UNIVERSITË
DE
RENNES l
FACULTË OES SCIENCeS JURIOIQUES
LE DROIT PENAL ET LINFORMATION
DE GESTION
THÈSE POUR LE DOCTORAT
DE L'UNIVERSITE DE RENNES I, mention Droit Privé
Présentée et soutenue publjqu9111\\~f)t"'::\\!\\1
Suffragants:
Suffragants:
M. Jean - Pierre BRI LL
M. Henry BLAISE
?rofessecr Agrégé de la Faculté
Professeur Agréeé
de nroi~ de Str~sbcurg
Doyen Honoraire de la Faculté è~5
Sciences Juridiques de Re~nes l
M .Jean-Yves C HEVALLI ER
M'Joseph JUGAU LT
?ro~esseur Agrégé de la Faculté
Doyen de la Facult~ de! Sciences Juridi7ue3
des Scier.ces jcridiques de Re~_~es l
de l'UniYerait~ de Renne. 1
" " '"'1''' .. n ..... ,....
PRINCIPALES
ABREVI~IONS
Art.
article
B.A.LO.
Bulletin des annonces légales obligatoires
B.C.N.C.C.
Bulletin du Conseil National des
Commissaires aux acomptes
Bull
Bulletin des arrêts de la cour de Cassation
C.A.C
Commissaire aux comptes
C.E.
Comité d'entreprise
C.du Trav.
Code du travail
Civ.
Cour de Cassation Chambre civile
C.N.L.
Comptoir National du Logement
C.O.B.
Commission des opérations de bourses
C. pén.
Code pénal
C.P.P.
Code de procédure pénal
Crim
Cour de Cassation , Chambre Criminelle
D.
Dalloz
Décr.
Décret
Defr.
Répertoire du notariat Defrénois
Dr. fiscal
Revue de droit fiscal
Dr. Social
Revue de droit social
D.S.
Dalloz Sirey
Eco et Comp.
Economie et comptabilité
G.A.
Grands arrêts de la jurisprudence criminelle
G.P
Gazette du Palais
J.A.L
Journal d'Annonces Légales
J.C.P
Jurisprudence Périodique
J.C.P.E.
Jurisclasseur périodique édition Entreprise
J.C.P. éd.C.I.
Jurisclasseur Périodique édition Commerce
et industrie
J.C.P. éd. N
Jurisclasseur Périodique édition Notariat
J.Soc.
Journal des Sociétés.
Principales abréviations
suite
Ordo
Ordonnance
Rev. Fid.
Revue Fiduciaire
Rev. jure com.
Revue de jurisprudence commerciale
Rev. sc. Crim.
: 'Revue de science criminelle
Rev. soc.
Revue des sociétés
R.F.C.
Revue Française de Comptabilité
R.P.D.C.
Revue de droit pénal et de criminologie
R.T.D.C.Cou Com)
Revue trimestrielle de Droit Commercial
R.T.D.C.E.
Revue Trimestrielle de droit Commercial et
de Droit Economique
R.T.D.Civ
Revue Trimestrielle de Droit Civil
S.A.
Société Anonyme
S.A.R.L
Société A Responsabilité limitée
S.C.S.
Société en commandite simple
S.N.C.
Société en Nom Collectif
Soc.
Cour de Cassation Chambre Sociale
S.U.R.L
Société Unipersonnelle A responsabilité
Limitée.
-
1 -
INTRODUCTION
1- Gérer,
c'est diriger pour son propre compte
ou pour le compte d'autrui.
La gestion,
action de gérer
qui nous
intér-esse- ici n'e-st: autre que celle des entreprises,
éléments essentiels de nos
sociétés modernes.
Cette gestion est complexe et suppose,
pour
être menée à bie~ qu'un certain nombre d'informations soient
disponibles.Dans quelle mesure le droit pénal peut-il
contribuer à cette disponibilité et surtout dans quelle
mesure contribue-t-il à rendre cette information efficace?
Le fait
qu'on se pose de
telles
questions
peut paraître
surprenante en soi.
2-L'idée même -d'une intervention du droit pénal
dans
le fonctionnement des
entrepris~s semble constituer
une gène pour certains auteurs.
Ainsi,
pour ESCARRA,
les
sanctions pénales
sont des "procédés" archaiques
et mal
adaptés
au rôle que doivent
jouer les
sociétés
par action
dans l'économie du pays.
Il faudrait
tout de même-changer
d'optique et admettre que les sociétés par action ne sont
pas faites
uniquement pour alimenter la section financière
du parquet de Paris.
3- Mais ce qui
est en cause ici,
ce n'est pas
tant l'intrusion du droit pénal dans
l'~ntreprise que
l'existence d'incriminations
spécifiques.
C'est trop vite
oublier que
la création de
la plupart de ces
incriminations
ont eu pour but de pallier les
lacunes du droit pénal
commun qui,
auparavant,
ne pouvaient être atténuées
que
grace à une interprétation jurisprudentielle à
la limite
de la légalité.
- 2 -
Ceci est vrai pour le délit d'abus de biens sociaux par rap-
port au délit d'abus de confiance. (1). Il en est de même également
des délits d'escroquerie ou de faux en écriture par rapport aux délits
de distribution de dividend~fictifi, de publication de fait faux ou
de bilan inexact, et de ces derniers les uns par rapport aux autres.
De plus~
la création de ces infractions a
sou-
vent fait suite à de retentissants scandales financiers
dont la masse anonyme des épargnants et des créanciers fut la vic-
timeinnocente et qui ont montré que la réalité dépasse souvent la
fiction, fut-elle l'oeuvre d'un romancier aussi célèbre qu'Emile
Zola
. H -Par ailleurs, si le droit pénal est bien destiné à protéger
les valeurs essentielles de ~a sociéte, i~ est difficile de soutenir qu'
il sort de son domaine "naturel" lorsqu'il intervient dans le fonction-
nement des entreprises.
En effet, la crise économique aidant, on a enfin découvert l'en-
est
treprise et Bon rôle économique et social. L'entreprise/ainsi
devenue
le centre de toutes les préoccupations. Faut-il redresser la balance
commerciale ou infléchir la courbe inquiétante du chômag~ ? C'est vers
elle qu'on se tourne. Et pour améliorer sa compétitivité et sa capaci-
té de production, on dévalue la monnaie, on consent - provisoirement
sans doute - sinon une baisse, du moins une stagnation du pouvoir
d'achat des ménages.
Il est vrai que pour d'autres, sans doute plus éclairés, cette
découverte est plus ancienne. Avant que Monsieur J. AUROUX ne constate
que "l'entreprise, collectivité du travail, est une composante essen-
tielle de la cité et de la nation" (2..), la commission ,'SUDREAU avait
fait remarquer que "dans la société atuelle le développement et la mul-
tiplication des fonctions qu'assure l'entreprise font qu'à trav:,xs elle
c'est une large part du système économique et social qui est en cause"(3).
(1) R. ÇONTIN'~'institutionalisation de délit d'abus de bienssocieux,
mémoireDE::> Rennes 1966. M. HERSANT ,l'abus de biens et du crédit
de la société. Mel PATINp. "340 PEDRAZZI;La responsabilité pénale
des adn!strateurs cîê société Trav. ass . Ca pi tant T XV p. 125 et s.
(~) J. AUROUX, Rapport sur les droits nouveaux des travailleurs.
Doc. E:r • p. 4
(3) P. SUDREAU. La réforme de l'entreprise. éd. 10-18 p.13
-
3 -
Et bien avant encore,
à l'époque même où l'netreprise
f~isait son apparition tardive et timide"dans la vie
juridique,
un éminent
juriste
(1)
avait pu décrire "les
fonctions
publiques de
l'entreprise" considérant par
ailleurs
que "produire est devenu une fonction publique . . .
Distribuer plus encore que produire est aujourd'hui une
fonction publique".
Le même constat a été fait
récemment
par certains auteurs
pour qui "l'entreprise est devenue
(Sic
!) un objet d'intérêt général pour ne pas dire
d'intérêt public".
(2).
5- Même s ' i l faut
bien se garder de donner à
çes dernières
formules
le sens
qu'on leur donne en droit
public,
on est bien obligé d'admettre qu'elle décrivent
une certaine réalité.
On a
pu fort
justement constaté
qu'''avant notre première sortie le matin,
le plus souvent
pour aller travailler . . .
dans
une entreprise,
nous avons
déjà eu "affaire" à une bonne vingtaine d'entre elles" et
, , ,
h
f
.
.
qu.
un test que c acun peut
a1re montrera1t que ce
nombre dépasse facilement
la centaine à
l'issue d'une
journée tout à fait habituelle"
(MARTINE et PETIT,
l'entreprise dans
un monde en changement,
seuil
1982
p.
15)
Par ailleurs,
la presse d'opinion a
suffisamment
relaté,
récemment,
le cas de régions
ou de communes
sinistrées -
le terme n'est pas
trop fort -
par la dis-
parition ou la simple réduction d'activité d'une entre-
prise pour qu'on puisse encore en douter.
S'il en était
encore besoin,
l'enthousiasme avec
lequel
l'ensemble des
(1)
P.
DURAND,
les fonctions
publiques de l'entreprise
privée.
Dr.
soc.
1945.
p.
216.
.
(2)
M.
MILLOT et J.P.
ROULLEAU,
l'entreprise face aux
lois AUROUX.
- 4
médias
s a lue
le moi-nd re contrat ob tenu par une
en t repri s e
française à
l'étranger suffirait à nous
convaincre de
l'importance de
l'entreprise pour
la société.
6- La prise de conscience de cette importance
s'est
traduite ces dernières
années par un véritable raz
de marée
législatif qui a
profondément modifié -du mo~ns
en avait-elle l'ambition - les structures et les mécanismes
juridiques qui régissent le fonctionnement de l'entreprise.
Alors
qu'au lendemain d~ la deuxième guerre
mondiale "pour trouver
l'entreprise dans
nos lois
i l
(fallait)
la chercher dans
les disciplines qui échappent
par leur autonomie aux conceptions
traditionnelles"
(j.),
le terme entreprise est omniprésent dans
les
textes
récents aussi bien du droit commercial que du droit du
travail.
L'entreprise est le cadre privilégié des
ins-
titutions
représentatives du personnel et de
la négo-
ciation collective
(art.
L 132-18 et s.
du C.
du Trav.)
de
l'exercice du droit de grève
(~) ou du droit disci-
plinaire
(art.L 122-33 et
s.)
du c.
du
travail.
({)
G.
RIPERT,
Aspectsjuridiques du capitalisme moderne
N°
119 p.
266-267.
(i) La jurisprudence a souvent recours à la notion
d'intérêt de
l'entreprise ou de désorganisation
concertée de
l'entreprise pour condamner les
mouvements de grève.
_ 5
_
du c. du tra.). Elle est la notion à partir de laquelle ont été conçues
les réformes les plus récentes et sans doute les plus profondes (1) du
droit commercial expressement destinées à prévenir ses difficultés (i)
ou cl organiser~son redressement (3).
1
-
Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que le
législateur démentant
Ihéring qui proclamait que "l'histoire
de la peine se résume en une abolition constante n (4), ait mul-
tiplié les incriminations spécifiques à la vie des entreprises,
parmi lesquelles les infractions relatives à l' i nf 0 rma t i on
de gestion tiennent
à
l'importance de l'entreprise.
Cette multiplication des dispositions pénales s'appli-
quant aux différents aspects de l'activité des entreprises peut-
être justifiée par la complexité des rapports économiques qui per-
mettent aujourd'hui toutes sortes de fraud~ Mais elle a pris une
telle ampleur que d'aucuns se sont élevés contre "l'inflation pé-
nale n qu'elle constitue à leurs yeux.
Ainsi le Doyen Hamel s'est-il-demandé "si l'emploi
judicieux de sanctions pénales sévères et bien appliquées ne serait pas
préférable à une règlementation minutieuse e~ tatillonne qui paralyse
si souvent les initiatives de5~ hommes d'action" (5). Un autre auteur
fait remarquer que"l'inflation des délits artificiels par opposition
aux délits naturels émousse la répression", et se demande s'il est
"véritablement nécessaire d'assortir de sanctions pénales des délai~
des déclarations, des convocations, des informations? Des solutions
administratives ne seraient-elles pas plus adaptées ?"(G). Plus récem-
ment on a relevé que "chaque fois qu'un président ou gérant de société,
(1J V.J. PAILLUSSEAU et G. OPPETIT, Les difficultés des entreprises. Pré-
ventions et règlement amiable. ARMAND COLIN 1985
(2) L. du 1er mars 1984. J.O. du 2 mars 1984 p. 751
(3) Lois du 25 janvIer 1985. D. 1985 leg. p. 148 JCP 1985 III 56711
e't 56712.
, .
(4) Cité parP . .B8UZATge5 PI>~ATE L~2traité de droit pénal et de crimi-
. nolog~e, DALL Z. l i N
T p.
.
; .
, _ . '
., ,
(5' HAMEL pret'. etude HAMEL
Le droit penal spec1al des soc1etes
anonymes 1955 p. 12.
(6) M,E.
CA~TIE~ Notion et fondement de la resposabilité du chef d'en-
treprisein la responsabilité pénale du fait de l'entreprise,Masson
1977 p. 45
-
6 -
en France, signe un document, donne un ordre à son personnel ou son
accord à un partenaire commercial, il peut et même devrait se demander
quelle peine de prison ou d'amende pénale il encourt ••• Bien peu
ont songé que puisse constituer un_délit, l'envo~tardif, à un action-
naire qui en fait la demande en vue de sa requête en inscription de pro-
jets de résolutions à l'ordre du jour d'une assemblée des pièces vi-
sées à l'article 129 du décret du 23 mars 1967"(1).
8-. On peut remarquer d'ores et déjà que ce sont surtout
les dispositions pénales relatives à l'information qui semblent visées
par ces critiques dont certaines paraissent quelques peu excessives
dans leurs formulations. Elles ont cependant le mérite de poser un pro-
blème de fond qui ne peut être éludé.
Si d'une façon générale l'importance ~conomique de l'entreprise
permet de justifier l'imixtion du droit pénal dans le fonctionnement de
.
.
celle-ci, c'est le r81e primordial de l'information dans la gestion qui
permet d'expliquer une telle imixtion dans le domaine spécifique
de
l'information de gestion
9-. "L' homme moderne a besoin d'être informé" ('1-), "l' infor-
~ation est omniprésente, peut-être même à l'excès dans notre société"(3).
Ces deux formules montrent bien que l'information tient une place de
premier plan dans nos sociétés modernes.
10· - Le terme information recouvre deux aspects. De façon dyna-
mique, ~\\Ie désigne soit l'action de s'informer, de recueillir des rensei-
gnements - c'est dans ce sens qu'on l'emplo~en procédure pénale pour
désigner les actes d'instruction préparatoires - soit celle d'informer
les autres de leur fournir des renseignements. D'un point de vue plus
statique, l'information est le renseignement qu'on porte à la connais-
sance de l'autre ou dont on prend soi-même connaissance. tes différentes
acceptions du terme sont si étroitement liées que nous_pe pouvons dans
le cadre de cette étude faire abstraction d'aucune d'elles.
(1) J. COSSON L'inflation pénale dans la loi française sur les sociétés
commerciales,GP 1985J2,doct. 415
(2) J.J. BURGARD, L'information des actio!l!laires, Dunod 1970 p.1
(3) J. CEDRAS, L'obligation de négocier, RTD G.éco.1985. p:226
- 7 -
11
- L'importance de l'information n'a pas échappé aux diri-
geants d'entreprise. Tel fabricant
ou prestataire de service sollici-
tera l'appréciation de sa clientèle en vue d'améliorer la qualité de
ce qu'il propose ou en vue de connaître révolution des gonts du public.
C'est ainsi que les formes des nouvelles automobiles seront dessinées
à la suite de sondages effectués auprès des automobilistes (1). De
fa~on plus spectaculaire et sans doute à des fins publicitaires égale-
ment, on a vu un super marché de la ville de Rennes, proposer la supres-
sion des cent produits qui conviendraient le moins à sa ciientèle.
12- L'importance de l'information pour nos contemporains n'a
pas davantage échappé au législateur et à la jurisprudence. L'offrant
doit renseigner le destinataire sur la chose ou le service qu'il pro-
pose (~), l'Assuré doit déclarer exactement les risques ou les aggra-
vations de risque à l'assureur qui lui-même doit faire apparaltre en
caractères très apparents, sur la polic~les clauses de nullité et de
déchéance de la garantie (3), le vendeur de fonds de commerce doit
'\\
porter à la connaissance de l'acquéreur éventuel les éléments d'évalua-
tion du fonds, cert~}ns bailleurs doivent fournir des renseignements
aux candidats locataires ou lors d~...renouvellement du bail ou encore
pendant l'exécution du contrat de bail (4).
Plus spécialement, dans le cadre de la protection des consom-
mateurs, le chef d'entreprise doit informer ceux-ci sur la nature et
la qualité de certains produits, il doit laisser les agents du fisc ou
de l'administration du travail s'informer sans leur opposer des obstacles
Il doit informer les salariés ou leurs représentants ( ou les laisser
s'informer) sur leurs conditions de travail ou la situation économique
et financière de l'entreprise. De même, il doit informer l~s A5~O~i~1
les obligataires, les commissaires aux comptes, Je public •••
..
13 -
Toutes ces obligations d'information peuvent avoir une
importance déterminante pour l'ordre public économique. Elles sont
souvent assorties des~ctions pénales. Mais sacrifiant aux préoccupa-
tions du moment, celles d'une gestion efficace de -l'entreprise dont
(1) Ibid
(~) DE JUGLART, L'obligation de renseignement. RTD civ. 194~ 1
(3) art. L.112-3 et 4 et L.113-2 C.ass.
(~) art. 62 al. 1er et s. loi du 22 juin 1982.'
- 8 -
la protection est devenue "un impératif majeurde notre société"(1)nous
nous intéresserons essentiellement aux informations qui ont un rapport
avec la gestion des entreprises, et que nous appellerons désormais
informations de gestion. Il s'agit de celles qui permettent aux person-
nes qui interviennent dans le fonctionnement de l'entreprise de pren-
dre les décisions (ou de donner les avis) relevant de leurs compéten-
ces respectives en toute connaissance de cause. Il s'agit aussi
de
celles qui permettent aux personnes simplement intéressées par cette
gestion de se déterminer en fonction de renseignements précis et dignes
de foi.
Ainsi défini, de nombreuses personnes peuvent être tenues de
fournir des infor.mations de gestion. Mais, pour l'essentiel, celte-obli-
gation incombe au.. _chef
d'entreprise. 'C'est donc aux infor1.l1ations
fournies par eux qu~ nous intéresserons spécialement dans notre étude.
14- Mais la ne'cessite' meAme de cette .~nf ormation, surtout
dans la mesure où elle s'adresse à d'autres que les dirigeants de
l'entreprise, a suscité pendant longtemps de nombreuses réserves et
chaque progrès en la matière soulève la controverse. La. crainte ~
plus souvent exprimée est que violant le secret des affaires, elle
n'
. ,
en arr~ve a se retourner contre l'entreprise et à lui nuire (2).
Bien entendu, il ne nous est pas possible de prendre position sur
cette question délicate dans le cadre de cette introduction. Pour
l'instant, nous nous contenterons d'invoquer les raisons qui, d'après
nous, rendent le principe d'une large information indiscutable.
(1) J. PAILLUSSEAU, les fondement du droit moderne des sociétés. Poly.
Janvier 1984 N°e8 p. 28 également JCP 1984 1. 3148
(2)J. PERCEROU, Du droit de communication dans les sociétés par action.
J. Soc. 1908 p. 97.
'
J. LEPARGNEUR, A propos du droit de communication dans les sociétes par
action J. soc 1924. La conquête d'un droit à l'information a été encore
plus difficile et plus lente à se dessiner pour les salariés.
- 9 -
15 - D'abord qu'est-ce que l'entreprise? Voici une
question qui divise les économistes,
embarrasse profondément
les
juristes et parfois m~me les irrit~. En effet,
il parait
aussi mal aisé de définir l'entreprise dans
son contenu que
dans
ses contours.
Pourtant,
i l est
indispensable d'y répondre
pour bien comprendre l'importance de l'information dans
l'entreprise.
On ne peut qu'~tré frappé par l'abondance et la
diversité des définitions que les économistes donnent de
l'entreprise.
On a m~me pu dire que "le juriste se trouve
étouffé par une telle avalanche de définitions
économiques
qu'il ne sait
laquelle choisir comme base d'une définition
juridique"
(1).
Néanmoins,
et en simplifiant,
on a pu dégager
deux conceptions de
l'entreprise chez
les économ1stes
(2).
La première est restrictive et fait
de
la recherche
d'un profit monétaire une condition d'existence de l'entreprise.
F.
PERROUX notamment considère que
l'entreprise "est une
_~orme de production par laquelle,
au sein du m~me patrimoine,
on combine les prix des divers
facteurs
de production ap-
portés
par des agents distincts
du propriétaire de l'entreprise,
en vue de vendre sur le marché un bien ou des
services et
pour obtenir un revenu monétaire qui
résulte de la différence
en t re deux séries de prix"
(3).
Cette conception restrictive s'oppose à une autre,
plus extensive,
dans
laquelle l'entreprise est considérée
comme tout organisme se proposant essentiellement de produire
pour les marchés certains biens ou services
et
indépendant
financièrement de tout autre organisme
(4).
(1)
FEIEDER,
in Droit de
l'entreprise et droit social Rev.
int.
dr. comp.
1954 p.
558.
(2)
M.
DESPAX,
l'entreprise et
le droit,
Thèse Toulouse
1956,
N°
6 p.
6 et s.
OPPETIT et
SAYAG,
les
structures
juridiques
de l'entreprise Litec
1980.
(3)
F.
PERROUX cité par M.
DESPAX,
op.
c i t . ,
Soc.
cit.
(4)
JAMES cité par M.
ESPAX op.
cit.
soc.
cit.
-
10 -
16 - Il ne nous semble pas que la conception restrictive
adoptée par certains économistes pU1sse être retenue comme base d'une
étude juridique de l'entreprise. Il est devenu presque banal de dire
que l'entreprise publique se distingue très peu de l'entreprise privée
et que "le cloisonnement strict des disciplines juridiques n'est plus à
la mode" (1) ••• Il serait d'autant plus arbitraire de limiter le concept
d'entreprise aux seuls organismes recherchant un profit que nous vivons.
"une époque où l'on prend conscience de l'importance des biens ou services
non marchands et des activités bénévoles". (2).
17 - Mais, si la discipline économique se caractérise par
une abondance de définitions de l'entreprise, la discipline juridique,
elle se manifeste plutôt par la rareté d'une telle définition.
On peut sans doute expliquer cette situation par .le
fait que le principe même d'une notion juridique de l'entreprise n'a pas
toujours semblé nécessaire aux juristes. En effet, longtemps cachée sous
la propriété (3), ignorée par les codes Nap ..~~ ce n'es t qu'à une
',; \\~..
t= t '::_~ ";._,,,
époque relativement récente que l'entrep
~~p-~qd~la curiosité des
juristes. Il reste que l'entreprise a d.~ ~ ~:~mp6~ comme un concept
juridique spécifique. Une partie de la ,d~c~~~t~~ncoreque certaines
notions classiques du droit suffisent à ~kpl~uer ~s..~écanismes juridiques
----
,
.'"
qui la régissent (4). Mais cette attitude ~a~~~~;/certains auteurs
.;.,::.-.
;.;..,..,-
ne suffit pas à expliquer la rareté des définitions juridiques de l'en-
treprise. Celle-ci est également due à la diversité des réalités écono-
m1ques que recouvre cette notion. Qu'y a-t-il de commun entre la petite
épicerie du village et de gigantesques multinationales telles que ARIANE
ESPAGCE ou la Générale Motors ou entre l'exploitation agricole quelle que
puisse être sa taille et une société de service informatique ? Y-a-t-il
davantage de points communs entre une entreprise qui a pris la forme
d'une S.A. et celle qui est gérée par une association?
(1) H. BLAISE, Esquisse de quelques idées sur la place des associations
dans l'activité économique. Etude HOUIN. DALLOZ 1985 p. 35.
(2) Ibid
(3) G. RIPERT,Aspects Juridiques du capitalisme moderne, N° 120 p. 268.
(4)1AMBEP.T-FAIVRE. Les formes juridiques de l'entreprise R.I.D. Com.
1963 p. 907, R. SIE, Les notions d'entreprise et de chef d'entreprise
in la responsabilité pénale du fait de l'entreprise MASSON 1977 p. 16.
- 11 -
18- Cette diversité permet d'expliquer que la plupa~t des auteur~
qui se sont intéressés à la question de la définition juridique de l' entre-
prise aient dû conclure à un constat d'échec. Depuis que le doyen
RIPERT a observé que si l'on voulait réformer l'entreprise il fallait
commencer par la'définir ~~). Cette question n'a pas beaucoup progressé.
C'est ainsi que trente ans après le président CHAMPAUD a pu constater
"la perplexité des juristes sur le sens, la valeur et la portée juri-
dique de la notion d'entreprise"(~). En général, la doctrine juridique
se contente d'affirmer que l'entreprise n'est pas une notion juridique
mais économique (3) ou qu'elle n'est "autre chose qu'une facilité de
langage qui permet d'atteindre de façon générique des êtres qui n'ont
le plus souvent en commun que le fait d'exercer une activité"(4).
19- Néanmoins quelques auteurs ont réussi à dégager une défi-
nition de l'entreprise. Ainsi, pour Monsieur P.DIDIER (~ l'entreprise
est un organisme dont le personnel salarié reçoit ses ordres de diri-
geants qui tiennent leurs pouvoirs de celui ou de ceux qui ont appor-
té le capital". Pour le Doyen BLAISE (6), "il est permis de définir
l'entreprise comme étant caractérisée à la fois par l'accomplissement
d'une activité commune et durable et par la réalisation d'mwjet con-
sistant dans la production de biens ou la fourniture de services". De
son côté, le tribunal correctionnel de l~ Seine '1) a reconnu l'entre-
prise dans "une unité économique essentiellement constituée par un~
ensemble de biens affectés de façon stable à un certain but économique,
sous l'action d'un certain nombre de personnes groupées en équipes •••
et ne (pouvant) être incluse dans les catégories juridiques classiques
qu'à la vérité elle transcende ••• Sa performance ne (pouvant) être
affectée par les transformations de sa structure juridique".
(1) G.RIPERT op. cit. N°119
(~) Cl. CHAMPAUD, la situation des entreprises en difficulté. Rev. Jur.
Com. 1976 p.253
(3) J. PAILLUSSEAU, les fondements du droit moderne des sociétés. Poly.
Janv. 1984, LAMBERT-FAIVRE, l'entreprise et ses formes juridiques. R.T.D
com. 1968 p. 907. J. MOLIERAC, le juriste et l'entreprise Rev. soc. 1970
p. 2 J. Cl. FOURGOU~ De LU à LI~-1 La défense de l'entreprise est-elle
juridiquement assuree b.f, 1973.2.705
(4)
R.SIE Les notions d'entreprise et de chef d'entreprise au regard
du droit pénal in la responsabilité pénale du fait d~ l'entreprise p.13
(5) P. DIDIER Esquisse de la notion d' ent.reprise Mel. Voirin 19E.7 p. 209
(6) H.BLAISE1Esquisse de quelques idées sur-la place des associations dans
l'a~tivité ééonomique étude HDUrN. Dalloz 1985 p.J5
(1-) T.corr.Seine,16 nov.1966,.Rev. soc 1967,527 obs. RDVIN
-
12-
20- On remarquera à quel point, ces définitions de l'entre-
prise, plus ou moins complète~ sont proches les unes des autres. Mais
elles ne nous donnent pas entière satisfaction. Elles semblent faire
de la pluralité des personnes intervenant dans son fonctionnement une
condition d'existence de l'entreprise (1). Or cette circonstance tient
essentiellement à l'importance des activités exercées et parfois à la
seule volonté du dirigeant
qui,souhaitant éviter le paiement de
charges sociale~hésitera à embaucher un salarié ou transformerDune
entreprise personnelle en société dans le seul but de limiter sa res-
ponsabilité (~). Dans ces conditions le critère du nombre de personnes
intervenant dans le fonctionnement de l'entreprise nous semble arbi-
traire.
21 - Mais on peut s'interroger sur la nécessité de donner
une définition proprement juridique de l'entreprise. Si la technique
juridique est bien "l'outil qui tend à ordonner les réalités concrètes
en vu d'un certain idéal"(3) ne vaut-il pas mieux s'en tenir à une
définition économique qui permette au droit de remplir la plénitude
de sa fonction? Dans ce cas, celle retenue par Messieurs RIPERT
et ROBLOT nous semble la plus adéquate: "l'entreprise est une or-
ganisation autonome qui coordonne un ensemble de facteurs ( agents
naturels, capital, travail), en vue de produire pour le marché cer-
tains biens ou services"(A).
Cette définition permet, comme il est de coutume, de distinguer
l'entreprise de deux notions voisines.
22 - La première de ces notions est le fonds de commerce
inapte à traduire la notion économique d'entreprise notamment parce
que les immeubles en sont exclus (5) et surtout parce qu'elle ne
comprend que des biens alors que l'entreprise ne se conçoit pas sans
l'homme (6).
(1) Rapp._1.DURAND, Happort in travaux de l'asse H. CAPITAN 1947 p.45
(2.) A. SAYA&
, De nouvelles structures pour l'entreprise, La loi
N°85-637 du 11 juillet 1985 JCP 1985, 3217 J •. PAILLUSSEAU, les fonde-
ments pièce ,N°51 page 18.
. .J
.
(3) LAMBERT - FAIVRE, l'entreprise et ses formes juridiquesJRTD com.
1968 p. 902.
(4)
M. DESPAXop. cit. N°315 p.J47
(5) J. PAILLUSSEAU., la société anonyme techniq~e d'organisation de l'en-
. t.reprise. Sirey 1967. çl.CHAM.~!:!D... le droit des affaires
1981
p. 67 et s.;H. BLAISE/Esquisse de quelques idées sur la place des
associations dans l'activité économique Etude HOUIN 1985 p.36
(6) J. PAILLUSSEAU,les fondements du droit moderne des sociétés Poly.
Janvier 1984 N°42 p.14. .
.'
-
13 -
23 -
De même,
depuis
longtemps
i l est admis
que
l'entreprise ne doit pas êt~e
confondue avec
la société ni
avec l'association (1).
Pour la doctrine moderne,
celles-ci
ne sont que des
"techniques"
d'organisati~n de l'entreprise
(2).
Ainsi que l ' a écrit le Professeur J.
PAILLUSSEAU,
"l'entreprise est une organisation économique et humaine
alors que la société
(ou.l'a$sociation)
n'est qu'un cadre
juridique.
L'une appartient à
la réalité des choses,
à
l'économie et à
la sociologie,
l'autre au construit et au
juridique
(3).
Mais,
sans vouloir
les
assimiler
l'une à
l'autre,
on est bien obligé d'admettre que l'entreprise
revêtira bien souvent l'habit de la société qui
lui
permettre d'accéder à
la vie juridique.
C'est d'ailleurs
l'une des raisons pour lesquelles certains auteurs doutent
que l'entreprise ait un statut juridique propre.
2~ - Ceci étant,
les raisons
qui rendent indis-
cutables
le principe d'une large
information sont fort
nombreuses.
Elles
tiennent d'abord à
la diversité des
inté-
rêts dont l'entreprise,
par sa nature et sa finalité,
est
nécessairement le point de convergence,
comparée à
la
concentration des pouvoirs entre les mains de quelques
uns
(4).
En effet,
de multiples personnes sont intéressées
par la vie de l'entreprise.
Nous avons déjà signalé
l'importance que peut avoir son fonctionnement
sur la v~e
de la cité.
Ajoùtons,
pour justifier l'intérêt que les
collectivités
locales ou nationales portent aux entre-
(1)
LAMBERT FAIVRE, L'Entreprise et ses
formes
juridiques
in R.T.D.
Com.
1968 p.
907.
(2)
J.
PAILLUSSEAU,
La S.A.
Technique d'organisa:ion.de
l'Entreprise.
Sirey 1967
; R.
BLAISE art.
pree.
1n
étude ROUIN p.
37 et s.
(3)
J.
PAILLUSSEAU,
les fondements
du droit moderne des
sociétés J.C.P.
1984 l
3
148.
(4)R.
CONTIN,
le contrôle de
la gestion des
S.A.
L.G.D.J.
1975.
-
14 -
prises, même privées,
que si
en période de prospérité
toute
intervention de
leur part est dénoncée comme une
perturbation insupportable,
à
l'inverse,-elles
son~- accusées
de
laxisme lorsqu'elles
prétendent rester neutre face à des
difficultés pouvant mettre en cause la survie de
l'entre-
prise (1).
Il n'y a pas
si
longtemps,
on pouvait lire sur
les panneaux publicitaires de la ville de Rennes des affiches
accusant la municipalité d'avoir "laché"
l'entreprise
OBERTHUR alors
en difficulté.
En plus des
intérêts collectifs,
l'entreprise
met en Jeu de très nombreux intérêts particuliers.
Pendant
longtemps,
ceux des apporteurs de capitaux ont été
l'objet
de toutes
les attentions du législateur.
Mais
aujourd'hui,
nul ne peut contester que les
salariés ainsi
que tous
ceux
qui
sont en relation d'affaire avec
l'entreprise sont
intéressés
par la vie de l~entreprise. Bien entendu,
la
diversité et l'importance de ces
intérêts
qu'il est convenu
d'a p pe 1 e r
"i n t é r ê t s
caté go rie 1 s "
(2.)
son t
f 0 n c t ion d e I a
nature de
l'activité de
l'entreprise et de sa taille.
25
-
A cette diversité des
intérêts
catégoriels,
s'oppose les schémas
théoriques d'organisation du pouvoir
dans
l'entreprise.Q~el que soit son statut juridique -
public
ou privé
-
ou sa forme, .le pouvoir,
entendons
le pouvoir de décision,
appartient aux apporteurs du
capital.
26
-
Dans
l'entreprise personnelle,
l'entre-
preneur qui exerce encore les prérogatives de la propriété
détient un pouvoir sans partage dans
la gestion de son
affaire.
Le principe de
l'unicité du
(1)
J.
Cl.
FOURGOUX,
de LU à LIP,
la défense de l'entreprise
est-elle juridiquement assurée?
G.P.
1973 p.
709.
(2·)
R.
CONTIN op.
cit.
spec.
1ère partie.
-
15 -
patrimoine cher au droit français lui permet de gérer et d'administrer
l'entreprise et d'en modifier la composition à sa guise (1).
Quant aux entreprises sociales, elles sont organisées
sur le modèle de la société politique. Ici, la souveraineté appartient
aux sociétaires réunis en assemblée générale. Celle-ci choisit des re-
présentants qu'elle est sensée contrôler pour exercer la gestion quo-
tidienne de l'entreprise. Celle-ci est confiée à des gérants investis
à l~gard des tiers "des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute
circonstance au nom de la société ••• engagée même par les actes du
gérant qui ne relèvent pas de l'objet social~
Dans les sociétés anonymes, même si la notion de mandat ne
suffit plus à expliquer les pouvoirs des organes de gestion, il demeu-
re que certains membres de ces organes sont nécessairement des action-
naires. C'est le cas des administrateurs dans les sociétés anonymes
de type classique (2) et des membres du conseil de surveillance (3).
Quant aux directeurs généraux et aux membres du directoire, ils sont
choisis par le conseil d'administration ou le conseil de surveillan-
ce (4) qui peut les ré~oquer sauf à leur verser des dommages et inté-
rêts s'il le fait sans juste motif ou de façon abusive t5). C'est
dire à quel point, dans ce schéma théorique, les détenteurs du capital
m~risent les décisions de gestion qui, est-il besoin de le rappeler,
n'intéressent pas qu'eux.
(1) LAMBERT-FAIVRE op. cit. M. ~ROCHU, l'entreprise: Antagonisme ou
collaboration du capital et du travail R.T.D. com. 1969 p.681 M. DESPAX
op. cit.
(2) MERCADAL et JANIN, mémento F. LEFEBVRE,.. 1984-1985, soc. com., n01250
RIPERT et ROBLOT, Traité élémentaire de droit commercia~LIG,D,J.1980,81
N° 1257 p. 820 comm' 6 juil. 1961, rev. soc'l 1962, 35. Lyon 2 fev. 1953,
I
J. soc. 1954, 287.
1
(3) RIPERT et ROBLOTtop. cit'ln° 1325. MERCADAL et JANIN mémento
F. Lefebvre/1984-19ff,.
'
(4) J. BURGAR~ Direction générale et direction technique,L.G.D.J. 196~
n0143 p. 98 et n° 131 p. 91' MERCADAL et JANIN IOP' cit., n° 1474 et
n° 1530.
'
(5) Com~ 23 juin 1975, bull. Crim. n0177.R.'T.D. com. 1976/ 145 ; 22 nov.
1977, rev. soc.~ 197~483 note GUYON, D/S. 1978, 645 note GUYENOT ;
MERCADAL et JANI~op. cit~ n° 1478 et n01545 et s.' RIPERT et ROBLOT op.
cit.,_ n° 1315 p. 855.
-
J
1
-
16 -
Dans les entreprises publiques, même si on a assisté avec
la loi de démocratisation du/secteur public à l'entrée dans les conseils
d'administration de représentants du personnel,_c'e~t 11état,_qui détient
l'essentiel du pouvoir avec la possibilité qu'il a de rêvoquer par
décret le président du conseil et la plupart des membres de celui-ci
à l'exception des représentants des salariés.
- Ces différents schémas théoriques suffisent à eux seuls
à justifier le droit d'information des autres catégories de personnes
intéressées. Car si leurs intérêts peuvent c01ncider avec ceux des ap-
porteurs de capitaux, ils peuvent aussi s'y opposer, et alor~ils
auront besoin d'informations. claires et précises pour les défendre
et
pour ne pas avoir à subir des décisions qu'ils ne ma1trisent pas. Ce
droit d'information est d'autant plus justifié que certains d'entre eux
et notamment les salariés seraient fondés à prétendre eux aussi à l'exer-.
cice du pouvoir.(1).
21 - Mais plus encore que le schéma théorique, le fonctionne-
ment pratique des entreprises rend nécessaire une information étendue.
Si dans les petites entreprises les capitalistes exercent réellement
la souveraineté et contrôlent la gestion courante, il n'en est pas de
même dans les grandes entreprises.sociales qui prennent la forme de
société anonyme.
Il ne s'agit nullement de relancer ici le débat sur l'absen-
téIsme des actionnaires aux assemblées générales. Nous nous contenterons
de citer deux exemples significatifs empruntés à Monsieur J.J. BURGARD
(2) : cet auteur relève qu'"en 1969 une assemblée ordinaire particuliè-
rement nombreuse, celle de la compagnie Saint Gobain, a groupé 800 ac-
tionnaires sur un total qui était évalué à 200.000 en 1968. La société
avait fait un effort particulier pour attirer les participants; le coût
total de l'assemblée, diffusion du rapport annuel incluse, a dépassé un
(1) R. CONTI~ op. cit.,no738 p.502
.
(2) J.J. BURGiRD, l'information des actio~aire~ Dunod 1970,p. 25
- 17 -
un million de francs ; un jeton de présence de cinq francs avait été
alloué aux actionnaires présents. En distribuant un~eton de présence
de. dix francs, la société Nationale des Pétroles d'Aquitaine a doublé
le nombre de ses partiëipants, mais n'a tout de même pu réunir que 173
actionnaires sur 200.000. Très rares sont les sociétés qui comptent
plus de 100 présents àleurs assemblées". En réalité, le schéma théorique
d'organisation du pouvoir dans ce type de société n'est qu'une grande
illusion.
- "L'actionnaire ne gouverne ni ne contrôle (1)". Il se
comporte exactement comme un créancier attendant les profits de son
placement à tel point que l'assemblée générale, censée être la base du
pouvoir dans l'entrepris~est devenue "une simple chambre d'enregistre-
ment". Cette situation n'est peut-être pas néfaste au plan de la gestion
(2); il reste qu'elle met les actionnaires "bailleurs de fonds" exac-
tement dans la même situation que les tiers qui sont en relation d'affai-
re avec la société ou les s~lariés:n'ayant ni la maitrise, ni le contrô-
le des décisions qui les concernent, ils ont besoin d'information pour
ne pas les subir.
28 - La réalité peut-être encore plus restrictive en ce qui
concerne les détenteurs du pouvoir de décision. Il n'est pas du tout
certain que les apporteurs de capitaux, fussent-ils membres de la mi-
norité agissante qui prétend contrôler la gestion/aient unegrande in-
fluence sur les décisions de gestion. Dans les grandes entreprises, la
conduite des affaires devient si complexe que le bon sens d'adminis-
trateurs qui se réunissent quelques fois dans l'année et ne vivent la
vie de l'entreprise que de loin ne suffit plus pour prendre les options
essentielles. Leumpouvoimde décision sont alors vidés d'une partie es-
sentielle de leur contenu réel. La prépondérance du président est alors
difficile à contester (3).
(1) M. TRUCHU, Antagonisme ou collaboration du capital et du travail.
RTD·com. 1969-p. 681.
(2) R~ CONTIN/op. cit.,no730 p. 496-497~ C.ST ALA~Y.etPH.=NgÇQUEL
J. Cl. soc.~ fasc137, VO Assemblée générale,no6 p. 3
(3) M. TRUCHU,Antagonisme ou collaboration du capital et du travail•.,
RXD. com. 1969,p. 681
-
18
-
- Mais la complexité des affaires conduit dans certains
cas les représentants du capital à se déssaisir des pouvoirs de ges-
tion que la loi leur reconnaît encore._Ce ~éssaJsissemen~se traduit
par l'avènement des "managers". Les décisions essentielles supposent
en effet des connaissances scientifiques et techniques et une expérience
dans des domaines aussi divers que la production, la commercialisa-
tion ou la planification. Or, les proprié~aires du capital, n'ont pas
toujours une telle compétence. Poussés par les prêteurs, ils sont
alors obligés de céder leurs pouvoirs à ce qu'on a appelé la" technos-
tructure H(1). La conséquence en est que l'entreprise ne sera plus diri-
gée par ses "propriétaires" mais par des dirigeants professionnels qui
échappent à tout contrôle, d'autant plus facilement qu'ils constituent
une catégorie rare dont le remplacement n'est pas toujours aisé (2). Ils
manifestent semble-t-il "une égale méfiance à l'égard de~ représentants
du personnel, dans lesquels ils redoutent une force de contestation q\\li
puissent limiter (leur) autorité ••• et à l'égard des actionnaires parmi
lesquels ils craignent de vbir ressusciter les "maîtres" d'hier"(3).
29 - Il convient de noter que le recours à des professionnels
de la gestion n'est pas seulement le fait des grandes entreprises. C'est
paradoxarement, dans les formes de société. qui sont sensées recueillir
les petites et moyennes entreprises que le législateur a prévu un tel
recours. Ainsi, dans les S.N.C. ,S.A.R.L. ou E.U.R.L., le législateur a
expressément songé à un aménagement spécifique des organes sociaux dans
les cas où le ou les gérants ne seraient pas des associés (4). De même
le recours à la location-gérance fait l'objet de précautions particuliè-
res. Il est vrai que dans les petites entreprises les capitalistes ont
plus d'emprise sur les managers qui sont plus faciles à remplacer.
La principale conséquence de cette "substitution d'un patro-
nat de fonction à un patronat de propriété" est qu r elle met l'ensemble
des apporteurs du capital dans une situation identique à celle-ùe toutes
(1) R. CONTI~op. cit. ,no16 p.25
(2) Ibid
(3) LAMBERT FAIVRE,op. cit.
(4) art. 12 et 49 L. du 24 juil. 1966
-
19
-
les autres personnes intéressées au fonctionnement de l'entreprise.
Ils devront alors s'informer et être informés pour pouvoir sauvegarder
leurs ~érêts personnels. Notons que les managers sont encore moins
bien venus qu'eux à vouloir dissimuler les conséquences de leurs gestions
alors que l'intérêt de l'entreprise ne l'imposerait pas.
30 - L'idée même d "un intérêt de l'entreprise dont le mérite
revient à ce qu'il est convenu d'appeler~l'école Rennaise"n'a pas manqué
de surprendre certains auteurs qui l'on combattu. Certains considèrent
qu'il s'agit d'une condamnation du capitalisme (1). D'autres y voient
au conraire un moyen de consacrer par le droit l'économie de type capi-
taliste (2). D'autre encore estiment "qu'on ne saurait prôner la
précellence des ~érêts de l'entreprise sur ceux des apporteurs de
capitaux •• et aucune disposition légale ne permet de critiquer la volon-
té majoritaire pour un motif aussi indéterminable que l'intérêt de l'en-
treprise" (3).
31 - Pourtant, de nombreuses règles du droit positif montrent
\\ que non seulement cet intérêt existe mais encore qu'il, - ,parait
très
déterminant pour la conduite de l'entreprise. Déjà en 1946, le
Doyen RIPERT pouvait écrire que le droit de l'entr&prise "consiste dans
la conciliation entre l'intérêt de l'exploitation et les intérêts
individuels"(4). Et il Y a exactement trente ans, le Doyen DESPAX cons-
tatait l'existence d'''une tendance très nette à l'impérialisme de l'in-
térêt de l'entreprise"(5).
32 - La jurisprudence moderne, qu'elle soit relative à l'abus
de majorité à l'abus de biens sociaux où à la nomination d'administrateur
provisoire est très souvent basée sur la nécessité de protéger l'inté-
rêt de l'entreprise~ Ainsi, l'entraide entre société d'un même groupe
ne doit pas conduire à sacrifier l'existence de l'entreprise dont le
(1) E. JAUDEL, les tribunaux condamnent-ils le capitalisme? Le Monde
30 dec. 1969
(2) <>.
G. et A.
LYON-CAEN
La doctrine de l'entreprise
in 10 ans ue ûroit de l'entreprise;LITEc-'978I. p • 599
(3) B.OPPETIT, La prise de contrôle d'une société au moyen d'une cession
d'action JCP 1970 1. 236 l
(4) G. RIPERT, Du droit contractuel au droit de l'entreprise/Do 1941
Chr. p. 1
(5)M. DESPAX' op. cit. n0277 p. 309
-
20 -
patrimoine fait
l'objet d'une ponction,
sinon les dirigeants
se rendent coupables du dél-it d'abus -de biens
sociaux (1).
De même des mesures d'administration provisoire ont été
prises contre la volonté des majoritaires malgré la
constatation du fonctionnement
régulier des
organes
l~gaux
parce que
l'existence de l'entreprise était menacée
(2).
Et l'annulation des décisions de
l'assemblée générale n'est
encourue que si elles
ont été prises non seulement dans
le
but de favoriser
certains actionnaires mais aussi sans égard
pour l'intérêt de
la société
(3).
Enfin l'exposé des motifs
du projet de
loi sur le réglement
judiciaire des
entreprises
ne précisait-il pas clairement que
:
"le droit des
entreprises
en difficulté doit être repensé en fonctio-n de
l'intérêt de
l'entreprise elle-même,
source d'activité économique ~t
d'emploi"
(4).
(1)
Crim.
4 fev.
1985,bull.
Joly.
1985p.442'
T.
c6rr.
Paris, 16 mai
1974,
rev.
soc.
1915;
657 note
_
N.O.'J.C.P.
1975.11,11816; T.
corr.
Mulhouse, 25 mars
1983~ D. 1984/ 285, note CI. DUCOULOUX - FAVARD. J.
LEAUTE,
la reconnaissance de
la notioh aegroupe en
droit pénal des affaires,
J.C.P.
1973.
1.2'55)
;
.
R.
CONTIN,
op.
c i t . ,
N°
540 p.
337 et S.
p~~r qU1
"l'infraction est incontestablement,destinée à
protéger l'intégrité du patrimoine"'itffecté aux entre-
prises
sociales" Rappr.
J.
PAILLUSSEAU,
les
fondements . . . ,
préc.
( 2 )
Paris,
22 ma1
1965,
J.C.P.
1965.
II.
14274 bis.
Concl.
Nepveu
;
Rouen,
25
sept.
1969,
G.P.
1919.
1.
346
;
17 mars
1970,
J.C.P.
1970.
I I .
16606 note N.
BERNARD,
R.
CONTIN,
l'arrêt FRUHAUF et
l'évolution du droit des
sociétés,
D.
1968 Chr.
VI.
(3)
Com.,
29 mai
1972,
D.
1972 Somme
176;J.C.P.
1973.11.
17337, note GUYON;
Com.,?
juil.
1980, re,:.
~-oc. 196?,
315,
8 janv.
1973, Bull C1V.
IV, p.
10.
S1
l
entrepr1se
se distingue de la société,
l'intérêt de
la société,
dès
lors qu'on abandonne
le respect de
la volonté de
la majorité,
se confond avec
l'intérêt de l'entreprise.
(4)
Projet de
loi sur le règlement
judiciaire exposé des
ma tif s
p.
3.
- 20' -
33 -
Certes,
i l semble difficile de donner une
définition positive et précise de cette notion.
Mais,
à
l'instar du Professeur PAILLUSSEAU,
on peut se demander"
qui peut affirmer de manière cartaine et définitive que
tel acte est ou n'est pas
une faute susceptible de donner
lieu à l'application de
l ' a r t .
1382 du code c i v i l ? "d).
Qui peut dire avec
certitude que tel acte est ou non
conforme à
l'intérêt d'une famille
ou d'un mineur?
Chaque fois
que
l'idée d'intérêt intervient,
i l se pose
le même problème de détermination.
Pourtant cette difficulté
n'a jamais constitué un obstacle à
son ptilisation comme
critère d'application de la
règle de droit
en d'autres
: ,:~ f '\\' ;:~. -' ~ ":--, _
domaines.
. ,':>
•
<.
, /
- - " ' ' ' "
- " \\
Au demeurant,
s ' i l est 44.,f.ficile\\d·~';\\donner une
i
'_.' /.:,. r,~;-
\\ )~
définition de
la notion d'intérê-:'t i-ae--ts·e:h.tr;ep-tise,
du
moins peut-on la cerner en disan'~,\\c~~,~~~st con~raire.
Ce sont
tous
les actes
(ou les abs.,t~Jil~je~f\\;~?/qui seraient
,
- . . ..t:.~ __ -, •. _~ .. ~-:~
de nature à compromettre sa continuité.
Ce qui ne signifie
nullement qu'elle doive être maintenue en vie alors
qu'elle
ae peut plus vivregr~ce à,
on ne sait,
quels
artifices.
(1)
J. PAILLUSSEA~ les fondements modernes prée., n° 86 p. 28.
- 21
Cette nécessaire précision étant faite, la protection de
l'entreprise et de ses intérêts justifie à bien des égards les obli-
gations ~d'information imposées au chef d'entreprise.
34 - C'est d'abord le contrôle de gestion qui/dans l'une de ses
conceptions les plus modernes, se· définit comme "le processus par le-
quel les dirigeants s'assurent que les ressources sont obtenues et
utilisées avec efficience et efficacité pour réaliser les objectifs
de l'organisation"(1) qui justifie certaines obligations d'informa-
tion. La définition même de ce contrôle montre qu'il est indispensable
à une saine gestion de l'entreprise. IL permet aux dirigeants de
mieux
adapter
les moyens de production aux finalités de l'entre-
prise dans la recherche d'une efficacité optimum. Ce contrôle est
d'autant plus utile que "la dureté actuelle de la concurrence inter-
nationale, la vérité économique de la compétitivité, la hauteur des
taux d'intérêt, l'encadrement du crédit et le poids des coûts I.e peu-
vent s'accomoder que d'une gestion intelligente, extrêment rigoureuse
imaginative et innovatrice"(2) Or l'information comptable et financiè-
re notamment, est un élément indispensable de tout système de contrôle
de gestion.
35 - C'est ensuite le contrôle de la gestion - au sens de
pouvoir de surveillance - qui justifie les obligations d'information.
La nécessité de ce contrôle n'est plus à démon-
trer. MONTESqUIEU disait~"tout homme qui a du pouvoir est porté à
en abuser ••• un pouvoir sans contrôle est un véritable non sens, car
une infinité d'abus se glissent dans ce qui passe dans la main de l'hom-
me". Il en est du pouvoir de gestion de l'entreprise comme de tous les
pouvoirs et il en est des hommes qui détiennent ce pouvoir comme de
tous les hommes. "L'extension considérable des dimensions de l'entrepri-
se, rend (ce contrôle) aujo~rd'hui plus nécessaire que jamais". (3)
(1)
R.
ANTHONY et
J.
DEAR...--DEN
cité
~ar M. GERVAIS, contrôle de
gestion et planification de ~'entreprise.2eme ed. p. 5
(2) J. PAILLUSSEAU,
Du droit des faillites au droit des entreprises
en difficulté, ou quelques réflexions sur la renaissance (?) d'un droit
en dérive/étude HOrIN,Balloz SireY'41985 p. 109
(3) R. CONTIN, cp, c~t/no19 p. 27
-
22_
36 - Pour équilibrer le pouvoir de gestion, le législateur a
cru devoir accorder àtoutes les catégories de-personne-s intéres~es
par la vie de l'entreprise - à des degrés divers sans doute -un droit
de contrôle sur cette gestion. Ainsi, non seulement l'assemblée géné-
rale des associés est sensée - on sait maintea~nt qu'elle n'est pas
toujours en mesure de le faire - exercer une censure sur la gestion so-
ciale, notamment en approuvant les comptes de l'exercice ou certaines
opérations de gestion,mais encore les obligataires et les porteurs
de parts doivent donner un avis sur certaines opérations qui les inté-
ressent directement, ils disposent quelques fois même d'un véritable
droit de véto (1). Le progrès le plus remarquable en ce domaine con-
cerne l'obligation faite au chef d'entreprise de consulter les repré-
sentants du personnel avant toute mesure concernantl'organisâtlon
et la marche générale de l'entreprise.
37 - Par ailleurs, le législateur a créé des organismes
spécialisés dans le contrôle de la gestion de certaines entreprises.
Tel est le cas des commissaires aux comptes, des experts de gestion
et dans une certaine mesure de la commission des opérations de bourse.
38 - On peut douter de l'efficacité réelle de certains de
ces contrôles ; on peut même penser que dans une certaine mesure ils
peuvent être contraires à l'intérêt de l'entreprise, notamment lors-
qu'ils aboutissent à retarder inutilement la décision finale (2). Il
demeure cependant qu'ils existent et que seule une information claire
et précise de ceux qui sont sensés les exercer est susceptible de
leur donne~ sinon une efficacité optimum, du moins une moindre ineffi-
cacité. De ce point de vue également, la diffusion de l'information
se trouve donc parfaitement justifiée.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - _ .. _----------
(1) Pour une étude plus approfondie de ces questions voir R. CONTIN,
op. cit.
(2) R. CONTIN.oP. cit.,no740 P.503 ; n° 730 et 731 p. 497
- 23 -
39 - Par ailleurs, la compétition ne se situe pas seulement
-
aurniveau de-la vente des produits et des services qùi font l'objet
de l'activité de l'entreprise. Elle se situe également au niveau de
la recherche des fonds nécessaires au développement de toute entre-
prise. Pour obtenir cesfonds,le chef d'entreprise s'adressera soit
aux organismes spécialisés, tel~que les banques, soit au marché
boursier. Dans tous les cas, le succès d'une telle opération suppose
que l'entreprise soit crédible, que les détenteurs de capitaux -
épargnant ou organismes financiers - aient confiance dans sa prospé-
rité future qui seule leur permettra non seulement de tirer un profit
des fonds qu'ils vont avancer, mais aussi de ne pas les perdre dans une
défaillance de l'entreprise. Cette confiance ne pourra exister qu'à
partir des informations dont ils ont pu disposer sur la gestion et
la situation de l'entreprise.
40 - La paix sociale est également un élément important du
crédit de l'entr~prise. Cette paix sociale sera d'autant mieux assu-
rée que les salariés seront bien informés sur les tenants et les
aboutissants des décisions qui les concernent. Ce n'est certainement
pas dans l'ignorance complète de la situation financière de l'entre-
prise qu'on a vujces derniers temps,des salariés faire des heures
supplémentaires gratuites ou renoncer à une partid de leurs salairés
pour permettre à ~ leurtl entreprise de faire face à une période difficile.
Du reste, il semble que de ce point de vue, les mentalités évoluent
dans lebon sens. Après la productivité, après la gestion commerciale,
j
après la gestion financière, il semble que la gestion des hommes
amorce sa sortie du domaine de l'artisanat et tende à devenir le qua-
trième aspect de la bonne gestion ! Le président Chotard, récemment
encore vice-président du C.N.P.F.tn'a-t-il pas déclaré que "seules
les entreprises qui pratiquent un bon marketing social survivront"?(1)
(1) Y.CHOTARD, cité par MILLOT et ROULLEAU op. cit. p.16
-
?4-
Aujourd'hui,il n'est pas très rare
dJentendre-des-chefs-d'entreprise
vanter les mérites de la concertation avec les salariés. Or, la con-
certation commence par l'information.
41 - Ce sont donc les besoins d'une gestion saine et la pro-
tection de l'intérêt de l'entreprise autant que celui des intérêts.
catégoriels qui rendent nécessaires la création et la diffusion d'une
information claire, précise et crédible. Mais alors, diront certains,
en quoi le droit pénal est-il concerné ?
42-Monsieur Robert BADINTER n'est pas seul à affirmer qu'il
ne croit guère à la répression et encore moins à la prison, pour résou-
dre certains problèmes. Le Doyen BOUZAT estime pour sa part que "le
droit pénal, avec ses sanctipns propres, entre en jeu lorsque les
sanctions civiles se révèlent insuffisantes "(3). Et pour le Doyen
Savatier, "le Dr?it pénal est aux affaires ce que la chirurgie est
à la médecine: l'aveu d'une insuffisance de la technique"(4).
On ne peut contester que la plupart des dispositions pénales
relatives à l'activité des entreprises, et surtout celles qui font
l'objet de nos préoccupations dans cette étude, se trouvent intimement
liées aux règles fondamentales du droit commercial, du droit civil et
du droit du travail qui régissent la création, la vie et la disparition
(3) BOUZAT et PINATEL op. cit. n05 p. 5 Rappr. TOUFFAIT et GUERIN
les
Infractions commises dans l'
t
.
MASSON 1977 p. 23
en reprlse in la responsabilité penale •••
(4) J. SAVATIER note JCP 1967 II 15248
- 25 :....
de l'entreprise. L'intervention du droit pénal ne serait donc justi-
fiée que dans la mesure où les sanctions propres à ces différentes
branches du droit seraient insuffisantes pour garantir l'exécution
des obligations d'information.
art il se.trouve que c'est justement le cas ainsi que l'a
déjà souligné une littérature abondante (1) •
.
43 - D'abord t les sanctions civiles classiques sont diffi-
ciles à mettre en oeuvre et la jurisprudence hésite souvent à les
appliquer.
Ainsi, la jurisprudence commerciale est très réticente pour
admettre la nullité d'une assemblée générale ou d'une réunion du conseil
d'administration pour non respect des mesures d'information. Elle a
jugé que la nullité d'une assemblée générale d'actionnaires pour
information tardive n'est encourue que si ce retard empêche l'action-
naire qui en est victime d'exercer son contrôle sur la gestion ou
le met
dans l'impossibilité_~e voter avec toute l'information
nécessaire (2). Ce qui n'est qu'un doux euphémisme pour refuser l'an-
nulation en cas de simple retard.
D'ailleurs, les seules fois où la nullité a été admise cor-
respondent à des hypothèses où l'actionnaire n'a pas pu participer à
l'assemblée, soit qu'il en ait été empêché par une convocation tardi-
ve à laquelle se sont ajoutés des
"ruses et artifices" (3) soit qu'il
n'ait pas du tout été convoqué (4).
De même, il ne semble pas que le défaut d'information des
membres du comité d'entreprise
préalablement à la réunion de
(1) D.
VEAUX la renaissance de la responsabilité personnelle des dirigœIts
dans les sociétés commerciales, ed. tech. 1947 ;CONSTANTIN et GAUTRAT
Traité âe droit pénal en matière de société.l1937 N°4'R. CONTIN 'le con-
trôle de la gestion des S.A. n° 19 p.27.TOUFFAIT et hERZOG t chl'. préc.
(2) Com./. 5 janvier 1926 JS, ?926 - 1. 61 ~au 7 oc~. 19;Cj/&l19bO,,:Z48
note DACSACE.
1
:,J
't .
-
J
(3) Com.,6 juil. 1983 , D. 1983 I.R. 476·Rev. soc. 1984 76 note GUYON.
(4) Com'l31 oct 1956 bull. civ. IIIJP' ~32jJCP 1957.1:[,988
J
- 26
-
l'assemblée générale puisse entrainer
la nullité de celle-ci (1).
Il ne semble même pa~ que le défaut de~onvocation des représentants
du personnel à une réunion du Conseil d'Administration puisse avoir
un tel effet (2).
44 - Quant à la responsabilité civile pécuniaire des chefs
d'entreprise, elle sera particulièreme~difficileà mettre en oeuvre.
Les destinataires de l'information ne subissent pas nécessairement
un préjudice personnel du fait de la méconnaissance de ces obligations
et s'ils en subissent.il ne sera pas toujours facile d'établir un
lien de causalité direct
entre ce préjudice et le défaut d'information.
Lt'5-Par ailleurs, le-loi du 13-jüillet 1967 permettait aux tribunaux
de mettre à la charge des dirigeants sociaux tout où partie du passif
de l'entreprise à moins qu'ils n'établissent qu'ils n'ont commis aucune
faute dans la gestion. La loi du 25 janvier 1985 est revenue à des
règles de responsabilité plus traditionnelles. La présomption de faute
a disparu et désormais les dirigeants n'auront à supporter le passif
que si une faute de gestion est établie contre eux. Cette évolution
qui correspond à la dissociation progressive des sorts respectifs des
entreprises et des dirigeants rend désormais bien difficile la mise
en oeuvre de la responsabilité précuniaire des dirigeants.
me<;,ure
4G - On peut d'ailleurs se demander dans quelle/ces sanctions
civil~ne se retournent pas contre l'entreprise elle-même. L'annulation
d'une assemblée générale ou d'une réunion du Conseil d'administration
aura nécessairement pour e~t de retarder le moment de la décision
définitive.rLe temps, c'est de l'argent;' dit-on. Elle pourrait créer
une insécurité juridique pour les tiers et être ainsi préjudiciable
au crédit de l'entreprise.
(1) BRUNET et GERVAIS
L'information des actionnaires et du comité
d'entreprise dans les S.A •••• Rev. soc. 1985 p. 1
(2) LEFEBVRE et GERVAl~fp. cit.;Memento LEF~BVRE1985) n01323;rep• min.
n023160/J.U.déb.b.A.N.)17 mai 1972}P.1561
_ 27 ._
47 - De même, la ~~tCtion pécuniaire qui serait éventuellement pro-
noncée contre le chef·d'entreprise, sauf le cas de_défaillance de celle-
ci et de l'action en comblement de passif qui s'ensuit,
sera en
définitive supportée par l'entreprise. De toutes les façons, sU e. ne
permettra jamais de compenser les risques que certains défauts d'informa-
tion telles
que l'irrégularité de la comptabilité ou son inexistence
peuvent faire courir à l'entreprise et à toutes les personnes qui y ont
un intérêt.
48 - Quant à d'éventuelles sanctions administratives, on ne
peut en principe les écarter. Il faut seulement rappeler que les dis-
positions pénales apparaissent parfois comme la contrepartie de la
liberté accordée aux dirigeants aussi bien lors de la création que lors
du fonctionnement de l'entreprise. Cette Opinion est implicitement con-
firmée par les travaux parlementaires de la loi du 28 octobre 1982. Un
amendement du groupe socialiste voulait que "le défaut de convocation
des membres du Comité d'Entreprise entraine la nullité des délibéra-
tiornr' du conseil d'administration. Le ministre du travail s'opposa
à une telle mesure en invoquant l'existence de sanctions pénales
et l'inadéquation d'une nullité automatique (1). Le même sort fut
réservé à un amendement du groupe communiste qui tendait à faire sanc-
tionner le défaut de consultation du comitt d'entreprise, dans les
cas où celle-ci est obligatoire, par la nullité de la décision du
chef d'entreprise. Le ministre expliqua alors "qu'il n'était pas
utile de faire intervenir le pouvoir judiciaire dans la vie des
entreprises autrement qu'à l'occasion du délit d'entrave"(2).
49 - D'aucuns prétendront encore qu'il est possible, lors-
que l'information précède une réunion de demander au juge son ajournement
(1) J.O. deb. AN 7 juin 1982 p. 3011
(2) MILLOT et ROULLEAUJop. cit.) p. 79
- 28
-
pour permettre à tous les participants de se prononcer en connaissance
de cause. Cette possibilité est en effet reconnue aux associés/pour
- -
- -
-
- - -
-
l'information préalable à l'assemblée général~ par la doctrine (1) et
semble pouvoir être étendue au comité d'entreprise (2). Mais elle
encourt le même reproche que l'annulation de l'assemblée et/de toutes
les façons;il restera à trouver des sanctions pour assurer l'exécution
de toutes les autres obligations d'information incombant au chef
d'entreprise.
50
- Dans ces conditions, la sanction pénale parait être, sinon la
meilleure, du moins la moins mauvaise de celles qui peuvent prétendre
assurer l'exécution des obligations d'information relatives à la
gestion de l~entreprise.
51 - Traditionnellement, on explique l'avènement du droit
pénal des affaires ou plus largement du droit pénal économique, dont
les infractions qui font l'objet de notre étude font intégralement
partie , par le souci de protection des associés et des-tiers ou par
une volonté de dirigisme économique.
Ainsi le Doyen Hamel fait-il remarquer que le ministère pu-
blic a dû pénétrer le champ clos des luttes commerciales à partir du mo-
ment où les protagonistes ont cessé de se battres à armes égales et
où certains d'entre eux ont employé des coups interdits. Dans cette
optique, les délits relatifs à l'information sodconsidérés comme
des "délits-obstacles" ayant pour finalité d'empêcher les délinquants
d'en commettre d'autres et notamment ceux qui visent à protéger le
patrimoine de l'entreprise contre les détournements et usages abusifs.(5)
(1) MILLOT et ROL1.LEAU",oP. cit. p. 79
(2) i~OC~UET pp. cit.
sociétés commerciales,
/ n")7; HEMÂkD TERRE et MABILAT,
t2 n027;A:BRUNETe-t M."GERNiAIN t" "Ltinforiilàtion dès "actionnaires ••• 1
Rev. Soc~ 1985.1
()) À.BRUNET
et~. GERMAIN op. cit.
(4) J. HAf>1EL, préface prec~,'p. 12
(5) DELMAS MARTY .JDroit pénal des affaires}p. )42 et s.
- 29 -
Les objectifs demeurent sans aucun doute. Mais ils ne sont plus les
seuls. La finalité même de l'information a beaucoup évolué ces
dernières années. Elle doit être considérée comme un instrument de
gestion et même à titre principal (1). Le droit pénal doit s'adapter
à cette fonction de l'information. L'une des principales questions
auxquelles nous tenterons de répondre sera celle de savoir comment
il compte y parvenir.
52 - Centre d'intérêts, parfois convergents mais souvent
contradictoires, l'entreprise réserve au juriste qui s'intéresse à
elle d'autres difficultés. Dans un système libéral, il n'est pas
possible de faire systématiquement prévaloir l'intérêt collectif
sur les intérêts particuliers. Ne dit-on pas que l'existence même
du droit pénal a pour but de les protéger contre l'arbitraire étati-
que
? Il faut donc établir un juste équilibre entre les différents
intérêts et celui de l'entreprise. Cet équilibre est d'autant plus
difficile à trouver que les situations sont extrêment diverses. Ici,
le juriste - péna~iste ou non - doit tenir compte d'une réalité éco-
nomique en pleine mutation. C'est ce qui fait la. particularité de
notre matière.
La façon dont ces questions de fond seront résolues (ou ne
le seront pas) nous permettra peut-être d'avoir une idée sur la
capacité de l'entreprise à constituer une catégorie juridique autono-
me. Pour l'heure,constatons seulement qu'elles aboutissent à des dif-
ficultés plus techniques.
53 - La première de ces difficultés tient à l'imprécision de
certaines incriminations. Qu'est-ce qu'une entrave au fonctionnement
du comité d'entreprise? Qu'est-ce que l'image fidèle des comptes annuels?
Une telle imprécision est-elle compatible avec le principe de la légalité
(1) cf. Supra n013 et s.
- 30 _
des délits et des peines? Quoi qu'il en soit elle donne
au juge pénal un po~voir d'apprécia~ion que_d'aucuns ne
manqueront pas de trouver exorbitant. Mais peut-être
convient-elle à
la diversité des
situations dont i l aura
à connaître.
Une autre caractéristique de notre matière,
c'est qu'elle met en cause d~notions particulières de
gestion ou de comptabilité.
Les principes et concepts du droit pénal commun
ne pourront pas
toujours
leur être transposés purement et
simplement.
Une
telle transposition sera d'autant plus
difficile qu'il faudra tenir comptes des
réalités. écono-
miques de chaque entreprise,
réalités dont nous avons
signalé l'extrême diversité.
Ici encore le juge devra
jouer un rôle déterminant.
C'est à
lui qu'il appartiendra
d'appliquer
les différentes
incriminations avec circons-
pection mais aussi avec
la' fermeté nécessaire à leur
efficacité.
Sa tâche sera d'autant plus difficile qu'il
devra:; comme nous,
tenir compte à
la fois des principes
du droit civil,
d~droit commercial et du droit pénal,
sans ignorer,
les nécessités de la gestion de l'entreprise
et surtout sans entraver inutilement la liberté du chef
d'entreprise dans cette gestion.
54 -
On le voit,
le droit pénal et l'information
suscitent chez
le juriste toute une série de questions
aussi délicates
les .unes que les autres.
La réponse à ces
différentes questions est d'autant plus difficile que la
législation a été presqu'entièrement renouvelée en la
matière et que bien des questions n'ont pas encore eu le
temps d'être soumises à
l'appréciation des
tribunaux.
Si
l'on ajoute que
les aspects pénaux de ces nouveaux textes
ne semblent pas avoir particulièrement intéressés la
doctrine qui,
la plupart du temps,
se contente de quelques
observations à ce sujet,
on comprend aisément qu'au seuil
de cette étude nous soyions saisi par "cette manière de
crainte ou de prudence
(qui)
habite quiconque entreprend
_ 31 _
d'ajouter son propre discours à celui,
d'finitif et
grave,
d'une loi"
(1).
Aussi,
esp'rons nous
que
le
lecteur manifestera quelque indulgence pour les 'ven-
tuelles
imperfections d'un travail dont
i l voudra bien
admettre la difficult'.
Mais avant d'aborder ces
questions difficiles
deux séries d'observations
préalables s'imposent.
55 -
La prise de conSC1ence de
l'importance de
l'information aussi bien pour la protection des
intérêts
cat'goriels que pour celle de
l'entreprise a conduit le
législateur Français à multiplier les mesures d'information
et à améliorer
la qualit' de cette information.
Le droit
pénal ne pouvait rester à l"cart de cette oeuvre d'ap~
profondissement.
56 -
Le droit pénal des
affaires
a
la réputation
d'être un droit rigoureux
(~). On fait observer que l"lé-
ment matériel se r'duit souvent à
peu de chose,
notamment
lorsqu'il se limite à une simple abstention alors que
l'intention coupable n'est pas
toujours
exigée et qu'il
existerait même des
infractions matérielles en ce sens
que des délits
pourraient exister sans
aucune faute de la
part du prévenu.
Cette dernière assertion devra être atténuée.
On fait 'gaIement remarquer la rigueur de la
répression:
Difficult' de faire
jouer certains m'canismes
d'indulgence tel que l'amnistie ou la prescription,
peines
encourues généralement plus sévères
qu'à l'ordinaire . . . .
Toutes
ces observations
concernent les
infractions
relatives aux obligations d'information.
Certaines même à
titre principal.
Mais est-ce bien la marque d'une s ' v ' r i t ' ?
Ces particularismes ne sont-ils pas
plutôt -
encore une
fois!
-
inspirés par la n'cessité de s'adapter aux
contraintes de l'entreprise? Mieux,
ne visent-elles pas
à protéger l'entreprise?
(1)
J
LARGUIER,
op.
cit., na 4, p. 12 -13
L. CON8TANTION, op. cit., p.19.
(t, L. CONSTANTION, op. cit., p. 3.
- 31' -
57 -
On remarquera que ces deux séries d'obser-
vations,
à une exception près,
peuvent être rattachées,
chacune,
à l'une des deux notions,
autour desquels
les
études de droit pénal s'articulent d'ordinaire:
incrimi-
nation et repressions.
Les
incriminations
tendent à favoriser l'appro-
fondissement de l'information.
Tandis qu'en matière de
repression
,
les règles dérogatoires visent à assurer une
meille~~ adéquation aux réalités des entreprises, à la
renforcer.
PREMIERE
PARTIE
LE DROIT PENAL ET L'APPROFONDISSEMENT
DE L'INFORMATION DE GESTION,
DEUXIEME PARTIE
LE DROIT PENAL ET LE RENFORCEMENT DE LA
REPRESSION EN MATIERE D'INFORMATION DE
GESTION.
LE DROIT PENAL ET L'APPROFONDISSEMENT DE L'INFORMATIO~
DE GESTION
INTRODUCTION
58 -
"L'absence d'information objective constitue
le· danger que courent
les épargnants et avec
eux l'économie
toute entière"
(1).
C'est que l'entreprise est un organ1sme
ouvert par excellence.
la protection de tous
les
intérêts catégoriels,
celle de l'Economie Nationale et celle de l'entreprise elle-
même interdisent que celle-ci vive dans
la clandestinité.
Ceci explique que depuis
un certain temps
l'amélioration
de l'information des dirigeants et de l'ensemble des
partenaires de
l'entreprise soit devenue une des
princi-
pales préoccupations du législateur français.
On voulait
transformer les sociétés anonymes
en "maison de verre"
(2).
C'est
l'ensemble des entreprises qui
tend
~ à le
devenir.
Il est vrai que__la prise de conscience de
l'existence des
intérêts catégoriels n'est pas
le seul
facteur de cette évolution.
Le gigantisme des
entreprises,
l'existence de
liens de sujétion plus
ou moins poussés
entre elles et
la complexité des problèmes
de gestion qui
en résulte y sont pour beaucoup.
59
-
Mais évoquer la teneur de l'information
relative à
la gestion dans
ses rapports avec
le droit
pénal,
c'est aborder une série de problèmes d'une redou-
table complexité.
L'imprécision des
textes,
leur diversité
et celle des objectifs
poursuivis, même si sur ce dernier
point
la législation la plus
récente semble plus cohérente
et tend à permettre la protection de l'entreprise sans
ignorer celle des
intérêts catégoriels,
rendent
la tâche
du pénaliste particulièrement ardue,
tenu qu'il est au
respect de l'interprétation stricte des
textes
pénaux.
(1) Y. GUYON, la COB dans l'évolution du droit des sociétés R.T.D.
COM 1975 p. 1 et 2.
(2) DORAT DES MONTS. L'information d~s actionnaires et du public
-
33 -
Il aura à coeur,
dans
la définition des différentes
incriminations,
de
tenir
l'équilibre
le plus. parfait
possible entre le besoin d'information des différents
partenaires de
l'entreprise et la nécessité de préserver
celle-ci grâce à un minimum de secret sur son fonctionnement.
Dans certains cas,
les membres de
l'entreprise et parti-
culièrement s'on chef.
auront,
sous
la menace
d'une sanction pénale le devoir de "parler",
et dans
d'autres,
ils
auront
le devoir de "se taire".
Dans
tous
les cas,
ils devront être "sincère".
A qui
1 Quand 1 et
Comment
?
60 -
Telles sont les questions
épineuses aux-
quelles
le droi~ pénal qui,
ici,
n'est
souvent qu'un
auxiliaire des
autres branches du droit,
essaie de donner
une réponse satisfaisante en assurant,
par certaines
incriminations,
le développement quantitatif de
l'infor-
mation et en aidant à
l'amélicrration de
sa qualité.
TITRE l
-
LE DROIT PENAL et
le DEVELOPPEMENT
QUANTITATIF de
l'INFORMATION DE GESTION
TITRE II -
LE DROIT PENAL et
le DEVELOPPEMENT
QUALITATIF de L'INFORMATION DE GESTION
- 34
TITRE l
-------
LE DROIT PENAL ET LE DEVELOPPEMENT
QUANTITATIF DE L'INFORMATION DE GESTION.
61
-
Le problème de l'information relative à
la gestion de l'entreprise est délicat parce que soumis
à deux impératifs contradictoires.
62 -
D'un côté,
le chef d'entreprise doit protéger
son affaire contre les indiscrétions qui pourraient profiter
à des concurrents. Cet impératif du secret des affaires a
été,
pendant longtemps,
le principal argument des adversaires
d'une large diffusion de l'information comme de son ap-
profondissement.
63 -
D'un autre ~ôté, il est devenu banal de dire
que l'entreprise est un organisme complexe. C'est le lieu
où se rencontrent et parfois
s'affrontent de nombreux
intérêts.
Or,
l'organisation de l'entreprise est conçue de
sorte qu~-seuls les représentants du capital exercent le
pouvoir de décision (2).
Il paraît alors
légitime que
les
autres personnes intéressées disposent d'une information
aussi complète que possible sur la façon dont l'entreprise
est gérée afin de défendre leurs intérêts.
Par ailleurs,
la confiance que peut inspirer une
entreprise est l'un de ses meilleurs atouts dans
un en-
vironnement concurrentiel.
Cette confiance est elle même
largement tributaire de l'information dont les partenaires
de l'entreprise peuvent disposer sur elle.
Il est donc
souhaitable,
dans
l'intérêt même de l'entreprise,
que le
domaine du secret soit aussi
réduit qu'il est possible sans
nuire à la protection contre la concurrence.
(1)
J.
PERCEROU, au droit
communication dans
les sociétés
par action
;.
J.
soc.
1908.
97 et s.;
G.
RIPERT,
Aspects
juridiques du capitalisme moderne p.94 et s.;
A.TOULEMON,
L'information des actionnaires et le secret,
S.
1964
Chr.35;
J.
LEPARGNEUR,
à propos de la communication de
documents aux actionnaires.
(2)
OPPETIT & SAYAG,
les structures juridiques de l'entreprises.
Litec
1980 N°24 p.18; M.TROCHU,
Antagonisme ou collaboration
du capital et du travail.
R.T.D.C.
1969 p.681
et S.
_ 34' _
64 -
Depuis quelques
temps,
le second impératif,
celui de la diffusion de l'information,
semble l'~mporter
sijr le premier.
Parfois,
la pratique a devancé
les
injonctions
du législateur.
Ainsi,
quelques chefs d'entreprise utili-
saient
les
services de
la presse financière et envoyaient
des documents
à
leurs
sociétaires bien avant
que tordonnance
de
1959 ne leur imposât ces mesures d'information.
Mais
la plupart du
temps,
le
législateur a dû
assurer
l'efficacité des mesures d'information qu'il a
édictées à
l'aide de sanctions pénales.
C'est donc par de
telles
sanctions
qu'est assuré
le développement de l'infor-
mation tant en ce qui concerne les bénéficiaires,
qu'en ce
qui concerne le volume même de
l'information.
CHAPITRE l
LE DEVELOPPEMENT DE L'INFORMATION DE GESTION
QUANT AUX BENEFICIAIRES
CHAPITRE II
LE DEVELOPPEMENT DE L'INFORMATION DE GESTION
QUANT A SON VOLUME .
.
' .
. .
(1)
CI.
HEURTEUX,
L'information des
actionnaires
et
du public.
35
Q~PITEE l ~. LE DEVELOPPEMENT DE L'INFORN.ATION DE GESTION
QUANT A SES BENEFICIAIRES
65~
Malgré l'émergence de l'entreprise comme centre d'intér@t,le
droit français demeure att~ché à un type d'organisation qui concentre
l!ensemble des pouvoirs de décision entre les mains des apporteurs du ca-
pital ou des managers choisis par eux(1). Encore faut-il préciser que
dans la plupart des entreprises sociales le pouvoi~ est en fait exercé par
une poignée
d'associés qui contraIent l'entreprise et souvent, y imposent
une véritable dictature(2).
66--
Or, l'intér@t de ces détenteurs du pouvoir ne coincide pas né~
cessairement ni avec celui de l'entreprise, ni avec ceux d'autres person-
nes qui ont parti,
plus ou moins lié. avec celle-ci et dont la diversité
est particulièrement frappante. 'Ces intér@ts "catégoriels" (J) varient de
celui du salarié qui risque son emploi et souvent son unique source de re-
venu à ceux du banquier qui a pr@té les fonds nécessaires à son fonction-
nement en passant par les fournisseurs,les clients et la masse anonyme des
épargnants qui risquent de voir leurs économies, souvent fruits de plusieurs
années d'efforts, fondre en une séance de b0urse.
__Le législateur français reconnait ces intérêts et les organis~ en
fonction de considérations qui lui sont propres. Il essaie, aidé en cela
par une jurisprudence parfois très'hardie(4), de les protéger. A cette fin,
et sans modifier les bases de l'organisation du pouvoir dans l'entreprise,
il leur reconnait un droit d'intervention dans la gestion de l'entreprise.
Bien entendu, l'importance de ce droit d'intervention varie d'une catégo-
rie à l'autre.
67--
Mais ce qu'il est intéressant- de noter, c'est que ce droit ,d'
intervention n'est vraiment efficace que s'il est doublé d 'un droit à l','
--------------- -- --._-
(1) M. TRUCHU,L'entreprise, antagonisme ou collaboration du capital et
du trav"'-ail. R'::T.D.C. 1969. 681; P-H. SABIN, Lentrepris.e et le droit
pénal. thèse Pau 1981 p39
; OPPETIT& SAYAG, Les structures juridiques
de l'entreprise,litec 1980 n2JJ p.25
(2) Voir affaire jugéè par Rouen, '25 sept. 1969, J.C.P.1970.II.16219
(J) R. CONTIN, Le cotr8le de gestion des S.A.;
J.PAILLUSSEAU,Les fonde-
mentsdu droit moderne des sociétés. poly. janv.1984
(4)Pour la nommination d'un admnistrateur' provisoire alors que les organes
légaux fonctionnaient normalement: Paris,22 mai 1965. J.C.P.1965.II.1~274
concl.NEPVEU; Paris 18 mars 1968,J.C.P.196g.II.15814 obs.BERNARD; R•
.
CONTIN, op. cit.~. p~4JO et s.
_ 36
_
information qui en est le corollaire indispensable. Il s'ensuit que, la re-
connaissance des_ intérêts èatégoriels et leur protection ne pouvait aller
sans celle d'un droit à l'information au profit de catégories de plus en
plus nombreuses de personnes.
68-
On peut distinguer dans ces différentes catégories,celles qui
se situent à l'intérieur.
de l'entreprise et celle qui se situent à l'
extérieur. A ces deux groupes, le droit pénal assure le bénéfice de l'in-
formation avec une égale rigueur.
SECTION 1:
EXTENSION DU BENEFICE DE L'INFORMATION
A L'INTERIEUR DE L'ENTREPREISE
SECTION II: EXTENSION DU BENEFICE DE L'INFORMATION
_A L'EXTERIEUR DE L'ENTREPRISE
,.
- 31
SECTION 1: EXTENSION DU BENEFICE DE L'INFORMATION
A L'INTERIEUR DE L'ENTREPRISE
69~
,Dans une vision classique, on oppose, à l'intérieur de l'en-
treprise,' l'intér3t des travailleurs, simples loueurs de service, à
celui du capital. Il est à peine besoin de dire que cette opposition
est tout à fait démodée.
En premier lieu,il appara1t de plus en plus que la satisfaction
de tous les intér3ts qui se rencontrent au sein de l'entreprise,y com-
pris ceux des salariés et des propriétaires du capital,suppose'la pros-
périté de l'entreprise assurée(1). En second lieu, l'homogénéité de ces
deux composantes essentielles de l'entreprise parait pour le moins in-
certaine. parmis les capitalistes, la doctrine moderne distingue les
"controlaires" qui détiennent réellement le pouvoir de décision et les
"bailleurs de fond" ou plus généralement les minoritaires qui de fait
n'ont que très peu d'influence sur la gestion courante de l'entreprise(2)
et souvent n'en ont aucune. De l'autre coté, il est difficile de dire
que les préoccupations du personnel d'encadrement rejoignent celles des
autres salariés. En réalité il y a peu de différence entre la situation
du petit épargnant qui a investi ses économies dans quelqu-es actions d'
une grande société multinationale et celle de l'ouvrier d'une telle en-
treprise. L'un et l'autre seront les premièrœ victimes de toute diffi~
cuIté de l'entreprise sans avoir aucune maîtrise sur les décisions qui
seront prises à cette occasion.
70-
Malgré tout, en matière d'information, comme en tout ce qui
concerne l'or~anisation de l'entreprise, le droit français est basé
sur la distinction entre apporteurs de capitaux et travailleurs.
é-ependant, l'information des apporteur..s- de capitaux
.
ne pose
de véritables problèmes que dans les entreprises sociales. Dans les
entreprises individuelles, l'apporteur de capital est le plus souvent
à la source de l'information parce qu'il exerce lui même le pouvoir;
sinon
ayant ohoisi le chef d'entreprise, on voit mal celui-ci lui re-
fuser
une information quelconquelJ).
de
Notre étude
s'articulera autourt' de.l' information des associés (§ 1) et
celle du personnel(§ 2)
l1) J.PAILLU~SEAU, op. cit.
(2) J.PAILLUSSEAU, La ~.A.,technique d'organisation de l'entreprise.
Sirey 1~67 particulièrement p.4~ et 50
lJ) Ces observations valent pour les . ~. U.R. L.
(Société Unipersonnelle à
responsabilité limitée).
~38
§ I:
EXTEN~ION DU B~NEFIUE DE L'INFORMATION
QUANT AU!. ASSOCIES
771--
Théoriquement, ce sont les sociétalre~ qui exercent le pou-
voir dans les entrepr1ses sociale& Cependant, la réalité de ce pouvoir
est détenœ par quelques uns d'entre eux seulement: les membres du con-
seil d'administration dans les sociétés anonymes et les gérants dans
les autres types de société. Cette situation est due à plusieurs fac-
teurs dont le moindre n'est pas le dé5intéressemen~ des associés vis
à vis des affaires sociales et leur absen~éime aux assemblées généra-
les
considérées commeul'âme' même de la personne môrale U(1).
72--
Vans un premier temps, les pouvoirs confiés aux organes d'
administration ont été justifiés par la théorie du mandat. Cette ex-
plication rendait, selon l'expression d'un auteur, le droit à l'infor-
mation des sociétaires "d'une impécable logique Juridique"(2), puis-
que tout manda~aire doit rendre compte à son mandant... •
Actuellement, la théorie du mandat ne suffit plus à expliquer
l'organisation du pouvoir dans l'entreprise sociale(3). Mais l'oppor-
tunité du droit à l'information des sociétaires reste difficile à
contester. Ils ont "un intérh-majeur"(4) au fonctionnement de.l'en-
treprise. Ils ne constituent plus une catégorie homogène et le pou-
voir est en fait monopolisé par les représentants de la majorité. Ils
bénéficient d'un droit
de contrôle étendu sur les affaires sociales
allant jusqu'à un droit d'alerte en cas de difficulté. Or, ainsi que
l'ont constaté d'éminents auteurs, l'efficacité de tout contrôle
suppose une information suffisante (5).
73--
On sera donc très peu surpris de constater
que, malgré les
nombreuses critiques et réserves dont il a. fait l'objet dans la premiè-
(1) THALLER, cité ~n' Cl.HEURTEUX op. cit. préf. A.TUNC p.5
(2) A. TOULEMON, Le droit de communication des actionnaires. rép.com.
19S8.p.~9
(3) R. CONTIN, op. cit. i J. PAILLUS~EAU, La S.A. techn~que••• préc.
(4) J. LEPARGNEUR, A propos de la communication
de documents aux action-
naires. J. soc. 1924. 49
(S)
J. PERCEROU, Du droit de communication dans les sociétés par action
J.soc.1908.97i R. CONTIN op. cit. n2 42 p.46
-39
re moitié de ce siècle(1), le droit à l'information des associés ~it
accompli des progrès constants au fil des réformes.
Dans le principe, c'est l'ensemble des associés qui a de tout
temps béneficié de ce droit à l'information. Mais il était si diffi-
cile à mettre en oeuvre qu'il ne profitait en réalité qu'à une mino-
rité d'entre eux. C'est donc surtout par une amélioration des condi-
tions de mise en oeuvre que s'est
opérée l'extension du bénéfice de
l'information en ce qui concerne les sociétaires. Et,
dans certains
cas, la jurisprudence a dft affirmer le principe de la généralité du
bénéfice de l'information pour les associés.
Nous examinerons les circonstances de cette affirmation(A)
avant d'aborder l'amélioration de la mise en oeuvre(B).
74--
En général, les textes qui instituent un droit d'informa~
tion au profit des associés ainsi que ceux qui le leur garantissent
par des sanctions pénales ne font aucune d1stinction entre eux. Ils
visent l'ensemble des associés quaœ~queroit leur situation particuli-
ère vis à vis de la société.
Ainsi, le droit de communication est reconnu à "tout actionnai-
re"(2). La doctrine(J) et la jurisprudence(4) estiment généralement
que la seule qualité d'actionnaire suffit pour donner accès aux docu-
m~nts dont la communication est ordonnée.
75--
En ce qui concerne le droit de communication préalable aux
assemblées générales, il n'~ pas lieu de distinguer selon que.l'ac-
tionnaire qui prétend l'exercer détient ou non le nambre d'actions
(1) G. RIPERT , op.cit.
;J. LEPARGNEUR, op.cit.
(2) Art.J5 al.2 L. du 24 juil.1867; art. 168,170, 444 et 445 L. du
24 juil. 1966.
(J) Cl. Heurteux, op.cit.n26j
JANIN & MERCADAL, sociétés commerciales
mem. F. Lefèbvre 198J n2 1777;
(4) Trib. com. Seine, JO juin19Je.S.19J8.198; ·Crim.4juil. 1962, D.19bJ
96 note J .M;R.
nécessaires pour y avoir accès(1)et(2). Certes, un projet de loi dépo-
sé à l'Assemblée Nationale préconisait la limitation du bénéfice de
ce droit
aux seuls actionnaires remplissant les conditions d'accès à
l'assemblée générale.ordinaire()). _Mai~ cette disposition fut,à notre
avis
fort justement, écartée par le sénat. Une telle limitation au-
rait eu la facheuse conséquence de vider le ttroit des petits action-
naires de se regrouper pour participer
à l'assemblée générale
de
toute efficacité(4). A cette occasion, l'information leur est néces-
saire, à la fois pour choisir ~eur~_partenaires et celul qui les repré-
sentera:__à l'assemblée et pour déterminer le sens de leurs votes.
76--
Il n'y a pas lieu non plus de ttistinguer entre titulaires
d'actions au porteur et titulaires d'actions nominatives. Sans doute,
la loi de finance pour 1Y82 prive les titulaires d'actions de sociétes
non cotées et ne figurant pas sur la liste établie par le ministère
des finances en vue de la détaxation des revenus investis en actions
de tous les droits qui sont attachés à ces actions si elles n'ont pas
ét~ mises au nomiatif •. Cette dfsposition prive donc les titulaires
d'actions au porteur du droit de communication attaché à .c~s actions •
..
Cependant, elle n'a pas beaucoup d'importance pour notre,matière. ~n
realité, c'est laqalité m3me d'actionnaire qUi est retirée aux titu-
laire d'actions au porteur. D~s lors, leur information n'a-plus aucun
intér3t puis,qu'il n'ont plus de droit dans la société. De plus, il
s'agit d'une disposition temporaire puisque ces actions.doivent être
vendues si dans un delai fixé par décret elles n'ont pas été présen~
tées en vue de leur mise au nominatif{5).
Néanmoins,il ~onvient, de noter que malgré le caractère fiscal de
ce texte, les actionnaires au porteur des sociétés visées qui n'auraient
pas mis leurs actions au nominatif et qui prétendraient exercer un
droit d'information quelconque, même avant expiration du delai regle-
mentair~ne sauraient bénéficier de la protection du droit pénal.
(1) Art. 165 L. du 24 juil. 1966: Les statut peuvent exiger un nombre
minimal d'actions pour ouvrir le droit de participer aux A.G.O.
(2) FOUGERE J. Cl. L. pen.an., soc., fasc. G. n 2 5; L. CONSTANTIN,
Droit pénal des-sociétés par action~ p.726
(3) HEMARD TERRE & U~BlLAT,Sociétœcommerciles t.I
n~ 296
(4)art. 165 al.2: Les petits actionnaires peuvent se grouper pour at-
teindre le nombre minimum d'actions exigé par les statuts et se faire
représenter à l'assemblée générale.
(5) Art. 94 L. de finance pour 1982
-
41
77--
Plus délicate était jusqu'à
la loi du 24 juillet 1966, la
question de savoir qui du nu-propriétaire ou de l'usufruitier pouvait
exercer le droit de communication. Elle résultait du fait que l'un avait
accès aux assemblées générales extraordinaire alors que l'autre ne
pouvait participer qu'aux assemblées générales ordinaires. Cette ques-
tion qui n'avait pas reçu de réponse satisfaisante, est désormais ré-
solue par l'art.171 de la loi sur les sociétés commerciales aux termes
duquel les copropriétaires d'actions indivises, les nu-propriétaires,
et les usufruitiers bénéficient d'un drmit de communication identique
à celui de tout autre actionnaire. Mais on a encore plaidé que le droit re-
connu aux copropriétaires était un droit collectif. La jurisprudence
n'a pas suivi cette voie et estime qu'il s'agit bien d'un droit indivi-
due~)ce qui ne fait que confirmer l'absence de lien entre le droit de
communication et celui de participer à l'assemblée générale.
7&-
Par ailleurs, les titutlaires d'actions à d~vidend~ prioritaire
sans droit de vote bénéficient eux aussi du droit à l'information(2).
Cette dernière disposition montre bien que l'information n'a pas pour
seuls buts de préparer les décisions de l'assemblée générale ou de
faciliter la censure que théoriquement les actionnaires exercent sur
la gestion sociale. Elle permet aussi de mieux préserver les différents
intér3ts catégoriels(3).
79--
La jurisprudence assure l'effectivité du droit d'information
des actionnaires lorsqu'elle a à désigner celui qui doit en bénéficier
en cas d'incertitude sur la propriété des titres. Ainsi, il a été jugé
que tant que le transfert de la cession n'a pas été opéré. sur le regis-
tre de la société, le droit de communication appartient au cédant(4)
et qu'il ne revient pas aux dirigeants d'arbitrer un litige entre as-
sociés sur la propriété des titres{S). Ces décisions méritent d'être
(1)
Com.5 mai 198', D.1983. 1.R. 69 ohs. BOUSQUET, rev.soc.1982. 95
(2)
Art. 269 al.3
(3) J. PA1LLUSSEAU, Les fondements ••• préc. n~b4 p.22
(4) Crim. 10 janv. 1967, G.P.1961,I,125
(5) T•.corr.Paris 3janv.1966 cité par FOUGERE op. cit.n221
- 42
approuvées. La cession n'est opposable à la société qu'après le trans-
fert sur son registre. 11 serait donc facile pour les dirigeants de s'
abstenir de toute communication s'ils pouvaient s'en prévaloir pour
refuser l'accès à l'information au cedant: le cessionnaire n'a aucun
·droit dans
la société avant le transfert. De même il n'aurait pas été
très judicieux de permettre aux dirigeants de profiter de l'incertitu~~
':,sur la propri"été des titres
pour éluder leurs obligations en matière
d'information. La conséquence en aurait été que le véritable actionnai-
re aurait été. privé de ses droits légaux. La jurisprudence préfère en
faire bénéficier une personne étrangère •. Cette attitude montre bien
la tendance à l'extension du bénéfice de l'information qui se manifes-
te également, en ce qui concerne les associés/par une amélioration des
conditions de mise en oeuvre.
BI L'amélioration des condition~ de mise en oeuvre
~~~==~~=~===~•• =======~=========~~~
••••
du droit d'information des associés
80--
L'accessibilité de l'information pour les sociétaires a ét~
pendant longtemp~, la principale faiblesse du système français. Celui-
ci obligeait les associés qui désiraient prendre connaissanêe des docu-
ments
concernant la société à se dlplacer jusqu'au siège social. Cet-
te exigence suffisait, semble-t-il, à expliguer leur désintéressement
des affaires sociales(1). ~Nul ne peut, écrivait une plume~célèbre;
attendre d'un bon père de famille qui habite Lille, Lyon, Marseille
ou Bardeau, qu'il aille à Paris utiliser les cinq ou dix voix dont il
dispose et éclairer son vote par une visite au siège social ou l'at.-
tend. la d.ocumentation légale"(2)
1
En pratique le droit de communicat1on etait devenu une sorte de
prime descernée aux seuls associés d.iligeants et actifs. Les décret-
l~is de 19J~-1~J7 avaient organisé une diffusion plus large de certains
documents. Mais il a fallu attendre l'ord. du 4 février 1959 pour voir
le législateur se préoccuper des conditions de mise en oeuvre du droit
d'information des associés. Il s'en est suivi une multiplication des
moyens de diffusion de l'information(I) et un perfectionnement des moda-
~lités du droit de communication sur place(II)
(1) Cl HEURTEUX , op. cit.) n 1l 65p.5
(2) A. TUNC, L'éffacement des organes légaux de la société anonyme.
D. 1952) Chr. 73.
- 43
81--
Sous le régime de la loi de 1867, si on exclut l'affichage
qui est très vite devenu un moyen d'information désuet, il existait
essentiellement deux modes de diffusion de l'informatio~. L'un consis-
tait à tenir la documentation légale à la disposition des associés au
siège social, l'autre à le leur présenter
pendant l'assemblée généra-
le(1). Les autres techniques de diffusion de l'information, rarement
prescrites/étaient encore plus rarement assorties de sanctions pénales.
Il appartenait donc à l'associé de rechercher l'information. Les
inconvénients de ce système ont"été suffisamment dénoncéJZ-~our que novS
n'ayions plus à nous y attarder. Progressivement cependant, d'autre
?
techniques se sont developpées. On peut distinguer actuellement, en
plus de l'information mise à disposition, l'information publiée(a) et
l'information adressée(b)
82--
la publication de l'information se fait essentiellement
par trois moyens: la publicité dans la presse écrite, la publicité
au régistre du commerce et des sociétés et la publiçité par les pla-
quettes ou les prospectus. En réalité, ces techniques visent moins
l'information des associés que celle du public en générale)~. Mais
les associés peuvent en profiter. Ils sont d'ailleurs les principaux
intéressés de certaines informations publiées telles que les convoca-
tions aux assemblées générales.
L'information obligatoire par la presse se fait normalement par
insertion au
B.A.L.O.et dans les journaux d'annonces' l~gales. ëes
insertions
permettent aux lecteurs de ces journaux de prendre connai-
sance des informations dont ils ont besoin sans avoir à se d'placer.
:; ... ;. -. "', .-....:;;...-----....;...-
(1)".M.TIILAYE, L'information des actionnaires préalable et cocomitan-
te à la réunion de l'assemblée générale ordinaire annuelle dans les
sociétés anonymes. thèse, Paris 197), p.14 et s. Cl. HEURTEUX op.cit.
ni63 et s.
(2) R. CONTIN, op.cit. n~4) p?4b Cl.HEURTEUX, op.cit. loc.cit. M.
TlLAY~ op. cit. loc.cit.; A. TUNC, op.cit.
()
R. CONTIN, op.cit. n~129 p.ge
-
44 -
Comme toute personne les associés peuvent, s'ils le désirent se
faire délivrer expédition ou copie des documents déposés au greffe du
tribunal de commerce pour @tre annexés au regist~e du commerce et des
~ociétés. Seulement ils devront encore se déplacer, peine qui leur
est épargn~e lorsq~e l'inrormation leur est adressée.
adressée aux associés
83--
Cette technique d'information est une création de l'ordonnance
du 4 février 195~ qui l'a imposée aux dirigeants de sociétés cotées
dont le total du bilan dépasse, . dix millions de :t"rancs ( 1) (2).
C'est la loi de 196b qui en a rait un procédé quasi général d'in-
rormation dont l'inobservation tombe désormais sous le ,coup de la loi
pénale. Mais le developpement de la technique ne semble pas avoir les
mêmes proportions en droit commerci~l et en droit pénal
en droit commercial
84--
L'inrormation est adressée à l'associé suivant deux modali-
tés. ~lle l'est soit automatiquement, soit à la demande de l'associé.
Ainsi que l'a souligné le P~. CON'l'IN, le législateur de 1y66 "a
compris que l'actionnaire qui ne veut pas faire les frais â'un voyage
pour assister à l'assembblée hésitera plus encore à se déplacer au
siège pour y prendre communication d.es documents sociaux"{J). Il a
donc exigé que les sociétés qui envoient des rormules de procuration
à leurs associés y joignent un certain nombre de documents énumérés
par l'art. 133 du décret du 2J mars 196;. Ce texte vise tout envoi de
rormule de procuration. Peu importe que celui-ci ait lieu à la demande
(1) Elle a été étendu aux autres sociétés cotées par le décret du
29 nov.1965.
(2) Avant cette ordonnance, seul les membres de sociétés en nom col-
lectif bénéficiaent d'une information à domicile. Ils pouvaient
poser aux gérants des quetions écrites auxquelles ceux-ci doivent
répondre
{J) R. CONTIN, op.cit. nll 51
- 45
de l'actionnaire ou à l'initiative des dirigean~s sociaux.
Par ailleuz:s, profitant de la faculté que leur a laissœ la loi
de déterminer les conditions et les délais de la communication préa-
.....
lable à l'assemblée générale ( 1 ), les rédacteurs- du décret ont-exi~
qu'à cette occasion l'information soit adressée aux membres de S.A.R.L.
_ • (2) dans les quinze jours qui précèdent la réunion de cette assem-
blée ou le cas échéant, la consultation écrite des associés • .
Ainsi, les associés ne sont plus tenus de se déplacer pdur obte-
nir communication des documents sociaux à la veille de l'assemblée
générale. Ils les recevront automatiquement chez eux.
85--
Dans le cas où les dirigeants ne seraient pas tenus de les
leur envoyer d'office, les associés_peuvent 'encore obtenir certains
documents à domicile en leur adressant une demande à cet effet(3). Ce
droit de demander que l'information leur soit adressée est· conçu très
largement. Il est reconnu non seulement aux titulaires d'actions nomi-
natives, mais aussi a~titulaires d'actions au porteur qui auraient
déposé celles-ci soit au lieu indiqué dans la convooation, soit dans
une banque, un établissement financier ou chez un agent de change,
dans les délais fixés par les statuts. Les actionnaires nominatifs
peuvent même obtenir, par une seule demande, que les documents leur
soit adressée à la veille de toutes les assemblées générales ultérieu-
res. Au surplus l'information leur est adressée aux frais de la socié.
t~.
86--
Cette' innovation "qui va dans le sens de l'amélioration de l'in-
formation des actionnaires"(4) ,n'est pourtant pas sans limite. Le dé-
cret précise que lorsque les statuts prescrivent la détention d'un
minimum d'actions pour pouvoir participer à l'assemblée générale, les
documents sont adressés au représentant du groupe de. _peti ts actionnai-
res. Il semble que tous les actionnaires puissent formuler la demande,
e"
mais seuls', les représentants pourraientl être destinataires. Cette pos-
(1) Art.16 et 56 L. 24/ 7/ 1967.
(2 )Art. 12 •.-36 et40 même loi
(J) Art ~. 1.3 8 :m~ll!e Jpi
(~) R.·CONTIN, op.cit. n257 p.56
-
46
sibilité serait un moyen indirect de permettre aux petits actionnaires
de bénéficier d'une information à domicile(1).
On peut d'ailleurs se
demanderp'ourq~oi ce droit ne leur a pas été reconnu directement. Cette
limi~ation prive l'information à domicile d'une partie de son inté~3t.
La demande n'est possible qu'après que les petits actionnaires aient
désigné leur représentant à l'assemblée. C'est à dire à un moment où
ils ont probablement décidé du sens de leur vote.
87--
Il est permis de s'interroger sur la portée actuelle de cette
limitation. La loi du 3 Janvier 1983 a reconnu à "tout actionnaire" la
possibilité de voter par correspondance au moyen d'un formulaire dont
les mentions doivent êtrefixéès par décret(2). Si comme nous le pen-
sons cette disposition permet aux petits actionnaires de voter par ~
correspondance, on peut se demander
dans quelle mesure les disposi~
tions finales de l'art 1)8 du décret sont encore justifiées. Il ne
nous semble pas très l-ogique de vouloir dispenser les actionnaires
d'un déplacement pour exercer leur . droit de vôte
tout en les y as-
treignant pour s'informer. A notre sens l'esprit de la loi interdit
désormais que les dirié',ean~refusent d'envoyer les documents .. A la
demande des petits actionnaires. qui auront manifesté leur intention
de voter par correspondance. Il n'aurait d'ailleurs pas été surpennu
de leur reconnaitre un droit d'information à domicile automatique--
comme c'est le cas pour ceux qui votent par procuration(). Nous
osons espérer
que ces lacunes ne sont dues qu'à des "oublis" que
le législateur ne manquera pas de corriger au plus tôt.
88--
On peut donc constater que l'information à domicile conoer-
ne un nombre de plus en plus élévé d'associés et de toutes les formes
de sociétés commerciales. Mais tous bénéficient-ils de~la'garantie.du
droit pénal?
,
l1) HEMARD, TERRE &MABILAT op. cit. t~I, n2)16
(2) Art. 161~1 L. 24/ 7/ 1966
()
cf. supra ,,~ COl.;
- 47
2i/ Le ~~!~l~PE~~~~! ~~ !:!~f~~ation ~~E~~~~~
~~ ~E~!! E~~~!
89--
L'ordonnance de 1959 ne prescrivait aucune sanction pénale.
C'est la loi de 1966 qui a créé les incriminations relatives à l'in-
formation à domicile.
90--
L'art. 444 de cette loi punit de peines correctionnelles
les dirigeants qui n'auraient pas envoyé à tout actionnaire qui en
aurait fait la demande une formule de procuration conforme aux pres-
J
criptions reglementaires ainsi qu'un certain nombre de document qu'il
énumère. Contrairement au dÉcret, ce texte ne vise pas toute formule
de procuration. On peut se demander si un dirigeant qui, d'office,en-
voie: des formules de procuration. aux actionnaires sanS y joindre la
documentation exigée tombe sous le coup de l'incrimination.
Si l'on s'en tient aux termes de l'art. 444, il semble bien que
la réponse doive être négative. Les documents· énumérés~par ce' texte
paraissent être accessoires à la formule de procuration demandée com-
me l'indique l'expression "ainsi que". Lès _dispositions du décret ne
sauraient justifier l'application d'un texte correctionnel(1).
91-- Il noussemb.l~LpWrtà.l1tque.l~infractionserait·const-ituÉe. L'ob-
jectif du législateur était de permettre à l'actionnaire qui entend
se dessaisir de son droit de vote de le faire en connaissance de cau-
se et de choisir le mandataire qui votera dans le sens souhaité par
lui(2). Or,de ce point de vue, rien ne justifie une distinction entre
l'actionnaire qui a demandé la formule de procuration et celui à qui
elle a été envoyée d.'.offi:ce. Il nous semble du reste que celui-ci
m~rite encore plus de protection dans la mesure où ses voix sont sol-
licitées par les dirigeants sociaux o
Par ailleurs; si on admet que les dirigeants qui prennent l'initia-
tive d'envoyer des formules de procuration aux actionnaires échappent
à la sanction pénale, l'infraction risque de ne trouver à s'appliquer
qu'aux dirigeants n~gligeants ou malhabiles. Il suffirait en effet à
(1)
Ph. NOCQUET, L'étendu de l'information des actionnaires. J.CoP.
ed. C.I. 1979 prat. p. 437
(2)L'art.161 al.4 est clair à cet égard
_ 48
ceux qui n'auraient pas
l'intention de
joindre les documents
à la formule de procuration d'envoyer celle-ci sans attendre
que
les actionnaires
le leur demande.
C'art.
444 serait donc
privé de toute efficacité réelle.
Cette conséquence nous
semble inadmissible et n'a pas
pu être voulue par le légis-
lateur.
Aussi nous
semble-t-il plus conforme à
l'esprit de
la
loi d'admettre que celui qui adresse des
formules
de
procuration,
fut-ce de sa propre initiative,
sans y
joindre
la documentation légale,
se
rend coupable du délit prévu
à
l ' a r t .
444 sur
les
sociétés commerciales.
Cette solution ne nous
semble pas contraire à
la règle de
l'interpretation stricte des
dispositions
pénales
Celle-ci n'implique nullement une
interpretation littérale
surtout
lorsque,
comme pour
la question qui nous
préoccupe,
celle-ci aboutit à priver la loi de
toute portée pratique.
Si elle interdit
l'interpretation par analogie,
i l n'est
pas du tout certain qu'elle
exclue celle qui se fait
à
forti,ori.Quoi
qu'il en soit,
i l existe
en
jurisprudence
de nombreux exemples dans
lesquels
le juges a depassé,
de
façon plus contestable d'ailleurs,
le sens
littéral d'un
texte pour l'étendre à des hypothèses
que
le
législateur
n'a pas
. expressément visées
(1)
et
la cour
de cassation
affirme parfois
qu'il appartient au
juge de
~rechercher
l'objet de
la
loi et son domaine d'application"
(2).
De son
coté une doctrine autorisée considère qu'il
est préférable
de confier au juge la tâche d'assurer,
avec
la prudence
nécessaire,
l'adaptation progressive du droit pénal aux
nécessités de chaque époque.
L'interpretation doit
tendre
à dégager tout
le sens de
la loi sans
rien y ajouter ou
retrancher
(3)".
(1)
Par exemple
extension du délit d'abandon de famille
aux alliés
en ligne directe
(Crim.,
4 juillet 1925
D.H.
1925,
515)
à l'époux
divorcé
(Crim.,
5 Août
1927,
D.,
1928.
1.
32;
24 oct.
1952,
J.C.P.
1952.
II.
7340
note BROUCHOT)
ou aux enfants
adulterins
(Crim.,
1er fé.
1940 G.P. 1940 nO 1.284)
avant que ces
solutions ne
soi en t
cons a c rée spa r I e
l é gis Jat eu·" .
(2)
Crim.,
21
janv.
1969 Bull.
38.
(3)
MERLE et VITU.,
op.
Cil.
1986 n°
172 p.247.
- 48'
-
92 -
En ce qui concerne les
soci't's
à responsa-
b i l i t ' limit'e,
l'art.
426 de
la loi sur les soci't's
commerciales
incrimine le fait de ne pas adresser aux
associ's pr'alablement à
l'assemblée g'n'rale,
les documents
sociaux.
Le pouvoir regl'mentaire a poursuivi
la p'nalisation
~e l'obligation d'adresser l'information aux associés en
'dictant des
sanctions contraventionnelles contre les
g'rants de soci't's en nom collectif qui
la m'con-
naitraient
(1).
93 -
Mais par rapport au droit commercial,
l'information adress'e aux actionnaires parait plus limitée
à deux 'gards.
D'une part,
en ce qui concerne
les soci't's
cot'es,
l'art.
446 ne vise que les dirigeants de soci't's
dont
le bilan est inf'rieur à dix millions de francs.
D'autre part,
en ce qui concerne les autres soci't's
anonymes,
le refus d'adresser les ~ocuments qu'ils ont
demand' à la veille de l'assembl'e g'n'rale ne fait
l'objet d'aucune sanction pénale.
A la v ' r i t ' ,
on comprend
mal
les raisons de cette indulgence particulière de la
l'gislation p'nale.
La discrimination entre les
sociét's
cot'es selon le montant de leurs bilans
est sans doute
due au fait qu'initialement seules celles dont
le bilan
est inf'rieur à dix millions 'taient tenues d'adresser
les documents
sociaux à
leurs actionnaires.
Mais
la
transposition de cette distinction au plan p'nal, alors
qu'elle a disparu en droit commerciale,
ne nous
semble
pas
très
logique.
(1)
Art.
16 D.
23/3/1967 r'd.
D.
1/03/1985,
art.
7.
III Le perfectionnement des modalités d'exercice
du droit de communication
94-- La loi sur les sociétés commerciales a amélioré l'exercice
du droit de communication à plusieurs points de vue. Ici, nous nous
intérsserons particulièrement au droit de recourir à un mandataire (a)
et à la dualité du lieu de communication(b).
al Le droit de recourir à un mandataire
95-- Sous le régime de la loi de 1867, doctrine et jurisprudence
ont eu à répondre à la question de savoir si les associés pouvaient exer-
cer leur droit de communication auprès de la société par mandataire.
Avant le décret-loi de 1935, il était généralement admis que,
par application du droit commun des contrats et sauf "dispositions_con-"
traires des statuts, la réponse devait être affinnative( 1). Sui te à.'une
nouvelle rédaction de l'art.35 de la loi de 1867 par ce décret-loi, une
distinction s'opéra. Le droit de communication préalable à l'assemblée
générale devait être exercé personnellement par l'associé. A l'inverse,
il lui était loisible de recourir àux services d'un mandataire pour exer~
cer son droit de communication permanent. L'incohérence de ces disposi~.
t~ons n'a pas échappé à la doctrine qui s'est longtemps interrogée sur
le bien fondé de cette distinction (2)
96-- Depuis le décret du 23 mars 1967, la situation des actionnai-
res a été améliorée en ce qui concerne le droit de communication préala-
ble a l'assemblée générale. Désonnais, quelle que soit la période, l'as-
socié peut exercer son droit de communication par mandataire(3). A notre
sens, le refus de communiquer la documentation légale au mandataire tombe
sous le coup des incriminations relatives au refus de communication a
l'associé. Cela résulte
de
l'application
uu
droit cQmmun du mandat.
(1) Cl. HEUH:~UXJop. c~t.~n~ 63; SOLUS, La reforme du droit des sociétés
par les decrets lo~s de 1935-1~37~ n~ 303 p.273.
(2) Cl. HEUR'fEUX, op. cit •.Jn~ 64; SOLUS, op. cit.; loc. cit.jHAlîlEL et
1AGArtDE , ~raité de droit commercial, t.l)n~691
(J) Art. 141 et 142
-
50-
Le mandataire agit au nom et pour le compte
de l'actionnaire. Lui refuser la communication revient,ten droit,à
làcrefuser à l'actionnaire lui m&meC1). De plus, les dispositions du
décret ayant été prises par délégation expresse de la 101(2), on ne
peut prétendre qu'elles ajoutent à celle-ci. Du reste, elles consti~
tuent plus une limitâtion du droit de recourir à un mandataire qu'une
autorisation car, en l'absence de toute manifestation de volonté con-
traire de la part du législateur, il aurait été logique qu'on reyînt
à l'application des principe généraux du droit civil ainsi que
l'admettait la doctrine antérieure au D-L. de 1935(3).
97--
Cette solution aurait.d'ailleu:r::s été plus. avantageuse pour les
actionnaires puisque le décret maintient la discrimination antérieure
en ce qui concerne le choix du mandataire. C.El:choix est libre lorsqu'
il s'agit d'exercer le droit de communication permanent(4). Mais pour
le droit de communication préala~le à l'assemblée générale, le manda-
taire ne peut &tre que la personne nommément désignée par l'actionnai-
re.pour le représenter
à cette assemblée. Cette distinction dont l'
opportunité est très contestatable a pour conséquence d'obliger tous
les actionnaires qui ont l'intention de participer personnellement à
l'assemblée ou de voter par correspondance
à se déplacer pour avoir
accès à une information complète. Cette limitation est difficilement
explicable.
98"~-t-on voulu préserver le secret des affaires sociales? Alors on
co~pre.ri.d mal }:rourquoi celui-ci ne ..serait nécessaire qu'à la veille de
l'assemblée générale. Au surplus, il aurait suffit d'exiger que le
mandataire soit l'une des personnes que l'actionnaire avait la possi-
bilité de choisir pour le représenter à l'assemblée généraleC5).
A-t-on voulu préserver la qualité des débats de l'assemblée en
abligead l'actionnaire à prendre connaissance des documents par lui
même afin de bénéficaer d'une information de première main? La justi-
(1) WEIL & TERRE, Droi civil, les obligations, 3~ éd. n284 p.82
(2)·Art. 169-L. 24/ 6/ 1966
(3) cf. supra. n~ 95
(4) Art. 142 préc.
(5) Art. 141 préc.
-
51 -
fication aurait été plus pertinente si le même texte n'avait largement
consacré le droit de prendre copie qui permet d'éviter toute déforma-
tion de l'information(1).
'99-- Quoi qu'il en solt, ,la portée de la reforme introduite pa.r le' dé-
cret de 1967 apparait bien limitée. Elle permet seulement au conjoint
de l'actionnaire qui le représente à l'assemblée générale de prendre
connaissance par lui même des documents mis à sa disposition.
1100~-
Sous le régime de la loi de 1~67, les documents étaient mis
à lai disposition des associés en un seul endroit, celui du siège social.
Cette unicité du lieu de communication était de nature, en raison de
son éloignement, à décourager des actionnaires désireux de s'informer.
Poursuivant son oeuvre d'amélioration de l'information, le légis-
lateur a, en 1966, prescrit la communication au lieu de la direction
administrative également. Mais, en raison d'une différence de rédaction
entre le texte repressif et celui du dé~ret, on s'est interrogé sur l'
identité de la personne qui avait le choix du lieu de communicatiQ~
L'art. 445 de la loi sur les sociétés commerciales punit le fait de
ne pas mettre,à la disposition des actionnaires au siège social ou au
li~u de la direction administative, les documents sociaux. L'art.139
du décret prescrit que "tout actionnaire a-le droit de prendre au siè-
ge social ~ au lieu de la direction administative ••• ""
101--
Certains auteurs se fondant sur le principe d'interprétation
stricte des textes repressifs estiment que le, choix appartient aux di-
rigeants sociaux qui échapperaient à la repression s'ils ne mettaient
les documents à la disposition des actionnaires qu'en un seul endroit(2).
D'autres reoherchent la volonté du législateur et en déduisent
que le choix appartient àl'actionnaire{J). Cette dernière opinion'
(1) cf. infra. l\\~ 3 '$~l d s.
(2)M. TlLAYE, op.cit.; M. VITROLLE, L'information des actionnaires ~
thèse Lyon 1982 p.139i L. CONSTANTIN op.cit. p.728; HEMARD, TERRE
&MABlLAT op.cit. p.291; Cl.BOURGAUD, La publicité de l'information
concernant les S.A. thèse Nancy II 1976 p.47
(3) TOUFFAIT, ROBIN, ANDUREAU, LACOSTE,Delits et sanctions dans les
sociétés. 2~ éd. ni352i Ency. DaI. droit pén. soc. n 2 274; HOUIN &
GORE, La réforme des sociétés commerciales. D.1967. 157 note 109; D.
BASTIAN, La réforme dés sociétés commerciale. J.C.P.1968. 1. 2183
~ 52 -
mérite d'être approuvée. L'interprétation stricte ne signifie pas in-
terprétation littéraletfJi interprétation systématiquement restrictive.
Ce principe ne s'oppose pas à la recherche de la volonté du législa~
teure . ,Il _ implique seulement que celle-ci doit être respectée, mais-
elle doit l'être intégralement'~). Or tout le monde s'accorde pour
dire que le législateur de 1966 a fait de l'amélioration de l'informa-
tion une des priorités de sa reforme. Laisser le choix du lieu de la
0"'" d,irl ~""l\\\\s
communication/ne nous semble pas, loin de là, aller dans ce sens. dette
solut~on
serait en contradiction avec l'attitude générale de mé-
fiance que le législateur adopte vis à vis des dirigeants en matière
d'information, méfiance qui l'a justement conduit à édicter de nombreu-
ses incriminations dont celle qui nous préoccupe ici. L'idée de lais-
ser le choix aux_airigeants semble donc incompatible avec le principe
même de la repression. Ou bien le législateur faisait suffisamment
confiance aux dirigeants pour organiser au mieux l'information des
actionnaires et dans ce cas i l n'aurait pas assorti cette obligation
d'une sanction pénale, ou bien i l se doutait que ceux-ci pourraient
mettre une certaine mauvaise volonté dans son.éxécution et cela expli-
que l'existenced'wie incrimination.
(1)
En vérité,
cette méthode d'interprétation qui
s'explique
par la période qui
l ' a vue nai~re ne trouve aucune
grâce dans
l'opinion de
la doctrine moderne qui
la juge
inexacte et stérilisante,
(MERLE et VITU,
traité de
droit criminel,
CUJAS
1984,
nO
172 p.
247 M. PUECH
G.A.J.C.
n)44-50 p.
181
ou
estime qu'elle ap-
puie
sur des "principes
fallacieux"
(J.
PRADEL,
Droit
Pénal T
n D
212 p.
221)
;
voir également:
GEGOUT,
de
1
l'interpretation littérale des
lois
pénales,
Mélanges
C-ENY.
III.
p.
305 et s.
;
COSTEFLORET,
l'interpre-
tation des
lois pénales
,Rev.
Sc.
crim.
1937 p.
4
Crim.,
17 mars 1854
D.P.
1854
1. 165.
G.A.J.C.
nO
45
10 fév.
1928,
DH 1928,
201
(2)
En ce sens!
MERLE et VITU op.
cit.
nO
173
p.
247
STEFAN~_ LEVASSEUR et BOULOC,
Droit
pénal général
DALLOZ
1980 nO
148 p.
161; J.
PRADEL,
op.
cit.,
nO
213
p.
214 -
et
216 et s.
et
les
autres
auteurs
cités
note précédente,
tous
ces auteurs
admettent que
l'intention du législateur doit
être
recherchée dans
deux hypothèses
au moins
:
lorsque
la loi est obscure
ou lorsqu'elle est douteuse.
Et
la jurisprudence est en
ce sens.
Voir M.
PUECH,
G.A.J.C.
n°
44 -
50.
Or,
i l n'est pas douteux que
les
juges peuvent
redresser
les erreurs de syntax~, au matéri~llas et donner
ainsi au' texte repressif son véritable sens
<1>.
1.02- Par ailleurs, s'il n'est pas possible de faire prévaloir les.
dispositions du décret sur celles de la loi, il nous semble, s'agis~
sant d'un texte d'origine gouvernementale,.qui n'a pas subi de modifi-
cation sur ce point particulier pendant les travaux parlementaires,
qu'elles peuvent @tre révélatrices de la volonté du législateur. L'
utilisation de la conjonction "ou" dans la loi est probablement due
à une erreur de syntaxe. Cette erreur résulte sans doute d'une con-
fusion entre, d'une part, le droit de l'actionnaire d'obtenir com-
munication des documents èt,d'autre part,l'obligation corrélative
des dirigeants de mettre ces documents à sa disposition. A cet égard,
il n'est pas sans intérêt d'observer que l'art.16S de la loi fait ré-
férence au droit de l'actionnaire et non à l'obligation des dirigeants.
On invoquera en vain les difficultés qu'il y aurait à tirer
certains documents en a6uble exemplaire.. Celles-ci ne suffisent pas
(1)
La solution est d'ailleurs
très ancienne
Crim.,
8 mars
1930,
D.
1930.1.101.
S4
pour justifier une possibilité de ohoix pour les dirigeants sociaux.
Il aurait suffit, si le législateur avait voulu en tenir compte. main-
tenir le système antérieur de communication en un seul endroit.
Il n'existe pas, à notre connaissance, de jurisprudence sur cet~
qu~stion. Mais la volonté du législateur nous semble avoir été de .. lflis- .
ser le choix du lieu de communication à l'actionnaire.
103--
On peut constater, une volonté l~gislative et jurispruden-
tielle constante d'assurer, par des dispositions pénales de plus en
plus nombreuses, l'efficacité de l'information d'associés également en
nombre
croissant.
Mais, en son sein, l'entreprise met en jeu d'autres intér3ts que
ceux des associés: ceux du personnel qui bénéficie, également de l'infor-
mation.
§ II: L'EXTENTION DU BENEFICE DE L'INFORMATION
AU, PERSONNEL
104--
Tant que. l'entreprise se confondait avec la propriété, tant
qu'on a pu expliquer les relationsde travail par la juxtaposition de
plusieurs contrats de louage de service, on a pu maintenir le travail-
leur hors de l'entreprise et le tenir à-.l'écart du pouvoir de décision
(1). Mais à partir du moment où l'entreprise s'analyse comme une com-
nauté d'intér@ts(2) et qu'il estapparu que le droit du travailleur
est soumis au risque de l'entreprise(3) dans laquelle il engage sa vie
(4), il était devenu difficile de le maintenir dans un état de sujttion
absolu. Aussi le travail a-t-il été progressivement intégré dans l'en-
treprise àfin de collaborer avec le capital à la réalisation de la fin
commune(5).
L'ordgnnance
de
1945 a constitué la première charte de cette
collaboration. Elle avait pour but avoué de favoriser la coopération
R. CONTIN, op.cit. n 2436
G. RIPERT, op. cit~p.298; M. DEPAX, L'entreprise et le droit~
thèse Toulouse 1956)n2236 p.265 et s.; J. PAILLUSSEAU, poly. cit.
G. RIPERT, op. cit.)p.303
D. VEAut)Le rôle du comité d'entreprise dans les S.A-;Dr.soc.1948)87
G. RIPERT , op.cit.Jloc.cit.
-
55
-
entre le capital et le travail. A cet~effet, elle a créé un comité d'
entreprise ayant vocation de recevoir des informations et à ~tre con-
sult~e sur tout ce qui concerne la marche générale de l'entreprise(1).
105":- Mais, avant la creation de cette ïristi tution; le législateur
avait déjà imposé(2) l'institution des délégués du personnel qui a
une vocation plus proche de la revendication que de la collaboration
(3). Enfin,
beaucoup plus récemment, il a reconnu la-représentation
syndicale au sein de l'entreprise. Les membres de toutes ces institu-
tions constituent les représentants du personnel qui bénéficient d'un
droit d'information sur la vie de leur entreprise.
C'est d'abord par la création et le dJveloppement de ces insti-
tutions que le bénéficé,~de l'information a été étendu au personnel
notamment grace au délit d'entrave(A). Mais l'ensemble des salariés
bénéficient aussi, le plus souvent de façon indirecte sans doute, d'un
droit d'information visa vis du chef d'entreprise(B)
AI L'extention du bénéfice de l'information aux
============================================
106--
Depuis les premiers textes relatifs aux délégués du per~
sonnel,et au comité d'entreprise, les institutions représentives du
personnel n'ont cessé de se dtvelopper. Nous avons déjà signalé l'in-
tégration de la représentation syndicale dans l'entreprise. Fille de
mai 1968 et des accords de Grenelle(4), elle s'est
faite par la cré-
ation de délégués syndicaux st de sections syndicales
d'entreprise
dont les membres sont devenus créanciers d'information au m~me titre
que ceux des autres institutions représentatives du personnel. Leur
créance d'information est garantie par le délit
d'entrave au fonc-
tionnement des institutions représentatives du personnel que la juris-
prudence interprète très largement0).
(1) Art.2 ordo du 22 fév.1945; D. PEPY, Lord. du 22 fév. 1945. Dr.soc.
1945.45
(2) L. du 24 juin 1936 et D. du 12 nov. 1938
(3) Ph. SUET. comité d'entreprise, délégués du personnel et délégués
syndicaux. litec.1979 n2283
(4) LYON CAEN & CAMERLYNCK, drott du-travail 5~ éd. n2536
(5) H. PARCHEMINAL, Le délit d)~hb:a~e aux institutions représentati-
tives du :?perso:i1nel,"thèse Rennes 1976
- 56
Il est à peine besoin de dire que la oréation de ces institutions
suffit à accroitre le nombre des bénéficiaires de l'information. Aussi,
seul l'extension du bénéfice de l'information resultant de celle de
leur domaine(I), de l'accroissement du nombre de leurs membres(II0, ~etde
la reconnaissance, à certains de ceux-ci,:.d 'un droit individuel à l'
information(III) ." retiendra notre attention.
Il L'extension du domaine des institutions
====~===~== == ======= ==---==========&
107--
Cette ext:~nsion s'est.faite.~,d'une part, par l'évolution
des conditions de création des institutions représentatives du person-
nel qui sont devenues de plus en plus souples(a,), .d' autr~ pa.rt., par la
dualité du niveau de représentation au
sein de l'entreprise(Q)
1
' . )
108::
Les conditions de création des institutions représentatives
du personnel concernent,soit l'objet- de l'entreprise(12), soit \\e nombye
de salariés qui y travaillent(22).
109--
: Il 1 ord,onnance de 1"9·45 n 1 avai t créé les comités dl entreprise. que pour
les entreprises industrielles et commerciales. Elle avait cependant
laissé au gouvernement la faculté d'étendre l'institution à d'autres
entreprises et il l'a fait largement(1). C'est donc naturellement que
par
les lois de 1946(2), le
législateur a étendu le domaine d~s ins-.
titutions représentatives aux offices puplics et ministériels, aux
professions libérales, aux syndicats professionnels et aux associations.
