ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES
EN SCIENCES SOCIALES
de PARIS
rOUA dans le jeu des relations internationales
pour une diplomatie africaine
Thèse pour le Doctorat
en Sociologie politique et Relations Internationales
présentée et soutenue
par Bn. E. MUAMBA KANAMA
r="'"--"==""""""- ~ _._-_.
CONSIE~l AFRICAIN ET MAlG!~CHE
IPJOUR L'ENSEIGNEMENT SlW~RiEU~ ,
C. A. M. E. S. -
OUAGADOUGOU
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! Arrivée 2, 2: .JUlM..\\995." ..... ·1
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'i Enregistré sous n° '# 0 0 7- ,5,1' . 1
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1
..,
-
JURY -
Président
M. LOUIS VINCENT THOMAS
Professeur à PARIS V
1
',,-
Suffragants :
M. J. VERNANT.
Professeur et Directeur d'Études à l'EHESS
M. JEAN WEILLER
Professeur et Directeur d'Études à l'EHESS
1982

-
1 -
En mémoire des nôtres
qui nous ont tant aimé.
A tous les enfants d'Afrique
que l'intolérance a privés
de la joie de servir
la terre nourricière.

- 2 -
A ma famille, pour
sa compréhension,
son encouragement et
ses sacrifices.

-
3 -
Qu~il me soit soit permlS, d'exprimer ma reconnais-
sance à tous ceux qui m'ont aidé de leurs conseils ou de leurs
aVls, et à tous ceux qui m'ont encourag§.
Ils sont trop n0m~
breux pour être nomrn§s. Je souhaiterais cep8ndant citer n. les
Professeurs
Jacques VERNANT, Jean ~'TEILLEP. et Louis-Vincent
THOMAS, qui ont lu mon travail ct m'ent fait de très utiles
critiques.

- 4 -
Les hommes sont faits pour s'entendre, pour
se comprendre, pour s'aimer.
Paul ELUARD.
Cet ouvrage est dédié aux hommes et aux fem-
mes qui réfléchissent et ont la mission
d'exiger des gouvernants la preuve de leurs
intentions pacifiques.

-
5 -
A V A N T - PRO P 0 S
Nous vivons une époque de changements SOClaux fonda-
mentaux, d'un processus révolutionnaire mondial et d'une révo-
lution scientifique et technique irrésistibles, qui confèrent
un dynamisme sans pareil à l'évolution politique, économique
et sociale tant de chaque pays pris à part que de l'ensemble
du monde qui détruisent des idées et opinions formées au cours
de décennies et qui imposent des exigences nouvelles aux hom-
mes, en particulier aux hommes politiques.
Ces phénomènes vont de pair avec un élan exception-
nel de la conscience et de l'activité politique dans les mas-
ses populaires de différents pays, ainsi qu'avec une accentua-
tion des luttes idéologiques.
Engagés dans une action de plus en plus énergique
afin de résoudre les problèmes économiques, sociaux et politi-
ques auxquels chaque société se trouve confrontée et soucieux
de trouver la réponse aux questions qui les préoccupent, les
peuples tournent leurs regards vers l'avenir.
Leurs questions
et revendications s'adressent aux milieux dirigeants, aux par-
tis, aux leaders politiques de ce monde qui basent la civilisa-
tion du siècle sur celle dG "l'Home econemicus", où la confron-
tation des intérêts matériels le dispute au cliquetis des
armes.
Et nous nous sommes posé la question : Et les rela-
tions internationales? Les relations internatinnales,pensons-
nous,doivent être construites sur l'hamanisme, offrir au monde
une terre acceuillante et chaleureuse mais retrouvée, un monde
fort mais paieible, divers mais uni ,autour de l'idéal qui lui
soit le plus cher:
l'amour, le dialogue, la tolérance~

-
6 -
SIGLES DES ABREVIATIONS
Le nom des or~anisations et des or~anes des Nations
Unies est toujours
composé et souvent lonp.
On a donc pris l'habitude de les d€sipner
par des
sirles. Les principaux siples utilisés dans le présent ouvraŒe
sont énumkrés ci-dessous, le cas échéant avec le sigle anplais
correspondant entre parenth~ses. On y ajoute les ahréviations
utilisées dans le texte pour des raisons de commodité.
A
A.C.P.
Association des Etats d'Afrique, des Caraibes et du
PacifiClU€
A.E.F.
:
Afrique Equatoriale Française.
A.F.D.L
Annuaire Français
de Droit International, Paris,
depuis 1955.
fL G.
Assemblée GénérëÜ de l'O.N.U.
A.I.D(I.D.Al
: Association Internationale pour le Développement.
A.I.D.I.
: Annuaire de l'Institut de Droit International, Bâle,
depuis, 1875.
A.I.E.A.
CL.A.E.A.)
: Apence Internationale de l'Enerpie Atomi-
que.
A.J.LL.
ABèrican Journal of International Law, New York,
depuis 1907.
A.O.r.
Afrique Occidentale Française.
B
B.A.D.
Banque Africaine de Développement.

..;. 7 -
B.I.R.D.
(I.B.R.D.)
Ban~ue Internationale pour la Reconstruc-
tion et le Dévelorpement.
B.LS.S.
Bulletin International des Sciences Sociales.
c
C.C.T.A.
Commission de Coopération Technique en Afrique.
C.E.A.
(A.C.A.)
: Commission Economi~ue pour l'Afriaue.
C.E.A.E.
Commine:uté Economique de l'Afrique de l'Est.
C.E.A.O.
Comminauté Economique de l'Afrique rie l'Ouest.
C.E.D.A.O. : Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest.
C.E.E.
Communauté Economique Européenne.
C.E.P.G.L.:
Communauté Economique des Pays de Granos Lacs.
C.LJ.
:
Cour Internationale de Justice.
C.LM.A.O
Cimenterie de l'Afrique de l'Ouest.
C.O.M.E.C.O.N.
: Conseil d'aide Economique Mutuel.
C.N.U.C.E.D.
(U.N.C.T.A.D.)
: Conférence des Nations Unies
pour le Commerce et le Développement.
C.P.J.I.
(P.C.I.J.)
: Cour Permanente de Justice Internationa-
le.
F
F.A.O.
Orpanisation pour l'Apriculture et l'Alimentation
(Food and Apriculture Orpanization).
F.E.A.N.F.:
Fédération des Etudiants d'Afrique Noire en France.
F.M.I.
(I.M.F.)
: Fonds Monétaire International.

-
8 -
G.A.T.r.
Accord Général sur le Tarifs et le Commerce(Gene-
raI Agreement on Tarifs and Tra0e).
G.P.R.A.
Gouvernement Prcvisoire Révolutionnaire d'Algérie.
K
K.A.N.U.
Kenya African National Union.
o
O.A.A.(F.A.O.)
: Orpanisation pour l'Alimentation et l'Apricul-
ture.
O.C.A.M.
Organisation Commune Africaine et Malgache.
OC.D.E.
Or~anisation de Coopération et de Développement
Economique.
O.E.A.
Orpanisation des Etats Américains.
O.I.G.
Orpanisation Intergouvernementale.
O.I.T.
Orpanisation Internationale du Travail.
O.L.P.
Organisation de Libération de la Palestine.
O.N.V.S.
Organisation pour la Mise en Valeur du Sénégal.
O.N.U.
:
Orpanisation des Nations Unies.
O.P.E.P.
Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole.
O.T.A.. N.
Orpanisation du Traité de l'Atlanti~ue Nord.
O.U.A.
(O.A.U.) Orpanisation de l'Unité Africaine.
Nouvel Ordre Economique International.

-
9 -
p
P.D.C.I.
Partie Démocratique de Côte è'Ivoire.
P.N.A.
:
Pays Non Alipnés.
P.N.U.D.
<U.N.D.P.)
: Pro?ramme des Nations Unies pour le Déve-
loppement.
P.V.D.
Pays en Voie de Développement.
R
R.A.S.D.
République Arabe Saharaoui Démocratinue.
R.C.A.D.I.: Recueils des Cours de l'Academie de Droit Interna-
tional de la Haye.
R.D.I.L.C.: Revue de Droit International et de Législation Com-
parée, Bruxelles, depuis 1869.
R.D.A.
Rassemblement Démocratioue Africaine.
R.F.A.
République Fédérale d'Allemagne.
R.I.
:
Relations Internationales.
R.G.D.I.P.: Revue Générale de Droit Inter.national Public,
Paris, depuis 1894.
s
S.D.N.
Société des Nations.
T
T.A.N.U.
Tanganyika African National Union

-
10 -
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U.A.M.
Union Africaine et Mal.p
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U.B.A.F.
Union des Banaues Arab....~~'(et Fran ~4ses.
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U.D.E.A.C.
Unlon Douanlere et Ed0,pCDmiq'1::J..i~(,ct
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U.M.O.A.
Union Monétaire Ouest.::.'<Af.r-icaine
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U.N.E.S.C.O. : Organisation des Nation~U~;our l'Education,
la Science et la Culture (United Nations Educa-
tion, Science an Culture Or~anization).

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OC/AN
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IND/EN
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- 12 -
l
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INTRODUCTION ~EMERALE
n • • •
Nou~ ~omme~ tou~ 6olidai~e~,
empG~t~~ pa~ une mlme plan~te,
~quipage d'un mlme naviAe".
A. de Saint-Exupery.
l
-
DIMENSIm-fS ACTUELLES DES RELATIONS INTERNATIONALES
En examinant d'un peu plus près comment se présentent
aujourd'ui les lignes de force de la situation mondiale,
l'on
peut voir comment l'Afrique aborde la partie planétaire qUl se
joue. Quels sont ses intérêts, quelle contribution elle est en
mesure d'apporter à la compréhension, et ensuite à la solution
des grands problèmes contemporains ?
Les relations internationales, depuis quelques an-
nées -
et plus spécialement depuis la ~uerre d'octobre 1973 -
ont connu un tel processus d'accélération que plusieurs des
notions de base sur lesquelles reposait l'ordre mondial s'en
sont trouvées ébranlées et, à tout le moins, remises en ques-
tion. Et du coup on parle d'un nouvel ordre mondial qui, nl
plus ni moins, est en train de naître sous nos yeux.
Tous ces problèmes de l'heure, il faut les aborder
en se débarassant des idées reçues.
Il s'agit d'opérer une ré-
volution des mentalités en évitant de poser a priori les nou-
velles données en termes de confrontation, de guerre économique,
de l'insolence et de révendications excessives du Tiers-Monde.
En prenant comme point de référence la fin du dernier
conflit mondial, on constate trois phénomènes fondamentaux qui
caractérisent ces années
:
a)
les relations entre les Etats-Unis et l'Union
Soviétique ont passé progressivement du stade de

-
13 -
la confrontation politique, idéologique et parfois
militaire à une sorts de rivalité complice et am-
biguë qui les a p~rfois amenés à exercer en com-
mun des responsabilités spéciales, mais nécessai-
re~ent limitées, sur la scène internationale.
Certains y ont dénoncé une tentative d'imposer on
ne sait quel condominium. D'autres, comme Raymond
Aron, parlent de connivence;
b)
parallèlement à cette évolution globale des rela-
tions russo-américaines, les peuples d'Asie,
d'Afrique et d'Amérique qui ont maintenant presquc
tous accédé à l'indépendance politique, prennent
de plus en plus conscience de leur nombre, de leur
force, de leurs richesses potentielles, mais aussi
de leur pauvreté présente. Porteurs de hautes tra-
ditions nationales et héritiers de civilisations
souvent prestigieuses, ces Etats, qui furent tout
au long de leur histoire pris à la gorge par le
problème primaire de leur survie et de leur digni-
té d'homme, en viennent aujourd'hui à réclamer
une nouvelle répartition des richesses du monde
et une dignité d'hommes libres
;
c)
enfin, les pays développés, qui venaient de con-
naître une p8riode de prospérité et un rythme de
croissance sans précédent dans l'histoire écono-
mique, ont découvert, comme dans un éclair, et
la fragilité de leur système économico-rnonétaire
et les conséquences à court terme d'une consomma-
tion effrénée des matières premières et de l'éner-
gie, à laquelle ils se sont livrés sans égard ni
pour les plus démunis, ni pour l'épuisement des-
dites ressources, ni pour les dommages causés à
l'environnement.
Mais aux problèmes d'ordre économique s'ajoutent
des pr€occupations
plus politiques. Affaiblis par la crise

-
14 -
socia.le et le ralentissement de l'économie, les pays occidentaux
ajustent et - doivent ajuster -
leur politique étrang~re aux mo-
difications de l'équilibre international, non seulement par rap-
port au Tiers-Monde, mais également dans le contexte des rela-
tions Est-Ouest.
Prenons le cas de la détente.
Plusieurs indications confirment l'impression générale
que depuis cinq ans la détente entre les super-Grands marque le
pas, même si elle varie COr:st2,TIrrnent en fonction des fluctuations
dans le rapport des forces entre Washington et Moscou.
Mais ~ l'~re nucléaire, la pierre angulaire de la dé-
tente demeure, pour les super-8pands, la tentative conjointe de
limiter les armements stratégiques des deux parties, tout en
préservant leur parité.
Il y a donc espoir -
même lent -
de
voir les négociations SALT-II abautir un jour.
Telles sont les dimensions véritables des relations
internationales d'aujourd'hui.
L'interconnexion croissante des
problèmes, l'imbrication réciproque des crises et des besoins
ont mis simultanément en pleine lumière une triple interdépen-
dance qui lie désormais tous les peuples et tous les Etats du
monde.
Les deux super-Grands dépendent vitalement l'un de l'au-
tre s'ils veulent éviter un affrontement suicidaire, et m~me
s'ils entendent mettre pleinement en valeur leurs territoires
et leurs ressources immences.
Les pays développés dépendent
des fournitures de matières premi~res et des débouchés du
Tiers-Monde.
Celui-ci dépend a son tour de la technologie, des
capitaux et du sens plus humain du monde industrialisé
;d'une
part pour son développement et d'autre part pour la résorption
de la famine, de la maladie et de l'analphabétisme, qui tien-
nent dans la misère encore tant de peuples.
C'est cette interd~pendance qui est à l'origine
directe de l'apparition des blocs et donc d'une pluralité de
pôles de décision à travers le monde, en fonction de la diver-

-
15 -
sité de chaque Etat ou de chaque groupe d'Etats. Nous sommes
en ce qui nous concerne pour cette multipolarisation qui est
en soi un facteur favorable. Elle a en effet le mérite d'atté-
nuer une excessive concentration des pouvoirs et de desserrer
le carcan des blocs antagonistes. Voilà qUl nous fait croire
et nous donne l'espoir que la situation actuelle am~nera le
monde à trouver les bases d'un nouvel ordre international
plus équitable pour l'avènement d'une civilisation universelle
basée sur l'amour et la compréhension entre les peuples.
c'est précisément pourquoi la revendication des nou-
veaux Etats porte beaucoup plus loin qu'une redistribution du
pouvoir économique.
Leur revendication est d'abord politique
et il est d'autant plus vain de vouloir l'ignorer qu'elle s'ap-
puie sur des raisons qui sont en partie valables. Si la plupart
des données de la vie mondiale sont les unes apr~s les autres
remises en question par les nouveaux venus, ne serait-ce pas
parce que l'histoire s'est élaborée sans la participation de
ceux qui, hier simples objets, en sont désormais ses sujets de
loin les plus nombreux? Il n'est d~s lors que naturel que la
société contemporaine s'emploie ~ réparer une omission domma-
geable pour tous en tenant un compte équitable des besoins et
des conceptions de ses nouveaux membres.
Ces considérations oominent de haut le probl~me cru-
tial des mati~res premi~res et celui, plus général, des rap~
ports entre producteurs et consommateurs qui sont traitées
tantôt à l'Assemblée Générale des Nations Unies, tantôt à Paris
et naguère à Cancun.
Ces rapports de force sont basés sur l'in-
terdépendance comme nous l'avons vu.
C'est ce fait qui chan go les conditions du dialogue,
désormais mieux éqLilibré entre ces deux ordres de partenaires.
De part et d'autre, Qn a établi l'éventail de ses propres be-
soins en présence~ Le 1ébat doit devenir plus franc, plus ou-
V<H'-t ..
même s ' i l lui arrive d'être plus vif.
La volonté de

-
16 -
dialogue doit devenir assez évidente pour que la menace de con-
frontation s'estompe. Il faudra que chaque partie finisse par
se rendre compte que les abus de pouvoir sont en définitive
do~mageables à l'intérêt général. A cet égard ce qui se passe à
l'ONU est révélateur: hier dominée par les Etats-Unis qui y
disposaient d'une majorité quasi automatique, l'Assemblée Géné-
rale est aujourd'hui dominée par les votes compacts des nou-
veaux Etats.
Les jeunes Etats qui ont besoin de ce forum pour
y appuyer leurs revendications, ne semblent pas se résigner ~
perdre les avantages qu'il leur procure pour faire valoir leurs
conceptions et avancer leurs projets. Mais i l faudra qu'ils
fassent preuve de réalisme, de l'esprit de modération et de
dialogue au lieu de se comport~rJ uniquement en frondeurs.
Pour toutes ces raisons,
l'on peut espérer que la
communauté internationale, au lieu de se diriger vers une nou-
velle guerre froide Nord-Sud, s'orientera au contraire, pas à
pas, vers un dialogue concret entre partenaires plus égaux et
également plus responsables.
Et signe de temps, dans chacun des camps en présence,
la cohésion est devenue un peu plus élastique, ce gui facilite
l'élaboration de compromis ou du moins de solutions qui satis-
fassent les intérêts des uns et des autres.
La relative fluidi-
té se mani.festant entre les Etats ou groupes d'Etats dont les
fronts ne se recoupent plus est) en effet, un facteur supplé-
mentaire de modération.
Et l'Afrique, pendant ce temps
?
C'est justement comme le dit Kontchou KoUomegnil!J
"l'un des faits cardinaux de ce siècle, et qui sera notre prin-
(7J
c6. Le JYJt~me ~ptomatique a6~eain, p. 3. éd. A. Pedone,
PARIS 1911.

-
17 -
cipal centre d'intérêt i c i ; l'avènement du Tiers-Monde en géné-
ral~ et de l'Afrique en particulier sur la scène internationale,
conséquence de la désintégration du système colonial".
Notre époque est caractérisée fondamentalement par
la transformation du système d i t " impérialiste" avec l ' acces--
sion massive des pays d'Asie et d'Afrique à la souveraineté in-
ternationale.
On assiste ainsi à la naissance du Tiers-Monde qui
se constitue et se consolide à partir de la conférence de Ban-
doung de 1955 et qui se baptise sous le nom de "pays non-
alignés".
La montée du Tiers-Monde contribue peu à peu à l'éta-
blissement d'une nouvelle configuration des forces politiques
dans le monde. Elle multiplie les Etats-Nations qui demeurent
les acteurs clefs des relations internationales et complique
par ce fait même le jeu diplomatique.
En effet, alors que jusque dans la première moitié
du XXe siècle, les acteurs des relations internationales
étaient presque uniquement des Etats européens cu américains,
aujourd'hui, toute l'Asie et l'Afrique - hormis quelques cas
de liAfrique du Sud qui relèvent de l'anomalie de l'histoire
réVOlue-participent au jeu du système international.
La partie qui se joue est donc planétaire. Nul n'est
à l'abri. L'Afrique non plus. Nous devons maintenant essayer
de voir comment l'Afrique à travers l'O.U.A., aborde les pro-
blèmes africains et mondiaux. Quels sont ses intérêts, quelle
contribution peut-elle apporter à la compréhension, et ensuite
à la solution des grands problèmes contemporains ?
Il faut d'abord avoir le courage de voir la réalité
en face:
l'image que l'Afrique donne d'elle-même n'est pas
idyllique. La perception subjective que l'on a de llAfrique
ailleurs dans le monde est pessimiste. C'est vrai que l'Afri-
que évoque le bruit des convulsions guerrières, la fureur des

-
18 -
joutes idéologiques, le t€lescopage
des ambitions planétaires,
l'impudique déchaînement des convoitises.
L'Afrique indépen-
dante est traversée d'étroitB réseaux de clientèles qui la main--
tiennent insidieusement soumise,
L'Afrique évoque un festival de coups d'Etat militai-
res, des dictatures et fait croire à l'instabilité qu10n dit
congénitale et chronique. L'Afrique déboussolée, se cherche.
En s'ouvrant aux courants d'échanges, aux techniques,
aux hommes venus d' ailleurs ~I elle a perdu aussi un peu de son
2!.T-E>

Senghor dit(1l:
"Nous sommes sortis de nos gonds, nous
sommes sortis de notre cadre, religieux et culturel. Nous som-
mes déboussolés.
Nous n'avons plus de guide. Nous ne croyons
plus à nos fétiches.
Où sont les nouveaux fétiches? L'argent,
sans doute, dont profite une minuscule élite. L'idéologie)
peut-être, qui mystifie les plus pauvres".
Ce n'est pas tout.
Il y a des grands et d'innombra-
bles défis qui interpellent le continent
: analphabétisme,
malnutrition, croissance frénétique des grandes cités, misère
paysanne, chômage. Bref, le sous-d~veloppement.
Et puis i l y a cet autre scandale majeur qui a nom
apartheid eo Afrique d~ Sud. L~lhypothèque gravement toute poli-
tique de coopération entre l'Afrique et les grandes puissances
occidentales étant le plus sOr facteur de t'déstabilisation"
dans cette région du monde, où "la fureur classificatoire" de
quelques millions d'hommes perpétue la plus humiliante des
dominations
: le racisme.
(7)
c.6. ChJLi6wn CM-teltan ct J. P. Lange.iUeJt, br. l'A6/Uque
déboU6~o~ëe, Plon 7918.

-
19 -
De tels sentiments et jugements répandus à l'égard
de notre continent ne doivent en aucun cas susciter en nous un
sentiment de culpabilité et encore moins nous dispenser d'ex-
pliquer avec persévérance notre position réelle. Mais l'Afrique
doit savoir que dans le débat en cours, la crédibilitÉ de ses
idÉaux exige de sa part un effort permanent et renouvelé d'ima-
gi~ation et de solidarité.
Certains pays ont compris la spécificité de sa si-
tuation, mais d'autres hélas non.
En tout cas rien ne serait plus avantageux pour notre
continent que de participer aux vastes négociations multilaté-
rales.
Il doit jouer le jeu en tant qu'acteur principal cons-
cient de ses énormes et multiples problèmes. Sans doute, ses
intérêts ne sont-ils souvent pas différents de ceux des autres
pays d'Europe, d'Amérique ou d'Asie.
Il ne serait en effet nl souhaitable, nl possible de
faire cavalier seul en la matière.
Les non-alignés sont avec
l'Afrique à souhaiter qu'une Europe regroupée vienne quelque
peu troubler le tête-à-tête inquiétant des super-puissances.
C'est un fait que sur le plan de la coopération technique,
pour ne retenir que cet exemple~ la communauté européenne a dé-
jà fait oeuvre de pionnier, comme en témoigne par exemple l'Ac-
cord de Lomé passé avec 61 Etats d'Afrique, des Caraibes et du
Pacifique (ACP) et qui va jusqu'à créer un fonds de stabilisa-
tion du cours des matières premières.
L'une des premières conséquences du dialogue sera
donc de raffermir ses liens avec ses partenaires traditionnels.
Mais l'Afrique ne doit pas pour autant s'amalgamer à eux au
poin~ de perdre toute autonomie de manoeuvre. Dans ce champ
nouveau qui s'ouvre à la diplomatie, c'est la volonté bien
arrêtée de l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A.) que de
traduire en actes la vocation véritable de l'Afrique, qui est
d'oeuvrer pour la conciliation des points de vue, la modéra-

-
20 -
tion et le rapprochement des peuples.
Le rôle est conforme à
son esprit de disponibilité et la fluidité retrouvée des rela-
tions internationales devrait rendre possible un nouvel essor
de ses activités sur le plan international.
La volont~ de con-
ciliation et d'entente qui doit, selon nous, animer les parte-
naires du dialogue, en dépit des tournures désagréables et des
durcissements occasionnels qu'il réY.,f:.J.\\'i"
doit: être pleinement
~ICAI.VF'
soutenue. Et l'Afrique - nous somme~~rs~adé - Dourrait oeu-
#:~'- /
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a meme energle e'\\:;1a meme.Jcp:a:Clte.
"<'''~-
~.'\\"~,
;;,""
. ~e
'<'c?:fJe ment ':J':"
Mais pour cela i l est impêrat~if d'être présent ~ de
participer à tout ce qui se passe et d'affirmer ses concep-
tions dans tous les forums appropriés.
L'Afrique doit plus que
tout éviter de se trouver isolée.
Car, son absence -
faut-il
le dire? -
des lieux de délibérations politiques, économiques
et ccwnerciales, sa timidité et le manque de personnalité dans
les actions d'envergure internationale font planer sur elle la
menace croissante d'être écartée de décisions dont pourrait
dépendre sa survie~ L'Afrique doit rester dans la course, au
lieu de se rejeter dans les oubliettes de l'histoire dont l'a-
bîme, a
dit Paul Valery, est assez grand pour tout le monde.
L'enjeu est de taille.
L'Afrique doit donc mesurer
l'urgence de la partie qui
se joue actuellement sur la scène
mondiale.
Le rythme de l'histoire, ainsi que l'a montré
'T'
. /
fI)
f '
à
d/f"
l
/
.
l
~oynDee
, e s t
a l t e
e lS qUl sont re eves ou qUl ne
es
sont p2S, d'où l'essor ou le crépuscule des civilisations.
Cela vaut pour les Etats, grands ou petits.
Cela vaut aussi
pour les continents comme l'Afrique.
r1)
CUé. pM F. Z-<-egleJt, c.6. LaStU.6.ôe 6ac.e au. bOtl,eeveJU,e.me.J1.t de f'équl-
Ub!l..e. mOI1cUa1., -<-n La. SU<-Me e.,t fa cUploma-t<.e mui.;tU.a.;téILale.. 1~.tUu:t
Unive.IL6U--a.<.ll..e de Ha.u;Cu U.u.du blteJUta.Uol'talC'A. p. 7. 6.
GENfllE 1916.

-
21 -
Nous vivons donc une époque, des années et même des
mois, d'une particulière richesse et d'une grande intensité
d'enseignements. Nombre de phénomènes s'accélèrent et prennent
des dimensions naguère insoupçonnées.
Les situations s'affir-
ment dans le présent et se nouent pour l'avenir, vers des is-
sues qui sont loin d'être certaines, mais dent on pressent
qurelles peuvent être proches. Aussi, un examen, même superfi-
cie1
de la situation politique en Afrique et leur prolonge-
5
ment hors de ses frontières,
justifie une telle entreprise,
donc le choix de notre sujet. C'est dans ce sens, que l'Organi-
sation de l'Unité Africaine (O.U.A.) comporte sa signification
et même sa charge politique et est un acteur des relations in-
ternationales.
Pour une diplomatie africaine ! Le titre ambitieux
annonce un plaidoyer pour une appréhension rigoureuse du phé-
nomène politique africain. Au risque de décevoir, soyons modes-
tes.
Il s'agit,sous les auspices de cette rigueur, d'initier
le lecteur africain et extra-africain aux rudiments de la poli-
tique étrangère et de la diplomatie africaine conduite par son
idéologie propre dans le cadre des rapports de force dans le
monde.
Nous disons que l'Afrique a ses problèmes. D'autres
Etats du monde aussi. Ainsi, les Etats auront toujours des in-
térêts ~ défendre et des litiges ~ régler par négociation et
des engagements mutuels à contracter. Ils en auront même de
plus en plus ~ mesure que la civilisation augmente l'interdé-
pendance des peuples dans tous les domaines et que se consoli-
deront des organisations mondiales et des communautés conti-
nentales.

- 22 ...
II -
L'ELABORATION DE L'OUVRAGE
L'~tude de l'Organisation de llUnit~ Africaine dans
les relations internationales présente des difficultés sérieu-
ses. CelJ.es-ci proviennent d'abord de peu de travaux publiés ~
ce sujet. Donc, i l s'agit des lacunes au niveau de la documen-
.
I l '
.
f '
l'a
.
.
tatlon. E
es provlennent aUSSl du
-alt que
rganlsatlon
Africaine est relativement jeunQ.
Créée en 1963, elle a dix-
neuf ans : elle vient ~ peine d'avoir sa majorité. c'est bien
peu pour une institution politique, qui a besoin du temps pour
se oonstruire et acquérir sa véritable stature, et dont la si-
gnification véritable ne se perçoit que dans une perspective
historique relativement longue.
L'autre problème majeur posé par notre étude, c'est
celui du champ d'observation.
Il s'agit des relations interna-
tionales.
Or, la politique internationale n'est pas un domaine
facile à délimiter. Ce n'est que pour des raisons de commodité
pratique, que l'on distingue aujourd'hui politique intérieure
et politique extérieure. S'il est évident que nous ne pouvons
ici, envisager de traiter simultanément de tous les phénomènes
politiques internes et internationa~x des Etats membres de
l'O.U.A., nous évitons cependant une dichotomie trop accentuée.
Car les phénomènes politiques internes ont leur prolongement
sur la politique internationale
; et les phénomènes politiques
extérieurs ont leur répercussion sur la politique intérieure.
On a constaté que, souvent, dans les nouveaux Etats indépen-
dants, le raidissement ~ l'extérieur correspond à une période
de difficultés intérieures; la sérénité à l'extérieur corres-
pond à des moments de calme
et d'euphorie à l'intérieur.
Ainsi donc, toute démarche qui prftcndrait analyser les ph§no-
mènes internationaux, sans tenir compte de leurs soubassements
ou de leurs prolongements internes, serait fauss€e.
Cette mo-
bilité de l'action politique interne et externe affecte, par
conséquent, aussi l'action et le jeu diplomatique. Pour s'en

-
23 -
rendre compte, i l suffit de VOlr les clivages provoqués par
des crises de l'Angola, du Sahara occidental et bien des chan-
gements qui résultent, pour l'Afrique, de la modification du
rapport des forces à l'échelle mondiale.
L'objet de notre étude est, certes, l'action de
l'Organisation de l'Unité Africaine dans les relations inter-
nationales. Nous essayons de montrer comment l'O.U.A. aborde
des problèmes africains et mondiaux. Quels sont ses intérêts~
quelle contribution elle peut apporter à la compréhension, et
ensuite à la solution des grands problèmes contemporains.
Pour ce faire~ la participation de l'Afrique aux vastes négo-
ciations multilatérales s'impose. Et dans ce champ nouveau
qui s'ouvre à la diplomatie, c'est la volonté bien arrêtée de
l'Organisation de l'Unité Africaine <O.U.A.) que de traduire
en actes la vocation véritable de l'Afrique qui est d'oeuvrer
pour la conciliation des points de vue, la modération et le
rapprochement des peuples et relever ainsi les multiples défis
de l'histoire dont pourraient dépendre sa survie et l'essor de
sa civilisation.
3 -
Méthod"e'de 'travail
Notre étude n'a pas de prétentions méthodologiques
nouvelles. Au niveau du développement des recherches actuelle-
ment en Relations internationales, nous ne pouvons que nous
contenter et suivre des avenues déjà construites et éclairées.
Nous chercherons moins à être exhaustif ou novateur qu'à être
explicatif, c'est-à-dire à faire voir et comprendre les méca-
nismes de l'organisation afric3ine et ses ressorts, afin de
fournir les éléments d'un jugement raisonné sur ses actions,
ses réalisations, sur l'état actuel de son développement et
sur ses perspectives d'avenir.

-
24 -
De même que la science politique et la plupart des
sciences sociales, l'~tude des relations internationales n'a
pas de méthodologie spécifique. Elle dépend d'une pluralité
d'approches qui l'obligent à recourir tantet à l'histoire t
tantôt au droit, tantôt à la statistique, tantôt au raisonne'"
ment philosophique ou à la théorie.
La méthode historique
cherche à retrouver les chaînes causales dans leur déroulement
concret et leur entrelacement réel, Elle demande un recul dans
le temps qui, ici, fait défaut.
Ciest donc un problème majeur
posé quant au rapport entre l'analyste des relations interna-
tionales que nous sommes et l'actualité. En effet, à mi-chemin
entre l'historien qui reconstruit les faits passés et le jour-
naliste qui suit l'événement dans sa dimension quotidienne,
nous sommes amené à adopter une position intermédiaire
: celle
de l ' histoir'e immédiate.
Bref, en relations internationales,
la diversité des approches méthodologiques est même tellement
accentuée.
a) ApprO'che' 'behaVioriste
Quant à nous, neus avons posé l'Organisation de
l'Unité Africaine <O.U.A.) qui est une Organisation inter-
gouvernementale <O.I.G.) comme acteur des relations interna-
tionales. En effet, par sa fonction diversifiée qui s'étend
par principe à liensemble des questions internationales <voir
sur ce l'Acte constitutif de la Charte) et par application du
principe bien connu de la uspécialité U des personnes morales
<cf. Avis de la Cour Internationale de Justice
<C.I.J.) du
11 Avril 1948 à propos du cas du Comte
Bernadotte), l'O.U.A.
est sujet de droit international. En tant que tel, l'O.U.A.
est un acteur des Relations internationales
<R.I.), par cela
seul qu'elle joue un rôle spécifique, indépendant des mem-
bres qUl la composent.
Il n'est qu'à appliquer la théorie des
jeux.
Il s'agit d'étudier le comportement de deux ou de plu-
sieurs acteurs dans leurs rapports mutuels autour d'un enjeu
commun. Dès lors, le problème posé n'est pas seulement, comme

-
25 -
le dit Marcel Merle(1) ~ de décrire le comportement des acteurs
mais de supputer quel peut être, pour chacun des joueurs en
présence~ le meilleur comportement possible face aux réactions
prévisibles de son ou ses adversaires. Ce comportement idéal
consiste de la part des joueurs, ~ maximiser leurs gains ou â
minimiser leurs pertes, en fonction de la tactique adoptée
par les a.utres joueurs.
On distingue:
les jeux à somme nu11e~
o~ le gain de l'un représente exactement la perte de l'autre,
et les jeux à somme variable, où pertes et gains se repartis-
sent, d'une manière aléatoire entre les différents joueurs.
Cette distinction présente un intérêt capital dans le domaine
des rela.tions internationales.
Il n'est qu'~ voir sur ce, le
jeu des groupes africain, arabe, tiers--monde, non-alignés aux
Nations-Unies ~ propos des problèmes de décolonisation, d'apar-
theid, de moyen-orient, de nouvel ordre économique internè-
tional (~ N.O.E.I.) •.• etc.
Nous adoptons donc, comme on le verra,
la démarche
behavioriste en ce qu'elle sC' consacre à l'étude des "comporte-
ments" c'est-a-dire à l'analyse des attitudes et des réactions
des différents acteurs d'une part, et d?autre part en ce
qu'elle recourt à des données empiriques et à l'analyse quan-
titative des événements.
Nous adoptons l ' ana.1yse systémique fondée sur le mo-
dèle de David Easton(f)qui s'avère être une méthode d'approche
très féconde pour l'étude des relations internationales.
En quoi consiste ce modèle ?
(1)
c.6. M. Me./t-ee., in 6ocioR.ogie. dM lleta.:Uon6 inteJr.na..t-<.ona1..M p. 105
Va..tioz, p~ 1916.
(2)
Ti/tl de M. HaltR.e, in Soc.iologie de~ Ilefation~ intellnatio-
naR.e~ p. 118-119. Va.t.toz; 2e ~dition~ Pa/ti~ 1916.

-
26 -
c~ modèle est fondé, pour l'analyse des systèmes poli-
tiques, sur la distinction du système et de son environnement.
Selon cette interprétation, un système politique est un ensem-
ble de relations soumis à un mode déterminé de régulation et
placé dans un environnement spécifique.
Le "système", constitué par un ensemble déterminé de
relations, est en communication avec son environnement par le
mécanisme des "inputs" et des "outputs". Les inputs sont consti-
tués par l'ensemble des demandes et des soutiens qui vont être
dirigés sur le système, considéré comme un tout (cf.
figure
nO 1) ci-après.
A l'intérieur du système, les demandes et les sou-
tiens sont "convertis" par la réaction combinée de tous les élé-
ments constitutifs du système et provoquent finalement de 14
part de l'autorité régulatrice, une réaction globale qui expri-
me la manière dont le système tente de s'adapter aux incita-
tions et aux pressions qui émanent de J'environnement.
Cette
réaction globale (output) œnst:itue
la réponse du système ~ mais
amorce en même temps un nouveau circuit de réaction (feed-back)
qui contribue à son tour à modifier l'environnement d'où narti-
ront ensuite de nouvelles demandes et de nouveaux soutiens
etc ..•
Le "système" étudié -
faut-il le souligner - n'existe
qu'en fonction de son environnement et i l ne peut être défini
et analysé que par rapport à cet environnement.
Figure nO 1
Modèle d'Easton.
Demandes____
système
--~
~
Inputs
-
J OUA=OIG
outputs
.
Soutlens ____------'
i
........
t
!
........,
.----.-----+-
<
i
(feed-back:re~roaction)
.-------,---~--_..-.
Source:rrarcel Merle, "Sociologie
des Relations interna-
tionales"

- 27 -
Si l'on considère l'O.U.A. qui est une organisation
intergouverne~entale <O.l.G.) corr~e un système placé dans un
circuit "input -
output", l'O.U.A. ne peut constituer un acteur
spécifique que si elle est en mesure
:
a) de convertir les demandes et les soutiens dont
elle est l'objet en décisions constituant la réponse de l'OUA
a son environnement africain ou international ;
b) d'influencer par ses réactions
<mécanisme du feed-
back), l'environnement en question.
4 -
PlAn' de" 'll'Oüvrag::=-
Nous nous proposons de cerner dans un chapitre préli-
minaire le concept de diplomatie, c'est-a-dire, sa ou ses dÉfi-
nitions(s),
son évolution historique.
Bref, les éléments a par-
tir desquels peut être amorcée une étude de l'Organisation de
l'Unité Africaine.
Celle-ci se divise en trois parties:
l'ins-
trument, l'action diplomatique africaine et enfin les perspec-
tives d'avenir. D'où:
Chapitre préliminaire
Le concept de diplomatie
Première partie
Etude de l'O.U.A.
comme lns-
trument.
Deuxième partie
Action diplomatique africaine:
l'Afrique et ses problèmes.
Troisième partie
Perspectives d'avenir:
l'A-
frique et le monde de demain
peur une stratégie diplomati-
que unifiée.

- 28 -
LE CONCEPT DE" DIPLOMATIE
SOMNAIRE
l -
Définitions êt Historique de la diplomatie et du
droit diplomatique.
I I -
Evolution de la diplomatie .

-
29 -
l -
~)prINITIONS ET HISTORIQUE DELA DIPLOMATIE
rTcPU.pRQTT D1P~OMATrQl}r
A examiner les oeuvres qui ont été écrites sur le
droit diplomatique,
l'on constate une chose que les différents
auteurs se sont attachés surtout à cerner la notion de "diplo-
ma.tie" et n'ont, en général, pas défini le terme "droit diplo-
matique ll (l) .
Bornons-nous à quelques unes des dÉfinitions qui ont
été données.
Ernest Satow définit la diplomatie:
"the conduct
of business between states by peaceful ~eans,,(2l. Il la définit
comme "l'application de l'intelligence et du tact à la direc-
tion des relations officielles entre Etat"
; ajoutant la phrase
suivante
: "le but de la diplomatie est de concilier les inté-
rêts de son propre pays avec ceux du pays où l'on est accrédité,
de maintenir haut l'honneur de sa patrie et de cultiver une men-
talité internationale".
Charles de Hartens y voit : "la science des rapports
et des intérêts des peuples entre eux; et, dans un sens plus
déterminé, la science ou l'art des négociations". Rivier a es-
sayé d'analyser trois sens différents de ce terme.
Dans le premier sens la àiplomatie est :
"l.=.!. SClence
et l'art de la représentation des Etats et des négociations".
(1)
c6. R. Ge.ne.t. T!tM;té de cüpR.oma-Ue. e.:t. de. d!toi..:t. cüpP..oma.:ti.1(ue. PaJÜ6
1931, 2 voL IR. déo-tYÛ.:t ce. dttoi..:t, vol. l p 1b, comme. étant .pla. blLanche.
du dMU pubUc qui .6' occupe. .6pë.c.iaie.me.nt de. la pJta..t.Lque. ct de la It~­
g-f.e.me.n;ta.tion tant de--6 ltappo/tt6 e.xtéJUe.U!L6 dç', étm que. du 1t~al'..Ué6
de R.e.wt lte-rlté6 en:ta.t-ion à f..' étJta.n.geJt, tan;t de. .f..' adm'<'n.U.tJz.a.;tion du a.n-
6a.iJr.u '(nteJtna.tionaiu que. de .ta. ma.nA.èJte. de. condlLÛte. du nê.goua.:t..ton6".
ce.:t.te. dê.6,[rUtion, pM M.6Q.Z gënc:Jtaie., conJ".Âe.nt comme. noUf., le. veMOM
du eNte.l..lIU> fOMqu' e.U..e paJl.i..e. du. d!toU public et qu' e.J!.1e. ne. me.ntionne.
que
f..u Emu.
(2)
L
Sa.tow. A guide. to cUpR.oma.:Ue pJr.a..:Üce, Londttu, 1932 ; II, ,.

-
30 -
Et i l ajoute, "on emploie le même mot .•. pour exprimer une no-
tion complexe, comprenant soit l'ensemble de la représentation
d'un Etat, y compris le ministère des Affaires étrangères, soit
l'ensemble des agents politiques.
C'est dans ce sens que l'on
parle du mérite de la diplomatie française à certaines époques,
de la diplomatie russe, autrichienne. "Le troisième sens est le
suivant"
: •.• on entend par diplomatie la carrière ou profes-
sion de diplomate".
Enfin pour Pradier-Fodéré, dont le livre
aura ~té un des grands classiques du droit diplomatique, nIa
diplomatie éveille en effet l'idée de gestion des affaires in-
ternationales, de maniement des rapports ext6rieurs, d'adminis-
tration des intérêts nationaux des peuples et de leurs gouver-
nements dans leur contact matériel soit paisible soit hostile.
On pourrait presque dire que c'est le droit des gens appli-
qué"f1}
C
ct " f .
.
.
]
Ph . l .
Ch'
f 2 J
es
_e lnlt10ns comme
J:~ remarque
1 1ppe
,a 1er,
font apparaître dans le terme diplomatie deux éléments. En
premier lieu la diplomatie se situe sur le plan des relations
internationales. Etant donné que les membres de la société in-
ternationale ne peuvent pas vivre isolés et repliés sur eux-
mêmes, mais au contr~ire sont obligés d'entrer fréquemment en
contact les uns avec les autres, ils doivent donner une certai-
ne cohérence à la conduite de ces affaires extérieures. L'ex-
pression de cette conduite extérieure est la diplomatie.
Il y
a donc dans la notion de diplomatie une idée de rapports
extérieurs.
Il en découle que la diplomatie ne peut avoir lieu
qu'entre des sujets de droit international, actuellement Etats
ou Organisations internationales, et que le droit diplomatique
n'est pas autre chose qu'une branche du droit international.
Ainsi entre parenthèses les rapports entre les Etats de la Fé-
dération ne sont pas de la diplomatie car ces Etats relèvent de
l'ordre du droit interne et non de l'ordre du droit interna-
tional.
11)
P. P!ta.cU.etr.. FodcJt.~_, COWL6 de. c!Jt.oil cUpf.oma.Uqu.e. PaJû.o, 1899,
vo-t. 1, pL
(2)
PfU,e..i..ppe. CahieJt. Le. d/toU cüpR..oma.tJ.que c.ont:empoJtain. PaltiA V,
1962. p. 4.


-
31 -
De ce qui préc~de, une question. Peut-on considérer
tout rapport extérieur d'un Etat avec un autre Etat comme de
la diplomatie? C'est là où appa.ra1t le deuxi~me élément con-
tenu dans le terme de diplomatie, qui est l'idée de négocia-
tion.
Un Etat, -
une organisation internationale -
en effet,
à travers la conduite d'une certaine politique extérieure pour-
suit des buts qui seront souvent différents, voire opposés, aux
buts poursuivis par d'autres Etats.
l
C'est parce que les Etats/
} ne peuvent s'igncr@~
les uns les autres qu'ils sont amenés a essayer de concilier
ces buts divergents à travers la négociation. C'est dans cette
négociation, dans cet effort in~vitable de conciliation que se
manifeste la diplomatie d'un pays. Sans doute cette diplomatie
poursuit des buts politiques mais elle ne peut se concrétiser
qu'à travers la recherche d'un compromis. En d'autres termes
i l est possible de distinguer politique étrangère et diploma-
tie,
la première étant le choix des buts et des grandes lignes
directrices qu'un Etat va suivre ~ l'égard d'un autre Etat, la
(2
diplomatie étant mise en oeuvre de ces lignes directrices
).
Il en résulte que si, même au cours d/une guerre, un Etat con-
tinue à avoir une certaine politique étrangère à l'égard de
l'Etat contre lequel i l est en guerre; décisions à prendre sur
les buts de guerre,
..•
etc, i l ne pourrait avoir une diploma-
tie a son égard qu'au moment où les premières négociations de
paix sfengageront, soit directement, soit à travers des Etats
tiers. De cela ceci
: le choc de deux armées,
la conduite de la
guerre ne peuvent pas être considérés comme de la diplomatie,
étant donné que l'élément de contact pacifique entre deux
(1)
Ce. qu.e. nou,6 rt-U,on6 du, E:ta..tb quJ. Ilon-t lu pll.inu,xtux Ilu.jw de. dJtoa
-il1.teltn.aü.ol1aJ.. e.t à. tJtaveM qu.-i.. Il e. 6w .ta diplomatie. R.o. pi.lL6 hnPOIt-
:tante.,
.6' appUque. a.J.LMA. aux OJtgarvi.6won.6 -ir!.teJtl1a;t.ioYli11.u.
/2'
c.6 • .e. 'aJL:ti..c..te. de. L MoV!.., "Po.tLti.que. e.xtéJtA.e.uJte. e.:t d-Lp1!..omat-ie".
Lel, ct66abu2l:J é:tMng i!ftM • Po.J'vU,.

-
32 -
sujets de droit international a disparu. Nous estimons par con-
tre qu'il y a diplomatie dès qu'il y a contact pacifique entre
deux Etats. soit à travers des discussions, négociations, et
quel que soit le lieu o~ S~ situe cet échange de vues.
On notera que nous élargissons ici considérablement
le domaine de la diplomatie, puisque celui-ci recouvrira aussi
les contacts économiques et techniques. En effet, les auteurs
traditionnels réservaient à ce terme le domaine des contacts
entre Etats portant principalement sur des questions politi~
ques(1).
La diplomatie recouvre une notion politique, c'est
absolument vrai. Hais, dans le monde d'aujourd'hui, même les
matières les plus anodines ont des répercussions politiques.
A la suite de cette dnalyse, la diplomatie est~ nous
semble-t-il, la manière de conduire les affaires extérieures
d'un sujet de droit international à travers des moyens pacifi-
ques et principalement par la négociation.
Dans la conduite de ces négociations, l'Etat ou
l'Organisation internationale ont recours à des organes. Ces
organes 80nt nombreux et le plus souvent, nous l'avons dit,
spécialisés. Le premier organe est la mission diplomatique.
Mais il y en a beaucoup d'autres. Aujourd'hui, la diplomatie
d'un Etat ou d'une Organisation internationale (comme l'O.U.A.
ou l'O.C.A.M. (2)
se développe aussi à travers les chefs d'Etat,
les ministres des Affaires étrangères, les délégués à des con-
f€rences.
Les normes juridiques destinées à régler les rapports
de ces or~anes
,:;>
chargés
co
des relations extérieures constituent le
dno~t dip~omat~que.
! 1)
M. Mù.ot6on., the. e.volu:Uon. 06 cvi.pR..omaUe. me;thorl I.on.dol1
1954, mon-tAe.
i
b-i.e.n .e.' fit.a;t cl' â.me. dM d-i.p.f.oma...teA ava.nt 1914 qui c.ol'1.-6idéJLaJ.e.1'tt que. lu
pltobJ..ème6 économiqueA et. COmInVl.c1..aux èttaA...e.n.t ~ndign.e1J de. -P..a eüptomaUe.:
c. ' éttU.;t un deA ne.pltoche6 6aJ.f,b à R.. r AU. emag ne. que. dQ. méf:.eJt dipf..oma.lA.e.
e.t é.co n.om~ e. •
( 2)
OUA : OngaYli.6wOJ1 de. f..' Unité. A6trJ..ca..ine. au. niveau du con.tinent
OCAM : OILgc.n-Lôa..:U.on (JtrgwnaXe) Commune AéJÜcaJ.ne. Malgache. ct.
V<U!Ûc<.e.nne.

-
33 -
On peut donc définir le droit diplomatique comme étant
l'ensemble des normes juridiques destinées à régler les rapports
qui se forment entre les différents organes des sujets de droit
international chargés de manière permanente ou temporaire des
relations extérieures de ces sujets.
L'importance de ces différents organes chargés des
relations extérieures dans le droit diplomatique contemporain
apparattra mieux à la suite d 1 un court historique montrant l'é-
volution de la diplomatie à travers les siècles.
II -
EV'OLtrl'!'ON DELA DIPLOMATIE
§
-1 -
La dipl'omat'ie' dans "le' 'monde

L'histoire de la diplomatie se divise en deux grandes
périodes: de l'Antiquité au 15e siècle, période à laquelle se
situe l'origine des missions dip~omatiques permanentes et celle
qui va du 15e siècle à nos jours~
Al LA VIPLOMATIE TRAVITIONNELLE
nVE L'ANTIQUZ'TE AU
$
,
I5e. SIECLE".
Bien des siècles: de l'Antiquité au 15e si2cle for-
ment une seule période du point de vue de l'histoire diplomati"
que par l'existence d'une caractéristique commune:
".ta. d..i..p.to-
mat..i..e. ..i..~né~a.nte".
On envoie des ambassadeurs lorsqu'il y a une
question précise à résoudre: déclaration de guerre, conclusion
des traités de paix, d'alliance, accords de commerce, etc. Cette
diplomatie ne suit pas de règles fixes.
Elle n'est pas organisée,
mais elle existe. Les Egyptiens, les Assyriens, les Juifs, les
Perses échangent des négociateurs. Cependant, c'est chez les
Grecs et les Romains que pour la première fois les relations
diplomatiques revêtent une certaine stabilité de forme. Rome y
parvient davantage. Mais on ne peut guère parler de diplomatie
organisée.

-
34 -
A l'époque, la diplomatie est entourée d'une auréole
de sacré.
La mission du diplomate, source d'honneurs et de res-
ponsabilités, est placée sous la protection des dieux
: Itin~­
ftant~ ~t ~no~gan~~ée, cette diplomatie a comme troisième carac-
téristique d'être lLmit{e g~oghaphLqu~ment. C'est-à-dire que
les relations entre pays se font dans un espace limité et de
temps à autre étant donné les moyens de co~unication de l'épo-
qU€~
Au Moyen âge, l'Eglise Catholique maintient la tradi-
tion de l'envoi de missions diplomatiques temporaires.
Ce sont
les ancêtres des Nonces.
On les appelait à l'époque "a.pOC.ItL6a.~­
It~~ ou ~e~pon~able~ll.
Les rapports demeurent sporadiques. La
diplomatie n'a toujours pas de règles fixes.
Et puis le monde s'ouvr":':: et s'incorrunensuralise. Les
grandes découvertes, la Renaissance provoquent en Europe tout
un mouvement d'interpénétration des peuples et par là un essor
remarquable de la diplomatie.
Un changement radical se produit dans la diplomatie.
D'itinérante, elle devient permanente.
On peut situer l'appa-
rition de ce phénomène dans le temps, vers le 1Se siècle dans
sa première moitié, et, dans l'espace, en Italie, et en occu-
rence à Venise, ville qui connait un commerce de plus en plus
florissant avec l'Orient depuis les Croisades.
Ainsi, à cette époque, la diplomatie est pratiquée
comme art et enseignée comme science. Elle prend des caracté-
ristiques stables qui durent jusqu'à nos jours. Et par voie de
conséquence, le droit diplomatique prend un aspect plus com-
plexe et plus précis.
Il devient un véritable droit, c'est-à-
dire un ensemble de normes obligatoires pour les Etats,
fondés
sur une coutume que les Etats sentent le devoir de respecter.
Cette évolution a lieu sous l'influence d'une doctrine inter-
nationale copieuse qui pose et développe les différents problè-
mes juridiques qui ont trait aux missions diplomatiques au
Congrès de Vienne de 1815.

-
3S -
A partir de cette date, les diplomates sont désormais
les représentants d'un Etat. Ils sont fonctionnaires et font dé-
sormais partie de l'AdministI'ation d'un Etat. La diplomatie est
l'oeuvre exclusive des diplomates qui jouissent dans leur fonc-
tion~ d'une grande indépendance à cause du caractère restreint
de la Société internationale d'alors, et surtout de la lenteur
des moyens de communication, entra1na.nt un contrôle extrÊmement
limité du Gouvernement sur le cl1ef de mission. Faut-il ajouter
que cette diplomatie porte la marque du secret.
Le monde diplo-
matique est un monde ésotérique o~ les privilèges de l'initia-
tion ~ la carrière diplomatique sont réservés ~ une élite fer-
mée : la diplomatie traditionnelle alliait la solennité des
manières, un respect scrupuleux des rites protocolaires, la
modération des formules et l'elrrploi d'un langage assez spécial
qui affectionnait la périphrase et l'euphémisme. C'est cet uni-
vers clos que la guerre de 191 Lf va modifier en affectant inexo-
rablement -
comme le dit Pambou Tchivounda(1J- les habit~des du
"milieu" diplomatique.
B)
LA NOUVELLE VIPLOMATIE
Elle appara1t quand la diplomatie t~aditio~nelle con-
naît une relative ,une relative décadence et en même temps elle
s'enracine ~ côté d'elle.
1.
-
Décadence de la diplomatie traditionnelle
Essayons de voir d'abord les raisons de cette décaden-
ce et par la suite en quoi elle se manifeste.
Les causes de cet-
te décadence relative peuvent se rechercher dans les faits
suivants :
( 1 )
Gu..-iUaume. Pambou Tc.hivoWlda
,ùt La c.on6éJr.e.nc.e. au .6ommu
p. 35.
p
p
Ublr..a)Jr.).e. gênéM1.e. de. dJc.oU e;t de juJt.éAyYlude.nc.e
PaJt.U"
1980.
p

-
36 -
1 e ) Avant tout on constate que la diplomatie qui,
jusqu'~ la première guerre) §tait le fait de quelques person-
nes et se déroulait dans le secret des cabinets des ministres,
est devenue une "diplomatie ouverte".
Cette révolution s'est
faite sous les auspices de Wi130n(1)qui estimait que la diplo-
matie devait procéder franchement et publiquement et que les
peuples ne sauraient être trait§s comme de simples objets.
Ce mouvement eut une première conséquence qui fut la
publication et l'enregistrement de tous les traités. Du coup
la diplomatie a été portée sur la place publique. Le peuple et
ses représentants au Parlement ont leur mot à dire. Conséquen-
ce ? La politique étrangère engage davantage la vie d1un gou-
vernement sous l'oeil vigilant de l'opinion publique.
2°) En effet, l'importance de l'opinion publique dans
(2
la conduite d'une politique extérieure est double
).
Les gou-
vernements en tiennent compte sur le plan national
: opinion
publique interne de leur pays et sur le plan international
:
opinion publique étrangère.
Cette importance de l'opinion est
un phénomène récent depuis le début du 20e siècle.
Les facteurs
favorisant sont
f
l'élevation du niveau de vie des masses,
accompagnée d'une amélioration du niveau de l'instruction et la
démonstration de la vie politique.
( 1J
La. cUpR.omo.tie. ouveJtte z:tMt un deu ?4 point.6 de Wiliol1
encolle. qu'il..
p
en:tel1dail pail. eU..pJ!.oma.:t-ie. d.avantage l~ 1l~.-6u1.:ta;t du n(i.goci.a.:t<..on1J :
c.' u:t-à-CÜAe .eu tJtO.Â.:tû QuA.., e.ux, devaient we. pubU~.6p pJ!..u:œ:t que.
tu ~tégocia;üorM eLeM-mêmu. En e66et .ea ptupo.Jtt d<v.> l1~goc.i.a.:ti.On6
de VeMiULtu .6eJLon:t .6ecJtèteô. CUé. pail. Philippe Ca.h.i..eJL. 1/ Le PILOU
eU..p.eoma;Uque c.ontempolllU.n" PaJr....L6 Se, 1962.
(2)
SUIt c.e..tte qu.u:tA..on c.o. J. B. VUltC'M'.J.i.e., "J!..'opùu.on publi..que. et.fu
poW.J.qu.e. étJta.ng1'Ae.". Lu a.66ahz.u é:tltangèJte.6. PaJli..6 1959, p. 213,
234. c.Uê pM PW-ippe Cah.i..eJL, .i11 .id.

-
37 -
3°) Mais le rôle du diplomate a été diminué aussi à
cause du développement des moyens de communication et de trans-
port. Le diplomate demande des instructions pour les plus petits
détails
: un télégramme, une co~~unication téléphonique et la
réponse du gouvernement arrive
en quelques heures ou quelques
minutes.
L'on comprend ainsi que l'autonomie du diplomate qui
était auparavant un de ses atouts tend à se restreindre.
C'est
là encore une des conséquences de cette vérité désormais banale
que le monde est devenu plus petit.
4') L'affaiblissement du rôle du diplomate provient
aussi de ce que, alors que la diplomatie traditionnelle pour-
suivait des buts essentiellement politiques et tactiques~ la
diplomatie moderne poursuit une multitude d'autres buts, notam-
ment économiques. Deux raisons essentielles à ce nouvel état de
choses. Premièrement, on constate que les problèmes mondiaux
ont pris une complexité de plus en plus grande.
Conséque~ce du
rapétissement du monde
: les rapports entre Etats se sont multi-
pliés et il existe une interpénétration très grande des affai-
res mondiales.
La multiplication des découvertes, le développement
des sciences ont rendu plus nécessaire une division du travail,
une spécialisation assez poussée, un seul homme ne pouvant plus
suffire à toutes les tâches. Deuxièmement, la lutte politique
devient moins une lutte entre nations qu'une lutte entre idéo-
logies. De cela ceci: la rivalité entre les blocs, qu'elle
prenne la forme de guerre froide ou de compétition pacifique,
est totale et se développe dans tous les domaines
: économiques,
l1
commerciaux, culturels, proprement techniques
).
(1)
Que. f'ort. ~ort.ge pal!. ex. a fa tUvaLU-é. en.tJte.f.u Eta-t6-Urvi.h d'AmM.-ique.
U .f.' Union Jovi~:ti..que daYL6 te. domcUne MtJtona.u.:ti..que qtU n'ut qu'urt.
du Mpe.cn de J?n. gltande. tUvaLU~ du b.f.oc. E~t-Ouu:t.

-
38 -
Ainsi toutes choses égales d'ailleurs, les effectifs
des missions diplomatiques tendent d'une part à s'accroître dé-
mesurément du fait du grand nombre de techniciens qui y sont
agrégés, dtautre part une grande partie de la diplomatie se
fait à travers des réunions de techniciens ou au sein dtorgani-
sations internationales plus ou moins spécialisées.
5°) Depuis la seconde guerre mondiale de grands blocs
à l'échelle continentale voient le jour. Ce sont les blocs des
Etats à idéologie occidentale et à idéologie socialiste ou com-
muniste auxquels s'est ajouté le bloc des Etats neutr.::.llistes ou
non engagés.
Par là la marge de .liberté d'action des Etats qui
appartiennent à ces blocs est extrêmement restreinte, la poli-
tique d'une nation tend à être remplacée par la politique du
bloc auquel elle appartient. Dans ces conditions i l est diffi-
cile pour des diplomates de jouer un rôle de premier plan, les
grandes décisions se prenant soit au sein de l'Etat qui dirige
le bloc soit au sein d'une procédure de consultation entre les
chefs des Etats de ce bloc(lJ.
6°) L'apparition de l'opinion publique, la diplomatie
ouverte~ l'existence de blocs de nations ont une conséquence
très importante, à savoir que la diplomatie se fait non seule-
ment entre gouvernements mais aussi à travers les peuples. La
méthode a été inaugurée par l'Union Soviétique qui, dès la Ré-
volution accomplie, s'est adressée directement aux peuples en
guerre, par-dessus la tête des gouvernements, pour les inviter
à se révolter contre leurs reg1mes. Cette attitude a fait des
recettes. Elle a été suivie partout
: Citons comme exemples ré--
cents les activités de la radio Conakry (la GuinÉe de Sékou
Touré) invitant les peuples africains à renverser les régimes
réactionnaires,
les activités de la radio de certains Etats
arabes invitant les peuples arabes à renverser leurs souve-
rains, les attaques de la Voix de l'Amérique à l'égard des gou-
vernements des pays de l'Etat.
11)
c.6. L B. Pe.aMon, ap. cU., p. 25 e;t 55. "SUIt J!.a. d..i.pR.oma:tie. au .6un
du b-f.oC6.

-
39 -
Le résultat est que les gouvernements, en essayant
d'atteindre les masses populaires, ont tendance pour se faire
comprendre à simplifier les problèmes au lieu d'en montrer la
complexité. Ils ont tendance à se livrer à la propagande et à
la démagogie. Conséquence? Il Y a un changement dans les
moeurs diplomatiques: violence de langage, grossièreté m~me,
brutalité dans les négociations. Ces négociations sont d'ail-
leurs souvent commencées par les Etats moins dans le but d'a-
boutir ou d'arriver à un résultat qu'en vue d'impressionner
les peuples et de les rallier à leur propre point de vue. Com-
me on le voit, dans des manoeuvres semblables, la diplomatie
traditionnelle n'a plus sa place.
7°) Le développement des organisations internationa-
les. Ce phénomène lié à l'apparition de la diplomatie techni-
que est aussi une cause de la décadence de la diplomatie tra-
ditionnelle. Nous ne faisons que mentionner ce facteur car
nous allons le retrouver en traitant de la diplomatie nouvelle.
Aucun des facteurs énumérés ci-dessus -
i l faut le
dire - n'aura été décisif lui-m~me. Non seulement ils ont tous
concouru au résultat dont nous parlons, malS encore i l y a
entre eux les interpénétrations
: un facteur ayant des réper-
cussions sur les autres et vice versa.
En quoi se manifeste la décadence de la diplomatie
traditionnelle?
Pour les raisons sus-mentionnées, l'on constate que:
a) le diplomate jouit d'une autonomie très restrein-
te.
b) le diplomate est supplanté pour toutes les ques-
tions importantes par des politiciens
: chef
d'Etat, Premier Ministre ou Ministres des Affai-
res Etrangères.

-
40 -
c) la diplomatie se fait beaucoup aujourd'hui dans
le domaine technique et, dans ce domaine, ce sont
les techniciens qui la font et non plus les diplo-
mates.
Cette nouvelle diplomatie rev@t essentiellement deux
formes
: celle qui se fait à travers les organisations interna-
tionales et celle qui se fait à travers des réunions d'hommes
politiques responsables:
chefs d'Etat, ministres •.• etc.
a)
La diplomatie à travers
les organisations
internationales
Les organisations internationales sont nées au début
du siècle dernier. Elles se sont multipliées sous la pression
de différentes causes: politiques, économiques, sociales.
Assez simple dans leur structure à l'origine, elles sont deve-
nues de plus en plus complexes et leur rôle dans la vie inter-
nationale de plus en plus important. Le véritable tournant~ du
point de vue diplomatique, se situe avec la création de la SDN.
A la suite des horreurs de la première guerre mondia-"
le, les gouvernements de l'époque ont cru que la défense de la
paix pouvait @tre mieux assurée par une grande organisation
politique générale. Les résultats de la SDN n'ont pas été - on
le sait -
ceux e8comptés.
La plus grande partie de la diploma-
tie a continué à se faire en dehors de cette enceinte. Néan-
moins, cette organisation a joué un r81e, notamment pour le
règlement de conflits mineurs et les Etats ont da tenir compte
de son existence.
La SDN est morte avec l'avènement de la seconde guer-
re mondiale. Elle est remplacée par l'organisation des Nations
Unies. Pour différentes raisons qu'il n'y a pas lieu d'analyser
ici, cette organisation a été souvent paralysée dans son action.

-
41 -
Disons cependant qu'une grande partie de la politique actuelle
se fait à travers elle, car elle sert de forum aux petites na-
tions, forum où elles peuvent développer leurs points de vue,
faire entendre leurs voix et jouer un rôle dans la politique
internationale. Ce rôle sera d'autant plus grand que les deux
blocs rivaux essayent de les ranger de leur propre côté. Cela
explique que même les grandes puissances ti~nnent compte des
débats de l'O.N.U. et évitent soigneusement d'être mis en mi-
norité. L'importance de l'Organisation des Nations Unies est
telle que tout nouvel Etat qui accède à l'indépendance désire
y ât~e admis comme si cette admission était la preuve de sa
souveraineté retrouvée. Elle est l'incarnation vivante de la
diplomatie multilatérAle, car c'est là que les représentants
de si nombreux Etats se trouvent en contact fréquent, presque
quotidien.
Par sa fonction délibérative dans l'ordre interna-
tional, elle a eu pour premier résultat d'institutionnaliser
la diplomatie multilatérale, ce qui a bouleversé le jeu diplo-
matique mondial.
Ce ~eu s'est trouvé encore plus profondément
affecté, par l'exposition des délibérations des Nations Unies
à la plus large publicité, en les portant sur ce qu'il est
convenu d'appeler le forum diplomatique. Ainsi donc, la fonc-
tion délibérative dans l'ordre international est polyvalente.
Elle constitue une réflexion collective, un préalable à une
décision qu'elle prépare. Mais elle est aussi le cadre de la
diplomatie multilatérale. Voyons, dans les lignes qui suivent
ses rapports avec cette derniÈre.
La "diplomatie multilatérale fl prend de plus en plus
place dans les relations internationales contemporaines, grâce
précisément à la multiplication des organisations internationa-
les -
et des conférences internationales - puisqu'elle est
liée, de la façon la plus étroite, aux délibérations des orga-
nes intergouvernemen~aux.

-
42 -
20 )
La" "dip"lo"rpatie" rriuTtiTa:t"érale
Comme son nom l'indique, la diplomatie multilatérale
se caractérise d'abord par le nombre de ses participants. A
premi~re vue, la différence entre des négociations ~ deux et
des négociations à trois, quatre ou plusieurs n'est pas très
apparente; pourtant, le nombre des intérêts à concilier et
des combinaisons du jeu des forces se multiplie tr~s vite d~s
que celui des acteurs augmente, ce qui fait de la diplomatie
multilatérale un exercice tr~s différent de la diplomatie bi-
latérale.
Certes, dans une confrontation entre deux Etats, i l
est fréquent que chacun des partenaires recherche des appuis
extérieu~ et s'efforce d'amener des tiers à faire pression
sur son antagoniste, mais i l s'agit précisément d 1 éléments ex-
térieurs, dont 11 ac tion est plus ou moins indirecte, si elle
n'est pas acceptée par les deux parties, et qui n'entre jamais
compl~tement dans le dialogue diplomatique. Dans la diplomatie
multilatérale, au contraire, la partie se joue d'emblée à plu-
sieurs, ce qui entraîne la confrontation de th~ses multiples.
D'où l'extrême variété de compromis, la formation etlla des-
truction de coalitions souvent hétérog~nes ou variant suivant
les points considérés, des pressions et contre-pressions qui
changent
rapidement la configuration du rapport des forces.
La diplomatie est l'art de la négociation, mais elle
ne se réduit pas qu'à cela, comme on a trop souvent tendance
à le penser, même si elle doit normalement y conduire. On
pourrait dire, en citant Michel Virally(1)
qui paraphrase une
formule cél~bre, que "la diplomatie est la continuation de la
(11
e6. M. V-iJc.a.Uy, -tn L'oJtga"",wa.Uon mond..<.a.e.e., p. 163. CoUe.cUon U,
Atunand CoUn, Pevr...L6 1912.

-
43 -
guerre par d'autre moyens.
Le but poursuivi par chacun de ceux
qui participent au Jeu diplomatique est, comme dans la guerre,
d'assurer la sauvegarde des intérêts nationaux dont i l est res-
ponsable et de parvenir à la réalisation des objectifs qu'il
s'est fixé.
Indépendamment des a.rguments èont on peut disposer
pour convaincre amis et adversaires, il est extrêmement impor-
tant de s'assurer une position de négociation avantageuse et
de réunir le plus d'appuis possibles, afin de renforcer sa main
et d'isoler l'adversaire.
Il y a une tactique et une stratégie
diplomatiques, comme i l existe une tactique et une stratégie
militaires",
Ainsi donc, l'institutionnalisation de la diplomatie
multilatérale au niveau mondial, telle qu'elle a été réalisée
par les Nations Unias, modifie substantiellement la configura-
tion du champ des froces diplomatiques.
Les Etats, quels que
soient leur orientation, leurs intérêts et leur idéologie, se
trouvent intégrés dans le même jeu diplomatique.
Avec ses nombreux représentants, délibérant en publie,
et se prononçant par voie de scrutin, l'Assemblée générale
(A.G.) évoque irrésistiblement le spectacle d'un parlement. Et
du coup on parle de la diplomatie parlementaire. Conséquence de
~e phénomène de parlementarisation ? Le débat d'une part, prend
une grande place dans ce jeu puisque c'est la délibération qUl
prépare le vote, où se gagnent et se perdent les batailles de
la diplomatie multilatérale. D'autre part, les débats publics
perdent beaucoup en efficacité. ; c'est finalement Ifdans les
couloirs" que se fait l'essentiel du travail.
Le jeu diploma-
tique exige alors une concertation et des négociations qui
prennent place dans le cadre de réunions de groupes. Nous en
parlerons dans la deuxième partie de l'ouvrage.
L'Organisation des Nations Unies est l'organe inter-
national politique 1e plus important mais il n'est pas le seul.
Il fait ~~n ménage avec les institutions spécialisées où se
débattent aussi dans une certaine mesure des questions politi-
ques. Que l'on songe par exemple aux discussions qui ont eu

-
44 -
lieu à L'UNESCO ou à l'Agence Atomique au sujet de l'admission
de la Chine populaire, ou à certains d6bats au sujet de la li-
berté syndicale ou du travail forcé au sein de l'O.I.T.
Ces Institutions spécialisées et nombre d'autres
organisations internationales sont surtout importantes pour
leur oeuvre technique. A travers elles se développe ce que nous
avons appelé la diplomatie technique.
Les organes de ces orga~
nisations sont des points de rencontre des délégués de diffé-
Etats. Ces délégués ne sont plus des diplomates mais des techni-
ciens appartenant aux différentes administrations étatiques
spécialisées
: techniciens de .. 1a sécurité sociale ou de la sé-
curité du travail pour l'O.I.T, spécialistes agricoles pour
l'O.A.A., économistes pour le G.A.T.T. ou l'O.C.D.E. Ces réu-
nions sont encore des formes de diplomatie puisque les déci-
sions ourecommandaticns de ces organisations ont des répercu-
tions dans l'ordre juridique interne des Etats et qu'il s'agit
donc pour ces derniers de les influencer au mieux de leurs
intér~ts.
C'est ici le lieu de noter que ces organisations
internationales ont contribué par un véritable effet de reper-
cussion à créer de nouvelles missions diplomatiques.
Ce sont
les délégations permanentes des Etats, accréditées, non plus
coœ~e c'était le cas dans la diplomatie traditionnelle auprès
d'un Etat, mais auprès des organisations internationales ou
encore, mais plus rarement,
les lnissions diplomatiques des or-
ganisations internationales accréditées auprès des Etats.
Au sein de ces organisations, particulièrement des
organisations politiques, le caractère de .1a diplomatie tend
à se transformer.
Les Etats ont moins le souci de négocier
que celui de se livrer à des grands débats qUl n'aboutissent
pas toujours à des décisions communes mais qui permettent aux
gouvernements de manifester leurs points de vue.

-
45 -
b) La diplomatie à travers les rencontres
de chefs d'Etat ou de Ministres
Cette nouvelle forme de diplomatie découle des élé-
ments que nous avons développés en analysant les causes de .. la
décadence de la diplomatie traditionnelle: rivalité des blocs,
développement des opinions publiques, des moyens rapides de
communication, importance accrue des puissances secondaires. On
peut y ajouter aussi cette idée américaine d'apr~s laquelle les
contacts humains entre les responsables de la politique inter-
nationale devraient avoir pour conséquence de créer une atmos-
ph~re propice à une meilleure compréhension, à une certaine
collaboration internationale.
Tous ces facteurs ont contribué et contribuent à ce
que IV on peut appeler "la d~p{omat~~ ~t~n~~ant~". Elle se mani-
feste par des voyages tous azimuts de chefs d'Etat comme, par
exemple, ceux du Président Nixon en Chine, de Brejev aux"Etats-
Unis dVAmérique,en France, de giscard en Afrique, ainsi que par
un grand nombre accru de conférences, citons au hasard: la
Conférence au scro~et des neuf à Paris en Octobre 1973, celle de
l'Europe à Helsinki en Août 1978, les Conférences des pays
de l'OPEP quasiman~
tous les mois.
Ces conférences répétées et ces voyages multiples ne
manquent pas d'inconvénients: danger de kidnapping, coût éle-
vé des réunions, mauvaise compréhension. En outre, par leur
c8té spectaculaire ils favorisent la propagande. Etant fré-
quents, ils sont souvent précédés de préparatifs insuffisants
qui ont pour conséquence des échecs répétés qui non seulement
déçoivent les espoirs que les peuples avaient mis en eux, mais
contribuent en plus à augmenter la tension internationale.
Les hommes d'Etat semblent par moment avoir oublié
que la diplomatie s'exprime à travers des négociations délica-
tes qui exigent du temps, du doigté, de la pa~ience. En ce
sens, si on se souvient de la distinction que nous avons faite
entre politique étrangère et diplomatie, il apparatt que le

-
46 -
monde contemporain tend à confondre ces deux notions au profit
des hommes politiques alors que le domaine de ces derniers de-
vrait être cantonné au choix des grandes lignes avec les autres
Etats et non à leur mise en oeuvre.
Notons néanmoins que la diplomatie traditionnelle
garde sa place et son rOle dans la diplomatie actuelle est
toujours important.
§
2 -
"La di-p'l6rria-tie -da"ns-l 'Afrique 'pré-c'o"1on-iale
IiL
d'
l '
.
'11
1
d
(11
a
~p
omatle est Vlel
e
comme
e mon e
(De Mauld~)
Après examen de l'historique de la diplomatie dans
le monde et particulièrement en Europe, nous constatons très
rapidement en accord avec Redslob(21 que la diplomatie est
aussi ancienne que les peuples eux-mêmes. Ainsi, en nous réfé-
rant à l'histoire documentaire(3), nous voyons les peuplades
primitives de la Chine échanger des représentants diplomati-
ques suivant des règles de préséance et un cérémonial mini-
tieusement établis.
De m~me, l'Afrique précoloniale des plus lointaine,
se vit dans l'obligation de l'adopter. Cela vient de ce que
cette institution correspondait à ce besoin essentiel des
différentes co~munautés humaines étrangères les unes aux
(1)
Ve. Ma.uld~. "La V-i.p,eoma..V..e.. au. temp-6 de.. Mac.hivrJ!.". Pa.Jt.i1, p 1892, vol. J, 1.
12)
Re..d-6.f.ob. H..L6:t.o.ur.e.. du gltand6 plÛnc.i.pu du. MOU du ge.n6. PalliA 7933.
( 3)
C..Jr.a.hom S:tua.Jt..:t. ., Le.. VltoU e..:t la. ptr.a:Üque.. d-i.plomeLtiqu.u e;t c.on6uf.tuJr..u".
Re..c.ueil. du C.OuJt6 de. l t Ac.adémi..e.. de. Vltoli l n.:teJlna.:ti..ona--e. de.. .ea. f-faye..,
1934, + JI, p. 464 et -6u-tv. CUé. pM AlbMt A. Foltgue.. -Ln "E-6-6tU. -6U1t
la. rUpf.oma.:ti.e_ nouve1.le", Po.Jr...Lô, 1950.

- 47 -
/autres qui est de régler leurs rapports. Sans doute, l'attitude
Ides peuples africains dits "sauvages Il envers les étrangers et
même envers les membres des tribus voisines est souvent emprein-
Ite de méfiance et d'hostilité.
Dès les stades plus primitifs de
l'Afrique et davantage de l'humanité, apparaissent certains
complexes d'intérêts réciproques qui présupposent un contact et
une collaboration entre les individus et les sociétés. Nous
rejoignons ici Numelin(l).
Dès que deux tribus se trouvaient en présence, il
était évident que, dans la mesure où elles n'entraient pas en
conflit immédiatement, il allait se poser des problèmes de co-
habitation qui pouvaient aller du vol d'un bien de la part d'un
membre d'une des deux communautés à des problèmes plus com-
plexes tels que, par exemple, le partage de l'eau d'une source
ou l'alliance des deux communautés contre une troisième.
Les émissaires (appelés Ngenj au Zaire dans l'empire
Lunda) qu'ils échangeaient pour régler de telles questions
étaient les ancêtres des diplomates actuels. La diplomatie est
née (faut-il le souligner) lorsque pour la première fois un
chef de tribu a envoyé auprès d'un autre chef un émissaire
dans le but de régler une question ou lorsque deux chefs de
tribus différentes se sont rencontrés pour discuter "pacifique-
ment" de problèmes communs.
On objectera sans doute que ces tribus ne consti-
tuaient pas des Etats et qu'en conséquence il ne pouvait s'agir
de diplomatie telle que l'entend l'européen. Nous ne pensons
pas quant à nous que l'objection soit pertinente. En effet, il
y avait diplomatie car il y avait des négociations pacifiques
entre deux groupes. Et puis, les deux tribus, dans cette socié-
té primitive, pouvaient être considérées en un certain sens

-
48 -
comme les sujets du droit des gens de l'époque. Il s'agit de
la diplomatie au sens large. Comme on le voit, De Mau1dé a eu
raison d'écrire que .•.
"La diplomatie est vieille comme le
monde" .
A - ~'AFRIQUE SAUVAGE FACE A LA CIVILISATION OCCIDENTALE
ECHEC DE LA DIPLOMATIE EUROPEENNE
L'Histoire des débuts de la colonisation de l'Afri-
que, nous montre l'existence d'une trame des négociations di-
plomatiques entre diversité de royaumes certes féodaux et les
Etats européens ou associations internationales. Ces derniers,
venus certes, au nom de la Civilisation chrétienne, ne man-
quaient pas d'objectifs mercantiles pour renf1uer leurs affai-
res. C'est ce qui explique, sinGn totalement, du moins en par-
tie nous semb1e-t-i1, le traité de Berlin de 1885, qui
prévoyait les conditions du dépeçage de l'Afrique par les
puissances coloniales.
Nous nous arrêterons longtemps sur la braderie de
l'Afrique en ce qui concerne l'OoU.A.
Pour l'heure, nous disons
un mot sur les premiers épisodes de la pénétration européenne
au Congo, notre pays.
Mais, dès lors qu'il s'agit d'histoire, regardons de
plus près notre pays à l'orée de l'époque coloniale. Qu'était-
il auparavant? Non un puzzle de tribus qui s'entre-tuaient et
parfois s'entredévoraient comme le dit Jacques Lantier(l) dans
son livre "Le temps des mercenai!"es", mais des royaumes en
tout cas organisés dont les chefs accréditaient ou non les am-
bassadeurs des Etats européens.
( 1)
Jac.qUeA La.nt..i.eJt
"1.e.te.mp.6 deô meJtc.e.na»t.eô"1 MaJta.bold. PaIU6. 1961.
p. 41.

-
49 -
Ca et là on négociait. Les bonnes négociations abou-
tissaient aux rapports corrects et favorisaient ainsi la péné-
tration européenne. Mais, par contre, ceux des diplomates, en-
tendez les hommes envoyés en mission spéciale, qui venaient
pleins de préjugés sur les nègres sauvages et anthropophages
(le mot n'est pas africain) ~ civiliser coOte que coOte, se
buttaient ~ des fins de non recevoir. Ils étaient en termes
diplomatiques, des "personna~ non gratae", c'est-à-dire indé-
sirables.
Conséquence de ces rapports tendus, les guerres colo-
niales et imposition du joug Col~niaJ. avec ce que cela entraîne:
la haine raciale de part et d'autre et donc l'échec de la diplo-
matie européenne.
Plus concrètement, nous évoquerons le cas du Roi
Msiri et de son royaume au Katanga. Nous dirons d'un trait que
le caractéristique de la diplomatie de ce temps est qu'elle
était dyna~~ique. Elle était le fait du Roi et des notables de
la Cour. C'était aussi une diplomatie de ruse. Nous admettons
volontiers que le mensonge est stupide, complique et retarde
inutilement les affaires. En tout, même en politique, le plus
pratique, c'est la vérité. Mais ce monde qui traitait, était
le monde des fourberies, et c'est pourquoi la diplomatie aussi
était fourbe.
B -
MSIR! ET SON ROYAUME
Un personnage féroce autant que pitoresque apparut
aux émissaires des conquérants européens. Il s'appelait Msiri.
Son cas n'est pas seulement intéressant; il est important,
car l'homme fut le fondateur d'un royaume dont l'existence lé-
gitima la politique sécessionniste du Katanga et provoqua la
série d'aventures qui conduisit à l'actualité la plus récente.
Msiri appartenait au Clên des Galaganze, rattaché à
l'ethnie des Nyamwezi dont l'établissement se trouve ente le

-
50 -
lac Victoria et le lac Tanganyika. Il naquit vers 1830, dans
une famille ~'noble". Son père était l'un des principaux trafi-
quants de la région: cuivre, sel, ivoire. Tout lui était bon,
mais sa plus grande source de revenus provenait de la traite
"des esclaves '1 ( 1 ). Il était, en particulier, un gros fournis-
seur de filles pour les négriers arabes de Zanzibar.
Dès son adolescence, Msiri accompagna les Caravanes
Spécialisées dans le rapt des femmes. Il se réservait les plus
jolies qu'il honorait en accomplissant ~es prouesses demeurées
légendaires, mais sans aucun doute fort exagérées. Vers sa ving-
tième année, Msiri tomba amoureux d'une jeune fille noble de son
clan, nommée Kapapa, qu'il enleva dans des conditions qui le mi-
rent au ban de sa tribu. Il quitta aussitôt le pays, à la tête
d'une caravane que lui confia son père, caravane qui comptait
environ cinquante guerriers dont une vingtaine étaient armées
de mousquets(2) qui donnaient à la petite troupe une supériori-
té incontestable sur les peuples visit.és.
Dans sa fuite, Msiri fut amené à se rendre au pays
(Empire) de Lunda, empire fortement hiérarchisé et dont le
Mwant Yav (Empereur) Kazemb, qui disposait lui aussi de mous-
quets et d'une multitude de guerriers, aurait pu détruire la
caravane.
Maie une épidémie de variole sévissait dans la reglon
et décimait le peuple Lunda. Le roi lui-même était atteint. Or
Msiri connaissait un secret que les Nyamwezi utilisaient contre
la variole, une sorte de vaccination qu'ils appelaient "Kuterna
lulindi", c'est-à-dire "inoculer la. protection". Kazemb, recon-
r11
Jacquu Lan..tieJL: "Le tem,u, du meILcen.a1Ae6", p. ·11.
(2)
Cu mOU6Que.t.6 plto venai.ent, .6ef.on toute vJuU6embfance, de. ZanwaIL.
Ce./'dai.n6 plté.te.nde.nt
qu' i.J'Â é.tLU.e.nt d' olLig.lne. polttugcUJ, e.. Wë pcvr..
Jacquu Lan..tieJt : "Le. :temp.6 du meJtcerta.hte.6", p. 18.

- 51 -
naissant, laissa la caravane traverser son royaume et fit ca-
deau à son sauveur de deux de ces filles. La plus jeune donna
à Msiri l'atné de ses fils, lequel devait plus tard régner
sous le nom de Mukanda~
La caravane arriva jusqu'aux territoires du roi
Katanga(l). Comme le souverain ne possédait que quelques mous-
quets, il offrit à Msiri de l'engager, avec ses guerriers, com-
me mercenaires. Le fugitif accepta, d'autant qu'il devint le
gendre du roi, celui-ci lui ayant donné en mariage l'une de ses
filles préférées. Msiri eut vite fait de transformer les condi-
tions économiques du pays car, sous le prétexte de défendre
Katanga contre ses ennemis, il réduisait de nombreuses ~ribus
voisines à l'état de vassales et se livra avec les arab'~ de la
cOte à un fructueux négoce d'esclaves. Msiri, tout en demeurant
le gendre de Katanga, devint aussi le gendre du chef arabe
Tippo Tip, le plus célèbre négrier de la cOte, qu'il fournis-
sait en esclaves. L' Arabe pour le récompenser, lui avait fait
cadeau, lui aussi, de sa fille préférée.
Profitant de ses alliances et de ses conquêtes, Msiri
ne limita pas ainsi ses exploits conjugaux. Il se constitua un
harem personnel qui compta jusqu'à mille deux cents femmes.
A la mort de Katanga, Msiri se trouva à la tête d'un
royaume où il exerçait un pouvoir absolu qu'il partageait avec
les "gouverneurs", gens de son clan qui le représentaient au.-
près des tribus conquises. Msiri était terrible. Ses exploits
sadiques sont d'autant plus difficiles à décrire qu'ils ont
peut-être été exagérés par les voyageurs et les missionnaires
qui les ont rapportés.
( 1)
C' u.t a.u. nom d.e. c.e. /t01.. que.. te. Ka.ta..nga. (Shaba.) cloU te. 1.>1..e.n.

