UNIVERSITE
PARIS 7
(JUSSIEU)
li E R
DB
SCIENCES
SOCIALES
PROBLEMES DE L'EDUCATION ET DE LA FORMATION
DE LA JEUNESSE EN GUINEE 1958-1984
THESE POUR L'OBTENTION DU DOCTORAT D'ETAT
UN LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
Option: Sociologie de l'Education
Présentée par
Sous la direction
du
SIDIBE KABINE BEMA
Pro Pierre FOUGEYROLLAS
SEPTEMBRE - OCTOBRE
1988

o E DIE
AUX
Camarades disparus, OSENDE Afana, BALDE Samba,
BAYO Kalifa et Pierre CAMPAS.
A Afrika groupe de Goteborg Sverige - Suede
(particulièrement à Birgitta Everras) qui n'a cessé d'apporter
son aide précieuse aux mouvements de liberation (P.A. I.G.C.,
Frelimo, M.P.L.A, A.N.C.).
A mon feu père BANGALY Sidibé transporteur à Kankan,
(République de Guinée) et à Divo (République de Côte d'Ivoire).
A mes mamans: SARAN Kanté dite Wèrènani, CONDE Sidibé,
DJAKAGBE Fofana, MANOUDOU Djénè Sylla.
A mon frère MOUSSA Sidibé et à ma soeur DOUSSOU Sidibé.
Enfin, à mes enfants MATOMAH Sidibé n° 1, NATO~IAH
Sidibé n° II. MANA Sidibé, BABA Sidibé et MANOUDOU Sidibé dit
Commandant.

- l -
cc Si l'on veut atteindre la vérité, on ne peut juger
les faits en eux-mêmes en négligeant leurs causes.»
OUEZZIN Coulibaly.

- II -
REM E Rel E MEN T S
C'est le lieu ici de rendre un hommage collectif
à tous ceux qui,
à un titre ou à un autre, nous ont aidé dans
la réalisation de ce travail.
Nous voudrions remercier très particulièrement
Monsieur le professeur Pierre FOUGEYROLLAS de l'Université
de Paris VII, à qui nous devons cette heureuse orientation
et qui a toujours suivi notre travail avec la grande sollici-
tude qu'un modeste disciple ait jamais obtenue d'un maître
attentif. Nos remerciements vont également à trois autres
éminents spécialistes de la sociologie et de l'histoire,
Messieurs les professeurs BENENATI, Louis Vincent THOMAS et
Jean SURET CANALE, qui n'ont menagé aucun effort pour partager
avec nous leur riche et pionnière expérience dans la compréhen-
sion des problèmes africains. Messieurs Andre LEWIN ancien
ambassadeur de France en Guinée, Claude LIBOUREL Directeur
du service de Coopération Internationale au Ministère de
l'Education Nationale Française (Rue de Grenelle), Pierre
ALEXANDRE Sous-Directeur du Centre International d'Etudes
Pédagogiques/Paris pont de Sèvres/, Van VANSENOVE, chef du
bureau des appuis aux systèmes éducatifs et à l'enseignement
du Français en Afrique, aux Caraibes et Océan Indien/Ministère
de la Coopération Française/, nous ont énormément aidé par des
remarques pertinentes. Qu'ils soient remerciés aussi. Nous
pensons enfin à tous ceux, avec lesquels nous avons travaillé
et discuté si souvent des problèmes ici réfléchis.

- III -
S 0 loi MAI R E
AVANT-PROPOS •................. _
VII-VIII
INfRODUCT ION
1
-
22
:~
PRl'1':IERE PARI'IE
Hise en place et oreJaIlisation du nouveau systèr€
éducatif
,
1
C~;\\PITRE l : LE PAYS
!t
A - Aperçu géographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ZZ
B - Aperçu h istor ique
<1- 7
1
C - Evolution socio-économique dépuis l'accession à l'indépendance (1958) .. 59
!
!
D
Or;gine du projet de réfonne de l'enseignement.
78
E - Objectifs et finalités de la réfonne de l'enseignement et 10s diffé-
l
rents cycles • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7Y
F - Justification de la réfonne
9U
!
G :-:R~tlexiors générales et c?nclusion du chal'·'\\.\\"e.
•••••••••••••.•• 9 Si
CHA? ITRE II : ORGANISATION ET FONCTIONNE~tENf DE L' ENSE IGNDrEN'f GU [NEEN.
A - L'enseignement élémentaire (C.E.R.)·Çèn.tfêctTto..uâtion Révolutionnaire
ou Ensei-E.nelllent de masse
! 3' /
. . . " >
.
,'-~ i C /\\ ','..1:. r
'
1
a) - Object ifs et extension
>'. \\-:-:-:.--:
)
113
b) - Progrwnmes
';. ~
, ....•• ~,..,.;
116
c) - Synthèse - Reflexions - Conclusion
,; •.:-:
12CJ
B - Centre d'Education Révolutionnaire du 2éme et du 3ème Cycle ou Pré-
l,In i vers i tai re
a) - Objectifs
131.
b) - Organisation ..•.............................•.................. 132
c) - Progrmnmes .. l
134.
d) - Extension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • 138
C - Ecoles professionne) les
a) - Caractér is tiques. . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . .. 1 41
b) - Ecoles de fonnation agricole
149
c) - Objectifs
155
d) - Progrmnmes et infrastructures
'"
150
e) - Les méthodes et infrastructures de l'enseignement agricole
157
f) - Conc l us i on. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . •.
164

- IV -
D - Système de contrOle, ..
)
G"
l"
a
-
enera ltes
,
.
lbb
b) - Système de contrOle
guinéen
,
.
1ô9
E - Educat ion et travail.Q.roduct if
a) - Généralités
.
19 1
b) - EdllCation et travail prodllCtif en Guinée
.
19~
c) - Organisat ion
.
195
d) - Bilarl
.
198
e) - Critiques
.
199
F - Référerlces cOrltirlerltales
a) - Bénirl
2US
b) - COte d' [voire
2U9
c) - TanZémie
212
d) - Bot SWc1rl,). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
2 15
e) - Synthèse - Réflexiorl - COrlclusiorl
222
G - Politiq'Je d'alphabétisatiorl
228
a) - Gérl~rdlités
228
b) - Alphabét isat iOrl erl Gu irlée et SOrl fOrlct iOrlrlemerlt.. .
.. .. ..
231
c) - Bilan et critiques
2:;:~
d) - Propositiorls
2~U
H - L'Erlseignement Supérieur ou systèC1e des Gnmdes Ecoles
a) - Gérléralités
2~ 1
b) - L'Enseignemerlt Supérieur erl Guirlée
244
c)
L'Lrliversité
moyerl de développemerlt culturel et politiqLle.
240
d)
L'Urliversité
moyerl de dé'feloppemerlt écorlomiqLie
2~S
e) - COrlditiorls d'existcrlce d'urle Urliversité Nationale
2~9
[ - Politique de fo:matiorl du personrlel erlseignant
a) - Ecoles Normales d' [nstituteurs
2Sb
b) - Programmes
,
257
c) - Eco 1.es Normales Supérieures
259
d) - PrograJ11Ines
,
262
e) - Irlstitut Pédagogique National
267
f) - Critiques et propositions
271
g) - COrlclusiorl de la première partie
274

~ v -
DEUXIEHE PARTIE
CHAP ITRE --,I~,,---=-UNE:..=.......:.;TE;:.:NT.:..:.c.c.AT:..:I:..;..VE~D.::.E _'--",'RE=-V;.,.,;·O..::.LlJT~I--",ON~C..:..;U L=..:TUc..:..:..::RE=.:;L..::.LE.::....'~' .::.ET:.......::.L:..;..A"",Qc=-UE=..:S=T.::.IO:..:..:.N
LINGUISTIQUe (autour de 1968).
a) - Généralités •.•.....................•.................•.......... 278
b) - La politique linguistique de la Guinée
. 279
c) - Objectifs ...•.......•...............•............................ 28Z
d) - Critiques.......................................................
289
e) -Résultats ..•.......•...•.......................•......•.......... 291
f) - Propositions
294
CHAPITRE II: POLITIQUE EDUCATIVE DU GOUVERNE~IENT GUINEEN
a) - Problèmes structurels. organisationnels et financiers pour une
réalisation efficace de la réforme..............................
2gb
b) - Administration de l'Education et son fonctionnement ..........•..
301
c) - Critiques.......................................................
315
d) - L'adéquation formation - emploi.
317
e) - Généralités.....................................................
317
f) - Formation-emploi selon les autorités guinnéennes
320
g) - Propositions ..•.••......•..•..............••..............
326
CHAPITRE III
: ENCADREMENT DE LA JEUNESSE ET ORGANISATION DES FEMMES
A7- ENCADREMENT DE LA JEUNESSE
a) - Général l tés .....•....•.........................................
.3 2 li
b) - Encadrement de la jeunesse en Guinée............................
338
c) - Génèse du mouvement..........................
339
d) - Son organisation...... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . •. .• . • . . . . . . .. . . . .
343
e) - Sa participation politique
340
f) - Sa contribution économique.....................................
348
g) - Ses activités culturelles et sportives..........................
352
h) - La milice populaire.............................................
356)
B - L'organisation des femmes ...................•.............•.....•......
3bP -
a) - De l'état de dépendance de la femme
..
361
b) - Des fondements de la lutte
des femmes ................•.....•...
36&-
c) - De l'action des femmes dans la lutte pour l'indépendance
.
377
d) - Conclusion du chapitre
.
39b

- VI -
CHAPITRE IV : L'OPPOSITION ESTUDIANTINE
a) - Fondement des luttes intellectuelles au sein du PDG-RDA
404
b) - De la sous-section PDG-RDA de ~Iamou
406
c) - De la position radicale de la sous-section de Mamou
411
d) - De l'exclusion de la sous-section de ~Iamou
42ï
e) - De la victoire de Comité Directeur
439
f) - Luttes estudiantines et réalités socio-politiques
442
g) - Origine de l'opposition estudiante au P.D.G
443
h) - Du problème de l' intégrat ion
453
i) - De la lutte de fraction au sein de l'A.E.G.F
456
j) - Du front de "libération nationale" de Guinée
4b3
k) - De l'A.E.G.F.-~Iouvement "démocratique" et "patriotique" guinéen . .468
1) - Bilan et résultat de la lutte de l'opposition
4i2
m) - Conclusion Générale et Bilan de la réforme
478
ANNEXE
a) - Prospectives touchant le renouveau du système éducatif
après "Avril 1984" ..........................•.................... 489
b) - Propositions
501
c) - Bibliographie
503

- VII -
AVANT - PROPOS
L'école, dans les pays en voie de développement, et
plus particulièrement en Guinée, est considérée comme le moyen
le plus efficace pour parvenir au développement.
C'est ainsi qu'après l'indépendance de ce pays, de
gros moyens furent consacrés à sa restructuration. Les objectifs
visés par cette nouvelle démarche étaient d'une part, de combler
le retard économique subit pendant soixante années de colonisa-
tion, d'autre part, d'en faire un instrument politique au servi-
ce de l'idéologie "Progressiste" du Parti-Etat.
Dans la pratique, cette grande ambition (légitime
d'ailleurs) de l'Ecole Guinéenne ne s'est pas réalisée dans
la mesure où le pays fait partie des pays les moins avancés.
De plus, le rôle de consolidation du pouvoir, de conscientisa-
tion imparti à l'école n'a pas pénétré la substance sociale de
la population.
A peine une semaine après la mort du Président Sékou
Touré (26 Mars 1984) le Régime dit révolutionnaire et Populaire
s'est effondré (3 Avril 1984) entraînant dans sa chute tout ce
qui "touche superficiellement" le parti démocratique de Guinée
(P.O.G.) et ceci, à la grande joie de la population qu'il était
censé représenter (1).
(1) : En (quelques heures seulement après la prise du pouvoir par les mili-
taires, les enfants des écoles se répandent à travers la capitale
lacèrent les portraits du dictateur et effacent tous les slogans pseudo-
révolutionnaires qui émaillent les façades des bâtiments publics.
Trente ans d'endoctrinement seront balayés en moins de trois jours
d'un bout à l'autre de la Guinée).
(Ibrahima Baba Kaké, Sékou Touré,
le héros et le tyran, Jeune Afrique livres, n' 3 1987, p. 236).

- VIII -
Ce sont les problèmes de cette école que la présente
étude tente de cerner dans leur complexité et leur imbrication
avec ceux de la société en général.
A ce propos. nous avons utilisé des documents nationaux
et internationaux; aussi, avons-nous essayé de comparer ce sys-
tème avec d'autres systèmes éducatifs africains, afin de placer
celui de la Guinée dans un contexte continental. Signalons au
lecteur que notre :
"méthode n'échappe pas au choix
théorique
considérant
les
faits
sociaux
selon
la
globalité
fonctionnaliste,
structuraliste
et systémique ou selon
la contradiction
supposée inhérente à
tout
aspect de
la
vie sociale et
constitutive de son deve-
nir"
(2).
Notre étude ne prétend ni être exhaustive ni proposer
des solutions miracles, elle veut tout simplement contribuer
à
l'enrichissement du débat national portant sur le redressement
de la Guinée. faire prendre conscience de la gravité des problè-
mes de l'Ecole Guinéenne qui ne peuvent être compris que par
une analyse globale du système politique où celle-ci est un
des maillons des plus solides.
Cette approche ne doit pas se résumer en un réquisi-
toire et des propos nostalgiques auxquels se sont livrés les
quelques participants de la conférence nationale sur l'éducation
tenue à Conakry du 24 Mai au 3 Juin 1984, un mois après la dis-
parition de Sékou Touré.
(2)
(Pierre FOUGEYROLLAS, Sciences Sociales et Marxisme, Payot 1979, p. 159).

-
l
-
l N T R 0 DUC T ION
Il n'y a pas d'éducation qui ne suppose une vision
de l'homme. De quelque cOté qu'on la considère,
l'éducation s'ins-
crit du cOté de l'avenir car son rOle fondamental est de reproduire
la société dont elle émane sans pour autant négliger l'avenir. Cette
reproduction ne va pas sai;S problèmes (3). En effet
il s'agit de
rendre conforme les vues,
les attitudes et les comportements de
la jeunesse aux lois qui
lui sont propres.
Lorsque l'on examine les rapports officiels sur
l'éducation, on est frappé par les allusions fréquentes allX pro-
blèmes d'intégration, d'adaptation, d'emploi, de la part de divers
secteurs de la population: étudiants, enseignants, parents, et
même autorités scolaires qui estiment que les réalisations des
Systèmes éducatifs sont fort éloignées des espoirs et des aspira-
tions.
Les causes de cet écart so~t diverses et sont surtout fonc-
tion des réalités nationales.
Le système éducatif guinéen, comme la plupart des
systèmes éducatifs africains, a souffert par le passé de l'inadap-
tation aux besoins collectifs et individuels dont
la satisfaction
conditionne pour une large part le développement dans son ensemble.
(3)
Le fonctionnement de ce rôle de reproduction,
bien qu'il touche plusieurs
aspects de la vie sociale, n'est pas pour autant dépourvu de problèmes.
"La notion d'éducation en tant qu'instrument de reproduction des systèmes
de
valeurs et de croyances existants nous a déjà fait aborder un autre
aspect critique du contexte politique de l'éducation,
le rôle qu'elle
peut ou ne peut pas jouer, qu'elle joue ou ne joue pas, en contribuant
à susciter et à établir durablement des changements d'ordre social".
(Hans N. Weiler, le contexte politique de la planification de l'éducation.
Vue d'ensemble in la planification de l'éducation UNESCO. 1.I.P. E. 1985
pp. 418-419).

- 2 -
Pour changer cet état de fait,
le gouvernement
guinéen a, en AoUt 1959, décidé de réformer son système éducatif
pour en faire un outil de développement. Cet outil a pour cible
la jeunesse, une composante fondamentale de la société, qui doit
pleinement participer à la construction de la nouvelle nation.
Notre choix pour ce sujet s'explique en premier
lieu par le fait que c'est l'un des premiers pays en Afrique de l'ouest 1
à
avoir
initié une voie originale et qui mettait en cause la pré-
;
tendue efficience du système éducatif colonial.
En second lieu, ce pays n'a cessé d'être un sujet,
sinon d'admiration ou de haine du moins de sympathie, d'étonnement
ou d'imitation
. A cet effet beaucoup d'ouvrages lui ont été con-
sacrés mais pas un seul n'a traité le problème de l'éducation de
façon approfondie qui,
il nous semble a son pesant d'or dans
l'échec de la "révolution guinéenne".
En troisième lieu, c'est un pays que nous "connais-
sons bien" pour y avoir vécu pendant les premières années de son
indépendance. Mais aussi les conditions et circonstances particu-
lières qui furent choisies par l'histoire pour l'accession de ce
jeune pays à la souveraineté nationale. Donc,
la présente étude
a pour objet
de déceler et, si possible, de traduire les diffi-
cultés inhérentes au système éducatif guinéen. Notre analyse ira
plus précisément dans le sens
de
l'investigation des contradic-
tions majeures existant entre le droit à l'existence d'un pays
et les moyens propres pour y parvenir.
f!
Dans les premières années de la Guinée post-colo-
l
niale,
l'éducation ou plus exactement l'école "moderne" fut con-
1
sidérée naivement comme le moyen le plus efficace du développementl1
dont il fallait à tout prix
~

-
3 -
iéhausser 1e prestige. ~Iais après les premiers morr,ents euphoriques des années
1960-1963, une décennie plus tard, on ne pouvait s'empêcher de voir les li~ites
de l'école "moderne" et un manque de réalisme de la part des homrnes politiques
concernant les problèmes de l'éducation. Compte tenu de ce fait, nous essaierons
de montrer qu'une telle imprévision ne contribue qu'à renforcer la crise du sys-
tème éducatif.
En lieu et place de sa vocation d'instrument de développement et d'in-
tégration, celui-ci retarde l'indépendance concrète de la Guinée.
Enfin, il sera question de m'Jntrer co;;:rnent la Guinée, malgré les obsta-
cles posés par la rupture brutale avec la métropole à laquelle elle n'était pas
préparée, mais compensée en grande partie par l'assistance des démocraties POPLl-
laires (4), l'aide de certains pays africains (Chanl, Libéria), et la solidarité
agissante d'un grand nombre d' intellectl'els "progressistes" Africains, Américains,
Antillais et Européens n'est pas arrivée à se tailler sur mesure des structures
éducatives capables de relever le défi et surtout de répondre aux aspirations
à un renouveau culturel espéré et attendu par le peuple en 1958.
Problèmes
Les discours officiels des autorités guinéennes relatifs à l'éducation,
montrent que dans ce domaine les difficultés ne sont pas les moindres. C'est ainsi qu'
au cours du "Conseil Supérieur de l'Education" réuni le 12 Novembre 1968, le
Président Sékou Touré déclarait :
"Nous voulons édifier une société de type superleur totalement
débarrassée de toutes les insuffisances et fondée exclusiveme:'t
sur la démocratie réelle, la justice
sosiale, la fraternité
et la solidarLtê. Le devoir nOllS amène donc à dire que la
rentrée scolaire de cette année s'est effectuée dans l'anarchie,
dans le désordre, alors que les vacances ont été utllisées à
des séminaires de formation idéologique et professionnelle,
à faire comprendre et à faire accepter les motivations des
profondes modifications prévues dans le système d'éducation
en Guinée. Au moment donc où le peuple s'attendait à un meil-
leur fonctionnement du secteur de l'éducation, combien grande
a da être sa déception en constatant que pendant quinze jours
les élèves et étudiants n'étaient pas en place tou~ co~~e -
fait inexcusable - les martres.
Par ailleurs, l'infrastructure d'accueil qui devrait requérir
l'attention des autorités politiques et administratives des
différentes collectivités n'a été considérée comme un élément
(4)
L'aide octroyée par les démocraties populaires ne peut s'avérer efficace,
que, dans un contexte de démocratie populaire, voire même socialiste. Ce
contexte est loin d'être créé en Guinée.

r1
..:. 4 -
1
1
r
déterminant du succès de la politique scolaire du reglme qu'à
la date d'ouverture des établissements, autrement dit, on a
t
attendu la première semaine d'octobre pour se rendre compte
qu'il manquait ici une classe, là cinq et ailleurs di~. On
s'est hâtivement mis à improviser sans se soucier le moins
du monde des programmes du Parti : Nous pensons que dans
beaucoup de régions l'infrastructure matérielle n'est pas
encore à ce jour complètement installée.
(Aussi), on a recruté plus d'élèves que ne le permet la capa-
cité d'accueil des classes. Par la suite, on a décidé de libérer
quelques jeunes en attendant de pouvoir leur trouver de la
place. C'est vraiment aberrant. Et quand les classes exLstent
dans telle région ( ... ) on a le plus souvent omis de prévoir
l'équipement en mobilier et fournitures scolaires. C'est après
la rentrée des classes que l'on a lancé des commandes de tables-
bancs, à des sociétés situées à des centaines de kilomètres
de la région et les élèves doivent attendre sous la véranda,
s'ils ne sont pas tout simplement installés à même le sol ...
Il faut que cessent les improvisations qui portent tant de
préjudice à la formation des jeunes élèves et étudiants".
Un an plus türd. les mêmes constats de la part du secrétaire d'Etat à l'Education
Nationale au "Conseil de la Révolution" réapparaissait:
"Nous devons à la vérité reconnaItre que la rentrée scolaire
1969-1970 a connu des difficultés réelles. Ces difficultés
sont dues :
1) à l'arrivée tardive des maîtres à leur poste:
les uns volontairement carents ; les autres jeunes sortants
attenlant leur mutation;
2) au~ élèves qui savent que la reprise des cours est toujours
subordonnée à l'arrivée de la totalité du corps professoral
3) aux chefs d'établissement dont la plupart se révèlent inca-
pables d'établir un emploi de temps, même provisoire, suscep-
tible d'occuper maitres et élèves présents en attendant le
complément d'effectif;
4) aux transferts intempestifs qui ne permettent pas de stabi-
liser les effectifs trois mois après ;
5) aux parents, surtout en milieu rural, où les enfants atten-
dent d'être libérés des travaux agricoles pour venir à
l'école;
6) aux lenteurs inhérentes aux transports quand on sait que
que chaque rentrée scolaire met en mouvement plus de 150.000
élèves et maitres ;

-
5 -
7) au rythme annuel des mutations du personnel.
8) Au premier cycle les classes sont devenues insuffisantes
face à la scolarisation intensive et
à la décision du
parti de ne plus licencier un élève
de l'école guinéenne.
Les locaux qui existent ont besoin d'être restaurés. Eh
effet la plupart des bâtiments construits par investisse-
ment humain grâce à la mobilisation des militants répondant
à l'appel du P.D.G. tombent en ruines".
(5)
En novembre 1983, le Xllème Congrès du parti démocratique de Guinée (le PDG) recom-
mandait au gouvernement l'assainissement et l'adaptation du système éducatif aux
réalités socio-écnomiques du pays.
Ce congrès national du PDG invite le gouvernement à poursuivre la politique
de démocratisation de l'école afin de favoriser, à brève échéance, la scolarisation
assez poussée des enfants du pays; il engage le gouvernement à poursuivre la dyna-
mique de la promotion de l'école par une qualification toujours plus poussée des
structures et des contenus de l'enseignement.
Aussi est-il demandé au gouvernement de poursuivre les efforts de forma-
1
tian de cadres moyens, d'ouvriers, et d'hommes de métiers de toutes spécialités,
!1
dont le pays a plus que jamais besoin pour son développement.
1
Au vu de ces recommandations, il apparaît que les pouvoirs publics ont
r
pris conscience d'un large éventail de problèmes qui traduit leur insatisfaction
!
en présence des conditions actuelles.
1
l
La très forte demande de la population à l'endroit des structures parallèles
d'éducation (Coranique et Médersa) indique un certain hiatus entre la performance
!
de l'école et les espoirs et aspirations qui étaient les siens. Cela peut s'expli-
i
quer par les critères de choix des programmes, la non-clarification des objectifs,
1
sans oublier le manque de possibilités tant matérielles qu'humaines pour leur édi-
1
fication.
!
i
1
En termes d'interrogation, on pourrait formuler les questions de la
1
façon suivante :
1
Comment remplacer la machine éducative coloniale ?
- Comment rendre l'enseignement populaire accessible à tous?
- Quels sont les moyens immédiats utilisables à court et à long termes
pour la concrétisation de ce projet ?
1
(5) Dernier Congrès avant la mort du Président Sékou Touré
1
;

- 6 -
- Comment tirer profit, du point de vue économique, des
potentialités humaines qui sont engagées dans le processus
de l'éducation? (transformation du "savoir" en "savoir-
!
faire", augmentation du PNB, etc ... (6)
!
1
- Comment réformer l'ancienne école coloniale, afin de
~
t
concilier Education et Développement?
1
De façon abrégée et quelque peu abstraite, ces problèmes une fois
identifiés, peuvent se grouper autour de certains objectifs fondamentaux:
1
la démocratisation, l'efficacité et le rapport étroit avec la vie de tous
!
les jours. Pour que le droit à l'éducation devienne une réalité, il faut
1
.,
nécessairement procéder à une expansion quantitative et qualitative de ses
!
moyens.
Certes, il est vrai que la recherche de cet objectif peut se
1
heurter d'une part
à l'explosion démographique~et de l'autre à la pénurie
t
d'enseignants, d'infrastructures d'accueil et de fonds.
1
A titre d'exemple "au cours de l'année 1982, la Guinée a reçu un
r
1
total de 156.500.000 dollars d'aide au développement sous forme d'assistance
technique et financière provenant
de l'extérieur", (7)
Il faut savoir qu'une bonne partie de cette aide devrait être consacrée au
renouveau de l'enseignement, en particulier
à la formation des formateurs, car
il semblerait
qu'il y ait nécessité de pourvoir les instituts et facultés
d'université, d'un corps enseignant qualifié et compétent.(8)
(6)
.
r.
La Guinée, a un PNB qui varie entre entre 290-300 dol PH - -
jeune Af~iq~e plus n'8 Juin 1984 P. 105
(7)
Réf.
Nation ynies'Programme pour le développement. Rapport
annuel pour 1982_sur l'assistance au développement en Guinée
Conakry-PNUD.
(8)
UNESCO
Rapport de mission en RéIltJbl ique'''Populaire et Révolution:::
naire" de Guinée 26 Décembre 1979 118 Janvier 1980 EFO/23S6 P.S

-
7 -
AlpES EXTERIEURES EN 1982
Unité
$ EU 000
Tous
E d u c a t
i
0
n
Secteurs
c30nt
c30nt co-
dont
Aide
àont
construc.
opération
pays ou organismes
équipement
technique
total
to::ale
bourses
scolai.re
et divers
1
éducation
éducation
Arabie Saouàite
21 900
7 000
7 000
------ -.-
--------
--------
- - - - - - - -
1
CEE
18 810
]:14
360
150
844
- - - - - - - -
--------
--------
--------
1
BIRD
16 010
150
990
1 140
f
--------
--------
--------
--------
Japon
15 932
30
30
1
--------
- - - - - - - -
--------
--------
RFA
11 895
45
45
1
--------
--------
--------
--------
France
11 880
272
397
669
--------
--------
-- ....-----
--------
f
BADEA
11 869
Banque Islamique
11 000
:.JSiI
10 581
5 317
5 317
Italie
8 352
1 125
242
1 367
PNUO
6 348
441
420
867
Autres Nat. Unies
4 125
229
248
477
1
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Maroc
n.d.
540
540
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Suisse
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200
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156 500
3 387
13 467
2 564
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';r'.,,,:p :..2?~e."7lc-·1~ en
Gui!":é~.
16/3/84.
Conakry.
1
1
,,

-
8 -
L'efficacité du système éducatif reste douteuse dans la
mesure où elle n'arrive pas à atteindre les objectifs qui lui ont été
fixés dans le cadre de l'enseignement de masse.
"Avec 30~ (9) des enfants âgés de 7 à 12 ans inscrits dans
le primaire, ce taux se révèle être l'un des plus bas de
l'Afrique de l'ouest. Le taux de scolarisation des filles
demeure égale",ent l'un des plus faible~ dans le primaire, les
filles ne représentant que 34% de la population scolarisée,
ce taux est de 27% dans le secondaire, et de 20% à
l'université.
L'insuffisance notoire de locaux explique l'existence de
classes aux effectifs pléthorique5dans les zones urbaines.
Par exemple, à Conakry, on dénombre dans le primaire des
classes de près de 240 enfants (entassés dans des salles de
permanence du parti). La capitale ne recrute plus depuis
5 ans. Il lui faut d'urgence 500 nouvelles classes pour
accueillir à la prochaine rentrée le flot des enfants en âge
d'aller à l'école.
Par ailleurs, 6% des instituteurs, 75~ des enseignants
du secondaire et 95% du supérieur sont dépourvus de
qualification et ont besoin d'un recyclage systématique.
La pénurie de manuels scolaires et univers~taires, de
matériels didactiques, de laboratoires, d'ateliers, font que
l'enseignement est dispensé sous forme de cours magistraux,
de prises de notes et de restitution intégrale des leçons
pendant les contrôl~s.
L'introduction hâtive et improvisée des langues
nationales comme langues d'enseignement à la place du
français, sans support didactique élaboré, a porté un
coup
fatal à la qualité de la formation".
(la)
(9)
Dans l'émission "Info-Vision" de TF! du jeudi 6 Novembre
1986 à 21 H 45 sur la Guinée, le pourcentage de scolarisation
révélé est de 28%.
(la)
Discours de Sidy Mohamed Kéita, chef de bataillon, Ministre
de l'enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique, 17
Avril 1984.

9
L'introduction des langues nationales dans l'enseignement ne s'est
pas faite à la suite d'une politique linguistique claire et consé-
quente. La prise de conscience faisant de la langue un fait de
culture et de facteur de développement économique et social tout
à fait primordial a été sous-estimée au profit d'une politique de
propagande complètement tournée vers l'extérieur (11).
Bien que née en 1959. la réforme de l'éducation
n'a réellement débuté qu'en 1961. Vingt quatre ans après. force
est de constater que la réforme du système éducatif guinéen n'a
pas donné les résultats escomptés
- faible taux de scolarisation ;
limitation de l'infrastructure d'accueil
1
t,
- baisse de niveau.
i
i
Par ailleurs. la nouvelle école gulneenne n'a pu fonctionner
,
comme un véritable outil d'appoint dans le processus du développe-
i
ment national. Ceci
peut se vérifier à travers l'état d'arriera-
1
tion du pays qui figure parmi les moins avancés au sud du Sahara.
Sur le plan culturel,
l'apport de la réforme s'est limité au "mode-
lage" de la personnalité des citoyens en fonction des objectifs
1
politiques du Parti "Démocratique" de Guinée.
!!
Ce constat montre bien que les principaux signes de
f
cette inefficacité sont
1
- un certain pourcentage d'enfants qui ne fréquentent
pas l'école,
- la déperdition d'élèves inscrits,
- la répartition inégale du réseau scolaire sur le
territoire nationale,
_l'équilibre insuffisant entre les divers secteurs
de l'éducation.
Parallèlement, l'extension du champ de l'éducation
exige une part croissante des fonds publics. Le coÛt unitaire de
la formation augmentant entraînerait une grosse part du budget
national.
(11)
Confère le chapitre "une tentative de révolution culturelle"
et la
question linguistique.

- 10 -
Alors. le problème auquel la Guinée a fait face et continue
de faire face. est de savoir si les ressources disponibles permettront la
réalisation des objectifs socio-économiques dans le cadre du système éducatif
actuel.
Subsiste aussi le problème de la qualité de la formation des
enseignés. Une fois de plus le constat est amer :
"les élèves qui passaient d'une classe à l'autre
régulièrement sans en avoir le niveau réel pour la
plupart, se retrouvèrent fonctionnaires enseignants
ingénieurs, administrateurs, médecins, etc ... " (12).
L'enseignEment de masse bien que nécessaire dans un pays sous-développé. comme
la Guinée, ne permet pas d'atteindre le résultat escompté, à savoir. la forma-
tion de bons ouvriers intermédiaires entre les deux extrémités des cadres
"moyens" et "supérieurs". Ceci s' expl ique par le manque de structures adéquates
de formation, de personnel compétent et surout le manque de rigueur dans la
planification de la formation.
La formation circonstancielle d'un plus grand nombre
d'élèves, la masse de diplômés n'arrive,,;'tog'.r;·t~>pas à être absor-
bée par l'Etat-providence (Fonction ~~11Que).~~Qù. la non corres-
pondance entre l'offre et la demandei~'~61{19:~ü;ItiPlication
c
~
~,
,
des cités socialistesà travers tout
~. erritai je) entraînant
le manque d'emplois pour les universi ';"~r,étèves dans une
,', !ln
~ \\"',0>-
société souffrant d'une pénurie chroniqum~ravailleursquali-
fiés à tous les niveaux. Au sens restreint. c'est signe qu'il
y a un gouffre entre ce que la société attend des écoles. et ce
que les écoles produisent réellement. Au sens large. cela peut
signifier qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de formation
professionnelle, mais qu'il faut encore savoir si. dans l'ensemble.
l'enseignement
et le processus d'acquisition des connaissances
sont bien adaptés. Autrement dit. ce processus a-t-il réussi à
faire des membres de la société des agents d'autocréation ?
(12)
Rapport
de
l'inspection d'Académie de
N'Zérékoré-Guinée
forestière
-
in actes
de
la conférence nationale de
l'éduca-
tion.
24 Mai au
3 Juin
1984.

- 11 -
Comment changer les méthodes d'instruction et le
système éducatif pour en améliorer son fonctionnement?
"Nos besoirls actuels en administrateurs de l'êduca-
tion restent à évaluer quantativement. Nous nous
accordons néanmoins sur le fait qu'il est devenu
indispensable d'organiser des séminaires et stages
nationaux et internationauax pour surformer la
quasi totalité des administrateurs de l'éducation,
faire la synthèse de notre riche expérience en admi-
nistration de l'éducation dans des conditions politi-
ques, sociales et économiques particulières, (, .. )
il s'agit d'initier nos cadres techniciens aux mé-
thodes modernes de gestion de l'éducation" (13).
Les interrogations :
Voici donc vingt quatre ans déjà que naissait et prenait
corps la réforme du système éducatif guinéen ayant pour vocation
de dynamiser le développement socio-économique du pays et surtout
de rendre, à part entière,
la société responsable de son destin.
Il s'agissait alors. de la part des autorités guinéennes. d'un
acte de volonté. d'une confiance en la capacité créatrice d'une
population à dJnner un conte~u concret aux reco~andations de la conférence
des ministres de l'éducation nationale qui s'est tenue à Addis-
Abeba (ETHIOPIE) en 1961.
Cette nouvelle expérience aurait connu des résultats
satisfaisants si elle avait été précédée d'une étude de faisabilité
portant sur :
-
le recensement de
la population
scolarisabl~
à court et à long terme ;
- la disponibilité du personnel i1umain et matériel p:lUI'
l'encadrement
- et l' "out put" scolaire permet tan t de jet er la lu-
mière sur le dynamisme interne et externe du système
éducatif ,
(13)
Amadou Kamara Directeur régional de l'éducation à Kouroussa Guinée.
Atelier inter-régional sur la formation des administrateu's de l'éduca-
tion. Dakar, 5-16 Mars 1980 UNESCO Bureau régional d'éducation pour
l'Afrique.

- 12 -
Cette étude préliminaire aurait aussi permis d'évaluer les besoins
en personnel de l'Etat pour le premier plan triennal et également
de faire des projections sur les années à venir. Elle donne aussi
une image complète des besoins en main-d'oeuvre de l'économie
nationale. Toutefois, elle constitue un élément essentiel dans
la connaissance du marché du travail, et peut si possible, être
un document utile pour définir les conditions d'un meilleur équi-
libre global entre les productions du système éducatif et les
besoins en main-d'oeuvre qualifiée de l'économie nationale. Les
difficultés rencontrées et les lacunes des diverses prévisions
seraient aplanies et comblées. Par exemple, ~~~gt~~~~! de l'emplo~
(utilisation rationnelle et judicieuse du potentiel humain), cette
étude permettrait de disposer de données statistiques sur les
secteurs qui fournissent le maximum d'emploi
agriculture, secteur
informel rural et urbain, surtout le secteur minier (bauxite).
Ceci pouvait donner des informations sur les mouvements qui affec-
tent les emplois, à savoir: - le renouvellement de la main-d'oeu-
vre (décès, retraite), évitant ainsi à l'Etat la rémunération des
fonctionnaires fictifs:
- le plafonnement des capacités d'absor-
ption de l'économie en main-d'oeuvre; - la promotion - la mobi-
lité sectorielle et professionnelle l'appréciation des besoins
dus au renouvellement de la main-d'oeuvre et la détermination
du nombre d'emplois à pourvoir par promotion, en vu de passer
des besoins en main-d'oeuvre aux besoins en formation qui ne peu-
vent reposer sur la simple observation.
S'agissant de la formation,
le travail d'évaluation
donnerait des vues réelles sur les capacités structurelles d'absor-
ption des différents cycles, primaire. secondaire et supérieur -
en lieu et place de~ classes surchargées de 100 - 130, voire plus
dans certaines écoles de la capitale.

- 13 -
~othèse de Recherche
En nous référant à la problématique ci-dessus déve-
loppée, notre hypothèse de recherche peut se concevoir de la ma-
nière suivante
- l'école moderne en tant qu'élément superstructurel n'a
jamais créé "ipso f ac to" de déve loppement iso lé.
- Autrement dit, elle ne devient facteur de développement
que lorsqu'elle contribue à la création de conditions permettant
d'accélérer le développement par le biais de connaissances nou-
velles, de valeurs et attitudes nouvelles. Ceci s'est vérifié
en Angleterre, qui est la "mère patrie" du capitalisme:
Elle a d'abord
procédé
par
la mise
en va-
leur de
l'artisanat devenu
ensuLte manifac-
ture,
PULS
industrie qUL
au
fil
des
expé-
riences a
créé
ses propres
écoles
pour
amélio~e~ la rentabLlité.
A p~opos de
l'uti-
lisation de
la Science dans
la grande
indus-
trie,
Karl
Marx note:
"elle
(grande
indus-
trLe)
faLt
de
la Science une
force
indépen-
dante du
travail
et
l'enrôle au
service
du capital
(14).
L'école, ainsi créée dans le sillage de l'industrie,
accomplirait mieux sa mission de développement que si elle avait
le devoir de créer le développement là où il n'existait qu'à
l'état embryonnaire.
(14)
-
Le capital
Ir
Editions Sociales
1948,
p.
50.

-
14 -
L'exemple de la Russie de 1917 avec Lenine est assez significatif.
Parallèlement à la réorganisation et la mise en place d'une industrie moderne,
"les portes des écoles techniques de tous les degrés furent ouver-
tes à
tous
les ouvriers. et ces écoles se mul t iplièren t avec une
rapidité extraordinaire"(15).
La
Russie
aujourd'hui,
malgré
l'opinion
qu'on
se fait
d'elle,
s'est hissée au rang de pays développé. (16)
Propos it ions
Une
étude
n'est
scientifique que
lorsqu'elle développe l'esprit
de
critique
et
qu'elle est
accompagnée de
propositions
servant d'apport
à la conquête de la science.
L'Afrique, et plus particulièrement la Guinée, aurait pu exploiter
les riches leçons de l' histoire. En effet,
à 1/
aube de son indépendance,
elle a bénéficié de concours de plusieurs nations "socialistes" et capita,-
listes.
Chacune d'elles a,
à côté de l'apport matériel, fait état de son
cheminement historique, certes, avec insistance sur des évènements qui lui
sont propres, et aussi sur les problèmes rencontrés pendant la réalisation
de la nation.
(1';,)
-
Isaac Deutscher, Staline Edition Gallimard 1953, P. 409.
(16) - La même stratégie fut adoptée en Chine Populaire au cours de la 8ème
session plénière du comité central en Mai 1958 qui,
avait pour thème:
"walking on two 1egs'~
Meanwhile,
the policy of "walking on two legs"
and running schools in diverse forms was implemented".
La politique de la "marche sur les deux pieds" fut expé,rimentée parallè-
lement avec la diversification des programmes scolaires liés à "l'industria-
lisation". (Traduit par nous). (Réf. UNESCO towards Universalization in Asia
the Pacifie contry Studies : China, Bangkok, 1984, p. 5).

-
15 -
La Guinée, forte de ces contacts, pouvait mieux util iser ses potentialités
(en fonction de ses réalités) afin d'atteindre à moindres frais son objectif
qui est de faire de l'école un outils précieux du développement économique
et soc i al.
Les objectifs de l'éducation scnt aussi réexaminés en vue
de découvrir les raisons de l'inefficacité et de l' inadaptation du syst~me.
Si ce qu'on attend de l'éducation n'est pas réalisable, il faudrait
commencer par préciser la véritable tâche de celle-ci
dans le monde
moderne. (17)
Une des répJt1sas
satisfaisantes peut-être celle qu'offre le
concept de l'éducation permanente, mais à condition qu'on s'y prenne avec
"sérieux", sans démagogie, avec des conditions minimales en potentialités
humaines et matérielles. En même temps, il importe de tenir compte des
limites qu'implique un enseignement organisé.
Dans un pays, le syst~me éducatif dans son ensemble, n'est
pas le seul instrument par lequel sont formésles individus ou par lequel,
pour reprenére une exprp.ssinn utilisÉe par les économistes, sont mises en
valeur les ressources humaines.
Les impacts culturels et sociaux de la cellule de base (famille~de la
communauté, l'influence des mass-média, (18) tous ces facteurs jouent un
rôle important dans la formation de l'individu.
Une bonne connaissance du milieu dans lequel se déroulent
les actes éducatifs, le processus éducatif, est indispensable si l'on veut
analyser, comprendre les probl~mes auxquels il faut faire face, aujourd'hui,
(17)
Qui va da~s le même sens comme l'a éc~it Maka~enko "la logique
pédagogique est déte~minée pa~ le but de l'éducation, qui ne reste
pas invariable mais chançe avec le développemnt de la société".
(lB)
Selon Henri Dieuzeide : "la communication appa~a[t comme engendrant
un "milieu éducatif". elle parait a~~acher à l'école s,)n monopole
éducatif et l'amène à utilise~ à son p~ofit les formes mode~nes de la
cOfTlmunication".
(
Communication et Education dans l'Education aux
médias UNESCO 1984 P. 71).

-
16 -
surtout st l'on veut r~iliser
l'éducation par le biais de l'école et le travail
productif. Changement et réforme éducative ne peuvent se faire sans qu'on ne tienne
compte du développement social et économique? Dans le cas contraire l'on ne peut
qu'assister, impuissant à l'élargissement du fossé entre l'école et la société qui
est à l'origine de tous les problèmes sociaux. Partant de cette diversité et de
l'importance du changement nécessaire, chaque projet débouchant sur la restructura-
tion est en fait, une source "d'innovation".
Pour la démarche méthodologigue notre analyse se porte sur différents
documents parmi lesquels, il faut relever articles de revues et publications di-
verses portant sur l'éducation et les problèmes pédagogiques (UNESCO, O.I.T.,
B.I.T., Banque Mondiale). Ces documents ont été d'un grand secours. Car ils nous
ont permis de répondre à un certain nombre d'interrogations ainsi qu'à l'hypothèse
formulée. Par ailleurs, ils ont fourni des informations sur l'économie et les
différentes composantes de la société guinéenne. Des données utiles sur la géo-
graphie, l'histoire, les différentes institutions, les structures politiques et
leur fonctionnement nous sont ainsi parvenues. Des ouvrages et articles de presse
concernant d'autres systèmes éducatifs (Côte d'Ivoire, Tanzanie, et Chine Populaire)
ont aussi été d'une très grande utilité.
Nous avons également mis à contribution
des sources nationales et in-
ternationales. L'exploitation de ces dernières, a pour objectif de collecter des
renseignements fiables et surtout de vérifier les données statisques publiées
dans le cadre des congrès, colloques et séminaires nationaux organisés par le
parti unique au pouvoir, (le P.D.G.) et le ministère de l'éducation nationale.
Cette réserve se justifie aussi, par le fait que:
"le panorama global de
l'éducation de
base
est plus
sombre qu'on ne l'admet en général.
Les
statistiques globales
couramment publiées,
donnent
un aperçu quantitatif
assez
incomplet,
et elles
peuvent induire à de grossières
erreurs

- 17 -
si les chiffres sont pris à leur valeur
nomi-
nale (19).
Outre ,la collecte et l'analyse des documents, nous avons fait
des recherches sur le terrain avec usage de techniques diverses
et complémentaires tels:
l'entretien non directif et semi direc-
tif., Aussi nos observations se sont portées sur les "OUT PUT"
dans le cadre du fonctionnement économique, avons nous aussi
pris des contacts informels, au moyen de questionnaires ouverts
et ferm$s,. Des interviews libres ont été également faites avec
une population expérimentale (des parents d'élèves dans des zones
urbaines et rurales, du personnel enseignant, des élèves et étu-
dian~s). Ceci pour étoffer et situer l'impact réel de la réforme
surIes attitudes comportementales des acteurs sociaux par rapport
à l'objectif visé (l'amélioration des conditions de vie).
Enfin, nous pensions faire une étude de sociologie
politique "pure" sans regard particulier sur les différentes com-
posantes. Ma~s, nous nous sommes aperçu qu'une étude centrée sur
les pro1;ll,èmes de l'éducation enrichirait "à coup sOr" la Guinée
"no,uvel1el' et d'autres expériences africaines déjà effectuées ou en
voie d'expérimentation sur le sujet.
Nous aurions pu entreprendre, à côté de cette étude
de sociologie de l'éducation, une démarche de l'analyse comparée
de sy~t~mes éducatifs tels que les systèmes Ivoirien, Burkinabé
et Sénégalais.
Toutefois, une telle approche aurait fait
appel,Ades moyens d'enquête sur le terrain qui excèderaient lar-
gemen,t ceux mis A notre disposition pour la présente étudé.
(19)
: MANZOOR Ahmed,
la planification de l'éducation de base un nouveau
paradigme à expérimenter in UNESCO la planification de l'éducation
dans le contexte des problèmes actuels du développement 1985. p. 181.

- 18 -
Nous avons par conséquent décidé de concentrer nos
efforts sur le seul cas guinéen. Les points de comparaison que
nous introduironsdans l'étude de ce cas, seront fondés sur une
recherche bibliographique.
En ce qui concerne les articulations de notre étud~
elles peuvent se concevoir de la manière suivante
-
une première partie comprenant deux chapitres
dont l' un port e sur le pays : son aperçu géogra-
phique et historique, son évolution socio-économi-
que depuis l'accession à l'indépendance et l'origi-
ne du projet de réforme de l'enseignement (les
objectifs et finalités).
Le chapitre II touche à l'organisation du fonc-
tionnement de l'enseignement guinéen à travers
ses différents cycles.
Quant à la seconde partie, elle est composée de
quatre chapitres qui traitent les thèmes suivants:
le chapi tre l
concerne la "révolution cul turelle"
et la question linguistique (autour de 1968),
le chapitre II porte sur
la politique éducative
du gouvernement en matière d'infrastructure et
de formation-emploi, le chapitre III a trait à
l'encadrement de la jeunesse et à l'organisation
des femmes.
Le chapitre IV concerne l'épineux
problème de l'opposition estudiantine.Bien qu'à
première vue elle s'intègre difficilement dans
notre étude, ne pose pas moins les problèmes de la
jeunesse.
En conclusion nous avons tenté d'établir le bilan
de la Réforme, puis de traiter succintement en annexe le "renou-
veau du système éducatif" après le 4 Avril 1984, date de l'instau-
ration de la seconde République.

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Voit f~rr;t
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Ctnt,.t important
+ Aùodromt
()
l/milt -d'Etat
@ Bauxite
--- 1

1
o
100
200Km
le

- 22 -
PREMIERE PARTIE
Chapitre l
Le Pays
A) -
Aperçu Géographique
Présenter la G:uï"néE!' n'est pas une entreprise aisée (20) à cause
de la présence dans la communauté internationale de quatre Etats qui font
usage de ce nom. Ces quatre Etats sont
Papouasie - Nouvelle - Guinée située à l'ouest de l'île de la Nouvelle -
Guinée (dont la région occidentale, naguère hollandaise, est indonésienne
depuis 1963) a été morcelée et colonisée par le Royaume-Uni, et l'Australie
depuis 1906. 1975 fut l'année de son accession à indépendance avec le nom de
la Nouvelle-Guinée.
Quant aux trois autres Etats qui ont conservé le nom Guinée, ils
se trouvent aux extrémités du golfe de Guinée.
La Guinée Equatoriale anciennement espagnole devenue indépendante depuis
1968 .
La Guinée Bissao (Bissaw indépendante de puis peu (1974), couvre, y compris
l'archipel des îles Bissagos, 36.025 Km2. Elle a des frontières communes avec
le' Sénégal auNord, avec la République de Guinée (Conakry) au Sud-Est, et
s'ouvre à l'Ouest sur l'océan Atlantique.
,?O):
Passionnante car "la géographie gu~neenne présente de nombreux
traits originaux, qui font de ce pays un monde à
part en Afrique occidentale
des trois pays des "Rivières du Sud"
c'est, en effet, la Guinée qui réalise
le mieux la situation de pays de transition, et c'est ce que souligne
Jean Suret-Canale lorsqu'il dit (dans République de Guinée
An II, publication
de la République guinéenne) "que la Guinée apparalt comme une sor~de pays
carrefour, point de convergence réunissant des fractions ou échantillons de
paysages différenciés qui s'étendent ailleurs de façon uniforme". En effet,
la guinée doit à sa position moyenne dans l'ouest africain, à son relief et
au dessin de son territoire, une grande variété physique, tandis qu'elle est,
du point de vue humain, un lieu de rencontre entre savaniens, forestiers et
réfugiés des marécages littoraux.
La Guinée est ainsi un pays où existent toutes les possibilités des pays
voisins et qui en comporte d'autres qu'on ne retrouve pas au même degré
ailleurs en Afrique Occidentale. Mais la mise en oeuvre de ces possibilités
commence à peine". (
Assane Seck et Alfred ~londjannagni l'Afrique
Oècidentale P.U.F P.144 1975).

-
23
-
- La Républ ique de
Guinée
(Conakry)
qui f ait l'objet de notre étude est
comprise entre 7 et 12° de latitude Nord, et entre 8 et 15° de longitude
Ouest. Elle est limitée:
- au Nord-Ouest par la Guinée-Bissau ;
- au Nord par le Sénégal et le Mali
- à l'Est par la Côte d'Ivoire
- au Sud-Est par le Libéria ;
- au Sud par la Sierra-Léone ;
-
à
l'Ouest
parl'océan Atlantique
sur une longueur d'environ
300 km.
L'origine
du
nom de
Guinée reste ambiguë pour la simple raison
que certaines
personnes
le font.
remonter
au
mot
bergère
"aginau"
"homme
noir".
"Akal-n-I Guinawen" signifie "pays des hommes noirs qui
ne parlent
pas".
O'autres
estiment
qu'il
s'agit
d'une déformation du nom du royaume
du Ghinéa (ou genni, ou Jenne) qui s'étendait sur le haut Niger au VIIlème
siècle, ou celui du royaume du Ghana, qui couvrait
au début de notre mil lé-
naire une bonne partie de l'Afrique de l'Ouest; par ailleurs, les premiers
européens débarquant sur les côtes auraient rencontré des ff.rka:ines qui au-
raient seulement répondu à leurs questions en employant le mot "giné" qui
signifie "femme" dans la langue Soussou utilisée sur la côte de la Casamance
jus qu'a u Lib ér i a" (" •.• ").
"Le nom de la Guinée apparaft sur les cartes marines, sans précisions
dès la fin du XIVème siècle, et englobe toute la côte, depuis la Casamance,
au Sud de la Gambie, jusqu'au Gabon.
Ce nom
Guinée
est dès cette épJque , at taché à l' Af ri que de l' Oues t

- 24 -
et aux produits qui en proviennent"
(21).
La délimitation
des frontières coloniales de la Guinée fut faite
en 1882 et 1911 à travers les conventions et traités entre les
puissances
coloniales à savoir:
la France,
le Portugal,
l'Angleterre, et
l'ALlemagne
d'une part, puis d'autre part, la France et le Libéria (22).
D'une superficie de 246 000 km',
la Guinée est divisée en quatre
grandes régions naturelles
distinctes
les
unes
des
autres
par
le
rel ief,
le climat,
les
paysages,
les
groupes ethniques
relativement homogènes qui
les peuplent.
- La Guinée
Maritime
à un
climat
de mousson avec deux saisons,
l'une sèche sur les~ix mois de NOvembre à Avril, l'autre, pluvieuse particuliè-
rement
intense en
Ju illet-Août.
(P 1us de 4 000 mm par an et une humi d ité
assez prononcée). Elle se caractérise par une plaine côtière à rias (bordant
l'océan Atlantique) généralement basse et marécageuse que dominent quelques
massifs montagneux
(Gangan
1 116 m,
région de Kindia,
Kakoul ima 1 007 m,
région de Dubréka, Benna 1 124 m région de Forécariah).
Région très favorable à la végétation et à l'agriculture, la Guinée
Maritime est en effet arrosée par de nombreux fleuves, courts
mais puissants,
qui forment de belles chutes ou cascades dans leurs parcours montagneux et
de larges estuaires qui se prolongent au loin dans la vase d'une côte basse
qui
libère
largement
la marée.
Ce
sont la Coumba (ou Tomine qui
traverse
la GJinée-Bissao),
le
Cogon
(qui
se
termine à Soké avec
le Rio Compony),
(21) -
André Lewin la Guinée Paris PUF 1984 PP. 8-9
- La monnaie anglaise "Guinée"
à
laquelle Karl Marx fait référence dans
le. capital
est frappée pour la première fois sous Charles II en 1663.
(22) - Conventions
Franco-Anglaises
du
28-06-1882,
du
10-08-1889
et
1904
Conventions Franco-POrtugaise du 23-07-1887, conventions Franco-Libérien-
nes du 13-07-1911.

- 25 -
le Rio Nunez (formé du Bourounao et du Tinguilinta qui arrose Boké où débarqua
Réné Caillé, et le port minéralier de Kamsar), le Rio Kapatchez et le Fatala
(qui arrose Baffa, où il devient le "io Pongo), le Konkouré (site d'un des
plus ambitieux projets économiques de la Guinée de demain; un barrage hydro-
électrique),
le Mellakoré, et enfin la Kolente (ou Scarcies) qui forme sur
une partie de son cours la frontière avec la Sierra Léone. Cet ensemble de
cours d'eau explique
l'appelation
de
"Rivières du Sud" longtemps donnée à
la côte par les navigateurs et les négociants, nom pris par le territoire
en 1845 et qu'il garda jusqu'à la fin du siècle (23).
-
La moyenne
Gui née
avec
1e mass if
du
Fauta Dj al on présente un
paysage à caractère montagneux bien que le point culminant ne dépasse guère
1 500 m. Il peut être subdivisé en trois zones:
-
Le
Fauta
Central,
s'étendant
des
plateaux
de
~lamou
Dalaba
au
Sud,
au
mont
Loura
au Nord
(l
538 m région du ~lal i) et Tinka
(1 425 m) avec une altitude moyenne d'environ 1 200 m.
- Le Fauta Occidental très escarpé.
- Le Fauta Oriental qui rejoint à l'Est le bassin du Niger.
Par son
altitude et
l'abondance de ses pluies
(1800-2300 mm)
le
Fouta-Djalon donne source aux plus importants cours d'eau de l'Ouest-africain
capable de représenter des potentialités hydro-électriques et agricoles impor-
tantes.
Le Konkouré
le Bafing, le Tinkisso, le Fatala font de cette région
J
le "château-d'eau" de l'Afrique de l'Ouest.
(23) -
André Lewin la Guinée ibid PP. 8-9.

- 26 -
Son
climat
de
type
tropical,
très
influencé par
l'altitude
se
caractérise par des températures modérées 10,7° (minimum de Janvier ~ Labé)
à
30°-33°C (maximum de Mars ~ Mamou), mais les zones urbaines de Dalaba,
Pita et Mal i enregistrent de Décembre ~ Février des températures nocturnes
de 4°C.
La végétation du Fouta-Djalon est formée
de savanes arborées sur
les plateaux,
alternant avec des forêts cl airesemées sur les montagnes et
des forêts
galeries
le long des rivières.
C'est une terre fertile malgré
l'utilisation excessive du sol pour les cultures vivrières et les pâturages
ainsi que la pratique saisonnière des feux de brousses. La flore représente
un ensemble harmonieux avec le Koura (prunier de Guinée), le néré, le sapin,
le pommier, et le fraisier dont les cultures sont favorisées par le climat
tempéré de ce terrain.
La Haute Guinée, région de plaines peu accidentées, a une altitude
moyenne
de 800 m env i ron pour 1es pl ateaux et 440 m pour l es
vallées du
Niger et ses affluents.
La saison sèche y est plus longue (six à huit mois) soutenue par
la fréquence de l' harmattan.
La
saison
pluvieuse
est
de
courte
durée
et
plus
parcimonieuse
que dans
le reste du pays (1,5 m par an). Ce qu i entra ine des sécheresses
sérieuses ou des inondations parfois désastreuses.
Ici la végétation se caractérise par la savane arbustive et herbeuse
et
des
îlots
d'arbres
dont les plus voyants sont le néré,
le karité,
le
kapokié et le baobab (arbre symbolique pour les palabres ou rencontres).
Le cours d'eau principal
qui fait
la fierté de cette région est
le Niger, fleuve de l'Afrique de
l'Ouest qui
prend sa source à Faranah à

-
27 -
475 m d'altitude:
il conserve encore le nom de Djoliba ou Djéliba ; ses
principaux affluents sont le Tinkisso,
le Niandan,
le Milo,
le Sankarani.
A cause du climat de type soudanien, tous ces cours d'eau subissent l'influence
des
variations
pluviométriques,
inondant
les
plaines
adjacentes
pendant
les crues et connaissent de bas étiages en saison sèche. Le Niger (à partir
de Kouroussa) et le Milo (à partir de Kankan) sont navigables deux à trois
mois par an vers le Mali, malgré la rareté du trafic.
- La Guinée Forestière
Elle
se différencie des
autres régions
naturelles
par une forêt
dense
plus ou moins dégradée par endroits et
un relief
varié:
plateaux,
vallées,
bas-fonds
et massif
vigoureux
de
la
"dorsale guinéenne"
{chaîne
du
Ziama,
du Simandou, mont Nimba,
point cultminant de l a Guinée avec
(1 854 m), la chaîne de Ton (1 656 m) et le Konossau (13,45 m).
Les
principales forêts
exploitables
recensées
sont
l a forêt
de
Ziamat18 400 ha), la forêt de Diécké (120 000 ha) et la forêt de Gama
(300 000 ha). On y touve près de trente essences dont le samba, le niangon,
l'acajou,
le framiré,
l'iroko,
le limba, le bois d'or, l'azobé, le nakoré,
lehama, le sipo, l'ako, le tiama, le bayia, l'avodiré, l'okoumé.
Le
cl imat
de
cette région est marqué par
la prédominance de la
saison
pluvieuse
(8-10 mois
contre
6 mois
pour
la Guinée maritime et
la
moyenne Guinée et 4 à 5 mois seulement pour la Haute Guinée).
La pluie et
l'humidité ambiante.
(98,S % à N' Zérékoré, ainsi que
les températures assez élevée de 15°C à 36°C) expl iquent le développement
d'une végétation luxuriante et d'une forêt très dense, malheureusement déjà
largement défrichée.
En
plus
des
affluents
du
Dfoliba-Niger
déjà cités,
le
système
hydrographique
comprend
les
rivières
qui
traversent
la Sierra-Léone,
le
r·- .

- 28 -
Libéria
et la Côte d'Ivoire avant de se jeter dans l'océan: ce sont la
petite Scarcie (ou Mongo ou Kaba),
le Mel i,
la Loff a,
le Di ani
(ou Saint-
Paul), le Mani (ou Saint-John), le Mano (ou Bewa) le cavally.
La
Guinée
est
surtout riche en ressources minières
baux i te ,
cuivre, cobalt, diamant, fer, manganèse, or, uranium etc.
On rencontre ces produits miniers un peu partout dans le pays.
- Bauxite du Nord-Ouest de la Guinée - Boké - "Gaoual" (exploita-
tion 12 071 millions de tonnes).
Ce groupe renferme quatre sous-groupes, qui sont: groupe de Boké
couvrant une superficie de 146 km 2 avec des réserves totales
estimées·à4,7
mi 11 i ards de tonnes dont
un mi 11 i ard de baux i te avec une teneur
assez él evée
en alumine supérieur à 50 %
- groupe de Koumbia avec 75 km 2 ,
il comporte
des réserves estimées à 1,3 milliards de tonnes - groupe Termessè-Horé Hérinko
(106 km 2 ) avec des réserves estimées à 1,609 milliards de tonnes.
-
Bauxite du Sud-Ouest
(1,723 millions
de tonnes) comprenant
trois différents groupes, Fria - Télimélé - Kindia.
- Le groupe de Fri~,
s'étend sur une superficie de 12,4 km 2 • Sa
découverte par les Géologues français remonte à l'année 1950. Les différents
gissements qui
le composent
sont
: Sagalé, Lambakhui, Kimbo,
Fria, Kando,
Khoré Nord et Ouest.
- Le groupe Sodiore (avec deux gisements découverts par la mission
de TéliméTé en 1969-70) est situé sur la rive gauche de la Fatala à 30 km
de la ville de Fria couvre 30 km 2 - ses réserves sont de 77 millions de tonnes.
-
Le gisement de Guemessoron : situé à 15 km de l'usine d'alumine
de
Kimbo
entre
les
rivières
Guemessoron et
Ka'TIissar , il a une
superficie
de
715
km 2 ,
et
ses
réserves
sont
évaluées
à
145
millions de tonnes.

- 29 -
- Le gisement
de Wonkoma situé sur la
rive gauche du
Konkouré (5,5 Km2l les réserves sont de 44 millions de
de tonnes.
A 20 Km au Nord-Est de ce gisement en exploitation, s'étend le gisement de
Bagoro (2,2 Km2) dont les réserves sont de 29 millions de tonnes ..
En complément d'informations les gisements de ce groupe Sodiore sont
gelitiwoé, madina sodioré, tourdou, boulé yaloya, guéguakaly doukaloura,
guemessoron, bogoro, gouba et wonkoma qui totalisent 563,9 millions de tonnes.
- Le groupe
sampiri découvert et prospecté par Pechiney
est localisé sur la ligne de partage des rivières mang~
barnboulou bikiti et sa superficie est de 40 Km2.
Ses
principaux gisements sont: Bambou, Silati Ouest,
Santigui, Bambou Silati, Bambanum, Kologny,
Kansangui, Dianal, Manga, Horé-Séré, Bantignel.
Les réserves sont de 1.523, 1 millions de tonnes. Parallèlement à
à ces groupes on peut citer la zone bauxitique de Kindia dont les principaux
gisements sont: débelé, balandougou, balaya, kobeleta, dankota, ferifou,
menhengui, fosséka, friguiagbé, maléah Nord. Les réserves de cette zone ~
s'élèvent à 200 millions de tonnes environ, occupant un territoire de 600
Km2. Le Sud-Ouest a donc 1.523,
millions de tonnes en zone Fria-Télimélé,
et 200 millions de tonnes en zone de Kindia.
-Bauxite de la partie centrale de la Guinée 1.500 millions de tonnes.
Avec ses quatre zones; donguel signon située dans la partie Sud-
Est de la région administrative de Mali (III Km2), ses réserves sont de 703
millions de tonnes
Bantignel est à cheval sur les reglons administratives de Pita
Labé - Dalaba. La superdficie de cette zone est de 60,Km2 et les réserves
sont évaluées à 471,6 millions de tonnes.e
- Bougoumé se situe, dans la partie Est de la région

- 30 -
de Boké Gaoual, couvre une superficie de 100 Km2avec des réserves de 200
millions de tonnes.
-
Bokira se trouve au Nord-Ouest de la ville de labé.
Elle couvre une superficie de 168 Km2, pour 98 millions de tonnes de réserves.
Ces quatre zones atteignent un milliard 500 millions de tonnes de haute
teneur.
- Bauxite Nord-Est (3.500 millions de tonnes) est constituée
par la zone de Dabola qui a un potentiel bauxitique de 1.100 millions de
tonnes, et de la zone de Tougué qui a un potentiel s'élevant à 2.386 millions
de tonnes et une réserve de 4 milliards. Les réserves de cette partie Nord-Est
sont appel0es à croître avec les travaux de levé géologique à l'échelle
1.200.000 éme de la feuille de tougué.
A titre de récapitulation, le potentiel bauxitique de la Guinée se
présente à travers le tableau suivant
- Partie Nord-Ouest -----------
12 071 millions de tonnes
- Partie Sud-Ouest ------------
1 723 millions de tonnes
- Partie centrale
1 500 millions de tonnes
- Partie Nord-Est
3 500 millions de tonnes
TOT AL:
18 794 millions de tonnes
avec plus de 40 %d'alumine.
Ainsi la bauxite est le minerai le plus abondant de la Guinée et les réserves
situent le pays au premier rang mondial avec plus de 12 milliards de tonnes
(24) soit deux tiers des réserves mondiales, contre 5 milliards de tonnes
(24) - En recoupant les données officielles (18 milliards) et celles recueil-
par A. Lewin ibid p. III on peut estimer le potentiel à plus de 12 mil-
liards.

- 31
-
pour l'Australie qui vient au deuxième rang en ce qui concerne les réserves (25).
D'autre part la production annuelle de la Guinée est de 13 millions
de tonnes de bauxite, et de par ce fait, elle occupe le second rang après
l'Australie dont la production est de 27 millions de tonnes. (26)
Les trO'i,s grands gisements actuellement en exploitation sont
- la mine de Fria-Kimbo, exploitéepar la société mixte Friguia dont 49 %du
capital
appartient à l'Etat guinéen,
et 51
% à des partenaires étrangers
regroupés au sein de la Frialco. (27)
- la mine de Boké-Sangarédi, avec le port de Kamsar, est exploitée par la
compagnie des bauxites de Guinée
(C.B.G), SOciété mixte fonctionnant avec
un capi ta l dont 49 % appart i ent à l a Gu i née, et 51 % réservé au consort i um
Halco qui regroupe les partenaires étrangers (28),
- la mine de Kindia-Debelé a été "ouverte en 1974 par l'office des bauxites
de KIndia (O.B.K) dont le capital est entièrement guinéen. L'investissement
et les équipements,
ainsi
que l'assistance technique, ont été fournis par
l'U.R.S.S,
qui se réserve 90 % de la production. Celle-ci varie entre 1,8
et 2,3 millions de tonnes l'an. Le prix de vente fixé par accord avec l'Union
Soviétique,
reste
inférieur au cours mondial
(qui
sert de référence pour
les deux autres sociétés), mais la bauxite de Debelé a une teneur moindre.
(25) - Ce qui
fait
dire
à Amadou Ouri
Bah que "les réalisations économiques
du
régime de Sékou Touré
ne
furent
pas toutes
négatives.
Le pays a
bénéficié
d'une
courte période
de
répit
en 1973-1974,
avec
l'entrée
en exploitation de deux projets miniers:
la C.B.G à Boké, et l'O.B.K
placèrent
le
pays
au
premier
rang
des
exportateurs
de
ce
minerai.
(Convalescence
agi tée
en Guinée,
le MOnde diplomatique
Août
1985 P. 15) .
(26) sources: R.D.A N'192, séminaire économique sur la Guinée. A Lewin,
La Guinée P.U.F 1984 P. III.
(27) Noranda (Canada), Péchinet (France), British aluminium, Alusuisse, Vaw
(allemagne Fédérale). Pé~hiney est chef de file.
(28) Alcoa (U.S.A), Halco-Alcan (Canada), Martin-Marietta (U.S.E), Péchiney
(France), Vaw (Allemagne Fédérale), Montedison (Italie),
Alcan est chef de file.

- 32 -
Bien que ces compagnies de baux~te soient avec les mines d'or et de
diamant des sources de devises, elles auraient pu rapporter plus de
bénéfices à l'Etat guioéen si le contexte du marché mondial ne lui était
pas desavantageux. (29)
(29)
De nouvelles négociations entre l'Etat guinéen et ses partenaires
occidentaux viennent d'aboutir sur un resultat ambivalent:
Demi-succès pour la Guinée dans les
dures négociations
qu'elle menait depuis près d'un an avec ses partenaires occidentaux
au sein de la Compagnie des bauxites de Guinée (C.B.G).( ... ) La
taxe sera dorénavdnt calculée en fonction du marché mondial de
l'aluminium, et non plus sur la base rigide de 0,75% du prix du
lingot d'aluminium. Selon les experts,cette concession pourrait
coûter à la Guinée 10 à 30 millions de dollars, rien qu'en 1988.
Mais la formule a aussi ses avantages, comme un accroissement des
revenus liés à la taxe, en cas d'augmentation du prix de l'aluminium
Conakry compte par ailleurs sur l'augmentation prochaine de la
production de la C .B.G. pour compenser son éventuel manque à gagner
Dès l'année prochaine (1988) la compagnie produira, en effet,10,4
millions
de tonnes par an, contre 9,4 actuellement. La Guinée,
faut-il le rappeler,.tire près de 95% de ses recettes d'exportation
de la bauxite .
Le prix de cession de la bauxite de la C.B.G. aux principaux
producteurs occidentaux d'aluminium va également baisser de 34 à25
dollars. Une perte non négligealbe en perspective, également liée
à la "morosité"
du marché.( ... ) Ousmane Sylla (Ministre des.
Ressources naturelles) a mobilisé son équipe sur le dossier de l'
l'office des bauxites de Kinda (O.B.K). Il.
est même question de
confier à un cabinet d'études le soin de se "pencher"
sur la gestion
de cette compagnie-aux mains des Savietiques-qui cède 90l.de sa
production à Moscou, pour éponger la dette de 500 millions de
dollars de la Guinée vis-à~vis de l'U.R.S.S.
C
Bauxi te première Victoire pour Conakry dans le JlPi-:p·cen
Afrique et dans le Monde cité par jeune Afrique Economie N'100
Septembre/Octobre 1987 P. 33)

- 33 -
" En effet, les mines de bauxite guinéennes étant
contrôlées de fait en grande partie par d~ intérêts
étrangers, même si la propriété juridique revient à
l'Etat, les prix de la bauxite guinéenne sont bien
inférieurs aux prix moyens pratiqués. Ainsi, si l'on
examine les prix de la bauxite importée au Canada au
cours des
années soixante, on se rend compte que la
bauxite guinéenne se vendait beaucoup moins cher que
la moyenne. "(30)
Prix de la bauxite importée au Canada (Dol. par tonne longue)
{---------------------------------1964-----------------1969-(31)-------l
----------------------------------------------------------------------T
!
Prix moyen -----------:
8, 7
:
10,3
;
1

.
Origine
Guinée
4,6
15,2
1
Origine: Guyane ----
8,0
9,7
!
!
!
!------------------------------------------------------------------~---!
Cette situation s'est perpétuée
durant la dernière decennie.
30
Bonnie K. Campbell, les enjeux de la bauxite, presses de l'Uni-
versité de Montréal, 1983 P.P 118-119.
31. Source: B; reysset, le marché mondial de l'aluminium, caisse centrale
de coopération économique, service des études économiques et
financières, Avril 1974, annexe XI, cité de MineraIs yeabooks (Canada
et U.S.A).

- 34 -
Ainsi le tableau (ci-dessous), qui fixe la valeur unitaire d'une tonne métrique
de bauxite, confirme ce deséquilibre au niveau du marché.
- Valeur unitaire en 1973 d'une tonne métrique de bauxite
Australi
.
7,20
Jamaïque
.
6,00
Gui née
.
6,00
Guyane
.
8,70
France
.
8,35
Grèce
.
8,76
Yougoslavie
.
11, 02
U.S .A ••••.•••••••••••••••••••••••••••••••••
13,95
Re p Dom i nie ai ne
.
10,52
Sierra-Léone
.
7,35
Turquie
.
8,49
Italie
.
10,32
Moyenne
.
7,60 (32i.
Quant aux autres minerais leur répartition sur le territoire e"st le suivant
le cuivre se trouve dans les régions de Forécariah, Télimélé, Kindia, Dalaba,
Porédaka, etc. La teneur varie de 0,01 à 0,3 %. Le cobalt se situe dans les
régions de coyah avec des indices importants à Télimélé, Dabola,
Boffa et
Kindia; la teneur est de 0,002 à 0,1 %. Le diamant est exploité depuis "près
de 50 ans à la suite de la découverte de diamants de joaillerie dans le Sud-
Es t du pays.
Les nombreuses soc i étés étr angères qu i se sont succédées ont
produit en moyenne 100 000 carats par an de diamant essentiellement de joaille-
rie à partir des gisement alluvionnaires".
(32) - Source
:
annales
des
mines
de
France,
Dec
1975,
P.
95
on
voit
que
la
guinée
est,
avec
la
JamaIque,
le
pays
le plus desavantagé sur le
marché mondial.

- 3S -
Les dEUX principales zones diamantifères
sont
au Sud/Sud-Est et
à
l'Ouest
du pays.
La première zone Sud/Sud-Est s' ~tend sur un espace de 50 000 km 2
comprenant les r~gions de Kissidougou, Macenta, K~rouan~, Beyla et N'Z~r~kor~,
Gu~ck~dou, Kouroussa,
avec pour principales zones d'exploitation Banakoro,
Ourokoro, Feneriah, Kamarato,
Bonodou, et Dulapaya ainsi
que des gisements
de Kimberlite vers l'Ouest : For~cariah, jusqu'au Mali le long des hauts plateaux
du Fouta-Djalon.
L'~valuation des r~serves en diamants est de "200 millions de carats
(2/3 en qualit~ de joaillerie, 1/3 en diamants pour l'industrie)" (A. Lewin
ibid P. 113) contrairement au chiffre gouvernemental qui est de "400 millions
de carats, dont 70 %en joaillerie". R.D.A n° 192 P. 98.
Une soci~té mixte d'exploitation, Aredor a ~té cr~~e en 1980 avec une participa-
tion de 50 % pour l' Etat guin~en, et 50 % pour les partenaires ~trangers (33).
Cette soci~t~ explore le diamant sur une surface de 30 000 km 2 dans la r~gion
de Banakoro (A. Lewin) et non 1 500 km 2 concession gouvernementale (34) ceci
pour atteindre l'objectif d'extraction de 500 000 carats de diamant.
A côté de cette société mixte, existe une autre qui n'est pas totale-
ment form~e de nationaux comme l'affirme le gouvernement in R.D.A n° 192
p. 98 : "une zone réserv~e aux exploitants priv~s nationaux" (35), mais à
(33) - Bridge
Oil
Ltd
(Australie),
Simonius
Vischer
(Suisse), 'Industrial
diamond
C
(Gran,de
Bretagne).
"Une autre
société,
l'association des
diamants
de
Guiné'e.
qui
en"ëst au
stade' de
l'exploration,
regroupe
l'Etat Guinéen et des sociétés américaines, françaises et suisses.
(34) - Au
cours de
notre
recherche
nous
avons remarque
des
écarts entre les
données nationales et internationales.
(35) - Dans
son
discours
du 31
Déc.
1984,
l'actuel
chef de
l'Etat
Lansana
Conté a annoncé "l'interdiction à compter du 1er Jan. 1985, de l'exploi-
tation privée du diamant sur toute l'étendue du territoire national".
Désormais seul "l'Etat associé à des partenaires privés dans le cadre
de sociétés mixtes, peut exploiter le diamant".

- 36 -
des exploitants privés africains, guinéens, mal iens, sénégal ais et ivoiriens
qui
généralement sont
le
prolongement des
sociétés
occidentales car, bien
que le gouvernement intime l'ordre à ces exploitants de lui vendre les
diamants
il s sont souvent achemi nés
vers 1a Bel gi que (Anvers), l' Angl eterre et 1es
Etats-Unis
à cause de la politique de prix et de monnaie non convertible.
"Ces exploitants ont produit, au cours de l'année 1981,38 000 carats dont
des
pierres de grande valeur (816 carats, 300 carats)". L'objectif visé à
travers ces exploitations privées africaines est de l'ordre de 100 000 carats.
D'autre
part,
pour
justifier cette activité des exploitants
africains
le
gouvernement dit qu'elle a "permis de créer quelques 40 000 emplois permanents"
(R.D.A n° 192 p. 99).
Nous pensons au contraire qu'elle a encouragé sinon augmenté l'exode
rural dans la mesure où les
régions
limitrophes de ces zones diamantifères
ont été vidées de leurs habitants.
Le minerai ferreux est l'un des minerais sur lequel
peut compter
l'Etat guinéen.
En effet,
il
possède une haute teneur en fer, ce qui fait
sa grande qualité. Les réserves sont estimées à 15 milliards de tonnes et
non 20, chiffre officiel. Les principaux gisements sont:
Le Simandou situé au Sud-Est et porte sur une réserves de 7 milliards
- Le Nimba est situé à l'extrême Sud-Est de la Guinée (une chaîne
partagée entre la Côte d'Ivoire et le Libéria) ses réserves sont de 2 milliards,
- Le Ka10um est situé dans la partie Nord de la ville de Conakry .
. Il se présente de haut en bas sous deux formes
: minerai dur (1/3 des
réserves) minerai tendre (2/3 des réserves). Ses réserves sont de 6 milliards
(chiffre officiel) mais sa teneur est de moindre qualité.
Il y a aussi des gissements à Borokoro (Kissidougou), région forestiè-
ire qui
présente les mêmes analogies en minerai avec cel ui de Nimba, ainsi

- 37 -
qu'à Tomine et à Forécariah (Guinée maritime).
Pour l a mise en valeur de ce minerai, il a été constitué en 1973
une société mixte MIFERGUI NIMBA. L'Etat guinéen a 50 % des parts, l'autre
moitié concédée aux partenaires étrangers (36).
D'après A. Lewin
"l'exploitation
porterait
sur
15
millions
de
tonnes
par
an,
exportées
soit
par
Buchanan
au
Libéria,
soit
par
un
futur
chemin
de
fer
trans-guinéen.
Le
financement
(de
l'ordre
d' un
milliard
de
dollars)
est
at tendu
de
la
BIRD,
des pays arabes et des partenaires".
(P. 113).
Le manganèse,
se
trouve
dans
plusieurs
régions.
Les gisements
les plus importants se situent dans la péninsule de Kaloum. Les autres régions
de ce métal précieux sont Beyla (Guinée forestière), Kindia, Télimélé, Foréca-
riah, et Labé.
L'or, son exploitation date du temps des grands Empires de l'Ouest
africain tels que l'Empire du Ghana et l'Empire du Mali. A cette époque,
le commerce de l'or se faisait à travers les routes transahariennes à destina-
t ion de l' Arab ie et des pays méd iterranéens. Le voyage cél èbre de Kankou
Moussa emprereur du Mali en 1324 à la mecque en dit long à ce sujet. "Ses
gens transportaient près de deux tonnes d'or sous forme de cannes ou de
poudre" (37).
Les réserves sont évaluées à plusieurs milliers de tonnes de métal
avec une teneur moyenne de 20 à 40 g/t de minerai.
(6) - Il
s'agit
d'Etats
et
de
sociétés:
Roumanie,
Yougoslavie,
NIgéria,
Li bye,
Algérie,
Li béria,
INI
(Espagne),
Nichimen
(Japon).
Solmer-
Usinor (France), U.S Steel (Etats-Unis) qui sera chef de file).
(7) -
Joseph
Ki
Zerbo,
His toire
de
l' Afrique
noire,
Paris
Ha tier,
1972 P. 135).

- 38 -
Le principal gisement est à Siguiri (Bouré) il couvre une superficie
de 15 000 km 2 avec des teneurs atteignant 60 gft, et des pointes de l'ordre
de 300 gft de gravier.
En plus de ce gisement, il y a eu des découvertes dans d'autres
régions~ Beyla, Kindia, Dinguiraye, Kankan (Dianssoumana-Koba) Mandiana etc.
La société minière du Québec s'occupe de la mise en valeur et
projette une extract ion de 10 tonnes par an ai ns i que la commerc i al is at ion
pour le compte du gouvernement de la production d'or, des exploitants privés
nationaux.
L'Uranium,
c'est
à
la suite
d'anomalies
caractéristiques
dans
diverses régions, que furent entrepris dès 1968 des travaux de reconnaissance
pratique sur le
terrain par quatre sociétés
: une société franco-guinéenne,
une française (la Cogema), une Japonaise (N.P.C.), et une Italienne (AGIP).
Ces travaux n'ont pas ét é de longue
durée à cause de l' évo lut ion
du marché de l'uranium.
C'est en 1979-1980 que les autorités guinéennes firent appel à
un groupe spécialisé dans l'exploitation aérienne (Géosurvey international)
pour reprendre les travaux, cette fois-ci dans d'autres régions présentant
plus d'indices de minéralisation en uranium. Les résultats portent sur cinq
zones :
la zone de Firawa
(400 km 2 ) située dans la région de Kissidougou
Sud-Est
la zone de Damaro (1 700 km 2 ) qui appartient à la région adminis-
trative de Kérouané Sud-Est;
- la zone située à l'Est de Damaro (3 000 km 2 ) ;
- la zone de Beyla située près de la frontière de la Côte d'Ivoire
(Odienné) .

- 39 -
- la zone de N'Zérékoré (300 km 2 ) Sud-Est qui s'étend vers la frontière
avec le Libéria. Il est intéressant de noter que le pic le plus
important se situe en plein centre de la ville de N'Zérékoré.
Mise
à part ces cinq zones principales, il y a lieu de citer des
zones
qui
présentent
de
sérieuses
perspectives
d'exploitation
d'uranium
Dabola, Kouroussa, Mamou etc.
Les sociétés mixtes créées pour l'exploitation future de ces gisements
sont: projet uranium zone 1 comprenant la Guinée 50 %, Nigéria 25 %, Royaume
du Maroc 1,5 %, Davy Mc Kee 1,5 %, Rudis (Yougoslavie) 7 %. Projet uranium
zone II : Guinée 50 %, Geomin (Roumanie) 12,5 %, Phibro 3 %, Davy Mc Kee
1 %. (Source R.D.A n° 192).
Cet inventaire quelque peu exhausif justifie tout à fait le qualifica-
tif de "scandale géologique" attribué à la Guinée par ses dirigeants (37').
Cependant ceci
n'a pas eu d'effets bénéfiques sur le niveau de
vie du pays qui figure parmi les pays les Moins Avancés. D'autre part, cette
référence géographique,
qui
n'est pas au centre de notre préoccupation,
puisque notre étude porte sur les problèmes de l'éducation et de la formation,
s'explique par le fait que toutes les series de reformes dans ce domaine
entreprises au lendemain de l'indépendance, avaient pour objectif la mise
en valeur des richesse naturelles.
<37') En dépit d'une oplnlon courante qui tendrait à faire du sud de la Guinée
la région utile du pays, nous constatons une nette complémentarité dans
la répartition des richesses minières dans l'espace national.

- 40 -
- Démographie: La Guinée est peuplée d'environ 6 422 000 habitants (38),
ce qui,
pour une superficie de 246 000 km 2 ,
donne une densité moyenne de
20
habitants
au
kilomètre carré.
la
population est
inégalement répartie
sur le territoire national.
En
prenant comme réf érence,
1es dern i ers recensements eff ectués
à partir de 1965, il apparaît que les jeunes représentent 43 %de la population
(8) - Chiffres de l'année
1980 in R.D.A,
n'
192 P.
45. Ce recensement ne
prend pas en compte les Guinéens de l'extérieur dont le nombre varie
selon
la
situation poli tique du pays.
"En légère diminution depuis
1979,
ils
sont
environ 2 millions
:
ils étaient 1 500 000 en 1979,
environ 700 000 au moment de l'indépendance, et environ 300 000 dans
les
années
1950.
Leur répartition actuelle est de 750 000 en Côte
d'Ivoire,
700
000
au Sénégal,
250 000 en Sierra-Léone,
150 000 au
Libéria, 100 000 au Mali, 710 000 en France, mais quelques centaines
seulement ont un statut de réfugié politique. La disparition de Sékou
Touré
le
26
Mars
1984 à CLeveland (U.S.A)
suivie du "coup d'état"
du
3 Avril
et
les mesures de
libéralisation prises par le
nouveau
régime
n'ont
pas
mis
fin
à
l'hémorragie
sociale
car
l'insécurité
et
l'instabilité poli tique
n'ont
pas encouragé le retour massi f des
Guinéens de l'extérieur.
1900 (estimation) 1 500 000 (dont 250 Français (a).
1921 (estimation) 1 872 000
1929 (estimation) 2 220 000 (dont 1 528 Français et 1 137 étrangers)
1937 (dénombrement) 2 065 000
1946 (estimation) 2 124 000
1955 (sondage) 3 072 000 (dont 8 600 Français et 3 200 étrangers)
1965 (recensement 3 500 000
1972 (recensement) 5 124 000
1983 (recensement) 6 000 000
2000 (projection 9 300 000 - Banque Mondiale).
(a) - Mais le territoire saisi par cette estimation ne recouvrait
pas la totalité de la Guinée actuelle, dont le parachèvement territorial
ne date que de 1904 et même 1911 avec la "pacification" des dernières
communautés en Guinée Forestière : Réf. A. Lewin La Guinée collection
que sais-je? éd. P.U.F 1984 P. 18-19.
Pour
sa
part,
l'Ambassade
de
France en Guinée donne
le chiffre de
5 000 000 d'habitants répartis de la manière suivante:
-
basse Guinée
1 500 ooô - moyenne Guinée 1 000 000.- haute Guinée 1750000,
Guinée forestière 1000000 (
. N/REF. ANI ab n' 828/84-RG 05-00 du 14 sept. 1984)

- 41
-
et ceux qui ont pl us de 65 ans 3 % seulement. Le taux de natal ité est en
1975 supérieur à 46 %, contre 42 % en 1955, et ceci à cause de la politique
nataliste prônée par le gouvernement. La forte natalité (la descendance moyenne
est de 7 enfants par femme en 1975) s'explique également par les mariages
précoces (l'âge moyen est de 17 ans et demi chez les femmes, de 21 ans chez
les hommes)
; la persistance de 1a polygamie, malgré l'interdiction décidée
en 1968 par le gouvernement, l'influence de la religion musulmane et l'importan-
ce traditionnelle accordée à l'enfant par la société africaine, en général,
par la société Guinéenne, en particulier; (surtout dans les zones rurales,
où les enfants sont d'un précieux secours).
La baisse de la mortalité, due aux progrès de l'hygiène,de la médecine
et de l'éducation, est remarquable malgré l'année de la grande famine 1975.
Elle décroît de 36,6 % en 1955 à 20,8 % en 1975.
Cependant l'espérance moyenne
de vie passe de 31 à 41 ans.
Pour ce qui est de l'occupation spatiale du territoire, la population
rurale représente plus de 80 %de la population totale. Mais les villes n'ont
cessé de croître rapidement, surtout dans les zones minières: Fria, Boké,
Banankoro etc.
Conakry, qui ne comptait que 9 000 habitants
en 1929, et 13 000
en 1937, en compte 40 000 (dont près de 3 000 européens) en 1955, environ
100 000 au moment de l' indépendance et près de 200 000 en 1967, 760 000 en
1980.
Elle
atteindra
le
million
à la fin de
1990.
Cette
surpopulation
de
la capitale a eu des retombées sur l'urbanisation, car depuis 1975 les
bidonvilles prolifèrent, ne tenant compte d'aucun schéma directeur.

- 42 -
Kankan, qui avait 11 000 habitants en 1937, dépasse aujourd'hui
(après le "coup d'état" du 3 Avril 1984) 75 000 ; Labé est passé de 10 000
à plus de 40 000 ; Kindia atteint 40 000, N'Zérékoré 30 000, Mamou et Fria
15 000,
cependant que des modestes centres promus chefs-l ieux de régions
administratives, se développent rapidement. Koundara passe de 1 500 habitants
en 1959 à 6 000 en 1967 et à peu près de 10 à 12 000 présentement. Mandiana,
petit village du Ouassoulou
au temps colonial, est aujourd'hui
une ville
qui
atteint 16 000 habitants
(devenue région administrative depuis 1975).
En 1955,
on estimait
à 19 le nombre
d'agglomérations urbaines ayant
213 000 habitants soit 8 % du total. Le taux de 20 % de cette popul ation
urbaine est maintenant dépassé et l'exode rural, conséquence de la politique
de développement inégal, a tendance à s'accélérer malgré les pratiquesrigou-
reuses que sont
le renvoi
"manu-militari" des nouveaux citadins dans les
régions
éloignées et l'orientation arbitraire des enfants de pauvres dans
les fermes agro-pastorales (domaines réservés aux Facultés Agro-zootechnique).
La
popul ation
guinéenne
compte
trois
ethnies p'rincipales (~lalinké, Peulh,
Soussou)
plus
trois ethnies en Guinée forestière,
moins importantes mais
bien di~rérenciées et plusieurs autres groupes moins nombreux.
La
Guinée
maritime
constitue
l'aire
de
peuplement des
Soussous
qui sont apparentés au groupe Mandé (39).
(9) - Les
Mandés-FU
(Soussous)
et
les Mandés-TAN
(Malinkés et assimilés)
font partie de la civilisation Mandingue et se distinguent entre autres
choses, dans la prononciation du nombre DIX (FU et TAN). Ces Sous sous
d'origine Malinké (Camara, Fofana, Touré, Traoré, Youla-Yansané (Dioula
Dionsana - négrier), "quittèrent Kankan à la fin du XVlIIème siècle à
cause de l'hostilité de Kondé Burama (Kondè Broma)" (.
Odile Goerg
Commerce
et
Colonisation
en
Guinée
1850-1913
tHarmanttan
1986
PP.
19-20). Quant aux Kaba résidents à Conakry, Forécariah/Laya Daresalam
Benna
-
Berèire,
Bafila,
Ko bah,
Ta tema,
Dubréka
sont
des
malinkés
qui avaient pour mission d'islamiser les côtiers Baga, Landouma, Nalou
etc. Voir à ce sujet l'histoire et cousinage entre les Kaba de Kankan
et ceux de Forécariah.
("
feu vieux Sinkoun Kaba, témoignage privé
de Yansana Sékou,
chef de la délégation permanente de la République
de Guinée auprès de l'UNESCO, Paris 16 Janvier 1987).

-
43 -
"Au
lendemain
de
la
bataille
de
Kirina
en
1235 qui
consacra la
victoire
du Mali,
les Sosso vaincus par Soundjata abandonnent leur
pays dans la partie orientale de la boucle
du NIger pour la longue
villégiature
qui
devait
progressivement
les
conduire
un
siècle
durant vers le Sud, vers l'Océan Atlantique, dans les zones côtières
de
l'actuelle
Basse-Guinée
Sierra-Léone

ils
créèrent
avec
le
temps de nouvelles provinces contrôlées de nos jours par la République
de Sierra-Léone et la République de Guinée. (Kukuna, Kambia,. Taouya,
Kassiri etc.) en Sierra-Léone, (Kindia, Kaninya, Tamisso, Forécariah,
Samou,
Kobé,
Taban,
Benna,
Coyah ,
Wonkifong,
Dubréka,
Ouassou,
Fria, Labaya, Boffa et Boké) en République de Guinée." (
"Oumar
Barry"
"fassou
Loua"
"Mory
Kanté" Il Fodé
Sylla"
-
Guinée- Echec d'un
eoup d'Etat ... et campagne de presse Ed. T.D.S Abidjan 1986, P. 23.
Les Baga,
les Landouma,
les
Na1ou,
les Mikhiforé,
les Mandenyi,
la quasi totalité de ces groupes ethniques est d'ailleurs en voie d'absorption
par les 5oussous dont ils ont déjà adopté la langue, sinon comme celle de
communication.
Au temps colonial cette communa uté représentait 13,1 % de la popula-
tion et actuellement elle est de 16 % (voir carte des ethnies, page suivante).
L'ethnie occupant majoritairement la moyenne Guinée est celle des
peu1hs
(ou Foulas)
dont
les
principales
activités
sont agro-pastora1es. A
côté d'elle, vivent des communautés de Dia1onké, de Diakhanké (40), de Coco1i
(Tyapi), de Coniagui, de Bassari, de Badyaranké, de Foula Counda. La langue
parlée est le Pu1ar.
Avant 1958 les Peu1hs (ou Foulas) représentaient avec 29 % de la
population, le ~roupe ethnique le plus important. Aujourd'hui cette communauté
ne dépasse guère ce pourcentage (29,5 %) (à cause de l'émigration accentuée
depuis l'indépendance).
(40) - Communauté native du Fouta-Djalon.

44
....
landcNma
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501.0 1Saunayl
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C. CGcOh \\l'lgl)
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l.mbl
~ foulacoundl-Ptul
l(ono
~ Ouauouloonke
f0" O',lIonilii
(D'.1"'~ J. Surel-Can.le.)

-
45 -
En Hilute Guinée,
la langue commune est le Maninka qui est parlée
tant par la communauté Maninka (dominante) (41), les Maninka Mori (d'origine
Sarakholé venant de Djafounou situé dans l'actuelle République du Mali).
Que
par
les
Peulhs du Ouassoulou
(Ouassoulonka métis
Peulh et
Maninka). Son pourcentage sur
le
plan de la représentation ethnique était
de 22,5 % au temps colonial.
Il est actuellement de 30 % de la population
totale.
En Guinée forestière il
n'y a pas d'ethnie à proprement parler,
mais plusieurs groupes ethniques et linguistiques: Guerzé parlant le Kpéléwo,
Toma de langue Lomaghaï, Kissi parlant le Kissie, sont les trois principauxj
on trouve à côté d'eux des communautés de Konianké (42), Kouranko, (apparte-
nant au groupe Mandé) de Kono, de Manon, de Lél é, et de Peulh de Sinko ou
'Bassando-Foul a.
"Sans vouloir mettre en exergue un déterminisme géographique systéma-
tique, on peut tout de même relever l'impact de la situation géogra-
phique sur les "modes de productions" des différentes communautés.
Les Soussou et les autres groupes côtiers ont, en plus de la pêche,
(41) - Cette communauté de Maninka (Malinké) a, par son histoire, sa culture,
influencé
toute
la Côte
de
Guinée allant du Sénégal
j uqu' au Ghana
"dans la région comprise entre
la Gambie et
les rivières de Guinée
et de la Sierra-Léone ; il faut remonter au XIIème siècle pour constater
les traces d'une première avancée des Mandingues vers l'océant Atlanti-
que.
Recueillies
en Gambie,
en Casamance,
et en Guinée-Bissau,
les
traditions orales font état d'une colonisation agricole Malinké entre
la
fin
du
XIIème
et
le
début
du
XIIIème siècle.
(
Christophe
Wondji,
la côte Ouest africaine du Sénégal à la Côte d'Ivoire Paris
"L'harmanttan"
1985 P. 62).
(42) - "Au
XVIIème
siècle,
le
mouvement
des Malinké du Konyan fit
passer
Toma (Loma), Guerzé (Kpellé), Manon (Mani) des savanes pré-forestières
situées au NOrd de Beyla (secteurs de Kérouané et Bissandougou) vers
la
forêt
guinéo-libérienne,

ils
continuèrent
à
s'enfoncer
tout
au long de ce siècle". (
Christophe Wondji : la côte Ouest Africai-
ne du Sénégal à la Côte d'Ivoire, Paris "L'harmant~an" 1985 PP. 108-109

- 46 -
développé au cours des siècles,
des
contacts avec les Européens,
un sens aigu des relations humaines exploitées dans un sens profes-
sionnel.
1
Les forestiers, Communauté ayant résiste
longtemps à la pénétration
coloniale, ont surtout appris à compter sur eux-mêmes par la mise
en valeur d'une nature particulièrement vivace et envahissante.
Les
Peulhs
du
FOuta-Djalon
ont
fait
prospérer
l'élévage
grâce
au climat montagneux propice à ce genre d'activité.
Le site a contribué aussi à "l'affermissement" de la "foi religieuse"
et à une certaine austérité.
(Ils constituent
une
sorte
de
trait
d'union entre
les Peulhs du
Fouta et ceux du Sénégal et du Mali etc.) (43).
Les peuples Mandingues de la Haute,. Guinée ont vu leur vie rythmée
par l'alternance des saisons et par le régime des eaux: la saison
pluvieuse
avec
ses
violentes
tornades
est
pour
l'habitant
des
savanes
(malinké)
le
temps
du
labourage,
de
la
grande
culture
de
riz,
manioc,
mais etc.
La saison sèche
est
la
période utile
et
agréable
; les instruments aratoires sont troqués alors contre
la hote,
et
le
filet
pour la pêche traditionnelle (dalamon) dans
les mares
(exemple
la grande pêche traditionnelle de la mare
de Baro dénommée Bolê).
La saison sèche est aussi celle des grands
voyages,
des
contacts
et
du
commerce
(44),
qui
ne
connaissent
pas de frontières.
(André Lewin ibid P. 23).
(43) - Contrairement aux Peulhs du Ouassoulou "Haute Guinée"
qui ont, certes,
gardé
l'élévage comme élément fondamental de leur mode de production
mais ont
surtout
enrichi
la culture peulh à
travers
leurs contacts
avec les malinkés.
(44) - Faisant allusion au commerce des malinkés, le portugais V.
Fernandez
note que:
"ils (les malinkés) trafiquent'de leurs marchandises très
loin vers l'intérieur et
plus loin qu'aucun autre
peuple de
cette
région
et
ils
vont
même
jusqu'au château de
Mina
par
l'intérieur"
(cité
par
D.T.
Niane,
Recherches sur l'empire du Mali au moyen-âge,
Paris Présence Africaine 1975).

- 47 -
il
est
bien
évident Qu'une
telle diversité ethnique, malgré sa
richesse culturelle, ne vas pas sans problèmes (45) de primauté 1inguistiQue.
questions sur lesquelles nous reviendrons.
B)
Aperçu historique
La Guinée a d'abord attiré les Portugais, qui ont fondé plusieurs
comptoirs commerciaux sur la côte (XVème siècle). Après le déclin
de la puissance portugaise au XYlème siècle, ils furent remplacés par
d'autres canrerçants europœns, essent ie 11 ement des négri ers. Du mi lieu du
siècle jusqu'au début
du XlXème, l'histoire de la région côtière
'guinéenne se confond avec celle de la traite des esclaves.
Cependant il est à soul igner Que le traf ic négrier sur les côtes
de la Guinée n'a jamais atteint l'ampleur Qu'il a eue à l'Est
sur le littoral du Ghana et sur l'ancienne "côte des esclaves".
44
Le gouve~nement de Sékou Tou~é et celui de la 2ème République nient les
~émanences ethniques et la su~vivance d'anciennes
~ivalités et de '
méfiances ent~e les différentes communautés, pe~ceptibles pa~ exemple
lo~s de ma~iages mixtes et aussi l'exploitation politique qui a été faite
de ce phénomène ethnique : massacre systématique en 1958 à Conak~y pa~
la milice du R.D.A des memb~es du B.A.G (Bloc Af~icain de Guinée)
et des Peulhs, complot Peulh à (1976l non suivi de ~ep~ésailles
géné~ales cont~e les Peulhs à cause de l'indiffé~ence de la population,
p~og~ome des malinkés en 1985 à la suite du "coup d'état" manqué du
colonel Diarra Traoré d'ethnie malinké et ancien premier minist~e.

EVOLUTION DE LA POPULATION TOTALE SELON LES DIFFERENTES ~URCES
1955 -1982
--.-
,
,
~URCES
1955
1960
1962
1963
··1964
1965
1967
1970
1972
1975
1977
1
1980
1982
,
1
-
1
1
2 571
-
-
/ 3 357
, 3 336
-
3536,4
-
-
-
-
- ,
1
4 002,5
-
4 527,4
-
-
3 139,4
3536,4
2
2 501
-
-
-
-
3 510
3668,4
3 921
4 110,2
4 416
'+ 645,2 5 013,2
5 283
3
2 912
3 183
3 310,7
-
:
1
+>-
00
~URCES
:
1
-
Guinea, Report of Mission on Needs Assessment for Population Assistance U.N.F .P.A. New York 1978
2
-
Population et développement en République Populaire Révolutionnaire de GUINEE SEPTEMBRE 1980 CONAKRY
3
-
Main - d'oeuvre 1950-1970 -BIT, Genève, 1977; World Population Trends and Prospects by Country 1950
a Summary Report of 1978 Assessment U.N.F.P.A. New York 1979.
Estimation et projections de la population de GUINEE, ONU (variante moyenne)
NOTE
: ~lon d'autres sources la population 9uinéenne dépassait en 1977 les 5 millions et en 1982 te chiffre est de
6,2 - 6,4 millions d'habitants. Toutefois ces estimations incorporaient les guinéens résidant hors du territoire
de la R.P.R. de GUINEE.

-
49 -
POPULATION SEI,ON J ES RFGTONS URBAINES-RURAl ES,
I.E SEXE
ET L'ACE en 1982 /en milliers/
Autres
1 Ré~ions
Régions
Age et sexe
Conakry
Villes
Ur aines
rurales
TOTAL
i
1
!
EHSE1'IBLE
760.~
920,7
1681.1
3602,6
5283.7
1
o - ~
129,3
161,~
290,7
649,0
939,7
5 - 6
~1,1
53,1
9~,1
223,~
317,5
1
7 - 12
115,6
1~3,3
258,9
565,1
82~ ,0
13 - 15
~9.4
61.6
111,0
2~ 1.6
352,6
16 - 18
52,5
58,5
111,0
209.9
31~,9
19 - 2~
92,8
103,9
196,7
33~ ,0
5~O, 7
25 - 39
157,3
182,3
339.6
649.9
989,5
~o - 5~
9~,3
109.1
203.~
~0~,9
608,3
1
55 - 6~
20,5
29,9
50,~
186,3
236,7
65 et plus
7,6
17,6
25,2
13~ ,6
159,8
1
~
389,0
~62.~
851.~
176~.5
2615,9
1
i
o - 4
65.0
81.1
1~6,1
32~,5
470.6
5 - 6
20,6
26,5
~7,1
111,~
158,5
7 - 12
57,8
71,0
128,8
281,9
470,7
13 - 15
2~,9
30.9
55.8
119,5
175.3
1
16 - 18
26,8
29.3
56,1
100,1
156,2
19 - 2~
~8, 3
52,6
100,9
166,~
267.3
25 - 39
83,2
93.7
176.9
311,5
488,~
j
~O - 54
~8,4
5~,3
102,7
200.1
302.8
55 - 6~
10,3
1~, 5
24,8
89.0
113,8
65'ëi plus
3,7
8,5
12,2
60.1
72,3
1
!
PDIMES
371,4
~58,3
829,7
1838,1
2667,8
0-4
6~,3
80.3
14~.6
3?4.5
469.1
1
5 - 6
20. ~
26,6
~7,0
122.0
159,0
r
7 - 12.
57,8
72,3
1]0.1
283,2
413,3
f
13 - 15
2~.5
30,7
55.2
122.1
177 ,3
f
16 - 18
25,7
29.2
5~.9
103,8
158,7
19 - 2~
~4.5
51,3
95,8
177 ,6
273,~
25 - 39
13,8
88,6
162.4
338.4
500,8
~O - 5~
~5,9
5~,8
100,7
20~,8
305,5
55 - 6_
10.2
15,4
25.6
97,3
'"' ,~
1
65 et plus
3.9
9.1
13,0
74,5
87.5
1
~ : Ministère du plan
1
!
r
1
1
f
f

-
50 -
REPARTITION DE LA POPULATION PAR REGION
en 1972 et 1983
1
1972
1983
Région
Superficie ----------------------- ------------
Population
Densité
Population
---------------------- ----------- ------------ ---------- ------------
GUiDée Maritime
36 208
1 381 679
.J.a...2
1 608 885
Boffa
5 003
121 134
24,2
141 279
Boké
10 053
178 574
17,8
225 207
Conakry
308
525 671
1 706,7
705 280
Coyah
5 576
145 522
26.1
134 190
Forécariah
4 265
132 184
30,9
116 464
Fria
2 175
54 398
25.0
70 413
Kindia
8 828
224 396
25,4
216 052
Moyenne Guinée
63 608
1 674 381
.2..é...l.
Le.38 263
Dalaba
5 750
149 667
26,0
132 802
Gaoual
11 503
129 693
Il.7
135 657
Koubia
1 476
-
-
98 053
Koundara
5 500
88 427
16,1
94 216
Labé
3 991
418 648
104,9
253 214
Lélouma
2 149
-
-
138 467
Mali
8 800
193 973
22,0
210 889
Mamou
6 159
184 633
29,9
190 525
1
Pita
4 000
206 064
51,5
227 912
Télimélé
8 080
190 981
23,6
243 256
Tougué
6 200
112 295
18,1
113 272
Haute Guinée
96 667
1 012 328
.lO......5.
1 093 551
1
Dabola
6 000
83 070
13 ,8
97 986
Dinguirayé
11 000
109 162
9,9
133 502
Faranah
12 397
175 466
10,9
142 923
Kankan
11 564
264 684
22,9
229 861
Kérouane
468
44 850
95,8
106 872
Kouroussa
16 405
121 338
7,4
136 926
Mandiana
15 456
-
-
136 317
Siguiri
23 377
253 758
10,9
209 164
Guinée Forestière
49 374
1 074 896
.ll&
1 139 8~
Beyla
17 452
192 212
Il,0
161 347
Guèckédou
4 157
173 915
41,8
204 757
KisSidougou
8 872
177 607
20,0
183 236
Lola
4 219
-
-
106 654
Macenta
8 710
167 749
19,3
193 109
N'Zérékoré
3 781
290 743
76.9
215 355
Yomou
2 183
72 670
33,3
74 417
1
---------------------- ----------- ------------ ----------1---------(:)
Total
245~ 143 284 1 20,7 1 5 680 574
Source:
Ministère du Plan
(a)
La différence avec le chiffre du recensement (5 731 024) cient aux
répartitions régionales.

~ 51
-
Le premier fait colonial
de la France se situe autour
1837-1842. Il
a consisté surtout à l'installation de comptoir~
commerciaux. Jusqu'à la fin de la pénétration de l'hindterland
(arrière pays) qui ne commença pas avant la fin du XIXème siècle.
Le deuxième fait 'colonial est ·la consoTidation de
"l'acquis" colonial au moyen de "mission" d'implantation dans les
points stratégiques et de signatures des traités de protectorat
avec les rois locaux. Le traité du 5 Juillet 1881, le plus
important, établissait le protectorat français sur le Fouta-DJALON.
La France obtenait par la même occasion la concession d'une voie
ferrée partant de la côte et pénétrant dans l'intérieur en Haute Guinée (sa
construction a commencé à partir de 1898) (46).
La colonisation rencontra de la part de la population différentes
résistances, parmi lesquelles on peut citer celle de l'Almamy Samory Touré.
46
"les travaux de Conakry-Niger furent financés par divers emprunts
réalisés par la colonie puis par le gouvernementGénéral. Ils
s'étendirent de 1899 à 1914 en quatre sections
Section KM
Trajet
Dates
Coût total
1ère
148.5
Conakry-Kindia
1899 à Mai
1904 14,3 millions de F
2ème
152.5
Kindia-Mamou
1904 à Fév
1908 17
"
"
3ème
287
Mamou-Kouroussa
1908 à Sep
1910 30
"
"
4ème
78
Kouroussa-Kankan
1910 à -
1914
2
" + ?
"
Le coût total de cette ligne dépassa les 60 millions prévus alors
que les recettes de la colonie étaient en moyenne de 6 millions de
F - et fut entièrement supporté par la Guinée. Le nombre de travailleurs
était élevé : 4 à 6.000 en 1906, 8 à 9.000 en1909 sur plusieurs chantiers.
La pression administrative assura le recrutement de ceux-ci. Les peulhs
y envoyèrent généralement leurs esclaves ( ... ) (qui) se sauvent et ne
reparaissent plus chez le maître. "(
Odile Georg : commerce et colonisa-
tion en Guinée "1850-1913" (L'Harmattan). 1986 P. 291-292).

- 52 -
Son
royaume
situé pour
l'essentiel,
entre 1870 et 1880, dans
la
partie orientale du
pays,
avait
pour capitale Bissandougou, situéedans sa
région natale près de Kankan
Samory fonda son autorité avant tout sur l'observa-
tion rigoureuse de l'islam et prit le titre religieux d'Almamy (Imâm).
Il donna à son Etat une administration centralisée: cent soixante
deux cantons regroupés en deux gouvernements, commandés chacun par un parent
du souverain ou par un homme de confiance, assisté d'un chef militaire et
d'un marabout (47).
Il forma une armée bien entraînée de soldats de métier (les sofas)
auquels
s'ajoutaient des milices
populaires que fournissaient
les villages
en cas de guerre.
"Des ateliers militaires, où travaillaient des forgerons
africains, réparaient les fusils et fabriquaient de toutes pièces, à la main,
des fusils
à tir
rapide".
L'armement
était fourni
également à Samory par
les commerçants maures du
Sénégal et l"!s négociants anglais de Sierra-Léone.
Faisant
preuve
de réelles
qualités
d'homme
d'Etat,
de
stratège
et de politique,
il
fut
"un conducteur d'hommes
( ... ) possédant l'audace,
l'énergie, l'esprit de suite et de prévision, et par dessus tout une tenacité
irréductible, inacessible au découragement" ainsi que le reconnaît le général
Baratier, l'un des officiers français qui ont eu à combattre contre lui (48).
(47) - "Samory conserva l'organisation des Kafou
(unité économique,
juridique
et
militaire)
les structures économiques et sociales restaient
basées
sur le village et la famille étendue"
ibid O. Georg P.
189.
(48) - Pour plus de précisions et autres
détails
concernant
cette
période
voir
l' histoire
de
l'Afrique
Occidentale
de
D. T.
Niane
et
J.
Suret
Canale,.,
Paris,
Présense Africaine,
1961 P.
128 et 'lves
Person,
Samori
une révolution Dyula tome II Ed.
"Ifan-Dakar 1968").

- S3 -
De 1881, date à laquelle Samory refuse de se placer sous protectorat
français,
jusqu'en 1898,
date de
son arrestation,
les affrontements ne se
comptent pas. Beaucoup de ces combats furent à l'avantage de l'armée de Samory.
Les premières escarmouches de 1882.1883 furent suivies de négociations qui
mirent fin momentanément
aux
hostilités.
Il
en
résulta
un
premier
traité
de paix en 1886, le Kényèba-Kura (49) ayant reconnu l'autorité de la France
sur Bouré (rive gauche du fleuve Tinkisso dans la région de Siguiri en Haute
Guinée)
: ceci est sans doute en rapport
avec
l'envoi en France du Prince
héritier Diaoulen Karamo
; le retour de ce dernier coïncida d'ai lIeurs avec
la signature d'un second traité en 1887, appelé traité de Bissandougou.
Ce temps de "paix" permet à la France d'étendre sa colonisation sur
le Haut-Sénégal
et
d'installer
un
poste militaire à Siguiri.
Un troisième
traité,
celui
de
Niako,
conclu
avec
le capitaine Archinard
n'empêcha
pas
la reprise des combats. Malgré la résistance acharnée,
couronnée de succès
limités sur les taupes coloniales françaises (50) en 1883 (la fameuse bataille
(q9J -
Le
traité
se
présentait
ainsi
traité
de
Kényaba-Kura
(A.N.S-15-CI)
"entre nous Henry Frey, Lt Colonel de l'infanterie de marine,
breveté
à l'Etat-major, Commandant supérieur du Haut-Sénégal,
représentant
le gouverneur et agissant en son nom et l'Almamy Samory, chei" des
musulmans a été convenu ce qui suit:
article 1er à partir de son
confluent avec le Bafing ou Tinkisso,
le fleuve Niger servira de limite
entre les possessions françaises sur la rive gauche et les territoires
soillffis
à l'autorité de l'Almamy Samory sur la rive droite jusqu'à
Koulikoro. Le Coro, les deux Bidiga,
le Siéké, le Bouré,
les villages
de Diouma situés sur les rives gauches du Bafing et du Niger,
le manding
de Kangaba constituent donc des territoires placés sous protectorat
français
( ... )" (
Yves Person, Samory, une révolution Dyula tomeIII
Ed.
"Iran-Dakar 1975 P. 2099").
(50) - Alpha
Condé
admet
que
Samory
a
été
un
vrai
résistant
mais
"s'il est
incontestable qu'à
la différence d'Alpha Yaya, Samory fut un véritable
patriote
qui
lutta
contre
le
colonisateur
pour
la
sauvegarde
de
son
empire,
il
n'en
reste
pas
moins
que
l'empereur
représentait
en
fait
un
"féodal ité
mal inké" .
(
"Guinée
l'Al banie
de
l'Afrique
ou
néo colonie américaine"? Paris, Ed. Git-le-coeur, 1972 P.
198).

- S4 -
de Woyo-wayanko dans
l'actuelle Rép.
du Mali),
en 1891
(où
Samory oblige
les troupes françaises à évacuer Kankan) et 1895 (où les français abandonnent
la ville ivoirienne de Kong), et sur les anglais en 1897, la pression constante
d'un ennemi dont les forces se raffermissaient, l'usure de ses propres armées
et l'épuisement des ressources d'un territoire sans cesse ravagé par la guerre,
ainsi
que
la trahison
de
quelques-uns
de ses
alliés, obligèrent
Samory à
faire décider, par une "assemblée populaire" tenue en 1893, l'exode des troupes
sofas et de ses fidèles vers l'Est. Cette "longue marche" de 1 000 kilomètres
entreprise
dans
des
conditions
difficiles,
fut
accompagnée d'une
nouvelle
tentative
pour négocier
avec
les français
en 1894, mais en vain.
Dans sa
retraite,
loin de
sa capitale, cherchant à rejoindre le pays Loma,
Samory
est arrêté par le capitaiene Gouraud en 1898.
Il sera condamné à l'exil et mourra au Gabon en 1900, suivi de peu
par son second,
Morifindjan Diabaté. Le retour de leurs cendres du Gabon,
en 1968, donnera lieux à Conakry, à d'importantes cérémonies. (La diversion ... !).

-
55 -
Pendant toute la campagne contre Samory, les français s'étaient abstenus
dl intervenir au Fouta-Djalon dans
le
grand royaume
peulh, fondé en
1725, (51)
Et'at théocratique de structure féodale dirigé par un Almamy. L'aristocratie
peulh, dans cette confédération de neuf provinces ne sut pas mettre en valeur
(51) - La "conquête
du
Fouta
sur
les
non-mulsumans
(Diakhanké
et
Soussou)
a
été
faite
par
une
oligarchie,
Une
tradition
orale
et écrite,
plus
ou
moins
remanlee,
veut
que
cette
entreprise
ait
été
mûrie
par
un
visionnaire et accomplie par un
certain nombre de compagnons au nombre
de huit,
Selon telle ou telle source, l'initiateur du mouvement aurait
été
tantôt
1.
Sambego qui
sera le
1er chef politique
du pays conquis,
tantôt
un autre compagnon du nom de Saliou Balla.
Quoi qu'il en soit,
à
l'issu
de
la
Jihad,
neuf
personnalités
religieuses
participent
à
l'exercice de la souveraineté. Elles dirigent les communautés musulmanes
des
dit fférentes
parties
du
pays.
Il
s'agissait
du
Karamokho
de
Timbo - Thierno de Bouria - Karamokho de Fodé Hadj - Cheikh de Fougoumba
Karam::Jkho
de Labé ou Satigui de Fouta-Djalon - Cheikh de Timbi - Cheikh
de Kébali
-
Karamokho de KOine.
(
Pathé Diagne,
Pouvoir politique
tradi t ionnel
en
Afrique Occidentale,
Présence Africaine
1967 P.
276).
Une
autre
source
révèle
que
"au
cours
de
la période historique
qui
s'étend
du
XI ème
au
XVllème
siècle,
un
grand nombre
de Peulh et
de
Manding
musulmans,
fuyant
les
calamités
naturelles
ainsi
que
les
troubles
et
exactions
dûs
à
des
seigneurs
de
la
guerre.
S'étaient
établis
au
Fouta-Djalon
dont
les
premiers
habitants,
des
Dialonké
cul t i va teurs
et
chasseurs,
vivaient
en bons
termes avec
des
Peulhs
pasteurs
nomades
ou· semi-sédentaires.
Ces
Dialonké
et
Peulh
avaient
un
genre
de
vie
simple,
des
str'uctures
socio-économi-
ques
archaïques
et
des
croyances
traditionnelles
qui
faisaient
une
large
place
à
la
nature,
aux
esprits
visibles
et
invisibles,
aux
phénomènes
atmosphériques.
Petit
à
petit,
les
conflits
socio-économiques
se
multiplièrent
et
les
différences
cultu-
relles
et
religieuses
s'agrandirent
au
point
de
rendre
impossible,
desormais,
la
coexistence
entre
musulmans
et
non-musulmans.
La
première
insurrection
islamique
eut
donc
lieu
au
bord
de
la
rivière
Talansan,
non
loin
du
Bâfing
fleuve
Sénégal)
vers
1715,
sous
la
direction
du
Cheikh
Ibrâhîma
Sambêgou,
célèbre
sous
le
nom
de
Karamoko-Alfâ.
ce lettré
peulh
appartient
à
une
grande
famille
maraboutique
venue
de
Tichit
(Mauritanie)
depuis
plus
d'un
siècle.
La
victoire
de
Talansan,
remportée
par
des
peulh
et
Manding
musulmans
contre
les
Peulh
non-musulma~~ 4e8 pkzion s
du
Sud-Es~:,
eut
une
répercussion
considérable
à
travers
le
pays
tout
entier
et
aboutit,
vers
1719,
à
Fougoumbâ
dans
le
Fouta
central,
à
une
réunion
de
représentants
des
régions
et
des
principaux
foyers
islamiques
du
pays.
(,
Alfa
Ibrahim
Sow,
"Quand
le
fouta-Djalon
devint
Terre
d'is-
lam",
in
Mémoire
de
l'Afrique
P.
301985).