(1) R. PETIT, La nouvelle loi en matière de comité d'entreprises,
. La loi du 16 mai 1946. Dr.soc.1946, fasc.XV. p. 1
(2) L. du 16 mai 1946 Dr.soc.1946 fasc.XV. p.25 et Se; L. du 16 aV.1946
Dr.soc.1946 fasc.XV. p.49 et s.
57
Le gouvernement profitant
de la faculté que lui avait encore laissé
la loi avait étendu l'institution des délégués du personnel. Sous le
régimes de ces textes, la possibilité de créer des délégués du person-
nel dans les entreprises pub~iques était incertaine:. La jurisprudence
prenant appui sur la généralité des termes l'ava~t, semble-t7il, admi-
se en ce qui concerne les entreprises publiques ayant une activité in-
dustrielle-- et commerciale. La solution pouvait également se justifier
par la volonté du législateur frappé "par la nécessité de faire béné-
ficier le plus grand nombre possible de travailleurs de la réforme"(1).
110--
Une loi de 1968 a étendu l'institution du comité d'entrepri-
se aux entreprises agricoles. Les nouvelles dispositions de l'art. L.
431 du c. du trav. résultant de la loi du 28 oct. 1982 l'étend à toutes les
entreprises quels que soient leurs objet et forme.
toutefois, les en-
treprises publiques à caractère administratif ou mixte ne sont •
astreintes à la constitution de comités d'entreprise que si elles em-
ploient du personnel dans les conditions du droit privé. Ces entrepri-
ses sont déterminées par décret, ce qui donne à l'employeur qui, il
est vrai,n'est autre que l'état, une maitrise sur la décision de créa-
tion du comité d'entreprise.
111
- Ainsi, au terme de cette évolution, les institutions repré-
sentatives du personnel couvrent tous les secteu~de l'activité écono-
mique(2). Dans ces conditions, seul la faiblesse de leur effectif
pourrait dispenser certaines entreprises de ~obligation de constituer
un comité d'entreprise.
112-L'ordonnancede 1945 ne prescrivait la constitution de comité,) d'
entreprise que dans les entreprises d'au moins cent salariés. Elle
laiss~tsur ce point aussi, la faculté au gouvernement d'étendre cette
(1) D. PEPY, op.cit.
(2) Dès ~8a; création: ;la délégation-
syndicale était obligatoire "dans
toutes les entrprfses" art. L.412 a1.2 c. du trav.
58
obligation à des entreprises qui n'atteignaient pas ce seuil. Il sem-
ble que là aussi, le gouvernement ait
largement utilisé cette faculté
(1).~ontribuant ainsi à étendre le champ d'application de cette insti-
tution.
En ramenant le seuil minimum à 50 salariés, le législateur de
1946 ne faisait que consacrer une situation créœpar la multiplication
des dérogations reglémentaires(2). Depuis cette loi, le seuil ·~.minimum
semble s'être stabilisé. Mais cette stabilité n'est qu'apparente. Si
l'!effectif minimum nécessaire est toujours de cinquante salariés, la
façon de compter cet effectif,elilie, a subi une certaine évolution.
113--
Dès la loi du 16 mai 1946, le législateur a prévu la possi-
bilité d'inclure les travailleurs à domicile dans l'effectif de l'en-
treprise pour la constitution de comités d'entreprise. Cette possibi-
lité est très largement entendue puisqu'aux terme d'un arrêté ministé--
riel., doivent être pris en compte, non seulement les travailleurs
.
à domicile qui travaillent pour le compte de l~entreprise, mais aussi
ceux qui travaillent pour le compte d'un sous-traitant (J).Cette
conception extrêmement extensive s'explique sans doute par la volonté
de rattacher à l'entreprise tous les travailleurs dont le sort dépend
en réalité d'elle.
Elle s'insère dans une attitude plus générale du législateur qui
recherche avant tout la réalité du lien qui unit le salarié à l'entre-
prise pour la détermination de l'effectif de celle-di en vue de la ~
création d'une institution représentative du personnel. En témoigne,
la prise en compte intégrale des travailleurs à mi-temps, des travail-
leurs sous contrat à durée déterminée ou mis à la disposi tion~~de l' en-
treprise par une autre même s'ils ne sont pas salariés de l'entreprise
qui les emploie et même s'ils n'y sont pas électeur5.
114-- Ges conceptions extrê::e:nent.ex:tensives marquen:t le recul du lien
contractuel que certains auteurs ont mis en évidence depuis plus de
trente ans maintenant(4). Elle est peu conforme à la' conception clas-
sique de l'appartenance à l'entreprise qui repose normalement sur un
- - - --
-
_._-- ---
' "
R. PETIT, op.cit.
Circ. T.R. 80/46 àu 31 juil. 1946 Dr.soc.1946 fasc.XV. p.JO
Ar. du )0 sept. 1946 art.4
G. RIPERT, op.cit. p.JJ2 et s. DESPAX op
, •. Cit. .
, ...: 59
acte de volonté(1).
Cependant ces conceptions
s'expliqent aisément par la volonté
du législateur de faire du tavailleur un citoyen dans l'entreprise(2)
Cette -volonté exp1.î.que Te rapprochement opérée entre l'appartenance à
l'entreprise et l'appartenance à la société politique qui résulte d'
éléments matériels tels que la nationalité ou le domicile (3).
Au surplus, en
réalité, les travailleurs sont soumis aux condi-
tions de travail de l'entreprise qui les emploie.' Cette circontance
suffit à justifier leur prise en compte en vue de l'élection des délé-
gués du personnel, de cette entreprise dont la mission les concerne.
En outre ils sont tous soumis aux risques de l'entreprise dans laquel-
le ils travaillent. Une défaillance de celle-ci risque d'entrainer le
non renouvellement de leur contrat de travail ou leur licencement par
l'entreprise prêteuse si celle-ci ne peut les employer elle même ou
les mettre il' la dispo-sftion d'une autre entreprise. La mission du co-
mité d'entreprise permet donc de justifier le rattachement des travail-
leurs mis à la disposition de l'~ntreprise à celle-ci po.ur la consti-
tution de cette institution.
Quant aux travailleurs à mi-temps leur rattachement intégral
à l'entreprise peut également s'expliquer par l'importance de leurs
conditions de travail et de la rémunération qu'ils tirent de cette-ac-
tivité, celle~ci pouvant être leur unique source de revenu pendant un
certain temps.
115 - En sonune ce double assouplissement des conditions de c-réa t ion
des institutions représentatives du personnel est fondé sur des
considérations', économiques plus aptes à protéger l'entreprise que le
critère de lien juridique. Il contribue à augmenter le nombre des
bénéficiaires de l'information dans les entreprises. Il en sera de même,
si du fait de leurs structures, elles sont tenues de créer deux niveaux
de représentation.
(1) P. DUrlAlüJ, art. prée. ~n i'rav. Ass. ri. (;aPI'l'.i\\.l'.i' 1947
(2) J. AUrtOUX, Rappor~ sur ~~s Qro~ts nouveaux aes trava~l~eurs. voc. ?r.
1 ~81 •
(3) 1'. ilUltAhD.
ar~. pree. nOl;e
60
1'6 _-Dès
1945 furent créés deux niveaux de représenta-
tion:correspondant à deux niveaux d'information. Sous réserve que la
bondition d' effectif soit remplie dans ,ceux- ci , .. les entreprises
~ui
comportent plusieurs établissements doivent créer des comités
d'établissements - au niveau de chaque établissement-
et un comité
central d'entreprise - au niveau de l'ensemtle des établissements.
Quant aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux, ils n'exis-
qu'au niveau de l'étab~ssement. Mais en situant ces institutions au
niveau de l'établissement plutSt qu'à celui de l'unité économique plus
grande qu'est l'entreprise, le législateur en-a accru lé nombre.
La solution n'en est pas moins justifiée. Elle rapproche davantage les
délégués des salariés et des problèmes dont ils ont la charge.
-~C'est surtout de la définition fonctionnelle de l'entreprise et de
l'établissement que résulte l'extension du·bénéfice de l'information.
_Il est devenu banal de dire qu'il n'ex~e aucune définition ju-
ridique de l'entreprise. Le langag~~courant
et le langage administatif
utilisé par l'I.N.S.E.E.c9nfondent l'entreprise et la société. Chaque
société juridiquement distincttconstitue une entreprise(1). IL faut
préciser que cette conception correspondra-le plus souvent à la réali-
té. Mais si cette confusion était admise en ce qui concerne la consti-
tution des institutions représentatives du personnel, elle aurait per-
mis de nombreuses fraudes. Il aurait par exemple suffit de procéder
au découpage artificiel de l'entreprise en plusieurs sociétés distinc-
tes dont les effectifs n'atteignent pas les seuils légaux
pour être
dispensé de constituer des ins~itutions représentatives au personnel.
117 -- Pour combattre ces fraudes, la jurisprudence a élaboré la
notion d'unité économique et sociale. Elle considère que toute.unité
économique et sociale doit être dotée dès institutions représentatives
du personnel. Ainsi, seront considérées comme une entreprise unique,
astreinte à la mise en place d'une représentation du personnel, des
organismes juridiquement distincts mais exerçant une activité similaire,
ou complémentaire, ayant une direction comrnune, défendant des intér@ts
communs ou non contradictoires, et appliquant à leur personnel un sta-
(1) M. COHEN, Le droit des comités d'entreprise et des comités de
groupe. L.G.D.J. 1984 p. 100
_ 61
_
tut identique ou similaire(1).
Mais la notion d'unité économique et sociale reste encore indéci-
se. Elle constitue, ::sè-lon- certains auteurs. la justitication à posté-
rio rie d'une solution tendant à assurer la constitution et le fonction-
nement des institutions représentatives du personnel(2). La jurispru-
dence. l'a surtout utilisée
pour étendre le champ d'application de ces
institutions. En témoigne, le tait qu'elle a tendance à admettre plus
facilement l'existence d'une unité économique et sociale lorsque cer-
tains où tous les organismes en cause ne remplissent pas la condition
d 'effectif{J).
Surtout, elle a une conception très fonctionnelle de cette no-
tion. Elle affirme par exemple qu'en raison "des attributions économi-
ques dévolues au comité d'entreprise, la notion d'unité économique et
sociale devait s'entendre plus strictement que s'il s'agissait de l'
élection de dél~gués du personnel(4). En vertu de cette considération,
elle se base sur la primauté de ,la différence d'activité économiqu~
sur l'identité des dirigeants et du statut du personnel. pour nier l'
existence d'une unité économique et sociale permettant la constit~tion
d'un comité d'entreprise unique(5). A l'inverse, elle a admis son exis-
tence parce que "des comités d'entreprise séparés ~ pourraient
pas répondre à la finalité de l'institution"(6).
De même. la chambre sociale a admis la désignation d'un délégué
du personnel commun à plusieurs établissements au motif que le défendeur
"n'avait pas invoqué l'impossibilité pour un dél6gué du personnel commun
de remplir sa mission dans l'ensemble des établissements" (1). Par
(1) Crim. 21 juil. 1981, H.P.D.S. 1961 som. 321; 23 avr.1910. J.C.P.1912.
II.11046
(2) PARCHEM1NAL H. op. cit. p. 41 et.s.; LAMY SOCIAL 1985 n21506; R.
(
LESTANG, La notion d'unité économique et social d'entreprises juridi-
quement distinctes. Dr.soc. 1919 spéc. p.5
(J) M~ 'eOHEN~ op~cit. ~;'6~
(4) Soc.22 juil.1982 R.P.D.S.1982, som. 285
(5) Soc.~29 avr. ,1981 bull. civ.IV. n2268; 1 janv.1982 R.P.D.S.1982.
som.'85; 1 fev.1980, R.P.D.S.1980 som.1)1
(6) Soc.21 juil. 1981 prée.
(1) Soc~ 14 janv. 1916 bul.!.. V. n2 26 p.21
- 62
ailleurs,
elle a
rejeté
la demande de constitu~ion d'un
comité unique pour deux sociétés différente~ dont certains
produits sont concurrénts au motif
qu~il y aurait un "inco-
vénient à ce que
les élus des
salariés de
l'une à un comité
d'entreprise commun puissent y obtenir des
informations
sur la situation de l'autre ou même désigner ses
repré-
sentants
au conseil de surveillance
(1).
Ici,
i l apparait
clairement que c'est
la nécessité de protéger l'entreprise
contre le risque que constituerait
la communication
d'information à des salariés,
d'une entreprise concurrente
qU1 justifie la solution retenue.
Mais
la chambre criminelle semble avoir adoptée
une position plus dogmatique
:
tout
en ad~ettant que la
création de.plusieurs
sociétés était "juridiquement
régulière et économiquement: justifiée",.elle a··:..._""" exigélaçréation
d'un seul comité au motif que de telles
justifications
ne peuvent mettre obstacle à la constitution d'un comité
unique,
si en fait
la fraude à la loi avait été
le motif
déterminant de
la multiplication des
sociétés"
(2).
La
solution semble cependant pouvoir être justifiée par une
volonté de
la juridition pénale de poursuivre toute ten-
tative de fraude
en la matière,
ce qui est un moyen
d'assurer
le respect
des dispositions
relatives à
la
représentation du personnel.
Cette solution malgr~ son
dogmatisme ne parait pas
être en contradiction avec
l'intérêt de
l'entreprise.
Il n'est pas certain que
la
chambre criminelle eût adoptée la même attitude,
si
l'élection d'un comité unique pouvait mettre l'entreprise
en danger.
118 -
Avant
la loi du 28 octobre 1982,
la juris-
prudence avait donc une conception très
utilitaire de
la
notion d'unité économique et sociale.
Son principal souci
était de mettre chaque type de représentation du personnel
dans
les meilleures conditions
pour accomplir sa mission,
tout en préservant
l'intérêt de
l'entreprise.
-
62' -
119 -
La loi de
1982 a consacré cette notion sans la
définir.
Le nouvel art.
L. -43P'·ldu c.-du trav.
se contente
de prescrire que "lorsqu'une unité économique et sociale
regroupant au moins cinquante salariés est reconnue par
convention ou décision
de justice entre plusieurs entre-
prises
juridiquement distinctes
la mise en place d'un
comité d'entreprise commun est obligatoire".
Pour M.
COHEN
(3),
l'utilisation
du
. . .
(1)
Soc.
18 juil.
1978 bull.
V.
NU
593
;
23
juil.
1980,
D.
1981,
I.R.
122 5 mars
1981
bull.
V.
N°
193.
(2)
Crim.
23 nov.
1970,
J.C.P.
1972 IL
10443.
(3)
M.
COHEN,
op.
c i t . ,
loc.
cit.
63
terme "entreprise" plutôt qu~ celùLde société ou de groupement permet-
trait d'étendre le concept d'unité économique et sociale au cas de plu-
ralité d'entreprises. Mais nous ne voyons pas comment plusieurs entre-
prises pourraient constituer une unité economique et sociale étant don-
né que l'existence d'une entreprise suppose l'existence d'une unité
économique et sociale, la seconde n'étant qUê le fait revélateur de la
première(1). En réalité l'utilisation du terme "entr~prise":dans ce
texte relève d'une confusion entre l'entreprise et les techniques juri-
ques permettant de l'organiser et de la faire fonctionner. Elle a ce-
pendant l'avantage de viser toutes les apparences d'entreprises •
..
Ainsi, une entreprise unique artificiellement découpée en pluseurs en-
treprises individuelles distinctes pourra @tre r'unifi~e pour la créa-
tion des institutions représentatives du personnel.
120
- Le second type de fraude consiste à regrouper artificielle-
ment des établissements distincts
pour réduire le nombre des représen-
tants du personnel. Pour lutter contre cette fraude la jurisprudence a
adopté une d~finition fonctionnelle de la notion d'établissement dis~
tinct. Elle~stime qut'il s'agit d'une notion relative dont les critères
d
'
varient suivant l'institution dont elle-a/dét'erminer le cadre(2).
Pour la désigation des- délégués du personnel, elle considère qu'
il faut s'attacher à la finalité de l'institution et rechercher la _
structure permettant aux délégués d'@tre aussi prôches
que possible:
de leurs mandants et de remplir efficacement leur mission(3). Elle dé-
finit alors l'établissement distinct comme "la réunion de plusieurs
personnes travaillant ensemble, d'une manière permanente,sous la direc-
tion d'un même employeur, dans un cadre rendant les rapport plus aisés
--'---"---".'
-
entre les délégués et les salariés, ainsi qu'entre ces mêmes délégués
et les représentants de. l'employeur"(4)
(1) Soc.1b fév.1977 bull.civ.IV. n 2 92
(2) ~oc. 22 juil. 1982 prée.; 15 fév. 1979 cité in Lamy social 198~ n~
n W1309i 8 juil.19~1
bull.civ.V. n 2509; 24 juin 1982 bull.civ.V.)11
(3) M. DESPAXOP.cit.
l4) Civ. 28 juil. 1~68, D.0.1969. 49
64
Lorsqu'il s'agit de la création d'une délégation syndicale, l'éta-
blissement distinct devient "tQ~t cadre gui permet aux délégués, syndi-
caux de remplir la totalité de leur mission vis à vis de la direction
en évitant de trop longs déplacements"(1).
De son coté, l'administration utilise les critères d'autonomie
rinancière et comptabl~ de gestion et de direction individualisée
pour définir l'établissement distinct servant de cadre au comité·':d 'éta-
blissement.
121 ~Ce qui est frappant, c'est le pragmatisme des solutions jurispru-
dentielles. Les juges refusent de s'enfermer dans des schémas préétaèlis6
et cherchent surtout à assurer une meilleure représentation du person-
nel. Ils~'opèrent des ·regroupement ~pour éviter la non rep!ésentation des
petites'unités(2) alors que dans des situations semblables ils recon~
na~ssent l'existehce d'établ~ssements distincts~lorsque ceux-ci remplis-
sent tou~ les conditions de création d'institutions représentatives du
personnel(). En outre les considérations tenant au nombre des reprée
sentants'du personnel' ne sont pas étrangères à la conception qu'ils
ont de la qualité de cette représentation. Ainsi la cour de cassation
a censurJ
une décision au motif que les juges d~.1ond n'ont pas re-
cherché '''si l'organisation des élections dans le cadre d'UJ;1e entrepri-
se unique ne rendait pas plus difficile l'exécution de la mission-des
délégués du personnel, soit en réduisant leur nombre, soit en les éloi-
gnant de leurs mandants"(4).
î2.2 - Cette
dernière liécision admet implicitement que, tout com-
me l'assouplissement des conditions de création, l'existence d'un
deuxième niveau de représentation au sein de l'entreprise entraine un
accroissement du nombre des représentants·du~perBonnelcréanciers
d'information. Mais cette augmentation numérigue des représentants
du personnel doit être strictement limitée aux cas où elle est néces-
saire à une me~illeure exécution de la mission de représentation. En
effet, une représentation c!~ personnel pléthorique risque de"consti-
tuer pour· l'entreprise une charge disproportionnée par rapport à.l'
avantage qu'elle pourra~t en retirer et justifierait la réticence de
c~:>ins Ch;fS d'entreprise à son égard.
(1) Soc. 15 janv. 1970, J.C.P.1970, II, 16315 note LYON CAEN
(2) Soc. 10 juil. 1979. bull.civ.V. 468
()
Soc. 24 juil. 1979, bull.civ. V • n2484
(4) Soc. 8 juil • . 1981 préc.
65,
11/ ~:~~~~~~~~~~~ ~~~~~!~~~!!~ ~~; ~;~2~~;
du comité d'entreprise
== ====== ======: ====
12) --Le droit d'information individuel_
des membres du comité
d'entreprise leur a été reoonnu-dès.la,'loi du 16 mai 194&. Celle de
1982 l'a maintenu mais a rendu son domaine incertain. Le nouvel art.
432 al.4 du c. du trav. énonce que les membres du comité d'entreprise
ont droit aux mêmes communications et copies "que les ,actionnaire".
Le caractère restrictif de cette expression semble avoir échap-
pé à la plupart des commentateurs. Cependant M. COHEN pense qu~ ce texte
ne s'applique qu'aux sociétés par action à l'exclusion de toutes les
autres formes de société puisqu'il suppose l'existence d'actionnaires~1).
L'argument nous semble avoir quelque pertinence. En effet, lorsque,
dans les alinéas précédents, le législateur a voulu viser toute les for-
mes de société, il a utilisé la formule plus générique d'''associés ou
actionnaires". La confuâion de vocabulaire est donc peu probable. Il s'
ensuit qu'on peut légitimement pènser qu'en utilisant le terme "action-
naire", les rédacteurs de la loi de 1982 n'ont eu en vue que les membres
de comités d'entr~pris~-de sociétés par action.
,,124_ Pour ,uneloiqui avait pour ,ambition "de developper, de préciser
et de rendre accessible l'information du comité d'entreprise"(2), cette
restriction est fort regrettable. Elle s'explique d'autant plus diffici-
- lement que dans le réalisme qui le caractérise le droit du travail s'
attache davantage aux aspects économi~ues de l'entreprise qu'à sa forme
juridique et que toute la législation récente en matière d'information
semble aller dans ce sens. Elle est également à contre courant de la
doctrine qui admet depuis longtemps l'extension de cette prérogative
aux membres suppléant
du comité d'entreprise et aux représentants syndi-
caux(3). Aussi ne nous parait-il pas inconcevable de reconnaitre, malgré
les termes de la loi, un droit individuel d'information aux membres de~
comités d'entreprise des autres formes de société. En erfet, si nous
avons pu affirmer que le législateur n'a eu en vue que les sociétés par
action, il nous semble beaucoup moins évident qu'il ait voulu délibéré-
(1) 1.7. COHEI~ op. cit. p. 4'(8
(2) J. AUROUX, Rapport sur les droit nouveaux des tavailleurs. btill.joly
,1981. 893
()
N. CATALA, L'entreprise. L.U.D.J. 1980 p.tl26; M. GOREN, op;Cit. p.4'(9
Lamy SJcial, 1985 n 2 410; B. TEY:::iIE, Rep •Dai. social. V. n2107
-
66
-
ment priver les représentants du personnel des autres formes de société
dù droit à l'information individuelle. Il s'agit probablement, comme l'
a dit un auteur, d'un "oubli"'1).
Par ail~eurs, en cas de carence du comité d'entreprise, les fonc-
tions de celui-ci sont exercées collectivement par les délégués du per-
sonnel(2). Dans cette hypothèse, il est admis que les délégués du per~
sonnel doivent également bénéficier individuellement des mêmes informa-
tions que les associés(3)~'
125
- Mais les membres du comité d'entreprise bénéficient-ils des
même modalités que les associés,dans l'exercice de leur droit de communi-
cation? Une:patt'ied~ la doctrine répond par l'affirmative. Les uns
.-
estiment peu douteux que "l'esprit de la legislation soit de conférer
aux membres du comité d'entreprise un droit d'information identique dans
son contenu comme 'dans ses modalités&.calui" des actionnaires"(4). Les
autres ne voient "aucune raison suffisanteh(~) pour priver les membres
du comité d'entreprise des môdalités dont bénéficient les actionnàires
12~-Notre opinion sera plus nuancée. Le droit de prendre copie des do-
cuments ne peut pas faire de doute puisqu'il est expressé~ent prévu par
l'art.432-4. L'envoi des documents à domicile peut être trèa'âtile sur~
tout lorsque le lieu de travail de certains membres du comité ne coin~
cide ni avec le siège social ni avec la direction administative. Aucune
raison pertinente ~e s'oppose à ce qu'elle soit admise.
127 -Plus délicate est la question relative au droit de recourir à un
mandataire. Ce droit est reconnu aux actionnaires dans les conditions
décrites plus haut(6). Cela suffit-il pour l'étendre aux membres du co~
mité d'entreprise?
126 .,. Sans crain,dre
le\\\\danger"de voir les syndicats profiter de cette pos-
sibilité qui avait coaduit certains auteurs à émettre une opinion sembla-
(1) R. VATINET, Les attrbutions économiques du comité d'entreprise. Si-
rey 1983 p.68
(2) Art •. L.43f-3c. du.trav.:
(3) B. TEYSIE~ Lamy Social 1980 n 2 1302
(4) R. CONTIN, op.cit. n2435 p.301
(5) D. VEAU, op. cit.
(6) cf. Supra. n~ 95 c..\\.:i.
67
ble à la notre('), nous répondrons par la négative. Notre position -
découle d'une raison essentielle tenant à l'essence même des prérogati-
ves des membres du comité d'entreprise. Les actionnaires disposent d'un
.
.
droit personnel à la communication des documents. La possibilité qui
leur est reconnu de recourir à un mandataire n'est qu'une application,
d'ailleurs restrictive, des princ~pes généraux du droit civil(2). A l'
inverse, le membre du comité d'entreprise est un élu. Il est le repr~
sentant de la collectivité des travailleurs. Les prérogatives qui lui
sont reconnues sont attachées à cette fonction de représentation.
Celle-ci
lui a été confiée en considération de sa personne,
à l'issue
d'élections. Sa situation peut ~tre comparée à celle de n'importe quel
élu de la société politiquee)). Or on imagine mal un député ou un con-
seiller municipal prétendre exercer ses prérogatives par mandataire.
De la part du membre du comité d'entreprise, cette prétention serait,
du reste, incompatible avec l'obligation de discrétion qui pèseisur lui.
'29
Enfin, admettrait-on une identité parfaite entre le droit de
communication des membres du comité d'entreprise et celui des actionnai-
~ree qu'elle serait bien dif'ficile li mettre en oeuvre. Ainsi que l'a fort
jUdicieusement souligner un auteur, les membres du comité d'entreprise
n'assistant pas à l'assemblée gén~rale, il ne peuvent avoir de mandatai-
res pour les y-représenter(4J Ils ne pourraient donc pas exercer le droit
de commmnication préalable à cette assemblée par manûataire puisque ce-
lui-ci devrait être la, personne qu'ils ont nommément désigné pour les y
représenter.
Il faut noter que cette question semble plus th60rique que prati-
que puisqu'au cours de nos recherches nous n'avons pas pu trouver une
seule décision s'y rapportant. Cela s'explique sans doute
par la rare-
té des. ·recours au droit d' inf'ormation individue:h.. En .. vérité , cette
rareté n'est pas surprenante si l'on se refère à l'importance de la mas-
se d'information que les membres du comité d'entreprise sont sens~rece
voir collectivement et au fait que leur intérêt pour les questions'éco-
nomiques estrelativemënt 'récente
Bien entendu, l'ensemble des salariés n'a pas autant de prérogatives.
(1) D. BASTIAN, Le comité d'entreprise dans les S.A.,J.soc.1948. 309
(2) cf. supra.
nll
95 et 8.
(3) La loi de 1982 ne visait-~ll,pas à faire du salarié un citoyen dans
l'entreprise? cf. rapport AUROUX prée.
(4) M COHEN op.cit. p.484
_ 68
BI ~:~~~~~~~~~=~~=~~~~~~~~=~~=~~~~~~~~~~~~
à l'ensemble des salariés
~===========:===========
1)0 __ Fris individuellement, ,le salarié est le parent- pauvre de
l'entreprise en matière d'information.
L'information que le chef d'entreprise est
personnellement tenu
de porter à sa connaissance est très limitée. Il s'agit pour l'essen~
tiel d'informations relatives aux conditions de travail
ou à son statut au sein de l'entreprise. Celles qui sont rèlatives aux
institutions représentatives du personnel sont généralement garanties
par le délit d'entrave. Tel est le cas de l'obligation de tenir un re-
gistre des délégués du personnel ou celle d'informer le personnel de
l'organisation des élections en vue de la désignation des représentants
du personnel. D'autres obligations font l'objet
de sanctions pénales
spécifiques. Il en est ainsi de l'affichage du lieu où peut être con-
suItée la convention collective ou
l'ordre des départs emoorigé( 1).
131
-- L'essentiel des obligations d' information' ,qui incombent au
chef d'entreprise vis à- vis de l'ensemb~e du personnel sont des obli-
gations d'abstention.
Les représentants du personnel doivent rendre compte à leurs
mandants.
Certains chefs d'entreprise ont tenté de s'opposer à cette
rédition de compte par divers moyens, notamment en abusant de leur
pouvoir disciplinaire. Aussi, la cour de cassation a~t-elle dû affir-
mer qu' "il entre dans la mission du comité d'entreprise de tenir les
salariés informés des problèmes concernant la vie de l'entreprise et
dont il a débattu"(2).
Cette reconnaissance d'un droit à l'information des salariés n'
est pas récente. Elle s'est. d'abord manifestée par l'affirmation du
droit de libre circulation des représentants du personnel au sein de
l'entreprise, sous la seule. réserve q-ue ceux-ci ne gènent pas l'accom;-
plissement du travail(3). En effet, la liberté de mouvement est un
attribut essentiel de
la fonction des représentants du' personnel.
- - - - - - - - - -- ---- ----
Cl) Voir. O. GODARD, Droit pénal du travail., Masson 1980 spéc. p.1·ES
(2) Soc., 17 juin 1982,lJr.soc.198);408
(J) Crim·,9 nov. 1971, D.19'{2. 334 note VERDIER; Soc. 3juil. 196J,
Dr.soc.1964. 44 note SAVATIER
- 68' -
~lle leur permet
par un contact direct avec les salariés de les infor-
t
mer sur les démarches qu'ils ont entreprises auprès de la direction et
des suites qui leur aura été données. Aussi la jurisprudence considère-
t;elle que la liberté de mouvement des représentants du person.îel est
d'ordre public et ne saurait être supprimée ou restreinte par décision
unilatérale du cher d'entreprise ni mëme par conv~ntion collective(1) •.
Les déplacements ont lieu pendant les heures de délégation ou en
dehors des heures habituelles de service. Ils ne sont soumis à
aucune
autorisation préalable. Le repr~sentant du personnel doit seulement
prévenir son chef de service afin qu'il puisse être pourvu à son rem-
placement pendant son absence(2). Mais il ne commet aucune raute en
partant s'il se trouve dans l'impossibilité de le faire'J).
132 -- Poursuivant son oeuvre en faveur de l'information des sala~
riés
la jurisprudence a reconnu aux représentants du personnel le
t
droit de tenir des réunions d'atelier(4). L'employeur qui empêcherait
une telle réunion ou infligerait une sanction disciplinaire au repré-
sentant du personnel qui l'a organiséese rendrait coupable du délit
d'entrave(5J
•
1))
Plus incid.eûsement
le chef d'entreprise peut essayer Œe
t
priver les représentants dU personnel de tout contact avec les salariés
en les isolant. C'est pourquoi la jurisprudence considè~e que la muta-
tion d1un représentant du personnel est const1tuti!' du délit a'entrave si
elle n'est pas justifiée'b)
134 - C'est pour des raisons identiques qu'elle reconnait largement
le droit d'affichage. Chaque représentation du personnel doit disposer
d'un emplacement spécial où elle peut afficher les informations qu'elle
désire porter à la connaissance des salariés. Il~a été jugé que le chef
(1) Crim~ 8 mai 1968,Bull.crim. n2212 p.502
(2) Crim,22 fév.1962,D.1962. 253 note ROVASTj J.C.P.196J.rr.12633.note
BLAISE;
Crim, 7 mai 1975,J.C.P. 1975. II 18326 note NGUYEN THANH NHA
Soc., Jjuil. 196J/préc.
Ce droit n'est pas reconnu aux délégués syndicaux. Voir crim. 9 ft
nov. 1971 / préc.
(6) Crim}5 mars 1980, bull.crim. n2242
_ 69
d'entreprise ne peut exercer aucun contrôle sur l'affichage et doit
saisir le juge des référés pour faire enlever les affiches irréguliè-
res ou calomnieuses(1~. A l'inverse. si les informatiJns affichées
par un délégué du person.lel sont étrangères aux revendications profes-
sionnelLes et contient des insinuations malveillantes ou calomnieuses
à l'égard du chef d'entreprise. les sancti:ms disciplinaires sont jus-
tifiée(2).
De même. aux termes de l'art.434-4 a1.2du c. du trav. les
procès verbaux dt réunion du comité d'entreprise sont diffusés sous
la responsabilité de son secrétaire suivant les modalités fixées par
son règlément intérieur. Le chef d'entreprise n'a donc aucun droit
d'intervention.autre qu'en sa qualité de membre"dù comité. sur les_
décisions de
diffusion du contenu des délibérations(3)
135
Uais le droit de COmLUlication des membres du comité avec
les salariés n'est pas sans limite. Ils sont tEnus au. secret profes-
sionèl-en ce qui concerne les secrets de fabrication(4). Ils commet~
tent donc le délit 'pr~v~ à l'art.378 du c. pén. s'ils diffusent de
telles informations auprès des autres salariés. En réalit€
cette in~
fraction ne constitue pas un obstacle à l'information des autres sala-
riés.
Ceux-ci s'intÉressent moins aux choix techn~logiques eux même
qu'à leurs incidences éconmiques et sociales. Cela explique sans dou-
te l'absence de jurisprudence sur cette question.--
136 - Moins théorique à priori. l'art. 432-7 al.2 impose aux membres
du comité une obligation de discrétion à l'égard des informations
"représentant un caractère confidentiel et données comme telles par le
chef d'entreprise ou son représentant". Il faut donc. pour que cette
obligation existe.
que d'une pa~t. l'information présente un caractè-
re confidentiel. et que d'autre part, le chef d'entreprise ait averti
les représentants du personnel de cette particularité". Notons que la
loi du 1 mars 1984 a reputé confidentielles les information prévision-
nelles qu'elle a créée(5).
Cette obligation ne se~jle pas avoir mérité les craint~s qu'
elle a suscitée chez les syndicats d'ouvriers et les parties de l'oppo-
sition,· au mom~nt de sa créatiJn. Elle n'a p~s donnÉ lieu aux abus
que l'on pouvait craindre. I l semble même qu'elle soit très peu utili-
- -- --- ----- ----------
(1) Grim./8mai 1968 préc.; 9fév. 1979. bull.crim. ni201
(2) Cri~27 janv.1ge1, bull. crim. ni18
(J) .M. COHEN, op. ci t.
(~} A~t. 432-7 al.1 c. du trav.
(5) cf. infra. n~ ~~)
_
la
_
-
sée par les chefs d'entreprise(1). Quoi qu'il en soit le chef d'entre-
prise pourrait être poursuivi pùur dilit d'entrave au fonctiJnnement
r~fulier du comit~ d'entreprise s'il
abusait de son droit de clas-
ser certaines information~"confidentitl". Cet abus pourrait résulter
de demandes systématiques et injustifi~es dt disctétion.
137 -Par contre
le repr~sentant du personnel qui viole son obliga-
,
"
,
tian de discrition n'encourt aucune sanction pénale(2). Il peut être
civilement conda~né à reparer le préjudice
r~sultant de son india-
cr~tion. Mais celui-ci sera s~uvent difficile à évaluer et d'un mon-
tant dépassant largement les capacités:financières de son auteur.
~ais l'employeur pourra appliquer à celui-ci des sanctions discipli~
naires.dans le respect des procédures létales. On peut rattacher à
l'obligation de discrt':tLm l'arrêt par lequel
la chambre socïale avait
admis la rÉsiliation judiciaire pour faute grave du contrat de tra-
vail d'un membre du comité d'entreprise qui "a e:xrédé ses attributions"
en publiant dans la presse des informations de "nature à ruiner défi-
nitivement le crédit déjà'affaipli de la société
ainsi que la confi-
ance que pouvaient encore lui accorder clients et fournisseurs et à
rendre impossible pour l'administrateur la poursuite de l'exploitation.
(3). De fait, c'est l'intérêt de l'entreprise qui justifie l'obliga-
tion de discrétion.
A notre sens, seules les informations pouvant
porter atteinte au credit de l'entreprise d'une façoE grav~ ou suscep-
tibles d'être exploitées par des concurrents à son détriment peuvent
être déclarées confidentielles. Les informatiJns co~~uniquées au comi-
t~ répondent rarement à ces'.critères; d'où l'inexis~ence de la juris-
prudence en la matière.
136 - Ainsi, par le biais de l'oblitation à la4uelle le chef d'
entreprise est tenu de s'apstenir de toute entrave à l'information des
salariés par leurs représentants, l'ensemble du person!iel peut bénéfi-
cier
d'une information sur tous les aspects de l'entreprise dans la-
quelle
il travaille. Mais la qualitÉ de cette information reste tri-
butaire de celle de ses représentants dont le nombre n'a cesEé de croi-
tre
à l'image de celui des associés réellement bénéficiaires de l'
1
information
(1) N. CATALA, op.cit.~nIl70J p.805; M. CO:iEN, op.cit.,p.508
(2) ~our le rejet d'un'amendement du senat instituant' une sanction pénale
V0 i r
J. 0 d ~ b • A • j: • 5 j u i 1. 1982 p.':; 5é 2 .
(]) Soc. 11 oct. 1972, D. 1973, 344, n0te 'G., VINEY
La rési:iation judiciairè du contrat de travail des représentants
du personnel n'est plus
admise par
la juri~prude~ce, depuis
les arrêt[' Perrier 21 :iuin 1974.:
Hais l'arrêt cité dans le
teyte garde son intérêt comme exemple'Q'atteinte a l'obli at'
,
,
.
, g
J.on
de dlscretion.
_ 71
SECTION II:
EXTENSION DU BENEFICE DE L'INF031~TION
A L'EXTERIEUR DE L'ENTRPRISE
1)S --Les membrejde l'entreprise ne sont pas~es seu~ personnes
intéress~e~ par son fonctionnement.
De nomreusesautres personnes
_
ont .leur sort plus ou moins lié au. sien. Ce sont ceux qui sont en re-
lation d'affaire avec elle(banquiers, clients, fournisseurs, sous-
traitants, etc •.• ) et qui
ont besoin de rensei[nements sur sa situa-
tbn pour prendre diverses décisions. C'est aussi llépa.rgnan~ qui veut
lui apporter les capitaux dont elle ~ besoin pour se développer ou _
qui l'a déjà fait et en attend des profits. C'est enc6re~la'collectivi
té(nati~nale ou locale) dont sa disparition pourrait bouleverser la
situation économique et sociale, l'administration fiscale qui veut as-
soir l'impôt, celle du travail qui doit se prononce~ sur un licencie-
ment collectif ou le magistrat qui doit décider de ~a capacité à
poursuivre son activité et ••• nous en oublions.
14.0- - A toutes ces personnes, 'l'information sur la vie de l' entrepri-
se est indispensable pour décider(1). ~ais, fidèle aux limites que
nous nous sommes fixÉes au début de cette itude, nous écarterons de
notre
analyse l'information de l'administration fiscale qui n'a au-
cune incidence directe;sur le fonctionnement de l'entreprise. Par
ailleurs, nous n'insisterons pas ~ur le droit d'information
de l'ad-
ministration du travail, ni sur celùi des magistrats qui posent peu
d~ problèmes sp€cifiques
à l'entreprise. SiEnalons seulement que la
créance d'information de l'adffiinistration du travail est earantie par
de n0mbreuses ~iJons pénales dont celles du dÉlit d'entrave aux
institutio~représentativesdu personnel, lorsque celles-ci sont en
cause(2).
i41-L' extension du b{n~fice de l'information à l'extérieur de l'en-
treprise résulte d'abord de celle de la publicité (~I) puis du deve-
loppement des orfanes techniques de l'information(~II) et enfin dQ
la prise en compte du phénomène de concentration des entreprises(§III).
(1) J. PAILLUS~E~U} Poly. pric. n264 p.L~
j
(2) O. GODARD, op. cit. n 9 328 p. 256
J
72
§I:
L'EXTENSION DE L'INFO~~TION PAR
LA PUBLICITE
142
- Comme les membres de l'entreprise, les tiers peuvent être
obligés
à rechercher l'information par eux mêmeo-Ainsi,ils peuvent
prendre connaisance des informations déposées au registre du commerce
et des sociétés(A). Mais ils peuvent aussi s'informer sans avoir à se
dé~lacer en bénéficiant de la publicité faite sur des documents qu'ils
reçoivent chez eux(B)
143
- Le registre du commerce et des sociétés est une création de-
la loi du 18 mars 1919. Conçu-_comme un simple instrument de statisti-
que économique( 1), il est vi te devenu un instrument de publicité( 2)- ,
même si pendant longtemps, il n'a pas eu plus d'intérêt qu'un l'bottin"
(3). Un D-L de 1935 ayant modifié l'art.52 du code de commerce a obli-
gé les commerçants à inclure dans leur
demande d'immatriculation
"tous les éléments de la situation juridique et de l'activité commer-
ciale de l'assujetti dont les tiers ont besoin pour traiter avec lui
en pleine sécurité et dont la publicité est utile à l'intérêt général".
144
-Le .developpement de cet instrument de publicité s'est d'a-
bord traduit par .l'extension de son domaine(4). Aux co~~erçants,
seuls
visés par les textes primitifs, se sont ajoutés d'autres personnes ou
des gr-Jupements. Ainsi; les sociétés en nom collectif ,et lel? groupements
d'intérêt économique~ sont assujettis à l'immatriculation au registre
du commerce et des sociétés quelle que soit la nature de leurs activités.
(1) OPPETIT & SAYAG, op.cit. n~ 84
(2) RIPErtT & ROBLOT, Traité élémentaire de droit commercial. L.G.D.J.
1912, t.I nR 212; A. JAUFFRET, rtegistre du commerce. J. Cl. com.
fasc.105, 3. 1982. n~79; J. ~OUSSEL, Les délits concernant. la pu-
blicité, in étude HAMEL,p.132; R.DE LA HAYE, Le registre de commer~
ce. Organe pos~ible de publicité Légale en rr.atière com. R.T.D. C. 1 955.
(3)
A. JAUFFRET, Les reformes récentes du R.C; R.T.D.Com.196g.395
~~;~
(4)
Ibid.
73
Il En est de m~me pour les 6oci~tis civile~~èt les entreprises publi-
ques à caractère industriel et commercial,(1).
La plupart des acteur~
du secteur économique se trouvent donc soumis a l'obligation d'i~~atri
culation au registre d~ commerce et des sociétés. ,
En outre, la création de centres de formalitdde l'entreprise qui
permettent aux chefs d'entreprise de faire, en un lieu unique et au
moyen d'un document unique, toutes les diclarations administratives
auxquelles ils sont tenus lors de la =r~ationde l'entreprise ou d'une
modification dans la situation de celle-çi facilitera certainement ceE
formalités' 2)
145
- Par ailleurs, l'accès. aux informations -de plus en plus
nombreuses(3)- du r~gistre de CJm~erce et des sociétés s'est améliJr~e.
Toute personne a la possibilitÉ de
se faire délivrer, par une simple
den.ande, des copies ou des extraits du registre du commerce et des
soci~tés ou des documents qui y sont annexés. Non seulement cette com-
munication est obligatoire, mais en plus elle peut s'étendre à un en-
semble de dossiers ou à l'état futur des dossiers. Ainsi, les parte-
naires commerciaux de l'entreprise peuvent, par une seule dernande,obte-
nir des informations périodiques sur sa situation financière et juridi-
q~e~Le6 concurrents- aussi pourront, grâce à cette source dt informations
faire un meilleur diagnostic de leur propre situation en faisant des
c~mparaisons entre entreprises du même secteur d'activité(4)
Les usagers du R.C.S. seront tenus au courant de l'oxécution des
formalités de dépôt grâce
au B.O.A.D.C.
Il est prévu de créer une
banque de diffusion télématique des informations publiées dans ce bul-
letin afin de faciliter davantage l'Gccès aux informations du R.C.S;(S)
Enfin, il faut noter que les tiers détiendront la clef de ces informa-
tions grâce à l'obligation pénalement sanctionnée de mentionner le nu-
méro d'immatriculation sur tous les documents cO~T.erciaux.
146 - Dès l'origine, le défaut d'immatriculation ~ fait
l'objet d'une incrimination. Ce~te incrimination Peut paraître
inutile vue l'efficacité des sanctions commerciales qui frappent
le défaut d'immatriculation: inopposabilité de la ·qualité de
commerçant aux tiers, et impossibili té de se prévaloir d·u dé-
faut d'immatriculation pour échapper aux obligations des com-
--- --- --- --------
Art.' D~ 84-40b du 30 m~i1984
•
D. 81 -257 du 18 mars 1981
et(4) cf. infra. 1\\!.l4~ eH.
Ar. du 17 Iliai 1984
74
merçants (T). Mais le registre du Commerce et des Sociétés est
aussi un instrument de statistique économique. Cette dernière
fonction pourrait j'1stifier le recours ;. la ~anction pénale, dar.s
la mesure où la sanction purement commerciale ne se révèle pas
suffisarrment dissuaSive. C'est .ans doute ce qui e%plique~que-le
seul fait de ne pas procé~er à l'immatriculation ou à une inscrip-
tion modificative ne ùonne pas lieu àc'app~ication de la sanction
pénale. Le contrevenant doit d'abord faire l'objet d'une injonc-
tion de la part du juge commis pour la surveill~nCe du registre
du Commerce et des Sociétés l'invitant à accomplir la formalité
omise. Ce n'est que lorscu'il refuse de déferrer à cette injonc-
tion qu'il encourt la sanction pénale. Dans ces conditions, l'in-
crimination semble sanctionner plus la désobéissance à l'injonction
de l'autorité judiciaire que le défaut d'immatriculation ou
d'inscription modificative. Quoi qu'il en soit, cette souplesse
dans l'intervention du droit pénal ne semble pas étrangère à la
rareté d'application
de l'incrimination t2).
't1~7-- Hais, le défaut d'imrnatricuhtio!l. peut être indirecteme:ltreprimé
_~ grâce aux dispositions relalives au travail clandestin. Aux termes
de l'art. 1 • .314-10 du c. cl~ trav., est reputé tra'.rail clandestin, "l'
exercice à titre lucratif ci'une activité ••• assujettissant à l'immatri-
culation au registre du ~ommerce accomplie par une personne physique
ou môrale n'ayant pas acquis son immatriculation au registre du com-
merce et n'ayant pas satisfait aux obligations fiscales et sociales
inhérentes à la dite activitÉ". Il faut donc qu'en plus du défaut d'
immatriculation, l'assujet~i n'ait pas satisfait à ses obligations
fiscales et sociales. !,:ais ces conditions ne. sauràient-su~prend.re s'
agisEant d'un texte dont la finalité est d'assurer le contrôle admi-
nistratif du travail. Si le chef d'entreprise s'acquitte de ses obli-
gations sociales ou fiscales, l'administration du travail aura nÉces-
sairement connaissance de l'existence de l'entreprise.
148-- D'autres ~ncri~inations vise~t particuli~rem9nt les diriZ98nts
de sociétés c0~~er~iales. Nous ne feront que les signaler ici en nous
.
.
r~servant de les Étudier plus en profondeur dans ie ,chapitre rÉservé
a l ' accroissement du vo .i.ume d-e l'informa tio!)(3).· Lorsque les do;::uments
(T)
GBANE B. la preùve des actes de commerce, mémoire DEA Droit privé,
RENNES 1. 1983.
(t,)
J .M.AUSSE1,
op. cit. in étude. Ai.EL 1955. p. 1.32 et s.
(3) cf. infra. 1'\\ ~ d"3 .:.~ S .
75
comptables approuvEs par les aS50~iÉs font apparaître de~pertes ren-
dant les capitaux propre5~nférieurs à la moitié du capital social, les
dirigeants do:vent dÉp~ser a~ greffe du triounal de commerce la déci-
sion prise par l' asse.;,blÉe g~nÉrale extraordinaire appelÉe à SE pron()n-
cer sur la p~ur~uite de l'activité sociale. En cas d'omission, ils
encourent les peines prévue5 par les art.428 et 459 de la l~i sur les
socii.tés com[i,e~ciales. Les dirigeants de sociétE.s anony:r,es rÏ5qt:-ent
de
fortes peine~ d'amende s'ils
émettent des actions ou àes coupureE d'
ac 1, ions ayant. l' imlnatriculation de la société ou l'inscription m:>aifi-
cative àu capital s~cial(j). Ils subiront des t,ei~es cJntr~ve~tionnel
les s'ils omettent d'exécuter' l'obifatian d€
dtposer certai~s documents
a~ freffe du tr~bunal pour qu'iis soient annex~E ~u r~gistre du com-
merce et des sociétés(l).
B/ L'information reçue Ear les tiers.
=======:======.==_==~_z====:=======
149--
Sans avoir à se déplacer jusqu'au tribunal, les tiers peu-
vent s'inforaer sur la situation et les activités de l'entreprise
par plusieurs moyens. Ils peuvent trouver des renseiEnements sur les
documents commerciaux qu'ils recoivent de leurs clients ou fOtrnisseurs.
Ils peuvent lire les prospectus diffusÉs par les entr~rises auxquel-
les ilS s'intÉressent •
.1 50--
!·~is ,la technique l~ plus utilisée est ,la publicité ps.r la pres-
se écrite. Pendants longten:ps, elle n'a tenu en droit fran;;ais qu'un
role secondaire'~). La premiàre infraction en ce do~aine est pourtant
ancienne puisqu'elle date de la loi de finance pour 1907. ille avait
pour but de proti€er
les éparg:'lants contre leE- "lanceurs d' af:~aires
101ches~(3). Elle repri~ait le fait d'imettre, d'exposer, de mettre
en vente ou d'introduire s\\..ôr le marchÉ des ti tr,-: s sans la ,:ublication
pri.alable d'unt: notice contena~lt des i!id.i(:atiéms relatives aux caractl-
ristiques de la société
ou le fait Je ne pas reproduire :es énoncia-
tions de cette notice et ses riférences au B.A.~.J. dans les documents
de publicité relatifs 3
l'émission. Cette infraction a fait l'objet
d'u~e i~terprEtation très extensive en dJctrine et quelques fois en
(J) Art. 4:;~ et 44S1
L.24/7 .. /
6~)
(l)
Ar:. ~9J J. ~J / J /1S167
(,)
Cl. HEr:r'1L<',:>p. ci t. J p .64
(J)
Ibid. n, '1 15
.-
76
jurisprudence(t). ~epuis le décret du 1~mar5 1985. elle est devenue
une c~nt~venti~n. Le n~~veau texte ne vise plus que l'ér.is~ion. ~ais
cette nouvelle rtdaction ne nous se~ble pas porteuse de changeme~t
quant à la structure de l' infractio~. ~l_ convient__de n' y voir qu'une
c~ns€cration de la formule g~nérique ant€ri~urement utiliEÉ en doctri-
ne pour ~ési[ner l'infraction.
~
~ette infraction qui devait"empêcher les dirigeants sociaux
de
tromper le public non averti "(9.) présente l' inconvenient de ne le pro-
téger qu'au moment où la société fait un appel de fonds. Or, c'est en
permanence que les tiers ont besoin dtêtre informés sur la vie de l'
entreprise surtout lorsqutil~en détiennent des titres cotés en bourse
151 _ Lt ar t.299-1 du D. du 2) mars 19b7 pallie cette lacune. Il
punit le fait, pour les dirigeants de sociétés cotées ou dominéès par
des sociétés cotées, de ne pas proc~der aux publ~cations prévues aux
art.29? à 298. ~n réalité. cetteinfractïon trouve son origine. dans l'
ordo du 4 février 1959 reprise par le D. du 29 novembre 19b5, puis
par l'art. 484 de la loi sur les sociétés commerciales. E1IJ avait été
abroéée par la loi du l~mars 1984 en vue de sa contraventionnalisation.
Cependant, ~ur plusieurs points, le décret de 1985 a étendu le champ
de cette incrimination.
Les textes antérieurs ne visaient que les sociétés cotées
ou assimilées dont le total du bilan dépassait dix millions de francs.
~~lIe ~ve. .sDi t
Désormais, toutes les sociétés cotées sont concernées/leur importance.
Elle vise aussi toutes les sociétés, q~ene~ocsoit leur nature juridi-
que, dont le bilan dépasse vingt millions de francs et dont le capital
social est détenu pour plus de la moitié par une société cotée.
15~ --Ainsi, tous les épargnants et. d'une façon générale,. les
tiers peuvent suivre l'évolution des sociétés dans lesquels ils ont
des intérêts. Mais il est des tiers qui ne peuvent se contenter des
informations ainsi diffusées parce que leur rôle consiste , pour
partie, à garantir la crédibilité de ces informations. -Il s'agit des
institution de contrôle et d'assistance.
(1)
J.;,
":"U:"~11 JjJ.cit.. LAUN.t.IS et AC~ArlIJ...S o;'.cit. n~6e et.s.
C.)',:...TJ..r-;'flN &GAÙTRAT •. 'l.'raih de droit pEnal en matière de société •
. p. 4J8. Cria.• 15 juin lS64 bull.crim. n~219; T, c~r. u.arseille,
10 juin 1908 rev.soc.19ü9.241
(~) J. ~. AUbS~L op.cit.
77
§II: LE DEVELOPPEMENT DES INSTITUTIONS
D'ASSISTANCE ET DE CONTROLE
153 -
L'information n'est utile que dans la mesure où elle peut
. être crédible. Or, ~i les associés, ni les salariés, ni la plupart
des tiers n'ont la compétence nécessaire pour vérifier l'authenticité àes
informations qui leur sont communiquées. De plus, ces vérificati~ns
~upposent l'ac~ès à des documents que l'entreprise a intérêt à nE: pas
trop divulguer. Enfin, à,:supposer que tous les bénéficiaires de l'in-
formation en aient la compétence et que les documents qui en font l'
objet ne nécessitent aucun secret, la vérification personnelle serait
difficile à mettre en oeuvre.
Les destinataires de l'information n'
en auraient pas le temps - ni, souvent, la volonté-- et elle pourrait
constituer une grave entrave au bon fonctionnement de l'entreprise").
De plus, l'information sur l'entreprise est souvent très com-
plexe. Elle n'est pas toujours intélligible pour ses destinataires.
Le rôle des commissaires aux comptes, des experts et de la C.O.B. 13era
de les rendre à la fois accessibles et credibles. L'extension du béné-
fice de l'information en-ce qu~' les concerne réslll te de leur gér:.éraiisat~m
progressive et des moyens par lesquels ils accèdent à l'information.
d'assistance et de contrôle
=====~=====K===============
154
-- La généralisation des institutions d'assistance et de con-
trôle s'est faite par deux voies: l'extension de leur domaine(I) et
l'assouplissement des conditions de leurs désignations(II).
Il
L'extension du domaine
=========== == =======
des institutions d'assistance et de contrôle
=== ============ ============ == -- ========
155 --A leur création, aucune de ces institutions n'était obliga-
toire
dans toutes les entreprises. Aujourd'hui, grâce à l'émergence
(1) GUYON & COQUER~AU. Le commissariat aux comptes, aspects juridiques
et techniques. litec1971 n22 p.8; SOLUS, op.cit. n2~13 p.191;
R.CONTIN, op.cit. n2228
78
lQ
de/dimension
de l'entreprise comme critère d'application de la rè-
gle juridique(1),.les-domaines respectifs de ces institûtions se sont
developpés, mais dans des proportionsdiverses. En général, elles
couvrent maintenant l'ensemble des entreprises d'une certaine impor~
tance, quen.e5i-que soient leurs formes juridiques.
156
- Malgré un avis du conseil d'état selon lequel "il résul-
te des nouvelles dispositions insérées dans l'ordo du 22 février 1945
par la loi du 16 mai 1946 que dans l'ensemble de~ entreprises le comité
à'entrepris~ est, obligatoirement informé des bénéfices réalisés et de
l'activité de l'entreprise et a la faculté de se faire assister à'cet
effet d'un expert comptable remunéré par celle-ci"(2)J on considérait
en général que seuls les comités d'entreprise de sociétés anonymes
avaient droit à cette assistance()
et la cour de cassation a jugé èn
cesens(4).Cette anomalie dénoncée par le rapport SUDREAU(5) a été
supprimée par la loi de 1982. Désormais, tous les comités d'entrepri-
se, quen.~~soit la forme juridique de l'entreprise, peuvent se faire
assister par un expert comptable en vue de l'examen des comptes(5).
157 - L'institution du commissariat aux comptes était limitée
aux sociétés anonymes et aux S.A.R.L. dont le capital dépassait trois
cent milles francs. La possibilité de faire désigner un expert de ges-
tion n'était ouverte qu'aux actionnaires de sociétés anonymes. Dans
les sociétés en nom collectif et les petites S.A.R.L., les associés
pouvaient seulement demander la désignation d'un commissaire aux
comptes en justice.Mais les droits de ce commissaire aux comptes
étaient relativement limités puisque les gérants pouvaient bien se
garder de les convoquer à l'assemblée générale sans tomber sous le
"
(1) M. COHEN, op.cit. p.605
1
(2) C.E.;~_1J,AoÛL1946, cité par Circ. T.R.96/46 du 16 Sept.1946
Dr.soc.1946, fasc.XV. p.J4
(J) OPPETIT & SAYAG, op.cit.,-nIlJJ p.25; A. VIANDIER, La loi 82-915 du
du 28 oct.1982 et le droit des sociétés, J.C.P.1983 éd.CI 13993.
(4) Crim, 23 déc. 1948, S.1949. I. 138
(5) P. SUDR~AU, La ~Éforme de l'entreprise, éd. 10/18 p.91
(6)
M. COHEN, op.cit.toc.cit.; Y. GUYON, Lexpert comptable du C.E.
J.C.P.1985 éd. C.I. 1451). On notera avec intérêt que les délégués
personnel suppléant à la carence du comité bénéficient également
de cette faculté. Art. 422-3 c.du trav.
79
coup d'une sanction pénale'1).
158-- Dans la nouvelle conception de ces institutions, il était devenu
impossible de maintenir ces limitations. Le commissaire aux comptes
ne peu,t 'plus être considéré
comme "un organe qui trouve son aboutis-
sement et sa justification. q.ans l'information des actionnaires" comme
on a pu le dire auparavant(2). Il a désormais une mission plus vaste.
Il informe non seulement les associés, mais aussi les représentants
du personnel. Mieux, il tient une place primordiale dans les mécanis-
mes de prévention des difficultés de l'entreprise(J).
Sa désignation ne
peut donc plus être limitée sur la base de, critères tenant seulement
à l'importance des fonds avancés par les associés ou au rôle que ceux-
ci sont appelés à jouer dans la gestion sociale. C'est donc narurel-
lement que le législateur a"en 1984, étendu le commissariat aux comp-
tés à l'ensemble des sociétés et d'une façon générale à l'ensemble des
acteurs du secteur.- économique. Cependant, la désignation de commissai-
res aux compte n'est obligatoire pour les sociétés de personne, les
personnes môrales de droit privé non commerçantes ayant une activité
économique, les ftablissernent~ publics de l'état ayant une activité:
industrielle,'·et commerciale, les entreprises nationales et les groupe-
ments d'intérêt économique que si céux~ci,.atteignent une certaine
import~nce.
L'un des mérites de la loi du ~mars 1984 est d'avoir
substitué au critère du capital social des critères plus significatifs
du point de vue économique. Toutes ces entreprises devront désigner_
au moins un commissaire aux, comptes si elles satisfont à deux des ',,'
trois critères suivan~s: .un total de bilan d'au moins dix millions de
francs, un chîffre d'affaire hors taxe de ving millions de francs et
un nombre moyen de cinquante salariés(4). Pour les groupements d'inté-
rêt économique un seul critère est pris en compte, celui du nombre de
salariés qui doit être de cent au moins.
159":'-'
,. ~ule~!lésent.reprises individuelles n'ayant pas la forme
de société et les établissements 'publics des collectivités locales ne
----_._-
T. corr. Paris, 19 mars 197~bull. joly, 1913. §124 p.219
}';LEDOUAREC, Doc •. A .. N~n2 1368 'T) p.2 cité par R.CONTIN qui re-
grett~ cette c?nception restrict~ve./op.cit,n2 402, p.279
()
Art:2)O-1 'et:2 L.24 / 1 /' 196b - .
(4) Art. 6, 8, 22, J), D. 85-295,1mars 1985
80
sont' jamais soumis à l'obligation de désigner des commissaires aux
comptes. Pour les entreprises individuelles, il s'agit sans doute d'une
survivance des anciennes conceptions de l'entreprise et du commissa~
.
.
ria"""t aux comptes. Quant a la discrimination entre é:tablisseme~t·pù~
blic de l'état et établissement public de collectivités locales, nous
n'y voyons aucune explication logique, ni juridique, ni économique.
En ce qui concerne l'expertise de gestion, elle n'a été étendue
qu'aux S.A.R.L.(1).
160 - On notera avec intérêt que la loi de 1984 a également éten-
du le champ des incriminations tendant à assurer le bénéfice de l'in-
formation aux commissaires aux comptes. Tout refus
de communication
d'informations
ou toute entrave ~lX contrôles et vérifications de
commissaires aux comptes sera reprimé. Cette infraction a été égale-
ment ~tendu à l'expertise de gestion, d'abord par la loi de 1984 pour
les sociétés anonymes, ensui tes par la }..P.J. du 25 janv. 1985 pour les
sociétés à responsabilité limitée,,'ou en nom collectif(2). . : ;Onr , _.
comprend mal
pourquoi aucune inf~~çtiQn~~'est prévue pour les socié-
tés en commandite simple; sans douté. S'agit-il d'un oubli dû à la
rareté. de ce type de société. - -
Mais, le développement des institutions:cJie -éontr8iéet d' assis-
tance se manifeste également par un assouplissem~t des conditions de
désignation.
11/ Assouplissement des conditions de désignation
===== ========= === ========== == ==== ======
161 --Cette modalité de généralisation s'applique seulement à l'
expertise. La désignation des commissaires aux comptes est obligatoi-
re dans la plupart des hypothèses. Il convient seulement de noter, en
ce qui concerne cette institution, que la jurisprudence estime que
lorsque cette désignation a lieu a la demande de la minorité, aucune
condition autre que celle tenant à la possession du dixième du capital
(1) Art. 64-2 L. du ~4 /7 / 1966; art.11 L. du 1 mars 1984
(2) Art. 236 modifiant l'art.430, L. du 24 j 7 / 1966
81
social ne peut être exigée~ ,En particulier, il n'est pas necessaire
que la nomination puisse être justifiée par l'urgence(l). Il a égale-
ment été jugé que le nu-propriétaire peut valablement faire la deman-
de/nonobstant la clause- des statuts stipulant que le nu-propriétaire
est valablement représen~é par l'usufruitier/dès lors qu'existe un
conflit d'intérêt entre eux(2).
162 - C'est à propos de la désignation de l'expert de gestion
que se sont
posés les problèmes les plus délicats.
Nous signalerons d'abord l'accroissement du nombre des deman-
deurs possibles. Désormais, la demande d'expertise n'est pas ouverte
qu'aux associés détenant au moins 10% du capital social.: Elle l'est
également au comité d'entreprise, à la C.O.B. et au ministère public.
A: notre sens, cette ouverture est logique. par rapport au rôle de ces
différents organism~_ L'importance de l'entreprise pour la collectivi-
té justifie des interventions de plus en plus nombreuses des pouvoirs
publics en général et du ministère public en particulier dans le mon-
de des affaires. La recevabilité de son action en désignation d'expert
de gestion n'est qu'un signe- -un de plus - de l'importance de l'entre-
prise pour ia collectivité. Quand au comité d'entreprise, le droit d'
alerte qui lui a été reconnu justifie amplement son droit de dema~der
la désignation d'un expert de gestion. Enfi~ la C.O.B. dispos~ àéjà
d'un droit d'investigation très étendu(3). Le nouveau droit qui lui
est reconnu lui permettra seulement de pallier à l!insuffisance de
son propre personnel(4) et: de· mieux contrôler l'information diffusée par
les sociétés soumises à sa juridiction.
163 -
Doit-on limiter la recevabilité de la demande de désignation
quand à:.son objet? M.ol)r.iev'" 'BIM\\THEléMY
le pense. Cet auteur
estime par exemple que le ministère public ne devrait intervenir que
lorsque "l'entreprise sera dans une situation financière compromise
(1) Aix, 23 avr.1971, rev.soc.1974.61., note HEN~RD.
(2) Paris 22 janv. 1971, D.1971:517, note GUYON; J.C.P.1971. 11.16937,
note ROUSSKAU; rev.soc.1971.413,note v.B.-T
(3)
cf. infra. n'· 183
(4)BA~~!L~~~) Les nouveau~ aspect de l'expertise de gestion.) J.C.P.
1985 ed. E~ Act.14593
82
afin d'avoir sur elle un complément d'information et de prendr~ le
cas échéant, les mesures propres à éviter_sa.dispari~ion ,,' et que
le comité d'entreprise ne devrait intervenir que lorsque l'acte de
.
.
gestion critiqué est en rapport avec
l'intérêt des salariés(1).
Ces
propositions ne constituent qu'une application d'un principe
essentiel de la procédure civile: pas d'intérêt, pas d'action. A ce
titre, leur admission ne devrait pas poser de problème. Mais en prati-
ques elles sont difficilement applicables.
r64 -Tout d'abord, il n'existe pas d'acte de gestion dont on puisse
dire qu'il n'intéresse pas les salariés, surtout lorsqu'il est préten-
du qu'il n'est pas conforme à l'intérêt de l'entreprise. Il est peu
probable que le comité d'entreprise demande une expertise de gestion
pour défendre la distribution de dividende aux associés, encore
qu'
il soit permis de penser qu'une telle décision peut améliorer le cré-
di t de l'entreprise auprès des épargnants et n'est donc pas indiffé~.
rente pour- les salariés.
Ensuite, on ne peut exiger que le ministère public attende que
l'entreprise soit dans une situation compromise avant d'intervenir.
Ce serait oublier que cette mesure s'insère dans le cadre de la pré-
vention des difficultés de l'entreprise. Lorsque la situation finan-
cière est compromise, il est trop tard pour prévenir. Au mieux/on
pourra guérir.~De -toutes les façons, ce critère est inapplicable puis-
que d'après la cour de cassation, les juges n'ont pas à apprécier
l'opportunité de l'expertise demandée(2)
165
- Une difficulté particulière se pose lorsque la demande dt,
expertise du comité d'entreprise vise à vérifier la necessité d'un li-
cenciement collectif.
Dans une affaire récente, une cour d'appel a jugé que "la deman-
de du comité d'établissement tend à remettre en cause les informations
qu'il a reçues sur cette opération au cour de la procédure de consul-
tation de la part tant du chef d'entreprise que de l'expert désigné
par-le comité et à faire rechercher en réalité si les licenciements
pouvaient être évités; or/considérant que la phase de consultation du
comité d'entreprise n'est pas détachable de la procédure administra-
tive d'autorisation des licenciements; que le juge judiciaire n'est
(1) J. BARTHELEMY, op. cit. in J.C.P.-E. 1985 14608.
-(2)
Com.~7 déc.198J,rev.soc.1985.427
83
pâsc9mpétent, au cours de cette phase pour statuer sur les contesta-
tions relative à la désignation de l'expert compable et à l'étendu de
ses:investigations ne peut exercer fut-ce indirectement un contrôle
sur la suffisance des informations fournies; que l'art.L .• 231-9 du code du
travail réserve à l'autorité administrative l'appréciation de la réa-
lité du motif invoqué pour justifier les licenciements; que le princi-
pe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que cette appréciation
soit contrôlée par les juridictions de l-'ordre judiciaire."(l)
166--Ces--.arguments -ne nous semblen": pas du tout péremptoires. Il est
loin d'être évident qu'en accueillant favorablement la demande d'ex-
pertise les juridictions judiciaires portent atteinte au principe de
la séparation des pouvoirs. D'abord,il n'est pas acquis qu'elle ne
peuvent pas se prononcer sur les litiges portant sur la désignation
de l'expert comptable et sur l'étendue de sa mission(2). Ensuite nous
doutons que la consultation du comité soit indissociable de l'autori-
sation administrative. Certes, la validité~de celle-ci suppose que
cette consultation ait préalablement lieu. Mais l'autorisation adminis-
trative n'est nécessaire que pour les licenciements économiques d'au
moins dix salariés en trente jours(2). Or le comit~ d'entreprise doit
être consulté sur toute compression d'effectif et plus généralement
sur toute mesure tendant à modifier l'organisation juridique et écono-
mique de l'entreprise, donc sur toute opération de restructuration mê-
me si elle n'entraine aucun. licenciement. Il a alors droit à une infor-
mation précise et écrite'). La consultation du comité d'entreprise en
cas de licenciement économique apparait davantage comme une application
de cette compétence générale que cOlIlP.J.e une meSure spéciale liée à l'
autorisation administrative de licenciement. Au demeurant, la consul-
tation du comité est sensée précéder la décision du chef d'entreprise
de saisir l'inspecteur du travail puisque la loi lui impose un délai
de reflexion de quinze jours après cette consultation(4).
Par ailleurs, cette décision donne à l'expertise de €estion
une
portée qu'elle n'a pas. Celle-ci ne permet nullement de remettre en
---------
(1)
Versailles~27 sept. 1985, G.P. 22-2) nov.1985 p.13
(2)
V. T.G.I. Paris, ref.9 fév.1984 ~.P.D.S.1984 som.G8; M. COHEN,
op.cit. p.593
(3) cf. infra.n~.2:$~
(4) Art. )21~9 c.du trav.
84
cause l'opération contestée. Il s'agit seulement d'une mesure d'infor-
mation. Sans doute pourra-t-elle 'être utilisée comme moyen de preuve
dans une instance en annulation de l'autorisation administrative de
licencement. Mais elle peut servir aux mêmes fin, et pas seulement par
le comité d'entreprise, dans une instance en. responsabilité civile ou
pénale. De ~outes lès façons, cette utilisation contencieuse de l'ex-
pertise de gestion n'est qu'accessoire. Le rapport de l'expert sert
avant tout à informer les membres du comité d'entreprise, le ministère
public,les associés et éventuellement la C.O.B. sur des opérations
suspectes afin de savoir si elles sont conformes à l'intérêtde l'entre-
prise")
On peut s'étonner que les juges de versailles aient fait une
application si rigoureuse du principe de la séparation des pouvoirs
dans un domaine où, du fait du législateur lui même, pouvoirs judici-
aire et administratif s'entremellent. La reconnaissance à la C.O.B.,
dont le caractère administratif ne semble faire aucun doute'?),. du droit
de demander l'expertise de gestion est particulèrement révélatrice à
cet égard. _
. .
.,
. Rien ne justifie- donc ;Le rejet"de"la demande d~exp'-ertlse du
co;nité d -'entrepris~ ~m cas de licenciement collectif. en raison de son
objet. -
167
En réalité, ce sont les difficultés apparues en jurispru-
dence avant la loi de 1984 et que celle-ci n'a pas ~é'solues qu~ 'risquent
de se poser le plus souvent(]).
168 -
Tout d'abord, les tribunaux jugeaint que l'expertise a un
caractère subsidiaire. Elle ne peut être accordée que s l il n'existe
pas un autre moyen d'information ou lorsque les autre moyens d'infor-
mation n'ont pas permis au demandeur d'être suffisamment éclairé.
(1)
En ce sens, MARTINE D'HERAIL DE BRISIS si Com.7 déc.1983 prée.
(2)
N. DECOOPrï'lAN. o~. ci.t.
())
Y. GUYON, op.cit.j A. BRUNET & M. GERMAIN, Linformation des action-
naire et du comité d'entreprise depuis les lois du 28 oct.1982, du
1mars 1984 et du 25 janv. 1985, rev.soc.1985.1
85
Ainsi, certaines décisions ont exigé qu'il se renseigne préalablement
auprès des dirigeants ou des commissaires aux comptes(1). Mais cette
solution ne fait pas l'unanimité én jurisprudence(2) et est fortement
critiquée par la doctrine qui s'est employée à démontrer l'originali--
té de cette institution(3). De fait, cette solution restrictive est
difficile à défendre.
169-- Ell'e n'a -pas :à.e fœ1dement textuel.Il faut surtout se rappeler
que jusquà la loi du 1~mars 1984. la possibilité pour les commissaires
auxoomptes d'apprécier la gestion de la société était incertaine. Elle
ne l'est plus depuis que ceux-ci ont le droit de mettre en oeuvre la
procédure d'alerte(4).
De surcroit, individuellement, les associés
n'ont aucun droit d'information vis à vis du commissaire aux comptes.
Quant aux dirigeants, ils ne répondraient, s'ils en prennent seulement
la
peine, que ce qu'ils voudraient, tout en gagnant du temps. Ce qui
a fait dire par un auteur que leur consultation préalable-serait un
"lëurre" et aurait 4'un êffet- paralysant"(5).
D'autre décisions ont exigé que la demande porte sur une opération
détermin~e(6). Cette solution est également critiquée par la doctrine(7).
Pour l'apprécier, il faut distinguer les conditions de recevabilité
de la demande et l'étendue de la mission de l'expert. ;11 est certain
(1) Douai, 10jui1.1970,D.1971. 179; Rennes, 22 mai 1973,rev.soc.1974.1
349,note CHARTIER; T. corn. Paris réf., 11 déc.197G.rev.soc.1971;
191 note J.H.; T.com. Rouen réf.,30 avr.197~ R.T.D.Com.1971.717,
obs. HOUIN.
J -,
(2) Paris, 21 ma~s19741 rev.soc.1975 note CHARTIER;
12 janv. 1977,
J.C.P.1978,ed.C.I.II.12727; Rouen, 17 mars 197~~.C.P.1971, II,t.:
16606; Orleans, 22 nov. 1971,J.C.P.1972.II.171~4) ed.C.I.107~6
note Y. GUYON; R.T.D.Com.1972. 408 obs.HOUIN;rev.soc.1973-,note J.H.
Paris, 16 fév .--1982, rev • soc. 19B2 • 32
(3)
Y. CHARTIER,s/Paris 12 juil.1977t préc.; Y. GUYON, op.cit. CONTIN
_ &,HOVASSE, L'expert de minorité dans les société par action, D.
-~ -197i~ 15; S. MICHELIN-FINIELZ, L'expertise de l'art.226 et l'ex-
pertise préventive dans les S.A., rev.soc.1982. 32
(4) J. NOIREL, op.citvni397 p.279 et R.CONTIN,op.cit.,ni303 p.209 et s.
contestaient,bien 4 avant,11'interdiction d'apprécier la gestion
(5) E. du PONTAVICE, cité par KARTINE D'HBRAIL DE BRISI~ rev.soc.198~.
429
(6) Com.,25 mars 1974, J. C. F. 1974. II. 17853 note CHARTIER, rev. soc. 1975.
98 note J.H., R.T.D.Com 1974.540,note HOUIN; Com. 29 nov.19B3 rev.
soc.1984, 317 note CHARTIER. Contra: Orléans, 22 nov.1971 préc.;
T.com.Toulouse, 16 janv.1970 rev.soc.1970.J02 note J.H.
Y. GUYOI~ op.cit.; Y. CHARTIER, note préc.; CONTIN & HOVASSE op.ctt.
LE BOY, Reflexion sur le sort de l'expertise de minorité, D.1980.B4
Y. CHARTIER} op.cit.) J.C.P. 1972.1.2507
86
que celui-ci ne pourra pas se contenter d'examiner une ou plusieurs
opérations isolément, sans tenir compte de son contexte économique
ou juridique. Autrement, il ne pourrait en saisir toutes les consé-.
quences pour l'entreprise(1). Par contre, il-ne nous semble pas que le
législateur ait,'èntendu autorisér la,désignation d'un expert de ges-
tion chaque fois qu'un associé grincheux ou un comité d'entreprise
particulièrement tatillon prétendrait suspecter l'ensemble de la ges-
tion sociale. Les termes de la loi sont particulièrement claires a
cet égard. L'expert a pour mission de faire un rapport"sur une ou plu-
sieurs opérations de gestion". C'est que la mise en oeuvre intempestive
de cette procédure, en entamant le crédit de la société et en entravant
son fonctionnement normal pourrait lui être tout aussi nuisible que
d'éventuelles fautes de gestion qu'au demeurant elle ne permettra pas
de reparer.
D'ailleurs,si la chambre commerciale a décidé que les juges du
fond n'ont pas à se prononcer sur l'opportunité des opération criti-
quées(1), une jurisprudence constante exige que le demendeur fournis-
se des présomptions suffisantes d' irrégularités.' graves ou de gestion
défectueuse()
et la solution est généralemement apprbuvée par la
-doctrine(4)
170
Quoi qu'il en soit, l'expertise de gestion a connu,grâce à
la loi du 1~mars 1984, un essort sans précédent. Elle profite ainsi
de la tendance générale de developpement des institutions d'assistan-
ce et de contrôle de l'information. ~ais ce développement serait peu
utile si le droit pénal ne leur assurait pas l'accès à l'information.
(1) En ce sens, M. D'H. DE BRISIS, préc.; Y. CARTIER, préc.J.C.P.1972;
(2) Corn.,7 déc. 198), préc.
(3) Rennes, 22 Clai 197),préc.; Com,,6 jui1.1982, rév.soc.198). not P.
LE CANNU; 21 janv.1910, J.C.P.1970.II.16541 note B.OPPETITi rév.
sQc.1970.256 obs.RODIERE; Paris,16 fév.1982,rév.soc.1982.848 note
J. GUYENOT; Douar, 10 juil.1970 préc.; Versailles,21 sept.198~ préc.
J
(4) Y. CHARTIER, op.cit.JJ.C.P. 1912; J. GUYENOT note s/Paris 16 fév.
1982 préc.; P. LE CANNU note s/ com. 6 juil.1982 prée.
87
BI Le droit pénal et la désignation ou l'information
des organes de contrôle et d'assistance
171 -hOUS étudierons les incidences pénales du défaut de désigna~_
tion (1) avant d'aborder la question épineuse de l~accès à l'information
(II) des organes de contrôle et d'assistance.
Il Incidences pénales du défaut de désignation
172
-La désignation de l'expert de gestion se faisant par la voie
judiciaire, elle ne fait naturellement l'objet d'aucune incrimination.
De mëme, en pratique, le chef d'entreprise se rendra difficilement
coupable du délit d'entrave à l'occasion de la désignation de l'expert
comptable du comité d'entreprise. On peut toujours imaginer qu'il fasse
pression sur les représentant~du personnel pour le choix de celui-ci
oou qu'il utilise des moyens dilatoires pour retarder ou empêcher cette
désignation. A notre connaissance, il n'existe aucun exeolple jurispruden-
tiel d'un tel comportemen~.
173 -En revanche, dans les entreprises où la désignation d'un
commissaire aux comptes est obligatoire, le chef d'entreprise se rend
coupable du délit prévu à l'art.455 de la loi sur les sociétés commer-
ciales s'il ne provoque pas cette désignation. Ainsi, la cour d'appel
de Rennes a condamné les dirigeants d'une société anonyme qui ont atten-
du plus d'un an après la démission du commissaire aux comptes avant de
pourvoir à son remplacement (1).
De plus
"
d'après le tribunai correctionnel de Paris, "la
désigation d'un coml1!issaire aux comptes dans les statuts d'une société
anonyme ou par l'assemblée générale des actionnaires de cette société
(1) Rennes, JO Sept. 1974,rev. soc. 1976,p.321 ,note MABILAT
88
he saurait permettre à des mandataires sociaux de prétendre qu'ils ont
. satisfait à l'obligation qui leur est faite de provoquer la nomination
d'un commissaire aU?' comptes, dès lors que cette désignation n'a pas été
portée à la connaissance du commissaire aux comptes concerné et que ce
dernier n'a jamais été invité à opérer les contrôles pour lesquels il
était prétendument mandaté. Que cette désignation n'était en àé.l:~initive
qu'une fiction·d'autant plus repréhensible que les tiers ••• pouvaient
esperer que la société serait soumise à des contrôles dont ses àirigeanGs
se sont en fait préservéS" (1).
Il s'ensuit que les dirigeants doivent, s'il ne veu:iellt pas
tomber sous le coup de l'incrimination, non seulement fa.ir~· désigner le
commissaire aux comptes mais aussi informer celui-ci de sa désignation.
Cette solution peut paraître contraire au principe d'interpréta_ion
stricte de la loi pénale, surtout si l'on considère que celui-ci est
synonime d'interprétation restrictive. Il est cependant difficile de
la désapprouver. Si le législateur a ordonné la désignation d'un com-
missaire aux comptés, c'est pour que celui-ci puisse opérer des contrô~
les afin de mieux éclairer les divers usagers de l'information relative
à la gestion de l'entrepise qu'il contribue aussi à rendre crédible.
Or, i l est bien évident que s'il n'est pas informé de sa désignation
il ne peut accomplir cette mission. Les juges parisiens ont donc raison
de ramener une telle désignation au stade d'une simple fiction. Par ail-
leurs, malgré le silence de la loi sur ce point précis, il nous semble
que l'information des commissaires aux comptes de leurs désigna1ions
incombe bien aux dirigeants sociaux et plus spécialement, dans le cadre
des sociétés anonymes de type classique au président du conseil d'admi-
nistration, en vertu de la repartition ~égale des pouvoirs dans les en-
treprises sociales (2). C'est donc par son fait que la désigna1ion du
commissaire aux compte~devient une fiction s'il ne l'en informe pas.
Il est donc normal qu'il soit reconnu coupable du défaut de désigl.ation,
à moins que l'on ne considère que,par son abstention, il a plutôt fait
obstacle aux contrôles et vérificationS. En effet, nous sommes ici à la
frontière entre le défaut de désignation et l'inaccessibilité àe ~'i~r
l'information.
(1) T. corr. Pari~ 2 nov.197~ rev. soc.'979,p. 796 note BOULOC
/
(2) Cf.infra. n~ 647 et s.
89
11/ Le droit pénà1 et l'àcces à ,l' inf(Hmation 'par
les"organe~ d.e c:ontrôle et d' a,ssistanc~
174 '
Nous n'insisterons pas ici sur les garanties pénales d'ac-
cès à l'information par les ~~pertscomptables du comité d'entreprise
qui est assurée
grâce au délit d'entrave au fonctionnement régulier
des institutions repré~ntativescdu personnèl. Les seuls véritables
problèmes que posent cette institution en la matière relèvent de l'é-
tendue de ses pouvoirs d'investigation que nouS nous réservons d'exa-
miner dans le cadre de l'amélioration de la transparence de l'infor-
mation( 1 ) •
175 -- Nous avons déjà signalé"
que, dans toutel:; les entreprises
quen~qvesoient leurs formes juridiques, le droit à l'informatio~ des
commissaires aux comptes et le cas échéant de l'expert de gestion est
garanti
par le droit pénal.
176
- En ~ffet, l'art.455 de la loi sur les sociétés commerciales
auquel renvoie tous les autres textes créant l'obligation de nommer
un commissaire aux comptes
punit le fait de ne pas convoquer èelui-:
ci à l'assemblée générale des associés. Certains auteurs pensent que
par application du principe de l'interprétation stricte-de la loi pé-
nale, cette incrimination ne devrait être mis en oeuvre qu'en cas d'
absence de convocation(2). Plus ~éalistes,les magistats Lyonnais ont
'_ décidé que l'omission des formali tés prescrites par l'art. 192 du dé-
cret sur les sociétés commerciales, en l'espèce la lettre recomman-
dée avec avis de reception, était constitutivedu délit(3).
(l)Cf.infrao, Il~ 44\\
(2)
DUPONT DELESTRAINT, Droit pénal des affaires 2~ed. n2600
,
-
89 -
ont décidé que
l'omission des
formalités
prescrites par
l ' a r t .
192 du décret
sur les sociétés commerciales,
en
l'espèce la lettre recommandée
avec avis
de réception,
'était constituve du délit
(1).
Cette solution pose
le délicat problème des
rapports
entre la loi et
le décret en matière pénale.
On
. peut penser qu'il est contraire au principe de
la
légalité des délits de punir de peine correctionnelle les
dispositions d'un décret dans
la mesure où l ' a r t .
34 de
la constitution reserve à
la loi
le pouvoir de créer des
incrimination.
Mais
en vertue de cette même constitution,
il
appartient au Gouvernement d'assurer l'exécution des
lois,
c'est-A-dire de prévoir les modalités d'exécution de la
loi.
Et ils nous
semble que ces modalités doivent
être considérées
comme faisant
corps avec
la loi dont
elles assurent l'exécution et doivent bénéficier des
sanctions prévues pour l'inobservation de cette loi.
Sinon elles
seraient dépourvue de toute portée juridique.
Or,
l'exigence d'une
lettre recommandée n'est
qu'une modalité d'exécution de
l'obligation de convocation
dont
l'édiction rentre parfaitement dans
les
pouvoirs
constitutionnels de l'exécutifs.
Elle
peut donc être sanctionnée comme l'a fait
le Tribunal Lyonnais par les
peines
prévues
pour l'obli-
gation de convocation qui peut être considénée comme
inexécutée car ne
l'ayant pas été suivant
les modalités
légales.
177 -
De son côté,
l'art.458 de
la même
loi
incrimine le refus de communication de documents
sur place
l'obstacle aux vérifications
et contrôles.
Ce
texte a fait
l'objet d'une interprétation très
libérale en jurisprudence.
---------------------------------.
(1)
T.
Corr.
Lyon.,7
juil.
1911,
bull.
Joly.
1972 p.
125.
90
178 - En premier lieu, i l n'est pas nécessaire que l'entrave ait em-
pêché le commissaire aux comptes d'accomplir sa mission. C'est ainsi
qu'il a été jugé que lla simple reticence à fournir des explications,
l'altermoiement inexcusable et la production partielle de documents"
étaient constitutifs du refus de communiquer(1). La solution mérite
d'être approuvée. Comme l'a fort judicieusement souligné un auteur,
" il serait hasardeux d'établir une distinction subtile entre le refus
pur et simple et certaines manoeuvres plus ou moins adroites qui de
toutes façons visent le même résultat: empêcher le commissaire aux
comptes (ou l'expert de gestion) de proc~der au contrôle nécessaire
à l'exécution de sa mission."(2) Du reste, une interprétation rigou-
reuse de l'art.458
tendrait à faire admettre que la communication
doit être immédiate, aucun délai n'étant prévu pour permettre au
détenteur des documents de s'exécuter.
17.'9 ." En-second lieu, l'art;458 'exige que le refus' de ,Pommunication
ait lieu "sur place~. Pour certains aut~ur~ 'cela si*nifieque le,com-
missaire aux comptes ou"l'expert de gestion doit demander la commu-
nication au siège Bocial(). Nous ne partageons pas cet avis. Les do-
cuments dont la communication est demandée peuvent se trouver ailleurs
qu'au siège social ou même à la direction administrative. Dans ce cas,
nous pensons que les dirigeants sociaux qui inviteraient le commissai---
re aux compte ou l'expert qui s'est présenté au siège social à aller
en prendre connaissance dans le service où se trouvent les documents
.
"
demandés ne commettent pas' d" infracti0nL A'l'inverse, si la demandè
est faite dans ce service," ses responsables
tombent sous le coup de l'
incrimination s'ils refusent la communication au motif que celle-ci
doit avoir lieu au siège social. Notre opinion prend appui SUY
le
fait que le délit est imputable, non seulement aux dirigeants sociaux,
mais aussi à toute personne au service de la société. Si la communi-
cation ne pouvait avoir lieu qu'au siège social, le législateur se
serait contenté de viser les dirigeants sociaux comme il l'a fait en
cas de refus de communication aux associés. De plus cette solution
est moins honéreuse pour l'entreprise qui n'aura pas à démenager les
documents dont la communication est demandée. Enfin, les commissaires
aux comptes peuvent bien se renseigner chez certains tiers. A fortio-
(1) Rennes, )0 Sept.1974. rév.soc.1976.521 note MABlLAT
(2) MABlLAT, note ci-des3~s
(J) REHARD TERRE et 1'-lABhllT, op. cit. nc 1026; llERCADAL &. JAmlT, op. oit.
n~2090
91
ri, doivent-tils pouvoir faire leurs investigations dans tous les ser-
vicejde la société qu'ils controlent.
180 - Far contre, il ressort· clairement des termes de la.loi.qu:l le
commissaire aux comptes ne peut ëxiger que les ùocuments luisaient
envoyés.(l)· ~La. solution n'est pas certaine en jurisprudence • .
Les juges parisiens l'ont admise en 1976(2}. Mais une décision récen-
te de la chambre criminelle est venue semer le doute à ce sujet(Jt.
'Dans cette affaire l'un des moyens invoqués par le prévenu était que
"le refus de communication aux commissaires aux comptes de pièces uti-
les à leur mission n'est punissable que lorsque cette communication
a été refuséesur place." Or la haute juridiction a jugé que les énon-
ciations selon lesquelles le prévenu a "refusé de communiquer aux com-
missaires aux comptes certaines pièces notamment des contrats que les
juges énumèrent et dont la communication avait été demandée
par ce
dernier comme lui étant nécessaire pour vérifier la sincérité et-la
régularité des comptes sociaux; qu'il a agit ainsi pour masquer autant
que possible le déficit d'exploitation de la société ••• " suffisaient
pour caractériser le délit !-en' toil.s~.sesl·élements". On ne trouve, dans
cet attendu aucun motif relatif au lieu de communication bien que la
question ait été clairement posée par le prévenu. Si la cour de cassa-
tion avait considéré: que le refus de communication devait avoir lieu
sur place, elle aurait cassé la décision déférée devant elle pour
manque de base légale ou insuffisance de motif(4}. Au lieu de quo~,
elle estime que l'infraction est caractérisée en tous ses éléments.
Cette solution est regrettable car elle constitue une violation non
seulement de la lettre de la loi, mais aussi de la volonté, maïntes
,"-
fois reaffirmée du législateur de ne punir que les refus de communi-
cation sur place(5}
1S1 -Cependant, les ~extes recents ordonnent l'envoi de certains do-
cuments aux commissaires aux comptes. Le nouvel art.J40-2 de la loi
sur les sociétés commerciales énonce que les documents et rapports
"sont communiqués ••• aux commissaires aux comptes" et l'art.244-J
(1) HEMARD,TERRE &MABILAT,op.cit.,t.II ni1026; Memento F.LEFEBVRE
soc.com. ,n i 20 90
(2) Paris,2 9 janv.1976 bull. joly. 1976 p.14J
I
(J) Crim~11 mai 1981,rev.soc.1982,p.102 note SrBON
(4)
J. VOULET, L'interprétation des arrêts de la cour de cas~ationl
J.C.P.1970.r.2J05,n224
(5) Voir, art.10 ord.du 28 sept.1968 et art.32 L.70-130,31déc.1970
92
nouveau du décret prec1se que ces documents "sont communigués ••• dans
les huits jours qui suivent leur établissement". Etant donné qu'en -
droit l'indicatif équivaut à un impératif, on peut traduire ces textes
en diBant~queces documents do.ivent être communiqués aux commissaires
aux comptes dans les huit jours suivant leur établissement. Sauf à
admettre que les dirigeants sociaux convqquent
les commissaires aux
comptes pour leur en donner communication sur place, il faut conclure
qu : ils
doivent leur adresser les documents prévi"-
sionnels.-c'èst'd'èuxqu'il s'agit- puisqu,1)un délai leur ~st imposé.
Enèore faut-il préciser que les commissaires aux comptes ne sont nul-
lement tenus de déférer à une éventuelle convocation des dirigeants
sociaux. Le moyen le plus sûr pour CQUX-C.I
d'exécuter leur
0 .
obligation légale est donc d'envoyer les documents aux commissaires.
Reste à savoir si l'inexécution de cette obligation tombe sous
le coup de l'art.458. Sous réserve que l'arrêt de la chambre criminel-
le du 11mai 1981 soit confirmé, nous pensons qu'il ne pourrait y avoir
refus de communication punissable si les dirigeants sociaux s'abstien-
nent d'adresser les documents prévisionnels aux commissaires aux
comptes dans les huit jours de leur établissement. Par contre, il nous
semble que le délit d'obstacle aux contrôles.èt.vérificàtians-seràit
constitué.
En effet la communication a bien pour but de permettre--
aux commissaires aux comptes de vérifie~l'information contenue dans
les documents prévisionnels puisque si celles-ci appellent des obser-
vations de leur part, ils les signalent dans un rapport adressé! si-
multanément aux dirigeants et au comité d'entréprise.
182 - Enfin dans le sens de l'interprétation extensive on peut
remarquer que selon la chancellerie, le fait de ne pas mettre les
documents qui seront soumis à l'assemblée générale ordinaire à la dis-
position des commissaires aux comptes, dans les trentes jours qui pré-
cèdent cette assemblée caractérise le délit d'obstacle(1)
183
- Ainsi, l'interprétation extensive du terme communication
sur place permet au droit pénal d'assurer aux organes de contrôle et
d'assistance l'information nécessaire à leurs missions. Ces organes
ont été généralisé non seulement par l'élargissement de leurs ..,domaines
mais aussi par l'assouplissement de leurs conditions de désignation.
Cela se traduit par un multiplication,~des bénéficiaires de l'informa-
tion à laquelle le p'ltévlO::lène de concentration n'est pas étranger.
(1) Rép. min., n~28-456, J.O. déb.A.H. ::1 oct. 1971.
§lII:
L' EiTENSION DU BElŒFICE DE L'INFORMATION LIEE
AU PHENOMiNc D~ CONC1NTRATION DES ENTREPRISES
184 - L'importance écono ..ique des groupes de société n'est plus
à démontrer. Comme tous les autres~ les mécanismes juridiques qui
régissent le droit de-; l'information ont dû s' y adapter. Cette adapta-
tion s'est traduite par la c~éation de comités de groupe(A) et la re-
connaissance d'un droit de regard des institutions d'assistance et de
contrôle sur les élements d'un même groupe(B).
185 __ Le comité de groupe est l'une des innovations majeures de
la loi du 28 octobre 1982. Souhaité par les rédacteurs du rapport
Sudreau(1), il répond à la préoccupation du législateur de rapprocher
la représentation des salariés des véritables centres de décision. "Là
.où il Y a
solidarité du pouvoir, il doit y avoir solidarité des
trvailleurs", a-eHt le ministre du travail(2).
'86 __ Le comité de gro~pe pose de nombreux problèmes dont l'un
des plus importants concerne la délimitation de son cadre. Il est ~
unanimement admis que la . no:iQn
de groupe ne se laisse pas enf-ermér
dans des critères rigoureux(3~. Aussi les projets antérieurs à celui
,
qui a abouti à la loi de 1982 se sont-ils bien gardes d'en donner une
définition générique. Ainsi, la proposition de loi COUSTE se conten-
tait de prévoir la possibilité de créer des groupes_par contràt d'affi-
liation, a moins que n'ex~te un lien de dépendance et une direction
unique(4). Le rapport SUDREAJ~~oposait de laisser une grande liberté
aux partenaires sociaux po~r décider par négociation à la fois du ca-
dre et de la composition du comité de groupe.
- - - - - - - -
(1) prée. p.92 et s.
(2) J. AURJUX, Les droits n0uveaux des travailleurs,. Doc.Fr. p.25
(3) Rapport SUDREAU.préc. p.92; Cl. CFiAiLPAUD
,Recherche de critères
d'appartenance à'un groupe.in Droit des groupes p.28; DURAND &
LATCHA , Les groupements d'entreprise.
(4)
J. PAILLUSSEAV, Faut-il en France un droit des groupes de:isoèié-
tés? (à propos de la proposition de loi Cousté) J.C.P.1970 éd~C.I.
10173.
(5) Prée. p.93
94
Le législateur de 1982 semble avoir adopté une démarche plus institu-
tionnelle. L'art.439-1 du c.du trav. rend la constitution du comité
de groupe obligatoire dans l'enserr.ble constitué par la société domi-
nante et ses filiales.
l87 -A ce ·àtade la ,question' qui se pose" est' rèlative à l"'l.ntégra-
~,t ion,' .tlè S" f·i.liales, .collltnune
D'après un éminent auteur, "la filiale commune est celle qui
appartient à des sociétés ou à des groupes indépendants les uns des
autres et qui est contrôlée conjointement par eux •.• Cela ne signifie
pas obligatoirement que les filiales communes doivent être constituées
à parité de capital entre les groupes constituants, mais que les
droits des partenaires soient établis de telle sorte que la filiale
ne soit pas en fait ou en droit sous la domination de l'un des parte-
naires"(1). Deux situations peuvent donc se présenter. La première
est que l'un des partenaire détienne plus, de'50 %du capital social
de la ".filiale commune". Celle-ci doit être automatiquement incluse
dans le groupe dont le
partenaire majoritaire est le chef de fil.
Elle en est la filiale au sens de la
loi sur les sociétés commercia-
les à', J.,aquelle:':;renvoie le code du tavail. Mais notre opinon n'est pas
uniquement guidée par cette considÉration formelle. L'associé majori-
taire détient en réalité plus de pouvoirs que son coassocié quelques
soient les accords qui les lient.
L'affaire jugée par la cour de
RJUEN dans".laquelle la majorité a remercié le P.D.G. minoritaire
qui a lui même écarté un dirigeant faisant partie du groupe majori-
taire parce que celui-ci avait manifestement commis une faute grave
est révÉlatrice à cet égard(2)
La seconde hypothèse qui peut se
présenter est qu'aucun des partenaires ne détienne plus de la moitié
du capital social. Dans ce cas, il faut appliquer les critères relatifs
aux participations.
L'appartenance d'une participation au groupe est subordonné à l' ac-
cord du chef de l'entrevrise dominante donné à la suite d'une deman-
de d'intégration formulée par le comité de l'entreprise dominée. Cet
accord ne peut être refusé lorsque l'entreprise dominante exerce un
( 1) J. PAILLUSSEAU, La filiale com;u~..'1e. et les groupes de sociétés.
in la fliale commune. litec 1975.p.JO
(2) ROUBN, 25 sept.1969, J.C.P.1970.II.16219 obs.GUYON
95
contr61e effectif sur l'entreprise à int~grer(1~ Il s'ensuit que la
véritable filiale commune n'appartient à aucun groupe, du moins en
qualit~ de soci~t~ dominée. En effet, ainsi que l'a souligné un au~
teur, les critères retenus pour d~limiter le groupe sont ceux du
contrôle effectif et de la direction com.:;uneC 2). Par définition, la
filiale commune véritable ne subit ni en fait, ni en droit, .la do-
mination de l'un des partenaires qui la composent. Elle se trouve dans
de \\~ .oc.ic té
la situation idéale/telle qu'envisagée par le code civil. La gestion
sera basée sur une collaboration v~ritable tenant compte des intérêts
de tous les associ~s, à cette. diff~rence près que ceux-ci ne sont pas
des personnes physiques. Dès lors le centre de décision se trouve au
sein de la filiale Commune elle-même et il n'est pas nécessaire qu'_
elle soit rattach~e à un autre groupe que celle qu'elle constitue
éventuellement avec ses propre filiales et sous filiales.
188 - Le second problème que pose la création du comit~ de grou-
pe porte sur la question de savoir si les sous groupes devraient en
constituer. En général, la doctrine répond par la négative même si c'
est pour regretter cette solution(J).
Cependant, il nous semble fort douteux que la volonté du légis-
lateur ait été de situer le comité uni~ement au sômmet du groupe.
Le principe n'en a jamais été clairement énoncé (4). Les arguments
invoqués en faveur de l'interdiction de créer des comités au niveau
des sous groupes ne nous semblent pas péremptoires.
D'abord, on fait valoir que le comité doit appartenir à un grou-
pe "à l'exclusion de tout autre". Mais un examen attentif de l'art.
439-1 conduit à écarter cet argument. La situation visée par ce texte
est celle d'une simple participation dont le comit~ demande son inté-
gration dans un groupe. Dans ce cas, l'interdiction relève du bon sens.
Il n'est pas logique de prétendre qu'une même société subit s1multané-
(1) L'art.439-1 fixe les citères de ce contôle effectif.
(2) G. COUTURIER, L'accès du comité d'entreprise à l'information ~co
nomique. Dr.soc.1983.33
(3) G. COUTURIER, op.c1t.; M. COHEN, op.cit., p.183; P. RODIERE, L'adap-
tation du comit~ d'entreprise aux structures du groupe r Dr.soc.1983
364.
}
(4)
P. RODIERE, op.cit.
96
ment les oontrôles effectifs de deux autres sociétés qui, elles mêmes,
seraient indépendantes l'une de l'autre. Il n'est pas davantage con-
cevable qu'une même entreprise puisse appartenir à deux ensembles
économiques différents. La sagesse populaire ne dit-elle pas qu'il ne
peut y avoir, deux capitaines dans un même bateau? A l'inverse, il n'
est pas inconcevable qu'une société déjà inclu~e dans un groupe en
qualité de société dominée soit elle même tête de fil d'un autre grou-
pe qu'elle contituerait avec ses filiales et sous filiales qui n'ont
pas été -intégrées-dans le,.groupe de tête. Quoi qu'il en soit, l'obli-
gation de n'appartenir qu'à un Lroupe imposée aux participations ~u:
demandent leur intégration ne suffit pas à justifier une interdictiJn
de créer des sous groupes.
Le second argument invoqué pour justifier une telle interdictiJn
repose sur le fait que la loi impose l'intégration des filiales indi-
rectes. Cette intégrati~n signifierait que le législateur a voulu si-
tuer le comité de groupe au sommet. En réalité cet argument tient
beaucoup du premier. Il n'a de valeur que si l'on admet qu'une filia-
le ne peut appartenir qu'à un seul groupe en cette qualité. Or, les
arguments de bon sens qui justifient cette règle dans le cas des par-
ticipation ne se retrouvent pas ici. Les deux sociétés dominantes
Cil
ne sont pas indépendantes. Il n'yldonc aucun accroc a_u bon sens si l'on
admet qu'elles la contrôlent.simultanément. Du reste, rien ne permet
ni dans le texte de la loi, ni dans les travaux préparatoires d'adop-
ter une solution restrictive.Et il faut ajouter que les filiales inài-
rectes sont également incluses dans le périmètre de consolidation, ce
qui n'a pas empêché le législateur d'imposer la consolidation des
comptes de sous groupes")
Enfin l'opportunité de créer des'comités de sous groupe n'est
discutée par personne. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une par-
tie de la doctrine critique la solution qu'elle défend au plan juridi-
Î
'
que. Citons à ce propos M. RODIEREi~~Les critères du groupe retenus
par la loi risquent, en l'absence de comités établis aux échelons in-
termédiaires des groupes de faire, à la base de la hiérarchie des grJu-
pes importants, des laissés pour compte alors même que les intentions,
-------_._-_._-- - -
(,) Cf. infra. t\\'!. 55b et ~.
(2) P. RODIERE , op.cit.
97
celles-ci clairement exprimées, voulaient que le comité de groupe
permette la diffusion de l'information jusqu'aux ramifications loin-
taines du groupe, jusqu'à la base de celui-ci l'
. '
'~89 -Notons pour finir que l'entrave au fonctionnement du comité de
groupe qui bénÉficie d'infornations à la fois. sur les sociétés dominan~'
tes et les sociétés dominées fait l'objet ~es m~mes sanctions pénales
que celle relative au fonctionnement du comité d'entreprise. Le refus
d'intégration sera également reprimé s'il est illégal(1).
BI
Extension du bénéfice delti·nfOI'mation aux
:...:-
organes de' contrôle 'ét, d'assistance du groupe
190 -
Dans sa volonté de rattacher le droit à la réalité économi-
que, le législateur a parfois reconnu aux organes d'assistance et de
contrôle un droit de regard sur les entreprises faisant partie du mê-
me groupe que celle qu'ils sont chargés de contrôler. Nous nous con-
tenterons de les signaler ici car cette extension de leur droit d'
investigation permet surtout d'amél4-orer la qualité de l'information(2).
On notera donc que dès la loi de 1966, le législateur a permis
,
aux commissaires aux comptes de faire des investigations auprès des
sociétés mères et filiales. La logique conduit à reconnaître les mêmes
préroga tives à l'expert cor;rptable du comité. d 'entr~prise puisque celui-
ci a droit aux mêmes co~~unications que le commissaire aux comptes.
Du reste l'expert comptable du comité de groupe a accès aux mêmes do-
cuments que le commissaire aux comptes de la société consOlidante qui
peut faire ses investigation~dans toutes les sociétés comprises dans
le périmètre de consolidation'J).
191 - Cette exte03:i:on du droit dl investigation setraduit naturellement
par un accrois~ement du nombre des censeurs auxquels le chef d'entre-
prise devra une information. Toute la question est de savoir si ces
prérogatives. sont garanties par le droit pénal. La réponse est certai-
ti~~érit
affirmative pour l'information due aux experts comptables. Tout
refus d'information à ceux -ci sera constitutif du délit
d'entra've
(1)
M. COHEN, op.cit. p.179
(2) cf. infra. n~ l..j's-l d-s·
(3) Art. 228 L. 24 1 7 1 1966
98
au fonctionnement régulier du comité d'entreprise ou du comité de
groupe. La question est plus délicate pour ce qui concerne les com-
missaires aux comptes, mais nous pensons que le délit prévu par l'
art. 458 de la loi sur l"es sociétés commerœles devrait pouvoir être
applique. (n
, 92 ~ Cest donc l'ensemble des personne qui interviennem; aans
la gestion de l'entreprise ou qui y ont des intérêt qui bénéficient,
avec la garantie du droit pénal, de l'information. Ce bénéfice de l'inr'
l'information connait toute fois une limite
qui se trouve dans la
necessité de protéger l'entreprise contre la divuigation de certains
secretz. Cette necessité se ressentira égaLement en ce qui concerne
le volume de l'information dont ils bénéficient.
CHAPITRE II
LE UEVELOPPEMENT DE L'INFORMATION
DE GESTION QUANT A SON VOLUME.
19:3- Il ne suffit pas de reconnaître aux personnes intéres-
sées au fonctionnement de l'entreprise un droit à l'information. Enco-
re faut-il que l'information dont ils bénéficient soit suffisante par
son volume pour être véritablement efficace. De ce point de vue égale-
,
.
C-t)
ment, le droit français a fait des progres remarquables; au point d'ins-
pirer à certains la crainte d'une sur,information (2) qui, il est vrai,
pourrait s'avérer aussi dangereuse que la sous-information(3).
Cette crainte n'a cependant pas empêché la doctrine de récla-
mer .une intervention du législateur pour combler certaines lacunes impor-
tantes du système (4). La COB de son.côté, tout en émettant les mêmes
voeux, a pris l'habitude d'interpréter de façon extensive les disposi-
tions légales relatives à l'information dans les entreprises qui re-
lèvent de sa compétence. Dans certains cas, elle les a même créées
ou a contribué à le faire-(~).
19~ - Toute l'oeuvre législative récente tend à satisfaire cet
appel de la doctrine et de certains professionnels qui, quelques fois,
l'ont devancée. Elle consacre aussi, ainsi que nous allons le voir dans
ce chapitre, certaines solutions jurisprudentielles extensives jugées
trop audacieuses par une partie de la doctrine., marquant ainsi le
rôle impulsif du droit pénal d,ons l'évolution de l)otre matière.
(1)p. GULPHE, le diagnostic d'entreprise face aux ambttions du rapport
Sudreau; Banque 1979 p. 839;DORKf DES MONT~d'information des actionnai-
res et du public; JCP. 1971 ed CI II 10163; J. LUGAR la loi du 26 juillet
1966 notre éternel souci. J.J. BURGARD L'information des actionnaires
1.
•
et du public, Rev. fid. 1972 p. 39 et s.
R.-CONTIN,Le Contrôle de la gestion des S.A.,no177 p. 128
(2) Y. GUYON. L'information prévisionnelle,JC~1985 ed.E~
14608
(3) _M. D. GABARRE LIEBER. La remise en cause de l' information du public
et des acti?nnaires.aux Etats Uni~ Rev. int. dr Com~; 1984 ~. 523.
(4) R. Cont1n,op. cJ.t.,no178 p. 1~8 J.J. BURGARD.L'~nformat~ondu
public, DUNOD 1970 p. 88 et s.
(5) J.GUYENOT,
La COB et l'information des porteurs de valeurs mobi-
lières sur l'activité et les résultats des sociétés~
G.P. 1973 l doct. 16 ; N. DECOOPMAN
la COB et le droit des sociétés
.
,
j
economica 1980p. 149 et s.
.
HEMARD TERRE MABILAT op. cit. T 1 n° 25
•
J
100
19~ - Notre propos n'est pas de faire un inventaire des dif-
férentsdocuments que le chef d'entreprise doit établir et/ou diffuser.
Nous essaierons seulement d'étudier les principaux problèmes techniques
que posent les évolutions récentes
afin d'en dégager l'esprit.
19~ - L'extension du volume de l'information s'est traduite
par -l'augmention du nombre des documents produits dans le cadre de
l'entreprise considérée isolement (SECT. 1). Mais le législateur pouvait
difficilement ignorer le phénomène de la concentration des entreprises
qui du point de vue de l'information crée des obligations différentes
de celles qui sont exigées dans les entreprises isolées (SECT. II).
Section l
EXTENSION DE L'INFORMATION DANS LE CADRE
D' Ul~E BN'l'ltEPrllSE ISÙLEE
197 - Jusqu'aux récentes réformes, l'information diffusée au
sujet des entreprises était, sinon exclusivement, du moins ~our l'essen-
tiel, relative à son passé. Or, dans une certaine mesure, prévenir c'est
prévoir. Dans le cadre de la prévention des difficultés de l'entreprise
la création d'une information prospective s'avérait donc indispensable.
Cette exigence n'a pas échappé aux rédacteurs de la loi du 28 octobre
1982 et encore moins à ceux de la loi du 1er mars 1984.
Mais c'est surtout par les fonctions qu'elle remplit ou est
sensée remplir dans la gestion de l'entreprise que l'information présente
le plus d'intérêt pour notre étude.
19'8 - Certaines informations sont sensées permettre à leurs
utilisateurs de faire le point et de porter un jugement sur la gestion
passée de l'entreprise. Ce sont les informations rétrospectives (Para 1).
101
D'autre, en général
les informations pr~vis,on~es, sont
senséeepermettre à leurs usagers de prévoir les difficultés de l'entre-
prise pour essayer d'y remédier. Ce sont des informations dites pros-
pectives (Para II).
PARAGRAPHE l
L'INFORMATION RETROSPECTIVE
199 - A l'origine, les seules obligations mises à la charge
des commerçants par le code de commerce concernaient la tenue de livres
de commerce et l'établissement d'un inventaire annuel. La loi de 1~7
a ajouté à ces obligations celle d'établir un bilan, un compte de pertes
et profits et un compte d'exploitation.
200 - Ces obligations primitives se sont très vite révélées
insuffisantes à assurer une information satisfaisante sur la gestion
de l'entreprise. Dès lors/au' fil des réformes, il a fallu ajouter à ces
informations ,financières et comptables des informations tenant compte
-
,
de la dimension humaine de l'entreprise. Toutes ces informations ont cepen~
dant un aspect économique__ ·. • C'est pourquoi,nous ne retiendrons pas
ici la distinction classique entre informations économiques et
informa-
tions sociales qui serait difficile à mettre en oeuvre. Nous ne retiendron~
pas davantage une classification
qui serait fonction du destinataire
et qui est une autre approche classique du problème du développement
de l'information. En effet, si une telle classification est apte à révéler
les doubles emplois, elle présente peu d'intérêt pour ce qui concerne
les enseignements qui peuvent être tirés de l'information du point de
vue de la gestion.
201 - A cet égard, plus intéressant est le moment auquel
l'information est produite et diffusée. C'est donc ce critère qui nous
servira de guide dans notre étude. Il nous permet de distinguer deux
grandes catégories d'informatious. Les unes sont périodiques (A) les
autres sont événementielles (B).
102
A 1 EXTENSION DU VOLUME DE L'INFORMATION PERIODIQUE
?02 _ Il conviendra de déterminer les informations périodique-
ment exigibles (I) avant d'envisager les conséquences pénales de la
méconnaissance des obligations qui s'y rattachent (II).
l - LES INFORMATIONS PERIODIQUEMENT EXIGIBLES
20} _ Certaines informations ne sont établies qu'une fois
l'an, ce sont elles que nous appellerons les "informations annuelles"
(a). D'autres sont produites à des périodes moins espacées. Nous les
appellerons "des indicateurs intermédiaires" (b).
a) Extension du volume de l'information annuelle
20.4 - Annuellement, l'information de gestion est constituée.
de documents comptables et de rapports qui en constituent souvent le
complément indispensables.
1° - Les document~comptables annuels
205 - Sous le régime du code de commerce et de la loi du 24
juillet 1966 l'information comptab~ annuelle produite par les entreprises
se limitait à l'inventair~ au bilan/au compte de pertes et profits. Le
développement de l'information s'est traduit en la matière par
l'adjonc-
tion à ces documents de bases de toute une série de documents annexes
qui ont pour fonction d'isoler un aspect particulier de la situation de
l'entreprise pouren faire une description plus précise et détaillée.(1).
206 - Dès 1958~Certaines sociétés étaient tenues d'annexer
à leurs bilans un tableau des engagements hors bilan. Cette obligation
fut reprise par l'article 295 du décret du 23 mars 1967. Elle n'a été
(1) R. CONTIN Le Contrôle de gestion .•• ,n° 144 p. 110
(2) Decr. 58~273 du ? août 1958 relatifs aux dispositions d'ordre comp-
tables applicables aux entreprises ayant révisé leurJbilaUj
103
étendue à l'ensemble des sociétés commerciales, à l'exception de celles
exploitant une entreprise de crédit ou d'assurance par la loi du 1er
mars 1984 (1). On remarquera surtout que cette obligation n'est plus
limitée au montant des engagements. Il s'agit désormais "d'un état
des engagements"ce qui suppose des informations plus complètes sur la
situation des garanties reçues ou données par la société. En particu-
lier/devront être indiquées les échéances des engagements garantis ainsi
que leu~montant~. A notre avis, c'est à cette condition seulement que
le document pourra remplir sa fonction qui est de donner aux usagers des
comptes annuels une idée plus exacte de la situation patrimoniale de
la société (2).
Depuis la loi du 24 juillet 1966, les dirigeants de socié-
tés anonymes doivent communiquer aux actionnaires;en même temps que
les comptes annuel~le montant global certifié exact par les commissaires
aux comptes des rémunérations versées aux cinq ou dix personnes les
mieux rémunérées de la société.
207 - Mais l'obligation d'établir des documents comptables
annexes incom~ essentiellement aux dirigeants des entreprises faisant
publiquement appel à l'épargne. Aux termes des articles 341-1 et 2
de la loi du 24 juillet 1966, ils doivent annexer aux comptes annuels
un tableau relatif à la répartition et à l'affectation des sommes
distribuables et qui seront proposées à l'assemblée générale ainsi qu'un
inventaire des valeurs mobilières détenues en portefeuille à la clôture
de l'exercice (3). Cette dernière obligation incombe également aux
dirigeants de sociétés dont plus de la moitié du capital est détenue par
des sociétés cotées.
208 -Ces documents présentent également un grand intérêt pour
la connaissance de la véritable situation de la société~ le tableau
(1) art. 340 nouveau 1° et 2°
(2) Ces indications seront d'autant plus facile à donner que l'article 48
de la loi du 1er mars 1984 oblige les banques et les établissements de
crédit à communiquer à la caution le montant du principal, des intérêts
commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 dec. au titre de
l'obligation bénéficiant de la cautionainsi que le terme de cet engage-
ment.
(3)
A notre avis ces documents doivent être établis conformément au
Decr. du 6 janvier 1971.
104
d'affectation du résultat surtout, permettra à tous les usagers de
l'information de connaître l'origine des bénéfices distribuables et
empêchera les dirigeants de dissimuler une gestion critiquable par
la distribution de bénéfices prélevés sur des réserves occultes ou
un important report à nouveau bénéficiaire. Il mettra en évidence la
politique d'auto-financement de la société. C'est donc en pleine
connaissance de cause que les membres de l'entreprise prendront posi-
tion sur une éventuelle distribution de bénéfice (1). Quant aux tiers,
il s ne pourront plus être abusés sur la prospérité de l'entreprise
par la distribution de bénéfices antérieurement réalisées •
.209 - Si numériquement rien n'a changé pour les documents
de base, leur structure a pronondément évolué depuis la loi du 30
avril 1983 qui a modifié les art. 8 à 17 du Code de Commerce: Il n'est
donc pas sans intérêt de les présenter dans cèt ouvrage. Ils comprennent
aujourd'hui un inventaire et un ensemble de trois documents désignés
sous le terme générique deVcomptes annuels~
210_ L'inventaire peut-être défini comme un état descrip-
tif détaillé du patrimoine de l'entreprise (2). Ce document demeure
indispensable au chef d'entreprise pour l'établissement des autres do-
cuments comptables. Il constitue en effet le point de départ obligé
de toute comptabilité sérieuse. Il est le seul document qui permette
de prendre en compte certaines modifications dans la composition du
patrimoine de l'entreprise dues, par exemple, aux vols ou aux avaries.
Ce document sera également très utile aux experts qui ont po~tâche
de vérifier ou d'interpréter l'information contenue dans les autres
documents de base. Mais son volume lui a fait perdre une grande partie
de son intérêt pour l'information de masse (3).
(1) R. CONTIN, le contrôle de gestion n0149 p. 111. CH. FREYRIA, le conte-
nu de l'information économique du comité d'entrepr1se, dr. soc. 1979
spec. p. 35 et 5.· On peut regretter cependant que la loi n'ait pas prévu
la substitution J'un tableau des affectations décidées au projet lorsque
la publication a lieu postérieurement à l'a>j~tnblee,
cela aurait
permis une mise à jour utile de l'information .•• à moins que dans l'es-
prit du législateur l'obligation d'annexer ce document aux comptes annuelf
ne soit obligatoire que préalablement à l'assemblée générale ordinaire.--
~2~ R. CONTIN, op. cit' l n092 p. 76; DALSACE,le bilan,ses structures et ~Pf1
elements. n
1110 p. ~ BATARDON, L'inventaire et le bilan p. 1
(3) M. CHAUVIN, l'élément comptable dans le droit pénal spécial de~ so-
ciétés/Dalloz 1963 p. 16. Cl. Heurteux} op. cit.,n° 252 p. 155. F.LEBRUS
. t
36
)
1
op. CJ. 'j p.
105
211
_ Les comptes annuels comprennent un bilan, un compte
de résultat et une annexe. Ces documents constituent, aux termes de l'art.
8 du Code de commerce "un tout indissociable"; e\\si on se re~ère aux
travaux préparatoires de la loi de 1983 cette expression signifie qu'ils
se complètent et doivent se lire à la lumière les uns des autres (1).
212 ._ Les caractères essentie~du bilan n'ont pas changé. IL
peut toujours être considéré comme un résumé synthétique de l'inventaire.
Mais alors qu'il se présentait toujours sous la forme d'un tableau à
deux colonnes avec, à gauche,les éléments d'actif de l'entreprise et à
droite les éléments de son passif, il peut aujoud'hui prendre la forme
d'une liste. Mais le poids des habitudes fera sans doute que cette
. dernière forme sera très peu utilisée en France.
213 - Lorsqu'il se présente sous forme de tableau, les éléments de l'acJ
tif sont classés par ordre de liquidité croissante c'est à dire selon qu'il~
sont plus ou moins faciles à transformer en argent. Ils comprennent trois
types de valeurs. Les valeurs immobilisées sont appelées à rester dura-
blement dans l'entreprise sous la même forme. Les valeurs_d'exploitation
sont liées, ainsi que leur nom l'indiqu~à l'exploitation de l'entreprise.
Il s'agit essentiellement des stocks. Les valeurs réalisables ou dis-
ponibles sont des créances à court terme ou des espèces. Le passif décrit
les ressources de l'entreprise par ordre d'exigibilité croissante. C'est
à dire en fonction du temps pendant lequel ils sont appelés à rester à
la disposition de l'entreprise. On y trouve successivement les capitaux
propres, les dettes à long terme, les dettes à moyen terme et les
dettes à court terme.
L'équilibre entre les deux colonnes est obtenu en ajoutant leur
différence à l'actif si elle est négative, et au passif si elle est posi-
tive.
(1) J.O. des sénat. 21 dec. 1981 p. 7129
106
214 -L'intérêt du bilan et la nécessité de l'établir ne sont
plus à démontrer (1). Il donne de la_sitn~tion de ~entreprise au
moment où i l est établi " une vision d'ensemble, .chiffrée, claire,
rapide et précise du patrimoine de l'entreprise" (2). Il consti-
tue surtout un outil irremplaçable de gestion (6). Il permet, par
le calcul des ratios (3), d'établir un diagnostic précis et adapté
aux caratéristiques de chaque entreprise (4) même son interprétation
est délicate (5).
2~5. - Le compte de résultat résulte de la fusion entre
le compte de pertes et profits et le compte d'exploitation dont le
Professeur CONTIN soulignait la complémentarité (7). Comme le bilan,
il se présente sous forme de tableau ou de liste. Ses divers éléments
devront être cl.assés de sorte qu'il soit possible de calculer direc-
tement le résultat d'exploitation, le résultat financier, le résultat
courant avant impôt et le résultat exceptionnel (8). Il complète le
bilan en donnant des informations sur la façon dont s'est formé le
résultat et sur la nature et l'importance des charges de l'entrepri-
se. Il donne des indications sur les mouvements de valeur et sur les
variations en sens contraire qui peuvent se compenser de sorte qu'ils
n'apparaitront pas au bilan. Comme le bilan ( et peut-être davantage)
------------------------------------_._.-
(1)V. CONTIN,op. cit.,n° 68 p. 63'Cl. Heurteux op. cit. n° 257 p. 159
J. LEPARGNEUR, A propos de la comm~ication de documents aux actionnai-
res J. soc 1~24 p. 49 et s.CL. SOYER,
les délits relatifs au bilan
in. étude HAMEL,Le droit péha~ spec1ai des S.A. 1955 P. 218.
(2) Dict. perm. dr. aff. T1 n° V comptabilité de l'netreprise n° 52'~
CONTIN,Op. cit~n076 p. 68
1
(3) Il s'agit de rapports entre différents éléments du bilan utilisés
pour l'analyse financière. V. PAILLUSSEAU ETPETITEAU, les difficultés
de l'entreprise. Prévention et règlement amiable,n u 246 p. 88 et s.
(5) C'est pourquoi les rédacteurs du rapport Sudreau ed. IV-18 p.179 et
deux de la loi du 1er mars 1984 lui ont préféré des crit~~es jugés objec-
tifs et accessibles à tous, pour la mise en oeuvre de la procédure d'aler-
te.
(4) v. 11AH0 L. Diagnostic et prévention de la défaillance des entreprise~
mémoire D.J.C.E. p. 47
(6) P. LASSEGUE, Gestion de l'entreprise et comptabilité/Dalloz 1970 P.178
i
(7) R. CONTIN,Op. cit./n° 78 p. 69
(8) Memento F. LEFEBVREtsoc. com.,1985 n° 32-04-1
le compte de résultat est un excellent outil de gestion interne. Il donne
de' l'entreprise une image plus dynamique que le bilan.
216 - L'annexe est une création de la loi du 30 avril 1983.
inspirée de la quatrième directive de la C.E.E., ~e document joue le
rôle des notes et commentaires qUi d'après les recommandations antérieu-
res'de l'ordre des experts comptables et de la C.O.B. (1) devrait ac-
compagner tout document comptable. Mais/il joue un rôle plus important
puisqu'il doit contenir des informations complémentaires qui font défaut
dans le bilan et le compte de résultat (2). Non seulement il facilite la
compréhension de ces documents,mais, enplus,il permet,gr~ce à ces infor-
mations complémentaire~d'avoirune vision plus complète sur l'activité
ne
et la situation de l'entreprise. Il/comprend pas moins de 32 éléments
d'information dont certains sont obligatoires dans tous les cas alors
que d'autres ne le sont que s'ils sont jugés significatifs (3).
En réalité l'annexe a un caractère hybrid~ e~tre le document
comptable et le rapport.
2° - Les rapports annuels
217 - L'information contenue dans ces rapports est,en général l
empruntée aux documents comptables qu'ils ont pour fonction d'éclaircir
et de complèter (4). Les rapports émis par l'entreprise sont de plus
en plus nombreux (5).
Mais nous nous intéresserons ici aux trois rapports
qui sont à notre sens les plus importants. Ce sont : le rapport annuel
d'ensemble adressé au comité d'entreprise, le rapport de gestion qui
accompagne les comptes annuels de sociétés commerciales et le bilan
social.
(1) C.O.B~ bull. mens.,fev. 1971 cit. par,R. CONTIN 0P. cit'l p. 61
1
(2) 1. DE KERVILLIE~,l'annexe,
comment le présenter. Banque 1985 p. 268
(3) u. 83r i080 art. 11
(4) CH. FREYRIA.Le contenu del'information économique du C.E~ Dr soc.
1979 spec. p. 4~jCOHEN Le Droit des comités d'entreprise,1984 p. 444
(5) Exemples: le rapport sur l'égalité professionnelle des femmes, le rapport
sur les conditions de travail, le rapport sur l'évolution de l'emploi •••
10~
216 - La principale caractéristique du rapport annuel d'ensemble
est que les informations qù'iT contient portent nécessairement sur plu-
sieurs années.La seule indication des chiffres relatifs à l'exercice
écoulé sans possibilité de comparaison avec les données des exercices
antérieurs
et sans aucune projection sur l'avenir serait très·peu
utile. Les membres du Comité d'entrepris~à qui est destiné ce rapport/peu-
vent prendre connaissance de la plupart des données chiffrées sur l'exer-
cice écoulé dans d'autres documents. Du reste, le principal intérêt de
ce document réside moins dans les données chiffrées qu'il contient
que dans les commentaires qui les accompagnent. Ces informations
comportent parfois un aspect statistique ; ce qui suppose une exploita-
tion plus perfectionnée des données issues de la comptabilité. Tel est
le cas des informations relativès à l'évolution de la structure des
salaires ou aux "perspectives économiques" (1). Le rapport annuel doit
alors décrire la situation actuelle de l'entreprise par comparaison
avec sa situation passée et son évolution probable dans un futur plus
ou moins proche. Il ne devra pas omettre les conséquences positives
ou négatives d'une telle évolution Sur la situation de l'entreprise (2).
219 -Il s'agit d'un document volumineux décrivant l'activité
de l'entreprise dans tous ses aspects: chiffre d'affaire, bénéfices
ou pertes (3) résultats globaux de la production, investissements,
sous-traitance etc ••• Sur tous ces points, le rapport ne peut se conten-
ter de distiller des chiffres. Il doit les expliquer et éventuellement
donner des indications sur les mesures envisagées ou mises en oeuvre pour
redresser telle ou telle situation préoccupante.
220 - Le rapport de gestion remplace le rapport sur la situation
et l'activité de la société pendant l'exercice écoulé qui constituait une
des pièces maitresses de l'information des actionnaires (4) • Il est
(1) Cette expression remplace celle de "projet pour l'exercice suivant".
Il faut en déduire que la projection dans l'avenir ne se limite plus
à un seul exercice.
(2) CH. FREYRIA/Op. cit.~. COHEN, op. cit., p. 444 et s.
(3) L'indication des pertes n'est légalp.ment ~xigée que depuis la loi
du 28 octobre 1982. Mais la doctrine estimait déjà que la logique mathé-
matique conduisait à indiquer les pertes et à les commenter.
(4) R.Contin,op. cit.,n° 68 p. 63
110
obligatoire dans toutes les sociétés commerciales. Sur certains points
ce document fera double emploi avec l'annexe (1).
221 - Conformément au voe~ exprimé par la COB de voir le rapport
du Conseil d'Administration s'efforcer d'intégrer l'exercice au titre
duquel il est établi dans la vie de la société en rappelant les ré-
sultats passés, en esquissant les perspectives d'avenir et en situant1
dans le cas des groupes/la société dans l'ensemble dont elle fait
partie (2), le rapport de
gestion doit donner une description complè-
te de l'entreprise (3). Il permet une mise à jour de l'information
à la date où il est établi puisqu'il donne des indications sur les
évènements survenus depuis la clôture de l'exercice. C'est d'ailleurs
là que réside son principal intérêt et sa nouveauté. IL contribue à
donner à la documentation financière un aspect de plus en plus dynamique.
222 .~ Le bilan social constitue l'une des premières applications
législatives du rapport Sudreau. Les rédacteurs de ce rapport ayant estimé
que le moment était venu "de donner une base chiffrée au dialogue entre
les partenaires de l'entrep~e, permettant de mesurer l'effort accompli
en matière sociale et de mieux situer les objectifs" avaient préconisé
de "définir des indicateurs de la situation sociale (4). Ainsi défini,
le bilan social institué par la loi du 12 juillet 1977 se présente à
la fois comme un précieux instrument de gestion, un élément de politique
du personnel et une source irremplaçable d'information ~ur la situation
de l'entreprise (5).
(1) l'art. 47 de la 4èrne directive des C.E.E. prévoyait la possibilité
de con~ondre ces deux documents en un seul à condition que ce document
unique
r e ç 0 ive
la même publicité que l'annexe. Ch peut regretter
que le législateur français n'ait pas usé de cette faculté d'autant
qu'il a soumis le rapport de gestion au même régime de publicité que les
comptes annuels.
(2) Rapport COB 1971 p. 17
(3) Il comprend une description de la situation de l'entreprise pen-
dant l'exercice écoulé, son évolution prévisible et complète les comptes
annuels par un commentaire sur le contenu et l'évolution des principaux
postes.
(4) Rapport SUDREAU 1 .éd . 10-18) p. 53
(5)P. GULPHE;;Le diagnostic d'entreprise face aux ambitions du rapport
Sudreaui~anque 1979,p. 839;Ch. Freyria, op. cit.,Dr. Soc. 1979,Spéc. p.42
et s.
