tivité économique.
219.
Une
fois
de
plus,
les
pouvoirs
publics
soviétiques
s'appuyeront
sur
le
IIGendarme li
du droit
le droit
criminel.
Celui-ci
se
mettra
donc
au
service
de
la
lutte
contre
les
structures capitalistes et
à
l'édification d'une
économie sur
la base du socialisme.
Même
après
la
proclamation du
IItriomphe li
du socialisme en U-
nion Soviétique et dans
la
plupart
des pays socialistes d'Eu-
rope
de
l'Est,
les
pouvoirs
publics socialistes ni abandonne-
ront
pas
le
recours à
la contrainte
pénale
comme moyen d' ac-
tionéconomique.
(1)
Engels,
II c ritique de
l'Economie Poli,tique ll
1884, cité par
','
H.B.
Acton IIWhat Marx really said ll P.24.

155.
Au contraire,
le droit
pénal économique
connaîtra un dévelop-
pement
important,
en contradiction avec
la théorie de l'étio-
lement progressif du droit dans la société socialiste.
Le discours officiel explique cet état de fait par la nécessi-
té de consolider par le droit,
les acquis de la Révolution So-
cialiste.
Mais
de
l'avis
de
certains auteurs,
le
renforcement
du droit
pénal
économique est
lié
à
la volonté des dirigeants so-
viétiques qui touchent
Il par
le biais
de 11 Etat,
la plus-value
de l'activité économique Il ,
de garantir par des mesures intimi-
datrices,
"l a sécurité et
l'extension maximale de leurs inté-
rêts"
(1).
Après avoir dans un premier temps,
vu la contribution du droit
pénal
économique
dans
l'institution
du
monopole
étatique
de
l'activité économique (Section 1), nous verrons dans un second
temps,
son rôle
actuel
dans
la
protection de ce monopole éta-
tique
(Section II).
SECTION l
LE DROIT PENAL ECONOMIQUE ET L'INSTITUTION
DU MO-
NOPOLE ETATIQUE DE L'ACTIVITE ECONOMIQUE EN U.R.S.S
220.
L'une des fonctions
assignées
au droit pénal écono-
mique
soviétique
dès
la
prise
du
pouvoir
politique
par
les
Bolcheviks,
était
la
destruction
des
structures
capitalistes
par
l'abrogation
immédiate de
la
"l o i
économique fondamentale
du
capitalisme ".
En
effet,
l ' économie
politique
soc ialiste
voit dans le mode d'organisation économique libéral
"l a garan-
tie du profit capitaliste maximal par l'exploitation,
la ruine,
l'appauvrissement de la majorité de la population du pays con-
cerné
par
la
mise
en
esclavage
et
le
pillage
des
peuples
d'autres pays,
principalement des pays sous-développés qui ga-
rantissent des profits maximaux"
(2).
(1) Voir Volensky. op. cit.
p.187
( 2)
Cf.
Manuel
d'économie
politique.
Berlin-Ouest,
1971, Tome
l
p.269
cité
par
M.
Volensky
la
Nomenklatura
op.
cit.
P.194.

..
' ..1
156.
L'économie
politique
socialiste
préconise
donc
11 adoption
du
mode
de
production
qui
selon
la
doctrine
marxiste-léniniste
garantit
"la satisfaction maximale des besoins matériels et
culturels ... de l'ensemble de la population ... " (1).
221.
Après la
Révolution soviétique de 1917,
la règle du
"laisser-faire,
laisser-passer"
devait
donc
faire
place à la
planification étatique de
l'économie,
ce
qui suppose la prise
en mains par l'Etat des
leviers de commande de l'économie na-
tionale,
et
l'interdiction aux individus de se livrer à toute
activité économique dans leurs intérêts exclusifs (2).
Il
Y a
lieu,
a
ce
niveau,
de
distinguer
les
deux
objectifs
fondamentaux du droit pénal économique soviétique.
La
première
consistait
a
détruire le
système capitaliste par
une répression violente des actes jugés "contre-révolutionnai-
res".
Le droit pénal économique
dans ce cas,
visait les anciens ca-
pitalistes·.
La
deuxième
fonction
du
droit
pénal
économique consistait en
une
sorte
d'éducation
par
intimidation mais aussi par
la ré-
pr~ssion, des individus en particulier,
les travailleurs. Vis
à vis de ceux-ci,
"on admettait une sorte de présomption d'in-
conscience qui
faisait
considérer
leurs
infractions comme des
vestiges d'un ancien état
d'esprit
datant
du capitalisme; et
le but de la peine était alors de les éduquer"
(3) en leur in-
culquant "la conscience socialiste"
(4) du travail et des rap-
ports socio-économiques.
(l) Staline; Oeuvres, tome 17 P.291 cité par Volensky op. cit
P. 193
( 2 )
R.
Charvin,
les Etats
socialistes européens Précis Dalloz
P.295·
(3) J.
Bellon,
Droit pénal soviétique et droit pénal occiden-
tal ...
éd.
Nava~r~ p.60; Marc Ancel, introduction au code
pénal soviétique,
in Les codes pénaux européens.
~": .
'l-
(4 ) Andrejew Igor;
le droit pénal comparé des pays socialistes
éd.
Pedone 1980 p.6.

-.
157.
222.
En Union Soviétique,
on avait attaché une importance
particulière à la lutte contre la spéculation,
la recherche de
profit
individuel ...
en un mot,
le mode de production capita-
liste,
dès les premiers instants de la Révolution.
Ainsi,
en Novembre 1918, un décret établit au profit de l'Etat,
le monopole de l'activité économique.
Mais ce monopole étatique avait suscité des résistances socia-
les,
notamment dans les milieux bourgeois.
Il
faut
également noter les réticences de certains ouvriers à
l'institution de cet " u ltra-monopole"
(1) qui conduit à la su-
bordination absolue de toutes
les forces
productrices du pays
à
une
sorte
de
cartel
unique,
qui
serait
constitué non dans
l'intérêt des travailleurs, mais dans celui de la classe diri-
geante (2).
Face
à
ces
résistances,
la
réaction
répressive
des
pouvoirs
publics- ne s'est
pas faite
attendre.
Et comme en ce
qui con-
cerne la collectivisation,
l'absence de textes précis établis-
sant
les
infractions,
ne devait
pas constituer un obstacle
à
la répression.
La
Tché-Ka
jugeait
les
actes
et
les
sanctionnait
suivant
sa
"conscience
socialiste"
des
rapports
socio-économiques.
Elle
s'appuyait sur les quelques décrets de nationalisation pris au
lendemain de la Révolution.
223.
Mais
avec
la
promulgation
des
principes directeurs
du
droit
pénal
socialiste
( 3 ) et l'entrée en vigueur du code
pénal
de
1922
et
de
celui
de
1926,
on notait
la
distinction
faite
entre
infractions
"contre-révolutionnaires"
visant
le
monopole étatique de l'économie,
et infractions l'inconscientes"
ayant
leur
cause
dans
le système capitaliste en destruction.
(1) Voir Volensky, op. cit. P.197 et suivantes.
( 2)
Voir Volensky loc.
cit.
P.198.
( 3 )
Les
premiers
principes
directeurs
ont
été
adoptés
le
12
i~
décembre 1919.

r
.~:. -
~~,',::".'
158.
Mais
cette
distinction
n'impliquait
pratiquement
aucune
con-
séquence quant à la différenciation des peines.
En ce qui con-
cerne les atteintes "contre-révolutionnaires" au monopole éta-
tique
de
l'activité
économique,
le texte de base était l'ar-
ticle 59 11 du code pénal de 1926.
Il
punit
le
coupable de tels actes d'une
peine d'emprisonne-
ment
d'une
durée de dix ans avec confiscation totale ou par-
tielle des biens du délinquant.
224. Mais c'était surtout à
l'encontre des actes de sabo-
tage visant l'économie étatique ou coopérative,
que les peines
étaient particulièrement vigoureuses.
En
effet,
le
sabotage
économique était,
et demeure vu,
comme
l'infraction la plus dangereuse pour le régime socialiste.
Dès
lors
qu'il
revient
à
l'Etat
socialiste
de
pourvoir
à
titre
principal,
à
la
satisfaction de
l'intérêt économique général,
le sabotage de son activité n'a pas les mêmes conséquences que
celui
d'un Etat capitaliste qui,
en principe, nIa pas à s'im-
miscer dans la vie économique.
Pour
l'Etat
socialiste,
c'est
à
sa
mission
principale,
a
sa
raison d'être,
que le sabotage économique attente.
Aussi,
a-t-
on prévu contre cette infraction,
des peines qui reflètent son
importance.
D'abord,
une
résolution du 22 août
1932 du
"con-
seil
des commissaires du peuple"
imposait de "placer les spé-
culateurs et les entremetteurs dans un camp de travail de con-
centration pour une
période de
cinq à dix ans,
sans que l'am-
nistie
leur
soit applicable"
(1).
Ensuite,
une
loi du
10 no-
vembre
1932
prévoyait
une
peine
d'emprisonnement
d' au
moins
cinq ans avec confiscation totale ou partielle des biens con-
tre la spéculation illicite (2).
Cette loi fut introduite dans
le code
pénal
de
1922 en son article 107.
En outre,
l'article
58 7 du code pénal de
1926 punit "le fait de saper l'industrie
(1)
Andrejew Igor,
le droit pénal comparé des pays socialistes
éd.
Pédone 1981 P.91.
(2)
Dans le droit socialiste,
la spéculation illicite est l'a-
chat
et
la
revente de marchandises par des
personnes qui
n'y sont pas autorisées, dans le but de réaliser des béné-
fices.

'.
159.
d'Etat,
le transport,
le commerce,
la circulation monétaire ou
le système de crédit pour des fins contre-révolutionnaires, de
la
peine
de mort avec
la confiscation au profit de
l'Etat du
patrimoine de
l'auteur de
l'infraction.
L'article
330 du code
pénal
de
1926,
assimilant
"la
non-exécution
consciente
ou
l'exécution volontairement négligée par un travailleur" au sa-
botage,
punit cet acte de la peine de mort
(1) .
..
225.
On
ne
pouvait
prévoir
dans
la
logique
du
système,
une peine moins sévère lorsqu'on sait qu'en se mettant au ser-
vice
du
régime dans le dessein spécial de nuire à l'activité
économique
de
l'Etat,
l ' individu
est
beaucoup plus dangereux
que le capitaliste dépossédé qui agit en dehors des rouages de
l'écÇlnomie.
C'est sans doute pour cette raison que,
pratiquement,
la dif-
férenciation
que
le
code
pénal de
1926 faisait
entre
infrac-
tions
contre-révolutionnaires
et
celles
qui
ne
le
sont
pas,
n'entraînait sensiblement aucune différence quant aux taux des
peines encourues dans l'un ou l'autre des cas. Ces deux caté-
gories
d'infractions
étaient
sanctionnées
de
peines
d'égale
sévérité.
En effet,
la répression des infractions qui, tout en ne visant
pas
la
restauration
du
système
économique capitaliste,
abou-
tissaient
néanmoins
a
troubler
le
fonctionnement
régulier de
l'économie socialiste était tout
aussi
vigoureuse.
Cette idée
32
inspirait les incriminations comme celle de l'article 59
du
code
pénal de
1926
qui
punissait de
dix ans d'emprisonne-
ment,
et
en
cas
de
malveillance,
de
la
peine de mort,
l ' in-
fraction à la discipline du travail commise par un travailleur
ayant entraîné la rupture de
l'activité de l'organisme étati-
que employeur.
On comprend également la portée de l'article 111 du code pénal
de
1926
qui
réprimait
la
non-exécution
par
un
travailleur,
. " , , '
"
(1)
Loi nO 49 du recueil des lois de
1929.

'.
160.
d'un
acte
qu'il
avait,
en
raison de ses fonctions,
l'obliga-
tion d'accomplir.
Le décret du 16 novembre 1940 punit à cet é-
gard,
la
fourniture
de
produits
industriels
et
agricoles
de
mauvaise qualité.
La
malfaçon
était
en
effet,
considérée
comme
une
infraction
contre
l'Etat.
Le
décret
du
16
novembre
1940
précisait
bien
que
"dans
toutes
les
entreprises,
les
directeurs,
les
ingé-
nieurs
en
chef
ainsi
que
les
chefs
de
service
de
contrôle
technique
sont
passibles,
comme
pour
une
infraction
contre
l'Etat,
équivalant à
une
action préjudiciable,
d'une peine de
cinq à huit ans de prison,
pour avoir sorti une production in-
dustrielle de mauvaise qualité ou incomplète ou une production
en
violation
des
standards
en
vigueur".
La
mauvaise
gestion
était également réprimée comme infraction autonome.
Le code de
1926
la
définit
comme
étant
"l'attitude
négligente
ou
non
consciencieuse
a
l'égard
des
affaires qui
leur sont confiées
de la part des personnes placées à la tête des institutions et
entreprises
d'Etat
ou sociales ...
à
la suite de quoi,
le
pa-
trimoine
des
institutions
et entreprises
a
été gaspillé ou a
subi des dommages irréparables".
Ces incriminations visaient essentiellement les chefs d'entre-
prise
au
milieu
desquels,
la
délation
et
les
accusations
de
sabotage
économique,
avaient
développé' la
répression
pénale.
Ce
qui
suscitait
la réticence
chez la plupart d'entre
eux,
à
prendre
des
ini tiati ves,
de
peur
d'être
punis
en
cas
d' é-
chec (1).
226.
Le recours a des sanctions pénales aussi vigoureuses
qu'avilissantes pour des
individus qui
sont censés travailler
dans leur intérêt collectif ne peut que surprendre.
On
peut
seulement
comprendre
que
dans
la
phase
initiale
de
l'édification du socialisme où les séquelles de l'ancien régi-
me économique étaient vivaces,
l'on ait eu recours à la sanc-
tion comme "pilier" du nouveau système économique.
(1)
J. Bellon op. cit.
p.86 et s.

.t. ~.
.
-.
.
161.
~-
Mais aujou rd !'hui,_ où dans tous les pays socia Listes,
on procla-
me "le triomphe du socialisme sur le capitalisme", face au dé-
veloppement du droit pénal économique,
on peut se demander si
les
individus
ont
la
conviction
de
travailler
non
plus
dans
11 intérêt
"du
capital ",
ma is
dans
l'intérêt collect ii.~_~S 1 est
en effet là,
11 un
des problèlJles chl-:CürnIliUH:isrnc.
Le>-=>
rapports entre la direction de
11 Etat,
de l'. économie
et
des
travailleurs
qui
sont,
si
l'on
sIen tient au sens de
certaines dispositions du droit pénal économique, plutôt "con-
flictuels",
amènent
à
se
poser
des
questions.
Les
individus
n'ont-ils toujours
pas la conviction de travailler dans l'in-
térêt collectif comme le prévoit la doctrine marxiste ?
227.
C'est
dans
la
réponse à
cette question que
réside
le
fondement
le
plus
significatif
du
droit
pénal
économique
socialiste.
En effet,
il existe dans les sociétés socialistes actuelles en
Union Soviétique notamment,
outre le prolétariat et la paysan-
nerie,
la classe dirigeante
la Nomenklature (1) qui,
dit-on
détient
les moyens de production et
jouit de la plus-value de
l'activité économique (2).
Cette classe sociale aurait ses in-
térêts
propres,
distincts de
ceux des travailleurs ; intérêts
qu'elle
entendrait
protéger
au
moyen du droit
pénal
économi-
que.
Ce serait,
sans doute,
au coeur de cet antagonisme d'in-
térêts
qu'il
faudra
rechercher
le
fondement
de la protection
actuelle
du
monopole
étatique
de
l'activité
économique
dans
les pays socialistes.
SECTION II
LE DROIT PENAL ECONOMIQUE SOCIALISTE CONTEMPORAIN
ET LA PROTECTION DU MONOPOLE ETATIQUE DE L'ACTI-
VITE ECONOMiQUE.
228.
En
dépit
du
"triomphe
de
la
doctrine
marxiste
en
(1) Voir M.
VolenskYi La Nomenklature op.
cit.
(2) M. Volensky loc. cit. voir p.182 et suivantes.

'.
162.
Union Soviétique et dans
les
pays
socialistes européens" dont
se fait l'écho la doctrine marxiste (1),
le droit pénal écono-
mique demeure une
réalité
vivante dans
les sociétés socialis-
tes actuelles.
La doctrine annonce
une baisse considérable de la délinquance
économique en ce qui concerne les infractions au monopole éta-
tique
de
l'économie.
Mais
si
l'on se réfère aux divers codes
pénaux
socialistes,
on
constate
que
ce
monopole
peut
encore
souffrir
de
deux
types
d'atteintes criminelles
la
spécula-
tion qui aujourd'hui
se développe de façon subtile
sous for-
me
de
fraude,
d'activités
économiques parallèles
(Par.
1) et
les délits contre la discipline économique ou délits de servi-
ce (Par.
II) dont l'importance est directement liée à celle de
la planification.
Paragraphe l
La répression de la spéculation illicite.
229.
La répression de la spéculation illicite ou commerce
privé
demeure
l'une
des
fonctions
du
droit
pénal
économique
socialiste.
n'abord parce
que
cet
acte porte atteinte à l'un
des
fondements
du
système
économique
socialiste
et
ensuite
parce qu'il persiste
comme
le
révèlent
les incriminations des
codes pénaux socialistes,
sous des formes déguisées.
En effet,
la spéculation illicite ne/~~alise plus sous sa for-
me
nette
de
création
dl entreprise
commerciale
pri vée ~
Cl est
à dire sous sa forme
"contre-révolutionnaire".
(1)
Va
Harrland,
Développement et
lutte contre la criminalité
en R.D.A.
in Revue de Droit et de législation de la R.D.A.
na
1-67 P.29 et
s;
G.
Lehmann et J. Renneberg,
Développe-
ment d'un système
complexe de
lutte contre la criminalité
et
de
prévention
en
R.D.A.
In
Revue
loc.
cit.
na
1-70.
P.
18
et s;
E.
Buchholz,
op.
cit.
P.25;
Vladimir Solnar,
les
conditions
de
la
responsabilité
d'après
le
nouveau
code pénal
Tchécoslovaque de
1961
Bull.
de droit Tchécos-
lovaque
1962
na
1-2
P. 1
et
s ;
Toeplitz.
Le
nouveau code
pénal de la R.D.A.
na
2 1968 P.5 et s.

f ' ' ' .~..
.;",.;".,
'.
163.
Elle
s'exercerait
aujourd' hui
sous
deux
formes
essentielles.
Elle
peut
se
présenter sous forme
d'activités économiques di-
tes parallèles ou dites de "seconde économie"
(1).
Cette
atteinte
au
monopole
étatique
de
l'activité économique
serait
une
pratique
bien connue dans tous
les
pays
socialis-
tes.
Elle devrait son développement à la corruption
(2).
La spéculation illicite peut également se présenter sous forme
de recherche de profits personnels dans le cadre des entrepri-
ses d'Etat ou coopératives.
C'est le délit "d'abus d'entrepri-
se
sociali-ste"
ou
"d'exercice
d'activité
d'entreprise
privée
sous la forme d'une entreprise étatique ou coopérative".
230.
Dans
la conception marxiste des
rapports de produc-
tion,
la
spéculation
illicite
est
"l'achat
pour
revente
de
marchandises ou tout
autre objet
en vue de réaliser des béné-
f ices" . ( 3 ) .
Le
législateur soviétique soumet
le coupable d'un tel agisse-
ment à
une
peine d'emprisonnement
de
deux ans au plus avec ou
sans confiscation des biens.
Le coupable peut se voir infliger
la
peine
de
"travaux
correctifs".
L'idée
de
s'attaquer
aux
"séquelles
de
l'ancienne
société"
(4)
n'est
pas
absente
du
fondement
des travaux correctifs prévus en l'espèce.
L'inter-
nement dans un camp de travaux correctifs aurait pour objectif
d'inculquer
au
délinquant,
la
conscience
socialiste
des
rap-
ports entre les individus et "l'économie nationale".
(1)
G.
Grossman
: la seconde économie et la planification éco-
nomique
soviétique,
Revue d'Etudes
comparatives
Est-Ouest
Vol.
12.
1981.
nO
2
P. 5 et
s;
A.
Dezsenyi-Grueullette;
L'économie
parallèle
à
l'Est
le
cas
hongrois
in
Revue
d'études
comparatives
loc.
cit.
Vol.
12
1981
nO
2
P.25;
Zafanolli w.
L'économie para~lèle en Chine; Une seconde
nature? in Revue d'études
comparatives loc. cit.
vol.
4.
1983 nO
3 P.I03 et s.
(2)
Pamorski
S
La
corruption
de
fonctionnaires
devant
les
tribunaux soviétiques.
in Revue d'études comparatives loc.
ci t.
P. 5 et s.
'
(3)
Cf.
art.
154 C.P.
Soviétique;
art.
121 C.P. Bulgare; art.
117
C.P.
Tchécoslovaque;
art.
295 c.P.
Roumain;
226 c.P.
Yougoslave;
art.
173 C.P.
Est-Allemand.
(4) Voir Gunter Lehmann et J. Renneberg op.
cit. nO
1-70 P.19-
20.

'.
164.
A cet égard,
l'article 122 du code pénal bulgare est très net.
"Celui
qui,
dit-il,
fonde
ou dirige
une
entreprise
se
propo-
sant des intérêts capitalistes particuliers,
en le dissimulant
sous une
forme
coopérative,
dans le but de profiter des avan-
tages
prévus
pour les coopératives,
sera
puni de privation de
liberté jusqu'à cinq ans"
(1).
L'article
120
du
code
pénal
Tchécoslovaque
prévoit
la
même
peine.
Mais
la
durée
de
la
privation' de
liberté s'élèvera à
huit
ans
si
le coupable
a
retiré de
"II abus d'entreprise
so-
cialiste"
(2)
un profit considérable,
ou si par son fait,
il a
causé un dommage important à l'entreprise socialiste ou s ' i l a
porté "une atteinte substantielle à la réalisation d'une tâche
incombant" à cette entreprise socialiste (3).
C'est
précisément pour éviter
"II abus
d'entreprise socialiste
que de façon générale, toute activité professionnelle est sou-
mise à autorisation administrative (4).
Certaines autres activités sont
purement
et
simplement inter-
dites
(5).
On notera à cet égard,
l'interdiction des activités
d'extraction des produits du sous-sol,
notamment,
de l'or,
par
l'article 167 du code pénal soviétique.
231.
Aujourd' hui,
la
répression
de
la spéculation comme
constituant une atteinte au fondement étatique et communautai-
re de
l'économie socialiste,
revient
à
peu de nuances près, à
la répression de
"l' entrepr ise
illicite"
(6),
de l ' entrepr ise
non autorisée.
(1) Cf.
art.
122 C.P.
Bulgare
120 C.P.
Tchécoslovaque
(2) L'expression est du législateur tchécoslovaque in art.
120
C.P.
(3) art.
120 C.P. Tchécoslovaque al.
2 (a,b,c).
(4)
Cf.
articles
163,
164,
165 C.P.
Soviétique;
302 C.P.
Rou-
main en ce qui concerne le commerce extérieur;
la loi Hon-
groise
nO
3 de
1974 sur
le commerce
extérieur,
V0
sur ce
point,
Tomas Sandor
in Annuaire de
l'URSS et des pays so-
cialistes européens 1977 P.196 et s.;
art.
118 C.P.
Tchéc.etc.
(5)
Art.
167 C.P. Soviétique
(6)
Le code pénal Tchécoslovaque utilise l'expression.

..
;, . ~ ~
165.
Toutefois,
dans certains pays
socialistes,
en Tchécoslovaquie
en particulier,
l'entreprise privée peut échapper à la répres-
sion
si elle est autorisée et si
elle accomplit les tâches à
elle
attribuées
dans
le
cadre
de
la
planification
économi-
que (1).
C'est généralement l'attitude
qu'on observe a
l'égard des pe-
t i tes
et
moyennes
entreprises
(2)
qu'elles
soient
purement
privées (3) ou intégrées au secteur socialiste (4).
Paragraphe II
La répression des infractions à la disci-
pline économique.
232.
La
planification
de
l'économie
socialiste
fait
du
travail et de
la conscience professionnelle des travailleurs,
des facteurs très importants dans le système économique socia-
liste.
La défaillance sur une grande échelle
de ces facteurs
est de nature
à
ébranler
le
fonctionnement ou même,
la vie du
système
tout
entier.
Aussi,
dès
les
premiers
instants
de
la
Révolution d'octobre
1917 en
Union Soviétique,
avait-on pensé
à instaurer au moyen du droit pénal, une discipline rigoureuse
dans
le
travail
des
ouvriers.
Cette discipline est
présentée
comme un
lIinstrument ll
au service de
la planification.
Les ob-
jectifs économiques planifiés dit-on,
ne seraient atteints que
si les unités de production se conformaient à cette discipline
dans
le cadre de
leurs activités
respectives.
Aussi,
les pou-
voirs publics socialistes ont-ils toujours tenté de l'instau-
rer
en
réprimant
d'une
part,
le
sabotage
économique
(A)
qui
est une infraction très réprouvée par les régimes socialistes,
comme en témoigne le taux très élevé des peines érigées contre
elle
et
d'autre
part,
les
délits
de service
(B)
qui,
bien
(1) Cf.
art.
119 C.P.
Tchécoslovaque.
(2)
Xaviet Richet,
l~s PME dans les pays socialistes, communi-
cation présentéé au colloque
: les petites et moyennes en-
treprises dans les systèmes économiques
(AIDE)
Université
de Nice du 24 au 25 janvier 1985.
(3)
On
trouve
ces
petites
entreprises
dans
les
secteurs
des
services et dans l'artisanat.
(4) Richet.
loc.
cit.

166.
qu'apparaissant
moins
dangereux
que
le
sabotage,
sont
néan-
moins
susceptibles
de
causer
à
l'économie,
des dommages très
graves.
A - La répression du sabotage économique
233.
Le
sabotage économique est considéré comme une
infraction particulièrement dangereuse pour
le
système écono-
mique
socialiste.
Dans
les codes pénaux,
il
figure
parmi
les
infractions dites "contre l'Etat" ou "contre la sûreté de l'E-
tat" .
'A
Dans
la
meme
rubrique
que
"le
complot,
la
propagande
contre
l'ordre
social iste,
la
trahison par
refus
de
rentrer dans
le
pays",
le
sabotage économique est puni par le code pénal rou-
main d'une
peine
de
quinze
ans
à
vingt
ans
d'emprisonnement
( 1).
Si,
comme
le précise
l'article
165,
le
sabotage
a
causé
un préjudice
important
à
l'économie nationale,
il est puni de
la peine de mort et de la confiscation totale des biens ... "(2)
Quant au
législateur est-allemand,
il dissocie
la destruction
sur
une
grande
échelle
des
instruments
de
fabrication,
dl en-
treprises,
etc ...
(3) du sabotage qui,
aux termes de l'article
104 constitue un abus ou détournement de fonctions dans le but
d'entraver
le
développement
pIani f ié de
l'économie ... " le sa-
botage est en ce sens, un crime de servi~c. Les peines prévues
par
les
différents
codes
pénaux socialistes ne
varient guère
d'un
pays
à
un autre et
n'appellent pas
davantage de commen-
taires.
Il
faut
simplement
noter
que
les
différents
textes
établissent,
quant
aux
peines
encourues,
une
di fférenciation
fondée
sur
l'importance
du
dommage causé
à
l'économie natio-
nale (4).
Un simple délit de service peut,
si le dommage qu'il cause est
important, être qualifié de sabotage.
(1) ,/0 art. 165 C. P. Roumain
( 2 )
yo
art.
165 al.
2
( 3 ) y,:, art.
1°4 C.P.
R.D.A.
(4) Art.
68 C.P.
Soviétique,
art.
114 et
115 C.P. Yougoslave;
art.
97 c. P. Tchécoslovaquie, etc ...
e.

167.
Cette solution transparaît dans l'article 104 du code pénal de
la R.D.A.,
et surtout dans l'article 115 du code pénal Yougos-
lave (1).
B -
La
répression
des
délits
de
service en matière
économique
234. De la nature étatique et communautaire des éco-
nomies socialistes, découle la répression très marquée des dé-
lits de service en matière économique.
La
défaillance
de
l'individu
dans
l'accomplissement
de
son
travail n'a pas la même importance et la même gravité suivant
qu'elle
intervient dans une économie
socialiste ou capitalis-
te.
Alors qu'en régime capitaliste,
la
défaillance de l'action de
11 homme
ne
met
en cause
que
l'entreprise employeur,
dans
les
économies
socialistes,
elle touche,
bien sûr,
l'unité de pro-
duction employeur,
mais
surtout,
celui
à qui appartient cette
entreprise,
c'est à dire,
l'Etat.
La réalisation des objectifs
établis
par
le
Plan est
liée à
la conscience professionnelle
des travailleurs.
La
répression
des
délits
économiques
apparaît
à
cet
égard,
comme
un
instrument
au
service
de
la
planification.
Aussi,
dans
tous
les
pays
socialistes,
occupe-t-elle dans
les codes
pénaux,
une place de choix.
Mais les différentes législations
socialistes distinguent dans la répression,
les délits de ser-
vices intentionnels de ceux qui ne le sont pas.
235.
A l'intérieur de
chaque catégorie 'apparaît comme un
(1)
L'article
115
du
code
pénal Yougoslave punit de
l'empri-
sonnement,
"celui qui,
dans le dessein de nuire au pouvoir
du peuple travailleu~ ou à l'économie,
et de façon cachée
ou
sournoise
n'aura
pas
rempli
ou aura mal
rempli
son o-
bligation de service ou la tâche qui lui incombait ... "
a.

..,
CHAPITRE II
DROIT P~NAL ~CONOMIQUE ET PLANIFICATION~TATIQUE
DE L/ACTIV1T~ ~CONOMIQUE
!
i

168'.
refrain,
la
différenciation
des
mesures
applicables
suivant
l'importance matérielle du dél{t
(1).
Il
faut noter que cette
pratique n'est pas spécifique au droit pénal économique socia-
liste.
Dans
les
pays
capitalistes également,
et surtout dans
les pays sous-développés,
l'on procède à des différenciations
suivant
l'importance
matérielle
du délit
(2).
Mais
dans
les
codes
pénaux
socialistes,
cette
pratique
est systématique et
constitue ainsi,
un trait caractéristique du droit pénal éco-
nomique socialiste.
236.
En ce qui concerne
les
infractions
de ser-
vice intentionnelles,
i l faut
citer de prime abord,
la malfa-
çon, c'est à dire,
le fait de "sortir et de mettre en circula-
tion une production de mauvaise qualité, non conforme aux nor-
mes ou non finie"
(3).
Les articles 152 du code pénal soviétique et 128 du code Tché-
coslovaque punissent la malfaçon de peines d'emprisonnement et
de
"mesures
de
redressement"
comme
les
travaux
correctifs,
pendant au plus deux ans.
Le législateur Tchécoslovaque élève la durée de la peine d'em-
prisonnement
à
cinq
ans
si
la
malfaçon
a
causé un préjudice
grave au patrimoine faisant
l'objet de
la propriété socialis-
te (4).
237.
Mais les dispositions qui expriment de la manière la
plus
parfaite
le
monopole
étatique
de
l'activité
économique
dans les pays socialistes sont celles des articles 117 et 118
du code pénal bulgare
"Celui qui nI observe pas une disposi-
tion légale relative à
l'accomplissement d'un certain travail
(1) Andrejew,
la
nouvelle
typologie
des
infractions
dans
le
code pénal polonais mélo
Constant 1971 P.21 et S.
(2)
Cf.
loi
ivoirienne
du
14
juin
1964,
portant
aggravation
de
la
peine
privative
de
liberté
à
raison
de
la
valeur
des choses obtenues au moyen de délit ou de crimes.
(3) VO art.
152 C.P. Soviétique.
(4) Dans le même sens, voir art.
120 C.P.
Bulgare.
..

170.
supporté
est
grand,
plus la
peine est
forte
et dans certains
cas,
l'identifie
à
celle
encourue en cas d'infraction inten-
tionnelle de service.
Par exemple,
l'article
129 du code pénal tchécoslovaque punit
d'au
plus
trois - ans dl emprisonnement ou
"de
la mesure de
re-
dressement" ou bien d'une peine pécuniaire, celui qui aura in-
tentionnellement violé ou n'aura pas accompli un devoir résul-
tant de son emploi
alors
que l'article 130 du même code pu-
nit d'au plus deux ans d'emprisonnement ou de la mesure de re-
dressement
ou bien d'une
peine pécuniaire,
celui qui,
par né-
gligence en violant son devoir a
occasionné "une perturbation
sérieuse
dans
le
fonctionnement
économique ...
d'un
organisme
socialiste dl Etat ... " .
239.
Ce sont là des incriminations d'un type spécial.
Le
législateur
fait
la
distinction entre
les
infractions in-
tentionnelles de service et les infractions d'imprudence ou de
négligence.
Mais
cette
distinction
ne
sert pas,
contrairement aux droits
occidentaux,
de fondement à la différenciation des peines.
La
"dangerosité"
de
l'individu,
réside non pas dans son état
d'esprit,
mais dans la gravité matérielle de son acte.
La res-
ponsabilité pénale en droit pénal économique socialiste repose
plus
sur
l'importance
matérielle
des faits,
que sur l'inten-
tion coupable du délinquant.
On
ne
doit
cependant
pas Si étonner outre mesure devant
cette
politique criminelle en matière économique.
En droit pénal
économique
français,
on peut apercevoir en fi-
ligrane cette attitude dans certaines mesures répressives com-
me celles visant la hausse illicite des prix.
En
effet,
certaines
infractions
économiques
di tes
"matériel-
les 11
(1)
sont
poursui vies
et
punies
en
dehors
de
toute
in-
(1)
Faivre,
la
responsabil i té
pénale
des
personnes
morales,
Rev. sc.
crim.
1958 P.457.
..

171.
tention coupable
de l'auteur.
Le recul
du subjectivisme pénal
(1)
en matière économique a
conduit
à prononcer des sanctions
pénales contre des personnes morales (2) nonobstant le princi-
pe de l'irresponsabilité pénale de ces
personnes consacré par
la jurisprudence.françaiEe (3).
239 bis.
Certains
Droits africains connaissent éga-
lement cette hiérarchisation des peines en fonction de la gra-
vité matérielle de l'infraction commise.
C'est
ainsi
qu'en Côte d'Ivoire,
la
loi nO
64-225 du
14 juin
1964 prévoit
l'aggravation de
la peine
privative de liberté à
raison de
la
valeur des choses obtenues au moyen de crimes ou
de délits (4).
(1) G.
Farjat op.
cit.
2ème éd.
P.58.
(2) En dépit du principe de l'irresponsabilité pénale des per-
sonnes morales en France,
l'ordonnance du 30 mai 1945 (art
12)
a
prévu
la
responsabilité
des
personnes
morales
du
fait de leurs dirigeants.
Mais c'est avec l'ordonnance du 30 juin 1945 (45-1484) que
la
règle
de
la
responsabilité a
été nettement consacrée.
Le
juge
(art.
49
al.
2)
peut
prononcer
une
interdiction
temporaire ou définitive,
d'exercice de la profession con-
tre une'personne morale.
VO également art.
53 de l'ordon-
nance tel que modifié par la loi du 19 Juillet 1977.
Il
faut
également
relever
la
position
de
la
législation
française
dans les avant-projets de
code pénal de 1978 et
1983 ,qui
consacre
la
responsabi lité
pénale des
personnes
morales VO Venaudet "la responsabilité des personnes mora-
les
dans
l'avant-projet
de
code
pénal".
Rev.
trim.
dr.
corn.
1978 P.731.
(3)
Crim.
8 mars
1883 D 1883
I.P.
428;
crim.
2 décembre
1980
bull. crim.
nO 326.
(4) VO J.O.CI 1964 p.844.
C'est ce texte,
et non l'article 225
du code
pénal,
qui
a
servi de fondement à la condamnation
des agents de la LOGEMAD à des peines d'emprisonnement at-
teignant parfois vingt ans (voir Frat. mat.
des 18-27 sep-
tembre
1984). L'article 225 du code pénal ivoirien prévoit
contre
le
détournement
de
deniers
publ ics
ou
privés
des
peines n'excédant pas dix ans d'emprisonnement.
.,

173:
240.
Au niveau des causes du sous-développement,
experts
économiques
et
sociologues
mettent
en avant une pluralité· de
facteurs dont
le facteur
socio-culturel serait le plus déter-
minant.
Nous avons vu (1) quelle influence les valeurs traditionnelles
exercent
sur
-les
moyens
de
production,
en
particulier,
la
terre.
Ces
valeurs
traditionnelles
consti tuent
sous un autre
angle,
des
obstacles
à
la
mise
en
oeuvre
et
au développement d'une
économie moderne.
En
effet,
la
soumission des peuples africains à
certaines de
leurs
coutumes,
les
amène
à
avoir des habitudes et comporte-
ments incompatibles avec
les principes et valeurs économiques
auxquels
leurs
gouvernants
ont,
au
moment des indépendances,
proclamé leur attachement.
Ces valeurs et
comportements liés à
l'économie de subsistance
ne peuvent évidemment
pas permettre
la mise en place d'une é-
conomie
moderne
qui,
qu'elle soit de type
capitaliste ou so-
cialiste,
repose sur une utilisation optimale des forces pro-
ductrices.
Passer
d' une
économie
de
subsistance
à
une
économie
moderne
exige
l'abandon de certaines coutumes dont
le respect est in-
compatible avec les règles qui gouvernent les économies moder-
nes.
Quelles sont
ces habitudes
résultant des coutumes et qui obs-
truent le développement économique
?
Dans quelle mesure sont-elles nocives pour
l'économie? Elles
résident à
des degrés divers dans
les institutions familiales
et villageoises ainsi
que
dans
le système des castes et des
classes
sociales.
Ce
sont,
d'une
manière
générale,
des
élé-
ments socio-culturels ayant
trait au système des rapports in-
ter-individuels.
Contre
ces
éléments,
les
pouvoirs publics africains vont
dé-
ployer
1 1 arme
du
droit
avec
un
penchant
particulier
pour
le
droi t
pénal,
pour vaincre
en eux,
les
"valeurs Il en contradic-
tion avec le nouveau système économique choisi.
(1) Voir Supra,
nO
158 et suivants.


174.
241.
La
présentation
du
"développement
économique"
comme
fondement
de
la
lutte
contre
les
valeurs et structures tradi-
tionnelles
(1)
n'est donc
pas très exacte.
CI est
la
possibilité
de
mettre
sur
pied
une
économie
moderne
dans
la
voie,
soit
du
capitalisme,
soit
du
socialisme,
sur
les ruines de l'économie de subsistance qui constitue le véri-
table
fondement
du
recours
au
Droit,
en
particulier
du
droit
criminel contre certaines coutumes et certaines habitudes.
Re-
posant
sur
des
principes
économiques bien
précis,
une
écono-
mie,
qu'elle
soit
d'inspiration
capitaliste
ou
socialiste,
ne
pourra être
viable
si
la
société
qui doit la construire et la
recevoir
a
des
comportements obéissant
aux
principes d'un au-
tre systèmé économique.
Avant
d'analyser
la
contr ibution
du
droit
pénal
économique
dans
le
dépassement
de
l'économie
de
subsistance,
par
la
ré-
pression
de
certains
comportements
(section
II), nous nous in-
terrogerons
sur
le bien-fondé
de
la
répression de ces compor-
tements par l'appréciation du poids qu'ils exercent sur l'édi-
fication
d'économies modernes en Afrique
(section 1).
SECTION l
LE
POIDS
DE
CERTAINES
COUTUMES
SUR
L' EDIFICATION
D'UNE ECONOMIE MODERNE.
242.
Dans
les
pays
capitalistes
développés
notamment
en
France,
"les
rapports
entre
les hommes
sont largement dominés
par les conditions des activités de production et par les rap-
ports
marchands.
Ils
s'effectuent
aussi
par
11 intermédiaire
des
objets
fabriqués.
Parallèlement
à
cette
place
prise
par
( 1)
Kouassigan
;
Tradition
et
modernité
dans
le
droit
de
la
famille . . . op.
cit.
P.ISO.

175..
les
objets
dans la vie sociale,
des habitudes de pensée nées
du rationalisme ont conduit àgéné~aliser le mode de relations
dites
objectives
que
les
sciences
physiques ont établi entre
les objets ... " (1).
Les effets de tels types de rapports sont "manifestes non seu-
lement au niveau des relations inter-personnelles,
des compor-
tements
économiques,
mais
aussi
jusqu'au
plan
de
la
pensée
scientifique (2).
Dans toutes
les sociétés d'Afrique
Noire,
les rapports inter-
individuels demeurent d'une tout
autre nature.
Ceux-ci,
con-
trairement
à la situation en occident dominent les conditions
des
activités de
production
et
de
distribution
des
biens
et
services.
Or,
les normes qui
régissent
ces rapports inter-in-
dividuels sont fondées
sur des valeurs autres qu'économiques,
notamment
l'orgueil
familial
et
la
fierté
d'appartenir à
une
grande famille solidaire.
243.
Si
nul
ne
peut contester
la beauté des
conceptions
qui voient
la famille d'une manière très large et lui donnent
de
grands
pouvoirs,
i l n'en reste
pas moins que
certains as-
pects
du
droit
traditionnel
africain
de
la
famille
sont
un
frein grave au développement économique (3).
La famille africaine est,en ce qui concerne le nombre des mem-
bres
qui
la
compose,
très
importante.
Elle
constitue
de
ce
fait
une
grande unité affective qui
loin de
former
une unité
de production, qui serait un facteur de développement économi-
que
et
social,
est
en
réalité
"une
enveloppe
qui
enserre et
dans les temps modernes,
devient parfois un carcan.
Elle en-
ferme
la
vie
économique
dans un cadre étroit d'autoconsomma-
tion et de subsistance"
(4).
En
effet,
la
trop
grande
taille
des
familles
africaines
et
(1) Perrin J.C.
Introduction à la première partie de l'ouvrage
lI s tructures
traditionnelles et développement Il op.
cit.
P.4.
(2) J.C.
Perrin op.
cit.
P.4.
(3)
A.
Tunc
Les
aspects
juridiques du développement,
ouvrage
collectif,
Dalloz 1960, P.IO.
(4) J.Y Calvez, op. cit. P.130.
..
. ,

176.
surtout
l'obligation
de
subvenir
jusqu'à
concurrence
de
ses
moyens,
aux besoins des membres nécessiteux,
réduisent à néant
l'investissement
intérieur
et
favorisent
ainsi
l'économie
de
subsistance au détriment de l'économie de marché que l'on veut
instaurer.
Le
parasitisme, c'est
à
dire
le
fait
pour certaines personnes
de
vivre
au
dépend
des
autres
constitue
donc
un obstacle au
développement
économique,
car tant que persistera ce phénomè-
ne,
les
individus
en
aucun
cas,
ne
penseront
à
contribuer
à
leur
propre
épanouissement
pour
penser à aider
au développe-
ment économique.
244.
Les
institutions
familiales
influencent
a d ' autres
égards le progrès économique en particulier en ce qui concerne
la voie capitaliste.
En effet,
la gérontocratie du système patriarcal maintient les
individus dans une dépendance
filiale
pouvant
atteindre vingt
cinq à trente cinq ans.
Or cette dépendance tardive est défa-
vorable
à
l'esprit
d'initiative
et
d'innovation que
requiert
le développement d'une économie capitaliste.
Elle entretient au sein de la Société une tendance a l'oisive-

et à
la passivité face
aux
problèmes actuels de survie du
groupe
social.
En
outre,
elle ne
permet
pas
l'individualisa-
tion
des
revenus
qui est
l'une
des caractéristiques les plus
notables du système économique capitaliste.
La grande taille des familles
et
les principes-qûi les régi~
sent,
tel
que celui de la sol idari té
d~~ malheur et non
~
dans
le
travail
productif
de~olens) constituent également un
~ ~
handicap/ au--progrè;-~conomique.
245._ En dehors des institutions et valeurs familiales en
contradiction avec le développement d'une économie moderne,
il
y
a dans
l'organisation sociale des
règles qui sont également

178.
C'est
donc
à
une
"révolution
culturelle"
que
se
destine
le
droit pénal du développement~i~nomiqueafricain.
Il
ne
s'agit
cependant
pas
de changer
aveuglément
de culture
mais
plutôt,
de
changer
de comportement
devant
les problèmes
de survie du peuple
L'exemple du Japon qui
se
serait développé tout en conservant
~
ses traditions ne peut ~tre invoqué en ce qui concerne lIAff~~'
que.
DI abord parce que les structures sociales tradi tionff:~llE{~:;'
japonaises avaient permis
la constitution de l'épargne privé~
et favorisé l'investissement qu'exige toute politique de déve-
loppement
Ce qui n'est
pas
le cas en Afrique noire,
où les
cérémonies somptuaires et de prestige absorbent l'épargne
(1).
Ensuite,
parce que certains traits de
la société japonaise a-
vaient

céder
du terrain pour
faire
place au développement
économique (2).
247.
Pour
11 Afrique,
il
est d'abord et surtout question
de se mettre à l'heure des réalités économiques actuelles.
L'échec
des
stratégies
de
développement
ni est
pas exclusi ve-
ment
lié à
ce que l'on a appelé "l'axiome de 11 intégration au
système
mondial"
(3)
ni
à
"la théorie de
la dépendance"
(4),
mais à une conjonction de
facteurs
dont les plus essentiels à
notre
avis,
sont
les
facteùrs
endogènes.
Ce
sont
notamment,
l'absence d'une politique interne de sensibilisation des popu-
lations
aux
problèmes
du monde moderne,
à
l'effort voire,
au
sacrifice
et
surtout
à
l'incapacité des pouvoirs publics à
(1) Voir infra,
Deuxième partie, titre II.
(2) J.Y Calvez, op. cit~ P.11S.
(3)
S.
Amin,
l'impérialisme
et
le
développement
inégal,
éd.
Minuit 1976, introduction P.11.
(4)
Ibid,
P.12.
..

179.
subordonner leurs intérêts "égoïstes'" à ceux de la collectivi-
té, qui sont les principales causes de ces échecs (1).
~
Comme
le
disait
M.
YoussoufM 1 Bargane
Guissé,
Il nous
sommes
tous
impliqués
désormais
dans
courant
unique d' histoire mon-
diale"
(2)
essentiellement
dépendant
des
problèmes
économi-
ques.
"Ce qui .. t).le une société,
c'est à des niveaux différents
de
richesse
globale,
une
impuissance à innover et
à
modifier
les tâches de production et de répartition"
(3).
Ainsi,
en Afrique, on aurait pu dans cet esprit, s'appuyer sur
des
éléments
comme
la
grande
taille
des
familles,
l'esprit
d'équipe
au sein des castes et des classes d'âge pour favori-
ser
la
création
de grandes unités économiques ~omme le Japon
en
a
offert
l'exemple
avec
les
entreprises
familiales
les
Zahibatsu.
248.
La mise en place de nouvelles structures économiques
aptes
à
favoriser
le développement est donc une tâche fonda-
mentale pour les pays sous-développés (4).
L'urgence
du
résultat
à atteindre a,
de façon générale,
con-
duit
les
pouvoirs
publics
à
recourir
au
moyen
juridique
qui
leur a
paru le
plus efficace
: la contrainte pénale.
"La peur
du
gendarme,
écrit en ce sens M.
Alliot,
est
souvent
le seul
moyen de mettre
rapidement fin
à des attitudes qu'on juge in-
compatibles avec le développement économique"
(5).
( 1) V0
pour
une
proposition
concrète,
de
M.
EDEM
Kodjo,
"Et
demain
l'Afrique"
éd.
Stock 1985,
qui est
favorable
à
la
création de grands ensembles politiques et
économiques~d-----
même genre que la C.E.E.
~
(2)
Youssouf MI Bargane Guissé op~c3_+_.-r-;-"YT9.
..----'
(3)
A.
Piatier op.
ci..t._..~p-·-xiV.
-~
+4-)~W~Rostow,
1es étapes de
la
croissance économique,
Coll.
Point.
éd,
Seuil P.l3 et s.
M.
Alli ot,
cours
dl histoi re
des
institutions africaines,
les Cours de Paris 1965 p.162. Voir l'opinion contraire de
M.
R.
Granger qui estime que "le recours à la sanction pé-
nale
(dans
la
politique
de
-développement économique)
est
une
solution de facilité qui
ne peut procurer le résultat
voulu car elle nécessiterait autant de gendarmes que d'in-
téressés",
R.
Granger "pour un droit du développement dans
les pays sous-développés, mélange Hamel op.
cit. P.6S.
...

· 18o,.,"
Le
droit
pénal
du
développe~ent économique
apparaît
comme
l'instrument juridique pour créer et organiser l'avenir (1) en
fonction des principes du système économique choisi.
SECTION II
LA
REPRESSION
DE
CERTAINS
COMPORTEMENTS
LIES
A
L'ECONOMIE DE SUBSISTANCE.
249. Parmi les comportements liés à l'économie de subsis-
tance,
l'oisiveté, la mendicité,
le parasitisme ...
le vagabon-
dage,
etc ...
sont ceux qui
sont
réellement incompatibles avec
la nouvelle éthique économique.
Ainsi,
dès
leur
accession
à
l'indépendance,
la
plupart
des
pays africains ont
pris des mesures
affirmant la "primauté du
travail ll
(2)
(Par.
1) et sur cette base, ont réprimé l'oisive-
té et les comportements assimilés
(Par. II).
Paragraphe l
La primauté du travail
250.
L'oisiveté,
le
parasitisme,
la
mendicité,
etc ...
sont des travers bien connus des sociétés africaines
et,
sans
doute,
de toutes
les sociétés dites économiquement sous-déve-
loppées.
Liés à
l'économie
de subsistance,
ces comportements n'avaient
pratiquement
aucune
conséquence
néfaste
sur
elle.
La produc-
tion dans une économie de subsistance n'exige pas une mobili-
(1) va R. Gendarme, Problèmes juridiques et développement éco~
nomique,
in
IILes
aspects
juridiques du développement éco-
nomique,
Dalloz 1966.
(2)
M.
Alliot,
Cours d'histoire
des institutions africaines:
les cours de Paris 1965.
P.297.
.. ~,~

181.
sation massive
des forces
de travail.
Le passage d'une écono-
mie de subsistance à une économie de marché nécessite un chan-
gement
d'attitude vis à vis du travail.
Il
ne
s'agit plus de
produire
les
seuls
biens nécessaires à ses
seuls besoins.
Il
faut
produire
en
vue
de
satisfaire
et
ses
besoins
et
viser
moyennant rém~ri~ration, la satisfaction des besoins d'autrui.
Aujourd'hui,
l'oisiveté,
le
parasitisme,
la
mendicité ...
le
vagabondage
sont
dénoncés
comme
nuisibles
au
développement
d'une économie moderne.
Le décollage économique des pays sous-développés nécessite en
effet,
la mobilisation de toutes
les
forces actives des popu-
lations.
Or,
il est malheureusement vrai que dans les sociétés
africaines,
le loisir tient une grande place,
et les oisifs ne
sont pas décriés comme manquant
à
leurs devoirs envers la so-
ciété Cl).
Aussi
les
pouvoirs
publics
africains
dès
leur
accession
à
l'indépendance,
ont-ils mis au centre de leurs préoccupations,
la
lutte contre
ces habitudes
liées à l'ordre économique tra-
ditionneL
Les législations africaines se sont assignées entre autres ob-
jectifs, celui de briser ces attitudes contraires aux nouveaux
principes socio-économiques,
et celui de promouvoir une socié-
té fondée sur la "primauté du travail"
(2).
Paragraphe II
La
répression
de
l ' oisiveté
et
des
com-
portements assimilés.
251.
L' oisi veté
et
les
comportements
assimilés comme
le
parasitisme,
la mendicité et
le vagabondage
sont'réprimés par
les législations africaines comme faisant obstacle au dévelop-
pement économique.
(1) M.
Alliot,
op.
cit.
P.297
( 2)
Ibid.
...

182.
"Le
travail,
déclare
l'article
145 du code pénal malien,
est
un devoir pour tout Malien.
En conséquence,
le vagabondage est
un
délit".
Le code pénal
Gabonais va
plus
loin en faisant
du
travail une obligation pour le citoyen Gabonais (1).
Mais
face
aux problèmes actuels du chômage ces textes ont dû
être modifiés pour tenir compte de la nouvelle situation.
A cet
égard,
l'article
224
du
code
pénal
guinéen,
est
plus
réaliste
qui,
tout
en
incriminant
lloisiveté,
réserve
le cas
de
celui
qui est dans
l'impossibilité
de
se
procurer du tra-
vail par suite ... du chômage".
Dans
11 oisiveté
donc,
ce
qui est
répréhensible,
Cl est
la ré-
pugnance au travail.
C'est elle
qu'il
importe d'incriminer et
d'essayer
de
conjurer au moyen de
la répression pénale.
Cette
action
doit
viser
aussi
bien
les
oisifs
des
villes qui sont
les "parasites",
que ceux des campagnes.
C'est
en
ce
sens
que
l'ordonnance
malgache
nO
62-.,.062
du
25
septemre 1962 déclare que "la répression de l'oisiveté ne doit
pas concerner uniquement les oisifs et chômeurs professionnels
des grandes villès".
Dans les campagnes,
poursuit le texte, i l
existe malheureusement aussi des gens qui répugnent à l'effort
de
quelque
nature
que
ce
soit et se
laissent vivre,
comptant
sur leur famille ou sur les facilités que leur offre une natu-
re
généreuse...
Il n e s ' agi t
simplement
que
de
les obliger. à
mettre
en
culture
leur
terrain ...
en fonction
des
impératifs
locaux et du plan de développement de Madagascar"(2).
252.
Au
Tchad,
une
série
de mesures
répressives ont été
prises dans
le même sens.
Les décrets des 24 avril 1960 et 14
~
avril
1962
rendent
obligatoire
l ' entretien_dp~",··cu:"
...-:-prupres
P lantations et de son
--------------
bé_t~::>.-i-~
~ ~ - -
(1) Cf.
articles 195 à 197 du code pénal gabonais.
(2)
Dans le même sens,
VO ordo
gabonnaise nO 50-62 du 21 sept-
1962,
J.O.
1er Nov.
1962 P.757.
..
~._
~.