- 56 -
la force de travail des captifs, et les rivalités entre familles patriciennes
avaient affaibli
l'Etat à la fin du XIXème siècle. Les luttes intestines
qui mirent aux
pri ses l'A1mamy Bokar Bi ro et ses adversa ires procurèrent à
1
la France
l'occasion d' intervenir militairement à Timbo en Novembre 1896.
i,
La même année, le Fouta-Djalon est annexé et, en 1897 l'Etat est totalement
i
démembré.
t
Mais la résistance contre l'occupation française continua: résistance
des Coniagui (1902-1904) autour de leur chef Yallou Téné à Ithiou, résistance
au Fouta-Djalon (Alfa Yaya 1906-1911) ; résistance, pricipa1ement des communau-
tés forestières (1900-1912) avec Koko To1no et N'Zébéla Togba (en 1907, le
village de Boussédougou opposa une résistance héroïque aux assauts français).
Les Kissi, Toma
et Guerzé ne cèdent qu'en 1912 (52).
L' indépendance
C'est autour des syndicats, qu'à l'instar des autres territoires franco-
phones d'Afrique de l'Ouest, s'est organisée en Guinée la ·lutte contre le
co 1oni alisme. De grandes grèves éc 1atent dès 1945 à Conakry où Sékou Touré
joua un rôle déterminant : secrétaire général du syndicat des P. L T, puis
de l'Union territoriale des syndicats C.G.T de Guinée,
il est élu en 1950
président de la confédération générale des travailleurs africains (C.G. LA),
puis président de l'Union généra1edes travailleurs d'Afrique Noire (U.G.LA.N.).
(52) - La Guinée a eu de nombreux autres résistants tels que : (Waliyou de Gomba,
Dinah Salifou - chef Nalou), Bakary Touré, Kissi Kaba
Kéita et bien
d'autres, tomb~
sur le champ d'honneur.
f
1
1

-
57
-
En
1952,
il
devient
secrétaire
général
du
parti
"démocratique"
de Guinée,
section du Rassemblement
"démocratique" Africain
(P.D.G-R.D.A),
qui s'est formé à Bamako dès Octobre 1946 pour réaliser l'union des africains
et organiser leur action contre le colonial isme.
Puis
Sékou Touré est élu
maire de Conakry en 1955 et devient vice-président du "conseil de gouvernement"
de
Guinée formé
après
le
vote
de la loi-cadre par le parlement français
en 1957.
Le
parti
démocratique
de
Guinée
était
alors
parvenu,
avec
son
organisation
de masse
(ouvriers,
paysans,
bourgeoisie en formation et ses
fortes
structures,
à rall ier
derrière
lui
la majorité du
peuple
guinéen (53)
et, par là, à réaliser dès avant l'indépendance une véritable unité nationale.
Lors du référendum du 28 Septembre 1958,
la Guinée fut le seul Etat Ouest
africain francophone à voter "non" à l'unanimité au projet de constitution,
préférant l'indépendance immédiate.
Le 29 Septembre 1958, le peuple guinéen rejette l'offre d'adhérer
à la communauté franco-africaine
(1
136324
"non"
contre 56981
"oui").
Jusqu'à la veille du scrutin, Sékou TOuré s'est vainement efforcé de convain-
cre
le Général
De
Gaulle de son
intention de maintenir son pays au sein
de l'ensemble français tout en le faisant accéder à l'indépendance.
La GUinée devenait ainsi, après le Libéria et le Ghana, le troisième
Etat indépendant d'Afrique Occidentale.
(53) -
pourtant
"en
1952-1955,
le
Parti
démocratique
de
Guinée
(P.D.G)
fondé
en
1947
n'avait
encore
qu'une
faible
audience
un
seul
conseiller
t e r r i t o r i a l ,
pas
un
seul
député.
Par
contre
des
Partis
tels
que
le
Bloc
Africain
de
Guinée
(B.A.G)
de
Barry
Diawadou
et
la
Démocratie
Socialiste
de
Guinée
(D.S.G)
de
Barry
Ibrahima,
dit
Barry
I I I ,
nouvelle-
ment
crées,
semblaient
avoir
une
certaine
audience.
mais
ne
vont
pas
tarder
à
s'effrondrer".
(Réf.
Ansoumane
Doré,
Economie
et
société
en
Républi q 2 ue
de
Guinée
1958-1984
t
perspectives
ed.
Bayadière
1986
P.
135).

- 58 -
Le 2 Octobre 1958, Sékou Touré proclame officiellement
l'indépendance de la République de Guinée et en devient le pré-
sident.
Assimilant à une sécession des guinéens à la souverai-
neté internationale,
le gouvernement français tire les conséquen-
ces du scrutin:
" ~1 ais 0 n ne" eut
con c ev 0 i r
u n
ter r i t 0 ire
i n d é -
pendant
et
une
France
qui
continuerait
de
l'aider,
le gouvernement
tirera
les
conséquen-
ces
économiques,
et
autres,
que
comporterait
la man i f est a t i on
d' une
tell e vol on t ':'''
(5/1).
Alors,
l'une des tâches prioritaires du nouveau gou-
vernement, fut la consolidation de sa souveraineté nationale
par la mise sur pied, de nouvelles structures capables de ré-
soudre les problèmes socio-culturels et économiques, créés par
les conséquences immédiates de la rupture avec l'ancienne mé-
tropole,
la France.
(54)
De GauLle, 8 Août devant le comité consultatif. Jeune Afrique
n' 1303 - 1303 Décembre 1985 - 1er Janvier 1986, p. 51.
Jeune Afrique rapporte par ailleurs,
"retrouvant le leader guinéen
en petit comité, De Gaulle met les points sur les "i". Il lui dit
"ne vous y trompez pas ! La République Française à laquelle vous
avez affaire n'est plus celle que vous avez connue et qui rusait
plutôt que de décider.
( ... ).
Elle (la France) a vécu très longtemps
sans la Guinée.
Elle vivra très longtemps encore si elle en est sé-
parée. Dans cette hypothèse, il va de soi
que nous retirerons aussi-
tôt d'ici notre assistance administrative, technique et scolaire et
que nous cesserons tout e su bven tion il votre budget". n' 513 du Mardi
3 Novembre 1970, p. 19.

-
S9
-
C)
Evolution Socio-Economique depu.is l'accession
à l'indépendance (1958)
L'indépendance de la Guinée en 1958 impliquait d'une part la réorganisation
des
anc iennes
structures
soc io-économi que,
d'autre part,
le dépassement de
celles-ci vers la "réalisation de la nation à la place du vieux territoire
colonial,
dont
les
réal ités
dominantes
sont
le
tribal isme,
l'exploitation
et le pillage des richesses au profit de la métropole".
Ce
projet de
soc i été nouve 11 e reste
i ncompat i ble avec
les liens
de dépendance avec l'ancienne métropole et sa matérialisation nécessite un
un choix
de modèle économique.
Le choix du modèle économique
En fait,
l'idée fondamentale de la politique économique guinéenne n'est pas
à rechercher dans l'imitation d'un quelconque modèle extérieur bien que, à
première
vue,
elle
se caractérise
par
l'é~bl issement
de
relation
suivies
socio-économiques avec les pays "social istes", mais plutôt à travers
l'option d'une diversification géographique du commerce extérieur, de maîtrisE
du flux monétaire, et de planification, et ceci à travers une pratique
d'étatisation conférant dans l'immédiat le rôle fondamental à l'appropriation
interne du surplus d'origine agricole et minière.
Les moyens essentiels utilisés dans le cadre des perspectives
d'indépendance et de la libéralisation économique sont les suivants:
" élimination
des
trusts
colorüaux
monopolisant
le commerce de la traite, et de l'appareil
bancaire
qui
leur
est
associé,
création
d'un
système
bancaire
ou
monétaire
en
fonction
des
besoins de l'économie nationale, introversion
de l'épargne ou mobilisation des ressources
potentielles et humaines du pays.

- bU -
Dans
cette
optique,
le
financement
du
développement
est
davantage l'oeuvre des nationaux que des puissances extérieures
(malgré la recherche de tous appuis financiers et commerciaux
tant
des
pays
socialistes
que
des
pays
capitalistes
qui
voudront bien s'y prêter, en excluant toute "ingérance
dans les affaires guinéennes".
(55).
Ce choix de modèle économique a été défini dès 1955-1966 et rappelé dans le
discours d'ouverture du colloque idéologique international:
"La Guinée
a
choisi
sans
équivoque
la voie non capitaliste
de développement( ... ) séquence de l'évolution sociale caractérisant
le
socialisme
et
toute
autre
qualification
de
la
société
humaine".
Pour
sa réalisation
"il
faut
créer les meilleures
conditions
économiques
possibles,
transformer
radicalement
les
conditions négatives de notr~ pays encore sous-développé
afin de placer ses capacités physiques intellectuelles et
morales de même
que
ses
possibilités
matérielles,
dans
un
contexte d'aisance qui favorise au maximum l'emploi
créateur
de
ces
diverses
capacités
et
possibilités
et
constitue
la
base
active
d'un
développement
économique
supérieur.
(56) .
55
Moustapha
Diabaté
: "le
modèle
ivoirien
de
développement",
,
thèse d'Etat, Institut d'Ethno-sociologie, Université d'AbidjanL
1979 pp.257-258).
56
Sékou Touré discours d'ouverture du colloque idéologique
international.
Conakry
13,
14,
15,
et
16 Novembre
1978 et
l'Afrique
en marche tome X 4ème édition 1967 p.
420-421).

-
6]
Les grandes
lignes
de
cette
politique
économique furent
élaborées
dès
1959.
et le Vème congrès du P.D.G les adopta en fonction d'un plan économique en
Décembre, de la même année. Ainsi. les principes de base de la planification
furent fixés par une conférence nationale des cadres réunis à Da1aba en .
Février 1960.
Les dispositions du 1er plan, à savoir le plan triennal (1960-1963)
devant servir à l' étab1 issement des fondements de l'indépendance économique
et
à assurer
1e"déco11 age"
du
développement.
furent
discutées
aussi
en
1959 avec entéri nement
par
1a conf érence nat i ona 1e économi que tenue à Kankan
en Avril
1960. Le projet initial
avait été élaboré par des experts
français. sous la direction du professeur Bettelheim; (57) il avait été-
modif ié après discussion par les diverses
instances du parti.
en fonction
des
"recommandat ions (tenant
compte
des
intérêts
de
1a nouvelle
bourgeoisie) faites par les comités de base. les régions. et les départements
ministriels".
La mise au point définitive du plan fut effectuée en Août
1960. Mais dès le 1er Mars 1960. était entrée en vigueur la disposition-clé
du nouveau système économique: la réforme monétaire.
57
Le Professeur Bettelheim fut entre autre
"assuré du concours de
son assistant Jacques Charriere, en collaboration avec un autre
planificaticateur Jean Bénard".

- 62 -
La réforme monétaire
La Guinée a émis le 1er Mars 1960 sa propre monnaie, le Franc
Guinéen;
le
CFA cessait
alors
d'avoir
cours,
et fut
retiré contre la nouvelle
mpnnaie
nationale
ayant
désormais
seule cours
légal
après
échange
sur
une base paritaire.
Ce Franc,: resta en circulation jusqu'en octobre 1972 où il céda la
place à une nouvelle monnaie
dénommée LE SYLI (57) qui avait pour
particularités: la non-convertibilité, (bien que son taux de conversion
soit de 0,030 gr d'or raffiné), l'impossibilité de toute évasion de capitaux,
tout rapatriement de bénéfices par les sociétés étrangères sauf accord du
gouvernement
guinéen
et
allocation
des devises
correspondantes
par
son
office des changes. La réforme devenait ainsi de par ses particularités, la
pièce maîtresse des différents plans surtout du 1er plan triennal.
LE 5 PLAN 5
De
1960 à 1985
(58)
quatre plans successifs de développement économique
et social furent initiés.
Le plan triennal
(1960-1963) avait pour objectif de décoloniser les'
structures économiques et administratives
et l'amorce de la modernisation
de l'économie guinéenne.
57
Le taux
de
change
avec
le
Franc
Français
est
de
0,02
FF.
Cette
parité fut modifiée en 1969 a cause de la dévaluation du Fran~
Français que la monnaie guinéenne n'a pas suivie.
Le Syli est redevenu Franc Guinéen depuis le 6 Janvier 1986
(1 Syli = l
CFA).
58
Le quatrième plan(1981-1985)
bien qu'élaboré pendant la première
République est aussi à la base des problèlnes actuels de la deuxième
République.

-
b3
-
A la
veille
de
l'indépendance
l'occupation
fondamentale
de
la
population guinéenne était l'agriculture et l'élévage ; seuls 10 % appartenait
à l'administration,
ou sont employés dans
les
plantations,
les
industries
extratives (fer, bauxite, diamant) et le tertiaire, l'industrie manufacturière
est inexistante.
Premier
objectif
du
plan,
consentir de gros
investissements aux
infrastructures
et
aux
administrations.
Ce
plan
bien
qu'ayant
bénéficié
d'une
préparation
méthodologique
sérieuse
sous
l'impulsion
d'une
équipe
d'experts
dévoués
et
progressistes,
n'a
pas
dans
bien
de
domaines
donné
satisfaction.
En
réalité,
malgré
la force
d'enCèdrement
du
P.D.G
(Parti
Démocratique de Guinée) il n'y ~ut aucune véritable mobilisation des villages
et régions pour la préparation du plan.
Par
contre,
avant
sa matérialisation,
le
plan
connut
plusieurs
versions successives sous
la pression de
la fraction
bourgeoise de l'Etat
et du Parti.
La logique de ces variations était fort claire: augmentation
du budget du plan, mais en contre-partir,le poids croissant de l'aide extérieure
et une dimunition de la part du secteur productif (au profit de l' infrastructu-
re qui s'élevait de 20 à 38 %).
A côté de l'augmentationdu budget du plan, la bourgeoisie d'Etat
cherchait
à s'assurer
une
confortable
assise financière,
et ceci
par son
rôle
d'intermédiaire
(Via
infrastructure
administrative
et
autres)
entre
la
production
agricole
et
le capital
marchand d'une part,
et
les marchés
extérieurs d'autre part.
Cette
situation
a
entraîné d'emblée l'interpénétration
avec
le
commerce
privé et
allait
jouer
un
rôle
décisif
dans
les fluctuations de
la politique commerciale (besoins de premières nécessités
riz, hUlle etc ...
commandés par l'Etat, distribués par le circuit commercial privé en collusion

avec la bourgeoisie étatique) (60).
Ces tâches du ministère du plan devenaient ainsi énormes et suppo-
saient
la création en son sein d'orgallisllles de g("Slioli
I-"ès ~totfés, IIldis
aussi de prérogatives particulières au niveau polilique. Ces deux condilions
ne seront jamais remplies.
Lage s t i on
res ter a de façon
cons tante marquée
par
l'absence de
coordination au niveau central et le désordre dans l' éxécution des actions.
Nombreux
sont
les
services
qui
ne font
pas
régul ièrement
des
rapports.
Même pour
l'engagement de certaines opérations, les départements intéressés
entreprenaient
des
négociations,
concluaient
des
6ccords
de
leur
propre
initiative, obligeant ainsi les services du plan à faire face à des engagements,
et obligations financiaires imprévues.
"Les
incidences
économiques
de
ces
vices
de
procédure
étaient
lourdes
le ministère travaillait en fonction d'un PLANNING de paiements,
valable sur une période donnée, et fondé
sur les ressources dont on disposait
pour cet intervalle de temps. Obligé de faire face à des urgences financières
imprévues, le plan devait retarder d'autant le déblocage des fonds destinés
aux
opérations
régulièrement
prévues.
Ces
irrégularités
s'accompagnaient
(60)
- Sur le plan commercial,
la Guinée a successivement connu Ide 1960 ~ 1965)
l'étatisation -
la centralisation -
la décentralisation - la libéralisa-
tion
(libéralisation signifiant
ici
développement
du commerce priv&),
puis
le
retour
à
un
contrôle
plus
centralisé
de
l'Etat
qui
ne
fera
que
se
renforcer
après
1965,
quand
le
rationnement
sera
i ns tauré.
Ces oscillations ont ponctué la formation de capitaux privés, l'édification
de fortunes personnelles au détriment des ressources publiques.
Et
ceci
reconnu
par
le
Président
Sékou
Touré
"malgré
notre
volonté
de
ne
pas
connaître
la
voie du
développement
capi taliste,
au moment
de
l'éxécution
du
plan
triennal,
le
commerce
privé
proliférait,
au
niveau
des
entreprises
et
sociétés
publiques,
la
mauvaise
gestion
commençait
à
se
manifester;
certains
de
nos
cadres,
en
complicit(,
avec des commerçants privés, s'enrichissaient déjâ et faisaient montre
volont&
d'aller
il
contre-courant
de
la
ligne
du
Parti.
(
Plan
quinquennal 1981-1985 Tome 27 P.
165).

- uS -
bien entendu,
d'une absence complète de calculs concernant
les effets des
opérations improvisées sans l'accord du ministère du plan" (61).
En fin de compte,
l'ordre des parités de réalisation fut boulEversé
par
des
initiatives anarchiques dont
les
conséquences globales restaient
inconnues.
Première conséquence de ce désordre ; l a baisse du rendement général
entraînant la diminution de l'efficacité des sommes investies, donc à donner
libre cours à l'inflation.
Deuxième conséquence: des prêts de la banque centrale pour permettre
au
plan
d'honorer
les
obligations financières
imprévues
qui
s'imposaient
à lui, atteignirent deux milliards de francs guinéens à un moment donné.
Pour arrêter ce désordre, la mesure préconisée fut la décentralisation
qui
s'est effectuée pendant
le second
semestre de 1961. Au niveau agricole,
la décentralisation
était
censée faciliter
la
réalisation
du
plan:
les
régions
devaient
en principe
participer
au financement
supplémentaire
des
dépenses nécessaires pour une éventuelle modification des
actions prévues.
Dans la pratique, on aboutit aux résultats suivants:
1)
-
Les
actions,
régulièrement
modifiéees,
le furent fréquemment
dans un sens économiquement négatif.
2) - Généralement, les fonds destinés à financer les opérations produc-
tives, furent irrégulièrement consacrés à faire face à des dépenses de fonction-
nement
(qui
logiquement
devaient
être
supportées
par
les
budgets
locaux)
ou à des dépenses productives mais non prévues par le plan. Cette inadéquation
des moyens pour parvenir à des objectifs
pourtant nobles
n'est en réal ité
(61) -
A. Cournanel Capitalisme d'Etat in le mois en Afrique n
121
~1ars 1976 P. 27

-
(J(J
-
Que
la manifestation
concrète
de
la tendance spontanée de
la bourgeoisie
d'Etat à se transformer partiellement en bourgeoisie privée, de la libération
de l'initiative industrielle, du relâchement sous cette impulsion des directi-
ves centrales.
Les résultats du plan triennal
n'ont pas été du tout concluants.
L'écart
entre
les
objectifs
et
les
réalisations,
en
dépit
d'une
dépense
globale de près de 50 milliard~ (alors Que 40 milliards environ étaient pré-
vus)
la croissance du Produit Intérieur Brut n'a été Que de 20 % en 4 ans
bien Que toutes les actions industrielles initialement prévues, ou décidées
au
cours
du
plan furent
réalisées
en majorité entre 1964 et 1967 c'est-
à-dire pendant les
premières années du plan septennal
(à l'exception bien
sûr de celles Qui furent abandonnées).
C'est la période accoucheuse de problèmes aUQuels la Guinée continue
à faire face
aujourd'hui: Problèmes monétaires, taux de change; déficits
de la balance commerciale et de la balance des paiements, hypertrophie des
emplois
dans
le
secteur
public,
inefficacité
dans
la production,
limites
et contraintes à toute option de croissance économique Qu'elle soit centrée
sur
la substitution
des
importations par
la
production
nationale,
ou
sur
le développement des exportations et l'insertion dans les circuits du commerce
international.
Le second plan septennal (1964-1971)
En réalité, ce plan ne remplit pas toutes conditions de la planifica-
tion.
Suppression du ministère du plan dont les services squelettiques (20
à 25
persones)
sont
intégrés
au ministère
d'Etat
chargé des finances et
du plan. Ce plan démarra sans Qu'aucun département ministériel n'ait élaboré
de
projets
précis
chiffré3.Un an après
le
budget n'en était
pas encore
déterminé. Il fut à maintes reprises modifié.

- D7 -
SES OBJECTIFS
le développement des
structures économiques et la promotion
de
petites et moyennes
industries.
A cet effet,
de
gros
investissements
devraient être consentis à la création de nombreuses usines (meubles, briquette-
ries,
huileries,
conserveries),
au
bitumage des
principaux axes routiers,
l'implantation
de
deux
barrages
hydro-électriques
et
la mise en place de
la compagnie de bauxite de Guinée (C.B.G.).
En
Mai
1968
le montant
du
budget
atteignait
134 milliards
de
FG
35
milliards
seulement
pour
l'industrie,
les
mines,
et
l'agriculture
réunies,
17 milliards
pour
l'énergie,
70 milliards pour
l'infrastructure,
8 pour l'habitat etc. (62).
Le concours de l'extérieur dans
la réalisation de ce plan était
d'au moins 70 % (les possibilités nationales d'accumulation étant manifestement
surestimées) mais ces ressources extérieures n'étaient
pas même certaines.
Dans
ces
conditions la priorité accordée à l'industrialisation en
liaison
avec le développement agricole n'a été que de simples intentions de la part
des autorités.
A titre d'exemple, la tentative de redynamisation du secteur rural
fut
un échec car des milliers d'hectares de plantations de café et autres
cultures
d'exportation
créées
à grands
frais, ont été laissés
à l'abandon et
(62) - Ces
chiffres
sont
extraits de
la revue
française
d'études
politiques
africaines Mars 1976 N"
123 article de Alain Cournanel,
P.
29.

-
(J ~
-
périclitent
(63) faute d'entretien et d'efficacité dans la gestion.
Seconde
période
de
"traumatisme"
économique, dans
la mesure

la Guinée
a perdu
à la fois sa capacité d'auto-suffisance alimentaire et sa vocation d'exportateur
de
produits
vivriers,
de fruits
et
de
produits
tropicaux
(riz,
oranges,
bananes,
ananas, café et palmistes).
En réalité,
tout
a été sacrifié pour
les projets de Boké (bauxite,
alumine,
aluminium) revenus
au premier plan
et par les espoirs de voir se réaliser le barrage du Konkouré (projets autour
desquels devait s'articuler l'économie Guinéenne).
Résultats
De 1960 à 1973,
l'évolution économique est médiocre
2 % par an de croissance du P.I.B
; - 0,8 % par an du P.I.B per
capita.
Le commerce extérieur est fortement déficitaire avec une capacité d'importation
équivalente
à
33 % ; la dette
publ ique extérieure atteint 71
% du P.I.B
et consomme 72 % des exportations pour financer
intérêts et amortissements
(voir à ce sujet
S. Amin
l'Afrique de
l'Ouest bloquée Ed.
Minuit 1975 P.
P. 268).
Il
ne faut donc
pas s'étonner si
ce plan s'est achevé en 1971-72
sans
avoir fait
l'objet
de grand meeting (au stade du 28
Septembre) ou
de commentaires substantiels.
(G3) -
Et
récupérés
par
]a
bourgeoisie
étatique
"Madinn
Oula
c'est
aussi
par
excellence
le
te!'rain
privilé:gié:
des
t'esponsables
po! itiques,
de
fonctionnaires
et
de commerçants
reconvertis
il
la
ter!'e.
Il
en
est
de
même
des
"paysans
du
dimanclie"
de
Conakry
entretenant
des
champs
de
plus
de
30
118
:
1c's
deux
caU'got'ies
de
producteuT's
disposent de 21 dus JI1 tracteurs et des meilleures
terres cultivaLles.
Il
est
à
déplorer
que
certains
de
ces
camarades
gros
producteurs,
contrairement à toute logique,
se livrent à des transactions en dehors
et surtout au détriment de l'O.C.A (Office de Commercialisation Agrico-
le)"
Horoya Hebdo,
N
J2 des 2J-29 AOlÎt 1969.

-
b~ -
Le troisième, plan guinquennal (1973-1978) avait pour fonction de redresser
la situation catastrophique de l'économie créée par le 1er plan triennal
et aggravée par le second pl an dit septennal. Ceci par 1a mise en valeur
des grandes ressources du pays (mines et énergies) par la création de grands
complexes industriels et le développement de l'infrastructure économique, p""'"
l'augmentation de la production agricole) par la recherche et la formation;
à partir de 1975 sont créées 33 facultés d'agriculture visant à former des
coopérateurs destinés à 360 fermes agro-pastorales d'arrondissement (F.A.P.A)
(64) cette innovation agricole a nécessité un investissement de 3 à 4 mil lards
de Sylis. L'ouverture de deux mines de bauxite (C.B.G et O.B.K) (65) contribue
à dynamiser la croissance économique: 5,8 % l'an entre 1973 et 1977.
Résultats: en dehors de la mise en marche de deux stations minières,
les problèmes structurels demeurent - le secteur public stagne; aucune
des F.A.P.A ne s'est révélée viable et l'Etat a dû payer les salaires des
fermiers, le matériel, à l'abandon devenait inutilisable, faute d'incitation
(prix trop bas), le secte"ur privé rural qui doit compenser la perte de dyna-
misme du secteur public rural connaît à peine une croissance de 2,3 % inférieu-
re à celle de la population.
Les grandes ambitions de l'industrialisation et de développement
de l'agriculture se heurtent à des difficultés de financement des importations
nécessaires (équipements, accessoires, énergie, engrais, pesticides, matières
premières) et aux défaillances du secteur des services (transport, distribu-
tion, vulgarisation agricole) "en amont" et "en aval" de la production.
(64) - Qualifié de "faux pas" par les étudiants.
(65) - O.B.K. Office des Bauxites de Kindia désignée par la population en
langue SOus sou OBEKANA (détruit tout).

-
7U
-
Compte tenu de ces difficultés, le gouvernement est amené à réajus-
ter en
baissant son
programme d'investissement, et depuis 1976, année où
le
produit
intérieur
brut
(P.I.B)
per capita aurait
atteint
son maximum
historique,
la situation ne cesse de se dégrader: 1977 est l'année de la
grande production minière qui a atteint sa pleine capacité et stagne depuis
lors,
le P.LB croît de 0,7 % Par an de 1977 à 1981, ce qui correspond à
une baisse de plus de 2 % par an du P.I. B par tête, la baisse du système
de croissance est générale
: 1,7 % dans
le secteur primaire, 2,1 % dans
le secteur secondaire; 1,4 %dans le tertiaire; l'investissement s'effondre
(1,4 % par an entre 1975 et 1981), la consommation stagne;
le déficit du
secteur public cumulé sur la période de 1976-1981 est entre 14 et 15 milliards
de 5yl i s.
Le plan Quinquennal 1981-1985, quatrième
du
genre,
a eu
le
privilège
de
prendre appui
sur
les expériences
tirées
des
trois
plans
précédents qui
n'ont guère donné satisfaction,
les erreurs et fautes politiques ayant été
nombreuses :
"la
surestimation des
moyens
d'investissement
pour atteindre
les
objectifs;
- le relâchement de la rigueur dans le contrôle de l'accomplissement
des tâches :
- le manque d'analyse des données statistiques nécessaire au cours
de la marche même des plans. Voilà autant de constatations faites
sur
les
expériences
passées
qui
n'ont
pas
échappé
au conseil
de
la
révolution"
Sékou
Touré,
le
plan
quinquennal
1981-1985
Tome
27).

-
71
-
Le développement de la production agricole reposera sur la production
paysanne,
les fermes
agro-pastorales communales (F .A.C), les fermes agro-
pastorales d'arrondissement (F.A.P.A), les coopératives et sociétés agricoles
privées, les sociétés agricoles mixtes ou entreprises d'Etat.
Le montant des investissements en faveur de l'agriculture s'élève
à 8 360 milliards de Sylis ; c'est-à-dire 20,90 %du montant global de l'enve-
loppe financière consacrée au fonctionnement du plan (40 000 000 000 Sylis).
La répartition annuelle se ferait de la façon suivante : année de base -
- 11,51 ; 1981 - 11,86 ; 1982 - 12,22 ; 1983 - 12,59 ; 1984 - 12,97 ; 1985
13,36 avec un taux de 3 %.
Une fois
de pl us) l a part de l'aide extérieure a été surestimée
et ceci en fonction "des études prospectives faites pour la prochaine décennie
pour la région africaine et la sous-région Ouest-africaine par les différentes
organisations internationales telles que la Banque Mondiale, la Commission
Economique des Nations-Unies,
l'ONUDI et la FAO".
Sékou Touré Plan
quinquennal 1981-85 tome 27 P. 21).
Il
faut
savoir que
la situation économique à l'époque de ce
dernier plan du régime
Sékou Touré
se confond avec celle d'aujourd'hui.
Conclusion
:
au
vu des différents plans exécutés) il
apparaît
que le gouvernement guinéen a essayé sans succès deux stratégies de croissance
- la stratégie de substitution de la production interne aux importa-
tions (1960-1973),
-
une
stratégie
privilégiant
le développement des exportations
(1973-1981) .

- 72 -
Vers la fin des années 70) l' économi e gu i néenne se présenta it de
la façon suivante :
- le secteur public "modernisé" est minoritaire sur une population
de 5
millions d'habitants, et près de 2 millions d'actifs; il intéresse
100 à 150 000 individus (enseignants, militaires, fonctionnaires d'administra-
tion, employés et cadres des nombreuses entreprises publiques et para-publiques).
(Du point
de
vue
de
la planification de l'éducation,
le nombre
et
les conditions d'évolution des salariés "importent" et nécessitent une
analyse approfondie. D'après les sources du ministère du travail et de la
fonction publique, le nombre des salariés à la fin des années 50, s'élevait
dans les différentes branches économiques à 110 000. Au milieu des années
70 cet effectif
de
la main-d'oeuvre
salariée est de l'ordre de 126 000.
Les dernières
informations
se rapportant
à 1982 estiment les effectifs à
150 000. Les 2/3 de ceux-ci .sont classés dans le fichier central et regroupent
les salariés occupés dans le secteur public. Le dernier tiers englobe pour
l'essentiel ceux qui sont occupés dans le secteur privé non agricole).
Ce
secteur
englobe
tous
les
circuits
monétaires,
physiques et
de personnel qualifié, tant sur le plan des revenus, des recettes d'exportation,
des
produits
importés,
des investissements ou de la quasi
totalité de la
consommation non alimentaire. Mais la production limitée sinon défaillante
n'entraîne pas, par ses revenus, de possibilités d'épargne capables de
provoquer
les
ressources
nécessaires
au financement
des
investissements,
la monnaie est contestée à cause d'un double système de prix, la main-d'oeuvre
est insuffisamment ou mal employée, peu rémunérée dans une économie rationnée
par une offre insuffisante, les services publ ics (Santé, Education, ROutes,
Approvissionnement en eau, Electricité ... ) sont mal assurés.

- 73 -
Le secteur traditionnel de subsistance, non monétaire: ce secteur
se ramène
surtout
aux
zones
rurales,
l' évol ution de la popul ation active du
traditionnel
restant floue et ambiguë. Non seulement tous les hommes prennent
part
à l'agriculture
(culture,
élevage, chasse,
pêche ... ), mais également
sous des formes variées, la grande majorité des femmes dont l'activité dite
"économique" ne se sépare pas encore du travail ménager. - Une des raisons
pricipales pour laquelle, dans les régions rurales,
le taux d'activité de
la population figurant dans les statistiques est très élevé, voilant ainsi
un sous-emploi notable.
Malgré cette caractéristique, ce secteur remplit un rôle de régula-
tion de la vie économique et sociale qui s'est progressivement mis en place,
(repli sur l'économie de subsistance pour échapper au système de prix imposés
qui, ne lui assure pl us son pouvoir d'achat, l a production agricole échappe
ainsi
au circuit monétaire).
En conséquence,
une
économie de
troc
s'est
installée; demandant aux "expédients" des rôles palliatifs à la place des
déficiences des services publics; engendrant une nette tendance à la déscola-
risation ou aux abandons massifs et précoces du système éducatif; en milieu
urbain quelques 15 000 artisans, petits producteurs et commerçants consacrent
la
mise
en
place
progressive
d'une
économie
parallèle fonctionnant
hors
de tout contrôle du secteur public. (Voir tableaux).

POPULATION ACTIVE SELON LES BRANCHES ECONOMIQUES ET LA SITUATION DANS LA PROFESSION 1982
INDEPENDANTS
INDEPENDANTS
ET
SALARIES
TOTAL
SALARI ES
ET AIDES-FAMILIAUX
AIDE5-FAMIllAUX
TOTAL
B R A N CHE
E N
MILLIERS
E N
POU R C E N T AGE
1
AGRICULTURE
35,3
1 816, 6
1 851,9
21,0
94,8
80,6
2
INDUSTRI E DTRAC-
TI VE
11,7
2,0
13,7
7,0
0,1
0,7
3
INDUSTRJ E
MANU-
FACTURI ERE
7,8
25,0
32,8
4,6
1,3
1,6
4
LP.B.
13,0
5,0
18,0
7,7
0,3
0,9
5
TRAN SPORT
10,1
15,8
25,9
6,0
0,8
1,2
6
8ANQUE, ASSURANCE
8,5
-
8,5
5,0
-
0,5
7
COMMERCE
5,0
20,5
25,5
3,0
1, 1
1,2
8
ELECTRICI TE,
GAZ, EAU
1,5
-
1,5
0,9
-
0,1
9
SANTE
8,5
1,5
10,0
5,1
0,1
0,5
'--J
...
10
ENSEIGNEMENT
17,0
-
17,0
10,1
-
0,9
11
ADMINJ STRATlON
PUBLIQUE
28,3
-
28,3
16,8
-
1,3
12
GEN S DE MAI SON
3,5
29,6
33,1
2,1
1,5
1,6
13
DEFENSE ET ASS.
18,0
-
18,0
10,7
-
0,9
14
TOTAL
168,2
1 916,0
2 084,2
100,0
100,0
92,0
15
INOCCUPES
-
-
180,7
-
-
8,0
.!
16
GRAND TOTAL
168,2
1 916,0
2 264,9
100,0
100,0
100,0
Source: Ministère du Travail et de la Fonction Publique.

- 7S -
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- 7u -
La volonté de maîtriser ce dualisme amène le gouvernement à initier
dès 1979 une série de rEformes
économiques et institutionnelles dont la tolérance
à l'égard du commerce privé (décret-loi du 18 Avril 1979) et l'encouragement
aux entreprises privées (64) par l'ouverture de l'économie aux investissements
étrangers directs, facilitant ainsi
la diversification des capitaux publics
et privés, (exemple projet d'exploitation minière du mont Nimba dont le montant
total des investissements est de 557 883 000 U. S Dollars) avec la participation
de différents partenaires
Mifergui-Japon corporation 2,1 %, LN.I (Espagne) 4 % Sonarem (Algérie)
7 % , Libye la %, Nigéria 13,5 %, Mineral Import-Export (Roumanie) 2,25 %,
Solmer (France)
2 %,
Usinor
(France)
2 %,
Libéria 0,25 %, et la Guinée 50 %
(in R.D.A

192),
l'introduction
progressive
de
critères d'efficacité et
de 1iberté de prix dans le secteur para-étatique, l'exercice d'une plus grande
responsabilité fiscale
et
de
plus de rigueur dans
les dépenses
publiques,
y compris
toute autre forme de renforcement et l' amél ioration de 1a gestion
économique.
Ces mesures de restructuration, bien que timides, ont déjà en 1982,
affecté de nombreux domaines, notamment dans l'activité agricole:
lancement
réussi
de
l'opération Riz Guéckédou financée
avec
le concours de le Banque
Mondiale qui
assiste
5 000
agriculteurs
indépendants par
les services de
recherche appl iquée, de vulgarisation et de formation sur le terrain, ainsi
que
par
la fourniture
d'engrais
et
de semences à crédit, dans
le ~omai~
du
commerce
et
de
la distribution,
fermetures
des
entreprises
régionales
de commerce
"déficitaires", dans
le secteur public arrêt ou ralentissement
(66) - c'est dans ce cadre-ci qu'un nouveau code d'investissement a été initié
en 1980.

- 77 -
uu recrutement et fermeture des fermes agro-pastora1es d'arrondissement (F.A.P.A),
dans le domaine du financement par l'étranger; intérêt croissant des groupes
pub1 ics et privés, nationaux et internationaux à l'investissement en Guinée,
etc.
Ce
semblant
d'assainissement
n'est
pas
dépourvu
de
contraintes
et de contradictions dans la mesure ot la Guinée prône une politique de "prêt
pour la révolution globale et multiforme". Peut-elle s'engager dans les réformes
structurelles? 1ibérer les prix, dévaluer la monnaie sans moyens de contrôle
de l'inflation? La diminution des effectifs pléthoriques des employés dans
le secteur public et para-public peut-elle se faire sans création de structures
parallèles de reconversion, à priori fort limitées?
Comment résorber le double système de prix sans heurter le pouvoir
d'achat des
salariés?
En fin
de compte,
comment gérer la "métamorphose"
sinon la transformation progressive d'une économie plus libérale sans remettre
en question les acquis du système en place et provoquer des bouleversements
politiques et sociaux de grande ampleur?
Voici
autant de questions auxquelles devait répondre le processus
de changement (fi7) engagé sous le régime défunt de Sékou Touré et qui continue
avec le nouveau régime de Lansana Conté.
(67) - "Devant l'urgence de
la situation,
un premier accord a-t-il été signé
avec
le
Fond Monétaire
International
(F.~1.I) en 1982, centré sur un
programme
d' aj ustement
structurel
de
nature
financière
et
monétaire.
Cet accord devrait aboutir à la mise en place d'un programme de redresse-
ment à plusieurs volets:
le contrôle de l'emploi et de la consommation,
l'amélioration
des
programmes
d'investissement et de
leur financement
extérieur.
La
promotion
de
l'autonomie des entreprises para-publiques
et l'accroissement de leur efficacité, le contrôle du crédit du secteur
public,
la
poursuite
de
la
libéralisation
des
prix,
la
révision
du
taux de change.
Depuis lors,
les négociations se poursuivent, rythmées
par le changement de gouvernement en Avril 1984".
(
UNESCO EF'M/132
1985 P.5

- 70 -
D) - ORIGINE DU PROJET DE REFORME DE L'ENSEIGNEMENT
La restructuration socio-politique entreprise au lendemain de l'indé-
pendance ne
pouvait se faire
sans qu'il
n'incombe à l'éducation nationale
le rôle de tracteur pour la "nouvelle semence".
Ainsi,
l'éducation,
pour
les autorités guinéennes, est un "moyen
qui permet de procéder à la transformation consciente de la vie"(68).
La réform2 de l'enseignement s'inscrit dans ce cadre du renouveau
politique qui
a pour principes directeurs:
la mise sur pied d'un nouveau
système éducatif adapté aux besoins et aspirations de la population, et qui
soit l'outil de développement national. Ceci par des moyens appropriés capables
d'assurer la prospérité, tout en émancipant les esprits et plus particulièrement
la jeunesse. Les idées maîtresses de cette réorientation politique du système
éducatif se fondaient logiquement sur les traits suivants
indépendance "politique et économique" nécessitant dès les premières classes
de l'école une refonte des mental ités pour se débarrasser des derniers vestiges
du colonialisme.
Scolarisation
de
tous
les
enfants
sans distinction d'origine
sociale, de sexe ou de réligion.
- Africanisation des cadres, compte tenu du départ massif des techni-
ciens et instituteurs français.
- Africanisation des programmes et autres contenus de l'enseignement.
- Nationalisation de l'enseignement primaire, secondaire et création
d'un enseignement supérieur.
- Renforcement des investissements humains dans l'éducation.
(6$) - (
Sékou Touré, l'Afrique et la révolution tome XIII P. 199).

-
7~)
-
Pour rendre claire
ces orientations,
nous
allons
tout
d'abord
procéder
à l'inventaire
des
différentes
phases de la réforme pour ensuite
mieux
expl iquer
son caractère
nouveau
à travers
ce qui
existait au temps
colonial, exposer les difficultés et critiques qu'on peut y apporter, juger
de leur valeur et enfin étudier les facteurs de "progrès" et de "ralentissement"
de l'éducation.
E)
-
OBJECTIF S ET FINALITES DE LA REFORME
DE
L'ENSEIGNEMENT
ET
LES DIFFERENTS CYCLES
La
première
phase
se
situe
dans
une période comprise entre 1959
et 1964.
Elle se caractérise par la spécificité du système éducatif guinéen
à travers l'ordonnance n° 042/M.E.N. du 5 Août 1959 portant sur la réorganisa-
tion du système éducatif avec pour objectif - la reconversion des programmes
en vue de mettre l'accent sur l'acquisition des valeurs africaines authentiques.
la
démocratisation
de
l'enseignement
par
l'accession
d'un
grand
nombre
de
population
scolarisable,
à la formation,
et la culture scientifique et
aux techniques répondant aux besoins spécifiques définis par les plans (arrêt
de l'exode rural
en scolarisant sur place d'ici 1967, tous les enfants âgés
de 7 à 12 ans :
formation de jeunes cadres, et alphabétisation massive
des adultes afin de
leur donner les premiers éléments
d'une formation professionnelle.
Ce cadre fondamental servit à la prise de nouvelles décisions permet-
tant de réaffirmer la démarcation entre le nouveau système éducatif et l'ancien.
En
sui vant
1es
traces
de
l'ordonnance,
1e congrès
de
Septembre
1959,
la conférence nationale du P.D.G du 14 au 18 Août 1961 ainsi que le
deuxième congrès national de la J.R.D.A (Jeunesse du Rassemblement Démocratique

-
130 -
Africuin)
renforçaient le scllélnu en y apportant quelques modifica-
tions concernant l'accélération du développement de l'éducation.
Compte tenu de quellluCS remani(!ments intervenus
depuis la conférence de Kankan (27,
28 Fév.
1964),
les caractères
du nouvel enseigllement guinéen sont les sllivants (dans cette svn-
thèse, nous gardons la plupart des expressions originales du direc-
Leur de l'Institut Pédagogique National Amaril FOC;1I1a- Réforme ùe
l'enseignement en République de Guinée,
Novenlbrc 1958, Novembre
1978 l.P.N. Conakry.
- Un enseignement de désaliénation de l'ilomme ex-colonisé ct de
réhabilitation de la culture ufricaille : pur la créatioll de troupes
artistiques dans chaque celltre d'éducation révolutionnaire (C.E.R)
dont
les thèmes de productions sont basés sur les préoccupations
des peuples africains:
libération ct développement.
- Par l'importance accordée â l'unité africaine en illtroduisant
dès l'élémentaire,
l'étude obligatoire de
j'anglais ct, dans le
secondaire, celle de l'arabe afin de faciliter les rapports entre
les peuples frères de l'Afrique.
Dans l'enseignement de l'histoire,
la vérité histo-
rique est rétablie,
les empires et royaumes du moyen-i\\ge africain
dont le développement économi(jue, politico-milltain; culturel
et
technique n'a rierl a envier au moyen-i\\ge eLlropéen. sont étudiés
en détail.
La période de résistance â l'invasioll européenne cesse
d'être une périodede honteuse résistance
à la sacro-sainte civilisa-
tion pour reprendre son caractère simplement historique. Les guerres
coloniales imposées à l'Afri(jue au XIX6me siècle,
le partage de
l'Afrique à la conférence de Berlin de 1884-1885 cessent d'ôtre
des faits d'armes pour prendre un caractère d'entreprise d'exploi-
tation.
L'histoire de l'Europe cessant d'être l'épicentre
de l'histoire universelle pour garder désormais sa valellr locale.
l'histoire de la Guinée. et celle de l'Afrique prennent le pas
sur elle dans l'enseignement.

- 81
-
En
géographie
humaine,
l'Afrique
cesse
d'être
peuplée de
tribus
colonisées
au
nom de
la civilisation
universelle
et devient
un continent
habité par des peuples sous-développés économiquement et techniquement.
En
littérature,
le
programme
de
la réforme
trace
le cadre
dans
lequel doivent s'inscrire les traditions orales dès qu'elles seront transcrites.
Ce sera alors la base de la littérature enseignée.
Ainsi le jeune écolier de l'ère de la décolonisation des mentalités
voit de
plus en plus son apport à la civilisacion et sa place,
à égalité
avec les autres hommes,
dans
le domaine de la culture et de l'art. Il est
de plus en plus désaliéné, il garde tout le privilège de l'humain sans cesser
d'être
soi
il
n'a
pas
besoin d'être
l'autre,
la doublure caricaturale
de l'ex-colonisateur pour être reconnu comme homme.
Ce système d'enseignement se dresse directement contre les assertions
qui tendraient à faire croire que les peuples colonisés n'ont en fait d'histoire,
de littérature et d'arts que des anecdotes, des palabres, des propos de griots
ou des
curiosités
pour
touristes.
Une
autre
idée
remise en question, est
celle
selon
laquelle
le
colonisateur représentant
"d'une espèce supérieure
de l'humanité aurait le fardeau de conduire le colonisé". J. Richard-Molard,
cité
par
Claude
Rivière,
avait
souhaité
une
adaptation
de
l'enseignement
à l'Afrique comme en témoignent ces
lignes d'Afrique Occidentale Française
(ed. Berger-Levrault 1947 P. 176)
"il
reste
douteux
que
l'on
puisse
imposer
de
l'extérieur
comme
denrée
d'une
importation étourdie ou comme une
griffe artificielle
sur
les
masses,
la
culture,
les
mentalitfs
métropolitaine~. Cette
importation échouerait sans doute exactement (et pour les m~mes rai-
sons) comme l'importation de certaines techniques agricoleS. L'échec
,,'
serait
destructeur.
Faut-il
préciser
que
l'on" enseigne
plus
que
"nos ancêtres les Gaulois avaient
Les yeux bleus ... "

- t'2
-
Mais jamais on ne s'était attelé totalement à ce labeur de renouvelle-
ment des programmes.
Cette première phase est aussi l'étape de l'adaptation de l'enseigne-
ment
aux
besoins
réels
du
pays
à travers
un enseignement de type moderne
_L'enseignement du 1er cycle Sans
(4 ans à ses débuts) est considéré comme
un enseignement de masse;
il
a pour objectif l'acquisition et la maîtrise
des matières de base (lecture, écriture, calcul). Les études sont sanctionnée~
par
le certificat d'études primaires élémentaires.
Il
comporte les classes
de 1ère 2ème 3ème 4ème et Sème année.
L'enseignement du second cycle dure S ans et il est organisé dans les collèges
d'enseignement général ou technique installés dans les chefs-lieux de région
administrative. Les études sont sanctionnées par le brevet d'études du second
cycle (B.E. S.C). Elles comportent un enseignement fondamental
commun (tronc
commun à toutes les options) comprenant:
la grammaire,
les mathématiques,
les sciences physiques et naturelles, la littérature française et universelle,
la littérature négro-africaine et les langues.
Les
classes
de ce second cycle sont les suivantes:
7ème, 8ème,
9ème, (69) dans les collèges techniques de Conakry, KIndia, Kankan, N'Zérékoré.
Les
classes
de
Sème,
6ème
restent maintenues
dans
le
1er cycle
él émenta i re.
L'enseignement du troisième cycle dure trois ans, il comporte trois classes
(la 10ème, 11ème, 12ème)
(70)
il est dispensé dans
les lycées et comprend
(69) - Ces
classes
correspondent
aux
trois
dernières
classes
du
1er
cycle
de l'enseignement français:
Sème, 4ème et 36me.,
(70) - Ont
pour
équi valent
dans
le
système
français
la seconde,
l a première
et la terminale.

-
b3
-
Une
option
"enseignement
secondaire
général"
avec
une formation
littéraire ou prédominent les sciences humaines et les langues et une formation
scientifique fondée sur les mathématiques et les sciences expérimentales.
Une
option
"enseignement
secondaire
technique"
(71).
Dans cette
filière le libre choix est assuré entre la formation technique chimie-biologie,
une formation
technique économique section "Mines" et une section "Travaux
publics".
Ce troisième cycle est sanctionné par le baccalauréat 1ère et 2ème
parties.
Les établissements d'enseignement secondaire général:
Lycée classique et moderne de Donka Conakry (capacité d'accueil
1 000 élèves).
- Lycée technique de Donka Conakry (avec un effectif de 1 200 élèves).
1962 a vu la création de l'enseignement supérieur (72) à travers l'Institut
polytechnique de Conakry (avec une ressemblance dans sa conception avec celui
de Zurich (Suisse) recrute sur la base du baccalauréat complet. Cet institut
supérieur comprend quatre facultés et une école normale des sciences, mathémati-
ques et physiques et sciences chimiques.
- Faculté des ingénieurs de bâtiments
Faculté des ingénieurs électriciens et mécaniciens
-
Faculté de géologie et prospection minière
-
Faculté d'agronomie
Il est par ailleurs utile de rappeler que cet institut fut construit
dans le cadre des accords avec l'Union Soviétique, et conçu pour 1 500 étudiants
(71) - D'autres
écoles
spéciales
de
langues,
beaux-arts,
secrétariat,
santé,
fonctionnent en marge des enseignements secondaires.
(72) -
L'Ecole
Nationale
d'Administration
assure
quatre
années
de
scolarité
après le baccalauréat.

-
SI -
Avec 90 salles et laboratoires. Une première promotion de 60 étudiants a été
admise en Octobre 1962. En 1963-1964 les effectifs étaient les suivants
PropédeuLique Science>; : GO
l'I'op,'deuLiqllc Iv! Il',,:,,
III
Iére année Ingénieurs : 40
lêre année lettres
6
1êre année Sciences
Mattls - Physique>;
Tota l
124 étudiants. (Minist. Educ. Nat.).
En 1964-1965 on compte 167 étudiants. La scolarité de quatre ans doit se
compléter par une année de stage pendant laquelle l'étudiant rédige un mémoire
pour l'obtention d'un diplôme d'études supérieures.
A ces effectifs il convient d'ajouter les 1409 étudiants et stagiaires répartis
dans 25 pays étrangers en 1963-1964. Le plus fort contingent se trouvant en
U.R.S.S. :309,198 étaient en R.D.A, 182 aux U.S.A, 127 en France,
88 en Yougoslavie, 68 en R.F.A , 65 en République Arabe-Unie, etc ...
A la rentrée de 1964, un grand nombre d'étudiants en Sciences-Humaines ont été
transférés de Paris à Alger.
A côté
de 1'1 nstitut Polytechnique sont créées: Février 1963 les Ecoles
Normales primaires destinées à la formation des enseignants du 1er cycle, et
une Ecole Normale secondaire où sont formés les professeurs du 3ème cycle
(classes de 10ème - 11ème et 12ème).
1964-1968 constitue la seconde phase de la réforme, sa particularité se trouve,
dans la refonte fondamentale des programmes et plans d'études des matières
d'enseignemments. L'accent est
mis sur l'enseignement des sciences exactes, des
sciences techniques, tandis que les sciences sociales sont essentiellement axées
sur les réalités nationales et africaines. Le principe de base a été annoncé à
travers
différents Conseils Nationaux à commencer par la conférence
nationale sur la réforme de l'enseignement à Kankan les 27 et 28 lévrier 1964
qui préconisa des modifications: structure, programmes horaires (exemple:
nette augmentation du volume horaire) avec un total hebdomadaire de 30 heures
pour la 3ème et 4ème année et 30 pour la 5ème année de l'école élémentaire

-
85
-
(réparties sur 5 jours: Lunddi, Mardi Mercredi, Vendredi et Samedi)
et
consacrées à la lecture, l'écriture, la morale, instruction civique, exercices
d'observation, calcul, récitation, chant, dessin, travail manuel, activités
dirigées, histoire et géographie, éducation physique, récréation.
Enseignement secondaire, 30 heures pour la 7ème année, 30 heures pour la
8ème, 30 heures pour la 9ème, 30 heures pour la 10ème année (il s'agit du 1er
cycle de l'enseignement secondaire) 30 heures pour la llème année, 30 heures
pour la 12ème année terminale(second cycle option sciences sociales) 30 heures
12ème année terminale(second cycle option mathématiques) 30 heures llème,
30 heures 12ème année terminale(second cycle option sciences expérimentales) (73).
Le Conseil National de la
"Révolution" (Guéckédou les 16, 17 et 18 Avril
1964) .
Approuve
la résolution sur l'enseignement votée à Kankan, par le renforcement
de la décision de faire de l'école une antenne de la révolution guinéenne
en intégrant les lignes de l'enseignement à l'action quotidienne du peuple
de Guinée et de son Parti.
Le Conseil National de la "Révolution" (14 au 19 Septembre 1964 à Conakry)
invite les organisations nationales à entreprendre une vaste campagne d'éducation
politique pour faire comprendre
le véritable objectif de la scolarisation:
éducation au bénéfice de la majorité des jeunes, et formation en vue du
développement national. Décide de soumettre à la validation, tous les diplômes
délivrés à l'étranger à des ressortissants guinéens.
73
Source:
Ministère de l'Education Nationale 1983-1984 et aussi on
peut constater que malgré le souci de changement,
les appellations
et indications de l'ancienne"école sont restées semblables,
ê
la
différence que certaines ~coles ont ét& trnnsrormées.en écoles
professionnelles; Mécanique, Céni-civil,
Maritime, Agro-pastorale
etc ...

- Su -
En 1965 du 7 au 11 Juin à N'lérékoré le Conseil National de la
"Révolution" a engagé le Parti et le gouvernement à prendre toutes les
dispositions utiles pour f a ire de la liaison de l'école à la
vie,
une réalité concrète par la création rapide dans toutes les régions des
lycées techniques et des écoles professionnelles, le travail productif
agricole devient le trait caractéristique de ces établissffiPnts.
Enf in, rendre
obligatoire la pratique écrite des langues nationales et la poursuite de
la campagne d'alphabétisation en langues nationales par la voie 3uto -_~nse~nent:.
1967 Conseil National de la "Révolution" à Labé du 27 au 31 Janvier.
Création du î.onseil supéripur de l'éducation nationale charqé de concevoir
et
de suivre le
développement de l'éducation et de la culture.
Modification dans les durées respectives des cycles.
1968 au Conseil National de la "Révolution" - Labé 8 au 12 Juillet.
Systématisation de l'enseianement technique à tous les niveaux et dans
toutes les
écoles,
par
la conception d'une
nouvelle
structure
éducative
qui est la cité nouvelle entant que cellule germinative de la société
social iste.
1968-1978 c'est
la troisième phase dite phase de la "Révolution
Culturelle Socialiste" déclenchée le 2
Août 1968 par la deuxième session du
conseil supérieur de l'éducation nationale.
Cette "révolution culturelle" s'étend sur tout le territoire à travers les
conseils régionaux de la "révolution culturelle socialiste" et les conseils
d'administration au niveau des centres d'éducation révolutionnaire (C.E.R).
Novembre 1968 à Labé, réunion de la troisième sèssion du conseil supérieur de
l'éducation nationale au cours de laquelle la gratuité a été élargie aux
fournitures scolaires et matériel d'enseignement à tous les
cycles.
- Transformation du système de grandes écoles en université.
Ces grandes décisions furent examinées en détail lors de la session
ordinaire du comité central Novembre 1969, et du C.N.R Conakry

-
87
-
du 19
au 24 Janvier 1970 avec les résultats suivants:
Sur le plan de l'infrastructure scolaire la charge d'édification des
salles de classe des C.E.R revient au Pouvoir Révolutionnaire Local(P.R.L)
tandis que celle du 2ème cycle incombe au Pouvoir Révolutionnaire Régional
(P.R.R) l'infrastructure du 4ème cycle revient au Pouvoir Révolutionnaire
Central.
- Institution de cours de pédagogie et de gestion dans les programmes
des écoles professionnelles et facultés du 4ème cycle.
Tout C.E.R de 2ème et 3ème cycle à profil agro-pastoral doit disposer d'un _
domaine cultivable de 120 ha au minimum.
1978-1984 est la dernière phase de l'expérience éducative du régime
Sékou Touré.
Elle n'est en réalité que le prolongement des phases antérieures.
La seule innovation est l'étroitesse de la coopération entre le Ministère
àe l'Education Nationale, le Ministère de la Recherche Scientifique
(récemment crée), le Ministère du Travail et le Ministère de la Fonction
Publique.
Comme changement notable on peut aussi signaler la diversification du 3ème
cycle qui couvre le 3ème cycle général, seuil de l'enseignement supérieur
ainsi que les écoles supérieures de formations professionnelles et les
Instituts polytechniques secondaires, qui ont pour vocation de former les
ouvriers qualifiés. Ainsi l'éventail professionnel a été inséré et est devenu
partie intégrante du système éducatif.
La collaboration entre plusieurs ministères a certes apporté plus de dynamisme,
mais son but inavoué fut de maintenir l'éducation dans le sillage politique
du Parti "démocratique" de Guinée au niveau duquel s'est produit un changement
de propagande:
"prêt
pour la révolution" se transformant en "prêt pour la
production".

STRUCTURE DU SYSTE\\1E D'COl CATION
_
ter CYCLE (ELËMENTAIREI _ _ 2eme CiCLE
J"",,, CYCL~ __ .~----- ""'-'e ({CLl (SUPERIEUR,

\\SECONDAIr>E,
ENSEIGNEMENT AGRICOLE
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89
R6formes structurelles de l'éducation 1961-1982
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_

- 90 -
F - ~IUSTIFICATION OE LA REFORME
Tout système éducatif est fonction du système politique en place; autrement
dit, l'éducation est un phénomène social qui n'obéit pas seulement à la règle
du "donner et du recevoir" ou
"recevoir une éducation
appropriée pour être
un homme".
L'éducation
répond
toujours
aux
besoins
d'une
société) voire
d'une
classe pour le maintien de sa domination. Elle est une nécessité sociale et
une condition fondamentale de la lutte que les différentes composantes
(classes) se livrent et non un besoin de l' "homme" en tant que notion abstraite.
Une société, une classe quelles qu'elles soient, éduquent toujours les
générations montantes suivant la conception du monde et la ligne politique
qui
lui
sont propices en vue de former ses successeurs et de consol ider
sa domination.
Après avoir obtenu l'indépendance, le P.D.G a donc transformé
l'éducation, instrument de domination coloniale, en "un des principaux
objets
et éléments actifs de son action révolutionnaire". (74)
Pour
l a compréhension
de
ce
nouveau
système,
i l s ' impose
une
comparaison
avec les systèmes éducatifs qui l'ont précédé à savoir l'éducation
traditionnelle, et l'éducation coloniale.
EDUCATION TRADITIONNELLE
Dans la Guinée pré-coloniale l'éducation traditionnelle avait pour
mission de maintenir la cohésion de la société féodale basée sur la prééminence
du sang, l'appartenance sociale et l'origine divine d'une certaine inégalité.
Sékou Toùré, Afrique en marche tome 13 p. 254).

-
~] 1 -
Elle es t
"fondamentalement
définie
par
r&f&rence
ù
un
principe
absolu:
il
est
demandé
de
rechercher
avant
tout
les
valeurs
sociales
0tablies
par
les
ancêtres.
Et
tout
individu est obligntoipement soumis
au l'espec t
de la t racii t ion, sous pc i Ile de 8anc t ions
graves
: ma l ,"cl i ct ion,
rejet
humi 1 iaLion
en
public
etc ... (5).
Pour matérialiser ses principe~ elle créa un système d'enseignement
ésotérique où le maître est omniscient, ne communique son savoir à son
disciple que lorsque ce dernier montre, une certaine docilité
et soumission.
Certains traits négatifs peuvent se résumer en tenant compte de
~s aspects essentiellement empiriques des connaissances:
- quasi inexistence d'écriture,
- absence d'enseignement systématique
de matières théoriques et
techniques,
- éducation trop adaptée à l a simple transmission de l'expérience
des aînés aux cadets,
technique
relativement
très simple et n'offrant
ni
cadre ni
support à des progrès ul térieurs par l' intégrat ion et la géné, -
ral isation graduelle de nouvelles ,ex,rJêriences et connaissances
qui, elles, sont censées se transmettre individuellement, donc,
isolément.
75
(
A.J. SEMITI Education Acculturation et Transformation des
Structures Sociales en Côte d'Ivoire thèse d'Etat Option Sociologie
de l'Education Université Paris 7 Jussieu 1985 p. 47).

- n -
- Education condamnée à se répéter et à rester immuable, à moins de
bouleversement sociaux. (Abdou Moumouni, l'Education en Afrique, Paris,
François Maspero 1964 pp. 36-38).
Malgré ces traits conservateurs elle se caractérise par son "cachet
fondamentalement collectif et social,
par son lien très
intime à la vie
sociale et par son caractère assez polyvalent et sa grande souplesse,
puisqu'elle tient compte des
étapes successives de l'évolution psychique
et mentale de l'enfant".
LE Si STEME EDUCATIF COLONIAL
Ce système,
bien que différent du système éducatif traditionnel
n'a pas moins marqué
les guinéens malgré sa limitation à une période de
60 ans.
"Que nous le \\'oul ions ou non, que nous nous en
rendions
compte
ou
non
nous
sommes
les
uns
et
les
autres,
marqués
par
le
régime
colonial
que
nous
avons subi, qui pendant 20 ans, qui pendant 30 ans.
Plus
nos
contacts
avec
ce
régime
ont
été
longs,
plus
nous
sommes
nlBI'qués,
plus
profondément
les
racines du colonialisme sont en nous".
(76)
Ces quelques phrases du discours dénotent bien l'ampleur de
l'entreprise coloniale qui, bien que perçue comme un processus par lequel
" les bourgeoisies européennes ont implanté dans les pays
colonisés
des
rapports
capitalistes
de
production
fonctionnant à leur profit" (77) est aussi une
politique de refoulement, et de destruction
systématique des cultures des peuples colonisés.
76
Sékou Touré, discours sur la nécessi té (Je> reeonversion 23 Novembre
1<:;58
77
Pierre F'ougeYYollas, les processus sociaux contemporains, Paris Payot
1980 p, 256

-
:13
-
En effet pour le colonialisme.
l'éducation doit servir au même titre
que les canons pour pérenniser la présence étrangère dans un pays
étranger (78).
L'éducation ainsi utilisée a été taillée à la mesure du
colonisé de telle sorte que les colonisés désapprouvent leur propre
culture comme étant celle-là,
illégitime (79). La déclaration du gou-
verneur général de l'A.O.F.
- Roume - est à cet égard très instructive:
"le contenu de nos programmes n'est pas une simple affaire pédagogique.
L'élève est un moyen de la politique indigène (1\\. f'.loumouni op. cit.p. 54)".
Pour atteindre son objectif,
l'enseignement colonial a mis
au point des méthodes appropriées notamment,
pour ce qui concerne le
recrutement des élèves,
la discipline et le contenu même de l'enseigne-
ment.
(78)
Ce qui fait dire à Douloure Mamadou Alimou que:
"l'école coloniale fut et
demeure la plus puissante et la plus formidable machine de guerre utilisée
par les européens contre les peuples colonisés.
Elle s'inscrit sur un point
de rupture où on sépare les africains de leur passé et de leur avenir. Un peu-
ple sans mémoire n'est pas un peuple. La mémoire d'un peuple c'est son passé.
a un peuple sans avenir est le peuple qui n'assure pas son avenir. L'avenir
par excellence d'un peuple ce sont ses enfants. Celui qui soustrait à un peu-
ple ses enfants lui soustrait en même temps son avenir. Le but de l'école colo-
niale était et demeure là et nulle part ailleurs.
(Histoire de l'enseignement
missionnaire en Guinée 1875 à 1940, Mémoire de Maîtrise 1975-76. Université
Paris 7 Jussieu, p. 65.
(79)
Institution d'aliénation par excellence car "the colonial school Was an alien
institution, alien in the sense that whatever it taught had little to do with
the society and culture of the colonized, either purposely or unwillingly, and
served as a mechanism whereby the schooled would gain a ncw social place and
a new culture rather than be prepared to work within the context of indigenous
culture". L'école coloniale était une institution aliénée, en ce sens que tout
ce quelle enseignait avait peu de chose en commun avec la société et la culture
du colonisé, 60it ,volootait'Elllmt,soit involmtairElllfflt.
L'enseignement colonial
servait de mécanisme d'aliénation où l'enseigné était appelé à s'instrer dans
un environnement socio-culturel autre que le sien. Education and Colonialisrn
Philip G. Altbach Gail P. Kelly Longrnan N.Y. and London 1978, p. 1. (Traduit
par nous).

-
94 -
1
,
1
Au niveau du recrutement desélèves
(
Le colonialisme, dans le souci de maintenir· sa domination s'est d'abord
contenté d'octroyer de modestes subventions aux écoles des Missions.
Cependant il fut rapidement amené à organiser quelque peu l'instruction
là où elle n'existait pas, c'est-à-dire dans les régions reculées, _
1
!
Le besoin d'auxiliaires: commis, interprètes, employés de commerce,
infirmiers,
aides-medecins,
instituteurs,
ouvriers,
se faisait en effet
rapidement sentir.
Les candidats potentiels désignés sont les fils des "chefs", ensuitë
viennent les fils des
"notables", des fonctionnaires de l'administration
coloniale (80). Les enfants des paysans sont recrutés seulement comme'
remplaçants de ceux des chefs ou des notables devenus méfiants ou
récal~
citrants.
Cette éducation
était destinée
à
une minorité. L'immense
majorité des populations en était exclue.
A titre d'exemple, après 30 années d'occupation française en Guinée,
il n'y avait que 8% des enfants en âge de la scolarité qui pouvait trouver
place dans les écoles (81), un seul Universitaire en 1945 (82).
80 : Considérons, écrit le gouverneur Général Roume en 1924, l'instruction
comme chose précieuse qu'on ne distribue qu'a bon escient, et limitons-éh
les bienfaits à des bénéficiaires qualifiés, choisissons nos élèves tout:
d'abord parmi les fils des chefs et des notables, la société indigène
est hiérarchisée, les classes sociales sont nettement déterminéés par.
l'hérédité et la coutume. C'est sur elles que s'appuie notre autorité
dans l' adminiEtration
de ce pays,
c'est avec elles surtout que nous
avons un constant rapport
de service. Le prestige qui s'attache à la
naissance doit se renforcer du respect que confère le pouvoir(A.
Moumouni op cit 56).
81
La première école fut ouverte par les Pères du Saint-Esprit à Boffa,
en 1878; elle fut transférée à Conakry en 1890 et complétée trois ans
plus
tard
par
une
école
de
filles
tenue par les Soeurs de Saint-
Joseph de Cluny, et par cinq autres établissements pour garçons.
.
L'ensemble des écoles missionnaires ne comptait cependant que 360
élèves en 1900.
André Lewin ibid p. 46.

82
A notre
connaissance,
i l
s'agit
de
Fodé
Mamoudou Touré
juriste,
et
qui fut un membre influent du B.A.G(Bloc Africain de Guinée).
1
1
(

- ,~ -
Cette politique de sélection rigoureuse céda le pas (après la 2ème guerre-
mondiale) à une politique de formation plus ouverte, car l'administration
coloniale
avait
été
obl igée. d'entrouvrir
les
portes
de
l'enseignement
supérieur aux guinéens. Mais le nombre de ceux-ci bénéficiant d'une bourse
d'études
en
France
fut
extrêmement faible.
Quant
au
nombre d'écoles,
il était de 150 en 1952-1953.
Ces
chiffres,
pour être plus significatifs,
devraient
être mis en rapport avec l'évolution démographique, mais nous ne possédons
pas d'estimation valable de la population scolarisable sauf
si
l'on se
réfère au recensement de 1954-1955, où la population de fait comportait
42 %d'enfants de moins de 15 ans, 52 % d'adultes et 6 %seulement de
personne âgées de 60 ans et plus. (83)
quant à la discipl ine ellefutd'abord l'oeuvre des Missionnaires
Qui,
à travers, la rel igion transmettaient les valeurs,
les représentations
à des
sujets
destinés
à de' venir
des
serviteurs
et des esclaves dociles
de l'appareil colonial.
Prière du matin pour les maîtres:
"c'est de tout mon coeur oh mon Dieu,
que je prie pour mon maître, daignez exhausser ma prière, je vous en conjure,
répandez,
Seigneur,
vos
bienfaits sur mon maître et sur toute sa famille,
daignez aussi bénir les biens qu'il possède". (84)
En dehors
des
classes,
la
discipline
était
assurée
par
les
"grands élèves" qui, par le biais du "SYMBOLE" (petite clochette ou morceau
de cire)
interdisaient l'utilisation des
langues maternelles. Gare à celui
qui en était porteur en classe.
83 :
, . Julien
Condé,
la
situation
démographique
en
République
de
de
GUlnee,
revue
française
d'études
politiques
africaines
°123
1976 P.
109).
n
Mars
84
Livre de~ prières pour "l'instruction et la consolation des
populatlons des colonies françaises et du Nouveau monde").

- <;f6 -
Dès son entrée, le maître administrait au délinquant tenu par quatre
gaillards les vingts coups "mérités".
Le texte de l'arrêté du 20 Mai 1924, réorganisant en A.O.F
l'enseignement de son article 64 stipule: "le Français est seul en usage
dans
les écoles.
Il
est
interdit
aux maîtres de se servir avec leurs
élèves des idiomes du pays".
Le contenu de l'enseignement
"Dans
les
territoires français,
la politique officielle d'assimilation
se proposait de faire acquérir à une petite élite indigène les caractéris-
tiques culturelles françaises par la transplantation du modèle métropolitai~'(85).
En sciences sociales: les leçons d'histoire, de géographie,
de
littérature tendaient
à prouver que les peuples colonisés sont sans
histoire ou à rejeter hors de l 'histoire. Une des positions extrémistes
reprise par l'enseignement colonial à cet effet est que "l'Afrique n'est pas
une partie historique du monde" (86).
Elle n'a pas de mouvemen t:s, de déve loppements à montrer, de
mouvements historiques en elle, c'est-à-dire, que sa
partie
septentrionale
appartient
au
monde
européen
ou
asiatique, ce que nous entendons précisément par "l'Afrique
est l'esprit ahistorique, l'esprit non développé, encore
85
Lê thành Khôi l'enseignement en Afrique tropicale Paris, P,U.F
1971 p, 15),
86
Malheureusemen t certains his toriens "marx is tes" partagent cet te '.
conception
erronnée
de
l' histoire
tel
:
ENDRE SIK
qui
di t
que
"la
grande
maj ori té
des
peuples
africains
n'ayant
pas
de
classes,
ne
constituait pas d'Etats dans le sens propre du mot. Plus exactement
l'Etat et les classes sociales n'existaient qu'à l'état embryonnaire.
C'est
pourquoi
on
ne
peut
en
ce
qui
concerne
ces
peuples,
parler
de leur histoire dans le sens scientifique de ce terme, avant
l'apparition des usur'pateurs eur'opéens" Sik Endre; (Histoire de l 'N'rique Noire
Akademiai Kiado, Budapest 1965, tome l
p. 19),

-
':J 7 -
Enveloppé dans les conditions de naturel et qui doit être présenté
ici seulement comme au seuil de l'histoire du monde",
(87).
D'autre part dans les livres d' histoire ils apprennent que leurs ancêtres
étaient des Gaulois. Les manuels enseignent l'infériorité congénitale du
Noir, la barbarie de nos ancêtres, la générosité et la bonté de la nation
colonisatrice.
On
relève des expressions telles que "chantons les chefs
si braves qui prirent Samory! plus de fers, plus d'esclaves, à nos vainqueurs
Merci!". "Dans ses colonies, la France traite les indigènes comme ses fils",
Le Gouverneur général Roume s'interroge sur l'histoire:
"peut-on ne pas
f aire comparer aux Noirs le passé instable et sanglant de leurs pays avec
le présent pacifique, tranquille et fécond? (J.O. de l'A.O.F. n° 1024 du 10 Mai
IlJ(4).
Pour
les sciences de
la nature
la stratégie dans ce domaine est
d'initier le moins possible le peuple colonisé à la culture scientifique (88)
dans l a mesure où cette même cul ture est "un couteau à double tranchant"
Il est impossible de dominer longtemps un peuple armé de la science pour
maîtriser
la nature,
et qui est en même temps consc i ent de cet te arme.
Autant le système éducatif colonial accordait à r:etites doses l'instruction à ba~littéraire,
87
Hegel,
cours
sur
la
philosophie
de
l' rIistoire
en
1830 ci té
par Joseph Ki-Zerbo dans Histoire de l'Afrique Noire éd Hatier
p.101972).
88
.Pour protester
contre
l'élevation
du
niveau
des
élèves guinéens Monseigneur lerouge arrivé en Guinée en 1902 adresse
la lettre suivante
le
12 Août
1928 à
Mr Lucien
Dior député
de la
Manche:
Monsieur Le Ministre,
La nécessité du Brevet Supérieur est, en effet,
une façon déguisée
de nous fermer nos écoles. Nous avons tous fait des études secondaires
ces études ne nous ont pas conduit aux diplômes de l'enseignement·
primaire. N'est-il point ridicule, du reste, Mr le Ministre de
demander
des
brevets
pour
civiliserdes
enfants
qui
ont
peut-être
mangé leur père ou grand-mère! ce qu'on devrait vouloir tout
d'abord,
c'est
de trouver des éducateurs qui amèneront ces peuples
neufs et religieux à l'idée française.
(Textes et documents
pontificaux p. 36-37 cité par Douloure Mamadou Alimoul."

- 98 -
autant, il créait un complexe d'infériorité intellectuelle pour les matières scien-
tifiques :
mathématiques sciences physiques etc .... (arme idéologique utilisée par la
métropole) qui ne sont faites que pour les peuples civilisés.
Cette "ségrégation" culturelle avait pour but de refuser la pensée
rationnelle
aux
colonisés.
Les
structures
scolaires
s'y prêtaient, car
à l'école comme en dehors de celle-ci,
le colonisé à la seule évocation
des mathématiques et des sciences physiques, était pris de peur et
psychologiquement,
était déjà désarmé en face de ce que l'on est en droit
de considérer comme connaissance par excellence, l'outillage à la portée de
l'homme qui
permet de comprendre et de transformer le monde en fonction
de ses besoins, et de débrouiller le complexe écheveau des structures
économico-sociales. Ce qui explique jusqu'aujourd'hui la disproportionalité
entre le nombre pléthorique d'étudiants africains dans les facultés de
Lettres et Droit et le petit nombre de ceux qui fréquentent les.facultés
de Sciences(malgré l'appel lancé dans les pays africains en faveur des branches
scientifiques). Signalons enfin le caractère anti-démcratique du Systàœ éducatif colonial. Il a cherché à
approfondir la division sociale par la formation des
"fils des chefs"
(5 à 10%) au détriment de la grande majorité scolarisable. Ces agents
subordonnés étaient voués à la cause coloniale et devenaient ainsi
l'interlocuteur
privilégié
de
l'administration malgré les
contradictions
inhérentes à cette association circonstancielle.
Ces "affranchis" ainsi formés à l'école coloniale furent aussi les
premiers animateurs des mouvements politiques dans les territoires
olonisés:

- 99 -
"Au
cours
des
années
1950,
parallèlement
aux
profondes
trans forma tions
économiques
et
soc iales
qui
se
font
jour
en Guinée, une polarisation politique nouvelle s'effectue.
D'un
côté,
se
constituent
des
"Partis
administratifs",
prenant appui sur les associations ethniques, ayant l'aval
ou la tolérance de l'administration recrutant leurs
adhérents parmi les "notables traditionnels ou modernes
( ... ) s'apparentent ou se rattachent aux divers Partis
de la majorité métropolitaine:
socialistes, radicaux,
indépendants d'outremer,
plus ou moins liés au M.P.R ou
au R.P.F du Général De Gaulle".
(89).
En dépit de ces traits "négatifs" et "positifs", le système éducatif
colonial reste un élément du processus historique (colonialisme) qui
contribua à la mise en veilleuse des potentialités humaines et matérielles
des pays africains. Ces caractéristiques de l'éducation coloniale n'annulent
aucunement les problèmes actuels inhérents au système éducatif en Guinée.
Il est nécessaire de les rappeler af in de ne pas f al s if ier l' histoire (90).
G _ REFLEXIONS GENERALES ET CONCLUSION
DU CHAPITRE
Le changement de structures éducatives intervenu au lendemain de
l'indépendance ne doit cependant pas faire oubl ier les diff icul tés et les
critiques ayant trait aux principes de base et à leur application concrète.
89
Sidibé Kabiné Béma, le Socialisme Africain,
thèse de 3ème cycle,
Université Eôtvos Lorand,Budapest,
1974 p.
83-84).
90
Nous pensons aussi que l'histoire de la colonisation doit rester
vivante dans la mémoire des peuples colonisés. Car elle est désormais
une
partie
de
leur
patrimoine
culturel
que
peuvent
négliger
voire
oublier les colonisateurs mais pas les colonisés.
" Une société sans mémoire est une société suicidaire".

IDO
-
En effet pour un pays ayant, en 1963, approximativement 118.500 enfants
âgés de 7 ans, 520.000 de 7 à 13 ans et 375.000 de 14 à 20 ans, le budget
de l'éducation nationale cette année là s'élevait à l milliard 516 francs
guinéens au chapitre du personnel, et 868 millions au chapitre matériel.
Au total, le 1/4 du budget national y était consacré.
De 1960 à 1965, de 1965 à 1972 et 1977 à 1985, les tableaux suivants
présentent
la répartition et le total du budget de l'éducation nationale
par rapport au budget général de la nation.
8UD~~~EDUCATION NAflONAlE
DERcrcE 1960 à 1965 (e~-~l~~~~~:r~-"~cs GUIneens)
-" r----r- -----
~UlR,E S D' -- - TRMj:'; .
ANNEE
PER ODNNEL
MA TER
.~UNTANT DU
C EL
ETUDE:-
A L'EXTERIEUR
TOTAL
- - - " -
- - -
T
--"
- - -
BUDGET GENE
---~-----------
-- ------
1960
942 0(5
493 702
82 000
4 000
522 268
d 225 760
1961
150 000
680 000
149 000
"0 000
2 019 000
cl ,45 21J0
1962
132 595
673 300
150 000
:D 000
2 006 395
9 737 550
1963
1 516 318
868 210
150 000
30 000
2 564 528
10 348 000
1964
2 073 286
499 675
150 000
30 000
Z 652 961
11 712 oua
1965
2 441 249
638 616
200 000
100 000
3 079 865
13 352 000
% DES DEPEN:.ES PUBLIQUES rafALES
t DU P.N.B
23,8 %
4,9 %
28,3 %
6,4 %
25,1 %
5,9 %
-_.---
: UNEXO Annudire stdtist-;q ;-;91-0~-~;-------,;--
--
frdncs, dépenses en CdpltuJl . 4~3 d700e~~}n~9s. Depenses CQurdntês" : 942 565
___________________________________"
J
SYNTHESE DES DEPENSE, DE FONCTIONNEMENT
.--- -
.,,----~
B~DGElJI~i-~ETAT (en millIOns Sy1is courlnts)
- - - - - - - -
ANNEE
PER~NNEL
_ _ _ _ _ _ _ _ _ __ __
--r----------
TOTAL
691,4
(92--7- --
1977
--- -
----
-
~UTRE~ ----
-- ------ ------ -- - - -
,
984,1
1978
785,6
395 6
827, l
'
1979
180,6
358,4
018,9
1980
185,6
1
3
328,8
1 347,7
1981
1 4,7
297,1
1 095,7
1982
1 431,8
165,8
1983
;4~;4/
137,8
1
1984
,
127,1
:~;:~
579,3
j
;
1 499,5
494 , 7
~__L--_
994,2
:UNEXO Per;pect
ODURCE
et contrd,ntes du d~-v~h, -e~--·-----~-------------
dIffUSion restreInte Août 1985
p.
Rep.je GUInee EfM/132 p. lnnex. [CIO
1) - "G~jnée-EduC1 prjorités et
erS
"
2)
~.
_ PreVIS.
.
budget.
1980-1984 MP "
id-
p~c dnn,," 15, Jonnees budget
-f
1 n 1
n
Slere
lCJt l
des fI njf1ces
les
. d'
pr~v. pour 1983
- -
ét
.'
.
.
epen':.eS èngdg~e'i - ~ titre
dlent de 1943, 9 MS et pour 1984 de 1 398,3 MS.

101
1
1
Arcru,.>.>"menl df la dépe~ publiquf efefUé"flnflllfnl, 1957-62
Dép.ru.
d'enJei,tl.
Ti1J.U 11U1luel dt. crou~t
• n
4.
d. III dép.ru •
.n ..
publiqu. IDllI1.
Dép, pub!.
Ocp, pub!.
1957
1%2
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- - - -
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9,5
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Il,0
17.0
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U,2
10,3
16,8
Il,2
CcnlnLfnQuf
16.\\1
12,2
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19.1
ÛmiCr BrlLLU< \\ Ille
21,9
15,5
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23,5
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d'lvulI'l,:
18,3
10,1
31,7
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25,7
21,9
22,2
12,3
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Il,7
N,O.
6,5
7,0
Gabon
15,1
12,6
29,4
24,7
G4mble
S,6
Il,2
5,3
20,5
Gh;.""
20.1
18,1
24,2
21,6
Gumee
lU
20,6
18,0
20,0
HOiULè·Vo!la
13,9
14.8
22,2
23,7
";'cnya
12,5
17,4
4,2
Il:;
U'':l,üLnO
17,7
(1)
20,0
13,7
22,0
L.Dena
16,2
Ma~r
3,1
(2)
5.0
9,1
19,8
Miliwi
5,7 (1)
12,5
2,4
21,6
Mhù
20,6
Il,2
28,2
15)
M4unce
14,4
(1)
10,3
9,4
4,8
M.&aun ULlllc
10,7
12,8
23,7
J4,2
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Sour... : Uouco, TM PinMlCinll 01 N";onAl P/vu 01 Eduu/ion -
Re"ie", 01
f(ecerv
Trend.. U1 Expenditur.. 10< Eduf";on ln A/ric&. APMINjS, P..m,
February l%i,

-
10"::
-
A titrp de comparaison avec les années budg~taires de Côte d'Ivoire 1960-1980
(91) consacr~es à l '~ducation-formation, l'investissement du gouvernement
guinéen dans ce domaine devient encore plus ~lev~ dans la mesure où la
Côte d'Ivoire n'a pas subi les mêmes contraintes politiques avec l'ancienne'
métropole, et a surtout bénéficH!é de l'aide de "séduction".Une bonne partie
du personnel enseignant, obligée de quitter la Guinée, a été orientée vers
la Côte d'Ivoire (92) sans oublier le cortège de rallonge d'aide qui suivit.
Malgré cel~elle est
du point de vue de l'investissement, en dessous de
la Guinée pendant les premières années de l'indépendance.
Evolution des dépenses de l'Etat Ivoirien consacrées à
L'Education-Formation
en milliards de francs CFA
Année budgétaire
Dépenses Formation
B.G.F
Il
B.S.I.E
2) r-
1) Budget Génér al de
fonctionnement
-4-
-5-
1960
!
~~~--;
3,5
0,5
2)
Budget Spécial
-----------------------
d'Investissement
1965
7,9
1 ,2
et
d' Equ i pement
1966
9,5
1 ,2
1967
10,5
1 ,3
1968
11 ,9
1 ,7
Ratio:
1969
14,3
1,8
1970
16,3
3,7
4/2
: part des dépenses
1971
20,8
2,5
d'éducation. sur
1972
26,0
1 ,4
1973
29,7
3, 1
le
B.G.F
1974
39,6
1 ,9
5/3
: part des in-
1975
45,4
3, 1
1976
59,7
4,8
vestiss. d'éduc sur
1977
76,8
34,9
le
B.S.I.E
1978
97,3
18, 1
1979
120,8
31 ,1
1980
147,4
37,6
Source
ministère de l'Education Nationale Direction de l 'Evaluat des Statist
et de l'Informatique.
(91)
faisant allusion a l'état de développement de la Guinée dans l'ex-
A.O.F, Assane Seck et Alfred Mondjanagni disent que "elle (la
Guinée) était alors parmi les plus sous-développés du groupe ct,
dans les années qui ont précédé son option,
son budget atteignait
a peine le 1/11 ou le 1/3 des budgets du Sénégal ou de la Côte
d'Ivoire".
Afrique Occidentale Paris,
P.U.F 1975 p.
143).
(92)
d'aprés A.Lewin, Ambassadeur de France en. Guinée
(1976-1979)
:
"beaucoup d'entre eux étaient en congés en France,
notamment les
instituteurs,
et on leur déconseillera de revenir en Guinée" .
(la Guinée Paris,
P.U.F Septembre 198 1 p. 62).
'

-
10 ~
-
Les objectifs visés à travers ces invcslissementsont entraîné des changements
notables, à savoir la
construction cj'ét.alJlissorrnls
scolaires en "dur",
"semi-dur" et "banco", entre 1958 et 1978, plus de 2.000 écoles primaires.
(sur un total de 2.370) ont été construites, 335 écoles secondaires
(sur un total de 346) et les 45 établissements supérieurs guinéens fonction
nant en 1978 (93)
Sur le plan des effectifs, il JI a eu aussi une poussée gigantesque
vers l'école considérée comme une forme hautement productive d'investissements
d'ascension sociale aussi bien au niveau de la masse qu'à celui des jeunes.
Voir tableau ci-dessous sur l'évolution
de la scolarisation.
Année
Primaire:Collège: Lycée
E.N.!
CFP/IPS:
Sup dont Agricole
(3 ans)
1974/75
203.143
43.632
26.150
!.214
2.089
ND-5~528'
( 1.162
i 975176
198.848
46.080
25.088
ND
1.260
ND
12.139
( 4.544)
1976/77
225.727
53.592
25.986
3.042
1.518
453
14.493
( 7.375)
1q77 /78
237.999
55.806
29..990
3.163
2.077
500
18.281
(11.002)
1978/7CJ
252.097
54.. 848
32:.328
2.457
2.771
ND
21.249
( 12.370)
1979/80
262.833
58. 0CfJ
31.457
ND
ND
ND
17.751
( 10.524)
1980/81
257.547
57.938
31.962
2.992
3.651
ND
17.004
( 9.tŒ)
1981/82
., 249.905
55.222
31.Œi2
1.325
4.420
1.640
15.697
( 9. 550)
1982/83
247.702
55.184
31.871
1.222
4.740
1.991
13.920
( 4.850 )
1983/84
246.130
57.869
31.887
997
4.920
2.304
11.760
( 4.850)
1984/85
284.386
66.021
36.652
883
4.222
2.302
10.700
( 2.810)
SDurce : ministère de l'Education Nationale.
E.N.!
Ecole Nonnale des Instituteurs E.N.P : Ecole Nationale Professionnelle
C.F.P
Centre de Formation Professionnelle
(93) :
UNFSCD. perspectives et contraintes déveloplX-mènt de l'éducation, E.F.M./l32 Août 1985
Ces écoles en grande partie sont construites par "Investisserœnts humains". Les quelques
mtériaux lX'UI' le déTœ.ITage des écoles (tables-œncs ) sont la contriwtion b5névole des
ouvriers en fin de semine.

-1 Ucl
-
L'encadrement des effectifs a nécessité l'emploi massif du personnel
enseigant qui, en 1983/84 est de 138 246 pour un nombre de 355 608 élèves
et étudiants
tous
cycles
confondus
(UNESCO
ibid
P.l).
Ce
qui
correspond
environ à un enseignant
pour 2,6 élèves (94). Un tel effort n'a été possible
que
grâce
aux
conditions
particul ièrement favorables
au
développement
de
l'éducation
- 1961 réunion des ministres de l'Education Nationale de l'O.U.A
à Addis-Abeba faisant de l'éducation le fer de lance de l' indépen-
dance économique.
-
Matérialisation
de cette
recommandation
sur
le
plan
national
à travers une politique de continuité et de fermeté.
-
Large
adhésion
populaire en faveur
de
la
scolarisation dont
la demande pour les longues études était stimulée par le recrute-
ment
automatique
des diplômés dans le secteur publ ic avec
les
avantages multiples rattachés à ces emplois.
- Importante capacité du prélèvement fiscal tant au niveau central
que lac al.
(94) - Une telle quantité d'enseignants a été le produit d'un recrutement
massif effectué après le départ de la totalité du personnel enseignant
français.
Les conditions de recrutement, la disparité de l'utilisation
de ce potentiel seront abordées dans le
sous-chapitre : "Pol i tiqte rie
formation du personnel enseignant.

-
JUS
-
Malgré cette situation favorable, le système a commencé à montrer
des faiblesses dans les années 1970.
Les
actions entreprises en sa faveur
n'ont
pas
tenu
compte
des
réelles
possibilités
du
pays.
La faiblesse du
taux
de croissance
économique,
exceptées
les conséquences
bénéfiques mais
de courte durée,
de l'exploitation des mines de
bauxite en 1973 et 1974,
"la croissance économique avait un rythme inférieur à celui de la population
jusqu'en 1977, et l'économie a stagné ou même enregistré une récession depuis
1978" (95).
Cette
désorganisation
de
l'économie
a
réduit
les
possibilités
de financement de l'Etat dans un pays où il est omniprésent.
- La difficulté de
maintenir
ou
de développer
le financement de
l'éducation publique a coïncidé avec l'accroissement de la demande
dans les années 70.
Parallèlement, l'intervention de l'Etat était sollicitée en faveur
des entreprises publ iques et para-publ iques dont le succès devait permettre
un "décoll age" économique du pays.
A cel a i l
faut
ajouter
les diff icul tés de collecte de "l'impôt
de capitation" surtout dans
les collectivités locales et régionales où son
produit est passé de "672,6 Millions de
Sylis en 1976 à 114,7 millions en
1979"
(Source Banque Mondiale citée par UNESCO prespectives et contraintes
ibid P. 10), en zone urbaine, la situation était plus grave car, les collectivi-
tés étaient moins organisées et ne disposaient
pas
(comme en zone rurale)
(95) -
Banque Mondiale cit. UNESCO EPM/132 ibid P. 10

-
JOu
-
de fonds provenant de la commercialisation des produits ugricoles (96).
Cet état de santé de l'économie a freiné sinon arrêté la quasi-totalité
des projets de construction, d'agrandisselnent des locaux ainsi clue ln fourniture
de mobiliers
uux écoles primaires. Ccci entruînant une détérioration considérable
des conditions de scolarisation urbaine avec parfois des effectifs de 100 à ISO
élèves voire même 200 par classe. A titre d'exemple les écoles primaires de Man-
diana (ville du Ouassoulou en haute-Guinée) Komodou (haute-Guinée), Kossankoro
(Guinée forestière), servent de poulailler et de porcherie (faute d'entretien).
La Politique d'emploi, se voulant progressiste, n'a pas changé
pour autant: "aucun jeune qui sort de l'école guinéenne ne connaît un jour
de chômage en Guinée" (97) ct ce, pour "un plafonnement" des capac ités d' absorp-
tion de l'économie en main-d'oeuvre qualifiée. L'emploi total s'est accru:
(96) -
Eh ré~lité cette commercialisation des produits agricoles était plus
proJ'i table aux pays voisins qu'à la Guinée.
"Les exportations clandestines"
(café, riz,
bétail,
cacao,
cola,
bois, or,
diamant ... ) s'élévent à
100 millions de dollars par an soit 35 millards de Sylis ce qui représente
5 années de salaires des 170.000 fonctionnaires guinéens. Prenons l'exemple
du café dont les exportations clandestines sont estimées à 10.000 tonnes:
3.000 T vers le Libéria,
3.000 T vers la Sierra-Léone, 6.000 T vers la
Côte d'Ivoire.
Le prix d'achat occulte au producteur guinéen est de 150 Sylis
le kilo (contre 55 Sylis au prix officiel).
"Les trafiquants" revendent
ce café à 350 F.CFA à la Côte d'Ivoire qui elle-même revend le même café
1.300 F.CFA sur le marché mondial. Ainsi le bénéfice pour la Côte d'Ivoire
est 950 F.CFA par kilo soit 5,7 milliards de F.CFA pour les 6.000 T, de
2,85 milliards pour le Libéria,
et le
même montant pour la Sierra-Léone
au détriment de la Guinée.
Les exportations clandestines de bétail sont
estimées à 100.000 têtes par, an,
l'or 2 T,
le cacao 3.000 T etc.
Il est
urgent d'arrêter les ponctions sur les ressources naturelles au profit
des pays vois ins".
Réf.
J fUN E -AFRIQU En' 1269 du 1/5/85, p. 49.
(97) -
Sékou Touré discours devant les corps constitués à Dakar R.D.A.
n
132 Novembre 1979, p.
50.

-
107
-
de
30 % en 1960 et
1970,
de 20 % depuis
1970
(98).
Après cette date
dans les
services,
(y compris
les
administrations),
l'emploi
n'a
cessé de monter,
atteignant
ainsi
57 % mtre 1960 et 1970,
24 entre 1970 et 1980. Dans les
entreprises
publ iques
et
para-publ iques,
le
nombre
de
salariés
était
de
114 600 personnes en 1973,
95 980 en 1977 et 108 419 en 1980". Une telle
evolution, bien que "conséquente" avec le choix pol itique, est irrationnelle
àcausc
des
difficultés
qu'elle
engendre
pour
les
diplômés
d'accéder
aux
emplois
publ ics,
même si
le recrutement
restait
garanti
par la laL
(Cette
inadéquation formation-emploi apparaîtra dans le chapitre touchant les rapports
entre système éducatif et emploi).
-
La volonté de reprise en main du flux
scolaire
à travers
le
déplacement des priorités en faveur des enseignements post-prinuires a débouché
sur les résultats suivants
:
"En 1965,
46,2 % du budget devaient financer
le primaire, 34,3 % le secondaire et 4,2 % le supérieur.
En 1969 le niveau
primaire
devait
recueill ir
28,4
% du
budget,
le secondaire 39,4 % et
le
supérieur 18,2 %. La tendance s'accentue au cours des années 1970 ; en 1977,
le primaire ne recueille plus que 26,5 % du budget, et en 1979 24,7 % alors
que le secondaire et le supérieur voient leur part s'accroître".
Ce
changement
de
ci ble
a
été f aci l ité
par
le tassement de
la
demande de scolarisation, surtout en milieu rural, la difficulté de maintien
ou de diversification de source defjnancement
de l'éducation et, la récupéra-
tion
de
besoins de scolarisation
par des
institutions parallèles
"(écoles
coraniques,
Médersas)
qui favorisent
la régulation de
la satisfaction des
besoins.
(98) - Emploi total
1960 = 1 522 000
1970 = 1 940 000
1980 = 2 457 000
"Services"
1960 =
87 000 1970 =
136 000
1980 =
169 000
Source
Banque II'bndiale. Cité clans Stratégie de développeITl2nt de l' Education-
F'ornation Conakry ~st Mars 1983.

-
108
-
Cette présence des écoles coraniques sur le terrain de la formation
et de l'éducation a eu pour conséquence d'une part,
le ralentissement de
la croissance de la scolarisation primaire tont au niveau des effectifs qu'à
celui du nombre d'établissements.
1970
1980
INDICE
1980 j 70
ECOLES PRIMAIRES
1 984
2 555
128,8
EfFECTIf
191 287
257 547
134,6
EVOlUTI ON DEMOGRAPHIQUE (Hypothèse 3 %)
134,4
1
Source
UNESCO
EfMj132
1985
D'autre part, elle a provoqué des changements profonds des besoins
de scolarisation en zone rurale. la baisse de la demande d'accès à l'école
publique est liée au manque de confiance à l'Etat
pour
son
incapacité
de
répondre adéquatement par un~ offre correspondante à l'utilité de l'institution
scolaire en tant que moyen de promotion sociale (99) et, parce que le travail
des enfants dans les champs comme à la maison représente une ressource économi-
que
importante en particulier quand
il
s'agit des filles.
les attitudes
préventives des parents à l'égard de l'école officielle et la préférence
pour les écoles coraniques (qui ont des horaires flexibles) ont probablement
joué un rôle non négligeable dans la régulation de la demande de scolarisation
dans certaines régions.
(99) - Une anecdote
significative
:
"Un
paysan
(du
village
de Diansoumana
Ouassoulou
haute-Guinée)
invite
son
garçon
au
champ,
ce del'nier
lui
fait
comprendre qu'il
est l'heure d'aller è
l'école.
Réponse du père:
"Au champ je t'apprendrai la même chose".

109 -
Ce fait
repose
sur
deux
observations
"le
ratio
classe/~lève
reste très faible en zone rurale alors que la population non touchée
par
la scolarisation est bien plus importante que celle scolarisée
(moins de 30 % du groupe d'âge), les régions ayant de fortes minori-
tés
non musulmanes
(Boffa en Guinée maritime,
N'Zérékoré en Guinée
forestière) n'ayant pas accès à des structures parallèles de scolari-
sation (écoles coraniques, Médersas) connaissent des taux de scolari-
sation élevés (100)".
La politique d'éducation en Guinée a été mise sur pied pour relever
le défi
lancé par l'ancienne métropole mais,
surtout pour faire du peuple
un élément moteur du développement, et ceci, par l'intermédiaire de l'éducation
de base, à savoir l'éducation élémentaire.
A ce ni veau "1 a réuss iteuf ut de courte durée ; car au vu du f onct i on-
nement de l'éducation,
avec la comparaison internationale, il se manifeste
une
contradiction
entre
le
sous-développement
de
l'enseignement
de
base
et le sur-développement "négatif" de l'enseignement supérieur (voir tableaux
page suivante).
Certes
il
est
vrai
que
les
études comparatives des
organismes
internationaux sont" entachées de partialité" mais "la Guinée figure sur la
liste
d'une
cinquantaine
de
pays
d'Afrique
parmi
ceux où le
taux
de l'analphabétisme est
le
plus élevé et le
taux
de
scolarisation
dans l'enseignement primaire le plus bas.
Dans le domaine de l'ensei-
gnement supérieur, la Guinée est au quatrième rang devançant maints
autres pays plus développés"
(101).
( 100) -
UNESCO
EFM/132 1985.
(lOI)
-
République populaire révolutionnaire de Guinée. Rapport final
stratégie de développement de l'Education-Formation 1982 - 2000 Co-
nakry - Budapest Mai 1983.

-
110 ;-
La situation de l' Bducation Guinéenne par rapport à celle des autres
pays africains en Ig8?
1
:lbre ,ies
1
Indicatèurs
PLwe rel" t l ve
1
aays anqLlh~3i
1
1
1) Taux d'alphab~tisation de la populatlon
de 15 ana et plus
40

2' faux de scolarisation bru, dans le 1er
cycle de l'engeignemènt prlmalre
45
41
3) T"LU ,ie acab.ri3atlon Jan3 le 3e.ovnd
de~~ /
~~~e èt J~me cycle
23
4) Taux d'inscription brut ians
l'enseignement supérieLlr
41
4
5) Nombre d'étudiants Ja l'en3eignement
supérieLlr pOLlr 100.000 habltants
40
4
6)
Dépenses ie fonctlonnement à l'éducation 1
en pOLlrcentage du P.N.B
40
'3
7) Propor,ion des d~pense3 Je fonctionnement!
publlqua:
Enseignement primaire

35
Dnselgnemant 3upérieur

2
Source
D2veloppement de l'éducation en Afrique
8tude statistique
E -
D
82/MINE DAF /
R,:f. UNESCO 1982

1 1 1
r,,1.lX bruts globaux ,1" scolar13a.tl>o/1'0tal
l or,
2~mo, )~me deQ~s/dan" IdS oays "t'rl calOs
o
20
40
90
~O
Burkina-?~o • • • • • • !-!--
BurWldi • • • • • • • •
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Nlger • • • ,
• • .
• •
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K:.li • • • . • • • • , • !
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Maurltani
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Ethlople • • • • • • • •
1
30mall.e •

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• • • • •
1
11uinJe . . •
Gambi e • • • • • • • • •
Sidera-Léone • • • • • •
1
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• •
• • • •
1
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1
OU~~da • • • • • •
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.

1
Libdria .
• .
• . . . .
- ! - - - - - -
Maroc • • • • • , • • •
Z.mbabw'; • • • • • ,
• •
Côte-D'Ivoire • • • • •
1
Mozambique • • • • • • •
GU10~" Equatoriale • , •
NiKéria • . • • • • • ,
Ghana • • • • • • • • •
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Madagascar • • • • • • • 1
Gw.nJe-B19sau .
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E:;crpl; e • • • • • • • • •
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Zamb.e • • • • • • ,
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Maurlce • • • • , • • •
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1
Botswana , , • • • • • •
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Cap-Vsrl; • • • • • • • . .L::..:=============
Kenya • • • • • ,
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Togo • • • • • . , • , , .,;.!
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Swaziland • • • • • • •
J.A. Llbys~~e • • • • •
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• • •


• •


Gabon •



.

.
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1
20
40
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Source
E:D - d2 (MIN80A?) ~El.2
1
f,
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1
1
1
1

-
1 n
-
Enfin au regard de ce qui précède, il ressort que le système éduca-
tif
guinéen manque de continuité au niveau du développement de la scolarisa-
tion.
Ce fait
est attesté par les données relatives à la décennie 1974/75-
1984/85
qui
montrent
qu'à
l'exception
de
l'enseignement
professionnel
qui
a suivi
une certaine régularité dans
la croissance des effectifs,
tous les
niveaux ont enregistré plusieurs variations de grandes amplitudes, en hausse
et en baisse, de leurs effectifs. Ce trait caractéristique du système éducatif
guinéen,
est
peu
fréquent
dans
les
pays
africains et
les
autres
pays
en
développement.
C'est
la
conséquence
de
l'abscence
de
continuité
dans
la
pol itique éducative (exemple: création massive puis fermeture des Facultés
Agro-zootechniques), la faiblesse de la planification (102) (telle la mauvaise
estimation des besoins de formation par les écoles normales des instituteurs),
les
diff icultés
de
mobi l isation
des
ressources
pour
le
développement des
infrastructures, ce qui contraste avec l'affirmation de C. Rivière
"plus de
300 écoles nouvelles
en
dur
(qui)
s'ouvrent
chaque annÉee
-
l'expression
"d'c,coles
sous
les
manguiers
en
devient ;)f'chaïque
(103)
(d'où le plafonnement de la scolarisation secondaire), la période de résistance
àla.scolarisation qui a suivi celle d'une forte demande d'éducation.
Ces
difficultés
de
scolarisation
pouvaient
être
évitées,
si
on
avait
mis
l'accent
nécessaire
sur
les
changements
structurels,
à savoir
l'exploitation
rationnelle
des
structures
expérimentées
par
l'adéquation
de l'offre et de la demande, car l'éducation nécessite une certaine stabilité
pour réaliser l'objectif de l'élevation du niveau quantitatif et qualitatif.
( 102) - L' utilité et l' efficacité de la planification sont recormues [ID' tous les regiJms qu'ils
se reclarrent du litérn1iSlle ou du socialiSlle. La Guinée qui se veut Socialiste n'a pas
été capable de tirer profit de cet outil précieux ... !
(103) -
Les investissements éducatifs en RÉepublique de Guinée en Cahiers d' Éetudes africaines,
Vol 5 n' 4, Paris, 1965 P. GZl.

-
113
-
CHAPITRE II - Organisation et Fonctionnement
de l'enseignement Guinéén
A -
Enseignement élémentaire
(C.E.R) Centre d'éducation
révolutionnaire - Enseignement de masse.
a - Objectifs et extension
Devenu centre d'éducation révolutionnaire (C.E.R) avec une extension sur 6
ans (10~) ~ la suite de décisions prises pendant la "révolution culturelle
social iste" (2 Août 1968) (105), l'enseignement élémentaire en Guinée et
la priorité qui lui a été accordée, s'inscrivent dans la droite ligne de
la politique de valorisation de ressources humaines nationales entreprise
au lendemain de l'indépendance.
Cette priorité se justifie par la grande pénurie de cadres moyens
et supérieurs héritée du régime colonial, la pression sociale en faveur
de l'instruction et aussi, la croyance naïve, encou~ée par les organisations
internationales, que l'enseignement est toujours et en toutes circonstances,
un facteur d'accélération du développement économique (106).
L'expansion des effectifs scolaires dans le primaire qui en a résulté
est de : 144.394 dont 44.211 filles en 1968, 271.318 dont 92.005 filles
en 1978, 252.097 en 1979, 262,833 en 1980, 257.547 en 1981, 249.905 en 1982,
247.702 en 1983, 246.130 dont 32,4% de filles en 1984. Source Ministère de l'Education
nationale.
Ainsi, si l'augmentation des effectifs est perceptible entre
1960 et 1969, on assiste néanmoins ~ un ralentissement de l'accroissement
entre 1970 et 1984 (26,5% en 1977 et 24,7% en 1979) des investissements publics
imposé par la situation "dramatique" de l'économie nationale et une forte
croissance démographique 2,8% par an. Les conséquences de cette situation sont
(104 )
L'élevation de la durée de l'enseignement primaire est la conséquence
entre autre, de la suppression du projet de formation
(1961) des
brigades post-scolaires.
(105)
hier appe16~~ collêge d'enseignement rural, ~uis centre d'ens~ignement
révolutionnaire,
toutes les écoles primaires, secondaires,
supérieures
sont devenues à partir de cette date,
des centres d'éducation révolu-
tionnaire (C.E.R).
(106)
L'enseignement de masse tend aussi vers "mass education (which) ;
willput an end to the contradiction between the natural
right ta
education - a right of ~ach young citizen -and the limited opportunities
offered in our school".
(
S. Touré, Cuinean Revolution and ding in
Africa edited by L. Cray Cowan A.
PRAECER, Publishers.
N.Y Washington
p.
125,
1965.)
Vers uneéducation populaire qui mettra fin à la contradiction
existant
entre le devoir
inalicp.albe à l'éducation (droit de tout citoyen) ct
les possibilités limitées offertes par l'école. (Traduit par nous).

-114 -
L'altération de la confiance nationale en l'école comme moyen de trans-
formation sociale. Ce manque de confiance s'est traduit par la prolifération
des écoles parallèles
(coraniques et Médersas) (107) et non une quelconque
"survalorisation de l'école par les populationsqui ont
accepté de rester en Guinée en dépit des difficultés
rencontrées"
(108).
Selon les statistiques scolaires, le taux de scolarisation des
enfants d'âge scolaire est en diminution. Au cours de ces dernières années,
particulièrement en 1981 le taux d'inscription des enfants de 7 ans
n'atteignait que 30% et la proportion des enfants de 12 ans fréquentant
l'école ne dépassait pas les 16%. Cette étroitesse du taux d'enrôlement
dans le primaire a ~our conséquence l'accroissement du
nombre d'analphabètes
au niveau de la population. De 1979 à 1984 plus de 100.000 enfants âgés de
7 ans n'ont pas été inscrits à l'école.
Les déperditions dûes aux abandons et redoublements sont très imDortantes.
L'augmentation très rapide de~ effectifs a conduit à un accroissement des
déperditions en raison du manque d'encadrement, de la baisse du niveau scolaire
et de l'augmentation des effectifs par classe (en moyenne 100 élèves par
cl asse dans le primaire).
Dans l'enseignement élémentaire, la plus forte déperdition se produit
au niveau de la 3ème classe et touche 40.000 enfants qui peuvent donc être
considérés comme semi-analphabètes ou "Panthères blessées" en langage populaire
Cet état de fait n'a pas manqué d'avoir des incidences
négatives sur le niveau culturel et technique (sur 100 élèves C.M
ayant fait l'objet d'une enquête en 1984, seuls 10 furent capables de réciter
correctement l'Alphabet Français qui est pourtant utilisé par les langues,
nationales).
(107)
D'après une étude de L'UNESCO sur le développement de l'éducation
en Guinée, "ces écoles franco-Arabes ou Médersas intégrées ne
représentent plus aujourd'hui qu'un faible pourcentage des élèves
(il en existe à Kankan, Faranah, Labé, Kindia, Conakry et N'zprékoré
alors que dans les années 1970 les Médersas auraient scolarisé.
jusqu'au tiers de l'effectif".
(EFM/132 1985).n
(108)
Kanvaly Fadiga. A propos de la "baisse de niveau"
de l'enseignement
enAfrique Noire Annales Université Abidjan, Série Lettres, tome
xvI, 1983 p. 291

-
1 J S -
L'extension jusqu'à 6 ans de la scolarité, décidé en 1968
par la révolution
culturelle voit ainsi ses effets annhilés par la déperdition scolaire.,
D'autre part,"présentée comme requise par une élevation
générale du niveau de la culture et de la formation profession
nelle, voire comme un moyen de réaliser l'égalisation pro-
gressive des conditions d'accès ê l'enseignement (avec un
grand E) (sic), la prolongation de la scolarité obligatoire
se traduit dans les faits, par une prolongation de la scolarité cour-
te 'lui ne
devient pas longue' pour üutant "109).
Le retard qualitatif subi par l'enseignement primaire est dû à la surcharge_
des classes dans les écoles des centres urbains (par exemple à Conakry on
compte en moyenne 80 à 100 élèves pour un instituteur, et dans certains
cas l'effectif varie de 100 à 130 par enseignant). De plus, en raison de
l'insuffisance des infrastructures d'accueil, l'enseignement a lieu en
plusieurs, équipes. et avec des volumes horaires réduits,.Ce systèœde classes.
tournantes malgré les réserves qu'on peut porter sur son efficacité s'avère
utile dans certaines circonstances. En Tanzanie il fut expérimenté (1981)
en rapport avec une Ecole Normale d'instituteurs et le résultat atteint
fut encourageant.
"The net enrollment ratio continued to rise from 70,7 per
cent to 71,4 per cent in 1980 and 1981 respectively. After
enrollment achievements,
the next important step has been
to ensure regu1ar c1ass attendance"l10
cependant à la différence de la situation Tanzanienne, le système des classes
tournantes
en Guinée avait pour seul objectif de contenir le flux scolaire
afin d'éviter tout mécontentement de la part des parents d'élèves, surtout
109 :
C. Baudelot, R. Establet
: l'école capitaliste en Fr~~ce Paris
F'rançois Maspero, 1973 p. 37.
110
Le pourcentage net de recrutement a augmenté, il est passé respectivement
entre 1980 à 1981 de 70',7% à 71,lj%. Après ces performances, la prochaine
étape a été de s'assurer de la stabilisation de ce taux de fréquentation.( Traduit par
~}. Recent educational deve10p ment in the United Republic of Tanzania Dar.
Es Salaam June 1984).

-
11 b
-
des mères de familles (111) considérées comme des supports inconditionnels
du P.D.G, "Parti Démocratique de Guinée"; du moins contribuèrent-elles
largement au succès du mouvement qui, en retour, le leur rendit bien en
leur accordant des facilités de tout genre.
Exemple: l'élève peut,
par "goût d'aventurisme" dans les
pays voisins, ~ter
ses études pendant un an, deux ans.
et
retrouver sa place dans le même cycle sans risques
de peine ni d'expulsiofl;La seule peine c'est
:"vas à ta place
rattrape-toi auprès de tes camarades,
tu n'as pas perdu
grand' chose" .
Un tel laxisme ne justifie en rien le
bien fondé de l'enseignement de masse
si ce n'est l'irresponsabilité et le sabotage de l'éducation de la part
des autorités administratives et scolaires.
En se fondant sur de telles pratiques on peut rejoindre Kanvaly Fadiga qui,
parlant des rendements internes très élèvés des écoles guinéennes, dit que:
le caractère dèmocratique de l'enseignement
guinéen ne réside donc pas dans la capacité du système
éducatif à scolariser tous les enfants, mais plutôt dans
sa volonté d'assurer une promotion collective à la minorité
des enfants qu'il a pu accueillir(112~
Une autre conséquence qui n'est pas de moindre envergure est la diversité
des manuels scolaires, et leur rareté qui bloque l'encalmrmt
adéquat. CeUe
pénurie de livres, de revues spécialisées, de matériels scolaires,
d'équipements techniques, constitue le principal handicap à tous les niveaux.
pour
un perfectionnement des maîtres et un enseignement efficace.
b - Programme
Les difficultés de cet enseignement de base ne résident pas seulement dans
l'accroissement de l'effectif scolaire, mais aussi au niveau du programme
et de son contenu. Cette approche du problème n'est pas pour autant partagée
par les
responsables nationaux de l'éducation parce que le programme de
l'enseignement du Ier cycle:
111
Déjà à la rentrée scolaire 1965/66 elles avaient marché sur la Prési-
dence (Villa Sylli) pour protester contre la très forte sélection
qui sévissait à l'époque dans le secondaire,
leur slogan é t a i t :
"c'est nous qui t'avons hissé au sommet du pouvoir,
tu dois laisser
nos enfants se former".
112
Baisse du n~veau de l'enseignement en Afrique Noire ibid p.291

-
1 J 7 -
"permet
aux
jeunes
d'acquérir
tous
les
éléments
de
connaissance qui
doivent
les amene.
à
participer effec-
tivement
à
la
vie
politique,
économique,
et
sociale
de
la
nation". (113)
Les matières enseignées
se rattachent donc à un noyau socio-
économique"
bien précis et concret". Le 1er
cycle est lié
au village et aux réalités des centres urbains.
Il
dispense
unenseignement non spécialisé,
propre à l'enseignement primaire
et comporte en outre une initiation aux principaux métiers et
activités productives dans le village (agriculture, élevage,
pêche, hygit:llt:
etc ... ) Mais en' regardânt de plus près ce programme, on
s'aperçoit que malgré son caractère national (enseignement en langue national el,
il est trop lourd à cause du nombre pléthorique de matières enseignées (10
à 11), incompatible avec certains objectifs fondamentaux de formation;
il faut faire remarquer ensuite que le contenu de l'enseignement idéologique
est lourd et vague: "connaitre son pays, ses institutions politiques, la
nature, la signification et la portée des activités de la nation", et ceci
dans un cadre purement indicatif. Ce qui prédomine surtout, dans cet enseigne-
ment ouvertement militant, ce sont les slogans de type "à bas le colonialisme
le néo-colonialisme, l'impérialisme, gloire au peuple, victoire au peuple
etc .•. "114.
Enfin les langues nationales choisies pour la communication pédagogique
sont utiles certes, mais pas assez étudiées pour leur usage, P-t n'ont guère contribué
il l'allégement des difficultés de finilncement de production de manuels, élU contraire ~
les ",~télggravécs pélr lél "multipl icat ion par 6 ou 7 des coûts de production des manuels".
l13
Réf: Réforme de l'enseignement, Domaine de l'Education et de la culture
1978 p.21 bis
.14
de 1970 année de"l'intervention portugaise"
à 1976,
les élèves étaient
tenus de traiter Houphouët Boigny, Président de la République de Côte
d'Ivoire, et L.S. Senghor Président de la République du Sénégal, de
traitres à l'Afrique. Ceci rappelle le contenu de l'enseignement Hongrois
sous le régent Horty Miklos de Nagy Banya (1920-1944) dont la célébre-
formule était : "csonka Magyarorszag nem ürszag, nagy Magyarorszag
ez a
orszag. "(Une Hongrie amputée(petite) n'est pas un pays, une grande
Hongrie en est un).