2Z3- Bien que destiné au comité d'entreprise, il donne
au chef d'entr~pri~e des renseignements fort utiles sur la rotation du
personnel, le pourcentage des arrêts de travail ••• et lui permet de
prendr~ en temps utile/les mesures de correction nécessaires pour re-
dresser telle ou telle tendance négative. IL sera très utile dans la
mise en oeuvre de la procédure d'alerte instituée par la loi du 1er mars
1984 (1). Il peut même permettre, grâce au rapprochement de plusieurs
de~jI,l(02.
bilans sociau~'des constatations utiles sur le développement du marché
de l'emploi et notamment sur celui du travail précaire (2). C'est donc
un appareil statistique très perfectionné pour définir , calculer et
classer les indicateurs sociaux (3).
On ne s'étonnera ~oncpas que les textes règlementaires aient
fait preuve de tant de précision voire de minutie dans la détermination
des renseignements qu'il doËcontenir et qui couvrent tous les aspects
de l'activité de l'entreprise (4).
224 - On notera que le bilan social est le seul-document impor-
tant que le chef d'entreprise est tenu de mettre à la disposition de tout
salarié qui en fera la demande. A cet égard, il peut jouer un rôle pré-
pondérant dans l'apaisement du climat social de l'entreprise. Chaque
salarié qui le désire pourra constater l'étendu des efforts fournis
par l'entreprise pour améliorer la situation de son personnel et les
insuffisances qui existent réellement en ce domaine.
(1) cf. critères proposés par rapport SUDREAU prée.
(2) GEORGES PICOT,in le monde 10 février 1981
(3) CH. FREYRLA,op. cit.;Rapport Sudreau,prec. p. 54
(4) N. CATALA, op. cit., n° 705 p. 811 ;Dec. et ar.du 8 dec. 1977 J.O. 10 dec.
112
b) Les indicateurs intermédiaires.
225 - La situation de l'entreprise est susceptible d'évolu-
tions très rapides. Si l'on veut favoriser "ùne prise de conscience,
la plus précoce possible" (1) du caractère éventuellement préoccupant
de cette évolution, il est indispensable de faire, sans attendre la
fin de l'exercice, le point sur un certain nombre de données. Dans
cette perspective, le droit français prévoit toute une série d'infor-
mations qui sont soit semestrielles, soit trimestrielles.
226 - Les sociétés qui font publiquement appel à l'épargne sont
tenues d'établir, au plus tard dans lesquatre mois qui suivent la fin
du premier semestre de l'exercice un tableau d'activité et de résultat
du semestre écoulé et un rapport commentant les données chiffrées rela-
tives au chiffre d'affaire et aux résultats de la société au cours de
ce semestre (2). En réalité cette exigence n'est pas nouvelles, du
moins dans son esprit. Déjà l'ordonnance du 4 février 1959 obïigeait
certaines sociétés à publie~ au HALO "dans le mois suivant chacun
des semestres de l'exercice, des indications chiffrées sur la marche
de l'entreprise au cours du semestre écoulé comparés aux résultats du
semestre correspondant de l'année précédente". L'article 296 du décret
du 23 mars 1967, reprenant une disposition du décret du 29 novembre
1965 avait remplacé ce document par une situation provisoire du bilan.
Mais malgré les efforts de la COB et une doctrine favorable à la soumis-
sion de ce document aux règles régissant l'établissement du bilan, la
plupart des bilans provisoires publiés étaient restés largement insuf-
fisants du point de vue d'une bonne information (3). La COB a donc dû
proposer que lui soit substitué un tableau des résultats semestriels (4).
227 - Le tableau d'activité et de résultat indique notamment
le montant net du chiffre d'affaire et le résultat courant avant impôt
----------------------~--«-<._
...
(1) P. GULPHE,Op. cit.
(2) art. 341-1 al. 3 loi du 24 juil. 1966. art. 297-1 Decr. 23 mars
1967, Le Texte de la loi ne prévoyait que le rapport.
(3) R. CONTIN, op. cit.,no155 P. 116
(4) RAPPORT,COB 1971 p. 107 et 1972 p. 98
1'3
chacun de ses poates doit contenir l'indication du chiffre relatif au
poste correspondant du premier semestre de l'année précédente. IL est
évident que ces indications sont largement insuffisantes. L'utilisation
de l'adverbe notamment et du pluriel en ce qui concerne les résultats
laissent clairement entendre que ce tableau dOËcomprendre d'autres
indications (1). A notre avis, pour remplir pleinement son rôle, ce docu-
ment doit donner des indications sur les ventes, la production et les
commandes. Il doit permettre de dégager le résultat d'exploitation avant
amortissement et provision, le résultat net d'exploitation ainsi que
le résultat net du semestre.
228
Quant au rapport semestriel, il est au tableau d'activité
_et de résultat ce que le
rapport de gestion est aux comptes annuels.
Il doit indiquer tous les évènements importants survenus entre la fin
du premier semestre et le moment où il est établi. Il doit décrire
l'activité de l'entreprise au cours du semestre, ainsi que son évolution
prévisible. Cette dernière indication doit, à notre sens, dépasser le
cadre strict de l'exercice pour être utile. Au moment où il est établi
l'exercice touche à sa fin.
La combinaison de ces deux documents permet d'avoir une vision
comp~ète et homogène de la situation de l'entreprise telle qu'elle .a
évolué depuis la fin de l'exercice (2).
229 - Astreints à produire des documents semestriels, certains
chefs d'entreprises sont également tenus d'établir et de publier tri-
mestriellement un certain nombre de documents. C'est dans la réglemen-
tation des comités d'entreprise que cette obligation est la plus abondan-
te.
(1) En ce sens Dict. perm. dr des aff. Bull 139 p. 7049
(2) Contra. A. BRUNET et M. GERMAINtL'information des actionnaires et
du comité d'entreprise, Rev. soc. 1985 p. 32iPour ces auteurs, l'idéal
aurait été de continuer à exiger également l'établissement d'un bilan
p~ovisoire.
114
230- Ainsi, et pour ne prendre que quelques exemples, le
chef d'entreprise doit informer le comité d'entreprise sur l'évolu-
tion des commandes, la situation financière et l'exécution des programmes
de production. Il n'est pas sans intérêt d'examiner en quoi consistent
exactement ces trois documents.
~o - Pour que l'information sur l'évolution générale des commandes
soit significative il faut qu'elle comporte des indications sur le mon-
tant, la nature et l'origine des commandes en distinguant les clients
douteux (1).
- Ces exigences constituent à notre avis un minimum. L'informa-
tion ne serait complèt~ et l'esprit de la loi respecté, que si ce document
donne des éléments de comparaison par rapport au passé et s'il permet
d'avoir un idée sur l'évolution future. En particulier, en cas de fluc-
tuation du volume des commandes due à une conjoncture exceptionnelle
celle-ci doit être mentionnée.
232
-L'information sur la situation financière consiste à donner des
indications sur les créances et les dettes de l'entreprise et les garan-
ties qui leur sont affectées. Elle doit permettre de faire le point sur
la situation de la trésorerie de l'entreprise. On peut rattacher à cette
information les indications relatives à la situation de l'entreprise
au regard des cotisations de sécurité sociale, celles-ci ne constituant
qu'une dette particulière. La mention spéciale qu'en fait la loi est,
semble-t-il/due à l'émotion qu'a suscité chez le législateur l'importan-
ce des arriérés de cotisation (2).
233
-L'information sur l'exécution des programmes de production
devrait permettre de mettre en évidence les retards éventuels dans l'exé-
cution des commandes et leurs causes, ainsi que l'importance des stocks.
Elle permet de savoir les moyens qu'il sera nécessaire de mettre en
oeuvre pour honorer les commandes.
(1) M. COHEN ,op. cit., p. 455
(2) M. COHEN ,op. cit., p. 456
115
234 - Enfin l'information sur les moyens de production (1) concer-
t
ne le renouvellement ou la transformation de l'équipement ou des méthodes~
production et d'exploitation et leur incidence sur les conditions de tra-
vail et d'emploi. Elle comprend également une analyse de la situation de
l'emploi et retrace l'évolution des effectifs et de la qualification
des salariés par sexe et éventuellement les motifs justifiant un recours
au travail précaire. Cette dernière information permet surtout au comité
d'entreprise d'accomplir sa mission de protection des intérêts d~ personnel
235 - En dehors de l'information destinée aux comités d'entre-
prise, seules les sociétés cotées sont tenues de produire une information
trimestrielle. Ces sociétés doivent publier au BALO le montant net du
chiffre d'affaire dutrïmestre écoulé et le cas échéant, celui des tri-
mestres précédants de l'exercice en cours Et de l'ensemble de cet exercice
ainsi que l'indication des chiffres d'affaires correspondants de l'exer-
cice précédant. Cette obligation trouve également sa source dans l'ordo
du 4 février 1959. Mais elle n'était imposée qu'aux sociétés cotées dont
le total du bilan excédait dix millions de francs. Cette distinction sup-
t
primée par le décret du 29 novembre 1983pfaisait l'objet de nombreuses
critiques (2). Désormais toutes les sociétés cotées doivent publier
leur chiffre d'affaire trimestriel.
2J~ - Pendant longtemps, la notion de chiffre d'affaire a été
fort indécise. Il s'était ensuivi une extrême diversité dans la composi-
tion des chiffres publiés (3). La C.O.B. avait mis fin à cette diversité
en donnant du chiffre d'affaire la définition suivante: "Pour une pério-
de donnée il ne s'entend que du montant des affaires réalisées avec les
tiers dans l'exercice de ses activités professionnelles" (4). Aux termes
du décret de 1983 le chiffre d'affaire est "égal aux montants des' ventes
produits et services liés à l'activité courante, diminués des réductions
sur vente, de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées".
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1) Cette information est semestrielle dans les entreprises de moins de
300 salariés (art. L 432-4 al. 6 du C. du trav.) Cette disposition a
sans doute pour but d'allèger la charge financière résultant de l'infor-
mation pour les petites entreprises.
(2) CL. HEURTEUX, Thèse prée., n° 164; M. TILAYE, thèse préc., p. 42. R. PLEVEN
D~scours à l'occasion de la remise du prix vie française du meilleur
rapport BSN,in la vie Française du 10 fev. 1972
(3) R. CONTIN, op. cit., n° 161 p. 119
(4) Circu. G.0.B.,30 déc. 1969
116
D'après une information de l'ordre des experts comptables et comptables
agréés sont exclus du chiffre d'affaire les produits de capital tels
que les redevances pour concession, les loyers d'immeuble et les produits
financiers.
II - LES CONSEQUENCES PENALES DE LA MECONNAISSANCE
DES OBLIGATIONS RELATIVES A L'INFORMATION PERIODIQUE
237 - Dans certains cas, la loi pénale punit le non établisse-
ment des documents périodiques. Ainsi, l'art. 439 de la loi du 24 juillet
1966 punit les dirigeants de société qui n'ont pas, pour chaque "exerci-
ce/dressé l'inventaire, les comptes annuels, le rapport de gestion ou le
rapport semestriel commentant le tableau d'activité et de résultats du
premier semestre de l'exerci~e. Mais le plus souvent, c'est pour n'avoir
pas diffusé les documents que le chef d'entreprise sera poursuivi.
2J~ - Il se rendra coupable du délit
d'entrave (1) s'il
refuse de-aommuniquer au comité d'entreprise la documentation qui lui est
due. Nous entendons Par là que le chef d'entreprise doit communiquer au
comité d'entreprise tout document qui lui est nécessaire pour accomplir
sa mission. Ce qui est punit, c'est l'entrave au fonctionnement régulier
de cette institution (2) et la jurisprudence estime que cette entrave
peut être exercée par tout moyen (3). Le délit est donc constitué, du
moins dans son élément matériel, toute les fois que le chef d'entreprise
refuse de communiquerauComité d'entreprise des documents nécessaires
à l'accomplissement de sa mission.
239 - Il peut s'agir de documents dont la communication
est ordonnée par le législateur ou par voie de décret. Dans cette
hypothèse, on peut penser que si le législateur a ordonné la communica-
tion du document c'est qu'il l'a jugé nécessaire au bon fonctionnement
(1) V.PARCHEMINAL HERVE,le délit d'entrave aux institutions représenta-
tives du personnel. Thèse Rennes 1976 spec. p. 94 et s.
(2) art. 483-1 Code du Travail.
(3) Crim. 5 av. 1973 bull n° 178 p. 429 D 1973 IR 84.
117
du comité d'entreprise. La prescription légale ou règlementaire fait
donc présumer que les renseignements concernés sont néc~ssaires à l'ac-
complissement de sa mission par le comité d'entreprise et .le délit
d'entrave est constitué dès lors que le chef d'entreprise ne s'y soumet
pas (1).
2:40 - Il peut aussi s'agir de documents dont la communication
est prescrite par un accord interprofessionnel (2) ou admise par les
usages (3). En effet, si les partenaires sociaux se mettent d'accord
po~qu'un document soit communiqué au comité d'entreprise, c'est qu'ils
l'ont jugé nécessaire à la bonne exécution de sa mission. De plus, les
institutions représentatives du personnel ne peuvent fonctionner réguliè-
rement que dans le respect des règles établies et librement consenties
par les partenaires sociaux. La collaboration voulue par le législateur
entre le personnel et la direction de l'entreprise est,avant tout, affaire
de bonne volonté. Il n'y a donc pas, ainsi qu'on l'a prétendu (4),
atteinte à la légalité des délits et des peines. Ce n'est pas la viola-
tion d'une disposition conventionnelle-qui est punie, mais l'entrave
au fonctionnement régulier du comité d'entreprise que constitue cette
violation et qui entre parfaitement dans le cadre légal. IL n'importe
pas que la loi ait expressément renvoyé aux usages ou aux conventions (5).
Il s'agit seulement de savoir si la violation des conventions ou des usa-
ges est contraire. au fonctionnement régulier des institutions
représen-
tatives. La jurisprudence répond par l'affirmative et il est difficile
de l'en condamner. Après tou~ les partenaires sociaux sont mieux placés
que quiconque, y compris le législateur, pour définir les règles du jeu
de la coopération entre les différentes catégories de personnes intéres-
sées au fo~tionnement de l'entreprise.
(1) Crim.,29 mars 1973, préci.
(2) Crim. 24 fev. 1977,bull. n080 p. 188
2 juin 1981 R.P.D.S. 1981
1
somm. 340. 14 fev. 1976 bull n058 p. 141
accords relatifs au crédit
d'heure.
(3) Grim. 15 janv. 1980 bull n024 p. 57 : usage relatif au crédit
d'heure des membres de la commission d'hygiène et de sécurité.
(4) o. GODARD, op. cit., p. 270
(5)" Grim. ,12 Janv. 1982,bull. n° 12 p. 25-D. 1983 I.R. 167 note, REINHARDT.
)
"
118
2A 1 - Au demeurant, il nI est même pas nécessaire que la
communication ait été ordonnée par un texte législatif ou règlemen-
taire, ni par une convention ou résulte d'un usage. Il suffit que
l'information soit nécessaire au fonctionnement régulier du comité
d'entreprise. Mais en l'absence de tout critère de détermination
du caractère nécessaire d'une information pour le fonctionnement ré-
gulier des institutions représentatives du personnel, l'élément
intentionnel jouera un rôle déterminant dans la décision des juges
répressifs qui trancheront cas par cas.
242 - Dans de nombreux cas, le législateur punit le défaut
de communication des documents à tel ou tel bénéficiaire de l'infor-
mation ou le défaut de publication. Dans ce ca~ le texte répressif
énumère les documents dont la diffusion est ainsi réprimée ou renvoie
à un autre texte légal ou règlementaire déterminant les documents.
Il en est ainsi de l'information préalable à l'assemblée générale
qu~pour les sociétés par action,comprend tous les documents én~mé-
rés à l'article 168 de la loi sur les sociétés commerciales dont les
comptes annuels, les rapports du conseil d'administration, des commis-
saires aux comptes et du conseil de surveillance, le cas échéant, les
projet5de résolution qui seront soumis à cette assemblée ••. et la liste
des actionnaires et l'inventaire (1). Les mêmes document~ à l'excep-
tion naturellement de la liste des actionnaires)doivent être adressés -
ou mis à la disposition pour l'inventaire - des associés des sociétés
à responsabilité limitée (2) ou des sociétés de personnes(3)
2.43- Par ailleurs, dans les sociétés à responsabilité
limitée et les sociétés par action les dirigeants doivent}en permanence)
tenir à la disposition des associés tous les documents concernant les
------------------_.~-------.-.-
..--.~_. - -.--
(1) art. 445 - 1° 2° et 3° Loi du 24 juil. 1966
(2) art. 426 - 1° Ibid
(3) art. 12 et 16 decr. du 23 mars 1967 : sanction contraventionnelle
119
trois derniers exercices soumis aux assemblées générales sous peine
~es sancttons prévues aux art. 445 - 4° et 426 de la loi du 24 juillet
1966.
244 - En ce qui concerne les dirigeants de sociétés cotées,
ils se rendent, aux termes de l'art. 299 - 1 du décret du 23 mars
1967, coupables d'une contravention de cinquième classe, s'ils ne
publient pas au BALO les documents énumérés par les art. 294 à 298.
Dans le cas où le texte répressif se contente de renvoyer
à un autre texte législatif ou règlementaire énumérant les documents
qui doivent être diffusés la détermination du champ de la répression
ne pose pas de problème. Il suffit de se référer au texte auquel il
est renvoyé.
Mais il arrive, lorsque le texte répressif énumère les documents
qui font l'objet d'wne information, que cette énumération ne coincide
pas avec ceux d'un texte règlementaire qui prescrit la même information.
Dans une telle hypothèse seul la non diffusion des documents énumérés
par le texte répressif peut-être sanctionnée pénalement. Le principe
de la légalité des délits et la séparation des pouvoirs opérée par
l'art. 34 de la constitution s'oppose à toute autre solution (1).
245 - De fait, dans certains cas, les travaux préparatoires ne
laissent aucun doute sur la volonté du législateur de ne pas abandonner
au pouvoir règlementaire le soin de fixer la liste des documents dont
la non diffusion est réprimée. Ainsi, lors des discussions relatives aux
art. 444 et 445 de la loi du 24 juil. 1966, les parlementaires ont tenu
à fixer eux-mêmes la liste des documents à joindre àla formule de pro-
curation ou à communiquer aux actionnaires (2). Cette volonté clairement
(1) rOUFFAIT, ROBINet autres,op. cit., n° 351 p. 341
(2) L.CONS!ANTIN,
op. cit.,p. 288 et s.
120
exprimée par le législateur n'a cependant pas empêché les rédacteurs
du décret du 23 Mars 1967 de prescrire la communication de documents
non prévus par le législateur. L'art. 133 prescrit de joindre à toute
formule de procuration, l'ordre du jour de l'assemblée, un exposé sonunaire
de la situation de la société ••. Tous documents non prévus àl'art. 444
de la loi sur les sociétés commerciales. De même, aux documents énumérés
par les articles 168 et 445 de cette loi, les rédacteurs du décret ont
ajouté notamment la liste des administrateurs et des autres sociétés
dans lesquelles ils exercent des fonctions de gestion d'administration
ou de surveillance, le cas échéant, la liste des candidats aux fonctions
d'administration ou de surveillance et un tableau faisant apparaître les
résultats de la société au cours de chacun des cinq derniers exercices
(art. 135).
246 - Il s'ensuit ~ue dans ces cas, le nombre des documents
dont le droit pénal garantit la communication sera inférieur à celui
qui est exigible du point de vue du droit commercial. Il n'empêche
le volume de l'information protégée par ie droit pénal est globalement
~n augmentation gr~ce aux délits d'entrave aQ fonctionnement régulier
du comité d'entreprise (1) ou aux contrôles et vérifications des
commissaires aux comptes et des experts de gestion. Ces derniers (ainsi
que l'expert comptable du comité d'entreprise) peuvent se faire communi-
quer sous
peine des sanctions pénales prévues à l'art. 458 de la loi
sur les sociétés commerciales t9us les documents qu'ils jugent utiles
à l'accomplissement de leur mission (art. 229) (2).
247 - La question est plus délicate de savoir si l'établisse-
ment ou la diffusion de documents non conformes aux prescriptions légales
ou règlementaires peut être assimilé~du point de vue du droit pénal,.
au défaut d'établissement ou de communication.
Il n'y a aucun problème
(1) cf. supra n 0 23~ et s.
(2) cf. infra n° 431 et s.
121
lorsque le texte pénal renvoie expressément à celui qui règlemente
le contenu du document. On peut alors penser que le législateur a
entendu réprimer l'irrégularité du document au même titre que l'absten-
tion.
248 -Dans le cas particulier des articles 430, 439 et 445, de
la loi sur les sociétés commerciales, les· débats relatifs à l'élément
intentionnel permettent de penser que le législateur ri a pas eu en
vue, pour l'application de ces textes, le cas où les documents com-
muniqués aux associés seraient seulement irréguliers. Sinon l'argu-
ment de la commission des lois du sénat dont le rapporteur essayait
de démontrer qu'une simple erreur pourrait entrainer des amendes
disproportionnées (1) aurait dû prévaloir. Dans ces conditions l'assi-
milation de l'irrégularité à l'absence des documents serait contraire
au principe de l'interprétation stricte de la loi pénale (2).
249 - Néanmoins, l'assimilation nous semble devoir être
admise si les documents établis ou diffusés comportent des omissions
ou des irrégularités si graves qu'elles portent atteinte à la substan-
ce même du document décrit par le législateur. Dans cette hypothèse, la
bonne foi des dirigeants n'est pas plus concevable qu'en cas d'absten-
tion complète. Il s'agit là d'une question de fait que les magistrats
résoudront en fonction de chaque espèce. Mais nous ne nous avançons pas
trop en affirmant que si un des trois éléments des comptes annuels fait
défaut, ils devront conclure à l'absence de comptes annuels. A l'inverse
s'il ne manque au bilan que des amortissements ou des provisions par
exemple, la~estion devra à notre avis être résolue sur le terrain
de l'authenticité des documents (3).
Enfin, il convient de noter que la jurisprudence assimile
et
au refus de communication lIa communication partielle. (4).
(1) L. CONSTANTIN, op. cit. 283
(2) Con~r. A. VIANDIER, Pu~lier l'annexe comptable? JCP 1985 ed CI
14548
(3) cf. infr~ n° 503 et s.
(4) T. corr. Paris;3 fev. 1966,cité par TOUFFAIT,ROBIN ••• op. cit.
n0345 (note 3);Paris 18 octobre 1963 JCP 1964)205
J
122
Z5Q - Ainsi, pour l'essentiel, le droit pénal permet de
garantir l'exécution des obligations relatives à l'information pério--
dique. En est-il de même en ce qui concerne l'information évènementielle?
B - EXTENSION DU VOLUME DE L'INFORMATION EVENEMENTIELLE
251- Le chef d'entreprise n'est pas seulement tenu de
produire une information périodique. ll doit également, à l'occasion
de certains évènements qui engagent la continuité de l'exploitation
ou l'intérêt de ses partenaire~tenir ceux-ci informés de la situation
de l'entreprise. Le volume des informations qu'il doit ainsi fournir
est impressionnant. Dans certains cas, l'information consiste pour
l'essentiel à publier la documentation périodique que noœvenons
d'étudier. Il en est ainsi en cas d'augmentation de capital ou
d'appel public à l'épargne. Les dirigeants de la société doivent
alors diffuser une information sur la situation financière de la
société.
En général,les évènemen~ importants dans la vie de l'entre-
prise doivent donner lieu à une réunion/soit des associés, soit
duComité d'entreprise, et parfois des deux. Notre étude s'articulera
d'une part autour des informations relatives à la tenue de ces réunions
et d'autre part autour de celles qui sont relatives à leur objet.
l - L'INFORMATION RELATIVE A LA TENUE DES REUNIONS
2.52- Il est à peine nécessaire de dire que toute réunion
suppose la convocation des personnes habilitées à y participer. Cette
convocation doit comporter la date et le lieu de la réunion ainsi
que l'ordre du jour de la réunion. Cependan~ en ce qui concerne les
réunions du comité d'entreprise, l'ordre du jour (1) n'est pas
(1) L'ordre du jour est établi par le chef d'entreprise en collaboration
avec le secrétaire du comité.
123
nécessairement joint à la convocation. Il -suffit qu-'elle soit adressée
aux membres du comité dans un délai minimum-de trois jours avant la
réunion (1).
;( 53 - Il faut remarquer que bien avant la loi du 28 octobre
1982, la chambre criminelle s'est montrée très rigoureuse dans l'ap-
préciation des circonstances qui peuvent justifier un défaut de
convocation soit de l'ensemble du comité, soit de certains de ses
membres. Elle a ainsi jugé que tous les membres du comité d'entrepri-
s~y compris les suppléants (2),les représentants syndicaux (3) et
les malades
même hospitalisés (4~ doivent être convoqués; qu'une
suspension du contrat de travail n'entraine pas une suspension du
mandat représentatif et que par conséquent le membre du comité sus-
pendu doit être convoqué à ces réunions (5). Ces solutions pourtant
sévères ont été approuvées par la doctrine dominante -(6).
Il s'agit
surtout de ne pas laisser au chef d'entreprise des prétextes qui lui
permettraient d'écarter de la réunion des membres du comité qu'il
trouverait gênants. rI avait aussi été jugé que tout refus de convo-
quer une réunion exceptionnelle du comité (7) ou l'utilisation
de moyens dilatoires pour en repousser la tenue (8) est constitutif
du délit d'entrave. Et, bien que la possibilité de réunions exception-
nelles ne fnt pas prévue par les textes antérieurs à la loi de 1982,
(1) M.Cohen, op. cit., p. 361 et jurisprudence citée
(2) Crim,4 av. 1978 R.P.D.S. 1978, som. 243
~
L
(3) Crim. 28 av. 1977, BulL n° 145 p. 356;Crim.,4 av. 1978, prec.
(4) Crim~ 16 juin 1970, bull. n° 201, P. 500.JCP.1970.II~16551. TGI,Corr.
Lyon/29 sept. 1975, RPD 1975. somm. 338
1
(5) Rennes, 5 juin 1972, JCP. 1972.II, 17327. note G. ROUTEL,G.P. 1973.
II, 12~ NOtE BARON;Orléans 16 mars 1978 R.~.D.S. 1978 somfu. 243
(6) Crim.; ~2 Octobre 1975,R.P.D.S. 1'76, somm 3
(7) Versailles 13 fev. 1980 R.P.D.S. 1980~somm. 195
t
1
;
124
la jurisprudence avait décidé que le chef d'entreprise n'avait pas
qualité pour en apprécier l'opportunité (1). Cette solution a,
selon la doctrin~ été consacrée dans l'art. 434-3 al. 1er qui impli-
que
la majorité du comité puisse exiger la tenue d'une réunion
exceptionnelle (2).
2.54 - Les convocations aux réunions du Conseil d' adminis-
tration ne font pas l'objet d'une rigueur semblable (3). Cependant,~u
la facilité avec laquelle la mâtérialisation des délits d'entrave
est admise, on peut penser que le défaut de convocation des délé-
gués du comité d'entreprise ou des commissaires aux comptes sera
puni (4). Quoi qu'il en soit, il est admis que cette convocation doit
se faire suivant les mêmes formes et conditions que ce Hes des membres du
conseil d'administration ou du conseil de surveillance (5).
~55 - Les convocations aux assemblées générales sont soumises
à une règlementation plus stricte, sanctionnée par les art. 442 et 443
dela loi du 24 juil. 1966 (6).
(1) Versailles,27 fev. 1978., R.P.D.S. 1978, somm. 132~Contra: Crim' 16 mar~
f
1982,D. 1983.IR.163,note J. FOSSARD;bull. n° 7~p. 205 : Aucun texte
!
ne prévoit l'obligation pour le ch~f d'entreprise de tenir Il en toute
;
circonstance" une réunion du comité d'entreprise à la demande de la ma-
jorité. Il semble d'ailleurs que la haute juridiction se soit montrée
plus indulgente que les juges du fond puisqu'elle avait déjà admis
qu'une réunion extraordinaire pouvait être différée sur le fondement
du règlement intérieur si un tel report n'a donné lieu ~ucune objec-
tion et n'a pa~ causé de préjudice aux oeuvres sociales concernées
(V. Crim., 14 fev. 1978,bull. n° 57,p, 137·D 1978.LR~328).
(2) M. COHEN,op. cit., p. 358J·J. FOSSARD,o~s. ~ou~
crim. 16 mars 1982
,
,
,
prec.
(3)
Aucun délai ni aucune forme n'est exigée légalement pour cette
convocation et la violation des clauses statutaires n'entraine même
pas la nullité de la réunion (Aix/3D janv. 1979/bull. Cour d'Aix 19791
(1 p. 95) sauf s'il ya fraude (ComE., 7 mai 1973,bull. IV.145).
(4) Contre l'application de toute sa~tion pénale. MEMENTO F. LEFEBVRE
n° 1322. GUYON ET COQUEREAU, op. cit. n° 100 p. 38 et rep. min. n019652
J.O. deb. senat 12 mai 1976 p. 809.
(5) MEHENTO F. LEFEBVRE,n° 1323;M. COHEN,op. cit.IP. 639
(6) Il est à noter qu'aucune sanction ppenale ne garantit la convocation
des assemblée générales de sociétés commerciales autre que les sociétés
anonymes.
-
125 -
Préalablement à
la convocation proprement dite,
les dirigeants
de sociétés anonymes ne faisant
pas
publiquement appel à
l'épargne
sont tenus d'adresser aux actionnaires qui
en font
la
demande un avis
indiquant
les
li~~x où doivent être déposés
les
actions ou l'un des certificats prévus
par l ' a r t .
136 du
décret
du 23 mars
1967
• Dans
les
sociétés faisant
publi-
quement appel à
l'épargne cet avis
est publié au BALO et doit
en outre contenir l'ordre du jour de
l'assemblée.
Cet avis est suivi de la convocation proprement
dite,
faite
par lettre ordinaire ou recommandée
(si
les
statuts
le prévoient ou si
les actionnaires
le demandent à
leurs
frais)
aux titulaires d'actions nominatives depuis
un mois au moins.
La méconnaissance de ces dispositions
est réprimée par l ' a r t .
442 et i l a été jugé que
l'accord même expresse des action-
naires à ce que la convocation soit
faite verbalement ne peut
faire disparaître l'infraction
(1). Ce qui n'est que la stricte
application de la règle selon laquelle
le consentement de la
victime est indifferent quant à
l'existence de
l'infraction.
256 -
Mais
i l ne suffit pas
aux dirigeants de con-
voquer et de tenir ces
réunions
;
ils
doivent en plus
tenir
une liste des personnes
qui y ontparticipé et un procès verbal
des
délibérations.
Le premier de ces documents doit permettre
de vérifier la régularité de
l'assemblée,
notamment,
du point
de vue du quorum.
Quant au procès verbal,
i l constitue,
en
particulier pour les
personnes n'ayant pas assisté à
l'as-
semblée générale,
une source d'informations privilégiée,
et
un moyen commode de vérifier la régularité des décisions
prises.
Par exemple,
le procès verbal de
l'assemblée
générale doit contenir des
indications
sur le quorum atteint,
les documents et rapportt
soumis
à
l'asseDbl~c ~énérale,
un
T'~BlAmé des débats, le texte de toutes les résolutions mises
aux voix,
le résultat des votes etc . . .
Selon la doctrine de
la COB ce document doit aussi contenir toutes
les
informations
nouvelles
fournies
pendant
l'assemblée générale,
le texte
intégral du discours prononcé par le
président ainsi que
les
( 1)
T.
CO RR .
LYON,
7 j u i l .
197 1, bull.
Joly
1 972 .
126
interventions des actionnaires éventuellement résumées-et la réponse
qui leur a été donnée (1). La méconnaissance des prescriptions qui
précèdent entraineront l'application des dispositions de l'art. 447 - 3°.
II - L'INFORMATION RELATIVE A L'OBJET DES REUNIONS
2~7 - En dehors des réunions ordinaires et périodiques, les
principaux évènements qui donnent lieu à une délioration des organes
de l'entreprise sont relatifs soit à des difficultés soit aux modi-
fications qui peuvent toucher la structure juridique et économique
de l'entreprise, encore que les uns et les autres soient parfois
liés.
25..8 - De ce point de vue, c'est dans le domaine de la consulta-
tion du comité d'entreprise que se posent les problèmes les plus
difficiles. C'est l'art. 432-1 du C. du trav. qui définit le domaine
de cette consultation : "le comité est informé et consulté sur
les modifications de l'organisation économique et juridique de l'entre-
prise". De nombreux textes précisent cette obligation générale.
Certains de ces textes insistent particulièrement sur la né-
cessité de fournir aux membres du comité des informations "précises
et écrites" pour "lui permettre de jouer effectivement son rôle
consultatif" (2).
En dehors des évènemen~liés auxphénomènejde concentration
des entreprises, cette consultation porte essentiellement sur les
mesures tendant à modifier le volume et la structure des effectifs de
l'entreprise. En effet, et surtout lorsqu'elles se traduisent par une
(1)
Bull. COB av. 1974 p. 6
(2) art. 431-5 al. 1et 2 du C. du trav. art. 11 sur l'accord inter-
professionel de 1969 al. 1 ; art. 12 de l'avenant interprofessionel
de 1974.
127
réduction des effectifs, les. conséquences humaines et économiques de
ces mesures sont si graves qu'elles requièrent le respect le plus
strict de l'obligation d'informer et de consulter le comité d'entre-
prise (1). Il s'ensuit que le comité devra être informé et consulté
préalablement à toute mesure modifian~.dans un sens ou dans l'autre/le
volume pu la structure des effectifs. Peu importe le moyen juridique
utilisé pour parvenir àce résultat. Ainsi, peu importe qu'une réduction
d'effectif ait lieu au moyen de résiliation amiable du contrat de travail
de départs volontaires à la retraire, ou de licenciements.
~9 - Déjà, sous le régime antérieur à la. loi de 1982, il
n'y
avait~aucun doute sur la caractérisation du délit d'entrave par le
défaut d'information du comité d'entreprise. D;"nombreuses décisions
avaient prononcé la nullité d'accords prévoyant des démissions monnayées
et avaient condamné les chefs d'entreprises qui avaient de cette
façon procédé à une réduction des effectifs sans consulter le comité
d'entreprise (2). Deux décisions récentes ont confirmé ces solutions.
En 1979-1980, les dirigeants de P.S.A. dans le cadre d'une
restructuration du groupe on procédé à une réduction impressionnante
des effectifs de leur site 'de "Poissy ayant recours, par une part·
importante à des résiliations amiables et à des départs normaux à la
retraite. Le comité d'entreprise de cette usine prétendait n'avoir
pas été consulté ni sur l'une, ni sur l'autre de ces mesures et requé-
rait la condamantion des dirigeants concernés pour délit d'entrave.
La Cour d'Appel s'était demandé s'il y avait -en l'espèce, insuffi-
sance de l'information préalable due aux représentan~du personnel au
point de caractériser le délit d'entrave à la fonction représentative".
A cette question elle répond en affirmant que "les constatations des
premiers juges font justice de ce grief et morirent que pendant toute
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - , . - .__. __.- .
(1) M. COHEN, op. cit. p. 579
(2) Riom) 4 dec. 198°1 RCD.S. 1981, Somme 61, sur renvoi,Crim., 3 ,iuin 1980 1
RPDS,80 Somme 298iCrim'13 janv. 1?80 D. 1980,I.R. 551 note PELISSIER ;
J
27 oct. 1981,D. 1982,I.R.,20 ; 3 Juin 1980,R.P.D.S. 1980,somm. 298
128
la période considérée l'information du comité central d'entreprise
sur le volume de l'emploi a été régulière et complète ••• "(1)
La Chambre criminelle (2) a re~é le pourvoi formé contre cette
décision au motif que les juges du fond ont sans insuffisance répondu
aux conclusions des parties civiles et se sont expliqués,de façon
.
précise et complète, sur la portée des documents soumis à leur appréciatio~
souveraine. Il s'ensuit que si les juges du fond avaient pu constaté
un défaut d'information ou une insuffisance dans l'information du comité,
les dirigeants de P.S.A. auraient encouru les peines du délit d'entra-
ve (3).
25Q - Certains auteurs estiment que le nombre d'emplois en
cause importe peu et que le comité doit être informé même dans le cas
d'un licenciement unique (4).La solution est certaine en ce qui con-
cerne le licenciement d'au moins 10 salariés dans une période d'un
mois. En effet, dans ce cas, la loi de 1975 rend obligatoire la consul-
tation du comitéqv~"~que soit l'importance de l'effectif de l'entre-
.
-
prise (5). Il n'en est pas de même lorsque le nombre d'emplois visé~
n'atteint pas di~.
26t - L'opinion ci-dessus citée se fonde sur la généralité
des termes de l'art. 432-1 du C. du Trav. et sur l'art. 11 de l'accord
interprofessionnel qui précise que le comité d'entreprise doit être
consulté en cas de licenciement-individuel pour motif économique
(1) Versaille~ 30 juin 1983,J.C.P. 85 ed.CI 144 80,obs. O. GODARD
(2) Crim~ 28 nov. 1984,même réf.
(3) L'arrêt d'appel contient cependant une autre série d'arguments ten-
dant à refuser toute assimilation de principe avec des licenciements
collectifs entrainant l'application des dispositions de l'art. 321
du C. du trav. Mais la seule conséquence d'une telle distinction
se li~iterait aux conditions d'efficacité de l'autorisation adminis-
trative.
(4) M. COHEN, op. cit. p. 581 et P. 586 G. Oheix l'information du
comité d'entreprise en cas de licenciement collectif DR. Soc. 1979
spec. 52 En cas de licenciement individuel pour motif économique seule
la L. du 13 janv. 1973 pour licenciement non économique est applicable.
(5) art. 321-3 du C. du trav. la non consultatioqtlu comité d'entrepri-
se en~rainerait aussi la nullité de l'autorisation admnistrative.
-
129
-
du personnel d'encadrement. (1)
-
262 - Mais si on est bien obligé d'admettre que la suppres-
sion d'un seul emploi constitue au' sens littéral de cette expression
une "compression d'effectif", il n'empêche que l'art. 432-1 du C. du
travail est une application des dispositions relatives aux mesures
tendant à
modifier le volume et la ~tructure de l'emploi qui,
raisonnablement
interprétées ne permettent de prendre en
compte que des modifications
significatives au regard de
l'effectif
global de l'entreprise.
Ainsi,
i l a
été
jugé
que le fait
pour le chef d'une entreprise d'une centaine de
salariés d'embaucher en l'espace de deux mois
trois
personnes
dont deux en remplacement d'employés démissionnaires ne
constitue pas une modification du volume des
effectifs
nécessitant
la consultation du comité d'entreprise
(2).
263 -
A notre avis,
cette solution doit s'étendre
au cas de compression d'effectif.
Celle-ci ne doit donner
lieu à consultation du comité que si elle
touche un nombre
relativement
important d'emplois
afin de laiser au chef
d'entreprise la liberté d'action nécessaire à
la célérité
qu'imposent
les
impératifs d'une bonne gestion.
Certes,
de
telles considérations,
en l'absence d'un chiffre légal,
entrainent une imprécision dans
l'application de la loi
pénale qui peut paraitre grave.
En raison du risque
d'arbitraire
qui découle des
pouvoirs
importants d' ap-
préciation qu'elle donne au juge,
cette interpretation
peut paraître contraire au principe de
la légalité des
délits,
dans
la mesure où on considère que celui-ci
impose au législateur d'édicter des
lois aussi précises
que
possible.
Mais cette souplesse est nécessaire à
l'efficacité
de l'information et ne peut qu'être profitable aux prevenus.
(1)
Noter que
l'application de ce
texte implique un licenciement
économique.
Mais
la jurisprudence a
de cette notion une
conception très large. Crim., 13 janv. 1981, R.P.D.S. 1982 Somme
28 ; soc., 22 mars 1978, Dr. Soc.,1978 p. 296 obs. J. SAVATIER ; 30
janv~ 1981, IR p. 432 tout licenciement entrainant une suppression
d'emploi est un licenciement économique.
(2) Crim. 12 janv. 1982 R.P.D.S. 1982 ~omm. 148 Rappr. pour modification
d'horaire ne concernant que 8 salariés sur 350 (crim. 19 fév. 1980
préc.). 22 sur 1:200 (25 mai 1982 préc.) 2 seulement (Crim. 15 av.
1982 prée.).
-
1 29'
De plus
rien n'empêche
les
partenaires
SOC1aux de
fixer par convention un pourcentage qui
rendrait la consulta-
tion obligatoire.
Le chef d'entreprise peut donc
se mettre
à
l'abri de
toute surprise en concluant un tel accord avec
son comité d'entreprise.
Au demeurant,
l'interprétation que nous defendons
semble être confirmée si on la repproche des
solutions admise
en ce qui
concerne l'information relative à l'introduction
de nouvelles
technologies dans
l'entreprise
(1).
Quoi qu'il en soit,
ce pouvoir d'appréciation du
juge profite autant au prévenu pour qu'il
conduise à
un
adoucissement de la repression qu'à
l'entreprise dont elle
permet d'améliorer
la gestion.
264 -
L'argument
tiré de
l ' a r t .
11
de l'accord
interprofessionnel ne nous
semble pas péremptoire.
Ce
texte
ne vise que
le personnel d'encadrement-et seulement
les
licencements économiques.
(1)
Cf
intra nO
267;
~JO
Il ne nous semble pas souhaitable détendre cette obligation
de consultation au delà de ces limites. En cas de licenciement d'un
seul salarié, sans consultation du comité d'entreprise, le délit
d'entrave ne serait donc constitué que si le licenciement concerne un
cadre et peut être assimilé à un licenciement économique.
265
- Sans doute, certaines décisions ont-elles exigé que le comité
soit consulté dans des cas où un seul salarié était en cause (1). Mais
dans tous ces cas les licenciements n'étaient individuels qu'en appa-
rence. Ils étaient collectifs pa~
le lien qui les unissait à d'autre~
qui les avaient précédé ou
allaient le"s suivre.
266 - Lorsque la consultation du comité
est obligatoire, le
chef d'entreprise doit lui communiquer tous renseignements utiles
sur le projet et obligatoirement les raisons économiques, financières
et tec~niques du projet de modification, le nombre des emplois touchés,
le nombre de travailleurs
dans l'entreprise et éventuellement le calen-
_drier prévisionnel des licenciements. Cette exigence d'information mi-
nimum faite dans le cadre des licenciements
collectifs nous semble
transposable aux autres cas de modification des effectifs. Sans dout~
le délit spécifique prévu par la loi de 1975 ne sera-t-il pas constitué
mai~ le chef d'entreprise s'exposera aux peines du délit d'entrave.
Quoi qu'il en soit, si le comité s'estime insuffisamment informé sur
la question il peut exiger une information plus complète (2). Il en
sera ainsi s'il estime nécessaire de prendre connaissance de la liste
nominative des salariés touchés que le chef d'entreprise n'est tenu
de communiquer d'office qu'aux délégués du personnel (3).
(1) Soc~ 13 av. 1976,D.1976 ~Rp. 151 ; soc.,24 juin 1970,bull. p. 352
n° 433
(2) M. COHEN", op. cit., p. 590
(3) Ciro c. min. TE 67-35/1er sept. 1967 D.0. 1967 p. 412.
J
131
2 67 - Outre le cas de modification des effectifs, le comité
doit être informé des projets importants d'introduction de nouvelles
technologies susceptibles d'avoir des conséquences sur l'emploi, ,la
qualification la rémunération ou les conditions de travail. A notre avis,
1
i
les nouvelles technologies dont il s'agit doivent concerner les techniquesl
la
de production de l'entreprise. Quant à/notion de modification importante,
il s'agi~ selon le ministre du travail, "de projets technologiques de
nature à remettre en cause l'ensemble ou une partie majeure du fonction-
nement de l'entreprise (1). Il a été jugé qu'une simple évolution des
techniques faisant appel aux automatismes à certains stades de fabri-
cation pour des opérations ponctuelles concernant 10 % du personnel
ne peut pas être assimilée à une introduction importante de nouvelles
technologies. Le juge a considéré que cette introduction importante
doit marquer une rupture totale ou tout au moins fondamentale avec
le mode de production antérieur ou la conception même des mécanismes
de production ou d'intervention humaine (2).
2:68- Dans le cadre de la prévention des difficultés de
l'entreprise également, le comité d'entreR~~se bénéficie d'un droit
d'information très étendu.
Ainsi, aux termes de l'art. 432-5-1 al. 1 nouveau du Code
du Travail, il peut demander à l'employeur des explications sur "les
faits de nature à affecter de mani~re préoccupante la situation de
l'entreprise."
269 ~n s'est demandé à qui du comité central d'entreprise, du
comité d'établissement ou du comité de groupe, ce droit appartient (3).
(1) J.O. deb. A.N. 4 juin 1982 p. 2985. Par ailleurs, le ministre'
a ajouté que pour changer le modèle de machine à écrire d'un atelier
il n'est pas nécessaire de consulter le comité d'entreprise.
(2)
TGL Caen 9 fev. 1984)cité par Cohen, op. cit./p. 547 note 55
J
(3) B. TEYSSIE, le rôle du comité d'entreprise dans les procédures d'aler-
te (L. nU 84 - 148 du 1er mars 1984) JCP 1985 ed. C.~. 14521 p. 401
et S. PAILLUSSEAU ET PETITEAU,oP. cit.Jn° 475 p. 158. N. CATALA, le rôle
des salariés dans la prevention des difficultés des entreprises. P.A.
n° 109 28 sept. 1984 p. 24 et s.
132
La plupart des auteurs estiment, à juste titre que seul le comité
central d'entreprise peut exercer cette prérogative (1). A ce propos,
-
-
-
les arguments avancés par Messieurs PAILLUSSEAU ET PETITEAU nous
semblent particulièrement convaincants. Ces éminents auteurs avancent
trois raisons qu~à leurs yeux/justifient la compétence du comité
central d'entreprise. "La première est que le texte attribue cette
compétence expressément au comité d'entreprise et ne se refère pas
aux comités d'établissement. La seconde est qu'il s'agit d'apprécier
l'incidence d'un fait sur l'entreprise (envisagée dans son ensemble)
et non sur un établissement : seul, le comité central le peut ; si
des problèmes apparaissent dans un établissement , ils peuvent
être soumis pour appréciation au comité central. La troisième est
que lacommission~con~mique du comité d'entreprise ~st substituée à
ce dernier quand elle existe pour, le cas échéant, établir un ra~port.
Gr/celle-ci est créée au sein du comité central et non au niveau des
comités d'établissement" (~). Il convient d'ajouter que le comité de
groupe serait incompétent pour poursuivre la procédure d'alerte dans
l~ mesure où la loi ne lui reconnait qu'un droit d'information (3).
270 - La demande est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine
séance du comité et l'employeur doit y répondre dans le délai d'un
mois par lettre recommandée (4). De même, lorsque la procédure d'alerte
est mise en oeuvre par les commissaires aux comptes, la délibération
du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ou la répon-
se des dirigeants des sociétés autres que les sociétés anonymes est
communiquée au comité d'entreprise. en peut se poser la ~uestion de
savoir si le délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité
d'entreprise pourrait être constitué dans le cadre de cette procédure
d'alerte.
l~) PAILLUSSEAU ET PETITEAU, op., cit., Loc. cit.
(~) B. TEYSSIE, op. cit. ; PAILLUSSEAU ET PETITEAU,op. cit. loc. cit.
(3) cf. inrra n° 417 et s.
(4) Si le comité juge la réponse insuffisante ou si elle confirme ses
inquiétudes, il établit un rapport qu'il adresse aux commissaires aux
comptes et aux organes de surveillance et d'administration des sociétés
anonymes. Dans le ca s où de tels organes n'existent pas, le rapport
est porté à la connaissance des associés.
133
2.71 - Il nous semble que la réponse doive être poSitive si
le chef d'entreprise ou son représentant s'oppose à l'inscription de
la demande du comité à l'ordre du jour de la prochaine séance dans
la mesure où/dans cette hypothèse, il empêche le comité d'en débattre
et donc de poursuivre la procédUre. De même, s'il omet de transmettre
au comité la délibération du conseil d'administration ou du Conseil de
surveillance ou la copie de la demande du commissaire aux comptes et de s~
réponse, il commet le délit d'entrave comme dans tous les cas où il
refuse une information légalement obligatoire.
272 - La question est plus délicate, dans l' hypothèse, peu
probable selon un auteur (1), où le chef d'entreprise s'abstiendrait
de répondre dans le dé lai d'un mois . D'éminents auteurs pensent que le
délit
pourrait être constitué (2). Mais on peut douter que dans ce cas
il y ait véritablement entrave. L'absenee de réponse de la part du chef
d'entreprise n'empêche pas le comité de poursuivre la procédure. Bien au
contraire ainsi que l'a souligné un auteuTr-le chef d'entreprise
"donnerait, par son silence, un aliment nouveau aux inquiétudes et
rumeurs qui déjà agitent le personnel de son entreprise ; il ouvri-
rait la voie à de nouveaux développements de la procédure d'alerte"(J).
En fait, entre l'absence de réponse et la réponse insuffisante qui per-
met au comité d'entreprise de poursuivre la procédure, il n'y a qu'une
différence de degré qu~à notre avi~ne permet pas de justifier un ré-
gime différent sur le plan pénal.
273- Dans le cadre du règlement amiable des difficultés, le
comité d'entreprise ne bénéficie légalement d'aucun droit d'information.
En faveur de la reconnaissance d'une telle prérogative, on peut invoquer
la généralité des termes de l'art. 432-1. Mais il semble bien que le
(1) B. TEYSSIE,art. pree.
(2) B. TEYSSIE, art. pr~c. PAILLUSSEAU ET PETITEAU,op. cit.,no498 p. 162
(J) B. TEYSSIE,art. pree.
134
législateur n'ait pas voulu obliger le chef d'e1!tre~rise_à ~nforme.!"
le comité d'entreprise avant de demander le règlement amiable des
difficultés. En effet, le projet de loi prévoyait expressément l'in-
formation et la consultation du comité d'entreprise à chaque stade
de la procédure de règlement amiable (1). Mais cette obligation n'a
pas été retenue dans la rédaction définitive. Il s'ensuit que le
défaut d'information du comité ne sera pas constitutif du délit d'en-
trave (2) puisque le législateur a estimé qu'une telle information
n'est pas nécessaire. On peut le regretter. Comme l'ont observé Mes-
sieurs Gavalda et Ménez, une telle information n'aurait pas été
forcément défavorable à l'entreprise.
Elle peut faciliter les
négociations avec les représentants du personnel pour l'adoption _
des mesures qui les concernent directement et peut contribuer pour
que le règlement amiable soit une réussite (3).
774 - Toutefois, le Comité d'entreprise n'est pas seul à béné-
.
ficier de l'information evénementielle. En cas de reduction du capital
social, les dirigeants doivent communiquer leur projet aux Commissaires
aux comptes. Ils aoivent ensuite publier dans un journal d'annonces
légales et déposer au greffe du tribunal la décision de reduction
~~~~.''''-
du capital. Ils encourent, en cas d'omission volontaire, des sanctions
pénales (4)
275 - Enfin, lorsque les capitaux propres d'une société anonyme
sont devenus inférieurs, en raison de pertes constatées, à la moitié
du capital social, les dirigeants doivent réunir une assemblée générale
extraordinaire afin de décider de la poursuite de l'activité sociale.
La décision prise par cette assemblée doit être publiée au registre
du commerce et dans un journal d'annonce légale. La méconnaissance
(1) GAVALDA, PATIN, STüUFFLET, le projet de loi sur le règlement judi-
ciaire des PAILLUSSEAU,en difficulté. D. 1984 p. 13 ; GAVALDA ET MENEZ
le règlement amiable des difficultés des entreprises (L. na 84-148 du
1er mars 1984 et decr. 85- 295 du 1er mars 1985~J.C.P. 1985.1. 3196.
(2) GAVALDA ET MENEZ,art. pree.
(3) Ibid.
(4) art. 454 loi du 24 juillet 1966
135
de ces obligations est assortie de sanctions correctionnelles (1).
Pour la jurisprudence l'infraction n'est constituée que si les
pertes apparaissent dans les comptes adoptés par l'assemblée gé-
nérale. Il s'ensuit que les dirigeants ne seront pas condamnés si
les comptes de résultats n'ont jamais été établis et qu'aucune
assemblée générale n'a été réunie pour les approuver (2). Bien en-
tendu ils commettent alors les délits relatifs à la réunion de l'as-
semblée générale dans les six de la clôture de l'exercice et au dé-
faut d'établissement des comptes annuels précédemment étudiés (3).
276 - Comme le comité d'entreprise, le commissaire aux
comptes bénéficie d'un droit d'information dans la mise en oeuvre
de la procédure d'alerte. Il peut demander
aux dirigeants des ex-
plications sur tout fait de nature à compromettre la continuité de
l'exploitation qu'il a rel~vé à l'occasion de l'exercice de sa
mission (art. 230-1 1 du 24 juillet 1964).1e président du conseil
d'administration, le directeur ou les gérants doivent_répondre à
cette demande dans un délai d'un mois. De même, lorsque la procédure
d'alerte est mise en oeuvre par les associés ou par le comité d'en-
treprise, les dirigeants doivent communiquer aux commissaires aux
comptes une copie des questions qui leur auront été posées et des
réponses qu'ils y auront apportées.
277 - Mais l'omission de ces obligations ne nous semblent
pas pouvoir faire l'objet des sanctions pénales du délit d'obstacle
aux contrôles et vérifications des commissaires aux comptes. Si les
dirigeants ne répondent pas à la demande d'explication des commissai-
res aux comptes il n'y a pas d'obstacle pour les raisons que nous
(1) art. 459 Loi du 24 juillet 1966
(2) T. Corr .. Paris/2 nov. 1979 G.P. 1980,II.408 APS·rev. soc.
1
1080 796 Bouloc.
)
J
(3) cf. supra n° 24~ et s.
1
136
que nous avons déjà invoquées à pnpos du délit d'~ntrave aux ins-
titutions représentatives du personnel. De plus, on peut se
demander, si dans le cadre de la procédure d'alerte le commissaire
aux comptes exerce un contrôle ou une vérification. On peut en
douter, dans la mesure où ces deux expressions font davantage pen-
ser à la mission de certification des comptes.
278 -
En revanche, dans le cas où le commissaire aux comptes
demanderait que ces documents lui soient communiqués "sur place",
les dirigeants slexposeraient aux sanctions du délit de refus de
communication slils nlexécutent pas cette demande (1).
(1) Cf. supra,n° 177 et s.
137
PARAGRAPHE II
L'INFORMATION PROSPECTIVE
2-79 - L' information prospective n'est pas aussi nouvelle
qu'elle le parait à première vue. Toutes les informations comptables
contiennent à des degrés divers des indications qui peuvent être uti-
lisées à des fins de prospection. Bien avant les réfo~~es récentes
le chef d'entreprise était tenu de cbmmuniquer aux comités d'entre-
prise ses prévisions d'emploi pour l'année à venir et, plus généra-
lement, ses projets pour l'exercice suivant. Ce qui est nouveau
dans la législation récente, c'est la systématisation et le dévelop-
pement de l'information prospective. Son utilité est si évidente et
si communément admise (1) qu'il n'est point besoin d'y insister. «;tu'il
nous suffise de reprendre ici quelques lignes du projet devenu la
loi du 1er mars 1984 pour en 'souligner l' enj eu : "Dans le système
actuel, les sociétés commerciales ne sont tenues qu'à des comptes
rétrospectifs de caractère annueL-or, la situation pett évoluer rapi-
dement et il est alors essentiel pourles dirigean~d'être en posses-
sion des éléments les plus complets et orientés prospectivement "(2).
280 - L'information prospective concerne d'abord les
sociétés commerciales qui répondent à l'un des deux critères suivants
100 salariés ou 40 millions de chiffre d'affaire pour les exercices
qui seront ouverts après le 31 décembre 1986 (3). Selon les mêmes
critères les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant
une activité économique ainsi que les établissements publics ayant une
activité industrielle et commerciale sont également tenus d'établir
une information
prospective. Il en est de même pour les G.I.E. d'au
moins 100 salariés.
(1) y GUYON,l'information ~révisionnelle/J.C.P. 1985 ed. CI 1985 act.
14608 • P. GULPHE,op. cit~ banque 1979 p. 839 et s.
(2) Projet de loi n° 1398 doc. A.N. p. 3
(3) Pour les exercices ouverts avant cette date ces critères sont de
_300 salariés et 120 millions de francs. En outre il est prévu que
les entreprises qui ne rempliraient aucun de ces critères pendant
deux exercices successifs cesseraient d'être assujetties à cette
obligation.
1)8
Ces documents sont au nombre de quatre (A) mais la garantie
de leur établissement par ledrolt pènalpose quelques problèmes (B).
A - LES NOUVEAUX DOCUMENTS PROSPECTIFS
281 - L'information prospective comprend une situation de
l'actif réalisable et disponible, un tableau de financement, un
compte de résultat prévisionnel et un plan de financement.
282 - La situation de l'actif disponible et réalisable est
un document semestriel. La formule utilisée par l'art. 340-1 de la loi
du 24 juil. 1966 rappelle incontestablement celle que la jurisprudence
utilise
pour définir la notion de cessation de paiement : impossibi-
lité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible (1). IL
s'agit en effet de permettre aux œrigeants de savoir dans quelle
mesure ils pourront faire face au passif de l'entreprise et éviter
de contracter des obligations trop lourdes pour leur trésorerie. Du
reste, aux termes de l'art. 444-2 du décr~du 23 mars 1967 ce document
doit faire apparaitre la situation de trésorerie de l'entreprise. Cet
objectif s'entend fort bien dans la mesure où l'un des principaux
problèmes qui se posent aux entreprises françaises est la faiblesse
de leur trésorerie qui les oblige à recourir trop souvent à des crédits
à court terme se mettant ainsi à la merci de la moindre baisse d'acti-
Vité (2). La situation de l'actif réalisable et disponible devrait donc
permettre une gestion rationnelle de la trésorerie ou tout au moins
de détecter le plus rapidement possible d'éventuelles difficultés.
2~J - Mais l'efficacité de ce document est fort réduite par
l'exclusion des valeurs d'exploitation, c'est à dire principalement
des stocks. En effet, la mauvaise gestion des stocks apparaît comme
(1) Com., 2 ju~l. 1979,bull. IV 218
(2) MAHO L'/mem. D.J.C.E.,p. 8 et P. 24
139
étant une des causes important~de défaillance des entrepisœcommerciales"(1)
et_il est difficile de juger la capacité de l'entreprise à 'faire face à ses
engagements sans tenir compte de ses stocks~ Au surplus, l~ solution des
problèmes financiers peut se trouver dans un ajustement de la production à
la capacité de distribution de l'entreprise. Des stock trop importants peu-
vent créer des problèmes de trésorerie. Comment le savoir si on ignore la
situation des stocks? Cette exclusion a été justifiée par la nécessité d'é-_
tablir ce document rapidement(2). L'argument n'est pas très convaincant.
L'inclusion des stocks dans ce document n"aurait pas considérablement re-
tardé son établissement car toutes les entreprises qui y sont assujetties
doivent, en vertu de la reglémentation sur les comités d'~ntreprisei éva-
luer trimestriellement l'importance de leurs stocks(3).
- Du reste, à supposer qu'un tel retard soit possible, le choix de
la rapidité au détriment_ de la qualité ne nous semble pas la meilleure,'poli-
tique d'info~mation. Comme le disent messieurs BRUNET et GERMAIN, "à vrai
dire, l'exclusion(des valeurs d'exploitation)sera surtout la bienvenue pour
les dirigeants soucieux de masquer les ennuis financiers de la société. -Ils
pourront en effet tirer argument de l'importance des stocks et des encours
pour calmer les inquiétudes nées d'un passif trop élevé par rapport à l'
actif"(4).
2~~,-- Il n'existe aucune définition légale ou reglémentaire du contenu
de ce document. L'art.244 àu décret se contente d'indiquer qu'il doit faire
apparaitre la situation
de la trésorerie; ce qui ne nous ren-
seigne pas beaucoup sur son contenu(4). Il semble, selon le rapport de la
,
commision des lois de l'AB~emblée Nationale qu'il doive se présenter comme
une situation provisoire du bilan(5). La seule certitude est qu'il doit
(n MAHO L"I op. cit.,loc. cit.
(2) Rapport ROGER-MACHART doc. A.N. p.33
(3)
Cf; supra. ri"i,33
(4) Art. prée., in rév.soc.1985 p.31
~5) Il semble que le projet de décret prévoyait une reglém0ntation plus
détaillée. V. Y. GUYON, art. prée. in J.C.P.-E. 1985 act. 14608
comporter, pour chaque poste, les chiffres correspondants des deux semestres
précédants.
A notre avis, il serait souhaitable que ce document soit plus
élaboré qu'un simple bilan provisoire. Il devrait comporter des indic~ons
sur la durée résiduelle des dettes et des créances afin que sa précision
dépasse celle de la distinction classique entre dettes à plus d'un an et
dette à moins d'un an.
2'85-
Dès 1968, les organismes professionnels et la banque de France
ont recommandé l'établissement d'un tableau de financement(1). Ce document
est le seul qui permette de décrire le flux financier à l'intérieur de l'en-
treprise(2). Il indique les ressources dont elle a disposées au cours de l'
exercice et l'emploi qu'elle en a fait. Il permet de dégager l'importance
relative desdifférenteJsources de financement de l'entreprise et de con-
trôler la réalisation du plan de financement. Tous ces renseignement6seront
d'une grande ~tilité dans la prévention des difficultés de l'entreprise(3).
Selon le modèle du plan comptable revisé, il se présente sous la
forme d'un tableau à deux colonnes. La colonne de droite comporte les res-
sources de l'exerc~~t la colonne de gauche les emplois. Il s'agit d'un do-
cument annuel qui doit indiquer pour chaque poste le chiffre correspondant
de l'année précédante.
2~-· Le compte de résultat prévisionnel est le pendant du compte de ré-
sultat. Il recapitule les produitset les charges probables de l'exercice
pour lequel il est établi. Pour, être significatif, il doit respecter les
mêmes formes et les mêmes méthodes que le compte de résultat. Sa périodi-'
cité est annuelle mais les dirigeants doivent la reviser à la fin du premier
semestre. Ils pe~vent ainsi se rendre compte des éventuels décalages entre
la réalité et leurs prévisions du début:à'exercice et corriger celles-ci.
(1) A. CORDOLIANI, La normalisation communautaire des comptes annuels.
J.C.P.1979 éd.C.I.13039
(2) A.CORDOLIANI, art. préc.; FAYAL $ PERNOT, Comptabilité générale de
l'entreprise. CLET. 1984 p.383
(3) Y. GUYON art. préc. in J.C.P.-E. 1985 Act.14608
1'41'
2· 87-I.e plan de financement I!est une sorte- de tableau de financement
prévlsionnel"(1). Il indique les besoins et les prévisions de financement
de l'entreprise(2). Il s'agit, ainsi que l'a souligné monoour GUYON, "de
s'assurer que les besoins prévisibles sont couverts par un financement
adapté et que la société ne risquera pas de se trouver dans une situation
difficile(J) .
2~-Tous ces documents sont analysés et commentés dans des rapports
établis par les dirigeants de l'entreprise(4). Ces rapports complètent
aussi l'information qu'ils contiennent. Ils décrivent les conventions comp-
tables, les méthodes utilisées et les hypothèses retenues et en justifient
la pertinence et la cohérence(5).
2~9- L'ensemble de l'information prospective doit être communiqué aux
commissaires aux comptes, au comité d'entreprise et au conseil de surveil-
lance dans les huit jours de leur établissement. A l'inverse sa communica-
tion aux associés n'est prévu par aucun_texte. Ils n'auront connaissance
de la situation prévisionnelle de l'entreprise que gr~ce au rapport que le
commissaire aux compte établit 8n cas d'inobservation deflprescriptions
légales qui ne leur sera communiqué qu'à la prochaine assemblée générale à
moins que, dans les sociétés autre que les sociétés anonymes
,les commis-
saires aux comptes n'en décident autrement.
Cet effacement des associés peut paraitre regrettable dans la me.
sure où les documents prospectifs peuvent les éclairer sur la politique
générale envisagée par les dirigeants et pourraient p0rmettre"d t éviter des
recours intempestifs aux procédures d'alerte. Par ailleurs, ces documents
pourraient être très utiles pour les éclairer sur la portée de certaines
(1) Y. GUYON, art. préc./in J.C.P.-E.1985 Act.14608
(2) Art.244-3 D._ftu 23 mars 1967
(3) Y. GUYON, art. préc~ note (1)
(4) <Dans les S.A., ils sont établis par le conseil d'administration ou ~e
directoire et dans les a~res sociétés par les gérants. La loi n'exige
pas leur établissement dans les personnes môrales de droit priv~n:
commerçantes. Cette 1<: Oime:> 1). dt& ~()m~-:'lée par le décret du 1er mars 1985
(5) Art.244~2 decret prée.
f ,
142
décisions relevant de la compétence de l'assemblée générale telles que 1:
--
-
-
- -
affectation des bénéfices ou l'augmentation du capital. La solution n'en
est pas moins justifiée. Les mécanismes de prévention des difficultés de
l'entreprise reposent plus sur le comité d'entreprise et les commissaires
aux comptes que sur les associés. De plus, l'information prévisionnelle est
réputée ctfidentielle(1). Or, les associés ne sont tenus à aucune obligation
de discrétion ou de secret qui d'ailleurs serait peu efficace. Il suffirait
à un concurrent d'acquerir quelques actions ou parts de la société pour ac-
ceder à des informations sur la stratégie de l'entreprise.
280--- L'information prévisionnelle est un excellent tableau de bord
dont les clignotants permettront la détection,la plus précoce possible,des
difficultés. Elle est susceptible d'entrainer une amélioration de la ges-
tio~ des entreprises dont les effets permettront de compenser largement les
charges
qu'elles occasionnent. Encore faut-il que les prescriptions les
concernant soient respectées. Bien qu'il s'agissent surtout d'un problème
de menta~ité, le droit pénal peut peut-être contribuer à assurer ce respect.
BI L,' incrimination de -la méconnaissance des
obligations relatives à l'information prospective
291-
La loi du 1er mars 1984 n'a prévu aucune sanction pénale spéci-
fique,à l'information prospective. Il faut donc recourir aux infractions
t'te'hles
déjà/par le droit pénal des affaires. Le non établissement de ces documents
n'est pas directement sanctionné. L'art.426 et 429 de la loi sur les socié-
tés commerciales visent les "comptes annuels". Cette expression ne désigne
que le bilan, le compte de résultat et l'annexe, aux termes de l'art.9-du
code de commerce. Ces infractions ne peuvent donc pas servir à reprimer
le défaut de plan de financement ou de compte de résultat prévisionnel
même si leur périodicité est annuelle.
11) P. GULPHE, art. préc./in banque 1979 p.839; contra:
(1) P. GULPHE, art. préc~1 in banque 1979 p.839; contra: Y.GUYON ârt. prée.
in J.C.P.-E 1985
143
a92. - ~l est également douteux qu'en cas de l~quidation le délit de
banqueroute puisse être retenu contre les dirigeants. La loi do t~~~ ne
vise .que l'absence de toute comptabilité. Ce qui ,selon le professeltt .
GUYON(1), ne saurait être constitué par le seul défaut de documents prospec-
tifs. La notion de comptabilité fictive ne permet pas davantage d'atteindre
le défaut de comptes prévisionnelles. La jurisprudence n'utilisait.cett~
expression que pour sanctionner la comptabilité irrégulière. Ainsi la cour
de cassation a jugé que le délit de banqueroute était caractérisé par la
simple inscription de créances fictives dans le bilan(2)
293- Cette solution qu'impose la loi du25 janvier 1985 n'est cependant
pas à l'abri de toute critique. Cette loi, tout comme celle qui a institué
l'information prévisionnelle vise, à un stade différent certes, à sauver l'
entreprise. On peut donc légitimement penser que le délit de banqueroute
a pour but de punir les dirigeants qui, soit par leur négligence, soit par
leur malhonnêteté, ont amené l'entreprise à la "faillite". Or, nous semble-
t-il, l'abstention de tenir une_c~mptabilité prospective,;àlors que l'entre-
prise y est tenue, n'est pas étrangère à sa défaillance. N'a-t-elle pas été
imposée justement pour prévenir ses difficultés?-Cette considération qui
peut s'étendre, de façon générale,.à la tenue de comptabilité irrégulière
aurait pu conduire le législateur à maintenir cette hypothèse parmi les cas
de banqueroute.
2~4- Mais , la communication de ces documents aux commissaires aux
comptes ~t au comité d'entreprise étant obligatoire, les dirigeants qui n'
auraient pas établi des comptes prévisionnels échapperaient difficilement
aux foudres de la loi pénale. Ils s'exposeraient aux peines du délit d'en-
trave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise et à ceux d'obstacle
aux contrôles et vérifications.odes commissaires aux comptes et éventuelle~
ment du ~efus de communi,cation. En effet, il a été ju~é que le délit de
(1) Y. GUYON, art. préc. in J.C.P.-E. 1985. 14608; En ce sens, J. COSSON,
L'inflation pénale dans la loi sur les sociétés commerciales. G.P.1985
II. doct. pi.415
~~) Y. GUYON cité n0to(1) qui regrette cette solution.
1.14
refus de communication aux commissaires aux comptes était constitué même si
les documents demandés n'avaient pas été préalablement éta~s(1). Rien
n~
justifie, à notre sens,une plus grande indulgence lorsqu'il s'agit d'appli-
quer le délit d'entrave. En réalité, le refus de communication n'est qu'un '
cas particulier d'obstacle aux contrôles et vérificationE.
~5- Ainsi, malgré l'absence d'incrimination spécifique, les dirigeants
qui méconnaitraient les prescriptions relatives à l'information prévision-
nelle pourraient difficilement échapper à la sanction'pénale~ Cette inter-
vention du droit pénal est d'autant plus salutaire que la responsabilité
civile des dirigeants serait difficile à mettre en oeuvre. Le défaut de l'
information prospective pouvant difficilement être considéré comme la cause
directe d'un dommage qûi résulterait avant tout des difficultés de llentre-
prise(2) •
296-
Quoi qulil en soit, l'information prospective constitue un progrès
dans le sens de l'amélioration de l'information au sein de l'entreprise qui
sera merveilleusementtomplètée par celle qui est relative aux phénomènes de
concentration.
Section II:
LE DEVELOPPEMENT DE L'INFORMATION RELATIVE
AUX PHENOMfNES DE CONCENTRATION DES ENTREPRISES
297_
La concentration des entreprisesest un phénomène ancien et uni-
versel. Son importance n'est plus à démontrer tant d'éminents auteurs lui
ont consacré de remarquables études(3). Elle a conduit à un véritable
(1) Gim .,11 mai 1981, rév. soc. 1982,102, note SIBON
(2) Y. GUYON, art.préc. in J.C.P.-E.1985. Act.14608
(3' CHAMPAUD Ch~ Le pouvoir de concentration des "Sociétés anonymes. Sire:,.'
19G2; Les méthodes de groupement. des S.A. R.T.D.C.1967.1003; C~YT!N R.
$ HOVASSE, L'autonomie patrimonial~es groupes de société, D.S.1971.197;
PAILLUSSEAU J., La S. A, technique de' organisation de l'entreprise. SIREY
1967 p.112 et s. RAFFEGEAU ,DUFFILS t CORRE, Les comptes consolidés;
mmrm$ LATCHA 1 Les groupements d'entreprises ...
bouleversement et à une altération des règles fondamentales du droit commer-
ciial individualiste et égalitaire(l) voire celui des structures même du
capitalisme(2). Elle a contribué à mettre en,évid:nce la divergence d'inté-
rêt entre actionnaires contrôlaires et actionnaires minoritaires ou bailleurs
de fonds
~:9·- Les mécanismes de concentration des entreprises peuvent constituer,
aux mains de dirigeantshabile~un moyen ~rès ,commode pour porter atteinte
aux intérêts des associés, des salariés et des tiers(). La jurisprudence
essaie depuis longtemps de protéger ces intérêts en utilisant les règles
classiques du droit commercial et du droit du travail(4). Mais la meilleure
façon de protéger ces intérêts, c'est de donner à leurs titulaires les
moyens de se défendre personnellement/par une information adéquate. C'est
dans ce sens que, sous l'impulsion des
juridictions pénales,
s'est ~rientée la législation récente qui a cré' des obligations
d'information autant en ce qui concerne les processus de concen-
trat"'n (~,) qu'en ce qui concerne l'etat de la concentration ( §II)
§ I~
LE DEVELOPPEMENT DE L'INFORMATION RELATIVE
AUX PROCESSUS DE CONCENTRATION
JOP -Dans un premier stade, la concentration se traduit par une augmen-
tation-ce la taille des entreprises et ~réduction corrélative de leur nom-
bre. Dans oe cas, plusieurs entreprises fusionnent soit pour améliorer leur
gestion, soit pour mieux affronter la concurrence. Mais, au delà d'une cer-
taine taille, la gestion de l'entreprise devient trop lourde. Elle est obli-
g.~e de se morceller pour survivre. Elle se scinde alors pour former plusieurs
personnes juridiques différentes ayant une certaine autonomie de gestion,ce
qui ne les empêche pas de collaborer étroitement. Parfois, la concentration
(1) CONTIN R. $ HOVASSE(art. pr~cï D.1971.197
(~)J. PAILLUSSEAU, La S.A. technique •. ,préc. p.112 et s.
()
Voir Versaille/)O juin 19§3/préc.
~ntre autre avantages les dirigeants
de P.S.A espéraient que "la fusion ayant un effet comptable retroactif,
•.• les pertes de TALBOT se trouveraient pris en charge par aAUTOMOILES
PEUGEOT.
()
DESPAX M., L'entreprise et le droi~no129 et S.' VIANDIER A. Les opérR
tions financières au sein des groupes de société, JJ.C~P.-E.1985 14447
146
:~ la déconcentration se traduit
par un simple transfert de titres.
Quelle que s~it la technique utilisée
fusion et scission(A) ou
transfert de titre(B) l'information des différents partenaires de l'entre-
prise est désormais garantie par le droit pénal
AI
Le droit pénal et l'information relative
aux opérations de fusion et de scission
301 -
Jusqu'à la loi du 24 juillet 1966, les opérations de fusion ou
de scission ne faisaient l'objet d'aucune reglémentation relativement à l'
information. Seule la pratique des traités de fusion permettaient aux assoo.-:
ciés des sociétés concernées d'avoir quelques indications sur ces opération~,
~ais ce document ne contenait que les renseignements que les dirigeants
voulaient bien y mettre(11.
302
Depuis la loi de 1966, les dirigeants de sociétés candidates à
une opération de fusion
ou de scission sont tenus_~établir un projet qui
doit être signé par les représentants de chacune des sociétés concernéeS.Ce
projet, dont le contenu est reglémenté par l'art. 254 du décret du 23 mars
19617 est une source essentielle d'information. Il contient des indications
con,cernant les motifs, les buts et les conditions de l'opération, la dési-
gnation
et l'évaluation du patrimoine qui fera l'objet d'un transfert de
propriété, les méthodes d'évaluation et les motifs du choix du rapport d'
échange ..• Il est largement diffusé par un dépôt au greffe du tribunal et
la publication d'un avis 'hns un journal d'annonces_l~gales. Si
cette
publicité ne fait l'objet d'aucune sanction pénale, cette carence ne présen-
d'inconvénients que pour les tiers.
303 ',-
Le droit de communication des associés est garanti,
par les dis-
positions des artioles 426 ~t 445 de la loi sur les sociétés commerciales
dans la mesure où ce projet constitue aussi un projet de résolution qui, à ce
.t
. - l' (;.·.i
(1)
R. CONTIN, op. cit~1295 p. 273
147
titre ,. doit être cO,mmuniqué aux associés préalabement à l'assemblée générale
extraordinaire appelée à se prononcer sur l'opération projetée.
;04-
Par ailleurs, les dirigeants s'exposent aux peines du délit d'en-
trave s'ils ne communiquent pas le projet aux membres dû· comité d'entreprise
lors de la consultation de cette institution sur l'opération.
305 - En effet, b~en avant que le législatemr n'ait expressement pros-
crit la consultation du comité à l'occasion des opérations de fusion ou de
de scission, la jurisprudence(1), considérant,à juste titre, qu'il s'agit
de cas de modification de l'organisation générale de: l '.éntreprise, exigeait,
en application de l'art.432-1 du code du travail, qu'elles donnent lieu à
consultation du comité d'entreprise. Cette solution était approuvée en
doctrine(2). La consultation implique, pour les dirigeants des obligations
d'information plus étendues que celles auxquelles ils sont astreints dans
le cadre de l'assemblée générale. Ils devront informer le comité sur les '1.
mesures envisagées à l'égard des salariés.
)06 -
Il convient d'observer qu'il n'est pas nécessaire que l'entrepri~
se concernée soit une société commerciale. La chambre criminelle a condamné
les dirigeants d'une société mutualiste pour entrave au fonctionnement .-
régulier du comité d'entreprise parce que celui-ci n'avait pas été consul-
té
sur la fusion de la société avec "un autre organisme mutualiste."
Ainsi, apparait un autre particularisme du droit des comités d'entreprise
(3). L'obligation de consultation existe quelle que soit la forme juridique
des entreprises concernées.
(1) Crim. 29 mars 1973, J.C.P. 1973. II. 17651 note N. CATALA; 28 nov.1984
sur pourvoi Versailles 30 juin 1983 prée.; Toulouse,19 oct. 1978 R.P.
D.S. 1980 Som.35
(2) FREYRIA Ch., Problématique des pouvoirs économiques du
C.E. in mel.
BRUN p.217; HEMARD TERRF ,~ MABILAT, op. cit.,no81O p.613; COHEN M., op ..
cit'/~.519; J. SAVATIER,obs. s/ Soc. /10 oct. 1973,Dr.soc.1974.115
(3) Dans le droit des sociétés, la fusion est l'opération par laquelle
deux sociétés se reunissent pour n'en plus former qu'unee,
148
BI Le droit pénal et l'inforamtion relative
à la cession d'actions ou de parts
307 -
La cession d'actions ou de parts peut être un moyen commode de
transférer la "propriété"de l'entreprise sociale. Il suffit"pour cela,
qu'elle aboutisse à un transfert de majorité. Elle peut avoir une consé~uen
ce importante sur l'organisation de l'entreprise et la situation de l'emploi.
Elle peut aussi donner lieu à des participations croisées légalement prohi-
bée parcequ'elles entachent une partie du capital social de fictivité.
D'où, la nécessité d'assurer la transparence de ces opérations.
Cette transparence est aujourdhui imposée aussi bien aux dirigeants de l'
entreprise "cedante" qu'à ceuy. de l'enterprise"cessionnaire"
Il
Le droit pénal et l'information due par
les dirigeants de l'entreprise"cedante"
~O~_ Depuis l'affaire HOULOTTE(1), une jurisprudence constante(2)
oblige les dirigeants à consulter le comité d'entreprise en cas de cession
de contrôle. Dans cet arrêt de principe,.la chambre criminelle-affirmait:
"3'il est vrai que la vente régulièrement conclue entre particuliers d!ac-
tions ou de parts d'une société constitUlen règle générale une opération
patrimoniale privée, il-eq vâ autrement au cas où la tranmission négociée
d'une partie du capital-social est utilisée comme moyen de placer la soeié-
té qui exploite une entreprise sous la dépendance d'une autre société; une
telle opération équivaut &ans l'ordre économigue, à la cession de l'entre-
prise.
309 _ La jurisprudence HOULOTTE ne visait donc que les cessions de con-
, '-'
trôle. Bien entendu, celles ci n'impliquent pas nécessairement le tranhf,etts
d'un paquet
d'actio~ou de parts assurant au cessionnaire la majorité
(1)
Crim. 2 mars 1978 Dr. soc. 1978.396 note J. SAVATIER; J.C.P. 1978. II.
19052 note SALVAGE; R.T.D.C.1979.261 note HOUIN; rév. soc.1979.553.,
note BOULOC; G.P.1978. II. 512 note P.L.G.; Voir commentaires: LYON-CAEN
CAEN A. Dr. soc.t979 spéc. 24; D ROUX, La spécificité de la cession de
contrôle
• :c·av. scic. 1980.62
----.
(2) Crim. 4 avr. 1979 D.1.980 note BOUSQUET; 10 nov.1981 D.1982,IoR.313; ~8
Juin 1982 D.1982 I.R. 387; V. J. PAILLUSSEAU,La cession de contrôle
J.C.P.1926. I~ 3224
149
absolue des voix à l'assemblée générale(1). Par ailleurs, l'opportunité de
de la consultation du ~o~ité è~t~difficilement contestable si l'on tient
compte des conséquences
que peut avq~r cette opération sur l'organisation
économique, voire la survie de l'entreprise(2). Aussi la confirmation
législative de cette jurisprudence ne peut-elle surprendre. Plus remarquable
est l'extension qui en a été faite par la loi de 1982 qui, aux dire de ses
rédacteurs devait la confirmer(3)"
310
-
En vertu du nouvel art.432-1 du code du travail, le chef d'entre-
prise doit informer et consulter le comité d'entreprise, notamment, en cas
de cession et l'informer seulement lorsqu'il a connaissance d'une prise de
participation dont son entreprise est l'objet.
D'après monsieur COHEN, par "cession", le lé~gislateur entend dési-
gner les cessions"résultant de la volonté de la direction de l'entreprise
ou d'un groupement d'actionnaire de contrôle~ Il doit en être ainsi, confor-
mément à la jurisprudence, même si les dirigeants ne participent pas à l'
opération, dès lors que le-contrôle de l'entreprise est cedé~,(4) Cette con-
ception nous parait trop extensive par rapport" à: la"volonté du législateur
telle qu'elle résulte du texte même de l'art, 4J2-1 du code du travail.
311:_
Elle est trop extensive en ce qu'elle étend l'obligation de con-
sultation aux opérations de cession auxquelles le chef d'entreprise ne parti-
cipe pas. A notre connaissance, toutes les décisions de condamnation rendue~
(1) CHAMPAUD Cl~ Le pouvoir de concentration •••~réc.; Les critères d'appar-
tenance au groupe in Le droit des groupes C.D.A.R.1972 p. 27; Les metho-
des de groupement •• art. prée. in R.T.D.C.1967.1003; J. PAILLUSSEAU &R.
7
CONTIN/art. cit.,in J.C.P. 1969. I. 2287; J.PAILLUSSEAU, Faut-il en
France un droit des groupes de sociétés? J.C.P.1971 ed.C.I.10173i art.
préo. in J.C.P.1986 l 3224
(2) Cf. affaire S.-CASSEGRAIN: Rennes 23fév. 1968 J.C.P.1969 II 16129 note
PAILLUSSEAU & CONTIN; Com. 21 janv. 1970 J.C.P.1970 II 16541 note
OPPETIT; pour une autre affaire: BERMOND DE VAULX,L'usage de la notion
de contrôle, J.C.P.1970. I. 2366
(3) Doc. Parl.l~N.1982 N°832 p.89-90
~4)
COHEN, op.cit. p.526
à ce jour, sont relatives à des cas où le chef d'entreprise était parti
à l'acte de cessLon(1j
oùy avait participé(2). Il n'existe qu'une déci-
sion de la cour de cassation qui a relaxé le prévenu au motif qu'il
"pouvait avoir ignoré"(J) l'existence des pourparlers avant la signature du
contrat de cession. Il est possible que, si elle ~vait pu constater que le
prévenu avait eu connaissance des pourparlers, la haute juridiction aurait
confirmé la condamnation. Mais, en l'espèce, le raisonnement à contario est
particulièrement aléatoire. Si le chef d'entreprise n'a pas eu connaissance
des pourparlers, il n'a pa pu y participer. Rien n'obligeait donc la cour
de cassation à constater expressement qu'il n'a pris aucune part à la réa-
lisation de l'opération. L'argument tiré de cette décision parait donc
trop fragile pour permettre de soutenir de façon convaincante que le délit
d'entrave est constitué à l'égard du chef d'entreprise du seul fait qu'il
aeu connaissance des pourparlers ayant précédé la cession
313._
En revanche les arguments ne manquent pas, qui permettent de
limiter le domaine de l'obligation de consultation aux seules hypothèses
où le chef d'entreprise a participé à l'opération.
314-
D'abord, en dehors de ces hypothèses, il sera particulièremeltit
difficile d'établir que le chef d'entreprise a eu une connaissance précise
des pourparlers. On disposera seulement de quelques indices, tels que la
nature de ses rapports avec les associés ayant cédé leurs titres.ou)e..
éventuellement, avec les agents de change et les courtiers. Dans le premier
cas, on admettra que l'indice est bien trop fragile pour autoriser une
condamnation pénale. Dans le second, en supposant que les agents de change
ou les courtiers soient eux' même informés, leurs renseignements ne porteront
que sur des fluctuations, des mouvements de cours laissant suspecter des
opérations d'achat ou de vente. Rien à voir avec les informatio~"précises
et écrites"-
que
les dirigeants doivent fournir aux membres du comité,
préalablement à la consultation(4).
(1) Crim'l 2 juil. 1980, préc.
(2) Crim~ 2 mars 1978,préc.; 29 juin 1982, préc.
/
(3) Crim.,
10 novembre 1981, D.
1982, I.R., 313
(4) cf. supra,.no 246.
)15
. On a soutenu que l'associé cédant qui n'informe pas les dirigeants
de sa société de la cession qù'il envisage se rend coupable du délit d'en-
trave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise(1)
Mais. d'une part, le c~dant peut lui même ignorer qu 1 il s'agit cl' une
cession de contrôle. Celle-ci peut concerner un tout petit paquet Ge titres
destiné à complèter ceux que'le,cessiunnaire d~tenait avant. Il faudrait
alors décider que le cessionnaire doit informer les dirigeants de la 30cié-
té "c~dante"·de son intention de prendre le contrôle de l'entreprise. Il
n'ya pas toujours intérêt!
D'autre part, cette opinion conduit, en pratique, à interdire, dans
la plupart des cas, tout transfert du contrôle indépendamment de la volonté
des contrôlaires. Elle est contraire au principe, . toujours affirmé(2), de
la libre cessibilité des parts et des actions.
)16.- Au demeurant, l'utilité d'une consultation du comité dans les cas
où le chef d'entreprise ne participe pas à la cession ne nous semble pas
évidente. Il n'ai dans cette hypothèse, aucun moyen d'influencer la décisi r
de cession. L'avis du comité d'entreprise risq~ede ne servir à rien. On
ne peut~nc pas dire qu'il ya, à proprement parler, entrave au fonctionnL
ment régulier du comité d'entreprise. De plus, la consultation entraine
nécessairement des charges pour l'entreprise et le comité d'entreprise lui
m~me. Il vaudrait mieux les limiter aux seules hypotèseSoù on peut en at-
tendre un effet positif.
)17
- Ces considérations n'ont d'ailleurs pas échappé au législateur.
En ce qui concerne~les prises de participation, le chef d'entreprise doit
seulement informer le comité de celles dont il n'a que connaissance. Par
contre, lorsque c'est la société qui prend des participations il devra infor--
mer et consulter le comité d'entreprise')). Le rôle tenu par le chef d'en-
treprise dans le déroulement des opérations de cession n'est donc pas in-
différente par rapport à la nature des obligations d'information qui lui
sont imposées.
(1) COHEN M., op. cit., p. 528
(2) Crim~ 22mars 1983,Dr. soc.198). 640
()) Cf. infra. n03~~
1:52
On notera
en effet que, toutes les fois où la consultation du comité est
exigée, le chef d'entreprise joue un role plus ou moins actif dans l'opé~
ration en cause. On remarquera aussi que la prise de participation est
la seule hypothèse dans laquelle le législateur a jugé utile de préciser
que le chef d'entreprise doit avoir connaissance de l'opération parce que
justement il n'y participe pas lui même. On peut penser qu'il en aurait
fait de même s'il avait voulu imposer l'obligation de consultation aû
chef
d'entreprise qui a seulement eu connaissance des pourparlers de cession.
A~notre sens donc, le terme cession ne désigne que les cessions de
contrôle dans lesquels le chef d'entreprise est intervenu. Autrement, il
ne s'agirait que d'une simple prise de participation.
)18- En effet, la participation n~a'pas ici le sens que lui donne la
loi sur les sociétés commerciales. Cette conception restrictive de la parti-Je.
pation aurait pour conséquence d'exclure certaines cessions de contrôle
du domaine de l'information du comité, notamment celles dont il a connais-
sance sans y participer.
319 -
Théoriquement, i l n'est donc pas-nécessaire que la participation C' t
soit supérieure à 10%, ou inférieure à50% du capital de l'entreprise cedante.
Il suffirait que la prise de participation soit suffisamment importante
pour permettre au cessionnaire d'influencer la gestion de cette entreprise.
320
En pratique, nous pensons cependant que la cession doit permettre
au cessionnaire d'atteindre au moins 10% au capital social. En effet seul
la détention d'une telle portion du capital lui permettra d'agir seul (
contre la volonté des dirigeants. Elle est nécessaire pour demander la nomi-
nation d'un expert de gestion, la recusation ou la nommination d'un commis'-
saire aux comptes au cas où celle-ci n'est pas oblieatoire(~). C'est donc ce
seuil qui seul lui donne un pouvoir légal dans la société qui justifierait
l'information du comité.
(JI.) Cf. infra., n° 429
153
)21
Par ailleurs, il ne nous semble pas conforme à l'esprit de la
législation sur les comités d'entreprise d'exiger l~infoTmation du comité
pour toute prise de participation. Cette information rentre dans le cadre
général de l'art.432 al.4. Or la cour de cassation a souvent affirmé que
la consultation du comité nes'impose"que lorsque les mesures envisagées sont
importantes."(1). Le fait qu'en l'espèce il ne s'agisse que d'information
ne change pas fondamentalement la situation.
L'information a pour but de permettre au comité d'exercer ses
prérogatives économiques en toute connaissance de cause. Elle n'est donc
utile que si elle porte sur des données susceptibles de modifier son juge-
ment. Il ne nous semble pas que ce soit le cas en ce qui concerne les prises
de participation peu importantes. Bien entendu, dans les cas où le seuil
de 10~ que nous proposons comme critère de l'information obligatoire, ne
suffirait pas à traduire la réalité des rapports de force dans l'entreprise,
les partenaires sociaux pourraient définir un seuil différent qui servirait
alors de critère d'application au délit d'entravê~ Vu les difficultés d'in
terp~i~cation que suscitent les dispositions relatives aux opérations de ces-
sion, il serait d'ailleurs souhaitable que dans le cadre de chaque entreprise
ou dans celui des conventionscollectives,les partenaires socia~{ fixent eux
mêmes les conditions d'information et de consultation du comité.
)22
En plus de l'information sur les titres de l'entreprise, le chef
d'entrpri~e est tenu de consulter le comité d'entreprise lors de la cession
d'une filiale au sens de la loi sur les sociétés commerciales. Ildoitdonc s'
agir d'une société dominée à plus de 50% de son capital. Mais, il n'est
pas nécessaire que les dirigeants envisagent de ceder toutes les actions
ou les parts que l'entreprise détient dans sa filiale. Il suffit que la
cession soit susceptible de ramener cette participation à moins de 50% du
capital de la société filiale car, celle-ci perd alors cette qualité.
)2)
- Cette exigence de consultation se comprend aisément. RIle décou-
le de l'obligation générale de consultation en cas de modification
(1)Crim.15 avr.1982 Bull. n090; 2; mai.1982 R.P.D.S. 1982 Som.285 Rappr.
Crim29rnars 1973 et 2 mars 1978 préc. Art.L.234-2 et 6 al.4,435-3al.2
(2) cf.supra. n0240
de l'organisation économique. La filiale est souvent un élément important
.
-
de la politique générale de la société mère. Sa cession résulte presque
toujours de'considérations relatives à la situation de la société dominante.
Il est donc normal que le comité de celle-ci soit consulté au préalable.
324 -
En revanche, la reférence à la loi sur les sociétés commerciales
est plus difficile à expliquer, d'autant que le l~gislateur s'est bien
gardé de le faire lorsqu'il a traité les prises de participation. Cette
référence aura pour inconvénient de soumettre certaines cessionsà l'obliga-
de consultation alors qu'en réalité le cessionnaire a Genservé le contrôle
de la filiale. A l'inverse, elle fera échappêr à cette obligation, la ces-
sion de véritableS filiales dans lesquelles la société mère détenait moins
de 50%
du capital. Il aurait peut~tre mieux valu se reférer à la notion de
contrôle en utilisant,malgré leur incertitude relative
les critères' rela-
tifs aux comptes consolidés ou à l'intégration dans un comité de groupe.
Une telle solution aurait au moins l'avantage d'unifier la législation.
325,_
Enfin, la question s'est poséede savoir si le comité d'entreprise
d'une filiale devait être consulté à l'occasion de la eession de contrôle
dont fait l'objet la société dominante.
3.26 .._
Dans une affaire récente, la chambre criminelle a pu observé q-'le
la cession de la majorité des actions de la société mère "n'a apporté aucune
modification dans la direction de la filiale, .dans la structure de son·_
~'.
capital, ni dans son activité ••• qu'il n'est pas établi que le cession.
litigieuse ait eu pour but, ou pour effet , de faire passer la S.A. impri-
merie CINO DEL DUCA(filiale) sous la dépendance d'une autre société, ni qu'
elle ait constitué une"cession de contrôle" comportant le transfert des
pouvoirs; qu'il en résulte que l'opération n'était pas de nature à intéresser
l'organisation,la gestion,ou la marche générale de la filiale, ni à influer
:sur la
condition' de ses salariés" (1 ). Elle conf irme la décision de relaxe
prise par la cour d'appel.
(1) Crim./22 mars 1983,préc.
156
327 -Cette décision qui, à notre connaissance, est la seule à s'être pro-
noncée sur cette question, peut être interpl'ètée de _detpe façon~différentes.
327
-
La première interprétation possible consiste à justifier la posi-
tion de la chambre criminelle par les circonstances de l'ospèce, par le fait
qu'en réalité la cession n'a pas eu de conséquence
sur l'organisation
juridique et économique de la filiàle. On en déduirait alors que la consulta-
tion du comité de la filiale serait obligatoire si la cession de contrble
de la société mère produit de telles conséquences.
128,- La seconde interprétation
consiste à dire que la chambre criminelle
a rendu une décision de principe d'où il résulterait que le comité de la
filiale ne àoit, en aucun cas, êtr~ consulté sur la cession ~e contrôle de
la société mère. te qui parait avoir été déterminant, écrit monsieur SAVATrER,
c'est que, la filiale ne se trouvait placée,du fait de la cession intervenue,
sous la dépendance d'aucune autre société que la société mère à laquelle
elle était liée de longue date. Il n'y avait aucune modification dans l'or-
ganisation juridiqu~ et économique de l'entreprise ••• S'il n'y avait pas lieu
à consultation du comité d'entreprise, ce n'est pas parce quI en fait l'
actionnaire qui avait vendu les actions de la société mère n'en avait pas per-
du le contrôle, mais parce qu'en droit, il n'y avait pas cession de contrôle
de la filiale, touj ours exercé par la ûlême société mère." (1 )
329 -
Chacune de ces deux interprétations trouve des élémen16de justifica-
tion dans l'arrêt de la cour de cassation.
En faveur de la première, on peut invoquer le fait que l.'aI'u&t uti-
lise constamment le passé composé dans sa motivation et même dans son dispo-
sitif. Si la haute juridiction avait vraiment voulu rendre une décision sur
le fond du droit, le présent aurait été miëux'iridtqué. La seconde interpré-
tation peut, elle, être justifiée par le fait que la haute juridiction fait
expressément reférence à la personnalité juridique différente des deux socié-
tés et au fait que la filiale n'avait pas été placéesous la dépendance d'une
(1) J. SAVATIER, La cession de la majorité des actions d'une société mère
donne-t-elle lieu à une consultation du comité d'entreprise de sa filiale?
Dr. soc.198).640
157
autre société. Ces dernières considérations ont -elles été plus déterminantes
.
.
que la situation de fait? Il est permis d'en douter. En effet, la chambre
criminelle se'retranche derrière l'''appréciation souveraine des juges du
fond", marque des décisions d'espèce, pour ne pas trancher la question de
droit qui lui était posée. Il parait donc pour le moins hasardeux de déduire
de cette décision l'idée que la cour de cassation rejette le principe même
de la consultation du comité de la filiale en cas de cession de contrôle de
la société mère.
J~O~~ Pourtant, nous semble-t-il, cette solution serait parfaitement
justifiée. Non en raison des considérations formelle$tenant à l'indépendan-
ce juridique de la société mère et de sa filiale: le principe même de la
consultation en cas de èession de contrôle n'est pas très conforme aux prin-
cipes juridiques traditionnelles. Seulement, l'extension de l'obligation
de consultation à l'hypothèse de la cession de contôle de la société mère
ne nous semble pas souhaitable. Certes, une telle cession peut avoir des
repercussions importantes sur l'organisation et la marche générale de la
filiale, les mêmes qu.' en ce qui concerne la société mère. Certes, l'idée
de la consultation peut, dans ce cas, paraitre conforme ~ la généralité des
termes de l'art. 432-4 du code du travail. Et, il peut paraitre logique
de soumettre les comités d'entreprise de la société mère et de la filiale
au même traitement(1);
JJ1 -Mais, la jurisprudence a toujours affirmé le
caractère excep-
.' .
tionnel
de l'obligation de consultation en cas de cession de titres qu'
elle considère, en principe,"comme une opération patrimoniale d'ordre privé· '
Or, dans la situation qui nous préoccupe, les conséquences que
peut produire la cession sur l'organisation générale de la filiale ne
sont qu'indirectes, comparables, toute proportion'gardée, à cèlles qur
pourrait produire la cession de contrôle d'un fournisseur exclusif
client très important. Personne ne songe à étendre l'obligation à
à de telles hypothèses! De plus, les compétences limitées du cc
(1) J. SAVATIER/art. préc. in Dr. soc. 1983. 641
(2)
Cf. supra. n030S
i
de groupe, son existence même, laissent penser que le législateur n'a pas
- - -
-
-
- -
voulu soumettre les décisions prise au sommet du groupe à l'avis du comité
de chacune des sociétés intéressées, ce qui aurait eu pour conséquence de
de' ralentir,' parfois inutilement, le processus de décision au sein du groupe.
~~ revanche, nous ne voyons pas d'inconvévient à ce que le comité de groupe
soit informé de la cession de contrôle de la société-mère.
Par ailleurs, si les deux sociétés sont à ce point liées qu'elles ne c
ne constituent en réalité qu'une même entreprise, elles seront considérées
comme une uriitééconomique et sociale dans laquelle devra être constituée
un comité d'entreprise commun. C'est alors celui-ci qui sera consulté en
cas de cession de contrôle de l'une ou l'autre des deux sociétés(1).
332 - Malgré cesréserves,on peut consta-ter, par rapport
à la jurisprudence HCULOTTE, tout en soulignant le rôle impulsif
de cette dernière, une extension considàrable du domaine de l'obli-
gation d'ini:ormation imposée aux dirigeants de l'entreprise "cédante"
,... ,''5
Mais désormais, ceuX de l'entreprise "cessionnaire" sont astreints
à des obligations similaires.
11/
Le droit pénal et l'information due par les
dirigeants'de_l'entreprisè_~cessionnairen
JjJ_
Avant les recentes reformes, les dirigta~s d'une entreprise qui
acquerait les titres d'une autre n'était tenu à aucune obligation d'informa~
tion, sauf à considérer une telle acquisition comme une modification impor-
tante des structures de production devant occasionner la consultation du
comité d'entreprise.
)34
La loi du 28 octobre 1982 impose de telles obligations dans deux
de ses dispositions. Il en résulte que le chef d'entreprise doit consulter
le comité d'entreprise lors de l'acquisition d'une filialë"ou lorsqu'il
prend une participation dans une autre société. Ainsi que nous l'avons déjà
( 1) Cr. supra. 117et s:,
1
-
,1
15à
relevé, la notion ne participation n'a pas, ici, le sens que lui donne la loi
sur les sociétés commerciales(1). Mais, dans l'hypothèse d'une acquisition
il ~st difficile de fixe~ à priori, un
critère chiffré qui rendrait la con-
sultation du comité d'entreprise obligatoire. En comptabilité, les Mtres
de participation sont considérés comme des irnrnobilisation~:"Constituentdes
participations, les droits dans le capital d'autres entreprises, matériali-
sés ou non par des titres. qui; en créant un lien durable avec celle-ci,
sont destinés à contribuer à l'activité de la société détentrice."(2) Il
est peu probable que quelques actions ou parts sociales suffisent à contri·~
buer à l'activité de l'entreprise. La question doit êtr.e résolue de la même
faço~ que pour l'acquisition de n'importe quelle immobilisation, c'est à
dire, en fonction de l'importance relative des droits acquis par rapport à
l'ensemble des actifs de l'entreprise "cessionnaire" et des dépenses que
l'opération entrai..ne pour elle.
Notons que la consultation est obligatoire quelles que soient les
formes juridiques de l'acquisition d'une filiale ou de la prise de partici~'
pation. Il peut s'agir de l'achat de titres en numéraire, ou d'un apport
d'actif à l'occasion d'une augmentation de capital ou de toute autre prise
de participation.
335 -
Comme toute consultation, celle-ci doit être préalable à la déci-
sion d'acquisition. Monsieur VIANDIER
pense que la consultation doit être
postérieure à la décision de prise de participation en raison de ce que le
législateur ne l'impose que "lorsque l'entreprise "prend une participation"
(3) Nous ne partageons pas cet avis. L'usage du présent signifie tout au
plus que la consultation doit être concommitante à la prise de participation.
Celle-ci commence dès que les dirigean~en font le projet. De surcroît, il
n'y a aucune raison de déroger au droit commun de la consultation du comité
d'entreprise(4). Peut-on parler de consultation lorsque la décision est
qéjà arrêtée ?
(1) Cf. supra n° 306 et s.
(2) art. 12 et 20 décr. du 29 nov. 1983
(3) A. VIANDIER, art. préc. in J.C.P. 1983. 1. 3116
(4)
Cf. infra.n° 400
159
337_
Le volume de l'information due par les dirigeants de l'entrepri-
se 'bessionnaire ll a fai~l'objet a'unerécente extension par la loi du 12
juillet 1985.
,
Désormais, toute personne-qui vient à po~seder un nombre d'actionf
représentant plus du dixième, du tiers ou de la moitié du capital d'une
société ayant son siège social en France doit informer celle-ci du nombre
total de-ses actions qu'elle détient dans le delai d'un mois à compter du
franchissement du seuil. Lorsqu'il s'agit d'une société cotée, le cession-
naire doit également informer la chambre syndicale des agents de change
dans le diai de cinq joUX,!de bourse à compter du franchissement du seuil.
La chambre syndicale des agents de change devra elle même porter l'informa-
tion à la connaissance du public. L'information n'est obligatoire que lors-
que l'un de ces trois seuils est atteint. Elle porte à la foin sur le fran-- 1
chissement du seuil et sur le nombre total d'actionsde la société détenus.
------
338-
On notera la conception extensive qui sous-tend la façon dont
doivent être
déterminés
ces seuils.
Aux termes du nouvel art.356-1 al.4 de la loi sur les sociétés
commerciales, il faut tenir compte non seulement des actions possedées par
le cessionnaire et les sociétés qu'il contrôle, mais aussi de celles qui
sont détenues par un tiers en vertu d'un accord avec lui ou avec une société
qu'il contrôle. Sont visées, les conventions de partage par lesquelles les
banques acceptent d'acheter des actions qui seront ensuite reYbcédées au
détenteur de la participation ou les actions concertées entre plusieurs ac~
tfi-onnaires en vue de l'acquisition des titres d'une société(1).
339
- Cette conception extensive apparait de façon plus éclatante dans
la prise en compte des actions que l'une de ces personnes est en droit
d'acquerir, à sa seule initiative, en vertu d'un accord. Cette disposition
permet de considérer comme la propriété dn: détenteur de la participation
des actions sur lesquelles il n'a qu'un droit d'~ption, avant même la levée
de l'option t donc, avant que le cessionnaire ~)Jlisse prétendre bénéficier des
droits qui s'attachent à ces action~. 0'''1 pourrait aboutir à cette situation
un peu paradoxale dans laquelle serait considéré~ comme actionnaire une per-
sonne qui n'en a pas les prérogativeJet qui,peut-être, ne les aura jamais.
(1) BOURGUICNON, Rapport n0260~ p.14
160
340 _
Par ailleurs, lorsqu'une société est contrôlée directement ou in-
directement par une société par action, elle doit informer celle-ci-et tou- -
tes les sociétés qui participent au contrôle du montant des participations
qu'elle même détient directement ou indirectement dans
leurs capita15respectifs ainsi que des variations de ce montant. Cette obli-
gation concerne toutes les sociétés contrôlées par une société par action
quelles que soient leurs formes juridiques et cell~des sociétés par l'inter-
médiaire desquelles le contrôle est exercé. Elle vise certainement à éviter _
les participations croisées.
3~1._ Ces nouvelles obligations sont pénalement sanctionnées par les
dispositions de l'art. 481-1 qui reprime le fait de s'abstenir de proc~der
aux informations et notifications examinées ci-dessus. Il semble que le
projet de décret prévoi~d'exiger que ces informations soient données par
lettre recommandé~1) En l'absence de tout renvoi du législateur ~u décret
pour la détermination des modalités de ces informations, une telle exigence
ne pourrait servir qu'à faciliter la preuve de l'accomplissement de l'obli-
gation d'information. Sa violation ne pourrait pas entrainer l'application
de la sanction pénale si, par exemple, il est établi que l'information a
été envoyée par lettre simple.
3~2 .'_ Par ailleurs, cette loi a étendu le champ de l'incrimination prévue
par l'art.481 de la loi sur les sociétés commerciales. Ce texte ne punissait
que le défaut de mention, dans le rapport annuel présenté auX' tissoèiés-d.'une
prise de participation dans une société ayant son siège social en France ou
de l'acquisition de la moitié du capital d'une telle société. Désormais,
chaque fois que l'un des seuils du dixième, du tiers ou de la moitié est at-
teint, ils doivent en faire mention dans leur rapport.
Ils 30nt également
tenus d'y mentionner toute prise de contôle d'une société française.
3.4J.-
Ainsi, la constatation selon laquelle "l'orientation majeure du
droit français contemporain est d'imposer une ,information complète du person-
nel sur toutes les mesures de remodelage du capital"(2) se trouve vérifiée et
peut même être étendue à tout~s les personnes intéressées par de telles opé-
rations. Elles seront également informées sur l'état des , groupes'
d'en:·
prises qui pourraient en résulter.
(nA. SAïAG, art. prée., J.C.P. 1985
(2) G. LYON· CAEN, Concentration et institutions représentatives, Dr.soc.1983.21
161
§ II:
LE DEVELOPPID1ENT DE L'INORMATION RELATIVE
A-L'ETAT-nE LA CONCENTRATION
344'-
Lorsque l'opération de concentration se traduit par une fusion,
elle aboutit à la création d'une entreprise unique assujettie aux mêmes
obligations d'information que n'importe quelle entreprise isolée(1). Mais;
en particulier en cas de prise de participation ou de scission, il y a création
de plusieurs entreprises juridiquement autonomes mais si étroitement liées
que la situation des unes ne peut pas laisser les autres indifférentes.
345
A
0 \\ '
\\
~\\\\..,
Parfois meme, certa1.nes u~"'(~ 1 n'auront pas de poli tique propre
et seront soumises aux grandes àptions prises dans une autre entreprise dite
dominante) en fonctian_.dè -l'intérêt de l'ensemble auquel elles appartiennent~
En outre, la personnalité môrale différente des sociétés~ainsi liées, est
bien fragile. Ce qui a fait dire à un auteur que "le groupe de sociétés est un
navire qui réserye souvent de mauvaises surprises à ses pilotes"(2)~ Pour
être complet, il aurait fallu ajouter~"et à ses passagers dont certains sont
"embarqués" malgré eux'~. Ainsi.} la ~éto~aillance d'une société--du groupe affec-
tera les autres(3) et la société dominante pourra voir sa responsabilité
civile engagée pour des faits commis par une des sociétés dominées(4).
346 -
La necessité de l'information relative à la situation du groupe
semble donc incontestable. Pourtant, jusqu'à une date récente, cette infor-
mation
était presqu'inexistante. Les entreprises dominantes étaient seule-
ment tenues d'établir un tableau de leurs filiales et participations. Ce
tableau à deux colonnes comprend des renseignements détaillés sur les filia-
les et participations dont la valeur d'inventaire excède 1 % du capital de
la société dominante et des renseignements globaux sur les autres(5).
(1) Cf. suprn_. n° 191 et s.
(2) A. VIANDIER, Les opérations financières au sein des groupes de sociétés.
J.C.P.-E. 1985. 14447
(3) H. BON, L'entreprise en difficulté à l'intérieur d'un groupe. R.F.C.
1980. 185; D. SCHMIDT, La responsabilité civile dans les relations de
de groupe de société rev. soc.1981. 724 et s. spécialement p. 731 et s.
(4) Civ. 25 oct. 1972 G.P. 1973. l .139
(5) Plan comptable revisé.7ableau n07
162
.347 - A partir de la loi du 28 Octobre 1982, le législateur a
développé et systématisé cette information sur les groupes de sociétés,
qu'elle soit contenue dans les rapports établis par les dirigeants des dif- ~
férentes sociétés du groupe CAt )ou qu'elle fasse l'objet d'une documentation
spécifique (B) .
A - Les informations sur la situation du groupe
incluses dans les rapports de chaque société.
348- Pratiquement, tous les rapports établis par les chefs d'entreprise
contiennent· des informations relatives
à l' ensemble des entreprises du grou-
pe.
- Le rapport annuel d'ensemble établi à l'intention du comité d'entreprise
..
doit faire état des transferts de capitaux importants entre la société-mère
et ses filiales (1). Il résulte de la généralité des termes du texte et des
travaux préparatoires (2) que ce renseignement est obligatoire aussi bien
pour les transferts de la société-mère à la filiale que pour ceux qui sont
faits dans le sens inverse. On pe~t regretter qu'il ne l e soit pas pour les
transferts de filiale à filiale. L'expérience a montré que lorsqu'ils
nourrissent des desseins peu avouables, les dirigeants de groupe utilisent
rarement des tra~sferts directs entre Société mère et filiale (3)·
~~4~_ Le rapport de gestion contient obligatoirement un compte-rendu de l'ac-
oat
tivité/d~résulta~des filiales par branche d'activité. Il semble que la
distinction par branche doive se faire non au niveau de chaque filiale mais
au niveau de l'ensemble du groupe (4) On peut remarquer que le rapport con-
cerne les filiales et non les simples participations. Par contre la généra-
lité des termes·
de l'article 356 de la loi du 24 jUil.I96' ne permet pas
d'exclure les filiales étrangères, bien que les dirigeant~ ne soient pas tenus
d'indiquer l'acquisition de plus de la moitié du capital d'une société étran-
gère. Quoiqu'il en soit, ce compte-rendu doit faire apparaitre les résultats
obtenus dans chaque branche par les filiales.
3.5~ _ Enfin, l'annexe doit contenir une liste des fi~ iales et pa;rticipation~
avec l'indication pour chacune d'elles de la part du capital déten~ du mon-
tant des capitaux propres et du résultat du dernier exercice clos. Les titres
(1') art.L 432-~ al. 6 du C du Trav.
(2) J~O.déb.A N 5 Juin 1982 p. ~999
(J) En particulier aft'. Agache - vlillot
(4) Memento F.Lefebvre n03368
des sociétés dans lesquelles la société détient une participation inférieure
à lOi. de son capital peuvent être regroupés. Ils doivent indiquer le caractère
incomplet des informations contenues sur cette liste si certaines des indications
obligatoires sont omises.
351
_
Du point de vue du droit pénal, avant la loi du 1·2 Juillet 1985,
seule l'obligation de rendre compte de l'activité des filiales et celle d'an-
nexer au bilan un tableau faisant apparaître la situation des filiales et
participation étaient·· a&3Drties d'une sax:tion pénale. spécifique édictée par
l'art.481-2° de la loi du 24 Juillet 1966. Dans les autres cas, il fallait
recourir aux incriminations communes du droit pénal des affaires. Il ne nous
semble pas possible d'assimiler la non-indication de la liste des filiales
et participation dans l'annexe au défaut d'établissement de ce document et
d'appliquer pour cette raison les sanctions pénales prévues par les art.
426 et 439 de la loi du 24 Juillet 1966. L'annexe ne contient pas moins de 24
rens:eignements différents et il n'est pas possible d'admettre que l'omission
d'un seul de ces renseignements porte atteinte à la substance de ce document.
Par contre, si elle est suffisamment significative, cette omisision pourrait
rendre les comptes annuels infidèles. Dans ce cas, le chef d'entreprise encour-
rait les peines du délit de publication ou de présentation de comptes annuels
infidèles (1)
352 _ Par ailleurs, si l'indication des transferts importants de capitaux
entre société mère et filiales a été omise, le délit d'entrave au fonctionne-
ment régulier du comité d'entreprise serait constitué. L'obligation légale
de l'inclure dans le rapport annuel d'ensemble laissant présumer qu'elle est
nécessaire au comité pour bien remplir sa mission; son omission est donc
constitutive du délit d'entrave.
n° 50; et s.
164
B - LES COMPTES CONSOLIDES
J53
- Depuis longtemps, la doctrine dénonçait l'inc&pac~té de la-
comptabilité traditionnelle à rendre compte du phénomène de concentra-
tion des entreprises et appelait le législateur à imposer aux so-
ciétés qui en contrôlent d'autres l'établissement de comptes consolidés (1)
Récemment encore la COB rappelait l'opportunité qu'une loi intervienne
rapidement pour fixer la nature et le contenu des obligations auxquelles
les sociétés françaises allaient devoir se conformer en matière de
pré88~tation de comptes consolidés (2)
354- Du reste, avant que l'obligation n'en soit imposée par la loi
du 30 avril 1983, la COB avait,
moitié par incitatiion,
moitié par contrainte (3) réussi à amener les sociétés relevant de sa~
juridiction à établir des comptes consolidés. Le pouvoir réglementaire
s'était lui aussi engagé dans la voie de l'incitation en dispensant les
sociétés qui établissaient des comptes consolidés de publier dans le
tableau de renseignement concernant leurs
filiales et participations,
des renseignements détaillés sur les titres détenus en portefeuille;
quelle que soit la valeur d'inventaire de ceux-ci.
Mais l'établissement de comptes consolidés n'était qu'une fa-
culté et en l'absence de toute réglementathn,les documents présentés
étaient" fréquemment
incomplets, dressés selon des méthodes différentes,
ce qui rendait difficile toute comparaison et, la plupart du temps, in-
suffisamment explicite ". (4)
35v - C'est la loi du 3 Janvier 1983 qui a introduit l'obligation d'é-
. -,
iiblir des comptes consolidés dans le droit français. Ils comprennent
un bilan, un compte de résultat consolidé et une annexe qui forment un
(1)J.J.BURGARD,L"information des actionnaires,Dunod 1970 p.75
R.tONTIN/thèse pré'~no176 p.128
(2) Rapport COB 1983
V.aussi rapport 1970 p.97
(3) La commission exigeait que "1es notes d'information soumises à son-
visa devait contenir des situations et des comptes consolidés
à compter du 10 juil. 1971// V. Bull. mens. Mars 1968 p. 3
(4) t\\.CONTUr,op, ciL, n"180 p 129.
165
tout indissociable (1). Il comprend aussi un rapport sur la gestion
du groupe. Ces documents constituent l'équivalent des comptes annuels.
Le défaut d'établissement ou de communication de ces documents fait
-.l' obj et de sanctions pénales prévues part l'art·. 481. 4 0 de la loi du
24 juillet 1966. Il pourra, comme celui des comptes annuels, caractériser
le délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise ou d'obsta-
cle au contrôle et à la vérification des commissaires aux comptes.
Mais l'originalité de cette obligation nouvelle réside dans son
champ d'application et les méthodes d'établis.sementdes documents.
l -- LE DOMAINE DE LA CONSOLIDATION
356 - Aux termes de la loi de 1983, seules les sociétés cotées étaient
tenues d'établir des comptes consolidés. Ces documents restaient facul-
tatifs pour les autres sociétés commerciales qui devaient cependant
se conformer aux prescriptions réglementaires si elles décidaient de
les établir. La loi du 3 Janvier 1985 a étendu l'obligation non seule-
ment à toutes les sociétés commerciales mais aussi aux établissements
publics de l'Etat et aux entreprises nationales qui ont une activité
industrielle et qui remplissen~ 2 des 3 critères définis par l'art.33
du décr.du 10 mars 1985. Ces entreprises sont dispensées d'établir
les comptes consolidés, si elles sont elles-mêmes incluses dans les
comptes consolidés établis par une autre entreprise, à condition que
des-associés détenant plus du 10%du capital social ne s'y oppose pas (2)
Elles en sont également dispensées si l'ensemble qu'elles constituent
avec les entreprises qu'elles contrôlent ne dépasse pas pendant deux
exercices succe:L-:jj('s, le seuil qui permet aux commerçants personnes
physiques ou morales, d'adopter une présentation simplifiée de leurs
comptes annuels. Dans tous les cas,
aucune dispense n'est possible
pour les sociétés cotées et les dérogations doivent être justifiées
dans l'annexe établie par la société dominante.
(1)art.357-1 et 357 - 5 du 24 juil.I966.Rédaction art.1 et 2 loi du
3 janvier 1985
~2) art. 357 - 2
· -,
357 - En ce qui concerne les entreprises consolidées, il s'agit dA cell..üs
qui subissent le contrôle exclusif ou conjoint ou l'influence notable
d'une autre.
- La notion de contrôle est difficile à définir. La doctrine constate
en général l'impossibilité de faire
,preuve d'une grande rigueur dans
cette définition ~u de l'absence de signes infaillibles permettant de
constater l'existence d'un groupe de société (1). Elle fait donc preuve
d'une extrême prudence définissant le contrôle comme" la maîtrise des
décisions rela~ives à la conduite générale de l'entreprise (2) ou encore
la possession en droit ou en faii:t, Idirectement ou indirectement du pouvoir
de décision (.3). Le concept de contrôle retenu par la loi de 1985 se rappro-
che bien de ces définitions.
Aux termes de l'art.ID le contrôle exclusif résulte de l'un des
trois phénomènes suivants :
~5~ _ La détention directe ou indirecte (4) de la majorité des droits de
vote dans l'entreprise. Il est à peine nécessaire de souligner qu'une
entreprise qui détient la majorité du droit de vote dans une autre, y
exerce de plein droit le pouvoir de décision grâce au principe majoritaire
en vigueur dans les sociétés commerciales. On notera la référence aux
droits de vôte plus significative du point de vue de la détention du pouvoir
qu'une portion du capital social.
359 _ Plus significatif du lien entre la notion de contrôle et l'exercice
du pouvoir de décision est le critère relatif à la désignation des organes
dirigeants de l'entreprise dominée. Celle-ci est considérée comme faisant
l'objet d'un contrôle exclusif si la majorité de ses organes de direction,
d'administration ou de contrôle est désignée par une autre entreprise pen-
dant deux exercices.successifs.
En effet, ce n'est un secret pour personne que si une entreprise
a suffisamment d'influence pour désigner la majorité des organes dirigeants
d'une autre et si elle le fait, c'est pour influencer la
gestion: de
celle-ci. Normalement, elle ne désignera que des personnes entièrement ac-
quises à sa cause. La désignation des organes dirigeants relevant de la
compétence de l'assemblée générale, il sera difficile à une société qui
(1) Cl. CHAMPAUD/ Les méthodes' de groupement ... précjJ.PAILLUSSEAU.IFaut-il
en France un droit des groupes de société, précj DURAND et LATCHA, Les
groupements d'entreprises,p.95;- Cl.CHA~œAUD) Recherche d'un critère d'
appartenance à un groupe - Le droit des groupes/P.289
(2) J.M.BERMOND de VAULX,L'usage de la notion de contrôle)JCR 1970.1.2366
(.3) DURAND et LATCHA 7 préc.P.95 ; (4)d'après l'art 355.2(rédac.12 juil.85)
·167
n'y détient pas une part relativement importante des droits de vote, de
faire désigner des dirigeants à sa solde] Sans l'accord des associés
majoritaires; c'est pourquoi la loi présume qu'une entreprise
qui détient
plus de 4~ % des droits dè vote dans une autre désigne la majorité des
dirigerrnts de celle-ci, si aucun autre associé ne détient une portion plus
importante des droit~
de vote.
Reste à savoir la nature de cette présomption. Il s'agit à
notre avis d'une présomption simple. C'est-à-dire que les dirigeants de
la société dominante peuvent rapporter la preuve qu'en fait ils n'ont
pas désigné la majorité des dirigeants. Sinon, il n'y aurait aucun intérêt
à faire une distinction entre la détention de plus de la majorité de droits
de vote et celle d'une portion comprise entre 40 et 50 % . Du reste,
la solution contraire ne serait pas conforme à l'économie générale de la
loi qui s'attache à la réalité du contrôle et non à des fictions.
360
Le contrôle résulte aussi du droit d'exercer une influence dominante
en vertu d'un contrat ou d'une clause statutaire.
Ce critère constitue, s'il en était besoin, une preuve supplé-
mentaire que le législateur a surtout cherché à saisir le contrôle dans
sa réalité. La doctrine dominante a toujours considérée qu'il convient
de rechercher la domination d'une entreprise sur une autre, au-delà du
lien financier qui peut les unir, cette domination pouvant résulter de
liens institutionnels ou contractuels (1). Ainsi, le législateur de 1985
a préféré la conception économique du contrôle à sa conception purement
juridique (2) moins apte, selon nous, à rendre compte du phénomène de
la concentration des entreprises qui est, avant tout, un phénomène écono-
mique.
361 - Des entreprises dominées doivent également être incluses dans
les comptes consolidées, si une autre entreprise exerce sur leur gestion ou
leur politique financière une influence notable. Celle-ci résulte" de la
possibilité d'influer sur la marche et l'activité d'une société: elle ne
vise pas à la diriger mais à l'orienter dans l'intérêt du groupe" (3)
(1) Cl. CHAMPAUD, Recherche de critère •• Jpréc.
(2) B.OPPETIT, La prise de contrôle d'une société au moyen d'une cession
~'action J.C.P 1970 J 2361; Le contrôle serait" le droit de décider
dans les assemblées générales et de donner des ordres de direction en
vertu de prérogatives juridigues conférées aux détenteurs d'actions"
(3) Raffe~eau}DUFILS et CORRE préc.p. 135
168
Concrètement, il peut résulter notamment de la présence au conseil d'admi-
nistration ou au directoire: de l'échange de personnel de direction ••.•
36? - Cette influence est présumée lorsqu'une fraction au mains égale
au cinquième des droits de vote est détenue par une autre entreprise.
C'est encore le réalisme du législateur qui apparaît. En effet,"dans la
pratique, il est fréquent que la possession d'une participation minori-
taire assure en fait à la société qui en est titulaire un droit de contrôle
quasi absolu"(4) • Cette présomption n'est pas irréfragable. Seulement, si les
dirigeants incluent dans le champ de la consolidation une société dontlalevr
détient
moins de 20 % des droits de vote ou si, inversement, ils en
excluent une autre dans laquelle elle détient une participation supérieure
à ce seuil, ils doivent justifier leur décision dans l'annexe.
Cette notion d'influence notable est plus extensive que celle
de contrôle qui implique un pouvoir de décision et fait déborder le
périmètre de consolidation, des limites du groupe de société au sens
traditionnel de ce concept. Elle perrne\\ en tout ca~ de faire~figurer dans
les comptes consolidés toutes les entreprises dans lesquelles l'entreprise
consolidante exerce une certaine influence. Elle
permettra de tenir
c
compte des dominations de fait
que la seule détention des actions ne suffit
pas à expliquer.
363 _ Il n'est pas sans intérêt de noter que les entreprises qui subissent
une domination indirecte doivent être également incluses dans le PQrimëtrede
consolidation. Cette extension se justifie aisément. Elle permet aux diri-
geants de l'entreprise consolidante de tenir compte de tous les paramètres
qui peuvent in~luencer la gestion de l'ensemble consolidé et d'élaborer
une politique globale adaptée. La situation des sous-filiales qui ne sont
le plus souvent qu'un des pions à la disposition de l'entreprise consolida~te
dans l'élaboration de sa politique constitue l'un de ces paramètres.
364 _ Mais l'inclusion d'une entreprise dans un ensemble consolidé suppose
l';existence d'un lien de domination stable. La désignation de la majorité
des membres des organes dirigeants doit se répéter pendant deux exercices
(4) DURAN~et LATCHA préc p.95
successifs. Et lorsque des restrictions sévères et durables remettent en
cause substantiellement le contrôle ou l'influence notable de l'entreprise
consolidante, l'entrep~ise dominée pourra être exclue de la consolidation.
Il en est de même si les actions ou parts de la société ne sont détenues
qu'en vue de leur cession ultérieure.
Enfin, seront exclues de l'ensemble consolidé, les filiales ou
participations qui ne présentent qu'un intérêt négligeable par rapport à
l'objectif d'image fidèle d~ patrimoine et de la situation financière de
cet ensemble.
II - LES METHODES de CONSOLIDATION
~36.5- La loi du 3 janvier 1925 prévoit trois méthodes de consolidation
applicables suivant le type de contrôle exercé par l'entreprise consolidante
sur l'entreprise consolidée.
Les entreprises placées sous le contrôle exclusif de l'entreprise
consolidante sont incluses dans l'ensemble suivant la métfhode d'intégration
globale. Cette méthode consiste à inclure dans les comptes dé la société
consolidante tous les éléments de patrimoine et d'exploitation de l'entreprise
consolidée après avoir effectué les retraitements et les éliminations néces-
saires (1). Le retraitement a pour but d'harmoniser les différentes comptes
préalablement à leur consolidation par référence à des principes communs (2)
L'harmonisation comptable au niveau européen devrait faciliter les consoli-
dations par intégration globale. Les éliminations consistent à supprimer les
comptes entre les différentes sociétés comprises dans l'ensemble consolidée.
Ainsi, pour emprunter un exemple au Professeur PAILLUSSEAU, si une société A
possède la majorité des actions des sociétés B et C •••• la participation
de la société A dans les sociétés B et C serait remplacée par les actifs de
ces sociétés (3)
366 - bes entreprises soumises à un contrôle conjoint, c'est-à-dire celles
qui
sont exploitées en commun par un nombre limité d'associés ou d'action-
naires de sorte que les décisions résultent de leur accord commuA~)doivent
être consiolidées suivant la,. méthode d'intégration proportionnelle.
(1) Dict. perm. Dr des aff.Bull, n° 157 - 20 janv.I985 p.6513
(2) RAFFEGEAU DUFILS et CORRE,préc.p.152
(3) J.PAILLUSSEAU.Approche générale de la notion d'entreprise POLY licence
1983.P.124
(4) art.354.1
17~
Cette méthode consiste à reprendre dans les comptes consolidés
les éléments des comptes annuels de l'entreprise consolidée proportionnel-
lement aux intérêts de chacunes des entreprises dominantes, après élimina-
tions et retraitements .
.)b7~ Si l'entreprise n'est soumise qu'à une influence notable, elle
sera incluse dans les comptes consolidés suivant la méthode de la mise
en équivalence. Cette ~éthode consiste à substituer dans le bilan de
l'entreprise consolidante, la valeur nette des titres de l'entreprise
consolidée détenus (telle qu'elle figure dans la société détenante),
la quote-part de la situation nette représentée par ces titres. Les
résultats de cette entreprise sont inclus dans les capitaux propres de
celle qui exerce l'influence dominante. Ils ne sont pas distribuables et
ne peuvent être utilisés à compenser des pertes (1).
Il convient de noter que lorsque les comptes annuels de certaines
entreprises consolidables sont structurés de manière à ce point différent
que leur consolidation par intégration globale ou proportionnelle se
révèle impropre à donner une image fidèle du patrimoine de la situation
financière et du résultat de l'ensemble consolidés, La consolidation est
mise en équivalence (2)
Jb8 -Les.@;)mptes consolidés étabHsconformément à ces méthodes et intégrant
toutes les entreprises légalement incluses dans le périmètre de consolidation
peuvent, sans être une panacée: constituer un instrument utile de gestion
et d'information. Elle facilite la gestion des filialles et la définition
des
grandes options en donnant une vue synthétique du groupe (3). Quoiqu'il
en soit, ils constituent le complément qui faisait défaut aux documents
établis dans le cadre des entreprises isolées qui se sont , ainsi que nous
l'avons vu, considérablement développés ces dernières années.
Dict. PEID1. dr. aff.Bull 152 (21 Oct 1584) p.6673 bull 157 prée.
G.LELARD, l'apport des comptes consolidés à l'information et à la
gestion.P.A.I984 N°110 p. 13
art.357.3
RAFFEGEAU.DUFILS et toRRE, op.cit.p:58 et s.LELARD, ch.préc.
1
/
171
. ~ .
III - INCIDENCES PENALES DES OBLIGATIONS
RELATIVES AUX COMPTES CONSOLIDES .