-
52 -
C -
MSIRl, UN ROI FABULEUX
DIPLOMATIE ru PACTE DE SANG
Il est vral que l'armée de Msiri était tout à fait
singulière. Elle n'était, selon les contes des grands parents,
"ni v@tue~ ni payée, ni nourrie". Elle recevait des armes et
des munitions et n'avait pour obligation que de partager le
butin avec le roi et de lui apporter les crânes des ennemis
abattus. Msiri était, en effet, un collectionneur averti des
trophées macabres : les sentiers conduisant à son palais
étaient pavés d/ossements humains. Des colonnes du palais
étaient construites avec des crânes soudés les uns aux autres
par un mortier lié de sang humain. Le parc était entouré d'une
palissade faite d'un assemblage de pieux dont chaque élément
était surmonté d'une tête de mort boucanée sur de la braise.
La porte d'entrée extérieure était garnie d'organes sexuels
masculins.
Les premiers ambassadeurs Européens chargés d'appro-
cher Msiri furent deux Allemands, officiellement mandatés par
la société Afrikanische Gesellschaft{l/. Ils pénètrent en
Janvier 1884
au Katanga. L'un dIeux mourut des fièvres avant
d'arriver à Bunkeya, la capitale de Msiri. L'autre, un grand
barbu du nom de Reichard, qui prospectait surtout des mines
d'or, parvint jusqu'à la "cour" de 1'1siri où il fut reçu en
grande pompe. Le roi le cajola, lui donna plusieurs de ses
filles et célébra avec lui le 'lpacte de sang" qui scellait
entre eux une amitié perpétuelle. Voilà un exemple type de
négociation diplomatique bien réussie.
Hélas, ces rapports corrects ne durèrent que le
temps d'un éclair. Offre pour offre, serment pour serment,
le diplomate allemand montra son vrai ~isage de fourbe. Dé-
claré upek~ona non gkata~, c'est-~-dire indésirable, Msiri,
fidèle au Hpac.te de ~a.ng", le fit émasculer, lui coupa la bar-
be et enfin la tête. Celle-ci, fichée au bout d'un pieu, res-
ta plantée de longues années pr~s de la porte du palais. Les
organes sexuels de l'Allemand garnirent le bouclier d'un chef
( 1 /
Jac.qu.e~ Lantie,.k
idem. p. 49.

-
53 -
de guerre. Quant à la barbe du malheureux, le roi s'en fit
faire un ornement pour sa coiffure.
Comme on le voit, la fourberie, la duplicité des
relations ou plutÔt la diplomatie de
ruse est stupide, com-
plique et retarde inutilement les affaires.
L'Africain est resté authentique dans ses rapports
avec l'extérieur hier comme aujourd'hui. Il est franc et sin-
cère. Il se présente avec une branche verte, symbole de la
paix, en face d'un partenaire qui cache le révolver derrière
son dos. En tout, même en politique, "la V~Ili..:U_ va.ùtCIla." com-
-..
me l'a dit le Président Masaryk dans son ouvrage inTitulé:
"La Résurrection d'un Etat"r1 1•
Mais alors, faut-il plaindre Reichard ? Si l'on en
croit Ivens et Capello, officiers de la marine royale portu-
gaise qui pénétrèrent dans la région en 1885, eux aussi am-
bassadeurs chargés par leur gouvernement de chercher une pos-
sibilité de relier l'Angola au Mozambique, Reichard avait été
. engagé comme chef des mercenaires arabes de Msiri et s'était
montré, d'une sauvagerie auprès de laquelle celle des canni-
bales (sic) de la région semblait puérilité.
Ces Portugais disent :
"
Il en e~t quelque~-un~ qui ne Ile~rectent Ilien,
m~plli..~ent le~ int~ll~t~ de~ habi..tant~, i..njullient le~ indig~ne~,
~e mettent à ~'~nivlte!l et a.bu~ent de~ Néglle~~e~ ~an~ ~e ~ouciell
de ~avoi..1l ~i.., a.pll~~ leull pa.~~a.ge, un homme de ~cience le~ hui-
vila pOUIt fitud-f..ell e.t 6a.ùr.e conna.:ttlte la. bllou~~e. ju~qu'a.loll~ in-
connue et ne Ilencontllella., a.u lieu d'une. Ilécepti..on a.micale,
qu 1 une. attitude. ho-6t-i..le. qui compllome.ttlla ~ a. tâche et le 6eJta. hCÜ!t".
(7)
MMalLyk {T.l: "La RéllUlrJtec..ü.on d'un E:ta.t {1914-19181, p~ 1930,
p. 416 et ~ui..va.ntu. CUé pail AlbeJt.t A. FOllga.c in fll-6a.i.. lluJt fu cU-
ploma.ti..e nouvelle. p~, 1950.

- 54 -
Le vertueux Ivens sut conquérir les bonnes grâces de
Msiri et aussi celles des femmes du souverain, quarteronne por-
tugaise, nommée Maria de Fonseca. Msiri souhaitait, en réalité,
que Maria ait un enfant des oeuvres d'Ivens afin de pouvoir se
targuer d'être le père d'un "Blanc l1 • Mais comme il avait fait
torturer et décapiter son propre fils qui s'était rendu coupa-
ble d'entretenir une liaison avec l'une de ses fe~~es, Ivens,
à qui la présence de la barbe de Reichard sur le chef du roi
donnait matière à réflexion, fut un beau jour pris de panique
et s'enfuit le plus vite et le plus loin qu'il put. Il venait
d'apprendre que Msiri était au courant de sa li&ison avec
Maria de Fonseca.
v - ECHEC VE LA VIPLOMATIE : - CONQUETE VU CONCO PAR LES
BELGES ET LEURS MERCENAIRES
Les visiteurs européens qui succédèrent aux premiers
ambassadeurs (tous aventuriers) furent de placides missionnai-
res protestants anglais auxquels nous devons quelques-uns des
récits les plus pittoresques sur Msiri et son royaume.
Les premiers contacts politiques ne commencèrent
qu'en 1890 lorsque Alfred Sharpe, agent de Cecil
Rhodes, ten-
ta de conclure avec Msiri un traité au nom de la British South
Africa Company. Le roi Léopold II de Belgique ayant été informé
des tractations en cours se fonda sur les clauses du traité de
Berlin de 1885(1) pour envoyer en 1891, le commandant le Mari-
nel en mission auprès de Msiri. Ce dernier fit une réception
grandiose au commandant mais refusa tout accord. Léopold II
expédia al~rs un autre groupe de négociateurs, dirigés par
Alexandre Delcommune, qui n'eut plus de succès que ~e Marinel.
(1) : PaJL c.e. :tJLai;t~, -6.<.gn~ e.n;QLe. .ta. Flta.nc.e., R.' AngleteJrJLe., R.' Allema.gne et
Uopold nt i'AfiJr.-i.que. aval..:t été paJLta9~e. en zone.6 d'bt6R.ue.nceA.

-
55 -
Echec de la diplomatie européenne. Le roi des Belges
recruta une troupe de mercenaires commandée par un Anglais,
William Grant Stairs, ex-capitaine du Royal Engineers, aidé de
deux adjoints, un Français, de Bonchamps, et un Irlandais,
Malonay. Un seul officier belge, le capitaine Bodson, apparte-
nait à l'expédition.
Msiri se montra aussi intraitable devant Stairs qu'il
l'avait été avec les précédents négociateurs. Mais, comprenant
qu'il avait, cette fois, affaire à forte partie, il tenta de
fuir avec quelques guerriers. Bodson, chargé par Stairs de le
retrouver, se lança à sa poursuite, accompagné du Français de
Bonchamps et de quelques mercenaires. L'officier belge ayant
rejoint Msiri l'abattit à coups de révolver. Lui~même fut tué
par Masuka, l'un des fils du roi.
c'est après ces événements tragiques que le Katanga
fut incorporé à l'Etat indépendant du Congo. Ce fait sera ca-
pital pour la suite des évènements à l'accession du Congo à
l'indépendance, car c'est sur cette annexion que s'est appuyée
la légitimité du rattachement du Katanga au Congo <c'est-à-
dire au gouvernement central de Léopoldville).
La diplomatie a donc existé dans la nuit des temps
de ItAfrique ancestrale. Aujourd'hui après l'indépendance, com-
ment n'existera-t-elle pas au siècle de la civilisation inter-
planétaire où l'interpénétration comme l'interdépendance des
peuples augmente chaque jour
davantage ?
C'est vrai que la diplomatie existe au niveau de
chaque Etat. Mais, toute action africaine visant de toute maniè-
re) à affirmer sa personnalité face au reste du monde ne peut-
être conçue qu'à l'échelle du continent uni. ET; l'Organisation
de l'Unité Africaine répond à cette exigence. C'est à cette
seule condition que l'Afrique pourra, comme beaucoup d'Afri-
cains le souhaitent, avoir au plan des relations internationa-

-
56 -
les une position originale et des responsabilités propres sur
les grands problèmes de ce temps.
Ceci nous amène à parler, dans la première partie,
des origines historiques et du développement de l'idée d'unité
africaine •


- 57 -
P R
1 E (\\l'. F.
·n ART 1 E
1
,
ETUDE- -DE -L .o. tU.A ·COHME ·INSTRUMENT
Sot1MAIRE
Titre premier
Origines historiques et fondements
idéologiques du panafricanisme.
Ti tre deU"xième
Le dispositif institutionnel.

-
58 -
L'étude de l'Organisation de l'Unité Africaine,
comme organisation intergouvernementale ne peut être faite
sans connaître ses origines historiques et fondements idéo-
logiques (Titre premier). Après cet éclairage historique,
nous nous efforcerons d'étudier son dispositif institution-
nel et ce, dans le cadre comparé avec la ligue arabe tant
du point de vue de l'idéologie TI8ximaliste que minimaliste
(Titre deuxième).

-
59 ..
T 1 T RE· . P. .R E P; ·1· f. R.
081 G1 NES· HlSJQRIQU ES· El FOND"EME'NTS
..
·IDEQL.OG1QUES DUPANAERICANISME
SOMMAI:RE
Le panafricanisme extra-africain
Chapitre 2
Fondements idéologiques du panafrica-
nismE:.

-
60 -
Le mouvement panafricain se singularise à ses débuts
par son aspect racial.
La négritude. Alors que l'Asiatisme est
l'expression d'un mouvement de solidarité des nations coloni-
sées, alors que l'Arabisme est avec l'Islam un retour aux
sources de la civilisation arabo-islamique et rénovée,
l'Afri-
canisme est avant tout, à l'origine, une prise de conscience
raciale.

-
61 -
le H A P. 1· T .R E 1
LE ·PANAFRICANIS.ME ·EXTRA-AFRICAIN

- 62 -
Sylvester Williams, avocat de Trinidad, établi à
Londres fut le premier initiateur du mouvement. Il convoqua une
Conférence africaine dans la capitale britanique en 1900. La
Conférence fit appel aux traditions chrétiennes et abolition-
nistes des Anglais pour les encourager à protéger les peuples
d'Afrique contre les agressions et les pillages des bâtisseurs
d'empire3
blancs.
La Conférence, réu~issant une trentaine de délégués
venus surtout d'Angleterre et des Antilles, attira l'attention
des autorités britanniques et intI'oduisit pour la première fois
le terme "panafricanisme>.". Après la mort de Sylvester \\\\1illiams,
l'idée panafricaine restée en veilleuse, fut ranimée par le
Jamaicain Marcus Garvey et un intellectuel noir des Etats-Unis,
le Dr. du Bois après la première guerre mondiale.
Persuadé que le noir n'obtiendrait jamais l'égalité
dans une société de blancs, Garvey, dit démagogue et utopiste,
préconisait le retour de tous les noirs en Afrique afin d'y
constituer un Empire puissant et indépendant. Pour la mise en
oeuvre de son programme qu'il intitule BacR to Â6~ica Movement,
Garvey tente d'obtenir la collaboration de la République libé-
rienne du Président C.B.D. King. Celui-ci donne son accord de
principe et puis fait volte-face en 1924, hostile à la politi-
que démagogique de Garvey. Ainsi dispara!t le mouvement back to
A6~ica Moveme.nt.
La contribution du Dr. du Bois, par contre, est beau-
coup plus importante, puisque c'est lui qui est responsable,
dans une large mesure, de l'organisation des cinq Congrès pana-
fricains convoqués entre 1919 et 1945.
§1 - ' LE1e"r -CONGRES "PANAFRTCATN (PARIS, 1919)
Le Dr. du Bois convoqua ce Congrès pour présenter
une pétition aux Puissances alliées victorieuses, réunies à
Paris, pour qu'elles adoptent une Charte des Droits de l'Hom-
me destinée aux Africains.

-
63 -
Cinquante sept membres venus d'Afrique, des Caraibes
et des Etats-Unis réunis sous la présidence de Blaise Diagne,
député du Sénégal, ont adopté plusieurs résolutions importan-
tes tendant notamment à :
-
placer les anClennes colonies africaines de l'Alle-
magne sous contrôle international en attendant leur
accession à l'autonomie
.. garantir une protection internationale pour les in-
digènes d'Afrique;
- réserver aux Africains les terres d'Afrique
;
- réglémenter l'octroi des concessions en Afrique de
façon à empêcher l'exploitation des indigènes;
- accorder aux indigènes d'Afrique le droit de par-
ticiper au gouvernement de leur pays afin que,
"le temps venu", l'Afrique puisse être gouvernée
par le consentement des Africains.
§2 - L E Ile" CONGRES PANAFRICAIN
(Londres-Bruxelles-Paris, 1921)
Le 2e Congrès débuta à Londres le 28 AoUt 1921.
Quarante et un délégués venaient d'Afrique, trente-cinq des
Etats-Unis, vingt-quatre représentaient des noirs résidant en
Europe, et sept provenaient des Antilles. Ils étaient venus,
pour la plupart à titre individuel.
Le Congrès poursuivit ses
travaux à Bruxelles en septembre et ratifia les résolutions
adoptées à Londres. Une troisième et dernière réunion eut lieu
à Paris sous la présidence de M. Blaise Diagne.
A la séance de clôture, les délégués approuvèrent
une "déclaration au monde" rédigée par le Dr. du Bois, qui
déclarait l'égalité absolue des races et demandait notamment
le retour des noirs à leurs terres et leur défense
contre "la cupidité effrénée du capital investi"
;

-
64 -
-
la création, sous l'égide de la S.D.N., d'une ins-
titution internationale pour l'étude des problèmes
nègres
;
- la création d'une section du Bureau international
du Travail, chargée de protéger la main-d'oeuvre
indigène d'Afrique;
-
la participation d'un "homme d'ascendance nègre"
à la Commission des Mandats de la S.D.N. dès qu'une
place vacante se présenterait.
Quant à l'avenir, le manifeste envisageait, pour le
cas où l'égalité des citoyens noirs et blancs ne s'avèrerait
pa.s possible, "la naissance d'un grand Etat africain fondé
dans la paix et la bonne volonté".
§ 3 -
LE TITe' CONGRESPANAFRTCAIN
<Londres-Lisbonne, 1923)
Le 3e Congrès inaugure sa premlere réunion à Londres
pendant l'été de 1923 et bénéficie de la participation des so-
cialistes britanniques. Lord Olivier, le Président Harold
Laski, l'écrivain H. G. Wells figurent parmi les orateurs.
Les résolutions du 3e Congrès reprennent celle qu'ont
adoptées les deux premiers
:
- participation des indigènes aux gouvernements
établis en Afrique
;
- droit d'accéder à la propriété de la terre et de
ses ressources
;
- dénonciation du travail forcé et de l'esclavage;
- développement de l'Afrique pour le bien des Afri-
cains et pas uniquement au profit des Européens.

-
65 -
Le manifeste se termine ainsi
liEn conclusion, nous demandons au monde entier que
l'on traite les noirs en hommes. N~us ne voyons aucune autre
voie qui mène a la paix et au progrès".
Puis, faisant le procès du général Smuts, considéré
comme un des fondateurs de la S.D.N., le manifeste déclare:
"Quelle figure plus paradoxale se présente aujour-
d'hui au monde que le chef d'un grand Etat sud-africain s'ef-
forçant aveuglément à bâtir la paix et la bonne volonté en Eu-
rope en se tenant debout sur le cou et le coeur de millions
d'Africains noirs,,{ll.
La seconde partie du Congrès se tint à Lisbonne,
afin d'y discuter d'un probl~me spécifique : le travail forcé
pratiqué par le Portugal dans ses colonies africaines.
Ce Congrès qui s'est tenu à New York, devait être
le dernier de l'entre-deux-guerres.
La crise économique des années 30 eut une influence
décisive sur le mouvement panafricain, car la classe moyenne
noire des Etats-Unis, ruinée, n'était plus en mesure de finan-
cer le Ve Congrès, selon l'explication de Georges Padmore.
( 7J
c. 6. G. Pa.dmolte, .ln. Pa.n.a.6Jt-i.c.a.n.i..6me. ou c.ommuYL-i..6me., Pa.Jl.-i6 , PItM e.n.c.e.
A6Jt-i.c.a.-i.n.e, 7960, p. 150, cité danh le. Mouvement A6Ito-~~ue de.
Bo~o~ Boutno~ Ghatl, PUF, P~, 1969 p. 32.

-
66 -
§s
-
LE PANAFRTCANTS"ME MILITANT "ET 'LE Ve 'CONGRES DE
MANCHESTER
Ce Congrès de Manchester réuni en 1945 se distingue
pour plusieurs raisons, de ceux qui l'ont précédé.
D'abord, bien qu'il fat toujours présidé par le
Dr. du Bois, une nouvelle génération de militants africains en
prirent le contrôle effectif.
En outre, le Ve Congrès se caractérisa par une nette
évolution vers le socialisme marxiste.
Ces traits marquants se
traduisent dans les résolutions qui réclament
:
-
l'unité de l'Afrique occidentale;
" l'indépendance complète et absolue pour les peuples
de cette région ;
-
l'indépendance pour les autochtones de Tunisie,
d'Algérie, du Maroc et de la Libye;
- l'abolition du condominium anglo-égyptien sur le
Soudan et le respect du droit des soudanais à l'in-
dépendance complète.
ilLe Congrès exprima aussi l'espoir qu'avant longtemps
les peuples d'Asie et d'Afrique brisent les chaînes plusieurs
fois séculaires du colonialisme. Alors,
en nations libres, ils
se dresseraient dans l'unité pour consolider et sauvegarder
leurs libertés et .leur indépendance, à l'abri d'un rétablisse-
ment de .1 'impérialisme occidental aussi bien qu'à l'abri du
danger communiste,,(1).
(1)
G.
Padmo~e., op. c.Lt. p. 178.

-
67 -
Les travaux du Congrès se sont terminés sur un défi
lancé aux puissances coloniales, pour qu'elles honorent ie~
principes de la Charte de l'Atlantique
"Les délégués croient en la paix. Comment pourrait-
i l en être autrement, lorsque pendant des siècles les peuples
africains ont été les victimes de la violence et de l'escla-
vage, si le monde occidental est encore déterminé à gouverner
l'humanité par la force, alors les Africains pourraient être
obligés à faire appel à la force pour conquérir leur liberté,
liI1
même si la fcrce doit les détruire, et avec eux le monde
).
En conclusion, pour reprendre l'analyse de Padmore,
"le Ve Congrès panafricain ayant formulé pour chacune de prin-
cipales régions de l'Afrique .•. des programmes concrets sus-
ceptibles de recueillir le soutien du peuple, i l incombait
désormais aux nationalistes de donner un leadership positif
l ,
,
,
d ' ' ' ' ' '
1I{21
aux mouvements po ltlques nalssants
emanclpatlon •••

Ce fut le Dr. N'Krumah qui le premier réalisa, en
Côte d;O~
ces desseins. Ayant obtenu en 1958 l'indépendance
de son pays, i l s'efforça d'étendre sou action à l'Afrique tout
entière. Dès avril 1958, il convoquait la première Conférence
des Etats africains indépendants. Le panafricanisme déplaçait
enfin son centre d'activité, quittant l'Europe pour revenir à
ses sources (Back to Africa) et reconstituer l'unité du conti-
nent.
Il passait du stade formel au stade institutionnel, du
stade des cbnférences et des congrès au stade des organisations
internationa~es. ~'aboutissement de cette évolution est consti-
tué par la création en mai 1963, de l'Organisation de l'Unité
Africaine. Nous en parlerons tout au long de notre ouvrage.
(lI
cO. G. PadmoJr.e, op. cit. p. 178.
12) ib'<'d.
p.
178.

-
68 -
NOTES 'C OM"PL'E!'1ENTAIRE S
LES GRANDES ETAPES DU PANAFRICANISME
.s----1897
Silvester tHlliams fonde l'Association africaine
à Londre.
1900
Silvester Williams organise ~ Londres la Iere
Conférence panafricaine.
L'Association africaine
devient l'Association panafricaine.
1911
Congrès universel des races à Londres avec W.E.
j
Burghardt DU BOIS.
1
1
1912
Booker T. Washington organise à Tuskegge (
(U.S.A.) une Conférence int0rnationale des nègres.
1i
1919
W.E. : Burghardt Du Bois r~unit ~ Paris le 1er
1
Congrès panafricain.
]
1921
Ile Congrès panafricain à Londres, Bruxelles et
i
Paris.
1
1923
Ille Congrès panafricain à Londres et à Lisbonne.
1
1
1935
Fondation des International African Friends cf
Abyssinia (G.
Padmore, J.
K0nyatta)
à Londres.
1941
Création à New York du Conseil des affaires afri-
caines avec Paul Robeson et Nkrumah.
1944
Cr&ation de la Fédération panafricaine regroupant
des associations africaines et antillaises des
îles Britanniques.
1945
Ve Congrès panafricain de Manchester.
1947
Nkrumah fonde le Sccrétar'iat national ouest-
africain.
1953
VIe Congrès panafricain ~ Kumasi (Ghana).
1958
Avril: r~union à Accra de la Iere Conférence
1
l
des Etats africains indépendants.
Juillet
: le Parti du regroupement africain lan-
ce le mot d'ordre des "E'tats-Unis d'Afrique".
Dfcembre:. 1,.2union
.
à Acer'a de la Iere Conférence
des peuples africains.
1961
Formation du "groupe de Cé".sablanca"(Etats pro-
gressistes) et du "group8 de Nonrovia-Brazzaville ll
(Etats mod&rés).
1963
Mai:
llS omme t
panafricain:: d'Addis-Abeba,
,formation de l ' 0 . U. A .
Source
ELIKIA M'BOKOLO~ I7L~:: Continent convoité".

-
69 -
CHA P ·1 T RE. 11
FONDEMENTS ·IDEO-LOGI·QUES DU
PANAFR 1CAN ISME

-
70 -
On appelle le panafricanisme un macro-nationalisme,
parce que cette doctrine n'est pas différente, dans son essence,
du nationalisme. ~1ais le panafricanisme situe la nation a une
échelle plus vaste.
Comme nous venons de le voir, le panafricanisme est
né hors d'Afrique.
Il a d1abord ét~ un cri de révolte des
Noirs américains contre l'esclavage et la discrimination ra-,
ciale.
Suivant les époques et les auteurs, le panafricanisme
est apparu tour à tour comme un mouvement racütl, un mouvement
culturel, et un mouvement politique. Ces trois aspects, - faut-
i l le souligner? -
se sont confondus parfois dans l'esprit de
ses promoteurs. Marcus Garvey
~it surtout l'accent sur son
caractère racial et messianique. Il incarna un panafricanisme
racial et violent. Expulsé des Etats-Unis, i l mourut à Londres
en 191~O. Le "Sionisme Noir" comme le dit Doudou Thiam ( 1 J, de
Garvey, contribua fortement à amener les Noirs américains à
prendre conscience d'eux-mêmes et de leurs droits.
Contrairement à ce visionnaire turbulent, Du Bois et
Priee-Mars avaient tenté de fonder le Panafricanisme sur des
bases culturelles et non plus seulement raciales. Aussi, fi-
rent-ils un retour aux sources, c'est-à-dire à l'Afrique.
Chez
Priee-Mars notamment, on trouve une vibrante exaltation de
l'Afrique, de sa civilisation, de ses valeurs culturelles. C'é-
tait déjà en germe, la théorie de la négritude dont Senghor est
un des plus ardents défenseurs.
On voit ainsi commen-t ~ inspiré par des Noirs améri-
cains, jamaiquains ou Haitiens~ le panafricanisme féconda, par
son contenu culturel 5 la pensée des Noirs d'Afrique eux-mêmes,
r 1)
Voudou. TlUam, -<-n. La poRA-U.qu.e é.tJr..an.gèfte du E:tat~ a6/tic.cUl'l.6;
p. 18. PUF.

- 71 -
qui l'adopt~rent et en firent non seulement un moyen d'~tude
systématique de la civilisation n€gro-africaine,
mais aussi
un moyen d'action politique.
Il est très difficile, aujourd'hui,
de distinguer les deux aspects du panafricanisme, de dissocier
ses deux courants qui se confondent et se mêlent intimement =
le courant culturel et le courant politique.
Dans ce chapitre, nous essayerons d'analyser le Pana-
fricanisme
en tant que mouvement politique. De ce point de
VUE,
i l présente des aspects négatifs et des aspects positifs.
Négativement, le panafricanisme se pr~sente comme un
refus
: refus du communisme ei: de la colonisation.
Positivement,
i l apparaît comme un moyen de réaliser l'Unit~ africaine, de
construire ce qu'on appelle les Etats-Unis d'Afrique.
Voyons dans les lignes qui suivent ces différents
aspects du panafricanisme.
l
-
LE PANAFRTCANTSl1'E; 'NOYEN DE "LUTTE ANTT-"COMHUNISTE
c'est Georges Padmore qui a mis en lumière cet as-
pect . Le titre de son ouvrage Pana6~ieani~me au eommuni~me
est signifi~atif. C'est un choix à opérer. Le noir doit choisir
entre le Panafricanisme et le communisme.
S'intéressant d'abord aux minorit~s noires des Etats-
Unis, que le parti bolchevik considérait comme un milieu parti-
culièrement favorable à l!infiltration du communisme en Am~ri
que, l'auteur les met en garde. Il les invite ~ refuser d'être
un instrument entre les mains de l'un des antagonistes en pré-
sence, dans un conflit qui n'a rien à voir avec la cause des
noirs. Il rappelle la lutte de Garvey contre le communisme et
cette affirmation du grand lutteur : "Le danger que le commu-
nisme fait courir au noir dans des pays o~ ce dernier constitue
l'élément minoritaire de la population, est visible dans les

- 72 -
tentatives égoistes et vicieuses que fait ce ~roupe au parti
pour faire du vote et de l'importance numérique des noirs une
aide à la destruction ou au renversement, par révolution~ d'un
système qui leur est nuisible en tant qu'opprimés blancs; ai
ce plan réussit,
i l portera toujours au pouvoir leur groupe ou
race majoritaire, non seulement comme communistes, mais comme
blancs".
Notons que Garvey écrivait ces lignes à un moment où
la discrimination raciale était très vive aux Etats-Unis. Une
constatation? Le panafricanisme étctit déjà considéré, à l'é-
poque de Gervey, comme un moyen de lutte contre le communisme
en milieu né~ro-américain. Cet aspect du Panafricanisme est
repris et développé par G.
Padmore qui l'étend à tout le monde
noir, en lui enlevant tout contenu raciste
: "Dans notre lutte
pour la liberté n2tionale,
la dignité humaine et la rédemption
sociale, le panafricanisme offre une alfe~native id~oloRique
par rapport au communisme, d'une part, et par rapport aux tri-
bus, de l'autre.
Il rejette à la fois
le racisme blanc et le
chauvinisme noir.
Il veut la coexistence des races sur une base
d'égalité absolue et de reSDect pour la personne humaine".
Le panafricanisme est donc une a{te~native id~olo9i­
que par rapport au communisme. Il s'ap:it de savoir Sl le conte-
nu moral de cette doctrine Dermet de faire barraf,e au communis-
me, en d'autres termes, si le panafricanisme est l'expression
authentique des aspirations, des tendances profondes du monde
négro-africain.
L'un des hommes qui ont le plus contribué à donner
à cette doctrine une base philcsophique est M.
Senghor. La n~­
gritude est une conception du monde. Mais elle n'est pas une
doctrine préconçue, élaborée à partir de concepts a p~io~i.
Flle prétend reposer sur les réalités nér:r0-africaines~ dont
elle tire sa substance et sa sève. Flle essaye de traduire,
au plan philosophique, en les systématisant~ les valeurs de

-
73 -
civilisation négra-africaines. Nous y reviendrons dans notre
dernière partie.
II -
LE PANAFRICANTSME',110YEN DELIBERATION COLONIALE
ET DE CONSOLIDATION DE L'INDEPENDANCE
Exiger l'autodétermination et l'indépendance des
peuples africains en brisant les chaines plusieurs fois sécu-
laires du colonialisme, voilà, entre autre objectifs du pana-
fricanisme.
C'est dire que le pa.nafricanisme a sous-tendu et
sous-tend encore les mouvements de libération coloniale en
Afrique noire.
La doctrine panafricaine lutte donc pour l'indépen-
dance et la "Pa:t.It..te. A61t..tc.a..tne." y est exaltée. Hier comme au-
jourd'hui, les peuples qui ont accédé à l'indépendance conti-
nuent d'affrimer leur solidarité active avec ceux qui luttent
pour l'indépendance.
Ils situent la patrie au niveau de l'Afri-
que. Il n'est pas rare d'entendre des leaders africains affir-
mer que la seule indépendance de leur pays ne suffit pas, et
que la lutte anti-colonialiste ne sera terminée que lorsque
tout le continent sera libéré.
On peut citer une foule de dé-
clarations politiques dans ce sens. Flles se résument toutes
dans cette formule du président Sékou Touré
:
"Nous considé-
rons l'Afrique comme un corps humain; si on lui coupe un
doigt ce ne sera pas seulement ce doigt coupé qui sentira la
douleur, mais plutôt le corps tout entier,,!l). Il Y a donc
une sorte d'unité oft.gan..tque entre les différentes parties de
l'Afrique.
Comme on le voit, le panèfricanisme est considéré
comme un moyen de J.ibération du continent africain tout entier.
(1) c6. S~kou ToUlté, in L'f.xpr~e.nce. guin~e.nne. e~ R.'Un;~é A6~caine.,
Plt~e.n~l A.6-"J...caJ....1e.

-
74 -
Mais qu'en est-il du panafricanisme face à la poli-
tique internationale • Dans les r2pports des Etats africains
avec le monde extérieur~ le pana.fricanisme appara!.t COTIù'1le un
moyen de sauvegarder llindépendance acquise.
Les Etats afri-
cains essaient de construire un système qui les protège contre
1
'
"
"
,
d""
1""
d
_es 1ngerences exter1eures. Nous avons
eJa par e 1C1
li
con-
.
1
f · '
.
C '
l '
fIl t
opposant _.e pana r1can1smc~ au commun1sme.
c n est
a
qu'un aspect du probl~me.
Le panafricanisme, par le fait même qu'il s'appuie
doctrinalement sur l'affirmation d'une personnalité africaine,
est un moyen de lutte contre toute forme d'impérialisme. Il
consid~re que l'indépendance, juridiquement acquise
doit être
3
sauvegardée et protégée
; qu'elle n'est jamais d~finitive,
mais qu'elle est une conquête de tous les instants. Les Etats
nouvellement indépendants continuent de dénoncer le colonia-
lisme. S'agit-il d'une obsession
d'une maladie imaginaire?
3
S'agit-il au contraire d'un èanger réel? Le fait est là, en
tout cas, et l'on se demande si la peur du colonialisme sera
un jour, définitivement extirpée de la conscience africaine.
C'est le " co l o Yl.la..i-t1Jme. V'1 c.oute.u.It" sous toutes ses formes
(politique, économique, culturel, technologique) plus raffiné
et donc plus redoutable. En d'autres termes, c'est "te. !1r.o-
eoloniatL~me.",
nouveau mot qui entre dans le vocabulaire poli-
tique et s'y fait une place de choix.
Le "non-a{lgl1e.ment ll
n'est que la traduction, au plan international, du phénomène
que nous venons de décrire.
Nous sommes en présence d'une indépendance méfiante,
sourcilleuse, ré~ive, contractée, qui gène singuli~rement.
Nous le verrons en ce qui concerne les rapports des pays afri-
cains avec les autres puissances dans les parties qui suivent.
Le courant panafricain est le support idéologique sur lequel
se fonde la politique internationale. Philippe Decraene le
signale dans un article publié à la Revue "Affcüres étrangères":
"Les grandes puissances extra-africaines restent perplexes de-
vant le développement du courant panafricain. Tout en repensant

-
75 -
atten ..... .
Ll vement 1 eur
.
è.ttl tu d E :,<1 l'"
egard d - l'A f
.
Am""
~
..__ rlque,
. erlcalns,
Sovi€tiques,
Anglais et Français, h€sitent
entre deux options:
tenter dt; barrer la route: au panafricanisme, notamment en met-
tant à profit les obstacles réels qu'il rencontre sur sa route,
ou au contraire se laisser porter par le courant panafricain
n(1
en essayant éventuellement d'y trouver place
).
Nous verrons
tout cela au long de nos développements.
Au terme de cette analyse, le panafricanisme se pré-
sente sous différents aspects.
Tantôt i l apparaît comme un
moyen de défense des Africains contre des idéologies extérieu~
res
: "ant-i..-c.ommuni.6me", tantôt il se présente corame un moyen
de lutte contre lE-; colonialisme
"anti-c.o.tonù:r..tL6me.", tantôt
comme l'Idéal d'Unitr. A6~ic.aine.
Voyons donc quel est le dispositif institutionnel de
l'organisation de l'Unité Africaine, et ce dans le cadre compa-
ré de la Ligue Arabe, dans le titre deuxième ci-après.
(T)
Vo~ Revue Po~~ue é~ng~ep nO 4, 195q
Pa.na..6~c.arU..6me eX. g~a..nde6 PlLi6;"Q.n.CU.

-
76 -
T l T n r.
n
...
E' l'
~',
y.....
j
X l E~l E
LE
DISPOSITIF
INSTITUTIONNEL
SOMMAIRE
IntrodUctiOn liminaire
Origines et d2veloppeBent de
l'idée d'unité.
Ch2.pitre preBier
La fondation de l'O.U.A.
Chapitre 2 :
Le syst~me de l'Organisation
Africaine.
Chapitre 3
La Ligue des Etats Arabes COBrne sys~
t ,
d
.
eme
e comparalson.
Chélpitre 4
La Conférence ~u SommeT comme forme
nouvelle de la. fi diplomatie i tiné-
rante".

-
77 -
Le syst~me de l'Organisation de l'Unit~ Africaine
n'est pas n~ ex nihilo.
Il doit beaucoup, au contraire, à
l'expérience ou plotât à l'évolution successive du Panafrica-
nisme qui l ' a ~récédé et l'a engendré. Tel père, tel enfant!
L' O. U.A.
s'est formée dans un contexte' politique et idéolo-
gique qui n'est pas trop différent de celui qui a enveloppé
le panafricanisme, la seule différence résidant dans le fait
qu'elle est l'enfant né apr~s les indépendances africaines •.
Nous parlerons des origines historiques et du déve-
loppement de l'idée d'unité africaine, de la genèse de la no-
tion d'Unité
(Introduction liminaire).
Dans le chapitre pre-
mier, i l sera question de la création ou Fondation de l'Unité
Africaine. Et le Second chapitre sera conscré~u système de
l'organisation africaine.
Le troisième à la Ligue Arabe comme
système de comparaison et le chapitre quatre enfin, parlera
de la Conférence au Sommet comme forme nouvelle de 12. "diplo-
matie itinérante".
1NTRODUCTION LI·MINAI RE
ORIGINES HISTORIQUES, DEVELOPPE-
MENT DE L'IDEE D'UNITE AFRICAINE,
GENESE DE LA NOTION D'UNITE
L'Unité africaine est une aspiration Sl anC1enne
qu'on ne saurait préciser ni la date, ni le lieu o~ cet objec-
t i f a été défini pour la première fois.
Au plan des Etats, le
problème est posé depuis plusieurs années alors même que la
d~colonisation de l'ensemble du continent ~st iri3chevée.
Si les 5déologies conservent en Afrique une grande
influence, c'est â propos de l'unité que celle-ci se marque le
plus.
Les courants qui constituent le "panafricanisme" se sont
fait sentir partout. Aujourdthui même, comrr;e le montrent les
sondages d'opinion,
ils commencent de déborder les élites ur~
baines plus politisées pour apparaïtre en milieu rural, ces-
sant ainsi d'être un mouvement intellectuel pour devenir une
idée-force politique. En se diffusant,
le panafricanisme con-

-
78 -
serve tous les ~l~ments qUl ont fait sa richesse : aspirations
confuses propag~es à partir de certaines ~glises africaines ;
visions politiques de Kwame Nkrumah ou de Barthél~my Boganda
r~vant, l'un d'Etats-Unis d'Afrique, l'autre d'Etats-Unis
d'A6~ique latine ; th~orie litt~raire et culturelle de la ne-
gritude de L.S. Senghor, débordant l'Afrique dans son ampleur,
mais enracinée dans ce continent.
Ce qui fut à l'origine -
aux Etats~Unis et aux Antilles - rêve d'une unité du monde noir
s'est transformé en exigence d!une unité de l'Afrique.
Le mou-
vement a acquis par là un contenu politique plus précis, et une
plus grande aptitude à passer du plan des aspirations à celui
des r~alisations, dès lors qu'il était pris en charge par les
partis not2mment le R.D.A.
(Rassemblement D~rnocratique Afri-
cain) en Afrique francophone ou la K.A.N.U.
(Kenya Africain
National Union) et la T.A.N.U.
(Tanganyika African National
Union) en Afrique orientale anglophone.
Les nouveaux Etats africains ont f~it rapidement le
compte des difficultés qu'ils devaient dès l'ind~pendance sur-
monter, notamment sur le plan économique.
Ces difficultés ne
sont pas nouvelles.
Le colonisateur les avait affrontÉes et
avait déjà esquissé une voie de solution avec les fédÉrations
(Afrique occidentale et Afrique équatoriale française, Nigé-
ria, Rhodésies-Nyassaland) ou les organismes comme l'Organisa-
tion des Se:::,vices communs dans l'Est africain britannique.
Ces cadres politiques ont cédé assez rapidement devant les
pressions consécutives à l'indépendance, d'abord en Afrique
francophone) puis en Afrique anglophone.
La d ·
"
lmenSlon aes pro bl '
_Ernes e t
d es moyens a' m·ettre
.
en oeuvre est cependant telle qu'on a eu très vite partout cons-
cience de la nécessité de se rapprocher et de se concerter.
L ' identité des problèmes pousse à TI1(cèttre en commun les moyens
de les résoudre.
L'exiguïté territoriale et démographique de
la majorité des Etats incite à s'entendre pour rechercher les
avantages d'un marché élargi et éviter les gaspillages dus au
sous-emploi des équipements ou aux rivalités de prestige.

-
79 ..
L'idéologie panafricaniste a d'abord inspiré des ten-
tativE:s de regroup.=::ment plus ou moins raisonnées, la plupart
n'ont guère survécu.
La Fédération du Mali n'a été qu'une brève
parenthèse dans l'histoirE du Sénégal.
L'Union des Etats afri-
cains qui associa au Ghana la Guinée, puis le Mali, lors de
leur ~ccession ~ l'indépendance, ne fut qu'une entente de cir-
constë.nce.
D'autres rapproche~ents se sont amorcés sur le plan
d'une coopération technique pr~cise pour le fonctionnement
d'institutions.
L'Union des Républiques d'Afrique centrale,
qui englobe les quatre Etats de l'ancienne A.E.F (Afrique
Equatoriale Française), l'Union des Etats intéressés à la ~ise
en valeur àu bassin du Tchad, l'Union projetée et puis effec-
tive entre Etats riverains du fleuve Sénégal, semblent plus
soucieuses de réalisations concrètes que de desseins politiques
immédiats. Une telle coopération technique peut déboucher à un
niveau politique.
Si les Etats-Unis d'Afrique de Kwame Nkrumah ont paru
un projet très ambitieux et n'ont recueilli de ce fait que peu
de soutien effectif dans les conf~rences africaines, les tenta-
tives d'union ou de coopération politique sur une Base régiona-
le n'ont pas dans la pratique eu de succès plus durable.
Le
Conseil de l'Entente a surv6cu malgré les réticences et les ten-
sions internes entre Côte d'Ivoire, Niger, Haute-Volta et
Dahomey. Mais l'expérience de l'Union Africaine et Malgache a
montr~ que, en d~pit de leur prudence, ses promoteurs avaient
voulu aller trop vite et trop loin.
Véchec des rares eXp€rlen-
ces d'intégration et le succès relatif des formules de coop6ra-
tian ont renforcé la préférence des gouv~rnants pour ces
dernières.
Mais les Africains ont conscience que la coopération
à l'échelle du continent tout entier est souvent paralysée par
des divergences, dont l'existence dans un ensemble aussi vaste
n'a. rien d'étonnant. D'un ceté~ la coopération a un niveau

-
80 -
régional plus restreint appara1t souvent à ceux qu'elle ne met
pas directement en cause comme obstacle à la réalisation d'une
unité à un niveau plus élevé.
Les Etats-Unis d'Afrique semblè-
rent une chimère ~ la quasi-totalité des responsables afri-
cains(71.
L'U.A.M.
(l'Union Africaine et Malgache) fut soupçon-
n~e et critiqu€e
par beaucoup de ses voisins anglophones.
1 -
Genès·e de· ·la· ·no·tiond'unitê (?)
Si la théorie de. l'unit~ africaine est généralement
ratachée au nom de 1'lkrumah, le th8me n'est pas une invention
du dirigeant ghanéen. Ni même d'un autre dirigeant ou pene2ur
&fricains, puisque le panafricanisme -
dont Nkrumah et d'autres
idéologues anglophones ont continus à se réclamer, tandis que
les dirigeants et idéologues francophones ont toujours préféré
l ,
.
e:
unJ_t;;:; a f "
rlcalne -
a d' a b
ct::::'
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or,-
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ore,
"d u d e h~"
d
I~rs
,par
es
intellectuels antillais ou am6ricains.
c'est lors de la premlere réunion panafricQine à Lon-
dres en 1900 et au Confrès panafricain de Paris en 1919 sur
l'initiative de W.
E. B. Vu Bo;~pque ce dernier et Trinidad
Sylvester Williams ont lancé le mot et l'idée de panafricanisme.
Il faut noter qu'ils n'ont pas Dlis l'accent sur l'unité ou l'u-
nification d'un continent découpé en morceaux par le partage
colonial, mais sur le droit des Africains à leur propre terre,
à leur propre personn:üi té, le clroi t, enfin, des "peuples noirs
à être tr2.i té s comme des 11omm(~sli ( :3). Les résolutions des Con-
grès panafricains de Paris
(1919), de Londres-Bruxelles (1921),
de V~ndres-Lisbonne (1923), de New York (1927) comportc'nt une
série de revendicntions des Africains pris dans leur ensemble
(7)
L'AntUque eft deven.i.lt. E~-6cU..6uJL -f..'ave..nbt de.. .P..'AntUQue.. M-Vt.e... Pa.Jl..-U,
P.U.F. 1966, 22 x 2"1, 739 p. PILO~pe..C.;t.ivu, nD 13.
(2)
NOlU
nOU6 ..i.rz..6p.ilLOn6 .iaJt,ge.me.nt de. .t'a6tUcano.logue. Yve..6 8énot d.a.n6 "Idé.o-
fog..i.u du ..i.ndépe..ndaftcu a6tUca.,,(.J1C6'l. F. Ma..6pVto. Pa/1Â..6 Ve, 1912.
p. 130 e.t 57.
(3)
Ma.ni6u:te. adopté. pail. J!.e.. 11Ie. COl1glLè.6, de. 1923, fc.6. Le.gume.
Pana6tU-
p
ca~mep p. 29} Cité p~ Yvu Bél10t .in .idem. p. 130.

-
81 -
sur des problèmes concrets, mais niabordent pas le problème spé-
cifique de la division du continent. C'est seulement dans les
résolutions du dernier Congrès, celui de Manchester (1945) que
l'on découvre un paragraphe qui en fait mention:
"Le Congrès a
noté .•. que les divisions arbitraires et les frontières terri-
toriales délimitées par les puiss2nces coloniales constituent
autant de mesures d~lib~r€ment prises pour faire obstacle ~
l'unité politique de l'Afrique cccidentale ll (lJ. Encore n'est-il
question ici que d'une seule région de l'Afrique noire. N~an­
moins, par la seule vertu du mot, tout autant que par cette ma-
nière délibérée de parler des Africains en bloc, des pr0blèmes
de l'Afrique noire dans leur ensemble, de la personnalité afri-
caine en tant que caractère national, i l reste vrai que le pana-
fricanisme~ dès 1919, avait introduit, ou suggéré, la notion de
l'unité africaine.
2··
DU BOrSe't 'le' 'p'a'ria'fricanis'me
Au départ, dans l'esprit de Du Bois, il s'agissait
d'une prise de conscience du lien 6troit entre la solution du
problème noir aux Etats-Unis et dans les deux Amériques et
celui de la domination coloniale sur les peuples noirs d'Afrique.
Vue de cette distancF';, l'Afrique, à qui l ' impérialisme venait
d'imposer l ' unité '. l ' unité du colonialisme omniprésént - et
division -
le découpage entre iwpérialistes rivaux -, apparais-
sait â l'observat@ur comme profondément Une..
Sans doute entrait-il, comme le dit Yves Bénot, dans
cette impression d'unité une certaine part d'ignorance:
le
passé africain était mal connu, nié par le colonialisme. Et
on
n'est pas premier ~ le reconnaître et ~ le dire. Il n'atten-
dait de sa persév6rance qu'un résultat immédiat: maintenir
( 1)
Id. r. 153. C' ut un e.x:tJr.aM:. de R.a Jté-6oJ!.uû.on poP»).que. .6UIL
J!. ";6h..iqLLe. ocude.nMe..

.~
82 -
en vie l'idée même de pa.nafricanisme, avec sa double composante
de réhabilitation pt d'unité du monde noir. Au moins le temps
n6cessaire pour qu'elle puisse rencontrer des circonstances fa-
vorables. En définitive, i l y a réussi.
Au total, le panafricanisme d'entre les deux guerres
reste une doctrine culturelle, plus qu'une véritaple idéologie
politique.
3 -
Le PanafricAnis'me' 'cul tUTie 1
CESAIRE AZIXIWE .••
Dans son livre ~RENASCE~T AFRICA" publi6 en 1937,
Azikiwé exalte plus encore la renaissance culturelle de l'homme
d'Afrique qu'il ne fonde une th60rie politique.
"Apprenez d-it-
iR., à l'Africain qui r~;naît à être un homme • Dites-lui qu'il a
apporté une contribution maj eure ,3 l ' histoire de l ' humanité •.• " •
Il affirme que "les Africains du 20e si~cle et l'Afrique rés-
suscitée S2ront un élément avec lequel i l faudra compter'l.
L'Afrique est implicitement une, sans que cette unité soit dé-
finie autrement qu'au niveau culturel.
Il en est de même avec Césaire qui englobe, avant
1939, dans le Cahier d'un retour au pays natal le monde noir
dans sa totalité.
Sous le terme de négritude, Césaire l'inven-
teur et à la suite Senghor et d'autres, donnent expression à
l'idée de l'unité africaine sous sa forme culturelle comme l'a-
vaient fait les panafricanistes anglophones.
Si l'on doit admettre que poètes et penseurs tradui-
sent p2r négritude ou panafricanisrne un fait réel, c'est-a-dire
l ' identité de destin d'un ensemble de peuples
.co
n'est pas pour rien que Du Bois, !lpère du panafricanisme", a
été ~ussi un des promoteurs de la redécouverte de l'histoire,
des traditions, de la culture de l'Afrique précoloniale.
N'étaient d'ailleurs pas beaucoup mieux connues les particula-
rités des différents systèmes européens de colonisation.
Ceci
explique que les premiers congr~s aient voulu dgfinir des

-
83 -
objectifs communs, en matière de réforme agraire par exemple,
alors que les différences dans les méthodes d'exploitation
exigeaient pour le moins des précisions.
Il reste que l'Afri-
que morcelée ne pouvait pas par elle-·même, chez elle(1!, pren-
dre nettement conscience de sa propre unité, sinon sous la
forme d'une assez vague commun2uté d'origine et de traditions,
celles-ci entendues en un sens très général. Au contraire, la
distance et même l'ignorance des d§tails ont permis ~ un 1n-
tellectuel noir américain et à ses disciples, engagés dans une
lutte difficile et obstinfe contre le racisme de leur propre
pays ô de percevoir irr~édiatement 11aspect universel de leur
entreprise) de proclamer l'unité de leur lutte et de celle de
tous les peuples noirs, tous en butte à la domination raciste.
On le voit, dans de telles conditions, la notion de
panafricanisme, lancée mais non définie, Était affectée d'un
haut dé gré d'abstraction par rapport à la réalité.
L 1effort
tenace des congrès pour serrer de plus prÈs cette réalité,
pour en extraire des revendications mieux déterminées ne suf-
fisait pas à faire sortir le panafricanisme du monde des
idées. Du Bois avait d'ailleurs partout abattu la domination
coloniale et raciste, i l n'en res~e pas moins que la lutte
politique réelle a da s'organiser par pays, en fonction de
circonstances bien particulières~ et c'est à travers cette
lutte-là que l'exigence de l'unité africaine a pris forme, est
devenue un facteur politique concret.
(1)
Ce:tte Jr.uJ:Jti..cUon., paJtc.e. ((!lep ?tOM de /,~ 1A6ll1..que, du A61l1..c.C'.A.116 p e,6-
.6entieflement ang,eophonu, en1"./l.o.-i..e..nt en contact a.vec .ta peJ'I.6~.e. de.-6
p!téc/..l/t~ e.U/U, e,t de.-6 6onda.teuJUJ du pa.na6JÛca.YÛllme.. C' ut: en Ang.P...eteJ!Jte
e.J:. aUMi, poU/t beaucoup, a.lLX E:ta.t6-Ur'M qu.' ai.l.aie.nt .6 e 6Mme/l. f...e.1J
inte.R--Zect.ue1.6 al.JÛcaÂ..Y/..6. c' e.-6t a.bl.6i q!l' au Nga,Ma1.and, John
Ch.i~emR..owé., qu..i. d.-iJU.ge.a.t:e. .6o(d..è.vcme.Ht de. 1915, a.vo...li [:té. i!..tw:U..ant
au E:t.a..t.6-UYÛ6, de 1897 a 1900, c.omme p~u~ taJr.d Au..wJÇ.r Nf<'Jtumah,
He/., :().l'Ig.6 &tnda., etc. •

-
84 -
4 -
LES- ETUDIANTS ·CONTRELEPANAFRTCANTSME
A la place des panafricanistes qui ont eu du mal à
se définir, d'autres c'est-â-dire les étudiants l'ont fait mais
en les critiquant. C'est disons""nous, la F.E.A.N.F.
(Fédération
des Etudiants d'Afrique Noire en France) qui l'a fait dans un
texte publié en 1959 : Le~ Etudiant~ a6~~ea~n~ et l'un~tE a6~~­
c.a-ine. !fIl semble que les panafri~~a.nistes nous proposent dans
nos alliances une simple solidarité de race, de couleur. Cela
est inefficace,
.•. mais, plus grave, cela est dangereux:
Car
la solidarité raciale peut tourner facilement au racisme, au
chauvinisme et au pannégrisme . . . D'autre part, c'est une mau-
vaise façon de poser les problèmes
; car la lutte ne se situe
pas au niveau des races, mais au nive~u des exploiteurs et
des exploités; c'est un facteur objectif: car ce sont les
mêmes gens qui dans l'essentiel exploitent nos peuples et le
peuple de France.
Le panafricanisme court un grave danger:
ce l
. d''''
'1'
/
l
d'ff.o'
.
l '
(7)"
.o"
Ul
etre Utl lse par
es
l
_erents lmperla lsmes •••
Il s'en suit gue la F.E.A.N.F. oppose à ces vues le
principe de l'unité africaine sur une grande échelle. Cette
unité n'est pas une unité épidermique ou sentimentale, mais une
unité dictée par des considérations d'ordre politique et écono-
mique inhérentes à notre époque.
(7)
C-itê. pa~ Yve~ Bê-not J...n "-idem" p.
134.

-
85 -
CHA PIT REl
1
LA FONDATION DE L ORGANISATION
,
DE L UN-ITE- AF,RICA-I NE

-
86 -
Nous déborderions le cadre de notre étude Sl nous
faisions l'analyse de l'abondante littératur~ politique consa-
crée au panafricanisme. Celui-ci~ devenu une idée force poli-
tique, a pour origine une prise de consci~nce raciale qui Vl-
sait d'abord l'unité du continent noir. Ce n'est qu'apr~s la
Seconde Guerre mondiale que l'africanisme s'est orienté vers
le continentalisme et que le principe de l'unité de toute
l'Afrique est devenu un article de foi.
Déjà en 1957, Nkruma.h qui venait d'être nommé Pre-
mier Ministre a développé ce th~me. Apr~s lui~le Président
Na.sser le défend dans son ouvrage Philo6ophie de ta R~uolution.
Il est relancé par le Congr~s du R.D.A. à Cotonou en 1958.
Toutes les unions régionales conclues avant le 25 Mai 1963 fe-
ront de l'élargissement de leur coopération,
jusque-là restrein-
te aux dimensions de l'Afrique, l'un des objectifs les plus lm-
portants de leur activité future. Et pourtant il y a un
obstacle ru plutat un ~isque à ne
pas
sous-estimer.
C'est
le morcellement du continent africain. Comme le déclare
le Président Senghor au lendemain de l'effondrement de la Fédé-
ration du Mali : "nous avons sous-estimé la force actuelle, en
Afrique, du territorialisme, du micro-nationalisme.
L'Unité
africaine n'est pas pour demain, pas ~me sous la forme des
Etats-Unis d'Afrique pour lesquels je me suis battu .•. (r)".
SECTION l
Morcellement de l'Afrique avant Addis-Ab6ba
Les rapports des Etats Africains entre eux sc carac-
térisent par un tiraillement entre deux te~1ances : protection
jalouse de leur indépendance d'une part, aspiration à l'unité
africaine d'autre part.
(1)
NOM nOM bt6p-Ut0n.6 .lf>Jtgeme.nt de "c'oauJLage du PJLofe6l.>e.wt B. Bou.:tM-6-
GharJ,.[ in.:t..-i.M.ê "i.' Oltgani6a.ilon de. R.' UrvUé
A6JLicabtel' • Ubte.aiJUe. A.
Cotin p~ Ve., 7968.

-
87 -
§.1 -
PROTECTI'ON 'Dr. 'L'TNDEPENDANl'T 'DES' ETATS
Les Etats indépendants d'Afrique sont jaloux de leur
souveraineté acquise.
Ils veulent la d~fendre, non seulement ~
l'égard des puissances extérieures à l'Afrique, mais même à
l'égard des autres Etats africains.
La premi~re Conférence des Etats indépendants d'Afri-
que Noire s'est tenue au Libéria ~ Sanniquellic, du 15 au 19
Juillet 1959 à l'initiative du Président Libérien. A catte épo-
que -
exception faite de l'Afrique du Sud dont les probl~mes
sont d'un autre ordre -
trois pays seulement étaient indépen-
dants au Sud du Sahara: le Libéria, dont l'indépendance datait
déjà de plus d'un si~cle, le Ghana, dont Itacccssion ~ la sou-
veraineté remonte à 1957, et la Guinée ex-Française qui acquit
son indépendance lors du référendum de 1958.
~~s cette époque, on vit se heurter les deux tendan-
ces qui animent la politique internationale des Etats africains
dans leurs rapports entre eux: désir de sauvegarder l'indépen-
dance acquise, et désir de réaliser l'unité africaine. La réso-
lution finale de la conférence disait que la devise des Etats
é t a i t :
"Indépendance et Unité".
Ltaccent fut mis sur le res-
pect de l'indépendance et de la souveraineté nationale, sans
rejeter bien sÛr l'idée de l'Unité africaine.
Le Président
Tubman considéra que toute conversation sur ce th~me, "ne pou-
vait @tre que de l'exploration, et qu'aucune décision, conclu-
sion ou accord sur un sujet de si grande portée, ne pouvaient
être pris tant que les autres Etats africains dont la date d'in-
dépendance est proche
•..
n'étaient pas consultés ou ne seraient
pas en mesure de participer ~ un tel débat".
Le Président N"Krumah ne fut pas de cet aV1S.
liN' at-
tendez pas, rétorqua-t-il pour poser les fondations de l'Unité
de l'Afrique Occidentale
.•. , nous devons donner le départ."

-
88 -
Il est bon de noter, que la Canffrence de Sanniquelli~, fut en
définitive, un compromis entr8 deux aspirations contradictoires:
souveraineté des Etats et Unité africaine. Hais on mit davanta··
ge l'accent sur la souveraineté et l'indépendance des Etats les
uns vis-à-vis des autres.
Une autre préoccupation des membres de la Conférence
consistait ~ d~gager les r~gles d'une morale internationale,
susceptibles de per~ettre l'organisation de leurs rapports sur
la base de la souveraineté et du respect de chacun.
Il fut dé-
cidé que chaque Etat "maintient son identité nationale et S2.
structure constitutionnelle" et siinterdit "d'intervenir dans
les affair'es internes" des autres.
Bref, i l ressort que dans leurs rapports entre eux,
les Etats africains, qu'ils soient du groupe de Monrovia ou de
Casablanca (nous en parlerons dans le paragraphe suivant),
sont soucieux de sauvegarder leur indépendance et d'affirmer
leur souveraineté propre.
Dans quelle mesure une telle attitude est-elle compa-
tible avec liaspiration à l'Unité? C'est oe que nous allons
examiner maintenant.
§.2 - CONSTRUCTION DEL'UWITE AFRICAINE
La doctrine panafricaine trouve ici sa traduction au
plan politique. Les tentatives pour réaliser l'unité africaine
sont aussi vieilles que l'aspiration à l'indépendance.
Si tous
les territoires colonisés étaient unanimement d'accord sur l'in-
dépendance, le probl~me de l'Unit& avait, par contre, toujours
soulevé et soulève encore, de nombreuses controverses. Certaines
sont dépassées, d'autres sont encore d'une brûlante actualité.
Avant d'examiner les formules de regroupement politique réali-
sées? il est bon d'indiquer les diverger.ces doctrinales gui
séparent les partisans de .l'Unité africaine.
Il s'agit de deux

-
89 -
tendances qui se sont longtemps affrontées dans le passé et qui
affectent encore dans une certaine mesure aujourd'hui l'évolu-
tion de l'Organisation de l'Unité Africaine.
A -
L'INVEPENVANCE AVANT L'UNITE OU L'UNITE AVANT
L'INDEPENDANCE

Deux tendances s'affrontent:
les uns souhaitaient
le regroupement des territoires colonisés par zone sous un ré-
gime d'autonomie interne avant d'accéder à l'ind€pendance.
D'autres, au contraire, estimaient que l'indépendance de cha-
que territoire était un préalable ~ l'Unité politique. Au Con-
grès des Peuples qui s'est tenu à Accra, en décembre 1958, le
problème avait fait l'objet de débats passionnés.
Le conflit
était d'ailleurs plus vif au sein du groupe francophone.
La
Guinée qui venait de sortir en même temps que de l'ensemble
français, de la Fédération de l'A.O.F., soutenait l'antériorité
nécessaire de l'indépendance par rapport à l'unité. D'autres,
parmi lesquels les membres de la délégation sénégalaise, sou-
tenaient la thèse J.nverse.
Les uns et les autres s'appuyaient
sur des arguments importants.
Les représentants de la Guinée estimaient qu'il
était illusoire de compter sur les Etats métropolitains pour
réaliser le regroupement des territoires africains.
L'intérêt
des métropoles était, disaient-ils, de diviser pour régner.
D'ailleurs, ajoutaient-ils, ces métropoles préféraient avoir
en face d'elles de petits territoires ou Etats, plus faciles à
dominer, que de grands ensembles puissants qui auraient tendan-
ce à discuter aver elles sur un pied d'égalité.
Les adversaires de cette thèse soutenaient au con-
traire, qu'une fois l'indépendance acquise, séparément, par
chacun des territoires, le regroupement politique serait dif-
ficile à réaliser. Une fois ind~pendant, chaque Etat aurait
tendance à se replier sur lui-même.
Ce serait l'éclosion de

-
90 -
" rr:icro-nationalismes 11 qui feraient échec à la marche vers l ' u-
nité.
Aujourd'hui, cette controverse est dépassée.
La ten-
dance de l'ind~pendance avant l'unité l'a emporté. Ceux qui
n'ont pas encore la souveraineté essayent à leur tour d'y accé-
der.
Le probl~me de l'Unité africaine, cependant, reste entier.
Coœment y parvenir? Ici encore, plusieurs doctrines s'affron-
tent
: le féd6ralisme et la coopération inter-africaine.
E -
FEDERATION OU COOPERATION INTER-AFRICAINE
Les tenants de la thèse fédéraliste considéraient
qu'il ne peut pas y avoir de regroupement véritable sans l'exis-
tence d'un pouvoir supranational~ doté de tous les attributs de
la souveraineté, et capable, au-dessus des intérêts propres à
chaque Etat, de "promouvoir un intérêt commun".
Il faut noter
à ce propos que, certains Etats affirment, dans leurs constitu-
tions, qu'ils acceptent de renoncer à tout ou partie de leur
souveraineté pour réaliser l'Unité africaine
(Guinée, Mali,
Sénégal, Zaire ..• etc.).
D'autres Etats s'opposent à cette thèse et considè-
rent que le regroupement politique ne nécessite pas un pouvoir
supranational.
Ils veulent procéder par étapes. Un pouvoir su-
pranational serait une source de conflits permanents.
Ils ci-
tent les exemples de l'ex-Fédération du Mali et de la Républi-
que Arabe-Unie.
Ils proposent d'aborder le problème de l'Unité
africaine par le biais de la coopération : coopération économi-
que, sociale, technique et culturelle. Aucun pouvoir fédéral,
générateur d'un droit commun à l'ensemble des Etats, ils oppo-
sent des méthodes consensuelles d'harmonisation de l'action
politique et économique.
Ces controverses se sont traduites dans les faits
par la création de plusieurs è.lliances appelées "groupes".

-
91 -
c -
LES VIVERSES Af.L1MICES POLTTIQ.lIfS
Une chose frappe.
C'est la multiplicité des groupes.
Conseil de l'Entente, Groupe de Brazzaville, Groupe de Monro-
via, Union Guinée -
Ghana -
Mali
Groupe de Casablanca. Cer-
5
tains de ces groupes s'int~grent dans des alliances plus vastes,
tout en conservant leur existence propre. Ainsi le Conseil de
l'Entente fait partie du Groupe de Brazzaville, lequel fait par-
tie du Groupe de Monrovia.
L'Union Guinée-Ghana-H21i fait par-
tie du Groupe de Casablanca.
Le regroupement se fait d'abord à
un niveau restreint, à l'échelon d'une région ayant des intérêts'
spécifiques, pour s'élargir ensuite à une échelle plus vaste,
toujours en fonction des intérêts en cause, ou des options idéo-
lo[Üques.
Nous parlerons de deux grands groupes
: celui de Mon-
roviè et celui de Casablanca. Ces deux groupes constituent
l'un et l'autre,des manifestations du panafricanisme. Ils cons-
tituent des étapes vers l'Unité africaine mais sans réaliser
a~cune structure supra-nationale. Ils se contentent d'organiser
la coopération.
L'un et l'autre
ont reconnu la nécessité de
respecter l'indépendance et la souveraineté des Etats qui les
composent.
Cow~e on le voit, l'idéal panafricain se he~rte au
sentiment profond d'un nationalisme plus limité.
Ce micro-
n~tionalisme est Qussi vif au sein du groupe de Monrovia qu'au
sein du groupe de Casablanca.
Sur le terrain de l'Unité africaino comme sur d'au-
tres terr'ains et notamment sur celui de la décolonisation, i l
n'y a pas de différence de fond.
Entre les deux groupes, la
différence réside dans la méthode, le style et le comportement:
réalisme et pondération d'un côté
(groupe de Monrovia), fougue
et intransigeance de l'autre (groupe de Casablanca) .•• Et a la
Conférence d'Add~~-Abéba, sommet du mouvement unificateur,
touts ces groupes ont dû slintégrer pour créer le 23 Mai 1963,
l'O.U.A. Ainsi donc l'Afrique était morcellée et divisée, tant

-
92 -
par le nombre des Etats qui la composaient que pa~ le nombre des
organisations interétètiques qui regroupaient ces Etats.
Cette double balkanisation présentait plus d'un ris-
que pour le continent africain.
D'abord parce que~ dans leur majorité, les nouveaux
Etats n1étaient pas de véritables nations et qu'à tout moment
le principe de Sei6 - dttehmination,
qui, dans une certaine
mesure
était à l'origine de leur indépendance, pouvait pra-
5
'
,
.
voquer l eur d esagregatlon.
En second lieu, la faiblesse et le sous-développement
de la plupart de ces nouveaux Etats risquaient de les mettre à
la merci des convoitises tant africaines qu'extra-africaines.
En troisi~me li~u, ce micro-nationalisme africain a
provoqué l'éclosion de reglmes autoritaires, peu favorables
~
la coopération inter-africaine parce que donnant la priorité
aux problèmes de sécurité interne, au détriment de la coopéra-
tion inter-africaine.
Enfin, l'élaboration des groupements régionaux rivaux
devait accentuer les tensions et les riv~lités africaines sur
le plan continental, soit que ces regroupements aient une base
linguistique (Afrique arabophone, francophone,
anglophone),
soit qu'ils traduisent des liens spéciaux avec les anciennes
métropoles
<Commonwealth,
Com~unauté), soit qu'ils expriment
ces options politi~ues (Afrique réformiste ou révolutionnaire).
La formation de nouveaux groupements composés d'Etats
africains appartenant aux diverses régions politiques ou lin-
guistiques de l'Afrique atténue n6anmoins ce double morcelle-
ment. Nous citerons ainsi l'union entre le Ghana et la Guinée

-
93 -
C23 Novembre 1958) qui ne tient pas compte, pour la premi~re
fois, de la division entre Afrique francophone et Afrique an-
glophone(1) .
A la conf€rence
de Casablanca qui a r§uni, du 4 au
7 Janvier 1961, les Chefs d'Et2t du Maroc, de l'Egypte, du
Ghana, de la Guinée, du Mali, ainsi que le représentant du
G.P.R.A., devait se cr€cr
une nouvelle organisation africaine,
faisant abstraction cette fois de la séparation entre l'Afrique
noire et l'Afrique arabe.
L'Organisation de Casablanca a con-
tribué cepenèant à créer une nouvelle scission entre Afrique
réformiste et Afrique r6volutionnaire{21.
Le groupe de MOnrovia a associé, quant ~ lui, 5
certains Etats francophones des Etats africains n'appartenant
à aucun groupe régional CEthiopie, Nigéria, Somalie, Tunisie,
Togo,
•.•
etc.). Il convient de rappeler que le groupe de Ca
sablanca avait refusé de participer à la Conférence de l1onro-
via (8 -
12 Mai 1961).
Enfin, la conférence d'Addis-Abéba, so~~et de ce
mouvement unificateur, devait, pour un mo~ent, éliminer toutes
ces divisions et faire dispar~1tr2 les principaux groupements
politiques constitués au cours d€s
années précédentes.
{11 Ceti.e. wÛ..on de.vait .fJ 'ë..R.a!tght po/l. .t' a..dmW.6ion du vaU e.-t abou,tJ:/t a .PA pU.-
bUeaJ./i..on de .ta Ch((J[;f:e. de. ,f' Union de..6 E:ta.:t6 Af:ll1..cainh (LI. t.A.) ~~e. 29
i~Vh.J..J.. 1961.
11) Ce.:t:te.. oJtgat'Û.6a.t.iol'l Jtê.Aionaf..e. c.ompJu2JtaU plMie.uJt.6 oltgane..6 :
- {e.. (omUê po.ti;UQue. ct6Jtic.o..in ,ql1.ouprtn:t ..eu Che.n.6 cl' Etat, qu.i doi..:t .6 e.
Itéunbl. une. 6oi.fJ ~ an.
- .te. Comit.é économ,[que. a6Ju'.c..ain gltoupilnt 1!..e..6 rn-i.ni6tJte6 de. P..' Eduea.tion
MQ.;tion(~J.e..
- te. Haut eommandemtlnt 0nJu'.eain c..ommW1 gltoupant tu Che.6-6 d'E.:tat..6-majolt.
- 1'.tz. S<..C/té.J:o.JL-i.a;t peJtmanent, alfa-n:t .6 0 n .6ièg e. à Barnak0 •
CV! div(M oltgane..6 ont {,onc.ilonni? d' /lite maniiZJt(' p.tU6 ou mo.&!1J c66ic.ac.e.
jcu.qu' 0.. .f..(1.. cÜMo!.t.LÜ.on dlt gJtoupe. de.. Ca.6ab.e.anc..a .tOM de. i..' élaboJtaû.on de,
ta ChaJttc d'Addi.fJ-Abéba e.n mai 1963.

-
94 -
Comment eXpliquer cette évolution qui, en moins de
cinq ans, a r~ussi à freiner l'émiéttement de l'Afrique?
Trois éléments peuvent être objectivement d~gagés.
1 0 )
D'abord, le probl~me de la libération de l'Algé-
rie était un grave sujet de discorde entre l'Afrique révolu-
tionnaire et l'Afrique réformiste.
L'indépendance de l'Algerie
a mis fin à cette discorde.
Davantage, le nouvel Etat a joué
un rôle décisif dans la disparition des groupements région;.mx
et rivaux.
2 0 )
Ensuite, l'affaiblissement de la solidarité afro-
asiatique devait, par contre coup, renforcer l'Africanisme au
détriment de l'Afro-asiatisme.
L'Afrique, pour ne pas ouvrir
ses portes à la guerre froide et aux querelles asiatiques, de-
vait constituer sa propre organisation continentale.
3°)
Il faut tenir compte, enfin, de la mystique de
l'unité africaine qui est all~e se développant et s'amplifiant
tout au long de l'extraordinai~e foisonnement de conférences,
de renccntres et d'organismes qui ont marqué la vie du conti-
(1
nent avant la grande conférence d i Addis-Abéba
).
SECTION 2
Fondation de liO.U.A., le 23 Mai 1963
à Addis-Abéba
La Conférence au sommet d'Addis-Abéba qui a réuni
trente Etats africains(2)s l est déroulée en deux temps: d'abord
(1) r~ 6aut not~ que de 1958 (7~e eon6é~ence du Eta~ ~ndépenda~ d'A6ki-
qu.e.) à mal 1963 kon6~Âe.nee. dl AdrU.6-Ab~ba, qui c.~êe .el O. V.A. ), a I:f a de
nomblte.U6 et! con6~enc.u, quA.. 6ltappent, a p!Lerrvt~~e vue, pM.ee.uJt .6 ouu de
don!'1.eJt un CO/1te.nu a ~'urU.tê, et d'e.Yl.VMag~ du me.6Wl.e/.l con~ètet!.
(2) Lu 50 E:ta.ù a.6JU.c.Mn.6 j':.JaJr.tiupaYlt il R..a c.o/160tel1ce Mnt pa!t olr.dJr..e af-pho.-
bé~ue: A~~e, BWl.uYl.~, CameJtou.n, Congo Rnazzav~e), Congo (Léopotd-
vU.f.e), Côte d' Ivo.-ilte, Oahomey, f,th.[op~e Gabon, Ghana, Guinée, Hau.:te-
Vof..:ta.,
U.bé~a, L~ye.., Madaga.6caJt
MaU, Vau.tt.U.artle, N~g~, N,[g(:Jùa.,
p
Ouga.nda., R.A.U., République Ce.n.bta.6JU.cMne, Ruanda, Sél1~gal, S~eMa
Léone, Somal,[e., Soudan, TangaYlyia.ka, Tu~e..

-
95 -
une réunion préparatoire des ministres des Affaires Etrangères
du 15 au 23 Mai 1963, puis à partir de cette date la réunion
des Chefs d'Etat et de Gouvernement qui abouti à la signature
de la Charte d'Addis-Abéba le 28 Mai 1963. Ainsi est née
"l'O.U.A.
Organisation de l'Unité Africaine".
La structure générale de l'O.U.A. est presque iden-
tique à celle de la S.D.N., de l'O.N.U. ou des autres organisa-
tions continentales ou régionales.
D'une part, i l y a deux catégories de membres, les
membres originaires c'est-à-dire les 30 Etats signataires de
la Charte de l'Organisation, et les wembres admis. Comme à la
S.D.N., à l'O.N.U., cette distinction est de pure forme et
n'implique aucune inégalité juridique.
D'autre part, on retrouve ici aussi une structure
tripartite: conférence des Chefs d'Etats, Conseil des minis-
tres, Secrétariat. Sinon, conformément aux dispositions de
l'article 7 de la Charte d'Addis-Abéba, les organes de 1IO.U.A.
sont au nombre de clnq :
-
la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement
-
le Conseil des ministres
-
le Secrétariat général
;
.., la Commission de médiation, de conciliation et
d'arbitrage;
-
les Commissions spécialisées.
Contrairement à ce qui ressort des dispositions de
l'article 7 de la Charte des Nations Unies, l'on ne saurait
déduire, dans le cas de l'O.U.A., que ces organes principaux
sont égaux entre eux. La Conférence est l'organe supr'me, le
Consei.l des ministres lui est subordonné comme le SecrÉtariat
est à son tour subordonné au Conseil des ministres. Il existe

- 96 -
en outre, sur un autre plan, des cOffiJ!lissions spécialisées su-
bordonné8s au Conseil des ministres. La Corr~ission de média-
tion, de conciliation et d'arbitrage occupe une place à part
dans cette nomenclature.
Nous
allons
examiner successivement ces divers
organes~
~t
nous aurons plus ou moins connaissance passim
dans le développement de notre ~tud~ et dans la Charte même de
l'Organisation que nous consignons dans la partie des lIAnnexE::s"
à la fin.
Notre propos - et crest là le thème de notre intitu-
lé - porte sur la diplomatie africaine dans le grand jeu de la
diplomatie internationale.
Dans les parties qui suivent, il sera question d'a-
bord des principes, - quelques-uns - qui régissent les rela-
tions inter-africaines dans le cadre de l'O.U.A. et hors du
cadre de l'Organisation. C'est là la chasse gardée de la diplo-
matie africaine.
Ensuite des principes qui régissent les relations
entre, d'une part, les Etats africains, et, d'autre part, les
Etats non··africains. Avec le t1oyen···Orent : c'est le rush de la
diplomatie arabe. Avec les anciennes métropoles, Etats-Unis,
Union Soviétique: c'est la diplomatie pendulaire ou de bascu-
le de If Afrique. Avec l'O.N.U., Institutions spécialisées •••
etc.
; il s'agit de la contribution de l'Afrique dans les rap-
ports internationaux.
Ces deux groupes de principes, s'ils semblent de
prime abord, reprendre ceux qu'énoncent déj3 le droit interna-
tional et le droit des Nations Unies, revêtent toutefois, dans
le cadre du continentalisme africain, certaines caractéristi-
ques propres plus proches du système pan-américain que du sys-
tème pan-européen, dont toutes les composantes sont diffé.rentes.

-
97 -
Les principes généraux régissant les relations inter-
africaines sont au nombre de cinq : égalité absolue des Etats
africains, non-subversion entre les Etats, pluralisme régional
africain, intangibilité des fronti~res africaines (utl poaal-
d~tla), règlement pacifique des différends africains. Nous
nous intéressons aux deux derniers.
De même, les principes generaux qui régissent les
ralations des Etats africains avec les Etats extra africains ou
les puissances extérieures sont aussi au nombre de cinq : coopé-
ration dans le cadre des Nations-Unies, lutte contre le colonia-
lisme, neutralisme et non alignement, assistance économique sans
condition~ lutte contre le néo-colonialisme.

l
,
-
98 -
. CHA PIT RE .11
1
LE SYSTEME DE L ORGAN·ISATION
AFRICAINE

-
99 -
Par les conditions mêmes de sa fondation,
le système
de l'Organisation africaine se sépare nettement de celui du
Groupe de Monrovia ou de Casablanca. Mais quelle est la struc-
ture de 1IO.U.A. ?
l
-
'LA STRUCTURE DE LIO.U .A..
LES ORGANES l NTfRGOUVERNE-
MENTAUX.
Par la nature politique et la multiplicité indéfinie
des compétences, la structure de l'O.U.A. est très complexe.
Comme nous allons le voir, elle est aussi plus complexe que
le laisserait supposer la Charte.
Dans son article 7, celle-ci donne la liste des clnq
"organes principaux"
: Conférence des Chefs d'Etat et de Gou-
vernement, Conseil des ministres, Secrétariat général, Commis-
sion de médiation, de conciliation et d'arbitrage, Commissions
spécialisées.
Le qualificatif de "principal" ne doit pas faire il-
lusion. Tous ces organes principaux ne sont pas égaux entre
eux.
Nous allons donc examiner successivement ces divers
organes.

. i gu re, Tl 0
2
haison avec des organismes
-----
Œ~J
E'.hh•• urs à ,. 0 U .P..
r--CO-N-F-~R-E--NCE OES CHEfS D'ÉTAT 1
ET DE GOUVERNEMENT
'--
...:..I_'a~nuelle)~
-.J
PRÉSIDENT
8n exercice
.
..
..-
r
Conseil des Ministres
SECRHAIRE GËNËRAl
Commission de médiation,
de cunciliation, et d'arbitrage
(seIlT8S(fle!)
/Add,s·AlJeb3)
1
---
'-----._-----
1
,
i
1
1
,~
--
1
1
CommiSSion économique el sociale
1
1
Groupe africain
Comité de cr.ordinallon
Commission de l'éducation et de la c.u1!lJm
1
1
I!ulle an!lcolor,,~hslel
1
à m.NU
1
Commission de la sanlé, de l'hyglène
1
1
10er es· Salam)
el or. la nUlnt/on
,
1
1
l
6
1
1
L
_
"mm""," do ,. dol.".
Commission scientifique. rect)rlIQue
1
el de la recherche
1
flanque Africaine
]
Organisation
de dêveioppemenl
des NauDns Unies
~OmrniJSiOndecnopèiation
tf:chnique en Afrique
_ _Ç~.lA
~
Figure Z : L'OIgani~atiol\\ de l'Unité Africaine.

-
101 -
1 -
La'Con'fé'renC'edes'Chefs d'Et'ai:' 'e't 'de 'Go"Uv'e'rnerrient
oU Conférence aUSomniet
La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvènement est
l'organe suprême de l'organisation.
C'est la Conférence au Som-
met ou "Conférence diplomatique".
Sa composition appelle plusieurs remarques. D'abord,
comme son nom l'indique, elle comprend selon l'article 8 de la
Charte~ aussi bien des Chefs d'Etat que des Chefs de Gouverne-
ment.
Cette caractéristique revêt une importance particulière
du fait que le régime politicue dominant en Afrique est le pré-
~
sidentialisme, et qu'en dernière analyse rien ne se fait prati-
quement sans l'assentiment explicite des Chefs d'Etat.
Cependant,
l'arti~le 9 en assouplit la rigidité
puisque "la Conférence est ~omposée des Chefs d'Etat et de Gou-
vernement ou de leurs repréEentants accrédités".
Signalons qu'au
début de chaque session la 20nférence élit un président et
huit présidents de séance.
a)
Le v'oteau sein de' la Conférence
C'est ici que le principe de l'égalité des Etats
trouve son application. En effet, chaque Etat possède tine seule
voix (art.
24 du Règlement intérieur).
Conformément à l'article
10 alinéa 2, toutes les décisions sont prises à la majorité des
d
t ,
(1)
f
.
d
/.
,
eux
lers
sau
pour les questlons
e procedure qUl sont
rZ
tranchées à la majorité simple
). Le vote qui décide s'il s'a-
git ou non d'une décision de procédure est adopté à la majorité
simple.
Quant au quorum,
i l est constitué par les deux tiers
des Etats membres.
( 1)
Nr.ticle Z5 du Rè.glement -i..ntWewr. de la Con6~ence du Che6~ d'E:ta.:t
et de GOUVeJlnement.
(n Alr.:U.cle 26 du R~lement Ù,/:WeWr..

-
102 -
En fait, la plupart des décisions adoptées par la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement sont de simples
recommandations, la Charte n'ayant pas prévu un système d'exé-
cution par contrainte.
b) "LaCom:pétence de la ·Conférence
La Conférence est le principal dispositif constitu-
tionnel. Elle est l'organe supr~me de l'O.U.A. et a diverses
fonctions.
Conformément à l'article 8 de la Charte et à l'arti-
cle 3 du Règlement intérieur, la Conférence peut discuter de
n'importe quel sujet présentant un intérêt commun à tous les
pays d'Afrique.
Le législateur africain veut que la Conférence
soit la conscience du continent, le forum diplomatique où sont
débattues toutes les questions in~ortantes qui intéressent
l'Afrique.
En second lieu, si la Conférence des Chefs d'Etat
est d'abord un organe de discussion et d'étude, elle est aussi
un organe de coordination et d'harmonisation de la politique
générale de l'O.U.A., dont le Conseil des ministres assure
l'exécution.
Troisièmement, la Conférence est un organe d'approba-
tion, dans la mesure où elle approuve certaines résolutions
prises par le Conseil des ministres de sa propre initiative.
En quatrième lieu, la Conférence assume une fonction
d'organisation, puisqu'elle est compétente pour reviser la
structure, les attributions et les activités de tous les orga-
nes et de toutes les institutions spécialisées qui pourraient
être créés.
En cinquième lieu, la Conférence peut non seulement
modifier les compétences des organes de l'O.U.A., mais créer

- 103 -
des institutions nouvelles et les commissions spécialisées
qu'elle juge nécessaires.
Sixièmement, la Conférenc~ a le pouvoir d'interpréter
les articles de la Charte.
Enfin, elle assume une fonction administrative dans
la mesure où elle élit le secrétaire général (article 33 du
Règlement intérieur) et les Secrétaires Généraux adjoints
(art.
34 du Règlement intérieur).
Bien plus, elle peut mettre
fin à leur mandat quand le bon fonctionnement de l'organisa-
tion le justifie.
2 -
Le Conseil des Ministres
Le Conseil des ministres est régi par les articles
12 à 16 de la Charte. C'est le second organe de l'O.U.A.
Il
est composé des ministres des Affaires Etrangères ou d'autres
ministres désignés par les Gouvernements.
Bien que non souverain, i l dispose d'une large auto-
nomie dans l'organisation de ses travaux:
i l adopte son propre
règlement intérieur, détermine le rythme et le temps de ses
sessions, élit son bureau, peut créer toutes les commissions
nécessaires à l'exercice de ses fonctions.
Dans la pratique, i l tient deux sessions annuelles
(alinéa 2 de l'article 12) et peut se réunir en session extra-
ordinaire lorsqu'un Etat en fait la demande, sous rÉserve de
l~accord des deux tiers des membres de l'Organisation.
a) 'Le burea'u dUConseîl des Min"is'tres
Au début de chaque session, le Conseil élit au scru-
tin secret et à la majorité simple un président,deux vice-
présidents et un rapporteur dont le mandat prend fin au début

-
104 -
de la session ordinaire suivante.
Les membres ne sont pas rééli-
gibles tant que tous les représentants des autres Etats n'au-
ront pas tous assumé les mêmes fonctions(1). En fait,
ce prin-
cipe consacre le système du roulement automatique, tous les
Etats se voyant accorder, à tour de rôle, une place au sein du
Bureau. Le principe de la non-rééligibilité est donc poussé à
l'extr@me ; ce qui a le grand avantage de donner à tous les
Etats la possibilité d'être élus au Bureau conformément au
principe de l'égalité des Etats africains.
b)
Le vote au" se.::n duCons'eil
Les modalités du vote sont légèrement différentes de
celles qui sont prévues au sein de la Conférence des Chefs
d'Etat. En effet, toutes les décisions sont prises à la majori-
-"
.
l
(2)
d'
.
.
,
f '
t
.
te slmp e
et aucune
lstlnctlon n est
alte en re questlon
de procédure et question de fond.
Le quorum est consitué par
les deux tiers des Etats membres(3).
c )La c'Om:pétencedti Conse'il
Le Conseil des ministres n'a pas de pouvoir propre
de décision ; i l est responsable devant la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement. Mais i l peut arriver qu'il adopte
des résolutions exécutoires de sa propre initiative, si bien
qu'on peut diviser les résolutions du Conseil en trois catégo-
ries
:
( 1)
AIt tieR..e II du RègR.emen..t WéJUe.wt du Co l'L6 e-U du mi.n.-L6:tAu.
(Z)
A!t:ticle 29 du RègR.emen..t ùvtWe.wt.
(3)
~e. 18 du Règlement iYl:téJUe.UIl.

- 105 -
- les voeux ou les recommandations que le Conseil
soumet à la Conférence
;
-
les résolutions qui sont des actes d'application
des directives données par la Conférence
- les résolutions exécutoires prises de sa propre
initiative, ce qui se produit surtout lorsque le
Conseil est réuni en session extraordinaire pour
régler un problème urgent.
Il faut cependant noter que les compétences du Conseil
des ministres demeurent très vastes.
1°) Il prépare la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement.
Il exerce cette fonction surtout durant la ses-
sion ordinaire qui précède de quelques jours cette Conférence.
2°) Il est compétent pour régler toute question que
la Conférence lui renvoie.
3°) Il est chargé de promouvoir la coopération entre
les pays africains dans les domaines de la politique, de la di-
plomatie, de l'économie et des transports et communications, de
l'éducation et de la culture, la santé, l'hygiène et la nutri-
tions la science et la technique et enfin la défense et la sécu-
rité.
4°) Il examlne et approuve le budget de 110rganisation
préparé par le Secrétaire Général administratif.
5°) Il approuve le règlement intérieur des commissions
spécialisées çréées conformément aux dispositio~s de l'article
20 de la Charte.
II
LA STRUCTURE DE L'O.U.A.
<-
LES ORGANES INTEGRES
La Commission de médiation, de Conciliation et

-
106 -
d'arbitrage qui n'est pas un organe judiciaire, occupe la der-
nière place dans la hi~rarchie de l'O.U.A., apr~s le Secréta-
riat général,organe administratif.
Ces deux organes présentent
en cow~un un caract~re essentiel qui les distingue radicale-
ment des organes intergouvernementaux précédemment examinés
:
ce sont des organes intégrés.
1 - Le Secrétair~ Général
Placé à la tête de l'administration de l'O.U.A. et
en relation directe avec les organes intergouvernementaux,
qu'il seconde dans l'exercice de leurs fonctions,
le Secrétaire
Général est à la fois un agent administratif, cow~e les autres
membres du personnel, et un hornme politique. C'est en cela que
sa position est unique.
La question qui se pose est évidemment de savoir quel
est celui de ses deux visages ~evêt le plus d'importance.
a) L'élection
Le Secrétaire Général est élu par les Chefs d'Etat
et de Gouvernement réunis en Conférence au Sommet, conformément
à l'article 33 de son R~glement intérieur. L'élection de la
personne qui sera investie de cette haute fonction est donc un
acte politique.
L'importance de cet acte politique se trouve accrue
par l'élévation progressive de la stature politique du Secré-
taire Général, qui l'am~ne à se heurter à certains Chefs d'Etat
et de Gouvernement, contre l'opposition desquels il lui est
difficile de se maintenir (voir sur ce l'opposition du Roi
Hassan II du Maroc et de certains Chefs d'Etat à Edem Kodjo à
propos de l'adhBsion
de la République Arabe Sahraouie Démo-
cratique (RASD) au sein de l'O.U.A.
~ la 38e session du Conseil
des ministres en février 1982 à Addis-Abéba).