. . . _ .
4 '
_ _
" • • • •
~_' • • • ,
• •
_ _ . " '
_
••• _ .
_ .
~ _

183.
Le décret
du
14 avril
1962 porte obligation du "démariage" et
du premier
sarclage dans
les plantations de coton.
Il faut ~­
galement noter le décret du 2 mars 1961 portant réglementation
sur
la
protection
et
l'entretien des
palmeraies.
Ces mesures
dont la doctrine s'est fait
l'écho de leur efficacité (1) ont,
dit-on,
joué un rôle sensible dans
l'accroissement de la pro-
duction cotonnière tchadienne.
Dans le même souci de
la motivation des individus au travail,
plusieurs
autres pays africains ont
adopté des mesures analo-
gues à celles du Tchad.
Dans les pays forestiers comme le Gabon,
la Côte d'Ivoire,
Ma-
dagascar
etc...
le
reboisement
est érigé en devoir
national,·
voire en obligation pénalement sanctionnée.
Ainsi,
à
Madagascar,
une
loi
du
24 décembre
1963 oblige tous
ls hommes âgés de vingt et
un à cinquante ans,
à planter cha-
que année,
au moins cinquante
arbres
forestiers ou fruitiers.
Sans y être
astreintes,
~es femmes sont invitées à participer
librement à ce travail
(2).
De même,
au Gabon et à Madagascar,
le refus de participer à la
lutte contre
les feux
de brousse,
les inondations,
les cyclo-
nes,
contre les animaux nuisibles comme les sauterelles et les
criquets,
lorsque cette lutte est prescrite par la loi,
expose
le coupable à une peine d'emprisonnement pouvant atteindre dix
jours.
Au
Mali,
lorsque
le
coupable
a
été
requis
spécialement
par
l' autori té
administrative,
la
peine
peut
atteindre six mois.
Les
législateurs
centrafricains
et
sénégalais sont
en ce do-
maine,
plus
sévères
que
leur
homologue
malgache.
En
effet,
contre
la
même
infraction,
ils prévoient une peine de
priva-
tion de liberté de trente jours.
(1)
VO C.
Durand;
les
tendances du droit pénal
au Tchad de-
puis l'indépendance Penant
1973 nO
741 P.381.
(2) VO Loi nO
63-032 du 24 décembre 1963.
•.
..1

..·
184.
253.
Dans
les
pays
pastoraux , l e travail
est
imposé
en
faveur de l'élevage. Ainsi,
au Tchad,
l'ordonnance nO 19 du 16
juillet
1960
fait
obligation
à tout éleveur,
berger proprié-
taire,
de
déclarer
aux
services
de
l'élevage,
les
maladies
dont ses bêtes sont atteintes et les isoler.
Toutes ses mesures éparses dans les législations pénales afri-
caines ont pour fonction
dt inculquer aux individus,
la "mys-
tique et la primauté du travail"
(1).
(1) M. Alliot, op. cit.
P.298.

185.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
254.
Dans!'instauration et
la protection des fondements
socio-économiques capitalistes et socialistes,
le droit
pénal
s'est vu assigner des fonctions diverses.
En étroite relation avec le système économique capitalis-
te,
il
a
joué un certain rôle dans le libre jeu de la concur-
rence
et
dans
la
protection
de
la
propriété
capitaliste
des
moyens de production et de distribution.
Dans l'exemple de la France sur lequel a porté essentiellement
notre analyse,
nous avons vu comment le droit pénal économique
s'appuyant sur la doctrine économique libérale se destine à en
protéger
les
principes
en
sécrétant
des
mesures
répressives
qui,
quoique
parfois
peu
orthodoxes,
ne
visent
pas
moins
la
sauvegarde du système économique capitaliste.
255.
En
Union
Soviétique
et
dans
les
pays
socialistes
d'Europe de
l'Est,
on avait
fait
appel aux techniques d'inti-
midation
et
de
répression
du droit
pénal
économique
pour
as-
seoir le nouvel ordre socio-économique.
La
collectivisation
des
principaux moyens
de
production exi-
geait
dans
la
société
féodalo-capitaliste
qui
était
celle de
11Union Soviétique avant
la Révolution de
1917, l'adoption de
mesures énergiques qui soutinssent cette mutation socio-écono-
mique.
Mais certainement plus soucieux d'éduquer que de réprimer,
les
pouvoirs
pùblics
soviétiques
comptaient
sur
la
crainte
des
sanctions pénales qu'ils édictaient
cyniques,
pour amener les
individus
à
participer
à
la
vie
économique
suivant
les
nou-
veaux principes socio-économiques.
..

186.
256.
Sur
cette même
préoccupation
SI appuie
la
politique
criminelle africaine menée d~ns le sens de la modification des
structures traditionnelles et des institutions socio-culturel-
les des populations.
Comme
nous
1 '-avons vu,
i l
s 1 agissait dans les pays dl Afrique
Noire
francophone
de
transformer
les
idéaux
des
peuples
en
contradiction avec le syst~me économique choisi. Il s'agissait
d'inculquer aux individus "la conscience capitaliste ou socia-
liste"
(1) du travail et des rapports socio-économiques ... ,
de
passer des valeurs liées à
l'économie de subsistance à celles
des économies modernes.
257.
Telles sont dans les divers ordres socio-économiques,
les principales fonctions
assignées au droit pénal économique
au niveau de l'instauration et de la protection des fondements
socio-économiques des systèmes économiques contemporains.
rnsi ttué
d'un
côté
pour
garantir
la libre appropriation
des
moyens
de
production,
le
libre
jeu
de
la concurrence et
contenir
les abus de
la
liberté économique; d'un autre côté,
pour
protéger les bases d'un nouvel ordre économique en cons-
truction
sur
les
ruines
dl un
ordre
ancien
qui
résiste,
le
droit pénal économique apparaît là comme un instrument juridi-
que
au
service
des
idéologies.
En
effet,
en
protégeant
dans
les
pays
libéraux
la
propriété
capitaliste
et
dans
les
pays
socialistes
la propriété collective, i l est dans un pays don-
né,
un
moyen de protection du
régime
de propriété des moyens
de production.
En visant la protection du monopole étatique de l'économie so-
cialiste et
la liberté du commerce et de l'industrie dans les
pays
capital istes,
le
droit
pénal
économique apparaît
égale-
ment dans un pays donné,
comme un moyen de protection du mode
d'organisation de l'activité économique.
(1)
Suivant l'option politique du Pays.
..

187.
258.
Le
droit
pénal
écoTlOmique
est
en
conclusion,
le
droit du pouvoir politique.
Il est le droit par lequel la clas-
se sociale au pouvoir impose sous la menace de "représailles",
sa conception des rapports socio-économiques.
Il
est
à
cet
égard,
un
instrument
juridique
spécial
(1)
de
protection des
règles par
lesquelles
les hommes vivant en so-
ciété
nouent
des
rapports entre eux,
pour produire
les biens
nécessaires à
leur subsistance et
à
leur bien-être (2). C'est
dans cette optique que comme nous le notions (3),
le droit pé-
nal économique est un
instrument· au service de l'économie po-
litique.
A l'image des principes de base de l'économie politique,
-mode
de
production,
régime
de
propriété des moyens de production,-
il
ne varie guère d'un
pays à un autre
(4)
et dans le temps,
sauf
en cas de
révolution comme celles que
la
France et l'U-
nion Soviétique ont connues respectivement en 1789 et 1917.
Il en résulte que le "droit pénal de l'économie politique" est
assez stable.
Ses incriminations sont
sOres comme en témoigne
en France,
la pérénité
des dispositions pénales protectrices
de
la propriété capitaliste,
et de
l'article 419 relatif à la
loi de l'offre et de la demande.
La
stabilité de
ces mesures permet
de
les codifier et de
les
soumettre
aux
principes
fondamentaux
qui
régissent
le
droit
pénal et la procédure pénale.
(1) Spécial car comme nous le disions
(cf. notre introduction),
tout le Droit d'un pays véhicule son idéologie.
(2) va Raymond Barre; Economie politique. P.U.F. coll. Thémis
1975.
P. 20;
Gide
Charles,
Cours
d'économie
politique op.
cit.
P.2 et s.
(3) Cf. notre introduction.
(4) Les principes d'économie politique ne varient sensiblement
pas d'un pays à un autre ayant le même système économique.
Les
variations
sensibles
tiennent
aux
structures de base
de
l'économie.
En
effet,
un
marché
atomistique
ne
sera
pas
règlementé
de
la
même
manière
qu 1 up
marché
oligopo-
listique (Voir infra).
..

188.
La
fonction
classique
du droit
pénal
économique consiste donc
en la protection pénale des fondements socio-économiques de la
société.
Il
conserve
cette
fonction
traditionnelle
même
si
dans
les
politiques
économiques
de
conjoncture,
aussi
bien
dans
les
pays
capitalistes
que
dans
les pays socialistes,
dé-
veloppés
ou non,
la tendance
est
plus ou moins à "l' auxillia-
risation"
des
doctrines
économiques
comme
fondements
de
ces
politiques économiques.
..

DEUX 1 E ME
PAR T 1 E
DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE ET POLITIQUES ÉCONOMIQUES.
e.

189.
259.
Autrefois,
on
pensait
qu'en
laissant,
ou
faisant
jouer
les
principes
résultant
des
systèmes
économiques,
on
parviendrait aisément à la satisfaction des besoins de la col-
lectivitéet ainsi,
a son bien-être.
Mais
très
vite ,- on
s'est
rendu compte
que
les
systèmes
issus
des
doctrines'
économiques
n'étaient
que
"théories"
et
que,
dans
la
pratique,
ils ont besoin d'être adaptés,
réformés et
même,
écartés au profit de mesures
parfois
en contradiction
avec celles
des systèmes économiques.
Très vite en effet,
les
insuffisances
des
théories
économiques
devant
les
problèmes
matériels d'existence avaient rendu nécessaire la mise en oeu-
vre de
"politiques économiques"
en lieu et place de "l'écono-
mie politique".
Ainsi,
progressivement,
l'économie politique a,
dans la prati-
que, cédé le pas devant la "politique économique".
259 bis.
En effet, concevoir une politique économique vi-
sant un ou plusieurs objectifs précis est devenu une pratique
bien connue dans tous les Etats modernes.
On
parle
aujourd'hui,
de
politiques
de
la
concurrence,
des
prix
de
restructuration
économique,
de
redéploiement
indus-
triel,
de
développement
économique,
de
développement
du pro-
grès technique,
etc . . . .
"L'économique", pour autant qu'on puisse le distinguer du "po-
litique
pur",
constitue
la
préoccupation majeure des pouvoirs
publics.
C'est en effet,
par les résultats acquis en ce domai-
ne que toute leur Politique sera jugée.
Dans
une
large
mesure,
on
peut
dire
que
les
Etats
modernes
veulent obtenir
le
"progrès social",
le
"bien-être" par l'es-
sor économique.
L'importance
que
revêt
ainsi
l'économie dans
les
sociétés
modernes
donne
à
la politique générale
des pou-
voirs publics une coloration essentiellement économique.
Le principal souci
des
Etats modernes est en effet de dominer
la
réalité
pour
favoriser
le
développement
économique.
Une
..

190.
telle perspective conduit les pouvoirs publics à avoir une po-
litique
économique
qui
les
mène
à
orienter,
à
organiser,
au
besoin par la contrainte,
les activités économiques du pays (1).
260.
Comme en ce qui concerne
les principes fondamentaux
du système économique,
les pouvoirs poublics vont recourir au
Droit
pénal
pour
"forcer"
le
respect
des
prescriptions
de
leurs politiques économiques.
La
répression
pénale,
même
dans les pays capitalistes,
nI est
plus conçue
comme un instrument d'arbitrage,
c'est à dire, un
moyen
de
rétablir
un équilibre rompu entre deux ou plusieurs
particuliers
à
propos
de
leurs
relations
économiques,
mais
comme un instrument d'action économique (2).
Ainsi,
toutes les violations de ces prescriptions économiques
vont être
assimilées à des actes anti-sociaux attentatoires à
l'ordre
public
économique
(3)
et
de
ce
fait,
érigées en dé-'
lits pénaux.
Ces infractions économiques
auront un
régime particulier qui
les- distingueront des déli-ts pénaux de droit commun visant par
exemple,
la
protection de
l'intégrité corporelle.
Ils se dis-
tingueront également des délits économiques ci-dessus étudiés
(4) qui ont pour fonctions la protection des valeurs fondamen-
tales que sont les principes d'économie politique.
(1) VO Escolano ; Thèse précitée P.130.
(2)
A. Vitu ; Définition et contenu du droit pénal économique,
in mélo
Hamel op.
cit.
P.77
En ce
sens,
J.
Hémard,
Les
sanctions
en
droit
pénal
économique
op.
cit.
P.53-54
;
J.
Mazard
;
Aspects
du
droit
pénal
économique
français
R.S.C.
1957 Suppl.
P.
19 et S.
(3) Sur cette notion, voir G.
Farjat
; L'ordre public économi-
que.
L.G.D.J.
1963
op.
cit.;
G. Ripert ; L'ordre écono-
mique
et
la
liberté
contractuelle,
études
Gény
Tome
II
Sirey
1934
P. 347
;
Khalil
Sobhy
le
dirigisme
économi-
que
et
les
contrats
précité

P. 269
et
s.;
Escolano,
thèse précitée ~~88 et S.
(4) Voir Supra, Première Partie, nO 92 et s.

191.
--.-
. -_._--~----
Ce régime spécial du droit pénal économique,
instrument de po-
li tiques
économiques, est
lié
aux caractéri st iques mêmes
des
politiques économiques.
D'abord aujourd'hui,
dans tous
les pays
(1)
la politique éco-
nomique
apparaît
comme
une mission de
service
public
(2)
qui
incombe au pouvoir exécutif.
Cette
situation-consacrée constitutionnellement dans certains
pays capitalistes
(3)
explique
l'abdication du pouvoir légis-
latif en faveur du pouvoir exécutif en matière économique.
De
là,
résulte
la prééminence des textes de
nature réglemen-
taire dans
les
sources du droit
pénal économique de conjonc-
ture.
Par ailleurs,
l'incessante
variation
des
politiques
économi-
ques confère au droit pénal économique
son caractère instable
unanimement observé par la doctrine (4).
L'ordre public écono-
mique qui
fonde
le droit pénal économique est une notion mou-
vante
(5).
Il
en
résulte
que
les
mesures
"indispensables
un
jour,
sont
superflues
un
autre
jour,
voire
même
inopportu-
nes"
(6).
Le
droit
pénal
économique,
instrument
de politiques économl-
ques est également un droit pénal "finaliste" et "artificiel".
Il ne s'encombre pas des principes d'égalité,
de liberté ou de
morale.
Il vise des situations concrètes, des objectifs précis
qu'exige la conjoncture économique. Il
n'exprime
pas
ce
qui
est
juste,
lie i te,
mais ce qui,
pour la pol i tique économique
du
moment,
est
souhaitable. ·On notera a cet égard l'attitude
conciliante
du
droit
pénal
économique envers
les ententes et
monopoles
qui
sont
en
principe
illicites
dans
les
économies
libérales (7)·
(1) Qu'ils soient de régime socialiste ou libéral.
( 2)
Voir
Lemoal
Droit
de
concurrence,
éd.
Economica
1979
P.
190 et s.
(3)
Cf.
art.
35 et
37 const.
Française;
art.
41
et
44 const.
Ivoirienne.
(4) G.
Farjat
;
l'ordre
public économique op.
cit.
P.100;
Ot-
tenhof thèse précitée nO
120
Escolano op. cit P.252;
J.
Mazard op. cit.
P.
19 et s.
(5)
G. Farjat loc.
cit.
(6) Escolano : loc. cit. P.252.
(7) Voir infra,
n0326 et s.
..

192. -
Comme nous
le verrons,
l'interdiction des ententes n'est pas,
du moins
n'est plus
automatique.
Une entente conclue en vio-
lation du principe de
la libre
concurrence
ne sera pas sanc-
tionnée
par
le
droit
pénal
économique si
elle
favorise
d'une
manière
ou
d "une
autre,
le
développement
économique
(1).
La
"rationnalité économique"
vient
ici
pondérer
la
rigueur de la
"rationalité
juridique".
Les
deux
se
combinent pour conférer
au droit pénal économique une "rationalité spécifique".
Le droit pénal économique,
instrument de politique économique,
n'entend donc pas détruire mais au contraire construire, orga-
niser,
amener
les
actions
individuelles
à
s'inscrire dans
la
politique générale des pouvoirs publics (2).
261.

la protection des
principes d'économie politique
(3),
le
droit
pénal
économique
devient ici,
le bras séculier
des
politiques
économiques.
Il
est ainsi
amené à
exercer des
fonctions
très
diverses
tant
sont
variés
dans
le
temps
et
l'espace,
les
objectifs
que
visent
les
pouvoirs publics dans
le cadre de leurs politiques économiques.
En
effet,
a
certaines
périodes
et
dans
certains
pays,
c'est
le "développement économique" qui est visé.
Dans. certains autres,
Cl est
le
"redéploiement industriel",
le
'''développement du progrès technique",
le "développement exten-
si f",
le
"développement
intensi f",
etc..
qui
sont recherchés
par
les
pouvoirs publics et
qui
en raison de
leur importance
pour
la
collectivité
sociale,
requièrent
la
protection
du
droit pénal.
262.
Mais au-delà de
la
signification théorique que peu-
vent
avoir
ces
expressions,
il
s 1 agit
pour
certains,
à
cer-
tains moments,
de créer les
conditions d'expansion de leur é-
conomie.
(1) Voir infra,
N° 326 et s.
(2) En ce sens, Escolano op. cit. P.26l; Ottenhof. P.117.
(3) Voir supra, première partie, nO 80 et s.
..

193.
Pour
dl autres,
i l
est
surtout
question
de
réunir
les
condi-
tions
de
la
production
par
eux-mêmes,
des
biens
et
services
dont
ils
ont
besoin.
Ils .luttent
pour
ainsi
dire,
en
vue
de
parvenir
au
développement
économique
et
social.
On
retrouve
ainsi,
au niv~a~ des politiques économiques,
le clivage actuel
entre
pays
développés
et
pays
sous-développés.
On PQurra donc
distinguer
les
fonctions
du
droit
pénal
économique
dans
les
politiques économiques des pays développés
(Titre 1)
de celles
qu'il
est
appelé
à exercer dans
les
politiques
de
développe-
ment économique
(Titre II).
..

TITRE 1
DROIT P~NAL ~CONOMIQUE ET POLITIQUES ~CONOMIQUES DANS LES
PAYS D~VELOPP~S.

194.
263. Comme nous l'avons vu (1),
les doctrines marxiste et
libérale
soutiennent
chacune
de
son
côté,
que
leur
mise
en
oeuvre permet d'offrir à la collectivité le bien-être optimum.
La
protection pénale de
la
propriété capitaliste et de la li-
bre concurrence_~'une part, et celle de la propriété socialis-
te
et
du
monopole
étatique
de
l'économie d'autre part,
repo-
sent sur ces conceptions philosophico-économiques.
Mais très tôt,
dans l'un comme
dans l'autre camp,
l'évolution
des conditions économiques et sociales allait révéler l'insuf-
fisance
de
ces
théories
quant
à
la
satisfaction
des
besoins
matériels de la collectivité.
264.
Dans
les
pays
capitalistes,
dès
la
fin
du
XVIIIè
siècle,
on
a
aperçu
l'impuissance des mécanismes naturels du
libéralisme
a réguler
"correctement"
le marché et à assurer à
la collectivité l'allocation régulière en denrées de première
nécessité.
Les
pouvoirs
publics
ont

intervenir
pour
réglementer
le
marché,
en lieu et place de
la loi de l'offre et de ·la deman-
de,
de la main-invisible (2).
Le maximum de marchandises pouvant être détenu par chaque com-
merçant était statutairement fixé.
Il
importe
de
rappeler les nombreux décrets
pénaux adoptés à
cette époque, en matière de prix.
Le
décret
du
22
décembre
1792
interdisait les suroffres pour
l'achat des grains et farines.
Celui du 4 mai 1973 imposait la
déclaration et la taxation des grains et farines possédés.
Il
faut enfin noter le décret du 29 septembre 1793 qui insti-
tuait la taxation de toutes les denrées de première nécessité.
(1) VO supra,
1ère Partie, nO 80,81 et 82.
(2) Mohamed Salah, thèse précitée P.247.
•.

195.
265.
Mais c'était avec
les crises économiques consécuti-
ves aux deux guerres mondiales qu'apparurent avec le phénomène
de
1 1 interventionnisme
étatique
(1)
les
premières
véritables
politiques économiques de conjoncture soutenues par une légis-
lation pénale· d I· un nouveau type.
Comme nous
le notions
(2),
c'est sous cet aspect que,
par ses
caractéristiques
particulières,
le
droit
pénal
économique
s'est mise en relief dans les pays capitalistes.
Peu
respectueux
des
principes
fondamentaux
du droit
criminel
classique
(3)
il
contribue
par ailleurs avec
le phénomène de
11 interventionnisme
étatique
à
méconnaître
les
fondements
du
système économique capitaliste.
Cette
"démarcation" des politiques économiques et
pénales des
doctrines économiques s'était également observée dans les pays
socialistes
en
particulier
en
Union
Soviétique.
En
effet,
alors que la révolution
ouvrière venait de proclamer le rejet
t,
du système économique capitaliste,
la pénurie consécutive à la
i:
r:
guerre civile avait conduit les pouvoirs publics soviétiques à
~.
s'accomoder
pendant
six
années,
dl une
politique économique
la N.E.P.,
axée
plus sur
les
principes du système capitaliste
que sur ceux du marxisme
(4).
Les guerres et leurs conséquen-
ces immédiates avaient ainsi
déclenché entre
les droits capi-
taliste et
socialiste,
un mouvement de
convergence (5)
très
sensible.
(1) Voir
sur
ce
phénomène,
ses
rapports
avec
les
principes
fondamentaux du droit libéral notamment,
le principe de la
liberté contractuelle,
G.
Ripert,
L'ordre économique et la
liberté contractuelle,
étude Gény Tome II Sirey 1934 P.347
et s.
Sur
les
aspects actuels
de
ce phénomène,
on
peut lire Y.
Guyon,
Que reste-t-il du principe de la liberté du commer-
ce et de l'industrie? in Dix ans de droit de l'entreprise
Litec.
1978 P.5 et s.
J.
Thréard, La liberté contractuelle
et
les
derniers
avis de
la commission de
la concurrence.
Gaz.
Pal.
1979 II doct.
P.
584 et s.
( 2 ) Cf. supra, introduction n022 et s', également nO 71 et s.
( 3 ) VO supra,
introduction n° 71 et s.
(4) VO infra,
deuxième partie,
Titre 1.
( 5 ) J. Léauté, op. cit. P.618; VO infra Titre l
chap.
1.

196.
Ce mouvement de convergence né
avec
les guerres et les crises
marque encore
aujourd'hui
les ~olitiques économiques et péna-
les menées dans les pays capitalistes et socialistes.
266.
D'abord,
les économies libérales,
celle de la France
notamment
conservent
avec
le
rôle de
l'Etat,
leurs tendances
"socialisantes '1
acquises pendant
les périodes de guerre et de
pénurie.
En effet,
depuis
ces évènements
les pouvoirs publics
ont
maintenu
leur
présence
dans
11 activité
économique.
De
la
lutte
contre
les
crises de
guerre,
le
droit pénal
économique
français
a
été
révisé
de
façon
constante
pour
servir tour
à
tour,
la politique de redressement d'après-guerre,
la politi-
que
de
restruc"turation de
l'économie dans
le
sens
de
la con-
centration,
et aujourd'hui,
i l apparaît comme un moyen de con-
trôle
des
nouvelles
structures
économiques.
En
effet,
pour
l'essentiel,
le
droit
pénal
économique
contemporain
de
la
France vise les grosses entreprises sur lesquelles d'ailleurs,
i l
exerce
une
action
indirecte plus préventive que
répressi-
ve
(1).
267.
Dans
les
économies
socialistes,
c'est au mouvement
inverse qu'on ass~ste. Le système centralisé, monolithique,
de
planification a fait place à un système qui reconnait aux uni-
tés
de
production
socialistes
une autonomie
juridique et
fi-
nancière
(2).
Ce
changement
réalisé dans
la
plupart
des pays
communistes dans les années "soixante" avait nécessité une ré-
vision du droit
pénal économique.
Celui en vigueur dans llan-
cien
système

les
entreprises étaient soumises aux organes
étatiques qui intervenaient dans leurs activités et décidaient
de
leur
sort,
ne
pouvait
plus
régir
les
rapports
économiques
dans le nouveau système.
(1)
J.
Léauté op.
cit.
P.626.
( 2 )
VO
Tamas
Sarkhozy,
11 amende
économique,
in
Annuaire
de
l'U.R.S.S.
et
des
pays
socialistes
européens
1974.
P. 67,
VO
infra.

197.
Cette
évolution
du
communisme
orthodoxe
vers
un
"communisme
libéral"
(1) a entraîné dans le droit pénal économique des so-
cialistes
des
modifications
notamment
au
niveau des condi-
tions de la responsabilité des chefs d'entreprise.
C'est
donc
là,
outre
sa
particularité
d'être
un
droit
pénal
peu soucieux des' principes fondamentaux du droit criminel,
une
autre caractéristique du droit
pénal économique de conjonctu-
re,
d'être également peu respectueux des fondements des systè-
mes économiques.
268.
En
suivant

la
trace"
le
droit
pénal
économique
dans
les
diverses
politiques
écono~iques, nous
constaterons
que ces traits caractéristiques sont nettement accusés pendant
les
périodes
de
crise économique.
Ces traits sont
en rapport
direct avec la gravité de la conjoncture économique.
Plus cel-
le-ci est grave notamment lorsqu'elle fait état d'une crise de
pénurie,
plus le
droit
pénal économique
se durcit et plus,
de
façon
générale, i l
se
manifeste
sous
ses traits caractéristi-
ques
qui
marquent
sa
spécificité
par
rapport
au
droit
pénal
classique.
Mais au contraire,
lorsque la crise et la pénurie s'estompent,
les
pouvoirs
publics
renoncent
aux
mesures
"énergiques d' op-
portunité économique" et renouent plus ou moins leurs législa-
tions pénales économiques avec les principes qui,
d'ordinaire,
régissent le droit criminel et le système économique.
C'est ainsi que le droit pénal économique
dans les politiques
d~expansion économique
(chapitre II) est beaucoup plus
serein
et
techniquement
beaucoup
plus
proche
du
droit
pénal
classique qu'il ne l'a été dans les politiques économiques me-
nées au cours des grandes crises consécutives aux deux guerres
mondiales
(Chapitre I).
(1) L'expression
peut
paraître excessive.
Mais elle
donne une
idée du sens de l'évolution du système de gestion économi-
que socialiste,
pour ne pas dire peut-être à tort,
du sys-
tème économique socialiste lui-même.
..

CHAPITRE l
DROIT P~NAL ~CONOMIQUE ET POLITIQUES ~CONOMIQUES
-nE CRISE ET DE GUERRE.
e.

198.
269.
C'est en tant
qu'instrument
de
politique économique
que
la notion de droit
pénal économique a fait son apparition
dans la doctrine juridique des pays industrialisés.
Après
la
première
guerre
mondiale,
la crise
économique
avait
donné
lieu
par~out dans le monde,
à
des
politiques de
grand~
envergure
(1)
soutenues
par des mesures
répressives de carac-
tères jusqu'alors inconnus.
C'était à ces périodes là,
que le droit économique que présen-
tait les traits les plus accusés de sa spécificité par rapport
au droit pénal classique (2).
Très sévères et parfois même cyniques (3)
ses sanctions reflé-
taient
la
gravité
de
la
situation économique
qu 1 elles
régis-
saient.
La
pénurie
de
l'époque
"avait
rapproché
les
législa-
tions parce qu'elle avait,
presque partout,
imposé le règne de
l'économie dirigée des temps de crise et de pénurie"
(4).
"La
commune
nécessité
de
taxer
les
prix,
d'assurer
le
ravi-
taillement,
la répartition des produits industriels,
d'organi-
ser le contrôle des échanges avait rendu nécessaires des déro-
gations
aux
principes
les mieux établis du
droit
pénal
géné-
ral"
(5) et de la procédure pénale (6).
Ainsi
naquit
dans
les
pays
capitalistes
ce
qu'il
est
commun
d'appeler
aujourd'hui
"interventionnisme"
et
"dirigisme"
éco-
nomiques,
phénomènes caractéristiques des
économies
socialis-
tes.
(1) Par exemple le New Deal Américain sous Roosevelt.
( 2 )
VO notre introduction.
( 3 ) La
peine
de
mort
était
prévue
contre des
actes qui,
au-
jourd' hui
sont
banaux.
Le
marché
noir
était
puni
de
la
peine
capitale.
V° loi du
15 mars
1942 et nos développe-
ments infra.
J.
Léauté rapport préc.
P.618.
J.
Léauté rap.
préc.
P.618.
Bouloc,
B,
les droits
de
la défense dans la procédure pé-
nale
applicable
en
matière
de concurrence,
Rev.
sc crim.
et dr.
comparé,
1982.
P.514
; Jeantet,
le code des prix et
les
principes
fondamentaux
du
droit
pénal
classique
1943
op.
cit.



199.
Sur
ce
point,
la
similitude
des
fonctions
et
des
techniques
d'intervention
des
droits
~énaux
économiques
capitalistes
(Section 1) et socialiste (Section II) est presque parfaite.
SECTION\\ l
DROIT
PENAL ECONOMIQUE ET POLITIQUES ECONOMIQUES
CAPITALISTES DE CRISE ET DE GUERRE : LE CAS DE LA
FRANCE.
270.
La grande crise des années "trente"
et surtout cel-
le consécutive à la deuxième guerre mondiale avaient profondé-
ment ébranlé les mécanismes du marché libéral.
Déjà à la fin du XIXè siècle,
le phénomène de la concentration
capitaliste avait altéré ces principes économiques.
La
concurrence
dite
"naturelle et
libre",
ce principe de
li-
berté économique
qui
selon
la doctrine
libérale,
permet d'at-
teindre
"1' eff icience économique"
( 1)
s 1 était,
sous
l'effet
des crises et des guerres,
avéré
incapable de réguler ration-
nellement
l'économie.
De
là naquit
la nécessité pour les pou-
voirs publics d'intervenir dans
l'activité économique pour la
contrôler puis,
plus tard,
pour la diriger.
Ils sont
intervenus dans un
premier temps de façon ponctuelle
notamment sur les prix et les changes,
avec
des
mesures
de
droit pénal économique.
271.
Mais
après
cette
première
période
comprise
entre
1929
et
1938,
la deuxième guerre est
venue donner une
impul-
sion nouvelle à
l'action des
pouvoirs
publics et au droit pé-
nal économique édicté à l'appui de cette politique économique.
Ainsi,
pendant ces temps de
"crise de guerre" on a connu deux
types
de
politique
économique
et
pénale
qui
correspondent
a
(1) Gide
Loyrette
et
autres op.
cit.
P.1;
Jenny et Weber op.
cit.
P.22.
L.
Franck,
la libre
concurrence PUF,
coll.
Que
sais-je?
P.9 et s.
..

201.
Mais
a
partir
de
1936,
dans ce contrôle,
allaient
apparaître
les prémisses du dirigisme (B).
A - Le contrôle répressif de la liberté économique.
273.
La
crise
économique
consécutive
à
la première
guerre mondiale,
avait exercé sur
les cours des produits, une
influence
à
la hausse.
Les pouvoirs publics durent intervenir
à contre courant de la liberté contractuelle, pour tenter, au
moyen de certains textes essentiellement répressifs,
une poli-
tique déflationniste.
Mais au départ,
cette politique économique et pénale était do-
minée
par
cette
idée
fondamentale
que
l'Etat
intervient dans
l'activité économique des
personnes physiques ou morales dans
le but d'y protéger la liberté économique contre certains abus.
D'où l'expression d'ordre
public économique de
protection (1)
qui
traduit
l'intérêt
défendu
par
ce
droit
pénal
économique
interventionniste classique.
En
effet,
on
rapporte
qu 1 à
cette
époque,
une
tendance
des
"économiquement
forts"
à
écraser les
"économiquement faibles"
dominait les rapports socio-économiques.
L'usure avait dit-on pris des proportions de fléau national de
sorte que les pouvoirs publics durent intervenir pour fixer de
façon
statutaire
le
taux
d'intérêt
en
matière
de
prêt
d' ar-
gent
(2).
Le
décret-loi
du
8 août
1935
(3)
fixait
à
4 % le
taux d'intérêt en matière de prêt civil et à
5 % en matière de
prêt commercial.
Le délit d'usure était déterminé par rapport
à ces taux légaux.
(1) VO
J.
Carbonnier,
Droit
civil,
les
obligations
vol.
4,
P.U.F.
coll.
Thémis 1979 nO 32.
(2)
Notons qu'avant cette intervention,
le "marché de l'argent"
était soumis à la loi de l'offre et de la demande.
(3) J.O. du 8 août 1935, p.8680.

202.
274.
On notait par ailleurs,
un développement parti-
culier des fraudes dans les rel~tions commerciales.
Cette situation avait amené
les pouvoirs publics à intervenir
dans ces
rapports commerciaux pour y
établir une justice com-
mutati ve
sous _la_ menace de sanctions pénales.
Ainsi,
à
l'appui d'un vieux texte
préexistant en la matière:
la loi du 1er août 1905, de nouvelles dispositions pénales ont
été
adoptées
pour
garantir
une
ceratine
"moralité"
dans
les
relations commerciales. C'est, outre le décret du 8 août 1935
relatif à la répression de l'usure,
le cas du décret également
du 8 août
1935
qui introduisit dans la loi du 24 juillet 1867
( 1)
des
dispositions
pénales
visant
la protection des droits
des actionnaires dans les sociétés par actions.
Les
articles
37
et
sui v ants
(2)
de
la
loi
du
7 mars
1925 en
faisaient autant pour les sociétés à responsabilité limitée.
La qualité des personnes visées par ces textes mettait bien en
évidence
le but
poursuivi
par
les pouvoirs publics.
En effet~
il
s'agissait
essentiellement
des
administrateurs
ou
gérants
des
sociétés
commerciales
qui
peuvent,
par
des
déclarations
fausses,
porter atteinte
aux droits pécuniaires des associés.
L'article
15 de
la loi du
24 Juillet
1867
(3)
prévoit
à
leur
encontre
les peines portées par l'article 405 du code pénal.
On peut
également citer la
loi
du
19 Juin
1930 sur
la règle-
mentation
des
professions
bancaires
et
surtout
les
disposi-
tions du décret du 8 août 1935 qui incriminaient le colportage
des
valeurs
mobilières
par des
personnes autres que
les ban-
quiers et les officiers ministériels. (4).
(1) Loi du 24 juillet 1867 relative aux sociétés par actions.
(2) Modifiés par le décret-loi du 8 août 1935.
(3) Tel qu'il résulte de l'article 1er du décret-loi du 8 août
1935 (J .0. du 9 août 1935,
p.8682).
(4) VO Décret-loi du 8 août
1935 (J.O.
du 9 août 1935, p.8680)
..

203.
275.
La volonté du
législateur à travers ces textes
de
droit
pénal
était donc, de
protéger les particuliers épar-
gnants,
souvent
ignorants
des
problèmes posés par
la
gestion
des sociétés commerciales et
le commerce des valeurs mobiliè-
res.
La
liberté
contractuelle,
essence
du
système
libéral,
peut
provoquer
des
abus
il
faut
alors venir au secours de
l'une
des
parties
le
petit
capitaliste
mal
informé et mal
armé pour se défendre seul
(1).
Mais
si
les
intérêts privés semblaient être
le
fondement
ex-
clusif de
cette réglementation pénale économique,
i l faut no-
ter
qu'il
Si agissait
également,
à
travers elle,
d'assurer
le
bon fonctionnement
du système économique capitaliste en sanc-
tionnant
les
écarts
dont certains,
à
des fins
trop égoïstes,
se seraient rendus coupables.
On protégeait la liberté contre les abus de la liberté (2).
C'est dans cette optique
que M.
Vitu définissait le droit pé-
nal économique de cette époque comme étant IIl'ensemble des rè-
gles
qui
tendent
à
assurer
sous
la
menace
des sanctions ré-
pressives,
le
libre
jeu des
structures économiques capitalis-
tes
et
la
protection
des
individus
dans
la
conclusion
et
l'exécution
des
rapports
économiques
qu 1 ils
nouent
librement
entre eux"
(3).
Le droit
pénal
économique des années "Trente"
reflétait
donc
ce
souci
des
pouvoirs
publics
de
combiner
la
protection des intérêts économiques des particuliers avec cel-
le
des
fondements
socio-économiques
capitalistes.
276. Mais,
de la protection des intérêts individuels,
le droit
pénal économique
interventionniste glissait à partir
de
1936
vers
la
protection
d' intérêts corporatistes.
L'année
19 36
vit
en
effet,
l'avènement
d'une
nouvelle
forme
d' inter-
ventionnisme économique qui tendait à réglementer des branches
(1)
A. Vitu in mélo
Hamel op.
cit.
P.72
(2) A Vitu,
in études offertes à J.
Hamel op. cit.
P.73
(3) A. Vitu,
loc.
cit.
P.73.


204.
toutes
entières
du
commerce
et
de
11 industrie
avec
les
lois
comme
celles
interdisant
la
création
de
nouveaux
établisse-
ments dans
l'industrie de la chaussure
(1) ou de nouveaux ma-
gasins
à
prix
uniques
(2)
et
les
lois
réglementant, la
vente
par camions-baz~rs (3) et organisant le marché du blé (4).
Après
ces
nouvelles
mesures
apparaît
chez
le
législateur une
certaine volonté de diriger l'économie dans sa globalité. Sous
le
couvert
de
mesures
particulières,
puis "corporatistes" , ce
sont
les
besoins
de
la collectivité
tout entière,
appréciés
sur
un
"plan
supérieur,
qui
commencent
à
se
manifester
en
pleine lumière ... " (5).
B -
Llapparition des prémisses du dirigisme dans le
droit pénal économique.
277. A partir de 1936, cert~ins textes pénaux apparemment
"destinés a faciliter le jeu de la liberté
s'inspirent en ré-
alité
dl un
esprit
nettement
dirigiste

la
protection
de
l'individu
s'efface
et fait
place
à des soucis généraux, plus
élevés,
donc d'une toute autre nature"
(6).
La
loi
du
19 août
1936 est le
premier
grand
texte
de
cette
nature.
CI est
cette
loi
qui
témoigne
véritablement
de
11 im-
puissance de la concurrence pure et parfaite quant à la déter-
mination des "justes" prix des biens et services (7).
En effet,
ce
texte
institue
en lieu et
place du pouvoir
régulateur des
mécanismes de
la
loi de
l'offre et de la demande,
des comités
départementaux coiffés par un comité national
de surveillance
des
prix.
Ce
sont
ces
comités
qui
établissaient
les
"cours
(1) et (2) Cf. loi du 14 mars 1936.
(3) Loi du 14 mars 1936.
(4) Loi du 15 août 1935 instituant l'office national inter pro-
fessionnel du blé (ONIB).
(5) A. Vi tu op. cit. P.76.
(6) A. Vitu. op. cit. P.76.
(7) J.
Tchernoff
la loi du
19 août 1936 tendant à réprimer
la hausse injustifiée des prix D.H 1936 P.61 et suivantes .
..

205.
normaux"
des
denrées
et
des
marchandises
que
le
ministre
de
/ "
l'économie décrétait de
premïère nécessité.
L'article
2 de la
loi du 19 août 1936 permettait en effet, au ministre de l'éco-
nomie,
de dresser après avis du comité national de surveillan-
ce
des
prix, -lcc liste des
denrées,
objets et marchandises de
première nécessité.
Les prix normaux de vente de ces biens dé-
terminés
par
les
comités
de
surveillance
s'imposaient
à
des
secteurs de production et ~e di~tribution des biens visés.
278.
Aux
contrevenants
à
ces
"cours
normaux",
le
comité
de
surveillance
adressait
des
avertissements pour
les
mettre
en
garde
contre
les
conséquences du
renouvellement de
leurs
agissements.
En
effet,
après
ces
avertissements,
des
sanctions pénales étaient infligées aux délinquants.
Cet
avertissement
avant
la
répression
des
infractions
à
la
législation
sur
les
prix
constitue
l'un
des
tout
premiers
traits sous
lesquels
s'est
présenté le droit pénal économique
et
qui
marquaient
déjà
sa
spécificité
par
rapport
au
droit
criminel classique.
En effet,
d'ordinaire,
lorsque
l'acte perpétré par un indivi-
du
réunit
les
éléments
qui,
selon
le législateur constituent
un
délit
pénal,
son
auteur
est
automatiquement
poursuivi
en
justice.
Celui-ci ne
peut
y
échapper qu'en raison de la règle
de
l'opportunité des
poursuites
(1).
On peut dans la même op-
tique,
réserver
le
cas
des
infractions
d' habitude
dont
les
auteurs ne sont poursuivis que s'ils répètent les faits incri-
minés par la loi pénale
(2).
En dehors de ces cas,
lorsqu'un acte réunit les éléments cons-
titutifs
d'une
infraction,
son
auteur
est
poursuivi
et
est
passible de sanctions
pénales.
Celles-ci
ne
sont écartées que
(1)
~TEFANI et LEVASSEUR ; procédure pénale, précis Dalloz
N° 409 et S.
(2)
STEFANI,
LEVASSEUR et BOULOC,
Droit pénal général,
précis Dalloz,
1984, N° 182 et S.

206~
da ns
la mesure où le
"délinquant"
peut valablement se préva-
loir
d'un
fait
justificatif (1)
ou
d'une
excuse
absolutoire
( 2) •
Vis à vis de ces règles,
la
loi
du
19 août
1936 apparaissait
à
l'époque,
bien
curieuse.
En
effet,
alors
qu'elle
n' insti-
tuait
pas une
infraction d'habitude,
elle
ne s'appliquait pas
automatiquement en cas de hausse illicite des prix.
Après l'ac-
complissement des faits
incriminés,
le comité de surveillance
des prix ne faisait que mettre en garde le délinquant.
C'est
seulement en cas de
non-respect de cet avertissement
que ce-
lui-ci était
poursuivi.
Tout
se passait comme si c'était seu-
lement
la
"récidive"
qui était
incriminée et réprimée.
Ce qui
traduisait
cette
particularité
du
droit
pénal
économique qui
a
pu faire
dire
de
lui,
qu'il n'est pas fait pour être appli-
qué
mais
pour
indiquer
sous la menace
de la
sanction pénale,
le cadre dans
lequel
les
actions
individuelles doivent s'ins-
crire.
278 bis.
Seul donc le refus d'obtempérer aux injonc-
tions du comité de surveillance des
prix exposait l'intéressé
à des sanctions pénales.
L'article 9 de la loi du 19 août 1936
prévoyait
à
cet
égard
une
peine
d'emprisonnement
de
six
jours à un mois et une amende de 100 à 5.000 Francs.
En cas de
récidive dans le délai d'un an,
le tribunal correctionnel pou-
vait infliger une
peine
de
6 mois à un an d'emprisonnement ou
une
amende
de
1.000
a
10.000
francs
(3).
La
loi
du
19
aoû't-
1936
comportait
deux
principales
innovations
par rapport
aux
dispositions de droit pénal économique antérieur.
D'abord,
el-
le opérait
le transfert
à
l'autorité
administrative certaines
prérogatives traditionnelles du pouvoir
judiciaire.
Les comi-
( 1) Stéf ani,
Levasseur
pt
Bouloc,
op.
ci t.
na 276, s;
Mer le et
Vitu Tome l,
P.448.
/
lX
(2) Stéfani, Levasseur et Bouloc,
loc.
cit.,
na 1/0 t.{S.
.•;>0<../
v \\
(3) Cf. art.
9
al.
3 de la loi du 19 août 1939.



208.
straction,
de
la théorie économique,
d'une conception à prio-.
ri,
pour
se placer dans un cadre concret
(1).
Elle
ouvrit la voie à une autre manière de déterminer les
prix (2).
;
.
279.
Rejetant
doctrines
économiques
et
juridiques,
elle rimait bien avec les lois d'organisation sectorielle d'é-
"
conomie comme celle du
22
mars
1936 qui,
contre la théorie é-
'
conomique
libérale
qui
prône
la
coexistence de plusieurs en-
treprises,
interdisait
la création de nouveaux établissements
dans
l'industrie
de
la chaussure
et
de nouveaux magasins
à
prix
uniques
et
surtout
avec
la
loi
du
11
juillet
1938
sur
~ : ".
l'organisation de la Nation en temps de guerre.
Les
quatre
années
qui
ont précédé la seconde guerre mondiale
ont
vu
la
dégradation
progressive des principes primitifs
du
libéralisme.
En 1938 et 1939 par exemple,
par voie de décrets,
même des en-
treprises industrielles et commerciales ont été
imposées dans
certaines
branches
de
production
notamment
dans
l'industrie
de
la
sucrerie,
de
la meunerie,
dans
la profession des
assu-
rances,
et dans
l'industrie de
la chaussure (3).
Le droit pé-
nal
économique
s·, est
ainsi. mis
au
service
dl une
r·églementa-
tion qui viole les principes du système économique.
En
effet,
de
la
coordination pacifique des
libertés
économi~
ques
en
concurrence,
le
droit
pénal
économique
en
est
arrivé
à
nier
ces
libertés
par
les
mesures
qu'il
a
édictées
pour incarner la "main invisible" du libéralisme.
La
guerre
et
les
difficultés
de
l'occupation
puis celles
de
l'après-guerre vont accentuer le mouvement et attirer l'atten-
tion des
juristes sur
le particularisme de la législation pé-
nale
économique.
C 1 était
l ' heure
dl expression
du droit
pénal
économique, du droit pénal économique dirigiste.
(1)
J. Tchernoff op.
cit.
P.62
(2) Sur l'application du décret du 25 avril 1938 yo casso
crim.
26 oct.
1944 D.1945 P.34.
(3) M. Amiaud op.cit. P.177.
~
e.

209
Paragraphe II
Le
droit
pénal
économique
dirigiste
de
guerre.
280.La
période
de
1939 à
1950 s'est caractérisée par un
renforcement du flroit pénal économique face à l'aggravation de
la crise par la guerre. Il
Y eut
une
prolifération
de
textes
économiques répressifs qui règlementaient tous les secteurs de
l'économie.
Plus qu'une intervention des pouvoirs publics dans
l'activité économique, c'était une véritable direction de l'é-
conomie dont i l s'agissait.
L'autorégulation de l'économie que
prônaient les économistes libéraux avait fait place à un diri-
gisme de type socialiste (1).
C' étai t
le
caractère,
à
l'époque
insolite,
de
cette
forme
d'intervention et surtout,
l'ampleur de ses mesures répressi-
ves -qui avaient frappé l'attention
des
juristes
et
suscité
chez
certains d'entre eux (2)
l'idée d'en faire une branche ou dis-
cipline nouvelle du droit criminel.
La notion de "droit pénal économique" a en effet,
été utilisée
pour la première fois à l'occasion de l'analyse de ces mesures
répressives
dont
l'adoption
avait
été
imposée
par
les diffi-
cultés de la deuxième guerre mondiale.
La
nécessité
de mettre l'économie
au service de la Nation en
guerre
avait exigé la taxation des prix,
la réglementation du
ravi taillement,
la
répart i tion
des
produits
industr iels,
le
contrôle des changes,
etc ...
Plus encore,
elle avait
entraîné une organisation profession-
nelle de presque toutes les branches de l'industrie et du com-
merce
(3)
avec
la
création
d'institutions
comme
les
comités
d'organisation,
de
répartition des
produits
industriels et de
contrôle des prix.
(1) yo J.
Léauté,
rapport préc.
P.618.
(2) yo
F.
ch Jeantet op.cit.
in Mélanges Hamel P.35;
Yitu
in
mélo
Hamel op.cit.
P.72.
(3)
yo
Louis -Baudin,
l'organisation
professionnelle de
l'in-
dustrie
en
France e-cen.Aller.lazne
D.C.
1941 chr.P.5 et s;
Voir également J.A.
Finkelstein op.cit.
in Rev.
intern.
de
droit comparé 1982 P.7 et s;
v O spécialement P.14; Selinsky
l'entente prohibée.
Litec 1980 nO 4 et suivants.
..
. ;

210.
281.
D'incessantes
variations
subies
par
la
conjoncture
avaient
forcé
les
pouvoirs
publics à de
constantes modifica-
tions
de
la
législation
pénale
économique.
Ces
fluctuations
avaient
fini
par
déborder
le
législatif
qui
abdiquait
très
souvent au pr9fit de l'exécutif.
Par exemple,
les pratiques illicites de prix étaient générale-
ment
incriminées
en blanc
par la loi
qui
laissait aux règle-
ments,
arrêtés
ministériels
"le
soin' de
préciser
11 empire
exact de la règle sanctionnée par le droit pénal"
(1).
De ces constatations résultent les caractères instable
et non
conformiste
(2)
du droit
pénal économique dont certains
auteurs dans la doctrine juridique, se sont fait l'écho.
Si lion veut peindre à grands traits (3)
le droit pénal écono-
mique de guerre,
on devra faire ressortir
:
1°/ Le
décret du 9 septembre
1939 portarit r~glementa~ion
des prix en teQps de guerre (4);
2 ° /
La
loi
du
21
octobre
1940
codi fiant
la matière des
prix
(5),
auquelle
il
faut
ajouter
les
lois
du
15
mars et 31 décembre 1942 réprimant le marché noir (6)
3°/ Les lois des
16 août
(7) et 16 septembre 1940 insti-
----
~
---
tuant les comités d'organisatiori)
(1) J.
Leauté,
rapport
prée.
in Ass.
H.
Capitant T.
XIII
1963
P.618
( 2 )
J.
Léauté,
le changement de
la règle
"nullum crimen sine
lege"
in mélo Hamel op.cit.
P.81 et s.;
F.
Ch.
Jeantet,
le
code des prix et les principes fondamentaux du droit pénal
classique Paris
1943;
J.
Mazard aspects du droit économi-
que
français
op.cit.
P.19 et s.;
F.
ch.
Jeantet,
aspects
du droit économique op.cit.
P.35 et s.;
Levasseur,
la ré-
pression des infractions à la règlementation des prix J.C.
P.
1941 1.193.
c'est ce qu'il
y
a de possible à faire à cause du nom-
bre trop élevé des textes répressifs de cette époque.
D.P.
1939 IV 464
D.P.
1940 IV.356 ou Gaz.
Pal.
1940 II 491.
D.A.
1942 L.94 et D.A.
1943 L.43.
D.P.
1940 IV.
253.
..

211.
4°/ La
loi du
9 mars
1941
portant organisation de la ré-
partition des produ~ts industriels ;
5°/
La
loi du
31
décembre
1942 unifiant
la
procédure et
les sanctions en matière de ravitai.llement (1)
6 ° /
Les
ordonnances
du
30
juin
1945
relat ives
aux
prix
( 2) •
Comme
on
peut
le
voir,
ces
textes
règlementent
les
prix
(B)
qui,
pendant
les
crises
économiques,
ont tendance à
s'élever
bien souvent par
le fait
de commerçants profitant de la pénu-
rie pour agir dans le sens de la hausse des cours des produits.
Mais parmi
ces textes,
i l
Y a ceux des
16 août
1940,
16 sep-
tembre
1940 et du
9 mars
1941 qui traduisent la gravité de la
conjoncture
économique
de
l'époque.
En
effet,
ces
textes
avaient été
adoptés
à contre courant
des ~rincipes "du libéra~
lisr.1e,
pour
organiser
l'éconOinie
sous
forme
de
corporations
professionnelles
~)
telles
qu'elles
étaient
connues
avant
la .révolution de
1789 (3).
A -
Le droit pénal économique de guerre et l'organi~
sation professionnelle de l'économie.
282 .
Dè s
1 939 ,
les
pouvoirs
publics avaient marqué
leur
volonté
de
prendre
en mains les
rênes
de
l'économie na-
tionale.
Le décret
du
9 septembre
1939 subordonnait à une autorisation
préalable du comité départemental de surveillance des prix,
la
création de tout nouveau commerce (4).
Mais c'étaient les lois
( 1) Ga z.
PAl.
1 943 1. 308
(2) Gaz.
Pal.
1945 11.17
(3) vo Friedlander et Oser, Economie History of modern Europe,
cité par J.A.
Finkelstein op.cit.
P.9.
(4) vo crim. 4 avril 1944 D.1045 p.18; Poitiers 5 Janv.
1940 D
H.
1940 P.35.