_3&9 - Comme les comptes annuels, les comptes consolidés comprennent un
bilan, un compte de résultat et une annexe qui forment un tout indisso-
ciable (1). Ils doivent être accompagnés d'un rapport de gestion du groupe
qui contient les mêmes indications que le rapport de gestion relatif aux
comptes annuels (2) et peut être inélus dans celui de la société mère.
Ces documents certifiés par les commissaires aux comptes doivent être
communiqués aux associés de la société consolidante (3). On peut regretter
qu'il n'en soit pas de même pour ceux des sociétés consolidés appelés à
subir les décisions prises au sein de la societé consolidante.
370 - Si les comptes consolidés ne sont pas établis ou si les dirigeants
ne les adressent pas aux associés
de la société consolidante, ils commettent
le délit prévu à l'art.481-4 de la loi du 24 Juillet 1966. On remarquera
que seul le fait de ne pas adresser les comptes' consolidés aux associés est
visé par ce texte. Il s'ensuit qu'il n'est pas applicable si les dirigeants
ne les mettent pas à la disposition des associés au siège social ou au
lieu de la direction administrative. Dans ce cas précis, ils échapperaient
à toute répression. Avant la loi du 3 Janvier 1985, cette incrimination
était plus large dans la mesure où elle visait le fait de ne pas annexer
les comptes consolidés aux comptes annuels. Cette formule permettait alors
d'atteindre le défaut de communication des comptes consolidés chaque fois que
celle des comptes annuels était obligatoire. En ce qui concerne les sociétés
en nom collectif, cette infraction entre en concours avec la contravention
prévue à l'art.16 du décret du 23 Mars 1967 qui punit des peines prévues
pour les contraventions de cinquième classe, le fait de ne pas adresser
aux associés les comptes consolidés dans les 15 jours qui précèdent l'assem-
blée générale (art.12.2)
(1) art. 357.9 - Loi du 24 juil. 1966
(2) art. 357-10 - Ibid et supra RO 147
(3) art. 168, 16, 24 et 56 lb
172
J7t - Par ailleurs, les dirigeants de sociétés par action encourrent
les mêmes peines s'ils ne déposent pas les comptes consolidés au Greffe
du TriilYuml. Il en est de même en ce qui concerne les sociétés cotées.
Si ces documents ne sont pas pub\\~ff au BA,~.C~soit dans ~es q~atr~ mois
qui suivent la fin de l'exercice,/15 jours au moins avant l'assemblée
générale, s'ils sont disponibles (art.295~ soit dans les 45 jours qui
suivent l'approbation des comptes annuels (art.296) Les mêmes peines sont
encore applicables si le chiffre d'affaire consolidé du trimestre n'est
pas publié dans les 45 jours qui suivent la fin de chaque trimestre.
372- Aux termes de l'art. 357.11 de la loi du 24 Juillet 1966, les comptes
consolidés doivent être mis à la disposition des commissaires aux comptes
dans des conditions qui seront fixées par décret; aucun délai n'étant fixé
pour l'établissement des comptes consolidés ni pour cette mise à disposition
(le décret d'application y pourvoira sans doute), les dirigeants ne sauraient
être poursuivis pour le délit de refus de communication de document6aux
commissaires aux comptes si les comptes consolidés ne sont pas établis au
moment où il en demande la communication. Par contre, &j'11s ont été établis
cette infraction sera constituée si les dirigeants refusent de les commu-
niquer au siège social à tout moment. De même, le délit d'entrave au
fonctionnement régulier des comités d'entreprises si les comptes consolidés
et le rapport correspondan~des commissaires aux comptes ne sont pas c~mrnu
niqués au Comité de groupe (art.L 439.2 du Code du trav) ou au Comité
d'entreprise de la société consolidante.(art.432.4)
373_ Les dirigeants de société soumis à l'établissement des comptes conso-
lidés échapperont donc difficilement aux foudres de la loi pénale s'ils
n'établissement pas ou ne procèdent pas aux communications qui leur sont
prescrites.
173
•
-1
CONCLUSION
DU
TITRE
PREMIER
. )74 _. Du point de vue quantitatif, l' état actuel du droit français de
l'information nous semble très satisfaisant. Toutes les personnes qui
sont intéressées à un titre quelconque par la vie de l'entreprise
ont désormais accès à l'information. Bien entendu,
et c'est 1.'. un des
mérites du système, l'importance de ce droit à l'information (dont le
principe ne souffre d'aucune discussion) varie selon la nature des intérêts
en cnuse et surtout en fonction du rôle que chaque bénéficiaire peut jouer
dans la gestion de l'entreprise.
En particulier, il n'y a pas lieu de s'étonner de la différence
de régime entre l'information des salariés et celle des associés. Si
les premi'ers n'ont accès à l'information que par l'intermédiaire de leurs
représentants, c'est qu'en dehors de leurs tâches quotidiennes, ils ne par-
ticipent au processus de décision que par ceux-ci; alo~s que les associés
y participent personnellement par leur vote en assemblée générale.
A l'inverse, si les associés ne bénéficient pas de l'information prospective
(1), c'est qu'~;juste titre (2) le législateur ne leur a reconnu qu'un
rôle secondaire dans les procédures d'alerte' et de prévention de diffi-
cultê_de l'entreprise auxquels est destinée cette information.
375 __ Quoiqu'il en soit, avec cette information prospective et l'information:
sur la situation du groupe et particulièrement les comptes consolidés, le
'(,
volume de l'information a atteint un seuil qu'il ne nous semble pas souhaitab~
e
de dépasser sous peine d'imposer aux entreprises des charges trop lourdes
1
et de nuire à la qualité même de l'information(3)
(1) Cette affirmation n'est d'ailleurs pas tout à fait exacte puisque les
associés comme les salariés reçoivent l'information rétrospective par
l'intermédiaire de leurs représentants au conseil de surveillance. Il
s'agit peut-être là de l'esquisse d'un rapprochement entre la situatio~
juridique des associés et celle des salariés.
(2) Les associés suivent de trop loin la vie quotidienne de l'entreprise
surtout lorsque celle-ci est d'une certaine importance, pour pouvoir jouer
un rôle efficace dans les procédures d'alerte qui doivent être mises en
oeuvre avec beaucoup de précaution>et de discernement, si on ne veut pas
qu'elles se retournent contre l'entreprise. Peut-être le législateur a
t-il pris conscience que'~'affectin societatis~existe plus chez le sala-
rié que chez la plupart des associés (cf: supra, chap.1°)
(3) A.BRUNET et M.GERY~IN.L'informationdes actionnaires',~rr~.
Avant. même les récents développements cette crainte
était
exprimée par
certains auteurs.
174
TITRE II
LE DROIT PENAL ET LE DEVELOPPEMENT QUALITATIF
DE L'INFORMATION DE GESTION
376 - La qualité de l'information tient essentiellement à l'utilité
qu'elle présente pour ses usagers. Or, pour qu'elle soit vraiment utile, il
faut qu'elle rende compte le mieux possible de la réalité de la situation de
l'entreprise. De ce point de vue, l'augmentation du volume de l'information
peut constituer, à certains égards, un progrès allant dans le sens d'une amé-
lioration de la qualité. Par exemple, la consolidation des comptes et l'éta-
blissement d'une information prospective permettent de mieux représenter la
situation de l'entreprise en tenant compte de tout son environnement (1).
Mais l'accroissement du volume de l'information ne suffit pas, loin de là,
à pallier toutes les lacunes qui
peuvent entacher la qualité de l'informa-
tion.
377 - Certaines de ces lacunes tiennent à l'attitude de certains chefs
d'entreprise qui, souvent, pour dissimuler les conséquences d'une mauvaise
gestion ou dans un but de fraude fiscale, introduisent des renseignements
faux dans les informations qu'ils fournissent aux partenaires de l'entrepri-
se. (2)
D'autres lacunes tiennent aux insuffisances de la réglementation
voir~ sur certains points,à son inexistence. On a souvent dénoncé l'incapa-
cité de.la comptabilité à refleter la situation réelle de l'entreprise et le
décalage entre leur situation économique et la description qu'en donne la
comptabilité. (3)
(1) J. J. BURGARD "L ' information des actionnaires, Dunod,
1970, p. 71 et 75
(2) Ph. SABI~ L'entreprise et le droit pénal, thèse Pau, 1981, p. 88
J. Lepargneur, art. prée. p. 69
(3) RapportSudreau éd. 10-18, p. 132
J.J. BURGARD op. cit. ibid
175
378 - Mais, même dans la mesure où l'information rend compte de la situa-
tion réelle de l'entreprise, il n'est pas toujours facile pour ses usagers
d'en tirer les enseignements dont ils ont besoin. Cette lacune résulte
en
général de l'incompétence des usagers de l'information' ét de l'insuffisance
des moyens de traitement dont ils disposent.
379 - Le rapport Sudreau faisai t de l'amélioration de la qualité de l'information
,
,
'
un des axes de la réforme de l'entreprise et de la sanction pénale le recours
nécessaire pour garantir cette qualité (1). En réalité, l'amélioration de la
qualité de l'information n'a jamais été absente des préoccupations du
légis-
lateur (2). Mais, à notre avis, elle ne s'est jamais traduite dans le droit
positif avec autant de clarté que pour la législation récente. Les infractions
édictées au cours des différentes réformes visent à améliorer la qualité de
l'information dans deux directions différentes.
380 - La
première consiste à rendre l'information plus accessible à ses
usagers pour une meilleure transparence. La seconde à rapprocher les rensei-
gnements contenus__dans les différents documents le plus
possible
de
la
réalité, c'est à dire à améliorer l'authenticité de l'information.
Chap. l
LE DROIT PENAL ET L'AMELIORATION DE LA TRANSPARENCE DE
L'INFORMATION
Chap.II
LE DROIT PENAL ET L'AUTHENTICITE DE L'INFORMATION
(1) Rapport SUDREAU prée. p.'33
(2) HOUIN et GOrlE,art. pr~c.,D. 1967 p.121j J. LUCAl~, art. pr~e.,G.P.
'970 .11. doct. 114; Ph. ~OCQUET, art. prée. ,in J.C.P.1979 éd.N p.
p.
437
176
Chap. l
LE DROIT PENAL ET L'AMELIORATION DE
LA TRANSPARENCE DE L'INFORMATION
381 - Pour que l'information soit utile, il faut que toutes les personnes
auxquelles elle s'adresse puissent l'analyser pour en tirer des enseignements
utiles quant à la gestion de l'entreprise: il faut qu'elle leur
soit acces-
sible.
382 - De nombreux obstacles peuvent s'opposer à l'accessibilité de l'in-
formation. Celle-ci peut être trop abondante de sorte que les usagers ne
puissent pas en tirer les enseignements essentiels. Elle peut être trop floue
ou pas assez détaillée. Il se peut aussi que les usagers ne soient pas eux
mêmes suffisamment compétents pour la traiter ou tout simplement qu'elle leur
soit communiquée dans des délais qui ne leur en laisse pas le temps. Par
aillleurs, nous avons déjà vu que l'information est périodique ou événemen-
tielle par rapport au moment où elle est produite. Elle constitue cependant,
ainsi que l'a judicieusement souligné un auteur, un tout indissociable ayant
une valeur informationnelle qui ne se limite
pas à la période ou à l~événement
qui a suscité son établissement ou sa communication (1). Dans ces conditions,
l'information ne peut avoir toute sa signification et être pleinement exploi-
tée que si la comparaison
demeure possible entre les différents docQ~ents
émis par l'entreprise au cours de sa vie.
383 - L'amélioration de la transparence de l'information implique donc
l'amélioration des conditions de traitement (section 1) et l'amélioration
de la comparabilité (section II).
(1) J GUYENOT, La COB
et l'information des porteurs de valeurs mobilières
sur l'activité et le résultat des sociétés, G.P. 1973, 1. doct. 160
177
Section l
LE DROIT PENAL ET L'AMELIORATION DU TRAITEMENT
"DE L'INFORMATION
384 - Deux sortes d'obstacles peuvent s'opposer au traitement efficace
de l'information par les usagers. Il s'agit d'abord des modalités de l'infor-
mation qu~ récemment encore,ne Permettaient
pas toujours
à
ses
bénéfi-
ciaires
de
la
traiter
dans
les
meilleures
conditions. Il s'agit
ensuite de l'incompétence des usagers qui sont parfois incapables d'analyse~
de comprendre et d'interpréter l'information qui leur est fournie.
C'est donc en contribuant à améliorer les modalités de l'information
( § 1)
et à pallier efficacement, l'incompétence des usagers (
§
II) que
le droit pénal Peut garantir un meilleur traitement de l'information.
§ j.
AMELIORATION DES MODALITES DE L'INFORMATION
385 - Nous avons déjà fait état, au début de cette étude, de la multi-
plication des moyens de diffusion de l'information et de l'amélioration de
certaines--modalités d'exercice du droit de communication (1). Certains de
ces moyens produisent également un effet positif sur l'amélioration du trai-
tement. Il en est ainsi de tous ceux qui Permettent au destinataire de l'in-
formation de l'obtenir chez lui (information adressée ou publiée dans la
presse) et d'en disposer à loisir pour l'analyser soit personnellement, soit
avec l'aide d'un tiers plus compétent afin d'en tirer tous les enseignements
quant à la situation réelle de l'entreprise. tes modes de diffusion ont, en
particulier, l'avantage d'affranchir l'usager des contraintes tenant aux
heures d'ouvertures du lieu de communication (2).
386 - Mais cette
supériorité qualitative de l'information reçue
sur
l'information mise à la disposition des usagers n'est plus totale aujour-
d'hui. En effet le droit de prendre copie des documents communiqués
est
(1) Cf. Supra N° ~, et s.
(2) Cl. HEURTEUX,op. cit.,P. 51
178
largement
reconnu (A). Par ailleurs, le moment de cette communication est
généralement bien adapté à un bon traitement (B).
A - La reconnaissance du droit de prendre copie des documents
communiqués
387 - La question de savoir si les détenteurs du droit de communication
avaient aussi celui de prendre copie des documents
qui
leur étaient fournis
a donné
lieu
avant le décret du 23 Mars 1967
à une controverse relativement
abondante.
388 - Certains auteurs, s'appuyant sur l'exegèse des dispositions du
décret-Loi de 1935
refusaient aux actionnaires de sociétés anonymes
le
droit de prendre copie de
documents tels que la liste des actionnaires ou
la feuille de présence. En effet, s'agissant du droit de communication per-
manent, ce texte prévoyait que les actionnaires pouvaient prendre "connais-
sance ou copie" des documents qui en faisaient l'objet. Mais se contentait
d'indiquer que. la liste des actionnaires et la feuille de présence devaient
être "communiqués". De cette différence de rédaction, certains auteurs ont
déduit une différence de régime en s'appuyant par ailleurs sur la pratique
des greffes de tribunaux qui interdisaient la copie des documents annexés
au registre du commerce (1). Les adversaires du droit de copie faisaient
également valoir qu'elle entrainerait des risques d'indiscr~tion que le
législateur n'aurait pas voulu.
389 - Mais la majorité de la doctrine (2) s'était montrée favorable au
droit de prendre copie qu~ pour ell~ était indissociable de la communication.
(1) J. PERCEROU, j. soc. 1908,p. 166 et s. ; BOSVIEUX, Des nouvelles règles
relatives à l'établissement des comptes et au droit de communication des
actionnaires de la S. A'l j. soc. 19361 p. 22 et s.
(2) D. VEAU~e rôle des comités d'entreprise dans les s.A.)D~ soc. 1948 p. 8p
J. LEPARGNEUR/A propos de la communication de documents aux actionnaires;
j. soc. 1924 p. 75 et s.·TOUL~10N op. cit. 'R. CONTIN op. cit. n° 118 et s.
)
)
179
Quant au risque d'indiscrétion, il constitue, selon ces mêmes auteurs,
la
contrepartie inévitable de l'information (1). Elle faisait aussi valoir que
du point de vue de la qualité de l'information, il valait mieux autoriser
la prise de copie qui permet d'éviter la. divulgation d'informations fantai-
sistes et déformées par la défaillance de la mémoire.L'interdiction
de
prendre copie comporterait, selon cette doctrine, une inégalité choquante
entre les usagers de. l'information au profit de ceux qui aurait une faculté
de mémorisation plus développée que les autres.
390 - Entre ces deux thèses, la jurisprudence qui s'était montrœfavora-
ble au droit de prendre copie sous le régime de la loi de 1867, n'avait pu
trancher. La chambre criminelle de la cour de cassation s'était montrée
favorable à la copie de la feuille de présence (2) mais plusieurs juridictions
du fond avaient adopté une solution restrictive en ce qui concerne la copie
de la liste des actionnaires (3). La distinction n'avait, à l'évidence, aucun
sens puisque la feuille de présence n'est souvent qu'une reproduction de la
liste des actionnaires (4).
391 - En vertu, des articles 139 et 142 du décret du 23 Mars 1967, le
droit de communication emporte désormais celui de prendre copie, sauf en ce
qui concerne l'inventaire. Cette restriction a été justifiée par la nécessité
d'éviter la divulgation du secret de fabrication. Mais on peut douter de son
efficacité. Certes, d'après la chancellerie, le droit de prendre copie s'en-
tend de "l'utilisation de tout procédé permettant à l'actionnaire la conser-
vation des renseignements dont il a eu connaissance en compulsant les documents
. (1)D. VEA~op. cit.,dr soc 1948 p. 87 et s.
J. LEPA~GNEUR op. cit. j. soc.
1924 p. 49 et s.
(2) Civ 15 nov 1957,D 1958, 109 ; Crim. 4 juin 1941 D.1943. 25
Paris 1er av-
1941 G.P. 1941.1.302
(3) Paris 8 janv 1945 D. 1945.231
(4) Cl HEURTEUX, op. cit nO 78 p. 55;,Hm4ARD TERRE MABILAT op. cit n0306 p. 266
180
mis à sa disposition" (1). Et si cette conception de la copie
élargit
le
droit de l'actionnaire autorisé à prendre copie, elle renforce d'autant la
portée de la restriction. A contrario, les usagers de l'information ne peu-
vent donc même pa~ en principe~prendre des notes de l'inventaire. Il reste
qu'on ne voit pas comment
les
responsables de l'entreprise
pourraient
surveiller toutes les personnes qui viennent prendre communication des do-
cuments mis à leur disposition, afin de les empêcher de prendre des notes.
Il s'ensuit que si ceux-ci découvrent des secrets de fabrication qui
les
intéressent ils pourront en prendre note bien qu'ils n'en aient pas le droit,
au besoin en utilisant une langue 'étrangère ou un code.
Malgré cette restriction, le droit de prendre copie illustre bien
le désir du législateur de favoriser une meilleure information des associés(2).
ÉlIe permet aux usagers de disposer d'une plus grande latitude pour examiner
les documents qui leur sont communiqués.
392 - On peut cependant se demander si le refus de la copie est consti-
tutif du délit prévu aux art. 426 et 445 de la loi du 24 Juillet 1967. La
question résulte
de ce que le droit de prendre copie__n1est expressément
autorisé que par le décret et que la répartition des pouvoirs
opérée
par
l'art. 34 de la Constitution interdit de sanctionner les dispositions-d'un
règlement par des peines délictuelles. Il s'ensuit que le refus de la copie
n'est punissable que si/dans l'esprit du législateur également, le droit
de
communication emporte celui de prendre copie.
A notre connaissance, la jurisprudence n'a jamais eu à trancher
cette question. Mais les travaux préparatoires nous semblent relativement
clairs. En effet, lors de la
discussion de la loi au parlement,
il n'a été
question que d'établir une exception en ce qui concerne l'inventaire (3).
(1) Rep. min. J.O. déb. A.N. 5 av. 1972 p. 819
(2) HEMARD, TERRE, MABILAT, op. cit'J~o 806 p. 267
(3) J.O. déb. A.N. 8 juin 1965 p. 1878 ; J.O. déb. sén. 21 av. 1966 p. 236
181
C'est donc que le principe du droit de prendre copie ne faisait pas de doute
pour les parlementaires. On peut donc considérer l~s -disposi1iions du décret
comme visant plus à préciser la volonté du législateur qu'à instituer
une
règle nouvelle. Les dirigeants sociaux qui refusent aux associés le
droit
de prendre copie des documents mis à leur disposition s'exposent aux peines
prévues pour le refus de communication.
Lorsque c'est aux membres du comité d'entreprise que le droit de
prendre copie a été refusé, l'auteur de ce refus s'expose aux peines du
délit d'entrave. Il peut en effet être considéré comme une atteinte au fonc-
tionnement régulier de cette institution dans la mesure où il prive
les
membres du comité d'une prérogative visant à
améliorer
la qualité de l'in-
formation.
B -Adaptation du moment de l'information
393 - Il ne suffit pas de communiquer des documents aux usagers de l'in-
formation. Il faut encore que cette communication ait lieu au moment
où ils
en ont vraiment besoin et avec des délais suffisamment longs pour leur per-
mettre de faire un traitement sérieux.
394 - Pour les épargnants intéressés à la vie d'une entreprise
dont
les titres sont c8tés en bourse, le moment où l'information est fournie est
très important. Les appréciations boursières sont essentiellement des antici-
pations;et pour le public, la rapidité a souvent autant de prix que la rigueur
avec laquelle les documents peuvent être établis (1). C'est la raison
pour
laquelle les sociétés sont tenues de publier leurs projets de comptes annuels
ou de comptes consolidés ainsi que le projet d'affectation du résultat au plus
tard 4 mois après la c18ture de l'exercice (2). Elles disposent ensuite de
(1) J.J. BURGARD, op. cit., p. 71
(2) art. 294 et s. Déc. du 23 mars 1967
182
45 jours pour publier les documents lorsqu'ils ont été approuvés par l'assenm-
blée générale. Le_déla~ de_publication est également de 45 jours pour l'infor-
mation trimestrielle. C'est sans doute cette préoccupation qui amène la C.O.B.
à rendre l'information occasionnelle (1) obligatoire dès lors que les événe-
ments qui en sont l'objet se sont ébruités d'une façon ou d'une autre. L'idée
est que tout événement susceptible d'avoir une influence sur les cours de la
bourse doit devenir totalement public dès qu'il ne doit ou ne peut plus rester
complètement secret. Après ce moment, une inégalité s'instaure entre les dif-
férents opérateurs boursiers et c'est cette inégalité que la C.O.B.
entend
éviter.
395 - On peut se demander si les dirigeants sociaux qui ne respectent
pas les délais prescrits pour les p~blications propres aux sociétés côtées
commettent les infractions prévues pour le défaut de publication. A notre
sens la réponse est affirmative. Certes, l'art. 299-1 du décret du 23 mars
1967 vise seulement ceux qul"n'auront pas procédé aux publications prévues"
et une interprétation littérale tendrait à exclure du champ de la répression
le simple fait de ne pas respecter les délais. Mais ce serait oubl~r l'ori-
gine de ce
texte. L'ancien art. 484 de la loi du 24 Juillet 1966 visait
expressément la non publication dans lès délais. Et si la loi du 1er mars 1984
a abrogé cette dispositmon c'est dans le seul but de "contraventionnaliser"
les infractions qu'elle prévoyait. En outre, l'art. 299-1 se réfère aux art.
294 et suivants • On peut penser que cette référence renvoie aux dispositions
de ces textes dans leur totalité.
396 - En ce qui concerne l'information occasionnelle, il n'existe aucune
sanction pénale 10· visant directement: il s'agit encore d'une prescription
prétorienne de la C.O.B. l~is les dirigeants sociaux/Ginsi que toute autre
personne qui en dispose à l'occasion de sa profession/Pourrai~~serendre
coupable~du délit d'initié prévu par l'art. 10-1 de l'ordonnance du 28 septem-
bre 1967, s'ibles utilisent avant que le ~ublic en ait eu connaissance.Ainsi
est préservéel'égalité des opérateurs boursiers face à l'information.
~ {11 Nous=visons ici l'information occasionnelle imposée par la C.O.B. aux so-
ciétés côtées et qui est relative aux événements pouvant avoir une répercu-
tion sur l'activité et les résultats de la société.
-
183 -
397 - Le moment auquel l'information est fournie est tout aussi
important lorsque celle-ci précède une décision ou une consultation. Il
est alors nécessaire de laisser aux usagers le temps pour l'analyser.
C'est la raison pour laquelle l'information préalable à l'assemblée
générale doit être communiquée aux associés et aux représentants du
personnel 15 jours (1) au moins avant la date de cette assemblée. Le
d~lai a été ramené de 45 à 30 jours pour les commissaires aux comptes.
Certains auteurs trouvent ces délais trop courts (2). Mais leur choix a
été justifié par le fait qu'une société peut être amenée dans les cir-
constances actuelles à convoquer assez rapidement ses associés et par
le désir de ne pas trop compliquer
la vie des sociétés en exigeant
les délais trop longs. (3)
398 - La règlementation n'en comporte pas moins certaines lacunes
regrettables. D'abord,l'art. 442 de la loi du 24 Juillet 1966 punit les
dirigeants qui n'auront pas convoqué, à toute assemblée, dans le délai
légal, les actionnaires titulaires de titres nominatifs par lettre. Or le
délai de 15 jours prévu par l'art. 126 du décret du 23 mars 1967 ne vise
que la convocation par voie de presse ou par lettre recommandée. On en a
déduit que l'art. 442 punit un délit impossible (4). Cette conclusion nous
semble excessive. La lacune du texte peut être comblée en faisant appel à
la volonté du législateur car il n'y a aucune raison de fixer des délais
différents selon que la convocation a été faite par lettre recommandée,
par voie de presse ou par lettre simple. On peut d'ailleurs remarquer que
le délai de 15 jours est celui qui est généralement imposé pour la con-
vocation des assemblées. La lacune de l'art. 126 du décret ne suffit donc
pas à enlever à la convocation par lettre simple toute portée pratique,
ni la garantie de l'art. 442 de la loi. Au demeurant, la règle de l'inter-
prétation stricte des dispositions pénales qui pourrait justifier la
solution contraire ne peut être appliquée en l'espèce. Les Juges ont
toujours la possibilité de corriger une erreur matérielle tel qu'il
paraît être le cas ici. Il reste qu'il serait préférable que cette
lacune soit comblée pour éviter toute discussion à ce sujet.
(1) art. 442 à 446 L. du 24 juil. 1966 art. 12 al. 1 et 16 décr. du 23
23 mars 1967.
(2) M. TlLAYE, Thèse préc., p. 71; LARSY Thèse préc. p. 27 et 153.
(3) V.L. CONSTANTIN, op. cit. , p. 289.
(4) J. LUGAN, la loi du 24 juillet 1966 note éternel souci, G.P. 1970
1. doct. 114.
184
399 - Par ailleurs, les délais de convocation et de communication des
documen~ ne permettent pas aux actionnaires d'utiliser le droit qui leur est
reconnu de proposer des projets de résolution de façon éclairée puisque
les
demandes d'inscription de projets de résolution à l'ordre du jour doivent
être envoyées vingt cinq jours au moins avant la date de l'assemblée réunie
sur première convocation (art. 129 décr. du 23 mars 1967).
Il faut noter qu'en pratique le commissaire aux comptes ne dispo-
sera que de 15 jours pour préparer son rapport après communication des docu-
ments. C'est sans doute la raison pour laquelle la chancellerie considère
que le délai de 30 jours est d'ordre public et que le délit d'obstacle est
constitué dès lors qu'il n'a pas été respecté même si le commissaire aux
comptes y a expressément renoncé. (1)
400 - Enfin, le'moment de l'information est essentiel à propos des
consultations du comité d'entreprise. Avant la loi du 23 octobre 1982 la
seule prescription fai tepar la loi était que la oonsultation pour les compres-
sions d'effectif
devaIt avoir lieu "en temps utile". Il ne semblait pas
que le chef d'entreprise fût obligé d'informer les membres du comité daDS_
un délai autre que celui de 3 jours prescrit pour la communication de l'or-
dre du jour (2). En matière de licenciement collectif, l'accord interprofes-
sionnel de 1969 a prévu un système de délais de réflexion très structuré.
Variant selon la nature et le nombre des licenciements envisagés, ces délais
peuvent attaindreun mois voire trois/lorsqu'il s'agit de licenciements de
nature structurene (3).
La loi nouvelle n'a pas fixé des délais précis (4).Elle exige seu-
lement que l'information du comité ait lieu
dans
"un délai
d'examen
(1 ) rép. min. J.O. déb. A.N. 21 oct 1976 contra HOUIN RTD com. 1976 p. 60
(2) COHEN/op. cit.,p. 361 et 575.jDict. perm. dr. soc. bull. 15 nov 1984 p. 330Bn
crim. 11 juin 1974,bull.213;Versailles,30 juin- 1983 et crim.l8 nov 1984,préc~
1
contra. C.E.,? mars 1980,Jur. soc. UIMM 1980.330. citée par J. Savatier
dr. soc. 1985 p. 1
(3) G. OHEIX,L'information du comité d'entreprise sur un licenciement collecti~
Dr. suc. 1979 spec. 49jN. CATALA, l'entreprise, n° 218 p. 244
(4) COHEN op. cit. p. 589
suffisant"(1) quelle que soit la consultation envisagée. Dans
certains cas
le délai est légalement chiffré. C'est ainsi que le bilan sociaL_et les pro-
je~concernant l'introduction de nouvelles
technologies doivent être com-
muniqués aux membres du comité d'entreprise 30 jours avant leur examen. Dans
les autres cas, il faut considérer que le délai variera en fonction de la
nature et de la complexité de l'objet de la consultation. Par ailleurs, il
semble acquis que ce délai doit permettre aux membres du comité de prendre con-
naissance des documents qui leur sont communiqués et de recourir à l'expert
comptable et donner le temps à celui-ci de se faire une idée sur la situation
de l'entreprise (2). Il s'ensuit que la violation de ces dispositions n'est
constitutive du délit d'entrave dans la mesure où "le délai d'examen suffisant
est une obligation essentielle (3).
401 - Ainsi, apparait, malgré quelques lacunes,la volonté du législateur
d'adapter le moment de chaque information à sa nature et aux besoins qu'elle
tend à satisfaire. Cette volonté va dans le sens de l'amélioration de
la
qualité de l'information.
§ 2
LE PERFECTIONNEMENT DES~OYENS DE TRAITEMENT
402 - La plupart des personnes intéressées au fonctionnement de l'entre-
prise ne sont pas en mesure d'analyser, par elles-mêmes)les informations
de
plus en plus complexes qui leur sont fournies. Pour les aider
dans
cette
tâche, et afin que l'information soit pleinement utile, le législateur a rendu
obligatoire ou autorisé, dans des conditions de plus en plus extensives, le
recours à des experts. (4)
(1) art. 431-5 al. 2. code du trav.
(2) J. SAVATIER,op. cit.;Rapport C.E. 7 Mars 1980 préc.
(3) M. COHEN/op. cit.,p. 575
(4) cf. supra n° 153 et s.
186
L'assistance ne peut être vraiment efficace que si les usagers de
l'information sont capables de
faire un minimum d'analyse.par eux-mêmes.
-
- '
-
C'est pourquoi le législateur a pris quelques mesures tendant à améliorer le
traitement fait personnellement par certains usagers, en Ifoccurence les mem-
bres du comité d'entreprise.
Mais pour que les experts puissent convenablement remplir leur
mission, il a fallu améliorer les modalités de l'assistance.
A - Amélioration du traitement fait par les représentants du personnel
403 - Avant la loi de 1982, l'un des principaux griefs formulés par les
representants du personnel à propos du système d'information était qu'ils
n'avaient pas une formation suffisante pour être en mesure d'apprécier les
informations qui leur âtaient fournies par le" chef d'entreprise (1).
404 - La législation nouvelle a tenté de pallier cette lacune en insti-
tuant pour tout membre du comité nouvellement élu une
information économique
d'une durée maximale de 5 Jours ouvrables payés comme temps dè travail
et
sans imputation sur le crédit d'heure de délégation (2).-Ce temps de formation
es~bien entenduJlargement insuffisant pour permettre une compréhension de
documents comptables et de problèmes de plus en plus complexes. Mais au moins
ce texte témoigne d'une prise de conscience du problème. Et puis, il s'agit
tout de même d'un progrès par rapport à la situation antérieure. D'ailleurs,
bien d'associés auraient également besoin d'une telle formation, mais cela
semble plus difficile à organiser et serait beaucoup trop couteux pour l'en-
treprise par rapport au bénéfice qu'elle pourrait en tirer.
(1) G. OHEIX/op. cit., p. 54
(2) art. L. 434 - 10 c. du trav.
187
405 - La seconde innovation tendant à améliorer le traitement de l'in-
formation par le comité d'entreprise réside dans l'institution d'un budget
de fonctionnement di~férent du budget social (1).
Pour bien percevoir l'intérêt de ce budget, il faut garder à l'es-
prit le fait que la chambre sociale de la cour de cassation avait jugé que
"les ressources du comité d'entreprise ne peuvent être utilisées que
pour
la gestion des oeuvres sociales et non pour la rémunération d'un spécialiste
destiné à l'assister dans ses attributions économiques" (2). _
Cette distinction entre attributions économiques et attribution socia-
ale nous semble quelque peu artificielle. Par exemple, il serait dif-
ficile de dire si le recours à un expert pour l'analyse du bilan social,
d'un plan social ou d'un plan de redressement se rapporte aux attri-
butions sociales ou aux attribution économiques du comité d'entrepri-
se. En réalité, l'économie et le social sont si imbriqués dans l'entre-
prise qu'il eut mieux ca~ondre les deux budgets.
406 - Quoiqu'il en soit, la création d'un budget spécial de fonctionne-
ment alimenté par une subvention équivalente à 0,20 % de la masse salariale
permet au comité d'entreprise de disposer de moyens financiers qui jusque
là lui faisait défaut pour jouer pleinement son rôle économique. Il
pourra
ainsi recourir à un expert en dehors des cas spécialement prévus par
la loi.
Mais on peut encore se demander pourquoi le_budget de fonctionnement est
fixé par rapport à la masse salariale. Puisqu'il s'agit de permettre au
comité de mieux exercer ses attributions économiques, il nous semble que la
subvention aurait pu être fixÉs proportionnellement à des valeurs qui reflètent
mieux l'importance de l'activité économique de l'entreprise, tels que le
chiffre d'affaire ou le montant de son bilan, chiffres utilisés servant de
critère à la création de certaines obligations d'information.
(1) art. L. 434 - 8
(2) Soc~ 16 déc 1980,bull. ci~ V,n o 900 p. 695; D.1980 I.R. 264 obs. J.Pellissier~
contra T.G.I. Bordeaux 2 mars 1981 et Paris 11 fév 1981 D.O. 1982 p. 21
188
407 - Cependant,les progrès les plus importants en matière de traite-
ment de l'information pour les représentants d~ personnel résident dans
-la création de nouvelles instances d'information que sont les commissions
économiques et le comité du groupe.
l - Les commissions économiques du comité d'entreprise
408 - Depuis la loi du 16 mai 1946 le nombre des commissions internes
du comité d'entreprise n'a cessé d'augmenter. Certaines sont devenues obli-
gatoires. l1ais jusqu'à la loi du 28 oct. 1982, la commission économique
était seulement de celles"que le comité pouvait créér " pour l'examen de
problèmes particuliers".
409 - Le rapport Sudreau préconisait la création d'une délégation éco-
nomique qui semblait ,aux yeux de ses rédacteurs, être un moyen de donner un
contenu plus réel aux attributions économiques du comité d'entreprise.
Chargée "d'approfondir les q~~~tions d'ordre économique et de préparer les
dossiers correspondants en vue de leur: présentation au comité~ cette délé-
gation économique était conçue comme un bureau permanent "dont la structure
légère permettrait des réunions plus fréquentes et le dialogue plus facile"(1)
Cette proposition a été reprise par le rapport Auroux et traduite
en droit positif par la loi du 28 oct. 1982 qui restitue dans les entreprises
de plus de 1000 salariés une commission économique spéciale. La fonction
dévolue à cette commission est identique à ceux que les rédacteurs du rapport
Sudreau entendaient confier à leur délégation. Elle a une "fonction d'examen
des documents" de recherche de propositions (2)et "un travail préalable de
mise en forme et de synthèse" (3). En d'autre termes, cette commission dont
on a bien pris soin de préciser qu'elle fait partie intégrante du comité
(1) Rapport Sudreau}ed.10-18 p. 90 et 91
(2) J.O. déb. A.N. 7'juin 1982 p. 3051
(3) J.
AUROUX ,Les droits nouveaux des travailleurs Doc Fr. p. 25
1
189
d'entreprise (1) a pour mission de préparer le travail consultatif du comité
d'entreprise (2). En a-t-elle les moyens?
410 - Cette commission est composée d'un maximum de 5 membre~ représen-
tants
élus du personnel. Ils sont désignés par le comité d'entreprise en
son sein et un siège est réservé au représentant des cadres.
La loi se contente d'exiger qu'elle se réunisse au moins deux fois
par an ; alors que la commission Sudreau prévoyait des réunions "au moins
une fois par mois et quand les circonstances l'exigent" (3).
A l'évidence ces deux réunions annuelles sont insuffisantes pour
permettre à la commission économique de jouer pleinement son rôle surtout
si plusieurs projets importants doivent être soumis au comité dans la même
année. Mais, dans la mesure où ces deux réunions annuelles sont considérées
comme un minimum, on aurait pu y voir une volonté de ne pas imposer des frais
inutiles à l'entreprise par une règlementation trop rigoÙreuse, si le légis-
lateur n'avait pas fait preuve de tant de parcimonie dans la fixation du
crédit d'heure.
411 - Les membres de la commission économique n'ont droit qu'à un crédit
d'heure global de 40 heures par an. Pour une commission composée de 5 membres
qui se contenterait de tenir ses deux réunions annuelles obligatoires, chaque
membre ne disposera que de 4 heures de délégation par réunion. Il restera
alors peu de temps, s'il en reste, pour préparer des réunions supplémentaires
qui deviennent complètement illusoire&.On prétend que les heures de délégation
coûtent trop cher à l'entreprise (4) ou que par ce système certaines personnes
n'ont en fait qu'une activité purement "syndicale" dans les grandes entrepri-
ses.
(1) J.O. déb. A.N. prée.
(2) R. VATINE~ op. cit./n° 145 p. 136
(3) Rapport Sudreau prée. op. cit.
(4) J.P. CHARIEJJ.O. déb. A.N. 7 Juin 1982/p. 3057 2° col.
190
Mais en l'état actuel de la législation, il n'est pas exact de dire
qu'en accomplissant leur missio~les représentants du personnel
~ la com-
mission économique ou plus général~ment au comité d'entreprise ànt une acti-
vité syndicale. Sans doute le comité d'entreprise doit· permettre une prise
en compte des intérêts des salariés mais il a également un droit d'alerte (1).
Il s'agit d'un organe de l'entreprise au même titre que le commissariat aux
comptes ou l'assemblée générale des associés.
412 - Néanmoins, ces objections ont le mérite de mettre en relief la
ducilité et toute l'ambiguité de l'organisation actuelle de l'entreprise;la
distinction tranchée entre propriétaire du capital et salariés ne convient
peut être pas tout à fait à la nouvelle conception de l'entreprise qui d'après
M. ROGER MACHARD (2) "est avant tout une collectivité de travail complexe
comprenant son personnel, mais constituée également des fournisseurs, des
'sous-traitants, qui la connaissent bien, des banquiers ••• ". Dans ces condi-
tions, l'idée d'un organe de contrôle commun aux différents partenaires de
l'entreprise tel qu'il a été proposé par le Pr. Contin.(3) ne nous semble pas
absurde. Un
tel organe aurait le mérite de réduire le coût du contrôle de
la gestion et sans doute de la rendre plus efficace, tout en clarifiant la
situation. Mais en attendant que-l~ disparition des obstacles idéologiques
permette une telle avancée, il serait souhaitable d'édicter des règles de
non cumul entre les fonctions revendicatives des représentants du personnel
(délégué du personnel et délégué syndical) et celle de membre du comité
d'entreprise. Dans la même logique, on est bien obligé d'admettre que pour
cet organe, le fameux monopole du premier tour ne se justifie plus. Il faut
clairement distinguer la revendication de la coopération. Cela ne peut avoir
qu'un effet -au moins psychologique- bénéfique sur le rôle économique du
comité d'entreprise.
(1) V.J. PAILLUSSEAU et G. OPPETIT, Les difficultés des entreprises, Armand
Colin 1985 p. 151 et s.
(2) J. ROGER -MACHARD, La présentation générale d'une loi,
P.A. 1984
n° 105 p. 52
(]) R. CONTIN op. cit. n° 738 p. 502
191
413 - Pour en revenir plus particulièrement à la commission économique,
sa colIlPéte!1ce techniJ1ue a été renforcée par la faculté qu'elle a d'entendre
tout membre du personnel d'encadrement lorsqu'elle le désire à condition)
selon l'art. 434-~qu'elle obtienne l'accord du chef d'entreprise. Nous
sommes d'avis que cet accord préalable du chef d'entreprise à l'audition des
cadres ne saurait être discrétionnaire (1). Autrement, cette disposition du
code du travail n'aurait eu aucune portée puisque de toute façon l'accord
du chef d'entreprise aurait permis l'audition des cadres(2)Jl vaut donc mieux
admettre, bien que la loi n'exige pas que sa
décision
soit motivée, que
son refus doit être fondé sur des raisons valables tenant par exemple à la
gêne que constituerait, pour le fonctionnement de l'entreprise, cette au-
dition compte tenu du moment de la réunion de la commission. Du reste, il
ressort des travaux~préparatoiresque l'accord du chef d'entreprise ne de-
vraitêtre qu'une simple formali~é (3). Il s'ensuit que le chef d'entreprise
qui rejettera
les demandes d'audition de cadre présentées par la commission
économique sans raison valable pourrait se rendre coupable du délit d'entra-
ve (4).
414 - Cette solution nous semble tout-à-fait justifiée au re~~rd de la
jurisprudence antérieure qui admet que l'entrave peut être réalisée par tout
moyen (5). Plus précisément, dans un domaine voisin, la chambre criminelle
a jugé que l'employeur qui, saisi par le comité d'entreprise d'une demande
d'autorisation de proceder à une enquête auprès des travailleurs concernés
sur les besoins en matière de formation professionnelle a refusé tout moyen
d'investigation, commet le délit d'entrave. La haute juridiction estime en
effet que cet organisme doit disposer des informations indispensables à
l'exercice de ses fonctions (6).
(1) M. COHEN, Le droit des C.E. préc. p. 415
(2) R. VATlNET, op. cit. n° 185
(3) Ph. SEGUIN
J.O. déb. A.N. 8 juin 1982 p. 3055 défendant l'amendement qui
a introduit cette exigence dans la loi du 28 oct. 1982
(4) M. COHEN Dr.soc. 1983 p. 169
(5) Crim. 5 av. 1973 bull crim. n° 178 p. 429, D. 1973, som. 84
(6)crim. 12 oct 1982~ cité in J.Cl. Loi p~Spéc. fasc. D1 1985 n° 185 p. 10
Plus significatnre encore à ce sujet est la décision par laquelle
la haute juriàction a déclaré.coupable du délit d.'entrave,un chef
d'entre-
prise qui a refusé à la commission de formation tout moyen d'investigation
en milieu de formation professionnelle. Elle justifie alors sa décision par
le fait que "si le recours à un organisme étranger à l'entreprise devait
être subordonné à l'accord de l'employeur il ne pouvait en être ainsi en ce
qui concerne les investigations auxquelles les membres du comité et ceux de
la commission de formation professionnelle voulaient procéder par eux-mêmes(1).
Dans le même ordre d'idée, on peut signaler une décision par la-
quelle la chambre criminelle a reconnu la culpabilité da' directeurf d'une
agence bancaire qui a rejeté une requête du comité d'établissement tendant
à faire procéder à une étude p'ortant sur la fréquentation de la clientèle
dans certaines agences du groupe, à certaines heures et les veilles de fêtes.
La haute juridiction estime que le directeur a alors
refusé d'associer le
comité à la recherche de solutions aux problèmes concernant la durée et les
horaires de travail (2).
Cette jurisprudence nous permet de penser qu'an cas de demande d'audition
de cadre, la-principale question qui se posera séra celle de savoir si cette
audition est nécessaire pour éclairer le comité. Si la réponse est affirmative
le refus du chef d'entreprise sera constitutif du délit
d'entrave, sauf s'il
est fondé sur de justes motifs tenant par exemple à l'inopportunité du moment
de l'audition.
415 - En résumé, on peut constater que le principal obstacle à l'effi-
cacité de la commission économique est l'insuffisance du crédit d'heure qui
est accordé à ses membres. Aussi, serait-il souhaitable que par des accords
prévoyant les conditions dans lesquelles elle pourrait bénéficier d'un crédit
d'heure supplémentaire ou,ses membres,d'autorisations d'absence sans rémuné-
ration afin de préparer ces réunions. (3)
(1) Crim.,7 juin 1981, bull. .crim. nO 4
(2) Crim~ 3 mars 1981, D. 1982 I.R. 78
(3) M. COHEN, Dr.
soc.,1983 p. 169
193
416 - Il convient de noter que dans les entreprises dont l'effectif est
inférieur à 1000 salariés~ l'a~t. L~ 437-7 autorise le comité d'entreprise
à constituer,en son sein, une commission économique dite facultative. Il fixe
librement la composition et la mission de cette commission mais ses membres
ne disposent d'aucun crédit d'heure supplémentaire et doivent imputer le
temps qu'ils consacrent à ses travaux sur leur crédit d'heure de mecbre du
comité d'entreprise.
II - Le comité de groupe
417 - Le comité de groupe dont nous avons précédemment décrit le cadre
et la composition (1) est la seconde institution d'information créée par la
loi du 28 octobre 1982.
De nombreux auteurs se sont demandé
si le comité
de groupe pouvait être présenté comme un simple organe d'information (2).
418 - Sur ce point, la volonté du législateur parait pourtant claire.
Le rapport Auroux présente le comité de groupe comme"un organe d'information
des xeprésentants des travailleurs en matière économique et financière"(5)~
Cette finalité du comité de groupe a été constamment affirmée lors
des débats parlementaires. Ainsi a-t-on parlé d'une institution visant à .
améliorer "la capacité. d'information des salariés" (4) et d'une "disposition
permettant la circulation de l'information" (5).-La loi elle-même ne lui
reconnait qu'un rôle d'information(6}. Sans doute le chef d'entreprise ayant
convoqué les membres du comité de groupe ne peut pas se contenter de leur
dire
"ecoutez moi et taisez vous" (7).
\\1) C~ supra,p.iS5 et s.
(2) G. COUTURIER, l'accès du C.E. à l'information économique et financière
Dr. soc. 1983 p. 31
M. COHEN, Les nouvelles fonctions ••• Dr. soc. 1983,p. 169;P..RODIERE
L'adaptation du comité d'entreprise aux structures de l'entreprise Ibid p.367
(3) J. AUROUX.Rap. préc. An. 3,p. 76
(4) P. QUILES , J.O. déb. A.N.; p. 3096
(5) J.O. déb. A.N.} p. 3102
(6) R. VATINET, op. cit. n° 275 p. 273
(7) M. COHEN) art. préc. Dr. soc. 1983,p. 169 et s.; LGDJ 1984 p. 215
1
194
Une discussion devra nécessairement s'engager.
L'information ne peut être
complète si les membres du comité de groupe ne peuvent pas demander
des
éclaircissements ou des précisions.
419 - C'est d 1ailleurs en cela que réside l'intérêt de la réunion des
. membres du comité de groupe. La discussion permettra à ses membres d'avoir
une vue globale de la situation du groupe par rapport à toutes les entreprises
qui le composent -.grâce aux interventions des autres membres du comité
de
L'assistance de l'expert comptable
groupe/qui a pu mener ses
investigat10ns dans toutes les entreprises ratta-
chées au groupe contribuera à"renforcer cette vision d'ensemble. Ainsi appa-
raît la supériorité du comité de groupe sur "le P.D.G. balladeur" ou la
simple transmission de l'information aux différents comités d'entreprise par
l'intermédiaire des dirigeants qui, a-t-on soutenu/serait suffisant pour
permettre la circulation de l'information dans le groupe (1).
420 - Mais l'institution comporte un défaut particulièrement décrié (2).
On lui reproche d'être inapte à permettre la circulation de l'information
dans toutes les_entreprises du groupe puisque certaines d'entre elles pour-
raient ne pas y être représentées. Mais cette lacune est facile à combler.
Rien n'interdit au comité de groupe de transmettre l'information obtenue aux
comité$des sociétés membres (3). En outre, il semble que le législateur ait
fait confiance aux organisations syndicales qU'il a'jugé"les plus ~ptes
à faire descendre l'information donnée par la structure centrale" (4). Il
demeure que cette confusion des genres est regrettable. Elle ne peut avoir
qu'un effet
psychologique négatif dans l'esprit de ceux qui considèrent le
comité d'entreprise comme une structure de revendication au service
des
intérêts catégoriels des salariés. Il aurait été préférable d'organiser les
rapports entre le comité de groupe et lés comités
d'entreprise membres. On
aurait par exemple pu ordonner la communication aux secrétariats de tous les
(1) P. RODIERE, op. cit.
(2) M. COHEN, art. préc., Dr. soc. 1983)p. 169
(3) R. VATINET, op. cit.
(4) J.O. déb. A.N. 3116
195
comités non représentés de documents communiqu6s au comité de groupe.
B - Améli~ratton-desmoâalités de l'assistance
422 - La formation économique accordée aux membres du comité d'entre-
prise est bien insuffisante pour leur permettre de maîtriser la complexité
des documents qui leur sont communiqués. Ils doivent encore recourir à
l'assistance de certains experts qui les aideront dans 11analyse et l'inter-
prétation de l'information. Il
en est de même pour les associés qui ne bé-
néficient ni d'une formation, ni d'instances spécialisées d'information.
423 - Cette assistance est assurée soit par les experts , soit par les
commissaires aux comptes.
La mission d'explication et d'éclaircissement des informations de
l'expert comptâbledu comité d'entreprise- n'est plus à démontrer (1). Il
est bien évident, par ailleurs, que le rôle de l'expert dont les associés
peuvent se faire assister pour prendre communication des documents mis à
leur disposition (2) se limite à l'explication de ces documents. Mais cet
expert ne bénéficiant pas de la garantie
du droit péna~.(3) nous ne nous
attardons pas sur son rôle.
De son côté, au delà de sa mission de contrôle, il est désormais
acquis que le commissaire aux comptes a aussi une mission d'explication. Le
comité d'entreprise peut le convoquer pour lui demander des explications
complémentaires sur les comptes (4). Les partisans du rapport détaillé et
explicatif l'ont emporté (5) sur ceux du rapport concis dans lequel
le
commissaire aux comptes se contenterait de donner son avis sur la tenue de
la comptabilité.
(1) J. BARTHELEMY,l'expertcomptable du comité d'entreprise, J.C.P. 1985
éd. C.I. 14513. M:-'COHEN, op. cit., p. 609 et s.
(2) art. 144 décr. du 23 mars 1967
(3) C. CONSTANTINJop. cit.,p. 743
(4) art. L.432-4 du c. du trav. 7e al.
(5) R. CONTIN,op. cit., n° 370p. 253; A.TUNC,5 Trib. com. Seine 15 jan 1953,
D.1953 312jCL. HEURTEUX, op. cit •• n° 392 p. 247jHEMARD/TERREMABILA~,op.
cit.·Paris,24 juin 195~~G.P. 1954, 166. concl. Gegout.; T. corn. Se1ne
15 j'anv. 1953 prée.; Paris, 24 juil. 1941, J. Soc. 1942, p. 127;
H. BOSVIEUX, art. 11~décr. du 23 mars 1967.
196
424 - Pour rendre cette assistance plus efficace, le législateur s'est
attaché
à ~rfectionner le statut de ces organes et principalement celui des
commissaires aux comptes (1). Mais c'est surtout par l'extension de leur
mission et de leurs pouvoirs d'investigation qu'il a amélioré le traitement
de l'information (II).
l - Perfectionnement du statut des organes d'assistance
425 - Lorsqu'il a créé le commissariat aux comptes en 1867, le légis-
lateur ne l'avait pas du tout organisé. On a pu en dire qu'il ne s'agissait
alors que"d'une imageried'épinal" {1). Les lacunes du système étaient si
_
."' .....
éclatantes et si souvent dénoncées, les scandales si nombreux que dès le
décret-loi de 1935 le législateur dût imposer certaines conditions de compé-
tence et d'indépendance.
426 - Aujourd'hui, la plupart des experts auxquels les représentants du
personnel ou les associés peuvent recourir pour le traitement de l'informa-
tion sont organisés en professions et soumis à des règles disciplinaires et
déontologiques,
strictes qui permettent de garantir leur compétence tech-
nique. Cet~e compétence est d'autant mieux garantie que l'exercice de ces
fonctions par des personnes étrangères à la profession constitue une infrac-
tion pénale (2).
Par ailleurs, la désignation d'une personne ne figurant pas sur la
liste des commissaires aux comptes (3) doit à notre avis être assimilée au
défaut de désignation réprimé
à ce titre par les dispositions de l'art.455
et 480 de la loi du 24 juillet 1966. A l'appui de cette opinion, on peut
d'abord invoquer un argument formel : les personnes ne figurant pas sur cette
liste ne sont pas des commissaires aux comptes au sens où l'entend la loi.
(1) R. CONTI~)op. cit' n° 235 p. 163
J
(2) Pour commissaires aux comptes art. 85 décr. 12 Août 1969
(3) art. 219 Loi du 24 juillet 1966
197
Leur désignation ne peut donc pas être considérée comme celle d'un commis-
saire aux comptes. On peut ensuite invoquer la ri~eur dont la jurispr~dence
fait preuve pour apprécier les éléments constitutifs ~e ce délit. Par exemple
elle a jugé que la désignation d'un commissaire aux comptes dans les statuts
ou par l'assemblée générale ne suffit pas à satisfaire l'obligation de pro-
voquer la nommination du commissaire aux comptes, si les dirigeants se sont
abstenusde l'en avertir et de l'inviter à gérer les contrôles et vérifica-
tions pour lesquels il a été désigné (1). Cette décis~on vise à donner à
la désignation du commissaire aux comptes toute sa portée légale. Dr cette
portée serait également méconnue par la désignation d'une personne ne rem-
plissant par les conditions de compétence.
427 - En ce qui concerne le choix des personnes chargées de l'assistance
il ne pose de véritables problèmes que pour les commissaires aux comptes. On
signalera seulement que le choix de l'expert comptable du comité d'entreprise
n'est désormais soumis à aucune restriction géographique et que comme cela
avait été jugé avant la loi du 28 octobre 1982 le chef d'entreprise ne par-
ticipe pas au vote qui a pour
-but_de le désigner (2~ ce qui est une garantie
d'indépendance.
428 - A l'inverse, le commissaire aux comptes est en principe nommé
par l'assemblée des associés souvent dominée par les dirigeants. D'où la
nécessité de prendre des mesures plus rigoureuses pour garantir leur indé-
pendance.
429 - Indépendance juridique, d'abord, que la loi du 1er Mars 1984
s'est attachée à renforcer en modifiant les règles de nommination et de
revocation. Le commissaire aux comptes est toujours nommé par l'assemblée
générale (3). Mais désormais le droit de récusation n'est plus réservé aux
(1 ) T. co:rJ". Paris, 2 nov 1979, G. P. 1980 .II-408 note APS' Rev. soc .,1980 176
note Bonloc
1
(2) T.G.l. ToulouseLrér. 30 nov 1976,R.P.D.S.(1977 Somme 262)Cass.soc.,5 mai
1983;bull.N° 235,P. 115.6n notera à l'inverse que l'apportunité de l'exper-
tise technologique et le choix de l'expert sont soumis à
son accord (art
L. 434-6 al.6 C. du trav.)
art. 223 Loi du 24 juillet 1966
198
: - ./
associés détenant plus de 10 % du capital; Il appartient aussi au comité
d'entreprise,au ministère public et pour les entreprises relevant de sa
juridiction, à la commis'sion des opérations
de bourse (1).
Par ailleurs, la jurisprudence Ebaylin qui avait décidé que le com-
missaire aux comptes ne pouvait être revoqué que pour juste motif
(2)
a
été confirmée et progressivement renforcée. Il convient de rappeler que si
cette solution avait 'été presqu'unanimement approuvée en doctrine au nom de
la continuité de la mission du commissaire aux comptes ou de la nécessité
d'une indépendance complète des organes de controle (3), elle était apparue
comme repos~~t
sur des bases juridiques discutables (4). Elle avait été
confirmée par la loi du 24 juillet 1966 qui limitait la possibilité de révo-
cation aux cas d'empêchement et de faute, plus restrictifs et plus précis
que le concept de juste motif (5). La
doctrine (6) et la jurisprudence (7)
reconnaissait unanimement le droit du commissaire aux comptes irrégulièrement
révoqué à des dommages et intérêts.
430 - Mais la question restait entière de savoir si u.~e telle décision
pouvait être annulée et le commissaire aux comptes réintégré dans ses fonc-
•
(1) art. 225 Loi du 24 juillet 1966 (art. 20 loi du 1er mars 1984)
(2) Trib.com.Seine1. 4 nov 1941,J. soc 1944 p.42 confirmé par Paris 26 JU1n 1943,
D. 1945.15. note RIPERTjS.1944 II p. 69 note J. BOITARD;J.C.P. 1943 II 2407
note D. BASTIAN; trib.com.Seine/5 mai 1953 J.soc. 1955.237; T.com Paris, 13
mars 1973 R.T.D. com 1973 p.580 obs.HOUIN;T.com.Angoulè~~23 nov 1972
R.T.D. com 1973 p. 204 obs HOUIN
(3) G.RIPERT note préc'jD.BASTlnN,note préc.'M. BOITARD,note préc.' J.NOlRE~
thèse préc., fJ!393 p. 276 1DEGUGIS;J La révbcabilité ad nutum des) commissaires
aux compte~ J. soc. 1944.1jR.CONTIN,thèse préc., n° 254 p. 176 et s. HEMARD,
TERRE/HABILAT,~ Sociétés commerciales n° 953 p. 754 T.II
(4) J. NOlREL)op. cit., Loc. cit. ;R.CONTIN,op. cit./Loc. cit.
(5) R. CONTl~Jop. cit. N°257 p.179;OPPETIT et SAYAG,op.cit'lO°319;HE}~RD,TERRE,
HABILAT op. cit., n° 954 p. 755
(6) R.CONTfN,op.cit~n° 258 p. 179 citant Rapport leDOUAREC,DbC. A.N.,no1368
P. 22 et rapport DAILLY, doc.sén. n° 81 T.2 p.'250· OPPETIT et SAYAc;. préc.
HEMAR~TERRE,MABILAT,préc.,n°958 p. 7 5 8 )
1
(7) T. com. Seine, 4 nov 1941 pré7Pari~26 juin 1943,préc.jTr.com.Seine 5 mai
1953,préc.j13 mars 1973,préc.·T. com Angoulèm~ 23 nov 1972 préc.
'
1
i
)
199
tions. La doctrine était divisée (1) et la seule décision intervenue sur cette
question était fort ambigue puisquelle rejetait la réint~gration tout
en
admettant la nullité (2). Les travaux préparatoires laissaient cependant
penser que le législateur n'avait pas voulu imposer la r~intégration.(3)
La loi du 1er mars 1984 met fin à la controverse. Désormais, les
commissaires aux comptes ne peuvent plus être relevœde leur fonction par
l'assemblée générale qUêL
qu'en soit le motif. Ils" ne peuvent l'être que
par décision de justice (4). Il s'ensuit que toute autre révocation est nulle
et sauf confirmation ultérieure par un tribunal,le commissaire aux comptes
doit continuer à accomplir sa mission. Si les dirigeants sociaux s'y opposent
ils se rendent coupables du délit
d'obstacle.
Cette solution est l'aboutissement logique de la regression du
caractère contractuel de la société et de l'extension des missions"du com-
missaire aux comptes au profit d'autres intérêts catégoriels que ceux des
asssociés voire au profit de l'intérêt de l'entreprise (7) notamment par le
devoir d'alerte. Par ailleurs, lorsqu'à l'expiration de son mandat, les di-
rigeants proposent de ne pas les reconduire dans leurs fonctions, ils peu-
vent se faire enten~e de l'assemblée générale (5).
Le législateur tente aussi d'assurer l'indépendance psychologique
des commissaires aux comptes.Pour ce faire, il a soumis leur nomination à
des incompatibilités spéciales sanctionnées pénalement par l'art. 456 de la
loi du 24 Juillet 1966.
431 - Ces'incomptabilités ont été modifiées par la loi du 1er mars 1984.
Elles ont été étendues aux cas de rémunérations indirectes ou per~ues par
personnes interposées (6). Le cas où la rémunération est versée par une
(1)Pour:de JUGLARD et IPPOLITO,op. cit.,~.• II"nO?54/DU pp.NTAVICE et FAUCONijEAU
Rep.soc. VO commis. aux comptes n° 34;contre, RIPERlET ROBLOT, traité de
droit commercial 1972 Tl n° 1350-D. BASTIAN La réforme des sociétés com-
merciales J.C.P.1965 1. 2183;Gt1tON et COQUEREAU, op. cit. n0143 p.119.
(2) Trib. comm. Angoulème 23 nov. 1972 prée.
(3) HEMARDJTERREJMABILAT, op~ cit. N° 958 V.aussi R.CONTIN,et travaux cités(6)
(4) Art 227 Loi du 24 juillet 1966 (art 20 Loi du 1er mars 1984)
(5) art 227-1 Loi du 24- juilet 1966 (art 20 loi du 1er mars 1984)
(6)art 220-4 Loi du 2lt-juillet 1966 (art. 20 Loi du 1er mars 1984)
(7) Voir R. CONTIN )thèse prée. n° 235 et s.
filiale ou une participation étant expressément interdite, il faut admettre
que ~a rémunération indirecte s'entend de celle versée par une sous filiale(1)
Elles ont été également assouplies. Désormais, l'exercice d'une activité
compl~mentaire effectuée à l'étranger et les missions particulières de revi-
sion effectuées par le commissaire aux comptes de la société dans les sociétés
comprises dans le périmètre de consolidation ou destinées ày entrer ne cons-
tituent plus des cas d'incompatibilité. De même l'incompatibilité ne frappe
p~us le .coiljoint de la personne rémunérée que si celle-ci exerce une acti-
vité permanente pour le compte de la société (art. 226.6°).
432 - Ceci étant, l'exercice dans une société ou dans une de ses filia~
les des fonctions d'administratéur, de membre du directoire ou du conseil
de surveillance est toujours incompatible avec celle de commissaire
aux
comptes. Cette incompatibilité touche également les conjoints des personnes
ci-dessus visées ainsi que celles qui exercent les mêmes fonctions dans une
société détentrice de 10 % du capital de la société controlée ou d'une so-
ciété dont elle détient 10 % du capital (art 250 1° à 3°)
433 - En vertu de l'art 219-3, les fonctions de commissaires aux comptes
sont incompatibles avec toute activité ou tout acte de nature à porter attein-
te à son indépendance et avec tout emploi salarié à l'exception de ceux qui
sont relatifsàun enseignement se rattachant à l'exercice de sa profession
ou consistant à occuper un emploi rémunéré chez un commissaire aux comptes
ou un expert comptable. Sauf à signaler l'incompatibilité nouvelle entre les
fonctions de commissaire aux comptes et l'exercice d'un emploi salarié chez
un conseiller juridique, ces dispositions figuraient déjà dans l'art 81-1 du
décr. du 12 Aoüt 1969. leur intégration dans la loi n'en a pas moins une
,.
grande portée du point de vue du droit pénal. Grace à la formule générale
qu'elle introduit dans la loi, les cas d'incompatibilité prévue par l'art
220 constituent désormais pour le juge pénal une sorte de minimum légal qui
(1) eAlMME.et SAYAG, Le commissariat aux comptes en proie aux réformes 1
Rev. soc./ 1985 p. 348
201
ne l'empêchera pas de réprimer
d'autres situations non expressément
prévues mais qui portent atteinte. à l'indépendance du commissaJre aux
comptes. Il s'ensuit que le champ de l'incrimination prévue à l'art456 se
trouve élargi à toute activité ou acte portant atteinte à son indépendance.
C'est un large pouvoir d'appréciation que certains ne manqueront pas de
trouver exorbitant qui est ainsi laissé au juge pénal.
434 - Pour prendre toute la mesure de cette innovation, il convient de
ne pas perdre de vue que la jurisprudence a pris l'habitude d'appliquer
l'art 456 avec une certaine rigueur. Ainsi, elle a jugé que la perception
systématique d'une rémunération anormalement élevée par rapport à celle
à laquelle le commissaire aux comptes pouvait normalement prétendre suffit
à établir l'exercice d'un service d'assistance étranger aux fonctions de
commissaire aux comptes (1) sans qu'il soit nécessaire pour les juges du
fond de procéder à une ventilation des rémunérations perçues à raison de
ces diverses activités (2). Elle a aussi décidé qU'il n'était pas nécessaire
que l'activité
incompatible ait bénéficié aux associés, le principe de
l'indépendance~des commissaires aux comptes s'opposant à toute activité
étrangère à leur fonction que celle-ci soit permanente ou non, rémunérée
directement ou indirectement (3).
435 - "On ne peut que louer les efforts du législateur et de la juris-
prudence pour assurer l'indépendance des commissaires aux comptes. Mais on
peut douter de l'effectivité de cette indépendance dans la mesure où le
choix des commissaires aux comptes dépend encore essentiellement de la
volonté des associés, c'est-à-dire en réalité des dirigeants. N'a-t-on
pas vu un commissaire aux comptes aller jusqu'à invoquer sa "vieille
amitié" avec les dirigE!ants pour justifier la non révélation des infractions
commises par ceux-ci?
(4)
(1) Cri~/24 mai 1983,D.1984,101,note VIDAL
(2) crim~3 jan 1983JD, 1983 I.R,208·J.C.P. 1983.II~20070/note VIANDIERjrev soc.
1984.114. note BOULOC
1
cri~J18 oct 1983JD.1984.361 ,note VIDAL~NANTERRE,25 sept 1981,D.1982.568
note J.M.R'irev.soc.,1981.775 note GUYON
T.Corr Paris,17 av. 1980/B.C.N. C.C 1980/P. 309
202
': '
Pour assurer une réelle indépendance des commissaires aux comptes,
il est possible d'envisager leur désignation en justice comme c'est actuel-
lement le cas pour les commissaires aux apports ou par une administration
telle.que le centre de formalité de l'entreprise ou la C.Q.B. pour les entre-
prises relevant de sa compétence. ~mis une telle mesure peut paraître aux
yeux de certains une imixion intolérable de l'administration ou de la justice
dans le fonctionnement des entreprises. Et il est surtout à craindre que les
tribunaux, la C.Q.B. ou les centres de formalité
des entreprises ne soient
rapidement débordés et que la désignation des commissaires aux comptes ne
vienne à trainer.
Une autre solution pourrait consister dans un droit d'intervention
plus poussé des représentants de salariés dans le choix des commissaires
aux comptes. Certes, il est difficile, en l'état actuel des structures ju-
ridiques de l'entreprise, de donner plus qu'un droit de récusation
aux
représentants des salariés sans que cela tourne à la confrontation entre eux
et les dirigeants. Néanmoins, il est possible d'imaginer une procédure de
désignation qui impliquerait l'accord préalable du comité d'entreprise.
Tout litige sur le choix du commissaire aux comptes serait alors soumis au
juge des référés qui trancherait. Mais l'idéal serait qu'existe un organe
de controle commun au personnel et al~ sociétaires qui se ch-argerait de la
désignation des commissaires aux comptes.
Cela suppose, il est vrai,
une évolution des mentalités vers un esprit de plus grande collaboration
entre le personnel et les sociétaires et une
prise de conscience de la_
communauté d'intérêt qui les unit dans l'entreprise. Mais cette solution
serait d'autant plus heureuse qu'en plus de l'efficacité, elle pourrait
permettre de réduire le coût du contrôle pour l'entreprise (1), coUt qui
comme le montre l'analyse des moyens d'investigations, peut paraître, à
certains égards, inutilement élevé.
20.3
II - Amélioration des moyens de l'assistance
436 - L'amélioration des moyens de l'assistance se traduit surtout par
des pouvoirs d'investigations plus étendus' '(a) et un assouplissement du
secret professionnel (b).
a) Des pouvoirs d'investigation accrus
437 - Ainsi que l'a fort opportunément souligné le Pr Y. GUYON (1)
,
"c'est surtout par l'extension des missions institutionnelles susceptibles
d'être confiées à un expert comptable et par les pouvoirs d'investigation
élargis que la loi nouvelle a véritablement doté le comité des moyens de
traiter l'information économiquenf.tJ. Cette observation s'applique pour
l'essentiel aux autres organes d'assistance.
438 - Déjà, sous le régime de la loi de 1867, la jurisprudence et la
doctrine reconnaissaient aux commissaires aux comptes un pouvoir d'investi-
gat~o~quasi discrétionnaire. Mais ce pouvoir était limité à l'intérieur de
la société controlée.
Depuis la LOi du 24 juillet 1966 ces prérogatives ont été étendues
à l'extérieur de la société, de deux manières.
Les commissaires aux comp-
tes peuvent recueillir auprès des tiers qui ont accompli des opérations pour
,
le compte de la société toute information utile à l'exercice de leur mission.
Mais, ce droit est très limité. Il est généralement admis qu'il ne peut
s'exercer qu'à l'égard de tiers ayant la qualité de mandataire de la société
controlée et qu'il n'emporte pas le droit de demander la communication de
documents détenus par les tiers et se limite au droit de poser des questions(3).
(1) J. BARTHELEMY, cit. J.C.P. 1985 éd. C.I. 14513.
(2) GUYON et COCQUEREAU)op.cit.
n° 106 p. 90;
D.BASTIAN}chr. préc. J.C.P. 1968 l. 2183;R.CONTIN~op. cit. n0280 p. 194
l3) HEMARD, TERRE et MABlLAT op. cit. n° 1027 p.818 et s.; R.COU':'IN op.cit.
n° 278 et s.
204
En outre, les commissaires aux comptes peuvent mener leurs inves-
tigations dans les sociétés mères ou filiales au sens de l'art 354 de la loi
du"24 juillet 1966 de la société controlée. Cette innovation introduite par
la
ioi de 1966 était limitée aux relations entre sociétés et aux relations
de filiation à plus de 50 %.
Depuis la loi du 30 av. 1933, elle s'étend, en ce qui concerne les
sociétés qui établissent des comptes consolidés à toutes les entreprises
incluses dans le périmètre de consolidation. Mais cette nouvelle extension
para1t un peu timide pour être entièrement satisfaisante du point de vue
de l'efficacité de la mission des commissaires aux comptes. En particulier,
il n'aurait pas été superfludereconna1tre aux commissaires aux comptes de
toutes les sociétés consolidées un droit d'investigation dans la société
consolidante voire dans les autres sociétés consolidées. Puisqu'il est recon
nu que ces sociétés dépendent les unes des autres, il aurait été préférable
de permettre aux commissaires aux comptes de disposer de tous les paramètres
qui influencent la situation de la société soumis~à son contrôle.
439 - Du reste, on peut se demander si ce pouvoir d'investigation exter-
ne du commissaire aux comptes est garanti par le droit pénal.
Certains auteurs pensent que l'expression "toute personnaau ser-
vice de la société" employéepar l'art 458 de la loi du 24 juillet 1966 a
une portée large et vise toute personne qui apporte à la société un concours
rémunéré (1). Dans cette conception, les mandataires qui refuseraient de
répondre aux questions du commissaire
aux comptes se rendraient coupables
du délit d'obstacle aux contrôle et vérification.
Par ailleurs, si ce refus n'est que la conséquence de pressions
ou d'instructions reçues des dirigeants de la société contrôlée, ceux-ci
pourraient être punis pour ce délit. La généralité des termes de la loi
permettant de réprimer tout obstacle quels qu'en soient les moyens (2).
(1) TOUFFAIT,ROBIN,ANDUREAU,LACOSTE/0p. cit.Jn° 532 p.492jL.CONSTMlTINl
op. cit.,p. 857
(2) Crim~ 5 av. 1973 Préc.
J
205
"
440 - La question semble plus délicate s'agissant des investigations
faites à l'intérieur du groupe. L'art. 458 de la loi précitée ne vise que
les dirigeants et les personnes au service de la société. S'a~it-il seule-
ment des dirigeants et personnes au service le la société qui a désigné le
commissaire aux comptes ou également celles de toutes les sociétés dans
lesquelles il accomplit ses investigations.
Encore .une fois, la doctrine est divisée. Certains pensent que
si l'obstacle provient des dirigeants ou des personnes au service des socié-
tés autres que la société contrôlée,le délit se trouve constitué (1). Cette
opinion nous paraît fondée. Elle ne se heurte pas à la lettre du texte. Zn
plus, elle nous paraît conforme au but qu'a visé le législateur lorsqu'il
a institué cette infraction. Il s'agissait de garantir l'efficacité des
pouvoirs d'investigation du commissaire aux comptes. Il n'y a aucune raison
de penser qu'il ait voulu le faire seulement en partie. Sauf omission de
notre part, la jurisprudence n'a pas encore eu à conDa1tre-de cette question.
441 - Le pouvoir d'investigation de l'expert comptable du comité d'en-
treprise est désormais~~alqué sur celui du commissaire aux comptes. Il n'en
a pas toujours été ainsi. Avant la loi de 1982, il ne pouvait prendre connais-
sance que des documents comptables énumérés par l'art. 8 du Code du Commerce,
De plus la chambre sociale de la cour de cassation avait adopté une concep-
tion très restrictive de ses droits puisqu'elle avait refusé d'imposer que
lui soit communiqué le détail de ces documents et plus spécialement les
sous comptes ayant servis à l'établissement du compte
d'exploitation
général
(2) •
442 - Depuis la loi de 1982 l'expert comptable du comité d'entreprise
a accès aux mêmes documents que le commissaire aux compt~sllpour operer tou.te
(1) HD1ARD}TERRE et MABILAT,op. cit. n° 1026 p.818 ; TOUFFAIT~ROBIN)ANDUREA~
LACOST~LoP. cit.Jn° 532icontra L. CONSTANTIN,op. cit.,p. 487jGUYON et
COCQUEflliAU, op. cit., n° 105.
(2) Soc. 14 juin 1980,Rev.soc.1980,505 note J.GUYENOTjD.1981 I.R. 181 obs.
LA~GLOIS;En ce sens N. CATALA op. cit. n0718 p. 823icontra Lyon 31 janv.
1980 G.P. 1580 I. somm 271
206
vérification ou tout contrôle qui entre dans l'exercice de sa mission" (1)
Reste à determiner la portée de cette analogie. Le début de l'art. 434-6
al. 3 laisserait penser qu'elle est limitée par les besoins de la mission
de l'expe~t. Or, cette mission
est d'explication et non de contrôle. Faut-
il en déduire que le droit de l'expert comptable se limite aux documents
nécessaires pour expliquer les comptes de l'entreprise?
·443 ,;.. Pour J'tl, pAR1"1:\\ E. L'EMY. i l convient)'pour apprecl.er le bien fondé
de la demande de l'expert/de se placer dans la situation d'un tiers ayant
pour mission de comprendre les comp~es sans avoir à porter un jugement sur
leur exactitude ni sur l'opportunité des décisions de gestion prises par
la
société n. Il en déduit que l'expert comptable n'ayant pas pour mission
de controler les comptes, il ne pourrait pas exiger les pièces justifica-
tives ni des documents prévisionnels autres que ceux qui sont communiqués
au comité d'entreprise lui-même, l'expert comptable n'ayant à apprécier que
la situation présente et non "la projection hypothétique dans le futur de
la situation actuelle" (1).
444 - Nous ne partageons pas cette conception restrictive. Elle ne cor-
respond pas au rôle du comité d'entreprise. Rappelons_que celui-ci a un
droit d'alerteJqu'il doit coopérer à la recherche de solutions aux problèmes
concernant la durée et les horaires de travail, qu'il est consulté sur les
licenciements collectifs, doit se prononcer sur le plan de redressement •••
A toutes ces occasions, le comité d'entreprise a besoin d'être
éclairé non seulement sur la situation présente mais également sur sa situa-
tion
future. Du reste, il n'y a pas de raison de lui reconnaître l'accès
aux documents prévisionnels fournis au comité à l'exclusion des autres. Ses
pouvoirs ne sont pas calqués sur ceux du comité mais au commissaire aux
comptes.
De plus, l'expert comptable a désormais une mission d'assistance
économique conformément au souhait depuis longtemps exprimé par les profes-
sionnels de la comptabilité de ne pas limiter l'expertise aux chiffres. (2).
(1) J~ BARTHEL~MY ; art. prée. l.n. J.C.P. 1985 éd. C.I. 14513.
(2) Ch. PINOTEAU,Un problème intéressant la gestion des sociétés, l'expertise
comptable non limitée aux chiffres.
207
Du reste, avant la loi de 1982 la jurisprudence reco~aissait à l'expert
comptable le droit de replacer l'entreprise dans son contexte économique ou
de groupe (1)
et/l'ordre des experts comptables et comptables agréé~celui
de "formuler toute observation sur la régularité e.t la sincérité des documeI.ts
présentés au comité" (2).
445 - Il reste que lore des débats à l'Assemblée Nationale, le ministre
du travail a clairement affirmé que la mission de l'expert comptable n'est
pas une mission de contrôle (3) et que dans sa dernière recommandation l'or-
dre des experts comptables estime désormais que "pour éclairer les repré-
sentants du personnel sur le sens des comptes et la situation de l'entre-
prise, l'information détaillée ne peut être systématiquement demandée par
l'expert comptable du comité d'entreprise comme elle peut l'être par le
commissaire aux comptes dont la mission consiste, par ses contrôles, à porter
un jugement sur la sincérité et la régularité des comptes. Il semble donc
acquis qu'il faut faire une distinction entre la mission de contrôle et celle
d'assistance.
446 - Mais il ne nous semble pas que cette distinction puisse servir
de fondement à une réduction des pouvoirs d'investigation de l'expert comp-
table (4)._Notons que l'ordre des experts comptables n'est opposé qu'à une
demande systématique des informations détaillées. Il reconnait aussi qu'il
appartient à l'expert comptable d'apprécier sur la base de son programme
de travail, l'importance des éléments qui lui sont nécessaires pour mener
àbien la mission qui lui est impartie
(5). En effet si la mission de l'expert
(1) T.G.I. Paris réf. 2 mars 1982 cité par COHEN op. cit. p. 609
(2) Recom. de l'ordre sur les diligences normales de l'expert comptable du
comité d'entreprise Dr. soc. 1974 p. 329
(3) J.O. déQ. A.N. 8 juin 1982 p. 3066
(4) Elle en aura sans doute sur la façon dont ils rendent compte de leur mis-
sion. Encore faut-il signaler que les règles du
secret
sont considéra-
blement assouplies à cet égard. (cf. infra)
(5) Recom. de l'ordre: 10 juillet 1984 préc.
208
comptable n'est pas de contrôler l'information fournie au comité d'entreprise
s~ mission d'assistance, surtout lorsqu'elle consiste à apprécier la situa-
tion de l'entreprise/peut l'amener à vérifier l'authenticité de certaines
données. Il n'est pas concevable que l'expert comptable ayant des doutes
sur la fiabilité des informations comptables ou financières ne cherche
pas
la.
àlvérifier avant de porter une appréciation sur la situation de l'entreprise.
On ne peut prêter" au iégislateur l'intention de limiter l'appréciation de
l'expert comptable à la situation supposée de l'entreprise et non à sa situa-
tion réelle.
447 - Par ailleurs, il est difficile de trouver un critère sûr de
dis-
tinctions entre les informations seulement utiles à l'intelligence des comptes
et celles qui lui sont nécessaires.
M. BARTHELEMY
et l'ordre des experts
comptables reconnaissent eux-mêmes que l'existence d'un programme de travail
spécifique à ahaque mission exclut une approche standardisée qui se traduit
par la demande d'une liste applicable à tous les cas (1).
448 - La doctrine dominante semble favorable à la reconnaissance de
-larges pouvoirs d'investigations à l'expert comptable (2). De leur côté,
les tribunaux sont divisés. Certains lui ont reconnu le droit de s'informer
sur l'environnement économique de l'entreprise (3). D'autres se sont montrés
plus restritifs en lui refusant ce droit de prendre connaissance des docu-
ments prévisionnels (4).
Ces solutions restrictives nous semblent regrettables surtout à
cause de la généralité des termes qui les soutiennent. Si l'on se réfère à
la rigueur de la jurisprudence pénale en matière de délit d'entrave on
peut
penser qu'elle ne s'embarassera pas de ces distinctions byzantinee
(1).
J.
BARTHELEMY, op. ciL, Reeomm de l'ordre 10 juillet 1984 prée.
(2) J.SAVATIER, L'information comptable du comité d'entreprise consulté sur un
licenciement collectif Dr. soc.1985 p. 1;M.COHEN)Le dr. des comités d'en-
treprise,1984 p.608 et s.;Mission et Honoraire de l'expert comptable
Dr.soc.1985 p.561 ; R.VATINET op.cit. p.147
(3) T.G.I. Dijon,21 oct.1983,R.P.D.S 1984 somm 69; T.G.l. Nanterre/9 déc.1983
cité par COHEN p.609;T.G.l. Niort réf.,16 fév.19 84)cité par COHEN p.614
1
note 32
(4) Paris,10 mai 1985 inédit cité par GUYON op.cit. n° 42J'Paris 8 nov.1933
cité par COHEN prtc.
209
qu'elle réprimera tout refus de documents à l'expert comptable qui appa-
raîtra à ses yeux comme une entrave à la mission de l'expert comptable.
Rappelons que la chambre criminelle de la cour de cassation considère que
ce délit peut être réalisé par tout moyen (1); et certains auteurs estiment
que tout fait d'action ou d'omission ayant pour objet ou même seulement
pour effet de porter une atteinte quelconque, si lègère soit-elle au fonc-
tionnement normal du comité constitue une entrave (2). Toute "la question
sera alors de savoir si les documents refusés pouvaient être utiles à llap_
préciation de la situation de l'entreprise ou à la compréhension des docu-
ments comptables. Quoi qu'il en soit, il ne semble faire aucun doute que
l'expert comptable puisse accéder à tous les documents comptables y compris
la comptabilité analytique (3).
449 "- Il demeure que cette question de partage des compétences entre
l'expert comptable du comité d'entreprise et le commissaire aux comptes a
au moins le mérite de revéler l'ambiguité du système de contrôle et l'in-
fluence qui exerce encore la dichotomie entre les intérêts des capitalistes
et ceux des salariés. Ell~ révèle également le caractère inutilement oné-
reux de la dualité du contrôle et de l'as~istance.
On peut se demander, s'il n'aurait pas été plus judicieux de
confier à un seul expert les missionsdu commissaire aux comptes et de
l'expert comptable du comité d'entreprise. Ce qui permettrait de renforcer
l'esprit de collaboration entre le personnel et l'entreprise pour une
meilleure gestion de l'entreprise. Mais cela suppose que l'indépendance de
cet expert soit assurée surtout vis à vis des dirigeants, par l'un des modes
de désignation que nous avons proposé ci-dessus (4).
450 - Enfin, il c~lvient de signaler le droit pour les organes d'assis-
tance de se faire assister par des experts ou des collaborateurs. En effet,
la complexité et le nombre des informations à vérifier ne permettant ni au
(1) crim.,5 av. 1973,bull.no178 p.429 D.1973 somm 84
(2) MALAVAL/cité par COHEN op. cit. p.812
(3) Rep. min. n079089 20 janv 1986 J.O. A.N. Q 17 mars 1986 p.1125
(4) Cf.supr~no435
210
commissaire aux comptes, ni à l'expert comptable du comité d'entreprise
d'accomplir leur mission en solitaire. Un travail d'équipe s'impose si on
ne veut p~s que leurs investigations prennent le caractère d'un symbole.
Ces collAborateurs ou experts choisis par le commissaire aux comptes ou
l'expert comptable ont les mêmes droits d'investigations que le commissaire
aux comptes. Sous l'empire des textes anciens, il avait été jugé que le
chef·d'entreprise se rendait coupable du délit d'entrave s'il refuse de
laisser l'expert comptable se faire accompagner en séance par le collabo-
rateur qu'il avatt chargé d'étudier la comptabilité de l'entreprise (1).
Il n'y a aucune raison pour que cette solution change. Le collaborateur de
l'expert comptable ne peut être considéré comme un invité du comité d'entre-
prise dont l'accès aux réunions serait soumis à l'accord préalable du chef
d'entreprise. Il est bien évident que cette disposition vise à éviter l'in~
troduction dans les réunions du comité d'entreprise des personnes qui pour-
raient utiliser les informations qui y sont fournies contre l'entreprise.
Elle ne peut être utilisée pour limiter l'information.du comité d'entreprise.
La même solution doit être admise pour les collaborateurs et experts choisis
par le éommissaire aux comptes. Le refus de document qui leur seràit fait
serait, à notre sens, un obstacle constitutif du délit réprimé par l'art.458
de la loi du 24 Juillet 1966.
b)
Assouplissement des règles du secret professionnel
451 - A l'égard des organes d'assistance, l'assouplissement du secret
professionnel joue aussi bien en amont qu'en aval du processus d'information.
452 - En amont, nous avons signalé ci-dessus que les commissaires aux
comptes et donc l'expert comptable du comité d'entreprise peuvent mener leurs
investigations auprès des tiers. Or certains de ces tiers peuvent être tenus
au secret professionnel. C'est le cas notamment des banquiers.L'~rt.229al.4
prévoit dans ses dispositions finales que seuls les auxiliaires de justice
(1) T.G.I. Paris 12 av. 1975JD.O. 1976 p.61
J
211
peuvent opposer le secret professionnel aux commissaires aux comptes (1).
La chancellerie estime que l'expressi~n auxiliaire de justice n'englobe pas
les notaires (2), mais que l'exceptio;n,doit être étendue aux agents de.l'ad-
ministration fiscale
(3). En réalité, ceux-ci ne sont tenus d'aucune obli-
gation d'information à l'égard des commissaires aux comptea puisqu'ils ne
peuvent pas être considérés comme ayant "accompli des opérations pour le
compte de la société" ni comme étant "au service" de celle-ci. On voit
d'ailleurs mal le commissaire
aux comptes aller demander des informations
aux agents du fisc. Il s'ensuit qu'en dehors des auxiliaires de justice, les
tiers soumis au pouvoir d 1 investigation de llexpert comptable ou du commis-
~
saire aux comptes ne peuvent se tetrancher derrière le sel~erprofessionnel
pour éluder leur responsabilité pénale sli~refusent de répondre aux questions
qui leur sont posées. La solution est logique puisque le commissaire aux
comptes et ll expert comptable sont eux-mêmes tenus au secret professionnel(1).
453 - Mais pour éviter que cette obligation au secret professionnel
ne
constitue un obstacle à la bonne fin de leur mission, le législateur
-lL'a assouplie. Il faut reconnattre que cette obligation appliquée au commis-
saire aux comptes et à llexpert comptable du comité d'entreprise permet de
protéger l'entreprise elle-même contre certains risques dl indiscrétion.
Elle fait l'objet d 1une incrimination visant tout "dépositaire par état ou
par profession ou par fonctions temporaires ou permanentes des secrets qu'on
leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se
porter dénonciateur auront révélé ces secrets."(2).
454 - L'application de ce texte aux commissaires aux comptes et à
l'expert comptable du comité d'entreprise pose quelques problèmes notamment
à l'occasion des rapports que ces spécialistes doivent établir pour rendre
compte de leur mission ou lorsqu'ils doivent donner des explications complé-
mentaires à l'occasion de la réunion d 1 un organe délibérant de l'entreprise.
(1) Pour le commissaire aux comptes art.233 Loi du 24 Juillet 1966 : Pour les
experts du comité d'entreprise art. L. 434 - 6 dernier alinéa du code
du trav.
(2) art. 378 du code pénal
212
On pourrait considérer que dans ces cas, ils sont obligés (ou autorisés)
par la loi d'autant plus que l'art. 233 de la loi du 24 ju~_llet_ 196~ ne _
soumet les commissair.es
aux comptes au secret professionnel que "sous réser-
ves" de l'obligation qui leur est faite de révéler les irrégularités ou ine ..-
xactitudes qu'ils auront constatées à l'assemblée générale. Mais la solution
empreinte de juridisme serait trop dangereusepour l'entreprise.
455 _C'est pourquoi la jurisprudence a choisi une solution plus souple.
Elle se contente de poser des limites à l'obligation de révélation du commis-·
saire aux comptes.
Ainsi, il a été jugé "que le commissaire aux comptes ne peut se
réfugier derrière lui (le secret
professionnel) pour ne point exécuter le
mandat légal qu'il assume, à moins qu'il ne s'agisee de faits réellement
confidentiels appris au cours de ses opérations ••• que ••• cette indiscrétion •••
peut avoir quelques inconvénients pour des entreprises désireuses de cacher
leur prospérité ou leur détresse mais que ces inconvénients ••• n'ont aucun
caractère de gravité tandis que le fait par un conseil d'administration de
celer à ses associés les conditions de contrat où l'intérêt personnel d'un
de ses membres est différent de l'intérêt social, présente pour l'avenir
de la société des dangers autrement redoutables."(1) En somme ici encore la
jU?isprudence fait preuve de pragmatisme et choisit la meilleure solution
(ou la moins mauvaise) pour l'intérêt de l'entreprise.
Elle fait preuve d'une souplesse identique en ce qui concerne les
rapports entre le comité d'entreprise et son expert comptable (2) et il n'y
a pas de raison d'adopter une solution différente lorsque c'est aux repré-
sentants du personnel que le commissaire aux comptes s'adresse.
456 - Quoiqu'il en soit, cet assouplissement des règles du secret permet
aux associés et aux représentants du personnel de bénéficier en définitive
et autant que l'intérêt de l'entreprise le permet du résultat des moyens
d'investigation accrus accordés aux spécialistes chargés de les assister dans
le cadre d'une meilleure transparence de l'information, par une comparabilité
améliorée.
(1 ) Paris,24 fév. 1954 G.P. 1954.1.166'Rapp~ Trib. civ. Lille 14 déc.1955,
D.19~6 -670.)
)
, .
(2) Lyon,31 janv 1980/R~v.soc.1?81.115note GUYENOTiR.P.D.S. 1980/ Somm 2?5j
D.1980.r.R. 526 ~Cr1m125 ma1 1983JD.0. 1984.111
213
Section II
AMELIORATION DE LA COMPARABILITE
457 - La vie d'une entreprise constitue un tout indissociable. Son
découpage en plusieurs exercices permet de faire le point sur son évolution
et de corriger certaines orientations. Mais pour que ces corrections aillent
vraiment dans le
bon sens et pour que les personnes auxquelles ces bilans
"provisoires" sont fournis puissent en tirer des enseignements utiles et
mesurer le chemin parcouru, il faut qu'elles puissent disposer de données
relatives à plusieurs exercices.
458 - Par ailleurs, les décisions de gestion peuvent dépendre de l'en-
vironnement économique de l'entreprise. Pour bien mesurer l'influence
de
celui-ci sur les résultats (bons ou mauvais) obtenus, il est indispensable
de disposer d'éléments de comparaison avec d'autres entreprises du même
secteur d'activité. Cette nécessité suppose que les documents d'information
ne soient pas trop différents d'une entreprise à l'autre ou d'une année
sur l'autre.
459 - La législation française comporte de plus en plus des mesures
tendant à ~ssurer d'une part la comparabilité interne de l'information(§ 1)
Mais aussi la comparabilité externe par_rapport aux autres entreprises (§ 2).
§ 1
Amélioration de la comparabilité interne
460 - La plupart des informations fournies par l'entreprise ne sont
véritablement utiles que s'il est possible de les comparer avec des données
antérieures. En particulier, il en est ainsi de l'information comptable et
financière. Cette comparaison n'est possible que si le contenu et les méthodes
d'établissement des documents qui contiennent ces informations ne varient
pas trop d'une période sur l'autre (A) et si les usagers peuvent disposer
simultanément d'information portant
sur plusieurs périodes (B).
214
A - Le droit pénal et la fixité des méthodes et des formes
461 - Il faut rechercher l'origine de l'exigence de fixité des formes
de présentation et des méthodes d'évaluation dans l'art. 35 de la loi du
24 juillet 1867 modifiée par le décret loi du 30 octobre 1935. Le
texte
énonçait que le bilan et le compte de profit et perte "doivent être établis
chaque année dans la même forme que les années précédentes et les méthodes
d'évaluation des divers postes doivent être immuables". Mais les changements
de méthode et de forme n'étaient repréhensibles que s'ils n'avaient pas été
expressement approuv~par l'assemblée générale des actionnaires et si les
documents qui en avaient fait
l'objet avaient été présentés à cette assem-
blée. Autant dire, si l'on considère la mai~mise des dirigeants sociaux
sur l'assemblée que ces changements pouvaient intervenir à tout moment. De
plus, les dirigeants avaient, semble-t-il, la possibilité d'établir deux
documents différents, l'un destiné à être présenté aux associés, l'autre
destiné à un usage interne (1).
462 - La loi du 24 juillet 1966 avait, dans sa rédaction originelle
repris
le même système et s'était contentée d'améliorer l'information des
actionnaires-appelés à se prononcer sur les modifications intervenues. Il
n'en restait pas moins difficile d'assurer en pratique la permanence voulue
par
le législateur (2).
La nouvelle loi comptable est
allée plus loin. Elle a
consacré
le principe de la permanence et a précis~~' les conditions dans lesquelles
il est possible d'y déroger: "a moins, dit-elle, qu'un changement excep-
tionnel n'intervienne dans la situation du commerçant personne physique ou
morale, la présentation des comptes annuels comme les méthodes d'évaluation
retenues ne peuvent être modifiées d'un exercice à l'autre. Si des modifi-
cations interviennent, elles sont décrites et justifiées dans l'annexe (3).
(1) LAUNAIS et ACCARIAS.préc. n° 316 p. 268
,
(2) R. CONTIN, op. cit.
0) art. 11 du code du commerce
215
-on remarquera, l'extension du domaine de l'obligation qui ne se limite pas
aux sociétés commerciales mais s'étend à toutes les entreprises commerciales
et à notre sens à toutes celles qui sont tenues d'établir des comptes annuels.
L'avantage du nouveau système est double.
463 - D'abord les possibilités de modifications sont considérablement
réduites •. Elles se limitent selon l'ordre des experts comptables et comptables
agréés au cas "de circonstances exceptionnelles conduisant à apprécier diffé-
remment la pertinence de la méthode retenue" (1). Il s'ensuit que seule la
recherche de l'objectifèe fidelité peut justifier un changement dans la
présentation des documents comptables. La recherche de cet objectif doit,
à notre avis, permettre également la correction de méthodes erronées, même
en l'absence de tout changement de circonstance, ainsi que l'admettait la
doctrine antérieure de la C.O.B. (2). Ensuite, tout usager des comptes a
la possibilité, grâce à la description des modifications
et à leur justifi-
catio~de se rendre compte de l'ampleur des changements intervenus et de
leur incidence sur la représentation de la situation de l'entreprise.
464 - Il convient de noter qu'en vertu
de l'art. 24 du décret comptable
l'annexe doit de toute façon comporter l'indication des circonstances qui
empêchent de compare? d'un exercice à l'autre,certains
postes du bilan et
du compte de résultat et, le cas échéant, les moyens qui permettent d'en
assurer la comparaiso~et l'art. 27 ajoute qu'il faut joindre au rapport de
)
gestion "les explications et tableaux appropriés pour rendre compte des modi-
ficattons apportées aux postes
des comptes annuels de l'exercice'précédent
afin de
les rendre comparables ~vec ceux de l'exercice clos". De plus,
l'ordre des experts comptables (2) recommande de faire apparaître l'incidence
du changement comme un élément exceptionnel du compte de résultat de l'exer-
cice, d'indiquer dans l'annexe, pour les exercices précédents, le poste du
bilan directement affecté et d'y présenter sous forme comparative et simplifiée
les comptes de résultat établis suivant les nouvelles méthodes jusqu'au résul-
tat net courant et de retraiter les autres informations comparatives données
(1) Recomm. nov. 1984 Dlct. perm. dr. aff. bull. 156 p.6532
(2) C.O.B., bull.nov. 1979,Rapport 1971
(3) Recomm. préc.
216
dans l'annexe quand elles sont directement et d'une manière significative
affectées par le changement.
465 - Tout est donc mis en oeuvre, dans la règlementation comptable pour
C1ssurer, d'un exercice à l'autr~ la comparabilité des informations diffusées.
Reste
à savoir si le non respect de ces nouvelles règles fait l'objet d'une
incrimination.
466 - La loi du 30 avril 1980 a abrogé l'art. 439 - 2e de la loi du
24 juillet 1966 qui ·~eprimait la méconnaissance du principe de permanence.
La portée de cette supression, et c'est sans doute ce qui l'explique, est
cependant très réduite. Dans la mesure où toute modification doit être jus-
tifiée par la recherche d'une plus grand~ fidélité des comptes, toute modi-
fication intervenue en violation de l'art. 11 du code du commerce ou la
méconnaissance des articles 24 et 25 du décret comptable serait constituti~e
du délit de publication de comptes annuels infidèles si ceux-ci sont effec-
tivement publiés (1)
Le seul inconvénient de cette supression est que la violation-des
règles de comparabilité interne n'est punissable que si les comptes sont
publiés ou présentés aux associés. Mais les comptes annuels étant destinés
à être publiés, l'incidence pratique de cet inconvénient ~ est nulle. Par
ailleurs, dans la mesure où une telle méconnaissance empêche le comité d'en-
treprise d'avoir une opinion nette de la situation de l'entreprise, elle est
constitutive de délit d'entrave si les documents lui sont communiqués.
B - La disponibilité de données comparables
467 - Il ne suffit pas d'imposer au chef d'entreprise de dresser les
documents suivant des méthodes identiques d'une période à l'autre.Pour que
les bénéficiaires de l'information puissent faire des comparaisons il faut
qU'ils aient accès à des données concernant plusieurs
périodes.
(1) FOUGECES)J. Cl. L.pen.annexe Fase, I. 1~85 n° 28 Rapp~J J.PAILLUSSEAU
op. cit.) mel. HOUIN p.127 jJ.P. LAGARRIGUE op. cit. R.F.C. 1983 p.140
217
468 - Certains modœde diffusion favorisent cette ~isponiti~ité_des
données comparables. Les bénéficiaires pourraient conserver les données
antérieurement publiées dans la presse dont ils ont pu prendre copie ou
qui leur auraient été adressées chez eux. Mais d'une part, d'une période
à l'autre les bénéficiaires de l'information sont rarement les mêmes et
d'autre part, vue la quantité de l'i~ormation qui les intéressent (certains
peuvent avoir des intérêts dans plusieurs entreprises) cette conservation
risqued 'être bien difficile pour eux.
Ces inconvénients peuvent être pa]i~s par les diffusions d'infor-
mation permanente (dans les locaux de l'entreprise ou e~ greff« du tribunal
de commerce) puisqu'elle porte sur plusieurs périodes. Mais cette façon de
mettre des données concernant plusieurs périodes à
la disposition des béné-
ficiaires de l'information demande, pour une comparaison efficace,une juxta-
position des différentes données.
469 - Les nouvelles présentations des documents adoptées depuis quelques
années permettent de réaliser systématiquement cette juxtaposition. La plu-
part des documents contiennent désormais des données concernant plusieurs
périodes.
C'est la législation relative au bilan social qui, à
notre connais-
sance, a ouvert cette voie. Ce document récapitule des informations pour
l'année écoulée et les deux années précédentes (1). Depuis, de nombreux textes
ont adopté la même solution. Par exemple, la loi du 30 avril 1980 exige que
chacun des postes du bilan et du compte de résultat comporte
l'indication
du chiffre correspondant de l'exercice précédent (2). Le décret du 1er mars
1985 énonce que "les postes du tableau de financement, du plan de financement
prévisionnel et du compte de résultat
prévisionnel comportent l'indication
du chiffre relatif aux postes correspondants de l'exercice précédent et les
postes de la situation de l'actif réalisable et disponible celle des chiffres
relatifs aux postes correspondants des deux semestres précédents. 1I (3)
(1) art. 438-3 code du travail
(2) art. 10
(3) art. D. 244 - 3 loi
218
470 - La méconnaissance de ces prescriptions sera réprimée par les
peines du délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise
si le document concerné est communiqué à ce comité. La solution ne semble
pas faire de doute pour le bilan social, l'art. 483-2 du code du travail
étant interprété comme visant non seulement l'abstention de toute communi-
cation mais aussi comme visant la présentation d'un document non conforme
aux prescriptions légales et réglementaires (1).
Mais le recours à cette disposition ne nous semble pas nécessaire.
L'omission des indications concernant l'une des trois années auxquelles
devrait
se reporter le bilan social, empêche les représentants du personnel
de comparer les données que contient ce document. Il existe donc bien une
atteinte au fonctionnement du comité d'entreprise constitutive du délit d'en-
trave.
Ce raisonnement doit être étendu aux autres documents pour lesquels
la publication simultanée de données comparatives est exigée.
471 - La solution est moins certaine pour les délits visant le non éta-
blissement ou la non communication
de l'information et notamment ceux prévus
aux art. 445 et 430
de la loi du 24 juillet 1966. La question-est de savoir
si la no~cation de documents incomplets est assimilable à l'absence de
leur communication. En d'autres termes, il s'agit de savoir si l'impossibilité
de comparaison porte atteinte à la substance du document prétendument établi
et diffusé. Il nous semble que la réponse doive être affirmative car une telle
omission revient en définitive à emputer le document concern~au moins de
moitié, matériellement et en intérêt (2).
472 - Pour assurer l'efficacité de ces prescriptions à l'égard des asso-
ciés et des autres usagers de l'information il est également possible de
recourir au délit de présentation ou de publication de comptes annuels infi-
dèles. Ce délit a en effet pour but de permettre que les comptes annuels
donnent de la situation de l'entreprise une représentation aussi proche que
possible de la réalité. Et surtout, l'irrégularité des comptes annuels
est
(1) M.COHEN,op. cit. p.560j N.CATALA }op. cit. n0705 p.812
(2) Cf. supra nol2..t ,h
219
-,
constituthie de ce délit.
Or l'omission de données comparables rendent
inévitablement les comptes annuels irréguliers, ~onc-infiùèles en ce sens
qu'elle empêche ses usagers d'apprécier la véritable situation de l'ent~c
prise en les privant de toute possibilité de comparaison par rapport au
passé (1).
§ 2
Amélioration de la comparabilité
externe
473 - L'entreprise n' est pas une entité isolée. Son fonctionnement
est fortement influencé par son environnement : la situation du marché et
l'état de la concurrence par exemple. Pour savoir si les résultats- (bons ou
mauvais) d'une entreprise sont dus à sa gestion interne, ou à la conjonction
de facteurs extérieurs, il est indispensable de pouvoir les comparer avec
ceux réalisés par d'autres entreprises du même secteur. Une telle comparaison
suppose que les comptes de ces entreprises soient établis
suivant un mini-
mum de règles communes.
Par ailleurs, certains bénéficiaires de l'information ont des
intérêts dans plusieurs entreprises à la fois. Si les informations qui leur
sont fournies sous une même appelation sont établies suivant des règles et
avec des contenus différents, ils risquent fort de se trouver dans l'impos-
sibilité d'en tirer le moindre enseignement quant à la situation de l'entre-
prise.
474 - Aussi, la nécessité d'une harmonisation de la présentation et du
contenu de l'information s'est-elle très vite fait sentir (2). Pourtant,
le législateur ne s'est résolu à entreprendre une telle harmonisation que de
facon très progressive. On rappelera pour mémoire l'abondante controverse
(1) Cf. 111f.ra n° 503 et s.
(2) Déjà en 1902, laquestion de la règlementation du contenu de l'inventaire et
du bilan figurait à l'ordre du jour de la commission parlementaire de réfor-
me des sociétés: J.PERCEROU,Du droit de communication dans les sociétés par
action. J.soc. 1908 p.153jA.NEYMARCK Les bilans de société Rev.soc.1911p.93
j
220
suscitée par la détermination du contenu de la feuille de présence ou de
la. liste de§ actionnaires avant la loi du 24 Juillet 1966; ou encore "après
cette loi, par la détermination du concept de rémunération. Nous ne nous
attarderons pas sur les lacunes qui entachaient le rapport des dirigeants
sous le régime des textes anciens qui n'en définissaient pas le contenu ou
le faisaient dans des termes trop généraux (1). Relevons seulement qu'alors
les dirigeants n'y mettaient que ce qu'ils voulaient bien c'est-à- dire, en
général, peu de choses (2).
475 - C'est surtout dans le domaine de l'information comptable et finan-
cière que la question du contenu de l'information présente le plus d'intérêt.
C'est dans ce domaine que les dirigeants sont le plus tentœd'éluder les
obligations d'information qui pèsent sur eux au nom du secret des affaires.
C'est encore dans ce domaine que l'harmonisation est le plus difficile à
réaliser à cause de la diversité des situations des entreprises.
Ainsi, à la veille de la grande réforme du droit des sociétés,
on a encore pu constater l'existence de trois types de compte de pertes et
profits (3). Les dispositions du plan comptable don'rla première version
date de 1947 n'ont eu, pendant longtemps, qu'une
valeur
doctrinale pour
beaucoup d'entreprises. En dehors des entreprises qui réévaluaient leurs
bilans et qui s'y conformaient pour des raisons essentiellement fiscales,
seules les entreprises appartenant à des branches pour lesquelles ont été
établis des plans comptables professionnels devaient s'y soumettre. Quant
aux sociétés côtées, elles devaient établir des bilans qu'elles publiaient
au BALO suivant un modèle très proche du plan comptable (4).
Le décret du 30 Août 1935 qui l'a créé ne donnait aucune précision sur
le contenu de ce document. L'art.148 du décr. du 23 mars 1967 prescrit
d'exposer "de manière claire et précise l'activité de la société ••• Les
résultats de celle activité,les progrès réalisés ou les difficultés ren-
contrées et les perspectives d'avenir
"
(2) C.O.B. rapport 1969 p.65iRapport 1970 p.66jJJ. BURGARDJop. cit. DUNOD 1970
P.41jR.CONTIN / thèse prée. n062 p.59
-
(3) B. MAYER La pratique comptable et la présentation des résultats aux
actionnafresJJ.C.P. 1965 éd. C.I. 75.689
art. 297 décret du 23 mars 1967, ce texte exigeait aussi que le compte de
perte et profits fit apparaître notamment l'imp~t sur les sociétés aff~rent
au bénéfice de l'exercice.
476 - La loi d'harmonisation comptable et son décret d'application ont
renforcé; cette tendance à l'uniformisation des documents ~omptables en édic-_<
tant ou en légalisant des principes généraux (A) et en définissant le contenu
de certains documents (B).
A - Les principes généraux de la comptabilité
477 - Il n'est pas de système juridique cohérent qui ne repose sur un
ensemble de principes généraux auxquels on puisse se référer pour résoudre
les cas litigieux. Peut-être davantage qu'en d'autres domaines, cette exigence
s'imposait en matière de règlementation comptable. Nous avons déjà signalé
la difficulté qu'il y a à trouver des règles qui s'adaptent à toutes les
situations et l'impossibilité de fixer des normes claires et précises pour
chaque cas particulier, tant la diversité est grande, même entre entreprise~
d'un même secteur.
478 - Pour l'instant notre propos n'est pas de discuter de la qualité
de ces principes. Quelles que soient-leurs valeurs respectives le seul fait
qU'ils existent
constitue un progrès au moins en ce qui concerne la compa-
rabilité de l'information. Ils permettent de canaliser la liberté de jugement
dont continuent à bénéficier les auteurs des documents comptables.
479 - Certains de ces principes se dégageaient déjà de la jurisprudence
et de la doctrine comptable antérieure. Tel est le cas du principe de pru-
dence qui d'après le plan comptable révisé est "l'appréciation raisonnable
des faits afin d'éviter le risque de transfert sur l'avenir d'incertitudes
présentes susceptibles de grever le patrimoine et les résultats de l'entre-
prise" (1). Si l'on se réfère aux conséquences que la loi comptable et son
décret d'application (2) tirent de ce principe, (obligation de procéder aux
amortissements et provisions même en cas de pertes, interdiction de compta-
biliser des gains non encore réalisés ••• ) on est conduit à admettre que ce
(1) Plan comptable général 1982 p.5
(2) art. 14 du code de commerce, art. 8
Décret 83-1020 du 29 nov. 1983
principe était largement appliqué par la jurisprudence pénale.
Par exemple, dans ~a célèbre affaire-du Comptoir National du loge-
ment, le tribunal correctionnel de la Seine et la cour d'appel de Paris ont
condamné pour délit de présentation de bilan inexact les prévenus qui invo-
quaient une disposition fiscale les autorisant à ne procéder à des amortis-
sements qu'en cas de bénéfices (1). Par ailleurs, la jurisprudence interdit
depuis longtemps la comptabilisation de bénéfices non encore acquis (2).
C'est aussi
pour la même raison qu'elle a hésité pendant longtemps à réprimer
les irrégularités comptables qui ont pour effet de présenter la situation
de l'entreprise sous un
jour pessimiste (3).
Ainsi la nouveauté du principe de prudence n'est que légale.Il
est probable que son application n'entraîne pas d'autres conséquences que
celles qui résultent déjà de la jurisprudence.
480 - Le deuxième principe
qui
se dégage de la loi comptable est
celui de l'évaluation des biens de l'entreprise au coüt historique. Ce
principe a été clairement défini par le législateur: liA leur date d'entrée
dans le patrimoine de l'entreprise, les
biens acquis à titre onéreux sont
enregistrés à leur coût d'acquisition, les biens acquis à titre gratuit à
leur
valeur vénale et les biens produits à leur coüt de production." (4)
Cette nette prise de position du législatuer apporte un peu de clarté à la
solution d'une question rendue obscure par l'extrême diversité des théories
doctrinales (5) et le caractère fragmentaire, voire contradictoire de la
jurisprudence ; même si dans son dernier état celle~ci a établi une règle
(1 ) Trib.corr.Seine,13 juillet 1963,G.P. 1963.2.325.;Paris/15 janv.1964,
G.P. 1964.1.293; GORE, L'affaire du comptoir national du logement et les
délits relatifs à l'administration des sociétés, J.C.P. 1964.1.1855
V. pour le défaut de provision,pour..
une dette fiscale encore incer-
taine. Nancy,20 oct.1976 B.N.C.C.
n079 p.73.
__
j
(2) Trib.corr. Seine,27 jui1.1910(rev.soc. 1910,P.441j21 déc.1932) j. soc. 1933
p.393
.
(3) J.C. SOYER, Les délits relatifs au bilan. L'élément matériel comptable des
délits relatifs au bilan, étude HAMEL, Dalloz 1955 p.215 et s. CHAUVIN
op.cit. p.43 et s.
art. 12 du c. de com.
Not. A.Neymarck,op. cit.jJ. LEBLOND, De l'évaluation des titres cotés en
bourse ou en banque et du délit de bilan inexact et de distribution de divi-
dendesfictifJ~ J.soc.1938,p.4 et s'iM.CHAUVIN~op.cit'/P.133et s.' P.LASSE.GUE)
Gestion de l entreprise et comptabill~é;j.Ci SOYER op.cit.
)
relativement objective: celle de l'évaluation ~ur la base la plus faible,
prix de revient ou valeur vénale. (1)
Cependant, cette définition du coût historique ne permet pas de
résoudre la question épineuse des critères d'évaluation des apports en na-
ture. Bien entendu, lorsque cette valeur aura été fixée, elle pourra être
retenue comme "coût historique". En ce qui concerne le délit de publication
ou de présentation de compt~annue~ la question de savoir si la surévalua-
tion ou la sous évaluation des apports en nature est constitutive de ce délit
doit à notre sens se résoudre dans les mêmes termes que lorsqu'il s'agit de
l'évaluation des autres éléments du bilan. C'est-à-dire que les dirigeants
devront retenir, pour l'inscription de l'apport au bilan,un critère d'éva-
luation autre que le coût historique,si celui~ci ne permet pas d'atteindre
l'image fidèle, ou tout au moins donner dans l'année des informations complé~
mentaires (2).Ce sera probablement le cas lorsque le délit de majoration
frauduleuse d'apport en nature sera retenu
contre les dirigeants. Toute la
question revient alors de savoir quand il y a surévaluation.
Cette question, déjà difficile à résoudre s'agissant d'un bien
déterminé, devient quasiment insoluble 10rsqu1 0n envisage l'apport d'un
ensemble de biens, notamment dans le cadre des opérations de concentration.(3)
La loi punit ceux qui "auront; fait attribuer
à un apport en nature Wle
évaluation supérieure à sa valeur réelle". La doctrine semble divisée sur
cette dernière notion. Pour les uns, il s'agit de la valeur marchande de
l'apport (4)
Pour les autres, il faut tenir compte de l'intérêt que le
bien apporté présente pour la société (5).
(1) Not.Trib.corr.Seine 3 nars 1923,G.P.1923,p.457(cette solution se traduit
I
dans l'obligation de constituer des provisions ou des amorttssements pour
constater les pertes de valeur intervenues depuis l'acquisition du bien
et l'interdiction de comptabiliser les plus values non encore réalisées.
(2) R.CHUILON,Recherche de règles juridiques applicables à l'évaluation de la
remunération des apports,J.C.P. 1970 I.2350;Ch.REYNAUD:P.PUYRAVEAU, les
problémes pos~par les apports en nature et spécialement l'apport d'un
fond de commerce ou d'une entreprise commerciale et les clauses de rétro-
activité, Mél. BASTIAN p.241
(3) Cf infra 1\\ ~ 51:3 :t
(4) L. CONSTANTIN op. cit. p.559
(5) TROCHU, JEANTIN, L~~G~art.préc.jROUSSELET
et PATIN/op. cit) n° 302 p.227
224
En réalité, il s'agit là d'un faux débat. La valeur marchande d'un
bien résulte normalement de l'équilibre
dès
intérêts que vendeurs et acqué-
reurs y attachent (1). Aussi; la Jurisprudence se prononce-t-elle pour la
prise en compted~llintérêt économique né du rapprochement de deux entre-
prises industrielles Il mais II cet intérêt économique doit être déterminé, ne
serait _ ce que pour éviter les abus pouvant résulter de la position dominante
de l'un des partenaires en fonction de critères précis et aussi objectifs
que possible et non en fonction d'hypothétiques rendements futurs ll • On
a
souvent remarqué que ces difficultés d'évaluation laissaient une marge d'ap-
préciation empêchant de retenir l'infraction lorsque la surévaluation n'était
pas manifeste (2). On a d'ailleurs sugger~ de lire chercher l'honn~teté de
l'opération plutôt qu'une vérité scientifique qui n'existe pas la plupart du
temps Il. (3)
481 - La loi du 30 Avril 1983 consacre également le principe de l'indé-
pendance des exercices. "Les comptes de résultat récapitulent les produits
et les charges de l'exercice sans qu'il soit tenu compte de leur date d'en-
caissement ou de paiement Il (4). Ce principe n'est pas plus nouveau que_le
premier. Il était déjà contenu dans tous les plans comptables antérieurs (5).
La loi comptable en fait une application remarquable qui constitue
une dérogation au principe de prudence(6). Elle autorise la prise en compte
d'un profit partiel réalisé sur une opération dont la durée est supérieure
à un an et la réalisation certaine lorsqu'il est possible d'évaluer avec une
sécurité suffisante le bénéfice global de l'opération (7). Cette possibilité
est considérée par certainls comme une dérogation au principe de l'indépen-
(1) R. CHUILON/ art. préc.
(2) TROCHU, JEANTIN et lANGE, op. cit. D.1975 p.7jJ.M. ROBERT/Réflexion sur le
délit de majoration frauduleuse d'apport en nature/ D.1974 p.9~J.LEAUTE)
La reconnaissance de la notion de groupe en droit pénal des affaires)
J.C.P. 1973 1. 2551
(3) CH. PINOTEAU, le code des sociétés •• préc. p.iS
(4) art. 9 à 12 du c. de comm
(5) V.P. LASSEGUE, op. cit./ p.407 et s.
(6) P. FEUILLE!l/Principes de la nouvelle législation comptable Rev.soc.19Z4
(7)
,)
p.409
art. 15 du c. de comm.
225
dance des exercices. Nous ne partageons pas cette opinion. Elle suppose que
le profit comptabilisé a été réalisé au titre d'un autre exercice. Or, il
ne s'agit de comptabiliser que le profit correspondant à la partie des tra-
vaux réalisés au cours de l'exercice. On remarquera que les charges corres-
pondant
à l'exécution de ces travaux doivent être comptabilisées immédia-
tement. Il s'agit donc de profits définitivement acquis à l'entreprise
au
cours de l'exercice auquel ils ont été attribués. On ne peut donc pas dire
qu'en l',espèce le principe de l'indépendance des exercices ait été violé.
Certes, il se peut que les produits
comptabilisés correspondent à des tra-
vaux réalisés au cours d'un exercice antérieur. Mais dans ce cas, ce n'est
pas leur comptabilisation qui constitue une exception au principe de
l'in-
dépendance des exercices, mais bien le fait qu'ils n'aient pas été comptabi-
lisés pour l'exercice pendant lequel les travaux auxquels ils correspondent
ont été effectués (1).
482 - Le quatrième principe contenu dans la loi comptable est celui de
la continuité de l'exploitation (2). Pour comprendre la portée de ce principe
il ne faut pas perdre de vue le fait que la comptabilité peut correspondre
à des objectifs fort
différents: liquidation de l'entreprise, fusion avec
une autre, présentation au fisc ou exploitation. Suivant que les comptes
sont établis dans un but ou dans un autre, ils comporteront des différences
parfois substantielles(3). Le législateur en optant pour l'hypothèse de con-
tinuité de l'exploitation, consacre encore une fois la solution proposée par
la majorité de la doctrine (4).
483 - Mais cette option interdit-elle l'établissement d'une 'comptabilité
correspondant à un autre objectif ? Par exemple est-il toujours possible
d'établir une double comptabilité l'une pour le fisc, et l'autre pour la ges-
tion (au sens large) de l'entreprise? Peut-on évaluer les biens de l'entre-
prise à leur valeur vénale en vue de sa liquidation sans encourir les foudres
(1) V. en ce sens, T. corr. Nanterre,24 nov.1983JB.C.N.C.C.1984.82
(2) art. 14 C.de comm.
(3) P.LASSEGUEjop. cit~ p.221
(4) Ibid., P.FEUILLET Chr. préc.
,
226
de la loi pénale ?Laréponse doit être ~égative. D'après la loi, les entre-
prises ne sont que présumées poursuivre leurs activités.
Cette présomption
ne peut pas être considérée comme irréfragable vu le réalisme et la souplesse
dont le législateur a fait preuve dans la confection de la réglementation
comptable (1). Il n'est donc pas interd:t d'élaborer une comptabilité spé-
ciale pour le fisc dans la mesure
surtout où cette administration continue
à édicter des règles dérogatoires en matière comptable (2). Il est également
possible d-'établir une comptabilité de liquidation. Encore faut-il s'entendre
sur le sens de ce terme.
La liquidation de l'entreprise doit à notre avis correspondre à
la cessation de ses activités. Cette conception exclut les hypothèses de
cession ou de fusion qui correspondent à une continuation de l'activité de
l'entreprise par un autre entrepreneur, ainsi qu'en décide
depuis longtemps
le droit du travail. Elle exclut également les cas de mise en oeuvre
des
procédures de redressement judiciaire ou de réglement amiable. Les
juges
doivent alors pouvoir apprécier les chances de survie de l'entreprise. Les
comptes de liquidation doivent correspondre à des hypothèses de démantel-
lement de l'entreprise.
484 - Cependant, il convient de tenir compte, dans l'~pplication du
principe de continuité de l'exploitation,d'une précision qu'apporte le plan
comptable général révisé. Il doit s'agir d'une continuité "sans réduction
sensible du rythme et de l'étendue
des activités" (3). Encore que la portée
de cette précision soit des plus réduite. Si l'entreprise envisage de ré-
duire ses activités, cela aura une conséquence immédiate sur la valeur d'in-
ventaire de ses actifs qui sera dirigée a la baisse. Pour en tenir compte,
il suffira de constituer des provisions a cet effet. L'intérêt de la précision
du plan comptable
est qu'elle semble interdire, en principe, l'inscription
directe de valeurs comptables résultant d'une hypothèse de réduction sensible
de l'activité de l'entreprise.
(1) C~ infra.chap. II
(2) V. par exemple/Comptabilité super-si~plifi~e Loi de finance pour 1983
(3) P.C.G. 1982 p.153
n01
227
485 - Enfin, la loi comptable interdit tou~compensation entre comptes
de nature différente • De telles opérations permettraient de condenser cer-
tains chiffres et rendraient leur enregistrement plus aisé. Mais il en résul-
terait une perte d'information qui rendrait l'analyse financière fort aléa-
toire.
486 - Le non respect de ces principes ne fait l'objet d'aucune incrimi-
nation directe
mais dans la mesure où il porte atteinte à l'objectif d'image
fidèle, il sera ~uni des
peines relatives à la diffusion de comptes annuels
infidèles : délit de publication (ou de présentation) de comptes annuels
infidèles (1), délit d'entrave au fonctionnement régulier des institutions
représentatives du personnel, banqueroute ••• (2).
Ainsi, le droit pénal peut-il contribuer à l'intelligibilité de
l'information en assurant la possibilité de comparaison qu'offre le respect
des principes généraux. En est-il de même en ce qui concerne la règlementation
du contenu des documents ?
B - La règlementation du contenu des documents
487 - Les Français sont,semble-t-il, prêts à respecter des prescriptions
précises, les obligations rédigées en des' termes aux contours vagues leur
paraissent sans portée claire donc sans application (3). Quoiqu'il en soit
de la véracité de cette affirmation, on doit reconnaltre que les obligations
prescrites en des termes généraux sont bien difficiles à respecter.
Elles
peuvent donner lieu à des interprétations diverses aboutissant, en matière
d'information, à des documents aux contenus différents, donc difficilement
comparables.
Cette considération suffit à elle seule à justifier la nécessitéQ'u-
n~ réglementation aussi précise que possible du contenu des différents docu-
ments dont l'établissement est prescrit.
(1) En ce sens pour la non respect du principe de permanence, M.FOUGERE
J. Cl. L.pen. an. Fasc. I
1985 n° 28
(2) Cf. infra
n° .'f91> et s.
(3) J. J. BURGARD, op. cH., Dunod 1970
228
488 - Avant la loi du 24 juillet 1966, cette nécessité ne paraît pas
-avoir été l'une des' principales préoccupations du législateur. En effet,
c'est par cette loi. ou son décret d'application que sont apparues les pre-
mières réglementations précises du contenu des documents. C'est ainsi que
le contenu de la feuille de présence (1~ de la liste des actionnaires (2),
du rapport du commissaire aux comptes (3~ du rapport annuel des dirigeants(4)
etc ••• a été précisé.
489 - C'est la règlementation du bilan social qui caractérise de la
façon la plus éclatante cette tendance récente. Non seulement, la loi du
12 juillet 1977 énumère la nature des principales informations que doit
contenir ce document, mais encore les textes réglementaires pris pour son
application comportent des tableaux qui déterminent le détail des indicateurs
correspondant aux différentes rubriques qu'annonce le texte de la loi. On
retrouvera, s'il en est besoin, la preuve de ce souci de précision dans les
57 pages du journal officiel consacrées aux annexes du décret d'application
dont douze aux seules entreprises des travaux publics et du bâtiment~
C'est également cette voie qu'ont suiv~les rédacteurs de la loi
__ du 28 octobre 1982.
490 - Ainsi, certains éléments du rapport annuel d'ensemble sont précisés.
La législation ancienne exigeait en plus de l'évolution de la "structure et
du montant des salaires, de soumettre au comité un "état faisant ressortir
l'évolution de la rémunération moyenne horaire et mensuelle, au cours de
l'exercice et par rapport à l'exercice précédent. Le terme "rémunération
moyenne" avait entrainé une divergence d'interprétation entre le ministère
du travail et
I~ jurisprudence.
(1) art. 447 Loi du 24 juillet 1966
(2) art. 445 loi du 24 juillet 1966
(3) art. 117 décr. du 23 mars 1967
(4) art. 148 décr. du 23 mars
1967 encore que les termes de ce texte sont
trop généraux pour éviter des différences sensibles dans le contenu de ce
rapport
Le premier estimait que les informations portant sur la rémunéra-
~ion_moyenne ùevaient être présentées, non pas globalement, mais par grande
catégorie et, le cas échéant, par établissement, afin que le comité soit à
même de suivre l'évolution de la structure des salaires (1). La seconde,
plus restrictive, refusait notamment la communication des salaires par éta-
blissement et par catégorie (2). La loi nouvelle confirme l'interprétation
ministérielle en exigeant que le rapport annuel d'ensemble soit accompagné
d'un "état faisant ressortir l'évolution de la rémunération moyenne horaire
et mensuelle Il par sexe et par catégorie •.• ainsi-que les rémunérations
minimales et maximales horaires et mensuelles au cours de l'exercice et par
rapport à l'exercice précéde nt" (J).
Par ailleurs, ce texte lève le doute sur la nécessité d'indiquer
les pertes. Le rapport doit désormais porter sur "1es bénéfices ou les per-
tes"(4) alors que le texte ancien ne visait que les bénéfices.
491 - Il reste que le législateur s'est abstenu de définir les notions
de rémunérations ou de bénéfices.On peut 1e* regretter d'autant que l'accord
n'est pas facile à réaliser sur ces points.1rne circulaire ministéri~avait
défini la rémunération comme étant la limasse des salaires directs comprenant
tous les éléments ••• de rémunération ••• versés en contrepartie directe du
travail sur une période annuelle ••• Ne seront exceptées-que les sommes versées
en remboursement de frais et, d'une façon générale, les avantages en nature."
Cette définition est sensiblement différente de celle qui a été retenue en
application de l'art. 168 de la loi du 24 juillet 1966 pour laquelle on
considère que la notion de rémunération comprend toutes les sommes et avan-
tages reçus quelles que soient la forme et la qualification données à ces
rémunérations (5).
Nous ne voyons pas très bien pour quelle raison on adopterait une
conception différente de la notion de rémunération suivant que l'on applique
(1) Rép. rnin~ 4 nov. 1972;J.0. Déb. A.N. p.4694
(2) Casso soc.,31 janv. 1980, bull n096 p.68
(3) art. L 432-4 al. 3 du c. du trav.
(4) art. L 432 - 4 al. 2
(5) Rep. min. n03574 et 4550 J.O. déb.A.N. 3 av. 1969 p.868 et 870
230
-..
..
.
-,'
un texte ou l'autre. Il serait donc souhaitable que le législateur inter-
vienne pour imposer une définition unitaire de la rémunération.
492 - Ceci dit, aucune de ces deux définitions ne nous semblent
satisfaisante •
La première pêche par son caractère trop restritif. Il n'y a
aucune raison de s'attacher-à la forme de la rémunération et d'exclure par
exemple les avantages en nature tels que la gratuité du logement ou de cer-
tains services rendus par l'entreprise. N'oublions pas que le comité doit
examiner les salaires "sous un aspect économique, en tenant compte des pos-
sibilités économiques et financières de l'entreprise." (1) Dans une telle
optique, la forme que prend la rémunération n'a aucune importance
elle
impose à l'entreprise la même charge et a les
mêmes conséquences sur
sa
gestion.
A l'inverse, la définition retenue dans le cadre de la loi du
24 juillet 1966 pêche par son caractère trop extensif. Les sommes versées
en remboursement de frais ne sont manifestement pas de rémunérations puis-
que pour être conformes à la réalité ils doivent être enregistrés dans les
comptes cDrrespondants aux frais en remboursement desquels elles ont été
attribuées.
A notre sens, la rémunération pourrait donc être définie comme
"l'ensemble des sommes et avantages reçus en contrepartie directe du travail
quelles que soient &eIIr'!> forme5et le\\lll qualification~
493 - En ce qui concerne la notion de bénéfice, on peut se demander
s'il s'agit des bénéfices bruts ou des bénéfices après impôts. Mais
la
question n'a pas beaucoup d'importance puisque de toutes les façons le rap-
port porte également sur leur affectation. Si le chef d'entreprise se con-
tente d'indiquer le montant du bénéfice brut, il sera obligé d'indiquer la
partie affectée au paiement de l'impôt. Les représentants du personnel auront
de toute façon connaissance du bénéfice net, ce qui leur permettra de donner
un avis éclairé sur les autres affectations.
(1) Ciro c. T~"R.80/46, J.O., 15 sept 1946, recto J.O. 19 sept 1946 commentant
la loi du 16 mai 1946
231
494 - C'est surtout dans la législation comptable récente qu'on trouve
une confirmation de la tendance à définir avec précision le contenu des .
documents d'information.
495 - Le contenu et la forme des documents de synthèse
Q~t désormais
précisé: . Le bilan et le compte de résultat sont présentés sous forme de
liste ou de tableau. Le bilan décrit "séparément les éléments actifs .et
passifs de l'entreprise et fait apparaître de façon distincte, les capitaux
propres". Le compte de résultat décrit "les produits et les charges" de
l'entreprise (1). Ces deux documents doivent comprendre autant de rubriques
et de postes qu'il est nécessaire pour donner une image fidèle ••• " (2).