-
11 8 -
C'est la
suite logique d'une politique de décentralisation en
matière de formation - chaque région forme ses élèves dans sa langue et
aussi la très forte mobilité géographique de la polulation causée par les
mutations et autres activités professionnelles ne peuvent que rendre complexe
la tâche des enseignants.
Cette situation a entraîné entre autres conséquences
- inconsistance des contenus et des méthodes d'enseignement
(par manque de matériel didactique).
Répétition des mêmes aspects d'un programme pour la même promotion.
-
Légèreté dans la préparation des cours, dans la conduite de la
classe d'où un laisser-faire (style débonnaire) qui n'est autre
quel'''économie d'effort" ou
la peur de prendre ses responsabilités.
D'autre part, le système de contrôle des connaissances se fait à
moitié, son usage est quasiment circonstanciel et obéit à des considérations
politiques (norme de production déterminant le taux de passage d'une classe
à une autre, d'un cycle à un autre).
Dévalorisation du concours d'entrée en 6ème au profit d'un passage massif des
élèves - rendant ainsi les délibérations des collectifs de maîtres et des
jurys inutiles, qui en réalité n'ont qu'un caractère formel car la
décision
finale est toujours du ressort de l'autorité politique en quête de meilleurs
pourcentages. (Ce problème d'évaluation est si important qu'il sera à nouveau
traité dans le cadre de l'enseignement secondaire). Ces multiples conséquences
sont par ailleurs à l'origine des abandons massifs accentuant par la même
occasion la disparité régionale sur le plan des études élémentaires.
A titre illustratif :
"La province
de Faranah, la 3ème du point de vue de la
scolarisation (après N'Zérékoré et Conakry) n'accuse pour l'année
en cours qu'un taux de scolarisation de 38,16,% avec

-
119 -
des disparités régionales énormes (115)
Guéckédou 51,21%, Dinguiraye 20,12% le drame, c'est
que ce taux, au lieu de progresser, regresse avec un
un indice moyen annuel de 3,61% depuis l'année 1979-
80. Ce phénomène se visualise mieux à travers l'analyse
de ces différents taux de la province
année 1979-1980
52,13%
- année 1980-1981
51;23%
année 1981-1982
411,18%
annÉ:e 1982-1983
113,9 11 %
année 1983-1984
38,16%
A l'intérieur de cette douloureuse réalité, il faut également
noter la disparité criarde existant entre les taux de
scolarisation masculin et féminin, ce dernier ayant chuté
pendant ces 5 dernières années de 34,74% à 23,44% à l'échelle
provinciale. Le taux féminin le plus faible s'observe à
Dinguiraye où il est de Il,98% et â Faranah où il est de 18,33%
(116) .
Bien que ce tableau soit le resultat d'une réflexion postérieure (Mai- Juin 1984}
",)
il est tout de même intéressant comme indicateur du niveau de scolarisation
atteint sous le régime "populaire et révolutionnaire" de Guinée.
(115) - "Il
existe
une
disparité
importante
des
taux de scolarisation entre
les
régions
de
Côte
d'Ivoire,
puisque
ces
taux
peuvent
varier
de
95 % à 5 %,
pour une moyenne générale de 40 %"'.
(Réf. Prog. d'action
pour
le
développement
de
l'Ens.
du
1er
degré
en Côte
d'Ivoire
de
1968 à 1980, ministére de l'Educ. Nat. P. 1).
(116) -
Intervention de l'Académie de Favanah sur la réforme de l'ensei-
gnement
en
République
de Guinée-Conakry,
25 Mai
au
3 Juin
1984
P. 75

-
120
-
1
C
-
SfNTHESE
REFLEXIONS - CONCLUSION
1
La
précédente
analyse
portant
sur
la situation de l'enseignement
i
primaire en Guinée montre que le fonctionnement de celui-ci dans son ensemble,
pose beaucoup de problèmes.
Le grand bond dans] a sphère de recrutement des années 60, qui étai t
1
condidéré comme élan novateur du changement, n'a pas répondu aux aspirations
et
souhaits
d'une
population mobilisée
pour
la
cause
de
la
"Révolution".
Les parents d'élèves,
"militants du P.D.G" qui voyaient en l'école un moyen
1
1
d'échapper
aux
réal ités
vivantes
du
pays,
ont,
de par ce conditionnement,
surestimé
les forces
d'encadrement
de
la
"Révolution"
naissante
(117).
Or
1
la scolarisation massive des jeunes avait un double
objectif:
a) - montrer que la Guinée souveraine depuis peu, est capable de se prendre
en charge malgré
les difficultés et autres embûches dressées sur son
chemin par l'ancien colonisateur (le gouvernement français).
b) -
Le Parti
Démocratique de Guinée considère "l'éducation comme un trait
d'union entre les générations, le véhicule de transmission des connaissan-
ces, le mode de pensée, le mode de comportement, les valeurs qui règlent
le comportement lui-même, on se transpose dans les générations montante~(118)
De
par
ces
objectifs,
l'enseignement
de masse
des
premières
années
d'indépendance obéissait plutôt aux préoccupations politiques qu'aux souhaits
des braves militants du P.O.G.
(117) - Nous rrettons Révolution entre guillerets car l'avèreœnt cE celle-ci n'a pas né:essité
une ~dâ'inition cEs valeurs. Autraœnt dit, selon les tenœs œ Boonie K. CëITlpt€ll "le
(Xocessus d'accession à l'ind~ndance cE la winœ en 1958 n'a né:essité ni une ré:1â'ini-
tion radicale œs rapports œ prodLl:tion ni une lfübilisation gÉl1éralisœ œ la population,
ni une transformation cEs structures œ participation et œ la nature du pouvoir". (Râ'.
les enjeux œ la bauxite - La winœ face aux rrultinationales œ l'Al iminillll Canada P.U.M
1983P. 83).
i
(118~ -
S:Jul igné par mus. (
- ~ou Touré un séjour au .':ë1égal R.D.A n° 132 Novffilbre 1979
\\
P. 51).
1

122 -
-
les
murs
sont
faits
de
ciment
ou
de
banco de
mauvaise
qualité
et les fissures sont nombreuses,
les
charpentes
ont
été
mal
conçues,
les
assemblages
sont
mal
faits et souvent dangereux,
-
les
toitures
sont
vétustes et
mal
fixées,
ellcs
n' Ollt
pas assez
de pente,
les débords sont insuffisants et les fuites nombreuses,
les
ouvertures,
lorsqu'elles
existent,
SOllt
trop
petites
et
mal situées pour une ventilation ct une lumi<'r'e nntllrelle adé"\\llate,
- les bâtiments sont constr'uits et implantés SilllS directives sans
plans-types,
sans normes et sans standardisatioll des éléments,
-
le manque total d'assainissemellt des sites entraine des difficultés
d'accès aux locaux dès qu'il Y a un quelconc.;ue chaJlgew~nt m",t{,oI'o-
logique (la pluie).
En
1984,
les
premières
pluies
ont
ravagé
les
C.E.R
dans
l'axe
Moribaya-Tokounou Haute-Guinée (119). Le mobilier en service dans ces institu-
tions
ne crée pas
la commodité nécessaire pour la fixation de l'attention
des élèves et ceci pour les causes suivantes
dimensions variées et inadaptées ~ ln
tnillc des cnfnnts,
- quantités
insufI'isantes,
avec
puur'
résultat
des
tables-balles
de deux places servant pu ur trois ou quatre élèves.
Dans
de
nombreuses
classes,
pal'
manque
de
mobilier
les
élèves
doivent
s'asseoir
sur des pierres ou sur des briques et écrivent
sur
leurs
genoux
pour
le
mobilier
existant,
la
solidité
des
assemblages
et
la
quaI i té
du
bois
sont
très
irrégul iéres
et
souvent
inadéquates
(120).
Dans
la grande majorité
des
classes,
il
nt ex i ste: aucun
matériel
collectif
susceptible
de
servir
de
support
pédagogique
dans
le
cadre
de
l ' ensei gncment
de
quel que
discipline
que
ce
soit.
Presque
IJartout,
les
ressources
sont:
la parole du maTtre,
le tableau noir et la craie. Les témoignages
de
l'inspecteur de
l'Académie
de
Kankan
sur ce
flé,nu
sont
assez
pertinents.
"Les livres de l'éco]e primaire sont restés en gr'ande
majorité au stade de manuscrits.
(119) -
Intervention de
l'Inspecteur de
l'Academie
de Kankan Conférence
Nationale sur l'éducation Conakry 24 Mai au 3 Juin 1984.
(12U)-
Les mêmes constats ont é:tô ['ai U; par une mission de l'UNESCO .Janvier
Février/ GUI/B4/00G.
Ed./OPS.

123
-
Les quelques ouvrages imprimés et diffusés ont gardé leur caractère
de
spécimen à
la disposition
de
quelques maîtres.
Dans
le ra~
de
1978
nous
disons
(121)
dans
tous
les
cycles
en
raison
de
la
jeunesse
de
l'encadrement
pédagogique,
la
presque
totalité
des
cours sont enseignés extra-cathédra. Ce sont les résumés des prises
de notes à l'E.N.I (Ecole Normale des Instituteurs) ou â la Faculté
avec
les
abréviations
du cours reçu
des
années
60.
Il arrive donc
très
souvent
que
ni
les
élèves,
ni
les
professeurs
ne
sachent
correctement
écrire
certains
termes
spécialisés.
Ainsi,
élèves,
étudiants
et
professeurs,
cherchent
eux-mêmes
la
documentation
nécessaire.
Or
la
qualité
de
l'enseignement
dépend
plus
de
la
documentation
du
maître
que
de
programmes
officiels
en
vigueur
quelle que soit la qualité de ces derniers.
Cette
pénurie
de
documentation
et
de
fournitures
scolaires
est
une
des
causes
profondes
de
la
baisse
généralisée
des
niveaux
tant
chez
le
maître
que
chez
l'élève
ou l'étudiant"
(122).
Au
vu de ce triste tableau,
il est clair que
l'enseignement en
Guinée,
précisément le primaire, ne pouvait pas et ne peut pas honorer ses
engagements
En ce
sens
qu'en
dépi t des
"bonnes
i ntent ions"
il
n'a pas
su sladapter
aux
nouvelles exigences
du
temps
et est resté au contraire
Figé dans les contradictions socio-politiques empêchant par là même la libéra-
tion
des
énergies
nécessaires pour la maîtrise de l'enjeu que suppose la
scolarisation à 100 % sur toute l'étendue du territoire. En lieu et place de
èette lutte pour la survie (puisque
l'enseignement est considéré comme outil
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
~121) - SOuligné par nous.
:122) - Conférence Nationale sur l'Education, Conakry, 24 Mai au 3 Juin 1984
P. 57.

-
124 -
.
de développement) on assiste à la dégradation et à l'effondrement des struc-
tures physiques, des valeurs cognitives et sociales de l'école:
taux
élevé
de
déperdition
rien
que
dans
la
région
administrative
de
F'aranah
(123)
en
1980-81
le
primaire
recrutait
1+
875
élèves,
7 339 autres abandonnaient le même cycle.
1981-82
recrutement = 5 826, abandons = 5 488
1982-83
recrutement = 7 040, abandons
4 942
1983-84
recrutement = 7 823, abandons
5 065
l nterv de l' inspecteur d' Académie ù la conférence nat ionale Coniikry
24 Mai au 3. Juin 1984 ibid p. 76).
Un
tel
résultat
confirme
le
piétinement de l'enseignement primaire
et
fait
de
ce
dernier
comme
celui
du
Bénin en 1970,
un
"système
(qui)
con tri bue
à
la
fabrication
des
oisifs,
des
déracinés
et
des C'hêlmeurs
Et
pourtant,
le
quart
du
budget
de
notre
pays est
consacré à l'éducation.
Paut-il, dans ces conditions,
continuer
à investir pour des résultats infructueux?
(124)
(123) Faranah est la ville natale du Président Sékou Touré
(124) -
Discours d.u ministre de l'Education Nationale du Dahomey (Bénin)
à
la
32ème
Conférence
Internationale
de
l'Education
UNESCO
Genève
rapporté par le "Monde'! du 8 Juillet 1970, P.
la.
La
situation
de
la
Zambi.E::
n' est
pas
différente
de
celle
du
Bénin
"car,
en
moyenne,
un
élève
du
primaire
sur
cinq
seulement
accède
au
secondaire,
sans
pour
autant
être
assuré
d'achever sa scolarité
tant
il
y
a
de
barrages
à
franchir.
(.
J.
De
Barrin,
LE MONDE
Mardi
16
Déc
1986
P.
3).
Au
Rwanda
"sur
1
000
enfants
qui
enLr'ent
à l'école primaire, 70 seulement accèdent à l'enseignement secondaire:
faute de locaux et de maîtres, on ne peut pas y en admettre davantage.
La
question
se
pose
de
savoir
ce
que
deviennent
les
930
autres
qui sont obligés de retourner définitivement "au village"
; la réponse
est simple
mais
pénible
ils
sont
absorbés
par le
mHieu,
où de
nombreux handicaps inhibent au bout de quelques années les connaissan-
ces
élémentaires
acquises
à
l'école.
Certains
d'entre
eux
fuient
le
milieu familial
en quête
d' horizons
plus
ouverts
et
situations
matérielles plus prometteuses,
d'où l'afflux vers les centres urbains,
où le
problème
du vagabondage
vient
s'ajouter à
celui
du
logement".
(
Exposé
de
Célestin
Kabanda,
délégué
permanent
du
Rwanda
à
l'UNESCO
(Mai
1970)
cité par Dragoljub NA/J1V1t\\N in l'illuc en Afrique que faire?
F..d [kux Mille P.
29 1972). "Eotswana, la durée normale de l'enseignerœnt prirraire
est de 7 ans.
Le taux de scolarisation est de 46 %' Sur 1000 élèves entrant cims
la 1ère classe de l'enseignerœnt prirraire 712 atandorment ~ndant le cycle scolaire".
"Au Burtmdi, où la durée normale du cycle prirraire est de 6 ans, le taux descolarisation
est 17%. Sur 1000 élèves abordant le 1er degré, 598 sont exclus au cours du cycle".
"La situation est semblable à Madagascar où 718 élèves sur 1000 sont exclus avant
de terminer le cycle". Ibid. D. Najrnan P. 38.
D'après Akoun Laurent, secrétaire général du SYNE::CI (Syndicat National des Fnseignants
du Second [kgré de Côte d' Ivoire) : sur 100 élèves inscrits en classe de 6e, seulem:mt
5 paryierment au &c.
(
15èrœ congrès du ~)'YNE'X;I Fratemité Matin n° 6832 du
rœrcredi 22 Juillet 1987 P. 5).

-125 -
Le doute est
ainsi
permis
sur
les vertus d'un
système
pourtant
désigné comme
apport
de la "Guinée nouvelle" à l'élévation de la culture
universelle.
Aussi'
cela justifie l'attitude des parents envers les substituts
que
sont
les
écoles
parallèles
(coraniques
surtout)
et
la contestation
par
les
élèves
de
la qualité de leur formation - "Les meilleurs dans
la
vie n'étaient pas les meilleurs à l'école". Si l'on veut rétablir la confiance
des parents et surtout des jeunes vis-à-vis de l'école, il est souha·itable
que les grandes décisions soient nationales au sens large
du
terme - c'est-
à-dire avec la participation (125) d'une 1{lrgc
fraction des acteurs sociaux
parents d' él èves, ensei gnants,
él èves
(pas
seul ement
le
Consei l
Supérieur
de l' éducat i on ou le Comi té Central
du Part i qui en fait se limitent à 1 'auto-
rité administrative et exécutive) à la conception des programmes de planifica-
tion. Que ces décisions soient aussi fonction des capacités réelles d'accueil
des infrastructures. Pour ce faire, qu'on y apporte une certaine amélioration,
(125) - Cette participation a de fortes chances de mieux éclairer les autorités
et
planificateurs
sur
les
problèmes
de
l'enseignement
et
pourrait
dans certains cas engendrer des résultats positifs dansle sens indiqué
par
Philip
H.
Coombs
"ceux
qui
ont
l'occasion
de
comparer
les
efforts
accomplis
en
matière
de
planification
de
l'éducation
dans
de
nombreux
pays
conviendront
probablement
que
la
planification
donne
les. meilleurs
résultats
lorsque,
à
la
fois
:
a)
-
les
hauts
dirigeants sincèrement persuadés de la nécessité de la planification,
ils
l'appuient vigoureusement et ils l'utilisent à bon escient pour
leurs prises de décisions,
b)
-
tous ceux que l'enseignement touche
de
près
administrateurs
subalternes,
enseignants,
élèves,
parents
et
employeurs,
ont
réellement
la possi bil i té
de
se
faire
entendre
au
cours
du processus d' élaborat ion des plans concernan t
l'avenir".
(Paris UNl:&:D/JU)E, 1970 "Principes de la planification cie l'.éducatim 11° 1)
Vu
l'importance
de
la
participation,
nous
reviendrons
là-dessus
au cours du traitement du chapitre:
"politique d'alphabétisation".

-
120 -
tant au niveau de leurs conceptions, qu'à celui de leurs utilisations (126).
Ceci
pour
éviter une disproportionnal ité telle que dans
l a région
de
Guéckédou où l'effectif moyen par classe est de 194 élèves alors qu'à
Kissidougou
il
est de 6 à 10 élèves par classe,
que
les manuels et autres
supports di dact i ques soi ent à l a portée des ensei gnants et él èves,
qu' ils
servent
moins
la cause
politique
d'un
Parti
unique
(mais
plutôt
d'outil
d'intégration sociale et de formation de la Nation). que le métier d'ensei-
gnant soit valorisé par un traitement acceptable évitant ainsi la recherche
d'activité
parallèle pour arrondir
la fin du mois.
Enfin qu'il
y ait une
politique générale d'éducation surtout du primaire, fondée sur des objectifs
précis, clairs et conformes aux réalités et non
"Education,
je
te
donne
tant
de
millions
pour résoudre
tel
problème
aigu
que
nous
ressentons
tous
douloureusement,
mais
ne
te
mêle
ni
de
la
gestion,
ni
de
l'utilisation
des
crédits,
ni
du
travail il
faire"
(127).
Nous
pensons
par
ailleurs
que
les
difficultés
du
cycle
primaire
sont en partie imputables au manque de prévisions et à la "particularisation
progressiste"
recherchée
dans
la
sous-région.
La
Guinée,
à l'instar
des
autres pays sous-développés, avait mis sur pied un vaste programme de scolari-
sation qui devait normalement, comme nous l'avions indiqué plus haut, répondre
(126) -
Il ne s'agit pas de ces "somptueux bâtiments, pour les écoles secondai-
res,
et
surtout
pour
les Universités et les Instituts d'enseignement
supérieur,
(qui)
contribuent
à
élargir
le fossé sans cesse croissant
entre le peuple africain et l'éducation scolaire".
D.
Najrnan
l'Education
en
Afrique
que
faire
?
Ed
Deux
Mille
1972, P.
31).
02]) -
Intervention de l'Academie de Faranah ibid, P.
79.

-
127 -
à la forte demande des années 60 et auss i engendrer un changement rapi de
par rapport au passé.
Du coup.
l'école devenait le "\\(akilambé ou le Djo" (128)
c'est-à-dire l'outil "fétiche" précieux pouvant guérir tous les maux de la
colonisation voir un facteur de libération et de restitution de la personnali-
té confisquée. Mais dans l'élaboration de ce programme et pour son application
aucune précaution ne fut prise afin qu'il attei gne le but assigné.
Seulement.
on s'est
laissé guider par l'enthousiasme populaire et
la facilité dans
les
démarches
politiques.
-
Reléguant
ainsi.
au
second
plan.
la
nécessité d'une
politique
nationale
sur
l'éducation. capable de
mesurer la portée de l'entreprise et aussi les invonvénients qui s'y attachent
(il s'agit de s'interroger sur la faisabilité.
les coûts et retombées des
nouvelles mesures). Autrement dit.
pouvons-nous partir des expériences des
pays
tels
la Russie et
la Chine?
Avons-nous les ressources nécessaires
pour cette transposition?
Peut-elle être compatible avec nos réalités?
Si
oui. comment s'y prendre.
si
non.
existe-t-il
une voie propre à nous.
nous permettant de réal iser nos objectifs?
Avons-nous les moyens de notre
politique dans ce domaine?
Voici autant
de questions préalables que devait se poser le gouverne-
ment guinéen avant d'entreprendre quoi que ce soit. Ces interrogations dans
une large mesure auraient permis
d'éviter la série de mesures inadaptées
aux
réalités
éducatives.
L'erreur
d'appréciation
des
autorités nationales
de
l'éducation en Guinée fut. parmi tant d'autres. de penser que la simple
(128) - "Kakilambé" en Sous sou veut dire fétiche,
"DJo" a la même signification
en Malinké.
Il
est
à
noter
aussi
que
"la
réparti tion
géographique
des
écoles
est
relativement
satisfaisante,
seuls
360
quartiers
sur
un
total
de
2
512
n' ont
pas
d'écoles,
les
zones
rurales
sont
couvertes
il
87
% par
le
réseau
d'établissements".
(Réf.
UNESCO
Perspectives
et contraintes du développement de l'Educ. Août 1985 P.
16).

-
128 -
évocation et l'utilisation des terminologies socialistes (les cités socialis-
tes,
le centre d1éducation révolutionnaire etc.) suffisaient à elles seules
pour la transformation dynamique de la société - Attitude simpliste et idéalis-
te dûe à l'incompréhension et à la mauvaise assimilation du processus qu'est
le socialisme qui, en fait, ne se réalise efficacement que lorsqu'il existe
un contexte et des conditions socialistes.
En dehors de ces données, c'est l'emprisonnement pur et simple dans
un mouvement social "populiste et jacobin" qui ne sert qu'un système à carac-
tère "autocratique
et fascisant" (129).
Indépendamment
de
ces
considérations,
l'application
exacte
des
stratégies
ou théories
d'éducation
ayant
abouti
à des résultats positifs
dans un pays n'ayant pas les mêmes valeurs sociales que le pays imitateur,
débouche généralement sur des échecs (130) - même si cela permet à un certain
(129) - En
Côte
d'Ivoire,
le
même
phénomène
s'est
produit
mais
avec
une
autre considération politique.
"L'erreur impardonnable des responsables
de
l'éducation,
c'est d'avoir
mal
posé
les
problèmes
relati fs
à
l'instruction du peuple.
Ils se sont plutôt enfermés dans une perception
à
la
fois
coloniale
et
néo-coloniale
sans
remettre
d'abord en
cause
les
anciens
rapports
de
domination
portant
ainsi
la
marque
d'une
conception
européo-centrique".
A. J.
Semi ti
Educ.
Acculturation
et
transformation des structures sociales en Côte d'Ivoire. Thèse d'Etat
Université Paris 7 Jussieu 1985 P. 242.
(130) - Les nouveaux Etats africains, sauf quelques rares exceptions, crurent
devoir
adopter
et
développer
l'enseignement
métropolitain
:
"après
10 ans de ce tragique
"mimétisme",
selon
le mot
d'Albert
'1'evoedj r(~,
les résultats désastreux démontrent une fois de plus qu'on ne transgres-
se
pas
impunément
les
lois
fondamentales
de
l ' évol ution
soc iale" .
( ... )
"la
loi
historique
et
sociologique
veut
pour
chaque
société
humaine
un
système
d'éducation
fondé
sur
ses
traditions
propres,
ses valeurs et ses aspirations".
(
Ojimé OIallo, Problèmes d'éduc.
et
de
pédag.
en
Afrique
NOire
francophone.
Cité
par
O.
Najman
ibid
P.
32).

-129
-
moment la démocratisation de l'enseignement qui n'est réelle que lorsqu'elle
est
"belief
in
democracy,
concei ved
of
as
implying
each
man' s
right
to
realize
his
own
potential
and
to
share
in
the
building
of
his
own
future.
The
keystone
of
democracy,
so
conceived,
is
Education
-
not
only Education that
is
accessible
to all,
but
Education whose
aims and methods have been thought out afresh (131).
Autrement
dit,
la
démocratisation
de
l'enseignement
ne doit
pas
être seulement l'accessibilité de tous les enfants à l'école, mais un droit
à l'instruction
permettant
à tout
un
chacun de mettre en valeur tout ce
qu'il
a en
lui
comme
potentialité.
- Démocratisation dans
le sens de la
création
des
conditions facilitant l'éclosion et la naissance des savants
avec leur personnalité. - C'est Ci. cemolllcn.t que l'Education de base devient
facteur
de
progrès
"global
et multiforme"
et
non
un arbre cachant toute
une forêt de difficultés.
En dernière analyse, le problème de fond auquel cstconfronté l'ensei-
gnement de base, c'est en fait comment trouver une solution contre la déperdi-
tion scolaire qui réduit les valeurs quantifiables comme le nombre d'élèves
produits par le système d'enseignement et par voie de conséquence,; le coût
de
leur formation et leurvalcur,
une fois
sortis du système scolaire, en
tant qu'agent de production de biens et de services de l'économie nationale.
Ces
données
quant if i ab l es
échappent
au contrôl e des
responsables
guinéens,
surtout
au
niveau du cycle primaire, dans
la mesure où il y a
confusion entre l'aspect politique de la réussite scolaire et la "quantifica-
tion aux fins d'une prévision budgétaire mieux planifiée".
(131) -
UNESCO Learning to be the wOHld
of Education today and tomorrow
Paris, 1972, P. VI.

-
130
-
De l~, résulte tout un gaspillage monstrueux par le bi~is des. in-
vestissements, sans que cela ne mette fin ~ l'hémorragie scol-air.c ou ne rappor-
te ~ la société les retombées favorables de la formation donnée aux jeunes.
Malgré les énormes sacrifices consentis (humains et matériels) on peut dire
que l'enseignement primaire en Guinée se trouve dans l'impasse totale parce
que
les
élèves engagés
dans ce cycle ne terminent pas tous,
et ceux qui
atteignent
la 6ème
=
CM2)
sont
du blé en herbe malgré leur récupération
par le cycle secondaire (132).
"De l'avis général,
le niveau des élèves ayant terminé leur scolari-

primaire
est
peu
satisfaisant
le
taux
de
passage
de
6ème
en
7ème
était
de
54
% en
1982/83
et
a
chuté
à
38
% en
1983/81~
(avec
13
109 candidats admis).
Cependant 1
cette
baisse
s'explique
également
par une
politique
de
sélection en fonction des capacités
d'accueil dans le secondaire" (133).
Tel est le bilan partiel auquel est parvenu le Centre d'Education
"Révolutionnaire" 1er cycle en Guinée.
(132) - La même situation est résumée de la façon suivante par le Président
de ]a Zambie:
"peut-être notre point de départ doit-il être de
re-
connaitre que pour la plupart des garçons et filles,
l'enseignement
primaire est une cruelle et fausse appellation,
puisqu'il ne conduit
pas à l'enseignement secondaire, mais qu'il débouche sur la vie".
(K.
Kaunda,
Discours d'ouverture de la conférence nationale SUI' l'E-
ducation, Lusaka,
30 Septembre 1969).
(133) -
UNESCO -
République de Guinée, Perspectives et contraintes du
développement de l'Education.
EFM/132 Paris, Août 1985, P.17.

-
131
-
B - CENTRE D'EDUCATION REVOLUTIONNAIRE DU SECOND
ET DU TROISIEME CYCLE OU PRE-UNIVERSITAIRE
Dans la nouvelle conception de l'éducation, le Parti~Démocratique'l
de Guinée,
a réservé un soin particul ier à l'enseignement secondaire (2ème
et 3ème cycles).
Cette attention particulière est liée d'une part, au départ massif
des cadres moyens métropolitains car, l'indépendance de la Guinée fut considé-
rée comme une rupture avec la France.
Ainsi, le remplacement de ces derniers, surtout dans l'enseignement,
était d'une nécessité urgente.
D'autre part, la mise sur pied des différents plans pour le dévelop-
pement
agricole et
industriel
nécessite entre
autre. un
grand
nombre
de
techniciens
et de cadres moyens-supérieurs.
Or,
il
se
trouve qu'en
1958
annéee de l'indépendance, l a Guinée ne disposait que de 9 écoles secondaires
(lycées, C.E.G, C.E.T, C.E.R) (134) avec un effectif total de 2 547 pour un
corps
enseignant composé de 62 nationaux
(Source ministère de l'Education
Nationale).
Donc,
le
problème de formation
de cadres moyens se posant avec
acuité ne peut être résolu qu'à travers
la réadaptation et la création de
nouvelles écoles secondaires.
b -
Organisation
Sur le plan structurel, l'enseignement secondaire guinéen se démar-
que
de
l'ancienne
structure coloniale
par
les
programmes,
la
pédagogie,
les sanctions, et la durée des études qui est de 6 ans.
(134) - Avec quelques Cours Normaux dans les chefs lieux
Kindia, Kankan etc.

132 -
La nouvelle structure repose sur deux cycles qui sont le prolonge-
ment du 1er cycle élémentaire à savoir: un second cycle qui va de la 7ème
année à la 9ème année,
un troisième cycle qui débute à partir de la 10ème
année et prend fin à la 12ème année (135).
Dans le cadre nouveau de l'enseignement secondaire, les autorités
nationales de l'enseignement ont redéfini la formation des élèves à travers
les caractéristiques suivantes
"il
(l'enseignement
secondaire)
est
caractérisé par un
relèvement
de niveau dans les disciplines scientifiques et techniques,
l'intro-
duction
de
disciplines
nouvelles
telles que
l'Economie
poli tique,
la Formation
politique.
Tout
cela se
justifie
"par le
souci
d'une
part,
de
dispenser
un
enseignement
qui
tienne
largement
compte
et
du
poids
de
la
cul ture
scientifique
et
technique
moderne,
et
de
l'importance
des
sciences
politiques,
mais
également
éviter
que les enfants,
à l'issue du secondaire ne se sentent pas dépaysés
et desaxés dans l'enseignement supérieur".
(136)
Cette citation
nous
permet
ainsi
de cerner
les objectifs visés
à travers l'enseignement secondaire qui sont: la formation des techniciens
dotés de réelles connaissances "scientifiques", des employés d'administration
capables d'exécuter et traduire les directives politiques du Parti, et surtout
la formation des cadres - moyens - supérieurs.
Vue sous cet angle, l'école secondaire apparaît certes comme un lieu
de formation des cadres moyens appelés à jouer un grand rôle dans la réussite
(135) -
La 13ème année a été instituée le 13 Août 1973 à la suite de manque de
locaux dans l'enseignement supérieure bien qu'on dise que "c'est en vue
de confirmer l'aptitude du jeune devant entrer en coopérative"
(Réf.
La réforme de l'enseignement en Guinée, ministère de l'enseignement
pré-UNiversitaire et alphabétisation Novembre 1958 -
Novembre 1978
P.131).
(136) -
: Reforme de l'enseignement en République de Guinée Novembre 1958
Novembre 1978 -
Domaine de l'Education et de la Culture. Ministère de
l'Enseignement Pré-UNiversitaire et Alphabétisation, P.
22.

-
1:)3
-
des plans pour de décollage économique, et aussi de suppléer progressivement
les nouveaux experts, fruits des nouvelles coopérations avec les pays socialis-
tes.
Hormi s toutes ces
considérations,
son objectif fondamental reste,
malgré le renouveau
éducatif,
la
préparation et
le
recyclage
des
élèves
issus du primaire (puisque bon nombre de ceux-ci
abandonnent sans arriver
à terme).
En
d' aut]'es termes,
"l'enseignement
général
secondaire
en
Guinée,
tout
comme
dans
les
autres
pays,
est
pris
entre
deux
feux.
D' une
part,
chaque
pays
se
propose
d'assurer
au
cours
d'une
évolution
progressive,
une
scolarisation
totale
et
générale.
En
conséquence,
la
pression
sociale
s'est
concentrée
de
plus
en
plus
sur
le
3ème
cycle qui
ouvre aux
jeunes les portes d'accès à l'enseignement supé-
rieur,
voie
"royale"
pour
l'obtention
de
poste
de travail jouissant
d'un grand prestige social.
D' autre
part,
l'enseignement
supérieur
doit
reposer sur des fondements
solides
préparant
sciemment
et efficace-
ment les jeunes à la poursuite des études supérieures".
(137)
Cec i
peut être cons i déré comme
un
des
él ément s indicateurs de
1a
nature,
du caractère irrationnel
et inconséquent d'un système qui
se veut
populaire et progressiste, mais qui en réalité suit
les
traces de son aîné
(le système éducatif colonial) en matière de sélection.
Une sélection qui
ne s'opère pas à travers les mailles des examens classiques de passage car, le
rendement interne dans le cadre de ceux-ci est assez "fécond" (exemple en
1977/78 le taux de passage de la 9ème à la 10ème est de 74,36 %) (138) mais,
dans l'effritement de l'effectif secondaire qui arrive à terme et qui semble
(137)
-
: Rapport final des experts Hongrois (PNUD) sur la stratégie de
de développement de l'Education -
Formation 1982 - 2000 Conakry -
Budapest P.
145.
(138) - Source, ministère de l'Education Nationale.

-
]:)4 -
ne pas avoir un niveau correct
sur
le
plan ültcrnational
(139)
-
Cette
réalité touchant les niveaux scolaires s'explique d'une part, par les condi-
tions déplorables dans lesquelles s'effectuent la formation et l'éducation,
d'autre part, par le manque de qualification du personnel enseignant créant
ainsi une fausse note dans la formation de l'école élémentaire, qui ne faci-
lite guère la pos sess i on de mécan i sme de base permettant la compréhens i on
des programmes et autres activités pédagogiques secondaires et supérieures.
A titre
i~_lustratif, "les tests faits au niveau de la province de
Kindia
révèlent
que
contrairement
ù
l'opinion
la
plus
communement
admise,
le
niveau
moyen
des
élèves
et
des
cadres
victimes
de
la
Révolution
Cul tur'ellc
est
plus
bas
dans
les
sciences
exactes
et
de la nature que dans les Lettres et- les sciences humaines,
Il résul-
te également de nos sondages étalés sur plusieurs années qu'un élève
bachelier 1983 de Guinée ne peut tenir que dans une classe de premiè-
re année du collège au Sénégal" (l lI0).
c
- Programmes
Les programmes conçus dans la perspective du changement de l'enseigne-
ment
secondaire,
ont
souffert
de
la maladie du siècle, c'est-à-dire,
la
multiplicité des
différentes
spécialités,
la
progression forcée dans
les
matières scientifiques telles que les mathématiques et les sciences physiques
(139) - Une réalité
reconue
par
les
autorités
"it was
often observed in
public
services that graduates from Guinea's then only upper primary
school
are
more efficient
than recent
graduates
from our secondary
schools.
This
is essentially due
to
the fact that the former
upper
primary school trained multipurpose cadres, whereas in our secondary
schools, pupils are given a more restrictive orientation. " (S. Touré,
Education
and
social
progress
1963
cited
in
Education
and
Nation
Building in Africa. L. Gray Cowan, James O'Connel, David G.
Scanlon
Frederick A. Praeger, Publishers N.Y 1965 P.
126).
Nous
avons
souvent
observé
sur
le
terrain
que
les
diplomés
des
écoles coloniales
(écoles
prirœ..:ires
supérieures)
sont
plus rerformants que ceux
récerrrœnt foIllÉs clans ms écoles secondaires (IXlst-colalial) : ceci est essentiellelTent
du
à la nature de la formation coloniale, qui étai t IXllyvalente IU[' mpIXlrt cl celle
de rœintenant qui est plus spf~cialisée. - Traduit çar nous.
(1lI0)
-
: C'..orrmunication de l'Académie de Kindia Conférence Nationale de ]' fducation Co-
nakry 24 l'Ifli au 3 Juin 1984 P. 153.

-135 -
(avec un <lccent particulier mis sur l'achèvement des programmes) qui sont
difficilement assimilables par un esprit jeune (141). Face à cette surcharge
M. Behanzin, inspecteur général de l'enseignement à cette époque avait formu-
lé la critique suivante
"une
abondance
de matif'rcs enseignées
dans
le
secondaire
et
un
relèvement
inconsidéré
de
cet
enseignement,
singulièrement
dans
les matières techniques, et en particulier en mathématiques, déno-
tent un "bourrage de crâne" dont la conséquence est, soit de lais-
ser
l'enfant
au
fonds
de
sa
vallée
d'ignorance,
soit
de
causer
chez
les
enfants
qui
essaient
de
suivre de graves crises menta-
l es".
(1/12)
En plus des programmes renovés, complétés et adaptés à la réalité
africaine,
avec
une nette préférence pour les matières scientifiques, les
autorités
scolairesavaient
sous-estimé une
difficulté fondamentale
dûe
à
la langue de communication: le français. Pour l'élève guinéen toute ethnie
confondue, le français pose un problème au niveau du transfert pédagogique, car
i1 ni est pas 1a 1angue materne 11 e. Par ailleurs,
1e jeune gu i néen
partagé
entre deux mondes: le monde intra-scolaire où l'on ne parle que le français
et celui de l'extra-scolaire où la langue maternelle est utilisée dans la
quotidienneté, n'est pas suffisamment armé pour tirer les conséquences néces-
saires. Autrement dit, à cause de son cadre de référence différent de celui
de
l'enseignant,
il
a du mal
à saisir
tous
les aspects sémantiques des
(1/11) - De 1960 à
1965
les
manuels
scolaires
dans ces matières étaient C.
Bréard et Lebosé, Hemery. Le niveau trop élevé de ceux-ci engendrait
l'esprit de compétition entre les groupes d'élèves d'origines diffé-
rentes
(Mal inké
-
Peu lh
et
Soussou)
avec pour conséquence un fort
taux de surmenage.
(142)
-
cité par C. Rivière dans Investissements éducatifs en Républi-
que de Guinée, Cahiers d'Etudes Africaines, vol 5 n° 4 Paris 1965 P. 28.

-
136 -
concepts (codes) et surtout les subtilités et nuances d'une langue qui se
particularise par sa "finesse".
Il Y avait donc lieu d'insister sur ce problème d'outil de communi-
cation dès le début de la réforme c'est-à-dire dans les premières années de -
celle-ci.
La solution préconisée pour remédier à ce problème fut l'instaura-
tion dans tout le 1er cycle (primaire) en Août 1968 et dans le second cycle
de
l'enseignement secondaire en 1976, des langues nationales qui,
au lieu
de faciliter le cognitif par son authenticité, n'a fait que réduire la base
nécessaire du français. Cette lacune a hypothéqué tout l'enseignement secondai-
re et siest fait sentir au niveau du supérieur.
D'autre part, l'utilisation des enseignants (143) bulgares, egyptiens,
polonais, tchèques, russes et vietnamiens qui s'expriment souvent moins bien
que
leurs
élèves dont
ils ralentissent
ainsi
11 apprentissage
littéraire,
n'a fait qu'accroître la carence.
Les enseignants nationaux formés avec l'objectif de mieux cerner
les sensibilités nationales et aussi remplacer progressivement les "coopérants",
ont failli
à leur devoir d'encadrement
à cause des sollicitations extra-
scolaires plus ou moins importantes.
Les
pro9rammes
du 2ème cycle comprennent donc,
un enseignement
.;
. '
,
général appelé "tronc commun" et qui, comme l'indique son nom, est le même pour
tous
les profils c'est-à-dire,
toutes les spécialités. Il occupe 40 % du
(143) - En fait
·f
à cause du'BLocus, le gouvernement guinéen disposait d'une
. marge très étroite dans le recrutement des enseignants français.
i, -:'. '_
:' /'_
(...... .'
" .' ,
,
';

137 -
temps utile. Les 60 % restant sont répartis entre l'enseignement profession-
nel et la pratique du travail productif.
A cela,
il faut ajouter une formation
idéologique dans tous les
cylces de l'enseignement (144) ; prolongé par des séminaires pour les cadres
dont le but réel est de faire table rase sur le passé, justifier la pratique
politique, et surtout modeler la génération montante en vue des options fon-
damentales du "Parti-Etat de Guinée" (145). Elle
inclut d'ailleurs des cours
de morale civique,
constitue la triUlIC de fond de toutes les formations et
doit guider le jeune guinéen dans l'utilisation de toutes les autres
connais:;ances,
elle
figure
au
programme
de
tous
les
examens
et
concours
(11~6) il. tous les niveaux et couvre un nombre appréciable
d' heures d'enseignement.
"Le Président lui-même
(donne) régulièrement
des cours aux étudiants" (A.
Lewin ibid p.
123). Un des thèmes qu'il
aborda pendant le séminaire de formation idéologique et politique
en 1981 est celui de : besoin-travail-dfveloppement.
(144) - Car,
"le comportement du cadre administratif et technique ne manque
jamais d'avoir quelque conséquence politique".
Réf.
Sénainon Béhanzin,
secrétaire du B.P.N, directeur de l'école des cadres du Parti, Horoya
n" 2 897 du 19 au 25 Décembre 1981, P.
9.
(145) - Au terme du XIème congrès national du P.D.G en Novembre 1978, le Parti
"démocratique" de Guinée est devenu Parti-Etat.
(146) - Les épreuves du Baccalauréat 1ère et 2éme partie de l'année 1980 sont
en HIstoire (1ère parUe)
"comparez la situation guinéenne en 1947 et
en 1980, en justifiant la réalité révolutionnaire dans les domaines et
aspects de la vie nationale.
En philosophie-Idéologie (2éme partie)
: "quels moyens et rn~thodcs
doit utiliser la F.A.P.A (ferme Agro-pastorale d'Arrondissement) pour
avoir sur le milieu rural qui l'environne l'impact profond et bénéfi-
que attendu ?
Horoya n°
122/80 du jeudi 3 JUillet 1980).

-
138 -
La
varieté
du programme et l'étroitesse de l'infrastructure d'ac-
cueil
dans le second cycle n'ont guère facilité l'encadrement de l'effectif
pléthorique de celui-ci. En effet, "le nombre d'élèves
admis
à
pRsser
au
3ème
cycle
est
déterminé
par
l'établissement,
la coopérative ou la commune, selon les intérêts de la collectivité,
mais il n'y a pas de sélection systématique, et la pratique récente
est que plus de 90 %des élèves qui terminent le 2éme cycle entrent
dans le 3ème".
Ce flux du secondaire justifie l'extension vers un 3ème cycle.
b - Extension
Le troisième cycle
Ce
cycle,
comme
nous
l'avons
souligné
plus
haut,
commence avec
la 10ème année d'études et propose deux options
: une option "longue" qui
se termine par le baccalauréat et prépare l'accès à l'enseignement supérieur,
et une option "courte" débouchant sur les écoles nationales professionnelles.
Cette option "courte" en fait n'en est pas une pour les élèves se destinant
aux
écoles
normales primaires,
dans
la mesure où
ils sont admis dans ces
écoles dès la fin du 2ème cycle.
Quant aux autres écoles nationales professionnelles, elles exigent
que
leurs
élèves
aient
la
première
partie du baccalauréat
(11ème année).
La durée des études dans une école nationale est de trois ans.
Les programmes du 3ème cyc l e comme ceux du second cyc le reposent
sur un tronc commun constitué par les matières générales et les sciences humai-
nes,
plus les matières propres à chaque spécialisation. Les spécialisations
dans
le 3ème cycle sont du ressort des
lycées techniques ou classiques et
des écoles nationales professionnelles.

-1 :;~) -
C -
Ecoles professionelles
Ces
écoles
ont
été créées
pour
satisf aire un certain nombre de
besoins
pourvoir l'industrie naissante en main-d'oeuvre qualifiée car en
Guinée,
l a formation
professionnelle
était,
avant
l'indépendance,
encore
moins développée que l'enseignement général.
Les
institutions scolaires
dans ce domaine étaient au nombre de
cinq, réparties entre quatre grandes vi lles (Conakry, Kankan, Labé et Mamou)
et l'effectif ne dépassait guère 400 à 500 élèves. Ces institutions appelées
centres d'apprentissage recrutaient les jeunes à partir du C.M.2 (cours moyen
2ème
année)
et
leur
assuraient
une formation s'étalant sur trois années,
dont une en formation pratique accompagnée d'un minimum de théorie, en vue
de
répondre aux besoins de l'économie coloniale.
Les produits formés sont
généralement des mécaniciens, des électriciens, des maçons, des menuisiers
etc.
La caractéristique fondamentale de la formation
était son unilatéra-
lité basée exclusivement sur les exigences de la production et
Yle tenait
pas compte du relèvement du niveau de la culture générale.
- Au lendemain de l'indépendance, le gouvernement guinéen a déployé
de gros
efforts pour développer son système éducatif particulièrement celui
de
la formation
professionnelle.
Ces
efforts
ont tout d'abord consisté à
la mise en place d'une série de réformes débouchant sur la liaistln
"étroite"
école-vie, notamment dans le cadre de l'enseignement général.
Avec le démarrage du 1er plan triennal 1960/63, le terrain d'implan-
tation du
C.E.R
(Centre d'Education Rurale au départ) débordait largement
le cadre de l'école traditionnelle,
pour s'acheminer vers la création des
écoles professionnelles. Celles-ci constituent l'élément dynamique du C.E.R
bien que différentes de ce dernier dans sa nouvelle conception.

-
140
-
En effet. à l'origine du projet de création des écoles profession-
nelles.
la cible privilégiée était les travailleurs de chaque grande unité
de production industrielle. Donc son but fondamental. c'est d'assurer d'une
part.
une formation
technique
aux
jeunes sortant des écoles primaires et
secondaires dans 1a mesure où il
Y a un grand nombre de postes de travai 1
pour
lesquels
les
connaissances
professionnelles
nécessaires
requises
ne

dépassent pas le niveau de la formation secondaire. D'autre
part.
elles
de-
vaient aussi faire
le recyclage et la surformation des travailleurs.
avec
la création de nouvelles conditions afin que "chaque travailleur ( ... ) reçoive
l'outillage mental lui permettant de :
- contribuer à ln détermination du plan de production,
- suivre l'exécution de ce plan,
- comprendre le fonctionnement des instruments de production,
- réparer ces instruments et
les perfectionner,
apporter des améliorations à l'organisation de l'unité,
- se qualifier ( ... ) et élever son taux de productivité.
Pour obtenir ces résultats.
il
est nécessaire de créer
( ... ) un
C.E.R (professionnel) dont lesmaitres comme les élèves seront les travailleurs
de l'entreprise". (147)
Les mesures adoptées ainsi. bien que "significatives" s'inspiraient
en général. de situations et de modèles différents de la réalité guinéenne.
La GUinée
dans
les
années
soixante
était au point zéro de son démarrage
industriel
or.
les
objectifs
et mesures
visés
à l'époque.
ressemblaient
plus à ceux préconisés dans les pays développés. à cause du caractère théori-
que et abstrait de l'enseignement livré.
(147)
-
Sékou TOuré in R.D.A n
27, PP.
35-36.

1:1 1
La
formation
professionnelle,
a
subi
maints
bouleversements
au
cours
de
son
évolution.
Ces
bouleversements
ont
entraîné
la création
en
1961, des
"Ecoles Nationales Techniques Pratiques" du 3ème cycle destinées
à former des travailleurs et aussi des\\'techniciens".
Ces
écoles
ont
assuré
(1958-1961)
la
formation
des
enseigants
subalternes
(moniteurs
et
instituteurs adjoints)
dans
le cadre des Cours
Normaux et des
Ecoles Normales
Primaires. Elles ont fonctionné depuis 1962
comme des LN.P,
mais
le décret de leur transformation ne fut
pris qu'en
1964. Il faut
signaler que la formation des cadres moyens, de 1960 à 1970,
fut
assurée en grande partie,
par ces
institutions.
- Au cours des années
1970, les Ecoles Nationales Professionnelles agrandirent leur champ d'activité
par l'intégration des spécial ités suivantes
: agents tectniques des P. T. T,
Agriculture
comptabilité,
commerce,
secrétariat
A et
B,
santé
section
A
et
B,
sport
et hydrologie.
La décision de restructurer et de transformer
les E.N.P agricoles en Facultés agronomiques avec recommandation de recruter
les
étudiants
pour
l'université à partir de ces mêmes
écoles a été prise
le 28 JUin 1975.
a -
Caractéristiques des E.N.P
Il est très difficile de caractériser sLnmde situer les objectifs
rée l s
de
ces écoles malgré leurs d iff érents
prof ils
et,
ce c i
à cau se de
l'instabilité et de
la courte durée de vie des
réformes. La siLuaLiull
de ces écoles "varie considérablerncnt"scJon
la spécialité des établissements,
leur localisation eL leur niveau
de formation.
Elle r{;sulte de l'hisLoire du développement de chaque
établissement
et
de
la
pression
de
la demande en formation assez
mal maitrisée. Les écoles professionnelles secondaires ont g6n{;ra-
lement un effectif plus {;lcvé que los écoles de niveau moyen.

-
142 -
Ainsi en 1984/85, l'école de secrétariat type A (niveau secondaire)
a
un
effectif
de
827
élèves
à
peine
une
centaine
dans
l'école
de
type
B (ni veau
moyen).
Les
trois
écoles
secondaires
de
san té
ont
environ
300
élèves.
L'école moyenne
de
Kindia n'en a
que
46.
Il
en résulte
des
différences
de
coût
considérables,
en personnel
et
en
infrasttructures.
Le
ratio
élèves/personnel
est
de
I~, 5 à
l'école des sports, 8 à l'école des P et T,
24 à l'école d'hydrolo-
gie,
30
en
moyenne
dans
les écol es de secrétariat et
117 dans
les
écoles de santé.
Le
ratio
élèveslInaîtres varie
de
6 à 7i~.
Les situations diffèrent
tellement
que
les
comparaisons
entre
établissements
ne
seraient
pas
légitimes,
cependant
l'ampleur
des
variations
exprime
des
contrastes
importants dans
la qualité
du service éducatif, dominés
par le surpeuplement des
écoles de secrétariat, et l'absolu dénue-
ment
en
matériel
(l i-l8),
fournitures
et
équipements,
de
la
quasi
totalité des E.N.P (149).
Ces premières réformes au niveau de l'enseignement professionnel ont
eu pour conséquence. la "suppression" de la formation des ouvriers qualifiés
au
profit
des
techniciens.
Les
anciens
centres
d'apprentissage
devenant
ainsi
les
instituts de formation professionnelle.
tendent plus à répondre
aux
besoins formulés
par
la
gestion
administrative
qu~ pour les tâches
pratiques de l'industrie naissante.
(148) -
Dans les écoles de secrétariat,
les supports pédagogiques (tels que
la machine à écrire) manquent.
Il y aurait 25 machines à écrire viel-
les de 15 ans pour 900 élèves soit une machine pour 36 (source UNESCO
EFM/132) .. Comparées
aux
écoles
de
secrétariat
,de
Côte, d'Ivoire,
celles de Guinée ont du chemin à parcourir. Les quelques-unes d'Abidjan
que
nous
avions
pu
visiter
institut moderne
secondaire
technique
des 220 Igts,
les Cours Locaud de Marcory, le Grand-Jean et le cours
Casting du plateau disposent d'une machine par élève.
(149) -
: UNESCO République de GUinée "Perspectives et contraintes du
développement de l'éducation EFM/132 Paris, Août 1985, P.
20.

Ce n'est qu'en 1976 qu'une nouvelle réforme a créé un nouveau réseau
d'écoles professionnelles,
les Instituts Polytechniques Secondaires (I.P.S)
appelés
à combler
les
lacunes
dans
la formation
des
ouvriers
qualifiés.
Ces mêmes I. P. S, pour des raisons d' i nadaptat i on, seront transf ormés à leur
tour en
Centres
de formation
professionnelle
(C.F.P)
avec
les
effectifs
suivants: 1974/75 2 089, 1975/76 1 260, 1976/77
518, 1977/78 2 077, 1978/79
2 771, 1980/81 3 651, 1983/84 4 920, 1984/85 4 222 (source Education Nationale).
Nos enquêtes sur ces I.P.S nous ont permis de découvrir un certain
nombre de problèmes parmi lesquels nous citerons la surpopulation des centres
et l'encadrement. En effet, les centres de Conakry ont des capacités d'accueil
réduites à cause du surnombre des élèves.
Par
contre ceux de l'intérieur
sont peu
fréquentés
(50 élèves) et contrastent avec
les premiers qui ont
des effectifs de 150 à 200. Cette situation rélève d'un manque de planification
rigoureuse car,
"les
premiers,
dépassant
leurs
capacité
d'accueil
n'autorisent
pas une formation de qualité, les seconds ont des coGts de formation
trop
élevés
et permettent di fficilement
d'offrir
des
filières
de
formation en nombre suffisant pour amortir les coGts fixés" (150).
Dans la majorité des cas, les I.P. S forment moins de 80 élèves par
an et par
spécialité.
Souvent
le
nombre
des
sortants
diplômés
(produits
finis) par spécialité est limité à 7 Ou 8 élèves. (voir tableau page suivante).
En 1982, sept ans après sa création, le système des I.P.S n'était
pas
en mesure
de former
plus
de trente diplômés par spécialité.
Le mode
de recrutement et le système
d'encadrement sont à la base de cette mauvaise
performance.
Les
élèves
orientés
vers
les
I.P.S proviennent
généralement
(150) -
UNESCO EFM/132 ibid, P. 19.

ENSET DE M.~TOTO
E[fend ,]'O'Jvricrs Qualifiés Sortis ([ère ct 2èmc Promotions) par SpéciaLté
(l 980 - 198!~)
.......
-
,
\\\\cC::l.n:'::;'l'~ \\~c'':::li~J1LJC Ch,~,~(~ror1-
Elcctri-
,\\\\a.çon-
. ,;,tn~ct. Mécanique
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ruta i
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Cite
ncr,e
,~tlll>:uc cngins/TP
1ère promotion 1980-l982
Il
7
l2
4
5
13
9
1 1
10
82
Carçons
l l
S
3
5
l3
7
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lO
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Filles
0
0
4
1
0
0
2
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-,.
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2èmc promotion 1982-1984
5
0
13
6
13
6
14
6
3
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Garçons
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0
1 1
5
13
6
10
G
3
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0
0
2
1
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0
4
0
0
7
- - - - -
- - - - - _ . ------_._-
r0 t<l1
16
7
2)
10
18
19
23
~ 1
13
148
Garçons
16
7
19
8
18
19
17
[6
13
133
Fi l1e s
0
0
6
2
a
0
6
1
0
15
Source: Ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique - Ecole normale supérieure Ge l'enseignement
technique - Matoto.

-145
-
de la 9ème année du second cycle. Cependant. en pratique. les recrutements
se font
à 80 % et.
après sélection.
pour les sortants des 11ème et 12ème
années
c'est-à-dire.
parmi
les
candidats
malheureux
au
baccalauréat.
et
n'ayant
pas
de
possibilités
de
poursuivre
les
études
supérieures
et
qui
de surcroît. sont mo i ns armés
i nte 11 ectue 11 ement pour prétendre occuper des
postes bien rémunérés dans la vie active.
C'est cette population scolaire
qui
est
destinée
à
lafonnation
professionelle dans
les
I.P.S pour que
soit
facilité
leur
intégration
dans
les
circuits
économiques.
du moins.
dans la production.
Cette
situation traduit une double réal ité.
Elle met à nu d'une
part.
l'inadaptation des orientés
aux études et carrières offertes par les
LP.S dans la messure où il s'agit d'une orientation à partir de "selection
négative".
d'autre part.
l'abscence de structures parllèles d'accueil pour
les sortants et les recalés de l'enseignement général du 1er. 2ème et même
du 3ème cycle:
"les quelques
40 000 élêves qui
abandonnent leurs études primaires
et
les
quelques
la 000 Leurs études secondaires entrent
pour
la
plupart,
dans
la
vie
active et se
forment
"sur le tas".
Tout en
étant adaptée
aux
besoins et
aux moyens de la Guinée, cette situa-
tion
contribue
cependant
à
repousser
l'accès
aux
1. P. S
à
la
fin
du second cycle".
(151)
Quant auX contenuS et méthodes de formation.
ils sont très éloignés
des objectifs généraux et des objectifs spécifiques.
1) - Les objectifs généraux assignés à la formation professionnelle
étaient de pourvoir les entreprises nationales et privées en personnel dynami-
que. capable de par son savoir-faire d'améliorer et d'augmenter la production.
(151) -
UNESCO EFM/132 ibid, P.
19.

-146 -
Or, les connaissances
dispensées
tendent
plus
à favoriser
la formation
théorique
au
détriment
de
la formation pratique.
(152) Le problème posé
ici est loin d'être un problème de répartition des heures entre les cours
théoriques et les travaux pratiques.
Il s'agit d'une question de matières
fondamentales sur lesquelles doivent s'appuyer les enseignants afin de doter
les
élèves
d'habileté
pratique et
de
connaissances
réelles
qui
sont en
rapport avec leurs futures occupations dans les unités de production. Nous
pensons par ailleurs qu'un "jeune pays" comme la Guinée, qui prétend avoir
de
grandes
ambitions
(légitimes)
en matière
de développement
économique
doit nécessairement favoriser l'éclosion et la formation des ouvriers quali-
fiés aptes à retrousser les manches, que de choisir la voie bureaucratique
qui est pernicieuse et peu enclin au changement réel, et de plus budgétivore
de par son fonctionnement.
2) - Les objectifs spécifiques sont les méthodes à travers lesquelles
les
enseignants
traduisent
les principes de
base
des objectifs généraux.
Par leur connaissance spécifique (cadre de référence) ils arment les ensei-
gnés
af i n qu 1 ils
pui ssent
répondre
aux
attentes
des object if s généraux.
Ces objectifs doivent être bien décrits, afin que les élèves soient censés
réaliser concrètement
(et
non
pas
simplement
savoir)
à l'issue
de
leur
apprentissage, et puissent faire la preuve qu'ils ont compris et permettre
ainsi aux enseignants de vérifier qu'ils ont effectivement bien enseigné.
Ces
outils
théoriques
et
pratiques,
les enseignants guinéens "en
disposent peu":
(152) -
Bien que,
les éléments théoriques du programme soient cnseign6s,
cha-
que fois que cela est possible,
sur le terrain même.
(
Amara Forana, professeur de psychopédagogie â l'Université,
directeur général de l'Institut pédagogique National, et
actuellement détaché â l'UNESCO.
Perspectives,
vol.
XII,
n
4,
1982, P.
520).

-
147 -
"Les
enseignants
(guinéens)
travaillent
la
plupart
du
temps
à
partir de leurs notes personnellcG provenant soit de leur formation
initiales
soit
des
stages
de
perfectionnement
dont
ils
ont
pu
bénéficier.
Cette
situation
ne
permet
donc pas:
- une harmonisa-
tion entre différents centres
; -
une mise à jour des connaissances
enseignées
(cas des
télécommunications,

la
formation
ini tiale
de certains enseignants date
de
la ou 15 ans)
une validation
des méthodes et des contenus d'enseignement".
(153)
En se référant au constat ci-dessus l'on ne peut qu'être d'accord
avec Mamadou Diarrah consultant du projet GUI/84/004 lorsqu'il dit:
"faute
de
moyens
matériels
( 154) ,
l'encadrement
professionnel
des enseignants ne se fait pas comme i l se devrait"
(155).
(153) -
UNESCO. Appendice EFM/132 ibid, P.
33/61.
(151~) - Le matériel pédagogique trouvable dans les salles de travaux prati-
ques (ateliers) e s t :
"souvent introuvable il 80 %, date soit d'avant
1939, soit de 1946 (tours et fraiseuses de Kindia) soit de 1979 (do-
tation de la C.E.E).
L'outillage collectif est très réduit
(perceuses,
affGteuses,
etc.) et l'outillage individuel est soit apporté par les
élèves - ce
qui peut repr{~senter un investissement DE 8 à la 000 Sy-
lis - soit fabriqué sur place quand cela est possible (rabots par
exemple)".
UNESCO EfM/132 1985).
(155) -
UNESCO Rapport de mission Guinée (Conakry), 27 Décembre 1984 -
14 Janvier 1985, P.
6.

-
148 -
INFRASTRUCTURE ET MOYENS MATERIELS
Situation 1983/84 (hors enseignement supérieur)
-----~------ - - - - r - - - - - - - , - - - - r - - - " " T - - - - r - - - - -A.
~LLES
ATE-
BU-
~LLES
LOGE-
TOI-
1
SATIM
LA~O
MA GA
CLA SSE S
L j ER S
REAUX
CONF.
MENT
LETTE S
-~_. f------+--- ~----j---.-
1.P. S (CFP)
17
130
67
3
36
2
2]
47
56
SECRETARIAT
2
2
z
~NTE
1]
4
P ET T
4
2
HY OROLOGI E
SPORT S
2
E.N.A.M
6
6
(~~.
~7~l~;
TOT A L ) ]
164
84
]
__;_--,-_2_]
~URCE : UNE~O EFM/132 Août
1985 P. Appendice, P. 28/61
La formation professionnelle dans ces conditions,
est moins at-
trayante
pour
les
jeunes
et ceux
qui
"subissent"
la formation,
ne sont
pas disposés à travailler sur le terrain, évitent dans la plupart des cas
le travail de contact (physique), dans la mesure où les connaissances acquises
ne leur permettent pas en général de gagner leur vie comme ouvriers. (156)
Une fois
de
plus
le phénomène du gachis refait surface car si
l'on
tient
compte
des
investissements
consentis
pour la formation d'un
ouvrier qualifié, qui même avec une progression continue (sans redoublement)
(156) - Les jeunes sont peu attirés par un certain nombre de filières du sec-
teur secondaire (bâtiment, construction métallique, machines-outils).
D'autres métiers sont par contre attractifs: électricité, santé,
secrétariat.

..,; 149 -
dure
14-16
ans,
y compris
l'enseignement
général
reçu
au
préalable.
Et
si
l'on
ajoute
le taux moyen de redoublement (qui est passé de 25 % à 45%
en moyenne) pour 6 300 élèves inscrits en formation professionnelle secondai-
re, 2 600 (40 %) sont des redoublants, (157) la durée de la formation s'étend
ainsi
à 17-20 ans.
Alors,
la formation professionnelle qui est nécessaire
pour un
pays sous-développé devient une entreprise de
gaspillage avec ce
que Martin Carnoy (professeur en Economie de l'Education à
stanford Univer-
sity,
School
of
Education
California
U.S.A)
appelerait
"The
no
rate of
return". Pas de retombée positive sur le plan socio-économique.
En lieu et place d'une formation peu coûteuse d'ouvriers qualifiés,
c'est
une
filière
non
souhaitée
de formation
post-secondaire
qui
s'est
mise en place pour produire des "techniciens ignorants".
_Conséquences
Mauvais
investissement social
au sens
large du terme, du fait que
les
unités
de
production,
les
entreprises censées récupérer
le fruit
de
l'élevation du niveau scientifique sont confrontées à de multiples problèmes
d'ordre matériel et humain.
Elles fonctionnent, le plus souvent, en dessous
de
leur
capacité
initiale
et,
si
ce n'est
le cas,
le
personnel
affecté
pour
améliorer
la
rentabilité
est
inefficace
à cause
des
insuffisances
de sa formation.
b
-
Ecoles de formation agricg~
Genèse
Dans
le
vaste
programme de changement et de restructuration,
les
autorités
guinéennes
ont
accordé une
pl ace
importante à l' agricul ture et
tout ce qui peut contribuer à sa progression. C'est ainsi que lui fut consa-
crée une conférence nationale, appelée conférence de Kissidougou qui s'est
(157) -
UNESCO EPM/132 Appendice, P. 30/61.

-
15 Cl
-
tenue du 21 au 24 Novembre 1960.
Cette conférence avait pour objectif primordial:
1°) la
modernisation
des
anciennes
structures
agricoles
léguées
par la colonisation.
2°) La mobilisation massive des paysans pour augmenter la production
agricole et si possible se maintenir ù la tête des pays de l'A-
frique de l'Ouest exportateurs de denrées alimentaires.
Plusieurs dispositions furent prises pour la matérialisation de ce
noble objectif, en l'occurrence la création de nombreux organismes, centres,
et
introduction
de
nouveaux
profils
agro-pastoraux
dans
l'enseignement,
tous cycles confondus.
Cette
démarche
au
départ,
ne
souffrait
d'aucune
ambiguïté
sauf
que son caractère imitateur des anciennes structures agricoles coloniales,
pourtant
considérées
à juste titre comme
inadaptées,
laissait
entrevoir
une possible inefficacité.
Les
anciennes
structures
S.I.P
(Société
Indigène
de
Prévoyance)
furent expérimentées dans toute l'ancienne A.O.F (Afrique Occidentale Fran-
çaise)
mais
ce
n'est
qu'en
"1934 que tous les cercles de Guinée furent dotés d'une S.I.P.
En 1950, l'administration créa dans la zone rtes aménagements rizico-
les de Haute-Guinée, le long du NIger (de Siguiri â Kankan puis Kou-
roussa) des secteurs coopératifs d'amélioration et d'équipement ru-
raux (S.C.A.E.R) qui devaient aménager des zones rizicoles à céder à
des coopérateurs. Ces S.C.A.E.R étaient contrôlés par les S.I.P.
Mais comme ces S.I.P fonctionnaient mal, elles furent remplacées par
un décret du 13 NOvembre 1956 Par les sociétés de modernisation et
de développement rural S.M.D.R (Société de Modernisation et de Dé-
veloppement RUrale). Les S.M.D.R étaient financées par des cotisa-
tions "volontaires" (mais en fait collectées en même temps que

-
151
-
l'imç6t)
et par une ristourne de 25 % de la taxe de cercle. Avec
l'installation
de
l'autonomie
interne
des
territoires
â
partir
de 1957, les S.M. D.R sc bureaucratisèrent et perdirent leul' cal'ilctèl'C
coop(~rtatif en ce qui concerne la Cuinée". (l t)d)
Le
1er
pllln
(1960-1963)
conçu
pour
"tourner
la
page
coloniale"
dans le domaine économique, accorda une attention particulière aux problèmes
agricoles par l'attribution de grand rôles aux futures coopératives agricoles
qui
seraient créées
à cet effet.
Les modèles choisis
par
le
plan furent
les centres nationaux de production agricole (C.N.P.A), qui donnèrent nais-
sance aux futures fermes
d'Etat. Outre la mise sur pied des fermes d'Etat,
le plan prévoyait "la création de la ferme d'Etat de la Fié dans la région
de Siguiri".
Celle-ci avait poor tàchc l'aménagement pour la riziculture irriguée,
de
la
vallée
de
la
Fié.
Cc
pl'ojet
t'igurait
parmi
tant
d'ilUtrcs
à vocation réellement productive.
Les difficultés de fonctionnement du plan triennal auxquelles nous
avions fait all usion dans le chapitre "$volutim socio-économique", ne permi-
rent
pas
la réalisation
du projet Fermes d'Etat de Fié,
et par
la même
occasion,
les
budgets de fonctionnement
alloués aux
anciens
instituts de
recherche
agronomique
sur
lesquels
les
autorités
s'étaient
basées
pour
créer les C.N.P.A furent réduits, du coup, leurs activités s'en ressentaient.
Ces instituts de recherchessont : l'institut des fruits et agrumes coloniaux
(I.F.A.C)
de
Foulayah
(Kindia),
est
aujourd'hui
l'institut
national
de
recherche agronomique de Foulayah,
la station de Sérédou pour le quinquina,
les stations rizicoles de BOrdo (Kankan) ~t de Koba. (159)
(158) -
AnsQumane Doré, Economie et Société en REpublique de GUinée 1958-
1981j et Perspectives ... Ed l3ayardc're, 1<]86, PP. 27 11-275.
(1591 - Il faut savoir que les activités de recherches dans ces instituts souf-
frent du manque de potentialités humaines et matérielles.

-
152
-
Le
decret
du
11
Août
1960 revenait
à la charge,
cette fois-ci
par la création de nouveaux centres
: C.M.D.R
(Centre de modernisation et
de développement rural)
qui,
non seulement avaient pour mission d'assister
les
coopératives
agricoles
de
production
en
les
dotant
d'instruments
de
type
moderne,
mais
aussi
faciliter leur
propagation
dans
les
villages
et
campagnes, des nouvelles techniques agricoles.
Une mission que ne purent mener à terme les C.M.D.R, car ils cessè-
rent
toute
activité
avant
même la fin du plan triennal.
De ce fait,
les
coopératives agricoles qui
bénéficiaient de' leur encadrement se trouvèrent
aussi abandonnées. D'autres tentatives en la matière suivirent et débouchèrent
sur de nouvelles expérimentations (C.A.P) Coopératives Agricoles de prndllctioq.
ayant pour ambition de couvrir tout le pays avec ces 500 points d'implantation.
Elles
aussi
restèrent
sans
lendemain;
tout au
moins
leur ventilation se
heurta aux problèmes d'encadrement dans la mesure o~ les institutions censées
leur apporter des soutiens
logistiques avaient disparu. D'échec en échec,
de tâtonnement en tâtonncmcnt.les autorités guinéennes finirent par trouver
la "solution idéale" qui n'est autre que de confier l'épineux problème agrico-
le à des
institutions éducatives, en l'occurrence les différents cycles des
C.E.R et surtout les Facultés agronomiques et zootechniques de l'enseigne-
ment supérieur.
Cette "permutation" de rôles n'est en fait qu'une abdication de res-
ponsabilité et sa racine se trouve dans
le rapport du Bureau Politique à
la conférence nationale du P.D.G en 1960, demandant que:
"
â
la rentrêe prochaine,
au niveau de chaque école, on examine
les
possibilités
de
reprendre
les
enfants
pour
les
hahituer
aux
efforts physiques, et ces moyens devront avoir un caract0re êducatif
tel
qu'il
puisse persuader les jeunes eux-mêmes de
la renlabilité~
de leurs propres efforts".

-
15:i
-
C'est à la suite de cette décision que furent crées dans les années
1962-63,
les
brigades
posts-scolaires,
qui,
à
peine
mises
sur
chantier,
ont été supprimées.
En 1965, la conférence nationale pour la réforme de l'enseignement,
réunie
les 27 et 28 Février à Kankan,
décide la création de fermes-écoles
dirigées et administrées par la J.R.D.A (Jeunesse de la "Révolution" Démocra-
tique Africaine), destinées aux élèves n'ayant pas réussi les examens d'entrée
en
7ème
classe
(1ère
classe
du 1er cycle secondaire).
Ces fermes-écoles,
comme les précédantes sont restées à l'état de projet.
Le problème agricole devenant ainsi
une "arHe de poisson" plantée
dans la gorge des autorités, nécessita "d'autres gorgées"
-
les
travaux
du
conseil
national de
la "RC'volution"
ré'uni
fl
[,allé
le
28
Juillet
1966,
se
situent
dans
le
sillage
de
l'ccherches
de
solution agricole,
seulement â un niveau plus 61ev~.
Le
discours
d'ouverture
prononcé
par
le
Président
Sékou
Touré
"signale d'emblée la nouvelle orientation" :
"tous
les
établissements
scolaires
de
la
nation
doivent
devenir
des
centres
de
formation
technique
et
professionnelle,
pol i tique
et civique,
d'oû les hommes,
des producteurs conscients et capables,
sortiront
régulièrement
pour
s'attaquer
sans perte
de
temps, ~ la
solution
efficace
des
mille
et
un
probl(~mes
condiUonnnnt
]e11r
propre
utilité
sociale,
leur équilibre,
bref'
l'épaIlouissement
de leur société".
C'est au cours de cette même réunion que le rapport de l'inspecteur
général de l'enseignement prévoit l'éclatement du 2ème cycle en deux branches
spécialisées, appelées "profils" : un profil
rural qui prend le nom de Col-
lège d'enseignement rural (C.E.R) et qui, basé dans les villages et campagnes

- 154 -
doit largement
se
consacrer
aux
techniques
agraires
et
aux
réalisations
sur le terrain; un profil plus technique et professionnel qui reprend les
anciens collèges d'enseignement général situés dans les chefs-lieux de régions
(collèges "courts"), pour
les transformer en C.E.LA (Collège d'Enseignement
Technique Agricole) et C.E.T.I (Collège d'Enseignement Technique Industriel).
En même temps,
l'activité productive agricole est introduite dans tous les
cycles, quelque soit le profil.
L'interprétation possible
de ce mouvement est la suivante: insérer
l'école dans l'évolution de l'économie nationale afin d'alléger le fardeau
financier par l'apport de la production scolaire, dans la mesure où l'agricul-
ture, malgré la place prépondérante qu'elle occupe,
n'arrive tout de même
pas
à faire face à la demande.
D'autre part, cette insertion de l'école,
bien
qu'elle
permette
de maîtriser
le flux
scolaire,
est
aussi
utilisée
pour
freiner
l'exode
rural,
empêcher
la formation
d'un
sous-prolétariat
urbain déraciné et sans fonction productive, possible menace pour une révolu-
tion déjà éprouvée
La
transformation
de l'école en unité de production agricole ne
s'est pas arrêtée au niveau du primaire et du secondaire~mais
a également
atteint l'enseignement supérieur.
En
effet,
la charte du
16 Février
1975 prescrit au domaine de
l'Education et de la Culture d'accorder au cours du plan quinquennal (1974-
1978) la priorité à la formation des cadres Agro-zootechniciens pour promou-
voir
la révolution
verte
dans
les
P.R.L
(Pouvoir Révolutionnaire Local).
Cette décision devient effective à partir du 28 Juin 1975 par la transforma-
tion des E.N.P en Facultés agronomiques.

-
15 S -
Officiellement,
les Facultés Agro-zootechniques ont pour objectif
de faire des étudiants
des travailleurs agricoles consciencieux capables,
par leur formation de changer "l'assistance al-imentaire" en "auto-suffisance
alimentaire".
Pour ce faire,
les Facultés Agro-zootechniques sont divisées
en deux cycles : un 1er cycle formant les aides-ingénieurs et un 2ème cycle
accordant le titre d'ingénieur ~ ceux qui parviennent au plus haut niveau.
La
traduction
de
ces intentions a eu
pour
résultat
la création
de
42
Facultés
agronomiques
de différentes options
(agriculture,
élevage,
medecine-vétérinaire,
eaux et forêts, génie rural). Cependant elle ne s'est
pas faite sans obstacles importants et a engendré des problèmes particulière-
ment
aigus qui
ont nécessité la remise en question du mode de recrutement
pour
ces
Facultés,
mode
qui
était
auparavant
une
"simple formalité
pour
les élèves de E.N.E" (160).
d -
?rogra~es de l'enseignement supérieur agricol~
Les
programmes
de
l'enseignement
supérieur
agricole
sont
d'une
part, enseignés en fonction des spécialités, d'autre part, ils se répartissent
entre les différents degrés des Facultés.
~premie!,_degré avec ses deux années d' études, consacre pour l'essentiel
la formation
aux sciences fondamentalc_~ceci ~ cause du niveau faible
des
rentrants (bacheliers), et donne aussi une assise "solide" dans cette matière
pour une éventuelle poursuite.
La création d'une troisième année fait suite
à ce constat, et son objectif est de renforcer l'étude des techniques agrico-
les, zootechniques et vétérinaires.
Malgré ce renforcement des connaissances pratiques,
(1000 heures
sans
compter
les
travaux
de
production)
le
volume
horaire reste tout de
même insuffisant dons le cadre de la formation d'un technicien agricole.
------~-------------------------~---
(160)
-
D~cision du C.N.R Conakry du 9 au 10 Mars 1975

-156 -
Quant
aux
1 500
heures
consacrées
aux sciences fondamentales,
indispensables aux étudiants du second degré, elles sont en grande partie
superflues ou de niveau trop élevé pour les techniciens.
Le second degré se distingue peu du premier, bien que l'on y enseigne d'une
IIfaçon approdondie
les
sciences
agricoles
; mais
à 11 inverse
du
premier]
les
techniques
agricoles
n'occupent
pas
une place assez
importante dans
le programme et généralement elles ne sont que des répétitions entraînant
une monotonie, et un manque dlintérêt pour les étudiants. - (Les cours suivants
ne sont pas exempts des mêmes
défauts
:
économie,
statistique
agricole,
machinisme agricole,
(entomologie,
pédologie)
(161), génétique appliquée).
Ce manque d'efficacité et cette inadaptation pourraient être évités
si à l'institution chargée de préparer les programmes (l'institut pédagogique
national) l'on associait aussi les ministères et organismes employeurs intéres-
sés. Leur collaboration dans une certaine mesure, non seulement diminuerait
le chevauchement des cours dans les différents degrés mais aussi pallierait
11 insuffisance
cognitive
de
certaines
matières telles que
llenseignement
socio-économique, qui nlest dispensé que par une simple allusion à l'économie
et à la gestion agricoles) deux matières dont l'enseignement est dlailleurs
uniquement théorique puisqulil
ne représente que (64 Heures au 1er degré,
64 heures au 2ème degré).
Pour
un
pays
II r évolutionnaire
et
populaire
il
est
impensable
que
la formation
des futurs pionniers dans le domaine agricole puisse se
faire sans lI aucu n cours de sociologie rurale ni de vulgarisation agricole
(161) - Ces deux matières, à cause de leur importance devraient être approfon-
dies, surtout quand on sait que le ravage des insectes, criquets et
autres, et l'utilisation excessive du sol sans entretien sont des
fléaux qui contribuent au mauvais rendement de l'agriculture.

-
157 -
malgré 11 intérêt que
revêtent
de tels enseignements dans
un pays où 98%
de la production agricole provient des petites exploitations fam"iliales ll • (162)
Il
n'a, de plus, pas été assez largement tenu compte des facteurs socio-
culturels, ce qui contribue pour beaucoup à l 'échec de la politique agricole.
POurtant,
rien
n'empêchait
les
autorités
éducatives
et
l'administration
agricole, si ce n'est la négligence et 1I1 l insouciance, de prendre en compte
les réalités Socio-économiques et culturelles de la vie rurale et d'apprendre
les méthodes appropriées à ladiffusim
des innovations chez les agriculteurs.
e - Les méthodes et infrastructures de l'enseignement agricole
Llun des problèmes majeurs de l'enseignement guinéen est celui des métho-
de et des
infrastructures. Ces problèmes sont d'une acuité à telle ensei-
gne que les différents rendements en souffrent et sont peu concluants.
Les méthodes
Comme dans les autres établ issements,
les cours, dans les Facultés
agronomiques sont dictés, et ceci à cause du manque de matériels ou de cours
ronéotypés.
Une telle méthode
n1est
plus dlactualité dans
l'enseignement
moderne car elle ne favorise
guère la compréhension et l'assimilation du
contenu; au contraire elle incite au par-coeur chez les étudiants.
Les travaux
pratiques,
qui
peuvent dans certains cas combler les
lacunes, sont eux aussi déficients bien qui ils soient généralement organisés
par chantier.
- A priori
llorganisation de ces travaux par le biais des
chantiers constitue une excellente
base
pour
la transformation du savoir
(162) - Il Y a eu une tentative d'insertion de cours de sociologie dans le pro-
gramme, mais elle s'est heurtée au manque de spécialistes car
l'en-
seignant désigné par les autorités universitaires, Mr Kaba Sékou (El-
varez) a repoussé l'offre pour cause d'incompétence. Honnêteté intel-
lectuelle oblige ... ! (Témoignage privé de kamara Moriké, enseignant à
l'Université nationale d'Abidjan département de Mathématiques).

-
158
-
théorique
en
savoir-f aire,
mais
vu
l'état et
l'inadaptation du matériel
utilisé et le faible niveau du personnel d'encadrement, ces travaux peuvent
être considérés comme des
"passe-temps"
ou du moins
des
jardins
publ ics
servant à "meubler le programme". L'enseignement ainsi conçu rend difficilement
"consommable" ses produits (les étudiants) surtout quand il s'agit de tirer
profit de leurs connaissances. A ce sujet voici un témoignage assez précieux
des responsables guinéens de l'agriculture
"( Ils)
constatent
que
les
cadres
agricoles
formés
en Guinée
se
montrent en général sérieux et travailleurs si les moyens de travail
nécessaires leur sont fournis, mais que leur formation scientifique
et technique laisse à désirer, notamment sur le plan de l'applica-
tion pratique des techniques modernes de production" (163).
Les infrastructures
Les efforts consentis par les autorités guinéennes pour la multipli-
cation des Facultés agronomiques
(42 créées) n'ont pas suffi
à les rendre
viables en ce sens que la plupart de
ces Facultés ne possèdent ni bibliothèque,
ni laboratoire, ni atelier (164).
Lesétahlissementsformant les docteurs vétérinaires, les ingénieurs
ou contrôleurs d'élévage, ne disposent pas de véritable clinique vétérinaire
à l'exception de l' 1.N.R.A.F (l'Institut National de Recherche Agronomique
de
Foulaya-Kindia)
et
de
l'I.P.K
(Institut
Polytechnique de
Kankan)
qui
n'ont d'ailleurs
hérité que d'anciens laboratoires de recherches.
Le seul
INstitut à disposer d'un fonds de bibliothèque est celui de Faranah l'I.V.G.E
(Institut Agronomique Valéry Giscard d'Estaing) et ceci grâce à "une petite
(163) -
UNESCO Guinée, Enseignement et FOrmation agricoles EFM/121 JUillet
1983 P. 21.
(164) - Cependant le 3ème plan (quinquennal 1973-78) avait commencé le finance-
ment des projets de construction des laboratoires et ateliers mais les
travaux n'ont pas pu être terminés faute de crédits.

- 159 -
dotation (la 000 ouvrages) fournie par l'aide française.
Quant
aux périodiques scientifiquEs, de nature à enrichir l'horizon
culturel des étudiants et chercheurs, il n'en existe qulau IIcompte-gouttesll.
La bibliothèque censée de répondre à la demande dans ce domaine est celle
de Conakry le C.E.D.U.S.T (Centre de Documentation Universitaire Scientifique
et Technique) créée par 11 aide française,
sa II r i chesse se l imite à 1 500
ouvrages et 20 revues dans les disciplines agro-zootechniques (165).
Les pays développés que nous sommes loin de rattraper n'ont connu
le II véritable progrès" que lorsque la raison (invention découverte,
livres, investissements rationnels ... ) a pris le pas sur des objec-
tions
séculaires
(complots
des
peulhs,
des malinkés,
mercenaires
au Sud, au Nord,
"dépositions" de Diallo Telli, du ministre Karim
Bangoura,
du commandant Zoumanigui Kékoura,
du capitaine Mamoudou
Condé, tribunaux populaires, bref de l'injustice sociale).
Le
IIsupport di dactique
(tracteurs et matérie l dl accompagnement,
outillage à main, parfois du matériel de culture attelée) est inopérant en rai-
son de la faible efficacité des services nationaux de maintenance (absence
chronique de pièces de rechange). Le matériel technique spécialisé (matériel
(165) - La vente de journaux scientifiques ou p:>l itiques est interdite en Guinœ à part AAFIQJE-
AsrE qui, à un nment donné convenait au goût de l 1autorité p:>litique (son directeur,
Sirron Maley fut le corresp:>ndant dans les annœs 1960 de Radio-Guinœ aux U. S.A) -
Si ~iEJl fut ré:Juite suite aux dissensions p:>l itiques entre la Guinœ et 11 Algé"ie
sur les Jroblàœs du S:ihara <k:cidental. La 2àœ Répulique (4 Avril 1984) vient de rétablir
le droit de vente, des journaux",mais depuis le 4 Juillet 1985, la tolérance relative
qui était ~~~à cédé le pas à l'intimidation. DI aJrès les IIplumitifsll du gouvernaœnt
actuel le journal du M.N.D (t-buvaœnt National Dérocratique) est interdit et lises distri-
l
buteurs ont été sifl1Jlaœnt interrogés (il s'agit de la bastonnade au P.M 3) conseillés
et renvoyés chez eux. (
1I0umar Barry" 'lfassou Louall lIt-bry Kantéll IIFadé Sylla" GJINEE
Echec d'un coup d'Etat ... et cëlJl)agne de presse Ed. 1.D.S Abidjan 1986 P.48J
D'autre part, la vente nlest pas interdite officiellaœnt mais par des subtiles disp:>si-
tions financières, cette vente est rendue ilJlXlssible notëllTTEnt, par le refus du gouverne-
rœnt (l a Banque Centrale) d' autori ser le transfert en devi ses des produi ts ou recettes
de cette vente. Clest ainsi que, certains journaux dont Jeune Afrique, ont dâ:::idé d'inter-
raJ1re leur distribution en Guinœ.

-
160 -
forestier, topographiqùe, d'élevage, de mesure et de démonstration hydrauli-
ques) fait défaut et s'il en existe clest en moindre quantité. Le caractère
théorique de l'enseignement est beaucoup plus visible dans les laboratoires
par exemple, la Faculté de medecine vétérinaire de Mamou nia ni laboratoire,
ni clinique et les cobayes (bovins) brillent par leur absence car le cheptel
est généralement peu
important.
Pourtant dans le domaine de l'élevage, les recommandations utiles
et précieuses ni ont pas manqué, rien que celles de Sékou Camara, assistant
dlélevage et militant du Parti
"Démocratique" de Gu"inée section de Mamou
(dans les années 1950). L'essentiel de ces recommandations attirait l'attention
du Comité Directeur du Parti sur la
vocation essentielle du pays, particuliè-
rement du
Fouta-Djalon dans le domaine de l'élevage, qui constitue, avec
llagriculture, "l es deux mamelles dont se nourrit notre pays".
"Il
importe
donc
qu'il
reçoive au même
titre que
l'agriculture,
parallèlement à l'industrialisation, les solutions justes, urgentes
qu'il appelle et qui en permettent le développement tant qualitatif
que
quantitatif,
face
aux
besoins sans cesse croissants de notre
consommation et de notre exportation.
( ... )
(Pour
ce
faire
nous
préconisons)
la création d'une
Ecole
pour la
formation technigue des infirmiers-vétérinaires dont un nombre déter-
miné devra être recruté
chaque année.
A ce suj et,
une Ferme-Ecole
est toujours préférable et l'actuelle
Ferme de Ditinn se prêterait
parfai tement
à
cet usage
-
les
frais seront minimes,
bâtiments et
terrains propices existants déjà.
Il Y serait procédé non seulement
à
la formation des infirmiers mais aussi,
dans son secteur pilote,
à l'éducation des éleveurs.
( ... ) Les moyens
nécessaires à mettre
à sa disposition seraient ceux
nécessités
par l'entretien de son
personnel,
l'élevage et l'entretien des animaux de la station, les
essais à faire tant sur les produits, les animaux que les pâturages,
le tout dans le cadre de l'action rurale. Cela n'impliquera du point

.- 161
de vue investissements que l'adaptation des bâtiments déjà existants
et l'acquisition du matériel d'élevage qui n'existerait pas déjà.
Le
bon
fonctionnement
de
cette
station
ainsi
conçue
permettra
à l'Action Rurale de pratiquer d'une façon sûre toutes les interven-
tions,
sans risque de mécompte,
puisque l'essai en aura été fait
au préalable en stahion ..
Son but essentiel devra être de rechercher et mettre à la disposi-
tion
des
éleveurs
les
moyens
à
la
fois
économiques,
rentables
et à leur portée.
En conclusion, je voudrais ici que tu ne perdes pas de vue (il s'a-
git de Sékou Tnuré, secrétaire général du Parti) que:
1 - passer
l'élevage
au
second
plan
en
Guinée
et
particulièrement
au Foutah serait une grosse erreur économique.
2 - que la
race
bovine guinéenne est très
recherchée
pour sa chair
et sa rusticité mais que si rien n'est fait et le plus tôt possible,
le
Foutah· sera
bientôt
ruiné"
par
le
manque
de
pâturages
et
inille autres problèmes pourtant "solubles'L.
La meilleure preuve pour montrer la faveur dont jouit la "N' Dama"
est
que
l'A.E.F
et
Togo
accourent
ici
l'acheter
(sans regard
aux dépenses) pour l'implanter chez eux.
3 - qu'on
le
veuille
ou
non,
aider le
paysan Foulah,
c'est,
avant
tout,
l'aider à conserver sontroupeau et à l'améliorer car aussi
i
bien
il
est
une
source
de
revenu
certaine,
le
plus
important
pour
le
Foulah
-
et
la
Guinée
-
et
pour lequel
les débouchés
sont nombreux et pleins d'avenir.
4 - ( ... )
5- que l'industrialisation elle-même, qui est le problème n
1 actuel-
lement n'enlève rien à la nécessité absolue de s'occuper de l'éle-
vage au premier chef et même, cette industrialisation l'implique,
car aussi bien, le problème de la viande se posera aux agglomérations

- 162 -
que l'industrialisation créera (166).
Par ailleurs) les plUs grands pays industriels sont aussi des grands
pays
d'élevage.
Il
faut
noter
aussi
que
si
nous
ne
posons
pas
tout
de
sui te
le
problème
de
l'élevage,
nous
poserons
un
jour
(celui) de l'importation de la viande et du cheptel, indispensables
à
la vie
d'un
pays
quel
qu 1 il
soit et à mon avis,
non seulement
cela
est
un
peu
plus
difficile) mais
j'estime
que
nous
importons
déj à
trop
de
choses,
suffisamment
en
tout
cas,
pour
chercher
à
éviter celles-là
POur
preuve,
la
Côte
d'ivoire,
pays
agricole,
cherche actuellement à refaire son cheptel et à l'étendre (167).
(166) - Malheureusement l'histoire
a
donné
raison
à
l'auteur
car
pendant
les périodes de soudure (1975-1980) la viande était devenue une denrée
rare, pour l'avoir "il fallait appartenir à la classe des dignitaires"
et
sa
consommation
entraînait
des poursui tes de la part de la milice
et du haut commandement "révolutionnaire".
(167) - En effet,
la Côte d'Ivoire a obtenu de "bons résultats" en la matière
car
"la
consommation
de
viande
bovine,
soit
57
800
t
est
couverte
à
raison
des
18,3
% seulement
par la
production nationale
cette
dernière
estimée
à
10 600
t
provient
encore,
à
plus
de
90 % de la
production du
secteur traditionnel.
( ... ) La production de velailles
est
très
proche
des
besoins
et
l'auto-suffisance
est
assurée
pour
les oeufs. Le secteur moderne s'est développé au cours de ces dernières
années
(filière
avicole
S.I.P.R.A)
et
sa
production
avoisine
celle
du
secteur
traditionnel
par
ailleurs loalaisée
à
cerner.
(.
Rép
de Côte d'Ivoire Plan quinquennal de développement économique, social
et culturel 1981-1985 tome 2 vol. 1, P. 339 Ed MInistère du Plan.
BILAN ACTUEL ET PREVISIONNEL
en tonnes de viande et abats
BOVINS
OVINS-CAPRINS
PORCINS
B l LAN
1980
1985
1990
1980
1985
1990
1980
1985
1990
Be60ins pour la con-
sonunation
57 800
76 400
97 200
12 !100
15 )00
22 600
8 600
15 )00
25 100
Production attendue
10 600
17 900
28 000
4 400
6 100
10 000
7 )00
14 400
24 700
II 6ect. Tra compte
tenu action encadr.
9 700
13 900
20 000
4 400
6 100
10 000
4 700
8 800
6 700
2) sect. moderne
envisagé
900
4 000
8 000
-
2 600
8 600
18 000
abject taux couver-
ture
18.3 %
.25 %
40 %
35.5 %
40 %
60 %
85 %
94 %
98 %
Importat ion
47 200
57 )00
58 300
8 000
9 200
9 100
1 300
')00
400
Production moderne
Comp1ém. nécessaire
-
1 200
10 900
-
-
3 500
-
-
-
..
.
.
=
_. ,
- .
Source : ministère du Plan quinquennal de développement
1981-1985 Abidjan 1983 p.
340

-
163
-
Rien ne serait plus regrettable que d'avoir un jour à
reconstituer un troupeau que nous aurions pû ne pas per-
dre ; et si on ne prend garde, c'est ce qui nous arrive-
ra.
Voilà ce que, en tant que militant, donc responsable et
. en tant que technicien malgré tout, je me suis cru obli-
gé de te dire à toi,
(Sékou Touré) et à vous tous qui
avez - à notre nom - la destinée de notre territoire afin
qu'un jour, ma conscience n'aie rien à me reprocher. (168)
La référence à cette étude se justifie à travers les raisons sui-
vantes: -
d'une part, elle permet de cerner les racines du problème agri-
cole qui, depuis la loi-cadre (Gaston Deferre 1956) (169) n'a fait que slag-
graver. D'autre part, ses mérites résident non pas dans son caractère géné-
ral mais plutôt dans son aspect "visionnaire".En effet, si l'on avait pro-
cédé au renforcement des structures déjà existantes et graduellement élevé
le niveau technique afin qu'elles servent de fondement aux Facultes agrono-
miques, celles-ci auraient "aisément rempli" leur rôle de fournisseurs de
produits agricoles sans pour autant négliger l'encadrement nécessaire des
agriculteurs.
Toutes les recommandations des experts des institutions interna-
tionales convergent dans le sens de l'étude citée (17ü) : assistance perma-
(168) -
R.D.A. - P.D.G. S:ction de Menou n° 152Mano.t 25 cttobre 1957 - Etude adressœ au
Canité Directeur du P.D.G; Conakry signœ tirnara S&ou.
(169) - La loi-cadre a donné aux territoires une sani autonanie (conseils de gouvernarent)
et favorisé la balkanisation en refusant ce bénêfice aux fédérations de territoires
(A.O.F., A.E.F).
(170) - Il s'agit des études de l'LNES:O: stratégie de Dév. de l'édoc-fonnation Conakry- Bu-
daJ:Est 1983, Guinœ, Enseignanent et fonnation Agric EFW121 1983, Rap!X)rt de mission
G.lI/84/004/1984, Banque M:mdiale - tIarorandum sur le secteur de l'édocation n° 3144
25 Février 1981 ;

-
164 -
nente aux agriculteurs dans leur tâche quotidienne, formation en grande
quantité de techniciens agricoles, vulgarisation des techniques agricoles
etc ...
f
- Conclusion
L'instauration des profils agricoles dans les écoles et leur ex-
tension à l'enseignement supérieurn"mt pas concrétisé l'objectif que s'é-
tait fixé la conférence nationale des cadres de l'éducation (2 au 9 Avril
1977) à savoir:
le développement de la campagne agricole universitaire,
afin de faciliter le parcours vers "l'auto-suffisance
alimentaire" .
La croissance économique du secteur agricole guinéen au cours des vingt
cinq dernières années a été décevante : IImo ins de 2% par an
contre 2,6% de croissance demographique. Les exporta-
tions agricoles, autrefois importantes, sont aujourd'hui
inexistantes. Pour répondre aux besoins alimentaires des
populations urbaines, le gouvernement a dû accroître ses
importations alimentaires (171) elles constituent aujour-
d'hui un quart des importations générales - et les nom-
breuses agro-industries créées par l'Etat n'ont pas réus-
si à faire face à la demande parce que leur fonctionne-
ment est très au dessous de leur capacité en raison des
difficultés d'approvisionnement (172).
(171 )
à côté des importations alimentaires,
les dons de certains pays
(Chine Pop. et les U.S.A) ne manquaient pas. A ce propos voici la
déclaration de Kéita NFamara Ministre et membre du B.P.N. le 17
Juin 1971, à l'Ambassadeur "d'un pays ami" (U.S.A.) : "le peuple de
Guinée apprécie hautement la compréhension qu'il a toujours trouvée
auprès de votre pays et se félicite du concours qu'il lui prête cons-
tamment".
(
Horoya cité par Diakité Claude Abou, Guinée Enchaî-
née Ed. D.A.C. 1972 p. 239).
(172)
UNESCO EFM/121
1983.

...
165
-
Cet état de pays traqué par le manque de besoins primaires qui empêche la
population de s'élever au-dessus des "con tingences immédiates" n'a pas sa
raison d'être si l'on se réfère à sa dotation naturelle riche et variée, et
aussi à la présence de plusieurs institutions agricoles. ~ulement, il res-
sort de l'analyse précédente que ces institutions ont été "victimes" de
précipitation, de manque d'analyse appropriée, et surtout de manque de pla-
nification rigoureuse.
En effet, la création des Facultés agronomiques a coïncidé avec
la période de grande famine (~ytane 1975) ; les autorités, pour arrêter ce
fléau, décidèrent sur "COUp de tête" de confier le dur problème agricole
aux institutions scolaires, sans pour autant mûrir les raisons de la stagna-
tion de l'agriculture qui, à notre avis, sont en grande partie liées à
l'insuffisance des incitations aux producteurs (prix agricoles trop bas,
manque de biens de consommation). Viennent
ensuite s'y
ajouter l'insuffi-
sance de la recherche appliquée, 1'orientation excessive vers la mécanisa-
tion (pléthore de machines agricoles de marque Roumaine
qui se sont avé-
rées inefficacffimalgré que le Président Sékou Touré ait dit au Dr Alpha
Oumar Barry, ministre de l'agriculture (1974)
" con trairement au mauvais résultat que ton étude pré
juge pour notre agriculture, nous, nous pensons qu'a-
vec l'aide de la Roumanie l'auto-suffisance alimen-
taire est à notre portée. Ton étude s'inspirant de
ce qui se fait dans un pays voisin (la Côte d'Ivoire)
suggère une incitation et un intéressement de nos
paysans par une politique des prix en vue de les in-
citer à produire plus, etc ... nous, en Guinée, nous
n'avons pas plusieurs politiques. Nous n'en avons

.... 160 -
qu'une seule. C'est celle que nous "dicte notre
peuple". La loi de l'offre et de la demande dont
parIs ton étude est une tare, les capitalistes
s'en servent pour exploiter les peuples (173).
Enfin~ l'éradication du fléau famine par la politique de mécanisation, et
par la formation agricole massive de jeunes dans les Facultés, ne peuvent à
elles seules remédier au mal endémique de l'agriculture. Les expériences vé-
cues par certains pays, en l 'occurrencela Chine, montrent que l'école d'a-
griculture ne peut et ne doit être le moyen convenable pour attirer les
jeunes vers la terre, encore moins un outil pour atteindre l'auto-suffisan-
ce alimentaire. IIL'agriculture est en effet une activité saisonnière,
où l'on doit à certaines époques travailler de
l'aube au coucher du soleil pour préparer la ter-
re, semer ou sarcler en temps opportun, alors que
l'école vit à l'horaire de la fonction publique.
S/il s'agit de former ou de perfectionner des a-
griculteurs indépendants ou des membres de coopéra-
tive de type scolaire est encore moins appropriée
car elle favorise le développement d'une mentalité
d'assisté et non la prise de responsabilités. En
outre, l'expérience paysanne traditionnelle est
irremplaçable et bien des jeunes sortis des écoles
d'agriculture ont abouti à l'échec pour avoir vou-
lu l'ignorer" (174).
o-' Système de contrôle
a -
Généralités
Il est généralement admis que le système de contrôle est inhé-
rent au processus éducatif et, de par ce fait, peut être considéré comme un
lI acqu is
pour tout système qui cherche à se reproduire ll • Ainsi, le système de
(173)-
Amadou Diallo, la mort de Diallo Telli Paris Karthala 1983 pp
67 - 68.
(174)-
UNESCO Guinée Enseignement et Formation Agricole
EFM/121
1983 p. 4.

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-
168 -
contrôle qu'il soit du ressort des examens ou des concours obéit à des con-
sidérations d'ordre socio-économique, politique et culturel. Tout d'abord,
il est pour la société "macroscopique" un moyen de traduire ses objectifs
généraux par le biais des contrôles de connaissances (examens et concours)
et par là même maîtriser le flux scolaire, tout en l'orientant dans les di-
rections souhaitées par l'organisme étatique de planification. D'autre part,
il est l'-instrument privilégié des enseignants
pour créer la correspondan-
ce entre ce qui est demandé par la société et les moyens propres à y parve-
nir, mais surtout un moyen de vérification sur une période donnée, des con-
naissances acquises au cours du processus.
Ceci peut se faire à travers plusieurs types de contrôle, à sa-
voir le contrôle prédictif (pronostic sur les potentialités intellectuelles
de l'élève en vue de son orientation), contrôle sommatif ou évaluation som-
mative (sur la quantité de connaissance acquise à la fin d'un cycle), le
contrôle continu ou formatif (qui s'étale sur toute l'année afin de véri-
fier, d'augmenter et de perfectionner les connaissances des élèves). Il faut
signaler aussi que les contrôles de connaissances permettent, entre au-
1
tres, aux enseignants par le canal du feed-back, de vérifier l 'efficacit~
de leurs interventions et aussi de les situer par rapport aux comportements
observables des enseignés.
Somme toute, le système de contrôle dans le processus éducatif
peut se définir comme - "en pédagogie une prise d'information
qualitative et quantitative portant sur le sujet
apprenant, sur le maître, sur le programme et sur
les conditions de l'environnement en fonction de

-
169 -
la prévisio'1 ou de l'organisation du processus
d'intervention
- en psychologie, une démar-
che logique de connaissance, des effets et de
l'efficacité d'une méthode ou d'un programme de
formation (en particulier par rapport à un cri-
tère ou un ensemble de critères déterminés), de
la nature de ces effets aux différents niveaux
du comportement et de la persistance de ces effets
à long moyen ou court terme.
(175).
b -
Système
de
contrôle Guinéen
Dans le système éducatif guinéen, le contrôle de connaissances
classiques a vu sa fin avec l'avènement de l'enseignement de masse. En effet,
pour les autorités éducatives, l'enseignement de masse} étant synonyme d'en-
cadrement d'une large fraction de la jeunesse (176) ne devient effectif que
lorsqu'il est à mesure de s'emparer, du moins est capable de prendre une co-
horte donnée dans un cycle donné et l'acheminer vers la fin de ce cycle. Au-
trement dit, il s'agit de former une cohorte sans pour autant que les règles
minimales des contrôles entravent la progression normale jusqu'au but final.
Pour ce faire, elles négligent délibérement les contrôles et ceci pour un
passage automatique d'une classe à une autre dans le primaire sans oublier
que :
"la moyenne des notes obtenues dans l'année en
travail productif agricole entre
dans la dé-
termination de la moyenne générale pour l'en-
(175) -
Thines et l'empereur cite par KOUDOU Kessié in le vécu des
examens par les étudiants, le Normalien volume spécial, Avril 1986
p.129.
(176) - Cet encadrement selon le Président Sékou TOURE, est de "nature fon-
cièrement démocratique non seulement parce que (l'Ecole) ouverte à
tous les jeunes sans discrimination, mais surtout parce que conçue
pour assurer le pouvoir absolu du peuple dans tous les domaines de
la vie".
(
Session ordinaire du Comi té Central 10-13 Novembre
1969 Conakry.)

-170 -
trée en 2ème cycle" (6ème du scondaire). (177).
Cette stratégie siest avérée payante sur deux plans: social et politique.
Sur le plan social, elle a permis la conservation du flot scolaire du pri-
maire issu de la période dleuphorie des années 1960 bien qulen cours de for-
mation lleffritement et les abandons ne manquaient pas; le système éduca-
tif a tout de même réussi à maintenir son caractère "démocratique non pas
comme nous 11 avions dit dans les pages précédentes à "sco l ariser tous les
enfants, mais plutôt dans sa volonté dlassurer une promotion collective à
la minorité des enfants qulil a pu accueillir".
Sur le plan politique, elle a
aussi permis au gouvernement de renforcer
sa particularité dlEtat "progressiste dans la sous-région tout en affichant
un record de scolarisation de 50% bien qulen réalité celui-ci ne dépasse 28%
tout au plus 30%.
La même stratégie de contrôle continue dans le secondaire et sa péoccupa-
tion première ne diffère guère de celle du primaire. En 1957, la Guinée fi-
gurait parmi les pays francophones les plus en vue dans le domaine de la
réussite aux examens du secondaire (B.E, B.E.P.C, Baccalauréat 1ère partie
et 2ème part ie).
(177) -
Décision prise à l'issu du semInaire sur les collèges d'en-
seignement rural 8 Octobre 1966.

- 1 71
-
Résultats aux examens du secondaire dans quelques
pays d'Afrique Sub-Saharienne francophones
Examens
1957
Examens
1963
B.E
et
B.E.P.C.
Bàc 1ère
Bac 2ème
Bac 1ère
Bac 2ème
prés.
admis
prés. admis
prés. admis
aarrX
..lbs
a~
ails
val
'Jal
Côte d'Ivoire
874
271
210
57
108
66
39,0
291
65.0
21~
Bénin
486
117
121
50
83
49
44,0
217
61.5
165
Burkina Fasso
380
139
49
29
16
11
41.0
104
64.0
76
Mauritanie
50
36
60,0
21
62.0
14.
Niger
51
41
28
19
6
3
58.0
63
55.0
33
Sénéga 1
1184
493
1136
482
605
362
41.7
424
63.3
320
Mali
344
.175
132
59
56
38
CamerOun
1368
418
276
114
148
79
37.1
344
43.0
172
Togo
344
130
62
29
56
32
45.0
108
53.0
60
Guinée
318
148(46.5~)
21
15(71.-1%)
21
15
Source
Enseignement Outre-Mer Décembre 1958, Ministère de la Coopération.
Situation de l'Enseignement dans les Etats Africains (Lê Thân Khôi.
Enseignement en Afrique Tropicale. P.U.F. 1971 p. 118

- 172 -
Cet acquis, si
minime soit-il, devrait être renforcé eu égard à la dimen-
sion politique de la Guinée sur la scène continentale et sous-régionale
(vote en faveur de l'indépendance le 28 Septembre 1958) - la solution de
préservation préconisée à cet effet fut, de rendre souples les examens et
concours dans le secondaire et ceci par le
"souci de progrès constant ( ... ) à faire passer chaque
année plus d'élèves en classe supérieure que
l'année précédente. Et même les classes d'exa-
men étaient soumises à cette loi des statisti-
ques "révolutionnaires".
(178)
Pour se faire une certaine idée sur les rendements internes élevés, il suf-
fit de se référer à quelques taux de passage indiqué par Kanvaly Fadiga dans
son étude: Ilbaisse du niveau ll de l'enseignement en Afrique Noire Ann. Uni-
versité d'Abidjan, série D (Lettres tome XVI, 1983, p. 292).
Dans cette étude, les taux de passage se présentent de la manière suivante.
( 178) -
Académie de N'Zere Koré, Conférence Nationale sur l'éducation
Conakry 24 Mai 3 Juin 1984 p.27
A propos de statistiques, celles-ci furent régulières et correctes
de 1957 à 1959. Cette régularité est à mettre à l'actif d'un membre
du P.A.I.
(Parti Africain de l'Indépendance) NDADW. Malheureusement
le bureau de statistiques fut en 1959 supprimé à cause de son carac-
tère révélateur de la chéreté de la vie (indice de prix en hausse).

- 173 -
Taux de passage de 1977-78 (179)
De la 6ème à l a 7ème. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
81 ,68%
de la 9ème à la 10ème
74,36%
De la 12ème à la 1ère année d'université
.
87,63%
Son interprétation est: "lorsqu'on fait le rapport des effectifs
du 1er cycle (237.999 élèves) avec ceux de l'universi-
té et des grandes écoles(19.705 étudiants), est-on
amené à conclure que le rendement interne du système
éducatif de Guinée est l'un des plus élevés d'Afrique
(82%), car apparemment, le système permettrait l'ac-
cès à l'Université à plus de 82 élèves de chaque co-
horte de 1.000 primairiens. Ce rendement est d'autant
plus élevé, que ceux de la Côte d'Ivoire et de la Tan-
zanie (qui) sont relativement insignifiants (16% en
Côte d' Ivoire, et 1% en Tanzanie)".
Eo plus de ce rendement apparent, l'évolution devient plus significative
lorsqu'on prend. en compte les données suivantes portant sur les effectifs
Evolution des effectifs élèves et étudiants
Cycles
1958
1968
1978
1er Cycle
42.543
144.394
271.318
2è et 3è cycles
2.547
29.118
105.550
4ème cycle
644
23.691
_ _ _ _ _ _ _-----'So=Wce : l'école guinéenne p. -T:J._I7_ed_._I_._D_.E_.C_.
_
(179) :
Taux de passage de la 6èIœ à la 7èIœ année
et taux de réussi te au Bac 1ère et 2èIœ partie
FJ79/ffJ
1900/81
1981/82
1982/83
1983/84
Admis en 7è
15.649
15.797
15.682
12.129
13.101
Bac 1ère P.
3.327
3.456
3.CJj)
3.289
Bac 2èrœ P.
2.147
1.536
2.349
2.1Œl
1.CY;l3
Source : rrrinistère de l' &luc. Nat.
(1979/80-1983/84)

-
174 -
De ce tableau il ressort une volonté de scolarisation "tous azimuts" cepen-
• dant, il faut noter que cette volonté va de pair avec les préoccupations
pol itiques :
- 1958 est l'année de l'indépendance nationale,
- 1968 est le grand tournant, la "Révolution Culturelle Socialiste"(l80
1978 est la date de la tenue du XIème congrès qui a vu le parti
se confondre avec l'Etat (parti-Etat)
Si tel
est le cas, on pourrait être amené à dire que l'éducation en Guinée
se résume en "un jeu du pouvoir qui n1est autre qu'une partie de quilles".
- Renverser, du moins contourner les obstacles par le biais des effectifs
pléthoriques.
L'enseignement supérieur subit les mêmes critères de contrôle. Les examens
de passage bien que tenant compte d'un minimum de savoir, ne sont pas pour
autant moins tributaires des considérations idéologico-politiques. Outre
ces considérations, les travaux de groupe (qui, dans certains cas sont né-
cessaires), les exposés à coloration idéologique vantant les mérites du
Parti et faisant le culte de la personnalité du Président "Responsable Su-
prême et stratège de la Révolution" obtiennent souvent des bonnes notes.
(180)
Une des décisions de cette "Révolution culturelle socialiste Il est
que : "aucun élève ne doit être empêché de continuer ses études
secondaires arrivé au terme de l'enseignement primaire.
(Prolonga-
tion de la scolarité obligatoire jusqu'à la fin de la 12ème année)
(
ministère de l'enseignement Pré-Universitaire et Alphabétisa-
tion, Réforme de l'enseignement en République de Guinée Novembre
1958-Novembre 1978 - Institut Pédagogique National p. 62).

- 175 -
Les mémoires et thèses de fin de cycle bénéficient eux aussi de la "complai-
sance" des jurys formés circonstanciellement pour les besoins de la cause.
En 1979, l'ancien ministre de la Défense le "Général" Lansana Diané, prési-
dant un jury de soutenance de thèse en sciences agronomiques, siest exclamé
au vu du volume de la thèse: "mon fils est-ce toi qui a écrit tout ça?"
La réponse du soutenant: "oui Papa". "Alors accordez-lui la mention très
bien".
Une telle "complaisance", d'après Amadou Diallo, fut rejetée par
Diallo Telli magistrat de formation, ancien secrétaire général de l'O.U.A.
Selon Telli:
"accepter de faire passer une thèse de médecine
alors qu'on a dans ce domaine aucune connais-
sance, c'est se moquer des jeunes. C'est conspi-
rer contre eux.
(Telli) raconte que des ménagè-
res et des "généraux" président souvent les ju-
rys. Et il ajoute qu'à une cadence de deux mille
cadres supérieurs par an, la Guinée dame le pion
aux Etats-Unis d' Amérique !" (l81 ).
La portée d'une telle "complaisance" s'apprécie mieux à travers les résul-
tats obtenus au cours des 14 années d'existence de l'Université guinéenne
(1968-1981) .
(l81) -
La mort de Diallo Telli Paris Karthala 1983 p. 71.

-
176 -
Promotions Universitaires sortantes
(1968 - 1981)
Années
Noms des promotions
Sortants
1968
LEN 1NE
54
1969
HO CHI MINH
142
1970
CHE GUEVARA
192
1971
SOUNDIATA KEITA
218
1972
KWAME N'KRUMAH
166
1973
AMILCAR CABRAL
306
1974
FIDEL CA STRO
453
1975
MAO-TSE TOUNG
693
1976
a)
ALMAMY SL\\MORY TOURE
800
b)
BOCAR BI RO BARRY
1060
1977
MAFORY BANGOURA
1200
1978
OUEZZIN KOULIBALY
1800
1979
BEHANZIN
2847(4000)
EFM 104
1980
JO SI P BROZ TI TO
2350
1981
3350
15831
Source: horoya n° 2897 Discours de présentation de Sénaïnon Béhanzin,
secrét. du B.P.N, directeur de l'Ecole des Cadres du Parti du 19 au 25 Déc.
1981. pp. 8-9.

- 177 -
Ce tableau nous permet, entre autres, de constater l'effort permanent four-
ni pour la formation surtout celle des cadres supérieurs puisque la moyenne
de ceux sortant des Universités est de 1.130 par an (18~. Ceci confirme la
thèse des autorités guinéennes selon laquelle le développement est un pro-
blème d'instruction, voir de formation qui peut:
augmenter nos capacités, notre pouvoir, notre
emprise sur la nature et les problèmes que pose le
développement de la société".
(183)
Cette position, bien que "réaliste", dans un certain contexte - c'est-à-dire
par rapport à la société qui a déjà fait ses premiers pas vers le dévelop-
pement, l'est moins dans un contexte où le démarrage est à peine à ses dé-
buts. Persister dans une telle entreprise, c'est simplement pratiquer la
stratégie de la vendeuse de bananes qui se rattrape sur la quantité de ba-
nanes à vendre au détriment de leur qualité, un peu comme:
çe directeur d'usine de tracteurs (qui)
explique pourquoi la Russie est devenue un cimétière
de tracteurs:
.... je peux fabriquer cent trac-
teurs par mois. Or le Soviet de l'usine, par ému-
lation socialiste, exige que nous fabriquons cent
vingt. Je ne peux refuser, sinon je risque la Si-
bérie, mais la malfaçon en est le résultat. Au sur-
plus, manquant de pièces de rechange, je suis ré-
duit au bricolage" (184).
(182) - Certains experts avancent le nanbre de 3.CXXJ sortants.
(183) -
Sekou Touré, l'Afrique et la Révolution tare 13 Conakry p. 'Kf).
(184) - .
Fred Kupfermm, au pays des soviets. I.e voyage f'rançais en Union Soviétique.
1917 - 1939 cité par A1:xk>u Touré dans les petits nétiers à Abidjan Paris Karthala
1985 p. 11.

- 178 -
Cette référence à la Russie Stalinienne"convient" (185) à la Guinée de Sé-
kou Touré dans la mesure où les "usines" de formation en guinée se sont
contentées de la production quantitative au détriment de la formation qua-
litative avec pour conséquence:
bas niveau des élèves du primaire qui arrivent à
passer dans le secondaire et ceci malgré le nom-
bre élevé d'abandon à partir de la 3ème année
(40.000 enfants par an).
- Dans le secondaire, la formation reçue est
aléatoire, Elle ne permet pas aux élèves de sui-
vre correctement dans le cycle supérieur : il
faut se souvenir de l'aventure des élèves qui,
ayant échoué au baccalauréat en 12ème et 13ème années
ont été rétrogradés en 11ème année pour y cher-
cher vainement le 1er
Bac" (186).
Ce constat ne va pas dans le sens indiqué du ministre de l'enseignement
pré-universitaire et alphabétisation Galema Guilavogui. Pour celui-ci:
les résultats enregistrés par l'Ecole guinéenne
sont effectivement brillants aussi bien sur le
plan quantitatif que sur le plan qualitatif(187).
Notre remarque sur les deux aspects du rendement à savoir
quant itat if et
qualitatif diffère de celle du ministre.
Le résultat est positif quantitativement lorsqu'il slévalue en
termes d'élèves formés ou de diplômés (les deux termes nlont pas le même
sens) par rapport à l'ensemble correspondant des effectifs mis à l'école.
(185) -
La Russie a tout de nêœ réussi à rectifier le tir par le perfectiormerœnt penœnent
de ses cadres - D9ns plusieuros danaines scientifiques elle occupe le 1er rang. La
Cldnée d'aujourd'hui sera difficilerœnt en Iœsure de suivre la nêœ v:oie.- faute de
volonté politique et de moyens.
(186) -
Academie de Kankan Conférence Nationale de l' Fduction Conakry 24 r.hi au >Juin
1984 p. 63
(lST) -Interview dans /-broya du fVBrdi 5 Aoùt 198J p. 5.

- 179 -
Or en Guinée, l'érosion scolaire est II pa l pa ble".
IIDéjà en Juin 1980 le taux d'admission à l'Université a été reconsidéré. Il
est tombé à 25%, au lieu de 87,63% en 1977-1978 11 •
Qualitativement.
il s'apprécie d'un point de vue pédagogique: la mesure
des connaissances et des facultés intellectuelles,
et d'un point de vue
socio-économique. Sur ce dernier point il a été constaté que les cadres
formés
dans les I.P.S ne correspondent pas aux exigences de l'industrie
moderne. La qualité "fonctionnelle" ne peut être séparée de la qualité pé-
dagogique, car quel est le rendement d'une école si les enfants qui en sor-
tent ne trouvent pas d'emploi à cause de leur mauvaise formation du moins
trouvent un emploi auquel elle ne les a pas préparés?
Les élèves sortants des écoles secondaires de Guinée ont mille et un pro-
blèmes d'adaptation surtout quand ils vont à l'extérieur (188). En 1977,
toute une promotion a bénéficié
des bourses pour des études agronomiques
au Maroc. Cette propmotion fut partagée entre les institutions suivantes:
une première partie est allée à l 'I.P.A. (Institut Préparatoire des études
Agronomiques) de Rabat, une deuxième partie qui était destinée à l 'horticul-
ture fut acheminée sur l'Institut d'Agronomie de Ait Melloul Agadir, une
troisième partie orientée à l'Institut Agronomique Al Hjjab de Meknès.
Les comportements des élèves dans ces différentes institutions
n'ont pas été concluants et ceci à cause de leur bas niveau.
- A l 'I.P.A. de Rabat, ils ont tous repris la 1ère année, mieux pour repas-
ser en 2ème année, l'année d'après, il a fallu les repêcher.
(188) - En 1978/79 la Guinée avait 2.000 étudiants boursiers à l'étranger,
en particulier dans les pays socialistes. (.
UNESCO EFM/104
ibid p. 78).

- 180 -
Ceux qui sont allés à Agadir n'ont jamais terminé leur cycle qu'après
6 ou 7 ans. Or la durée normale du cycle est de 4 ans.
Quant à ceux de Meknès, leur parcours a été plus délicat sinon diffici-
le. En effet, cette institution est un peu l'école de prestige de la
place et tient à son image de marque et n'a délivré de diplôme à aucun
d'entre eux. Ce 1a a fa il1 i "compromettre" 1es bonnes re 1at ions di P1ômat i ques
entre les deux pays n'eut été l'intervention de l'ambassadeur de l'époque
Kékoura Camara auprès des autorités administratives de l'institution, et
auprès du Roi Hassan II.
Finalement le compromis fut trouvé et des certificats de scolarité ont été
délivrés dans le cadre de la coopération Guinéo-Marocaine (189).
S'agissant des étudiants guinéens qui viennent en Europe, particulièrement
en France, d'une façon générale, ils sont dépourvus d'information précise,
préalable à toute bonne orientation concernant les études à entreprendre
(190). Dans le cas contraire, même s'ils étaient informés et qu'ils arrivent
à s'inscrire dans des disciplines adéquates à leur profil de formation ini-
tia1e, il y a un décalage considérable entre leur niveau et le niveau sou-
haité.
(189)
en Côte d'Ivoire les comportements des élèves guinéens arrivés après
1970 ne sont pas meilleurs. Généralement, ils sont rétrogradés dans des
classes inférieures et s'inscrivent souvent dans des écoles privées
telles que Sény Fofana, Armand Bertrand et Ajavon toutes à Treichville.
(190)
désinformation en partie imputable aux déclarations mensongères de cer-
tains "étudiants" qui se veulent "Métro ou Métropolitains" (c'est leur
appellation pendant les grandes vacances quand ils déferlent sur le
pays) qui ne sont étudiants qu'à de rares occasions, du moins le sont-
ils dans les cafés, boîtes de nuit, salles de jeux et de pari (tiercé
de la rue Vivienne 3ème Arrondissement) sur les champs de courses d'En-
ghien et autres? Pour se faire admirer et effacer toute trace de doute
concernant leur mode de vie français, parisien en particulier, dans
l'esprit des parents, ils peignent cette vie en rose (chaque matin ma
"fiancée"vient me chercher en voiture pour m'emmener à "l'université").
Ce sont ces déclarations sans fondement qui sont prises pour "argent
comptant" par les néo-métropolitains qui une fois sur place, constatent
les dures réalités qui sont loin d'être conformes à celles décrites par
par leurs devanciers.

-
181
-
Dans les Universités de Paris 6 (Institut Pierre Curie), Paris 7 (Jussieu)
et Paris II (Nanterre), généralement il y a deux catégories d1étudiants
inscrits
Une première catégorie en sciences de la nature et de la vie, sciences
des structures et de la matière, avec pour option Mathématiques physi-
que; quelques rares choisissant la biologie.
Une deuxième catégorie en sciences économiques et sociales, ou 1ère
année ou 2ème année en sciences humaines, option sociologie, dans la
mesure où ils ont déjà effectué un parcours universitaire en Guinée, 3
,ans du moins ont déjà soutenu une thèse et sont titulairffide diplômes de
fin de cycle.
Ces deux catégories d'étudiants, nantis de volonté et de courage (mais
l'essentiel: le bon niveau faisant défaut) arrivent difficilement à tenir
le pari, c'est-à-dire avancer normalement et finir le cycle universitaire
avec obtention de diplôme. Nos
enquêtes sur ces deux catégories nous ont
révélé les faits suivants:
85% de la première catégorie changent et optent pour les mathématiques
appliquées aux sciences sociales contre 15% qui restent et qui réussissent
. --. en D.E.U.G. (diplôme d'étude universitaire générale) en 3 ans, voi-
re 4 ans avec dérogation.
La deuxième catégorie, souvent initiée et moins exposée que la première
aux aléas du système de contrôle universitaire (puisqu'elle a à son ac-
tif "3 années de formation antérieure") se maintient et réussit souvent
à "décrocher" une licence ou une mattrise au prix d1un travail personnel
intense en 2 ans minimum.