212.
des 16 août et 16 septembre 1940 et la loi du 9 mars 1941 qui,
le
moins
qu'on
puisse
dire'-
ont
a
cette époque
sonné
le glas
des principes fondamentaux du libéralisme économique
(1).
Avec
ces
textes
relatifs
a
l'organisation professionnelle du
commerce
et
de
l'industrie,
la
régulation
lI automatique ll
du
marché a dû. faire place à une régulation administrative.
Chaque
branche
d'activité
industrielle
ou
commerciale
était
dirigée par un comité composé de membres nommés par décret.
Les comités (2)ainsi
constitués
jouissaient des pouvoirs
les
plus
absolus
: ils recensaient les entreprises,
les moyens de produc-
tion,
les
stocks et la main-d'oeuvre.
Ils fixaient les program-
mes de production et de fabrication.
Ils ~aie~ les achats et
la
répartition
des
matières
premières et des
produits néces-
saires aux fabrications.
Ils établissaient les règles générales
relatives
à
l'activité de
l'entreprise,
à
la qualité des pro-'
duits,
à
l'emploi de
la main-d'oeuvre
et aux modalités des e-
changes.
Sur propositions des Comités,
le ministre pouvait réqué-
rir
les matières premières,
les
produits,
les services et les
entreprises elles-mêmes.
Ce
sont eux,
qui proposaient
aux auto-
rités les prix des produits.
283.
Les sanctions
prévues
à
l'appui de ces mesures
étaient très redoutables
puisqu'elles alla.i,.ent des amendes et peines
(1) Mohamed Salah : thèse précitée P.247.
(2) Ils sont très nombreux comme en témoignent les décrets qui
les
instituent.
Pour
n'en
citer que
quelques uns,
notons
par exemple les décrets du 30 sept.
1940 portant constitu-
tion d'un comité d'organisation de
l'industrie et du com-
merce de l'automobile;
décret du 3 juillet 1941 fixant la
composition du comité d'organisation des
sociétés d'assu-
rance et de capitalisation
;
décret du 19 oct.
1940 instituant un comité d'organisation
des
transports
routiers
;
décret
du
26 oct.
1940 portant
création d'un comité général d'organisation de l'industrie
du textile.;
décret du
29 oct.
1940 portant création d'un
comité général d'organisation de l'industrie du cuir.
.',

213.
d'emprisonnement
à
l'interdiction pour l'entrepreneur,
de di-
riger ses affaires.
Les
comités
dl organisation
avaient
donc
de
véritables
fonc-
tions de
direction économique et
pas seulement d'organisation
de l'économie_(l).
Leurs pouvoirs et leurs compétences en ma-
tière économique
les identifiaient
aux organes de la planifica-
tion soviétique (2).
Outre ces comités d'organisation,
la
loi du 10 septembre 1940
(3) modifiée par celle du 19 mars 1941 (4) avait créé un offi-
ce
central
de
répartition
des
produits
divisé
en
plusieurs
sections.
Ces
sections
avaient
des
pouvoirs
très
considérables.
Elles
fixaient les règles d'acquisition,
de répartition,
de stockage~
de
vente,
de
consommation des
produits dont
elles avaient
la
charge.
Elles
pouvaient
obliger
les
producteurs
à vendre ces
produits à
des
acheteurs déterminés.
Elles pouvaient même in-
terdire
ou
prescrire
11 emploi
de
ces
produits
pour certaines
fabrications ou usages.
Egalement
les
sections
de
l'office
central de répartition des produits pouvaient ordonner la ven-
te
de
stocks,
imposer des règles
de transfert
et établir des
taxes pour obtenir une péréquation des prix (5).
L'association
de
ces organismes
d'essence administrative à la
constatation,
à
la
poursuite
et
à
la
répression
des
infrac-,1
j
tions économiques avait fait qualifier le droit pénal économi-'
que de guerre,
de droit pénal administratif (6).
(1) Louis Baudin,
op.cit.
p.6;
Sélinsky
l'entente prohibée.
Litec 1980 P.4.
( 2 )
va le droit pénal économique socialiste.
( 3 ) D.P.
1940 IV 272
(4 )
Gaz.
Pal.
1941 F 759.
(5) Louis Baudin op. cit. p.6.
(6) Les articles 14 et 15 de la loi du 9 mars 1941 prévoyaient
en
effet,
des
sanctions
péno-administrati ves.
va c. E. 6
octobre 1944.
Gaz.
Pal.
1945 I.
P.41.
..

214.
En
effet,
si
l'administration
jouait un
rôle de
premier plan
(1)
dans
l'activité économique,
elle exerçait dans la répres-
sion des infractions économiques une fonction équivalente com-
me
en
témoignent
les
dispositions
de
la
loi
du
31
décembre
1942
relative
à
la
procédure
et
aux
sanctions
en matière de
ravitaillement,
qui
lui
confère
de
larges
pouvoirs
dans
la
recherche,
la - constatation,
la
poursuite et même dans la ré-
pression
des
infractions
à
la
règlementation
économique.
B -
Le droit pénal économique de guerre et la règle--
mentation dirigiste des prix.
284.
Sur
ce
terrain,
les
textes
étaient
très
nom-
breux à l'époque.
Les uns incriminaient la majoration illicite
des
prix.
Les
autres en déterminent
les conditions et les mo-
dalités de la poursuite et de la répression.
Mais
ils
répondaient
tous
à
l'impérieuse
nécessité de lutter
contre la spéculation qui,
à
cette époque de guerre et de pé-
nurie, heurtait autant la morale que le droit.
Nous verrons en
quels termes le
législateur a
incriminé
la majoration illici-
te (a) avant de voir les modalités de sa répression (b).
285.
Le premier texte dirigiste sur les prix é-
tait
le
décret
du
9
septembre
1939.
Ce
texte
incriminait
la
hausse
illicite
des
prix.
Il
interdisait
aux
commerçants
de
pratiquer
des
prix supérieurs à
ceux en vigueur à
la date du
1er septembre 1939.
Les prix étaient donc bloqués à cette date
et seuls les comi-
tés
départementaux
institués
par
la
loi
du
19
août
1936
é-
taient habilités
à
autoriser une majoration des prix des pro-
duits soumis à la réglementation (2).
(1) Le ministre de l'économie avait été qualifié de "dictateur
à la production" va Louis Baudin Ut Supra P.7
(2) Tous les produits n'étaient pas visés par le texte.
L'art.
2 du décret
de
1939 mettait en dehors de son champ d'ap-
plication,
tous
les producteurs de
denrées ou de produits
agricoles
vendant
eux-mêmes
leurs
produits
va Paris 2
nov.
1941 D.A.
J.S6.
-f
..

215.
A cette
époque
déjà,
il
Y avait
une
multitude de
textes sur
les prix,
de sorte qu'il était -impossible même aux commerçants
et
aux
praticiens du droit,
de savoir
avec
précision,
le do-
maine d'application de chaque texte.
En 1940
en effet, il était permis d'hésiter en ce qui concer-
ne la répression de la hausse illicite,
entre l'article 419 du
code pénal,
la
loi du
19 août 1936,
le décret du 25 août 1937
modifié
par celui du
25 avril
1938,
le
décret du
9 septembre
1939, le décret du 9 septembre 1940 et une multitude d'arrêtés
ministériels et préfectoraux.
C'est
pourquoi,
le
législateur par une
loi du 21 octobre 1940
est
intervenu pour codifier la matière des prix (1) mais sur-
tout,
pour harmoniser ces divers textes.
286. Mais très tôt, ce code allait être dépassé
par
les
évènements.
En
effet,
à
la
faveur
de la pénurie
qui
sévissait pendant la guerre,
s'était développée la pratique du
marché noir.
Des commerçants stockaient des denrées et marchandises de pre-
mière
nécessité,
renforçant
en
cette
période
de
pénurie,
la
rareté des produits.
Dans ces conditions,
ils pouvaient vendre
à des "connaissances",ou au public
à des prix exorbitants.
Les
pouvoirs
publics,
face
à
cette pratique,
adoptèrent coup
sur coup,
deux textes d'une exceptionnelle sévérité. En
effet,
~ gravité de la pénurie avait fait perdre leur sang froid aux
pouvoirs publics qui adoptèrent les lois des 15 mars et 31 dé-
cembre 1942
réprimant le marché noir.
D'après ces textes,
lorsqu'une
infraction à
la réglementation
des prix,
du rationnement,
de la répartition et de la circula-
tion
des
produits
a
été
commise
par
un
individu qui ne
peut
justifier de sa qualité de commerçant ou de producteur (2),
le
(1) va Jeantet, le code des prix et les principes fondamentaux
du droit pénal classique,
1943.
(2) Cf.
art.
le de la loi du 15 mars 1942.
..' .
.. ~ -;

216.
juge
doit
prononcer
la
peine
de
mort
et
la confiscation,
au
proi t
de l'Etat,
de tous lesb:lens du condamné
(1).
L'article
1er
de
la
loi
du
15 mars
1942 précise que ces
in-
fractions
doivent
être
jugées
par
priorité
par
un
tribunal
spécial
qui
ne· -doi t,
en aucun cas,
adoucir la peine en raison
de circonstances atténuantes (2).
La
volonté
des
pouvoirs
publics
de
lutter
contre
le
marché
noir
s'était
également
manifestée dans
la
loi
du
21
octobre
1942 dont l'article 38 incriminait le refus de vente
(3). Cet-
te
pratique
favorisait
le marché noir
et sa répression appa-
raissait comme un élement de
la
lutte contre la pénurie arti-
ficielle.
b
-
~~~_~99~~i!~~_~~__~~_~~~~~~~~~~_~~_!~_~~j~:
~~!~~~_~!!~~~!~_~~_e~~~~
287.
Le point le plus caractéristique de la lé-
gislation
pénale
sur
les prix pendant
la guerre
est
relatif
aux conditions de la mise en oeuvre des textes.
Sur ce terrain également,
il y a une
foule
de textes de pro-
cédure
chacun d'entre eux,
prévoyant
ses modalités d'appli-
cation.
C'est
ainsi
que
le
décret
du
9
septembre
1939 conférait
aux
comités départementaux de
surveillance des prix,
des pouvoirs
dans
la constatation et
la poursuite
des infractions.
La com-
pétence du juge était subordonnée à celle de l'administration.
En
effet,
les
poursui tes
engagées
sur
la
base
du
décret
de
1939 ne peuvent être recevables que si le comité départemental
a au préalable donné son avis (4).
(1)
Cf.
art.
5 de
la
loi
du
15 mars
1942 modo
Loi du 13 déc.
1942.
(2) Cf.
art.
5 in fine.
(3)
VO
Pierre Gulphe,
LI évolution du délit
du
refus de vente
in Etudes offertes à J.
Hamel Dalloz 1961 P.426 et S.
(4) VO Paris 7 Nov.
1940 D.A.
1941 J .16.

217.
En ce qui concerne la loi du 21 octobre 1942
codifiant la ma-
tière
des
prix,
elle
avait
institué
une
procédure
spéciale.
Les
points saillants sont relatifs à la saisie,
à la transac-
tion et à la confiscation.
L'article
40
de~la loi autorisait
les services de police à o-
pérer
des
saisies
des
marchandises
existant
dans
le
magasin
du
commerçant
poursui vi
pour
hausse
illicite.
Cette
loi
per-
mettait aussi la transaction entre l'Administration et le pré-
venu.
Celle-ci met fin
suivant
les modalités traditionnelles,
à
l'action
publique
(1)
Cl est
à
dire,
qu'il
faut
que
la
transaction ait eu lieu de
façon
définitive entre les parties
avant que le parquet n'ait été saisi de la poursuite (2).
En
ce
qui
concerne
les
peines,
l'article 68
de
la
loi du
21
octobre 1940 fait obligation aux tribunaux de prononcer en cas
de condamnation,
la confiscation au profit de l'Etat,
des mar-
chandises ayant fait
l'objet d'une hausse illicite (3).
288.
Comme
on
peut
le constater,
en cas d' in-
fraction
à
la
législation sur
les
prix, on peut hésiter entre
la
procédure établie par le
décret de 1939 et celle de la loi
du
21
octobre
1940.
On
peut
également envisager celle établie
par la loi du 15 mars 1942. C'est pourquoi la loi du 31 décem-
bre
1942
a
été
adoptée
pour
unifier
les
procédures
et
les
sanctions en matière de ravitaillement.
Comme elle l'indique en son article 1er, elle est applicable à
la constatation,
à la poursuite et à la répression des infrac-
tions à tout texte de
loi,
décret,
arrêté ministériel ou pré-
fectoral et règlement homologue relatif aux ravitaillements en
produits de première nécessité.
(l) Cf.
art.
40
de
la
loi
du
21
oct.
1940
y o
application,
trib.
corr.
Orléans 4 juin 1941,
D.A.
1941 J.304.
(2)
Cf.
art.
47
loi
du
21
oct.
1940
yo
application,
crim.
29 oct.
1941 D.A.
1941 J.375.
(3) Trib.
corr. Seine 17 juin 1941 D.A.
1941 J.303.
...
.; '~
.
:

218.
Il faut cependant noter que la loi du 31 décembre 1942 ne com-
portait
presqu'aucune
innovation
par
rapport
aux
textes
de
procédure qu'elle codifiait.
En effet, au niveau de la constatation des infractions, elle
reprenait dans leurs grandes lignes,
les dispositions procédu-
raIes de
la
loi
du
21
octobre
1940 notamment,
en ce qui
con-
cerne les saisies
(1),
les conditions d'admission de la tran-
saction
(2)
et
les pouvoirs de
l'Administration dans la pour-
suite
et
dans
la
répression des
in~ractions à
la législation
économique
(3).
Le droit
pénal économique de guerre
était comme nous avons pu
le
constater
à
travers ses dispositions et ses techniques de
répression,
un droit pénal désordonné sans cohérence. Son man-
que d'harmonie résulte du fait que pour répondre aux exigences
de
la
conjoncture
économique
de guerre,
les pouvoirs publics
avaient dû élaborer au jour le jour des textes sans cohérence.
Mais
surtout,
le
droit
pénal
économique
de
guerre
était
un
droit
en
contradiction
avec
les
principes
fonda~entaux du
droit pénal et de la procédure pénale.
Ceci résultait des trop
larges pouvoirs
de
l'Administration dans la détermination des
incriminations et dans
la répression des
infractions économi~
ques
(4).
La crise et
la pénurie avaient fait perdre aux pou-
voirs
publics
leur
sang-froid et,
comme nous
l'avons vu,
des
peines
d'une
sévérité
sans rapport
avec la gravité des
faits
délictueux,
étaient édictées en matière économique.
La
sanc-
tion du marché noir par la peine de mort restera pour l'histoi-
re du droit pénal économique/un évènement "sensationnel".
( 1)
Cf.
art. 1 ° de la loi du 31
déc.
1942
art.
40 et 41 loi
du 21 oct.
1940.
(2) Cf.
art.
6 loi du 31 déc.
1942.
(3) Lorsqu'il est saisi d'un dossier,
le préfet peut soit pro-
noncer directement des sdnctions péno-administratives com-
me
la
fermeture
des
établissements,
soit
transmettre
le
dossier au
Parquet soit,
prendre
à
la fois l'une et l'au-
tre de ces mesures. Cf.
art.
7 loi du 31 déc.
1942.
(4)
VO J.
Vassogne et
Ph.
Souleau in Gaz.
Pal.
1945 II
doct.
P.17 et s
; VO supra introduction nO
34 et s.
..

219.
c
-
~~~ __ ~~~~~q~~~~~__~~_~_~~i~_~_~j~j$j~~~ __ 9~~
e~~~ _~!!1~~J_~ _9~~~! _2~!1!]-__~<:.~r:~~~<!~~ _~e~~~
!~-~~~~~~.:
290.
La
fin
de
la guerre
n'a pas eu pour effet
immédiat,
le retour au régime antérieur des prix,
c'est à dire
à la loi de l'offre et de la demande.
·Au
contraire,
d'autres
textes
ont été
adoptés
reprenant cer-
taines
.techniques
d'intervention
des
textes
pri:~ pendant
la
guerre.
On notera à cet égard,
les ordonnances du 30 juin 1945
relatives
aux
prix
et
aux
modalités
de
la
poursuite
des
in-
fractions
a
la
législation
économique.
Ces
deux
ordonnances
répondaient
à
deux principaux soucis des
pouvoirs publics.
Le
premier tient à la persistance des difficultés auxquelles con-
tinuait
de
se
heurter
le
ravitaillement
du
Pays.
La
pénurie
persistait,
et
il
fallait
continuer la
lutte
contre
les com-
merçants
pratiquant
toujours
le
marché
noir.
Le deuxième
ob-
jectif de
ces textes était de
rendre plus efficace la répres-
sion
des
infractions
économiques
en
corrigeant
les
imperfec-
tions
de
la
législation antérieure élaborée
au
jour le
jour,
sans cohérence.
En
réalité,
les ordonnances de
1945 relatives aux prix furent
des textes d'économie dirigée en dépit des velléités de "libé-
ralisme"
qu'elles comportaient.
Elles
avaient cependant,
avec
l'ordonnance
de
1945
relative
a
la
procédure,
le
mérite
de
"désénerver"
la
répression
des
infractions
à
la
législation
économique.
291.
Mais
tout
en
essayant
de
corriger
les
imper-
fections du droit pénal économique de guerre,
tel qu'il résul-
te
des
lois
du
21
octobre
1940
et
du
31
décembre
1942
(1),
les
ordonnances
de
1945
ni y
sont
pas
parvenues.
Elles
ni ont
pu réaliser une unification parfaite
(2) ni honorer le princi-
pe nullum crimen,
nullum poena sine lege.
(1) Voir supra nO
285 et suivants.
(2) 1. Vassogne et Ph.
Souleau op.
cit.
P.17.
..

220.
En
effet,
si
l ' ordonnance
relative
a
la
constatation,
à
la
poursuite
et
à
la
répression
des
infractions
économiques
in-
corporait
dans
son
domaine
d'application toutes
les
lois
qui
traitaient précédemment de
la matière du prix (1),
des infrac-
tions
à
la
réglementation
du
ravitaillement
(2)
et
du marché
noir
(3)
elles
ne
s'appliquaient
pas
à toutes les infractions
économiques.
De son champ d'application étaient exclues les infractions aux
dispositions
concernant
les
opérations
d 1 imposition,
de
col-
lecte et de livraison par le producteur agricole ou le collec-
teur
des
animaux
et
produits
alimentaires
destinés
au
ravi-
taillement
général.
En
étaient
également
exclues
les
opéra-
tions
dont
le
contrôle
était
confié
a
l'administration
des
contributions indirectes
(4).
292.
L' harmonisation du
droit
pénal
économique
par
les
ordonnances
de
1945
s ' était
par
ailleurs
heurtée
à
l'adoption
de
nouveaux
textes
qu'exigeait
l'évolution
de
la
criminalité économique.
Le
droit
pénal
économique
s'était
en
effet
enrichi
à
la
date
du
4
octobre
1946
de
deux
textes
l'une,
une
loi
pénale
de
procédure
qui
élargissait
les
pouvoirs
du
ministre
du
ravi-
taillement,
l'autre,
une
loi
pénale
de
fond relative à la ré-
pression de certains crimes contre le ravitaillement
(5).
(1)
Loi
21 oct.
1940 modo
loi des 7 août
1942,
31 déc.
1942,
8
juin 1943,
20 nov.
1943 et
15 juin 1944.
(2)
Loi du 31
déc.
1942,
modo
loi des
3 fév.
1943,
8 juin 1943
22
juil.
1945 et
15
juin 1944.
(3)
loi du
15 mars 1942,
modo
loi 31 déc.
1942.
(4)
Cf.
art.
2 dernier alinéa de l'ordonnance de
1945 relative
à
la
procédure
de
la
poursui te
et
de
la
répression
des
infractions économiques.
(5)
Ce
texte
du
4 octobre
1946 prévoyant la peine des travaux
forcés ou de mort en cas d'infractions aggravées contre le
ravitaillement
VO J.
Vassogne
et
Ph.
Souleau
"les crimes
contre le ravitaillement et la santé de la Nation"
rec.
de
droit pénal nO
1 juin
1947 P.19.
..
' l.

221.
Par
ailleurs,
l'ordonnance
de
1945
n'a
pas
restitué au pou-
voir
judiciaire
la
plénitude de
ses compétences traditionnel-
les.
Elle
a
au
contraire,
accru
les
pouvoirs
de
l'exécutif
dans
la
mise en oeuvre des mesures
de
droit
pénal économique
(1)
même
si
elle
semble
les
avoir
hiérarchiquement
soumis
à
.ceux des judiciaires (2).
En effet,
si "le ministre de
l'économie et les préfets conser-
vent
la
possibilité
de
prononcer
des sanctions péno-adminis-
tratives comme l'amende,
la fermeture d'établissement et l'in-
terdiction d'exercer une profession ... celles-ci sont devenues
exceptionnelles
et
sont
soumises
à
la
décision
du
tribunal
répressif qui peut les modifier.
En définitive,
le droit pénal économique
n'a pu se départir,
même après la guerre, de son caractère instable et de sa natu-
re hybride.
A cheval sur le droit public et le droit privé,
i l
apparaît
comme
un
II mons tre
sacré Il
(3)
du
droit
duquel
les
pouvoirs
publics
ni arri veront
plus
à se
passer même
après
la
cessation des effets immédiats de la guerre.
(1)
Voir
les
titrês
II
et
III
du
livre
III
de
l'ordonnance
nO 1384 du 30 juin 1945.
(2) Cf.
L'esprit de l'article 19 de l'ordonnance de
1945 rela-
tive
à
la
procédure de
la
répression des infractions éco-
nomiques.
(3)
F.
Ch.
Jeantet op.
cit.
P.36,
citant Donnedieu de Vabres .


222.
CONCLUSION DE LA SECTION l
293.
S'écavtant discrètement . . .
puis rejetant ostensible-
ment
principes
économiques
et
juridiques,
le
droit pénal éco-
nomique des années 30-40 consacrait la crise des mécanismes de
lléconomie
libérale
notamment,
la
loi
de
lloffre et de la de-
mande.
La
crise,
et-la
pénurie
qui sien était suivie,
avaient
révélé
11 impuissance
de
cette
loi
quant
à
la
régulation
ra-
tionnelle
du marché et
à
la
couverture des besoins de la col-
lectivité.
Elles
avaient
amené
les
pouvoirs
publics
à
passer
outre
leur
obligation
théorique de
neutralité
en matière
économique pour
intervenir puis diriger lléconomie.
Le
droit
pénal
économique
d' interventionnisme et de dirigisme de
guerre
et
de
crise
était
conçu non plus comme un instrument de
régulation
des
rapports
économiques,
mais
plutôt,
un droit de
combat.
294.
Fortement instable,
à l'image de la politique écono-
mique
de
crise,
i l
ne
pouvait
plus
émaner
de
sa
source
habi-
tuelle.
Le
parlement,
dont
on
décrie
dans
tous
les
pays,
à
tort
ou
à
raison,
la
lenteur
d'action,
était
démis
de
ses
fonctions.
LI exécuti f
s ' était
ainsi
subst i tué
au
législati f
dans
la
réglementation
économique
et
plus
encore,
i l
s'était
chargé de sa mise en oeuvre.
Le législatif et le judiciaire a-
vaient
donc
cédé
l'essentiel
de
leurs
compétences
au
pouvoir
exécutif
(1).
Droit
de
combat,
le
droit
pénal
économique
de
crise était d'une singulière sévérité.
En
effet,
i l
avait
des
"ripostes disproportionnées"
par
rap-
port
à
la
gravité
des
actes
qu 1 i l
incriminait. Par
exemple,
la
pratique de marché noir,
l'abattage illégal de vache laitière,
(1)
S.
Aubertin-Fauchille
op.cit.
p.60
et
s;
R.
Ottenhof
op.
cit.
P.115-117.
..

223.
"
constituaient des infractions punies de la peine de mort ou de
".f
la détention de
longue durée
(1).
Les coupables de telles in-
fractions
ne
pouvaient
en
aucun cas,
bénéficier des circons-
tances atténuantes et du sursis à l'exécution des peines.
Il
n'est
donc 'pas
étonnant
que
le
droit
pénal économique
de
11 époque,
par
ses
caractéristiques
spéciales,
ait
attiré
sur
lui,
11 attent ion
de
la
doctr ine
dont
une
partie a vu en ses
particularités,
l'avènement
dl une
branche
ou
discipline
nou-
velle et autonome du droit criminel (2).
SECTION II
DROIT
PENAL ECONOMIQUE ET POLITIQUES ECONOMIQUES
DE CRISE ET DE GUERRE, EN REGIMES SOCIALISTES.
295.
Le droit
pénal économique dans
les pays socialistes
n'a pas toujours eu pour fonction exclusive la protection des
fondements socio-économiques socialites.
Les
guerres
et
les
crises
qui
avaient
engendré
en
France
la
mise en oeuvre de politiques et de législations économiques en
dehors
des
principes
classiques,
ni ont
pas
épargné
les
pays
socialistes.
Elles
avaient atteint
d'une manière générale les
économies
de
tous
les pays impliqués dans ces
conflits armés
et
avaient
amené
ceux-ci,
a
adopter
sur
le
plan
juridique,
les mêmes méthodes de lutte.
En Union Soviétique,
on a très tôt senti la nécessité de pas-
ser outre les principaux fondements du système économique pour
mener une
politique économique
opportuniste visant
des objec-
tifs précis.
(1) VO loi
du
5 mars
1942 modo
par la loi du 31 déc.
1942 re-
latives
à
la
répression
du
marché
noir
;
VO R.
Ottenhof
Droit pénal et formation du contrat civil L.G.D.J.
op.
cit
P.IIS
nO
123.
(2)
VO
J.
Mazard.
op.
cit.
P.19 et s.;
Kiraly op.
cit.
mélo
Gény
Tome
III
P. 111
et
s.;
Contra,
J.
Constant op.
ci t .
P.22S et suivantes.
..

224.
La
guerre
consécutive
à la Révolution de
1917
avait
provoqué
une crise et une pénurie en denrées de première nécessité, fa-
ce auxquelles la législation pénale économique s'était vue as-
signer des objectifs autres que
l'instauration
de l'ordre so-
cio-économique socialiste.
296.
Après cette crise,
ce fut la deuxième guerre mondia-
le
dont
les
conséquences
dans
les
pays belligérants étaient
partout
les
mêmes,
qui
avaient
également
rendu
nécessaires
dans les pays socialistes,
des politiques économiques de crise.
Un
exemple
spécifique
à
la
République
Démocratique Allemande
peut également être
relevé.
Après la seconde guerre mondiale,
la célèbre
11 guerre
économique Il
entre
les deux Allemagne avait
trouvé du côté est-allemand,
un écho dans sa législation péna-
le économique (1).
Des
exemples
de
politiques
économiques
de
crise
de
ce
type
peuvent être multipliés.
Ils existent dans l'histoire du dro~t
pénal économique de la plupart des pays socialistes (2).
Mais nous nous limiterons à l'analyse des expériences soviéti-
que (Par.
1) et est-allemande (Par. II).
Paragraphe l
Droit
pénal économique et
politiques éco-
nomiques soviétiques de crise et de guerre
297.
L'Union Soviétique a connu dans son histoire contem-
poraine deux principales crises économiques
la crise consé-
cutive
à
la guerre
civile et
celle connue pendant la deuxième
guerre mondiale.
(1) vo E. Buchholz op. cit. P.22 à 25; Voir les lois est-alle-
mandes du 21 avril 1950 pour la régulation du commerce en-
tre
les deux Allemagnes,
et
du
15 déc.
1950 sur la circu-
lation inter-allemande des paiements.
Pour
la Hongrie,
VO
Antal,
Fonyo et Mlklos Vermes, L'éco-
nomie et
le
droit
aspects de droit pénal Rev.
sc. crim.
et de dr.
pén.
comp.
1974 p.67 et s.
..

225.
Ces
problèmes
économiques
avaient
tous
les
deux
suscité
des
politiques économiques de cris~.
Mais les législations pénales économiques à l'appui de ces po-
litiques avaient des vis~ges diamétralement opposés.
Alors que la Nouvelle Politique Economique
(la N.E.P.) d'après
la
guerre
civile
avait conduit
à
l'étiolement du droit
pénal
économique
(A)
la
politique
économique
de
guerre
avait au
contraire
influencé
le droit
pénal économique dans le sens de
la sévérité
(B).
A -
Le
droit
pénal
économique
soviétique
dans
la
N.E.P. (1)
298.
Après la guerre civile qui avait vu la victoire
des
communistes
révolutionnaires,
l ' Histoire
rapporte
que
la
population russe était acquise à la nouvelle idéologie.
Sur le
plan social donc,
on pouvait dire que la Révolution avait con-
nu un certain succès.
Mais
sur
le
plan
économique,
l'Union
Soviétique
connaissait
des problèmes qui
a
la
fin
de l'année 1921,
allaient conduire
les pouvoirs publics à l'adoption d'une stratégie économique;
la
N. E. P.
( 1)
dont
11 esprit
avait
altéré
la
physionomie
du
droit pénal économique.
Des problèmes économiques,
dont la plupart provenait de la si-
tuation
agricole qui avait accusé le coup d'une
collectivisation
quelque
peu hâtive,
allaient
contraindre
les
pouvoirs publics
soviétiques à réviser leur politique économique révolutionnai-
re pour adopter la Nouvelle Politique Economique.
Dans
llesprit
de
la
N.E.P.
on estimait que
le meilleur moyen
de
faire
face
à
la pénurie
de denrées alimentaires qui sévis-
sait dans le pays était "d'encourager la production des campa-
gnes,
en
ne heurtant
pas de
front l'instinct de propriétaires
(l)
la
N-.E.P.
ou Nouvelle
Politique
Economique fut
adoptée
à
la fin de l'année 1921.
o.

226.
des
paysans
et
en
prenant
seulement
des
mesures
nécessaires
pour qu'ils ne se transforment-pas en capitalistes ... " (1).
Sur
le
plan
industriel,
la
nécessité
du
relèvement,
puis
du
redécollage
économique
après la guerre civile
avait.
conduit
ia
N.E.P.
à reconnaître une certaine liberté économique en Union
Soviétique.
On estimait en effet,
qu'il
était plus prudent de laisser les
individus
travailler
et
relever
l'économie
suivant des voies
auxquelles
ils
étaient
habitués
que de
vouloir
les obliger
à
relever
l'économie
suivant
le
socialisme,
une
voie
qu'ils ne
comprenaient
pas
encore
parfaitement.
La
N.E.P.
encouragea
alors le commerce coopératif en lui reconnaissant une certaine
liberté.
299. Ce fléchissement de .la dictattire du p~olétariat
s'était accompagné d'une atténuation corrélative du droit pé-
nal économique.
Les
mesures
liées
au
communisme
de
guerre
avaient
subi
un
frein dans leur application.
Tant dans ses techniques que dans
sa
mise
en
oeuvre,
le
droit
pénal
économique
avait
subi des
transformations sous la N.E.P.
Sur
le plan technique,
il
a
été codifié.
Il
sortait ainsi
de
la
"conscience
socialiste"
des
juges
(2)
pour
prendre
corps
dans les codes pénaux de 1922 et 1926 (3).
Au
niveau
de
sa mise en oeuvre,
l'infléchissement dans
l'ap-
plication
des
principes
de
base
du
marxisme
Si était
traduit
par un certain laxisme dans
l'application du droit pénal éco-
nomique.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(l)
R. David et Hazard. op. cit. Tome l
P.139·
(2) VO supra N° 112 .
( 3 ) VO supra N° 112 et suivants.
..

227.
D'abord,
la Tché-Ka,
"le tribunal des ennemis du peuple",
con-
nue
pour
son
intransigeancepéndant
la terreur rouge
(1)
fut
supprimée
et
remplacée en
1923.
par
la
G. P.
ou.
Le droit
qui
avait
été
relégué au second plan pe~dant une bonne partie de
la
période
du communisme de
guerre,
connut
avec
la
N. E. P.
un
essor dans la société soviétique.
Les techniques violentes fu-
rent abandonnées,
notamment
l'appartenance de
l'inculpé à une
classe
sociale
abolie
par
la
révolution,
comme
circonstance
aggravante de l'infraction,
fut supprimée en 1927.
300. Au niveau des peines,
on pouvait noter certai-
nes innovations liées à l'esprit de la N.E.P.
Le
travail
correctif
comme
sanction
pénale
entrait
pour
la
première
fois
dans
la
gamme
des
peines.
Tous
ces
réaménage-
ments s'expliquaient par la volonté et surtout par la nécessi-
té de rassurer
les individus dans cette période de crise éco-
nomique
aigue.
Le
maintien
d'une
répression
systématique
de
toutes
atteintes
aux
fondements
du
socialisme
comportai t
le
risque d'une contre-révolution dans cette
période
où les con-
ditions matérielles d'existence étaient difficiles.
Le droit
pénal
économique
de
la N.E.P.
inspiré par la politi-
1
que
du
"bâton et de la carott·e ll
aurait
permis de
"décrisper"
les individus terrorisés
par
les techniques
répressives de la
période du communisme de
guerre et aurait favorisé la reprise
économique.
Mais,
les concessions qu'elle
avait
faites
ne pouvaient avoir
une durée illimitée sans compromettre la Révolution socialiste
(2).
Aussi,
la N. E. P.
fut-elle
supprimée et le droit pénal é-
conomique
retrouva
une
vigueur
spéciale
avec
l'arrivée
de
Staline
(2
bis)
au pouvoir et
plus tard avec
la crise née
de
la deuxième guerre mondiale.
(1) yo supra nO 112 et s.
(2) yo R. David et Hazard op.cit. Tome l P.139.
(2 bis) Nous ne nous attarderons que sur le droit pénal écono-
mique soviétique au cours de la deuxième guerre mondiale -
(une partie de la période stalinienne).
..

228.
B - Le droit pénal économique soviétique au cours de
la deuxième guerre mondiale.
301. Les difficultés de la guerre avaient rapproché
toutes
les
législations
pénales
économiques
des
belligérants
(1).
Elles se caractérisaient toutes
par
leur rigueur spécia-
le.
En
Union
Soviétique,
la guerre était venue
rendre encore
plus vigoureux
le droit pénal économique qui sous le règne de
Staline était déjà très sévère.
A partir de
1940,
plusieurs décrets ont été pris pour renfor-
cer la discipline du travail
dans
l'agriculture et dans llin-
dustrie
(2).
En
effet,
dans
une
économie
étatisée
comme
celle
de
11 Union
Soviétique,
l'un des plus graves dangers à cette époque,
était
la désertion des lieux de travail puisque déjà l'économie sup-
portait le coup de la mobilisation massive dans l'armée.
La
crainte
de voir des
individus
profiter de
la situation de
guerre
pour
accomplir
avec
malveillance
leur travail
ou 11 a-
bandonner et même fuir le régime,
avait amené les pouvoirs pu-
blics à prendre un certain nombre
de mesures sévèrement sanc-
tionnées afin de décourager ce genre dlinitiatives.
302. Ainsi,
des sanctions pénales intervenaient même
dans les comportements les
plus humains des individus.
En ef-
fet,
tout ouvrier qui
accusait
un
retard de plus de vingt mi-
nutes ou qui quittait sans autorisation son emploi,
était pas-
sible de sanctions pénales (3).
Un décret du 26 septembre 1941
punissait le départ injustifié d'une entreprise de cinq à huit
ans
dl emprisonnement.
Un
autre
décret
du
15
avril
1942
en
(1) J.
Léauté. rapp.
préc.
P.618.
(2)
va décrets du 10 juil. 1940, du 26 juin 1940, ordo du 18
juin 1941, du 26 déc.
1941 et du 14 avril
1942.
(3) VO Décrets du 26 juin 1940 et ordo du 18 juin 1941 qui ré-
primaient de peines d'emprisonnement les départs arbitrai-
res des usines,
les absences et les retards injustifiés.V a
Marc
Ancel
introduction
au
code
pénal
soviétique
in
les
codes pénaux européens.
..

229.
faisait autant,
contre la désobéissance à la mobilisation pour
le
travail
agricole
ou
l'abandon
arbitraire
de
travaux
par
les mobilisés.
Une autre série .de mesures du droit pénal économique vint cet-
te fois,
protéger la propriété socialiste.
Un décret du 10 fé-
vrier 1941
interdit l'aliénation sous toutes ses formes,
sous
peine d'un emprisonnement de deux à cinq ans,
de tout outilla-
ge ou matériau employé ou même
non utilisé dans les entrepri-
ses (1).
Un
autre
décret,
celui
du
29
juin
1942,
concernant
le
vol
de
combustibles
prévoyait
une
peine
d'emprisonnement
de
trois
à
cinq ans.
Toutes ces dispositions pénales demeurèrent en vigueur jusqu'à
la fin de la guerre
où la reconstruction de l'économie dévas-
tée avait
imposé
une
politique
économique nouvelle et une ré-
vision du droit
pénal économique,
du moins en ce qui concerne
ses sanctions.
303.
La
guerre
avait
en effet
ruiné,
comme celles
de tous les pays européens engagés dans ce conflit,
l'économie
soviétique.
Celle-ci
avait
accusé,
outre
les effets dévasta-
teurs
de
la
guerre,
le
coup
d'une
mobilisation
massive
des
travailleurs dans l'armée.
Il fallait donc procéder à la démobilisation et à l'engagement
de toutes
les
forces
productives de
la Nation pour la recons-
truction de l'économie et soutenir la politique d'industriali-
sation mise en oeuvre
par Staline.
Cette nécessité du travail
s'était
traduite
en
droit
pénal,
par
le
remplacement
de
la
peine
de mort
par celle de détention
dans un camp de travail
correctif pour une durée pouvant atteindre vingt cinq ans
(2).
Tout le cynisme de Staline se trouve exprimé dans cette mesure:
on
supprime
la
peine
de
mort
parce
qu'on
a
besoin
de
bras
pour la reconstruction
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1) Ce décret fut
abrogé le 13 mai 1955.
(2) Cf.
décret du 26 mai 1947.
..

230.
Dans ce même esprit,
un
décret
du 4 Juin 1947 vint abroger la
loi du 7 août 1932 sur la protection de la propriété socialis-
te.
Ce
décret,
tout
en
renforçant
les
peines
contre
les at-
teintes à la propriété socialiste,
ne
prévoyait plus la peine
de
mort.
Le travail
éducatif était
la peine généralement pro-
noncée
contre
les
koulaks
(1)
qui
tentaient
de
désorganiser
les kolkhozes.
Avec
le
redécollage
économique,
en
1950,
les
mesures
liées
à
la guerre et
à
la
reconstruction
de l'industrie ont été abro-
gées.
La
peine
de mort
a
été
rétablie en
1950
par une
loi du
12
juillet
1950 contre
le
sabotage
économique.
Le droit pénal
économique
reprit
alors
ses
tendances
l' staliniennes"
pour
"s'adoucir" à nouveau après la mort de Staline en 1953.
Paragraphe II
Droit pénal économique et politiques éco-
nomiques de crise de la R.D.A ..
304.
Le
changement
de
régime
politique
et
économique
en
République
Démocratique
Allemande
après
la
deuxième
guerre
mondiale
impliquait
nécessairement
des
changements
au
niveau
du droit de ce pays.
Il fallait
remplacer
les textes
de
la période antérieure,
no-
tamment celle de la période hitlérienne dont l'inspiration so-
ciale et économique était contraire à celle du nouveau régime.
Le droit
pénal
économique notamment,
devait
soutenir ce chan-
gement socio-économique en facilitant
l'instauration des
fon-
dements du socialisme dans la société est-allemande.
Mais à cette époque, au centre des préoccupations des pouvoirs
publics est-allemands,
i l
y avait
d'autres problèmes économi-
ques qui leur imposèrent des politiques économiques et pénales
distinctes de
celle visant
l'instauration du
système économi-
que socialiste.
( 1)
Les
Koulaks
étaient
les paysans enrichis
pendant
la Nou-
velle Politique Economique
(N.E.P.).
..

231.
La
lutte
contre
la
criminalité
économique
générale
liée
aux
conséquences
de
la
deuxième
guerre
mondiale
(A)
et
surtout
celle menée contre "l'Hémorragie économique" de la R.D.A.
vers
la R.F.A.,
étaient d'une importance vitale pour le nouveau ré-
gime socialiste est-allemand (B).
A - La
lutte
contre
la
criminalité
économique
d' a-
près guerre.
305.
Dans les
premières années
qui
suivirent la fin
de
la
deuxième
guerre
mondiale,
la lutte
économique soutenue
par le droit pénal, visait à protéger les intérêts économiques
généraux, des troubles d'origine criminelle (1).
Cette politique pénale économique visait
les délits bien con-
nus dé tous les
pays belligérants qui sont,
le marché noir et
de
façon
générale,
les
infractions
et
la
législation
sur
le
ravitaillement notamment celles qui visent les prix.
et le ra-
tionnement des proûuits de première nécessité.
Comme en fait état la doctrine est-allemande
(2),
la situation
économique de disette,
l'absence de produits élémentaires pour
la
subsistance
et
la nécessité de
répartir dans toute
la po-
pul ation,
les
faibles
stocks
et
approvisionnements,
avaient
incité
de
nombreuses
personnes
a
spéculer
sur
ces
produits.
"Spéculateurs
et
mercant is,
dit -on,
ont
profité de
la si tua-
tion pour réaliser des profits ...
à la faveur des relations ou
de
moyens
économiques
particuliers,
a
partir de
la misère du
peuple".
(3).
306.
Pour préserver les
"intérêts vitaux élémentai-
res"
des
populations,
les
pouvoirs publics Si étaient attaqués
(1) E. Buchholz,
le développement du droit pénal économique in
Revue de Droit et de législation de la R.D.A.
nO
1-67 p.18
19.
(2) et (3)
E.
Buchholz op.cit.
p.18-19.
..

232. -
a
ces
actes
délictueux au moyen d'une
législation pénale
qui
rappelle celle de la France à la même époque (1).
La similitu-
de des moyens de
lutte
résulte du fait que les textes pénaux
dont disposait la R.D.A.
contre ces délits économiques étaient
des textes datant de la période de guerre et qui n'avaient pas
encore été abrogés (2).
Il s'agissait notamment de
l'ordonnance
pénale
sur l'économie
du temps de guerre (KWStYO) et de l'ordonnance pénale sur la ré-
glementation des prix.
307. Ces dispositions prises dans le cadre de la po-
litique
économique
de
l'Allemagne
hitlérienne
en
guerre,
a-
vaient
été
complétées
par
dl autres
mesures répressives édic-
tées tant a l'échelon national qu'au niveau des provinces.
Au niveau national,
le Conseil de Contrôle Allié avait promul-
gué pour
l'Allemagne la
loi nO
50 du 20 mars 1947 pour répri-
mer le détournement et
l'usage
illégal
de produits alimentai-
res
rationnés
et de biens et documents
se rapportant
au con-
tingentement (3).
Au niveau
local,
plusieurs provinces avaient adopté des mesu-
res
qui
tenaient
compte
de
la
spécificité
de
la
délinquance
économique perpétrée dans leur région.
Ainsi,
pa r
exemple,
1 a
province
de
la
SAXE
avait
promulgué
plusieurs
textes
dont
notamment,
l'ordonnance
sur
la
protec-
tion
des
récoltes
(4),
le
règlement
sur
l'interdiction
des
"affaires de compensation" (5) et la loi contre les "mercantis
et trafiquants du marché noir"
(6).
(1) yo supra nO 280 et suivants.
(2) Longtemps
apres
le
changement
de
régime,
la R.D.A.
avait
maintenu en vigueur le code pénal allemand du 15 mai
1871.
Il
était
seulement
amendé
par
une
série
de
lois
annexes
nécessitées par le changement socio-économique.
Seules les
lois
d'inspiration
fasciste
et
purement
capitalistes
a-
vaient été immédiatement abrogées.
yo
Toeplitz op.cit.
P.5
(3) yo E. Buchholz op.cit. P.19.
(4) ordo
du 21
juillet 1945
(5) Règl.
du 2 août 1945.
(6)
8 mai
1947.
..

233.
Dans le même but,
la
THURINGE avait adopté le 25 octobre 1945
une loi sur la protection de .. " l'al imentation du peuple",
et la
province
de
BRANDEBOURG,
une
loi
sur
l'application et
la ga-
rantie de la planification économique.
Cette loi,
comme son objet
l'indique,
exprimait déjà les nou-
veaux
fondements
socio-économiques
adoptés
par
la
R.D.A.
après la guerre.
B -
Le
droit
pénal
économique
de la R. D. A.
dans la
"guerre économique " entre les "deux" Allemagnes.
308.
Au
début
des
années
11 Cinquante",
se
déclencha
entre
la
République
Démocratique
Allemande
et
la
République
fédérale
Allemande,
les
deux
Allemagne
donc,
une
sorte
de
"guerre économique".
On rapporte
qu'à
cette époque,
la R. D. A.
accusait le coup d'une sorte "d'hémorragie" aussi bien humaine
qu'économique
vers
la
R.f.A.
(1).
Des biens matériels et des
valeurs monétaires par
le biais de la spéculation et du tra -
fic
illégal,
mais
aussi
des
hommes,
notamment
des
savants,
chercheurs . . . . se déportaient de Berlin-Est vers Berlin-Ouest.
Selon les autorités Est-allemandes,
ce trafic dépouillait pro-
gressivement l'économie est-allemande des moyens de
son déve-
loppement.
Il s'agissait disaient-elles,
"d'une action organi-
sée bénéficiant de
l'appui des services officiels ouest-alle-
mands,
dans le but spécial de
freiner le développement écono-
mique
de
la
R. D. A.,
de
manière
à
écarter
des
travailleurs
ouest-allemands,
la force
morale et sociale attractive du so-
c ialisme ."
(2).
309.
Dans
cette
"guerre
économique"
le droit
pénal
avait
été
l'une
des
armes
de
la
R.D.A.
Elle
adopta
dans
le
courant de l'année 1950, coup sur coup,
deux textes pénaux.
(1) Sur les détails de cette "guerre économique" voir E.
Buch-
holz op. cit.
P.22 à 25.
(2) E.
Buchholz loc. cit.
P.23.


234.
Le premier texte fut la loi du 21 avril 1950 relative
à la règle du commerce entre les deux
Allemagne
et
le
deu-
xième,
la
loi
du
15
décembre
1950
sur
la circulation "inter-
allemande des paiements".
Selon un
juriste est-allemand,
ces textes ont été d'une grande
efficacité dans cette
"guerre économique".
Grâce,
dit-il,
à la
répression conséquente et sévère de tout trafic illégal de mar-
chandises et de valeurs monétaires entre Berlin-Ouest et Berlin
Est,
la
R.D.A.
put
lutter efficacement contre
le
"pillage de
son é6onomie" (1).
Mais en réalité,
c'était avec la fermeture des frontières entre
les deux pays et surtout, avec la construction du mur de Berlin
que la R.D.A. avait trouvé contre cette "Hémorragie" économique
le moyen de lutte le plus efficace (2).
(1) E.
Buchholz op. cit.
P.23.
(2)
Pour
lutter
contre
l ' attrai t
exercé
sur
les
populations
'est-allemandes
par
la
"vitrine"
de
Berlin-Ouest dressée
à
dessein
par
les
pays
occidentaux,
la
R. D.A.
éleva un mur
pour séparer dans la ville de
Berlin,
les zones capitalis-
tes
de
la
zone
communiste.
Rappelons
qu 1 après
la
seconde
guerre mondiale,
Berlin capitale de l'Allemagne hitlérienne
vaincue,
avait
été
divisée
en
quatre
zones
chacun
des
principaux vainqueurs avait une zone.
Ainsi,
il y a la zone
française,
anglaise,
américaine et soviétique
donc trois
zones capitalistes et une zone communiste.
.. .

235.
CONCLUSION
DE -- LA
SECTION
II
310.
Comme nous le disions
(1)
et comme nous venons de le
démontrer à travers l'analyse de quelques expériences soeialis-
tes de politiques économiques de crise,
le droit pénal économi-
que
socialiste
n'a
pas toujours eu pour fonction exclusive
la
protection des fondements de base du système économique.
Nous avons
vu en effet qu'avec
la "complicité" du droit pénal,
on
avait
laissé
fonctionner
l'économie
soviétique
suivant
le
système capitaliste pendant
la
N.E.P ..
L'infléchissement de la
dictature du prolétariat avait entraîné un infléchissement cor-
rélatif du droit pénal économique soviétique.
Face à la crise,
la N.E.P.
semblait être la seule voie par la-
quelle l'économie pouvait en sortir.
Elle était pour l'économie
socialiste
soviétique,
ce
qu'était
et
que demeure l ' interven-
tionnismeéconomique dans les économies libérales. Mais la com-
paraison
se
limite
à
l'action
que
ces
politiques
économiques
ont
exercé
sur les principes de base de leur système économi-
que.
311.
En
ce
qui
concerne
les techniques d'intervention du
droit pénal économique, notamment en ce qui concerne leur sévé-
ri té,
plus
que
d'une
ressemblance,
Cl est
d'une
assimilation
dont il faut parler,
lorsqu'on compare les droits pénaux écono-
miques socialistes de guerre et de crise avec ceux des pays ca-
pitalistes.
Le
droit
pénal
économique
de
guerre
soviétique,
celui
de
la
R.D.A.
d'après guerre,
et surtout celui édicté comme arme dans
la
"guerre
économique"
entre
les
deux
Allemagne
au
début
des
années
"cinquante"
se singularisent par leur extrême sévérité,
leur "manque de scrupules",
leur cynisme.
(1) VO supra,
nO 267.
..

236.
CONCLUSION DU CHAPITRE l
312.
Faire
face
aux
crises économiques par une
politique
économique soutenue par une
politique
pénale
plus ou moins ri-
goureuse,
est une pratique universelle.
Les
conséquences
de
la
deuxième
guerre
mondiale
ont
engendré
dans tous
les pays une
législation dont les dissemblances d'un
régime économique à un autre ne tiennent qulà des nuances.
Les
politiques
et
les
droits
pénaux
économiques
de
crise
ont
les mêmes contenus et les mêmes caractéristiques.
Au niveau de leur contenu,
la ressemblance est frappante.
Llordonnance
pénale
est-allemande
sur
11 économie
du
temps
de
guerre
(1)
est
identique à
la loi française du 11 juillet 1938
sur
ra
même
matière
(2).
Il
en
est de
même
pour l'ordonnance
pénale
est-allemande
sur
la
réglementation
des
prix
après
la
\\
guerre
et
celle
de
la
France,
du
30
juin
1945
(3)
et
la
loi
française
du
4
octobre
1946
relative
à
la
répression de
cer-
tains crimes contre le ravitaillement. (4).
On retrouve partout la répression du marché du noir,
de la spé-
culation illicite, etc ...
313.
Au niveau de leurs traits caractéristiques,
les poli-
tiques
et
législations
économiques
subissent
les
effets
des
crises.
Aussi bien dans les économies capitalistes que socialistes,
el-
les évoluent en dehors des créneaux clissiques établis par les
principes économiques fondamentaux.
On
rappellera à
cet égard,
les politiques et législations économiques françaises de guerre
(1) VO KWstVo supra nO 306.
( 2 ) VO supra nO 279
( 3 ) VO supra nO 280 et s.
( 4) Supra nO 284 et s.

237.
et
de
pénurie,
de
la Nouvelle
Poli tique
Economique soviétique
du début des années IIv ingt Il •
Ensuite,
et de façon la plus significative, toutes les législa-
tions
pénales
économiques
de
crise
se
caractérisent
par
leur
sévérité.
La
peine dé mort
est couramment prévue en cas
d' in-
fraction économique (1).
On
note
partout
la
violation
des
principes
fondamentaux
du
droit criminel reconnus par la déclaration des Droits
de l'Hom-
me.
Abondance
des
actes
réglementaires,
incriminations
larges
permettant
la
méconnaissance
du
principe
de
l'interprétation
stricte des normes pénales,
violation de
la règle de la rétro-
activité in mitius,
tels sont
les principales caractéristiques
des
droits
pénaux
économiques
capitalistes
et
socialistes
de
crise et de pénurie.
Sévère,
volontariste
, non conformiste
, tels sont les qualifi-
catifs qui
conviennet plus ou moins à ces politiques et légis-
lations économiques socialistes et capitalistes de pénurie.
Si à la
faveur
du redressement économique dans ces pays,
l'in-
tervention du droit pénal économique comme moyen d'action n'est
pas abandonnée,
aujourd'hui,
les textes de crise ont été révi-
sés pour soutenir les politiques actuelles d'expansion économi-
que.
A ce stade,
la relative sérénité économique permet à cha-
que pays de réconcilier plus ou moins,
sa législation pénale é-
conomique
avec
les fondements de
son
système économique et les
principes
fondamentaux
qui
d'ordinaire,
gouvernent
le
droit
criminel.
(1) va loi française du 15 mars 1942 qui en son article 5, pré-
voit
la peine de mort contre certaines pratiques de marché
noir,
voir décrets soviétiques des 10 juillet 1940,
26 juin
1940.
..

, 238.
314.
La
cessation
des
effets
immédiats
de
la
deuxième
guerre
mondiale,
la
fin
des
crises
et
des
pénuries liées aux
guerres,
n'a
pas
entraîné
l'abandon par
les pouvoirs publics,
du recours au droit pénal économique.
Dans
les pays socialistes comme
dans
les pays capitalistes,
le
droit
pénal
économique
demeure
un
instrument assurant
le
res-
pect des politiques économiques.
Au cours des années "soixante",
la plupart des pays socialistes
U.R.S.S., R.D.A.,
Tchécoslovaquie,
Hongrie ...
Pologne,
ont pro-
cédé
a
des
réaménagements
économiques,
notamment dans
la ges-
tion de leur économie.
Le
système
de
la
gestion
centralisée
au
maximum
que
connais-
saient
tous
les
pays
socialistes
dans
leur
étape
initiale
de
construction 'du socialisme a été rejeté.
Il ne pouvait plus dit
o
on,
satisfaire pleinement,
les
besoins de
l'économie socialiste
dans la phase àe construction de la société socialiste dévelop-
pée
(1).
"Le système de gestion administrative,
justifié par le
souci
de
ne pas disperser
les
forces
de
production et
surtout
de
faire
obstacle à
la diversion
(2),
siest révélé à la fin de
la
construction
du
socialisme,
inapte à
offrir les conditions
nécessaires à
l'accélération du
progrès technique,
au déploie-
ment plus complet de l'initiative des collectivités de travail-
leurs,
a
une
base
entièrement
scientifique
de
la
gestion
de
lléconomie nationale"
(3).
L'institution d'un nouveau système de gestion économique a ren-
du
nécessaire
dans
la
quasi
totalité
des
pays
socialistes
la
révision du droit pénal économique en vigueur pour tenir compte
de cette évolution sur le plan économique.
yo Wieslang L. Le droit de la société socialiste développée
in Annuaire de 1 1 U.R.S.S.
et
~es pays socialistes d'Europe
de l'Est 1977-78 P.1
( 2)
Dans
les
codes
pénaux socialistes,
le mot
Il di version"
est
.
employé dans le sens de
"sabotage" .
~::.
,.
(3) G.
Farjat op.
cit .. 2è éd.
1982 P.453.
,!.