Cette dernière règle est importante. Elle résout les difficultés
apparues en jurisprudence en ce qui concerne le contenu de l'ancien compte
d'exploitation général et plus précisément à propos du détail des frais
généraux. On se rappelle que la jurisprudence avait décidé que ce détail
devait être communiqué aux associés mais dans des conditions très restric-
tives. Non seulement cette communication devait être conforme à une saine
gestion" de l'entreprise, ce qui -s-'--entend bien à condition de préciser
cette notion, mais encore les associés ne bénéficiaient pas d'un droit gé-
néral. Ils devaient justifier d'un intérêt particulier à une telle communi-
cation (3).
- Il va sans dire que cette seconde condition excluait l'application
de toute sanction pénale au cas où le chef d'entreprise ne communiquait pas
le détail des différents postes des documents comptables, à l'exception sans
doute du délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise
(1) art. 9 du c. de comm.
(2) art. 10 du c. de comm.
(3) Lyon,21 mars 1951,J.C.P. 1951 II.6547, note D.BASTIAN • S.1952.2,p.173
note
DALSAGE; G.P. 1951 II p.179j 12 mai 1952,J.C.p./1953,II.7344 note
D. BAS~IAN ; D-1952 p.459 ; G.P. 1952. II p.46 cdm. 9 fév. 1954; D.1954
J
p.241 ; J.C.P. 1954 II 8049 note D.BASTIAN ; T. com. Seine ,15 janv.1953
D.1953 p.312 note A.TUNC i G.P. 1953. I.p.176 Paris,24 fév. 1954,G.P.19~4
p. 166 concl. GEGOUT ; T. civ. Bethume,14 déc. 1955,D. 1956 p.670 note GORE
T.com. Seine,19 av. 1956 D.1956 p.622 note DALSACE;V.J.NOlREL,op. cit.
n0200;HEMARD TERRE et MABILAT op.cit. n0298 p.258 ; S. ALARY et NOCQUET
J. CI. soc. Jasc. 138 n017 p.l. ; R. CONTIN thèse préc. n082 p.71 et s.
232
..' "'.-
slil refuse cette communication malgré la demande justifiée d'un membre de
cette institution.
Désormais, la communication du détail des postes et des rubriques
est obligatoire et doit être automatique dès lors qulelle est nécessaire
pour donner une image fidèle des comptes annuels. Il s'ensuit que la mécon-
naissance de cette règle sera soumis à toutes les sanctions qui pourraient
frapper le chef d'entreprise ayant publié (ou présenté) des comptes annuels
infidèles.
496 - Il faut noter que le décret comptable se montre encore plus pré-
cis. "Les patrimoines sont classés à l'actif et au passif suivant leur des-
tination et leur provenance"(1). La structure de l'actif (2) et du passif (3)
ainsi que la nomanclature de leurs éléments (4) sont définis. Il en est de
même pour le compte de résultat (5). Par ailleurs, le contenu de l'annexe
est détaillé en vingt quatre points et son mode d'établissement précisé (6).
Il est regrettable que le décret du 1er mars 1985 auquel renvoyait
la loi sur la prévention des difficultés des entreprises soit si concis en
ce qui concerne le contenu de l'information prévisionnelle. Pour toute indi-
cation, ce décret nous enseigne seulement que les documents prospectifs
IIfont apparaître chacun pour ce qui le concerne, la situation de trésorerie
de la société, ses résultats prévisionnels ainsi que ses moyens de prévision
de financement" (7).
497 - En droit pénal, cette description détaillée du contenu des docu-
ments pose d'abord le problème du partage des compétences .entre la loi et le
règlement,Gn peut d'ores et déjà noter que la question est indifférente en
(1) art. 10 décr. 80 -1020 du 29 nov 1983
(2) art. 11
"
"
"
(3) art. 13
"
"
"
(4) art. 12 pour ces éléments d'actif et art. 13 pour ces éléments de passif
(5) art.14 à 16 décr. 83-1020 du 29 nov 1983
(6) art.24 et 25 Ibid
(7) art. 244 décr. du 23 mars 1967
2))
. _
• J
..
ce qui concer~~ le délit d'entrave au fonctionnement régulier des institu-
tions représentatives du travail. La communication aux représentants du
personnel de
documents ne correspondant pas aux prescriptions légales ou
réglementaires permet de caractériser cette infraction au moins dans son
élément matériel (1). De même,le délit de publication ou de présentation
de comptes annuels infidèles pourrait être constitué dans les conditions
que nous définirons ci-dessous (2).
498 - La question est plus délicate lorsqu'on envisage le cas des
délits relatifs ou défaut d'établissement, de communication ou de publica-
tion des documents comptables. Deux arguments nous permettent d'affirmer
que ces infractions ne peuvent être constituées si le contenu des documents
comptables n'est pas conforme aux prescriptions légales ou réglementaires.
499 - Le premier est tiré des travaux préparatoires. tors des débats
parlementaires, le ministre de la justice avait déclaré qu'après tout on ne
demandait aux dirigeants que quelque chose de très normal et qu'il ne voyait
pas comment ceux-ci pourraient être de bonne foi s'ils s'abstenaient d'éta-
blir les documents comptables ou
s'ils ne les communiquaient pas aux asso-
ciés. Cet argument qui a servi à écarter l'élément intentionnel dans les
délits d'établissement et de communication des documents comptables n'est
valable que si le ministre ne songeait pas à punir l'omission de certains
éléments des documents comptables seulement.
500 - Le second argument réside dans le fait qu'il a spécialement visé
l'omission de certains éléments des documents comptables.
Ainsi, le f~it de ne pas annexer au bilan
des sociétés c8tées· ,
un inventaire de leum valeurs mobilières (J) ou le tableau faisant appara1tre
la situation des filiales et participations (4) ou de ne pas rendre compte
(1)M. COHEN, op~_ cit., p.459; N. CATALA op. cit. nO?05 p.812Jcontra
EYMIN op. cit.
(2) Cf. infra I\\~ 50"! ..l ).
(3) art. 439-4° Loi du 24 juillet 1966
(4) art 480-2°
234
dans le rapport de l'activité des filiales (1) fait-il l'objet d'incrimi-
nations spéciales. Ces incriminations seraient inutiles si le législateur
avait entendu punir par le défaut de communication ou d'établissement la
simple omission de certaines indications.
De plus, lorsqu'il a visé l'omission de certains renseignements
en particulier, il a exigé l'élément intentionnel,ce qui confirme qu'il
n'avait pas en vue l'établissement ou la communication de documents incom-
plets lorsqu'il écartait la bonne foi du prévenu en ce qui concerne
le
défaut d'établissement ou de communication.
501 - Avant la loi du 25 janvier 1985, l'établissement de documents
comptables non conformes aux prescriptions légales ou réglementaires aurait
pu tomber sous le coup du délit de banqueroute simple pour défaut de tenueclL
comptabilité régulière (2), la régularité étant la conformité à la règle.
Mais la nouvelle loi sur le redressement et la liquidation judiciaire des
entreprises ne fait plus de l'irrégularité de la comptabilité un cas
de
banqueroute.
- L'art.197 aL4 ne vise que le fait "d'avoir tenu une comptabilité fictive
.m fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de-personne
morale ou de s'être abstenu de tenir toute comptabilité". Nous n'irons pas
jusqu'à affirmer, comme Monsieur Cosson (3) que le moindre papier portant
quesques chiffres suffit pour que l'épithète "toute" ne soit plus applica-
ble.
- En droit, la comptabilité a un sens précis. Il doit s'entendre de l'accom-
plissement des obligations prescrites par l'art. 8 du code de commerce
enregistrement des mouvements affectant le patrimoine de l'entreprise, éta-
blissement d'un inventaire annuel et de comptes annuels. Le respect de ces
trois obligations constitue à notre avis un minimum sans lequel aucun chef
d'entreprise ne peut
prétendre avoir une comptabilité.
(1) art. 480-3°
(2) Crim.,2 nov 1951, bull. n0280 p.471, J .C.P. 1951 II 6605
8 janv. 1979,
633. J. COSSON
(3) J. COSSON, L'inflation pénale dans la loi française sur les sociétés com-
mercialesjG.P. 1985 II doct 415
235
Il reste qu'on ne peut l'accuser de s'être abstenu de tenir
_ toute ~omptabilité s'il a seulement méconnu les prescriptions légales
et
réglementaires concernant les mentions des différents documents comptables,
Quant à la notion de comptabilité fictive, s'il est certain qu'elle permet
d'atteindre l'inscription dans la comptabilité d'opérations imaginaires (1),
il n'en est pas de même lorsque le chef d'entreprise a omis certaines men-
tions des documents comptables, L'auteur des comptes échappe dans cette
dernière hypothèse aux peines du délit de banqueroute (2),
502 - Ainsi, seul le délit d'entrave au fonctionnement régulier des
institutions représentatives du personnel et le délit de publication de
comptes annuels infidèles permettront de garantir le respect des prescrip-
tions relatives au contenu des documents comptables. Ge sont encore
les
mêmes délits qui assurent, pour. l'essentiel, l'authenticité de l'information,
(1) Grim" 9 mai 1973 Rev, soc,. 1973., 696
1
(2) Grim.} fév, 19861Bull. Jofy',1986,p, 248
236
Chap. II : LE DROIT PENAL ET L'AUTHENTICITE DE L'INFORMATION
503 - La recherche de l'authenticité a toujours préoccupé le légis-
lateur français. La première mission confiée au commissaire aux comptes,
était de vérifier l'information et de la rendre crédible par sa certifi-
cation ou d'en dénoncer le caractère fallacieux. C'est encore cette pré-
occupation qui jusitifie l'octroi. à-la C.O.B. et aux autres spécialistes
de l'information des moyens d'investigations très étendus.
504 - Cependant, à l'origine, le législateur n'a pas cru devoir assurer
l'authenticité de l'information par des incriminations spéciales. L'élabo-
ration ou la diffusion de fausses informations n' étai~_,~ punissable~ que
si elle était suivie d'une distribution de dividendes fictifs ou de la
"faillite" de l'entreprise, à moins que tous les éléments constitutifs d'une
infraction de droit commun (escroquerie, faux en écriture) ne soient réunis.
505 - Ce sont les décrets-lois de 1935-1937 qui ont institué
les
-- premieres incriminations visant la-diffusion de fausses informations notam-
ment
le d~!it de publication ou de présentation de bilan inexact
et
de déclaration notariée mensongère.
Le premier de ces délits atteint aussi bien les dirigeants de
société anonyme
(1) que ceux de S.A.R.L. (2) ou de société civile faisant
publiquement appel à l'épargne (3) ou de sociétœcoopératives qui auron~
selon la terminologie résultant de la loi comptable, publié ou présenté
des comptes annuels infidèles en vue de dis~imuler la véritable situation
de la société.
A l'inverse, par leur nature même, les deux autres infractions
créées par le décret-loi de 1935 ne touchent que les dirigeants de société
anonyme. On regrettera qu'aucune d'ell~ne permette d'atteindre les dirigeants
(1) art. 437 al. 4 loi du 24 juillet 1966
(2) art. 425 al. 4. 3°
(3) art. 24 Loi du 31 décembre 1970
237
de toutes les personnes morales de droit privé non commerçantes ou personn~
publiques ~streint~à l'établissement de comptes annuels.· Mais ils ont peu
de chance de ne pas tomber sous le coup d'une incrimination s'ils établis-
sent des informations mensongères ainsi que le montre l'étude du dévelop-
pement de l'exigence d'authenticité (Section 1) ou celle de l'évolution
du concept d'authenticité (Section II).
Section l
LE DEVELOPPEMENT DE L'EXIGENCE D'AUTHENTICITE
506 - Les documents servant de support à l'information sont très
nombreux et le législateur encourage ou exige la diffusion de la quasi to-
talité d'entre eux (1). Or, les incriminations tendant à assurer l'authen-
ticité de l'information ne visent le plus souvent que certains de ces do-
cuments. Ainsi, si la loi de 1970 concernant les sociétés civiles faisant
publiquement appel à l'épargne vise la publication ou la diffusion de toute
information, les art. 425 et 437 de la loi du 24 juillet 1966 ne visent que
les comptes annuels.
507 - En outre, le mensonge n'est punissable que lorsqu'il est porté
à la connaissance de personne n'ayant pas contribué à son élaboration. Les
usagers de l'information disposent de moyens multiples pour
en
prendre
connaissance (2). On aurait pu s'attendre à ce que le moyen par
lequel
l'information leur parvient soit indifférent dès lors que celle-ci ne rend
pas compte de la réalité. Il n'en est malheureusement rien car certains
textes d'incrimination ne visent que la publication ou la présentation,
limitant ainsi le nombre des bénéficiaires de l'exigence d'authenticité.
Ce caractère sélectif des textes d'incrimination oblige à préciser
d'une part l'objet de l'obligation d'authenticité (§ 1) et d'autre part ses
bénéficiaires (§ 2).
(1) Cf. supra, n°, \\ 93 ..... 5.
(2) Cf. supra, n~ $\\ .. :;,.
238
§ 1
LE DEVELOPPEMENT DE L'EXIGENCE D'AUTHENTICITE
QUANT
A SON OBJET
508 - Le plus souvent le mensonge aura un support matériel. Mais cela
n'est pas nécessaire. Ce qui importe, c'est la nature de l'information qui
en fait l'objet. En ce qui concerne les publications faites dans le but
d'obtenir des souscriptions .ou des versements, cet objet ne fait pas
de
difficulté. L'incrimination vise tous faits faux. Elle est donc applicable
à toute information quelle qu'en soit la nature. Il en est de même en ce
qui concerne les délits de fausse déclaration concernant la répartition ou
la libération des parts de S.A.R.L. ou le dépôt des fonds (1), ainsi du
délit de déclaration notariée mensongère (2). Ici, c'est la précision des
textes qui évite toute difficulté.
Par ailleurs, il
ne sera pas nécessaire d'insister sur l'objet
du mensonge en ce qui concerne le délit de distribution de dividende fictif.
La jurisprudence (3) et la doctrine (4) admettent
depuis longtemps que le
terme d'inventaire désigne en réalité le bilan. Reste donc le délit de pré~
sentation ou de publication des comptes annuels infidèles.
509 - Nous montrerons qu'en introduisant dans le droit positif la notion
de compte annuel la loi comptable a étendu l'objet de l'exigence d'authenti-
cité (i).Ensuite; nous essaierons de préciser dans quelle mesure, l'authen-
ticité des autres informations peut être assurée par le droit pénal (B).
(1 ) art.423 Loi du 24 juillet 1966
(2) art. 433-1° Loi du 24 juillet 1966. La loi 83-1 du 3 janv.
/ a supprimé
la déclaration notariée mensongère. Le texte vise désormais ~'affirmation
fait pour l'établissement du certificat du dépositaire constatant les
souscriptions et les versements. Par commodité, nous conserverons l'an-
cienne terminologie.
(J) Not. Crim.,11 juin 1925/ Bull. crim. N°179~J. soc. 1925 p.647.Rev.soc •.1925
P.418;ParïsJ19 mars 1883,Rev. soc.1883,p.189
~
7 /
1
LAUNAIS et ACCARIAS/op.cit " 0323 p.275·TOUFFAIT ROBIN ANDUREAU LACOSTE
ï
op. cit., N°216 p.222
)
1
,
J
,
239
A - La notion de comptes annuels
510 - Initialement, seul le bilan était visé. Certains auteurs en ont
conclu que cette incrimination ne permettait pas d'atteindre des documents
annexes au bilan tels que le compte d'exploitation général, le compte de
perte et profit ou le rapport du Conseil d'Administration, ni les bilans
consolidés (1).
Cette oplnlon ne faisait pas, on s'en doute, l'unanimité en doctrine.
D'autres auteurs'estimaient par exemple que la publication de comptes con-
solidés inexacts tombait sous le coup de l'incrimination (2). En remplaçant
le terme de bilan par celui de comptes annuels le législateur n'a pas résolu
cette difficulté) bien au contraire.
511 - Une première anbiguité mérite d'être levée. Elle concerne le
point de savoir si par "comptes annuels",il faut entendre tous les documents
comptables ayant une périodicité annuelle (3). Une telle conception
est
séduisante du point de vue de l'efficacité de la repression. Elle permet
d'assurer l'authenticité de documents aussi divers que les comptesconso-
lidés, le plan de financement prévisionnel ou le tableau de financement.
Cependant, à notre sens, l'expression comptes annuels vise unique-
ment les trois documents de synthèse, bilan,compte de résultat et annexe,
qui selon l'art. 8 du code de commerce forment un "tout indissociable".
512 - L'introduction de ce terme dans la définition du délit corres-
pond en réalité à un aménagement rédactionnel qui a conduit le législateur
à remplacer dans plusieurs dispositions légales les termes "bilans, comptes
d'exploitation et compte de pertes et profits" par celui de "comptes annuels".
Rien ne permet de penser que le législateur a utilisé cette expression dans
(1) F. LEBRUN op. cit. p.58 et s.
1
1
(2) TOUFFAIT, ROBI~~ANDUREAU LACOSTE, op. cit. n0169 p.1?? FOUGERES/J.CI
Loi pén. annexes. soc. tlasc.1
.
(3) Pour l'affirmative, Y. GUYON, l'information prévisionnelle préc.
240
un sens différent que celui qui est défini à l'art 8 du code de commerce.
Au contraire, les dispositions de la loi du 30 avril 1983 laissent
penser que dans lresp~it du législateur l'examen simultané des trois docu-
ments énumérés par ce texte doit suffire à donner une image fidèle de la
situation de l'entreprise. Ainsi, l'annexe doit-il reprendre toutes
les
informations annexes permettant d'apprécier la situation de l'entreprise.
Tel est notamment le cas des informations relatives au groupe comme la
liste des filiales et participations, l'indication de la fraction des im-
mobilisations financières des créances et des dettes ainsi que les charges
et produits financiers concernant les produits liés ••• (1).
513 - En outre, après avoir indiqué que le commissaire aux comptes
"certifie que les comptes annuels sont réguliers
et sincères", l'art.228
de la loi du 24 juillet 1966 dans sa rédaction résultant de la loi comptable
ajoute qu'il
doit
également certifier "les comptes consolidés". La même
observation peut être faite à propos de l'art. 439 qui vise bien distinc-
tement d'une part les comptes annuels et d'autre part le rapport de gestion,
l'inventaire, l'inventaire des valeurs mobilières ••• tous documents dont
_la périodicité est annuelle. C'est donc que pour le législateur "i:omptes
annuels" ne signifie pas "comptes à périodicité annuelle". Du reste, il
n'y a aucune raison de faire une distinction entre les différents documents
comptables en fonction de leur périodicité.
514 -
En somme, la substitution des comptes annuels au bilan dans les
art. 437-2° et 425-4° est davantage le résultat d'un aménagement rédactionnel
que celui d'une volonté délibérée d'étendre le champ de l'incrimination. Il
n'empêche que cet aménagement a aussi pour conséquence de permettre -on
pouvait en douter avant (2)- d'atteindre les inexactitudes contenues dans
l'annexe
ou le compte de résultat. Ce qui constitue, en un sens, une aug-
mentation du nombre des documents soumis à l'exigence d'authenticité.
(1 ) Voir art. 24 décr. 1020 du 29 nov. 1983
(2) F.LEBRUN,op. cit. Loc. ci t.
,
241
516 - Il reste que cette conception restrictive exclut du champ de
l'incrimination des documents très· utiles pour la gestion de l'entreprise.
Ainsi, les documents prospectifs ne sont pas visés (1)',Mais nous ne re-
gretterons pas cette solution. Il est déjà bien difficile d'apprécier la
fidélité des documents retrospectifs par rapport à la situation actuelle
de l'entreprise. Une telle appréciation des documents prospectifs
par
rapport à la situation future de l'entreprise releverait plut8t
de
la
divination. Le risque serait trop grand d'une comparaison, après coup,
des prévisions avec les résultats obtenus. Ce n'est pas un hasard si les
commissaires aux comptes ne sont pas tenus de certifier la fidelité
des
comptes prévisionnels mais seulement de faire, s'ils l'estiment utile des
observations consignées dans un rapport communiqué simultanément au conseil
d'administration et au comité d'entreprise (2).
La même solution doit être adoptée en ce qui concerne les comptes
consolidés
et le
rapport de gestion. La volonté du législateur telle
qu'elle résulte de l'analyse des'textes interdit toute extension à d'autres
documents que les comptes annuels. Lorsqu'il a voulu incr:iminer le non éta-
blissement ou la~n communication ,de ées documents il l'a fait expressé-
ment. S'il ne lia pas fait en ce_~ui concerne le délit de publication de
comptes annuels infidèles, c'est qu'il n'entendait pas étendre cette incri-
mination à ces documents.
517 - Reste alors à déterminer le sort qui leur sera réservés. s'ils
sont diffusés soit par une société civile faisant publiquement appel
à
l'épargne, soit par une société coopérative. La généralité des termes em-
ployés pour ces deux formes d'entreprises'(3) perm~t
d'appliquer la repres-
sion à la diffusion de tout document comptable voire de toute information
inexacte. Au demeurant le législateur a toujours imposé une acception plus
large de l'incrimination en ce qui les concerne. C'est sans doute ce qui
(1) E. du Pontavice, L'émergence du droit comptable en France~R.F.C.1984
p.387 contra Y. GUYON op. cit.
(2) art. 340-2 al. 2. D.LECLERC, Pour prévenir les défaillances/faut-il
publier les comptes prévisionnels? R.F.C. 1983,n0140 p.400 et s.
(3) Sociétés civiles, art. 24 loi du 31 déc. 1970 : "information" ;
coopérative, art. 14 Loi du 10 sept. 1947 : "documents comptables".
242
explique qu'il n'ait procédé à aucun aménagement rédactionnel des textes
. qui les régissent.
518 - Le second point qu'il convient d'éclaircir concerne le carac-
tère indissociable des différents éléments des comptes annuels. Ce carac-
tère conduit naturellement à considérer qu'à défaut de l'un de ces éléments
il n'y a pas de comptes annuels (1). La logique voudrait que puisqu'il n'y
a pas de comptes annuels il ne puisse pas y avoir de publication de comtpes
annuels infidèles, donc pas de délit.
Mais cette solution n'est pas admissible. En énonçant que les
trois éléments des comptes annuels sont indissociables, le législateur a
voulu permettre aux usagers des comptes de
disposer de tous 1~ éléments
nécessaires pour apprécier la situation de l'entreprise. Il a voulu imposer
la diffusion simultanée de ces documents. Or, justement, par la diffusion
de certains éléments seulement des comptes annuels, les dirigeants de l'en-
treprise en arrivent à vider ceux-ci d'une partie de leur contenu et à
empêcher les bénéficiaires de l'information d'avoir d~la situation de
l'entreprise une image fidèle.
De surcroît, la fidélité suppose la régularité au sens le plus
large. Et il est inadmissible de soustraire les dirigeants de l'entreprise
à la sanction pénale parce que justement ils ont commis les irrégularités
les plus graves. L'absurdité de cette solution ne nous permet pas
d'y
souscrire. C'est pourquoi nous estimons que la publication de comptes
annuels incomplets doit être punie au titre du délit de publication (ou
de présentation) de comptes annuels infidËies même Si dans certains
::as
cette infraction viendra
en
concours avec
les
délits de non publication
ou de non établissement des comptes annuels (2).
(1) Cf. supra, n'- .5 l)i~.
(2) Cf. supra, n° t':l9
243
B - La protection de l'authenticité des autres documents
519 - La conception relativement restrictive que nous avons adopté en
ce qui concerne la notion de comptes annuels n'empê~h~ pas le droit pénal
de protéger l'authenticité des autres documents. En réalité, les infractions
qui permettent cette protection peuvent s'appliquer à l'infide1ité des
comptes annuels aussi. Les unes relèvent du droit pénal commun (1), les
autres du droit pénal des affaires.(II)
l - La protection de l'authenticité par le droit pénal commun
520 - On a pu dire que lorsqu'elle est en de mauvaises mains, la
société commerciale
peut être un instrument idéal de fraude (1). On ne
s'étonnera donc pas que la jurisprudence ait eu recours au délit d'escro-
querie pour punir la diffusion d'informations fausses lorsqu'elle a pu y
voir des manoeuvres frauduleuses constitutives de cette infraction. On
professe ainsi, que l'utilisation de faux bilans constitue nécessairement
une manoeuvre-f~udu1euse (2). La jurisprudence a, semb1e-t-i1, adopté la
position inverse pendant un temps, n'assimilant le faux bilan à une manoeu-
vre frauduleuse que lorsqu'il était accompagné de manoeuvres extérieures
supplémentaires (3). Depuis, elle est revenue à plus de rigueur et a assi-
milé toute utilisation de bilan inexact à une manoeuvre frauduleuse
(4).
Les décisions les plus intéressantes ont été prises~n matière
de publicité rinancière. Elle permettait d'atteindre des informations
mensongères en dehors du domaine limité du délit de publication decQmptes
annuels infidèles. Ainsi, sera punie la diffusion de toute information
fallacieuse lorsque celle-ci s'accompagne d1autres manoeuvres tendant
à
(1) J. LARGUIER/Droit pénal des affaires}A. COLIN 1975 p.255
(2) TOUFFAIT, ROBIN,ANDUREAU/LACOSTE, op. cit.no847 p.764'Contra CONSTANTIN et
GAUTRAT/op. cit~n063 et 64
1
(3) Paris,17 fév.1912/J.soc.1912 p.424;Rev.soc.1913 p.12 ; 8 mars 1918 bull,
n058 ; 15 juin 1928 bull. n081,
/
Douai ,18 av.1929 /J.soc.1931 p.291;Rev.soc.1929 p.430J· T.corr.Seine,21 déc.
1932 / J·soc. 1933 p.592~Crim.,4 Aout 1933)S.1935.1.159 ; 4 janv.1969)Bu11.
crim. n05 p.8;16 mars 1970 ,bull n0170 p.245;Rev.soc.1970 p.480 note BOULOC-
10 nov. 1971 bulL crim. n°307 p. 771 .
.;
1
244
l~ur donner foi. Il peut s'agir d'une publicité orale ou verbale faite
avec l'intervention de tiers (1), concernant l'annonce de oénéfices fic-
tifs(2), un procédé de film en couleurs qui en réalité n'était qu'au
stade des études (3), une cotation fictive des titres (4), la régularité
de la constitution d'une société et de la libération de son capital (5),
des souscriptions fictives (6) ou la fausse attribution,à une société,de
la qualité de concessionnaire
(7).
521 - L'intérêt de cette jurisprudence est qu'elle permet d'atteindre
l'utilisation de fausses informations autres que les comptes annuels et
en dehors de la recherche de toute souscription. Mais elle
comporte.
une double limite pour le sujet qui nous concerne ici. D'une part, il faut
que leur utilisation ait au moins pour but d'obtenir la remise de fonds,
meubles ou obligations ••• (8). D'autre part, il faut, ainsi que nous l'avons
déjà dit, que leur utilisation soit accompagnée par d'autre manoeuvres ten-
dant à leur donner force et crédit. Encore que,sur ce dernier point la
jurisprudence se montre relativement sévère pour les personnes poursuivies.
Elle considère ainsi que la publicité financière devient frauduleuse dès
lors qu'elle "est disposée pour frapper les regards" (9) ou que ses divers
éléments "émanant de diverses personnes sont combinés
pour se prêter un
mutuel appui" (10).
Paris 9 fév.1893,Rev. soc. 1893 P.178 ; Gass.,22 fév.1935
1
J
J. soc 1935
p.492 f
/
(2) Gass. /28 mars 1931, cité par TOUFFAIT ANDUREAU••• ,op. cit. no846 p.762
J
(J) Grim.,3 déc. 1935 JRev.trim. soc. 1936.345
(4) Paris,27 fév. 1912JRev. soc. 1913,p.12iGass.,10 janv. 1913 Bull criwn.n016
J
(5) Grim. 16 oct. 1957,bull.crim. n0636 p.1143
)
(6) Gassl8 mars 1931 prée. j Grim.) 9 juin 1937)Rev. soc. 1938 p.168
(7) Grim.,4 déc. 1969JD. 1970.114 bull. crim. p.779
(8) v. art. 405 du code pénal
(9) T. corr. Seine)6 juin 1885 S. 1885.1.524
J
(10) T. corr.
Seine \\ 3 juillet 1902, J. soc. 1903
p.137; Rev. soc. 1903
p.170. Aussi: crim)
3 mars
1923, bull. n° 102 j 3 décembre 1935
Rev. trim . .Joc. 1936.345
)
245
522 - La seconde infraction de droit commun qui sert, à l'occasion,
à réprim~r la diffu~ion de fausses informations est le délit de faux ou
usage de faux en écriture privée de commerce (1). Ce faux peut résulter
de la falsification d'un bilan (2) de feuilles de présence de l'assemblée
générale (3). Il peut s'agir aussi du fait d'indiquer dans le procès ver-
bal comme ayant eu lieu, un vote auquel il n'a nullement été procédé et de
présenter comme résultat d'un second scrutin celui de la manipulation des
chiffres du premier et unique scrutin (4) ou d'une date fausse (5).
523 - Ces deux délits de droit commun permettront dans bien des cas
de combler les lacunes du délit de publication de comptes annuels infidèles,
en tout cas en ce qui concerne la nature de l'information. Mais elles
ont,
elles auss~leurs limites dont la plus importante, quoique conçue de façon
très compréhensive
en jurisprudence (6) est relative au résultat recherché
ou atteint. Certaines des infractions propres au domaine de l'entreprise
ne connaissent pas cette limite.
II - La protection de l' authenticité par le-cl.roi t pénal des affaires
524 - En dehors du délit de publication ou de présentation de comptes
annuels infidèles, de nombreuses autres infractions visent ou permettent
d'assurer la véracité des informations relatives à l'entreprise. Cette
protection aura lieu surtout à l'occasion de leur communication.
La plupart des documents établis par le chef d'entreprise doivent
être communiqués aux représentants du personnel soit individuellement, soit
(1) art.
du code pénal
(2) Crim,13 mars 1968,Bull. 87;11 déc. 1974Jbull.371
(3) Crim.}6 mars 1970/Bull.no107 p.245jJCP 1971·11.16813 Note BOULOC;Rev.soc.
1970 . 480 note BOULOC
(4) Crim.~2 mars 1972,Bull n0115 p.285jJCP. 1972.11.17178; Rev.soc.1972 note
BOULOC
(5) Crim~12 janv.1981,D.81.348 note COSSONiJCP 81,11.19660 note GUYONjRev.soc.
1981.612 note BOULOC
(6) Cf. Infra l\\~ .550
246
de façon collective, soit les deux (1). Cette communication a pour but de
leur permettre de remplir leurs fonctions-respectives. Nous pensons donc
que si le chef d'entreprise leur communique des informations fallacieuses
qui les empêchent de se déterminer de façon éclairée par rapport à tel ou
tel problème qui se pose au sein de l'entreprise, il se rend coupable du
délit d'entrave au fonctionnement régulier des institutions représentatives
du personnel. A notre connaissance cet aspect du délit d'entrave n'a jamais
été soumis à la jurisprudence et il ne semble pas avoir été étudié en doc-
trine. La solution que nous proposons nous parait cependant relever du bon
sens. Si la non communication d'une information est susceptible de porter
atteinte au fonctionnement régulier des institutions représentatives
du
personnel, la communication de fauss~informations faite aux membres de ces
institutions nous semble encore plus dangereuse en ce sens qu'elle tend à
les induire en erreur et non seulement elle les empêche de jouer le rôle
que le législateur leur a reconnu dans le fonctionnement de 11entreprise,
mais encore elle les conduit à mal utiliser leurs prérogatives. Dans la
mesure où l'entrave peut être réalisée par tout moyen (2), il n'y a aucun
obstacle à admettre que le délit est constitué dans ce cas.
525 - Par ailleurs, le délit d'information mensongère imputable aux
commissaires aux comptes permettra dans de nombreux cas de garantir
l'au-
thenticité de l'information
émanant du chef d'entreprise.
Pour bien saisir l'utilité de cette infraction pour le problème
qui nous préoccupe ici, il ne faut pas perdre de vue qu'en dehors des
comptes annuels, le commissaire aux comptes doit certifier les comptes
consolidés (3), le montant global des rémunérations versées aux cinq ou
dix personnes les mieux rémunérées (4)
qu'il établit, en cas de non-
observation des dispositions relatives à l'information prévisionnelle ou
(1) Cf. supra.Titre II chap. l section l
(2) Crim.)5 avril 1973)préc •
(3) art. 228 Loi du 24 juillet 1966
(4) art. 168 al. 4. Loi du 24 juillet 1966
247
dans la mesure où celui-ci appelle des observations de sa part, un rapport
communiqué aux dirigeants de l'entreprise et au comité d'entreprise (1)
ainsi que de nombreux rapports spéciaux notamment sur les conventions ~s~
sées entre la société et ses dirigeants (2) sur les atteintes au droit pré-
férentiel de souscription (3) ••• Toutes ces missions visent à donner crédit
ou à infirmer les informations données par les dirigeants de l'entreprise.
Dans toutes ces hypothèses, le commissaire aux comptes peut
se rendre cou-
pable du délit d'information mensongère.
Au demeurant, une partie de la doctrine estime avec raison que
l'infraction est constituée si l'information mensongère a été donnée dans
le cadre d'une mission quelconque dévolue au commissaire aux comptes (4).
526
Quoi qu'il en soit, et c'est ici le principal intérêt de l'in-
fraction , le mensonge pourra consister en une simple abstention de dénoncer
les irrégularités et les mensonges contenus dans l'information fournie par
les dirigeants de l'entreprise (5). C'est dans ce sens que la jurisprudence
s'est prononcée en matière d'inexactitude touchant au bilan (6) et il n'y
a aucune raison d'en décider autrement lorsque l'abstention porte sur d'au~
tres mensonges du moins lorsque celle
-ci toucha-
au domaine de la mission
légale du commissaire aux comptes. Ainsi, si celui-ci s'abstient de dénoncer
les inexactitudes des comptes consolidés ou des incorrections des documents
prévisionnels (7), par exemple, il
se rend
coupable
du délit d'infor-
mation mensongère. Cette infraction permet donc de protéger l'authenticité
de document autre que les comptes annuels.
(1) art. 340-2 al.2 et art. 340-3 al.2
(2) art.103, 105,133,145 Loi du 24 juillet 1966 ;92,117 et 191 décr.23 mars
(3) art.186 al.4 Loi du 24 juillet 1966
1967
(4) Ch.PINOTEAU, Législation pénale en matière économique et financièr~
nQ218~TOUFFAIT, ROBIN A-L, op. cit. n Q510
(5) J.LARGUIER, Droit pénal des affaires/p.281·CONSTANTIN op.cit.p.843
) .
J
(6) T.corr.Paris)10 janv.1910,G.P. 1980.11.912; Rev.soc.1981.142 note BOUL0S;
12 janv.1981,D.81.II.19660 note GUYON~ rev.soc. 1981.612 note BOULOC.
(7) Sous réserve, en ce qui concerne ces documents, qu'on puisse en déter-
miner les inexactitudes, ce qui n'est pas une mince affaire
527 - Le même objectif peut être atteint grâce au délit de banque-
route. Certes, depuis la loi du_25 janvi~r 1985 (1), la constitution de
cette infraction suppose soit l'établissement d'une comptabilité fictive,
soit la soustraction de documents comptables, soit l'absence de toute comp-
tabilité.Bien entendu, les deux derniers aspects ne nous intéressent pas
ici. En ce qui concerne le premier, nous avons déjà eu l'occasion de dire
qu'il n'a de sens que s'il s' applique
~
c - •
à une comptabilité comportant des inexactitudes (2). Or, sous le
régime des textes anciens qui visaient la tenue irrégulière de la compta-
bilité (3) la jurisprudence punissait les inexactitudes comptables des
peines
du délit assimilé à la banqueroute (4). Cette jurisprudence qui
pouvait alors être critiquée au nom du principe d'interprétation stricte
de la loi pénale se trouve aujourd'hui justifiée par la tendance de la
législation comptable à ne considérer la régularité que comme une compo-
sante de la sincérité (5). Il est donc probable que la jurisprudence conti-
nue à appliquer le délit de banqueroute aux cas d'inexactitudes contenues
dans la
comptabilité. D'autant plus qu'habituellement elle se montre plutôt
sévère pour les personnes poursuivies de ce chef d'inculpation. Elle consi-
dère par exemple que l'absence de comptabilité équivaut à la comptabilité
irrégulière (6).
Par ailleurs, le concept de comptabilité fictive ne nous semble
pas exclure les inexactitudes que comporteraient les documents comptables.
Lorsque certains éléments de cette comptabilité ne correspondent pas à la
réalité} celle-ci devient par là même fictive '
(1) art.197
(2) Cf. supra nO- S0-t
(3) art.131-5° Loi du 13 juillet 1967
(4) crim./ 9 mai 1973/Rev.soc. 1973 p.696 note BOULOCiD.1974.II.272 note BOULOC.
(5) S.DOYEN, l'exigence d'image fidèle face à la réform~_du code de commerce
et-de la loi sur les sociétés)G.P. 1984.1. doct.211). 1. de KERVILLER,
La loi comptable code de commerce et 4° directive R.F.C. 1983 n0141 p.465
(6) Crim.)12 juin 1958, bull.no461 i J.C.P. 1958 éd. C.J.63643
249
Il ne serait pas raisonnable d'exiger que tous les éléments de la compta-
bilité soient imaginaires. Au demeurant, lorsque la doctrine et la juris-
prudence parlaient de faux bilans, il n'a jamais été soutenu que tous les
éléments du bilan devaient être faux.
528 - Parmi les infractions du droit pénal des affaires permettant
d'assurer l'authenticité de l'information, on peut. également citer le délit
de majoration frauduleuse d'apport en nature. Il ne s'agit pas pour nous
de contester l'idée selon laquelle cette infraction et la procédure de
vérification des apports en nature ont "pour finalité première d'assurer
au moment de la création de la société comme en cours de vie sociale la
constitution d'un patrimoine franc quitte de toute charge qui compromet-
trait
sans contrepartie suffisante l'activité de l'entreprise sociale"(1)
.et à garantir le gage des futurs créanciers (2). Mais force est de consta-
ter que cette finalité première n'est recherchée (et ne peut être atteinte)
que par la véracité de l'information.
Sur un plan théorique (3), on peut constater que c'est l'assemblée
générale des associés qui évalue les apports en nature. La valeur de ceux-
ci n'est définitivement acquise que si elle l'a approuvée et elle n'est pas
tenue de suivre l'avis des commissaires aux apports dont le rapport a pour
seul but de "1'éclairer"(4). Par conséquent, si les dirigeants sociaux et
les commissaires aux "apports peuvent être poursuivis et condamnés· pour dé-
lit de majoration frauduleuse d'apport en nature, c'est seulement parce
qU'ils "ont menti: 11 en proposant une valeur fallacieuse. Cette fonction de
garant de l'authenticité de l'information apparait davantage
lorsqu'il
s'agit de protéger le gage des créanciers et des tiers. Au moment où ces
(1) R.CONTIN,op.cit.nc514 p.361;Rappr.RIPERT 'et ROBLOT/ op.cit.T.1 nC1093 p.722
(2) GAVALDA art.cit.in étude HAMELiCh.PINOTEAU,Le code des sociétés préc.p.15
J.H. SIMON/De la désignation du commissaire aux apports par le magistrat}
Rev.soc. 1969 p.89 et s.
(3) En pratique, les valeurs retenues par les dirigeants et les commissaires
ne sont jamais mis en cause par l'assemblée générale. Voir R.CONTIN, op.
cit. loc.cit.jRIPERT et ROBLOT op.cit. n01099 p.724
(4) GUYON et COQUEREAU ,op.cit. n0347 p.263 jP.SIMON/art.préc.in Rev.soc.1969
p.89 iR. CHUILON, les fusions de sociétés recherchent des règles applica-
bles à l'évaluation des apports) J.C.P. 1970 l 2350 ; RIPERT et ROBLOT
op. cit. n01099 et 1100. Pour lès méthodes d'évaluation cf. Supra
n° 480 et infra nO 582.
250
tiers entrent en rapport avec la société l'apport en nature existe déjà.
Tout ce dont ils pour~aient se ~laindre c'est d'avoir été trompés sur sa
valeur réelle. De ce point de vue, le délit de majoration d'apport en
nature s'apparente à celui de publication de comptes annueh infidèle~qui
d'ailleurs pourrait être également constitué (1).
529 - Ainsi, malgré le caractère limité des documents visés par le
délit de publication de comptes annuels infidèles, le droit pénal permet,
d'une façon ou d'une autre d'assurer l'authenticité de toutes les infor-
mations émanant du chef d'entreprise. Il le fait d'autant mieux qu'on peut
observer un certain développement en ce qui concerne les bénéficiaires de
cette garantie.
§ 2
DEVELOPPEMENT DE LA GARANTIE D'AUrHENTICITE QUANT A
SES BENEFICIAIRES
530 - Initialement, les personnes protégées par les incriminations
garantissant l'authenticité de l'information étaient en nomb~e-limité.
Soit que le législateur avait visé un mode de diffusion particulierJde
sorte que lorsque les victimes du mensonge en avaient eu connaissance par
d'autres moyens, ses auteur.s restaient impunis; soit qu'outre le mensonge
la constitution de l'infraction supposaiG l'existence d'éléments qui li-
mitaient le bénéfice de la garantie à certains usagers de l'information
seulement.
C'est par un travail d'interprétation quelque fois audacieux
que la jurisprudence a essayé de faire reculer ces deux séries de restric-
tions.
(1) T.corr.Paris, 16 mai 1974)D.1975.37
251
A - Le recul des restrictions tenant aux modes de diffusion
de l'information
531- Lorsque comme dans le cas du délit d'escroquerie ou de faux
en écriture, l'incrimination se rapporte au simple usage ou à l'utilisa-
tion, ou encore au simple fait de donner des informations mensongères
comme c'est le cas dans le délit d'information mensongère incombant au
commissaire aux comptes, il n'y.a aucun problème. La généralité des termes
de la loi permet de considérer l'infraction comme constituée quel que soit
le mode de diffusion utilisé et quelles que soient les personnes atteintes.
Il en est de même lorsque la loi se contente de punir les fausses déclara-
tions faites dans tel ou tel document. L'incrimination permet alors de pro-
téger tous les usagers de ce document. La question est plus délicate lorsque la
loi vise la présentation du document à certains usagers seulement (1) ou leur pu-
blication (II).
l - La notion de présentation
532 -Deux délits visent la présentation de fausses informations aux
associés. Le plus connu est le délit de présentation de comptes annuels
infidèles. Le second reprime le fait de donner des indications inexactes
,
dans les rapports présentés à l'assemblée générale appelée à decider de
la supression du droit préférentiel de souscription (1).
D'après le dictionnaire RObert, présenter c'est notamment "remet-
tre à quelqu'un en vue d'un examen, d'une vérification, d'un jugement".
Selon cette définition, tout moyen par lequel les comptes annuels parvien-
draient à la connaissance des associés doit
être considéré
comme une
présentation au sens de la loi pénale.
Mais, ainsi que l'a écrit le doyen HOUIN, "rien ne parait simple
aux juristes" (2) et la notion de présentation est très discutée en doctrine.
(1) art.452 Loi du 24 juillet 1966
(2) HOUIN et GORE art. cit. in D.1967 p.157
252
533 - Pour certains auteurs, la présentation doit s'entendre de toute
communication faite aux associ~s qu~l q~e ~oitle_moment auquel elle est
intervenue (1). Mais cette conception est vivement critiquée par une doc-
trine récemment renouvelée par Monsieur LEBRUN. Pour cet auteur, la présen-
tation serait "tout ce qui est fait par le conseil d'administration ou le
directoire lors d'une assemblée générale après la lecture du rapport d'ac-
tivité en vue de la délibération sur les comptes par l'assemblée et permet-
tant à cette dernière de prendre connaissance du bilan" (2).
Pour appuyer cette opinion, il se livre à une séduisante analyse
exégétique de la loi du 24 juillet 1966. Son premier argument est tiré de
l'art.157 qui prévoit qu' "après lecture de son rapport, le conseil d'admis-
tration ou le directoire, selon le c~s, présente à l'assemblée ••• " (3). Il
en déduit que "la présentation a lieuaprès leçtyrepar le conseil d' adminis-
tration ou par le directoire de son rapport et en assemblée générale." (4).
Selon lui, on ne voit pas comment au vu
de ce texte les dirigeants pour-
raient présenter le bilan (les comptes annuels) en d'autres circonstances.
Le deuxième argument est basé sur l'utilisation de 11expression
"aux actionnaires" et "aux associés" qui seraient "pour le moins maladroit
si le législateur avait voulu atteindre la mise à la disposition des action-
naires. Il aurait alors dû dire la présentation à des actionnaires de la
société". (5)
Enfin, il fait valoir que chaque fois que le législateur à utilisé
le verbe "présenter", il s'est agi d' une présentation à
un organe de con-
tr&le. "Il parait ainsi que le législateur associe étroitement présentation
et délibération en assemblée générale". (6)
534 - Ces arguments ne nous pa~aissent pas très convainc~ants. D'abord
la méthode qui consiste à déduire du fait que le législateur a souvent employé
(1) LAUNAIS et ACCARIAS/op.cit.}no308 p.262 ; SOLUSl_op~it,n°91 p.83 i
PINOTEAU,op.cit. n0202 p.234; ROUSSELET et PATIN/Op.cit.,p.193"
TOUFFAIT,ROBINJANDUREAU et LACOSTE/op.cit. n0207 p.211.
?
(2) CONSTANTIN et GAUTRAT,op.cit. n0 570jF. LEBRUN op.cit. p.104
(3) (4)(5) (6) F. LEBRUN, Ibid.
253
une expression dans une circonstance donnée la conclusion qu'il n'a pas
pu vouloir l'ut!1iser dans une autre nous semble être un raccourci trop
rapide auquel nous ne pouvons souscrire. Ensuite, on peut répondre au deu-
xième argument en faisant valoir que si le législateur n'avait voulu viser
que la présentation du bilan dans les circonstances décrites par Monsieur
LEBRUN, il eût mieux valu qu'il écrivit "la présentation à l'assemblée
générale ordinaire" comme il l'a fait pour le délit de l'art.452.
En fait, la séduisante analyse de cet auteur subit les inconvé-
nients de la méthode d'interprétation qu'il a utilisé. L'analyse éxégétique
peut donner d'excellents résultats à condition d'être corroborer par d'autres
éléments. Sinon,selon le point de vue auquel on se place, elle permettra
souvent de dire à la fois
une chose et son contraire. Pour cette raison,
nous préférerons rechercher dans l'esprit des textes la volonté profonde
du législateur.
535 - Nous partageons le point de vue de Monsieur LEBRUN lorsqu'ana-
lysant le délit de présentation de faux bilan il écrit qu'à l'origine "le
but du législateur était en fait, à long terme de faire cesser les mani-
pulations boursières et autres agissements des dirigeants, dont pouvaient
être victimes l'ensemble des épargnants et qui étaient nocifs pour l'éco-
nomie nationale. Le décret loi de 1935 prenait place dans le cadre des
mesures tendant à la reprise de l'activité économique et à la sauvegarde
de l'épargne" (1) • Nous avons souvent eu l'occasion de dire depuis le
début de cette étude, que le but du droit d'information reconnu aux asso-
ciés dépasse désormais la défense d'intérêts catégoriels pour viser la
sauvegarde de l'entreprise elle-même.
Au surplus, même en admettant que l'objectif du législateur soit resté
ce qu'il était en 1935, la conception adoptée par Monsieur LEBRUN ne permet
pas de l'atteindre.
(1) F. LEBRilliJop.cit. Loc. cit.
254
536 - Il faut d'abord faire remarquer que ce n'est pas seulement à
l'occasion de l'assemblée
générale or~inaire que-l'inté~t des épargnants
ou plus particulièrement celui des associés est menacé. Il se trouve qu'il
l'est également à l'occasion des assemblées générales compétentes pour des
questions jugées si importantes que les décisions ne peuvent y être prises
qu'à une majorité qualifiée voire à l'unanimité (1). Or, à l'occasion de
certaines de ces délibérations telles que les fusions ou scissionsou encore
les modifications du capital,les associés ont besoin de connaitre la véri-
table situation de l'entreprise pour se prononcer en connaissance de cause.
Par ailleurs, certains actionnaires n'interviennent dans la vie de l'entre-
prise qu'à l'occasion d'assemblées spéciales réunissant les actionnaires
de la même catégorie qu'eux. Et ce n'est pas au moment où le législateur
encourage la création d'actions à dividende prioritaire-sans droit de vote
qu'il faut priver ces actionnaires particuliers de la garantie de l'authen-
ticité des informations qui leur sont communiquées.
537 - Il convient d'ajouter que si le législateur a ordonné la com-
munication des comptes annuels aux associés quinze jours avant l'assemblée
générale et s'il a assorti la méconnaissance de cette prescription d'une
sanction pénale, c'est justement pour leur permettre d'émettre un vote
éclairé sur les questions qui leur seront soumises (2). Il serait trop
commode pour les dirigeants de leur dissimuler la situation de la société
s'ils pouvaient impunément leur communiquer avant l'assemblée de faux
comptes annuels quitte à corriger les inexactitudes dans la présentation
orale qu'ils leur feraient (3). Une telle pratique priverait la plupart
des actionnaires de comptes annuels fidèles. Dès avant 1935, la désaffection
des actionnaires pour les assemblées générales et l'usage massif
des
pouvoirs en blanc étaient devenus préoccupants (4). En outre, la limitation
(1) HEMARD, TERRE, ~.ABILAT, op. cit. 1T.1 nO 244
(2) Cf. supra. Titre l C~ap. II
(3) LAUNAIS et ACCARIAS)op.cit' n0308 p.262
l
(4) SOLUS,op.cit.,no213 p.191
255
du champ du délit au seul cadre de l'assemblée générale est incompatible
avec la reconnaissance du vote par correspondance (1).
538 - Enfin, en dehors de toute délibération, les associés sont libres
de rester membre5de la société ou de la quitter. Pour en décider, ils ont
encore besoin d'être bien renseignés sur la situation de l'entreprise. Pour
toutes ces raisons, nous pensons que le terme de présentation doit s'enten-
dre dans son sens général comme toute communication des comptes annuels
faite aux associés, quels qu'en soient le moment et le lieu.
539 - C'est en ce sens que se prononce la jurisprudence. Elle a consi-
déré que le fait de mettre le bilan à la disposition des associés quinze
jours avant ~'assemblée générale constituait une présentation au sens de la
loi pénale même si aucun d'eux n'en prend connaissance (2).
On remarquera qu'en ce qui concerne les sociétés coopératives, la
question ne se pose même pas puisque la loi de 1947 vise le fait de commu-
niquer, ce qui permet d'atteindre tout mode de diffusion.
540 - Par contre, la question est plus difficile en ce qui concerne
le délit prévu à l'art.452 relatif à la supression du droi~préférentiel
de souscription. Ce texte vise le fait de donner des indications inexactes
dans les rapports-présentés à l'assemblée générale.
'11
paraît donc
plus restrictif dans la mesure où littéralement le rapport doit avoir été'
présenté à l'assemblée générale.
Mais, dans la mesure où
ces rapports doivent être adressés aux
actionnaires ou mis à leur disposition quinze jours avant l'assemblée géné-
rale (3), on peut se demander si une telle restriction serait opportune
et surtout si elle correspondrait au voeu
du législateur.
(1) art.161-1 Loi du 24 juillet 1966
(2) Trib. corr. Seine) 13 juillet 1963/préc'iT~ib. corr. Nîmes) 5 janvier 195')
Rev.spéc. soc. 1957/P.11~Paris r2 juin 1984 ,G.P. 1984.2.587'
(3) art. 135 décr. du 23 mars 1967
1'156
En effet, tous les arguments précédemment développés en ce qui
concerne le délit de présentation de comptes annuels inTidèles trouvent
encore à s'appliquer ici. En outre, il nous semble que c'est le fait de
donner ou de confirmer des indications inexactes qui est principalement
visé. Ces indications doivent être contenues dans l'un des rapports pré-
sentés à l'assemblée. Cela veut-il dire que tant que les rapports n'ont
pas été présentés à l'assemblée
générale, l'infraction n'est pas consti-
tuée? A vrai dire, il n'y a aucune raison pour penser que le législateur
a fait une telle exigence. Ce délit doit être rapproché de celui qui est
relatif aux comptes annuels. L'utilisation du participe passé peut s'en-
tendre comme étant une référence à la destination des rapports. En d'autres
termes, l'art.452 peut s'entendre à la fois comme visant les rapports "des-
tinés à être présentés"ou qui "ont été présenfés" à l'assemblée générale-.
Il n'y a aucune raison de préférer une de ces acceptions à l'autre. Il 5'
;~nsuit que l'infraction est constituée d~s lors que le rapport est commu-
niqué aux associés. (1)
541 - A l'inverse, il ne nous semble pas possible
d'étendre le bé-
néfice de cette incrimination à d'autres personnes que les associés
en
raison de son objet particulier. En effet, il
vise à protéger un droit
propre aux associés. Même si les indications inexactes contenues dans les
rapports peuvent causer préjudice à d'autres personnes, ce serait dépasser
la volonté du législateur que d'appliquer les peines du délit prévu
à
l'art.452 dans ce cas.
542 - Ainsi, la notion de présentation permet de garantir, dans tous
les cas où les documents visés leur sont communiqués, le droit des associés
à une information authentique sans aucune restriction possible. La limite
(1) L'origine du texte confirme cette interprétation. L'art.11 du décret loi
punissait le fait de donner des indications inexactes dans les rapports
prévus aux art. 6 et 7 sans exiger que ces rapports aient été préalable-
ment présentés à l'assemblée générale.
257
de cette notion est qu'elle ne permet de protéger que les associés. C'est
-sans ~out~"pour cette raison que dans certains cas le législateur lui ad-
joint celle de publication.
II - La notion de publication
543 - La publicité est sans doute le moyen d'information le plus
utilisé. Mais il n'est pas facile de dire dans quel~ cas il y a publicité.
Dans certaines hypothèses, l'existence d'une publicité ne fait
aucun doute. Il en est ainsi lorsque les dirigeants ont utilisé des moyens
de publicité légalement prescrits tels que insertion dans les journaux,
notices prospectus ou affiches. De même la doctrine semble unanime
à
admettre-que l'utilisation de la presse audiovisuelle constitue une publi-
cité (1).
On remarquera que dans ces cas le moyen utilisé s'adresse à un
public dont l'existence au moins potentielle est considérée comme un élé-
ment de la publicité (2). Cette opinion semble partagée par la jurispru-
dence qui estime "qu'il suffit que les faits faux aient été publiés, c'est-
à-dire portés à la connaissance collective du public, quel que soit le mode
de publication adopté" (3).
544 - Les divergences apparaissent lorsqu'il faut définir le public.
Une partie de la doctrine considère que l'existence du public suppose que
les" destinataires de l'information constituent une collectivité anonyme (4).
Selon Monsieur Tchernoff par exemple "publier c'est porter des faits à la
connaissance du public mais non à la connaissance des actionnaires inté-
ressés qui, seuls contre justification peuvent pénétrer dans le local où
(1) TOUFFAIT,ROBIN)ANDUREAU~LACOSTE~préc.lno208p.213'F.LEBRUN,op.cit.,p.91
SOLUS)op.cit.,no90 p.82.
1
(2) F.LEBR~o2~cit. TCHERNOFF)Traité de droit pénal financier~D.1931 n0107
p.169 jLAillfAIS et ACCARIAS jop.cit., no25 p.80)J .LARGUIER~op.cit.,p.~73
Crim.)6 nov.1947)bull.p.218 J.C.P. 1947 IV p.214;Rapp. Paris~15 mai 1935~
Rev.trim.soc.1936,p.357;
Trib. corr. Seine) 5 mai 1928)rev.soc. 1928,p.407·
9 juillet 1934,Rev.trim.soc.1934;p.318,
/
F.LEBRUN,op.cit. p.93 et so' TCHERNOFF)op.cit. p.169
i
1
1
258
se tient l'assemblée générale" (1). En effet, les arguments ne manquent
-
-
- -
~.
- - -
-
-,-
pas pour écarter la diffusion de l'information faite à l'intention des
associés.
545 - On relèvera d'abord qu'au moment où les textes reprimant la
publication de fausses informations ont été adoptés, la société était
encore considérée comme le groupement des associés dont les dirigeants
n'étaient que les mandataires (2). On pouvait alors considérer qu'il
y
avait
quelque
chose
d '_illogique à considérer que
les
associés constituaient le public destinataire d'une publicité faite en
leur nom et pour leur compte. Mais ainsi que l'a observé un auteur, c'é-
tait pousser un peu trop loin l'idée d'incorporation des actionnaires
dans la société et oublier que les nouveaux délits avaient été institués,
notamment,pour la protection de ceux-ci (3).
546 - On peut trouver un autre argument dans le fait que, dans le
délit de présentation de bilan inexact, le législateur ait toujours visé
distinctement la présentation aux actionnaires. Mais on peut
penser
qu'ainsi, ~l a voulu atteindre les cas où les associés ne constitueraient
pas un public parce que ne formant pas une collectivité.
547 - La condition d'anonymat n'a donc aucun fondement. C'est sans
doute ce qui explique que la jurisprudence ne retienne comme élément cons-
titutif du public (et encore 1) que l'existence d'une collectivité. Elle
a ainsi jugé, avant la création du délit de présentation de bilan inexact,
que la présentation de faux bilan lors de l'assemblée générale des associés
constitue une publication (4). Cette solution, conforme au sens commun de
(1) V_ note précédente
(2) Crim.,5 mars 1937 G.P. 1937 II 70
(3) GAVALDA,Les délits concernant les fausses déclarations et majorations
frauduleuses d'apport, in Etude HAMEL 1955 p.46
(4) Paris,6 décembre 1886,Rev.soc. 1987 p.252 ; Trib. Corr.Seine 5 mai 1928
préc.
.J
.J
259
la notion
de public ne manque pas de bases juridiques. Certaines infor-
mations qui n'intéressent que les associés font l'objet d'une publiéité
~égale. Il faut en déduire que pour le législateur les associés peuvent
très bién être
destinataires d'une publicité. Rien ne permet de distin-
guer fondamentalement,dans une grande société dont les titres sont dis-
s6minés par milliers, un actionnaire ou un obligataire d'un autre épargnant.
Elle est très proche de la conception de certains auteurs qui considèrent
que le public n'est rien d'autre qu'une collectivité dont la composition
n'est pas déterminée à l'avance, un groupe auquel tout individu peut avoir
accès dans certaines conditions (1).
C'est justement à propos de la
collectivité que se manifeste
le caractère extensif des solutions jurisprudentielles. Elle a d'abord
considéré que l'envoie de lettres ou de circulaires constituait une pu-
blication (2). Cette solution a été justifiée par le fait qu'en dépit des
apparences ces communications avaient un caractère collectif (3).
548 - Mais la cour d'appel de Paris a franchi un pas supplémentaire
en affirmant que "la
publication du bilan doit s'entendre de tout procédé
ayant pour but et pour effet de le faire co~aître aux tiers, fut-ce indi-
viduellement dans le cadre de l'administration de la société et pour les
besoins de celle-ci" (4). Autrement dit, il peut y avoir publication sans
public à moins d'admettre qu'un individu peut constituer le public, ce qui'
exclut l'existence de toute collectivité. Sans doute, les circonstances
de l'espèce permettent de nuancer la brutalité de cette affirmation. La
cour précise en effet que les prévenus "ont émis les bons au porteur, sa-
chant qu'ils pourraient changer de mains par simple tradition et que c'est
dans cette éventualité, voire pour favoriser leur circulation, qu'ils ont
(1) LAUNAIS et ACCARIAS,op.cit.,p.31
(2) Crim,26 juin 1978,Bull.212 pour un exemple-récent
(3) LAUNAIS et ACCARIAS)op.cit. n0209 p.263jF.LEBRUN,op.cit. p.96
(4) Paris}12 juillet 1969,G.P. 1969 II 270
260
reproduit le bilan au verso de chaque titre, qu'ainsi ils ont accepté de
rendre public et ont effectivement rendu public un document qu'ils savaient
inexact". Ce que la cour considère comme étant-un public, ce n'est donc
pas le porteur des bons de caisse mais l'ensemble des porteurs éventuels
de ceux-ci. Cette décision peut être rapprochée d'une opinion doctrinale
qui considère qu'il y a publicité dès lors que des communications indivi-
duelles sont systématiquement organisées (1). C'est cette
façontéléolo-
gique d'envisager
la notion de publication qui permet de justifier la
solution adoptée en l'espèce. Il n'en demeure pas moins que le fait que
cette conception perme~d'atteindre la diffusion même à un public éventuel
est une manifestation de la tendance extensive de la jurisprudence dont la
brutalité du principe posé par la cour de Paris n'est que l'une des démons-
trations les plus éclatantes. Du reste, cette tendance est approuvée par
la majorité de la doctrine au nom de l'efficacité de la répression et de
la protection de la véracité de l'information (2).
549 - En somme ,
la jurisprudence se laisse guider, dans l'in-
terprétation des notions de-présentation et de publication par la seule
nécessité de garantir pour tous l'authenticité de l'information. Mais
cela ne suffit pas toujours. La consommation de certaines infractions
dépend 'des suites de la diffusion.
B -
C interprétation extensive des conditions tenant aux
suites de de la diffusion
550 - Plusieurs éléments concourent
à.~ limiter le nombre de per-
sonnes pouvant bénéficier de la garantie de l'authenticité de l'informa-
tion par le droit pénal.
Dans certains cas, en plus de la diffusion d'une information
inexacte, le législateur exige que d'autres éléments soient réunis pour
(1) Cl;'--BOURGAUX, La plublicité des informations concernant les S.A.)
Thèse Nancy II, 1976 n° 84 p. 79.
(2) C.GAVALDA/op.cit./TOUFFAIT,ROBIN,ANDUREAU;LACOSTE)op.cit~p.213
261
que l'infraction soit constituée. Ainsi, dans le délit de distribution
de divid~ndes~fictifs, il faut qu'il y ait distribution d'un dividende
et que ce dividende soit fictif, dans
le délit de faux en écriture, il
faut qu'il y ait un préjudice, dans le délit de publication de faits faux
il faut que les dirigeants aient eu pour but de provoquer des souscriptions
ou des versements, dans le délit de banqueroute,il faut qu'il y ait ces-
sation de.paiement ••• Or dans la plupart de ces cas, la jurisprudenée
adopte une conception extensive des autres éléments de l'infraction. Quel-
ques exemples suffiront à le montrer.
551 - Dans le délit de faux et usage de faux, non seulement elle
dé-
cide que l'existence d'un préjudice éventuel suffit à caractériser l'in-
fraction (1), mais encore elle affirme dans certains cas que le caractère
préjudiciable du faux résulte de la nature même du document qui en a été
l'objet (2). Dans ce cas, les éléments constitutifs du délit se limitent
à la confection du faux ou
à l'usage qui en est fait.
552 - De la même façon, elle tend ~ effacer les autres él.éments du
délit de distribution de dividendes fictifs autres que l'utilisation d'un
faux bilan. Ainsi, elle considère que la distribution-de dividendes pré-
levés sur des réserves extraordinaires est une distribution de dividendes
fictifs, si celle-ci n'est pas faite au grand jour avec l'autorisation
de l'assemblée générale (3). Ici encore, c'est le fait de donner
des in-
formations inexactes
aux associés qui est puni.
En effet, si les dividendes distribués sont fictifs, nous ne
voyons pas comment le fait d'informer les associés sur l'origine des fonds
mis en distribution pourrait les rendre réels. Si le silence sur l'origine
(1) Crim.} 21 mars 1972 , préc.
(2) Crim,,16 mars 1970 ,préc.; 21 Mars 1972-,préc.
(3) Crin 22 janv. 1937,S.1938.1.293 note LEGAL;D.1937.1.71 note TCHERNOFF'
1
J.C.P. 1937.299 j 5 mais 1949JS.1949.1.104 note MR et MF
j
4 mai 195i~
J.C.P. 1954 II 8239 note BASTIAN,
- 262 -
réelle des fonds est pun1, c'est qu'il laisse croire que la situation de la
société est meilleure qu'elle ne l'est en réalité et lui confère aussi bien
aux yeux des tiers qu'à ceux des·associés un crédit illusoire. c'est ce
mensonge qui est réprimé (1). Cette motivation profonde de la jurisprudence
apparait d'ailleurs dans un arrêt de la cour d'appel de Paris où on peut
lire que le législateur a entendu, avant tout, prohiber la présentation au
public ou aux actionnaires de bilans intentionnellement inexacts (2). Mieux,
elle semble confirmée par les dispostions de l'ar~icle 14 de la loi du
31 décembre 1970 aux termes desquelles "tout dividende de distribuer en
l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaire frauduleux constitue un
dividende fictif". Peu importe donc qu'en réalité la société ait réalisé
des bénéfices. Les dividendes sont fictifs du seul fait de l'utilisation
d'inventaire frauduleux.
553 - Par ailleurs, la jurisprudence adopte une conception
extensive de la
distribution qui, selon elle, est réalisée dès lors que
les associés disposent d'un droit privatif sur les fonds affectés à la
distribution ; ce droit prend naissance au moment où la répartition a été
décidée par le conseil d'administration (3). Au surplus, il n'est pas
nécessaire, selon elle, que cette décision porte sur la remise matérielle
de fonds aux associés. L'affectation de bénéfices fictifs à la libération
d'actions anciennes (4) ou à la compensation (5) d'une créance de la société
envers ses associés constitue une distribution.
Il est significatif à cet égard, d'observer que toutes ces
décisions se rapportent à des faits commis avant la création du délit de
présentation ou de publication de bilan inexact. Ce qui a permis de
qualifier ce désir de répression de "rétroactivité psychologique" (6).
554 - Cette tendance extensive s'observe également en ce qui
concerne le délit de publication de faits faux en vue d'obtenir des
souscriptions.
(1 ) J.LARGUIER}op.cit.p.320·J/NOI~~~~op.cit.p.105 n0138 'H.BLAISE La notion
de dividende fictif) in ttude H.AMl!:L prée. p.291
J
'
Paris 3 janvier 1941 cité par J.NOIREL,op.cit.
Crim.)28 mars 1936,Rev.trim.soc. 1936 p.172
Paris,2 mars 1883,rev.soc. 1883 p.231
Crim.,28 mars 1936)D.1936 p.270
J. NOIREL,op.cit.,no138 f
263
ou des versements. Qu'il nous suffise, pour le montrer, d'évoquer les
décisions gui considèrent que l'infraction est caractérisée lorsque les
dirigeants avaient en vue de provoquer des versements complémentaires du
pr~mier quart (1). Sans doute, une telle interprétation peut se fonàer
sur la généralité des termes employés par la loi. Elle est extensive par
rapport à son esprit. Le but du législateur est de protéger les épargnants
contre la tentation de souscrire les titres d'une société faussement pré-
sentée comme prospère. Il n'a certainement pas voulu apporter un appui à
ceux qui s'abstiennent d'exécuter leurs obligations.
Mais la jurisprudence va encore plus loin car elle applique les
peines de ce délit non seulement à ceux qui ont obtenu ou tenté d'obtenir
des souscriptions ou des versements mais aussi "à ceux qui ont réussi à
retenir des sommes d'argent versées par des souscripteurs antérieurement
aux manoeuvres employées~"(2). On ne peut pas dire que ces solutions: . ~
soient conformes à la règle de l'interprétation stricte des disRositions
générales.
555 - La meilleure
justification qu'on puisse trouver à ces solutions
extensives est la nécessité de garantir, à chaque usager et à tout moment,
l'authenticité de l'information. Mais encore faut-il s'entendre sur le
concept d'authenticité.
Section II
QUELLE AUTHENTICITE ?
556 - Il n'y a pas de vérité universelle. L'entreprise n'échappe pas
à cette règle.tell&ày est même renforc~e. Ne dit-on pas qu'il n'existe pas
de bilan rigoureusement vrai (3).
Cela tient au fait que les règles comptables contiennent toujours
une part d'arbitraire et que leur mise en oeuvre fait souvent appel
au
jugement de l'auteur des documents comptables. Or ce jugement peut varier
suivant la destination de l'information. Ainsi, en matière d'évalu,ation
(1)Crim.16 fév. 1904,D.P. 1905.17 ; 5 juin 1940}G.P. 1940 II, p.44
(2) Crim / 1 juin 1944}bull.134
(3) R.CONTIN/op.cit.,no97 p.80 ; J.PAILLUSSEAU}chr. cit.,M~lange HOUIN
p.125
.
264
"les chiffres fixés en conformité avec le point de vue de l'une ou l'autre
catégorie de tiers né coIncident pas avec les chiffres établis du point
de vue de l 'entreprise" (1 ).Onpeut,par ail~eurs;tre plus ou moins prudent.
557 - Il ne faut donc pas s'étonner du fait que la recherche de l'au-
thenticité de l'information donne lieu à l'une des controverses les plus
abondantes du droit français. En témoigne-la diversité des expressions
utilisées aussi bien en doctrine et en jurisprudence que dans la législa-
tion pour la désigner. On a, tour à tour et parfois en même temps, parlé
d'exactitude, de sincérité, de véracité et de plus en plus on parle
de
fidélité. Il n'est donc pas sans intérêt de tenter de définir l'authen-
ticité ( § 1).
En outre, le principal objectif de la législation récente en
matière d'information étant d'assurer la continuité de l'entreprise, nous
nous interrogeons sur la question de savoir si le concept d'authenticité
retenu est adapté à cet objectif ( § 2).
DEFINITION DE L'AUTHENTICITE
558 - Le législateur utilise des formules fort différentes pour
exiger l'authenticité de l'information et n'en a jamais donné
une défi-
nition. Il semble cependant que la tâche de l'interprête soit plus aisée
lorsqu'il s'agit de l'information extra comptable (A) qu'en ce qui concerne
l'information comptable et financière (B).
A - L'authenticité de l'information extra comptable
559 - En matière d'information extra comptable, l'exigence d'authen-
ticité s'exprime par l'interdiction des souscriptions ou des versements
fictifs, de la publication de faits faux ou inexact~ ou d'information~
(1) P.LASSEGUE, Gestion de l'entreprise et comptabilité,Dalloz 1970 p.219
265
mensongères. Ainsi se retrouve ici la diversité des termes utilisés.
560 - Quant à la jurisprudence, lorsqu'elle a à dire si une infor-
mation est vraie ou fausse, elle fait preuve tantôt d'indulgence, tantôt
de sévérité.
Elle fait preuve d'indulgence lorsque, pour entrer en condam-
nation elle exige que l'information soit intrinsèquement fausse. Ainsi,
il a ét& jugé qu'il ne suffit pas que les termes employés soient de nature
à créér.une confusion dans l'esprit d'un public non averti (1). Le montant
d'un emprunt obligataire avait été utilisé pour rembourser des banques
de leurs avances alors que la notice précisait que l'emprunt serait utilisé
à consolider les charges résultant de l'amélioration et du développement
de l'entreprise. La cour d'appel de Colmar a alors estimé que la notice
n'a pas pu tromper les souscripteurs sur le but de l'emprunt, en leur
laissant croire que son produit serait affecté à des améliorations futures
de l'entreprise car le mot "consolidation" a en matière financière un sens
si précis et si connu que le texte ne comporte aucune ambiguité.
561 - Par ailleurs, elle exige que le mensonge porte sur des
faits
précis et non pas sur une opinion, une appréciation ou une simple prévision
à moins qu'il s'agisse de prétendues prévisions qui ne seraient ni raison-
nables, ni normales. Ainsi ne constituent pas des faits faux les indications
d'un prospectus "ne dépassant pas les appréciations favorables énoncées
d'ordinaire dans des documents de cette nature" (2). L'idée est que
le
souscripteur doit "faire preuve d'une prudente circonspection avant de
il 1 engager dans une affaire"
(3).
(1) Colmar) 26 juillet 1935 8.1936.2.193
(2) Paris, 11 août 1891 , Rev. soc. 1891 p. 484 ; Lyon, 24 janvier 1913)
J. soc. 1915 p.194 ; TOUFFAIT,ROBI~ ANDUREAU,LAC08TE, op.cit. n° 110
p.111
(3) Rouen/26 juillet 1912, Rev. soc. 1913 p.264 ; J. soc. 1913 p.264
266
562 - Mais le plus souvent, c'est par leur .sévérité Que la jurisp~u
dence et le législateur se font remarquer. !
En ce qui" con,eerne la jurif'prudence. 'c.ette sévérité' se manifeste
d'abord lorsqu'elle a à apprécier la réalité des souscriptions ou
des
versements. La question ne pose aucune difficulté lorsque contrairement
aux affirmations des dirigeants aucune souscription
ni aucun versement
n'a eu lieu ou lorsqu'il est établi que les prétendus souscriptions
ou
versements ne sont qu'apparents et que ceux-ci n'étaient pas acquis à la
société. Dans ces deux cas, il y a certainement simulation de souscription
et de versement (1).
·De même, la jurisprudence pénale considère que les souscriptions
par prête-nom sont des souscriptions fictives constitutives des délits
de déclaration notariée mensongère et de publication de fait faux (2).
A l'inverse, la jurisprudence commerciale n'admet la fictivité de telles
souecriptions que si elles const~tuent le moyen d'une fraude (3). Cette
position des juridictions commerciales n'est qu'une application du droit
commun de la simulation qui en principe n'a d'effet sur la validité de
la
convention que si elle est utilisée pour réaliser une fraude (4).
563 - La solution des juridictions pénales para1t cependant avoir
quelques bases juridiques. Sans s'arrêter sur la généralité des termes
du délit de simulation de souscription ou de versement, on peut constater
que l'art. 433 de la loi du 24 juillet 1966 vise expressement la remise
au dépositaire des fonds d'une liste des actionnaires mentionnant des
souscriptions fictives et la publication de noms de personnes désignées
contrairement à la vérité comme étant ou devant être attachées à
la
société à un titre quelconque. La personne du souscripteur n'était donc
(1) Cass.) 16 mai 1924, Rev.soc. 1924 p.306 i 5 janvier 1936,G.P. 1938.2.193
16 mars 1981/Rev.soc. 1982.544 note BOULOCj27 janv.1928 Rev.soc. 1928
p. 109
.
(2) Crim. 11 mars 1937 G.P. 1937.1.943 ; 24 juin 1876 S.1877.1.43·Trib.Sein~
31 déc.1923) J .soc. 1925 p . 5 6 7 ·
"
(J) Civ~O janv. 1961,D.1961.292;J.C.P. 19~2 IJ 12527 note LE GALCHERBARON;
Colmar 3 janv.} 1957 Rev.soc. 1957 p.381.
J. CARBONNIER)Droit civil)T4.no39 p.127 et s.
267
pas indifférente aux yeux du législateur même s'il n'a pas rendu obliga-
toire la remise de la liste des actionnaires des sociétés raisa~~ publi--
que ment appel à l'épargne ou dépositaires de fonds (1). ~ souscription
par prête-nom tomberait donc sous le coup
de la loi pénale puisque le
prêtenom qui figurerait
sur la liste des actionnaires n'en est pas véri-
tablement un. (2)11 paraît peu douteux en effet que le législateur
ait
voulu que le capital social soit constitué par des souscripteurs sincères
et véritables agissant en leur propre nom. C'est l'absence d'affectio
societatis chez le prête-nom qui justifierait la répression (3).
Mais il s'agit ici d'une conception particulièrement réductrice
de cette notion qui se limite à l'existence chez le souscripteur de
la
volonté de courir le risque de l'entreprise. C'est ainsi 4ue ne sont pas
considérées comme fictives les souscriptions par des syndicats, des ban-
quiers ou même par de simples individus en vue de revendre les titres
souscrits à des cours plus élevés (4) à moins que ces actions n'aient été
libérées à l'aide de fonœrecueillis grâce à leurs ventes (5). Ce qui est
puni ici, c'est le fait que le souscripteur ne prenne aucun risque.
564 - Dans le sens de la sévérité, on peut citer la jurisprudence
condamnant les versements
à l'aide de fonda em-
pruntéslorsque le prêt n'est qu'une simulation et que son remboursement
n'a jamais été demandé ni effectué (6). Il en est de même lorsque les
fonds ont été fournis par un actionnaire important auquel les souscrip-
teurs apparents ont consenti
une promesse de vente avec rétrocession
immédiate à des tiers agréés par lui (7).
(1) V. art. 78 et 85 Loi du 24 juillet 1966
(2) V.Paris ~5 janvier 1964,G.P.1.293'Conda~~antle prete nom pour partici-
pation irrégulière à l'assemblée générale
(3) GAVALDA,op cit,in Et.HAMEL 1955 p.I8 et s.; LAUNAISet ACCARIASJ
op
cit,N°150 p.133jROUSSELET et PATIN op. Cit nO 24
(4) PARIS)3~ janv.I936,rev.soc.1936 p.69.
(5) PARIS,I9 janv.I933;J.Soc.I933, 416; G P 1933. 1.412
(6) ROUEN,26 juil.I912,D.P.I916, 2,113. Crim.,z8 fév.I913,J.Soc.1915,161
«7) T. coma Seine, 13 Août 1926, J. soc. 1929. 572
268
565 - Il reste que sur ce point, l'horloge de la chambre criminelle
semble quelque peu
retarder. Ce qui est impqrtant aujourd'hui, ce n'est
pas, nous semble ~t-il,la personne qui
apporte les fonds nécessaires
à la constitution ou au développement de l'entreprise, mais que ces fonds
rentrent bien dans le patrimoine de celle-ci.
B - L'aathenticité de l'information comptable
la notion
d'image fidèle
566 - Avant la loi du 30 avril 1983, la législation pénale visait
tantôt l'inexactitude, tantôt l'insincérité, tantôt le caractère fraudu-
leux des documents comptables. En pratique, ni la jurisprudence ni la
doctrine ne tiraient de conséquences de cette diversité du langage.
Ce sont les inexactitudes du bilan qui ont donné lieu à la
jurisprudence la plus abondante. La dontrine qui a étudié cette juris-
prudence en dégage trois types d'inexactitudes (1).
567 - Il Y a d'abord les inexactitudes d'énumération qui consistent
soit à ne pas faire appara1tre les biens ou les dette de l'entreprise,
soit à en ajouter fictivement. A ce sujet, l'une des fraudes les plus fré-
quentes consiste à ne pas comptabiliser (ou à
le faire
insuffisamment)
des provisions (2) ou des amortissements (3). Il peut s'agir aussi de
l'omission de certaines charges (4) de certaines recettes occultes destinées
à alimenter la caisse noire de la société (5) ou de l'inscription de créan-
ces fictives (6) ou de travaux inexistants ou inachevés (7).
CHAUVIN) op.cit. F•LEBRUN) op. cit.M. DELMAS MARTY)oP.cit.,1 981 p.427 et s.
Par exemple : cr.im~ mars 1983, D.1983 I.R. 476 iNancy~20 oot 197~
B.CN.C.C. 1979 ~033 p.73jT.corr.Seine~16 mai 1974,aff.WILLOT,G.P. 1974
2.886.D.1975,37,Rev.soc.1975.657 ;13 Juil.1963,G.P.1963.2.325·
(3) T.C?rr.Seinel 13 juil.1963 préc. con~irmé ~aris 15 janv.1964/G.P.1964.1.
J
213J J.C.P. 1~64 ed.C.I. 74217 i Par1s,2 dec.1938,J.soc. 1939, 472;J.C.P.
39 II 936 ; 18 juil.1938)J.C.P. 38 II 844jG.P. 38.2, 194 ; crim,26 juin
1978, bull. n0212 p.555.
Cri•. , 14 déc. 1966Jbull n0291
Crim.,15 mai 1974,bull. n0177
Paris,28 juiL. 1937,J.C.P. 1938 II 616
30 juin 1983,G.P. 1983.2.636,
Crim.,2 mars 1983)D.1983 I.R. 476
<:69
568 - Le deuxième type d'inexactitude consiste à méconnaître le
classement des éléments d'actif ou de passif~-Ce -sont-les-inéxactitudes
de classement.
Dans cette hypothèse, l'auteur des comptes faux passera
des éléments d'actifs au passif
et vis
versa. Il inscrira parmi
les
immobilisations des frais d'usine ou des frais généraux (1) ou des frais
d'exploitàtion parmi les frais d'établissement (2) qui sont des "dépenses
engagées à l'occasion d'opérations qui conditionnent l'existence ou le
développement de l'entreprise, mais dont le montant ne peut être rapporté
à des productions de biens et de services déterminés" (3). Il peut éga-
lement procéder à un glissement de poste à poste à l'intérieur d'une même
colonne, par exemple, en inscrivant dans le passif à long terme des dettes
exigibles (4) ou de créance à terme auxp~stes,d'actif disponible (5)
,
' .
ou faire figurer un prélèvement effectué
par un dirigeant
sous un poste d'actif appelé ·compte bloqué
en banque"(7).
Ces manifestations ont généralement pour but de dissimuler des
engagements pris inconsidérément par les dirigeants sociaux ou de dissi-
muler l'usage de fonds sociaux pour des besoins personnels. Elles ont pour
-
de
conséquence de fausser l'analyse financière de l'entreprise et/priver', les
usagers de l'information de renseignements souvent importants sur le fonc-
tionnement de l'entreprise.
569 - Enfin, la troisième catégorie d'inexactitudes consiste à attri-
buer à certains éléments du bilan une valeur qu'ils n'ont pas en réalité,
ce sont
les inexactitudes d'évaluation. Il peut s'agir ~alors d'une dimi-
nution ou d'une majoration de la valeur des stocks (8), d'un portefeuille
(1) Paris 2 déc.1938 préc.28 juiL 1937 préc.
(2) Paris} 2 déc.1936}J.soc. 1937.659
28 juii.• 1937 préc. Crim,26 juin 1978
j
J
(3) art.19 décr. du 29 nov.1983
préc.
(4) T.corr.Seine}15 fév.1950JRev.soc.304 ;J.soc. 1956.299
(5) Ibid.
(6) Crim.14 janv. 1980 Bull. n021
(1) crirn~18 déc.1956,D.1957.705 note DALSACE
Poitiers) 18 déc. i 951, Rev. soc.
1954.23 ; Paris) 30 juin 1983JG.P.2.636.~.
270
de titres (1) ou encore de l'évaluation d'un emprunt en principal et in-
térêt (2).
570 - Depuis son introduction dans le droit français la principale
interrogation que suscite le concept d'image fidèle porte sur le point
de savoir ce qu'elle apporte de nouveau aux solutions jurispnudentielles
antérieures. On se demande notamment si l'image fidèle est obtenue par
le simple respect des règles comptables ou si elle doit être le 'reflet
en terme comptable de la situation économique et financière de l'entre-
prise (3).
571 - D'après le tribunal de commerce de Paris, l'image fidèle veut
dire essentiellement que les comptes doivent être tenus dans le respect
des principes de prudence ( ••• ) de régularité ( ••• ) de sincérité ( ••• ) et
de continuité ( ••• )" (4) Cette.position est particulièrement réductrice.
La seule conséquence qu'elle
tire de la notion d'image fidèle est de li-
miter l'irrégularité fautive à la seule méconnaissance des principes géné-
raux. Dans cette conception, le non respect de la réglementation comptable
n'est pas susceptible de porter atteinte à l'imaLge fidèle .puisque
par
régulari té, les
.juges de Paris entendent seulement "respect de~ règles
de procédures".
572 - La solution qui se dégage d'une bonne interprétation du concept
d.'image fidèle ne se situe certainement pas dans l'un de ces extrêmes. Un
simple examen de l'art. 9 du code de commerce suffit à le montrer. En vertu de
ce texte "les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner
une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat,
de l'entreprise. Lorsoue l'application d'une prescription compta-
ble ne suffit pas pour donner l'image fidèle, des informations
corr.rlémentaires doivent être fournies dans l'annexe. Si dans un
Aff. Willot prée.
Crim; 14 janv. 1981 prée.
M. F~U~ERE,op.~it'iD.BO~SSARD,L'impact
économique des choix comptables:
essa~ ce synthese des debats et recherches R.F.C. 1984'S DOYEN Ch
"t
_
1
J
•
1
r. c~ .
L'exigence d'image fidèle face à la réforme du code de commerce et de la
loi pa: les s~c~étés,G.P.1984 I.doct.211 ets.LJ.P.LAGARRIGUE,Réflexion
sur l'~ma.;e f~d.3le a propos de l'espèce Argyll R.F.C.1983 p.140
T.com. P~rjs ,19 oct.1982,G.P.18-20 Sept. 1983 b.7, obs. P. de FRONTBRESSON,
271
cas exceptionnel l'application d'une prescription co~ptable se
révèle imp~opre à donner une image fidèle du patrimoine de la si-
tuation financière ou du résultat,
- -
-
-
- - -
il doit y être dérogé; cette dérogation est mentionnée dans l'annexe
d~ent motivée,&vec l'indication de son influence sur le patrimoine, la
situation financière et le résultat de l'entreprise" (Al.4,5 et 6)
573 - L'image fidèl~ ce n'est donc ni le respect scrupuleux des pres-
criptions légales ou réglementaires, ni une appréciation économique indé-
pendamment de toute règle. L'objectif d'image fidèle est normalement atteint
par le respect des règles. C'est se qui résulte notamment de la déclaration
du garde des sceaux pour qui "l'application de bonne foi des principes et
des normes édictées par la loi et les règlements permet normalement
de
donner cette imag~ fidèle Il (1). Il
s'en~~t qu~ les c~mptes ~nnu~ls . __
conforllleme!.t aux reg... es comptao.l.e"s dol. vent etre preS\\lJ!itis fl.lleles
établis / Hais cette présomption n'est pas irréfragable. Les dirigeants
doivent, si cela s'avère nécessaire pour obtenir l'image fidèle, soit
fournir des indications complémentaires dans l'annexe, soit exception-
nellement déroger aux prescriptions comptables. Ils sont donc tenus de
procéder à une appréciation de la situation économique de leur entreprlse
pour obtenir l'image fidèle. L'annexe va a\\or~jouer un rôle déterminant
dans l'appréciation de l'image fidèle.
Il ne suffit plus de constater
qu'une prescription comptable a été méconnue pour que l'auteur des comptes
annuels soit passible des peines sanctionnant l'infidélité de ceux-ci. Il
faut encore vérifier que cette méconnaissance ne constitue pas une déro-
gation mentionnée et motivée dans l'annexe.
574 - Une telle dérogation, nous l'avons déjà dit, n'est admise que
dans des cas exceptionnels. l~ais ni la loi ni le décret d'application ne
nous disent ce que cette expression signifie. On s'est demandé si nne
dérogation non prévue par Q~ plan comptable professionnel serait une irré-
gularité imcompatible avec la notion d'image fidèle (2). La réponse affir-
mative aurait l'avantage de la sécurité juridi~e. L'auteur des comptes
(1) J.O. déb. A.N.
7 oct. 1e82 p.5566
(2) S. DOYEN , L'erigence d'i~age fidèle face à la réforme du code de commerce
et de la loi sur les sociétés G.P. 1984 1. doct. 211 et s.
272
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l,.ntrepri,e que pour ,.ux du .... ,.,teur d'activité (1).
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273
aurait fallu donner des indications complémentaires dans l'annexe.
2°) L'auteur des comptes a-méconnu 1en apparence) une ou plusieurs
prescriptions comptables. Il y a infraction dans les cas suivants
- la dérogation n'a pas été mentionnée dans l'annexe ou n'y a pas été
motivée.
-son influence sur la situation de l'entreprise n'a pas été indiquée
- la dérogation n'est pas justifiée, l'entreprise ne se trouvait pas dans
une situation exceptionnelle.
)0) L'auteur des comptes annuels avait le choix entre plusieurs méthc-
des régulières. Il commet une
infraction s'il n'a pas choisi celle qui
permet de décrire au mieux la situation économique de l'entreprise; Il
s'ensuit par exemple que le rejet en annexé de données qui peuvent (ou
doivent) être traitées directement dans le compte de-résultat ou le bilan
serait punissable. Ainsi que l'a judicieusement souligné un auteur (1),
"il est clair que pour tout lecteur, si attentif soit-il, l'impact des
documents de synthèse est nécessairement plus fort que celui des notes
analytiques dont on peut craindre au surplus dans certains cas extrêmes
qu'elles ne soient là que pour noyer le poisson". Cette crainte est d'au-
t~nt plus justifiée que l'annexe est un document très volumineux atteignant
jusqu'à
cent pages dans certains cas (2).
576 - Il apparait donc que le concept d'image fidèle est un but à
atteindre dans l'établissement des comptes annuels et englobe les notions
de sincérité
et de régularité (3). D'après les travaux préparatoires de
la loi du 30 avril 1983 'l'image fidèle, c'est l'image aussi objective gue
possible de la réalité de l'entreprise"(4) "destinée à serrer au plus près
la vérité économique" (5). IL ne s'agit donc pas d'une
fidélité absolue
(1) J.P.LAGARRIGUE~ Réflexion sur l'image fidèle a propos de l'espèce Argyll~
R.F.C. 1983 p.140
(2) A.VIANDIER,Publier l'annexe comptable)J.C.p. 1985 e~.C.I. n014541
(3) P.FEUILtET,rev.s~c. 1984 p.478iS.DOYEN iop.cit.
(4) R.BADINTER,J.O. déb. A.N. 7 oct. 1982 p.5556
(5) BOURGUIGNON,Ibid.
",.,
274
d'ailleurs jugée inaccessible par les auteurs de la réforme (1). En réalité
l'auteur des comptes n'est tenu qu'à une obligation de moyen. Il doit tout
mettre en oeuvre pour approcher le plus près possible de la vérité écono-
mique.
Il ne faut pas cependant attendre de la notion d'image fidèle de
grand
bouleversement par rapport à la jurisprudence ou à la doctrine an-
térieure de la C.O.B. La principale innovation qu'elle apporte est que
l'auteur des comptes annuels peut se rendre coupable d'une infraction en
se conformant aux prescriptions comptables.
577 - L'image fidèle
est donc une vérité économique qui ne résultera
pas nécessairement du respect scrupuleux des prescriptions comptables.
Celles-ci ne constituent
que le moyen qui selon le législateur est le
plus apte à y conduire.En somme,on peut dire que l'image fidèle -est celle
qui a été tracée dans le respect des principes généraux ••• les règles étant
entendues au sens le plus large puisqu'elles incluent celles qui consistent
à fournir dans l'annexe toutes les informations ne figurant pas ou pas
assez complètement dans les comptes" (2).
578 - La question qui se pose alors est celle de savoir si ces prin-
cipes et ces règles permettent vraiment d'approcher au plus près la vérité
économique et surtout s'ils sont adaptés à la finalité de la cmmptabilité.
§ 2
LA REGL~{ENTATION COMPTABLE ET LA GESTION DE L'ENTREPRISE
579 - Les buts de la comptabilité peuvent être conçus de deux façons.
D'un point de vue juridique, il s'agit d'un .instrument de représentation
d'un patrimoin~des fluctuations de ce patrimoine au cours des temps et
une représentation chiffrée de l'exploitation de l'entreprise. D'un point
(1) Rapport BOURGUIGNON/doc. parl. nO~56 p.12
(2) S.DOYEN,art. prée. in R.F.C. 1983 p.140
275
de vue financier, elle doit permettre d'apprécier la solidité financière
de l'entreprise et donner à tous ceux qui participent à sa gestion les
éléments quantitatifs sur lesquels ils assoient leurs décisions (1). Ces
deux conceptions se rejoignent dans la comptabilité au service de la
prévention des difficultés de l'entreprise (2). La comptabilité est donc
avant tout une technique de gestion et doit être greff~e sur les réalités
économiques de l'entreprise.
Les normes comptables sont-elles adaptées à cet objectif?
cette question peut être examinée d'une part par rapport aux règles géné-
rales (A) et d'autre
part par rapport à la capacité des normes comptables
à s'adapter aux spécificités économiques (B).
A - "Droit commun"et expression de la réalité économique
580 - Il n'est pas dans notre intention d'apprécier l'aptitude de
toutes les prescriptions comptables à satisfaire aux besoins de la gestion.
Une telle étude dépasse le cadre modeste de cet ouvrage. Hais 11image fi-
dèle àevant être obtenue principalement par le respect de ces prescriptions
il n'est
pas sans intérêt de s'interroger sur l~ur capacité à donner de
l'entreprise une représentation proche de la réalité économique. En parti-
culier, nous nous demandons dans quelle mesure la réforme du droit comp-
table permet de combler les lacunes du système antérieur.
581 -
On a souvent reproché au système comptable antérieur de ne
pas permettre de rendre compte de certains événements qui ont pourtant
une influence importante sur la situation économique de l'entreprise. CeGte
lacune peut être désormais comblée par l'obligation faite aux dirigeants
d'indiquer dans l'annexe toute information d'importance significative. (3)
(1) Dict.Berm. J.SARRUT,Comptabilité de 1 1 entreprise}Feuillet 87 1er fév.1984
p.505
(2) D.VIDAL,L'information comptable et l'objectif de prévention après la loi
du
1er mars 1984)R.F.C.1984 p.480
(3) art.24 décret du 29 nov. 1983
~76
582 - L'une des questions les plus débattues concerne les méthodes
d'évaluation. L'ensemble de la doctrine s'accorde à recqnnaltre qu'il est
impossible de procéder ~ une évaluation rigoureusement éxacte (1). Les
avantages de la méthode du coût historique sont bien connus : elle permet
d'obtenir des valeurs objectives et sans équivoque(2)~es inconvénients
aussi.
En période d'inflation structurelle comme ~'est le cas en ce
moment, l'évaluation au coût historique aboutit à donner aux biens ~~e
valeur netteoent inférieure à celle qu' -ils
·ont en réalité. Elle oonduit
à pratiquer des amortissements insuffisants pour leur permettre d'ass~rer
leur double fonction de constatation de la dépréciation subie par les
biens affectés durable~ent à l'activité de l'entreprise et de renouvel-
lement de ces biens (3). Elle aboutit surtout à faire figurer dans les
comptes une unité monétaire à laquelle l'inflation à enlevé sa valeur
d'étalon invariable nécessaire à toute unité de
mesure. (4) Le législa-
teur s'est abstenu de prendre des dispositifs de caractère contraignant.
583 - Il a cependant expressement autorisé la réévaluation libre des
bilans(5). Mais
dans des conditions si strictes qu'il est peu probable
R.PIROLLI, Les bases de la comptabilité autre que les coûts historiques
R.F.C. 1973.257 ; J.LEBLOND, De l'évaluation des titres cotés en bourse)
ou en banque et du délit de bilan inexact et de distribution de divi-
dend~fictiU. J. soc. 1938 p.449';.GOUVERNAIRE, La regularité et la
sincérité dans le cadre de l'information annuelle des actionnaires
de S.A.'Thèse Paris 1970 i E.PATRIS , Les amortissements
fonctions
et adaptation/thèse Rennes 1980 p.115i~.CHAUVIN/op.cit.)p.68 et s.
A.COURET,art. prée. in R.F.C. 1984 p.160
E.PATRIS,op. cit. Cet auteur
propose
que l'amortissement
soit
basé
sur le pr~ d'achat à neuf de l'immobilisation
à la clôture
de l'exer-
cice (P. 381 et s.)
Hais si on peut penser que" cette base d' éval~5tion
conviendrait aux fonctions de l'amortissement et si elle peut donner
~~e valeur plus proche de la réalité économique, elle soulève
une
autre difficulté concernant la déternination d~ "prix d'achat à neuf'
à la clôture de l'exercice.
(4) J.GOUVERr;AIRE,Thése prée. p.198
(5) art. 12 du code de co~merce
211
que les entreprises y aient recours aussi souvent qu'il serait souhaitable.
La réévaluation n'est possible que si elle concerne l'ensemble des immo-
bilistions corporelles et financières. Il s'ensuit selon le rapporteur à
l'Assemblée Nationale, qu'une entreprise ne peut réévaluer certaines de
ses immobilisations si elle en possède d'autres dont la valeur est inchan-
gée ou a diminuée (1). Mais cette restriction· n'est pas le principal ob-
stacle à la réévaluation. Dans la situation économique actuelle, la stabi-
lité ou la réduction de valeur d'un bien est peu probable. Ce sont surtout
des considér&tions fiscales qui feront obstacle à la réévaluation. La plus-
value de réévaluation est encore considérée comme un élément du bénéfice
imposable. Seules les entreprises déficitaires ou soumises au régime du
forfait auront intérêt à réévaluer leurs immobilisations car pour elles
seulement l'opération est neutre sur le plan fiscal.
SS4 -Sans doute, les informations complémentaires contenues dans
l'annexe pourront .ici jouer un rôle non négligeable dans la véracité
des compt~s annuels. Mais il aurait été préférable que les entreprises
puissent réévaluer leur immobilisation
lorsque cela devient nécessaire
à l'expression de la situation économique réelle de l'entreprise sans se
heurter (surtout) à des obstacles d'ordre fiscal. D~~lus, sur l~ plan du
droit pénal, il va être difficile de prouver que l'auteur des comptes an-
nuels s'est volontairement abstenu de donner les informations complémen-
taires que nécessitait
la différence entre la valeur comptable des immo-
bilisations et leur valeur réelle. Il,
n!~st
pas tenu
de procéder à
une évaluation extra-comptable des bierno amortissables. Il est regrettable.
que le ministère de l'économie et des finances fasse la sourde oreille aux
sollicitations des parlementaires tendant à exclure les plus-values de
réévaluation du
bénéfice imposable (2).
585 - L'ingérence du droit fincal dans le domaine
de la comptabilité
est justement une des principales causes d'imperfection de l'information
comptable (3). Les juridictions répressives affirment depuis longtemps
(1) BOURGUIGNON Fqapport prée. p.31
(2) Ibid.
(3) Rapport C.O.B. 1968 ; A.~1IAUX/La sincérité des bilans et les di~positions
fiscales sur l'amortissement des immobilisations D.1966.29
J
278
l'indépendance de la comptabilité par rapport à la fiscalité. Ainsi, il
a été jugé que les tribunaux repressifs n'ont jamais admis que les règles
posœspar l'administration fiscale pour des objectifs qui
lui sont pro-
pres puissent prévaloir sur les exigences d'une gestion saine et prudente
des entreprises. (1)
586 -Cette position se trouve être renforcée gr~ce à la notion d'imag
fidèle. Il ne fait aucun doute que si les règles fixées par l'administra-
tion ou la loi fiscale sont contraires à l'objectif :'image fidèle, l'en-
treprise soit tenue de ne pas s'y soumettre. Mais alors, elle devra re-
noncer aux avantages fiscaux auxquels donne
parfois droit le respect de
ces règles. Cette conséquence est regrettable dans l~ mesure où elle a
abouti
à sanctionner les entreprises pour la
seule raison que leurs
dirigeants ont le souci de bien les gérer.
Elle risque d'encourager
l'établissement de comptes annuels infidèles. Pire, l'entreprise ne ris-
que -t-elle pas de se voir infliger des sanctions fiscales ou l'auteur
des comptes/les sanctions pénales de l'art.1741 du C.G.I. ? Nous ne pen-
sons pas. L'élément intentionnel ferait défaut pour l'application de l'art.
1741 du C.G.I. car il n'y aurait
aucune intention ae fraude fiscale.
Quant aux sanctio~s fiscales,
elles pourraient faire l'objet d'un recours
pour excès de pouvoir.
587 - L'idéal serait que l'administration fiscale ne se mêle plus
d'édicter des règles comptables et que le législateu: ne soumettent plus
l'octroidavantages fiscaux au respect de prescriptions comptables parti-
culières. Il serait plus cohérent d'accorder de tels avantages aux entre-
prises qui établissent des comptes annuels fidèles.
Enfin, une autre cause d'imperfection de la comptabilité réside
dans le principe de prudence telle qu' ;1,
a été conçue en jurisprudence
En effet, ainsi que l'a fort judicieusement souligné
un auteur, ce prin-
cipe infiniment sage a été "appliqué depuis longtemps dans une optique
restrictive et pessimiste inadaptée à une descriptio~ réaliste de l'entre-
prise qui dans son dynamisme est amenée à prendre des risques de perte
(1)T.corr.Seine ~3 jUil.1963,préc. G.P.1963.2.325
279
mais aussi bénéfice de potentiels de gain" (1).
Or, toutes les solutions retenues en application de ces prin-
cipes tendent uniquement
à
éviter le risque de transfert sur
l'avenir de 0harges actuelles. On retiendra qu'au nom de cette prudence
là, la jurisprudence a pendant longtemps refusé de reprimer les inexacti-
tudes du bilan qui ont pour conséquence de présenter la situation
de
l'entreprise sous un jour pessimiste (2). Depuis, elle est
revenue
à
une attitude plus raisonnable en p~~issant toute inexactitude quel que
soit son effet sur le résultat de l'entreprise. (3).
588 - Cette solution est à
la fois plus conforme à la lettre et à
l'esprit de l'art. 437 - 2°, à la signification économique des comptes
annuels et
à l'intérêt des épargnants. Un fait di vers récent' 'le prouve
de la façon la plus éclatante. A 11h42, l'agence Reuther annonce que les
pertes de la société Michelin ont doublé en 1983 (3,83 millions contre
1,65 en 1982). Du coup, les actions Michelin
perdent 4 % de leur valeur
'1'" q,
en bourse alors/la tendance était à la hausse pour les
autres valeurs
françaises. Le lendemain, après parution d'un rectificatif, les actions
Michelin gagnent 7 % alors que les autres valeurs françaises étaient-en
baisse. Si l'information exagérement pessimiste diffusée par l'agence
Reuther avait été
confirmée, les premières victimes en auraient été les
épargnants détenant des titres Michelin et l'entreprise elle-même qui
aurait vu son crédit entamé. Or, dit-on)le crédit est l'âme des affaires.
589 - Malheureusement, la nouvelle législation comptable n'est pas
dépourvue de tout pessimisme. En témoigne, le traitement asymétrique des
moins values et des plus values sur élément
d'actif immobilisé. D'après
l'art.12 du code de commerce, "si la valeur d'un élément d'actif devient
inférieurtà sa valeur ne~t~ comptable, cette dernière est ramenée
à la
(1) J. }ŒRIAUX, Des analystes financiers devant le nouveau plan comptabl~
Banque 1985 p.49
(2) Paris, 18 mai 1952/G.P.1953.2.178 j Pau,12 juinj 1952} G.P.1952.2.179
(3) crim.j8 déc.1956lpréc~T.corr.Paris,11 juin 1969,cité par TOUFFAIT
et autres prée. n 176 p.184 •
200
valeur d'inventaire à la
clôture de l'exercice, que la dépréciation
soit définitive ou non ri • A l'inverse, "les ~lus values constatées entre
la valeur d'inventaire et la valeur d'entrée ne sont pas comptabilisées.
Il s'ensuit qu'en réalité les biens de l'entreprise seront comptabilisés
à la valeur la plus faible entre le coût de revient et la valeur actuelle.
B - Adaptabilité de la réglementation aux spécificités économiques
590 - Le principal obstacle qui pendant longtemps a fait reculer
le législateur devant toute normalisation comptable est l'impossibilité
de prendre en compte
l'extrême diversité des situations des entreprises.
L'un des mérites de la législation récente est d'avoir su éviter le piège
d'une réglementation excessive et de s'être donner les ~oyens de tenir
compte de la diversité des situations.
Nous ne reviendrons pas ici, sur les obligations de dérogations
ou de fournir des informations complémentaires au cas où les prescriptions
comptables se révèlent incapables de donner une image fidèle de la situa-
tion d~ l'entreprise. Il est évident que ces obligations
ont pour but
de tenir compte de la spécificité de chaque entreprise.
591 - Tout aussi remarquable de ce point de vue est la volonté
manifeste du législateur de ne pas imposer aux chefs d'entreprise des
obligations d'information qui entraineraient des charges financières
dépassant leur intérêt.
592 - Cette volonté s'est d'abord manifestée, par la possibilité
reconnue aux petites entreprises d'adopter une présentation simplifiée
de leurs comptes ann~els (1). En effet, le respect des prescriptions
comptables de
droit commun présenterait une charge financière trop lourde
pour ces entreprises. En vertu de cette faculté, les entreprises sont
(1) art.10 al.3 du code de commerce
281
autorisées à établir un bilan et un compte de résultat simplifiés lors-
qu'elles remplissent deux des critères suivants: un total du bilan in-
férieur à 900 000 F, un chiffre d'affaire
de moins de 1 800 000 F et
un nombre
moyen de salariés permanents inférieur à sept (1). En ce qui
concerne "l'annexe établie par les personnes morales ayant la qualité de
commerçant" ces critères sont fixés à 5000 000 F pour le total
du bilan
10 000 000 de francs pour le chiffre d'affaire et 50
pour le nombre moyen
de salariés permanents (2). Ces entreprises sont dispensées de mentionner
à l'annexe les informations énumérées aux points dix huit et suivant de
l'art 24 du décret. Quant aux personnes physiques, ~lles ne sont pas tenues
de fournir les informations figurant aux points dix et suivant (3).
Ces dérogations n'ont été prévues que pour les entreprises com-
merciales mais nous pensons qu'elles doivent être étendues, en
cas
de
besoin à toutes,les entreprises tenues d'établir des comptes annuels en
vertu de textes
postérieursIl n'y a aucune raison d'être plus sévère
pour celles-ci que pour les entreprixes commerciales.
593 - La volonté du législateur de ne pas imposer aux entreprises
des charges financières que ne justifie pas l'intérêt de l'information
s'est encore manifestéeà propos des comptes consolidés. Ainsi, une filiale
ou une participation peut être laissée en dehors du périmètre de conso-
lidation si les informations nécessaires à l'établissement des comptes
consolidés ne peuvent être obtenues sans frais excessifs ou dans
des
délais compatibles avec ceux qui sont fixés pour la communication de ces
comptes aux commissaires aux comptes (4). De même, les entreprises sont
dispensées d'évaluer les éléments des com)tes consolidés suivant
des
méthodes homogènes si les retraitement5nécessaires sont de coût dispro-
portionés et d'incidence négligeable sur le patrimoine, la situation
financière et le résultat consolidé (5).
(t) art.17-1° décret du 29 novembre 198J
(2) art.17-2° décret du 29 novembre 1983
(3) art. 26 du décret du 29 novembre 1983
(4) art. 357-4-3° Loi du 24 juillet 1966 (art.2 Loi 85-11 du 3 janv.1985)
(5) art.357-7 al.2
282
594 - Ainsi, le législateur tient compte en permanence de l'équilibre
entre le coût de l'information et de sa rentabilité. Il s'est également
donné les moyens de ne pas ignorer la spécificité de la situation écono-
mique de certaines entreprise~
595 - En .ce sens, la principale innovation a consisté à reconna1tre
à la commission des opérations de bourse le droit d'édicter, pour certaines
entreprises des règles dérogatûres du droit commun. Elle peut prolonger
le délai de publication du rapport accompagnant le tableau d'activité et
de résultat "si la situation de la société le justifie" ou prescrire aux
sociétés qui établissent des comptes consolidés de publier le tableau
d'activité et de résultat ainsi que le rapport correspondant sous forme
consolidée éventuellement complété
d'informations sur les sociétés prises
isolément" (1).
De même, la C.Q.B. peut autoris~l'adaptationdu tableau d'acti-
vité et de résultat et des données relatives au chiffre d'affaire semes-
triel (consolidé ou non) "pour tenir compte du caractère particulier de
l'activité de certaines
sociétés ou catégorie de sociétés". On remarquera
que la volonté d'adaptation va jusqu'à autoriser des dérogations pour des
sociétés prises individuellement. La C.~. a déjà utilisé cette faculté
pour adapter le
contenu du chiffre d'affaire des entreprises de travaux
publics (2). Pour ces entreprises le chiffre d'affaire est égal au total
des situations de travaux facturés aux clients augmenté des travaux effec-
tués non encore passés en situation et le cas échéant des travaux facturés
non encore exécutés, des quotes parts de la société dans les situations
méritées correspondant aux travaux gérés dans le cadre de sociétés
en
participation et des dédits et pénalités dus par la société aux clients.
La C.Q.B.
justifie cette dérogation en ces termes :"sauf en effet à ce
que l'entreprise pratique intégralement la méthode de l'avancement (3)
(1) art.297-1 décret du 23 mars 1967
(2) Bull C.Q.B. n0181 mai 1985
(3) La pratique intégrale de la méthode d'avancement revient à facturer
au client au prix
je vente les travaux au fur et à mesure de leur
réalisation.
283
ce chiffre d'affaire comptable n'est, en aucune manière, représentatif
des activités réalisées au cours de l'exercice dès lors que certains
travaux ne sont enregistrés au compte n07Q que lors de l'émission du mé-
moire définitif et non des demandes à'acomptes correspondant aux travaux
exécutés". La C.Q.B. montre ainsi, à la o~ite du législateur sa volonté
de donner aux documents publiés par les sociétés relevant de sa compé-
tence toute leur signification économique.
596 - Bien entendu, si les documents comptables
sont établis confor-
mément aux prescriptions de la C.Q.B. ou, si l'entreprise répond aux cri-
tères définis à cet effet, aux modèles de comptes simplifiés. Le chef d'en-
treprise ne saurait être poursuivi pour aucune des infractions réprimant
le défaut de véracité de l'information.
597 - Ainsi, malgré quelques lacunes on peut remarquer que la légis-
lation récente représente un effort sans précédent dans la voie de rappro-
chement entre la réalité économique
de l'entreprise et la représentation
qu'en donne l'information comptable.
284
CONCLUSION DU TITRE II
598 - L'introduction de la notion d'image fidèle dans le droit positif
français n'entraînera
certainement pas un bouleversement dans l'apprécia-
tion que faisaient les tribunaux de l'authenticité de l'information. Sur
bien des points en effet les lois récentes ont confirmé les solutions re-
marquables de réalisme de la jurisprudence pénale qui, ici encore, 6' affirme
comme un facteur d'évolution du droit de l'entreprise.;-Mais, elles n'ont
pas seulement/donné à celle-ci une base légale qui~ésormais pourrait atténuer
les critiques
basées sur le principe d'interprétation dite restrictive des
textes de droit pénal. Elles la prolongent et la renforcent contribuant à
dor~er à l'information un peu plus de dynanisme.
599 - Elles -facilitent la compréhension de toutes les informations
grâce à une plus grande disponibilité et à
des moyens de traitement
accrus. Ce faisant, elles l'adaptent à sa véritable fonction qui est de
contribuer à l'amélioration de la gestion de l'entreprise. En effet,l'un
des prin~ipaux enseignements que l'on peut tirer de cette législation
(mais n'est ce pas
là l'orientation générale duCiroit modern~ c'est
que l'information sert d'abord à sauvegarder l'entreprise. C'est ce qui
explique que les dirigeants
de celle-ci soient autorisés à déformer un
peu la réalité lorsque la -recherche de la vérité lui coQterait
trop
cher par rapport au profit qu'en tireraient les usagers de l'information.
- 285 -
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
600 -
"L'information n'est pas
une fin en soi,
elle est
un moyen d'une action qu'elle doit éclairer" (1). Aux termes des dévelop-
pement qui précèdent, on peut dire que l'information relative à l'entre-
prise n'échappe pas à cette règle.
Par rapport à l'entreprise, l'action implique en perma-
nence une décision : décision des tiers de demeurer en relation avec
l'entreprise et surtout pour les membres de l'entreprise participation à
la gestion. On peut constater qu'en s'approfondissant l'information tend
de plus en plus à s'adapter à sa vocation d'instrument de gestion. L'une
des manifestations les plus remarquables en est la supériorité quanti-
tative de l'information reçue par les représentants du personnel qui
interviennent fréquemment dans la gestion sur celle des as~ociés qU1,
eux, ne sont sensés jouer un râle que dans les choix fondamentaux.
601 - "Gérer, c'est prévoir" a-t-on coutume de dire. On sétonnera
donc très peu que l'information tende à permettre sinon la prévention,
du moins la détection la plus précoce possible des difficultés de
l'entreprise grâce à l'information prévisionnelle: l'adaptation de
l'information retrospective à la réalité économique et la prise en compte
de l'environnement qu'elle permet y seront pour beaucoup.
Enfin, il convient de souligner la place prépondérantequ'oc-
cupe le droit pénal dans la définition et l'évolution des obligations
relatives à l'information de gestion. La manque de précision des incri-
minations a été ici un atout de premier plan. On signalera que la juris-
prudence criminelle a été la première à imposer l'information du comité
d'entreprise en cas de cession de contrâle, qu'elle a été pratiquement
seule à préciser et à définir les règles comptables dans le droit positif
(2). Autant de points sur lesquels la législation récente l'a confirmée.
Mais l'efficacité du droit pénal ne dépend pas seulement de
la définition des obligations. Elle est fortement tributaire de la façon
dont sont appliquées les différentes infractions, c'est à dire de la
respression.
(1) J. SAVATIER, Chr. préc., loc. cit.
(2) J. ROBIN, l'élaboration d'un droit comptable, Mel. PATIN p. 325.
D EUX l
E M E
PAR T l
E
LE DROIT PENAL ET LE RENFORCEMENT
DE LA REPRESSION
EN
MATIERE D'INFORMATION DE GESTION
286
liâ,RQDU en0N
602
- La répression, c'est la réaction de la société face à l'infraction;
sa réponse au délinquant. Cette réponse peut avoir plu~ieurs objectifs qui,
du reste, ne sont pas exclusifs les uns des autres.Elle peut avoir pour but
la vengeance et la compensation de la faute commise par le délinquant, l'in-
timidation ou la dissuasion et empêcher la commission d'autres infractions,
l'élimination du délinquant qui consiste à mettre celui-ci au moins de fu-
çon temporaire hors d'état de recommencer son activité délictueuse ou enfin
favoriser l'amandement c'est-à-dire "convertir le malfaiteur en un honnête
homme". (1)
Il n'entre pas dans notre sujet de discuter du bien fondé de ces
objectifs. Le fait est qu'ils ont chacun une influence différente sur les
méthodes de la répression. Par exemple, si on choisit de privilégier l'idée
de vengeance, il faut choisir une peine qui doit être à la mesure
de
la
faute commise par le délinquant et être strict sur l'exigence de cette faute.
A l'inverse si l'on exclut l'idée de vengeance rien n'interdit de fixer
cette peine par exemple en fonction des intérêts en cause ou de rechercher
d'autre
types de sanction.
bOJ -
En matière d'information, le choix ou la combinaison difficile
entre
ces différents objectifs est doublé d'une autre préoccupation résul-
tant du caractère particulier des obligations qui vont être sanctionnées.
Nous avons insisté tout le long des développements qui ont précédé
sur la
volonté du législateur et de la jurisprudence d'assurer grâce aux obligations
d'information une meilleure gestion de l'entreprise afin d'assurer sa survie.
Or, mais est-il besoin de le rappeler, nous sommes dans un domaine où
le
crédit (au sens large) est d'une importance pri~ordia1e, et il peut facile_
ment être porté atteinte au crédit de l'entreprise par des poursuites inte~
(1) J.P. Brill, cours de droit pénal général Abidjan 1979-1980
pestives qui en définitive tendent à mettre en cause
le sérieux
de
sa
gestion. A ce caractère particulier du contexte,il faut ajouter le
fait
que l'information large n'est pas encore tout à fait entrée dans les moeurs
des dirigeants surtout dans les entreprises de dimension modeste et
on
peut se demander s'.il ne vaut pas mieux essayer
de les convaincre de sa
nécessité plutôt que de les réprimer.
A ces difficultés, le droit français donne des réponses variables
qui se manifestent par une extension de la responsabilité et une améliora-
tion de
la mise en oeuvre de la répression.
TITRE l
L'EXTENSION DE LA RESPONSABILITE
TITRE II
L'AMELIORATION DE LA MISE EN OEUVRE DE LA REPRESSION
288
TITRE
l
l'EXTENSION DE LA RESPONSABILITE
La responsabilité, c'est l'obligation de répondre de ses actes;
il s'agira de répondre de ses actes ou omissions délictueuses.
La queation à laquelle nous allons tenter de répondre est .de savoirqpi
doit répondre des infractions
relatives aux obligations d'information.
Cette question est rendue plus délicate ici que dans le droit commun
par la multiplicité des personnes à qui un même fait peut être imputé .
.605 - Il Y ad' abord les personnes physiques qui participent à la marche
de l'entreprise, laquelle d'entre elles doit endosser la responsabilité
pénale d'une omisision ou d'une action coupable? Il Y a aussi les per-
sonnes morales "propriétaires" de l'entreprise. Doivent-elles être poursui-
vies pour ces omissions ou ces actes constitutifs d'infractionS?
- La question de la responsabilité des personnes morales s'est peu
posée en ce domaine, sans
doute parce qu'elle est en principe exclue
dans le droit pénal français,
même si certains l'on appelé de tous leurs
voeux (1). A l'inverse, on a pu s'inquiéter de l'importance de la res-
ponsabilité pénale quLpèse sur le Chef d'entreprise. Est-il vraiment le
Il
mal-aimé ",1' "otage Il (2) de son entreprise ou le limaI condamné Il (J)
qu'on a pu décrire en d'autres domaines?
- Au-delà des passions et de la partialité qui caractérisent souvent
les débats
sur ce sujet, nous essaierons de répondre à ces questions
en établissant deu~types de relations.
(1)
Robert BADINTER - in Le Monde
- 6 décembre 1975
(2) SALVAIRf.,- Réflexion sur la responsabilité pénale du fait d'autrui
Rev. trim sc. crim. 1914 1",305
(3) FOURGOUX,- Lœmal condamnés .pour une réforme de la loi du 1" Août
1905.sur la répression des fraudes)D.I965 p 233
289
D'une part, on peut établir une relation matérielle entre le
délinquant et le fait délictueux, c'est la détermination de la personne
responsable.
D'autre part, toute répression suppose une relation psychologique
entre la personne poursuivie et le fait délictueux. C'est la culpabilité.
CHAPITRE l - LA DETERMINATION DE LA PERSONNE RESPONSABLE
CHAPITRE II - L'APPRECIATION DE LA CULPABILITE.
290
CHAPITRE ra - LA DETEIDUlIATION DE LA PERSONNE
RESPONSABLE
60b'_ La·détermination des personnes responsables des infractions
com~ises au sein de l'entreprise peut être particulièrement délicate.
L'inobservation des obligations d'infor~ation n'écnappe pas a cette
règle. C'est que
l'activité de l'entreprise implique le plus souvent
l'intervention de plusieurs personnes et catégories de ?ersor~es. Le
chef d'entreprise ne peut ni tout faire, ni tout surveiller ~ersonnel
lement. La question de savoir qui doit répondre des manquemer.ts aux
obligations d'information était donc inévitable •
• .' - Ici, comme dans le droit cocmun, cette question a une importance
déterminante. Il s'agit d'abord d'une question d'éqùlté : seule la
personne qui a participé à l'infraction, soit par son ~ction, soit par
son omission mérite d'être punie; toute autre personne ressentira la
peine comme une profonde injustice. Il s'agit ensuite de l'efficacité
même de la répression. Si la personne qui a la possibilité de commettre
l'infraction a l'assurance que c'est un autre qui sera puni è sa place,
il lui reste très peu de raison pour s'en abstenir et la menace de la
sanction n'aura pratiquement aucune force intimidante.
- Pour atteindre tous ceux qui ont participé aux faits constitutifs
de l'infraction, on distingue traditionnellement l'auteur principal du
complice. Il n'y a aucune raison de déroger à cette distinction ici.
SECTION l
: L'AUTEUR PRINCIPAL
SECTION II : LE CO~œLICE.
~91
SECTION l
l'AUTEUR PRINCIPAL
607 - La personnalité des délits et des peines est un principe fondamental
c":.11 droit pénal français. Ce principe signifi,e, selon la formule de la
Chambre Criminelle, que " nul n'est responsable qu'à raison de son fait
personnel" (1)
Il s'ensuit
que l'auteur de l'infraction est tout d'abord et
avant tout celui qui a accompli personnellement les actes matériels qui
la caractérisent (2) C'est cette idée que M. LEGROS exprime si bien en
disant que c'est" le fait qui désigne le contrevenant" (3)
605- En ce qui concerne· les incriminations relatives aux obligations
d' informations, certains textes visent
indistinctement" ceux qui "
auront accompli l'acte délictueux. Il en est ainsi par exemple du délit
d'entrave à la désignation ou au fonctionnement régulier des institutions
représentatives du personnel ou d'obstacle aux contrôle~ou vérificatio~
des commissaires aux comptes ou des experts de gestion. Dans ces cas, la
recherche de la personne responsable ne pose en principe aucun problème
spécifique, l'infraction pourra être imputée à toute personne qui aura
accompli, l'acte matériel qui la constitue (4)
- Mais, dans d'autres cas, le texte d'incrimination énumère à
l'avance les personnes dont la responsabilité pénale
est sUB~eptible
d'être engagée du fait de l'inobservation des obligations d'information.
Il ne fait alors aucun doute que cette énumération est limitative et
interdit la poursuite de toute autre personne, du moins en qualité
d'auteur principal (4).T En dehors des commissaires aux comptes pour
les infractions qui leur sont propres, cette énumération se ~imite le
plus souvent aux dirigeants de l'entreprise. Or, il arrive fréquemment
que ceux-ci confient l'accomplissement de certaines obligations mises
(1) Crim.26 fév.1956 J.C.P 1954
II 9304 note ..Lestang
(2) STEFANI et LEVASSEUR - droit pénal général Dalloz 1911 N° 248 p.232
P,~AILIAR, la responsabilité pénale des chefs d'entreprise.G.P.I961
II doct.59 M E CARTIER, Notion et fondements de la responsabilité du
chef d'entreprise in : La responsabilité péœùB du fait de l'entreprise
l·IASSOl! 1977, p. 59
(3) R. LEGROS, Imputabilité pénale~rentreprise économique)R.D.P.C. 1968-69
p.365
(4) Solution implicite,Crim.) 18 av~I983)Rev.Soc.I9&3,
803 note SIBON.
292
à leur charge à des salariés. La question se posera alors de savoir,
lorsqu'une infraction sera co:nmise, si les dirigeants seront quand même
poursuivis en qualité d'auteur
alors qu'en réalité
ils n'ont pas commis
l'acte matériel. C'est le problème de la délégation (§ 1)
6oy_ Par ailleurs, dans les entreprises sociales, le chef d'entreprise
est souvent un organe composé de plusieurs membres. Dans ce cas, il
peut O:B poser une autre question qui est celle de la désignation du
dirigeant respônsable (§ ))
§ 1 - LE PROBLEME DE LA DELEGATION
610
Le problème de la délégation n'est ni nouveau/ni propre aux
incriminations relatives aux obligations d'information
incombant au
chef d'entreprise. Le principal inconvénient des imputations légales est
que, dans leur application concrète, elles risquent de faire punir les
dirigeants d'entreprise qui n'ont pas effectivement accompli l'acte délic-
tueux. La sanction pénale peut alors ~araître injuste parce que frapp~nt
le dirigeant pour la faute d'un autre.
C'est pourquoi, dans le domaine des
infractions aux règles
d'hygièn~ ou de sécurité où le problème s'est d'abord posé,
la jurispruden-
ce a depuis longtemps reconnu que pour l'application des textes qui punis-
sent " les chefs d'établissement, directeurs, gérants ou préposés/' ,
le Chef d'entreprise pouvait être exonéré de sa responsabilité en démontrant
qu'il a délégué la direction du s6r~iceo ou du chantier (où l'infraction
a été constatée) à Q~ préposé investi et pourvu de la compétence et de
l'autorité nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des
dispositions e~ vigueur. Dans ce cas, sa responsabilité est transférée
à son déHgué' (1). La même solution.a été admise pour les
règles de
police réglementant certaines professions et en matière de publicité
Mensongère (2)
(1) art. 2.263.2. Code du travail
(1) Crim',23 janv 1975,D,I976.375 note J.SAVATIER;J.C.P 197 6 II 18 333
NOTE J.H.~OBERT.La 10 décision rendue en la matière est beaucoup plus
ancienne: Crim-,22 juin 1901, S.1904.1.3Ü3
(2)
Paris ,6 m;c. 19761'J. C. Po 1978. II. 18902:l
r
NOTE André et PIF DIVIER;
DJ!lAYER ,le dr4ipénal de la publicité 1979 p.93
293
611 - Comme en ces matières la question de la délégation des obligations
d'information est née de la nécessité techniÏ!'jue de répartir les différentes
fonctions qui 50tl~endent l' acti vi té de l'entreprise dès lors que celle-oci
atteint une certaine dimension. Or, la jurisprudence semble opposée à
toute délégation en matière d'information.
Nous essaierons de dégager la portée véritable de cette solutic
(A) avant d'en rechercher les justifications par une appréciation critique (E
A/
LA SOLUTION\\JUR1SPRUDENT1ELLE
612 - En
réalité, la question de la délégation ne se pose même pas en
ce qui concerne les infractions volontaires.
Ou bien le dirigeant pour-
suivi était animé d'une intention coupable et l'existence d'une délégation
ne saurait suffire à faire obstacle à la répression, ou bien sa bonne
foi est bien réelle et il n'y a pas lieu de recourir à la théorie de la
délégation pour l' ex,onérer d'une responsabilité qui, de toute façon,
n'existe pas. (1)
Le problème se posera donc uniquement pou~ les infractions
non intentionnelles et particulièrement celles
qui consistent dans
des omissions. Celles d'entre elles qui nous intéressent ici sont presque
toutes relatives aux Sociétés.
613 - La jurisprudence antérieure à la loi de 1966 n'est pas ici d'un
grand secours. Contrairement à ce qui a été écrit (~), celle-ci n'a
jamais admis, à notre connaisisance du
moin~ la responsabilité pénale
d'un salarié malgré la généralité des termes de la loi de 1867 qui se
contentait de punir
"toute violation des articles .•.. ". L'arrêt de
la Chambre criminelle du 4 Juillet 1962 (]) invoqué à l'appui de l'idée
que la jurisprudence admettait la responsabilité du personnel d'encadre-
ment ne nous semble pas très pertinent .
(1) Crim 19 déc.1973 Rev.soc.1974 363 .Obs BOULOC;J.H.ROBERT~qui répond
de l'inobs;ervation des règles de publicité et d'information imposées
aux sociétés anonymes? D 1975.
(2)
J H ROBERT prét. J. C. P. 1975
C.1.11716
(3) D 1962 p.96 note
J.M R
294
Si dans cette décision, la haute juridiction a
admis
la responsabilité du directeur technique, c'est parce qu'il" supportait
en fait la direction générale Il et qu'il agis sai t avec'Iles pouvoirs les
plus larges en l'abse~ce de P.D.G., d'administrateur et de directeur
administratif Il .Le directeur a donc été condamné non en cette qualité
mais parce qu'il était en réalité le maître de l'affaire. Cette décision
doit donc être rattachée à la théorie du dirigeant de fait plutôt qu'à
celle de la délégation.
614 - Depuis la loi de 1966, la Chambre crL1Dinelle a eu, à notre
connaissance, ~~e seule fois l'occasion de se prononcer sur cette question
à propos de l'infraction édictée par l'ancien art.484 alors imputable
aux présidents, administrateurs ou directeurs généraux (1)
Le président d'une société anonyme poursuivi pour défaut de
publication de divers documents comptables
au B.A.L.O soutenai~pour
sa défense, qu'il avait confié à un comptable le soin de procéder aux
publications légales
et que ce délégué devait être puni à sa place.
La chambre criminelle n'en a pas moins jugé que Il sous réserve de
l'application des règles de la complicité, l'art.484 de la loi précitée
ne prévoit que la responsabilité pénale des mandataires sociaux qu'il
énumère. ~e texte, à la différence de l'art.173 Livre III du
Code du travail invoqué par S. ne vise pas les préposés, qu'il en
découle, en la matière que la délégation de pouvoir à un préposé
n'est pas de nature à exonérer le P.D.G. de sa responsabilité
pénale ". et, elle ajoute pour justifier sa décision, que les
obligations mises à leur charge par la loi de 1966 iùcombent personnel-
lement aux administrateurs et ressortissQnt
aux pouvoirs d'adminis-
tration générale qu'assurent les dirigeants et dans le cas prévu
par l'art.489 aux pouvoirs de contrôle des membres de conseil de
surveillance.
Ils ont personnellement le devoir de veiller à
l'accomplissement des obligations mises à leur charge Il (2),
Ce texte a été abrogé par la loi du 1e mars 1984 mais l'infraction
a été reprise par l'art.299 du décret du 1Mars 1985
(2) Crim'Y5 mai 1974JD.I976 226 J.VEZIAN~Rev.soc.I974.752 Obs.Bouloc
Rtr.D.Com.I975 122 Obs. R Houin.