-
107 -
b)
Les Compétences du Secrétaire Général
Les attributions du Secrétaire Général sont très
larges
1°) Il participe aux délibérations de la Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement, et du Conseil des Ministres
des Affaires Etrangères.
2°) Il communique aux Etats membres le budget et le
prograrr~e de travail des différenTs organes de l'O.U.A.
3°) Il reçoit les notifications d'adhésion et de re-
trait de la Charte et .les communique aux Etats membres.
4°) Il communique aux Et~ts membres les demandes d'a·
mendement ou de révision de la Charte.
5°) Il crée ou supprime, sous réserve de l'approba-
tion du Conseil des ministres, toutes les sections et tous les
bureaux administratifs nécessaires.
Le secrétariat général comprend trois directions
:
- direction politique,
juridique et de la défense
direction économique et sociale ;
- direction des Affaires Administratives.
c) Les fonctions administratives
Les fonctions administratives du Secrétaire général
dérivent directement de sa. qualité de "plus haut fonctionnaire '1
de l'Organisation.
Il est le Chef du Secrétariat. En cette qua-
lité, c'est-à lui qu'il appartient de nommer tous les membres
du personnel et d'exercer le pouvoir disciplinaire à leur égard;
de décider de J'organisation et des règles de fonctionnement de

,
1
tous les services, dans le cadre des décisions budgétaires du
Conseil et des directives adoptées par les organes intergouver-
mentaux; et enfin de diriger l'activité de ces services.
L'étendue des charges et des responsabilités qui ré-
sultent de ces fonctions dépend, bien évidemment, du développe-
ment quantitatif et qualitatif des tâches confiées au Secréta-
riat par les organes intergouvernementaux.
d) Les fonctions politîques
Le rôle du €ecrétaire
g~p'ral a fait l'objet de nom-
breuses discussions, non seulement au siège de l'O.U.A., mais
aussi dans la presse africaine. Doit-il avoir un rele purement
administratif ou au contraire un rôle politique et diplomati-
que ? Les Etats africains ont préféré la première formule et
l'article 16 de la Charte exprime nettement cette tendance
lorsqu'il qualifie le premier fonctionnaire de l'O.U.A. de
Secrétaire Général Administratif.
Ainsi donc,
la crainte que le Secrétaire Général de
l'O.U.A. puisse être utilisé comme un instrument d'intervention
par certains Etats africains contre d'autres demeure à la base
de l'attitude méfiante de l'Afrique à l'égard de sa propre Or-
ganisation.
Il ne reste pas mOlns que ses fonctions politiques
existent bel et bien, et sont même encore plus absorbantes, car
elles exigent une action plus personnalisée que la direction
administrative, qui autorise - et nécessite - de larges déléga-
tions. Elles s'accompagnent aussi d'un plus grand prestige,
parce qu'elles permettent une prise directe sur des événements
de beaucoup plus grande portée.
Leur développement, depuis la
fondation de l'O.U.A., s'est opéré suivant une ligne assez
tourmentée, en fonction des circonstances et de la personnalité
du titulaire du poste, mais dont la pente ascendante a été

-
109 -
remarquablement rapide.
Il a conduit à faire du Secrétaire géné-
ral un nouvel acteur de la scène politique africaine et interna-
tionale~ dont le rôle ne peut être comparé à aucun autre et le
met en mesure~ s ' i l sait s'affirmer personnellement (le cas de
M. Diallo Telli, premier Secrétaire général de l'O.U.A.
et de
Edern Kodjo)~ de donner la réplique aux Chefs d'Etat et aux mi-
nistres des Affaires Etrangères de l'Organisation.
Ces fonctions sont multiformes.
Il est commode pour
les exposer, de distinguer fonctions représentatives, et fonc-
tions diplomatiques, bien que, dans la pratique, elles ne
soient pas réellement séparées.
1°) Les fonctions représentatives du Secrétaire gene-
l'al ne sont pas réglémentées dans la Charte.
Elles se sont dé-
veloppées pour des raisons d'ordre pratique. C'est ainsi, .par
exemple, que l'O.U.A.
est amenée, dans l'exercice de ses acti-
vités, à passer un certain nombre d'accords avec des Etats ou
d'autres organisations
(ligue Arabe, UNESCO, P.N.U.D ••• etc.).
Et le Secrétaire général signe au nom de l'O.U.A.
après les
avoir négociés, même s'ils doivent ensuite être approuvés par
un organe intergouvernemental avant d'entrer en vigueur.
Finalement, le Secrétaire général en est venu à ln-
carner l'O.U.A.
aux yeux de l'opinion publique, qui a besoin
d'un visage humain pour personnifier les institutions abstrai-
tes. Ce processus d'identification a probablement atteint son
sommet avec le premier secrétaire général M.
Diallo Telli et
l'actuel quatrième secrétaire général Edern Kodjo. Etant en con-
tact régulier avec la presse,
le secrétaire général apparaît
comme le porte-parole naturel de l'O.U.A.
2 0) Les fonctions diploma'tiqUes du Secrétaire général
trouvent une base solide dans son rÔle de coordination des di-
rectives des différents sommets des Chefs d'Etat ou des Conseils
des ministres.

-
110 -
Ainsi par exemple~ le 17e Sommet de l'O.U.A. à Free-
town, Sierra-Léone en Juillet 1980 avait chargé le secrétaire
général d'entreprendre les dÉmarches et consultations nécessai-
res aupr~s des tous les partenaires concernés en vue de recueil-
lir des précisions quant au concept, à la portée et aux dimen-
sions du projet de la coopération euro-arabo-africaine dite
"Trilogue ll •
De même,
le deuxième Sommet Extraordinaire des Chefs
d'Etat tenu à Lagos au Nigéria en Avril 1930, avait adopté une
résolution relative à "la participation Africaine aux Négocia-
tions Internationales ll •
Cette résolution demandait aux Etats
membres de l'O.U.A. de participer pleinement et activement et
activement à la lle session Extraordinaire de l'Assemblée Géné-
rale des Nations Unies, sur l'évaluation des progrès accomplis
dans l'instauration du Nouvel Ordre Economique International
(N.O.E.I.) et les mesures appropriées pour mouvoir le développe-
ment des pays en développement et la coopération économique
internationale. Et le Secrétaire général en ct été l'acteur prin-
cipal dans ce jeu des Relations internationales. Par là~ le
Secrétaire général cesse d'être seulement le serviteur des
Etats membres.
Il acquiert une autonomie de jugement qui lui
permet de prendre des initiatives pour lesquelles~ en l'absence
des directives émanant des organes intergouvernementaux~ il ne
doit connaître d'autre guide que les buts et principes de la
Charte, tels qu'il en interprète les exigences in eonc~eto.
Le développement de la diplomatie personnelle du
Secrétaire général est tel que certains Etats membres (le Maroc
et d'autres Etats à propos de l'admission de la R.A.S.D. au sein
de l'O.U.A. - - - cf.
supra), en prennent ombrage et estiment
qu'il y a là un empiètement sur les responsabilités des gou-
vernements et des organes intergouvernementaux.
En fait, nous pouvons dire, que l'exercice de ces
fonctions diplomatiques dépend avant tout de la conjoncture

- 111 -
politique existant au moment considéré et du jugement du Secré-
taire général, tout autant que de liautorité qu'il a pu s'ac-
quérir et de la confiance qu'il a suscitée.
2 -
La CCimmis's'ionde Médiation~ de con'ciliatio'n et d'arbitrage
Il faut faire remarquer que cette Commission n'est
pas un organe jUdiciaire et quiil occupe la dernière place dans
la hiérarchie de l'O.U.A. après le secrétariat général. Faut-il
en déduire que la Charte de liO.U.A. ne veut lui attribuer
qu'un rôle secondaire? Que les Etats africains préfèrent les
négociations directes comme procédé de règlement des conflits
internationaux aux autres procédés tels que la conciliation ou
l'arbitrage?
Ce n'est pas que la Charte ait voulu lui attribuer un
rôle secondaire, mais la pratique du règlement des litiges et
différends (Conférence des Chefs dVEtat, Conseil des ministres
des Affaires Etrangères, Commission ad hoe) avant la mise sur
pied de la Commission et sa composition tardive fait qu'elle
n'a jamais rempli ses fonctions.
En effet, en AoÛt 1963, à Dakar, le Conseil des minis~
tres des Affaires Etrangères établit un comité d'experts chargé
d'élaborer un protocole relatif à la Commission de médiation.
Lors de la troisième session du Conseil des ministres tenue au
Caire en Juillet. 1964, le texte est accepté et entériné par la
Conférence des Chefs d'Etat quelques jours plus tard.
Le texte de cet accord fait désormais partie intégran-
te de la Charte de l'O.UwA. ainsi que le prévoit son article 32.
Les membres de l'O.U.A.
sont donc ipso facto parties au Proto-
cole et sont liés par ses dispositions.
Il faut attendre toute-
fois la réunion d'Accra, en octobre 1965, pour que les membres
de la Commission soient enfin désignés.

-
112 -
1°) Composition de la COlTimission
La Cownission est composée de vingt et un membres
élus par la Conférence des Chefs dlEtat et de Gouvernement se-
lon l~article 2 alinéa 1 du Protocole. Ce sont des personnali-
tés justifiant d'une compétence juridique, diplomatique ou po-
litique. Chaque Etat présente un national et un ressortissant
d'un autre Etat.
Les candidatures sont adressées au Secrétaire
Général qui dresse la liste des candidats au scrutin secret
conformément aux dispositions de l'article 31 du Règlement in-
térieur de la Conférence des Chefs d/Etat.
Les membres de la
Commission sont élus, pour une durée de cinq ans et sont réeli-
gibles. Ils peuvent être révoqués par une décision de la Con-
férence des Chefs d'Etat et de Gouvernement "pour cause d'inca-
pacité à remplir leurs fonctions ou pour faute grave". Ils
jouissent dans l'exercice de .leurs fonctions, des privilèges
et immunités diplomatiques prévues par la Convention des privi-
lèges et immunités de l'O.U.A.
(article 17 du Protocole).
La Commission est un organe permanent
Les membres
J
du Bureau de la Commis sion doivent, en principe, rés ider de fa-"
çon continue au siège de l'O.U.A. Ils sont élus pour cinq ans,
non rééligibles par la Conférence des Chefs d'Etat. Le Bureau
est composé d'un président et de deux vice-présidents.
A la différence des autres commissions spécialisées,
la Commission établit son propre règlement intérieur, qui n'a
pas besoin de l'approbation du Conseil des ministres. Notons
qu'il a été établi lors de sa réunion de décembre 1967 à
Addis-Abéba.
2°) La "Co"mpétence de la Commiss"ion
Il Y a un domaine unique où s'étend la Compétence de
la Commission: r'est celui des litiges entre Etats membres de
l'O.U.A. Sont ainsi exclus de sa compétence:

- 113 -
a) les conflits entre un Etat membre et l'O.U.A.
;
b) les conflits entre un Etat membre et un individu
ou une personne morale
;
c) les conflits entre un Etat membre et un Etat non
membre de l'O.U.A.
La compétence de la Commission est facultative.
Le
consentement de l'Etat membre partie au différend se manifes-
te soit par la soumission du litige à la commission, soit par
l'acceptation de la juridiction relative à un litige déféré à
la Commission par un autre Etat. Il est bon de faire remarquer
que la Commission peut également être saisie par le Conseil des
ministres ou par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouverne-
ment. L'accord néanmoins des deux parties au différend demeure
nécessaire. Aussi, ni le Conseil ni la Conférence ne peuvent-
ils obliger un Etat membre à aller devant la Commission.
Enfin, un Etat membre peut, par un engagement préa-
lable écrit, accepter le recours à la médiation, à la concilia-
tion) ou à l'arbitrage. Cet article, qui s'inspire de l'alinéa
2 de l'article 36 du Statut de la Cour Internationale de Jus-
tice, sera d'une application difficile et soulèvera bien des
difficultés,
la compétence de la Commission étant, conformé-
ment à l'esprit de la Charte d'Addis-Abéba et conformément aux
dispositions du Protocole même, essentiellement facultative.
3°) Les procédUres mises "en oeuVre "deVant laCoJIUTiie-
sion
Si le Bureau de la COTI@ission intervient pour exami-
ner avec les parties la manière la plus approprlee de régler
le conflit soumis à la Commission, i l n'en demeure pas moins
que les Etats sont entièrement libres du choix des moyens de
règlement pacifique de leurs conflits. Conformément à l'arti ..
cle 19 du Protocole,
"les Parties peuvent se mettre d'accord
pour recourir à l'une de ces procédures de règlement: média-
tion, conciliation et arbitrage".

-
114 -
1) La Média't ion
Elle est, comme les bons offices, une procédure d'ori-
glne coutumière fort ancienne.
La plupart des traités relatifs
au règlement des différends et l'article 33 de la Charte des
Nations Unies mentionnent la médiation â c6té des négociations,
parmi les procédures pacifiques. Elle peut être exercée par un
ou plusieurs Etats tiers, par une organisation internRtionale
ou m~me par une personnalité qualifiée, et consiste à recher-
cher, de concert avec les Etats en cause, une solution basée
sur les suggestions du médiateur. L'offre de médiation peut
être spontanée ou intervenir à la demande de l'une des parties.
Dans le premier cas, elle suppose l'acceptation préalable des
intéressés st, dans le deuxième cas, celle du médiateur solli-
cité.
Le médiateur prend une part active dans les négocia-
tions.
Son action et son intervention sont continues jusqu'à
l'heureuse conclusion ou l'échec des pourparlers.
Dans le cas de l'O.U.A., seul le président de la
Co~~ission désigne le médiateur qui est choisi parmi les mem-
bres de la Commission, en accord avec les Etats en conflit
(article 20 du Protocole).
Il faut noter que le Président de la
Commission peut se désigner lui-même comme médiélteur ou en nom-
mer plusieurs.
Le médiateur a le rôle de concilier les points de
vue et l~s revendications des Parties. Il dJit présenter aux
Parties des propositions écrites dans les meilleurs délais. Si
ces propasitions sont acceptées~ les Etats en conflit signent
un protocole d'arrangement. Si les termes de la solution propo-
sée par le médiateur ne sont pas acceptés par les Etats, les
fonctions du médiateur prennent fin. Mais pendant que dure la
médiation,
"les membres doivent s'abstenir de tout acte ou
omission pouvant aggraver une situation soumise à la Commis-
sion" .••
(article 15 du Protocole).

- 115 -
2) La 'Conciliation
S'il faut
définir, le mot conciliation est suscep-
tible de deux acceptions:
la première, la plus large, désigne
toute action, tout moyen tendant à rapprocher, à mettre d'ac-
cord des vues, des prétentions, des intérêts opposés, à l'ex-
clusion des moyens juridictionnels
: arhitrage et Cour Inter-
nation31e de Justice. Cette signification englobe donc toutes
les procédures dites diplomatiques ou politiques de règlement
pacifique des différends, procédures isolées telles que négo~
ciations, consultations, bons offices, médiation, cow~ission
d'enquête, conciliation propreIPent dite, et procédures organi-
sées dans le cadre des institutions internationales, S.D.N.,
Nations Unies,
O.E.A., Ligue Arabe et O.U.A.
Selon une acception plus étroite, qui est la netre
ici au cours de ce chapitre, le terme conciliation indique un
mode précis de règlement des différends, consistant à les sou-
mettre à l'examen d'une commission spéciale composée de per-
sonnes de confiance appartenant à des nationalités différentes
et agréées par les parties, et chargée de présenter à celles-
ci des propositions facultatives en vue d'un arrangement.
Elle est un succédané de la négociation directe et
constitue la synthèse de la médiation et de l'enquête. Elle
emprunte ses formes à la procédure des commissions
interna-
tionales d'enquête; et comme la médiation, elle représente
une sorte de négociation à laquelle des tiers sont associée
dans l'espoir qu'ils aideront à atteindre un règlement amiable
et sauront user de persuasion pour faire accepter la transac-
tion par les parties au différend.
Ainsi donc, selon l'article 22 du Protocole, de la
Charte de l'O.U.A., le procédé de la conciliation peut être
mis en oeuvre à lè démande d'une seule des Parties au litige
par voie de requête unilatérale adressée au Président de la
Commission et exposant de façon succincte les motifs du con-

- 116 -
flit.
Cette Partie devra indiquer llqu'une notification écrite
pr~alable a [t~ adress~e ~ l'autre Partiel'. Le Président de la
Commission s'assure que la requêt2 a été effectivement commu-
niquée à l'autre Etat en cause et que ce dernier accepte de
recr:urir à la conciliation.
Aussitôt que l'accord des deux Etats en conflit a
été obtenu, le président de la Commission institue, d'accord
avec les Parties, un Conseil de conciliation. Ce Conseil est
composé de cinq membres. Deux d'entre eux sont désignés par
chacune des Parties, les trois autre sont choisis par le pré-
sident de la Commission parmi les membres de celle-ci.
C'est
lui qui désigne le Président du Conseil de Conciliation, qui
est choisi parmi les trois conciliateurs nommés par lui. Il
est bon de noter que les Parties au différend peuvent, si
elles le veulent, désigner comme conciliateurs des non-membres
de la Commission (article 23 alinéa 3 du Protocole).
Le rôle du Conseil de conciliateurs consiste à
"préciser les données du litige'; à "s'efforcer de réaliser un
accord entre les Parties à des conditions mutuellement accep-
tables".
En l'absence de toute opposition entre les Parties,
le Conseil de Conciliateurs établit sa propre procédure (arti-
cle 24 alin~a 4 du Protocole). Il peut décider d'entendre tou-
te personne en mesure de fournir des renseignements pertinents
concernant le litige.
Les Etats parties au litige sont autori-
sés à demander l'audition de témoins (article 25 du Protocole).
Enfin, "les Parties sont représentées par des agents qui agis-
sent en qualité d'intermédiaires entre elles et le Conseil" de
conciliateurs.
Les travaux du Conseil de conciliateurs demeurent
secrets et la publication du procès--verbal de conciliation ne
peut intervenir qu'avec le consentement des Parties (article
26 alinéa 2 du Protocole). Au terme de la procédure, le Con-

- 117 -
seil èe conciliateurs rédige un rapport constant que les Etats
intéressés sont parvenus à un accord ou qu'il n'a pas été pos-
sible d'aboutir ~ un r~glement (article 26 alinéa 1 du Proto-
cole).
La procédure de la conciliation, présente, nous sem-
ble-t-il, de nombreux avantages
:
1°) Elle a la souplesse des modes diplomatiques de
règlement des différends, dont la principale caractéristique
est d'être facultatifs, de n'exiger aucun engagement préalable
et de laisser aux parties intéressées leur pouvoir de décision.
Normalement elle devrait convenir aux Etats susceptibles, fé-
rus de leur souveraineté de .leurs prérogatives
; pour ces der-
niers, les solutions juridictionnelles --- arbitrage ou Cour
internationale --- comportent le risque d'une condamnation.
2°) Elle est simple et non formaliste.
3°) Elle peut régler des différends de toute nature,
aussi bien juridiques que politiques, aboutir à des solutions
fondées sur l'application du droit,l'équité, les intérêts poli-
tiques ou économiques en présence, la pure opportunité et
d'une manière générale, toute considération d'ordre objectif
ou subjectif. Elle crée selon l'expression de M. Hüber, une
législation ad hoc.
4$) Dans certains cas, lorsqu'elle préc~de la procé-
dure arbitraire ou judiciaire, elle présente les mêmes avanta-
ges que le préliminaire de conciliation en droit privé, et
permet en cas de succ~s d'éviter un recours contentieux ---
un mauvais arrangement ne vaut-il pas mieux qu'un bon proc~s?-­
et fournit aux parties lloccasion de bien connaître leurs
points de vue respectifs.
5°) Elle est secr~te et favorise par conséquent les
concessions réciproques si difficiles à faire du haut

-
118 -
de la tribune des organisations internationales ou dans le pré-
toire du juge. Si l'on cède publiquement, ne doit-on pas crain-
dre de perdre la face ?
6°) Elle est l'oeuvre de techniciens en majorité
neutres et indépendants, d'une haute moralité et d'une vaste
expérience. Elle va donc "dépassionnaliser
le différend, le
ramener ~ des proportions raisonnables. Ne dit-on pas que nul
n'est bon juge en sa propre cause? Et n'est-on pas toujours
plus disposé à accepter les propositions d'un tiers que celles
d'un antagoniste?
Ainsi peut-on conclure ~ l'avenir de la Conciliation.
3) L'arbitrage
----_...::-<-
Le prGtocole de la COIT~ission ne définit aucune con-
dition quant à la forme que pourra.it revêtir le compromis d'ar-
bitrage, laissant les Parties libres de choisir celle qui leur
conviendrait, traité ou échange de notes. En toute hypothèse,
ce compromis d~it contenir "la soumission en toute bonne foi à
la décision arbitrale"
(article 28 du Protocole).
Le Tribunal d'arbitrage est institué de la façon
suivante : chacun des deux Etats en litige désigne un arbitre
choisi parmi les membres de la Commission.
Les deux arbitres
désignés ainsi choisissent à leur tour parmi les membres de la
Commission un surarbitre qui assumera la présidence du Tribunal.
Dans l'hypothèse où les deux arbitres désignés par les Parties
n'arriveraient pas à se mettro d'accord dans le délai d'un mois
qui suit "leur désignation sur le choix de la personne qui sera
le président du Tribunal, le Bureau de la Commission de média-
tion
de Conciliation et d'arbitrage désigne le Président du
9
Tribunal arbitral.
Le Tribunal arbitral peut être aussi composé de cinq
membres
le président de la Commission peut alors, d'accord

- 11~ -
avec les Parties, nommer deux membres supplémentaires au Tri-
bunal, qui ne doivent pas forcément appartenir à la Commission,
mais dont les pouvoirs seront identiques à ceux des autres mem-
bres du tribunal. Il faut noter que les arbitres doivent être
africains.
Le Protocole pose plusieurs conditions pour le choix
des arbitres.
1 0 )
Les arbitres doivent posséder des qualifications
juridiques. Ce12 s'explique par le fait que les arbitres doi-
vent résoudre le différend qui leur est soumis sur la base du
respect du droit.
2-) Aucun des arbitres composant le tribunal ne doit
être ressortissant de l'un des Etats en conflit.
3°) Ne peut être arbitre quiconque est domicilié sur
le territoire des Parties, ou a été à leur service cu a déjà
agi comIne médiateur ou conciliateur dans le même différend.
4°) Les arbitres doivent également être tous de na-
tionalité différente.
Mais quel droit le tribunal applique-t-il ?
Quelques indications sont contenues dans liarticle
30 du Protocole.
D'abord, les parties ont naturellement la possibilité
d'indiquer dans le compromis d'arbitrage le droit applicable.
Si les Parties ne le font pas, le Tribunal arbitral peut tran-
cher le conflit "conformément aux traités conclus entre les
Parties au droit international, à la Charte de l'O.U.A., à la
Charte des Nations Unies et, si les Parties sont d'accord, ex
ae.qu.o et bono". Quant à la. faculté de juger ex ae.qu.o et bono,

-
120 -
le Tribunal d'arbitrage ne peut s'en prévaloir que s ' i l y est
expressément autorisé par le compromis.
Les délibérations du Tribunal demeurent secrètes,
sauf décision contraire des arbitres
(article 31 alinéa 1 du
Protocole).
La sentence du Tribunal devra selon l'article 31
alin8a 3, être établie par écrit et exposer "les motifs sur
lesquels elle se fonde",
sinon, elle serait entachée de nulli-
té.
La décision du Tribunal est authentifiée par la signa-
ture des arbitres et du Greffier de la Commission. La sentence
ainsi rendue est définitive, aucune voie de recours, en appel
ou en révision n'est prévue.
Notons que les Etats membres ne sont pas favorables
au droit. Même s'ils ne sont pas toujours reconnus et exprimés
avec clarté, ces sentiements, qui prédominent chez les repré-
sentants de nombreux Etats, expliquent leur attitude de réserve
â l'égard d'un recours au Tribunal.
Le style de l'O.U.A. est différent.
On souligne son
réalisme, pour ne pas dire son cynisme
: le droit est souvent
invoqué, au secours d'une thèse politique, mais pas toujours
avec beaucoup de rigueur -
i l s'en faut -
et il semble fréquem-
ment sacrifié dans les compromis auxquels on s'arrête finale-
ment.
3)
La fondation des autres p16mente; dU svstème
of
lesco'rmriissions spéciaTisées.
Cinq c:arm:i.ssions
spécialisées ont été créées conformÉ-
, ment à l'article XX de la Charte d'Addis-Abéba
-
la Commission économique et sociale ;
-
la Commission de l'éducation et de la culture

- 121 -
_. la Commission de la santé, de l'hygiène et de la
nutrition ;
la Commission de la défense
-
la Commission scientifique, technique et de la
recherche.
Il faut noter que la Conférence des Chefs d'Etat et
de Gouvernement peut créer les commissions qu'elle juge néces-
saires. Chacune de ces commissions spécialisées est composée
des ministres compétents ou de tous autres ministres ou pléni-
potentiaires désignés à cet effet par leurs gouvernements res-
pectifs.
Ainsi donc, à côté des organes principaux, prennent
place des éléments qui aboutissent à la forma.tion d'un ensemble
d'institutions destin6es à former la "famille ou le système de
l'O.U.A.", et qui sont chargés de promouvoir la coopération
interafricaine, avec des moyens spécifiques, dans les différents
secteurs où le besoin s'en fait sentir avec le plus d'acuité.
Il est manifeste que la coopération interafricaine
s'impose dans ces domaines comme une nécessité absolue et ne
peut se contenter de formules passe-partout. Tout au contraire,
il faut disposer d'instruments institutionnels spécialement
conçus en fonction des besoins propres à chaque secteur d'in-
tervention.

LE SYSTeME INTER-AfRICAIN
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(Anii 1973)
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interIHitionales".
P.~. -
Peu",'n! être citées cu on\\.re de uOmbrC\\ISea /lulres
('aine, Maigaehc et l-laurilicllllc, la Banque Africnine Je, J){-""inp·
Oq(unbations Airicnîncs. in plupart d'entre clic,; en crise pour
p<mcnl, le Comité PcrnwneIll COD.,u1tntif IHCl~hrébil\\.
ues raisollS cSl;cntielleJl,lent politiques : L'Ofi(llnisnlion pOUl' 1'1
- .. ' Glle pillee il pllrt doit êlre réservee il la COln)lIi":;;'''1 Eco--
m;'e en vnleur du Fleuve S<'nét:al, .l'Union DOllfillièrc et Econo.
nu III i ({Il" des !'\\atiolls Li nies pou r l'A fri que (Addi s .~ hèb;tJ l'n n','
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qu'dIt" été créée pal' ['O,N.U"
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C"H!lllllnaUU ,t'i\\fd'luc Oriellll,le, J"Or:;/luiSI\\liun Commune .·Hri-
",i,pa: d
Social).

-
123 -
CHA P 1· T RE III
LA LIGUE DES· ETATS ARABES COMME
. SYSTéME DE ·COMp·AR·A I-SON

-
124 -
INTRODUCTION
La Ligue des Etats Arabes est une des organisations
afro-asiatiques; c'est-à-dire des organisations internationa-
les instituées en Afrique et en Asie selon les règles et les
procédures classiques du droit international. Il s'agit sur-
tout d'organisations inter-étatiques qui ne donnent pas lieu
à la création d'organes dotés d'un pouvoir supranational ou
f(-déral.
En raison de cc caractère classique de leurs struc-
tures, les organisations afro-asiatiques ne présentent pas sur
le plan juridique autant d'intérêt que, par exemple, les orga-
nisations européennes. Elles ont cependant une grande importan-
ce sur le plan politique et psychodiplomatique dans la mesure
où ce sont les premières organisations constituées sans la par-
ticipation ou la tutelle des grandes puissances occidentales.
Elles sont l'émanation du mouvement afro-asiatique
d'émancipation. Notons que c'est le principe du droit des peu-
ples à disposer d'eux-mêmes, consacré par le Pacte de la
S.D.N. puis par la Charte des Nations Unies, qui est le point
de départ idéologique du mouvement.
Si l'Unification de l'Europe a trouvé ses sources
dans la tradition ancienne d'un continent riche en développe-
ments humains et historiques, si le panaméricanisme lui aussi
a une longue tradition qui puise aux sources des doctrines de
Bolivar, de Henry Clay et de Monroe, l'Afro-asiatisme est un
mouvement politique d'origine très récente, issu d'un réflexe
anticolonialiste et sans doctrine préétablie. Il ne repose pas
à l'origine sur une unité réelle entre l'Afrique et l'Asie.
Néanmoins t
l ' Afro--asiatisme est une idée-force qui
anime plus d'un mouvement politique et plus d'une organisation
internationale.
Quelles sont donc les tendances qui ont contri-
bué à élaborer cette idée-force ?

-
125 -
On peut distinguer cinq courants, d'importance et de
nature différentes:
l'Asiatisme
l'Islam, l'Arabisme, l'Africa-
5
nisme et le marxisme.
Nous avons déj~ parlé du Panafricanisme, nous allons
donc VOlr ci-après dans le cadre comparé la Ligue des Etats
Arabes.
1 -
Naissance deI"" Ligue Arabe
La Ligue Arabe est née le 23 mars 1945. Lors de sa
création, la Ligue était plus asiatique qu'africai.ne puisque,
des sept Etats fondèteurs,
six se trouvent en Asie (Arabie
Saoudite, Irak, Liban, Jordanie, Syrie, yémen) et un seul en
Afrique, l'Egypte. Par la suite, elle s'est étendue à d'autres
pays arabes.
Le Pacte de la Ligue Arabe groupe maintenant l'ensem-
ble des Etats indépendants, se situant entre le Golfe Arabique
et l'Océan Atlantique. Le Pacte a progressivement intégré la
Libye, le Soudan) le Maroc, la Tunisie, le Koweit, l'Algérie,
la République Yéménite, la Fédération des Emirats arabes,
Bahrein, Quatar, Oman, la Hauritanie, la République Somalienne,
l'Organisation de Libération de la Palestine (O.L.P.), Djibouti.
Soit vingt-deux nations arabes.
T
E
0 "
-'
hO
ous ces
tats appartlennent a une reglon geograp l-
que formant un ensemble continu, et dont la langue est l'arabe
et la culture islamique.
La Ligue Arabe est plus un groupement d'Etats Gyant
des liens étroits de civilisation qu'une confédération défendant
des intérêts communs. Elle n'a pas les attributs d'un Etat.
C1 est plus une association représentative d'une civilisation
très homogène dans ses comportements et dans son évolution, mais
très différenciée dans ses strUGtnres politiques puisque l'en y

- 126 -
trouve des régimes monarchiques, des principautés, des R€publi-
ques socialistes.
Comrn(~ son nom l'indique, la Ligue des Etats Arabes
nIa jamais eu, au sein du mouvement afro-asiatique, qu'un
objectif limit€
: "Resserrer les liens 6troits qui unissent
les Etats Arabes •. • ".
En vérité, il n'y a jamais eu au sein de la Li~ue une
opposition entre Etats arabes asiatiques et Etats arabes afri-
cains. De 1945 à 1958, la Ligue était dominée par deux groupes
qui slopposaient : l'Egypte, l'Arabie Saoudite et le Yémen,
d'une part; les Etats hachémites, Irak et Jordanie, d'autre
part, la majorité étant r6alis&e par l'apport des voix de la
Syrie et du Liban, qui pratiquaient un jeu de bascule en ap-
puyant tantet un groupe tantôt l'autre.
De même que l'O.U.A. se divise en progressistes et
modér6s aujourd'hui, ou hier en groupe de Casablanca et de Mon-
rovia, on distingue dans la Ligue les Etats révolutionnaires et
socialistes (Egypte, Algérie, Syrie, Irak) et les Etats réfor-
mistes mais traditionnels (jl,.rabie Saoudite, Jorde.nie, M"aroc,
Koweit), l'ancienne oppositiclTI dynastique faisant place à une
opposition idéologique.
SECTION l
Les organes de la Ligue Arabe.
Le Pacte de la Ligue arabe est en fait un engagement
pris par chacun des Etats participants. Pour assurer dans une
mesure aussi convenable que possible la bonne ex~cution du Pac-
te, les Etats membres ont créé des organes de liaison, de coor-
dination, et de défense tr~s nombreux, qui font de la Ligue
Arabe une organisation internationale arabe inter-Etats.
A l ,
. .
l
l '
.
orlglne,
a
Jlgue arabe reposalt sur une struc-
ture tripa.rtite: le Conseil de L~. Ligue, les Commissions spécia-
lisées et le Secrétariat Général.

- 127 -
§ • 1.
- L e CO'nse"il "de '12." Ligu0
Le conseil de la Ligue est l'instance supr~me de liai-
son et de coordination des activités de la Ligue dans le cadre
des Convent:ions liant les Eta.ts m~;mbres. Il est l'équivalent du
Conseil des ministres, second org~ne de l'O.U.A. Il se réunit
deux fois p~r an en session ordin~ire et en session extraordi-
naire lorsqu'un Etat en fait la demande.
Le Conseil est formé par les représentants des Etats
b
mem res. Leur rang n ' '
est '
pas' . /
prec~so: l
e p us I
souvent
t
ce son
les ministres des Affaires Etrangèrcs des divers pays. Chaque
Etat n'a qu'une seule voix. A la différence du Conseil des mi-
nistres de l'O.U.A., les décisicns du Conseil 80nt prises ~
l'unanimité. Toutefois les décisions prises dans les matières
énum§r6es ~ l'article 16 du Pacte arabe (personnel, budget,
règlements intérieurs, clôturs des sessions) sont prises à la
majorité simple. La nomination du Secrétaire Généra.l a lieu à
la majcrité des deux tiers, et l'exclusion d'un Etat membre est
d "
'..:l"
....
l
.
"
"
eCluee a
a quasl-unanlmlte.
§.2.
-
Les Corn:missions spécialisées "perman"entes
Comme l'O.U.A., la Ligue comprend, conformément aux
dispositions des articles 2 et ~" du Pacte, six cornrr,issions per-
manentes compétentes en matière §conomiqu,e, des communications,
culturelle~ juridique, sociale et de santé. Par la suite,de
nouvelles commissions ont été créées, notamment la Commission
politique 9 la Commission du Pétrole, la Commission de l'Infor-
mation, la Commission de l'Aviation.
Ces Commissions, qui comprennent des délégués de tous
les Etats membres, se réunissent au siège de la Ligue ou dans
les capitales arabes sur convocation du secrétaire général et
&lisent un président pour une période de deux ans. Les débats
sont secrets et elles adoptent: leurs résolutions ~ la majorité

-
128 '-
simple. Elles Dréparent /~es progI)arnlTleS de cc·opération chacune
dans son domaine respectif, alnSl que des projets de conven-
tions del.caract~re technique.
§ • 3.
-
LeSe'crétaria.t Géné.ral
Le secrétariat de la Ligue a son siège au Caire. I l a
~ sa tgte un secrétaire général désigné par le Conseil de la
Ligue~ et qui désigne ~ son tour à la diff6rence de l'O.U.A.~
avec 11approbation du Conseil, les secrgtaires adjoints ainsi
que les principaux fonctionnaires. En effet, ~ l'O.U.A., seule
la Conf~00~~e a~ scrrm0t
61it le secrétaire général et ses
adjoints.
Le secrétaire génér~l a un rôle administratif. Mais
il a aussi un rele politique. A ce titre, le secr~taire g€n€ral
peut marquer la diplomatie de la Ligue d'une empreinte très
personnelle corrune ce fut le cas d'Abdel Rahman Azzam, premier
- ' t '
..-..-
l
ct
I L '
-,
.
.
j
f '
secre alre genera
e
a
.lgue.
J.._
ët
pour mlSS lon ,_ e _alre
exécuter les décisions du conseil de la Ligue. Sur le plan
international i l représente l'ensembie des Etats arabes de la
Ligue.
Le Secr(tariat de la Ligue est divisé en divers dé-
partements, not,::unment le département politique, économiquE., j u-
ridique, aàministratif et financière et le département de l'In-
formation.
Chacun a ~ sa t@te un directeur, assist~ d'un certain
nombre de collaborateurs. Malgré cet appareil administratif et
technique, le secrétariat n'a jamais su devenir un centre de
recherches et d'informAtion à l'échelle du monde arabe. Ceci
dit, il faut reconnaître que cette incapacité à créer les ins-
truments d'une connaissance scientifique des Etats membres, à
établir un réseau de communica.tions, est un phénomène propre à
toutes les institutions afro-asiatiques.

-
129 -
SECTION I I
Les prolongements è'ela Ligue Arabe
Plusieurs accords, conventions ou r~solutions, sont
venus compléter et renforcer la structure de IR Ligue Arabe.
Il faut citer d'abord la création de la Commission
politique établie le 30 Novembre 1946, composée des ministres
des Affaires Etrangères des Etats membres dont i l s'agit de
synchroniser la politique extérieure. A partir de 1947 la
Cornmission se consacrer'd principalement '3.U problème palesti-
nlen.
§.1. -
Les organes du Pacte de défense collective
Nous citerons les organes crêts par le Pacte de dé-
fense collective et de coopératicn économique du 17 Juin 1950.
Le Pacte prévoit un Conseil de Défense commune formé des minis-
tres àes Affaires Etrangères et Ccux de la Défe~se nationale
des Etats membres.
Les dÉcisions de ce Conseil Bont prises à
la majorité des deux tiers et sont obligatoires à l'égard de
tous.
Le Pacte prévoit auss i
un Comi t~ perma,nent groupant des
représentants des états-majors. Ce Comité institue à son tour
des sous-comités permanents. Un organisme militaire consulta-
t i f groupant les chefs d' éti'.lt-ma.jor <3es divers Etats est, enfin,
chargé de contrôler le Comité militaire. Tout ce lourd appa-
reil est assisté par un Secr6taria,t militaire permanent. Enfin,
le Pacte pr€voit
aussi un Conseil ~conomigue formé des ministres
charges des affaires économiques. Ce Conseil, par la suite, a
reçu une perscnnalit6 propre et est devenu une entit~ distincte
sans rapport avec le Pacte qui lui a donné naissance.
§ .2.
-
Lesorga"ne'scr'éés par la'Conférenc'e aU 'sorrÜnet ara,be
La Conférence au Sommet arabe qui a réuni au Caire,
du 13 au 17 Janvier 1964, tous les chefs d'Etat arabes a créé

-
13 a ~.
une nouvelle série d'organes directeurs qui sont venus se juxta-
poser aux organes déjà existants.
Il Y a d'abord la Conférence des rois et des chefs
d'Etat, qui devient l'organe supr@me de la Ligue et qui se
réunit une fois par an en session ordinaire durant le mois de
Septembre et parfois en session extraordinaire.
Comme la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouverne-
ment de l'O.U.A., la Conférence des rois et des Chefs d'Etat
est la conscience du monde arabe, le forum où sont débattues
toutes les questions importantes et constitue ainsi une forme
nouvelle de "diplomatie itinérante au sommet". Nous en parle-
rons dans le prochain chapitre.
Il Y a, en second lieu, le Comité de contrôle, com-
prenant les représentants personnels de tous les rois et chefs
d'Etat et chargé d'établir un rapport mensuel sur l'exécution
des résolutions adoptées par la Conférence des rois et des
Chefs d 1 Etat. Ce Comité se transforme en "Super-Comité" lors'-
qu'il se réunit, tous les quatre mois, au niveau des présidents
du Conseil ou des vice-présidents du Conseil des Etats arabes.
A ce moment, d'organe de contrôle~ le comité se transforme en
organ~ de décision : non seulement il peut adopter des résolu-
tions en CèS d'urgence, mais demander la convocation d'une
session extraordinaire de la Conférence des rois et chefs
d'Etat.
Il Y a, en troisi~mE lieu, l'Organisation des eaux
du Jourdain, qui comprend des représentants de quatre Etats
arabes (Jordanie, Liban, Syrie, R.A.U.l. Cet organisme est
chargé de contrer les projets israéliens d'irrigation en dé-
tournant les affluents du Jourdain pour irriguer les terres
arabes.
En quatrième lieu, est créée l'Organisation du
peuple Palestinien ayant autorit~ sur tous les Palestiniens,

- 131 -
y compris ceux qUl résident en Jordanie.
En cinquième lieu, est établi un commandement uru-
fié qui vient s'articuler avec les organes créés par le Pacte
de défense collective de Juin 1950.
En fait, tous ces organlsmes ont fonctionné tcot bien
que mal jusqu'à la défaite arabe de Juin 1967, qui devait mar-
quer un temps d'arrêt, en fait sinon en droit, dans les activi-
tés de ces nouvelles structures.
§. 3.
Lesinsti tutions' spécialiséesc'réées p'ar la Ligue.
<.<
La Ligue arabe ne s'est pas seulement contentée de
créer les organes directeurs que l'on vient d'examiner, mais
encore toute une série d'institutions spécialisées, tantôt ln-
corporées à la Ligue, tantôt indépendantes de celle-ci. Ce
sont entre autres notamment: l'Institut des Hautes Etudes ara-
bes, la Banque de Développement arabe, l'Union arabe de Télé-
communications et Radiocommunications, la Société arabe des
Pétroliers '"
etc. Autant d'institutions dont la plupart h'ont
jamais effectivement fornctionné.
SECTION TIl
Les activités de la Ligue Arabe
Les activités de la Ligue Arabe présentent un intérêt
certain pour une meilleure compréhension du mouvement afro-
asiatique dans la mesure o~ la Ligue arabe a été une organisa-
tion d'avant-garde, un précurseur qui a développé les princi-
paux thèmes de l'Afro-asiati~me bien avant la Conférence de
Bandoeng. Les principales activités de la Ligue peuvent se
diviser en deux catégories : les activités qui sont le propre
de toutes les organisations internationales et celles qui sont
plus spécifiquement afro-asiatiques.

-
132 -
§.1. -Les activités traditionnelles
Ces activités, qui sont communes à toutes les organi-
sations internationales, qu'elles soient régionales ou mondia-
les, sont au nombre de trois: règlement pacifique des diffé-
rends; sécurité collective; coopération économique et sociale.
A -
LE
REGLEMENT PACIFIQUE DES VIFFEPfNVS
La Ligue a consacré une grande partie de son activité
à régler les conflits qui éclataient entre ses Etats membres.
Le plus souvent, ces conflits et ces différends ont été réglés
par des négociations diplomatiques on la Ligue a joué le rôle
de médiateur. Par contre, le conflit qui opposait la Syrie au
Liban en mai 1949 a été réglé par l'arbitrage.
Il faut dire, en général, que les Etats arabes mani-
festent une certaine réticencE à saisir la Ligue de leurs con-
flits,
et préfèrent avoir recours aux Nations Unies
<conflit
entre le Liban et la R.A.U.
en mai-juin 1958) ou à d'autres or-
ganisations internationales co~~e l'O.U.A.
<conflit entre l'Al-
gérie et le Maroc en octobre 1963 et encore aujourd'hui à
propos de la R.A.S.D.).
Cette incapacité de la Ligue à servir de cadre au
règlement des différends qui éclatent entre ses membres, ou en-
core cette crise de confiance des Etats Arabes à l'égard de
leur propre organisation internationale en tant qu'instrumsnt
de règlement pacifique de leurs différends, s'explique, selon
certains, par le caractère désuet et archaïque du système prévu
pour régler les différends.
C1 est pourquoi i l est rare qu'une
session du Conseil de la Ligue se tienne sans que le projet
d'une future Cour arabe de Justice ne fasse l'objet de débats.

-
133 -
Pour d'autres, cette crise n'est aucunement li~e au
syst~me pr~vu par la Ligue et elle a pour origine les contra-
dictions profondes inhérentes au monde arabe dans la conjonc-
ture actuelle,
contradictions qui amènent les Etats arabes à
pr~f~rer à l'intervention d'un tiers arabe le recours à un
tiers non arabe
(Etat ou Organisation internationale).
B -
LA SECURITE COLLECTIVE ARABE
La sécurité collective arabe fait l'objet de l'arti-
cle 6 du Pacte du 22 mars 1946 qui stipule
"En ca~ d'4g~e~~lon ou de menace d'ag~e~hion contne
un Eta~ memb~e, l'Etat attaqu~ ou menac~ d'ag~e~­
hion pou~~a demand~~ ia ~ê.union immédiate du Con-
heil .•. n.

Ce système, assez rudimentaire a été mis à l'épreuve
au moment de la première défaite arabe en Palestine, en 1948.
Par la suite, pour pallier la carence de la Ligue, un grand
effort est entrepris pour donner une véritable structure milj
taire et diplomatique à la sécurité collective arabe.
Cet
effort aboutit au Pacte de défensE, commune et de coopération
économique qui reproduit, dans une large mesure,
les disposi-
tions de celui de l'O.T.A.N.
: dispositif automatique de sécu-
rité collective, création d'organismes milit~ires permanents,
constitution d'une armée panarabe.
Pourtant,
lorsque éclate,
en novembre 1956, la seconde guerre de Palestine avec l'occupa-
tion du Sinai par les troupes israéliennes et l'occupation de
Port-Said par les troupes anglo·-françaises,
le système de sécu-
rité prévu par le pacte de défense commune demeure lettre morte.
En Janvier 1963, lors de 12 première Conférence des
rois et des chefs d'Etat, une nouvelle infrastructure est mlse
en place pour rénover et renforcer la d6fense collective arabe.

-
134 -
Mais 12 rapidité de la défaite militaire arabe Gn Juin 1967
(la guerre de six jours) devait rendre difficile et inutile le
fonctionnem~nt de ces nouveaux organes de défense.
Ceci dit, i l serait injuste d'attribuer à la Ligue
arabE la faillite des différents systèmes de défense collecti-
ve.
Cette faillite a pour origine la faiblesse des pays ara-
bes sur le plan militaire bien plus que la faiblesse de la
Ligue. Il faut reconnaître toutefois que ces diverses structu-
res édifi§es par la Ligue n'ont pas manqué de cr6er un faux
sentiment de sécurité et de dissiwuler aux pays arabes leurs
propres insuffisances.
c -
LA COOPERATION ECONOMIQUE ~T SOCIALE
L'article 2 du Pacte constitutif de la Ligue, apr~s
avoir mentionné en premier lieu la coopération politique, dit
de promouvoir une coopération étroite entre les Etats membres
dans les questions économiques~ sociales et culturelles.
En fait,
i l faut noter que la lutte anticolonialist~,
et particulièrement la lutte antisioniste, devaient reléguer
au second plan la poursuite ~e cet objectif. Ce n'est qu'apr~s
l
.....
d
.
1 . . . .
--
a premlere guerre
e Palestlne que
es problemes de la coopera-
tion reprennent une place importante dans les pr~occupations de
la Ligue.
Beaucoup de conventions et entre autres, la Conven-
tion pour corrrdonner les politiQues pétrolières des Etats ara-
bes
(13 mars 1960), ont été conclues sous l'égide de la Ligue
pour renforcer la coopération arabe en matière économique,
soci~le et culturelle. Malheureuse~ent, plusieurs Etats arabes
n'ont jamais voulu ratifier ces conventions ni y adhérer. Il
appara!t ainsi que tout cet ~difice conventionnel élaboré pour
servir d'infrastructure à la coopération arabe n'Gst quVune

- 135 ~
façade dissimulant la grav8 crise gue tr~verse dans ce domaine
la solidarité arabe. Et aujourd'hui encore, la crise de solida-
rité arabe est bien manifeste dans l'O.P.E.P.
§. 2.·-
Lesactivitfsafro-asiatiq~Ues
Ces activités, qui sont dans une certaine mesure com-
munes à toutes les organisations afro-asiatiques, peuvent se
regrouper sous trois rubriques
: décolonisation, renforcement
de la solidarité afro-asiatique, non-alignement.
A -
LA DECOLONISATION
Comme pour l'O.U.A.~ si la libération de tous les
territoires arabes est le but imm6diat de la Ligue, la décoloni-
sation de toute l'Afro-Asie restera aussi son objectif suprême.
En fait, bien que l'indépendance de la Palestine menacée par ce
qu'on appelle "colonialisme sioniste", occupe toute l'énergie
de la Ligue arabe à l'instar de l'Afrique du Sud et son apar-
theid pour l'O.U.A., la Ligue trouve le temps de s'occuper des
probl~mes afro-asiatiques: indépendance de l'Indonésie (réso-
lution 45/3 du 8 avril 1946, résolution 83/5 du 18 Novembre
1946, résolution 241/10 du 21 Mars 1949)
; lutte armée du
Kenya (résolution 588/19 adoptée le 7 Septembre 1953)
; soli-
darité avec les Etats d'Afrique dans leur lutte anticoloniale
(résolution 2039/42 du 30 Septembre 1964)
; condaIT~ation de la
discrimination raciale en Afrique du Sud (résolution 2303/47
du 18 Mars 19B7) •.• (1). Autant d'exemples pour prouver que,
tout eu long de son histoire, la LiRue, si elle a lutt6 d'a-
bord et surtout pour la décolonisation du monde arabe~ a tou-
jours plac~ cette lutte dans le cadre plus large de la d~colo­
nisation du Tiers-Monde et nia pas n6g1ig6 les pays afro-
asiatiques. non-ar.abe.s.•
(1 J : C6. B. Boutlto.6 -Gha..U.., -<.;-! "Le mOu\\.Ic::?Q.nt a.6Ito-cu ..i.a.:U..qu.e". P. LI. F.
Prvr..u 1969, p. 96.

-
136 -
l3 -
LE REM FOR CE MEMT PE 1. A SOLI [) ARr TE ft FR 0 - AS V, T1QIIE
fT LE NON-ALIGNEMENT
.
.
Le Ligue a adopté diverses résolutions peur dévelop-
per la solidarité afro-asiatique.
C'est toutefois la Conférence
de Bandoeng qui devait offrir à 12 Ligue arabe et à ses Etats
membres le cadre le plus propice pour faire de la solidarité
.&:
• •
f
.
d
N '

,
a~ro-as12tlque une
orce, tant au se ln
es
'atlons
Dles qu au
dehors de cette organisation. Nous en parlerons tout au long
de cet ouvrage.
Il apparaît ainsi que lB Ligue arabe, malgré sa fai-
blesse intrins~que, a ~té une organisation d'avant-garde, une
institution pilote pour l'Asie et llAfrique.
Cette institution
a été un précurseur, d'abord parce que c'est la plus ancienne
des organisations afro-asiatiques, ensuite parce qu'elle a dé-
v810ppé les grands thèmes de l t Afro·-asiatisme
: c' est la pre-
mière organisation qui ait f~it de la décolonisation son but
suprême, qui ait situé la lutte anticolcniale au niveau d'une
doctrine, qui ait posé les assises du groupe afro-asiatique
et ait établi les grandes lignes de son programme d'action
c'est enfin,
la première organisation qui ait fait du non-
alignement une politique étrangère commune offrant aux nou-
veaux Etats une troisième voie susceptible de leur permettre
de ne pas être inféodés â l'un des deux blocs.
Ceci dit, la Ligue, comme le dit Boutros Ghali~
s'est constituée avant son heure. Elle n'a su ni évoluer, nl
tirer la leçon de l'accélération de l'Histoire.
Si l'on ne peut
parler de sa décadence, elle connait tout au moins une crois-
sance chétive et frèle.

- 137 -
CHA PI T RE IV : LA CONfERENCE AU SOMMET COMME
FORME N'OUVEL.LE DE LA '''OIPLQ-
. MAT lE IT INERANTE" ,

-
138 -
Les rencontres entre Rois et Chefs d'Etat ou de Gou-
vernement ont secrété une forme nouvelle de "diplomatie itiné-
rante il •
Elle se manifeste par les visites des Chefs d'Etat à
leurs homologues ~ l'occasion desquelles ils peuvent s'entre-
tenir à l'abri de toute indiscrÉtion. Elle se manifeste aussi
par 12 mul tiplicè_tion des Confére.nces au Sommet des Rois et
des Chefs d'Etat ou de Gouvernement.
C'est dire, qu'en observant aujourd'hui la vie inter-
nationale,
la Conférence ,:lU Sommet est l'un èes phénomènes aux-
quels nous so~~es désormais habitués. Sa répétition contraste
avec l'irrégularité de son ancêtre au siècle dernier, le Con-
grès.
La Conférence au Sommet étant un phénomène de notre
temps, comme techniqtl.e de décision et ct' action dans l'ordre
international, i l convient de dire un mot sur ses origines
lointaines (§.1.), sur son institutionalisation aujourd'hui
(§.2.), la controverse qu'elle suscite (§.3.) et les observa-
tions critiques sur la controverse (§.4.).
§.1. .- Les origines lointainl-::è's 'de' lAConféren'ce auSÜmniet
La Conférence au SOlnmet est passée par une succession
d'ages
: depuis la visite de la Reine de Saba au Roi Salomon
dans lYAncien Testament!ll
en passant par l'Antiquité avec l'em-
pire gréco-romain, le moyen ~ge, les tcmps modernes jusqu'au
1ge siècle, l'ère des Congrès européens. Ainsi donc, la Confé-
rence au Sommet comme la. diplomatie sont aUSSl vieillcs que le
temps.
fl}
c.6. Anc.i.e.n Te.,htamen.t, l Ro-t.6 10, 1 a 3.

-·139 -
1 )L' empire gréco-rom'3.in
Vladimir Potiemkine rapporte que la Grèce antique
connut une activité internatif'male rar l'intermédiaire des
ambassadeurs. Dans les premi~res pages de son "Histoire de la
diplomatie", i l fait cas du projet de Péricl~s visant ~ con-
voquer un Congrès de paix panhel16nique en 448 avant notre ère.
L' historien soviétiqu(~ relève que "tous les hommes
éminents de la Grèce furent en m@me temps des diplomates tels
que Pisistrate
Thémistocle
•••
e;t surtout, Périclès. Sous ce
t
dernier de sérieuses frictions se produisirent entre Athènes
et Spartes pour l'hégémonie du monde hellénique provoquant une
guerre entre ces deux Etats, qui se termine e.n 445 avant not:r>c
ère p~r la conclusion de la Paix de Trente ans". Ctest alors
qu'lien 448, Périclès, chef de l'Etat, -proposa la oonvocation
à Athènes d'un Congrès panhellénique. Trois problèmes int&res-
sant tous les Grecs devaient être résolus
: la reconstruction
des temples d~truits par les Perses, la garantie de la liberté
de la navig2tion maritime et le maintien de la paix dans toute
l ' HelladE-. •. Pour ex&cuter ce proj et une él.mbassade de 20 pE,rson-
nes fut envoyée d'Athènes dans toutes les citÉs grecques él.fin
d'inviter leurs représentants ••• La proposition de Péricl~s ne
fut pas acceptée et rencontra une opposition particulière dans
le Péloponèse qui craignait le renforcement d'Athènes ••• ".
Dans ce document, trois traits au moins sont à rete-
nir, car ils s'inscrivent dans le droit fil des principales
caractéristiques de la Conférence au Sommet
l'initiative
prise par le chef de l'Etat de la convocation du Congrès comme
moyen de mettre un terme à une situation de crise; l'institu-
tion des envoyés spéciaux comme mode de signification de Iti-
nitiative et de l'objet du Congrès
; la liberté des parties
intéress6es de refuser l'invitation qui leur est faite.
Ainsi
trouve-t-cn dans la diplomatie grecque, trois éléments qui la
rattachent à lél. diplomatie au sommet contemporaine.

-
140 "'
La contribution de Rome se fera dans le sens d'un
renforcement de la personnalisation de l'institution diploma-
tique.
Lorsque meurt Philippe de Macédoine, les rapports
entre Rome et ses voisins n'ét~ient point des meilleurs. Aussi,
l'un des soucis majeurs de Persée le roi successeur, fut-il de
rétablir les re.lations èiplomatiques rompues, à la suite de la
guerre gui éclata entre Rome et Pergame au Ile siècle avant
notre ère, et cela, au moyen de pourparlers directs.
Rome, comme on le voit
connut aussi des entretiens
3
en t@te à t@te au niveau le plus élevé dans lesquels furent
impliquées aptitudes et qualités personnelles de la part èe
ceux qui s'y adonnaient, préfigurant ainsi, au lendem3in du
moyen âge, les rencontres fortement personnalisées des temps
modernes.
2)
Le Moyen Age
Le Moyen Agc est marqué par l'auréole quasi divins
qui entoure les fonctions impériales. En effet, empereurs et
princes se font introniser' par la Papauté. C'est dans le cadre
de cette dualité du pouvoir séculier d'un ceté et régulier de
l'autre, qu'un certain nombre de grandes rencontres vont s'ef-
fectuer. Ainsi
- Le Pape Stéphane II rendit visite à Pépin à Paris
et le sacr~ en 754.
- Charlemagne fut couronné à :Rome par le Pnpe
Léon III en 800.
- Frédéric Barberous8ê se rendit à Rome en 1154
~t
~
pour e re couronne par l e Pape.
- Et en 1365 Charles IV rennit visite au Pape
Urbain V en Avignon et entreprit de l'escorter
jusqu'à Rome.

-
141 -
Parall~lement ~ ces mouvements de princes dont la
légitimité de l'autorité et du pouvoir nécessite absolument
leur reconnaissance p~r le Représentant direct de Dieu sur la
terre,
Si organise
et se déploie ~ du lie au ll~e siècle, un
chassé-croisé diplomatique.
3)
Les terons Hoclernes
.
Nous somn8S au 16e siècle.
Siècle de la restauration
et qui enfante d'une nouvelle structure politique: l'Etat,
dont l'attribut essentiel est la "Souveraineté". Elle est inhé-
rente à la continuité de l'Etat. Dès lors, c'est la souveraine-
té qui légitime les desseins expansionnistes des princes et,
nctanuncnt,
justifie toute la politique internationale de ce
siècle.
La diplomatie en cette p6ricde conna!t une certaine
intensitf,
à la faveur des multiples guerres dont les Etats eu-
ropéens en voie de constitution sont ~ la fois les foyers et
l'en~eu où Princes, Rois et Empereurs trouvent occasion pour
s'illustrer. De plus, cette diplomatie porte la marque de l'é-
phémère. Au gré des intérêts personnels, les conventions rapi-
dc:nent conclues tombent aussitôt en déssuétucle,
les alliances
se défont.
4 ) L 'ère des Congrès "EÜrcJ2éens
Le 1ge siècle se distingue par la "cascade" de Con-
grès qui émaillent l'activité diplomatique en Europe: des
Alliances qui se forment,
en vue d'anéantir résolument le spec-
tre révolutionnaire aux Ententes forgées par ou autour de Bis-
mark.
C'est toute une succession de Cong~ès qui caractérisent
le 1ge si~cle, auxquels certains personnages et villes ont
attaché leur nom.
Il convient d'observer que tous ces Congr~s
ont, à la base, pour objet l'Europe, enjeu de- leur apparition,
bien que par la suite, le destin de la plupart d'entre eux ne
s'av~re pas identique.

-
142 -
En effet,
les dimensions de la soci~t~ internationale
s'identifient au 1ge siècle avec celles de l'Europe? le plus
important de tous les continents.· C'est ce phénomène que recou-
vrent les notions "d'europ~ocentrisme" ou "d'européocratie".
L'Europe est ~ la fois point de départ et d'aboutissement des
rapports internationaux.
Elle forme l'unique centre d'activités reg1es par le
droit des gens.
Le Drrit
internatLmè!l é8t un Dr0.i t
essentiel-
lement européen. Si l'Asie et l'Afrique sont considérÉes commE
des "terres" destinées à l'expansion impériale, commercia.le ou
missionnaire, le réveil du Japon fit exception, tandis que
l'Amérique sera seule propriété des Américains.
c'est à la recherche d'un nouveau système de rapports
internationaux pouvant englober les autres continents tels que
l'Amérique, l'Asie et l'Afrique, que se firent sans doute, les
rencontres entre Princes, pressés par les circonstances.
Ainsi, y a-t-il eu entre autres le Congrès de la
Sainte-Alliance en 1813, qui reconnaîtra que "toutes les monar-
chies d'Europe sont à peu près filles des mêmes moeurs et du
même temps; tous les rois sont des espèces de frères,
unis par
la religion chrétienne et par l'antiquité de souvenirs". Enjeu
du Congr~s ? Retrouver l'ordre et l'équilibre européen.
Il Y a eu le Congrès de Vienne de 1815 dont l'objec-
t i f est de parvenir à la formation d'un Concert européen car
"lorsque la paix est menacÉe, i l appartient aux Grandes Puis-
sances de s'entendre entre elles, et, au prix de concessions
réciproques, d'obliger quiconque veut attenter au repos des
peuples, à rentrer dans le droit chemin".
Cette notion èe Concert européen influencera pendant
près d'un siècle, le cours des relations internationales. Et
c'est dans cet esprit qu'a eu lieu le Congr~s de Berlin de 1885
consacrant le dépeçage de l'Afrique.

-
143 --
§.2. -
La Conférence au Sommet' , 'institution de notret~
L'univers international aujourd'hui se manifeste par
la diversité des Etats:
grands et petits, développés Gt sous-
développés, riches et pauvres, puissants et faibles.
Jusque
nagu~re au 1ge si~cle, la Société internationale était compo-
s~e de tr~s peu d'Etats, tous européens ou de filiation euro-
péenne.
A l'heure actuelle, le nombre de membres composant
la Société internationale a plus que triplé
: plus de cent
cinquante Etats représentent le monde inter-étatique au sein
de l'Organisation des Nations Unies. Cet élargissement progres-
sif de la Société internationale qui découle de sa nature mou-
vante, devait se répercuter au niveau des techniques et métho-
des élaborées par les Etats en vue d'apporter une solution
pacifique aux probl~mes posés par leurs rapports mutuels. Il
s'agit des organisations internationales et des conférences
diplomatiques organisées sous leurs auspices.
La diversit& des Organisations internationales est
un phénom~ne contemporain. Elles se comptent aujourd'hui par
centaines
: les unes se font, d'autres se défont ou se refont,
leur création allant ~ une cadence sans cesse croissante du
fait qu'elles expriment des soliclarit&s multiples à des éche"
lons divers.
La tendance des Organisations internationales à in-
corporer dans leurs rouages institutionnels des conférences
diplomatiques trouve son expression la plus achevée dans l'a-
ménagement en leur sein des conférences réunissant des Chefs
d'Etat ou de Gouvernement. Ainsi, partie intégrante d'un en-
semble organisé et permanent, les conférences des Chef d'Etat
ou de Gouvernement se tiendront à intervalles réguliers selon
des règles rigoureusement établies.

-
144 -
L'avènement de la Conférence au sommet résulte donc
d'un processus progressif qui s'achève par sa généralisation ou,
plutÔt, son universalisation. Trois étapes marquent ce cycle du
20e siècle qui s'ouvre avec la Première Guerre mondiale, enre-
gistre l'épreuve de la Deuxième, pour atteindre enfin son apogée
et son épanouissement avec le ph~nomène de décolonisation. Cha-
cune de ses trois phases pose des problèmes d'une telle gravité
qu'ils exigeront la participation concertée des Chefs d'Etat ou
de Gouvernement ~ l'élaboration de leur solution.
1 )
LaPre'rnière GUert'e MondiaTe et ses "Confére,nc'es Il
La diplomatie traditionnelle qui avait encore joué
un rele dans l'élaboraticn des systèmes d'alliances et è'entcn-
tes antérieures à 1914, va désormais s'effacer à partir de la
Premi~re Guerre Mondiale.
Avec la Conférence Ge Paris en 1919, les vertus de la
diplomatie "secrète" oeuvre (}'2S diplomates professionnels sont
contestées. Dès lors, la diplomatie du "forum, de la place pu-
blique" voit le jour sous les auspices du Président Wilson qui,
rompant avec la coutume) s'est rendu en Europe dirigeant la dé-
légation américaine à la Conférence de paix.
L'oeuvre de paix qui sortira de cette Conférence con-
siste en un volumineux document complexe, le Traité de Versail-
les, signé le 28 Juin 1919. Les difficult~s d'application du
Traité de Versailles entraînent la convocation èe Conférences
ultérieures à Cannes
(4-5 Janvier 1922) à Gênes (10 Avril-19
Mai) et à Londre (7-14 Mai 1922).
L'apparition des dictatures sur le continent européen
constitue un autre facteur important dans l'usa~e de la techni-
que des Conférences au niveau des chefs de Gouvernement, immé-
diatement avant la Deuxi~me Guerre Mondiale.

-
145 -
2)
La Deuxième GUerre Hondiale et les "Rencontres
entre Dirigeants <311iés"
Après la Deuxième Guerre Mondiale, les rencontres
entre Dirigeants alliés connaissent une particulière fréquence
en vue de c('c;y....1ormer
leurs efforts face aux Puissances de
l'Axe. Il niest qu'à voir,
à titre d'exemple les périodes de
1940-1943 et 1941-1945 représenter sous forme de tableau, les
rencontres entre les principaux dirigeants alliés et l'Axe
(figure nO 4·) et celles des dirigeants alliés occidentaux
(figure nO 5).
Il faut noter que ces rencontres directes entre diri-
geonts des principales Puissances alliées donnent lieu à une
abondante correspondance personnelle. L'usage de ces pratiques
deviendra progressivement partie intégrante des méthodes diplo-
matiques d'après-guerre, de telle sorte qu'avec la liquidation
des empires coloniaux, à partir des années 1950, la tendance se
fera dans le sens de leur généralisation et de leur pérennisa-
tion, bref de leur universalisation.

- 146 -
FIGURE N°
4
CONFERENCES' ENTRE PIUNCIPAUX
DIRIGEANTS ALLIES DEL' AXE
P.JJNE.E
.DATES
S.IEGES
.PARTICIPANTS
1940
18-20 Juin
Munich
Hilter·,·Mussolini
4- 5 Octobre
Bremer
Hitler-Mussolini
28-30 Octobre
Dorence
Hitler-Mussolini
!
1941
21-22 Janvier
Bertiltesgaden
Hitler~Mussolini
1943
7- 8 Avril
Munich
Hitler-Mussolini
Source
Eddy Bauer, "Histoire controversée de la DE:uxième
Guerre Mondiale".

- 147
'FIGURE N° 5
CONFERENCES ENTRE DIRIGEANTS ALLIES
['--M-n-rE-~E-,~---~-P..-T-.E-S----''''''-·''-S-I-E-G-E-S--r-----P-A-R-T-I-C-I-P-A-N-T-S----"1"
1941
AoOt
Washingtcn
O1urchill et :Rcosevelt
1941-1-1-2
22 déc. 14 Janv.
Hashington
Churchill et Roosevelt
1942
Juin
Washington
Churchill et Roosevelt
Janvier
imfa
Churchill et Roosevelt
i"I.ai
Washington
Churchill et Roosevelt
1943
17-24
AoOt
Québec
Ql\\lrchill et Rc<.')sevelt
NoveIT'b~
Le Caire
Churohill-Roosevelt&et Chang
Kaichek
27 nov. 19 Déc.
Téhéran
Churchill-Roosevelt et Staline
4- 6 Déc.
Le Caire
Churchill-Roosevelt et Inonü
1944
Octobrs
Moscou
Churchill et Staline
1945
30 Janv. 2 Fév.
MaJ:te
Churchill et Ro~sevelt
4-11 Fév.
Yalta
Churchill-Roosevelt et Staline
15 Fév.
AlexÛl'1c1rie
Churchill et Roosevelt
17 Juil. 2 AoOt
Postolam
Cburchill--Attlee-Staline et
'l'rum:3n
Source:
Jean-Baptis-te Duroselle~ "L'êvolution des formes
de la diplomatie".

-
148 -
3 )L'Univer·salisa·tion de la Ccnfére'nceaü Sommet
Après la seconde Guerre mondi::üe, les "rencontres" au
niveau des Chefs d'Etat cu de Gouvernement entrent dans leur,
phase d'intensification et de diversification sous l'effet de
plusieurs facteurs, dont l'accession de nouveaux Etats à l'in-
dépendance.
Ce mouvement débute autour des années 1950 par la
manifestation d'une convergence de courants solidaristes
soli-
darité asiatique, solidarité africaine, solidarité arahe avec
pour dénç.minateur commun la solidarité afro-as iatique. t1ouve-
ment qui, E:~n lui-mê.me, est g'::;r,éré).teur des ConférencE:s au Sommet.
Il faut remarquer qu'il est encore favorisé par une dynamique
génér2.1e 5 amorcée depuis les Ar:n6.es 1940 avec les té;nsions en-
tre grandes puissances où les ter'ri toires coloniaux étaient par-
tie prenante. Ces tensions subissent d'une manière plus otiverte,
un d€placement
de leur centre de gravité dans la direction~ soit
des petits Etats (crise de Cuba) soit de nouveaux Etats promus
au r.:-lng de membres de la société internationalE':.
Inéluctablement les probJ.èmes qui étreignent ces nou-
veaux venus - accélération de la décolonisation, promotion de
la "paix nucléaire", préoccupation pour le développement économi-
que -
sont de nature ~ conduire à une prolifération des Conf€ren-
ces au sonUrtet.
En particulier, la solidarité asiatique, apr~s 1945,
s'organise autour du premier ministre, de l'Inde, Nehru et pro-
voque plusieurs rencontres entre principaux dirigeants du conti-'
nent asiatique.
On peut c i t e r :
les Conférences de New Delhi
(M~rs-Avril 1947 : création de l'Asiatic Relations Organization,
LTanvier 1949 : indipendance de: l'Indonésie et formation cl 'un
groupe afro-asiatique aux Nations Unies), la Conf6rcnce de Ba-
guio (M2i 1950
: l'effondrement du régime de Chiang Kai-Chek et
établissement de la République populaire chinoise avec Mao
Ts6-Toung installe la guerre froide au sein du groupe afro-
asiatique), la Conférence de Colombo (Avril 1954
: double la

-
149 -
Conf§rence de Gen~ve et précipite la conclusion de la paix en
Indochine), la Conférence de Bcgor (Décembre 1954
; met au
point les préparatifs de la Conférence de Bandoeng), et la Con-
férence de Bandoeng (24 Avril 1955).
La Conférence de Bandoeng marque le point de jonction
entre solidarité asiatique et solidarité arabo-africaine puis-
qu'elle était limitée aux Etats 2ppartenant à ces deux conti-
nents.
La solidarité africaine s'exprime ~galement dans une sé-
rie de Conférences, elles-mêmes précédées pe.r un certain nombre
de Congrès extra-africains, consécutivement à l'accession à
l'indépendance des anciennes colonies européennes. Elle porte,
à son actif, jusqu'en 1963 au moins, les Conférenc0s de Sanni-
quelie "".u Libéria C.Tuillet 1959)
; Abidjan <Octobre 1960)
Brazzaville (Décembre 1960)
; Casablanca (Janvier 1961)
; Yaoun-
dé CHars 1 9 61) .
Avec la Conférence a.'.l Sommet d' Ac'lè is -Abéba. (Hai 1963),
la solidarité africaine trouve comme véhicule d'expression,
l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A.). EmanaTion directe
de cette Conférence, l'armature institutionnelle de cette Orga-
nisation comporte un organe de premier rang : la Conférence des
Chefs diEtat ou· de Gouvernement.
Ainsi donc, en m@me temps qu'elle se régionalise, la
Conférence au Sommet SI univerFia.lise et s' insti tutiünnalise.
Elle prGnd place parmi les divers instruments et techniques di-
plomatiques actuels
(voir figures n" 6, ~e 7 8). Il ne reste
pas moins que ses vertus et mérites suscitent des critiques,
des réserves, même s'ils ne sont pas ouvertement combattus et
contestés.

- 150 -
FIGURE N° 6
'CONFERENCES
_
DES
a '
~
CHEFS D'ETAT
ET DE GOUVERNEMENT DE L'O.U.A. (1963-1975)
PERIODE : 1963-1969
.PERIODE : .1970-1975
1
i
r
DATES'
SIEGES
DATES
SIECES
J.
-
1 ;2-25 l'1ai
1963
1Addis-Abéba
8-10 Se;;'tembre 1970
Addis-l;béba
1
17-21. LTuillet 1964
1
le Caire
21-23 ,Tu.i.n 1971
Addis-iibéba
21-26 Octobre 1965
Accra
12-16 LJuin 1972
Rabat
7-9 Novembre 1966
Addis-flbéba
27··29 i"'.ai 1973
Addis-Abéba
11-14 SeptE';ITlbre 1967
Kinshasa
12-15 Juin 1974
Mogadiscio
1 14-16 Septerrbre 1968
Alger
28 juil. 2 A.oût 1975
Kampala
i 6-10 Septembre 1969 Addis-Abéba
1
. Source
A.F.D.I., Chronologie èes faits internationaux.
N.B.
Le 17e Sommet 1980 à Fre(~tcwn, le 18e Sornm(~t à
Nairobi, en 1981, et le 1ge Sommet en AoOt 1982
à Tripoli, reporté.

Flpre nO 7
CONFERENCE.'5 ARABES AU SOMMET (1945-1973).
r Nmnilt09
DATiL!I
g,àcu
l'AIITJCtPAl'lTS
VATIONS
1
06Jn 01J OIJSIŒ
..
.
..
1
29·30 mai 1946
[liChaS
7 pays fondateun de la UllUC
Immigration
deJl Juits en Palestine_
llTnhe•
.-.
....
~
2
13-15 nOl"euilire 195"
Beyrouth
\\1 P~Yll
ail
.i"'!
forees
d" la Ligue arabe.
Affaire
de
Sun.
Retr
israëliennea et
frauCG-hritllDn;qu~.
-_.
..
3
13-14 jllDvier 19M
Le Caire
l:i paya de la Uguo arnhe.
Détounlem('ul
Ù..s
eaUx
du
Jourdain 1
par IsraH.
---
-- ----_._---------- __________.4_
~
5·11 aeptenlbre 1964
Alexandrie
13 l'l'ys de 18 J...igue arnbe.
Détournement
des
-~~
eaux
]ourdai,:1
par Is.raël.
-
- - -
.-
- - 1
5
13-18 septembre 1965
Ca5ab1aD.ca
12 .- La Tunkie.
DèlourJleme.ot
des
ehUX
du
Jourdain 1
pllr !smë! et Pacte de ~olidorité arabe. 1
---------,,-
6
29 aoùt·2 sept. 1967
Khartoum
12 -
La Syrie.
Non Q la recollnal3.<;tJ.oce d'Israël. Non
if ln négociation, Noo à la pail:.
-
7
21·23 deceuU!re ]969
Rabat
]4. l'aya + OJ..P.
Echec.
------1---·--
8
23-27 septembre 1970
Le CM
10 paye : Irak. Syrie. Algérie
Combllta
ruem.
jonlllo()-j'aJesû
Il! Maroc.
...
9
26·28 oovembra 1973
Alger
16 -
hRk, I..ibye.
C"-'!lez-le.feu ; guerre rI'oclobre.
N'DCC ùe Li Paix.
1
-
- -
&Jure.. : F'ichea du MOIlM &nIbe.
N. B.
Le
12e Sommet arabe en Septembre
1982 A Fêv.

- 152 -
FIGURE N° 8
CONFERENCES AU SOMMET DES PAYS NON···ALIGNES (1961-1976)
-
1
DATES
SIEGES
PARTICIPANTS
1
1
1 1-6 Septembre 1961 . Belgrade
25 .participants; ~ observateurs
f - - - .
5-10 .octobre. 1964
Le Caire.
47 Participants; 10 observateurs .
3 participants :
21-22 octobre.1966
New-Delhi
Tito~ Nasser, 'M'ne Ghandi.
- '
1 7-10 Septembre 1970.
Lusaka
54 participants;. 15 observateurs
5-9 Septembre 1973.
Alger
75 pe"LYTticipants; 2'1 observateurs
16~19 Août 1976
Colombo
85 participants; 27 observateurs
.
Source
Daniel Colard, "Relations internationales".
N.B.
Le 7e Sommet des N.A. en 1973 à Havane(Cuba).
Le Be Sommet prochain des N.A. en 1982 à Bagdad.

-
15,3 ..
§ • 3.
-
Cont'reversesur la Con'fére'nce aU S'oJIi.me,t
La Conférence au Scrnme,t est aujourd 'hui une technique
diplomatique cértaine. Elle a ses défenseurs mais aussi ses dé-
tracteurs. Qu'en est-il au just2 ?
1)
Les critiques négatives
La Conférence au Sommet soulève des critiques acerbes
qui sont le fait des diplomates
('te
"carrière" surtout anglo-
saxons. Il lui est reproché d'être une diplomatie d'amateurs,
la violation des méthodes (Hr'lcm:-rri:;u(·'s
"normales" ou "convention-
nelles" et, enfin, la violation de cette grande vertu de la di-
plomatie, le secret.
a) A l'amateurisme de ces nouveaux diplomates s'oppo-
se le professionalisme des diplomates de carrière qui estiment
comme Elmer Plischker(l}que les "officiels de haut niveau de-
vraient élaborer la politique étrangère, mais que la représen-
tël.tion st la négociation devraient leur incomber, eux qui consa-
crent leur carrière professionnelle aux relations internationa-
les".
Le Chef de file de, cett r2 nouvelle "séparation des
fonctions'l ou de cette nouvelle forme de division internationa-
le du travail est Sir Harold Nickolson, diplomate britannique
qui participa à la Conférence de Paix en 1919. Selon lui, "il
est toujours souhaitable que la politique étrangère de tout
grand Etat soit conduite par des professionnels, habitués dans
leur domaine. Les diplomates amateurs sent des gens sur lesquels
2
on ne peut pas compter"r
1. La raison, d'après lui, en est très
(11
c.6. Ef..meJt pwc.hkeJt, -in. "SUJnYlA,!,;t V-ip,,~omac.y" p. 110.
(2)
C./..té. pM. UmM P-EMc.h.keA, p. 111.

-
154 -
simplG .
" •••
ils semblent manquer de connaissancE: et d'expé-
rience diplomatiques
.•• , ils semblent être suspects et à la
h
h
d
- - .
--.
" ( 1 )
rec erc e e sucees lmmedlats'

Il précise encore sa pensée dans son ouvrage,
"Diplo-
macy", lorsqu'il écrit:
"Les diplomates, comme bien d'autres
professionnels, ont un sens coopératif qui est une forme de so-
lièarité comportant certains archétypes que tous les membres de
la profession indépendamment de la nationalité, ont admis
•••
La d~piomat~e n'e~t pa~ lla~t de ~a conve~~o.t~on, elle est
l'art des accords en forme précise et ratifiable ••• Il vaudrait
2
mieux la laisser aux diplomates professicnnels"r
1.
L'ancien ambassadeur George Kennan, défend le même
principe du professionnalisme aux Etats-Unis et dÉclare
"Je ne peux m'empêcher d'affirmer que je crois que nous pouvons
faire bon usage du principe du professionnalisme dans la condui-
te de la politique étrang~re ; que nous pouvons, si nous le dé-
sirons, créer un corps d'officiers supérieurs, profes!ionnels
. . : l "
l r 1 "
...
- - .
~Jans n lmporte que
,,0m;:nne eXlst2.nt ou meme venant a eXlster
dans ce pays; et qu'en traitant ces ho~~es avec respEct et en
mettant l'accent sur leur insigne et leur expérience, nous pou-
vons nous aider considérablement"(3).
Tout comme l'ancien fonctionnaire au Département d'E-
tat qui parle de "dilette.ntisme l1 ,
l'ancien ministre plénipoten-
tiaire français,
Léon Noël, cC'ndamne "cette diplomatie ~;rrante":
( 1)
C.Ltë pM E.em~ PU-hchkeJt, p. 711.
(21
HMotd f-.UC.hO.uOll, .ln "VJ..pR..omo.c.yff, London, éd. But:te.Ju.oaJl..th,
1939, P. 18.
(3)
Geo/Lge. Ke,Jtl1an, "!'...me/1).c.an V.lp.f.omac.y, 7900-1950" C/Uc.a.go Un,iVeJL6Uy 06
Cluc.o.go Plr.e1>-6, 1951, pp. 93 a 9t1 , eU~ pM ClmeJt PI.M('hhrV1. p. 117.

- 155 -
'! ••• et tandis qu'ils volent de capitale en capitale, de conti-
nent en continent, ces ministres négligent inévitablement ce
qui pcurtfint est l'essentiel d2 leur rôle.
On les voit partout,
sauf là où ils devraient être
: dans leur cabinet, à leur poste
de cOJIlITl.andement" ( 1 ).
En procédant ainsi, ils violent ou court-
circuitent 18S méthodes diplcmatiques normales.
b)
La violation de la diplomatie conventionnelle com-
promet lourdement les chances de succès de la diplomatie au
Sommet car elle dispose très peu de ce précieux instrument, le
temps.
"Un ministre qui s'envole vers une capitale étrangère
pour entreprendre une négoci~tion est inévitablement à court de
temps
••. , enclin ~ conclure quelque accord vague ••• d.ont la
rédaction précipitée des <iocuments imprécis et dépourvus de
sens a causé plus de tort que de bien au genre humain"!?).
En diplomatie, plus qu'ailleurs, l'importance du temps
s'impose tant i l permet la connaissance d'un pays étr:=::.ngE:r avec
les représenta.nts duquel on désire négooier. "Lorsque par expé-
rience personnelle on a appris combien d'attention, de patience,
de soin et par conséquent de temps, sont indispensables peur
connaître réellement un pays étranger, comprendre la psychologie
de ses dirigeants et se mettre en mesure de causer avec eux, on
demeure confondu lorsqu'on voit des ministres improvisés s'ima-
giner qu'en quelques jours, voire quelques heures, ils parvien-
dront à acquérir une opinion personnelle sur un Etet, sur sa
politique et sur ceux qui la mènent". /linsi "les ministres n0vi-
ces en politique extérieure se montrent les plus empressés à se
déplacer continuellement. rans leur hâte d'acquérir 12 célébrité,
( 1)
Leon 140&, "Pof..Ltl..que e.x:tVUeu.Jte ef cüpR..oma..tie." p. 129.
(1)
Sb!. HM.ol..d Nic..f1.O'&'on, "An. ope.Y1. Look. et Sec..lte.t V.ipJ!.oma.cy ", New YOILfl
rJ.me..o Ma Gl'-zine., Septe.mblte. 13, 1953~ p. 48, cl..t~ paJL EùnM Pi!~c.hkeJt
p. 11'2.

- 156 -
ils imitent les vedettes internationales déjà illustres, sans
s'aviser qu'en s'a.bandonnant à cette tentation, ils commettent
l'imprudence de donner en spectacle leur compétence trop récen-
te et ils n'obtiennent généralement d'autre résultat que de fai-
re sourire l'étranger de leur ignorance et de leurs bévues,,(7l,
dont la méconnaissance du secret.
c)
La violation du secret est à la mesure du carac-
tère sensationnel des rencontres des chefs de Gouvernement et
des ministres des Affaires Etrangères. Léon Noël s'insurge
principalement contre leur méthode publicitaire.
Il y a, dit-il,
antinomie entre la diplomatie et la publicité.
Faut-il souligner que s ' i l y a des critiques, des
opposants, la Conférence au Sommet a aussi ses partisans.
2 )La Thèse positive
La Conférence au So~net a une certaine valeur. Son
utilité est attestée aussi bien des praticiens que d'une partie
de la doctrine. Elle offre l'opportunité, a-t-on écrit, de res-
taurer la confiance compte tenu des circonstances da.ns lesquel-
les elle se déroule
elle permet également aux responsables
politiques de prendre directement des décisions d'une importance
majeure.
a) En effet, comme le dit Lord Hankey{2l,
la nature
politique et la complexité des problèmes internationaux sont
telles que "leurs solutions requièrent fréquemment des moyens
supérieurs à ceux des diplomates les plus qu~lifiés. Certaines
questions ne peuvent être réglées dans une Conférence que par
{7 J
L~oYl NoU, "COI'L6WA à un jeun.e OJta.YlCOM en:t!tant daM ~a. di.p1?omo.-tie.".
p. 7.6.
(21
Loltd Hankey, "VipR..oma.c.y by Con6"Aenc.e", London, Ed. fltnMt Be.na
Lünited,
1946, 780 page6, p. 38.