· ..
'.
CHAPITRE II
DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE ET POLITIQUES
D'EXPANSION ÉCONOMIQUE.

239.
315.
Pareillement,
dans
les
pays
capitalistes,
en France
notamment,
le
droit
pénal
économique
a
été modifié pour répon-.
'dre
aux
exigences
des
politiques d'expansion économique.
A ce
ni veau,
les
politiques
économiques
françaises
sont
di verses.
Mais elles sont dominées toutes par celle de la restructuration
de
l'économie' entamée depuis
le milieu des années "cinquante".
Cette restructuration de
l'économie dans
le sens de la concen-,
tration est depuis longtemps un objectif de la politique écono-.
mique
des
pouvoirs
publics
français.
Elle
s' est
~ntensifiée à
partir
de
1974
avec
la
volonté
des
pouvoirs
publics
"d' inté-
grer le système
industriel
français
dans le marché internatio-
nal de plus en plus libéralisé"
(1).
La
politique
économique
en
faveur
de
la
concentration
repose
sur diverses techniques au nombre desquelles figurent des mesu-
res de droit pénal économique notamment,
les mesures de contrô-
le des ententes et des positions dominantes.
Ap~ès les périodes de guerre et de pénurie donc, les politiques
et
les droits
pénaux économiques,
se sont logiquement,
vus as-
signés,
respectivement,
d' autres
objectifs
et
d'autres
fonc-
tions.
Aussi
bien dans
les pays capitalistes (Section Ii,
que
dans les pays socialistes
(Section II),
le droit pénal écono-
mique
est
devenu
un
instrument
au
service
de
la
politique
d'expansion économique.
Ses fonctions
dans ces politiques se-
ront étudiées à travers l'analyse de cas choisis.
SECTION 1
DROIT
PENAL
ECONOMIQUE
ET
POLITIQUES
CAPITALISTES
D'EXPANSION ECONOMIQUE: LE CAS DE LA FRANCE
316.
La
disparition
des
divers
facteurs
sous l'influence
desquels ont
été
prises
les nombreuses mesures impératives pé-
( 1) G.
far j a t
op.
ci t.
2è éd.
1982 P. 453 .
..

240.
nalement
sanctionnées,
n'a
pas
eu
pour conséquence
l'abandon
de
cette technique
autoritaire d'intervention qu'est
le droit
pénal économique.
Au
contraire,
i l
a
connu
ces
dernières
années
une
impulsion
nouvelle en Europe capitaliste,
notamment en France.
Comme celui des périodes de guerre et de crise qui répondait à
la nécessité d'organiser
l'économie
dévastée,
puis après ce-
la, d'assurer le relèvement,
le droit pénal économique d'après
guerre
répond aux besoins de
l'économie moderne qui se carac-
térise par l'existence d'une production abondante,
génératrice
de
la
société
de
consommation et par
son extrême
sensibilité
aux fluctuations de la conjoncture économique internationale.
La politique de
la concurrence et
la protection des consomma-
teurs constituent les objectifs principaux du droit pénal éco-
nomique contemporain.
Certes,
la stabilité monétaire et la jugulation de l'inflation
par un contrôle répressif des changes (1) et une politique des
prix et du crédit (2)
procèdent de r~glementations qui entrent
dans
le
cadre
du
droit
pénal
économique,
mais
ces
objectifs
sont généralement
inscrits dans
les deux premiers ;
la régle-
mentation de la concurrence et la protection des consommateurs.
D'ailleurs,
ces deux finalités,
à
certains égards,
se confon-
dent;
l'une parfois apparaît comme le moyen d'atteindre l'au-
tre.
317.
Auj ourd 'hui,
dans
les
pays
capital istes,
plus qu'à
nulle
autre
époque,
la concurrence est au coeur du débat pu-
blic en matière économique (3).
( 1)
J. P.
Eck
"
A propos
de
l'incidence
de
la
règlementation
des changes sur
la validité des
contrats" D.
1983 chr.
P.
91 et s.
(2) va Loi du 28 déc.
1968 sur la limitation du taux d'intérêt
conventionnel.
(3) Tiedmann, K. Les atteintes à la concurrence (pratiques res-
trictives de
la
concurrence et
abus de position dominante
dans
les
pays
industrialisés et
dans
les pays en voie de
développement) Rev.
interne
dr.
pén.
1983 P.303.
..

241.
Tous les agents économiques exaltent ses vertus.
Le producteur lui-même,
craigni~t d'être victime d'entente en-
tre
ses
concurrents,
la prône
mais seulement chez
les
Il au-
tres ll . Car si l'on est producteur dans une économie capitalis-
te,
on
souhaite-- bien évidemment,
être
le
"monopoleurll de son
secteur d'activité économique.
IILa concurrence disait Lippman,
est
un
impératif
auquel
les entrepreneurs
se
conforment dans
la mesure exacte dans
laquelle
ils ne peuvent s' y soustraire Il ( 1)
Le consommateur,
hanté par la publicité intense des réseaux de
distribution,
exige
la concurrence et une
protection plus ef-
ficace face aux manoeuvres et stratégies vénales des entrepre-
neurs (Par.
II
Droit pénal économique et protection des con-
sommateurs) .
Mais
pour
les
pouvoirs
publics,
la
concurrence
apparaît
au-
jourd'hui comme
un
instrument de politiques économiques (Par.
1),
et
non plus,
ou du moins
subsidiairement,
comme un méca-
nisme II na turel ll d'organisation économique.
Paragraphe l
Le droit pénal économique de la concurren-
ce,
un
instrument
de
politiques
économi-
ques.
318.
Le
rétablissement
de
la
concurrence,
au
début
des
années
II c inquante ll
par le décret du 9 août 1953, répond à des
objectifs bien précis,
visés à travers elle,
par les pouvoirs
publics français.
Il s'agissait de restructurer l'économie française,
de favori-
ser l'installation de grandes unités de production pour soute-
nir
la
concurrence
internationale,
plus
précisément
pour
la
conquête
du
marché
extérieur
car pour
le marché
intérieur,
( 1)
W.
Lippman ,
cité
par
J. C.
Muller,
Il La
concurrence,
un
essai de démythification ll . éd.
Cujas,
p.
53.
..

242.
les Etats libéraux ont tous les moyens pour le protéger contre
la concurrence étrangère (1).
L'orientation de
la
politique économique dans
le sens du ren-
forcement
des
entreprises
nationales
s'observe
à
travers
la
répression des ententes industrielles et commerciales.
L'effet recherché dans
la
répression des ententes depuis 1953
n'est pas essentiellement
comme
on pourrait
le croire,
la co-
existence de plusieurs entreprises sur le marché,
mais plutôt,
l'effet de
rivalité et d'élimination potentielle qu'elle com-
porte et qui incite
au regroupement
et par ce fait,
à la con-
centration.
319.
En effet,
comme le démontre M. J.Cl.
Muller,
"le mot
concurrence désigne une situation de
rivalité.
Cette rivalité
peut être permanente ou précaire.
Elle est
permanente si
elle n'aboutit pas a un classement fi-
nal
des
concurrents
ou
si
elle
ne
permet
pas
la décantation
entre eux ...
Or la situation est le plus souvent précaire en ce sens que la
force respective des différents concurrents,
soit,
est inégale
dès
le départ,
soit,
évolue
i l s'ensuit qu'en règle généra-
le)
i l se dégage un premier plus fort ...
Dans
l'absolu,
la
situation de
rivalité
impliquée par
la no-
tion
de
concurrence
doit
conduire
en
f in
de
processus à
son
antithèse par le jeu même de la concurrence"
(2).
Lutter pour la concurrence,
c'est tendre à éliminer la concur-
rence.
En d'autres termes,
la concurrence,
par la compétition
économique qu'elle engendre,
conduit naturellement
au monopo-
le,
c'est à dire à
son antinomie.
C'est dans cet état d'esprit
que Proudhon disait
"la concurrence tue la concurrence".
(1)
En dépit des prescription du GATT contre le protectionnis-
me,
les Etats disposent
d'une
grande
liberté de manoeuvre
pour
réduire
pour
des
problèmes
de
politique
intérieure,
la concurrence internationale.
Il faut cependant noter qu'
au
plan
régional
(CEE)
la
concurrence
internationale est
plus ouverte entre les Etats membres.
(2) J.Cl.
Muller op.
cit.
P.32
; dans le même sens,
J.
Cartell
et P.Y Cosse,
la concurrence capitaliste, Seuil 1973 P.9 • ..

243.
C'est sur cette ambivalence
dialectique
de
la concurrence que
reposent les politiques ~conomi~ues françaises depuis le r~ta­
blissement de la concurrence
(1) par les d~crets des 9 août et
23 ~ovembre 1953.
320.
Les pouvoirs publics français qui ont perçu l'impor-
tance de la grande taille des entreprises nationales tant pour
l'~conomie en g~n~ral que pour les besoins particuliers, vont
dans un premier temps,
exploiter
l'ambivalence dialectique de
la
concurrence
dans
le
sens
du
renforcement
des
entreprises
nationales.
En poussant celles-ci à la concurrence sous la me-
nace de
la
r~pression p~nale, ils les conduisent à la concen-
tration,
au renforcement des moyens de production,
à l'am~lio­
ration des produits et services et ainsi,
à leur comp~titivité
sur le march~ international.
Il
est en effet
incontestable que
la grande taille des entre-
prises
donne
a
celles-ci
des
pouvoirs
strat~giques et
des
moyens de
parfaire la qualit~ et
la quantit~ des biens qu'el-
les produisent.
Comme
le f ai t
remarquer M.
Lemoal,
si "la n~­
cessit~ de diff~rencier les services ~conomiques est un corol-
laire
de
la
n~cessit~ de
maintenir
sur
le
march~ plusieurs.
op~rateurs", l'allocation à la collectivit~ d'un meilleur ser-
vice
et
de
produits de meilleure
qualit~ est li~e à l'impor-
tance
des
moyens
dont disposent
les
producteurs de ces biens
et services (2).
Au contraire,
dit cet auteur,
le maintien "artificiel",
c'est-
à-dire, contre l'effet naturel de d~cantation de la concurren-
ce,
sur le march~, de petites entreprises, dont la qualit~ et
la quantit~ de la production reflètent la modestie des moyens
Rappelons que
la
libert~ du commerce et de l'industrie a-
vai t
~t~
supprim~e
pendant
la
deuxième
guerre
mondiale.
VO Supra, nO
282 et 283.
( 2 ) Lemoal, Droit de concurrence, ~d. Economica, P. 191.
e.

244.
dont elles disposent,
n'apporte certainement
pas
le bien-être
optimum à la collectivité et l'~fficience économique que prône
la théorie économique libérale.
(1).
Les services produits dans
de telles conditions
sont,
comme
le note M.
Lemoal,
des services artificiels,
nocifs aussi bien
pour l'économie que pour les consommateurs (2).
"Si la pluralité d'entreprises est nécessitée par le besoin de
diversification des biens et
services,
l'organisation
juridi-
que d'un droit
de concurrence doit
donc éliminer les services
artificiels
qui
ne
correspondent
pas
à
une
offre
ou
partie
d'offre
réelle....
Puisque
le
service
économique
doit
avoir
pour objet de répondre à un besoin, toute réponse artificielle
à un besoin réel doit être rejetée ll
(3).
321.
On peut
donc
dire
que les grandes unités de produc-
tion réalisées
par
la concentration capitaliste,
plus que,
ou
au moins autant que la pluralité de petites entreprises sur le
marché,
permettent
d'assurer
le
bien-être
de
la collectivité
par une couverture efficiente des besoins ... Mais certainement
plus que la pluralité de petites unités de production,
la con-
centration donne
à
l'économie nationale
la
possibilité d'être
compétitive sur le plan international.
C'est essentiellement pour ces raisons qu'on assiste en France
depuis
de
nombreuses
années
a
une politique orientée
vers
le
renforcement de la puissance économique des entreprises indus-
trielles et commerciales par
le phénomène de la concentration
capitaliste.
Cette
politique
économique
trouvera
son
écho
le
plus
direct
dans le droit p~nal économique de la concurrence (A).
(1)
yo
Lemoal,
loc.
cit.
P.
191 et s.
(2)
Lemoal loc.
cit.;
J.
Cartell et P.Y.
Cosse,
op.
cit.
P.
7.
(3)
Lomoal, op.
cit.
P.
190.
..
1

245.
Mais,
vers
la fin
des
années
"soixante-di.x",
les pouvoirs pu-
blics manifesteront une certaine méfiance
à
l'égard des gran-
des
unités
économiques,
dont
ils
ont
pourtant
favorisé
la
constitution.
La nouvelle tendance des politiques économiques et pénales se-
ra
alors
dans
le
sens du contrôle du fonctionnement
des
nou-
velles structures économiques (B).
A -
Le
droit
pénal
économique
de
la concurrence et
la restructuration de l'économie française.
322.
La
politique économique
française
au
lendemain
de
la
deuxième
guerre
mondiale
est,
comme
nous
le
disions,
dans le sens de l'accroissement de la puissance économique des
unités
de
production
par
la
concentration capitaliste.
Aussi
peut-on noter dans la réglementation de la concurrence et dans
la
mise en oeuvre des textes édictés à cet effet,
la volonté
des
pouvoirs publics de
favoriser
la concentration des moyens
de production.
Cette politique économique est menée aussi bien dans l'intérêt
de
l'économie
nationale
face
à
la concurrence
étrangère,
que
dans celui des entrepreneurs eux-mêmes.
Pour ceux-ci,
en effet,
une
politique
en
faveur
de
la concentration,
du monopole est
la
si tuj'at ion
souhaitable.
Bénéficiant
ainsi
de
l'appui
tacite de certains gros produc-
teurs et même,
des consommateurs
qui
voient dans le libre jeu
de
la concurrence,
le gage de
la
sincérité des
prix et de
la
..

246.
diversité des produits, les
pouvoirs publics vont poursuivre et ré-
primer les ententes et positions dominantes ainsi que les pra-
tiques restrictives de la concurrence (1) d'une manière telle,
qu'elle mènera -les entreprises
au renforcement
ou à la dispa-
rition de celles qui parmi elles,
ne sont pas compétitives.
En effet, si la finalité apparente des incriminations du refus
de
vente,
des
pratiques
discr iminatoires
de
vente,
des
prix
conseillés
ou
imposés,
est de
permettre
le
jeu de
la concur-
rence,
en réalité,
leur
répression est finalisée.
Elle tend à
favoriser la concentration économique (2)
(a).
Même la
répression des ententes
illicites et abus de position
dominante
s'inscrit
dans
ce même souci du renforcement de
la
puissance économique des entreprises (b).
a
-
~~_ 'p-?~'y-?j!__I~C_~~~~~~~~~ ~~~~~~~~I~ _<!~~ ~ ~~~~~:
minations
de
l'article
37
de
1 1 ordonnance
323.
La
volonté
des
pouvoirs
publics
français
d'assainir
les circuits de
la distribution et de favoriser la
concentration
dans
ce
secteur
économique,
va
se traduire
par
une politique pénale en faveur
des grandes surfaces,
qui,
par
la même occasion,
va conduire a l'élimination des services des
intermédiaires qui souvent ne répondent à aucun besoin réel
(3)
et conduisent à la hausse des prix au détail.
En effet,
entre
le producteur et
le consommateur,
i l y a sou-
vent
une
multitude
d'intermédiaires.
Ces
services
desquels
peuvent se passer les grandes surfaces,
sont par contre indis-
pensables aux petits commerçants.
Or ils concourent de façon
artificielle à la hausse des prix.
(1)
Cf.
art.
37 et s. de llord.
du 30 juin 1945 VO supra n019 9
et s.
(2)
Pigassou P.
op.
cit.
P.112.
(3) Lemoal, op. cit. P.190.
..

247.
Pour éliminer ces services artificiels et favoriser le dévelop-
pement
des
grandes
unités
de
distribution ,
les
pouvoirs
pu-
blics vont
imposer sous
la menace de la répression pénale,
la
concurrence au niveau du détail.
Par les incriminations du re-
fus de vente, ~u_conseil et de l'imposition des prix, des pra-
tiques discriminatoires de vente (1),
les pouvoirs publics vi-
sent la concentration dans
la distribution.
Ils entendent ré-
primer
les
actes
par
lesquels
producteurs
et
petits
commer-
çants luttent contre les grandes surfaces.
324.
Les pouvoirs publics vont
imposer la com-
pétition
économique
entre
les
grandes surfaces et les petits
commerçants.
On imagine aisément l'issue de cette concurrence.
Ils vont d'abord s'attaquer au refus de vente.
En effet,
par cette pratique,
certains producteurs favorables
aux
prix
uniformes
et
ainsi,
au commerce traditionnel,
refu-
saient
de
vendre
aux
premières
grandes
surfaces
établies
en
France.
Les pouvoirs publics vont donc veiller,
pa~ la répres-
sion du refus de vente,
à
ce que les producteurs approvision~
nent dans les mêmes conditions, tous les distributeurs,
y
com-
pris les nouvelles unités de distribution.
En le faisant,
ils ont parfaitement conscience qu'ils abouti-
ront à
la mort
ou au regroupement des petites entreprises in-
dustrielles et commerciales,
et au développement des nouveaux
réseaux de
distribution,
les seuls
à
pouvoir résister à l'ef-
fet d'élimination de la concurrence.
(1) En ce qui
concerne
les
pratiques discriminatoires de ven-
te,
incriminées
par
l'article
37
de
l'ordonnance
du
30
juin
1945,
i l Y a
lieu de noter les dispositions de l'ar-
ticle
38
qui
interdisent
à
"tout
revendeur de chercher à
obtenir ou d'accepter sciemment d'un fournisseur des avan-
tages
quelconques,
contraires
aux dispositions de
l'arti-
cle 37.
...

248.
Cette
interdiction
du
refus
de
vente
qui
a
en principe pour
fondement. la protection de
la concurrence
(1)
s'est ainsi vue
donner
une
nouvelle
inspiration
qui
répond
à
la
volonté
des
pouvoirs
publics,
de
" mo derniser"
le
secteur de
la distribu-
tion.
325.
La prohibition pénalement sanctionnée des
pratiques discriminatoires de vente
vise
le même objectif que
celle du refus de vente.
Elle apparaît d'ailleurs,
comme le corollaire indispensable de
celle-ci.
En
effet,
comme
nous
l'avons dit
(2),
la seule
répression du
refus de vente est insuffisante à empêcher le boycott des con-
currents.
Les
discriminations
dans
les
prix,
les conditions de
livrai-
son ou de paiement,
peuvent aboutir aux mêmes résultats que le
refus de
vente,
c'est à
dire
à l'élimination de certains con-
currents ou à la limitation de leur développement.
Aussi,
les
pouvoirs
publics,
toujours dans
la
perspective de
la
restructuration de
la distribution,
ont-ils comme le refus
de
vente,
incriminé
les
pratiques
discriminatoires
de
vente
(3)
qui en supprimant
la
concurrence
au niveau du commerce de
détail,
permettent
le
maintien
sur
le
marché
de
commerçants
non-compétitifs.
L'incrimination des prix minima imposés ou des prix conseillés
se
nourrit
des
mêmes
préoccupations que
celles des pratiques
discriminatoires
de
vente.
Elle
peut
également,
conformément
au voeu des pouvoirs publics,
permettre de modifier les struc-
tures économiques (4).
(1) VO supra,
Première partie,
nO
200 et s.
(2) VO supra,
Première partie,
nO
205.
(3)
VO
J.J.
Biolay,
Du principe de la non-discrimination dans
les
relations commerciales en droit
français
et communau-
taire Gaz.
Pal.
1981 l
doct.
P.11 et s.
(4)
J. M.
Mousseron
op. ci t .
in
Sem.
jur.
Cahiers
de
droit
de
l'entreprise Suppl.
du 17 mars 1983.
..

249.
Si ces incriminations apparaissent aujourd'hui comme des "ins-
truments"
de
lutte contre
les pratiques des pouvoirs ~conomi­
ques
priv~s, elles ~taient, à
la
fin
des
ann~es "cinquante"
conçues pour la r~forme des structures de distribution (1).
En conclusion,
on peut
observer que
l'incrimination et la r~­
pression de
ces pratiques restrictives de la concurrence, ont
permis
d'acc~l~rer le mouvement de concentration dans la dis-
tribution
: r~sultat voulu par les pouvoirs publics (2).
b - Concentration
et
laxisme
dans
l ' interdic-
326.
La
politique
criminelle
en
matière
d' en-
tente et de position dominante,
comme celle à l'~gard des pra-
tiques
commerciales
ci-dessus
~tudi~es, r~pond au même souci
de l'assainissement,
de la modernisation de l'appareil de dis-
tribution
et
du
renforcement
de
la
puissance
des
entreprises
nationales.
L'intention des pouvoirs publics est d'ailleurs,
ici,
beaucoup
plus explicite.
La th~orie ~conomique lib~rale, comme nous l'avons dit,
ne to-
lère en principe ni monopole,
ni ententes entre producteurs en
ce qu'ils
lui
sont antinomiques.
Aussi,
l'article 50 de l'or-
donnance
de
1945 relative
aux prix
(3) pose le principe de la
prohibition des ententes et positions dominantes.
Il faut ~ga­
lement
noter
les
dispositions de
l'article
419
du code p~nal
qui
interdit
les
coalitions
relatives aux prix.
L'article
85
du Trait~ de Rome reprend le principe pour tous les pays de la
Communaut~ Economique Europ~enne.
J.M.
Mousseron
op.cit.
in
Sem.
Jur.
Cahiers
de
droit de
l'entreprise.
suppl.
du 17 mars 1983.
(2)
va J.M.
Mousseron
op.
cit.;
Voir
~galement Plaisant et
Daverat
: Refus de vente et mesures discriminatoires, Gaz.
Pal.
1982, 1. doct.
P.346.
(3) Cf.
art.
50 de l'ordo
30 juin 1945 tel qu'il résulte de la
loi du 19 juillet 1977.

250.
Mais
quoique les ententes soient interdites>, les
législations
fran-
çaise et
communautaire
donnent
l'occasion
aux
entreprises
ou
groupes dl entreprises
occupant
sur
le
marché
une
position
do-
minante et
à
celles
qui
sont
surprises en coalition,
d'échap-
per à la répression pénale
(1).
LI article
51
de
l'ordonnance
du
30 juin 1945 et l'article 85
al.
3 du Traité de Rome permettent aux entreprises en viola-
tion
des
articles
50
et
85 de
l'ordonnance
française
et
du
Traité
de
Rome,
de
justifier
la
transgression de
"l'idéologie
libérale"
en
prouvant
que
celle-ci
a
pour effet
d'assurer
le
développement du progrès économique.
Les
ententes
et
monopoles
ne
sont
donc
pas
automatiquement
proscrits.
Seuls sont
interdits,
les ententes
dites
"illicites et les a-
bus
de
position
dominante
sur
le
marché.
Il
s'agit
donc
de
celles,
des
ententes
ou
positions
dominantes,
qui
ont
pour
effet
de
faire,
comme
le
dit
l'article
50,
"obstacle
à
l ' a -
baissement des prix de revient,
de vente,
ou de
revente".
Sont
également
visées,
celles qui
tendent
à favoriser la hausse ou
la baisse artificielle des prix,
ainsi que celles qui ont pour
effet d'entraver le p~ogrès technique et de limiter l'exercice
de
la libre concurrence par d'autres entreprises
(2).
En
termes
simples,
le
législateur
autorise
les
entreprises
à
se
regrouper
ou
à
s'entendre
au
mépris
de
la
concurrence,
a
condition
que
leurs
actes
aient
des
répercussions
bénéfiques
pour le développement économique et social.
327. Cette politique économique a trouvé auprès
de la doctrine,
un écho favorable.
A cet égard,
M.
Lemoal souligne
"la puissance économique ac-
(1)
yo
F.
Jenny et A.P.
Weber,
l'Administration va-t-elle con-
tinuer
à
encourager
les
pratiques
anti-concurrentielles"
Le Monde du
20 mai 1975.
(2)
yo
Ph.
Jestaz.
Commentaire
de
la
loi
du
19 juillet 1977.
R.T.D.
Civ 1977 p.842-843.
..

l! ... zr;.... '7Y1XW~
251.
quise par une seule entreprise ou par une entente d'entrepri-
ses n'est pas nécessairement préjudiciable à l'intérêt général ...
Elle le devient
lorsqu'elle
(le)
domine ll
(1).
1111 faut
éviter
écrit
en
ce
sens
M.
J.
Cl.
Muller,
ne
pas
vouloir
éviter
à
tout prix et seulement un viol de l'idéologie:
plus important
ajoute-t-il, est d'assurer que les abus ne jouent au détriment
du
développement
de
l'économie et du sort des
catégories so-
ciales intéressées ll
(2).
D'ailleurs,
pense
M.
Muller,
"l'exaltation
de
la concurrence
et,
au besoin,
son maintien par
la loi et les juges,
sont les
expressions
d'une
phi losophie
de
la
médiocrité.
L' homme
ne
peut
progresser que
par
l'ambition,
l'émulation,
l'agressivi-
té,
la lutte contre les autres et contre soi-même . . .
pourquoi,
conclut-il,
ce
voile
d' hypocrisie
pour masquer
les causes du
succès que l'on prétend expliquer par la concurrence ?"
(3).
328.
La distinction en vue
de
la répression ou
non,
entre
mauvaises
et
bonnes ententes s'opère
par
l'appré-
ciation
du
bilan
économique
de
l'entente
en
cause.
Ce
bilan
consiste
à
mettre
en
balance
les
avantages
et
les
inconvé-
nients que
comporte
l'entente alléguée
pour l'économie natio-
nale.
Il est positif et
constitue de ce fait un fait
justifi-
catif
écartant la sanction pénale,
lorsqu'il
révèle
que
11 en-
tente
litigieuse,
tout
en
permettant
une
"concurrence suffi-
sante"
(4) a pour effet de favoriser le "progrès économique".
(1) Lemoal,
op.
cit.
P.190.
(2) J. Claude Muller,
op.
cit.
P.74.
( 3) Ibid.
(4) Sur cette notion,
voir R.
Dumey
: La notion de concurrence
suffisante.
Gaz.
Pal.
1978
II
doct.
P.539
et
s.
;
Voir
avant,
la
loi du
19
juillet
1977, J. B.
Blaise ;
le statut
juridique des ententes.
Lib.
tech.
op.
cit.
p.268.
..
... :

252.
Le
caractère
positif
ou
négatif
de
l'entente
est
laissé
à
l'appréciation d'un organe administratif
la commission de la
concurrence,
et dans une certaine mesure,
au Ministre de l'E-
conomie et des Finances.
Au point de
vue-du droit
pénal,
cette commission et le Minis-
tre
jouent un rôle très
important,
équivalent à celui du mi-

nistère public dans le procès de droit commun.
En effet,
lors-
que l'existence d'une entente ou lorsque le comportement d'une
position
dominante
paraît
"abusif",
la commission de
la con-
currence,
saisie
par
le Ministre de
l'économie et des
finan-
ces ou par les organismes habilités (1)
émet un avis sur l'en-
tente en cause ou sur l'attitude de la position dominante.
El-
le
suggère
au
Ministre
des
mesures
qu'elle
juge
utiles
de
prendre.
('est
après cet
avis,
qui en principe ne le lie pas,
que le Ministre de l'économie décide soit de classer l'affaire
soit de la transmettre à la juridiction pénale.
329.
La commission de la concurrence et surtout
le Ministre
sont
à cet égard,
investis des pouvoirs judiciai-
res.
D'abord
parce
que
ce
sont
eux
qui
par
leur
avis,
jugent
de
l'opportunité des poursuites en cette matière.
Ensuite,
il
faut
observer
que
le Ministre
peut
seul,
prendre
après l'avis de la commission,
des injonctions à effet "pénal".
Il peut infliger des amendes (i)
dont
la
nature
à la fois
pénale
(1)
Depuis
la
loi
du
19
juillet
1977,
outre
le
Ministre
de
l'économie,
la commission de la concurrence peut être sai-
sie par les collectivités territoriales,
les organisations
professionnelles, syndicales et les organisations des con-
sommateurs agréées.
(2)
En vertu de
l'article
55 de la loi du 19 juillet 1977,
le
Ministre
peut
infliger
des amendes
n'excédant pas 100.000
Francs,
par
une
décision motivée
et
cela
sans avis
préa-
lable
de
la
commission.
L'article
54
de
la
loi
de
1977
permet également au Ministre mais après avis de la commis-
sion,
de
prononcer
des
condamnations
pécuniaires à
l'en-
contre des seules personnes morales.
..

253.
et
administrative
(1),
est
une
des caractéristiques particu-
lières du droit pénal économique de la concurrence et de façon
générale,
du droit pénal des affaires.
330. Le renforcement des pouvoirs de l'Adminis-
tration
(2)
et
le déclin corrélatif
de
ceux des tribunaux de
l'ordre
judiciaire
(3)
s'expliquent
simplement
par
le
rôle
instrumental du droit pénal économique de la concurrence.
L'Administration
qui
conçoit
les
politiques
économiques
est
seule capable de savoir quels sont ses objectifs.
Elle est par
conséquent
seule
a
savoir
quels
actes
ou
comportements
leur
sont préjudiciables.
En
l'espèce,
en
s'appuyant
sur
la
concurrence,
les
pouvoirs
publics
visent
un
objectif
restructurer
l'économie
dans
le
sens
de
la
concentration
afin d'assurer sa compétitivité sur
le
plan
international.
La
concurrence n'est
qu'un moyen pour
atteindre
cet objectif.
La
libre
concurrence
et les sanctions
pénales la protégeant sont dans cette optique,
inféodées à cet
objectif.
Elles n'ont,
par rapport à celui-ci,
qu'un caractère
accessoire.
(1)
En
droit
pénal
des
affaires,
de
façon
générale,
lorsque
certaines prescriptions sont sanctionnées par des amendes,
il
est
difficile de
se
prononcer
sur
la nature
des
sanc-
tions.
C'est notamment,
outre celui des amendes prononcées
par
le
Ministre
de
l'économie
en matière d'entente et
de
position dominante,
le cas des
amendes fiscales.
Voir sur
cette question, crim.
8 fév.
1967. Gaz. Pal. 1967. I.P.254
(2) La loi du 19 juillet 1977 a considérablement renforcé les
pouvoirs de l'Administration dans le contrôle des ententes
et
positions
dominantes.
va
sur
le
régime
antérieur,
Langlois;
l'évolution des critères de licéité et le régi-
me
actuel
des
ententes
économiques,
thèse
Paris
1959
Voir J.B.
Blaise op.
cit.
p.268 et s.
(3) Aubertin-Fauchille,
op.
cit.
p.60 et s.; Y. Loussouarn et
J. Bredin op.cit.; Bouloc. Les droits de la défense en ma-
tière
de concurrence.
R.S.C.
et
dr.
pén.
comp.
1982 P.514
et s.
.. .':.

254.
Le "Tabou" de la transparence du marché libéral
(1) n'est plus
de rigueur.
Car comme nous le· disions,
cette "désacralisation"
de
la
concurrence
au
nom
de
l'opportunité
économique,
ce
"flottement" qu'on observe dans la répression des ententes il-
licites et
abus
de
position dominante traduisent la cohérence
de
la
politique
économique
menée
par
les
pouvoirs
publics
français
dans
le
sens du renforcement
des entreprises par
la
concentration
pour
la
bataille
économique
non
seulement
au
sein du Marché commun,
mais aussi sur le plan mondial.
Le
droit
pénal
économique
de
la
concurrence
a
été
conçu
en
fonction
de
cette
politique
économique,
qui
doit conduire
au
développement et au progrès social
(2).
331.
Cette
réhabilitation,
au
moins
indirecte
du monopole
(3),
par
la réglementation
"finalisée ll de la con-
currence
a,
somme
toute,
le mérite
d'endiguer
une
contradic-
tion à laquelle se heurtent les législations anti-trusts.
Il
est
en
effet,
bien
curieux
dans
la
doctrine
libérale
de
soutenir
d'une
part
que
l'Homme
doit
être
libre
d'exercer
l'activité économique qu'il
souhaite,
libre de
s'épanouir,
et
(1)
D.
Brault
la transparence
du marché ne serait-elle plus
Ta b 0 u
?
Ga z .
Pal.
1978
II
doct.
P.473
et
s.;
Glais
et
Laurent,
op.cit.
P.209 et s.
(2)
A cet égard,
G.
Pompidou,
s'opposant au Général de Gaulle
qui estimait que la Vè République pouvait "gagner la majo-
rité
des
français
avec
des
réformes
sociales
hardies
ou
novatrices
comme
11 intéressement ... ",
considérait
qu'il
"suffit d'assurer à
l'économie
des
conditions convenables
pour qu'elle assure à chacun la prospérité et le bien-être.
Permettons-lui
dit-il,
de se moderniser,
de se restructu-
rer,
de
dégager
une
masse
de
profit
suffisante
pour
les
investissements,
la
rémunération des capitaux et
la créa-
tion de nouveaux emplois et nous donnerons aux fr~nçais la
société
à
laquelle
ils
aspirent ll
cités
par
M.
Deligny,
dans "Chirac ou la fringale du pouvoir ll éd.
Moreau p.160.
(3)
En
ce
sens,
va Ph. Laurent, la légitimation de l'entente
par l'art.
85 § 3 du Traité de Rome D.1979 chr.
P.197 et s
Voir Charles Carabibier,
Trusts,
cartels et ententes.
L.G.
D.J.
1964 P.121 et s.
..

255.
d'autre part,
l'empêcher de devenir puissant en le soupçonnant
d'abuser de sa
puissance et
briser la concurrence grâce à la-
quelle il s'est élevé au-dessus des autres (1).
332.
Mais
si
encore
aujourd' hui,
les
ententes
et
les
positions
dominantes
ne
sont
pas automatiquement con-
damnées,
les pouvoirs publics,
face au développement des gran-
des surfaces, n'hésitent pas à intervenir de façon ponctuelle,
à
contre
courant
de
leur
politique
économique
initiale
pour
protéger sur certains marchés,
un processus concurrentiel pro-
che de
"II idéal
décrit
par
la théorie de concurrence de grand
nombre"
(2).
On
remarque
en
effet,
ces dernières' années,
une
certaine ri-
gueur dans la répression des ententes illicites et abus de po-
si tian
dominante
(3)
comme
en témoignent
les
nombreuses dis-
positions
légales
et
réglementaires
adoptées
depuis
le début
des années "soixante-dix".
La raison est que,
les grandes unités de production et de dis-
tribution
sont
déj à
const i tuées
(4)
et
que
désormais,
Cl est
plutôt
du
contrôle
du
fonctionnement
de
ces nouvelles
struc-
tures,
que se préoccupent les pouvoirs publics.
On voit dès lors,
le bien-fondé de l'observation de M.Pirovano
lorsqu'il écrivait que la rigueur des législations anti-trusts
est
fonction
du
degré
de
concentration atteint par l'économie
concernée
(5).
Plus
une
économie est concentrée,
plus
la
lé...;
gislation anti-trust
est
rigoureusei
notamment
parce
que les
pouvoirs privés économiques peuvent conquérir le marché inter-
national (6).
(1) J.Cl.
Muller op.
cit.
P.73.
(2) Glais et Laurent op.
cit.
P.211; VO également Calais-Auloy
la loi Royer et les consommateurs D.1974 chr.
P.91.
(3) J.P.
Brill,
le renforcement de la lutte contre les abus de
position dominante D.
1981 p.165.
(4) Pirovano A,
op.
cit.
chr.
P.151; G.
Farjat 2è éd.
op.
cit.
P.560.
(5) et (6) G.
Farjat,
loc.
cit.; Pirovano,
loc.
êit.
..

256.
Ainsi
en
France,
aujourd 1 hui,
la
tendance
générale
du
droit
pénal
économique de
la concur~~nce est plus ou moins,
suivant
les secteurs,
dans le sens du contrôle des structures économi-
ques naguère constituées sous sa banière.
B -
Le
droit
pénal
économique
de
la concurrence et
le contrôle des nouvelles structures économiques
333.
Le
contrôle
du
fonctionnement
des
structures
économiques,
en particulier,
les nouveaux réseaux de distribu-
tion
mis
en
place,
constitue
sans
doute,
le
principal
souci
qui
inspire
la
politique économique actuelle des pouvoirs pu-
blics.
Les mesures répressives qui naguère,
étaient conçues en
faveur
des
grandes
unités
de
production
et
de
distribution,
ont
aujourd' hui,
tendance
a
se
retourner
contre
elles,
pour
contrôler leurs activités,
notamment les rapports qu'elles en-
tretiennent entre elles.
La puissance économique acquise par ces grandes unités de pro-
duction
et
de
distribution,
fait
de celles-ci,
de véritables
"pouvoirs
privés
économiques"
(1)
capables de
diriger
au gré
de leurs intérêts,
des secteurs entiers de l'économie.
En
effet,
aujourd' hui,
on
observe des
intrusions des grandes
centrales
de
distribution
dans
le
secteur
de
la
petite
et
moyenne production.
De plus en plus,
des producteurs se voient
imposer des "politiques" de production comme condition à l'in-
sertion de
leurs productions dans certains réseaux de distri-
bution (2).
La craint'e de voir ces "pouvoirs économiques privés" réussir à
faire
prévaloir
leurs
stratégies
économiques
sur les
politi-
ques économiques étatiques,
amène les pouvoirs publics à tenir
compte
de
cette
éventualité
dans
le
cadre
de
leur
pol i tique
économique et pénale actuelle.
(1) G.
Farjat,
op.cit.
2è éd.
P.373 et s.
(2)
J.
Mousseron,
op.cit.
in
Sem.
Jur.
Cahiers
de
droit
de
l'entreprise,
suppl. du 17 mars 1983 P.13-14.
..

251.
334.
Le contrôle répressif des "pouvoirs privés éco-
nomiques "
s'appuie également sur des considérations socio-po-
litiques.
Le
contrôle
administrat,if
de
la
concentration éconol.uque (1 )et
11 élargissement-des
pouvoirs
de
l'Administration
dans
la ré-
pression des ententes illicites et abus de position dominante;
ne
sont
pas
étrangers
au souci
"de
protéger les
institutions
démocratiques
contre
les
pressions
éventuelles
des
puissants
intérêts privés"
(2).
L'intervention des pouvoirs publics
pour soutenir le "secteur
concentré"
dans ses
rapports avec
le
petit commerce,
rapports
qui
ont
pu être qualifiés de
"lutte de classes"
(3),
compor-
tait
le
risque
dl une désaffection du monde des petits indus-
triels et commerçants, de la politique étatique générale.
A ce
niveau,
l'intervention des pouvoirs publics est
liée
au
souci de sauvegarder un certain "ordre public social"
(4).
335. Cette tendance des politiques économiques actu-
elles
à
tenir
compte
de
considérations
socio-politiques
est
commune aux droits pénaux français et communautaire de la con-
currence.
(1) va loi du 19 juillet 1977 sur le contrôle de la concentra-
tion économique; va G.
Farjat,
2è éd.
op.cit.
P.542 et s.;
Gavalda,
le contrôle des concentrations d'entreprises Rev.
loc.
1979 p.473 et s.;
Plaisant,
le contrôle des concentra-
tions,
D.1978
P.99
et s.;
Jeantet,
la loi sur le contrôle
des
concentrations
économiques
en
France.
J. C. P.
1977 1.
2879.
(2)
F.
Jenny et A.P.
Weber:
op.cit.
P.25.
(3)
Lemoal;
Droit
de
concurrence,
op.cit.
P.4.
va également
Gridel
J.P.
Remarques de
principe
su~ l'art. 35 de la loi
du
10
janv.
197 8 relative
à
la prohibition des clauses a-
busives, Recueil Dalloz Sirey numéro du 24 juin 1984 .
.-..........
/
(4)
J.M.
Mousseron,
op.cit.,
in Sem.
Jur.
Cahiers de droit de
--'
l'entreprise,
Suppl.
du 17 mars 1983.
..
. ...

258.
En
effet,
outre
la
référence
au
"progrès
économique"
comme
--.-'
fait
justificatif
des
ententes
(1),
la volonté d'assurer des
"équilibres
sociaux"
notamment
par
le
maintien
à
côté
des
structures
modernes
de
distribution,
de
commerçants
de
type
traditionnel,
entre
en ligne de
compte dans la répression des
ententes dans le cadre Communautaire.
La
Cour
de
justice
de
la
C. E. E.
déclarait
en
ce
sens,
dans
l'arrêt METRO
(2)
"la préoccupation,
s'agissant de grossis-
tes et détaillants spécialisés,
de maintenir un certain niveau
de
prix,
correspondant
à celle du maintien,
dans l'intérêt du
consommateur,
de
la
possibilité
pour ce
canal de distribution
de subsister,
à côté de formes de distribution nouvelles axées
sur une politique concurrentielle de nature différente,
rentre
dans le cadre des objectifs qui
peuvent être poursuivis,
sans
tomber
nécessairement
sous
l'interdiction
de
l'article
85,
§ 1er, et si tel était en tout ou partie le cas, dans le cadre
deI' art icI e 8 5,
§ 3".
Ainsi,
Ille respect de l'égalité des opportunités économiques",
la survie d'activités
professionnelles en déclin
(3),
la pro-
tection
de
l'emploi
(4),
voire
plus
généralement,
la
lutte
contre
les
conséquences
de
la crise économique
actuelle
(5),
sont autant d'éléments qui entrent en
ligne de compte dans la
répression des ententes illicites et abus de position dominan-
te.
(1) vo art. 85 § 3 du Traité de Rome.
(2)
Arrêt Métro du 25 octobre'1977 Rec .. (C.E.E.)
1977.
1825.
(3)
F. Jenny et A.P.
Weber,
op.
cit.
P.25.
(4) VO loi du 19 juillet 1977 relative au contrôle de la con-
centration économique
et
à
la
répression des ententes il-
licites et abus de position dominante.
(5)
En
ce
sens,
P.
Bonassies,
op.
ci t . ,
in
études
Weill.
Dalloz-litec 1983 P.61-62.
..

259.
336.
Ce
sont

les
principales considérations
qui
guident aujourd'hui,
la commission de la concurrence dans l'é-
valuation des atteintes à la concurrence par les entreprises.
Le
bilan
économique
laissé
a
l'appréciation souveraine
de
la
commission
de· ia concurrence,
permet
à
celle-ci
de
faire
du
droit
pénal
de
la
concurrence
un
instrument
au
service
de
cette nouvelle politique économique et sociale.
Le renforcement de la répression des abus de position dominan-
te
(1)
et
l'appréciation de
plus en plus stricte des contrats
de
distribution
sélective
(2)
et de concession exclusive
(3)
témoignent de la méfiance actuelle des pouvoirs publics envers
les "pouvoirs privés économiques".
Il
faut
enfin
faire
observer
que
le soutien des
pouvoirs
pu-
blics au mouvement "concentrationniste" ne pouvait se poursui-
vre indéfiniment.
Il fallait s'attendre à ce qu'ils infléchis-
sent ce soutien en
restituant
au droit pénal de la concurren-
ce une certaine rigueur.
En
effet,
comme
l ' écrit
M.
Far j at,
"le
système
capitaliste
suppose
pour
fonctionner,
le
maintien
d'une
certaine
concur-
rence.
La libre entreprise ne peut se maintenir qu'à la condi-
tion qu'il
reste
suffisamment
de
libres entrepreneurs pour la
défendre.
La monopolisation de
tous
les
secteurs aurait toute
chance
de
porte r
en
son
se in. ..
la
nationalisation"
(4).
Ce
qui
est
contraire à
l'ordre
de
valeur que
défend la doctrine
libérale.
Le contrôle répressif du fonctionnement des nouvelles structu-
res
économiques
SI appuie
sur
la
volonté
de
sauvegarder
une
certaine conception politique de la Société (5). Mais surtout,
(1) VO J.P.
Brill op.cit.
in D.
1981 chr.
p.16S et s.
(2)
VO J.
Azéma,
la distribution sélective ou l'ambivalence du
droit
français
de
la concurrence J.C.P.
du 3 nov.
1984 nO
14089;
Selinsky
op.cit;
Mousseron
op.cit.
in
sem.
jur.
suppl.
du
17 mars
1983;
C.
Vilmart
op.cit.,
in sem.
jur.
suppl du 17 mars 1983.
(3) VO J.
Az~ma, le droit français de la concurrence PUF n0269
(4)
Farjat,
G.
op.cit.
2è éd.
P.471 in fine.
(5) VO supra, première partie, VO J.Cl. Muller op.cit. P.llS • ..

260.
i l
SI explique
par
le
souci
de
protéger la
petite et moyenne
industrie pour mainteQir un certain équilibre social
(1).
337.
De cette variation des objectifs de la politi-
que
économique,
résulte
le
caractère
instable du droit
pénal
économique unanimement remarqué par la doctrine
(2).
Les fluctuations
de
la politique économique et du droit pénal
qui
la
soutient,
ne
font
que
traduire
les
difficultés
d'un
"néo-libéralisme,
qui
veut
non
seulement
ne
pas
disparaître
mais
encore
s'affirmer,
doit
s' accomoder
de
11 influence
des
facteurs anti-libéraux. Cela le conduit à une série de "mais"
dans
la
répression
des
atteintes
à
ses
principes
fondamen-
taux (3).
Le
droit
pénal
économique
est
un droit
pluridimen -
sionnel,
et
son rôle en matière de protection de cet autre a-
gent économique qu'est le consommateur,
ne vient que conforter
cette constatation.
Paragraphe II
Droit
pénal économique et protection des
consommateurs.
338. Liés à la crise du principe de l'autonomie de la vo-
lonté consacré par l'article
1134 du code civil,
la naissance
et le développement d'un droit pénal protecteur des consomma-
teurs
traduisent
"un
échec
de
la
concurrence,
de
la
loi
de
l'offre et de la demande.
C'est parce que,
remarque M.
Farjat,
ces mécanismes dits
"naturels"
ne
jouent pas ou jouent insuf-
(1) En ce
sens,
J.
Carbonnier,
Flexible Droit op.
cit.
P.210-
211;
P.
Bonassies,
op.
cit.
P.Sl
et s.;
J.
Mousseron,
op.
cit.
in Sem.
Jur. Cahiers de droit de l'entreprise,
Suppl.
du 17 mars 1983.
(2) yo supra nO 260
et s.
(3) J. Cl. Muller op. cit. p.60.
..

'.
261.
fisamment qu'il faut
protéger
les
particuliers notamment dans
leurs relations avec les pouvoirs privés économiques Il
(1).
La naissance et le développement d'un droit de la consommation
( 2)
est,
par ai lleurs,
en
rapport
direct
avec
l' âpreté
de
la
lutte
entre
producteurs ou distributeurs dont
le consommateur
est
l'enjeu.
Livrés à
la concurrence,
les industriels et com-
merçants sont de plus en plus enclins à tromper et parfois mê-
me,
a
attenter
par
certains
produits
(3)
à
la santé ou à
la
sécurité du consommateur'.
Le droit civil étant apparu inadapté
et insuffisant pour assurer une réelle protection du consomma-
teur,
c'est au droit pénal que le législateur a recouru essen-
tiellement,
pour atteindre cet objectif (4).
L'organisation de
la protection pénale des consommateurs face aux producteurs et
aux distributeurs, constitue une extension du droit pénal éco-
nomique.
Assurant
la police des relations
contractuelles,
le droit pé-
nal
de
la consommation vise
l'instauration de la loyauté et
de la moralité (5) dans ces rapports.
339.
Le
droit
pénal de
la
consommation est par ailleurs
un facteur de développement des entreprises.
(1)
G.
Farjat, op.
cit.
P.481
'( 2)
va Pizzio, 11 introduction de la notion de consommateur en
droit français
D.
1982 chr.
P.91
et s.; Ph. Malinvaud,
la
protection des consommateurs
D.
1981
chr.
P. 49
; Bihl.
L.
vers un droit de la consommation,
Gaz.
Pal.
1974 II doct.
754;
et
la
récente
systématisation
de
M.
Calais.
Auloy,
Droit de la consommation,
Précis Dalloz 1980.
(3) va N. Guyen THANH Bourgeais, la sécurité des consommateurs
D.
1981 chr.
p.87 et s.
(4)
Pizzio,
loc.
cit.,
P.93; Calais-Auloy,
les ventes agressi-
ves D.1970. chr.
P.37.
(S)
Spiteri,
P.
Le droit
pénal
régulateur de la moralité com-
merciale in IILes frontières de la répression ll Tome l
p.269
,'-
'.
;...'
';;..

262.
En effe~,par les mesures protectrices des consommateurs, c'est
également sinon plus,
la compétitivité des entreprises qui est
visée.
L'entreprise en se pliant aux prescriptions du droit de
la consommation assure
du coup,
la
qualité de ses produits et
ainsi,
sa
compé_titivité et
sa croissance économique.
Le droit
pénal
de
la
consommation
prescrit en effet,
des mesures pou-
vant aboutir àce résultat.
On notera à cet égard,
par exemple,
les mesures relatives à la
répression
des
fraudes
et
des
falsifications
en
matière
de
produits et services,
les mesures relatives à la fausse publi-
cité,
à la santé et à la sécurité des consommateurs (1).
Mais si,en recherchant les mobiles qui sous-tendent la protec-
tion des consommateurs,
on s'aperçoit que le droit pénal de la
consommation
a
pour
finalité,
la
sauvegarde des
intérêts des
consommateurs dans la société économique actuelle
(A),
i l doit
son développ·ement depuis le début des années "soixante-dix", à
la faveur dont il jouit tant auprès des professionnels eux-mê-
mes, qu'auprès des pouvoirs publics
(B).
A - Le
droit
pénal
de
la
consommation régulateur de
la moralité commerciale.
340.
D'une
façon
générale,
l ' histoire
de
la
pensée
économique
et sociale est
caractérisée par une certaine méfi-
ance à
llégard du commerçant
et
par un désir de protection du
consommateur.
Déjà,
Platon disait trois
siècles et demi avant
notre
ère,
que
le
marchand
devait
être
contraint
de
rester
dans
la
Cité dix
jours après une
opération de vente.
Pendant
ce
temps,
disait
Platon,
11 acheteur,
informé
du
domicile
du
(1) VO les lois du 10 janv.
1978 relatives à la protection des
consommateurs
;
Cf.
NGuyen
Thanh
Bourgeais,
la
sécurité
des consommateurs D 1981 chr.
p.87 et s.;
du même auteur,
réflexions
sur
deux
innovations
de
la
loi
nO
78-23 du
10
janv.
1978 sur
la
protection et
l'information des consom-
mateurs
de
produits
et
services
D 1979 chr.
P. 15 et
s .
..

263.
vendeur,
pouvait
au
besoin
obtenir
la
rescision
de
la
ven-
te (1).
Au Moyen-Age,
la protection pénale des consommateurs préoccu-
pait
déjà
les
pouvoirs
publics.
Elle
était
réalisée
dans
le
cadre des corporations:
l'organisation des métiers,
disait-on,
exige que
"la marchandise soit si loyale que nul n'en soit dé-
çu par des
vices".
Et on punissait tous ceux qui "ont convoi-
tisé de vil
gain"
au moyen des peines inf âmantes et exemplai-
res de l'époque,
parmi lesquelles,
la redoutable exposition au
pilori.
341.
Après la Révolution Française,
la protection du
consommateur
a
trouvé
place
dans le nouvel
ordre économique.
Elle
était
assurée dans le
domaine
des
prix par
les
lois sur
la
taxation
des
prix
de
certaines
denrées
et
par
la célèbre
loi du Maximum (2).
Cette
méfiance
à
l'égard du commerçant ne s'est
jamais atté-
nuée.
Au contraire, dans la société économique actuelle dite "socié-
té de consommation", cette suspicion s'est accrue légitimement
avec
l'apparition
des
grandes
unités
économiques
qui,
sous
prétexte
de
mieux
satisfaire
la demande" par une diversifica-
tion de la production,
se livrent à des "manoeuvres" tendant à
tromper
le
consommateur non seulement dans ses choix mais en-
core,
dans
ses besoins
(3).
La fonction du droit pénal écono-
mique,
en
l'espèce,
est de
réprimer
ces manoeuvres de plus en
plus croissantes face à la faiblesse du consommateur lorsqu'il
agit seul avec certains commerçants et industriels.
(1) Plato n,
les
lois.
Chap.
XI
cité
par
A.ndré
Cambiaire
in
"les
moyens
judiciaires
et
parajudiciaires
de
la protec-
tion des consommateurs
"Colloque à
la faculté de droit et
des
sciences
économiques
de Montpellier du
10 au
12 Déc.
1975·
(2) R.
Ottenhof, La protection des consommateurs en droit com-
paré,
Rev.
intern.
de dr.
pén.
1982 P.369.
(3) va Decaillot M. et autres "Besoins et mode de production:
du
capitalisme
en
crise
au socialisme"
éd.
sociales
1976
va introduction P.7 et s. Voir également P.17 et s.