615 - Les commentateurs de cette décision en ont tous induit, à
juste titre, qu~ la haute jurisprudence rejette l'effet exonératoire
de la délégatio~~)Encore faut-il préciser que dans certains cas. la
responsabilité des administrateurs autree que le président du conseil
d'administration peut s'expliquer par la théorie de la délégation (2)
616 - La
motivation de l'arrêt permet d'en délimiter nettement la
por~ée.• Dans la mesure où certaines dispositions du décret du 23 mars
1967 ne visent pas spé,c.ialement les dirigeants de société et se
contentent de punir Il toute infraction aux dispositions du présent
article •••• Il (J) On était en droit de se demander si l'applicabilité
des règles de la délégation pouvait être traitée de la même façon (4)
Il semble bien qu'il faille répondre par l'affirmative, puisque la
Chambre criminelle justifie sa décision par la notion d'administration
générale et non pas seulement par l'absence d'imputation légale aux
préposés; il faut donc admettre que toutes les obligations de publica-
tion prescrites par le décret du 23 mars 1967 qui relèvent également du
pouvoir d'administration des dirigeants sociaux
ne peuvent p~s
faire l'objet d'ume délégation exonératoire de la responsabilité
des dirigeants sociaux.
Mais ce rejet de la théorie de la délégation reste difficile
à expliquer.
B/ APPRECIATION 8RITIQUE DE LA
SOLUTION; JURISPRUDENTIELLE
617 - En fondant sa solution
sur la notion d'administration générale,
la chambre criminelle rattache la responsabilité du chef d'entreprise
à sa fonction. Sur le plan juridique, la solution ne manque pas de
pertinence.
(1) J H ROBERT op. cit et auteurs cités note précédente
(2) cf, infr" 0. . 1\\ ~ b54 er ).
(3) art.I6, 53, 242, 266 et 293
(4) J.H. ROBEIlT oP.;;. cit.
618 - En effet, on peut
penser que si le législateur: a limité la
liste des personnes punissables aux présidents, administrateurs et
directeurs généraux, c'est qu'il entendait interdire la j~léga
tion des obligations d'information aux salariés. Au demeurant,
la liste des personnes à qui l'infraction est légalement imputable
varie d'un délit à l'autre.
Ainsi, les délits relatifs à la convocation de l'as-
semblée générale n'est imputable qu'aux présidents ou aux adminis-
trateurs (1) et non aux directeurs généraux parce que ceux-ci n'ont
pas légalement vocation à procéder à cette convocation.
De plus, la solution est bien conforme au principe
de la légalité des délits et des peines qui interdit d'appliquer
une sanction pénale à des personnes non visées par la loi.
Sans doute, e~ d'autres matières, la chambre crimine~le a-t-elle admis
le transfert de la responsabilité pénale du chef d'entreprise sur la
tête d'un préposé par l'effet d'une délégation de compéteBne (2)
Mais une telle extension jurisprudentielle de l'imputation légale ne
nous semble pas conforme à l'interprétation stricte de la loi pénale.
En l'état a~~tuel des textes, l'irresponsabilité pénale des dirigeants
sociaux fondée sur Q~e délégation de compétence à un salarié abouti-
rait donc à
priver les obligations. d'information de toute sanction
pénale. Ce résultat n'est évidemment pas admissible.
619 - De plus, même en droit du travail, certains auteurs admettent
qu'en cas, de méconnaissance des obligations qui lui sont propres,
c'est le chef d'entreprise qui doit être poursuivi sans avoir la
possibilité de se décharger sur un de ses subordonnés
(3). C'est bien
ce que dit la chambre criminelle lorsqu'elle affirme que les obli-
gations mises à leur charge par la loi de 1966 Il incombent personnellement
aux mandataires sociaux ". C'est ce qui se déduit également, du moins
à notre sens , de la volonté du législateur. La solution jurisprudentielle
(t) art.441 et 442 Loi du 24 juil.1966.
(2) Crim .,10 janv 1963}J. C. Po 1963,II .13066 ; CLP. 1963.1.267; Crin 8 Jui:1
1971,D'1971 som.132
14 fé~ 1972]hull.crim n023 p.43
)
'N.CATALA, op.cit n° 420 p.458jO.GODARD op.cit n0442 p.361.·-
297.
est donc tout à fait légale. Elle n'est pas non plus contraire au
princiqJ1E de la
pe!'8onnali té
des peines. Ce qui est rep~oché au
chef d'entreprise, ce n'est pas le fait du préposé auquel il a
délégué ses pouvoirs. C'est d'avoir omis d'exécuter l'obligation que
le législateur a mis à sa charge, ou tout au moins de n'avoir pas
veiller à son accomplissement par le préposé" auquel il l'a confiée (1)
640 - Il reste que l'opportunité de cette solution est très contestable.
On
a soutenu qu'elle inciterait les dirigeants à ne placer aux postes
de direction que des hommes de paille uniquement destinés à subir la
répression (2) ou qu'elle peut les conduire à considérer la répression
comme un risque auquel il faut se préparer par des provisions destinées
au paiement des amendes (3). Mais ces objections ne sont pa~ à notre
sen~ péremptoires. Il est toujours possible d'atteindre
les véritables
dirigeants grâce à la théorie des dirigeants de fait (4). En outre,
les dirigeants sociaux doivent supporter personnellement les amendes
pénales prononcées contre eux, sinon, ils se rendraient coupables du
délit d'abus de biens sociaux (5) et risqueraient des peines beaucoup
plus graves que celles que leur ferait encourir la plupart des in--
fractions relatives aux obligations d'information.
6h1 - C'est surtout du point de vue d'une organisation rationnelle
de l'entreprise que le refus de l'effet exonératoire de la délégation
est contestable. Il oblige les dirigeants à s'occuper personnellement
de tâches qu'ils pourraient avantageusement confier à des salariés.
On a prétendu que les formalités d'information ne nécessitent aucune
compétence particulière et qu'il serait facile aux dirigeants d'éluder
leur responsabilité en se déchargeant sur n'importe quel salarié (6)
Voir ~fERLE et VITUE _. op. cit.P.408i STEFANI et LEVASS3UR - op.cit ?
VEZIAN - note s-crim 14 Mai 1975 prée.
J.H.~OBERT - Les personnes physiques)J.C.P.I975 ed. CJ.11716
cf infra 1\\ ~ b2.8 ~f:>.
CHA~TI~~ - La gestion et le contrôle des S.A. Litec 1978 p.232;
1
L.CmfSTANTIN,op.cip,p.646. R.CONTIlI,op.cit n U 540 et s. ,JB HERZOG....
La responsabilité pénale des administrateurs de sociétés anonymes
pour abus de biens et de crédit de la sociét~ J. C.P. 1966.1.2032
(6) J.H.ROBERT
Qui repond •.•• D,1976 p.I70
1
298
l,jais cette assertion n'est pas tout à fai t exacte vu les nombree.x pto-
blèmes juridiques que
pose la détermination du contenu et des bénéficiair
de l'information (1)
Au surplus, cette affirmation serait-elle vraie que loin de pouvoir
justifier le refus de l'effet exonératoire de la délégation, elle
tendrait plutôt à le faire admettre. En effet, pourquoi
~bligerait-on
les dirigeants de l'entreprise à: passer leur temps à des tâches
dont l'exécution ne nécessite aucune compétence particulière, au
détriment des véritables problèmes de gestion. Du reste, ce n'est
pas la technicité des
tâches qui
justifie la délégation mais la
diversité des structures de l'entreprise et la nécessité du partage
du pouvoir
(2). Elle est" une simple conséquence de l'organisation
scientifique du travail, du cloisonnement des tâches et du transfert
de responsabilité qui en découle" ( 3)
622·-
Consciente de cette nécessité, consciente aussi du fait que
la délégation de pouvoir peut conduire à une meilleure information
des partenaires de l'entreprise, la C.O.B, tout en admettant que,
de droit/la responsabilité de l'information incombe au président,
recommande vivement la désignation, dans chaque société cotée
d'un responsable de l'information" qui doit faciliter à l'entreprise
la prati~ue correcte de l'information" (4). Certes, on peut penser
que cette responsabilité pourrait être confiée à un
administrateur.
Hais, ainsi que nous le verrons plus bas, l'exécution des formalités
d'information relèvent des pouvoirs de gestion qui ne sont pas de
la compétence du conseil d'administration (5). Un administrateur ne
pourrait donc juridiquement s'en charger qU'en vertu d'une délégation
consentie par le conseil d'administration ou un contrat de travail
salarié. Autant dire que le problème de la délégation demeure entier.
623 - En outre, il ne faut pas se leurrer sur les risques inhérents
à l'effet exonératoire de la délégation. La jurisprudence la renferme
dans des conditions si strictes qu'il y a peu de chance qu'il
pUI~~~
constituer pour le chef d'entreprise un moyen commode d'éviter toute
1
1
responsabilité en se déchargeant sur un homme de paille. (6)
(1) cf supra 1 0 partie
l?)<~l+JD.J1AïER,op.cit. Loc.cit.
(3) REDlHA'ffi)T (y) ,L'acte du salarié et la responsabilité pénale du
chef d'entreprise -~thèse LYON III 1974 N?2)4.
(n cf infra n! ~5"6 ,,)~.
(6) n.~AYER, op.cit.Loc.cit.
299
l-es administrateurs malhonnêtes et ruineraient la prévention des infrac-
tions plus graves que l'on attend de la publicité (1) 11ais c'est oublier
les conditions strictes dans lesquelles la jurisprudence renferne
habituellement la reconnaissance de l'effet exonératoire de la délégation.
Il ne paraît pas sans intérêt de rappeler que les magistrats n'exigent
pas seulement que le délégué soit compétent.
Ils n'autorisent le chef d'entreprise a se décharger de
l'obligation de veiller à l'application de la loi que si les dimensions
de l'entreprise ne lui permettent pas de le faire personnellement.
Ils exigent ensuite que le délégué dispose d'un pouvoir autonome
pour accomplir la mission qui lui est confiée. C'est à dire qu'il
doit non seulement disposer de moyens matériels qui lui sont nécessaires
mais aussi que le chef d'entreprise ne doit en aucun cas s'immiscer
dans l'accomplisisement de cette tâche sous peina
de priver la
délégation de toute efficacité (2). Ces conditions ont été récemment
confirmées en matière de délit d'entrave (3). Il nous semble alors
que la reconnaissance de l'effet exonératoire de la délégation,
loin de ruiner la prévention de l'infraction, est susceptible de
l'améliorer.
,
624 - En effet, le délégué salarié n'a aucUIT intérêt personnel
a
favoriser la dissimulation d'une gestion défectueuse dont il n'est
pas responsable. Il n'ira certainement pas risquer une peine d'em-
prisonnement ou d'amende dans le simplé but de faire plaisir aux
dirigeants sociaux. Et si ceux-ci, utilisant leur pouvoir hiérar-
chique, l'amène à ne pas remplir la mission qui lui a été confiée,
ce sont eux qui endosseraient la responsabilité pé~ale car la délégation
serait alors inefficace. Il en sera de mê~e si le défaut d'information
est dû à une faute dans l'administration générale de l'entreprise (4)
(1) J.H.ROBERT, op.cit 0.1976, p 170 et s.
(2) N. CATALA, Notion de délégation: forme, conditions, limites et cas in
La responsabilité pénale du fait de l'entreprise, l·IASSON I977 P 115 et
s.
J H ROBERT, op.cit. J.C.P.I975 éd.'~.11716
N.CATALA. L'entreprise n0414 p.452 - a.GODARD op.cit.N°410 p 369 et s.
(3) CRIM;20 juin I985 • prée.
(4) Voir
En matière de sécurité du travail. Crin.IR déc.I963 D I964
1969, CRIM, 23
janv.I975. prée.
300
, .
Il s'ensuit que la reconnaissance de l'efficacité de la délégation
non seulement ne serait pas nuisible à l'intimidation que l'on
attend de la répression, mais encore serait susceptible de la
renforcer en même temps qu'elle permettrait aux dirigeants de
procéder à une répartition rationnelle des tâches au sein de
l'entreprise.
625 - Il reste qu'en l'état actuel du droit positif, la délégation
n'est pas admise, du moins pour les infractions à imputation
spéciale. Seuls, les dirigeants sociaux pourront alors être pour-
suivis pour défaut d'information. Mais alors il faudra ctéterminer
ceux-ci.
§ II - LA DETEffi1INATION DES DIRIGEANTS
RESPONSABLES.
626 - La détermination du dirigeant pénalement responsable suppose
qu'il soit répondu à deux questions. La première concerne la notion
même de dirigeant (A) L5 .. seconde est relative, dans le cas de plu-
ralité de dirigeant ou d'organes dirigeants, à la désignation du
dirigeant responsable (B)
A - La notion de dirigeant.
627 - La nécessité. de définir la notion de dirigeant au sens du droit
pénal résulte de deux situations différentes. D'une part, ces fonc-
tions sont parfois exercées par des personnes qui, légalement,
n'ont pas la qualité de dirigeant: c'est le problème des dirigeants
de fait (1) D'autre part, il arrive que des personnes morales soient
dirigeants d'une entreprise (II)
(1) Crim~17 janv.I956, bulL crim.~o68 p 119; 18 janv.I956,J.C.P 1956
09342njI7 Oct.I957, S. 1958, 225;
13 oct. 1960, bull n° 438
p.873; 8 Mars 1966 bull.,;o31. 7 juil.I966,bulLcrim.!,!cI97
j
J01
l "- Dl'; LA RES:OJ:1SABILITE PE~IALB DES
DI~IGEANTS ~E FAIT.
628 - En réalité, les fonctions de direction et d'administration
ne sont pas toujours assumé~5par les personnes qui ont été légalement
désignées à cet effet mais. parfois par des dirigeants de fait.
629 - Pendant longtemps, la chambre criminelle de la cour de cassation
a refusé d'admettre la responsabilité pénale des dirigeants de fait
pour infraction aux lois sur les sociétés cOffimerciales. A notre con-
naissance, avant la loi de 1966, ~e seule décision (1) avait admis
la responsabilité pénale du dirigeant de fait; ce/malgré l'absence de
toute imputation spéciale. En ce se~s, on cite généralement un autre
arrêt du 16 janvier 1964 (2) mais celui-ci est moins net·
puisque
le dirigeant de fait n'a été conda:J~é que pour abus de confiance alors
que le dirigeant de droit qu'il a dépouillé de ses attributions
était condamné pour abus de biens socia~x. Jusqu'à la loi' de !966,
le dirigieant de fait pouvait donc échapper à toute
répression si
ses agissements n'étaient pas constitutifs d'une infraction de droit
.:commun. A moins qu'on ne puisse retenir contre lui des faits constitutifs
de la complicité difficile A établir~s'il s'agit d'une infraètion d'omis-
sion. Il pouvait ne pas être inquiété alors que pour les mêmes faits
!es dirigeants de droit étaient poursuivis. Ce qui, ainsi que l'a judi-
cieusement relevé un auteur, constituait une • prime A la fraude'
(3).
630 - Depuis la loi de 1966, les di~igeants de fait peuvent être pour-
suivis au même titre que les dirizeants de droit. Il en est ainsi,
aussi bien pour les diricieants de sociétés commerciales (4) que pour
ceux des sociétés civi16s(5). Ces textes visent toute personne qui,
directement ou par personne inter?csée, aura en fait exercé la direction,
l'administration ou la gestion des dites sociétés., sous le couvert
ou au lieu et place de leurs représe~tants légaux.
L'examen des décisions
intervenues à ee jour permettent de dégager quelques indices
tQr~ct~r~Qnï. le dirigeant de fai:. On peut noter par exemple que,
dans l'affaire jugée le 2 novembre I979; le tribunal de Paris a pris
(1) Crim. 4 juil.I962 prée.
(2) Crim.16 janv.I964 D 1964 p.I9L note ;JfEZARD J C P 1964
l 13612
note J.R
(3) F. LEBRœ~
thèse préc.p.238
(L) art.431 et 463 loi 24 juil.I966
(5) art!9
Loi du 31 déc. 1970.
302
le soin de relever que l'administrateur détenait à lui seul 97 % du
capital social de sorte qu'aucune décision ne pouvait être prise sans
son accord, qu'il avait pris l'initiative de la consitution de la sociét~
avait pressenti le co~missaire aux comptes, détenait une délégation
de signature du dirigeant légal et exerçait la gestion administrative
et financière de la société (1). De son côté, la chambre criminelle
a reconnu la qualité de dirigeant de fait à un individu qui, en
l'absence de président qui se désintéressait des affaires sociales
a pris seul toutes les décisions concernant la société, telles que
l'embauche du personnel, y compris les directeaLeurs et l'achat
de matériel d'exploitation, s'occuparrt seuldu courrier et de la tenue
des livres comptables conservés en hlanc par le président et a, au
nom de la société, présenté au président du Tribunal une requête en
prorogation d'un délai (2). -
La haute juridiction a é~alement reconnu
cette qualité à un individu qui" dirigeait la société dont les co-
contractants
ignoraient même que son épouse (dirigeante de droit) y
ait une quelconque activité (3) ou qui
était seule à s'occuper de
la gestion commerciale et n'a jamais cessé d'assurer la direction
effective de la société sous couvert de sa concubine nommée en dépit
de son incompétence. (4)
A l'inverse, la chambre criminelle n'a pas reconnu la
qualité de dirigeant de fait à ~~e personne qui a seulement, en raison de
services qu'il rendait à la société, bénéficié d'importants moyens
matériels (5)
Toutes ces décisions ont en commun le
fait que la qualité
de dirigeant de fait n'est reconnue qu'à celui qui a exerc~ aa
sein
d'une société, les fonctions de direction en toute indépendance.
(1) T.CORR PAR1S)2 Nov. 1979)rev.soc. 1979 p 708 note BOULOC
(2) CRIIl, 8 déc. 1980, rev. soc. 1981 351 (1 ère csp) note BOULOC
(J) CRHL) 1"Oct.1981 bull. JOLY" p 935
J
(4) CRIH. J 10 oct.1980 rev.soc.1981 351 (2" esp) note BOULOC
J
(5) CR1M.,21 avr 1980/D.1981 33. Note COSSON.
JOJ
Ce qui est remarquable, c'est la convergence de cette
définition avec celle retenue dans d'autres branches du droit.
631 - Ainsi, en matière commerciale, d'après la Cour d'Appel d'AIX,
seule la participation à la haute gestion et à l'administration
générale confèrë la qualité de dirigeant de fait, à l'exclusion des
actes d'exécution s'insérant dans le cadre de décision prise par
d'autres, t~nt sur le plan commercial que sur le plan financier pour
déterminer les objectifs à atteindre et les moyens d'y parvenir,
décisions et ,mesures qui seules étaient de nature à avoir une incidence
sur le sort de la société (1). De même, la cour d'Appel de PArtIS a
reconnu la qualité de dirigeant de fait à un établissement financier
qui s'est immiscé dans la gestion d'une société cliente au capital de
laquelle il participait, auprès de laquelle il avait délégué en
qualité de gestionnaire, une personne qui participait de façon stable
à la gestion des affaires sociales et a fait preuve d'une autorité telle
gu'elle paraissait avoir bien souvent pris seule les décisions importantes
gu'elle n'avait aucun mal à imposer aux dirigeants sociaux (2). La même
solution:a été adoptée à l'égard d'un individu, actionnaire majoritaire,
directeur technique " chargé principalement de toutes les relations
avec les clients, les fournisseurs, les sous traitants, entrant dans le
domaine technique, ceci de la façon la plus large" qui touchait outre
une prime de désintéressement, des allocations et indemnités diverses et
des remboursements de frais pour lesquels il n'existait aucune justifi-
cation. Les juges parisiens ont estimé que la combinaison de sa situation
majoritaire avec sa fonction de directeur technique donnait à cet
actionnaire une position dominante dans la société
Il
et qu'une prime
de désintéressement normal pour un salarié aoparait insolite lorsqu'elle
(1) AIX/30 sept. 1975/D.I976 som.2
(2) PARIS,3 Mars 1978 D 1978 J.R. 420 Note VASSEUR.
Rap NANCY 15 déc.I977
J
J.C.P. 1978 II. note Stoufflet; Com.l-2 av 1980}bull civ.IV N~ 374
3 oct.I979
G.P.I980 som.38
304
est attribuée à un actionnaire majoritaire qui prétend n'avoir aucun
rôle commercial" (1),
632 - On reMarquera que contrairement à ce qui a été écrit (2)
-les
critères retenus dans cette dernière affaire paraissent moins propants
que ceux retenus par les juridict~répressives. En effet, on ne trouve
dans cette décision nulle trace d'un acte positif qui, d'après une doc-
trine autorisée, est nécessaire à la caractérisation de la direction de
fait (3). La Cour d'appel se contente de relever des indices caractérisant
" la position dominante de l'actionnaire ", ce"qui
'prouve seulement
qu'il a',ait la possibilité de diriger en fait la société. Hais l'a-t-il
réellement dirigée 7
633 - Il est vrai qu'une partie de la doctrine commercialiste semble
reconnaître la qualité de dirigeant de fait à l'actionnaire de contrôle
pour la seule raison qu'il contrôle la société (4) et que, dans une
décision ancienne, la cour d'appel de LYON a suivi cette voie (5) Mais
cette solution nous semble contraire aux termes de la loi de I966 qui
ne punit que celui qui "~ en fait exercé"
la direction de la
société. L'exercice,.. n 1 est-ce pas une redondance 7- exclut l'inertie.
L'exigence d'un acte positif de gestion semble d'autant plus justifiée -:qu'
en matière de S.A.R.L la présomption de faute n'existait qu'à l'égard des
associés non gérants qui ont " participé effectivement à la gestion de
la S.A.R.L "
De toutes façons, la responsabilité pénale des actionnaires de
contrôle qui n'ont commis aucun acte positif de gestion nous semble
difficil ~ment coopatible avec le principe de la personnalitg des délits
et des peines. Ils n'ont aucune obligation de veiller ni à la bonne gestion
de la société, ni à l'accomplissement des formalités d'infor~ation.
(1) Paris, 20 fév.1978 Rev.soc.I979 note SORTAIS.
1
(2) BOULOC)note S/CRIN 60ct.1980 et 18 déc.1980 préc.
Of'11ERCADAL etJANIN memento F.Lefebvre,1984-1935 N° 3849'R:':VE LANGE"
La notion du dirigeant de fait)D.I975 p41~ R.HOUIN}r.ép~DALLOZ.sociétésVO
Faillites et régl.judiciaiires - Liquidations de biens,n'424
HE'1ARtVF.RRE et )'lABILAT ,op. cit. ,,"'1245 - J -1·1. VERDIER, l'abus de mandat socia:
in gtude HA~~LJ1955 ~200,;
STOUFFLET,note s/NANCY}15 dgc.1977~préc.
H.VASSEUR,S!Com 9
Mai 1978 D 1978
P
409.
(4) C. 1. CHN1PAUD ") Le
pouvoir de concentration de la SA p I47; SANZ, le déJiJ
d'abus de biens et de crédit - le délit d'abus de pouvoir des voix thèse
I-lONTPELLIER I975 p 244~LYON}9 Av.I93~cité par P.H.SABI!l op.cit p.66
J
(5) Lyon
9 av.
1936, cité par P.H.
SABIN, op.
cité.
page 36.
305
634 - Notons qu'en matière fiscale également, la gérance de fait
est caractérisée par\\une participation étroite à la gesèion de la
société manifestée par le fait d'assurer la marche de ~'affaire
notàmment
les relations avec la clientèle, les fournisseurs et le
personnel n(1) Ainsi a été reconnu coupable de soustracèion fFaudu-
leuse au paiement de l'impôt et passation d'écritures :~ctives celui
qui. en réalité,était animateur de fait de la société .... son épouse
P.D.G. n'en était que le prête-nom n (2)
Ainsi, toutes
les branches du droit positif convergent pour
reconnaître la qualité de dirigeant de fait à celui qui Il en toute
souveraineté et indépendance exerce une activité positive de gestion et
de direction n
635 - On a soutenu que les infractions prévues au chaoitre IV du
titre II de la loi sur les sociétés commerciales (et sans doute celles
prévues par le décret) ne sont pas imputables aux dirigeants de fait
en raison du silence du législateur (3). Cette opinion conforme au
principe de l'interprétation stricte de la loi pénale n'est cependant pas
suivie par la jurisprudence plus soucieuse d'assurer l'effectivité
des textes d'incrimination (4). Elle punit des dirigeants de fait pour
t~tes les infractions spécialement imputées au chef d'entreprise.
Du reste dans le cas particulier des délits d'informat~on prévus par
les articles 480 et suivants de la loi sur les
sociétss commerciales,
on voit mal les raisons pour lesquelles le législaateur aurait voulu
leur aménager un régime juridique différent. Il s'agit sans doute d'un
oubli qui ne saurait justifier l'impunité des dirigeants de fait.
636 -
Il ne semble pas nécessaire de faire une distinction entre infrac-
tion de commission et infraction d'omissi~n. La jurisprudence retient
la responsabilité pénale du dirigeant de fait, quelle q~e soit la nature
du,
fait matériel constitutif de l'infraction (5).Cette solution peut
(1) F. GORE, droit pénal des affaires,DALLOZ 1984 n" 765 ?!.COZIAW Précis
de fiscalité de l'entreprise,n° 343 p 966
'
(2) CRn:) 3 fév.I972 ,bull ne 144
(3) tŒRCADAL,J.CL. Loi
pén.spéc.soc.fasc.A Historique et généralité
N'16
(4) P'R SABIN,op.cit.,p.398
(5) Crirn,~t. juin 198I/B.R.n.A.n° 21 p 9;T.Corr.PARIS/ 1J janv 1930,G.P. 1930
CORR p.I72
T--'Du.PARIS 2 Hai 1979 préc.
)06
s'appuyer sur la généralité
des termes de la loi qui ne fait aucune dis-
tinction. Elle se justifie aussi par l'idée qu'en exerçant les fonctions
de direction de la société, le dirigeant de· fait Q~t~pte par là.même
toutes les obligations qui s'y rattachent. De plus, il parait anormal
qu'il puisse s'abriter derrière l'irrégularité de sa situation pour ne
pas répondre de ses actes surtout lorsque ceux-ci sont volontaires.
Le dirigeant de fait qui a publié des comptes annuels infidèles ou distribué
des dividendes fictifs doit normalement répondre de ses agissements. De
mê~e s'il prétend dissimuler les conséquences de sa gestion en ne dési-
gnant pas un commissaire aux comptes ou en ne convoquant pas l'assemblée
générale, il ne doit pas pouvoir échapper à sa responsabilité pénale.
l~
Il Y a assimilation complète entre le diri@ant
de fait et dirigeant
de droit.
637 -Mais alors, si l'on poursuit le dirigeant de fait pour l'omission
des formalités d'information pourra-t-on poursuivre le dirigeant de
droit pour les mêmes faits? Il nous semble que la réponse doive être
affirmative. L'intervention d'un dirigeant de fait ne suffit pas à
dispenser les dirigeants de droit des obligations qui leur incombent
légalement. Ceux-ci restent tenus d'accomplir les formalités d'information
et leur responsabilité pénale reste engagée si celle-ci sont omises.
C'est la solution adoptée par la Chambre criminelle qui considère qu'un
dirigeant ne peut valablement contester sa responsabilité pénale sous
prétexte qu'en fait il aurait négligé de remplir les devoirs de sa charge
(1) Elle a déjà cumulativement condamné le dirigeant de fait et le dirigeant
de droit en matière de fraude fiscale. (2)
(1) Crim,22 janv.I985/Bull,crim/N°28 p.75;rev.soc.1975
296
(2) Crim.)5 juin 1979)rev.soc. 1980
106 note BOULOC
1
1
J07
On notera que la jurisprudence ne considère pas le défaut de publicité
de la nomination d'un dirigeant comme exonérant celui-ci de sa responsa-
bilité (1). La même solution est d'ailleurs actmise en droit commercial
par la doctrine qui con~ère avec raison que la publicité est une condition
d'opposabilité de la nomination aux
tiers et non une condition de validitJ~
II -- DE LA RESPONSABILITE PENALE DE PSRSONNES HORALE,g
ADMINISTRATRICES DE SOCIETES ANOlra1ES.
638 - Le second problème qui rend nécessaire la définition du concept
de dirigeant tient essentiellement au principe fermement établi en
droit français de l'irresponsabilité pénale des personneE morales (1)
Certes, il ne fait aucun doute que celles-ci ne peuvent être ni gérants
de S.A.R.L. ou de sociétés en commandite simple, ni présidents du conseil
d'administration ou directeurs généraux d'une société anonyme. Ces
différentes fonctions doivent nécessairement être occupées par des
personnes physiques (3);
639 - Mais les personnes morales peuvent parfaiteme~ être nommées
comme administrateurs d'une sociétés par actions. En effet, tirant
argument des termes de l'art.40 de la loi de 1867 qui in~erdisait aux
administrateurs, autres gue les personnes ~orales de contracter des
emprunts avec la société et de l'art. 12 de la loi du 14 1!ars 1943
disposant que le président du conseil d'administration était nécessairement
une personne physique, la majorité de la doctrine (4) avait depuis
longtemps admis la possibilité de nommer une personne morale comme
administrateur. Cette opinion a été confirmée par l'art.91 de la
loi du 24 Juillet 1966 qui précisait expressément qu'une personne
morale peut être nommée administrateur.
Cri~9 Mars 1966/ Bull.crim.203; T.Corr.Pari~2 Nov.197~ préc.
RIPERT et ROBLOT, op. cit 'It 1 n
236· l-Ierrard Terret\\ HAe'~~T, soc. comm
J
1t. III
n'1462
J
(3) art 49. 110 et 115 Loi du 24 juill.I970.Encore faut-il préciser que
rien n'interdit que le représentant permanent d'une personne morale
soit nommée président du conseil d'administration.
J08
Prenant en compte les craintes exprimées par les adversaires de la
lice~é du procédé et tenant à la possibilité pour les dirigeants d'
éluder leurs responsabilités en invoquant. l'irresponsabilité pénale
des personnes morales, (1) le législateur oblige celles-ci à désigner
d<3:,leEllr nomination" un représentant permanent qui est so'umis
aux mêmes conditions et obligations et qui encourt leEL.mê:1es respon-
sahilités civiles et pénales que s'il était administrateur en son
nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire des personnes
morales qu'il représente." Cette disposition ne soulève a".lcun problème
en ce qui concerne la responsahilité pénale du représentant permanent
d'une personne morale. Il doit être traité exactement co~me n'importe
quelle personne physique administrateur d'une société.
640 - En revanche, on peut se demander si la personne morale représentée
peut être condamnée solidairement à payer le montant des amendes pénales
infligées à son représentant pour les infractions commises par celui-ci
dans le cadre de la mission qui lui est confiée. La généralité des
termes de l'art.91 al.I in fine permettrait de répondre par l'affir-
mative. Mais une telle solution serait infiniment regrettable. Elle
est contraire à deux principes bien établis en droit français. Celui
de l~irresponsabilité d~personnes morales et celui de la personnalité
des délits et des peines sans que l'on puisse justifier une dérogation
à ces principes. Sans doute, il existiEen droit français quelques cas
de responsabilité collective ou de responsabilité pénale indirecte du
fait d'autrui (2) Mais dans tous ces cas, la personne appelée
à supporter le fardeau de la condamnation pénale n'est pas étrangère à
la perpétration de l'infraction.
Ainsi, lorsque le code de la route
prévoit que" le tribu..l1al pourra ,compte tenu des circonstances de
fait et des conditions de travail de l'intéressé, décider que le
(1) LACOUR6BOU~ERON, précis de Droit commercial
D.I925
t1 P 339.
(2) ST.EFA~n et LEVASSEUR, op.cit
n"277 bis p.251
309
paiement des amendes de police sera en totalité ou en partie mis a la charge
du cOlllllettant".c'est pour tenir compte du fait que la violation de ces pres-
criptions peut être due à une faute préalable de l'employeur. De même,
dans tous les cas de pillage, de rebellions ou de sédition cOlllllis en
groupe, ce sont seulement les participants et les instigateurs qui sont
punis comme coupables. Mais on ne peut pas vraiment dire que ceux-ci
sont innocents •.
641 - Ces raisons ne se retrouvent évidemment pas dans le cas d'infrac-
tions commises par le représentant permanent d'une personne morale dans un
conseil d'administration. Il est difficile de dire qu'en désignant son
représentant, elle l'a incité à cOlllllettre une infraction. Au surplus, la
condamnation de la personne morale serait totalement inutile en dehors
d~ fait qu'elle permettrait de remplir les caisses de l'Etat. Ce n'est
pas, nous semble-t-il, le but du droit pénal. Il vaut donc mieux limiter
la solidarité instituée par l'art.91 de la loi du 24 juillet 1966 à la
responsabilité civile. Dans ce domaine au moins, elle permettra de désinté-
resser les victimes de fautes de gestion commises par le représentaht de
la personne morale en son nom.
Au demeurant, la législation recente semble
aller dans le sens d'une restriction de la solidarité en matière penale
C'est ainsi que depuis 1975 l'auteur d'une infraction ne peut être
déclarée solidairement responsable du paiement des amendes frais et dépens
ques'il
est entouré de comparses insolvables et sur décision spé-
. l
. ,(lI
C1a ement mot1ve
•
642 - Ainsi, tous les dirigeants de droit ou de fait, mais à notre avis
seulement les personnes physiques pourraient répondre pénalement de la
méconnaissance des obligations d'information incombant au chef d'entre-
prise. Mais encore faudra-t-il désigner avec précision lesquels d'entre
eux devront effectivement être condamnés.
(1) L'ancien art. 55 du C.P.P. admettait pratiquement sans autre condi-
tion la solidarité pénale entre tous les individus condamnés pour
une même infraction et la jurisprudence l'appliquait très largement.
B - L:A DESIGNATION DU DIRIGEM:T RESPONSABLE
643 - Lorsque l'entreprise est dirigée par une seule personne, la
désignation de celui qui doit répondre d'une infraction imputable
au chef d'entreprise ne soulève aucune difficulté. C'est bien entendu
le dirigeant unique qui sera poursuivi. Il en sera ainsi dans les
sociétés de personnes ou à responsabilité limitée dans lesquelles
les fonctions de direction sont assumées par un gérant unique.
644 - La question est plus délicate. lorsque l'entrepris ,e est
dirigée par plusieurs personnes, que celles-ci composent un organe
collégial
ou qu'elles agissent chacune indépendamment de l'autre.
Il faudra désigner celle d'entre elles qui supportera effectivement
le poids de la condamnation.
645 - De ce point de vue, une solution est certaine : Les dirigeants
d'une société n'engagent jamais leur responsabilité collective pour
les infractions commises~au sein de l'entreprise, qu'il s'agisse
d'une infraction de commis8tJn ou d'une infraction d'omission. Cette
solution avait déjà été adoptée sous le régime de la loi de 1867 par
la jurisprudence qui décidait que la ~esponsabilité de chaque diri-
geant devait être appréciée en fonctiom de sa participation aux actes
qui ont caractérisé l'infraction (1).
Elle a, selon l' ana-
lyse de l'ensemble des auteurs (2), é~ë confirmée par la loi de 1966
'01."
•
D'ailleurs, l'utilisation de la conjonction/ne pouvait laisser aucun
doute sur cette question.
lIais cela ne signifie pas que le législateur interdise
aux juges de punir l'ensemble des dirigeaLts pour une infraction
commise au sein de l'entreprise, s'il est établiqu'ils y ont tous
pris part.
(1) Cri~4 jUil.I962,préc; 24 mars 1954, bull.II9;LAm~AIS et ACCARIAS,
op.cit,p.427 ; ROUSS~LET et PATIN/op.cit~N°323.
(2) Léon CONSTANTIN,op.cit,p;695 et 743.; TOUFFAIT,ROBIN,ANDUREAU
et LACOSTE,op.cit ,n°327, 347, 365 et 370; PATIN ÇAUJOLLE,AYDALOT lat
ROBERT op. cit 'lp.309.
1
J 11
Ainsi que l'a a:'firmé le tribunal
correctionnel du HAVRE
l"
1.
•
ernp 01
de la conjonction ou, n'a pour effet que de préserver la liberts
d'appréciatl~n. des tribunaux dans le choix des responsables eu
égard à leur participation réelle (1)
646 - Mais la question la plus délicate consiste à déterminer cette
participation rselle. En vérité; elle est plus facile à résoudre pour
les infractions de commissions que pour les infractions d'omisision.
l - LES DIRIGEANTS RESPONSABLES
des
HTFRACTIONS DE CQ1.1HISSION
647 - Lorsque la situation infractionnelle résulte d'un acte positif
accompli en méconnaissance d'une obligation d'information, seuls
les dirigeants qui ont participé à tous les actes constitutifs de
l'infraction peuvent être poursuivis comme auteur. Ceci est l'ap-
plication pure et simple du droit commun et il e~era ainsi, notamment
pour tous les délits de publication et d'information fausse: délits
d~résentation ou de publication de comptes annuels infidèles, de
publication de faits faux en vue de provoquer des souscriptions ou
des versements, de fausse ind:icltion dans le rapport du Conseil d' ad-
ministration en cas de renon~iation au droit préférentiel de souscrip-
tion •••
648 - C'est le délit de présentation ou de publication de bilan
inexact qui fournit les exemples jurisprudentiels les plus signi-
ficatifs. On peut se référer à cet effet à la décision rendue par
le tribunal correctionnel de PARIS le 16 Mai 1974 (2) dans l'Q~e
des affaires AGACHE -- \\'!ILLOT. Le tribunal n'a retenu que la res-
ponsabilité de ceux qui exerçaient effectivement la direction ~e
la société SAE":' FRERE dont le bilan était incrimiJilé.
(1) T. corr. HAVRE 23 Juin 1975 Drée.
)
1 ~
(2) J.C.~ 1971 éd.C.I~II,11815
312
I l a relaxé deux administrateurs au motif qu'il n'était pas établi qu'ils
aient activement participé à l'élaboration des bilans incriminés et qu'ils
aient eu consc~ence de leur présentation fallacieuse. Un autre administrateur
a bénéficié d'une mesure identique parce qu'en réalité il paraissait n'avoir
été qu'un administrateur de cirsconstance, sans aucun pouvoir de décision et
que si l'on pouvait lui reprocher d'avoir oublié les responsabilités que lui
conférait sa fonction d'administrateur, à défaut d'intervention personnelle
et d'acte positif, un doute subsitait sur sa participation consciente à la
présentation de bilan inexact.
Dans une affaire plus récente, le tribunal correctionnel de paris(l)
a encore relaxé les deux présidents d'une société parce que l'un n'était plus
en fonction au moment où les comptes ont été établis par le conseil d'adminis-
tration, puis proposés à l'approbation de l'assemblée générale et que l'autre
n'avait été nommé qu'à cette assemblée générale. Ils n'ont donc pas pu par-
ticiper à la présentation de bilan inexact.
649 - Néanmoins, il faut noter que la jurisprudence considère comme auteur du
débi t de présentation de bilan inexact tous les administrateurs qui étaient en fonc-
tion au moment de la présentation du bilan même s'ils n'ont pas participé à
son élaboration (2). Mais cette solution peut s'expliquer aisément dans la
mesure où ce document établi par le conseil d'administration, est présenté aux
associés ou publié au nom de celui-ci, même si matériellement cet acte n'est
accompli que par une seule personne. De
fait, ce qui est incriminé, ce
n'est pas l'élaboration des comptes annuels infidèles mais leur publication
ou leur présentation. On peut donc dire que tous les membres du conseil
d'administration qui décident de la présentation ou de la publication de ces
comptes accomplissent juridiquement le fait matériel constitutif de l'infrac-
tion. Auparavant, la chambre criminelle avait affirmé que Il si la négligence
ou le défaut de surveillance peuvent être retenus à la charge des gérants
c'est à la condition
(1) T. Corr. PARIS, 9 Mai 1984, Bull. C.N.C.C. p. 399, les comptes avaient
été arrêtés par les administrateurs restés en place avant le remplace-
ment de l'administrateur démissionnaire.
(2) Crim., 16 Sept. 1925, Bull. JOLY 1985, P. 1039, Crim., 20 Juil. 1977,
Bull. Crim. N° 668.
313
.
.
~ h
(1)
M .
aient connu les agissements délictueux qu'lIs pouvalent empec er
•
alS
c'est surtout en matière de complicité que l'inaction des dirigeants est le
(2)
plus souvent retenue contre eux"
•
650 - Cependant, en ce qui c:mcerne le délit de présentation ou de publica-
tion de comptes annuels infidèles, il se pose un problème particulier tenant
aux termes de l'art. 464 de la loi d~ 24 juillet 1966 qui énonce que les
peines prévues ••• ; pour les présidents, les directe~s généraux et les admi-
nistrateurs de sociétés anon:~es sont applicables, selon leurs attributions
:respectives, aux membres du directoire et aux me,mt·res du Conseil de surveil-
lance.
Selon ses attributions, c'est au directoire qu'il appartient d'éta-
blir, de présenter et de publier les comptes annuels (art.162 loi du 24
juil.1966). Ce sont donc les membres du directoire qui doivent répondre,
dans les mêmes conditions que ceux du conseil d'administration de la publi-
cation de com~tes annuels in:idèles. Les membres du ceonseil de surveil-
lance ne peuvent, en principe être inquiétés, sauf complicité, leur rôle se
limitant à la vérification et au contrôle de ces comptes (at. 128).
651 - Comme le dit M. LEBRill/ 3) "un membre_du conseil de surveillance qui
publie ou présente un bilan agit en dehors de ses attributions. Les art.
L437 et L 464 ne lui sont donc plus applicables". Cet auteur se fonde sur
l'art. 157 de la loi du 24 juillet 1966 aux termes duquel le Conseil d'admi-
nistration ou le directoire, selon le cas présente à l'assemblée, les comptes
annuels "et sur l'art. 128 al.l ° qui énonce que "le conseil de surveillance
exerce un contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire".
Il en déduit, à juste titre, que la responsabilité pénale de la publication
ou de la présentation de bilan inexact incombe aux membres du directoire.
Mais il ajoute qu'il ne faut pas pour autant conclure à l'irresponsabilité
pénale des membre du conseil de surveillance lorsqu'ils publient ou pré-
sentent un bilan inexact "si leurs agissements révèlent une direction de
fait, ils risquent des sanctlons pénales".
(1) Crim., 19 déc. 1973
bu~l. crim. N° 480 p. 1200
Rev. Soc. 1974
363 note BOULOC.
(2) Cf. infra n° 684 et s.
(3) F. LEBRUN, Op. Cit. 237 - 238.
31~
Nous ajouterons seulement à cette excellente analyse, à laquelle
nous adhérons sans réserve,qu'à.notre sens, la publication ou la
présentation en toute indépendance des comptes annuels par un
membre du conseil de surveillancé peut être un indice
révélant suf-
fisamment son immixtion dans la gestion de l'entreprise et permet
de lui attribuer la qualité de dirigeant de fait. Il en sera
ainsi notamment lorsque cette présentation ou cette publication a
été faite pour. les besoins de la gestion de l'entreprise ou en
conformitéQ~«une obligation légale. D'ailleurs il ne devrait pas
être très difficile de prouver qu'il a accompli d'autre~act~de
gestion.
652 - Ainsi, les actes positifs constituant des infractions ne
pourront être imputés qu'aux dirigeants qui les ont accomplis (1)
A cause de leur nature, la question de l'imputation est moins
difficile à résoudre pour les délits d'omission.
II - LE DIRIGEANT RESPONSABLE des INFRACTIONS
d'OMIS~~ON
653 - Désigner la personne qui doit répondre des infractions qui
consistent en une
'cmission revient à décider à qui incombait
l'exécution de l'obligation méconnue. Nous envisagerons
ce problème en distinguant les entreprises dirigées par des
gérant~a~espociétés anonymes (b)
(1)
En ce sens MERCADAL.)J.C.L soc. L. pén.spéc.fasc.A
Historique et Généralités n° 19
315
a) LA DESIGNATION DU RESPONSABLE DES INFRACTIONS
d'OMISSION dans les ENTREPRISES DIRIGEES par
des gérants.
654 - Dans les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite
ou les sociétés à responsabilité limitée, la direction de l'entreprise
peut être assumée par plusieurs gérants. En principe, ceux-ci détiennent
séparément tous les pouvoirs du gérant (1). Ils sont donc tous
responsables
de l'omission des obligations d'information.
L'accomplissement de cell~ci incombe en principe à chacun d'eux.
Mais que se passe-t-il si les statuts ont réparti les différentes
fonctions entre les gérants ou si ceux-ci ont confié à l'un d'entre
eux le soin d'accomplir les différentes formalités légales de publicité?
655 - En droit commercial" les clauses statutaires limitant les
pouvoirs du gérant sont inopposables aux tiers ", de même que
,
l'opposition formée par un gérant ...
a moins qu'il ne soit établi
que les tiers en ont eu connaissance
(2) . Il résulte donc de
ces dispositions que les statuts peuvent légalement aménager l'exercice
des pouvoirs de gestion entre les différents gérants et donc
mettre à la charge de l'un d'entre eux seulement tout ou partie des
obligations d'information. Les autres gérants en sont alors déchargés
et ne peuvent être poursuivis pour leur omission. C'est la solution
implicite qui se dégage d'un arrêt de la Cour de Cassation (3)
Dans cette affaire, les statuts d'une société à responsabilité limitée
stipulaient que l'un des gérants a qualité pour prendre seul et en
dernier ressort toutes les décisions utiles à la marche des affaires
sociales, à charge pour lui de consulter préalablement les autres
gérants. La Cour de Cassation a jugé que cette disposition a pu
être valablement interprêtée par les juges du fond, comme ne concernant
que la gestion de l'entrepr_ise exploitée par la société et non le
fonctionnement des organes sociaux. En conséquence, les gérants qui ne
sont pas chargés de la gestion ont régulièrement convoqué l'Assemblée
(1) art. 14. 49
255 loi du 24 juuillet 1966
(2) Ibid
(3) Com. 6 juin 1972 D.I9~.213 note BOUSQUETjrev.Soc. 1973. 310
note BOULOC.
•
3~6
malgré l'opposition de celui auquel étaient conférés tous les
pouvoirs de gestion.
Par suite, si la limitation de pouvoir des autres gérants
avait concerné la convocation de l'Assemblée générale, ils n'auraient
pas pu le faire légalement. On ne voit alors pas comment ils auraient
pu être poursuivis pour omission d'une obligation dont l'exécution
dépasse leur compétence.
656 - La situation est différente si les gérants ont,de leur propre
initiativ7 confié l'exécution de l'obligation en cause à l'un
d'entre eux et
si celui-ci s'est abstenu de le faire. Aucun texte
ni, à notre connaissance, aucune décision, ne permet d'affirmer
l'irresponsabilité pénale des autres gérants. C'est pourtant à
notre sens la solution qui devra être adoptée. L'intérêt de l'en-
treprise ~ nécessite que les co-gérants puissent coordonner leurs
actions aussi bien.pour les tâches de gestion proprement dites que
pour celles d'administration générale. Cette solution peut d'ailleurs
être avantageusement rapprochée de celles qui sont défendues par
une partie de la doctrine en matière de sociétés anonymes.
b) La DESIGNATION du DIRIGEANT RESPONSABLE des
DELITS d'OMISSION dans les sociétés anonymes
657 - Nous envisagerons séparément le cas des sociétés anonymes
avec conseil d'administration,
et celui des sociétés anonymes
avec directoire.
317
1) LE CAS DES SOCIETES ANONYMES de TYPE CLASSIQUE
658 - Lorsque l'infraction d'omission est commise dans une société
anonyme de type classique, la question de la désignation de la personne
qui doit en répondre revient à distinguer les fonctions de direction
des fonctions d'administration. Si l'obligation inéxécutée relève
des premières, c'est au président de la société qu'incombe la respon-
sabilité de l'omission. A l'inverse, si l'obligation inexécutée relève
des pouvoirs d'administration, c'est l'ensemble des administrateurs
qui doivent en principe répondre de l'infraction. Cette règle facile
à exprimer et généralement admise (1) est difficile à appliquer.
Elle a été exprimée par la Cour de Cassation bien avant la loi
de 1966. Une première décision relative au défaut de convocation d'un
actionnaire nominatif avait alors condamné un directeur général au
motif qu'il était, à raison de ses fonctions, tenu de s'assurer personnel-
lement que toutes les prescriptions légales avaient été observées (2).
Une seconde décision relative au refus de communication de documents
à un actionnaire qui en avait fait la demande, affirmait que la loi
n laisse au juge du fond le soin de déterminer dans chaque espèce celui
des administrateurs ou dirigeants de la société à qui incombe la res-
ponsabilité du refus de communication de pièce~". (3)
Ces deux
décisions sont peu instructives, étant donné que la question posée à
Cour de Cassation portait plutôt sur l'efficacité de la délégation
dans l'une ou la responsabilité du dirigeant de fait dans l'autre.
De plus,
ail é.S
semble;1t se co~tredire car, si dans la
première, la responsabilité est directement rattachée à la fonction,
A.TOUFFAIT, J.ROBIN, A. ANDUREAU et J.LACOSTE 0p.cit.327, 367 et 370.
7
L. CONSTANTIN) op. cit. }p. 695 et 713 ; J H ROBERr, op. cit~ D.1976 P In 'et s.
Crim.,24 Mars 1954,Bull crim.N°119, p.211
Crim.,4 Juil. 1962) préc.
J18
dans la deuxième, la chambre criminelle semble admettre la possibilité
de condamner n'importe quel administrateur.
659 - La Jurisprudence postérieure à la loi de 1966 n'est pas
plus nette. Dans son arrêt du 15 mai 1974 (1), la Chambre criminelle
a affirmé que l'obligation de procéder aux publicités légales
Il
ressort6>~ltaux pouvoirs d'administration qu'assurent les manda-
taires sociaux ". Son inexécution serait donc imputable à tous
les administrateurs. A l'inverse, dans une récente décision, elle
a jugé que Il le président, à défaut d'établissement de la res-
ponsabilité d'une autre personne visée
devait être tenu pour
pénalement responsable de l'infraction poursuivie Il (2)
Il s'agissait alors du refus de communication de documents à un
associé qui en avait fait la demande.
La Cour d' ."'?pel avait relaxé
le prévenu au motif que la deman-
deresse n'avait jamais eU affaire aux dirigeants sociaux. Enfin,
nous citerons le jugement du Tribunal correctionnel du HAVRE (3)
duquel il résulte que l'ensemble des administrateurs étant associés
à la gestion, chacun de ceux-ci avait la charge de provoquer la
réunion de l'Assemblée générale et ne pouvait ignorer l'expiration
du délai au 30 décembre.
660 - Si la première de ces décisions rattache les obligations
d'informatuion aux fonctions d'administration, on peut dire que
les deux autres les lient au pouvoir de gestion. On peut en effet
déduire du second arrêt de la Chambre Criminelle qu'il appartient
au président de la société de prendre ses dispositions pour que
(1) arrêt préc.
(2) Crim.}18 av.1983.,Rev.soc. 1983, 803
note SIBON
(3) T. Corr. HAVRE ,23 Juin 1975, préc.
319
les actionnaires puissent consulter sur place les documents
sociaux auxquels ils ont droit. Quant au Tribunal COrrectionnel,
s'il retient la responsabilité de l'ensemble des administrateurs,
c'est parce que ceux-ci sont tous étroitement associés à la gestion
de la société. Sur le plan théorique, on peut expliquer cette
solution par l'idée que les
Administrateurs autres que le prési-
dent du conseil ayant en fait accompli des fonctions de direction,
ils peuvent être considérés comme àes directeurs de fait.
661 - Entre ces deux solutions extrêmes, l'une considérant que
les obligations d'information relèvent de l'administration,
l'autre les attribuant aux fonctions de direction, la doctrine
adopte une solution plus nuancée (1) Elle considère qu'en principe
tous les administrateurs sont responsables du défaut d'information
si le conseil a négligé de prendre les dispositions nécessaires
pour remplir l'obligation omise. S'il a désigné un administrateur
ou un directeur général pour accomplir la formalité, c'est cette
personne qui est responsable. Mais s'il s'est contenté de décider
de se conformer à la loi, c'est le président du conseil qui ré-
pond de l'inéxécution de l'obligation. M. CONSTANTIN fait cependant
une réserve en ce qui concerne le droit de communication permanent.
La méconnaissance de ce droit engagerait seulement la responsabilité
de " ceux qui ont pour mission d'assurer la gestion de la société,
c'est à dire, le président directeur général ou le Directeur général
adjoint"
parce que le caractère permanent du droit de communication
exclut ••• toute obligation de la
part du Conseil d'administration
de prendre une délibération à ce sujet. (2)
(1) L. CONSTANTIN)op.cit.,loc. cit.;TOUFFAI~ ROBINIANDUREA~LACOST~
op. cit.,Loc.cit.
R~pp, J.HEMARD./ Le nouveau statut des administrateurs de S.A' I
M~.BASTIAN p.II7 et s .•
(2) L. CONSTANTIN} op. Cit. f' 748
320
612 - Ces solutions doctrinales sont, dans llensemble, peu satisfaisantes.
Certes, la dissociation des fonctions d'administration et 'de direction
trouve sa source dans l'impossibilité où se trouve le Conseil d'ad-
ministration de siéger en permanence ou faire exécuter lui-même
ses décisions (1). Mais aux termes de l'art. 113 de la loi sur les
sociétés commerciales , n sous réserve des pouvoirs que la loi attribue
expressément aux assemblées d'actionnaires ainsi que des pouvoirs qu'
elle attribue de façon spéciale au conseil
d'administration
le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir, en
toute circonstance, au nom de la société ". On remarquera que le
législateur a usé de termes tout à fait identiques
pour répartir le
pouvoir. entre l'assemblée générale et le conseil d'administration
lui-même (2). Or, la jurisprudence commerciale décide que la loi
fixe de manière impérative le.s pouvoirs et prérogatives des différents
organes, de la société. Par suite, l'assemblée générale ne peut ni
investir le président-directeur général de l'ensemble des pouvoirs
attribués au conseil d'administration (3), ni dépouiller celui-ci
de ses pouvoirs au profit d'u~ organe concurrent en forme de comité
de direction (4), ni se prononcer sur une délibération d~_ce conseil
relative aux pouvoirs de son président (5)
663 - Il est vrai qu'on ne peut pas dire que la répartition légale
des pouvoirs opérée entre le Conseil d'administration et son président
50~ impérative, puisque les dispositions d~statuts ou les décisions du
Conseil d'administration limitant les pouvoirs du président sont
seulement Il inopposables aux tiers n (6) ". Mais tant que le président
de la société n'a pas été dessaisi d'une prérogative soit par une
disposition légale ou statutaire, soit par une décision du conseil
(1) R. CONTIN) op. cit. n° 405 p. 282, J. NOIREL op. ci t n° 373 p.260
(2) art.98 Loi du 24 juil.I966
(3) Ci~4 juin 1946,S.1942.1.153 note BARRYjJ.C.P.I947.II.3518 note
BASTIAN J.Soc. 1946.374 note P.B
(4) AIX,28 sept.I982/rev.soc.I983.773 note MESTRE
(5) Com,I~Mai 1982/ D.I982.LR.374jRev soc. 1983.71/note SIBON
(6) Art.113 in fine.
321
d'administration, c'est à lui seul qu'~n incombe
l'exécution.
Il n'est point nécessaire que le conseil d'administration ait
préalablement pris une délibération en ce sens : il s'agit d'
obligations relevant légalement de sa compétence.
664 - Il s'ensuit 'que, sauf décision du conseil ou dispositions des
statuts attribuant leur accomplissement à un autre, l'omission des
obligations d'information est normalement imputable au président
de la société. Une exception doit cependant être admise en ce qui
concerne le défaut de convocation de l'assemblée générale ou d'éta-
blissement des comptes annuels. Ces deux obligations incombant selon
la loi au conseil d'administration (1) c'est la solution de principe
proposée par la doctrine qui doit leur être appliquée. Quant au
directeur général, il ne dispose que des pouvoirs que lui attribue
le conseil d'administration en accord avec son président (2).
Il ne peut donc être tenu pour responsable que si l'exécution de
l'obligation lui a été confiée.
2°) LE CAS DE SOCIETES ANONYMES A DIRECTOIRE
665 -
Dans les sociétés anonymes à directoire, il s'agit d'opérer
une répartition des fonctions entre le directoire et le conseil de
surveillance. Aux termes de l'art. 124 de la loi sur les sociétés
commerciales, le directoire est investi des pouvoirs les plus étendus
pour agir en toute circonstance au nom de la société sous réserve de
ceux expressément attribués par la loi au conseil de surveillance.
Or, d'après la loi, " le conseil de surveillance exer,ce le contrôle
permanent de la gestion de la société par le directoire " 0)
art.158 et 340 loi du 24 jUil.I966
art.II7,10i du 24 jUil.I966~·soc.,1 juil.I983,rev'~Rc.I984 note BOULOC;
6
.0'"''1.
,
Crim.
mai 1985 - Bull·JOL
1985 p,1035, Act10nl exercee par n. ~.
irrecevable sauf délégation spéciale du conseil d'administration.
Rappr.civ ? juil.I983 bull.JOLY 1984 p.??
art.128 al.Io loi du 24 juil. 1966
322
Le conseil de surveillance ne gérant donc pas la société, ses membres
ne peuvent être tenus pour responsables de l'omission des obligations
d'information relevant des fonctions de direction (1). Du reste, ils
ne peuvent en principe répondre d'aucune omission dans ce domaine puisque
à notre connaissance la loi ne leur attribue expressément aucun pouvoi~
en ce domaine. Certains auteurs estiment cependant que le défaut de
convocation de l'assemblée générale dans les six mois de la fin de
l'exercice leur est imputable (2) Nous ne partageons pas cet avis.
Sans doute, l'Assemblée générale peut être convoquée par le conseil
de surveillance mais c'est à défaut de l'avoir été par le Directoire (3)
Or, ce défaut ne peut être constaté qu'à l'expiration du délai imparti
au directoire pour procéder à la convocation, c'est-à-dire lorsque
l'infraction est déjà consommée. Les membres du conseil de surveillance
ne peuvent donc pas être condamnés pour omission d'une obligation
qu'ils n'avaient pas compétence
pour accomplir. Cette solution,peut
avantageusement s'appuyer sur la rigueur avec laquelle la chambr;,
commerciale interdit à l'Assemblée générale tout empiètement sur les
attributions du
conseil d'administration, soit à son, propre profit, soit
au profit d'un tiers incompétent (4)
667 - Il faut signaler que dans sa décision du 15 mai 1974, la chambre
criminelle n'a pas hésité à affirmer que la responsabilité de l'omission
des obligations légales de publicité incombe également aux membres
d\\l con,eil de .surveillance . Cette affirmation a été d'autant plus re-
(1) cf supra n": b 5'3 ei" s..
(2) L. CONSTANTIN , op.cit.;TOFFAIT,ANDUREAU/LACOSTE,op.cit'i~PINOTEAU,
le code des sociétés, dispositions pénales)1O.D.J.I969,N°352 p.212)
M. FOUGERE, J. (. '. L. pén. spéc. sociétés. Fasc.G - infraction relative
à l'info~mation des actionnaires n° 79
(3) Contra.H.LECOMPTE, Etude de divers problèmes concernant le fonctionnemen
des sociétés avec directoire, ~i)ASTIAN p.145
L'art.I58 place "sur un pied d'égalité le directoire et le conseil de
surveillance pour l'exercice du droit de convocation des assemblées"
(4) Com.?O av.I968,D.I969 note LACOMBE;G.P.I968-2.183 bull civ.IV p.126
4
321
marquée que cette affaire concerne une société anonyme de type classique. A
la lumière des dernières décisions rendant le Président du Conseil d'Adminis-
tration seu2. responsable, on peut espérer que si elle avait à se prononcer
sur cette ~estion, la haute juridiction reviendrait sur son affirmation pé-
remptoire ~i ne nous semble pas compatible avec le rôle que le législateur
a voulu asslgner à chacun de ces organes.
668 - ce sor.t donc les membres du directoirecqui devraient être tenus pour
responsables de l'omission des obligations d'information. Mais sauf le cas
d'un
directeur général unique, le directoire est un organe collégiale et
son préside~t n'a pas un pouvoir de direction plus étendu que celui des
autres membres du directoire. Il a seulement la mission de représenter la
société dan; ses rapports avec les tiers(l). Il n'a donc aucune vocation
particulière à répondre de l'omission des obligations d'information. A
notre avis, comme tout autre membre du directoire, il ne pourrait en assumer
seul la responsabilité que si, par une délibération spécïale, le directoire
l'avait chargé d'assumer l'exécution de l'obligation méconnue. Il s'agirait
alors d'un aTIénagement de leurs attributions identique à celui qui serait
fait entre les g~rants d'une société, à cette différence près que ceux-ci
-
avait chacun un pouvoir propre pour accomplir les formalités d'information.
Il d . t • t
dm .
l A '
(2) d'
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l
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d
01
e re a
1S pour
a meme ra1son
opportun1te pour
a gest10n
e
l'entreprise. Cependant, il s'apparente, ici, à une délégation de pouvoir
et pour cette raison il est probable que la jurisprudence ne nous suive pas
puisqu'elle rejette tout effet exonératoire de la délégation en matière
d'administration(3) •
669 - Ainsi, il nous est possible d'affirmer que, sauf délégation ou direc-
tion de fait, la responsabilité des infractions aux obligations d'information
incomberont en principe aux organes de direction de la société. Mais i l ne
faut pas en déduire l' irresponsabilité pénale de ceux qui n'ont pas cette
qualité. N'~~porte qui pourra être poursuivi en qualité de complice.
(1) CREDA., La pratique de la société à directoire (ouvrage collectif),
Litec 1960 P. 40 - ; HEMARD, TERRE, MABILAT, Op. cit. t.l n° 1094 ;
RIPERT e~ RûBUDT, op. cit. n° 1322, p. 558 559 - M. LEOOMPTE, - Etude d
de divers problèmes concernant le fonctionnement des sociétés avec
directoire, Mél. D. BASTIAN P. 145 et s.
(2) Cf. supra, n° 656.
(3) Cf. Supra n° 616.
324
SECTION n - LE COMPLICE
670 - La complicité est une notion fondamentale du droit pénal français.
Elle permet d'atteindre ceux qui sans accomplir tous les actes consti-
tutifs de l'infraction ont contribué d'une façon oU,d'une autre à sa
réalisation. En ce qui concerne les infractions relatives aux
obligations d'information, elle est d'autant plus utile que la plupart
d'entre elles ne sont directement imputables qu'au chef d'entreprise (1).
La complicité
sera alors un moyen effieace, pour atteindre, le cas
échéant, les véritables responsables de ces infractions. En effet,
on a pu dire qu 1 en réalité, la jurisprudence utilise la d'Istinüion
entre auteurs et complices surtout pour renforcer la répression parce
qu'elle n'hésite pas à condamner comme complicEle co,auteur de l'in-
fraction si celui-ci n'est pas visé par la loi, ni à appeler auteur
le complice, surtout lorsqu'il n'y a pas de fait principal punis-
sable ou s'il existe une circonstance aggravant,. e en la personne du
comparse (2)
De fait, le complice ne peut être poursuivi que s'il
a contribué à la perpétration d'un fait principal constitutif d'un
crime ou d'un délit (3). La tentative de complicité n'est pas punis-
sable (4) et en matière d'information, la tentative étant rarement
punie, sa complicité le sera tout aussi rarement.
671 - En principe, la complicité suppose un acte positif antérieur
à la commission de l'infraction principale (§ II) Mais dans le
domaine de l'information et, plus généralement en droit pénal des
affaires, la jurisprudence a tendance à admettre la complicité par
abstention oui et
postérieure à la commission de l'infraction
(§ II)
(1) cf supra.,N° 602 et s.
(2) A. CHAVANNE, Ency Dal.Pénal II complicité/no31 - ROCHEPIRE : Les
sanctions en droit pénal des affaires , thèse UII~ 1980
STEFANI et LEVASSEUR, op.cit,no252, p.236 ets. J H ROBERT: imputation
et complicité - JCR 1975~II.2720 -BOUZAT et PINATEL - Traité de
droit pénal et de criminologie 1970 N° 785 p .75 n° 703, p.767 -
M. PUECH G.A. p.360 et s.
(3) STEPHANI et LEVASSEURlop.ci~; MERLE et VITH, op.cit_p.384 n° 394
BOUZAT et PINATEL, op.cit., n° 778 p.755~ J.LARGUIER,op.cit,p.34
t'ATIN CAUJOLLE .••,op. cit., p.e._
J. ROBERT/J.CL.Pén. complicité n° 36
(4) ?GERT~O~~ER, te~tative et complicité~ M~,PATIN p; 155
,YI. PUEe,,,!, op. cJ.t,p.331 ;Crim. 25 Oct.I962 - 1963
221 note BOUZAT
14ERLE et VITU, op.cit 1984 no l 508 p.685
'
A. CHAVANNE, ENCY.DALLOZ, préc.N°43
325
§
l - LA COMPLICITE PAR ACTE POSITIF
ANTERIEUR A L'INFRACTION.
672 - Aux termes de l'art.60 du Code pénal, il existe trois modes de
complicité: l'instigation, la fourniture de moyens, l'aide ou
l'assistance.
673 - La complicité par instigation suppose des dons, promesses,
menaces,
abus d'autorité
ou
de pouvoir, machination ou artifices
coupables. En réalité, ce type de complicité est difficilement con-
cevable dans la matière qui nous intéresse ici. Elle suppose que
quelqu'un d'autre que l'auteur principal du délit ait intérêt à ce
qu'il soit réalisé. Or, ainsi que nous-l'avons vu, la plupart des
délits spécifiques à l'information ne sont imputables qu'au chef
d'entreprise qui est aussi le principal intéressé à la dissimulation
de la situation de l'entreprise. On peut néanmoins conce~oir que le
chef d'entreprise donne des instructions à un préposé détenteur des
documents pour que celui-ci ne les communique pas aux commissaires
aux comptes ou à un membre du comité d'entreprise, ou bien encore
qu'il ordonne à son représentant à une réunion de ce comité de s'abs-
tenir de répondre à certaines questions, ou refuse l'accès à la
réunion à l'expert-comptable. A moins que dans de telles hypothèses,
il ne soit considéré comme c~auteur de l'infraction en vertu de
la théorie de l'auteur intellectuel.
674 - La Chambre criminelle a implicitement admis le principe
d'une telle solution dans une affaire récente. Un chef du personnel
titulaire d'une délégation de pouvoir avait adressé des observations
écrites à un délégué du personn~l et le chef d'entreprise fut
poursuivi comme co~auteur du délit d'entrave parce qu'il s'était
postérieurement déclaré solidaire de son collaborateur.
326
Il bénéficia d'une relaxe, tant devant la Cour d'appel que devant
la Cour de Cassation, parce qu'il "n'avait en rien participé
aux faits incriminés •• (et) que la circonstance qu'il n'ait pas,
ultérieurement d~savoué son collaborateur n'était pas de nature
à caractériser à son égard un fait constitutif de coation ou de
complicité!'
Les magistrats n'ont pas manqué de relever que le chef du personnel
avait agi" de sa propre initiative" et n'avait informé le chef
d'entreprise gue postérieurement (1).
Nous avons déjà noté que cette décision est une confirmation des
conditions de la délégation (2). On peut également y voir une application
de la règle de complicité par instigation et penser que celle-ci
aurait été admise'
si le chef du personnel avait agi sur instruction
du chef de l'entreprise, voire après avoir obtenu son avis conforme.
Cette interprétation de l'arrêt qui, à notre sens, n'est pas exclusive
de la première, nous paraît d'autant plus plausible que le chef
d'entreprise n'était pas poursuivi pour complicité. La référence
à cette notion faite d'office par la haute juridiction permet donc
de penser qu'elle a voulu affirmer que les conditions de la complicité
par-instigation n'était pas plus réunies que celles de la coaction. _
675 - Il existe beaucoup plus d'exemples de complicité par fourniture
de moyens surtout pour les infractions dont l'élément matériel con-
siste en la diffusion ou l'utilisation d'informations fausses.
Dans cette hypothèse, tous ceux qui ont élaboré l'information in-
criminée ou qui ont contribué à le faire pourront être condamnés
en qualité de complice.
676 - Ainsi, le chef comptable qui a falsifié les documents comptables
et les procès-verbaux des réunions dU conseil d'administration
pourrait être poursuivi en qualité de complice du délit de publication
(1) Crim •• 20 juin 1985IJCL.L.pén.spéc.fasc.D.Rapports collectifs et
conflits 1986 n° 86
(2) cf1supra.n° 623
327
de bilan inexact ou de faux en écritures privées de commerce (1)
De même, le directeur adlalnistratif qui" chargé de la comptabilité
générale a pris '"
la responsabilité des irrégularités comptables
ayant permis l'établissement des bilans inexacts destinés à être
présentés aux actionnaires, se prêtant
en outre à la con-
fection d'autres jeux de faux bilans"(2) a été reconnu complice de
distribution de dividendes fictifs. La même solution a été adoptée
s'agissant d'un commissaire aux comptes qui a passé
Il
des écritures de
compensation
"ayant entraîné la fausseté du bilan (3) ou dont le
cabinet a établi les bilans (4). Un commissaire aux comptes a été
également jugé coupable de complicité de faux en écriture de commerce
pour avoir préparé les procès-verbaux de réunion du Conseil d'Ad~inis~
tration ou d'Assemblée qui n'ont jamais eu lieu (5)
677 - De même, s'agissant des délits prévus à l'art.433 de la loi
sur les sociétés commerciales, est considéré comme complice par
fourniture de moyen, celui qui a autorisé que son nom figure fictive-
ment sur la liste des souscripteurs (6) ou celui qui a mis des fonds
à la disposition de la société pour permettre d'affirmer que le
premier quart du capital a été libéré et
qui
~les a retirés par la
suite (7).
'lli'étJ.i f-
Il a également été juge/complice
le banquier qui a délivré des
certificats ou des reçus de complaisance permettant d'affirmer
Cass.;31 mars I933,J.Soc. 1938 p 529; Tri: corr. Seine, 5 mai I92~
rev.soc.I928 p 325; Crim.,16 nov.I888,1D.I889·J.436; Crim'.I14 janv I98~
bull.crim.n·21 p.49.
(2) PARIS,I9 mars I883,1confirmée par crim 723 juin I883,1D I883,!,435;
LYON,12 mars I885,D.I886 j PARIS 28 dec.I886,S.I888.II.37;PARIS,I8 juil.
J
1938 G•P.I938.II.I94;
J
(3) Crim~12 mars 1983.1B.C.N.C.t.I983,P.206
~4) Cri~)3 janv.I983,J.C.P. I983~V 87;J.C.P.83 ed. r.r. I!37~ p.I02
(5) Ibid,-
(6) PARIS 27 déc.I883.1D.I885.II. 222
J
(7) Crim,28 janv.1928)Rev.Soc.1928 p.109
)28
le versement des fonds (1). Il faut remarquer que cette forme de
complicité est désormais irréalisable pour le premier des deux
délits prévus à l'art.433:~Qlul·qest constitué par le mensonge
fait en vue de l'établissement du certificat du dépositaire des
fonds. Le banquier qui établi un faux certificat en connaissance
de cause ne pourra être poursuivi que pour complicité de faux en
écritures ou de publication de faits faux, si son certificat a été
utilisé.
678 - Le troisième mode de complicité qui consiste à apporter son
concours à l'auteur principal dans les actes constitutifs de l'in-
fraction est également très fréquent.
Dans les délits de publication d'information fausse,
celui qui aura diffusé cette information en connaissance de cause
sera poursuivi comme complice. C'est ainsi qu'il a été jugé que le
fait pour un démarcheur de divulguer des faits faux caractérise la
complicité de délit de publication de faits faux en vue d'obtenir
des souscriptions ou des versements (2).
De même, est considéré comme complice du délit de
publication de bilan inexact, le commissaire aux comptes qui trans-
met au Greffe du Tribunal un bilan dont il a lui-même signalé les
inexactitudes aux dirigeants de la société (3). LL même solution
est adoptée à son égard s'il est chargé de communiquer des procès-
verbaux de réunion non tenues.
(1) crim~31 mars 1933/préc.
(2) Cri~16 nov IS88 D.P. 1889
J.436·
J
(3) BORDEAUX,) juin 1982)B.C.N.C.C. 1983 p.?I note E. du Pontavice.
329
679 - Tous
les exemples que nous venons de citer sont relatifs à
des délits intentionnels de commission. Mais on peut se demander si
les infractions d'omission qui, au surplus, . sont le plus
souvent
involontaires (1) sont susceptibles de complicité.
Si l'on se réfère à une décision de la Cour de
CHM·ffiERY, Il le caractère involontaire d'une infraction n'est pas un
obstacle à l'· adlllission de la complicité. (2) ". Peut-on en dire
autant du caractère passif de la plupart de ces infractions ?
Normalement, les notions de fourniture de moyen ou
d'aide
ou assistance sont peu compatibles avec l'abstention.
680 - L'agissement punissable du complice pourrait être la destruction
du courrier destiné aux associés ou aux journaux chargés de faire la
publicité, l'affirmation m~nsongère faite aux administrateurs que le
nécessaire a été fait ou encore le fait de persuader un dirigeant
" ignorant Il de l'inutilité des formalités légales (J)
La Jurisprudence ne donne aucun exemple de condamna-
tion, ni même de poursuite de salarié pour complicité de délit d'o-
mission. C'est que traditionnellement. elle est relativement hostile à
la condamnation de salariés pour complicité de délit imputé au chef
d'entreprise. Lorsqu'elle l'admet, elle n'entre en condamnation que
si le préposé a commis une faute personnelle, c'est-à-dire s'il a agi au-
délà ou contrairement aux ordres qui lui ont été donnés (4) ou s'il
a agi par intérêt (5)
En vérité, l'élément intentionnel de la complicité
qui est nécessaire même si l'infraction principale est une infraction in-
volontaire, s'oppose à ce que le salarié soit poursuivi pour une
simple négligence dans l'accomplissement de son travail. Il faudrait
prouver qu'il a entendu s'associer à l'infraction commise par le
chef d'entreprise pour le condamner.
(1) cf. infra. n" log
(2) CHAMBERY,8 mars 1956/ J.C.P. 1956.II.9224
(J) J.H.ROBERT, op.cit.)'.C .P. 1975 éd.U.11716
(4) Crim.p déc. 1956,bull.n° 1481 jCrim.,2 nov.I945) D.I946.8
(5) Crim.~6 Mai 1964) J.C.P.I964.II.74192j 12 déc.1954, préc.
330
681 - La relaxe du préposé et la condamnation du chef d'entreprise
peuvent pàra1tre choquants du point de vue de l'équité. Mais il
ne "faut pas oublier qu'en désobéissant aux instructions du chef d'
entreprise ou en négligeant de faire correctement le travail qui
lui a été confié, le salarié risque plus que quelques milliers de
francs d'amende
son emploi. Cette menace nous parait bien plus
dissuassive que la sanction pénale. Il s'ensuit que si~ en confiant
1
l'accomplissement des formalités d'information à un salarié, le
chef d'entreprise insiste comme il se doit sur leur importance,
il est peu probable que ce salarié commette quelquef négligence4
dans l'exécution de la tache
qui lui est confiée. La question
revient donc à savoir quelle importannce le chef d'entreprise et,
par suite, le personnel de l'entreprise, accordent aux différentes
formalités d'information.
682 - Quoiqu'il en soit, le rôle du salarié se limitera le plus
souvent à une abstention. Or, en droit commun, cette forme de
complicité ainsi que celle qui se traduit par un acte positif pos-
---térieur à l'infraction ne sont admises qu'exceptionnellement.
Qu'en est-i~ en matière d'information?
:31
§ II - LA COMPLICITE Par ABSTENTION
OU POSTERIEURE A L'INFRACTION.
683 - La nature même des moyens de complicité énumérés par l'art.60
du code pénal a conduit la jurisprudence à ne considérer comme
complice que celui qui, par un acte positif, a contribué à la perpé-
tration ou à la consommation de l'infraction. Elle n'a admis la com-
plicité par abstention ou postérieure à la consommation de l'infraction
qu'à des conditions bien précises. Même si elle
_ regrette certaines
des conséquences de cette solution, la doctrine l'approuve en général
et la rattache à la règle d'emprunt de la criminalité et au principe
de
légalité (1).
Or, en matière d'information, les magistrats font
preuve d'un peu plus de sévérité à l'égard de certains comparses
qu'ils se contentent de s'abstenir (A) ou qu'ils interviennent pos-
térieurement à la consommation de l'infraction ( B)
A ) LA CO~œLICITE PAR ABSTENTION
684 - En droit
commun, la chambre criminelle a souvent affirmé
que, sauf texte spécial, la complicité doit se manifester par un
acte positif (2). Elle admet cependant quelque assouplissement à
cette règle. En général, la doctrine distingue trois hypothèses
dans lesquelles la complicité par abstention est admise (3)
685 - La première hypothèse est que l'abstention soit la conséquence
d'un accord préalable entre l'auteur de l'infraction et son comparse
surtout lorsque celui-ci perçoit une rémunération (4). Ce cas de
complicité dit par abstention n'en
est pas un en réalité. Il
existe bien un acte positif, l'accord qui donne au délinquant l'as-
(1) Marc PUECH,G.A.J.C.)p.346 et 6.;HERLE et VITU "op.cit.t1 N°476 ;
BOUZAT et PINATEL) op cit. n° 780. p. 757; J. ROBERT '.1 J •C. L pén préc. n°!08
(2) Crim.,15 janv.I948,S .1949.1.81. note LEGAL;_ -
• G A J.C.N°92;
Crim~26 Oct 1912,S .1914.J.225, note ROUX) 29 janv.I936/GP.I936.I.337;
5 nov.1943,S.1944.1.44
PH.SALVAGE;- Le lien en matière de complicité
(3)
j rev.sc.crim.1981 p.25
MARC PUECH op.cit.loc.cit. STEFANI et LEVA33EUR : op.cit, MERLE et
VITU l op cit ,1984 N. 515 p. 643
. .
.
Crim.,.I,8 mars 1901l.. 3.1908, 1.303, 11 nov.1921)S.1925.1 .392, 8 JUJ.l.I949~
3 . 1749 .1.186iJ.~ .I949.U.5128 COLOHBINlj T.Corr.d'AIX 14 janv 1947
J.C.P.I947.II.3465,BERAUD
/ )
JJ2
surance qu'il ne sera pas inquiété dans l'accomplissement de son
activité délictueuse et
qui l'y encourage. Cet accord est bien
une promesse et rentre parfaitement dans le cadre de la complicité
par instigation.
De plus, le fait d'accepter une rémunération montre bien
la conscience chez le comparse de s'associer à un acte délictueux.
De même, lorsque la Chambre criminelle condamne l'individu
qui a seulement assisté à l'avortement de sa maîtresse, parce que
par s~résence et par son attitude il avait apporté un appui moral
à l'auteur de l'avortement (1), c'est encore un acte positif qui est
condamné. Cet" appui moral" peut être considéré comme une assis-
tance à l'auteur de l'infraction. Mais la solution paraît bien sévère
car le lien avec la commission de l'infraction est bien ténu.
L'unique hypothèse de complicité par abstention est
donc
celle commise P~y
un fonctionnaire chargé d'empêcher l'accom-
plissement du délit (2)
686 - Or, en ce qui concerne le délit de pu~lication de bilan inexact
la jurisprudencne considère comme complice les commissaires aux comptes
qui ont approuvé des bilans fallacieux (3) et l~ même solution a
été admise à l'encontre des membres du conseil de surveillance qui
dans leurs rapports, se sont contentés de mentionner que les commis-
saires aux comptes avaient souligné la nécessité d'une amélioration
des enregistrements comptables et ont conclu à la sincérité des docu-
ments comptables soumis à l'approbation de l'assemblée générale (4)
Sans doute, peut-on considérer que le Conseil de
surveillance ou les commissaires aux comptes ont accompli un acte
positif en approuvant les comptes. Mais ce~ acte positif n'a en rien
favorisé la perpétration de l'infraction; son seul résultat est de
n'avoir pas empêché les dirigeants d'atteindre leur but: tromper les
associés sur la véritable situation
de la société. Mais le délit en
cause est constitué, que la publicité mensongère ait pu ou non induire
ses destinataires en erreur. En vérité, ce qui est reproché aux
Cri~)5 nov.I94I,i.1942.1.89 note BOUZAT. Cette solution a été demandée
par un autre arrêt ; Cri~,27 déc.I960,bull.N°624
T.Corr.AIX,14 janv.I947,D.I947 Somm IY.JCP 1947\\V 3465 note BERAUD.
Crim~31 mars 1983)préc.
)
Crim~3 janv. 1983,bull.crim.N°2 ; Paris,15 fév,I97~ préc.
JJJ
commissaires aux comptes et aux membres du conseil de surveillance
c'est de s'être abstenu de dénoncer la fraude àes bilans et d'avoir
ainsi permis auX dirigeants d'induire les associés et les tiers en erreur,
G0ntrairement à la mission qui leur a été confiée ! Il Y a donc une
extension à des personnes privées de la jurisprudence qui, jusque là,
était appliquée aux fonctionnaires, encore qu'ici, les personnes con-
damnées ne pouvaient qu'annuler les conséquences de l'infraction.
Du reste, la jurisprudence va plus loin en condamnant celui qui a
accepté une mission de surveillance dans l'intention de ne pas l'ac-
complir et qui effectivement ne l'a pas fait (,) n Faut-il de la har-
diesse pour affirmer que ne pas faire, c'est faire! Il (2)
687 - Par ailleurs, en matière de délit de publication de fait, faux
en vue d'obtenir des souscriptions ou des versements, la Cour de Cas-
sation a reconnu la complicité des administrateurs qui n'ont pas empêché
l'administrateur délégué d'utiliser immédiaitement des fonds devant
demeurer en caisse jusqu'à la souscription complète de l'émission (J)
Mais cette dernière affaire concerne aussi la complicité postérieure
à l'infraction.
B - LA COMPLICITE POSTERIEURE a l'INFRACTION
688 - D'ordinaire, la jurisprudence ne punit l'acte de complicité
postérieure à l'infraction que si le comparse est intervenu à la suite
d'un accord préalable avec l'auteur de l'infraction (4). En réalité
ce qu'on a appelé alors acte de complicité postérieur est bien antérieur
à l'infraction puisque l'accord préalable constitue lui-même un acte de
complicité par instigation (4)
689 - Le seul cas de complicité postérieur à l'infraction a été à
notre connaissance admis
en matière de délit de publication de fait faux.
Un administrateur délégué avait publié à l'occasion d'une émission
(1) T. Corr .Seine L13 juill. !96J, G.P. 196J .2J325; Paris ,15 janv. 1964 G. P. 1965 l
29J?'Cri~,1~ juin 1965, bull.N°I77
)
(2) ROCHE~IRE ; Les sanctions en droit pénal des affaires. Thèse LILLE II
1980, p.I60
(J) Crim.,6 Nov 1947, R.T. D. Comm. 1948 p. J2J
(4) Crim,,15 janv 48,préci 26 oct.1912)préc.: 5 nov.194J,préc; J1 déc.1920.
$.1922.1.45j- Crim)14 fév 198J,Martignac;J.Clj.Pénal,complicité 2.84(1)
Crim~28 janv.1981 bull.crim.N°81 - MERLE et VlTU, op.cit,I984 n0515jp
Marc PUECH,op.cit p.J46· J.ROBERT.JCt. Pen.préc.N°121 - CHAVANNE,
,
,
1
Ency DALLOZ, prec.N°111.
JJ4
d'obligation pour le compte d'une société anonyme, une notice stipulant
que les fonds versés par les souscripteurs devaient demeurer dans les
caisses de la société jusqu'à la souscription complète de l'émission.
Or, cet administrateur délégué a immédiatement utilisé les fonds
.recuei11is pour les besoins de la société au vu et au su des autres
administrateurs. La chambre criminelle a jugé que par leur abstention,
les administrateurs ont apporté une ai:ie consciente à l'administrateUJl
délégué dans la commission du délit de
publication de faits faux (1)
890 - Il est difficile de dire, en l'espèce, que l'abstention des
administrateurs constitue ne serait-ce qu'un appui moral parce que
justement cette abstention est relative à un fait postérieur à la
commission de l'infraction. En effet, ou bien l'administrateur-délégué
n'avait nullement l'intention de tenir l'engagement qu'il a pris dans
la notice qu'il a publiée et l'infraction est consommée dès la publi-
cation même si par la suite il s'était abstenu d'utiliser les fond~
ou bien il avait l'intention de s'y conformer et nia décidé de la
violer qu'après la perception des fonds et, dans ce cas, il n'y a pas
d'infraction puisque l'information était vraie au moment de sa publi-
cation
.. Quoiqu'il en soit, l'utilisation des fonds n'a rien à voir
avec la constitution de l'infraction, elle constitue à la limite une
preuve de fausseté de la notice. Certes, les administrateurs en
s'abstenant d'intervenir pour empêcher l'utilisation des fonds ont manqué
à leur devoir de contrôle sur la gestion de l'entreprise sociale.
Peut-être même ne désapprouvaient-ils pas cette utilisation; mais
cela ne suffisait pas à les rendre complices d'une infraction déjà
,
consommee.
691 - La solution adoptée par la Cour de Cassation est encore plus
difficile à justifier juridiquement que dans le cas d'abstention simple.
Cette extension de la complicité ne répond qu'à une politique criminelle
(1) CRIM) 10 nov. I947) prée
qui vise à étendre autant que possible la responsabilité, du
moins lorsque les personnes impliquées dans l'infraction exerce~t
des fonctions importantes dans l'entreprise. On remarquera alors
la volonté de la jurisprudence de frapPp.T en haut de la hiérarc~ie
dans l'entreprise,concrétisant sans doute l'idée que c'est là que le
juge pénal à n le plus de chance d'obtenir l'observation scrupu-
leuse des prescriptions légales" (1).Mais ce faisant, ne risque-t-
il pas de punir des individus qui, en définitive, ne sont coupables
d'aucune faute?
(1) J H ROBER~op. cit~J.C.R 1975 éd.~t.11716
JJ6
CHAPITRE II
L'APPRECIATION
DE LA CULPABILITE
692 - Dans l~langage populaire, l~oupable, c'est celui qui a maté-
riellement commis l'infraction; il s'oppose
alors à l'innocent qui n'a
pris aucune part personnelle à l'acte délictueux.
Nous utiliserons ici la notion de culpabilité dans son sens éthy-
mologique. Le coupable est alor~ celui ,ui a cpmmis une faute. En effet,
pour subir la répression, il ne suffit pas qu'il existe une relation maté-
rielle entre le prévenu et l'acte délictueux; il faut encore que celui-ci
ait commis une faute intentionnelle ou de négligence.
693 -La mise en oeuvre de cette exigence est délicate. Si on punitun
individu qui n'a pas le sentiment d'avoir commis une faute, il ressent une
profonde injustice. A l'inverse, si on se montre trop rigoureux dans cette
exigence, on court le risque de laisser de nombreuses infractions impunies,
ce qui serait très nuisible à l'objectif de la repression qui est d'obtenir
l'êxécution des obligations légales. Pour la matière qui fait l'objet de
nos préoccupations, ce dilemme est encore plus intense à cause de la nature
même des obligations d1informations. Elles-exigent, si l'on veut qu'elles
soient exécutées, une définition très restrictive de la culpabilité. Mais,
s'agissant d'obligatio~dont certaines sont nouvelles et dont la nécessité
ne paraît pas évidente à tous, on est tenté d'essayer de convaincre, plutôt
que de punir.
694 -La jurisprudence résout ce dilemme en adoptant des solutions très
pragmatiques avec une tendance à la sévérité dans l'exigence de l'intention
délictueuse et une tendance plus indulgente pour les autres causes
de non
culpabilité.
SECTION l
L'INTENTION DELICTUEUSE
SECTION II
LES AUTRES CAUSES DE NON CULPABILITE
337
SECl'ION l : L'INTENTION DELICIUEUSE
695 - En général, la doctrine envisage l'intention delictuelle comme un élé-
ment constitutif nécessaire (ou inutile) à l'existence de l'infraction(l).
Mais bien que la chambre criminelle ait affirmé que l'élément intentionnel
est un élément constitutif de l'intraction (2), la jurisprudence ainsi que le
législateur utilisent cet élément comme un moyen de renforcer ou d'atténuer
la répression. Et en général, en matière d'infractions relatives à l'informa-
tion, ils l'utilisent pour la renforcer.
Il suffit pour s'en convaincre d'examiner l'attitude du droit
positif face au problème de la nécessité de l'intention délictuelle(§ 1)
et sont attitude lorsqu'elle exige l'intention(§ 2).
§l : SUR LA NECESSITE DE L'INTENTION DELICIUEU5E
696 - La doctrine moderne conteste la distinction traditionnelle entre infrac-
tion intentionnelle et infraction matérielle qu'elle jugedépassée.Elle fait
observer que toutes les infractions y compris les contraventions, supposent
l
t ' (3 )
Qu Il
. t I d ' . ,
.
. .
une vo on e
•
e
e que SOl
a part
e verlte que contlent cette oplnlon,
on est bien obligé de constater qu'il existe dans le droit positif des in-
fractions relatives à l'information pour lesquelles la partie poursuivante
est obligée de prouver l'existence de l'intention délictuelle
pour obtenir la
condamnation et d'autres pour lesquelles elle n'est pas tenue de rapporter
cette preuve, sans pour autant que le prévenu ait seulement la possibilité
d'établir son absence d'intention délictueuse(4).
697 - Le problème est qu'en matière d'information, comme ailleurs, il
n'existe aucun critère sûr pour distinguer ces deux types d'infraction.
(1) STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n° 190 p. 185 et s. J.P. BRIL, Cours de
droit pénal général, DEUG Abidjan 1979-1980.
(2) Crim., 30 mars 1944, D. 1945 J. 247.
(3) STEFANI et LEVASSEUR, op. cit. Loc. cit.
A. CHAVANNE art. préc. in
Rev. soc. crim. 1963. 693.
( 4) En matière d'information les infractions d'imprudence, sauf omission de
notre part, sont inexistante. C'est pourquoi nous limitons notre étude
a la distinction des infractions intentionnelles ou, plus précisément,
matérielle.
JJ8
législateurs et magistrats adoptent le plus souvent des solutions p~agma
tiques (A). Législateur.
Il n'empêche que l'évolution du ·droit positif laisse appa~aître
en ce domaine une multiplication des infractions pour lesquelles la preuve
de l'intention dé 1i tueuse
n'est pas exigée et que nous continuerons
à
appeler, à défaut de mieux, infractiom matérielles. (B)
A - Le pragmatisme du droit positif
6,~
-Ainsi que l'a souligné un éminent auteur, la nécessité de l'élé-
ment intentionnel n'a aucun fondement technique (1). La chambre criminelle
ayant posé un principe général selon lequel "l'intention est un élément
constitutif de l'infraction" (2), on était en droit de s'attendre à ce
qu'elle en déduise que l'intention délictuelle est nécessaire à la répres-
sion chaque fois que la loi ne s'est pas prononcée en sens contraire. Mais
il n'en est rien. Des auteurs ont pu observer, y compris en droit commun,
que la jurisprudence ne se montre pas très dogmatique sur la question de
savoir sila preuve de
l'élément
intentionnel
est nécessaire à
la constitution de
l'infraction et qu'il
faut
partir de l'idée
que
la catégorie des
infractions matérielles
"Trouve sa place
rationnelle dans tous
les cas où on est en présence d'une in-
fraction de telle nature qu'elle postule une répression parti-
culièrement rapide et constante faute de
laquelle son effica-
cité serait compromise"
(3).
699
-Cette attitude pragmatique de la jurisprudence apparaît de façon
éclatante lorsque l'on envisage les infractions relatives à l'information.
En effet, en dépit du pragmatisme de la jurisprudence, la doctrine
a pu
dégager quelques lignes directrices dans le droit pénal commun,notamment en
- (1) MERCADAL. Recherche sur l'intention en droit pénal, Rev.soc. crim.1967
p.1
(2) Crim. 30 mars 1944 préc;
(3) MERCADAL op.cit. ; A. LEGAL, La responsabilité sans faute/in m~l.~
p.132 et s.,P.NIMIN, L'intention et le mobile/mélo Patin P.115 et s.
339
fonction de la gravité de l'infraction. Ainsi, on a relevé que sauf volonté
contraire du législateur l'intention serait un élément constitutif des cri-
mes et délits et qu'à l'inverse elle ne le serait dans les contraventions
que si le législateur l'a express~ment exigé (1). Par exemple, en matière
de déclaration d'avoir à l'étranger, une décision ancienne avait admis la
nécessité de l'intention délictuelle malgré le silence de la loi (2). Mais
en matière d'information cette disbbction entre crimes et délits d'une part
et contravenlionsde l'autre est totalement méconnue.
700 -Avant la loi de 1966, certains auteurs ont cru pouvoir fonder
l'exigence de la mauvaise foi sur la distinction entre infraction de com-
mission et infraction d'omission. Les premières seraient intentionnelles,
les secondes ma t é rie Ile s (3). Mais cette distinction n'était point ob-
servée par la jurisprudence ainsi que le montre l'attitude variable
de
celle-ci à propos du délit de fausse déclaration de souscription et de li-
bération de parts de S.A.R.L. dans l'acte de société. De fait, la chambre
criminelle avait longtemps admis, conformément à l'opinion de la majorité
des auteurs (4),que, malgré le silence de la loi de 1925, l'élément inten-
tionnel était nécessaire à la constitution de ce délit (5). Or, dans
son
,
désir d'assurer l'efficacité de la repression, elle a condamné un prévenu
qui prétendait avoir fait confiance à son associé en s'abstenant de vérifier
la réalité du versement de celui-ci et soutenait avoir ignoré la fausseté
de la déclaration de ce versement, ayant lui même été trompé.
Dans cette affaire la
haute
juridiction
justifie sa décision
en disant que l'obligation imposée aux fondateurs de déclarer express;ment
MERCADAL,op.cit.'J.P.Brill,Cours de droit pénal général,préc. Rappr
A.LEGAL,La respohsabilité pénale sans faute,Mel.Patin p.134 et s. à propos
des exceptions de plus en plus nombreuses à cette règle.
(2) Crim.) 11 mars 1938)G.P. 1938.II.54
(3 ) LAUNA1S1V1LLEGUER1N et ACCAR1AS,Droit pénal financie~ n0462jL~UNA1S et
ACCAR1AS,op.cit.n0423jA.LEGAL, La-7esponsabilité sans faute/Mel.Patin p.13~
Ch.P1NOTEAU,op.cit.~0456p.333jPAT1N et CAVIOLLE op.cit.p.256'LAUNA1S et
ACCAR1AS op.cit'jA.MOREAU,Manuel pratique de la S.A.R.L. d'apiès la
jurisprudence, 1952 n098 p. 130
:.. I,,,Ç
(5) Cri~/8 av. 1937,G.P. 1937.2. 171 ; 11 janv. 1945 /1. 20 16 oct. 1957
bull.crim. p.645
- 340
dans l'acte de société que la libération inté;Jrale des parts a été accomplie
"implique qu'ils ont fait personnellement toute vérification à ce sujet et que
la loi prohibe "toute déclaration fausse,,(l). Cette découverte tardive de la
lettre du texte de la loi de 1925 n'est pas difficile à expliquer. L'exlusion
de la nécessité de prouver l'élément intentionnel ne se justifie que parce que
le ministère public aurait été bien en peine d'établir qu'en réalité le pre-
venu n'ignorait pas la fausseté de la déclaration de son co-associé. On notera
que dans ce cas précis, la chambre criminelle aurait pu aboutir au même résultat
~n retenant contre le prévenu une faute involontaire. Celle-ci résulte du fait
qu'il a négligé de procéder aux vérifications qui, en homme diligeant, lui
incombait. Ainsi aurait été sauf le principe selon lequel les délits nécessi-
tent, sauf volonté contraire du lé;Jislateur la preuve d'au moins une impru-
dence. Le caractère matériel de ce délit n'en est que plus nettement affirmé.
701 - Quoiqu'il en soit, on peut affirmer aujourd'hui que la distinction entre
délit d'omission et délit de commission n'est pas un critère suffisant pour
déterminer la nécessité de l'intention délictueuse. En effet, il existe dans
la loi de 1966 des délits d'omission qui comportent un élément intentionnel.
Il en est ainsi en particulier de celui, prévu par l'art. 446, punissant les
dirigeants de sociétés côtées qui "volontairement n'auront pas adressé à tout
actionnaire qui en aura fait la demande un certain nombre de documents. Il
s'agit sans doute d' évi ter de condamner des dirigeants qui, par exemple à
cause du mauvais fonctionnement du service courrier, n'auraient pas eu con-
naissance à temps de la demande de l'actionnaire. Mais alors, on s'explique
mal pourquoi l'élément intentionnel n'est pas nécessaire à la constitution du
délit prévu à l'art. 442 bien qu'il n'ait pas échappé au législateur que des
difficultés matérielles pouvaient expliquer l'omission de convoquer les action-
naires nominatifs ou de les prévenir par lettre de la date de l'assemblée
"
(2)
generale
702 - La doctrine la plus autorisée estime aujourd'hui que les délits dans
lesquels le législateur n'a pas expressement exigé la mauvaise foi sont
exclus de la caté;Jorie des infractions intentionnelles. Cette opinion émise
en ce qui concerne l'ensemble des infractions de la loi sur les sociétés
commerciales trouve son fondement dans les travaux préparatoires.
(1) Crim., 12 mars 1957, bull. crim. p.246 ; J.C.P. 1958 II. 10405 note o. B.
(2) L. CONSTANTIN, Op. cit., P. 283 ; 'IOOFFAIT et HERZOG, art. prée. in Rev.
sc. crim. 1967.
341
En effet, les sénateurs ont essayé à plusieurs reprises d'introduire dans
diverses dispositions l'exigence de l'intention délictueuse, mais sans
succès. Par ailleurs, l'exigence expresse de l'élément intentio~el pour
certains délits a été justifiée par l'idée qu'il "est préférable que l'on
sache si la personne que l'on entend poursuivre a volontairement ou non
commis l'erreur ou l'infraction qui lui est reprochée." (1). On est donc
.
,
en droit de penser que là où le législateur n'a pas expressement exige
l'élément intentionnel, il n'entendait pas en faire un élément constitutif
de l'infraction.
703 -Il reste que le législateur a voulu consacrer la jurisprudence
ancienne qui n'était, on l'a vu, basée que sur des considérations d'éffi-
cacité de la répression. Au demeurant, dans certains cas, le garde
des
sceaux a justifié son refus d'exiger l'intention délictuelle par l'idée
,
qu'il ne fallait pas rendre la repression plus difficile (2). On ne sau~
rait mieux mettre en évidence le pragmatisme du législateur.
704 -Mais
ce tableau serait incom~let si nous n'invoquions pas l'é-
volution du droit positif quant à la nécessité d'une
intention délictueuse
en matière d'entrave aux institutions représentatives du personnel. L'or-
donnance de 1945 ne punissait que l'entrave apportée "intentionnellement".
A l'inverse, la loi de 1946 sur les délégués du personnel ne faisait aucune
référence à l'élément intentionnel. Pourtant, dans les deux cas, la chambre
criminelle avait admis la nécessité de l'élément intentionnel (3). Depuis
la loi de 1972, adverbe
intentionnellement a été supprimé du texte
sur
les comités d'entreprise. La doctrine est relativement divisée sur la portée
de cette supression.
(1) L. CONSTANTIN,op.cit./p.295
TOUFFAIT et HERZOGfrt.préc. in Rev.sc.
crim. 1967
(2) Ibid.
(3) Crim~10 nuv. 1953/BUll.crim.202 ; Dr. soc.1954.404 note LEVASSEUR ;
16 juin 1949, bull. no217 p.343 (pour le comité d'entreprise) ; 10 mars
1953 bull. n0292 p.516 ; 23 mai 1970,D.1970.502 (pour les délégués du
personnel. )
342
705
Certains estiment que celle-ci n'a rien changé au caractère de
l'infraction qui implique toujours une intention délictuelle. (1) D'autres
pensent que le législateur a voulu marquer sa volonté de voir les infrac-
tions d'entrave réprimées plus facilement, l'adverbe intentionnellement
introduisant dans l'appréciation de l'infraction un élément subjectif dif-
le
ficilement appréciable par le juge. Ces derniers auteurs pensent que/délit
d'entrave a été de la sorte assimilé
a un délit contraventionnel (2).
706- Mais la jurisprudence elle n'a rien changé
à sa pos~ion anté-
rieure. Elle continue à exiger ou à relever l'existence de l'élément in-
tentionnel lorsque cela ne lui semble pas un obstacle à l'efficacité
de
la r~pression (3). Dans le cas contraire, elle refuse d'admettre la nJces-
sité de l'élément intentionnel. C'est ainsi que la chambre criminelle a
jugée que le défaut de convocation des membres suppléants à une réunion
du comité d'entreprise est en soi et nécessairement constitutif de délit
d'entrave même si le prévenu était de bonne foi parce que le suppléant a
,
avait expressement manifesté sa volonté de ne plus participer aux séances
du comité (4). Avant la loi de 1972, elle avait adopté la même solution
concernant un membre suppléant malade et hospitalisé et qui donc ne pou-
vait de toutes les façons pas participer~à la réunion (5).
Ces décisions paraissent sans doute excessives si l'on se réfère
aux cas d'espèces. Mais il est probable que la chambre criminelle n'ait
pas voulu créér un précédent qui aurait obligé le ministère public à établir
la mauvaise foi des dirigeants d'entreprise qui n'auraient pas convoqué
certains membres du comité d'entreprise aux réunions de ce comité, preuve
quasi impos~ible dans la plupart des cas. C'est donc la volonté de facili-
•
ter la repression qui a guidé la . haute juridiction dans ces affaires.
(1) J.M.COMBETTE, Les nouvelles pénalités applicables en cas d'infraction au
droit du travail Dr.soc. 1973 p.253 et s.
(2) O.GODARD,op.cit.,no358 p.291 ; COHEN,op.cit. LGD~ 1977 p.903
(3) Pour une discrimination syndicale,crim,28 nov. 1978,bull.crim. n0336
Pour une entrave au fonctionnp-ment d~ comité d'entreprise, Versailles~
30 juin 1983 et crim. 28 nov. 1984 préc.
(4) Crim./2 juin 1976,J.c.P. 1977.11.18736
(5) crim.)6 juin 1970,J.C.P. 1970.11.16551
343
707 - Cette attitude pragmatique de la jurisprudence et iu législateur
n'est
eertainement pas étrangère à la multiplication des iLfractions non
intentionnelles en matière d'information.
B - L'importance des infractions matéri~lles
708 - La plupart des infractions ~elatives aux obligaticns d'informa-
tion mises à la charge du chef d'entreprise ne nécessitent Fas d'intention
chez leurs auteurs. A titre d'exemple, sur les cinquante quatre délits se
rapportant à l'information sur les sociétés anonymes que no~s avons
pu
dénombrer dans la loi du 24 juillet 1966, vingt sont des délits non inten-
tionnels. Cette importance toute relative des délits ~nvolontaires n'est
pas incompatible avec le pragmatisme de la jurisprudence et du législateur.
C'est que la plupart de ces infractions sont aussi des délits d'omission.
Or, comme toute recherche psychologique, la preuve de l'intention délic-
tueuse
est déjà difficile lorsque le délinquant se rend coupable d'un
acte positif. Cette preuve devient quasiment impossible à établir lorsque
le pPévenu n'a fait que s'abstenir de toute action. Dans un-cas, son com-
portement dans l'action peut, à la limite, fournir des indicss de son in-
tention, dans l'autre rien de tout cela. L'exigence d'une in:ention délic-
tueuse aurait sans doute aboutit à dresser un obstacle presqu'insurmontable
.
,a la repression.
709 - On remarquera -'une certaine tendance chez le légis:ateur à exiger
l'élément intentionnel pour les nouveaux délits qu'il a récecment créés.
Cette tendance est surtout manifeste dans la loi du 12 juillet 1985 rela-
tives aux participations détenues dans les sociétés par acticn. Cette loi
emploie systématiquement l'adverbe sciemment pour toutes les infractions
qu'elle a créées. Or, les infractions consistent toutes en des omissions.
Il s'agit peut-être de la manifestation d'ufta attitude plus clémente
du
législateur dans la répression des infractions relatives à l':nformation.
710
Quoiqu'il en soit, elle contribue à accroître l'imF~rtance nu-
mérique des infractions pour lesquelles l'intention délictueustest exigée.
---~----~
344
§ 2
L'INTENTION DELICTUEUSE EXIGEE
711 - Il n'existe aucune définition légale de l'intention délictueuse,
"ce concept essentiel, livré aux discussions doctrinales et aux hésitations
jurisprudentielles ••• devenu un inépuisable champ de controverse compara-
de:.
ble à certains égards aux discussions/civilistes sur la cause de l'obliga-
tion". (1)
On a coutume de dire qu'il y a quatre degrés dans l'intention
et qu'en droit des affaires, d'une manière générale, la jurisprudence se
mont~e très sévère dans la recherche de cette intention. Mais, le droit
pénal des affaires, et spécialement en matière d'information, est l'un
des domaines du droit français où cette recherche est le plus difficile
parce que le législateur utilise des expressions très variées ("sciemment"
"intentionnellement" "volontairement" "de mauvaise foi" "frauduleusement" ••• )
pour manifester sa volonté de faire de l'intention délictueuse une condi-
tion de la répression (2). L'interprête ne sait donc pas à quel degré d'in-
tention il a entendu se référer.
712 -Comme an droit commun, la cour_de cassation affirme que la cons-
tatation de l'existence de la mauvaise foi relève de l'appréciation sou-
veraine des juges du fond (3). C'est en définitive à ceux-ci qu'il revient
de déterminer, dans chaque cas d'espèce, l'existence de l'intention délic-
tueuse. On ne s'étonnera
donc pas que ces hommes de terrains qui, a-t-on
coutume de dire, sont plus proches des justiciables que les magistrats
de la cour de cassation fassent encore
preuve
d'un certain pragmatisme
auss: bien
dans
la définition de l'intention délictueuse (A)
que dans
sa p~euve (B).
(1) lŒRLE et VITO, op.cit., n0431 p.424
(2) :.LARGUIER, mauvaise foi et faux bilan,mél.Hamel p.291 et s.
(3) crim. 11 juillet 1930 D.P. 1932.1.145. note Carbonnier
345
A -Sur la définition de l'intention délictuew~e
713 - En général, la doctrine considère que les différentes expressions
utilisées par le législateur sont équivalentes. (1) On enseigne
aussi que
l'intention délictueuse se compose normalement de deux éléments, l'un com-
mun
à toutes les infractions, .le dol général et l'autre propre à certaines
infractions seulement: le dol spécial. C'est en ce qui concerne
la dé-
finition de l'un (I) et
la nécessité de l'autre (II) que se pose l'es-
sentiel ~s problèmes relatifs à la définition de l'intention délictueuse
en matière d'information.
l - La définition du dol général
714 - Communément, on définit le dol général comme~a volonté d'accom-
plir un acte que l'on sait interdit par la loi (2). Pour caractériser cet
élément de l'intention, le juge n'a normalement pas à rechercher une autre
volonté que celle de violer la loi. C'est cette conception da dol général
qui semble se dégager des solutions admises par la jurisprudence en matière
d'informationT-Dans ces conditions, admettre l'absence d'intention délic-
tueuse, c'est admettre que le prévenu s'est trompé, qu'il a commis
une
erreur.
715 - En principe, seule l'erreur de fait est exclusive du dol général
contrairement à l'erreur de droit. En d'autres termes, le prévenu peut pré-
tendre s'être trompé sur les faits matériels constitutifs de l'infraction
mais serait irrecevable à invoquer
son ignorance
de
la loi ou l'inter-
prétation de celle-ci.
(1) TOUFFAIT,ROBIN,ANDUREJIU,LACOSTE,op.cit. n051
p.37 ~ LE~ON. CONSTANTIN
op.cit. p.426 et s.
(2) STEFANI et LEVASSEUR,op.cit.,n0193 p.188 ; MERCADAL,art.préc.,Rev.sc.
crim .. 1967.01 ; P.A. PAGEAU, la notion d'intention en droit pénal J.C.P.
1950.1. 876iP.MIMIN,art.préc.,Mel.PAT]N ~.115 et s. ; BOUZAT et PfNATEL
op.cit.) n0172 p.255
'
(3)
STEFANI et LEVASSEUR/oP.cit./n0199 p.193
J4u
716 -Ces solutions classiques sont admises en matière d'information
du moins en ce qui concerne l'erre~r de fait.
Ainsi, dans les délits qui consistent à diffuser une information
fausse, le dol géné •.al est constitué dès lors que le prévenu
a eu connais-
sance de ld fausseté de l'information et l'a diffusée volontairement.
Or,
les cas de diffusion involontaire j'une information que l'on sait fausse
sont bien rares. En vérité, nous r.e voyons pas comment un individu dispo-
sant de toute sa liberté d'action peut publier une information sans
le
vouloir. L'absence de volonté dans l'acte de publication relève donc d'autres
H
hypothèses d'exonération de/responsabilité que nous examinerons plus loin.
C'est pourquoi la jurisprudence se contente, pour caractériser le dol géné-
ral, de relever que le prévenu connaissait la fausseté de l'information
qu'il a publiée. Telle est la solution adoptée dans plusieurs décisions en
matière de présentation ou de publication de comptes annuels infidèles où
les juges se contentent souvent de relever que le prévenu connaissait l'i~
nexactitude du bilan (1). Il eB est de même en ce qui concerne les délits
de confirmation d'informations mensongères par les commissaires aux comp-
tes (2) ou de publicatioITde faits faux en vue d'obtenir des souscriptions
ou des versements (3). De même,
dans le délit
de distribution
de divi-
dendes fictifs
la jurisprudence décide que la connaissance du caractère
fictif des dividendes distribués suffit à caractériser la mauvaise foi du
prévenu (4).
717
- S'agissant des délits d'entrave aux institutions représentatives
du personnel et d'obstacle au cont~ôle ou vérifications des commissaires
(1) Crim}2 mai 1965)J.C.P. 1966.1:.14598
Nancy, 20 oct. 1976,B,C.N.c.c.1979 p.73
(2) Paris) 15 fév. 197~ préc.
(3) crim.) 30 mai 1930,J.soc. 1931.552
(4) J. LARGUIER, op.cit. p.326 ; t.CONSTANTIN/op.cit.,p.635
347
aux comptes ou "experts de gestion". Le fait punissable est
l'entrave ou
l'obstàcle mis à l'activité des organes concernés. L'omission de l'infor-
mation.ou sa fausseté ne constituent que des moyens pour parvenir à
ce
résultat. Ce n'est pas le coyen, mais la recherche du résultat que la loi
pénale condamne. Le dol général consiste donc à entraver ou à mettre
un
obstacle au fonctionnement de ces organes en connaissance de cause. En
théorie ,. on pourrait donc dire qu'il ne suffit pas que la prévenu ait re-
fusé une information ou do~~é une information inexacte pour que l'intention
délictueuse existe.Il faut et il suffit qu'i ait voulu porter une entrave.
Cette solution de principe apparaît dans certaines décisions de
justice qui relèvent que le prévenu a eu conscience
de faire obstacle ou
d'entraver (1). Sans doute, le dol général exige en principe plus que
la
simple conscience de violer la loi pénale, c'est-à-dire la simple probabi-
lité ou possibilité de cette violation. Il exige une volonté délibérée de
ne pas se conformer à la loi. Mais la référehce à la conscience d'entraver
a le mérite de montrer sur quoi doit porter
la volonté du
prévenu.
De
plus,
d'après une opinion particulièrement autorisée, "la certitude
rai-
sonnable de la survenance du résultat constitue l'intention" (2).
718 -Il reste
que
le plus
souvent, en matière d'entrave aux insti-
tutions représentatives du personnel,
les juges ne font
même pas réfé-
rence à la volonté d'entraver. Ils se contentent de relever que le prévenu
a volontairement accompli l'acte qui constitue l'entrave (3).
Cette atti-
tude de
lajurisprudence apparaît clairement lorsque cet
acte est la vio-
lation
d'une prescription légale ou réglementaire. La chambre criminelle
n'a d'ailleurs pas hésité à affirmer que "la simple violation d'un statut
Crim.~ oct. 1958 , Bull. crim., n01087 D.1959.68 J.C.P. 1958.11.2319 obs.
LEGALjPau,18 nov. 1953,D.1954 .229
(2) J. et A.-M. LARGUIER,art.préc.,J.soc. 1967 p.567
(3) Versailles,30 juin 1983 ; crim., 28 nov.1984,J.C.P. 1984 éd.C.I. n0144S-'
Rappr.
crim. , 16 mars
1978, bull. crim. n0102: Le prévenu doit avoir'
eu conscience d'enfreinàre la loi
348
que le chef d'entreprise ne peut ignorer suffit, l'acte contient en lui-
même les éléments tant moraux que matériels du délit"
(1)
71S - Certains auteurs se sont émus de ces solutions qui leur semblent
réduire excessivement l'intention délictaeuse (2). Mais elles ne sont nul-
lement incompstibles avec la définition du dol général et de l'élément ma-
tériel de l'infraction que nous avons retenue. Elles sont conformes
à
l'idée que lorsque le législateur édicte une disposition en faveur
des
institutions représentatives du personnel c'est qu'il considère que l'ob-
servation scrupuleuse de celles-ci est nécessaire au fonctionnement régu-
lier de ces institutions. Cette idée trouve appui dans le texte même de la
loi qui prévoit que l'entrave est. apportée "notamment par la méconnaissance
des dispositions •.• ". On ne peut donc admettre que le prévenu qui a méconnu
une obligation légale était de bonne foi sans admettre qu'il ignorait, si-
non la lettre du texte qui :ui imposait cett~ obligation, du moins sa por-
tée. Prétention en principe rejetée en droit français. En effet, ainsi que
le
souligne Monsieur Larguier " la méconnaissance d'un texte tel que ceux
dont l'employeur ne peut pas ignorer l'existence ni même la portée permet
de conclure à l'existence de la faute intentionnelle de l'employeur qui
par cette prétendue ménonnaissance entend en réalité entraver le fonction-
nement des organes représentatifs" (3).
Ce raisonnement peut être aisément transposé au cas où l'obli-
gation méconnue résulte d'un accord. 6n peut alors considérer que les par-
ties à cette convention ont elles-mêmes estimé que son observation était
nécessaire au fonctionnement régulier des institutions représentatives et,
bien entendu, elles seraient mal venues à prétendre
qu'elles
en
i~no
raient le sens et la portée.
(1) Crim.,10 nov. 1953/bull.crim. n0202 j br.soc. 1954.404 note G.LEVASSEUR
(2) O. GODARD, op.cit.,no358p:291
(3) LARGUIERtart. préc. ,in Dr.soc. 1967 p.567
349
720 -Faut-il en déduire que chaque fois qu'un individu méconnaît
Olne prescription protectrice des représentants du personnel il porte vo-
lontairement entrave au fonctionnement régulier des institutions
repré-
sentatives
du personnel?
La réponse doit être négative. Ainsi
qu'il
~eSdort d'un arrêt de la chambre criminelle, la bonne foi du prévenu peut
~ésulter d'une mauvaise appréciation des
circonstances de fait (1). Dans
cette affaire, il était reproché au chef d'entreprise d'avoir mis à pied
,~~ délégué du personnel et de lui avoir interdit l'accès de l'entreprise
portant ainsi ~~e entrave à l'exercice de ses fonctions. La cour d'appel
je Bordeaux avait estimé que l'mfraction n'était pas constituée parce que
le jour de l'interdiction d'entrer dans l'entreprise, le délégué
était
sous le coup d'une mise à pied lég~le qui l'avait exclu de l'entreprise.
Le parquet prétendait que la mise à pied ne pouvait avoir d'effet que
sur les relations contractuelles du salarié et ne permettait pas de porter
atteinte à sa fonction représentative. La cour de cassation admet que la
~ise à pied suspend également les fonctions représentatives du délégué
du personnel. Mais elle casse la décision d'appel au motif que cette mise
à pied constitue en soi
,une entrave aux fonctions du délœgué du personnel
et qu'elle n'est admissib~e que si l'employeur était de bonne foi. En con-
séquence, elle reproche à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si le
prévenu avait pu de bonne foi et à juste motif d'une faute grave mettre à
pied le délégué du personnel et faire obstacle à l'exercice de son mandat.
L$ comm~ateumde cette décision estiment fort justement que si le prévenu
s'est trompé sur la gfavité de l'erreur, il n'y aurait pas d'infraction
car il n'aurait pas alors voulu porter atteinte à la fonction (2).
121
Par ailleurs, on peut remarquer, spécialement en cas de grève
dans l'entreprise une certaine tendance de la part de la cour de cassation
à admettre plus facilement la bonne foi du chef d'entreprise qui n'a
ni
(1) Crim.~4 mai 1955)J.C.P. 1956,11.9443 note Berthe de la GRESSAYE i 6 mars
1957,D.1957.317
(2) Berthe de la GRESSAYE)S/ crim.) 24 mai 1955/préc. PARCH~iINAL_(H.~Thèse
Rennes pr8c~ O.GODARD,op.cit.
350
informé ni consulté les représentants du personnel avant de prononcer une
mesure de licenciement. Ainsi, la haute juridiction a décidé que les diri-
geants d'une entreprise qui ont décièé de fer~er l'usine et de licencier
du personnel alors que l'entreorise était entièrement paralysée et sous-
traite à leur autorité et n'ont fait que tirer les conséquences d'une
contatation d'échec des négociations mettant en cause l'existence même de
l'entreprise, ont pu être valablement relaxés pour défaut d'élément inten-
tionnel. Elle relève en outre que les prévenus agissant en liaison avec
l'inspection du travail ont constamment recherché la légalité (1). Quel-
qu~mo1s plus tard, elle a confirmé cette décision en cassant un arrêt
qui ayant relevé que le comité d'entreprise ne pouvait être réunis compte
tenu des circonstances dans les locaux de la société a estimé que le pré-
venu aurait pu organiser la réunion "dans un local choisi à l'abri
des
troubles" qu'à défaut, il a volontairement omis de respecter les prescrip-
tions du code
du travail. (2)
722 - On a pu se demander si ces décisions n'exigeaient pas un dol
spécial qui serait la volonté d'entraver (3). Mais nous avons déjà dit
que, du moins théoriquement, c'est cette volonté qui est constitutive du
dol général. Il n'en demeure pas moins que la solution adoptée dans ces
affaires est pour le moins atypique.Il est
bien difficile de soutenir
qu'ici, il n'y a pas la conscience d'enfreindre les dispositions légales
qui, d'après la cour de cassation elle-même, suffit à caractériser l'in-
tention délictueuve (4).
Cependant, il est possible d'expliquer la position de la haute
juridiction par son désir de ne pas nuire à l'entreprise en donnant aux
salariés en grève un moyen de pression sur les dirigeants qui risqueraient
(1) Crim729 mai 1984,cité in !.Cl. pen.spec. Travail fasc.D.8. 1980 ~o 128
(2) Crim.,20 oct. 1984,bull.crim. n0330
(3) C..LAZERGf:, Le délit d ' entrave 1 Rev . sc. crim. 1984 p. 774-775
(4) Cf. supra. 111; ~I-)-
351
en fait d'être privés de toute possibilité de décision. On remarquera à
cet effet, l'insistance avec laquelle la cour de cassation a mentionné
dans la première de ces affaires, la situation difficile dans laquelle la
grève puis l'occupation de l'usine a entraîné l'entreprise. On retrouve
donc le souci
constant de la jurisprudence, conformément à l'esprit de
la loi, de sauvegarder l'entreprise au besoin
.contre certaines revendi-
cations catégorielles.
72J
-La question est toute différente lorsque l'entrave ne consiste
pas à violer une obligation légale ou conventionnelle. Par exemple, si
au cours d'une consultation pour licenciement économique le chef d'entre-
prise refuse de communiquer aux membres du comité d'entreprise la liste
des salariés visés par cette mesure, il ne peut y avoir délit d'entrave
que s'il est établi que cette information était nécessaire aux membres
du comité pour se prononcer sur la mesure envisagée et que le chef d'en-
treprise n'ignorait pas cette nécessité.
724
-En ce qui concerne l'erreur de droit, l~s solutions adoptées
par la jurisprudence sont plus contestables, plus incertaines aussi.
En principe l'erreur de droit n'est pas exclusive de la mauvaise
foi (1). Cette solution qui s'appuie sur le principe selon lequel nul n'est
sensé ignorer la loi a
.été à diverses reprises réaffirmée par la juris-
prudence. Ainsi en matière de délit d'entrave aux institutions représen-
tatives du personnel, la chambre criminelle a jugé que la seule circons-
tance
que la matière présentait des incertitudes d'interprétation n'est
pas de nature à enlever aux agissements de l'employeur leur caractère
intentionnel (2), et que l'erreur de droit peut tout au plus valoir cir-
(1) STEFANI et LEVASSEUR,op.cit'iBOUZAT et PINATEL,op.cit.,no183 p.270
C.LAZERGE, Rev.sc.crim. 1984 p.775;P.MIMIN,art.préc.,Mel PATI~ p.115
et s.
(2) Crim,2 mars 1961,J.C.P. 1961.11.12095 note GUERIN; 9 av.1975 oull.crim.
n088 ; Rappr. crim.,15 janv. 1980,Sole~ cité in J~l. loi pén.~péc.tra
vail fasc.D.8. 1980 n 0 104
352
constance atténuante (1). Il en est ainsi même s'il s'agit d'une erreur
de droit invincible, même si le prévenu s'est conformé à une interpréta-
tion erronée de la loi faite par les services administratifs co~p~étents(2).
Cette sévérité extrême de la jurisprudence est critiquable. C'est la né-
cessité de l'efficacité de la r~pression qui justifie, en matière pénale,
l'application du principe "nul n'est sensé ignoré la loi". Or , il. nO:lS
semble que cet impératif n'est plus en caùse dès lors qu'il est établi
que le prévenu a réellement ignoré la loi surtout lorsqu'il a fait
des
efforts pour la connaître.
725 -Cela explique sans doute qu'en d'autres matières, les juges du
fond semblent faire de cette présomption une application plus réaliRte
que la chambre criminelle. Ainsi, dans l'affaire du
C.N.L., après avoir
affirmé que le
commissaire aux comptes qui est par définition un spécia-
liste du
droit des affaires ne saurait être moins que quiconque admis
à faire état de son ignorance de la loi pas plus que te l'interprétation
de la loi par les tribunaux, les magistrats de Paris ajoutent "la coutume
n'étant pas de poursuivre correctionnellement pour prése~tation de faux
bilan lorsque l'on ne peut mettre en avan~que l'absence ou l'insuffisance
d'amortissement des frais d'établissement sans que cette erreur voit son
ca:ractère frauduleux confirl'lé par ld' autres infractions", la cour faisant
bénéficier L.et F. du doute sur ce point a pu admettre qu'ils ont pu croi-
re n'être pas dans l'obligation de porter ce fait délictueux à la connais-
sance
du procureur de la république (3). De même, en matière de délit
d'e~trave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel,
il a été jugé que le prévenu était de bonne foi lorsqu'il a été mal ren-
séigné par l'inspecteur du travail (4).
(H Crim.) 29 oct. 1975) bull. crim. n0231
(2) Ibid.
(;3) Paris) 15 janv. 1964,préc.
(4) T.corr. Seine)26 mars 1963)J.C.P. 1963.11.13258
)53
726
-La ?~sition des juges du fond nous semble plus conforme aux
,
besoins de la ëepression. La ri~ueur des solutions de la chambre crimi-
nelle risque t'être retentie comme une injustice par les justiciables
car elle trans:orme la présomption de connaissance de la loi en une fic-
tion contraire i l'idée que l'acte n'est repréhensible que si eon auteur
a commis une f~ute. Idée qui ,dans certains cas, conduit à exiger une in-
tention plus pëécise : le dol spécial.
2 - Le dol spécial
727
-Le dol spécial est défini comme la volonté de rechercher
~
résultat déter=iné que la loi prohibe. Cet élément de l'intention délic-
tueuse n'est nécessaire que dans les cas où la loi l'a prévu.
728 - La question de savoir si le délit ,d'entrave comprend un dol
spécial a été souvent débattue.avant la loi du 5 juillet 1972. L'adverbe
intentionnelle=ent ayant disparu d~ l~ nouvelle rédaction du délit d'en-
trave, cette question ne se pose plus. De toutes les façons, elle était
largement basée sur une confusion entre le dol général et spécial (1).
. ,
72S - En revanche, le délit de publication de faits faux n'est repre-
hensible que si l'acte matériel a été accompli en vue d'obtenir des sous-
criptions ou des versements (2). Cette solution fait l'unanimité chez les
juges du fonds (3). Par
exemple, la cour d'appel d'Angers a jugé que dans
ce délit "la n~uvaise foi consiste à affirmer un fait faux, le sachant faux
pour obtenir des versernents ••• "(4). Mais la chambre criminelle a dans des
décisions ancie~~es, adopté une position plus restrictive en considérant
(1) Cf. supra ~ ~ ., ~i. .J- >.
(2) G.GAVALDA, Les délits concernant les fausses déclarations' et majorations
frauduleuse,) d 1 apport ét. HAHEL p.38 ; L. CONSTANTIN, op. ci t. ,p. 550 DELMfS
l
MARTY,op.ci:.,p.101; TOUFFAIT ROBIN, .•• op.cit.no123 p.124 ; J.LARGUIERJ
Mauvaise foi et faux bilan/in mel.HA}1EL p.291
(3) T.corr.Sei~e,18 juil. 1932JRev.trim.soc.1932.312 ; Seine,16 juin 1934,
rev.trim.so~.1934-308jAngers,aO juiL.1942,J.soc.1944.55 ; DIJON 16 mai
1936 / j.soc. 1937.306
1
Angers 30 :~iL.1942 préc.
que la connaissance des agissements illicites était suffisante pour que
la mauvaise foi soit établie (1). Cette attitude de la haute juridiction
est bien entendu.
contraire à la définition légale de l'ingraction qui
1
exige expressement le dol spécial.
730 -De même, le dol spécial est un élément de l'intention délictuelle
en matière de publication ou de présentation de comptes annuels infidèles
la publication ou la
présentation doit avoir pour but de
dissimuler la
véritable situation de la société. Mais la véritable portée de cette exi-
gence est difficile à déterminer. Certains en ont déduit que la ;:résenta-
tion de comptes annuels infidèles ne serait délictuelle que si la fraude
est susceptible d'induire les tiers en erreur. En d'autres termes, il n'y
aurai t pas d'infraction en cas de fraude si grossière qu 1 elle n'est sus-·
ceptible de tromper personne. D'autres au contraire ont estimé que par
cette exigence le législateur n'entendait p~ursuivre que les inexactitudes
les plus graves. D'autres enfin en ont déduit que l'intention délictueuse
n'existe que si le prévenu a été animé par un mobile frauduleux (2).
731
Certaines juridictions ont suivi cette dernière ùplnlon en re-
cherc~ant si les dirigeants poursuivis avaient été animés, lors de l'éta-
blissement du bilan, par un esprit de lucre ou de t~omperie (3). Mais la
majorité de la jurisprudence n'a suivi aucune de ces propositions.
Les juges relèvent souvent la circonstance que les prévenus
"avaient en vue la dissimulation de la véritable situation de la société"(4)
ou qu'il ont accepté de rendre public et ont effectivement rendu public
un document qu'ils'
lavaient inexact et de nature à dissimuler la véritable
situation de leur société" (S) ou encore
que le bilan a été
publié afin
(1) Crim.1 juin 1944 bull n 0 144 crim 30 juin 1930 J.soc. 1931.652
(2) LAUNAIS,VILLEGUERAIN et ACCARIAS,Droit pénal financier , t.1 n 0 422 PATIN
et COUaOLLE,Législation pénale en matière de société/p.169 SOLUS op.cit.
O
(3) Crim'f4 janv.1946,bull.crim.n'37
n ?3
(4) Crim'126 juin 1978,bull'crim. n0212 p.556
(5) Paris)12 juillet 1969/G.P.1969.II.270
"de dim:imuer le passif de l'exercice (1)". ou "en vue d'éviter la révéla-
tion publique dlune situation financière compoomise" (2) ; plus nettement
encore, la chambre criminelle a relevé que le prévenu "savait qu'il dissi-
mulait la véritable situation de la société" (3).
732 -Il reste que la jurisprudence déduit l'existence du dol spécial,
c'est-à-dire la volonté de dissimuler la véritable situation de la société
du fait que la prévenu avait connaissance de la fausseté dos comptes.Cer-
tains auteurs sien sont émus et ont dénoncé l'édulcoration de l'intention
délictueuse qui selon eux aurait été réduite à la mauvaise foi-connais-
sance (4).Mais on ne voit pas très bien comment un individu qui, librement,
publie des documents comptables dont il sait qu'ils ne représentent pas
la véritable situation de l'entreprise pourrait avoir un autre but que
cell1i de dissimuler cette situation. En vérité, toute falsification volon-
taire des comptes de l'entreprise a toujours et nécessairement pour
but
de dissimuler la véritable situation de l'entreprise, soit en mieux, soit
en pire. "Il n'y a pas de bilan volontairement faux qui ne soit présenté
dans un but de dissimulation" (5). Dans ces conditions, il
ne faut pas
s'étonner de constater que toutes les fois où les juges ont cru pouvoir
fonder une décision de relaxe "sur le défaut de volonté de dissimulation,
c'est qu'en réalité les comptes incriminés représentaient la véritable
situation de la société (6)ou que le prévenu avait ignoré leur inexacti-
tude (7).