-
182 -
Dans tous les cas, la majorité des étudiants inscrits disparaît complète-
men~des Universités pour faire le bonheur des écoles périphériques (Uni-
versité de Saint-Denis) et privées, moyennant une formation minimale (6
mois, un an), car l'éthique africaine et surtout guinéenne veut qu'un
jeune parti à l'aventure ne revienne pas les mains vides. Pour ne pas en-
freindre cette loi traditionnelle, beaucoup de jeunes finissent dans la
tourmente de la vie métropolitaine (Paris by night), ou se mettent à la
recherche d'hypothétiques certificats de scolarité et de faux diplômes
(191). (Tractations qui ne sont pas du reste l'apanage des seuls guinéens,
on retrouve aussi des ivoiriens, des maliens, des sénégalais, des zaïrois
etc .. dans le même circuit).
Ceux des congolaii,gabonais, ivoiriens, sénégalais, zaïrois étudiants (nor-
maux) dans les Universités françaises ont moins de problèmes, à part les
mises à niveau de 3 mois nécessaire pour leur intégration.
Ces mauvaises performances nlont pas échappé aux critiques de la
commission sur l'éducation du collectif des guinéens résidant en France
(dont le rapporteur est Cissé Alkaly, service des équivalences Paris 7 Jus-
sieu). Ces critiques, pour l'essentiel, portent sur les situations suivantes
(191)
Diakité Claude Abou nous dit que: à l'Université d'Abidjan, au cour.s
de l'année scolaire 1970/71, sur 120 étudiants guinéens inscrits et
subventionnés par le gouvernement de la Côte d'Ivoire, 23 ont dû être
radiés sur proposition de leurs propres camarades parce qu'ils n'a-
vaient ni le baccalauréat, ni même le niveau de la classe de 1ère en
Guinée. Ils s'étaient tout simplement procurés les attestations qui
tiennent lieu de diplôme en Guinée et que l'on achète vierges, dûment
cachetées et signées sur le marché Libérien à Monrovia pour cinq dol-
lars. En Guinée même, il existe un véritable trafic sur ces attesta-
tions anonymes qui franchissent les frontières aux bons soins de hauts
fonctionnaires de l'Education Nationale avec la complicité des jeunes
gens eux-mêmes. (
. Guinée Enchaînée ibid pp. 163, 164).

-
183 -
"les exemples concrets, vécus, nous montrent que
la situation des étudiants engagés dans la vie

Universitaire doit être revue : les diplômes gui-
néens (5ans) lorsqu'ils viennent en Europe, en
France en l'occurence sont recyclés{les 4/5ème)au
niveau de la 3ème année avec toujours des rattra-
pages du programme de 2ème année.
- Mme X Diallo diplômée en géologie
- M. Y Barry, Mme Diallo, M. X en biologie sont re-
cyclés: après tests, respectivement en licence de
géologie et biologie avec rattrapage.
--M. X Camara diplômé en sciences sociales
- Mme Kaba en sociologie et Mme Kéita en Economie-
Finances sont admises respectivement en licence de
Lettres-Sociologie, licence de sociologie, licence
d'Administration Economique et sociale.
- Mmes Bah, Kéita, messieurs Touré, Diallo, étudiants
sortis 3 ans après le bac sont repris au niveau
2ème année avec la moitié de la 1ère année à refaire.
Nos étudiants qui viennent avec le niveau de 2 années
d'Université reprennent en 1ère année avec toutes les
difficultés pour suivre.
Ceux qui viennent avec le niveau bac passent au moins
une année de mise à niveau scientifique et linguisti-
que avant d'avoir une chance d'obtenir une place
dans une Université française .
Nos cadres qui ont eu la chance d'obtenir des bourses
post-Universitaires ou des stages en Europe ou hors
d'Europe ne pourront certainement pas contredire ces
affirmations.
Il est évident que certains étudiants ou stagiaires
très motivés ont éprouvé moins de: difficultés que
d'autres, cependant ils ne sont pas nombreux.

-
184 -
Mais
combien
de
Mme
Oiallo,
M.
Barry,
ou
Mlles
Kéi ta
ou
Camara
ont
eu
la
chance
de
sortir
du
pays
soit
avec une bourse grâce à
leurs relations
bien
placées
dans
la
hiérarchie
sociale
(192).
Toutes
ces
indications
sont
importantes
à
nos
yeux parce qu'elles placent le niveau de nos étudiants
dans un cadre bien défini" (193).
Ce survol IIpanoramiquell dans l'univers du système de contrôle à
la II gu inéenne" nous permet de poser les questions suivantes:
1) - à qui profite un tel laxisme (cette fuite devant les responsabilités),
un tel rabaissement de niveau des élèves et étudiants?
2) - Au nom de quel idéal politique a-t-on pris le risque de sacrifier
des générations entières?
La réponse à la première question ne peut pas être liée à l'exaucement
d'un quelconque voeu du ·Président défunt Sékou Touré.
"Il
(Sékou
Touré)
a
ramené
l'école
guinéenne
à
la
ligne
d'horizon
des
hommes
du
P.O.G.
Tout
s'est
passé
comme
si
ces
derniers
avaient
voulu
systématiquement
en
détruire
l'image
aux
yeux
des
guinéens".
(194),
et
non
plus
"d'écraser
le
sommet
de la pyramide et ravaler les capables
au
rang
de ceux
qui
doivent
applaudir".
(Propos
(192) - Souligné par nous.
(193 )
Réflexions sur la restructuration de l'enseignement supérieur en
République de GUinée Septembre 1985, PP. 7, 8.
(194) -
Sako Kondé, Guinée, le temps des fripouilles, Paris, Pensée Uni-
verselle, 1974, P.
126.

-
185 -
tenus
au cours
de notre entrevue
par Mr Yansané
Sékou (195) l'actuel chef de la délégation permanente
de
la
République
de
GUinée auprès
de
l'UNESCO le
Vendredi 16 Janvier 1987).
Ce raisonnement ne nous satisfait pas pour deux raisons fondamenta-
les
la première est que. généralement en Afrique.
applaudir un chef de
l'Etat n'est pas fonction de l'ignorance ou de l'intelligence d'un idividu.
est du moins peu fonction de sa position sociale (196). POur preuve, quand
l'ancien Président sénégalais Léopold Sédar Senghor disait
"l'émotion est nègre comme la raison est hellène".
Cette phrase suscita peu de réprobation de la part de l'équipe
gouvernementale de l'époque. Pourtant. elle ne manquait pas "d'hommescultivès~:
s'il y a eu contestation. c'est surtout de la part d'intellectuels sénégalais
moins "impliqués" dans l~ gouvernement. mais aussi de la part d'intellectuels
africains résidant hors d'Afrique tel que Stanislas Adotevi qui "fustigea" la
très bizarre formule qui
"vise uniquement
à perpétuer un régime considéré
comme néo-colonialiste et dont il est le Pésident,
la négritude doit être le soporifique du nègre.
C'est l'opium. C'est la drogue qui permettra à
l'heure des grands partages d'avoir de "bon nègres".(197)
(195) - Il faut savoir que ce dernier a servi le régime de Sékou Touré d'abord
comme
enseignantproviseur au lycée classique de Donka, et à l'Institut
Polytechnique de Conakry, ensuite comme Ambassadeur de la GUinée à
l'O.N.U et finir gouverneur à Faranah.
(196) - Dans les aVeUX les plus durs (ONI Terasa Toranska) il est rapporté ce-
ci : Berman raconte qu'à l'issue du dîner il se trouva danser avec Mo-
lotov. "Avec madame Molotov?" Elle était dans un "camp". Et d'ajouter
que ces danses "fournissaient l'occasion de se dire à voix basse des
choses qu'on ne pouvait dire à voix haute".Staline, lui tournant la
manivelle du phonographe, mettait des disques de musique géorgienne et
regardait. "Il s'amusait vraiment, commente Berman ... "(Flamarion
1986 380 pages).
(197) - Négritude et négrologues, Paris Union générale d'éditions, 1972 pp 114 -
115.

-
186 -
Dans le gouvernement de Sékou Touré, le fait d'être une "éminence grise"
(grand "intellectue'" il le fut d'ailleurs) n'a pas empêché Diallo Telli
Boubacar de servir loyalement Sékou Touré et d'applaudir chaque fois que le
besoin s'en faisait ressentir. Il le regretta à la fin de sa vie:
( .... ) selon moi, si j'ai trahi la Guinée et
l'Afrique au profit du P.D.G, ce dernier m'a tra-
hi. Aujourd'hui effectivement, je me reproche d'a-
voir livré de nombreuses populations à une vaste
campagne de haine ( ... ). Tout en insistant avec
force sur mon incapacité à être à la hauteur de ce
qu'ils attendaient de moi, je voudrais leur dire
que les guerres ont toujours imposé des sacrifi-
ces, et que la perte d'un soldat ne doit pas si-
gnifier l'abandon de la guerre. Je dois leur ap-
prendre que je ressemble à un de ces généraux dont
la valeur réelle ne dépasse pas celle d'un soldat
moyen. Je sais qu'ils se sont toujours montrés
généreux avec moi, aussi face à ma triste fin je
prie et leur reste reconnaissant. Je sais qu'au
bout du chemin ils me trouveront au sein de leurs
rangs, à la place du soldat moyen que j'ai tou-
jours été. Ce grand arbre qu'aux yeux de certains
j'ai été ne leur a donné ni ombrage, ni fruits.
Qu'il soit abattu et donne du bois à leurs foyers.
Un grand contemporain nous a appris que lorsque
tout un peuple boit la même eau, écoute la même
musique, lit le même journal, porte la même tenue,
etc, il est difficile aux individus qui le composent

-
187 -
d'affirmer une personnalité. Je n'ai pas fait dé-
rogation à cette règle (198).
Cette lettre montre que le système éducatif n'est pas le seul appareil idéo-
logique de l'Etat (au sens Althusserien du concept) à modèler, façonner les
personnalités bien qu'elle puisse grandement contribuer à le faire mais
qu'il a aussi ses limites. Applaudir en Afrique,un chef de l'Etat, une fois
de plus, est une question d'intérêt à un niveau élevé de la hiérarchie so-
ciale et une "obligation" pour les deshérités.
La deuxième raison est que la "Révolution" guinéenne avait mis
enplace un système éducatif qu'elle croyait efficace pour répondre aux nou-
veaux besoins économiques et aux attentes de la population. ~ulement, tou-
tes les précautions qui devaient entourer le nouveau système n'étaient pas
appropriées et ne jouaient pas un bon rôle de garde-fou pour éviter le dé-
rapage de la machine scolaire. (199). - Conséquence:
elle a pris une direction autre que celle qui lui a
été indiquée et donna ensuite naissance à un mons-
tre assez étrange, colossal mais peu effrayant,
gros par les membres supérieurs et petit par les
membres inférieurs (il s'agit ici du nombre plétho-
rique de cadres supérieurs sortis des grandes éco-
les et Universités. au détriment de la minorité
qui sort de l'enseignement élémentaire et secon-
daire) que les experts de tous bords se plaisent à
appeler à tort ou à raison, la "pyramide renversée"
qui, si elle est renversée, l'est avec des bosses
sur les côtés.
(198) - Souligné par nous -
Lettre de Prison adressée au Président
Ahmed Sékou Touré, Boiro, le 24 Déc. 1976 cité par Amadou Diallo ibid
pp. 64 - 65.
(199) - Autrerœnt dit "du point de vue de la planification interne,l 'évaluation devrait donc
avoir un caractère cootinu, ou réccurrent, et cCfJlXlrter une série d'interventions
progrannées dans le terri>s de Iœnièreà perrœttre l' introductioo de changeIœnts aux
naœnts opportuns" (
l'éducatioo en matière de population et la formation des en-
seignants Paris tJNES()) 1984 p 39).

-
188 -
Bref rappel de l'évolution des effectifs scolaires et Universi-
taires.
Très schématiquement ont peut distinguer trois pério-
des depuis la fin de la colonisation française (Octobre 1958).
La première (1960) est marquée par une foi aveugle
en l'école dans l'expansion de laquelle on voit l'indispensable
investissement pour le développement et dont on présente mal les
tyrannies institutionnelles et le ghetto ou le refuge qu'elle
constituera pour les jeunes et les adolescents.
(200). Pendant
cette période, la pyramide était encore large par le bas: 42.543
élèves dans l'enseignement primaire contre 2.547 dans le secon-
daire. L'enseignement supérieur n'existait pas à l'époque.
La seconde période
correspond aux années 1970.
C'est l'époque de la "crise mondiale" avec ses retombées sur les
économies périphériques. On se rend alors compte, que les écoles
créées dans l'euphorie de l'indépendance étaient inadaptées, et
on opte pour la promotion de nombreuses écoles secondaires pro-
fessionnelles et surtout des Facultés agronomiques liées aux mul-
tiples projets de développement agricole. Parallèlement à cet
effort dans l'enseignement secondaire et supérieur, l'enseignement
de base était délaissé et devenait la "chose" des écoles coraniques
et Medersas. En 1978, sur un effectif de 271.318 élèves dans le
primaire
on a constaté 40.000 cas d'abandon avant la classe de
3ème (C.E.I.). Or, dans le secondaire, l'effectif de 105.550
élèves (1978) s'est retrouvé subitement dans le supérieur, et ceci
à la suite de la décision du Conseil National de le Révolution" quià
(200)
Izabelle Deble, Rapports entre Formations Scolaire et EXtra-scolaire
in Education en Afrique: alternatives, Paris A.C.C.T.-I.N.E.P. Privat,
1980, p. 74.

-
189 -
tenu ses travaux à Conakry les 9 et 10 Mars 1975 :
"le recrutement (1977-78) pour l'Université se fe-
ra à partir des E.N.P (Ecoles Nationales Profes-
sionnelles dont le niveau correspond à la 9ème et
10ème année. C'est-à-dire la seconde et la pre-
mière de l'enseignement français)".
(201)
La troisième période
C'est cet effectif qui a gonflé le supérieur: facultés agronomiques et quel-
ques facultés de sciences sociales. Le système de contrôle (évaluation) fa-
cilitant le passage dlun degré à un autre, la pyram~de siest trouvée grosse
par le haut et petite par le bas. Les autorités guinéennes au lieu de réa-
liser la catastrophe et ses complications ultérieures sur le marché du tra-
vail (inadéquation formation-emploi) sien vantaient tout d'abord en Novem-
bre 1979 à Dakar :
"(en Guinée) nous avons supprimé toutes les écoles
privées pour n'avoir qu'un seul système d'ensei-
gnement, et aujourd'hui, nous sommes à 1100% de
l'effectif de 1958, Il fois plus d'élèves et près
de 20 fois plus d'étudiants. Nous n'avions pas
d'enseignement supérieur organisé en Guinée en
1958". (202)
Cette "auto-satisfaction" a été soulignée en Décembre 1981 lors du discours
de présentation du directeur de l lécole des cadres du Parti.
"15.900 universitaires, forgés par le peuple de
Guinée au prix d'immenses sacrifices, 15.000 uni-
versitaires, les uns assumant déjà, les autres
(201)
Ministère de l'enseignement Pré-universitaire et Alphabétisation,
réforme de l'enseignement Novembre 1958 - Novembre 1978 p. 10).
202)
Sejour au Sénégal du Président Sékou Touré R.D.A n° 132 p. 51

- 190 -
devant bientôt assumer, chacun et à quelque degré,
une partie des responsabilités du devenir du peu-
ple, 15.900 universitaires qui, au cours de 17
ans d'études, ont eu l'occasion de développer,
d'éduquer, d'entraîner leur cinq sens, leur in-
telligence et leur habileté ! Comment le Parti ne
s'appliquerait-il pas à développer en chacun d'eux
ce sixième sens, le sens des autres sens, celui qui
les oriente tous; la conscience ?" (203).
Quant aux bosses de la pyramide, elles ne sont autres que les disparités en-
tre les effectifs des sortants des écoles secondaires professionnelles et
ceux du supérieur. Tantôt ce sont les cadres moyens supérieurs, les sous-in-
génieurs des I.P.S qui sortent en grand nombre (1977-78) : 4.669 sur 4.690
contre 1.800 cadres supérieurs sortis de llUniversité en 1978. (204)
Tantôt, ce· sont les cadres supérieurs qui sortent par milliers
en 1979 ils sont 4.000 contre 2.000 cadres moyens supérieurs (78-79) (205).
La réponse à la deuxième question est que le grand nombre de cadres issus des
lI us ines"
de formation de la Guinée nia pas pour autant "bien servi ll li idéal
politique du P.D.G, bien que tous les records aient été battusen la matière
et surtout dans la sous~région : en 1979-80, la Côte dlIvoire avait, sur 14
présentés (ingénieur commercial), 14 admis, sur 7 présentés (ingénieur indus-
triel), 7 admis. (Ministère de l'Education Nationale et de la Recherche Scien-
tifique. "Direction de l'évaluation des statistiqueset de l' informatique".Sept.85)
(203)
Louis Béhanzin Horoya0n° 2897 - RPRG p. 9
204)
UNESCO, Guinée, Education: priorités et perspectives EFM/ 104 Mai
1980 p. 55 et Horoya 19 au 25 Décembre 1981 p. 9.
(205)
UNESCO , EFM/ 104 ibid p. 36

-
191
-
Le pourcentage est certes ici de 100% mais le nombre de sortants
est inférieur à celui de la Guinée (bien qu'il s'agisse de branches diffé-
rentes) .Mais en réal i té la situation guinéenne n' est pas autant rose; elle est mê-
me loin de résoudre l'épineux problème de placement sur le marché du tra-
vail, aussi les cadres sortis ne sont pas toujours lI op érationnels ll et ceci
a été confirmé par le doute affiché par les autorités quant à leur compé-
tence (voir page 158). Finalement, le système éducatif a plutôt obéit à
l'irrationnel, ayant pris la commande de tout le processus de changement.
engagé depuis 1958 et ceci contre les recommandations de premi~re heure du
R.D.A:
octroi de bourses d'enseignement en France par les territoires
aux meilleurs élèves, jusqu'à ce que l'en-
seignement général de l'Afrique ait atteint
son plein développement".
(206)
E -
Education et travail productif
a - Généra lités
Les réformes éducatives des années 60 en Afrique ont accordé une place pré-
pondérante aux activités productives. Cette mesure avait pour tâche essen-
tielle de rendre la production plus substantielle. et aussi. de répondre
aux multiples besoins socio-culturels liés à l'environnement propre de cha-
que pays.
(206)
troisième commission sociale, congrès constitutif du R.D.A. à
Bamako Octobre 1946 cité par Jean Suret Canale dans Afrique Noire,
de la colonisation aux indépendances 1945-1960 Paris Editions- So-
ciales 1977 p. 70.

192
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4:0000

1975- ffiSO

-
193 -
Les objectifs désignés ci-dessus ont fait l'unanimité des pays
africains qui perçoivent le travail productif comme un facteur de transfor-
mation des institutions et programmes éducatifs en outils d'auto-dépendance.
La réalisation de cette entreprise passe par la transmission de
qualifications utiles et appropriées aux apprenants. Son champ d'action cou-
vre toutefois toute une série d'activités: l'éducation permanente, la mul-
tiplication des possibilités d'acquisition de connaissances, l 'accroisse-
ment de la mobilité de l'apprenant, l'intégration des systèmes d'enseignement
dans les efforts de développement, etc.
Toute cette IIpanopliell d'instru-
ments pédagogiques tend à réhausser les activités sociales, culturelles,
linguistiques, esthétiques, politiques et autres activités intellectuelles.
Certains pays sont allés loin dans l'exploitation du concept
(Education et travail productif), jusqu'à le faire correspondre à la notion
d'éthique nationale, et ceci par: III 'acquisition d'attitudes et de valeurs
en accord avec leurs options philosophiques,
sociales et p~itiques, une place aussi im-
portante que l'apprentissage d'un savoir-faire
dans les disciplines mentionnées plus haut. Et,
en fin de compte, selon l'approche adoptée, il
est accordé une prééminence plus ou moins gran-
de aux avantages pédagogiques qui découlent de
l'intégration des activités pratiques dans le
savoir théorique, ce que l'on appelle plus com-
munément "apprendre en faisant" ou "apprendre à
être".
(207).
(207)
Education pour le développement B.I.T. - Genèse 1977 p. 27 et
Education et travail productif en Afrique UNESCO/Breda Dakar
1983 p. 1

"" 194 -
b -
Education et travail productif en Guinée
En Guinée l'éducation liée au travail productif est présen-
tée comme une composante, et non la moindre, de la réforme de l'enseignement
qui a vu
le jour en Août 1959. Elle avait comme objectif parmi tant d'au-
tres, de changer l'l'école du sous-développement" en une "école du développe-
ment". Pour ce faire, l'une des missions confiées à la réforme fut de "desen-
claver" l'école en la mettant à la portée du peuple, afin que ce dernier
puisse s'en servir à bon escient dans ses tâches quotidiennes. Ainsi, à la
spécificité traditionnelle de l'école (simple objet de communication du sa-
voir) s'est ajouté le "savo'ir pour faire", du moins le "savoir faisant". Il
Is'agit ici dlun "accouplement'de l'éducation et du travail productif pouvant
engendrer une nouvelle école, c'est-à-dire faire de l'école une "unité de
production" et un lieu où l'on peut produire des biens et des services.
Les différentes étapes de ce processus d'intégration et de
transformation sont : -
"L'école vers la vie" qui n'est autre que la rupture
avec l'ancien système éducatif qui accordait
plus d'importance aux qualifications conduisant
aux emplois de bureau.
-"L'école dans la vie" selon les autorités éduca-
tives "correspond à la phase qui voit la parti-
cipation des écoles (toutes devenues centres
d'éducations "Révolutionnaire" C.E.R) dans le
processus de l'éducation et du développement
national".
-"L'école pour la vie" est une phase à venir au
cours de laquelle l'école devra créer les con-
ditions fondamentales pour surmonter les contra-

-
195 -
dictions au sein de la société d'une part, et
pour la réalisation des buts politiques, économi-
ques, sociaux et technologiques, d'autre part". (20B).
Au vu
de ce qui précède, il apparaît clairement que le souci primordial
des autorités, c'est de "concilier" les ex-igences du développement (forma-
tion de producteurs) et les exigences sociales (producteurs compétents)"ré-
volutionnaires" capables de satisfaire les demandes socio-économiques. En
réalité le but pratique du travail productif à l'école est plus financier
que pédagogique .
c - Organisation
L'organisation du travail productif à l'école consistd à
attribuer différentes tâches agricoles et professionnelles aux différents
cycles: primaire, sec9ndaire, supérieur, en fonction de leurs profils
respectifs.
Pour le cycle primaire, le travail productif est la conséquen-
ce des recommandations de la conférence du Bureau politique national à Kis-
sidougou (21-24 Novembre 1960) qui, bien que consacré aux problèmes agrico-
les, ne s'est pas moins intéressée au travail productif à l'école, et ceci
.à travers l'appel lancé en sa faveur
"
sur 100 élèves d'une école primaire, si cha-
cun d'eux plantait un cocotier ou un palmier
chaque semaine au bout d'un an,l'école aurait
une grande plantation et ceci permettrait à
(20B)
Sékou Touré, séjour au Sénégal, R.D.A. n° 132 Novembre 1979
pp.4B-50

-
196 -
l'école non seulement de subvenir à ses besoins,
mais aussi liquiderait le complexe d'infériorité
des élèves de l'école du village par rapport à ceux
de la ville".
(209)
Outre les plantations, les champs de riz, les activités ont aussi
touché
l'artisanat, l'élevage et la pêche.
Dans le second cycle C.E.R. 2ème et 3ème cycles, le profil agro-
pastoral est le plus important car dmque C.E.R dispose d'un champ cultivable
de 30 à 120 hectares. Le travail productif et l'enseignement professionnel
y occupent 60% du temps hebdomadaire de travail, les 40% restants sont ton-
sacrés à l'enseignement théorique.
Pour mémoire, rappelons que les domaines attribués pour le tra-
vail productif aux établissements du supérieur (4ème cycle) sont les F.A.P.A
(Ferme Agro-Pastorale d'Arrondissement). La répartition du temps entre le
travail productif et l'enseignement théorique s'effectue comme dans le deu-
xième et troisième cycles. En 1975, les étudiants furent appelés à prêter
leur assistance aux paysans dans le cadre de l'la promotion paysanne (qui)
constitue pour le Président guinéen Sékou Touré la
pierre angulaire de la stratégie du développement
(209)
there are a hurrdred pupils, each of whom plants one cocoa tree or
one palm tree every week one year the school will have a big plantatim
and the proceeds'will serve to improve its material conditions. This
will liquidate the infériority complex of puplis of village Schools
versus pupils who attend School in towns . ~
Sékou Touré Educa-
tion and social progress in Education and Nation-Building in Africa
L. Gray cowam, James O'Connel, David G. Scanton Ed. Fred. Praeger
Publishers New-York, washington 1965 p. 130

-
197 -
planifié et équilibré de la nation, l'élément primor-
dial
dont
le
progrès
général
et
rapide
demeure
indubitablement la
base
fondamentale
et
le
moteur
déterminant de l'évolution dynamique et harmonieuse
du peuple de Guinée" (210).
Ce mouvement des étudiants fUL baptisé "l'Université à la campagne".
Par
ailleurs,
il
est
dit
que
clest
sur
"l 'insistance" des étudiants que
s'est déclenchée cette opération:
"en 1975, l'Université à tenu à marquer sa participa-
tion
et
a
fermé
ses
portes
sur
l' ini tiati ve
des
étudiants eux-mêmes pour se transporter à la campa-
gne.
Pendant dix mois,
les étudiants ont contribué
auprès des paysans non seulement à l'accroissement
quantitatif
des
produits
agricoles,
mais
aussi
à
asseoir
solidement
les
bases
non
matérielles
de
la symbiose
entre l'Uni versi té et le paysannat
traditionnel en vue de la transformation scientifi-
que et technique de celui -ci" (211).
Pour rendre
effectif et rentable l'Université à la campagne,
le
gouvernement
a mis à la disposition des étudiants "des moyens humains et
matériels" qui sont: des machines agricoles (charrues, tracteurs, motopompes,
motoculteurs),
de petits outillages
individuels, de matériels d'équipement etc.
De 1968 - 1978 l'assistance gouvernementale aux institutions scolai-
res s'élevait à la somme de 77 832 181 francs CFA répartie entre l'achat
de 17 motopompes, 20 motoculteurs, 12 000 pelles, 10 000 houes, 28 500 coupe-
coupe (212).
(210) -
R.D.A n° 193 Evolution des rapports franco-guinéens 1982, P. 187.
(211) -
Amara Fofana - Education et travail productif en Guinée dans
UNESCO - Perspectives, volume XII n° 4, 1982.
(212) -
UNESCO EFM/121, P. 23.

-
198 -
t3ilan
des
act i vités
d -
Le bilan des activités est jugé positif si l'on se réfère aux
commentaires de Amara Fofana, ancien inspecteur d'Académie et actuellement
détaché à l 'UNESCO depuis 1982.
DI après lui :
"au cours de l'année 1971/78, les C. E. R. mt réalisé
une accumulation nette d'un milliard de francs
CFA. POur la même périod~ le cheptel dans les
C.E.R. des 2ème et 3ème cycles (a considérable-
ment doublé) ? La prodution artisanale (vannerie)
avait permis une accumulation de 20.150.000 CFA.
Dans la seule année 1978, les C.E.R ont mis en
valeur 3.687 hectares et produit 11.984 tonnes
de denrées de toute sorte, destinées à l'auto-
consommation scolaire, au commerce intérieur et
à l'exploitation, ce qui représente une valeur
de 997.345.600 francs CFA.
(Pour l'enseignement supérieur) 4ème
cycle le bilan portant sur les campagnes 1977/78
a pour valeur globale des accumulations 536.240
francs CFA. Ainsi, un nombre de plus en plus
de Faculté parviennent aujourd'hui à financer
les principales actions prévues dans leur plan
de production. Mais, outre ce bilan financier,
il importe de souligner l'impact socio-économique
de l'action des facultés. Certaines facultés
d'agronomie ont introduit et développé des cul-
tures nouvelles, comme le Soja et le Tournesol.
Toutes organisent, à l'intention des militants
des Pouvoirs Révolutionnaires Locaux ( P.R.L)
1
des
seances
d'éducation
et
de
formation
sur
les
techniques
d' exploi tation
agricole
et

-
199 -
zootechnique.
En
retour,
ces
brigades
d'étu-
diants apprennent les techniques agro-pastorales
traditionnelles,
les
adaptent
à leurs
actions
et les développent. Il s'établit ainsi un courant
d'échange
d'expériences
entre
le
monde
paysan
traditionnel et le C.E.R.
( ... )
La
faculté
des
Eaux
et
Forêts
a
mis
au
point
une
technique
nouvelle
dans
la
construction
des
ponts
de
bois,
permettant
la
liaison
permanente
des
régions
voisines.
La
faculté
du
Génie
civil
( ... )
a
mis
au
point
des agglomérés de latérite à 10 ou 15% de ciment
ayant
une
résistance
très
proche des agglomérés
de ciment.
La faculté des sciences sociales effectue
des travaux de recherche sur les traditions orales
et
artisanales en vue
de
la réhabilitation des
valeurs cul turelles et historiques".
(213)
e -
Critiques
Ce b"ilan "positif" de l'éducation "engagée" présente tout de même certai""
nes défaillances et ne semble pas tout à fait conforme aux réalités nationa-
les, ceci pour plusieurs raisons:
l'introduction réelle du travail productif (décision
née du C.N.R de N'Zérékoré du 7 au 11 JUin 1965,
et fortifiée par la création des collèges d'ensei-
gnement rural,
C.N.R de Labé du 28 au 30 Juillet
1966) a coïncidé avec un début "d'essouffle ment Il
de la révolution.
(213)
Education et travail productif en Guinée, dans UNESCO-Perspec-
tives, volume. XII n° 4 1982

-
200 -
En effet, les productions agricoles destinées à la consommation
intérieure à l'époque décroissaient et rendaient de par ce fait les rav;-
taillements difficiles (214). Voir tableau ci-dessous.
(En mi 11 i ers de tonnes métriques)
1963/64
1964/65
1966
Riz ..........
250
330
170
Man i oc .......
420
450
274
Maïs .........
260
450
50
Fon i 0 ••••••••
47
128
70
Patates ......
81
84
Sorgho .......
6
8
Source
Diakité
Claude Abou, Guinée enchaînée
ed DAC 1972 p. 59
(214)
d'après J. Suret Canale: ce déficit (agricole) s'est accentué rapi-
dement de 1960 à 1966, se traduisant par une augmentation considé-
rable des importations de riz: d'une dizaine de milliers de tonnes
dans les années 1956-1960, à environ 40.000 tonn0S par an en 1965
et 1966. - 60% des importations sont absorbées par la seule ville de
Conakry, sur les 40% restants, la proportion respective des produits
répartis est évaluée grossièrement comme suit: chefs-lieux de ré-
gions : 1;
chefs-lieux d'arrondissements (ensemble) : 0,5 ; villa-
ges (ensemble) : 0,1.
(
La République de Guinée ed Sociales 1970
pp. 229 - 366).
-
Eh 1983 l' iIrq:x)rtation de riz en provenance des Etat-Unis continuait: d'après les rrar-
chés tropicaux 1 un accord sur la vente de produits agricoles sous la loi publique n· 400
a été passé le
4 Juin (1983) entre le gouvemerœnt guinéen et celui des Etats-Unis d'A-
rrérique. L'accord signé à Conakry par M3rcel Cross, ministre de la coopération interna-
tionale et Mœ Kathryn Clark Ibume, chargé d'affaires de l' amtessade des Etats-Unis,
prévoit que le gouvemerœnt arréricain 1 pour l'année fiscale 1983, fournira un finance-
rœnt concessionnaire de 5 millions de dollars pour l'achat de 16. Eal tonnes de riz.
(
15 Juillet 1983).

-
201
-
Les réserves en devises pour l'achat des denrées alimentaires et autres
services diminuaient considérablement, surtout entre 1960 et 1965 et se
présentaient ainsi à travers le tableau ci-dessous.
Guinée
réserves internationales
(en millions de dollars E U)
1960
1961
1962
1963
1964
Jui n 1965
Réserves brutes
en devises
50,39
35,81
6,65
10,77
9,77
9,61
Banque centrale
50,39
35,77
3,69
8,18
9,26
9,40
Banque commerc
.
0,04
2,96
2,59
0,49
0,41
Engagements
extérieurs
28,52
36,90
42,62
44,20
40,71
46,47
Banque centrale
dont : accords
de paiements
15,56
23,66
26,66
33,06
31,56
15,88
Banque commerc.
0,28
0,41
3,65
0,65
1,26
Réserves nettes
en devises
21,87
-1,09
-35,97
-33,43
-30,94
-36,66
Données connexes :
dette extérieure
à long terme compta-
bi lis ée à la
Banque centrale.
13,41
20,70
64,57
83,82
104,31
112,01
Source
Guinée ministère Finances cité par Diakité
Claude Abou ibid p. 263
Cette situation à l'allure "effrayante" fut à la base de nouvelles mesures
(draconiennes) dont celle-ci: désormais (Novembre 1964)
"pour être membre militant et titulaire de la carte du
P.D.G,
il faut être âgé de 18 ans au moins et exercer
une activité productrice".
-
L'école fétiche des années euphoriques (capable de dé-
veloppement et d'ascension sociale) redevient l'école

-
202
~
"cause problèmes" d'autant plus que l'Etat n'est plus en
mesure d'honorer
son
engagement
à
son
endroi t
:
pour'
pallier à cette "carence'~ le travail productif à l'école
a
été
institutionalisé
à
cause
de
l'insuffisance
des
ressources
qui
ne
permettent
pas
de
faire
face
à
la
charge
que
représentent
la
construction
de
nouveaux
locaux
d'accueil
et
aussi
la
rétribution
par
l'Etat
"providence"
de
ceux qui
vont
à
l'école s'ils devaient
tous devenir des fonctionnaires salariés.
Ce désengagement
de
l'Etat
à l'égard
de
l'Education
nationale
a désaxé
l'opinion
publique
qui,
habituée
à voir
en
lui
un faiseur de miracles,
s'est aussitôt montrée assez réticente vis-à-vis de la "nouvelle trouvaille":
"Education et
travail
productif",
Cette résistance fut confortée par des
"rumeurs (qui) rapportent que les enf ants:
y
seraient
soumis
à
un
régime
d'exploitation,
dans
une
atmosphère de
promiscuité
-
garçons et filles habi-
tant
la
même
ci té
-
loin
du
contrôle
des
parents.
En
outre,
on
y
dispenserait
un
enseignement
"au
rabais",
un
enseignement
"pour
pauvres",
destiné
à
maintenir
les
enfants
de
paysans
dans
une
semi-ignorance
et
à
les attacher à leurs villages" (215).
(215)
\\-broya 28 Janvier 1965 . La ruralisation de l'enseignerrent est perçue de la mêrre ma-
nière en Côte d'Ivoire. Selon A.J. Sémiti "depuis l'ind{~pendance jusqu'à nos jours,
les responsatiles ivoiriens essaient d'adapter l'enseignerrent primaire aux conditions
de vie pgrticulières des cOlTTllWlautés rurales. Ils savent que la maj orité restera à ce niveau
élérrentaire. On canprend pourquoi le thème de la ruralisation de l'enseignerrent est toujours
à la mode. Il est à souligner ici que toute réfonœ dans le cycle primaire répond bien à des
finali tés poli tiques, elle ne s' inscrit
pas dans le ciel de la p&e ~dagogie, mais dans le
cadr'e de l'évolution du systèrre capitaliste. Ainsi l'enseignerrent primaire, "ruralisé", serviINl admi-
ra bl emen t
1 es
autorités ivoiriennes. Eh effet le contenu mêrre de la ruralisation ne rerœt
aucunerrent en cause la fonction de l'école primaire conlTle appareil de la classe "bourgeoise"
ivoirienne.
L'enseignerrent qu'on y dispense pgrticipe ultérieurerrent à diviser la société.
Il s'agit de faire vivre au rablls tous ceux qui ont été recalés et de maintenir la minorité
chanceuse dans les structures de la vie moderne. Les "déchets" du primaire doivent constituer
la main-d'oeuvre qui penœt de pramuvoir l'éconanie tournée vers l'exportation des matières
premières.
(fr:lns Education, Acculturation et Transformation des structures sociales en Côte
d'Ivoire. Thèse pour le ~torat d'Etat Es-Lettres et Sciences Hurmines option : sciologie
de l'éducation, Université Paris 7 (Jussieu) U.E.R de Sciences sociales 1985 p. 214).

- 203 -
Du reste, ceci n'est pas totalement faux dans la mesure où les enfants
des dignitaires du gouvernement participaient peu aux activités de produc-
tion,
ou du moins
payaient certains de leurs camarades pour travailler
à leurs places.
Aussi faut-il noter que 1964/1965 est le début de l'émigration de la premi-
ère
vague d1élèves
vers
les pays
limitrophes
(Sénégal,
Côte d'Ivoire,
Libéria et Sierra-Léone).
La résistance des parents d'élèves ne fut
pas entamée malgré la
campagne d1explication déclenchée par le Parti à travers le discours
du
Président
à
Mamou
(29
Juin
1968).
Il
souligna
en
passant
que
le
travail
accompli
par
les
élèves
était
loin d'être une
tâche de domestique, de rabaissement,
mieux:
elle n'était pas plus astreignante
que
celle
confiée
à
un enfant au sein
de
sa
famille
corvée
d'eau
et
de
bois,
travail
dans
les champs, garde des troupeaux etc ... ).
C'est sur ce désaccord des parents d'élèves que fut déclenchée en 1975
\\\\l'Université à la campagne". Pour mieux comprendre le processus, faisons
un bref rappel de la situation.
L'année 19 75 en Guinée est riche en mauvais souvenirs.
Tout d'abord, le phénomène sécheresse avance à pas de géant; seules deux
régions (la Guinée Maritime et la Guinée forestière) sont épargnées tandis
que la Moyenne et la Haute Guinée sont atteintes. Or, le ravitaillement des
vill~s en denrées alimentaires est fait par la Guinée Forestière et la Hau-
te Guinée. Seulement, il se trouve que les agriculteurs de ces régions ne
produisent que pour l'auto-subsistance et que la majorité d'entre eux a
émigré vers les pays frontal iers (Côte d'Ivoire, Libéria, Sierra-Léone,

-
204 -
Sénégal etc.), ou du moins est allée chercher fortune dans les mines d'or et
de diamants de Siguiri et de Banakoro.
La famine s'installe, les denrées alimentaires restent introuvables (21
c'est la période où les nouvelles recettes~ la bouillie de mangue, la
bouillie de son, les sauces à base de racines voient le jour. Que faire de-
vant une telle situation? Comme d'habitude, le gouvernement cherche des
boucs émissaires et les trouve en la personne des "trafiquants" - en fait
il s'agit de petits commerçants dénommés "Bambara Dioula u , et les présente
comme les responsables de la pénurie avec l 'appelation de Seytane 1975 (Sa-
tan). Dans "sa guerre sainte contre les trafiquants" la milice de la sec-
tion de Moussaya a saisi 58 sacs d'arachides, 25
cartons de boîtes de tomates, 2 sacs de piments,
un sac de sorgho
(217).
Les photos de ces "pauvres trafiquants" servirent de preuves au gouvernement
et furent exh"ibées dans la presse et affichées dans les chefs-lieux.
Malgré les boucs émissaires, la famine persista et commença à altérer les
moeurs. Première victime, la jeunesse, particulièrement les étudiants des
campus (légéreté dans les moeurs: forte consommation de drogue, et "prosti-
tution déguisée" des étudiantes.
"Les cadres du P.D.G et non des moindres ont mon-
tré un penchant certain pour les jeunes filles et
(216)
la situation à l'époque fut taxée d'asphyxiante par le journal Voix
d'Afrique du mois de Mai 1975 - l'expérience guinéenne est au bout du
rouleau.
(217 )
Guinée perspectives nouvelles, organe mensuel du regroupement
des guinéens à l'extérieur (R.G.E) n° 47 Juin 1975 p. 3

-
205 -
n'ont jamais cherché à le cacher. La jeune écolière
(et nous connaissons de nombreux cas) qui devient la
maîtresse d'un personnage important est assurée de son
avenir ... Le succès universitaire lui est assuré. Dans
ces conditions, nombreuses sont les lycéennes qui cè-
dent à la tentation" (218).
Pour canaliser et diriger ce "défoulement" des étudiants, llUniversité à la
campagne démarra. Au départ les étudi ants ni aff ect i onna ient guère cet "ex il";
il a fallu qu'on leur promette le passage automatique en classe supérieure.
Un comportement qui est loin d'être "volontariste" et loin de llaffirmation
de Amara Fof ana
"En 1975, l'UNiversité a tenu à marquer sa participa-
tion et a fermé ses portes sur l'initiative des étu-
diants eux-mêmes pour se transporter à la campagne". (219).
Dans ces conditions, il est difficile d'attendre un bon apport des étudiants
au développement agricole ; au contraire, leur passage dans les campagnes
occasionna des foyers de tension. - Les mentalités "d'évolués" confrontées
au "conservatisme" des villageois n'ont pas donné la "symbiose culturelle"
attendue par les autorités, et ne justifie pas non plus l 'hommage rendu par
le directeur général de 11 UNESCO Amadou Matar M' Bow aux efforts faits en ma-
tière dléducation en Guinée, pour lier l'école à la vie. (220)
(218)
Pierre Hanry, enquête sur la sexualité au lycée de Conakry 1963-
64 cité par Claude Rivière dans Mutations sociales en Guinée Ed.
C. Marcel Rivière 1971 p. 214).
(219)
ibid p. 518
(220)
Marchés tropicaux :J) 1'1:lrs 1CJ79
Aussi, cette situation "catastrophique" est égalemmt contraire aux affirnations
"gœtuites" de Ginette Cet : "la nobilisation de tout le Parti ( ... ) a permis, en
quelques semaines, d'obtenir des résultats si encourageants que d'ores et déjà
l 'imp:>rtation de riz pourra être réduite pour l'année en cours (1CJ75) à un maxirnun
de 2O.aD tonnes (au lieu de &J.aD les années précédentes), et que tout indique que
l 'objectif recherch~ "se suffire", deviendra bientôt réalité : (
Econaniste du
tiers-nonde Janvier-Avril lCJ75)

-
206 -
Partout

ils sont
passés,
ils ont eu des
problèmes d'adaptation:
non respect
des
coutumes et moeurs,
demandes excessives pour satisfaire
leurs besoins égoïstes de citadins (exemple: dans le village de Kamandou,
sur la route de Bôkô en région forestière, ils exigeaient des W.C. "Turcs ll
à la place des W.C II na turels ll (la forêt) les réactions des villageois furent
instantanées - "nous pensions que vous étiez venus nou~ aider, mais 'j()~:~ n'êtes
que les envoyés d'une II r évolution ll attardée et en quête de boucs émissaires
- résultat: deux étudiants sont morts à la suite d'empoisonnement - (221).
Les exemples
sont
hél às nombreux et portent sur toutes les régions qui
ont reçu les visites d'étudiants (222).
Les leçons ne furent pas tirées par les autorités de la "malheureuse
expérience"
Université en campagne qui,
sur le plan économique n'a pas
rapporté grand-chose :.
"d'après
le
recensement
agricole
de
1975,
le
rendement/ha
moyen en riz était cette année-là de 840/kg/ha, avec des va-
riations de 400 (Moyenne GUinée) à 1.100 (Guinée Forestière)" (223)
(221 )
ténnignage privé de Konaté fury étudiant guinéen à Paris le Imdi 2 Février 1987.
(222)
hélàs, ces interventions brutales et inopportmes des étudiants furent considérées can-
rœ "me prise de position révolutionnaire des élèves et étudiants, dans les P.R.L (Pou-
voir Révolutionnaire Local) pour le succès de la guèrre de classes déclenchée par le
P.O.G, et visant tout à la fois la liquidation du trafic et des trafiquants et l'aug-
rœntation de la production nationale.
- Le Conseil National de la "Révolution" se félicite chaleureuserœnt de la résolution
des élèves et étudiants, considérée à juste titre comme l'expression d'une conscience
idéologique aiguë et d'une volonté propre à la radicalisation de la "révolution" dans
tous les danaines".
C.N.R. du 6 au 10 JVhrs 1975 dans Réforrœ de l' EhseignelTEnt
Ministère de l'Ehseignerœnt Pré-UNiversitaire et Alphabétisation ibid p. 148.
Par ailleurs il y a eu des cas isolés, tel celui de cet étudiant (originaire de la ré-
gion de Kissidougou) de l' Insti tut agronanique Valéry Giscard d'Estaing de Faranah qui,
au cours des grandes vacances, aidait les paysans dans la confection des pépinières,
nnyennant de l'argent lui perrœttant de faire face à ses l:esoins pendant l'année scolaire.
(223)
E'nseignerœnt et Forrœ.tion Agricoles U.N.E.S.C.O 00/121 Juillet 1983

207
Structure de l'enseignement en R~publique populaire révolutionnaire de Guin~e
\\,
\\,.,
\\,,,,
,
8rc"el d'cu~dC'l du
second cycle technique
: ~
(BESCT)
~ f-
I
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--------
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l
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Boccal.uri'l 1" <1 2" portia
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...........
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......... _..... _... __---.
ProcIlM: lion
Source
Œ{BSCO Pcrs~ectiv8S,
vol.XII, n04, 1982

-
20S
-
Les mêmes illusions continuèrent à être entretenues auprès des exploitations
agricoles des facultés agronomiques (F.A.P.A) dont les rentabilités sont
aussi médiocres.
"Les constatations faites en Novembre 1982 par la
mission d'étude sectorielle agricole de la Banque
Mondiale et en Janvier 1983 par la mission de
l'UNESCO montrent que, malgré les investissements
importants consentis par l'Etat, les F.A.P.A sont
presque toutes peu productives et devront vraisembla-
blement faire face à des difficultés considérables
lorsqu'elles seront autonomes ce qui pourrait con-
)
duire, soit à leur disparition progressive, soit
au maintien d'un certain soutien de l'Etat" (224).
Le travail productif à l'école n'est pas mauvais en soi. Toutefois, son ap-
plication demanderait une préparation sérieuse tant sur le plan social (per-
sonnel d'encadrement compétent), économique (moyens suffisants), et psycho-
logique (préparation des parents dlélèves).
R - Les références continentales
Dans certains cas, malgré les difficultés des premières années
de son introduction, il siest avéré "positif" par exemple au Bénin, en Côte
d'Ivoire, en Tanzanie, au Botswana pour ne citer que ces pays ..· éi. -Au Bénin, le
travail productif à l'école remonte "aufaœux di scours-progrêJTTTE"
du Prési-
dent Kérékou lors de sa prise de fonction en ~072. Ce discours-prognu1Ullc ne
fut expérimenté qu'après un "débat public national" et une enquête portant
sur diverses opinions, à la suite desquels fut lancé au début de l'année
sco-
laire 1975-76 le travail productif à l'école avec application éche-
lonnée, en tenant compte des resources financières du pays.
(224)
UNESCO EFM/121 Juillet 1983 p. 4.

-
209
-
L'objectif tendait moins à transformer l'école en
une usine avec de vrais producteurs qJ'à initier la
jeunesse scolaire à la production.
Hassan, la
production scolaire en République populaire du Bénin,
séminaire régional du Neida sur l'éducation et le
travail productif, rapport final (1979) p. 56
Les résultats de cette "cxpérimentation",qui n'en est plus à ses débuts,
sont: pour le cycle de base de l'enseignement, on a constaté
que 81% des ressources
des coopératives scolaires pro-
venaient de la commercialisation de la production :
74% provenaient de la vente des produits agricoles,
5% des "activités commerciàles" et 2% des produits
artisanaux.
Dans l'enseignement moyen, les activités culturel-
les fournissaient 50% des ressources des coopératives
scolaires" (225).
Ce "bon résulta~Jn'a tout de même pas évité la suppression du travail pro-
ductif à l'école au Bénin~ En 1982, sans fanfare et avec une certaine élé-
gance, les autorités administratives de l'éducation sont revenues au sys-
tème de vacances classique~ c'est-à-dire entre Juillet et Octobre, qui était
entre-temps remplacé par des vacances Décembre-Février favorables au travail
productif. Ce retour à la "normale" fut d'autant plus facilité que le Bénin
était moins engagé que la Guinée dans le proc~ssus Education et travail pro-
duct if .
b - En Côte d'Ivoire, l'introduction du travail productif à l'école
s'est faite à la suite d'un constat d'échec de l'enseignement primaire:
Houeto Colette S. de l'Education et le travail productif dans
le cadre de la réforme de l'éducation en République populaire
du Bénin. Dakar, Breda l'UNESCO 1980.

- 210-
"l'école prirraire, loin d'être un facteur de développerœnt, conformé-
ment à sa vocation, c'est-à-dire de promotion, à la fois
individuelle et collective, en est arrivée à devenir une
source de désintégration et de désagrégation de la société,
un obstacle sinon un frein à l'évolution harmonieuse du
pays et à son évolution politique, elle n'intègre pas
l'enfant à son milieu naturel traditionnel, mais lui donne
le moyen de s'en évader sans lui permettre, faute de for-
mation professionnelle adéquate, de s'insérer dans les
structures de la vie économique moderne" (226).
Après ce constat, des expérimentations furent menées dans le cadre du domai-
ne Education et travail productif qui, du reste, ne s'insère pas dans le pro-
cess us de réforme globale mais plutôt se limite à des cas isolés. Au départ
les institutions cibles ont été: les écoles secondaires de Bouaké, Daloa,
et après (en 1984/86) les lycées de Bouaflé et celui des jeunes filles de
Bingerville.
L'objectif fondamental du travail productif à l'école est:
"de faire de l'école un centre de développement où la ré-
flexion sur les problèmes déboucherait sur une action cul-
turelle, sociale et économique menée par les élèves" (227)
(226) _ _ . Paul Akoto Yao ancien ministre de l'Education nationale de côte
d'Ivoire. Programme de développement de l'Education cité par Ani Jules
Sémiti
ibid p. 213
Les mêmes préoccupations sont partagées par le nouveau ministre de l'en-
seignement primaire Madame Odette Kouamé N-Guessan : ces activités qui exis-
tent (déjà). Nous allons les développer à partir de cette rentrée (1987-88). ru fait de
la révision de l'emploi du temps, nous allons accorder 2 heures par semaine à la coop§-
rative scolaire pour les
cours préparatoires, 3h 25 pour les coùrs élérœntai.res et
3h 45 pour les èours moyens. Notre ambition est de faire une préparation. psychologique
des enfants pour qu'ils ne fassent pas une différence entre le travail manuel et le tra-
vail intellectuel. IL faudrait qu'un jour, lorsqu'ils seront amenés à faire un choix
professionnel, ils puissent s'orienter sans frustration, ni a leur ni\\1eau, ni au niveau de
leurs parents. (
Fraternité Mstin n° 6894 Lundi 5 Octobre 1987 p. 24)
(227)
Sangaré Education et travail productif, l'expérien du lycée l de Maa séminaire
régional du Neida rapport final 1Cf19, pp. 123-1»

-
211
-
Les travaux productifs dans les différents établ issements cités ont porté
sur l'horticulture,
le reboisement,
la culture de plantation de Café et
de Cacao d'un hectare chacune, la culture maraîchère et d'élevage d'escar-
gJts, p:Julets, p:Jrcs etc ...
Les résultats,
bien que moins "signifiants" par rapport à ceux
du Bénin restent tout de même encourageants ; ceci se vérifia en 1985/86
par des visites de l'actuel ministre de l'Education Nationale Balla Keï-
ta qui s'en est servi pour vanter les mérites dcla nouvelle école ivoirien-
ne. Hormis ce côté "publicitaire", les activités ont permis à certains éta-
blissements, les lycées de bouaflé, de jeunes filles de Bingerville (228)
et de celui
de
Daloa de faire une accumulation de capital allant de 5
à 10 millions de francs CFA, et par là subvenir aux frais d'organisation
d'activités culturelles.
Par ailleurs, on peut même avancer que les appels lancés actuelle-
ment
à l'adresse des
jeunes
pour
le retour à l a terre sont un
peu la continuation
de l'entreprise; éducation et travail produc-
(228)
En guise d'exemple: la coopérative du lycée des jeunes filles de
Bingerville comprend 640 adhérentes. Elle a à son actif: 3 potagers,
125 arbres fruitiers, 1 élevage de lapins, 1 poulailer, 100 pondeuses,
des cobayes, des damans des rochers, 2 ombrières avec 2.000 plantes,
2 germ&irs. Les revenus générés par la vente des produits se montent
à 550.000F CFA. Ce chiffre d'affaires est loin d'être négligeable
quand on sait que lors de son démarrage et avant que le minstère de
l'Educati~n Nationale ne lui apporte son aide, la coopérati~e n'a-
vait pour tout fonds que 30.000 f CFA.
(
Am Atta. L'expérience
des lycéennes de Bingerville dans Ivoire Dimanche n° 851 -31 Mai
1987 pp 28 -29).

-
212 -
tif
~229). L'un des traits positifs de l'expérience (bien qui iso-
lée) c'est le fait que les élèves y voient un moyen de "maturation
de la personnalité". En effet à travers nos entretiens avec cer-
tains élèves du lycée de Bouaflé et certaines jeunes filles de
Bingerville, le travail productif et ses recettes sont effective-
ment gérés et utilisés à des fins scolaires contrairement au tra-
vail productif en Guinée qui se passait souvent dans les champs des
maîtres, dont les retombées financières étaient utilisées par les
secrétaires généraux de~fédérations
"dans les villages, sont constamment dans les champs du
maîtresous prétexte qu'on rencontre en ville des bandes
d'élèves "chômeurs".
(230)
G _En Tanzanie, bien que l.'expérimentation du travail productif à l'école soit
postérieure (231) à celle de Guinée (puisqu'elle ne date que de 1965) n'est
pas moins révélatrice des difficultés de conciliation entre l 'éducation et
le travail productif.
(229)
appels que Gtané Ben M3hama Souleynane (Trésor public B.P. V. 988 Abidjan) inter-
prète de la manière suivante : "les resPJnsables ivoiriens en encourageant la carrpa-
gne de l'auto-suffisance aliIœntaire ont nul doute à l' esprit l'idée d'une reconver-
sion des nentalités afin de dormer à sa jeunesse un exemple et un souffle nouveau à
son IIOteur de développenent". (
Pour sortir de la crise, résoudre le châœge des
jeunes. Abidjan Fraternité-Matin du Sarœdi 21 - Dinanct# 22 Juin 1<)86 p.6).
(230)
rapPJrt de l'Académie de Kankan Conférence Nationale de l'éducation Conakry
24 Mai - 3 Juin 1984 p. 59.
(231)
: certains experts de l'éducation prétendent que la Tanzanie est "le premier pays en
Afrique à concevoir un programœ d'enseigneIœnt lié au travail productif. (
Pro-
fesseur Pai Otanya de l'Institut d'éducation, Université d'Itadan, Nigéria dans édu-
cation et travail productif en Afrique Neida/Breda I:akar ibid p. 17).

-
213 -
Le travail productif à l'école est une appendice de la déclara-
tion d'Arusha qui défini la philosophie socialiste du pays en 1965. Deux
années plus tard, les programmes scolaires sont réaménagés en fonction de
l'éducation pour l'auto-suffisance.
Les objectifs de cette nouvelle école sont résumés dans la cita-
tion suivante du Mwalimu Julius K. Nyeréré :
"l'éducation dispensée dans ( ... ) les écoles primaires
doit être une éducation complète en soi. Elle ne doit
pas persister à être une simple préparation à l'école
secondaire ( ... ). Toutes les écoles doivent contribuer
à leur propre entretien, elles doivent être autant des
communautés que des communautés sociales et éducatives.
Chaque école doit avoir comme partie intégrante de son
enceinte, une ferme, ou un atelier qui produit la nourri-
ture consommée par la communauté et apporte une certaine
contribution au revenu national total" (232).
Selon Michael J. Kinunda (University of Dar-es-salam), le contenu initial
des programmes pour l'auto-suffisance a été revisé et renforcé par la dé-
claration de Musoma en 1974, avec le slogan suivant
Elimu ni kazi (Educa-
tion = Travail). La traduction dans les faits de ce slogan, a été la mise
en place par le gouvernement des nouvelles orientations:
the school ceases' to be the sole arbiter of individual
assessment and the examination performance as the exclu-
sive criterion of SUCCèS, since the procedures have
not only to encourage and reinforce the acquisition of
skills, knowledge attitudes and values which the majority
(232) "
"Education for self reliance", Dar-es-Salaam,Government Printer
1967.

-
214 -
require for their work, service and life but also p~ovide
means of identifying and selecting pupils for the diffe-
rent rôles such as further training and employment (233),
Autrement dit, que l'école cesse d'être le seul critère
d'évaluation à travers le succès à l'examen, en ce sens
que les procédures de selection ne doivent pas seulement
se contenter de mettre en relief les capacités cognitives,
mais elles doivent aussi être aes moyens d'identification
et de sélection des élèves pour les différentes fonctions
sociales adoptées. (traduit par nous).
Par ailleurs, il est recommandé que l'école cesse d1être Ille seul arbitre ll
de la valeur individuelle, elle.doit au contraire mettre un accent plus pro-
noncé sur l'éducation scientifique et technique, lesquelles peuvent inter-
venir dans l'identification et la sélection des élèves pour les différentes
tâches
socio-économiques.
Les activités productrices créées dans les écoles à cette fin
sont le travail au champ. des volailles et les centres d'artisanat. Le bi-
lan de ces activités a été négatif dans la mesure où l 'on n'est pas arrivé
à couvrir les 25% 'des frais de fonctionnement des écoles. (fixé par les au-
torités). La contribution moyenne nationale des écoles (en 1979) était d'en-
viron 3%, bien que certaines statistiques officielles donnent'19% , voire 90%
dans les écoles qui ont une forte unité agricole.
D'autre part, comme en Guinée, la motivation des élèves pour les
activités de production ne s'effectue pas sans poser quelques problèmes.
D'après une étude ponctuelle réalisée par E. Saguge Gesase :
(233)
The Tanzanian primary shool reform Expectations and réalities
I.I/E.P/556 120 A Paris 1980 p. 4

-
215 -
"les élèves ressentent négativement le travail des
champs à l'école. Aussi, les enseignants exercent-
ils des mesures repressives (bastonnades) pour les
faire travailler. En fait, le "Shamba work" qui veut
dire en Kiswahili "travaux champêtres" ne se fait
pas dans l'intérêt des élèves mais pour les direc-
teurs d'écoles, les enseignants et les autorités
scolaires" (234).
Pour ce qui concerne la vision de l'école pour l'auto-suffisance, èlle dif-
fère selon les positions des acteurs sociaux : les autorités administrati-
ves "vo ient" (235) en elle un moyen d'équilibre et de développement de la
société. Cette vision n'est pas partagée par les parents d'élèves qui res-
tent sceptiques sur l'avenir du "Sdml for self-reliance. Malgré les dif-
ficultés citées,
il est à mettre à l'actif du système Tanzanien quelques
succès: forte démocratisation de l 'école 25% en 1960 à 94% en 1978, réduc-
t ion du taux ct' analphabètes ,]Xl.llUllUlge
des adultes alphabétisés: 79% en
1981 contre 10% en 1962. (236)
d _Le Botswana présente une position assez originale dans ce domaine car son
projet d'intégration du travail productif à l'école est "moins idéologique,
et favorise plutôt l'initiative et l'effort personnel. dans un cadre de
récupération des jeunes semi-alphabétisés.
(234)
Struggle over the School in Tanzanian village cité par Kanvaly
Fadiga ibid p 287
(235)
Pour l'ancien chef de l'Etat Julius K. Nyeréré, Arusha (1967)
n'a pas tenu ses promesses. L'objectif de l'auto-suffisance n'a
pas été attient. - Arusha est en partie responsable de la grave
crise économique traversée actuellement par le pays. (Réf. Fra-
ternité-Matin quotidien ivoirien n° 6185 du 24 Mai 1985 P. 31)
(236)
Banque Mondiale citée par Henning Melber Kassal : reforms in the
African Education system expérence and perspectives UNESCO 1982
p.
35.

-
216 -
Organisation
C'est à travers la mise en place des Brigades de Serowè (237) que le tra-
vail productif à l'école fut expérimenté. D'après son initiateur Patrick
Rensburg (1965), il s'agissait tout simplement de Ilcombiner l'enseignement
en cours d'emploi (avec) des connaissances pratiques tout en étant
eff ect i vement product if Il.
Les niveaux de formation conçus à cet effet se présentent selon le classe-
ment suivant: un premier niveau s'adressant à une majorité de
jeunes de 12 à 16 ans qui constituent la base.
Un second niveau
a pour cible les brigades réel-
lement constituées pour les besoins de la cause,
c'est-à-dire des stagiaires âgés de 12 ans et plus,
qui reçoivent une formation théorique pendant 4 jours
"et un jour de formation pratique ayant trait au fu-
tur métier. - Ceci dans 72 centres d'apprentissage
avec différents profils.
Un troisième niveau forme pendant deux ans une popu-
lation de jeunes travailleurs déjà en fonction; son but
es~ d'assurer une formation de perfectionnement afin
que ces jeunes améliorent leur savoir-faire, d'où
l'appelation lI a dvanced brigades" (brigades avancées).
Un quatrième niveau s'adresse aux adultes qui ont des
difficultés (responsabilités familiales) à suivre les
cours de formation de longue durée.
(237)
curieusement, ces brigades ont une certaine ressemblance avec celles
du Ghana "workers'brigades" créées par le 1er Président du Ghana
Kwamé N'Krumah dont le but était d'employer des jeunes (gar~ons et
filles) dans des activités productives.

-
21 7 -
Le premier constat qui se dégage des brigades, c'est le fait que la forma-
tion soit liée à la vie, et cela dans un cadre où lion s'instruit en gagnant
sa vie, dans la mesure où les initiés (élèves) reçoivent un pré-salaire (
(bourse), certes pas élevé mais qui compense le manque à gagner auprès des
parents. A partir de là, l'initiative a reçu une certaine considération de
leur part; mieux: ils voient en elle une porte de sortie "honorable" vers
la vie active. - Les premiers membres des brigades étaient des jeunes chô-
meurs qui, durant des années, avaient passé tout leur temps à:
faire occasiamell611ffit de:> petits travaux "a vivre aux
crochets des parents de la ville, à vendre des lé-
gumes aux automobilistes au bord de la route, les
jeunes (qui) finissent par devenir presque inutili-
sables sur le marché de l'emploi" (238).
Le deuxième constat, ce sont les possibilités offertes par le système d'en-
cadrement pour le renforcement des connaissances déjà acquises, et ceci dans
"llintérêt des jeunes travailleurs" qui sont sur le terrain, puisqu'après
s'être amélioré le jeune
surformé occupe une fonction supérieure; du moins
grimpe-t-il dans l'échelle hiérarchique avec pour incidence une augmentation
de salaire. Cela est "témoigné" par le rapport III de la Sème conférence ré-
gionale africaine. (Abidjan Septembre-Octobre 1977) ;'
"jusqu'à présent, les constructeurs, menuisiers,
électriciens, mécaniciens et ouvriers en mêtaux ont
trouvé des emplois rémunérés, et les perspectives
semblent favorables pour l'avenir proche.
(238)
G. Hunter
Education in Eastern Africa, vol. 5, 1975, p. 65.

-
218
-
D'autres personnes qui ont reçu une formation
d'agriculture, de potier, de taneur, de maroqui-
nier, de tisserand, etc ... se sont jointes à des
unités de production qui fonctionnent parallèle-
ment aux unités de formation. D'autres encore se
sont affiliés à des organisations coopératives ou
se sont mises à leur propre compte. Etant indépen-
dant, chacun des centres qui existent aujourd'ui
peut appliquer des solutions locales aux problèmes
et aux perspectives identifiées sur le plan local".
(239)
Troisième et dernier constat: outre l'aspect rémunérateur de la fonction,
l es jeunes "brigadiers" se sont renduscompte que l a vill en' es t pas f orcé-
ment synonyme de réussite sociale et qu'en dehors d'elle on "peut réussir et
vivre pleinement sa vie'''. D'ailleurs, à ce sujet, ul1t:enquête a été menée par
B.E.D.U. (Agence de promotion des Entreprises du Botswana) ; l'étude effec-
tuée en 1976~ basée sur un questionnaire, a donné les réponses suivantes aux
onze questions posées à environ 12.000 diplômés des brigages ; 436 réponses
ut-ilisables ont été reçues sur les 1.000 questionnaires expédiés. L'analyse
a été faite sur la base des "totaux nationaux plutôt que sur une répartition
par mét ier" .
Questions
~ Réponses
1- Etes-vous du sexe masculin ou féminin?
- Mascul in.................................................
85%
- Féminin.................................................
15%
(239)
Bureau International du travail (B.I.T.) 1ère édition, p. 31.

- 219 -
2- Quel niveau avez-vous obtenu à l'examen de fin
d'études primaires,
- Grade A
30%
- Grade B
36%
- Grade C
57%
- Grade D
4%
3- A quel âge êtes-vous entré dans une brigade?
- 16 ou au-dessus..........................................
7%
- 17, 18, 19
47%
- 20 ou au-dessus
46 %
4- Combien d'années de formation en brigade
ave2-VOUS eu ?
- 1 an
1%
- 2 ans
16%
- 3 ans
81%
- 4 ans
2%
5- Avez-vous passé un test national à la fin de
votre formation?
- Oui ........•....•................•......•...............
69%
- Non •....•..............•.....•••...•....•...•..•........
2%
- Ne s'applique pas.......................................
29%
6- Si vous avez passé un test :
(a) êtes-vous reçu dès la 1ère fois?
- Oui
83%
- Non .....................................................
17%
(b)
Si non, êtes-vous reçu plus tard?
- Oui ................•..•..••.........•...•••..•.•..•....
66%
Non
34%

- 220 -
7- Combien de temps vous a-t-il fallu pour trouver du
travail à la fin de votre formation dans les brigades?
- 3 ma; s
83%
- Sans travail
5%
8- Etait-ce le même travail que celui pour lequel vous
étiez formé par les brigades?
- Oui
85%
- Non, mais semblable........................
3%
9- Quel autre type dlemploi avez-vous occupé
depuis la fin de votre formation?
- Aucun autre emploi
66%
- Emploi lié à la formation
18%
- Emploi non lié à la formation
14%
- Aucune réponse
2%
10- Quels sont vos gains mensuels (Octo~e 1975) ?
- MJis de 25 dollars.............................
4%
- 25 - 50 dollars.......................................
14%
- 51 - 100 dollars.
51%
- Plus de 100 dollars...
2%
11- Où travaillez-vous en ce moment?
- En ville
38%
- A 1a campagne
.
50%
- Aucune réponse
.
12%
Source
rapport de Bridee cité par Neida UNESCO Breda Dakar Décembre
1983 dans Education et travail productif en Afrique pp. 66-67.
Notre interprétation de ce tableau est différente de celle qui est faite par
Neida. Cette dernière siest contentée de reveler l 'attraction des jeunes for-
més vers le secteur bâtiment, parce que
Ille secteur de la construction

-221
-
reste le plus prospère de tous les programmes en termes de via-
bilité et de nombred1emploiscréés qui (vers 1978-79) dépassent
les 500 11 • (Réf. ibid p. 67).
En Afrique, on a llhabitude de se référer à la bonne santé du bâtiment
pour porter un jugement optimiste sur l 'ensemble des activités économiques.
Pourtant l a bonne marche du bâtiment peut être un si gne anonci ateur de
crise conjoncturelle ou structurelle. Les données portées sur le
préc~dent
tableau
ne mettent pas assez
en
vue
les
raisons
de
llengouement des jeunes botswanais pour les institutions des brigadiers. Or,
en observant de près le tablea~clest à première vue le taux assez élevé de
fréquentation qui ressort (85% de garçons et 15% de filles) à cause de la
flexilibité touchant llâge, le niveau de recrutement; les années de forma-
tion qui IItiennent comptè ll des possibilités intellectuelles des jeunes. Par
ailleurs, nous pensons que cet intérêt IImassifll des jeunes à llendroit des
institutions IIbrigadières ll slexplique aussi par la présence et lleffort sou-
tenu des C.I.O (Centres d'information et d1organisation) coiffés par la B.
R.I.D.E.C. (un service du ministère de lléducation nationale) qui coordon-
nent les activités des écoles et constituent en même temps un cadre de ré-
flexion sur les différents profils. Ceci répond en général aux demandes des
jeunes concernant leur orientation qui souvent est liée aux tissus de rela-
tions sociales, et peut aussi calmer llangoisse ressentie par eux quant à
l'opportunité et l lopérationnalité des profils sur le marché du travail.
Le temps mis par les sortants pour trouver du travail est aussi
un bon record car il excède rarement les 3 mois qui suivent leur formation. 83%
tro.uvent
du travail après 3 mois) et ceci avec un gain substantiel de
100 dollars pour 51%.

- 222 -
La réussite relative du travail productif à l'école au Botswana~
(les jeunes entrant dans les brigades les considèrent
comme un pis-aller qu'ils acceptent lorsqu'ils n'ont
pas été admis comme ils le souhaitaient dans l'ensei-
gnement secondaire traditionnel, .240). est la cm.'5é4Uffice
d'un travail mûrit et rigoureusement planifié dans le temps et dans l'espace.
La Guinée aurait pu obtenir le même résultat si le projet initial (241) de
l'éducation et travail productif n'avait pas fait les frais de la politique
politicienne.
e - Synthèse
Réf l ex ions
Conclusion
" le grand bond" en avant que devrait effectuer l'enseignement secondaire en
Guinée n'a été réalisé qu'à moitié. En 1978/79 le taux de scolarisation brut
(240)
Publication 1976 de serowe brigade's development trust.
(241)
qui consistait à créer dans chacune des régions naturelles une ins-
titution pilote adaptée aux réalités locales.
Par exemple, la Guinée Maritime aura une école à profil maritime
puisque la pêche est l'une des activités essentielles de cette ré-
gion. En Moyenne Guinée, l'institution sera de type agro-pastoral -
l'élevage caractérise le mode de production de cette région. En Hau-
te Guinée, l'école formera des agriculteurs - les plaines de cette
région sont assez "fécondes" et répondent bien à la riziculture. En
Guinée Forestière, le profil sera agricole et forestier - la région
est une zone forestière, comme son nom l'indique; en plus de cela,
on y pratique la culture du Café et du Cacao.
Une fois la formation achevée, les sortants de ces intitu-
tions pilotes devraient bénéficier de l'aide de l'Etat pour fonction-
ner à leur propre compte. - En retour, ces travailleurs modernes agi. -
raient
par rayonnement sur les comportements des travailleurs tradi-
tionnels. Vu sous cet angle, nous pensons que le projet serait "por-
teur d'avenir", n'eut été, comme toujours, l'exploitation irration-
nelle du Président Sékou Touré qui, au cours d'un de ses meetings
"interminables", a décidé sur un coup de tête d'en faire un cas gé-
néral, c'es-à-dire étendre l'exemple à tous les établissements sco-
laires de la Guinée, au mépris des possibilités matérielles et humai-
nes du pays.
Les initiateurs du projet sont : L. Behanzin ancien inspec-
teur d'AcadffiQe
et ancien ministre des F.A.P.A, Tibou Tounkara, Mama-
di Kéita, tous deux anciens ministres de l'Education Nationale.

- 223 -
dans le second cycle était de 18% pour le groupe 16 - 18 ans, soit 15%
pour l 'ensemble 2ème - 3ème cycles. (242) Bien que ces chiffres soient net~
tement supérieurs à ceux de plusieurs pays voisins (Sierra-Léone 11%, Mali
7%, Guinée Bissau 4% et comparables à ceux du Libéria (16%) et de la Côte
d'Ivoire (17%). (243) le résultat est tout de même en dessous des prévisions,
si l'on se réfère à l'un des buts assignés à l'école guinéenne qui est:-
un moyen à la dimension et à la
disposition du peuple, un moyen de transfert au peu-
ple, de la science, de la technique, de la technolo-
gie, du savoir-faire et faire savoir. Et dans ce con-
texte la ligne de masse s'applique dans deux direc-
tions complémentaires. D'une façon horizontale elle
consiste à scolariser tous les enfants en âge de
l'être afin de résorber radicalement l'analphabétis-
me.
Sur le plan vertical elle vise à hisser l'ensemble
des enfants au niveau scientifique
le plus élevé.
Pour ce faire l'enseignement est gratuit pour tous
les cycles jusqu'aux termes des études menant aux
différents grades de l'Université, il est obligatoire
jusqu'au terme de la 12ème année (classe du bacca-
lauréat 2ème partie)
(244)
Cet écart entre les prévisions et les possibilités d'accueil est largement
imputable, comme nous l'avions dit dans les pages précédentes, au manque de
réalisme concernant les possibilités d'encadrement des jeunes offertes par
l'Etat.
(242)
l'école Guinéenne Conakry IDE C P 17
(243)
UNE seo
EFM/104 1980 ibid p. 13
(244)
l'Ecole guinéenne, ibid p. 7

-
224 -
D'autre part, cet écart est loin d'être dû (comme le disent les
autorités guinéennes) au seul "refus des familles, surtout rurales, de lais-
ser leurs enfants fréquenter les écoles parce que ceux-ci sont d'un apport
économique considérable, en particulier quand il s'agit des filles". (245)
Même si cela est, dans certains cas, du ressort des comportements
de pères ou de mères de familles, doit-on alors se poser la question de sa-
voir comment ils en sont arrivés à cette résistance face à une institution
considérée naguère comme porteuse d'avenir?
Encore une fois la réponse à cette question est à chercher dans
ce qu'offre l'école par rapport aux attentes des populations. L'analyse so-
ciologique de l'enseignement "permet" de cerner les caractéristiques fonda-
mentales de cette contradiction (démarche que nous empruntons à Louis Vin-
cent Thomas et René Luneau, dans la terre Africaine et ses Religions
Paris
l'Harmattan 1980 p. 281).
- liCe qui frappe tout d'abord en Afrique, c'est l'ac_
croissement
brutal
des
effectifs
aux
dépens
de
la
quali té de l'enseignement ".
Ainsi,
la
Guinée
a
au moins multiplié par six les effectifs de l'ensei-
gnement
secondaire
2.547
en
1958
contre
105.550
en
1978
(pour
346
écoles,
en
réalité
300)
bien
que
des
correctifs
doivent
être
apportés
à
cette
analyse,
si
l'on
prend
en
compte
le
taux
de
dé-
perdition dans
le primaire qui touche plus de 30%.
--Deuxiéme caractéristique
les disparités structu-
relles que l'on rencontre à deux niveaux. Celui des
(245)
. UNE S C 0
EFM/104 1980 ibid p. 15

- 225 -
sexes: dans le secondaire, les élèves garçons sont
nettement plus nombreux que les élèves filles. En 1978
sur 105.550 élèves du secondaire, il n'y avait que
28.200 élèves filles à savoir 26,71% (réf. l'école gui-
néenne). Celui des régions: la répartition géographi-
que des écoles est relativement satisfaisante (surtout
au niveau de l'enseignement primaire), seulement, les
conditions physiques des infrastructures et l'absence
totale de supports pédagogiques dans les écoles créent
un absentéisme, un peu comme l'ouvrier aliéné dans le
cadre du travail: "le travail est extérieur à l'ouvrier,
c'es-à-dire qu'il n'appartient pas à son être, par con-
séquent, il ne s'affirme pas dans son travail, bien au
contraire, il s'y renie" (246)
Troisième caractéristique
: c'est le fort taux du rendement interne qui, bien
que permettant à un nombre assez élevé d'élèves d'atteindre l'Université et
d'en sortir, ne rend pas pour autant
ceux-ci opérationnels (l'évaluation
étant basée sur la somme de savoir et non sur le savoir-faire).
Quatrième
caractéristique
les
difficultés
quantitatives
et
qualitatives
ne
résident
pas
seulement
dans
l'enseignement
secondaire général, mais
aussi dans l'~i~rnEnt
professionnel. Le but fondamental de leur expansion
était de satisfaire les nouveaux besoins par la liaison "étroite Il de l'école
à la vie à travers une large diffusion dlun enseignement non spécialisé,
propre au primaire,
un enseignement spécialisé dans le secondaire (2ème
et 3ème cycles). Cette liaisaon a été confrontée à de multiples problèmes
et nia pu répondre aux exigences socio-économiques
(246) - Karl Marx cité par Janine Brémend, Alain Geledan dans Dictionnaire
économique et social Paris Hatier 1981 p. 14

- 226 -
- formation "atrophiée" dans les écoles profession-
nelles de profil (mécanique, chaudronnerie, élec-
tricité etc), contre un grand nombre de "formés"
dans le secteur agricole ;
- métiers dévalorisés aux yeux de la population à
cause du bas salaire, rien n'étant fait pour les
favoriser (les magasiniers gagnent plus que les
professeurs d'Université de par le fait qu'ils ont
à leur merci les stocks de denrées alimentaires
importées, qu'ils écoulent au marché noir).
Toutes ces caractéristiques évoquées font des écoles secondaires et prof es-
sionnelles des institutions pour "parias". peu aptes à transformer réelle-
ment une société en "état de misère". bien qu'on comprenne que'''la Guinée,
ait pu faire des efforts louables pour
remédier à ce fâcheux état de fait" (247).
Concernant cette position nous pensons que. s'agissant de la qualité de
l'enseignement (il s'agit bien de cela dans le livre de Louis Vincent Thomas
et de René Luneau). elle ne peut pas se limiter aux simples intentions en-
core moins en regard des objectifs généraux. si ces derniers ne sont pas
materia1isés dans la quotidienneté par l'apport et le ricochet des activités
des hommes formés dans les institutions scolaires. Partant de ce point de
vue. nous sommes d'accord avec le ministre de l'Education du Ruatoria lors-
qu'il dit
"la qualité interne d'un système s'apprécie par
la mesure dans laquelle l'école:
(ou le système)
atteint les objectifs que cette dernière s'est
fixés et son adéquation se juge par la mesure
dans laquelle le système dans son ensemble pro-
duit les catégories de personnes instruites dont
Louis Vincent Thomas, René Luneau, la terre africaineset ses
religions Paris l'Harmattan 1980 p. 282.

- 227 -
la société a le plus besoin. En fait, un sys-
tème éducatif dont la qualité interne est médiocre
est à coup sûr inadéquat, mais s'il possède une
qualité interne très élevée; il peut néanmoins, ne
pas convenir du tout aux besoins de la société
qu'il est censé servir . (2 1f8)
Conclusion
Au terme de cette longue analyse portant sur l'enseignement secondaire et
professionnel, nous avons "nettement" établ i l'existence de contradictions
entre les intentions d'amélioration de la qualité de l'enseignement d'une
part, et les moyens utilisés pour y parvenir d'autre part. L'amélioration
de la "qual ité" de l'enseignement consiste sans doute à prendre des mesures
effi~s capables d'assurer à la société le bien-être social. Ces mesures
ne doivent et ne peuvent être prises que lorsque les besoins sont réellement
identifiés et compris. Or, en Guinée, nous avons l'impression que les be-
soi ns ne sont pas rée 11 ement reconnus, auss i éJITÎvc-t-il souvent que : .
"les objectifs de la société ne sont ni nécessaire-
ment, ni même fréquemment, en harmonie interne
les
uns avec les autres, et il s'ensuit que les objec-
tifs du système d'éducation ne coincident pas tou-
jours sur tous les points avec ceux de la société.
En conséquence, il pourra se produire des états de
déséquilibre et de tension" (249)
(248)
Communication dans les aspects qualitatifs de la planification
de l'éducation UNESCO r.r.p.E. 1970 pp. 51-52.
Hugh Philp l'évaluation de la qualité en éducation dans les as-
pects qualitatifs de la planification de l'éducation UNESCO
ibid p 302.

-
228 -
G _
Politique
d'Alphabétisation
a - Général i tés
L'alphabétisation, à certains égards, est aussi ancienne que l'éduca-
tian formelle (l'école en tant qu'institution sociale) ; seulement, sa pra-
tique n'est devenue réelle qu'au fur et à mesure que le besoin scientifique se
faisait sentir dans l'industrie, nécessitant ainsi un corps de travailleurs
"mo dernes" (instruits, tout au moins alphabétisés). La notion d'analphabé-
tisme est hétérogène et relative. Dans certains pays, elle est fonction d'u-
sage matériel de son nom pour témoigner son accord par rapport à une situa-
tian donnée. Par exemple "au XIXème siècle, dans les pays européens, on
admettajt souvent que la capacité de signer de son pro-
pre nom représentait un critère suffisant d'alphabétisme.
Dans certains pays, on considère comme analphabète celui
qui ne sait pas lire ( ... ) les lettres de l'alphabet.
Dans d'autres, on se réfère au nombre d'années de sco-
larité (entre 5 et 9 ans).
(250)
La notion devient complexe lorsqu'il s'agit de pays "hautement" "développés" (251)J
où toute activité sociale est subordonnée à une connaissance techno-
logique minimale; alors dans ce cas, l'analphabète est celui qui ne répond
pas à ce critère, c'est-àdire incapable de remplir un questionnaire complexe
d'un test de sélection, et d'assimiler intellectuellement des instructions
d'une certaine technicité.
(250 )
UNESCO qu'est-ce que l'alphabétisation juin 1983 p 3
(251 )
il s'agit de pays qui sont au sommet du développement technolo-
gique les Etats-Unis d'Amérique, le Japon, l'Allemagne, l'Union
Soviétique, la France etc ...

-
229 -
En Afrique, la notion d'alphabétisme est beaucoup plus complexe
qu'on ne le pense car sa "substance connotative" enracinée dans le temps et
dans l'espace est aussi variable selon les communautés auxquelles l'on se
réfère. S'agissant de ~'Afrique pré-coloniale, au sens restreint du terme
(traditionnel18), être alphabète (lire ét éCiÎre l'arabe aussi par rapport à
la culture africcdne SUb-sé.J1Rrjeiillc) est fonction de sagesse dcquise
à travers le nombre d'années d'existance ; en l 1 occurrence l'être tributaire
)
d'une somme de connaissances, dépositaire de savoir qui n'est pas forcément
lié à son appartenance sociale bien que cela soit généralement le cas
des hommes de castes
(griots, forgerons etc .•• ).
En Malinké on dit IIAkà
Kolon ll : II ce l ui qui sait ll .
Dans
les communautés de castes (forgerons,
IIféticheurs ll guérisseurs) sont
des hommes qui, de par leurs connaissances empiriques ou IIsurnaturellesll dé.:.
tiennent
certains
pouvoirs capables d'ann"ihiler
les méfaits des
génies
par des
incantations ou jeter
le sort maléfique sur quelqu'un
pendant
les cérémonies d'initiation et autres manifestations culturelles. Exemple;
le II so l;U, terme malinké désignant la fête de circoncision.
Dans l'Afrique coloniale (invasion, et imposition de valeurs socio-
â::onaniqœs et culturelles), l'analphabète est celui qui ne sait pas réciter ou l i-
re l'arabe, et celui qui nia pas fréquenté l'école coloniale (anglaise, al-
lemande, française ou portugaise) pour apprendre à lire et à écrire, voire
d'avantage ... ! A ce niveau-ci, le terme malinké est "Moh karambali ll (personne
qui ne sait pas lire et écrire).
Dans l'Afrique post-coloniale, la connotation de la période colonia-
le de l'analphabète reste en vigueur, car on continue à en faire usage pour
désigner celui qui ne sait lire et écrire, en somme celui qui n'est pas allé

-
230
-
a l'école lImo derne", qui n'est autre que celle introduite par les colons, et
qui, de par ce fait, permet à l'individu d'être fonctionnaire, détenteur de
pouvoir politique et militaire, etc ...
Ce qui fait dire à Kanvaly . Fadiga que
"à l'origine des nouveaux
pouvoirs africains, il y a l'école, sa langue et sa
culture d'importation. Qui ne maîtrise pas le français
ou l'anglais ne peut pleinement participer au pou-
voir".
(252)
L'évolution constante et la richesse de la notion, ont conduit certains Etats
et organismes internationaux, à réactualiser d'une façon permanente,
la dé-
finition de la notion d'analphabète. Tout d'abord, en 1958, la conférence
généra le de l'UNE seo
. "recommandait,
dans
un' souci de normaljsàtion
des statistiqu2s de l'éducation, la è~t'i ni tiün subante
de l'analphabète
une personne incapable de lire et d'écrire, ou ne
comprennant pas un exposé simple et bref de faits
en rapport avec sa vie quotidienne.
( ... ).
EQ 1958, une autre conférence générale de l'organi-
sation complétait cette définition en adoptant une
recommandation revisée considérant comme "fonction-
nellement analphabète toute personne incapable d'e-
xercer toutes les activités pour lesquelles l'alpha-
bétisation est nécessaire dans l'intérêt du bon fonc~
tionnement de son groupe et de sa communauté et aussi
pour lui permettre de lire, écrire et calculer en vue
de son propre développement et de celui de sa commu-
nauté" (253).
(252)
Problèrnatique de l' autonanie par l'éducation, thèse de Ibctorat d'Etat en Lettres
et Sciences Hunaines Voluœs 2 Paris Université René Lescartes (Paris V)
198 11 p. 357.
(253)
.
: UNE seo QJ'est-ce que : l'alphabétisation ibid p. 3

-
231
-
Ces deux définitions de l'UNESCO quoiqu'"acceptables" dansleur
intégralité, tendent tout de même vers un fonctionnalisme (voca-
tion culturelle oblige .. !) basé surtout sur l'apport matériel de
l'individu, et l'enferment dans un univers de production'et de
consommation peu ouvert sur l'être total qui doit s'affirmer de
par ce qu'il fait et doit être en mesure d'orienter et de rationa-
liser cet apport par un bagage intellectuel critique toujours en
mouvement. Autrement dit:
"ceux qui s'y engagent (dans le processus d'alphabétisation)
doivent assumer une nouvelle manière d'être, ils ne peu-
vent plus agir comme ils agissaieut :
ils· ne peuvent
plus vivre comme ils vivaient" (254).
b - Alphabétisation en Guinée et son fonctionnement
D'après le document: Réforme de l'enseignement en Répu-
blique de Guinée Novembre 1958 - Novembre 1978 les débuts de l'al-
phabétisation en Guinée remontent à 1959. Son organisation fut
décidée par la même ordonnance portant sur la réforme de l'ensei-
gnement. En effet ce sont les articles 41, 42, 43 et 44 qui sti-
pulent que :
"dans chaque école élémmtaire des cours d'adultes et classes
du soir peuvent être ouverts par décision du ministre de
l'éducation nationale sur proposition de l'inspecteur
de
l'enseignement élémentaire.
Les
cours d'adultes et écoles du soir se proposent donc
a) d'initier les auditeurs et auditrices à la lecture,
à l'écriture, au calcul et à l'élocution ;
b) d'éveiller et de développer leur conscience civique et
sociale par des causeries éducatives ;
c) de complèter l'instruction élémentaire de ceux qui
désirent perfectionner leurs connaissances.
(254)
Paulo Frei~e Pédagogique des opprimés Paris François Maspéro 1974 p.4ü

-
232 -
Les auditeurs assistent gratuitement aux cours.
Les heures de classes, l'emploi du temps, le pro-
gramme des études adaptées aux réalités locales
sont fixés par le directeur de l'école et approuvés
par l'inspecteur de l'enseignement élémentaire" (255).
La référence aux articles ci-dessus permet de constater que l'alphabétisa-
tion, à cette première phase, n'avait pas encore retenu une attention parti-
culière de la part des autorités éducatives. En plus de son caractère initiatique,
savoir lire et écrire l'alphabet, et ceci de manière facultative, elle avait
également un "soucis" d'entraînement de la population surtout urbaine, dans
la mouva~ce du change~ent général.
D'autre part, cette restriction de la pratique de l'alphabétisation ne tou-
chant que les seuls urbains ferait bien croire que les populations rurales
sont les parents pauvres, les laissés pour compte du changement, bien que
leur apport et leur soutien n'ont pas manqué au Parti "démocratique" de Gui-
née pendant les heures difficiles de la lutte anti-coloniale. Nous pensons
qu'il aurait été normal qu'elles soient les principales bénéficiaires de
l'alphabétisation, d'autant plus qu'elles représentent l'arrière-garde.écono-
mique d'un pays essentiellement agricole. En plus de cela, l'alphabétisation
serait la bienvenue dans les zones rurales, ne serait-ce que pour enseigner
les premiers éléments de l'agriculture moderne, malheureusement, tel n'a été
le cas. Ainsi, la première apparition en public de la "Révolution" guinéenne
a déçu et n'a pas failli à la règle générale qui est propre à certa-ines "Ré-
volutions du tiers-monde"
(255)
République de Guinée Présidence du Conseil n° 042/MEN - Conseil
des ministres entendus dans la séance 11 Juillet 1959.

-
233 -
"chauffer à blanc" les populations rurales pour la
cause du changement; une fois celui-ci atteint,
c'est-à-dire le "départ des colons:' les promesses
d'hier sont renvoyées aux calendes grecques.
Cette première tentative de l'alphabétisation n'a pas fait long chemin car
la motivation n'était pas au rendez-vous, tant au niveau de la population
cible qu'à celui des encadreurs (maîtres d'écoles) qui ont vite "décroché"
par manque de stimulant matériel. Elle siest finalement limité à la période
1960-1965.
La seconde phase (1965-1972)
Cette seconde phase est le prolongement de la première à la seule différence
qu'elle intervient à une période difficile (:pénuriealimentaire) où l'accent
est mis sur le développement agricole pour atteindre l'auto-suffisance ali-
mentaire. Ceci ressort clairement dans les préoccupations du C.N.R. tenu à
N'Zérékoré, du 7 au 11 Juin 1965 :
(\\
"considérant que l'alphabétisation est un facteur
1
important du développement économique national ( ... )
(le C.N.R.) invite tous les lettrés à participer ac-
tivement au succès de cette alphabétisation par la
pratique écrite des langues nationales" (256).
Pour soutenir cette action gouvernementale, fut créé en 1967 un service
national
d'alphabétisation qui avait pour tâche de coordonner toutes les
activités des encadreurs. Outre cela, les étudiants furent invités à partici-
per à cette campagne pendant leurs vacances.
La caractéristique
fondamentale de cette tentative, est son aspect
f onct ionnel
(peut être une des conséquences des recommandati ons du congrès
(256)
Ministère de l'Enseignement Pré-Universitaire et Alphabétisation
réforme de l'enseignement ibid p. 39

- 234 -
mondial des ministres de l'Education, Téhéran 1965, dont le thème prin-
cipal était l'élimination de l'analphabétisme par le biais d'une alphabé-
tisation
fonctionnelle liée au développement") (257). Aspect qui entre
autres, visait à alphabétiser le plus grand nombre de ruraux (mesure
salutaire) afin d'arrêter la baisse de la production agricole et par-là,
pallier à l'insuffisance alimentaire. Ainsi initia -t-on l' alphabétisa-
,
tion fonctionctionnelle "liée à un programme de formation profession-
nelle et permettant l'accroissement rapide de la productivité des indi-
vidus. Or, les méthodes et moyens préconisés à cet effet, se revelèrent
inadéquats: tout d'abord, le concours de tous les lettrés quoique utile,
ne peut suffire à lui seul à l'encadrement d'une population à majorité
agriculteurs (paysanne en fait).
-
Ces lettrés sont dans la plupart des cas, urbains et
n'entretiennent avec les ruraux que des contacts circons-
tanciels
(voyages, visites, missions et autres déplace-
ments qui ne dépassent pas 24 heures tout au plus 2 jours).
rr'autre part, ils sont littéralement coupés de leur base
culturelle et ceci à cause des valeurs occidentales mal
assimilées du reste, des villes africaines particulière-
ment guinéennes - (nous avons, à travers nos différentes
rencontres et interviews découvert que certains intellec-
tuels guinéens de la capitale, peuvent rester 10 ans à
Conakry sans fouler le sol des villes de l'intérieur
à plus forte raison aller dans les villages. Tel cet
agent journaliste à la radio télévision guinéenne qui nous
a fait un témoignage dans ce sens (1985) - Cette attitude
peut aussi s'expliquer à travers le "développement inégal"
entre la capitale où l'on peut, dans une certaine mesure,
trouver de quoi manger, et les villes de l'intérieur où
la vie se limite à se demander comment faire pour se
nourrir le lendemain,
en somme vivre au
jour le
(257)
Conférence à laquelle la Guinée a été représentée par Kamoré Traoré.
(Réf. Horoya Dimanche 17 et Lundi 18 Octobre 1965).

-
235
-
jour.
- Les étudiants
et
élèves
en
vacances
(opération
ponctuelle
de surcroît)
sont
plus
préoccupés
à
organiser
des
fêtes
et
autres
distractions
que
de s'occuper d'alphabétisation dans les campagnes,
les
vacances
représentent
généralement
pour
eux,
des périodes de répit puisqu'ils travaillent toute
l'année
scolaire
dans
les
domaines
agricoles
de
leurs établissements et Facultés Agronomiques respec-
tifs.
Par ailleurs, leurs contacts avec les "jeunes filles et épouses (néo-alphabé
tisées) sont peu appréciés des pères et époux de ces dernières (pour cause,
"les rel ations intimes qui s' établ issent, du moins qui en résultent) (258). Quant
-aux moyens Qui y sont ..aff&.."tés, ils sont dérisoires.
L'infrastructure pour
l'encadrement est de fortune,
souvent ce sont des concessions de parti-
cul iers fournies en électricité (groupe électrogène et sous les vérandas
qui
servent de cl asses
avec
tout ce que cela comporte comme ri sque de
coupure d'électricité). Les manuels didactiques, 0IÇU9 en langues nationales,
sont peu appropriés bien que leur caractère fantaisiste (259) sur le plan
syntaxique
"conviendrait" peut-être aux
lmgues parlées
des populations
cibles, sont en outre d'un prix "inabordable" (300 franc.sguinéens en 1967
à Beyla) pour les travailleurs et paysans pour lesquels cela représente
une "fortune"
(258)
en 1984 (à Diansoumana village du Ouassoulou- Batè déjà cité) nos
contacts avec les responsables féminins: Mmes Sidibé Tidanké;
Sogbè marna, Komba Marie toutes, du quartier Sosando, Filani Sadan
quartier Sodouyado, nous ont aussi permis de savoir que l'une des
causes de l'échec de l'alphabétisation a été la transformation du
cadre par les jeunes gens en lieu de rendez-vous.
(259)
reconnu d' ailleUI'S par le délégué guinéen Karroré Trahoré au congrès nondial des
ministres de l'Education Nationale à Téhéran: "nais au niveau des textes canplé-
rrentaires, i l faut nécessairelœnt parvenir à un vocal:ulaire unifié par langue".
(Réf. !broya Dirranche 17 et Lundi 18 Octobre 1965).

-
236 -
Il est aussi à noter que les populations étaient obligées
de participer aux cours d'alphabétisation, dans le cas contraire se
voyaient taxées de contre-révolutionnaires; ainsi petit à petit, s'éri-
gea en lieu et place de l'alphabétisation, un système de délation en
faveur du P.D.G.
(Parti "Démocratique" de Guinée). Cette déviation idéo-
logique porta un coup fatal au moral des participants.
Une autre considération portant sur la "faillité" de la cam-
pagne est l'organisation des horaires. Ces derniers n'ont jamais fait
l'unanimité des participants en ce sens qu'ils ont toujours coïncidé
avec les jours de réunions politiques des comités de base, à savoir
chaque vendredi soir. Or, ce jour est le plus chargé en matière de re-
ligion (musulmane) concentration, recueillement,
lecture du Coran et
sa traduction. D'autre part, les cours ne débutent qu'à la fin des
réunions dont les ordres du jour sont nombreux et finissent tard la
nuit (23h, une heure quine ménage pas les susceptibilités des mariés).
Une nouvelle fois, c'est le constat d'échec qui en est le
résultat, bien que le service national de l'alphabétisation fut succes-
sivement placé sous la tutelle des Affaires Sociales (1958), puis sous
celle du Secrétariat d'Etat à l'idéologie (1969), avant d'être rattaché
à l'enseignement Pré-Universitaire en 1972.
Ce constat d'échec n 1 a pas échappé aux autorités puisque
celles-ci pressent les Bureaux Fédéraux :
"d'assurer le fonctionnement régulier des écoles régionales
des cadres du Parti, afin de promouvoir l'éducation popu-
laire des néo-alphabétisés et d'étudier les moyens de
leur encouragement dansla poursuite de la surformation.
Le Conseil supérieur de l'Education suggère que dans
les
classements des
fédération il soit tenu compte

- 237 -
des efforts déployés par chacune d'elles dans le domaine de
l'alphabétisation.
( ... ) de créer des centres
d'alphabétisation au niveau
de toutes les unités de production et de veiller à leur
fonctionnement effectif (pourtant la campagne avait été
lancée en fonction des groupes socio-économiques), d'éla-
borer avant Octobre 1973 les programmes des cours d'éduca-
tion populaire des écoles régionales des cadres du
parti". (260).
Troisième phase (1972-1984)
Cette dernière phase, engagée pour apporter des correctifs aux
tentatives précédentes, s'était dotée en la circonstance de multiples
précautions à savoir :
la création des antennes du service national chargé de
l'alphabétisation et de l'enseignement des adultes dans
les chefs-lieux de régions.
- La réduction de l'effectif en ce sens que la population
alphabétisable (1,60.00.0) était ramenée à "61.680 appre-
nants (dont 6.757 femmes) dans 2.320 centres".
UNESCO EFM/132 ibid Appendice p. 58/61).
- La mise sur pied de nouvelles infrastructures pour
néo-alphabètes et stimulation de ceux-ci par voie de
concours organisés par les inspecteurs d'Académie, de
leur recrutement comme maître d'enseignement populaire
dans les P.R.L.
(lequel recrutement est resté à l'état
de proj et).
A la suite de ce réaménagement des structures,
la campagne d'alphabéti-
sat ion a connu un
:regain de popularité et quelques succès dans le cadre fonc -
(260)
Conseil Supérieur de l'Education, 7ème session Avril 1973 dans Réforme
de l'Ehseignement ibid pp. 141-142.

- 238 -
tionnel. Par exemple : l'opération rizicole de Guéckédou 1982 qui, entre
autre doit sa réussite à la formation sur le terrain des 5.000 agricul-
teurs aux techniques élémentaires agricoles. Malheureusement, ces succès
n'ont pas tardé à s' envo 1er, à cause de la négl i gence
et du manque de
continuité dans ce type d'actions ponctuelles de la part du service national
d'alphabétisation.
c -Bil~n et critiques
L'analyse
portant sur les différentes
phases d'alphabétisation a montré
que celles-ci
n'ont
pas obtenu de réels
résultats,
ne serait-ce qu'en
se référant
au taux d'analphabétisme de la population adulte qui reste
très élevé, et est proche de 90%. CA l'indépendance il était de 95 %).
Les causes de~ échecs sont :
1) la
mobilisation lmimi tée
des ressources affectées aux
campagnes
d'alphabétisation.
Or
ce
soutien
logisti-
que est nécessaire pour la réussite et l' effectivité
des campagnes : les programmes entrepris (avec ou sans
aide
extérieure)
dans
le cadre de
l'universalisation
de
l'enseignement
de
base
et
de
l'alphabétisation,
doivent être viables et capables de soutenir les actions
sur une longue durée en termes de ressources nationales
et
d'adéquations
institutionnelles.
C'est-à-dire
ne
pas se contenter des pratiques démonstratives ou expéri-
mentales
(l'alphabétisation
est
trop
sérieuse
pour
ça
!)
basées sur des ressources trop maigres qui ne

- 239 -
permettent
pas la généralisation des campagnes à la nation
toute
entière (261).
2) La mauvaise planification, d'exécution et d'évolution de
l'entreprise
éducative
a
été
pour
beaucoup
responsable
de
l'échec
des
campagnes.
Pourtant
l'amélioration
de
la
quali té
de
la planification permet entre
autre,
de tester
la convenance des structures d'organisation et de responsabi-
liser les autorités locales.
Au vu de ce qui suit, tel n'était pas le cas en Guinée puisque la conférence
nationale des cadres de l ' Education tenue à Conakry du 2 au 9 Avril 1977
invitait: "par ticu1 ièrement le Service National
d'Alphabétisation à confectionner un rapport qui récapitulera
toutes
les décisions prises depuis
1972, les mveaux d'application
obtenus et des suggestions pour atteindre les objectifs (262).
3) La non participation (association) des populations concernées
aux
projets
d'alphabétisation.
Toutes
les
tentatives
qui
ont
été
expérimentées,
ont
été
faites
sans
tenir
compte
des
besoins et aspirations
des
populations.
Ces dernières
se sont
senties méprisées,
à
la limite, comme des cobayes
au service
d' unlaboratoire
pharmaceutique,
ayant pour seul
objet
la préparation de médicaments vendables
sur
"grande
échelle".
Or
la
participation
(263)
des
non-alphabètes
ne
doit
pas être seulement
considéré
comme
"un appel
aux
braves",
mais
comme
un
moyen
d'associer
et partager avec
ceux-ci toutes les difficultés et avantages liés à l'entre-
(261)
il faut savoir que les aides provenant des organismes internationaux :
Banque Arabe de développement, UNESCO, Banque Mondiale ont été signi-
ficatives bien qu'elles aient été "utilisées à d'autres fins".
(262):
: Réforme de l'Enseignement en Guinée Novembre 1958 - Novembre
1978NMinistère de l'Enseignement pré-Universitaire et Alphabétisation
ibid p. 177
(263)
cette Participation en Qrinée, se limitait aux seuls cadres "des plus qualifiés et des
plus représentatifs du Parti, de la Confédération nationale des travailleurs"., .
Kanoré Traoré, de quels llOyens techrùques et humaines faut-il disposer pour l' alphabé-
tisation ? furoya Dinanche 17 et Lundi 18 CX:tobre 1965).

240 -
,<".
prise. Ainsi, chaque participant se sentirait sujet et
non plus l'objet de sa propre alphabétisation (cadre
idéal pour éviter le paternalisme et montrer que les
encadreurs ne sont pas propriétaires des masses popu-
laires, si important, fondamental et indispensable que
soit leur rôle). "L'importance de ce rôle ne leur donne
pas le droit de commander les masses populaires, aveu-
glément,'en vue de leur libération" (264)? La partici-
pation, ainsi conçue, offrirait le meilleur moyen d'as-
surer une réelle motivation des populations concernées .
d -
Propos it i on
Eh lieu et place d'une servile récupératim idéologique de l'alphaœtisatim
Nos propositions ne feront que reprendre les points portant sur les ressour-
ces et le personnel d'encadrement, et ceci d'une manière succinte car dans
les critiques ils ont été déjà abordés.
- Le problème de ressources est assez important. Car, sa punérie est souvent
l'obstacle majeur à l'expansion et à l'amélioration des possibilités éduca-
tives. De ce fait, toute entreprise de nature éducative, qu'elle soit for-
melle ou non, doit avant d'être expérimentée, être précédée d'une vérifica-
tion de la conformité des potentialités consacrées au projet. C'est-à-dire,
faire le rapport entre les coOts réels et les possibilités de financement.
Ceci afin d1éviter toute mauvaise surprise pouvant nuire au bon fonctionne-
ment du processus d'alphabétisation. (Ce manque de ressource a été à l'ori-
gine de 1'ârrêt de certaines ~es en Guinée). D'autre part, les respon-
sables doivent observer une politique de rigueur dans la gestion des res-
sources, afin qu'elles servent moins les actions futiles et personnelles.
(264)
Paulo Fereiye, Pédagogie des opprlmes. Paris Français Maspéro
1974 p. 162.

- 241
-
Quant au personnel a1phabétiseur, celui-ci doit avoir en vue que
l'objectif visé n'est pas simplement d'apprendre à la population cible l'A.
B.e,
mais qu'il est de :
IIjeter un pont sûr au-dessus du gouffre qui sépare sur
le plan technique et mental les cadres de ceux qu'ils
ont mission d'encadrer ll (265).
H - L'Enseignement Supérieur ou Système des Grandes Ecoles
a -
Généralités
Le problème crucial, auquel furent confrontés les pays africains
lorsqu'ils ont obtenu leur "indépendance dans les années 1960, fut celui
du développement. Pour trouver une solution à cet épineux problème, diverses
stratégies du développement ont été adoptées: de celle axée sur la croissan-
ce économique à celle qui préconisait le développement de l'enseignement, et
notamment de l'enseignement supérieur. Cet ultime choix portant sur l'ensei-
gnement supérieur avait pour objectif, de former massivement en un temps
re~ord un personnel qualifié, capable de mettre en valeur 11 immense potentia-
1i,t,é des pays africains (266).
Les structures créées à cet 'effet prévoyaient d'une part le rem-
placement,
du moins
1I1'adaptation ll
des anciennes Universités coloniales
(265)
: l'Ehseignerœnt en République du Mali (10 ans après la réfonœ de 1962) dans contact
spécial/EWletin Pédagogique Barœko J. P.N. 1983 p. lm
(266)
un peu dans le sens indiqué par Amadou ~tar M'~:"la réussite de tout plan de
développement suppose d'aoord l'existence de cadres appropriés et en nanbre suf-
fisant, ensuite une pleine conscience des tâches par ceux qui doivent les assurœrll •
(Réf. Problèlœs généraux de l'enseignerœnt dans le nouveau dossier Afrique Paris
Presses de Maraoout 1975 p. 188),;

-
242 -
Université Fourah
bay de
Freetown (Sierra-Léone),
Institut d'études
supérieures de Dakar (Sénégal), le centre d'enseignement supérieur d'Abidjan
(Côte d'Ivoire) ces derniers ayant été conçus pour l'Afrique de l'Ouest
francophone, et enfin l'UNiversité fédérale de l'Afrique de l'Est, commune
à trois
pays
le Kenya,
l a Tanzanie et l'Ouganda
d'autre part,
la
création de
nouvelles Universités qui se veulent "Nationales" en raison
de leurs spécificités et des nouvelles tâches (267) qui leur sont assignées,
autrement dit qui
visent,
non
seulement à résoudre les problèmes posés
par
le sous-développement mais aussi
à valoriser les patrimoines socio-
culturels,
longtemps maintenus dans le mépris,
le dénigrement voire l'i-
gnorance totale.
Ces nouvelles Universités sont
l'Un i vers i té de Dakar
créée en 1957, officiellement inaugurée en 1958, qui
n'a eu son premier
statut
juridique national
qu'en
1970,
l'Université d'Abidjan créée
par
le décret n° 64-42 du 9 Janvier 1964 qui deviendra en 1977 l'Université
nationale (cf loi nO 77-333 du 1er Juin 1977), l'Université du Ghana (24 Fé-
vrier 1963)
et l'Université de Dar-es-$alam en 1970 remplaçant l'ancien
collège de l'Université fédérale de l'Afrique de l 'Est etc ...
(267)
ces tâches d'après Kwame N'Krumah sont: "the role of a University in
a country like ours, is become the academic focus of national life, re-
flecting the social, economic, cultural, and political aspirations of
.
Thé people. It must kindle- national interests in the you.' th and uplift our citizEn~
and free. than
from ignorance, superstition, and, may l add, indo-
'
lence. A University does not exist in a vacuum or in outer space~ It
exist in the context of a society and it is there that it has its pla-
ce. A University is supported by society, and without the sustenance
which it receives from society, it will cease to exist".
(Speech deli-
vered at University dinner, University of Ghana, legon on February 24,
1963) .
Le rôle d'une Université dans un pays comme le nôtre c'est d'être au
centre des préoccupations du peuple tant sur, le plan social, éconanique, culturel
que politique: Il doit susciter l'intérêt national chez les jeunes et élèves la con-
science de nos concitoyens et les liœrer de l'ignorance, de la superstition et de
l'indolence. L'Université n'est pas une institution existant dans un espace vide (vase
clos). Elle est une création de la société en dehors de laquelle elle perd toute sa si-
gnification. (traduit par nous).

-
243 -
b -
L'Enseignement Supérieur en Guinée
Lors de la déclaration d'indépendance llenseignement supérieur
n'existait pas. IL fut créé en Octobre 1962, à la suite de la décision pri-
se au cours de la première session de la conférence générale du P.D.G. (Par-
ti IIDémocratique ll de Guinée) tenue à Conakry du 14 au 18 Aoùt 1961. Cet en-
seignement supérieur obéissait aux mêmes préoccupations que ceux d'Abidjan,
de Dakar, de Dar-es-Salaam notamment-, à savoir la formation rapide des cainls sup§-
rieurs. Cependant à la différence de ces derniers, on procéda tout d'abord
à la création de grandes écoles en lieu et place de l'Université.
La première d'entre elles fut l'Institut polytechnique de Cona-
kry ; pour mémoire rappelons qu'il recruta sur la base du baccalauréat com-
plet. Ses prinicpales options, signalons, géologie-mines, génie civil, agro-
nomie, élèctricité-mécanique, électronique et aussi une Faculté des Lettres
et Sciences sociales.
L'extension de sa capacité d'accueil est devenue nécessaire au
fur et à mesure de l'accroissement des besoins dans le domaine socio-écono-
mique, lesquel~-exercent une pression toujours plus forte. C'est ainsi qu'on
multiplia le nombre de grandes écoles à 1'échelle nationale puis qu10n créa
l'UNiversité guinéenne ayant en son sein plusieurs types dI U.E.R.1I agrono-
miques et aussi les écoles normales supérieures. - Décision suscitée par la
II r évolution culturelle ll du 2 Août 1968 à Kankan. Cette décision serait con-
forme aux nouvelles réalités socio-économiques si seulement les étudiants
qui y étaient formés, jouaient un rôle primordial dans le redressement écon-
mique ou le développement tant souhaité par la population. Or, nous le di~
sions dans les pages précédentes, la formation en masse des cadres supérieurs

-
244 -
nia pas apporté de solutions miracles, non seulement en Guinée mais dans
toute l' Af ri que.
En effet "après la première décennie de l'indépen-
dance, ceux qui n'étaient pas encore convaincus de
la grossière erreur de départ, se sont enfin rendus
compte que le développement n'était pas simplement
une "affaire de scolarisation et de main-d'oeuvre
qualifiée" ....
mais aussi et peut être surtout de bien d'autres
facteurs. Entre temps, de nombreuses
ressoorces rot été inves-
ties souvent en pure perte dans l'éducation, la ré-
ponse n'étant ni quantitativement, ni qualitative-
ment satisfaisante".
(268)
D'autre part, les cadres issus des Universités et Grandes Ecoles guinéennes
n'ont pas été affectés à des tâches pratiques contrairement à ce que l'on
croit, dans la mesure où la plupart d'entre eux et surtout les "meilleurs"
sont consignés à des travaux bureaucratiques pour servir la "Révolution" (269).
L'analyse des données de Y. de Hemptinne révèle les faits suivants:
"10% des scientifiques et ingénieurs (S.I) du systè-
me scientifique et technologique national consacrent
plus de la moitié de leur temps à des travaux admi-
nistratifs (moyenne nationale, toutes institutions
confondues)'. Dans les institutions de service géné-
ral non-intégrées à la production, l'indice est le
plus élevé : 15% environ.
(268)
Roger Bonaventure Coly, l'Université cauœ éléIœnt de laréponse aux objectifs
d'un développerrent socialiste; les cas canparés du Sénéga~et de la Tanzanie. Projet
CÀ.lest-Ai'ricain de FOI'lœtion à la Recherche Evaluation en Education Université, laval,
Faculté des Sciences de l'Education QJéœc la, Q..léœc Serie l, n· 22, JUin 1981
pp. 6 - 7
la nouvelle canission de la réforne de l'enseignaœnt "déplore que l'UNiversité
soit devenue en fin de canpte un lJOyen d'accès à une hiérarchie de la Fonction Pu-
blique et non une fame d'initiation à une véritable vocation de recherche". (Réf.
Actes de la Conf. Nationale de l'Education Conakry, du 24 rvm. au 3 Juin 1984
P. 201).

-
245 -
Si l'on examine le pourcentage du personnel S.I.
qui consacre plus du quart de son temps à des tra-
vaux administratifs, on trouve:
dans les UNiversités (et institutions assimilées)
16,2% dans les institutions de service général rat-
tachées aux centres nationaux de recherche
23%
dans les institutions de service non-
intégrées à la production
29%
dans les entreprises de production on
retrouve, ici encore, un indice de bureaucratisa-
tian élevé dans les institutions de service général
non-intégrées à la production.
(Il en conclut que :)
cette situation mérite d'être examinée de plus près (270)
Le pont s~parant ainsi les potentialités humaines (cadres supérieurs) et les liwxde
réinvestissement de leur savoir pour le développement et la création de con-
ditions de bien-être, ne facilite guère la matérialisation des objectifs no-
bles que siest fixé le gouvernement à savoir:
donner à l'école un II ca -
ractère émi nernment 1i bérateur et transformateur. (271).
Pour que l'école contribue réellement au développement national, il
faudrait au minimum que ses II produits finis ll puissent se rendre là où la pro-
duction l'exige! Autrement dit, que
(270)
UNE seo, Guinée : inventaire du potentiel Scientifique et
technologique n° de serie:
FMR!SC!STP!86!201 (UNFSSTD) Paris
1986 p. 6
(271)
Réforme de l'enseignement en République de Guinée Novembre 1958 -
Novembre 1978 ibid p. 57.

-
246 -
"basic education go es side by side with society and
cannot pray iàe Rtudents \\Vi th l,ratical, technical
ability which could anable thEffi ta play any serious raIe in
the pr~ft,::eàs'of prrx:luctir'n". L'éducation de base abonde
dans le sens des préoccupations sociales : elle ne
doi t donner une formation pratique 1
et technique qui
ne
soit utilisable dans la production. (traduit
par nous). (272).
l'Université à travers ce qui précède peut-elle encore être considérée comme
une Université nationale? la réponse à cette question dépend de l'analyse de
ses fonctions: culturelle, politique et économique.
c - l'Université: moyen de développement culturel et politique
Nous avons déjà noté que la colonisation ne favorisait pas l'épanouissement
culturel
au contraire elle a largement contribué à sa disparition et
par là, renforcé l'obscurantisme, l'acculturation
et autres phénomènes de dé-
pendance
vis-à-vis de la technique occidentale, suite logique de la straté-
gie coloniale,
l'acculturation des populations favorisant Llne sujétion que
l'école contribuait largement à perpétuer. Toutefois le revers de la mé-
daille que l'oppression coloniale ne prévoyait
pas, auquel du moins elle
n'accordait pas d'importance particulière, est que la domination créé généra-
lement une contre domination qui, lorsqu'elle réussit à prendre le dessus,
gagne tous les niveaux de la vie quotidienne. l'Université est l'un des
moyens qui
a charge de consolider ces acquis,
ce d'autant plus qu'elle
est une Université nationale. Ainsi conçue pour le développement des connais-
sances, elle doit aussi contribuer à la survivance des traditions populaires
et même en assumer le "leadership". Cette responsabilité ne semble pas
avoir été comprise du moins réalisée dans la plupart des pays africains.
(272)
Soumaila Diakité the State and Education Mawazo a publication
of the stanford Africa~students association (SASA) Stanford
Spring 1984 Volume I, n' 3 p. 13

-
247
-
Bien que Paul N'da soutienne le contraire:
dans maints pays africains, l'Université ( ... ) est
commise pour contribuer à former et à consolider la
conscience nationale et pour être un facteur de dé-
veloppement en fournissant les cadres adaptés aux
besoins de main-d'oeuvre et susceptibles de devenir
des agents de développement. (273)
Les gouvernements n'ont
pas toujours rempli
leur contrat
à l'égard de
l'Université afin de lui permettre de se placer à l'avant-garde du' combat
culturel. (En prenant cet adjectif au sens large).
En
Gui née,
la lutte menée sur le front culture l, de surcroît
par l'UNivertsité se résume en la reprise de slogans contribuant à occulter
les vrais problèmes posés, à savoir le changement réel positif.
Lors de nos enquêtes à Conakry en 1984,nous avions pu nous aperce-
voir que le concept de "Révolution" au niveau des étudiants se ramenait
tout juste
à
la
liquidation
des
"contre-révolutionnaires",
ennemis du
peuple etc ...
(termes utilisés par les étudiants). Or, l'Université dans
un pays qui
se veut
"socialiste" doit être capable de bien former ses
étudiants,
de faire dieux des
"prométhées" éclairant toute la voie de
la libération des peuples. En outre,
"l'éducation ne doit pas être seulement à base de discours.
Elle a besoin d'être illustrée
par
des
exemples
de probité donnés notamment par tous ceux qui exer-
cent
une
responsabilité
à
quelque
niveau
que
ce
soit.
Une
communauté
attentive
au
respect
des
grands
(273)
les intellectuels et le pouvoir en Afrique Noire Paris "l'Harmat-
tan"11987 p. 67

-
248 -
principes de morale sociale contribuera positivement
à la formation des jeunes qu'elles compte en son sein.
Mais comment faire prendre conscience à la jeunesse
de la nécessité de l'unité
nationale tandis que se déve-
loppent des pratiques fondées sur le tribalisme et le
néptotisme, ou encore comment sensibliser au respect
de la chose publique alors qu'une prime est donnée à la
gestion frauduleuse. L'éducation doit être perçue
à
travers la totalité des facteurs qui interviennent dans
son processus et ne saurait se réduire à l'action de
l'école où l'enfant passe une partie importante de son
temps certes, mais seulement une partie" (274).
d -
L'Université. moyen de développement économique
Si la culture et la politique sont essentielles, c'est que nous pensons
que quelle que soit leur importance, elles doivent d'abord être mises au service
de l'économie (275). parce que la libération réelle ne peut se concevoir sous
la dépendance économique. Une vraie libération, selon le sens que nous lui
attribuons, quelle soit celle des peuples ou simplement des hommes est en grande
partie économique et l'Université dans un pays comme la Guinée doit et peut
aider à la libération.
Il n'est point nécessaire d'insister sur l'importance, pour les peuples,
d'avoir la maîtrise des moyens de production et l'aisance dans la gestion des
affaires.
L'école et l'Université sont supposées
ètre tribu-
(274)
Syndicat National de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur de
Côte d'Ivoire (SYNARES) memorandum sur l'éducation, l'enseignement
et la recherche scientifique en Côte d'Ivoire. Abidjan 25-26 Mai 1985,
p. 3.
(275 )
Lors de son passage en Guinée en 1971, Fidel CASTRO, constatant que
tous les guinéens sont habillés en blanc (tenue officielle) avait eu
à faire la réflexion suivante:
"l'économie ne doit pas dépendre de
la politique et d'ajouter que, la tenue blanche n'est pas appropriée
pour le travail - Par ailleurs, il nous semble aussi que le goOt forcené
pour les costumes (tenue vestimentaire des cadres depuis l'avènementde
la seconde République Avril 1984 est aussi peu appropriée pour le
travail) .