264.
Comme
l'indique
la
circulaire
Fourcade,
" p l us la compétition
conduit
les
entreprises
à
i;'aîre preuve d'imagination et dl a-
gressivité, plus il est nécessaire que des contre-poids jouent
au bénéfice des consommateurs et
leur permettent d'intervenir
sur le marché en agents économiques éclairés".
342.
Le
premier
texte
français
important en matière
de
protection
des consommateurs,
fut
la
loi
du
1er août
1905
sur la r€pression
des fraudes en matière commerciale.
Après ce texte,
plusieurs autres ont
été adoptés en faveur des
consommateurs.
On citera à
cet égard,
la loi
du
19 août
1936
(1),
le décret
du 9 septembre
1939 portant réglementation des
prix (2),
la loi du 21 octobre 1940 (3) et surtout l'ordonnan-
ce 45-1483 du 30 juin 1945 qui contient des dispositions péna-
les protectrices des intérêts des consommateurs.
Mais
c'est
à
partir des
années
"soixante"
que
le
législateur
français
est
intervenu de
façon
spécifique dans l'activité é-
conomique pour protéger ls consommateurs face
à l'agressivité
des entrepreneurs (4).
On peut noter en ce sens,
le décret du 9 février 1961 qui in-
terdit
la vente
par envoi
forcé,
la loi du 9 février
1961 qui
interdit
la
publicité
mensongère,
l'arrêté
du
16
septembre
1971
qui
impose
aux
commerçants
l'étiquetage obligatoire,
la
loi du 22 décembre 1972 relative a la protection des consomma-
teurs contre
la vente à domicile,
la loi Royer du 27 décembre
(1) VO supra,
nO
214 et s.
(2) VO supra nO
217 et s.
(3) VO supra,
nO
217 et s.
(4)
VO Calais_ Auloy,
les ventes agressives,
op.
cit.
P.37
;
la
loi
sur
le démarchage à
domicile et
la
protection des
consommateurs D.
1973 chr.
P. 226
;
Delmas-Marty,
le droit
pénal de la vente D.
1973 chr.
P.324 et s.
..

265.
1973
qui
contient
de
nombreuses
dispositions
visant
la
pro-
tection des consommateurs (l).
Cette
loi
réprime
la
publicité mensongère
(2),
la
vente
avec
primes
(3)
et donne droit aux associations de consommateurs de
se constituer partie civile dans la répression des infractions
aux
mesures
protectrices
des
consommateurs
(4).
La
loi
Royer
offre ainsi la possibilité à un organisme d'intervenir dans le
procès
pénal
possibilité
que
dl ordinaire
la
jurisprudence
n'admet
que
de
façon
très
restrictive.
Cette
loi
marque
une
étape importante dans la protection pénale des consommateurs.
343.
Ma i s c ' est surtout, certaines ciispositions repressives
,des :tois nO 78-22 et nO
78-23 du 10 janvier 1978 relatives à 'la
protection et à
l'information des consommateurs dans
le domai-
ne
de
certaines
opérations
de
crédit
et
sur
la:
protection
et
l'information
des
consommateurs
de
produits
et
serv ices,
qui
ont
apporté
au
droit
pénal
de
la
consommation
une
efficacité
théorique
beaucoup
plus
grande
(5).
Ces
textes
en
prenant
en
compte
la
sécurité
et
la
santé
du
consommateur,
franchissent
un
pas
décisif
dans
la
protection
des
consommateurs
en
tant
qu'agent économique autonome.
(1) VO art.
45 de la loi Royer.
VO
sur cette loi,
Calais-Auloy
la loi Royer et les consommateurs.
D.
1974 chr.
P.91 et s.
(2) Cf.
art.
44 Loi Royer du 27 déc.
1973.
( 3) Cf.
art.
40 al.
1 loi Royer
(4) Cf.
art.
45 Loi Royer.
Voir avant cette loi,
crim.
22 janv
1970
D.
1970
P.116
note
Costa,
qui
admet
la
constitution
de
partie
ci vile
à
l'association
de
consommateurs.
Sur
l'hostilité des juges à cette
"action civile"
au pénal.
VO
Vassas,
R.
"L' action civile
des
associations
de consomma-
teurs",
Gaz.
Pal.
19831. doct.
p.160 et s.
(5) va Roubach,
la loi du 10 janvier
1978 . . .
Gaz.
Pal.
1978 II
doct.
P.382 J.C.
Fourgoux,
"la publicité mensongère modèle
78
une
loi,
quinze
années
dl application,
deux réformes"
Gaz.
Pal.
1978 I I
doct.
P.554
et s.;
G.
Raymond,
"la pro-
tection du consommateur dans les opérations de crédit" Gaz.
Pal.
1978
II
P.556;
N.Guyen
T.
Bourgeais
op.
cita
Dalloz
·du
12
avril
1984.
J.P.
Gridel
op.cit.
Dalloz
nO
25
du
28
juin 1984.
e.

266.
Mais
si
l'on peut
se
réjouir
de
voir
enfin un
droit
pénal
de
la
consommation
de
portée
générale
avec
les
lois
de
1978,
on
ne peut que s'étonner devant la
"jeunesse" du droit de la con-
sommation
par
rapport
à
la
"vieillesse"
du phénomène du
"con-
sumerism"
(1).
--
344.
En
réalité,
l'apparition d'un droit
pénal de la
consommation
est
liée
à
celle
des
grandes
unités
économiques
dans le secteur de la distribution et surtout,
i l doit
son dé-
veloppement
à
11 adhésion
de
ces
grandes unités
de
production
aux mesures protectrices des consommateurs.
En
effet,
si
le
droit
pénal
de
la
consommation
a
pu
se
déve-
lopper,
c'est qu'il est,
en dehors de quelques mesures spécia-
les
(2),
favorable
au
secteur
concentré
dont
la
protection,
comme
nous
l'avons
dit,
entre
dans
le
cadre
de
la
politique
économique
dl ensemble
des
pouvoi rs
publics
français
au
cours
de ces dernières décennies.
Ceux-ci,
ne se préoccupent
réelle-
ment
de
la
protection
des
consommateurs
que dans la mesure où
elle
entre
en harmonie
avec
leur
stratêgie économique dans le
sens
de
la
concentration
(3).
Comme
le
disait
en
ce
sens
M.
Gauthier,
lors
des
discussions
parlementaires
sur
la
loi
du
19
juillet
1977
(4),
la
"conquête
des marchés extérieurs pou-
(1)
Ourilac,
le
passé
du
consumerism,
in
Annales de lluniver-
si té
des
sciences
économiques
de
Toulouse,
Tome
XXVII,
1979,
P.
217 et s.
(2)
Nous
pensons
aux
mesures
relatives
à la sécurité des con-
sommateurs
de
certains
produits,
et
dans
une certaine me-
sure,
des
dispositions
relatives
à
l'information
du
con-
sommateur
dans
certaines
opérations
de
crédit
(loi
du
10
janvier 1978).
(3)
Aujourd 1 hui,
on
emploie
volontiers
le
terme
"modernisa-
tion"
pour
exprimer
bien
souvent,
le
renforcement
de
la
compétitivité
internationale
des
entreprises
nationales
par "la concentration capitaliste",
(4)
Loi
relative
au
contrôle
de
la
concentration
et
à
la
ré-
pression des ententes i l l i c i t e s et abus de positions domi-
nantes.
.,

267.
vait
légitimer
une
moindre
protection
du consommateur natio-
nal (1).
345.
On peut également noter la politique "p~rmissive"
des ententes en faveur
de
la
conce~tration des moyens de pro-
duction et
contre
les
intérêts des
consommateurs.
La finalité
essentielle
du
droit
pénal
de
la concurrence
comme
nous
l ' a-
vons
vu,
est
Il une
mission
de
service
public
économique"
( 2)
plus,
dans
l'intérêt
de
certains concurrents,
que
dans celui
des consommateurs.
La concurrence ne
protège
pas le consomma-
teur en tant
que tel.
Sa
protection n'est pas une finalité du
droit pénal économique de la concurrence actuelle.
La
concurrence
"protège
les
intérêts
des
consommateurs,
ce
n'est donc pas parce que cette protection est une fin en elle-
même,
mais
parce
qu'elle constitue,
comme
nous le verrons,
un
moyen pour
protéger l'intérêt de
l'entrepreneur
par la sauve-
garde de son droit à la clientèle"
(3).
Moins encore,
la
loi Royer
qui
est présentée comme un instru-
ment
juridique
pour
la
protection
du
consommateur
face
aux
grandes surfaces,
est en réalité une loi qui a essentiellement
pour fonction la protection du petit commerce
(4).
( 1) Intervent ion
de
M.
Gauthier,
in
le
rapport de
la
commis-
sion
spéciale
de
le
Theule,
doc.
de
l ' Ass.
Nationale
nO
2954.
VO
Farjat,
op.
cit.
P.481;
Dans le même sens,
un A-
vis
de
la
direction générale des
impôts
pour
la
prépara-
tion
du
projet
de
réforme
fiscale
en
Fév.
1968,
estimait
"qu'au cours des trois dernières années,
de nombreux chan-
gements
sont
intervenus.
Pour
l'essentiel,
la
politique
fiscale
s'est résumée
à
un transfert massif et nécessaire
des
charges
au
profit
de
l'entreprise
et
aux
dépens
des
particuliers personnes physiques ou consommateurs (Deligny
op.
cit.
P.195)
;
En quoi Saint-Simon avait vu juste lors-
qu'il disait que les capitalistes,
syndicalistes et cadres
faisaient
cause
commune
contre
les
consommateurs
(H.B.
Acton op.
cit.
P.59).
(2)
Lemoal op.
cit.
p.184.
(3)
E.
Polo
Sanchez
"Perspecti ves
pour
la
protection du con-
sommateur
en
droit
privé",
in Ann.
Toulouse T.XXVII
1979
p.108-109.
(4)
Calais-Auloy,la
loi
Royer
op.cit.
P.91
et
s.
(spéc.
2ème
partie) .
..

268.
Les
textes
du droit pénal
de
la consommation qui,
à
première
vue,
ne protègent que le con~ommateur, sont en réalité,
inves-
tis d'autres
fonctions
dans
le
cadre
de la politique économi-
que des pouvoirs publics.
B - Les
véritables
fonctions
du
droit
pénal
de
la
consommation.
346.
La
protection du consommateur n'est
pas,
en de-
hors
de
certaines
mesures
protectrices
de
sa
santé
et de
sa
sécurité,
de son consentement
(1),
la finalité ultime du droit
pénal de la consommation.
En
effet,
la
plupart
des
mesures
dites
de
droit
pénal
de
la
consommation ne protègent le consommateur qu'indirectement,
en
règlementant le cadre de l'activité commerciale (2).
Le
droit
pénal
de
la consommation est
avant
tout,
un
instru-
ment
de
la
protection
des
biens
incorporels
de
l'entreprise
(a)
en même
temps qu'il
est
une "pièce de la stratégie écono-
mique des pouvoirs publics"
(3),
(b).
a - ~~_ .9-!_oi-.!-__~~~~l__ ~~_ }!'__~~~~o~~~~~~~, __~I!. _!~~=
!: ~~~~~!: _~~__l!,_ y.:_o_t_e_c_tJ_o_n__<!e_~ _~~~I!.~ _!~~~~p~=
~~!~-~~_!~~~!:~~p~!~~:
347.
Les
textes
de
droit
pénal
de
la consomma-
tion
ont
toujours
eu
l'adhésion
des
entrepreneurs
eux-mêmes,
s'ils n'en sont pas les principaux instigat~urs.
(1) yo
Lois
nO
78-22
et
78-23
du
10
janv.
1978 op.
cit.;
yo
Roubac
op.cit P.382;
N'Guyen Than Bourgeais, op.
cit.
in
Dalloz
du
12 avril
1984
J .. p Gridel op.cit.
in Dalloz du
28 juin 1984.
(2)
Serlooten:les nouvelles
orientations
de
la protection des
consommateurs en droit privé français 1n Ann.
de l'Univer-
sité de Toulouse 1979 P.137 et s.
(3) G.
Farjat,
op.
cit.
2è éd.
P.481.
..

269 ..
Clest qu'en réalité, ces textes répressifs assurent avant tout
la discipline sur le marché.
En
effet,
l'élimination
des
tromperies
dans
les transactions
commerciales (1),
la réglementation de la publicité (2)
ou en-
core celle des méthodes marginales de vente (3) ont pour effet
direct de favoriser la transparence de l'offre des produits et
des services faites sur le marché (4).
Par exemple
'protéger les consommateurs contre telle forme de
vente
(5),
Cl est
avantager
les
commerçants
qui
ne
la
prati-
quent
pas
(6)
de telle
sorte que
le consommateur apparaît
non comme l'objet de
la protection mais comme un sujet passif
de
celle-ci.
(1)
Pigassou, P.
"fraudes" in ency. Dalloz répert.
dr.
commer-
cial.
(2) Calais-Auloy,
les ventes agressives,
o~. cit. D 1970 P.37.
( 3)
Delmas-Marty,
le
droit
pénal
de
la
vente,
op.
ci t.
chr.
P·323·
(4)
En ce sens,
Pizzio,
op.
cit.
P.93.
(5)
De nombreuses dispositions de droit
pénal de la consomma-
tion interdisent ou règlementent certains procédés de ven-
te
essentiellement
dans. 11 intérêt
des
entrepreneurs' eux-
mêmes~ Ce sont: loi du 20 mars 1951, loi du 29 déc. 1972,
loi du 5 mai 1974 (vente avec primes);
loi du 21 mai 1836,
modo
décret du 16 janv.
1962 ; art.
410 C.P.
(vente au dé-
ballage,
par
envoi
forcé)
YO
sur. ce
point,
L.
Bihl,
la
vente par correspondance, Gaz.
Pal.
1974 doct.
P.533 et s.
J. F.
Artz
"la prohibition des envois forcés" D.
1975 Chr.
P.129 ; Lois du 5 nov.
1953 (vente à boule de neige)
; ord
du
30 juin
1945 et
loi du
1er
juillet
1963
(vente
à per-
te)
; loi du 22 déc.
1972, voir J.P.
Doll et H.
Guérin,
le
démarchage
et
la
vente
à
domicile
J.C.P.
1973
nO
2524
(vente
à
domicile).

également,
J . P .
Doll,
la
règle
P.73 ; loi du 10 janv.
1978 (vente à crédit).
Pour la syn-
thèse,
YO
Delmas-Marty,
op.
cit.
D
1973
chr.
P.323
(le
droit pénal de la vente).
( 6) G. Far j a t
op.
ci t.
P. 48 1 in fin e .
..

270.
348.
Le
droit
pénal
de
la vente
(1)
peut
à cet
égard,
s'inscrire dans le droit de
la concurrence déloyale et
illicite.
Dans
une
société

la
liberté
commerciale
est
de
règle,
toute entreprise est en permanence exposée à la concur-
rence de
ses rivales qui ~herchent à conquérir les mêmes mar-
chés.
Il
s'ensuit que chacune
d'elles essayera de mieux faire
connaître ses produits aux consommateurs par
la publicité.
Et
parfois,
celle-ci
ne
va pas sans porter atteinte de façon il-
licite,
à
ses
concurrents.
Il
est
donc
nécessaire
de
lutter
contre la publicité mensongère
(2).
Les mesures prises à cet effet,
bénéficient aux consommateurs.
Mais elles tendent
avant tout
à instaurer une police économi-
que
dans
l'intérêt
des
commerçants eux-mêmes.
Cela est d' au-
tant plus vrai
que,
c'est eux seuls qui disposent de l'action
en
concurrence
déloyale
fondée
sur
les
artic les
1382 et
1383
du Code Civil.
349.
En conclusion,
on peut observer que la pro-
tection du consommateur se réalise
dans une très large mesure
par la protection des éléments incorporels de l'entreprise in-
dustrielle
ou
commerciale.
Dans
la
protection des marques de
fabrique,
des
dessins
et
modèles,
(3),
le
consommateur
peut trouver un certain intérêt, notamment celui d'être assuré
de
ne
pas
être
trompé
dans
son
choix par des usurpateurs et
contrefacteurs.
Mais si l'intérêt du consommateur est souvent mis en avant par
certains
auteurs
(4)
comme
fondement
de
la
protection
des
(1) Delmas-Marty,
le
droit
pénal
de
la
vente
D
1973
chr.
P.323 et s.
(2)
yo
J. C.
Fourgoux
:1 Concurrence et droit pénal économique.
op.
cit.
P.273,
voir spécialement page 274 "publicité sous
la marque d'autrui".
Gaz.
Pal.
19811. doct.
P.273 et s.
(3) yo supra,
nO 89 et s.
(4) Yves Saint-Gal,
op. cit.
In mélo
Bastian P.75 et s.
..

271.
droits de propriété industrielle,
il faut remarquer que toutes
ces règles protectrices sont.pênsées suivant l'optique profes-
sionnelle.
Le
consommateur est en général
protégé en tant que
client de
l'entreprise.
La
clientèle constitue l'un des prin-
cipaux élément& du patrimoine de
l'entreprise
commerciale.
La
protection de la propriété capitaliste est au coeur de la plu-
part
des
mesures
du
droit
de
la
consommation.
Comme
nous
le
disions,
cette
idée et d'autant
plus
juste que les actions en
concurrence déloyale pour,
par exemple,
la publicité mensongè-
re
visant
la
marque
d'autrui,
sont
laissées
exclusivement
à
l'initiative
de
l'entreprise
propriétaire
de
la marque
alors
que
l'infraction porte autant
atteinte aux
droits des consom-
mateurs qu'à ceux de l'entreprise (1).
Elément régulateur de la discipline dans·le secteur de la dis-
tribution,
le
droit
pénal
de
la
consommation
est
aussi
"une
pièce de la stratégie économique des pouvoirs publics"
(2).
b
-
~~_~~~~~_p~~~!_~~_!~_~~~~~~~~~~~~_~~~~_p~~~~
~~_~~_~~~~~j$j~__~~~~~mj_~~~_~~~_~~~~~~~~_p~:
blics"
350.
Pièce de la stratégie des pouvoirs publics,
le droit pénal de la consommation
s'intègre dans la politique
de la concurrence
(3).
Dans ces deux matières -droit pénal de la concurrence et droit
pénal de la consommation-,
la protection du consommateur n'est
pas
l'objectif principal
en dépit de la place primordiale qu'
on lui accorde dans la théorie économique libérale (4). Aujourd'hui
on
pense
d' abord
au
maintien
de
la
stabilité monétaire,
à
la
(1) VO supra,
nO 88
(2) G.
Farjat.
Droit économique,
op.
cit.
P.481.
(3)
Farjat op.
cit.
P.481
(4)
J.
Hémard,
Droit de
la
concurrence et protection des con-
sommateurs.
Gaz.
Pal.
1971 II Doct.
P.575,
qui montre dans
quelle mesure
l'intérêt
des
consommateurs est
sauvegardée
par le droit de la concurrence.
..

272.
lutte contre
l'inflation,
a l a garantie
de l'innovation et du
progrès
économique
(1),
a
la conquête
des marchés extérieurs
(2) avant de se préoccuper de la situation des consommateurs.
Le droit
pénal
de la consommation est,
comme celui de la con-
currence,
un moyen d'action économique.
Il
suffit,
à cet égard,
de
relever l'effet "concentrationnis-
te" de certaines incriminations du droit pénal de la consomma-
tion conformément aux voeux des pouvoirs publics.
En effet,
en imposant
aux
industriels et aux commerçants,
des
obligations et comportements précis sur
le marché,
les incri-
minations
du droit
pénal
de
la consommation favorisent le dé-
veloppement
de
ceux,
des
industriels et
commerçants,
qui sont
à
même
de
supporter ces
charges
et ceux-là,
sont les grands
réseaux de distribution.
De l'avis de œentains auteurs (3),
Les droits
pénaux de
la
concurrence et de la consommation Qnt
en ce sens,
permis
le développement des grandes unités écono-
miques.
351.
Il
a
fallu
attendre
les années
"soixante-
dix"
pour
voir
les pouvoirs
publics,
sous la bénédiction des-
quels
se
sont
réalisées
les
grandes
concentrations
économi-
ques,
se
démarquer,
d'ai lIeurs
légèrement,
de
leur
politique
économique initiale,
pour veiller à ce que celles-ci n'abusent
pas
trop
de
leur pouvoir
économique.
C'est au
cours de
cette
décennie,
que la protection des consommateurs et du petit com-
merce
sensibilisera
les
pouvoirs
publics.
Mais comme
le
note
M.
Farjat,
"l'objectif
concentrationniste
n'est
jamais
perdu
de
vue
et
les
pouvoirs
publics
conservent
le
contrôle de
la
plupart des protections du consommateur"
(4).
(1) yo Delvolvé,
la protection des consommateurs par la règle-
mentation
de
la
concurrence et des
prix,
Annales de
Tou-
louse op.
cit.
1979 p.83 et s.
(2)
Cf.
la déclaration de M.
Gauthier
op.
cit.;
Dans
le même
sens,
mais de façon plus générale,
M.
G. d'Estaing en 1971
déclarait à
"Europe 1" le mercredi
22 septembre que
"quand
on a le souci de savoir quelle doit être la ligne économi-
que
et monétaire de
la
France,
on ne peut pas se préoccu-
per des problèmes internes" H.
Deligny op.
cit.
p.188
(3) G. Farjat op. cit. P.483.
..
(4) G. Farjat, loc. cit.

'.
273.
CONCLUSION DE LA SECTION l
352.
Le droit pénal économique a
survécu à la disparition
des évènements (1) qui l'ont mis en évidence.
Il a seulement changé de physionomie en se débarassant des
"réactions
nerveuses"
qui,
pendant
la
guerre,
le
caractéri-
saient.
Le droit pénal économique français contemporain plus serein,
à
l'image
de
la
conjoncture
économique
qu'il
régit,
apparaît
comme un instrument juridique ayant des fonctions multiples.
D'abord,
en imposant une
certaine concurrence,
le droit pénal
économique contemporain vise
avant tout
la restructuration de
l'économie nationale.
Nous avons pu apprécier à cet égard,
l'action des pouvoirs pu-
blics en faveur de la concentration, notamment dans le secteur
de la distribution.
L'appréciation du bilan économique laissée
à la Commission de la concurrence a permis à cet organisme po-
litico-administratif d'opérer une sorte de sélection,
une dis-
crimination fonctionnelle,
finalisée,
visant la concentration.
Ce
fait
justificatif
que
constitue
le bilan économique appa-
raît
comme
le
levier de
commande de cette politique économi-
que.
L'objectif
visé,
à
travers
le
bilan,
est
de
rendre
les
entreprises nationales compétitives sur
le marché internatio-
nal.
Par ce biais,
on obtiendra
l'équilibre de la balance des
paiements,
ce qui constitue un gage de la stabilité monétaire,
de
la prospérité économique et,
au bout du compte,
du bien-ê-
tre social.
353.
La
mise en oeuvre
du droit économique de
la
concur-
rence
et
même à certains, égards,
de celui
de la consommation
est
soumise
à
cet
impér'atif
qui
explique
la
sélection
dans
l'interdiction
des
ententes
et
positions
dominantes
qui
par
, /
(1) Les guerres,
les crises économiques,
les pénuries . . . .

'.
274.
ess.ence,
sont contraires à la concurrence.
ilL' utilité commune . . .
justifie qu'on malmène quelques libertés"
(1).
Mais nous avons
également
vu
que
si
les
pouvoirs
publics
interviennent
pour
réduire
les excès
de
la concurrence en faisant une répression
sélective,
ils interviennent aussi,
lorsque la concurrence est
Il insuff isante ",
lorsqu' il Y a
abus
de pouvoir privé dans 11 é-
conomie.
Dans
ce sens,
les pouvoirs publics imposent une cer-
taine
concurrence,
celle
qui,
somme
toute,
est indispensable
au fonctionnement du système capitaliste moderne.
354. Le droit pénal économique est donc une arme juridique
polyvalente utilisée au gré de
la conjoncture économique.
Son
inefficacité dont fait écho la doctrine est en fait,
parfaite-
ment
voulue
par
les pouvoirs
publics qui,
par le bilan écono-
mique,
opèrent
une
discrimination
d'opportunité
économique
dans la répression des ententes et positions dominantes.
SECTION II
DROIT
PENAL ECONOMIQUE ET POLITIQUES SOCIALISTES
D'EXPANSION ECONOMIQUE.
355.
Dans
les
pays
socialistes,
les changements économi-
ques
et
sociaux liés à
l'expérience plus ou moins
réussie du
socialisme
a
nécessité
des
changements
corrélatifs
dans
les
techniques de planification et de gestion de l'économie.
On a remarqué que le système de planification du "sommet" qui,
subordonnent
les entreprises aux organismes d'Etats,
n'encou-
rageait
pas
les dirigeants des
entreprises nationales à pren-
dre
des
initiatives créatrices et_d~s risques,
par crainte de
se voir infliger des sanctions pénales en cas d'échec.
(1)
Y.
Loussouarnet
J.
Bredin
op.
cit.
D 1963
chr.
P.33·
",f ' ~.":' '.

275.
Par ailleurs,
la soumission absolue des unités de production à·
la tutelle étatique a été également dénoncée comme freinant la
productivité, le développement intensif de l'économie.
Aussi,
plusieurs
innovations
ont-elles
été
apportées
depuis
une
quinzaine d'années dans
le
système de planification et de
gestion des entreprises socialistes
(Par.
1).
Ces innovations
ont produit des effets sur le droit pénal économique socialis-
te.
Celui-ci ne vise plus absolument à assurer le respect des fon-
dements économiques du socialisme.
Il est désormais au service
des politiques socialistes de développement intensif
(Par.
II).
Paragraphe l
Des innovations
dans le système de gestion
et de planification économique.
356.
Ces
innovations
ne
peuvent être saisies que
si
l'on
sait quelle était avant elles,
la situation qui prévalait dans
le système de gestion et de planification socialistes.
Jusqu'au début des années
II s oixante",
la planification en
Union Soviétique était conçue par les organes centraux de l'E-
tat qui déterminaient de façon
péremptoire
les obj ecti fs éco-
nomiques nationaux et par rapport à ceux-ci,
les objectifs im-
pérativement prescrits aux unités de production.
Celles~ci n'avaient aucune liberté, le principe de la planifi-
cation
à
cette
époque,
considéré
comme
Il consubstantiel
et
presque immanent ll
(1),
s'imposant à elles.
Les
entreprises
ne
fonctionnaient
que· sous
les
ordres
venant
de l'Administration économique centrale.
A partir
de
1964-1965,
des
réformes
allaient
intervenir
dans la technique de la planification.
(1)
Naville
P.
La réforme de
la planification,
ses sources et
ses conséquences,
in Annuaire de l'U.R.S.S.
1965 p.3-4.
...

276.
De la planification du
Sommet, c'est à dire,
par les organes
centraux
de
l'Etat,
on
est
passé
à
une
planification
de
la
base,
c'est à dire à parti~ des plans des entreprises.
357.
Pour
l'essentiel,
la
réforme
avait conduit à
trans-
former les objectifs quinquenaux du Plan,
qui constitue un ca-
dre rigide à la production comme à la consommation sociale,
en
une
Itloi-programmelt
en
un
vecteur
plus
efficace
qu'un
but
fixé
( 1 ) .
Cette modification de
la technique de
planification a emporté
celle du système de gestion de l'économie socialiste.
En
effet,
la raison
immédiate de
la
réforme du système de
la
planification
est
dl accorder
aux
entreprises
une
autonomie
opérationnelle et croissante
(2).
Celle-ci
a
abouti
quelques
années plus tard,
à
la
reconnais-
sance
aux
entreprises,
une
autonomie
juridique
et
économi-
que (3).
Les aménagements ultérieurs du
système de planification et de
gestion ont maintenu le principe de l'autonomie.
Mais plusieurs
instances de
contrôle
les unions industriel-
les
(4)
et
les
brigades
(5),
ont
été
créées
pour
servir
de
contre-poids à cette autonomie.
L'autonomie juridique et économique reconnue aux unités de
production,
impose
à
celles-ci
la nécessité de se
rentabi li-
ser,
de
réaliser
des
bénéfices
en
réglant
elles-mêmes
leurs
opérations de marché.
(1) Naville P.
op.
cit.
P.4
( 2) Ibid
(3)
VO
Tamas
Sarkozy,
l'amende
économique,
in
Ann.
de
l'URSS
1974.
P.67; VO Blabojevic,
les formes juridiques de la di-
rection de l'économienationale,
in introduction aux droits
socialistes.
Budapest 1971 P.588.
(4) Legrand M.
Les unions industrielles en URSS.
1973-1979.
in
Revue
d'études
comparatives
Est-Ouest.
Vol.11
1980
N°2
P.71 et s.
(5) Gawronski,
Les aménagements du système de planification en
URSS sous Andropov et Tchernenko.
Rev.
d'études comparati-
ves,
loc. cit. Vol.
16,1985 nO
1 P.21 et s.
..

277.
On
a
pu à
cet
égard,
quali fier
le
système socialiste actuel,
de' "socialisme de marché"
(1).
358.
L'évolution des techniques de
la planification et de
gestion de
l'économie
a
nécessité une
révision des droits pé-
naux économiques socialistes.
En effet,
le droit pénal économique en vigueur dans le système
de planification et de gestion centralisé et monolithique,
qui
ne reconnaissait pratiquement aucun pouvoir aux chefs d'entre-
prise,
ne
pouvait plus
régir efficacement
les rapports écono-
miques dans
le nouveau système de gestion qui accorde aux en-
treprises,
la
personnalité
morale
et
l'autonomie
financiè-
re.
Désormais
donc
les entreprises sont devenues des su-
jets de droits et d'obligations.
Elles
peuvent dans leurs ac-
ti vi tés,
passer
des
contrats
les contrats économiques
(2),
avec d'autres entreprises socialistes.
Elles
peuvent,
dans la
formation
ou
dans
l'exécution
de
ces
contrats,
engager
leur
responsabilité civile et pénale (3).
Gawronski,
Les aménagements du système de planification en
URSS sous Andropov et Tchernenko,
op.
cit.
P.21.
( 2 )
VO
Andrzej
Rembielinski
:
le
contrat économique dans l'é-
change socialiste.
In ann.
de l'URSS 1979-1980.
P.253 et s
Marina Ghecia
: la nouvelle réglementation des contrats é-
conomiques.
in
ann.
op.
cit.
1979-1980 P.225 et
s.
André
Meerpoel
la
nouvelle
règlementation
de
l ' obligation de
contracter en R.D.A.
Ann
(op.
cit)
1979-1980 P.109 et s.;
V.
Laptev
l'accroissement
du rôle
du contrat économique
en U.R.S.S.
in Ann.
1976-1977.
P.223 et s.
(3) Sarkhozy. T : l'amende écunomique,
in Ann.
1974 p.67 et s.
Khalil Sobhy op.
cit.
P.109 et suivantes.
•.

278.
Paragraphe II
Droit
pénal
économique
et
politiques
so-:-
cialistes de "développement intensif"
(1).
359.
Du
point
de
vue
juridique,
en
particulier
en
droit
pénal économique,
ces changements ont entraîné des réformes au
niveau
des
conditions
de
la
responsabilité
pénale
des
chefs
d'entreprise.
On peut décelèr deux tendances
apparemment opposées, mais qui
en réalité,
se complètent.
L'autonomie juridique et économique
a
entraîné
l'élargissement
des
cas
de
responsabilité
pénale
des chefs d'entreprise.
Elle a eu pour conséquence l'élaboration d'un système de res-
ponsabilité pénale sanctionnant les abus des chefs d'entrepri-
se que cette autonomie
peut entraîner d'une part pour la pla-
nification
centrale
(A)
et
d'autre
part,
pour
les
intérêts
économiques spéciaux des entreprises autonomes (B).
A - La
planification
centrale
et
l'élargissement
de
la
responsabilité
pénale
des
chefs
dl entreprise
dans le nouveau système de gestion économique.
360.
Dans
11 ancien
système
de
gestion de
l'économie
soc ial iste,
la
responsabi 1 i té
pénale
des
di rigeants
d' entre-
prise n'était concevable qu'autant que ceux-ci avaient désobéi
ou
méconnu
sciemment
ou
inconsciemment,
les
instructions
de
l'Administration économique centrale.
Mais
aujourd 1 hui,
avec
l'autonomie
accordée
aux
entreprises,
on
peut
craindre que
les chefs de
ces unités économiques
ne
privilégient
les
intérêts
des
entreprises
qu'ils dirigent
ou
leurs
intérêts
personnels,
sur
ceux
de l'Administration cen-
trale de l'économie.
(1) Nous préférons cette expression "développement intensif" à
"expansion
économique".
Par
opposition
au
"développement
extensif" c'est à dire la collectivisation,
l'accumulation
socialiste,
le
"développèment
intensif"
correspond
à
la
pol i tique
soci al iste
actuelle
en
faveur
de
la croissance
de la production,
de la lutte contre la pénurie.
..

279.
Aussi peut-on remarquer dans les législations pénales économi-
ques socialistes,
un ensemble de mesures qui ont pour fonction
de
neutraliser
chez les chefs d'entreprise,
d'éventuelles in-
clinaisons
à
abuser
des pouvoirs
qui
leur
sont
reconnus
dans
le nouveau système de gestion pour nuire aux intérêts économi-
ques
généraux.
C'est
pourquoi
l'accroissement
de
l'autonomie
des
entreprises
a
eu
comme
conséquence,
le
renforcement
du
contrôle de l'activité des dirigeants d'entreprise.
Ce contrô-
le
repose
sur
11 instauration
au
moyen
de
sanctions
pénales
d'une discipline professionnelle.
La liberté économique est donc
en
rapport dialectique ·avec le
contrôle répressif des chefs d'entreprise: le contrôle contre
la
liberté.
Il
s'agit
dl instaurer
la
'transparence
dans
la
gestion des unités économiques
(1).
361.
La
menace
des
sanctions
pénales apparaît comme
un
contre-poids,
un
garde-fou de
la
liberté
octroyée
aux en-
treprises.
Elle répond au souci d'assurer une bonne gestion au
niveau
des
entreprises
et de
canaliser
leurs
efforts vers
la
réalisation des objectifs désignés dans le Plan général.
Outre
les
chefs
d'entreprises,
les
personnes
visées
par
le
contrôle
sont,
comme
le
préc ise
11 article
170
du
code
pénal
soviétique,
celles
qui
occupent
d'une
manière
permanente
ou
temporaire dans les services ou les organisations étatiques ou
sociales ou dans
les entreprises,
des
fonctions dans lesquel-
les leur sont confiées des tâches d'organisation ou dlordonna-
teurs ou des tâches d'ordre économique.
Ainsi,
invariablement dans tous les pays socialistes,
des dis-
positions
de
droit
pénal
économique
sont
adoptées
pour sévir
contre
les
infractions
à
la
discipline
économique.
Certaines
de ces dispositions ont
pour but
de permettre à l'Administra-
tion
économique
d'effectuer
son
contrôle
sur
les
dirigeants
(1)
VO
M.P.
Cana pa
Autogestion
et
pouvoir
en
Yougoslavie,
Revue d'études comparatives Est-Ouest.
Vol.
14.
1983 nO 4
P.S et suivantes.
..

280.
d'entreprise.
Elles ont
précisément pour
fonction d'éviter ·le
sacrifice des
intér~ts du Plan· Central à ceux des éntreprises
autonomes.
362.
Dans cette optique,
l'article
213-c du code pé-
nal
Yougoslave
punit
le
responsable d'entreprise
qui,
en vue
de
procurer
un
avantage
patrimonial
illégal
à
l'entreprise à
laquelle
il
appartient.,
aura
IIfait établir des documents con-
traires
à
la
vérité,
de
faux bilans,
de
fausses estimations,
de faux inventaires, etc ... "
La
prééminence
des
intér~ts du Plan Central sur ceux des en-
treprises
sociales
se
manifeste dans
les
articles
117 et
118
du code pénal bulgare.
L'article 117 plUlit d'lUle peine
d'emprisonnement " ce l u i
qui n' ob-
serve pas une disposition
légale
relative
à l'accomplissement
d'un
certain
travail
ou
l'approvisionnement
de certains pro-
duits prévu par le plan économique central ... " (1).
On peut également citer l'article 125 du code pénal tchécoslo-
vaque qui
réprime
le fait
d'insérer dans les rapports servant
à
la direction,
la planification ou
le contrôle de l'économie
nationale ou bien,
la fixation des prix,
de fausses données ou
de
données
grossièrement
défigurées
qui
concernent des
faits
importants.
Dès
lors
que
dans
le
nouveau
Système,
la
planification
est
faite à partir de la base,
c'est à dire,
des plans des unités
autonomes de production,
il
importe que
l'Administration cen-
trale ait des indications précises et réelles sur la situation
des
entreprises.
En
effet,
dans
les
pays
socialistes,
les
chefs d'entreprise
qui
parviennent
à
atteindre les
objectifs
planifiés
ou
à
les
dépasser,
obtiennent
des
gratifications,
des
décorations,
etc...
De
là résulte une
tendance
des chefs
d'entreprise
à
avancer
des
chiffres
faux
pour
bénéficier
de
ces faveurs
(2).
(1)
VO
article
117
C.P.
bulgare.
L'article
118 vise
le
refus
ou
le
retard
dans
la
livraison
des
produits
agricoles
à
l'Etat.
(2) VO Volensky op. cit.
P.212-213.
..

281.
Il
est
donc normal que
les pouvoirs
publics veillent,
par
la
menace de
la sanction pénaLe,
a ce que les rapports fournis à
lladministration du Plan,soient exacts.
A cet égard,
l'article 171 du code pénal est-allemand est très
significatif. Il réprime en effet,
le fait pour tout dirigeant
de
donner
des
indications
inexactes
ou
incomplètes
dans
des
rapports. ..
ou
requêtes
adressés aux organes de
l'Etat ou de
l'économie
en vue d'obtenir des autorisations ou attestations
en vue de plans économiques importants,
ou d'obtenir au détri-
ment
de
l'économie,
des
avantages
économiques
importants
et
injustifiés
en
faveur
d' entreprises
ou
secteurs
de
service,
est punit . . . "
Ces
incriminations
montrent
bien
qu'en
dépit
de
l'évolution
des techniques de gestion vers l'autonomie juridique et finan-
cière,
l'Administration Centrale conserve un droit de contrôle
dans la gestion des biens sociaux.
363. En effet,
l'économie socialiste demeure axée sur ses deux
principes fondamentaux de
la propriété collective et de l'or-
ganisation étatique et communautaire de l'économie.
Le
Plan
économique
Central
reste
le
moteur
déterminant
de
l'activité
économique
et
de
la
cause
des
contrats
économi-
ques (1).
Des mesures,
également de droit pénal économique sont adoptées
pour permettre
le fonctionnement
des
unités autonomes de pro-
duction.
B - L'influence
de
la
libéralisation
du
système
de
gestion sur les objectifs du droit pénal économi-
que.
364.
La
libéralisation
du
système
de
gestion
des
(1) yo Marina Ghecu op.
cit.
P.225; et surtout Y.
Laptew,
l'ac-
croissement
du
rôle
du
contrat économique
en U. R. S.S.
in
Annuaire ...
1976-1977 P.223 et s.
..

282.
entreprises
a
donné
lieu en droit
pénal économique
a
l'adop-
tion de mesures
protectrices des
droits propres des entrepri-
ses (1).
L'unité économique autonome
peut
en effet,
être victime d'ac-
tes illégaux dans ses relations avec d'autres unités autonomes.
Elle peut ainsi,
être victime de concurrence déloyale
(a).
El-
le
peut
également
subir les effets
de
la mauvaise gestion de
ses organes de direction notamment,
du chef d'entreprise
(b).
Mais,
dans
le
souci de ne
pas crisper par la répression péna-
le,
les
chefs
d'entreprise
dans
leurs
actions,
certains
pays
socialistes
(2)
ont
prévu
une
disposition
qui
disculpe
cer-
tains
échecs,
lorsque
l ' initiati ve
du
responsable,
tout
en
comportant un risque économique,
était néanmoins justifiée (c).
a
-
~~_P!~~~~~j~E_yj~~}~__~~_~~~~~~~e~~~~_~~~~~~
!~-~~~~~~~~~~~-~~!~~~!~.
365.
La
protection
des
entreprises
socialistes
contre la concurrence déloyale paraît à première vue bien sur-
prenante.
En effet,
on comprend difficilement
que la planifi-
cation économique n'écarte
pas
l'enchevêtrement des
activités
des différentes entreprises.
Aujourd'hui,
la protection des entreprises contre les actes de
concurrence déloyale
résulte
de
l'autonomie
juridique et sur-
tout
financière
reconnue
aux
entreprises.
La
nécessité
pour
chacune
d'elles
de
réaliser
des
profits expose
les unes
à
la
concurrence des autres.
C'est
ainsi
que
les
pays
socialistes
ayant
libéralisé
leur
système de gestion,
punissent les actes de concurrence déloya-
le.
On notera à cet égard l'article 155 du code pénal
soviétique
(1) L'autonomie juridique est en d'autres termes la reconnais-
sance des entreprises comme
sujets
de droits et d'obliga-
tions.
Ayant
la
personnalité
juridique,
morale,
elles ont
des droits propres.
( 2)
Ce
sont
la
R. D. A.
(art.
169
C. P .)
et
la
Pologne
(art.
217 c.P.).
..

283.
qui punit "l'utilisation illégale d'une marque de fabrique ap-
partenant à autrui", de travaUx correctifs et d'amendes.
Dans
le
même
sens,
s'inscrivent les articles
150 et suivants
du code pénal Tchécoslovaque (1).
On notera également,
et avec
curiosité,
l'article 149 du code
pénal
Tchécoslovaque
qui
fait
allusion a
la concurrence dans
une économie socialiste.
"Toute personne,
dit-il,
qui,
par une
activité qui est contraire aux prescriptions régissant la con-
currence dans le domaine des relations économiques ou aux usan-
ces
de
la
concurrence,
aura
sérieusement menacé la marche ou
le développement de l'entreprise d'un concurrent,
sera puni de
la privation de liberté d'un an au plus ... "
366.
la consécration du retour
à la notion de
profit
par
l'autonomie
juridique
et
financière
accordée
aux
entreprises socialistes n'autorise cependant pas leurs chefs à
les faire entrer en concurrence déloyale les unes avec les au-
tres.
Ainsi,
il est interdit de nuire délibérément à l'activité d'u-
ne unité de production dans ses relations économiques avec el-
le.
Par exemple,
l'inexécution volontaire d'un contrat écono-
mique est un acte de nature à nuire à l'activité de son cocon-
tractant.
Elle est de ce fait pénalement réprimée.(2).
L'autonomie
financière
n'autorise également
pas les entrepri-
ses
à conclure des
accords,
des ententes sur
les prix et
sur
la division des marchés.
L'ordonnance
nO
20/1973
de
la
Hongrie
réprime
dans les mêmes
conditions générales que
les
législations anti-trusts capita-
listes,
les ententes entre
entreprises sur les prix et sur la
répartition du marché.
Ce texte hongrois
prévoit en effet,
la
possibili té
aux
tribunaux
de
prononcer
des
amendes
pour
at-
teintes à la concurrence
(3).
(1)
Dans le même
sens,
voir
les articles 299,
300 et 301 c.P.
Roumain.
(2)
VO
art.
116 C. P.
Bulgare;
VO Tomas Sarkozy,
l'amende éco-
nomique,
op.
cit.
p.67 et s.;
Marina Gheciu op.
cit.
P.225
et s.
(3) K.
Tiedmann op.
cit.
P.303.
..

284.
La
libéralisation
du
système
de
gestion
met
les
entreprises
socialistes
dans
les
mêmes
conditions
psychologiques que
les
entreprises capitalistes.
Il faut donc les empêcher d'enfrein-
dre à la réglementation statutaire des prix (1) et de tromper
les consommateurs dans la quantité
(2)
ou dans la qualité (3)
des produits (4).
b - ~~_P!'9!-~~!-i9~_ .9-~_}_'_e_n_t!,_ey!,_i_s_e__~~~~r:.~ _~~~_~:
bus de sa direction.
367. Le renforcement de la répression des délits
de fonction est indubitablement lié à l'autonomie juridique et
économique
des
entreprises
qui
peuvent
subir des
abus et des
détournements de pouvoirs de leurs dirigeants.
Tous les codes
pénaux soc~alistes prévoient à côté des ~élits
de
service
qui
sont
liés
a
la
planification
centralisée
de
l'économie,
d'autres délits
qui
relèvent
de
la protection ~es
intérêts
des
entreprises
contre
les
atteintes qu 1 elles
pour-
raient subir de leurs dirigeants.
A ce niveau,
le droit
pénal économique socialiste fait penser
au droit
pénal des affaires des
pays capitalistes.
La protec-
tion
des
intérêts
des
unités de
production socialistes
éq~i­
vaut à celle organisée en France par exemple,
par la loi du 24
juillet 1966, relative aux sociétés commerciales.
La répression du délit d'abus de biens sociaux (5) correspond
a
celle
de
l'abus commis
dans
le
service
contre
les intérêts
économiques des entreprises,
qui est unanimement organisée par
(1) Cf. articles 121 C.P.
Bulgare,
156 C.P.
Soviétique,
227 C.
P.
Yougoslave.
(2)
Articles 231 et 232 C.P.
Yougoslave
296 C.P.
Roumain
(3) Articles 297 C.P.
Roumain.
(4)
Articles
121
(préjudice
porté au
consommateur) C.P.
Tché-
coslovaque.
(5)
VO
Ch.
Pinoteau op.
cit.
P.45 et s.
Gérard Sousi op.
cit.
P.297 et s;
A. Vitu,
regards sur le droit pénal des socié-
tés op.
cit.
P.247 et s.;
Herzog,
op.
cit.

2032.
..

285.
les législations socialistes (1).
Il
en est de même pour
cellé
du détournement
de
pouvoirs
(2)
et
de
la
corruption
(3)
sous
sa
forme
active
(4)
et
passive
( 5) .
368.
L'intention
criminelle
est
indifférente
à
la répression,
les actes non intentionnels étant également pu-
nis (6).
Mais si tous les codes pénaux prévoient et répriment ces actes
de
peines
d'emprisonnement et de
peines pécuniaires,
le droit
pénal est-allemand se détache des autres droits socialistes en
introduisant dans l'évantail de ses peines,
des sanctions com-
me
le
blâme
et
la
"citation
en
responsabilité
par
un organe
social
de
juridiction , , ( 7).
Ces
" pe ines"
sont
fondées
sur
la
volonté
actuelle
des
pouvoirs
publics
est-allemands de
faire
du droit pénal un instrument d'éducation.
Les tribunaux ont la
possibilité
légalement
prescrite,
de
prononcer
une
peine édu-
cative comme
le blâme
public ou
la citation en responsabilité
ou une peine répressive
(8).
Il revient donc au juge,
d'appré-
cier
la
nature
des peines applicables
au délinquant en fonc-
tion,
sans doute; de la gravité de l'infraction commise.
(1) vo articles 165 et 166 C.P. est-allemand; 127 et 129 C.P.
Tchécoslovaque
170
C. P.
Soviétique
248
C. P .. Roumain,
etc ...
(2) Cf.
art.
125 C.P.
Tchécoslovaque
165 C.P.
est-allemand.
(3)
vo Pomorski S. La corruption de fonctionnaires devant les
tribunaux
soviétiques,
Revue
dl études
comparati ves
Est-
Ouest
19
P.5 et suivantes.
(4)
et
(5)
vo art. 254, 255 et 256 c.P. Roumain
173 et 174
C.P. Soviétique.
(6) vo articles 130 C.P. Tchécoslovaque et 249 C.P. Roumain.
(7) vo les articles 166 et suivants.
(8)
Les
infractions contre
l'économie
(chapitre
5 sect.
II du
code
pénal
est-allemand)
sont punies par
les articles 165
et suivants.
.. ~.

287.
2°/ Dans
le cadre de travaux de
recherche et de développement
ordonnés
et
confirmés
par
l'Etat,
ou
se
trouvant
alors
dans
le
domaine
des
responsabilités de
l'auteur,
ou dans
le
cadre
d'expériences
technico-économiques
ainsi
que
de
l'examen conscient des
responsabilités de toutes
les cir-
constances concernant l'acte,
des désavantages économiques
sont
intervenus
(risques de
la recherche
et du développe-
ment)
(l).
L'article
169
du
code
pénal
est-allemand et
l'article
217
du
code pénal
polonais sont des dispositions
d'un genre absolu-
ment nouveau dans l'histoire du droit pénal ...
socialiste
(2).
Ces
dispositions
établissent
des
faits
justificatifs qui
ex-
cluent
la
responsabilité
pénale
de
l'auteur d'un acte entre-
pris
d'une
part
pour conduire
à un
important
profit
économi-
que
(3)
et d'autre
part,
dans
le cadre des travaux de recher-
che
et
de
développement
ordonnés
officiellement confirmés ou
se
trouvant
dans
le secteur
de
responsabilité de celui
qui
a
agi
(4).
L'application de
ce texte de
l'article
169 du code pénal est-
allemand,
est
soumise
à
des conditions quelque
peu strictes.
Elle exige que l'auteur de l'acte prouve qu'il a agi "après a-
voir
examiné
en
conscience
de
ses responsabilités toutes
les
circonstances concernant sa façon d'agir ... ".
En
dépit
des
difficultés de
la
preuve
d'un tel
comportement,
le
texte
opère
une
évolution
très
remarquable
dans
le
droit
pénal économique est-allemand.
Ces textes allemands et polonais
s'inscrivent bien dans l'es-
prit du nouveau système de gestion qui,
invitant chaque entre-
(1)
L'article 217 du code pénal polonais prévoit les mêmes ac-
tes et
les dépénalise
lorsqu'ils sont
commis dans ces mê-
mes circonstances. y o Andrejew Igor,
op.
cit.
P.92.
(2) E.
Buchholz et Seidel,
op.
cit.
P.23.
(3) Hypothèse du risque économique.
y o
art.
169 al.l C.P.
est-
allemand.
(4)
Hypothèse du risque
dans
la
recherche et du développement
yo
art.
169 al.2.
..

286.
Le juge se voit ainsi conférer un rôle tout à fait particulier
en matière économique (1).
Le
concours
des
peines répressives et
des
peines à
caractère
éducatif
apparaît
comme
l'un
des
traits
caractéristiques
du
droit pénal éco~omique est-allemand.
Elle confirme
la tendance
générale des
droits pénaux économi-
ques
socialistes
à
"l' auxilliarisation"
de
la
sanction péna-
le
(2).
Cette
tendance
est
par
ailleurs,
renforcée
en
droit
pénal économique est-allemand et polonais par la création d'u-
ne
nouvelle
institution restreignant
la
responsabilité
péna-
le
: le risque économique justifié
(3).
369.
Aux
termes
de
l'article
169 du code pénal
est-allemand,
"il n'y a
d'infraction au sens des articles 163
à 168 (5) lorsque
1°/ L'acte
est
commis en vue
de réaliser un bénéfice économi-
que
important,
ou pour
prévenir un dommage économique im-
portant,
et que l'auteur,
après avoir examiné en conscien-
ce de ses responsabilités toutes les circonstances concer-
nant l'acte,
pouvait considérer que les inconvénients éco-
nomiques
en
résultant
étaient
peu
probables,
ou du moins
beaucoup moins
importants
que
le
bénéfice
économique
es-
compté
(risque économique).
(1) Le blâme et
la citation en
responsabilité,
ne sont prévus
qu'en cette matière par le nouveau code pénal est-allemand
(2) Voir Vladimir Solnar
: les conditions de la responsabilité
dl après
le
nouveau
code
pénal
Tchécoslovaque.
Bull.
de
Droit Tchécoslovaque 1962. N°
1-2, P.j.
(3) Andrejew Igor, op. cit. P.92 ; Voir E. Buchholz et Seidel,
op.
cit.
P.23 et s.
(4) VO E. Buchholz et Seidel, op. cit. P.23 et s.
(5)
Les articles
163 à
168 répriment les atteintes à la pro-
priété socialiste et à l'économie.
..

288.
prise
à
s'auto-gérer
selon
la
loi
du
profit,
justifient
des
initiatives parfois audacieuses qu'il importe de ne pas étouf-
fer sous la menace des sanctions pénales.
C'est
également

(1)
un
point
important
de
convergence des
droits pénaux économiques socialistes et capitalistes.
En effet,
cette tendance à "llauxilliarisation" de la sanction
pénale slobserve également,
quoiqu1avec des nuances,
dans les
droits capitalistes,
notamment en matière d'ententes (2).
( 1) Nous
avons vu,
supra
nO
208,
que
les crises de
guerre
a-
vaient -favorisé une certaine convergence des
législations
pénales économiques capitalistes et marxistes.
(2)
VO
supra nO
76 et s.;
Voir également nO
254 et s.
La doc-
trine
moderne
est
favorable
à
cette
tendance.
Voir
J. P
Brill op. cit in D.
1981 chr.
P.179, J.B.
Blaise note sous
Trib.
Corr.
Paris
19
juin
1969
J.C.P.
1970
II.
16474
;
Delmas-Marty Droit pénal des affaires P.U.F.
1973 op.
cit.
P.368
et
s.;
J. B.
Herzog
le
problème
de
la répression
pénale des ententes
économiques en droit
français.
J.C.P.
1967 1.2047/ J.P.
Brill.
loc.
cit.
..,

289.
CONCLUSION DE LA SECTION II
370.
Le
droit
pénal
économique
socialiste
contemporain,
nous
l'avons vu~
est
influencé
par l'évolution des techniques
de la planification et de la gestion des entreprises.
Le passage d'une planification centralisée à une planification
de
la
base
et
l'autonomie
juridique et
financière
des
entre-
prises,
ont entraîné l'élargissement des conditions de la res-
ponsabilité pénale des chefs d'entreprise.
Dans
l'ancien système,
la
responsabilité du chef d'entreprise
n'était
concevable
qu'autant
qu'il
n'avait
pas
suivi les ins-
tructions
de
l'Administration
économique
centrale.
Avec
le
nouveau
système,
les
dirigeants
ont
vu
leurs
pouvoirs
s' ac-
croître
en
même
temps
que
leur
responsabilité.
Celle-ci
est
possible
envers
la direction centrale
qui
conserve un pouvoir
très
large
de
contrôle
sur
l'activité des unités autonomes de
production.
Leur
responsabilité
est
également
possible
envers
les
autres
entreprises dont ils doivent exécuter les contrats économiques
et à qui ils ne doivent pas faire une concurrence déloyale.
371.
Mais
la
grande
innovation du droit
pénal
économique
socialiste
contemporain
est
1 1 introduction
de
la
notion
de
risque
économique
comme
fait
justificatif
des
infractions de
fonction.
Elle marque
la
fin
de
l'époque
où,
par crainte de se voir in-
fliger
des
sanctions
pénales,
les
responsables
d'entreprises
n'osaient pas prendre la moindre initiative dans l'administra-
tion des entreprises.
Cette
notion
de
risque
économique
en
droit
polonais
et
est-
allemand marque
également
la
volonté
des
pouvoirs publics so-
cialistes
de
"libéraliser"
leur
économie,
d'intensifier
la
production
avec
le
retour
à
la
notion
de
profit dans
la ges-
tion
des
entreprises
et
de
renforcer
le
rôle
éducatif
des
sanctions pénales.
..