(1) crim., 14 déc.1966,Bull.crim. n091 p.678
(2) Crim. 12 jantier 1981 Bull crim. n010 p.]1 Rev.soc.1082 612
(]) Paris 12 janv. 1965 D.1965.687 note GORE Rev.soc; 1965.192 rev.sc. crim.
1965 p.658
(4) M.DELMAS MARTY op.cit. p.429
(5) DEPREZ,art.préc. étude HAl{EL p.246 En ce_~ens ROUSS~LET et PATIN op.cit.
p.262 CONSTANTIN iSt GAUTRAT op.cit. n057] ; !-l.CHA\\lW1 op.cit. p.87
L.CONSTM~TIN op.cit. p.642
(6) Paris,12 janv.1965,D.1965.687 note GORE;Rev.soc. 1965.192jRev.sc.crim.
1965 p.658
(7) Versailles,5 juil. 1984,aQICC 1984 p.50] ,confirmant Namterre,24 nov.198J
BG}li:C. 1984.82
)
356
733 -Les solutions dégagées en application de l'ancien texte sont
facilement transposables à la nouvelle définition du délit. La publication
en connaissance de cause, de comptes annuels infidèles ne peut avoir d'au-
tres buts que de dissimuler la véritable situation de l'entreprise. C'est
l~ connaissance de l'infidélité des comptes qui fera difficulté (1).
734
-Il reste que la dissimulation de la situation de l'entreprise
n'est parfois pas l'unique, ni même le principal
objectif poursuivi par
ceux qui publient les conptes annuels infidèles. Il peut s'agir d'un sim-
ple moyen pour par'J~ir à un autre but. Ainsi, pour obtenir l'impunité,
certains prévenus invoquent des mobiles plus ou moins légitimes qui les
auraient poussés à dissimuler la véritable situation de l'entreprise.
La plupart
de ces arguments font référence à la volonté des prévenus de
sauvegarder l'intérêt de l'entreprise, soit en lui constituant des réser-
ves (2), soit en opérant une fraude. fiscale (3), soit pour"pallier une
situation inquiétante pour le renom de la société". (4).
735 -On remarquera le caractère hautement contestable de la légitimité
de ces mobiles. S'il appEraît nécessaire
de constituer des réserves pour
faire face à des prévisions de pertes, c'est à l'assemblée générale qu'il
appartient d'en décider. En le faisant à l'aide de r~serves occultes, les
dirigeants sociaux privent cette assemblée d'une de ses prérogatives ce
qui en soi
constitue une violation de la loi qU'ils sont mal venus d'in-
voquer en leur faveur. Un raisonnement semblable
peut à fortiori être
soutenu en ce qui concerne la fraude fiscale qui fait l'objet d'une sanc-
tion pénale.
(1)
Cf.supra. n~ 1\\10
(2) Besançon,24 mai t984,BCNCC 1984 p.480
(3) Crim.~8 déc.1956,G.P. 1957.366 Bull.crim. n0849
D.1957.705 note DALSACE
T.cQ?~. Paris,11 juin 1969, préc.
(4) Grenoble,6 déc .1934,Rev.trim.soc. 1935 p.42
357
On a prétendu que l'applica~ion des peines du délit de publi-
cation de comptes annuels infidèles constituerait,
en cas de fraude
fiscale, un détournement de ce délit au profit de la lutte contre la
fraude fiscale (1). Cet argument est loin d'être péremptoire. Nul ne con-
teste aujourd'hui que ce délit n'a pas seulement pour but de protéger les
associés ni même les usagers des comptes. Il permet aussi de protéger l'én-
treprise elle même, et les intérêts généraux de la sociét5 liés au fonc-
tionnement de l'entreprise. Or, la p~èlication d'une fausse inforrnatiJn
fusse dans un but de fraude fiscale est susceptible de tromper l'ensemble
des usagers des comptes annuels y co~pris les associés sur la véritable
situation de la société. Il n'y a donc pas détournement du délit, mals
tout simplement cumul d'infraction. Situation bien fréquente dans le droit
pénal français. De surcroît, le bénéfice supposé .:pour l'entreprise est
bien aléatoire. Le gain immédiat sur l'impôt risque d'être largement com-
pensé par URe forte amende fiscale (2;.
73b
-Il ne faut donc pas s'étonner que la jurisprudence rejette avec
fermeté tout argument-tiré de la nécessité de sauvegarder l'intérêt
de
l'entreprise pour publier des documents comptables mensongers. Un
tel
argument n'est évidemment pas recevable. L'intérêt de l'entreprise suppose
avant tout que les différentes perso~~es qui participent à sa gestion
puissent disposer de donnéees qui ne les induisent pas en erreur. L'éta-
blissement de faux documents comptables p-e peut donc pas être compatible
avec
cet intérêt.
737- Ainsi, tout en respectant les textes en vigueur, la jurispnu-
dence adopte une conception de l'intention délictueuse qui n'entrave pas
1
trop la repression. Mais c'est sur le terrain de la preuve qu'elle se mon-
tre le plus pragmatique.
(1) F.LE3RUN,op.cit.,p.192
(2) P.R. SABIN}op.cit,}p.334 et s.
358
E - La preuve de l'intention délictueuse
73b - L'intention délictueuse étant considérée comme un élément de
l'infraction, c'est au ministère public qu'incombe en principe la charge
de la preuve. Pour relaxer un prévenu les juges n'ont donc pas besoin
d'établir sa bonne foi. Il leur suffit de constater que l'infention délic-
tueuse n'est pas établie. Pourtant, on relève dans les décisions, aussi
bien des indices revelant l'existence de l'intention délictueuse (I) que
des indices revelant son absence{Û)
l - Les indices revelant l'existence de lli~tention délictueuse
739 - Il est souvent difficile d'établir de façon incontestable l'exis-
tence de l'intention délictueuse. C'est surtout en matière comptable
que
cette preuve est difficile à faire. Pour le 'délit d'entrave, très souvent,
la mauvaise foi du prévenu se déduira nécessairement du fait matériel cons-
titutif de l'infraction surtout si celui-ci consiste en la violation d'un
texte
Pour établir l'intention délictueuse,-~es juges prennent
en
coopte des circonstances très diverses. Les unes sont fondées sur la per-
sonne du prévenu (a) les autres Liennent aux circonst~nces de l'infrac ~
tion (b).
a) Indices fondés sur la personne du prévenu
740 - L'intention délictueuse est souvent établie en .·fonction d'éléments
subjectifs touchant à la personne du prévenu: sa qualité d'administrate\\~
sa place dans l'entreprise, ses qualités professionnelles. etc •••
359
741 -La qualité d'administrateur, si elle n'emporte pas présocption
de mauvaise fel, du moins facilite-t-elle la preuve de l'intention délic-
tueuse. Ainsi, il a été j.ugé que les administrateurs ne "pouvaient se mé-
prendre sur la portée d' un cautionnement par
eux souscrit, ni sur la
qualité des créances inscrites à l'actif" (1) ou que le
P.D.G. n'a pas
pu ignorer l'état des affaires de la société ni donner de bonne foi lec-
ture à l'assemblée générale des
bilans (2). Certaines décisions sont plus
précises et tiennent compte du rôle réel du prévenu au sein de l'~ntreprise
Ainsi, des dirigeants ont été déclarés de mauvaise foi par suite de la di-
rection générale qu'ils imprimaient à la société dont ils connaissaient
toutes les difficultés (J) ou parce qu'ils en étaient "l'âme" (4) ou
y
occupaient una "situation prépondérante" (5). De même, il a été retenu
contre un prévenu le fait "qu'il connaissait mieux que quiconque, pour
l'avoir orientée et dirigée, le curriculum vitae de la société qui était
son oeuvre et ne pouvait se faire la moindre illusion sur la prêcarité
de l'entreprise" (6). Il a été également jugé que "les prévenus connais-
saient nécessairement de par leurs fonctions respectives" (7) les inex~c
titudes du bilan.
742 -Par ailleurs, en ce qui concerne le délit de confirmation d'in-
formation mensongère, les magistrats parisiens ont retenu contre un com-
missaire
aux comptes
ayant confirmé des bilans inexacts le fait "au'il
a fait preuve au cours des débats de connaissances approfondies et è'une
aisance intellectuelle qui expliquent qu'i~ait pu obtenir le diplôme de
H. E. C. et le titre d'expert comptable, qu' i l est J:~p"en~13:b~,:_qu'il n r ai t
pas découvert la plupart des manip\\;.lations constatées" (6).
(1) Crim~ août 1938 G.P. II.814 ; J.C.P. 1939.11.1053
J
(2) Crim~ 30 mai 1930,S.1933.1.195;Rev.soc. 1930 p.325
(3) Crim,24 av. 1891,D.P. 1893.1.49
(4) Paris}22 jUil.i893,Rev.soc.1893 p.448 ;Paris 19-mars 1883 et cri~.23 mars
1883 D.1883 l 425
1
(5) Paris,18 juiL. 1938/G.P. 1938.2.194
(6) Paris 6 déc. 1936,J.soc. 1937 p.659
l
(7) Paris ,15 fév. 1979,B.C.N.C.C. 1979 p.197
(8) Paris, 18 fév. 1983,B.C.N.C.C. 1983 p.232
360
743 -Comme on le voit, l'attitude et les qualités personnelles du
prévenus constituent des indicateurs importants pour établir l'intention
délictueuse. Mais, surtout dans les grandes entreprises où les documents
comptables sont établis par "des services spécialisée ces indices risquent
d'être très peu significatifs. C'est pourquoi très souvent la jurispru-
dence les complète avec d'autres indices te~nt aux circonstances de l'in-
fraction.
b) Les indices fondés sur les circonstances de l'infraction
744 - Certaines circonstances des infractions comptables permettent
d'établir avec une certitude relative la mauvaise foi du prévenu. C'est
1§ cas d'abord lorsqu'i~ a aveu, explicite ou implicite. L'aveu explicite
existe par exemple lorsque le prévenu a reconnu pendant l'instruction qu'il
avait
oonnaissance des inexactitudes dupilan dont.il a confirme
la sin-
cérité (1). Mais l'aveu est le plus souvent implicite. A notre sens, il y
a aveu implicite lorsque le prévenu a essayé d'établir sa bonne foi en in-
voquant un mobile qui a été rejeté par les juges (2)
3a prétention impli-
que nécessairement qu'il avait conncissance de la violation de la loi qu'il
commettait. Pour 2.es commissaires aux comptes, on peut aussi dire
qu'il
ya aveu, lorsqu'ils ont eux mêm~signalé aux dirigeants les irrégularités
de la comptabilité avant de la certifier sinc~re (]) ou de se rendre com-
pUces de la publication (4).
745 -Mais en dehors de ~out aveu, diverses circonstances peuvent
permettre d'établir la mauvaise foi des prévenus.
Celle-ci pourra se déduire d'une falsification systématique des
comptes (5). ou du fait
que
les irrégulatités
ont
été
signalées
aux
(1) T.G.I. Paris,17 mai 1979)B.C.N.C.C. 1979 p.423
Il! =1t.1 c.~~
(2) Cf. supra/et Jurisprudence citée
(]) Paris}15 fév. 1979)préc.
(4) Bordeaux,] juin 1982}B.C.N.C.C. 1983 p.71
(5) Paris)1] juiL. 1893,confirmé crirn.p8 janv.1894,BulLno14'D.1895.I.159
Paris ,15 fév. 1979 ,préc.
)
361
dirigeants (1) ou aux membres du conseil de surveillance (2) ou commis-
saires aux comptes (3) avant la consommation de l'infraction.
De même, la
gravité et le caractère manifeste des inexactitudes
comptables (4) ou l'absence de concordance entre les documents de synthèse
et le reste de la comptabilité (5) permettent de douter de la bonne foi
des prévenus.
746 - La décision de la cour de Paris du 15 avril 1979 nous semble
sur tous ces points particulièrement intéressante. En effet, dans cette
affaire les prévenus ont réussi la performance de réunir contre eux
la
presque totalité des indices revelant l'intention délictueuse. Les magis-
trats ont pu déduire la mauvaise foi des prévenus de "l'incapacité dans
laquelle ils se sont trouvés de produire les justifications demandées,
leur connaissance de l'omission au bilan de sommes dont l'une d'ellώtait
considérable, qui augmentait fortement l~ montant des pertes leurs déci-
sions de maintenir la date de l'assemblée générale sans recourir à la pro-
cédure judiciaire et sans informer les associés des points de contesta-
tions soulevés par les commissaires aux comptes (6).
747 - On peut ajouter à ces indices, la situation de l'entreprise
elle-même. SI celle-ci est dans une passe difficile, on doutera de la bon-
ne foi des dirigeants, lorsque les irrégularités auront eu pour effet de
présenter sa situation sous un jour meilleur (7). surtout si cette amé-
lioration artificielle cOlncide avec une augmentation de capital (8) ou
(1) Paris,15 fév.1979,préc.
(2) Ibid
(3) Besançon, 24 mai 1984 ~.C.N.C.C. 1985 p.116
(4) Paris,2 déc. 1938, J.C.P. 1939.11.936; J.soc. 1939.462 j crim.~4 déc.1966)
bull.crim. n0291, Ch.PINOTEAU, Législation pénale en matière économique
et financière,no331 p.254
(5) Paris,4 av. 1938,Rev.soc. 1938 p.176 , J.soc. 1939.467
(6) Paris ,15 fév. 1979, prée.
(7) Paris,9 juil.1979 ~.C.N.C.C. 1979 P.425iParis,13 juil. 1893,préc.
(8) Crim.,28 juin 1978,bull.crim. n0212 p.552
une demande de suspension provisoire de poursuite (1). De mê~e, l'existence
d'une caisse noire sera un indice de l'intention délictueuse des prévenus(2).
74f.i - La plupart de ces indices pris isolément seraient sans doute in-
suffisants à justifier une condamnation. Mais très souvent les juges ont
la possibilité d'an relever plusieurs qui se potentialisent et finissent
pratiquement par se transformer en certitude.
Au demeurant,il arrive~que les magistrats relèvent aussi des
indices favorables aux prévenus et établissent leur bonne foi.
II - Les indices revelant l'inexistence de l'intention délictueuse
745 - Les indices permettant d'admettre la bonne foi du prévenu sont
aussi divers que ceux qui permettent sa condamnation.
750 - Ici encore la situation personnelle des prévenus est prise en
compte. Il nous semble en effet qu'aujourd'hui, le '~que des adminis-
trat~urs ou des commissaires aux comptes n'aient pas voulu (ou pu) accom-
plir leur. mission est un indice de leur bonne foi. En effet, après avoir
refusé d'admettre la bonne foi des administrateurs absentéistes aux réu~
nions de conseil d'administration (3), la jurisprudence est revenue à une
position plus libérale. Ainsi dans l'affaire Agache Willot (4), la partj-
cipation consciente des deux administrateurs relaxés à la présentation
de bilan inexact à été mis en doute parce qu'il n'était pas établi qu'ils
aient activement participé à l'élaboration du bilan,et un autre parce qu'il
avait joué le rôle d'un administrateur
de circonstance sans auc~~ pouvoir
de décision. De même, il a été jugé qu'était de bonne foi, l'~dministrateur
(1) T.cc::-.·. Bar
le DUc,11 av. 1984,G.P. 1984.2.591 note J.P.'-l,
(2) Crim.,15 mai 1974,Bull.no77 p.452
(3) Paris, 2 déc. 1936,J;soc. 1937 p.659
Gr~noble,6 déc. 1934,préc.
(4) T.corr.Paris, 16 mai 1974,préc;
363
mis dans l'impossibilité d'accomplir sa mission et de découvrir les frau-
des contenues dans le bilan à la suite d'une véritable dictature exercée
par le président du conseil d'administration (1).
La même solution est adoptée à l'égard des commissaires aux
comptes lorsque ceux-ci n'ont en réalité pas accompli
la mission de véri-
fication des comptes qui leur a été confiée (2).
751 - Certains auteurs ont critiqué ces solutions (J,).• Il est dèmo-
ralisant, disaiQit"n·l. ROUSSELET et PATIN, d'admettre que des mandataires
dont c'était le devoir d'établir un bilan exact et de g~rer fidèlement
la société, puissent, pour se soustraire à une responsabilité pénale,
exciper précisément de leur propres négligences et manquements aux obli-
gations qui leur incombaient. C'est un argu~ent identiqu&' qui a parfois
été avancé
pour retenir la responsabilité pénale des commissaires aux
comptes négligents en cas de non révélation de faits délictueux (4). La
solution adoptée par la majorité de la jurisprudence est pourtant plus
conforme à la lettre et sans doute à l'esprit des textes d'incrimination,
f,
car de toute évidence le législateur n'a pas voulu reprimer la mauvaise
gestion. Quo~qu'il en soit l'ad~inistrateur ou le commissaire aux comptes
~égligents n'échappent pas à leur responsabilité civile (5). De plus,
l'argument aurait pu être pertinent si la "démission" était admise comme
une raison suffisante pour entraîner l'irresponsabilité des administ~a~eurs.
Or, la chambre crininelle a jugé que l'administrateur qui en réalité a eu
connaissance de l'inexactitude d~ bilan avant de démissionner ne pouvait
pas être reconnu de bonne foi même s'il n'a participé ni au conseil
qui
a arrêté les comptes ni à l'assemblée générale (6).
(1)
Crim.,1er man 1945)' D. 1946.129
(2) Nîmes ? juin 1984jB.C.N.C.C. 1984 p.481
/
(J~ ROUSSELET et PATIHjop.cit. n"281 ; P.DSLAHAYE op.cit. p.l0?
(4) Cf. infra, (\\ ~ 81.tl ""\\ s
(5) Nlmes,? juin 1984,préc.
(6) crim.,20 juil. Dull. crim. no668
)64
752 -Parfois aussi, la bonne foi du prévenu ressort des circonstances
de l'infraction. Il peut alors s'agir de la faiblesse des irrégularités
comptables (1) ou de la mise en cause de la fiabilité des méthodes d'éva-
luation utilisées (2). La jurisprudence admet aussi que la
bonne foi du
prévenu est probable si l'irrégularité des comptes résulte de méthodes
comptables discutables (3). Mais à notre avis, le fait que les dirigeants
aient introduit un recours contre un redressement fiscal décidé par l'ad-
ministration
ne peut être retenu/contrairement à ce qui a été soutenu(40
comme un indice de leur bonne foi s'ils ne constituent pas de provision
pour faire face à l'éventualité de cette créance. S'ils ne l'avaient pas
contestée ce n'est pas un compte de provision qu'il aurait fallu débitér
mais un compte "débiteur" car la créance de l'administration fiscale
aurait alors été certaine. Il ne nous semble pas très logique de dire
que le fait qui créë l'obligation de constituer une provision est en même
temps un indice de
bonne foi pour l'indi~idu qui méconnait cette obliga-
tion. La bonne foi du prévenu a été également déduite du fait qu'il
a
publié des comptes consolidés
alors qu'il n'y était pas légalement tenu.
Cette attitude était révélatrice de sa volonté de donner une information
---aussi précise que possible (5).
75) -Dans tous ces cas, le juge refuse de déclarer le prévenu coupa-
ble de l'infraction qui lui est imputée. Hais la bonne foi du prévenu
n'est pas le seul obstacle à la déclaration de culpabilité.
T.corr.Nanterre,24 nov. 1983,confir~é par Versailles 5 juiL. 1984 préc.
\\
1
Ibid.
T.G·~d·~partli·lsl1~ déc. 1983,B.C.N.C.C. 8~ p.85iT.c~rr.Na~tere/24nov. 1981rR'
proce e u
lse par nombreuses entreprlses ; Parls,12 Janv. 1965, D.1965
687 Rev.soc. 1965.195
E. du PONTAVICE
note st Nancy
HERLE et VITU,op.cit. ,nc307 p.2'n et s.; STEFA:!I et LEVASSEUR op.cit. ,no121
p.136 et s -j J.P. BRILL) cour de droit pén. généraL préc.
1
365
sECTlœ: II
L~S AUTRES OBSTACLES A LA DECLARATION
DE
CULPABILITE
754 - Pour tomber sous le coup de la sanction pénale, il ne suffit
pas que le prévenu ait volontairement accompli les faits dé:ictueux qui
lui sont reprochés. Il peut encore b6néficier d'une des nombreuses causes
d'irresponsabilité que contient le droit pénal français.
Certaines de ces causes peuvent difficilement exister dans le
domaine qui nous concerne ici: le chef d'entreprise est nécessairement
majeur et sain d'esprit ou supposé l'être. Par contre, la non culpabi-
lité du prévenu résultant des faits justificatifs ( § 1) ou de la force
majeure et de la contrainte (§ 2) sont
?lus fréquemment invoquées.
§ 1
LES FAITS JUSTIFICATIFS Er LE CONSENTD,ŒNT DE
LA VICTIME
A - Information et faits justiftcatifs
755 - En général, la doctrine considère les faits justificatifs plus
comme une cause de disparttion de l'élément légal de l'infraction
que
comme une cause de non culpabilité (1). Cette considération est basée sur
leurs effets, car ils se traduisent en une exemption de peine pour toutes
les personnes impliquées dans l'infraction. Mais on peut dire aussi que si
les faits justificatifs produisent un effet aussi radical, c'est qu'en
réalité aucune des personnes ayant participé à l'acte délictueux ne peut
avoir commis une faute.
Il existe en droit français trois faits justificatifs : la lé-
gitime défense, l'ordre de la loi et le commandement de l'autorité légi-
time et l'état de n~cessité. En fait, en matière d'information, ces faits
justificatifs ne sont jamais invoqués en temps que tels devant les tri-
(1) i'illRLE et VITU/op.cit./no307 p.297 et s.' STEFANI et LEVASSEU~ op.cit,
n0121
p.136et s.J.P. BRILL Cours de droit Dén.gén~ral Dre'~
1
/
. ' -
"
••
)66
bunaux (1). Cependant, ils se trouvent sous-jacents dans certains moyens
de défense invoqués par les prévenus.
756 - A notre connaissance la légitime défense n'a jamais été invoquée
en matière d'information.Il est vrai, que les hypothèses dans lesquelles
une telle défense pourrait être invoquée sont quasi inexistantes.
757 - A l'état de nécessité, on peut rattacher tous les cas dans les-
quels le prévenu invoque l'intérêt de l'entreprise pour essayer d'échapper
à la répression. En effet, l'état de nécessité suppose que l'acte délic-
tueux soit nécessaire à la sauvegarde d'un bien ou d'un droit (2). Dans
ces conditions, on peut penser que la nécessité de sauvegarder l'intérêt
de l'entreprise peut
justifier une infraction aux obligations d'informa-
tion. Mais on peut également penser que dans tous les cas où le législa-
teur a ordonné la diffusion d'une information, il considère que cette
diffusion est conforme à l'intérêt de l'entreprise. Il s'ensuit que le
refus de communication d'un document à un actionnaire ou un membre du
comité d'entreprise ne peut être justifié par l'intérêt de l'entreprise.
Ce raisonnement peut permettre d'expliquer la décision de la cour de
cassation dont il résulte que le chef d'entreprise ne peut r8fuser de
communiquer le plan de redressement aux membres du comité d'entreprise
tant que ceux-ci ne se seraient pas engagés à
observer le secret. De
même un chef d'entreprise qui se prévalait de la nécessité de constituer
des réserves afin de faire face à dES pertes ultérieures prévisibles a
été quand même condamné (3). De toute façon, dans ces deux cas, les condi-
tions de l'état de nécescité ne seraient pas réunies même si l'on admet-
tait que la sol~tion adoptée était conforme à l'intérêt de l'entreprise.
(1) Les plaideurs choisissent plutôt le terrain
de
l'intention délic-
tueuse cf.supra n~1l\\ ~~s_
(2) J.Y CHEVALLIER, L'état de nécessité in mel. BOUZAT p.117 et s. J.PfECH
G.A. n081 p.301 ~ŒRLE et VITU op.cit. n0404 BOUZAT 3t PII;A~EL op.cit.
n0299 p. 372
J.ROBERT
Rév.so crim. 1924.771
(3) Besançon, 24 mai 1984 B.C.N.C.C. 1984 p.480
En effet, une des conditions principales posées par la chambee criminelle
à l'admission de l'état de nécessité est que l'infraction soit le seul
moyen de sauvegarder l'intérêt compromis (1). Or, dans le cas de la pu-
blication de bilan inexact pour
constituer des réservas, le prévenu au-
rait
pu demander à l'assemblée générale de décider une constitution de
réserves. Et on ne peut même pas dire oue ce soit la meilleure solution
comme.on l'a parfois admis (2).
7')0
- A l'inverse, on peut remarquer que dans les cas où la juris-
prudence a
admis que l'ir.térêt de l'entreprise justifiait la violation
de la loi, les conditions de l'état de nécessité étaient également réunie,
Il en était ainsi par exemple dans le cas où la haute juridlction a déci-
dé que l'employeur n'était pas coupable d'entrave si la suspension d'un
éducateur délégué du personnel, de ses activités professionnelles a été
justifiée par l'intérêt des enfants (3).'
759
-Pas plus que la légitime défense ou l'état de nécessité, les
individus accusés d'infraction aux règles d'information n'ont l'habitude
de se référer)explicitement du moins à l'ordre de la loi ou au commande-
-
)
ment de l'autorité légitime. Pourtant, certaines circonstances de
ces
infractions sont très proches des hypothèses dans lesquelles en
droit
comaU"ce f&it justificatif est invoqué par les prévenus et parfois admis
par les tribunaux.
760
-On peut citer par exemple le cas de l'individu poursuivi pour
publication de bilan inexact et qui prétend baser sa défense sur le fait
qu'il s'est conformé à une prescription de la loi ou une réglementation
(1) Crim.~5 juin 1958)J.C.P. 1959.11.10941 obs. LARGUIER·D.1958 p.693 note
~1.R.~·l.P. ; G.A. p.298 ; BOUZAT et prrALTEL ,op.cit. nt 299; l1ERLE et VITU,
op.cit.,no422 p.J72; STEFANI et LEVASSEUR,op.cit.,n"147 p.174; J.Y.
CHEVALLIER, L'état de nécessité :1él.
BOUZAT p.1]2
l
(2) Pari~6 oct. et 5 janv. 1945)S. 1945 II 81 note BOUZAT; J.Y.CHEVALLIER)
art.préc>, in Hel.BOUZAT p.117 et s. ; J.P ... Brill) cours de droit pén.
général/préc.
(3) Crimi' 28 juin 1978/cité par COEmr op.cit. p.917
)68
fiscale (1). Ce problème
peut être rattac~é à l~,uestion délicate de la
valeur de la loi non pénale ou du règlement en tant· que fait justificatif
On peut penser en effet que le texte fiscal ordonne ou autorise le chef
d'entreprise à présenter
des documents comptables ne refletant pas
la
véritàble situation de l'entreprise. Mais la jurisprudenc~ est très re -
tlcente en cas de conflit à reconnaître à la loi non pénale (2)
ou
au
r~glemenfala force d'~ fait justificatif. ùe plus, si un tel argument
pouvait. paraître recevable avant l'adoption de la loi comptable, cela ne
nous semble plus le cas aujourd'hui puisque l'objectif d'image fidèle est
au· dessus de la norme comptable elle-même et donc à fortiori de la norne
fiscale (4). L'ordre ou l'autorisation de la loi fiscale ne permet
pas
de présenter dès comptes annuels infidèles.
761 -Ainsi, l'individu poursuivi pour infraction a~~ règles d'infor-
mation pourra difficilement dégagétsa responsabilité en excipant d'un
fait justificatif. Aura-t-il plus de suc~ès s'il peut invoquer le consen-
tement de la victime ?
B - INFORMATION ET CONSEN!D·lliNT DE LA VICTI~Œ
762
-Dans le droit pénal commun déjà la jurisprudence se montre très
réservée à l'égard du consentement de la victime (5). En mati8re d'infor-
mation, la question est un peu plus complexe du fait que la victime est
souvent difficile à déterminer à cause de la nature même des obligations
concernées. Il n'empêche que cette notion fait d'abord penser au destina-
(1) Paris,15 fév. 1965 prée.
J
(2) Crim.~O juin 1946,D.1946.360 qui n'admet pas la valeur justificative de
l'obligation de cohabitation (art.215 c.civ.) pour un mari poursuivi
pour proxénétisme: sa femme se livrait habituellement i la prostitution
(3) t1Er~~ et VITU,op.cit. ,p.306 n0320 admission seulement si réglement a été
pris en application de la loi pénale ou "dans un intérêt supérieur évident"
(4) cf. supra. 1'\\ ~ 5 '{S ...~).
(5) !··ŒRLE et VITU,op.cit.,no348 p.3;:l2 et s.;STEFAllI et LEVASSC;:UR/op.cit.n·15 Q
p.158 et s.
taire de l'info~~ation. La question est de savoir si celui--~i peut renoncer
aux prérogatives qui lui sont reconnues et protégées par la loi pénale.
La jurisprudence adopte des solutions variables en fonction de chaque
espèce qui lui est soumise.
t6] - Tantoe elle refuse la valeur justificative du consente ne nt de
la victime. AInsi, il a été jugé que le fait que c'est en plein accord
avec les actionnaires et sur leur demande expresse que les actionnaires
nominatifs n'one pas été convoqué~par lettre n'a aUCQ~e valeur justifica-
tive à l'égard de l'infraction constituée par ce fait (1). De même, l'ac·-
cord des représentants du personnel n'a aucune valeur justificative à l'é-
gard du délit d'entrave si le chef d'entreprise s'est volontairement abs-
tenu de procéder au vote à bulletin secret (2) ou s'il n'a pas
convoqué
le comité d'entreprise au moins une fois
par mois (3).
7b4 -A l'inverse, la chambre criminelle a admis que le refus d'un
délégué syndical, dont l'autorisation de licenciement est rejetée par
l'inspection du travail, de réintéguer son poste constitue un fait jus-
tit'icatif du délit d'entrave (4). IL en est' de même si l'inobservation des
prescriptions imposant la réception mensuelle des délégués du personnel
par le chef d'entreprise est dûe
au refus ou à la désaffection des délégués
eux-mêmes (5).
765 - Ces solutio~s peuvent paraître très sévères. En fait, le simple
consentement de la victi~e
ne suffit pas à justifier. l'infraction. Il
faut un véritab~e refus de la personne intéressée qui pratiquement met
le chef d'entreprise dans l'impossibilité de se conformer aux prescrip-
tions légales. Cette attitude de la chanbre criminelle confirme l'idée
__
"---~--_.
.---
Lyon,7 jui~. 1971,Bull. Zoly 1972 p.165
Crim. 18 oct. 1983,J.C.P. IV.355ibull.crim. n0255
Crin 22 nov. 1977 J.C.P. 1978.IV.27
ï
I
Crim 27 mars 1973 bull.crim. n"153
ï
I
Crim 22 oct. 1975,J.C.P. 1976.11.18396 note CALEB ~P. 1976 1.79
J
370
que les obligations d'information ne sont pas prescrites sl'l1emen: dans
l'intérêt du destinataire et qu'elles ont un objectif pl~s généra:
de
protection de l'entreprise elle-même.
ON remarquera qu'ici, le consentement de la victime est très
proche, sinon de la force majeure, du moins de la contrainte.
§ 2
La contrainte
766 - En vertu de l'art. 64 ducode pénal, "il n'y a ni crime, :ü délit
lorsque le prévenu a été contraint par une force à laquelle il n'a pu ré-
sister" "Il y a contrainte lorsque l'agent n'a pas pu ou ne pouva:'t
pas
faire autrement que de commettrel' infraction" (1). Généralement, 0:1 dis-
tingue la contrainte physique de la contrainte morale.
767
-En ce qui concerne la Gontraint,e physique, celle qui résu.lte
d'un~ force physique enlevant au prévenu sa liberté d'agir, la j~is
prudence se montre très restrictive et à tendance à l'assimiler à la
force majeure du droit civil. Elle exige que le phénomène qui ent~ave
la liberté de l'auteur de l'acte délictueux soit non seulement irrésis-
tible (2) -ce qui correspond aux termes de la loi- mais aussi qu'il soit
imprévisible (3) , ce qui est moins évident si l'on s'en tient à l'art.64
du code
pénal.
765
-En matière d'information, la question de la (Ontrainte o~ de
la force majeure ne s'est posée à notre connaissance qu'en ce qui concerne
le délit d'entrave aux institutions représentatives du personnel. ~lle n'est
pourtant pas inconcevable en d'autres domaines.
Par exemple, un auteur a pu constater que le défaut de ~"ùblication
des documents comptables de BALO peut être retardé par le fait que,
la
(1) ~ŒRLE et VlTU,op.cit.}no466 p.459
(2) Crirn. 8 fév. 19.36,G.A. p.4ü1
J
(.3) Crirn.}29 janv. 1921 }G.A. p.397
Crim.} 14 oct. 1959,G.A. p •.399
371
plupart des sociétés commerciales tena~~ leurs assemblées générales dans la
mê~e pé~iode, les services de ce journal se trouvent souvent débordés (1).
Dans une telle h~pothèse, il nous semble que les dirigeants de l'entre-
prise peuvent avantageusement invoqUH~ 'la contrainte. Du reste, la
même
solution doit être admise quelle que soit la raison indépendante
d'un
fait des dirigeants pour laquelle cette publication n'a pas eu lieu
à
te~ps. Ce peut être par exemple une grève des journaux eœpêcnant
une
publicaôion d~ns les J.A.L.
765 - En matière d'entrave aux institutions représentatives du per-
sonnel, la jurisprudence adopte Q~e attitude plus libérale qu'en droit
pénal co~mun à plusieurs points de vue lorsque la
contrainte provient
du fait d'un tiers. Ainsi) il a été jugé que ce fait supprime la responsa-
bilité ?énale de l'auteur de l'entrave s'il constitue un obstacle insur-
montable
assimilable
à la force majeur~(2). Plus instructif est l'arrêt
qui a décidé que la non réintégration d'un représentant du personnel après
le refus de l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail est
just~fié si elle est due au fait d'un tiers qui n'a pu être surmonté
lien
l'espèce" (J). On remarquera que dans cette affaire, la chanbre crimi-
nelle a procédé à une appréciation in doncreto des circonstances
de l'af-
faire. ~ne telle attitude est plus compatible avec le principe d'indivi-
dualisa~ion de la
peine. Elle exclut l'exigence du caractère imprévisible
de l'obstacle.
77( -Par contre, jusqu'à ce
jour, la jurisprudence n'a pas cru de-
.
-
voir fléch.tr la condition d'irrésistibilité. Elle préfère, pour admettre
l'irres;onsabilité du prévenu, se situer sur le terrain de l'intention
délictue~se lorsque cette condition n'est pas remplie. Cette attitude est
particu~ièrement manifeste dans l'affaire jugée par la cour de cassation
(1) Ippc:ite,de JUGLART et E. du PONTAV1CE Droit des Bociétés préc.
(2) Cri='J 8 oct. 197J,Bull.crim. n c J70;J.C.P. 1974.11.17685
note ALiAREZ
4 oc:'. 1977, Bull.crim. n 0 285
(3) Cri=.) 8 oct. 1975)D.S.1975 1.R. 230; Bull.crim. n 0 211 p.5~4
- - - - - - - - - - - - - -
372
le 20 octobre 1984 (1) où les juges du fond en estimant que le prévenu
aurait pu organiser la réunion "dans un local choisi à l'abri des trou-
bles" pensaient certaine~ent à la condition d'irrésistibilité de la con-
trainte alors que la haute juridiction et les prévenus se mettaient sur
le terrain de l'intenticn délictueuse (2).
771 -A l'inverse, en ce qui concerne lu contrainte morale, qui résulte
d'une pression exercée sur la volonté de l'agent, la chambre criminelle
se montre aussi restrictive que dans le droit commun, Aussi affirme-t-elle
P'~~'-"''-''r'~'\\'''''\\''~'' que le li;m subordination ne suffit pas pour absoudre la responsabilité
pénale d'un directeur administratif chargé de lu comptabilité qui a volon-
tairement établi des bilans inexacte qui ont été publiés. (3)
~72 -AInsi, l'attitude de la jurisprudence en mutière de contrainte
ou de faits justificatifs confirme celle qu'elle a adopté dans la recher-
che et surtout dans la définition de l'intention délictueuse. C'est -à-
dire une attitude profondément rationnelle qui cherche au-delà des prin-
cipes et Jparfois des termes de la loi à adopter les solutions les plus
efficaces aux besoins de la
repression. Dans la recherche de cet objectif
il nous semble normal que les dérogations aux sol~tions du droit pénal
>~~~
commun soit tantôt dans le sens d'une plus grande sévérité, tantôt dans
le sens contraire -plus rarement- d'une plus grande indulgence.
(1) Crim.,20 oct. 1984J préc.
(2} cf.supra.n~·1-t'
0) Paris, 14 janv. 1980, préc.
373
CONCLUSIO'[
DU
TIT;tE
l
"ij)
-On peut constater les difficultés qu r il y aura, pour un individu
qui a en:~eint les règles d'information, ~échapper à
sa responsabilité
pénale. :1 ne pourra pas exciper de son défaut de qualité puisqu'il sera
alors po~suivi comme~ompi~. Quant à sa
non culpabilité, il lui faudra
le plus souvent établir qu'il ne pouvait pas faire autrement que de com-
mettre l':nfraction.
I<aÏl': œême si elles peuvent para1tre sévères à certains égards,
les solutions déga~ées au cours de ces développements ont au moins
une
qualité e~ com~un, c'est le pragmatisme qui les inspire et qui conduit
par exemple la jurispru1ence à exiger l'intention délictueuse là où la
loi est ~uette à ce sujet et au contraire à la réduire à sa plus simp13
expression là où cette solution s'impose pour obtenir une rtpression
efficace, ou encore à avoir une conception plus libérale en matière de
contrainte que celle qu'elle adopte dan~ le droit pénal commun.
D'auc~~s dirons que certaines solutions jurispr~dentielles
sont peu
conformes au principe de l'interprétation stricte de la loi
-pénale. )·~ais coml:lent les condamner vue le pragmatisme dont la législateur
lui mène fait preuve parfois? H'a-t-il pas confirmé certaines d'entre
elles?
Au demeurant, ce pragmatisme peut s'expliquer par la
volonte des juges et du législateur de prrmettre au d~oit penal
de jouer plpinement son rôle canalisateur. kais c'est
dans la
~ise en oeuvre !e la répression que cette autre fonction du
droit pénal est le plus manifeste.
374
TITRE II
L'AMELIORATION DE LA MISE EN OEUVRE
DE LA REPRESSION
774- La
manifestation la plus tangible de la réaction sociale contre
le délinquant est la sanction. Nous avons vu ci-dessus que pour en
arriver là, il fallait que le prévenu soit reconnu responsable du
fait délictueux par les tribunaux repressifs. Or, pour que ceux-ci
puissent se prononcer, il faut qU'ils aient été régulièrement saisis.
Dans le système juridique français ce rôle incombe en principe au
Ministère public, mais encore faut-il que lui-même ait connaissance
de l'existence d'une infraction. En ce qui concerne les infractions
du droit pénal commun, il est normalement informé par les bons soins
des services de police ou de gendarmerie. Mais en ce domaine déjà
et sans mettre en cause ]~~ompé~nce d~ ces institutions, les résultats
sont incertains, si incertains que les juridictions répressives faci-
litent parfois l'action civile intentée par la victime car c'est pour
elle~le moyen le plus sûr d'être saisies,
Par ailleurs, une fois l'infraction découverte, le
juge d'instruction est la personne normalement compétente pour rechercher
avec l'aide de la police judiciaire le délinquant et établir sa
culpabilité.
775 _ Dans le droit pénal de l'entreprise et spécialement pour les
infractions qui nous concernenlici, ces problèmes de recherche et de
poursuite des infractions sont plus délicats. D'abord, parce qu'il
n'y a jamais une, mais des victimes dont la principale sera parfois
l'entreprise contre qui les conséquences de la répression risquent
bien souvent de se retourner si elle est prononcée de façon inoppor-
tune.
Ensuite, qui parle d'information, parle aussi de
le.
Il
secret Il et les infractions relatives à l'information ont/plus
souvent pour but de lutter contre le secret. Elles sont donc par
nature même une dissimulation face à laquelle les moyens ordinaires
de constatations paraissent parfois dérisoires. Mais le secret n'est
375
pas le seul obstaole à la répression. Il y a aussi les difficultés
techniques que pose parfois l'objet même de ces infractions et
devant lesquelles les magistrats ne sont peut-être pas
toujours bien
armés. Enfin, l'adaptation de la sanction à la situation infrac-
tionnelle est un peu plus malaisée ici que dans le droit commun.
·176- Ces particularités du droit pénal en matière d'information
justifient largement les règles dérogatoires pa~ lesquelles)dans
la mise en oeuvre de la répression, législateur et magistrats
essaient d'améliorer les poursuites et les sanctions.
CHAPITRE l
l'AMELIORATION des POURSUITES
CHAPITRE II
LES SANCTIONS
376
CHAPITRE l - L'M1ELIORATION des
POURSUITES.
777 ' L'une des caractéristiques des infractions commises au sein de
'l'entreprise et plus spécialement de celles qui se rapportent à
l'information' ( on peut même dire que c'est là leur objet), c'est
qu'elles sont faciles à dissimuler.
Les moyens classiques de découverte et de poursuite des
infractions (police judiciaire, parquet .•.. ) sont ici d'une efficacité
médiocre.
Lorsqu'il y a un vol ou un meurtre/sauf exception, il
suffit de très peu de temps pour que l'infraction soit découverte. Il
restera, si l'on peut dire/seulement à découvrir son auteur.
Pour certaines infractions relatives à l'information, si
l'auteur n'est pas difficile à découvrir, il n'en est pas de même
pour l'infraction elle-même parce que contrairement aux autres, elles
ne laissent aucune trace matérielle apparente. Le caractère
truqué
des comptes ne sera le plus souvent découvert qu'après une expertise
approfondie et avec plusieurs années de retard. Il en sera alors de
même pour toutes les infractions qui s'y rattachent (1). De plus, lorsque
l'infraction est le fait du chef d'entreprise lui-même, il pourra,
tant qu'il sera en place, la dissimuler grâce à sa
position dominante
et parfois avec la complicité de ceux qui, théoriquement, sont chargés
de surveiller sa gestion.
178 _ De plus, ainsi qu' ~n l'a vu dans toute la première partie de
cet ouvrage, le problème de l'information est très délicat. Il relève
plus de la conception que chacun des partenaires et surtout le chef
d'entreprise a de son rôle et du rôle des autres dans l'entreprise et
la nécessité supposée qu'on attribue au secret des affaires. Dans ces
(1) LE BOï/art.préc.Jin Rev soc.I980j DELMAS MARTY,LŒ chemins •.. préc.p.III
377
conditions, le choix en faveur d'une information approfondie au
profit de tous les partenaires de l'entreprise doit être imposée
au moins autant par la persuasion que
la répression.
C'est, nous semble-t-il, la voie choisie en droit français.
Cette voie se traduit par une adéquation des moyens d'investigation
et de poursuite (section I) et un allongement de la prescription (sec-
tion 2)
SECTION l - L'ADEQUATION DES MOYENS
d'INVESTIGATION et de POURSUITE
779 - En droit com~un, la recherche des infractions et de leurs
auteurs incombe en principe aux officiers et agents de police judi-
ciaire qui trouvent souvent un concours non négligeable dans les
plaintes déposées par les victimes. Or, pour la plupart des infrac-
tions commises en matière d'information, la victime, à supposer que
celle-ci soit déterminable, n'en a pas connaissance (1~ Et comme les
officiers de police ne peuvent intervenir directement dans l'entre-
prise qu'en cas de flagrant délit, la plupart des infractions risquent
de rester impunies.
Pour pallier
ce risqup., le droit pénal des affaires
a recours à des auxiliaires publics (§ 1) mais aussi à des auxiliaires
privés (§ 1)
§ 1 - LE RECOURS A DES AUXILIAIRES PUBLICS
780 - Pour diverses raisons, de nombreuses administrations ont un
droit d'information très étendu sur les activités de l'entreprise.
Elles se trouvent donc en bonne place pour découvrir les infractions
qui y sont perpétrées. L'originalité mu droit pénal propre à l'entreprise,
(1) DELMAS MARTY, les chemins ••• préc. p.110
:378
c'est de donner à ces autorités administratives la possibilité de
mettre leurs pouvoirs· d'investigation au service de la justice
pénale et parfOis
de leur rec~Dnaître un droit de regard sur le
déclenchement des poursuites. Ainsi, les poursuites pour fraude
fiscale ne peuvent être engagées que sur plainte de l'administration
fiscale. De même, les infractions à la législation bancaire nepou-
vaient, avant la loi de 1984, être poursuivies que sur plaintes de
commission centrale des banques ou de l'association professionnelle
des banqques.
781 - Sans. détenir de tels monopoles, l'Inspection du Travail (A)
et l~ CD.B (B) jouent un rôle non négligeable dans la découverte
et la poursuite des infractions relatives aux obligations d'infor-
mation.
AI La collaboration de l'Inspection du
Travail.
782 - L'Inspection du travail est l'un( des acteurs privilégiés de la
constatation et de la poursuite des infractions à la législation du
travail, même si elle n'a pas, à proprement parler, l'initiative des
poursuites. Les inspecteurs du
travail doivent dresser des procès-
verbaux des infractions qu'ils constatent dans l'exercice de leurs
fonctions. Le procès-verbal doit préciser les faits constitutifs
de l'infraction constatée, de l' identité de son auteur et lm texte s
sur lesquels reposent l'incrimination. Ils ant la même valeur juri-
dique que ceux établis par les officiers et agents de police judi-
ciaires puisqu'ils font foi jusqu'à preuve du contraire (1)
783 - Cette force probatoire du procès-verbal peut s'expliquer par les
prérogatives particulières dont dispose l'Inspecteur du Travail pour
accomplir sa mission. Il a des pouvoirs quasiment identiques à ceux
(1) PARCHEMINAL (H) 1 op. cH.,p. 708 j O. GODARD) op. cit.
379
d'un juge d'instruction. Il a accès à l'entreprise à tout moment de
la journée et de la nuit, s'il a seulement des indices lui permettant
de croire qu'un travail de nuit s'y effectue. Le chef d'entreprise
ne doit pas s'opposer à sa visite dans les locaux de l'entreprise
sous peine de se rendre coupable du délit d'entrave à l'exercice des
fonctions de contrôle (1).
Il peut faire une enquête contradictoire et p,o-
céder à l'audition de témoins (2). Il faut ajouter que lorsqu'une
décision du chef d'entreprise nécessite l'autorisation préalable
de l'Inspecteur du
travail après avis ou information des représen-
tants du personnel, si cet avis ou cette information a été éludée
ou irrégulière, l'Inspecteur du travail pourra directement constater ce
fait qui constitue le délit d'entrave.
784 - L'Inspection du travail a donc des moyens suffisants pour
constater les infractions à
la législation du travail, y compris celles
qui se rapportent à l'information des salariés et de leurs représentants.
L'étendue même de ces moyens nous semble être un élément leur permettant
de ne pas occasionner des poursuites inconsidérées.
Il reste cependant qu'en droit positif, la répression
ne semble pa~-tirer tout le profit qu'on aurait pu attendre de ces
pré-
rogatives particulières reconnues à
l'inspection du travail.
785 - La première raison en est que les inspecteurs du travail dressent
rarement un procès-verbal dès la constatation d'une infraction. Ils
considèrent que leur rôle est Il moins de sanctionner un délit que
d'obtenir effectivement le respect par l'employeur de la réglementation
du travail" (3). Ils adressent en général à l'employeur fautif un
avertissement ou une mise en demeure en vue de faire cesser l'infraction.
Pourtant, l'avertissement n'est jamais obligatoire et la mise en
demeure ne l'est que si elle a été expressément prévue
par
le
(1) O.GODARD, op.cit.N°318 p.256
(2) Mme BEZIAU, in les sanctions pénales en droit du travail,R.P.D.S
1975
N° 357 p.13
(3) Institut régional du travail. L'inspection du travail p.33- J.BLAISEj
Traité de droit du travail/t.III p.394
)00
législateur (1)
786 - Cette pratique de l'Inspection du travail ne nous- semble
pas condamnable en soi.
Bien au contraire, elle doit être approuvée. On
lui reproche de contribuer à retarder le moment de la saisine de la
juridiction répressive et, par conséquent, le moment où la sanction
pénale interviendra. Elle permettrait aussi de laisser impunies
des infractions légalement constituées et au délinquant, dans la
mesure où cela l'arrange, de persister dans l'irrégularité au moins
pendant le délai qui lui a été imparti pour y mettre fin. Mais
cette pratique a l'avantage d'apporter à la répression des infractions
à la législation du travail toute la souplesse dont elle a besoin,
surtout lorsqu'il s'agit
deproblèm~d'informationsqui, il n'est
pas inutile de le rappeler, sont surtout des problèmes de mentalité.
De toutes les façons, la sançtion pénale arrivera toujours trop tard
pour permettre d'obtenir la réparation de l'irrégularité. L'avertis-
sement ou la mise en demeure sont de ce point de vue plus efficaces
que le procès-verbal. Nous ne pensons ~s que le rôle de gendarme
convienne tout à fait à l'inspecteur du travail et partageons l'avis
d'un ministre du travail qui incitait les inspecteurs du travail à
agir dans un "esprit
préventif plus que répressif afin de faire
disparaître les infractions
par leurs avertissements et mise en garde
"~
entrecourant au procès-verbal qu'en cas d'infractions graves et
réitérées" (2). Une telle conception de la mission de l'inspecteur
du travail nous semble d'autant plus susceptible d'assurer l'effec-
tivité du droit à l'information des salariés qu'il rest, à craindre
que le procès-verbal n'aboutisse pas à des poursuites ni, le cas
échéant, à une condamanation conséquente.
787 - En effet, les
procès-verbaux établis par les inspecteurs du
travail ne sont pas directement transmis au parquet. Ils le sont par la
(1) H.PARCHEMINAL,op.cit,p.310 et s.
(2) FONTANET, J.O. déb.AN
1° juin 1972 p. 2094
- - - _ . - - - ._-
voie hiérarchique et subissent les censures successives de la
direction départementale et de la direction régionale du Travail.
788 - Cette pratique de l'administration du travail est fréquemment
dénoncée comme un facteur de lenteur dans la transmisision des
procès-verbaux (1) et une atteinte au principe de la séparation
des pouvoirs.parce qu'elle permet aux supérieurs hiérarchiques
de l'inspection du travail d'apprécier l'opportunité des poursuites (2)
En vérité, ce dernier argument a lui même très peu de valeur. Dans
la mesure où l'inspecteur du
travail lui-même n'est pas obligé
d'établir systématiquement des procès-verbaux des infractions
constatées, son supéneur hirarchique n'outrepasse nullement sa
fonction en contrôlant la nécessité de dresser le procès-verbal.
789 - Il n'en demeure pas moins que l'opportunité de ce contrôle
est fort discutable. Les inspecteurs du travail sont des fonctionnaires
de haut niveau qui reçoivent une formation dont on peut penser
qu'elle est adaptée à leur mission, à qui nous semble-t-il, on peut
reconnaltre une certaine resppnsabilité. Certes, ils font l'objet
de nombreuses critiques. On leur reproche notamment leur-méconnais-
sance de la réalité de l'entreprise et parfois ••.. leur orientation
politique. Mais ils sont c~ertainement mieux placés que leurs su-
périeurs hiérarchiques pour apprécier la gravité de l'infraction
et la nécessité de saisir le parquet:
Ils connaissent mieux l'entre-
- prise et son chef.
De plus, le fait pour le chef d'entreprise de
1
pouvoir espérer que l'inspecteur du travail sera peut-être désavova
par son supérieur hiérarchique ne l'incitera certainement pas à
prendre au
sérieux ses avertissements et mises en demeure.
De son côté,l'inspecteur du travail est amené à anticiper sur la
décision de son supérieur hiérarchique et à décider de l'établis-
sement des procès-verbaux en fonction de critères qui n'ont rien à voir
avec la gravité ou l'attitude du chef d'entreprise, telle que la peur
de se faire n ridiculiser ".(,3)
(1) PARCHEMINAL H. op.cit. FERRIEU. , Les sanctions pénales en droit du
travail, pré • p.I8
(2) FERRIEU, préc.p.l7
(3) V. HIe RENDU in R.P.D.S. 1975 p.lO -~ll est certain que l'on aime
pas beaucoup aller dans une entreprise après avoir dressé procès-
verbal et avoir été désavoué. On se sent un peu ridicule~'
790 - Le contrôle hiérarchique des procès-verbaux
nous semble donc
totalement inopportun. Il l'est surtout,~la sélection faite par l'autorité
hiérarchique est fondée, comme on a eu à le dénoncer, sur des raisons
purement politiques ou de protection de tel ou tel
chef d'entreprise (1)
Il l'est aussi dans la mesure où il aboutit à retarder la transmission
de plusieurs mois contribuant ainsi, dans une certaine mesure , à
accentuer le peu d'enthousiasme que met le parquet à poursuivre les
infractions du droit du travail et qui lui-même est souvent dénoncé
comme une des causes d'ineffectivité de cette branche du droit (2).
791 - On peut donc dire que l'inspection du travail pourrait être un
collaborateur privilégié des autorités judiciaires dans le
découvert~
des infractions relatives à l'information des salariés, si elle n'était
entravée dans l'exercice de sa mission par un contrôle inopportun de
de la hiérarchie supérieure.
792 - Du reste, il ne semble pas que le contrôle hiérarchique soit
la seule cause pour laquelle l'intervention des inspecteurs du
travail ne produise- pas tous ses effets en droit pénal. De nombreux
auteurs ont pu observer que ~~me lorsque les procès-verbaùx étaient
~~r
transmis au parquet, celui-ci/réservait rarement une suite favorable.
Ce qui relève après tout de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité
des poursuites. Plus contstable à notre sens est son attitude qui con-
siste à ordonner presque systématiquement une information avant de
saisir le juge d'instruction ou le tribunal. (3)
On peut alors se demander à quoi servent les
pouvoirs d'investigation exorbitants qui ont été reconnus à l'inspecteur
du travail 1
(1) PARCHEMINAL Hervé, op.cit; Mme BEZIAU in R P 0 S 1975 p.I6
(2) FERRIEU
R.P.D.S. p.I8
(3) PARCHEMINAL Hervé op.cit. - Y.LESSEC art.cit in La responsabilité
pénale ..• MASSON 1977 ; M.taHEN, Le droit des co~ités ...• précité
383
B - LA COLLABORATION de la C.O.B.
793 - Initialement, aucune disposition légale ne permettait à la C.Q.B.
d'intervenir dans les instances pénales. Pourtant, une telle idée n'était
pas inconcevable. Les larges pouvoirs d'investigation qui lui sont recon-
nus, la nature même de sa mission qui lUl permet de recueillir les plain-
tes des opérateurs boursiers, la mettent bien souvent, en meilleure
position que le ministère public pour avoir connaissance des infractions
commises dans les sociétés relevant de sa juridiction. De plus, son carac-
tère spécialisé lui donne une vision d'ensemble du marché qui lui permet
peut-être même mieux que le ministère public d'apprécier l'opportunité
.
(1)
des poursultes
•
794 - Notons qu'en d'autres domaines le législateur a tenu compte de
telles particularités(2) et a reservé à des autorités administratives
la mise en mouvement de l'action publique. Ainsi, la plainte du minis-
tère de l'économie et des finances est nécessaire au déclenchement des
poursuites en matière d'entente et d'abus de position dominante. Il en
est de même de la plainte de l'administration fiscale en matière d'in-
fraction fiscale.
Par ailleurs, si la loi de 1984 a suprimé cette exigence en ce
qui concerne les infractions à la législation bancaire, elle a reservé a
la commission bancaire la possibilité de se constituer partie civile
et a autorisé les autorités judiciaires à lui demander tout avis ou
information utiles (art. 85).
795 - Aussi, dès son premier rapport (3), la C.Q.B. s'est elle plaint du
fait qu'elle ne pouvait pas porter plainte et a souhaité avoir le mono-
pole du déclenchement des poursuites en matière d'information privilégiée
et avoir la possibilité d'être consultée et d'intervenir dans les
autres instances concernant les sociétés relevant de son autorité(3).
(1) N. DEOOOPMAN, La C.Q.B. et le droit des sociétés, - Economica 1980
p. 36.
(2) DELMAS MARTY, op. cit. p. 516 et s.
(3) Rapport, COB 1969, p. 57.
- - - - -
- - _ . _.._.-
384
A la suite de ces critiques, une circulaire du garde des Sceaux
recommande au
parquet d'informer la C.O.B de toute procédure mettant
en cause une société relevant de sOn autorité et de recueillir
auprès
d'elle toute information ou avis nécessaire au bon fonction-
nement de l'activité judiciaire (1)
C'est la loi du 23 décembre 1970 qui a donné à la COB
un droit d'intervention dans les instances pénales. Aujourd'hu~ la
commission intervient avant (1) et après (II) la mise en mouvement
de l'action publique.
1 - l'INTERVENTION de la C O.B avant la
MISE EN MOUVEMENT de l'ACTION PUBLIQUE.
796 - En ce qui concerne le déclenchement des poursuites, la loi de
1970 est restée bien en deçà des revendications de la C.O.B. Elle ne
lui a reconnu aucun droit propre ni parallèle à celui du ministère
public. Il ne fait aucun doute que cet organisme ne peut se. constituer
partie civile car elle n'a pas d'intérêt distinct de celui de la col-
lectivité dont la défense est assurée par le Ministère pub1ic.(2)
797 - De plus, d'après certains auteurs l'art.12.1. de l'ordonnance de
1968 qui prévoit que les autorités judiciaires compétentes saisies
de poursuites relatives à des infractions mettant en cause les sociétés
qui font publiquement appel à l'épargne ou à des infractions commises
à l'occasion d'opération de bourse, peuvent demander l'avis de la C.O.B.;
cet avis étant obligatoire, si les poursuites,sont engagées pour délit
tA 1...
d'utilisation d'informations privi1égiées./n'ob1ige ni n'autorise
le parquet à consulter la C.O.B. avant le déclenchement des poursuites (3)
Pour ces auteurs donc, les relations entre le parquet et la C.O.B.
restaient régies par la circulaire du ministre de la Justice,
(1)- Circ. N° 68-24 du 5 août 1968
(2) Y. SIERRA , L'évolution du droit pénal dans le cadre de la mission de la
C.0.B~D.I974 p.43 - M.PUECHJ • La COB et la surveillance du marché
boursier au regard du droit pénal.
D.BASTIAN - 1. Droit des sociétés
p.238; t.fERLE et VIW) op.cit.N° 732 p.705 note 29.N°1 - N.DEcOOPMAN
op.cit p.36
(3) Y. SIERRA/op.cit.D.I974 p.43 et s.;M. PUECH art.cit.iM.
BASTIAN p.238
J85
et à défaut d'être consultée spontanément par les magistrats du Parquet,
la C.O.B •.pO-uvait
tout au plus se comporter en 11 simple dénonciateur 11
puisqu'elle n'avait même pas la possibilité de porter plainte (1).
Cette interprétatio~ sans avoir
un caractère péremptoire,pouvait s'appuyer
1~
avant/sur la lettre de l'art.12.1 de l'ordonnance de 1967. Elle est bien
difficile à défendre actuellement. En effet, dans tous les cas où la loi
'\\Lc.c.UA'rft.,
du 12 juillet 1985 juge la consultation de la C.O.melle prévoit que
les poursuites n sont engagées après" cette consultation. Or, i l n'y a
aucune raison permettant de pens~r que le législateur ait voulu établir
deux régimes différents, d'autant plus qu'une bonne administration de
la justice - et c'est l'objet de toute loi de procédure - commande que
l'avis soit demandé avant d'engager les poursuites.
Au moins, cela évitera d'encombrer les rôles des
Tribunaux avec des affaires qUI risquent de déboucher ~ur des décisions
de relaxe ou tout au plus sur des condamnations de principe. Aussi,
le doctrine militant en faveur d\\ne 3xtension
(2»de l'art.12.I de
l'ordonnance de 1967 doit-elle être approuvée.
Au demeurant, dans la réalité, la commission joue un
rôle beaucoup plus important que ne le laissent présager les dispositions
légales ou réglementaires. Pour certaines affaires, essen~iellement en
matière d'information, elle détient un véritable monopole de fait
dans la mise en oeuvre des poursuites (3)
798 - Ce monopole lui est conféré d'abord par sa position privilégiée
pour la détection de certaines infractions. En effet, la constation
d'infractions, telle que l'utilisation d'information privilégiée ou
le défaut de publication de certains documents dans
les délais pres-
crits, suppose, outre des moyens d'investigation importants, une
surveillance constante du marché boursier et des publications au B.A.L.O
Seule, la C.O.B. a de tels moyens: Ministère public et épargnants sontpev
(1) N. ~ecOOPMAN op.cit,p.36
(2) M.DELMAS MARTY,op.cit p.524 - C.GAVALDA, Droit et devoir des initiés
dans les sociétés par action, un exemple de collaboration entre la
C.O.B et la
justice pénale, ·rev.soc. 1976 p.589
(3) N.DE,cOOPMAN. op.cit. p.I97 et s.
Y SIERRA op.cit.D 1974 p.43 et s.
386
-,', .
armés pour déceler ces infractions (1), de sorte qu'en définitive
la C.O.B devient un passage quasi obligé pour toutes poursuites en
ce domaine.
En effet, dans le cadre de la surveill~nce du
marché, l'examen systématique de la variation des cours, les rensei-
gnelllents.confidentiels dont elle dispose, la réception de plaintes
ou la connaissance de simples rumeurs (2) lui permettront de découvrir
nombre d'infractions.
799 - La seconde raison pour laquelle le
' .. (.;0. e.
détient
un monopole de fait sur l'exercice des poursuites résulte de l'attitude
mêmed~Parque~.Il semble que ceux-ci ne soient pas très désireux
de prendre l'initiative des poursuites (3). De la sorte, il s'est
opéré, notamment en ce qui concerne les infractions à la réglementation
sur les publications des sociétés, une répartition tacite des compé-
tences entre la C.O.B et les Parquets qui, en pratique, n'exerce~t
des poursuites que sur demande de la commission (4)
800 - Par ailleurs, malgré les incertitudes d'interprétation sur la
portée de l'art.12.1. de l'ordonnance de 1967 (5) la collaboration entre
la C.O.B. et le parquet s'est développée même dans des hypothèses où
celui-ci à connaissance d'une infraction par d'autres voies. Il demande
pratiquement toujours l'avis de la commission dans les affaires mettant
en cause des sociétés relevant de sa juridiction (6)
Il s'ensuit que, pratiquement, dès sa création, la
C.O.B. a en fait joué un rôle primordial dans la mise en oeuvre de
l'action publique. La loi du 11 juillet 1985 ne fait que confirmer cette
situation en étendant le domaine de la consultation obligatoire.
(1) C.GAVALDA, rev.soc.I976 p.589 j N.DECOOPMANJop.cilp.I98j DELMAS-MARTY
Le délit des initiés va-t-il changer la bourse ?(bilan après un an
1
d'application judiciaire de l'artjIO.I, al.I o de l'ordo du 28 sept.
1967) D,I977 p.95, M.PUECH - Mt\\BASTIAN/p.237
(2) Rapport (D B 1974 p.II6)
(3) N.DECOOPMAN,op.cit.p.I99
(4) N.DECOOPMAN)op.cit.loc.citj Y.SIERRAJart.préc.D.I974 p.43 et S.
(5) cf supra 1\\'- 1')1
(6t N.DECOOPMAN,op.cit p.204
Y. SIERRA/art. préc.D ,1974 p.43 et S.
387
801 - Fœus intéressante encore est la façon dont la C.O.B utilise
le pouvoir exceptionnel qu'il détient. D'après sa propre expression,
elle préfère" avant de contraindre, essayer de convaincre n (1).
Fidèle à cette philosophie, elle ne transmet au parquet que les dossiers
de dirigeants qui se sont rendus coupables d'infractions nombreuses (2!
ou répétées (3). Ainsi, de 1971 à 1977, alors qu'elle a étudié 4055
cas et ordonné 168 enquêtes, elle n'a transmis que 14 dossiers au Parquet
802 - Ceci résulte de sa volonté d'éduquer et de sensibiliser les diri-
geants sociaux à leurs obligations plutôt que de mettre en oeuvre la
sanction. C'est qu'elle dispose de moyens de persuasion autrement plus
efficaces que la sanction pénale. Elle peut refuser son visa pour les
informations destinées à être publiées lorsqu'elle estime qu'elles ne
permettent pas une information suffisante du public, elle peut radier
les sociétés les plus récalcitrantes
de la cote ou adresser des remon-
trances verbales ou écrites aux dirigeants en situation infractionnelle(5)
Dans le cadre particulier du délit d'utilisation d'informations privi-
légiées, il lui est même .arrivé de condamner le coupable à-rembourser à
la victime de l'infraction le bénéfice qu'il a réalisé (6).
De plus, il semble qu'elle ne transmette que des
dossiers sûrs, qui ont toutes les chances d'aboutir à une condamnation(7)
C'est sans doute cette attitude réaliste qu'on ne peut qu'approuver qui
permet à la chancellerie de considérer désormais la C.O.B. comme un
organe de pré selection des poursuites (8) et à certains auteurs d'affirmer
que l'effectivité des sanctions de lareglémentation.des publications et
du délit d'initié dépend en premier ressort de la COB, aussi bien dans
son aspect préventif que dans son aspect répressif (9)
(1) Rapport COB 1969, p. 149
(2) Rapport COB.197~ p.72 et 1972,P.72
(3) Rapport COB 1971. P.I05
(4) D.DECOOPMAN,op.cit,p.199
(5) Rapport COB 1974 p.118
(6) Rapport COB 1975 p.99, 1976,p.87 et 91 - Voir Y.GUYON, le rôle de la
COB,préc,RTD Com.1975 p?461 et s. - J.GUYENOT, La COB et l'information
des porteurs de vale~s mobilières sur l'activité et le résultat des
sociétés ~ GP.1973 p.160 et s. - ~.DECOOPMAN,op.cit.spéc.p.81 et s.
(7) N.DECOOPMAN,op.cit p.199.Voir cependant Trib.corr.de NANTES 24.11.84
B.C.N.c.c.1984.82
(8) Circ., 21 Oct. 1981, LAMY soc. 1985, n° 1006
(9) N.DECOOPMAN, op.ci~,p.202; P.LEVEL, La COB et la vie des sociétés,
J.C.P ed. CI 1977.11.12350
803 - On peut donc parier que la nécessaire extension du domaine de
l'avis préalable de la COB avant le déclenchement des poursuites,
si elle ne contribue à réduire le nombre dea poursuites, ne l'augmentera
pas. L'attitude de la COB qui consiste à ne pas recourir systématique-
ment à la répression semble devoir être approuvée. Elle permet de pallier
à ce que le caractère non intentinnnp.l de certaines infractions peut
~voir de choquant ou d'injuste. Elle met en evidencc le rôle
canalisateur du droit pénal en ce sens .que ·cElui-ci doit permettre
d'éviter les apus les plus graves qui pourraient résulter de la
nécessaire adaptation des règles d' in~'orm,-tion aux di verses si-
tuations des entreprises. Seuls, de véritables délinquants seront
poursuivis. Et même si
certaines affaires échappent a
cette sélection nécessaire, la C.O.B. aura encore la possibilité d'inter-
venir après la mise en mouvement de l'action publique .
. II - L'INTERVENTION de la C.O.B. après la
MISE EN OEUVRE de l'ACTION PUBLIQUE
804 - La question de savoir si la COB devait ou pouvait, selon les
infractions, être consultée par les autorités chargées de l'instruction
des infractions dans lesquelles une société cotée est impliquée, n'a
pas fait l'objet du moindre doute depuis la loi du 23 décembre 1970.
Cette consultation peut avoir lieu soit au niveau
du juge d'instruction
lors de l'instruction préparatoire, soit au niveau de la juridiction de
jugement lors de l'instruction définitive (1)
805 - On s'est parfois interrogé sur la nature et la portée de cette
consultation. Pour M.PUECH Il la commission des opérations de bourse
appara1tra, qu'on le veuille ou non, comme l"'expert" de l'accusation
plus soucieuse d'aider la poursuite que la défense Il (2). A l'inverse,
Madame DECOOPMAN considère que Il en définitive, i l semble que si
la C.O.B. ne peut être qualifiée d"'expert ", elle joue le rôle de
consultant au sens des art.256 à 262 du code de proc·H"\\I"e civile Il (3)
,
(1) M. PUECH,op.cit. M. BASTIAN p.239
N.DECOOPl.1AN/ .op.. cit,p.205 et s.
y.SIERRA D.I974,p.43 et s.
/
(2) M. PUECH, op.cit./loc. cit.
(3) N.DECOOPMAN, op.cit p.20~
)89
806 - Les travaux préparatoires de la loi de 1970 permettent d'affirmer
que la C.O.B. doit jouer, dans l'esprit du législateur, le rôle d'un
consultant et non celui d'un expert. En effet, la commission des lois
du Sénat, tout en étant favorable à la possibilité pour les magistrats
de se faire éclairer par la C.O.B estimait nécessaire ft afin de ne pas
dénaturer la mission de la C.O.B. de substituer au rôle d'expert,
celui de ,\\ témoin"
ft
(1). A quoi le Garde des Sceaux répondit que la
possibilité ou l'obligation pour les magistrats de solliciter l'avis de
la commission devait seulement permettre à celle-ci de déposer un mémoire,
ce qui n'est pas sans intérêt s'agissant d'infractions qui révèlent un
caractère technique assez poussé (2). Il s'ensuit que le législateur ne vou
lait pas faire de la C.O.B, un expert.
807 - Par ailleurs, il est difficile après ce que nous avons dit de son
attitude dans le cadre de la mise en oeuvre de l'action publique (3)
de considérer que la C.O.B. se comporterait en expert de l'accusation.
Ne déclarait-elle pas dans son
troisième rapport (4) qu'elle ft colla-
borera à l'oeuvre judiciaire avec tout le poids que lui donne son statut
indépendant et les renseignements dont elle dispose ft ? Nous ne pensons
pas que ft l'oeuvre judiciaire puisse être confondue avec la répression
systématique
ft
808 - quoiqu'il en soit, il semble que la Commission soit fréquemeent
consultée par les magistrats, même dans les domaines où son avis n'est
pas obligatoire (5). Ainsi, la COB a pu contribuer à la définition des
éléments constitutifs du délit d'initié ou des infractions à la ré-
glementation sur les publications des sociétés. Il ,e3t difficile de dire
dans quelle mesure ces avis sont suivis parce QU' ils -ne sont
pas publiés. Mais comme l'a dit un auteur, il est tout aussi difficile
pour des magistrats d'être moins sévères que la C OB (6).Dans ces
conditions, il ne faut pas s'étonner que les avis fournis par cet organisme
(1) Rapport DALLY/ n048
I970 - I971 p.21
(2) J.O. Deb.Sénat/ I7 Nov.1970,P~1848
(J) cf. Il'.lpra. n·· 8c -1 et s
(4) Rapport C.O.B 1970 p.142
(5) N.DECOOPMAN/op.cit,P.211
(6) Ibid,
"
390
paraissG~t avoir la même force qu'un rapport d'expert (1)
809 - Ainsi, grâce à une conception de la répression particulièrement
bien adaptée au monde des "entreprisies et a~ rapports de confiance
qu'elle a pu établir avec les magistrats, la C.Q.B. est bien ~n mesure
de jouer le rôle de sélection de la répression que la chancellerie
attend d'elle, aussi bien -devant 'les"
juridictions
d'instruction et de jugement que dans la" mise en mouvement de l'action
"
ni
publique. A moins que pour ce dernier point, elle'se fasse Il doubler Il
par certaines personnes privées.
(1) C. GAVALD~art.préc~p.606
391
§:2
LA COLLABORATION DES PEHSONNES PRIVEES
8 ' 0 - L'une des d~rogations au monopole du minist~re public sur J.a
poursui~e des infractions consiste à reconnaître à la vi~ti~e la possi-
bilit& "~ d~c18ncher l'action publique en se constituan~ partie civile
pour
~~clar.er r~paration du préjudice direct que lui a causé cette
infract:cn. En raison de l'inefficacité des moyens
de recherche classi-
que), la ",':ctime joue ici un rôle accru dans le d~clenche::ent des pour-
suites (;;).
De plus, pour les entreprises sociales d'une certaine impor-
tance, le parquet dispose d'un iuDormateur un peu partic~lier : le
Commisse.::-e au-,:: Comptes qui doit lui d·~nCltl'er,sous peine de sanctions
pénales, les faits d~lictueux dont il a connaissance dans l'exercice de
sa rüssicn (J).
A - L'action civile
811 - La victime de toute infraction peut, en se~o~tant partie ci-
vile devant la juridi~tion repressive, mettre en mouvement l'action pu-
blique. ~lle peut le faire soit en portant plainte avec constitution da
partie c:vils, soit par la voie de la citation directe. Cette dernière
procédu~e permet d'éviter les lenteurs de l'instruction et aboutit en
principe i une r~pression psychologiquement plus efficace ainsi qu'à une
indemnisa:ion plus rapide po~rla victime. Aussi, est-elle souvent utili-
sée, sur:out en matière de d~lit d'entrave aux insticutiO:1S représenta..
tives dë cersonnel.
812 - ~n ce qui concerne les délits relatifs à l'in~ormation, cette
possibE::& pren:! 'in'~ importance particulière pour certaines infractions
dont se~~s la victime peut avoir connaissance. Lorsqu'un associé ou un
~e,r6sen:ant du personnel se présente au siège de la Soci~té et ne peut
avoir cc~~unication des docume:1ts qui auraient dus être nis à sa dispo-
(1 ) 2ar,;~~t C03 1970 p. 72, 1972 p. n
(2) il.ap~~~t CO:3 1971 p. 105
(J) ~ap;:c::,t COB 1969 p. 149
392
sition, il est le seul, en dehors de son auteur, à avoir conn~issance de
cette infraction. Il en est de même si les dirigeants omettent de convo-
quer certains actionnaires, nominatifs ou asso~±és, par lettre. L'inter-
vention de la partie civile est dans ce cas là ~~e source irremplaçable
d'information pour les àutorités judiciaires.
813 - D'ailleurs, l'intérêt de l'action civile n'a éc~p..ppé ni '3.U 1-
législateur, ni à la jUFisprudence qui s'emploient à en favoriser l'exer-
cice pour llensembxe des bénéficiaires de l'inforrr.~tion en assouplissant
les conditions de recevabilité.
814 - Une des principales conditions de recevabilité de l'action
civile est l'existence d'un préjudice "personnel direct et actuel" (1).
Or, la doctrine et parfois le législateur ont de ce préjudice une con-
ception plus extensive.
815 - Les syndicats sont recevables à eRercer l'action civile pour
défendre léS intérêts collectifs de la profession. Il suffit pour cela
que l'infraetion ait porté atteinte aux intérêts à un groupe de travail-
leurs; peu importe l'importance d~ ce groupe (2) ou celle du syndica~
qui intente l'action au sein de l'entreprise (3). Peu importe également
que la personne privée de ses droits ne soit pas membre de ce syndicat
(4) ou que l'action soit ouverte à d'autres sujets de droit (5). Les
syndicats sont considérés comme les défenseurs naturels des intérêts de
la collectivité des travailleurs.
816 - En ce qui concerne les imfraations commises au sein de l~ So-
ciété, la jurisprudence n'a pas hésité à reconnaître aux associés, la
possibilité d'exercer par la voie de l'action civile, l'action sociale
(1) STEFANI, Levasseur/Bouloc., op. cit.Jn" 151-1 et 2
(2) Crim'J 7 'Oc.t. 1959, D. 1960.294 note VerdierjJ.C.P. 1961.11.12170
(3) Crim. ? oct. 1959,préc. 6 fév. 1963,bull. crim. n" 69 p. 1~4 ; 23 juin
t
1981,l{.P.D.S. 1982 somlL. 148, crim.,22 nov. F)77,n.1973/ r"-',,,62 ; cris.
2 mars 1961/J.C.F. 1961.II.12 095
H. catata.) op. cit.)n" 426 p. 464
Crim.,? oct. 19~OJpréc.
393
ut sin~ul; (1). Il est difficile de considérer que le préjudice de la So-
ciété est un préjudice personnel et direct pour les ~ssociés. De toutes
les faço~s, l'action individuelle des assoicés est, elle aussi, largement
admise. Ils peuvent se constituer partie civile s'ils ont acheté ou vendu
leurs actions ou parts sociales en vue è"' un faux "bilan (2), ou si celle-
ci a été un obstacl0. à la distribution de dividende ()). Il a même été
jugé que tout actionnaire peut exercer l'action civile à défaut de pré-
judice matériel mais à raison d'un intérêt certain et actuel qu'il a à
voir cesser les agissements délictueux de mandataires sociaux (4). 2n
réalité, la notion de préjudice personnel et direct n'est plus rattachée
à l'idée que l'action:civile a pour objet essentiel les dommages-intérêts
817 - Cette dissociation ,du droit de se constituer partie civile et
du droit à réparation pouvait déjà s'observer dans l'art. 136 de la loi
i:U
13 juillet 1967 qui reconnaissait aU' créancierit la possibilité de se
constituer partie ci vile en matière de banqueroute même lorsque ce cr 1~m
cier n'a pas la possibilité d'obtenir des dommages-intérêts.
Elle est accentuée par la loi du 25 janvier 1985 aux termes
de laquelle l'aution civile est ouverte ~ l'administrateun, aux représen-
tants des créanciers ou des salariés, au commissaire à l'exécution du
?lan et au liqu±dateur (art. 211). Les personnes ne semblent nullement
tenues d'établir un quelconque préjud±ce pour pouvoir mettre en oeuvre
l'aation publique. Le véritable caractère de cette constitution de partie
civile~apparaît avec l'obligation pour le trésor public de support3r les
frais de la procédure si celle-ci aboutit à une décision de relaxe (art.
21)). C'est bien la preuve qu'il s'aGit seulement de favoriser la mise
e~ oeuvre de l'action publique. Plusieurs conséquences peuvent se déduire
de cette loi. Les personnes énumérées dans ce texte ne so~t pas tenues
il l' obli;;ation de consignation qui permet aux juridictions népressi ves
de filtrer les constitutions de parties civiles.
(1) v
LESSEC.La constatation des infractions et la poursuloe en la
responsabilité pénale du fait de l'entreprise, préc. p. 162
T;
corr. 31 oct. 1963 C.P. 196/,.173
Il.t. ~J'i
Eeq.) 29 oct. 1934f 2.805
T. corr. Seine)31 oct. 1963 Préc.
J
ST!\\?XI. LEVASSEU!tet BOULOC,
prée.
N°
145 P.
14 1 •
394
818 - Sous l'e~pire de la loi de 1967, le syndic ne pouvait 39 cons-
tituer partie civile pour infraction de banqueroute que s'il "obtenait
l'autorisation de la ma~se des créanciers. Désormais, une telle ~~:ori-
sation n'est plus nécessaire, ce qui est logique dans la cesure 0: la
masse des créanciers n'existe plus. Il faut tajouter qu'd notre ~~is, ce
texte n'interdit pas à d'autres personnes qui justifieraient d'u" ~réju
di ce personnel et direct résultant d'une des infractions c08!1ises (au
constatées) à l'occasion du redressement ou de la liquidation ju~iciaire
oes entreprises de se constituer partie civile.
819 - Du reste, en matière de Société, la jurisprudence reçoit lar-
gement la constitution de partie civile des tiers. Ainsi, les souscrip-
teurs peuvent se constituer partie civile s'ils ont été ~nenés à traiter
avec la Société au vu, du résultat favorable des cO!1!ptes sociaux. "La
publicité d'un bilan inexact peut être préjudiciable à des tiers ~Jant
traité avec la Société par la dissimulation
qui leur est faite de la
véritable situation de la Société (1). De même, les souscripteurs peu-
vent se constituer partie civile si leur souscription est consécutive
à_des simulations ou publications de faits fau.'C (2). Pourtant dans tous
ces cas, on aurait pu penser que le préjudice à pourcause directe un
cDntrat et non l'infraction.
820 - Mais la jurisprudence ne se contente pas d'admettre lar~e
ment l'existence d'un préjudice direct et personnel. ~lle en facilite
également la preuve. C'est ainsi qu'il a été jugé que le fait de ~arter
entrave au fonctionnenent des institutions représentatives du :)ers~nnel
est en lui-même constit~tif, s'il est établi du préjudice su~i par l'en-
semble de la profession et dont les syndicats professionnels ont ,',<ali té
pour demander réparation (3). De même, "tout délit d'entrave au ::::;:o.ction-
nement régulier d'LLn comité d'entreprise cause nécessaire~ent ~ ce comité
u!" préjudice dont i l est arlrnis ci demander réparations" (4).
(1) Crim.)15 juin 1954, J.C.?
1955.11.3 724 ; 31 mai 1935)D.1935.398 ;
7 août 1934.477
(2) C ·
,rlm.) 18"JUln 10R Q
. ? & :
/ V
1
comp. cru:!.) _/ nov. 1"75
.'
) .DUIl_.
.
Crlë'.
1976.11.18 176 ; D.1976.224
(3) Crim.}7 oct. 1959 préc.
; 4 mai 1974.bull. crim . •i' 131, J.C.?
1971
II.16 888 ; 2 mars 1961 préc. ; 5 janv. 1966,bull. crim. n" "
(4) Crim.,29 mars 1973 J.C.?
1973 ~d.15.11.387
1~re esp'ce
C~:~LA
395
321 - Dans le même ordre d'id~es, il a ~t& jug~, s'agissant de la
:~lsification de la feuille de présence (1) ou du procès verbdl (2) de
~'asse8blée générale; que le caractère préjudiciable actuel ou éventuel
~ssulte de la nature ~ême de la pièce falsifi~e. Dans tous ces cas, l'exis-
t',nce d'un préjudice est donc présumée et nous semble-t-il, de façon ir-
,sfragable (3). On a pu écrire qu'il "n'y a pas de pr~judice collectif
certain, ~ême indirect, même purement moral, d~coulant de l'infraction
~our l'ensemble de la profession .•. L'action syndicale' n'est qu'en appa-
~ence une action sanctionnant un droit subjectif. C'est comme l'action
~ublique Q~ recours objectif en vue de faire respecter une loi" (4). Cette
observation peut être étendue à l'action civile exerc~e par des personnes
;nysiques, même si elle permet également a la partie civile d'obtenir le
cas échéant r~paration de son préjudice un peu plus facilement que s'il
s'~tait pourvu ~evant la juridiction civile.
822 - Il r8ste que l'action civile prive le ministère public de son
~ouvoir d'appréciation sur l'opportunité des poursuites. Le risque d'une
utilisation intempestive, voire malveillante, de cette procédure ne peut
§:.re écarté. L~ cour n'a-t-elle pas souvent dénoncé l'existence de ";nino-
,itaires professionnels" qui utilisent la possibilité de se constituer
~a,tie civile pour faire c~anter les dirigeants sociaux? Il n'est donc
pas sans intérêt d'examiner les moyens dont peuvent disposer les tribu-
'-aux pour lutter contre de tels détournements de l'action civile qui peu-
'lent être préjudiciables 3. l'entreprise.
Pour lutter contre ce genre d'abus, les tribunaQ~ ne manquent
::as de ressc';.rcel>
823 - Ils ;euvent décourager la constitution de partie civi}e en '
exigeant la consi 0nation de so~mes relativement importantes pour les frais
(î)CRIM
.)6 cnrs 1')7ü bull. crim. Nt.107 p. 2!.5·J.C.P. 1971.11.16813,
j
note ~ouloc futv. soc. 1970.480 note Bouloc
'
(2) C~im. 16 mars 1970 préc., 21 mars 1972 bull crim. n U 115j. 285 J.C.P.
1972.11.17 178 ~ev. soc. 1972.732 note Bouloc
(~) Sn ce sens \\. CATALA op. oit. n" 425 p. 465
(~) Bert~e de la Gressaye op. cit. Dr. soc. 1958.529
396
de justice. Il semble qu'ils ~e S~8n privent Das et mê~e qu'ils en abu~
~ent parfois, notamment en matière d'entrave aux institutions représenta-
ti ves du personnel. C' est ainsi que ilonsieur PAB.Ccr::::IIlJAL ci te lm exemple
dans lequel le montant de la consignation a :~té fixé 3. dix milles francs
(1) •
En outre. la jurisprudence utilise parl'ois la r.1axime "r·~ey.,o auti tur"
pour limiter l'exercice de l'action civile. Elle estime que l'action ne
peut être intentée que par des personnes de bonne foi. Ainsi, l'action
civile n'est pas recevable de la pftrt c"un ac:tio!lnaire qui n'a acquis
ses actions qu'en vue d'U!l procès ct à bas prix (2).
824 - Par ailleurs, les personnes qui utilisent l'action civile com-
me moyen de chantage ou dans un but malveillant risquent de se voir con-
damner pour dénonciation ~alomnieuse si leur action aboutit à la relaxe
de la personne qu'ils ont visée dans leur plainte, ce qui les obligent
au moins à s'assurer du bien fondé de leurs accusations. (3).
825 - Mais l'idéal serait d'éviter toute possibilité de mise en ~an
oeuvre intempestive de l'action publique. O!l a i~a6iné, en ce qui concerne
les associés, de limiter la recevabilité de l'action civile à ceux qui
sont demeurés dans la Société pendant un certain te~ps, faisant ainsi la
prauve de léur attachement à l'entreprise sociale. iIais cette solution
est impraticable. Les associés seraient privés de la possibilité d'agir
pendant un cernain temps alors que la prescription continuerait à courir
(4). De plus, le critère de la durée ne !lOUS semble pas un crritère suf-
fisant d'intérêt pour l'entreprise. Ce n'eEt pas parce que quelqu'un vient
d'entrer dans une Société qu'il y porte ~oins d'intérêt q~'un autre.
826 .- Le critère de l'importance de l'intérêt personnel que l'asso-
cié détient dans l'entreprise nous semble plus cr&dible. Il s'agira alors
(1) PARCHEAINAL H., op. ci t. p. 287
(2) Paris ,18 juil. 193:3/ C.?
1938.2.1';)1,
(3) Ils peuvent aussi être poursuivis pour délit de chantage mais il y a
là le risque que les dirigeants ne portent jamais plainte et que par
conséquent l'infraction demeure inconnue.
(4) ~ouloc SJ crim.)27 maio1976,D. 1979 p. 123
397
de ne reconnaître la possi~ilité de ~ettre en oeuvre l~action civile qu'&
des associés qui individu~lle:'lent ou en groupe' (de préférence individuel-
ler!ent) détiendraient un cer:!;3.in pourcenta:;s du capital social comme
c'est le cas pour l'exercice de l'action sociale ut singuli.
Un associé qui yadesintérêts inpoctants sera plus prudent
s'il doit risquer le crédit de la Bociété, voire sa survie dans une pour-
suite pénale.
827 - Sans doute, il y a une àifférence de nature entre l'action s
sociale ut-singuli et l'action civile. Dans le premier cas, l'associé
qui intente l'action ne se prévaut d'aucun intérêt personnel. Il
agit
pour le compte de la Société pour pa~ier la carence d~dirigeants sociaux
(1). Il paraît alors normal de limiter l'usage par un associé d'une pré-
rogative qui normalement appartient a~, dirigeants. Dans le second cas,
l'3.ssocié se prévaut d'un préjudice personnel et entend seulement profi-
ter d''''''1 \\1 appui tactique" (2). De ce point de vue, il paraît difficile
d'admettre une limitation du droit d'agir.
828 - Nai:, , ainsi oue nous avons essayé de 1<2 montrer, l'ac:-
tion civile est souvent utilisée pour faire de la victime un agent de
la répression. Il paraît donc logique d'adapter son utilis~tion aux
objectifs de cette répression qui en notre matière et à juste titre tient
compte autant qu'il est possible de l'intérêt de l'entreprise. De plus,
à supposer que la victime cherche seulement à profiter de la procédure
d'instruction, cet avanta s8 ne saurait lui être accordé au détriment des
besoins même de la répression. De lege Ferenda, il est donc possible d'en-
visaber une subordination de la recevabilité de l'action civile des asso-
ciés à la détention d'une portion du carital social, par exemple, 10 %.
Cette solution est d'autant plus concevable qu'elle ne porte pas atteinte
au droit des associés de d8~ander la réparati~ du préjudice qu'ils ont
(1) IUPERT et RO.3LOT) op. cit.,n't-1 374; R. Cü11Tlli", op. cit.,n° 519 p. 364
(2)
derle et Vit:Ùl/ op. ci t. ln" 859 ; Dl':L:!AS 'IAETY Droit pénal des afrai.,.
res p. 555
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sub:, puisqu'ils peuvent toujours utiliser l~ voie ~cr~ale des ec~io~s
en réparation devant la juri~iction civile. Seule une telle liŒitation
pourra pennettre de préserver le rôle de "garde-fou" que joue,
en ·r.otre ICa tière, le droit pénal.
829 - Cc genre de problè:r:e ne se pose pas en ce qui concerne la
collaboration des commissaires aux comptes qui ne peuve~t pas mettre en
oeuvre l'action publique.
:3 - La. colla1;)oration de~ CO:r:~iS3aires aux cO::iptes
330 - Le commissaire aux comptes est tenu, SOUE peine ~e sanctions
pé~ales, de révéler au procuZ:8.nr de la République les infractions dont
il a pu avoir connaissance.
831 - Cette obligation
a été sauvent c~itiquée, Certains auteurs
esti~ent en effet que le com~issaire aux cosptes n:éta~t revêtu d'aucune
investiture dé l'autorité publique, ne devrait pas être un auxiliaire
du parquet (1) ou que le rôle de dénonciateur forcé ne convenait pas au
mernbre.d'une profession lib'~rale d'autant que la notion de connaissance
seœble mettre à l'abri des poursuites le
com~issaire aux comptes néGli-
gent (2). On a donc fait éGalement valoir que la révélation faite par le
comnissaire aux oomptes risque de ternir la réputation d'une société et
de ses dirigeants sur la base de simples soupçons(J).
l·lais ces cri tiques ont étonné d'autres auteurs qui font -~aloir
que cette obligation affermit l'autorité des co~missaires aux comptes et
gran:'i t leur ::Jission (4) et qu'elle est ilIa c:;illeure gara~tie qui puisse
être jonnée aux actionnaires du sérieux avec lequel il est procé:.é a~~
( 1 )
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i abroçer, l'avant der~ier alinéa cie l'art. 3~ ~e la loi du 24 juillet
;s67 ; G.P. 1963 l doc. 81
(2) :::~;~~~il.t~~: ~~~~·t~\\;~~:! et CO:;'::'::::::~"~;~{J:J, cit. ,ne 321 ,Jo ~!.7
(3)
(4) Z. ":IS:':~?:, ;~éflexion ,-ur la !èiss::'o" ,;U cc:::::isss.ire ë.UY. co::ptes, r.ev.
~JC. 467 . .371 ; D. VIn.l..L, Le cor;~i.ss3.ire 2.t:..x ccr.::):es dnns la SA, ~GDJ
~935 ;J. 3e'7 note 933 ; !-renard, Ter:-é et .::lcilat,c;J. cit./n' 1 01t ;
?),TI!: CA1JJOLLE .•• op. cit., p. 326, cf. C::::;C~'j'a:Jle rO:1:le du 20 nov 197~
!., CEA~T'I3?, La gestion et le contrôle des Sl~ riF:: h
;j'-ll"isprudence,
L::.tec. 1978 p. 310
.)
opérations de contrôle (1). On ajoute que l'isolement de la législation
française sur cette question n'èst plus tout l fait vrai aujourd'hui (2)
et qu'elle révèle bien le caractère institutionnel du contrôle des socié-
t .;~"
..........
«)
/ .
832 - Quant à la jurisprude:",ce, elle s' est mo'!trée tout à rait in-
sensible a~x critiques de la coctrine, et elle a parfois appliqué l'in-
crimination de non révélation avec une certaine riçueur. ~lle considère
'lue les conmissaires aux comptes participent
ë. 1: indispensable préven-
ta.on des infractions et à la protection des actior~'1aires et des créan-
ciers sociaux •.. qu'ils ne pourraient se plaindre de ce que le légis-
lateur français leur fasse l'obligation de dénoncer les infractions cons-
tatées alors que ce devoir n'est que le corollaire de la protection et
des droits reconnus à une profession qu'ils ont libreMent choisi" (4).
833 - Le législateur conforté par cette attitude favorable de la
jurisprudence et par les arguments de la majorité de la doctrine a étendu
le domaine de l'incrimination à d'autres formes d'entreprise que les 130-
ci~~és commerciales. Elle s'applique désormais aux commissaires aux conptes
de GIE (5) et de personne morale de droit privé non commerçantes ayant
une activité économique (6).
334 - En réalité, les critiques formulées par la doctrine hostile
il
l'obliGation de révéletion ignorent les véritables limites de celle-ci.
Ces limites ressortent de la rép8nse à deux questions: que doit révéler
le comr'lissaire aux comptes (1), quand doi t··il le révéler '. (II) .
(1) ?OUFFAIT, ROBIN •• olop. cit. n° 517 p. 481
(2) (. EOJLAY, l'ObliGation du co~~issaire aux cO~Dtes de révéler les :
fB.its délictueux, Rev. soc. 1930 p. 446 n' .3
(3) TT SL:!,lTn:o:m J Les délits relatifs au controle G.es sociétés par les
commissaires aux comptes, Thèse Paris II 1971 p. 183 ; J.C BOULA~
ar t .
'
,
prec.,ln ~nev. soc. 19°0
u
p: 44'·
. (
n' 4, "Hap. R,. co,n'IF
"'1 ,'. op.
't'
Cl •
n° 287 et S
(4) TGI ?aris,17 av. 1980/~\\C~. 1928 ~. 309
(5) Art 24 loi d~ 1er ~ars 1984
(6) Art. 27 ibid.
400
Ij L'objet de l'obligation de révélation
835 - D'après les articles 233 et 457 de la loi sur les sociétés
co~merciales (1), le cO:J::issaire aux comptes doit révéler aux procureu~·
de la lé publique les faits délictueux dont il ~.uré! b. connaissance
1'-1. détermination de l' obj et de l'obligation de révéla.tion suppose que
soient clarifiées les notions de faits délictueux (a) et de connaissanc~
de ce fait(b).
a) La notion de faits délictue~~
836 - La question de savoir si le commissaire aux comptes doit re-
véler toutes les infractions dont il a connaissance (2). ou seule~ent
celles qui se rattachent directement à sa ~ission (3) n'a pas ici beau-
coup d'importance. Quelle que soit la réponse à cette question, le co~
!:1issaire aux comptes doit révéler les infractions rela tives a.ux olJ1iga-
tians d'information puisque leur-fonction consiste justement à améliorer
et à-re~êre crédible cette information quel qu'en soit le destinataire
(4). C~ est donc jus_~e!!lent que la jurisprudence punit
les commissaires
flUX
comptes cOll;lables de non révélation du défaut dl établisser.lent de
comptes annuels (5), de publication de bilan inexact (6) du défaut de
(1) Les textes sont les textes delbase auxquels:~envoient tous les autres.
C'est donc à eux que nous nous référerons désormais.
(2) PATlj CAUJOLLE":LoP~ cit.,p. 301 ; Rousselet et PATIN,op. cit.,n c ~5L
l': 267 : HEI'IARD, TE?3.:=, )'lABILAT,op. cit. 1 t II n~ 1 017;Rappr. GÙ::Ci5:
et COCQUEREAU,op. cit./n" 322 ps 347jJ.C. BOULAY, art. préc.,in Re';.'
soc. 1980 h~ 12
(J)IERCADAL et JAHI1') me::-,ento F. LEPE;BVRE préc., n' 2 281 ; LAUliAIS et
ACCARIAS,op. cit.,n° 293 ; CONSTANTIN et GAUTRAT,op. cit.,n v 662 ;
GAROLA GUIGLARIS,op. cit.,n° 407 et s. : Ch. PINOTEAU, Le Code des
Sociétés: .. , op~ cit.rn e 504 p~ 297 ; J1-1 ROB:;::?T,~ncy Dalloz. Pénal 'i
~Société,n" 318 ; D. ~IDAL,op. cit. n' 671 ; A. VIANDIER, Sur les li-
:lites de la révélation de faits déiictueux, ~CP. 1932 éd. CI 13 632 ;
J ':IISllER ,art. préc.) in veT. soc. 1967 p~ 371 et s.
(4hcf sUPlra. n F
(5) T. torr. Paris,3 ~ai 1978,BCnCC 1978 p. 342
(G) l'. Lorr. Paris,17 av. 1980,B8nCC 1980 p. 30,?, criœ_ 2 mars 1923,::C:-C=
1
1984 p _ 206 Pitti::!> ,17 :iéc. 1981 ,BCHCC 1932 P _ 224 ; Patis 18 mü 19T'
rrw"c 1c 7Q n
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401
r6u~ion de l'asseub18e générale ordinaire ùans le d61ai:légal ou d'~~e
~ssem~lée cénérale extraordinaire obligatoire (1). Il a été également
jU6S que le comm±ssaire aux cOT~ptes aurait dû révéler le défaut de dési-
Gnation obligatoire d'un second conmissaire aux comptes et l'obstacle
opposé a ses contrôlesetlvérifications (2) ou e~core l'absence de dépôt
de bilan en cas de cessation de paiement (3).
837 - On a prétenèu que la révélation ~e ~eut porter que sur des
délits Ù l'exclus10n notamment des crimes et contrave~tions en vertu des
principes de l'interprétatio~ stricte de la loi pénale et de la logique
qui voudrait que le cOffinissaire aux comptes n'encourt pas une peine cor-
rectionnelle pour non révélation d'ème sÏ!nple contravention (4). Hab
ces arguments Re semblent pas avoir con~~incu la jurisprudence ,ui appli-
que le délit à la mon ré~élation de contraventio~s (5). Cette solution
trouve ses partisans en doctrine (6). Elle nous semble plus conforme au
but de l'obligation de révélation qui1n'est, après tout, qu'un prolon-
gement du devoir d'information des actionnaires et du comité d~entreprise
(7) •
338 - La définition du concept
da faits délictueux pose une autre
difficultéltenant au lieu où a été commis J.'infraction. Les faits délic-
tueux cODmis dans les sociétés 0', mêne groupe ~ue la Société contrôlée
doive~t-ils être révélés par le commissaire aux comptes ? Cette question
doit être résolue par rapport ~ la finalité de la mission de commissaire
aux comptes.
(1) 30::deaux~23 juin 1981} BCHCC 19S1 p. /+77;r~'. corr. Paris ,18 mai 1975.
prec. j
T. corI'. Lyon, 9 oct. 1972,3C:WC 1973 p. 79; T. corI'. HAVRE
23 jUln 1975,préc. ; TGI CuiT1per,27 sept. 1982,BCNCC 1982 p. 413'
(2) Crim.,6 déc. 1982,BCl'TCC 1933 p. 347'Paris,19 nov. 1931,BC!lCC 198~ p. 69.
(3) ~',
,url.J., 12'
_J3.nv. 1(',°1
? u / -, D
J , ...... 19"1
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8 ü , J . . a r l 1Q
s , / n
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,pree.,
?
corr. Lisieux lJC::CC 1979 p? 2Q2 ; ::<.mcy,29 juir:. 1932,3Cli
1
1JC
p. 286
( 1)
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~. 248 ; GARO CA GUIGLAEIS.J.CI.
pén. an prée.
N°
139
(5) 3esançonL3 juil. 1975,BC~CC.1975 p. 436
(6) ::::,:AHD, l'ER?::; et ::HnL~",OD. cit., n" 1 07'7 p. 309 : A. VIA:mIER, op.
cit. ~ in JC:>' 1782 éci. CI 13 '~22 ; Il. VEJAL,o~. cit., il· Lo6 p. 308 ;
Jc~ nOULAY, op. cit., in l'eV. des soc. p. 453 n- 12 ; ::; LUPOiTA~ICE,
~e commissari~t aux comptes dar:.s les lois des 24 juil. 1966 et 4 jan.
1""7'
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u1-~_·i.'-L; : ... ~\\~/0'p.
·t
el . :?a 309 ; y ('J~')
..,hl.h--
':r;~,L La ";8stion et le contrôle ,préc. p. 317
"
(7) A VIA:iDEH} art. cit. ,h JCP 1';F~2 6d. CI II 13 682
402
839 - On a soutenu l'idée selon laquelle êe ;ait délictueux co~~is
dans le c~dre d'une filiale ou d'W1 particip~ti0n "ne reDr8sente pas né-
cessairement une .atteinte aux intére7,s de la :~8c::i.6t] contr-ôl:e" et qu'il
n'y aurait pas lieu de la révéler (1). Gette ~~::i.r2ation )eut être s6rieu-
se~ent mise en doute
La reconnaissance d'lm droit d'investigation aux cO"1~is2aires cometes
dans les sociétés mères ou filiales de celle ~~:i. les ont d6sipn6s relè-
vent de l'idée d'interdépendance entre ces di=o~oé:'e:,";cs: soci~t8S. Ce droit
d'investigation vise à mettre la sociét( contr616e ainsi que l~ personnes
qui y ont un intérêt a l'abri de toute surpris" d.ésagrt~ê.ble provenant de
la ~auvaise gestion d'une autre société.
840 - De plus, la tendance actuelle QU 16~:i.slateur est de permettre
a tous les partenaires de l'entreprise ainsi, ~~lau ministère public une
vision aussi complète que possible de la situation de l'entreprise et de
son environnement. Dans cette optique, il nous se~ble difficile d'exclure
du champ de la révélation les infractions co~~i3es dans des sociétés
du même ~roupe que la société contrôlée. Gett" solutio~ est d'autant.
plus difficile à admettre que désormais, le coc~issaire aux ~onDtes de
la société mère est égaler.:ent com::lissaire <lUi: co:'ptes du ;rou;le dont il
doit certifier les comptes. Il n'est do~' pas ~o~t ~ fait vrai d'affir-
::er comme le fait Nonsieur VIDAL que les vÉrific:a tions accomülies dans
les autres sociétés du groupe Usont" accessoir33, sulJordon:lées relatives
a.u contrôle de la société dans laquelle ·le co",::issaire o::erce son mandat
de contrôle" (2).
Il Y a donc une certaine contradiction en:r" l~ id,~e 881cn laq uel1e l'ob lî-
[ation è.e rév~lation "apparaît comme un Goyen ~~=~:!cttv.nt de f3.ir8 [!~3-
'Jccter les principes de norr::lisa tion (.lu risque soci:3.l" (J), c.oY'l(.Cl"'ne.
"t,out ce qui touche la société ~t ~ui P'2Ut 3.VO:~-:' 'C.ne incidence: s:.:r le8
403
r6sultat[ de la 30ciété" (1) st couvre toutes les infrac:~ons susceptibles
~ __ ~uire ~ la société contrôlée (2) et l'exclusion des f~its délictue~x
constatés ~ans les autres sociétés àu Groùpe du domaine ~~ la-révélation.
I\\e.
8/~1 -- Enfin, nous Ivoyons pas en quoi la solution qus nous défendons
"co:l1uirai t :l œle dilution des responsabilités entre les cOI:lmissaires '1
a~x conptes des différentes sociétés du groupe" (3). Ch~c~~ d'eux devra
révéler a~ procureur de la République les faits délictueux- dont il a eu
connaissa~ce dans le cadre Œe S~ mission. Si·aya~t tous e~ connaissance
L'un l"ê~e fait, aucun d'eu~ ne procède à sa révélation, ~~ls seront , tous
poursuivis, chacun pour son omission personnelle. Cette s~tuation n'est
pas fonda~entalenent différente de celle qui
résulte de la pluralité de
cODmissaires aux comptes et il serait souhaitable que le
commissaire
aux comptes informe son collèGue chargé du contrôle de la Société dans\\Ql\\",cllc
1; infraction a eu lieu avant cl' entreprendre une démarche ~u1)rès du pro--
cureur de la République (4).
e!otime
342 - Pour toutes ces raisons, une partie de la doctrine/que l'obli-
Gation de révélation pèse sur le connissaire aux comptes aussi bien pour
les infractions commises dans les sociétés du même groupe que les socié-
tés contrôlées que pour celles qui sont co~mises dans cella-ci (5).
Cette solution a été implicite~ent admise par le Conseil National
des Commissaires aux Cümptes qui estime que l'obligation de révélation
ne peut être ét~~due aux sociétés qui n'ont aucun lien en capital avec
la sociét~ contrôlée (6). ~ l'exception, dirions-nous, de celles qui
sont co~pri3cs dans le n6~e )~ri~~tre de cOBsolidation.
p. 248
1 018 p; 811
;.ICI ::;YJLAY,art. préc.,
404
843 - Ceci étant, le cOinf!iGsaire au:,: co;:-;ptes est charg6 de r-§véler
des fai ts ~t non de dénoncer des perso;mss. Il s! ensui t que la qualité
de l'auteur 'de l'infraction importe reu (1). De cê~e, il se~ble acquis
en jurisprudence que le' fai t doit étre re"l!'l':' l:'ême s'il a été cO'<1l1is
antérieurement i l'entrée en fonction GU co~cissaire ~u. cO;1~tes
(2). Ce
n'est pas l'avis du Conseil ~~ational des ~o~ciGsai~es aU~ Co~ptes ~ui
estime que le commissaire n'encourt 2.èl~Ué:e responso.biJ,ité )o'J.r les f~its
survenus avant sa nO::Iination Dour pou Ci'J' il ait Î'1:or":::; le :Jrocureur de
la République du défaut antérieur de
comptes alors que la société y était tenue (3). ::ais cette solution
n'a pas de fondement. Le ninistèrc :Jublic :Jeut très l..Jien juger qu' il
est inopportun de poursuivre les diri~eants pour ~éfaut de désiGnation
de conmissaires aux comptes, ce qui ne l'e::!pèc~erait pas de le faire s'il
s'avère que d'autres infractions ont été ~o::!mises. De pl'J.s, le Conseil
ne dit pas quelle solution il faudrc:ü t u'opter au cas où ':n commissaire
aux comptes avait bien été nommé antérieu~ement et o~ il n'a pas voulu
(n'.a pas pu) révéler l'infraction cOr:H!lÏse penc;ant son rr.andat. ".La~T'ti-·
nui té du contrôle, tn.cluction du caractère~ontinu du besoi!l de nornali-
sation implique" (4) que soit révélé tous les faits délictu.eux dont le
commissaire au.,: comptes a connaissr,nce :J§"8 s' ils 0:1'<:. ét8 COI'1!JÏs avant
SOn entrée en fonction. La jurispr-J.de:'lce 95ti:1B 6sale'le:1t qü.e le fait
àélictue~x doit être révélé nême slil ? sti réGularisé avant ds )urve-
nir'à la connaissance du commiss"-ire au.': co"'ptes (5) qui n'." pa.s "
apprécier la gravi té de l' infractio:1 (6).
(1) JC BOFL'Y
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(2) T. corr. Lyon,,5 fév.1973, E'r.'i'c'c. 1973.::)-; note = ô.e ?O'?!,VICi: ; ?'~I.
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; D. VIDAL,op. cit."nete 1 oc:S •• 312 ;vontr3. J.C.:~OULAY,2.rt.
ci t' in rev. soc. 1980 p. 4/,'] :1
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(3 ) ac.N.G.C. 1983 p. 375
(4) D. VIDAL) op. ci t •• note 1 006
(5) ".!..J. de PO"/T""IC"
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405
544 - ~n revanche, il ne nous semble pas que la révélation des f~its
délictueux connus} l'occasion de vérifications faites auprès de tiers
'lyant eu des relations comnerciales avec la'6ociété soit obliGatoire (1).
~n effet, le droit à'inve3ti sation du commissaire aux comptes auprès do
ces t~ers '1 incontestablenent un caractère accessoire et a pour s,~l but
de v~rifier la sincé~it~ des comptes de la société aontrôlée. La solution
est incontestable pour los manquements délictueux aux abliga tio,s"cl' in--
for::Jation. IIêé1c rh-èS 13 cadre cl 'une "norDalisation du risque social", on
ne peut pas dire q~e la société contrôlée soit, plus que d'autres 'l~ents
de l'éconoLie~ men~cée pa~ la présentation de co~ptes annuels infidèles,
La distribution de diVidendes fictifs, le défaut de réunion de l'asse~
oléo séné raIe ou du co~ité d'entreprise des tiers avec lesquels elle a
des reJations comf!lerciales (2).
Pour les !:1êr.les raisons, nous pensons que, lor:o.'1ue l'infraction
comùise dans ~~e des sociétés fusionnantes parvient i la connaissance
du cODmissaire aux cODptes dans le cadre du contôle de l'opération de
fusion, celui-ci n'est pas tenu de la révéler (3).
845 .- Le comnissaire aux cooptes est donc tenu de révéler toute L1-
fraction relative :lm: obligations d'information commise dans la société
cO:1trôlée ou dans une sociétll du groupe ; pourvu c;m'il en ait eu con:1ais-
c) La notio:1 de con:1aissance
246 - L'i"2e que la connaissance du fait CJar le com!1issaire a'.l::
cO::J~tes est un é18nent constitutif du délit de non révélation ne oenble
(1) 3Ji.::!',;JEO:r::: op. cit. p. 1.37
(2) La solution paraît ::Joi:1S certaine lorsque par exemple la SOCl8ce con-
trôlée est victilJe d.' une escroquerie cO::Jr.lise par ces tiers. Dans ce
c~s; on pe~t p0nser que la prote~tion ce la société contrôlée i~plique
la r6vslation. :~is on peut égale~ent penser ~u'une telle obligation
Ge rsvélation iépasse 18 cadre normal de la ~ission iu commissaire
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847 - La première difficulté consiste :~ 5a-:=,-r si pour éch:wper è,
le. répress':'on, le co-:ntlissaire al.:)::: cor'lpt8s dai t
s:-:ci.pe:{· cl; 11:1.0 i~:nornnC8
16~iti3r:~. En d'autres ter~es, on se dC32nde sri~ )sutse prévaloir d~
fait qu'il n'a accompli aucune vérificatio~. Cs::~ ~ueEticn divise
èoctrine et jurisprudence.
8/+8 - Certains auteurs. sensibles aux besoi~-_~ :i.e la r6pr8ssion :l la
difficulté de prouver que le cO:!!!:1issaire aux cc':.~::'3s co;w,D.ît le fait c1.s-
lictueux estiment que "c'est sec.lement dans le c:.s où l' o::ercice nor:Jal
de sa mission ne lui permettrait pas d'avoir co~~~issance êe l'infraction
cO:Jmise que le commissaire échapperait à la ré~rs~3ion" (2).
C'estégale;:ent la oosition affichSe ==r certaines j~riêic
tiens du fond qui se contentent de relever la n~ :'li~ence, la care:lCO O'cl
les fautes commises par l·~ co::r1issé'.ire aux compts s :13,ns l'exercic', d,-
sa nission pour le conàaT:!ner (3). Et b. cou;:-~.: 3.:::)(,1 :1e ?aris 3. a1JDorté
tOèlt le poids de son autorité ~. cette SO~.U-:;'iO~l. ":"le a .:y, ef.'o"t rSDondu
i U~ commissaire aux cor.1ptes cui Dr3te~d.:::.it :J.VC~~" j_:_~r~o~'ô 11 8~·~ ;-'~8n::8 C~9S
fE·.~.ts délictueux dont la !1on r'3v61a tian lui
è.6fense est la nGGation :nêr'l8 de lé'. r.issio,"" ::lu c=:-".i'330.i::o'.' [Cm: c;œ1)tes ...
p:oofession que les vérifications du canr::issairs ~'.::: CO::.ut83 30i~~::.t ef.:3C-
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les faits délictueux c:cnt il D. co~n:.iss3.n.ce
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de routi~2 ... II ne saurait donc sc !1ettre t l'ab~i
de 3~ ~~Gligence
Dour i?1VOC:"1:::r sa bonne foi .•• Cette dcr:1ière notion suppose que :!iur le
)lan ~ro~essio~nel les oblisations ~u comnissaire aŒ~ coc~tes ont 6t6
:=.1;.'') - =;:--: effet
le commis :3:::ire e.ux comptes étant W1 ;rofessionel ~
il ~8Ut 8t~9 tenta~~ ~le con2idtre~ qu1il est des choses q~lil ne peut -
pas i.';no~:"Gr. De ~)l1).s.
il I:-F~-..;.t T-J2raître choquant ~ du point ,::'e 't»ue~ ~e
l'6q~~tG,~~ con~~D~er celui ~ui a acc08pli correctement ~a nission et _
d; 3.ccord..r:r Jl...LYJ.8 "prine" :~ le. néslige~ce ~ U~ autre en le relaxant des pour-
lui.
en r~isQn de cette n~gliJence. "l~serait-ce
r;as ·)uvri:, 12. voie ~" ti"OD è.' aeu2 qu ~admettre qu' lli'1 commissaire au;( cOl':ptes
i[no!'erL'.i"~ ce que ]J!'écis3;;]ent con''::e tel, il ne devait pas ~sno!?er ? La
profession -- et le profil-- sont lQ source d'une respons~bilité particu-
li::r8, qui 8:-Jpêche le ?D;J.fessionnel de til"'er argument de ce qu l.il nia 2)2.3
re:lpli sa ~~ssio!l" (2). O"i ,peut !g:J.le:lent penser qu'une solution aussi
s,~"ère, incite!'ai t les comnissai!'es aux cOuptes à accompli:- leur nission
Qe contLôle avec le plus de riGueur possible ct qu'elle favoriserait
pal' co::tscc:..,~e~t la découverte Ges 6.éE ts commis dans la soc~été (J). L' i:i-
pl"Jdenco O'C: 13. n5;li;:;e"'lnCe èu co:n:"issaire au;( comptes seraient donc lI~tS_
si:lilées l l'inten.tion frauduleuse (4) sclon un "principe oonvenable per-
;]ctt.::..~t~ C~G..~'1S cert.aines cor:cli tio:ls, è.e s.3.~lctio2.1ner tL'1 coc}:ortement :Jrofes-
sionnel 1~6~ectueuxll (5)
( 1) ~)f'l"Y"~ ""' 1 ~
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1 Cj"O .,-.".~.,..
~"""_...Lu,
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(3'
J. Lt~2JI:~. Droit p6nnl des affaires, A. COLI~ 1970 ~. 280 et S
(;21 ~-_;L~:1'~,:: _~_\\~~'J.;Y,O~).
cît.,loc. cit.
(4) "r~~
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408
850 - Ces arguments n'ont pas convai~cu la majorité de la doctrine.
Celle~ci se prononce en faveur de la "elaxe du commissaire aux comptes
négligent
-(1) C'est également la position adoptée par la majorité
des juges du fond, spécialement dans les décisions les plus récentes.
(2)
Mieux, la chambre criminelle vient de statuer dans un arrêt où il
est noté que 11 la cour d'appel constate qu'il n'est pas établi que
durant l'année où le prévenu a été commissaire aux comptes de la société,
il ait eu connai3sa~ce des faits délictueux dont la non révélattn lui
est reprochée. En conséquence, le pourvoi
formé contre la décision
de relaxe est rejeté:'
(3)
851 - C'est que les arguments favorables à cette solution sont autrement
plus convaincants. Elle semble plus conforme à la loi et plus conciliable
avec le principe de la légalité des délits.
(1) PATIN CAUJOLLE. "IOP' cit. p.326; L.CONSTANTIN,op.cit, p.848,
LAUNA~et ACCARIAS,o~ ci~,n° 391 p.342. HEMARD,TERRE ET MABILAT,
op.cH/n° 1018 p.8II( et n° 1062 p.849; TOUFFAp) ROBIN.,op. ci t."n °519
GUYON et COCQUEREA~ op.cit~n° 323 p.249; GAROLA &iuglaris,J.Cl.
L.pén spéc société fasc. F. 139j Ch.PINOTEAU,op.cit./n° 505 p.287;
SANANIKONE,op. cit.,p.I84; CONSTAN?IN et GAUTRAT.opLcit.,n° 663
DUPONT DELESTRAINT,op. cit/n0605~ he JUGLARiet IPPOLITO, Droit com.N D758
ROUSSELET et PATIN, op. cit..,n D 268 et 354; LAUNAIS
et BOKOBZA, art. préc;in 1
CP. 1965 p.II, ROBERT, Ency DALLOZ, Droit pén. V société n° 174 j
P.BOUZAT, RD!.com.I980 p.848i T.?~RRE, La révélation des faits
délictueux par le commissaire aux comptes,e~ et compta 1973 p.27
,
~
JC.BOULAY,art pree ~ Rev soc. logO N"14 p.450·- GaRE, l'aff.du C.N.L...
,
)
1
pree.
(2)
DIJON,24 juil 1980,3 arrêts et ~ corr.CHALON S!SAONE,14 janv.I980,
BG~CC 1980. 312; NANCY,29 juin 1?~2,RC~ .C.C. 198I.296;rev.soc.I982, 840
T.Cor~ CARCASSONNE,30 janv.I982/L13j BOURGES, 24 fév 1983, BNCC 1983, 238
PARIS,14 janv.I985,BCNCC, 1985 p.230 et la note E.du PONTAVICE.
(3) Crim , 21 Mars 1983,BCNCC 1983, 238; Rapp.Crim,6 déc.I982,bull.JOLY
1983, p.n Crim,12 janv.I981 D.!061. 348 note J. /COSSON. J.CP. 198I.II.
19660 note Y,GUYON Rev. soc.I98I. ;12; note BOULOC; 9 mars 1981,
bull. JOLY 1981 347
409
En effet, la loi ne
fait délégation au commissaire aux comptes
de révéler que les faits dont il a eu connaissance (1). La légis-
lateur n'a pas entendu sanctionner pénalement les négligences, ce
qu'il peut commettre dans le cadre de sa'~mission. Pour cela il
a prévu des sanctions disciplinaires et des sanctions civiles.
La solution qui consist'~rait à lui refuser le droit de se prévaloir
de sa négligence pou,r s' e:il:onérer de sa responsabité pénale :.({2)
ré'ulterait d'une confusion entre responsabilités civile, disci-
pliaaire et penale (2). De ~lus. on fait remarcuer que cette con-
cepti"n serait d'aprlJcatjnn trop délicate voire impossible "La
l,otion de dilieence normale ne comporte que des définitions sou-
ples adaptées aux circonstances et contlngences. Il est imposslble
d'en iéterminer la nature d'une fa~on assez claire pour constituer
le critère d'une responsabilité penale ()".
Il semble donc que le commissaire aux comptes qui n'a
pas connu l'existence de l'infraction parce qu'il n'a pas accompli
les charges de sa mission doive être relaxé.
852 - A fortiori, la solution qui consisterait à mettre à la charge
des commissaires aux comptes une véritable présomption de connaissance
de faits délictueux commis au sein de la société n'est-elle pas ad-
missible ? D'abord, et on l'a souvent dit, le commissaire aux comptes
n'est pas un auxiliaire du parquet. Il n'a pas à rechercher les faits
délictueux, la répression ne peut donc pas être considéŒe comme Il la
sanction d'un pouvoir juridique de vigilance n (4) qu'il n'a pas en
l'espèce. Il ne peut ni préveni~ ni empêcher la dissimulation d'un
fait délictueux. Vu l'ex~Yême.
,difficulté de prouver le fait néga-
tif de l'absence de connaissance - on a parlé de preuve diabolique (5) -
une telle présomption aurait pour conséquence de mettre le commis-
saire aux comptes dans l'obligation de révéler tous les faits dé-
lictueux commis dans la société,obligation irréalisable.
(1) sur l'importance de la forme grammaticale : passé anté::'ie'"r au
lieu de passé siœple - V.D.VIDALJo~ cit~n° 412 p.313
(2) E.du PONTAVICE noteJ/PARIS,12 juil.I979)B.~~~~. 1979,331 également
j
BCNCC 1985,220 jD."JIDAL,OP·Cit;no4I6 p.317
(3) D.VIDAL/op.cit.\\ Loc cit; E.du PONTAVICE
~Ç.J97J,p.337 ct
1
BCNCC 1985, 230.
(4) A.CHAVANNE et M.C. FAYARD.)Les délits d'imprudence, rev.s~c.crim
1975, p.I
(5)
D.VIDAL,op. ci~1no4I6 p.316
410
Or, comme l'a souligné le pro:'esseur DU PONTAVICE " pénalistes et
criminologues savent bien qu'~~e politique répressive doit tenir compte
des circonstances et qu'il n'9st pas possible de réprimer pénalement
l'inéxécution d'une obligation dont l'exécution est irréalisable" (1)
853 - Du reste, ni la présomp~ion de connaissance, ni la sanction
de la négligence ou de la car9nce ne nous sernble.mécessaireçpour
assurer une répression efficace du défaut de révélation de fait délictueux.
En raison du système de l'intime conviction utilisé en matière de preuve
pénale. Sans doute ne s'agit-il" pas de rechercher quelles diligences
le commissaire aux comptes aurait dû accomplir ... Il s'agit de déterminer
quelles diligences il a faites et d'examiner si dans ~es diligences
réellement effectuées i l a rencontré le fait délictueux" (2). Mais on ..
est bien en droit de penser que l~ commi3s~ire aux comptes a normalement
exécuté
sa mission. Aussi est-il logique que les juges puissent affirmer,
sans nécessairement rechercher dans chaque cas les diligences effec-
tivement accomplies, que le commissaire aux comptes a dû connaître
ou " n'a pu ignorer" l'existence du fait délictueux. On peut présumer
qu'il a effectivement accompli les diligences prévues par" le code
des diligences normales " publié par le conseil national des commissaires
aux comptes; La preuve de la connaissance peut également résulter
d'un aveu (4) ou d'un témoignage (5) des faits dont la non révélation
(1) E.DU PONTAVICE,délit de non révélation des faits délictueux et
preuve de la connaissance des faits .•,B.C.N.C.C. I974 n016 p.416
E.DU PONTAVICE,note préc.)3CNCÇ. I983 p.240·Rap~.D.VIDAL op.cit.
n0 417 p 318
J '
1
PARIS)15 janv I964,aff du C.N.L.préc; T.Corr.PONTOISE,14 janv.I974
B.C.N.C.~ I974 Obs. E. du PONTAVICE
T.G.I.PARIS,8 mai I979,prsc.
T.Cor~ LYON)9 Juil.I975 ~r2c.
J -
411
.'
lui est reprochée et met expressément la preuve de cette connaissance
à la charge de la partie poursuivante (1). Cette preuve, comme en
toute matière pénale, peut être rapporte'e par tous moyens. Elle
peut résulter d'un aveu (2) ou d1un témoignage (3) mais aussi de simples
indices (4). En raison de cette liberté de la preuve, les décisions
qui affirment que le commissaire aux comptes " a dû connaître " ou
" n'a pas pu ig::orer " l'existence (5) du fait délictueux ne nous
semble pas critiquable à condition que cette affirmation soit
basée sur l'appréciation concrète des éléments 'de l'espèce tenant
compte des diligences accomplies par le commissaÏré aux comp.es et
non;g~lles qu'il aurait' dû accomplir,
et du caractère
plus ou moins apparent de faits délictueux.
854 - La
seconde difficulté que pose le concept de connaissance est
relative à son objet. Le Ministère public doit-il prouver que le com-
missaire aux comptes a eu connaissance de l'existence de tous les
éléments constitutifs de l'infraction, y compris l'élément intentionnel
dans le cas où celui-ci est exigé ? Les termes de la loi ne sont ici
d'aucun secours, car ils peuvent être interprêtés dans les deux sens.
On peut dire avec certains-auteurs que le fait n'est réellement délictueux
que s'il a été commis volontairement et que, par conséquent, les
commissaires aux comptes ne peuvnnt être tenus de le révéler que s'ils
savent que l'intention délictueuse existe chez son auteur. A llinverse,
on peut répondre que le commissaire aux comptes nia ni à se prononcer
sur la culpabilité d'un prévenu ni surtout à dénoncer
une personne.
Il n'a à révéler que des faits qui pourraient prendre le caractère
d'une infraction. Ces deux argutments se valent à notre avis.
(1) DIJON124 juil.I980,3 arrêts P4:N~,I980.312 note du PONT~G~~;
NANCY 29 juin 1982,précjDIJON,13 janv 1984, ?~iC~. 584 p.92 note du
PONTAVICE; crim., 10 DEC. 1982, bull. JOLY 1983 p. 71: crim 1l12 janv 1981;
D.8I.348 note J COSSON; ~CP. 1981.11.19660- note GUYON'- rev.soc,
1981.612 note BOULOC~9 Mars 198~ bull. JOLY 198I.347i~ARIS/Î4 janv
85,B.C.N.CC.I985 p.230 note du PONTAVICE.
(2) T.G.I,PARIS,I8 mai 197~ préc.
(3) T.Corr LYON,9 Juil.I978,préc.
(4)
TOUFFAIT ROBIN ...,op. cit. 519. PATIN CAUJOLLE,op cit ,p.326
Plus réserve J.LARGUIER,op.cit.p.300
(5) PARIS,15 janv. 1964 aff ~ préc.) T.Corr,PONTOISE/14 janv.I974~
BCNCC.I974 p.406 obs. E.DU PONTAVICE
412
855 - Il faut donc chercher la solution de ce problème dans la
volonté du législateur. Or raisonnablement, celui ci n'a pas pu penser
que le commissaire aux comptes pourrait connaître l'existence (ou
l'inexistence) de l'intention délictueuse chez l'auteur de faits qu'il
a découverts. Il ne lui a donné aucun moyen pour cela. Ainsi que l'a
judicieusement souligné une Cour d'appel (1) ses moyens d'investigation
limités et ceux qu'ils utilisent" circularisation, sondages"
ne lui permettront que rarement de se rendre compte du caractère
volontaire ou involontaire des irrégularités qu'ils peuvent constater.
De plus, on peut penser qu'en dispensant le commissaire aux comptes
de toute responsabilité (civile et pénale) pour la révélation de faits
qui, en définitive, ne seraient pas constitutifs d'une infraction,
le législateur a clairement manifesté sa volonté de ne pas l'obliger
à s'assurer de l'existence de tous les éléments constitutifs de
l'infraction. Il nous semble donc que le commissaire aux comptes doit
révéler au ministère public tous les faits matériels susceptibles
de constituer une infraction.
856 - Certains juges estiment cependant que le commissaire aux comptes
ne doit dénoncer que des faits dont la qualification pénale-est in-
contestable (2) Mais la majorité de la Jurisprudence décide qu'il n'a
pas à
rechercher
si l'intention délictueuse existe et qu'il doit
signaler au parquet tous les faits susceptibles de présenter un caractère
" suspect au regard de la loi pénale" (3) Sa position n'est pourtant
pas simple à définir, puisque d'après certaines décisions, le commissaire
aux comptes doit être relaxé si, en définitive, les faits non révélés
ne sont pas constitutifs d'une infraction, par exemple, parce que son auteur
DIJON) 13 janv. 1984)B.C.N.C.C.I984 p.93 Note du PONTAV1CE
T.Corr.CARCASSONNE,30 janv. 1980,B.C.N. C. C. 1980 p.210·Rapp.PAR1S
15 janv 1964 préc'iGORE,aff. CNL,préc
'
(3) MULHOUSE,25 mars 1983,B.C.N.QC.1983 p.357jT.corr.BESANCON,3 juil.197~
préc.Paris,26 juin 1984/B.C.N.C.C.1984 p.342 note du PONTAV1CE.
413
"
d
ho
f
,(1)
etalent
e
nne
01
• C'est l'avis du conseil national des Commis-
,
(2) •
salres aux comptes
Cette solution n'est pas juridiquement logiqt:e, si on cor,sidère ql e
'
le ccnBTtissaire aux corr.ptes doit révéler tot:s les faits sL1sceptibles de cons-
tituer une infractior. SèP.S recherct,er l'élérr.e,r.t intentionnel, le délit de
non-révélatîon est constitué, dÈ's lors que les faits non révélé.s perll\\E,t-
tent de. caractériser l'élément mëltériel d'une infraction. A l'inverse, si
l'ot·ligation de révélation doit porter sur une infraction léçaleme·r.t cor~ti
tuée, il faut établir que le cGl'niissaire avx cOlf'ptes a eu cor.naissance dE,
l'infraction dans tous ses él~ents constitutifs avant de le cor.oamner. Er
d'autres termes, l'étendue de l'ob] iga tîon de révélatîon CJ1.:i pèse sur le ccm-
missaire aux coltpte ne doit pas d€·pendre
de' la décision ultériet:re des· juge·s
sur l'exister.ce de l'inter.tior. délictueuse chez l'aute~ des faits non révé-
lés
La position de la jurisprudence peut néanmoins se comprendre dans
la mesure où elle répond à un certain besoin d'équité. En effet, il peut
paraître choquant de condamner le commissaire aux compte pour non révélation
de faits dont l'auteur bénéficie de la relaxe. On peut aussi penser qu'un
tel fait n'est pas vraiment délictueux. Il ne-l'est qu'en apparence. En
conséquence le commissaire aux comptes n'a pas pu se rendre coupable de
non révélation de faits délictueux.