-
157 -
des personnes qui sont au courant des conditions politiques et
des opinions de leurs pays respectifs, qui saisissent immédia-
tement toute la connaissance technique des Gouvernements, qui
savent comment persuader de loin leurs concitoyens d'aller
dans le sens du compromis" •.•
Bref leurs solutions dépendent de
ceux qui ont le monopole de la conception et de l'élaboration
de la politiQue étrangère. Ainsi, au lieu de s'appuyer sur les
intermédiaires-tacticiens que sont les diplomates,
les solu-
tions sont le fait des stratèges que sont les Princes et Chefs
d'Etat ou de Gouvernement.
L'accent est, ici, mis sur l'effet positif de la
personnalisation de la politique étrangère, reconnu par de nom-
breux hommes d'Etat. Le Président Eisenhower ne disait-il pas
"si vous souhaitez négocier avec l'Union Soviétique, vous de--
vez parler' à H. Khrouchtch ev 1f ( i ) •
b)
Certains auteurs rapportent qu'un homme d'Etat
contemporain aurait déclaré:
"Dans un siècle où l'on atteint
la lune~ on peut difficilement refuser d'avoir des contacts
avec ses voisins sur la terre".
D'ailleurs, l'idée d'après laquelle la Conférence au
Sommet offre un cadre favorable a l'instauration d'un climat de
confiance est partagée même par certains de ses contradicteurs.
Ainsi) nuançant ses critiques formulées à l'encontre de cette
méthode, Léon Noël écrit pa.r ailleurs "qu'il est bon que les
hommes d'Etat de principaux pays se soient rencontrÉs, qu'ils
aient eu l'occasion d'acquérir 128 uns sur les autres une im-
pression directe gr!ce ~ laquelle il leur est moins malaisé
d'int(;ForGter leurs politiques respectives"(:?).
(1)
CUi!. pM Ve.a.n PMk, "The. PlLu.ide.n;f:'l
p. 361.
g
(:?)
L~on NoëJ..
"COYL6w./-,
p
à un je.une- FlLanç.a.-ï..6 e.n;tJl.ar!-t da.M .ea. C:Üploma.:t-i.e.".
p. 26.

- 158
Le professeur Virally, lui, part de la constatation
que "d e f açon
'"
tres
~
~
genera l
l
e, ~_a d'lp l
.
omatle d es contac t s person-
nels a pour but de créer une atmosphère de confiance et de
sympathie, évidemment favorable à la négociation. Elle est es-
sentiellement destructrice des mythes -
et on sait que la dia-
lectique de la guerre froide avait donné naissance, des deux
côtés du rideau de fer à une mythologie étonnante par sa riches-
se - mais doit faire oublier les a.ltéri tés et les préventions lit 1) •
Il est utile que les Chefs d'Etat ou de Gouvernement
se rencontrent de temps en temps pour faire un tour d'horizon.
Et en temps de crise~ cela peut contribuer à rétablir la con-
fiance et apporter une aide d~cisive dans des négociations ulté-
rieures.
En somme~ la Conférence au Sommet offre un cadre où
les Chefs d'Etat ou de Gouvernement peuvent traiter directement
de problèmes en toute liberté d'action et la possibilité d'arri-
ver rapidement à des accords décisifs, étant entendu qu'ils
sont des responsables politiques les plus élevés et en tant que
tels, ont le pouvoir de décider à tout moment.
§. 4-.
-Obse'rvatio'nscri tiqUes de la controv'erse
L'examen des thèses qui militent pour ou contre la
Conférence au Sommet ~ppelle certaines observations, à savoir
que cette controverse procède d'une vision dualiste excessive
de la diplomatie par rapport à l'histoire et par rapport aux
organes mêmes de la diplomatie d'une part~ et que d'autre part~
si une méconnaissance,
jugée inadmissible, du secret est imputée
à la Conférence au Sommet~ elle n'est que partielle.
(1)
Mic.he.J.. Vbw..J.J?..lj. "La COrt(éJt:.e.Yl.c.e au Sommet", p. ~2.

-
159 -
d
·
. f '
t
, .....
.... f/
A propos
u duallsme exceSSl ,11 n est qu a se re e-
rer à la constatation Evidente, que faisait déj~
Jules Cambon
lorsqu'il écrivait en 1926
: "Diplomatie nouvelle, vieille di-
plomatie, ce sont des mots qui ne répondent à rien de réel. Ce
qui tenè à se modifier, c'est l'extérieur ou, si l'on veut, la
parure de la diplomatie.
Le fond restera le même parce que 12
nature hUTIl2.ine ne change pas, que les nations n'auront jamais
qu'une seule façon de régler entre elles leurs différends,,(l).
Cette observation générale vaut particulièrement pour
la Conférence au Soœrnet, Son historique a mis en évidence son
ancienneté. Malgré la régularité du rythme auquel ses réunions
ont lieu, la Conférence a.u Sommet ne constitue pas un phénomène
tout à fait nouveau.
Institution ancienne,
la Conférence au SOITJTlet sait
allier, de manière remarquable; en son sein des éléments de la
diplomatie "traditionnelle" e't c(;uX de la diplomatie "moderne".
Il n'est qu'à voir à ce propos, le rôle que jouent les missions
diplomatiques dans l'organisation des visites des chefs d'Etat
ou des Conférences au Sommet.
Quant au monopole de la négociation et du secret, la
plupart des objections dirigées contre la Conférence au Sommet
au nom du " pro fessionnalisme ll cc:mportent bien des excès.
En effet, l'inexistence d'un tel monopole de la négo-
ciation au seul bénéfice des diplomates professionnels est
d'ailleurs (~.dmise par unF: parti'2 de la doctrine, notamment bri-
tannique et soviétique, dans leur d6finition de la diplomatie
( l ,
J.. f)
C
b
"L
d' f)
.,..:
ri
V

H ,- n"'''''
1926
...1/,
UA.e6
am .on,
a
..{.p-Lom(.lA..-l-e, . 0JU,6 ,ac.n.~.e.,
, c.,(;[\\:: paJL
Ja.c.quu Cha..l!eLe.e.. -tn "L.t évi.p.e.oma.:tte.", 'Pa/Û6 , 'P. U. F. 1962,
128 pa.gu, p. 10.

- 160 -
qui est l'activité officielle des chefs d'Etat, de Gouvernement
et des organes spéciaux dans les relations internationales, qui
sert les buts et les besoins de la politique §trang~re de l'E-
tat par des négociations, la c()!'rE:~spondance et d'autres moyens
pacifiques.
Sir Victor Wellesley donne la dffinition de la diplo-
Inéltie qui va dans le même sens. Pour lui, la diplomat ie n'a priS
une existence indépendante de la politique étrang~re, les deux
ensemble, forment un seul exécutif: la politique détermine la
stratégie, et la diplomatie, la tactique.
Le grief de la publicité, fait par les diplomat~s
professionnels contre le Conférence au sommet, est également
excessif. Or. reproche en effet à cette institution de violer la
r~gle du secret ; encore faut-il s'entendre sur la nature même
du secret pour voir, ensuite, si la Conférence au sommet ne com-
porte pas de phases secrètes.
S'agit-il du secret des négociations~ du secrEt des
débats? S'agit-il, au contraire, du secret diplomatique au sens
large du terme ou du secret d'Etat?
Le secret diplomatique est entouré d'un certain mythe,
d'une certaine aur~ole et, de ce fait, est exagéré car "les en-
tretiens diplomatiques sont des conversations le plus souvent
libres d1allure, au cours desquelles les interlocuteurs, même
s'ils représentent des intérêts opposés, sont plus des collè-
gues que des adversaires. L'objet de leur discours peut sur-
prendre le non-initié. C'est une question de jugement ou de
tact qu'on ne saurait apprécier du èéhors"ll).
(1)
PieNt.e. Gltane.t, /1 L' ~voJ!..tLtion du méthodu cüplorna;Uquu ",
PajÛ6, 1932.

- 161 -
L'objet des n~gociations n'est rien d'autre qu'un
aspect de la politique ~trangère, qu'un secteur qUE le pouvoir
de concevoir et d'élaborer attribue au pouvoir de négocier,
dérivé du premier, en vue de son exécution. Cette attribution
est, elle-ro~me, le résultat d'une décisi.on secrètement, discré-
tionnairement, prise par l'autorit6 ou l'organe dot6 d'une com-
pétence plus g~nérale de détermination de la politique étrangère
de l'Etat. Par conséquent, le pouvoir de négocier secrètement
rÉsulte ou découle du pouvoir d'attr.ibution de l'objet à négo-
cier qui est, par définition, secret.
Le secret du pouvoir de
négocier Ii'flt en définitive une modalité d'un secret plus large,
le secret d'Etat qui est du ressort de ceux qui élaborent la
politique de l'Etat, en gén~ral, et qui peuvent le déléguer;
l'objet de la d~légation en d6termine l'€tendue.
Il ne s'agit
donc pas d'un secret de droit privé, i l relève du droit public.
Relevant par priorité des responsables politiques les
plus élevés, ceux-ci ont le pouvoir de décider ~ tout moment,
au cours d'une rencontre ou d'une Conférence au sommet, ce qui
sera ou ne sera pas secret. C'est dire que l'on peut souligner
l'efficacité politique de la Conférence au sommet, par cela
seul, qu'instance politique, la Conférence è.U sommet l'est tant
par la nature des représentants qui la composent que par celle
des problèmes qu'elle est appelée à connaître.

-
162 -
DEUX 1 EME PAR T 1 E
CHf.tMP D'.ACTI-Ori DI PLor"';\\T I·QUE ·DE. L'OUA :
L'AFRIQUE ET SESPROBLENESINTERNES •
SOMHAIRE
'In'troduc"tion l"iminaire:
L'idéologie de l'O.U.A.
Ti tre p'remier
Chasse gardée de la diplomatie de l'O.U.A.
Titre deuxième
L'Afrique du Sud
l'O.U.A. à l'épreuve
de son unité.

-
163 -
·I.NTRODUCT 1ON· ·LI·MINA-I-RE
L'IDEOLOGIE DE L'O.U.A.
L'on ne saurait aborder une §tude de la diplomatie
africaine aujourd'hui, sans parler du reHe de l'O.U.A.
Quels
sont les buts et les principes de l'O.U.A.
? L'Afrique, confor-
mément à ses principes, doit-elle s'unir ou peut-elle demeurer
morcelée, dans les cadres territoriaux tracés par le colonia-
lisme ? Comment l'O.U.A. envisage-t-elle les rapports des Etats
africains avec les anciens colonisateurs, et avec le reste du
monde? Les Etats africains sont-ils prêts à s'inféoder à l'un
des deux blocs en conflit ou bien sont-ils capables de décou-
vrir une troisi~me voie? Bref, de quelle idéologie s'inspire
l'O.U.A.
? - C'est à ces questions que notre étude est consa-
crée. Elles constituent le canal de cheminement de notre pen-
sée.
Les objectifs de l'O.U.A. sont énoncés dans le préam-
bule de la Charte d'Addis-Abéba et dans son article 11. On y
trouve indiqués l'orientation générale des activités de l'Orga-
nisation ainsi que les objectifs communs à ses membres.
Ces objectifs sont exprlmes en termes généraux: l'Or-
ganisation a été instituée non pas seulement pour promouvoir les
intérêts de l'Afrique, mais aussi pour sauvegarder la paix et
la sécurité internationales. Sans doute le premier but indiqué
est-il le renforcement de la solidarité des Etats africains.
Mais on trouve également, c'est le cas de le dire, une recon-
naissance formelle des buts et des principes des Nations Unies
et de la Déclaration universelle des Droits de l'Hom~e. L'a-
l l·ne'a. 8 d
p '
b l
d'b t
. . (JI
u
ream u e
e u e alnSl

11)
CUê. pM. B. BotdJt.u ChaU, hl. lF,t'OJtga.ni..6a.t.iol1 d~ l'Un-Ué A6JL.ica..ine.".
p.
25 et ~.

-
164 -
If Persuadés
que la Charte des Nations Unies et la Dé-
claration universelle des Droits de l'Ho~e, aux principes des-
quelles nous réaffirmons notre adhésion, offrent une base soli-
de pour la coopération pacifique et fructueuse entre nos
Etats
.•• ".
Nous retrouvons cette affirmation à l'alinéa 5 de
l'article 2 de la Charte d'Addis-Abéba qui stipule:
"Favoriser la coopération internationale,~ en tenant
compte de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration uni-
verselle des Droit de l'Homme .•• ".
Cette similitude entre les buts de l'O.U.A. a été sou-
lignée par plus d'un Chef d'Etat. L'empereur d'Ethiopie a fait
ressortir la compatibilité entre ces deux organisations dans
son discours inaugural du 22 mal 1963 :
"Nous serions téméraü'es de renoncer aux principes
qui ont résisté à l'expérience du temps et qui ont prouvé leur
valeur inhérente. Ce serait pire que de la folie que d'affaiblir
la seule organisation mondiale qui existe aujourd'hui et à la-
quelle chacun de nous doit tant ••• (II".
Le président Gamal Abd'?l Nasser, dans son discours
prononcé le 24 mai 1963, développe la même idée lorsqu'il dit
"Heureusement, notre réunion dans l'une des salles de
l'Organisation des Nations Unies nous rappelle toujours que ce
à quoi nous aspirons n'est que le prolongement des aspirations
qui l'ont érigée et la protègent contre tous les dangers qui la
menacent ll •
rl1
Sommet cia6./Cen./Inf../12, p. 2 Vo~~ ta même id2e d~velopp~e paA Vj.
JeJlkovle, Revue de.. fa poU;t).que -iJ1teJtna;Uonai..e., nO 316, Be..R.gJc!1de
1963. Cit~ ~ B. Bo~o~ Ghaf~ in -id~. p. 26.

- 165 -
Le Président Sékou Touré à son tour déclarait
"La Conférence dtAddis-Abéba ne se limitera pas à la
solution des problèmes présents de l'Afrique, elle est conscien-
te que l'Afrique est une partie du monde et se préoccupera à
juste titre de la solution de tous les problèmes internationaux
qui affectent directement ou indirectement les conditions de
vie, la sécurité, la paix et le progrès de l'humanité ••• ".
Comme on le voit, la similitude entre les buts de
l'O.U.A. et de l'O.N.U. démontre à suffisance le souci de l'Or-
ganisation africaine de trouver des solutions tant aux problè-
mes internes de l'Afrique qu'aux problèmes internationaux par
voie des négociations, c'est-à-dire par des moyens pacifiques,
donc diplomatiques.

-
166 -
TITRE .PREnIER
1
.cHl\\SS-E- GARDEE -DE LA ·DIPLONATIE DE ·L .Q.·U,"A,
SOMMAIRE
Les frontières africaines.
'ChaD"i tre" 2
..
Règlement des difffrends africains
dans un cadre africain.

-
167 -
Cet intitu16 nous am~ne ~ parler des principes qui
r&gissent les relations inter-africaines, lesquels visent avant
tout à assurer la paix et la s~curit~ au sein de la famille afri-
caine. Il s'agit, en occurence, des principes de l'intangibilité
des fronti~res, du r~glement des diff6rends dans un cadre stric-
tement africain.
Les conceptions de l'unité, mieux, l'idéologie de
l'O.U.A.
<faut-il le dire) affect\\~~ dans une certaine mesure,
les relations entre l'Afrique et le reste du monde. D'une part,
une sorte de doctrine collective de Monroe est appliquée à l'A-
frique. Elle est élaborée de manière pragmatique et sans formu-
lation explicite, pour exclure du continent toute intervention
étrangère et notamment pour restreindre les compétences de l'Or-
ganisation des Nations Unies au profit de l'Organisation de
l'Unité Africaine dans toutes les mati~res africaines. D'autre
part, une position et une responsabilité propre de l'Afrique
dans la politique mondiale ont été - et sont -
affirmées, en
particulier vis-à··vis des blocs.
La délimitation d'une chasse gardée de la diplomatie
de l'O.U.A. en Afrique s'est marquée lors du conflit frontalier
qui opposa en octobre 1963 le Maroc et l'Algérie. Ceux-ci s'en
remirent à une majorité faite d'Etats au Sud du Sahara du soin
d'arbitrer le diff6rend. Cette ouverture du Maghreb sur l'Afri-
que devait ~tre un précédent ; elle eut une valeur eX8mplaire.
Elle s'imposa ensuite lors des conflits qui opposèrent la Soma-
lie et le Kenya, le Niger et le Dahomey, pour lesquels i l ne fut
jamais question de trouver un cadre cu une procédure de solution
débcrd~nt les limites du continent africain.
Cette tendance a marqué également l'affaire du Congo-
Léopoldvillp. où, malgré des divergences sur le fond,
un assez
large consensus s'est fait entre Africain pour contenir l'ONU.

-
168 --
Les interventions militair0s extra-africaines au Congo étaient
également critiquées, comme l'avaient été, avec bien des nuan-
ces, l' intsrvention françaisf: 2.U Gabon et plus nettement celle
de la Grande-Bretagne au Tanganyika et au Kenya.
Nous parlerons successivement dans le premier et le se-
cct'\\':'. chapi~
d.~ l' intangibilité des frontières africaines et
du règlement des différends africains dans un cadre africain.