- 249 -
taires, du moins en théorie, de cette vocation de donner aux étudiants les
formations lIappropriéesll a-fin d'agir pleinement sur l'organisation et la
production économique. Seulement à travers les analyses précédentes, -j lest
apparu que le problème s'est toujours posé au niveau de l'adéquation de la
formation et des besoins réels du pays. Pourtant, la Guinée où la voie so-
cialiste a été IIdélibérément choisie commanderait un certain type de déve-
loppement auquel un pouvoir culturellement et politiquement libéré pourrait
faciliter l'intégration de l'école et de l'Université. Les objectifs écono-
miques peuvent dans une certaine mesure contribuer à mettre en place ceux de
l'Université, qui en retour concrétiserait les objectifs généraux. (si les
moyens y sont donnés). L'ajustement constant de ces rapports étroits exis-
tants entre l'Université et la société ne justifie pas le rythme d'une ré-
forme tous les six mois.
e - Conditions d'existence d'une Université Nationale
Les conditions d'existence d'une Université nationale ne doivent pas seule-
ment consister à créer de nouvelles structures d'accueil fussent-elles im-
portantes si elles n'offrent pas le cadre idéal pour la formation (276). Or,
en Guinée la création de l'enseignement supérieur, l'Université en particu-
lier, a simplement été une IImétamorphose ll des grandes écoles (Instituts Po-
lytechniques) comportant des facultés 1er degré et second degré communément
appelés C.E.R. (centre d'éducation II r évolutionnaire ll ) 4ème cycle.
(276)
d'après le Directeur Général de l'enseignement super1eur et de la Re-
cherche Scientifique Dr. Lamine Kaba IIl'Université de Kankan créée en
1968 n'était qu'une école normale supérieure et qui, par la force des
choses, est devenue une Université qui n'a aucune infrastructure d'ac-
cueil convenable ll . (Réf. Eviter la fuite en avant pour parer à l'erreur
du passé. Horoya n° 361 du Jeudi 15 Janvier 1987 p. 4).

-
250 -
Ces centres ne sont révolutionnaires qu'en théorie car leur capacité de
transf ormat ion
''n' arTive pas à préparer pour ie style de
vie qu'une nation a choisi d'établir" (277).
Il ne peut en être autrement dans la mesure où les intitutions en question
sont dépourvues de toute assistance financière de la part de l'Etat. Pour
corroborer notre affirmation qui ne risque pas d'être démentie, voyons ce que
dit une mission qui a séjourné en Guinée :
''une enquête partielle menée par la missicn dans quelcpes
établissements (E.N.S, Université de Conakry, Fa-
culté des sciences et techniques, Instituts agro-
nomiques) révèle que les crédits pédagogiques et
d'entretien mis à la disposition des établissements
d'enseignement supérieur ont été presque
nuls au cours
des années récentes".
(278)
En fonction de cette situation, on pourrait être par ailleurs amené à dire
qu'il ne suffisait pas d'entreprendre une réforme pour prétendre établir une
Université africaine car, "l'UNiversité est
J.P. Breeden. The struggle for socialist~education in Tanzania
cité par Roger Bonaventure Coly ibid p. la.
(278)
UNESCO
EFM/132 Aoùt 1985 ibid p 22
~n Côte d'Ivoire la situation en matière d'assistance à la recherche
est moins "dramatique", bien que: "en réalité, tout se passe
comme si les autorités politiques méconnaissaient à ce point la
science qu'elles proclamèrent d'associer au développement national.
En effet: 1) des crédits souvent dérisoires; et surtout, blocage
des chercheurs auxquels l'Etat n'offre aucune possibilité de pro-
motion, la commission de promotion de chercheurs n'ayant pas sièger
depuis 1981.
2) Mais de façon plus spécifique et singulièrement dramatique, op-
position à peine voilée des autorités, à la Recherche en sciences
humaines considérées comme inutiles et nuisibles à la Nation".
(Réf. Mémorandum du SYNARES ibid p. 8)

-
251
-
africaine lorsqu'elle contribue le mieux possible à
connaitre et à résoudre les contradictions des sociétés
africaines et prend la part qui lui incombe dans la
création des formes sociales nouvelles dans une Afri-
que, confrontée au défi de son développement et de
son adaptation au monde moderne. Si elle ne le fait
pas, elle n'est certainement pas africaine fut elle
exclusivement composée, de haut en bas d'africains.
On peut se demander si, dans ce cas elle pouvait être
une véritable Université".
(279).
En conclusion, nous dirons que l'Université guinéenne n'est pas nationale, du
moins n'a pas l'étoffe d'une institution nationale capable de former des jeunes
gens qui peuvent
aussi largement que possible, contribuer au développement
économique et social de leur pays. Au contraire, elle est un refuge pour un
"grand nombre d'étudiants:
(qui)·campent dans les UNiversité~dans des conditions
de pauvreté ( ... ) et ne participent presque plus au
,
système universitaire, qui se contente de les abriter
sommairement et de faire répandre quelques enseigne-
ments sur eux dans des caravansérails, sinistres ou
pittoresques selon les cas" (280).
Est-ce à dire, que l'Université n'est pas nationale, parce qu'elle ne repose
pas sur une conscience réelle, nécessaire à toute création nationale?
Si tel est le cas, nous serons tentés de dire que l'Université est
. au même niveau que la nation africaine qui certes répond à certa"ins
çri-
tères d'appréciation du concept nation: (groupe d'hommes établi sur un ter-
ritoire défini) mais en se référant à d'autres, le concept devient difficile-
(279)
B. Verhaengen l'Université dans l'Afrique indépendante. Culture
et développement, vol. l,
n° 3, 1968 p. 562
(280)
débat sur la réforme universitaire et le mouvement étudiant dans
Esprit n° 5 Mai 1976 p. 953).

- 252 -
ment.applicable à llAfrique car, en plus du regroupement sur un territoire
défini, ces hommes formeraient une
"communauté poli tique qui se caractérise par la
conscience de son unité et sa volonté de vivre
en commun" ou encore : "la nation est une per-
sonne juridique constituée par l'ensemble des
individus composant un Etat, mais distincte de
celui-ci et titulaire du droit subjectif de sou-
veraineté" (281).
La nation, ainsi définie, est basée sur la conscience aiguë de llindivividu,
de son appartenance à l a communauté, mais surtout de tout ce qui est ou
peut être entrepris pour son renforcement. Cette oeuvre est celle de toutes
les composantes de la société.
En
Europe
elle fut
l'oeuvre de
la bourgeoisie marchande qui
a combattu
la bourgeoisie féodale et
la noblesse
pour mettre en place
un nouveau mode de production:
le capitalisme (282). Ceci fut possible
grâce à l'appui des classes démunies.
En Afrique,
llEtat
a précédé la nation et la construction de
celle-ci
revient en
partie
à l'Etat
(283).
Or celui-ci est dirigé par
(281)
Voltaire Essai sur les moeurs et l'esprit des nations, oeuvres com-
plètes, Editions Kehl cité,par Jean Ziegler dans main basse sur l'Afri-
que Paris Seuil 1978 p. 33
(282) : la pénétration du capitalisme dans l'organisation de la production
peut être interprétée comme l'élargissement de l'espace social soumis
à des critères de la rationalité instrumentale. Le capitaliste, qui au-
paravant, traitait avec les propriétaires terriens, avec les corporations
détentrices de privilèges ou entités similaires, a maintenant affaire à
des "facteurs de production"
qui peuvent être considérés de façon abs-
traite, réduits à un dénominateur commun, soumis au calcul. tRéf. Celso
Furtado le développement dans Interdisciplinarité et sciences humaines
UNESCO 1983 p. 287).
(283) Selon YACXl.JBl\\ Konaté : la nation africaine nous apparaît alors ccmœ une tentative {X)li-
tique et écooanique de lier des soéiétés à un territoire, à une histoire, à une idéologie,
à une langue : (Réf
Fondations de l'Etat-nation Ivoirien dans cœm.Jnication élérœnts
{X)ur une théorie de la nation Paris Seuil rrai 1987 p. 171.

- 253 -
une
classe
politique
bourgeoise
liée
à la
bourgeoisie commerçante
et
internationale qui
est
peu soucieuse de
l'intérêt
national,
et ceci
se vérifie à travers son comportement:
hommes d'affaires mais pas capi-
taines d'industries, foncièrement
égoïstes et exhibitionnistes. Autrement
dit, cette fraction de la société, qui détient le IIpouvoir administratif ll ,
qui
seule instruite qui a seule les moyens de consommer les produits de
luxes importés, qui seule a la parole, c'est l'A-
frique officièlle. Elle se donne en modèle aux cou-
ches populaires, elle présente à l'étranger une
image très embellie des réalités nationales, elle
prononce des discours sur la souveraineté et le dé-
veloppement tout en tirant directement profit de la
dépendance du pays.
L'entretien de cette classe dominante, qui se con-
fond avec l'Etat,s'avère ruineux pour les finances
publiques, alors que son activité, d'ailleurs ré-
duite, est largement improductive. Tout effort
d'équipement, de transformation, de développement,
se trouve dès lors privé des ressources nécessaires,
et les possibilités de progrès agricole, industriel,
ou sanitaire, sont donc gravement compromises ...
par ceux qui disent en être les moteurs !
Naturellement ces structures politico-administra-
tives ruineuses et inefficace ne peuvent rester en
place qu'en se justifiant à chaque instant par des
discours sur l'indépendance, l'unité nationale,
l'anti-impérialisme, le socialisme, le IIdéveloppe-
autocentré Il, etc...
(284).
(284)
Thierry Michalon quel Etat? Paris l'Harmattan 1984 p.76

-
254
-
De par ce fait, cette classe contribue peu à l 'élevation de la culture, qui
à priori "revigorée" ne lui serait pas fatale malgré tous les risques que
cela comporterait. La nation et sa construction vues sous cet angle sont de
même nature que l'Université.
En dernier lieu, pour que l'Université revête le caractère national,
il est impérativement souhaitable, surtout dans le cas de la Guinée, qu'elle
remplisse deux conditions
- conditions matérielles qui consisterait à équi-
per
coovenab1enent
les bibliothèques 1 les labora-
toires, afin de permettre aux étudiants et cher-
cheurs de suivre l'évolution constante de la
science. En somme il s'agirait de "la création
de vraies structures de recherche, appuyant l'en-
seignement dans les écoles et le Universités (285)
avec si possible, la création de presses univer-
sitaires pour la publication et la vulgarisation
des résultats de la recherche. Le rayonnement
scientifique d'un pays est, entre autres, à ce
prix (SYNARES Mémorandum ibid p. 13).
- Conditions se,rapportant au personnel enseignant
(puisque l'échec de l'enseignement en Guinée est
lié en grande partie au manque de compétence des
enseignants) qui, à notre avis, doit être un per-
sonnel qualifié,
expérimEnté
et à l'abri de toute
seconde préoccupation pour arrondir ses fins de
(285)
ceci aiderait mieux la Guinée, et est contraire au souhait du direc-
teur général de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifi-
que Dr. Lamine Kaba qui, préconise entre autres la création d'Universi-
tés de type américain "qui (selon lui) sont très peu financées par des
budgets publics pour la simple raison que le produit de la
recherche
leur rapporte énormément d'argent.
(nous pensons plutôt que ça rapporte
beaucoup d'argent aux entreprises privées)". Réf. Horoya 15 Janvier
1987 p. 4).

-
255
-
mois. Qualités que ne peuvent avoir les étudiants
"diplomitifs" utilisés par l'administration scolaire
pour combler le manque d'ensèignants (quelle qu'ait
pu être leur performance antérieure au::cours de leur
formation).
1 - ~ politique de formation du personnel enseignant
En Afrique, la nécessité de former le personnel enseignant est liée
d'une part, à la croissance rapide de la scolarisation, d'autre part, a l'en-
cadrement d'une main-d'oeuvre récente appelée à servir dans les nouvelles uni-
tés de productions (286). Ces deux facteurs ont largement concouru à la mise
en place de nouvelles structures de formation du personnel enseignant.
En Guinée, la formation de ce personnel a été conditionnée par les
mêmes motifs: Seulement, les autorités en ont fait un moyen pour consolider
l'indépendance nationale; la citation suivante éclaire bien cette réalité
"il est entendu qu'aucune indépendance culturelle
véritable ne peut être obtenue si la formation des
jeunes est confiée à des maîtres étrangers. Aucune
réforme à caractère national ne peut réussir si son
application est confiée à des maîtres étrangers. Or
durant l'année scolaire 1958-1959, la situation était
la suivante :
1)
l'enseignement primaire est assuré par environ
981 maîtres, tous guinéens. Ce sont pour la plu-
part des instituteurs-adjoints et moniteurs.
2) - l'enseignement secondaire: sur 131 professeurs,
il y a environ 15 guinéens.
286)
par ailleurs: "l'évolution rapide des besoins de la société, ces
dernières années, a donné lieu à des analyses de plus en plus nom~
breuses et variées sur l'enseignement, l'apprentissage, l'école et
les obligations qui lui incombent".
(Réf. Ferenc Genzwein. Les nou-
velles tâches de la formation des maîtres, dans l'Education aux mé-
dias UNESCO 1984 p. 163).

-256 -
3) - l'enseignement supérieur: (en 1963) est as-
suré par 9 professeurs étrangers".
(287)
Ces constatations, on certes amené les autorités guinéennes à rompre avec la
méthode classique de formation des maîtres à et créer des écoles normales de
type nouveau mais nous pensons que c'est surtout le départ massif des ensei-
gnants français (dont les raisons ont été évoquées dans les pages précéden-
tes) qui, en constitue la cause principale.
a - Les Ecoles Normales d'Instituteurs
La première Ec~le Normale d'Instituteurs qui avait été créée pour
faire face aux besoins de plus en plus pressants, fut celle de Dabadougou en
1961. En Janvier 1962 une seconde Ecole Normale est ouverte, du moins on se
limita à rénover les locaux de l'ancien Cours Normal de Kankan pour en faire
une Ecole Normale Primaire. Le gouvernement entreprit la création de deux
nouvelles Ecoles Normales Primaires en supplément des deux précédentes en rai-
son de l'~closion
de nombreuses écoles dans les villages. - En 1967 la Gui-
née avait quatre .EcolesNoITŒÙes PrliŒrires
formant les instituteurs-adjoints et
une Ecole Normale d'Instituteurs, d'où sortent des instituteurs ordinaires
pouvant enseigner dans les classes de C.E.R second cycle: 7ème, 8ème, 9ème.
C'est ainsi que le corps enseignant du premier cycle a atteint en 1970 le
chiffre de 11.136 maîtres. Leur qualification est très variable, mais géné-
ralement basse car les meilleurs d'entre eux ont été transférés dans les cy-
cles supérieurs et ont été remplacés bien souvent par des personnes n'ayant
parfois que le simple niveau du certificat d'études primaires. Bien qu'il y
ait eu une augmentation de l'effectif général du corps enseignant, sept au-
(287)
: la réforme de l'enseignement Novembre 1958 - Novembre 1978 ibid
p.
23.

-
257 -
tres Ecoles Normales d'Instituteurs ouvrent leurs portes en 1976. Elles re-
crutent des élèves titulaires de la première partie du baccalauréat (288),
qui eux aussi, deviendront des instituteurs ordinaires à la fin de trois an-
nées d'études. Dans ce domaine de la formation d'instituteurs, les objectifs
à moyens termes prévoyaient la dotation des sept inspections d'académie d'une
Ecole Normale d'Instituteurs (E.N.I.), projet qui fut réalisé malgré les
conditions précaires des écoles car, lien 1978/79, il existait 13
E.N.l (5 avec internat), réparties entre les
sept Académies; chacune d'elles est spécialisée
dans l'une des six langues nationales utilisées
dans l'enseignement du 1er cycle. ( ... ), les
élèves-maîtres étaient au nombre de 2.457, cet
effectif a diminué au cours des trois dernières
années. La production d'ellieignants
dans les E.
N.l. ou les écoles normales qui les ont précédées
montre une fluctuation presque constante qui ne
permet pas d'identifier les objectifs quantita-
tifs poursuivis".
(289)
b - Programmes
La réforme des programmes scolaires arrêtée en 1979/80 réorganise
la formation dans les E.N.I. en trois niveaux qui paraissent relever de con-
(288) : Ces recrutements, selon l'Académie de Boké concernait: "les élèves
de niveaux disparates composés en grand nombre de vieilles filles en
quête de hiérarchie ayant déjà plafoné, (qui) sont recrutées en sur-
nombre et pendant toute l'année, non seulement par le ministre
de tu-
telle, mais aussi par les autres ministres ou leurs adjoints, les di-
recteurs régionaux, les inspecteurs d'Académie et même par des gouver-
neurs et des sécrétaires fédéraux. Ainsi nos E.N.l ont ffabriqué" la-
borieusement des élèves-maîtres dont les conditions intellectuelles,
morales et physiques ne se prêtaient pas toujours à la fonction ensei-
gnante. Des manchots, des boîteux et même des fous, ont fait partie de
la danse".
(Réf. Actes de la conférence nationale de l'éducation Cona-
kry du 24 Mai au 3 Juin 1984 p. 132).
(289)
: UNESCO EFM/104 ibid p. 74.

-
258 -
ceptions différentes, et ne sont pas toujours en accord avec les responsabi-
lités professionnelles auxquelles ces programmes préparent. La formation de
trois ans dans les E.N.!. est
a) - encyclopédique : un grand nombre de matières
enseignées pendant un temps très bref ;
b) - incomplète
absence totale de deux matières
qui occupent respectivement 12% (français)
et 6% (activités artistiques, dessin, chant)
du programme scolaire du permier cycle.
Par ailleurs, l'une des caractéristiques fondamentales de l'enseignement
dans ces écoles est idéologique et politique, ce qui, à notre avis, contri-
bua au relâchement de l'enseignement des matières didactiques, entamant ain-
si le prestige des E.N.!. car les élèves-maîtres sont:
"formés à la hâte et avec le miniIrun de ccnditims
pédagogiques par un covps professionnel pas tou-
jours des meilleurs, les élèves-maîtres sont dé-
clarés admis après des passages automatiques d'u-
ne classe à l'autre, à leurs examens de sortie,
très souvent sur des bases irrationnelles : rai-
son politique, âges avancés, nombre d'années pas-
sées à l'école. Le résultat ne s'est pas fait at-
tendre: notre système d'éducation, comme le sou-
haitait le régime est sorti aussitôt du commun.
Au fil des années, élèves et maîtres sont tombés
dans une déchéance intellectuelle et morale jamais
connue. Le manque de conviction étayée par une
incompétence toujours renouvelée a amené l'ensei-
gnement guinéen à faire de la science sans con-
science. Il en est résulté une "ruine de l'âme",
une dépersonnalisation et une sclérose de toute
l'intelligentsia guinéenne".
(290)
(290)
Académie de Boké dans Actes de la Conférence Nationale de l'Educa-
tion ibid p. 132.

- 259 -
c
- Ecole Normales Supérieures
Ces écoles ont été créées pour former le personnel enseignant
du secondaire. Cependant, les besoins en personnel de l'enseignement secon-
da ire sont
assez diff érents et très di vers if i és,
par rapport à ceux du
primaire,
car
les
activités
productives
nécessitent
outre des
pédago-
gues
professionnels,
un
personnel
technique spécialisé pour
l'encadre-
ment des élèves dans les domaines impartis à la production. La première
des
Ecoles Normales
Supérieures a être créée fut celle de Kindia (1961-
1962) dans
les locaux de l'ancienne Ecole Normale d'Instituteurs. Cette
école a eu pour directeur Jean Suret Canale. (291). Sa vocation
était de former des
professeurs
pour
le secondaire (3ème cycle) et
ceci dans les sections suivantes
l - Lettres et Histoire
2 - Mathématiques et Sciences physiques
3 - Sciences Naturelles et Biologie.
Son eff ect if était de 30 él èves recrutés avec le niveau du baccalauréat. Sur
ces 30 élèves seuls 10 ont rejoint l létablissement et les 20 autres sont
partis en Côte d'Ivoire, au Sénégal et au Mali car selon eux, l'orientation
dont ils avaient fait l'objet n'avait pas tenu compte de leur capacité
in-
tellectue11e. Ajouter à cela, que le métier d'enseignant leur paraissait
sans avenir. De ce fait, l'école ne pu fonctionner que pendant une année
scolaire.
(291) : Jean Suret Canale est l'un des cadres du Parti Communiste Français
qui a séjourné en Guinée de 1959 à 1963. Il est par ailleurs agrégé
de l'Université, Docteur es-Lettres et Sciences Humaines; il a ser-
vi dans les fonctions suivantes : provisseur au lycée classique de
Donka Conakry, directeur de l'Ecole Normale Supérieure de Kindià,
puis directeur de l'Intitut polytechnique de Conakry.

- 260 -
La seconde Ecole Normale Supérieure est celle de Kankan qui était
initialement une Ecole Normale Secondaire. Son inauguration eut lieu le 27
Mars 1964 en la présence des ministres de l'Education Nationale du Tangan-
yika (l'actuelle Tanzanie) et celui du Vietnam. Elle fut baptisée Ecole Nor-
male Supérieure ' Julius Nyéréré.
L'admission dans cette école se fait, sur la base du baccalauréat
complet .. Outre, ces deux établissements, furent créées en (1970-1979) d'au-
tres Ecoles Normales Supérieures (classiques et professionnelles) et ceci en
fonction de l'effectif des élèves du secondaire qui ne cessait d'augmenter.
Par exemple à la rentrée de 1969-1970, les deuxième et troisième cycles dis-
posaient (toujours selon ce même objectif) de 1.427 unités d'encadrement, qui
se répartissaient dans les catégories suivantes :
429 professeurs titulaires,
467 instituteurs ordinaires,
251 instituteurs adjoints,
32 moniteurs d'enseignement,
8 ingénieurs
agronomes,
70 instituteurs techniques,
161 contrôleurs de travaux agri~oles (cadres moyens
sortis des écoles nationales d'agricultures),
23 monitrices de couture.
(Source
Ministère du Domaine de l'Education).
Si l'on compare cet effectif des enseignants à celui des élèves des deux cy-
cles du secondaire (53.533
en 1970), on s'aperçoit immédiatement que le nom-
bre d'enseignants, et d'une manière générale, d'unité d'encadrement est in-
suffisant car le ratio élèves/maîtres est de 37.5. Malheureusement, cette
pénurie perdure. En effet, en 1978/79, il y avait 3.093 enseignants pour
105.550 élèves, le ratio élèves/maîtres s'étant à peine amélioré: 34,125

-
261
-
contràirement à celui indiqué par l'UNESCO qui est de 29 élèves pour un en-
seignant (292).
Pour faire face'à cette situation qui devient angoissante, les au-
torités ont pris certaines mesures d'urgence. Parmi celles-ci, figure l'in~
troduction de cours de pédagogie et de gestion dans les programmes des éco-
les professionnelles et facultés de 4ème cycle (293). Cette première mesure
avait pour objectif d'utiliser les étudiants de 4ème cycle dans les établis-
sements de 3ème cycle et les nouveaux bacheliers dans les C.E.R. du 2ème
cycle.
Cet apport d'élèves et d'étudiants n'a pas empêché pour autant les
autorités de faire appel aux différents cadres et ceci en application de la
formule suivante: "tout cadre est enseignant et tout enseignant est cadre". (294)
Il est évident que les mesures de ce genre ne peuvent être desti-
nées qu'à parer au plus pressé, en attendant la mise en place de structures
(292)
UNESCO EFM/104 p. 77
il est à noter aussi que l'année 1983/84 a vu le nombre d'ensei-
gnants diminué: 1.159 enseignants seulement pour toutes les éco-
les secondaires professionnelles. Est-ce une recommandation de la
Banque Mondiale? (voir à ce sujet Banque Mondiale, Guinée Mémo-
randum sur le secteur de l'éducation Rapport n' 3144 - GUI 25 Fé-
vrier 1981).
(293 )
Décision du C.N.R. - Conakry du 19 au 24 Janvier 1970
(294)
C.N.R. 1970.

-
262 -
capables d'apporter une solution adéquate et à plus long terme. (295) Malheu-
reusement, de provisoire, ce moyen transtoire est devenu un pourvoyeur de
personnel et ceci d'une manière définitive. Autrement dit, on a préféré la
solution facile qui n'est autre que l'augmentation massive de la fréquenta-
tion dans les deux Instituts Polytechniques: celui de Conakry et de Kankan,
et aussi des Grandes Ecoles sans se soucier de l'adéquation de leur capacité
d'accueil, ni des précautirns
minimales en terme pédagogique qui doivent être
prises pour la formation des futurs enseignants, surtout dans l'objectif d'en
faire des agents culturels pour la cOQsolidation de l'indépendance.
d .,..
Les programmes des Ecoles Normales Supérieures
Tout d'abord signalons que la formation des professeurs du 3ème
cycle repose sur deux modalités: la première est la formation dans les facul-
tés de 2ème degré des Instituts polytechniques qui dure deux ans et est par-
ticulièrement fondée sur la spécialisation dans un seul domaine - c'est la
monovalence. Elle consiste à ne former le futur enseignant que dans une spé-
cialité avec un fort accent sur la spécialisation. La seconde modalité est
la formation dans les Ecoles Normales Supérieures de même durée, concentrée
également sur une seule spécialité. - Approfondissement des connaissances
professionnelles (40% du temps). Dans les deux cas, surtout en ce qui concer-
ne les spéciaJ,isatirns
scientifiques il y a une inadéquation entre le contenu
de l'enseignement et les besoins réels de la profession, qui, doivent certes
être scientifiques mais aussi tenir compte des aspects pédagogiques
comment
(295)
l'Algérie pendant le plan de Constantine a eu à utiliser la même stra-
tégie qui consistait : à recruter bon nombre de moniteurs (niveau du
certificat d'études primaires), des instructeurs,
(niveau B.E.PC.) et
des assistants appelés à jouer un grand rôle à l'Université mais ceci
n'a été que provisoire bien que des structures parallèles d'encedrement
et recyclage ont fonctionné pour les recrus.
(Voir à ce sujet le Revue
Française d'études Poilitiques Africaines n° 52 Avril 1970 p. 26).

-
263 -
réinvestir, transmettre et partager le savoir
à moins que l'enseignement
ne soit un accapareur d'élites: utiliser les éléments qualifiés qui au-
raient pu être employés dans d'autres secteurs comme "c 'est le cas en Côte
d'Ivoire". Or, en Guinée d'après ce que nous savons et ce que nous avons pu
découvrir à travers nos enquêtes la situation est différente.
Les formateurs, quoiqu'imbibés de "no tions voire de connaissances
scientifiques" sont moins aptes à les transmettre dans un contexte de com-
munication pédagogique en raison des difficultés de la langue de communica-
tion (le français) dans le 3ème cycle, qui est resté longtemps hors d'usage
dans les écoles (primaires surtout), ou tout au moins négligé au profit des
langues nationales. Cette nouvelle conception de la formation des ensei-
gnants est-elle d'autre part, la conséquence du rapprochement entre la Fran-
ce et la Guinée? Car depuis
"l'accueil exceptionnel réservé par la Guinée
au Président Giscard d'Estaing en Décembre 1978,
la signature en 1979 de divers accords de coopé-
ration, le développement régulier des relations
commerciales et de la coopération, l'accroisse-
ment de la communauté des français qui double à
la faveur des contrats signés par des entrepri-
ses françaises et enfin en Septembre 1982 le vo-
yage officiel de Sékou Touré en France, auq~el
devait répondre en 1984 la visite en Guinée du
Président Mitterand".
(296)
(296)
André Lewin la Guinée ibid p. 78
certes, la Guinée n'était pas encore complètement récupérée, mais
elle était tout au moins en voie de récupération ..
!

- 264 -
L'influence de la France, même si elle n'était pas encore "effective" avait
tout de même augmentée. Dans tous les cas, la dernièf'e et principale Ecole
Normale Supérieure (Manéah) conçue pour la formation des enseignants du 3ème
cycle a été créée en 1979 en pleines "retrouvailles" des deux pays et les
buts poursuivis par cette école d'après
"IL~ expljcations reçues vont d'une formation
spécialisée de très haut niveau comme dans les
Ecoles Normales Supérieures françaises".
(297)
NOus pensons que cette imitation dévoile un certain "manque de bon sens" des
autorités scolaires dans la mesure où les situations sont différentes: la
France est un pays développé, ses besoins ne sont pas les mêmes que ceux de
la Guinée, les Ecoles Normales Supérieures de France (Saint-Cloud, rue d'Ulm)
sont des écoles de tradition et de prestige, les enseignants qui y sont
jouent les rôles de répétiteurs à la limite on pourrait dire que ces écoles
fonctionnent pour le "maintien du statu quo social". Quant à la Guinée où le
développement économique ne fait que commencer, les besoins réels qui doivent
être satisfaits sont les besoins de base de la population tels que l'alimenta-
tion
l 'habillement et le logement.
7
Ces besoins de base constituent en Guinée le bien-être social qui
ne GOrr~rl
pas au bien-être social en France, car ce qui est le bien-être
pour un groupe social peut être perçu comme un simple gaspillage de ressour-
(297)
UNESCO Guinée Education : priorités et perspectives EFM/l04 Mai
1980 p. 35
l'Ecole Normale Supérieure d'Abidjan a failli succomber aux mêmes
tentations : dans les années 1978-1980 on a assisté à une opération
de charme de grande envergure dans cette direction, dans tous les
séminaires particulièrement celui de Taabo en 1979 où il fut ques-
tion de rendre l'E.N.S prestigieuse comme l'Eco~
Normale Supé-
rieure de SainL-Cloud.

j
,1
-' 265
-
..
ENS DE MANEAH
J'lan d'Etude et Programme'; QI!!!on Mathenlû tiques
1er Scmeme
2ème Semestre
(U k::nWncs)
U' semaIne)
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hebdom. global'
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Analyse
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Mécanique
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Recherche opératloMcl1e
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Pondements de la géométrie 2+2
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Paychopédagogle
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Eléments d'Informatique
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Psychopédagogie
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fonctJonS analytIque.
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Probabllltés et statu1Iques
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Méthode mAth. de 14 phy:dque4."
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rt.éor1e dd nombrt:.
.. 3+3
90
Analyse numérique
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120
tIoéthodo.!ogle
2
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MéthodologIe
2
30
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6
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S rage actIf et examen de sortIe
~ ,. !cole normale supéfo1eurc de ManUh, DivisIon des scIences de la nature.
,
j
1
--.;

- 266 -
ENS DI! MANI!AH
DIvisIon des SderH:es Soclales - Département de séographle
..
~
.
1ère année
2èmeamée
3emeamce
-
1er
2ème
1er
2ème
1er
2ème
module
module
module module
module module
GéomorphoJosle
1
Soc1oJ. du..monde contemp.

CUmato~1e
,
1
Psyc:ho-pédagogle
2
~
,
~
2
2
2
2'
2
2
2eme fan&ue etrangere
2
2
2
2
TP
Math. appUquées

•1




~raph1c: générale
6
Géos:=ahumaIne
6
p~ Ofle
2
Math. appUquees .
1
B~éosraph1e
Géo--trop'lcale énérale

6
Paycbopédag~~
2
Stat1stJque générale
6
Cartop'aphle
HJst.rnod. et contemp.
••
~o~rél~
6
~.~rnlque
••
~regJonaJe
6
Aménqement duterrlto1re
6
H~Jo&1e marine et 1ac:ustre
6
~raphlé ré&fona1e
6
Télédétection
1
HydrologIe f1uv1ale

-_._--
Horaire hebdomacL (heures)
30
30
21
21
21
2.
Source 1 l!coJe norma1e supérieure de Manéah, Division des scIences sociales.

- 267 -
ces pour un autre. Partant de ce fait, la formation spécialisée de très
haut niveau d'une école,
n'est pas forcément
:
"le principal indicateur du développffil61t, m::dns unecooditim
suffisante pour que les besoins de base de la popu-
lation soient mieux satisfaits. On ne peut exclure
l'hypothèse que la dégradation des conditions de vie
de la masse de la population soit (aussi) causée par
l'introduction de techniques plus "efficaces". ( ... )
C'est seulement par rapport à la satisfaction des
nécessités de base (qui peuvent être objectivement
définies) qu'on peut parler de mesurer l'éfficacité
du système productif, (scolaire) d'une société", (298)
e - Institut Pédagogique National
Constatant les multiples difficultés rencontiées au cours de la
formation du personnel enseignant, le C.N.R. de Labé (12 Juillet 1968)a dé-
cidé la création d'un conseil national d'orientation et de planification de
l'enseignement supérieur et de la formation des cadres.
Les activités fondamentales de cette institution étaient basées
sur la recherche de solutions pour les problèmes d'orientation et d'affecta-
tion des nouveaux formateurs. En plus de ces deux tâches, il était de son
ressort d'assurer un suivi pédagogique afin d'éviter la sclérose des ensei-
gnants. Malheureusement l'institution, ne disposant pas de moyens efficaces
pour mener à bien cette politique, n'existait que théoriquement
du moins
ses responsabilités n'étaient prises que dans un cadre purement formel
c'est-à-dire des réunions au niveau ministériel sans être suivies d'exécu-
tian. Résultat: le conseil national d'orientation et de planification cessa
(298)
: Celso Furtado. le développement ibid pp 294-307

- 268 -
de fonctionner et céda par la même occasion sa place à l'lnstitut pédago-
gique national qui fut créé en 1970 pour répondre au même souci et aussi
pour promouvoir la recherche pédagogique, la confection des manuels, l'éla-
boration des méthodes pédagogiques pour la formation des maîtres.
Cet institut fonctionna tant bien que mal mais nlavait pu répondre
aux différentes sollicitations des institutions scolaires et para scolaires.
C'est ainsi qu'on décida avec l'aide de l'UNE~O de créer un nouvel institut
dont le nom sera Institut supérieur de formation et de recherche pédagogi-
que (I.S.F.R.P.). L'objectif de ce dernier institut est: "de former des pro-
fesseurs d'enseignement supérieur et des chercheurs universitaires (étant
entendu que les étudiants des Universités guinéennes sont moins initiés aux
techniques de recherche). L'organisation pédagogique prévoit la répartition
des étudiants en groupes de spécialités et de recherches dirigées par les
professeurs titulaires qui sont également les directeurs de thèses. Ceux-ci
pourront être soit, dans un premier temps tout au moins des professeurs non
résidents qui effectueront plusieurs missions par an auprès de l'I.S.F.R.p,
soit des professeurs résidents titulaires. L'essentiel des activités de
l'institut consistera en travaux de recherche effectué par les étudiants
dans les laboratoires mêmes de l'I.S.F.R.P, dirigés par les directeurs de
thèses, dans les laboratoires et chantiers des ministères des Mines et de la
géologie, de l'agriculture, de l'Industrie, à l'Institut national de la Do-
cumentation et de la recherche dans les services techniques de l'Educai-ion
etc ... tous ces laboratoires seront associés à l'I.S.F.R.P. Les spécialités
seront variées et relèveront de tous les secteurs de la vie nationale. Mais
en fonction des besoins nationaux liés au développement économique et social

-
2b9
-
on établira ûn ordre de priorités. La recherche sera à la fois fondamenta-
le et appliquée mais elle sera axée par des préoccupations d'ordre économi-
que, social et culturel. Elle permettra par exemple de réaliser, dans le
domaine de l'éducation, la synthèse et l'approfondissement des découvertes et
innovations survenues et appliquées depuis le lancement de la réforme.
Elle visera la concrétisation des nouvelles options et orienta-
tions en les faisant déboucher sur des applications immédiates dans d'autres
secteurs que celui de l'enseignement.
Avec l'I.S.F.R.P. la réforme de l'enseignement con-
cernera le plus haut niveau de qualification (299)
et couvrira l'ensemble du sytème éduca-
tif, sans que cet achèvement soit exclusif de
perfectionnements ultérieurs. Dès lors ce sys-
tème pourra se figurer selon le schéma ci-après" OCO)
La réalisation de ce projet n'a pu se faire à cause du manque de
financement. Par ailleurs, nous pensons que si l'Institut avait été mis en
place cela aurait permis, compte tenu de son objectif, de rationnaliser la
formation du personnel enseignant et surtout de relever son niveau. Mais
le relèvement de niveau aurait créé un problème de selection en faveur d'une
minorité. Certes on aurait pu maîtriser le flux scolaire, mais en contre-
partie le peu qui resta~t de l'éducation de masse se serait vu sacrifié au
nom d'une Quelconque efficacité.
(299)
souligné par nous.
(300)
Raymond Lallez Rapport de Mission EFO 2356 GUI. 6 en République
Populaire et "Révolutionnaire" de Guinée 26 Décembre 1979-18
Janvier 1980 UNESCO pp. 4-5.

-
270 -
STHtlC'I"ùTIE 1$ LI EN~E1GNE1·:ENT EN GUINEE
C.E.R.
PREMlm CYCLE
.
6ana
Examen de pa88age
1
C.E.R.
~
ENSEIGNEMENT
SECOND
CYCLE
3ana
PRE-UNIVm SITAmE
ECOLES NATIONALES
Brevet d'études du second
PROFESSIONNELLES
~
cycle technique
B.E.S.C.T.
C. B.R.
!ŒOISIEXE CYCLE
I~
3ana
ECOLES NORJü.LES
Baccalauréat
IJlS'l'I'lUftlJll S
1ère et 2ilm.
parti••
1
C.E.R. QUA'mIEME CYCU
FACULTES PREMlm DmllB
3ana
~
ECOLE lfORJüL&
"
conc:ea s
ENSEIGNEMEWl
SUpmIBJRJ
,
SUPDtlmR
C.E.R. QUA'mIEME CYCU
FACULTES DFl1XIEME DEaRE
2ans
Licl nc.
,[,
INSTITUT SUPERIEUR DE FORMA.'lION
FORMATION
....
ET
,;'
~ POST-UlUVmSITAlllE
DE RECHmCHES
PEDAGOGIQUES
Doctorat

-
271
-
f
-
Critiques
et propositions
Nos critiques à l'endroit de la politique de formation du person-
nel enseignant se situent à deux niveaux :
1) - Après la proclamation d'indépendance, la politique de recrutement des
ense i gnants (cf nos ana lyses antérieures
avait un caractère désordonné, qui
certes se justifiait à cause de la
"ponction faite dans le corps enséignant primaire
par le départ de beaucoup d'instituteurs français
et par l'affectation d'instituteurs africains (gui-
néens) à des postes administratifs, à des cabinets
ministériels ou à des charges d'inspecteur primai-
re" (301).
Cette politique,
qui
devait être transitoire, s'est transformée
en un système régulier de recrutement jusqu'à faire des étudiants de fin
de cycle de formation des enseignants attitrés qui, du reste, sont plus
pr~s
de la préparation de leur mémoire que par l'intérêt des élèves.
En plus de cette "réquisition" des étudiants, on a aussi fait appel au
service des cadres qui eux aussi sont moins armés intellectuellement (puisqu'-
il
siest produit une érosion du moins une sclérose à leur niveau) mais
aussi ne disposent dlaucun atout pédagogique pour prétendre répondre correc-
tement aux attentes des élèves et étudiants. Cette solution, nlen fut pas
une au ca1traire,-elle
provoqua d' autres
problèmes, car l'enquête de l'Aca-
démie de Kindia révèle que les enseignants qui ont passé un test de niveau
ne peuvent subir les épreuves du certificat d'études élémentaires et réussir:
(301)
: Claude
Rivière. Les investissements éducatifs en République de
Guinée ibid p. 630

-
272 -
"nos maîtres sortis ces dernières années de nos
ENI,
plus de 95% échoueraient" (302).
2) - Le manque de formation pédagogique est l'une des grandes lacunes des en
seignants guinéens. Les autorités ont estimé qu'il suffisait d'avoir un di7
plôme pour devenir enseignant. On se contente de demander au maître de bien
connaître la matière qu'il enseignera. Or~ notre expérience si modeste soit-
elle, nous a prouvé que l'on peut sortir des plus grandes écoles du monde~
être la "fine fleur" des Université françaises, anglaises~ ou américaines et
ne pas pouvoir enseigner correctement car il y a plusieurs facteurs qui con-
courent à faire d'un diplômJ un bon enseignant. Il y a la connaissance de la
matière mais il y a surtout la formation pédagogique qui, contrairement à ce
que l'on a coutume d'entendre n'est pas innée ni instinctive; elle s'acqui
avec le temps et par la formation permanente offerte par des structures, tel
le recyclage des maîtres de tous niveaux organisé sous forme de séminaire an
nuel et touchant le plus grand nombre possible~ surtout les enseignants .des
villes et villages de l'intérieur qui sont moins informés des innovations
culturelles et scientifiques. Le facteur essentiel de l'entreprise d'éduca-
tion~ c'est en définitive le maître, c'est sur lui que repose l'efficacité
d'une méthode qu'elle soit traditionnelle ou moderne. L'enseignant capa-
ble de mener à bien ette responsabil ité du moins capable de tirer profit
et de bien utiliser les méthodes proposées est celui qui n'est pas instal-
lé dans l'immobilisme pédagogique~ qui n'a pas peur de se remettre en ques-
tion par le biais de lasurformation quotidienne.
En fait~ comme l'a noté
Henri Wallon
(302)
Académie de Kindia intervention dans Actes de la Conférence Na-
tionale de l'Education ibid p. 154.

- 273 -
"si le sens pédagogique peut s'acquérir, ce n'est évi-
demment pas par simple routine, c'est par expérience,
et toute expérience peut être ramenée à des préceptes
ou des principes". (La transmission des méthodes et
des techniques pédagogiques est possible dans la me-
sure où elles sont fondées sur des principes scienti-
fiques)
: "en rapport d'une part avec l'individu lui-
même, avec les lois de son esprit, avec les lois de
son développement intellectuel et moral, et d'autre
part relatives au milieu où il se développe".
(303)
La format i on
doit donc être théorique et pratique, nécessitant une connais-
sance réelle
de
l'enseigné et ceci
à travers
des
notions fondamentales
de la biologie, de la psychologie, notamment de la psychologie génétique,
de la psycho-pédagogie et de la psychosociologie,
afin de comprendre les
attitudes et les conduites de l'enseigné,
ses réactions, ses difficultés,
et de le guider en conséquence.
En dernier lieu, on doit insister sur la
psycho-pédagogie de la discipline, car chaque discipline comporte une pédago-
gie qui
lui est propre: or, cette formation est de plus en plus négli-
gée à mesure que le niveau de l'enseignement s'élève, comme si par exemple
le cadre
détenteur
d'un
quelconque diplôme
qui
ayant séjourné longtemps
en Angleterre ou
aux
Etats-Unis
peut enseigner l'anglais. Matière qui
a
sa pédagogie ses principes qui ne peuvent être improvisés. Pour terminer,
nous dirons que l'une des qualités essentielles que doit posséder l'enseignant
pour tout succès pédagogique est
"the professional know-how ta awaken a child's inter-
terest in what is bieng taught, and ta kindle in his
(303)
Une pédagogie de progrès cite par tê thàn khôi dans l'industrie de
l'Enseignement Paris Editions de Minuit 1967 p. 239

- 274 -
pupils a love of learning. This is not within the reach
of the uninitiated into the act of teaching. Not even
an untrained University graduate can achieve the above
result (304). La connaissance pédagogique doit pouvoir
éveiller l'intérêt de l'enfant et en même temps lui don-
ner le goût d'apprendre ceci n'est pas à la portée de
tout enseignant fût-il universitaire (traduit par nous).
g - Conclusion
de la première partie
Nous venons de mettre un terme à l'analyse sur la première partie
de notre étude qui nous a révélé un ensemble de problèmes liés à tous les
secteurs du système éducatif guinéen. Ces problèmes, vont du primaire au su-
pêrieur. Dans le primaire, l'action du gouvernement a consisté à mettre en
place une politique de scolarisation massive, ouverte à tous les enfants sans
discrimination. En vingt ans, 1958-1978, les effectifs du primaire ont sexu-
tuplé (42.534 à 271.318). Seulement, il s'est posé au niveau du gouvernement
le problème d'encadrement et ceci s'est accentué en 1966. C'est ainsi:
"faisant d'une pierre deux coups; le gouvernement crée
les centres d'enseignement rural (C.E.R) pour absorber
cette grande masse d'élèves et rendre effectif le prin-
cipe de la liaison de l'école à la vie dans le domaine
agro-pastoral".
(305)
(304)
the report of the commission Appainted to review the Educational
system of Nigeria, décembre 1960 .
Il s'agit ici d'une "relation affective dont les composantes sont
soit amitié et amour, sympathie et admiration etc ...
( ... ) L'en-
seignant entretenant avec chaque élève en particulier une relation-
détendent
l'atmosphère de la classe, la transmissibilité du message
de l'enseignant, la disposition des élèves à accueillir ce message,
leur discipline, leurs attitudes et comportements à l'égard du maî-
tre et du savoir".
(Réf. Abdou Sylla la relation enseignant-ensei-
gné dans la pédagogique n04' Dakar A~ril 1977, p. 15).
'.""
(305)
Rapport de la commission nationale de la réforme de l'enseignement
dans Actes de la Cônférence Nationale de l'Education ibid p. 184

- 275 -
Dans le secondaire,
les effectifs sont passés de (2.547 à 105.550), une
fois de plus on a eu recours à une nouvelle stratégie de formation pour
contenir ce flux scolaire;
il
slagit du profilage des écoles qui soi-
disant cadrait mieux
avec
les
nouveaux
besoins
du
pays.
En effet,
les
nouveaux
besoins
demandaient
un
réajustement
du système éducatif,
mais
cec i
nécess ita it moi ns
le tronçonnement
prof ess i onne l
qui
à notre avi s
répondait
plus
à
un souci financier
qu'à une
professionnalisation des
cycles car le gouvernement commençait à s'essouffler et ceci était visible
dès
1966 et plus particulièrement en 1970-75.
Parallèlement, pour parer
à toute
éventual ité de débordement,
le gouvernement créa des structures
politiques
pour rendre effectif
son contrôle.
Ces structures sont
:
-
le
consei l
supérieur
de
l'éducation
Lî.Stance plus JX)litique que Iirlagogiquc, qui est
chargé de ancevoir et de 5L,œrviser le déNelqJpellt de l'éducatim et de la a.ùture.
- Le conseil
régional
de
la "Révolution culturelle" sous l'autorité du
Bureau Fédéral.
- Le conseil d'arrondissement de la "Révolution culturelle" sous l'autorité
du Comité Directeur.
- La transformation de la brigade de l 'éducation du P.R.L. en brigade de la
"Révolution culturelle".
LI adaptation structurelle du secrétariat d'Etat à l'Education nationale
aux nouvellesexigenGes de la "Révolutionl!
- La création dans chaque centre d'enseignement "Révolutionnaire" du second,
troisième et quatrième cycles d'un conseil d'administration responsable
de l'encadrement politique des élèves et étudiants et le conseil supérieur
de l'éducation réuni à Labé le 12 et 13
Novembre 1968 (3ème session) a
réaffirmé "le rôle primordial dévolu au conseil d'administration en tant

-
276 -
que vecteur de l'idéologie socialiste".
La présence de ces différents conseils se justifie pleinement surtout pour
les besoins d'un régime socialiste, du moins policier à la guinéenne; et
l'association des élèves, leur participation à la gestion de leurs établis-
sements est aussi compréhensible pour masquer leur propre aliénation. Seule-
ment, lapparition des conseils d'administrations dans les écoles a été géné-
ratrice de confusion et de conflits de compétence au
"sein des établissements et aboutit à la déconsidéra-
tion de l'administration des écoles, des maîtres et
des professeurs. Cette situation a eu des retombées
très négatives sur tous les aspects du système éduca-
tif".
(306)
Quant à l'enseignement supérieur, inexistant en 1958, son effectif était de
23.691 en 1978. Nous avons dans les pages précédentes fait savoir que clest
l'étape de la création des facultés d'agronomie dans tous les chefs-lieux de
région et aussi la division du cycle universitaire en deux degrés ayant cha-
cun son propre objectif. Cette prolifération des facultés agronomiques est
la conséquence d'une politique de substitution (les cités socialistes) pour
encadrer le "trop plein" des élèves bacheliers, afin d'éviter les troubles.
Ces facultés agronomiques se sont vues confier la charge de formation de ca-
dres du développement rural et aussi le rôle d'animateur à tous les niveaux
de l'appareil politico-administratif national et régional.
D'autre part, l'implication de l'UNiversité s'est accentuée dans
la vie nationale au fur et mesure que les problèmes d'auto-suffisance se
posaient à ce niveau-ci. Nous avons cité l'exemple de l'Université à la
(306)
Rapport de la commission nationale de la réforme de l'enseigne-
ment ibid p. 186.

- 277 -
campagne qui n'a pas été du tout un succès contrairement aux déclarations
officielles. Voici
brièvement ce qu'est devenu le système éducatif gui;
néen. Nous osons croire qu'il est possible et nécessaire d'apporter des
solutions rapides à cet ensemble de problèmes que nous venons d'évoquer.
~ulement à condition que l'on s'y prenne avec sérieux car les solutions
ne peuvent se trouver sous la forme d'une condamnation, et d'une dénon-
ciation vulgaire du régime défunt de
Sékou Touré. Malheureusement, tel
est le cas en ce moment. A la place d'une analyse sérieuse et conséquente,
l'on
s'est
simplement contenté de déverser des propos outrageants sur 5§!<ou Touré
et son régime. Nous aborderons cet aspect en annexe
prospective
touchant le renouveau du système éducatif après "Avril 1984".

-
278 -
DEUXIEME
PARfIE :
CHAPITRE
l
- UNE TENTATIVE DE "REVOLUTION CULTURELLE" ET LA
QUESTION LINGUISTIQUE (autour de 1968)
a - Généralités
Ces dernières années, beaucoup de pays africains ont opté pour
une politique d'introduction des langues nationales dans leurs systèmes éduca-
tifs particulièrement, dans les premières années de l'école primaire et parfois
dans tout le cycle primaire, à de rares exceptions les débuts du secondaire.
L'application de cette politique s'est heurtée à plusieurs problèmes dont les
principaux sont d'ordre socio-économique et culturel. En effet, sur le plan
sociologique l'option portant sur les langues dominantes, conme moyen de commu-
nication, a toujours suscité chez les monorités ethniques une frustration, un
sentiment de confiscation de leur droit démocratique et culturel à faire pro-
gresser leurs langues, leurs littératures et leurs cultures dans le cadre du
développement national et régional. Certes ceci constitue un problème important,
mais non fondamental comme certains le présentent.
Sur le plan économique, l'absence de supports financiers pour
la réalisation du matériel didactique susceptible d'éveiller l'intérêt et l'en-
gouement du public scolaire, et extra-scolaire constitue également une entrave
à la promotion des langues nationales.
A ces problèmes, il conviendrait d'en(~jouter un autre: le Â
confinement des langues africaines au rang de seconde zone, sous produits des
langues occidentales. Ce complot culturel date de la période coloniale, pendant
laquelle une large diffusion des cultures et des civilisations anglaise, fran-
ç,aise, et portugaise s'est effectuée au détriment des cultures nationales. Cette
pratique continue d'exister de nos jours, à travers les places réservées aux
langues africaines, dans les organisations internationales telle que la Franco-
phonie : dans cette organisation, tout ce qui est fait ou entrepris, est de
nature à favoriser l'épanouissement, le rayonnement de la langue française en
la défaveur des autres langues. Ainsi, paradoxalement, tandis que cette organi-
sation devrait contribuer à l'enrichissement des cultures, elle appauvrit et
conduit à la mort des langues africaines. Si bien qu'une culture unidimension-
nelle enresurgit. Autrement dit, elle met en place minutieusement un appa-

- 27~ -
reil
idéologique
dest-i.né à justifier sa primauté et son usage, dans les
pays africains afin de ne pas perdre le contrôle dans ces pays (307).
L'argument avancé et repris par certains africains est la coexistence d'un
grand nombre de langues en Afrique qui ne répondent pas au critère d'effica-
cité des temps modernes.
Pour
lutter
contre
l'extinction et
la disparition
des cultures,
certains pays africains, comme la Guinée, ont tenté à travers différentes
stratégies de résister à cette domination. Ces moyens n'ont pas toujours
été à la hauteur des tâches,
du moins ont-ils été
mal menés par rapport
aux objectifs visés qui étaient à l'origine la promotion, la revalorisation
des langues pour le développement et le devenir culturel des populations.
Xluvent,
ils
se
sont
avérés inefficaces à causes de l'obstruction et de
la maladresse dans les ~hoix des cibles.
b - La politique linguistique de la Guinée
Pour mieux comprendre cette politique,
il
est nécessaire de faire
un bref rappel des
faits
linguistiques.
La situation linguistique de la Guinée, comme celle de la plupart
des
Etats
africains,
se caractérise
par
deux moments.
Un p1urilinguisme
local, qui f ait apparaître une v"ingtaine de langues écrites et non écrites
se greffe ensuite une exoglossie. c'est-à-dire l'utilisation d'une langue
étrangère notamment le français -comme langue officielle de l'appareil d'Etat.
307 - Opinion partagée par Atsats& K. Agbobli : l'utilisation du français comme
langue technique internationalè assure un surcroit de prestige à la nation
française. Elle permet l'établissement des normes et
des spécifications
techniques, de même que la formation technique et technologique en langue
française. Elle accroit la vente de la documention technique en langue
française ... Ce qui signi fie que la francophonie offre, aux Etats dévelop-
pés d'expression française, l'occasion
de preserver les marchés que cons-
tituent, pour eux les pays francophbnès sous-développés.
(Réf Jeune Afri-
que n° 1394 23 septembre 1987 pp. 55-56).

-
280 -
Cette situation ~ut paraître CaJlllexe, mais elle est rrodeste (car il s'agit de
21
langues)
par rapport
à certaines cartes linguistiques de la
sous-région
(Afrique de l'Ouest)
qui souvent présentent jusqu'à une soi-
xantaine de langues (308).
D'après
l'académie des langues de Guinée, les langues guinéen-
nes, au nombre de 21 se repartissent en deux groupes typologiques
d'une
part,
les
langues a morphologie
complexe,
appelées
encore langues à classes,
d'autre
part,
les
langues
à
morphologie
simple
pour
la
plupart il s'agit de langues Mandé.
Langues à morphologie simple
Langues à morphologie complexe
1 - Maninka
1
Pular
2 - ~so
2
Kisiei
3 - Kpéléewoo
3
Wamey
(Con·iagui)
4 _ L6gh6ma
4
Oneyan
(Bassari )
5 - Manon
5
Baga
6 - Diola
6
Nalu
7
Sarako lé
7 - Landuma
8 - Mandé
8
B'dyad
(Badianranké)
9 - Mani
9
Temne
(309)
10 - Dya l un ka
11 - Gere
12 - Mini
(308) : la Côte d'Ivoire et le Nigéria sont les deux pays qui ont le plus de
langues parlées.
(309)
il faut aussi savoir, que ces langues sont utilisées dans les quatre
régions naturelles de la Guinée mais en plus de cela, certaines d'entre
elles sont communes à la Guinée et à d'autres pays africains: le Pular
est parlé, par exemple, au Burkina-Faso, au Mali, au Sénégal, en Guinée-
Bissau, au Caméroun.
Le Maninka est une langue commune à la Guinée, au Burkina-Faso, à la
Côte d'Ivoire, à la Gambie et au Mali.
Le Kpéléewoo est tant parlé en Guinée qu'au libéria, ce dernier pays
renfermant plus des 2/3 des locuteurs parlants Kpéléewoo. Le Manon est
également parlé au Litéria, a}nsi que le.l.1:ighana.
et le kisiei. Le Ki-
siei et le Soso, le Mandé, le Temne et le Mani sont à la fois des langues
guinéennes et sierra léonnaises. Le Wamey et l'Oneyan sont parlés au Séné-
~al. le Diola en Guinée-Bissau.

-
281
-
Source G.
DOualamou situation et politique linguis-
que de la République Populaire Révolutionnaire de
Guinée dans la définition d'une stratégie relati-
• ve à la promotion des langues africaines UNESCO
CLT/85/WSI72.
Documents de la réunion d'experts qui a eu lieu à
Conakry (Guinée) 21-25 Septembre 1981.
L'importance
des
langues
indiquées
ci-dessus,
dans
la
sphère
de la communication, dépend de leurs étendues, et des possibilités de leurs
adaptations
au cadre
de
l'école moderne.
Certaines
d'entre elles, comme
le Pular,
le Maninka,
le S:Jso, ont un caractère polyfonctionnel et jouent
le rôle de langues véhiculaires entre diférentes nationalités; d'autres,
à
caractère monofonctionnel,
servent
exclusivement
dans
le cadre
d'une
nationalité
donnée
par conséquent,
elles
sont considérées canune
des
langues
vernaculaires.
Il
s'agit
des
langues
parlées
exclusivement
par
les conteur naturels: Manon, Oneyan ou Nalu.
Dans l'élaboration de sa politique linguistique, la Guinée, dans
une certaine mesure,
a opté pour le principe d'un développement de toutes
les langues nationales sans pour autant imposer l'une d'elles. Il est par
ailleurs
vrai
que seules
six
langues
sont
utilisées dans l'enseignement
comme moyen de transmission
du
savoir.
Ce sont:
le Pular,
le Maninka,
le S:Jso, le Kpéléewoo, le U:ighQma et le Kisiei.
La décision de faire de ces langues, des langues d'enseignement

- 282 -
remonte à la période de la " Révolution culturelle" du 2 Août 1968
à
Kankan (310). Cette "rélolutim cul turelle" est
d'une
importance capitale
dans la réforme de l'enseignement en Guinée et ceci pour plusieurs rai-
sons
d'une
part,
c'est
l'aboutissement normal d'une série de réformes
qui nlont pas porté leurs fruits donc politiquement un point de non-retour.
D'autre
part,
elle est
le
point
d'essoufflement d'une
réforme qui
joue
à travers cette innovation son va-tout et qui tente par là même de légitimer
son existence (311). Cet ultime assaut quoique considéré comme une perte
de vitesse dans
la politique nationale a tout de même reposé certaines
questions culturelles d'actualité à travers larevalorisation des langues
nationales.
c
- Les objectifs de la politique linguistique
Pour
les
autorité
guinéennes,
particulièrement
~kou
Touré,
la langue est
"un moyen de communication et appartient â la cultu-
re du peuple. Elle traduit une idéologie, une phi-
Ç}10)
bien avant cette date, l'introduction des langues nationales dans
l'enseignement avait été recommandé par le cinquième congrès du P.D.G ..
tenu à Conakry les 14,15,16 et
17 Septembre 1959 et la recommandation
à cet effet est la suivante : le Bureau Politique
a ordonné également
l'enseignement des langues africaines dans nos écoles avec la perspec-
tive que les futurs cadres nationaux pourront, partout en Guinée, s'a-
dresser directement au peuple.
(Réf Rapport de Doctrine et de politique
générale présent~ par le secrétaire général ~u P.D.G. Sékou Touré Cona-
kry Imprimerie Nationale dépôt legal N° 187 p. 69).
Il est par ailleurs dit que cette date a été retenue à cause de sa corresJX)ndance avec
celle de l'élection de Sékou Touré à Beyla le 2 Août 1953 canre cooseiller à l'assemblée
territoriale française.; donc le 2 Aoùt est coosideré par les autorités guinéennes
canre la date à laquelle 1 'histoire "vraie" de la Guinée canrence ...
(11):
Cette considération est OOsée sur le râle 'dévolu à la révolutioo cL!lturelle (~) vise au
l'En f~nt des structures de l'école guinéenne. Une école dont
les principes et rœthodes
éIDusent parfai terrent le contenu idéologique de· l'oeuvre de notre Parti, (Ref. Roœrt
Tamœ Mil1:iJJnno }broya n° 2929 du 1er au 7 Aoùt 1982 p. 25).

-
283 -
lϟphie exprimant
les
principes
socio-culturels
qui
sous-tendent,
caractérisent
le
comportement
de l' horrune à l'égard de l' histoire et de la natu-
re.
( ... ) La langue sert, en tant que véhicule des
idées
de
système
particulier
de
communication
entre
les
hommes
et
entre
les
peuples,
de moyen
de fixation de la pensée philosophique, idéologi-
que
et
scientifique
du
peuple
sur
le
processus
d'évolution
de
la
société
et
sur
les
phénomènes
de
la nature". (312).
Cette citation permet de cerner les objectifs visés par la promotion des
langues
nationales
le
premier objectif
est
de faire de celles-ci,
un
moyen de communication idéologique entre les dirigeants et les populations,
ceci
pour faciliter
la compréhension des
mots
d'ordre et
des
décisions
politiques du Parti.
Et ceci est clairement défini
dans
les décisions et
recommandations de la conférence nationale des cadres de l'éducation tenue
à Conakry du 2 au 9 Avril 1977 :
"consciente du fait que l'enseignement dans les lan-
gues nationales constitue un des principaux acquis
de notre révolution et que son rôle dans la forma-
tion de l'horrune nouveau totalement désaliéné, reste
primordial, la conférence enregistre que cette vic-
toire exige des cadres de l'éducation de nouveaux
efforts dans le contrôle et la poursui te de l' acticm" (313)
Le deuxième objectif est culturel, cet aspect apparaissait déjà pendant
les
premleres
années
de la réforme
(1959-1960) mais il
ne fut confirmé
qu'en 1968 et aussi lorsque le C.N.R. et le conseil supérieur de l'éduca-
tion y mirent un accent particu1 ier au cours de leurs travaux du 20-23
Mars
1972 à Conakry.
(312)
Adresse à la 21ème session de la conférence générale du L'UNESCO
Belgrade, 6 Octobre 1980 aussi dans RJ).A n° 154 nouvelle edition
p. 10.
(313) Réforme de l'enseignanrot ffl République de Clùnée. Nov. 1958-Nov. 1978.

-
284 -
Ces deux conseils précisaient dans leur
résolution générale
"qu'un peuple qui abandonne sa langue devient un peuple
infirme acceptQnt la plus grave dépendance, la dépen-
dance culturelle et courant ainsi le risque de perdre
toute souverainté ;
- qu'une langue correspond toujours et nécessairement à
une vision du monde et à une forme de vie sociale qui
finissent par imposer une certaine structure mentale à
ceux qui la pratiquent,
- que tout peuple doit répondre à la double nécessité de
favoriser le perfectionnement de ses moyens de communi-
cations internes et de se doter de moyens de communi-
cations externes
- que l'avenir et les possibilités d'épanouissement et de
rayonnement des richesses culturelles de nos peuples sont
directement conditionnés par la transformation de nos
langues nationales en langues écrites ;
- que l'absence d'une écriture généralisée en Afrique est
largement responsable de la perte des richesses que nos
ancêtres ont créées des siècles durant dans le domaine
de la science, de la philosophie, de l'art, de la littéra-
ture et de notre retard en matière de développement
1
scientifique, technique et matériel" (313)
Quant à l' object if
du déve l oppement,
il
est percu à travers
l'al phabét i-
sation fonctionnelle qui consiste à permettre au sujet apprenant dans sa
langue maternelle la maîtrise de la lecture, l'écriture et le calcul. Ces
éléments d'après
les
autorités
scolaires
sont censés
déterminer ou tout
au
moins
facil iter,
sa participation
au
processus du développement.
La
stratégie,
conçue
pour
rendre effectifs ces objectifs, a été la mise en
,
(313)
Réforme de l'enseignement en République de Guinée Novembre
1958 - Novembre 1978 ibid pp. 167-168.

- 285 -
place d'un certain nombre de supports logistiques qui sont les suivants:
l'Académie
des
langues
créée
en 1972 a
pour
fonction la description et la codification du
mécanisme de fonctionnement des langues na-
tionales,
à travers lesquelles l'enseignement
est dispensé dans les C.E.R.
1er et 2ème cy-
cles.
Par ailleurs,
un travail pédagogiqque
se surajoute à cela
il consiste à concevoir
un lexique facilitant la compréhension des
mots utilisés par les enseignants.
Parmi ces
tâches assignées à l ' Académi~ on pourrait ci
ter quelques-unes d'entre elles
: élaboration
de terminologie scientifique dans les
six
langues nationales qui, n'a pas réussit,
si
l'on se réfère au rapport de l~cadémie de Kan-
kan :
"l'étude scientifique des langues nationales
n'était pas bien approfondie et aussi,
(il
serait souhaitable) de créer de véritables
dictionnaires dont les concepts seront fixés
et adoptés définitivement".
(R{~f. Actes de la
conférence nationale de l'éducation 24 Mai au
3 Juin 1984 p. 69), standardisation et uni-
formisation des transcriptions, élaboration
de manuels de grammaire,
rédaction en langues nationales de manuels de
vulgarisation scientifique (élevage, agricul-
ture) à l'intention des adultes.
L'ensemble
de ces travaux reste plus théorique que prati-
que.
L'institut national du livre, qui dépend du
ministère de l'enseignement supérieur et de la
la recherche scientifique
(M.E.S.R.S.),

-
286 -
est responsable depuis 1976 de la préparation
technique des manuscrits précédant l'impression.
- L'imprimerie de l'éducation et de la culture (1.0.
E.C.) a été créée en 1978, sa fonction est d'assu-
mer l'impression de tous les manuels scolaires.
Cette imprimerie a souvent des défaillances tech-
niques et de ce fait
arrive difficilement à sa-
tisfaire les besoins des institutions scolaires et
para-scolaires (314).
La présence de ces supports logistiques n'empêche aucunement l'apparition
de difficultés
au niveau de
l'enseignement des
langues. Ces difficultés
sont d'ordre techniques et pédagogiques
Par exemple,
"en
1979
l t Insti tut
pédagogique
national
avait
demandé
l'impression
en
langues
nationales,
de
36
titres
pour
le
1er
cycle,
5
titres pour le 2ème cycle. Malheureusement, l'lns-
ti tut
national
du
livre
n'a
pu
fournir
que
le
tiers
de
la demande
tout
en
indiquant
qu'il est
à
court de moyens" (315).
par ailleurs,
au niveau de la préparation technique des manuscrits avant
l'impression,
il existe un certain double emploi entre l'Institut national
du
livre et
l'imprimerie
de
l'éducation
et de la culture, ceci à cause
de la demande désordonnée des directions et des écoles. Cela entraîne ainsi
le
ralentissement
du
processus
d'impression
sans
oublier
l'augmentation
du coût des opérations.
Il est à signaler que l'Imprimerie de l'Education
et de la Culture, don de la France, est sous-utilisée ~ cause de la complexi-
(314 j en Février 1980, la photocomposeuse, appareil délicat qui n'existe qu'en
un
seul exemplaire, était en réparation en France car les possibilités
de l'effectuer n'existent pas sur place. En son absence, l'imprimerie
était pratiquement à l'arrêt.
(Réf. UNESCO EFM/104 1980 ibid p. 25)
(315)
. UNESCO EPMj104 ibid p. 24.

- 287 -
té du matériel
(trop moderne) car le personnel
d'exploitation n'est pas
assez expérimenté et qualifié pour l'utiliser au maximum de son rendement.
En
1980 elle
n'a
produit qu'un
nombre
infime
d'ouvrages
(15),
malgré
l'existence d'un
important stock de papier fourni
par la France
et le
Canada.
Cette
situation est aggravée par le manque de soutien finan-
cier de l a part du gouvernement. Toutes nos enquêtes et recherches nous
ont permi s de constater le manque de créd its
pour le f onet i onnement du
matériel (entretien, réparation, fournitures diverses etc ... ).
Ces
exemples,
mentionnés
ci-dessus
montrent
que
les
besoins
sont loin d'être couverts par les manuscrits préparés. Quant aux difficul-
tés pédagogi ques, elles sont dans
une
large mesure le pro l ongement des
premières (techniques), car le manque de laboratoire linguistique contri-
bue de beaucoup au relâchement de la rigueur dans le domaine de la recher-
che.
S:Juvent,
l'élaboration
de
nouveaux
programmes
consiste
à former
à la
hâte des commissions nationales,
dans lesquelles sont représentés
des membres du Parti, des directions générales de l'éducation, l'Institut
pédagogique
national,
ainsi
que
des enseignants choisis
(paraît-il) en
fonction de leur expérience. Ces commissions, soi-disant formées de spécia-
listes
chargés
d'élaborer et de
reviser
les
programmes,
ont du mal
à
coordonner ceux-ci
avec
les plans d'études et aussi
ne tiennent suffi-
samment
pas compte
de
l'orientation future des
élèves-maîtres destinés
à
l'enseignement
primaire.
Dans
la
pratique,
on
peut
constater qu'il
n'y
a
ni suivi pb1agogique.
ni
évaluation
systématique
des
programmes,
qui du reste, scraiaït
nécessaires pour répondre pleinement aux besoins.

- 288 -
Par conséquent,
les évaluations intuitives et rapides prédominent, et ceci
en rapport avec des
"programmes (qui) sont très synthètiques et réduits
à
la simple indication des thèmes à couvrir, ne con-
tiennent ni des instruments d'évaluation qui pour-
raient guider le personnel chargé de la correction
des examens, ni des suggestions méthodologiques qui
seraient de la plus grande utilité dans les condi-
tions de l'éducation en Guinée" (316).
Le problème du
personnel
enseignant, bien
que
nous
lui
avons consacré un
chapitre dans
la présente étude, reste tout de même préoccupant au niveau
de
l'enseignement
des
langues.
Car,
linguistiquement
il
est
inégalement
réparti
sur
le territoire national.
Par exemple, dans certaines régions,
les maîtres sont en surnombre,
pour d'autres,
les
besoins restent encore
d'actualité
malgré
"l'affectation
dans
leur
zone
linguistique
d'origine
de tous les enseignants concernés par l'enseignement en langues nationales".
(Réf.
Doualamou
ibid
p.
190).
Ce tâtonnement a démobilisé non seulement
les
parents
d'élèves mais aussi
les élèves,
pour lesquels l'enseignement
dans les langues nationales équivaut à une perte de temps. Ceci s'explique
comme nous l'avion déjà dit par le manque de sérieux et de recherche linguis-
tique
disparité au niveau national de l'alphabet, somme considérable des
lettres alphabétiques, problèmes de transcription des tons qui, quoique né-
gligeables d'après G. Ooualamou (directeur de l'Académie des Langues au Mi-
nistère de l'Enseignement SJpérieur et de la Recherche S:ientifique de Guinée)
(317), est d'une très grande importance car une langue comportant plusieurs
UNESCO EFM/104 p. 26
il développe son opinion dans l'article suivant: difficüJtés
liées à l'enseignement en langues nationales cas d'espèce: la
République Populaire Révolutionnaire de Guinée dans la défini-
tion d'une stratégie relative à la promotion des langues africai-
nes - Documents de la réunion d'experts Conakry Guinée 21-25
Septembre 1981 UNESCO p. 189).

- 289 -
systèmesde prononciations ressemblerait plutôt à, une simple cacophonie.
Est-ce encore
une
découverte
révol utionnaire
?
Pourtant
de nos jours,
pour qu'une politique éducative, se voulant surtout rénovatrice, réussisse
il
faut
impérativement
qu'elle
tienne
compte
d'un minimum de rigueur
dans
l a démarche.
Constatant ces faits,
nous pensons que la légèreté
des commissions est une des causes de l'échec, de la politique linguistique
en Guinée
(puisque
le français
a été réintroduit en 1970) (318). Ceci
aurait pu être évité,
si
le rôle des linguistes avait été déterminant,
car seules des connaissances linguistiques théoriques et pratiques solides
permettent de
donner une description scientifique adéquate de telle ou
telle langue. (318').
d -
Critiques
L'examen des difficultés rencontrées dans l 'expérience de l'ensei-
gnement en langues nationales, nous donne le sentiment qu'une étape décisi-
ve a été escamotée, celle qui devait être consacrée à une réflexion globale
à la base, devant permettre d'appréhender toutes les implications d'une
telle entreprise. Par conséquent, nos critiques porteront sur les insuf-
fisances imputables à cette lacune
malgré les objectifs fixés, la politi-
que
linguistique
en
Guinée
n'est
pas
toujours clairement
définie.
En
effet, là où des décisions sont prises en faveur des langues nationales,
la
pratique
observée
sur
le
terrain
ne
laisse qu'une
place marginale
(318)
comme ce fut le cas de Madagascar qui, après avoir réintroduit le fran-
çais comme langue d'enseignement et revisé le calendrier scolaire mal-
gache sur le modèle français, le Président Didier Ratsiraka a demandé
à Paris de nouveaux coopérants enseignantS. Non seulement pour l'uni-
versité mais aussi pour le secondaire.
(Ré f. Jeune Afrique 12 Mars 1986 p. 26
i
(318') : Par ailleurs, les prcxluctions pédagogiques touchnnt l' enseignffilETIt des langues doivfflt
être le fruit d'un travail interdisciplinaire réalisé et validé par une équipe de [ksycho-
Pédago &lf'5) de didacticiens et de linguistes au sein d'un Institut
d'illucatioo.

~
2~ü
-
à ces d~rnières ; le choix de la langue ou des langues à utiliser dans l'en-
s'~ignement n'est pas toujours basé sur des études sociolinguistiques préa-
lables. Par exemple, au début de l'introduction des langues dans l'enseigne-
ment,
le choix s'était
porté sur
huit
langues dont le Wamey (Coniagui)
qu~ parlent moins de 50.000
personnes (319). Au fur et à mesure que leur
pratique s'exercait, on se rendait compte de leur inachèvement sur le plan
de la recherche, et finalement seules six langues sont restées dans l'ensei-
gnement avec tout ce que cela suppose comme "aléas".
Les modalités techniques de l'introduction des langues nationales
sont caractérisées par une certaine précipitation, voire une improvisation:
formation
hâtive
des
maîtres dans
les
écoles normales des
instituteurs
(E.N.L),
non approfondissement des recherches préalables (terminologiques
notamment)
ayant
trait
aux
différentes
disciplines
enseignées dans
les
écoles primaires, qui à notre avis sont d'une nécessité urgente, dans la
mesure où elles constituent des instruments de base dont il faut disposer
avant toute expérience. Cet aspect a été sciemment négligé par les autorités
car, il aurait conduit d'après eux à
"un tâtonnement, à des dissertations raffinées et
,
q~s discussions savantes. (Donc autant commencer
par introduire les langues dans l'enseignement
sans se laisser intimider par elles). Nous avons
commencé, et nous avons bien fait car les résul':"
le fait de citer cet exemple n'est pas une désapprobation ni un mé-
pris de notre part pour les langues minoritaires, au contraire tou-
tes les langues doivent être développées pour l'enrichissement de la
culture nationale. Cependant, cela nécessiterait un cadre cohérent
pour leur exploitation.

-
291
-
tats atteints ont convaincu plus d'un nombre d'ob-
servateurs. Ils témoignent de la justesse de la
voie que le P.O.G. s'est choisie" (320).
Nos critiques se trouvent-elles ainsi justifiées par cette insouciance?
Considérée par ailleurs comme une bonne attitude, qui au vu des résultats
atteints n'a pas lieu
d'être cité
en bon exemple (321).
Ces insuffisances, tout en causant de sérieux dommages à l'avenir
de l'école guinéenne,
ont par la même occasion contribué à renforcer le
prestige de la langue officielle étrangère (le français) et aussi à confor-
ter largument selon lequel les langues nationales sont incapables de servir
la modernité (sciences, technologie, littérature etc ... )
c -
Les résultats acquis par l'enseignement des langues nationales en
Guinée convergent bel et bien dans ce sens: en effet, en Avril 1984, nous
avons mené des enquêtes auprès d'un échantillon de 800 sujets choisis à 50%
dans la ville de Conakry et à 50% à Kankan, seconde ville de la GUinée.
L'enqûête avait pour but de cerner les sentiments de la. population concer-
nant l'introduction des langues nationales dans le système de l'enseigne-
ment donc, elle se limitait à l'éducation. Peur ce faire, nous avions opté
(320)
G. Doualamou Difficultés liées â l'enseignement en langues na-
tionales cas d'espêce : la République "populaire revolutionnaire"
ibid p. 184.
(321)
malheureusement, le directeur général de l'UNESCO Amadou Matar M'Bow
s'en est servi comme exemple au cours de la 21ème session de la coof'érm-
ce générale: "j'ai vu un immense effort entrepris d'un bout à l'autre
du pays, afin d'affirmer l'identité culturelle de la GUinée, d'adap-
ter son système éducatif à son histoire et de l'ajuster à ses aspira-
tions, de promouvoir un progrès scientifique et technologique mis au
service du bien-être des populations ( ... ). Le systême pédagogique
peut inscrire à son actif d'exceptionnels succès, depuis le rétablis-
sement de plusieurs langues nationales - le soussou, le malinké, le
foula - devenues par là même des Inngues d'enseignŒlent
- jusqu 1 à une
campagne d'alphabétisation qui a atteint ses principaux objectifs dans
l'ensemble du pays et qui mérite d'être citée en exemple".
(Réf. Allo~
cution de bienvenue au Président Sékou Touré à Belgrad le 6 Octobre
19Bo UNESCO D.G./Bo/31 p. 2).

-
292 -
Four les questions suivantes :
1)
que
pensez-vous
de
l'introduction des
langue~
nationales
à l'école (S:>so, Maninka)
2)
l'introduction de ces langues a-t-elle favorisé l'augmenta-
tion
du nombre d' enf ants fréquentant l' éco le?
3)
ces
langues
ont-elles
la même efficacité que le français
à traduire les notions scientifiques?
4) leur pratique à l'école a-t-elle été une bonne ou unemauvaise
chose ?
Avant d' i nterprêter l es résultats,
nous tenons à signaler que l'enquête
a été menée
pendant
un moment
d'euphorie,
c'est-à-dire trois semaines
après le changement de régime (du temps de l'ancien régimf
il
était pratiquement -impossi ble de mener une enquête sociologique surtout de
ce genre) et il va de soi que la disposition de la population était plutôt
favorable à l'ère nouvelle, et aussi vu les déceptions et autres déboires,
elle pensait que le "changement" était arrivé à temps pour lui permettre
d'avoir le même niveau de vie que celui des habitants des pays voisins
Côte d'Ivoire, ~négal etc ... 322).
En fonction de ce conditionnement) l'enquête ne peut avoir qu'une
valeur
indicative.
Par
ailleurs,
nous
tenons
aussi
à signaler
que les réponses
(322)
cette même population se trouve à l'heure actuelle déçue car les
choses ont à peine changé et les mêmes pratiques continuent sous
9'autres formes. La montagne n'a accouché que d'une souris. La Gui-
née
reste toujours orpheline. Voir à ce sujet l'article de Alain
Morice Guinée 1985 : Etat. Corruption et trafics dans les temps mo-
dernes.' n· 4tJ7 PÉ;vrier 1987.

-
293 -
recueillies
doivent
être
mises
en
rapport
avec
l'appartenance
socio-
professionnelle
des
personnes
ayant
été objets
de
notre enquête.
(Il
s'agit de travailleurs, commerçants et ménagères).
A la question que
pensez-vous
de
l'introduction des langues
nationales
dans
l'enseignement, les rÉpJlSC'S <"nt été négatives: 82'-1> estiJrmt
qu'elle a été une mauvaise chose car l'école n'a plus le même prestige
comme pendant la période coloniale et ceci à cause du II peu d'importance"
que lui accorde l'Etat.
A la deuxième question portant sur la démocratisation de l'école
à travers l' augmentat i on de l' eff ect if, l es réponses sont pos it ives mais
accompagnées
d'une
certaine
réserve
qui
s'explique
par
le
taux
élevé
de déperdition scolaire déjà mentionné ck;nsles pages précédentes.
A la troisième question ayant trait à l'efficacité des langues
pour traduire les notions scientifiques comme le français, les réponses
sont variées mais on constate tout de même un léger fléchissement pour
l'aptitude du français
à rrieux traduire les notions scientifiques car,
certaines
notions
scientifiques
utilisées
dans
la
quotidienneté
sont
différentes dans leur usage au niveau de l'école. Aussi, il nous a été rap-
porté que ceux
(les instituteurs)
qui
sont chargés de les traduire et
de les apprendre aux enfants, connaissent moins bien ces notions en langues
nationales
donc
sont moins compétents.Quant
à la dernière question,
la pratique de ces langues est-elle une
bonne ou une mauvaise chose, 85% disent que c'est une mauvaise chose,
et que c'est
un moyen pour laisser le peuple dans
l'ignorance afin de
ne pas créer les conditions favorables à la formation d'hommes jnstnIits.

-
294 -
Ces opinions, bien qu'exprimées
pendant
une période euphorique,
permettent tout de même de constater le f ait que les langues aient été
introduites sans concertation avec la population, et que
le travail de
conscientisation qui
devait la précéder ait été négligé au profit d'une
propaga~de politique tournée vers l'extérieur. En lieu et place de l'élimi-
nation progressive du français
en faveur des langues nationales, c'est
purement et simplement des voix qui s'élèvent pour demander sa réintégra-
tion totale et la suppression des langues nationales. La plupart des inter-
ventions des Académies
pendant
la conférence nationale sur l'education
du 24 Mai au 3 Juin 1984, (seconde République) vont dans la même direction.
Par exemple, l'Académie de Conakry recommandait entre autres de
"retenir le français comme langue d'enseignement il
tous les niveaux et renforcer son enseignement pendant
la période de transition - Ne maintenir l'enseignement
de la langue nationale qu'en tant que discipline il partir
du collège - (En plus de cela) introduire l'enseignement
de l'anglais à partir du collège - éliminer des pro~
grammes de l'école primaire, les disciplines suivantes
langues nat:iona.1es ,langue arabe et idéologie Il (323).
f
-
propositions
Il importe dans ces conditions, de reconsidérer fondamentalement
la situation en adoptant une politique cohérente, méthodique, issue d'une
concertation avec les populations. Voici brièvement ce que nous proposons:
- tout d'abord le gouvernement doit clairement défi-
nir sa politique linguistique en accord avec les po-
pulations pour qu'elles puissent émettre leur avis.
Nous pensons que cette participation éviterait des
(323)
Actes de la conférence nationale de l'éducation ibid,pp 178-179

- 2YS -
frustrations d'ordre socio-politique dans l~
choix des langues. Ensuite, il importe de rassem-
bler les moyens capables de soutenir cette politi-
que. Ces moyens ne doivent pas être exclusivement
financiers mais aussi humains.
- Initiation progressive de l'apprentissage des lan-
gues nationales dans les écoles d'application, ce-
ci pour la simple raison de pouvoir vérifier l'a-
déquation des méthodes pédagogiques, et éventuel-
lement de déceler les difficultés sur une petite
échelle et de les corriger
avant que l'enseigne-
ment des langues ne s'etende à toutes les écoles.
- Introduction parallèle et aussi de manière pro-
gressive des langues nationales dans l'administra-
tion et les entreprises nationales (324) ceci afin
d'habituer les travailleurs, et tirer profit de cette
expérience pour l'élaboration lexicale, et l'en-
richissement des concepts scientifiques. Sur ce
plan conceptuel, on peut affirmer, â la suite
du professeur Houis, que les études sur
les
langues et les situations de langages en Afrique
doivent s'ouvrir sur deux directions. "D'une part,
écrit-il, elles doivent s'ouvrir sur un investis-
sement dans la mesure où il est nécessaire que les
langues, selon les types modernes de communica-
tion, participent au développement en tant que
véhicule d'expression et en tant que ~oycn de cons-
~ientisation.
l'exemple du Japon est assez instructif dans ce domaine, car :"bien
qu'il y ait eu, vers le milieu du siècle dernier, une superposition
de la civilisation européenne sur la culture locale ( ... ) celle-ci
a sa place dans la vie du Japon moderne, où elle sert de support à la
science".
(Réf; Miura Shumon, des traditions vivaces dans cahiers du
Japon n° 28 1986 p. 5).

- 2~6 -
d'autre part, elles doivent s'ouvrir, sur le plan
scientifique, sur une synthèse comparatiste afin
d'explicitér ce qu'elles ont de spécifique et ce
qu'elles ont de général" (325) .
- Supporter la promotion des langues nationales aus-
si largment que possible à travers les publications,
et l'audioviDuel.
Nous pensons que la pri se en compte de ces .prop:JSitirns contri buerait à a-
moindrir les difficultés rencontrées dans l'enseignement des langues nationa-
les.
CHAPITRE
1 1 - POLITIQUE EDUCATIVE DU GOUVERNEMENT GUINEEN
a - Problèmes structurels, organisationnels, et financiers pour
une réalisation efficace de la réforme
La politique de la Guinée en matière d'infrastructure, d'organi-
sation et de soutien financier à l 'éducat~on se divise en deux périodes:
la première est celle des débuts de
l'indépendance qui furent consacrés
à la réalisation
d'un
grand
nombre
d'infrastructures
scolaires; ceci
grâce à l'enthousiasme populaire canalisé à travers le travail collectif
dénommé
investissement
humain.
Cet
apport
des
populations
a permis
la
construction de nombreuses écoles sur toute l'étendue du territoire. Toutes
celles-ci ne purent fonctionner à cause du manque d'équipement, et celles
qui furent
équipées
par les
populations ont dû attendre des mois
avant
de recevoir le personnel
enseignant.
Ces difficultés
peuvent s'expliquer
par
la
présence des multiples problèmes auxquels
le gouvernement devait
Houis Maurice, le problème,du choix des langues en Afrique,
perspectives, UNESCO Volume VI, n° 3, 1976.

-
2Y7
-
fa1re face mais elles ne suffisent pas à justifier cette inadéquation de
l'offre et de la demande. Car, nous pensons qu'avec les aides et concours
de
pays
africains,
tels
que
le
Ghana de Kwamé N'Krumah et le Libéria
de
William Tubmann
sans oublier l'effort fourni
à ce moment précis par
les pays socialistes, le gouvernement aurait pu avec un munimum d'organisa-
tion
doter
toutes
ces
écoles
de matériels
scolaires.
Malgré
le
point
sombre de cette période - allant de 1958 à. 1978 - il a été tout de même
constaté
une
nette
amélioration
bien que la plupart des écoles aient
été construites en "semi -dur" ou en "banco". Cette réal ité est attestée
par l'UNES::O :
"entre 1958 et 1978, plus de 2.000 écoles primai-
res (sur un total de 2.370) ont été construites,
335 écoles secondaires (sur un total de 346) et
45 établissements supérieurs".
(326)
La seconde
période
de
1978 à 1984 se caractérise par un net recul
des
investissements étatiques en faveur de la construction des écoles (327).
Nous avons par ailleurs, indiqué que ce désengagement de la part de l'Etat
était l'une des conséquences de la faible croissance économique. En effet,
hormis
les
années
1973 et 1':174 •.
le
rythme de la croissance économique
était
inférieur
à celui
de
la
population et ceci jusqu'en 1977 ; avec
une
stagnation
de
l'économie
voire
une
récession.
Cette
évolution est
ressent ie au ni veau des capac ités de financement de l'Etat dans un pays
(326)
: EFM/32 ibid p? 10
(327)
ce même phénomène s'observe au niveau de la cÔte d'Ivoire car: "l'E-
tat (ivoirien) ne manifeste pas depuis près de dix ans un intérêt
dans la création et la mise en place de nouvelles structures d'ac-
cueil. Il y a arrêt de constructions de lycées et collèges. Cette
attitude favorise la création d'établissements privés où sont aujour-
d'hui affectés plus de 20.000 élèves boursiers du pays.
(Réf. SYNARES
Mémorandum ibid p. 19).

- 2~8 -
où son rôle de "sécurité sociale" est dominant. Face à ces difficultés,
il a été decrété par le Parti-Etat que la réalisation des infrastructures
scolaires
incombait
désormais
aux
organisations politiques
qui
sont
les Régions, les Bureaux Fédéraux, les Arrondissements, les Comités Direc-
teurs et enfin les P.R.L. (Pouvoir Révolutionnaire Local). Cette redistri-
bution des tâches
a été d'abord décidée lors des assises du C.N.R. à
Conakry les 12 et 16 - Juillet 1976. Dans ces décisions et recommandations,
il a été dit que concernant l'enseignement Pré-Universitaire paticul ière-
ment de son infrastructure et de son équipement:
"le C.N.R. recommande pour la rentrée 1976-1977
la construction ou la normalisation des C.E.R. des
1er, 2ême et 3ème cycles de manière qu'à l'échéan-
ce du 14 Mai 1977 (328), il n'existe aucun P.R.L.
sans C.E.R. du 1er cycle et qu'à l'échéance du 2
Aoùt 1977 aucun
Arrondissement sans C.E.R. des 2ème
cycles.
- De doter les C.E.R. en mobilier indispensable avant
le 14 Mai 1977 pour le 1er cycle et avant le 2 Août'
1977 pour les 2ème et 3ème cycles.
- A cet effet un contrôle de l'exécution des tâches
sera effectué par les inspecteurs d'Académie qui en
rendront compte au
Ministère du Développement Rural
(M.D.R.).
- Que dans le classement des Fédération$jil soit dé-
sormais tenu compte de l'état de l'infrastructure et
du mobilier scolaires" (329).
(328) :le 14 Mai 1947 semble être la date de la création du Parti Démocra-
tique de Guinée section du Rassemblement Démocratique africain (RDA) ?
(329)
dans la réforme de l'enseignement en République de Guinée Novem-
bre 1958 -Novembre 1978 p. 150.

-
29~ -
Les organisations politiques mentionnées ci-dessus ont exécuté ces recom-
mandatioffi. Néanmoins, elles n'étaient pas à mesure d'apporter une entière
satisfaction au
Parti-Etat car,
la conférence nationale des cadres de
l'éducation tenue à Conakry du 2 au 9 Avril 1977 stipulait ceci
" - considérant que le 14 Mai 1977, date du trente-
naire de notre grand Parti-Etat, doit être une étape
privilégiée pour l'appréciation des efforts consentis
dans notre lutte inlassable pour le développement
économique, social et culturel et en même temps une
projection vers les objectifs légitimes de bonheur
qu'ambitionne notre peuple.
La conférence arrête les décisions et recommandations
suivantes; de l'infrastructure: la 36ème session du
conseil national de la Révolution ayant mis un accent
particulier sur la nécessaire liaison entre le déve-
loppement des effectifs scolaires et le renflorcement de
de la base
infrastructurelle
de nos établissements de
tous cycles, et une répartition des tâches ayant 'té
dégagée dans ce sens, tant sur le plan national que sur
sur le plan régional.
La conférence rappelle aux autorités concernées la né-
cessité d'exécuter à temps les tâches qui leur ont été
prescrites par le C.N.R.
(C.M.D, P.R.R., P.R.A. P.R.L).
Elle rappelle en particulier aux autorités locales et
régionales que l'équipement des C.E.R de leur ressort, en
mobilier scolaire convenable, est un devoir qui leur
incombe.
Elle rappelle également aux régions abritant les Fa-
cultés d'agronomie l'obligation d'étendre l'infras-
tructure de leurs Facultés respective~pour la rentrée
universitaire 1977-78. Avant fin Avril 1977 et con-
formément aux prescriptions du Comité Central, la con-
férence décide l'envoi de missions du Domaine de l'E-

-
3UO
-
ducation et de la culture, dans les 9 régions qui ont décidé
d' om,r..rir leur Facul té d'agronomie pour la prochaine ren-
trée universitaire, en vue de constater si les condi-
tions objectiVes préalables à l'implantation des dites
Facultés sont réunies. Il s'agit des régions de : Beyla,
Bofa, Dabola, Fria, Cawal, Kéruane, Mali, Tugué. La con-
férence rappelle aux directeurs régionaux de l'Education,
aux Doyens de Faculté, aux directeurs de C.E.R, collec-
tifs de maîtres, d'élèves et d'étudiants que l'entre-
tien de leur C.E.R. leur incombe essentiellement.
La conférence invite (l'antenne) du M.D.R. de Boké à
mettre dans les meilleurs délais ~ la disposition de
l'ENI de Soké, une infrastrucure adéquate" (330).
Cette stratégie a favorisé une répartition géographique des infrastructures
scolaires relativement satisfaisante. ~ulement, ces dernières ne répondent
pas aux normes rrdnlifrlles.. Autrement dit,
"après 26 années d'indépendance, force nous est de re-
connaître que l'infrastructure scolaire digne de ce nom
se resume à peu de choses près aux bâtiments construits
durant le plan triennal et à ceux hérités de l'adminis-
tration coloniale et des missions catholiques, ces der-
niers étant d'ailleurs les plus viables encore de nos
jours? La masse des locaux scolaires faits à la hâte et
de matériaux de fortune n'a pas résisté à l'épreuve des
moindres intempéries. La survie de telles écoles dépen-
dait du remplacement progressif de la volonté populaire par
une tecnnique élaborée qui, malheureusement, n'est jamais
venue. Le résultat est connu: nos écoles des centres
urbains sont encombrées d'élèves, nos campagnes sont
f
(330)
Réforme de l'enseignement Novembre l~5~-Novembre 19ï8
ibid, pp. 161, 162, 163.
1

ORGANIGRAMME OU MINIS"TERE DE l'ENSEIGNEMENT PRE·UNIVERSITAIRE ET DE l'ALPHAlIETISATION
(MEPU,"". {'
- -
MINISTRE DE L'ENSélGHEWENT PAE·UNIVERSITAIRE
. - - .
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304
ORGANIGRAMME OU MINI8TERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUf\\ ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
(MESRS)
.
r MINISTRE DE L'ENSEIGNEMENTSUPERIEUR
ET DE LA RECHEnCHE SCIENTIFIOUE
1
INiTlTUT NATIONAL DE RECHERCHE
DIRECTEUR DE CABINET ;
1
ET DE OOCUMENTATION DE GUINEE
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DunEAU D'ETUDES
CHEF DE CABINET
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1
36 QI RECTIONS REGIONALES
DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA CULTURE
1
1
1
1
1 FACULTES AUTONOMES 1
1INSTITUTS POLYTECHNIOUESI
'CI: MEBRB
l
'
i

- 305 -
l'administration
scolaire
en
guinée
est
caractérisée fondamentalement
par sa structuration politique qui à l'image des autres secteurs administra-
tifs du pays épouse la structure du Parti-Etat.
Ce rapport étroit entre l'administration scolaire et le Parti
n'a pas pour objectif comme le dit Amadou Kamara de renforcer
"l'option
fondamentale
pour un enseignement de masse
(qui)
exige
une
participation
active
du
peuple
à
la
gestion
de
l'éducation.
Et
c'est
pourquoi
toutes
les
orientations
générales,
les
réformes en matière
d'éducation sont définies par les plus hautes instances
pol i tiques
du pays,
les
congrès nationaux
du Parti,
les conseils nationaux de la révolution, les conseils
régionaux de la révolution".
(334)
Il
répond plutôt à une nécessité de contrôle systématique de la part du
Parti-Etat. Celui-ci peut ainsi maîtriser le secteur éducatif qui est un
secteur clé de la vie nationale, lI une industrie lourde de toute industrie.
(Réf.
~ékou Touré R.D.A. n° 154 ibid p. 6). Aussi, la perte du contrôle
du système éducatif pour un régime politique comme celui de la Guinée équi-
vaudrait
à un suicide - non pas parce que la jeunesse cible privilégiée
de l'éducation est la seule composante de la société sur laquelle s'appuie
le P.O.G.
pour se maintenir au pouvoir, mais parce que cette jeunesse est
utilisée comme moyen de vulgarisation des mots d'ordre du Parti. Ce dernier
profite de son manque de référence puisqu'elle ignore tout des luttes politi-
ques
d'avant
l'indépendance.
Cette
ignorance est
le résultat
d'un
long
travail
commencé depuis
la
loi-cadre 1957.
(Voir chapitre V encadrement
(334)
Situation et tendances de l'administration et de la formation des
administrateurs de l'éducation en Guinée UNESCO Breda Dakar, 5-16
Mai 1980
AT/AFR7 p. 4

- 306 -
de la jeun2sse et organisation.des femmes
page 328)
Pour ce qui est du financement de cette administration éducative,
notons tout d'abord qu'-j1
repose essentiellement sur les prêts et sub-
ventions de l'Etat (le budget A).
Ce
budget A est consacré en
grande
partie au fonctionnement
des deux ministères de l'éducation nationale,
à l'équipement des écoles
et Universités et au traitement du personnel enseignant.
"En pourcentage du budget total de fonctionnement de
l'Etat, les dépenàes courantes d'éducations repré-
sentent: 16,9% en 1980, 15,8% en 1981, 13,6% en
1982 et 12,7% en 1983. (335)
De ces données "il
apparaît une diminution régul ière des investissements
pour l'éducation.
Cette diminution s'apprécie mieux lors de la réparti-
tion entre
les différents niveaux de l'éducation. A cet effet voici
un
tableau assez illustratif.
Répartition des dépenses de fonctionnement
(en %)
1980
1984
Administration générale et services communs............
9,1
8,0
Primaire........ ..
25,5
30,9
. ~',"o ndatre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..'
28, 2
31,9
E.N.I...................................................
3,6
1,3
Enseignement technique et formation professionnelle.....
2,2
4,6
Enseignement supérieur. .•....•........••.........•...•.
30,9
22,6
Education adultes et alphabétisation....................
0,5
0,7
(~urce UNE~O EFM/132 ibid p. 35).
100,0
100,0
(335)
: Source UNESCO EFM/132 ibid p. 27.

-
308 -
Llenseignement technique et professionnel (niveau secondaire) a effective-
ment enregistré une
augmentation de ses dépenses mais il est toujours
resté le parent pauvre des préoccupations é:.iuGltives
(les autorités (con-
fère le chapitre sur l'organisation et fonctionnement de l'enseignement
guinéen).
On
peut
également observer que les institutions de formation
du
personnel
enseignant et
l'alphabétisation des
adultes
sont au plus
bas dans le budget de 11 Etat : 3,6 pour les écoles normales dl institu-
teurs et 0,5 pour l'éducation des adultes. Ces très faibles taux expliquent
aussi
l'échec de
la politique de formation du personnel enseignant et
de l'alphabétisation. Pour un rég.ilfc qui se veut populaire et révolutionnai-
re
dans
un
pays
sous-développé,
cette
attitude semble
paradoxale.
En
dernier
lieu,
le coût de l'administration générale et de ses différents
services regresse :.9,1% en 1980, 8,0% en 1984. Une baisse sensible qui
traduit entre autres ses difficultés de fonctionnement.
Par ailleurs,
ce budget est souvent partagé de façon inégale
entre les administrations scolaires. Ceci engendre une inefficacité puisque
souvent
"1 es prévisions
budgétaires
sont 1lfériarres
aux engagements de
crédits pour les dépenses Il (338).
Evolution des dépenses par administration scolaire (en %)
1983
1984
Primaire
..
7,1
9,2
S2cond aire
.
7,1
9,1
Formation des enseignants (339) •.•••••••••••••••••••••
5,2
6,7
Fc.rmation
professionnelle
.
11,6
11 ,2
(338)
: UNESCO EFM/132 P. 37
(339) : il s'agit ici du l:udget attrih1é aux adninistrations de l'ENI, ENS et ENSEf.

- 309 -
SJpérieur
4,3
4,2
Adultes
a
0
(5)urce
UNES:O EFM/132 p. 36)
L'inefficacité mentionnée ci-dessus est aussi due à la présence d'une "tri-
ple structure" - administration centrale, académique et régionale qui favo-
rise l'éparpillement et la bureaucrati~ation des dépenses. Une
c~dination
au niveau central aurait pu amoindrir les difficultés et éviter des dépen-
ses imprévues. De ces dernières on est en droit de s'interroger sur l'usa-
ge réel qu'en font les chefs de direction. pour en finir avec le budget A
voyons maintenant la part réservée aux salaires du personnel enseignant.
0 -
Ce personnel est une partie du corps unique des fonctionnaires de l'éduca-
tion nationale
il est classé dans les catégories B, C et D, classe 1,
2, 3, échelle 1 à 3 des catégories. (5)urce M.E. S.R. S., Bureau d'études).
Indicateurs des salaires des Ensei9nants
(primaire, secondaire et supérieur)
Indice
. Indice
%d'enseignants en 1983/84
d'évolution
classe
de la classe
minimum
,
1984/1980
1984
Primaire Second. Profes.
Sup 1 .
SJp .2
A
110,5-111
527
1%
2%
B
117
310
21%
15%
61%
88%
C
116-121
210
47%
56%
25%
10%
9%
D
116-121
145
51%
14%
56%
E-F 110-120
100
2%
"9%
4%
28%
1%
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- 310 -
Commentaires
Ce tableau renferme deux types d'informations: le
premier
révèle
la
"hausse des cdtts. entre 1980 et 1984 d'environ 15%.
IL montre également
que les différences de structures de la répartition du personnel expliquent
les 20 à 25% de différences de coûts unitaires entre le primaire et le
secondaire ; 40% environ de différence entre le premier degré et le second
degré du
supérieur".
(Déjà notifié par
l'UNEg:O).
En
second
lieu,
ce
tableau révèle l'insignifiance des salaires du personnel enseignant par
rapport aux s.:ùaires
i vo i riens éq ui val ents.
"Au cours du plan 1976-1980, la Côte d'Ivoire a consac['é
plus de 40% de son budget de fonctionnement et 10% du
budget d'investissement au secteur éducatif.
( ... ) En
1980, 37,6 milliards de francs étaient cfXlsacrés
par
le B.S.I.E. aux investissements de ce secteur, soit
12% de l'ensemble des dépenses d'investissements.
( ... ) Les dépenses de personnel représentent les 3/4
des dépenses de fonctionnement" (340).
Cette comparaison serait peut-être "hasardeuse compte tenu de l'écart
important entre les budgets nationaux; 14 milliards de sy-
lis (environ 140 milliards de francs CFA) pour la Guinée dont 12,7% consa-
crés à l'éducation,
600 milliards de francs cfa pour la Côte d'Ivoire
dont 40% destinés aux dépenses de l'éducation (réf. Jeune Afrique plus
n° 8 Juin 1984 p. 105 et Ministère du Plan de Côte d'Ivoire: plan quinquen-
nal
1981-85)
mais
nous
pensons
que
le qualificatif
de
sous-développé
attribué aux deux pays" justifie pleinement la comparaison.
Par ailleurs,
vu
la chéreté de
la vie en GUinée le salaire
de
l'enseignant guinéen
ne
lui
permet
pas de faire face aux dépenses
quotidiennes (nourriture loyer etc ... ).
A cet effet l'mquête
menée dans
la région de Kindia est significative:
(340)
t
:
République de Côte d'Ivoire Ministère du Plan. Plan quinquennal
de développement économique, social et culturel 1981-1985 Tome
2 Volume 2 p. 614.

- 311
-
"l'échantillon de 40 enseignants du secondaire sur un
total de 200 ; â l'exception d'un enseignant qui touche
12.462 sylis, le salaire varie de 3.120 â 8.000 sylis,
soit de 1 â 2,8 ; â l'exception de l'enseignant le plus
cher (389 sylis), le salaire par heure de service varie
de 48 â 320 sylis, soit 1 à 6,6" (341).
Sans tenir compte du loyer, sachant que le prix de 100 kg de riz
varie entre 1.500 et 2.000 sylis, il est clair qu'avec un salaire
de 3.000 sylis l'enseignant peut difficilement "sélever
au dessus
des contingences immédiates". D'où la nécessité d'avoir une se-
conde occupation pour arrondir ses fins de mois. A ce propos le
nouveau Président de la République Lansana Conté dans son message
à la nation disait que "les enseignants ont le mérite de la pa-
tience et de l'effort dans un travail délicat et de portée social~
profonde, je (leur) décerne mes vifs encouragements" (342). Ces
encouragements suffisent-ils vraiment à améliorer leur condition
de vie?
Le budget B
est la contribution des parents d'élèves aux dépenses
éducatives (343).
Il concerne surtout le travail collectif pour
la construction des écoles, l'achat du mobilier (tables-blancs)
et des fournitures scolaires.
(341)
: UN ES·::;O ~FM/ 132 p. 43.
(342) Horoya 2ème République jeudi 1er Janvier 1987, pp. 2-3.
(343 )
On retrouve cette contribution parentale en Tanzanie : mass éducation
and mobilization of the population through established structures such
as school commitees/boards, village education and cultural commitees
etc ... has led a great willingness on
the part of the community ta cootri-:l
tutetoeducation in various ways. Parents and the community at large have
.
participated fully and willingly bath in kind and in cash in the cons-
truction of schools and teachers' houses.
( ... ) Such activities have
contributed positively and actually saved the government a lot of mo-
ney".
(Réf. Ministry of &iucation Dar Es Salaam : recent educational
developments in the United Republic of Tanzania (1981-1983) 1984 p. 7).
L'éducation de masse et la mobilisation de la population à travers
les structures établies tels: les comités d'écoles, de villages et cul-
turels ont genéré une grande volonté de la part de la communauté â con-
tribuer â l'élaboration d'une éducation populaire. Pour ce faire, les
parents et la communauté dans son ensemble ont pleinement et volontai-
rement participer à la construction d'écoles et de logement
de maîtres.
De telles activités ont cootrib.1é posi tivement et effectivement à faire
économiser de sommes considérables par l'état.
(Traduit par nous).

ECHEILE DES TRAITEMENTS MENSUELS DANS LE SECTEUR PUBLIc!!
(1980)
Echelle
Catégories
Niveau de recrutement
Traitements mensuels
Remarques
érarchiqut! 1
1
(Domaine de l'éducation)
(sylls )
A
1 Doctorat
1
10.500 - 14.000
Il Y a très peu de
personnel d'échelle A
B
1 Dip18me du 4ème cycle
1
5.800 - 12.000
Professeurs
Enseignent dans le
2ème degré
3ème cycle
C
1 Dip18me du 4ème cycle
1
3.800 -
7.000
InstituteUrs ordinaires
Les Instituteurs ordi-
Dip18me des ENI
naires des
ENI •
Ils enseignent dans les
tJ.l
1er
2ème et 3ème cycles
N
l
D
Dip18me du 3ème cycle
2.6~0 -
4.600
Instituteurs adjoints
'Les Instituteurs adjoints
,ont été formés dans les ENI
: mais n'ont pas obtenu le
;dip18me.
Ils enseignent
dans les 1er, 2ème et 3ème
;oyc1es
E
Dip18me du 2ème oyc1e
2.200 -
3.400
Moniteurs
F
Dip18me du 1er cycle
1.200 -
2.000
Moniteurs adjoints
Cette catégorie est en voie
de disparition
11 y compris le personnel des entreprises d'Etat.
Source, MESRS
Bureau d'études.
1

-
313
-
Ce
budget
bien
que nécessaire pour complèter les
dépenses
éducatives
de l'Etat, ne constitue pas moins une spoliation pure et simple des famil-
les dont le pouvoir d'achat est excessivement bas. Le S.M.I.C. en Guinée
ne dépasse pas 1.000 sylis. Or, le tableau de la pa~e
suivante concernant
le budget mensuel des ménages fait ressortir outre les frai.s consacrés
aux fournitures scolaires, les dépenses énormes en faveur de la nourriture
et autres besoins dompstiques.
Une autre composante de ce budget B est le travail
productif
scolaire qui est essentiellement agricole dans les zones rurales et un
peu plus diversifié vers l'artisanat dans les zones urbaines.
"Les données disponibles pour 1982/83, probablement
surestimées,
montrent
que
le
montant
total
des
recettes générées
par
les
activités
productives
(est)
d'environ
23,6
millions
de
sylis,
soit
à
peine 1,6% des dépenses de fonctionnement de l'Etat
pour l'éducation" (344).
D'autre
part,
l'aide
extérieure
intervient aussi
dans
le chapitre du
budget B.
De par son
volume elle est assez importante mais elle fait
l'objet d'une mauvaise orientation. En effet, elle s'adresse particulière-
ment à l'en~:ignement supérieur et entraîne ainsi un développement excessif
de ce de~nier
au détriment des autres secteurs éducatifs.
"En 1982,
l'aide
à
l'éducation
représente
II,3%
du budget total d'aide extérieure. soit 19.5 millions
de
dollars
affectés
pour
les
2/3
à
des
projets
de
construction
et
d'équipement.
le
1/3
restant
finançant
en. partie
l'assistance
technique
(2.6
millions
de
dollars).
en
partie
les
bourses
de
formation (3.4 millions de dollars),
UNESCO E.F.M./132 ibid p. 27.

314 -
BUDGET MENSUEL DES MENAGES
(en Sylis)
1
2
3
4
5
6
En. . .D1e
-,
RU
3 54:1
3 563
3 594
3 044
3 072
5 660
"l 660
l'dn
2 353
2 209
2217
2 203
2 536
3 9GO
2 4~a
Con,U••nts
616
497
5a~
373
595
715
S:):i
OUa91nolWl'
- 4 30S
3 261
3 413
3 456
3 116
4 33~
3 477
,,1AçWli'"
540
!n4
1 205
797
856
1 2114
916
POia50n et viande
t
524
3 831
4 656
5 30ti
4 396
li 429
.. 951
Sel
1B1
1511
161
107
13)
1']9
147
.sw:re
60a
40a
474
400
700
491
53..
Bone.
1 )99
1 54a
1 612
1 670
1 6!J8
2465
1 685
Autre. pr0<3Uitl
.1l11l1lentain".
669
360
431
703
450
701
516
- - - - - - - - ---- --- --- ------- ----- ---- ---
SOus-Tot...l
A11aenUtion
18 737
16 789
18 348
la Oc:iO
lB 112
:19 243
lB 9'i1
-----------
--- ---- ------ ---- ---
SAvon
304
247
307
3:U
402
200
31B
Boi.
1 419
1 165
1 1.29
l 092
1 1all
1 43S1
1 206
------------ ---
----- ----- ----- ----- ----
Loyer
431
526
343
1 047
711
0
580
lUectrieite
292
221
2U7
545
335
776
36B
Eau
·U
42
34
15!i
6S1
311
SlO
----
-- ----
----- ---- ---
--
SOuI-Total 1Q9eaent
166
789
664
1 747
l 115
1 087
1 038
------
---- --- ---- ----- ---
-
Halli11e.ent
2 356
1 B3tl
1 976
2 169
2 396
4 9114
2 438
- ---- ---- ---- ----- ---
--
. .~ec1n-BOpitd
85
116
275
247
266
17s..
360
lIilCUClUaentl
2 02îl
1 39"
1 B11
1 713
l 714
J 727
l 891
Plante• • •oieinale.
l54
205
lb\\)
145
377
.138
343
--------- ----
---- ---- ---
SOu.-To~l ~nt.
- -
2 267
1 7lB
2 240
2 105
:2 3~7
5 759
2494
----------- --- ----- ----- ---- - - ----
TOilette
0
205
604
1 312
ô89.
661
628
----------
.
------ ---- - - _•._-
&.I.ene.
122
25 ..
9B
2 897
+42
2 283
B78
D"pl.e..... "~ hors
Conakry-Xran.port.
213
249
387
801
JJ\\i
1158
443
en eoUlWl
Tunaporu en
cu. .un Ul:"t>,I1.rla
226
228
257
285
240 '
24!i
246
-
- - - ---- - -
---
SOu6-TotA1 u·.llot,,_
~61
731
742
3 9tU
10:a
3490
l 567
----------- -----
- ----- ---
---
Cigarette. et re~
.... ~.rie\\Lr.
1 738
1311
1 527
Sl60
l 310
868
1 294
-------------------- ----- --- --- ---- ---
Don.
768
1649
1"ll7
2 072
1 088
.. JlSil
l 672
.
'fot.l
211 916
26 ""1
28 860
34 121
211 678
52 050
31 5~-
s<iurce-;---- lÙnistér-e ~u Plan - Enquête Consommation
l
Inactifs
2
Petits salariés
3
Petits fonctionnaires
4
ca~res
5
Petits commerçants
6
Gros commerçants

- 315 -
Même au taux de change officiel,
(1
dollar
E. U.
contre
23
sylis)
l'aide
n'est
pas
négligeable
puisqu' e lIe
représente
près
de
10%
des
dépense s
de
fonctionnement
de
l'Etat,
et
plusieurs
fois
les dépenses de capital dans la domaine de l'éduca-
tion.
Calculée
à
un
taux
de
change
pl us
proche
de
celui
qui est pratiqué sur le marché
parallèle
(1
dollar
E. U.
pour
260
sylis)
l'aide
extérieure
est
la
principale
source
de
financement,
après
le
budget
de
l'Etat.
De
fait,
elle
joue
un
rôle
crucial dans le freinage du développement de l'ensei-
gnement
primaire
et
une
place
excessive
(25%)
prise
par
l'enseignement
supérieur
dans
l'alloca-
tion
des
ressources
de
l'Etat.
La recherche d'une
cohérence entre les choix nationaux de développement
de
différents
types
et
niveaux
d'éducation,
et
les
orientations
internationales
(multilatérales
et
bilatérales)
en
faveur
de
tel
ou
tel
secteur
de
l'éducation
est
une
tâche
importante
pour
les
responsables guinéens".
(345)
c -
Critiques
Le
premier
volet
de
nos critiques
porte
sur l'abdication de
l'Etat devant ses responsabilités. Il s'est déchargé du problème infrastruc-
turel pour en attribuer la charge aux populations, qui avec de maigres mo-
yens ont construit des écoles sans considération aucune pour les normes
architecturales et souvent les emplacements tiennent peu compte des shémas
directeurs urbanistiques. C'est ainsi que l'Institut polytechnique secon-
daire
de Labé occupe
une
superficie
d'environ
deux
hectares
pour
une
construction
nécessitant
à peine
700 m2
le reste de l'espace n'est
UNESCO EFM/132 ibid p. 28

-
316 -
pas viabil isé. Par contre l' Institut polyt~chnicue secondaire Ho Chi Minh
de Kankan occupe une surface de six hectares mais son infrastructure d'ac-
cueil
n'arrive pas à absorder l'effectif
pléthorique d'étudiants qui lui
est destiné. Aucune prévision d'extension ne se dessine à lhorizon pour
cette école.
De plus l'Etat ne fait rien pour corriger les défauts d'ar-
chitectures tels que les malformations de toitures et le manque d'instal-
lations sanitaires (l'eau) dans ces établissements. A ce sujet, le constat
d'une mission d'études
de
l'UNES::O en
Mai
1980 est assez illustratif
:
"dans l~s
zones
rurales,
l'approvisionnement
se
fait
à
partir d'un
puits ou de
la rivière.
Compte tenu des problèmes liés au réseau d'élec-
tricité,
il
est
utile
de
prévoir
la
réalisa-
tion
de
château
d'eau.
L'évacuation
des
eaux
se
fait
par
le
moyen
de
fosses
septiques
et
puits
perdus
pour
les
eaux
usées
et
par
des
canaux d'écoulement ouvert pour les eaux de' ruis-
sellement.
Des installations sanitaires existent

le
problème
de
l'approvisionnement
en
eau
est
réglé.
Beaucoup
de
ces
installations
sont
détériorées
(approvisionnement
irrégulier
en
eau) (346).
Le deuxième volet de nos critiques concerne la préparation du budget de
l'éducation. D'après le ministère cette préparation comporte quatre étapes:
- formulation des propositions par les directions régionales de l'éducation
pour
"lexercice
à venir,
en
tenant compte,
selon
les cas, des dépenses
de
l'exercice en cours et de leurs besoins en crédit de matériels"
(la
même démarche est
suivie par les grandes institutions et aussi
dans le
supérieur).
(346)
UNESCO EFM/I04 Ibid p. 6.

- 317 -
Ces propositions sont agréés
par le service financier/comptable dü
ministère de l'éducation nationale puis soumises à l 1 approbation du mi-
nistre.
Ensuite elles sont acheminées à la direction générale du budget du minis-
tère des finances qui fait un tri en fonction des principes généraux
d'économie des dépenses publiques.
La dernière étape est celle qui consiste à adopter dans la loi de finan-
ces les prévisionsdéfinitives.
Une telle préparation dénote que le budget de l 'éducation est l'affaire de
la bureaucratie car, l~ critère de politique éducative est loin d'être pris
en compte, seuls les critières exogènes à l'éducation sont déterminants.
POurtant la préparation d'un budget éducatif nécessiterait la présence et
l'avis de spécialistes de l'éducation afin d'éviter les éventuelles distor-
sions et ponctions pendant son exercice.
d
- L'adéquation
formation-emploi
e - Généralité
Analysant dans les années 1960 le retard économique de l'Afri-
que, les économistes des nations "hldustrialisées
pensaient que celui-ci
était dû en grande partie au manque de main-d'oeuvre qualifiée (cadres mo-
yens et supérieurs). Dès lors plusieurs solutions furent envisagées allant
de la mise en place d'institut de planification de ressources humaines à
l'accélération de la formation des cadres supérieurs. Vingt six ans après
force nous est de constater que ces solutions II miracles ll ne sont pas par-
venues à annhiler le phénomène du sous-développement. Au contraire, s'est
greffé sur ce dernier un autre problème qui est le chômage des intellectuels.

..,. 318
-
Cette "désharmonie entre l'éducation et les emplois résulte de faits sui-
vants : 1 - au niveau de l'emploi :
Une importance particulière des secteurs: agro-pastofal, artisanal, et
traditionnel qui fournissent la majorité des emplois.
Un secteur moderne d'industrie intermédiaire (usines de transfrometion
et d'emballage), et la Fonction Publique qui absorbe une large part du
personnel qualifié disponible.
Une inadéquation entre main-d'oeuvre disponible sur le marché d'emploi et
les possibilités de son utilisation dans ce secteur moderne.
Une inadéquation entre l'offre et la demande d'emplois accentuéepar une
mobilité massive de jeunes scolarisés sans qualification professionnelle
vers les centres urba"ins (où sont généralement implantées les usines) au
détriment des zones rurales.
Or, il faut savoir que la capacité d'embauche est très limitée dans le secteur
moderne qui ne rececrute que le :
"quar t ou le tiers de l'ensemble de la population
active disponible. A cet effet, l'échantillon
portant
sur les pays francophones et anglophones montre la
faiblesse de l'emploi salarié en Afrique Noire. A
l'exception de la Zambie et du Kenya ( ... ) le reste
des pays étüdiés ont un taux d'emploi salarié insi-
gnifiant par rapport à l'emploi total en particulier
en Mauritanie (3,8%), au Nigéria (5,3%) , en Tanza-
nie (6,2%), au Mali (4,10%), au Ghana (11,9%) ou en
Côte d'Ivoire (14%) etc ...
(347)
(347) Kanvaly Fadiga :
" problèmatique de l'autonomie par l'éducation,
thèse au Doctorat d'Etat en Lettres et Sciences humaines volume
2 Université René Descartes

- 319 -
2 - au niveau de la formation:
Face à cette situation apparaît un ~ystème d'éducation et de formation
-
favorisant la formation des cadres dans des disciplines juridiques,
Lettres et sciences humaines par rapport à celles des ingénieurs, de
techniciens et des para-médicales (348).
~utenu par un budget de plus en plus important bien que l'ensemble des
objectifs en matière d'éducation ne soient pas encore atteints.
Par ailleurs, ces données peuvent être considérées comme les conséquences
d'une politique économique basée sur le libéralisme qui n'accorde que très
peu d'importance à un développement équilibré - bien que l Ion doive ici 0-
bserver la mauvaise orientation des élèves. Toutefois, le véritable noeud
du problème de l'inadéquation formation-emploi se trouve dans la structure
de l'économie et du marché d'emploi, dans la rigidité des classifications
de postes, les pratiques de recrutement souvent complàisantes (népotisme,
tribalisme etc ..• ), dans les échelles de salaires vicieuses, et dans l'inef-
ficacité des mécanismes chargés de répartir et d'utiliser la main-d1oeuvre
instruite. Toutes ces causes contribuent à accroître l'écart entre les de-
mandes effectives du marché de llemploi
et la quantité de main-d'oeuvre
instruite que l'économie pourrait théoriquement absorber avec profit si elle
(348) : répondant aux questions d't.n1 journaliste, M. Guillou, directeur du service des étudiants
et stagiaires ivoiriens en France souligne ce fait: "le premier PrQblèrœ grave (de la
formation et de l' errploi) , c'est le goulot d' étranglerrent. Tout· le rronde veut faire la
n✠cOOse. Et tous viennent en France pour faire des études de gestion ou des sirnilai-
res. Il y a en Côte d'Ivoire tellerœnt de diplâœs dans les nâœs disciplines que l'ôn
ne sait quoi en faire. Ce qu'il faut,
c'est diversifier. ( ... ) La Côte d'Ivoire a des
h::mœs de valeur dans les différents daœines qui n'ont rien à envier à leurs harologues
européens qu'ils égalent d'ailleurs techniquement et intellectuellerœnt. J'VW.s il rœnque
des naillons importants pour cœplèter la chaîne. Tout le rronde veut faire l'Université.
( ... ) Je trolNe grave qu'il n' y ait pas d' ivoiriens opticiens, kinésythérapeutes, pr0-
thésistes, etc... Et que ces métiers soient occupés par de étrangers (européens) chez
vous ... C'est très bien de faire une maîtrise de gestion, mais pour gérer quoi? Si
personne ne crée, ne fabr'ique, qu'est-ce oue les gestionnaires qu'on fome vont gérer ?
(Réf. Fratemîté-fvhtin n° ($)73 du 9 Janvier 1987 p. 24).