857 - C'est sans doute cette même notion de justice qui conduit la juris-
prudence à exiger outre la connaissance de fait délictueux, une abstention
volontaire de révéler de fait(3). Mais cette exigence d'un élément inten-
tionnel différent de la connaissance du fait délictueux n'a qu'un intérêt
pratique limité. Le mobile de l'abstention étant différent, la mauvaise
foi du commissaire aux comptes se déduit nécessairement de la connaissance
qu'il a dut fait délictueux(4). D'ailleurs, le plus souvent, les tribunaux
se contentent de relever cette connaissance.
(1) T. corr. BAYONNE, 1er oct. 1981, B.C.N.C.C. 1982 p. 62.
(2) B.C.N.C.C. 1984 p. 93.
(3) Crim., 21 Mars 1983, B.C.N.C.C. 1983 p. 238 ; T. Corr. LAVAL, 13 OCt.
1978, B.C.N.C.C. 1978 p. 457 note du PONTAVICE
crim., 6 déc. 1982,
B.C.N.C.C. 1984 p. 80 bull. JOLY 1983 p. 7.
(4) Cf. supra. pour le délit de publication de comptes annuels infidèles
Titre l chap. II.
414
II -LE
MOMENT DE LA REVELATION
858 - Le législateur s'est contenté d'ordonner la révélation de faits
délictueux dont le commissaire aux comptes a eu connaissance. Il n'a
fixé aucun délai à celui-ci pour s'acquitter de cette obligation. Il
n'a pas non plus fixé de procédure pour cela.
859 - Néanmoins, il semble acquis que la révélation ne peut pas être
instantanée et que le commissaire aux comptes doit bénéficier d'un
délai raisonnable. La jurisprudence ne fixe, bien entendu, aucun
délai fixe et elle ne donne pas non plus.de critère
précis
permettant
d'apprécier le caractère raisonnable du délai de révélation. Il a
seulement été jugé que le commissaire aux comptes qui attend plus
d'un an avant de révéler le fait délictueux fait preuve d'un singulier
laxisme et doit être sanctionné (1) Il en est de même s'il attend
l'ouverture d'une information ou même des poursuites avant de s'acquitter
de son obligation. A l'inverse, il a été jugé que l'infraction n'est
constituée qu'au terme du délai minimum dont doit bénéficier le commis-
saire aux comptes pour rédiger sa lettre de révélation ou demander
audien~ce au procureur de la république (3)
En réalité, la véritable question qui se pose est
celle de savoir si le commissaire aux comptes peut essayer d'obtenir
la régularisation de la situation délictueuse avant d'en informer
le procureur de la république; On touche là un problème de fond important
et délicat à résoudre.
T.G.I,PARI~ 31 oct. 197~ B,C.N. c·e. 1980; BESANCON/24 Mai 1984/préc
T.G.I.PARIS(31 Oct 1979/B.C.N.C.C.I980 ~.~85·BESANCON 24 mai 1984/préc.
.
- 1
/
PARIS, 17 déc 1981/B.C.N.C.C.192~ p.284
415
~ solution dépend du rôle qu'on entend assigner au commissaire aux
co~ptes. Si l'on veut favoriser la dissuasion et la réparation rapide
~es irrégularités, il faut permettre au
commissaire de tenter d'obtenir
cette régularisation. La révélation ne serait alors que le dernier
~ecours devant la résistance des auteurs de l'infraction à amender
leur comportement (1). En revanche, si l'on veut uniquement faire du
commissaire aux comptes une source d'information pour le parquet, la
~évélation systématique de toutes les infractions constatées s'impose.
871 - En
pratique, il semble que les commissaires aux comptes commencent
souvent par demander aux dirigeants de régulariser la situation (2)
La chancellerie semble plus favorable au rôle préventif des commissaires
et à la régularisation qu'à une révélation systématique. La circulaire
:lu 13 fév. I978 indiquait qu ' " en présenœ d'irrégularités susceptibles
~e réparation (les Commissaires aux comptes) en/joignent aux dirigeants
sociaux d'y procéder puis informent aussitôt le parquet des faits
constatés et de la régularisation inter venue ".
Plus récemment, le Garde des Sceaux attirait l'attention
:les parquets sur le fait que " la prévention de la délinq uence financière
:lait êt~e organ~0~~ sans gue des mesures prématurées ou inopportunes
compromettent la situation de l'entreprise ou son existence (4)
872 - La jurisprudence également adhère largement à cette idée. Elle
considère que le commissaire aux comptes se doit avant tout, même
s'il n'a pas à se faire juge de l'opportunité des poursuites de prévenir
=-es infractions et de faire repa?"·~:' les effets de celles qu'il n'a pas
'::'.l éviter (5).
En conformité avec cette politique, i l a été jugé
~'.l'un commissaire aux comptes qui a révélé au parquet les faits délictueux
(cessation de paiement non déclarée) après avoir laissé à la société le
:c,:'1ps de procéder à une tentative de liquidation amiable, non déraisonnable
(1) J. C BOULAY, art préc./in rev. soc.t I980 p.466 n° 29
(2) DEU4AS MARTY. les chemins de la répressio~,opleit.p.IIO; JC BOULAY
art. prée. n° 29
'
(3) HD1ARD, TERRE et MABILAT,op.cit.n° 1023jJ C BOULAY,art précyn"29
J.WISNER/art.pré~/re~soc,I967 p.372
~) LAMY SOCIETE,I985 n' 1026 p 4I6
5) PARIS) 17 déc I98I/prée'jT.G.I.PARIS,17 av 1980,préc
416
et plus favorable aux créanciers (1).De même" le prévenu n'a pu se
rendre coupable d'omission de dénonciation de faits délictueux qu'à
partir du moment où il a réalisé que même sa démission dont la clan-
destinité tendait
à prouver qu'elle n'était qu'un ultime appel à la
présentation d'un nouveau bilan, n'inciterait pas le conseil d'admi-
nistration à procéder à la régularisation indispensable" (2).A l'inverse,
un commissaire aux comptes a été condamné parce qu'il s'est contenté de
faire aux dirigeants quelques observations d'incidences négligeables
sans en informer le parquet lorsqu'il a constaté qu'il n'en était pas
tenu compte (3)'
873 - Cette position de la chancellerie et de la jurisprudence
mérite
d'être approuvée. Elle est plus conforme à la mission générale qui est
confiée aux commissaires aux comptes d'amélioration de l'information et
de prévention des difficultés de l'entreprise. Elle leur donne un
moyen de pression supplémentaire sur les dirigeants pour obtenir le
respect des prescriptions légales et valorise leur rôle dans la révélation
des faits délictueux.
874 - Mais faut-il aller jusqu'à admettre qua le commissaire aux
comptes ne doit révéler que les irrégularités dont il n' a pas pu
obtenir la réparation ? Nous ne le pensons pas • Une telle solution
risquerait de conférer au commissaire aux comptes une maîtrise
de
fait de l'ouverture des poursuites. Elle n'est pas indispensable pour
éviter les poursuites inopportunes. Rien n'empêche le commissaire aux
comptes de faire au procureur de la république des observations sur
la situation de l'entreprise et éventuellement sur les risques que
lui feraient courir les poursuites si elles étaient engagées.
T. Corr ••CHALON
S/SAONE t~ nov, I9§4, prée
J
(2) PARIS,17 déc 1981/préc
(3) PARL.S, l8 Fév 1983/ préc
417
Ils en auraient même le devoir (1).
Cependant, la solution retenue par la circulaire de 1978
qui oblige le commis~aire aux comptes à révéler le fait délictueux
sans attendre l'issue de ses pourparle~avec les dirigeants en vue
...
"I!.
..
de la regularisation/nous semble pas tres heureuse. Certes, elle a pour
elle, les principes généraux et le silence de la ,10i(2). Mais une
rév é lation aussi rapide ne permettrait pas au commissaire aux comptes
de rendre compte au procureur de la république de toutes les circonstances
de l'affaire et, notamment, de l'attitude plus ou moins conciliante des
dirigeants dont le parquet devra nécessairement
tenir compte pour
apprécier l'opportunité des poursuites;
875 - En réalité, la question de savoir si le commissaire aux
comptes doit révéler les infractions régularisées peut trouver une
solution satisfaisante dans une amélioration des rapports entre le
Parquet et les commissaires aux comptes. A ce sujet, on peut regretter
que la chancellerie n'ait pas cru devoir consacrer la procéd~~e , , mise
en place par le Parquet de Lyon dès 1974 (3).Ce~!~-ci, souhaitant
Il
faire naître un climat de confiance Il avec les commissaires aux
_ comptes et établir des contacts plus fréquents et plus ::uivis avec
eux, leur recommande de privilégier les démarches personnelles au
parquet à l'envoi de lettre, non seulement en vue de la révélation
de faits délictueux mais aussi lorsqu'ils ont Il des doutes Il à
propos d'une situation donnée. L'objet de la visite GU commissaire
ainsi que la suite donnée sont
consignés dans un dossier établi au
nom de la société contrôlée. En revanche, malgré les protestations
insistantes des professionnels (4) et une doctrine favorable à la
consécration de la procédure orale (5) la chancellerie semble attacheé
à la primauté de la révélation par lettre.
Pourtant, la souplesse de
la procédure orale permettrait aux parquets de mieux suivre le comper-
te ment des dirigeants de sociétés.
(1) J.WISNERla~.préc~Rév.soc.I967'371
(2) HEMARD, TERRE, HABILAT, op. cit. n° 1023; J. C. BOULAY ,art. prée.,rev. soc. 1980
no29
(3) J.C.BOULAY,art.préc.n° 23iD.VIDAL,op.cit.n° 419 p.319
(4) Voir lettre du Président du C.N,C,C'J1Gn.ov :;:976/B.C.N.C.C.I976
400; 2 juin 197~,B.C.N.C.C.I978 p.13?
(5) D.VIDAL,op.cit.n" 421 p.321;GUYO~ et COCQUEREAU/op.cit~0324
418
876 - En résumé, il faut souligner l'usage modéré qui est fait en
droit positif des moyens accrus dont bénéficient les autorités
de poursuite, pour rechercher et punir les infractions. be fait,
Cet usage modéré des moyens de poursuite permet de circonscrire
le droit penal dans un role canalisateur. La juri~ict~on penale
n'interviendra ~ue pour les manquements les plus graves aWE obli-
gations d'information, en tenant corr.pte, fait remarquable, de l'in-
térêt de l'entreprise.
Elle ne perd cependant pas de vue la nécessité de
la répression ainsi que le montre la volonté de la jurisprudence
de retarder la prescription de l'action publique en allongeant
ses délais.
SECTION II - ALLONGEMENTS des DELAIS
de PRESCRIPTION
877 - Après l'écoulement d'un certain délai, l'action publique
J'éteint comme s'éteignent en droit civil, les droitstlu créancier
négligeant. Ce délai varie en fonction de la nature de l'infraction.
Il sera ici de trois ans ou d'un an, selon qu'il s'agira d'un délit
ou d'une contravention. La jurisprudence en général peu favorable
à la prescription (1) utilise deux techniques pour en allonger
le délai.
La première consiste à retarder le point de
départ de la prescription (§ 1), la seconde à interrompre ce
délai lorsqu'il a déjà commencé à courir (§ II).
(1) J. LARGUIERr
La procédure pénale, P. U. F. 1981 p.73
STEFANI,LEVASSEUR et BOULOC/op.cit .. N° 129 p. 124
419
§ 1 - LE
REPORT DU POINT DE DEPART
DU DELAI de la PRESCRIPTION •
878 - Le report du point de départ de la prescription est de loin le
procédé le plus couramment utilisé en droit positif pour allonger le
délai de la prescription. En principe, la prescription de l'action
publique a pour point de départ le jour où l'infraction a été commise.
La détermination de ce jour ne pose en principe aucun problème pour
les infractions instantanées qui se réalisent en un seul trait de temps.
Pour les infractions continues ou permanentes, le point de départ de
la prescription est fixée au jour où la situation délictueuse a pris
fin" dans ses actes constitutifs et dans ses effets" (1).
879 - Ces règles ne sont pas toujours respectées en ce qui concerne les
infractions relatives
aux obligations d'information. Le point de départ
de la prescription de certaines infractions instantanées est fixé
à une date différente de leur réalisation (A) et la catégorie des
infractions continues est étendue (B).
A / LE
Ri!.:PORT du POINT DE DEPART DU DELAI
DE LA PRESCRIPTION de CERTAINES INFRACTIONS
INSTANTANEES
880 - La Jurisprudence a étendu à certains'. délits d'information une
technique prétorienne éprouvée en matière d'abus de confiance et qui
consiste à reporter au jour où l'infraction a été ou a pu être découver~,
le. p.lnt d~ dé~"'r~ d~ \\opresc.nption.
(1) Crim 19 fév. 1957 bull.crim. N°I66
STEFANI LEVASSEUR BOULOC. Préc;N D 132
p.126
J.LARGUIER op.cit. loc.cit.
420
Cette technique a été étendue notamment au délit de
publication ou de présentation de comptes annuels infidèles alors que
la doctrine considère que ce délit est un délit instantané dont la
prescription commence à courir dès la présentation ou la publication'
du bilan (1).
881 - C'est ainsi que la Cour d'Appel de BORDEAUX a jugé dès 1964
" qu'il est admis par la jurisprudence pour l'abus de confiance comme
pour l'abus de biens sociaux que le délai de prescription ne commence
à courir que du jour ou les tiers intéressés et notamment les créanciers
ont constaté les faits délictueux, ou au jour du dépôt de bilan ••••
La même solution doit être adoptée pour la présentation de bilan inexact"
(2) De même, pour la Cour de LYON" en matière de présentation de faux
bilan et bien qu'il s'agisse d'un délit instantané commis dès la présen-
tation, le point de départ de la prescription, comme en matière d'abus
de confiance, doit être reportée, lorsque l'infraction a été dissimulée
ttttiMC
jusqu'au jour où elle a pu être constatée."ElIelque le délai commençait
à courir " du jour où une victime normalement dilige-.nte a eu la
possibilité de découvrir l'infraction" (3). La solution est d'autant
plus sévère pour les prévenus que la chambre criminelle abandonne la
détermination de ce jour à l'appréciation souveraine des juges d~fond
mais ajoute que ceux-ci doivent fonder leur décision sur une preuve et
non pas sur " une simple et invérifiable conjecture" -(4). Ce qui revient
en définitive à reporttr
le point de départ de la prescription au
jour où l'infraction a été effectivement découverte parce qu'en réalité
l'infraction peut être découverte à tout moment, ne serait-ce que
L.CO~STANT1NJop.cit.P.?44iJ.LARGU1ER/op.cit.~.49~iPA~1N,CAUJOLLE,
0p.clt.p.328; FOUGERE/ln J.CL. Soc. fasc.147,4 N 136
HEMARdTERRE et
J
HABILAT, op. ci t. T.l N° 496 p.492 .
BORDEAUX, 24 mars I964/J~ 1964·1.13648 Note LARGUIER
LYON,ll fév.I966/G.~ 1966.1.157
Crim~13 janv. 1970,D.I970. 345
4<'1
grâce aux investigations du commissaire aux comptes. La solution
a été récemment confirmée par un tribunal (1) mais démentie par une
Cour d'appel (2). Elle semble donc pour l'instant incertaine ••.
882 - Les principales critiques formulées contre cette solution
tiennent d'abord
aux difficultés d'application qui en résultent.
L'une de ces difficultés a été pressentie par la Cour d'appel de LYON
(3) qui souligne que fixer le point de départ de la prescription au
jour où l'infraction a été effectivement découverte, c'est faire
varier la durée de la prescription en fonction de la perspicacité de la
victime et faire dépendre son point de départ dans bien des cas
de la discrétion de la victi~e. La seconde difficulté mise en avant
pour critiquer le recul du point de départ de la prescription est
que plusieurs personnes sont susceptibles d'être victimes de l'in-
fraction et qu'il serait injuste de faire courir la prescription à
l'égard de tous dès que l'une d'elles a eu connaissance de l'existence
de l'infraction, les autres subissant alors les conséquences de sa
négligence (4).
883 - Les deux objections ne nous semblent pas très pertinentes;
La première a le défaut majeur de transformer le coupable en victime.
Les destinataires de l'information n'ont pas à rechercher si celle-ci
est mensongère. C'est aux dirigeants qu'il appartient d'établir et de
publier des comptes représentant fidèlement la situation de l'entreprise.
Il vaut
donc nieux dire que le point de départ de la prescription
risque de dépendre de l'ingéniosité coupable du délinquant.
La variation du point de départ de la prescription se faisant à
son détriment, cela, supposons-le, ne choquera personne.
(1) T.Corrj nanterre, 24 nov. I983, préc.
(2) PARIS,12 juin I984,B.C.N.CC. I984 p.494
(3) LYON,11 fev.I966 préc.
J
(4) V.F.LEBRUN, op. cit~p.256
422
Quant à la seconde objection, elle peut facilement être écartée
dans la mesure où, de toute façon " l'action, en responsabilité c,ontre
les dirigeants, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois
ans à compter du fait do~mageable ou s'il a été dissimulé de sa
révélation (1)". Ce qui est donc en cause ici, c'eat seulement la
prescription de l'action publique dont la mise en oeuvre appartient en
principe au Ministère public seul. C'est donc le jour où l'infraction
lui a été révélée qui doit être pris en compte. Les victimes n'étant
du reste nullement tenus de suivre la voie pénale pour obtenir réparation
de leur préjudice.
884 - On a également invoqué le fait qu'au bout d'un certain temps,
l'infraction devient difficile à constater et risque de devenir
par sa nature, imprescriptible (2). Il est vrai que cette conséquence
peut paraître abérante mais personne n'aura à s'en plaindre, en tout
cas pas l'auteur de l'infraction, puisque ce serait la preuve de la
réussite de son entreprise coupable. Cette conséquence nous parait
donc moins aberrante que la prime à l'ingéniosité du délinquant
que constituerait l'application des règles classiques de la prescription.
825 - L'autre type d'argumentation développé contre le repoDh; du
point de départ
de la prescription porte
justement sur la violation des
art. 8 et 11 du Code de procédure pénale (3). L'objection n'est pas
péremptoire.
En effet, il est admis que les
lois de procédure
ci to.. te, le!:! tonié"'l\\Jenc.Ui
ne sont pas soumises/tu principe de légalité (4). Il est donc possible
(1) art.247 Loi du 24 juil. 1966
(2) F.LEBRUN,op cit/p.257
(3) Ibid p.255
(4)
J.P.BRILL.,Cours de droit pénal généralJpréc.
Cet auteur estime par' ~xemple que ni le principe d'interprétation
strict, ni celui de la non retroactivitè ne s'applique a ces ~OlS.
Voir aussi ~ et vitu"op. cit.) n W 121 p. 130
42J
d'écarter leur application si celle-ci ne s'impose pas dans une
situation donnée. Or, ce sont, de façon un peu paradoxale, les fonde-
ments traditionnels de la prescription qui permettent de retarder le
point de départ de la prescription au jour où l'infraction a été
découverte.
886 - D'après la doctrine, la prescription S6 justifie par trois
idées fondamentales (1). La première, c'est l'idée d'oubli Q~ de pardon
d'après laquelle au bout d' un certain temps les victimes de l'infraction
l'ont oubliée et la paix sociale et la tranquillité même des victimes
recommanderaient que le souvenir de l'infraction ne soit pas ravivé
par les poursuites. Quant à l'auteur de l'infraction, il a , dit-on,
pu croire qu'il a été pardonné" que finalement les autorités ont
trouvé sa faute trop légère pour engager contre lui des poursuites '~
Mais il est difficile de soutenir que la victime a commencé à oublier
une infraction dont elle n'avait pas encore connaissance. Quant à
l'auteur de l'infraction, il est difficile d'admettre qu'il a pu penser
" légitimement" qu'on lui a pardonné une faute que, par définition,
il s'est employé à dissimuler. Tout ce qu'il a pu espérer, c'est qu'il
a réussi dans son entreprise. Tant mieux, s'il s'est trompé ...•
887 - Une argumentation analogue peut être développée à l'encontre
de la seconde idée qui consiste à faire de la prescription une sanction
de la négligence des autorités publiques dans la mise en oeuvre des
poursuites. Elle suppose que celles-ci aient eu connaissance- de
l'infraction.
888 -
Une autre idée consiste à justifier la prescription par la
volonté d'éviter les erreurs judiciaires qui pourraient être dues au
dépérissement des preuves. Cette idée ne peut pas être totalement
(1)
Ibid. J. LARGUIER, procédure pén~leJpréc. STEFANI LEVASSEUR et
BOULOC préc.
DEh~AS MARTY, Les chemins de la répression,
préc. p.200.
424
écartée surtout dans la nouvelle conception du délit de publication
de comptes annuels infidèles. Par ex~mple, la conjoncture et les
conceptions économiques peuvent avoir évolué depuis les faits qui
sont reprochés au prévenu. Mais le caractère essentiellemént écrit
de l'objet même de l'infraction et des différents indices qui per-
mettront de l'établir rendent le risque d'erreur dû au dépSrissement
des preuves si mince qu'il ne suffit pas pour justifer l'extinction
de l'action publique.
889 - De plus, le report du point de départ de la prescription
peut être justifié par l'art.247 de la loi sur les sociétés commerciales.
Il n'y a aucune raison de faire varier le point de départ de la pres-
cription selon que la victime décide d'agir au pénal ou au civil, ni
selon que la faute des dirigeants constitue une infraction ou une
simple faute civile.
890 - Toutes ces raisons expliquent certainement que la solution
qui consiste à fixer le point de départ
de la prescription au jour
où l'infraction a été découverte ait fait école. Certains auteurs
ont proposé de l'appliquer au délit de distribution de dividende~
fictif!> (1 )..
Quant aux rédacteurs de la loi du 25 janvier 1985, ils
sont même allés au-delà de cette solution, puisqu'en vertu de l'art.210
" La prescription de l'action publique ne court que du jour du jugement
prononçant l'ouverture du redressement judiciaire lorsque les faits
incriminés sont apparus avant cette date l'. Ce texte fixe donc le
point de départ de la prescription à une date postérieure au jour
(1) TOUFFAIT, ANDUREAU "') op. cit.Jn c 223 p.246
425
où les faits sont apparus. De plus, par un raisonnement à contrario
on peut çonsidérer que si l'infraction n'est apparue qu'après
l'ouverture du redressement judiciaire, l'action publique ne se
prescrit qu'à compter du jour 'de la révélation de cette infraction.
Il faut noter qu'avant cette loi, la jurisprudence fixait le point
de départ de la prescription du délit de banqueroute au jour de la
cessation de paiement (1)
891 - L'argument de l'illégalité est donc irrecevable, encore
moins aujourd'hui qu'hier, dès lors que rien ne justifie la prescription
rapide de l'action publique. Mais pour reporter le point de départ
de la prescription, la jurisprudence s'emploie également à retarder
le moment où l'infraction est consommée.
BILA CONSO!~{ATION de l'Ih7RACTION
RETARDEE
892 - Pour retarder le moment où l'infraction est consommée, la
jurisprudence utilise parfois la notion d'infraction continue.
Ainsi, en matière de délit d'entrave aux institutions représentatives
d'..l per.=.onnel, la
jurisprudence considère que le refus de réintégrer
un représentant du personnel irrégulièrement licencié ou mis à pied
constitue une infraction continue (2) qui se prolonge et se renouvelle
tant que le chef d'entreprise n'a pas mis fin à son refus délictueux
et ce, même au-delà de la période de protection de l'intéressé (3).
Certains auteurs ont proposé d'étendre cette qualification à l'ensemble
des infractions du droit du travail (4) ou tout au moins aux infractions
Crimi25 fév.I958/ bull. crim,noI89 p.317;GP. 1959.2.41;PARISJ 16 !IOV1956
JCP.1957.II.9700 RlD.c. 1957, 188; crim., 10 janv.I965/ G,P.1.360
.1
Crim~23 av.I970,J.G.P, 1970.11.16486 note MICHAUD; D. 1970, 628
Grim. 4 oct. 1973, bull. Grim. n° 346 i D.1973, l, R,l209
G.LEVA:.lSEUR,OP. CIT. N° 37
426
..'
d'omission (1) • Ces auteurs estiment que l'état délictueux persiste
tant que l'obligation légale de !aire ou de ne pas faire n'a pas été
exécutée. Ainsi, du refus d'organiser les élections des représentants
du personnel ou de réunir le comité d'entreprise ou encore d'informer
ce comité par exemple sur un plan de redressement.
893 - A vrai dire, la question de savoir quelles sont les infractions
qui présentent le caractère continu est mal résolu. La loi est généra-
lement muette et la doctrine
jus tifie l'existence de cette catégorie
d'infraction par la réitération de la volonté coupable de son auteur (2).
Mais, en réalité, bien des infractions considérées comme des infractions
instantanées sont dans la même situation. Ne peut-on considérer par
exemple que le voleur réitère sa volonté délictueuse tant qu'il se
comporte en propriétaire de la chose volée? N'en est-il pas de même
en cas d'affichage irrégulier, tant que les affiches demeurent et, en
cas de publication d'une fausse information, tant que celle-ci n'a
pas été démentie ?
En réalité, l'eXistenCE!
de cette-catégorie d'infraction
se justifie par la volonté des magistrats de re-'fùrcer la répres~ion
notamment (3) en retardant le point de départ de la prescription pour
certaines infractions.
894 - Au demeurant, dans certains cas, en vue de retarder le mo~ent
de la consommation du délit sans recourir à la notion d'infraction con-
tinue les juges se
mogifient les éléments constitutifS, de l'infractiofl
Pour le délit de simulation ou de publication de faits
faux en vue d'obtenir des souscriptions
ou des versements·
que la prescription court à partir du jour où les souscriptions ou les
(1) PARCHEMINAL Hervé,op.cit'jP.281.Y.St JOUR/note S/ T corr.NEVERS
1979 L9
--
(2) BOUZAT et PINATEL, traité de droit péna~T.1 N° 185 p.I96
(3) Elle permet également d'écarter l'application des lois d'am:.estie
et le principe de la non rétroactivité des lois pénales.
427
versements ont été obtenus (1)
et qu'il existe autant d'infractions
que de souscriptions ou de versement, chacune d'elles se prescrivant
séparément ·(2). Cette solution-qui ne semble pas avoir ému la doctrine
est pourtant încompatible avec les éléments constitutifs de cette
infraction. Elle suppose que celle-ci n'est constituée que par
l'obtention des souscriptions ou des versements.
Or, la jurisprudence appuyée par la plupart des auteurs
considère que l'infraction est constituée même si elle n'a pas permis
d'obtenir des souscriptions ou des versements, dès lors que la simula-
tion ou la publication a été faite dans ce but (3~ L'infraction
est donc constituée en tous ses éléments dè61'acte de simulation
ou de publication. C'est donc à compter du jour de cet acte que
la prescr'iption devrait commencer.
895 - A l'inverse, la solution adoptée en matière d'escroquerie
ou d'usage de faux, nous semble plus conforme aux règles de
prescription du code de procédure pénale.
En effet, la jurisprudence considère que la pres-
cription du délit d'escroquerie ne court qu'à partir du jour de la
dernière-~emise de fonds. De même, il a été jugé que le délit
d'usage de faux se prescrit à compter du jour du dernier usage
délictueux (4). On a parfois expliqué cette solution par l'idée
que chaque acte d'usage interrompt la prescri~ption et fait courir
un nouveau délai (5). Mais cette explication n'est pas très con,-
vaincante. L'usage de faux et, pensons-nous, l'escroquerie, font
partie de cette catégorie d'infraction que la doctrine appelle infrac-
LIMOGES}13 Juin 1899,J Soc.I890 p 233
Crim.,15 fév 197?J Rev.soc. 1917 p.I7; 16 nov.1920,J.Soc. 1921, p.248'
26 janv. 1932 S • 1939 l' 49
1
J
cf, supra. fi".. SS'" \\a~ I!I~.:>
Crim 27 janv 1970)1 somm
l
21j11
juil.1971,bull.crim.no231j 9 mai 197<)
bull.crim.n° 141; 13 Oct. 1978 D.I979 I.R.,42 H.PUECH
J
J
(5) Crim,15 nov. 1973 Bull.crim.n° 422
J
(6) Y.LESEC., La constation des infractions et la poursuite in La
responsabilité pénale du fait de l'entreprise préc.p.I65
4~
tions continu~e~ Celles ci se caractérisent par le fait qU'il y a
une pluralité d'actes identiques mais chacun de ces actes pris iso-
lément constitue une infraction (1). Il n'y a donc pas lieu de
recourir à l'idée d'interruption pour expliquer la fixation du point
de départ de la prescription au jour du dernier usage ou de la dernière
remise. Il y a en fait concours réel entre plusieurs infractions
absolument identiques qui se prescrivent indépendaamment, chacune
à partir du jour où elle a été commise. La solution adoptée par la
jurisprudence revient en fait à ne prendre en compte que la dernière
de ces infractions.
896 - Il faut signaler une voix discordante _ dans cet ensemble juris-
prudentiel défavorable à la prescription de l'action publique.
La cour d'appel de Paris a récemment jugé que le délit de publication
de bilan inexact se prescrit à partir de la mise à
disposition des
actionnaires quinze jours avant l'assemblée générale et que la présen-
tation ultérieure du même bilan lors de l'assemblée générale ne peut
entraîner le report du point de départ de la prescription (2). Cette
décision est à contre courant de la doctrine qui considère que le
délit se renouvelle c~aque fois qu'il y a un acte de publication ou de
présentation (3) ou qui propose de faire de ce délit un délit continu
qui 2e poursuivrait tant que le bilan resterait à la disposition des
associés au siège social ou au lieu de la direction administrative(4J.
Ce qui n'empêche pas certains auteurs de la juger conforme à la
légalité
"
897 - YLais il est permis d'en douter. Nous ne voyons pas comment deux
actes différe~~s accomplis peutêtre en des lieux différents et sùrement
à des dates différentes pourraient se fondre et constituer une même
infraction simple. La solution est d'autant plus contestable que la mise
à dispor,~tion et la présentation à l'assemblée générale répondent à deux
obligations légales sans doutel complémentaires mais bien différentes.
(1) J.P.BRILL.,Cours de droit pénal généra\\ préc.
(:2). FARIS}12 Juin I984/préc.
(3) PATEr, CAUJOLLEJop. cit. p.329;J 11 ROBERT/rép.DALLOZ Dr oén.Vo soc.N°207
(4) F.L~BRUN,op.cit.
Note E.du PONTAVISE/S/PARIS }12 Juin I984'iRapp:DEUftAS !·IARTY,- droit
pénal des affaires/n° 53
4c9
§ II - L'ALLONGlli{ENT DU DELAI DE
PRESCRIPTION PAR INTERRUPTION
898 - Lorsque le délai de prescrieption a commencé à courir, il est
encore possible de retarder son expiration.
Il peut être suspendu parce qu'un obstacle de droit
(immunité parlementaire par exemple) ou un obstacle de fait (guerre .••• )
entrave la mise en oeuvre de l'action publique. Le délai suspendu
recommence à courir à partir du point où est intervenu l'évènement qui
a fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique. Mais
cette modalité d'allongement de délai de prescription ne présente ici
aucune originalité.
Le délai qui a oo~~encé à courir peut aussi être in-
terrompu. Cette interruption intervient à la suite de tout acte de
poursuite ou d'instruction et a pour effet d'effacer le temps déjà
écoulé et de faire courir un nouveau délai (1). L'interruption a
donc une portée plus grande que la simple suspension et la jurisprudence
dans sa volonté de renforcer la répression s'emploie à en multiplier
les causes.
899 - En principe, l'acte de poursuite ou d'instruction ne peut
interrompre la prescription qu'à l'égard du fait délictueux concret
et précis qui a été visé par cet acte
(2). Pour étendre l'effet
interruptif, la jurisprudence utilise la notion de connexité.
(1) STEFANI LEVASSEUR et BOULOC/op.ci~Jn° 136 p.136
I1ERLE et VITU
op cit n° 894 p.672 n° 696
(2) Crim.}8 fév. 190I)D.1903 .1.574 ; 15 mars 1972, bulLcrim. n° 107
430
Elle étend alors l'effet interruptif de la prescription à des
infractions connexes à celles qui ont été l'objet de l'acte d'i~s
truction ou de poursuite. A notre connaissance, cette notion n'a
été utilisée qu'en droit pénal des affaires. Mais l'aspect le ~:us
intéressant de cette jurisprudence est qu'elle semble adopter Q~e
conception très extensive de la notion de connexité surtout en ce qui
concerne les infractions relatives aux obligations d' informatio:;.
900 - C'est ainsi qu'il a été jugé que l'effet interruptif d'une
plainte avec constitution de partie civile visant en des termes
généraux les agissements frauduleux des gérants ou des administra-
teurs doit être étendu à tous les actes délictueux commis par
ceux-ci (1). Mieux, parfois, la chambre criminelle n'exige même
pas que ces agissements soient visés dans leur généralité et considère
qu'un réquisitoire interrompt la prescription de tous les faits
délictueux des dirigeants de société (2). Elle considère donc que
t rrxtesles infractions commises par les dirigeants de société sont con-
nexes 1
Bien entendu, les infractions aux obligations d'infor=ation
bénéficient
de cette sévèrité.
901 - En ce qui concerne plus spécialement celles-ci une divergence
est apparue en jurisprudence sur le point de savoir si le délit
de non révélation de faits délictueux ou de confirmation d'informations
mensongères est connexe avec l'irrégularité non révélée. Pour le
tribunal correctionnel de NANTERRE l'interruption de la prescri?tion
du délit de présentation de faux bilan entraîne automatiquement
d<. ~;(.
l'interruption/du délit de confirmation d'informations mensongères
en vertu de l'art. 203 du Code de procédure pénale dont l'énunération
elltQiSon
n'est pas limitative et/des liens étroits existants entre les jeux
(1) Crim.,12 Mars
1936,G.P, 1936.1.829; 17 déc. 1936,G.P.1937.I.I92 ; 23 dé,
1940lD 1941.J. 59 Note DONNEDIEU DE VABRE; 22 Oct.1970/Rev. soc.I97I
399 note BOULOC.
(2) Cri~8 déc. 1965 G.P. 1966.1 ~12, 13 nov 1969 D.1970.16.7; J.C.P.I97ü
1636~ note B1; 25 nov.1949, bull.crim. Na 314: DOUAI 5 janv.I985
C.P. 1985 somm.16
1
/
# :
431
infractions (1). A l'inverse, celui de SAINT NAZAIRE a jugé que le
délit de non révélation de fait délictueux a un caractère autonome
et que l'interruption de la prescription
des délits de banqueroute et
de présentation de bilan inexact ne peut s'étendre à ce délit (2).
902 - Cette divergence jurisprudentielle a le mérite de mettre en
évidence les dificultés d'application de la notion de connexité.
Son utilisation en matière de prescription est parfois critiquée.
Le Professeur E. du PONTAVICE en particulier souligne qu'il suffit
en définitive de renouveler de temps en temps des actes de poursuites
pour créer une sorte d'imprescriptibilité et que cette solution est
contraire à l'art.? du Code de procédure pénal. Il n heurte de front
l'idée d'oubli et de dépérissement des preuves n (3). Mais nous avons
déjà fait justice de ces critiques à propos de report du point de
départ de la présoription
et l'essentiel des arguments que nous avons
alors développé reste valable, sauf à ajouter qu'il est difficile de
parler d'oubli alors que justement des actes de poursuites ou d'instruction
sont accomplis. Et puis, i l Y a là une -eertaine exe..s;èration laissailt
croire que les autorités judiciaires font preuve d'acharnement répressif.
903 - Il reste néanmoins que l'extension de la partie de l'effet
interruptif des actes de poursuite en cas de connexité ne se justifie
que par des raisons d'opportunité de la poursuite. Il s'agit tout
simplement d'éviter qu'à raison de leurs particularismes certains faits
délictueux ne demeurent impunis.
A ce titre, elle complète assez bien la technique qui con-
siste à retarder le point de départ de la prescription, toutes les
deux ayant pour effet et sans doute pour but, d~viter l'obstacle à
la mise en mouvement de l'action publique que constituerait la
prescription.
(1) T. corr. NANTERRE 24 nov. 198~ prée.
I
(2) T.corr.iSAINT NAZAIRE J18 Déc I98I/préc.
(3) F. du PONTAVICE/S! VERSAILLES/5 Juil.I984JB.C. N.C.I984,p.503
(4) cf. supra.
904 - Ainsi, nous avons pu constater de nombreuses dérogations
aux règles ordJ-naires cOl1cernant les poursuites aussi bien en
ce qui concerne
la prescription qu'en ce qui concerne les moyens
d'investigation et de poursuite. Ce qui est frappant dans l'attitude
du législateur et de la jurisprudence en ce domaine, c'est qu'elle
aboutit en définitive à renforcer dans la plupart des cas, la maîtrise
du ministère public sur l'opportunité des poursuites, maîtrise qui
lui permet de saisir les tribunaux seulement quand la sanction
pénale
est
utile.
431
CHAPITRE I I : LES SANCTIONS
~03 - Les obligations d'information imcoQbant au chef d'entreprise
sont Garanties
Fardes sanctions très diverses.
Leurs violations peuvent entraîner l'application de sanctions
civiles. Le défaut de convocation d'un associé ou d'un administrateur à
une assemblée générale ou une réunion du conseil d'administration peut
être une cause de nullité de cette assemblée (1) ou de cette réunion (2).
Si la violation a causé préjudice à un tiers, le chef d'entreprise sera
condamné à r~parer ce préjudice et la victime pourra intenter son action
devant les juridictions pénales (3).
La méconnaissance de ses obligations d'informations par le
---
-
-
chef d'entreprise peut également entraîner des sanctions administratives
refus de visas ou radiation de la cote par la C.O.B., refus d'autorisation
de licenciement ou annulation de cette autorisation.
~04 - Bien entendu, nous ne nous étendrons pas sur l'analyse de ces
sanctions qui sortent du cadre strict de notre étude. D'ailleurs,
la
plupart d'entre elles frappent plus l'entreprise que le délinquant, ce
qui réduit leur force dissuasive et les rend incompatibles avec le dessein
de sauvegarde.
des intérêts de l'entreprise que nous·croyons déceler dans
les textes législatifs et réglementaires ainsi que dans la jurisprudence.
905_ A première vue, ce dessein est en parfaite harmonie avec un
principe fondamental du droit pénal : la personnalité des délits et des
peines. ~~is, en pratique, cette harmonie se révèle difficile à mettre
en oeuvre et il est à craindre qu'en définitive, l'entreprise ne subisse
en même temps (plus ?) que le coupable les conséquences de la sanction
(1) Corn. 6 juil. 1983 D. 1983 I.R. 176 rev.soc.1984.76 note GUYON
(2) T.com. Seine 8 janv. 1954 D.1954 Somm.52 ; G.P. 1954.1.251 ; Corn. 13 mars
1979 Rev.soc. 1979 828 note 11ERLE
(J) Cf. supra fi'· \\3 \\ \\ ~r s,
434
pénale. Comment éviter ce risque et faire en sorte que la san?tion pénale
soit réellement dissuasive? C'est à cette double question que nous essaie-
rons de répondre en examinant d'une part les peines principales (Section 1)
et d'autre part les peines accessoires(Section II).
SECTION l
LES PEINES PRINCIPALES
906 - Lorsque le juge reconnaît la culpabilité du déliquant, sauf
dispense de
peines qui n'est possible que dans des conditions très
strictes
ou
excuses absolutoires, il ne peut s'empêcher de prononcer
une peine principale. En matière d'information, cette peine principale
est en principe composée soit d'une peine de prison soit d'une peine d'a-
mende soit le plus souvent des deux. On a souvent mis l'accent sur
la
sévérité (excessive ?) des peines principales en droit pénal des affaires
et plus particulièrement en matière d'information. Mais cette apprécia-
tion doit être au moins atténuée. En effet.~i le législateur parait très
sévère (et encore) C§ 1).6e n'est pas et tout le monde s'accorde à le dire
le cas de la jurisprudence qui se montre (trop ?) indulgente-(§ 2).
§ 1
LES PEINES PRINCIPALES PREVUES PAR LE LEGISLATEUR
,901- L'une des critiques les plus couramment formulées contre les
infractions relatives à l'information concerne la sévérité des peines
légales dont elles sont assorties. Mais ce qu'on a présenté comme
une
~~rque de sévérité (A) relève peut être d'une préoccupation plus noble
l'adéquation de la sanction aux spécificités de l'entreprise (B).
435
, .
A - L'apparence de sévérité des peines légales
90S _ Les auteurs qui mettent l'accent sur la sévérité des sanctions
qui peuvent frapper l'auteur d'un délit d'information en retiennent géné-
ralement deux aspects: l'existence de peines privatives de liberté et
le taux relativement élevé des peines prévues (1).
909 _ En ce qui concerne les peines d'emprisonnement, il faut noter
en effet que plus de la moitié des infractions qui nous intéressent ici
en sont dotées. Plus exactement, en ce qui concerne la loi sur les socié-
tés commerciales, nous avons pu compter que sur vingt cinq infractions
treize sont Clotées de peines d'emprisonnement. t1ais il faut noter que la
plupmt (onze) des infractions assorties de peines de prison sontinten-
tionnelles ce qui permet d'atténuer l'impression de sévérité qui sien dé-
gage. Même si l'élément intentionnel peut paraitre très tenu, le risque
d'~1e sanction privative de liberté peut être dans ce cas un élément dis-
suasif important.
910 _ Reste le ta~x relativ~ment élevé du maximum des peines prévues.
Pour les peines d'emprisonnement, le maximum est généralement de six mois
mais peut aller. jusqu'à cinq ans pour des infractions telles que le dGlit
de présentation ou de publication de comptes annuels in~idèles de distri-
bution de dividendesfictif~de publication de faits faux ••. Pour l'amende
le maximum varie de 8 000 F pour les délits les moins graves à 2500
000 F
pour les délits les plus graves,le maximum étant quand même de 60 000 F)en
gé:né'·QI.
Ces maximums paraissent sévères surtout si on les compare avec
des infractions du droit pénal commun. Ces taux maximums sont parmi les plus
élevés qui existent en droit français.
911_ A ce propos, on remarquera que les maximums des peines d'empri-
sonnement des infractions les plus graves, c'est-à-dire,pratiquement,celles
(1) J. LARGUIER, op. cit./ p.14iF.LEBRUN, op.cit., p.266
4)6
.
1
qui punis3ent la diffusion d'une fausse information correspondent en géné-
ral à la limite des peines correctionnelles qui so~t également de cinq ans.
Il faut également constater que pour le législateur, il peut être noins
grave d: 'organiser une en~~nte prohibée (1), un abus de confiance (2), ou
un "01 simple (J) que de publier de faux comptes annuels, de distribuer
des dividendes fictifs (4). De même, l'entrave aux contrôle et vérification
du conmissaire aux comptes (5) paraît plus sévérement punit que le refus
collectif de l'impôt par voie de fait menaces ou manoeuvre concertée (6).
Le commissaire aux comptes lui même peut être
plus sévérement puni s'il
confirme des informations mensongères ou omet de révéler au procureur de
la république des infractions
dont il a connaissance (7) que n'importe
quel autre citoyen qui omet de fa~re aux autorités publiques la révélation
de certaines infractions (8) ou en' faveur d'un ir~ocent (9). Cette liste
,
pourra~t encore être
rallongee, mais contentons nous de relever que dans
le code pénal, les infractions d'omission surtout lorsqu'il s'agit d'in-
fraction involontaire, sont rarement aussi sévérement punies que celles
qui se rapportent aUX obligations d'information,
912 - Contrairement à une idée reçue, cette sévérité relative des
peines •.légales n'est pas propre au droit français. En Grande Bretagne,
l'omission ou la tromperie faite sur un prospectus peut être punifde deux
ans de prison et (ou) t 500 et la peine de prison peut atteindre sept ans
(1) art.59 ordo du 30 juin 1q45
4 mois à 4 ans, 120 à 400 000 F
(2) art. 408 du C.f.
2 mois à 2 ans, 3 600 F à 2 500 000 F
(3) art.42 de C.P.
an à 5 ans, 3 eoo à 80 000 F
(4) art.437 loi du 2~ juil. 1966
a 5 ans, 2 000 à 2 500 000 F
(5) a r t . 4 5 8 " "
" 1 à 5 ans , 2000 à 1 20 000 F
(6) art.1747 CGI 3 mois à 2 ans, 3 600 à 60 000 F
(7) art. 457 loi du 24 juil.1966, 1 à 5 ans 2 000 à 120 000 F
(8) 1 :nois à 3 ans,
.360 à 20, 000 F
(9) 3 mois à 5 ans, 300 à 20 000 F
437
.'",. :.:::
si la tromperie est volontaire (1), alors qu'en droit français la peine
maximale sera en toute hypothèse de cinq ans d'emprisonnement pour la même-
infraction. On notera qu'en plus, dans le système
anglais le taux de l'a-
mende est très souvent laissé à l'entière discrétion du juge (2). De même,
on a pu constater
.J.'
en droit canadien et en droit
allemand une plus grande sévérité du législateur à l'égard des délinquants
d'affaire qu'envers ceux de droit commun (3).
Et si l'on se réfère aux peines prévues par le legislateur
japonais contre les administrateurs, les commissaires de surveillance et
les salariés qui, aux dépens de la société, confèrent un avantage à une
personne en raison de l'exercice de son droit d'actionnaire, on ne peut
pas dire qU'il fasee preuve d'une clémence particulière à l'égard
des
&irigeants d'entr~prise.
Ces peines peu~ent en effet aller jusqu'à dix ans de prison
maximum et 300 000 yens (~). La peine maximale prévue pour le délit d'aWus
de biens sociaux n'est que de cinq ans !
~1J
Il n'en demeure pas moins que la gravité relative des peines
prévues ,par le législateur est difficilement contestable. Mais cette
gravité
troll~e peut être sa justification dans une volonté d'adapter
ces peines aux particularités de l'univers "entreprenarial·.
B
L'adéquation des peines légales aux spécificités
du monde de l'entreprise
§14 - La gravité des peines prévues par le législateur en matière
d'information s~nsère dans le cadre d'une politique criminelle cohérente.
Celle-ci consiste, d'une façon générale, à pnnir plus sévérement les in-
(1) ROCHE PIRE, Les sanctions en droit pénal des affaires/Thèse Lille 1980
p.49
(2) ROCHE PIRE op.cit. p.51
A.TUi'IC, Le droit anglais des sociétés anonymes,
n065
(3) ROCHE PIRE op.cit. p.94 et 105
Contrôle des commissaires aux comptes et
des Wirschaftsprüfer p.204
(4) 10SFIHKO SEKI,
La réforme :lu <'rait des sociétés anonymes au Jaoon.
'~ev. Int. dr. C0r~;'. F 183, ". SEl.
438
..
~ "
fractions
dont le préjudice peut s'étendre à plusieurs personnes à la fois
ou dont les consé~uenc~s sGnt-difficiles à prévoir. C'est ainsi que les
peines maximales de l'escroquerie et de l'abus de confiance sont multipliées
par deux si ces infractions ont été commises par un individu faisant appel
au public, afin d'obtenir potIT son compte ou pour le co~pte d'une société
ou entreprise comnerciale ou industrielle, la remise de ?onds ou de valeurs.
Le but poursuivi par le droit positif moderne qui est celle de protéger
non seulement les intérê~des différentes personnes ou catégories de person-
nes intéressées au fonctionnement de l'entreprise m&is aussi de sauvegarder
l'existence de celle-ci nous permet de classer les infractions d'informa-
tion dans cette catégorie d'infraction&
'1 0(.
Par exemple, on a observé/le défaut de déclaration de cessation
de paiement et la publication de bilan inexact ainsi que la non révélation
de faits délictueux par le
commissaire aux comptes qui s'en est suivit
avait pu entraînèrdes "conséquences économiques
et sociales considérab:'..es"
dont un nombre importa~ts de créanciers non réglés et le licenciemant de
250 ouvriers (1).
915
- Par ailleurs, si le maximum des peines prévues en matière d'in-
fraction correspond
parfois à celui des peines correctionnelles nor-
males, la même observation peut être faite en ce qui c~ncerne les minima.
La conséquence de cette situation est que le juge a une marge de manoeu-
vre plus grande pour fixer la peine qui lui semble correspondre à chaque
situation infractionnelle. Cette ob~ervation rejoint celle que nous avons
faite en ce qui concerne l'amélioration des moyens de constatation et de
poursuite de{ces infractions et il apparaît que plus qu~e sévérité, il
s'agit de ne pas enfermer les magistrats dans des limites trop étroites
et de leur permettre d'infliger la peine la plus adaptée (2). La rèpression
(1) T.G.I. Perrigueux 24 nov. 1978
J
/ B.C.N.C.C. 1980 p.291
(2) En ce sens, A.BOUZAT, la réforme des sociétés commerciales/ R.T.9.
corn. 1967 p.294
439
n'en serait que plus efficace et la protection de ~ent~epri~e mieux
assurée.
~16 -Il existe d'ailleurs d'autres indices de la volonté du légis-
lateur d'adapter la répression à chaque situation. En ce qui concerne le
délit d'initié, l'a=ende peut aller jusqu'au quadruple des profits tirés
par le délinquant ;-:3.e son acti vi té délictueuse sans que cette amende puisse
être inférieure à ce profit (1). De la même façon, pour l'auteur d'Q~ [
faux en écriture privée de commerce la peine d'amende ne peut être infé-
rieure au quart des profits tirés du délit. Cette attitude du législateur
peut s'expliquer par une idée fort simple
:
établir entre le risque
couru par le délinquant potentiel et ses chances de gain un déséquil~bre
qui le fera douter de la nécessité de s'engager dans son activité délic-
tueuse. La même explication nous semble .pouvoir s l appliquer à la sanction
encourue e~ cas de violation de la procédure de licenciement collectif.
Le montant de l'amende est fixée par salarié concerné par cette mesure.
Cette explication a cependant une double limite. D'URe part, le caractère
largement théorique de la présomption de connaissance de la loi 'fait que
le délinquant ne connait pas nécessairement l'importance de la sanction
encourue avant d'agir.D'autre part à supposer qu'il connaisse le risque
qu'il court, le délinquant peut être persuader qu'il échappera à la jus-
tice (2), conviction qui en l'espèce sera renforcée par les difficultés
de constatation de l'infraction. De plus, sion a coutume de dire qu'en
I~ (,.;>nV"t.ttr de. l,mit'''''
affaire, il n'y a pas de sentiment,Icette expression au sens de pitié,
La délinquante d'affaire peut être passionnelle.(J). Passion d'argent ou
ambition, la menace de la sanction comme moyen de dissuasion risque d'être
d'u..'le.·efficacité douteuse (4).
art.12-1 ordo du 28 sept. 1967
,
DELl'lAS HARTY, Les chenins de la repression) PlIF. 1980 p.84
J.LARGUIE~ Droit pénal des affaires)1979 p.B
DEUiAS HARTY,op.cit. Loc.cit.
~~o
917
-On peut se demander si les peines de prison ou d'amende sont
fondamentalement adapté~aux infractions coomises en matière d'informa-
tion. !1ais cette question dépass8"le cadre strict du droit pénal de l'en-
mo~5
treprise et relèveldu droit que de la criminologie ou de latsociologie
juridique. Elle peut en effet être posée à propos de n'importe
quelle
infraction et soùlève le problème plus général de l'utilité ~ême
d'un
droit r~pressif .
. AUssi, nous contenterons nous, sans prétendre épuiser
ce sujet, de quelques observations.
La première de ces observations est que contrairement à ce qui
a été écrit (1), la condamnation du chef d'entreprise coupable à
une
peine d'amende ne nous semble pas mettre en cause les droits des créanciers
même en cas de défaillance de l'entreprise. L'amende doit être payée per-
sonnell~ment par le '.chef d'entreprise (2). Elle ne sera donc pas prélevée
sur le patrimoine de.l'entreprise, qui est le gage de ses créanciers:
l'argument nous semble d'autant plus pertinent que le législateur vient
de créer une nouvelle forme d'entreprise personnelle qui permet de disso-
cier celle -ci de la personne de son propriétaire et que la loi sur le
redressement et le règlememt judiciai~ a supprimé la présomption de faute
qui permettait, en cas d'insuffisance d'actif, de mettre facilement une
part~e du passif de l'entreprise à la charge de ses dirigeants (3). Cette
réforme, en rendant plus difficile la mise en oeuvre de la responsabilité
civile des dirigeants en cas de défaillance de l'entreprise, contribuera
à réduire le nombre des hypothèses dans lesquelles l'amende et les dettes
de l'entreprise seront prélevées sur un même patrimoine.
918' - Il reste qu'en pratique les peines pécuniaires risquent de ne
pas correspondre au principe de la personalité des peines. En
effet, il
ne doit pas être très difficile pour Q~ dirigeant peu scrupuleux ~e faire
supporter les amendes prononcées contre lui par l'entreprise par exemple
(1) F.L~BRm~op.cit.)p.229
(2) Sinon il commet le délit d'abus de biens ~ociaux.
(3) Loi 85-J8 du 25 janv. 1985, art.
~go
441
en les "noyant" dans les frais généra'J)C'
Cette préoccupation n'a pas échappé au législateur lorsqu'il
a rédigé la loi de 1972
modifian1hles peines applicables aux infractions
du èroit du travail. Le rapporteur de la commission des affaires sociales
avait alors insisté sur la nécessité pour les services du ministère des
finances d'opérer de strictes vérifications en ce domaine (1). De son
côté, le ministère du travail s'était déclaré prêt à collaborer avec le
ministè~e de l'économie et des finances "de telle manière qu'un contrême
particulier s'exerce et que des amendes qui doivent frappè~ les person--
nes ne soient transférées aux entreprises (2). Un auteur a r~cemment proposé
que le commissaire aux comptes soit systématiquement informé des condam-
nations pécuniaires prononcées contre le .chefc d'entreprise
afin qu' i~
puisse veiller à ce que de tels transferts ne puissent pas avoir lieu. (3).
Peut-être que la peur du gendarme suffira à dissuader certains chefs
d' entreprise qui auraier,t envie de procéder à une telle fraude ! Hais
nous ne pensons pas que ces contrôles quelles que soient la volonté et
la cc~pétence des personnes
qui les accomplissent, puissent permettre
de-découvrir beaucoup de tranferts illicites de peines. A moins que la
jurispruaence ne se décide à infliger des amendes 3uffisamment élevées
pour êt~e difficile à noyer dans les frais généraux. Pour l'heure, elle
se fait plutôt remarquér par la mensuétude dont elle fait preuve à l'é-
gard des délinquants d'affaire.
§ 2
'L! tœNSUETUDE
DE
LA
JURISPRUDENCE
91~
-Nous examinerons les manifestations de la mensuétude de la
jurisp~udence (A) avant de porter sur elle un jugement critique (E).
(1) Rap~ort A.N. 1972 n02343 p.12 ; M.GESSIN~R. J.O.déb. A.N. 1er juin 1972
p.2091
(2) FON!FlfET, J.O. déb. A.N. 1er juin 1972 p.2095
(3) J.L~3LORD, Le droit pénal en matière de société~ et
les a~andes
civiles/G.P. 23 janv. 1979
442
A - Les manifestations de
la mensuétude
929 - Autant la doctrine est unanime pour constater la gravité des
peines légales, autant elle s'accorde pour souligner la faiblesse de celles
qui sont prononcées par la jurisprudence contre les délin4uants du droit
pénal de l'entreprise (1).
92 ] -. Ainsi, Honsieur LEBRUlJ a pu constater que "parmi les trentes
décisions les plus récentes (qu'il a selectionnées portant condamnation
pour vi~1ation dela loi sur les sociétés commerciales, seul~quatre in-
fligent une peine de prison ferme. Toutes les aut~es sanctions privatives
de liberté sont assorties au sUBsis
pour la durée totale de la peine ...
La durée moyenne (des peines effectives) est de quinze mois; •• L'amende
la plus élevée a été de 40 000 F" (2).
B22
-De son côté, dans une étude réalisée en 1983 le service des
étudesopénales etcriminologi9-ues :onclut
à la faiblesse des conCam-
nations prononcées et précise que "la sanction type est ici la condam-
nation à l'emprisonnement avec sursis alors que les deux tiers des amendes
sont inférieures
à 3 000 F" (3).
923
-Ces indications
sont à rapprocher des peines maxima prévues par
le législateur qui sont le plus souvent au moins dix fois plus ~levées
Le rapprochement avec les peines prononcées en droit pénal commun ne sem-
ble pas démentir cette impression d'indulgence particulière puisque d'après
le S.E.P.C. celles-ci sont sensiblement plus sévères (4).
J 1LARGUI ER Droit pénal des affaires, préc. p. 14 'F •LEBRUN, op. cit' ~ _... '
,
,
Les sanctio~s pénales en droit du travaii
I
R.P.D.S. 1975 p.24
J.JAVILLIER, Ambi~alence effectivité et adéquation du droit pénal du
~ravail,Réflexion en guise d'ihtroduction,Dr.soc. 1975 p.378
(2) ?LEBRtnr,op.cit./p.229
~3) P.LASCOm·ms, Justice et délinquance d'affaire,SPEC n038 p.15
(4) Ebid. p.97
443
924 -·...Des observations identiques ont été faites en droit pénal du
travail. D'après Honsieur HARCHENINAL, un des faits remarquables du délit
d'entrave est la quasi absence de condamnati?n à une peine d'emprisonne-
mentllet lIactuellement, il,'Y a un trop grand nombre d'amendes prononcées
au taux minimum ou même au dessous de ce taux" (1). ~
'. 11n autre auteur
constate que la plupart des P.V. aboutit11à des condamnations symboliques
ou à des relaxes (1) . Ces observations sont 'confirmées par les statisti-
ques du ministère du travail ainsi que le montre le tableau suivant (2) :
-----
Nombre de
Nombres a'amendes
Année
~Minimum
Totâl
condamnation~ <Minimum
Taux
minimum
1974
6645
879
11,55 %>\\ 875
11,50 % 5850
76,93 % 7604
•
1975
9121
2311
17,88 % 1189
9,20 % 9418
72,90 % 12918
1976
8314
3229
20,05 % 1824
11,63 % 10622
67,76 % 15675 J
Ce tableau parle de lui-même en ce qui concerne la faiblesse
des peines prononcées~On peut néanmoins constater URe progression sen-
sible des peines supérieures au minimum légal qui ont pratiquement doublée
en trois ans.
~25
La nature nécessairement globale de ces études ne nous permet pas
d'en tirer
des conclusions significatives en ce qui concerne les intrac-
tions relatives aux obligations d'information: •
Dans le cadre de nos travaux, nous avons pu compter cinquante
condamnations prononcées par~es décisions relativement récentes (3)
(1) PARCHEMINAL (H),op.cit.
(2) Source, O.GODARD, op.cit., no557 qui explique la différence entre le total
des peines et celui des condamnations par Ille fait qu'un, !!l~me jugement
de condamnation (peut) comporter plusieurs amendes dans la mesure où il
sanctionne plusieurs infractions distinctes .•. "
(3) La plus ancienne date de 1975
* Ces pourcentages ont été calculés par nous.
444
exclusivement pour des infractions d'informations. AUcune de ces décisions
ne prononce
unepeine de prison ferme: l'emprisonnenent est systémati~ue-_
•
ment assorti du sULsis. Quarante p-euf des personnes reconnues coupab1p.~;
sont frappées d'une peine d'amende et un commissaire aux comptes a été
~eulement ?) frappé d'une interdictiop- professionne~le d'un an.
Les peines d'amende se rèpartissent com3e suit : on~e inférieures
aux minima légaux , six égales à ces minima et trep-te et un suprérieures
à ces mimima dont vingt trois inférieures ou égales à 10 000 F.
926-- On peut donc constater une faiblesse relative des amendes in-
férieures ou égales a~minima légaux (17Î49). Mais cela ne doit pas faire
illusion puisqu'au total quarante peines sont infér~eures ou égales à
10 000 F. Si l'on tient compte du fait que la plupart des maxima légaux
sont supérieurs ou égaux (et plutôt largement supérieurs qu'égaux)
à
20 000 F,le ~oins qu'on puisse dire c'est que les peines effectivement pro-
noncées ne sont pas trop sévéres.
927 - De plus, il faut bien se rendre cor.p~e q~e le plus souvent,
les personnes condamnées se sont rendues coupables de plusieurs infraotions
à la fois et que cette circonstance devrait entraîner une ageravation des
peines prononcées. Or, elle ne semble pas influencer considérablement les
décisions des magistrats.
Par exemple, voici le président du conseil d'administration d'une
société anonyme qui tout à la fois et mêMe à plusieurs reprises se permet
de ne pas établir les comptes financiers, de ne pas réunir ni même convo-
quer les actionnaires en assemblée générale, de mettre des obstacles aux
contrôles et vérifications du commissaire aux comptes, de ne pas provoquer
le remplacement d'un commissaire aUK comptes demissionnaire
et qui s'en
tire avec ure modique amende de 2 000 F (1). D'autres qui ont commis à peu
près autant d'infractions sinon plus n'ont été conda~~és qu'à des amendes
de 5 000 F seulement (2). On notera que paradoxalement, les juges se mon-
(1) Rennes/30 sept. 1974,Rev.soc. 1974 p.321 Note LA3ILAT
(2) HAVRE,23 juin 1975,préc.
445
trent
quelque fois plus sévères à l'égard du commissaire aux comptes
qui n'a pasrevélé les infractions commises ou qui a confirmé des infor-
mations mensongères qu'envers les dirigeants qui ont commis ces infrac-
tions ou diffusé les informations incriminées (1).
92b -
L'indulgence de la jurisprudence apparatt avec beaucoup plus
d'éclat lorsqu'on aborde la question de la mesure de la peine.
927 - Très: souvent, les magistrats justifient leur clémence par l'exis-
tence de circonstances atténuantes. Mais soit ils "oublient ll de dire en
quoi consistent ces circonstances atténuantes, soit lorsqu'ils le disent,
les raisons retenues semblent pour le moins peu convaincantes. Cette cir-
constance consistera en une absence de condamnation antérieure, pour crime
•
ou délit (2) qui sera suffisan~pour atténuer la repression dans les pro-
portions précédemment décrites même si les magistrats reconnaissent par
ailleurs que le prévenu a commis des fautes graves (3).
Certaines circ~nstan(es sont particulièrement cocasses. Par
exemple, il a été jugé que le président de société qui a omis de convoquer
une assemblée générale extraorèinaire pour décider de la continuation de
,,,
la société après/perte des trois quarts (aujourd'hui ce serait la moitié)
du capital social devait bénéficier de circonstances atténuantes parce
que tous les associés étaient au courant de la situation obérée de
la
société (4). Or nous savons que la jurisprudence exige pour que l'infrac-
tion soit constituée que les pertes aient été constaté~dans les co~ptes
approuvés en assemblée générale. D'où il suit que l'élément constitutif
de l'infraction
constitue en même temps une circonstance atténuanteë!
(1) Havre, 23 juin 1975. préc.j Paris,18 juin 1980,préc.j T.corr. Nanterre
1
19 nov.1981 ) B.C.N.C.C. 1981 p.59
(2) Paris,23 oct.1978, B.C.N.C.C. 1979 p.193 ; T.G.!. Paris,17 av.1980, ,.
B.C.N.C.C. 1980 p.309 ; Paris,24 nov. 1978,B.C.N.C.C. 1979 p.314
(3) Pari~9 juil. 1979,B.C.N.C.C. 1979 p.425
(4) ~~a.I. Quimper,27 oct. 1982,B.C.N.C.C. 1982 p.413
446
En outre, une cour d'appel a pu accorder de "larges" circonstances atté-
nuantes·à un employeur convaincu du délit d'entrave e:1 dépit de la "per-
.sistance intentionnelle du prévenu à enfreindre la loi" (1).
928
-En dehors de ces cas contestables, la jurisprudence retient
aussi comme circonstance: atténuante, l'inexpérience professionnelle d'un
. comptable (2) ; les difficultés de fonctionnement du cabinet de commis-
saire aux comptes (,3) ; l'absence de cupidité de la part de l'auteur de
l'infraction (4) ; la volonté de sauver l'entreprise (5) ; le fait
de
s'être acquitté de ses obligations dès que conseil en a été donné
ou
que l'infraction ait été sans conséquence (apparente ?) (6) ou encore
la moindre participation du prévenu à l'activité délictuelle (7).
929 -
A l'inverse, sont retenues comme circonstancES aggravantes, mais
le plus souvent sans grande. conséquence sur le taux de la peine, les con-
séquences économiques et sociales graves de l'infraction (8), "les erre-
ments d'une gestion désordonnée des dirigeants" ou. la compétence et la
notoriété professionnelle incontestable du commissaire aux comptes (9).
Pour être équitable, il convient-de noter que, toute chose
égale par ailleurs, il arrive que certains juges se contrent un peu plus
sévères. AiRSi, les magistrats d'une cour d'appel (10) voulant "faire
preuve de modération" ont quand même condamné le
président d'une société
qui a présenté un bilan inexéct à l'assemblée générale à 15 000 F d'amende
(1) Nimes,3 janv. 1974,cité par COHEN op.cit. 1975 p.907
(2) T.corr. Lizieux,préc
(3) T.corr.Poitiers,5 oct~c1983,B.C.N.C.C. 1984 p.472
(4) T.G.I. Renne~ 5 av. 1979,B.C.N.C.C. 1979 .318
(5) Ibid.
(6) T.G.I. Quimper, 27 oct. 1982, préc.
(7) T.corr. Paris,17 av. 1980,préc.
(8) T.G.I. Perigueux,24 mai 1978,B.C.N.C.C. 1980 p.291
(9)Paris,9 juil. 1979, préc.
(10) Besançon, 24 mai 1984.B.C.N.C.C. 1984 p.I,SO
447
930 - Le sentiment général qui se dégage de ce panomara rapide de la
jurisprudence,c'est tout de même, celui de la faiblesse des peines pro-
noncées non seulement par rapport aux peines prévues, mais aussi par rap-
port aux circonstances de chaque affaire traitée. Or cette faiblesse est
pour le~moins critiquable.
B - Critique de la jurisprudence
931 - La principale raison pour laquelle la mensuétude de là juris-
prudence est critiquable c'est qu'elle enlève à la sanction pénale une
patt essentielle de sa force intimidante et contribue ainsi à l'ineffec-
tivité de certaines obligations d'information.
932
- L'application systématique du suxsis pour la peine d'emprison-
nement rend celle-ci pratiquement inexistente ; même si on peut penser
qu'elle amènera le délinquant à se tenir tranquille pendant le délai
d'~preuve (1). On a proposé qu'il fallait assortir le sursis d'une mise
à l'épreuve (2). Mais le! chef d'entreprise étant déjà sous la surveil-
lance des commissaires aux comptes, de l'inspecteur du travail et éven-
tuellement de la C.O.B., nous ne voyons pas l'intérêt d'ajouter un autre
contrôle à ce~x déjà pratiqués par ces organismes. De plus, les obliga-
t!ons qui peuvent être imposées au sursitaire n'onlrien à voir avec la
fonction
d'information (ni aucune autre fonction d'ailleurs) dans l'en-
treprise. La probation n'est donc nullement en mesure d'améliorer l'effi-
cacité du sursis (3).
(1) Nous n'avons pas pu relever un seul cas de récidive dans la jurispru-
dence que nous avons consultétet la plupart des prévenus paraissent
être des délinquants ~~rimaires
(2) PARCHffi~INAL (H.)/op.cit. p.361
(3) en ce
sens,
J.PRADEL, L'instructioil; le jugement, les sanctions
in la responsabilité pénale du fait de l'entreprise/préc. p.176
448
9JJ
- Quant à la faiblesse des peines pécQniaires, elle a l'inconvé-
nient majeur de faciliter les fraudes qui consistent à faire supporter
l'amende par l'entreprise. De plus, ellffine tiennent pas compte de la
capacité financière des délinquants, de sorte que même lorsque ceux qui
décident de s'en acquitter personnellement, elles pourraient leur paraî-
tre si dérisoires qu'elles n'auront pratiquement que peu d'effet. A ce
propos, il est très regrettable que la jurisprudence ne tire pas de l'art.
41-2 du code de procédure pénale tout le bénéfice qu'on pourr~it en atten-
dre pour adapter la peine prononcée à la situation de chaque délinquant
Il faut rappeler que ce texte permet au juge de fixer l'amende dans les
limites prévues par la loi en tenant compte à la fois des circonstances
de l'infraction et des ressources et charges du prévenu. Pendant nos ,
travaux nous n'avons pu trouverque trois décisions ayant fait expressement
application de cette règle. La cour d'appel de Bordeaux (1) tenant compte
de la faible rémunération d'un commissaire aux comptes, accusé de
non
révélation de fait délictueux et violation des règles d'incompatibilité
a réduit la peine prononcée contre lui en première instance. Il
est
significatif de noter que dans cette affaire les juges du premier degré
avait retenu contre le prévenu de_graves circonstances aggravantes. De
son côté, le Tribunal de grande instance de Paris a pu condamnèr
un
commissaire aux comptes convaincu de non révélation de faits délictueux
à 80 000 F d'amende en tenant compte de l'importance de ses ressources (2).
Plus récemment, les juges parisiens ont fixé i l'encontre d'un individu
poursuivi pour délit d'initié une amende en rapport avec les fonds engagés
par le prévenu et ses ressources (J).
L'art. 41-2 du code de procédure pénale est donc peu utilisé.
Pourtant, la décision rendue par les juges bordelais montre bien que ce
texte peut être très utile pour une m~illeure adéquation de la peine
(1) Bordeaux, 29 juin 1979,B.C.N.C.C. 1980 p.?91
(2) T.G.I.(Paris/7 mars 1980,B.C.N.C.C. 1980 p.JOl
(3) T.G.I. Paris/28 janv. 1985,bull. Jony pano. 1011
450
SECTION .II
LES PEINES COl-:PLE:·ŒNTAIRES OU ACCESSOIRZS
937
-
Les peines complémentaires et les peines accessoires s'ajoutent
à la peine principale. L~s premières sont prononcées par le juge , les
autres sont attachées de plein droit, à la prononciation de certaines
condamnations.
1
Le droit pénal français fait un usage frQquent de ces peines
souvent jug~es plus adaptées que les peines d'amende et de prison. En
matière d'information, les peines accessoires qui s'appliquent ou auraient
pu s'appliquer consistent le plus souvent en des interdictions profession-
nelles.
938 -
Les lproblèmes que suscitent leur d~terminationseRt essentiel-
lement dus aux inadvertances commises dans la loi sur les sociétés com-
merciales ( § 1). Quant à leur régime juridique, elle amène à s'interro-
ger sur le rôle du juge et leurs
portées (§ 2).
§ 1
LES INADVERTANCES DE LA LOI STI1,LES SOCIETES COr~'ŒRCIALES
939
- Jusqu'en 1966, les auteurs de certaines infractions d'informa-
tion pouvaient tember sous le coup de diverses interdictions profession~
nelles. La réforme de 1966 a entraîné la disparition de certaines d'entre
elles.
940 -
La loi de 1867 punissait les auteurs de distribution de dividendes
fictifs et de présentation de bilan inexact des peines de l'escroquerie.
Il en était de même pour les auteurs de déclaration notarié~mensongère ou
de publication de f&its faux ourde surévaluation d'apport en nature. Il
s'ensuivait que les personnes reconnues coupables de ces infractions en-
couraient non seulement les interdictions de droit prévues à l'art. 42
du code pénal mais aussi certaines interdictions professio~~elles prévues
par des
textes
spéciaux
et
qui
visent entre autres les auteurs è'in-
fractions punies des
peines de l'escroquerie. Il en est ainsi de la lei
451
agence de société ayant ces opérations pour objet ou encore de signBr
pour elle 1'. Les personnes coupables des infractions d'information punies
des peines de l'escroquerie perdaibtdonc automatiquement le droit d'exer-
cer des activités bancaires ou de bourse.
941 - C'est dans le I:1ême esprit d'assainissement de certaines profes-
,
sions que le decret-loi du 8 août 1935 a institué à l'encontre de toute
personne condamnée définitivement "pour escroquerie ou délit puni
par
les lois des peines de l'escroquerie ou de la banqueroute cOI:1porte de
plein droit interdiction du droit de diriger, admin~strer à un titre
quelconque une société par action:iou à responsabilité limitée".
942 - Ces deux textes sont toujours en vigueur mais ne nous semblent
plus pouvoir s'appliquer à la plupart des infractions d'information pré-
vues par La loi du 24 juillet 1966. Ce texte a supprimé le renvoi
aux
peines de l'escroquerie que contenait la loi de 186{,. Cette suppression
suffit à elle seule à faire échapper les coupables de ces infractions
des peines complémentaires de l'art.42 du code pénal (1). De plus, les
nouvelles pénalités prévues par cette loi ne coïncident pas avec celles
de l'escroquerie. En ce qui co~cerne le délit de distribution de dividendes
ficti~ si le~ peines d'emprisonnement et les maxima des peines d'amende
sont identiques, il n'en est pas de roême:_ des minima de ces dernières.
Pour les infractions du droit des sociétés celui-ci est de 2 000 F alors
qu'il est de 3 600 F pour l'escroquerie. Quant aux autres infractionS,
elles n'ont de commun avec. l'escroquerie que la pei~e d'emprisonnement.
Dans ces conditions, on peut difficilement dire que ces infractions sont
punies des peines de l'escroquerie (~). Cette différence entre les diffé-
rentes peines prévues par le législateur a donc pour conséquence de ren-
dre le texte de 1930 et de 1935 inapplicables aux infractions dont
les
peines ont été ainsi modifiées ('3). Mais, en ce qui concerne
l'interd~ction des professions bancaires, cette inadvertance 0
été réparée par la loi du 24 janvier 1ge4 qui a abrogé la loi de
1930. En effet, celle-ci interdit les professions bancaires a
toute personne punie pour infraction du titre Il de la loi sur
les sociétés commerciales. On remarquera que cette loi a pour
(1) Fougères, op.cit. § 135
(~) F.LEDRUN,op.cit.,p.220
()) CHAVANNErart.cit.,ftev.sc. crim. 1963 p.b83
452
conséouence d'étendre le domaine de l'interdiction à toutes les
infractions relatives à l'information de gestion contenues dans la
loi. du 24 j~illet 19bb. Cette extension nous parait trop sévère
dans la mesure Ç>ù elle permet d'atteindre les auteurs d'infrac-
tions si bénignes que le législateur üe les a assorties que de
modiques peinea d'amendes telles oue les omissions de constater
des llélH'érations du conseil d'administration par
des procès
verbaux formant un registre spécial tenu au siège social ou de
mentionner s"r les documents commerc.aux la dénomination sociale
et le capital social.
943
Les interdictions prononcées par ces textes ne disparaissent
pas pour autant du droit pénal de l'information. p'abord parce que
le
décret loi du 8 août 1935 fait expressèment r~férence aux délits punis
pou.
des peines de la banqueroute. Il s'ensuit que toute condarnnationfdéfaut
de dépot de bilan ou absence totale de comptabilité ou encore de tenue
de comptabilité fictive entrainera ipso facto l'interdiction de diriger
une société
par action~ou à responsabilité limitée.
944 - En outre, il existe encore dans la loi du 24 juillet 1966 une
infraction relative à l'information de gestion qui est punie des peines
de l'escroquerie. Il s'agit de celle qui co~siste à mentionner dans les
èe!o r,nse'~"efl'l~nt!o f ...ull'
prospectus émis à l'occasion d'une é~issio~'ou inexacts et de fournir
ces renseignements (~j. Cette infraction est punie des peines de l'escro-
querie lorsque son auteur était de mauvaise foi. Cette infraction sera
donc automatiquement assortie des interdictions prévues par les textes
de 1930 et 1935. De plus, le juge pourra.prononcer les peines complémen-
taires prévues par l'al. 3 de l'art. 405 du code pénal.
945 - Il reste que la suppression du système des références aboutit
à rendre inapplicables les interdictions prévues par les textes de 1930
et 1935. Mais la loi du 30 Août 1947 également prévoit des peines acces-
soires. Là encore le législateur de 1966 a commis une inadvertance dont
la conséquence reste à déterminer.
946
Aux termes de la loi de 1947 "nul ne pourra directement ou par
personne interposée, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui
(1) art.467 L9i du 24 juillet 1966
45.3
entreprendre une profession commerciale ou industrielle s'il a fait l'ob-
jet •.• d'una condamnation définitive à-trois mois d'emprisonnement
au
~oins sans sursis par application des lois du 24 juillet 1867 sur les
sociétés et du 7 mars 1925 sur les S.A.R.L ... L'incapacité ... s'appliquera
également ••• à l'exercice de toute fonction de direction, de gérance ou
d'administration d'une entreprise commerciale quelle qu'en soit la forme--
juridique." Le problème vient du fait que la loi du 24 juillet 1966 a
expressément abrogé les textes auxquels renvoie celle de 1947, et la
question qui se pose est alors de savoir s'il y a eu substitution de plein
droit.
947 -
Pour Monsieur CHAVANNE, la réponse affirmative à cette question
n'est admissible qu'à l~égard des infractions anciennes (~).
Quant à la jurisprudence, elle est pratiquement inexistente en
la matière. Néanmoins, on peut relever une décision de la chambre crimi-
nelle dont il résulte que "l'interdiction d'entreprendre une profession
commerciale ou industrielle n'est attachée par cette loi qu'aux déc~s~ons
qui pour des délits de banqueroute et infraction' à la législation sur les
sociétés ont prononcé une peine ètemprisonneemnt égale ou supéùieure
à
trois mois sans sursis" (2). La portée exacte de cette décision nous pa-
raît incertaine. La seule chose dont on puisse être sûr"
c'est que
la
haute juridiction n'exclut pas l'application des peines accesoires de
la loi du 30 août 1947 en cas d'infraction à l~oi de 1966 et en cas de
banqueroute. A l'inverse, cette décision ne nous permet pas de dire si
la cour de cassation adopterait la nême solut~on quelle que soit l'in-
fraction en cause ou si elle la limite~ait à celle
déjà contenue
dans
les lois de 1867 et 1925. En effet, dans cette affaire, la saule question
qu'elle avait à trancher était celle de savo:~ si l'interdiction pouvait
s'appliquer en cas de condamnation avec sursis pour banqueroute. Or le
(1 )CHA-lAt'l"NE, art.cit. ,Rev.sc. crim. 1963 p.683
(2) Crim.,14 nov. 197~Rev.soc. 1974.550
454
délit de banqueroute est une infraction ancienne. Mais l'interprétation
proposée par monsieur Chavanne nous semble logique à défaut de volont~
législative certaine de soumettre_les nouveaux délits au régime des in-
terdictio~s prévues par la loi de 1947. De plus, il est difficile d'ad-
mettre quelêsrédacteurs de cette dernière ont pu prévoir des peines ac-
cessoires pour des infractions qui n'existaient pas à l'époque. A l'in-
verse, on ~e peut pas douter qu'au delà du texte de référence, ce sont
les infractions ell~mêmesqui étaient visées, et que la volonté du légis-
lateur serait violée si on refusait d'appliquer les interdictions pro-
fessionnelles sous prétexte que ces infractions sont contenues dans un
autre texte que le texte initial.
948
- L'inadvertance du législateur n'a donc aucune conséquence pour
les infractions existant avant la loi du 24 juillet 1966. On peut seule-
ment regretter que le législateur n'ait pas rendu les peines accessoires
pour certaines nouvelles infractions.
Les interdictions prévues par la loi du 30 aaut 1947 sont éga-
lement applicables en cas de condamnation pour exercice illégal
d'une
profession commerciale ou ~ndustrielle ou pour les infractions en matière
de registre de commerce.
949 - Par leur nature même, ces peines accessoires peuvent être très
efficaces dans la prévention des infractions aux règles d'information et
d'une façon plus générale à toutes les infractions du droit pénal de l'en-
treprise surtout lorsqu'elles sont le fait des dirigeants. Elles ont
le
mérite de constituer un obstacle à la récidive au moins pendant la durée
de l'interdiction et de mettre hors d'état de nuire les chefs d'entreprise
peu scrupuleux ou trop néglige~. Si cette menace é\\ait bien réelle,elle
pourrait, dans une certaine mesure, davantage que les peines de prison
ou d'amende amener les dirigeants ù prendre au sérieux les obligations
d'information qui pèsent sur eux.
455
950
-Pour cette raison, on peut regretter que le législateur n'ait
prévu aucune peine accessoire en cas ~Iinfraction aux règles d'informa-
tion des représentants du perso~~el. Je telle peine serait pourtant bien
utile pour lutter contre les cas de ~épris ostensible
à l'égard
des
institutions p.epr~sentatives du persor~~el.
9~1 - En plus des peines accessoires, il existe en ~atière d'infor-
mation quelques peines complémentaires.
L'ordonnance du 27 décembre 1958 prévoit la possibilité
pour
le juge de priver les personnes reconnues coupables du défa'Jt d' immatri-
culation, d'inscription modificative ou de radiation, du'.droit de vote
et d'éligibilité aux élections des trib~~aux de commerce et au conseil
de prud'homme. De même, la loi du 3 janvier 1985 permet aux tribunaux
d'ordonner l'insertion du jugement ayant condamné les dirigeants de so-
ciété pour défaut de co~ptes consolidés dans un ou plusieurs journaux
aux frais du délinquants (1). Cependant, nous ne sommes pas certains
de l'opportunité de cette sanction. Elle permet seulement de discréditer
lesldirigeants de la société consolidante aux yeux de tiers, discrédit
qui rejaillira nécéssairement sur cette eRtreprise voire sur toutes celles
du groupe. Cette s~nction risque donc d'être aussi préjudiciable pour
l'entreprise que pour le délinquant. Il aurait peut-être été préférable
de condamner les dirigants à faire la publication omise dans un certain
délai assorti, au besoin d'~~e astreinte.
Aussi, l'obligation faite au juge en cas d'infraction aux règles
d'inscription au registre de commerce, d'ordonner dans un certain délai
l'accomplissement de la formalité d'i=~atriculation ou d'inscription
modificative nous paraît plus judicieu~e. Elle per~et de réparer les in-
convénients de l'infraction.
Ces peines accessoires ou co=plémentaires sont encore plus adé-
quates depuis que la loi du 29 aGût 1972 a modifié leur regime juridique.
(1) Cri:n.,17 juin 1954,D.1954.593 ; 29 fév. 1956,D.1956.321 ; 18 fév. 1958)
D.1958.32 ; Crim. J 14 nov.
1973 JF2C. ; Cri:n.,ler oct. 1981 1 Bull. jol~
1981 p.1981
456
§ 2
REGIJ.Œ JURIDIQUE DES PEINES ACCESSOIRES OU COl1PLEIŒNTAIRES
~52 - La principale caractéristique des peines accessoires c'est qu'elles
découlent automatiquement de la condamnation principale. Dans ces conditions,
contrairel!lent à ce qui a parfois été jugé, elles n'ont pas à être pronon-
cées par les tribUnaux. Les juges peuvent même ne pas du tout y penser au
moment où i~ se prononcent sur la peine principale.Elles résultent
de
plein droit de la peine principale (1). Il faut remarquer que l'interdic-
tion résultant de la loi de 1947 a une portée très large puisqu'elle fait
obstacle à l'exercice de toute profession commerciale où industrielle et
de toute fonction de direction dans une entreprise commerciale ou indus-
trie~le quelle que soit sa forme. Finalement, les personnes frappées d'une
telle interdiction ne peuvent "plus être que salariés ou agriculteurs" (2).
Par contre, les interdictions résultant de la loi de 1984 ou du décret.
loi de 1935 sont plus limitées. Les premières concernent seulement le3
~ctivités bancaires ou boursières, les secondes se limitent aux fonctions
de direction dans les sociétés par action et S.A.R.L.
953 - A l'origine, le rôle du juge se limitait à fixer la durée
de
l'interdiction. Et encore, ce rôle se lil!litait aux interdictions découlant
de la loi du 30 août 1947 et le juge ne pouvait fixer une durée inférieure
à cinq ans! Cette rigidité ne pouvait correspondre à la diversité
de
situation des délinquants et était incompatible avec le souci d'indivi-
dualisation de la peine.
954 - La loi du 29 août 1972 a introduit un peu plus de soupœesse
,
dans le regime juridique de ces peines. Aux termes de cette loi, le re-
levé des interdictions découlant de l'application de la loi du 30 août
1947 doit être pDononcé suivant les procédés des nouveaux art.55-1 du
code pénal et 703 du C.p.p. Or
d'après l'art. 55L_al.1er du code pénal
(1) Crim:,J 17 juin :954/D.1954.593 ; 2? fév. 1?56,D.1956.321 ; 18 fév .. 1958)
D.19,8.32
Cr~m.] 1L nov. 1973,p:ec. ; Cr~m'l 1er oct. 19811Bull. Joly
1981 p.1981
(2) GERARD cas. ROGER BOY DIDIER FERRIER/Lamy COl!!. 1983 n0320
-457
"le juge qui prononce une condamnation peut, dans son jugement relever
le condamné de tout ou partie, Y' compris en ce qui concerne
la durée
des interdictions, déchéances, incapacité ou mesure de publicité de quelle
que nature qu'elles soient résultant
de la condamnation". gais le juge
peut oublier de le relever de l'interdiction si le prévenu qui, n'a pas
toujours conscience qu'il risque de tomber sous le coup d'une interdic-
tion ne le lui demande p&s. De plus, après le prononcé de la condamnation
la
situation du délinquant peut avoir changé et justifier un peu plus
de clémence. C'est pourquoi l'al.2 de l'art. 55-1 du C;p. prévoit
que
"toute personne peut demander à la juridiction qui a prononcé la condam-
nation ou en cas de pluralité de condamnation, à la dernière juridiction
qui a statué, de le relever en tout ou partie, y compris en ce qui con-
cerne la durée de cette interdiction ••• "
955 - Ce texte, a~plicable par sa généralité à toutes les peines
accessoires, donne au juge une maitrise totale sur ces peines lorsqu'
elles sont encourues. Cette maîtrise permet au juge d'individualiser
l'interdictionprofessionnell~1)Cettema1trise est d'autant plus com-
plète que d'après la cour de c~Jlsation, "la latitude donnée aux juges
r~pressifs qui prononcent une condamnation de relever le condamné de
tout ou partie des interdictions, déchéance ou incapacité résultant de
plein droit de cette condamnation n'est qu'une simple faculté ~
If
l'exercice de laquelle ils ne doivent aucun compte. (2)
956 -On peut regretter en ce qui concerne l'interdiction résultant
de la loi du 30 août 1947 que le juge soit encore obligé de prononcer
U1EJ peine principale de trois mois de prison ferme au moins 0). Il
(1) G.ROUJOU de BOUBEE, Le nouveau régime des interdictions professionnelles
selon la loi du 29 déc. 1972, D.1975 p.275
(2) Cass.,3 juil. 1975, D. 1975. IR 189
(3) Crimo} 15 nov. 1974}préc.
458
nous semble qu'en àonnant la possibilité au juge d'atténuer ou de suppri~
mer l'interdiction, le législateur reconnaît lui même le pau de rapport
qu'il peut y avoir entre la peine principale et les peines accessoires.
De plus, le juge peut en vertu de l'art. 43-2 du c.pén. substituer à la
peine principale l'interdiction d'exercer l'activité à l'occasion de
laquelle le délit a été-oommis, si ce délit est une infraction m~neure
dont le préjudice est réparé (1). Dans ces conditions, nous ne voyons
pas pourquoi il ne lui est pas permis de prononcér une peine inférieure
à trois mois de prison ferme en l'assortissant de l'interdiction d'entre-
prendre une profession commerciale
ou industrielle. Une telle mesure peut
lui sembler plus adaptée qU'URe peine d'emprisonnement. Il est vrai~qu'une
telle réforme suppose que a'access~ire l'interdiction devienne une
peine
complémentaire qui doit être prononeée par le juge.
Mais après tout, il
n'est pas inconcevable que l'mterdiction soit à deux régimes. Elle serait
automatique si le juge prononce une peine d'au moins trois mois de prison
ferme, mais devra être nécessairement prononcée
par le juge pour toute
autre peine.
957 - L'èfficacité de ces mesures d'interdiction est assurée par des
sanctions pénales.relativement sévères. L'exercice d'une activité commer-
ciale ou industrielle contrairement ù une interdiction résultant de l'ap_
plication de la loi du ~O août 1947 constitue un délit puni d'une peine
de siK mois à deux ans de prison et d'une amende de 1 200 F à 2 500 000 F.
En cas de récidive, la peine peut être portée à cinq ans de
prison et
le juge peut prononcer la confiscation du fondsde commerce ou des marchan-
dises seulement. Une peine d'emprisonnement identique est prévue si l'in-
terdiction
résulte de la loi du 30 août 1930 ou du décret loi du 2 aout
1935. !1ais les peines d'amende sont différentes d'un texte à l'autre, sans
d'autres raisons apparentes que le moment d'adoption de ces différents
textes. Pour la loi de 1930 l'amende peut varier de 3 600 à 60 000 F pour
le décret.loi-de 1935 elle va de 3 600 à 2 500 000 F. Ces deux textes
(1) V. pour application T.G.!. Rennes,S av. 1979 B.C.N.C.C. 1979 318
J
459
prévoient en plus une peine accessoire. Le délinquant ne pourra pas être
employé à quelque titre que ce soit dans l'entreprise qu'il exploitait
illégalement. Et l'art. 3 de la loi de 1930 prévoit la possibilité de
prononcer la fermeture de l'établisseMent sur requête du procureur de la
république.
958
-La jurisprudence applique cette infraction avec une certaine
rigueur. Elle considère que l'infraction est constituée si l'interdit a
exploité un commerce par l'intermédiaire d'un prête-nom.
Elle l'appli-
que également au dirigeant de fait
des entreprises sociales.
De plus,
la chambre criminelle a Jugé que le prête-nom et le dirigeant de droit
pourraient être punis comme complice de l'infraction. Cette rigueur est
nécessaire .pour assurer l'effectivité ~es mesures d'interdiction, autre-
ment elle sarait trop commode à violer. Par exemple, dans l'affaire jugée
par la chambre criminelle le 1er octobre 1981, les cocontractants de: la
société "ignoraient mêffieque (le dirigeant de droit) y ait une quelconque
activité. Il
959 - On peut constater que, pour les peines compl~mentaires aussi
bien que pour les peines accessoires, la législation contemporaine a
tendance à accorder aux magistrats uaisis d'une infraction d'informatio~
u_negrande liberté d'appréciation. Ce libéralisme nous semble d'autant
plus salutaire qu'elle correspond à un souci plus vaste d'adapter
la
personne de chaque délinquant, souci auquel s'ajoute ici, la nécessité
d'appliquer des peines compatib1es avec l'intérêt de l'entreprise.
460
Co;;CLUSION
DU
TITRE
II
960 - On peut constater aussi bien sur le plan procédural de la
recherche et du déclenche~ent des poursuites que de la sanction propre-
ment di te, des dérogations importantes par rapport aux rè,:;;les voire
a~~ principes qui gouvernent le droit pénal etlla procédure pénale ordi-
naire. Et encore, nous n~lavons pas parlé par exemple du rôle r.ïodérateur
du juge chargé de la surveillance du registre de co~nerce en cas d'in-
fraction relative à celui-ci, ni du rôle éminent que peut jouer l'exper-
tise par exemple lorsque le ~inistère public allègue la fausseté
~es
documents comptables. Ce qui est frappant en~ce do~aine c'est que l'effort
accompli par la jurisprudence rejoint dans bien des cas, celui du léciis-
lateur.
961 - ~uoiqu'il en soit, malgré les ~uelques imperfections que pous
n'avons pas manqué~de souligner, les règles dérogatmires paraissent
parfaitement justifiées même si on p~ut s'étonner de l'ampleur des pou-
voirs accordés à certains organisees et des devoirs imposés à d'autres
ainsi que des modalités particulières concernant notamment la prescrip-
tion de l'action publique. La combinaison de ces régIes dérogatoires
permet au droit pénal de jouer pleinement son raIe de garde-fou. Tou~
-~st mis en oeuvre pour Que l'habileté des délinquants ne leur suffise
._pas pour échapper à la répression. ~ais celle-ci ne sera mise en oeuvre
que dans des hypothèses où elle est véritablement utile.
- - - - - _ . - -
-
_.
461
CONCLUSlm;
DE
LA
DEUXIEHE
PARTIE
962 -On peut constater qu'en matière d'information, le droit ?énal
fait une combinaison assez heureuse entre au moins trois des objectifs
qu'on lui assigne habituellement. Il favœrise l'amendement par
des
procédures d'avertissement et de mise en garde que permettent par exem-
ple l'intervention de la C.O.B. de l'inspection du travail et dans une
moindre mesure celle des commissaires aill{ compes qui peut être améliorée.
Il favorise également l'intimidation d'abord en se donnant les moyen~
malgré la difficulté de la question, de rechercher et de frapper tous
les coupables. Ensuite en prévoyant des peines dont la sévérité a pu
surprendre voire choquer certaines personnes sans doute influencées par
l'idée d'expiation. Malheureusement, sur ce point la jurisprudence ne
semble pas suivre le législateur. Enfin, il se donne les moyens de mettre
à l'écart les délinquants les plus irréductibies grâce aux peines com-
plémentaires qui quelque fois même vont jusqu'à réparer les conséquences
de l'infraction.
96) - Tous ces résultats sont recherchés grâce à un ensemble de
règles dérogatoires du droit commun qui font une large place aux solu-
tions pragmatiques. ;'Iais l'aspect le plus reI:larquable de ces dévelop-
pements,
c'est la place accordée à l'intérêt de l'entreprise dans le
mécanisme de la r~pression et la convergeance sur la olupart des cues-
tions abordées ent~e la jurisprudence et le législateur.
Il reste que souvent, pour des problèmes internes au systèI:le
judiciaire que nous nJavions pas à aborder dans cette étude,la rép~ession
est considérablement retardée et diminue par là même è'efficacité. Faut-il
pour pallier cet inconvénient élargir les systèmes de r~pression extra-
judiciaire par l'ad~inistration ?
462
CONCLUSION
GENERALE
964 - Auj terme~ de cette étude, plusieurs constatations semblent
s'imposer. Il ne paraît plus possible de nier l'utilité du droit pénal
comme moyen de respect des obligations d'information. Le. nombre et la
,
variété des décisions rendues par les juridictions repressives, comparé
à la relative rareté de celles des juridictions civiles (au sens large)
sont là pour attester que le recours à la sanction pénale reste l'un
des meilleurs
pour pr~venir le défaut d'information. D'aucuns dirons
que le nombre
des violations des mesures d'information et leur. persis-
tance même constituent la meilleure preuve de l' inefficacité du droit
pénal en la matière. Mais personne n'a jamais proposé la supression de
délits tels que le vol ou l'escroquerie qui n'ont pas fait disparaître
les comportements anti sociaux qU'ils répriment.
L'importance du droit pénal se manifeste également par le rôle
déterminant que jouent les iocrimination dans l' évol ution des obligations
d'information. On remarquera que ce sont les juridictions pénales qui
on~ pour l'essentiel/donné à l'obligation d'inform~r
et de_consulter
le comité d'entreprise sur toute question concernant l'organisation,la
gestion et la marche générale de l'entreprise un contenu réel et que
c'est à elles que le législateur s'est expressément référé pour préciser
cette obligation. Ce sont encore elles qui ont donné un
contenu réel
à la notion de bilan inexact et on peut parier qu'elles feront de même
pour la notion de comptes annuels infidèles. AU demeurant, nous avons
pu constater que sous couvert du défaut d'intention délictueuse, elles
appliquaient déjà certain~ ·é1éments de ce concept tel qu'il nous a sem-
blé résulter de la loi et du décret comptable.
965 -Par ailleurs, notre matière est certainement l'tille de ce11esoù
se manifeste de la façon la plus éclatante, la "faillite" du droit pénal
classique (1) dans lequel "ce que reche:r!chent le législateur et le juge
(1) P.BOUZA~ op.cit.,no41 et sojl'illRLE et VITU/op.cit./no13 et s.
c'est la sanction méritée, beaucoup plus que la sanction curative
Geci-se traduit par le peu de place qui est fait à l'idée de re~ributron. -
Ce qui est recherché, ici, c'est noins de faire payer une faute quelconque
qui aurait été commise par le délinquant que d'amener celui-ci à appliquer
les mesures d'information qui lui sont imposées et dont nous avons suffi-
samment souligné l'importance économique et sociale dès le début de cette
étude (~). On
cherche à le convaincre de la nécessité de se conformer
,
à la loi avant de faire appel à la repression. Attitude d'autant plus
judicieuse que certaines des obligat,ions en cause font beaucoup appel au
sens
des responsabilités ies différents partenaires de l'entreprise car
elles peuvent être respectées substanciellement mais elles peuvent aussi
ne l'être que formellement. Cette volonté d'assurer avant toute chose
l'exécution se retrouve également dans l'éventail des sanctions dont
certaines permettent d'enlever au délinquant, au moins pendant un cert~in
temps, la possibilité de récidiver.
966 -Les critiques formulées contre le recours au droit pénal et
portant sur la sévérité des peines légales liées au caractère plus ou
moins matériel des infractions paraissen~ alors pour le moins décalées
par rapport à l'objectif
poursuivi. C'est également cet objectif qui
rend contestable l'attitude de la jurisprudence lorsqu'elle inflige de
façon systématique des peines insignifiantes aux personnes reconnues
coupables de défaut d'informa~ion. Car si "on n'a pas encore trouvé de
remède plus efficace que la menace de peines sévères contre ceux qui
s'accommodent mieux du XVI arrondissement que de Fresnes ou des Beau-
mettes" (2), encore faut-il que ceux-ci aient le sentiment que cette
menace existe réellement.
967 -On a pu dire que le droit pénal des société peut-être vaut-il
mieux dire à l'instar de :Jonsienr PRAD~L (3) "Le droit pénal de l' entre~ri~~"
(17 cf.supra n!. -\\ et,.
(2) J.M. ROBERT,Droit pénal des affaires,Q.~.l. n1653 p.66
(3) J. PRADEL op.cit'J 1'1.4880:: 1977 p. 176
464
est né des métamorphoses de leur fonctionnement pratique plus encore
que des modifications de leurs régimes juridiques (1). On peut dire au-
jourd'hui du moins pour la matière qui nous a préoccupé tout au long de
cette ét~de, que cette justification de l'intrusion du droit pénal dans
l'entreprise se retrouve au niveau de son application. Ceci se traduit
par l'apparitiond'unnouveau critère aussi bien pour la création des
obligations d'information quepou~leur sanction. C'est celui de l'impor-
tance de l'entreprise, importance qui se mesure non par la forme juri-
dique comme ce fut le cas jusqu'à une date récente, mais par des éléments
réellement significatifs sur le plan économique
et social tels que le
montant du chiffre d'affair~ l'effectif du personnel ou le montant du
bilan.
968 - Dans le même ordre d'idée, nous avons pu souligner les efforts
que le législateur et le juge pénal ont fait, surtout dans une période
récente en ce qui concerne le premier, pour adapter les mesures d'infor-
mation à la situation économique particulière de chaque entreprise. Ces
efforts d'adéquation ne pouvaient que se traduire au niveau de la r~pres
sion proprement dite par de nombreuses dérogations aux règles communes
du droit pénal et de la procédure pénale.
969 - 11ais le fait le plus remarquable qui ressort de cette étude,
c'est le souci constant qu'on retrouve autant chez le législateur que
chez le magistrat d'assurer avant toute chose la protection de l'entre-
prise. L'intérêt de l'entreprise semble à la fois la justification de
,
1
la repression et celle de l'absence de repression. Il en est tenu compte
autant dans la déf~~ition des infractions que dans la mise en oeuvre de
la répression.
(1) TOUFFAIT et hERZOG/Observation sur l~évolution du droit pénal des
sociétés/prée.
465
970
-Dans ces conditions, l'autonomie des infractions relatives aux
obligations d'information apparaît de façon édé,-tant~, Il ne s'agit plus
I>:>.v,r co..,.. "",:'olS
d'éviter que des, infractions qui seraient plus graveslcoœme on l'a parfois
soutenu.
Il s'agit moins de protéger les épargnants et les créanciers
de l'entreprise, cette préoccupation n'a pas ~isparumais il semble seul-
ment qu'aux yeux du législateur et de la jurisprudence, la protection de
ces intérêts catégoriels comme de toutes celles qui coexistent au sein
de l'entreprise passe par la prospérité et la survie de celle-ci.
971 -Nous ne savons s'il y a là une conda~nation du capitalisme, ou
une justification de l'économie libérale. HOus ne savons pas si cette option
du droit positif doit être rattachée à la notion de biens communs de Saint
Thomas d'Aquin, ou à celle des communistes. liais est-ce vraiment impor-
tant
de le savoir? L'essentiel n'est-il pas que la solution du droit
positif corresponde à la réalité des choses et au bon sens? Si l'on veut
absolument la rattacher au concept de communa~té,
nous préférerons celui
de "communauté d'intérêt" cher au Doyen Ripert (1).
972 -.Lorsque le'bateau
,dSt en mer, si l'armateur tien! à récuperer
celui-ci intact à l'issu du voyage, si l'affréteur veut éviter d'engager
sa responsabilité, si l'équipage et les passagers veulent arriver sains
et saufs à bon port, si l'assureur ne tient pas à acquitter de fortas
indemnités, et s'il
reste un minimum de bon sens aux uns et aux autres,
tous souhaiteront que les instruments de navi~ation fonctionnent normale-
ment, et si par hasard il survient un acciden~, les personnes se trouv~nt
à bord comprendront tous qu'ils ont plus intérêt à essayer de colmâter les
brèches au lieu de s'affronter. SI le bateau sombre, tous en souffriront.
"Il est nécessaire autant pour l'état que pour les intérêts catégoriels
que les entreprises soient efficaces, i~~ovatrices, compétitives et réel-
lement créatrices de richesse. Il serait fort surprenant que les parte-
naires sociaux préfèr.ent le partage de la pén~ie DU de la faillite à
(1) G. RIPERT, Aspects juridiques du capitalis:::e noderne 'l~ l18
467
toutes les catégories et personnes concernée" (1). Or, sur ce plan, le
droit français reste encore largement sous l'influence du mythe de l'op-
position entre· les différents intérêts et il en résulte pour notre ma-
tière quelques lourdeurs et frais inutiles.
976 - La prochaine étape de la reco~~aissance du statut juridique
de 11 entreprise· consistera probablement~du m8ins
llespérons-nou~ en une
réorganisation des pouvoirs de contrôle et de gestion dans le sens sou-
haitée par le professeur CONTIN. Mais d'ici là, il faudra Q~e reconversion
des mentalités et abattre toute sorte~d'obstacles idéologiques forgés
par plusieurs décennies de confrontation entre le capital et le travail.
La voie nlen est pas moins clairement tràcée à l'heure actuelle. En effet,
ce qui frappe surtout dans l'attitude du législateur et de la jurispru-
dence-pénale ou commerciale- en matière dlinformation, c'est le réalisme
économique dont, en général, ils font preuve. Espérons que ce réalisme
là prévaudra bientôt en ce qui concerne l'or[anisation générale de l'en-
treprise car alors seulement, les mesures d'information, qui bien ~ntendu
devront être adaptées aux nouvelles structures
pourront avoir une pleine
efficacité et un moindre coût pour l'entreprise.
(1) R.CONTIN,n c 738 p.502
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.Sur les limites de l'obligation de révéler des faits
délictueux J.C.P 1982 ed C l II 13682
.La loi 82 915 du 28 octobre et le droit des sociétés
J.C.P.I983 et N.p.148
.Les opérations financières au sein des groupes de sociétés
(étude de deux confirmations récentes) J.C.P -E 1985
14447
.Publier l'annexe coroptable J.C.P.-E 1985 14548
VIDAL Dominique
L'information comptable et l'objectif de prévention
après la loi du 1°1ars 1984 R.F.C.1984.474
VIMONT
De quelques discordances,lacunes et ambiguités dans
la nouvelle législation sur les sociétés commerciales
GP 1967.11.doct.P.7
VOULET J.
L'interprétation des arrêts de la cour de cassation
J.C.P 1970.1.2305
WISNER
Réflexions sur la mission des commissaires aux comptes
Rev.soc.1967 p.371
489
TABLE ALPHABETIQUE
Les numéros correspondent
aux
paragraphes.
- A
Abus de biens sociaux
Actif disponible et réalisable
282 & s.
Action civile
•••••••••••••••••••
811
Action publique. V. Poursuites
Administrateurs (Responsabilité des)
639. 647 et
& s
Affichage
•...........•.........
Amortissement
Annexe
Apport en nature.V.Majoration
Assemblée Générale
• Convocation •••••••••••••••
255
• Communication préalable 75. 95 & s.
Authenticité de l'information
• Domaine ••••••••••••••••••.
508 & s
• Notion
••••••••••••••••••
556 & s
B
B.A.LO. (Publication au)
226-244
Banqueroute
292 & s.
-527
Bénéfice (notion de)
493
Bilan
• Caractères
••••••••
212 & s.
• Inexactitude du •••••
566 & s.
• Intérêt ••••••••••••••••••
214
Bilan social...............
222; 419
B.C.A.D.C.
• ••••••••••••••••••••
145
490
C
Circonstances aggravantes
929 & s.
Circonstances atténuantes ... ....
927 & s •
Chiffre d'affaire (notion de) •••.
23~
Copie (droit de prendre) ••••••••
357 & s.
Comité central d'entreprise
.... 116 & s
269
Comité d'entreprise
• Budgets
•••••••••••••••••
4,05 & s.
• Commissions économiques
4,08 & s.
• Consultation du •••••••••••
257 & s
304,
• Convocation du
253 & s.
• Domaine •••••••••••••••••••
107 & 8.
• Expert comptable V.le mot.
• Formation économique (des
membres du)
•••••••••••••••
4,04,
• Obligation de discrétion •••
136 & s.
• Secret de fabrication •••••
135
Comité d'établissement
........ 116 & s
Comité de groupe •••••••••••••••••
186 & s.
4,17
Commande (évolution des) ••••••••
231
Commissaires aux comptes
• Défaut de convocation du ••
176 & s
• Défaut de désignation du ••
173
• Défau~de révélation par; ••
830 & s
• Domaine •••••••••••••••••••
157 & s.
• Incompatabilité
•••••••
4,33 & s.
Information mensongère ••••
525
• Investigation (pouvoir d').
& s.
• Obstacle aux contrô le) et vé-
rifications ••••••••• 178,277,372, 4,78
Récusation ••••••••••••••••
4,29
Refus de communication au •
179 & s.
• RVvocation •••••••••••••••.
4,29 & 8
• Secret professionnel V.ce
mot
• Statut ....................
4,25 & s.
Commission des opérations de bourse
• Collaboration dans les pour-
suites
.
793 & s.
• Expert de gestion V.ce mot
Complicité
• Par abstention ••••••••••••
684, & s.
• Par acte positif ••••••••••
672 & s
• Par acte postérieur •••••••
688
491
C
(suite)
Comptea-" annuels
• Défaut de •••••••••••••
248
• Défaut de communication de 237 & s
• Eléments
•••••••••
211 & s.
• Image fidèle ••••••••••
566 & s.
• Notions •••••••••••••••
510 & s.
Comptes consolidés
• Défaut de •••.•••••••••
369 & s.
• Défaut de communication de
370
• Domaine •••••••••••••••
356
Comptes de résultat
215
Conseil d'administration
254
• Attributions ••••••••••
658 & s.
• Convocation des réunions du
254
Conseil de surveillance (responsabilité
des membres du)
•••••••• 651;
665 & s.
Consentement de la victime
762
Contenu des documents -Réglementation du)
487 & s.
Continuité d'exploitation
482 & s.
Contrainte ...................
766 & s.
Contrôle ••••••••••••••.•••...
• Cession de •••••.•••..•
308 & s.
• Notion de ••••••••••.••
357 & s.
Coût historique (v.évaluation)
Culpabilité (appréciation de).
692 & s.
D
Déclaration notariée
••••••• 560,562 & s.
Délégation de pouvoir
610 & s.
Délégué du personnel ••••••••
107 & s.
Directoire
668
Dirigeants ~notion de)
627 & s.
Dirigeants de droit
(responsabilité des)
637
Dirigeants de fait
(responsabilité des)
628 & s.
Documents prospectifs
281 & s.
Dol général ••••••••••••••.••
714 & s
Dol spécial
727 & s.
492
Enumération (inexactitude d')
567
Escroquerie ••••••••••••••••••••••••
520 & s.
Etablissement distinct •••••••••••••
120 & s.
Etat de nécessité ..................
757 & s •
Evaluation :
•
Inexactitude d'
••••••••••••••
569
• Méthode d'
••••••••••••••• ~01,~80,582 s.
Expert comptable
• Domaine
•••..•••••••••••••••
156
Investigation du comité de
groupe •••••••••••••••••••••••
190
• Investigations (pouvoir d') •••
~1~ & s.
Expert de gestion
• Désignation ••••••••••••••••••
161 & s.
• Domaine
• Obstacle aux contrôles et vé-
rification. v. C.A.C.
F
Faits faux ••••••••.•• ~ ••••••••••• ~~4, 559 & s.
Faits justificatifs ••••••••••••••••
756 & s.
Faux bilan V.bilan inexact
Faux en écriture •••••••••••••••••••
522,551
Filiales et participations
• Cession •••••.••••••••••••••••
:522 & s.
liste des ••••••••••••••••••••
:550
• Tableau des situations des •••
:5~9,:551
Fusion (projet de) ........•........
301 & s •
G
Gérants (responsabilité des) •••••••
65~ & s.
Grève .••.•..•.•.....••.••.•••.•••.•
721 & s.
Groupe (situation du)
3~8 & s.
l
Image fidèle
556 & s.
Incompatibili tés .........•.........
~:51 & s •
Indépendance des exercices •••••••••
~81
Infraction
• Continue .....................
932 & s •
• de commission ••••••••••••••••
6~7 & s.
• d'omission •.•••••••••••••••••
65:5 & s.
Non intentinnnelle •••..••••••
708 & s.
493
l (suite)
Inspection du travail
1400, 782 & s.
Interdictions professionnelles ••
937 & s.
Inyenta.ire _
210.
L
Légitime défense •••••••••••••••
756
Lieu de communication ••••••••••
100,179
M
Majoration d'apport ••••••••••••
528
Mandataires (recours à)
• Associés •••.••••.••••••••
95 & s •
• Membres du comité d'entreprise
127 & s.
Modali tés (d'exercice du droit de
communiation) ••••••.••.•.••••••
9~ & s.
o
Ordre de la loi et commandement de
l'autorité légitime ••••••••••••
759 & s.
P
Participations (prise de) ••••••
319 & s.
Peines accessoires ou complémentaires
952 & s.
Peines principales
906 & s.
Personnes morales (responsabilité des)
64-0.
Plan de financement ••••••••••••
287
Poursuites •.•••••.•.••••••.••••
777
Prescription
880 & s.
Présentation (notion)
532 & s.
Principes comptables
••••••••••
~77 & s.
Procuration (formule de) •••••••
840 & s.
Procès-verbal ••••••••••••••••••
256
Programme de production
233
Publication (notion de)
532 & s.
Publicité •••••••••••..•••••••••
1~2 & s.
494
R
Rapport annuel d'ensemble
••••••
214"
4,90
Rapport de gestion ••••••••••••••
219
Réévaluation ••.•....•.••.•• '•••••
583 & s.
Registre du commerce et des sociétésl4,3 & s.
Représentant du personnel ••••••••
106 & s.
Représentant permanent (de personne
. morale) ••••••••••••••••••••••••••
639 •
j
Responsables (détermination) •••••
606
,
& s.
Révélation de faits délictUeux
Voir C.A.C
S
Salariés (information des) •••••••
130 & s.
Scission (projet de) •••••••••••••
34,8 & s.
Secret professionnel
4,51 & s.
Situation financière
232
Sursis
.
925,932
T
Tableau d'activité et de résultat
227
Tableau de financement •••••••••••
285 & s.
Transport de capitaux importants.
34,8,352
U
Unité économique et sociale ••••••
117 & s.
495
SOMMAIRE
PRI~CIPALES ABREVIATIONS
INT~ODUCTION GENERALE .••...•••••..•••• .
..
- PRDUERE PARTIE - LE DROIT PENAL et l'APPROFONDISSEMENT· ••••.••• .,,1
de l'INFORMATION de GESTION.
TITRE 1er
LE DROIT PENAL et le DEVELOPPEMENT
QUANTITATIF de l'INFORMATION de GESTION •••• ""
j )
CHAPITRE l
LE DEVELOPPEMENT de l'INFORMATION de GESTION
QUANT à ses BENEFICIAIRES ••••••••••••••••••..•. j5
SECTION l
Extension du bénéfice de l'information
à l'intérieur de l'entreprise.
j7
§ l
•••••••••
Extension du.bénéfice de l'information
quant aux associés •••••••••••••••••.•••••
38
A •••••••
L'affirmation du principe de la géné-
ralité du bénéfice de l'information pour
les associés •••••••••••••••••••••••••••••
j9
B •••••••
L'amélioration des conditions de mise
en oeuvre ~u droit. d'information des assoçiés
42
l ~ • • •
La multiplication des moyens de diffu-
sion
••••••••••••••.•••.•••••.•••••••••
43
a) •
Le développement de l'information publiée
bl.
Le développement de l'information adres-
4)
sée aux associés
......................................
44
lOœDéveloppement de l'information adres-
sée en droit commercial
44
2°œ Développement de l'information adres-
sée en droit pénal.
47
II
Le perfectionnement des modalités d'exer-
cice de droit de communication.
49
a).
Le droit de recourir à un mandataire
49
b).
La dualité du lieu de communication.
j1
496
§ II •••••••• L'extension du bénéfice de l'information
au personne 1
• • • • • • . . • •• •. • • • . • • • • . • • • • • . • • • • •
5J
A ••• J.' Extension du bénéfice de l'information aux
instrtutions représentatives du personnel......
54
1 •••• L'extension du domaine des institutions re-
présentatives du personnel...................
) j
a ••• L'assouplissement des conditions .de création
J?
1°) Les conditions relatives à l'objet de
l'entreprise ••••.••••••••••••••.••••.•.•••
5S
2°) Les conditions relatives à l'effectif
de l'entreprise
••••••••••••••••••••••••••
Sb
b ••• La dualité du niveau de représentation
II •••• L'information individuelle des membres du
Comité d'entreprise •••.••••.••••.•..•...•...••
61
B•••••• L'extension du bénéfice de l'information à
l'ensemble des salariés •••••••••••...•..••••••
67
SECTION II
EXTENSION du BENEFICE de l'INFORMATION A
l'EXTERIEUR de l'ENTREPRISE.
L'exteI}s~on :.....
§ 1
-du P!ltt~î1ce ..... l'information par la publicité
j
A••••• L'information recherchée par les tiers:
la
publicité par le registre du commerce et des
1-
Sociétés
.
72
B••••• L'information reçue par les tiers..............
7J
§ II
Le développement des institutions d'assistance
et de contrôle
77
A••••• La généralisation des institutions de contrôle
et d'assistance
Tl
l
•• L'extension du domaine des institutions de
contrôle et d'assistance.....................
'n
II •• Assouplissement des conditions de désignation.
80
B••••• Le droit pénal et l'information ou la désign~ion
par les 'Jr(Je-J10iJ '.le contrôle ou d'administration
bï
1 ••• Incidences pénales du défaut de désignation ••••
bd
II ••• Le Droit'pénal et l'accès à l'information des
organes de contrôle et d'assistance ••••••••••••
b~
497
§ III •••••• L~tension du bénéfice de l'information liée
aux phénomènes de concentration des entrepri-
ses.
........................................
93
A ••••
La cré~tion des C~lté$
.
de'GroUpé
: l
,
. .
,
. ,
.
.
,
Q3
~
B ••••
Extension du bénéfice aux organes de contrôle
et d'assistance du groupe ••••••••••••.•••••••••
97
CHAPITRE II
LE DROIT PENAL et le DEVELOPPEMENT de. l'INFORMATION \\
'~e GESTION quant A son VOLUME.
SECTION l
Extension du volume de l'information dans le
cadre d'une entreprise isolée •••••••••••••••••
100
§ 1
L'information rétrospective
101
A
Extension du volume de l'information périodique
102
!
1. •• Les informations pérïodiques ~xigibl.eJl•••••••••
102
1
a) Extension du volume de l'information annuelle
102
1°) Les documents comptables annuels •••••••••••
102
1
2°) Les rapports annuels
•••••••••••••••••••••
107
b) Les indica~urs: intermédiaires
112
1!
II ••• Les-conséquences pénales de la méconnaissance
des obligations relatives à l'information pé-
riodique ••••••••• ~~ ••••••••••••••••••••••••••••
116
1
B ••••• Extension du volume de l'information évènemen-
tielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
12~
1 ••• L'information relative à la tenue des réunions.
122
II ••• L'information relative à l'objet des réunions.
126
§ II
L'information prospective
A
Les nouveaux documents prospectifs .............
B
L'incrimination de la méconnaissance des obli-
gations relatives à l'information prospective •••
498
SECTION II
Le développement de l'information relative
aux phénomènes de concentration des entre-
prises.
§ l
•••••••• Dévetoppement de l'information relative aux
processus de concentration
•••••••••••••••
14'5
A••• ;; •• Le droit pénal et l'information relative
aux opérations de fusion et de scission •••
146
2 ••••••• Le droit pénal et l'information relative à
la cession d'actions ou de parts ••••••••••
148
1 ••••• Le droit pénal et l'information due par les
dirigeants de l'entreprise" cédante" ••••
148
II •••• Le droit pénal et l'information due par les
dirigeants de l'entreprise "cession
151
§ II •••••••
Le développement de l'information relative
à l'état de concentration.
• ••••••••••••
16.'
A •••••• Les informations sur la situation des grou-
pes incluses dans les rapports de chaque
soci6t~
••••••••••••••••••••••••••••••••
162
B •••••• Les comptes consolidés ••••••••••••••••••••
164
l ••• Le domaine de la consolidation ••••••••••••
1~5
II •• Les méthodes de consolidation •••••••••••••
166
III •• Incidences pénales des obligations relati-
ves aux comptes consolidés
• • ••• ••• ••• •• •
1Tl
CONCLUSION du TITRE PREMIER ...•.•...••..•...............
17·2,
499
TITRE II -
LE DROIT PENAL et le DEVELOPPEMENT
QUALITATIF de l'INFORMATION DE GESTION
CHAPITRE l
LE DROIT PENAL et l'AMELIORATION DE LA
TRANSPARENCE de l'INFORMATION •••••••••••••
SECTION l
Le droit pénal et l·~élioration du trai-
tement de l'information •••••.•••••.••••••.
17.·7
§ l
Amélioration des modalités de l'information
177
A•••••••••
La reconnaissance au droit de prendre copie
de documents communiqués •••••••••••••••••••
lT8
B ••••••••
Adaptation du moment de l'information ••••••
181
§
I I •....•..•
Le perfectiomlement des moyens de traitement
182
A ••••••••
Ailiél-ioration du traitement fait par les re-
présentants du personnel •••••••••••••••••••
186
l ••••••
Les commissions économiques du Comité d'en-
treprise •••••••••••••••••••••••••••••••••••
18 or
II •••••
Le Comité de Groupe ••••••••••••••••••••••••
19-3
B........ Amélioration des modalités de l·assistance.
14}6
l ••••••
Perfectionnement du statut des organes d'
assistance . . • . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . .
19·~
II
AMélioration des moyens de l'assistance ••••
203
a) •
Des pouvoirs d'investigation accrus ••••••••
20,)
b)..
Assouplissement des règles du secret pro-
fessiDnnel.................................
210
SECTION II
Amélioration de la comparabilité
21,J.
§
l
Amélioration de la comparabilité interne
A •••••
Le droit pénal et la fixité des méthodes et
des formes •••••••••••••••••••••••••••••••••
214
B •••••
La disponibilité de la communication simul-
tanée de données comparables •••••••••••••••
§ II
Amélioration de la comparabilité interne •••
A
Les principes généraux de la comptabilité ••
B
La réglementation du contenu des documents •
'-500
CHAPITRE II
LE DROIT PENAL et l'AUTHENTICITE de
l'INFORMATION
~JG
,
SECTION l
Le développement de l'exigence d' authentici té 1
2):7
§ l
•••••••
Le développement de la garantie d'authenticité]62JB
quant à son objet
...•••..••••...•..••._ •..••
A
La notion de comptes annuels ••••••••• : •••••• -'
2cJ9i
B
La protection de l'athenticité des autres do-
cwaents
••••••• ••••••• •••• •••••••••••• ••
24;
l
•••
La protection de l'authenticité par le droit
pénal commun
•••••••••.••••••••••••• ~ • • • • • •
24 ~ :
I I . .
La protection de l'authentici~é par le droit
pénal des affaires
••••••••••••••••••••
245
§ I I ......
Développement de la garantie d'authenticité
.
(
quant à ses bénéficiaires
•••••••••••.•••.••
-250
A ....
Le recul des restrictions tenant aux modes de
diffusion de l'information ..................
25~
l
.. La notion de présentation ..................
25~
II . La notion de publication .. ... ................
'
j
257.
B
L'interprétation extensive des conditions te-
nant aux suites de la diffusion
••••••••••••
26·1
SECTION II
Quelle authenticité?
264
§ l
Définition de l'authenticité
204
A
L'authenticité de l'information extra-comptable
265
B
L'authenticité de l'information comptable,
la notion d'image fidèle
•••••••••••••••••
269
§ II
La réglementation comptable et la gestion de
1 t entreprise
. . • . . . . . . • . . . . . . . • . . • . . . .
275
A ••••
"Droit commun" et expression de la réalité
économique
•••••••••••••••••• " . ••• ••• •
277
B
Adaptabilité de la réglementation aux spé-
cificités économiques
•••••••••••••••••••••
~b4
CONCLUSION du TITRE II ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
28'4
CONCLUSION de la PREMIERE PARTIE ••••••••••••••••••••••••••••
28~
•
501
DEUXIEME PARTIE - LE DROIT PENAL et RENFORCEMENT DE LA REPRESSION
en HATIERE D'INFORMATION de GESTION
2-86
TITRE l
- L'EXTENSION de la RESPONSABILITE •••••••••••
2-88
CHAPITRE l
- LA DETERMINATION du RESPONSABLE ••••••••••••
29:0
Section l
- L'auteur principal •••••••••••••••••••••••••
29.1
§ 1
Le problème de la'qélégation
.,
.
A ••-•• La solution jurisprudentielle .
.
B••••• Appréciation critique de la solution jurispru-
dentielle ••••••••••••••••••••••••••••••••••••
29)'
§ I I •••.. La détermination des dirigeants responsables.
30'0
A••••• La notion de dirigeant ••••••••••••••••••••..•
30-0
t ••• La responsabilité pénale des dirigeants de fait
II •• De la responsabilité pénale des personnes mo-
rales administratrices de S.A.
D
La désignation du dirigeant responsable
31 0
l •• Les dirigeants responsables des infractions de
::Comission •••••••.•••••••••••••••••.••.•••...
31 "1
II •• Les dirigeants responsables des infractions
d'omission •••••••••••••••••••••••••••••.•••••
314
a) La désignation du responsable des infractions
d'omission dans les entreprises dirigées par des
gérants ; •.••.• -••.•••...•••....••. ~ • . . . . . . . . . .
315
b) La désignation du dirigeant responsable
dans les S.A
, •••••••••••••••••••••••••••••••
31'6
1) Le cas des sociétés anonymes de type
classique •••••••••••••••••••••••••..••••••
317
2) Le cas des sociétés anonymes à directoire..
32j
SECTION II
Le complice •••••••••••••••.••••••••.•••••••..•
324
§ l
•••••• La complicité par acte positif antérieur à
l'infraction •••••••••••••••••••••••••••••••••
32,
§ II ••••• La complicité par abstention ou postérieure
à l'infraction •••••••••••••••••••••••••••.•••
331
A •••• La complicité par abstention •••••••••••••••••
331
B••••• La complicité postérieure à l'infraction •••••
333
502
CHAPITRE II
- l'APPRECIATION de la CULPABILITE
3%
Jj7
SECTION 1
L'intention délictueij5e
j37
§ 1
Sur la nécessité de l'intention délictuevse
A
Le pragmatisme du droit positif
•••••••••••
iDe
B
L'importance des infractions .matérie Iles
J43
)44
§
II •••••
L'intention délictuelle exigée
..........
A ••••
Sur la définition de l'intention délictuevse
..H's OlS
.1 •••
La définition du dol général ••••••••••••••••
34-<5 DlS
j ) j
II ••
La définition du dol spécial ••••••••••••••••
358
B
La preuve de l'intention délictueu~e ••••••••
1
Les indices révélant l'existence de l'inten-
tian délictueuse •••••••••••••••••••••••••••
358
a)
Indices fondés sur la personne du prévenu ••
J58
b)
Indices fondés sur les circonstances de l'
infraction
•••••••••••••••••••••••••••••
3.60
II..
Les indices révélant l'inexistence de l'in-
tention délictueuse ••••••••••••••••••••••••
Jb2
SECTION--H
Les autres obstacles à la déclaration de
culpabi l i té.
}b5
§ 1 ••••••
Les faits justificatifs et le consentement
de la victime
••••••••••••••••••••••••••••
3tr5
A
Information et faits justificatifs •••••••••
3b 5
B
Information et consentement de la victime ••
Jt6_8
§
II
La contrainte
.............................
CONCLUSION du TITRE 1 •••••••••••••••••••••••••••••••••••••
J7J
. ..1
\\
50)
-TITRE II -
l'AMELIORATION de la MISE EN OEUVRE DE LA REPRESSlON - j '4
CHAPITRE 1 - l'AMELIORATION des POURSUITES.
SECTION 1
UJ,déquation des moyens d' investiga tion et de
Jf.7
poursuite.
§ 1
Le recours à des auxiliaires publics ••••••••••
}77
A
La collaboration de l'Inspection du travail...
378
B
La" collaboration de la C.O.B
jbJ
1 •• L'intervention de la C.O.B avant la mise en mou-
vement de l'action publique •••••••••••••••••••
jc4
II •• L'intervention de la C.O.B. après la mise en
mouvement de l'action publique ••••••••••••••••
388
§ II
La collaboration des personnes privées
j~1
A
L'action civile
jSl
B
La collaboration du commissaire aux comptes •••
398
1. L'objet de l'obligation de révélation •••••••••
4CO
a) La notion de faits délictueux
400
b) La notion de connaissance
4C5
II. Le moment de la révélation
41};
SECTION II - Allongement des délais de prescription •
418
§ 1
Le report du point de départ de la prescription
419
A ••• Le report du point de départ de la prescription
de certaines infractions instantanées
••••••••
41.9
B
La commission de l'infraction retardée
425
§ II •••• Allongement du délai de prescription par l'
interruption.
\\
504
CHAPITRE II
- LES SANCTIONS -
SECTION 1 -
LES PEINES PRINCIPALES.
4)4
§ 1 •••••
Les peines principales prévues par le
lêgislateur
•.•••••••••••••••.•••.•••••..••
A••••
L'apparence de sévérité des peines légales.
B •••
L'adéquation des peines légales aux spécifi-
cités de l'entreprise.
438
§
II
La mansuétude de la jurisprudence ••••••••••
A
Les manifestations de la mansuétude ••••••••
B
Critique de la jurisprudence •••••••••••••••
SECTION 11-
LES pEIN~~CPMPLZMENTAlRES
ou ACCESSOIRES.
-~
r,
§ I
..•••
L7S~ i!1àdvertabçes'~fu législateur de 1966 •••
. l '
, _ ' ,
· C ,
§ II ••••
~gi~~uJ ~~s peines accessoires ou
c~mplémentaires,/...~ ••••••••••••••••••••••••••
1
c
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\\ . . "-. " /"
.'
CONCWSION du TITRÈ·'U~.\\';,:(;' ••••••••••••••••••••••••••••••
CONCLUSION de la 11° PARTIE
CONCLUSION GENERALE
..............................
<,02
BIBLIOGRAPHIE
................................
468
TABLE ALPHABETIQUE
.................................
489
SOMMAIRE
.......•..•...•.•..•.....•........••......•
495
j
1
l
~
1
1
1
RESill:E
j
!1
Appliqué à l'infor~ation de gestion, le droit pénal, ainsi ~ue
j
les autres branches du droit auxquelles il e~prunte, en ce domaine, l~
1
plupart des incriDinatio~ apparaît essentiellement co~me un' droit con;u
R
POUR l'entreprise.
1
L'orientation actuelle de la législation et de la Jurispru-
dence va dans le sens d'une information aussi complète et crédible que
possible de l'ensemble des partenaires de l'entreprise en vue d'une
1
1
meilleure gestion de celle-ci. Elle se caractérise par une recherche
1
constante d'équilibre entre le "coat" et les avantages attendus
de
1
chaque mesure d'information et par un souci, tout aussi constant,
d'adaptation aa~ conditions de survie de l'entreprise et aux réalités
1
i
économiques.
!
Néanmoins, cette souplesse exceptionnelle .du droit pénal en
matière d'information de gestion se heurte à l'inadéquation des struc-
1
tures de l'entreprise et, parfois,a-Ux limites du droit pénal et de la
procédure pénale communs dont il essaie, avec un certain succès/de s'af-
1
franchir.
MOTS eLEs
- Intérêt de l'entreprise et intérêts catégoriels
- Réalités économiques
- Souplesse et pragmatisme
- Amélioration, adaptation
1