... 169 ...
· CHA PI· TREl
LES FRONTIERESAFRICAINES

-
170 -
"Le ~ujetp avouon4-le, e~t dange~eux pou~
U~ ~ava~t, ca~ ~R. e~t tout p~nét~~ de
pah~~onA poi~t~queh, tout encomb~~ d'a~­
~~~~eh pen~~eh. Le~ gen4 ont t~op d'~n­
tl~~th en jeu, quand lia pa~lent de 6~on­
t~è~e~p pou~ en pa~P.e~ de 4ang-6~o~d :
le malentendu e~t pe~manent. Qn e~oit
pa~R.e~ du d~oit inte~national,
et i'on
~encan.tJr.e .eeh j{l.~.i.-6te..!J de Ph-i....e..i.ppe ..ee
Bel •.• Su~ ce.. teJr.~ain, il 6aut une hin-
guti~~e 6o~ce.. d'âme pou~ !J'en teni~ a un
paJr.6ait ~ayalihme.. intellectuel, ~anh le-
que....e i l n'e6t pa4 de 4cience digne de ce
nom" •
(A. Sieg6~ied,
P~~6ace a ..ea G~o­
gJr.aphie deh 6Jr.onti~~e~ de Jacqueh
Ancel) •
SECTION l
Position du problème
En tant que ligne s~paratrice des compétences ~tati­
ques territoriales, ~a frontière peut être considérée à plusieurs
peints de vue : g~ographique, linguistique, éoonomique, juridi-
que, culturel. Bien que tous ces aspects soient complémentaires,
i l ne fait pas de doute que l'approche polit~que du probl~me
prime:
i l en ~tait ainsi en Europe, il en est ainsi en Afrique.
Dans son acception sociologique.
"La frontière est une concep-
tion politique pure,,(1). Elle est une "isobare politique!! qui
fixe pour un temps donné (limité) li~quilibre entre les groupe-
ments humains et les puissances politiques compétitives. Elle
relève d'une conception essentiellement dynamique de la Vle ln-
ternationale, elle est fonction du flux et du reflux de la dis-
tribution du pouvoir politique. Les Etats avançant et reculant
dans un espace géopolitique déterminé,
la frontière est la
(1J P. de ta PJta.dcUe., La. 6~orr..tièJte., the.1J e
PevU.6, Ed. ~n:te.Jr.no.:ti.orta.le6
D
p
1928, p. 11.

-
171 -
r~sultante de l'occupation pacifique, de la conqu@te violente
ou du compromis consenti:
"Les frontières, produit de l'histoi-
re, de ses ~vènements heureux ou malheureux, sont le r~sultat
des fai 1:s et du temps Il ( 1 ) •
Imposée ou n~gociée, la frontière ne s'identifie que
rarement avec les limites spirituelles, linguistiques, cultu-
relles ou physiques : sa valeur intrinsèque est relative. Elle
est ~g21ement 8s5en~iell~nt
instable, en perpétuelle contesta-
tion : "L'originalité du monde actuel est que la majeure partie
des frontières nouvelles continuent à n'@tre que des lignes
d'armistice ou de cessez-le-feu,,(21.
On a consid~ré que, politi-
que par sa formation,
la frontière n'est juridique que dans son
aboutissement, en tant que fixation par le droit d'une situation
de fait.
Quant aux ~léments frontaliers économiques, démographi-
ques ou linguistiques, ils ne sont que des prolongements secon-
daires d'un processus qui, dans son origine, est essentiellement
politique.
Oeuvre politique des Puissances, i l y avait en Afrique
à la veille de la deuxième guerre mondiale une quarantaine de
frontières
interétatiques d'une longueur de 46.140 kilom~tres.
Bien que régies par un réseau de traités, les foyers de tension
n'y mRnquaient pas, sans pourtant dégénérer en conflits politi-
ques ouverts.
Or, dès l'accession de l'Afrique à l'indépendance
étatique impliquant sa. balkanisation, ces lignes frontières
frontières s'accrurent considérablement, et rapidement y éclatè-
rent d' innombrables conflits ter'ritoriaux,
les jeunes Etats
africains contestant le tracÉ frontalier des anciennes Puissan-
ces administrantes.
Le mouvement contestataire prit des propor-
tions inconnues jusqu'alors:
"il n'y a pratiquement pas diEtat
africain qui n'ait de problèmes de frDnti~res
avec
ses voisins", déclara le président ghanéen, K N'krumah, à ln
(11 M. SJ..bw, T!l.a.U.~ de. cVr..oU .ùtteAna.t--i.onal. pubUc, t.l, Pa.JrA:.6, VaJ.J:oz,
1951, p. 699.
(7.) G. Bou;thoul, Il flto ~l:t.i.ùtU
e.;t t!r.a,UU de. pab", do..n6 -Ce. Mond<;:., 14 -15
a.uMl. 19615. ;\\ compalLeJt L. Ga.valté, Le. cf/wU .inteltna..thm.al. public, t.11,
PlUJt.6, Pe.done., 196Z, pp. 603 eX.-6.

- 172 -
Conf~rence constitutive de l'O.U.A. ~ Addis-Abéba(1). Un peu
partout, les dirigeants africains ont rejeté la respcnsabilit~
de cette situation sur les anciennes Puissances coloniales,
les délimitations linéaires des territoires occupés au XIXe
siècle couvrant très imparfaitement - ou pas du tout - les li-
gnes de démarcation ethnique qui existaient avant l'~rrivée des
Europp.ens. La contestation frontalière, déjà particulièrement
délicate, se compliqua par la mise en jeu d'importants int~rêts
économiques: les minerais de fer en Mauritanie, le p~trole, le
gaz naturel et les minerais de fer dans le Sud saharien, le cui-
vre katangais, etc. Les conflits frontaliers surgirent l'un
après l'autre, opposant - pour ne citer que les plus significa-
tifs - l'Algérie et le Maroc, le Maroc et la Mauritanie, l'Algé-
rie et la Tunisie, l'Egypte Et le Soudan, la Somalie et l'Ethio-
pie, la Somalie et le Kenya, la Somalie et la Côte
française des Somalis, le Ghana et le Togo, le Ghana et la Côte
d'Ivoire, la Guinée et le Sénégal, le Niger et le Dahomey, le
Niger et la Haute-Volta, le Ghana et la Haute-Volta, le Mali et
la Haute-Volta, le Mali et la Mauritanie, le Libéria et la COte
ct , l '
]
L' b'"
l
G'
"
(2)
vOlre,
.e
l.erla et
a
Ulnee

Dans certain cas - dans les conflits algéro-marocain
et somali-éthiopien de tels différends ont dégénéré ûn une véri-
table lutte armée et sans l'intervention de l'O.U.A., cette é-
preuve de force aurait abouti à une véritable tragédie. Dans
d'autres cas, des règlements plus ou moins satisfaisants sont
intervenus soit bilatéralement (Mali-Mauritanie), soit sous It~­
gide des organisations africaines régionales telles que le
!1) Con60'r.wc.e. au .6omme..t du pa.y6 -tndê.pe.ndan.-t.6 aéJÜc.aÙt6, Acf.d..U, -Abéba.
(ma,[ 1963), Pa.JÜ.6, P~é6en.c.e a.6~c.a.4ne., 1964, p. 100.
(2) I.W. Z~n., Int~n~on~ Rêtationll -tn the n.0W A~~a, Eng~~ood
Cl,[~6~, P~e~t,[c.e-Hatt,
1966, pp. 105-119.

- 173 -
Conseil de l'Entente (Nifer-D~homeY)t soit gr~ce à l'interven-
tion de l'O.U.A. conformément à l'article 19 de la Charte.
Dans tous ces cas, il s'agissait du r6g1ement de probl~mes afri-
cains par les Africains. en àehors de Puissances ou d'Organisa-
tions extérieures telle~ que l'C.N.U.(II.
Ces problèmes frontaliers africains demeurent au
coeur du Droit international relatif à la succession des rap-
ports juridiques des Etats
et leurs incidences doctrinales
t
sont hautement suggestives. Conscients du danger que présentent
les conflits frontaliers pour leur survie en tant qu'unités po-
litiques indépendantes t les Etats africains <O.U.A.) se sont
prononcés solennellement pour le maintien du statu quo territo-
rial
~ leurs yeux
l
t l'application de la r~gle uti po6~ideti~
est de nature à éviter d'inutiles déchirements et à emp~cher la
rupture de la fragile unité du continent noir.
SECTION 2
Intangibilité des frontières africaines
(Uti possidetis juris)
L'O.U.A. a stipulé dans l'alinéa 7 du préambule le
principe de l'int~grit€ territoriale des Etats membres. ("Ferme-
ment résolus à sauvegarder et à consolider ••• l'intégrité terri-
toriale de nos Etats .•• "). Le même principe est repris par l'a-
linéa 1 de l'article 2 ("défendre leur souveraineté, leur
intégrité territoria.le .•. ") et par l'alinéa 3 de l'article 3
("respect de la souveraineté territoria.le de chaque Etat et de
son droit inaliénable à une existence indépendante ••• "). L'ap-
plication pratique de ce principe pose le délicat problème des
frontiè~es africaines.
( 1) P. F. GOJ'l,-i.de.c., "Note. ~I1JL te dJtoli deô c.onvertUon6 bl.teJtrta.tioYlctf,e6 e..n
A6tUque", datUl Annuai!u! nll.a.nçai...6 de. dltoLt WeJtrr.a.:tiona.t, 1965,
pp.
866 - 885.

- 174 -
Les frontières politiques ou administratives préexis-
tantes à la libération des Etats africains doivent-elles être
maintenues~ bien que tracées par le colonialisme? Ou doivent-
elles être revisées conformément au principe de l'auto-
détermination ? La consécration des divisions administratives
coloniales a été la règle dans presque toutes les parties de
l'Afrique. En Afrique francophone, par exemple, depuis 1958,
des Etats avaient succédé aux territoires d'Outre-Mer de la
R6publique française, dont le découpage avait été effectué
d'une manière fort arbitraire. Le cas de la Haute-Volta est
caractéristique. Elle a été recréée après la seconde guerre
mondiale afin de doter d'un emploi supérieur un haut fonction-
naire colonial(1l. Le phénomène a été le même en Afrique anglo-
phone où il se perpétue après la décolonisation. Face à cette
situation, quelle est l'attitude des Etats africains? Il sem-
ble que le précédent panaméricain ait servi de guide et d'exem-
ple à l'aéropage d'Addis-Abéba.
Au lendemain de l'indépendance des colonies espagno-
les et du Brésil, il fut entendu que les délimitations adminis-
tratives anciennes seraient conservées comme frontières politi-
ques entre les nouveaux Etats. C'est l'origine de la doctrine
connue sous le nom d'uti po~~ideti~ ju~i~, aux termes de la-
quelle les dé~imitations frontalières de 1821 doivent être con-
sidérées comme définitives. Tous les gouvernements d'A~érique
latine acceptèrent le principe du ~tatuquo afin de limiter les
revendications territoriales et les conflits frontaliers et
d'éviter ainsi au continent américain de nombreux conflits(2J.
(7) Wi2. paIL Je.an-Cfuade. C-,aUVWtt :
(l~.ee. Rég.i.onaJ..-Ume a6Jt...i.cai..Yl et le. modUe.
-i.nteJt-a.mWCa.-i.I1" ), daYL6 I\\nna-tu t16!U.c-Mne,,~ 1966, U,uv. de Vak.aJr., p. 5S,
rwte. 18. ut~ pM B. Bou:tJtO-6.
r21 L' Am&-vique. COMu.t quand même. de,,~ c.on6üt-6 6~on..t.a..U.e!UJ, poJt:ta.nt flon ~Wt
J?.e pA-ine-i.pe. d' u.:ti..1> po~~idetM, jww admL6 pM t:.OM ma.-U ~UIl. lu d~t.oi.J.A
dM a.nue.nnU Li.mA:tu admin-i-t:dltM-iVelJ.

- 175 -
Après plus d'un siècle, l'expérience américaine se~blG aVOlr
inspiré les Chefs d'Etats réunis à A.ddis-Abéba, qui ont défendu
le principe d'un ut~ po~~~det~~ africain.
Le précédent américain (faut-il le dire) n'a jamais
ét6 expressément invoqué lors des travaux préparatoires de la
Conférence d'Addis-Abéba., et encore moins par les Chefs d'Etat
dans leurs discours d'inauguration.
Nous citerons entre autres Chefs d'Etat qui ont aèmis
le principe d'ut~ po~~~d~t~~, le président Modibo Keita.
"Si vraiment nous sommes les uns et les autres animés
de la volonté ardente de faire l'unité africaine, il faut que
nous prenions l'Afrique telle qu'elle est; il faut que nous re-
noncions aux prétentions territoriales 81 nous ne voulons pas
instauI'er en Afrique ce qu 1 on pouI'I'ait
appeler l'impérialisme
nOlr ••• , l'unité africrtine exige de chacun de nous le respect
intégral de l'héritage que nous rtvons reçu du système colonial,
c'est-à-dire le maintien des frontières actuelles de nos Etats
respectifs. Il est donc nécessaire, il est même indispensable
que, d'une mani~re concrète, nous mettions un terme ~ tous les
éléments de division. Le respect doit être concrétisé par un en-
gagement~ un pacte rmltilatéral dE~ non-agression garanti par
. .
~.
{JIn
h
C ac1.ffi ct.es E.tC.ts lCl reunlS...

Abu Bakar Tafaw2 Balewa, premier ministre nigérian,
développe la même idée dans son discours du 24 mai 1963 :
"Il est fâcheux que les Etats africains aient été di-
visés .•. par les puissances coloniales. Dans certains cas, une

- 176 -
partie en Guinée, une partie au Libéria. Nous n'y sommes pour
rien, car ces groupes différents existent depuis plus de 60 ans.
Toute tentative de la part d'un pays africain de méconnaître ce
fait pourrait provoquer des troubles sur tout le continent.
Nous entendons éviter les troubles et, pour cette raison
le
5
Nig§rie. reconnaît toutes les frontières qui existent en Afrique
fT1
et reconnaît l'existence de tous les pays d'Afrique •••

c'est surtout l'intervention du président Tsiranana
qui précise le mieux l' i.mportance de l'adhésion à H t' uti. po-6.6i-
deti.6" africain lorsqu'il déclare
"Il n'est plus possible ni souhaitable de modifier
les frontières des Nations au nom des critères raciaux, reli-
gieux ••• car, en effet, si nous prenions pour critère de nos
frontières la race, la tribu ou la religion, il y aurait en
Afrique des Eta.ts qui seré1.ient effacés de la carte ••• ".
Il n'y aVé1.it pas que "a.dh~.6ion" au principe "cl'uti
po.6.6ideti-6" , il y avait aussi opposition parmi les Chefs d'Etat
africains réunis à Addis-Abéb,"=l.
Le 24 Mai 1963, le Président Somalien déclare
"L'histoire a montré que l'obstacle majeur de l'unité
africaine provient des fr0ntières politiques artificielles que
les puissances colonialistes ont imposées dans des zones impor-
tantes du Continent africain. Nous avons vu comment des sociétés
qui avaient depuis toujours été intéfrées ont Gté déchirées et
co~ment ces sociétés
ont vu leurs territoires cruellement di-
visés pour servir les intérêts égoistes d'autres sociétés.
(T)
l/oJ...Jr. AJr.c.hive..6 de t'O.U.A. - Sommr.t Cia..6. [Jen./ln.6./33,p.
3

-
177 -
tlD'aucuns ont dit qUE' toute tentative d1adaptation
des accords frontaliers actuels ne ferait qu'aggraver la situa-
tion et que, par cons~quent les choses ne devraient pas changer.
Nous ne partagerons pas ce point de vue, et pour plusieurs rai-
sons. Cela équivaut pour nous ~ pardonner des actions et des
politiques dont nous savons très bien qu'elles sont mauvaises
et injustes. Cela équivaut §galement ~ admettre une attitude
défaitiste et à avouer un manque de courage devant les problèmes
africains. Enfin, si nous estimons que l'on peut réaliser l'uni-
té africaine en éludant les contentieux dont l'Afrique est le
h /-
f
"
d
/
-
(11"
t
eatre, nous .erons preuve oe blen peu
e prevoyance...
.
La seconde opposition au principe de ".t' u.t..i po.6-6'<'de.-
t'<'6" a dû naltre de la réserve exprimée par le Maroc lors de
son adh~sion ~ la Charte de l'O.U.A., le 19 septembre 1963. La
ré.serve marocaine stipulait n·;)·ti:HrUIl211 ~
"S'agissant de la réa.lisation et de la sauvegarde de
l'intégrité territoriale du Maroc dans le cadre de ses frontiè-
res authentiques, il est important que l'on sache que cette si-
gnature de la Charte de l'O.U.A. ne saurait aucunement être
interprétée comme une reconnaissance expresse ou implicite des
faits accomplis jusqu'ici refusés comme tels par le Maroc, ni
comme une renonciation à la p'Jursuite de la réalisëüion de nos
droits par les moyens l~.gitimes à notre dispos i t ion .•• "
Par cette réserve, le gouvernement de Rabat entendait
recourir aux titres historiques ~ l'appui de ses revendications
territoriales en faveur d'un grand Maroc. Mais si la rfserve
marocaine visait implicitement le cas mauritien, elle devait
aussi être invoquée lors du litige frontalier algé-marocain que
nous allons analyser ci-après infra.
(T}
Vo'<'!!. AJtc.h.,[ve..6 de .€'O.U.A..-8ommet
CJ..a.6.g<',Y1../1rtf../33,p.
3.

- 178 -
Il faut nttendre la réunion de la première Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement, tenue au Caire en 1964,
pour recevoir une interpr~tation authentique, peut-on le dire,
du principe de l'uti rO~6idetl~ africain. La résolution
AGH/Res. 16 l, intitulé :!Litig0 entre Etats africains au sujet
des frontières •.• " stipule nota~rn(~nt :
\\lConsidérar.t que les problèmes frontaliers sont un
facteur grave et permanent de désaccord.
Consciente de l'existence d'agissements d'origine
extra-africaine visant ~ diviser les Etats africains.
Considérant en outre que les frontières des Etats
africains, au jour de leur indépendance, constituent une réali-
té tangible .•.
Rappelant en outre que tous les Etats membres se sont
engagés, aux termes de l'article 6 de la Charte de l'O.U.A., à
respecter scrupuleusement les principes énoncés au paragraphe 3
de l'article 3 de ladite Charte.
1°) Réaffirme solennellement le respect total pa~
tous les Etats membres de l'O.U.A.
des principes éno~cés au para-
graphe 3 de l ' a.rticle 3 de ladite Charte.
2-) Déclare solennellement que tous les Etats membres
s'engagent ~ respecter les frontières existantes au moment o~
ils ont accédé: à l'indépendance ••• ".
Les réactions ne se firent pas attendre. Dans un com-
muniqué en date du 24 LTuillet 1964, la dé 1É:i!aticf, som..:'lienne c1E,-
vait exprimer publiquement sen désaccord avec ce:te interpréta-
tion de l'article 3 et, par là même, rejeter à ~ouveau le
principe de l'uti pO~hideti~. Quoi Qu'il en S0~t, la quasi un2-
nimit6 des Etats africains reconnut ce principe, qui devait

-
179 -.
servir à limiter le nombre et l'ampleur des conflits frontaliers,
pour le plus grand bien de la sécurité et de la paix dans le con-
tinent africain.
SECTION 3
Un puzzle fragile
L'Afrique se cramponne ~ ses dogmes, même Sl sur le
terrain, ils sont parfois et continuellement bafoués. Elle s'en
accommode, tant i l est vrai que leur reniement officiel dèbou-
cherait sur le plus sanglant des chaos. Parmi ces principes
canons qui président aux relations interafricaines, figure l'in-
tangibilité des fronti~res hérit~es de la colonisation.
Pour cerner la double nature - impérieuse mais le plus
souvent inique - de ce dogme, i l faut opérer un retour en arri~­
rc. A 11 au be des années 1880, l'Afrique tout entière devient la
proie des divers impérialismes coloniaux. Le duel franco-
anglais, qui se prolonge depuis le début du 1ge siècle, laisse
soudain la place ~ la mêlée "~abb4tlque" europ~enne. L'Allema-
gne de Bismarck, la Belgique de Léopold II entrent fiévreuse-
ment en scène. Ces vieilles bourgeoisies toujours affamées qu'on
eût cru rassasiées, sont subitement saisies d'un irrésistible
veA~lge de t~ ~aAte. Dans le vaste dépeçage de l'Afrique qui
s'annonce, chacun trouvera sen profit.
C'est la "g~ande boul6e
a6A~ca~ne". Du 15 Novembre 1884 au 23 Février 1885, les repré-
sentants de quatc·rze pays (Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgi-
que, Danemark, Espagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne,
Hollande, Italie, Portugal, Russie, Suède, Turquie) se r§unis-
sent â Berlin pour fixer les règles qui présideront au grand
partage.
L'a~te généAaf. de la conférence de Berlin consacre
quelques préceptes, qui permettront aux puissances coloniales
de tailler leurs empires africains
: liberté de navigation sur
le Niger et le Congo, liberté de commeree, doctrine de

-
180 -
f..' hintct:..eand (a.rrière pays) aut()risant toute puissance établie
sur la côte à s'enfoncer indéfiniment vers l'int6.rieur. Or
comme le disent Christian Casterman et J. P.
Langellier{l), au-
cune chirurgie ne fut plus arbitraire, de l'aveu m~me de ceux
qui,
~ l'époque, mani~rent le bistouri. Premier ministre britan-
nique et po.Jt:tag e.UJt de l'Afrique, LOl'ld Salisbury écrivit : "Nous
avons entrepris de tracer des lignes sur les cartes des régions
où l 'hommE: blanc n'a jamais mis lc~s pièds. Nous nous SOJTl.!ileS dis-
tribué des montagnes, des rivières et des lacs,
à peine gên&s
par cette petite difficulté que nous ne savions jamais exacte-
ment où se trouvaient ces montagnes, ces rivières et ces
lacs(2) •
Pas un instant -
faut-il souligner -
les dgpeceurs et
le colonisateur ne parurent se soucier des réalités africaines -
historiques, économiques, sociologiques, culturelles, religieu-
ses -
qu'ilS ignoraient d'ailleurs largement. Tous les conqué-
rants de l'Afrique la tinrent pour une teJtJte vacante et lan~
maltJte.~. Son découpage autoritaire enfanta des montres: des
aberrations géographiques et culturelles, des ensembles politi-
ques sans véritables racines ni cohésion.
Regroupant arbitraire-
ment,
à l'intérieur de l~urs frontières, des populations d'his-
toire et de tradition différentes, ces nouveaux Etats~ nés de
l'afchimie de la colonisation~ ne correspondent à aucune réalité
humaine antérieure.
Bien plus, leur existence même a SOuv2nt
dépendu des caprices ou des intérêts passngers de la puissance
suzeraine. Un seul exemple
:
la colonie Haute-Volta fut créée
en 1919, en détachant sen territoire du Soudan puis incorpor~e,
en 1932, à la Côte d'Ivoire - parce que sa population mossi
fournissait aux plantations c6tières une main-d'oeuvre juste-
ment appréciée -
avant d'être reconstituée en 1947. Voilà entre
(7) e6. c. C~:te/7.a.r!. e.:t J. P. LangclJ'-.A.eJ[.p -t11. "L'A6M.que. d~bou~~,..e~e\\ P,EO.vl,
p~ 1918.
(2) C.u:.~ pM CfiJUAtJ..a.n. C~,feJtaYl eX J fliI.n- PieJl1le. Laytge.,~-,üuz., in. "R. rAÔM.que.
dê.bouMo..eée", P.€.OYl,
PalLU, 1978, p. 200.

œutres, ces Etats contre nature dent les frontières artificiel-
les ~cartèlent ethnies et cultures. Voil~ ces constructions
abstraites dues au fait abusif de prlnces lointains.
Or quatre-vingts ans après le Congrès de Berlin,
l'Afrique ind~pendante, loin de répudier cette part de l'h6ri-
tage colonial - compte tenu de l'opportunité et de l'idéal de
l'Unit~ - l'accepte et l'assume en bloc, à la naissance de
l'Organisation de l'Unité Africaine à Addis-Abéba, en mai 1963.
En naissant, 1IO.U.A. adepte une charte dont cinq
principes fondamentaux devront dorénavant régir les relations
entre les membres de l'Organisation:
1) Egalit§ absolue entre les Etats africains.
2) Non-ing~rence dans les affaires internes.
3) Intangibilit~ des frontières héritées de la colo-
nisation.
4) Règlement des différends à l'intérieur d'un cadre
strictement africain, Dar voie de n~gociations,
médiation, conciliation ou arbitrage.
5) Reconnaissance du pluralisme régional permettant
l'existence de regroupements r~gionaux.
Le troisième principe est d~fendu à la tribune d'Addis-Abéba
presque par tous. La carte de l'Afrique ne doit pas être redessi-
née, le ~tatu quo est préférable au changement.
Tel est le sentiment, sinon intime du moins officiel,
de tous les pays représentés à Addis-Abéba. Tous sauf deux, le
Haroc et la Somalie. Plusieurs querelles éclatent ça et là ren-
dant l'O.U.A.
impuissante à faire respecter, par tous, ses pro-
pres principes. Des gtierres de sécession du Katanga, du Biafra,
violant ainsi en même temps,
les principes de non-ing~rence et
d'intangibilité des frontières;
du Sahara Occidental à l'Ery-
thr~e en passant par l'Ogaden, l'intangibilité des frontières
coloniales se trouve,
soit dénoncée par des organisations

-
182 -
nationalistes, soit carrément foulées aux pieds par des gouverne-
ments expansionnistes.
Pour survivre, l'O.U.A. pratique parfois,
ailleurs,
la politique de l'Autruche: ne rien savcir~ ne rien
entendre. ,Jamais l'Afrique n'a tant res semblé à "un puzz.te oJta.-
gile " • Pourtant, l'O.U.A. ne manque pas de rappeler périodique-
ment, en une évocation quasi rituelle, son attachement à l'un
de ses principes de base.
Sur ce chapitre, -
i l faut l'avouer, -
comme sur
d'autres,
l'Afrique camoufle mal ses divisions. Pour ou contre
le ~tatu QUo 6Jtontalien ?
L' importance ~;t la complexité de ce débat, si actuel
proviennent du fait qu'il met en jeu deux exigences justifia-
bles mais contradictoires: d'une part, la volonté très ferme
d'éviter le surgissement, d'un bout 2 l'autre de l'Afrique, d'in-
terminables contestations frontalières portant en germe la bal-
kanisation, ce qui introduirait sur le continent un facteur
supplémentaire et redoutable de dl~tabilihation ; de l'autre,
le souci de faire droit aux revendications nationales de minori-
tés opprimées, luttant pour protéger ou recouvrer leur identité
et leur culture.
Ici, la sauvegarde d'un ordre et d'une paix
relatives, la crainte visaérale de sécessions en cha!ne
; là le
droit à 11 autodétermination des peuples, le soutien aux luttes
de libération.
Face à cet impossible choix, l'Afrique est écartelée.
Chacun est conscient du caractère artificiel et injuste des tra-
cés frontaliers, mais chacun aussi sait que la tenue d'une
"nouve..€.le.
c.on6ëJtenc.e. de. BeJt.tin" est inconcevable. Ce problème
des lignes de démarcation coloniales constitue un insécable
noeud gordien au coeur de la plupart des conflits du continent.
Il embarrasse et inquiète de plus en plus les gouvernements
africains.
C'est vrai.

-
183 -
i"!ais i l reste qu' ëlUX yeux de nombreux dirigeants afri-
calns -
leurs atermoiements en font foi - le dogme de l'intangi-
bilit6 des frontières apparaît,
~ la longue par sa rigidit6
même, difficile à maintenir.
Il est un ferment de trouble, en-
tretenant l'instabilitf chronique du continent. Et cela, d ' au-
t
t
l
d ·
+""
.
.

""
ct
an
p_us que
es pUlssances ex~erleures, lmp lqueesans une
constante rivalit~ id601ogique qu'aiguise leur attirance pour
les fabuleuses richesses d'une Afrique si longtemps oubliée,
s'emploient activement à souffler sur les braises du moindre
conflit local. A cet égard, l'intérêt .Bien compris - et la sur-
':"f
-
Vle même - des Etats africains, réside sans doute, nous en som-
mes persuadé - dans la recherche et_.l' aménagement de formules
juridiques souples accordant notamment une large autonomie à
toutes les minorités ethniques et culturelles qui s' es timent
menacées par l'omnipotence des pouvoirs centraux. Nous pensons
que ce dogme ne doit pas servir d'alibi à une sorte de nouvelle
Sainte-Alliance des gouvernements en place,
soucieux de conte-
nir, voire de réprimer les aspirations des peuples de qui l'A-
frique attend beaucoup pour son édification.
SECTION 4.
Les modalitEs de r~glement
Quelles méthodes peut-on préconiser pour la solution
des conflits frontaliers actuellement en suspens ? Trois procé-
dés semblent s'imposer
négociation, consultation populaire,
exnloitation en commun des richesses économiques des régions
contestées.
§ • 1.
-
LES NEGOCIATIONS DIPLOMATIQUES
A - VEFINITION ET IMPORTANCE Of LA NEGOCIATION
Les négociations diplomatiques sont le moyen le plus
naturel, le plus élémentaire, le plus direct de régler un dif-
f~rend. C'est pour cette raison qu'elles figurent en tête des

-
184 -
~)roc8dures énumérées à l'article 33 fI) de la Charte des Nations
Unies qui dispose
: "Les parties à tout différend dont la prolon-
gation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de
la sécurité internationale, Goivent en rechercher la solution,
.
d
"
.
.
d'
...
~
' ' ' d ' '
d
avant tout, par VOle
e negoclatlon,
enquete, Ge n~ latlon,
e
conciliation d'arbitrap;c, de règlement judiciaire, de recours
aux ar'ganismes ou accords régir_-maux, ou par d'autres moyens pa-
cifiques de leur choix",
Il est normal et réguli.er qu'on pense
d'abord aux négociations et qu'on n'ait recours aux autres pro-
cédé.s que si l'entente directe s'avère impossible. Elles consis-
tent, de la part de représentants de deux ou plusieurs Etats, à
examlner un différend '3n corrunun dans le but de le régler.
Parmi
les modes politiques de r~glerncnt des différends, elle~ sont les
seules qui n'exigent pas l'intervention de tiers, les seules qui
ne posent pas des problèmes de litige et peuvent être pourSU1-
vies en même temps qu'une autre procédure; elles sont enfin va-
lables pour la solution des litiges de toute nature,
Le premier des moyens amiables par lesquels nn peut
' . i t e r que les différends n'éclatent en guerre, disait Grotius,
est de Tls'aboucher".
Les s&ges de l'Antiquité savaient déjà
l'importance de l'abouchement, c'est-~-dire de la négociation".
Il ne faut pas employer de suite la force, avant d'avoir fait
des tentatives par les paroles "disait Appolonius de Rhodes".
Comme i l y a deux manières de vider un différend, observait
Cicéron, l'une par la discussion,
l'autre par la force,
et comme
celle là est propre à l'homme, celle-ci aux bêtes, i l ne faut
recourir à la seconde que s ' i l n'est pas possible de fèire usage
de la première". Euripide reprochait aux cités de régler leurs
affaires par des carnages, alors qu'elles pouvaient détourner
bien des maux par la parole. Mardonius, cit€
par Hér0dote,
(1)
G~otiu~, V~oit de ~a gue~~2p liv~e Il, chapt 23. pa~. 1,
YI
0
1.

-
l8S
-
notait a.u sujet des grecs:
f1Ne devraient-ils pas puisqu'ils
parlent la même langue, se servir de hérauts et d'ambassadeurs
pour traiter leurs différends~ au lieu de recourir aux com-
bats ?,,(1)
Ainsi donc,
la négociation, c'est le débat, la dis-
CUSSlon entre des représentants d'intérêts contraires, discus-
sion dans laquelle chacun présente ses raisons et conteste
celles de l'autre. Elle est importante car elle est le moyen
par excellence de dégager l'existence du conflit et de le défi-
nir conulle un différend juridique et justiciable. La C. P ....1. 1.
reconna1t qu'avant qu'un différend fasse l'objet d'un recours
en justice, il importe que son objet ait été nettement défini
au moyen de pourparlers diplomatiques.
La négociation revêt
donc une utilité considérable.
B -
LE NEGOCIATEUR ET LES MfTHOfiES PIPLOMATIQ.UES COMTEMPO-
RAHJES
Qui est chargé de négocier et comment négocier ? Au
18e siècl.e, cette mission incombait a.ux amba.ssadeurs. Napoléon
apporta la première entorse ~ ce principe en inventant ce que
nous appelons de nos jours "les rencontres au sommet ll auxquel-
les i l associait parfois son ministre des affaires é.trangères.
Durant la seconde moitié. du 1ge siècle, les souverains, premiers
ministres et ministres des affaires étrangères se rencontrent
souvent pour négocier.
Les ambassadeurs passent ~ l'arriêre-
plan.
Cette évolution s'est accentuée depuis 19 li 5
désormais
toute négociation importante est menée soit par les Chefs d'E-
tat ou de Gouvernement, soit par les ministres des affaires
étrangères aidés du personnel placé ~ leur disposition : diplo-
mates de carrière, techniciens ou experts.
(11 Gllo:.Ci.J..u:"
VJr..ou. de. ,fa. gUMJI.e., UVJr..e. II, Ch.a.p. 2.3, pM. 7~ nO 1.

-
186 -
La négociation est un "marchandage" où les considéra-
tions juridiques n'occupent pas toujours la premi~re place; il
s'y mêle des questions de ~restige, de sécurité, de psychologie.
-"
i
Le negociateur s'efforce d'arracher le plus d'avantages possi-
bles
; mais i l doit avoir l'esprit de conciliation et s ' i l a le
désir sincère d'aboutir à un accord,
i l ira de concession en
concession, de manière à conclure.
Ce "marchandage" est dépour-
vu de formalisme.
Il se produit oralement ou par écrit, dans
les chancelleries ou dans des conférences internationales. Une
simple conversation, quelques not~s ou dépêches suffisent par-
fois à constituer une négociation. Flle est secrète ou publique.
Après cet éclairage,
les rectifications frontalières
peuvent être résolues par la négociation diplomatique qui peut
se dérouler à quatre niveaux, séparément ou simultanément : sur
le plan bilatéral, dans le cadre des organismes africains ré-
gionaux, dans le cadre de l'O.U.A.,
sous les auspices de l'ONU.
Les conflits mauritano-malien ou algéro-tunisien ont été négo-
ciés bilatéralement et la première négociation au sujet de la
révision éventuelle des frontières du Maroc au sud de Figuig
eut lieu, en Juillet 1961, entre le gouvernement provisoire de
la République algérienne et le gouvernement marocain.
Le litige
entre le Niger et le Dahomey au sujet de l ' î l e de Letté a entraî-
né l'intervention du conseil de l'Entente, alors que la première
médiation dans le conflit algéro-marocain vint de la Ligue arabe.
Quant à l'O.U.A., elle est intervenue à plusieurs re-
prises, notamment dans les conflits algéro-marocain, Somalie-
Ethiopie, Ghana-Togo,
Somalie-Kenya.
C'est à la suite des recom-
mandations du quatrième Somi11et de l'O. U. A.
à Kinshasa (Septembre
1967) que les gouvernements de la Somalie et du Kenya ont accep-
té de renouer leurs relations diplomatiques; on a espéré qu'a-
près sept ans de tension,
le contentieux frontalier trouverait
finalement un cadre propice pour un règlement.
Cette interven-
tion de l'Organisation de l'Unité Africaine est parfaitement
conforme aux dispositions régionalistes du Chapitre VIII de la

- 187 -
Charte de l'ONU, et elle se base -6 :tJtJ.J~_to .6 e.n.6 u sur l'art icle;9
de la Charte de l'O.U.A., aux termes duquel les Etats membres
s'engagent ~ r~gler leurs diff~rends par des voies pacifiques
moyennant les procédures de médiation, de conciliation et d'ar-
bitrage. Se m6fiant du juridisme, les Etats africains marquent
leur pr~férence pour la méthode de m~diation. Sans toujours par-
venir à la solution des problèmes de fond,
l'O.U.A. eut n~an­
moins le mérite d'apaiser les tensions, d'imposer une sorte
d'armistice politique frontalier~ de provoquer le dialogue et
la négociation.
Enfin, en ce qui concerne le recours à l'O.N.U.,
cette formule ne semble pas troUVGr une grande audience : les
Etats du continent noir pr~fèrent régler leurs problèmes par
leurs mèthodes propres
; en particulier, i l n'a jamais été ques-
tion de soumEttre les différends frontaliers ~ la Cour interna-
tionale de Justice. Il n'empêche que l'O.N.U. a joué un rôle
décisif dans le conflit opposant le Maroc à la Mauritanie : en
admettant cette dernière -
sur l'insistance des pays de
l'O.C.A.M. -
comme membre de plein droit de l'Organisation
(1961), l'O.N.U. a implicitement rejeté les revendications maro-
caines sur le sol mauritanien.
Placés dans le cadre des négociations diplomB~iques,
les conflits frontaliers armés appellent des procédures particu-
lières : i l s'agit d'éviter que les hostilit~s ne dégénèrent en
une véritable guerre mettant la paix et la sécurité internationa-
le en danger. En d'autres termes, le dialogue diplomatique sur
des problèmes de fond est subordonné ~ un pr~alable politique :
-
une d~cision enjoignant aux forces en pr~sence d'or-
donner et de respecter un ceSSEz-le-feu le long de la fronti~re ;
- le retrait des effectifs militaires respectifs à une
certaine distance de la frontière
(par exemple, 10 à 15 kilo-
mètres)
;

-
188 -
-
le désarmement de la population civile de la zone
démilitarisée et l'interdiction des passages fr.ontaliers
-
le contrôle de la bonne exécution de ces mesures
par une Commission paritaire
;
-
la cessation de propagande politique hostile par
la voie de la presse, de la radio, de la télévision et du cinéma.
La mlse en vigueur d'un tel préalable politique - ap-
pliqué avec succès lors des conflits algéro-marocain et somali-
éthiopien -
est nécessairement provisoire, et doit être SUlVl
de négociations diplomatiques proprement dites portant sur le
fond de probl~me, ce qui est autrement plus difficile. A l'heu-
re quiil est, les conflits algéra-marocain et somali-éthiopien
attendent toujours leur solution politique.
§.2. - LE ·PLEBISCITE
Le second procédé vise le r~glement des conflits à mo-
tivation ethnique: pour bien faire, i l faudrait procéder ~ la
consultation des habitants et à l'organisation des plébiscites.
Cette méthode, pour être objective, postule le concours des
PuissRnces non engagées ou l'assistance des Organisations inter-
nationales. Fort en vogue au lendemain de la première guerre mon-
diale, elle a perdu depuis lors beaucoup de ses partisans
:
cette formule v7ilsonienne n'est pas exempte de difficultés. El-
le s'avère pratiquement irréalisable -
en tout cas trompeuse -
dans les zones frontalières faiblelnent peuplées et économique-
ment délaissées, de même que dans les régions où l'enchevêtrement
extrême des ethnies et des tribus ne permet aucune délimitation
précise et entraine fatalement des transferts massifs des popu-
lations. D'autre part,
"sur un même territoire, les tendances
d'une population peuvent être si disparates qu'aucune volonté
"d
.
t
,--
d "
.
...
d " '
(1)
pre omlnan e n emergera
e deSlrs peut-etre contra lctolres.
(7 J M. S.ibelt-t, TnlLité de dAoa -i..n:teJr..YliU'A..ona.e. pubUc., LI, p. 698.

-
189 -
Bien qu'ardue dans ses modalit~s de réalisation, la
formule plébiscitaire a sté ~mpl()yée pour résoudre certa.ines
difficultés résultant du processus de décolonisation. Elle a
été mise en oeuvre par la France en ce qui concerne l'Algérie
et la Côte française des Somalis, ainsi que par l'O.N.T]. pour
réaliser la répartition des anciens territoires mandataires du
Toso et du Cameroun.
§ • 3.
-L..ACOOPERATIO~ ECONO!'1TQUE
Le troisième procédé a trait aux litiges frontaliers
à motivation économique: pour les aplanir, il y a lieu d'envi-
sager ~'exploitation en ~ommun des richesses minières des ré-
gions contestées, la production en commun d'énergie hydro-
électrique, etc. Déjà au cours de la période coloniale~ certaines
puissances se son~ engagées dans une telle coopération fconomique
.,
...
.
(1)
!
"-
f rontaJ.lere, et ces exemples sont a SUlvre
.
~pres son acces-
sion à l'indépendance, la Tunisie a suggéré la coopération avec
l'Algérie en ce qui concerne la zone saharienne riche en pétrole
qui s'étend jusqu'aux abords du parallèle de Ghadames ~ la
"borne233", et que le. Tunisie réclamait depuis 1961, se préva-
lant du traité franco-libyen de 1910.
(1) L'ac.c.oltd a.ng~o-pOlt,tuga.,U
du 27 JanvieJt 795.3 e.l1.vi6age.a. .P..a c.onJ'Jûbut.i.on du
PolVtuga..i au.x étù.deJ.J ç..t aux :tJtaVCJIX eJ1.:tJte.pW .l'JoJt la Gltande-PAtUa.gne
"roUIt aména.geJ!. le l.ll~ f"Ya.1>~a ~t ..te. ChiJté /l.t en ~eJt t.u e.a.uj(". Le. a.
été. c.Ol1.ve.nu qu.e.
~J.. J:.C6 ~.tudC6 -6' a.véJuU.e.n:{ c.onc1.ua.ntu, J!..U:, dl2llx PaJT..:f-iM
CJl.êeJtai.eJtt W1C. -6oc.iétë rn-{:x.te. c.ha/tgée. de. C.Dnl:J.tJtuiJte. le boNlage. de. Jte;te.nu.!2.
e;t ~e..6 ouvJtage..6 nii~M-6cU!r.P.-6 poWt l,x.a.bilMeJt .fe6 eau.x du .tac. MyM-6a c..t
du M·euve. Ch.iJtê., Q,.t d'a.b-6Wtç'.Jt .€a
tY1.oduc.tJ..on d'êneJtgJ..e. hydJto-é..l?.ec..t.JLi.quc.•
On pouNW.A.,t c.Lt.eJt cl' au,tJte...6 exemp.€.u
ri' une. tel.-f..'2 c.oop~:.UOYl. 6Itonta1i.'(!Jl.e
bll...a.t0ta.le. •

-
190 -
Tout le monde trouverait sûrement son intér@t dans un
tel "dépassement du problème frontalier"
: les énormes investis-
sements qu'on a peine à trouver seraient équitablement répartis,
les débouchés pour l'écoulement de la production industrielle
garantis, les revenus financiers assurés, la main-d'oeuvre des
deux pays fraternellement employée. En plus, une telle exploita-
tion en commun contribuerait -
cela est certain - au processus
d' intégr·ation économiqu(~ - préalable d'une coopération politique-
des régions complémentaires du continent africain, cette coopé-
r2tion qui actuellement "se cantonne singulièrement dans de bien
vagues déclarations d'intention,,(7).
Or, rien de concret n'a en-
core été réalisé dans ce domaine. Aucun arrangement n'a été trou-
vé au sujet d'El Borma où coule le pétrole tunisien:
"Un pétro-
le dont personne ne songe plus à partager ni l'exploitation ni
les bénéfices Il U .. /:.-ld.).
L'expIai V::tion en commun du riche gise-
ment de fer de Gara Djebilet au sud-est de Tindouf, situé dans
la zone saharienne occupée par l'Algérie (mais revendiquée par
le Maroc), est également dans l'impasse{2). Il est infiniment
regrettable qu'il en soit ainsi.
(7) A.P., "F/r..Ort.tttU..~e, a1.g~.lto-maJtoc.(ûJ1.e.",
cfaru, .te. mo-i...6 d'A6It1..quC?.,
av~ 1961, p. 10.
(2) ChltorUque. de. poW-i.que. ~tJt.angèJLe., .H..p:telTlblte. 1961, p. 602.

-
191 -
REGLE-ME~T -DES DIFFERENDS AFRICAINS
. DANS ·UN CADRE AFRICAIN

-
192 -
''7()
~ '"
y a d eux
'''11
man..t~

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~e.'-Je. "5
/L ~
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Ui'!.
di66~~e.nd : palt. la di~cu~~ion ou
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pa.lt "a. e0ltee..
La. plte.m,..... ~e.. c.onv..te.n,_
aux hom~e..~, la ~ec.onde e..~t le.. p~o-
pite. 1
c.e..-6
b) -:1
e...e/~ ".•
r'
~,{. e e..1t °n.
Le règlement du diff6rend ou son ajustement est l'opg-
ration qui consiste à y mettre fin,
~ le rfsoudre à l'amiable.
Liquider les situations litigieuses par des moyens pacifiques
a touj ours constitué l'une des pr(~occupations fondamentales du
droit des gens et repr6sente, de nos jours, la tâche essentiel-
le des organisations internationales.
Ainsi, la déliwitation d'une chasse gardge de la diplo-
matie de liO.U.A. dans les conflits inter-africains est-elle
consacrée par l'article 3 alinéa 4 de la Char~e è'Addis-Abéba.
Celui-ci énonce le règlement pacifique des diff6rends par voie
de n~gociation6, de m~diation, de conciliation ou d'arbitrage
et ce, dans le cadre exclusivement africain.
Pour assurer la mise en oeuvre de ce principe, les
Etats membres del'O.ll.A.
"sont convenus d'établir une commis-
sion de médiation, de conciliation et d'arbitrage.
Sa composi-
tion et ses règles de fonctionnement seront définis par un pro-
tocole séparé, à approuver par la Conférence des Chefs d'Etat
et de Gouvernement"
(art.
19 de la Charte de l'O.U.A.).
Le texte de ce Protocole devait être préparé par une
commission d'experts et mis au point par la troisième seSSlon
ordinaire du Conseil des ministres, réuni au Caire du 13 au
17 Juillet 1964.
Le Conseil a adopté le Protocole par la réso-
lution CM.Res.
42/111.
Celle-ci fut adoptée à l'unanimité par
la Conférence au sommst (Résolution AHG/22).
Le Protocole fait
désormais partie intégrante de la Charte de l'O.U.A., ainsi que

-
193 -
le prévoit son article 32. Les membres de l'O.U.A.
sont ipso
facte parties au Protocole et sent liés par ses dispositions.
Une chose est cependant à remarquer, c'est qu'à la
différence des autres organes de l'Organisa.tion, la Commission
n'a pas encore eu l'occasion de fonctionner et les différents
f l . .
f "
./
/'
.
/'
./ l '
l
con _ltS lnter-a rlcalns ont ete examlnes ou reg es par
e
Conseil des Ministres des Affaires étrang~res de l'O.U.A. ou
par la Conférence des Chefs à'Etat et de Gouvernement.
Voyons ci-apr~s les principa.ux conflits inter-
africains qui ont donné lieu à une intervention de l'O.U.A.
§.1. -LE CmTFLIT AL8ERO-t·'tAROCAIN
Les fronti~res arbitraires tracées par le colonisa-
ti:;ur ne constituaient (le dira-t-on jamàis assez) que des bom-
bes à retardement. Ainsi, ce conflit est-il n~ des revendica-
tions territoriales du Maroc sur une partie du Sahara.
Déclenché le 8 Octobre 1963 et constituant une atteinte flagran-
te au principe du règlement pacifique des différends solennel-
lement affirmé par le Pacte de la ligue arabe,(1}
par la Charte
des Nations Unies, (2)
et par la Charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine(3), ce conflit fut examiné par une conférence
ad hoc réunissant à Bamako, les 29 et 30 Octobre 1963, les
Chefs d'Etat d'Algérie, d'Ethiopie, du Mali et du Maroc.
Cette Conférence devait proclamer un cessez-le-feu le
31 Octobre et la création d'une commission mixte militaire
( 1) AA..t-i.c.R-e 5 du Pacte. de .{~a. P..igue. aJtabe.
('2) M..:ti..c.R.e-& '1 e.:t 3 de--.ta. ChaJtte. de1J McvtioYllJ UrUe.1J
(3) M:t)'('.f2, 19 de. la. ChaNte d'Add-iJ,-Abéba.

-
194 -
chargée d'établir une zone démilitarisée entre les deux Etats.
De son cOté,
le Conseil des ministres de l'O.U.A.
se réunit en
session extraordinaire au siège de l'Organisation à Addis-Abéba
du 15 au 18 Novembre.
Il décida (par sa résolution ECFM/Res/l)
la création d'une commission spéciale de 7 Etats
(Cete d'Ivoire,
Ethiopie, Mali, Nigéria, S~nég21, Soudan, Tanganyika), chargée
d'enquêter sur les origines du conflit, d'étudier le fond du
problème et de faire ensuite des propositions de règlement aux
deux Etats en cause
:
I1Va.I~..6 l'e.J..,plt.<.t de. la Péc.R..aJtat.<.on commune. de. Bamako,
la Comrrd~J.,-ion f2tabP..<.lto. e.L€e.-même,
dal1.6 fe..6 me.-it.te.uh..6 déf.a.'<'.6, .6a
pltoc~dulte e.t .6e..6 m~thode..6 de tltavait, con6oltm~me.nt aux pltinc.<.-
pe.~ et aux di.[)po~ition.6 de. la Chaltte de l'O.U.A. et du ltfgle.-
ment int~ltie.ult du ConAeil deA mini.6t~e.[) de..6 A66a-iIte..6 (tltang~lte..[)".
Deux concepts énoncés par la Résolution ECFM/l/1
méritent de retenir notre attention.
1 8 )
Il s'agit d'abord du rappel d'un vieux prlnclpe
rRgional
: tous les différends entre Etats africains doivent
être réglés "dans un cadre strictement africain".
2°) Il s'agit en second lieu de la consécration du
concept de fraternité entre E~2tS, qui est répété trois fois
dans la Résolution précitée où figurent les formules "Etats
frères fl ,
Y1 so 1 u tion
pacifique et fraternelle",
esprit de modéra-
tion et de fraternité".
Que faut-il entendre par cette terminologie ? Quelle
est sa valeur ? Est-elle commune à tous les Etats membres de
l'O.U.A., en ce sens que tous les Etats appartenant au conti-
nent africain devir:nnent, conform6ment à. l'idéologie africaine,
"des Etats frères"
? Ou bien êiU contraire, cette expression
s'applique-t-elle seulement ~ un cas d'esp~ce ? L'Alg§rie et
le Maroc sont, en effet, des Etats frères en vertu d 1 une triple
solidarité - africaine, arabe et maghrébine.

-
195 -
Nous n'inclinons pas seulement vers la seeonde inter-
l1J
prétation comme le fait le ~rCfesseuI' B. Boutras Ghali
,
mais davantage vers la première. Certes, la seconde int€rpréta-
tion consacre implicitement le pluralisme régional africain et
sa coexistence avec le continentalisme. Mais, c'est un cas
d'espèce qui est inclus dans la première interpr&tation. Car,
en effet, si le Maroc ou l'Alg~rie se trouvait en conflit avec
un autre Eta.t africain qui ne soi-t nl ara.bE~ ni maghrébin, le
concept de "fraternité entre E-tats" serait toujours encore
appliqué.
Cela précisé, la conm1ission ad hoc a tenu une premiè-
re réunion ~ Abidjan, du 2 au 6 D6cembre 1963, puis une seconde
~ Bamako du 24 au 27 Janvier 1964. Le Conseil des ministres,
lors de sa seconde session ordinaire tenue ~ Lagos du 24 au 29
Février 1964, a examiné à nouveau le problème et recornmandé
"l'établissement des contacts directs entre la Commission spé-
ciale et la Commission du cessez-le-feu"
(CM/Res 18/11). La
commission a vu ensuite son mandat reconduit par la troisième
session ordinaire du Conseil des ministres, tenue au Caire en
Juillet 196'+ (CM/Res 37/111). Lors de sa quatrième session ordi-
naire~ tenue du 28 Février au 9 Mars 1965 a Nairobi, le Conseil
demande à "la Commission ad hoc de poursuivre sa tâche avec tou-
te la pers~vérance nécessaire jusqu'a l'accomplissement total
de son mandat".
(CM/Res.
S4/1V). A sa septième session ordinaire
a Addis-Abéba, du 31 Octobre au 6 Novembre 1966, le Conseil
prend note du rapport de la commission spéciale (CM/135) et
l'invite a poursuivre sa t~che (CM/R8S. 79). A la Conférence de
Kinshasa (Septembre 1967), le conflit n'est pas invoqUÉ.
Notons que la commission spéciale réunie à Tanger en
Janvier 1967 avait ajourn~ ses travaux pour se réunir ~ Alger
(J)
T~l~g~amme du 6 Mal 1~61.

." 196 -
en Juillet 1967~ malS le gouvernement algérien avait demandé
le repport de la date au d~but du mois d'AoOt, et par la suite
( f J
un second report
.
D
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voquer la commission ad hoc. Mais une chose est vraie, des con-
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tacts par VOle
.lp omatlque ont ete rnu~tlp es.
remler' sucees
diplomatique ; depuis la procla.mation du cessez-leo·feu, le 31
Octobre 1963, la paix a r~gn~ dans les confins du Sahara occi-
ct
l
l
.
rI .
.
--...
--
.
enta
et
es partles en conr l t ont contlnue a negcclcr.
C?est la commission ad has établie par l?O.U.A. qui
fournit le cadre de cette négociation jusqu'en 1972.
Ainsi~ la Conférence au sommet de 1972 à Rabat, a pu
se féliciter de la réccnciliation entre l'Algérie et le Maroc
Un point marqué par l'O.U.A. au point que depuis on ne parlait
que de '11'esprit de Rabat".
Mais aujoud'hui, point n'est besoin de parler encore
de "l' eS:;::Jrit
de Rabat" tant i l l:;st vrai que la petite guerre du
sable fait quotidiennement des victimes~ au point qutau dernier
sommet de Freetown (Juillet 1980), la République Sahraouie a
failli faire voler l'O.U.A. en éclats.
Moralité? L'O.U.A. a une fois de plus échoué. Au
lieu d'€tre
un ferment d'unité~ elle est olutBt un ferment de
divisions.
§.2.
-
L'O.U:A.
VICTIME DU SAHARA
Officiellement, ce qu'on appelle "l'affaire du Sahara
accidentaI" n'a pas figur6 ~ l'ordre du jour de la conf6rence
(11
T~l[g~amme du 8 Juin 1961.

- 197 -
des chefs ct' Etat et de gouv'2T'ne~ment de 1'0. tJ. A.
(Freetown :
Sierra Léone, 1er-4 Juillet 1980). Les ministres africains, char-
gés de préparer cette réunion -
la dix-septième -, ayant voulu
s'en tenir à la décision prise au XIIIe sommet
(PoT't-'Louis,
Maurice, Juillet 1976) qui avait renvoyé le sujet à une réunion
extraordinaire de l'O.U.A.
En
" l
rea ' t
l "
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l
s '
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agl t d'
,un f aux- f.uyant • L
. a
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con_erence
mini~t6rielle de l'O.U.A. a toujours esquivé les questions épi-
neuses pour pouvoir proclamer: tel point n'est pas inscrit à
l'ordre du jour du sommet, mais les chefs d'Eta.t sont libres
d'en discuter. En l'espèce, le sommet de Freetown ne peut pas
ignorer le dossier Sahara occidental. Tant i l est vr31 que, en
dix-sept ans d'existence, l'O.U.A. n'a pas connu des dissen-
sions si graves qu'elles risquent de la faire voler en éclats.
A l'origine de cette crise prévisible : la candidac-
ture de la R~publique arabe sahraouie démocratique (RASD) au
cinquante et uni~me fauteuil de l'O,U.A. Algérie et Madagascar
en tête, au moins vingt-trois Etats membres de l'Organisation
sont déterminés à soutenir cette candidature contre le r1aroc
qui dénie à la RASD toute espèce d'existence.
Pis, le royaume chérifien a annonc€
qu'il se retire-
rait de l'O.U.A.
si l'Etat sahraoui devait être admis. L'Orga-
nisation, cens6e peser de tout le poids de l'Afrique sur la
scène internationale, s'effacerait au contraire, victime des
diff6rends entre ses membres.
Car le retrait du Maroc pourrait
être suivi par celui de ses amis
: le Gabon, peut-~tre la Guin~e
&quatoriale et le Zaire, tous trois ayant des liens particuli~­
rement étroits avec Rabat, s~ns compter le Sénégal dont les
amitiés marocaines, autant que l'hostilit~ au Polisario, sont
connues. En apparence, la bataille se place sur un terrain juri-
dique. Au regard de la Charte, quelles conditions exige une
telle admission ? Au regard du droit international public, quels
critères permettent de cl.éterminer si la RASD est un Etat ou non?

-
198 -
La Charte de l'O.U.A. est explicite. L'admission se
décide a la majorité simple des Etats membres, c'est-a-dire
qu'il faudrait vingt-six. Score qui n'est pas hors de portée
de 12 RASD : reconnue p,:::r vingt-trois Etats africains, elle
peut parfaitement recueillir trois soutiens supplémentaires à
la dernière minute. D'autant plus facilement qu'il appartient
~.
~
~
l
~
]]
d h
d
~
a.u secretalre genera ?
eventue. J?ment en
e ors
e toute reu-
nion, de consulter chaque Etat membre et de comptabiliser les
voix.
Reste à répondre à une autre question juridique :
la RASD réunit-elle tous les attribus à'un Etat? Selon le droit
international, trois conditions essentielles sont requises à ce
suj et
: un peuple, une in8t i tut ion , un terri-toire.
La population fait dêjà l'objet de controverses. Le
Maroc soutient que l'ancien Sahara espagnol - que revendique la
RASD - ne rassemble pas toute la population sahraoui ; i l existe
des Sahr~oui mauritaniens ou marocains et même l'identité ethni-
que
(~ supposer qu'il y en ait une en l'espèce) n'est pas un
fondement suffisant à la constitution d'un peuple. Non sans ral-
son, Rabat dénie donc toute cohérence à la notion de peuple
sahraoui. D'autant que si l'on s'en tient a).l dénombrement de
l'ancienne colonie espagnole, i l ne dépasse guère 70 000 âmes.
A cela rétorque -
à juste titre - le Polisario :
70 000 habitants forment bel et bien une population ;
les Sey-
chelles, membre df: l'O.U.A., ne réunissent guère plus de 60 000
citoyens.
Deuxième critÈre:
l'institution.
Le Polisario a beau
jeu d'avancer,
à ce propos, que la proclamation de la Républi-
que arabe sahraouie démocratique vaut en soi création d'Etat.
Et si on ne sait toujours pas qui, du secrétaire général du

-
199 -
Front Polisario ou du Premier ministre, est chef d'Etat, cela
relève de droit interne.(1)
Reste le territoire, troisième crit~re â prendre en
compte.
Le Maroc proclame uhbi et o~bi contrôler militairement
et administrativement le territoire revendiqu~ par le Polisario.
Ce dernier,
sans nier le fait,
affirme que ce "contrele terri-
tari.aJ."
n'est en rgalité qu'une occupation de type co~onial.
Autrement dit, le Maroc n'aurait fait que remplacer l'Espagne -
puissance coloniale
La controverse juridique serait donc stérile si elle
devait s'instaurer entre les chefs d'Etat de l'O.U.A.
Parti-
sans et adversaires du Polisario ont autant d'arguments pour
accréditer ou combattre la réalit~ de jUhe d'un Etat sahraoui.
Les empoignades verbales dont l'O.U.A.
est coutumière ne suf-
fisant guère ni ~ départager ni ~ convaincre les protagonistes.
Car, on le sait, on l'affirme, par-del~ l'admission
formelle de la RASD à l'O.U.A.,
l'affaire du Sahara occidental
est davantage politique que juridique. Tou~e référence à toute
notion de droit s'est avérée argutie, depuis 1975.
Pour les artisans du Polisario, i l faut ni plus nl
moins appliquer le principe pOSF par les fondateurs de l'O.U.A.:
l'intangibilité des frontières h~ritées de la colonisation.
Selon ce principe, l'ancien Sah~ra espagnol, au lendemain du
retrait èe l'Espagne, devait ê:tre considéré comme un Etat indé-
pendant qu'il suffisait de proclamer.
Les Marocains, en inv~stissant le territoire, se sont
donc transformés en nouveaux colonisateurs et i l était du devoir
des Sahraoui, qui auraient da, jadis, combattre l'Espagn9, de
combattre effectivement le Maroc. A leur crédit) les partisans

-
200 -
de la RASD apportent un argument de taille
: de guerre lasse, un
autre occupant -
la Mauritanie qui s'~tait partagé le Sahara
occidental avec le ~1aroc - 2_ "décroché" en 1979 et renoncé à ses
prétentions.
Preuve, avance-t-on, d'un embryon de l'décolonisa-
tion" •
Par lib6raticn,
le Polisario a donc surtout entendu
libération territoriale. D'on sa stratégie qui a consisté au
départ à tenter d'occuper le territoire. Mais à quoi les Maro-
cains ont riposté par une autre tactique
: le contre le des
points stratégiques pour laisser les guérilleros sahraoui se
"balader" dans le désert.
Le groupement mobile Ouhouà des FAR
(Forces armées royales marocaines) a empêche le Polisario de
s'installer sur une région du Sahara occidental.
Le Résultat
aboutit à une aberration politico··militaire. Ne contrôlant tota-
lement aucune position du territoire qu'il revendique,
le Poli-
sario sIest ancré dans les falaises du ruarkiziz .•• en territoi-
re marocain incontesté.
A la longue, cette position est devenue inconfortable:
l'Ouarkziz ne donnait pas pour autant un territoire ~ la RASD.
Les choses ont du reste changé: l'armée marocaine a repris le
contrele des chaînes du Ouarkziz, bien qu'elle ne l'ait pas to-
talement "nettoyé".
Raison PQu:C' laquelle les Guérilleros du
désert ont voulu,
à la veille de la réunion de l'O.U.A., frapper
un grand coup.
Venant de Mauritanie - transformée ben gré mal
gr6 sanctuaire -, ils ont attaqué les troupes marocaines ~
Guelta Zemmour. Pour démontrer que sur "leur territoire" ils
peuvent frapper n'importe où, n'importe quand.
Ces actions militaires ne suffisent pourtant pas à
conva.incre ses adversaires que la RASD contrôle un territoire
quelconque. Pour h: Maroc et ses amis, même le principe de
l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation ne
s'applique pas.
Se pr6valant de son existence d'Etat pr~colonial,

-
~O'1 -
le Maroc peut, à juste titre, arguer que c'est la colonisation
qui l'a dfmantel€.
Mieux, i l est en mesure de démontrer que
sous le régime colonial l'Espagr.e, puissance administrante, lui
a rétrocédé des zones territoriales relevant de l'administra-
tion du Sahara occidental.
Là encore, les arguments des uns et des autres ne man-
quent pas de fondements. P,ussi, partisans et adversaires de la
Rf\\SD ont déployé tous les moyens de la guerre diploma.tique. Et
c'est sans doute à ce nlveau que le Polisario a marqué des points
contre le Maroc. Reconnue par une quarantaine d'Etats dans le
monde, la RASD peut se flatter d'une certaine existence interna-
tionale. Reste à savair, en revanche, dans quelles conditions et
par quels Etats la RASD a été reconnue.
Des vingt-trois pays africains qui la soutiennent,
treize sont d'Afrique orientale ou australe, c'est-à-dire de la
région la plus §loign~e des zones de conflits et la moins au
fait des vrais dessous de "l'affaire". Ce fort contingent afri-
cain noir' cornpens(~, en quelque serte, l'indifférence des pays
arabes. Sans doute parce que, Africains ou Moyen-Orientaux, ces
derniers connaissent mieux "le dossier". Et savent, pour avoir
participé au sommet de la Ligue êlPabe le 29 Octobre 1974 à Rabat,
que ce jour-là feu le président algérien Houari Boumedienne
avait apporté son soutien à l'accord entre le Maroc et la Mauri-
tanie pour se partager...
ce qui êta i t
encore du Sa.hara occiden-
tal. Mai.s quatre seulement des vingT-deux membres de la Ligue
arabe ont reconnu la RASD.
On le voit,
l ' a.ffaire du Sahara n'est pas aussi sirr,ple
qu'on voudrait le faire croire. D'autant que le débat pnlitique
s'aggrave d8S aocents passionnés qui le caractérisent. Au Maroc,
par exemple, la reconquête matérialisée par la Marche verte de
novembre 1975 a servi de cim,,:.nt è'unit8. D'un bout à l'autre de
l ' é.chiquier politique, OJ\\ se réfère à la "cause sacrée Il et on
se déclare prêt à une IIp.:uerre de cent ans".

-
202 -
La question se pose d~s lors: l'affaire du Sahara ne
servirait-elle que de façade à une lutte d'influence entre des
Etats maghrébins? "L'expansionnisme" marocain serait-il le
pendant d'un "hégémonisme" de l'Algérie et/ou de la Libye pour
reconstituer et contrôler le Grand Maghreb? Et dans ce cas,
l'O.U.A. devrait-elle, en tant qu'organisation continentale,
faire les frais de cet affrontement entre moyennes puissances,
par Sahraoui interpos~s ?
Aucune bataille ne peut ~tre gagnée, et on demande ~
tous les Africains de trancher.
La guerre peut durer cent ans,
comme disent les Marocains, mais aucun vainqueur n'en sortira.
Le d~bat juridique est inapte puisque tout le monde a raison
et tout le monde a tort.
Reste-t-il une bataille de prlnclpe ? Même pas. L'au-
todétermination du peuple sahraoui dont certains dirigeants
africains sont devenus les h~rauts, le Polisario n'en veut pas
quand i l proclame:
"Le peupl.e ~ah~aou~ ~'~~t d~ja autadéte~m~­
n~ pa~ le combat qu'~l m~ne cont~e l'expan~~onni~me manoca~n".
Ce qui vide de sa substance le souhait de l'O.U.A. de faire
consulter les Sahraoui pour le choix de leur destin.
Preuve, s ' i l en était encore besoin, que ce que l'on
veut bien dire dans les assises de l'O.D.A.
sur l'affaire du
Sahara ne reflète pas toujours le véritable enjeu. Le moins
qu'on puisse dire est que le dossier se~nle nébuleux pour ceux
des Etats membres dont les dirigeants seraient prêts à écouter
autre chose que leurs discours enflammés pour telle ou telle
cause. Le refus par le Polisario d'un référendum sur l'autOdéter-
mination n'est pas clair aux yeux de ses amis qUl se sont bat-
tus pour cette cause.
La réserve de llAlgérie qUl semble même
avoir gelé ses initiatives diplomatiques en faveur de la RASD
est suspecte: peut-être ne reflète-t-elle que l'hésitation des
dirigeants actuels à assumer un lourd héritage laissé par le

-
203 -
pr~sident Boumedienne. Enfin, l'activisme subit des Marocains t
en matière diplomatique, inquiète.
Et dans ce manque de certitudes
que vient faire
t
1IO.V.A.
? S'embourber. Car le débat sur l'admission de la RASD
ne sert pas ses intérêts.
L'O.U.A. a été conçue pour résoudre
des problèmes. Elle risque aujourd'hui de se transformer en
champ de bataille. Pour une cause qui n'oppose que des ambitions
nationales. Ce n'est pas trop s'avancer que de dire:
si Algérie
et Maroc se r€conciliaient,
les Sahraoui en feraient les frais.
Au mieux, en étant fédérés à la Mauritanie.
L'O.U.A.
en ferait-elle aussi les frais, qui aura son
énergie à débattre d'une affaire exclusivement sous-régionale.
Les ténors de tous bords, enfin, en feront les frais:
pour a-
voir défendu une cause qui n'était pas l~ l~ur.
§. 3.
-
LECONFLITSOMALO-ETHIOPIEN ET SOMALO-KENYAN
En Mai 1963, à Addis-Abéba, le pr{;sident somalien
expose son problème devant l'aéropage africain en ces termes
!lA l'inverse de tous autres problèmes de frontières
qui existent en Afrique, le n6tre vient du fait Gue toute la
longueur des frontières actuelles -
qui ont été imposées par
les colonialistes - traverse les p~turages traditionnels de no-
tre population nomade.
C'est une situation sans précédent, car
aucune autre nation d'Afrique ne se trouve totalement divisÉe
cle son propre peuple sur toute la longueur de ses frontières".
L
"
1'·
.
d
.
""
" .
L
a reponse, on se _ lmaglne,
evalt etre negatlve.
e
principe de l'intangibilité des frontières africaines, consacrÉ
par la Charte d'Addis-Abéba, è
mis un terme aux revendications
~omaliennes. Il n'en reste pas vrai qu'au début de 1964 de
violents combats ont écla.té aux frontières somalo-éthiopiennes
et somalo-kenyannes.
Le Conseil des ministres de l'O.U.A.,

-
204 -
réuni en session extraordinaire à Dares-Salam en Février 1964
s'est berné à recommanôer aux parties en conflit d'entamer des
négociations.
Les deux résolutions qui traitent des deux conflits
frontaliers sont néanmoins,
l~9;èrement différentes.
Dans la première r~solution (ECM/Res.
3/I!) consncrée
au conflit qui oppose l'Ethiopie ~ la Somalie, le Conseil des
ministres
:
"Invite cordialement le Gouvernement éthiopien et le
Gouvernement somalien à ordonner un cessez-le-feu i~~édiat et à
s'abstenir de tous les actes hostiles;
recoJTuna.nde. .• de prendre des dispos i tiens pour que
cessent toutes les campagnes à caractère provocateur ou insul-
tant qui peuvent avoir été lancées par l'un ou l'autre des
moyens d'information à leur dispositions;
invite les deux gouvernements à engager des négocia-
tions en vue du règlement pacifique de leur diff6rend ,
invite tous les Etats africains qui possèdent des
Missions diplomatiques ou consulaires en Ethiopie et en Somalie
à mettre tout en oeuvre pour contribuer à l'application de l'ac-
cord de cessez-le-feu ;
décide d'inscrire ce conflit frontalier à l'ordre du
jour de la deuxième session ordinaire du Conseil des ministres
qui doit se réunir à La~os le 24 février, l'objectif étant
d'aboutir à une solution pacifique et durable ••• ".
Dans la seconde résolution, consacrée au conflit qui
opposait le Kenya à la Somalie, le Conseil des ministres est
plus laconique, le conflit rev@tant une moins grande iœportance:

-
205 -
"Appréhendant que la continuation des incidents finis-
se par entrainer des hostilitÉs qui auraient de graves répercus-
sions •••
invite le Gouvernement somalien et le Gouvernement
Kenyan ~ prendre toute disposition utile afin de régler leur
différend ;
invite les deux Gouvernements à s'abstenir de tous nou-
veaux actes ou de toute nouvelle propagande de caract~re provo-
cateur pendant que des efforts sont déployés en vue d'un r~gle­
ment pacifique du conflit ;
décide de conserver le conflit à l'ordre du jour de
toutes les sessions ultérieures du Conseil des ministres jus-
qu 1 au moment où un rèp-lement défini t i f sera acquis ••• Il •
Ici, les missions diplomatiques ne sont pas invitées
à offrir leurs bons offices pour c~ntribuer à l'application du
cessez~le-feu. C'est là la différence avec la premi~re résolu-
tion.
Lors de la seconde session ordinaire du Conseil des
Ministres (Lagos, 24-29 Février 1964), celui-ci adopte la réso-
lution (CM/Res.
16/11) qui félicitait le Gouvernement éthiopien
et le Gouvernement somalien d'avoir ordonn6 un cessez-le-feu
immédiat. Il leur demandait, d'autre part, de faire un rapport
sur le résultat des négociations qui devaient avoir lieu. Ce
rapport serait présenté ~ la prochaine session de la Conf6rence
des Chefs d'Etats et de Gouvernement.
Une résolution analogue (CM/Res.
27/11) devait être
adressée au Kenya et à la Somalie. Pendant la session du Caire,
en Juillet 1964, ces deux conflits frontaliers furent retirés
de l'ordre du jour de la Conférence:
l'Ethiopie et la Somalie
étaient parvenues à sil!ner un 3.cccrd à Khartoum en avril 1964

-
206 -
pour llétablissement d'une zone démilitarisée. Des négociations
étaient de même en CDtIr'8 entre le Kenya et la Somalie.
En définitive, la Conférence adopta une résolution de
princip0 consacrant l'intangibilit{ des frontières africaines
<l'utl- po~~~d~ti~ ju~i~).
Elle adopta aussi la résolution AHG/19/1 concernant
le différend frontalier entre Gha.na et la Haute-Volta. Cette
résolution diffère des précédentes en ce qu'elle ne s'adresse
pas aux deux Gouvernements en conflit, mais directement aux
deux Chefs d'Etat,
leur recorr~andant "d'établir des discussions
directes en vue de trouver une solution acceptable au problème
de leur différend".
En d'autres termes,
la résolution recommande le règle-
ment du différend selon une procédure déterminée : la n6gocia-
tian directe au niveau le plus élevé. Elle prévoit aussi les
termes du rèflement qu'elJ.e juge appropriés, puisqu'elle demande
aux parties de trouver une solution acceptable au problème de
leur différend fiT'ntcüier
sur L3. libase de la déclarat ion faite
par le représentant du Ghana ~ la troisième session ordinaire
du Conseil des Ministres ••• ".
§ .4.
-LES 'AUTRESCONFLITS AFRICAINS
Outre les conflits frontaliers,
l'O.V.A. s'est préoc-
cupée aussi des conflits diplomatiques.
Ainsi,
le 29 Octobre 1966, l'avion de la délégation
gUlneenne à l ' O. V. A.. dirigée par le t-1inistre des Affaires étran-
gères, fait escale à Accra.
Le gouvernement du Ghana décide
d'arrêter les membres de la délégation.
Ils ne seront libérÉs
"que silo. Guinée libère les Ghanéens illé.F'·alement détenus dans
ce pays".

- 207 -
De quoi s'agissait-il? - Le gouvernement d'Accra
exprimait par ce ~este son hostilité à l'égard de la politique
de Conakry, notamment à propos de l'annonce faite le 2 Nars
1966 par le président Sékou Touré, affirmant que le camaraèe
Kwamé N'Krumah pouvait être ccnsidéré à la fois comme ~e Chef
d'Etat de Guinée et comme le secrétaire général du Parti Démo-
cratique guinéen. Il s'agissait aussi d'exprimer son mécontente-
ment ~ propos de la propagande radiophcnique faite par la "Voix
de la Révolution" émettant de Conakry, propagande violemment
hostile au réri~e du fénéral Ankrah.
Pour résoudre ce grave conflit diplomatique~ le Con-
seil des ministres, réuni à Addis-Abéba, décidait d'envoyer à
Accra et à Conakry une mission de bons offices co~posée de délé-
gués de trois Etats (Congo-Kinshasa, Kenya, Sierra Léone).
L'objet de cette mission 6tait d'obtenir la libération de la
délégation guinéenne et d'améliorer les relations entre les
deux Etats.
La mission réussit à obtenir de la Guinée de laisser
partir de son territoire les ghanéens qui en exprimaient le dé-
sir. En échange, les membres de la délégation guinéenne se-
raient libérés, ce qui fut fait le 5 Novembre 1966, jour mêMe
de l'ouverture de la troisi~me Conférence des Chefs d'Etat et
de Gouvernement à Addis-Abéba. - Franc succès diplomatique
Il faut signaler le différend entre le Ruanda et le
Burundi. Le Ruanda accusait le Burundi de former des terroristes
chargés de troubler l'ordre sur le territoire ruandais. La Con-
férence des Chefs d'Etat et de Gouvernement adopte, le 9 Novem-
bre 1966, une r6so1ution demandant aux parties de s'abstenir de
t out e ac t ·lcn. S
e
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on '-".e rappor +~ d u c: co
/
"C.cre t '
alre
... -::
gensra l
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ce.
.U
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le Président du Con~o-~inshas~ entreprit au nom de l'O.U.A.

-
208 -
une médiation entre les deux Etats au cours des mois de Juin,
Juillet et AoUt 1967. Cette mission fut couronnée de succes(7).
Nous noterons enfin dans le cadre des activités diplo-
matiques de lia.U.A., la constitution d'une mission de concilia-
tion comprenant six Chefs ct r Eta:t (Conp:o-Kinshasa, Libéria., Ethio-
pie, Ghana, Cam@roun, Niger) p2rtie à Lagos pour y trouver une
solution au conflit opposant l'Etat s6cessicniste du Biafra 2U
Ni~éria. La venue de cette mission, prévue pour Septembre 1967,
fut reportée plusieurs fois.
Ce n'est qu'au début èe novembre
qu'elle put c'~mmencer ses travaux à Lagos - en 11 absence du .I=!é-
néral Mobutu et du président Tubman qui firent savoir qu'ils
"
]
" " . . . . "
" t "
rZl
ne pouvalent, pour
.e moment, partlclper a ces negocla .lons

De nouveaux efforts de conciliation ont étf tentés en
Juillet et AoOt 19G8 à Addis-Abéba, avec l'intervention person-
nelle de l'empereur d'Ethiopie. Résultat? Un pietinement regret-
table des négociations pour obtenir un cessez-le··feu. Demi échec
mais aussi demi succès. Malgr~ ~es divergences parmi les membres
de l'O.U.A., un assez large consensus s'est fait entre Africains
pour contenir les appétits des grandes puissances qui vOülaient
un Nig&ria divisE.
(1)
Rappo~~ du Sec~~~aike g~n~kalp op. cit., Sertembke 1961,
p.34 ••

(7.)
Le. Mond2,
74 Nove.mbJr..e.
1961.

-
209 -
T.l T,R E .. .n E JJ .x l .E ME
L' AFRIQUE DU SUD : L'O lU lA 1 A L' EPREUVE
. ·DE S·ON· UN ITE
SOMHATRE
Introduction liminaire
Brève histoire de la colonisation
Chapitre 2
Observations critiques sur les intérêts
occidentaux en Afrique du Sud.
Chapitre 3
L'Afrique du Sud et Unité africaine en
1971.

-
210 -
INTRODUCTIOK LIMINAIRE
"L' f!6·'ti..que. du Sud C.6:t un pILob.f?!.me
.6an.6 éond, .6UIL lequel on ne peut
.6e penQheIL qu'avec e66~old".
En 1966, l'Assemblée Générale des Nations Unies dema.n-
dait aux Etats-membres de rompre leurs relations diplomatiques
et 6conomiques avec l'Afrique du Sud. L'année suivante, le Con-
seil de Sécurité les invit2.it "solennellement" à suspendre leurs
livraisons d'armes à destination de ce pays. Par la suite, l'As-
semblée Générale déclara légitimes la résistance à ceux qui im-
posaient l'apartheid et la lutte du peuple d'Afrique du Sud en
vue d 1 éliminer la discrimination raciale. Elle alla jusqu 1 à
proposer aux Etats-membres d'accorder aux Sud-Africains oppri-
més leur appui matériel, politique et moral(1). Enfin, elle
s'adressa aux organisations non gouvernementales (en particulier
les Eglises), les priant de suspendre les contacts économiques
et culturels avec le régime de Pretoria{Z).
Condamnée par la majorité des .nations, rejEtée par le
Comité Olympique, jugée sévèrement par l'opinion publique inter-
nationale, la République d'Afrique du Sud n'en a pas moins main-
tenu, contre vents et marées, sa politique d'apartheid. En 1970,
lors de son passage à Paris, M. Vorster, président de la Répu-
bliqu,2. sud-africain~,affirmait sans ambages : ilLe refus de
l'intégration politique et sociale est pour nous 6ondamen:ta.f".
(1)
R~.6o.eu:t-iol1 2611 XXV,
1QJO, et 1.3('1 XXII,
1961.
rz) Ré.6o.fu:tlon 211t XXVI du
29.1.1911.

-
211 -
En novembre 1975, devant le Parlement i l précisait: "S'il y en
a qui disent que le Gouvernement envisage d'établir le suffrage
universel en Afrique du Sud et d'y créer un Parlement multira-
cial, ces gens vous trompent, cela ne 6e~a jamai6. f' La solution
proposée vise, en effet, à accorder aux Africains la possibilité
d'un développement politique et économique dans le cadre de
"Foyers nationaux"
(les Bantoustans) qui devraient accéder à
l'indépendance totale, les blancs constituant, à ceté de ces
lilnations noires", leur propre "nation blanche".
L'aboutissement
de cette politique l'Ambassadeur sud-africain à Londres le dé-
crivait ainsi, en Janvier 1975
J'imagine l'Al~iQue du Sud avec un gouve~nement blanc,
entou~ég d~~on6, d'une douzaine d~ nation6 noi~e6 a6~ica~ne~ in-
dlpendantea. Tout po~te a c~oi~e qu'elle6 ~ekont amle6 et ~a6­
aemblée6 avec ~oupte~~e dan6 une 6édé~at~on ~conom~que a66ez
6emblab~e
a la C.f.E.
Aujourd'hui, pourtant, les dirigeants sud-africains
ne prononcent plus le mot d'apartheid:
ils ne parlent plus de
"discrimination raciale", de "réserves", ni même de ôlBantous-
tans". Un nouveau vocabulaire introduit les notions de "dévelop-
pement séparé", de "foyers nationaux" et de "nations noires".
Faut-il y voir une volont§ de changement?
Est-il
exagéré
de qualifier de "crime contre l'humanité" le système de l'apar-
theid ? La politique pratiquées depuis 25 ans, au cours desquels
l'Afrique du Sud a pris rang parmi les puissances industrielles
mondiales en devenant le pays le plus industrialisé et le plus
urbanisé de toute l'Afrique, met-elle réellement en danger la
paix du monde? N'est-elle pas plus efficace et plus réaliste
<et peut-être moins hypocrite) que celle pratiquée par les an-
ciennes puissances coloniales. Sous le nom d'''aide au dévelop-

- 212 -
pement '1 (1)? Pour donner réponse à ces questions i l est indispen-
sable d'étudier la doctrine au nom de laquelle le président
Vorster a rejeté catégoriquement la solution politique d'inté-
gration des noirs et, pour cela, de la situer historiquement
dans le contexte économique et social de l'Afrique du Sud au-
jourd' hui.
DOCTRINE DE L'APARTHEID
DEFINITION
"Apartheid" a souvent été utilisé à tort et confondu
avec "ségrégation racialf..·" ou "discrimination raciale!!.
L'apartheid n'est pourtant pas une simple ségrégation raciale.
Dans un opuscule sud-africain quasi officiel, on en trouve une
définition claire : "Apartheid _. politique de séparation socia-
le entre groupes humains d'Afrique du Sud et de protection de
la race blanche, détentrice de la civilisation chrétienne ct
,?
,
"d
1
t
ct
E t '
-,
appe~ee a gUl er
es au res races
ans un
ta
ou regne l
or-
dre".
La politique d'apartheid repose donc sur un dogme:
celui
de la supériorité de la race blanche, "détentrice de la civili-
sation chrétienne". Elle vise la mise en oeuvre de cette sUDe-
I2
riorité
!. Le mot "apartheid", probablement le seul terme ~fri­
kaan qui soit connu dans le monde entier, est un néologisme
forgé en 1947
entr~ dans le langage courant en 1950. Il a été
t
(11 InteJr..plléta.:t.A.on qui e.xpUqu{'/tw I.e. .tJU.pR.e. vuo oppo.6é pal!. f.e..6 Eta..-t-
Uni.), .€a. Gtr..o.ndr.-PJle.ta.gne. q.;t.ta FlUtnc.e. a. .ta ILf!.6oR..u.tion ptté6e./ttée. a.u
C.OI1.6W de
.s~eU!tLt~, de.mandan.t que. R..'Antuique. du Sud .6o"['"t e.xcR.u.e. de.
.e,' O.M. u.
(2) Ra.ppeto/U ({tte. i' Antuique. du Sud, qu..<...6 2 rU:t "bianche.", compte. mo.tn6
de 4 m.i.R.ilol16 de. bR.anc..6 rouir. 16 mil.UOn6 de. Ylo.i.M, 2 rr..ieLi.ovt.6 de.
mUM
~t un mW....i.oYt d' A.6-i..a.Uque.!.> •

~-
- 213 -
r,...éféré au mot Il ségrégat ion" (~t .3 l'express ion "white leader-
ship" et s'est imposé comme le mot clef d'un programme électo-
ral, celui du Parti nationaliste(11 menant alors campagne con-'
.
. r? 1
tre le Partl unl - •
A cette époque, le conflit qui domine la vie politi-
que, dont les noirs sont totalement absents, c'es·t le conflit
entre les deux groupes ethniques de race blanche : le groupe
des Afrikaners et le groupe anglo-saxon. Seule l'histoire de
la colonisation en Afrique du Sud peut nous permettre d'en com-
prendre les tenants et aboutissants.
( "
PaJr~U du A6Jt1.kaneJLh, Y.. e. gJtoup? du bRitYlC6 ~ud-af./ùecUYI1J d' olÛ.g.i.l'l.e.
hoil.al'l.~e.
(21 PaJtti. dl.L gltoupe. a.l'l.g.e.o~a.xon a1.oM 0.1.1. pouvobt daM J!.. 1UnJ..on ~ud-a.~JÛc.a.<.ne,
qLÛ é.:t..cU.;t e.n,colte à c.e.t;te époque Vom.i.Mon de. ta CoUltonl'l.e d' Al'l.gf..eteJUr..e..

-
214 -
·CHA.P I.TRE· 1
. HREVE HI·STOI-RE DE LA .cOLONISATION

- 215 -
La r~férence au pass€,
cultiv~e m~me par les jeunes
générations, est entretenue par les fêtes rappelant les épisodes
majeurs de la colonisation.
Sur les 12 fêtes chômées de la Répu-
blique, 5 sont consacr~es ~ commémorer ces anniversaires. c'est
à partir de ces célébrations quasi religieuses que nous lirons
l'histoire de l'Afrique du Sud, telle que des blancs l'ont d~~
crite ( 1 ) •
'SECTION l
L ' / ,
" d "
1
Evenement prlmor la
: "La Naissance".
Le Jan Van Riebeeck Day.
Le 6 avril 1652, à li ombre de la "Tabl.e !-1outain", dans
la baie de la Table, Jan Van Riebeeck et sa cinquantaine de com-
pagnons mettent le pied sur cette terre d'Afrique.
Envoy~s par
la Compagnie des Indes, ils avaient pour mission d'établir une
"halte" o~ les équipages de cette compagnie trouveraient eau,
victuailles et légumes frais. Nul ne pouvait se douter alors que
cette peignée de Hollandais allait être ~ l'origine d'un ph6no-
m~ne unique en Afrique: l'instal.lation de familles europ§ennes
en vue de fonder une nouvelle société. Des Hot~entots et des
Bochimans, occupant le pays depuis les âges les plus lointains,
on ne parle plus. Pourtant, ils ont eu des descendants:
les
fameux métis hollands-hottentots, qu'on appela les "Bastaards
du Cap •.• Il.
Aux Hollandais se joi(:nirent des immigrants allemands
et scandinaves. En 1688,
300 huguenots français, chassés de leur
partie lors de la révocation de l'Edit de Nantes, vinrent se
fondre dans ce "nouveau peuple';, rejeton de l'Occident. Tous
étaient devenus "Afrikaners", parlant l't1 a frikaans", dérivé du
holl~ndais, ayant coupé les ponts avec leur pays d'origine,
unis par un ca.lvinisme rigide.
(1) S.i P..a. !l.e)!.at.-i..on du évèneme.n.t6 l'II?, pJz.r.xe. gu~e. ~. c.o.lttu.tt:t.:t..ion, ~~WJt bl.i:.eA-
ph..é..ta.t.1.0Yl., e.Ue. ut ev.ide.mme.n;t plU)) ou. mo.in.6 oltienjJ;.f2_.

-
216 -
En quête de terre, ils franchissent la Fish River,
PU1S,
plus tard,
le fleuve Orange, et se heurtent aux Bantous
vanant du Nord. Ce fut le commencement des guerres cafres, dont
l'enjeu était évidemment la terre ••• Enjeu qui reste actuel en
1982, manifestant la primauté des motivations économiques et:
juridiques dans les affrontements dits "raciaux". Ce combat
pour l'occupation des terres et pour l'exercice du droit de
./
/(7)
, . /
proprlete
, l e peuple Boer ne l
a pas oublle, et nous allons
voir comment i l le célèbre.
2) 'Dayof Covenan·t.
"Le JoÜr 'dU:Pacte If
Les Afrikaners avaient renié l~ur patrie, la Hollande.
Celle-ci, à son tour, les abandonna en cédant, lors du traité d"
Vienne, en 1814, la colonie du Cap à l'Angleterre. Des colons
britanniques vont arriver en ffi2SGe au Cap,
imposant l'anglais
co~~e langue officielle. De plus, le gouvernement anglais entend
permettre aux non-blancs d'acquérir des terres, et des r€serves
(déjà) sont créées à cette intention.
Les Afrikaners (ou Boers)
ressentent ces mesures comme une injure à leur qualité de ·peu-
pIe élu". En 1839, la loi de suppression de l'esclavage sera la
goutte qui fait déborder le vase. Décision est prise de fuir la
domination anglaise et de C:herv-...:her ailleurs la "terre Dror::ise".
C'est le Grand Trek, cet épisode historique quasi sacré, tel
l'Exode du peuple hébreu .••
Tirés par des boeufs, les chariots b~chés emnlenent fa-
milles~ serviteurs et bétail vers une destination inconnue,
(1) LM BOe/L6 a.6.6U/tcUe.nJ: ~ ce.:ttr époqu.e. le.uJt a.atodi2.6e.n1:Je. c.on.t!te. .f..e..6 t!l.l..bU6
a~/Uc.ah1.u li. btaveJt.6 .f.e. .61j.6.tème. dli du "Commando.6" .tout cLtoljC!-n UbJte.
mâle. de. 16 li 60 aM é.ta."U. .6oU!n,{,ô à fI e.n.tItcûne.me.n..t mil..A..:t.a1Ae. pvu..odÂ..que.
ct pb.c.r .6UU6 R..e-6 OILcVte..6 d'un c.ommandant, ql..U., e.n 10h., pouv~w. mocü-
6·Ù2Jr· p.ilu...i.e.UJr..6 c.e.n..ta..i.ne..6 d' homme-6 !L'r.J'n?Z--6 e;t ëql..U.pé..6 poWt .3 j OU/W. LC6
JUlld.6 de. cu c.ommando.6 avcUe.nt paUli.. 0 bj e.ct.J..6 -tr.. c.fut6-6 e. à. t' homme : w.e.Jr.
R..I?. maximum de. gUeNl...te/L6 e.t e.nfe.vQJt R..e..t. e_ntiat'I.-U pOU/L e.n tiaJAe.. dCiJ aM-
é....ie.11..6 de btoupe.aux.
~

-
217
8ur une distcmc/"', de qu,"'lque 2 000 km, à travers prairies, pla-
teaux arides ou monts escarpés. Fuyant le Roi d'Angleterre,
"Le Pharaon", ils vont se heurter aux Zoulous, les IIdescendants
de Canaan". De tous les combats?
les Boers retiendront l'épisode
le plus sanglant, la bataille du "Bood River", oh, commandés par
le Général A. Pretorius, ils 6cras~ront les armées Zoulous du
rusé Dingaam, le 16 Décembre 1838(1J. Avant d'engager le combat,
Pretorius et les Voorkakkers jurerent, si Dieu leur donnait la
victoire, de faire de ce jour un Sabbat sud-africain.
Jusqu'en 1952, cet épisode fut célébré sous le nom
de Dingaan Day. Après la victoire du Parti nationaliste (Boer)
aux élections de 1948, le gouvernement décida le changement de
nom, qui est significatif de l'interprétation religieuse donnée
à leur histoire par les doctrinaires de l'apartheid. Ceux-ci y
voient "une intention si déterminée et si précise, qu'ils sont
amenés à penser qu'elle n'est pas le fait des horrunes, mais l ' oeu-
vre de Dieu".
De ce grand Trek sont nées les deux Républiques Boers,
celle de l'Orange et celle du Transvaal.
La langue afrikaans, la
religion d'Etat et la discrimination raciale sont alors
érigées
en principes constitutionnels. "Il n'y aura pas d'égalité entre
blancs et non-blancs, ni dans l'Eglise ni dans l'Etat l'. Mais le
problème fondamental de l'appropriation des terres est devenu
plus complexe: pour la première fois dans l'histoire sud-
africaine, les Boers sont implantés systé~atiquement parmi les
Bantous, sur des terres contestées.
3) Krüg'er' s' Day
Paul Krüger, président du Transvaal de 1883 à 1902,
est llimage vivante de l'Afrique du Sud pastorale, austère,
{lJ
3000
Zou.eou.,t, mah.6ac.!l.é.6,
3 Boe./c6
bR..e..6.6~h •••

-
218 -
isolationniste.
Sa statue se dresse au coeur de la capitale de
l
R;
bl'
P
.
(1 1
U
.
_a
epu
lque,
retorla
' .
n haut-rellef ornant le socle re-
présente un "trekker"
(pionnier) fatigué,
qui veille,
le fusil
à la main ••• contre qui, aujourd'hui, sinon le m~me bantou que
jadis? Face à A.
Pretorius s'était dressé le grand chef des
Zoulous, Dingaam, s'opposant en vain à l'occupation des terres
par les blancs. Par un curieux retournement des choses,c'est un
Britannique qui va provoquer l'envahissement de la' l'terre promi-
se" des Boers par les bandes du "Pharaon"
: entendez par là les
prospecteurs, hommes d'affaires, travailleurs, aventuriers venus
du Cap!!).
L'artisan principal en est le cél~bre Cecil Rhodes,
image de l'Afrique du Sud industrielle, capitaliste et expansion-
niste(3).
Le Trek minier est da à la découverte des riches champs
diamantifères du Griqualand
<Orange) en 1869, puis de l'or dans
le Witwaters~and (Transvaal) en 18S1. L'exploitation de ces ri-
chesses va faire surgir~ tels des champignons, les villes de
Kimberley (cité du diamant) et de Johannesburg (cité de l'or).
Les Boers ne voient pas d'un bon oeil tous ces "uitlanders Il
(immigrants chercheurs d'or):. qui anglicisent leur llterre pro-
mise". Johannesburg, cité juive et cosmopolite, à moins de
100 km de Pretoria, c'est Babylone défiant Jérusalem.
L'entente
politique va se révéler impossible et, le 10 Octobre 1899,
Krüger déclarera la guerre aux Britanniques : la fameuse guerre
des Boers co~~ençait. Que les Afrikaners aient choisi la date
du 10 Octobre pour célébrer leur ancêtre est très sympatomati-
que de leur volonté de revanche sur les Britanniques, qui les
battirent militairement et les obligèrent à signer, le 31 Mai
1902, le tr~ité de Paix de Vereeniging (pres de Pretoria), trans-
formant leur "terre promise" en colonie anglaise.
C'est de cette
défaite que surgira le nationalisme afrikaner.
(1) QuA. iloli han nom a.u gé.n~ A. PltetOIVW..6, vainque.uJt de. V,[nga.a.m.
(2) Ce.t e.Y1.vahM.6emf.nt U-t c.onnu hoU6 i.e. nom de. "tlte.k m.i..n1..e.Jt".
(3) I.e donneJt.o.. han nom li .ea. Rhodu1..e..

-
219 -
4- ) RepubTic Day
La paix signée, l'Angleterre ne tenait nullement à
abuser de la victoire pour imposer une solution constitutionnel-
le redoutée des Boers. Après ces trois annÉes sanglantes de
guerre, la reconstruction économique s'imposait. Ce n'est qu'au
bout de 8 ans que, par le South Africa Act de 1909, l'Union
sud-africaine verra le jour, réunissant les 4- Provinces du Natal,
du Transvaal et de l'Orange en un Dominion de la couronne d'An-
gleterre. Le 31 Mai 1910, jour anniversaire de la Paix, fut
choisi peur la naissance de cette union et fut célébrée par la
suite sous le nom d'Union Day. Après cinquante ans de lutte po-
litique entre Britanniques et Afrikaners, ces derniers, qui
avaient été contraints, apr~s la paix de Vereeniging, de s'ins-
taller dans un Etat placé sous le signe de l'Union-Jack, fini-
rent par l'annexer. Choisissant délibérément la date du 31 Mai,
en 1961, le gouvernement nationaliste, présidé par M. H. F.
Verwoerd, proclame l'Afrique du Sud République indépendante. La
"guerre des Boers", déclarée aux Britanniques le 10 Octobre 1899
?ar Paul KrUger, est définitivement gagnée. Désormais, le 31 Mai
sera fêté sous le nom de "Republic Day". Cette victoire politi-
que, les Afrikaners n'ont pu l'obtenir qu'en se
orgeant une
"arme idéologique" visê.nt à la d6fense de leurs intérêts écono-
miques et politiques, de leurs traditions et mode de vie, h~ri­
tés des grands ancêtres: il s'2git de la doctrine de l'apèr-
th,::id, véritable "théologie" et "philosophie ll du nationalisme
afrikaner.
SECTION ·11
Sources de la doctrine d'Apartheid
La pr.emière source est évidemment fournie par l'his-
toire elle-même, telle que nous l'avons esquissée, les Afrika-
ners liinterprètent ~ la lurni~re des croyances traditionnelles
héritées des gr~nds ancêtres et popularisÉes par 18 formule
classique: "Die Boer met s'y Bybel en Sy Roer" (le Boer avec
sa bible et sa carabine). Cette lecture de l'histoire - au cours

-
220 -
de laquelle sa carabine et la possession de techniques avancées
ont joué un grand rele - et de la Bible, qu'il comprend à sa fa-
çon, amène l'Afrikaner à penser qu'il appartient à un peuple
élu, dont la race est un signe distinctif.
La terre sur laquelle
il vit, c'est sa terre promise, don de Dieu.
La Mission qui dé-
coule de cette "élection", c'est d'assurer le développement de
ce pays.
Soumi~ au Vieu tout-pui~lant et a ~Q Sainte Pa~ole,
~e~ A6~ikane~~ ~econnai~~ant que ieu~ de~tinêe nationate
tef.2e
p
qu'elle a ~t~ comp~i~e au temp~ d~ g~and Exode, e6t d'o~iente~
le d~ueloppement de l'A6~iqu~ du Sud 6uivant le~ p~incipe~ du
ch~-L6:tia.ni.llme .•. La Répub.e.ique (U,t 6ondëe. 6u./t le pJtincipe. na.-
tional ch~~tien et ~econna2t commZ pJtincipe~ di~ecteu~h du
gouveltnement et de l'Etat:
1) le~ pJtincipeJ de ju~tice de~ Sainte4 fcJtituJte6
2) le ~en~ dan4 lequel ~'e6t d~uelopp~e toute t'hi6-
toiJte de la Nation
Des théologiens calvinistes viendront confirmer les
politiciens dans leur interprétation de l'histoire, tel Strauss,
déclarant en 1950, à la Conférence calviniste de Bloemfontein
ilLe chrétien blanc est investi d'une autorité officielle sur
l'indigène. Celui-ci doit même supporter notre châtiment au nom
du Seigneur, parce qu'il le délivre de l'esclavage du péché lf •
(ll
Ext~ait de6 aJtticl~ l et II de f'il1tJtoduction au p~oje.:t
de con~titution pou~ la 6utu~e ~~publique 6ud-a~~icaine,
Jtldig~e palt le Vit. Malan en 1943.

-
221 -
La Bible n'étant utilisée que pour justifier une si-
tuation acquise, surtout grâce à la carabine, le vrai dogme de
l'apartheid, c'est "l'élection de la race blanche". Ce qui en-
traînera nécessairement une hostilité envers la vraie race élue
selon la Bible
: les Juifs
; et un accueil chaleureux de la part
des Sud-Africains pour la doctrine nazie, deuxième source où
ils puiseront pour fonder la doctrine de l'apartheid.
D~s 1930, en effet, l'id€ologie
nazie s'est infiltrée
en Afrique du Sud. Tout a favorisé son accueil
: l'hostilit~
historique de l'Allemagne envers la Grande-Bretagne, le voisina-
ge linguistique, le racisme commun. De nombreuses organisations
pro·-nazies se sont alors créées
: telles la Boerenasie (Nation
Boer), les Greyshirts (chemises grises), le New Order (ordre
nouveau), les Ossewabrandwag (sentinelles du chariot ~ boeuf,
Cl est··à-dire
gardiens des idéaux Boers).
L'un des membres de
cette derni~re organisation était
le
pr~sident de la Répu-
blique sud-africaine, M. Vorster.
Il n'est pas sans intérêt de
rappeler ici que ce dernier a sté condamné, en 1942, à 17 mois
de prison pour activités pro-nazies. Son prédécesseur Verwoerd,
fut aussi emprisonné.
De 1930 à 1975, ces organisations répercutent dans
l'opinion publique les grands thèmes de la propagande nazie,
adaptée aux conditions locales
: anti-capitalisme (visant les
Britanniques), anti-impérialisme (visant les démocraties occi-
dentales, encore colonialistes, et le régime soviétique) et
surtout le racisme. Une formule du journal DIE TRANSVALER, de
Juillet 1940 t
donne bien le ton : "Le libéra.lisme et le négro-
philisme, qui voudraient balayer toutes les barrières de cou-
leur et faire de l'Afrikaner un être sans colonne vertébrale,
n'auront point de place dans la R{publique sud-africaine".
Cette influence du nazisme en AfriquE. du Sud, depuis l'écrase-
ment de l'Allemagne hitlérienne, est aujourd'hui soigneusement
passée sous silence. En 1965, interrogé à ce sujet, l'Ambassa-
deur sud-africain à Londres, M. Carel de Wet, refusa de répondre,

- 222 -
mais déclara à l'auditoirE:;
:lInlayez pas le moindre doute sur
le fait que notre politique est, à tous égards, une politique
chrétienne ll •
SECTION III
L'A.frique du Sud et son système
Pour comprendre l'Afrique du Sud, i l faut connaître
les fondements,
le mécar!.Ïsme,
les structures et les besoins
actuels de ce système dans ses aspects les plus essentiels.
L'Afrique du Sud, c'est avant tout, "trois millions
et demi de descendants d'émigrés européens qui se sont révc.ltés
contre l'ancienne puissance anglaise et qui ont imposé leur do-
mination sur 15 Millions de Noirs parqués dans des RÉserves.
C
E
d "
l
"
" . " .
....
l
et
tat a
~ve oppe une pUlssance economlque superleure a ce -
le du reste du continent pris dans son ensemble.
(L'Afrique du
Sud produit 30% de revenu total de l'Afrique,
43% de la produc-
tion minière de l'Afrique,
75% de l'acier produit en Afrique,
57% d0 l'énergie électrique consommée en Afrique).
§.1.
-
LES DEUXPILLIERS DELJ\\ PUISSANCE ECONOMIQUE DEL'AFRI-
QUE DU SUD
La puissance économique est portée par deux pilliers
:
l'existence de puissantes industries extractives est l'un d'eux:
l'Afriqu0 du Sud détient le premier rang mendial pour la produc-
tion d'or) de diamant de joiellerie, de platine, d'antimoine;
le second rang pour le chrome et le vanadium ;
le troisième rang
pour l'uranium et le manganèse.
Pour rentabiliser l'exploitation de ces mines par
rapport à la concurrence internationale, on utilise rationnelle-
ment une m.ain-d'ceuvre abondante de millions d'hommes enr61és
dans le travail forcé,
tenue à la fois par le système des Réser-
ves et l'apartheid.
Cette main-d'oeuvre utilisée ~ plein consti-
tue le second pilli~r, fondement premier du développement et de
la puissance sud-africaine.
La population Cantonnée dans les

-
223.;..
zones les plus improductives, est condamnée ~ une ~conomie de
. ~
(1)
P
.
f · · "
~ou~-ex~~~ence

our survlvre, les A rlcalns n ont qu une
seule ressource : quitter les réserves pour vendre au plus bas
prix leur force de travail dans les zones mini~res et industriel-
les o~ ils sont parqués sous une surveillance polici~re incessan-
te durant des périodes de travail qui varient entre deux, quatre
ans et plus. Une partie de leur tr~s maigre salaire sera envoy~e
dans les rfserves ~ leur famille, dont ils peuvent être séparés
pendant des années pour permettre la survie des femmes et des
enfants. Tel est le ressort du mécanisme social qui 2ssure la
croissance de l'économie.
§. 2.
- LE DEVELOPPEMENT ECONOrllQUE DE L'AFRIQUE DU SUD
En esquissant l'histoire de l'Afrique du Sud, nous
avons vu le rôle important quIa joué la découverte des gisements
de diamants et d'or - provoquant le "trek minier", britannique.
Sans ces richesses minières, il n'y aurait sans doute pas eu de
"guerre des Boers", et les Afrikaners, dans leurs Républiques
du Transvaal et de l'Orange, auraient pu poursuivre une paisible
existence, sans avoir ~ inventer la doctrine de l'apartheid.
Les richesses minières ont entraîné - gr~ce à l'apport
de capitaux occidentaux - le :!d~collage" de l'Afrique du Sud,
lui permettant, surtout à partir de la 2e guerre mondiale, un
développement économique unique en Afrique. En 15 ans, de 1946
à 1961, sa production industrielle a été multipliée par 10(2\\.
Parallèlerl'.ent, l'importance du secteur agricole et minier (au-
trefois les 2 piliers de son économie) a considérablement bais-
sé. Aujourd'hui, la part de l'agriculture dans le produit natio-
nal brut ne s'~lève qu'~ 10% et celle de l'exploitatio~mini~re
à 12 9ô.
{lI Exp!l.c..6~i..on ~oc..io-~c.onom,{Que uü!!,J..J:, ~,2 pM S. Thlovr., hl "I.e pouvo-i.!L par.e".
Ed. Se.uil - Po.Jt.M.
(21 Dl 920 miJ.~i..On6 de. Randb a 9 550.

-
224 -
Or, la politique économique du Gouvernement a pris
pour moteur du dévelcppement, non pas le pouvoiJr.. d'a.eha.t de la
population noire, mais le maJr..eh2 ext~Jr..ieuJr...
La période d'après-
guerre lui offrit d'excellents débouchés sur le marché mondial.
D'une part, les naticns industrielles occidentales avaient un
besoin vital de matières premières: d'autre part, la haute con-
joncture offrait la possibilit~ d'accroître graduellement les
f11
exportations de produits finis
• De plus, les blancs ont choi-
si de créer une industrie dotée d'une technologie réclamant
beaucoup de capitaux, mais peu (le main-d'oeuvre.!1 serait ainsi
possible d'élever le produit national brut, avec la faible main-
d' oemrre blanche et un minimum de travailleurs noirs. Aussi
l'industrie sud-africaine offre-t-elle aux blancs l'occasion
d'acquérir une haute qualification professionnelle, et aux noirs,
privés de formation, très peu dVemplois.
Ainsi, l'expansion économique, née dans les ornières
de l'aprtheid, a contribué a aggraver celui-ci, déformant encore
plus les structures sociales et culturelles du pays. Elle a con-
tribué ~ faire de la ségrégation raciale une ségrégation sociale
irréversible, assurant les int6rêts économiques et politiques de
la minorité blanche. L'apartheid fournit ainsi a l'économie blan-
che ce dont elle a besoin : une armée di~ciplinée de travailleurs
africains privés de leurs droits, recevant de bas salaires, can-
tonnés ~ .leur emplacement de travail.
Mais cette évolution 6conomique rend absolument impra-
ticable la politique d'apartheid total et systématique prenée
par Verwoerd et son successeur, Vorster.
(11 EYl 1938, 96% dM e:xpoMMÂ.Ott6 .60M du mat-i..~e6 plLe.mi~e6 et 1% dr.ll
p!todu..U1J 6b/;u,. En 1912, Oyl pa.6!.>e. Ilupeeilve.me.nt a 10% e.t .!OO/.

- 225 -
Déjà, en 1950, Malan
le premler doctrinaire de l'a-
9
partheid , déclarait : "J' ni d:Lt cla.irement que l' apar'theid ter-
ritcrial était impraticabl~ dans les circonstances présentes,
étant donné que la structure de notre économie est largement
fondfe sur l'utilisation de la main-d'oeuvre indig~ne'l. En
1956, celui qui devint Ministre d~~s Bantoustans, en 1966, affir-
mait : "L'idée des Bantoustans est à rejetér, parce que dange-
re.use". Or, en 1975, plus encore quVen 1950, l'économie reste
largement fondée sur l'utilisation ou plutôt l'exploitation -
de la main-d'oeuvre indigène. Les exploitations minières ne peu-
vent s'en passer dans le secteur de l'industrie et de la cons-
truction, alors que, en 1951, on comptait 360 000 ouvriers
africains pour 250 000 blancs, en 1972 on en compte 950 000
pour 340 000 blancs. C'est pour cette raison que la politique
du gouvernement consiste à vouloir créer des zones industriel-
les e.n bo!tduJte. des "Foyers na.tionaux bantous", pour y employer