. •
' ; 1 ' ,
-
320
-
fonctionnait plus efficacement.
Pour contenir cette IIdésharmonie" entre l a formation et l'emploi,
la Guinée a expérimenté une nouvelle politique basée sur la formation
en
grande quant ité des cadres scient if i ques ingénieurs agronomes pour
la plupart pouvant servir dans les fermes agro-pastorales d'arrondissement
(F.A.P.A) créées sur toute l 1 étendue du territoire. Cette restructuration
a valu
au système éducatif guinéen l'appelation de II sys tème adapté aux
réalités économiques ll puisque ses objectifs sont: la relance de llagri-
culture et si possible llauto-suffisance alimentaire. Cette dernière nia
jamais pu se réaliser pour plusieurs raisons déjà évoquées dans les précé-
dants chapitres.
De plus,
l'effectif
pléthorique· des cadres
agronomes formés entre 1975 et 1983 (1.500 étudiants inscrits par an dans
les facultés
agronomiques)
a peu servi comme force d'appoint dans les
F.A.P.A. Aussi bon nombre de ceux-ci faute de pouvoir être utilisés végé-
tent dans les bureaux avec les titres de fonctionnaire. Cette situation
nous amène à nous
poser la question suivante: comment l'inadéquation
formation-emploi a pu se glisser dans les rouages de l'économie d'un pays
où on
"arrive à résoudre tous les problêmes y compris
le chômage qui est banni en République Poupulaire
Révolutionnaire de Guinée ll ? (349).
Pour répondre à cette question tentons d'analyser la stratégie des autorités
guinéennes touchant cet épineux problème.
f
- Formation-emploi selon les autorités guinéennes
Pour celles-ci le chômage des intellectuels dans un pays sous-
développé est:
(349)
: Sékou Touré séjour au Sénégal R.D.A n
132 ibid p. 56

-
321
-
"l'expression
d'un
deséquili bre
socio-économique
(dont)
la résolution ( ... ) suppose une conception
globale du développement. Dans cet ordre d'idées,
il
faut
renoncer
aux
croissances
désordonnées
de l'économie
(. . . . )
pour
établir
des
rapports
harmonieux
entre
les
secteurs
en
fonction
des capacités
réelles
du
peuple,
l'organiser
en
conséquence,
qualifier· les
conditions
de
travail
par
une
organisation
du
travail et
la
qualification
des
moyens de
travail.
Alors,
la
production
et
la
productivité
s'élèveront
et, au fur et à mesure que les nouvelles exigences
de
dépenses
se
créent,
la société sécrète les
moyens de les satisfaire" (350).
Les idées maîtresses de cette citation sont :
1°) la conception globale du développement qui repose sur une articulation
rationnelle des différents compartiments de l'économie.
2°) Cette articulation obéit à son tour aux ressources humaines et matériel-
les du pays.
3°)
le processus de production ainsi engagé pour la mise en valeur des
potentialités, facilitera la création de nouvelles conditions de travail
permettant
la stabilité de l'emploi. Dans la pratique,
l'application de
cette conception s'est traduite par la surcharge des postes déjà créés,
sans
pour autant qu' il
n' y ait de croissance effective de
l'économie.
Alors, il s'agit plutôt de contenir, tout au moins, de maîtriser une masse
de popu1 at ion act ive qui est en constante
augmentation: En effet selm l'UNESCO.
"la
population
active
totale
était
en
1982
de
2 264 900 personnes - avec un rythme de croissance
de
3 % environ par an,
elle
serait
de
2
400 000
personnes environ en 1985".
(350) -
Sékou Touré, séjour au Sénégal ibid P. 56.

- 322 -
Il faut <:bnc entretenir une telle p:Jpulation, dans des structures ad'ninistratives au risque
qœ ce soit au détrirœnt de leurs capocités d'811Jlois. Ainsi,
"les effectifs de l'administration et des services
publics sont élevés, presque dix fois plus que les
salariés dans l'industrie (3,2%). Notons encore que
dans le secteur non agricole, selon l'opinion généra~
le et les jugements formulés ( ... ), le nombre des sa-
lariés depasse largement les effectifs qui se justi-
fieraient en fonction des rendements actuels.
( ... )
et ceci compte tenu de l'accroissement des personnes
à charge au sein de la famille étendue, des pressions
sociales et économiques s'exercent pour "caser", ...
trouver un emploi rémunérateur au plus grand nombre
possible de personnes parrainées afin d'alléger les
charges du chef de famille. Ce jeu de solidarité ar-
chaïque et de nécessité renforce inéluctablement au
sein des entreprises un chômage interne déguisé sous
la forme de main-d'oeuvre superflue. Cette tendance
a été rendue plus intensive par l'extension rapide du
réseau de l'enseignement seoondaire et supérieur
(351). Conformément aux stipulations de la constitu-
tian guinéenne, s'est instauréé jusqu'ici une prati-
que faisant que tout bâchelier et tout diplômé est
admis autanatiqu€fil61t
à titre de salarié, dans la fmctioo publique (352).
Au.regard cE cèquipré:e:Je.;~ poull'r~it".être '~:~ené à,.. dire
que
le
gou-
vernement guinéen a opté pour un système de sécurité sociale: accorder
le minimum à tout un chacun, sans pour autant que cela permette de vivre
décemment. Cette "charité" gouvernementale est la conséquence de la forma-
tion anarchique des cadres
techniques agricoles.
c - Les résultats et perspectives de cette politique sont
(351)
souligné par nous
(352)
. stratégie de développement de l'éducation-formation 1982-2000
Conakry-BUdapest. Mars 1983 p. 22

-
323
-
en
premier lieu, que l'adéquation formation-emploi nia pu aboutir, à cause
du nombre de cadres exessivement élevé par rapport aux possibilités d'em-
plois. En second lieu, que les débouchés souvent offerts sont les bureaux
des
ministères et
des
services
régionaux et locaux qui d'ailleurs sont
surpeuplés.
A ce niveau-ci
l'essentiel des
préoccupations reste le sem-
blant de sloccuper de la "paperasserie" et les promenades quotidiennes
--
entre
les
bureaux
car'; -les ·cadres n'ont presque au-cun moyen de travail
et
leurs
salaires
ne
les
-incitent
guère
à faire mieux.
(Voir tableaux
pages suivantes).
EFFECTIFS
ET
STRUCTURES
DES
Sl\\LARIES
PAR
BRANCHES D'ACTIVITE ~lON LE NIVEAU DE QUALIFICATION EN 1982

BRANCHE S
NIVEAU
DE
QUALI F1CATI ON
TOTAL
DI ACTIVITE
5-6
4
3
2-1
.Nombre
en
milliers
1 Ag~iculture
7,0
4,0
0,9
23,4
35,3
2 Indust. extractive
0,6
2,0
1,0
8,1
11,7
3 1ndust. manuf actur.
0,7
1,2
0,9
5,0
7,8
4 ToP.B.
0,5
1,0
2,0
9,5
13~0
5 Transport
0,5
1,0
1,0
7,6
10, 1
6 Commerce et d'autres
services
1,4
4,8
2,7
6,1
15,0
7 Santé
1,2
3,0
1,5
2,8
8,5
8 Enseignement
2,5
10,0
2,5
2,0
17,0
9 Administration Pub l .
8, 1
13,5
6,0
18,7
46,3
10 Gens de maison
3,5
3,5
Total
22,5
40,5
18,5
86,7
168,2
0,e

- 324 -
Répart it i on
en
pourcentage
1 Agriculture
19,8
11 ,3
2,6
66,3
100,0
2 i ndust. extractive
5, 1
17, 1
8,5
69,3
100,0
3 Indust. Manuf actur.
9,0
16,9
10,9
64, 1
100,0
4 T.P.B.
3,8
7,7
15,4
73,1
100,0
5 Transport
5,0
9,9
9,9
75,2
100,0
6 Commerce et d'autres
services
9,3
32,0
18,0
40,7
100,0
7 Santé
13,5
35,4
17,6
33,5
100,0
8 Enseignement
14,7
58,8
14,7
11,8
100,0
9 Administration pub 1. 17,5
29,1
13,0
40,4
100,0
10 Gens de maison
100,0
100,0
Total
13,4
24,1
11,0
51,5
100,0
~urce
stratégie de développement de l'éducation-formation
1982-200
Conakry
-
Budapest Mars 1983.
NB
les numéro.indiquent le code de la nomenclature des qua lifications
notamment, 5-6 niveau supérieur, 4 niveau "techniciens" et ass, 3 ni-
veau d'ouvriers qualifiés, 2-1 niveau d'ouvriers spécialisés et ma-
noeuvres/moins que 6 classes de scolarisation.

- 325 -
EFPECTIFS ET STRUCTUf~ DES SALARIES
SELON LES SPECIALITES ET LB NIVEAU
DE QUALI?ICAT'ION
~

sP~CI"'LI'rES
liIVZ",U
NIVEAU
mT::.1U
TC'rAI.
SOPERIBtIB
TECHNICIENS
D'OUVRIERS
ET ",S8.
Qr'.1LIPIES
.
.n m1111era
1
!gricoles
9,5
4,8
1,0
15,.3
.
2
!echDico-1ndust.
2,5
6,9
5,.3
14,7
3
Bitim'Dt
0,5
1,5
2,.3
.4,.3
4
! ra,::uII port
0,2
0,5
0,8
1,5
5
!conom1qu.8 . t &88
.3,4
11,7
4,4
19,5
, Jl.U"i4111u'"
0,4
0,3
-
0,7
7
COllllllerciale.
0,1
0,1
1,0
1,2
.
8
Pi4a&og111u. .
4,2
" ,2
1,9
17,.3
9
MédicAl"
1,3
.3,3
1,8
6,4
10
Science. humain••
0,4
0,2
-
0,6
11
'l'otal
22,5
40,5
18,5
81,5
.
.-
Bé,Parti non eD POI.U"CeDta&'
1
.lçicoles
46,2
1',9
5,4
18,8
2
Techn~co-inuust.
",1
17,0
28,6
18,0
.3
1I1tiluDt
2,2
.3,7
12,4
5,.3
4
Tra.Q8port
0,9
1,2
4,.3
1,8
5
Eco.Dom1qu•• . t •••• 15, ,
28,9
2.3,9
2.3,9
~6
JuricUquea
1,8
0,8
-
0,9
7
COlllllllrcialea
0,4
0,2
5,4
1,5
8
Pédagogiques
18,7
n,7
10,3
21,2
9
lIIé 4i cal"
5,8
8,1
9,7
7,9
10.
ScieDc.humaine.
1,8
0,5
-
0,7
11
fot&l
100,0
100,0
100,0
100,0
Source: stratégie de développement de l'éducation-formation
I982-2000
Conakry - Budapest Mars I983.

- 326 -
Ces tableaux nous permettent de constater les faits suivants:
inadéquation entre l'offre et la demande qui d'après l'UNESCO s'attri-
buerait plutôt à la "mauvaise structure de la main-d'oeuvre issue de la
colonisation".
Disparité entre les emplois offerts par les différentes branches écono-
miques.
Insignifiance du nombre des ouvriers qualifiés qui dans d'autres con-
textes de développement occuperait un pourcentage élevé.
Surabondance de cadres supérieurs dans les secteurs agricoles.
Les solutions préconisées par le gouvernement pour rendre opérationnels ces
cadres sont les reconversions de ceux-ci dans d'autres métiers: enseigne-
ment et artisanat (353). -Solutions vouées à l'échec à cause du surnombre
des enseignants et aussi le manque d'infrastructures scolaires. Quant à
l'artisanat il est resté traditionnel et rien n'a été fait pour sa moderni-
sation, en plus il est le dernier recours des chômeurs illetrés. Par ail-
leurs, cela supposerait aussi un renforcement des organes chargés de la
planification des ressources humaines et instituer entre eux une véritable
coordination. Le manque de statistiques cause d'énormes difficultés dans
les estimations et calculs des besoins de main-d'oeuvre.
g- Propositions
Nos propositions portent essentiellement sur la nécessité de par-
faire le système de planification des ressources huamines qui ne doit pas
(353 )
la même solution fut adoptée par la Côte d'Ivoire pour absorber son
excédent de cadres : "les autorités ont cru i:x:n de devoir transformer
les étudiants licenciés de sciences économiques en professeurs de
mathématiques. Décisio~stoutà fait malheureuse et dapgereuse'pour .
tO,ut .système éducatif surtout que le niveau de ces étudiants en éco-
nomie était largement inférieur à celui des étudiants inscrits ré-
gulièrement en mathématiques à l'ENS.
(Réf. SYNARES Mémorandum ibid
p.
41).

- 327 -
simplement se limiter à
la "rédaction du cha-
pitre formation-emploi du plan de développement.
Sa tâche est
permanente
et
i l doit
être procédé
à
une a c tua lis a t ion annuelle
des don née s,
c e qui
réclame une activité
constamment soutenue des
institutions
concernées".
(354).
Une mise à jour constante des programmes de formation
et de la modification des structures de l'appareil de formation
initiale,afin que
celui-ci puisse suivre l'évolution des diffé-
rents secteurs économiques. Rendre substantielles les informa-
tions portant sur les offres, les demandes d'emploi, car les
informations
recueillies ne sont pas homogènes d'un secteur à
l'autre et les flux de main-d'oeuvre - ou des candidats à l'emploi
de l'un à l'autre ne peuvent être saisis. Ces informations peu-
vent être contenus par exemple dans une nomenclature des profes-
sions véritablement adaptées aux réalités guinéennes.
(354)
: UNESCO
EFM/I04,
p.
25.

-
328 -
CHAPITRE I LI.:. ENCADREMENT DE LA aEUNE SSE ET ORGANI Sl\\TION DE S FEMME S
a - Généralités
Généralement, l'éducation donnée aux jeunes a pour objectif d'une
part, de faciliter leur intégration au sein de la société à laquelle ils
appartiennent, d1autre part, de les préparer pour leur future contribution
au développement national.
Ce dernier point de vue II res te surtout vala-
ble"
pour
les
pays en voie de développement dont les nations nouvelles
et fragiles qui les constituent restent à consolider grâce à la participa-
tion effective de toutes les forces vives.
Aussi tous les projets économiques ou culturels, les études d1évaluation
mettent -ils en évidence:
-
la
contribution des organisations féminines
internationales
tel que le Comité International des Femmes Africaines pour le développement
(C.I.F.A.D.).
(355).
-
l'ampleur de
la
production non marchande et son importance
dans le revenu national (par opposition au P.N.B. qui exclue toute la pro-
duction non marchande).
- L'apport es sent i e l
des
jeunes et des femmes à tr avers les
travaux d'ordre civique et social (investissement humain).
(355) - Une antenne de ce comité vient d'être mise en place en Côte d'Ivoire.
Sa tâche primordiale croit-on savoir est de faciliter "la participa-
tion effective à l'intégration de la femme dans le processus du dé-
développement par la promotion de projets visant à améliorer les con-
ditions de vie des femmes à partir d'une mobilisation des ressources
humaineset naturelles".
(réf. Fraternité Matin n°
6862 du 28 Août
1987 p. 5).

- 329 -
- les programmes de formations proposés aux femmes
afin qu'elles puissent contribuer largement au dé-
veloppement national. Dans cette optique là Thomas
Sankara, Président du Burkina Faso soutient "à la
vérité, comment peut-on envisager le développement
d'un pays en mettant de côté la moitié de la popu-
lation ? Les femmes représentent 52% de la popula-
tion burkinabé. Ne pas les intégrer au développement,
c'est essayer de travailler avec quatre doigts sur
dix".
(356)
Par
ailleurs,
nous
pensons
que
pour mieux comprendre le pro-
cessus d'encadrement de la jeunesse en Afrique et plus particulièrement en
,;'
G~,innée,
il serait tout d'abord utile de définir historiquement les critè-
res de la notion de jeunesse (357). Cette approche obéit à la préoccupa-
tian fondamentale
qui est de situer la jeunesse dans un contexte "évo-
lutH" de la société traditionnelle à la société moderne. Ensuite il faut
examiner le rapport dialectique au sens plein du terme, des comportements
de la jeunesse vis-à-vis de la tradition et de la modernité et ceci en
rapport étroit avec les transformations sociales et les orientations politi-
ques de jeunesse.
D'autre
part,
nous
sommes
conscients
des
aspects
subjectifs
d'une telle approche qui est le glissement vers une idéalisation de type
(356)
Interview à Ivoire Dimanche n° 856 - 5 Juillet 1987 p. 14
(357) - Car: "il convient de préciser que dans l'état actuel des sociétés
africaines aucun problème sociologique ne peut se comprendre sans
une prise en considération du passé qui est encore présent. Pour
comprendre la jeunesse actuelle il faut se référer à des éléments
de la tradition présents dans la modernité et, pour comprendre ces
éléments, il faut examiner la manière dont ils fonctionnent dans la
société traditionnelle.
(Réf Boubakar Ly, la jeunesse africaine en-
tre la tradition et la modernité in jeunesse, traditions et dévelop-
pemeQt en Afrique UNESCO 1981 p. 65).

- 330 -
appel au passé qui, en réalité explore peu la complexité (358) du problème
de la jeunesse et contribue plutôt à son obstruction. Mais ceci à notre
humble avis,
"n'enlève pas grand
chose" à la demarche sociologique si
tant soit peu lac i ble vi sée reste la soci été dynami que, donc en plei ne
mutation.
Du concept de la jeunesse
Biologiquement,
la
jeunesse
est la période comprise entre
la puberté
et l'âge viril.
Elle n'est plus l'enfance, elle n'est pas encore l'âge
adulte. Le lino man's land" exprime tant aussi bien la contradiction qui
habite les jeunes: prolonger l'enfance, en refusant l'âge adulte; l'écou__
ter pour revendiquer
la maturité,
demeurer sans la tutelle adulte,
la
fuir.
Aussi
devons-nous
souligner
que
dans
certaines
sociétés,
l'âge
de la majorité est fixée à 18 ans) dans d'autres.
il n'est atteint qu'à
partir de 21 ans donc, elle ne peut être considérée corr~e une loi universel-
le.
~ciologiquement, la jeunesse est perçue comme sujet et objet à la fois,
ceci de par le fait qu'elle est le produit social le
plus sensible et
le plus nettement défini,
non parce que son statut est déterminé en fonc-
tion de son appartenence à un groupe d'âge, mais
parce qu'elle dbsorbe et assimile de la façon la
(358) - Complexité qui selon F. Charvdt et P. Maydl "provient essentielle-
ment de la nécessité d'intégrer organiquement deux sécantes de ten-
sions dialectiquesissues du développement social; d'une part, les
contradictions du temps
matériel et du temps sociale., d'autre part,
la relation entre l'individu et la société." (Réf Structure sociale
des jeunes et les processus de reproduction sociale in jeunesse et
travail UNESCO 1979 p. 92).

-
331
-
plus perceptible les qualités déterminantes
de la société sur les plans économique, politique,
idéologique et culturel et, surtout, les
qualités
globales de la société de classe et de son dévelop-
pement. A cet égard,
la jeunesse représente un
stade essentiel du cycle de reproduction du déve-
loppement social, de reproduction des classes et
des groupes sociaux et de reproduction des mécanis-
mes économiques, politique et idéo-culturels de la
société
en question. Les jeunes représentent l'é-
lément le plus sensible du: développement social,
non parce qu'ils sont jeunes, mais parce qu'ils ré-
fléchissent de "façon la plus sensible" les quali-
tés déterminantes du développement social".
(359)
Cette
sensibilité
est
inhérente
aux
contradictions
sociales
et po1itiQues car les jeunes s'indentifiant
à leursparents et l'éducation
familiale n',étant rien d'autre que la reproduction, dans leur conformité,
de modèles
déjà
réalisés
par
les
adultes.
Avec
l'amenuisement
du
rôle
de
la
famille
et
la
rédéfinition
des
rapports
socio-économiques
peut-
d'une
on suggérer que la société serait passée~hasecil les individus sent intrcxléter-
minés à "une autre au cours de laquelle
ils deviennent extrodéterminés ll
(360). Une des conséquences perceptibles surtout en Afrique de cette redéfi-
nition
des
rapports
est
la
pluralisation de la jeunesse en différentes
composantes
une
première,
scolarisée,
vivant
dans
les
agglomérations
et
une
seconde
qui
nia
pas
bénéficié de la scolarisation et se trouve
(359)
F. Charvat et P. Mayal UNESCO ibid pp. 92-93.
(36G») - Extradétermination : "processus de réduction à l'impersonnalité et
de diffusion à grandes échelles de styles personnels que créent les
individus et les groupes" (Réf. Emile Copfermann, problèmes de la
jeunesse Paris François Maspéro 1968 p. 8).

- 332 -
donc reléguée aux rôles de paysans saisonniers sous la tutelle des parents
détenteurs des terres cultivables.
Hormis cet aspect sociologique, l'élément psychologique inter-
vient aussi dans la définition. Celui-ci se distingue
par des transforma-
tions
particulièrement
importantes
dans
l'organisation
biologique
et
la position sociale de l'individu, ainsi que par les problèmes d'adap-
tation spécialement aigus qu'elle pose à l'adolescent et à son entourage.
Pour ce qui nous concerne, nous pensons que les jeunes sont un groupe
social qui sert d'intermédiaire dans le processus complexe de reproduction
sociale (au sens le plus large) et dans ses différents éléments et stades.
A priori, cette définition n'est pas contraire à celles qui font de la
jeunesse un groupe socio-démographique ou un groupe social transitoire
entre l'enfance et llâge adulte, seulement elle dépasse les aspects margi-
naux de ces définitions
pour déboucher sur la substance réelle de la
jeunesse qui est son caractère social lié à sa fonction de reproduction
sociale. En d'autres termes, elle met en relief les critères qui détermi-
nent la catégorie des jeunes à savoir: le temps matériel, le temps social
et la dialectique jeune-société.
Problèmes de la jeunesse dans la société africaine traditionnelle
.. Ses fonctions
La société africaine pré-coloniale a pour structure de base,
l'économie
de
subsistance.
Sur le plan sociologique, elle repose sur
des'groupements de type éthnique, tribal et clanique. Dans une telle organi-
sation sociale, lléducation du point de vue spatiale est du ressort du

- 333 -
village et du point de vue sociologique,'c'estl'affaire de toute la communau-
té lignagère Cette dernière renferme la famille élargie, et tous les membres
de
la tribu et du clan. A ceux-ci s'ajoutent les classes d'âge et les
groupes initiatiques. L' exercice de l'autorité politique est assuré par
les anc iens qui sont censés déteni r les connaissances et expéri ences que
leur confèrent
l'âge et la sapienca(361).
Ce fait donne à l'éducation
une coloration
ancestrale dans
la mesure où l'élément de référence est
le passé.Pour ce qui est de l'intégration de la jeunesse, celle-ci s'effec-
tue par une responsabilisation précoce du jeune engagé dans les activités
socio-économiques qui, par ailleurs, représentent le cadre de sa formation
professionnelle. Ainsi
"dès
qu'il
échappe à l'2utorité de la mère,
c'est-
à-dire
vers
cinq
ans,
il
vit déj à la même vie que
les adultes. Il appartient à la même nature sociale,
participe
aux
mêmes
tâches
dans
la
limite
de
ses
moyens
physiques.
Son
éducation
commence
et
se
poursui t sans solution de continui té jusqu'au marige" (362).
La formation professionnelle dont bénéficie le jeune est en réalité
la reproduction de la
situation du père, de l'oncle et de la mère (s'il
s'agit d'une fille). Donc il serait hasardeux de parler de mobilité sociale
dans une telle
société d'autant plusque le jeune ne reproduit que l'autori-
té parentale,
et encore moins
de
promotion
sociale malgré la communion
(361) - Dans la société africaine, "il existe une hiérarchisation fondée sur
l'âge comme preuve d'expérience au point que quelque brillante que
puisse être l'intelligence d'un individu, il n'est pas pour autant as-
suré du respect des autres si son âge ne lui confère la déférence devo-
lue aux plus anciens, symboles vivants de la sagesse (
Edern Kodjo
et demain l'Afrique Paris stock 1985 p. 76).
(362)
Diop, Etude sur la jeunesse au Sénégal, Cakar, conseil Econanique et Social, 1966
cité par Babakar Ly dans la jeunesse africaine entre la tradition et la modernité p.70

-
334 -
des intérêts du jeun~ avec ceux des parents.
Compte tenu de ce qui précède, la notion de jeune dans la société
traditionnelle est fonction de
la stratégie familiale et communautaire
pour lesquelles la période juvénile ne prend fin que lorsqu'on est capable
de se prendre en charge : être marié, avoir des enf ants et subvenir aJX
besoins de la maisonnée Autrement dit, dans l'Afrique traditionnelle
"où l'économie moderne n'a pas encore influencé
les rapports entre individus, les structures so-
ciales et la répartition de l'autorité sont essen-
tiellement déterminées par l'ordre d'arrivée des
générations. La puissance, le pouvoir, appartien-
nent aux anciens. On rend un culte aux ancêtres
morts pour bénéficier de leur protection. A l'é-
gard des pères, on doit respect et obéissance. La
crainte imprègne les rapports avec les générations
plus anciennes"
(363).
Il résulte donc de cette conception les faits suivants
1 - l'émancipation du jeune est voulue et conçue dans le cadre
des réalités socio-culturelles.
2 - Elle laisse peu de place à
la contestation dans la mesure
où le jeune ne remet pas en question la société en tant que
telle, mais plutôt oeuvre dans le sens de sa perpétuation
pour anticiper l'acte d'émancipation.
3 - En dernier lieu, on pourrait dire que la jeunesse dans la so-
ciété traditionnelle n'avait pas de problèmes d'intégration
car ses intérêts étaient ceux des membres de la communauté et la
Les conflits
de générations. Bibliothèque de prospective P.U.F
1963 p. 26.

-
335 -
défense de ceux-ci constituait un examen de passage pour se faire accepter.
Situation à laquelle fait référence Malinovski, Margaret Mead lorsqu'ils
suggèrent que
"des sociétés se peuvent concevoir sans crise
d'adolescence; celle-ci dépendant des conditions
dans
lesquelles s'opère le passage d'un âge à l'au-
tre" (364).
Problèmes de la jeunesse dans la société Africaine moderne
Avec
la pénétration coloniale, la société africaine a subit d'énor-
mes
transformations et ceci par le fait de l'économie de marché,
de la
division du travail, de l'apparition des centres urbains et enfin de la
mise
sur
pied
de
nouvelles
organisations
socio-politiques-formation de
groupements politiques "nationaux".
Ces
changements et
1eurs
conséquences sur 1a jeunesse peuvent
brièvement être circonscrits dans ce qui suit :
- inadaptation de la société au nouveau monde capitaliste,
difficulté pour celle-ci à pouvoir encadrer la
jeunesse et ~eci à cause de l'importance numérique
de cette dernière (plus de la moitié de la popu-
lation africaine est formée de jeunes de zéro à
vingt ans),
- limitation du champ social due à l'atomisation de la cellule
de base surtout dans les zones urbaines engendrant ainsi une
certaine. élasticité de l'emprise des parents sur les jeunes,
in
(364) Cité par Bnile C<.?p fermann, Problèmes de la jeunesse Paris François Mas-
péro 1972 p. 12.

-
336
-
substitution de l'Etat moderne à la communauté tribale et cla-
nique pour les affaires éducatives.
Une substitution qui, dans une certaine mesure, n'a
pas réussi l'encadrement effectif des jeunes, ceci
à cause de son caractère abstrait,
bureaucratique
et très éloigné des réalités et préoccupations quo-
tidiennes.
Cette distorsion entre l'Etat moderne et la société résulte du
fait que l'institution étatique loin d'être la résultante d'une
quelconque dynamique interne et propre à la société sui generis a-
fricaine est plutôt une émanation de la colonisation.
Cet Etat moderne a sousestimé toutes les méthodes et moyens édu-
catifs de la société traditionnelle tels
que
les classes d'âge, les grou-
pes initiatiques et la communauté des adultes faisant ainsi de l'éducation
nouvelle un monde à part uniquement fondé sur la formation intellectuelle
au sens restreint du terme. Par ailleurs, il faut noter que son cadre de
formation (école) n'est pas adéquat car il ne touche que 30 à 40% de jeunes.
Les autres sont des laissés pour compte qui peuplent les campagncssans sou-
tien logistique pour leur intégration socio-économique. Aussi deviennent-ils
des candidats potentiels à la déviance ~xial$ dans les zones urbaines (365).
Hormis cette difficulté, l'enseignement dispensé est dénué de tout fondement
culturel africain et
fait souvent appel aux valeurs exogènes qui ne cor-
(365) - Cette déviance n'est pas seulement l'Lipanage
des jeunes non scolari-
sés. Elle touche aussi ceux qui ont fréquenté les écoles et qui ont
vu un jour leurs études interrompues contre leur volonté.

- 337 -
respondent pas aux vécus des jeunes. Résultat: les attitudes et comporte-
ments sont calqués sur des modèles occidentaux avec tout ce que cela compor-
te d'aliénant culturellement, politiquement et économiquement.
Culturellement, l'on assiste à une imitation excessive qui à la
limite, frise la "singerie" et ceci avec la bénédiction de l'E-
tat et de ses institutions éducatives. Situation déplorée par
Abraham Moles dans ces termes-ci :
"Quant la culture cesse d'appartenir au monde mou-
vant des rapports sociaux pour se laisser enfermer
dans un musée, c'est qu'elle a rendu l'âme" (366).
- Politiquement, c'est le renfocerment et la justifi-
cation des pratiques éducatives
étrangères qUi ne
concernent qu'une minorité de jeunes dont la fonc-
tion essentielle est de perpétuer la culture idéa-
le de l'élite occidentalisée au pouvoir (367).
- Economiquement, une large place est offerte à la
consommation au
détriment de la production favorisant
ainsi une société de
consommation dont les mérites
sont vantés à travers une publicité agressive et
immorale qui s'appuie sur la vitalité d'une jeunes-
se désemparée.
(366)
Cité par ABDOU Touré dans la civilisation quotidienne en Côte
d'Ivoire Paris Karthala1981 p. 46
(367) - ABDOU Touré nous situe mieux sur la nature de cette justification
lorsqu'il dit que "le discours de la culture idéale est un discours
dominant, la convergence de la culture idéale et de la culture réelle,
l'intronisation-légitimation de la culture idéale d'un groupe social,
achève de dévoiler la réalité de la domination et tue dans l'oeuf le
projet démocratique" (Réf Civilisation quotidienne en Côte d'Ivoire
ibid p. 50).

- 338 -
En
somme,
on
pourrait
dire
que
la société moderne africaine
a failli à son rôle historique qui est celui du progrès et de l'harmonie
pour "digérer" une société compartimentée qui
rend précaire l'existence
de la jeunesse; car là où "l 'éducation (moderne) est installée de fraîche
date et copi ée sur des modèles étrangers, de graves déconvenues appara i-
sent" (368).
Elles ont pour noms,
déperdition scolaire, division de la
jeunesse, montée de la délinquance juvénile, et dégoût pour le travail
manuel au prof it du travail bureaucrat i que (commi s de bureau).
b -
ENCADREMENT DE LA JEUNE SSE EN GUINEE
En réponse à ces innombrables problèmes posés par l'inadapta-
tion de la jeunesse, les autorités guinéennes ont conçu et mis en place de
nouvelles
structures
d'encadrement
afin
dlinclure
la jeunesse dans
le
processus du changement et si
possible en faire
le fer de lance de la
"r évolution socialiste. dloù la place de choix qui
lui est faite dans
les
affaires du
pays.
Cete ambition des autorités de tirer le maximum
de
profit de la disposition et surtout de la vitalité de la jeunesse.
ne
peut
se
concevoir
qu'avec
un
minimum d'organisation c'est-à-dire,
une ligne de conduite tracée dans le cadre des idéaux du Parti (P.D.G.)
afin d'éviter dl éventuels débordements tout comme le sectarisme du mouvement
naissant. Pour ce faire.
la solution préconisée est de créer un mouvement
(36$ )
. Edgar FAURE Apprendre à être ibid p. 20.

· - 339 -
de jeunesse qui serait une section du Parti (369). La compréhension de cet-
te inféodation (réussie ou pas) passe nécessairement par les analyses sui-
vantes :
- genèse du mouvement
- son organisation structurelle
- sa participation politique
- sa contribution économique
- ses activités sportives et culturelles
- et la milice populaire.
c -
Genèse du Mouvement
L1histoire de la jeunesse du Rassemblement Démocratique Africain
de
Guinée(ü.R.D.A) se confond avec celle du Parti bien que celui-ci avec
ses organisations syndicales ait été à l ·origine de la lutte anti-coloniale,
sa sphère d1influence semblait se limiter aux zones urbaines et touchait
moins celles des villages et autres milieux ruraux.
POur rémédier à cet
état de fait et aussi élargir sa base sociale, le Parti décide alors de
tendre la main aux jeunes et aux femmes:
les premiers de par leur perméabilité aux idées nou-
velles et aussi à cause de leurs situations sociales
hypothéquées par la société coloniale, ont un énorme
besoin de s'affranchir.
(369) - La premlere section de la jeunesse du RDA de Guinée a vu le jour en
Juillet 1954 et le 1er Bureau élu était le suivant
Président : Keita Famoridian
Vice Président : Cissé Moussa
Secrétaire Général : Keita Karamoko
Secrétaire Adjoint Touré Sékou
Trésorier Général : Sako Siaka
Trésorier Adjoint : Cissé Sékou
Contrôleur
Camara Ibrahima
Commissaire : Dioubaté Mory
Assesseurs : Sano Mory
(Réf "Liberté" 18 Août 1954 p. 4).

-
340 -
Les secondes, victimes de certaines valeurs traditionnelles qui
font d'elles des marginales de la société, n'éprouvent pas moins
le même besoin de prouver aux hommes qu'elles sont leurs égales.
Ces deux composantes de par leurs caractéristiques sont tout à
fait indiquées pour entretenir la dynamique interne du Parti (370). Ceci
ressort bien dans le rapport politique et d'orientation présenté par le bu-
reau Politique du P.D.G. au cours du premier congrès national de la jeunes-
se du Rassemblement Démocratique Africain (J R. D. A.) réuni à Conakry les
26, 27, 28 et 29 Mars
lY59 :
Ul es colonialistes et leurs valets ignorant ce
qu'allait représenter comme force montante un
Parti appuyé sur les femmes et les jeunes, ironi-
saient en traitant le P.D.G. de Mouvement de "8i-
lakoros u. Ils ne se rendaient pas compte de leur
grossière erreur, car dans la société africaine,
les couches les plus dynamiques sont précisément
les femmes à cause de la double exploitation dont
elles sont les victimes et les jeunes dont les
aspirations et le tempérament sont en contradic-
tion plus violente avec la caractère oppressif et
humiliant du système colonial. C'est donc en mo-
bilisant les femmes et les jeunes que le Parti
Démocratique de Guinée s'est enraciné dans les
masses u . (371).
(370) - D'après Maurice Crouzet: upartout le reglme s'appuie sur un parti
unique qui encadre la nation dont il est l'élite, il se compose de
di vers groupements disciplinés soumis à l' autori té absolue u.
(Réf
Histoire Générale des civilisations Tome VII l'époque contemporaine
à la recherche d'une civilisation nouvelle Paris P.U.F.
1967, p. 193).
(371)
le uLiberté U organe du P.D.G. - RDA de Guinée n" 151, Vendredi
10 Avril 1959 p. 1.

- 341
-
Les élements novateurs ainsi trouvés, devenaient rapidement des
institutions sur lesquelles pouvait s'appuyer le Parti dans ses luttes ulté-
rieures.
Eu égard au constat ci-dessus nous pouvons déduire que
1 - la jeunesse du R.D.A. n'est pas le fruit d'une
spontanéité politique mais plutôt une création du
Parti.
2 - Elle n'est pas un Parti différent et indépen-
dant mais une organisation annexe du P.D.G.
3 - Sa fonction fondamentale est de servir de cour-
roie de transmission entre le Parti et les popula-
tions.
4 - Sa création a non seulement
permis l'élargissement
de la base sociale, mais elle a surtout contribué
à raffermir l'emprise politique du Parti sur les
mili tants.
Enfin, on pourrait ajouter que la J R.D.A.
est un élément de coor-
dination et de régulation entre les différentes cellules et sections na~
tionales.
Ces différentes tâches assignées à la J R.D.A. peuvent par ailleurs
être considérées comme la cause de l'unicité du mouvement et ceci en dépit
des arguments suivants de Sékou Touré:
"Quels que fussent les liens de fraternité et
d'amitié liant les jeunes, l'identité de leur
éducation et de leur première ascencion sociale,
selon qu'ils étaient musulmans, catholiques ou
fétichistes, foula, malinké ou guerzé, ils étai-
ent tenus de militer dans des associations

- 342 -
différentes. De plus, les divisions à caractère
ethnique et religieux se compliquaient d'un cli-
vage entre jeunes des deux sexes. Nos jeunes main-
tenus dans l'insouciance et l'instabilité,
subis-
saient les tristes effets des luttes de clans et
des oppositions de races animées par les colonia-
listes. Les rapports de camaraderie se détério-
raient rapidement à travers les conditions violen-
tes qu'engendraient les tendances individualistes)
l'orgueil et la fatuité qui étaient les caractéris-
tiques principales des innombrables petites asso-
ciations de jeunesse qui se créaient et se dissol-
vaient au gré de quelques mesures de jeu, unique-
ment préoccupés de soigner une renommé éphémère
et dérisoire ... La jeunesse guinéenne était deve-
nue paradoxalement un élément de division et de
regression qui portait indirectement atteinte à
l'unité populaire et à la mobilisation politique
de la nation".
(372).
Ces arguments bien que préventifs suffisent-ils à taire les vani-
tés personnelles des futurs jeunes leaders? Pourtant celui-ci même qui les
avance sien donne à coeur joie dans ses actions politiques et ceci ressort
bien dans la lettre de mise en garde de la section du P.O.G. de Mamou:
"il saute aux yeux que le culte de la personne
nuit considérablement à la vitalité du Parti et
bouche les perspectives de celui qui en est l'ob-
jet. En effet, le camarade Sékou Touré, pris de
vertige, semble se complaire dans cette adula-
tion, sacrifiant ainsi l'avenir du Mouvement à
(372) .
Tome 8 pp; 27-28-29 cité par Claude Rivière dans mutations so-
ciales en Guinée Paris Marcel Rivière et Cie 1971 p 169.

-
343 -
l'édification
de
sa
gloire
personnelle.
Nous
en
voulons
pour
preuves
que
ses
louanges enre-
gistrées
sur
magnétophone
chantées
à
longueur
de
temps
dans son salon où défile un
fleuve
de
visiteurs.
On
en
arrive
à
se
demander
devant
cette
dangereuse
griserie
si
l'ascension
d'un
autre militant si valeureux soit-tl
• ne rencon-
trerait d'obstacle sérieux" (373).
En rapport
avec ce qui précède, l'unicité
du
Mouvement
n'a
d'autre objectif que le maintien de la discipline et du dévouement à l'en-
droit du Parti. Données qui sont favorisées par l a structuration de 11 orga-
nisation.
d -
Organisation structurelle
Crée le 26 Mars 1959 à Conakry au terme d'une année d'indépendance
par le P.O.G.,
le Mouvement de la J.R.D.A. fut "aussitôt assuré d'être
l'émanation directe du peuple de Guinée". Ceci
à cause de son caractère
de rassembleur de la jeunesse. En effet, tout jeune âgé de sept à vingt
ans est considéré comme membre d'office de l'Organisation et par conséquent
est tenu de
"militer" dans les rangs de la J.R.D.A.
SJn organisation est
la suivante:
- Au niveau de chaque Comité de base (adultes)
existe
un
comité
de
jeunes
avec
à
sa
tête
un
bureau de treize membres dont au moins cinq filles;
un
garçon et une fille de ce bureau représentent
(373) .
Lettre du Bureau Directeur de la Sous-Section de Mamou du PDG au
Comité Directeur du PDG - RDA à Conakry. 1er Aoùt 1955 p. 4 Ar-
chives du CRDA. 93 Rue Lafauyette Paris 10è.

- 344 -
auprès
du
Comité
localdelaJ.R.D.A.
Il est
par
ailleurs
utile
de
noter que
les
treize membres
sus' mentionnés
ne
siègent
pas
au
sommet
à
la
suite
d'élection
libre
mais
sont
en
réalité
cooptés
dl une
façon
subtile par les
dirigeants
locaux du Parti.
Cette
première
phase
d'organisation
ne
s'est
pas faite
sans
difficulté. car il est plus facile d'intégrer des associations déjà existan-
tes que de les préparer pour une nouvelle vision des réalités. d'autant
plus
qu'elles
sont tributaires de
passé socio-culturel
et de fondement
ethno-centrique. Face à ces difficultés. le Parti mit en place des gardes
fous
qui
consistaient
à empêcher
l'adhésion de
toute
personne âgée de
plus de vingt ans et d'anciens animateurs des autres partis.
Ces précautions avaient aussi pour objectifs
d'éviter l'apparition
au sein du Mouvement d'une seconde conscience suscep-
ble d'aliéner et surtout de détourner la jeunesse de sa vocation d'aile
marchante de la Révolution et non une quelconque
"conscie'1ce inquisitoire de jeunes qui (doublerait)
l'administration
dans
le
rôle
qui
lui
revient
de juge de l'activité des citoyens" (374).
L'organisation a été en fait créée pour rendre efficace l'emprise
du Parti sur la population et il est impensable que celui-ci laisse entre-
voir une possibilité de dédoublement.
Ceci étant. durant les trois premières années de son existance.
mal gré l es bons résultats dans l es travaux d'ordre ci vi que. le mouvement
commence à donner des signes de détresse provoquées par
(374 )
Claude Rivière Mutations sociales en Guinée ibid p. 170

- 345 -
- l'incapacité
de
certains
jeunes
dirigeants
locaux à assurer la discipline
;
des
conflits
d'autorité
qui
en
réalité
cachant
un
conflit
de
génération entre d'une
part
les
jeunes
élèves
et
les
encadreurs
politiques
du
Mouvement,
d'autre
part
entre
les
jeunes
et
les
responsables
techniques
de
l'animation
des
activités
socio-cul turel-
les.
Constatant ces antinomies le Parti dut revoir sa stratégie d'enca-
drement
- Réfonne au niveau de la composition du Comité National de la
J.R.D.A., organe de conception et de décision.
- Restructuration des organes dirigeants avec la création d'une
nouvelle
institution
ministérielle
en
l'occurrence le Haut Commissariat
à la Jeunesse et la Culture.
La fonction de cette dernière est de renforcer l'encadrement des jeunes
par
la formation
polyvalente
professionnelle,
civique,
politique et
militaire. Bien que cette reconsidération de la stratégie soit venue en
son temps, cela n'a pas empêché l 'apparition de nouveaux conflits de compé-
tence : entre le Parti et l 'Administration d'une part, le Bureau Politique
National et le Haut Commissariat d'autre part.
Dans l'ensemble, l'organisation se compose de comités de quartier
et de village, dirigés chacun par un bureau de dix membres. La coordination

- 346 -
des activités politiques de ces comités est faite par un comité de section
de di x membres,
ceux-c i à leur tour rC'ndënL COIII[jte élU mnité réeion1. Le
Conseil National de la J.R.O.A. qui est l'organe suprême comprend quatre
délégués par comité régional et se réunit une fois par an.
~n congrès
national siège tous les deux ans. Il faut souligner que le Conseil National,
comme
le congrès sont pl acés sous
11 autorité· du ~x;rf'ta:ire d'Etflt à la jew1f.5se et
à la culture, relevant du Bureau Politique National du P.O.G.
Les
deux
grandes
sections qui
composent
la J.R.O.A.
sont
la Section Générale qui englobe six départements spécialisés:
1 - Département de la Jeunesse Féminine,
2 - Département de l'action féminine,
3 - Département Art et Culture,
4 - Département scolaire et universitaire,
5 - Département des pionniers,
6 - Département de la milice populaire.
Quant à la Section sportive, elle regroupe les différentes fédé-
rations qui y sont affiliées: celles du football, basket-ball, volley-ball,
boxe, judo, athlétisme, pingpong, etc ... Ces différentes
f édérat ions
sportives et départements spécialisés disposent de structures internes
ayant pour tâche l'organisation des programmes et activités
éducatives
de leurs cadres. C'est en fonction de ces programmes que se situent la
participation
politique,
la contribution
économique
et
les
activités
socio-culturelles.
e - Participation Politique
Si l 'on considère le conceptpolitique dans toute son intégralité,
à savoir celui de participation à la vie de la cité, les jeunes présentent

- 347 -
une situation
particulière.
Dans
la
période traditionnelle,
les jeunes
étaient à la disposition de la société et pouvaient être mis à contribu-
tion par cette dernière à tout moment pour différents services publics.
Dans la Guinée indépendante,
le projecteur est braqué sur les héritiers
qui vivent dans le présent, illusoire pourvoyeur de richesses sans valeurs,
plutôt que sur le peuple, et balaie d'un coup toutes les prétentions révo-
lutionnaires
d'une
certaine
bourgeoisie
ou
élite
guinéenne.
Autrement
dit, les données se sont renversées en faveur des jeunes car ceux-ci condi-
tionnés par le soutien d'un parti unique qui dispose de tous les "leviers
de commande"
sont
les
premiers
à prendre
des
intiatives et à soutenir
l'effort "d'animation révolutionnaire".
Cette confiance reçue très tôt est en retour payée par un loyalisme
aveugle (travail de sape et de mise au pas des adultes indécis et douteux
quant
à la démarche politique)
à l'endroit de son éducateur,
le P.D.G.
Donc,
militer dans
les multiples
comités de base signifie la diffusion
des mots d'ordre et de leur exécution, la dénonciation et la séquestration
de tous ceux qui ont un mode de penser autre que celui du Parti. Cet engoue-
ment par anleurs, se traduit par des condamnations verbales de l'impérialis-
me (375), des organisationssous-régionales considérées comme néo-colonia-
listes.
Des motions
de
soutien et
autres
prises
de positions dans les
festivals
et
colloques
internatioanux
généralement,
vont
dans
le même
sens que ceux du Parti.
(375) - L'impérialisme en question a pourtant sa main mise sur les richesses
du pays a-t-on déjà vu dans les pages précédentes 24-33.

-
348 -
Une telle participation, à y voir de près, tue progressivement
la liberté de penser et de conception de la jeunesse, la privant ainsi
de la dimension importante dans la formation de sa personnalité sociale
et
culturelle. Ainsi,
représente-t-elle
un
danger pour des millions de
jeunes
guinéens
qui
après
un
pareil
endoctrinement
prendraient
le nom
de révolutionnaires Cela naturellement pourrait porter un grand préjudice
à la cause de la révolution que l'on prétendait défendre ainsi.
f
- Contribution économique
La contribution économique de
la jeunesse guinéenne est faite
sur la base de la mystique du développement et c'est à travers elle qu10n
a cherché à mobiliser les jeunes:
c'est une véritable mystique du travail que
nous
voulons
créer
dans
tous
les
secteurs
de la Nation,
en particulier chez les jeunes
qui seront les animateurs les plus dynamiques
de nos chantiers nationaux ll (376).
Or, il se trouve qu 1une te 11 e méthode a une portée l imitée dans
la mesure où elle n'arrive guère à déclencher de grands élans d'enthousiasme
nécessaires
aux
grandes
oeuvres.
Le
problème du développement
pour
un
pays sous-développé ne doit pas seulement être un problème de jeunes encore
moins une affaire IId ' hystérie collective ll (377). Il est et surtout
(376)
: Rapport du B.P.N. in IIliberté ll n° 151 ibid p. 2.
(377) - Pour C. Rivière la plupart des pays savent que le profit matériel
qu'une nation peut tirer d'énergies juvéniles n'est souvent pas très
grand. Un parti clairvoyant aurait pu faire l'économie d'un triple
échec (Réf. Mutations sociales en Guinée ibid p. 183).

-
349 -
"synonyme de changement multiforme, qui s'opère,
par exemple, à
travers la transformation des
idées, des techniqu~ et des facteurs, structu-
res et rapports culturels ( ... ). Le développe-
ment signifie la mise en oeuvre d'un ensemble
cohérent de mesures qui se renforcent récipro-
quement et qui visent l'amélioration des condi-
tions économiques
et
sociales
de
la
société
et de l'individu et, en particulier, des masses
défavorisées" (378) .
Pour ce développement, il est difficile de mobiliser la jeunesse
dans son ensemble et d1une manière effective si l'idéologie du développement
reste,
pour
la masse des adultes et des femmes,
un simple volontarisme
et en tant que tel impuissant. Autrement dit, la conviction est essentielle
dans la mobilisation des jeunes, mais ces derniers ne semblent toujours
pas prêts à partager les orientations, les buts et les moyens.
Les différentes tentatives faites dans le sens de l'organisation
des travaux product if s et coll ect if s ont échoué à CélL.lSe de lô l égèrete concep-
tuelle de la participation des jeunes à l'effort de développement.
POur
rappel,
notons que dans
le
sillage de l'euphorie de l 1indépendance,
la
contribution économique de la jeunesse fut organisée à travers les "inves-
tissements humains". Cette expérience ne tarda pas à montrer son inefficaci-
té et fut remplacée par l'introduction du travail productif dans le système
scolaire. L10bjectif fondamental de celui-ci est d'augmenter la production
(378 )
BITRap~ort III sur Education pour le développement Génève 1ère
Edition 1977 p. 7.

-
350 -
nationale
agricole
tout en
allègeant
les charges du budget de l'Etat.
Pour réaliser cet objectif,
il est conseillé aux écoles de cultiver ou
fabriquer des produits d'usage local ou IId 1 exploitation garantie ll •
Cette
production
doit
être
obtenue
par
des
moyens
modernes
qui font un large appel
à la mécanisation et aux techniques de pointe
dans le domaine de llagriculture. Or, llEtat pourvoyeur de biens matériels
et financiers
n1est
pas en mseure de répondre aux sollicitations pré-
citées
; compte
tenu
de
la
"lassitude
des
responsables
politiques
qui
n'ont
ni
le
courage,
ni l'imagination,
ni
la
compétence
pour
organiser
des
plans
d'aménagement
agricole
ou d'infrastructure"
Résultat: c'est encore l'échec du travail
productif à l'école
avec tout ce que cela suppose comme érosion dans la conduite des jeunes
par rapport à la réalisation de la nation.
Les
conc lus ions
déj à exprimées
dans
le chapitre éducat i on et
travail
productif,
ressortent de ces tentatives:
ambitions irréalistes
pour une jeunesse désemparée, insuffisance de moyens techniques et technolo-
giques,
spoliation des
maigres
bénéfices
par
les
responsables, analyse
II su bjective sur les échecs, persistance dans les erreurs par II pure complai-
sance à l'endroit d'une pol itique incorrunodc. et pernicieuse.
(379 )
Claude Rivière, Mutations Sociales en Guinée ibid p.
186.

- 351
-
Crisée
par
le fait
d'avoir
reçu
très
tôt
le
"titre glorieux"
d'aile marchante
de
la
"Révolution",
la jeunesse
préfère renforcer son
image
d'adulte
que
de
parfaire
ses
compétences
professionnelles.
Elle
exige du pouvoir en place plus que ce qu'il ne peut donner, tant il est
vrai que dans un tel système, la création par l'Etat de structures scolaires
présente moins de difficultés et moins "onéreuse" que celle d'entreprises
productives.
En outre,
il
arrive un moment où, sorti de l'école, le jeune
devient candidat potentiel à l'emploi sur un marché restreint dont l'évolu-
tion est en deçà de celle de la scolarisation.
Pour le jeune diplômé,
il n'y a plus comme issue, par conséquent, que le chômage, et le déclassement
professionnel ou l'exil. Ainsi, il se trouve confronté aux dures réalités
sociales qu'il cherche à occulter par son militantisme démagogique teinté
de
l'enthousiasme
révolutionnaire
de
la
période
scolaire.
Cet
état de
jeune ennivré par la mobil isation quotidienne est entretenu par le P.O.G
afin de faire reculer l'échéance des véritables
interrogations sur:
la
destinée du pays.
Au vu
de ce constat, nous pensons que la voc at i on économi que
de la J.R.O.A. est loin d'avoir été atteinte malgré l'affirmation de Kanvaly
Fadiga :
"Mais à l'opposition de cette jeunesse ivoirienne,
abandonnée
à
elle-même
dans
l'indifférence
ou plus exactement dans l'endoctrinement politi-
que
passif,
se
trouve une autre
jeunesse,
plus
active
et
participante
au
sein
de
systèmes
politiques
intégrationistes.
Citons
seulement
pour exemple, la jeunesse guinéenne...
(380).
(380) .
Du statut de la jeunesse dans les sociétés Annales université Abi-
djan serie F (Ethno-Sociologie), Tome X 1982 p.
138.

~ 352 -
g -
Les activités sportives et culturelles
Conçues
dans
le
but
de
déve l opper
le
phys i que
et
le mental,
les activités sportives et culturelles ne demeurent pas moins un instrument
politique
pour renforcer
l'audience
nationale
du
Parti.
En fait, cette
stratégie est
ancienne
si
l'on
se réfère à deux pays
: l'Allemagne et
l'Italie d'avant-guerre.
Dans l'Allemagne et dans l'Italie de Mussoloni,
le sport servait d'alibi aux exhibitions de la force juvénile à des foins
de pression idéologique.
Dans d'autres circonstances, il peut servir de pression
diplomatique
pour
une
reconnaissance
nécessaire
le cas
de
la R.D.A.
(République Démocratique Allemande).
En guinée,
sa
pratique
remonte
à
1961

il ne touchait que 4% de la jeunesse (381).Pré-
sentement
"il
constitue
( ... )
le
loisir
le
plus
populaire.
Sans
aucun
doute,
c'est
parmi les salariés qu'il a commencé d'exercer
son
plus
grand
attrait,
mais
en
raison
de
son organisation comme
activité
sociale sous
les auspices du P.O.G., il intéresse maintenant
l'ensemble de la population" (382).
Pendant la période coloniale, très peu d'attention était accordée
au sport sauf le foot-ball qui se pratiquait sur une échelle réduite.
En fait, ce sport concernait surtout les fonctionnaires du cadre
colonial de toutes nationalités (GUinéens,
Sénégalais, Dahoméens, Martini-
(381) -Pourcentage donné au cours du llè Congrès National de la J. R. O. A., du
14 au 16 Septembre 1961.
<382 )
Claude Rivière ibid p. 188

-
353
-
quais ... ) qui ont fait les beaux jours des clubs les plus popu-
laires du territoire. En Basse-Guinnée,
ils ont pour noms:
le
R.C.C.
(Racing Club de Conakry),
la S.S.G.
(Société Sportive
de Guinée),
la J.A.
(Jeanne d'Arc groupement catholique),
le
club des Cheminots et la Renaissance de Kindia. En Haute-Guinée,
ils sont au nombre de six: R.C.K.
(Racing Club de Kankan),
FRA G.
(Fraternité Guinéenne - l'équipe des ressortissants de la basse-
Guinée). Espoir de Kankan,
la J.A.
(l'équipe des élèves et tra-
vailleurs de l'Ecole de la Mission Catholique de Kankan), palmier
(Groupement des Forestiers résidant à Kankan) et l'Africa Sport
de Kankan.
Ces différents clubs reflètent la politique coloniale
basée sur la division et l'accentuation des différences socio-
culturelles. Constatant ce danger,
le Gouvernement de Sékou Touré
ne peut que réorganiser le sport pour le soustraire de l'influence
tribale et lui donner une nouvelle dimension allant dans le sens
du renouveau culturel. C'est ainsi que
de nouvelles structures
furent mises en place afin de rendre le sport populaire et surtout
permettre au Parti de canaliser l'énergie potentielle de la jeunesse.
Del 9 6 2 à 1 9 64,
i l en reg i st rad e t r è s gr and s succès auprès des
jeunes et sa pratique ne se limita pas au seul foot-baIl, mais
toucha toutes les disciplines sportives.
Cet engouement pour le sport de masse vit sa fin en 1965,
année de désillusion et de désenchantement révolutionnaire pour
ne ressurgir qu'en 1970 à travers le foot-baIl,
qui du reste
servit à briser l'isolement politique de la Guinée mais aussi
à aggraver des conflits déjà existants. Le fameux match HAFIA
de Conakry et l'ASEC d'ab id jan (1977) en témoigne

- 354 -
à plus d'un titre car celui-ci fut considéré par Sékou Touré comme 1I1 1 is1am
contre le fétichisme".
Vue
sous
cet
ang1 e,
lion
serait tenté de mi nimi ser 1a vertue
première du
sport qui
est celle de rassembler et de cimenter 11 esprit
de fraternité entre l es jeunes pour ne retenir que sa fonction pol itique
utilisée au gré de 11 évolution et la stagnation de la société.
Quant aux activités artistiques et cul tllre-ll es
, elles ont aussi
suivi larrâœ
voie,
celle de renouveau culturel. seulement, elles dispo-
saient d'une assise confortable léguée par Keïta
Fodéba
dont
la
troupe
(les
Ballets Africains)
avait
déjà acquis
la
notoriété
internationale.
Clest sur ce fond culturel que furent créées sur 11 ensemb1e du territoire
des
troupes
théâtrales
qui
ont
pour mission de redynamiser
la culture
africaine
et
lui
donner
un
IIcaractère
universeP.
Entreprise facilitée
par le changement socio-politique. L'état social imprime donc son mouvement
à
l'état
artistique
organisation
des
compétitions
artistiques
entre
les
quartiers
d'une même ville ou des villages d'une même région,
puis
ensuite au niveau de l'ensemble des fédérations. Les épreuves de ces compé-
titions
comportent
le ballet,
le chant choral,
la prestation d'ensemble
instrumentale ...
Les
thèmes
ont trait à l'histoire et ceci dans un but
d'exaltation et dc"rêhabilitaticn des resistants ou des souverains d'autrefois.
Par ailleurs,
ils ne s'inspirent pas moins des faits divers entrant dans
les préoccupations politiques du parti pour la consolidation de l'indépen-
dance: émancipation feminine,lutte contre l'analphabétisme, l'exode rural,
la rationalisation du travail et la bataille pour l'auto-suffisance alimen-

- 355 -
taire ...
En fonction de ce critère, est- il
possible d'atteindre les ob-
jectifs précités à savoir la redynamisation de la culture et l'universalité
culturelle? Question de grande
importance,
si
l'on se réfère au rôle
d'éducation civique et sociale du théâtre, et surtout de par le fait que
les dramaturges africains, guinéens de surcroît se sont limités à la recons-
titution du passé, à l'hexumation des valeurs d'antan sans une véritable
confrontation du présent avec le passé.
Est-ce
cela
la
redynamisation
culturelle
?
Nous
pensons
que
celle-ci doit aller au delà des simples essais tentés exclusivement dans
un but de propagande et, dépasser le savoir archéologique et l'histoire
événementielle (383) pour
"penser le passé de façon dynamique, en essayant
d'éveiller la conscience critique du spectateur
devant
le
comportement
de
l'ordre
politique
et en proposant une alternative de compréhension"
(384) .
Et comme le souligne Franz Fanon:
"Il ne faut donc pas se contenter de plonger dans
le passé du peuple pour y trouver des éléments de
cohérence vis-à-vis des entreprises falsifica-
( 383) - Car
"toutes les preuves qui pourraient être damées de l'existence d' lUle prodi-
gieuse civilisation songhaî ne change pas le fait que les songhaî sont sous-aliJœn-
tés, analphaœtes jetés entre ciel et eau, la tête vide et les yeux vides" (Réf.
Franz Fanon "les darmés de la teITe patis François Maspéro 1961 p. 157).
Par ailleurs, l'histoire ne s'apprend pas simplement pour savoir ce que
fut le
"
passe, elle s'apprend surtout à cause de l'enseignement qu'elle
donné sur la conduite que l'on devra tenir dans l'avenir afin d'assurer
léxistence présente.
(384)
Fernando P~to, l'histoire au secours du théâtre brésilien, in travail
théâtral, n" 32-33, 1979, p. 52.

-
356
trices
et
péjoratives
du
colonialisme.
Il faut travailler, lutter à la même cadence
que
le
peuple
afin
de
préciser
l'avenir,
préparer
le
terrain

déjà
se
dressent
des pousses vigoureuses. La culture nationa-
le
n'est
point
le folklore où un populisme
abstrait a cru découvrir la vérité du peuple.
Elle
n'est
pas
cette
masse
sédimentée
de
gestes' purs,
c'est-à-dire
de moins en .moins
rattachables à la réalité présente du peuple.
La
culture
nationale
est
l'ensemble
des
efforts
faits
par
un
peuple
sur
le
plan
de
la
pensée
pour
décrire,
justifier
et
chanter
l'action
à
travers
laquelle
le
peuple
s'est
constitué et
s'est
maintenu".
(385)
C'est dans cette voie que le théâtre africain trouvera son salut
et pourrait apporter sa contribution à la promotion d'un nouvel humanisme.
h - La milice populaire et sa fonction publique.
La création de la milice remonte à 1956-1957 au moment où l'étoile
du R.D.A. de Guinée était montée au firmament politique (contrôle quasi-
effectif
des
institutions
politiques et administratives locales). A ses
débuts, elle n'était qu'un simple service d'ordre musclé dénommé la police
du R.D.A.
C'est
seulement
à
la
suite
d'évènement
politiques que cette
police est devenue la milice populaire. Evènements qui sont:
(385 )
"Les damnés de la terre" ibid p. 174.

- 357 -
"le
complot
des
commerçants"
-
Octobre
1965
(qui
réclament
le
retour
au
libéralisme,
sous
la
direction
de
Mamadou
Touré
dit
"Pe-
tit Touré" et de l'ancien ministre à la jeunes-
se
Tounkara
Jean
Faragué,
qui
tentent
de
créer
un
parti
d' opposi tion
comme
la
cons-
titution l'autorise).
- Le coup d'état militaire du Ghana qui renversa Kwamé N'Krumah
le 24 Février 1966 et celui du Mali contre Modibo Keïta le 19
Novembre 1968, provoquèrent chez Sékou Touré une haine sinon
une certaine méfiance à l'égard des militaires d'où le premier
discours (27 Mars 1966) sur les tâches et devoirs de l'armée.
- L'exemple chinois des Gardes rouges, "suivi attentivement de-
puis Aoùt 1966, par quelques membres influents du P.O.G.".
- Le complot des "officiers félons" et des "po-
liticiens
véreux
(Février
1969)
réaction
contre
la
reprise
en
main
de
l'armée
par
le
Parti
il
y
aura
de
nombreuses arresta-
tions et 13 condamnations à mort, parmi lesquel-
les celles de Kaman Diaby,
chef d'Etat Major,
Keita
Fodeba,
ancien
ministre
de
la
défense
et
de
l'intérieur
et
Barry
Diawadou,
ancien
ministre
de
l'Education
Nationale,
ancien
député
à
l'Assemblée
Nationale
française,
Fofana
KariD\\
secrétaire
d'Etat
aux
Travaux
Publics.

-
358 -
En
rapport
avec
ce
qui
précède;
on
pourrait
déduire
que
la
création comme l'organisation de la milice est une nécessité impérieuse
pour
le P.O.G.
afin
d'avoir
"un relais
organique entre l'armée et le
peuple,
qui
lui
soit
inconditionnellement
fidèle
(386).
En
d'autres
termes,
il
s'agit de contre pouvoir face à une armée humiliée, ballotée
entre
le devoir
sacré de
veiller à l'inviolabilité des frontières na-
tionales et les tâches sociales de la révolution faisant d'elle une armée
"populaire".
Alors,
les
miliciens
sont
tous
choisis
"parmi"
les
cadres
d' éli te
de
la J. R. D. A.
Ayant
donné
la
preuve
de
leur attachement
au Parti".
(387)
Attachement qui en réalité signifie pour les jeunes d'une part
une manière de franchir
l'obstacle du recrutement, d'autre part, il est
une porte d'entrée dans le circuit d'autorité, duquel ils se trouvaient
jusqu'àlors
exclus
par
leurs
conditions.
Contrairement
à l'armée
qui
repose sur une base sociale urbaine constituée d'individus ayant en général
reçu une formation scolaire, la base sociale de la milice est la paysanne-
rie souvent analphabète à laquelle s'adjoint un sousproletariat des zenes urbaines (388).
Une fois la situation "améliorée" tout se passe comme si les jeunes recrues
voudraient effacer d'un trait leur passé de déclassé au profit des honneurs
que
leur confère
le
nouveau statut mil itaire.
A-insi,
devenait-il
une
pratique courante, de s'introduire inopunément dans les domiciles privés
(386) - La milice du P.D.
C.I.
(Parti Démogratique de Côte d'Ivoire) fut elle
aussi créée à la suite d'évènement exceptionnel:
le "complot d'Août
1963".
(387)
Ismaël Touré in R.D.A n° 8, Août 1966, p.
130.
(388) En Côte d'Ivoire, en plus de sa base sociale, la milice est aussi éthno-
centrique car essentiellement recrutée dans l'éthnie du Président, l'éth-
nie Baoulé.

- 359 -
pour extraire
les
locataires sommés
de se rendre
soit à des réunions
du
Parti,
soit
pour réserver
un
"accueil
m"ilitant"
aux
personnalités
politiques de passage dans les localités considérées (389). De tels compor-
tements feraient bien penser aux tontons macoutes de Haïti qui se sont
distingués dans les basses oeuvres commanditées par les Duvalier.
En résumé, la milice du P.D.G. est une organisation paramilitaire
ayant pour fonction fondamentale la doublure et la limitation des pouvoirs
des organismes institutionnels de sécurité. Statut qui fait d'elle entre
autresla garde prétorienne du régime dont rien n'assure qu'elle en remplis-
se toujours les devoirs le moment venu, car lors de l'agression portugaise
en Novembre 1970,
son
ardeur patriotique
a été mise à rude épreuve,
tant sa molesse face à l'ennemi a pu friser la démission. Le régime dut
son salut à l'intervention conjuguée des cubains
(alors encadreurs de
la même milice)
et
les guerilleros
de
la Guinée Bissau. Attitude qui
n', échappe tout de même pas au "boyscoutisme" malgré ce que Claude Ri-
vière semble y percevoir de positif :
"l'observateur, même s'il tempère ses as-
sertion, doit reconnaître qu'en GUinée l'i-
nitiation militaire apprend, au moins à
quelques miliciens, l'ordre et la discipli-
ne, leur inculque un esprit patriotique"
(390).
(389)
N' est-elle pas intervenue pour mater la grève des
lycéens en 1961 ?
(390)
Mutations sociales en Guinée ibid.
P.
183

- 360 -
B -
L'organisation des femmes
La question de l'émancipation de la femme, est souvent d'usage
dans les milieux politiques africains mais elle n'est devenue une "constante
qu'à partir des années 60 c'est-à-dire depuis la période des indépendances.
Cette
considération
est-elle
le résultat
d'une
prise
de conscience de
la part des
hommes,
de la nécessité de libération de la femme pour en
faire
un capital
humain au même titre que l'homme pour la construction
de la nattion ? Ou est-ce l'aboutissement normal d'une luttte des femmes,
menée aux côtés des hommes pour que triomphe l'idéal de la liberté? D'au-
tant
plus qu'elles n'ont toujours pas été des alliées
inconditionnelles.
Pour
répondre
à ces
questions,
nous
allons
tenter
d'analyser
quelques
problèmes relatifs à la condition et à la promotion de la femme en général
et plus particulièrement de la femme guinéenne.
Conçu dans un tel cadre, ce sous-chapitre de notre étude ne prétend
pas couvrir tous les secteurs d'activités de la femme, il tend simplement
à porter une appréciation sur l'écart entre le mode de vie de la femme
traditionnelle et celui de la femme moderne, influencé par les nouvelles
données politiques, économiques et socio-culturelles. En élucidant certains
facteurs
qui
ont eu un impact sur l'évolution moderne, quelques uns de
manière directe, d'autres de manière indirecte, en cherchant à expliquer
les réussites et les déviations, nous nous abstiendrons cependant de toucher
à toutes les caractéristiques traditionnelles propres à chaque communauté.
Cee; étant, nous nous bornerons par ailleurs à montrer comment certains facteurs,
pendant la colonisation a .vaient commencé à jouer en faveur de la liœratim de

-
361
la femme, ensuite comment et dans quelle mesure ont été boulversées les
institutions matrimoniales; et surtout ce que l'indépendance a entraîné
comme changement
pour
les femmes
tant
sur
le
pl an
socio-culturel
que
sur le plan économique et politique. Enfin, nous aborderons les problèmes
psychologiques
et
sociologiques conséquences
d'une
rapide modification
du statut de la femme.
a -De l'état de dépendance de la femme
Dans le monde, particulièrement en Afrique, la femme a toujours
été confrontée aux problèmes de sa propre libération.
D'après Jean fréville : "au Moyen Age, la femme est
considérée comme la propriété de l'homme. Incorporée
au
fief,
elle
dépend
du
suzerain
celui-ci,
en
lui
choisissant
un
époux
dispose
de
la
femme
et
du domaine. Le chevalier peut maltraiter son épouse,
la frapper, la "châtier raisonnablement", la donner,
la léguer par testament,
la
répudier et,
jusqu'au
XIIIè siècle, la vendre. Mariée, elle est astreinte
à
une
fidèlité
unilatérale
le
mari,
quand
il
s'absente, la verouille dans une ceinture de chaste-
té,
Veuve,
elle
doit
accepter un nouveau maître.
Dès l'âge de sept ans, l'enfant du sexe mâle échappe
à
l' autorité
maternelle
si
son
père meurt,
il
peut
se
déclarer
majeur
et
devenir
tuteur
de
sa
propre mère.
Ainsi vit la femme au sein de la classe dominante.
Quant
à
la
femme
du
serf,
soumise au Jus
primae
noctis, c'est une bête de somme, misérable, ignoran-
te, écrasée par la société féodale".
(391)
(391)
Etude in la femme et le communisme, Paris Editions Sociales,
1950, p.22.

-
302 -
La renaissance, n'apporte guère de changement notable à la condi-
tion juridique de la femme. ~ulement, elle a introduit de nouvelles aspira-
tions traduites par; l'esprit de recherche et de libre examen, les inven-
tions
et
les découvertes,
la poussée individualiste,
l'humanisme qui ne
peuvent faire
bon ménage
avec
les coutumes féodales et la scolastique.
La femme
acquiert donc
une
certaine
indépendance,
prend
part à la vie
intellectuelle d'autant plus que ses "farouches défenseurs" sont les intel-
lectuels de l'époque.
Erasme l'un des plus grands représentants de l'hu-
manisme du XVlè siècle dénonce la tyrannie des hommes "qui traitent les
femmes comme des jouets, font d'elles leurs blanchisseuses et leurs cuisi-
nières". Quant à la bourgeoisie ascendante,
aux XVII et XVlIIè siècles,
elle prône l'austérité,
les vertus familiales,
l'effacement de la femme,
à la cour; en somme, pour elle, la femme doit être un simple objet n'ayant
pour ambition que la gloire de paraître et les succès mondains.
Le Révolution française de 1789 a de par son courant novateur,
aboli
en 1790,
le droit d'aînesse et autorise en 1792 le divorce.
Mais
elle
n'est pas allée loin dans l'émancipation de la femme car, elle se
refuse de suivre Condorcet qui avait demandé, en 1789, les droits civiques
pour la femme. Par ailleurs, le code civil de Napoléon met la femme mariée
en tutelle;

-
363
-
"le mari
doit protection à sa femme,
la femme
obéissance à son mari (392)
Le capitalisme
du
XIXè
siècle
résultat
du
long
processus
de
dés agrégat i on
des
anc i ennes structures
soc i o-économi ques
s'est
lui
auss i
développé sur les assises de la famille,
telle que l'a consacré le code
de
1804.
En effet,
s'il
a permis une certaine intégration sur le plan
économique à savoir
l'emploi
des femmes dans
les manufactures, il n'a
pas pour autant affranchi la femme de la tutelle masculine. POur la bourgeo-
sie de cette époque, la femme est le hochet, le bien de l'homme. Situation
décrite par Balzac en ces termes-ci :
"la destinée de la femme et sa seule gloire sont
de faire battre le coeur des hommes ( ... ). La
femme est une propriété que l'on acquiert par
contrat; elle est mobilière, car la possession
vaut titre; enfin la femme n'est à proprement
(392)
Art 213 du code civil, voir aussi, encyclopédia universalis, Révo-
lution Française, Volume 14, Paris 1980 pp. 208 -221.
Par ailleurs - Olympe
de Gouges, l'une des fondatrices du Mou-
vement féministe qui périt sous le couperet de la guillotine,
publia en 1789 une "Déclaration des droits de la femme" symétri-
que à la "Déclaration des droits de l'Homme" : "la femme naît li-
bre et demeure égale à l'homme en droits ( ... ) le principe de
toute souveraineté réside essentiellement dans la nation, qui n'est
que la réunion de la femme et de l'homme ( ... ) Toutes
les cito-
yennes et tous les citoyens, égaux devant la loi, doivent être
également admissibles à toutes les dignités, places et emplois
publics, selon leurs capacités et sans autres distinctions que cel-
les de leurs vertus et de leurs talents ( ... ). La femme a le droit
de monter à l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter
à la tribune ( ... ).
Femmes, réveillez-vous.
(Réf. cité par Jean
Fréville étude citée ibid p. 24).
Par ailleurs : "en 17CJJ on retrouve les rrêœs idées dans la i"btionde la pauvre
Jacotte et dans d'autres liœllés analogues". (Réf Sirrone de œauvoir le deuxième
1 '
sexe tare 1, Paris Gallimard, 1949 p. 133).

- 364 -
parler qu'une annexe de l'homme"
(393).
Avec
1 l avènement
de
la révolution
industrielle deuxième phase
du capitalisme,
les positions des femmes sœt renforcées'ck1rlS les
différents
domaines de le vie économique et sociale. Ceci non pas à cause d'une que1-
conque ph"ilantropie sociale,
mais
plutôt
par
une
nécessité qui découle
des formes nouvelles de production. Le travail des femmes, c'est l'apport
de
bras
nouveaux,
d"intelligences
nouvelles
aux
industries
naissantes.
Par
ailleurs,
cette
intégration
paraît
à première
vue une émancipation
sociale de
la femme
(soustraction de la femme du foyer domestique).
En
réalité,
il
s'agit d'une exploitation
plus féroce que celle de 11 homme
car en plus de sa situation d ' esc1ave du capitalisme elle est aussi esclave
à la maison. Sa misère économique est aggravée:
au lieu d'être nourrie
par le père ou le mari dont elle continue à subir la loi, elle doit gagner
ses moye,ns d'existence, et sous prétexte qu ' e1le a moins de besoins que
11 homme, son travail est moins rémunéré; et quand son travail quotidien
à l'usine, au bureau ou à 1 'éco1e est terminé, son travail de ménage commen-
ce. La maternité, le travail sacré, la plus haute des fonctions sociales,
devient dans la société capitaliste une cause d ' horrib1es misères économiques
et physio10giques(394). L'amélioration des moyens de production, la consti-
tution de monopoles
ont donné une
nouvelle dimension internationale au
capitalisme:
l'éclatement des particularités sociologiques et géographi-
ques qui généra la généralisation de
la production marchande,
le marché
La physiologie du mariage,
in oeuvre Tome XIII,
p.
663.
(394) - Il faut noter que les luttes sociales de la moitié du XXè siècle ont
apporté une amélioration à la condition féminine quoique celle-ci,
reste misèrable à l'image de la condition humaine dans son ensemble.

- 365 -
mondial et les nouvelles sources de matièrespremières. Dans ce
tourbillon d'un capitalisme naissant et envahissant,
l'Afrique
ne fut pas épargnée.
La place de l'Afrique dans cette division du travail
est de pourvoir en plus des matières premières, une main-d'oeuvre
à bon marché pour les entreprises coloniales
(395). Pour ce faire,
toutes les couches de la population africaine ont été mises à
contribution, entraînant ainsi un bouleversement des structures
socio-économiquesau profit des hommes-puisque désormais l'écono-
mie doit reposer sur les cultures d'exportation et les mines
dans lesquelles l'apport de la femme est "moindre" par rapport
à son rôle dans l'économie traditionnelle
Conséquence
l'accroissement de la puissance monétaire de l'homme aux dépens
de la femme,
qui lui en devient redevable chaque fois que se
pose la nécessité de renouvellement des besoins domestiques.
Monétarisée et en constante fluctuation,
la dot de mariage
raffermit la position masculine dans le foyer (396). Ainsi,
la
position de la femme africaine au sein de la société s'amenuise,
elle devient l'esclave de l'esclave (397). D'autre part, contrai-
rement aux femmes des pays capitalistes
qu~ malgré leurs posi-
tions de seconde zone disposent tout de même de structures de
contestation (syndicats d'ouvriers, mouvements féministes),
(395) Ce qui correspond à la sangsue à deux ventouses de nguyên Ai Quoc
(Hô Chi Minh) "le capitalisme est une sangsue ayant une ventouse appli-
quée sur le prolétariat de la métropole et une autre sur le prolétariat
des colonies (Réf. Texte politique cité dans les grands révolutionnaires.
Editions Martinsard, Romorantin, 1977, p. 280).
(396) Frou, en malinké signifie le mariage qui s'étale dans le temps et dans
l'espace avec des devoirs permanents à l'endroit des beaux parents.
(397) C'est compte tenu de cette position de la femme que Flora Tristan disait:
"l'homme le plus opprimé peut opprimer un être qui est sa femme.
Elle
est le prolétaire du prolétaire".
(Réf. Les Grands Révolutionnaires,
Editions Martinsard, Romorantin, 1977, p. 391.

-
366 -
la femme d'Afrique est dans la période coloniale lI can tonnée li dans les struc-
tures de pérénnisation de la société traditionnelle (gardienne de la tradi-
tion et des coutumes, attachée aux institutions familiales et religieuses) ;
une certaine éthnologie occidentale tendrait à ce qu'elle se complaise dans
un tel ghetto.
Malgré ce contexte étouffant dans lequel se meut la femme africai-
ne, d'autres facteurs ont contribué sous la colonisation à l'ébauche d'un
éveil et
d'une réaction contre l'injustice. Ceci nous amène à l'analyse
qui suit
Début d'émancipation de la femme guinéenne
b
- Des fondements de la lutte des femmes.
Parmi ces facteurs, on pourrait entre autre
citer l' intro-
duction de la réligion chrétienne,
les "facitlité~ild'éducationet surtout
1
les nouveaux types d'activike économique introduits par la colonisation.
Phénomènes mis en rel ief dans l'étude de Baldé Saïkou portant sur le monde
féminin guinéen dans les année 30.
"Autrefois,
le foulah vivait dans une atmos-
phère foulah.
Des races étrangères à la sienne
ni étaient
que
représentées
dans
le
pays
et
cantonnées
dans
certains
centres seulement.
Tout
différent
est
le
cas
auj ourd' hui.
Des
hommes
et
des
femmes nés sous d'autres cieux
se
sont
fixés
à
demeure
parmi
la
population

- 367 -
première. Avec eux se sont introduites des moeurs
et des coutumes d'autres contrées. La fille malin-
ké a ses nuits chez son fiancé.
Elle ne fuit pour
ainsi dire pas. Le fiancé l'habille et paye son
impôt. Les caractères mêmes se sont modifiés.
L'exubérance verbeuse et le sang-gêne des Soussou~~
l'esprit de commerce et la liberté de tenue des
ma~inkéasont autant de nouveautés qui, dans les
grandes agglomérations, tirent les foulah de leur
torpeur naturelle, et autant d'habitudes qu'ils
adoptent. La compassion d'une malinké à la peine
de son mari, le soin qu'apporte une Soussou dans
sa tenue et dans son travail (cuisine, lavage),
si la femme foulah avait fait siennes ces quali-
tés-là, nul ne se serait plaint de ce mélange de
races. Elle ne l'a malheureusement pas fait".
"La vie oisive a fait son temps. PLus de servan1'-
tes pour vaquer à tout, pendant que la maîtresse
du
logis
se
cure
les
dents
ou
se
taille les
ongles.
Le
mari
doit
sortir pour le
champ et
pour
la
corvée
des
prestations
au
même
titre
que
son
ancien
serviteur.
La
femme
(noble)
doit piler, puiser de l'eau, laver les vêtements
et
aller
faire
ses
emplettes dans
les
villes.
PLus
de
claustration.
La
porte
du
dehors est
désormais
ouverte
pour
elle.
Elle
jouira
de
ses
yeux
et
de
ses
oreilles.
Elle
verra
ce
qui
se
fait
et
entendra
ce
qui
se
dit.
Les
conséquences
ne
se
sont
pas
fait
longtemps
attendre.
Sa
jalousie
native
l'a
poussée
à
imiter
ses
voisins
dans
l'habillement,
dans
le langage comme dans les ambitions et les fré-

-
368 -
quentations. Elle a connu la mode et ses attraits
irrésisti bles
l'ont
captivée
et
soumise.
Pour
s'y conformer, elle tend à abandonner sa coiffure
compliquée
elle
rej ette
le
voile
au
profit
du foulard
elle veut à tout prix une camisole
longue,
longue,
presque
une
robe.
Dans
les
postes
administratifs,
toute
femme
rêve
à
un
double
trousseau
un à la sénégalaise, c'est-
à-dire
avec
de
grands
boubous
traînant
des
pagnes du dernier cri, très coûteux; et un se-
cond à la "civilisée", je veux dire la camisole-
robe
sous
laquelle
disparaissent
en
entier
les
pagnes
traditionnels,
et
enfin
des
sou-
liers
et
des mouchoirs.
Que
l'usage
du
casque
et des bas ne soit encore qu'une rare exception,
voilà qui fait la joie de plus d'un mari".
"Se
bien
habiller
exige
de
fortes
dépenses
et
le
mari
ne
dispose
pas
touj ours
des
fonds
nécessaires.
Donc,
la
femme,
puisqu'elle
tient
à
soigner
son
prestige de
coquette,
travaille
et amasse petit à petit le prix de son habille-
ment.
Cet
argent
lui
appartient
en
propre et
elle peut en user comme bon lui semble. L'islamis-
me
lui
reconnaît
ce droit.
Alors qu'autrefois,
elle n'exerçait que des métiers de case: pileuse,
coiffeuse,
fabricante
de
léfas,
aujourd'hui,
elle
se
fait
aussi
teinturière,
marchande,
cul ti vatrice
et
même
dans
les
grands
centres,
tricoteuse
de
bonnets
de
laine.
Les
fortunées
font
fructifier,
avec
l'autorisation
de
leur
mari,
une partie de leur dot ou de leur apport
pour
le
commerce.
Elles
confectionnent
des

-
369 -
pagnes
en
bandes
de
coton qu'elles
teignent
et exportent dans le Bas-Sénégal.
"Un désir immodéré de s'enrichir a fait naître
de
l'audace
chez
certaines.
Elles
se
sont
évadées de leur milieu originel et ont adopté
sans
hésitation
les
nouveautés
à
l'égard
desquelles la masse de leurs soeurs restaient
méfiantes (398).
Dans cette c itat i on, outre les f acteurs soc i o-économi ques,
sur
lesquels est mis un accent particulier,
il ya aussi
l'ouverture vers le
monde extérieur
à travers
les
mass-média,
la scolarisation qui ont une
grande portée dans la redéfinition des rapports entre l'homme et la femme
de Guinée. ~ulement, nous considérons ces manifestations comme non primor-
diales dans la mesure où ils n'interviennent que lorsque la position de
la femme
s' amél i ore
sur
le
plan
économique et
la crise économique de
1930-1932 ne fait que l'attester
"la dernière crise économique n'a pas moins
contribué à accentuer ce mouvement d'émancipa-
tion féminine et cette volonté de secouer le
joug masculin. Pendant que les matières pre-
mières, unique source
de revenu pour les hom-
mes, perdaient de leur valeur commerciale J les
menus objets des travaux féminins se liqui-
(398) - Souligné par nous et la référence est: "La femme foulah et l'év6-
lution", l'éducation africaine, Gorée, 98, 1937, pp 214-2190 citée
par Claude Rivière dans mutations sociales en Guinée ibid p. 100.
Nous tenons par ailleurs à signaler au lecteur que nous ne parta-
geons pas le fond tribaliste que véhicule cette citation.

-
370
-
daient avec facilité,
la bande de coton qu'elles
filaient était touj ours bien côtée
; les denrées
alimentaires
de
leurs
jardinets
trouvaient
des
clients
fidèles.
Tout
le
temps
qu'à
duré
la
crise,
les
maris,
à
leur
honte,
ont
vécu
des
femmes,
s'habillant
du coton
qu'elles
filaient,
payant
l'impôt
de
la
m. ême
manière.
Réduits
à
un
rôle
diminué,
celui
de
réparer
la clôture
de
la
concession
et
la
toiture
du
logis,
celui
d'ensemencer
un
petit
champ
dévasté
par
les
sauterelles,
les
hommes
ont
été
obligés
à
des
concessions, dont en tête de listes, la diminution
du nombre d'épouses. Ce petit gain du sexe faible
aura
une
répercussion
profonde
dans
la
vie
du
pays".(399)
Par
ailleurs,
nous
constatçms
l'influence du
contexte
urba-jn
sur les changements sociaux mais nous ne lui attribuons pas le rôle détermi-
nant comme
le fait
Claude
Rivière:
"une systématisation permettrait de
dégager comme cause principale des changements sociaux l'influence rayonnante
du contexte urbain" (400).
Le
contexte
urbain
dénué de fondements
économi ques
ne
peut
à
lui seul réguler les rapports sociaux. Il faut ajouter que son importance
provient également des facteurs économiques qui dans une large mesure déter-
minent la manière de penser et de conduite sociale.
Parler
concrètement de contexte
urbain,
c'est
lorsque s'amorce
la
croissance
économique
qui
réflète
des
phénomènes fondamentaux,
tant
(99) - Souligné par nous. - Réf.
: Baldé Saikou : la "femme foulah et
l'évolution" l'éducation africaine, ibid p. 10
(400)
: Mutations Sociales en Guinée ibid
p.
102.

-" 371
-
au niveau de la demande des consommateurs et des autres agents économiques
qu'en ce qui concerne les conditions de l'offre. en particulier l'évolution
dans
le temps des techniques de production et de distribution.
En Gui-
née.
il
est vrai
que ces
phénomènes n'ont pas fait leur apparition en
tant que tels mais
déjà dans
les années 50 l'économie d'échange et le
fonctionnariat
s'étaient ampl if iés
(401) entraînant une rest_ructuration
urbanistique avec des changements "no tables" (infrastructures administratives.
sanitaires et autres) et c'est à partir de ce moment qu'on a pu constater
les problèmes psycho-sociologiques dans certaines villes: Conakry, Kankan.
Kindia etc ...
Ce nouveau cadre
urbain d'existence
a eu de
l'influence
sur la personnalité des individus. sur leurs attitudes et comportements.
sur leurs aptitudes intellectuelles et leur affectivité. Les femmes accep-
te nt de mo"ins en moins l'emprise familiale et ceci pour la simple raison
qu'elles travaillent et son~relativement aptes à subvenir à leurs besoins.
Comportements qui résultent plus de la concentration des facteurs économi-
ques que de la simple présence du conteste urbain. D'ailleurs, Karl Marx
ne disait-il pas que:
ilIa grande industrie, par le rôle décisif
qu'elle
assigne
aux
femmes,
aux
adolescents
et
aux
enfants des
deux
sexes dans
les procès
(401) - Se référant à cette nouvelle situation, Ibrahima Baba Kaké dit que:
"Au mois de Juillet 1953, dans un' article du Monde, André Blanchet
parle d'une transformation révolutionnaire de l'économie guinéenne.
Il se crée un proletariat ou la confédération générale du travail
place aussitôt ses hommes: la Guinée a cessé d'être une bananeraie
endormie, elle est devenue une région stratégique. (Réf.
: Sekou
Touré le héros et le tyran ibid p. 15).

- 372 -
de production socialement organisés en dehors
de
la
sphère
familiale,
crée
une
nouvelle
base
économique
pour
une
forme
supérieure
de
la
famille
et
des
relations
entre
les
deux sexes.
(402)
Ces
données
nouvelles,
si
importantes soient-elles nlont par
ailleurs pas réussi à convaincre les hommes sur les possibilités d'égalité
entre 11 homme et la femme. :Une enquête sur ce sujet faite en 1949 par le
journal colonial; la "Guinée française"
est
assez
revélatrice
si
lion
se réfère à ses résultats :
- L'absence, pour la femme, du libre choix de
son conjoint découle de cette sagesse africaine
qui
di t
que ilIa poule ne donne jamais quelque
chose de mauvais à ses poussins
- Outre qu'elle est autorisée par le Coran, la-
polygamie est justifiée par les raisons suivan-
tes:
"celui qui n'a qu'une femme est souvent
malheureux
quand
l'épouse
est
malade,
quand
elle
va
chez
ses
parents,
quand
elle meurt
( ... ) chez le noir, le capital c'est l'enfant.
Quand sa première femme ne lui en donne pas,
il
en
épouse
une
autre
( ... ).
On
se
marie
aussi
pour
faire
des
alliances
et
étendre
le
cercle
de
ses
relations et
de celles de
sa
postéri té
( ... ).
La femme
est
une source
de richesse ;
(402) ,
Capital ibid p. 515.

- 373 -
- Le travail féminin
est
condamné,
car
il
accroît
le
chômage masculin,
conduit
la femme
à
l'abandon
du foyer et
des
occupations ménagères, désorganise
la vie familiale et détourne la femme de son "rôle
naturel de diligente ouvriere du bonheur" ;
La
scolarisation
de
la
fille
est
condamnée
elle
échapperait
à
l'emprise
de
ses
parents.
A
son retour de
(l'école), elle "trouve la discipli-
ne familiale insupportable, le savoir-vivre ancestral
périmé
( ... ).
De
fille,
elle
devient
maîtresse
de
maison
elle
s'impose
et
impose
toujours
à
ses
parents
perplexes
et
ahuris
son
époux
qu'ils
doi vent
bon gré malgré accepter.
C'est
la rupture
systèmatique avec
tout
ce qui
est
contraire à ses
conceptions de la civilisation moderne ".
(403)
Dans ces conditions, n'est-il pas normal de voir la fe~ne guinéen-
ne participer
au combat
pour
la décolonisation et l'installation d'un
véritable régime démocratique? Ceci d'autant plus qu'existait déjà sur
le territoire un mouvement national,
le P.D.G.-R.D.A. qui demandait dans
son programme politique entre autre-.
"l'application
loyale du code de
travail pour les
ouvriers, la correction des indices et l'unification
des
charges
de
famille
pour
les
fonctionnaires,
l'augmentation des pensions des anciens combattants,
la diminution des charges fiscales pour les commer-
çants,
dioulas,
chauffeurs
et
artisans, .plus
de
sécuri té
pour
les fermes qui aspirent au tcnheill' conj ugal)
(403 ~
citée par Nantenin Konaté dans le nouveau matriarcat, le Monde
Diplômatique, Février 1975, p. 7.

-
374 -
sans oublier la construction de nouvelles materni-
tés, écoles primaires, collèges et lycée".
(404)
Ces
mots
d10rdre
ne
pouvaient
pas
laisser
indifférentes
les
femmes, mieux le journal
"Liberté" organe du P.D.G.-R.D.A. de Guinée dit
que :
"après la campagne électorale,
elles ont
compris
que la fin' de leur
misère,
ne:. 'réside. que
dans'
une
organisation poli tique
africaine qui ne peut
être
le
foyer,
ni
le
comité de la Basse-Guinée
ni les autres groupements ethniques.
c'est
dans
le
R.D.A.
qu'elles
ont
trouvé
leur
place. Pour la multiplication des fontaines d'eau,
pour de
nouvelles maternités,
pour la diminution
des
taxes
de marché,
pour de nombreuses écoles,
et d'autres revendications urgentes, elles adhèrent
en masse à notre mouvement.
Semedi 7 Août,
dans une
grande
cour du quartier
Coulowondi, elles ont tenu une magnifique assemblée
générale
qui
ne
pouvait
mieux
réussir
même
si
le
Maire
de
.Conakry n' avai t
pas
pris
un
arrêté
l'interdisant au cinéma Vox.
Prirent successivement la parole, Dramé Oumar et Sékou
Touré, membres du Comité Directeur du P.D.G. Puis ce
fut la Présidente Mafory Bllilgoura qui'prononça des_pa-
roles de coeur, et de fermeté. A l'issue de la réunion,
les noms des
( 40 4)
Voir l'article de Savané Moricandian, Secrétaire du P~D.G., la
voix puissante du R.D.A. in la "liberté" Mercredi 18 Août 1954
p.
2.

- 375 -
membres du Comité Central fémin que nous publions ci-
dessous, furent largement ovationnés (405).
Le R.D.A. fait son chemin. Et avec les femmes, il ira vite
sur le bon chemin de l'émancipation des peuples afri-
cains (406).
Désormai s,
l'engagement des femmes
aux côtés des
hommes dans
la
lutte
émancipatrice
ne
souffrira d'aucune
ambiguité.
Les motifs de
cette détermination sont liés d'une part à l'oppression du système-colonial
surtout dans le domaine économique, et d'autre part aux conditions particu-
lières des ferrones qui comme les hommes étaient recrutées pourle travail
forcé Cconféction et entretien des routes). D'après Doudou Gueye militant
de première heure du R.D.A.
"la fraction de la population qui souffrait le
plus ce n'était pas les hommes, c'étaient les
femmes. Quand on avait recruté les hommes pour
travailler, il fallait recruter les femmes pour
faire la cuisine, à raison d'une cuisinière pour
(405) - Voici les noms des premiers membres du Comité Central féminin
Présidente d'honneur
Madame MAMA SANO
(Boulbinet
)
Maire
ALMAMI MATEREIN KEITA
(Sandervalia)
Présidente
MAFORY BANGOURA
(Boulbinet
)
1ère Vice-Présidente
DJOMBO N'DIAYE
(Hôpital
)
2ème Vice-Présidente
TAMSYR née N'TOURE
(Hôpital
)
3ème Vice-Présidente
TITI BANGOURA
(Boulbinet
)
1ère Secrétaire
YVONNE GUICHARD
(Sandervalia)
2ème Secrétaire
HADIRI FATOUMATA
(Almamya
)
Trésorière
MAMADY TOURE
(Teménétaye )
Déléguées à la propagande MA BINTOU
(Boulbinet
)
TOURE née AISSATA CAMARA
(Sandervalia)
AMINATA BANGOURA
(Tombo
)
MAGBE TOURE
(Coronthi
)
AISSATA KEITA
(Alimamya
)
(406) - Souligné par nous - Réf: "Liberté", Création du Comité féminin du
R.D.A. 18 Août 1954 p. 4.

-
376 -
dix à quinze
manoeuvres,
souvent
on
ne
recrutait
pas
touj ours
la
femme
au
même
endroit
que
son
mari.
Parfois,
ces
femmes
venaient
d'être
mères;
Quand elles ne pouvaient pas emporter leurs enfants,
ceux-ci
restaient
au
village.
On recrutait aussi
des
jeunes
filles,
qui
très souvent retournaient
au village avec une grossesse. ces enfants naissaient
.
sur les chantiers. IL y eu aussi des drames affreux,
des
drames
terribles.
La
vie
sur
les
chantiers
était particulièrement difficile.
Ces
femmes
avaient
aussi
souffert
de
voir
leurs
maris et leurs enfants humiliés,
bafoués, parfois
obligés
de
ramper sur le gravier des routes sous
les
coups
du
garde
cercle,
parce
que
trop vieux
ou
malades,
ils
n'avançaient
pas
assez
vite.
Celles
de
la
campagne
n'étaient
pas
les
seules
à subir ces humiliations; les
citadines n'étaient
pas
épargnées.
On a
vu sur les marchés des femmes
jouissant
de
statut
de
citoyennes
françaises
provoquer impunément des non citoyennes, se faire servir
avant elles, avoir touj ours raisoo au cœmissariat En cas de
plainte" .
"On
a
vu
aussi
des
femmes
subir
la
hargne
du
chef
de
subdivision
lorsqu'elles
ne
voulaient
pas se rendre à leur maison. On a vu un administra-
teur
aller
jusqu'à
faire
brûler
la
case
de
la
sage-femme
qui
avait
osé
refuser
ses
avances.
Car,
à cette époque,
l'administrateur était aussi
juge
et
pouvait
faire
arrêter,
et
enfermer
qui
il voulait parmi ses sujets indigènes".
(407)
(4an
: Entretiens avec le Ibcteur Cbudou weye et Madarœ M. Sancoun - Novembre 1977 -
Mai 1975 cités dans Education Civique et JVbraJ.e.le P.D.C.I.-R.D.A. , Ministère de l'Edu"
cation Nationale et de la Recherche Scientifique de Côte d' r voire, cellule D. E. C.
M. 1985 p. 51.

- 377 -
Ces pratiqœs étaient "ITDnnaie courante dans toute l'Afrique et nous ~nsons
qu'elles ont aussi contribué à renforcer la conviction et la confiance des femmes
dans le combat nécessaire à livrer contre le colonialisme, car la femme
et l' homme ont cec i de commun : ils sont tous deux opprimés. Ce n'est
donc point par
"simpJ:esol~idarité
avec
l-es
hommes
qui
ont
souffert du colonialisme qu'elles se sont enga-
gées dans la lutte". (408)
mais parce que le salut et l'émancipation de la femme se trouvent dans la
libération nationale. Donc, consciente de ce fait, la femme guinéenne a
tout mis en oeuvre, et sans réserve, afin que le P.D.G. atteigne son objec-
tif : "l' indépendance ".
-c - De l'action des femmes dans la lutte pour l'indépendance
Celle-ci fut menée par les femmes des zones urbaines, particul ière-
ment les ménagères et les petites
commerçantes que la flexibité'de l'em-
ploi du temps et l'occupation l-ibérale rendaient plus disposées à répondre
aux appels du Parti (le P.D.G.-R.D.A.). Ces femmes ont joué le rôle d'aile
agissante du mouvement. Quant aux femmes lettrées, c'est-à-dire celles qui
ont été à l'école moderne (institutrices, sages-femmes, etc ... ) leur parti-
cipation n'était pas moindre, certaines d'entre elles ont lutté coude à.
coude avec les hommes cadres du R.D.A., mieux, elles sont entrées en riva-
lité avec ceux-ci dans les prises de positions radicales au niveau des sous-
sections, telle Fatou Aribot une militante de la sous-section marxisante de
( 408) -
Henriette Diabaté, le rôle des femmes dans l'histoire du R.D.A.
in Education Civique et Morale ibid p. 51.

-
378 -
. Mamou.
Il faut
noter cependant que la majorité de ces femmes intellec-
tuelles se rangeaient parce qu'elles avaient certains avantages auxquels
elles tenaient ou aspiraient.
En ce qui
concerne
l'adhésion des femmes
rurales, à quelques
except i ons
près 1 elle remonte aux
années 60 et cec i est dû dl une part
au fait
que
le Parti
s'est intéressé à elles tardivement,
dlautre part
au
poids et
à llemprise
des
traditions féodales
plus
importantes
dans
les campagnes.
De façon à mieux nous situer sur l'action des femmes, il
nous faut maintenant la circonscrire à travers les formes du militantisme.
Le militantisme des femmes
Généralement, ce concept tend à définir l'action menée quotidien-
nement par un membre appartenant soit à un syndicat, soit à un mouvement
de jeunesse ou des femmes soit enfin à un Parti
politique.
En d1autres
termes, le militantisme est la mesure du degré dladhésion ou de participa-
tion à la réalisation dlun projet politique. Si l'on accepte cette défini-
tion,
le militantisme des femmes
de
GU'inée ne fait
pas exception à la
règle.
En effet, dès 1950,
il
a consisté à soutenir et à encourager le
Part i par les act i ons de masse : lors des déplacements des représentants
du P.D.G.-R.D.A., pendant que certaines femmes sont chargées de la cuisine,
d'autres s'attachent à donner un éclat particulier aux réceptions organisées
en
11 honneur
des
hôtes
: danses,
présence mass ive à l' accuei l - autant
que
possible
en
uniforme
-
etc ...
~uvent, ces manifestations
servent

-
379 -
à tourner l'adversaire en dérision et les chansons partisanes et "rac istes"
composées à cet effet ne manquent pas. ON a pu ainsi écouter, dans les
années 1955-1957, des airs à la gloire du Parti et de son leader, symboli-
sés par l' él éphant (Syl i en langue SJussou) qui Entre da1S le village (Syli 2otaï)
une autre chanson met en relief
la caractéristique fondamentale - l'élé-
vage - de la communauté à laquelle appartient le principal leader de l 'oppo-
s it i on
Barry Diawadou (ce dernier étant peulh, ne doit s'occuper que
des
troupeaux).
D'ailleurs,
la chanson
ne disait-elle
pas "M'Bou, M'Bê
Falaka Diawadou" ?
(409) Les autres leaders et militants non moins connus
de l'opposition ne sont pas pour autant épargnés.
Combien de fois Keita
Koumandian, Karim Bangoura, David SJumah ont -ils été victimes de provoca-
tions et de propos diffamatoires de la part des militantes du P.D.G. Les
autres notables de l'opposition (ceux qui n'avaient pas d'activités politi-
ques mais
qui
étaient des
supports financiers)
ont
aussi
été humiliés
le 09 Février
1955 à Conakry,
la concession de
David Tondon
Sylla fut
mise à sac (410)
; en 1957, un autre notable de l'apposition à Kankan,
Elhadj
Mori Oulen Camara Kantara (quartier Salamanida) subit à son tour
l'assaut des femmes
du R.D.A.
Ce dernier pour se défendre n'hésita pas
à faire usage de son arme à feu. Le militantisme des femmes était cons-
titué fréquemment par
ce genre de
pratiques.
D'ailleurs elles
étaient
encouragées en ce l a par Sékou Touré :
(409) - En langue Soussou cela signifie : Diawadou bêle et beugle.
(410) - C'est au cours de ce pillage que M'Ballia Camara une des grandes
militantes trouva la mort (éventrée par David Tondon Sylla).

- 380 -
"chaque matin, chaque midi, chaque soir, les femmes doi-
vent inciter leur mari à adhérer au R.D.A.
; s'ils
ne veulent pas, elles n'ont qu'à se refuser à eux;
le lendemain, ils seront obligés d'adhérer au R.D.A".
(411).
Ce
trafic
d'influence
quoique condamnable,
n'était pas le seul
fait du R.D.A. Les partis d'opposition, avec le soutien de l'administration
coloniale,
utilisaient
également ce
procédé,
(412)
et ceci ressort dans
l'article - "Où veut-on en venir en Guinée" ?
"Nous avons
été mis
au
courant
des
brimades dont
sont
victimes
les militants
du R. D.A.
de Siguiri
de la part du chef de canton Faguimba
Magassouba,
du
Médecin
Africain
Paul
Dechambenoit
(tous
deux
membres
du
B.A.G.),
des
autorités
politiques
et
administratives.
Voici
des
passages
recueillis
par Monsieur Modi bo
Keita
(413)
Conseiller
de
l'Union
Française dans
les
dépositions
des
camarades
Responsables
et
des victimes.
(411) Réf.
; B. Charles, Guinée, éd. Rencontres, Lansanne, 1953 cité par Sako
Kondé ibid p. 129.
(412) B. Ameillon est plus explicite sur ce point car souligne-t-il dans son
livre: la GUinée, bilan d'une indépendance que "le climat politique (19-
58) tendu, aggravé par les tournées de Barry III et de Barry Diawadou
dans les marchés peulhs, leur appel à langrêve de l'impôt", leurs accu-
sations du gouvernement guinéen portant sur son totalitarisme, son orien-
tation communiste, son athéisme et sur son détournement des biens publics,
ainsi que des déclarations comme celle de Barry Diawadou le 20 Janvier
1958:
nous sommes prêts à nous battre pour notre cause, même si nous
devons installer ici l'anarchie et le désordre. L'auteur affirme l'impli_
cation du B.A.G.
(CUoc Africain de Guinée et du M.S.A .MOuvement Socia-
liste Africain) dans les affrontements, notamment sur le plan de la four-
niture d'armes, de camions et de consignes.
(Réf Paris, Maspéro, 1964,
pp. 30 -33).
(413) - Il s'agit de l'ancien Président du Mali.

-
381
1 - Samedi 17 Juillet,
le Chef de canton Makassou-
ba Faguimba déclarait publiquement que jamais la
section R.D.A.
ne fonctionnera à Siguiri tant qu'-
il sera en vie. Tous
les
soirs,
il
provoque
des
réunions
des
Chefs
de
carrés
et
village
pour
leur
dire
que
le
Gouverneur
est
contre
IèR:D.A et qtie tous les Chefs qui seront membres
de
ce
parti
seront
immédiatement
révoqués.
Ses
parents,
surtout
son
frère
Moussa,
se promènent
dans les rues et adressent des injures grossières
à nos militants.
2
Le
médecin
Africain
Dechambenoi t
effectue
des
tournées
dans
le
cercle
accompagné
d'un
gendarme
auquel
il
ordonne
d' inscrire
tous
les
adultes
des
villages
qui
ont
voté
pour
Sékou
Touré, sous le fallacieux prétexte que les conces-
sions
sont
sales.
A
titre
d'exemple,
à
Mani-
toro,
le
02
Août,
en
présence
de
l'adj oint
au
Commandant
de
cercle,
Monsieur
Guetesse
qui
n'a pas parlé et du gendarme Dembélé, il a déclaré:
les gens
du
Soudan
sont
venus
tromper
ceux
de
Bourinfé et de Manitore et
les ont amené à voter
pour Sékou Touré.
Le médecin Africain Dechambenoit
ne
s'occupe
nullement
du
dispensaire.
Il
ne
fait que de la politique.
3 -
Le
18
Juillet
au
soir,
le
garde
de
cercle
Bou
Diallo
est
venu
en
plein
marché
déclarer
que
tous
les
partisans
du
R.D.A
seront
dans
une
semaine
en
prison
parce
que
le
Commandant
de cercle vient de lui donner l'ordre de provoquer
les militants du Parti".
(414)
(414)
"Liberté" 18 Août 1954, p.
4.

- 382 -
En dehors
de ces actions,
les militantes du R.D.A.
prenaient
part
aux activités communales
(salubrité publique) surtout au cours de
l'année
1956-1957
période
d'ascension
politique du
P.D.G.
(occupation
de la mairie de Conakry et vice-Présidence du Conseil de Gouvernement).
Les femmes avaient mis sur pied des structures de nettoyage pour maintenir
la propreté dans les villes. (415)
Leur apport financier par le paiement sans hésitation des cotisa-
tions et des cartes, et leur participation très appréciable aux différentes
quêtes
pour venir en
aide
aux membres du Parti en diff iculté ont été
incessantes.
C'est
ainsi
qu'à
la suite des
élections
sénatoriales en
Guinée
(1955)
des
rumeurs
(fondées
ou
pas)
circulaient à propos
d'un
certai n arrangement entre
Sékou Touré et le candi dat él u Fodé Mamoudou
Touré du
B.A.G.
S:Jus forme de démenti et de justification des raisons
de son
vote
au
profit
du candidat Raphaël
Saller,
Sékou Touré publ ia
dans le n° 61 de ilL iberté" un article, considéré par Fodé Mamoudou Touré
comme injurieux et diffamatoire. Cela le conduisit à porter plainte non
seulement contre son
signataire mais
aussi
contre
le Directeur de
la
publication Camara Bangaly. Pour faire face aux frais de justice et honorai-
res, d'avocat, les militantes avaient cotisé, elles avaient aussi répondu
massivement
à
l 'appel
~e leur section leur demandant "d'être présentes
devant le tribunal, et clest pourquoi dans un article de "Liberté" relatif
à cet évènement on pouvait lire:
(415) - Nous considérons, par ailleurs, ces structures comme étant les fon-
dements de l'investissement humain qui eut cours tout au long de la
période 1960 - 1965.

-
383
-
"le 07 Septembre connut un attroupement de fem-
mes, d'hommes qui n'a jamais été atteint même
à l'occasion des Cours d'Assises" (416).
Le comportement des femmes pendant les élections est également
à soul igner car à l'époque le vote massif des adhérents était nécessaire
et cela se vérifiait à travers les bulletins et cartes arborant les si-
gles des Partis. Celui du R.O.A. était, comme nous l'avions vu, l'éléphant.
Oétenir une carte du Parti était donc essentiel pour accompl ir son devoir
électoral.
Concrètement,
comment
s'y
prenaient
les militantes du
P.O.G. ?
Avant
les
élections,
elles récupéraient
les
cartes
non placées
et
les
emportaient sur
les
lieux de
vote.
Le jour du vote, elles étaient les
premières
aux
urnes.
Les
dynamiques faisaient le tour des maisons pour
inciter
les
hésitants
à aller
aux urnes,
les adversaires étaient aussi
encouragés (souvent à l'aide d'arguments violents) à voter le P.O.G. Les
mil itantes fournissaient
sur
pl ace
des
cartes à ceux qui
n'avaient pas
pu s'en procurer. ~mme toute, l'action des femmes en ces moments difficiles
fut capitale tant par l'apport de leurs propres voix que par l'influence
qu'elles exerçaient sur les autres pour faire d'eux des électeurs potentiels
du R.O.A. (417)
Parlant
de
la
détermination
des
femmes
militantes du R.O.A.
de Guinée, le Journal "Marchés Tropicaux" du 20 Octobre 1956 écrivait :
(416)
: n° 67 du 13 Septembre 1955.
(417) - Lors des élections
législatives de 1956, Marna Djéli grande militante du R. D.A.
de Kankan, qui était aussi vendeuse de Yamankoudji (jus de gingembre) - pour condi-
tionner les électeurs ne servait que ceux qui votaient pour son Parti le R.D.A. Une
autre militante de Siguiri Assitan Condé (Missani-nyassiba mousso) huait avec son
cortège les électeurs des partis adverses.

.,. 384 -
"l'élément
féminin est surtout le plus agissant et
le plus violent parce qu'il s'agit pour lui d'une
émancipation que rien ne lui faisait espérer il y a
cinq ans; parce que les femmes, passant brusque-
ment d'un assujettissement millénaire à une liberté
totale, sont tellement éblouies, sans qu'une lente
adaptation leur ait donné des complexes, qu'elles
forment des éléments de choc redoutables et redou~
tés" .
Dans le même ordre d'idée, Ousmane Diallo écrivait
aussi en 1957 : "on est en pleine euphorie civique.
Les
femmes
qui
sont
les
déchaînées
entraînent
coûte
que
coûte
leur
mari
dans
l'arène
politi-
que.
N'est-ce
pas
qu'on
est
électeur
et
éligi-
ble
?
Il
faut,
vaille
que
vaille,
participer
à
l'activité politique. On sacrifie volontiers telle
ou
telle
occupation
pour
assister
à
une
réunion
organisée par le Parti auquel on a forcément adhéré.
Qui n'a pas son Parti est un parjure. Jusque dans
les
villages
les
plus
reculés,
on
est
fier
de
manifester, bruyamment si possible, son appartenance
politique "vive le R.D.A." !, cela s'entend partout"
(418).
A partir de 1959, le poids politique de la femme devient de plus
en plus important.
Certes les actions de masse continuent comme moyen de
press i on
pour
décourager
toute
vell ei té de
l a part
d' opposants futurs,
puisque ceux des anciens partis tels que le B.A.G., le Parti Progressiste,
(418)
Evolution Sociale chez les Peulh du Fouta Djalon, Recherches
Africaines, 4, 1961, p. 74, cité aussi par Claude Rivière in
Mutations Socialesen Guinée ibid p. 105.

- 385 -
le Parti
S')Cialiste,
la D.S.G.
(Démocratie
Sociale de Guinée) ont déjà
signé un chèque en blanc en faveur du P.D.G. (419).
Les propos tenus en 1959 à l'endroit des étudiants
guinéens
de
Oakar
"irréductibles"
d'un
ancien
mili tant
de
la
O. S. G.
Chaikou Baldé sont assez
significatifs
"prenez
la
carte
du
P.O.G.,
car
il
ne
s'agit
plus
d'un
Parti
mais
d'un
peuple en mouvement" (420).
Mais
ces
actions de masse sont supplantées rapidement par une
participation politique "réelle" : tout d'abord les femmes font leur appari-
tion dans les entreprises d'Etat comme comptables, Directrices commerciales,
etc ...
Ensuite,
elles
sont
nommées
dans les instances du Parti
(Comité
Directeur,Fédération) et dans les Ambassades (telles Fatou Diarra au Zaïre,
Jeanne Martin à l'O.N.U. D'autres enfin, accèdent à des postes ministériels
telles Loffo Camara (421) et Mafori Bangoura, Ministres des Affaires ~ciales.
Cette
"mutation
sociale"
de
la femme
siest
particulièrement
accentuée
au parti en 1968. En effet le 27 Janvier de la même année, dans son discours
d'ouverture du 1er Congrès des Femmes de Guinée, le Président Sékou Touré
présentait les statistiques suivantes de participation politique:
"Au sein du P.O.G.
fonctionnent,
au niveau des
quartiers et des villages, huit mille comités
( 419) - Cette attitude de la part des opposants obéit certes au j eu de la concorde nationale
mais en observant de près les évènerrents de l'époque, on pourrait être tenté de croi-
re qu'elle relevait davantage de l' ambi tion de la sauvegarde des acquis socio-politi-
ques personnels qu'à la nécessité de participer à la création de l'unité nationale.
(420) Réf. Cités par Ibrahima Bata Kaké dans Sékou Touré le héros et le tyran ibid p. 103.
(421)
- Laffo Carrara fut pendue en 1970 à la suite de son implication dans le canplot de la
cinquièIœ colonne ?

-
386 -
speClaux groupant exclusiverœnt des fernœs. Chaque année,
chacun de ces comités élit démocratiquement treize responsa-
bles pour constituer son bureau exécutif. L'effec-
tif global de ces responsables sur le plan national
est
de
cent
quatre
mille.
Ensuite
au
niveau
de
chacune
des
deux
cent
quatre
sections
et
des
trente
fédérations
du
Parti,
fonctionnent
respectivement un
comité
de
section
de
femmes
et
un
comité
régional
de
femmes.
Le
comité
de
section
et
le
comité
régional
de
femmes
sont
dirigés chacun par un bureau de treize responsa-
bles. Soit un total général de trois mille quaran-
te
deux
femmes
élues
exerçant
des
fonctions
dirigeantes.
"Quand
on
sait
qu'au
niveau
des
bureaux
des
comités de base, au niveau des comités directeurs
des
sections
ainsi
qu'à
celui
des
bureaux
des
trente
fédérations
du
Parti,
des
femmes
res-
ponsables
ont
été
elues
en même
temps que
des
hommes
dans
ces
organismes dirigeants du Parti,
l'on
comprend alors
que
sur
deux
millions
cent
mille
citoyennes
de
tous
les
âges,
il
existe
pl us
de
cent
cinquante
mille
déléguées élues au suf-
frage
démocratique
pour
exercer
des
fonctions
dirigeantes dans le cadre de l'action révolution-
naire
de
notre
peuple.
Ces
chiffres soulignent
le fait éloquent que sul"
qüinze femmes en Guinée,
i l
existe
une
qui
est
élevée
à
des
fonctions
de responsabilité publique.
" Par ailleurs, nous rappelons avec satisfaction
que sur soixante-quinze députés nationaux élus
au suffrage universel le 1er Janvier dernier, fi-
gurent vingt députés femmes, et que sur les huit

- 388 -
la femrn.a à s'opposer à ce que son mari prenne une seconde épouse. La réso1u-
tion générale votée à l'issue du 1er congrès confirma cette décision puisqu'un
décret
décida
l' abo1 ition de
1a polygamie - les ménages polygames déjà
constitués gardaient toutefois le statu quo ante.
De ce hilm quantitatif peut-on conclure que la femme guinéenne a réellement
partagé avec 1es hommes 1es fruits de 1a "Révo 1ut i on" ? En d' autres termes
avance-t-elle à grands pas vers son émancipation? Pour répondre à cette
question il serait intéressant d'explorer la situation réelle de la femme
qui, nous semb1e-t-i1 n'est pas aussi "paradisiaque" que nous la présente
plus
haut
Sékou Touré,
du moins
elle renseigne peu sur la position de
la femme dans la vie de la nation.
D'après Sako Kondé :
"la femme "émancipée
" à la manière du P.D.G.,
est à la
fois
reine
et
esclave.
Reine
parce
que, en fait, le Parti a introduit un bien curieux
régime
de matriarcat
:
en
"élevant"
les
femmes
au-dessus
de
leurs
maris
c'est,
du
même
coup,
la famille qui s'est trouvée brisée. Reine égale-
ment,
parce
que
la
dégradation
générale
des
moeurs
confère
à
la
guinéenne
un
pouvoir
de
fait
qui
n'a
de
limite
que
celui
du
despote
en
personne
Esclave,
parce
que
celui-ci
ne
l'a
invi tée
à
s'affranchir
de
ses
obligations
de
mère
et
d'épouse l'
que
pour
la
tenir à
sa
merci,
l'asservir
au
Parti. Ainsi débauchée
de
la famille,
la guinéenne est venue se dissoudre
littéralement
dans
les
structures
tournant
à
vide du P. D.G ...
( ... ) (Par ailleurs), en favori-

-
387 -
cent soixante-dix députés régionaux, l'élément fé-
minin dispose de cent quarante sièges. La partici-
pation
féminine
est
représentée
en
tout
par
27%
des
sièges
à
l'Assemblée
nationale
et
16%
des sièges des vingt-neuf assemblées régionales.
(422)
A tout
cela,
il
convient
d'ajouter
les
centaines
de
militantes
travailleuses,
élues
dans
les
organisme
syndicaux,
et
les
milliers
de
femmes
chargées
de
la
direction
de
nombre
de coopératives de production agricole, artisana-
le ou de consommation, sans compter celles exer-
çant, au titre de l'Etat, d'importantes responsa-
bilités administratives.
"Cet
éventail,
qui
démontre
l'importance
de
la
représentation
de
l'élément
féminin
dans
la
direction
des
affaires
publiques,
est
aus-
si significatif du dynamisme qui préside partout
en Guinée à
la conduite de
toutes
les affaires
concernant le progrès national" (423)
Il est indéniable que des femmes ont occupé des postes de grande responsa-
bilité politique
dans
l'appareil
du
Parti.
IL y a eu par ailleurs des
tentatives
d'organisation en coopérative des femmes qui
confectionnenent
les pagnes
indigo.
En plus de cela,
de multiples "concessions" ont été
faites
à leur
endroit
telle
que
la fixation de l'âge légal
du mariage
à 17 ans par une loi de 1962 qui exigeait aussi le consentement réciproque
des candidats au mariage et instituait par la même occasion le droit de
(422) - Sur les 210 membres que comptait la dernière Assemblée Populaire Na-
Nationale (de la Première République), la représentation féminine
était"de 26,19% soit 55 femmes pour 210 membres.
(Voir Horoya spécial~~?
consacré à l'assemblée Populaire Nationale)
(423)
: Horoya, n° 1368 du 29 Janvier 1968 pp. 2-3.