290.
Mais
nonobstant
ces
réformes,
l'économie
socialiste
demeure
fondée
sur
ses principes de la propriété collective et de
la
planification étatique de l'économie.
Et le droit pénal écono-
mique
reste dans ces réformes,
le moyen pour les pouvoirs pu-
blics,
de maintenir au sein des entreprises,
la discipline é-
conomique
telle
qu 1 elle
est
conçue
par 11 Administration cen-
trale de la planification.

291.
CONCLUSION DU TITRE l
372.
Le drolt
pénal
économique et la politique économique
qui
le
suscite,
constituent
le
"baromètre"
de
la conjoncture
économique.
A la
gravité
de celle-ci,
les pouvoirs publics
répondent
par
des politiques économiques et pénales hardies,
vigoureuses.
Nous avons vu à cet égard en France et en Union Soviétique,
le
droit pénal économique, sous l'impulsion des crises et des pé-
nuries des années "30-40" devenir particulièrement vigoureux.
On se souviendra du décret
du
26 juin 1940 et de l'ordonnance
du 18 juin 1941 adoptés en Union Soviétique qui réprimaient de
peines
d' emprisonnement,
les
départs
arbitraires
des
usines,
les absences et les retards injustifiés au lieu de travail
(1).
On se souviendra également de
la
répression du marché noir et
de façon générale,
des infractions à la législation sur le ra-
vitaillement
en
France
(2)
et en République
Démocratique Al-
lemande (3).
373.
Baromètre de la
conjoncture économique,
le droit pé-
nal économique après ces moments difficiles,
s'est métamorpho-

pour devenir
un facteur
du redressement puis du développe-
ment économique.
Aujourd'hui,
aussi bien en
France que dans les pays socialis-
tes,
il est un
instrument
des diverses politiques économiques
et sociales.
Protecteur d'une
certaine
forme
de
libéralisme et des consom-
mateurs,
f acteur
du
renforcement
des
entreprises
nationales
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1) VO supra chapitre l, section II.
( 2 )
VO supra chapitre l , section 1.
( 3 ) vo supra chapitre l , section II.
..

292.
pour
la
"bataille fi
économique
à
l'échelon
international,
le
droit
pénal
économique
français
est
une
arme
à
usage
varié,
déterminé par les orientations de la politique économique.
En Union Soviétique,
les mouvements du droit pénal économique
résultent
également des
fluctuations
de
la
conjoncture écono-
mique.
Le passage d'une planification du flsommetfl à une planification
de
la
"base"
a
donné un
souffle nouveau à la politique crimi-
nelle en matière économique.
D'une
responsabilité
pénale
qui
n'était
concevable
que
si
le
plan central avait été violé,
on est passé à une responsabili-
té plus ouverte à cause de l'autonomie juridique et financière
reconnue aux unités de production.
L'introduction dans le droit pénal économique de certains pays
socialistes
(1)
de
la
notion
de
risque
économique
justifié
comme
fait
justificatif
des
infractions
de
fonction,
corres-
pond à la "libéralisation" du système de gestion des entrepri-
ses,
nécessaire aux politiques de développement intensif mises
en oeuvre depuis quelques décennies.
Le
droit
pénal
économique
de
conjoncture
est
donc
un
droit
"finalisé"
déterminé
par
les conditions économiques.
Contrai-
rement
au
droit
pénal
classique et au droit
pénal
économique
"des structures de base"
(2)
qui tendent à conserver un ordre
établi,
le droit pénal économique de conjoncture,
anticipe sur
l'avenir.
Il exige et sanctionne des comportements en fonction
d'un objectif
précis à atteindre,
tel
que le développement é-
conomique
en ce qui concerne les pays africains.
(1)
En
Pologne va art.
217 c.P.;
En
R.D.A.
va art. 169 c.P.;
et E.
Buchholz et Seidel,
op.
cit.
P.23 et s.
(2) Voir Première Partie.
..

TITRE II
DROIT P~NAL ~CONOMIQUE ET POLITIQUES DE
D~VELOPPEMENT ~CONOMIQUE.
e.

293.
374.
Comme
dans
les
pays
développés
(1),
les
pol itiques
africaines en faveur
du progrès économique
et social prennent
appui sur le droit pénal.
Les
pouvoirs publics
africains ont
hérité de leurs homologues
français,
soviétiques, etc ...
la conviction que le droit pénal
accroît l'efficacité de la réglementation économique.
Mais en raison de la particularité des problèmes du développe-
ment économique et de l'importance du rôle de l'Etat dans cet-
te
entreprise,
les
objectifs
du droit pénal économique afri-
cain,
plus précisément,
du droit pénal du développement écono-
mique,
sont différents de ceux des pays développés.
Dans la
plupart des
pays du tiers-monde,
il est d'abord ques-
tion
de
lutter
contre
la pauvreté.
Car si
le
sous-développe-
ment n'est
pas
la
pauvreté,
il
procède d'elle.
Il en est,
au-
trement dit,
la conséquence immédiate.
Le
sous-développement
est
dans une
large mesure
lié
à
l'état
de dénuement,
au manque
d'infrastructures,
de biens d'équipe-
ment,
ou au manque de moyens de les acquérir.
Le développement économique est alors avant tout,
un prolbème
de moyens.
Or,
les
pays africains se
caractérisent dans leur immense ma-
jorité par
leur
pauvreté et surtout,
par l'absence des moyens
de sortir de cet état.
D'abord,
leur économie est dominée par les puissances étrangè-
res ou par leurs "pouvoirs économiques privés"
(2).
Le manque de capitaux résultant de l'absence ou de la faibles-
se
de
l'épargne
pr i vée
dans
des
pays
comme
la Côte
d'Ivoire
qui se réclament du capitalisme, explique dans une large mesu-
re,
cette dépendance économique.
Sortir
du
sous-développement
exige
entre
autres
actions,
la
mise
sur
pied
dl une
économie
nationale suffisamment
indépen-
dante
de
l'étranger,
c'est à dire,
une économie financée
es-
sentiellement par des capitaux internes.
(1) Voir supra,
Droit
pénal
économique et
politiques économi-
ques dans les pays développés.
(2)
va sur cette notion, G. Farjat, op. cit. Droit économique
2è éd.
1982 P.373-395 et P.492-498.


294.
375. En Côte d'Ivoire, comme dans tous les pays d'Afrique
Noire,
les pouvoirs publicss~mblent avoir compris cette réa-
l~té économique.
Ils ont mis en oeuvre une stratégie économi-
que
qui
consiste
dans
un
premier
temps
à
se
substituer dans
l'immédiat
à l'initiative privée défaillante
à
cause de l'ab-
sence de capitaux internes privés,
et dans un second temps,
à
favoriser
la
constitution
et
le
développement
de
l'épargne
privée
qui
peu
à
peu,
dans
l'activité économique,
prendra
la
place actuelle de l'Etat.
Cette
politique
économique
tendant
à
créer les conditions du
développement
économique
par
l'initiative
privée,
s'exprime
considérablement dans le droit et en particulier dans le droit
pénal
économique.
En
effet,
qu'il
s'agisse de
soutenir
l' ac-
tion économique de
l'Etat
(chapitre 1)
ou de soutenir les me-
sures
créatrices
et
protectrices
de
11 épargne
privée
(chapi-
tre
II),
les
pouvoirs
publics
ont
recours
à
des
textes
de
droit pénal.
..

CHAPITRE 1 : DROIT PËNAL ËCONOMIQUE ET FINANCEMENT
DU DËVELOPPEMENT ËCONOMIQUE PAR L'ETAT.

295. -
376.
Dans
les
pays
africains,
du
moins
dans
ceux
d' obé-
dience
libérale,
on
explique
l'intervention
des pouvoirs
pu-
blics
dans
l'activité
économique
par
cette
idée
que
l'Etat
doit se
faire
"entrepreneur" dans un
premier temps et laisser
progressi vement- les
marchés
aux
entreprises
privées
qui
naî-
tront.
Mais
l'action
de
l'Etat
ne
pourra
être
efficace
que
si elle
résoud
le
problème
de
la
dépendance
économique
vis
à
vis de
l'étranger.
Dès lors,
se pose le problème de la source interne
du financement du développement.
En l'absence d'autres sources internes
de
revenus,
c'est uni-
quement
sur
les
matières
premières
dont
ils
sont
de
grands
producteurs,
que
les pays africains ont
axé leur politique de
développement.
De
la
commercialisation
de
ces
produits,
résulte
la
quasi-
totalité des revenus d'origine nationale dont ils disposent.
Il n'est donc pas étonnant de voir dans les législations péna-
les africaines,
des mesures
ayant
pour fonction la protection
des ressources naturelles.
En effet,
la nécessité de la protection pénale de ces matières
a
donné
lieu dans presque tous
les pays africains,
à
une
lé-
gislation abondante dont l'aspect pénal est prédominant.
C'est
toute une politique criminelle qui est mise sur pied pour fai-
re
prévaloir
la
nécessité
d'assurer tant
aux richesses natu-
relles (section 1) qu'aux deniers (section II) provenant de la
commercialisation
de
ces
matières
premières ou de toutes
au-
tres
sources,
la
sécurité
dont
ils
ont
besoin
pour
assumer
leurs fonctions d2ns le développement ér-onomique
(1).
(1)
J.
Costa-Lascoux "La protection des substances minières et
le droit pénal en Afrique d'expression française"
in Revue
juridique et politique
-indépendance
et coopération-
1975
P.389 et suivantes.
..

296.
SECTION l
LA PROTECTION PENALE DES RESSOURCES NATURELLES
Le
financement
du
développement
des
pays
sous-développés
en
particulier ceux d'Afrique,
comme nous l'avons dit,
repose
essentiellement- sur
la commercialisation des matières de leur
sous-sol.
Aussi, ces dernièrs jouissent-elles dans ces pays d'une atten-
tion d'autant plus grande qu'elles ont acquis depuis 1973, ou-
tre leur pouvoir économique, un pouvoir politique dans les re-
lations internationales (1
).
En
effet,
la
récente
émergence
de
certains
pays
(2)
sur
la
scène
internat ionale,
est
en
étroit
rapport
avec
l'émergence
de
leur sous-sol,
de matières
premières d'importance capitale
pour les pays industrialisés.
Armes
politiques
et
économiques,
celles-ci
ont
donné
lieu
à
l'adoption
presque
simultanée
de
textes
pénaux d'une vigueur
telle qu'elle met
à
nu,
l'intention de leurs auteurs de faire
des
matières
premières,
un
instrument d'action
au service du
développement économique (3).
Nous nous limiterons à l'analyse
d'un cas: celui des ressources du sous-sol,
étant bien enten-
du,
que les législations africaines tendent
à protéger toutes
leurs
richesses
naturelles,
dont
notamment,
les
ressources
forestières.
( 1
)
Il faut
se
souvenir que
pendant
la guerre du kippour
entre Israël et
les
pays
arabes du Moyen Orient,
ceux-ci,
face
à
l'aide des
pays occidentaux à leur adversaire,
ont
décidé de suspendre toute fourniture de pétrole à ces pays.
Le pétrole,
utilisé comme arme dans cette guerre,
y a joué
un rôle
important,
notamment
lorsqu'il
s'est
agi de faire
pression sur Israël afin de l'amener à négocier le cessez-
le-feu et les accords ultérieurs.
(2) C'est le cas de la Libye,
du Koweit,
de l'Arabie Saoudite,
etc . . . . .
(3)
Il
en
est
ainsi,
bien
que
certains
dirigeants du tiers-
monde privilégient le pouvoir politique et stratégique des
matières
premières
sur
leur
pouvoir
économique
;
ceci,
dans le seul but d'assurer leur prestige personnel.
.. .....

297.
377.
Ayant
la même
finalité
-le financement du développe-
ment par 11Etat-, ces législations africaines protectrices des
ressources
minières
se
ressemblent au double
point de
vue
du
fond et de la forme.
1 - Au point de
vue du fond,
elles visent toutes à assurer la
main-mise de l'Etat sur ces biens
d'intérêt économique et
stratégique de premier ordre
(1).
2 -
Au point de
vue
de
la forme,
ces
législations ont toutes
donné lieu à l'adoption de codes miniers (2).
Biens
"d'intérêt écono:nique et
stratégique de
premie.r ordre",
les
ressources
minières
sont
cLissées au
rang de bien du do-
maine public (3).
Ceci suggère deux séries d'observations:
1 -
Biens du domaine
public,
elles
jouissent de la protection
administrative
reconnue
à tous
les biens
de la même natu-
re
(4),
et d'autre part,
de la protection pénale organisée
dans le cadre des codes miniers.
2
Biens
du domaine public et d'intérêt économique général,
leur exploitation doit être
faite
de
façon rationelle,
en
fonction des besoins du développement économique.
Seul
l'Etat,
investi des
fonctions d'intérêt
général,
est ha-
bilité à exploiter les ressources minières.
Aucune autre per-
sonne
ne
peut
par conséquent,
se
livrer à des opérations mi-
nières sans en avoir obtenu l'autorisation (5).
(1) J.
Costa-Iascoux op.
cit.
in Rev.
jur.
pol.
1975 P.394.
(2) Cf.
Loi du 12 août 1965 portant code minier congolais;
loi
du 3 juillet 1964 portant code minier ivoirien.
(3) y o Peiser G.
Droit administratif (Domaine Public) Meme.ntos
Dalloz.
(4)
Ibid.
(5) Cf.
art.
6 et 42-2° du code minier ivoirien (loi du 3 juil-
let 1964).
..

298.
378.
Tels
sont
les
deux
principaux
ordres
de
considéra-
tions qui
constituent le
facteur
commun à toutes les législa-
tions pénales africaines en matière de protection des ressour-
ces minières.
Ainsi,
les
incriminations
sont
toutes
identiques au point
de
vue du fond.
Elles consacrent toutes,
le principe de la "doma-
nialité"
d'où l'incrimination de
façon unanime de l ' exploi-
tation illégale,
c'est
à
dire,
sans autorisation préalable de
l'Etat (1).
Mais
si
l'identité
d'objectif
des
législations africaines en
matière minière emporte la similitude des incriminations (Par.
1), au niveau des sanctions pénales (Par.
II),
chacune des lé-
gislations présente des traits spécifiques.
Paragraphe l
L'incrimination
de
l'exploitation
illégale
des substances minières.
379.
L'exploitation
sans
autorisation
préalable,
de
res-
sources minières est
incriminée
par presque toutes les légis-
lations africaines
(2).
C'est d'elle
que
résultent toutes les
autres incriminations qui ne sont en réalité que des modalités
de détail,
qui
permettent de
réprimer le délit d'exploitation
illégale sous toutes ses formes.
Certains
pays
(3)
se sont même
limités à
incriminer de
façon
large
l'exploitation illicite de
sorte
à pouvoir. faire entrer
dans
le
champ
d'application
d'un
seul
ou
de
deux
articles,
tous
les
actes accomplis en violation du principe de la doma-
nialité des mines.
(1) J.
Costa-Lascoux,
op.
cit.
Rev.
jur.
Pol. ..
1975 P.395 et
s.
(2)
VO
art.
45 et 46 du code minier
ivoirien
;
art.
20 et 30
code
congolais
;
art.
81
code minier centrafricain ; art.
74 ordo
malienne nO
34 du
3 sept.
1970
;
art.
43 du code
minier camerounais; art.
66 du code minier gabonais;
art
66 du code minier béninois.
(3)
C'est
le
cas de la Côte d'Ivoire,
VO
art.
45 du code mi-
nier (1964).
e.

299.
D'autres
pays
par
contre,
sans
doute
pour
affirmer
de
façon
plus nette
l'importance desr~ssources mini~res pour le déve-
loppement
économique,
ont pris soin de différencier les mesu-
res répressives applicables à telle forme d'exploitation illé-
gale de telle autre forme de la même infraction.
Les
législations
mini~res béninoise,
malienne, gabonaise
et
surtout celle de la Centrafrique se caractérisent par ce trait.
En
effet,
dans
ces pays,
outre
l'incrimination de
la
recher-
che,
de
la
prospection
et
de
l' exploitation
illicites,
la
fausse déclaration en vue de l'obtention d'un titre minier,
la
destruction ou le déplacement de bornes,
de rep~res, signaux,
etc ... ,
l'acc~s non autorisé des zones mini~res (1) sont éri-
gés en délits
autonomes.
Il
en est de même du non-respect des
décisions administratives.
Mais comme le fait remarquer à jus-
te
titre
Madame
Jacqueline
Costa-lascoux,
la
finalité
de ces
di verses
incriminations
est
unique.
Elles
tendent
à
affirmer
avec vigueur
le principe de
la domanialité des ressources ml-
ni~res. A travers ces incriminations,
c'est d'une mani~re gé-
nérale,
le
manquement
a
l'autorisation
préalable
à
toutes
opérations mini~res qui est visé (~).
380.
Le principe de
la domanialités'exprime donc par l'e-
xigence
de
l'autorisation
administrative.
C'est
par
celle-ci
que
l'Etat,
faute
de
pouvoir
exploiter
les
mines
lui-même,
pourra néanmoins contrôler les opérations faites
par les con-
cessionnaires et les canaliser dans le sens qu'il souhaite.
Le
principe de la domanialité s'exprime également dans la rigueur
des conditions d'obtention de l'autorisation administrative.
En effet,
en dehors des procédures administratives tr~s lentes
et parfois tr~s complexes,
l'obtention de l'autorisation admi-
nistrative préalable est fermée à plusieurs catégories de per-
sonnes.
(1) Il s'agit là d'une
incrimination spéciale
à la Centrafri-
que.
va décret 74-038 du 19 janv. 1974 qui réglemente la
circulation dans les zones mini~res.
(2) J. Costa-Lascoux op.
cit.
P.406.
..

300
L'article
1er
du
décret
centrafricain du
18
janvier
1972
(I)
interdit aux ressortissants étrangers la profession de collec-
teur de diamant.
Celle-ci,
indique le texte,
est exclusivement
réservée
aux ressortissants
centrafricains d'origine
ce qui
exclut les cent~africains par naturalisation.
On considère que celui qui n'a pas un lien naturel solide avec
la
Centrafrique,
une
fois
l'autorisation
obtenue,
exploitera
les richesses minières nationales pour la satisfaction d'inté-
rêts
contraires
à
ceux
de
la
Nation.
C'est
d'ailleurs
pour
cette
raison
qu'il
est
interdit
à tous
les
ressortissants é-
trangers d'entrer et de séjourner dans les zones minières (2).
381.
Il faut
également noter
l'interd~ction qui est faite
à certaines autres catégories de personnes.
Il
est en effet,
interdit
aux membres du gouvernement centra-
fricain,
aux fonctionnaires,
aux militaires des
forces armées
et de la gend~rmerie, les agents de police et les gardes cham-
pêtres,
ainsi
que
leurs conjoints,
d'être
actionnaires ou ad-
ministrateurs
dans
les
sociétés
ayant
pour objet
l'exploita-
tion
et
la
commercialisation
du
diamant
et
des
métaux
pré-
cieux (3).
L'objectif de ce texte est
d'empêcher ces personnes de profi-
ter des facilités que leur offrent leurs fonctions pour se dé-
livrer
à
elles-mêmes
des
autorisations
d'exploiter,
ou d' ex-
ploiter sans autorisation ou pour détourner les ressources ml-
nières
au
profit
d'intérêts
particuliers,
notamment ceux des
sociétés dont elles auraient été membres.
Paragraphe II
: Les sanctions pénales.
382.
Elles
se
caractérisent
par
une
sévérité
éloquente
(1)
J.O.
du 1er mai 1972 P.236
(2) Cf.
ordo centrafricaine nO
72-023 du 7 mars 1972.
(3)
Cf.
art.
1 et
2 de
l'ordo
du
7 mars
1972
(Centrafrique) .


301.
quant aux taux des
peines
(A)
ainsi qu'en ce qui concerne les
modalités de la poursuite (B).
A - Sévérité des sanctions quant aux taux des peines.
Les
sanctions
pénales
les
plus
sévères
sont
celles
qui résultent de la législation minière centrafricaine. Celle-
ci
n' hési te
pas
à
réprimer de manière
"sadique",
les infrac-
tions
aux
dispositions
du code minier et des textes annexes.
En
effet,
l'ordonnance du
12
juin
1974
(1)
prévoit en cas de
recel de
substances minières,
une série d'amputations de cer-
tains membres du corps humain.
A la première condamnation,
le délinquant devra subir l'ampu-
tation du pavillon de son oreille gauche
!
En cas de récidive,
le
pavillon
de
l'oreille droite
sera
retranché
Si
pour une
troisième
fois,
la même personne est reconnue coupable de re-
cel
de
substances
minérales,
elle
aura
sa
main
droite
ampu-
tée
!
(2).
383.
Au-delà du cynisme, voire du sadisme qui affleu-
re
dans
ces
"sanctions
pénales
particulières",
on
peut
com-
prendre
la
préoccupation
des
pouvoirs
publics
centrafricains
lorsqu'ils ont adopté ces mesures.
Aussi
bien
dans
les
campagnes
que
dans
les
milieux
urbains,
les matières précieuses comme
l'or et le diamant font l'objet
de tractations les plus diverses.
On rapporte que d'importants
réseaux
clandestins
d'exploitation
de
ces
ressources,
parve-
naient
à
tromper
la
vigilance
des
gardes
champêtres
et
des
agents commis pour la surveillance des zones minières,
pour en
extraire d'importantes quantités~
(1) Ordo nO 74-065 du 2 juin 1974 J.O.
du 15 juin 1974.
P.312.
(2)
On
pourra
peut-être
expliquer
le
cynisme
de
ces
mesures
par
la
personnalité
de
leur
principal
auteur
;
Bokassa,
dont la cruauté est connue sur le plan international.
..

302.
Les pouvoirs publics centrafricains enténdent sans doute,
par
ces
textes
Il sanguinaires Il , p l u t ô t
dissuader
que
de
réprimer
réellement
ces
actes
qui· occasionnent
d'importants manques à
gagner pour l'Etat.
384. Mais par rapport à cette ordonnance spécialement
sévère,
il
est
étonnant de
voir
que le code minier centrafri-
cain réserve un traitement plus souple à l'égard des individus
coupables
d' extraction
illicite.
Il
n' y
a
Ipas
de
receleurs
sans voleurs,
et pourtant
l'article
81
du code minier centra-
fricain
n'édicte
contre
l'exploitation
illégale
qu'une
peine
d'emprisonnement
de
trois
ans
au
plus
et
d'une
amende
de
500.000 Francs.
Certes
le
receleur
de
biens
indi$pensables
au
développement
économique
par
l'Etat
est,
pour
cette
cause,
beaucoup
plus
dangereux
que
le
voleur
qui,
parfois
sans
receleur,
se
fait
prendre
en
possession
des
biens
volés,
mais
le
législateur
centrafricain
aurait
pu
ne
pas
faire
de
distinction
entre
substances minières et matières précieuses,
et réserver au re-
celeur de substances précieuses un châtiment moins sévère,
si-
non égal à celui de l'exploitant minier sans autorisation pré-
alable.
En tout cas,
c'est de cette manière que le code minier
ivoirien traite les auteurs principaux,
complices et receleurs
en matière d'infraction minière.
385. L'article 45 du code minier ivoirien prévoit en
effet
contre
l'exploitation
illégale
une
peine
d' emprisonne-
ment
de
un
an
à
cinq
ans
et
d'une
amende
pouvant
atteindre
cinq millions.
Les dispositions de l'article
45 sont applicables au complice
ordinaire,
c'est
à
dire
celui
qui
a
participé
sans
en
être
l'auteur à la commission de l'infraction (1),
mais également à
(1) VO Gaston Stefani, G.
Levasseur,
B.
Bouloc op.
cit.
P.276 .
..

303.
celui qui
sans y avoir
participé,
a néanmoins par son action,
entravé
le
cours
de
la
justice
(1).
Il
faut
comprendre
par
cette formule
: "celui qui sans y avoir participé, a néanmoins,
par son action entravé
le cours de la justice",
que le légis-
lateur
vise
avant
tout,
les
receleurs,
mais
également,
tous
ceux qui,
d'une manière ou d'une autre ont empêché la poursui-
te du délinquant.
L'on peut
alors se poser la question de sa-
voir
à
quel titre de tels
individus
sont coupables.
Le sont-
ils comme
auteurs ou co-auteurs du délit d'exploitation illé-
gale
de
substances
minières?
Assurément
pas,
l'action et
la
co-action répondent à des conditions bien précises (2)
qui ne
se
vérifient
évidemment
pas en l'espèce.
C'est sans doute
du
chef de la complicité que le législateur ivoirien entend punir
de tels individus. Mais alors,
on peut dire que l'article 45-3°
du
code
minier
a
une
conception
bien
large
de la complicité
(3) qui met à nu, la volonté des pouvoirs publics ivoiriens de
procurer
aux
ressources
minières,
une
protection
juridique
"sans faille".
386.
Pour
le
législateur
centrafricain,
i l
apparaît
après
l'analyse
des
sanctions,
que c'est
le caractère subtil
et par conséquent plus dangereux de l'infraction,
qui détermi-
ne le taux de la peine.
En effet,
on constate que si le délin-
quant,
eu égard à son rôle dans la commission de l'infraction
ou eu égard à ses fonctions sociales,
avait beaucoup de chance
de ne pas être poursuivi,
la réaction du législateur est très
vigoureuse.
Par exemple,
contre "tous ceux qui,
faisant partie
de
la
compagnie
spéciale chargée de
réprimer
les
fraudes
mi-
nières,
se seraient rendus
coupables de
détournement de pier-
res précieuses,
de sommes d'argent,
d'armes ou de biens saisis
(1) Cf.
art.
45-3° du C.M. Ivoirien.
(2) Voir Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc, op. cit.
(3) Voir sur cette notion, Stefani, Levasseur et Bouloc, loc.
cit.
P.276.
..

304.
sur
les
personnes
se
trouvant
en
infraction
vis
a
vis de
la
législation minière",
i l prévo~t une peine de dix ans au moins,
et de vingt ans
au plus,
de travaux forcés sans préjudice des
amendes
pouvant
atteidnre
deux
millions
de
francs
et
de
la
confiscation au profit de l'Etat,
de tous les biens meubles et
immeubles du délinquant
(1).
Le
récidiviste,
déclare
1 1 article
3 de
l'ordonnance
de
1973,
s'expose aux travaux forcés à perpétuité.
387.
Quant
a
la
protection des
zones minières et de
la commercialisation des métaux précieux,
le
législateur cen-
trafricain
est
dl une
clémence
incohérente
avec
son
attitude
générale
vis
à
vis des
infractions à
la
législation minière.
En
effet,
l'article
82
du code minier Centrafricain ne punit
que
d'une
amende
de
cinquante
à
trois
cent
mille
francs
et
d'une
peine
d'emprisonnement de six mois
à deux ans,
les
in-
fractions aux dispositions de la zone de protection.
L'article
83
élève
l'amende à
deux cent mille à un million de francs si
l ' exploitation
illicite
d'or
et
de
diamant
a
été
faite
dans
des zones d'exploitation concédées aux collectivités rurales.
Mais
lorsque
cette
exploitation
et
la
détention
illicite
de
ces métaux précieux auront été constatées à l'intérieur de ces
zones,
dans le domaine
minier public concédé,
les peines pré-
vues
par
l'article
83
du
code
minier
seront
doublées.
Elles
seront
triplées
lorsque
ces
délits auront été
constatés dans
un territoire privé concédé.
Comme on peut le constater à l'analyse de ces diverses mesures
disparates et
parfois contradictoires,
le
législateur centra-
fricain ne se contente pas d'une protection uniforme des zones
minières.
Il établit en fonction des titres d'exploitation accordés,
une
gradation de la responsabilité pénale et des peines encourures.
(1)
Cf.
art.
1er ordo
nO
73 du 6 nov.
1973, relative à la ré-
pression des fraudes en matière minière.


305
388.
Par ailleurs,
le
législateur centrafricain fait
intervenir
lanatinalité
des' délinquants
dans
la
répression
des infractions à la législation minière.
En
effet,
les
"non-centrafricains"
font
l'objet dl un traite-
ment
spécial.
Une
série d'ordonnances prises en
1972
(1)
ont
adopté
a
leur
égard,
une
attitude
méfiante
qui
explique
le
taux parfois très élevé des peines prévues à leur encontre.
Le délit
simple de violation de
la zone minière interdite est
passible de deux ans d'emprisonnement.
Si
la
zone
violée
est
une
zone
diamantifère,
l'étranger
en-
court une peine de vingt cinq ans de travaux forcés.
Mais il semble que cette peine est applicable aux seuls étran-
gers ayant été,
ou étant collecteurs de diamants.
La
peine
de
vingt
cinq
ans
de
travaux
forcés
est
applicable
aux
anciens
collecteurs
de diamant
qui,
bien qu'ayant
la na-
tionalité centrafricaine,
l'ont acquise par naturalisation.
Mais,
comme le fait remarquer Mme J.
Costa-Lascoux,
i l ne faut
pas
se
laisser
tromper par le
caractère spectaculaire de
ces
peines.
C'est
leur fonction
intimidatrice qui
importe.
A tra-
vers elles,
c'est la mainmise de l'Etat sur les ressources mi-
nières qui est l'affirmation fondamentale.
L'idée est
que seul
l'Etat
propriétaire de ces biens,
est ha-
bilité à les exploiter ou à concéder des droits d'exploitation
à des particuliers (2).
C'est donc moins
la xénophobie
et
la préoccupation de laisser
aux seuls nationaux l'accès aux zones minières,
que la volonté
de
faire
de ces ressources un moyen privilégié pour le finan-
cement
du
développement,
qui
anime
les
législations
pénales
africaines en matière minière,
en particulier celle de la Cen-
trafrique.
(1)
VO
ordo
nO
72-022
du
25
février
1972
ordo
72-023
du
7
mars 1972.
(2) J. Costa-Lascoux, op.
cit.
P.409.
o.

306.
B - Sévérité des sanctions,
liée aux conditioni de la
poursuite.
389. La sévérité des sanctions pénales en matière mi-
nière
réside également dans
les modalités
particulières de la
poursuite des infractions.
En
effet,
l'intervention
dans
la
poursui te
des
infractions,
des autorités qui,
d'ordinaire sont incompétentes en la matiè-
re, concourt à
durcir
la physionomie
des
législations
pénales
africaines en matière minière.
Ce sont par exemple,
les agents
de police et surtout les autorités militaires (1)
qui font of-
fice d'officiers de police judiciaire.
L'article
44 du code minier ivoirien donne pouvoir et qualité
d'officier
de
police
judiciaire,
aux ingénieurs des mines et
autres
agents
assermentés
appartenant
au
service
des
mines,
pour la recherche et
la constatation des infractions aux dis-
position~ du code minier.
L'alinéa
2
de
l'article
44
ajoute
que "cette recherche entraîne droit de visite corporelle".
Dans le même sens,
le décret centrafricain du 23 février 1971
(2) précise que le contrôle des forces de l'ordre aura un "ca-
ractère inopiné".
Le code minier gabonais
reconnaît également pouvoir de police
judiciaire aux ingénieurs des mines,
mais il précise, contrai-
rement
aux
codes
ivoirien
et
centrafricain,
la
limite
de
la
portée de leur intervention.
En
effet,
ces
ingénieurs
ne
peuvent
que
dresser
des
procès
verbaux
qu'ils
doivent
transmettre
au procureur
de
la Répu-
gblique,
ceci
pour
bien
montrer
le
cadre
légal
dans
lequel
devra continuer la poursuite
( 3 ) .
(1) Cf.
art.
2 du décret centrafricain du 18 fév.
1972 relatif
à l'exercice de la profession de collecteur de diamant.
Ce
texte
confère
aux
autorités
militaires,
compétence
pour
veiller à l'application de ce décret.
(2) VO décret du 23 février
1972.
(3) J. Costa-Lascoux op. cit. P.400.
..

307.
390.
On peut donc
dire
que
l'intervention de person-
nes ou d'organes en principe incompétents en procédure pénale
classique,
constitue
un
trait
caractéristique
constant
du
droit
pénal
économique.
On
peut,
en
effet,
toute
proportion
gardée,
faire
un rapprochement entre
le
rôle
de
la
Tchéka et
de G.P.ou. en Union Soviétique (1) et celui des autorités mili-
taires
centrafricaines
(2)
qui
ont
compétence
de
veiller
à
l'application de certaines mesures de droit pénal économique.
Les
interventions des
autorités militaires,
des agents asser-
mentés comme les ingénieurs des mines et dans une certaine me-
sure,
de
la
commission
de
la
concurrence
(3)
dans
le
procès
pénal
économique
peuvent
être
analysées
sous
le
même
angle.
Elles expriment
le souci
commun des
pouvoirs publics,
spécia-
lement de
l'Exécutif,
de
prendre une
part active dans la mise
en
oeuvre
des
textes
pénaux qu'ils ont
eux-même adoptés dans
le cadre de leurs politiques économiques.
SECTION II
LA
PROTECTION PENALE DES
RESSOURCES
FINANCIERES
NATIONALES.
391.
La
protection
des
ressources
minières
est
inspirée
par
cette
préoccupation
essentielle
de
garantir
la
sécurité
aux
biens
dont
la
commercialisation permet de
recueillir
les
ressources financières susceptibles d'être investies en faveur
du développement.
Dès lors,
la protection des ressources natu-
relles
emporte
logiquement,
celle
des
devises
provenant
de
leur
commercialisation
contre
les
actes
dont
elles
subissent
les coups.
Parmi ces actes,
vient en première ligne le détour-
nement.
Le détournement de deniers publics est une infraction
très répandue dans les pays du tiers-monde en général.
(1) VO supra nO
129.
(2) VO décret centrafricain du 18 fév.
1972.
(3) Voir supra, deuxième partie, titre l, chapitre 1.
..

· ~
',-.
-: ~:
308.
En
Afrique,
il
sévit de
façon/endémique.
Il est le témoignage
frappant
du
peu
de
souci
dl un
bon
nombre
d'agents de
l'Etat
pour
la
chose publique dont
la gestion ou la garde constitue
précisément leu~ fonction (1).
Les
conséquences
du
détournement
de
deniers
publics
s.ur
le
développement économique ne sont plus à démontrer.
Et pourtant,-
jusqu'à
une
date
très
récente,
les politiques criminelles a-
fricaines
contre
ce
délit
ne reflétaient
pas
l'importance de
cette
infraction
eu
égard au danger
qu'elle
présente
pour
le
développement économique.
Il
a
fallu
en effet,
attendre ces dernières
années
pour voir
naître dans certains pays africains
notamment
au Sénégal,
au
Cameroun et au Tchad (2),
une volonté répressive contre le dé-
tournement
de
deniers
publics.
La naissance de
cette volonté
est,
sans
aucun
doute,
liée
à
la
crise économique
actuelle
qui sévit dans tous les pays du monde et dont les conséquences
en Afrique
se font sentir parfois de façon dramatique.
Nous
limiterons
notre
analyse
aux
législations
pénales
de
trois pays africains
:
," ..
~ '
Le
Sénégal
qui vient d'adopter deux textes d'un genre tout
à
f ai t
nouveau
en
matière de
répression du détournement
de de-
niers publics (Par.
1), la Côte d'Ivoire (Par.
II)
et le Mali
(Par.
III) qui demeurent attachés aux conditions traditionnel-
les de répression de ce délit.
_-
~.-
- - ----_._- ..
_.-
.......
~ - _ . _ ~ ~ - - - - _
(1) vo H. Sarassoro "La corruption des fonctionnaires en Afri-
que~ étude de droit pénal comparé. Economica 1979 P.127 et
s.; Sur l'étiologie du délit,
voir la "sympathique" analy-
se de M. Sarassoro.
Loc.
cit.
P.11 à 38.
( 2 )
Une "cour spéciale de justice" chargée de réprimer les dé-
tournements de deniers publics a été créée en Février 1985
au Tchad.
Selon l'ordonnance créant cette cour,
le détour-
nement
de
deniers
publics est un
"crime contre
la
Nation
Tchadienne".
Elle
préyoi t
la
peine de mort lorsque le dé-
tournement
porte
su~ des
fonds
d'une valeur supérieure
à
30 millions
(CFA).

309.
Paragraphe l
La
répression
du
détournement
de
deniers
publics au Sénégal.
392.
Le détournement de deniers publics n'est pas inconnu
de
la
société Sénégalaise bien que,
comme
le
dit
le
législa-
teur sénégalais lui-même,
son pays
"bénéficie d'une situation
relativement
meiLleure
que
les
autres
Etats Africains. sur
le
plan de la moralité publique et de la justice sociale . . . "
(1).
Ce constat optimiste n'a pas empêché le législateur sénégalais
d'adopter
dans
le
courant
de
l'année
1981
deux
textes
très
hardis
ayant
pour
fonction
"la
répression de
l'enrichisse-
ment illicite".
Le premier texte,
(2)
une
loi
pénale de fond ,
institue un dé-
l i t nouveau
le délit d'enrichissement illicite
par lequel,
outre le détournement de deniers publics,
le législateur séné-
galais
entend
réprimer
la
corruption,
le
trafic
d'influence
et la concussion (A).
Le deuxième texte,
une
loi pénale de forme
(3),
crée une cour
spéciale chargée de la recherche,
de la poursuite et de la ré-
pression de l'enrichissement illicite (8).
A - Le délit d'enrichissement illicite.
Aux termes de la loi du 10 juillet 1981 relative à la
répression
de
l'enrichissement
illicite,
tout
agent civil ou
militaire ou d'une
collectivité publique ou semi-publique qui
ne peut rapporter la preuve de l'origine licite de sa fortune,
se rend coupable du délit d'enrichissement illicite (4).
Il s'agit
là d'une
infraction spéciale qui suppose la réunion
de deux éléments constitutifs
l'existence d'une fortune
(a)
(1) Cf.
exposé des motifs des
lois nO 81-53 et nO 81-54 rela-
tives à la répression de l'enrichissement illicite et à la
création d'une cour spéciale à
cet effet. VO J.O.
nO spé-
cial du 24 juillet 1981 P.713.
(2) Loi nO 81-53 du 10 juillet 1981.
(3) Loi nO 81-54 du 10 juillet 1981.
(4) Cf. art.
3 de la loi nO 81-53 du 10 juillet 1981.
.. . ,

310.
et l'impossibilité d'en prouver l'otigine licite (b).
~/
a - L'existence d'une fortune.
393.
Le
premier
élément
constitutif
du
délit
institué
par
la
loi du
10
juillet
1981
est l'existence d'une
fortune.
L'analyse
de
cette
première
condition
du délit d' enrichisse-
ment
illicite
~onduit à
se
poser
un
certain
nombre de ques-
tions auxquelles malheureusement,
la
loi elle-même ne fournit
aucune réponse.
Quelles sont les caractéristiques de la richesse dont le titu-
laire peut être amené à justifier la licéité ?
Quelle doit-être son importance? Autrement dit,
quelle est la
somme d'argent ou le nombre
de biens matériels au-delà duquel
on est considéré comme détenteur d'une fortune?
La fortune ou ... la richesse doit-elle exister au moment de la
poursuite? ou, doit-elle simplement avoir existé?
Autant
de
questions
sans
réponses,
autant
d'incertitudes qui
montrent les lacunes du texte du 10 juillet 1981.
Si
lion
peut
trouver
sur
le
plan
juridique une réponse
a
la
question
relative
a
11 importance
de
la
richesse
qui éveille
les
soupçons
et
fonde
la
poursuite,
la
deuxième
question
ne
laisse pas d'être extrêmement difficile à résoudre.
394.
En ce qui
concerne
le premier problème,
la
question
sera
sans
doute
laissée à 11 appréciation de
la cour
de répression de l'enrichissement illicite
(1),
plus précisé-
ment au procureur près cette cour.
(1) VO loi nO 81-54 du 10 juillet 1981.
J.a.R.S.
du 24 juillet
1981. P.715; voir infra nO 317.
.'..-.~.:..\\ ;

311.
Il reviendra au ministère public près la cour de répression de
l'enrichissement
illicite
d~_ 'juger de
l'opportunité de
pour-
suivre ou non les "enrichissements" portés à sa connaissance.
Cette solution nous
paraît s'imposer
pour deux raisons essen-
tielles.
La première est qu'il serait de "mauvaise guerre" de fixer par
la loi un plafond à l'enrichissement.
Ce serait,
en le faisant,
vider le texte de son efficacité,
puisque,
pour échapper à la
poursuite
et
ainsi,
à
la
répression,
l'on
prendra
soin de ne
jamais détourner des fonds
ou de ne jamais se laisser corrom-
pre au-delà du montant maximum que la loi aura fixé.
La deuxième raison,
et c'est sans doute là,
l'argument décisif
qui
justifie le
silence du
législateur
sénégalais sur ce pro-
blème,
est
qu'une
richesse,
quelle qu'en
soit la valeur,
peut
avoir une origine illicite.
On peut n'avoir qu'une fortune peu
importante,
et celle-ci avoir une origine illicite
lorsqu'el-
le
résulte
de
la
perpétration de
l'une des infractions que le
législateur
entend
réprimer
sous
le couvert
du délit d'enri-
chissement illicite (1).
395.
Concernant
le
deuxième
problème,
un
fonc-
tionnaire
ou
un
agent
assimilé qui,
après
avoir détourné des
fonds,
les dilapide rapidement
peut-il être poursuivi du chef
du délit d'enrichissement i l l i c i t e ?
On serait tenté,
poussé par plusieurs raisons,
de répondre par
la négative.
EN
effet,
d'abord
en
l'absence
de
fortune
existante,
des
poursuites
peuvent
être
engagées
sur
la
base
de
simples
ru-
meurs.
Ensuite,
le
prévenu
pourrait
nier
avoir
eu
en
sa
possession
les richesses alléguées
et dès
lors,
se poserait le problème
de preuve qui
dans la réalité ne serait pas facile à résoudre.
Ce sont le détournement de deniers publics,
la corruption,
le
trafic
d'influence
et la concussion.
VO
art.
3 loi nO
81-53 du 10 juillet 1981.
"- /
•. .<./~.~;:

312.
Par
ailleurs,
un
argument
juridique peut faire
obstacle à
la
poursuite en l'absence
d'une·· f~rtune existante.
En effet,
le délit d'enrichissement illicite est fondé sur une
présomption tirée de l'existence d'une fortune.
En l'absence de-cette fortune,
la présomption n'existe pas.
Il
serait
difficile
d'admettre
sur le plan
juridique
que
la
présomption du délit
c'est-à-dire, l'existence d'une fortune,
s'établisse elle-même par présomption.
Sur
le
fondement
de
ces
di verses
raisons,
on
pourrait
être
amené à soutenir que la poursuite de l'enrichissement illicite
n'est
possible
que
si,
au
moment

elle
est
déclenchée,
il
existe
en
possession
du
prévenu,
une
fortune
qui
présume
l'existence du délit.
396. Mais si l'on s'en tient à l'esprit du texte
et à ses objectifs,
on devrait répondre à la question par l'af-
firmative
en disant que
la loi du 10 juillet 1981 ne vise pas
uniquement
les
fortunes
qui
existent au moment de la poursui-
te
mais également toutes celles qui
ont existé dans le passé
et
qui
ont
eu une origine
illicite.
Une telle
interprétation
du texte paraît plus conforme à la volonté du
législateur sé-
négalais
de
lutter
contre
les apparences scandaleuses de
ri-
chesse.
Une
telle
vision
du
texte
permettrait
de
poursuiivre
les
an-
ciennes personnalités politiques qui se sont enrichies durant
leur mandat.
et qui n'ont pas pu être poursuivies en raison de
leur fonction politique
(1).
(1)
Il est en effet rare,
de voir des personnalités politiques
et
administratives africaines comparaître devant
les tri-
bunaux en tant
qu'accusées.
Voir sur ce point,
Sarrassoro
H.
: La corruption des fonctionnaires en Afrique,
op.
cit.
P. 127 et s.
... -.