la popula.tion africaine qui y est concentrée.
En outre, ce développement économique a entraîné
l'urbanisation de 9 millions d'Africains, vivant dans les "lo-
cations", ces cités-dortoirs édifiÉes en marge des grandes vil-
les blanches, parfois devenues métropoles elles-m~mes, comme
Soweto, près de Johannesburg. Peur ces Africains, urbanisés de-
puis plus de 20 ans, ces "townships" sont leur vraie. patrie, et
non les Bantoustans, que veut créer de toutes pièces Vorster.
Serait-il réaliste d'y envoyer ces 9 millions d'Africains, qui
s'ajouteraient aux 6 millions des "réserves", alors que celles-
ci ne constituent que 13% du territoire total, face aux 87%
occup~s par 3 millions et quelque de blancs ? Les Africains ne
sont pas dupes :
Le. !teR!tourcme~t eth~lqu~,
c'e~t du roi~an ••• j'al
g!ta~ d 'a c
.t
'
" .
~
~owe_o,
je.
ne pe.UX p~~ m ~mag~ne!t
'~o
"
"
a~~~eult~
qu ~C~I ••• 1
Le~ "Foyen~" ~ont le lit de moltt de~ nollt~ d!te.~A~ pa~ le6 blanc~.
IR.~ 6o~t 6té!tife~. S'i~~ étaie.~t 6e~tif.e~, on ne le~ de~tine!tait
pa~ a./lX nollt~. Le~ FOIJ!l!t~, poul( moi, C'e.6t la ma.P.a.dic., ta 6ami~e.,
le c.hômage., la ~~Che.Jr..e.~6e., e.t tou.t i.e Jte~:te. a .e'a.Ve.~-i.}l •••

-
226 -
Ce bref aperçu de la structure économique et sociale
actuélle suffit pour faire comprendre que la politique de "dé-
l
+ - ' - ' - "
...
.-
V
.
ve oppemenL separe
-
pronee par
crster et son partl, prolon-
geant celle de l'apartheid total et systématique, rel~ve de
l'utopie.
Il est trop tard pour vouloir tracer une fronti~re
géographique entre Un Etat blanc et des "nations bantoues".
Et pourtant, cette politique de "fuite Gn avant",
Botha
peut la poursuivre encore, malgré toutes les condamna-
tions prononcées à la tribune des Nations Unies et toutes les
résolutions votées. Elle trouve appuis -
économiques et finan-
ciers -
parmi les Puissances occidentales. Pourquoi?
SECTION IV
L' Afriqu~ du Sud '?t la dffené'c'è' du n!kl'ide libre"
On affirme - c'est la thèse des libéraux des puissan-
ces occidentales Soutenue par leurs "satellites" africains,
d'ailleurs -
que le développement économique du subcontinent
africain pourrait avoir comme effet de miner le système injuste
d'apartheid qui y r~gne et de conduire à la libération des peu-
ples noirs. Ce qui vient d'être dit plus haut montre assez clai-
rement qu'il s'agit l~ d'une illusi0n. La vérité, c'est que, en
continuant d'entretenir des r.elations économiques et commercia-
les avec le régime de Botha
en continuant d'y investir des
capitaux, l'Europe occidentale et les Etats-Unis ne font que ren-
forcer le système politique de l'apartheid, et aggravent les
situations d:oppression et d'injustice des populations noires.
Elles mettent en danger la paix du monde.
B-ur"qu0i ces pUls52nces
C'(-'n~::::mne.nt-elles, en paroles et
par leurs votes aux Nations Unies, le Régime de l'Apartheid, et
continuent-elles, par leur jeu diplomatique et par leur politi-
que Économique et cow~erciale, à soutenir la République sud-
africaine? La raison en est que l'Afrique du Sud bénéficie,
outre ses importantes richesses minières, d'un atout non moins
important : sa position stratégique.

-
227 -
Le peuple afrikaner -
bien qu'ayant rompu avec elle -
est un rejeton de l'Europe, planté dans cette corne d'Afrique
au large de laquelle passe tout le pétrole dont celle-ci a be-
soin. A sa certitude d'être un lipeuple élu", s'ajoute la. con-
voitise d'être le défenseur de la civilisation chrétienne
occidentale.
Cette civilisation est à ses yeux menacée, non par
le danger du racisme, 1T'.ais par la. doctrine marxiste-communiste
incarnée dans les pays de l'Est, la Russie et la Chine. Cette
défense implique pour lui le maintien de la suprématie occiden-.'\\
tale blanche, non seulement dans son pays -
grâce au système
d1apartheid -, mais aussi dans le jeu des forces mondiales, en
cette extrémité de l'Afrique d'une importance stratégique de
premier ordre. De cette importance, les Puissances du monde li-
bre sont convaincues
: i l leur paraît essentiel de renforcer
cette position stratégique dans leur système de défense. Ainsi
s'explique le maintien des relations, non seulement diplomati-
ques, politiques et économiques, mais aussi militaires entre le
régime de M. Botha et les Puissances occidentales. Les marines
anglaise, française et sud-africaine, se sont exercées conjoin-
tement, ces dernières années. En Avril 1974, des exercices na-
vals et aériens franco-sud-africains se sont déroulés au long
des côtes de la Namibie.' Une flotte britannique, forte de 9 Vais-
seaux, manoeuvrait dans les eaux sud-africaines en avril 1974.
Par ailleurs, ce sont des officiers français qui forment de nom-
breux cadres pour la marine sud-africaine, à qui la France con-
tinue de livrer des sous-marins atomiques. Des documents reten-
tissants,publiés par le B~itl~h An~l-Apa~theld Movemen~p ont
révélé que des entreprises de 5 pays occidentaux (Etats--Unis
/
44; Allemagne:
15; Grande-Bretagne:
4; Danemark:
2.
Pays-Bas:
1)
avaient collaboré à la construction èu poste ultra-moderne de
radars de Silvermine, gr~ce auquel teus les déplacements navals
et aériens dans la région peuyent ~tre observés et suivis. Les
codes utilisés pour les livraisons étaient les codes de
l'O.T.A.N.

-
228 -
On comprend que, soucieux de maintenir "l'équilibre
mondie.l ll Est-Ouest, en 1968, M.
Jacques Allier ait pu juger
"la mise à l'index de l'Afrique du Sud .•• une absurdité. du
point de vue du poyt, qui, rlaM R.rz. monde, .6on:t Ct ta tête de.6 palj.6
d~veioppê.6",
et l'embargo des armes, recommandé par l'O.N.U.
- auquel la France ne s'était pas alors associée -, "généra-
teur de graves complications internationales,,(1).
Depuis, les
évènements ont bien obligé ces pays, "qui sont à la tête des
pays développés", à tenir compte du point de vue des masses
africaines opprimées et de leur volonté de se libérer du joug
que leur impose le régime de l'apartheià.
La France commencerait-elle à le comprendre, qui~ par
la voix de son Président, en visite au Zaire en AoOt 1975, an-
nonçait son intention de mettre fin au commerce des armes avec
l'Afrique du Sud? La manière était trop théâtrale, et la déci-
sion trop tardive .•. A l'heure actuelle, l'Afrique du Sud est
technologiquement (et financièrement) en mesure de produire
prochainement sa bombe atomique(2). Comme la France, elle n'a
pas signé le traité de non prolifération •••
Son budget militai-
re, qui était de 44 millions de rands en 1960, es passée à
700 millions en 1974,il est de 900 millions pour 1976 ••.
Dans une déclaration devant le Sénat sud-africain,
le 23 Octobre 1974, lançant son offensive de paix, M. Vorster
affirmait
:
L'A6ltique aU.6,tlta.ee e-6t donc. altltivée a .ta c.ltoi.6ièlte
de-6 c.hemin.6,
et elle doit 6ailte un c.hoix en.:tlte ~o. pAix et R-'e.6-
c.4iade de.6 c.on6lit.6.
Nou-6
c.hoi.6i.6.6on.6 .ta raix. Vonnez-nou.6
6 moi!> et vou.6 .6eltez étonné.6 a.tolt.6 de c.on~.:tatelt .6e tltouvelta
l'A6~ique du Sud.
(1) Revue de. R.a Vé6eYl..6e. MaUon.a.f.e, maJt.6 1968, p. 41. 3.
(21 En 1968, VoMteJt déc.f..aJl.a);t : "L'/'6/tique. du Sud a c.ommenc.é la c.oYl..6tJtuc.Üon
d'un "polot- plant" pOUfl.. pJtoduhte. de. i' Ulta.rrA..um cnltic.lU, c.ec.i lui peJur1eftant
aloM
de de.venilt .ea. 4e pUiManc.e atomique de .e' Ouu:t (Time6 06 Za1.bia,
9.S. 1968).

-
229 -
A cette offensive de charme, beaucoup ont voulu crOl-
re ••• "C'est la voix de la raison attendue par l'Afrique et le
~este du monde", n'hésitait pas à déclarer le président de la
Zambie, M.
Kaunda, qui, quelque temps plus tard, accueillait
M. Vorster à Livingstone, le 25 AoOt 1975, en r~conciliateur des
blancs et des noirs:
Vors ter devient aujourd'hui un grand homme.
N
l
.
h
!fUl
ous vou ons que vous soyez le pont qUl nous rapproc era tous
M. Kaunda et tous ceux qui croient M.
Vorster crédible oublient
que déjà, en 1957, par la voix d'un certain M. J. Fouché, admi-
nistrateur de l'Etat libre d'Orange, l'Afrique du Sud lançait
un appel .•.
••• pou~ que le monde lai~4e 4eule, pendant 25 an~,
l'Union .6ud-a6~ic.aine, a6in qu'eJ!..le :t~ouve u.ne 4olution ?t 4e.6
p~obllme4 d'o~d~e ~ac.ial.
Lai~.6~e a elJe-m~me, elle llabo~e~ait
une 6o~mule en vektu de laquelle l'Eu~or~en ~e6te~ait l'Eu~o­
péen et non-Eu~opéen un non-f.u~op~en,
avec. le6 d~oit.6 qui lui
~eviennen:t. Le p~obli!me d'A6~ique du Sud ê;~ant "unique" et
f'hi.6:toi~e du monde ne c.ompo~tan:t auc.un r~~c.~dent ~u~c.ept;ble
d'~t~( 4uivi, en l'oc.c.u~enc.e.
L'Afrique du Sud n'a pas été laissée à elle-même. Ses
relations politiques, économiques et ~ilitaires avec l'Europe
et les Etats-Unis ont contribué 2. consolider le régime odieux de
l'apartheid, à rendre plus profond l'abîme séparant les blancs
des noirs. Aujourd'hui, comme en 1957, les gouvernants conti
nuent leur folle "fuite en avant", ne cherchant qu'à retarder
l'inévitable confrontation!?'). Tout au long de ces 24 années,
(i) c.6. R. Pichon, le r~~e ~hodrÂien, I7oc.-H~atjan, 7915, r. 7Qg.
!2) L' ~voR..t..di.o.1'l du voc.ab(t.e~e. n' a..ppaJta1.;t donc. nuilemeltt c.omme. le. 6-i.gne
d' un.e ~~e1.R..e vofJ..ont:'= cie. c.hang e~'nel1.t:.

-
230 -
grâce aux capitaux occidentaux, aux techniciens occidentaux, aux
ventes d'armes,
la minorité blanche a pu édifier un Etat proche
de la société voulue par les Nazis, o~ les camps de concentra-
tion portent le beau nom de " Foyers nationaux", Il l i t de mort
des noirs dressé pa.r les blancs".
"L'Afrique du Sud est un problème sans fond,
sur lequel
lequel on ne peut se pencher qu'avec effroi". Cet' effroi, que
ressentait A.
Siegfried dans les années quarante, nous pouvons
peut-être le comprendre, au terme de ce parcours. Ne nous revè-
le-t-il pas que l'Afrique du Sud n'est ni une "énigme politique"
ni une "relique de l'histoire" ? Elle est une image vivante du
macrocosme mondial, dans ce monde où nulle part ne règne une
authentique harmonie raciale entre blancs et noirs.
Alexis de Tocqueville témoignait d'une singulière
perspicacité lorsqu'il écrivait, i l y a plus d'un siècle:
"Les Modernes, après avoir aboli l'esclavage, ont donc encore
à détruire trois préjugés, bien plus insaisissables et plus te-
naces que l u i :
le préjugés du Maître, le préjugé de la Race,
et, enfin, le préjugé du Blanc,,(1).
Les 3 préjugés sont profon-
dément enracinés en Afrique du Sud, c'est certain. Ne le sont-
ils pas tout autant dans les pays "qui sont à la tête des pays
développés" ?
Depuis la victoire des guérilleros du Frelimo sur les
défenseurs portugais de la "civilisation" au Mozambique, victoi-
re qui contribua à libérer leurs frères d'Europe du régime fas-
ciste de Lisbonne, la "banquise blanche" a craqué. L'heure de vérité
arrive. Le "Front de la race blanche" a reculé au Zambèze, au
sud du Tropique du Capricorne, en dépit des efforts des troupes
sud-africaines dotées de matériel sophistiquées soutenues, di-
rectement ou indirectement, par les Etats-Unis, la Chine, des
mercenaires anglcis et autres.
( 1J A. de. Toc.que.vil1.e., Ve. ta démoCJLa.-Ue. e.1'! Am{iJU..que., c.oU. "1 0-18'~, p. 189.

-
231 -
Tous les pays qui, aux Nations Unies, ont condamné par
leurs votes la politique de la République d'Afrique du Sud et
qualifié l'apartheid de "crime contre l'humanité" se retrouve-
ront-ils un jour dans le même camp pour combattre ce bastion du
racisme? La réponse dépend de ceux qui sont pourtant loin d'a-
voir déraciné les trois préjugés "insaisissables et tenaces n
dénoncés i l y a un siècle par M. de Tocqueville. S'élevant parmi
d'autres,
la voix de l'archevêque de Durban, Mgs Hurley,
invite
les chrétiens, même au prix des plus graves déchirements, à sor-
t i r de la compromission
il FaudILa - t - .Le
6ina,e. e.m e.nt c. hoi.6 iIL e.ntIL e un t Qmo ig nag e.
vILaiment e66ic.ac.e. e.n 6ave.uIL de. la jU.6~ic.e. e.t une. gILave. di.6~oc.a­
tion de. .~a vie. de. l'Egfi.6e., .6uite. aux "ba.nni.6.6e.me.nt.6", mi.6e..6 e.n
IL~.6ide.nc.e .6uILveill~e. e.t ILe6u~ de ~~jc~Jz. re.frma.ne.nt poulL le. pe.IL-
.6onne.l ~tILange.IL.6 ? voila oa l~on e.n e..6t ••• On c.omplLend, dan.6
c.e..6 c.ondition.6, qu'il .6oi' e.xtIL~me.me.nt diû6ic.iRe., POUIL de.6 ILe..6-
pon.6able..6
e.c.c.f~.6ia.6tique..6
g~nêILale.me.nt âgê.6 e.t c.iILc.onc.ept.6,
d'avo..i.!L a c.noi.6ilL une voie. qui e.mp~c.he.ILait le. !,onc.tionne.me.nt nolL-
mat de. l'Egli.6e. in.6titutionnali~~e.. Et poulLlant, ne de.vILOn.6-nOu.6
pa.6 alle.1L jU.6que.-la, .6i nou.6 voulon.6 vILaime.nt a.6.6ume.IL no.6 ILe.6pon-

.6abilit~.6 .6oc.iale..6 en A6ILique du Sud".
SECTION V
L'Application de la Doctrine d'Apartheid
Sur quoi s'appuie le mécanisme? Sur la politique de
l'Apartheid qui répond à un double but; d'abord économique et
politique ensuite.
-
La majorité de la population africaine est systéma-
tiquement maintenue au plus bas de l'échelle sociale sans au-
cune possibilité de promotion.
Par la négation de tout droit et
politique, not~mment l'interdiction de grève, de se syndiquer,
de quitter son entreprise, l'économie sud-africaine dispose -
à tout moment et partout - d'une masse de main-d'oeuvre qui lui
assure pour un coOt social mlnlmum une productivité maximale.

-
232 -
-
Par la réduction des coûts unitaires de production,
cette main-d'oeuvre favorise l'augmentation de la capacité
technique de l'économie et libère des dividendes substantielles
affectées à la diversification de l'économie d'une part et au
placement des actions à l'étranger d'autre part.
-
Le déplacement et la fixation obligatoire des con-
tingents de main-d'oeuvre, en d'autres termes sa mobilité -
orientée dans tous les points du territoire où le patronat en
manifeste le besoin, l'absence totale de conflit du traveil,
renforcent l'expansion tout en permettant la mise en valeur de
toutes les ressources du pays.
L'ensemble de la politique d'apartheid et son applica-
tion rigoureuse par un régime de terreur a pour but d'assurer à
une minorité occupante l'utilisation maximum d'une population
transformée en force de travail permanente dont on peut disposer
à merci; tel est le moyen que cette minorité s'est donné pour
garantir solidement sa suprématie tant économique que politique.
Voilà pourquoi la politique de l'apartheid est Vlve-
meht critiquée et réprouvée par l'opinion publique internationa-
le. Cette politique a permis -
nous venons de le voir - le dé-
veloppement d'une puissance économique capitaliste de poids. De
cela ceci : sa condamnation par les instances internationales
reste cantonnée dans le domaine des principeB, sans effet aucun
sur les réalités sociales de l'Afrique du Sud et dans le même
temps les structures économiques~ financières, militaires sud-
africaines s'intègrent chaque jour davantage dans celles du ca-
pitalisme international.
Quelques données suffiront à mesurer l'importance de

__

(7)
cette lntegratlon
:
( 71 r..<Jt~ de. ~' oJr.;tJ..c1..e de J. p. ~!' V-i..a.ye. : "POUA c.om,me..fl.d!tç'. c.e. qu.' Mt R.' A6!UQu.e.
du Su.d". J.A. nO 540 du mM.d..i 17 mai ,91,.

-
233 -
- En 1967,
7.834 brevets sont déposés dans le pays dont
1879 américains, 1441 anglais,
723 allemands, 232 français.
- En 1968, 40% du Commerce de la Grande-Bretagne en
Afrique se fait avec l'Afrique du Sud; 1/3 des exportations
américaines vers l'Afrique va en Afrique du Sud; les ventes de
Prétoria sur le marché américain représentent 1/4 des exporta-
tions africaines vers les Etats-Unis d'Amérique.
-
En 1969, on enregistrait 831 filiales de sociétés
étrangères ou multinationales En Afrique du Sud dont 502 britan-
niques, 193 américaines,
37 allemandes, 17 françaises,
24 sué-
doises, 12 suisses.
La masse des capitaux 2n provenance de toutes les
Capitales financières des métropoles occidentales sont des faits
suffisamment objectifs pour justifier l'intérêt et le soutien
que le monde politique et des affaires accorde au régime de
l'apartheid. Ainsi,
l'orientation capitaliste et, toutes choses
égales par ailleurs, sont autant des conditions qui garantis-
sent la rentabilité des investissements dont le taux de croissan-
ce est de l'ordre de 12% par an.
L'intégration continue de l'Afrique du Sud dans les
structures du capitalisme international s'accompagne d'un rôle
de plus en plus déterminant au sein de la stratégie du monde
occidental.
1 -
Stratégie ar'mement
Le gouvernement de Prétoria, depuis quinze ans, s'est lan-
cé dans la course aux armements, massive et accélérée.
Depuis
1960 et les évènements de Sharpevile(1), le budget de la défense
11) EYl 1960, du marûoutat.-i.on6 du no-iJuJ d'uYle. amplcUlt .{.Ylc.ormue jU6qu'aJ,OM
ont .6 zc.oué i.e patj.6: le. pltU:,e.xtc. en éta,i;t lu "pM.6 U" ou ,EalM eJt- pa,M eJt.
EUu ont é:t~ ~CJta1le!u dan6 le. .6a.Ylg, li ShaJlpe.ville. et è. LUYlga..

-
234 -
a connu une augmentation extrêmement rapide et se maintient à
un niveau élevé. Voyons quelques chiffres.
FIGURE N°· 9
1960-61
.61-62
62-63
63.-.64
6.4-.65.
1
1970-.71
1
3.6
71,5
122
.14.9
216,5
257,1
1
(en millions de rands)(7l
Armée permanente, police, police de réserve, Comman-
des, Spécialistes de la lutte antiguerilla, des centaines de
postes fortifiés à travers tout le pays, b?ses navales, bases
aerlennes, armement ultra-moderne, usines de fabrication d'ar-
mes (parmi lesquelles la plus grande usine privée mondiale
d'explosifs), recherche poussée sur les gae de combat, prépa-
ration d'une force nucléaire. Ce dispositif offensif général ne
fera dans l'avenir qu'augmenter et cela dans des proportions
d'autant plus grandes que de nombreux strateges de l'O.T.A.N.
le jugent encore ~rès insuffisant.
Bref, l'Afrique du Sud représente un atout majeur dans
la stratégie du monde occidental -
et cela pour des raisons à
la fois intercontinentale et continentale.
Pour l'O.T.A.N., la pénétration méthodique et pro-
gressive de l'Union-Soviétique a.u f-1oyen-Orient, en Afrique du
Nord et en Afrique Noire (Angola, Somalie) - présence qui per-
met la radicalisation des régimes progressistes à l'égard des
monopoles occidentaux -
la route du Cap est une artère vitale
(1) "Su/tve.tj" 7963-64 - "Le. MoY/de.," 6 Jn.Jw..{.e/t 7911.

-
235 -
en tant que base aérienne et navale vers l'extrême-Orient. La
situation de l'Afrique du Sud garantit en fait le contrôle de
l'Atlantique Sud et celui de l'océan Indien.
Le renforcement
militaire de cette reglon permet de briser toute tentative qui
pourrait s'opposer au contrôle et au monopole absolu des mar-
chés vitaux constitués par le Continent africain et l'Asie
(Golfe arabo-persique, Inde, Extrême-Orient).
Dans l'immédiat, le poids stratégique et militaire de
l'Afrique du Sud par rapport à l'ensemble du Continent se révè-
le essentiel. Ayant un dispositif d'intervention méthodiquement
étudié pour maintenir son propre régime d'oppression~ le gouver-
nement de Prétoria est un ferme Soutien et un allié décisif de
la Rhodésie pour liquider systématiquement les mouvements armés
des Africains nationalistes et révolutionnaires. (1)
"Citadelle du Monde libre", remplissant toutes les con-
ditions objectives et subjectives, de par son origine européenne
et ses options anti-communistes et fascistes pour être le plus
sOr bastion du monde capitaliste - qu'on dit impérialiste - sur
le Continent, l'Union Sud-Africaine coordonne ce rôle stratégi-
que international avec sa politique de pénérration économique et
politique en Afrique Noire.
2 -
L'Afrique Noire Zone d'expansion
De nombreux investissements étrangers ont permis aux
capitaux locaux sud-africains d'accroître leur dynamisme et de
promouvoir des industries de transformation dans des secteurs
vitaux de l'économie, notamment la pétrochimie, le textile,
l'armement lourd et léger, l'électronique et la métallurgie.
Après avoir planté les bases d'une économie moderne,
atteint un rythme appréciable de croissance, mis au point un
dispositif militaire le plus p 11issant du continent, la préoc-
cupation actuelle du régime de ~otha
est de trouver un vaste
(1) La Rhodé~ie de 1an Smith d'hi~.

-
236 -
marché pour écouler ses produits de transformation et investir
ses capitaux disponibles.
Aussi, assuré maintenant de pouvoir augmenter le vo-
lume de sa production, marqué par' la volonté d'assumer un lea-
dership, i l lui faut son hinterland:
l'Afrique-Noire se pré-
sente comme sa zone d'expansion nAturelle.
Cette stratégie de
domin2tion étendue n'est pas nouvelle. M.
Pie Beuke précisait
dans la revue sud-africaine "Die Landsten" cette volonté d'ex-
pansion. "Au Nord du ZambL...-:! se trouve la seconde ceinture des
pays qui entrent dans l'arri~re pays de l'Union Sud-africaine.
Ce sont les cinq pays suivants: Congo Brazzaville, Zaïre,
Kenya, Tanzanie, Ouganda.
Quelles visées expansionnistes ! Tout cela au nom
d'un anti-Communisme.
Il lui faut donc une zone-tampon.
La
résistance africaine s'impose, nous scmble-t-il dans ce cas.

- 237 -
CHA PIT RfIl
OBSERVATIONS CRITIQUES· S·UR LES INTERETS
DES OCCIDENTAUX EN,ôFRIQUE DU SUD

-
238 -
A -
INTROVUCTION
L'Afrique du Sud se considère et est considérée par
les occidentaux comme constituant une bonne petite enclave occi-
dentale à la pointe de l'Afrique. Aussi, l'idée qu'ont les
Blancs en Afrique du Sud du soutien ou d'opposition de l'occi-
dent à leur cause constitue-t-elle des paramètres essentiels de
l'équation politique générale.
Après la victoire du M.P.L.A.
en Angola au début de
1976 et la mort de la RhodÉsie raciste de Ian Smith en 1980, on
ne peut guère se faire d'illusions. En effet les Sud-Africains
blancs reconnaissent sans difficulté, de même que les occiden-
taux, que le processus vers le pouvoir de la majorité nOlre est
irreversible depuis les premières émeutes de Soweto en Juin 1976.
N'empêche que les Sud-Africains continuent de penser qu'au mo-
ment critique les puissances occidentales, essentiellement les
Etats-Unis, viendront à leur aide contre ce qu'ils considèrent
comme une menace noire d'inspiration communiste.
c'est dire combien la conception de l'occident qu'ont
les Sud-Africains revêt ici une importance capitale si l'on veut
étudier les options occidentales concernant l'Afrique australe.
Tous les Sud-Africains, - qu'il s'agisse du noyau dur
des Afrikaners ou des libéraux, malgré leur pessimisme quant à
l'avenir - se refusent à croire que l'Occident pourrait un jour
se croiser les bras en regardant les Blancs jouer leur dernière
carte. Leur raisonnement s'appuie sur l'idée .que l'Afrique du
Sud est trop importante, économiquement et stratégiquement pour
que l'Occident l'abandonne à un régime noir soutenu par les So-
viétiques.
"Notre richesse en minéraux est si grande que les
Russes iraient jusqu'à se trancher la main droite pour l'avoir,
dit l'amiral en retraite Stefanus Biermann. Et si l'Afrique du
Sud devait tomber entre leurs mains, les communistes contrôle-
raient intégralement la route maritime du Cap".

-
239 -
Il est également essentiel de tenir compte de la
façon dont les Sud-Africains voient l'Occident dans toute ré-
flexion d'ensemble qui englobe certains problèmes récents ou
d'actualité, tels ceux de Rhodésie (Zimbabwé) et de Namibie,
car la clé de la paix dans toute l'Afrique australe est l'Afri-
que du Sud elle-même. Et l'avenir de la Namibie dépend entière-
ment de la bonne volonté de l'Afrique du Sud à se conformer aux
résolutions de l'O.N.U. exigeant qu'elle abandonne le territoi-
re.
Aujourd'hui on sait que le but de la politique améri-
caine et occidentale est une transition à la règle de la maJo-
rité sanctionnée internationalement. Mais quelles que soient les
difficultés de cette période de transition,
les Etats-Unis et
l'Occident ne perdent pas de vue que le nroblème central de la
région est l'avenir de l'Afrique du Sud elle-même. Le concept
d'''enchaînement'' cher à Kissinger, et selon lequel le problème
de l'Afrique du Sud devait être "mis au réfrigérateur" jusqu'à
ce que les questions de Rhodésie (aujourd'hui Zimbabwé indépen-
dant) 2t de Namibie soient résolues, contient une erreur fatale:
l'idée que rien ne se produira en Afrique du Sud tant qu'on en
sera encore à s'occuper des autres questions régionales à court
terme. Tout ce qui s'est pass& dépuis les pre~ières émeutes de
Soweto en Juin 1976 montre que c'est exactement à l'inverse que
nous assistons.
Le dilemme de l'Afrique du Sud sera certainement
très long à résoudre,
- c'est vrai
mais la bataille est déjà
bien commencée, et c'est l'élément le plus important pour l'ave-
nir de l'Afrique, pour l'ensemble de ses relations avec les
Etats-Unis et le reste du monde occidental.
L'Occident, les Etats-Unis, par conséquent, doivent
examiner sérieusement leurs options à propos de l'Afrique du
Sud.
Pour ce faire,
i l faut d'abord analyser le bien-fondé des
arguments présentés par l'amiral Biermann et d'autres Sud-
Africains blancs concernant les intérêts stratégiques et écono-
miques.
L'Afrique du Sud est-elle aussi importante pour

_. 240 -
110cc ident que le soutiennent les Sud-Africains, et, dans l'af-
firmative, ceux-ci en ont-ils correctement analysé les motifs ?
Nous pensons et nous croyons que l'Afrique du Sud est importante
pour l'Occident, mais pour d'autres raisons que celles présen-
tées par les Sud-Africains.
13 -
H1TERETS OCCIVHJT AliX H1 AFR1 QUE VU S UV fT
OBSERVAT! M'S CR1Tl QUES
Quelle est l'importance de l'Afrique du Sud pour
l'Occident du point de vue économique? Les investissements
américains en Afrique du Sud s'élèvent à 2 milliards de dollards,
soit 1,18% des investissements tctaux des Etats-Unis à l'étran-
ger, et le commerce des Etats-Unis avec l'Afrique du Sud s'élè-
ve à 4,050 milliards de dollars par an, soit 1,04% de son com-
merce mondial total (chiffres de 1979)(1).
La Grande-Bretagne est le principal partenaire écono-
mique de l'Afrique du Sud:
ses investissements directs sont
d'environ 6,8 milliards de dollars, soit 10% du total de ses
investissements à l'étranger. Notons qu'aux investissements di-
rects,
il faut ajouter les investissements de Portefeuille, dits
investissements indirects.
Le total des deux types d'investisse-
ments s'élève à S,l milliards de dollars, soit SS% de tous les
investissements étrangers en R.S.A.
Le commerce annuel de Grande-
Bretagne est d'environ 2,7 milliards, ce qui se présente environ
2% de son commerce mondial.
(7) c6. AnMew MagotL6fU.. -in "Lu op:tiOn6 .6ud-a6Jvi.ca-i.rte.6 du Et.at6-IlM-6",
t.iAé de "Lu Eta.-t6-lfM-6 et J'.'A6JLJ...que", textu Jtéun,w e.t p!tr..6e.nté.6 pM
JeYlM6eJt SegmoWt WIvU,takeJt. éd. KalLthafa. Pa!U..6 1987.

-
241 -
TABLEAU N°l0
LES PARTENAIRES COM~1ERCIAUX DE 'LA R.S. A.
(en milliards de dollars)
1
P A Y S.
IMPORTATIONS,
EXPORTATIONS
Etats-Unis
1080
2340
Grande-Bretagne
1281
1450
R.F.A.
1543
1222
Japon
0,910·
0,946-
France.
0,610
0,755

Pour le Japon, les chiffres ne portent que sur
les onze premiers mois de l'année.
SoUr'ce: F.M.L, Directions of Annual Trade, Mars 1979.
On peut donc considérer que seule la Grande-Bretagne
dépend étroitement de l'Afrique du Sud sur le plan du commerce
et des investissements.
L'échec subi par le gouvernement tra~
vailliste Britannique, après trois ans au pouvoir, pour modifier
ses relations économiques avec l'Afrique du Sud, souligne parti-
culi~rement ce fait de dépendance. Quleque soit le caract~re in-
confortable de ces liens, i l semble qu'aucun gouvernement britan-
nique ne puisse se permettre politiquement de prendre des mesures
drastiques pour réduire les intérêts financiers et commerciaux
britanniques en Afrique du Sud, risquant par là d'aggraver les
probl~mes de chômage et la situation économique difficile de la
Grande-Bretagne. On estime que tout gouvernement qui le tente-
rait serait presque à coup sOr renversé.
Les Etats-Unis -
et, au moins théoriquement, la France
et la R.F.A. -
n'ont pas les mêmes contraintes.
L'importance éco-
nomique de l'Afrique du Sud doit être mise en comparaison:

-
24-2 -
elle ne représente qu'une part relativement faible de l'ensemble
de leur commerce et de leurs investissements.
Les ressources na-
turelles sont évidemment un élément plus important. Actuelle-
ment, l'Afrique du Sud et le Zimbabwé fournissent à l'Occident
50% de son chrome et 75% de son platine. A elle seule, l'Afri-
que du Sud fournit à l'Occident 60% de son vanadium et 30% de
son manganèse, et elle fournit à l'ensemble du monde un très
fort pourcentage de son or, de ses diamants et de son uranium.
Mais si élevés que soient cee chiffree,
nombre de spécialistes es-
timent que dans la plupart des cas, i l existe d'autres possibi-
lités de se procurer les matières premières fournies par l'Afri-
que du Sud.
Il n'en reste pas moins que l'Afrique du Sud est une
pUlssance économique importante.
Et sur le plan purement écono-
mique,
il est parfaitement naturel que les pays occidentaux
cherchent à mettre à profit ses ressources considérables. ~1ais
dire, comme de nombreux Sud-Africains, que ses minéraux sont
absolument indispensables à l'Occident, est tout à fRit exagéré.
Les prétentions des Sud-africains sur le rôle straté-
gique de leur pays sont également exagéréés. L'accroissement des
forces navales soviétiques dans l'Océan Indien a indéniablement
soulevé de graves questions sur les intentions des Russes, ques-
tions qui n'ont pas encore reçu de réponse satisfaisante. Mais
l'argument avancé par l'amiral Biermann et d'autres, selon le-
quel l'Afrique du Sud serait un maillon vital dans le système
de défense occidental est fort contestable.
Un exemple
: les
Sud-Africains soutiennent que l'Occident a besoin des installa-
tions portuaires de la Côte sud-africaine.
Or, depuis 1967, les
navires de la marine américaine les boycottent, malgré les in-
vitations non déguisées qUŒ leur sont faites.
De façon plus significative, toute l'argumentation sur
"la défense de la route maritime du Cap" est fondée sur une hypo-
thèse incorrecte, à savoir que, pour couper les voies d'approvi-

-
243 -
sionnement occidentales, les Soviétiques devraient contreler le
Cap lui-même.
La route du Cap Est extrêmement longue, et, comme
le reconnaît un ancien haut responsable du Pentagone, les So-
viétiques pourraient tenter de la couper en de très nombreux en-
droits.
Cependant, la considération la plus importante, et que
les propagandistes sud-africains trouvent commode d'oublier, -
et Andrew Nagorski a raison -, c'est qu'une tentative soviéti-
que d'interdire la navigation en un point quelconque de cette
route serait nécessairement considérée par les Occidentaux
comme un "casus belli". Ainsi, même un scénario prévoyant la
domination de l'Afrique du Sud par un gouvernement noir pro-
soviétique n'amène
pas obligatoirement à la conclusion que la
route commerciale vitale de l'Europe occidentale serait subite-
ment coupée. Ce n'est pas une décision qui pourrait être prise
à la légère par les dirigeants du Kremlin.
Nous admettons toutefois le rôle stratégique de l'Afri-
que du Sud; mais i l est nécessaire de le soumettre à l'analyse
critique.
L'importance réelle de l'Afrique du Sud pour les Etats-
Unis et le reste du monde occidental est sans doute moins straté-
gique et économique que politique. Mais même si l'analyse sud-
africaine est correcte, à savoir que les enjeux économiques et
stratégiques en Afrique du Sud l'emportent pour le monde occiden-
tal sur les enjeux politiques, la conclusion finale de cet argu-
ment n'est pas évidente. Pour les Sud-Africains, l'importance de
leur pays pour l'occident étant démontrée, les puissances occi-
dentales n'ont -
et n'auront -
d'autre choix que de soutenir le
gouvernement actuel. Ainsi ce raisonnement (tant, seule,la domi-
nation blanche pourrait permettre un gouvernement pro-
occidental.
Il Y a maintes raisons de contester cette conclusion
simpliste. Toute considération morale mise à part, on peut être
beaucoup plus convaincant en plaidant que le meilleur moyen

- 244 -
d'éviter la prise du pouvoir en Afrique du Sud, par un gouverne-
ment noir pro-sovi~tique, est de s'allier fermement aux forces
qui cherchent à renverser le régime actuel. S'il s'agit de sui-
vre une politique r~aliste, une alliance de facto avec l'Afrique
du Sud n'a plus aucun sens. Un bref survol des événement de ces
dernières années montre tout le danger qu'il y aurait à accepter
la thèse à courte vue défendue aujourd'hui par les Sud-Africains.
L'engagement en faveur de la règle de la majorité en
Afrique du Sud s'impose aux occidentaux. En effet, les exemples
du Mozambique, de l'Angola et de la Rhod~sie <Zimbabwé) démon-
trent que la minoritÉ blanche ne peut continuer indéfiniment à
dominer où que ce soit en Afrique. En conséquence, tout ce qui
ressemble de près ou de loin à une alliance entre l'Occident et
la minorit~ blanche sud-africaine, n'est pas seulement immoral,
mais constitue une grave erreur politique. Cela multiplie les
risques de perdre les enjeux stratégiques et ~conomiques que
l'Occident cherche précisément à protéger en se plaçant du côté
des perdants.

-
245 -
CHA P ·1 T P E . J.I 1
L'AFRIQUE ·DU SUD ET ·UNITE AFRI·CA-H!E
·EN· 1971

-
246
-
Le président Houphouet Boigny avait convoqué le 28
Avril à Abidjan des journalistes du monde entier pour "une im-
portante conférence de presse".
Après avoir proposé de régler par R.~ d~afogu~ le pro-
blème de l'Apartheid qui sévit en Afrique du Sud~ le président
ivoirien n'a cessé depuis d'être l'objet de diverses attaques.
Il a~ dit-on~ brisé l'unanimité de l'Unité Africaine. Comment?
Nous essayerons~ dans les lignes qui suivent~ de donner réponse
à cette question.
Le sens de l'unité que l'on trouve encore en Afrique~
malgré tous les désaccords bien connus, ne découle pas simple-
ment de conditions de vie difficiles dans le monde actuel, mais
aussi de l'expérience commune qu'on a du colonialisme et de la
discrimination raciale indigne. Ce qui revient à dire que l'on
a tous, en fait ~ le même désir d'aider l' t~frique à maintenir sa
dignité et en particulier l'Africain d'Afrique.
En tant qu'Africain~ l'on n'est donc pas en désaccord-
et l'on ne peut l'être - quant à la nécessité d'extraire d'Afri-
que le racisme et le colonialisme. si certains (responsables po-
litiques) souhaitent adopter et d 1 autres rejeter~ les structures
culturelles, sociales politiques et économiques européennes, et
si pour cette raison l'on peut ne pas être d'accord,
l'on a en
tous cas, tous,le même but fondamental:
oeuvrer contre le ra-
cisme et le colonialisme qui oppriment encore l'Afrique et ce~
jusqu'à ce que ces fléaux aient disparu du continent.
Cette détermination, on l'a tous défendue en de nom-
breuses circonstances et particulièrement en adhérant à l'Orga-
nisation pour l'Unité Africaine. C'est donc dans ce but précis
que l'Afrique est unie.

-
247
-
SECTION l
La politique du "dialogue"
Malheureusement, les moyens d'atteindre ce but risquent
maintenant de diviser ouvertement l'Afrique; ce qui est un nou-
vel aspect du probl~me. En effet~ il y a peu de temps encore,
l'Afrique semblait unanime sur ce point, apparemment du moins.
A l'exception du Malawi, tous les Etats africains se sont pronon-
cés en faveur de l'isolement des r~gimes racistes et colonialis-
tes et ont d~claré soutenir ceux qui se battent pour la liberté
en Afrique du Sud, Namibie ~ et enCCF' hilô'r en
R1Y'è-ési;=:,
en Guin~e­
Bissau~ Mozambique et Angola.
Aujourd'hui, certains dirigeants souhaitent VOlr adop-
ter d'autres méthodes et préconisent une politique de "dialogue ll
avec les gouvernements racistes et colonialistes de ces Etats.
Ils n'ont posé aucune condition préalable à ce dialogue, si ce
n'est qu'il devrait rÉunir les représentants de l'Afrique libre,
ceux des administrations d'Afrique du Sud et hier encore ceux
des administrations portugaises.
A -
LE MANIFESTE Of LUSAKA
Pourquoi le manifeste de Lusaka ? Quels sont ses buts?
Se justifie-t-il ? C'est à ces questions
que notre expos~ essaie
de répondre.
La proposition de dialogue est probablement due à un
sentiment de mécontentement concernant l'~volution de la dAco-
Ionisation pendant les années 60 et aussi, au fait que l'on
s'est aperçu que les guerres de libération sont de plus en plus
coûteuses, tant du point de vue humain que mat~riel. L'on craint
également que des conflits en Afrique australe entrainent le
continent dans la guerre froide que tous les Etats libres d'A-
frique essaient d'~viter.

-
248 -
On comprend ce mécontentement, et cette crainte se
justifie. Comme le dit ~1. Elinawinga, ministre tanzanien des
Affaires Etrangères, chaque véritable africain doit refuser
d'infliger les souffrances et les sacrifices de la guerre à
d'autres pays du continent.
Quelle solution magique, et donc facile faudrait-il
rechercher pour les problèmes de l'Afrique australe? Ni la rai-
son pour laquelle l'Afrique du Sud est hostile à ces pays, ni
les buts que les Africains se sont fixés, ne sont universellement
compris. Conséquence 1 Les Etats Africains sont eux-mêmes accu-
sés de racisme.
On les qualifie d'hy~ocrites quand ils expriment
leur désir de voir s'établir une paix mondiale plus solide grâce
aux Nations Unies, ou quand ils critiquent les envois de troupes
des grandes puissances dans le monde à des fins personnelles.
Tous ces problèmes, faut-il le souligner, ont déjà été
abordés. Et c'est à cause de l'incompréhension mondiale que l~
-
.
manifeste de Lusaka a été rédigé par les Etats d'Afrique Orienta-
le et Centrale, puis signé par l'Organisation de l'Unité Africai-
ne.
Il situe le problème, définit les buts recherchés par l'Afri-
que et détermine les raisons qu'il y a d'adopter une politique
de confrontation.
Ainsi, d'après le manifeste, i l est clair que l'objec-
tif de l'Afrique est l'égalité des hommes et leur dignité, sans
distinction de race, ainsi que la mlse en pratique du principe
d'autodétermination nationale.
Il implique que chaque pays peut
commettre des erreurs dans la mise en pratique de ces principes,
mais souligne la différence fondamentale d'attitude qui existe
entre les Etats d'Afrique australe et d'autres régimes tyranni-
ques dans le monde.
L'attitude de l'Afrique du Sud consiste à
refuser de façon évidente et constante "les principes d'égalité
des individus et d'autodétermination nationale", et "les privi-
lèges et l'oppression ne dépendent que de la seule chose qu'il
soit impossible à l'homme de changer. -
à savoir sa couleur, sa
naissanc~, et ses origines".

- 249 -
Bien évidemment ces Etats "organisent délibérement
leur société afin d'essayer de détruire l'emprise même de ces
principes sur l'esprit des individus". Aussi, le manifeste
prône-t-il la nécessité pour l'Afrique d'agir, afin de suppri-
mer cette oppression raciale. Dans ce but, l'Afrique, proclame
le manifeste, préférerait négocier plutôt que détruire, parle-
menter plutôt que tuer. Mais, après avoir rapidement envisagé
chaque possibilité, on a le regret de reconnaître qu'il n'y a
pas de discu5sirn
possible aussi longtemps que les prlnclpes fon-
damentaux dVégalité et d'autodétermination ne seront pas reconnus
par ceux qui, maintenant, les rejettent.
C'est donc dire que la
possibilité d'une mise en pratique pacifique de ces principes
est rendue impossible par ceux qui sont actuellement au pouvoir.
C'est pourquoi le manifeste dit que les populations d'Afrique
australe ne peuvent faire autrement que lutter pour leur liber-
té, et ce afin d'obtenir l'acceptation d'un principe à partir
duquel des discussions valables pourraient alors avoir lieu en-
tre ces populations et les membres du gouvernement.
Il ressort donc que la solution dVune résistance armée
a été choisie par l'Afrique,
à contre-coeur. Une progression pa-
cifique vers l'application des principes d'égalité et d'au~odé­
termination est - nous l'avons dit -
impossible, si les diri-
geants rejettent ces principes et suppriment, impitoyablement,
toute tentative de les faire admettre par les moyens pacifiques.
Les évènements de Sharpeville par exemple, n'ont pas été voulus
par les populations africaines.> Ce fut une réaction violente qui
suivit une tentative d'exercer, pour changer, une pression paci-
fique.
Depuis, l'oppression s'est faite plus dure.
Il est main-
tenant impossible aux noirs de critiquer ouvertement l'Apatheid,
sans être envoyés en prison ou dans les camps de détention. Voi-
là pourquoi la résistance armée est, nous semble-t-il, la seule
façon dVamener un changement quelconque en Afrique australe.
c'est ainsi que durant toutes ces
vin~
années, les
populations noires et métisses luttent avec les armes pour se

-
250 -
défendre.
Il est indéniable que leurs mouvements de libération
sont plus ou moins efficaces et aucun ne touche encore au but.
Néanmoins, i l est évident aussi que les régimes d'Afrique aus-
trale sont inquiétés par les actions des forces de libération,
sachant qu'elles deviennent de plus en plus actives et réelles.
C'est pourquoi l'Afrique du Sud (et hier encore le Portugal) a
adopté une strat~gie assez évidente, en essayant de ruiner et
de saboter les mouvements de libération. Cette stratégie compor-
te deux aspects
: - attaques sur le front militaire et sur le
front dir,lomatique avec une importance plus grande accor(~{e au
second .•
1) Pacte deno'n-agre's sion
Les Sud-Africains, et hier les RhodÉsiens env:ient des
aftmts' sc-erets au sein des nr.uvernents r:'e libération et dans les Etats
africains indérendants.
Ces derniers sont responsables d'atta-
ques violentes contre les membres et les groupements des mouve-
ments de libération, de sabotage dans les Etats voisins du Sud
et notamment en Zambie.
L'on ne peut dire qu'ils n'ont pas eu de succès, si
l'on pense en particulier à l'assassinat d'Eduardo Mondlane.
D'autre part ils désirent,
le moment venu, participer à des
attaques dans les Etats africains indépendants -
deux exemples:
l'invasion de la Guinée et aujourd'hui celle de l'Angola. En
effet, les Sud-Africains,
ont tcujnurs fait et
font leur possible pour aggraver les querelles internes de ces
Etats et pour favoriser les troubles civils en fournissant habi-
lement aux groupes dissidents des armes et des tueurs qualifiés.
Mais comme des actes manifestes, ou une participation
indirecte aux conflits internes, peuvent compromettre à l'échel-
le internationale les ré~imes racistes et colonialistes? ils
préfèrent, de ce fait,
faire porter leurs efforts sur l'affai-
blissement des mouvements de libération par des démarches diplo-
matiques et des actions subversives.

-
251 -
Un aspect actuel de cette ca~pagne diplomatique est
l'offre sud-africaine d'un "pac.te. de. YloYl-aglte..6.6ion ll , faite aux
Etats africains.
Le but de cette manoeuvre est la neutralisa-
tion des mouvements de lib~ration. L'Afrique du Sud souhaite les
rendre inefficaces en obtenant de l'Afrique libre et indépendan-
te qu'elle cesse de soutenir ces mouvements qui ne peuvent pro-
gresser sans elle, pour le moment. Rien d'autre dans cette pro-
position de "pac.:te. de. non-aglt12.!l.6ion".
L'Afrique du Sud sait en effet qu'elle n'a rien à
craindre des Etats africains indépendants. Mais elle sait que
le danger qui menace son régime vient des populations sud-
africaines elles-mêmes. Les Etats africains indépendants ne font
que soutenir les populations opprimées. Personne n'a attaqué ni
ne pourrait attaquer l'Afrique du Sud. Partant, un pacte de noft-
agression entre l'Afrique du Sud et les Etats indépendants n'a
aucun sens.
L'Afrique libre ne se querelle pas à propos de fron-
tières mais à propos d'oppression. Si l'Afrique du Sud cesse
d'opprimer ses populations, celle-ci n'auront pas besoin de
l'Afrique libre. Il ne peut pas y avoir en même temps d'agres-
sion et de traité de non-agression, par cela seul que l'Apartheid
est fondé sur l'agression et la violence envers l ' esprit humain.
2) Diplomate~ afri~tiin~
"europé'ensàtitre hono-
raire Il •
Le second aspect de l'offensive diplomatique contre
la cause de la libert6 en Afrique est la tentative de briser
l'isolement croissant dont les Etats d'Afrique australe commen-
cent à souffrir. Car, depuis longtemps, et de façon progressive,
beaucoup de nations ont exprimé leur opposition au racisme, en
refusant d'entretenir des relations normales avec l'Afrique du
Sud. Cet isolement n'a pas encore été très loin. Mais déjà il
inquiète le gouvernement sud-africain,
et i l est la C2USC' èe la
l'clitiqué 0tr:mgère H6clcür~pH èu '-"('uv:.rn']i( ;lt Vrrstrcr.

-
252 -
Pour empêcher que cet isolement ne soit total, le ré-
glme sud-africain a donc décidé de "mon..t"JteJt" qu'il reconnaît
l'indépendance africaine pour les Etats qui sont hors de ses
frontières.
C'est pourquoi i l souhaite proposer Un investisse-
ment financier pour la libération des Etats africains libres~
développer le commerce avec eux et même échanger d'éventuels di-
plomates avec les autres régions d'Afrique, même si, naturelle-
ment, dans la capitale sud-africaine, les diplomates africains
doivent, en quelque sOrte , essuye~ l'affront d'être considérés
comme "euJtop~en6 a titJte honoJtaiJte" pour ne pas avoir ~ rougir
d'être africains "noiJt6"
Cette nouvelle politique du gouvernement sud-africain
est une conséquence directe du léger succès remporté dans le mon-
de par l'ensemble de l'Afrique en ce qui concerne son opposition
à l'Apartheid. Mais cette politique n'a pas de sens, car elle ne
tente pas d'apporter de changement, malS au contraire d'empêcher
les tentatives de changement d'aboutir.
Les relations du gouver-
nement sud-africain avec les Et2ts africains ne sont pas desti-
nées à servir les populations africaines et surtout pas celles
d'Afrique du Sud. Elles sont destinées ~ prendre les Etats afri-
cains libres au piège des mécanismes institutionnels qui font
que les populations de couleur d'Afrique du Sud sont exploitées
et opprimées.
Pour l'Afrique et pour leur propre avenir en tant
qu'hommes libres, i l est du devoir de l'Afrique toute entière et
unanimement de soutenir ceux qui, en Afrique australe, sont op-
primés. C'est pourquoi on ne peut les ignorer en négociant avec
les oppresseurs.
Car, le conflit qui oppose l'Afrique du Sud et
les Etats africains libres est, en fait,
inséparable du conflit
qui oppose ce régime à sa population.
La lutte contre le racisme et le colonialisme en Afri-
que est difficile, car ces régimes sont impitoyables et leurs

- 253 -
id6es profondément ancrées.
C'est pourquoi il est essentiel que
l'Afrique demeure unie dans son affrontement avec l'Afrique du
Sud.
Le peu qu'elle a déjà accompli en soulevant l'opinion mon-
diale contre l'oppression raciale, deviendrait inutile par ses
désaccOI:'ds.
Le Canada, la Suède, la Norvège, le Danemark, la Fin-
lande, la Hollande et les mouvements anti-Apartheid de nombreux
pays sont disposés à poursuivre leurs campagnes contre le racis-
me en Afrique australe parce que l'Afrique a su leur montrer une
voie toute tracée.
Or, si l'Afrique est divisée, ces mêmes pays
se sentiront incapables de continuer à faire pression sur l'Afri-
que du Sud de crainte d'être accusés d'ingérence.
Dans le passé, les amis de l'Afrique ont accepté que
le Malawi soit un Etat isolé poursuivant une politique différen-
te de celles des autres Etats pour un ensemble de raisons parmi
lesquelles le désir de son Président d'être unique, jusqu'à tra-
hir ses frères.
Quant hier,
la Répub~~que Malgache de Tsiranana
invitait les ministres de l'Afrique du Sud et acceptait avec re-
connaissance ses investissements,
les amis de l'Afrique étaient
stupéfaits. Aujourd'hui, on constate que le gouvernement ivoirien,
champion du "dialogue" (sic) vend les principes d'unité et de li-
berté pour quelques millions de rands.
Et maintenant que certains
Etats d'Afrique Occidentale, d'Afrique Centrale ou d'Afrique du
Nord sont en train également de feindre d'ignorer la dignité des
Africains afin d'obtenir de l'Afrique du Sud raciste, des pro-
duits meilleur marché, des fonds ou des experts, quelle doit être
la position des amis de l'Afrique? Ils pourraient -
on se l ' i -
magine - demander de quel droit dans les conférences internatio-
nales l'Afrique prétend parler au nom de la conscience et de
l'humanité et critiquer les Etats qui agissent égoistement, sans
tenir compte des problèmes humains, quand elle-même est prête à
sacrifier des millions d'Africains pour acheter une nouvelle
usine ou "l'amitié" d'un gouvernement qui traite ses suj.ets com-
me des êtres inférieurs.

-
254 -
Dans l'intérêt des populations d'Afrique australe et
pour la réputation de l'Afrique libre,
son niveau et sa dignité,
i l est essentiel que tous les Etats africains repoussent l'offre
faite par l'Afrique du Sud d'établir un dialof.ue avant que son
gouvernement ait dit clairement, et sans équivoque,
son inten-
j~ion d'abandonner les principes de l'Apartheid et faire accepter
les principes d'égalité et de respect humains.
Jusque là,
l'Afri-
que doit continuer à soutenir les mouvements de libération et le
faire dans l'unité.
SECTION "II
Vote de l'O.U.A.
sur le "dialogue"
La ge Conférence au Sommet de l'O.U.A.,
21 -
23 Juin
1971 à Addis-Abéba avait un ordre du jour qui appelait un débat
touchant aux principes mêmes de la Charte adoptée a l'unanimité
en 1963. La campagne pour le "dialogue" lancée par Houphouet au
Se Congrès du parti unique de Côte d'Ivoire,
le P.D.C.I. a brisé
l'unanimité et lezard6 la Charte de l'O.U.A.
Elle a eu beaucoup
d'échos par des prises de positions diverses, de Dakar a Tanana-
rive.
L'O.U.A. devait-elle revoir sa politique vis-a-vis de
l'Afrique du Sud?
En réaffirmant par 27 VOlX contre 6 et 5 abstentions,
deux Etats étant absents,
la condamnation de l'apartheid et de
la domination blanche minoritaire en Afrique du Sud, en rejetant
tout "dialogue"
qui n'aurait pas pour sBul objet la liquidation
de ce régime et de ~cette domination,
le sommet d'Addis-Abéba,
comme le dit Yves Bénot, (1)
a donc marqué sa fidélité aux prin-
cipes mêmes de sa propre Charte. En outre, cette majorité des
(1) YVe..6 Béno.t -in "Id~oJ:oq-ie.J.J du -tl1d2pe..ndanc.u a.6!Li.c.a-ine6",- F. Ma.6péJr.o,
Pa!Li..6 1912, p. 441.
~

- 255 -
deux tiers peut être considérée comme un signe de l'isolement
des tenants du fameux "6 dialogue", autrement dit, de la reon-
naissance du fait accompli de l'occupation étrangère au sud de
l'Afrique, et aussi, comme une mise en échec des espoirs de
ceux qui escomptaient un éclatement de l'organisation elle-même.
L'O.U.A. vit et ne continue pas moins sa diplomatie tous azimuts
pour la condamnation de l'apartheid et de l'Afrique du Sud Ra-
ciste. Avant d'examiner les limites des décisions de l'Organisa-
tion, i l est indispensable de mesurer d'abord la signification
du vote sur le "dialogue".
A -
ANALYSE VU VOTE
Quarante et un Etats membres,
39 étaient représentés.
L'Ouganda, dont le gouvernement d'Idi Amin avait été, après quel-
ques discussions, admis, n'aynant pas jugé utile de paraître,
non plus que la République Centrafricaine du général Bokassa
(plutard empereur) dont les oscillations imprévisibles étaient
bien connues.
Sur les 39 votants, ont voté pour le "dialogu2", donc
pour Prétoria
la Côte d'Ivoire,
le Malawi,
le Lesotho, le Ga-
bon, Madagascar de Tsiranana et l'Ile Maurice.
Sur ces six Etats,
deux sont d'ores et déj~ dépendants du régime de Prétoria, le
Malawi, parce qu'après avoir mis à la porte plusieurs de ses mi-
nisl:rec accus.2s pà!" lui d'êi:re"t'l.ux ordres de Pékin, H3.stinfs Bëmdt'- c1c:,uis
1967 a choisi, non pas le "dialogue", mais les traités, prati-
quement inégaux, avec Prétoria ; le Lesotho, ex-Basutoland, est
enclavé dans le territoire de la République d'Afrique du Sud,
et constitue, en fait, une réserve de main-d'oeuvre pour les
fermes et les industries du pays de l'apartheid.
Bref, on ne
saurait prétendre qu'il soit libre de ses décisions.
Le Madagas-
car de Tsiranana, comme le Malawi, était à la phase des rapports
économiques et financiers avec Prétoria.
La Côte d'Ivoire et le
Gabon ont été, par la voix de leurs présidents,
les initiateurs

- 256 -
avoués d'une nouvelle politique africaine à l'égard de Prétoria,
leur vote est simplement la suite de leurs déclarations publi-
ques.
Le cas de l'Ile Maurice est plus singulier, parce
qu'ici,
le premier ministre s'est prononcé contre Rl e dialogue",
alors que son ministre des Affaires Etrangères, non seulement
est pour, mais s'est déjà rendu au Cap. Mais faut-il remarquer
que l'Ile Maurice, à l'égard de laquelle les autorités françai-
ses déploient de grands efforts de séduction, est comme les
trois Etats précédents membres de l'O.C.A.M.
(Organisation
Commune Africaine, Malgache et Mauricienne), dont les liens
"privilégiés" avec Paris sont avoués.
En sont aussi membres 4 des 5 abstentionnistes
Dahomey (aujourd'hui Bénin), Haute-Volta, Niger et Togo. Mais
ils sont surtout membres du Conseil de l'Entente qui, malgré le
caractère assez vague des liens institutionnels, n'en signifie
pas moins la prédominance de la C6te d'Ivoire dans cette zone.
L'absteption était la solution la plus commode pour ne pas exa-
cerber l'opinion nationale car, i l y a encore dans ces pays cer-
taines possibilités d'expression politique.
Quant au Swaziland, i l est comme le Lesotho, pratique-
ment dépendant de Prétoria, et l'on pourrait même voir dans son
abstention un petit pas en avant, puisque, contrairement aux pré-
visions, i l n'a pas appuyé la position d'Houphouet. Mais quelle
est, en tout cela,
l'opinion africaine?
B -
L'OPINION AFRICAINE FACE AU "DIALOGUE"
Les dirigeants africains qui font de la diplomatie
dans les conférences au sommet n'ont jamais eu bonne presse.
Comme La Bruyère, on (ce sont les intellectuels africains) les
traite
de "Caméléons". Ils sont soupçonnés d'une duplicité
quan$ il y va de leurs intérêts privés et personnels. Aussi,

- 257 -
l'opinion africaine fait-elle irruption dans l'orientation et
même dans le fonctionnement de la diplomatie.
En effet, l'analyse du vote sur le "dialogue" s'éclai-
re si l'on admet que les votes des délégations africaines ne sont
pas seulement le reflet de ce que pensent les gouvernants afri-
cains, mais, dans beaucoup de cas, du rapport de forces entre
eux-mêmes et leur opinion publique, que son expression soit di-
recte ou indirecte. En dehors de quelques pays dont certains qui
sont géographiquement concernés et politiquement engagés (Guinée,
Tanzanie, Zambie en premier lieu,) ou qui ont une action effecti-
ve d'appui aux mouvements de libération comme l'Algérie, les vo-
tes d'Addis-Abéba ne préjugent en rien de leur attitude concrè-
te, de la politique qu'ils appliqueront, que ce soit ouvertement
ou en la dissimulant à leur opinion.
En revanche, le vote d'Addis-Abéba signifie clairement
que, dans sa très grande majorité,
les deux tiers de l'O.U.A.,
l'opinion africaine n'admet aucune forme, non seulement de "dia-
logue", mais de tolérance ~ IVégard du racisme de Prétoria. Il
convient de rappeler ici que le Lesotho, malgré sa position
géographique défévorable, s ' i l a pu se prononcer pour le soutien
d'Houphouet, avait d'abord da annuler les élections du 27 Jan-
vier 1970, qui donnaient la majorité aux nationalistes adversai-
res de l'apartheid: c'est par un coup d'Etat et une répression
sanglante que Jonathorn LeABbua a gardé le pouvoir4
L'opinion
africaine, on le voit, existe. Elle influe sur les politiques
des dirigeants, quoique ces derniers entreprennent de l'endormir
et de la duper par des concessions surtout verbales, et en mas-
quant les faits.
C -
LA RESISTANCE AFRICAH'E
On comprend aisémant, dans une telle conjoncture, que
les pays progressistes et les mouvements de libération nationa-
les s'acharnent à dénoncer et à combattre par tous les moyens

- 258 -
ce complot à dimension continentale qui menace l'existence même
de ces Etats et celle des autres peuples africains.
On fait sauter ou on tente de faire sauter çô et là
en Afrique des verrous de résistance. Mais le front de résistan-
ce n'est jamais rompu.
Il ne peut néanmoins à lui seul bloquer
les visées de Prétoria.
Il est inutile d'escompter une révision
de la position des pays occidentaux -
nous avons vu les excep-
tionnels avantages que représente le plan sud-africain pour ces
pays. De quel côté peut venir l'appui qui permettrait d'ajour-
ner cette politique d'envahissement? La réponse est simple:
d'A6~~que.
P8ur ce faire,
i l faut informer les peuples africains
de ce qui menace le continent, sinon on risque d'assister dans
un avenir proche
- à un changement des pôles de décision en Afrique
;
L'Occident transférant à son allié le plus priviligié et le mieux
placé le contrôle de cette "chasse gardée", contrôle qui s'exer-
cera désormais dans le cadre du fascisme et du racisme le plus
méthodique et le plus impitoyable,
-
à un renforcement du bastion blanc par une émigration
européenne accélérée en Afrique Australe;
- à des déportations massives d'Africains refoulés des
régions économiquement les plus riches.
Or, nombre d'Africains ignorent même l'existence de
l'Afrique du Sud. Cette ignorance peut-être fatale pour les géné-
rations de demain.
Chaque Africain informé est responsable de cette igno-
rance. Des moyens très simples peuvent-être mis en oeuvre pour
accélérer une prise de conscience nécessaire.

- 259 -
Quels sont ces moyens ? - Par exemple
-
L'Afrique du Sud peut-être l'objet de discussions
constantes au sein de tous les milieux ; les données du problème
analysées et commentées par tous les étudiants, lycéens et ou-
vriers. Diffuser l'information au sein des masses paysannes.
-
Les anniversaires des massacres de Sharpeville du
21 Mars 1960 et de Soweto du 6 Juillet 1976 doivent et peuvent
devenir, des jours de deuil national dans toute l'Afrique pour
se rappeler le long J'l'\\ert:yr--e des Africains du Sud et mobiliser les
consciences africaines.
C'est sur cet objectif précis de combattre le racisme
et l'apartheid, que les pays du monde, conscients de l'évolution
irréversible de l'Afrique, les non-alignés donnent un soutien
plus ou net aux Africains. En face:
Afrique du Sud, l'Europe
Occidentale et les Etats-Unis seuls.
Le droit et la multitude,
en somme, opposés aux puissances et la solitude .•.

-
260 -
TI TRf
T ROI SI [ME
1
1
. L AFRIQ\\JE AU SEIN DE L D.N.H.
SOMMAIRE
Chapitre premier
Les rapports entre l'O.U.A. et l'O.N.U.
Chapitre 2
Le groupe africain et coopération diplo-
matique ~ l'O.N.U.
L'Afrique et l'équilibre politique glo-
bal au sein des Nations Unies.

-
261 -
La première directive de l'O.U.A.
à ses membres est
de conduire leurs relations avec les Etats non-africains, autant
que possible, dans le cadre des Nations Unies.
Plus d'une fois,
la Charte d'Addis-Abéba affirme sa compatibilité avec la Charte
des Nations Unies. Elle considère que l'O.N.U. est le centre par
excellence o~ peuvent s'harmoniser les relations de l'Afrique
avec le monde extérieur et qu'un dialogue d'égal à égal entre les
Etats africains et leurs anciennes métropoles peut s'y engager.
L'O.N.U., en dépit de ce qu'elle est, reste un fétiche dont nul
ne veut dénoncer clairement l'action nocive des grandes puissan-
ces et surtout des Etats-Unis. Pour les Etats africains, l'O.N.U.
est supposée au-dessus des Etats, tout comme d'autres veulent
supposer l'Etat au-dessus des classes.
L'intérêt qu'a l'O.U.A. à collaborer activement avec
les Nations Unies et les Institutions spécialisées a fait l'ob-
jet d'un rapport
(document ESCHC 17) qui a servi de base pour
l'adoption de la résolution CM/121 IX par le Conseil des minis-
tres des Affaires Etrangères à Kinshasa, avec l'approbation de
la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
Cette résolution énonce les principes directeurs sui-
vants pour orienter la politique de l'O.U.A. envers les Nations
Unies.
1°) essayer toujours d'obtenir le maximum d'assistance
pour les Etats africains pris individuellement et pour les pro-
jets régionaux ou continentaux africains
;
2°)
s'assurer toujours, dans les principaux organes
de l'O.N.U.
et notamment dans les Institutions spécialisées,
d'une représentation équitable de l'Afrique, en tant que région
géographique
;

-
262 -
3°) essayer toujours de contribuer le plus judicieuse-
ment et le plus efficacement à la solution des problèmes inter-
nationaux.
Ces directions générales constituent en fait le résumé
de nombreuses résolutions adoptées depuis Mai 1963(1)
par les
organes de l'O.U.A. Elles visent tantôt à renforcer le groupe
africain aux Nations Unies(2), tantôt à organiser la coopération
avec l'O.N.U. (3), tantôt à renfrocer l'O.N.U. et à lui apporter
l'appui de l'Afrique(4).
Notons enfin deux manifestations particulières de l'é-
troite collaboration entre les Nations Unies et ses Institutions
spécialisées d'une part, et l'O.U.A.
d'autre part.
La première manifestation en est l'invitation adressée
au Secrétaire Général de l'O.U.A.
pour assister, en qualité d'ob-
servateur~ aux sessions de l'Assemblée Générale des Nations
Unies.
Cette invitation allait dans le sens de celle qui était
faite déjà au Secrétaire général de l'Organisation des Etats
américains et au Secrétaire général de la ligue arabe.
Récipro-
quement~ l'O.U.A. invite le Secrétaire général des Nations Unies
à assister, en qualité d'observateur,
à la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement.
Lors de la Conférence de Kinshasa, en
septembre 1967, M.U. Thant ne put assister ~ la séance d'ouvertu-
re de la Conférence.
Il fit par contre à la séance de clôture un
discours où i l souligna justement l'importance d'une étroite coo-
, . .
'0
'

(r;)
peratlon entre l
.U.A.
et les Natlons
nles -

(1) cn. Point 111 de R..'oltdJte. du jouJt:".etAfiJt.-i..que et lM fI'ation1> UYÛ.u"
(Ad~-Abêba, mai. 1963).
(2) A ~e d'exemple, le~ lté6ofut~on6 CM/Pe~.x/l, CM/Ru.22/11; CM!Pe6.54/IV
AHG/RM. 31, ~c.
(3) C,uOYL6 pM e.xemp.ee, lM .tté.6oR.u;U.oY!1J AHG/Re.6. 40, C~{/Re.6. 85.
(.1) cn. Le.6Ité.6olutioYL6 CM/RM.56/IV etAHG/Ru. 11/1.
(51 UrvU",d NaUoYL6
PIte6!.l ReJ.«Me. SG/SM/805, 14 SeptembJte 1961.

-
263 -
Il est prévu - c'est la deuxième manifestation - que
des accords de coopération seront conclus entre l'O.U.A. et
l'U.N.E.S.C.O., la F.A.O. et l'A.l.E.A.
La Conférence de Kinsha-
sa accorda au Secrétaire Général l'autorisation de signer ces
accords au nom de l'O.U.A.(1).
(l) CM/Re~. 20/IX.

-
264 -
,
,
CHA P ·1 T R f
1
LES RAPPORTS ENTRE L Q.N.H.ET L O.U.A.

-
265 -
Lors du débat général à l'Assemblée, le Sénégal a
rappelé~ à propos de son différend avec la Guinée, que la Charte
recommandait de s'adresser aux organes régionaux avant de se
tourner vers les Nations Unies.
Aussi avait-il demandé précéde~~ent à l'O.U.A. de
régler ce problème et avait-il proposé une rencontre avec les au-
torités guinéennes.
Il espérait donc que la plainte guinéenne au
Conseil de sécurité serait retirée{I).
D'autre part, l'Assemblée
a adopté une résolution sur la coopération entre l'O.N.U. et
l'O.U.A. (2). Elle était saisie d'un rapport substantiel du Secré-
taire général sur cette question(3).
Ce rapport fait le point
notamment de la coopération entre la Commission économique pour
l'Afrique et l'O.U.A., ainsi qu'entre le P.N.U.D. et l'O.U.A.
:
un accord est d'illeurs signé entre les deux organismes à propos
du financement des activités bénéficiant de l'appui de l'O.U.A.
l
.
d""
"
"
"
(41
que ques proJets ayant
eJa ete approuves
.
l
-
STATUT DES MOUVEMENTS DE LIBERATION NATIONALE
On sait que depuis quelques années les Mouvements de
libération nationale ont obtenu la reconnaissance d'un statut ln-
ternational, non seulement de la part de certains Etats et de
certaines organisations internationales <O.U.A. notamment), mais
également de la part des Nations Unies elles-mêmes{5J.
(1) A/PV. 2148 (10 Octob~e 19131.
(7.) A/Reô/3066 du 15 nov0mb~e 1913 (A/PV. 71611.
(3) A/9162
26 Sept0mb~e 1913.
p
(4) Le Co~ eil d' admirU6t~alion du P. N. U. V. a exa.miné .ta qUe6wn de .e 1 CtM-iA-
-tance aux zone.6 Ub~Jtê u éf' A6tique. queôtion qIU. 6aA.:t f.
p
1 ob jet de.
co~uUa­
tio~ avec .f'O.U.A., notamment en ce. qIU. conc~ne tu .6o~ceô de. û-i.nance-
ment (Ch.. M. O.M.U., vof. X, na 1, JuLtte..:t 1913, pp. 16-11.
(5) A.F.V.1.
1910,
p.
p
p. 501-503 1911 p
516-511 i 1912, p. 533-534.

-
266 -
Plusieurs ctfcisions importantes de l'Assemblée genera-
le, intervenues au cours de la XXVlIle session, ont apporté à
cet égard de nouvelles précisions.
L'Assemblée a en effet recon-
nu l'existence de la République deGuinée-Bissau et elle a adopté
des "Principes de base concernant le statut juridique des com-
battants qui luttent contre la domination coloniale et étrangère
l
" .
.
,,(1)
.
l
"
-.
et
es reglmes raclstes
. Elle a par all eurs approuve a nou-
veau la participation des mouvements de libération nationale en
qualité d'observateurs à la 4e Commission et elle a fait siennes
les propositions de la Se Commission prévoyant l'affectation
d'un crédit supplémentaire destiné à couvrir les dépenses qui
en résultent(21.
Ce problème de la prise en charge par les Nations
Unies des dépenses découlant de la participation des mouvements
de libération en tant qu'observateurs a fait l'objet d'une note
du Secrétaire général dans laquelle i l souligne que "La question
du paiement par l'Organisation des frais de voyage de particu-
liers invités à comparattre devant les organes des Nations Unies
s'est posée pour la première fois,
lors de la XXIVe session de
l'Assemblée générale, à propos d'une recommandation de la Commis-
sion politique spéciale,,(3). M. Waldheim rappelle aussi que le
Comité consultatif pour les questions administratives et budgé-
taires avait estimé que:
"Compte tenu de l'absence de précédent,
le Comité consultatif convient avec le Secrétai~e général qu'une
(1) A/Ru/3103 du. 12 Véc.emblte. 1973. SUIt c.e.fte. lté.6o.f..uUon, pJt.opo.6ée. pa!t R.a
6e. Comm.i.6.6ion, V. f.a. Chlton.i.qu.e. c.on.6aMée au.x .tIr.avau.x de fa. CommiM.ion
jUltid.iqu.e. V. égaleme.n;e : A/Pu /3102 du. 72 Vêc.e.mbJte 1973 (Ru pe.c.t deI.J
dJto~ de. R.'homme. e.n rê~ode. de c.on6lit aJtmé).
(2) A/PV. 2139 (13 Oc.toblte. 1973) ; A/9174 (28 Se.pte.mblte) : Jtappo~ de. J.-a
4e. c.omm.i.6.6.ion ; A/C. 4/L. 7033 ~ note. du. Se.eJtétailte. Gén~ : A/9775
(2 Octoblte.) : JtappOIt:t de la Se. Comm-i..,Mion. La pltopo.6li-i..on ~e. éma.-
naU. du. Comité dM 24 : A/C. 4/159 (21 Se.ptemblLe.).
(3) A/C 5/1529 (28 Se.pt2mblLe 7973).

-
267 -
autorisation expresse de l'Assemblée générale est nécessaire pour
lui permettre de prendre des engagements de cette nature,,(1'.
D'autre part, i l faut distinguer le cas des particuliers qui ont
été invités et celui des individus qui ont demandé ~ comparaître,
ceux-ci ne pouvant pas obtenir le remboursement de leurs frais
de voyage.
II -
RAPPORTS AVEC L' O. U. A." SUP. LE MAINTIEN DE LA PAIX ET
SUR LA DECOLONISATION
Les rapports entre l'O.N.U.
et l'O.U.A.
apparaissent
de plus en plus étroits et ils ont souvent l'occasion de se manl-
fester dans la mesure où une grande partie de l'activité des
Nations Unies dans le domaine du maintien de la paix et de la
décolonisation concerne l'Afrique. Aussi n'est-il pas étonnant
que M.
Bongo président du Gabon et président en exercice de
l'O.U.A. en 1977, ait déclaré devant l'Assemblée générale qu'un
membre de l'O.U.A. désigné pour un an par l'Organisation régio-
nale devrait figurer désormais parmi les membres du Conseil de
"
. "
1
A d ·
1
....
d
.
(2,
f\\
1
securlte, avec
es mernes
rOlts et
es mernes
eVOlrs
r
a
vérité les Etats africains qui font partie du Conseil de sécurité
se considèrent déjà comme mandatés par l'O.U.A., ainsi qu'en
témoigne une déclaration du représentant de Maurice lors de
l'examen de la question de l'Afrique du Sud:
"La position des
trois membres africains du Conseil est la position collective,
unique, de 40 Etats africains et des mouvements africains de
libération, et nous sommes liés par les décisions du Sommet de
l'O.U.A. (31.
(1}
A/1115.
(21
A/32/PV. 34 (14 Oetobke 19'".
(31
S/PV. 2015 (31 Oetobke 19'".

-
268 -
Deux Conférences ont été organisées par l'O.N.U., en
coopération avec l'O.U.A.
: ~a première, la Conférence interna-
tionale pour le soutien aux peuples du Zimbabwe et de la Namibie,
s'est tenu à Maputo (Mozambique)_ du 16 au 21 Mai 1977(11
: la
seconde, la Conférence mondiale pour l'action contre l'apartheid,
s'est réunie à Lagos
(Nigéria) du 22 au 26 Août 1977(7).
Il apparaît que l'O.N.U., chaque fois qu'elle le peut,
s'en remet à l'O.U.A. pour régler des problèmes qui intéressent
l'Afrique au premier chef. Ainsi, dans l'affaire des anciens gen-
darmes katangais et de l'aide apportée au Zaiire par plusieurs
Etats, notamment le Maroc et la France, M. Waldheim a noté que
l'O.U.A., en tant qu'organisation régionale compétente, avait
pris certaines initiatives(3). De même, en ce qui concerne le
conflit entre l'Ethiopie et la Somalie, l'O.N.U. a été tenue au
courant du déroulement des évènements, mais le rôle essentiel a
été joué par l'O.U.A.
Le Secrétaire Général a d'ailleurs souli-
gné que l'O.N.U. n'avait pas été officiellement saisie de la
question par aucun Etat et il a ajouté
: "La ligue des Etats
Arabes a exprimé le voeu que la question soit réglée dans le
cadre de l'O.U.A., l'organisation régionale, et de la Ligue des
Etats Arabes,,(4). Dans l'affaire du Sahara occidental, l'Assem-
blée Générale avait décidé de remettre l'examen de ce problème à
(ll A/32/109-S/12314, ~appo~~ dL fa Con6éken~e, ave~ en annexe R~ dê~~~aÎ~on
de Mapu~o. CH. M. OJ!.U., vO,€
XIV, nOS, Mai 1917, p. 2& d
M06 Ju-i.vr 1911
p. 6-10.
(2) /J.JCO~If. 91/9, A/32/317-S/1'l.434 : ~a.'Ppo;z;t de.ta Con6ê~en~e. a.ve~ R..a dê~~a­
ûon de Lago~ ; Ch. M. O.M.U., vol!. XIV nOS, MaA.. 1977, p. 54-55 et: n08,
Août-Sep~emb~e 1977, p. 6-10.
(3) Ch. M. a.N.lI., vo.f.. XIV, n05, Mai 1971, p. t18-19 et: R.S. nCH, 15
Av~ 1977.
(4) Ch. M. O.N.U., VO~. XIV, n09, O~~o~e 1977, p. 28 et: 48. Sef!.on p~ SomaR~e
le ~on6..e.li n' u.t 'PM UI1e. quuûol1 de. nItOI1ÜÇAU, maM UI1 pltob~è.me.. ~oR.orUoJ!.
(R.S. n040, 14 O~~oblte. 1917 ; A/32/PV. 33, 13 O~oblte. 1971). Cette op-i.-
Mon mon:tJte que R.u 110Û0n.6 du dAOU ùt~eJtnaü.onaj a~~ueY. .60~ ~ouven~
du aJunU à doubR.e bz.al1~ha.n~.

-
269 -
sa trente-troisième session en raison de la réunion d'une session
extraordinaire de l'O.U.A. consacrée ~ cette question. En consé-
quence, elle avait "prié le Secrétaire général administratif de
l'O.U.A. d'informer le Secrétaire général de l'O.N.U. des pro-
grès accomplis quant à l'application des décisions prises par
l'O.U.A. au sujet du Sahara occidental"
(7)
et{Z).
1)
Lutte contre le 'colonialisme
L'article 2 alinéa 4 de la Charte d'Addis-Abéba,
jus-
tifie la lutte menée contre le colonialisme dans ces termes
:
"éliminer sous toutes ses formes le colonialisme de l'Afrique".
Nous parlerons de la coopération entre l'O.U.A. et
l'O.N.U. Et c'est ici où elle est lezardée. Le problème se pose
en fait parce qu'un Etat membre des Nations Unies fait obstacle
à l'émancipation totale de certains territoires africains. Cet
Etat, l'Afrique du Sud dans le cadre d'une politique qui lui est
propre, s'oppose à la décolonisation - objectif suprême de la
Charte d'Addis-Abéba.
Une question se pose.
Comment concilier le boycott
total du commerce avec l'Afrique du Sud et l'emploi de mesures
coercitives à l'égard de cet Etat, avec le principe de la coopé-
ration internationale dans le cadre des Nations Unies ? Pour
l'Afrique, la lutte contre le colonialisme prime la coopération
avec des puissances colonialistes ; même dans le cadre des Na-
tions Unies.
Cela s'entend car,
la coopération internationale
(l) A/RES/32/22 du 28 MovembJte 7911 (A/3'l/PV. 83); A/32/356, JtappoJtt de. fa
4e Comm.t.M,[on. CI ut une f.,o-f.u.:ü.oI1 f., emb.ta.bfe qui avai..:t Ué adopté.e en
1916 A.F.D.!.,· 1916. p. 3<15.
(2) Comme chaque. année R..' AM emb.fée. 9 énêJt.aR.e. a adopté une JtMo1!.u.:ti..on flWt ta
coopil.Jc.a.:tion ent.JLe l'O.M.U. e;t .t'O.U.A. : A/RES/3'Z/79 du 77 Movemblte. 1911
{A/32/PV. 66} ; A/32/201, ltappoJtt du SeClté~e généAaf.. SuA f~ coopélta-
tion en:tJte ,e'o.~!.U. et f.'O.U.A • .a p11opOf., de. la quu:ti.on de Mayotie, V
QuuUOn6 de PtUX et de. .ôfcwU:té.


- 270 -
prévue par la Charte des Nations Unies présuppose un minimum
le respect des droits de l'homme. Ce minimum de solidarité hu-
maine est un préalable à toute collaboration internationale. Et
puis, 11idéologie de la Charte de l'O.U.A. rejette et ne conçoit
pas la coexistence pacifique entre l'Africanité et le Colonia-
lisme dans le continent africain. L'emploi de la force est au-
torisé et prime alors tous les autres principes. Cette attitude
est d'ailleurs développée àans le point II de l'ordre du jour
adopté à Addis-Abéba en Mai 1963. Adoptée à l'unanimité, cette
résolution prévoit un programme d'action qui comprend notamment
les points suivants :
nécessité impérieuse et urgente d'accélÉrer l'acces-
sion à l'indépendance nationale de tous les terri-
toires africains encore sous domination étrangère;
- Obligation pour les Etats africains d'aider ces
peuples d'Afrique qui n'ont pas encore accédé à
l'indépendance.
Pour ce faire, l'Afrique utilise deux procédés
pacl-
fiques diplomatiques et non pacifiques.
2) Les procédés pacifigues· et diplomatiqUes
Pour accélérer la décolonisation, la première Conféren-
ce d'Addis-Abéba arrête les procédés suivants:
- invitation aux puissances coloniales de prendre des
mesures pour donner l'indépendance immédiate aux pays et aux
peuples colonisés ;
- intervention auprès des grandes puissances pour
qu'elles cessent d'accorder assistance aux Gouvernements colo-
nialistes
- envoi d'une délégation de ministres des Affaires
étrangères pour prendre la parole au nom de tous les Etats

- 271 -
d'Afrique au cours des réunions du Conseil de Sécurité convoqué
pour examiner la situation existante dans les territoires afri-
cains sous domination portugaise ;
- expulsion des pays colonialistes des diverses orga-
nisations internationales. {II
En effet, la lutte pour la décolo-
nisation par ces moyens pacifiques prend toute son ampleur par
la mise en oeuvre de ce dernier procédé. Les résultats les plus
spectaculaires sont l'exclusion de l'Afrique du Sud de la Commis-
sion économique pour l'Afrique, l'exclusion de l'Afrique du Sud
de l'O.I.T.
; la suspension de l'Afrique du Sud du Comité inter-
national olympique, le retrait de l'Afrique du Sud de la F.A.O.
(décembre 1963).
Mais le succès de la campagne anti-coloniale n'est pas
aussi complet lorsque l'on envisage les organisations à caractè-
re plus technique.
On note en effet l'échec de la demande éthio-
pienne d'exclure les délégués sud-africains des réunions du
Congrès de l'Union postale universelle réuni à Vienne en Juin
1964.
Il faut néanmoins noter que c'est dans le cadre des
moyens non-pacifiques que la lutte anti-coloniale prend une di-
mension nouvelle. Non-pacifiques, c'est trop di~e·. C'est plu-
tôt la lutte sur le plan économique.
(1) Ce.:t:te de!LM~Jc.c. m~thode 11' a pM été tytévue pM le. poi..n:t 11 de R.' o~dJte
du joUJc.
ma.i.6 adoptée .6pontal1émeJ1t
p
paJt ,feu:, Eta:t.-6 a6~ea...i.n6 et eOl1.6a.-
Mée paJt la Ré.toR..uüol1 AHG/RM. 5/1 adoptée pM -e.a. ConééJtel1ee. du CtUAe.

III -
"RAPPORTS AVEC "L'O.U.A. A PROPOS DES "LITIGES 'INTER-
AFRICAINS
L'intervention des organes de l'O.N.U. dans les litiges
interafricains demeure en général assez limitée. Dans le litige
qui oppose le Tchad à la Libye (voire questions de Paix et de
Sécurité), le Tchad a indiqué que l'O.U.A. avait été saisie du
problème en 1977 et avait créé un comité de médiation de six
membres: le Conseil de sécurité s'est réuni, mnis il n'a pris
aucune d~cision. De même, quand un conflit a éclaté entre la
Tanzanie et l'Ouganda, M. Waldheim a lancé un appel à la modéra-
tion des parties et il a exprimé l'espoir que les efforts de
Médiation du Président de l'O.U.A. mettront fin au conflit(1).
La coopération entre l'O.N.U. et l'O.U.A. reste très
étendue(2) et l'O.U.A. transmet régulièrement le texte des ré-
selutions adoptées par ses organes et qui intéressent l'O.N.U.
P~rmi celles-ci on relève une résolution sur les Iles Glorieu-
ses, Juan-de-Neva, Bassas da India et Europa(3).
(7) Ch. M. O.N.U., vol. XV, na 11, dêeemb~~ 1918, p. 12-13. Le6 ~OUpe6 ou-
gancûU6 e6 avaA..~n;t péné.:tIr.ê. ~n teJ!Jli;tobte tanzanien d .6 e ..6ont ~dbt.ê.e6
pM f..a .6Uli:~. Le S~~ê~e. gé.n~ai .6' e6t ~ênéJl.é aux p.tinupe6 de. la
ChaJLt~ de6 Nat,[on6 Unie6 d notamme.nt au pJUnc...tp~ d~ .i '..i..n.adm.<4.6..tbU1.:tê.
de. f..' ac.qu..i...6..i..Uo1'1. d~ teJtJc..ij:ohte6 pM f..a tl~oc.~. VaM f~ c.onn·W ~~~ J!..' E-
th..[op..t~ ~ la Somali~, ~. a ~~ppeR-é (A.F.V.I., 1911, p. 591) que ~'O.U.A.
ê.ta..i..t MUll..te. du pltobl~me : Ch. M. O.N.U., va?. XV, 1'1.0 2, 6évM~ 1918
p. 39 ct 1'1.0 4, av~ 1918 p. 60.
(2) A/33/253, ~appoJtt du S~Me:tU!t~ gênéJta..f. (22 .6~pte.mb~e 1918). L' AMembféc.
gén~e a adopte un~ ~~ofuj~on:A/RES/33/7.1 du 1~ déc.e.mb~~ 1918 (A/33/
PV. 68). 01'1. p~ut .6..tgna...e~ qu~ la CommiM..ton de6 V~oU d~ '<"Homm~ a. p!U~
l~ Se.CJtétabte généJtai de plte,ndJt~ dM me6Me6 appltoplUée6 pOU/L donY/.~ O.
.R!O.U.A. l'M.6i..6tanc.e don;t
e.U.e pouMaA.-t avobt Oe6o..[n pOM 6ac.i.Li;tel!. la
m~e e.n p.iac.~ d'une c.omm~.6..i..on ~ê.g..i..onafe de6 V~o..i..t.6 de. l'Homme. pOU/L t'A-
tlMqu~ (Ch. M. O.N.U, voJ!... XV. 1'1.0 4, av~~ 1918,p. 12).
(3) CM/Re6. 642 (XXXI] (KhaJt:town, 1-18 Juil.i.u 1918): ~ê.6o.f.ut..i..on~aY/..6m..i...6e.paJI
f~ Bothwana l~ 20 .6eptem~e 1918 (AI33/Z351. La F~nc.e a Mé~ un~ zon~ éc.o-
no~~que autoU/L de c.hacune de Ce6 Zfe6 (dê~u du 3 6ë.vM~ 1918;JORF, 17
févM~ 1918, P. 686) 9 aloM que. MadagMcM en ~evend..[qu.~ la. .6ouveJtaA..nU:é.
La.
~ê.6olu..Uon du COYl..6w. du l'M_n..i...6.t~e.6 d~ J'.' OUA n~ m~nt..i..onne pM T~ome.e..tn,
égaJ!..crnQ.n;t v..i...6ée daY/..6 R.~ dé.CJtet 6~nçcU6 d
qu..i.. e6t ~ev~nd..[quée paJt MaU!L..i..c.e.
On peut .6..i..gna.i.eJt ê.gale.m~Y!t qu~ ieA ~ê..6 ofu..UoY/..6 ~Y/..6m~ elJ pM .R..' OUA à f' OMU
Y/.~ 60nt pu éta.:t du pltob.tème. de. PA. Ré.union, ni d~ c.elui du Cn.na.JUM :.R..~ Co-
mUé de Ub~cvti.on d~ .e' OI1A avai;t adopté .6U/L C.e6 .6uje.t,~ de.6 ~ê..6oluü.oY/..6
qu..i.. ava..[~n;t .6oufevé une gJta.nde é.mo:ti..on à PaJt1.l, U a MacfJvi.d.

Il
~7B ..
C HAPI TREIl
. LE f,ROUPE AFRICAIN ·ET COOPERATION DIPLO-
,
MATIQUE A L O,N,lI.

SECTION l
Le phénomène des groupes
La constitution, entre Etats Unis par des affinités
particulières, de groupes habitués à se concerter et à harmoni-
ser les positions de leurs membres est bien encouragée avec
le système majoritaire des Nations Unies.
La prise d'une déci-
sion suppose la réunion d'un certain nombre de voix qu'il faut
mobiliser, ce qui est plus facile dans le cadre restreint et
plus homogène d'un groupe que dans celui de réunions plénières
ou par des contacts bilatéraux, que le trop grand nombre rend
malaisés.
L'opposition à une décision exige aussi la mobilisa-
tion d'une pluralité de votes et par conséquent, un effort de
même nature.
Ceci explique l'importance prise par les groupes
aux Nations Unies et le jeu politique très compliqué que repré-
sente aujourd'hui la formation des groupes, leur structuration
interne et les relations qui s'établissent entre eux ou entre
membres individuels de groupes différents.
C'est là un des phé-
nomènes les plus caractéristiques de la vie des Nations Unies.
1) La formation des groupes à l'O.N.U.
Avant même la préoccupation d'agir sur la majorité,
le principe de la répartition géographique, appliqu~ à un cer-
tain nombre d'élections, devait provoquer la formation de grou-
pes régionaux.
Les sièges électifs au Conseil de Sécurité ou
à l'Ecosoc devant être attribués, suivant une clé de répartition
déterminée, aux différentes régions du monde, un accord entre
les Etats membres appartenant à chaque reglon sur la présenta-
tion de candidats devenait souhaitable, sinon ce serait aux au-
tres qu'il reviendrait finalement de désigner ses représentants.
c'est ainsi que les Etats d'Amérique latine prirent l'habitude
de se réunir à des fins électorales, comme ils l'avaient fait
d'ailleurs déjà au temps de la S.D.N.
Cela s'imposait d'autant
plus que dans leur cas, leur groupe était le plus nombreux et,
par conséquent, avait droit au plus grand nombre de sièges.
Pour les autres groupes plus étroits, des consultations offi-

cleuses suffisaient souvent, d'autant plus que la position d~
~eade~ occupée par les Cinq (et surtout par les Etats-Unis et
l'Union soviétique) en facilitait la conduite.
La multiplication des Etats issus de la décolonisation
allait très vite provoquer l'apparition d'un
nouveau groupe,
d'un style nouveau : l~ g~oure a6~o-a~iatique. Ses membres ne
cherchaient pas en premier lieu à faire triompher des candidats
à des postes électifs, bien que cette préoccupation ait tou-
jours eu son importance.
Conscients de leur commune origine,
et de tous les intérêts qu'ils avaient en commun par voie de
conséquence, d'abord à l'égard des problèmes coloniaux et des
questions de discrimination raciale, ensuite en matière écono-
mlque, ils sentaient le besoin de se concerter afin de parvenir,
autant que possible, à des positions communes. Les effectifs du
groupe s'élevèrent très rapidement, ce qui lui donna la cons-
cience de sa force.
Composé d'Etats qui, en majorité, étaient
faibles,
inexpérimentés et sous-développés et qui, individuelle-
ment, n'auraient eu aucune influence,
i l représentait une force
avec laquelle il fallait compter dans tous les scrutins, et qui
devint théoriquement capable d1imposer sa volonté de façon dé-
terminante.
Avant la Conférence de Bandoeng le groupe afro-
asiatique fonctionnait d'une manière improvisée et ne se réunis-
sait que sur une base ad hoc au moment o~ une affaire qui le
concernait était soumise aux Narions Unies. Après Bandoeng, le
groupe s'institutionnalise et se donne des règles ~ropres de fonc-
tionnement.
Il se réunit en principe une fois par mois pour
discuter de tous les problèmes qui se rapportent à l'Afro-
asiatisme et notamment de l'attitude à adopter face à certains
problèmes de politique internationale. Le groupe peut se réunir
à la demande d'un de ses membres.
Durant les sessions de l'As-
semblée générale des Nations Unies i l se réunit plusieurs fois
par semaine.

La présidence des réunions a lieu par rotation d'après
il'ordre alphabétique dES Etats
membres du groupe d'après le
modèle du Conseil de sécurité. Le président dirige les débats,
représente le groupe auprès du Secrétariat général des Nations
/Unies, du président de l'Assemblée générale ou des présidents
des autres organes principaux de l'O.N.U.
La discipline de vote n'est jamais instaurée: elle
se heurterait au principe de la souveraineté.
Les hommes qui
délibèrent dans les groupes ne sont que des délégués gouverne-
mentaux et doivent donc, quels que soient leur convictions et
les engagements qu'ils ont pu prendre à titre personnel, se
déterminer dans le sens des instructions, lesquelles sont ex-
trêmement vagues, leur laissant en fait une liberté d'action ~
peu près complète.
La discussion au sein du groupe, plus libre
et plus franche que celle qui se développe en séance officielle
permet aux membres d'être informés des intérêts engagés et de
la nature des problèmes discutés, et d'arrêter ainsi plus aisé-
ment leur position, voire de se rallier purement et simplement
à la tendance générale révelée par la discussion.
Voilà donc
les avantages du mécanisme.
Mais il Y a aussi des inconvénients.
Ils ne sont pas
moins visibles:
la recherche d'une position commune entre des
Etats nombreux et dont les intérêts sont variés favorise les
mots d'ordre inspirés de considérations idéologiques, plus que
d'une analyse sérieuse de la réalité des problèmes, et aboutit
ainsi trop souvent à des attitudes stéréotypées. Elle conduit
aussi à orienter les débats de façon excessive vers les ques-
tions o~ l'accord se fait facilement au détriment de celles qui
peuvent faire surgir des différences, mais qui présentent davan-
tage d'importance ou de chances d'aboutir à des résultats con-
crets.

-
277 -
2) Les groupes "officiels·" à l '·O;N. U.
La Charte ignore totalement l'existence de groupes
d'Etats. Il faut dire que les groupes se sont formés dans la
pratique. Ce phénomène de groupe a eu un effet de contagion,
de sorte que des Etats qui n'éprouvaient pas au même degr~ que
les autres le besoin de se regrouper, ont été amenÉs à le faire
pour se trouver à armes égales avec les autres membres de l'or-
ganisation habitués à se concerter de cette façon.
La pratique a, finalement, été officialisée par les
résolutions 1990 (XVIII) 1963, sur la composition du Bureau,
et 1991 (XVIII) 1963 sur l'établissement du Conseil de Sécuri-
té et du Conseil économique et social. Ces deux résolutions
contiennent une clé de répartition ggographique des membres de
ces organes entre quatres groupes "géographiques" : Etats
d'Afrique et d'Asie, Etats d'Europe orientale, Etats d'Amérique
latine et "Etats d'Europe Occider,tale et autres Etats".
En fait, aucun groupe ne correspond exactement à cette
description purement géographique. La concertation n'est possi-
ble qu'entre Etats qui, non seulement se reconnaissent, mais
sont liés par des intérêts communs et des conceptions communes.
Il s'agit donc plutôt de groupes géo-politiques : si la proxi-
mité a été le plus souvent (mais non dans tous les cas) un ci-
ment, celui-ci n'a joué que dans la mesure où il était associé
à des liens politiques.
Le groupe latino-américain est peut-être celui qui se
rapproche le plus d'une conception géographique. En fait, il
s'est trouvé pendant longtemps, dans ce cas, que géographie
et politique allaient ensemble. Sans changer de nom, il s'est
agrégé les nouveaux Etats indépendants de la mer des Caraibes,
qui n'appartiennent pourtant pas au monde latin. En revanche,
Cuba a cessé d'en faire partie, après la révolution castriste
et son expulsion de l'Organisation des Etats américains (OrA).

-
278 -
Quant au groupe afro-asiatique, son asslse g6ographi-
que est bien définie.
Il exclut cependant des Etats comme
Israël, en raison de son conflit avec les Etats arabes, l'Afri-
que du Sud, en raison de sa politique d'apartheid, et la Chine,
en raison de la position prise par son gouvernement.
La Turquie,
de son côté, bien qu'Etat asiatique par la plus grande partie de
son territoire, est en dehors du groupe et se rattache aux
Etats d'Europe Occidentale.
Le groupe des "Etats d'Europe orientale" est désigné
habituellement par un autre vocable : celui des "Etats socialis-
tes". En effet, i l regroupe en réalité les Etats membres dotés
d'un régime s'inspirant du marxisme -
léninisme, c'est-à-dire,
-
.
outre l'U.R.S.S.
; les Etats socialistes d'Europe centrale et
orientale (à l'exception de la Yougoslavie et de l'Albanie) et
la Mongolie, qui n'est pas précisément européenne.
Depuis sa
rupture avec l'O.E.A., Cuba participe également aux travaux de
groupe. Néanmoins, la Mongolie et Cuba ne pourraient évidemment
pas être présentés pour occuper un siège réservé aux Etats
d'Europe orientale.
Enfin, le fTroupe des "Etats d'Europe occidentale et
autres Etats" se présente un peu, comme son nom l'indique, comme
un groupe résiduel, sans unité géographique. A côté des Etats
d'Europe occidentale, on y trouve deux Etats d'Amérique du Nord
(Etats-Unis et Canada), l'Australie et la Nouvelle Zélande,
ainsi que d'autres Etats du Sud de l'Europe, comme la Grèce et
la Turquie.
L'Afrique du Sud, mise au ban à cause de sa politi-
que d'a~a~the~d, n'est plus invitée à ses réunions, bien qu'elle
en ait fait initialement partie.
Le point commun entre tous les
membres disparates de cet ensemble est qu'il s'agit, dans tous
les cas (sauf peut-être pour la Turquie), d'Etats de population
européenne (au moins par son origine), relativement développés
et à économie de marché.
Le critère du rég-ime économique semble
pourtant l'emporter, ce qui explique que le Japon soit mainte-
nant pratiquement membre du groupe lI occ idental". Quelques Etats

-
279 -
n'appartiennent, d~ éa~to ou de ju~~, à aucun groupe, tels
qu'Israël et l'Union sud-africaine.
3 )Solis-groÜpes" etin"tergroupes
Comme on le voit, la situation réelle des regroupe-
ments au sein des Nations Unies est plus complexe et plus fluide
que l'existence de ces groupes officiels ne pourrait le laisser
supposer. Toutes ces formations,
-
il faut le dire - ont un
rôle essentiellement diplomatique de concertation. Elles ne peu-
vent donc que suivre les variations de la politique, qu'aucune
formule procédurale ne peut immobiliser.
Les réunions de groupe
ne correspondent pas toujours aux listes officielles.
Il arrive
que, selon les cas, certains membres soient "oubliés" dans l'en-
voi des convocations. Ainsi la discussion de problèmes économi-
ques au sein du groupe afro-asiatique, qui appartient au monde
du sous-développement, n'appelle pas toujours la présence du
Japon, devenu une puissance industrielle. En revanche, elle ne
peut que bénéficier de la participation de la Yougoslavie, très
active dans ce domaine, et fréquemment invitée à se joindre aux
Etats d'Afrique et d'Asie.
Dans les groupes les plus nombreux, des affinités
particulières conduisent à des regroupements plus restreints,
mais généralement plus cohérente, dont l'action se fait sentir
ensuite à l'intérieur du groupe lui-même.
C'est le cas, en par-
ticulier, pour le groupe afro-asiatique, que son gigantisme et
son héterogénéité affaiblissent dans bien des cas où il ne pré-
serve les apparences de l'unité qu'à la condition de rester à
la surface des problèmes.
Avant même qu'il se soit formé,
les Etats arabes
avaient acquis l'habitude desse concerter, parfois avec l'aide
de représentants de la Ligue arabe.
Ils continuent à composer
un sous-groupe extrêmement actif sur tous les problèmes du
Moyen-Orient, dont les Nations Unies ont eu à s'occuper en per-
manence depuis leur fondation.

-
?lH'I -
Au sein du groupe occidental, le plus nombreux au-
jourd'hui après le groupe afro-asiatique,
les divisions sont
moins structurées, mais également sensibles, suivant la nature
des questions posées. On peut discerner ainsi le groupe scandi-
nave, celui des "Etats neutres"
<Suède, Autriche, Finlande,
Irlande), celui du Pacte Atlantique, celui des membres de
l'O.C.D.E., celui du Marché Commun etc.
Le cas échéant, les mem-
bres de ces divers sous-groupes peuvent tenir des réunions, en
vue de débats affectant de façon spécifique leurs intérêts.
SECTION II
Le groupe africain
à l'O.N.U.
Depuis 1960, l'année africaine,
le groupe africain re-
présente,
lui aussi, une force avec laquelle il faut compter.
Sur un certain nombre de problèmes,
(décolonisation, ara~theid,
discrimination raciale en général)~ il occupe des positions
avancées, d'où i l fait pression sur les membres des autres grou-
pes ou sous-groupes.
Il s'occupe aussi, avec beaucoup d'énergie
et de succès, de la promotion des Africains dans la composition
des divers organes des Nations Unies.
Il est néanmoins profondé-
ment divisé.
Au-dessous des sous-groupes, il existe des tendances
importantes dont il faut tenir cCimpte lors de la discussion de
problèmes particuliers.
Le groupe africain en~lobe ainsi quatre
unités linguistiques, dont les positions sur une multitude de
problèmes sont loin de coincider: anglophones, francophones,
arabophones et lusophones. Politiquement, i l reste le lieu d'un
affrontement entre les régimes plus radicaux et progressistes,
"le groupe de Casablanca", et les régimes plus modérés ou plus
conservateurs, opposés aux précédents sous le nom de l'groupe de
Brazzaville".
Il y a donc diverses influences et une permanente
lutte de leadership.

-
281 -
l
-
LES SOUS~GROUPES AFRICAINS A L'D.N.D.
LUTTE D'INFLUENCE
ET COMPORTEMENT "DTPLOMP,TIQUE
Nous le savons déjà, au seln de l'O.U.A., i l Y a des
influences et des tendances. Aucun Etat ne s'est encore affirmé
comme le leader incontesté. Cependant, l'influence de certains
pays s'est quelquefois manifestée de manière reroarquable dans
l'ensemble de la dynamique panafricaine, que symbolise l'O.U.A.
Dans le cadre du fonctionnement de l'O.N.U.; i l est
encore plus difficile de cerner l'influence que les Etats afri-
cains y exercent les uns à l'égard des aUTres ou les pressions
qu'ils subissent en provenance d'autres Etats.
Ell effet, bien
qu'il existe depuis 1958 un groupe africain aux Nations Unies,
aucun pays n'a pu faire admettre au groupe entier ses initiati-
. d" l '
A · . . .
~
( 1 )
"
ves l
eo oglques.
USSl, a ce propos, J~. Bovet
dans son etu-
de bien fouillée sur le comportement des Etats africains à
l'O.N.li. entre 1960-1963, préfère-t-il s'étendre, non sur l'étu-
de du groupe africain à l'O.N.U., mais de ses nombreuses com-
posantes, tels le sous-groupe arabe, ceux de Casablanca et de
Monrovia, le sous-groupe de Brazzaville, les Etats de l'Entente,
de l'Union équatoriale, l'Union Ghana-Guinée-Mali. Dans le ca-
dre même du groupe africain dans son ensemble, la présidence
était assurée à tour de rôle tous les mois
= le
secrétariat,
qui a un mandat de deux ans, et que gèrent alors quatre Etats,
était également tournant. M. Bovet donne un exemple du manque
de leadersh~p véritable à ce groupe. A la XVIe session de
l'O.N.U., le délégué soviétique avait proposé à l'Assemblée
générale la discussion prioritaire du point 88 de l'ordre du
jour portant sur la "déclaration sur l'octroi de l'indépendance
(1) c.6. Hove.t: -Ln "A6Jt-.Lc.a -Ln the. UrU..te.d Na:UOM". c.Uê pM A. Kontc.hou
Kouame.gYÛ, ,[1'1. "Le. J.>yJ.>te.me V,[pR.oma:Uque. a61Ûc.a...tn" (id. Padone., PaIl.M
7911, p. 88.

GO
282
..
aux peuples coloniaux"
; mais le Nigéria, d~s l'ouverture Je la
sesslon, demanda, a;Jparemment au nom du groupe africain, que la
priorité des débats fût accordée plutôt au point 22, relatif à
"l'assistance à l'Afrique", programme des "Nations Unies pour
l'indépendance"
: le voile de l'Unité du groupe africain sembla
tomber aussitôt, mais se restructura sur un compromis
: le Gha-
na et la Guinée s'oppos~rent in®édiatement et ouvertement ~ la
proposition nigériane.
Le délégué du Ghana fit d'abord part de
se surprise, du fait que la priorité demandée par le Nigéria
sur une question aussi importante pour l'Afrique n'ait pas d'a-
bord été discutée au sein du groupe africain, i l exprima ensuite
son indignation de voir qu'il put exister un désaccord quelcon-
que entre Africains sur un sujet comme celui du colonialisme
proposé par l'U.R.S.S.
On dut alors ajourner l'Assemblée de
l'O.N.U.
jusqu'au lendemain:
sous la présidence de Madagascar,
le groupe rejeta la priorité nigériane et décida par un compro-
mis de faire étudier les points 88 et 22 de l'ordre du jour en
1
un seul débat général!
l.
Dans une autre étude consacrée plutôt aux relations
entre les Etats-Unis et les Etats africains au sein de l'O.N.U.,
M.
Baker(2)rév~le que la proposition nigériane était d'origine
américaine.
Bien que le Ghana et la Guinée fussent soutenus par
les principaux pays non-alignés du Tiers-Monde, Indonésie,
Egypte, etc, leur principal point d'appui était l'ensemble des
pays socialistes et en particulier l'U.R.S.S., auteur de la dé-
claration
sur l'octroi de l'indépendance aux psuples
scu~is ;
de l'autre côté, le Nigéria et, avec lui les pays dits "modérés"