- 389
-
sant des femmes mécontentes dans leur ménage,
et qui ont la stupidité de chercher une compensa-
tion
au
comité de quartier ou auprès de Sékou
TouYé
en
personne
-
puisque
tout
est
rare
et rationné
en
Guinée,
le
despote
a
un
stock
personnel de divers produits destinés
à ce gen-
re
d'opération
;
tissus,
bons
de
ravitaill-
lement,
devises,
argent
liquide
en
monnaie
locale.
C'est
ainsi
qu'à
Conakry
notamment,
il se sert de femmes "émancipées" pour espionner
leurs
maris.
Il
n'est
pas
rare
de
les
voir
dénoncer leurs époux et provoquer leur emprison-
nement.
Il
en
use
de
même
auprès
des veuves
des
prisonniers
politiques
assassinés
dans
les
camps.
( ... )
La
destruction
aveugle
et
in!ensée
des
assises
sociales,
a
rapidement
débouché sur une situation style "empire déca-
dent". De sorte que la société guinéenne fait
penser à un monde privé de tout point d'ancrage,
à la dérive".
(424)
Ce constat,
aussi
passionné que partial révéle dans une certaine mesure
la position et l'engagement réels de la femme de Guinée.
En effet, nos
enquêtes nous ont révélé que malgré la compétence de certaines guinéennes
tant sur le plan national que sur le plan international (association pana-
fricaine des femmes) la majorité d'entre elles a été détournée de la Voie
de
l'émancipation réelle
pour
se
voir
hissée
au
sommet de la pyramide
pol itique afin de
parfaire
l'image
progressiste du Parti. Cette action
a par
ailleurs créé une situation mercantile à laquelle se sont adonnées
(424)
: Guinée, le temps des fripouilles ibid pp. 129 -132.

-
390 -
les femmes. Ainsi pourrait-on croire que l'engagement
dans une responsa-
bil ité résulte plus de l'opportun i sme, de l a course au
titre que de la
véritable
compétence.
Certaines
attitudes
comportementales
peuvent
en
témoigner:
Lors de certaines marches de soutien au Président contre les
"comploteurs'" n'assiste-t-on
pas
à des
demonstrations
vulgaires
tel que
le rapporte Jean Paul Alata dans son livre Prison d'Afrique (5 ans dans
les geôles de Guinée) :
"Fatou, la rivale de Rokhayna au sein des organis-
mes politiques de Conakry, avait entraîné les fem-
mes dans une manifestation à l'intérieur du camp
Boiro, en Février (1971). Les militantes déchaînées
avaient dansé aux cris de "Tuez tous ces chiens",
"PLus de riz pour eux", "Donnez-les nous, qu'on
les châtre", et autres joyeusetés. Dejà, l'an der-
nier, elle avait pris la tête d'une manifestation
féminine dont le seul slogan, répété trois heures
durant
avait
été
d'exiger
les attributs sexuels
du colonel Kaman qui venait d'être arrêté.
(425)
Ce dévouement quelque
peu circonstanciel s'estompe lorsque la situation
dépasse l'intolérable:
En 1962 déjà les femmes de Beyla qui avaient en
1953 massivement soutenu le candidat
Sékou Touré au poste de Conseiller
territorial s'étaient révolté contre les impôts sur l'huile de palme dont
la
vente constituait
leur occupation fondamentale.
En
1964 à cause de
la loi-cadre (portant sur la supression du commerce privé) celles de Conakry
ont
manifesté leur mécontentement devant
la disparition
progressive et
quelquefois
totale de
produits de
première nécessité, comme le riz,
le
(425)
:
Paris Seuil 1Cf16 p. 182.
Au cours de la nâre manifestation une autre militante Djéli Djéssiramœ s'était
déguisée en initiatrice {X>ur "circoncir" Kéita Fodéœ autre accusé du c~lot.
Pourtant celui-ci avait choyé la militante en question.

-
391
-
sucre,l'huile et le tissu.
En Août 1977 ce sont encore les fBllTJ;:!S (sur toute l'étendL2du territoire) qui rœttent en
danger
le régime en place pour la même raison:
la penurie de denrées
al imentaires. Cette révolte certes est un mouvement spontané comme cel ui
des étudiants de France (Mai 1968) mais est différente de ce dernier tant
dans sa conception que dans sa matérialisation. En effet comme nous l'avions
déjà dit la révolte des femmes de GUinée est une manifestation à la fois
de déception et
surtout de désir de transformation de l a quotidienneté
"stéri le"
en
abondance.
Elle se veut
simplement restauratrice du
"bon
vieux temps" que Roland Pré ancien Gouverneur de la Guinée coloniale (1948-
1951) appelle:
"la
richesse
et
la
prospéri té
de
ses
habitants
qui
se
traduit
par
l'allure
confortable
de
leur
vie
et
l'aspect
de
bonne
santé
qu 1 ils
présentent
en général".
(426)
Donc,
à notre humble avis il serait excessif et hasardeux de faire une
comparaison entre
la révolte des femmes en Guinée (Août 1977) et celui
de la jeunesse de France de Mai 1968 - comparaison que Ibrahima Baba KaM
s'évertue à
faire dans son livre;
Sékou Touré le héros et le tyran
"la Guinée vit un Mai 68".
(427)
La révolte de l a jeunesse de France en Mai 1968 est dirigée certes contre
la société de consommation mais veut par le
"biais du pouvoir étudiant, introduire la contesta-
(426)
Ir avenir de la Clûnée française éd. guinéennes, Conakry, 1951, p. 37
(~Zn
:
Jeune Afrique Livres ibid p. 181.

-
392 -
tion permanente. Car il faut se tenir toujours dans
une
situation
"critique".
pour ne
pas se laisser
prendre au piège".
(428)
En
France il slagit d'une société IId ' abondance li que la jeunesse veut redéfi-
nir à travers un mouvement dialectique. Or, en Guinée les femmes veulent
non seulement la société IId'abondancelinnislavwlmt
dans la sécurité. Les
slogans tenus à cet effet témoignent largement: à bas la pénurie alimentaire,
à bas la police économique.
Eu égard à ce qui
précède,
nous pensons que les avantages sociaux de la
/lRévolution/l sont assez minimes par rapport aux attentes des femmes.
Ces
avantages
se résument
en
quelques postes de /lresponsabil ités/l pol itiques
et économiques qui, dans bien des cas tendent plus vers"l'effet extérieur ll
une
sorte de catharsisme que
vers
l'égalité entre
l'homme et la femme,
credo d'une politique IIprogressiste". En se réferant à la pyramide scolaire
des effectifs (voir page5suivant~, il apparait un certain nombre d'écarts
entre
la formation
des garçons et celle des filles,
ne facilitant guère
. l'acquisition d'un métier qui d'après Sékou Touré est le premier mari de la
femme (429).
Nous pensons aussi
que ces écarts contribuent peu à faire de l'éducation
de la femme un des
"dwx- piliers fmdanffltaux qui mt permis à
la femme de Guinée de mettre ses capacités au ser~
(428)
J. Sauvageot un des leaders des étudiants de Mai 1968 dans la
Révolte étudiante Paris Seuil 1968 p. 32.
(429)
Fodé Oularé, Hamed Sékou Touré et l'émancipation de la femme
Horoya spécial n' 3013 du 1er au 7 Avril ·1984, p. 3).

PYRAMIDE DES EFFECTIFS SCOLAIRES ET UNIVERSITAIRES 1983184
Année d'élude
GARÇONS
FILLES
93
18
1.360
486
...
17
::J
GI
1.100
536
16
.~
l-o
15
2.494
675
-GI
0.
14
1.496
361
::J
Vl
13
2.581
578
(907)
.
5.079
1.244
(809)
12
11.489
4.022
(1.116)
~
11

7.328
2.725
u
10
t"'l
C
0
12.890
5.638
::Tl
9
,"")
~
12.654
5.032
(J)
8
15.912
5.743
7
-
22.3541
1
9.575
6
21.677
1
1
9.886
5
~
24.256
r
1
11.646
4

E
28.768
3
1
1
13.775
.::
a..
2
29.788
1
1
14.707
1
39.444
,
,
, 20.253
1
,
1
l
,
1
~.

40.000
30.000
20.000
10.000
o
10.000
20.000
30.000
i l Effectif .de la lormation prolessionnelle.

PYRAMIDE DES EFFECTIFS SCOLAIRES liT UNIVSRSITAIRES 1978/79
~e à'elLUle
GARÇONS
FILLES
'4.l
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1b00 x
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CIl
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5
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1
l '1113
4
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1
1 111>44
3
3C166
r
1 L54~2
2
29133
r
I17EP5
1
45210
1
] 25b96
- ,
1
i
l
'
,
1
1

50.000
40.000
30.000
20.00('
10.000
o
10.000
20.000
30.000
* Les chiffres entre parenthèses repr~sentellt l'effectif
de la formation professionnelle (3èll1t: cycle)
et de la formation des mattres (4ème cycle)

- 3~5 -
vice
du
développement
de
la
Nation".
(430 )
A l a pl ace
de
pi l iers
ce
sont
pl utôt
des lÎilncs
qui
s'entremê-
lent pour barrer la route à la participation réelle de la femme au développe-
ment du pays. Les propos d' une mil itante de Beyl a recuei 11 i s le 24 Jui 11 et
1987 cmfortEnt bien notre affirmation:
"le P. D. G.
..
RDA a
transformé
le dynamisme
des
femmes
en
force
inerte
qui
n'es t
sécouée que
lOl'sque
besoin se fait sentir" (431).
(430) Réf.
Jeanne Martin Cissé ministre des ,affaires sociales intervEntion à la
Conférence Mondiale des Nations Unies, Horoya 14-16 Août 1~~0
p.
5.
Madame le ministre fait état par ailleurs de la présence "massi-
ve"
des
jeunes-filles
dans
les
facultés
et
grandes
écoles"
ce
qui
est
pour
le
moins
contestable.
En effet
elle avance
des pourcentages suivants :
Médecine-Pharmacie
70 %
Scineces Administratives 50 %
Facultés d'Agronomie
40 %
Facultés de Géologies-Mines
25 %
Ecoles Professionnelles
65 %
(Horoya 14-16 Août 1980 ibid p. 5).
La
simple COmparaison avec
la
pyramide scolaire indiquée montre une nette
différence de taux de pourcentage dans la formation professionnelle:
65%
pour le Ministre contre 18% pour l 'UNESCO.
Peut-être Si agit-il JXill elle d' une comparaison avec les réussites au BEPC
des jeunes filles au temps colonial ?
- en 1952
:
1 reçue sur
10
- en 1953
1
"
sur
8
- en 1954
2
"
sur
11
- en 1955
:
3
"
sur
11
en 1956
:
3
"
sur
20
SaJrce Diané Charles
discours
de
clôture
prononcé
au

Congrès de
l'Union
des Etudiants et Elèves de Guinée "Liberté" n° 100 Lundi 6 Août 1956.
(431)
: Mah Fata Kandé, interview li br7 Beyla quartier Sobakono.
J

,
396 -
l'émancipation ne doit pas être un simple catharsisme,
elle
va
au-délà
des fonctions électives et commence véritablement avec l'indépendance écono-
mique de la femme (432). Lui donner les moyens intellectuels et techniques
de gagner dignement sa vie par elle même, sans recours à l 'homme. Autrement
dit, l'émancipation n'a de sens qu'à partir du moment où
"serait aboli l'esclavage d'une moitié de l'huma-
nité et tout le système d'hypocrisie qu'il implique
que la "section" de l'humanité révèlera son authen-
tique signification et que le couple humain trou-
vera sa Vraie figure" (433),
d - CONCLU SION
DU CHAPI TRE
L'examen de l'encadrement de la jeunesse et l'organisation des femmes nous
conduit donc, en conclusion à relever les faits suivants
Tout d'abord
remarquons
que
cet
encadrement
répondait
à
la
nécessité
d'élargissement
du
tissu social politique, à celle aussi de disposer d'un
(432) - Ne peut-être atteinte par le discours "faux fuyant" portant sur l'entrée
des femmes dans la production qui, sous d'autres cieux (les pays déve~
loppés) amontré ses limites.
(433) -
: Simone de Beauvoir le deuxième sexe
tome Il Paris Gallimard,
1949,' p. 504.

- 397 -
groupe
de
pression
ayant
pour tâche
primordiale
d'influencer la lutte anti-coloniale et de garantir
la
s:u);l·rématie
tiu
P.D.G ....par
rapport
aux
partis
adverses.
POur
atteindre
cet objectif toutes
les
"coudées franches"
furent accordées à la jeunesse.
(434) De l'organisation de comités de la J.R.D.A.,
dans
les
quartiers
et
villages,
de
la
mise
sur
pied de milice "populaire" à la création de conseils
d'administration dans les établissements scolaires
tout
fut
expérimenté
afin
d'avoir
une
jeunesse
disciplinée du moins docile pour répondre à l'appel
de
la
"Révolution".
Ce
ne
fut
pas
en
vain
car
elle se mobilisa à tout bout de champs pour soutenir
le
gouvernement
dans
ses
moments
difficiles
exemple, pour dénoncer un des "complots" impérialis-
tes
en Avril
1969 à Conakry l
"vingt mille élèves
et étudiants descendent dans la rue pour manifester
contre l'impérialisme français" (435).
La mobilisation
permanente,
lot quotidien d'une conscientisation quelque
peu réelle
a détourné
la jeunesse de
son rôle historique celui d'avant
garde et d'avenir (au sens plein du terme) pour l'acheminer dans les contre-
courants d'une politique de progrès - Démagogie, opportunisme et démarche
mercantile qui ont pollué son existence pour ensuite faire d'elle un relais
inorganique voué au suivisme pol itique. C'est ainsi que du "mil itantisme"
des grands rassemblements
de
la
première
décennie
de
l'indépendance,
la
(434) - Par exemple, pour sa première visite à l'intérieur du pays, Kan~é
Touré premier secrétaire général de la J.R.D.A.
(1959) s'est fait
attendre pendant toute une journée par la population de Forécariah.
(435)
Ibrahima Baba Kaké , Sékou Touré le héros et le Tyran ibid
p. 140.

- 398 -
jeunesse a fini dans la corruption politique et économique
- lutte
déloyale
livrée
par
les
unes contre
les
autres
pour
les
postes
dans
les
institutions
politiques et scolaires.
(436)
- Collusion
avec
la
bourgeoisie
bureaucratique
aupouvoir
pour
le
partage
des
commissions
et
autres
prébendes
fruits
des
surfacturations
des réalisations de projets économiques. (437)
Le danger
que
comporte
une
telle entreprise est
l'uniformisation de la
pensée Juvénile, le mépris pour la "chose publique" au profit de ce qu'il
conviendrait d'appeler la "belle vie qui, parait-il inquiète les gouvernants
"la jeunesse urbaine baigne dans une telle ambiance
que les gouvernants commencent à s'inquièter d'une
certaine dépravation de la jeune fille qui se marie
assez tard afin de jouir auparavant de quelques ex-
périences. La nécessité de subvenir personnelement
à des besoins (réels ou factices) rend peut-être
moins raison d'une émancipation précoce que ne le
font des loisirs citadins organisés parfois, dans de
louables intensions, par le Haut-Commissariat à la
jeunesse, aux arts et à la culture. Les répétitions
théâtrales sur des thèmes politiques et la partici-
pation des troupes à une sorte de coupe de la joie
donnent l'occasion aux jeunes gens et aux jeunes
filles de se rencontrer et de nouer des alTDurettes (438).
(436) Les élections des jeunes (en fait des cooptations) sont souvent le théa-
tre de pratiques traditionnelles (fétichisme et maraboutage de toute sorte de la
la part des candidat~.
(437) Il existe une catégorie de jeunes dont la réussite n'est pas étrangère
à cette pratique.
(438)ESt,,:,celàque Ibrahima Kalil Diaré considère carrœ : "la prise en charge par notre lTDuverrent
de Jeunesse du recenserrent de la réhabilitation des arts authentiquerrent traditionnels 7"
(Réf. La Révolution Culturelle Socialiste et les Arts Horoya Vendredi 1er - Samedi 2 Août
1900 p. 6).

-
399
-
Soœ
l'égide du comité, des
soirées
dansantes
sont
organisées, suivies parfois de débats divers.
Mais ne faut-il pas que jeunesse se passe ?" (439).
~tuation prévisible dans la mesure où les jeunes sont mis dans des condi-
tions telles qu'il
ne leur reste qu'à se révolter ou à succomber à la
débauche. Le parti, pensons-nous, a vraiment moins que personne le droit
de s'alarmer et de
s'inquiéter de
l'inconduite de
la jeunesse dont
il
demeure
le seul
principal
artisan.
En dépit
de
l'ambiance et surtout
de la soumission sus-mentionnées l'entente relative entre les dirigeants
et la jeunesse n'a-t-elle pas connu des périodes difficiles?
En 1970, au cours d1une conférence du C.N.R. au palais du peuple, l'un
des
porte
parole des étudiants de l'institut JXllytochnique
de Conakry,
Bassemba Camara, dit Mao, lançait ces propos à l'adresse du gouvernement
"après 18 ans
d'exercice
ininterrompu du
pouvoir,
i l
ne
fait
aucun
doute
que
le P. D. G.
est
incapable
de
diriger ce pays. Si nos ainés exigEnt que nous nous canportims
corrune des
étudiants
vietnamiens,
il
est
à
souhaiter
qu'ils
se
comportent
comme
des
dirigeants
chinois"
(440).
La réaction des autorités politiques fut négative car, au lieu de revoir
leur
politique vis-à-vis
de
la jeunesse qui
présente des défaillances,
elles slobstinent au contraire à employer la méthode du bâton et de la
carotte
emprisonnement et isolement de jeunes "curieux et réfractaires"
(439)
: Claude Rivière mutations sociales en Guinée ibid p. 153
(440)
Témoignage privé de Yansané Sékou ancien professeur à l'Institut Po-
lytechnique de Conakry Paris 16 Janvier 1987.

- 400 -
à la doctri ne du part i (441) promot ion et honneurs pour ceux qui resser-
rent
les
rangs et acceptent de rester fidèles aux lignes de conduite
tracées.
Frustrée par les restrictions,
il
ne reste plus à cette jeunesse qu'à
se conformer
au
jeu de
la politique
politicienne,
à se conSàcrer à
l'affairisme et
autres
activités
peu
recommandables.
Lors
du dernier
congrès (novembre 1983) n1a-t-on pas vu les jeunes bousculer les inamovi-
bles d'un parti "mor ibond"
lices jeunes dont
la plupart sont de purs pro-
duits de la
"révolution Il ,
sont
-partisans
de
la redynamisation d'un parti-Etat que l'inspira-
tion
semble
avoir
déserté.
Ils
contestent
de
plus
en
plus
ouvertement
la
prééminence
de
"barons Il
dont
l'unique
qualité,
à
leurs
yeux,
est
d'être
des
compagnons
du
" gu ide".
Désireux
d'avoir
désormais
voix
au
chapitre
dans la prise des
décisions engageant la collec-
tivité nationale, ils
ont engagé, voici quelques
mois,
la
bataille
contre
certains
membres
du
Bureau
Politique,
instance
de
décision
du
parti-Etat
dont
ils
entendent
obtenir
le
départ".
(442 )
(441) - Faisant allusion à la même conférence, Claude Rivière dit que: dès la
fin de la séance, les Facultés furent cernées par la police, les étu-
diants consignés et semoncés, les responsables emprisonnés ( ... ) par-
mi eux Ismaël Condé (classes et stratifications sociales ibid p. 131).
(442)
:Beu
Biram Gassama, Sékou Touré l'homme de 1984 ? in Africa
D
n
157 Janvier 1984 p. 15.

-
401
-
Ces
jeunes promus du P.D.G.
se sont organisés en club et classes d'âge
(443)
pour
mieux
jouir de
leur situation confortable
: fréquentations
assidues
des
lieux de réjouissance avec étalage et dépenses
insolentes.
De nombreuses jeunes filles se sentent mal à l'aise de se montrer à l'occa-
sion des fêtes et autres cérémonies (444) dans une robe qui ne viendrait
pas d'Abidjan, Dakar, Paris et n'hésitent point à utiliser tous les moyens
pour
s'en
procurer.
Ainsi
du
projet
de formation
d'hommes
nouveaux ce
sont des jeunes incompris, frustrés et jouisseurs qui
sont les produits
de l'encadrement politique "révolutionnaire" pour lesquels nous nous posions
la question déjà en 1974 de savoir: comment pourront-ils être recupérés
quand il s'agira de dépassement de la révolution pour enfin bâtir la nation?
(445).
(443) - IL s'agit de découpage des générations et les relations intergénéra-
tionnelles. Les classes d'âge sont un phénomène quasi général quimodu-
lent profondement la vie de toutes les sociétés" (Réf. D. Paulme,
classes et associations d'âge en Afrique de l'Ouest, Paris, Plan,
1971 p. 50). Elles limitent d'autre part l'évolution des individus
qui en sont membres car chaque homme, chaque femme dès leur itiné-
raire d'enfance se voient intégrés dans un groupe au sein duquel ils
franchiront les étapes de la vie sociale jusqu'à leur mort.
(444) -
La fête dans la société africaine d'aujourd'hui semble avoir perdu
ses dimensions sociales au profit de l'''esprit de serieux" imposé
par les circonstances.
(445) -
Sidibé Kabiné Béma le socialisme Africain thèse de 3è cycle
Budapest Hongrie ibid p. 205.

- 402 -
CHAPITRE IV.
L'opposition
Estudiantine
Parler d'opposition face au pouvoir en Guinée peut paraître euphemique
à pmnière vue dans l a mesure où elle a toujours été présente durant toute
l'existence du P.O.G. Nous pensons notamment A cette forme de résistance
passive que
l'on a constatée à travers les lourdeurs dans l'exécution
des mots d'ordre. SEulement, sa manifestation concrète, du moins brutale
et permanente perceptible dans la vie de tous les jours ne s'est erigée
en "institution" qu'à travers les intellectuels en général et particulière-
ment les étudiants. Par ailleurs, elle a revêtu plusieurs formes de contes-
tations : tantôt ce sont des critiques et protestations, tantôt il s'agit
de stratégies "savamment élaborées" pour faire pression et, si possible
créer des fissures
dans
l'édifice de
l'appareil
politique contesté. Oe
ces formes
peut-on retenir
le "postulat" stipulant que: tout système
politique crée ses propres fossoyeurs ? Ou bien l'opposition intellectuelle
estudiantine provient-elle du fait
que ceux qu'on admirait hier comme
leaders (446) ne sont plus que de "piètres icônes" vidées de leurs substan-
ces attractives, émoussées par l'usure et la griserie du pouvoir, inaptes
"
(446) - Siradou D1allo, ancien élêve de l'Ecole Normaie de Sébikotane~onsidéré
comme opposant "notoire" à Sékou Touré dit: l'homme .(Sékou Touré) me
fascinait. J'avais même affiché sa photo sur le mur de ma chambre, à
l'Université de Dakar, accompagnée d'une citation. Ce fut une idylle
de deux ans. Mais en Novembre 1961, Sékou faisait arrêter les ensei-
gnants, des hommes pour qui nous avions de l'admiration, il exigeait
que tous les étudiants qui se trouvaient à l'étranger et avaient pris
position en faveur des accusés soient immédiatement rapatriés. Sinon,
c'était la suppression des bourses pour tout le monde. (Réf
Document,
Sékou nous a marqués à jamais jeune Afrique n' 1306 15 Janvier 1986
p. 13).

- 403 -
à faire avancer l'histoire au rythme des souhaits légitimes de la popula-
tion
? Autrement
dit
seraient-ils
devenus
opposants
par déception,
ou
parce que lésés par un pouvoir qui ne leur a reservé qu'une portion congrue
du gâteau? Autant de questions auxquelles se propose de répondre le présent
chapitre de
notre
étude.
Toutefois,
nous
tenons
à signaler au
lecteur
que
l'entreprise
n1est
pas
aisée car
l'opposition guinéenne a souffert
tout au long de son combat de "maladie infantile, de divisions tribales,
claniques, de conflits de génération liés à des considérations de grades
universitaires, ou idéologiques etc ...
En fonction de ces données, nous tenterons un essai (447) d'analyse afin
de cerner et de comprendre les fondements réels de l'opposition des intellec-
tuels et des étudiants face au pouvoir en place.
Cette opposition pensons-nous porte la marque de la sous-section du P.O.G.
de Mamou. Une telle démarche nous semble logique dans la perpective choisie
c1est-à-dire
l'évolution
historique de
l'opposition en rapport avec les
réalités
socio-politiques. Donc le chapitre comportera trois sous-chapi-
tres qui sont :
- Fondement des
luttes intellectuelles au sein
du P.D.G. - R.D.A.
- Luttes estudiantines et réalités socio-politi-
ques.
- Bilan et résultat.
(447)
Essai, n. M.
(du verbe essayer). Epreuve, première expérience qu'on
fait d'une chose. Ouvrage où un auteur effleure différents sujets où
en traite un mais sans prétendre l'épuiser" (Béf dictionnaire prati-
que Quillet D
ET K librairie Aristide Quillet-Paris 1974 p. 965).

-
404 -
a - Fondement des luttes intellectuelles au sein du P.D.G. - RDA.
-De la naissance du P.D.G. -R.D.A.
Le parti démocratique de Guinée section territoriale du RDA est né le 14
Juin 1947
à Conakry (448) au siège du Comité Franco-Libanais.
Ses principales
composantes
à
l'époque
sont
les
groupements
ethniques
et quelques partis politiques implantés surtout dans les villes (449).
Cette union circonstancielle puisqu'il s'agit d'une émanation des mouvements
ethniques n'a eu qu'une vie éphemère 1947-1950. Ses activités fondamentales
cons i stèrent tout d'abord à raft ermi r l a base par la créat i on des sous-
sections
dans
les
principales
villes
(450),
ensuite àmener des
actions
contre les abus de l'administration coloniale. Parmi celles-ci citons entre
autres: la revendication pour l'assainissement des villes, la répartition
et l'installation des fontaines publiques, la construction de marché, (451) la
(448) - Le 14 Mai
1947 supposé être la date de la création du Pffi-RDA, retenue par Il:rahina
&.l:a Kaké (in Sékou Touré,
le héros et le tyran ibid. P 38) et AOOré Lewin (in la
û..rinée ibid. p 49) ne semble pas "corresIXJlldre à la réalité" car "le 4 Juin 1947,
arriva (en aJinée) Cebriel d' Arboussier, vice-Président du RDA, chargé de l' organisa-
tion.
( ... ). Il contacta tous les COllÙ.tés des grouperœnts qui prirent des engagerœnts
femes J:XllII" la plupart, les autres faisant de belles praœsses. Le 14 Juin 1947, les
délégués des (grouperœnts éthniques )approuvèrent les statuts et le règlerœnt intérieur,
désignèrent le COllÙ.té Directeur (filéf RDA, travaux du 1er congrès 1950 - rapport général
d'activité 1947-1950 présenté au nan du COllÙ.té Directeur par Mamadou Madeira Kéita
secrétaire général Paris archives CRDA 93 rue Lafayette p. 4).
(449) - Il s'agit: de l'union du Mandé, de l'union Forestière, de l'union des Toucouleurs, de
l'union des insulaires, de l'union des rrétis, de (quelques rœmbres) de l'Amicale Giltert
Vieillard, du regrouperœnt des ressortissants de la Basse-Guinée et des partis politiques:
le parti progressiste africain de Guinée (PPAG) de Madeira Kéita et la liste dite socia-
liste de Cltinée MamtB Sano - Barry Diawadou.
(4~) - Kindia, Manou, Lare, Tougué, Coyah et 1949 n'Zérékoré, QIéc-Kédougou, Youkounkoun, Kan-
kan et Kouroussa.
Le recruterœnt devint intensif à Conakry et l:anlieue (près de (;(XX)
inscrits en Avril 1948) pour N'Zérékoré (plus de 10 CXD inscrits) (ftéf Madeira KéIta
rapport général d'activité ibid pp 4-5).
(451) - Le 1er Marché du RDA fut construit à rvEnéah (près de Conakry) en 1948.

-
4U5 -
lutte contre l'augmentation des impôts, les fournitures obligatoires des récol-
tes, le gaspillage des deniers publics et la spoliation des richesses natu-
relles (452). Par ailleurs, le PDG-RDA dans son ensemble apporta un soutien
sans faille à l'héroïque grève, l'action historique des cheminots africains
d'Octobre 1947 à Mars 1948 (453). Ces prises de positions eurent des échos
d'autan1F-plusqu'elles avaient pour "caisse de résonnance" les journaux "phare
de Guinée" et "coup de bambou" (454). Malgré une relative réussite, le PDG
,
ne tarda pas à battre de l'aile du fait de la repression coloniale (455)
organisée afin d'étouffer dans l'oeuf l'éveil d'une conscience nationale mais
aussi des rivalités et ambitions locales affichées par les représentants (456).
Conséquences : les formations de base connaissent des difficultés de fonction-
nement.
"Elles n'ont presque pas de liaison avec la Direction
Centrale; leurs dirigeants, malgré leur courage,leur
bonne volonté et leur devouement ne mènent presque au-
cune action, faute d'expérience et de savoir-faire: les
organisations tombent rapidement en sommeil avant de
disparaître tout à fait. Il y a cependant lieu de souli-
gner le maintien d'un solide noyau à Labé autour de
notre camarade Doudou Fall" (457).
(452) - Dans le cadre des assemblées locales le RDA s'était élevé contre la
mains mise américaine sur le fer de Yomboéli.
(453)
-
Ce conflit a été abondamment évoqué par Sembène Ousmane dans son livre les Bouts de
bois de Dieu Paris Presses Pocket 1960.
(454)
-
Le journal "Phare de Guinée" a été crée en Septembre 1947 - le "Coup de Bambou" le
1er Avril 1950.
(455)
-
La répression coloniale a d'abord commencé par les mutations des fonctionnaires mili-
tants du RDA : Léon Maka, Baba Camara, Ibrahima Diané, Moussa Diakité, Savané Morican-
dian, Mamady Traoré - Procès en Juin 1948 contre les militants de Dinguiraye pour ou-
trage à magistrat. Le 21 Avril 1950, la permanence de N'lérékoré est incendiée. En Août
1950, Madeira Kéita fut soumis à un contrôle de routine humiliant et provocateur :
l'administrateur informé de son passage dans la localité de Siguiri entreprit cette
sale besogne qui faisait partie des pratiques visibles de la guerre psychologique livrée
aux membres du R.D.A., et qui en l'occurrence consista à l'éparpillement des effets
vestimentaires du fonctionnaire en partance pour le Soudan "français" (l'actuel Mali).
La réaction de Madéira Kéita fut digne, et ne céda en aucune façon à la provocation.
Il se contenta de recuperer avec une lenteur dédaigneuse ses effets et les rangea tout
aussi cérémonieusement que possible dans sa malle sans mot dire. (Témoignage privé de
Ousmane N'Diagne ancien trésorier de Kankan 1946-1963 fait à Abidjan le 29 Novembre 1987).
(456) -
Un exemple à cet effet bien que se situant en 1946 et antérieur à la création du PDG~A
est assez significatif : leur manque de sens de l'intérêt national est demontré par
leur incapacité à s'entendre sur l'implantation du premier lycée que la France se pro-
posa, en 1946, de créer en Guinée; faute d'accord, un simple cours secondaire fut ou-
vert à Conakry (réf. André Lewin la Guinée ibid. p. 49).
(457) -
Réf. Madeira Kéita rapport général d'activité ibid. p. 5.

- 406 -
b - De
la sous-section
PDG-RDA
de Mamou
Cette traversée du
désert n'entama nullement la détermination du
noyau fondateur, au contraire elle fut mise à contribution pour réorganiser
les structures de base, aussi servit-elle à clarifier les objectifs politi-
ques pour un nouveau départ.
Celui-ci fut l'oeuvre des militants de la
sous-section de N'Zérékoré constituée d'une vingtaine de Guinéens venus
de Côte d'Ivoire (Septembre 1949) (458).
Ainsi
le PDG "redynamisé" deviendra pour une période de 7 ans
(1950-1957) le parti à deux tendances: d'une part la tendance des syndica-
listes
expérimentés
et
"opportunistes"
qui
entendent
circonscrire
la
lutte
sur
le
terrain des revendications salariales et aussi éviter la
collision
avec l'administration coloniale. D'autre part les jeunes fonc-
tionnaires "radicaux" pour lesquels la lutte doit aller au delà des simples
revendications salariales et si possible déboucher sur l'acte d'émancipa-
tion réelle des
populations
guinéennes
- c'est-à-dire à long terme a-
boutir
à
"l'indépendance"
parmi
les
sous-sections
représentatives
de
ces
jeunes fonctionnaires
radicaux figure celle de Mamou qui
retient
notre attention pour les raisons suivantes
(458) - Le dirigeant le
plus
en
vue
de
cette
sous-section
à
l'époque
s'appelait Mamadou Foromo. Ce dernier était tributaire de nouvelles
méthodes
d'organisation
apprises
auprès
de
la section soeur de
Côte
d' Ivoire PDCI-RDA dont le secrétaire général est Félix Houphouët
Boign'y l'un des. pères fcndateurs du RDA à
Bamako
(Mali O'ctobre 1946)
Sous
sa
direction
le
RDA
de
Guinée
particulièrement
la
sous-
section PDG de N'Zérékoré : "prend vite de la vigueur. Les paysans
adhèrent en masse au mouvement (plus de 10.000) après les premiers
succès
de
la
lutte
contre
les
fournitures
obligatoires.' Mais
la réaction
affolée
va
particulièrement
s'acharner
pour tenter
de
détruire
cette sous-section.
Cependant le recrutement s'étend
au
cercle
voisin
de
Beyla
démontrant
qu'il
suffit
de
toucher
nos
cultivateurs
pour
qu'ils
fassent
tout
de
suite
confiance
au RDA. Tel est également la signification des nouvelles formations
de Gueckédou et
de Youkounkoun avec
nos
camarades Léon Maka et
Mamadi Traoré.
A Kankan
et
Kouroussa.
nos
amis Sayon Madi
Kaba
et Karamoko Diafodé Kéita nous laissent entrevoir de belles perspec-
tives.
(Réf Madeira Kéita ibid p. 5).

- 407 -
-
'
elle s'est developpe c
dans un environnement où la chefferie tradition-
nelle qui semble disposer de bases solides est peu réceptive aux idées nova-
trices contraires à ses intérêts "esclavagistes". Une des explications
qu'on pourrait attribuer à cette situation paradoxale est que
la ville a
été une création délibérée de l'administration coloniale afin de déposséder
Timbo de son rôle de chef lieu du moins de bastion du Fouta, lieu de concen-
tration
d'un
pouvoir traditionnel
capable aux yeux de
l'administration
de "loyauté ambivalente" (459). Or, de ce déplacement administratif naîtra
non
seulement un centre commercial entre la Guinée profonde et la capitale
mais
aussi
un entrepôt pour le commerce international
(460). De par ce
fait,
la ville de Mamou deviendra pour diverses populations africaines
en général
et en particulier pour celles de Guinée un lieu de travail
administratif et commercial
(les travailleurs des chemins de fer et ceux
des travaux publics). Cet aspect cosmopolite a beaucoup facilité l'implanta-
tion du PDG-RDA. La ville de Mamou était par ailleurs pour l'administration
coloniale un lieu de pénitence, d'exil pour les fonctionnaires "récalcitrants"
et peu conformistes
par rapport à la situation de
"privilégiés'~ Ainsi
l'administration coloniale sans le vouloir a contribué à façonner le carac-
tère particulier (le radicalisme) de la section de Mamou. Selon R.W. Johnson
among the radical fonctionnaires (civil servants)
transferred there were Saîfoulaye Diallo, the son
of a Foulah chief later to become second only to
(459) - En 1950, l'Almamy Ibrahima Sory Dara de Mamou a reçu le titre unique
de chef supérieur du Fouta Djalon en guise de récompense des "services
loyaux" rendus à l'administration coloniale.
(460) - Pour les pays suivants; la Sierra-Léone, le Sénégal (Casamence) et
la Guinée Bissau.

-
408 -
Sékou Touré in the PDG leadership. Bela Doumbouya
(a
malinké),
Pléah
Koniba,
a
Bambara
from
the
french
Soudan
(now
Mali),
and
Aboubakar
Doukouré,
a Sarakollé
who had been transferred
twenty-one times in eightenn years before ending
up
at
Mamou.
It
was
there
fonctionnaires
who
provided
the
Mamou
section
wi th
i ts
distinc-
ti vely
marxist
leadership.
I t
is worth
nothing
that
aIl
those
named
above
were
members
of
the tiny African elite with a secondary education-
al
were graduates of the Ecole Normale William
Pont y
in
Dakar.
This
alone
helps
explain why
they were merely transferred by the Administra-
tion
and
not
dismissed
from
their
posts
as
were
simil.arly
radical
petits
fonctionnaires
with
only
a
primary
education-Touré
himself
being
a
notable
example
of this
lat ter group.
Parmi
les
fonctionnaires
radicaux
mutés
là-
bas
il
Y avait
Saifoulaye
Diallo fils
d'un
notable Foulah qui plus tard deviendra l'adjoint
de
Sékou Touré
au sein
du
PDG,
Bela Doumhouya
(un
malinké),
Pleah Koniba,
un
bambara
venant
du
Soudan
français
(actuellement
Mali),
et
Aboubakar
Doukouré
un
SarakOUé
qui
avant
de
se
retrouver
à
Mamou
a
été
21
fois
muté
en
18ans
de
service.
Ce
sont
ces
fonctionnaires
qui
sont
les
dirigeants marxistes
de
la sous-
section
de
Mamou.
Cependant
il
est
important
de
noter
que
ces
derniers
appartiennent
à
un
peti t
cercle
d' intellec tuel s
africains
qui
ont
le
niveau
d'études
secondaires
(William
Pont y de Dakar).
Ce seul fait explique pourquoi
ils furent simplement mutés par l'administration
et
nonlicenciés
comme ce fut le cas des petits
fonctionnaires
radicaux
de
niveau
d'études
primaires.
Touré
est
le
prototype
de
cette
catégorie (461).
(Traduit par nous).
(461) -
_ the Parti Démocratique de Guinée and the Mamou "déviation" Cam-
bridge University Press 1970 pp 350-351)

-
409
-
Le groupe de "leaders" (462) étant constitué par la dynamique de l'histoire
il
ne restaitplus à celui-ci que de trouver une base sociale capable de
soutenir
ses
actions politiques.
Les éléments naturels de
œtte basé sociale
sont:
les travailleurs des chemins de fer, les anciens combattants, les
désoeuvrés
et
les marginaux de la hiérarchie sociale du Fouta et enfin
les femmes
de
castes
communément désignée's
sous
le
nom de "femmes des
esclaves" (463). La sous-section bien servie par la présence de cheminots
et autres travailleurs groupés au sein du comité intersyndical de Guinée
(462 - En plus
du
noyau
militant
marxiste,
on
peut
ajouter
quelquques
noms
de
mili tants
qui
ont
fait
figure
de
proue
ce sont
: Samba Lamine
Traoré, Anssoumane Oularé, Sékou Camara, Karimou Kéîta, Emile Cissé, Fatou
Aribot etc ...
(463) -Ces femmes
de Mamou sont de fervantes mili tantes de la sous-section
car pour elles,
c'est
un moyen de se libérer de l'emprise féodale
dont elles sont victimes. A cet effet voici ce que dit leur représen-
tante Sylla Touré
:
the
party came and 't realizes Iwas the slave
of
a
slave.
We
struggled
among
the
women
to awaken
their
cons-
ciousness
too.
l
was
often in
trouble wi th
the
police because we
attacked the wife
of the commissaire de Police for not making her
husband
respect
women.
We
went
into
the
roundé
(slave villages)
and also attacked chiefs through their wives. We struggled to destroy
the chiefs families by getting a majority of their wives to divorce
them for the way they treated the people.
Grâce au parti j'ai réalisé que j'étais esclave d'un esclave.
Nous
avions aussi lutté pour faire prendre conscience aux femmes. J'étais
souvent en conflit avec la police car nous avions attaqué la femme
du commissaire parce qu'elle n l arTivait- pas à rendre celui-ci respec-
tueux
envers
les
femmes.
Nous
partions
dans
les
roundés (Villages
des
esclaves)
pour provoquer les
femmes
des nobles.
NOus luttions
pour
détruire
les
fondements
de
leurs
familles
en
invitant
les
épouses à divorcer de leurs maris ceci à cause de leurs comportements
envers le peuple (Réf interview livrée à
R.W Johnson le 17 Octobre
1968 in the parti Démocratique de Guinée and Maou "deviation" ibid
p. 351 (traduit par nous).

.. 410 -
(CGT - CFTC) ne tarde pas à tirer profit de cette présence. Il s'est agi\\!)
au travers de la réorganisation de ces travailleurs de mener à bien la
°i
lutte anti-coloniale puis, nous le verrons dans les pages-. suivantes de
contrer, du moins amoindrir les effets de la politique collaborationniste
(464) initiée en 1950 par le Comité Directeur du PDG. Ainsi, avec les insti-
tuteurs, les paysans captifs, les cheminots (465) forment l'aile la plus
radicale de la sous-section de Mamou. Cette phase de constitution de la
base peut par ailleurs être considérée comme celle du militantisme actif
en effet la sous-section optera non seulement pour la lutte purement politi-
cienne recommandée par le comité-Directeur à l'endroit de l'administration
coloniale, mais
aussi
pour la lutte contre les représentants locaux de
celle-ci: le travail de sape contre la chefferie féodale du Fouta, particu-
lièrement celle de Mamou. De par cette diversification de stratégies par
rapport
aux
luttes
politiques,
et
surtout
l'influence grandissante de
la sous-section dont les membres sont peu redevables aux notables du PDG
(464) - Seloo I1rahina Bata Kaké : la mise en place œ nouvelles équipes à Paris, au Ministère œ °
la France d'outre-Iœr, et surtout à Dakar, avec la n::mi:natioo en Septembre 1951 œ
M. Bernard Corrn.lt-Gentille canœ haut-coomissaire œ l'Aof, entraîne bientôt un chan-
gaœnt cœplet d'attitude d.c8 l'administration à l'égard de Sékou Teuré (Réf Sékou
Teuré le l-ërœ et le tyran ibid p 42).
(365)- The railway \\'K>rkers provided a numter of POO cadres at Maocu rotably : MJrlaye Caœra
and Sorita Bangoura, toth of them Soossous.
Ncm1:re de cadre du POO à Mam:u provierment du (rang) des travailleurs des chemins
de fer- {E'ticulièrerœnt MJrlaye Caœra et Sorita Bangoura tous deux de l'ethnie soussou
réf R.W. Johnsoo the Parti déJrœratique de Guinée and the Marocu "deviatioo" (traduit \\paI'
o .
noos).

-
411
~
(466) jaillira l'étincelle de la confrontation entre le centre et la periphé-
rie du Parti.
c - De la position radicale de la sous-section de Mamou
La
première confrontation entre
le comité Directeur et sa sous-section
de Mamou remonte· d 1950, année du dés apparentement du RDA d'avec le Parti
Communiste
Français
Ce
"repli
tactique"
d'après certains dirigeants
du RDA et non des moi ndres est une nécess ité pour ne pas encourager la
répression coloniale.
Autrement dit,
pour
le
Président du RDA d'alors,
Houphouet Boigny:
l'Afrique et les intérêts des populations africai-
nes
comptent
avant
toute
autre
préoccupation,
IL reste
au RDA à rechercher dans une situation
nouvelle les meilleurs appuis en métropole suscep-
tibles
de
l'aider
à
poursuivre
la
lutte
pour
les
droits et
libertés
jusque là reconnus dans
les principes mais dont le plein respect condion-
ne l'avenir des Territoires. A défaut d'un soutien,
du
moins
souhaite-t-il
que
ses
rapports
avec
tel
ou tel milieu politique métropolitain (467)
(466) - R.W. Johnson nous dit à
ce
sujet
:
I t
is
important to realise
that among the old militants of the type found at Mamou there was no special
deference to Sékou Touré,·The concept of "charisma" so beloved· of political
and social scientists is of little use here.
Il
est
important de réaliser que parmi les vieux militants basés à Mamou
aucun ne doit
spécialement à Sékou Touré. Alors le concept de "charisme"
tant aimé des politiciens. et
des hommes
de lettres est mains utilisable
dans ce cas (préci~i (Réf." ibid 353) traduit par nous).
(467) - En Janvier 1952, les élus africains du RDA décident de s'apparenter
à
une
autre
formation
poli tique
métropolitaine
en
l'occurrence
UDSR
de
François
Mitterand
(Union
Démocratique
et
socialiste de
la Résistance),
D'après Claude Gérard
:
il
s' agi t
d' une entente dans un domaine précis,
à savoir,
les possi bili tés d' expression parlementaire et non point d' une
alliance (?), (Réf les pionniers de l'indépendance. Collection Histoire et
Devenir, Paris Edition Inter-Continents, 1975, ibid, p. 32).
7

-
412 -
ne
se
traduisent
pas
par l' appari tion d' obsta-
cles supplémentaires sur son chemin et notamment
par
l'opposition
entre
Africains au
lieu
de
l'union tant recherchée" (468).
Pour d'autres
malgré ce souci de préservation de l'union et aussi pour
ne pas pr~ter le flanc du mouvement aux provocations coloniales, le désappa-
rentement
n'est
qu'un
"virage
à droite"
(469)
afin de renter dans les
bonnes
grâces
de
l'administration coloniale et obtenir
si
possible les
gains individuels de cet "opportunisme" (470). POur ce qui est de la posi-
tion du Comité Directeur du RDA de Guinée, c'est l'appui total au Bureau
Territorial
qui
est
adepte du
désapparentement et ceci fut notifié aux
militants
lors
d'un meeting tenu
le
26
Décembre 1950 au cinéma Rialto
de Conakry :
(468) - Réf cité par Claude Gérard, les pionniers de l'indépendance collec-
tion Histoire et DeventrEdition Inter-continents 1975 p.
32.
(469) - Les militants du RDA ayant contesté ce désapparentement sont: Ga-
brièl
d' Arboussier
qui
ne
s'est d'ailleurs reconcilié avec Hou-
phouet
Boigny qu'en 1956 est ancien secrétaire général du Comité
de
coordination,
Ruben
Um
Nyobé
(secrétaire
général
de
l'Union
des
populations
du Caméroun -
Upe·RDA),
Bakary Djibo
(secrétaire
général
du
Sawaba
RDA
du
NIger),
Gaye
Malick
(seccrétaire
de
l'Union Démocratique sénégalaise) etc ...
Gabriel
d' Arboussier
chef
de
file
de ce groupe
:
entamera alors
une
nouvelle
carrière
poli tique,
devenant
successivement
membre
du
grand
Conseil
d' AOF
(au
titre
du
Niger),
Président
de
cette
assemblée présenté par le RDA), Ministre de la JUstice du Sénégal,
Ambassadeur
à
Paris,
assistant du secrétaire général
des Nations
UNies.
IL aura abandonné toute velleite révolutionnaire et gagné
la confiance des honnêtes gens.
(Réf Georges Chaffard les carnets
secrets de la décolonisation, Paris Calman-Levy 1965 p.
127).
Par ailleurs, ces Il"lêJres militants contestataires du désapparenterœnt justifient
leur position par le fait que : le congrès de Banako a défini les apparenterœnts
et non les volte-faces ( ... ).
Il est regrettable que des camarades n'aient pas
cru devoir étudier les moyens oppressifs du capitalisrœ avec lequel on ne peut
caTJ[X)ser. Etions-nous liés aux. cœmunistes en 1945 pour que la réaction nous cantat-
te ? Avec elle, i l suffit de parler des intérêts de la masse, de poser les problèrœs
sous leur vrai jour pour subir ses assauts. (Réf Procès vertal de la réunion du
Canité de Coordination, Oct.
1948. cité par Marcel l\\m:ndji, Félix I-buphouet et
la C.1. l' envers d'une légende Paris Karthala' 1984 ~ p. 127).
(470) -
Ibrahima Bata Kaké dit à cet effet que : cette fidélité a valu à Sékou Touré d'être
élu en 1953 conseiller teITitorial de Eeyla. (Réf Sékou Touré le Héros et le tyran
ibid p. 42).

-
413
-
le RDA n' avait plus auc un apparentement avec le PCF (Réf rapport po lit i que
1951). Cette prise de position fut ressentie par la sous-section de Mamou
comme une trahison, et qui ne sesentit pas concernée par cette défection.
Ce qui alors amena Roland Pré Gouvernelir
de la Guinée à qualifier les mili-
tants de Mamou
"d'élements
staliniens",
ces
éléments
staliniens
refusèrent
de
s'engager
dans
la
voie
tracée
par
Madeira Kéita et Sékou Touré.
(471)
La brèche ainsi
ouverte entre la sous-section et le Comité Directeur ne
se referme pas, bien au contraire s'élargit-elle. Dans leur rapport moral
à la session du Comité de Coordination du 8 Juillet au 11 Juillet 1955
à Conakry l es
adeptes
de
l a thèse
du
dés apparentement exhortèrent
les
mil itants
du
PDG-RDA
à soutenir
leur
position contre celle
pronée
par
les"durs"à savoir Jerétablissement de l'alliance avec le PCF. (472). Or,
au moment

se
tient la dite session du Comité de Coordination,
le 9
Juillet Bakari Djibo du Sawaba du Niger 1
Gaye Malick de
l'Union Démocra-
tique sénégalaise
et Mamadou Fadiala Keïta ancien secrétaire de l'U.S.-R.D.A.
lancent :
un "manifeste pour un véritable RDA" qui correspond
entièrement à la position de la sous-section d~ Ma-
(471) - Réf: Alpha Condé, Guinée l'Albanie de l'Afrique au Néo colonie Amé-
ricaine? ibid p. 95).
(472) - En réalité cette rupture était difficile à concevoir par les "durs"
du Parti d'autant plus que le RDA de sa naissance (Oct. 1946) à l'an-
née du désapparentement était habitué à la cohabitation "étroite" a-
vec le PCF. D'aucuns disent dans les couloirs que le manifeste du
RDA publié en Septembre 1946 porte grandement le cachet du délégué
du PCF. Les déférences à l'endroit du PCF après la rupture explique-
raient aussi le dépit d'amour: je mets mes collègues en garde con-
tre ces attitudes qui consistent à injurier ceux ·avec lesquels, à
un certain moment, dans l'intérêt exclusif de vos populations, on a
cru devoir
collaborer, comme c'est notre cas (Réf Houphouet Boi-
gny cité par Georges Chaffard, Carnets secrets de la décolonisation,
Paris Calman Lévy 1965 p. 130.

-
414 -
mo~ Ce manifeste demande
aux
militants
de
résister
"aux
tentatives
d'étouffement
du
RDA
par
quelques
personnalités
acquises
plus
ou moins consciemment au colonialisme; à denon-
cer immédiatement et vigoureusement
le
comité
"croupions"
de
Monsieur
Houphouet
Boigny
et
de ses amis, à constituer sans délai des Comités
fidèles
au
véritable espri t
du
RDA
pour
la
lutte anticolonialiste ...
Exprimant la volonté
des
hommes
de
l'immense
majorité
des
masses
dans
qui font confiance au. RDA . tous les territoires
de
l'Afrique
Noire,
des
militants
de
base
et des dirigeants des sous-sections, des étudiants
africains et de l'élite en général, nous deman-
dons à tous et à toutes de tout mettre en oeuvre
pour
la
tenue d' un
congrès
démocratique
RDA,
où seront représentées toutes les organisations
de
base
sans aucune exclusive.
Car le congrès
est
la
seule
instance
qui
peut
déterminer
ou modifier de façon valable la ligne politique
et la
composition
des
organismes
RDA
:
aux
décisions
unilatérales
d'exclusion
prononcée
contre
certaines
sections,
nous
répondons
par la mise au ban de tous ceux qui ont trahi
notre
mouvement
par
intérêt
ou
par
lâcheté" {473}.
l'appel lancé par le manifeste à llendroit des militants eut des échos
(473) -
L'Humanité, 27. Jui11et 1955

- 415-
plus ou moins "favorables" dans diverses sectionsterritoriales (474) seule-
ment c'est en
Guinée qu'il
reçut une approbation ouverte des opposants
à l'intérieur du PDG particulièrement dans la sous-section de Mamou:
ils
dénoncent
avec
virulence
la nouvelle ligne
politique
du
PDG,
traitant
ses
dirigeants
de
"vendus", de "pourriture" et de "corrompus" (475).
La réaction du Comité Directeur ne se fit pas attendre elle consista en
l'exclusion des opposants du mouvement. A cette occasion, le Vice-Président
de la
sous-section de Kankan, Makassouba -Moriba (476) reprend à l'intention
des exclus, le mot de "Chamfort" (477) :
Les
raisonnables
ont
duré,
les
passionnés
ont
vécu
( ... ). Lorsque nous avons parlé de collabo-
ration
il
est
évident
que
les
réactions
et
les
commentaires
ont
été
multiples
et
divers
(474) - En Côte d'Ivoire
bien que la position du Comité Directeur du PDCI
(Parti
Démocratique
de
Côte
d'Ivoire)
fut
"largement
suivie"
il
y avait tout de même des militants qui; n'ont pas ~IUJvé l'orienta-
tion imprimée alors au Parti par le Président Félix Houphouet Boigny.
( ... ).
Celui-ci
déclarait
dans
une
interview à
l'Afrique nouvelle:
en ce qui concerne les militants de la Côte d'Ivoire, ils ont approuvé
le
désapparentement.
Mais
nous
nous
apercevons,
un
peu tard,
que
certains
d'entre
eux
ne
l'ont
fait
que
du
bout des
lèvres.
(Réf
Philippe Grégoire Yacé
in Bulletin AIP spécial,
28-09-1963 et Hou-
phouet
Boigny
dans
l'Afrique
nouvelle
ci té
par
Marcel Amondj i
in
Félix Houphouet Boigny et la C.I. l'envers d'une légende ibid p. 122).
(475) -
_: ci té par Alpha Condé, Guinée l'Albanie de l'Afrique ou
Néo-co-
lonie Américaine ? ibid p. 96.
(476) - Makassouba Moriba a été victime de la machine repressive du PDG en 1970.
(477) - Homme
de
lettres
français
révolutionnaire
(?)
1741-1794.
D'après
Encyclopaedia Universalis : Chamfort ne se déchaine que pour fustiger
ce qu'il hait (Réf Paris vol. 4. S.A 1980 p 130).

-
416 -
certains
de
nos
camarades
de
lutte,
inquièts
de
l'évolution
de
la nouvelle
ligne poli tique
du
RDA,
se
sont
raidis
dans
une
opposition
systématique et
stérile.
Et,
avec une violence
verbale
sans
égale,
ils
ont
crié
"vendus"
et
à
la "pourriture", et aux "corrompus", en trai-
nant
ainsi
nos
leaders
territoriaux
et
nos
parlementaires
dans
la
boue
de
l'injure,
de
la
diffamation
Nous
souhaitons
que
leur
exclusion ne soit pas définitive.
(478)
Cette exclusion
n'eut
pas l'effet escompté à savoir la mise de l'ordre
dans les rangs du Parti, bien au contraire elle provoqua une radicalisation
dans
la démarche
politique des
"contradicteurs"
tant
au sein du Parti
qu'en dehors de celui-ci. A cet effet toutes les occasions furent exploitées
afïn de passer à l'offensive contre la direction du PDG. La première qui
donna lieu à l'affrontement porta sur l'élection de trois députés à l'Assem-
blée Nationale Française
le 2 Janvier 1956. Or,
la situation politique
bien que favorable au PDG-RDA, ne lui donnait pas pour autant toutes les
chances
de remporter
les 3 sièges, dans l a mesure où l a représentation
proportionnelle était de mise
;
ce qui p~rP.1etuüt
au candidat du Parti
adverse Barry Diawadou du BAG d'obtenir un siège. (Pour cela il lui suffi-
rait d'obtenir 17 % des voix). Compte tenu de ce qui précède, la stratégie
du Comité Directeur a-été de dresser une liste de cand idats "représentatif s"
mais surtout répondant à la politique de souplesse vis-à-vis de l'administra-
tion coloniale.
Les "mieux
indiqués"
par ordre de préférence du Comité
Directeur sont :
1) Sékou Touré secrétaire général du PDG depuis
1952 (479).
2) Lansana Béavogui membre du Comité Directeur et
fidèle lieutenant du premier nommé.
3) Saifoulaye Diallo membre de la sous-section de
Mamou.
(478) -
: "Liberté" n
50
(479)
Il faut savoir qu'en 1952 le premier secrétaire général du PDG Madeira Kéita a été
contraint à l'exil par l'administration colooiale, il fut d' aoord rerrq:llacé par Amara
Sourœh ensuite par lU1 tour de vis Sékou Touré se trouva à la tête du PDG et ceci
sans auclU1e consultation avec les sous-sections.

-
417 -
Dès l'abord,
la liste semble retenir l'adhésion de toutes les composantes
du
Parti,
particulièrement celle de Mamou puisqu'elle a un représentant
parmi
les candidats mais tel
n'est pas le cas.
Car,
pour elle la liste
procède
à des
manoeuvres
de
Sékou Touré et du Comité Directeur un peu
comme la rupture de la centrale syndicale africaine, consommée à la même
période avec la CGT (Confédération Générale des Travailleurs de France),
d'où
naîtra
l'UGTAN
(Union
Générale
des
Travailleurs
d'Afrique
Noire).
D'après André Lewin
Ces positions rendent Sékou Touré plus sympathi-
que aux milieux coloniaux de Guinée (480)
La sous-section par la voix de Pléah Koniba porta le débat sur la place
publique en fustigeant les manoeuvres dilatoires en ces termes-ci:
Sékou Touré, he claimed, was clearly an opportu-
nist and Lansana Béavogui simply his pliable hen-
chman. Saifoulaye Diallo was the only "incorrup-
tible" on the list and the PDG could not afford
to exclude him from any real hope of success.
Sékou Touré clamait-il, est un vrai opportuniste
et LansanaBéavogui son bon à tout faire
Saifoulaye Diallo est le seul"incorruptible" sur
la liste et le PDG ne peut le détourner de ce
souhai t réel de succès. Traduit par nous (481)
(480) -
: La Guinée ibid p. 53.
(481) -
. : R. W. Johson "the parti Démocratique de Guinée and Mamou "dé-
viation" ibid p . 353.

-
418
-
En effet Saïfoulaye Diallo était dans le milieu intellectuel guinéen "l'hom-
me de référence", "dévoué" et plus "consistant" que Sékou Touré.
"On
l'appelle même le sphinx. Intellectuelle-
ment
mieux
formé,
plus
fin,
moins
violent,
moins
volubile,
il
apparait
alors
aux
yeux
de
l'intelligentsia guinéenne,
toutes ethnies
confondues,
comme
l' homme
poli tique
le
plus
représentatif du pays" (482).
Au vu de l'atmosphère maussade, le Comité Directeur assouplira sa position
par
la révision
de
l'ordre de
préférence des
candidats.
Bien que
Sékou
Touré reste en tête de liste il
est secondé par Saïfoulaye Diallo et non
par Lansana Béavogui qui est désigl}é comme troisième éligible. Les élections
ont conf irmé du moi ns respecté cet ordre : Sékou Touré et Saïf oul aye Di all 0
furent élus et le 3ème siège est revenu au candidat de l'cpposition Barry
Diawadou.
La
principale
caractéristique
de
cette
période est
la collaboration de plus
en plus étroite entre le Comité Directeur du PDG et l'administration. Concomitam-
ment, les rapports entre la sous-section et les "caciques" de Conakry ren-
traient
dans
la
phase de congélation
au
point qu'il
avait été envisagé
de supprimer la IIbouillante"sous-section afin de neutraliser une contesta-
tion montante, celle des étudiants guinéens affiliés à la FEANF. Déjà ceux-
ci commençaient à voir d'un mauvais oeil
la politique de IIcompromissionll
des barons.
Par ailleurs,
le noeud de discorde dépassait le simple cadre
de rapports tendus, d'attitudes critiques il touchait plutôt les fondements
du Part i et cec i par l a demande pressante de certains membres surtout ceux
( 482) -
Ibrahima Baba Kaké, Sékou Touré le Héros et le tyran ibid p. 50.

-
419
-
de Mamou pour la tenue d'un véritable congrès
"territorial
du
PDG,
les
sous-sections
et
Comité
Directeur ayant mis à jour leur situation financière"
(483)·
En fait,
la tenue du Congr~s
a toujours été repoussée pour des raisons
de temps matériels"
(d'Octobre
1950 à Janvier 1958 il
n'y a pas eu de
Congrès) et pourtant l'échéance des grandes batailles politiques approchait
(les élections communales de 1956 et législatives de 1957). La raison fonda-
mentale du renvoi perpétuel aux calendes
grecques de la tenue du Congrès
c'est nous semble-t-il, d'éviter un débat de fond sur la procédure démocra-
tique qui est sacrifiée depuis 1952. POur rappel
notons que Sékou Touré
n'a jamais été élu démocratiquement à la tête du Comité Directeur; seule-
ment il a profité d'un concours de circonstances (départ en exil de Madeira
KéTta)
pour se hisser au sommet du Parti et ceci avec la bénédiction de
militants
"obscurs" dévoués à sa cause.
-
Sans ce "coups de force",
le
Congrès aurait dû choisir entre Sékou Touré ou l'intérimaire Amara Soumah
(syndicaliste aussi) et pourquoi pas Saïfoulaye Diallo membre de la sous-
section de Mamou.
Ce qui
reste sûr, c'est que le Congrès aurait remis
à plus d'un titre de l'ordre dans les affaires du Parti.
Les
élections communales
de 1956 (484 ) et celles des législatives qui
ont vu la suprematie du PDG-RDA dans l'arène politique territoriale ser-
(483)
: Lettre de la sous-section de Mamou adressée au Comité-Directeur
du PDG à Conakry le 1er Aoùt 1955 p. 6.
(484) - Ces élections communales sont une des conséquences des réformes struc-
turelles introduites par la loi-cadre de 1956 qui fut du reste large-
ment exploitée par le PDG-RDA de Guinée.

-
420
-
virent
aussi
de
tâche de réorganisation du Parti afin
de
canaliser les
énergies fraichement acquises à travers les récentes victoires. Cependant,
cette "massificationll du Parti a eu des effets négatifs sur le fonctionnement.
Du caractère i nf orme l des rapports internes lIon est passé à 11 él ast ic i té
de
la discipline,
donnant
libre cours
à la
bureaucratie.
En somme,
peu
importe le centralisme démocratique bien qu'on s'en serve pour ramener les
sous-sections
"recalcitrantes" et
les
oganisations juvéniles'.
Ainsi
il y
a lieu de
parler
d'un
vaste mouvement
de
révision et de réorganisation
des structures afin de permettre une flexibilité organique facilitant l'inté-
gration des transfuges des Partis adverses.
(485) Stratégie lIappropriée
compte tenu du caractère rôssembleur que prétend se donner le PDG. La sous-
section
de
Mamou
n'y trouve
pas
d'inconvénient majeure,
d'autant
plus
qu'elle
bénéficie maintenant
d'un
grand respect
résultant des
élections
communales de 1956 (486) où la mairie lui fut confiée: le maire Saïfoulaye
Diallo, son adjoint PLéah Koniba. Quant aux élections législatives, elles
donnèrent lieu aussi à des affrontements entre la sous-section et le Comité
Directeur. Le centre de ce désaccord se situe au niveau du choix des candi-
dats pour les 60 sièges de l'assemblée territoriale. L'une des préoccupations,
(485) - Entre 1956-1957 il Y a eu de la part des dissidents des partis adverses
un
véri table engouement'
vers
le
PDG-RDA-Ceci
pour
des
raisons
di-
verses : sécurité et opportunisme.
(486) - Ces élections
communales
ont
aussi
été
source
de
divergence
entre
la
sous-section
et
le
Co mi té
Directeur
qui
avait
eu
une
alliance
incommode avec le chef de Canton: l'Almamy de Mamou.

-
421
-
croit-on savoir,
du
Comité Directeur est d'éviter le choix partisan des
sous-sections. En réalité, c'est une occasion pour lui de dicter ses lois
et aussi de parachuter des candidats français ayant la faveur de l'adminis-
tration - J.
Démarchelier et L. Joachim Eugène. La réaction de Mamou ne se
fit
pas attendre e11 e cons i déra cette interventim
comme un dIktat
et mi t
le Comité Directeur devant le fait accompli par la désignation/··Be ses propres
candidats en l'occurrenceBéla Doumbouya et Alioune Dramé qui furent facile-
ment
élus.
En
guise d'imitation,
d'autres sous-sections
telle celle de
Dalaba demandaient
à ce que Conakry tienne compte de leurs désiderata à
savoi r,
l a candi dature de
Samba Lami ne Traoré contre Ti erno 1brahima Bah
ancien chef de Canton de Dalaba rallié de dernière heure au PDG-RDA. Cette
fois-ci
le Comité Directeur ne céda pas,
mieux
il fortifia la campagne
du candidat rejeté.
La grande consécration du PDG-RDA (occupation de tous les sièges) à travers
les
élections
législatives
aurait
dû,
pensons-nous,
mettre fin à l'état
de "bélligérence". Au contraire les rapports se sont durcis au regard de
la nouvelle responsabilité que confère l'exercice du pouvoir, auquel n'est
pas
habitué
le
parti
puisqu'il
s'est forgé dans
la contestation et nia
pas cru devoir préparer la relève.
Ceci
s'est fait ressentir lors de la
passation de service:
Touré's hesitation to accept office in April 1957
was
doubtlessinfluenced by consideration of pro-
bable future difficulty.
(487)
(487)- L'hésitation de (Sékou Touré) à accepter la passation de service
en
Avril
1954 ,
s'explique
sûrement
par l'évaluation des
futures
difficultés
probables.
(Traduit
par
nous).
-
R.W.
Johnson
the
parti
démocratique
de
Guinée
and
the
Mamou
"déviation"
ibid p.
357.

- 422
-
L'attitude réfractaire de la sous-section de Mamou ajoute aux difficultés
qui éprouve
déjà ~kou Touré pour diriger le Conseil de Gouvernement d'au-
tant que cette sous-section tient le nouveau pouvoir pour un moyen d'émanci-
pation et
non
pour
une fin en soi.
De cette conception du pouvoir,
il
est inévitable qu'il y ait des accrochages avec le Comité Directeur. Pour
le Vice-Président du conseil, ~kou Touré, il slagit
d'incidents,
d'incompréhensions
inhérents
à tout processus de changement qui ne trouveront
leur
solution
que
par
le
respect
scrupuleux
des
décisions
de
l'instance
supérieure
(le
Comité Directeur) (488).
Mamou est tout à fait un moyen pour les autres groupes d'opposition (BAG,
DSG,
UGEEG.J
(489)
syndicat des enseignants et travailleurs de chemin
de fer) pour se faire entendre
la première occasion est fournie par le congrès
de
l'UGEEG,
au
cours
duquel
les
étudiants
dénoncent
la
loi-cadre
considérée
comme
une
"mystification", une "manoeuvre" du colonisateur
pour camoufler sa domination,
et se prononcent
pour une
indépendance
immédiate.
A la tribune
de
ce
congrès,
des
cadres
du PDG
viennent
affirmer
leur
accord
avec
les
mots
d'ordres
des
étudiants
; il en est de même de certains
éléments de l'opposition du RDA (490).
(488) - Voir "Liberté" n° 123, 6 Juin 1957.
(489) - Union Générale des Etudiants et Elèves de Guinée.
(490) -
. : Alpha Condé, Guinée l'Albanie de l'Afrique au Néo-colonie
Américaine? ibid p. 97.

-
423 '-
Le syndicat des cheminQ.ts
ccmme celui des enseignants ne sont .. pas resté.?
inactifs. POur les premiers, l'ingérence du parti dans les affaires syndica-
les est inadmissible. Au cours de leur congrès à Mamou en Août 1957 ils
mettent en cause le bilan politique et social
du gouvernement et dénon-
cent par l~ même occasion la collusion des tenants du pouvoir avec l'adminis-
tr at i on. (491).
Pour les seconds, la politique éducative du conseil de gouvernement
n'est pas différente de celle de l'administration coloniale, elle "tâtonne"
et
n'a
pas
d'objectifs
précis.
(492)
Le congrès tenu le 6-7 Août 1957
(à Mamou) est allé jusqu'à tirer sur la sonnette d'alarme concernant l'abdi-
cation du Gouvernement face à ses responsabilités dans le domaine de l'éduca-
t ion.
- L' importance de cette condamnat i on se trouve dans le fait que les
enseignants
représentaient à l'époque l'intelligentsia du territoire qui
a fourni
de nombreux cadres aux différents part i s poli tiques. Hormi s cet
aspect, le syndicat des enseignants de Guinée a été créé en 1945, il avait
en son sein des membres dont la notoriété dépassait les frontières tels
Koumandian Ké'ita ancien élève de l'Ecole Normale de Katibougou, enseignant
modèle sur le plan professionnel, secrétaire général du syndicat et Président
d'un des plus grands partis adverses le BAG. Mamadou Traoré dit Ray Autra
cofondateur
du
PDG-RDA
avec
Madeira
Ké'ita en
1947,
il
fut
maintes fois
(491) - A propos
de
cette
collusion
Georges
Chaffard
dit
:
Jean ramadier
(Gouverneur 1956-1958) appuie en connaissance de cause les revendica-
tions de Sékou Touré;
( ... ). Il est allé jusqu'à transférer à Sékou
Touré
certaines attributions qui rélèveni:
réglementairement du seul
gouverneur, représentant de la République (Réf.
: les carnets secrets
de la décolonisation ibid p. 311).
(492) - Le projet des enseignants de scolariser 15 %des jeunes avait été
écarté tandis qu'on reprenait les plans du régime colonial: cons-
truction d'un lycée de 73 classes, de 7 cours complémentaires et
d'une école normale.
(Réf. Claude Rivière, classes et stratifica-
tions sociales en Afrique le cas guinéen Paris, PUF, 1978, pp 129-
130) .

-
424 -
la cible
privilégiée de la représsion coloniale qui atteint son paroxysme
à travers sa mutation de force au Dahomey (actuel
Bénin) où il apporta
sa contribution pour la création et le renforcement du RDA (il a été secré-
taire général du syndicat des enseignants du Dahomey).
La
lettre
"confidentielle"
du
Gouverneur
Charles-Henri Bonfils
(1955-
1956)
adressée au Haut-Commissaire de la République Gouverneur Général
de llAOF -Dakar en dit long sur le militantisme de Ray-Autra
J'ai
été,
je l 'avou~, assez
surpris par l'annonce
de
l'affectation en Guinée
de M.
Mamadou Traoré,
dit
Ray-Autra, et
je
veux
sans
tarder vous
faire
part
de mon
sentiment,
qui
est
absolument
opposé
à
la
réalisation
de
ce
projet.
On
m'accordera
que
je
connais
assez
bien
le
problème
puisque
j'ai eu à subir M. Mamadou Traor~ pendant plusieurs
années
au
Dahomey.
J'ai
alors,
et à
de multiples
reprises,
alerté
les
autorités
fédérales
sur
la
nécessité
de
muter
cet
instituteur,
qui
avait
réussi
a prendre en main le syndicat des insti tu-
teurs
et
à
y
semer
la
pertb~ation. Le
dossier
de mes correspondances à ce sujet doit être abondant.
J'ai
entretenu
personnellement
d'ailleurs,
M.
le Recteur Capelle de ce problème.
( ... ) Il s'agit
vraisemblablement
de
l'adhésion
de
l'UDD
(493)
au
RDA
adhésion
qui
a
été
conduite
par M.
Ray-
Autra.Pour avoir signalé le danger que représentent,
pour l'originalité politique dahoméenne, les activi-
tés de
ce guinéen,
je peux
affirmer que ce n'est
pas au moment où ce danger vient de se concrétiser
que la mutation du responsable en devient opportune.
( ... )
Or,
je
ne
pense
pas
que,
sur
le
plan
de
(493) - L'Union Démocratique du Dahomey.

-
425
-
l'AOF et du RDA en général, sa mutation puisse pré-
senter autre chose que des inconvénients majeurs. En
ce qui concerne la Guinée, on pourrait toujours ad-
mettre qu'un
trublion de plus n'y serait
pas d'une
extrême
importance
s'il
ne
s'agissait
précisément
de
M.
Ray-Autra que
je crois
tout à
fait
capable
de catalyser les aspirations turbulentes et multiples
de l'aile extrêmiste du RDA.
L'intéressé, en effet,
a
une
revanche
à
prendre
sur
ses
camarades
RDA
guinéens
qui
ne
le portent guère
dans
leur coeur.
Au moment où toute une fraction
de ce parti cherche
sa voie et menace de déborder les leaders orthodoxes,
la
venue
de
Mamadou Traoré
risque d'obliger ceux-
ci
à
une
surenchère
d'où
ne
peut
naître
que
le
plus grand mal ( .. )
Je
n'hésite
pas,
d'ailleurs,
à
préconiser,
s'il
est
vraiment
reconnu
que
M.
Mamadou
Traoré
fait
courir
aux
deux
territoires
de
la
Guinée
et
du
Dahomey
et à
travers
ces derniers à
la Fédéra-
tion
un
danger
politique
tel
que
des
mesures
d'éloignement
s'imposent,
à
ce
qu'il
soit
muté
dans
un autre territoire, et dans le poste le plus
ingrat
et
le
plus
reculé.
Son
dossier
est
assez
chargé
pour
justifier,
sur le
plan administratif,
ce traitement d'indésirable.
Si
l'on
veut
bien
se pencher
en
effet,
sur la
carrière de ce fonctionnaire, on trouvera suffisamment
d'actes
d'inscipline
et
d'insubordination,
ou
de
preuves de mauvaise foi,
pour étayer toute décision
disciplinaire
qu'on
voudra
bien
prendre
contre
lui.
Le
RDA orthodoxe ne
le défendra guère
;
son
seul
soutien
pourra
paradoxalement
lui
venir
du
syndicat des enseignants et de son secrétaire général

- 426 -
Kéita Koumandian,
mais
la
mise
à
jour de
cette
collusion
syndicale
ne
serait
pas
une
mauvaise
chose,
dans la mesure où elle mettrait en lumière
le
rôle extrêmenent trouble
de
ce
maître
Jacques
guinéen qui
est
secrétaire
général d'un syndicat
cryptocégétiste,
et
par
ailleurs
président
du
très réactionnaire BAG ( ... ).
Je
vous
saurais
infinement
gré
de
tenir compte
de
mes
observations.
que
je
déplore
de
n'avoir
pas
pu
faire
de
vive
voix
lors
de
mon
dernier
passage
à
Dakar,
votre
correspondance ne m'étant
parvenue qu'après mon retour. Je me permets d'insis-
ter sur
le
caractère
exceptionnel et extrêmement
pressant du présent message".
(494)
Le retour de Ray-Autra en Guinée en 1957, loin de passer pour une revanche
sur ses camarades acquis à la cause du collaborationnisme devrait plutôt
être mis en rapport avec les nouvelles données politiques qui ont cours
en Afrique "française" : à savoir 11 idée dl indépendance en faveur de laquelle
il
slétait prononcé dès
son
arrivée.
La direction
du parti
prit toutes
les précautions nécessaires pour empêcher la matérialisation de cette idée.
Cependant, dans un cadre restreint (amical) Ray-Autra anima une discussion
ayant pour ,thème l'indépendance.
Ce
pas franchi
il
apparaitra comme un
opposant "cr itique" à la ligne politique du gouvernement. Le Comité Directeur
prendra des
sanctions
administratives
à son encontre et fera llamalgame
de sa position et de celle du congrès des enseignants:
les expériences
des
dernières
semaines
montrent
que
le
terrain
choisi
par
les
anti-RDA en Guinée
(494) -
: Gouvernement de la Guinée "Française" n° 278jC.A.B COnakry
le 23 Juin 1956.

- 427 -
est
le
syndicalisme
( ... )
les
ennemis
du peuple
se
servent
du
syndicat
pour
avoir
la sympathie
des
jeunes
qui
ignorent
les
ambitions
qui
les
motivent
et
se
servent
souvent
de
phraséologies
révolutionnaires circonstancielles. (495)
Face à ce requisitoire le syndicat des enseignants prend fait et cause
pour Ray-Autra et fait planer la menace de grève qui fera reculer le gouver-
nement d1un cran à savoir
la réintégration de Ray-Autra à la Fonction
Publique mais celui-ci doit servir dans une ville de l'intérieur: Boké.
Aussi, il a été clairement indiqué à travers le communiqué du gouvernement
que le temps des compromis avec le syndicat est revolu puisque désormais
nous nous débarasserons de la minorité d'intellectuels
mécontents.
lesquels
servent
de
force
d'appoint
aux
cadres
dans
les
mouvements
"pseudo-révolution-
naires"
(entendez
par
là soutiennent un adversaire
de longue date du PDG: Kéita Koumandian~96
d - De l'exclusion de la sous-section de Mamou.
La sous-section de Mamou n'a pas suivi le Comité Directpur dans sa "croisade"
contre les enseignants,
bien au contraire elle a manifesté sa solidarité
à llendroit de ceux-ci dans la mesure où ses interprétations des évenements
prenaient le contre-sens de celles du parti. Celles-ci défiguraient ~laréalité
et ne sembl aient pas mettre l' att itude des ensei gnants en rapport avec la
carence du nouveau pouvoir à satisfaire les besoins légitimes de la popula-
(495) - Voir "Liberté" n" 127 du 27 Août 1957
Le communiqué du 27 Août 1957 a été signé par Sékou Touré. Elhadj
Mamoudw Fofana
et Saifoulaye Diallo pourtant membre de la sous-
section de Mamou.
(496) - Réf.
: "Liberté" n" 127.27 Août 1957.

-
428 -
tion . A cet effet elle adressait une longue lettre au Comité Directeur
dans laquelle furent stigmatisésla politique "déviationniste" (497), "op-
portuniste" et "irresponsable" de la direction du parti:
Par la présente,
nous voudrions vous faire part
des
observations
auxquelles
nous
a
conduits
l'analyse
de
la
situation
intérieure
du
PDG
du
31
Mars
1957
à
ce
jour.
De
la
conférence
territoriale de Labé
(Février 1957) nous sommes
allés à la campagne électorale.
Sorti victorieux
du
scrutin
du
31
Mars, (..•. ) le PIXi n'a cepa1.dant cessé de
péricliter dans sa vie intérieure en tant qu'orga-
nisation démocratique populaire.
Il y a eu depuis, trois circulaires, une première
circulaire sans numéro du 15 Avril 1957 à toutes
les
sous-sections,
puis
la
circulaire
destinée
aux
conseillers
térritoriaux.
Nous
exprimons
notre accord total sur les appréciations formulées
dans
la
première
en
particulier
en
ce
qui
concerne nos responsabilités nouvelles,
le sens
(497) - Il nous semble que le concept de déviation correspond plus à l'at~i­
tude du Comité
Directeur qu 1 à celle de la sous-section de Mamou.
Cette
mise
~u
point
s'adresse
particulièrement
à
R.W.
Johnson
qui
a
écrit
un
"brillant" article
sur le PDG dont le
titre est
The Parti Democratique de Guinée and the Mamou "déviation", titre
qui du reste est un peu "partisan" car au vu de l'évolution histori-
que du PDG nous pensons que c'est le Comité Directeur qui a dévié
et
non
la
sous-section.
Aussi
en
nous
réferant aux différentes
significations sémantiques attribuées au concept par les dictionnai-
res suivants : Quillet 1974 p. 790 - la déviation veut dire Action
de
s'écarter
de
sa
direction
;
résultat
de
cette
action.
Dans
the
Merriam-Webster
Dictionnary
New-York
pocket
Books
1974
p.
202
et
the
American
Heritage
Dictionnary
the
English
language
publishing
co-inc
1980
p.
197.
The
deviation
is
from
accepted
norm (or) to move or to turn away from a normal or accepted course
or
standar.
De
ces
significations
il
ressort
clairement que la
déviation
est
la
conséquence
d'un
changement
par
rapport à une
donnée première.

- 429 -
de
nos devoirs 1
de notre attitude dans cette
situation si complexe. Nous approuvions égale-
ment
la
deuxième
qui
indique
très nettement
la
subordination
des
élus
aux
instances
du
Parti,
bien
que
quelques
prGnoms
personnels
de la première personne du singulier, glissés
dans
le
texte
en
compromettent
facheusement
le caractère collectif.
Une troisième circulaire, annonçait une réunion,
sinon une conférence à l'occasion des fêtes des 12 et 13
Mai 19j7 à Conakry où serent examinés les
nouveaux
problèmes posés au PDG ( ... ). Aussi après Yamou-
ssoukro
(Côte
d'Ivoire)
sur
le
plan
fédéral,
,
comme il a été pratique dans d'autres territoi-
res,
il était indiqué de
tenir une
conférence
territoriale ou, à défaut une réunion du Comité
Directeur
(ou
de
son
comité
exécutif)
élargi
à
tous
les
secrétaires
généraux
des
sous-
sections,
préalablement
informés
de
l'ordre
du jour.
Une
telle
conférence
largement
représentative
du pays dans son ensemble, satisfaisant pleine-
ment
au
critère
essentiel de démocratie
( ... )
préparé
les
travaux
à
soumettre à l'Assemblée
Territoriale
et
(aurait)
pris
des
décisions
valables concernant entre autres
1/-
L'investiture
des
ministères
en
tenant
bien
compte
de
ce
qu'il
s'agit

de
postes
très
politiques,
que,
pour
finir
d'asseoir,
d'implanter
définitivement
le
parti
dans
le
pays,
ces
postes
doivent
être
tenus
par
des
camarades politiquement sûrs et éprouvés.
Il
aurai t é t é
souhaitable 1
(pensons-nous) ,
que
les
ministres
soient
à
majorité
non Con-

-
430 -
seillers territoriaux
et
que leur désignation
soi t
faite
en
sorte qu'il
reste
suffisamment
de cadres non parlementaires ni ministres pour
constituer un Comité Directeur du PDG à majori-

non
membre
de
l'Assemblée
Territoriale
et
du
conseil
de
gouvernement.
Ce
faisant,
le
souci,
serait de
permettre
l'indépendance
la plus large possible de l'Assemblée Territoria-
le vis-à-vis du conseil de gouvernement qu'elle
contrôle
et
surtout
d'assurer
l'indépendance
du comité
Directeur du PDG qui doit impérati-
vement être la chambre et la seule, de toutes
les
décisions
politiques
et
du
contrôle
de
leur exécution intégrale par l'Assemblée Ter-
ri toriale
et
le
Conseil
de Gouvenement,
tous
deux
responsables
devant
lui,
et
lui
seul,
en
tant
que collectif.
Notre opinion est que
le
respect
effectif
du
principe
"le
parti
au-dessus de tout" est essentiel pour la bonne
marche
et
la
viabilité
du
PDG
( ... ).
Toute
dérogation à ce
principe
fondamental,
entrave
le
j eu démocratique
intérieur du parti. C'est
à
ce
phénomène
que
l'on
assiste,
comme nous
allons avoir à les démontrer tout à l'heure ...
2/- La définition, en regard de certains problè-
mes
immédiats
de
notre
politique
financière
qui,
bien
comprise
dans
l'intérêt
supérieur
des
masses,
doit
débarrasser
nos
finances
de toutes les charges inutiles que les pouvoirs
de
tutelle
multiplient
incidieusement
dans
le
but
manifeste
de
conduire
notre
gestion
à
l'impopularité
et
à
la
faillite.
Sous
ce
rapport,
il n'est
pas exclu que ces pouvoirs
s'emploient
à
empoisonner
la
conscience
de

-
431
nos
conseillers et ministres en leur créant
une
si tuation opulente qui contraste avec la portion
incongruê du territoire et qui contredit fondamen-
talement le programme du PDG. Que dire de l'attitu-
de de l'Administration coloniale dans la formidable
CRmpa~lp. relative à la location de chambres d'hôtel
pour
les
conseillers,
à
l'achat
de
DS
19,
de
mercedèsallemandes pour les ministres, à l'installa-
tion
de
leur
logement
et
des
ministères
?
La
conférence, en arrêtant que nos élus, incarnation
et reflet fidèle de la misère du peuple de Guinée,
donnent
l'exemple
du
désintéressement,
de
la
renonciation
volontaire à la satisfaction matérièl-
le
personnelle,
aurait
empêché
que
l'atmosphère
de
l'Assemblée soit viciée
par la sensibilisation
extrème
des
conseillers
à
se
faire
d'abord une
situation privilégiée. Cela aurait évité le specta-
cle combien pénible que donnent des élus engagés
dans la course éperdue au gain sans aucune retenue.
(498) Ils
veulent
ainsi
dit-on,
tenir
dignement
leur rang. C'est là un regrettable abus de langage.
( ... )
Nous pensons que
la dignité,
la grandeur,
la noblesse, la gloire, l'honorabilité, le prestige
d'une Assemblée
et
d'un
Conseil
de
Gouvenement
RDA
résident
dans
leur
acceptation
d'une
vie
sobre, dépouillée de toute somptuosité, maintenue
au stricte nécessaire,
en parfaite harmonie avec
celle
du pays et ne doit
jamais contredire leur
essence populaire.
( ... ) Nous
trouvons cet argu-
(498) -
Entre 1957-1958,
"affirrœ Ansounane JVagassoul::a,
alors JœITIbre du Canité Directeur
du PIXl de YcukOllllkoun, certains cadres ne cantattaient presque plus les partis adverses
ni ne se souciaient de la liquidation des derniers foyers de résistance ; ils s' entre-
tuaient dans une lutte implacable {X)UI' les places" réf. cité psI' Il:rahi.Jm Bata Kaké
Sékou Tooré le l'érœ et le tyran ibid p. fD.

-
432 -
ment faux
et
dangereux
;
il
est
faux
parce
qu'on
n'a
point
besoin
d'être
fortuné
pour
résister
et
échapper à
la corruption et avoir
sa
liberté
de
parole
et
d'action
vis-à-vis
de
quiconque,
en
un
mot
remplir
son
mandat
dans
une
indépendance totale env"ers" tout ce qui
n'est pas du parti.
Où en serions-nous,
depuis
1946, si
nous avions croisé les bras, atten-
dant pour agir que cette condition soit d'abord
remplie?
( ... )
P.S.
Nous
apprenons
en
dernière
heure
que l'Assemblée Territoriale vient de s'attribuer,
à
l'instar de
la dernière
assemblée des chefs
de
canton,
à
huis
clos
ajoute-t-on,
dans
une
atmosphère
de
déchainement
des
appétits,
un
trai tement
mensuel
de
85 000 francs à défaut
des
100
000
qu telle
reclamai t.
Elle
a
signé
du
coup
l'acte
de
décès,
prononcé
l'arrêt
de
mort du RDA.
( ... ) C' est la logique implacable
des choses que c'est le premier pas qui coûte.
Ce pas accompli, en avant donc!
Le
drame
est
joué,
le
PDG
est
poignardé
par
une
equipe
qui
en
a
chargé sa conscience,
en
violation
de
sa
propre
profession
de
foi
de
Mars
1957.
C'est
une
lourde
responsabilité
devant
l ' histoire.
Les
ridicules
8 000 francs
ristournés
à
la
caisse
du PDG,
(499) en guise
de change, n'y peuvent rien.
Vive la loi-c~
dre !!!
(500)
(499) - A la mêlœ époque, i l fut delœnd~' aux rœml:res de la sous-section de Moow une contritu-
tion d'aide correspondant à un mis de salaire. L'apport de sen secrétaire général,
Pl.éah koni1::a a été de l'ordre de 75 (XX) t'rancs Œ'A représentant toute sen éconanie.
(Ténoignage de Mamadou Traoré dit Ray-Autra YannJSsoukro 4Œ anniversaire du IID\\
OCtobre 1986).
(5:0) - Réf. : IID\\-PIX: - Sous-section de Manou n° 126 !illVS9}-Archives C.R.D.A. Paris 93
rue Lafayette.

-
433 -
La référence lIex haustive ll à cette lettre ci-dessus s'explique par le fait
que
la nature de
l'opposition de
la sous-section a été ramenée par le
Comité Directeur à une simple réaction psychologique voir dlintellectuels
mécontents de leur sort. Or, il apparait clairement que loin de constituer
une
"scène de jalousie" la lettre met en lumière le désaccord total de
la
sous-section avec
la politique dictatoriale,
le refus dlapplication
du centralisme démocratique, la nonsatisfaction des intérêts des couches -
les
plus déshéritées, et la collusion avec lladministration. La réponse
du Comité Directeur siest fait
attendre en dépit des relances de la sous-
section. Ceci pour des considérations d'ordre politique nécessaire à une
éventuelle réplique tout au plus un bras de fer avec les opposants. Ces
derniers mettent à prof it ce temps mort pour passer à 11 act ion : début
Octobre 1957,
l a grève des ensei gnants supportée par des él èves et des
travailleurs
qui
ont manifesté publiquement,
avec des slogans hostiles
au Gouvernement. De concert avec les enseignants, la sous-section de Mamou
lance son manifeste qui
reprend
les grandes lignes de sa lutte et qui
est auss i, un "moyen pour f aire prendre conscience de l a gravité du confl it
par
les
sous-sections
soeurs qui
tardent à manifester
leur solidarité
en son endroit.
25.000 frs
CFA furent utilisés dans la confection de broclures
di stri buées aux 77 comités de base de l a région de Mamou et dans 11 envoi
de télégramme et autres cables à llintention de toutes les sous-sections
du PDG, aux membres du Comité de Coordination du RDA, parmi lesquels le
Président Félix Houphouet Boigny,
au Comité Central du Parti
com-
muniste français, Maurice Thorez et Jacques Duclos. Llintention est claire

-
434 -
il s'agit de faire pression sur la direction du parti afin qu1elle organise
un congrès territorial
dont le thème central portera sur le manifeste.
Peine perdue car
le comité n'entend
pas cèder sous la pression mieux,
il pense que cette concession fera tâche d'huile au
sein du parti - un
congrès organisé dans une telle atmosphère seraitobstruée par des attaques
partisanes et le débat de fond en fera les frais du fait même du comité
Directeur. Par ailleurs, la stratégie de la sous-section frise la nalvété
ce d1autant plus qu'elle s'est adressée à un parti (le PCF) que les diri-
geants du RDA avaient renié depuis le désapparentement en plus recourir
au président du RDA Félix Houphouet-Boigny principal acteur de cette sépara-
tion, c'est chercher "sauvetage d'où est parti la tempête". La seule réaction
positive qui
aurait d'une part pesé sur le Comité Directeur et d'autre
part accordé plus de crédits aux exigences de Mamou est celle des sous-
sect ions soeurs du PDG. Mal heureusement cette réaction ne pouvait venir
des sous-sections dont les membres sont plutôt préoccupés par leurs carrière
donc ne souha itent que d'entrer dans l a grâce du Comité Di recteur et de
son chef Sékou Touré. En temps opportun (1954-1956) c'est-à-dire au moment
où le poids de Mamou pesait dans la balance, elle ne siest guère intéres-
sée au travail de fond
(conscientisation)
à
une
large
échelle dans le
parti
qui
à notre
avis,
permettrait la création d1une direction collè-
giale,
et
si
possible amoindrir
l'effet de domination personnelle. Au
contraire tout son travail s'est limité
à celui d1une "sec te" barricadée
aux flancs des montagnes du Fouta Djalon, soucieuse de marquer son par-
ticularisme ne touchant à peine que des sous-sections appartenant à la
même zone géographique qu'elle: Dabola, Dalaba, Labé et Pita (501).
(501) - Ces sous-sections ont vu le jour grâce au travail acharné de Samba
Lamine Traoré autre membre de la sous section de Mamou.

- 435 -
Aussi faut-il
souligner que la sous-section de Mamou était depassée par
les évènements du moins vivait-elle avec les idées pures qui n'étaient
plus d'actualité dans les rangs du RDA tant au niveau Fédéral que Territo-
rial puisque le mouvement s'était réorganisé et avait scellé de nouvelles
alliances qui l'ont propulsé au sommet de la gloire (victoire de I-buphouet Boigny
sur Gabriel Darboussier, Bakary Djibo et autres et celle de Sékou Touré
au sein de son parti le PDG et sur les partis adverses). Ascendance qui
avait marqué tout
le corps du parti
dont Mamou semblait minimiser la
portée. De par ce fait, il n1est pas exageré de dire que la sous-section
de Mamou et son radicalisme se sont trompés d'époque et ne vivaient qu'à
travers le ~bon vieux temps~. La timide manifestation de solidarité émanant
des sous-sections précitées Dabola, Dalaba, Labé et Pita ne porta guère
ombrage aux multiples dénonciations de Mamou faite par les autres sous-
sections restés "fidèles".
La situation critique de Mamou, favorisant le Comité Directeur et Sékou Tou-
ré qui ne manquèrent pas d'utiliser tous
les subterfuges possibles afin
d'enfoncer Mamou d'avantage et ceci en les habillant d'une certaine légalité
Touré now cabled Mamou that he was on his way up
there to discuss the diferences between them (502).
Touré télégrnph'\\u à Mamou pour annoncer son arrivée
afin de débattre le different existant entre eux.
(Traduit par nous)
Ce à quoi,
répondit Mamou
par
unaccueil froid, digne d'une rencontre du
temps de la guerre froide (Conférence du Yalta 11 Février 1945, Roosevelt,
(502) -
. RW Johnson the Parti Democratique de Guinée and Mamou "dévia-
tion" ibid p. 362.

- 436 -
Churchill et Staline).
Aucune reception chaleureuse ne fut organisée,
surtout de la part des
militantes. du PDG de Mamou censées toujours être des supports incondition-
nels. Le reste de la population resta indifférent (puisqu'il n'a pas
été
informé de llarrivée de Sékou Touré). Ce dernier d'après RW Johnson
transporta lui même ses bagages de la Gare à son lieu de résidence (503).
Le lendemain, la
rencontre
avec
la sous-section eut lieu avec en toile
de fond la nâ'ïance
et la suspicion mutuelles.
Le thème débattu porta sur
le manifeste. Après 9 heures de vive discussion, le vote de confiance fut
accordé à la sous-section. Il n'en fallait pas plus pour agrandir la cassure
(504). La
réaction de Sékou Touré
"al ors , au revoir" et de se diriger
vers la gare pour reprendre le train en direction de Conakry. Sur son chemin
de retour il trouva nécessaire de s'arrêter à Kindia (ville acquise à sa
cause)
pour
annoncer
l'exclusion
systématique
de
toute la sous-section
de Mamou du PDG et sermona particulièrement PLéah Koniba
li écho de cette
exclusion résonna dans "toutes les autres sous-sections Il au point que les
motions de soutien à l'endroit du Comité Directeur commencèrent à affluer
- La commission de contrôle dirigée par Oumar Dramé (autre lieutenant fidèle
de Sékou Touré) entrepr i t une tournée auprès des sous-sect ions hés i tantes
pour réaffirmer
le "l eadershi p" du Comité Directeur et son intention de
ne pas revenir sur sa décision.
L'irréparable ayant pris place ainsi;
(503) -
D'après
certain~s sources,
Sékou
Touré
était
accompagné
d'une
délégation (Voir Déquecker, de la loi-cadre à l'indépendance.
(504) - Alpha Condé citant
Déquecker· note
que
:
après ·toute
une nuit· de
discussion dramatique, la délégàtion du parti dut rejoindre Conakry
sans avoir pu obtenir que la section de Mamou, en pleine rébellion
acceptât de faire son autocritique. (Réf. Guinée l'Albanie de l'Afri-·
que au Néo-colonie Américaine? ibid p. 101.
"

.. 437 ..
le II compte à rebours ll et l'isolement font désormais partie du lot quotidien
de la sous-section de Mamou.
- Elle ne reçoit plus de circulaires ni de directives, non plus
de réponses à ses lettres adressées à Conakry. Finalement elle prend acte
de son lIindésirabilitéll et annonce avec IIfracas ll son indépendance vis-
à-vis du Comité Directeur du PDG.
Devenue ainsi par la force de l'histoire une sous-section dissi-
dente, les facteurs contributifs à cela peuvent se resumer de la manière
suivante :
1) - Tout d'abord il faut noter que la stratégie
de II va-t-en guerre Il de la sous-section de Mamou
a
été
globale
et
agressive
aucune instance
du
parti
(505)
n'a
été
épargnée
toutes
ont
fait
les
frais
de
la
foudre
particulièrement
les
élus
à
l'Assemblée
Territoriale
auxquels
on
reprochait
des
traitements
demesurés
par
rapport à la misère de la population (y confè~e
la
lettre
précitée

126
RDA/SSM
du
2 Aoùt
1957).
(50 5) - ~jà en 1955 Celan Félix Mathos,
secr&taire de la sous-section de Tougué
disai t
à
l' endroi t
de Mamou : que faire des conceptions d'une intel-
lectualité figée, abstraite~et desuette, qui malgré, bon gré s'écarte,
de la voie de la véritable libération de l'homme.
Que faire d'une intellectualité qui ressemble à la lanterne que l'on
met à l'avant de la locomotive qui éclaire simplement, mais ne fait pas
avancer le train d'un pas.
':'..
'-.
v
Passer dans le camp de la' réaction pour se' dbnne'r du II poids", s'isoler
dans son coin sous prétexte .deprendre du récul, n'est pas le moyen
divin pour l'intellectuel de découvrir la réalité, de déceler la beauté
de la vie. (Réf. Le RDA et l'intellectuel "Liberté" n°
?
p
?)

-
438
-
Or
ceux-ci,
dans
une
certaine
mesure
auraient
pu
jouer un
rôle
d' équili bre
(malgré
leur dette
de reconnaissance à l'endroit du Comité Directeur),
et
aussi
pensons-nous
que
la
présence
de
Béla
Doumbouya
Député
de Mamou pourrait y contribuer.
Mais
hélas
lui
aussi
a
pris
ses
distances
par
rapport à sa section.
(2)
-
Mamou
a
sous-estimé
la
populari té
et
la
force de "persuation" de Sékou Touré qui pourtant
avai t
fai t
ses
preuves
pendant
la fameuse
grève
des
cheminots
en 1947 et celle de Septembre 1953
organisée
pour
l'application
du
code
de Travail
en Guinée.
Ce
charisme
(puisqu'il
semble
( ... )
comblé
tant
par sa vie publique que par sa vie privée)
(5Œi)
a
tout
de
même
été
soutenu
tout
au
long de
son
existence
par
un
travail
intense
nécessaire
à
tout encadrement politique musclé.
(3)- Le dernier facteur et non le moindr~ qui a
concouru
à
l'élimination
de
la sous-section est
l'utilisation
sournoise
et
honteuse
de
la corde
sensi ble
du
tribalisme,
racisme
en
fait
car il
est
reproché
à
la
troika
de
Mamou
(les
trois
membres
influents)
d'être
des
intellectuels sans
attache sociale en GUinée (507).
(~6) - Réf. I1::Jr'ahiJm Sa1:a Kaké, Sékou Touré le héros et le tyran ibid. P. 52.
(~7) - li s'agit de Pléah Koni1:a, Sam1:a Lamine Trooré, et à tD1 moindre degre Mamadou Traoré dit
Ray-Autra tOUB trois de souche Malienne. - Irooie du sort, pour la dédicace dû livre
cité plus haut à Bamako le 3J Juillet 1987 à la librairie "!:m'es et Chauœt" I1:rah:iIm
Sa1:a Kaké ne disait-il pas à Lebry Léon François qui lui posait la questicn suivante:
qu'est-ce que cela VOUB fait de faire la dernière dédicace au J'vali ? Répcnse : œaucoup
de choses et si je suis venu le faire au J'vali, c'est carpte tenu de certaines accointances
entre la <l.dnée et le Mali. Parce que Sékou Tooré est tD1 personnage africain. ( ... )
je dirai rr✠Jœ1ien. RJisque, et cela nanbre de gens l'ignorent, BOO père vient du
J'val!. (Réf. Fraternité M:itin n° 68:D Jeudi 3J Aoùt 19~ P. 9).

-
439 -
Propos
tenus
par
celui
qui
(Sékou
Touré)
à
un
moment
donné
de
la
lutte
anti-coloniale
défendait avec acharnement la position portant
sur
le
maintien
de
la
Fédération
contre
le
nationalisme étroit cultivé par certains leaders
du RDA. Ceci montre bien à quel degré la convic-
tion
politique
peut
paraître
fluctuante.
Elle
est
en
Afrique
comme
"ailleurs"
fonction
de
l'intérêt immédiat.
On
l'affiche
pour
s'attirer
les
faveurs
d'un
certain nombre de clients poli tiques
"friands"
de
solutions
à
long-terme
du moins
sert-elle
de maquillage circonstanciel (508).
e - De l a Victoire du Comité Directeur
Le temps faisant le "bonheur" du Comité Directeur, il ne restait
pl us à Mamou que de chercher voies et moyens pour retabl ir le confact.
Une démarche dans ce sens fut eff ectuée auprès de Conakry af in que se
tienne une réunion bipartite (Comité Directeur-Mamou) à Kindia villetampon
entre les deux protagonistes - Inconsidération de ce voeu de la part des
leaders du PDG car Conakry son fief est désigné pour l'èntrevue.
(508) - Il est courant de voir en Afrique, les chefs d'Etats confier dans
les armées ou dans les gouvernements des postes de grandes importan-
ces
à
des
"allogènes"
non
pas
que
ceux-ci
à' leurs yeux
soient
des
cit.oyens
à
part
entière
(r~sidl;lnt deplJis des générations)
mais parcequ' ils peuvent se surp:asser voir accomplir des besognes
"incommodes" pour le besoin de la cause. Cependant, cette disponibi-
lité
ne
les
met
aucunement
à
l'abri
d'éventuelles disgraces en
cas
de
difficultés
ou
de
tensions
sociales...
C'est
la
faute à
cet
étranger
entend-on
dire...
!
Par ailleurs,
quelques milieux
intellectuels africains ne sont pas au dessus de tels comportements
"subjectifs" il s'en servent souvent pour faire valoir leurs "droits"
par rapport à ceux de leurs compatriotes considerés par eux comme
des étrangers.

- 440 -
La délégation conduite par PLéah Koniba composée de 27 membres,
militants
hommes et femmes
de
la sous-section plus un notable marabout
Elhadj Mouctar siest pliée devant cette fortaiture. Et pourtant elle était
loin
d'être parvenue au bout de ses peines
-
Voyage difficile (refus des transporteurs lo-
caux pour acheminer la délégation vers Conakry)
- Mauvaise reception à l'arrivée avec un centre-
ville déserté par les citadins "prévenus".
- Provocation des femmes et de la milice tout au
long du parcours (de la gare au lieu de séjour)
( 509) .
Clest sur re fond d1intimidation, avec le moral brisé que prirent
part à la réunion les militants de Mamou présidée par le Doyen
d'âge du
PDG Abdourahamane Diallo. (510)
L'ordre
du
jour
initial
(l'actualité
politique
et le cortège
de problèmes sociaux qui sly rattachent) fut évité.
En lieu et place, la
discussion tourna autour des considérations d'ordre éthique (discipline)
à l'intérieur du parti avec pour éléments de reférence le Coran et la Bible
(présence d'un marabout oblige ... !).
Vidée ainsi de son contenu idéologique, la discussion transforma
les accusateurs en accusés
lesquels attendaient un sauvetage de la part
de leur ancien camarade Saïfoulaye Diallo devenu depuis second personnage
(:0;1) - Cette nauvaise reception est pensons-nous la réponse à celle qui fut reservée à Sékou
Toorê à Mamoo.
(510) - Le Canité Directeur était représenté par Sékou Toorê, Isnaël Toorê, Lansana Diané
et N'Famara Kéita.

- 441 -
après Sékou Touré. IL brilla par son silence. (511) La cause étant perdue,
la dél égat i on s'est retournée en rang di spersé à Mamou ou ses fervents
supporters
avaient déjà été mutés, tout au moins affectés à des tâches
ingrates de bureaucratie administrative.
Pour porter le coup fatal à la sous-section, le Comité Directeur
envoya une délégation à Mamou
(fin novembre 1957) pour lIdésintoxiquerli
et
lI r éorganiser li
à sa manière les militants.
Ce
travail
lId'assassinat
politique ll a été confié a Oumar Dramé et Sa'ifoulaye Diallo
C'est-à-dire
l'exclusion
de
la
sous-section
de
Mamou pour déviationnisme de gauche dès le retour
à
Conakry
de
la délégation
( ... ) et
la création
par Diallo Saifoulaye d'une nouvelle sous-section
(avec pour secrétaire général Aboubakar Doukouré)
la
démission
forcée
du
Maire
Adjoint
Pléah
Koniba, et des sanctions contre les fonctionnaires
"compromis" (512).
Telle est la fin tragique d'une opposition, d'une démocratie
au sein d'un parti monolitique : le PDG-RDA.
Toute proportion gardée, on pourrait comparer cette fin tragique à celle
qui fut reservée à l'opposition intellectuelle russe dirigée par Trotsky,
Zinoviev,
et Kamanev en 1925 et 1926 par
Staline.
(513) La démocratie
(5 Il) - Ce
dernier
n'a
pas
fait
le
poids
devant
Sékou Touré
autant
il
étai t
promu
à
un
rôle
d' avant
garde
autant
il
se
disculpa par
un
camouflage
à
l'ombre
de
ce
dernier
facilitant
ainsi
par son
irresponsabili té
poli tique
la liquidation
des ambitions légitimes
du peuple de Guinée.
(51~ - Réf. 1 Claude Rivière, classes et Stratifications sociales en Afri-
que - le cas' guinéen, ibid p. 130.
(51] - Voir à ce sujet Isaac Deutscher, Staline, Paris Gallimard 1953
pp. 361-450.

-
442
-
ainsi enterrée, Pléah Koniba ne pouvait que penser tenter d'autres expérien-
ces et cette fois-ci
dans son pays d'origine:
le Mali. Ce retour fut
effectué avec regret et
pincement au coeur comme l'indiqua son passage
devant les étudiants guinéens à Dakar
He left
in
a
mood
of
considérable
bi tterness,
through Dakar where he made a strong and depres-
sing
impression
on
the
Guinean
students
there (514)
f
- Luttes Estudiantines et Réalités Socio-Politiques
Le demantelement, l'exil forcé de Pléah Koniba et autres leaders de la
sous-section de Mamou, n'ont pas pour autant permis au PDG d'obtenir entiè.re
satisfaction quant à la domestication totale des intellectuels guinéens.
Ces derniers, sous la houlette de l'UGEEG, puis de l'AEGF (515) ont conti-
nué la lutte. Cependant, force est de reconnaître que cette opposition estu-
diantine est
antérieure
à l'indépendance.
Seulement, elle n'est devenue
ouverte qu'à partir de 1960-1961.
g - Origine de l'opposition estudiantine au PDG.
L'opposition estudiantine face au PDG remonte aux années 1956-
1957.
En effet à cette période toute la classe politique africaine était
confrontée à l'épineux problème de
l'açceptation ou de la dénonciation
(514) - Il quitta avec la mort dans l'âme passant par Dakar où il fit une
grande impression de tritesse SUT les étudiants guinéens.
(Traduit
par nous).
(R.W. Johnson the parti démocratique de Guinée and Mamou
- "déviation" ibid p. 365).
(515) - Union générale des étudiants et élèves de Guinée, Association des
étudiants guinéens en France.

-
443 -
de la loi Gaston Deferre communément appelée la loi-arlre Celle-ci accordait
aux territoires une semi-autonomie (conseils de gouvernement) et favorisait
par la même occasion la IIbalkanisation ll de l'Afrique qui constituait deux
fédérations:
ADF et AEF (516). C'est autour de cette loi que naquit la
premi ère divergence entre
le PDG d'une
part et d'autre part la FEANF,
l'UGEEG, l'AEGF (517).
Pour la fédération des étudiants d'Afrique noire en France, la loi-cadre
n'est qu'un replatrage de l'Union française (518) et n'a d'autre but que
de maintenir
l'Afrique dans
le
II giron ll français
avec
un nouveau cadre
admiistratif. Autrement dit,
IIface à la loi-cadre, mystification qui nIa
d'autre but que
de semer la confusion et de freiner le proces-
sus
historique
de
notre
libération,
les
travailleurs,
les
jeunes
et
les
étudiants
d'Afrique
Noire
s'engagent
à
sceller
leur
unité
et
à
créer
les
conditions
concrètes
de
la
formation
d'un
front
de
lutte
pour
l'unité et l'indépendace nationale".
(519)
(516) - Afrique Occidentale "française" et Afrique équatoriale "française".
(517) - Fédération des étudiants d'Afrique Noire en France créée, après les
assises des congrès constitutifs tenus respectivement à Lyon les
5, 6 et 7 Avril 1950 et à Bordeaux les 28, 29 et 30 Décembre 1950.
(5 18 ) - Constitution de 1946, qui changea naninalaœnt l'Ehlpire français en Union française.
Aussi faut-il rappeler que cette Union française remplaçant l'empire français
<bit seloo Alœrt Bayet penœttre une grande oeuvre créatrice. (Plùsque) la vieille
conception colonialiste n'était pas seulaœnt choquante au point de vue m:>ral,
et deux fois choquante au ~s des Droits de l' harrœ. Elle était au point de vue
éconanique, stérilisante.
(Réf. Histoire de France, édition mise à jour de 1947,
p. 310 cité par Yves J3enot dans rranuscrit, l'idéologie française face aux problèrœs
de l'Afrique Noire, 1<)46-1960-Coll<X}ue SUI' les 40 ans du RDA Yarocussoukro Octobre
1986 p. 15).
(5 19)
- OOclaration coom.me FFANF-l..ŒJlO -lGI'AN - CJA cité par Sékou Traoré dans la Fédéra-
tion des étudiants d'Afrique Noire en France (FFANF) Paris l' Hmmttan 1985 p.
22.

- 444 -
Quant
à la
position de
l'UGEEG (section-territoriale de la FEANF) elle
n'est
pas différente de celle de la centrale parisienne (FEANf) car au
cours
de son congrès de Conakry en 1957 elle dénonça la loi-cadre avec
les mêmes termes :
une "mystificationl"
une "manoeuvre" du colonisa-
teur pour camoufler sa domination (se prononce
par conséquent), pour une indépendance immédiate. (520)
Ces deux
positions similaires
étaient diametralement opposées à celle du
PDG pour lequel
la loi-cadre est une "bonne chose" dans la mesure où elle
lui a permis de renforcer son assise territoriale. Deen Omar Camara, surnommé
le baroudeur de choc du PDG, fait le témoignage suivant
"Nous
avons
profité
largement
et
profondément
de
la
loi-cadre.
Nous
l'avons
vidée
de
tout
son contenu. Nous étions conseillers territoriaux
à
une
époque
où l'assemblée terri torale
avait
plus
de
pouvoir
qu'en
auront
les
assemblées
nationales
élues
après
l'indépendance.
Nous
avions en fait tous les pouvoirs".
(521)
A cette divergence de vues s'ajoutera le problème du Réferendum organisé
en 1958 par
le Général
De Gaulle qui
mettait les territoires "français"
devant
un choix.
A savoir
l' indépendance avec
toutes
l es conséquences
de l'exercice de la souveraineté ou l'adhésion à la communauté française.
(520) -
: Alpha Condé
Albanie de l'Afrique au Néo-colonie Américaine
ibid p. 97.
(521) -
Cité par Ibrahima Baba Kaké in Sékou Touré le héros et tyran
ibid p. 54.

-
445 -
Une telle énonciation des
intentions du gouvernement français concernant
l'indépendance pèsa lourdement sur la conscience des dirigeants guinéens
qui entre autre
n'entendaient pas de sitôt se déf aire de l a couverture
de la loi-cadre parce que "1'ailemodérée" du RDA à laquelle ils apparte-
naient voulait la communauté (522) mais aussi et surtout à cause de l'absen-
ce de projet
politique sans
la France.
Compte tenu de cette situation
le PDG fit savoir aux étudiants guinéens au cours de leur congrès précité
(1957) qu'il serait précoce voir prématuré de vouloir l'indépendance mainte-
nant - la guinée n'y étant pas préparée (523). Constatant l'obstination
des étudiants à l'égard de leur mot d'ordre d'indépendance, le PDG prit
les devants et
lança une campagne de dénigrement "con tre les étudiants
dont il ridiculisa le mot d'ordre
d' "indépendance
immédiate Il
et
tenta de
monter,
la population contre (eux) (524).
&Ir ces entref ai tes l a rupture n' éta it pas encore consommée entre le PDG
et
l'UGEEG
(525). Par ailleurs, les étudiants guinéens sous l'influence
(522) - Le Comité
de
Coo'rdination
du
RDA
particulièrement
son
président
n'était pas contre l'indépendance mais la voulait dans la communauté
française:
j'ai fait voter la communauté, qui porte en elle l'indé-
pendance
à
prendre
à
tout
moment.
(Réf.
Houphouet
Boigny,
les
"r évélations" sur
le
RDA
dans
Fraternité Hebdo n°
1435 30 Octobre
1986 p. 9.
(523) - Au cours de ce même congrès, Kéita Koumandian un des représentants
du PRA _ (Parti
du Regroupement Africains)
approuva chaleureusement
le
mot
d'ordre
des
étudiants
:
indépendance immédiate
(Réf.
AEGF
FEANF mémorandum Février 1975 p. 7.
(524) -
AEGF SiS de la FEANF Mémorandum Février 1975 p. 7.
(525) - A la rrêJœ t:ériode éclata la grève des élèves de l'Ecole Normùe de Kindia qui d'après
IbrnhiIœ. Bata Kaké est une des conséquences de la tensioo t:ûlitique du m:::Iœnt.
"(Sékou Touré le reros et le tyran ibid p. 63). En réalité, cette grève faisait
suite au refus du gouvernaœnt d'améliorer le traitaœnt rrensuel et la ratioo alirren-
taire des élèves (Ténoignage de Jean Suret Canale "ancien directeur de cette Ecole"
fait à l'Institut géogrnphique-Paris Janvier 1987).

-
446 -
conjuguée de la FEANF et du PAl naissant (Parti Africain de l'indépendance)
continua certes
timidement mais
sûrement à expliquer
leur position aux
parents d'èlèves qu'ils encadraient à travers les cours de vacances aussi,
faisaient-ils de porte à porte afin de convaincre les masses sur le "bien
fondé" de l'indépendance.
En 1958, année du référc:rrh..m les pos it i ons de part et d' autre n' évo l uèrent
guère hormis un leger glissement du PDG vers l'indépendance mais celui-
ci
posait
comme
condition
préalable
une
certaine évolution
"positive"
de l'attitude du Gouvernement français à savoir:
la révision de certains paragraphes de la cons-
titution et l'amendement du projet de référendum
(portant sur l'inscription dans la constitution
le droit à l'indépendance) (526).
Sur ces deux
points le PDG obtint gain de cause puisqu'en
collaboration
avec le comité consultatif constitutionnel
(créé à cet effet) (527),
le
Général De Gaulle apporta quelques améliorations:
Le 19
Août,
De
Gaulle
accepta
d'introduire
deux amendements proposés par le Comité consulta-
tif
constitutionnel.
Le
premier
prévoit
qu'un
(526) - Dans
Fraternité
Hebdo
n"
1435-30
Octobre
1986 p.
9 i l apparait
clairement que c'est sur l'insistance du Président Houphouet Boigny
que fut inscrit l'indépendance dans le projet de Référendum. D'autre
part, pour mettre sa contribution personnelle en relief ne disait-
il
pas
:
j'aime à
paraphraser Kennedy et
je ne cesse de répéter
: IIla
victoire
à
plusieurs
papas,
mais la défaite est orpheline"
il y a
beaucoup de papas
pour l'indépendance,
qui
n'étaient pas
avec
nous
dans
cette
lutte.
(Réf.
Houphouet
Boigny
Fraternité
Hebdo n" 1435 ibid p. 10).
(527) - Etaient membres de ce Comité consultatif: Michel Debré, Guy Mollet,
Louis Jacquinot,
Pierre Pflimlin et Félix Houphouet Boigny.
(Réf.
Fraternité Hebdo 30 Octobre 1986).