'.
313.
b
-
~~~~e~~~~~~~~~~_~~__~~~~~~~_~~~~~~~~~_~~~~~~
de la forturi-~.
397.
L' impossibli té de
prouver
l ' origine licite
de
la
fortune
constitue
l'élément fondamental
du délit d'en-
richissement.
S'enrichir n'est
pas prohibé,
mais i l faut le faire avec pro-
bité.
Le fonctionnaire
ou l'agent visé
par
l'article 3 de la loi du
10
juillet
1981,
qui ne parvient
pas à prouver que sa fortune
a
été
constituée sans fraude
est,
par cela même,
coupable du
délit d'enrichissement illicite.
Celui-ci est donc un délit constitué dès le refus ou l'impos~
sibilité de justifier la licéité de sa fortune.
Mais il faut faire observer que cette loi
du 10 juillet
1981 conduit à
réprimer des délits de détournement de deniers
publics,
de concussion, etc ...
déjà prescrits,
ou non poursui-
vis faute d'avoir pu réunir tous leurs.éléments constitutifs.
La
loi
sénégalaise permet donc
de contourner l'obstacle juri-
dique de la prescription de l'action publique.
Etant susceptible de s'appliquer à
des actes d'enrichissement
illicites avant
son entrée
en vigueur,
elle fait également é-
chec
au
principe
de
la non-rétroactivité des
lois
pénales de
fond.
Mais
ces
caractéristiques
de
la
loi
du
10
juillet
1981,
ne
doivent guère
surprendre
lorsqu'on sait qu'elles sont le pro-
pre de la plupart des mesures de droit pénal économique.
B - La création d'une Cour Spéciale de
répression de
l'enrichissement illicite.
398. Le
législateur
sénégalais
a,
à
la
même
date
du
10
juillet
1981,
adopté une
loi
créant une cour de répression de
l'enrichissement illicite.
..
",.".

314.
La création de
cette
juridiction spéciale est issue de la vo-
lonté des pouvoirs publics s~négalais de réagir de façon sgec-
taculaire
contre
ce
délit
qui
selon le
législateur
lui-même,
est "source d'injustice sociale"
(1).
Mais la création de cette cour repose surtout sur des considé-
rations. dl ordre
économique
et
politique
(2).
Il est
question
dans la crise actuelle, d'assurer aux biens publics une utili-
sation rationnelle
dans
la
politique de
développement écono-
mique.
Chargée de rechercher et de réprimer l'enrichissement illicite,
la
cour
a
une
compétence
ratione
materiae
spéciale.
Elle
ne
connaît que des délits d'enrichissement illicite.
Peut-elle
connaître
des
délits
à
la
base de
l'enrichissement
illicite
?
Autrement
dit,
peut-elle
connaître
des
délits
de
détournement de
deniers
publics,
de
la
corruption,
de la con-
cussion, trafic d'influence?
En principe,
la cour de répression de l'enrichissement est in-
compétente.
Les
juridictions de droit
commun demeurent compé-
tentes pour connaître de ces délits.
Néanmoins,
comme
le
prescrit
l'article
5
alinéa
2 de
la
loi
nO
81- 54,
le
procureur spécial
près la cour de
répression de
l'enrichissement
illicite
doit
être
informé
de
toutes
les
poursuites
engagées
auprès
des
juridictions
de
droit
commun
pour les délits contre les deniers publics.
Il
pourra
ainsi
vérifier
si
le
délit
poursuivi
a
permis
au
prévenu
d'avoir
une
fortune,
une
richesse existant
au moment
des poursuites
auquel cas,
on
pourrait lui imputer le délit
d'enrichissement
illicite
et
non
plus,
celui
de
détournement
de
denniers
publ ics,
ou
de
corruption,
de
concussion,
etc ...
ou
bien,
tout
au
moins,
i l
Y aura
concours
idéal
d' infrac-
t ions (3).
(1) Cf.
exposé des motifs de la loi nO 81-53 op.
cit.
(2)
Il
semble
que ces textes aient été adoptés à l'initiative
du
président
Abdou
Diouf
pour exprimer
au peuple
sénéga-
lais,
sa volonté de
lutter contre
les injustices sociales
que
causent
les
détournements
de
deniers
publics,
jusque
là impunis ou insuffisamment punis.
(3) VO Chalaron, le concours idéal d'infractions J.C.P.
1967 l
2088.
. .' \\ .
. :. .

315.
En tout état de cause,
l'information du procureur spécial per-
met à celui-ci de juger de l~opportunité de poursuivre ou non,
l'infraction commise au titre de l'enrichissement illicite.
399. En ce qui concerne les modal~tés de la poursuite
et
de
la
répression,
la
loi
a
institué une
commission d'ins-
truction (1)
L'article 10 de la loi nO 81-54 instituant la commission d'en-
quête,
précise
que
la durée
de
l'instruction ne
peut excéder
six mois
à compter de la saisine de la commission d'instruc-
tion.
La
Cour
spéciale
de
répression
de
l'enrichissement
illicite

statue en premier et dernier ressort.
Ses décisions ne peuvent
par conséquent,
que faire l'objet d'un pourvoi en cassation (2).
Par ailleurs,
la loi interdit à la cour de faire bénéficier le
délinquant,
et des
circonstances
atténuantes,
et du
sursis
à
l'exécution de la peine.
Si par ces textes,
le législateur sénégalais a manifesté clai-
rement sa
volonté de
réprimer effectivement
(3) et de tenter,
par
cette
voie,
d'enrayer
le détournement de
deniers publics
et d'une manière générale,
l'enrichissement
illicite,
dans la
plupart
des
aut~es pays africains, nob'amment en Côte dl Ivoire
l'on se cantonne dans les formes classiques de- répression.
Paragraphe II
La
répression
du
détournement
de
deniers
publics en Côte d'Ivoire.
400.
En
Côte
d'Ivoire,
la répression du détournement
des
(1)
Cf.
art.
5,
loi nO 81-54 du 10 juillet 1981.
(2) Cf.
art.
7 de la loi nO 81-54 loc. cit.
(3) Dès sa création, la cour de répression de l'enrichissement
illicite
a
procédé à
des mises en demeure
qui
ont
abouti
à
deux
arrestations.

jeune
Afrique
nO
118
du
31
mars
1982 P.5I.
.,

316.
deniers
publics
a
pris
ces dernières
années,
avec
11 aiguise-
ment de la crise économique,/ti~e tournure nouvelle.
D'abord,
au plan législatif,
le nouveau code pénal
(1) a opéré
des innovations significatives (2).
Ensuite,
au niveau de
la mise en oeuvre,
on sent aujourd'hui,
un
courant
politique
favorable
à
la
répression
effective
d"e
cette infraction (3).
L'article
225 du nouveau code
pénal
ivoirien prévoit des pei-
nes très
sévères contre
le
détournement
de deniers publics et
privés.
Le
prévenu peut être
puni d'un emprisonnement de cinq
à
dix
ans
et
d'une
amende
allant
jusqu'à trois
millions
de
francs
(C. F.A.)
(4).
En dehors
du taux élevé
des
peines,
la sévérité des sanctions
pénales se situe aussi bien au niveau des conditions dans les-
quelles
s'exerce
la
poursuite
qu'à celui des ~sures qui ac-
compagnent les peines principales.
En
effet,
dès
la
constatation de
l'infraction,
l'article
225
al.
2,
enjoint
au
juge d'instruction
d'ordonner
la mise sous
séquestre des biens de l'inculpé (5).
Cette mesure conservatoire tend à
éviter que le prévenu n'or-
ganise son insolvabilité ou ne dissipe les biens détournés.
Mais
sur
le
plan
juridique,
la mise
sous séquestre
des biens
de
l ' inculpé ~ 1 explique
par
la
présomption
qui
pèse
sur
ces
biens
en
ce
qui
concerne
leur
origine.
On
présume
en effet,
que
les
biens
de
l'inculpé
proviennent
du
délit
dont
il est
(1)
Loi nO 81.640 du 31
juillet 1981 instituant un nouveau co-
de pénal. VO J.O.
4 janvier 1982,
nO spécial.
(2) Voir infra
(3) Ce courant politique s'est manifesté par la création d'une
police
économique
(Vo
décrets
81-521
du
1er
juillet
1981
et
81-885
du
24 oct.
1981),
et
surtout par
l'inculpation
de
plusieurs personnalités dans
ce
qu'il est commun d'ap-
peler
en
Côte
d'Ivoire,
le
scandale
de
la
"Logemad".
VO
Fraternité Matin (C.I.) nO du mois de septembre 1984.
(4)
1 F.
(Français)
= 50 F (C.F.A.)
(5)
VO
art.
225 al.
2 qui déclare,"
le juge d'instruction
après avoir procédé aux formalités de première comparution
doit,
si
l'inculpation est maintenue,
ordonner
le séques-
tre des biens de l'inculpé.
...

317.
accusé.
Il
faut
donc veiller à ce que ces biens n'échappent à
/ '
une saisie éventuelle après le jugement définitif.
401.
Au chapitre des mesures
qui
renforcent la répression
du
détournement
de
fonds
publ ics,
i l
faut
également noter
la
répression de la tentative (1) et le renversement de la charge
de
la preuve.
Il
appartient
au prévenu d'établir son innocen-
ce.
A cet égard,
le régime de l'incrimination du détournement
de
deniers
publics en Côte d'Ivoire
se rapproche de celui du
Sénégal, en particulier de celui de l'enrichissement illicite.
Comme nous
le notions,
le délit
d'enrichissement illicite est
établi dès l'impossibilité du prévenu à justifier l'origine li-
cite de sa fortune
(2).
Sur
ce
point,
les
législateurs
ivoirien et sénégalais rejet-
tent
le
principe
de
la
présomption
d'innocence
qui
est
un
principe constitutionnel (3).
Il
faut
cependant
noter,
que
la
similitude
entre
les
droits
ivoirien
et
sénégalais
en
matière de détournement
et dl enri-
chissement
illicite
s'arrête
au
renversement de
la charge de
la preuve.
En
effet,
si
le droit pénal
ivoirien ni opère ce
renversement
que sur la base de faits positifs qui supposent l'existence du
délit
de
détournement
de
fonds,
le droit
sénégalais fonde sa
présomption
sur
la
simple
existence dl une fortune
en posses-
sion du prévenu.
En Côte d'Ivoire,
le délit est
supposé constitué dès l'impos-
sibil i té pour le dépositaire des fonds,
de les "représenter",
ou de justifier que les fonds ont fait l'objet d'un usage con-
forme à leur destination initiale (4).
( 1) Cf.
art.
227 al.
2
(2) yo supra nO
312.
(3) y o art icle 6 2 constitution
ivoirienne du 2 nov.
1960.
(4) Article 226 al. 1 C.P. ivoirien du 31 juillet 1981.
..

318.
Pour faire
tomber
la présomption,
l'inculpé devra prouver que
/ '
l'impossibilité dans laquelre il se trouve
de représenter les
fonds ou de justifier qu'il en a fait un usage conforme à leur
destination,
n'a pas une origine frauduleuse,
ou si elle l'est,
que celle-ci n~ lui est pas imputable (1).
Dès lors que ces preuves ne peuvent être rapportées,
le préve-
nu
sera
poursuivi et puni sans
qu'il
puisse bénéficier, ni
de
circonstances
atténuantes,
ni
du
sursis
à
1 1 exécution
de
la
peine
(2).
Celle-ci est de cinq à dix ans de privation de li-
berté et d'une
amende de trois cent mille à trois millions de
francs (3).
Paragraphe III
La
répression du détournement de deniers
publics au Mali.
402.
Contrairement aux législateurs ivoirien et sénégalais,
le
législateur malien nia
pas
jugé utile de réserver un trai-
tement spécial à l'auteur du détournement de deniers publics.
Le
délinquant
peut, s' il
remplit
les conditions posées par
la
loi,
bénéficier
des
mesures
générales qui
atténuent
en droit
pénal,
les peines (4).
C'est ainsi que le délinquant peut en droit malien,
bénéficier
de
circonstances
atténuantes,
du
sursis
à
11 exécution
de
la
peine,
de la libération conditionnelle,
etc . . .
(5).
Mais
la
réaction
du
droit
pénal
économique
malien
n'est
pas
aussi douce qu'on
pourrait
le croire à première vue.
Elle est
tout aussi,
sinon plus
sévère
que celles du Sénégal et de la
Côte
d'Ivoire.
La
sévérité
de la législat ion malienne
contre
le détournement
de deniers
publics se situe au niveau de l'é-
(l) Art. 226 al. 2
( 2 ) Art.
227 al.
l .
( 3 ) Art. 225 al. l.
( 4) VO Stéfani,
Levasseur et Bouloc,
1980,
P.477 et s.
( 5 ) Cf.
art.
2,
loi du
3 août 1961 portant code pénal malien
modifié par l'ord. du 12 fév.
1974·
.,

319.
tendue de l'incrimination (1).
En
effet,
se
réclamant
de
tendance
socialiste,
les
pouvoirs
publics maliens ont une
sphe~';' d'activité beaucoup plus large
que celle des pays de tendance libérale comme la Côte d'Ivoire.
Il en résulte que tout détournement portant sur des fonds est
traité comme un'-détournement de deniers publics. Le code pénal
malien ne fait aucune mention des deniers privés contrairement
au code pénal ivoirien qui ne fait aucune distinction entre le
détournement
de
deniers
publics et celui
portant sur des de-
niers
privés,
ce
qui est
parfaitement conforme à
sa tendance
capitaliste.
(1) vo H. Sarrassoro op. cit. P.195 et s.
a,

320.
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
-
-~---.-
403.
La
répression
du
détournement de deniers publics et
de
l'exploita-tron
illégale
des
ressources
minières,
bien que
n'étant
pas spécifique
aux pays du tiers-monde en général,
et
aux pays africains en particulier,
devrait
revêtir une signi-
fication particulière dans ces pays.
Face
a
l'impératif
du
développement
économique,
il
faut
pour
les Pouvoirs publics africains, mettre les moyens par lesquels
l'Etat
peut
agir,
à
l'abri
des
atteintes
qui
pourraient
les
détourner de leur destination.
Les techniques mises en oeuvre a cet effet,
paraissent adéqua-
tes.
La grande sévérité des peines repose sur le souci d'efficacité
de
la
sanction
pénale.
Le
législateur
cherche
avant tout,
à
recourir
aux
fonctions
d' intimidation
et
d' exemplari té de
la
peine (l).
404.
Ces mesures
répressives
sont à meme d'assurer leurs
fonctions,
mais,
faut-il
encore qu'elles soient effectivement
appliquées aux infractions commises.
Or,
malheureusement,
ces
mesures sorit d'application discriminatoire.
En effet,
si les textes en matière de détournement de deniers
publics
ne
font
pas
défaut
dans
les
législations africaines,
leur
application
n'a
généralement
lieu
que
pour
réprimer
de
menus détournements perpétrés par des fonctionnaires au bas de
la hiérarchie administrative (2).
La situation en Côte dl Ivoire est, de
la manière la plus par ""_
faite,
résumée par un journaliste ivoirien qui,
s'étonnant de-
vant
la
poursuite
d'un
détournement
de
fonds
-écrit
11
en
(1) Ottenhof R.
Le droit
pénal
et
la formation du contrat ci-
vil.
L.G.D.J.
1970 nO
123 P.1lS.
(2) Ce sont ceux que M.
Sarassoro (op.
cit.
P.32 et s) appelle
les
petits
par
rapport
aux
11 intouchables 11
ou
"l es
gros 11
qui
sont
des
hauts
fonctionnaires
cumulant des
fonctions
administratives et politiques.
...
..... .

321.
effet,
nous avons été habitués en Côte d'Ivoire,
à ce que des
personnes de la trempe de
Kallet,
ne comparaissent pas devant
les juges ... " (1).
Cette attitude générale des pouvoirs
publics africains à l'é-
gard
du
détournement
de
deniers
publics,
s'explique dans une
large mesure par le fait suivant
D'une façon
générale,
les hauts fonctionnaires
qui détiennent
les fonds publics dans les services administratifs,
sont choi-
sis au sein de la "famille politique" au pouvoir (2).
Toutes
les
institutions
étatiques
sont organisées et mues en
fonctipn de leurs intérêts, de sorte que le pouvoir judiciaire
qui
jouit
dl une
indépendance
de
principe ,
ne
peut
réprimer
ce délit sans se faire à lui-même violence.
Il
faut
également
noter
les effets néfastes du
"clienté lisme
politique" et du "népotisme" qui se traduisent par la création
de postes administratifs dans le seul but de "caser" des mem-
bres ou des protégés de la "famille politique".
Ces services administratifs qui ne répondent pas à des besoins
réels des populations, sont en réalité sources de dilapidation
des deniers
publics.
Et bien évidemment,
l'auteur ne sera pas
poursuivi.
Les récentes
réformes au Sénégal~~u Cameroun et dans une me-
sure,
en
Côte
d'Ivoire
(4.)
sont sources dl espoir. . ..
mais en
Afrique,
nous
sommes
habitués
à
voir
de
telles
initiatives,
naître puis s'évanouir aussitôt
après,
sous
les "rayons acca-
(1) VO I.D.
(Ivoire Dimanche - Magazine hebdomadaire ivoirien)
nO 585 du 25 avril 1982 P.36.
(2)
Il
existe en Afrique,
en Côte d'Ivoire,
par exemple,
une
famille
poli tique
constituée
par
ceux qui
ont,
dl une ma-
nlere
ou
dl une
autre,
participé à
la décolonisation.
Ils
s'appellent ou se font appeler "Militants de première heu-
re". Ces hommes sont au-dessus des lois
de l'Etat
qu'ils
considèrent comme
leur propriété indivise.
(3) VO Supra,
les lois sénégalaises nO 81-53 et nO 81-54 du 10
juillet 1981.
(4)
VO les dispositions de
l'article
225 C.P ivoirien.
Sur la
base de cette disposition,
certaines personnalités ont été
poursuivies et condamnées après un procès
politico-écono-
mique
qui
a
duré
environ
un
mois
(septembre
1984 VO
les
numéros du
quotidien Fraternité Matin de Côte d'Ivoire du
mois de septembre 1984).
'..
,'~

322.
cablants"
de
la
corruption,
du
trafic
d'influence
et
de
la
concussion (1).
La
mesure
la
plus efficace contre
le détournement de
deniers
publics,
l'enrichissement illicite,
etc ...
serait d'imposer la
·"transparence· ·des
richesses"
notamment
par
l'établissement
d'une
obligation
pénalement
sanctionnée,
de
déclarer
au fisc
ou
à tout
autre organisme créé
à cet effet,
les
fortunes
au-
delà d'un certain seuil.
. _.--~---~--
Il
faudrait
également
créer
de
réels contre-pouvoirs pouvant
assurer le contrôle de la gestion des fonds publics.
Nous pen-
sons à cet égard,
à
la mise en place de structures démocrati-
ques
(2)
qui
"responsabiliseraient"
mieux,
les
individus
et
mettraient ainsi un frein
aux enrichissements
"spontanés" des
membres de la classe politique et
administrative " (3).
LI ef-
fectivité
et l'efficacité du droit
pénal
économique en ce qui
concerne le détournement de deniers publics sont à ce prix.
( 1) Devant
la
montée
des
détournements de
deniers publics et
privés,
des fraudes de toute sorte,
et semble-t-il à l'ins~
tigation
du
Fonds
Monétaire
International
qui
exigerait
comme
condition
préalable
à
ses
prêts,
une
saine
gestion
des
affaires
de
l'Etat
emprunteur,
un secrétariat d'Etat
a été créé pour rechercher,
et poursuivre,
les infractions
économiques
(Vo
décrets
nO
81-621
du
1er
juillet
1981
et
nO
81-885
du
24 oct.
1981.
Ce secrétariat
qui comportait
un service chargé de
la
répression des infractions écono-
miques,
a été supprimé en 1984 à la suite d'un remanie~ent
ministériel en Côte d'Ivoire.
(2) En ce sens Edern Kodjo,
op.
cit.;
Gbagbo Laurent
op.
cit.
P. 125 et s.
(3)
Gbagbo,
Laurent.
Loc.
cit.
P.125.
. ,
• • ~!'
.. -.'

CHAPITRE II ~ LE DROIT P~NAL ~CONOMIQUE ET LA CR~ATION DES
CONDITIONS DU D~VELOPPEMENT ~CONOMIQUE PAR L'ENTREPRISE
PRIV~E,
..

323.
405.
La
plupart
des
pays
d'Afrique
Noire
d'expression
française,
lors
de
leur
accession
à
l'indépendance,
ont
pro-
clamé leur
attachement aux principes
socio-économiques
(1) de
leur ancienne puissance colonisatrice: la France.
Cette option qui,
comme nous l'avons dit (2),
a été guidée par
le
passé
historique
de
ces
pays,
allait
être
expliquée
plus
tard,
en
ce
qui
concerne
la
Côte
d'Ivoire,
par M.
Houphouet
Boigny qui,
rejetant le modèle communiste,
déclarait
"Plutôt
que de songer aux méthodes de
répartition des richesses exis-
tantes,
mieux vaut travailler en priorité à créer de nouvelles
richesses.
Il
ne
sert
à
rien
de
vouloir
partager
la pauvre-
té"
(3).
Or,
la production économique dans
la
voie du capitalisme sup-
pose l'existence du capital; ce qui en Afrique fait défaut et
qui,
comme
nous venons de
le voir,
a conduit les pouvoirs pu-
blics
a
se
substituer
à l'initiative privée,
pour
promouvoir
le développement économique
par
la création d'entreprises pu-
bliques
et
semi-publiques.
Le
"capitalisme
d'Etat ",
formule
consacrée
pour exprimer cette forme
d'organisation
économique
par
l'Etat
qui
se
fait
"entrepreneur",
est
présenté comme
un
stade
intermédiaire entre l'économie
de subsistance
et l'éco-
noie
de marché
(4).
Aussi,
pour
préparer l'avènement du capi-
talisme "privé",
les pouvoirs publics ivoiriens ont-ils adopté
des mesures conséquentes (5).
(1) VO supra,
première partie,
nO
158 et s.
(2) VO supra,
le poids des structures et valeurs traditionnel-
les sur les facteurs du développement économique.
(3)
H.
Boigny ,
cité
par
Penouil.
Systèmes
économiques
afri-
cains
et
développement,
in
structures
traditionnelles
et
développement.
op.
cit.
p.60.
(4) H.B.
cité par Penouil,
loc.
cit.
p.60.
(5)
En
réalité,
le
législateur
ivoirien s'est
au départ
con-
tenté de laisser s'appliquer les textes français garantis-
sant
la
liberté du commerce
et
de l'industrie,
et la pro-
priété capitaliste des moyens de production
(Vo supra, 1ère
partie,
le
droit
pénal
économique
et
la
protection
des
fondements socio-économiques capitalistes);
ceci,
jusqu'en
1978 quand par une loi en date du 28 juillet,
la Côte d'I-
voire a adopté une loi règlementant la concurrence.
,
,.')"
....,." ?::
;- ..
..
'
,
.... ::-
,'.'~ .

324.
C'est
ainsi
que
dans
le
droit
pénal
économique
ivoirien,
on
note,
outre
les
mesurs
protectrices
des
ressources étatiques
(1),
d'autres mesures ayant
pour
fonctions
de favoriser d'une
part,
la
formation
de capital
par la protection de
l'épargne
privée (Section 1) et d'autre part, l'installation d'entrepri-
ses privées nationales sur un marché
dominé par les entrepri-
ses
étrangères
et
les sociétés d'Etat
(2)
ou d'économie mix-
te
ce qui conduit les pouvoirs publics à la
r~glementation
de la concurrence (Section II).
SECTION l
LE
DROIT
PENAL
ECONOMIQUE
AFRICAIN
ET LA PROTEC-
TION DE l'EPARGNE PRIVEE.
406.
La
protection
de
l'épargne privée
revêt
une
impor-
tance considérable en particulier dans
les pays capitalistes.
Le
capitalisme
suppose,
on
le
sait,
l'existence
de
capitaux
privés
susceptibles
dl être
investis
dans
l'activité
économi-
que.
Or,
dans
leur
quasi-totalité,
les pays africains
se ca-
ractérisent par
la faiblesse
de
leurs capitaux internes.
Pour
remédier
à
court
terme
à
cet
état
de
fait,
les
pouvoirs pu-
blics africains vont mettre
en oeuvre une politique en faveur
de la formation du Capital.
Dans ce cadre,
ils vont s'attaquer
à tous les facteurs qui empêchent la constitution des capitaux
ou qui les stérilisent en les drainant vers des activités non
productives.
Une fois de plus,
les pouvoirs publics s'appuyeront sur "l'ar-
senal
répressif"
du droit
pénal
économique.
D'abord les sanc-
tions pénales vont viser certaines pratiques coutumières qui,
occasionnant
des
dépenses
excessives,
empêchent
la
formation
des capitaux,
ou les détournent
des circuits économiques dans
(1) VO supra,
chap.
l
le droit pénal économique et le finance-
ment du développement économique" par l'Etat,
nO 299 et
(2)
l.es .sociétés
dl Etat
ont
été dissoutes pour la plupart, en
1980.
.."

325.
lesquels
ils
devraient
s'insérer
pour
promouvoir le dévelop- .
. /
pement
par
l'entreprise
privée.
En effet,
comme nous
le
ver-
rons,
certaines coutumes telles que
la dot et certains cultes
traditionnels
apparaissent" sur
une
grande
échelle,
comme
des·
éléments
nuisibles
a
la
constitution
de
capitaux
privés
et
par
conséquent,
a
l'économie
capitaliste
que
dans
certains
pays africains,
l'on veut mettre en place.
Dans
ce
même
souci,
les
pouvoirs
publics
vont
par
ailleurs,
s'attaquer à l'usure qui en Afrique,
se présente comme un obs-
tacle sérieux à
l'investissement productif.
Elle constitue un
fléau
social
qui
stérilise
l'épargne ou l'empêche de se cons-
tituer.
La contribution du droit
pénal
économique
à la solution de ce
problème
de
la
formation
du capital pour
le
développement
de
l'entreprise
privée,
se situe essentiellement au niveau de la
lutte
contre
d'une
part,
certaines
pratiques
coutumières,
(Par.
1)
et
dl autre
part,
11 usure
qui
ruinent
l'épargne
ou
l'empêchent de se constituer (Par.
II).
Paragraphe l
La
répression de certaines coutumes fami-
liales ou de leurs effets excessifs.
407.
Pour
combattre
l'utilisation
" an ti-économique"
des
fonds
monétaires,
les
législateurs africains
se sont attachés
plus particulièrement aux manifestations ostentatoires qui ac-
compagnent les cérémonies de circoncision,
de décès,
de maria-
ge,
etc...
(1).
Ces
cérémonies
coutumières
sont
en
Afrique,
de
véritables
sources de dépenses.
(1) J. Costa-Lascoux, op.
cit.
in politiques criminelles P.109
...
"

326 ..
A l'occasion
des
décès
par
exemple,
la
famille
du défunt
en
arrive
à
s'endetter pour fair; face
aux divers frais funérai-
res.
Il en est de même pour le mariage traditionnel avec la dot qui
aujourd'hui,
atteint des taux très élevés
(1),
de sorte qu'el-
le constitue non seulement,
un obstacle au mariage des person-
nes
peu
fortunées,
mais
également
une utilisation
"irration-
nelle" des biens économiques.
L'interdiction
ou
la
réglementation
de
la
dot
A )
la
réglementation de certaines cérémonies coutumières quant en ce
qui
concerne
leur
financement
(B),
visent
à
éliminer
les
"aberrations" monétaires et
économiques de certaines coutumes
(2) .
A -
L'interdiction
ou
la
réglementation
de
la
dot.
La fourniture
de
la dot
comme condition de validité
du
mariage
coutumier
àpparàît
auj ourd 'hui
aux
yeux
des
pou-
voirs
publics
africains
comme
un
détournement
des
biens
des
circuits
économiques
dans
lesquels
ils
devraient
normalement
s'insérer.
Mais comme
les motivations
des
comportements traditionnels ne
sont négligées ou retenues
que
dans
leurs seules conséquences
jugées néfastes pour le développement économique
(3), certains
pays africains
interdiront
la dot
(b)(4).
D'autres pays ne se
limiteront qu'à la réglementer
(a)
(5).
(1) C'est le cas en Côte d'Ivoire
(peuples du sud-est) au Togo
(peuples
du
sud)
au
Burkina-Faso,
VO
Diallo
Seyni,
"Les
droits de la famille dans la coutume Mossi" Recueil Penant
1967 nO
715 p.165 et s.
(2) J.
Costa-Lascoux,
op.
cit.
P~
109.
(3) J. Costa-Lascoux, op. cit. P.llO.
(4) C'est la situation au Gabon,
en République Centrafricaine,
en Côte d'Ivoire,
etc . . .
(5)
C'est
la
situation
au
Mali,
au
Sénégal,
au Cameroux,
en
Guinée
.
..'..... -..,','
',-:-:'

327.
408.
Par
la
réglementation de
la dot,
les pays
qui ont choisi cette forme de lutte ne répriment que les seuls
abus, c'est à dire le dépassement du taux prescrit par la loi.
Ainsi procède le législateur malien qui,
reprenant le principe
du
décret
Jacquinot
du
14
septembre
1951,
n ' interdit
pas
la
dot en tant que telle,
mais fixe à vingt mille francs maliens,
le montant au-dela duquel le bénéficiaire de la dot est passi-
ble de sanctions pénales (1).
En n'interdisant pas de façon absolue la dot,
les législateurs
qui la réglementent ont tout simplement voulu corriger les dé-
viations de
la coutume et maintenir
ainsi,
une pratique sécu-
laire, mais en lui restituant sa valeur symbolique d'antan.
Cette politique
pénale contre
la dot
est,
par rapport à celle
qui l'interdit,
plus satisfaisante à deux t i t r e s :
D'abord,
elle
permet de
satisfaire
l'immense majorité des po-
pulations africaines qui en dépit des changements socio-écono-
miques demeurent attachées à cette pratique coutumière.
Mais
en
même
temps,
elle
aboutit
aux
mêmes
résultats
sur le
plan
économique
que
la solution
radicale
:
celle de
l ' inter-
diction.
Cependant,
comme le relève à juste titre Mme J.
Costa-Lascoux,
"
l'atteinte
portée
par
la loi
aux déviations des coutumes
constitue une véritable prise de position normative contre les
systèmes
traditionnels
dans une
économie
qui
se veut moné-
taire,
conférer valeur de
symbole,
n'est-ce
pas déjà une con-
damnation
?
En intervenant
pour
poser le critère économi-
que,
le législateur viole un univers dont il n'accepte plus la
cohérence interne
(2).
(1)
VO
loi
du
3 f~v.
1962
; Pour le Cameroun oriental,
loi du
7
juillet
1966
;
Pour
la
Guinée,
loi
du
14
avri 1
1962
(J.O.
1er Juillet 1962).
(2) J.
Costa-Lascoux, op.
cit.
P.llO.

328.
b -
L'interdiction de la dot
,--<
409.
Certains
autres
pays.
comme
la Côte d'I-
voire
interdisent purement et simplement la dot.
Celle-ci est
vue comme con9u5sant au détournement
de
l'épargne de l'inves-
tissement
et comme une participation
au maintien des structu-
res et valeurs de l'économie de subsistance.
Le
droit
ivoirien
se
singularise
par
la
vigueur
des
peines
prévues èt par le caractère extensif de l'incrimination.
L'article
21
de
la loi
du 7 octobre 1964 relative au mariage
prévoi t
une
peine d'emprisonnement de
six mois
à deux ans et
une amende fixée au "double de la valeur des promesses agréées
ou des choses reçues ou demandées sans que ladite amende puis-
se être inférieure à cinquante mille francs C.F.A."
L'incrimination
vise
"quiconque
aura
soit
directement,
soit
par personne interposée
sollicité,
agréé
des
offres ou promesses de dot
sol-
licité ou reçu une dot.
-
Usé d'offres
ou de promesses
de dot ou cédé à des sol-
licitations tendant au versement d'une dot"
(1) ..
L'incrimination
ne
vise
donc
pas
seulement
le
fait
de
perce-
voir la dot.
Elle vise également
le fait d'agréer des promes-
ses
de
dot.
L'article
22 de
la
loi
ivoirienne
sur
le
mariage
offre
ainsi
l'exemple
dl un
cas
dl incrimination et de
répres-
sion
des
actes
préparatoires
d'une
infraction
(2).
L'article
22 de
la
loi
précise en outre
que la complicité est punissa-
ble.
410.
L'incrimination sous cette forme extensive
de la pratique coutumière de la dot est une illustration de la
(1) VO art.
22,
loi nO
375 du 7 octobre 1964 sur le mariage.
(2)
VO
sur
le
principe de
l'impunité des
actes
préparatoires
des infractions, Stefani,
Levasseur et Bouloc,
droit pénal
général.
Dalloz 1984 12è édition.
nO
195-196 P.223-224.
.." .

329.
volonté des pouvoirs publics ivoiriens de rompre avec une cou-
tume liée
à
l'économie de
subsistance.
Le capitalisme dont se
réclame
la
Côte
d'Ivoire
ne
saurait s' accomoder de
pratiques
qui détournent les capitaux de l'investissement productif.
On
peut
comprer:tdre
dès
lors,
pourquoi
ce
sont généralement des
pays qui
se
réclament du capitalisme
(1) qui interdisent sys-
tématiquement
la
dot
et
que
ceux
de
tendance i, socialiste" ne
font
que
la réglementer (2).
Mais
qu 1 il
y
ait
incrimination
systématique
ou incrimination
des seuls
abus,
ces
incriminations n'empêchent
que la dot de-
meure
une -institution
bien
vivante dans
les villages
et même
dans les villes africaines.
On imagine en effet
mal
le futur
époux assigner en
justice
sa
future
belle-famille qui lui demande
une dot. Les.tribunaux eux-mêmes hésitent à prononcer les peines d'empri-
sonnement}3Jar ailleurs, il est bien connu qu'en matière' criminelle'lors-
que la victime et le délinquant
ont un égal
intérêt
à
ne
pas
dénoncer
l'infraction,
le
droit
pénal
est
inefficace.
C'est
bien souvent le cas en matière de prêt usuraire
(4).
B -
La réglementation pénale de certaines cérémonies
coutumières.
411.
L'incrimination
dans
certains
pays
africains
des dépenses excessives à
l'occasion des
cérémonies rituelles
familiales est inspirée par les mêmes préoccupations à la base
de l'interdiction ou de la reglementation de la dot.
Après
avoir
analysé
les
dispositions
pénales
édictées contre
les
cérémon ies
somptuaires
(a),
nous
tenterons
une
synthèse
sur la politique criminelle africaine à l'égard de ces cérémo-
nies (b).
(1) Côte d'Ivoire,
Gabon,
Centrafrique,
etc ...
(2) Le Sénégal,
la Guinée,
etc ...
(3) Cf.
Abidjan,
31 janvier 1978, arrêt nO
111,
inédit;
2 août 1968, R.IDI 1969, nO
3 P.
45
(4) Voir infra,
n~ 420 et suivants .
. -."" "-
;'i~}J.}~:
• .
'
• ~Il';

330.
412.
Les cérémonies coutumières familiales don-
nent l'occasion de faire étalage des richesses et bien souvent,
de les dilapi~er pour des questions de simple prestige.
Et
comme
dans
les villes, comme
dans
les
villages,
ces cérémo....,
nies sont
le lot de tous
les jours,
les individus en arrivent
à épuiser tous leurs revenus et parfois même,
à s'endetter.
Mais pour
les
agents
de
l'Etat
qui ont la garde ou la gestion
des
fonds
publics,
c'est
souvent
l'occasion de les détourner.
En effet,
le ~onctionnaire africain ne se met pas en dehors du
circllit
coutumier
qui
conduit
au
gaspillage économique.
Sou-
vent ruiné par les cérémonies somptuaires auxquelles la coutu-
me
l'oblige à
prendre
part,
il
ne
lui
reste
plus
qu'à
puiser
dans les deniers publics pour pouvoir faire face à ses obliga-
tions coutumières.
Pour combattre cet état de fait qui non seulement anihile l'é-
pargne,
mais encore,
la détourne
-si
elle parvient à se cons-
tituer-,
des circuits économiques rentables dans lesquels elle
devrait s'insérer pour promouvoir le développement économique,
les
législateurs africains
se
sont
particulièrement
attaqués
aux manifestations ostentatoires
qui
accompagnent
ces
cérémo-
nies coutumières
(1).
413.
Cette
volonté
des
pouvoirs
publics
siest
traduite dans certains pays africains par l'adoption de textes
pénaux
réprimant
les
Il dépenses
excessives"
qu 1 engendrent
les
cérémonies culturelles et rituelles.
Le texte le
plus ancien ayant
cette fonction,
semble être ce-
lui promulgué au Sénégal le 24 février
1967 (2).
L'exemple
sénégalais
a
été
sui vi
d'abord
par
le
Bénin
(3),
puis par le Cameroun (4).
(1)
J . Costa-Lascoux, op.
cit.
in Archives de Politique crimi-
nelle P.109.
( 2 ) Cf. loi sénégalaise nO 67-04 du 24 fév. 1967.
( 3 ) Ordo
nO
I l
du 5 mai 1967.
( 4)
Loi
nO
68-2. du
I l
juil.
1968.J.O.R.F.C.
suppl
nO
2
1968.
..
.- -.
.
.. . ~.,~t"'-'

>,
331.
Au
B~nin,
les
c~r~monies rituelles et culturelles sont soumi-
~
ses aux prescriptions de l'ordonnance du 5 mai
1967.
Ce texte ne prohibe pas en tant
que telles les c~r~monies cou-
tumières
ou
religieuses.
Il
n'intervient
que
pour limiter les
"irrationnali t~.s
~conomiques" auxquelles elles conduisent les
individus.
L'ordonnance
b~ninoise, non seulement d~termine le
montant maximum des sommes d'argent pouvant être d~pens~es, et
le
nombre
maximum
de
personnes
autoris~es à
participer
à
la
c~r~monie, mais aussi,
elle
va
plus
loin,
en
fixant
l ' heure
au-dela
de
laquelle
ces
c~r~monies ne peuvent se poursuivre.
Elle interdit en outre,
la consommation de certaines boissons"
notamment
les
boissons
alcoolis~es. Toutes
ces
prescriptions
sont assorties de sanctions p~nales.(1).
En
effet,
l'article
9
de
l ' ordonnance
pr~voit
une
amende
de
trois
à
dix
mille
francs,
et
un
emprisonnement
dl au
maximum
dix jours,
contre les infractions aux dispositions de ce texte.
414.
Les
prescriptions
de
la
loi
s~n~galaise
sur
les
d~penses excessives sont identiques à celles de l'or-
donnance b~ninoise. Cependant,
au niveau des peines,
la compa-
raison
r~vèle des
diff~rences. En effet,
les
peines
pr~vues
par
la
loi
s~négalaise sont moins rigoureuses que celles pr~­
vues
par
l'ordonnance
béninoise.
La
loi
s~négalaise reconnaît
la
liberté
cultuelle
et
rituelle,
mais
elle
oblige
tous
ceux
qui procèdent ou participent à ces cérémonies,
de se conformer
à ses prescriptions
(2):
( 1) Pour
les
taux
fixés
pour
les
différentes
cérémonies,
le
temps
qui
leur
est
imparti,
Voir
Beynel
(D. J)
"réponses
dahoméennes à quelques problèmes en matière p~nale, civile
et
sociale".
in
Rev.
jur.
et
pol.
ind~pendance et coop~­
ration.
1972.
P.427 et s.
(2)
Cf.
article
1er
loi
du
24
f~v.
1967.
Sur
cette
loi,
VO
Niang,
"Structures
parentales
et
stratégie
juridique
du
développement
en
Afrique
francophone"
étude
appliquée
aux
Wolof du Sénégal,
Penant
1973 nO
742 p.525 et s.
.>' r-~~,.:.~
..

332.
A l ' occasion
des
baptêmes
et
des circoncisions,
l'article
12
de
la
loi
de
1967
interdit" sous
peine d'une
amende de vingt
mille francs,
d'immoler pius d'un animal par enfant à baptiser
ou à circoncire.
LI article
9
donne
des
précisions
relatives
aux
modalités
de
calcul
des
dépenses
au-delà
desquelles,
elles
sont
taxées
d'excessives et deviennent de ce fait,
délictueuses.
L'article Il confère,
outre aux officiers de police judiciaire
normalement compétents en matière pénale,
aux chefs de circons-
cription administrative
,
aux chefs de village et aux délégués
de
quartier,
le
pouvoir de
veiller à l'application de ces me-
sures pénales.
Ces
diverses
lois
africaines
sur
les
dépenses
excessives
à
l'occasion
des
cérémonies
couttlmières
ou
religieuses ont
des
fonctions
purement
économiques.
Elles
s'inscrivent
dans
la
stratégie
générale
du
développement
(1)
qui
ne
peut
tolérer
que
les
effets
anti-économiques
de
certaines
coutumes
main-
tiennent les structures archaïques de l'économie de subsistan-
ce.
Soucieuses de ménager
les croyances sociales en ne visant que
les institutions
coutumières en elles-mêmes,
ces dispositions
ont seulement pour fonction de réagir contre les effets de ces
pratiques coutumières qui
se manifestent
sous
forme de dépen-
ses excessives,
de détournement
de
l'épargne
de l'investisse-
ment productif de biens matériels.
415.
L'instauration des
structures du dévelop-
pement
économique
revient
en
fait
à
attaquer
tout
ce
qui,
dans l'ordre socio-économique ancien,
est incompatible avec la
mise
sur
pied
d'une
économie
libérale
ou
socialiste
suivant
(1) Niang,
op.
cit.
P.525 et s;
Kéba M'Baye,
Droit et dévelop-
pement en Afrique francophone de l'ouest" Rev.
sénégalaise
de droit
1967 P.23 et s.
.
'.:
.
'
'

"
_....
333.
l'option des
pays.
En Côte
d'Ivoire,
sous le couvert du déve-
loppement économique que la doctrine avance comme fondement de
la
lutte
contre
les
valeurs tradi tionneiles,
c'est
plutôt
la
possibilité de développer une économie capitaliste qui est v i - '
sée.
De façon générale,
en Afrique,
il s'agit d'ajuster les compor~
tements
avec
l'éthique
dela
nouvelle
société
capitaliste
ou
socialiste qu'on veut créer.
Ainsi,
nous
l'avons vu,
ce
sont
les coutumes et les comporte-
ments "anti-économiques" qui sont interdits.
La dot
à l'occasion des mariages,
le vol coutumier de bétail,
les
cérémonies
somptuai res
(funérailles,
circonsiion,
baptê-
me ... ),
sont
interdits
par
les
législations
pénales africai-
nes.
La
raison est simple.
Il
faut insérer les biens dans les
circuits économiques,
dans
les activité
productrices
de biens
ou de services.
L'importance du travail producteur de biens,
exige la réproba-
tion de
la paresse,
l'oisiveté,
le
parasitisme,
la mendicité,
etc ...
416.
Ces
textes
ne
sont
pas très
"heureux"
en
ce qUl
concerne
leur application.
Mais sans doute,
la volonté
des législateurs africains n'est pas d'appliquer systématique-
ment ces mesures.
Celles-ci
ne
feraient
qu'indiquer le résul-
tat que l'on voudrait voir les populations atteindre.
Par
ailleurs,
on
peut
penser
qu'en
ce
qui
concerne
les pays,
capitalistes sous-développés comme
la Côte d'Ivoire,
l'indif-
~
férence
des pouvoirs publics
quant à l'application de ces me-
sures,
est délibérée.
D'abord parce que le capitalisme n'exige
pas une mobilisation générale
de
la population (1) et ensuite
(1) Le
capitalisme
n'a
pas
besoin
pour
fonctionner
de
plu-
sieurs producteurs.
Ce qu'il
exige est
plutôt la disponi-
bilité d'une main d'oeuvre bon marché.
Et les valeurs tra-
ditionnelles
ne
font
pas
un
obstacle
sérieux
à
l'emploi
des masses
rurales.
Au contraire,
elles
permettent de les
employer à bas salaires.
.\\.~.
• •
, L ' :,.. ~
,-.; ~'"
. ':..;
, "
,
.~:.'.~".:~~

334.
parce
qu'une
ouverture
totale
du
"monde traditionnel"
sur
le
/ "
"monde moderne" peut créer des problèmes (1) qui peuvent faire
regretter aux pouvoirs publics de n'avoir pas laissé la grande
masse dans ses "interdits culturels". C'est sans doute là, une
des
raisons
qui
expliquent
le
laxisme dans
l'application des
mesures répressives édictées contre
les coutumes et comporte-
ments liés à la société traditionnelle.
Ce laxisme
peut également
relever d'une
attitude des pouvoirs
publics
consistant
à
ne
pas
méconnaître
la
réalité
sociale
attachée à ses moeurs.
417.
En ce qui concerne l'opportunité des mesu-
res
répressives
contre
les
structures
et
valeurs
tradition-
nelles,
à notre avis,
le problème ne se situe pas au niveau du
bien-fondé des textes eux-memes.
La question qui doit être posée est plutôt de savoir si le ca-
pi tal isme
ou
le
social isme,
si
le
système
économique
choisi
est celui qu'il convenait d'adopter.
En
effet,
dès
lors
qu'on
choisit
un
système
économique,
il
faut
se
plier à
ses exigences pour pouvoir bénéficier de
ses
avantages.
Un
nouveau
système
exige une
action novatrice
sur
les
structures
sociales
préexistantes,
dans
les mêmes condi-
tions que l'Union Soviétique lorsqu'elle répudiait l'ordre so-
cio-économique féodalo-corporatiste au libéralisme.
La répression de certaines coutumes et
certains comportements
liés
à
l'économie
de subsistance s'inscrit donc bien dans
la
logique du choix par les pouvoirs publics africains,
du systè-
me économique capitaliste ou socialiste comme modèle de déve-
loppement.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Notamment,
le
problème
de
l'exode
rural,
du
chômage
qui
dans
les
pays
sous-développés,
devient
de
plus
en
plus
préoccupant.
..

335.
Paragraphe l
La
protection
de
l ' épargne
privée
par
la
répression/de l'usure
le cas de la Côte
d'Ivoire. (1)
418.
Parmi.les actes dont l'épargne peut avec gravité su-
bir les conséquences,
l'usure (2) apparait comme l'un des plus
redoutables.
Cértains spécialistes sont allés jusqu'à dire qu'elle est l'un
des "handicaps ... qui empêchent ...
de transcender la phase ac-
tuelle du sous-développement."
(3,).
Ce
jugement est dans une
large mesure,
juste. Car il ~st vrai
que dans la société ivoirienne (4) d'aujourd'hui,
l'épargne et
l'investissement se heurtent à l'usure de façon dramatique.
La
répression
de
cette
pratique
dans
les
pays
capitalistes
comme la France (5) où en principe le marché des biens donc de
l'argent entre autres,
est soumis à la loi de l'offre et de la
demande,
témoigne du degré de nocivité
de l'usure pour l'éco-
nomie.
'Non seulement,
elle anéantit
l'épargne,
mais aussi,
elle sté-
rilise les capitaux en les détournant des circuits économiques
productifs.
Comment en effet, peut-on songer à investir l'épargne dans des
secteurs économiques comme celui de
l'industrie qui,
au meil-
leur des cas,
rapporte 15 à 20 % d'intérêts par an, alors que,
pour la même période,
l'usure en rapporte au moins 100 % ? ~).
~-=--::..-=------- - - - - --
(1) BONY R.
Serge
La lLgislation sur l'usure en Côte
d'Ivoire,
thèse 3è Cycle,
Nice 1984.
( 2)
L'usure consite au prêt d'argent avec stipulation d'un
taux d'intérêt débordant la taux légal.
( 3 ) J.M Guth : Aspects humains et juridiques du délit d'usure
à Madagascar,
in Recueil Penant 1962 nO 691,
P.
249 et s.
N° 694,
P.
689 et s.
L'observation vaut sans doute,
pour presque tous les pays
africains.
YO Gavalda et Stoufflet
: La limitation des taux d'intérêts
conventionnel par la loi du 28 déc.
1966. J.C.P.
1966, J.
2171.
( 6 ) René Gendarme : Les problèmes juridiques du développement
économique,
in Aspects juridiques du développement
économique.
Dalloz 1966, P.
35.


336.
419.
Et pourtant,
face au/danger qu'elle comporte pour le
développement économique,
si l'on analyse
les politiques cri-
minelles
ivoirienne
et
africaine
contre
l'usure,
on retrouve
la
même attitude,
la même
atonie
observée à
propos de
la
ré-
pression du délit de détournement de deniers publics.
Ce fléau qui "avorte" le développement économique dans la voie
du
capitalisme,
paradoxalement,
n'a
pas
vite attiré l ' atten-
tion
des
pouvoirs
publics
ivoiriens.
La
question
est
restée
régie
jusqu'à
une
date
récente
par
le
décret
colonial
du
8
août 1935 (l).
Il
a fallu attendre
la
loi du
30
juillet
1977,
pour voir une
réaction
des
pouvoirs
publics
ivoiriens
qui,
du
reste,
dans
l'incrimination
et
la
répression
de
l'usure
(A),
ont proposé
des solutions inadaptées (B) aux problèmes que pose cette pra-
tique en Côte d'Ivoire.
A -
L'incrimination de l'Usure.
420.
L'usure était à
l'époque coloniale,
incriminée
dans des termes très généraux et de manière uniforme en dépit
des
formes
particulières
sous
lesquelles
elle
se
manifeste
d'un territoire colonial à un autre.
Le décret du 22 septembre 1935 définissait l'usure comme éta~t,
en matière de
prêt commercial,
la stipulation d'un taux d'in-
térêt dépassant de plus de moitié le "taux moyen pratiqué dans
les
mêmes
conditions
par
des
prêteurs
de
bonne
foi
pour
les
opérations de crédit comportant
les mêmes risques que le prêt
dont il s'agit"
(2).
L'article 7 du décret fixait
le taux d'intérêt légal à 6 % en
matière
commerciale
et à
5 % en matière civile, en précisant
(1) Texte rendu applicable dans les colonies (en Côte d'Ivoire)
par un décret du 22 septembre 1935.
(2) Art.
3 décret du 22 septembre 1935.
~: ,.
..

337.
dans son article 1er, qu'il " ... ne pourra ~tre stipul~ en ma-
tière civile un taux d'int~r~t/sup~rieur à 8 % par an".
En
outre,
le texte soumettait
la validit~ du pr~t à l'obten-
---
tian d'un visa administratif
(1).
421.
En
dehors
des
difficul t~s de
son
application
qui
r~sidaient essentiellement
en
la
d~termination du
taux
usuraire en matière commerciale
(2),
ce texte a eu des effets
très limit~s contre l'usure parce qu'il n'~tait pas adapté aux
diverses situations que connaissaient les territoires français
d'Outre-Mer (3).
Cette
uniformisation
de
l'incrimination
devant
la
diversité
des situations provenait du fait que le colonisateur avait une
vue
globale
et
trop
éloignée
des
problèmes
qui
se
posaient
dans les colonies.
Il
est dès lors très surprenant de voir,
qu'après leur acces-
sion à l'ind~pendance,
les Etats africains aient repris à leur
compte les dispositions du décret colonial de 1935 qui s'~tait
montré
inapte
à
juguler
l'usure et ses conséquences sociales
et économiques.
422.
Au niveau de l'incrimination
donc,
la législa-
tion ivoirienne n'est que le reflet de la législation françai-
se.
Elle
lui
reste
fidèle
et
~volue avec elle,
ou attend de
voir le sens de son ~volution pour mieux la suivre.
(1) VO sur ce visa administratif,
D. Veaux note sous C.A.
Abid-:
jan,
26
mars
1976
et
17
d~c.
1976.
R.I.D.
1978
nO
3-4,
P.110 et s.;
Voir également
cas.
civ.
12
janv. et 22 mars
1955 P.537 qui annule le pr~t sans visa.
(2)
La
détermination
du
taux
moyen
pratiqué
dans
les
m~mes
conditions par des pr~teurs de bonne foi" imposait au juge
la détermination de
la notion de pr~teur de bonne foi.
Il
fallait
aussi
qu'il
détermine
le caractère civil ou com-
mercial du pr~t. VO sur ce point, Cour Supr~me Côte d'Ivoi-
re,
14 juin 1963.
Bull.
des arrêts de la C.S.
(12-11)
1963
4è trimestre P.37.
(3)
Nous
verrons
pourquoi
infra

426.
J. M.
Guth
op.
cit. - - -
P.254 ; J.
Costa-Lascaux op.
cit.
in Penant p.186.
.-

4":
'
338.
C'est ainsi
que
le législateur ivoirien a da attendre une di--
zaine d'années,
soit 1977,
p~u~ reproduire la loi française du
28 décembre 1966 sur l'usure (1).
Avec
la
loi
du
28
décembre
1966 en France et les
lois
ivoi-
riennes
de
juillet
1977
et
de
juillet
1981,
la
distinction
n'est
plus
faite
entre prêt
commercial et
prêt civil dans la
détermination du taux d'intérêt.
En outre,
le taux d'intérêt présente un caractère objectif. Il
n'est plus fait référence au "taux moyen pratiqué dans les mê-
mes
conditions" par
des prêteurs de bonne foi".
Désormais,
le
taux d'intérêt maximum est calculé par référence à celui pra-
tiqué
par
les
banques.
Le
prêt
devient
usuraire
si
le
taux
d'intérêt
excède
de plus de
"deux tiers,
le taux maximum des
intérêts débiteurs que les banques sont autorisées à appliquer
à leurs concours" "( 2) .
423.
En France,
l ' objectivisation du taux d'intérêt
ne
tend
pas
seulement
à
moraliser
le
crédit comme ce fut
le
cas du décret de 1935.
Elle tend surtout à
instaurer une politique nationale du cré-
dit, permettant aux pouvoirs publics d'agir directement sur le
pouvoir d'achat des consommateurs, ou sur la possibilité d'in-
vestissement
des
entreprises
par
l'intermédiaire
du
conseil
nation du crédit (3).
Dès lors,
on ne comprend pas pourquoi le législateur ivoirien
a adopté le même critère de détermination du taux usuraire que
le législateur français,
alors que les situations socio-écono-
miques des deux pays sont dissemblables.
Mais lorsqu'on sait que ce critère est imposé à tous les pays
membres
de
l'Union
monétaire
Ouest
Africaine
(UMOA),
on
(1) Sur cette loi,
VO
Gavalda et Stoufflet,
la limitation des
taux
d'intérêt
conventionnel
par
la
loi
du
28
déc.
1966
J.C.P.
1966 1. 2171.
(2) VO Gavalda et Stoufflet,
loc.
cit.
(3) Ottenhof R.
op.
cit.
nO
165,
P.154.
,,".'
""
•. "" '. <... ~..

339.
comprend le fondement de l'adoption de ce critère (1).
Il semble en effet,
que Cl esL--l' UMOA qui ait ~xigé d,e tous ses
pays membres,
l'harmonisation de leurs législations sur l'usu-
re avec celle de la France.
Mais
alors,
le moins qu'on puisse dire,
est que
les
législa-
tions
africaines
sur
l'usure ont des
"retombées en dehors de
leur cible"
(2).
Car
eïles
ne touchent en rien,
les formes
sous lesquelles se
pratique l'usure en Afrique,
notamment en Côte d'Ivoire.
B -
De l'adaptation des textes sur l'usure.
424 ..
Outre
la technicité et la
complexité des ter-
mes de l'incrimination qui peuvent la justifier, l'inefficaci-·
té de la répression de l'usure vient largement de ce que l'in-
crimination ne vise pas les formes sous lesquelles se dévelop-
pe l'usure en Côte d'Ivoire.
Citons quelques exemples d'opérations usuraires typiques a la
Côte d'Ivoire et aux pays africains en général.
L'usurier
prête
une
somme
X à
un
individu qui
consent à une
forme
particulière de
remboursement.
L'emprunteur ne
rembour-
sera pas à son prêteur en lui versant une somme d'argent, mais
il
lui
laissera une plantation de
café ou de
cacao,
ou d'au-
tres
cultures, que
le
prêteur
exploitera
pendant
un
certain
nombre
d'années,
qui
varie en fonction
du montant de la somme
prêtée.
Il n'est
pas rare
de voir dans les milieux ruraux,
un
prêteur exploiter pendant deux ou trois une plantation de café
ou de
cacao,
pour un prêt de vingt mille francs
(C.F.A.)
(3).
Or
bien
souvent,
la
pl antation exploitée dans ces conditions
peut rapporter
quatre vingt mille francs
par an,
soit le qua-
druple de la somme prêtée.
(1) La loi sénégalaise nO 81-25 du 25 juin 1981 adopte le même
critère
que
la
loi
ivoirienne
de
juillet
1981
et
la
loi
française du 26 déc.
1966.
(2) Carbonnier,
Flexible droit op.
cit.
P.114.
(3) Soit 400 Francs français.

340.
En définitive,
l'emprunteur qui a reçu une somme de vingt mil-
/ '
le
francs
devra
rembourser quatre
vingt mille
francs,
ce qui
est scandaleusement usuraire.
Dans les milieux
ruraux,
cette forme
d'antichrèse dissimulant
un
pr~t usura~re est une pratique très courante,
comme
l'est
une autre forme de pr~t usuraire qui se développe dans les mi-
lieux urbains.
425.
Dans les villes,
se pratique une forme particu-
lière d'usure.
Un fonctionnaire pouvant bénéficier d'un crédit d'achat auprès
d'un organisme financier,
achète par ce moyen,
une marchandise.
La
marchandise
lui
est
livrée
et
i l
devra
supporter sur son
traitement,des prélèvements mensuels correspondant à des frac-
·tions du prix de la marchandise achetée.
A ce
prix,
il
faut
ajouter
les
intér~ts normaux résultant du
crédit
consenti
par
l'organisme
financier.
Ainsi,
pour
une
marchandise
coûtant
par
exemple,
cent mille
francs,
le fonc-
tionnaire devra,
à
la
fin
du crédit, payer environ cent vingt
mille francs,
soit 20 % de plus, sur le prix.
Jusqu'à ce stade,
l'opération est régulière.
Mais
le
problème
vient de ce qu'en réalité,
le
fonctionnaire
acquéreur du bien,
n'en avait
pas besoin.
Il avait simplement
besoin de
liquidités
que
la maison de crédit ne peut lui con-
sentir facilement
(i),
mais que
certaines personnes qui "gra-
vitent" autour des maisons de crédit sont pr~tes à lui fournir
contre la marchandise qu'il vient d'acheter à crédit.
(1) En Côte d'Ivoire,
l'organisme auquel nous faisons allusion
dans
cet
exemple
la
"Cotivoirienne",
ne consent pas de
pr~ts en numéraire aux fonctionnaires. Il leur permet d'ac-
quérir des biens d'équipement.
Quant aux banques,
elles exigent des sûretés que le fonc-
tionnaire
ne
peut
lui
procurer.
C'est

un
obstacle
au
crédit régulier et par conséquent,
un facteur de dévelop-
pement de l'usure .

," 4.... - _
; '
_
• . • : __ . ,•.: •••-.~•
.:-;' :..:": ':. .
-.'
~
.
......
.. '.....:.;..:. ':
\\ '.~.~

341.
Le
fonctionnaire
revend
donc
à
ces
personnes
le
bien
acheté
mais
à un prix parfois très largement en dessous de son prLx
d'achat.
-
Généralement,
le bien est
revendu entre
20
à
25 % en dessous
de sa valeur.
L'opération pe~~et donc au fonctionnaire d'obtenir immédiate-
ment les liquidités dont i l a besoin.
Ainsi, dans notre exemple,