d'Afrique suivirent lors des débats la position américaine et
(11 Hov0t~ op. cLt. p. 65.
(2) Ge.dn.ey W..iYfl.am Ba.b..eJt~ -in. "The. Ul'ute.d StM:e,6 an.d Af./l...i...c.a. in. the. Un.i..te.d
Mai"...i...oYI.J.J" ~ Thùe. Ge.n.ève.~ 1968, n.0 189
p. 54, c.Ué pM. A. K. Kouome.gn.i
p
in. Le. I.!.Y.6tème. cUpR.oma.:Üque. aftU..c.ain~ Pédone.~ Pa!tJ..l.!., 1917, p. 89.

.. tel·.
occidentale. Le groupe africain apparaissait ainsi extraverti,
soumis aux influences exogènes issues des pôles principaux de
la guerre froide de l'é?cque.
Le rôle joué à l'O.N.U. par le groupe dit de Brazza-
ville ne pousse pas non plus à la découverte d'un
leadership
africain en son sein, mais plutôt de celui de la France(l). En
effet, la France arrête la politique et le groupe l'exécute mê-
me dans ses méandres les plus anti-africains.
Créé
en 1961 à
la conférence des douze Etats ~ Tananarive, c'est la délégation
française à l'O.N.U. qui lui fournit l'infrastructure matérielle
nécessaire à son installation à New York et i l se réunissait le
plus souvent en présence d'un représentant de la France. Ses
prises de position ne se démarquèrent jamais sensiblement de
celles de ce pays, et des puissances occidentales en gén6ral.
Elles soutinrent la France dans sa politique algérienne, ne con-
damnèrent pas, contrairement aux autres Etats africains et asia-
tiques,
les essais nucléaires français au Sahara en 1961, sou-
tinrent à la suite de la rnétropole~ l'indépendance de la Maurita-
nie en dehors du Maroc.
Par contre, elles exigèrent de l'U.R.S.S.
dès 1962, l'autodétermination pour Berlin et la cessation de
ses essais nucléaires.
La cohésion au sein du groupe manifestée
par l'identité des votes de ses membres était d'ailleurs à
toute épreuve. M. Hovet remarque que ses porte-paroles étaient
souvent la Côte d'Ivoire et le Cameroun(Z).
Contrairement à l'isolement du groupe de Brazzaville,
celui de Casablanca était bien intégré au sein du groupe afro-
asiatique. Cette position privilégiée lui valut de 1960 à 1962
{ 1} HyppoWe MWande, ..tn "lM Eta:t6 du glloupe. de. RJtazzav.ule. aux MatioVL6
UMU", PaJL.iA, A. CoJ1,,[n, 1910, po 1180. 122,148 à 149.
(2) Guy dQ. LU6,,[gnan p. 293, e.ité pafi. A. K. KouornegM op. e.it. p. 89. Vote.
"[de.n;t[que. 1.> UIl toutu ,eU cÜX 1tê..6 o{u.:üo VL6 de .ta XXII e_ .6 MI.>,,[O n daM -e an-
1
6<U1tQ. ,i.Mt.a.é.R..o-aIlabe. de. 1961 ; /lŒ Côte d' rvohte. f,ut 1!.e poJt.te.- pMO}'e. de_
.t'O.C.A.M.

.. ~e4 ..
trois sièges au Conseil de sécurité contre zéro au groupe de
Brazzaville:
le Gtana en 1961~ sur le siège du Commonwealth,
l'Egypte et le Maroc en 1962 pour les sièges arabes et du Moyen-
Orient.
Au contraire, la candidature mauritanienne présentée
par les Etats de Brazzaville face au Maroc fut purement et sim-
plement retirée, faute d'un autre soutien que celui du groupe
lui-même.
Il n'est pas facile de déterminer un leader du groupe
africain à l'O.N.U.
Face à cette division en sous-groupes quasi
exclusifs et soumis chacun à une influence ext€rieure
prépondé-
rante, i l n'est possible au sein de ces sous-groupes, que d'aper-
cevoir un ou plusieurs porte-parole principaux: la Côte d'Ivoire
et le Cameroun pour le groupe de l'O.C.A.M., l'Egypte et le Gha-
na pour le groupe de Casablanca, le Nigéria et l'Ethiopie pour
les Etats non intégrés à ces deux tendances.
Hier comme aujourd'hui, cette lutte d'influence demeu-
re et le groupe africain À l'O.N.U. est souvent écartelé par les
blocs idéologiques rivaux.
Néanmoins aujourd'hui de plus en plus
l'Afrique
prend conscience de la nécessité de l'unité et de la
solidarité dans tous les problèmes internationaux qui engagent
son avenir et hypothèquent sa survie, à savoir:
l'évaluation des
progrès accomplis dans l'instauration du Nouvel Ordre Economique
International et les mesures appropriées pour promouvoir le dé-
veloppement des pays en développement et la coopération économi-
que internationale.
II -
L'UNITE DU GROUPE AFRICA"IN DANS LES NEGOCIATIONS
INTERNATIONALES
Lors de sa Deuxième Session Extraordinaire tenue à
Lagos (Nigéria), le 28 et 29 Avril 1980, le Sommet des Chefs
d'Etat et de Gouvernement de l'O.U.A.
a adopté une résolution

...
289
-
relativ(:3 à "La participation Africaine aux Négociations In-terna-
tionales". Cette résolution demandait aux Etats membres de
l'O.U.A. de participer pleinement et activement aux négociations
économiques internationales, surtout à la Onzième Session Extra-
ordinaire de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Cette As-
semblée des Nations Unies devait discuter de deux problèmes im-
portants:
l'évaluation des progrès accomplis dans l'instauration
du Nouvel Ordre Economique International (N.O.E.I.) et les mesu-
res appropriées pour promouvoir le développement des pays en
développement et la coopération économique internationale. La
résolution de l'O.U.A. demandait au Secrétaire Général de l'OUA
d'oeuvrer avec le Secrétaire Exécutif de la C.E.A. et les autres
organismes nationaux et internationaux compétents pour apporter
le soutien logistique et technique adéquat au Groupe Africain
dans les négociations internationales, surtout en équipant les
bureaux de liaison des moyens matériels et humains nécessaires.
Conformément à cette résolution, le Secrétaire Général
a conduit une délégation de l'O.U.A.
à la session spéciale de
l'Assemblée Générale des Nations Unies à New York en AoOt 1980.
La délégation comprenait des fonctionnaires du siège de l'O.U.A.
ainsi que des fonctionnaires du Bureau Réeional de New York.
BOLI DE L'-O.U.A. PENDANT LA -SESSION SPECIALE
L'O.U.A.
a joué plusieurs rBles importants pendant la
Session Spéciale de l'Assemblée Générale des Nations Unies.
Tout d'abord, le Secrétaire Général de l'O.U.A.
a pris la parole
devant l'Assemblée plénière.
Il a souligné l'importance que
l'O.U.A. attache au thème de la Session Spéciale.
Il a ensuite
présenté le point de vue de l'O.U.A.
sur des questions importan-
tes comme le taux de la croissance économique des pays en déve-
loppement ; le rBle de l'industrialisation et de l'énergie dans
le développement; l'importance de la monnaie et des capitaux
pour le développement et la nécessité d'opérer des changements
rapides basés sur l'humanisme.
Il a attiré l'attention sur les

-
286 -
délibérations du Sommet de Lagos qui a mis l'accent sur l'auto-
suffisance collective pour l'Afrique.
L'Afrique, a-t-il souli-
gné, est décidée à favoriser un développement endogène, auto-
centré et auto-entretenu, surtout dans le domaine de l'alimenta-
tion.
Passant au développement grâce aux communautés économiques
régionales, le Secrétaire Général a demandé aux pays en dévelop-
pement d8 renforcer ces communautés là où il en existe et d'en
créer là où il n'yen a pas encore.
Il a attiré l'attention sur
l'Acte "Final de Lagos qui envisage la création de la Communauté
Economique Africaine d'ici la fin du siècle.
Le président en exercice du Conseil des Ministres,
le Dr. A.
Contch, Ministre des Affaires Etrangères de la Sierra
Léone, a convoqué une réunion du Groupe Africain au niveau mi-
nistériel, surtout pour entendre un rapport du Comité de Contact
Africain auprès du Groupe des 77.
Le rapport du comité qui a
été fait oralement par son président a indiqué que le Groupe
Africain aux Nations Unies a
joué un rôle actif dans la formula-
tion de la position du Groupe des 77, comme par exemple le fait
d'obtenir l'incorporation du Plan" d'Action de Lagos aux proposl-
tions faites par le Groupe des 77.
La réunion du Groupe Ministé-
riel a décidé qu'il y aurait des consultations fréquentes du
Groupe Africain pendant la Session Spéciale et que le Comité
Spécial de Contact continuerait à jouer son rôle pendant toute
la durée de la Session Spéciale.
C'est pourquoi le Secrétariat,
à la demande du président du Groupe Africain, a organisé des
réunions du Groupe tout au long de la session. Le Comité de Con-
tact s'est chargé de faire connaître les points de vue africains
au sein du Groupe des 77 et a rapporté les points de vue des
groupes non-africains au Groupe Africain.
Le Secrétariat de
l'O.U.A. a assuré la coordination de ces activités.
Ainsi donc, les activités coordonnées du Groupe Afri-
cain ont permis de présenter le Plan d' Act ion de La"gos à la
communauté internationale comme un document qui contient les
points de vue de l'Afrique; à savoir ce que les Africains

-
2e7 -
veulent faire pour eux-mêmes, comment et pourquoi. Au cours des
discussions sur la Nouvelle Stratégie pour le Développement In-
ternational au Groupe l
de travail par exemple, on s'est référé
deux fois au Plan d'Action de "Lagos qui était contenu dans le
document principal de référence.
Le Plan d'Action était également
joint au document sur la Nouvelle Stratégie pour le Déceloppement.
Voilà pris en considération par le monde entier le point de vue
de l'Afrique sur le développement.
Conformément au mandat qui lui a été confié, l'O.U.A.
a continué à participer pleinement et effectivement à ces négo-
ciations internationales. A la Conférence internationale globale
de négociation tenue à New York de Janvier à Septembre 1981,
l'O.U.A. était éminemment représentée.

... ~e8 -
CHA PIT RF 1-11
L'AFRIQUE
- - - - - - - - -
-ET L'EQlJ.ILIB-RE- POLITIQUE
GLOBAL AU -SEI N DES NATIONS UNIES

-
289 -
Comme nous venons de le voir, les groupes, aux N"ltions
Unies~ se constituent en vue de faire triompher les vues de leurs
membres. Et ils y réussissent d'autant plus facilement que leurs
effectifs sont plus élevés. Ceci explique que, la montée rapide
du nombre des membres des Nations Unies depuis 1955 ait profon-
dément bouleversé l'équilibre politique global au sein de l'Or-
ganisation.
SECTION 1
L'évolution numérique des groupes
Elle se déssine très clairement à la lecture du ta-
bleau 9 ci-après qui fait apparaître l'évolution des effectifs
de chaque groupe de cinq ans en cinq ans. Nous donnons en
même
temps~ le nombre total des membres de l'O.N.U. aux mêmes dates,
ail'lsi que deux nombres clés pour le processus décisionnel :
d'une part, la majorité des deux tiers, requise, on le sait,
pour toutes les questions importantes
; d'autre part, le nombre
de voix nécessaires pour empêcher qu'une décision soit acquise
à la même majorité et qui correspond, par conséquent, à un veto
collectif: le tiers bloquant. Ces nombres représentent un maxi-
mum, puisque~ dans le décompte des voix, les abstentions ne sont
pas prlses en considération.

.. ~90 -
TABLEAU N°l1
OCCIDEN-
SOCIA - LATINO
AFRO-ASIATIQUES
Hors
1/3
ANNEE
TAUX
LISTES
AMERI-
. gTOu- TOTAL 2/3
BLa-
IÀ-l.Kl,"-
ASIA-
TOTAL
i
CAINS
CAINS
TIQUES

1"
1
QUANT
.
-----.-,..
1945
13
6
20
3
8
11
1
11
51
34
18
/. 1
1950
15
5
20
3
14
17
60
40
21
?
1955
21
9
20
4
19
23
T
76
51
26
1960
22
9
20
25
21
46
/
100
67
34
1965
23
9
n'
36
24
60
51
118
79
40
:1:
65
1970
22
9
23 J
40
27
67
127
85
' 43
1975
22
9
23
49
1980
22
9
23
50
"
"
"
( 1) Chi..ne;
(2) CMne 7 l.6!uiU, You{JoJ.>.fav-Le,
(3) .6aY!-6 Cuba, ma.-L6 ave.c. R..u
Etat6 de. ..ea. meJt du CaJtalbu ; (4) MbarU.e., CMne, Cuba, IMr..aëJ., YougOJ.>R..av-Le. ;
(5) Albanie, Ch~ne., Cuba, IJ.>na~.e, Union Sud-a6~c.alne.,
Yougo~~av-Le..
Source
Hichel Virally, in "L'Organisation Mondiale".
Pour un groupe, comme pour un Etat s'efforçant de mo~
biliser ses amis,
l'objectif primordial est évidemment d'attein-
dre la majorité, soit en faisant voter en faveur du projet qu'il
patronne, soit en persuadant un nombre suffisant de membres de
ne pas s'y opposer et de baisser ainsi la barre de la majorité
par leurs abstentions.
C'est toutefois une garantie extrêmement
précieuse pour lui -- et, en même temps, une ar~e importante
dans ses négociations -- que d'être en mesure de mobiliser un
nombre de voix égal au tiers bloquant:
i l a ainsi l'assurance
qu'aucun projet ne pourra être adopté s ' i l s~y oppose.

-
291 -
A -
LE CONTROLEVE LA MAJORITE
L'examen du tableau précédent, à la lumière des indi-
cations déjà données sur les groupes, permet de faire quelques
constatations très simples mais significatives.
1) Et-at's-Unis
Union-_s'oViétiqüe -àarmesin'égale~
Dans les dix premières années,
les Etats-Unis et
l'Union soviétique sont à ~s inégales sur le champ diplomati-
que des Nations Unies.
En effet,
jusqu'en 1955, les chiffres montrent que les
Etats-Unis, assurés à l'époque du soutien quasi inconditionnel
des Etats "occidentaux", du groupe latino-américain dans sa to-
talité et de plusieurs Etats d'Afrique et d'Asie, qui dépen-
daient d'eux sur le plan économique et militaire, étaient cer-
tains de rallier une confortable majorité sur tout projet qui
recueillait leur appui.
Pour la même raison,
ils étaient en me-
sure de faire élire une majorité favorable à leurs vues dans
tous les organes restreints, y compris le Conseil de sécurité et
le Conseil économique et social. C'est ainsi qu'on a pu parler,
sans forcer les mots, de "majorité automatique" en leur faveur.
A l'inverse, l'Union Soviétique ne pouvait s'appuyer
que sur un groupe numériquement très faible,
à une époque où
elle ne rencontrait guère de sympathies au-dehors. Elle n'était
pas en mesure d'atteindre la majorité sur un projet combattu par
les Etats-Unis.
Sa puissance de vote était même beaucoup trop
faible pour lui permettre de s'approcher du tiers bloquant.
Sa
seule arme juridique, dans cette situation, était le veto; elle
ne se fit pas faute d'en user.
Dans ce jeu, les Etats-Unis devaient tenter de faire
sauter le verrou du veto et pouvaient se permettre d'utiliser

-
292 -
l'Assembl~e Générale ~ cet effet, puisqu'ils y disposaient
d'une position pratiquement aussi forte qu'au Conseil de S~curi-
té.
L'Union Soviétique, de son côté, si elle ne pouvait
attendre autre chose des Nations Unies, y trouvait une tribune
lui permettant de mettre en accusation ses adversaires devant
l'opinion publique, dont certains éléments lui étaient acquis.
Elle se retrouvait, d'autre part~ dans la majorité en prenant
des positions anti-colonialistes, d'autant plus rentables
qu'elles visaient des alliés cu des amis des Etats-Unis, à
l'égard desquels ces derniers se trouvaient obligés à quelques
ménagements, même s'ils condamnaient publiquement leur politique.
2 )
La période detran's i t ion
La période de 1954 ~ 1960 constitue la transition qUl
ne modifie pas profondément l'équilibre politique au sein des
Nations Unies.
Les nouveaux admis se partagent entre les socia-
listes~ les occidentaux et les Afro-asiatiques en majorité favo-
rables à l'Ouest.
La domination américaine n'est donc pas mena-
cée, mais le nouveau cours des choses la condamne à terme. Les
Occidentaux ont à peu près fait leur plein, de même que les
Latino-américains.
Les futurs admis viendront donc, dans leur
très grande majorité, du tiers monde.
Il faut s'attendre à ce
que tous ces nouveaux Etats ne se tournent pas vers l'Ouest.
L'Union Soviétique espère, pour sa part, gagner les faveurs des
anciens colonisés après le combat qu'elle a mené contre la "co-
lonisation" et elle espère que son audience auprès d'eux se ren-
forcera avec les inévitables difficultés de l'après-indépendance.
8 -
LE TOURNA~T PE 1960
Il est bon de noter ici que l'Union Soviétique en la
personne de Nikita Khrouchtchev, s'est efforcée de capitaliser
les sympathies de tous les groupes hostiles au colonialisme à

-
293 -
l'occasion de la 15e session de l'Assemblée générale, en lançant
la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux peuples colo-·
niaux (1514 (XV) 1960){7), au moment où le groupe afro-asiatique
voyait ses effectifs s'élever à 46 membre,soit plus du double
de ceux du groupe occidental et plus que ceux de ce groupe réunis
~ ceux des Latine-américains.
A partir de ce moment, les Etats d'Afrique et d'Asie
sont les arbitres de la majorité, s'ils savent rester unis. Une
chose est vraie, i l n'y a pas de majorité sans appui d'une par-
tie de ses membres.
Les super-grands (et les autres) vont, dès
lors, se disputer les faveurs de cette énorme clientèle poten-
tielle.
L'existence même de cette compétition,
l'importance gran-
dissante des tendances "neutralistes" au sein du groupe, accen-
tuée par le succès du mouvement des "non-alignés", sonnent le
glas de la "majorité automatique" américaine.
Néanmoins, les Etats-Unis restent encore en mesure de
mobiliser les voix nécessaires pour faire adopter un projet, en
faisant tout pour obtenir la neutralité bienveillante d'un cer-
tain nombre de membres. Les soutiens inconditionnels sont de
moins en moins nombreux.
De son côté, la diplomatie soviétique se trouve désor-
mais beaucoup plus à l'aise. Dans maints domaines qui ont de
l'importance pour les pays du Tiers monde, comme la décolonisa-
tion,
l'apartheid, les investissements étrangers, le financement
du développement, le commerce international, etc.
; elle prend
des initiatives qui reçoivent des échos favorables dans les
pays en voie de développement. Elle peut se permettre, sans
risque, de" prendre des positions beaucoup plus radicales que
ces derniers, plus expcsés à des pressions de la part des Etats
développés occidentaux, dont ils dépendent économiquement et
(1) T-Ute. de. M-i..c.he1. V-UtaJU!..fj, -<"1'1 "L' OlLga.~aUol'1 mondW-e.", c.o.el.. U, A.
Co~l'1, p~, 1912.

-
294 -
financièrement.
Les "contre-pressions" exercées par l'action
des Etats socialistes aux Nations Unies vont objectivement dans
le sens des intérêts des pays en voie de développement, qui ne
peuvent que sIen réjouir.
Par la force des choses, le mouvement des "non-alignés"
ne pouvait qu'être orienté à ses débuts contre l'Ouest 17impéria-
liste", puisque c'était les pays occidentaux qui occupaient des
positions d'influence dans les nouveaux Etats, par les circuits
commerciaux établis, par leurs investissements, par leur aide
économique et financière,
par les liens politiques et militai-
res, parfois par les bases, qu'ils avaient conservés. Son orien-
tation socialiste le poussait, parallèlement, dans la direction
des Etats à économie planifiée. Sa philosophie, toutefois, était
celle de l'indépendance et du dégagement de ses membres par
rapport à la querelle entre Européens que représente l'affronte-·
ment Est-Ouest.
Il s'agissait donc, pour les Etats du tiers mon··
de, de prendre conscience de la puissance que leur conférerait
leur unité et de trouver la plateforme sur laquelle cette unité
pourrait être construite. D'où l'importance du groupe afro-
asiatique qui, là où il réussissait à dégager des intérêts com-
muns à tous ses membres, était en mesure d'imposer sa volontÉ.
SECTION TI
Le nouvel équilibre mondial
Le représentant soviétique en 1960 concevait l'équili-
bre mondial des Nations Unies fondé sur trois groupes d'Etats
les Etats socialistes,
les Etats capitalistes et les pays en
voie de développement.
D'après Khrouchtchev,
i l aurait fallu
construire toute l'Organisation mondiale suivant ce schéma
les
organes restreints auraient dÛ comprendre, en nombre égal, des
représentants des trois groupes et le Secrétariat être dirigé
par une troika désignée de la même façon.
Mais les Afro-asiatiques eux, concevaient un autre
schéma.
Le monde leur paraissait divisé en deux groupes
: les

-
295 -
pays en voie de .développement, d'une part, les plus nombreux
puisqu'ils comprenaient les pays d'Asie et d'Afrique et ceux
d'Amérique à l'exception des deux républiques du Nord (E.U. et
Canada)
; d'autre part, les pays industrialisés. Une sous-
distinction parmi ces derniers
: pays industrialisés à économie
de marché et pays industrialisés à économie planifiée. Bref,
pour les pays en voie de développement, l'important, c'est la
division fondamentale entre riches et pauvres, nantis et démunis.
Cette nouvelle conception bipartite de l'équilibre po-
litique global est donc loin de coincider, avec la conception
tripartite avancée par le représentant soviétique en 1960. Elle
correspond à une notion bien différente de la majorité, qui
trouvera son expression la plus parfaite dans le groupe des
"77". Cette majorité trouve sa base dans la communauté d'inté-
rêts économiques de ses membres opposés globalement à ceux des
pays industrialisés (à économie de marché ou à économie plani-
fiée).
Dans la mesure où elle s'affirme, elle signifie que les
Etats-Unis ont définitivement perdu le contrOle de la majorité,
mais que l'Union Soviétique ne l'a pas conquis:
le contrOle de
la majorité appartient aux Etats qui composent la majorité,
A -
VIPLOMATIE VU NOMBRE ET SA PUISSANCE
L'unification du champ diplomatique par l'Organisa-
tion des Nations Unies ne provoque pas seulement des regroupe-
ments nouveaux, elle accroit encore l'influence de certains de
ces regroupements, grâce aux mécanismes décisionnels qui consa-
crent la puissance du nombre.
Dès lors, il est tout à fait naturel que l'équilibre
politique au sein des Nations Unies ne corresponde pas exacte-
ment à l'équilibre politique existant entre les Etats en dehors
de l'Organisation.
Cet écart est sain, puisqu'il permet de com-
penser, dans une certaine mesure, les inégalités naturelles et

-
296 -
de se rapprocher ainsi un peu de l'idéal de "l'égalité souve-
raine", proclamé par la Charte.
Dans un certains nombre de pays industrialisés, l'idée
d'un vote pondéré est, néanmoins, de plus en plus souvent agitée.
Il faut noter que cette idée est déjà appliquée dans les insti-
tutions financières du système des Nations Unies, où le nombre
des voix dont ~is,ose chaque membre est proportionnel ~ sa
quote-part dans le capital social.
Le vote pondéré permet de
rétablir entre les membres d'une organisation internationale
les inégalités de puissance qui existent entre Etats en dehors
de cette organisation, voire de les accentuer.
La séduction de
ce mécanisme auprès des plus puissants est facile ~ comprendre.
La conséquence en est de réduire gravement les possibilités
d'influence, déjà réduites, des plus faibles, qui pourraient
devenir absolument négligeables.
L'unification du syst~me inter-
national n'est plus qu'un vain mot, car le jeu diplomatique re-
devient le privilèfe de quelques-uns.
Il faut bien le reconnaître.
S'il est sain que l'équi-
libre politique aux Nations Unies ne se calque pas sur l'équili-
bre politique résultant des purs rapports de force
(économique,
démographique ou militaire), i l n'est pas bon qu'un trop grand
décalage les sépare, car,
i l ne peut en résulter qu'une crise de
l'organisation, laquelle ou bien ne pourra plus fonctionner, ou
bien fonctionnera à vide, sans pouvoir mordre sur la réalité.
Un tel décalage est apparu pendant les premières an-
nées d'existence de l'O.N.U.
Il résultait moins du défaut d'uni-
versalité de l'Organisation, ~ l'époque, que de la prépon~érance
américaine. En dehors des Nations Unies, la puissance des Etats
Unis se heurtait À une autre puissance avec laquelle elle devait
corr~ter : l'U.R.S.S. C'est toute l'histoire de la guerre froide.
L'écart excessif entre les deux situations, Gans et hors les
Nations Unies, vouait ces dernières à l'impuissance en tant qu'or-
ganisation mondiale chargée d'assurer le maintien de la paix.

-
297 -
L'O.N~U. n'a rien pu faire pour apaiser le conflit Est-Ouest et
sa capacité d'action s'est trouvée gravement compromise dans
tous les cas où les crises dont elle avait à s'occuper se trou-
vaient sous certains aspects en relation avec cet affrontement
majeur.
Le cas de la guerre de Corée en 1954 en est l'illustra-
tion flagrante.
B -
LA PUISS?NCE VIPLOMATIQUE VU NOMBRE ET SES LIMITES
La situation qui prévaut aujourd'hui est inversée,
mais présente aussi de graves dangers.
Les Etats-Unis ont perdu
leur prépondérance absolue.
L'Union soviétique a par contre con-
sidérablement amélioré sa position,
<cf.
supra), mais sans par-
venir à conquérir le contrôle des processus décisionnels. Ce
contrôle appartient, désormais, nous l'avons relevé, à la masse
des Etats petits et moyens - mais en majorité petits -
d'Afrique
et d'Asie et, plus généralement, du monde en voie de développe-
ment, les "77".
Cette situation fait contraste avec celle qu'on
constate en dehors des Nations Unies, où la puissance dominante
appartient au monde industrialisé, en dépit de sa division en-
tre pays capitalistes et pays socialistes.
La puissance du nombre, fondée sur les mécanismes dé-
cisionnels des Nations Unies, compense la faiblesse économique
et politique, ce qui peut être considéré comme un résultat heu-
reux.
La nature même de cette "puissance" exige, cependant,
qu'elle ne soit mlse en oeuvre qu'avec modération.
L'excès dans
son utilisation risquerait, en effet, de détruire sa "crédibili-
té" - et par conséquent l'efficacité des institutions où fonc-
tionnent ces mécanismes décisionnels.
Plus que toute autre, la
puissance du nombre est un géant aux pieds d'arg.ile.

-
298 -
T ROI SIE MF P ~ RTl f
P·ERSP·ECTIVES n' AVENI R :. L'AFRI QUE ET LE
MONDE- DE DEMA-I N-- POUR UNE -STRA.TEfi 1E
DIPLOMATIQUE UNI FIEE
SOMMAIRE :
Introdüction.
Titre premier
La stratégie diplomatique africaine dans le
monde.
Titre 2
Stratégie entre Etats membres de l'O.U.A.

-
299 -
INTRODUCTION
L'entrée des Etats indépendants sur la scène mondiale
a été marquée par la volonté des responsables de donner un rôle
plus important à l'Afrique.
Les anciennes puissances coloniales
aussi bien que les nouveaux partenaires, ~ la recherche d'ami-
tiés et d'alliances, ont manifesté en retour un grand intérêt
~ l'égard des nouveaux Etats. Mais l'empirisme ou pratique di-
plomatique dont les Africains ont fait preuve dans les relations
internaTionales a suscité la méfiance.
Il les a parfois conduits,
en effet~ à une politique manquant de fermeté ou à des attitudes
alternativement ou même simultanément contradictoires. Et du
coup, on a parlé de fioriture diplomatique de l'Afrique dans les
relations internationales.
Nous n'avons pas ~ nous leurrer. En effet, la vérit€
est que les Etats africains ne pesaient pas le poids qu'ils
croyaient. Certains pays ont été entièr8ment dominés par l'é-
tranger, d'autres n'ont eu qu'une liberté toute relative par
rapport à l'extérieur. Encore aujourd'hui, il y a en Afrique de
l'Ouest une dizaine de milliers (6 500) de militaires français
prêts à intervenir (et qui sont même intervenus) en cas de cri-
ses intérieures.
Dans certains pays francophones,
l'africanisation au
nlveau des cadres supérieurs du commerce et de l'industrie s'est
accompagnée d'un accroissement massif des résidents français.
Sans doute, les centaines de millions de dollars (880)(1)
des
investissements privés français sont-ils au point de départ de
bien des industrialisations.
(1 ) Chin 6JteJ.J :thtM de fJ.' evr.:tA.-cj!.e de p~..:teJL EnahoJto -ln "L' A{Jt.i.que. da.M i.e. monr1e./i
Je.une. A6Jt.i.Que. na 653 du. 14 Ju.Ui.-d 1913.

-
300 -
En revanche, ces Etats sont liés au système économique
français par des accords fatalement inconciliables avec leur
indépendance.
Il advient, par exemple, que certains pays étran-
gers, fussent-ils occidentaux, ne peuvent rien vendre ~ certains
Etats francophones si les denrées n'ont pas été préalablement
déclarées en France.
La France qui, principal fournisseur de
treize sur quinze de ses anciennes colonies, n'est le principal
client que de huit d'entre elles. La persistance de l'influence
culturelle française au sein des élites dirigeantes nous parait
aussi mériter d'être signalée.
~
Chez les anglophones, dans les Etats comme le Malawi
et le Lesotho, dont les budgets sont renfloués de façon chroni-
que par des subventions directes des Britanniques, l'ancienne
métropole exerce ouvertement une influence sur la politique
extérieure. Il est d'autres pays où cette influence est moins
apparente. Elle existe néanmoins à travers des relations ~conomi­
ques particulières qui font de la Grande-Bretagne leur principal
partenaire commercial. Là encore, mais de façon moins évidente
que chez les francophones,
l'ancienne métropole conserve une
influence énorme qui impose des limites à l'exercice de politi-
que étrangère totalement indépendante.
Comme on le voit, c'est ici où se précise et s'appli-
que, du côté des -puissances développées, la diplomatie du 20e
siècle en liaison avec le rôle prépondérant du capital finan-
cier dans les relations internationales.
La diplomatie de ce dernier quart du 20e siècle re-
flète dans son activit~ l'influence des trusts, des banques, et
de la bourse.
Les diplomates de carrière, comme on les appelle,
sont parfois rélégués au second plan, et à leur place on voit
surgir des hommes d'affaires internationaux, des agents finan-
ciers, des spéculateurs de gros calibre, des prospecteurs éco-
nomiques et politiques.

-
301 -
Ces méthodes de travail diplomatique sont d'abord
appliquées aux colonies et aux pays "p(l.f'[t,[que.ment et nom,[na.f e-
ment ind~pendant~, mai~ en h~al,[t~ ph.~ dan~ le~ 6ilet~ d'une
dépendanc.e 6inanc.iè-hQ. et dip.fomat.<.que,,(ll.
Faut-il souligner que les procédés habituels de main
mlse sur les pays coloniaux et sémi-coloniaux, c'est-à-dire les
pays néo-colonisés,
sont alors,
comme nous l'avons dit plus haut,
le contr61e financier,
les concessions, les emprunts, la recon-
naissance économique et la nomination de conseillers. A côté de
cette pénétration "pacifique" se poursuit, un travail de sape,
tel que la préparation des révoltes,
les révolutions de palais,
la formation des gouvernements entièrement aux mains des puis-
sances intéressées.
Les mouvements, révolutions, libérateurs
et nationaux sont réprimés par les armes et étouffés par l'ac-
tion de la diplomatie "impérialiste" dans le sens pléni~r du
terme.
Bref, i l s'agit de la domination directe ou indirecte
que nous appelons "impê.h,[af..i~me mu.e..:ti6 ohme" avec commun df.5nomi-
nateur le "c.apLtal..[~me".
Cet effet de domination joue sur quatre tableaux, et
.
. L
V
Th
( 1 l "
.
nous reprenons lCl
.
.
ornas,
a saVOlr
1°) "Une domination militaire, avec ou sans occupa-
tion de terrain: a) armée à demeure, b) présence de corps ex-
péditionnaires sous le prétexte de manoeuvres communes ou de
défense, c) abandon ~ la puissance impérialiste de bases straté-
giques, d) ventes d'armes, e) formation des officiers, f) espion-
nage permanent (cas de la C.I.A. K.G.B. , ••. etc.), g) menaces
11) c.n. L.V. Thom~, in Impr:~me et ~oU6-d~vef..oppemen:t. L'exemple de
t'Aûhique ~/o-iJr.e, B.I.F.A.P.~ T. 33
SélZ.. P, 1, 197 • p. 1Sx et~.
p

-
302 -
d '"
"
d ' "
l
~
'l--~
....
lnterventlon, ou
alde,
e cas eClteant, a des rebelles, etc.
Les exemples foisonnent:
Le Zaïre,
l'Angola, le Tchad, pour ne
citer que ceux-ci.
2°) Une domination politique, dont le système colo-
nial constituait la forme la plus radicale : a) collusion du
gouvernement de la métropole mondiale avec l'élite au pouvolr
dans le pays dominé ou inversement, fomentation de révoltes,
b) chantage au sujet de l'aide économique et de la monnaie, etc.
La domination politique peut être de type autoritaire (qu'elle
s'accopagne ou non de négociations) ou de type paternaliste
comme cela se rencontre souvent aujourd'hui dans les relations
entre colonies et ancienne métropole.
Les rapports ici relè-
vent des actes doubles et com;,lérnentaires : protecteur/protégé,
responsable/irresponsable, dominant/dominé.
3°) Une domination culturelle, la plus insidieuse
peut-être, la plus aliénante sans aucun doute.
Elle est trop
souvent négligée par les économistes. Elle a pris ou prend en-
core des formes diverses
: a) brain-drain, b) propagande politi-
que, c) publicité et détermination des besoins, d) emprise sur
l'élite par le jeu des bourses, e) rôle important dévolu aux
centres culturels (officines à peine déguisées de prosélytisme),
f) politique d'assimilation par la langue, les manuels, les pro-
grammes scolaires.
L'exploitation du monde correspond à sa défor-
mation idéale, à la destruction du peuple, à la dégradation cul-
turelle, à l'assimilation c'est-~-dire à l'.aliénation.
4°) Une domination économique aux multiples visages
a) la stratégie des investissements,
sources de surprofits subs-
tantiels récupérés par la métropole dominante; b) l'action sur
les prix (détermination, fluctuation), d'où la détérioration
des termes de l'échange et l'échange inégal, la participation
aux sociétés mixtes, vente de brevets; d)
l'aide et l'assis-
tance technique: qu'il s'agisse de capitaux, d'hommes (cadres
moyens et SUperlGUrS, administrateurs,
juristes, professeurs,
médecins, ingénieurs) cu de machines".

-
303-
Nous reproduisons ci-après successivement les ta-
bleau.
et schéma de L. V. Thomas qui résument bien les divers
types de domination qu'a connu ou que connait encore l'Afrique
et l'impérialisme.
Types (historiques) de Domination en Afrique.
TABLEAU N° 12
IrrvérialisJIB
(lato sensus)
1
1
1
1
'\\,
\\iI
~
J
\\~
\\ ,}
Néo-
Impéria-
Esclavagisme
Colonialisme
Néo-
Impéria-
;'.
l mperla-
lisme
17'
colonia-
lisme
lisme
(stricto-
lisme
Soviéti-
sen u)
I~
que
f}.
----r
1
\\ .1 al·
C:aplt
lsrre
Socialisme
Not~ns que l'impérialisme peut agir soit directement
(métropole mondiale dominante / métropole nationale dominée),
soit par la médiation de relais qui peuvent être des pays, des

-
304 -
firmes(l} (grands trusts monopolistes: Union mini~re, compagnles
pétrolières •.• ), des organismes internationaux (BIRD, AID, FMI,
CEE,
etc.).
M.
L.-V. Thomas a raison quand i l dit oue si le capi-
talisme est avant tout économique et secondairement politique
ou socio-culturel, c'est l'inverse qui caractérise l'impérialis-
me au sens large.
Le peuple dominé subit simultanément 11impéria-
lisme et le capitalisme et est dépendant sur les trois plans.
Avec l'esclavage apparaît le capitalisme naissent
; avec le co-
lonialisme s'épanouit le capitalisme concurrentiel, avec l'impé-
rialisme (sens étroit) et le néo-colonialisme triomphe le capi-
talisme de monopole tandis que le néo-imérialisme et les formes
récentes du néo-colonialisme co!ncident avec l'av~nement du capi-
talisme international (sociétés multinationales).
(1)
e6. Jean ~eille~, in nLe jeu de~ p~oee~~u~ d'inte~nationali­
~ation ou de mond.iaP.i~a~ion et P.e~ enjeux de ta eoopé~a~ion
inte.itna:t.iona..f.e". Pa~.i~, 1916 r.S.M.F.A., pp. 613 à 618.

-
305 -
Le schéma impérialiste.
Schéma "n"O" 13
Un but •.•••.•.•.•.•. La Maximation du profit
Un moyen ...•...•.•.•.•. L'Exploitation
des hommes
'--~des ressources
directe
~indirecte <relais)
1. .
r
\\1
Une double stratégie
La Domlnatlon + La Déformation
politique
destruction
économique
déviation
culttm:;lle
duali SlTle
militaire
Unedouble conséquence: le sous-développement et l'61iéna-
tian.
Quand la fragilité des équipes dirigeantes de certains
pays africains inquiète aussi leurs partenaires pour la conti-
nuité de la politique étrangère, cela s'entend.
Ainsi donc, l'attitude des puissances étrangères a
justifié les équivoques dans l'action internationale des Etats
africains.
Mais nous croyons que ces mêmes motifs ne la condui-
ront plus dans l'avenir à se laisser guider par l'ernririsme
dans
ses rapports avec l'extérieur. Adoptant une stratégie diploma-

- 306 -
tique unifiée, l'Afrique esquisse d'ores et déjà, une certaine
"pe~~onnalit~", soucieuse de marquer son ori~inalité à c8té des
pays développés, mais aussi à côté des autres ensembles en voie
de développement: elle ne récuse pas les positions de l'Asie
ou de l'Amérique latine, mais elle ne s'aligne pas non plus sys~
tématiquement sur elles. Pour l'heure, cette "pe~.6onYlcâ.Ltê a6~i­
eaine" semble définir ses contours. Elle se forme en s'affir-
mant.
Il n'est qu'à voir l'évolution de l'Afrique depuis la der-
ni~re guerre du moyen-orient jusque nagu~re au probl~me de
l'Angola.
Certes, l'Afrique s'avérera un partenaire mal commode
et mal assuré pour les puissances retardataires et en mal de nos-
talgie de l'Afrique d'hier "bon enfant" ou dite "modérée à l'oc-
cidentale".

- 307 -
T I, TRE PRE M1 ER
LA STRATEGI E DI PLOMATI,G:UE ,AFR ICAI NE
Dl\\NS ,LE MO~mE
SOMMAIRE
Char itrep'remi e r
Conflit des solidarités.
Chapit're 2
La coopération afro-arabe
le rush de
la diplomatie arabe
Cha'pitre3
L'Afrique et le reste du monde.

-
308 -
Les relations de l'Afrique avec le reste du monde ne
sont d~j~ plus ce qu'elles étaient
_lors des ind~pendances et
pendant cette bonne tranche de vie de vingt ans de continent
libre.
c'est vrai. L'Afrique de demain ne se construit pas ~
l'écart du monde.
Celui-ci sera pour une part affecté par le de-
venir de l'Afrique, mais le visage de l'Afrique future dépendra
plus encore de son évolution et de l'évolution du monde.
La
~oop'~ation l'emportera sur la tentation d'isolement. Et du coup
des questions surgissent.
L'Afrique va-t-elle vers une plus gran-
de indépendance ou vers une plus grande dépendancE vis-à-vis de
l'ext6rieur ? Donnera-t-elle la préférence aux solidarités avec
le Tiers--monde ou aux solidarités avec les pays développés ?
f"ra-t-elle un poids accru et un rGle mieux défini dans le monde
de demain? C'est à ces questions que nous essayons, ci-après
d'apporter des réponses.
Il est vain de s'interroger sur le point de savoir si
un pays est ou n'est pas réellement indépendant. Mais i l n'est
pas inutile de chercher si l'Afrique s'achemine vers une situa-
tion de plus grande indépendance ou de plus frande dépendance.
Nous tenant à un inventaire des quinze ou vingt ans
d'indépendance, l'Afrique ne paraît pas, à divers degrés, maî-
tresse de son destin.
Le Zaire (ex-Congo-Léopoldville), le Gabon,
ta Rhod~~ie IZimbabw~) et l'A6~iqu~ du Sud, le Biafra et l'Afri-
que Orientale anglophone ont affronté i l y a quelques années
des situations qui ont montré que le destin de l'Afrique n'était
pas uniquement entre ses mains.
Les granàes puissances, directe--
ment ou indirectement sous le couvert d'organisations interna-
tionales ont manifesté l'intérêt qu'elles portent à l'évolution
africaine et ont prouvé qu'elles n'étaient pas disposées à accep~
ter sans réaction tout ce qui peut survenir sur ce continent.

-
309 -
Lors d'évènements plus récents de l'Angola, et du Zaire, elles
ont marqué plus de réserves, mais c'est sans doute que leurs
-
,
interventions ont été plus discrètes.
Bien que la plupart d'entre eux aient acquis l'indé-
pendance politique, les pays africains sont un enjeu dans plu-
sieurs conflits ouverts ou latents : la coexistence pacifique
entre les Etats-Unis et l'U.R.S.S. n'a pas mis fin à la politi-
que de bascule des pays tiers et aux affrontements des deux
super-grands.
La rivalité entre la Chine et l'U.R.S.S. a eu des
prolongements en Afrique.
Il n'est pas jusqu'aux querelles et
ambitions occidentales qui n'y ont trouvé un champ de manoeuvre.
On ne pouvait donc exclure la possibilité d'interventions étran-
g~res, m@me militaires, en Afrique. Aussi, la diplomatie de pen-
dule était-elle de mise.
Cette situation, i l faut le dire, ne persiste(ra) plus.
L'Afrique est à la fois un continent et un Etat-uni d t~aue~~
l'Organisation de l'Unité Africaine qui e~t une o~gani~a~ion in-
te~~tatique continentafe. En sa qualité d'Etat, elle est con-
trainte de défendre sa souveraineté, et, par voie de réciprocité,
d'admettre celle des autres Etats. Cette souveraineté a des ca-
ractères propres à toutes les autres:
l'autorité suprême de
l'Etat sur son territoire et son indépendance dans lus relations
internationales.
Et puis faut-il souligner que l'O.U.A. a l'idéologie
qui a entre autres pour fondement en relations inter-nationales
le principe de la coexistence pacifique.
Il s'exprime dans une
série de principes dont les uns tendent à la prévention des cri-
ses, les autres à leur solution.
La p~éuention de~ c~i~e~ est assurée par la reconnais-
sance de l'Africain et de sa dignité dans sa triple dimension:
politique, économique et culturelle. Cette reconnaissance cons-
titue le préalable à la sauvegarde d'une paix durable et de la
sécurité internationale.

-
310 -
Quant ~ la aolutioft de6
C~i~2~,
elle repose sur le
principe du règlement pacifique des différends.
L'O.U.A. s'y est
ralliée ~ travers l'article 3 alin~a 4 de la Charte d'Addis-
Abéba et à travers les articles 23 et 33 de la Charte de l'ONU.
C'est la consécration solennelle, en matière de litiges territo-
riaux, d'une chasse gardée de la diplomatie africaine.
Ces con-
ceptions de l'unité affectent les relations entre l'Afrique et
le reste du monde:
d'une part une sorte de doctrine collective
de Monroe appliquée à l'Afrique est élaborée de manière pragma-
tique et avec formulation explicite au sommet de Rabat en 1972,
pour exclure du continent toute intervention étrangère et notam-
ment pour restreindre les comp~tences de liOrganisation des
Nations Unies au profit de l'Organisation de l'Unité Africaine
dans toutes les matières africaines; d'autre part, une position
et une responsabilité propres de l'Afrique dans la politique
mondiale ont été affirmées à Rabat, en particulier vis-à-vis des
pays développés du second monde en général.
En effet, il n'a pas fallu attendre longtemps pour
connaître les réactions de l'Afrique au récent ajustement des
rapports entre Moscou, Pékin et Washington après l'admission de
la Chine à l'O.N.U.
Dans leurs analyses,
les experts en relations interna-
tionales, n'ont pas manqué de mesurer avec précision la présence
croissante de l'influencE' soviétique, chinoise, améric.:line ou
occidentale dans les différents pays africains. On a donc divisé
l'Afrique en progressistes dits
"communistes" et modérés dits
"libéraux".
Division arbitraire extra-africaine!
L'Afrique dé-
daigne toutes les idéologies et de" tous les bords. Elle opte et
doit opter pour l'idéologie propre et originale, idéologie qui
est, reflet, référence et idéal de sa société et qui doit être
recherche des lois d'évolution et de développement de l'Afrique
plutôt que idéologie d'importation.

- 311 -
F HAPI T PEI
. CONFLIT DES SOLIDARITES

-
312 -
Les pays en voie de développement connaissent deux
courants divergents de solidarité : une solidarité avec les au-
tres "pauvres" qui revendiqut~nt le développement comme un d~-)it,
une solidarité avec les "riches" qui ont les moyens de ce déve-
loppement. L'Afrique n'échappe pas à ces deux appels, auxquels
elle cherche à répondre simultanément.
SECTION l
La solidarité de l'Afrique avec le tiers monde
Elle s'affirme.
La plupart des pays africains ont été
longtemps absents des conférences qui réunissaient les Etats
non-alignés (neutralistes). Ils ont souvent cherché ~ se distin-
guer de leurs partenaires au sein du groupe afro-asiatique.
Enfin, les évènements d'Amérique Latine ou d'Asie n'avaient
qu'une résonance faible en AÎrique~ même au niveau des gouverne-
ments.
Aujourd'hui, les masses africaines deviennent sensi-
bles aux évènements de Chili, du Viêt-Nam, du Carnbodge~ du
Laos ou du Liban et ces problèmes sont entrés dans les préoccu-
pations quotidiennes des dirigeants africains et ils en tirent
des enseignements. La conscience d'appartenir au Tiers monde
s'est formée en Afrique par le biais de la politique; elle se
développe et se développera du fait des situations économiques.
Il n'est pas inutile de rappeler que, pendant long-
temps, l'Afrique a cru qu'elle était privilégiée par rapport au
reste du Tiers Monde: elle était à l'abri des grandes famines
et ignorait les pressions démographiques. La situation coloniale
lui avait masqué ses vrais problèmes. Aujourd'hui que les zones
monétaires se démantèlent et que les privilèges disparaissent
(marchés protégés, préférence douanière, "surprix"), l'Afrique
se rende compte que son problème économique capital, comme celui
du reste du Tiers Monde, est le prix des matières premières.

-
313 -
La conférence de Genève sur le commerce et le dévelop-
pement a révélé cette analogie et elle a suscité une solidarité
tr~s large de l'Afrique avec 11Amérique Latine et l'Asie pour
obtenir des pays développés des avantages nouveaux en fait de
débouchés et de prix pour leurs mati~res premières. Elle a fait
apparaître, pour la prmi~re fois dans une organisation interna-
tionale, que la division du monde en deux camps (Ouest et Est)
était moins marquée que sa division en deux groupes (développés
et sous-développés). L'Afrique a pris conscience de sa place
dans le dernier de ces groupes.
l - 1974; L'AN 1 DE LA JUSTICE POUR LE TIERS 'MONDE
Le probl~me des matières premleres n'est pas un phéno-
mène nouveau.
Il n'a jamais cessé de mobiliser l'attention aussi
bien des nations du Tiers-Monde que des pays développés. L'ave-
nir des premières, est étroitement lié à l'exploitation, à l'u-
tilisation et à la v~lorisation de leurs richesses naturelles.
Et la prospérité économique des secondes implique l'acquisition
de ces richesses, qui ont déj à':.. ~6 3 12. scurce ôc leur dévelop-
pement.
La volonté de s'approprier les matières premières
dont ils sent totalement ou partiellement dépourvus, inspire
depuis toujours maintes décisions sinon l'essentiel de la poli-
tique des pays riches vis-a-vis du Tiers-Monde. Jamais, cepen-
dant, ce problème des matières premières n'était apparu avec
une telle fréquence et une telle acuité au centre des rr-6occu-
pations des dirigeants du monde entier.
De surcroît, il se pose depuis peu en des termes nou-
veaux. Les relations établies entre les pays riches et les pays
pauvres lors de la période coloniale font désormais partie d'un
temps révolu. Ce tournant paraît évident à la lumière des arti-
cles de presse, des études des économistes ou des déclarations
des hommes politiques.

-
314 -
Hier, on ne parlait enCGre que de pléthore ~ propos
des matières premières. Aujourd'hui, le terme de pénurie revient
sans cesse sous la plume ou dans la boucle des commentateurs. A
croire les opinions qui s'expriment dans le monde développé, les
pays riches envisageraient même l'avenir avec une grande inquié-
tude.
Ils craignent que la croissance de leur économie ne soit
compromise par un manque de matières premières.
Ils s'inquiètent d'une atteinte au système d'exploita-
tion Qu'ils avaient mis en place.
Ils s'étonnent de constater
une montée du prix des matières fournies par les pays pauvres.
Ils feignent d'oublier gue ces prix ont oscillé entre la stag-
nation et la dégradation pendant des décennies.
Pendant ce
temps,
les prix des produits fournis aux pays du Tiers-Monde
n'ont cessé d'augmenter chaque année -
ce qu'on a appelé la dé-
térioration des termes de l'échange.
Ils accusent ainsi les
pays producteurs de matières premières d'être responsables de
l'inflation qui se d§veloppe dans les pays riches, en particu-
lier à cause de la rapide augmentation des prix du pétrole.
Hier, pour le pétrole,
les puissances exploitaient
les misérables et croyaient que cela durerait toujours. Aujour-
d'hui, grâce au pétrole, les misérables sont devenus puissants
et n'en reviennent pas encore.
C'est un choc et c'est une révo-
lution.
c'est que le pétrole "orphelin" a trouvé un père. Et
la justice est faite.
Car, c'est dans les milieux pétroliers que
sont nées les expressions de "pétrole orphelin" ou de "gaz cap-
tif" à propos des hydrocarbures algériens.
Ces expressions ont été consacrées par la presse et
même par les milieux politiques et diplomatiques dès l'indépen-
dance de l'Algérie.
On .affirmait alors que les seuls clients
possibles pour ces produits étaient des pays disposés à payer
un "prix politique".

-
315 -
Aujourd'hui et demain, la quasi totalité des pays ri~
ches va devenir de plus en plus tributaire des livraisons des
pays pauvres. Ces nouvelles données du problème énergétique,
sont également applicables avec quelques variantes au problème
général des matières premières à caractère vital ou stratégique.
Cette situation nouvelle ne peut qu'accroître la PU1S-
sance de négociation des pays pauvres et provoquer à court terme
des bouleversements décisifs dans les rapports de force qui ont
jusqu'à présent régi les relations entre monde développé et pays
en voie de développement.
"Si tu es pauvre, ta parole est toujours pauvre, même
si tu dis des choses vraies". Cette remarque d'un jeune paysan
africain à propos de la vie au village est vraie aussi à propos
des relations internationales entre nations riches et pauvres.
Pour se faire entendre, i l faut disposer d'une cer-
taine puissance.
Cette puissance, c'est le pétrole. Ce sont les
matières premi~res ~ caractère vital ou stratégique. A cette
condition seulement,
les Africains en particulier et les Tiers-
Hondistes en général, auront la possibilité d'être eux-mômes,
libres et maîtres de leur avenir.
II -COOPERATION -REVISION' - L'HEURE DU NATIONALISME
ECONQt-HQUE
Le Tiers-~'ronde est entré vraiment en scène. Le "non-
alignement" tendc\\Ï t
à devenir ces dernières années un état
d'~me collectif plutôt qu'un mouvement. Il a trouvé un second
souffle.
La conférence des "Non-Alignés" en septembre 1973 à
Alger, n'a pas été une tribune où 11 0n se contente de proclamer
ses droits. Elle a été une sorte de veillée d'armes.
Nombre des
interventions de ses participants~ qui n'avaient pas reçu~ à

.- 316 -
llépoque, un écho à leur mesure, prennent une dimension nouvelle
à la lumière des évènements actuels.
A ce titre, la conférence d'Alger marquera une date
dans l'histoire des peuples du Tiers-Monde et du monde tout
court.
Les ~Non-al-i.gn~.6", malgré la diversité de leurs concep-
tions, ont proclamé leur volonté de se retrouver autour de déno-
minateurs communs
: la sauvegarde de leur indépendance et de
leur personnalité, la récupération de leurs ressources nationa-
les. Faire en sorte que le négoce des matières premières bénéfi-
cie d'abord à leurs producteurs et partant, à leur développement
c'est là une donnée nouvelle qui a pris corps à Alger.
Elle pesera dans l'évolution du monde. Nous en prenons conscien-
ce chaque jour davantage.
Ce grand sujet, par exemple, qu'est le pétrole, nous
apparaît comme le problème de tous, de tous les continents, de
toutes les idéologies, de l'Ouest et de l'Est. En un mot, de
l'humanité entière.
Pour le résoudre, et i l en va de même de toutes les
matières premières, i l faut l'aborder non en termes de confron-
tation ou de défi, mais en termes de "co-op~Jtat-i.on-compfç-menta­
~lt~" entre tous les peuples de la terre.
Ce que révèle la crise actuelle dépasse de très loin
la seule affaire du pétrole. Ce qui est en cause semble impl
la "néce..6.6a-i.Jte. Jté.v-i..6-i.on" d'un certain nombre de rapports à l'in-
térieur des sociétés humaines et entre elles.
L'idée qui se dé-
gage de tout cela est que les ressources naturelles doivent
désormais servir au développement du producteur et non plus seu-
lement contribuer à l'expansion des pays déjà industrialisés.
Cette donnée nouvelle surgie avec vigueur à Alger
n'est pas - certains l'ont souligné - une forme d'hostilité

- 317 -
envers les pays nantis auxquels i l est d'ailleurs fait appel.
La charte de coopération économique élaborée à Alger
spécifie que les non-alignés entendent compter d'abord sur eux-
mêmes.
Du nationalisme politique, on a glissé au nationalisme
économique. Car, le style de vie de la coopération aujourd'hui,
le type de civilisation, cette civilisation du profit, du rende-
ment et du gaspillage qui prévaut sur une large partie du globe
nous amène finalement à poser cette question: "C)u-i. a-<"de. qu-i. ?".
La réponse nous viendra peut-être des négociations de Versailles
entre Nord-Sud.
SECTION I I
Changement de perspective et confrontation
Nord-Sud
L'histoire connaît une accélération certaine. Et i l
est bien vrai que notre vision des phénomènes internationaux
s'est profondément transform€e
depuis un quart de siècle.
Dans les années cinQuante, la scène internationale était domi-
née par le conflit Est-Ouest. Deux antagonistes
: les Etats-
Unis et l'U.R.S.S.
se constituaient des alliances et clientèles.
Les tensions les plus fortes et les plus dangereuses pour la
paix du monde se développaient entre ces deux pôles qui repré-
sentaient les intérêts et les visées des superpuissances, deux
systèmes politico-économiques et deux conceptions diamétralement
opDosées de l'homme et de la société.
On le sait. Cette structure bipolaire des rapports
internationaux n'était pas parfaite. Des forces centrifuges
commençaient à se manifester en plein coeur de la guerre froide:
des clients devenaient infidèles, certains pays refusaient de se
laisser intégrer aux alliances militaires et un front des pays
neutralistes ou non-alignés commençait à s'esquisser. D'autres
regroupements, comme celui dont la conférence de Bandoeng
(1955) a marqué la première étape, s'efforçaient d'unifier les

-
318 -
revendica.tions des pays récemment émancipés de la tutelle colo-
niale.
L'image d'un "Tiers-Monde" distinct des deux autres et en
quête de sa propre identité s'impose au fur et à mesure que pro-
gresse la décolonisation et gue le nombre des nouveaux Etats
augmente.
c'est ainsi qu'aujourd'hui, tout change. Au lieu de
l'affrontement Est-Ouest, c'est la confrontation Nord-Sud qui
retient plus particulièrement l'attention.
Mais quelles sont les raisons qui ont pu faire bascu-
ler la situation qui conduisent à faire prévaloir aujourd'hui la
confrontation Nord-Sud sur les tensions Est-Ouest ?
La première de ces raisons se situe sans doute dans
l'évolution des rapports entre l'Est et l'Ouest. Dès l'instant
où l'équilibre nucléaire a été réalisé et, surtout, où la stra-
tégie de la dissuasion a été testée et vérifiée (lors de la crl-
se de Cuba en 1962), la tension américano-soviêtique baisse pour
faire place à la détente et à une sorte de coopération entre les
alliés-rivaux.
Le changement s'est traduit par la signature
d'une série d'accords militaires (limitation des essais nucléai-
res, puis des armements stratégiques), politiQues (accords
Brejnev-Nixon) et économiques
(notamment sur les livraisons de
blé à l'U.R.S.S.), mais surtout par une entente qui a permis aux
deux pays d'éviter les affrontements directs, malgré les crises
dans lesquelles ils se trouvaient impliqués (Vietnan), sinon de
contrôler à distance le déroulement des crises ouvertes par les
initiatives de leurs alliés (Moyen-Orient). Ces nouveaux rap-
ports caractérisés par ce que Raymond Aron appelle la "conniven-
ce", font que l'opinion n'a pas tardé à prévaloir, chez les al-
liés d'abord et chez les neutres ensuite, que les risques d'un
affrontement majeur étaient désormais exclus
~ d'où la prolifé-
ration des tendances centrifuges dans les deux camps (scission
sinosoviétique, réticences de la Roumanie au sein du Pacte de
Varsovie, retrait de la France de l'O.T.A.N.), ouverture du jeu

-
319 -
des relations internationales aux acteurs secondaires et leur
entrée dans l'arène.
Parmi ces derniers, les pays du Tiers Monde. Ils se
trouvent d'autant plus justifiés à jouer un rôle que la détente
a paradoxalement mis à nu les comportements et les motivations
des deux Grands:
leur image de marque s'est rapidement détério-
rée quand i l est devenu évident que chacun d'eux poursuivait la
défense de ses propres intérêts plutôt que le triomphe de la
liberté (les Etats-Unis au Vietnam) ou celui de l'émancipation
des peuples
(l'U.R.S.S. en Tchécoslovaquie et Pologne).
Il faut noter que ni le recul du danger militaire, nl
la perte de crédibilité des grandes puissances n'auraient suffi
à ériger le "Sud" en interlocuteur valable.
Il a fallu pour cela
que les pays du tiers monde prennent conscience de leur solidari-
té et de leur force, tout en changeant de tactique.
C'est leur
participation massive aux organisations internationales qui leur
en a fourni, dans une première étape, l'occasion et les moyens.
En effet, l'O.N.U. offrait à ces pays une tribune de
premier choix pour faire valoir leurs revendications économiques
et obtenir l'adoption de nouveaux principes qui leur soient plus
favorables que les anciens (le droit à l'exploitation des res-
sources naturelles par exemple).
L'offensive a pris corps au
seln de l'Assemblée générale (A.G.) et s'est renforcée ~ l'occa-
sion des grandes conférences organlsees par les Nations Unies
sur des problèmes aussi importants que ceux de l'environnement,
de la population, de l'alimentation, des ressources maritimes.
Des organismes comme la C.N.U.C.E.D.
(Conférence des Nations
Unies pour le Commerce et le Développement) avaient déjà authen-
tifié jusque dans leur structure et dans leur fonctionnement
l'existence d'un front uni des pays sous-développés (le groupe
dit des 77, dont le nombre augmente chaque année de plusieurs
unités).
Les mêmes clivages -
faut-il soulifner -
se sont re-
trouvés au sein des organismes économiques, comme le G.A.T.T.

-
320 -
(General Agreement on Tariff and Tracte), où les pays du tiers
monde avaient déjà obtenu un renversement en leur faveur du
système des préférences commerciales.
On pourrait encore faire
état, à titre d'exemple, des négociations permanentes sur le
cours des produits de base, dans le cadre des différents Accords
conclus entre pays producteurs et pays consommateurs.
Comme on le voit,
la confrontation entre pays sous-
développés et pays industrialisés était donc engagée depuis des
années.
Il reste cependant à se demander pourquoi et comment
elle a pris depuis quelques mois, un tour nouveau. Deux explica-
tions complémentaires peuvent être avancées ici.
La première est
que la négociation se trouvait pratiquement dans une impasse.
Après avoir répudié le principe de l'aide extérieure, considérée
comme insuffisante et trop intéressée, les pays sous-développés
avaient misé, depuis 1960, sur l'arme commerciale (selon le
slogan T~ad~ ~ot aid). Or, l'expérience a prouvé que le dévelop-
pement des échanges entre pays riches et pays pauvres bénéfi-
ciait aux premiers sans profiter aux seconds.
C'est ce que l'on
a appelé sous la fameuse et célèbre expression : "détérioration
des termes d'échanges". En effet, les statistiques établies par
le G.A.T.T. sont,
à cet égard, d'une parfaite clartÉ. La part
des exportations des régions en voie de développement dans le
commerce mondial était tombée de 21,3% en 1960 à 17,7% en 1970,
tandis que le pourcentage des biens importés par ces mêmes pays
passait de 22,7% en 1960 à 18,4% en 1970. Certes, ces chiffres
globaux masquent des situations particulières très différentes
les unes des autres, car, la valeur absolue des échanges est en
légère progression. Mais il n'en reste pas moins que le contras-
te entre le déclin de l'expansion commerciale qui affecte ces
régions et la prospérité qui caractérise les régions industria-
lisées montre que les Écarts se creusent au lieu de se combler.
Un changement radical de stratégie était donc indispensable.
La seconde explication tient précisément à la décou-
verte d'une arme qui va peser plus lourd dans le débat que tous

-
321 -
les discours et les programmes:
il s'agit de l'arme du pétrole.
Déjà beaucoup de pays producteurs avaient relevé leurs tarifs
ou pris le contrôle des exploitations.
La création de l'O.P.E.P.
a permis, en dehors de toute organisation internationale, la
réalisation d'un front des producteurs contre les pays consomma-
teurs et le6 grandes compagnies privées ou multinationales.
Il
suffisait alors de pousser jusqu'au bout la coalition et de dé-
cider un relèvement brutal des tarifs
(ce qui fut fait en 1973,
à la faveur de la guerre du Kippour), pour exercer, grâce ~ la
situation de quasi-monopole, un redoutable chantage sur les éco-
nomies des pays industrialisés. En une seule année, de 1973 à
1974, le pourcentage des exportations des pays en voie de déve-
loppement est passé de 19 à 27,4% du commerce mondial, tandis
que le volume des exportations des régions industrielles tombait
de 68,2 ~ 62%(1).
La crise des économies occidentales a certes, des cau-
ses plus nombreuses et plus complexes que le relèvement du prix
du pétrole. Mais comme le dit M. Merle, cet incident de parcours
semblait vérifier les sombres prédictions du Club de Rome sur
les dangers d'une croissance incontrôlée et préluder ~ une offen-
sive généralisée des détenteurs de matières premières contre les
pays industrialisés. A cet égard, la crise du pétrole a joué le
rôle d'un révélateur et d'un catalyseur. Une sorte de vent de
panique a donc secoué le monde occidental au début de l'année
1974.
Il a donc fallu une rupture dans l'équilibre du sys-
tème antérieur et une menace de blocage portant sur l'ensemble
des échenges internationaux pour inciter les partenaires à sor-
t i r enfin de leurs rôles habituels et à rechercher en commun
(1) T-Uté de.. MaJlc.e!.. MeMe., ,[n. "FoltC.M e..t e.n.je.ux da.1'L6 -tM RetLtt.-ioYl..6 ,[n.te..ttrta-
:ti..ona.R.M", econ.om,[c.a., Pa!U6, 1981, p. 319.

-
322 -
une solution ~ leurs probl~mes. D'o0 l'ouverture ~ P~r'is, en
décembre 1975, de la "ConfÉrence sur la coopération internatio-
nale", plus connue sous la dÉnomination de "Conférence Nord-
Sud". La Conférence Nord-Sud est un long processus dont l'on
attend et continue ~ attendre le résultat sur l'instauration
d'un nouvel ordre économique international (N.O.E.I.).

-
323 -
CHA PI T ·R E .11
tA COOPERATI·ON AFR{)-ARABE :. LE RUSH
('
-Ira
1
DE- LA DI·PLOMAT·IE· ARABE

-
324 -
La coopération entre pays en voie de développement se
présente ainsi comme une nécessité, non seulement pour organiser
la revendication mais aussi et surtout pour instaurer une péda-
gogie de développement fondée sur l'autodépendance collective,
afin que change la vie de millions d'hommes et de femmes que la
misère marginalise de plus en plus.
La coopération afro-arabe dans bien des domaines,
constitue ici le meilleur exemple. Cet exemple peut rendre plus
dynamique et plus efficiente la politique de coopération hori-
zontale.
Mais voyons comment se présente cette coopération
afro-arabe.
De tous les temps et peu avant la guerre des six jours,
les Africains noirs estimaient que le conflit du Moyen-Orient ne
concernait directement que le monde arabe. Aussî, la position
africaine face au conflit était-elle caractérisée par l'indiffé-
rence. L'Etat juif continuait à entretenir de bonnes relations
avec les Etats africains. Sa c8te diplomatique, non entamée par
la guerre des six jours, était donc au beau fixe., Les Africains
au Sud du Sahara ne sont ni anti-arabes, ni anti-sémites car,
selon Senghor, "les juifs ont été persécutés pendant 2000 ans,
les arabes pendant trois siècles, les noirs ont été opprimés de-
puis la Renaissance ce qui revient à dire, que tous les opprimés
devraient s'entendre" ....
Mais la tension au Moyen-Orient persiste. La quatriè-
me guerre qui éclate provoque une prise de conscience chez les
Africains, celle de la solidarité avec le pays frère, l'Egypte
qui y est engagée. Cette solidarité est conforme au point C de
l'arti~le 2 de la Charte de l'O.U.A. L'avenir du Continent, dit
le président Boumedienne d'Algérie, son évolution, son progrès
et son unité, dépendant du succès .des mouvements de libération

-
325 -
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l'Afrique du Sud et Israël ne sont que des têtes de pont du co-
lonialisme, et leur tâche principale consiste à encercler notre
continent au Nord et au Sud, à bloquer le mouvement de nos peu-
ples vers la libération, à les maintenir dans le cercle des
stratégies impérialistes, à disposer de leurs potentialités et
de leurs destinées.·( ••• ).
Du coup, on trouve la similitude entre le sionisme et
l'apartheid. Et dans le même ordre d'idées,
l'O.U.A. reconnaît
la Palestine comme une nation. On assiste à une révision doulou-
reuse mais consciente : la rupture en cascade des relations di~ .
plomatiques des Etats africains avec Israël. Une ère de coopéra-
tion politique, économique et militaire voit le jour entre le
monde arabe et l'Afrique au Sud du Sahara. De la solidarité de
conjoncture on aboutit à l'unité d'action. Ainsi se dessine ou
plutet se profile à l'horizon une association afro-arabe.
SECTION l
La position des pays africains face au conflit de
1973 : Le grand reflux.
Après la dernière guerre du Moyen-Orient - ou plutet
la quatrième manche d'un conflit à répétition -
tout le monde
s'accorde à dire que, les Arabes auront remporté une victoire
psychologique sur l'opinion internationale et sur eux-mêmes.
Leurs soldats ont montré qu'ils pouvaient se battre et mourir
avec courage, leurs chefs militaires qu'ils savaient organiser
des guerres modernes.
Sur le plan diplomatique, les Arabes ont
gagné. Après un rush diplomatique tous azimuts dans les pays
africains mené par les présidents Boumedienne, Kaddafi et Sadate,
le monde a assisté à une cascade de ruptures des relations diplo-
matiques avec Israëlw
(1)
La RhodéJ.:,..[~ .6'appe..Ue. aujoU!td'hul UlTIbabwé apltè6 ~on acce..6.6..[on a R'..[n-
dépe.ndanc e..

-
326 -
c'est le grand reflux. Pour Israël, cette quatrième
guerre du Moyen-Orient est aussi celle d'une p~nible r~v~lation:
son reflux en Afrique. R~v~lation, mais non surprise. Depuis
deux ans d~jà, dans les grandes instances internationales :
O.N.U., O.U.A., non-align~s, les pays africains manifestaient
une solidarit~ croissante à l'~gard de l'Egypte, "pays frère
occup~" par Israël. Pourtant, les responsables isra~liens fei-
gnaient de ne pas accorder trop d'importance à ces prises de po-
sitions publiques. "Nous vous comprenons", disaient les diploma-
tes de Tel-Aviv à leurs collègues africains, et ils ajoutaient
"il est normal que vous manifestiez votre solidarit~ à un pays
africain" .-
Les premières ruptures de relations diplomatiques -
Ouganda et Tchad - n'ont guère troublé les sp~cialistes de la
politique africaine d'Israël. Pour eux, l'Ouganda d'Idi Amin
~tait un cas à part. La personnalit~ du mar~chal qui, après avoir
b~n~ficié
du soutien d'Israël pour ~liminer Milton Obot~, était
subitement devenu anti-isra~lien, avec l'aide du Colonel Kaddafi,
n'~tait effectivement pas symbolique d'une ~volution des rela-
tions jusque là cordiales entre Israël et l'Afrique Sud-
~aharienne. Quand, quelques mois plus tard, intervint la rupture
du Tchad, Tel-Aviv se contenta de ranger cette d~cision au comp-
te des profits et pertes. Là encore, l'argent de Kaddafi et les
difficult~s internes du r~gime tchadien en butte à une r~bellion
soutenue par Tripoli, faisait du Tchad un cas à part.
Les choses commencèrent à se gâter lorsque le Niger de
Diori Hamani dit mod~r~, prit une d~cision analogue. Les ambassa-
deurs israéliens en Afrique furent alors invit~s à contrecarrer
plus efficacement la propagande arabe. En vain. Le reflux ~tait
entam~.
Au 15 Octobre 1973, quatorze Etats d'Afrique Noire
avaient rompu toutes relations diplomatiques avec Israël, dont
quatre - Cameroun, Rwanda, Dahomey, Haute-Volta - depuis le

-
327 -
début de la guerre, faut-il rappeler que la guerre de Juin 1967,
dont la majorité des Etats africains condamnent aujourd'hui les
conséquences, n'avait provoqué qu'une rupture, celle de la
Guinée ?
Que s'est-il donc passé depuis? Contrairement à l'ex-
plication avancée en Occident -
"lta~gent a~abe" - c'est la si-
tuation créée par l'expansionnisme israélien en juin 1967 qui a
servi de révélateur.
L'O.U.A.
existe depuis 1963. Et, depuis 1963, la diplo-
matie arabe tente d'entraîner l'Afrique sud saharienne vers une
attitude plus radicale vis-à-vis d'Israël. Jusqu'en 1972
ses
9
efforts ont été vains.
L'expérience israéliennes fascinait l'A-
frique.
Les amitiés nouées pendant la période coloniale avec les
milieux juifs libéraux d'Europe avaient laissé des traces pro-
fondes chez les leaders africains.
A l'heure des indépendances, nombre de chefs d'Etats
s'empressèrent de nouer des relations diplomatiques avec l'Etat
juif. Celui-ci, de son côté, par une habile exploitation de l'an-
tagonisme historique, savamment entretenu par les puissances co-
loniales, entre Arabes et Noirs,
se gagnait de nombreuses sym-
pathies sur le continent. Pendant des années, la théorie sionis-
te mise en exergue par Théodor Herzl -
"il n'y a que deux
catégories de réprouvés,
les Juifs et les Noirs"
-
eut de nom-
breux adeptes en Afrique sud-saharienne.
c'est dans ce contexte qu'intervint la guerre de SlX
jours en Juin 1967. On comprend mieux dès lors poursuoi, malgré
la grande popularité de Nasser en Afrique Noire, les réactions
africaines furent pratiquement inexistantes.
Israël triomphant,
croyait avoir atteint le zénith de ses relations avec l'Afrique~
Ce devait en être le crépuscule.

-
328 -
Progressivement, l'Afrique au sud du Sahara prit cons-
Clence de la rfalité de l'occupation du fait colonial israflien.
La nature expansionniste du rfgime de Tel-Aviv n'était plus à
démontrer. Et du coup, les Africains et Arabes, établissent
deux équations
:
Israël
Afrique du Sud
Sionisme : apartheid.
c'est alors que la diplomatie des pays africains ara-
bes sut trouver enfin un terrain propice pour convaincre les
pays voisins du Sud Sahara.
Les présidents Sadate et Boumedienne
exploitent la perte de prestige d'Israël pour rallier, au nom
de la solidarité africaine, l'ensemble de leurs voisins Sud-
Sahariens à la cause arabe. Ils sont l'un et l'autre intervenus
par le canal de l'Organisation de l'Unité Africaine, laquelle a
joué, au cours de ces dernières années, un rôle déterminant dans
le renforcement de la solidarité afro-arabe. Quant à Kaddafi, i l
menait une diplomatie tous azimuts en Afrique Noire, en envoyant
des fmissaires prendre le pouls des capitales africaines.
Il ne
s'agissait, certes, que des instantanés, le climat ayant ~u évo-
luer depuis.
Cette étape correspondait à une prise de conscience de
l'Afrique noire quant à la réalité colonialiste qui subsiste en
Afrique australe. En 1969, les pays africains arabes furent par-
mi les plus actifs dans l'élaboration du manifeste de Lusaka.
Première analyse Cohérente faite par les Etats africains sur la
persistance du Colonialisme en Afrique.
Plus qu'une véritable
stratégie, c'était - nous l'avons déjà vu - un constat qui, pro-
gressivement, entrain a une radicalisation de l'Afrique sur les
problèmes de libération. C'est alors que les Africains arabes
lièrent les problèmes de l'Afrique australe à ceux du Moyen-
Orient.
Le 10e sommet de l'O.U.A., à Addis-Abéba, en mai 1973,
accentua cette évolution.
La Conférence des non-alignés à Alger,

-
329 -
début septembre la confirma.
Le 21 septembre, le Togo rompait
ses relations diplomatiques avec Israël
; le 4 Octobre, deux
jours avant le déclenchement de la quatrième guerre, c'était au
tour du Zaire, "meilleur ami" d'Israël en Afrique d'annoncer à
la face du monde, la rupture des relations diplomatiques dans
le palais de verre de Manhattan.
La guerre n'a fait qu'accélérer
le processus. Le 12 Octobre, vingt-quatre ambassadeurs africains
aux Etats-Unis se réunissaient à Washington pour adopter à l'una-
nimité une résolution examinant "la solidarité de leurs pays en-
vers l'Egypte et les autres pays arabes du Proche-Orient dans
leur lutte héroique pour récupérer les territoires occup€s.
A la
fin du conflit, c'est tous les Etats africains qui ont rompu les
relations avec Israël à l'exception des pays enclavés dans l'A-
frique du Sud et le Kenya dont l'ambiguité, pour ne pas dire
plus, est une des caractéristiques essentielles de sa diplomatie,
et i l en va de même vis-à-vis de la Rhodésie et de l'Afrique du
Sud.
SECTION II
Diplomatie du dollar -
"ou" - révision douloureu-
se mais consciente ?
Depuis le dernier conflit du Moyen-Orient, les pays
non-alignés jouent un rôle de premier plan. Grâce à leur cohé-
sion, ils pèsent d'un grand poids dans la politique internatio-
nale.
Les commentateurs qui sont intéressés particulièrement
à l'attitude des pays d'Afrique Noire face au conflit dépassaient
rarement le laconisme des dépêches d'agences lorsqu'ils annon-
çaient qu'un nouvel Etat africain venait de rompre ses relations
diplomatiques avec Israël.
Rares sont aujourd'hui encore les observateurs qui
perçaient, derrière la fermeté de certains communiquées offi-
ciels d'hier,
le déchirement des consciences et la déception de
ceux qui, naguère, pensaient éviter les solutions extrêmes en

-
330 -
offrant leur médiation.
On se rappellera ici, la commission de
médiation à l'initiative du président Senghor approuvée par le
ge sommet de l'O.U.A.
de Juin 1971 à Addis-Abéba. Elle avait
pour but de "relancer" "la M-<".6.6-<"orr. Jalt-<"ng" et de sortir le con-
flit de l'impasse.
On avait désigné une sous-commission de clnq
membres présidée par le feu Empereur Hailé Sélassié d'Ethiopie
et on avait choisi ensuite comme Président, le Chef d'Etat Séné-
galais Léopold Senghor, les trois autres étant le Général Gowon
(Nigéria), le Général Mobutu (Zaire) et le Président Ahidjo
(Caméroun). Résultat? Cette mission de bons offices avait échoué.
D'autres observateurs, plus nombreux, se font l'écho
de l'opinion israélienne et mettent l'accent sur les subsides
accordés par le Colonel Kaddafi à certains Chefs d'Etat dont le
comportement apparaît plus "réaliste".
Monsieur tout le monde qui cherche à voir plus clair
se pose des questions pour le moins désagréables. Avea lui, nous
nous interrogeons ici; mais sur les éléments qui entrent dans
le cadre des relations d'Israël avec l'Afrique noire et avec le
Tiers-monde.
Le Tiers-Monde ne souhaite pas la disparition d'Israël
mais i l se demande si l'Etat juif ne fausse pas la règle du Jeu
en suscitant d'intolérables ambiguités dans un contexte des plus
névralgiques.
D'abord sensibles à la ténacité d'un peuple qui a cher-
ché, pendant des siècles, un refuge contre l'adversité; beaucoup
d'Africains s'étonnent aujourd'hui du caractère théocratique et
racial de l'Etat juif dont le particularisme archaique s'apparen-
te étrangement au tribalisme, ce piège que tant de peuples éprou-
vés ont su éviter. Solidaire de la nation juive qui a tant souf-
fert de l'exclusive criminelle des autres races,
l'Africain ne
peut qu'être profondément troublé de voir
cette nation se cram-
ponner à son tour à des exclusives et contraindre un autre peu-
ple à l'exil et au désespoir.

-
331 -
Pour l'Africain, ce n'est pas l'égoisme sacré et la
loi du plus fort qui peuvent modifier les droits des peuples
qui veulent vivre en Palestine. Lorsque le Président Mobutu,
brutalement accusé de trahison par les Israéliens, dénonce la
sympathie que manifeste le gouvernement d'Isragl au régime ra-
ciste d'Afrique du Sud, n'est-ce pas parce qu'il y découvre un
insupportable paradoxe ?
La conquête et l'occupation de territoires arabes par
Isragl évoque fâcheusement d'autres conquêtes.
Les Africains affirment qu'en niant la représentativi-
té des Palestiniens - et jusqu'à leur droit à créer un Etat sé-
paré -
Isragl se conduit comme les Boers et Afrikanders en
Afrique du Sud vis-à-vis des Bantous. Alerte!
Si les grandes
puissances donnent l'exemple "en défendant la démocratie" à coups
de bombes et de sanctions économiques, peu d'Africains acceptent
de passer pour des imbéciles.
En choisissant une politique plus ouverte, l'Etat
d'Isragl aurait peut-être persuadé les pays Sous-développés que
son but n'était pas de constituer et de défendre une minorité
privilégiée. Tel qu'il se comporte, i l apparaît comme la tête de
pont de la Société de consommation.
Pour certains, i l s'agit
d'une nat~on pré.fabriquée de l'extérieur et transplantée dans un
espace économique auquel elle reste étrangère.
Pour cesser d'ê-
tre un défi,
Israël est-il prêt à s'intégrer économiquement au
Moyen-Orient, sans paternalisme et sans esprit de domination .•. ?
Dès lors, i l n'est pas nécessaire d'être un homme poli-
tique averti pour comprendre le profond malaise qu'a traduit la
cascade spectaculaire des ruptures diplomatiques. Elles expriment
la solidarité des membres de l'O.U.A.
dans des circonstances
exceptionnelles.
Il est donc évident que l'évolution de l'opinion
internationale n'est pas due aux lar~esses du colonel Kaddafi.

-
332 -
Deux ou trois d6magogues ont peut-être cédé ~ "fa
dipf.omatie du doiia~". Quant à attribuer aux responsables afri-
cains en général d'aussi nauséabondes motivations, i l y a une
marge.
Ils ne sont pas à vendre. Certains détracteurs tentent de
faire croire que tous ceux qui désapprouvent l'Etat Juif sont
vendu~ aux Arabes. C'est un argument simpliste en même temps
qu'empreint de légereté.
Un monSleur tout le monde a néanmoins encore un espoir;
s ' i l est vral que les chances d'un règlement durable du problème
israélo-arabe n'ont jamais été aussi grandes, i l appartient au
peuple et au gouvernement d'Israël de prouver aux Africains en
particulier, au Tiers-monde en général, qu'il s'agissait d'un
tragique malentendu.
Tout n'est donc pas perdu.
SECTION TIl
De la Solidarité de conjoncture à l'unité
d'action
La lutte des pays arabes et celle de l'Afrique sont
une.
La réunion, du 19 au 21 Novembre 1973 ~ Addis-Abéba, du
conseil extraordinaire des ministres des affaires étrangères
africains en a fourni la preuve.
Les ministres ont décidé d'inau-
gurer une politique d'étroite coopération entre l'Afrique et le
monde arabe et, chose inattendue, ils ont exprim6 le souhait de
voir l'Europe appuyer l'Afrique et les pays arabes dans leur lut-
te commune contre Israël et pour la libération de l'Afrique aus-
trale.
Ils ont ouvert ainsi un nouveau chapitre dans les rela-
tions diplomatiques entre les pays d'Afrique, d'Europe et du
bassin méditerranéen.
Le but principal de cette réunion était de "donner à
la solidarité de conjoncture qui s'est manifestée au cours de la
guerre du Ramadan entre les pays arabes et l'Afrique, des fonde-
ments et un caractère privilégié en dégageant les grandes lignes

-
333 -
d'une action commune et concertée". Pour concrétiser ce but, la
résolution finale sur le Moyen-Orient recommande l'établissement
d'une coopération politique, économique et militaire entre les
Etats de la Ligue arabe et ceux d'Afrique et met en place des
mécanismes de consultation périodique à tous les niveaux, entre
la Ligue arabe et l'O.U.A. en vue de renforcer l'unité d'action.
C'est dans cette perspective que l'idée d'une caisse arabe pour
le développement africain a été avancée.
Sur le plan africain, le conseil a lancé un appel à
tous les pays du golfe Persique (pays arabes plus Iran)
produc-
teurs de pétrole pour qu'ils étendent l'embargo du pétrole à
l'Afrique du Sud, à la Rhodésie et bien entendu, à Israël, mar-
quant ainsi une évolution profonde de la politique africaine.
Cet appel s'est traduit par la création d'un comité de sept mem-
bres (Tanzanie, Ghana, Cameroun, Mali, Botawana, Somalie et
Zaire). Ce comité a eu pour mission f'articulière
d'étudier les con-
séquences de l'embargo du pétrole dans les pays africains et
d'examiner avec les pays arabes producteurs les moyens d'en
atténuer les effets.
Comme on le voit, le dixième sommet de l'O.U.A. de
Mai 1973 a provoqué un changement radical d'attitude, renforcé
par la guerre israélo-arabe du 6 Octobre. Marqué d'abord par la
rupture quasi générale des relations diplomatiques avec Israël,
il se traduit aujourd'hui par l'inauguration d'une ère de coopé-
ration étroite entre l'O.U.A. et les pays de le Ligue arabe.
Les ministres ont estimé que "le sionisme, les minorités racis-
tes de l'Afrique australe et de la Rhodésie sont les ennemis
communs et que, contre eux, les pays de l'O.U.A. devraient met-
tre tous leurs moyens en commun".
Les ministres arabes d'Afrique
du Nord, notamment M. Abdelazig Bouteflika, ont fait savoir
qu'ils avaient déjà obtenu des pays arabes que l'appel à un em-
bargo pétrolier eo~tre Israël et l'Afrique du Sud serait entendu.

-
334 -
L'action en faveur des pays arabes a eu l'unanimité
des quarante
et une déligations présentes à la réunion des ml-
nistres
: "Israël doit évacuer tous les territoires occupés et
le peuple palestinien doit recouvrer ses droits nationaux légi-
times.
c'est la premi~re fois - faut-il le souligner - que
le sort du peuple palestinien est aussi catégoriquement reconnu
par l'O.U.A. comme étant au centre de toute solution au Moyen-
Orient. La même volonté d'aller au fond du problème a conduit les
ministres à décider d'accentuer Rl'isolement d'Israël dans les
domaines politiques, économiques, militaire et culturel jusqu'à
l'obtention d'une solution juste et durable au Moyen-Orient".
Dans la même perspective d'appréhension globale des
proplèmes africains et moyen-orientaux, l'Afrique, par la VOlX
de ses ministres, met en garde l'opinion publique internationale
contre la "notion de guerre préventive érigée en doctrine par
les gouvernements d'Israël et les pays d'Afrique australe".
L'analyse de la situation va plus loin et exprime encore plus
nettement une communauté de vues. Apr~s avoir constaté la part
prépondérante prise par les grandes puissances dans le conflit
israélo-arabe, l'Afrique déclare que toute politique de détente,
hors du contexte d'universalité garantissant une participation
égale de tous les Etats, est précaire.
Cela explique ceci
l'appel lancé à l'Europe revêt une
importance particulière. Grâce à son attitude "indépendante"
dans la crise du Moyen-Orient, l'Afrique exprime le voeu de d{ve-
lopper une coopération fructueuse avec la C.E.E., laquelle fait
ainsi figure de partenaire potentiel dans une politique triparti-
te qui permettrait aux pays du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Euro-
pe de jouer un rôle efficace en dépit de l'hégémonie des deux
super-puissances. Sans tarder, le jour même où ils recevaient
l'appel, les pays de la C.E.E. ont répondu par un message adres-
sé à l'O.U.A. où ils exnrimaient leur satisfaction pour les
.
-

-
335 -
efforts déployés par l'Afrique en vue d'établir la paix en dehors
de l'influence des super-puissances.
Que les Africains soient parvenus à cette unanimité
doit ~tre considéré, même par les plus mésurés des observateurs
comme "un triomphe de la diplomatie et de la coopération afri-
caines".
SECTION IV
Les dimensions .de la coopération afro-arabe
La coopération entre les Européens et les Arabes, ces
derniers temps,
fait l'objet des discussions des responsables
politiques. La diplomatie itinérante des chefs d'Etat et des
gouvernement est mise en mouvement. Et les résultats sont là
palpables.
En effet, la concertation euro-arabe s'organise métho-
diquement sur des bases politiques rationnelles, et surtout cohé-
rentes.
Les neufs membres de la C.E.E. ont décidé de s'exprimer
d'une seule voix, confiant au Président en exercice du Conseil
des ministres la mission d'ouvrir et de poursuivre le dialogue
avec les pays arabes
En revanche, la coopération arabo-africaine, à l'ordre
du jour depuis la conférence des rOlS et chefs d'Etat arabes
réunie à Alger en novembre 1973, n'a r~ussi ~ [rendre SGn essor.
La VOle semblait clairement tracée.
Par la déclaration
adoptée à Alger, les souverains et chefs d'Etat arabes, après
avoir rendu "un vibrant hommage aux Etats frères d'Afrique" pour
avoir manifesté "leur solidarité en faveur de la juste cause des
peuples arabes dont la lutte s'inscrit dans le combat mené par
toutes les forces de libération contre le colonialisme, le ra-
cisme, l'impérialisme et le sionisme", ont,
à l'unanimité, réaf-
firmé sclennellement que "la solidarité arabo-africaine devait
s'exprimer concrètement dans tous les domaines et en particulier

-
336 -
sur le plan de la coopération politique et économique afin de
renforcer les indépendances nationales et de promouvoir le déve-
loppement".
1) Un prêt pour l '0 .U ."A.
Le verbe a engendré l'action.
C'est alnSl que des ini-
tiatives ont été prises, notamment.
-
octroi à l'O.U.A. d'un
prêt de 200 millions de dollars en vue d'atténuer les effets de
la hausse du coUt du pétrole sur les économies de ses pays mem-
bres, débloqués et réparties selon les crit~res et modalités
définies par l'O.U.A.
La création d'une banque arabe destinée à
contribuer au développement économique et social des pays afri-
cains en leur accordant une assistance financi~re et technique.
Des aides assez substantielles en faveur des pays victimes de
la séchéresse et aussi des accords bilatéraux de coopération
avec un nombre croissant de pays africains.
Au cours du sommet de Rabat, les rois et chefs d'Etat
arabes ont encore amplifié et renforcé les mesures de coopéra-
tion en faveur de l'Afrique. En effet,
le Fond spécial du pétro-
le accorde aux pays membres de l'O.U.A.
des prêts sans intérêt
remboursables en vingt-cinq ans, dont dix ans de période de grâ-
ce et la création d'un Fonds d'assistance technique dont la do-
tation a été portée de 18 à 25 millions de dollars.
C'est pres-
que rlen tout cela par rapport aux besoins des pays africains
mais c'est un geste de solidarité qui vaut son pesant d'or.
2) Coopéra"t ion ou "p"rixpayé "
?
Une assez
0~inion publique, surtout étrang~re,
aurait tandance à présenter la coopération arabo-africaine comme
une sorte de compensation de "pJtLx. pa.yé." par les Arabes pour dé-
dommager les pays africains des conséquences financi~res et éco-
nomiques ayant pu résulter pour eux, d'une part, de la rupture de
leurs relations diplomatiques avec Israël et, d'autre part, de
la hausse brutale du prix du pétrole brut.

-
337 -
Ce serait vraîment tenir en piètre estime Africains et
Arabes que de _leur prêter des arrières-pensées aussi bassement
intéressées, sinon machiavéliques, ou de les croire capables
d'aussi sordides marchandages. Car, pour les Africains, la soli-
darité ne se marchande pas comme des tapis
!
En effet, la rupture par les pays de leurs Relations
diplomatiques avec Israël constitue
-
faut-il le souligner -
à
la fois un témoignage et un geste de solidaritÉ envers l'Egypte
et envers le peuple palestinien.
D'abord solidarité envers l'Egypte, parce que l'Egypte
est membre de l'Organisation de l'Unité africaine, victime d'une
agression et de l'occupation étrangère d'une partie de son terri-
toire national~ Cette position rentre dans l'esprit de la Charte
de l'O.U.A. formulé au paragraphe l
(a) de l'article II.
Ensuite solidarité envers les Palestiniens, parce que
les Africains qui, voici vingt ans, subissaient encore le joug
colonial, ne peuvent en leur âme et conscience, se désintéres-
ser du sort d'un peuple placé dans une situation presque identi-
que des peuples du Zimbabwé
(Rhodésie), de Namibie et d'Afrique
du Sud, c'est-à-dire snolié de sa terre et frustré du droit élé-
mentaire de disposer de lui-même, d'avoir une patrie, de s·orga-
nlser en Etat indépendant et souverrain.
L'Afrique, en rompant ses relations avec Israël, est
donc conforme à sa ligne de conduite.
3 ) Corriger les terme"sde "l' écnang'e inégal"
A propos de la hausse du coût du pétrole bnrt, les pays
africains, sans sous-estimer les ccnséqUenc~s
très sérieuses
qu'elle entraine pour leurs économies, ne sauraient cependant
lui imputer les graves difficultés dans lesquelles la plupart
d'entre eux se débattent depuis toujours. C'est un fait presque

- 338 -
unanimement reconnu aujourd'hui:
l'unique et injuste système
économique international dans lequel nous vivons depuis des siè-
cles a permis d'enrichir chaque jour davantage les nations nan-
ties en appauvrissement davantage les nations transformées en
réservoirs de matières premières du Tiers-monde en général et de
l'Afrique en particulier.
c'est pourquoi les pays africains, dont quelques-uns
se trouvent être également de grands producteurs des matières
premières essentielles à la vie économique moderne, ne pouvaient
que se solidariser avec les pays arabes et saluer leur initiati-
ve qui a permis de corriger, dans une certaine mesure, "les ter-
mes de l'échange inégal", dénoncé en vain depuis des années.
La hausse du prix du pétrole, comme celle du prlx des
autres matières premières s'inscrit en effet dans le grand ef-
fort de mobilisation effective pour le contrôle de toutes leurs
ressources que les pays du Tiers-monde en général et les pays
africains en particulier ont décidé de déployer pour asseOlr
leurs fragiles économies sur des bases plus solides et en assu-
rer désormais le contrôle total.
Voilà la raison entre autres qui explique aujourd'hui
le fameux "dialogue Nord-Sud".
4) Une rnarqtiede confiance
La coopération économique arabo-africaine devrait re-
pOser
sur des bases plus solides, sur des données économiques
adaptées aux exigences du monde industriel.
En effet, l'Afrique nOlre et le Moyen-Orient hier en-
core les plus déshérités du Tiers-monde, émergent dans le monde
industriel et dans la compétition internationale avec des atouts
sérieux, peut-être décisifs.
D'une part, les pays africains dis-
posent encore d'immenses réserves de matières premières essen-

-
339 -
tielles à la vie moderne, d'origine soit minérale (pétrole, CU1-
vre, fer,
phosphates, uranium, manganèse, ...
etc), soit agrico-
le (café, cacao, caoutchouc, bois, oléagineux, bétail) mais sans
les moyens financiers énormes qu'exige leur mise en valeur. D'au-
tre part, les pays arabes exportateurs de pétrole tirent de cet-
te richesse naturelle des ressources financières considérables
qui, au lieu de s'investir en monnaies occidentales de plus en
plus rongées par l'inflation mondiale, pourraient utilement aider
au développement économique des pays africains.
Tel est donc l'axe de solidarité et de complémentarité
autour duquel pourrait s'ordonner la coopération arabo-africaine
qui doit constituer pour Africains et Arabes le grand dessein
politique de cette deuxième décenie du développement. Mais, au
préalable, il faut que soient surmontées certaines difficultés
et réunies certaines conditions.
Le montant des divers concours financiers en prêts
directs et dons
(à l'exclusion du Fonds spécial) destiné à dimi-
nuer les effets de la hausse du prix du pétrole des pays arabes
exportateurs de pétrole en faveur des pays africains non arabes
était estimé à la fin décembre 1974 à une centaine de millions
de dollars. Montant sans doute fort modeste compte tenu des énor-
mes capitaux dont l'Afrique a besoin pour assurer son décollage
économique et des formidables ressources financières dont dispo-
sent les Etats pétroliers du Moyen-Orient.
La relative faiblesse actuelle de la participation fi-
nancière arabe au dé.veloppement de l'Afrique noire témoigne de
la lenteur de la coopération arabo-africaine depuis la conféren-
ce historique d'Alger et fait apparaître d'autant plus urgentes
les mesures à prendre pour surmonter ces difficultés qui, tout
en revêtant des aspects tantôt psychologiques, tantôt techniques
et économiques, sont, en dernière analyse, de caractère essen-
tiellement politique.

-
340 -
Au plan psychologique, les Africains ont, en général
et sans doute plus à raison qu'à tort, le sentiment que les Ara-
bes sont à leur égard sur la réserve. Disons-le franchement,
qu'ils ne semblent pas leur faire confiance.
Quelques propos,
quelques faits dont i l ne faudrait peut-être pas tirer des con-
clusions hâtives nl définitives, pourraient confirmer cette im-
pression.
Combien de fois,
par exemple, n'a-t-on pas entendu,
dans certains milieux financiers d'Europe ou d'Amérique, tenir
à peu près ce langage:
"Ne vous faites pas d'illusions, l'ar-
gent des Arabes, c'est nous qui l'avons et c'est nous qui vous
le reprêterons aux conditions que nous voudrons puisque les
Arabes ne font pas tellement confiance aux Africains". De même
a-t-on pu lire voici quelques mois dans la presse qu'une déléga-
tion d'experts d'un pays européen se rendait auprès du gouverne-
ment du Koweit pour obtenir sa participation au financement d'un
barrage en aval du fleuve Sénégal alors que se tenait à Nouak-
chott en Mauritanie, une réunion des sources de financement pré-
parée par l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Séné-
gal <O.M.V.S.) en vue de trouver les capitaux nécessaires à la
construction de ce barrage et d'un autre ouvrage en amont tout
aussi important.
On pourrait multiplier les exemples.
Les diri-
geants, les gouvernements africains, manqueraient-ils donc tant
de crédibilité qu'ils laissent à d'autres le soin de négocier à
leur place avec les Arabes ?
5) Coopération sOur' u'n p"iect ct 'égalité
Ces propos déplaisants et ces faits peut-être insigni-
fiants n'en provoquent pas moins un sentiment de doute et d'irri-
tation chez les Africains qui s'estiment majeurs et capables de
discuter directement de leurs problèmes avec les Arabes.
Ce que
les Africains souhaitent en effet, c'est traiter sur un pied
d'égalité avec les Arabes, car la coopération basée sur une quel-
conque inégalité des partenaires ne saurait être ni viable ni
féconde.

-
341 -
Il faut d'ailleurs reconnaître à cet égard que Afri-
cains et Arabes se connaissent encore mal.
Cette regrettable
situation de fait trouve, dans une certaine mesure,
son origine
et son explication dans la sombre période coloniale au cours de
laquelle Arabes et Africains ont subi l'humiliante domination
étrangère et impérialiste qui les a si longtemps maintenus dans
un état d'isolement, voire parfois d'antagonisme, conforme à la
politique du "diviser pour régner" et dont l'utilisation des
troupes coloniales contre les mouvements de résistance et dans
les luttes de libération nationale a constitué la plus cruelle
illustration. Mais cette époque a été également, pour les uns
comme pour les autres,
l'occasion d'une prise de conscience
politique et nationale.
C'est pourquoi les Africains demeurent convalncus
que le dialogue afro-arabe ne saurait être constructif que s ' i l
se déroule sans intermédiaires et sans restrictions mentales car
les pays arabes font également partie du Tiers-monde et devraient
être, de ce fait,
plus proches des pays africains, plus senSl-
bles à leurs problèmes et à leurs préoccupations.
A ces difficultés de caractère psychologique viennent
s'ajouter d'autres difficultés d'ordre technique et économique
qui concernent essentiellement le problème du lIrecyclage des
arabodollars" dans le développement économique des pays afri-
cains.
Les revenus excédentaires que les pays arabes tirent
de leurs exportations de pétrole atteignaient quelques 50 mil-
liards de dollars environ en 1974. Et, selon le président de
l'Union des Banques arabes et françaises
(U.B.A.F.), ces recet-
tes pourraient être globalement estimées à 600 milliards de
dollars en 1985. Mais, en tenant compte du fait qu'une partie
de ces revenus -
environ le tiers - devra sans doute être réin-
vestie dans le développement économique des pays eux-mêmes afin
de leur permettre d'atteindre le niveau de décollage économique

-
342 -
avant l'épuisement de leurs ressources,
les capitaux nets qUl
devront être placés à l'extérieur pourraient être évalués à
400 milliards de dollars
!
Bien entendu, les Africains n'auront pas poussé la
naiveté au point de croire qu'ils pourraient puiser dans ce tré-
sor fabuleux comme dans une nouvelle caverne d'Ali Baba. Ils
savent aussi qu'ils ne peuvent compter sur les seuls pays ara-
bes, dont les ressources financières sont sans doute considéra-
bles malS qui ont également à surmonter, comme eux, les obsta-
cles du sous-développement, ou sur un coup de baguette magique
pour résoudre l'ensemble des problèmes de financement que pose
le développement économique de leurs pays.
Néanmoins, ils s'attendaient tout de même à voir une
partie non négligeable de ces capitaux prendre le chemin de
l'Afrique. En fait~ ces capitaux se sont dirigés vers les gran-