- 447 -
territoire
d'outre-mer
qui
aura
voté
"oui",
c'est-à-dire choisi l'adhésion à la Communauté,
pourra
quand
même
ultérieurement
opter
pour
l'inpendance
( ... )
ce
qui
ôte,
a
priori,
son
principal argument à Sékou.
Le deuxième amende-
ment
stipule
que
les
territoires
pourraient
entrer dans la communauté "groupés ou non entre
eux",
ce qui
introduisait la possibilité d'une
fédération
au
niveau
de
l'AOF,
la
décision
relevant de l'initiative des assemblées locales.
Une évolution qui, là encore, aurait dû satisfai-
re le leader guinéen.
(528)
A la suite de ce réaménagement constitutionnel, le PDG se trouva reconforté
dans sa position
initiale
(Il ou i ll
pour
la communauté) et Sékou le dira
sans
ambage
aux étudiants
africains et guinéens (FEANF) au cours d'une
entrevue :
"Début
Septembre
1958,
témoigne
toujours
le
Dr
Charles Diané,
les
responsables
étudiants
et quelques dirigeants
du PAl ont un entretien
avec
Sékou
Touré
dans
sa
Mairie
-
résidence
de Conakry ( ... ). Le Présient de la FEANF intro-
duit la délégation étudiante et demande à Sékou
Touré
de
bien
vouloir
expliciter
la
position
de son parti
face au référendum. Celui-ci fait
une
longue
tirade
sur
les
lettres
du
RDA
et
du PDG, puis, répondant à la question, il ajoute
: ( ... ) voyez-vous même la Guinée pour ne parler
que d'elle.
Nous n'avons aucune infrastructure,
nous ne savons même pas fabriquer une allumette,
(528) -
. lbrahima Baba Kaké, Sékou Touré le héros et le tyran ibid p. 76.

'j!
.~
j
l1
1
-
448
-
1
1
1
à plus forte raison bâtir des usines. C'est pourquoi
nous
suivrons
le mot
d'ordre
qui sera adopté par
le Comité de Coordination.
Si
telle
est
la
position
de
la
majorité,
la
Guinée
votera "oui"
car elle n'est pas mûre pour
une
indépendance
dans
de
pareilles
conditions
elle manque de tout
: techniciens, cadres adminis-
tratifs, etc.
Si
c'est
la
raison
essentielle
qui
vous
fait
hési ter,
nous
sommes prêts à demander à tous les
universitaires et progressistes africains de venir
relever les
cadres français
vous ne pouvez pas
laisser passer une occasion aussi unique de creuser
une brèche dans l'édifice colonial français.
-
Du moment
que les gouvernements locaux actuels,
issus de la loi-cadre, disposent d'une large autono-
mie,
la brèche est déjà ouverte. Dans dix, quinze,
vingt
ans
ou
peut-être
beaucoup
plus
tôt,
nous
serons en mesure de revendiquer comme vous l'indépen-
dance totale. POur le moment cela paraît aventureux".
Au cours de cette même conversation, Sékou Touré,
d'après
Diané,
précise
sa
position
sur
la lutte
de classes en affirmant notamment : "Quant à engager
une
action
révolutionnaire
basée
sur
la
lutte
de
classes,
c'est une
erreur.
Nous pensons qu'il
faut
abandonner
la
lutte
révolutionnaire
parce
qu'elle
ne
correspond
pas
aux
conditions
et aux
réali tés africaines".

- 449 -
Pour ccnclure l'entretien,
après un long dévelop-
pement théorico-philosophique dont il a le secret,
Sékou
déclare
:
"j e
vous ai
dit
ma position et
ma conviction profonde.
En
tout
cas,
et à moins
d'un évènement extraordinaire,
nous
ferons
voter
"oui".
Vous
êtes
des
marxistes,
moi
je
pense
que, dans le contexte présent, il faut être réfor~
miste,
car
j'ai
la
conviction
que
les
masses
ne prendront jamais les armes. Etant donné certains
retards
accumulés
du
fait
même
du colonialisme,
je
ne
pense
pas
que
l'Afrique
soit
mûre
pour
l'indépendance".
(529)
La cause étant entendue, les deux bell igérants allèrent en campagne avec
chacun ses arguments.
- Le congrès de 11 UGEEG tenu à Conakry 1e 20-24
Juillet 1958 sous
la présidence de Ly Baïdi,
Président de 11 UGEAO (530)
servit de début de campagne pour les étudiants. En effet, clest au cours
de ce congrès qulon demanda aux militants de se mobiliser sur toute l'éten-
due du territoire afin de faire voter le "non" "contre la communauté franco-
africaine pour une communauté africaine":
partout,
dans
des
villes
et
dans
des
villages
les plus éloignés
les étudiants firent campagne,
bien avant que
le PDG ait
décidé de faire voter
"non".
(531)
Aussi
lit-on
dans
le
livre
précité (532) les
responsables
étudiants
se
mettent
au
travail
(529) -
: Ibrahima Baba Kaké, Sékou Touré le héros et le tyran ibid pp.66=67
(530)- Union Générale des étudiants de l'Afrique de l'Ouest.
(531)-
AEGF, Mémorandum Février 1975 ibid p. 7
(532)-
Ibrahima Baba Kaké ibid p. 65.

,
f
-
450 -
~
1
1
f
1
afin
de
traduire
dans
les
actes
la résolution
1
(
essentielle
du congrès.
Des
thèmes de campagnes
f
sont
choisis,
des
conférenciers délégués
dans
chaque région, des affiches imprimées et envoyées
dans chaque ville.
Face
à cette mobilisation quasi-effective des
étudiants,
le PDG commit
ses troupes de choc pour barrer
la route à l'activisme des étudiants -
un des lieutenants de Sékou Touré en l 'occuwence Yansané Sékou Yalani ancien
Gouverneur de Conakry avait pour mission d'expliquer la position de son
parti mais surtout de prévenir la II con tagion ll de la fièvre estudiantine
si
vous
les voyez reduisez les en
poussière disait-il aux mil itants du
RDA. (533)
De cette IIbataille rangée ll , les deux camps finiront par trouver un compromis
sur la question de
IIl'indépendance immédiate ll et ceci
en la faveur des
étudiants qui voient leur thèse IItriompher ll par le vote massif de la popula-
tion le 28
~ptembre 1958 pour l'indépendance. (534) Cependant il faut
noter que le retournement du PDG est à mettre au compte de plusieurs facteurs
parmi lesquels figure certes la pression des intellectuels du PAl et étudiants
mais
la vraie cause est, pensons-nous, le résultat d'incompréhensions;,de
vanités personnelles et de défection de dernière minute
de la partde certains
1
leaders
africains
du
Regroupement Africain
(PRA).
Le sort étant scellé
f.
f
(533) - Ce durcissaœnt de too est-il la conséquence de la nénace estudiantine ? : Cknformélœnt
".
à cette nntioo , (il s'agit de voter llnoo ") t:endant les grandes vacances scolaires de
:
8
195 , la FFANF envoya sur place en Afrique de nanbreux ,militants rour faire canJIBgI1e
1
rour le "noo" au référendum du 28 Septembre 1958, et IXJU!' (00 p:lut l'écrire aujourd'hui
......
sans ennuis roliciers !) faire de l'agitation et faœnter des troubles lors du passage
du général ~ Gaulle, au cours de la tournée de propagande que le nouveau chef de la
t.•·
France devait effectuer en Aoùt 1958 dans certaines capitales at'ricaines. (Réf. Sékoo
f
Traoré, la Fédératioo des étudiants d'Afrique Noire en France (FFANF) Paris l'Harnattan,
f
1985 p. 24.
!
(534) - Le résultat du scrutin en Septemlre 1958 est : 1 1JJ 292 "na! cattre 56 959 "roi" c'est
i.·.•.
à laM et à Ullaba, que le "oui" obtient le plus de voix. (Réf. Arrlré Lewin ibid p.6~ 1
1

-
451
-
dans des circonstances "frivoles" il ne restait plus au PDG et au "monde"
intellectuel qu'à parer au
plus
vite
à la catastrophe tout au moins à
amortir les conséquences du choix historique (535). Chacune des deux parties
à sa manière organise sa participation à l'oeuvre d'édification nationale.
Pour
les étudiants et
les
intellectuels dits
"progressistes" il s'agit
de
matérial iser
les
promesses
antérieures
(confère
l'entrevue précitée
début Septembre 1958) : rôle "d'avant-garde" qui leur échoit tout nature1-
lement selon
leur
propre terme. Le congrès de l'UGEEG en Décembre 1958
définira les tâches suivantes des étudiants à cet effet
Réfléchir sur l'ensemble des problèmes qui se po-
saient à la jeune République et faire des propo-
sitions.
- Définir une politique de formation des cadres
conformement aux exigencès d'une indépendance
réelle.
Coordonner ses activités avec celles des autres
jeunes de Guinée.
Participer activement et concrètement à la cons-
truction du pays (536).
Ce dévouement de l a part des étudi ants à 11 endroit du pays quoi que "stra-
tegique ", fut "bien apprécié" par les autorités politiques de Guinée car
elles confièrent à de nombreux cadres africains des postes de responsabilités
(535) - Ces conséquences n'étaient autres que : ne vous y tranpez pas ! la République française
à laquelle vous avez affaire n'est plus celle que vous avez connue et qui rusait plutôt
que de décider ( ... ) Elle (la France) a vécu très loogt~ sans la Cuinée. Elle vivra
très lCJ1gt~ encore si elle en est séparée. Dans cette h.YIx>thèse. i l va de soi que
nous retireralS aussitôt d'ici notre assistance adninistrative. technique et scolaire
et que nous cesserons toute subvention à votre bJdget. Réf. Propos tenus par le général
r:e Gaulle à l'égard de Sékou Touré cité par Jel.D1e Afrique n° 513 du rœrdi 3 Novembre
1970 p. 19.
(536) - Une participation que les autorités trouvaient prérmturée
nous ne voulons pas manger notre blé en herte.

-
452 -
tant dans l'administration Que dans l'enseignement (537). Seulement, pour
se prémunir contre d'éventuels débordements elles fixèrent un cadre d'évolu-
tion par la création et le renforcement des structures pour toute la jeunesse.
Pour rappel notons Qu'il s'agit de la L1RDA (538). Or, ce cadre de l'avis
des étudiants n'était rien d'autre Qu'un piètre piège dans lequel ils ne
voulaient tomber. Pour eux,
"d'une man) ère
générale,
la
peur
de dire
et
d'entendre
la vérité
oblige
les
gens à
se
renfermer
sur
eux-mêmes,
à
demeurer
mécontents
en
profondeur
et
"démagogues"
en
surface.
L'unité
accomplie
dans
ces
conditions
est
une
illusion.
Elle
n'est
ni
une
cohésion
réelle, ni une force durable.
Elle ne peut nullement
compter sur l'effort créateur de chacun.
L'initiative
individuelle
se
trouve
assujettie
à
un
conformisme
stérile
qui
ne
peut
en aucune
façon
constituer
un
facteur
décisif
de
progrès
national. Les gens se sentent surveillés, intimidés
et
dominés.
Ils
sont
aigris.
Au
lieu
de
tenir
compte des "contradictions" objectives qui existent
"au sein du peuple" et de leur donner une "juste
solution",
on
est
amené
dans
ces
conditions
( 537) - Les rœrnbres du PAl qui avaient des responsabilités sont
Sarr Harnzata directeur
du second dégré,
Niang Seni (enseignant), Habib Niang conseillé à la présidence
de la République, N' lliow (ministère du plan service des statistiques) SaIl, David
Diop (enseignants etc ... ). Par ailleurs, d'autres intellectuels, africains et antil-
lais ont aussi apporté leurs concours : le Burkinaœ Joseph Ki-Zerto, l'Ivoirien
Harris Memel Foté, le Béninois Lcuis Sénainon Béhanzin et les Haïtiens Mac
Lorrain
et Adrien Bance.
(538 ) - D::nt la création d'après Sékou Touré : répondait à la nécessité, pour le pgys,
de rœttre fin à l'éparpillaœnt d'énergies qui paralysait la jeunesse et l'empêchait
de jooer un role digne de la position d'avant-garde du peuple guinéen dans la lutte
érœncipatrice de l'Afrique (Réf Cinquièrœ Congrès National du Parti I:ërrocratique
de Guinée-filll\\ (14, 15, 16 et 17 Sepemlre 1959). Rapport de !Xlctrine et de politique
Générale Cooakry ImpriIœrie Nationale p. Cj5.

- 453 -
à les camoufler. Ce qui, au lieu de les resoudre
les aggrave".
(539)
C'est
à partir de
ce moment,
que
s'est
posé le problème d'intégration
auquel
n'étaient fondamentalement "opposés"
les
étudiants
puisqu'en Aoùt
1956 Diané Charles Président de l'UGEEG exhortait ses camarades à serrer
les rangs dans l'unité
Etudiants, élèves, filles et garçons avec la collabo-
ration
étroite
de
nos
frères
et
amis
jeunes
du
territoire,
nous
avons
durement
travaillé
les
uns
à
côté
des
autres
pour le même idéal.
( ... )
Le
deuxième
Congrès
de
notre
union
s'est
penché
sur les nombreux problèmes,
il a envisagé de nom-
breuses activités.
Il a lancé un grand mot d'ordre
l'unité de tous les jeunes de la Guinée;
il sera
à
la
base
d'un
grand
travail.
Nous
souhaitons
qu'il
puisse
lever les nombreux préj ugés que l'on
s'est toujours faits des possibilités de l'étudiant
guinéen.
(540)
h - Du problème de l'intégration
Ce problème nous l'abordons à plusieurs titres:
D'une part, il présente les prémisses de l'irrépara-
ble
cassure entre le gouvernement
guinéen et
les
étudiants d'autre part, il est le début de l'incohé-
sion, de la dissension et d'après certains dirigeants
de
l'AEGF
le
dé but
de
l'opportunisme au sein du
mouvement
estudiantin.
En
fait
de
quoi
s'agit-
i l ?
(539) -
AEGF - FEANF Mémorandum Février 1975 ibid p. 9.
(540) -
La "liberté" n
100 Lundi 6 Aoùt 1956 pp 1-2.

- 454 -
En 1959, le PDG avait pris la décision de regrouper tous les jeunes au
sein d'une organisation
unique.
Cette
initiative
bien que répondant à
la nécessité du moment était, comme nous l'avons déjà souligné, une manière
de
créer une organisation
parallèle "comp lètement
inféodée"
au
parti.
Une telle organisation compte tenu de sa nature, rencontra une certaine
host il ité de l a part des mouvements de jeunes UGEEG et UJG (541 ). Ceux-
ci dans un rapport commun le firent savoir au Comité Directeur du parti.
L'argument fondamental
avancé est d'éviter l'impersonnalisation de leur
mouvement car
les différel'1te';
tâches
citées
plus haut
que
les
jeunes
se sont
assignées ne
peuvent faire
bon ménage avec "l'autoritarisme".
Cependant, à côté de cet argument il y avait aussi 11 intransigeance de
certains
jeunes
étudiants
anciennement
militants
des
partis
adverses
(BAG - PRA) fils de "no tables" qui n'avaient pas encore digéré la perte
du mo-ins la confiscation de quelques unes de leurs prérogatives sociales
par
le
RDA.
Ceux-là,
pensons-nous,
obstruaient
l'intégration non
pas
par conviction en l'autonomie tant affichée par les jeunes mais par esprit
de "revanche" contre le PDG. Avisé de cela, le parti et ses jeunes représen-
tants
ne
permirent guère
aux deux observateurs de llUGEEG (Tiam Djibi
et Bah Abdourahamane) de prendre la parole pendant le congrès constitutif
de la JRDA en Mars 1959.
(542) Un geste significatif montrant par la
même occasion la détermination du PDG à ne tolérer que les organisations
juvéniles "disciplinées"
(541) - Union des jeunes de Guinée dont le Président à l'époque était Tibou
Toukara.
( 542)
Au cours de nos enquêtes auprès de certains anciens leaders du mou-
vement estudiantins à Paris (1986-1987)
il nous a été rapporté que
les deux observateurs avaient simplement l'intention de justifier
leur position.

-455 -
suppression de l'UJG et de son journal la "voix
des jeunes" fini selon Sékou Touré le faux pro-
blème des étudiants, qui pensaient se considérer
non comme une catégorie de la jeunesse, mais com-
me une entité distincte de celle-là, est désor-
mais liquidé grâce à l'incorporation pure et sim-
ple des étudiants au mouvement unique des jeunes-
ses guinéennes.
(543)
Ne disposant plus de moyen de communication lui permettant de faire entendre
sa voix,
l'UGEEG par le truchement de son bulletin d'information a fait
une mise au point sur les rapports
entre partis politiques et mouvements de masse
dans
un
pays
comme
le
nôtre
et
concluant
à
la nécessité pour l'organisation des étudiants
guinéens de continuer une action révolutionnaire
comme par le passé (544).
Ce à quoi le PDG répliqua par un article paru dans un numéro de "liberté",
que les étudiants n'ont pas accepté la situation nouvelle de leurs pays,
qu'ils ne sont pas "reconvertis", qu'ils demeurent les enfants"gâtés" d'un
système
irréversiblement liquidé (entreprise à laquelle ils contribuèrent
pourtant largement) et qu'ils s'opposent à la réalisation de l'Unité Nationa-
le (545 ).
Si
l'article précité du PDG n'entama pas la détermination des
étudiants
il
a tout de même réussi
à faire fléchir
la position initiale
du mouvement car certains parmi eux avançaient des considérations nationales
pour faire
"l a paix avec le parti" et si possible intégrer la JRDA. C'est
(543 ) -
Cinquième Congrès National du Parti Démocratique de Guinée RDA,
ibid p. 98.
(544) -
AEGF Mémorandum Février 1975 ibid p.
Il
(545) -
AEGF Mémorandum Février 1975 ibid p. Il.

-
456 -
ainsi que;
l'UGEEG indiquait qu'''il est le seul habilité à
parler au nom des étudiants et élèves de Guinée
et que ceux-ci ont bien le désir de s'intégrer à
la JRDA" (546).
la perche ainsi tendue par les étudiants au PDG, celui-ci ne se fait pas
prier pour la saisir. Tout d'abord il permit au bureau Directeur de l'UGEEG
d'organiser un congrès en Juillet 1959 à Conakry pour discuter de la question
d'intégration mais utilisa-t-il
ce ressaisissement pour motiver certains
leaders des étudiants à prendre fait et cause pour la JRDA. Ceux-ci furent
taxés
par
les
"jusqu'au
boutistes" d'opportunistes.
C'est
à partir de
cet "épisode" que le mouvement estudiantin perdra de sa cohésion.
i
- De la lutte de fraction au sein de l'AEGF
Ayant réussi
à diviser
le mouvement des
étudiants par "l'intégration"
de ces derniers à la JRDA, le PDG entendait voir la manifestation concrète
de ce rall iement quelque peu tardif ... ! les grandes vacances de Juillet-
Octobre 1959 furent
l'occasion
pour
les étudiants de manifester
leur
présence à travers une collaboration "étroite" avec les différentes sections
de la JRDA dans les travaux d'ordre civique (les investissements humains).
Croit-on
savoir par ailleurs que certains représentants de l'UGEEG ont s iègé
à la Commission
Nationale des
bourses
de
la même année. Malgré cette
"entente", se poursuivra tout de même l'action des "durs" afin que soit
permis aux étudiants de continuer à fonctionner au sein de la FEANF :
(546 ) -
AEGP Mémorandum Pévrier 1975 ibid p. 11.

- 457 -
me démarche
auprès de
Sékou
Touré
fut
menée
dans
ce
sens
lorsque
ce
dernier
se
rendi t
en 1960 à
Londres pour y effectuer une visite officielle.
La tractation entre la délégation de la FEANF et Sékou Touré faillit aboutir.
Seulement quelques
jours
après
son retour en
Guinée
le Comité National
de
la JRDA informait
l'Association
des
étudiants
guinéens
en France de
la désignation d'un nouveau responsable du mouvement à la place de l'ancien
(547).
N'est-ce pas une manière de signifier son refus quant au maintien
de l'AEGF au sein de la grande famille des étudiants africains en France?
Cette décision fut entérinée par une majorité relative malgré la controverse
qu'elle
suscita.
Aussi
donna-t-elle
l'occasion
à certains
étudiants de
se poser certaines questions concernant le droit statutaire de leur associa-
tion au sein de la JRDA.
Préoccupation qui se justifie si l'on se refère
à l'importance
accordée aux comités dans la gest i on et autres pri ses de
décisions au détriment des sous-sections. Or,
llAEGF est considérée comme
un sous comité scolaire au même titre que ceux des lycées et collèges du
pays. Les étudiants ayant décelé cette "procédure viciée" ont voulu prendre
du recul vis-à-vis de leur engagement antérieur et ce par le biais de leur
congrès tenu à Paris du 22 au 24 Décembre 1960. Au cours de leurs travaux
ils
distribuèrent
aux
participants
un document
intitulé
1I1a question
des
étudiants guinéens,
bilans et
perspectives ll •
Dans ce document toute
l'activité du mouvement, c'est-à-dire de sa naissance à son intégration,
fut "analysée" certes dans un lI s tyle gauchisant" mais sur un ton concil iant -
Il est adopté malgré llopposition de certains considérés comme lImo derés".
L'attitude de ces derniers présageait-elle un nouveau coup de froid dans
les rapports
gouvernement-étudiants ? Cette question tire son intérêt de
(547) - L'ancien Thi~rno Djibi a été remplacé par Mamadi Kéita devenu par la
suite Ministre de l'Education Nationale.

-
458 -
ce qui suit
l'attaché Culturel Camara Abou demanda au Président
de
l' AEGF ,
Sakho
Damou,
de
venir
le
voir
seul
ou
avec
un
camarade
du
CD
pour
répondre
à
une
question posée par Conakry : est-ce que le rapport
de
poli tique
générale et
les
travaux
du
congrès
engagent
réellement
l'ensemble
des
étudiants?
( ... )
Les
responsables
guinéens
auraient
même
voulu
convoquer
les
membres
du
CD
pour
que
ceux-ci
en répondent en Guinée même.
L'Ambassadeur ajouta
qu'à
Conakry
"il
y
aurait
des
gens
prêts à
se
bagarrer
avec
les
étudiants
qui
veulent
encore
créer
des
contradictions


il
n'en
existe
pas" .
Pour les autorités guinéennes "la question demeure
de
savoir
si
ce
sont
les étudiants qui
doivent
s'intégrer
au
peuple
de
Guinée
ou
si
c'est
le
peuple qui doit s'intégrer à eux". Ainsi, refusant
tout dialogue, malgré la bonne volonté des étudiants,
le
gouvernement
se
lançait
dans
des
manoeuvres
de division,
tentant d'opposer la base au sommet. (5~)
Cette division est la première conséquence de l'''incohérence'' d'un mouvement
estudiantin face à un pouvoir "organisé" résolu à saper la base et, si possi-
1
b1e,
anéant ir
1es
i nte 11 ectue 1s de
"gauc he"
du
pays ayant des sympathies pour/,
1
les étudiants :
en 1960, sont impliqués dans le 1er "complot contre
(548) -
AEGF Mémorandum Février 1975 ibid p. 13

-459 -
révolutionnaire pro-français"
(549) de jeunes
cadres à l'allure "marxiste" tels l'avocat Ibra-
hima Diallo, ancien Président de l'AEGF et l'in-
génieur Diallo Yaya (550).
Les rapports de force pesant ainsi en la faveur du gouvernement, celui-
ci
ne voul ait
pas
s' arrêter en si
bon chemi n dans "sa guerre ouverte"
contre
les
intellectuels
et
les
étudiants.
C'est
ainsi
qu'en
Novembre
1961 à la suite de la remise de mémoire
(dans lequel les enseignants demandent au gouver-
nement
une
révalorisation
de
leurs
traitements
,
mensuels
et.
le
maintien de
logement)
le
Bureau
Politique
du
PDG
déclare
la
dissolution
du
Bureau
Directeur
du
syndicat
des
enseignants
(549) - Ce "complot", d'après Mamadou Dia ancien 1er Ministre du Sénégal cité par
Ibrahima
Bata Kaké est "réel" car : quand Sékou Touré a parlé de canplots organisés à partir
du Sénégal, tout le llOlde a ri. On disait que c' était encore une invention de sa part.
M::x1 devoir était de faire une enquête. Alors j'ai fait fouiller toute la f'rootière.
Et on a décOlNert les farœuses rruni tions , les tracts
( ... ) qui étaient destinés à
la cmtre-révolution ( ... ) il Y avait tel et bien canplot. J'ai fait arrêter des sus-
pects, des Clri.néens qui vivaient à Dakar, et un militaire français qui était chef
de l'organisation
il résidait à Saint-lDuis où je l'avais fait interner. On l'a
fai t évader.
(5~) - Aussi faut-il savoir que la condamnation de l'avocat Ibrhirra Diallo serait une "revanche"
de Sékou Tooré
: il est vrai qu'Ibrahirra Diallo, en tant que responsable étudianL: à
Paris, avait rabroué au milieu des années cinquante, le D2puté guinéen Sékou Touré,
qui n'avait apparemœnt {:ES oublié l'affront (Réf. Sékou Touré le héros et le tyran
ibid pp. 98-91).
QJant à Diallo Yaya, il fut élu secrétaire d'une des sections du Parti à Conakry en
1959-élection annulée par Sékou Tooré qui le considérait trop à gauche. D:ms le "complot"
en question d'après les autorités guinéennes il avait p:Jur "mission de rœttre à la
disp:JSi tion de l'irrq:érialisrœ les PIT".

... 46Q -
de Guinée (551) et traduit le 23 Novembre 1961 ses
responsables
devant
la
Haute
Cour
présidée
par
Saifoulaye Diallo à l'époque Président de l'Assem-
blée
Nationale.
Des
condamnations
allant
de
5
à 10 ans furent prononcées à l'encontre des "complo-
teurs"
considérés
comme
"communistes"
(552)
(en fait il s'agit de simple lecture de sentences).
Parmi
ceux-ci
figurent
Kéita
Koumandian,
Ray-
Autra,
Ibrahima
Caba
Bah,
Djibril
Tamsir
Niane
et Bahi Seck.
Ces condamnations arbitraires ont agrandi le fossé existant entre les autori-
tés et les étudiants. En effet, le 24 Novembre 1961,
la ville
de
Conakry -
élèves et étudiants en tête-
a cru devoir
organiser
une
marche
pour
demander
(551) - La grève des enseignants du secoodaire et du superleure en Côte d ' Ivoire (Avril-Mai
1983) portant sur les llÊIœs motifs que celui des enseignants guinéens à savoir entre
autre
: le rraintien de la gratuité du logerœnt a amené le "Bureau Politique du POCI
(Parti Démocratique de Côte d'Ivoire) à supprirœr (en fait il s'agit d'tme suspensioo)
les salaires des enseignants, décidera l' exp..ù.sioo irnnédiate des grévistes des logerœnts
de l'Etat et la suspensioo du Synesci et du Synares. (Réf. Paul N'La les intellectuels
et le pouvoir en Afrique Noire Paris 1 'Harrmttan ibid p. lLD).
Au Burkina-Faso "révoluticruiaire" la n✠attitude gouvernerœntale a été oœervée en
Mars 1984 à l'égard du syndicat national des enseignants africains en grève : 13&)
enseignants oot été ahlsiverœnt licenciés sans droits. Et en vertu d' tm texte du CNR
(Cooseil National de la Révolutioo) les travailleurs licenciés n'avaient plus droit
à l'emœuche dans auCtm secteur, sur le territoire national. Ruinés, humiliés, tea.ucoup
de nos carœ.rades se Salt donnés la mort. Par exemple Yaméogo Paul, dit petit Paul,
responsable de la bibliothèque de l'inspectioo n· 1 de Koudougou s'est suicidé. CouliOOly
Tiegtè était à quelques années de la retraite. Il a été réduit à la mendicité avant
de mourir de misère. (Ré!. Témoignage de I<Cœ Batiérroko, enseignant, ancien re~ble
de syndicat dans Africa n 198 Octobre 1987 Sankara à l'école de Sékou Touré ? p. aJ)
(552) - Le "canplot" a été dénoomé par les autorités guinéennes de "complot" des enseignants
"connunistes".
FOurtant Diallo Atdoulaye ancien militant syndicaliste et secrétaire
politique à la directioo du PIXi disait en 1961 à M:nique Laff'tnt
(colla'toratrice à
la sectioo colooiale du FCF) : "dans si peu de temps, à votre retour en Cillnée (pour
tm prochain voyage) vous trouverez le parti carmuniste guinéen (Témoignage de Yves
Benot Paris Février 1986).

.. 461
-
la mise
en
liberté
des enseignants condamnés.
Les autorités ont procédé à un grand déploiement
de
forces
policières pour
s'opposer
à
cette
marche
qui
s'est
soldée
par
la
mort
d'une
trentaine d'élèves et d'étudiants et plusieurs
autres dizaines de blessés.
(553)
Pour
la
première
fois,
on
a
eu
recours,
en
pleine
paix,
à
l'arme
lourde
trois
coups
de
canon
ont
été
tirés
pour
bien
montr~r à
Conakry
qu'il y a loin de la coupe aux lèvres
et
que
l'ordre
qui
régnait
à
Varsovie
peut
s'installer
dans
notre
capitale .et sur
toute
l'étendue du territoire.
A l'intérieur du pays, les tentatives de rassem-
blement
des
enseignants
et
parents
d'élèves
à
Labé
et
Kankan
notamment
ont
engendré
des dégats, des internements ... et des brutalités
inférieures à celles de Conakry.
(554)
Les étudiants
guinéens
de
par le monde entier
particulièrement· ceux de
t
France et la direction de la FEANF exprimèrent leur désaccord avec les méthodes
anti-démocratiques
utilisées
par
le
gouvernement
et
aussi
manifestèrent
leur solidarité avec les dirigeants syndicalistes et intellectuels emprisonnés
dont ils exigèrent la libération immédiate. Face à cette prise de position t
le gouvernement entreprit des manoeuvres de division totale au sein du mouve-
(553) - Pour justifier l'intervention des forces plbliques, les autorités s'évertuèrent à dérrrn.-
trer l'intelligence secrète entre des enseignants et des élèves. Une des "preuves"
de cette collusion est le soit disant testélll'Tœnt d'un surveillant du lycée classique
de IX:nka de Ca1akry. Eh réalité, i l s'agit d'une simple prise de rote de lecture portant
sur le Général I-bch. Ce dernier avant de partir pour le froot 1791 envoya une lettre
à sa femœ clans laquelle i l dit : qu'un p:itriote doit savoir mourir pour sa p:itrie.
(554) - Réf. : KouIœndian Kéita, G.linée 61 l 'Feole et la dictature Paris Nubia 1984 pp.
11-12.

- 462 ....
ment estudiantin et cela réussit en partie car, un nouveau bureau de l'AEGF
complètement
acquis à sa cause,
vit le jour avec pour dirigeants
; des
étudiants qui nuancèrent leur analyse quant à l'opportunité de la dénoncia-
tion de l'acte gouvernemental.
Par ailleurs,
les bourses d'études furent
suspendues,
leur rétÇlbl issement est conditionné par l a cessation de toute
collaboration de l'AEGF avec la FEANF :
Tibou TOllnkara l'Ambassadeur exigea (des étudiants)
de choisir entre
la
FEANF
et
le prx:;,
ceux qui
choisiraient
la
FEANF
seront
considérés
comme
ennemis du PDG et du Peuple Guinée et combattus
comme tels.
(555)
Devenant ainsi
la "chose" de l'ambassade,
l'AEGF du coup perdait de son
dynamisme
d'antan
malgré
l'action
isolée de
quelques
uns
regroupés
au
sein du comité des "sages". (556)
Dès lors deux fractions s'affrontèrent en son sein
1) - Une minorité représentée par la section de
Paris et quelques étudiants en province,
constamment menacés d'expulsion du mouvement.
2) - Une majorité qui se particularise par une
responsabilité "partisane" du moins justifie-
t-elle son mutisme par des préoccupations
d'ordre universitaires.
Cet immobilisme
dura jusqu'en 1964,
année où l'AEGF redevint une section
normale de la FEANF. Revirement de situation qui peut s'expliquer à travers
les facteurs suivants: d'une part, l'incapacité du gouvernement à promouvoir
une nouvelle politique de jeunesse autre que celle qui a toujours prévalue
(la concertation à la place de l'intimidation et l'humiliation) mais surtout,
(555) - AEGF Mémorandum Février 1975 ibid p. 23
(556) - Celui-ci est désigné sous le nom de Comité des 9

- 463 -
la faillite dans le domaine économique qui ne laissait plus de doute quant
à ses possibilités de sortir la Guinée de son état de sous-développement.
D'autre part, l'activisme de la minorité d'étudiants qui a toujours fait
état des contradictions gouvernementales sans pour autant réussir à exploiter
rationellement celles-ci dans le sens du "réalisme".
Ces
deux courants catalyseront
le mouvement estudiantin jusqu'en 1966-
1967 où sont intervenus d'autres considérations politiques: la naissance
du front de "libération nationale" de Guinée et la métamorphose de l'AEGF
"anti-"impérialiste" et "pro-chinois" en mouvement "démocratique" et "patrio-
tique" guinéen.
j
- Du front de "1 ibération nationale" de Guinée
Crée en 1966, avec pour objectif fondamental
le "renversement" de
Sékou
Touré
puisque
celui-ci
est considéré comme "ennemi
principal
du
peuple
de GUinée". (557) Le Comité de Coordination provisoire (558) mis en place
à cet effet précise les intentions à travers une "lettre ouverte adressée
au peuple de Guinée"
"La
décision
de
constituer
un
organisme
chargé
de
la coordination de
la lutte
contre
le régime
de
servitude,
de
honte
et
de
misère
instauré
par Sékou Touré, a été prise après mûre reflexion
et
une
analyse
serrée
du
rapport
des
forces.
La
situation
est
mûre
pour
une
action posi ti ve
(557) - Cette thèse dl "ennemi principal" fut aussi développée au cours du
congrès de l'AEGF (Décembre 1965).
(558) - Font partie du comité de coordination provisoire : M. Moussa Kéita,
Moustapha Diallo, Ousmane Diallo, Amara Soumah, Paul Dechambenoit,
Fara Touré, David Soumah, Mamadi Konaté.

- 464 -
concertée (559). Nous ne voulons plus
nous
battre
en ordre dispersé.
Nous voulons, par notre uni té
autour du mot d'ordre.
A bas le Tyran - catalyser
les volontés à l'intérieur comme à l'étranger ...
Beaucoup
d'entre
nous
croyaient
que
l'option
de
Septembre
devait
nous
mener
vers
une
aube
nouvelle, faite de dignité, de liberté, de bonheur.
Pour nous conduire sur cette voie, beaucoup d'entre
nous
avaient
donné à Sékou Touré leur confiance,
leur appui , ... L'élite africaine et même européenne
étai t
accourue
à
Conakry
pour
contribuer
à
la
réussite
de
l'expérience
guinéenne.
Qu'il
était
beau l'enthousiasme d'alors.
Qu'elle est profonde
notre désillusion - et celle de nos amis - aujour-
d'hui".
A cet exposé des motifs succède un appel adressé aux différentes couches de
la population guinéenne, dont voici les passages essentiels:
"Frères, élèves et étudiants, c'est à vous, à votre
sacrifice que revient le mérite d'avoir déssillé
nos yeux. Ce sont en effet les suites funestes du
second
"complot" celui de Novembre 1961, dans le-
quel étaient impliqués des enseignants qui voulaient
simplement obtenir une révalorisation de leurs sa-
laires sur la base de décret n° 368 du 30 Septembre
1961,
qui
nous
ont
aménés
à
prendre conscience
de la tyrannie ...
Frères
paysans,
vous
n'arrivez
plus
à
vendre
les
bananes
que
vous
produisez.
La
Guinée
en
exportai t
90 000 tonnes
en 1957 et n'en exporte
plus que 40 000 aujourd'hui, alors que la production
de
notre
voisine
ivoirienne
a
été
multipliée
par cinq.
(559) - L'évolution des rapports de force n'est autre que "le changement
intervenu à la tête du gouvernement ghanéen".

-
465 -
Vous n'arrivez plus à écouler votre production
de
café,
tombée
de
la
000
à
7
000
tonnes,
alors que les paysans
ivoiriens en produisent
250 000 tonnes par an ...
Frères ouvriers, Sékou vous a donné des machines
inadaptées au pays, puis vous a accusés d'incom-
pétence
quand
elles
tombaient
en
panne.
Vos
conditions de vie sont lamentables.
La moyenne
de
vos
salaires
effectifs
est
inférieure
de
plus
de
moi tié
à
celle
de
vos
camarades
du
Sénégal et de la Côte d'Ivoire ...
Frères de la Fonction Publique, Hauts fonction-
naires de Guinée, Sékou vous accuse de corruption
dans chacun de ses discours.
En réalité, c'est
lui qui vous pousse dans la voie de la corruption,
dans l'espoir de faire de vous ses complices ...
Petits et Hauts fonctionnaires,
Décriés, avilis en public, réagissez
Frères commerçants
Sékou
rejette
sur
vous
la
responsabilité
de
la
failli te
de
l'économie
guinéenne.
IL vous
accuse,
en public,
d'être la cause du marché
noir, alors que c'est son système de gouvernement
qui est vicié à la base ...
Pour
retrouver
votre
liberté
de
commerçants
honnêtes
et
en
même
temps
alléger
la misère
du
peuple,
il
n' y
a qu'une voie
renverser
le régime honi de Sékou Touré.
Frères officiers
et
soldats,
Sékou Touré vous
a avilis,
tout comme il nous a avilis. Auriez-
vous
oublié
que
l'un
des
vôtres,
l'un
des
nôtres, le commandant Kéita Namory a été fusil-

?
Sékou
essaie
de
vous
compromettre
en
tant
que
ses
complices.
Il
essaie
de
vous

- 466 ..
couper des masses en vous chargeant de la responsa-
bilité
de
mâter
notre
peuple ...
Officiers
et
soldats, il vous suffit de vouloir pour pouvoir.
Voyez comment le colosse ghanéen avait des pieds
d'argile. Sékou vous craint.
( ... )
Camarade du PDG
Nous
n'avons
pas
oublié,
car
nous
ne
pouvons
le
faire
sans effacer une partie de nous-mêmes,
les
temps
héroïques

la
section
de
Guinée
était
réputée
pour
son
dynamisme
au
sein
du
glorieux
Rassemblement
Démocratique
Africain ...
Jusqu'à quand allez-vous vous taire?
Frères et soeurs de Guinée
Devenez nos
sympathisants,
protégez et
soutenez
nos camarades qui agiront bientôt au grand jour,
sur le sol de notre guinée natale.
Que
les
meilleurs
d'entre
vous
rej oignent
nos
rangs,
militent
avec
nous,
pour
que
se
lève
au
plus
tôt,
l'aube
bénie
de
la dignité et de
la
liberté
retrouvée.
NOus
vous
convions
à
la
lutte et à la Victoire (560).
En nous référant à la lettre ci-dessus,
il
apparait clairement que pour
le IIfront de libération national ll le système se réduit à laseule présence
de Sékou Touré. Or, en Guinée bien que le II po ids ll de ce dernier soit signifi-
catif tout au plus assez important, il est tout de même relié à d'autres
pour enfin constituer un système. Par ailleurs, nous pensons que s'agissant
d1un système
politique,
le minimum serait de tenir compte des éléments
constitutifs de ce concept. Ensemble de pratiques, de méthodes et d'institu-
tions formant à la fois une construction théorique et une méthode de pratique.
l'observateur du Moyen-Orient et de l'Afrique 22 Avril
1966 pp. 19-20.

- 467 -
En rapport avec ces données, ne peut-on pas dire que le régime pol itique
n'est pas séparable de llensemble social dont il fait partie? L'attention
portée à cette réalité aurait pu éviter au front la série d"'échecs ll auxquels
il a été confronté au cours de sa lutte de 1I1ibération nationale ll • L'exemple
illustratif à cet effet est le débarquement des militaires portugais et
gui néens du front en Novembre 1970 à Conakry. Cette attaque IIsurpri se"
nia pas réussi à débarasser la Guinée de son IItyran ll (Sékou Touré) quoi
que la villa de ce dernier fut la 1ère cible des assaillants. Aussi, selon
Jean Paul Alata:
à
l'analyse,
on
trouvera de
grossières
fautes
techniques
et
tactiques
( ... )
Probablement,
ils escomptaient une réaction populaire positive
en
leur faveur
sachant le
point de
saturation

en
était
arrivée
la
masse.
Leur grossière
erreur a été, alors, de sous-estimer la réaction
nationale des
guinéens.
La population ne s'est
pas
soulevée,
comme
on
l'a
prétendu
par
la
sui te,
pour rej eter les envahisseurs à la mer,
mais
les
reconnaissant
étrangers,
elle
leur
a refusé tout concours.
(561)
C'est à la suite de cette IIdéfaite" que le front se disloqua)pour ensuite
donner naissance
à divers
sous groupes:
ULG,
RGE, OLG.
(562) etc ...
A côté de l'appréciation subjective de la situation,
il faut noter que
(561) -
: Prison d'Afrique Paris Seuil ibid pp. 51-52.
(562) - Union des guinéens libres, le regroupement des guinéens de l'exté-
rieur et Organisation pour la libération de la Guinée qui générale-
ment se contentaient de simple énumération de leurs intentions con-
sidérées par ailleurs de programme politique économique et social
(voir par exemple la charte du 28 Septembre 1974 de OLG.).

-
468 -
le front (comme ses dérivées) à souffert de conflits de personnes, de mauvaise
gestion
et surtout de considérations ethnocentriques.
k - De l'A.E.G.F. - Mouvement "démocratique" et "pa triotique" guinéen.
Ce mouvement à coloration estudiantine ne siest signalé qu'à partir des
années 1973-1974. Donc pour mieux le situer il serait nécessaire de partir
de sa genèse à savoir l'AEGF "an ti-impérialiste pour ensuite déboucher
sur sa transformation en mouvement "démocratique et "patriotique" guinéen ..
Qu1est-ce qu'est llAEGF ?
Pour les étudiants affiliés à cette sous-section de la FEANF il s'agit
d1un syndicat qui a pour but
de défendre
les
intérêts
matériels
de
ses
membres
(lutte
pour
l'octroi
des
bourses,
pour le droit aux études) et aussi leurs intérêts
moraux" .
(Bien
que
présenté
sous
cette
forme
corpora-
tiste, il est par ailleurs indiqué qu'il entend
dépasser
ce
cadre
pour devenir)
un
"syndicat
révolutionnaire
c'est-à-dire
un
syndicat
qui
place
la
satisfaction
des
intérêts
légitimes
de
ses
membres
dans
le
cadre
d'une solution
globale
des
intérêts
légitimes
des
masses
populaires.
Un syndicat révolutionnaire d' étu-
diants ( ... ) qui participe à la lutte politique
pour
la
transformation
du
régime
en
place,
son
renversement
(par
la
violence)
et
son
remplacement par un régime populaire" (563).
(563) -
la nature de l'AEGF dans mémorandum Février 1975 ibid p. 45.

-
469 -
De
cette
citation
les
considérations
politiques
qui
retiennent
notre
attention sont:
1 - un certain syndicalisme "engagé" pour lequel
il n'y a pas de frontière entre lutte estu-
diantine et lutte des masses.
2 - que pour ce faire, l'étudiant doit aller à la
rencontre de la population paysanne pour s'é-
duquer auprès d'elle afin de connaître ses
vrais problèmes.
(564)
3 - stratégie dont la finalité est de susciter
un élan "novateur" comme le préconise par
ailleurs l'AEGF : élever le niveau de con-
science politique
de
ses
membres
afin
de
les
amener
à
choisir
le
camp
des
masses
populaires
contre le camp de leurs oppres-
seurs.
Il s'agit d'amener le maximum d'étu-
diants
guinéens
sur
des
positions
anti-
impérialistes conséquentes.
(565)
Cette ligne politique aussi
attrayante soit-elle,
relève d1un certain
idéalisme caractéristique des mouvements d'étudiants.
Il s'agit en fait
(564) - Ce sont les mêmes mots d'ordre lancés au cours du XIXe congrès de la
FEANF (Décembre 1966).
La paysannerie à laquelle fait allusion les étudiants a toujours
été dans l' histoire de
la révolution
(surtout russe) une classe
"retardataire".
(voir a ce suj et L. Trotsky, la révolution permanente,
Paris Gallimard, 1964 ; p. 113).
Aussi,
"fecoonaissons 1 Que .la masse ddes
oaysans
encQre
plus ou
mOlns
en ermèe
Clans
'"agrlcul ture
e
SU'Dslstanèe,
pese
peu par
rapport à l'élite. Elle vit chichement, au bout du circuit économi-
que,
analphabète
à
90%,
remuée
seulement
pour applaudir lors
des
visites
de
délégation 1
sans
information autre
que
celle de
Radio-Conakry.
La
proclamation
d'objectifs
vagues
échoue
sur
une masse
que
ne sensibiliserait au progrès que la présentation
dans
les circui t:s commerciaux du village
des produits nécessaires
et utiles.
(réf. Claude Rivière, classes et stratifications sociales
en Afrique cas Guinéen ibid p 260).
(565) -
: Rôle de l'AEGF dans mémorandum Février 1975 ibid p. 47.

- 470 ...
de donner une
base
au
IIromantisme
révolutionnaire ll
d'autant
plus
que
la
JRDA
leur
apparaissait comme
une
II catégorie creuse Il dans
laquelle
ils ont été confinés et qui ne semble pas leur convenir du moins parait
être
une manière de les marginaliser afin de laisser le champ libre à
la bourgeoisie administrative. Par ailleurs, compte tenu du livide politique ll
qui marque l'opposition guinéenne, nlest-il pas facile de se s"ingulariser
par
un
II mil itant i sme
crev ass i er Il
qu i
att i re mo i ns
de risques
surtout
qu'on est loin du théâtre des affrontements malgré l'intégration lointaine
souhaitée à la masse?
L'AEGF ainsi
partagée entre ses désirs et les réalités quotidiennes a
fini par redorer
son blason par la créat i on du mouvement IIdémocrat i que"
et II patriotique" guinéen.
- Le mouvement IIdémocratiquell et "patriotique ll guinéen-
Dans le 1er numéro de son organe dlinformation (566), le mouvement IIdémocra-
tique" et "patriotique" guinéen indique qulil est la voix des "sans voix~
le visage des II sans visages ll qui se donne pour objectif :
La voie de
la clandestinité pour mener jusqu'au
bout la lutte de la libération du peuple guinéen
( ... ) Mais
cette clandestinité,
loin de freiner
la
lutte,
doit
au
contraire
l'impulser
et
la
rendre
impétueuse.
Action
et
clandestinité,
tels sont les deux axes de la lutte du mouvement
"patriotique" et "démocratique" guinéen.
(567)
(566) - Jowlol-Jemma (l'étincelle - takissè - tewole) du mois de Décembre
1973.
(567) - Jowlol - Jemma n° 1 Décembre 1973 p. 1.

-
471
-
Pour ce combat, le mouvement convie les IIforces du progrès Il (568) à s'unir
sur des
bases claires, autour de principes politiques nettement définis
à savoir
la réalisation de la IIRévolution Nationale Démocra-
tique
et
Populaire Il
(569)
en
Guinée.
Sans
un
tel
esprit on ne parvient pas à
avoir confiance
dans sa propre force ni à s'efforcer de mobiliser
les
ressources
intérieures de
son
pays,
et
par
conséquent
on
ne
peut
pas
accomplir
l'oeuvre
de la libération (570)
Ainsi peLlt-on dire que le mouvement "patriotique" et démocratique" n'est
que le prolongement de la lutte menée par les IIbarons ll retraités de llAEGF
qui ne veulent pas baisser les bras, désirent surtout, face au front de
IIl-ibération
national ll
dirigé
par
leurs
anc i ens
"c amar ades Il man if es ter
leur présence et si possible rappeler à ces derniers:
que
"pour
la conquête du pouvoir il faut compter
avec nous".
Ceci, quoique que l'AEGF nia jamais eu, n'a pas et n'aura jamais
la
prétention
de
prendre
le
pouvoir
en
Guinée
( ... ) que ce soit à travers le
putchisme
c' est-
à-dire
l'alliance
avec
une
faction
d'officiers
pour la prise de pouvoir par un coup d'Etat militai-
(568) - Les forces du progrès comporteraient-elles : "pour quiconque s' inté-
resse un
tant
sai t
peu à la Guinée,
parler de
la condition de vie
misérable
des
masses
est
devenu
un
lieu
commun"
?
(Réf.:
Jowlol-
Jemma n° 1 Décembre 73 ibid p. 1.
(569) - Dans certains pays africains tel que l'Egypte la "révolution nationale
,
démocratique"
n'a
pas
pour
autant
engendre
la
mise
en
valeur
des
forces internes...
!
(570) -
. : Jowlol-Jemma n° 13 Mai 1975 p. 1

-
472 -
re,
(soit)
à
travers
l'entrisme
qui
consiste
à
entrer
dans
le
parti
réactionnaire
au
pouvoir

à
participer
au
pouvoir
afin
de
prendre
le
pouvoir de l'intérieur.
(571)
SJmme toute, le mouvement "patriotique" et "démocratique" ne se différencie
guère de l'AEGF, au contraire, il se complait dans la polémique, les débats
idéologico-politiques estudiantins qui sont de portée limitée sur la Guinée
"Mutatis-mutandis" (572). De ce point de vue, plus d'un observateur avisé
ne cesse de se poser la question suivante: qu'est-ce qui aurait empêché
ce mouvement de sort i r
des
sent i ers battus du gauch i sme, cons i déré par
ailleurs comme
une maladie
infantile du communisme?
Une des réponses
à cette question est que le mouvement n'est pas né à l'intérieur du pays,
il est plutôt la résultante de conflits entre politiciens au pouvoir et
intellectuels qui
perçoivent la lutte à partir de considérations "extra-
africaines" censées être à leurs Yeux la solution idéale. Ce sectarisme
ayant conditionné les "adeptes de la révolution marxiste" laisse peu de
place
à une
analyse objective de la situation basée sur la spécificité
guinéenne qui, à notre humble avis, aurait pu soutenir le "concours précieux"
qu'ils prétendent apporter.
~ _ Bilan et résultat de la lutte de l'opposition
En gui se
de
bi l an
pour ce chapi tre,
nous
nous contenterons
s imp l ement
de dégager quelques enseignements :
(571) -
: AEGF Mémorandum Février 1975 ibid pp. 46-47
(572) - En "Changeant
ce qui doit être changé.

- 473 -
L'opposition
intellectuelle
(573)
au
régime
est la manifestation
d'un
groupe
social
qui
se sent lésé et veut faire prendre conscience
de
cette
forfaiture
à
une
catégorie
sociale
du
moins
tend-t-elle
à
faire
légitimer
et
partager cette lutte par et avec la population
désorientée.
D'où
son
action
à
organiser
et
incarner
une
volonté
pl us
"large",
avec
ses
dimensions
politiques
idéologiques
et
culturelles (574).
Cette lutte, dans le contexte guinéen n'est pas
un
problème
d' "éloignement
de
la
production
matérielle,
par
le
fait
qu'ils
n'ont
pas
de base économique qui aliène leur indépendance
d'esprit, par leur identification à des couches
et classes qu'ils identifient à l'historicité".
(575)
Elle
est
plutôt
l'action
d'un
groupe
qui a été frustré de son rôle d'accompagnateur
d'une classe sociale dans son ascension.
Il faut aussi signaler que le gouvernement avait "réussi" à domesti-
quer quelques intellectuels surtout ceux de l'intérieur.
(574) - Lors du passage des ballets africains de Guinée à Paris en 1969 l'AE-
GF avait demandé à ses adhérents de boycotter les spectacles ...
: Paul N'DA, les intellectuels et le pouvoir en Afrique Noire
ibid p. 95.
Par ailleurs, nous ne partageons pas ce point de vue car les intellec-
tuels ne forment pas une catégorie sociale isolée : ils n'existent
qu'à
travers
les
groupes
sociaux
-
dont
ils expriment en retour
la nature, les ambitions et les affrontements à un niveau tel qu'ils
sont
investis,
par moments,
de
toute la puissance que ces groupes
peuvent
déchaîner.
(Leur
implication
dans
les
conflits
sociaux
est
aussi
fonction
de
leur
appartenance
sociale
(bourgeoise)
et
des
intérêts
qui
en
découlent).
Réf.
F.
Bon et M.
Burner les
nouveaux intellectuels Paris Seuil Seconde édition 1971 p. 71.

- 474 -
- Cette frustration
a
conduit
les
intellectuels
guinéens
à
une
impasse
politique
qui
a
pour
corollaire le manque de réalisme, mode d'acces-
sion
au pouvoir
le
putsch
(qui
généralement
n'apporte
pas
grand
changement) ,
la
violence
parce
que
"la
voie
pacifique
est
ullusoire
en
Afrique
( ... )
(Il
en résulte
que)
la voie
'.
principale
de
libération
de
l'Afrique
passe
nécessairement par la lutte armée".
(576) Cette
affirmation
témoigne
encore
une
fois
de
plus
de
ce que
les
intellectuels
opposés au régime
de
Sékou
Touré
manquent
d'éléments
d'analyse
rationnelle car les "moyens de lutte ne peuvent
être
définis
de
façon
abstraite,
dogmatique,
sans
tenir
compte
des
circonstances
de
temps
et
de
lieu.
( ... ) Insister la dessus
à partir
de considérations subjectives c'est faire preuve
de
dogmatisme
et
verser
dans
un
aventurisme
aussi
dangeureux
que
celui qui consiste à nier
le
passé
en
bloc,
sans
aucune discrimination.
L'opportunité
de
recourir
à
la
lutte
armée
dépend
des
conditions
objectives,
c'est-à-
dire
à
la fois
de
la situation
internationale
et
de
la situation intérieure,
ce qui
suppose
que
les
rapports
de
force soient soigneusement
analysés".
(577)
- Une multiplicité de groupes d'opposition (consé-
quence du désaccord sur les principes politiques
Alpha Condé, Guinée; l'Albanie de l'Afrique ou néocolonie américai-
ne ? ibid p. 262.
(577) -
: P-F Gonidec les systèmes politiques, deuxième partie les réa-
lités du pouvoir Paris Librairie Générale de Droit et de jurispruden-
ce 1974 pp. 289-290.

- 475 -
et
les
moyens
de
lutte)
les
uns
se
réclamant
du
libéralisme
de
type
ivoirien avec
tout
ce que
cela
suppose
comme
comportements
inhérents
à
la
démocratie bourgeoise: appel à la liberté d'expres-
sion,
choix de l'économie libérale etc. Ces inten-
tions
sont
peu
liées
à
des
convictions
réelles
mais
elles
sont
plutôt
fondées
sur
des
intérêts
"quand
on
sait
aussi
que
les
intellectuels
sont
eux
aussi
et
malgré
tout
de
la classe montante
prête à prendre le relais, de la vieille génération
des
politiciens usés
et
quand on sait
aussi
que
les
changements
politiques
et
même
sociaux
les
portent
en
avant,
les
servent,
les
portent
vers
le
pouvoir

à
l' anti-chambre
du pouvoir". (5'78).
Les
autres
se
définissent
par
rapport
au
marxisme
leninisme
qui
facilite
une
démarcation
singulière au détriment des méthodes d'appréciation
utilisées
pour
la
compréhension
des
phénomènes
sociaux.
(579)
- Des querelles de personnes fondées sur des considéra-
tions ethniques, prolongées par les qualifications,
titres
universitaires
(marginalisant ainsi l'apport
de la majorité décidée a en découdre avec le pouvoir
du PDG).
- Une mauvaise
gestion
de
l'apport
financier
des
alliés du moins une utilisation à des fins personnel-
les pour le "mieux être" à
l'exil. (580).
(578) -
: Africa n° 198 Octobre 1987 Document les intellectuels et le
pouvoir pp. 68-69.
(579) - Ces intellectuels guinéens marxisants sont depuis devenu des "hom-
mes d'affaires" "intermédiaires" entre les multinationales et les gou-
vernements africains.
(580) - La dissolution du front de libération national "est en partie due à
la mesentente quant à· la destinée des fonds ... !

-
476 .-
Un manque de sérieux et de suivi quant à la
finalité de la lutte, les jeunes guinéens sont
entrainés dans des entreprises qui ne visent
pas à la destabilisation de leur propre régime.
- Un combat sans merci mené inutilement entre les
fractions d'opposition à travers les différents.
organes (581) qui, au demeurant pourrait être
interprêté ainsi : à défaut de pouvoir renver-
ser l'ennemi commun (le régime de Sékou Touré)
l'on s'acharne les uns contre les autres.
Au vu de cet inventaire, il est normal que la population perçoive
la lutte
des opposants intellectuels comme une lutte
pour la gloire et non comme
pour la dél i vrance Il (582).
(581) - p~~sBê~~r~g~u~ou~~11~~s eëeJo~lg~P9~~~~n( l~~Jtlndell~l~ir de Guinée,
(582
-
En Juillet 1984 nous avons mené une enquête auprès de 1<1 population
de
la
capitale
et
celle
de Kankan
sur son sentiment
à l' endroi t
de
l' opposi tion
gUlneenne
à
l'ex térieur.
Le
questionnaire choisi
est de type
: mesure des opinions sociales, il comprend 3 questions
se rapportant chacune à la connaissance de l' opposi tion) à son "al truis-
me" et à son autorité.
Les échantillons tant à Conakry qu'à Kankan
étaient de 500 personnes (Hommes et Femmes).
Première
question
Connaissez-vous
l'opposition
guinéenne de
l'extérieur?
Deuxième question
Que pensez-vous de ses actions ? Ont-el-
les fait refléchir le gouvernement de Sé-
kou Touré sur la manière de traiter la
population ?
Troisième question
L'opposition avait-elle d'autres objectifs
que celui de prendre le pouvoir en Guinée ?
A la prenuere question une nette ITEjorité s'est dégagée dans le sens de l'affirmatif puisque la
radio (voix de la Révolution) et .autres rœdias ne cessaient de pn'ler des "ennemis" de la "Révolu-
tion" tasés dans les pgys limitrophes.
A la deuxièrœ question, l'action connue est le déOOI'querrent (agression de 1970) et la rrajorité
(81 %) des r:ersonnes interrogées :rensent qu'elle a été rral prépn'ée tant au niveau de sa conception
qu'a celui des rroyens c'est-à-dire les étrangers (r:ortugais) utilisés r:our "litérer" le pays.
Aussi, conçoivent elles qu'au lieu d'apr:orter une amélioration quelconque quant au traiterrent
de la rnpulation, elle a contriooé au contraire au raidisserrent de la dictature (couvre-feu prolon~
:rendant des années, suspission et délation sont devenus le lot quotidien).

- 477 -
En terme de résultats,
on
peut
avancer que l'opposition a renforcé le
pouvoir du
PDG en
lieu et place de sa supression.
Elle y a contribué
par
llaspect subjectif
de
l'analyse
portée sur
la situation guinéenne
dl une part et d' autre part par l a conf us i on et l' ama l game des cons i déra-
tions politiques qui n'avaient aucun rapport direct avec la Guinée qui
est :
présentée
comme
essentiellement
dominée
soit
par
l'impérialisme
américain
et
français,
soit
par
le Social-impérialisme.
(583)
(Suite) : A la troisième question les avis sont partagé
41% pensent
que l'objectif de l'opposition était de "libérer" la Guinée contre
62% qui affirment ne pas faire confiance à l'opposition car son but
fondamental est de simplement prendre le pouvoir pour commander ceux
qui sont restés en Guinée. Mieux disent-ils, ces opposants ne com-
prennent pas grand
chose à leurs problèmes car "habitués au lait et
au beurre" à l'extérieur ils ne pourront que se comporter en auto-
crates modernes et ceci en fonction des informations qu'ils ont sur
les comportements humains des leaders des mouvements d'opposition.
(583) -
Ursula Baumgardt, les grandes lignes des luttes politiques en
Guinée (1946-1958) le mois en Afrique Décembre 1985 - Janvier 1986
p.
5.
Par ailleurs, le livre d'un opposant ·Guinéen ayant pour titre Télé-
kouda, obstrue les réalités guinéennes par des allusions fréquentes à
l'impérialisme et au social-impérialisme: les "malheurs" de la Guinée
sont du fait du social-impérialisme Soviétique et les laquais du PDG
agents Soviétiques et français.
(voir à ce sujet les commentaires de
Ursula Baumgardt ibid p. 5).

- 478 -
rn_CONCLUSION
GENERALE
Une
conclusion
se
veut
généralement
un résumé
sommaire
de tout ce qui a été dit ou écrit. Mais concernant les problèmes de l'éduca-
tion et de la formation en Guinée~
aucun écrit~ ni même une thèse~ encore
moins une conférence organisée sur l'éducation dans l'euphorie (584) n'est
.,
à mesure d'épuiser et de circonscrire le draille de l'enseignement guinéen
car
il
dépasse
l'"incomensurable".
Aussi~
la
présente
étude doit être
considérée comme une modeste contribution qui a pour objectif non seulement
de faire
le
point
sur
le
système
éducatif
actuel
(puisque
l'avènement
de la seconde République n'a pas apporté de changement notable) mais égale-
ment
de
réfléchir
sur
les
conditions
d'une restructuration du
système
d'éducation compatible avec les objectifs de la réalisation d'un développe-
ment
économique et
social
indépendant~ démocratique et populaire. Ainsi
au terme de notre étude ~ nous nous proposons de résumer d'une part ~ les
différents chapitres qui ont été précédemment abordés car ils constituent
à nos yeux
des
matières
à réflexion.
D'autre part~ de montrer que les
problèmes recensés ne sont autres que ceux de l'inadéquation et de l'inadap-
tation du système~ qui au départ a été conçu à partir d'autres expériences~
(585) et plaqué sans analyse préalable quant à son application à la Guinée
(584) -
Il
s' agi t
de
la
conférence
nationale
tenue
sur l'éducation
après le coup d'Etat du 3 Avril 1984 qui a renversé le gouvernement
de SEKOU TOURE.
(585)
- En 1960 une délégation guinéenne conduite par LOurS BEHANZIN se
rendit au Vietnam pour s'inprégner des reformes éducatives engagées
dans ce pays après le référendum du 26 Octobre 1955.

- 479 -
de 1959. soucieuse de son renouveau culturel. Il faut rappeler cependant
que la reforme de 11 ensei gnement.
sie 11 e est l'oeuvre du gouvernement
de Sékou Touré. elle est aussi celle de bon nombre d'intellectuels africains
et guinéens qui
sont all és
au lendemain de 11 indépendance pour relever
le déf i lancé par la rrétrqnle (1 a France). Donc. la respons aboi lité de l'échec
en toute impartialité revient aux deux initiateurs (586).
LI Etat du système éducat if GUINEEN de 1958-1984)
En
1958.
le
système
éducatif
guinéen
comme
la plupart
des systèmes éducatifs africains. amorçait un nouveau départ afin de conci-
lier l'Ecole avec les objectifs généraux du développement de la société.
A cette fin, une stratégie globale est mise en place:
Construction
d'établissements.
tentative
d'adaptation
des programmes aux nouve 11 es données économi ques et recrutement accél éré
d'enseignants pour la formation d'un grand nombre d'enfants. Cette concep-
tion m~croscopique de l'éducation fut partagée par le personnel politique.
le petit monde d'intellectuels IIprogressistesll et les organisations profes-
sionnelles de l'époque et ceci en un remarquable conscensus défiant quelque
peu les considérations universitaires et scolaires.
Cette vision"pr~tique" de l'éducation n'a pas longtemps
resisté
aux
réalités
socio-économiques
que
résument
le
IIdéveloppement
du sous-développement IId'une part et la fin de l'ébauche de croisssance
5.8 %l'an entre 1973 et 1977, d'autre part.
(586) - Devant un drame national tout le monde est responsable à des dégrés
divers.

-
480 -
Que reste-t-il de cette "r évolution scolaire et universitai-
re ?"
- Au niveau du primaire, certes les effectifs ont sextuplé
(en vingt ans 42 543 à 27131,8)
mais il siest posé un
problème d'encadrement que le gouvernement nia pu résoudre
malgré la création de structuresparallèles qui ont plutôt
contribué à renforcer le doute à l 'égard de l 'école moderne
prolifération des écoles coraniques et
medersas.
Ce
problème
d'encadrement
provient
en grande partie du
manque
de
réalisme
quant
aux
possibilités
humaines
et
matérielles et ceci a été cerné par P.H. Coombs
lorsqu ' il
dit
"Dans
certains
pays,
on
avait
jamais
examiné si les obj ectifs étaient économi-
quement réalisables ...
là où on avait procédé à une évaluation,
on
avait
systematiquement
sous-estimé
les dépenses et surestimé les ressources.
Les objectifs manquaient donc de réalisme
sur le plan économique (587).
Ainsi de
l'enseignement de
masse
proné en
1958
on s'est
finalement retrouvé en 1964 avec 28 % d'enfants scolarisés dont la majorité
n'arrivait pas à franchir
le seuil de l'enseignement secondaire ou tout
au moins est mal préparée pour son insertion. Dès lors de nombreux jeunes
seront des victimes désignées de la politique
d'expérimentation des autori-
tés et des "charlatants" en mal dl innovation. Résultat: des produits inache-
vés partagés entre deux mondes (urbain et rural) enclin à la délinquence
(587) - P.H. Coombs, quest-ce que la planification de l'éducation, UNESCO,
1. 1. P. E., 1979. P. 30.

- 481
-
puisqu'i~s n'arrivent pas à se situer dans la société. De cette considéra-
tion, l'enseignement primaire ne passe-t-il pas pour le secteur de l'éduca-
tion
le moins apte à traduire dans les faits quotidiens le mot d'ordre
du Parti à savoir: l'école vers la vie?
Au niveau de
l'enseignement secondaire, l a préoccupation
essentielle des autorités a été de combler les lacunes de l'enseignement
primaire par le système de profilage des Qeux cycles du secondaire. Concep-
tion qui aurait pu apporter une correction utile, si elle ne s'était engagée
sur deux
voies à savoir:
la maîtrise du flux scolaire et celle de la
formation des cadres moyens. La première a correspondu à l'essoufflement
du
gouvernement en matière d'investissements
éducatifs donc
ne
pouvait
être qu1une mesure "nécessaire". La seconde, celle de la formation profes-
sionnelle
s'est
vue
chargée
de
disciplines
"inapropriées"
par rapport à.
l 'étatde dévelqJpEIœl1t du pays. Finalement, à l a pl ace du traditionnel enseigne-
ment; classique et technique, c'est un enseignement à double corps complèté
par une
idéologie confuse, ayant pour seul rôle de véhiculer la propa-
gande du P.O.G. :
les techniciens sortis des écoles professionnelles sont plus à l'aise dans
les forums
et
d'autres
séminaires que sur les
terrains
d'application.
Une situation qui
par ailleurs est la conséquence de l'option suivante
- nous faisons l'économie de notre poli-
tique et non la politique de notre éco-
nomie.
(Dixit Sékou Touré).
En dernière analyse, l'enseignement secondaire de Guinée est
le prototype de l'enseignement se trouvant à mi-chemin entre le primaire

- 482 -
"bâclé" et le supérieur pour lequel i l est censé préparer les
élèves. En réalité son fonctionnement ne le laisse guère supposer .
.Il est surtout un moule à travers lequel doit passer une quantité
de produits utilisables seulement par les statistiques "révolu-
tionnaires".
Quant à l'enseignement supérieur,
il comporte indé-
niablement des aspects positifs:
inexistant en 1958, il a formé
de nombreux cadres dans tous les domaines conçus semble-t-il pour
la bonne marche de la "révolution". Cette démocratisation de l'en-
seignement supérieur peut être appréhendée à travers
:
les conditions d'accès à l'enseignement supérieur
qui sont assez souples : non seulement le bacca-
lauréat suffit à autoriser l'admission à l'univer-
sité et dans les grandes écoles, mais aussi,
des
besoins ponctuels en cadres suscités par la créa-
tion de nouveaux projets socio-économiques favo-
risent des entrées massives dans l'institution
universitaire.
- Des conditions souples d'octroi de bourse pour
la surformation dans les pays socialistes.
Ces conditions ont certes favorisé la démocratisation
de l'enseignement supérieur mais avec l'absence d'une planifica-
tion rigoureuse fondée sur des objectifs clairs, des moyens précis
pour les atteindre et des modalités de contrôle et d'évaluation
elle figure parmi les contradictions auxquelles les autorités
éducatives doivent rechercher des solutions sous peine de frayer
le chemin à un déséquilibre social aux conséquences imprévisibles.
D'autre part, comme toute expérience, la démocratisation de l'en-
seignement supérieur en Guinée présente un double aspect

- 483 -
- un aspect positif,
(augmentation de l'effectif)
qui n'est pas forcement la formation en grand
nombre de cadres de conception.
- un aspect négatif: ce secteur de l'éducation
est responsable non seulement du renversement
de la pyramide des cadres (insuffisance des ca-
dres moyens), mais aussi d'une sous-utilisation
des cadres du fait des difficultés de place-
ment.
En se basant sur ces données, on peut s'interroger sur le bien
fondé de l'orientation et la cohérence de cette politique.
Les causes principales de ces difficultés sont,
pensons-nous,
liées au fait qu'on a voulu faire de l'éducation l'unique moyen de développe-
ment basé sur l'accroissement des effectifs dans les universités et grandes
/588/
écoles qui en retour rentabil iserait l'enseignement supérieur. Or, ce facteur
quoiqu'important
ne
peut
avoir
une
-incidence
positive que lorsqu'il est
soutenu par des potentialités humaines et matérielles. Le manque de celles-
ci ne peut que retarder l'évolution positive de l'enseignement supérieur.
Ceci, malgré ce qu'on en dira, a contrario:
"L'un
des aspects les plus positifs du système
actuel de financement de l'éducation
( ... ) (est)
la rareté
des
internats,
la faiblesse du budget
de
bourses,
l'absence
de
logements
gratuits
pour
les
enseignants,
l'absence
de
salaires
excessifs
par
rapport
aux
possi bili tés
du
pays(588')
(588) - ees difficultés en fait
traduisent moins
les
responsabilités
des démocraties populaires (Bulgarie, l'echcoslovaquie, Hongrie, Repu-
blique Démocratique Allemande,R~umanie, Yougoslavie), face à l'échec
de la réforme du système éducatif.
(588' )
U.N.E.S.C.O. "E.F.M/132 ibid pp 2/5 - 3/5.

-
484 -
Aussi, faut-il relever que d'autres dimensions micro-sociologiques (lladhé-
sion des familles)
voir
psychologiques interviennent dans le processus
de changement. Leur prise en compte a été négligée tout au moins sacrifiée
au profit d'une conception macroscopique de l'éducation. Résultat: démobi-
lisation des
acteurs sociaux
(les
étudiants)
pour
lesquels le diplôme
s'apparente à une marchandise aussi bien que llécole qui en fournit les
informations
monnayables.
La
valeur
d'usage,
la
compétence
technique
proprement dite tout en cherchant
à s'élever ne perd-t-elle pas ainsi
de son poids relatif?
Ces contradictions se manifestent
au niveau des pol itiques
d'éducation
qui
oscillent entre
la soumission aux impératifs "immédiats
de la société économique et une sourcilleuse indépendance culturelle.
Cette dernière remarque nous amène à évoquer le contenu des
formations.
Dans
les multipples facultés
agronomiques,
le contenu des
enseignements
est
loin
de
permettre
une formation
approPriée et ceci
à cause de son caractère abstrait et compilatoire.
Exemple: des cours
portant sur des sciences fondamentables sont en grande partie superfl uS
et peu soutenus
par des expériences de laboratoires et de travaux prati-
ques.
Les méthodes
pédagogiques
sont
traditionnelles et
se résument à
la simple prise de note et le par-coeur (par manque de matériels).
En rapport avec ce qui
précède, nous pensons que la responsabilité
de
l'université guinéenne est
aussi engagée comme celle des autorités
politiques ceci par son incapacité à intégrer la formation dans un projet

-
485 -
culturel d'envergure. Alors, comme les autres secteurs de l'éduca-
tion, ne serait-on pas tenté d'affirmer que l'enseignement supé-
rieur a aussi lamentablement échoué? Cet échec peut être cir-
conscrit à travers les problèmes suivants
1 - L'inadéquation formation-emploi se traduisant par le
chômage et le sous-emploi des sortants de l'université
et des grandes écoles.
2 - La diversification des structures de formation supé-
rieure non complémentaires.
3 - L'absence d'articulation entre ces structures et
celles de la recherche.
4 - L'absence d'une véritable politique de recherche sus-
ceptible de prendre en charge les problèmes du déve-
loppement. Eh fait, il s'agit ici du manque de partici-
pation du cadre formé, auprès des producteurs directs,
à l'action consciente de transformation de la réalité.
Or,ce manque de coordination entre le savoir et son
lieu d'expérimentation ne favorise nullement le deve-
loppement, encore moins la création de conditions de
développement par l'école malgré tout le lot d'inves-
tissement dont elle peut être tributaire
"J'ai
vu (en Guinée) des ingénieurs transformés en marchands
ambulants ou en animateurs de boîtes de nuit. J'ai vu
des enseignantes reconverties en couturières de quar-
tier. Parce qu'il fallait vivre, et qu'il fallait ne
pas sombrer dans la résignation définitive" (588').
Au mieux, il s'est développé une puissante volonté
d'imitation
et de consommation des "acquis" d'ailleurs
justifiant notre hypothèse de départ, à savoir que
l'école moderne en tant qu'élément superstructurel
n'a jamais créé "ipso facto" de développement isolé.
5 - Les problèmes de la planification. Sur ce dernier
point il y a lieu d'insister car "la dynamique poli-
tique de la planification de l'éducation découle en
partie du fait que l'éducation est intimement liée
au projet précis de développement que poursuit une
(588' ) Sffmen Andriamirado, Débout la Guinée, jeune afrique plus, Sékou Touré
et la
Guinée, la Guinée après Sékou Touré, n· 8 Juin 1984, p. 205.

- 486 -
société donnée et qu'elle est conditionnée par celui-
ci. Ce projet résulte de facteurs et de choix politiques
et constitue un cadre de référence utilisé pour orienter
et formuler la politique de l'Etat dans chaque secteur,
y compris l'éducation" (589).
En Guinée, malgré l'importance relative reconnue par les auto-
rités à l'endroit de la planification cette dernière reste un des parents pau-
vres parmi les supports de l'éducation. Son utilisation dans le processus de
reforme n'a pas été menée de mains de maître c'est-à-dire par des techniciens
de la planification. Elle avait pour animateur un responsable politique dont
la préoccupation essentielle est de susciter la réflexion et l'expression des
voeux et des besoins du parti. Donc, la planification ne pouvait prétendre jouer
le rôle qui lui est propre à savoir: l'identification des voies et moyens pour
assurer
un meilleur développement à l'enseignement supérieur dans son ensemble
et à l'échelle nationale. Autrement dit,
"the definition of "university planning" is that it
is concerned with the entire system of higher educa-
tion in a country and adresses itself to the future
deveJoppment, expansion, staffing and funding of that
system" .
La définition de la planification de l'Universi-
té est qu'elle concerne tout l'enseignement supérieur
national, aussi s'adresse-t-elle au développement
futur, l'expansion, la potentialité humaine et maté-
rielle de ce système (traduit par nous) (590).
Pour traduire ces éléments théoriques dans la réalité le système
de planification en Guinée doit ~tre renforcé tant au niveau
(589) : Hanz N. Weiller,l'économie politique de l'éducation et du développement.
Stanford International Development
Education Commitee (SIDEC) Univer-
sité de Stanford Etats-Unis d'Amérique, in la planification de l'éduca-
tions le contexte des problèmes actuels du développement UNESCO IIPE
Volume II, Paris 1985, p. 422.
(590)
Hanz N. Weiller Stanford,University, the politics of University planning,
paper prepared ford discussion at the Rockefeller Foundation's Bellagio
Conference on "Higher &iucation and political change in Africa"
August 16-21, 1978, p. 8.

- 487 -
de l'administration et de la gestion qu'au niveau du ministère
de l'éducation et surtout au plan interministériel (591).
Pour ce qui concerne les formations parallèles entre-
prises à travers l'alphabétisation, l'encadrement de la jeunesse,
l'organisation des femmes,
elles n'ont pas réussi à combler les
lacunes constatées plus haut, ce d'autant plus que l'embrigadement
passait pour l'objectif à atteindre au détriment de l'activité
formatrice et éducative (592).
En dernière analyse, tout convoquait l'échec de la
réforme du système éducatif guinéen. Elle fut décidée dans l'eu-
phorie de l'indépendance (considérée par ailleurs comme une pana-
cée) par des "pionniers" à l'affut de la gloire, mais peu cons-
cients de l'impact d'une telle réforme sur l'avenir de tout un
peuple. Le résultat est loin de répondre à l'espoir de voir un
jour les "enfants de la Guinée transformer les richesses naturel-
les pour le mieux être de leurs concitoyens". En d'autres termes,
lad i te réforme n'a été qu' "une série de mesures prises au jour le jour,
faites d'ordres, rte contre-ordres, de correctifs,
de laisser faire, de manifestes et d'abandons ( ... )
(qui verront) l'espoir d'adapter l'école aux exigences
de l'unité africaine (histoire, géographie, langue),
de la civilisation technique (mathématiques, chimie,
géologie, mines), du socialisme guinéen (idéologie,
(591) - Selon un fonctionnaire du Ministère de l'Education Nationale. Eh lieu
et place d'un service étoffé de planification le gouvernement de Sékou
Touré préféra monter de toute pièce un service "squelettique" de sta-
tistiques à peine capable de travailler sur les effectifs scolaires-
témoignage fait à Conakry en Avril 1984.
(592) - Ce qui fait dire à Bernard Mouralis que: Sékou Touré a préféré s'enga-
ger dans ce qu'on serait tenté d'appeler une politique du vide culturel,
caractérisée en particulier par un souci vigilant de ne pas laisser
émerger des créateurs individuels. Tout se passant en somme comme si
ces derniers risquaient de devenir des concurrents toujours susceptibles,
à partir du moment où ils s'expriméraient, de porter ombrage au rayon-
nement du leader.
(Sékou Touré et l'écriture: réflexions sur un cas
de scribomanie in littérature Guinéenne. Notre librairie n° 88/89
juillet-septembre 1987, p. 83.

-, 488 -
économie politique) et des besoins du monde rural
(agronomie, pédologie) (s'envoler). Le manque d'ouver-
ture au monde de la jeunesse enfermée dans un cercle
idéologique étroit se complique à la fois par une inco-
hérence d'auto-didacte dans la soif d'apprendre de
beaucoup de jeunes, par un enseignement qui tend de
plus en plus à être conçu, non seulement en relation
avec l'endoctrinement mais sur son type même, c'est-
à-dire, comme l'étude de formules à savoir par coeur
et à réciter pour obtenir une place, enfin par les
lacunes d'une formation scolaire donnée par un corps
enseignant de compétence douteuse" (593).
Voici donc la fiche signalitique du système éducatif guinéen et
on ne dira jamais assez la nécessité de le repenser. Tâche diffi-
cile mais réalisable pour peu qu'on s'y adonne avec foi et sérieux.
Ce à quoi les nouvelles autorités de la Seconde République cher-
chent à s'atteler.
(593) -
: Claude Rivière, le mois en Afrique, n° 52, Avril 1970, p. 38.
Il ne pouvait pas être autrement si l'on se réfère au nombre de Minis-
tres ayant séjourné au ministère de l'Education Nationale (du temps
de Sékou Touré).
1 - Michel COLLET
2 - CAMARA FARABAN
3 - BARRY DIAWADOU
4 - S EYDOU CONTH E
5 - TIBOU TOUNKARA
6 - MAMADI SAGNO
7 - MAKASSOUBA MORIBA
8 - MAMOUNA TOURE
9 - MAMADI KEITA
10 - CAMARA SIKHE..
(Ehseignement Supérieur et Télé Ehseignement).
Il - GALEMA GUILAVOGUI .. (Ehseignement préuniversitaire et de
l'alphabétisation).
12 - MOUCTAR DIALLO .. (Enseignement Technique Moyen et de la
formation professionnelle).
13 - COUMBASSA SALIOU .. (Inspecteur général de l'enseignem ent,
Secrétaire d'Etat à l'Education Nationale
est aussi l'actuel ministre de l'Educa-
tion - (Seconde République).

489 -
ANNEXE
a - Le Renouveau du Système Educatif
Le 3 avril 1984, l'armée guinéenne (594) a "décidé de
prendre en charge l'administration du pays afin de créer (semble-
t-il) les bases d'une démocratie véritable évitant à l'avenir toute dictature
personne lle" (595).
(594)
La tâche de l'armée a été rendue facile entre autres, par l'absence
de pouvoir : affrontement
entre les membres du gouvernement pour la
succession, l'incohérence et les querelles de clocher de l'opposition
guinéenne de l'extérieur rendent
celle-ci incapable de prétendre au
pouvoir. Aussi elle "n'a pas d'antenne clandestine supposée faire le
travail de sape à l'intérieur') du moins se contente-t-elle des coups
d'éclat publicitairespour légitimer
sa présence. Dans cette confusion,
seule l'armée bien que demantelée par le pouvoir d'alors et devenue
selon l'expression du 1er ministre Diarra Traoré un "foutoir" reste
tout de même la seule force organisée "capable" de remplir le vide;
la preuve, elle a su saisir sa "chance" en occupant d'après les nouvelles
autorités le fauteuil resté vacant et ceci grâce à la vitalité de quel-
ques sous-officiers (entreprenants qui n'ont d'ailleurs pas attendu
la mort de Sékou Touré pour y penser) dont la plupart a été exécutée
dans des conditions inhumaines à la suite de la "tentative du
coup
d'Etat" manqué du 4 Juillet 1985 : tel
"l'adjudant chef Sékou Touré,
ancien préfet de Dalaba, qui avait joué un important rôle dans la prise
du pouvoir par les militaires en 1984 et soupçonné par la suite d'avoir
trempé dans le coup manqué, n'a pas pu survivre aux atroces tortures
auxquelles il fut soumis après son arrestation. Le corps déchiqueté
et les yeux exorbités, gisant dans une véritable mare de sang, il aurait
expiré en murmurant une dernière fois dans sa langue maternelle (le
malinké) "Allah, je finis ainsi, mon père ... " ( ... ). D'autres, le capi-
taine LancinéKéita, dit "Fangama" et son frère Lamine Kéita sont restés à la
diète complète pendant cinq jours, les membres entravés et dans le plus
simple appareil" (Réf: le document qui accuse Conté-Alpha Yaya pire
que Boira Africa n° 196 Juillet
1987, p. 20 et Guinée les dessous du
complot malinké Africa n0175 Septembre 1985 p. 27) La mort de ceux-ci
avant leur jugement a été confirmée par l'actuel président Lansana Conté
dans l'inverview qu'il a accordé à l'A.F.P (voir Fraternité-Matin n°
6.945 Vendredi 4 Décembre 1987, p. 32).
(595)
Proclamation n° 1 du Cami té militaire de "redressement "national ci té
par Jeune-Afrique plus n° 8 Juin 1984, p. 99.
Cependant, l'on ne peut dire aujourd'hui que le mobile principal ou
l'irruption des militaires sur la scène politique et qui étaitlïnstaura-
tian de la démocratie, soit abservé. Au contraire, on assiste à la nais-
sance d'une nouvelle forme d'autocratie, de pouvoir personnel qui n'a
rien àdenvier à celle de Sékou Touré si ce n'est le manque de personna-
litéet epassé historique de celui qui l'exerce (Lansana Conté) et qui
est supporté par un personnel politique corrompu et gangrené par la
soif de
s'enrichir au plus-vite; avant que le peuple ne se pose des
questions. Cette situation
fait que l'''Etat existe moins comme une abstraction
qui disposerait de sa propre force de régulation, que comme une somme

--490 -
Dans cette tentative de restitution de la démocratie,
l'une
des priorités affirmées est d'entreprendre une vaste réforme de
l'enseignement. C'est dans ce cadre-ci que la Conférence Nationale de
l'Education a ouvert ses travaux à Conakry le 24 Mai 1984. Dans
son discours d'ouverture,
le ministre de l'enseignement
supérieur
et de la recherche scientfifique,
le Commandant Sidi Mohamed KéIta
assignait aux participants les tâches suivantes
"Si pendant 26 ans toutes les catégories sociales de la
Nation ont été révoltées par la politique de destruction
dans tous les domaines de la vie économique, sociale et
culturelle, c'est surtout vous le~ enseignants qui avez
été les plus sensibles à l'échec patent dans la formation
de nos enfants, ceux-là mêmes qui constituent l'avenir
du pays. S'il est plus ou moins aisé de reprendre à tout
moment un travail effectué sur la matière, il semble à
l'évidence que refaireune éducation ratée exige un effort
plus patient, plus long et beaucoup plus difficile. C'est
dire que votre domaine, l'Bjucation et l'Enseignement
ont été un des plus affectés par la politique cynique
menée par le régime d'alors. C'est pourquoi la Nation
entière consciente du fait qu'on ne peut reconstruire
notre pays sans cadres valables a le regard tourné vers
vous avec l'espoir qu'enfin l'ECole Guinéenne va jouer
son vrai rôle de lieu d'acquisition de connaissances utiles
et de comportements conformes à notre éthique de progrè~
une démocratie vraie. ( ... ). Vous aurez (donc) pour mission
Suite/595
d'individus auxquels leur statut permet de concrétiser leurs divers pouvoirs
économiques: même les fonctions les plus traditionnelles de l'Etat (police,
armée, diplomatie)sont l'objet d'une privatisation-ccnstante. C'est un exe.rcice
difficile que celui de vouloir décomposer les modes d'acquisition des re-
venus parallèles, tant les stratégies mises en oeuvre varient selon la
place de chacun dans l'appareil d'Etat, tant surtout elles se combinent
et se nourrissent mutuellement pour former un dispositif unique: les con-
nexions en sont si complexes qu'il peut sembler arbitraire de démonter
une telle horlogerie". Réf: Alain Morice Guinée 1985. Etat. Corruption
et trafics les temps modrnes n° 487 Février 1987, pp. 117-118. Aussi faut-
il signaler l'éthnocentrisme du pouvoir dont les postes clefs sont detenus
par des soussous l'étnie du Président. Celui-ci est d'ailleurs le contraire
de ce que veut nous faire croire Mohamed Gontara à savoir ; légaliste,
respectueux des hommes, il a toujours refusé l'idée d'une quelconque ven-
geance et a écarté tout recours aux méthodes atroces et expéditives de
l'ancien régime. (Réf
Ir~ Information F~onomique Afrique n° 148 Septembre
1985.

-
491
de faire le diagnostic de notre enseignement, de rechercher
les solutions les plus heureuses permettant l'utilisation
optimum de tous les moyens disponibles en vue d'accelérer
le développement de l'école guinéenne.
Pour ce faire, vous aurez à répondre à de nombreuses ques-
tions par exemple :
1- Quelle est la finalité assignée à l'enseignement
élémentaire ?
2- Quelle est la langue d'enseignement qui s'apprête
le mieux pour l'ensemble de la Nation. Quelles
sont les conditions de son utilisation?
3- Quel régime scolaire faut-il proposer ?
4- L'école publique est-elle capable toute seule
de résourdre les problèmes découlant de
la
démocratisation de l'enseignement?
5- Pour une meilleure harmonisation du système
de l'enseignement éducationnel, quelles doivent
être les mesures à respecter par tous ?
6- Comment former les formateurs afin qu'ils puis-
sent remplir efficacement leur rôle d'éducateur
des futurs cadres de la Nation ?
7- Que faut-il faire également pour récycler les
enseignants en poste de travail sans risque
de profondes perturbations; etc.
( ... ). Chaque niveau de formation:
enseignement élémentai-
re,
enseignement secondaire, enseignement professionnel,
enseignement supérieur, enseignement non formel, mérite
les mêmes réflexions.
( ... J. Il s'agit pour vous de re-
dresser l'école en lui enlevant toutes les tares du régime
défunt. Pour ce faire vous devez revoir totalement les
programmes et la discipline scolaire ; vous devez créer
chez nos jeunes le goût de l'effort du travail bien fait.
Sans parti pris, sans faiblesse, il faut que l'école,
par sa valeur éducative et morale, soit la chose de toute
la Nation et bénéficie du soutien de tous. Nos enfants

-
492 -
ne doivent pas être choyés, mais formés dans la rigueur
intellectuelle et morale, parce que nous avons conscience
que la véritable richesse d'un pays, c'est avant tout,
la qualité de ses cadres" (596).
Pour réaliser ces tâche~ les différentes commissions formées en
la circonstance se sont simplement contentées d'émettre des criti-
ques sur "fond obscur de souhait" denuée de toute analyse scienti-
fique montrant les avantages et les inconvenients du précédent
système. Oubliant ainsi que la "dictature
est plus facile à gérer
que l'après dictature"
(597). Les inconvénances du système éduca-
tif antérieur dressées dans le rapport final de la conférence de
l'éducation nationale se résument par l'inadéquation,
l'inadapta-
tion,
l'insuffisance de potentialités matérielles ct l'incompétence
du personnel d'encadrement. Aussi faut-il signaler qu'aucune propo-
sition concrète (nouveau projet d'éducation digne de ce nom) n'a
été formulée pour snrtir l'éducation de sa déchéance et de sa tor-
peur. En lieu et place, c'est une "synthèse" plus pontilleuse S .. f
les détails que sur l'ensemble. Or, pour une identification cor-
recte du problèm~ des insatisfactions et des limitations du système
éducatif dominant l'essentiel doit porter sur les interrogations
du genre: quel système éducatif, pour quel type d'appareil pro-
ductif, destiné
à satisfaire quel
type de besoin social? En d'autres
termes, que produire? par quel moyen (y compris par quel moyen
de communication)
? Cette série de questions auraient dans une
certaine mesure aidé les "experts" de l'éducation à Conakry à
cerner et préciser le contenu de l'essence de la non-correspondance
dont il est ici question. Malheureusement les dits "experts"
(596)
Réf.
: Allocution faite à Conakry, le 17 Avril 1984 dans Actes de la
Conférence Nationale de l'Education 24 Mai - 3 Juin 1984, pp. 1-3.
(597)
Aussi faut-il savoir que tous l~s membres du CMRN ont plus ou moins
participé à l'exercice du pouvoir sous Sékou Touré; certains comme
députés à l'Assemblée "populaire" tels les Commandants Lansana Conté,
Sory Ooumbouya, Tiana Oiallo (ancien gestionnaire des FAPA) et d'autres
officiers comme gouverneurs de Régions: Diarra Traoré, Sidi Mohamed
Kéita etc ...

- 493 -
à quelques exceptions près (598)
se sont laissé guider par l'en-
thousiasme, sacrifiant une fois de plus l'avenir du pays au profit
(598) Concernant le problème des langues nationales, la position de l'Academie
de Kindia nous semble plus réaliste par rapport â celle des autres Acade-
mies. Pour elle, l'utilisation des langues nationales dans les écoles
doit continuer ceci pour les raisons suivantes: Aujourd'hui en 198 i f, le
J
choix n'est plus possible, nous sommes "embarqués", en pleine mer sur le
navire des langues nationales nous n'avons plus qu'une chose â faire, c'est
de chercher â traverser l'Océan sans naufrage.
Aujourd'hui en effet, au moment où se tiennent nos assises, nous
avons entre nos bras dans les écoles, plus de 350.000 élèves, et étudiants,
des milliers de cadres dans la fonction publique qui, non seulement sont
d'un niveau scientifique desespérément bas mais aussi, ne sont capables de
rédiger ou d'exposer un problème â peu près correctement que dans une de
ces langues. Dans le corps enseignant, fait plus grave, plus de quatre mille
jeunes maîtres sont d'un niveau intellectuel si bas qu'ils ne peuvent être
d'aucune utilité dans un enseignement en langue française? C'est ce cons-
tat qui a amené la commission provinciale de Kindia, à se rendre à l'évi-
dence, à reconnaître qu'en ce domaine comme en d'autres du reste, nous avons
atteint un point de "non retour".
( ... ). Nous ajoutons que toute tentative
de retour au point de départ aurait des conséquences autrement plus catas-
trophiques sur le devenir de notre enseignement
et par voie de conséquence
sur celui du développement socio-économique de la République de Guinée.
Cela, nous tenons â le dire tout haut non pas forcément pour que la cause
soit entendue mais pour nous décharger la conscience devant l'histoire.
Nous savons en effet que l'enthousiasme et l'euphorie générale qui se sont
emparés de nous tous au lendemain de la
prise du pouvoir par le CMRN ont
déclenché des passions d'une violence telle qu'il n'est pas de mise pour
le moment de chercher à convaincre le grand nombre sur des questions com-
plexes dont les solutions exigent des méditations profondes. ( ... ). La rai-
~on économique pour le maintien des langues nationales c'est que ni l'his-
toire, ni la géographie ne présentent d'exemple de peuple développé anal-
phabète. Et c'est incontestablement une gageure que de vouloir faire pra-
tiquer une agriculture moderne à un paysannat auquel on n'a pas appris
au préalQble à lire, à écrire, à compter pour le mettre dans les condi-
tions de posséder les rudiments de sciences et de technologie indispensa-
bles à l'exercice du métier ( ... ). C'est pourql1oi loin de vous proposer
de surseoir â l'enseignement de nos langues nationales et dans nos langues
nationales nous estimons qu'il faut considérer notre expérience en la
matière comme l'acquis le plus précieux que nous ayions hérité du régime
défunt. Nos langues nationales sont un excellent outil de développement
socio-économique et culturel, celui précisément qui fait défaut â nos voi-
sins, et en l'absence duquel toute volonté de développement intégré devient
utopie. ~ effet, par quel miracle pense -t-on pouvoir faire pratiquer
une agriculture moderne aux quelques 4 à 5 mlilions d'analphabètes guinéens
sinon qu'en leur apprenant â lire, à écrire, â compter et â se famili<wiser
avec les techniques élémentaires de l'agriculture, de l'artisanat ou de
l'industrie dans leurs propres langues? Quel est ce "Sesam ouvre-toi"?
Pense-t-on les laisser pour compte
et les priver aussi de leur droit â
l'instruction, à la formation? Pensons-nous pouvoir aller au développe-
ment sans eux ? Dans ce cas contraire comment fail'û passer ces masses
paysannes d'une agriculture itinérante, archaîque qui, on le sait mainte-
nant, est incapable de nourrir son homme, à une agriculture intensive sé-
dentaire et moderne. Comment la science et la technique feront-elles leur
nécessaire irruption sur nos plaines et dans nos chaumières? Si l'on con-
vient que cette entrée triomphale est un préalable â notre décollage écono-
mique en quelle langue croit-on pouvoir le faire? En français? (une langue)

- 494 -
des intérêts immédiats (599) à savoir: faire plaisir au Comité
militaire du "redressement" national par la tenue de propos
"démagogiques" demandant l'applicntion pure et simple des mé-
thodes d'enseignement de la Côte d'Ivoire et du Sénégal. Ces
dernières quoi qu'ayant donné quelques résultats "satisfaisants"
ne restent pas moins inadaptées quant à leur contenu et finalité.
L'introduction des langues maternelles à l'écolo fait déjà
son petit bonhomme de chemin au Sénégal et de plus en plus
envisagée en Côte d'Ivoire (600). Pourtant avons-nous l'assenti-
ment que l'utilisation des langues nationales constituait entre
autre
un des acquis "positifs" du système éducatif antérieur-
Si l'on tient compte des rôles qu'elle peut jouer dans la défi-
nition de la personnalité juridique du pays y compris le facteur
de développement ? Une étude sérieuse portant sur son réamenage-
(sui te 598)
qui après un siècle de présence n'a pu être utilisée que pal' 10% de la
population combien de temps faudrait-il pour alphabétiser a 100% cette
population, si nous nous entêtions à le faire en français? (Dans Actes
de la Conférence Nationale de l'Education Conakry, du 24 Mai au 3 juin
1984 pp. 144-146).
(599)
L'apport de certaines délégations des guinéens de l'extérieur aurait
été plus profitable si celui-ci avait été conçu eu égard aux considéra-
tions nationales c'est-à-dire tenant compte de la spécificité guinéenne.
Malheureusement leur présence aux assises de l'éducation nationale n'a
pas apporté le surplus nécessaire dont avait besoin le secteur éducatif
pour sa relance.
Quant à la présence des "leaders" des mouvements d'op-
position, leurs comportements n'ont pas été "exemplaires" du moins ont-
ils donné l'impression, de chefs de Canton en ballade, voil'e de "zorro"
arrivés donnant ainsi à leurs détrncteurs déjà conditionnés par les te-
nants du pouvoir des armes supplémentaires pour empêcher leur réinser-
tion : ne pouvait-on pas lire dans un poeme conçu en la circonstance
dont le titre est Qui sont-ils Que veulent-ils ?
De suffisance imbus et de fière intendance.
Après notre joie de les voir retourner au bercail
Depuis le trois avril, ù notre condescendance, ils
prennent les membres du CMRN, déjà au gouvernement
installés, pour des patriotes aux pieds nickelés
3yant besoin selon eux, d'être mis sur les rails ...
&1 apprentis-sorciers ou en technocrates ravalés.
D'aucuns cherchent à ausculter la longue agonie des
sedentaires, alors victimes de la tyrannie. Hélas par
eux, nhandonnés durant des décennies ...
Médecins après la mort! Frères inconnus,
( ... ) le bon
peuple de Guinée reste vigilant !
Nombreux, sont de très bonne foi
! Et les autres?
Excellents
Praticiens
ou Tâcherons maladroits ?
Honnêtes patriotes ou Technocrates butés ?

-·-495 -
ment aurait été bénéfique pour la Guinée. L'intervention du dé-
légué de l'UNESCO abondait dans ce sens: (l'enseignement en
langue nationale)
vous permettra, d'être à l'aise dans les organismes
où la Guinée s'est jusqu'ici fait remarquer par ses
positions d'avant-garde sur ces problèmes de langues
nationales. Il facilitera vos relations avec des pays
voisins comme le Sénégal et le Mali qui vont commencer
eux à enseigner les langues nationales mais à la suite
d'une longue période de gestation et d'expérimentation(601)
Cette considération n'a guère
retenu l'attention des nouvelles
autorités éducatives qui n'ont hésité à supprimer les langues
nationales au profit du français. Cependant, faut-il signaler
que ce "bouleversement" sc heurterait à présent à d'innombrables
difficultés parmi lesquelles figurent
-1 es pro bl èm e s
institutionnels (organisation des
conférences et séminaires) ayant trait à l'éducation
- les problèmes de reconversion et de recyclage
des enseignants
- les problèmes de matériels didactiques.
- et les problèmes d'infrastructures.
En réalité, ces problèmes étaient prévisibles, ce d'autant plus
que la commission chargée de préparer les modalités d'applica-
tion de la nouvelle reforme à travers le plan intérimaire 1984-
1990 n'a pas cru bon de s'atteler à la tâche par l'identification
(suite 599)
Anciens diplomates transfuges ou Apôtres de la sagesse?
Déserteurs de l'Armée, de la Milice ou de la Fonction Publique.
Hommes poli tiques ambitieux ou Avocats de la félonie ?
Affreux mercenaires ou Chargés de missions louches ?
MRgouilleurs insatiables ou Marabouts hâbleurs ?
(Réf'.
: Emile
Tompapa Horoya n" 137 mardi 5 Mars 1985).
(600)
Voir à ce sujet Fraternité-Matin n
6.933 Vendredi 20 Novembre 1987,
pp. 23-26.
(601)
in Actes de la Conférence Nationale de l'Education Conakry,
24 Mai - 3 Juin 1984, p. 275.

- 496 -
des possibilités internes capables de soutenir à court et
à long terme le projet d'innovation. Tout a été conçu en fonc-
tion des apports de l'étranger particulièrement ceux de la
France qui semble-t-il
"connait bien ce pays et ses hommes, dispose de ce
fait même d'atouts essentiels pour le redressement.
L'ensemble des pays donateurs et les organisations
financières internationales ne s'y sont pas trompés
qui, avec l'accord du gouvernement guinéen ont investi
Paris de la responsabilité de piloter le r'edressement ((il2).
Autant ceci est un fait historique indéniable, autant il faut
reconnaitre que l'''absence'' de la France en Guinée a érodé un
certain nombre d'affinités socio-historiques entre les deux
peu pIe s ; du m0 in s a - t - e 11 e r end li les r e p ère s III é con n ais s ab les
pour l'orientation de l'''aide''. Cette réalité est parfois "re-
connue" par quelques responsables français de l'éducation
Lo"s des stn3es (603) organisés â l'intention des
hauts
fonctionnaires guinéens de l'éducation nous insistons
auprès d'eux sur la compréhension fine du système éduca-
tif français, afin de leur permettre de relativiser tout
ce qu'ils observent, car le risque majeur dans ce con-
texte de reconstruction du système éducatif guinéen
est de voir ces responsables refranciser leur système.
Ce qui de l'avis des autorités éducatives françaises
est une erreur (604).
- Des problèmes institutionnels et de recyclage des enseignants
Les conférences et séminaires devant permettre au
personnel de l'éducation de se familiariser avec les nouvelles
données des sciences de l'éducation ne sont pas aussi fréquentes
(602) Magassouba dans Africa International n° 82 du 3 Avril 1985.
(603) Ces stages representent souvent pour les intéressés des occasions de
combler à travers les frais de mission (perdième) le manque à gagner
sur le plan des traitements.
(604) Entrevue avec Pierre Alexandre sous-directeur du centre international
d'études pédagogiques Paris/Pont de sèvre/16 Janvier 1987.

- 497 -
comme
dans certaines capitales africaines à causes du sous
équipement de Conakry. Aussi, les conférences ne peuvent pas
constituer
elles-mêmes des outils de formation à propre-
ment parler et ceci en fonction de leur périodicité
étant
en-
tendu que leur prise en compte dans la formation est secondaire.
Quant aux problèmes de recyclage des enseignants, ne serait-il
pas souhaitable de le porter sur le chapitre de la form~tion
permanente (continue) qui, soutenue par des structures spéciales
permettrait au plus grand nombre de participer à l'opération de
sauvetage (puisque scIon la commission les niveaux des ensei-
gnants sont bas). Le recyclage ainsi conçu éviterait non seule-
ment sa concentration à travers les séminaires et conférences
organisés uniquement dans la capitale mais déviendrait par la
même occasion une affaire nationale vécue par tout le personnel
enseignant de la Guinée et non une surformation ésoterique (605).
Pour rendre le recyclage plus adéquat, les autorités
avaient aussi opté pour un projet dénommé TOKTEN (606) celui-ci,
selon le haut commissariat aux réfugiés (H.C.R.) et le gouverne-
ment guinéen devrait permettre aux cadres expatriés de s'inserer
graduellement dans leur société d'origine tout en mettant au
service du développement et de leurs concitoyens les connais-
sances et expériences acquises à travers le temps. - L'expéri-
mentation de cette stratégie à double objectif n'a pas été
(605)
Certains enseignants de la reglon de Kissidougou accusent la mauvaise
organisation des seminaires de recyclage et se considèrent pour des
'laissés pour comVte.
(Temoignage Juillet 1987).
(606)
Transfert of knowledge expatriate nntionals (Transfert de connaissance
à travers les nationaux expatriés) D'autre part,
le projet TOKTEN fut
pour la première fois initié
dans le cadre de l'ONU en Turquie (1961)
afin de faire participer la diaspora turque à la création d'un Etat
Moderne.

-
498
-
concluant au vu des résultats obtenus: d'une part,
l'affluence
des guinéens pendant les premiers mois de la proclamation de la
seconde République s'est vite estompée (607) et pour cause] 'ins-
tabilité et l'immobilisme politique aussi du fait de l'inadequa-
tion des structures d'accueil (608). D'autre part,
l'explo.itation
des connaissances ct expé~'iences scientifiques par le biais des
interventions ponctuelles s'est heurtée à des difficultés d'incom-
préhension sur le bien fondé de l'initiative y compris sa trans-
formation en gagne devises puisque bon nombre de missionnaires
cooptés en fonctions des affinités ont succombé devant l'aspect
lucratif. Par ailleurs, ce moyen de recycloge si nécessaire soit-
i les t de par ~ ~ l 0 ur de ur bu r eau cr a t i que peu a pte à reIn pli r les
conditions d'un vérjtable échange scientifique sans oublier tout
ce que cela suppose comme moyens à deployer tant du point de vue
de la communication du savoir qu'a celui des populations cibles
(universitaires) qui ne sont pas préalablement préparés pour ce
genre d'opération. Donc Je projet TOKTEN ne pouvait avoir une
longevité dans le cadre du redressement de l'éducation en Guinée.
- Des problèmes de matériels didac~igucs
Pour rpsoudre l'épineux problèmes de manque de sup-
ports didactiques, les autorités éducatives de la seconde Républi-
que ont fait appel au concours ext6rieur particulièrement à celui
(607
Trois catégories de gUlneens sont rentrés dODUis l'avênement de la se-
conde République :
une première catégorie ayant des Jifficultés
d'intégration dans les pays dans lesquels ils s'éjournent,
une seconde
encouragée par des nouvelles alliances politiques et une troisième caté-
goriequi trouve la situation d'''Etat spectacle" propice à toutes sortes
de manoeuvres.
(608) Il faut savoir que le H.C.R. avait mis à la disposition du gouvernement
une aide substantielle pour faciliter la reintégration des guinéens de
l'extérieur malheureusement, cette aide a été utilisée à "d'autres fins".

-
4~ 9
'.
èe la France. Cette assistance consiste à mettre en place un sys-
tème de production de manuels sçolaires tels
: bonjour Fanta,
bonjour Fodé devant servir de base à l'enseignement du français.
Cette initiative fut éprouvée par manque de coordination entre
les initiateurs (les coopérants français)
et le personnel guinéen
qui n'y trouvait pas son compte. En lieu et place de cette coopé-
ration un autre type d'intervention vit le jour à savoir la livrai-
son en grande quantité de manuels scolaires de niveau standard (609)-
Beaucoup de ces ouvrages furent détournés de leur destination pour
faire le bonheur des revendeurs de livres sur les marchés des
pays voisins (610)
le Burkina-Faso,
la Côte d'Ivoire,
le Mali
et le Sénégal. Quant auxproblèmes cl' infrastructure~ d'accueil,
ils restent toujours d'actualité ~algré la tentative de rénovation
et de refection de certaines écoles ct permanences (centre culturel
du P.D.G.), qui en fait répond plus à un soucis de séduction avec
tout ce que cela comporte comme source de gain en matière de com-
missions et autres prébendes pour les nutorités politiques. En
réalité depuis l'avènement de la seconde République,
le:) seuls
actes concrets posés pour la résolution de l'épineux problème
d'infrastructure sont: - La création d'un lycée frnnçais à Conakry
(Kipé) qui du reste, est inacessibl~ pour bon nombre de jeunes
guinéens en qu~te de savoir (frais de scolarit& assez eJevés et
payables en devise).
- Le projet de construction de 21 groupes scolaires de 24 classes
chacun par l'A.F.R.I.C.O.F.
(Société Afrique Construction et Finan-
cement) dont le siège est en Côte d'Ivoire avec pour Président
Directeur Général Zahr Najib un Libano-Ivoirien. Selon
lui,
le coût total de ses réalisations actuelles
est de 50 millions de dollars (15 milliards de
francs CFA). Un auto-financement dont le rembourse-
ment s'échelonnera sur huit ans. La dernière échéance
(609) Projet financé par la Banque africaine de développement, la Banque arabe
de développement des Etats africains et le ministère de la coopération
française.
(610) Le mobile de la grève des étudiants de Kankan (1986) est le manque de
fournitures.

- 500-
n'interviendra qu'en 1993. Seules 72 classes de
la première tranche du projet de 500 classes ont
été livrées aux autorités guinéennes (611).
Malgré son apparente démesure (500 classes) 1 ce projet même entière-
ment réalisé n'aurait pas suffi à satisfaire la demande actuelle.
En effet Conakry, elle seule exigeait déjà en 1984-1985 500 nouvel-
les classes pour absorber le flot des enfants en fige d'aller à
l'école. Autre exigence:
la croissance démographique galopante
qui nécessiterait environ 600 classes chaque 2 ans jusqu'à l'an
2.000 sur l'ensemble du territoire national
(612). Au vu de ces
quelques problèmes cités plus haut ne peut-on déjà dire concernant
le changement en Guinée que la symphonie est inachevée du moins
"l'orchesLre national" investi dt: sa composition n'est pas encore
au point.
Le redressement en général et
particulièrement celui
de l'éducation dans un pays comme la Guinée, exsangue par un pouvoir
dictatorial ne peut sc concevojr q~'avec un minimum de volonté poli-
tique soutenant un projet de société nouvelle. Dans celui-ci une
attention spéciale devra être accornée à l'éducation pour les
raisons suivantes :
(611) H.K., bientôt 500 classes au service de l'éducation (en Guinée) Fraternité-
Matin n° 6.903 Jeudi 15 Octobre 1978, p. 25.
Il est à noter par ailleurs, que le projet en question initié depuis
1984 fut revu et corrigé par le nouveau ministre de l'habitat alors
qu'au débart il excédait largement les 50 millions de dollars.
(612) De bonnes volontés essaient d'apporter leurs concours au Gouvernement
Guinéen afin d'alleger le poids de l'intervention étatique. C'est ainsi
qu'en 1984 fut créée la Soguiex(Solidarité Guinéenne pour l·ex~~~ion).
Société dont les membres fondateurs sont â majorité des enseignants
guinéens résidants en Côte d'Ivoire. L'objectif fondamental de cette
entreprise est de créer des groupes scolaires, conditions minimales pour
leur. réinsertion dans leur milieu d'origine. Mais les autorités ne sem-
blent pas faciliter ce retour à
la "terre.natale".

l
-
501
-
au plan social , par
le fait qu'elle est considérée
comme un moyen d'intégration.
Au plan économique, le concours qu'elle peut
apport~r dans une société organisée â l'effort de
développement (613).
b -
PROPOSITIONS
Pour tirer le maximum de profit de ces deux raisons
fondamentales, et surtout dans le contexte gllinéen,
il aurait
fallu Que les autorités politiques et éducatives fassent un travail
de fond dans lequel seraient partie prenante toutes les catégories
socio-professionnelles afin d'établir un diagnostic du système
éducatif antérieur.
Ce diagnostic permettrait entre autre, de
cerner les difficultés qui ont entravé le mécanisme de fonctionne-
ment et si possible de les serier afin d'évaluer les possibilités
d'intervention
ponctuelle. D'autre part,
la classjfication de
ces problèmes peut aussi dans une certaine mesure permettre de
,
voir les avantages
et les ~6savantages d'un système qui, analyse
de près comportait tout de même Quelques aspects "positifs", les-
Ql;:"ls ont purement et simplement fait les frais de
'la legèreté
dans la demarche de réorganisation. Ainsi, de la réorganisation
de l'enseignement on s'est finalement retrouvé
en face d'une
situation dualiste recouvrant deux réalités diametralement opposées
à savoir:
celle qui véhicule le passé (avec son cortège d'effec-
tifs pléthoriques, insuffisance de potentialités humaines et ma-
térielles). En face de cette dernière,
il y a une situation Qui
tend vers une standardisation des programmes scolaires de types
(613) Un des mobiles qui font que: des recherches de plus en plus nombreuses
sur l' "investissement intellectuel" et le "capital humain" tentent d'en
analyser le contenu et les modalités et d'en mesurer l'apport au dévelop-
pement matériel des nations. (Lê Thanh Khôi, l'industrie de l'enseigne-
ment, Paris, les Editions de Minuit, 1967, p. 352.

- ·502 -
ivoiriens-sénégalais sans en avoir les particularités. Conséquence
un blocage systematique s'est emparé des leviers de commande et
d'exécution de la machine éducative qui est loin de retrouver
sonrégime normal de fonctionnement.
Cet état de "grippage" aurait pu ceder sa place à
la relance de l'éducation si auparavant l'on avait réfini correc-
tement les nouveaux objectifs rie la formation qui passe par la
réponse aux questions suivantes: quel est l'état de la société
que nous avions hérité? Quelle est la place reservée à l'éduca-
tion?
Comment a-t-elle foncLionné ? Pouvons-nous lui assigner
de nouveaux objectifs?
Si oui par quels moyens?
Sont ils suf-
fisants ? (il s'agit ici de potentialités humaines et matérielles)
si non quelles sont les ressources externes (aides des pays déve-
loppés et organismes internationaux (614)) qui peuvent concourir
à la relance de l'éducation? Qui former? Pourquoi faire? Autre-
ment dit,
il s'agit d'une approche en termes de formation pour
les fonctions nouvelles que les cadres et techniciens déjà formés ou
en voie de l'être devront assurer au sein de l'appareil productif
existant ou à créer et des autres domaines d'activité.
Ces quelques
interrogations pensons-nous humblement
peuvent contribuer à la résolution de l'épineux problème éducatif
qui continue de hanter la nuit de tous les protagonistes de l'Edu-
cation en Guinée.
(614) Pendant les trois premleres années de l'accession au pouvoir des militaires
(1984-1987) la Guinée n b6néficié de nombreuses consid6rntions financières
destinées à redynamiser son
&lucation. Sait-on ce qu'il en a été en
réalité?

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n° 32
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Horoya
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Horoya
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Nationalp et de la Recherche
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Fraternité-Matin
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n° 6832, Mercredi 22 Juillet 1987,.
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n° 6903,
Jeudi 15 Octobre 1987,.
Fraternité-Matin
n° 6933, Vendredi 20 Novèmbre 1987..
Fraternité-Matin
n° 6945, Vendredi 4
Décembre 1987.
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n° 1269.
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n° 1303 - 1304, 25 Décembre 1985
Jeune Afrique
1er Janvier 1986 - 12 Mars
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Jeune Afrique
n° 1306~ 15 Janvier 1986
Jeune Afrique Economie
n° 100 Septembre - Octobre 1987
Journal de l'A.O.F.
n° 1024.
10 Mai 1924.
Jowlol
Jemma
n° 1.
Décembre 1973
Jowlol
Jemma
Le Monde
Liberté
- ,-
Liberté

?
18
Août
1954.
Liberté
n° 61.
1955.
Liberté
n° 67.
Septembre 1955.
Liberté
n° 100.
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1956.
Liberté
n° 123.
1957.
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n° 151.
10
Avril 1959."
L'Humanité
27 Juillet 1955.
L'Observateur du Moyen-
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22 Avril 1966.
Marchés Tropicaux
20 Octobre 1956.
Marchés Tropicaux
30 Mars 1979.
.
Marchés Tropicaux
Juillet 1983.
Voix d'Afrique
Mai 1975.

ERR
A T
A
PAGE 11
Lire
quantitativement et non quantativement
PAGE 27
Lire
point culminant et non~cu1tminant
PAGE 35
note (34) lire nous avons remarqué et nous avons
PAGE 37
Lire Kankou Moussa empéreur du MALI et non emprereur
PAGE 45
note (41) lire vers l'Océ .an Atlantique et non Océant
PACE 47
note (44) lire complot peu1h ~ (1976) et non complot peu1h à (1976)
PAGE 53
lire limités sur les troupes coloniales et non toupes
PAGE 60
Lire modèle économique a été défini dès 1965-1966 et non de 1955-1966
PAGE 65
Lire les actions, régulièrement modifiées et non modifiés •
PAGE 92
Lire bouleversements sociaux et non bouleversement sociaux.
PAGE 112:
Lire note (103) les investissements éducatifs en République de Guinée
in cahiers d'études et non en cahiers d'études.
PAGE 133:
Lire/at~ns pour le décollage économique et non des plans pour de déco
PAGE 150:
Lire des secteurs coopératifs d'amélioration et d'équipements ruraux
non d'équipement ruraux.
PAGE 198:
Lire production artisanale et non prodution
PAGE 215:
Note (235) lire l'auto-suffisance n'a pas été atteinte et non attient
PAGE 21 :
Lire des centres qui existent aujourd'hui et non aujourd'ui
PAGE 256:
Lire rompre avec la méthode classique de formation des mattres et à c
et non de à et créer.
PAGE 273:
Lire in what is being taught et non de bieng
PAGE 301:
Lire 2ème cycle et non de cuc1e
PAGE 321:
Lire le surchage et non la surcharge
PAGE 409:
Lire note (463) Mamou et non Maou
PAGE 413:
Lire en bas de page de Mamou et non du Mamou
PAGE 483:
Lire note (588) Tchecos1ovaquie et non Techcos1ovaquie
PAGE 500:
Lire note (612) (Solidarité Guinéenne pour l'expansion) et non expasi
PAGE 507:
Bibliographie complètée = Johnson (R.W.)
The parti Démocratique de Guinée and the Mamou " déviation" Cambridge
University Press 1970.
P.s.
PAGE 282:
Lire pour les autorités guinéennes et non autorité guinéennes


. Dans les années 60. la Guin.ée,fut l'un des premiers
pays en Afrique de l'Ouest à avoir initié une voie originaleen
1
! matière d'éducâtion et qui mettait en cause la prétendue efficien-I
. ce du système éducatif colonial.
Pour la matérialisation de cette expérience. une
stratégie macroscopique fut mise en place :
Construction d'établissements pour un enseignementl
de masse.
"
Recrutement et for~ation accélérés du personnel'
d'encadrement péda~pgique.
. \\.
,
"
'l'~
fTentative d'adaptation des programmes aux nouvel-
les exigences socio-économiques.
1
~
Deux decennies plus tard. cette vision quelque peu
1
IIpragmatiquell ne tardai t pas à montrer ses 1 imi tes : 28 % d' en-
fI.'
fants scolarisés dans le primaire. 18 % dans le second cycleet
15 %. pour~'ensemble des2ème et 3ème cycle du supérieur.
\\,.
~
c~ es,!: cette réal i té que l'auteur de cet ouvrage tente 1
de comprendre à'~ravers les grands repères de l'histoire de l'édu~~
cation en Guinée.
.
,
Mots-clés de l'étude: Société - Education - Reforme - Infrastruc-'
ture - Enseignement de masse - Formation'
professionnelle - Alphabétisation - Travail
productif - Encadrement de la jeunesse -
!
Révol ut ion - Organ i sat ion de,s femmes - Oppo-:
sition estudiantine - In put - Out put-
Langues Nationales etc.
De nationalité ivoirienne SIDIBB KABINB BBNA ·est
titulaire d'un Doctorat 3ème cycle en philosophie (option-philoso-
phie classique allemande). d'une maîtrise en éducation et d'un
master of arts (in education) des universités: Eôtvôs Lorandde
Bt.'dapest (Hongrie) 'et Leland Stanford JuniorUniversity California
(U.S.A.). Enseignant à l'Ecole Normale Supérieure.d'Abidjan (dépar-
tement des Sci~nces de l'Education) au sein duquel il est chargé
de l'encadrement des étudiants en CAPES et de la formation pédago-
gique des Conseillers d'Education des Educateurs d'internat et
des étudiants en CAP/CEG .
. .,,'
,
' i "
Al
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Y
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" , >.
_.... "
~.,.
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