le fonctionnaire revendra le bien à
une
tierce
personne
pour
n'obtenir
que
soixante
à
soixante
quinze mille francs.
Comme on le constate,
le fonctionnaire devra payer cent vingt
mille
francs
pour
soixante quinze mille francs
qu'il
a
reçu.
L'opération est manifestement usuraire pour le fonctionnaire.
Et pourtant,
le législateur ivoirien en 1977 et 1981 a,
en in~
criminant
l'usure,
feint
d'ignorer cet acte
qui fait obstacle
à
la
constitution
de
l'épargne
privée.
C'est
à
ce titre
que
l'acte décrit doit être incriminé et réprimé sans ambages.
426.
La
législation
sur
l'usure
doit
avoir
pour
fonction
d'assainir
les
circuits
économiques,
moraliser
les
rapports
socio-économiques en instaurant une
justice commuta-
t i ve
dans
les
contrats
de
prêt
(1).
Certes
une
poli tique de
stabilité monétaire scientifiquement élaborée
par l'Union Mo-
nétaire Ouest-Africaine pour la répression de l'usure,
est né-
cessaire.
Mais
en
matière
de
délit économique,
doit s' appli-
quer le mot
de
Montesquieu
"les lois doivent être tellement
propres au
peuple pour lequel elles sont faites,
que c'est un
très
grand
hasard
si
celles
d'une
Nation
peuvent
convenir
à
une autre . . . " (2).
(1) VO Ottenhof,
op.
cit.
nO
164,
P.152-153;
Khalil Sobhy,
le
dirigi sme économique et
les contrats L. G. D. J.
1967 P. 104-
105·
( 2)
Montesquieu,
L ' esprit
des
lois ,
Livre
l,
chap.
III
cité
par Pierre Azard,
les infractions économiques en droit pé-
nal du Canada,
in trav.
Ass.
H. Capitant T.
XIII P.678.
..
':. . .

342.
C'est sans doute dans cet esprit que le législateur sénégalais
/
.
a entrepris une
lutte contre l'usure qui s'annonce plus effi-
cace que celle de la Côte d'Ivoire,
si l'on s'en tient au sens
des textes qu'il a adoptés
(1).
En effet,
la 161 sénégalaise du 25 juin 1981, outre l'incrimi-
nation
classique
du
dépassement
du
taux
légal,
incrimine
le
fait d'accorder des prêts sur des denrées ou autres choses mo-
bilières
ou toute autre opération de vente ou de troc
à cré-
dit.
Le délit
est constitué
si,
dans les opérations énoncées
ci-dessus,
la valeur des choses reçues
ou si le prix payé par
le
débiteur
excède
la valeur des choses reçues,
d'un montant
supérieur à celui correspondant au taux légal fixé
(2).
Cette disposition permet donc de réprimer l'usure qui se mani-
feste sous forme d'antichrèse.
L'article
3 du texte sénégalais incrimine le fait de racheter
une
chose
mobilière
à
un
prix
inférieur
de
plus
de
10
% au
prix que cette chose a été payée par le premier acquéreur.
Cette mesure permet de réprimer l'usure pratiquée sous la for-
me que nous avons décrite dans notre deuxième exemple.
Certes,
l'efficacité
de
ces mesures dépend de
la volonté des
pouvoirs
publics
sénégalais
de
les
appliquer
effectivement,
mais
déj à,
leur
existence témoigne de
la prise de conscience
par les pouvoirs
publics,
que
l'usure se manifeste en Afrique
beaucoup
plus
sous
ces
diverses
formes
que
sous
les
formes
classiques du contrat çivil de prêt d'argent.
SECTION II
LE
DROIT
PENAL
ECONOMIQUE
IVOIRIEN
ET LA REGLE-
MENTATION DU MARCHE.
427.
Concevoir
un
développement
économique
par
l ' entre-
prise privée ne
peut
se
faire
sans une politique lucide de la
La
forme
d'usure
que
nous
venons
de
décrire
est
connue
dans
presque tous
les
pays d'Afrique
Noire.
En Centrafri-
que
par
exemple,
il
semble
qu'elle
prend
la
forme
d'une
institution.
Elle est connue au Ghana,
au Sénégal,
etc ...
(2) Cf.
art.
2 loi sénégalaise du 25
juin
1981
J.O.R.S.
du
3
juillet 1981 P.664.
..~
..

343.
concurrence, surtout lorsqu'il s'agit de le faire dans un pays.
/ "
sous-développé
dont
le
marché est déj à dominé
par les entre-
prises multinationales (1) ou étrangères, et par les entrepri-
ses publiques ou semi-publiques.
C'est à cette fonction que se destine la loi ivoirienne du 28
juillet 1978 relative aux prix,
à la poursuite et à la répres-
sion des infractions à la législation économique (Par. 1).
Mais,
puisque la loi ivoirienne et celle de la France
relati-
ve à la
répression des ententes illicites et abus de position
dominante
(2)
sont identiques,
alors
qu'elles sont appelées à
régir des situations économiques différentes,
nous proposerons
une
politique
de
concurrence
qui,
selon
nous,
tout
en
ména-
geant le fondement libéral de l'économie ivoirienne,
permettra
la
mise
en
place
d'une
économie
de
développement
national
(Par.
II).
Paragraphe 1
La réglementation de la concurrence.
428.
Sur le plan textuel,
la réglementation de la concur-
rence et des prix par la loi ivoirienne du 28 juillet 1978, ne
présente guère de différence avec celle de la France telle qu'
elle
résulte de
l'ordonnance du
30
juin 1945, modifiée par la
loi du 17 juillet 1977 (3).,
En
Côte
d'Ivoire,
comme
en
France,
la
réglementation
de
la
concurrence s'est opérée dans un premier temps,
par la répres-
sion des atteintes à la loi de l'offre et de la demande,
en ce
qu'elles
avaient
des
influences,
à
la hausse ou à
la baisse,
sur les prix (4).
Si après la deuxième guerre mondiale,
la France s'est livrée à
(1) va J. Masini et autres, Les multinationales et le dévelop-
pement,
Trois
entreprises
et
la
Côte
d'Ivoire,
P.U.F.
C.E.E.I.M.
1979.
(2) Loi française du 19 juillet 1977 modifiant l'ordonnance du
30 juin 1945.
(3) Ordo
30 juin 1945.
(4) va art.
419 et s.
C.P.
français et art.
314 C.P.
ivoirien .
..

344.
une
acti vi té
législative
intense
sur
la
concurrence
et
les
prix, en Côte dl Ivoire,
le lé-gislateur s'est longtemps canton-
né dans des
interventions ponctuelles,
notamment par l'incri-
mination
d'acte
comme le refus
de vente et des
prestation de
service (1).
Il
faut
cependant
signaler
l'existence
d,e
deux
décrets-lois
coloniaux
du
27
août
1937
relatifs
d'une
part,
aux
ententes
passées
entre
les
producteurs
métropolitains
et coloniaux en
vue
de
l'équilibre
de
la
production
avec
les
besoins
de
la
consommation,
et
d'autre
part,
aux
accords entre producteurs
coloniaux
pour
la
répartition
des exportations sur
le marché
métropolitain (2).
429.
Aujourd' hui,
s'inspirant
fortement
de
l'ordonnance
française
du
30
juin
1945,
le
droit pénal économique ivoirien
de
la concurrence
s'apparente
sur
le plan formel aux législa-
tions
européennes
sur
la
matière.
Dans
les
mêmes
termes
que
l'article
50
de
l'ordonnance
française
de
1945,
ainsi
que
l'article
85
du
Traité
de
Rome
(3),
l'article
1er de la
loi
ivoirienne de
1978
pose
le
principe de l'interdiction des en-
tentes.
Mais
toujours
à
l'égal
des droits
français
et commu-
nautaire
(4),
le droit pénal ivoirien
reconnaît la possibi-
lité aux entreprises en ententes
d'échapper à la sanction pé-
nale
en
justifiant que
leurs
actions
"ont pour
objet
ou pour
résultat
d'assurer
le
développement
économique,
notamment
l'accroissement
de
la
productivité ou l'abaissement
des coûts
(1) Cf.
art.
2 de la
loi
ivoirienne du 2 septembre 1960 rela-
tive aux prix.
( 2 ) Ces décrets-lois ont été promulgués par les arrêtés géné-
raux du 29 septembre 1937.
( 3 ) va Gide Loyrette et autres op.
cit.
( 4 )
Art.
51
ordo
30
juin
1945
art.
85
al.
3 du Traité de
Rome.
.. ....
... ~.

de production au de distribution ll
(1).
430.
Le n~oit pénal économique ivoirien consacre ainsi la
notion
de
progrès
économique
(2)
à laquelle fait allusion le
droit pénal économique français
(3).
Le
recours à
une telle notion peut être utile à
la politique
de
développement
économique
par
l'entreprise
privée.
Mais
à
condition que la commission technique de la concurrence insti-
tuée en Côte d'Ivoire par la
loi du
28
juillet
1978
(4)
mène
une politique économique
fondée
sur les besoins du développe-
ment de l'économie ivoirienne.
En effet,
les
questions qui viennent
à l'esprit face à la loi
ivoirienne du 28 juillet, 1978 sont de savoir d'une part,
quels
objectifs
elle
vise,
et
d'autre
part,
si
elle est
à
même de
les atteindre.
Ces
questions
sont
dl autant
plus importantes que,
comme nous
l'avons
vu
(5),
la
concurrence
est
une
réalité
ambivalente.
Réglementée
d' une
manière
ou
d'une autre,
elle peut produire
sur le marché,
des effets différents (6).
Quelle politique de concurrence convient-il de mener en Côte
d'Ivoire
compte tenu des objectifs de la politique économique
ivoirienne
qui se ramènent au développement
?
(1) Cf.
art.
1er al.
3,
loi ivoirienne du 28 juillet 1978.
(2) A. Pirovano op. cit.
P.145 et s.
(3) VO supra nO
251 et s.
(4) Cf.
art.
21,
loi du 28 juillet 1978.
(5) VO supra nO
247 et s.
(6) VO supra, nO 249 et s.
.:.

346.
Sous réserve que la loi du 28 juillet 1978 soit appliquée. (1),
nous proposons à partir d'ell€,
une
politique de concurrence,
fondée sur le développement de l'économie ivoirienne.
Paragraphe II
Pour
une politique ivoirienne de concur-
rence
fondée
sur le développement écono-
mique national.
431. Comme nous l'avons vu (2), le droit pénal économique
de
la concurrence est,
dans
les
pays capitalistes développés,
l'expression
d' une
politique
économique
fondée
sur
la si tua-
tion
économique
du
pays considéré et
surtout,
sur
les objec-
tifs qu'elle vise à travers la règlementation de la concurren-
ce.
Dans la mise en oeuvre des
dispositions de la loi du 28 juil-
let 1978,
les pouvoirs publics ivoiriens doivent s'appuyer sur
les
leçons
des
expériences
des
pays
dont
ils
ont
calqué
le
système économique.
Ce qu'il faut craindre,
c'est l'effet "boomerang" d'une régle-
mentation de
la concurrence
sans
politique,
c'est à dire,
une
réglementation sans objectif précis.
En
effet,
sans
une
politique
précise,
la
loi
du
28
juillet
1978
apparaît
comme
un texte
qui trace
les cadres
juridiques
d'une
compétition sans compétiteurs nationaux
ce qui serait
hérétique.
Une répression systématique des ententes peut,
comme nous l'a-
vons vu,
conduire à l'élimination des entreprises non compéti-
tives.
Une telle
politique de
concurrence présente un avantage et en
même temps,
un sérieux danger
pour
la politique de développe-
ment par l'entreprise privée.
(1)
Il
faut
noter que
cette
loi,
pas plus que celles qui
lui
sont antérieures,
n'est pratiquement pas appliquée.
(2) VO supra,
Deuxième partie,
Titre l,
chap.
II.
.,.. .;.

Le marché ivoirien étant presqu'entièrement dominé par les en-;""'
treprises
étrangères,
en
fa-isant
jouer
entre
elles
de
façon
rigoureuse
la concurrence,
on obtiendra l'élimination des en-
treprises étrangères dont
l'activité ne
répond à la satisfac-
tion d'aucun besoin réel
(1) du développement économique.
Ces entreprises éliminées sont le plus souvent des entreprises
de
prestations
de
services,
généralement
des
intermédiaires
qui,
en se maintenant sur un marché sans concurrence, concou-
rent
à
la
hausse artificielle des
prix.
Leur élimination est
donc un facteur
d'abaissement des
prix et d'amélioration qua-
litative des produits.
432.
Mais d'un autre côté,
il faudra tenir compte des be-
soins du développement économique
par la mise sur pieds d'une
économie purement nationale.
Le
développement
économique,
eu
égard
au
manque
de
capitaux
importants ,
doit
nécessairement
passer
par
un premier stade,
celui de la création de petites et moyennes entreprises.
Or si celles-ci doivent faire face à la concurrence des entre-
prises
étrangères
dotées
de
gros
moyens
financiers,
il
est
bien évident que
la
politique en faveur des petites et moyen-
nes entreprises et par conséquent,
celle du développement éco-
nomique toute entière,
sont vouées à l'échec.
Car,
en
l'espèce,
les moyens de
la
compétition économique ne
sont pas comparables.
Une réglementation sans
"âme"
de
la concurrence contribuerait
à enliser les pays capitalistes sous-développés comme la Côte
d'Ivoire,
dans
l'état
du
sous-développement.
Il
faut
donc
veiller à éviter de mener une politique de "développement dé-
pendant"
(2).
(1) Lemoal,
Droit de concurrence op.
cit.
P.191.
(2)
Samir
Amin,
Impérialisme et sous-développement en Afrique
éd.
Anthropos,
Paris 1976 P.133 et s.
.
'f"
" ,
....-:..
.. "

,
. ~ - .
,
~--:
348.
Il
est
donc
souhaitable
que
les
pouvoirs
publics
ivoiriens,
armés
du
droit
pénal
économiq~_e, mènent une poli tique de la
concurrence
lucide
qui
soit -bien
adaptée à
la
situation éco-
nomique de la Côte d'Ivoire.
--
Ils pourraient
parfaitement concevoir et mettre en oeuvre une
politique autonome de concurrence à trois volets:
433.
1. -
Le
premier
qui tiendrait compte
de
l'existence
de plusieurs entreprises étrangères, notamment les multinatio-
nales,
sur le marché national,
tendrait à imposer entre celles
ci une concurrenc,e "pure et parfaite".
En effet,
alors
que ces entreprises subissent dans leurs pays
d'origine des reg1ementations plus ou moins rigides de la con-
currence,
elles
paralysent les marchés des
pays sous-dévelop-
pés par des accords ou par d'autres procédés concertés.
Elles
se répartissent
les marchés et
imposent aux consommateurs lo-
caux ainsi qu'à
l'économie locale,
des produits ou des servi-
ces
qualitativement
médiocres.
Elles
pratiquent
sans
crainte
de concurrence,
des prix élevés et font subir ainsi à l'écono-
mie
locale
une
inflation qu'elle ne
peut dans
ces conditions
contrôler.
Par ailleurs,
par certaines manoeuvres,
elles parviennent à é-
liminer
du
marché" les
entreprises nationales
et dl autres en-
treprises
étrangères
concurrentes
qui
tentent
de
pénétrer
le
marché.
Certaines
affaires
jugées
en
Amérique
Latine
éclairent
les
procédés par lesquels,
dans les pays en voie de développement,
les
entreprises
étrangères
ou
multinationales
repoussent
du
marché leurs concurrents nationaux comme étrangers.
On peut mentionner un exemple de ces pratiques
: deux vendeurs
de
pneus de Sao Paulo accusaient
des producteurs de pneumati-
ques
Pire11i,
Goodyear,
Firestone,
de
les
avoir
éliminés
en
tant
que
concurrents,
par
des
manipulations,
notamment
par
. -
- .

,-~ 0" '."
349. -,
..:."
discrimination
et
hausse
excessive
des
prix,
afin d'acquérir
---
le monopole sur le marché brésilien des pneumatiques.
Comme le
rapporte un commentateur
(1),
au premier plan des accusations_
se
trouvaient
différents
octrois
de
rabais
au
commerce
des
pneumatiques. -L€s
plaignants ajoutaient encore que les accusés
avaient
recours à des hausses de prix draconiennes et au rac-
courcissement
des
délais
de
paiements,
qui
forçaient
la
plu-
part
des
commerçants
brésiliens
en
pneumatiques à
l ' accepta-
tion
de
ces
conditions,
ce
qui
finit
par
les
conduire
à
la
ruine ou au moins à la stagnatiQn de leurs affaires.
Les accu-
sés auraient en même temps commencé à vendre à des prix extrê-
mement bas,
qui étaient même au-dessous des niveaux de reven-
te.
Ces
mesures
ni auraient
épargné que quelques rares firmes
proches
des
accusés
et
contrôlées
par
eux.
Par
un
jugement,
les
accusés
ont
été
condamnés
à
des
peines
pécuniaires
très
élevées.
mais semble-t-il,
cette décision a été cassée par la Cour fé-
dérale du
Brésil selon laquelle,
les griefs reprochés aux ac-
cusés n'étaient pas illicites.
Quand on sait dans quelle
proportion
la concussion,
le trafic
d'influence et la corruption (2) sévissent dans les pays sous-
développés, on peut douter de la sincérité de la Cour fédérale
dont
la
décision
a d ' ailleurs
été
attaquée
en
appel
du chef
dl incompétence
de
cette
cour
en matière de
législation anti-
trust (3).
(1) Tiedmann Klaus;
Les
atteintes à
la concurrence,
R.I.D.P.
1982 op. cit.,
P.315-316.
( 2)
Pedrazzi
Cesare.
La
corruption
(formes
nationales)
Revue
internationale de droit pénal 1982 P.327.
VO particulière-
ment
Bolle
Pierre-Henri,
Pratiques de
corruption et tran-
sactions commerciales internationales,
Rev.
loc.
cit.
1982
P.339 et s.;
et Delmas-Marty et
Tiedmann,
La criminalité,
le droit pénal et les multinationales.
J.C.P.
1979 nO
2935
( 3 ) VO Tiedmann K.
Loc.
cit.
P.316.
..

350.
D'autres cas ont donné lieu à des condamnations .
. /
Au Chili,
la compagnie
Esso/( Standard ail) et Citroën ont été
pénalement condamnées.
Esso a dû
payer des amendes pour avoir pratiqué des discrimi-
nations dans les rabais concernant la vente de lubrifiants aux
stations d'essence.
La
Société
Citroën
a
été
condamnée
a
des
amendes pour avoir
également fait des discriminations qu'elle savait bien illici-
tes (1),
dans les rabais entre ses concessionnaires et les au-
tres vendeurs d'automobiles (2).
434.
LI absence
d'une
politique
de
concurrence
efficace
sur
le
marché
ivoirien
peut
conduire
(3)
aux
pratiques
que
nous venons de relever en Amérique Latine.
Les entreprises étrangères peuvent parfaitement fixer des prix
,
artificiellement bas pour éliminer des
entreprises concurren-
tes
(nationales
comme
étrangères).
Mais
aussi,
elles peuvent
en
l'absence de concurrence,
fixer
les
prix à un taux artifi-
ciellement
haut au préjudice des consommateurs
locaux au pre-
mier rang desquels,
i l y a l'Etat d'accueil.
Une
politique
criminelle
stricte, visant
les
entreprises
étrangères, permettrait
aux
consommateurs
locaux
d'avoir
le
choix
entre
plusieurs
produits
de
qualité différente et
sur-
tout, elle permettrait de bénéficier de l'abaissement des prix
ou au moins,
de la sincérité de ceux-ci.
Dans cette politique,
on n'admettrait pas de fait justificatif
( 1) Puisque
son
pays
d'origine,
la
France,
les
condamne.
va
art.
37 ordo
du 30 juin 1945.
(2)
K.
Tiedmann op. cit.
P.316.
(3)
L'absence de procès sur ce point en Côte d'Ivoire,
ne veut
nullement
dire
que
les
entreprises
étrangères ne manipu-
lent pas le marché à leur guise.
Nous pensons aux "rumeurs"
qui courent sur le marché automobile à propos des prix pra-
tiqués
par
les firmes
japonaises qui
semble-t-il,
sont o-
bligés de s'aligner sur ceux pratiqués par Renault et Peu-
geot.
.. .

351.
fondé
sur le développement économique
(1)
pour faire échapper
' < "
.
à la répression,
certaines ente~tes ou tentatives de constitu-
tion de monopole.
Car
à ce niveau,
i l ne faut
jamais s'y mé-
prendre,
les entreprises étrangères et notamment
les multina-
tionales ne visent
nullement dans
leurs opérations commercia-
les,
le
développement
économique
du
pays
d'accueil.
Au
con-
traire,
elles
ont
pour
la
plupart,
cherché
à
transférer
à
l'extérieur les bénéfices réalisés dans
le pays sous-dévelop-

sans
que ces bénéfices soient
soumis à
l'imposition là où
ils sont échus (2).
Il
faut
donc
imposer
une concurrence
rigide entre
les entre-
prises étrangères.
435.
2~~ Le deuxième volet de cette politique de concur-
rence
sera fondé
sur
les besoins du développement économique.
Elle tendrait à favoriser la création et le développement d'en-
treprises
nationales
en
supprimant
la
concurrence entre cel-
les-ci et les entreprises étrangères.
L'intérêt
général
faisant
loi,
on
pourrait
parfaitement
ne
plus
admettre
d'installation
d'entreprises
étrangères
sur
le
marché ivoirien dès l'instant où une entreprise nationale oeu-
vre ou projette d'oeuvrer dans un secteur d'activité donné.
Tous les pays du monde protègent leur marché national en dépit
des accords de Breton Woods et des dispositions du G.A.T.T.
La France libérale sous le règne de M.
Giscard d'Estaing avait
limité à
3 % du marché de l'automobile, la part que les cons-
tructeurs
japonais
pouvaient
prendre.
Les
pouvoirs
publics
ivoiriens pourraient
donc suivre
l'exemple de
la France en ce
domaine.
(1) L'article
1°-3b
de
la
loi
ivoirienne
du
28
juillet
1978
comme
l'art.
51
de
l'ordo
française
du
30
juin
1945 éta-
blit
un
fait
jus.tificatif
à
la
réalisation duquel,
l'en-
tente échappe à la répression.
(2)
Tiedmann,
op.
cit.
P.317
Delmas-Marty
et
Tiedmann
op.
cit.
nO
2395.
. :t~j
..
,-
..
'
:'"

352.
436.
3. -
Enfin,
le
troisième
volet
de
la
politique
de
concurrence
que
nous
préconisons,
conduirait
à
laisser
jouer
entre
les
entreprises
nationales,
la
concurrence
aux
condi-
tions posées par
l'article
1er de la loi du 28 juillet 1978 ;
à savoir,
la prohibition de principe des ententes, et l'excep-
tion fondée sur le développement économique.
Cette
application
sêlective
de
la
loi de
1978 fondée
sur le
développem~nt ne doit pas être laxiste et permettre la proli-
fération sur le marché d'entreprises qui, bien que nationales,
ne
répondent
pas
à
un
besoin
réel
du
développement,
et
qui
concourraient à la hausse des prix.
437.
Cette
politique
de
concurrence
devra être soutenue
par une politique pénale lucide.
Les
peines
d'amendes
très
lourdes peuvent discipliner ou at-
ténuer la vénalité économique des personnes morales telles que
les entrep~ises industrielles et commerciales qui
ont spécia-
lement
pour
but
la
réalisation de profits.
Si celles-ci sont
visées
par
le
droit
pénal
économique~ les dirigeants ne peu-
vent
trop
souvent
violer
les
prescriptions
de
la
politique
économique
sans
compromettre
a
court
terme,
l'existence même
des
entreprises
qu 1 ils
dirigent.
A leur
ni veau,
les
peines
pécuniaires .seront efficaces,
parce que dissuasives.
Par ailleurs,
les juridictions répressives ivoiriennes devront
dans
le
cadre
de
cette
politique
de
concurrence,
se
montrer
clairvoyantes.
Elles
devront
a
notre
avis,
contrairement
à
la
jurisprudence
française
(1),
réprimer
les
ententes et pra-
tiques illicites de vente (2)
qui,
même réalisées à l'étranger,
sont
cependant
susceptibles
de
produire
des
effets
en
Côte
d'Ivoire.
-~~-------
(1) La
jurisprudence française
refuse de retenir comme perpé-
trée en France un refus de vente fait sur la base d'un con-
trat de concession exclusive entre une entreprise alleman-
de
(concédante)
et
une
entreprise française.
Ce
refus de
vente selon la
jurisprudence française
n'est pas punissa-
ble en France.
VO Paris 22 fév.
1967. Rev.
crit.
1968 P.78
(2)
Tels que
le
refus de vente,
pratiques discriminatoires de
vente,
etc . . . .
~.
.

353.
Il
doit
être
clair
dans
l'esprit
des
pouvoirs
publics
ivoi-
.---
riens
que
la
concurrence
n ',ést
pas
un
phénomène
immanent

par
lui-même.
Dans
les
pays
développés,
les
pouvoirs
publics
ont toujours su se substituer ou guider la "main invisible" en
fonction des exigences de leurs intérêts· économiques généraux.
C'est probablement au prix de la politique de concurrence que
nous proposons, soutenue par une politique pénale clairvoyante,
qu'un pays d'obédience libérale et sous-développé comme la Cô-
te d'Ivoire pourra,
dans l'ordre économique international ac-
tuel, mettre en place une économie de développement.
..

..,." ..: ~
354
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
438. Les fonctions du droit pénal économique dans les po-
litiques d'expansion,
de
progrès ou de
développement économi-
ques
sont,
à plusieurs égards, bien différentes de celles qui
lui
sont
assignées
dans
l'instauration
et
la
protection
des
fondements socio-économiques des sociétés.
D'abord,
cette
différence
repose sur
la
particularité des ob-
jectifs visés dans les politiques économiques.
Ensuite,
les techniques d'intervention du droit pénal économi-
que sont,
en cette matière,
différentes de celles qu'il utili-
se dans
la
protection des
principes de base des systèmes éco-
nomiques.
Au niveau des objectifs,
les politiques économiques et pénales
sont diverses.
Elles peuvent être orientées soit vers le déve-
loppement
économique,
soit vers la
lutte contre des crises et
des pénuries, soit vers une action sur les structures économi-
ques.
Il
ne
s 1 agit
plus,
comme
nous
l'avions
vu,
de
protéger
des
principes d'économie politique mais plutôt,
de permettre à des
politiques économiques de fonctionner.
Bien
souvent
meme,
ces dernières entrent en conflit
avec
les
premières qui
pourtant,
constituent
les
principes de base du
système économique.
C'est
surtout
au
niveau
des
politiques
économiques
de
crise
qu'on observe ces conflits de "normes".
On
rappellera
à
cet égard,
les contradictions entre
les
"rè-
gles"
de
la
Nouvelle Politique
Economique Soviétique (N. E. P. )
et celles du socialisme (1)
;
les règles des politiques écono-
miques
et
pénales de crise
en
France,
avec celles du libéra-
lisme
(2)'
l e s " règles"
de
la
poli tique
ivoirienne de
déve-
loppement avec celles du libéralisme économique
(3).
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1) yo supra nO 231 et s.
( 2) yo supra nO 217 bis.
-
(3) yo supra nO 297 et s.
'-
.
.. '.....:; :.
~ .:.:;.. .
, '.,:.'-.-

355 !.
Le phénomène certes,
se vérifie également
au niveau des poli-
tiques économiques et pénale~ 'âctuelles, mais ici, il est plus
subtil.
En effet,
la politique française en faveur de la concentration
et celle des pays socialistes dans
le sens de la "libéralisa-
tion"
du
système
de
gestion
des
entreprises,
s'appuient
sur
des
règles
parfois
en
contradiction
avec celles des systèmes
économiques capitalistes et socialistes.
439.
Au
niveau
des
techniques
d'intervention,
le
droit
pénal économique de
"conjoncture"
se détache de celui de "l' é-
conomie politique".
La
protection
des
fondements
socio-économiques
des
sociétés,
nous l'avons vu,
se fait
avec des incriminations pénales "sû-
res".
Elles sont stables à l'image des principes qu'elles pro-
tègent.
Au contraire,
les politiques économiques évoluent avec
la conjoncture économique.
Cette mobilité déteint
sur les in-
criminations du droit pénal économique et
lui confère les ca-
ractéristiques particulières observées par la doctrine (1).
Ainsi,
en
France
par exemple,
le droit
économique en suivant
les diverses politiques économiques,
a évolué en harmonie avec
la
lutte
contre
les crises et
les
pénuries
jusqu'au contrôle
actuel
des structures économiques,
en passant
par les politi-
ques de
redressement,
de
redécollage
économique,
la politique
en faveur
de
la concentration et de la protection des consom-
mateurs (2).
( 1) VO
supra.;
voir également
Ottenhof.
op.
ci t.
P. 115 à 117;
Khalil Sobhy, op.
cit.
P.117 et s.
(2) Voir supra nO 263 et s.
, ."''' ":.~ - ...
0--
• • • •~

.<

356.
CONCLUSION
GENERALE
/ "
-
-
-
-
440.
Aus.si paradoxal,
voire
hérétique,
qu 1 il
puisse pa-
raître
dans
les
doctrines
libérales
et
socialistes,
il
ni en
demeure
pas
moins que
le droit
pénal économique est un outil
juridique
auquel
sont
assignées
des
fonctions
bien
précises
dans tous les ordres socio-économiques contemporains.
On peut dire à
l'issue de cette étude que le droit pénal éco-
nomique
a,
d'abord,
une
fonction
normative.
Comme
tout
le
Droit en général,
i l trace les cadres de l'activité économique
(1),
il en pose les principes directeurs (2).
Mais à
la différence des autres disciplines juridiques,
il é-
nonce ces normes sous la menace de la répression pénale.
Le droit pénal économique a,
en outre, une fonction protectri-
ce.
En
prévision des infractions
qu'il établit,
il édicte des
sanctions qui ont,
comme en droit pénal général,
des fonctions
prophylactiques et répressives.
Les
fonctions
prophylactiques
s'exercent
par
l'intimidation
qui réside dans la sévérité des peines.
441.
En effet,
comme nous l'avons vu,
quels que soient la
nature du système économique,
la physionomie des structures et
le
stade
de
développement
économiques
d'un
pays
donné,
le
droit
pénal
économique
intervient
pour
assurer la protection
des principes fondamentaux qui déterminent les conditions dans
lesquelles
les
individus
dans
ce
pays
doivent
produire
et
échanger entre eux,
les fruits de leurs activités.
(1) R.
Granger,
op. cit.
in mélo
Hamel, P.65.
(2) Cette fonction,
nous
l'avons dit,
n'est
pas spécifique au
droit pénal
économique.
Le
droit civil
(art.
1134,
544 C.
Civet s.),
le droit constitutionnel,
par la référence que
les
constitutions
font
aux
fondements
socio-économiques
des systèmes économiques,
le droit du travail,
et de façon
plus
nette,
le
droit
commercial
et
le
droit
économique
jouent également ce rôle.
..
• '
. '
l,

357.
C'est
en
effet,
comme
nous
l'avons
vu,
par
ses
technique's
. /
d'intimidation et de répressi~n que la classe sociale détenant
le
pouvoir
politique,
imposera dans
la société,
sa conception
des rapports socio-économiques.
Dans les
pays capitalistes,
le droit
pénal économique offre à
la bourgeoisie,
les moyens juridiques pour instaurer le régime
de propriété sur les moyens de production.
Dans cette optique,
comme
nous
l'avons vu,
i l est interdit de
porter
atteinte
aux
instruments
ou
moyens
de
production
ap-
partenant
à
autrui.
On réprimera
donc
la contrefaçon de mar-
ques
industrielles
et
commerciales,
des
dessins
et
modèles,
etc. ..
On
ira
même
jusqu'à
punir d'emprisonnement celui
qui,
ayant
loué
sa
force
de travail
à
quelqu'un,
divulgue ses se-
crets de fabrique.
Dans
cette
même
optique,
i l
est
interdit,
par
certaines
ma-
noeuvres,
d'empêcher autrui
d'accéder à,
et
d'exercer l'acti-
vité
économique
de
son choix.
On réprimera
donc
les ententes
entre entrepreneurs tendant
à
éliminer un
concurrent,
à fai~e
obstacle à l'abaissement des prix,
à l'amélioration de la qua-
lité
et
de
la
quantité des biens.
On
interdira donc
le
refus
de vente,
les pratiques discriminatoires . . . .
442.
En
étroite
relation
avec
le
système
économique,
le
droit
pénal
économique,
en
changeant
de
"monde",
intervient
dans
les
pays
socialistes
pour
donner
a
la
classe
ouvrière,
du moins dans la philosophie du système,
les moyens juridiques
pour
instaurer
le
régime
de
propriété
collective
sur
les
moyens de
production.
Il donne
également
les moyens d'organi-
ser l'économie sous la forme étatique et coopérative.
Dans cette
optique,
comme
nous
l'avons vu,
la spéculation,
en
l'espèce,
le
commerce privé,
est
interdite.
Il en est de même
pour la possession à titre privatif des moyens de production .
..

358.
...",
, "
Parce que ,
dit-on,
"l'homme socialiste" ne peut être formé im-~.
, /
médiatement,
on
cherchera
dans
un
premier
temps,
comme
nous'
l'avons
vu,
a
l'intimider
par
les
sanctions
pénales
afin
de
l'amener
a
avoir
des
réflexes
conditionnés
dans
le
sens
que
requiert
l'ordre
économique
socialiste.
On
cherchera
donc
à,
l'éduquer,
à lui inculquer la "conscience socialiste" des rap-
ports socio-économiques.
443.
C'est
dans
cette
même
optique
que,
dans
les
pays
sous-développés, notamment en Afrique Noire d'expression fran-
çaise
(les
pays
sur lesquels ont porté nos analyses), certai-
nes pratiques coutumières sont réprimées.
Le
choix
du
système
économique
capitaliste
comme
cadre
de
l'activité économique revient à un choix de société.
Dans ces pays,
notamment en Côte d'Ivoire,
il est question de
discipliner
les
comportements,
d'instruire
les
esprits
des
exigences du capitalisme.
A ces
divers
niveaux
d'intervention,
les
fonctions
du
droit
pénal
économique
reviennent
au
bout
du
compte,
à
créer et à
régir une
société
à
déterminer et à sanctionner les princi-
pes qui conditionnent les rapports socio-économiques.
C'est pour cette raison,
que le droit pénal économique est sur
ce plan,
stable,
la situation qu'il régit n'évoluant pratique-
ment pas.
444.
Mais
s ' i l
est
vrai
qu'entre
le
système
économique
d'un pays
et
son Droit,
i l y a une relation de cause à effet,
de
forme
et de
matière
(1),
cette liaison se détend lorsqu'il
s'agit
de
faire
face
a
une
situation
économique
de
crise ou
simplement lorsqu'il s'agit de faire face à la nécessité d'une
réforme conjoncturelle.
(1) Khalil Sobhy M.
op.
cit.
introduction P.1.
.. -, ••+' ,••

359.
A ce niveau
en effet,
s'applique avec rigueur,
la formule ré-
barbative
: "la fin justifie/l-és moyens".
Les fonctions du droit
pénal
économique en matière de politi-
ques économiques illustrent nettement ce dicton.
Aussi bien dans-les pays développés que dans ceux qui aspirent
à
le
devenir
(1),
quels que soient
les systèmes économiques,
face aux guerres et aux crises,
principes juridiques et écono-
miques s'effacent devant des mesures pragmatiques de tout gen-
re et de toute origine.
Comme nous
l'avons vu,
en Union Soviétique, on n'a pas hésité
face
à la crise,
à s'accomoder de principes antinomiques avec
les fondements socio-économiques socialistes.
On
se
souvient
en effet
que
la Nouvelle Politique
Economique
(N.E.P.)
avait 'marqué
un retour ...
sinon un arrêt dans
l'ap-
plication
de
la
doctrine marxiste au profit
des principes du
libéralisme économique.
Et on relèvera à cet égard,
la politi-
que 'économique actuelle de la Chine dans le sens de la IIlibé-
ralisation" du système marxiste.
Aujourd'hui,
on
assouplit
les
méthodes de gestion des entre-
prises socialistes avec le retour à
la notion de profit.
Cha-
que entreprise doit rentabiliser ses opérations.
On leur a ac-
cordé à cet effet,
la personnalité morale.
Dans
les
pays
capitalistes,
la
liberté économique demeure un
axiome,
un
idéal.
Le
droit
pénal économique y a trouvé droit
de cité (2). L'interventionnisme étatique s'est institutionna-
lisé (3).
445.
Etant
donné
cette
orientation
générale,
comment
ne
peut-on
pas
comprendre
l'attitude
des
pays
sous-développés
quant au respect des fondements socio-économiques des systèmes
économiques ?
(1) G.
Farjat, op. cit. Thémis P.13.
(2) Vitu,
op. cit. in mélo
Hamel,
P.72.
(3)
va les articles 41 et 44 de la constitution ivoirienne et
35 et 37 de la constitution française.
.. . ....

~ti~ ....
" ~ .. "' .......
360.
Les difficult~s ~conomiques justifient les d~viations. En Côte,' .~.
/
d'Ivoire,
on fera donc du "capitalisme d'Etat" en attendant l~
développement par l'entreprise priv~e.
Pour
l'instant,
une politique ~conomique soutenue par une po-
litique p~nale'~ons~quente disciplinera et ~duquera les indi-
vidus. On 'pense
que
la
s~v~rit~ des sanctions p~nale~ assume
mieux
cette
fonction
disciplinatrice
et
~ducatrice, qu 1 elle
renforce sa valeur d'enseignement.
"Dernier secours du l~gis­
lateur,
~crivait M.
Farjat,
le droit
p~nal ne semble remplir
son office qu'à la condition d'êtr.e rigoureux"
(1).
Pour assurer
la
rapidit~ et l'efficacit~ de la r~pression, on
cr~e des tribunaux sp~ciaux. On exproprie de leurs comp~tences
traditionnelles,
les tribunaux de droit commun,
ainsi que les
auxilliaires habituels de justice.
Pour
ce
même besoin d'efficacit~ et de rapidit~, on laisse à.
l'Administration
qui
conçoit
les
politiques
~conomiques, d~­
terminer par la même occasion,
les incriminations p~nales ~co­
nomiques.
Les
peines
pour
mieux
intimider
sont
vigoureuses.
On
compte
ainsi,
amener
les
d~linquants à
transiger avec
l'Administra-
t ion,
ou à "les contraindre
à un civisme sans faille"
(2).
Dans le sillage des politiques ~conomiques de crise, on ne re-
connaît
plus le droit
p~nal ~conomique protecteur des princi-
pes d'~conomie politique.
Au service de ces politiques de con-
joncture,
comme
nous
l'avons
vu,
il
prend
un
aspect
parti-
culier.
446.
Le
droit
p~nal ~conomique apparaît comme une pana-
c~e dont l' ineffectivit~ a certains niveaux
(3)
du
moins
le
( 1)
G.
Far jat,
L'ordre
public
~conomique, op. ci t. na 584.
(2) Vitu.
in m~l. Roblot op. cit.
P.249.
(3)
Cf.
la d~claration de M.
Aydalot
op.
cit.
in Tr.
Ass.
HC
Tome XIII op.
cit. P.
802; va cependant,
l'opinion contrai-
re
de
Mme
Aubertin- Fauchille
op.
ci t .
P. 15
à
propos
de
l'article 410 C.
P~nal français.
.,
-.-.'

361.
\\ . '
.~
~ ~';~fl
"silence
de
la
répression"
(1)
à
11 égard
de
la
délinquance- '..~''-'ff:i
, .....::"~
économique,
peut s'expliquer ..p-âr plusieurs facteurs.
-',\\,
Outre l'argument traditionnel
de
la complexité
(2)
des condi-
tions dans lesquelles se réalisent les infractions économiques,
l ' ineffectivité_ du
droit
pénal
économique tient à
une
vérité
banale.
Les pouvoirs politique et économique
sont aujourd'hui
sans
doute
plus
qu'à nulle autre
époque,
intimement
liés.
Or
le droit
pénal
économique
s'adresse au monde des affaires.
En
particulier dans
les
sociétés capitalistes,
i l s'adresse à la
bourgeoisie.
Celle-ci peut-elle édicter des
règles
pour slau-
tolimiter dans son action et le cas échéant,
se punir ?
Rien n'est naturellement moins sûr.
La répression
des
infractions économiques
revient
à une sorte
"d'auto-punition" que les pouvoirs publics ne peuvent logique-
ment pas admettre facilement
(3).
Cette
observation
est
tout aussi
fondée
pour les
pays socia-
listes où semble-t-il,
aujourd'hui à
l'égard de la "nomenkla-
tura
(4),
la classe dirigeante
composée des hommes politiques
et des principaux chefs des entreprises socialistes,
le droit
pénal économique est d'une application timide.
Dans cette optique, on peut dire que le droit pénal économique
n'est sans doute pas fait pour être appliqué.
Il apparaît com-
me un moyen comminatoire pour obtenir un résultat déterminé en
matière économique.
L'ineffectivité
du
droit
pénal
économique
surtout
dans
les
pays capitalistes peut également
s'expliquer par
le fait que,
droit
du
"Pouvoir"
économique,
il
ne
vise
essentiellement
(1) Delmas-Marty,
"les chemins de la répression" P.U.F.
P.109-
110.
( 2)
yo
Costa
J. L.
Le
rôle
du
juge en présence des
problèmes
économiques
en
droit
pénal
français.
T.A.H.C.
1970.
Tome
XXII P.93 et s.
(3) Dans les régimes de "capitalisme d'Etat", en Côte d'Ivoire
par
exemple,

les
pouvoirs publics sont
les principaux
acteurs
nationaux
dans
l' activité
économique,
cette
idée
revêt une signification beaucoup plus importante.
(4)
M.
Yoslensky,
La Nomen klatura.
Co 11.
livre de poche,
1980
p.267 et s.
.'." .;'..'

362.
qu'à
moraliser
I1l a
course
au
Profit".
Il
apparaît
comme
la
justification de la vénalité"économique vis à vis de la classe,
ouvrière.
Les droits pénaux du travail
(1)
de l'environnement
(2) et de
l'urbanisme
(3)-reposent également sur cette idée.
447.
On montrera donc,
pour protéger les principes écono-
miques
établis,
les
sanctions
auxquelles
s'exposent
ceux qui
ne s'y conforment pas.
Mais
leur
application
effective
sera
plutôt
hésistante.
Les
pouvoirs publics ne s'intéresseront réellement à la répression
des infractions économiques que de façon ponctuelle notamment
pour
se
"désol idariser"
aux
yeux
de
l'opinion
publ ique,
des
gros scandales économiques et
financiers
(4)
et pour réprimer
certaines
atteintes
graves
aux
politiques
économiques.
A cet
égard,
l'ineffectivité du droit
pénal
économique ne l'empêche
cependant
pas
d'être
utile
dans
ses
fonctions
normative et
protectrice des ordres socio-économiques contemporains.
Ses mouvements sinusoîdaux s'expliquent par le fait qu'il est,
dans les
politiques économiques,
pris
dans
l'étau que forment
d'un côté,
le
respect des
principes du
système économique et
de l'autre côté,
la nécessité,
face à une situation économique
précise,
de mener une politique opportuniste défiant toute or-
thodoxie.
Ce
qui
vérifie
notre
hypothèse
de
départ,
à
savoir
que
les
fonctions
du
droit
pénal
économique
révèlent
les
contradic-
tions des systèmes économiques et les insuffisances des techni-
ques du Droit criminel classique
face aux situations écono-
miques de crise.
(1) O.
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droit pénal du travail éd.
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(2) VO Delmas-Marty, Droit pénal du affaires op.
cit.
P.295 et s
( 3)
Ibid.
P. 318 et s.;
Du même auteur,
les sociétés de
cons-
truction devant la loi pénale l1 L.G.D.J.
1972.
(4). Voir par exemple,
l'affaire de la Logemad en Côte d'Ivoire
(consulter les numéros de Fraternité Matin de septembre 84) .
.,

. /
, /
;
B 1 B LlO GR APHI E
•.
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B l
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La
règlementation
des
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et
le
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in l ' inf luence
de
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Défini tion
et
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Revue
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3,
P. 103 et s.
..

383.
T A BLE
DES
MAT 1 E RES
Abréviations et sigles
-Sommaire
P.
1
Il
• • • • • • • • •
INTRODUCTION GENERALE
.
p.
4
1 Définition du droit pénal économique
.
p.
7
II Droit pénal et "Economique"
: les apories
d'un mariage
.
p.
22
III De la relativité dù droit pénal économique
p.
30
PREMIERE PARTIE
: Droit pénal économique et éco-
41
nomie politique
.
p.
~41
Titre 1
:
Droit pénal économique et propriété
des moyens de production
.
p.
46.
Chapitre 1
Droit pénal économique et
,
propriété capitaliste
.
p.
49
Section 1
La protection pénale des
moyens privés de production
p.
·50
§ 1
La protection pénale des moy-
ens corporels de production ..
p.
50
§ 2 : La protection pénale des moy-
ens incorporels de production
p.
,5l2
A : L'importance économique des
droits de propriété industri-
elle dans le système capita-
54
liste a c t u e l . . . . . . . . . . . . . . . .
p.
B
La protection pénale des droits
de propriété
industrielle..
p.
5~
a -
la protection des droits de
propriété industrielle par
la répression de la contre-
fa ç on . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p .
59
1 -
La protection pénale des des-
sins et modèles
.
p.
59
2 -
La protection pénale de la
marque de fabrique
.
p.
60
3 - La protection pénale du nom
commercial
.
p.
62
..
'.-: ~.~.~'.:" .."
, ,
'",

384.
b -
la protection des droits de
propriété industrielle par la
répression de la divulgation
de secret de fabrique
.
p.
1 -
La protection pénale du Know-
How comme secret de fabrique
p.
63
2 -
La protection pénale du se-
cret de fabrique
.
p.
63
Section II
La protection pénale des
productions individuelles
p.
67
Section III
La protection pénale de
la monnaie en tant que
moyen de, lié change des biens. p.
70
Conclusion du chapitre 1
.
p.
73
Chapitre II
: Droit pénal économique et
propriété socialiste
.
p.
75
Section l
: Droit pénal économique et
collectivisation des moyens
de production
.
p.
77
Section II
Le droit pénal économique
et la protection de la
propriété socialiste . . . . .
p.
'87
§ 1
La répression des diverses
formes d'enrichissement i l l i -
cite au détriment de la pro-
priété socialiste
.
p.
91
§ 2
La répression de la destruc-
tion de la propriété socia-
liste
.
p.
94
Chapitre III
Droit pénal économique a-
fricain et passage de la
propriété mythique à la pro-
priété de production
.
p.
97
Section l
Le poids du régime coutu-
mier de la propriété des
moyens de production sur le
développement d'une économie
moderne
.
p.
..

385.
§ 1 -
Le poids de~.rapports hommes-
·terre
'-," ,
.
p.
99
§ 2 -
L'utilisation "anti-économique"
des richesses
.
p.
101
Section I I
:
Le droit pénal économique
et la modification du ré-
gime coutumier de la pro-
priété des moyens de pro-
duction
.
p.
103
§ 1 -
Le droit pénal économique et
la démythification des rap-
ports "Hommes-Terre"
.
p.
104
§ 2 -
La répression du vol coutumier
de bétail
.
p.
106
A -
La répression du vol de bétail
en Guinée
.
p.
B -
La répression du vol de bé-
tail au Burkina-Faso,
à Mada-
gascar et au Niger
.
p.
108
Conclusion du chapitre I I I
.
p.
111
Titre I I
Droit pénal économique et modes
d'organisation de l'activité éco-
nomique
.
p.
113
Chapitre l
Droit pénal économique et
libre concurrence
.
p.
116
Section l
Le droit pénal économique
et la protection de la con-
currence classique
.
p.
119
§ 1 -
Les dispositions du code pénal
de
1810
.
p.
120
A -
La répression des coalitions
entre employeurs ou entre
ouvriers
'.'
.
p.
120
B -
La répression des coalitions
entre principaux détenteurs
d'une marchandise
.
p.
123
§ 2 -
Les lois du 20 avril 1916 et
du 3 décembre 1926
.
p.
124
A -
La loi du 20 avril 1916
.
p.
126
B -
La loi du 3 décembre 1926
.
p.
128
..

386
Section II
: La protection pénale de la
concurrence moderne . . . . • .
p.
132
§ 1 - La répression des pratiques
restrictives de la concurrence
p.
134
A - La répression du refus de
vente
.
p.
135
a - Refus de vente et contrat de
concession exclusive
.
p.
136
b - Refus de vente et contrat de
distribution sélective
.
p.
13~
B -
La répression des pratiques
discriminatoires de ventes
et des prix minima impo~és ou
conseillés
.
p.
140
§ 2 - La.répression des ententes il-
licites et abus de position
dominante
.
p.
14i
Conclusion du chapitre 1
.
p.
151
Chapitre II
Droit pénal économique et
planification étatique de
l'activité économique~ . . . . .
p.
154'
Section l
Le droit pénal économique
et l'institution du monopo-
le étatique de l'activité
economique en U.R.S.S .. ~ ..
Section II
le droit pénal économique
contemporain et la pro-
tection du monopole éta-
tique de l'activité éco-
nomique
.
P.
161
La répression de la spé-
culation illicite
.
P.
162
§ 2
La répression des in-
fractions à la discipline
économique
.
P.
165
A -
La répression du sabotage
.
.
econom1que . . . . . . . . . . . . . • . .
P.
166
B -
La répression des délits
de service en matière
éconornique
.
P.
. 167
Chapitre III
Droit pénal économique et
dépassement de l'économie
de subsistance . . . . . . • . . . . .
P.
173
Section l
Le poids de certaines cou-
tumes sur l'édification
d'une économie moderne •••.
P.
1 7.4
..

387.
Section II
La répression de certains,
comportements liés à l'é-
conomie de subsistance
.
p.
180
§ 1 -
La primauté du travail
.
p.
180
§ 2 - La répression de l'oisiveté
et des comportements assimilés
p.
181
Conclusion de la première partie
.
p.
185
DEUXIEME PARTIE
: Droit pénal économique et po-
litiques économiques.........
p.
189
Titre l
:
Droit pénal économique et politiques
économiques dans les pays développés
p.
194
Chapitre l
: Droit pénal économique et po-
litiques économiques de crise
et de g u e r r e . . . . . . . . . . . . . . . .
p.
198
Section l
Droit pénal économique et
politiques économiques capi-
talistes de crise et de
guerre
: le cas de la France
p.
199
§ l
-
Droit pénal économique et poli-
tiques économiques interven-
tionnistes de crise et de guerre
p.
200
A -
Le contrôle répressif de la
liberté économique
.
p.
201
B -
L'apparition des prémisses
du dirigisme dans le droit
pénal économique
.
p.
204
§ 2 - Le droit pénal économique di-
rigiste de guerre
.
p.
209
A -
Le droit pénal économique de
guerre et l'organisation pro-
fessionnelle
de l'économie ..
p.
211
B -
Le droit pénal économique de
guerre et la règlementation
dirigiste des prix
.
p.
214
a
-
L'incrimination de la majo-
ration illicite de prix . . . . .
p.
214
b -
Les modalités de la répres-
sion de la majoration illici-
te de prix
.
p.
216
c
-
Les "reliquats" du régime
des prix dans le droit pénal
économique après la guerre ..
p.
219
..

388.
Conclusion de la section 1
.
p.
222
Section II
Droit pénal économique et
po~itique économique de
crise et de guerre en ré-
gimes socialistes
.
p.
--223
§ 1 -
Droit pénal économique et poli-
tiques économiques soviétiques
de crise et de guerre
.
p.
224
A -
Le droit pénal économique so-
viétique dans la N.E.P
.
p.
225
B -
Le droit pénal économique so-
viétique au cours de la deu-
xième guerre mondiale
.
p.
228
§ 2 - Droit pénal économique et po-
litiques économiques de crise
de la R.D.A
.
p.
230
A -
La lutte contre la criminali-
té économique d'après-guerre.
p.
231
B -
Le droit pénal économique de
la R.D.A.
dans la guerre éco-
nomique entre les deux Allema-
gne
.
p.
233
Conclusion de la Section II
.
p.
235
Conclusion du chapitre 1
p.
236
Chapitre II
Droit pénal économique et
politiques ci'expansion éco-
nomique....................
p.
238
Section l
Droit pénal économique et
politiques capitalistes d'ex-
pansion économique
: le cas
de la France..............
p.
239
§ 1
Le droit pénal économique de
la concurrence, un instrument
de politique économique
.
p.
241
A -
Le droit pénal économique et
la restructuration de l'écono-
245
mie française
.
p.
a -
Le pouvoir "concentrationnis-
te" des incriminations de
l'article 37 de l'ordonnance
du 30 juin 1945
.
p.
246
..

389.
b -
concentration et laxisme dans
l'interdiction des ententes
et positions dominantes . . . . .
p.
249
B -
Le droit pénal économique de
la concurrence et le contrôle
des nouvelles structures éco-
nomiques
.
p.
256
§ 2 -
Droit pénal économique et pro-
tection des consommateurs . . . .
p.
260
A -
Le droit pénal de la consom-
mation régulateur de la mora-
lité commerciale
.
p.
262
B -
Les véritables fonctions du
droit pénal de la consommation
p.
268
a -
le droit pénal de la consom-
mation,
un instrument de la
protection des biens incor-
porels de l'entreprise
.
p.
.268
b -
Le droit pénal de la consom-
mation,
une pièce de la stra-
tégie économique des pouvoirs
publics
.
p.
271
Conclusion de la section 1
.
p.
273
Section II
Droit pénal économique et
politiques socialistes
d'expansion économique ...
p.
274
§ 1 -
Des innovations dans le sys-
tème de gestion et de planifi-
cation économique
.
p.
275
§ 2 - Droit pénal économique et po-
litiques socialistes de déve-
loppement intensif
.
p.
278
A -
La planification centrale et
l'élargissement de la res-
ponsabilité pénale des chefs
d'entreprise dans le nouveau
système de gestion économique
p.
278
B -
L'influence de la libération
du système de gestion sur les
objectifs du droit pénal éco-
nomique
.
p.
281
a -
La protection pénale de l'en-
treprise contre la concurren-
ce déloyale
.
p.
282
..

390.
b -
La protection de l'entrepri-
se contre les abus de sa di-
r e c t i o n . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p.
284
c -
"Le risque économique justifié"
p.
286
Conclusion de la section I I . . . . . . . . . . .
p.
289
Conclusion du titre 1....
p.
29l
Titre II
: Droit pénal économique et politi-
ques de développement économique.
p.
293
Chapitre l
Droit pénal économique et fi-
nancement du développement
économique par l ' E t a t . . . . . . .
p.
295
Section l
: La protection pénale des
ressources naturelles.....
p.
296
§ 1 -
L'incrimination de l'exploi-
tation illégale des substances
minières
.
p.
298
§ 2 -
Les sanctions pénales
.
p.
300
A - Sévérité des sanctions quant
aux taux des peines
.
p.
301
B - Sévérité des sanctions liée
aux conditions de la pour-
suite
.
p.
306
Section II
La protection pénale des
ressources financières
nationales
.
p.
307
§ 1 -
La répression du détournement
de deniers publics au Sénégal
p.
309
A -
Le délit d'enrichissement
illicite
.
p.
309
a -
L'existence d'une fortune . . .
p.
310
b -
L'impossibilité de prouver
l'origine licite de la fortune
p.
313
B -
La création d'une cour spécia-
le de répression de l'enri-
chissement illicite
.
p.
313
§ 2 -
La répression du détournement
de deniers publics en Côte
d'Ivoire
.
p.
315
e.
"
.:::.'
....'-. ~
~.:.~. -.~:~~.~ '. '
.: .':->:·:'.ï':-Y·:·
~

39L
§ 3 - La répression du détournement
de denieri publics au Mal~ ...
p.
'31S
Conclusion du chapitre 1
.
p.
320
Chapitre II
Le droit pénal économique et
la création des conditions
du développement économique
par l'entreprise privée . . . .
p.
322
Section l
Le droit pénal économique
africain et la protection
de l'épargne privée
.
p.
323
§ 1 -
La répression de certaines cou-
tumes familiales ou de leurs
effets excessifs
.
p.
325,
A -
L'interdiction ou la règle-
mentation de la dot
.
p.
326'
a -
La règlementation de la dot.
p.
327
b -
L'interdiction de la dot . . . .
p.
328
B -
La règlementation pénale de
certaines cérémonies coutu-
. ,
m1eres
.
p.
329
a -
Les dispositions pénales
.
p.
330
b -
Synthèse
.
p.
332
§ 2 -
La protection pénale de l'épar-
gne privée par la répression
de l'Usure:
le cas de la Côte
d' Ivoire
.
p.
335
A -
L'incrimination de l'Usure ..
p.
336
B -
De l'adaptation des textes
sur l'usure
.
p.
339
Section II
: Le droit pénal économique
ivoirien et la règlementa-
tion du marché
.
p.
342
§ 1 -
La règlementation de la con-
currence
.
p.
343
§ 2 - Pour une politique ivoirienne
de concurrence fondée sur le
développement national
.
p.
346
..
'".>

392.
Conclusion de la deuxième pa~t~e
.
p.
354
CONCLUSION GENERALE
.
1
. . . . . ... . . .... . . .... ... . . ..
p.
356
BIBLIOGRAPHIE