des places financières de l'Europe (Landre, Francfort, Genève)
et des Etats-Unis (New-York).
On le voit bien, les mouvements
de capitaux arabes, obéissent, eux aussi, aux règles classiques
de la sécurité, de la rentabilité et de la liquidité.
c'est dire, en définitive que, pour être efficace,
toute politique de coopération a.fro-arabe doit fondamentalement
tenir compte des caractères spécifiques des pays africains.
L'on
ne saurait à-cet égard oublier que sur les vingt-cinq pays les
plus pauvres du monde recensés par la C.N.U.C.E.D.
(Conférence
des Nations Unies sur le Commerce Extérieur et le Développement),
seize sont situés en Afrique noire. De même les pays a.rabes de-
vront tenir compte du fardeau écrasant de la dette extérieure
des Etats africains qui représente aujourd'hui plus de dix mil-
liards de dollors.
Voilà donc, parmi d'2utres, les difficultés essentiel-
les de caractère psychologique ou technique qui nous paraissent
freiner,
sinon paralyser, la coopération arabo-africaine. Et,

-
343 -
pour surmonter ces difficultés, lever des hypothèques, i l n'est
d'autre solution que politique.
6) Volonté politiqUe
La coopération arabo-africaine est en effet en souf-
france parce qu'il lui manque encore l'inspiration politique.
Elle ne s'animera pas par la seule magie des déclarations ou
des discours officiels, si éloquents soient-ils. Elle ne rece-
vra son impulsion que d'une volonté politique clairement affir-
mée et soutenue, laquelle ne saurait s'exprimer au niveau des
seuls appareils institutionnels ou des états-majors administra-
tifs de l'Organisation de l'Unité africaine et de la Ligue arabe
mais à l'échelon le plus élevé, dans une véritable concertation
politique arabo-africain au sommet.
Seùle en effet une conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement arabes et africains qui se réunirait selon une pÉ-
riodicité à déterminer pourrait animer la coopération arabo-
africaine et lui apporter l'imagination et le souffle qui lui
ont fait si cruellement défaut. Elle lui fixera son cadre politi-
que et institutionnel, en dégageant les principes de base, les
voies et les moyens qui lui redonneront sa pleine vitalité et
lui permettront d'ajouter une dimension nouvelle et originale à
la coopération internationale en voie de rénovation.

-
344 -
,
CHA PI TR E III
L AFRIQUE- ET LE RESTE DU MONDE

-
345 -
L'Afrique est dans le monde, et les affaires du monde
entier sont aussi ses affaires. C'est évident. Mais elle refuse
l'intégration dans un monde d'asservissement. Elle veut b~tir
pour les années à venir cette nouvelle coopération responsable
et contractuelle où la solidarité ne sera pas celle du "cavalier
et du cheval", ni la liberté celle "du renard libre dans le pou-
lailler libre" •. Elle ne veut pas d'une interdépendance qui se-
rait un nouveau nom plus commode pour la dépendance.
C'est pour-
quoi, l'Afrique souhaite que toutes les négociations internatio-
nales auxquelles elle prend part soient inspirées par le diagnos-
tic de la catastrophe que l'on a clairement perçue et par la vi-
sion prospective qui a été dégagée pour les objectifs du
développement africain, à savoir que l'Afrique doit:
"R~ali6e~ eile-mlme. 60n pftog~l6 et non plU6 6eulemenl
p~o6ite~ de. ~é.a.li6ationl.J
op~!l..é.e6 che.z e.€.P..e.
pa~ d'aut~e6
a pa~ti~ de. 6e.6 ~e66ou~ce6 natu~elle6.
P~end~e. ta ge.6tion de toute6 6e.6 a66ai~e.6 et non y pa.~­
ticipe~ dan6 une. me6u~e d~te.~min~e. pa~ d'aut~e.6.
Ce. n'e6t plU6 le. te.mp6 de. la divi6ion inte.~nationale.
du t~avail. C'e.6t le te.mp6 du d~ve.loppe.me.nt de. "t'au-
tonomie
c~~at~ice de.6 pe.Uple.6 dan6 un ~change. inte.~na­
tiona.f ~~é.qui.eib~é"(11.
Ces options valent pour la participation de l'Afrique
au système des Nations Unies, l'appui qu'elle lui apporte, les
responsabilités qu'elle y exerce, les exigences qu'elle y formu-
le.
Elles valent pour les négociations sur le Fonds commun,
( l ) U .6' agU du oJUe.n:ta.t.iOYI.J.J ~e.te.nuu pM .P.u e.xpeJtt6 aoJÛcain6 au coJl...R..oque.
de. Mon!tOvia 6W,- lu pe.Mpe.c.tivu du déve.P..oppe.me.nJ: de. J?.' A6JÛque. à .e' hoJÛ-
zon 2000 O.U.A. 1919.

-
346 -
le Droit de la mer, le Tokyo Round(l), le Dialogue Nord-Sud, la
Convention de Lomé.
SECTION l
L'Afrique et le Nouvel ordre économique interna-
tional
En 1974, des pays africains, alnSl que d'autres mem-
bres du "Groupe des 77"
(qui sont maintenant 120), rassemblèrent
les grandes questions économiques internationales qui avaient
été discutées dans les années 1960 sous la forme d'une résolu-
tion de l'O.N.U. réclamant l'établissement d'un nouvel ordre
économique international.
Les revendications actuellement pré-
sentées dans les négociations Nord-Sud couronnent une décennie
d'efforts en grande partie infructueux tentés par les pays en
développement pour faire entendre leurs propositions concernant
l'économie internationale.
Le But ? Modifier les structures grêce auxquelles
s'exerce l'influence dans le domaine économique international.
Ainsi, la déclaration exigeait-elle l'adoption de mesures con-
cernant les matières premières et les produits de base, l'alimen~
tation, les transports et les assurances, la réforme du système
monétaire international, l'industrialisation, le transfert de
la technologie et des multinationales, et une plus grande coopé-
ration entre les pays en développement.
Il faut noter que les
pays d'Europe de l'Est, dont la participation relativement fai-
ble à l'économie mondiale, prétendent n'avoir aucune responsabi-
lité dans le sous-développement du Tiers Monde.
(1) Le colloque a ~etenu la p~opo~~.on 6aite pa~ pt~~e~ p~~pant~ de
vo~ R.' A6~que engag~, pM R..' bl.tvunécU.a..iJte de .e' o. Il. A., du négocJ.a.tion.6
dan.6 le cad~e da Tokyo Round a6~n d'abo~ a une convent~on du type Con-
ven.t.ion de Lomé. avec du pa.y~ comme lu Eta;t6-U~ ri' AméJvi.que, i.e Japon,
lM gouv~nement6 ~cal'ld-&ta..vu, R..u pay~ ~oc1.a.P...Mtu cl' EMope O~ert.tale.

-
347 -
Ainsi, les pays occidentaux ont-ils été la cible prin-
cipale des revendications du nouvel ordre économique internatio-
nal. Après l'affrontement de 1974, les tentatives renouvellées
de 1975, 1976 et 1977 en vue de rapprocher les points de vue, ne
donnèrent que peu de résultats. Les exigences du nouvel ordre
sont toujours d'actualité:
une déclaration africaine récente
sur la coopération mondiale -
étudiée par le Club de Dakar -
comprenait les points suivants : 1) transfert de ressources des
pays industrialisés et de ceux de l'O.P.E.P.
; 2) priorité au
développement industriel du Tiers Monde
;
3)
stabilisation des
revenus des exportations;
4)gestion des ressources non renouve-
lables
; 5) application des résultats de la recherche aux pro-
blèmes de développement.
Au cours des conférences Nord-Sud, la position africai-
ne a évolué, passant de l'affrontement sur les principes gene-
raux à l'exigence de mesures pratiques visant à servir les inté-
rêts immédiats des régions concernées. En 1974, à l'O.N.U.
et en
d'autres instances, régnait un climat d'affrontement:
l'Algérie
veillait à maintenir sa position forte de leader (qualifié
"d'extremiste") des pays du Tiers Monde, et l'Afrique soutenait
vigoureusement tant l'O.P.E.P. que la position algérienne. Sur
les questions politiques comme sur les problèmes économiques,
les pays africains firent front contre le monde industrialisé
quand les pays en développement lancèrent leurs propositions en
faveur du nouvel ordre économique international. Cependant, en
1975, l'aide de l'O.P.E.P.
aux pays non arabes se révéla déce-
vante et le leadership de l'Algérie fut mis en question par les
"modérés" du Tiers Monde.
Le soutien de l'Afrique à une position
dure concernant les questions soulevées par le nouvel ordre fai-
blit après l'heureuse conclusion des négociations avec la Commu-
nauté européenne par les accords de Lomé, et du fait que le
Nigéria et d'autres pays d'Afrique sud-saharienne prenaient une
position de leadership dans le Tiers Monde.
Dans les négociations
avec les pays développés,
les Etats africains étaient soutenus
par la Commission économique pour l'Afrique (C.E.A.) et par
l'O.U.A.

-
348 -
Comme on le sait, les pays africains ont d'immenses
besoins en matière de ressources financières extérieures, et ils
dépendent des revenus instables de l'exportation de quelques pro-
duits de base pour le gros de leurs rentrées.
Les négociations
de Lomé ont témoigné de la tendance des pays africains à recher-
cher des avantages immédiats, tels des transferts d'aide ou des
tarifs préférentiels, dans leurs marchandages avec les pays 1n-
dustrialisés, chaque fois qu'il y avait des chances raisonnables
de succès. Malgré leur caractère limité, l'obtention de telles
mesures a rendu les Etats africains réticents à l'égard de pro-
positions multilatérales globales, dont l'effet était aussi
problématique que la mise en oeuvre.
Chaque fois que des mesures
internationales sont en cause, le groupe des Etats africains met
généralement l'accent sur les transferts de ressources possibles.
Qu'il s'agisse par exemple des négociations de 1977, dans le ca-
dre de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le
développement (C.N.U.C.E.D.) qui portaient sur la stabilisation
des prix des matières premières, et en particulier sur la créa-
tion d'un fonds commun pour les stocks régulateurs, le group0
africain a insisté pour que le fonds combine une stabilisation
des prix avec "d'autres mesures" destinées à accrôttre la produc-
tion, la transformation et la diversification. En soulignant ces
fonctions"d'aide" du fonds commun, le groupe africain plaçait
l'intérêt de ses membres à des transferts accrus de ressources
au-dessus de l'impact éventuel de cette position sur:
1) les re-
lations avec les autres pays en développement qui pourraient se
contenter d'un fonds plus ~odeste, 2) les perspectives d'un ac-
cord négocié avec les pays développés et les pays exportateurs
de pétrole, ni les uns ni les autres partisans d'une extension
des activités du fonds à des opérations de financement à long
terme. En dépit de la conviction que la seule stabilisation des
prix offrait peu de chose à l'Afrique, le groupe des Etats afri-
cains s'en est obstinément tenu à sa conception du fonds commun,
tactique que d'aucuns trouvaient semblable à son attitude intran-
sigeante de 1974.

-
349 -
SECTION -II
L'Afrique et l'Europe:
les accords de Lomé ou
solidarité avec les pays développés
Cependant, l'Afrique n'a pas renoncé ~ une Solidarité
non moins efficiente avec les pays développés pour le "rendez-
vous du donner et du recevoir" réciproque.
Il est devenu clair,
pour tous les dirigeants africains, que l'aide étrangère n'est
pas seulement une donnée économique, mais qu'elle est plus en-
core l'enjeu d'une plitique.
Indépendante et confrontée au problème du sous-
développement, l'Afrique suscite alors de lappart des pays déve-
loppés une aide. Aide économique et technique, parfois militaire,
qui repose sur des principes nouveaux comme celui de la parfaite
égalité en droit des partenaires et celui du respect de l'indé-
pendance du pays aidé conformément au point IV de l'ordre du
jour de la Conférence des chefs d'Etat et Gouvernement tenue ~
Addis-Abéba au lendemain de l'adoption de la Charte de l'O.U.A.
Et selon le même point IV, l'O.U.A. préfère la coopé-
ration entre ensembles économiques ~ la coopération bilatérale
entre pays africains et pays industriels.
Internationalisée,
l'aide aUx pays sous-développés ne serait plus suspecte de ser-
vir les desseins de domination.
C'est en rejetant ainsi la domination ~ travers l'aide,
que l'Afrique entière, les quarante et un Etats indépendants,
ceux de l'O.U.A.
; ont voulu affirmer leur personnalité nouvelle
dans leur négociation commerciale avec l'Europe des "9" en 1973,
et cela dans tous les domaines.
Alors que les pays africains ont généralement soutenu
les revendications du Tiers Monde en vue de modifier les struc-
tures de l'économie internationale, leurs rapports avec l'Europe
industrialisée diffèrent de ceux d'autres pays en développement.

-
350 -
Un certain nombre de pays d'Afrique ont r§ussi ~ obtenir des
concessions de la part des pays europ§ens, d'abord dans les n§-
gociations avec les six membres de la C.E.E. qui ont abouti aux
accords de Yaoundé, et ensuite à l'occasion des accords de Lomé
avec les neuf membres de la Communauté élargie. Dans leurs négo-
ciations avec la C.E.E., les Etats africains se sont montrés
pragmatiques:
ils ont montré leur bonne volonté d'aboutir à un
compromis en vue d'atteindre leurs objectifs, et tous, ils ont
fait bloc vis-a-vis de l'Europe comme les autres pays en déve-
loppement.
Au milieu des années 1960, la division entre les pays
signataires des accords de Yaoundé et les Etats d'Amérique lati-
ne constitua l'une des brèches les plus sérieuses dans la solida-
rité du Tiers Monde. A la conférence d'Alger de 1967, qui réunis-
sait le Groupe des 77 pays en développement, par exemple, seuls
de longues négociations et un compromis de dernière minute ména-
gé par le secrétaire général de la C.N.U.C.E.D., Raul Prebish,
ont pu faire adopter aux pays d'Amérique latine et d'Afrique une
position commune sur la généralisation des tarifs préférentiels.
Des divisions comparables se sont également manifestées entre
l'Afrique et l'Amérique latine dans les années 1970 ~ propos de
la politique des produits de base et du fonds commun pour les
stocks régulateurs. En règle générale, les pays d'Asie en déve-
loppement ont été satisfaits de bénéficier de tous les compromis
sortis de la rivalité entre l'Amérique latine et l'Afrique.
Les accords de Lomé signés en 1975 entre la C.E.E. et
46 pays d'Afrique, des Caraibes et du Pacifique (ACP) diffèrent
d'autres types de négociations Nord-Sud.
On a pu considérer ces
accords comme le premier pas vers un nouvel ordre économique in-
tern~~ional. Leur caractère de nouveauté tient essentiellement
au fait qu'ils ont été conjointement négociés entre des pays dé-
veloppés et des pays en développement.
Lors des conversations
de Lomé, les A.C.P., un groupe unifié de pays en développement
a recherché et obtenu l'adoption de mesures uniformes par un

-
351 -
groupe de nations industrialisées. Et c'est ainsi que les pays
d~veloppés de la C.E.E. appliquent maintenant les syst~mes de
préférences tarifaires de la C.N.U.C.E.D.
selon des modalités
nationales tr~s diverses qui contiennent de nombreuses limita-
tions.
Bien que ces accords soient loin d'être un parfait
instrument de coopération Nord-Sud, ils n'en restent pas moins
un exemple de la coopération Nord-Sud (C:.E.E. - A.C.P. aujour-
d'hui 52 pays) franche,
libre et indépendante basée sur l'ins-
tauration de nouveaux rapports que l'on appelle de tous ses
voeux.
Ces accords de Lomé couvrent la coopération commerciale,
la stabilisation des revenus provenant des exportations
(par
le système STABEX), et comprennent des clauses concernant le
comportement envers les sociétés et entreprises, d'autres tou-
chant aux paiements et aux mouvements de capitaux. Des mesures
institutionnelles ont également été prises, établissant des
mécanismes permanents de consultation et de coopération entre
la Communauté et les pays associés.
Il s'agit
1) du conseil parlementaire ;
2) du comité d'association;
3) de la conférence parlementaire de l'association
4) de la cour arbitrale de l'association.
Les accords de Lomé prévoient un traitement préféren-
tiel pour les exportations des pays associés, mais la majorité
des signataires, et particulièrement ceux d'Afrique, dépendent
à tel point du commerce des produits de base, que les préféren-
ces tarifaires pour les produits manufacturés ne sont pas aussi
avantageuses à court terme que des mesures applicables aux matiè-
res premleres. Néanmoins, à long terme,
l'exportation de pro-
duits manufacturés présente un intérêt certain pour les pays
africains. Et si les clauses sur la coopération industrielle ne
sont guère profitables dans l'immédiat à la plupart des pays
associés, elles n'en offrent pas moins, à terme, des avantages

-
352 -
pour leurs secteurs industriels relativement peu développés.
Il faut noter que l'importance que les pays africains
attachent aux accords de Lomé vient du rôle que les nations eu-
ropéennes ont joué dans la modernisation de l'Afrique, et de
l'influence que les anciennes puissances coloniales continuent
d'exercer sur beaucoup d'entre eux.
Les mesures adoptées, la
présence très active de représentants européens des secteurs
publics et privés dans un certain nombre de pays africains,
l'étroite dépendance du commerce et des investissements euro-
péens dans laquelle se trouve l'Afrique constituent une impor-
tante composante de la scène politique et économique de l'Afri-
que.
Ces accords, comme on le voit, sont là un exemple de
ce que peuvent réaliser ensemble des Etats africains et d'autres
pays en développement.
Ils sont l'issue d'une longue bataille
d'intérêts entre Africains et Européens.
Résultat? L'Afrique a présenté un front commun à la
négociation proprement dite du 17 Octobre 1973 et à la conclu-
sion des accords euro-africains en février 1975. Ce Résultat ne
doit d'ailleurs rien à la génération spontanée.
Il est le fruit,
plutôt, d'une série de réunions et de conférences qui se sont
tenues à Abidjan, Nairobi, Addis-Abéba et Lagos et d'une nouvel-
le prise de conscience de l'Afrique dans le monde.
C'est à Lagos qu'a été élaborée, le 10 Juillet 1972,
la tactique du front commun, elle-même issue des huit principes
de la déclaration d'Abidjan sur la coopération, le développement
et l'indépendance économique, approuvés par les Chefs d'Etat
lors du dixième anniversaire de l'O.U.A.
(27-30 Mai 1973).
Il n'a pas été aisé de concilier les points de vue -
et les intérêts -
de plus de quarante Etats auxquels l'Europe
"octroyait" jusqu'ici des concessions et des statuts divers.

- 353 -
Que les Africains y soient parvenus est considéré par les plus
mesurés des observateurs comme "un t~iomphe de .la diplomatie et
de la coopé~ation a6~icaine~". C'est cela la révolution afri-
calne
Pour la première fois - et cela est également conSl-
dérable - les Européens ont souhaité la cohésion des Africains
plutôt que de favoriser leurs divisions. Disons plutôt qu'ils
se sont trouvés devant un fait accompli.
Face à l'Afrique qui devient une réalité irréversible,
l'Europe doit s'employer à la reconnaître. Ainsi, le renforce-
ment d'une coopération franche, libre et indépendance entre
l'Afrique comme le Tiers-Monde en général et les pays du second
monde s'avérerait nécessaire mais sur la base de l'instauration
de nouveaux rapports.

-
354 -
T [ TR f DEUX If M E
STRATEGIE ENTRE ETATS MEMBRES DE L'O,U,A.
SOMHAIRE
'Chapi tOre" 1
Pour une idéologie africaine
Chapitre 2
Redéfinition de l'O.U.A.
Chapitre 3
Nouvelle stratégie économique africaine

-
355 -
Le lien qui unit les Etats membres doit trouver sa for-
ce dans la commune obligation qu'ils ont de construire un bloc
tel que sa force politique, militaire et économique puisse s'ex-
primer et revendiquer un rôle particulier sur la scène interna-
tionale.
Le jeu de la pratique diplomatique de l'Afrique dans
les relations internationales ne peut être contradictoire.
Pour ce faire,
la guerre en Afrique n'est pas une
guerre "pour" ou "contre" le communisme.
"Progressistes" contre
"modérés".
"Révolutionnaires" contre "Réactionnaires". Division
arbitraire extra-africaine que tout cela!
l'Afrique dédaigne
les idéologies de quelque bord que ce soit.
En effet, ces concepts, forgés en Occident~ ne peuvent
rendre exactement compte de la réalité politique africaine.Pro-
gressisme et conservatisme sont des auberges espagnoles où cha-
cun trouve ce qu'il y a apporté.
Et les malentendus ne peuvent
manquer de fleurir.
Ces deux termes ne se réfèrent le plus sou-
vent qu'à des prises de positions communes et conjoncturelles
sur des problèmes de politique extérieure. Qu'il s'agisse du
Biafra~ de Prétoria,ou de l'Angola.
Or, un tel critère est fallacieux.
La distinction en-
tre "modérés ou conservateurs Il et "progressistes" s'établit, en
principe, sur le fait gue les premiers optent pour l'économie
libérale de type capitaliste, le respect à l'occidentale des
libertés dites bourgeoises, telle la liberté d'opinion et d'as-
sociation, et les seconds pour une économie planifiée et la con-
duite des affaires de l'Etat sous l'égide d'un parti-unique
contraignant.
Mais, aujourd'hui, en Afrique, les choses sont loin
d'être aussi simples.
En effet, ici et là dans les Etats dits
progressistes et réactionnaires, on trouve des cohabitations
contre nature, entre eau et feu,
chèvre et chou,
jour et nuit.

-
356 -
Constatation? Communisme, dictature, liberté, progressiste,
modérés, révolutionnaires, réactionnaires .•• , etc. Sont des
discours politiques, comparables aux incantations proférées par
le magicien des sociétés primitives pour conjurer la sécheresse
ou requerlr l'appui des divinités guerrières avant une expédi-
tion. Ce sont donc des formules qui se substituent à la recherche
d'une solution. Les mots, pour ces magiciens politiques, de-
viennent "tall~man", les difficultés semblent exorcisées d~s lors
que sont trouvées les expressions qui les définissent.
Donc, chercher à partager l'Afrique en "progressistes"
et "modérés", c'est créer un faux problème. En réalité, tous les
Etats membres de l'O.U.A. ont un même fonds politique et cultu-
rel ~ quelques nuances près : le syst~me libéral traditionnel et
un social communautarisme bien ancré.
C'est dire que l'Afrique
est "une" dans sa diversité.
De la sorte, elle a une raison
d'adhérer à l'idéologie propre et originale qui doit la guider
et l'inspirer dans toute son action de politique intérieure et
internationale.

-
357 -
CHA P r T REl
POUR UNE IDEOLOr-IE AFRICAINE

-
358 -
Les divergences et la polarisation naguère des posi-
tions dans la question angolaise ont démontr6 les chefs-d'oeuvre
de la joute et de bataille idéologiques et politiques. Après
quinze ans passés en dehors de la bipolarisation idéologique, di-
sent certains, l'Afrique se serait enfin rendue compte qu'il est
impossible de se tenir "à l'écart des grandes confrontations
idéologiques de notre temps".
Mais cette bipolarisation aujourd'hui en Afrique, est-
elle réelle et inévitable? Avant de répondre à cette question,
essayons de cerner tout d'abord le rôle de l'idéologie pour une
société. Ensuite, la réponse, pensons-nous, pourra se dégarrer
d'elle-même.
Qu'est-ce donc que l'idéologie?
Pour De Tracy, l'idéologie a un caractère philosophi-
que, en ce qu'elle cherche à saisir les idées non pas gratuite-
ment malS en tant qu'elles fondent les valeurs humaines.
L'idéo-
logie permet donc de dégager les bases de l'activité humaine,
par opposition à la théologie ou à la métaphysique théologique.
A la suite de De Tracy, Lalande définit l'idéologie comme étant
la science qui a pour objet l'étude des idées, de leurs caractè-
res, de leurs lois, de leur rapport avec les signes qui les
représentent et de leur origine.
Quant aux marxistes, l'idéologie désigne l'ensemble
d'idées, croyances et doctrines propres à une époque, à une so-
ciété ou à une classe, de nature à camoufler ou à colorer les
réalités économiques déterminantes de la vie de la société et
qui reflètent des rapports de classe.
Et puis i l y a un sens o~ l'idéologie signifierait
discussions oiseuses et analyses d'idées creuses, abstraites.
Ce sens est utilisé par le pouvoir en place contre la réflexion
approfondie portant sur des situations et des faits qui relèvent

-
359 -
de l'action des dirigeants. Faut-il souligner, qu'aujourd'hui,
on n'en n'a pas fini encore a définir l'idéologie.
Laissons aux
spécialistes de nous en redire davantage.
Quant à nous, nous retenons une chose: quels que
soient les termes de la définition du mot idéologie, le raIe de
cette dernière est, à l'évidence, social.
L'iédologie est donc
l'enfant né du milieu social et enveloppé dans le contexte de
celui-ci. Son rôle est d'appréhender ce milieu, de mieux le com-
prendre, afin de le modifier, de le modeler. A ce titre, l'idéo-
logie est le fondement de l'action future de la société; donc
a la fois référence et idéal à atteindre.
Comme on le voit, l'idéologie, "vi trine rr de la sociÉté,
doit épouser son contexte social.
Ceci explique la séparation de
Lénine des marxistes "Orthodoxes", trotsky, Kautsky et consorts.
Il n'a pas attendu que se réunissent dans une Russie
arriérée
et féodale les conditions que prévoyait Harx pour une révolution
socialiste c'est-a-dire pays capitaliste et industriel avancé,
avec une classe ouvrière massivement majoritaire. Au lieu de se
conformer au dogmatisme automatique du marxisme,
Lénine a authen-
tifié le marxisme dans le cadre, contexte-de son pays. Disons en
un mot qu'il a "russifié" le marxisme en confrontant les théories
avec les réalités russes.
Il en est de même de l'action de Mao
Tsé-Toung.
Face à l'évolution doctrinale Soviétique, en effet,
Mao Tsé-Toung adopte une position qui est en quelque sorte à la
fois déviationniste et dogmatiste. D'une part, i l fait appel à
des éléments psychologiques, à l'enthousiasme individuel et
collectif, à tout ce qu'on a appelé le "voR..o Yl.f:a.Jt..t.6 me" , qui dé-
passe et bouleverse la notion classique de la révolution condui-
te en fonction d'analyses "scientifiques". De même, au nom de
la
"dialectique du réel", il insiste sur la révolution perma-
nente, non pas selon le mode trotskyste d'une révolution menée
à l'échelle mondiale pour faire triompher le socialisme, mais
en vertu d'une prise de conscience des contradictions internes

-
360 -
du socialisme, qui exigent que la révolution et ses instruments
soient sans cesse repris et perfectionnés
(c'est la base de la
révolution culturelle).
Suivant la même V1Slon,
les maoistes pensent qu'il
faut rejeter l'idée qu'on passera naturellement de la société
socialiste à la société communiste et estiment qu'on doit pré-
voir la construction de la seconde en même temps qu'on édifie
la première.
Ils considèrent que la classe paysanne est un fer-
ment primordial du succès socialiste dans le monde contemporain,
car, seule, dans les pays d'Asie et d'Afrique elle peut former
l'ossature d'une armée nationale et révolutionnaire.
D'autre part,
ils déclarent que tout cela peut être
atteint seulement gr~ce à une absolue intransigeance doctrinale,
maintenant les théories contenues dans les oeuvres de Marx, de
Lénine et surtout de Mao.
Dans ces conditions, faut-il que les peuples africains
aient une idéologie? Ce qui a été dit sur le rôle de l'idéolo-
gie semble commander une réponse affirmative.
Il est donc indis-
pensable que l'Afrique ait son idéologie propre et originale,
idéologie qui soit pour elle reflet, référence et idéal pour son
action de politique intérieure et internationale.
Car, une action
sans théorie est aveugle. Mais i l est également indispensable
que cette idéologie, comme le dit Nkrumah, puise
sa sève du
terroir africain.
Aussi, l'adoption par des Etats africains du capita-
lisme ou du socialisme scientifique en se défendant de plaquer
sur les structures africaines des idéologies étrangères et les
adapter aux conditions nationales, ne répond pas à· cette exigen-
ce.
Ces
deux idéologies sont nées des milieux, des contextes
sociaux de nature fondamentalement différente de celle du con-
texte africain.

-
351 -
Prenons l'exemple du marxisme qui semble @tre le mieux
scientifiquement élaboré.
Il est l'aboutissement des recherches
sur les lois du développement de la société capitaliste occiden-
tale, qui, de crise en crise, doit se transformer en une sociétg
socialiste.
De l~ sorte, toute démarche idéologique en Afrique doit
être originale.
Plutôt qu'application à l'Afrique d'une idéologie
d'importation, elle doit être recherche
des lois d'évolution et
de développement de l'Afrique.
N'Krumah a préconisé cette VOle. De foi marxiste, i l
croyait que l'Afrique est soumise elle aussi à une évolution
dialectique entre ce qu'il appelait "forces positives" et "for-
ces négatives". Il reconnaît le caractère créateur de la lutte
et même la nécessité, pour toute transformation, de l'interven-
tion de forces.
Le socialisme qu'il prône comporte aussi le ma-
térialisme et le traduit en termes d'égalité sociale.
Néanmoins, il ne se limite pas à appliquer le marxisme
à son pays, il retourne, au contraire, au "milieu social afri-
cain" tout imprégné de ses valeurs traditionnelles. Mais qu'il
faut parfaire et élargir par l'apport des valeurs étrangères
musulmanes et euro-chrétiennes. Une telle coéxistence serait en
accord avec les principes de l'humanisme original sur quoi repo-
se la société africaine.
Il faut donc, dit N'Krumah, une idéolo-
gie nouvelle, capable de se cristalliser en une philosophie,
mais n'abandonnant pas les principes humanistes de l'Afrique.
Cette position philosophique, ponctue-t-il, surgira de la crise
de la conscience africaine confrontée aux trois courants de la
Société Africaine actuelle. Il propose d'appeler cette position
"Consciencisme" comme fondement théorique de cette idéologie.
C'est cette démarche proprement africaine que nous
faisons nôtre en proposant pour l'Afrique, une idéologie authen-
tique "~oclal-communauta~;~me". Cette idéologie authentiquement

-
362 -
africaine rejette les idéologies importées. Du reste, il n'y a
pas et i l ne peut y avoir une idéologie à contenu universel, va-
lable pour tout le monde et partout, par cela seul que l'idéolo-
gie procède du milieu social d'une société donnée.
Or, ce milieu
social n'est pas uniforme d'une Société à l'autre.
Chaque soci8-
té, chaque peuple a son milieu social authentique dont la Vle
est basée sur sa philosophie. Et ici notre idélogie est soutenue
par la philosophie népro-africaine traditionnelle.
Quelle est-elle cette philosophie traditionnelle ?
Quelles sont ces coordonnées? C'est à ces questions que nous
essayons de répondre dans les lignes ci-après.
SECTION l
Une philosophie traditionnelle
La philosophie négro-africaine est l'emblème d'une
culture originale. En Afrique Noire, i l est impossible de disso-
cier la philosophie et la vie quotidienne des peuples. Chaque
peuple négro-africain forme une collégialité historique, une
société concrète parlant la même langue, vivant la même vie dans
un espace géographique.
Chaque peuple nègre constitue une commu-
nauté unie, formée par une histoire commune, des joies communes,
des épreuves communes et des activités communes.
La philosophie pour l'africain, n'a donc de sens que
si elle est une philosophie de l'existence communautaire, une
philosophie qui élabore un code de vie capable d'organiser
l'existence en communauté de chaque collectivité. Cette philoso-
phie instaure, pouvons-nous dire, une charte existentielle soli-
de et durable qui baigne dan~ le 6rinituali~me divin.
Celle-ci,
visant la meilleure organisation possible de la société, e11e
devient un code de vie collectif que chaque membre de la collec-
tivité accepte, reconnaît et pratique à fond.
Le code de vie
élaboré par la philosopflie apparaît donc comme une réalité qui
engage les consciences et permet la promotion et l'avènement plé-
nier de l'homme africain.
C'est en cela que cette philosophie se

-
363 -
définit comme une sagesse qui éclaire et guide valablement
l'existence du monde noir.
L'Africain considère une sagesse
aussi féconde comme le patrimoine de la communauté historique
dans le présent et à travers toutes les générations successives.
Par ce biais, la philosophie doit se transmettre ~ travers les
âges comme un héritage à recevoir, à défendre et à incarner
pour atteindre à l'existence authentique. Ainsi,
la sagesse
philosophique se fait tradition vivante et collégiale. C'est
une philosophie traditionnelle.
Faut-il rappeler que ce sont les fondateurs,
c'est-à-
dire les ancêtres, qui ont donné le jour à cette philosophie
traditionnelle que les générations successives jusqu'aujourd'hui
entourent d'une auréole de génération.
Ils ont pensé à la forma-
tion et à l'éducation des enfants.
Ils ont eu à coeur leur ini-
tiation à la vie familiale,
professionnelle et sociale. Adminis-
trateurs des biens, ils ont pris en charge la mlse en ordre de
la cité, veillé à la prospérité économique et à la promotion ma-
térielle de la société.
Ne furent-ils pas les premiers justiciers
à prendre des sanctions et à en ordonner l'exécution pour une
bonne marche de la société ?
Voilà pourquol nous avons conSClence que les ancêtres
sont à l'origine du pouvoir démocratique et de la sagesse en
Afrique. Ils ont fondé la base de la société d'aujourd'hui et de
demain.
Les ancêtres constituent donc les seuls grands esprits
de l'élite et des dirigeants africains.
L'africain, dans sa Vle
sociale, a conscience qu'on est d'abord plusieurs ensembles:
i l
se sait "lhomme-a.vec", hOJT1.me de série, membre d'une famille, d'une
tribu, d'un peuple où tous ensemble, en équipe, -
~n communauté -
se trouvent engagés activement dans une aventure humaine à por-
tée significative. A travers les probl~m€s mêmes que fait surgir
la condition humaine, ses propres expériences fondamentales sont
partagées par tous les membres de la communauté. Espérances et
allégresses, inquiétudes et épouvantes devant la Vle.
Les problè-
mes que nous nous posons aujourd'hui sur la condition humaine et

-
364 -
sur les normes de l'agir humain, sont exactement les mêmes pro-
blèmes que se posaient déjà les ancêtres autrefois mais tous,
dans un environne~ent de l'~poque qui nous est propre.
Les solutions proposées par les ancêtres pour l'ensem-
ble des âges successifs, établit ainsi des têtes de pont inalié-
nables, des principes immuables pour eux-mêmes, pour nous et
pour la postérité. Une fois pour toutes, nous trouvons toute fai-
te, et, les générations futures aussi, la recette des solutions
communes aux problèmes communs suscités par un univers commun
et une vie commune dans une même communauté.
Les conclusions
générales des ancêtres se cristallisent ainsi en héritage spiri-
tuel qui façonne et modèle notre vie, de façon précise et orga-
nisée.
Elles deviennent une règle de vie.
Elles constituent
pour la communauté une force en profondeur pour la vie, fournis-
sent une référence constante dont les éléments essentiels sont
et doivent être intelligemment assimilés d'une manière toujours
nouvelle par chaque génération. Ces conclusions, doivent se con-
denser peu ~ peu en volonté générale. Elles doivent exprimer une
idée-force commune, une conception de l'existence dont les vi-
vantes prescriptions puissent animer et orienter tout le cours
de la vie individuelle et sociale, ainsi que tout le cheminement
des institutions, de la morale et de la reli~ion, en vue d'une
promotion intégrale et proprement humaine de l'ensemble de la
société.
Cette idée-force, c'est notre idéologie que nous appe-
lons ff~ocial-communauta~i~me". La visée primordiale du n~ocial­
communauta~i~me" est de gouverner l'existence de la société
africaine dans son environnement moderne. Son but r~aliste est
d'assurer une égalisation des chances qui permet ~ tous et ~
chacun de vivre, en honnête homme et décemment, l'aventure humai-
ne.
L'on se trouve ainsi devant une philosophie sociale où cha-
cun se sent et se sait parmi les siens. Le "social-communautaris-
me" est fondé,
dans l'état actuel des choses, sur un idéal
socialiste. Ce socialisme africain doit asseoir l'indépendance

-
365 -
politique sur une plus juste r~partition des richesses, placées
au service de tous selon les méthodes socialistes marxistes,
ainsi que sur une certaine mise en commun des moyens de produc-
tion. Notre idéologie n'est donc pas casanière. Elle s'ouvre au
monde et s'enrichit des valeurs ~trangères. Le but supr~me du
"social-communautarisme" est l'Édification d'une soci~té nouvel-
le développée. Et pour ce faire, nous considérons que la classe
paysanne est un ferment primordial de son succès dans le monde
d'aujourd'hui, car, seule, elle peut former l'ossature d'une
armée nationale et révolutionnaire. Mais, au dépa.rt, le fi social-
communautarisrne" doit réformer la psychologie de l'Africain, en
la purgeant, comme l'a dit N'Krumah, de la "mentalité coloniale".
Il est donc un moyen de libération nationale et instrument de
d~veloppement économique. Les deux aspects sont complémentaires
d'un même problème. En effet, "l'indépendance politique est un
leurre, si elle ne s'appuie pas sur l'indépendance ~conomiquelt.
C'est ce que les responsables africains proclament chaque Jour.
Le social··communautarisme est considéré comme la solution du
problème colonial, sous ses aspects politique ~t ~conomique.
Sur le plan économique, i l ne doit pas masquer, comme
l1l
dit le professeur Louis-Vincent Thomas
, "un capitalisme
d'Etat en relation étroite avec le capital de l'ex-mét~opole et
le capital international, susceptible par le biais d'une bureau-
cratie toujours en progrès, d'exploiter les masses populaires
mieux que ne pouvait le faire le rn~canisme de l'offre et de la
demande libre de la force de travail".
Enfin, sur le plan politique, le social-communautaris-
me doit ~tre basé sur "une démocratie authentique dans laquelle
l'Etat est au service des masses de travailleurs et paysans et
11) eo. L
- V.
Thoma..6,
in "Soc.iaR..i4me. e.t TiQ./l-6 Monde.," Bultetin
de. ,f,'I.F.A.M., T.XXX!I, -6ê/l. B.
nO
3,
1913.
p.
610.

-
366 -
cesse d'être l'instrument de domination de nouvelles classes
dirigeantes comme cel:'} se réalise actuellement"(ll.
Les bour-
geoisies africaines en place depuis l'indépendance étant les
relais directs des bourgeoisies métropolitaines et appendices
des multinationales n'investissant que dans les circuits immé-
diatement rentables et non productifs (le foncier,
les trans-
ports et les loisirs).
Ainsi, cette idéologie étant adoptée par l'ensemble
de l'Afrique, elle serait la base d'une véritable politique de
non-alignement, expression de la stratégie diplomatique unifiée,
d'indépendance et une voie efficace de développement pour cha-
que Etat africain par cela seul que sortie de son milieu social,
l'idéologie saisirait mieux celui-ci et pourrait le modifier
qualitativement.
L'Afrique a certes besoin d'une idéologie. Certes,
elle doit participer au grand débat idéologique du monde moderne
malS elle ne doit pas, ~ la lumi~re de ce qui vient d'être dit,
se bipolariser autour des blocs "capitaliste" et "socialiste".
De la sorte, l'Afrique affirmer2 sa personnalité et aura un poids
accru et un rôle mieux défini dans le monde de demain, dans le
cadre de l'Organisation de liUni~é Africaine bien entenéu redé-
finie.
(1) c.6. Le - V. TlwmM, -idem.

-
367 -
CHA .p 1 T RF II
REDEFINITION DE L'O.U.A.

~
368 -
Née dans l'euphoric
à Addis-Abéba en 1963, l'O.U.A.
5
a traversé de dures périodes de croissance
Aussi, faut-il
souligner le point critique de J'avenir de l'Afrique confront~e
à l'appétit insatiable des Duissances impérialistes contempo-
raines.
La situation de l'Afrique d'aujourd'hui est grave en
ce qui concerne le caractère mortel des assauts auxquels elle
doit faire face pour survivre.
Son évolution historique accuse
un parallèle avec l'Amérique Latine. Aussi, Cheikh Anta Diop a-
t-il raison de sonner l'alarme quand i l dit
" •• Nous attirons
l'attention sur une erreur d'appréciation qui consiste ~ croire
que les difficultés de l'Afrique doivent s'amoindrir avec le
temps.
L'histoire politique de l'Amérique Latine du 1ge siècle
après l'échec de Bolivar(])
dans son effort d'unification de ce
sous~continent nous montre que l'histoire peut renvoyer sine
die l'accomplissement d'un évènement capital pour l'avenir d'un
pays. Or Bolivar avait échouÉ pour des raisons externes:
l'im-
périalisme anglo-américain s'était ligué contre lui. Aujourd'hui
encore, c'est l'impérialisme qui s'oppose par tous les moyens à
l'unification de l'Afrique, c'est encore un continent développé
qui profite de son avance pour en assujettir un autre qui est
au seuil du décollage économique".
La stratégie pour briser un front uni en Afrique re-
vêt plusieurs aspects :
"une ligne dure et une tactique souple
ont été employées, nous l'avons déjà dit.
La manifestation la
plus frappante de la première est la rÉcente expédition contre
l'Angola et naguère oon~ la République de Guinée qu'avaient
précédées les agressions limitées contre la Zambie, la Tanzanie,
les deux Congas, le Sénégal et la Guinée elle-même. La seconde,
c'est la méthode souple d'infiltration économique directe qui
s'est averée une arme beaucoup plus efficaces en terme de contre-
( ] 1 8oUvevr. 0. été te. plu;., gJta.l'td. ch.e.n JtéAJA:ta.n.t de6 .eu:t.t.e6 r!.' .indépendance.
d'Am~Que La.tine..

-
369 -
subversion pour briser le front africain". C'est cette infil-
tration économique souple qui a conduit aux signatures d'accords
économiques entre l'Afrique du Sud d'une part, Madagascar de
Tsiranana~ le Kenya, le Gabon d'autre part.
"Il faut tenir compte par ailleurs, cornme le dit
Jean-Pierre N'diaye(1), de l'accentuation de la domination impé-
rialiste ancienne et nouvelle au sein d'un prand nombre de pays
de l'Afrique indépendante au cours de ces dernières années •••
Tout se passe comme si l'impérialisme acceptait chaque jour
moins les velleités des responsables politiques africains à
l'indépendance et leur accordait une marge chaque jour moins
grande dans la définition de certains chapitres jusqu'alors au-
tonomes de leur politique parmi lesquels la politiquE de la libé-
ration africaine!l.
c'est donc la "rupture de solidarité" de l'ensemble
des états envers les combatants pays occupés qui se traduit par
des "aspects passifs"
(non respect du paiement des cotisations
au Fonds de solidarité, non respect des mesures communément pri-
ses en matière de rupture des rapports diplomatiques et économi-
ques) et des "aspects actifs" avec pression sur les mouvements
de libération pour négocier à n'importe quel prix.
C'est dans ce
sens qu'il faut interpréter le fameux dialogue de Félix Houphouët
Boigny.
Au renforcement du colonialisme en Afrique du Sud
avec l'aide que lui accordent les grandes puissances occidentalee
- ce qui représente le plus grand danger pour le Progrès de
l'Unité du Continent - d'autres obstacles gènent le bon fonction-
nement de l'O.U.A. - Qu'il s'agisse, comme le rappelle Soutros
Ghali,
lidt~s obstac les inst i tutionnels qUl sont provoqués rar les
(lI Jea.n-P.{.ellAe WeUa.lje ..i.n "UtUté A6tvte.a-i.ne
feJ., Ob.6.ta.c.R.u 1' • Jeu.ne. A6JL.i.que.
nO 538 du. m~d.{. 21 AvJL.i.? 1911 p. 50.

-
370 -
complications provenant des organes directeurs de l'O.U.A. "ainsi
que" des difficultés psycho-diplomatiques vu le manque de con-
fiance de certains Etats africains à l'égard de leur propre Orga-
nisation. En d'autres termes, un certain nombre d'états africains
font plus confiance aux organisations internationales qu'à l'Or-
ganisation qu'ils ont créée eux-mêmes. Nous pensons qu'il s'agit
là des cas criminologiques.
Ces quelques rares dirigeants sont
encore des complexés, d'irresponsables et d'immatures politiques
qui tanguent au gré des patrons.
Plus le temps passe, plus ces
dirigeants à la "remorque" se révèlent comme un frein à l'évolu-
tion normale de l'Afrique.
Néanmoins, a l'analyse, il se pose ici un problème;
celui de l'idée même que les Etats africains se font de l'O.U.A.
Après un diagnostic sévère sur les insuffisances, une redéfini-
tion de ce que doit être ou de ce que ne doit pas être l'Unité
Africaine s'impose.
SECTION l
Ce que ne doit pas être l'O.U.A.
L'O.U.A. n'est pas la première organisation internatio-
nale à ne pas être à la hauteur des buts proclamés par sa Charte.
C'est vrai.
Cependant, elle ne doit pas être une "machine à vo-
ter des résolutions", reflet des contradictions qui paralysent
l'Organisation.
En effet, rien n'est plus inconfortable pour l'O.U.A.
que d'être un instrument mobilisable à merci pour des causes par-
ticulières, c'est-à-dire devant prendre parti en faveur de tel
ou tel Etat ou groupe d'Etats, de telle ou telle puissance, de
tel ou tel bloc étrangers même lorsque l'objet de ces causes,
comme le dit l'ancien Secrétaire Général de l'O.U.A., M. Eteki
Mboumoua, crée des conflits au niveau des Etats membres.

-
371 -
L'on dit que l'O.U.A., dans son fonctionnement actuel
est un cercle de famille à l'africaine où la solution de tout
problème est le résultat d'un consensus obtenu après une longue
et patiente médiation, et l'on y trouve satisfaction.
Quant à nous,
nous trouvons que cette vue de l'O.U.A.
-
cercle de famille à l'africaine est étroite et incomplète.
En
effet, nos entretiens avec les vieux nous ont convaincu que la
sécurité est la raison principale des groupements claniques ou
ethniques.
En vue de cette ~~cu~it~, le clan possède un territoi-
re, espace vital, indivis, qu'il maintient intact et dont i l
s'assure l'usufruit.
Sur cette terre commune,
les produits du
travail sont individuellement acquis. Mais i l est interdit de
faire d'elle un usage destructeur ou qui dépouillerait les autres
membres de leurs droits.
Condition fondamentale de leur existence, cette solida-
rité confère aux personnalités antiques,
les villageois, de trans-
pirer une prudente vigilance, mais jamais l'insécurité, de se
garder soigneusement de déclencher les réactions en chaîne, mais
de manifester partout un aplomb pr0 venant de la conscience qu'ils
ont de leur véritable force.
Et le gardien Visible de ce legs ancestral était le
chef investi.
Pour reconnaître les droits jamais aliénés des vé-
ritables et tout-puissants propriétaires, qu'il représentait, et
pour rappeler le caractère communautaire de cet héritage,
i l
était prescrit de lui offrir en présent un quartier du gros gi-
bier abattu à la chasse.
De m~me,
la principale épouse chef-
falle déterminait chaque année la circonscription que les femmes
cultiveraient.
Il s'agit ici, dèns le m~me ordre d'idées, d'une Charte
de l'O.U.A.
-
Revisée qui soit la garante des principes vitaux

-
372 -
de l'Organisation et qUl exige de chaque Etat membre un quartier
de leur souveraineté. Il s'agit là, en clair, "de la scuveralne-
té limitée".
Et le panafricanisme doit être à "l'~ge de raison".
Les tumultes provoqués aujourd'hui par l'admission de
la R.A.S.D., la tenue du 1ge Sommet à Tripoli, capitale du pays
de Khadafi, l'homme, dont Gertains chefs d'Etats africains re-
prochent ses interventions
(qualifiées de subversives) et le
report du 1ge Sommet de l'O.U.A., ne font que révéler un certain
climat créé par les responsables africains.
Leur comportement
justifie le bilan de désenchantement établi par les enfants du
continent et par les observateurs aux termes de ces deux décen-
nies de fonctionnement.
D'autres facteurs mis depuis en évidence
par l'évolution de ces derniers mois expliquent partiellement
et temporairement, le pessimisme des Africains, et rendent main-
tenant plus crédibles qu'en mai 1963 les perspectives d'une très
délicate mais néanmoins pas impossible survie de l'institution.
Les problèmes non moins graves existent.
Ils tiennent
aux mécanismes internes de 1IO.D.A. Constatation? Les chefs
d'Etat, leurs techniciens comme tout le monde qui voit un peu
clair dans les problèmes de l'O.U.A., sont tombés d'accord pour
estimer que les structures établies i l y a 1~ ans, ne conVlen-
nent plus aujourd'hui à assurer le bon fonctionnement d'un orga-
nisme à qui l'on a confié des t~ches aussi ambitieuses que va-
riées. Aussi, la révision de la Charte de l'O.U.A. envisagée au
Sommet tenu à Mogadiscio (Somalie) en Juin 1974 est-elle sérieu-
sement d'actualité. En particulier le renforcement suggéré des
pouvoirs du Secréta~iat Exécutif s'impose en transformant les
départements actuels en de v~ritables ministères techniques
(Education, Politique, Administration, Activités soientifiques).
Une telle réforme assurerait, de l'avis de tous, une meilleure
coordination des initiatives nationales dans ces domaines.

-
373 -
Par ailleurs, elle contribuerait à créer ce serVlce public pana-
fricain
(fonction publique panafricaine) qui fait actuellement
tant défaut à l'O.U.A. En effet, les fonctionnaires dépendent de
leurs gouvernements plus que du secrétaire général et offrent,
à Addis-Abéba, l'image d'un assemblage inefficace et indiscipli-
né de délégués nationaux en mission. C'est une conception de la
fonction publique panafricaine. Certes.
Mais la concepti~n de la Charte, nous semble la meil-
leure, Celle pour laquelle l'intégrité impose au fonctionnaire
international un loyalisme exclusif à l'égard de l'Organisation
qu'il sert et l'abstention de tout ce qui pourrait compromettre
le caractère panafricain de sa fonction.
Un autre aspect du bilan concerne davantage l'esprit
de collaboration entre les différents membres.
Comment faire
pour amener ceux-ci à respecter leurs propres engagements ? La
question ainsi posée débouche sur une problématique qui souligne
d'une part un défaut de fonctionnement, de l'autre un vice de
conception.
L'incapacité d'une organisation internationale, nous
l'avons dit,
~ faire respecter non pas ses décisions, mais cel-
les dont les pays membres lui confient librement et collective-
ment la paternité n'est pas spécifique de l'Afrique. On la dénon-
ce partout, à l'O.N.U.
ou ailleurs. Il faut donc que les membres
évitent des retards chroniques à remplir leurs engagements et
payent régulièrement leur cotisation pour la bonne marche de
l'Institution.
Ces différentes crises de croissance ou de conjoncture
amènent à repenser non l'existence de l'institution que nul ne
songe à remettre en cause, mais ses bases de fonctionnement.
Il
est donc souhaitable que les Etats membres acceptent de renfor-
cer de façon institutionnelle les pouvoirs de l'O.U.A. à la

-
374 -
dimension de ses ambitions elà.ns le monde d'aujourd'hui où la
confrontation des intérêts matériels le dispute au cliquetis
des armes.
SECTION I I
Ce que doit être l'O.U~A~
Hier colonisée, l'Afrique est restée divisée, miséra-
ble, dépécée par le piliage généralisé de ses ressources, aujour-
d'hui après l'indépendance, les mêmes menaces pèsent sur elle,
encore plus dangereuses qu'hier, car les grandes puissances manl-
festent des convoitises de plus en plus illimitées.
Et pourtant, l'Afrique indépendante a une souveraineté.
Sera-t-elle inutilisable et donc inutile ? Nous pensons que Sl
l'attaque n'est pas repoussée, si la libtration totale du Conti-
nent et l'Unité ne sont pas r·éalisées de haute lutte, l'existence
même de l'Afrique est remise en question et d'accord avec Jean-
Pierre N'diaye : "A l'heure actuelle, i l faut choisir entre
l i exi stence et la disparit iC.'1""l" •
Or, maintenant que le nouveau partage du monde en zones
est centré autour des principales puissances par le nombre de
leurs habitants et leur potentiel économique (les Etats-Unis, la
Corrununauté économique européenne, l'Union Soviétique et la Chine),
l'Afrique doit répondrE. :
"présent" et relever ainsi le défi
américain de l'ancien Secrétaire d'Etat aux finances connally(l J
de ne pas se laisser "bou66e~" par une zone quelconque. C'est
dire que, l'existence de l'Afrique n'est possible que si l'en-
semble des Etats qui la composent disposent d'un petentiel poli-
tique, économique et militaire qui, mis en commun,
la classerait
aux cetés des puissances montantes comme la Chine, le Japon et
(11 Vo-iA F!l.a.nco-w HouU in "Un. nouveau palLtage du monde.?". Le. Monde dipR..oma:U-
que n° Z11 Av~ 1912. V'aphè~ cette conception, R.a zone Am~aine com-
ptr.endJr..o.-Lt tout R.e Mouve.au Monde. pe.~ une paJLtie. de ,f.' At,·.i...e c..e1.e.e. de. fa CEf.
.6'é:tencfJw.,.(;t ~uJt l!..'fuJtope oc..ude.n.-tde. eX '€'A6J1.J...que.;
-e.'U.R.S.S. &,f..a Chine.
c..On6 eJlveJLa.i.en:t ,f.e.uJt doma.,Lne. a.ctuei.
ceu. pouJt Oa.c),U;teJr.., dU Con.naU!f,
p
la .6o,f..u.,Uon· du pltob.e.ème. monUaJ..Jte. -i.n:teJr.na:UonaJ...

-
375 -
l'Inde dont il faut, bon gré malgré, tenir compte pour aboutir
~ un meilleur équilibre dans le nouveau partage du monde.
Pour ce faire,
l'O.U.PI. doit être une Organisation
super-étatique, un pouvoir supranational habilité à s'imposer
avec autorité comme arbitre dans toutes les situ2tions conflic-
tuelles en Afrique et c}ans tous les cas d'agression ~ontre un
pays africain, et, de ce fait,
à imposer des solutions aux par-
ties en cause et ~ faire respecter son arbitrage par tous les
Etats membres.
Dans ce cas, l'O.U.A. doit se donner naturellement les
moyens d'une politique ~ la dimension de ses ambitions, moyens
pouvant aller de l'adoption de mesures coércitives précises jus-
qu'à la constitution d'une force d'intervention permanente.
Cela
implique la mise sur pied d'un organe exécutif qui puisse impri-
mer des orientations, et dans les cas des circonstances urgentes
prendre des décisions.Le domaine des pouvoirs et compétences
d'un tel organe exécutif doit être préalablement fixé par la
réunion des chefs d'Etat et èe rouvernements des Etats membres.
Dans ces conditions l'Organisation imposerait à la
souveraineté extérieure des Etats membres des restrictions in-
dispensables pour établir un programme de politique extérieure
(donc leur diplomatie) un système de défense commun et des aban-
dons de souveraineté pour leur intégration économique. Sinon,
l'O.U.A.
sera vouée â la disparition certaine. En Afrique, on est
majeur très vite et l'O.U.A. doit montrer qu'elle veut atteindre
cette majorité.

-
376 -
CHA PIT RE III
NOUVELLE STRATEGIE· ECONOMIQUE

-
377 -
Au-delà de l'indépendance politique en cette trcisièroe
décennie, le véritable débat se situe à un niveau qui paraît
quelquefois bien lointain:
celui de l'indépendance économique.
c'est d'autant plus vrai que certains dirigeants africains qUl
ont adopté une sorte de doctrine de l'aide, s'en remettant gene-
ralement à l'assistance technique et financière des pays dévelop-
pés et des institutions multilatérales internationales, ont pu
finalement se convaincre de la vanité de cette politique.
Leurs dernières illusions, comme dit le professeur
Abdoulaye Wade, sont tombées avec la troisième C.N.U.C.E.D. en
1971, lorsqu'il s'est agi d'obtenir des pays développés les con-
cessions effectives nécessaires à l'établissement d'un nouvel
ordre économique et monétaire en vue d'une redistribution plus
équitable des richesses entre les divers pays.
"Un enseignement a été tiré de tout cela : la charité
proclamée des pays nantis n'était que le camouflage d'une exploi-
tation, elle-m~me camouflée par un ordre économique qui ne repo-
sait sur rien d'autre que sur une domination économique, laquel-
le, avec le temps, avait fini par élaborer ses propres justifi-
cations sous la forme d'une certaine science économique,
assurément politique".
Mais l'Afrique a des potentialités réelles. Et le fon-
dement de la nouvelle stratégie africaine remet donc en cause de
nombreuses idées préconçues concernant aussi bien la capacité
des Africains que les relations 0conomiques et monétaires inter-
nationales.
Il s'agit désormais de prendre conscience des capa-
cités effectives des Africains, de l'importance des ressources
humaines et matérielles du Continent, de la nécessité de réali-
ser l'intégration économique rCgionale.
Cette intégration ~conomique ne procèdera pas d'une
vision tout à fait classique de l'Organisation internationale.

-
378 -
Au lieu d'être un processus de rapprochement des économies natio-
nales fondé sur l'unité de régime des participants, elle devra
connaître des abandons de Souveraineté comme dans les Communau-
tés européennes.
La mise en oeuvre de cette stratégie sera pos-
sible gr~ce à divers organes qui doivent être créés.
Il est temps de donner au concept de la solidarité
africaine son expression vivante, dans le domaine de la coopéra-
tion économique, monétaire, commerciale ... etc.
Il importe donc
de façon impérative, que les Etats africains suivent constamment
les divers changements que connaît le monde et adoptent une atti-
tude concertée pour protéger leurs intér€ts
communs.
Ils doivent
renforcer les diverses institutions qui peuvent les aider à défi-
nir les politiques communes à adopter dans divers domaines.
La
nécessité de l'Unité africain~ et de la coopération économique
n'a jamais été aussi impérieuse. C'est grâce à cette coopération
que les Etats africains pourront surmonter leurs difficultés
communes et réussir à se faire entendre dans les divers milieux
internationaux.
Il est donc nécessaire que la lutte de libération poli-
tique aille de pair avec la lutte de libération économique et
sociale. Ainsi, l'Afrique réussira à enrayer définitivement
l'ère du sous-développement et à émerger du champ des rivalit{:s
des grandes puissances.
SECTION I
Perspectives de développement et de croissance en
Afrique
Dans cet univers éclat~ qu'est le monde d'aujourd'hui,
l'Afrique ne vit plus à l'ombre de la paix face au défi du dé-
veloppement. Aussi, est-il bon et utile d'analyser les réalités
de notre temps, scruter J.'avenir, dégager des voies et moyens
pour une action future et organiser davantage la solidaritÉ
africaine.

-
379 -
S'interroger sur ces points, c'est risquer un diagnos-
tic pour le présent, et, préciser pour l'avenir des objectifs
et des programmes cohérents à mettre en oeuvre.
1 - LE DIAGNOSTIC
En dépit des résultats méritoires obtenus, des progrès
réalisés, en dépit des deux décennies pour le développement, le
continent africain vit plus dramatiquement que les autres régions
du mcnde les contre-performances des stratégies de développement
mal adaptées à son environnement et abrite dix-huit des pays les
plus pauvres du monde.
En dépit de vastes ressources naturelles
et d'efforts méritoires des gouvernements et des populations, on
n'observe ni des taux de croissance significatifs, ni des indi-
ces de bien-être populaire satisfaisants. Les problèmes du sous-
emploi et du chômage s'aggravent.
L'utilisation des ressources
est largement en dessous des possibilités.
La coopération inter-
africaine ne correspond nullement aux décisions et aux voeux
clairement formulés par les hautes autorités des pays concernés.
Des engagements pris par les chefs d'Etat ne sont pas appliqués
alors qu'ils pourraient, dans de très nombreux cas, être mis en
oeuvre et contribuer de manière efficace à l'amélioration du ni-
veau de vie des populations.
L'Afrique, qui donne l'image du continent de la vie et
de la joie~ abrite en fait dans une égale mesure la sombre réali-
té de la mort - mort massive des enfants, mort violente de toutes
sortes. Cette perspective de la catastrophe ne relève pas de la
simple imagination.
"Les faits sont là qui accusent le passé et
le présent, et insultent l'avenir'1'".
(11 c.~. Le Jr.a.ppoJtJ.: pltê.6eYlti! au Colloque de Mon!Lov..i.a pM A. Adedej-<., ~évJZ.J..eJt 1919
~dUQ pM {'O.U.A. M. Adebayo Adedej-<. e.!.J:t J.JeC!t~.ta.br.e ex~c.u;tin de 1!a.
C.E.A.

-
380 -
En effet, le produit national brut calculé à l'échelle
africaine ne représente que 2,7 pour cent du produit mondial.
Avec 365 dollars par tête en moyenne,
l'Afrique a le revenu an-
nuel le plus bas du monde et, avec une mortalité infantile de
137 pour 1000, le taux mondial le plus élevé. Résult2t d'une p0-
litique de développement centrée sur les villes, le sous-emploi
et le ch~mage atteignent des dégrés alarmants en touchant 45 pour
cent de la population active. Et si l'on compte actuellement un
médecin pour 672 habitants des centres urbains, il n'yen a en
moyenne qu'un seul pour 26 000 habitants dans les régions rura-
les.
Il faut ajouter à ces constatations la dépendance exces-
Slve vis-a-vis de l'extérieur, même dans le domaine alimentaire.
Les échanges et les structures commerciales continuent a suivre
presque uniquement le courant Nord/Sud.
Ce legs du passé favori-
se les lois de l'échange inégal et ses conséquences
: détériora-
tion des termes de l'échange, extraversion de la production,
faible valorisation sur place des matières premières etc.
Faut-il rappeler que, si le sous-développement n'est
pas un état naturel, si les pays africains et ceux en voie de
développement ne sont ni des pays arriérés, ni des pays sans
ressources et sont victimes, dit-on, d'un système économique
mondial, ils sont aussi victimes d'erreurs de conception et de
stratégie qui leur ont fait adopter des modèles de développement
inadéquats, non centrés sur les besoins humains et ne visant pas
un développement principalement endogène.
2 - VISION ET OBJECTIFS
Devant le constat d'une situation inquiétante qui peut
s'aggraver dans l'avenir proche ou lointain si les mêmes métho-
des continuent, la seule vision possible est un changement de
cap. D'où la nécessité de sérier la problématique, d'identifier

-
381 -
les causes, d'évaluer les performances et ne situer les données
imputables au désordre qui régit le monde. Ensuite, il s'agira
de privilégier et de dynamiser les éléments qui relèvent des
politiques internes, des changements structurels et des syst~mes
de valeurs, afin de promouvoir une nouvelle politique africaine
de développement, centrée sur l'être humain et lui permettant
d'assumer son identité et sa condition au lieu d'avoir ~ les
subir.
Ainsi, l'objectif premier du développement ne peut être
que la création d'un environnement matériel et culturel favorable
à l'épanouissement et à la participation créative. La vision
d'une Afrique libérée de la faim, de la maladie, de l'ignorance,
du chômage, d'inégalités sociales et culturelles, de pressions
et d'agressions extérieures passe nécessairement par l'auto-
dépendance, c'est-à-dire par un développement endogène avec la
libre et effective participation de la population.
Le deuxième objectif consiste comme le dit Michel Doo
Kingué(l) à élaborer des politiques pour l'utilisation et l'ex-
ploitation rationnelle des ressources naturelles en assurant
avant tout une auto-suffisance sur le plan alimentaire et une
transformation locale des matières premières. L'auto-suffisance
alimentaire notamment devient un facteur de sécurité, et donc
une contribution non seulement au Bien-être des Africains mais
aussi à la paix mondiale.
Le troisième objectif concerne le changement mental et
social que requiert l'option de l'autodépendance. Peur cela, il
faut que l'Afrique revoie et reconsidère l'ensemble des systèmes
(11 c.6. MÂ.c.he.i. Voo K.i..nguê bl. Itappau ptté6 e.n-t~ au Coll.oque. de. MoWLOV-ia. e.n
t
FêvJL-[eA 1919
éd-i.t~ pM t'O.U.A. M. Voo K-il1guê ut adrMYiMtJta.te.U!t adjo.iYtt
t
du PlLogltamme du Na.Uonf> /.InÂ.e6 pOUft le deve.loppe.men;t e;t Vbte.c.:te.uJt Jtêg.i..o-
.~ pOU/L i'A6tt.<..que.

-
382 ..
d'éducation et de formation. Et c'est dans cet ordre d'id6es que
l'on ne soulignera jamais assez l'importance de la science et de
la technologie. En effet, sans une politique de recherche auto-
nome audacieuse et vigoureuse, adaptée aux besoins et aux pro-
blèmes prioritaires de l'Afrique, le continent demeurera à la
merci de la dépendance qu'entraîne la politique des "transferts
de technologie Il.
Pour réaliser les objectifs, i l faut réorienter des
méthodes actuellement en vigueur. Et la vision de demain n'a de
sens que si elle se concrétise par un engagement dans l'action
dès aujourd'hui.
SECTION TI
Eléments pour un programme d'action
Tous ces graves problèmes dans lesquels se débat l'A-
frique sont le résultat des plans et des stratégies de développe-
ment mis en oeuvre jusqu'à présent.
La seule manière d'éviter les
catastrophes que l'on aperçoit pour la fin de ce siècle est bien
de promouvoir une nouvelle volonté politique.
Il faut donc que l'Afrique s'engage dans une stratégie
de maîtrise de ses besoins et de maîtrise des instruments cultu-
rels, sociaux, techniques, économiques et financiers, capables
de promouvoir les actions appropriées et d'assurer le succès
attendu pour changer la vie en Afrique. Certes, des initiatives
dans ce sens ont déjà été prises par les Etats africains, tant
au niveau de l'O.U.A.
que dans le cadre des Nation Unies.
On
peut noter a cet égard les mesures envisagées dans la Déclara-
tion africaine sur la coopération, le développement et l'indépen-
fance économique, la Charte culturelle de l'Afrique, la Charte
des droits et devoirs économiques des Etats (O.N.U., 1974), etc.
Mais i l ne suffit pas d'identifier les mesures à pren-
dre, i l faut les traduire en actes qUl concrétisent la volonté de

-
383 -
ohangement. Cette strat€gie
du changement, c'est une nouvelle
p€dagogie
de l'Unité africaine.
1 -
UNE NOUVELLE 'PEDAGOGIE DE L'UNITE AFRICAINE
Les participants au Colloque èe Monrovia(l)
ont insis-
t~ sur une mise en garde qui peut se r6sumer ainsi : "Face aux
ressources et aux réalisations gigantesques de pays com~e les
Etats-Unis d'Amérique ou l'Union Soviétique, face au labeur pa-
tiemment organisé de 900 millions de Chinois, devant la force
économique chaque jour plus marquée que constitue le Marché com-
mun européen, les pays africains, s'ils étaient appelés à se
maintenir dans un nationalisme étroit, auraient à constater que
non seulement l'écart entre pays riches et pays pauvres irait en
se creusant, mais aussi que le continent risquerait de se trou-
ver marginalisé, condamné au rôle de succursale de quelque empi-
re, ancien ou nouveau".
L'Unité Africaine n'est donc ni un slogan, ni une am-
bition irresponsable.
C'est une nécessité, et pas seulement un
rêve généreux et réalisable.
Pour donner corps à l'idée, le Colloque recommè.nde
instamment trois mesures concrètes :
a)
la premi~re consisterait en la création d'un Marché
commun africain, basé sur une coordination et une
intégration progressives, et qui se ferait par cer-
cles concentriques en fonction des zones économi-
ques existant actuellement sur le continent. Le
(1) Rappolvt 6-i.nal du Co.u..oque. de. MOMov-ia. .6Wt R..e1:J pe.Jt6pe.c.üve..6 du déve..-eoppe.-
me.nt de. l'A6Jvi..que. a l'hoJt-i.zon 1.000 - MOMov-La rL-i.bpJUa), 72-16 Fê.vJt-i.eJt
1919. - édité p~ l'O.U.A.

-
384 -
Marché commun africain pourrait s'appliquer égale-
ment à des produits particuliers:
viande, grains,
certaines ressources naturelles produites dans la
région, etc.
b) La deuxi~me mesure préconisée est le renforcement
des dispositions favorisant la libre circulation des
personnes et des biens sur le continent africain.
Pour cela, une décision ~ la fois symbolique et plei-
ne de promesses s'impose:
la suppression des visas
entre pays africains.
c) La troisième mesure concerne l'~ducati0n de l'opi-
nion publique africaine à l'Unité de l'Afrique afin
que l'idée ne soit pas appréhendée au niveau des res-
ponsables politiques seulement. Dans ce but, des ac-
tions sont précononisées au niveau des associations
populaires:
femmes,
jeunes, travailleurs, sportifs,
etc;, et au niveau des centres d'éducation:
Lycées
Collèges, Universités, etc.
Cette pédagc?ie de l'Unité Africaine constitue la con-
dition qui rendra réaliste une vision du développement fondée
sur l'autonomie collective et les valeurs propres aux peuples
~'Afrlque.
'A
_
.

-
385 -
. C . 0 N C LUS
1· 0 N

-
386 -
"S'il 6afR..a-i.t ne. pa..6 ltêve.lt, à quo-i.
.6 e.1t v-i.1t a-i. t
..e e. c. -i. e.i ? "
Félix Houphoue.t-Boigny
V-i.mboklto,
5 déc.e.mblte. 1915.
Avec l'âge, l'Afrique se d~chire et l'unit6 se vide de
son contenu. Fortement ressentie au lendemain des indépendances,
amorcée par la création de l'O.U.A. qui a sur le plan politique,
malgré des faiblesses évidentes, considérablement contribu~ à
limiter les ingérences étrangères, l'unité s'émousse chaque jour
pour, au fur et à mesure, être remplacée par l'accent sur le
droit à la différence.
"Comme si la différence excluait la vie
COWIDune au lieu qu'elle l'enrichit, comme si l'opposition de sexe
excluait la vie conjugale au lieu qu'elle la conditionnât tt (ll.
Ce n'est pourtant pas la volonté. qui a manqué. Au nl-
veau politique et social, l'Afrique a, au cours des vingt derniè-
res années, connu plus de conférences intergouvernementales, plus
de visites de chefs d'Etat que n'importe quelle autre région de
la terre. L'appel quotidien de ses responsables traduit les sen-
timents profonds de peuples qui se cherchent.
Sur le plan écono-
mique, d'importantes initiatives ont été prises: dès 1963,
l'O.U.A. plaçait "l'intensification et la coordination des ef-
forts pour am~liorer les niveaux de Vle en Afrique"
en tête de
ses objectifs. En 1966 naissait l'Union douanière et économique
d'Afrique centrale (U.D.E.A.C.)
; en 1967, c'était la communauté
économique de l'Afrique de l'Ouest <C.E.A.O.), fille du Conseil
de l'entente, et que en 1975
la Communauté économique des Etats
9
de l'Afrique de l'Ouest
(C.~.E.A.O.) agrandissait et renforçait.
(1) cn. J. Tchundjang Poucm-i., .<J't l'IMonnaie., -6e.Jt.,Uude. ct übe.Jttc.", éd. j. o..
Pa/ti.6, 1919, p. 221.

-
387 -
La communauté économique de l'Afrique de l'Est a tout de m~me
fonctionné pendant dix ans avant que les manoeuvres de division
la fasse éclater. Et les initiatives continuent sans parler de
la Communauté économique des pays de grands Lacs <C.E.P.G.L.L
L'Afrique ne commerce pas avec l'Afrique.
C'est vral.
Et c'est précisément contre cet état de choses que les Africains
doivent conjuguer leurs efforts.
Car, c'est l'échange inter-
africain qui permettra, pour employer une expression de Ben
Yahmed, de mettre les peuples "dans le coup", c' est-a-dire de
faire l'union économique.
1 - 'DIFFERENCE DE CONCEPTION
Contre l'union économique et monétaire en Afrique,
des arguments "scientifiques" sont avancés.
Voici entre autres,
les principaux fondés sur l'analyse économique et ~ l'abri des
préjugés.
Que vont s'échanger les Africains? L'union économique,
sans parler d'union monétaire, suppose qu'il y ait quelque chose
à échanger, elle suppose un tissu commercial suffisamment dense
entre les partenaires pour que les bénéfices soient ressentis
par les populations. Un minimum de rapports est donc nécessaire
au départ. Si l'Europe peut s'unir, c'est parce que les rela-
tions introa-européennes absorbent une proportion importante de
l'ensemble de Bes échanges. Il en résulte deux conséquences
l'union économique est concevable entre pays industrialisés puis-
qu'ils produisent des biens finis et diversifiés; elle ne l'est
pas entre pays produisant des mati~res premi~res, de surcroît
semblables.
On ne voit pas le Ghana et la Côte d'Ivoire se vendre
du café décortiqué, ni le Zaire vendre le cobalt au Mali contre
le sorgho:
le Mali n'ach~terait le cobalt que pour le revendre
à Bruxelles ce que le Zaire peut faire directement pour, ensuite,
acheter le sorgho avec les devises encaissées. Une coopération
économique ne peut s'établir.

-
388 -
Il faut reconnaître que, présenté de cette manière le
raisonnement est inattaquable et qu'effectivement les groupe-
ments régionaux se sont effectués avec d'autant moins d'obstacles
que les partenaires avaient des courants commerciaux, ou s'é-
taient spécialisés dans des productions complémentaires. L'Euro-
pe de l'Ouest est un exemple du premier cas, le Conseil d'aide
économique mutuelle (comecon) celui du second. Par contre, les
pays d'Amérique Latine n'ont pas réussi, malgré de multiples
tentatives, à former des unions solides.
Ce raisonnement exact n'est que le corollaire direct
de la définition même de l'union économique conçue aussi bien
en théorie que dans les faits,
comme une coopération pour faci-
liter le mouvement des biens et des services
(accessoirement de
personnes) ou la division du travail à l'intérieur pour se pro-
téger contre l'extérieur. L'Europe se voudrait, elle l'est
presque déjà, la première puissance commerciale du monde. Le
Comecon voudrait, face à l'Occident, augmenter sa productivité
en spécialisant ses membres dans les activités on ils sont le
mieux préparés ou dotés par l~ nature. Dans ces conditions, en
effet, l'Afrique ne peut, vu lèS tares du passé, prétendre agran-
dir son marché.
A l'évidence, ce n'est pas de cela qu'il s'agit en
Afrique.
L'aspiration, ce à quoi on assiste déjà, hélas
! timide-
ment et de façon isolée, c'est à la recherche avant t'~ehange de
moyens de produire ensemble, d'unir les forces pour mettre sur
pied des unités de production autant que possible financièrement
rentables, c'est vrai, mais d'abord économiquement utiles et so-
cialement efficaces.
Et la preuve semble faite que la volonté
existe.
Qu'il s'agisse de la C.I.M.A.O.
(cimenterie de l'Afrique
de l'Ouest) qui unit le Ghana,
la Côte d'Ivoire et le Togo pour
produire mieux. Qu'il s'agisse d'Air Afrique ou de projets com-
munautaires que la C.E.D.E.A.O. s'apprête à réaliser dans les
domaines les plus divers
: transports maritimes, liaisons des
capitales par 7 000 kilomètres de route, télécommunication, etc.

-
389 ...
Qu'il s'agisse du fonds de développement de la même C.E.D.E.A.O.
ou de la taxe de coopération régionale qui entend s'attaquer ~ux
disparités régionales occasionnées par la nature. On peut le
constater, rien de semblable ailleurs.
Il n'y a pas qu'une différence de perception des méca-
nismes de la coopération, i l y a une différence de conception de
la vie en commun. En Afrique tout se passe comme si le problème
premier était de se donner la main pour tirer le meilleur avan-
tage des ressources de la nature.
Les spécialistes des relations
sociales appellent cette attitude jeu a ~omme po~~t~ve, tandis
que la confrontation, c'est le jeu a ~omme nulle dans le meil-
leur des cas.
Il faut donc que l'Afrique transforme progressivement
les rapports économiques inter-africains en les structurant, en
les multipliant et en les diversifiant.
C'est la seule chance de
peser un jour de son vrai poids sur la scène du monde.
Il faut
donc que l'Afrique oeuvre activement pour l'établissement d'une
communauté économique des pays d'Afrique dans un proche avenir.
2 - LE NOUVEL ORDRE MONDIAL II-AT HOME"
Pessr d'un plus grand poids dans les affaires mondiales,
voilà un objectif de développement de l'Afrique pour l'avenir.
Il ne fait pas de doute que l'accession des pays afri-
cains à l'indépendance a changé la scène politique mondiale et a
provoqué le renforcement du poids du tiers. monde dans tous les
débats internationaux.
Le rôle des Etats d'Afrique ~ l'O.N.U.
est à cet égard particulièrement significatif.
C!est vrai que la souveraineté politique de l'Afrique
n'est qu'une étape dans sa lutte en vue de contrôler soi-même
son destin économique.
L'organisation d'un nouvel ordre mondial

-
390 -
où ses problèmes et préoccupations ne seraient plus traités de
façon marginale est, en fin de compte,
son principal objectif.
Il serait cependant abusif de croire qu'un des pays
africains, si grand soit-il, pourra, dans un avenir proche ou
lointain, en imposer tout seul aux grandes puissances de ce mon-
de.
Nous sommes (,'TItrÉs dans l'ère des grands ensembles économi-
ques et il faut que l'Afrique s'organise de telle sorte qu'elle
puisse, en tant qu'entité politico-éccnomique, par sa cohésion,
son organisation économique et sa politique générale, co~mander
le respect des autres grandes entités mondiales.
Bien utilisée,
l'O.U.A. pourrait faire atteindre un tel r~sultat. Cela suppose
qu'elle s'occupe plus sérieusement des problèmes de développe-
ment. Cela suppose aussi que chacun des pays mette un peu plus
d'ordre dans ses affaires. Aussi peut-on dire que le nouvel or-
dre mondial commence chez soi
("at home"). En effet, comment
peut-on obtenir une meilleure organisation mondiale de l'6cono-
mie et plus généralement un nouvel ordre mondial dans tous les
domaines si l'on est mal organisé au niveau national et si son
organisation collective en tant que communauté africaine ou en
tant que groupe de pays en développement laisse encore à désirer?
Le renforcement de la cohésion devrait donc être la première
préoccupation et c'est en cela que nous paraissent si essentiel-
les la démocratisation du développ€ment
national et l'organisa-
tion d'une plus grande solidarité tant économique que politique
entre pays africains appuyée par une plus grande solidarité de
l'ensemble des pays du tiers monde. C'est cette solidarité que
tend à promouvoir la coopération économique et technique entre
pays en développement.
"S'il fallait ne pas rêVEr, à quoi servirait le ciel" ?
Le rêve auquel fait allusion le président ivoirien n'a, on l ' i -
maglne, rien de commun avec les rêveries poétiques, ni l'utopie.
Le vrai rêve, celui qui distingue l'homme d'action, motive et
sous-tend l'effort vers les desseins élevé~ ceux qui libèrent

-
391 -
l'esprit et donc le corps des souffrances inhérentes à la Vle en
ouvrant des horizons moins douloureux : il est ce détachement
des contraintes du moment qui porte vers le souhaitable, même
s ' i l est certain que ce souhaitable ne sera pas atteint.
Le vrai
rêve se confond avec l'ambition, le projet;
i l fait construire,
alors que les rêveries font jouir en imagination des fruits d'un
travail qu'on n'a pas accompli. Les lignes qu'on vient de lire
voulaient inviter au rêve:
celui de placer l'Afrique de demain
devant ses responsabilités qui consistent à libÉrer l'homme
africain des handicaps du contre-développement~ Il nous a. semblé
que ce soit là notre ma.ni~re de faire en sorte que l'Afrique es-
p~re participer, elle aussi, à l'édification du monde de demain,
ce monde qui change et change de plus en plus vite.
Ce qui est plus nouveau encore, c'est qu'il devient
de plus en plus hasardeux de s'aventurer dans la prévision de ce
que sera ce monde, ne serait-ce que dans vingt ans.
Il y a bien
des scénarios et l'Afrique doit être présente au "rond-point de
l'avenir".
Pour ce faire,
l'Afrique devrait rompre avec le passi-
visme, fermer les oreilles aux mythes qui la condamnent à la mi-
sère, ne pas céder à l'illusion déterministe et avoir une véri-
table attitude prospective, celle qui accepte les faits mais non
les fa.talités,
"e.xpJ!..oJt.e.Jt. .R..'a.ve.n-tJt." pour discerner la place qu'el-
le pcurrait légitimement revendiquer et se donner aujourd'hui,
les moyens de l'occuper, c'est-à-dire "l'O.U.A.", "Unie et inrlé-
pendante, économiquement, politiquement et culturellement".
Bref, l'Unité africaine n'est donc ni tn1 slogan, ni une
ambition irresponsable. C'est une né~e.~~-t~é., et pas seulement
un rêve généreux et réalisable.

-
392 -
.A·N··N. E·X E·S

- 393 -
ANNEXE 1
CHARTE DE L'ORGANISATION DE L'UNITE AFRICAINE
Addis-Abéba - Mai 1963.
1.
Nous, Chefs d'Etat et de Gouvernement africains et malga-
che, réunis à Addis-Abéba (Ethiopie)
;
2.
Convaincus que les peuples ont le droit inaliénable de dé-
terminer leur propre destin ;
3.
Conscients du fait que la liberté, l'égalité, la justice
et la dignité sont des objectifs essentiels à la réalisa-
tion des aspirations légitimes des peuples africains ;
4.
Sachant que notre devoir est de mettre les ressources natu-
relles et humaines de notre continent au service du progrès
général de nos peuples dans tous les domaines de l'activité
humaine
5.
Guidés par une commune volonté de renforcer la compréhen-
sion et la coopération entre nos Etats afin de répondre
aux aspirations de nos populations vers la réalisation
d'une fraternité et d'une solidarité intégrées dans une
unité plus vaste qui transcende les divergences ethniques
et nationales ;
6.
Convaincus qu'afin de mettre cette ferme détermination au
service du progrès humain il importe de créer et de mainte-
nir des conditions de paix et de sécurité ;
7.
Fermement résolus à sauvegarder et à consolider une indé-
pendance et une souveraineté durement conquises, ainsi que
l'intégrité territoriale de nos Etats, et à combattre le
néocolonialisme sous toutes ses formes ;
8.
Voués au progrès général de l'Afrique;
9.
Persuadés que la Charte des Nations Unies et la Déclara-
tion universelle des Droits de l'Homme, aux principes des-
quelles nous réaffirmons notre adhésion, offrent une base
solide pour une coopération pacifique et fructueuse entre
nos Etats ;

-
394 -
10.
Désireux de voir tous les Etats africains et malgache s'u-
nir, désormais, pour assumer le bien être de leurs peu-
ples
11.
Résolus à raffermir les liens entre nos Etats en créant
des institutirms communes et en les renforçant ;
12.
Sommesconvenus;
L'ORGANISATION DES ETATS AFRICAINS ET MALGACHE
ArticlepI1emier
Les Hautes Parties Contractantes constituent, par la
présente Charte, une organisation dénommée "Organisation de
l'Unité Africaine". L1 0rganisation devra inclure les Etats C0n-
tinentaux, Madagascar et toutes les îles entourant le continent.
OBJECTIFS
Article
2
1.
Les objectifs de l'Organisation sont les
suivants
a) Renforcer l'unité et la solidarité des Etats
africains et malgache ;
b) Coordonner et intensifier leur coopération et
leurs efforts pour offrir de meilleures condi-
tions d'existence aux peuples d'Afrique ;
c) Défendre leur souveraineté, leur intégrité terri-
toriale et leur indépendance ;
d) Eliminer sous toutes ses formes le colonialisme
de l'Afrique;
e) Favoriser la coopération internationale, en tenant
dûment compte de la Charte des Nations Unies et de
la Déclaration universelle des Droits de l'Homme.

-
395 -
2.
A ces fins , l e s Etats membres coordonneront et harmonis(-;-
ront leurs politiques g~nfrales, en particulier dans les
domaines suivants :
a) politique et diplomatie
,
h) économie, transports et communications
c) éducation et culture
d) santé, hygiène et nutrition
el SClence et technique
f) défense et sécurité.
PRINCIPES
"Art"icle
3
Les Etats membres, pour atteindre les objectifs Énon-
c~s à l'article II, affirment solennellement les principes
suivants :
1.
Egalit~ souveraine rte tous les Etats membres;
2.
Non-ingérence dans les affaires int~rieures des Etats;
3.
Respect de la souveraineté et de l'inté~rité territoriale
de chaque Etat et de son droit inaliénable à une existence
indépendante ;
4.
Règlement pacifique des différends, par voie de négocia-
tions, de médiation, de conciliation ou d'arbitrage;
5.
Condamnation, sans réserve, de l'assassinat politique ainsi
que des activités subversives exercées par des Etats voi-
sins, ou tous autres Etats;
6.
Dévouement sans réserve à la cause de l'émancipation totale
des territoires africains non encore indépendants ;
7.
Affirmation d'une politique de non-alignement à l'égard èe
tous les blocs.

-
396 -
MEMBRES
. Article
4
Chaoue Etat africain indépendant et souverain peut
devenir membre de l'Organisation.
DROITS ET DEVOIRS DES ETATS MEMBRES
Article
5
Tous les Etats membres jouissent des mêmes droits
et ont les mêmes devoirs.
Article
6
Les Etats membres s'engagent à respecter scrupuleuse-
ment les principes énoncés à l'article III de la présente
Charte.e
INSTITUTIONS
Article
7
L'Organisation poursuit les objectifs qu'elle s'est
assignés, principalement par l'intermédiaire des institutions
ci,..après :
1.
La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvèrnèment
2.
Le Conseil des ministres;
3.
Le Secrétariat général ;
4.
La Commission de médiation, de conciliation et cl.' arbitrage.

-
397 -
LA CONFERENCE DES CHEFS D'ETAT ET DE GOUVERNEMENT
Article· 8
La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement est
l'organe suprême de 110reanisation. Elle doit, conformément aux
dispositions de la présente Charte, étudier les questions d'in-
térêt commun pour l'Afrique, afin de coordonner et d'harmoniser
la politique générale de l'Organisation~ Elle peut, en outre,
procéder à la révision de la structure, des fonctions et des
activités de tous les or~anes et de toutes le? institutions
spécialisées qui pourraient être créées conformément à la pré-
sente Charte.
Article
9
La Conférence est composée des Chefs d'Etat, de Gou-
vernement, ou de leurs représentants dament accrédités, et se
réunit au moins une fois l'an. Si un Etat le demande, et sous
réserve de l'accord des deux tiers des membres la Conférence se
réunit en session extraordinaire.
Article 10
1.
Chaque Etat membre dispose d'une voix,
2.
Toutes les décisions sont prises à la majorité des deux
tiers des Etats membres de l'Organisation;
3.
Toutefois, les décisions de procédure sont prises à la majo-
rité simple. Il en est de même pour décider si une question
est de procédure ou non;
4.
Le quorum est constitué par les deux tiers des Etats mem-
bres.
Article 11
La Conférence établit son règlement intérieur.

-
398 -
LE CONSEIL DES MINISTRES
Article 12
Le Conseil des ministres est compos~ de ministres des
Affaires Etrangères, cu de tous autres ministres désignés par
les Gouvernements des Etats membres.
Il se réunit au moins deux fois l'an~ Lorsqu'un Etat
en fait la Gemande, et sous r~serve Ge l'accord des deux tiers
des membres, le Conseil se réunit en session extraordinaire.
Article 13
Le Conseil des ministres est responsable
devant la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Il est chargé
de la préparation de cette Conférence.
Il oonnaît de toute
question qu'elle lui renvoie; i l exécute ses décisions.
Il met en oeuvre la coopération interafricaine selon
les directives des Chefs d'Etat et de Gouvernement, conformé~
ment à l'article II, paragraphe 2, de la présente Charte.
Articlel!+
1.
Chaque Etat membre dispose d'une voix.
2.
Toutes les résolutions sont prises à la majorité simple du
Conseil des ministres.
3.
Le quorum est constitué par les deux tiers des Etats mem-
bres.
Article -15
Le Conseil des ministres établit son règlement 1n-
térieur.

-
399 -
SECRETAIRE GENERAL
Article ,16
Un secrétaire ~énéral administratif àe l'Organisa-
tion est désigné par la Conférence èes Chefs d'Etat et de Gou-
vernement, sur proposition du Conseil des ministres. Il dirive
les services du Secrétariat.
Article .. 17
Le Conseil des ministres désigne un ou plusieurs
secrétaires généraux adjoints qui seront nommés par l'Assemblée
des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
Article 18
1.
Les fonctions et conditions d'emploi du secrétaire général
administratif, des secrétaires généraux adjoints et des
autres membres du Secrétariat, sont réries par les disposi-
tions de la présente Charte, et par le règlement intérieur
approuvé par le Conseil des ministres.
2.
Dans l'accomplissement de leurs devoirs, le secrétaire géné-
ral administratif et le personnel ne solliciteront ni n'ac-
cepteront d'instructions d'aucun Gouvernement ni d'aucune
autorité extérieure ~ l'Organisation.
Ils s'abstiendront de
tout acte incompatible avec leur situation de fonctionnai-
res internationaux et ne sont responsables qu'envers l'Orfa-
nisation.
Chaque membre de l'Organisation s'engage à respecter
le caractère exclusivement international des fonctions du se-
crétaire général administratif et du rersonnel, et à ne pas
chercher à les influencer dans l'exécution de leur tâche.

-
400 -
COMMISSION DE MEDIATION, DE CONCILIATION ET D'ARBITRAGE
Article 19
Les Etats membres s'engagent à régler leurs diffé-
rends par des voies pacifiques. A cette fin, ils sont convenus
d'établir une Commission de médiation, de conciliation et d'ar-
bitrage. Sa composition et ses règles de fonctionnement seront
définies par un protocole séparé à approuver par l'Assemblée
des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
COMMISSIONS SPECIALISEES
Article 20
Sont créées, outre les commissions s~écialisées que
la Conférence peut juger nécessaires, les commissions suivan-
tes
1.
La Commission économique et sociale.
2.
La Commission de l'éducation et de la culture.
3.
La Commission de la santé, de l'hygiène et de la nutrition.
4.
La Commission de la défense.
5.
La Commission scientifiques technique et de la recherche.
Article 21
Chacune de ces Commissions spécialisées est composée
des ministres compétents, ou de tous autres ministres ou pléni-
potentiaires, dési~nés à cet effet par le Gouvernement.
_.
-
Article 22
Chaque Commission spécialisée exerce ses fonctions
conformément aux dispositions de la présente Charte, et d'un
règlement intérieur approuvé par le Conseil des ministres.

-
401 -
Article 23
Le Budret de l'Organisation, préparé par le secrétai-
re général administratif, est approuvé par le Conseil des minis-
tres.
Il est alimenté par les contributions des Etats membres,
conformément aux références qui ont permis l'établissement du
bar~me des Nations Unies. Toutefois, la contribution d'un Etat
membre ne pourra pas excéder 20% du budget ordinaire annuel de
l'Organisation.
Les Etats membres s'enpapent à payer réguli~re­
ment leurs contributions respectives.
SIGNATURE ET RATIFICATION DE LA CHARTE
Article· 24
1.
La présente Charte est ouverte à la signature de tous les
Etats africains et malpache, indépendants et souverains.
Elle est ratifiée par les Etats sipnataires conformément
à leur procédure constitutionnelle.
2.
L'instrument original, rédieé si possible dans les langues
africaines, en français et en anglais, les deux textes fai-
sant également foi,
est déposé aupr~s nu Gouvernement de
l'Ethiopie qui transmet des copies certifiées de ce docu-
ment à tous les Etats africains et malgache, indépendants
et souvera.ins.
3.
Les instruments de ratification sont déposés aupr~s du Gou-
vernement de l'Ethiopie qui notifie le dépôt à tous les
Etats sipnataires.
ENTREE EN VIGUEUR
Article 25
La pT.'psente Ch arte entre:; en viP"tlCur d~ s réception par
le G~uverneJf:ent (I.e l'Ethie-pie ('.es in strurr.ents èe r.~tific3.ticn
des deux tiers ~es Ft~ts si~n2tQires.

- 402 -
ENREGISTREMENT DE LA CHARTE
Article 26
Cette Charte, dOment ratifiée, sera enregistrée au
Secrétariat des Nations Unies, par les soins du Gouvernement
de l'Ethiopie, conformément à l'article 102 de la Charte des
Nations Unies.
INTERPRETATION DE LA CHARTE
Article "27
Toute décision relative à l'interprétation de la pré-
sente Charte devra être acquise à la majorité des deux tiers
des membres de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouverne-
ment de l'Organisation.
ADHESION ET ADMISSION
Article 28
1.
Tout Etat africain indépendant et souveraln peut, en tout
temps, notifier au secrétaire général administratif son in-
tention d'adhérer à la présente Charte.
2.
Le secrétaire général actministratif, saisi de cette notifi-
cation, en communique copie à tous les membres. L'admission
est décidée à la majorité simple des Etats membres.
DISPOSITIONS DIVERSES
Article "29
Les langues de travail de l'Or~anisation, et de tou-
tes ses institutions, sont si possible les langues africaines,
le français et l'anglais.

-
403 -
Article 30
L
, . . .
....,..
l
cl"
' C
.e secretoinre .!'9;~n,<1rCiL
a. m1.nlst:r.;ll"t~ :~.i;~'.I+ accepter, .u
nem de l'Organisation, tous ~~ns, donati~ns ~~ l~ffS faits ~
l'Organisati.n, sous r~serv~ de l'apwr~~~ti@n du Censeil des
ministres.
Art ie le '31
Le Censeil ~es ministres ~~cide ~es privil~ge6 et
immunités ~ acc$ràer au ~ersGnnel èu Secr~tari.t dans les terri-
ü,ires respectifs cles Etats mem9res.
~,f.NONCIA'l'ION p, L~ QUALITE DE MEMB~E
Article 32
'l'eut Etat ~ui 6~sire se retirer œe l'Or~&nisati.n
en
fait netificatien au secrétaire général aèministratif. Une
année a~rès laGite notifiaati@~, à moins qu'elle n'ait été
retirée, la Charte cesse «e s'a~~li~uer ~ cet Etat ~ui, de ce
fait, n'a"artient ~lus ~ l'Organisation.
AMENDEMENT ET PEVISION
"',rt ic le 33
La ~résente Charte ~eut être amend~e ou revisée si
un F.tat membre envoie ~ cet effet une demande écrite au secré-
taire général administratif.
La Conf~rence n'est saisie gU ~r.­
jet ~'amendement ~ue lers~ue tGUS les Et~ts mern~res en .nt ~t~
dament avis~s, ~t a~r~s un d~lai ~'un an.
L'amen~ement ne ,rend
effet ~ue lers~u'il est .a"rouv~ par les ~eux tiers ~u moins
des Etats memkres.
En f~i àe ~uœi, neus, Chefs d'Etat et @e Gœuvernement
africains et malgache, avons sign~ la pr~sente Charte.
Fait à Aèdis-A.é~a, le 25 M.i 1963.

- 404 -
ANNEXE II
REGLEMENT INTERIEUR DE LA CONFERENCE DES CHEFS D'ETAT
ET DE GOUVERNEMENT
Article pre"mier
La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement
est l'organe suprême de l'Organisation de l'Unité Africaine.
COMPOSITION
Article
2
La Conférence est composée des Chefs d'Etat et de
Gouvernement ou de leurs représentants dûment accrédités.
FONCTIONS
Article
3
1.
Discussion de sujets présentant un intérêt commun pour les
pays d'Afrique.
2.
Coordination et harmonisation de la politique générqle de
l'Organisation.
3.
Révision de la structure, des fonctions et des instruments
de tous les organes èe l'organisation.
4.
Création de toutes institutions spécialisées qui pourront
être jugées nécessaires aux termes des Articles VIII et
XX de la Charte.
5.
Interprétation et modification de la Charte.
SESSIONS ORDINAIRES
Article' 4
Conformément aux dispositions de l'Article IX de la
Charte, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement se
réunit é'..U l'loins une fois par an.

-
405 -
SESSIONS EXTRAORDINAIRES
. Article
5
A la demande de tout Etat membre et sous réserve de
l'approbation de la majorité des deux tiers des Etats membres)
la Conférence se réunit en session extraordinaire.
LIEU DES SESSIONS
Article
6
Lors d'une session '-:rr1.inaire, la Cc·nférence r'2CüY à la 00-
jorité simple du lieu où se tiendra la session suivante.
SEANCES PUBLIQUES ET SEANCES A HUIT CLOS
Article
7
Toutes les séances de la Conférence sont tenues à
huit clos; toutefois) la Conférence peut décider à la majorité
simple que certaines de ces séances seront publiques.
LANGUES DE TRAVAIL
Article
8
Les langues de travail de la Conférence sont, Sl pos-
sible) des langues africaines ainsi que l'anglais et le français.
ELECTION
Article
9
Au début de chaque session) la Conférence élit le
Président de la Conférence et huit présidents de séance.

-
406 -
MANDAT ET FONCTIONS DU BUREAU
Article 10
1.
Le Président prononce l'ouverture et la clôture des séances,
présente pour approbation les procès-verbaux des séances,
dirige les débats, accorde la parole, met aux voix les su-
jets en discussion, proclame les résultats des votes, sta-
tue sur les questions de procédure conformément aux dispo-
sitions de la Charte et du Règlement intérieur.
2.
Le Président de la séance veillera sur le déroulement des
débats en vue de leur assurer un état permanent d'ordre et
de dignité.
ORDRE DU JOUR
Article 11
L'ordre du jour provisoire d'une session ordinaire
établi par le Conseil des Ministres comprend les point suivants:
1.
Questions que la Conférence a décidé d'inscrire à l'ordre
du jour.
2.
Questions proposées par le Conseil des ministres.
3.
Questions proposées par les Etats membres.
4.
Questions diverses.
Article" 12
Le Secrétaire général administratif communique l'or-
dre du jour de toute session extraordinaire dix jours au moins
avant l'ouverture de ladite session extraordinaire.

-
407 -
Article 13
L'ordre du jour d'une session extraordinaire ne com-
prend que les questions dont l'examen est proposé dans la de-
mande réclamant la convocation d'une session extraordinaire.
QUORUM ET DEBATS
Article 14
Pour toute séance de la Conférence, le quorum est
constitué par les deux tiers de ses membres.
Article 15
Le Président donne la parole aux membres dans l'ordre
où ils l'ont sollicitée.
RESOLUTIONS
Article 16
Les projets de résolution,
les motions ou les amende-
ments sont remis par écrit au Secrétaire général administratif
qui en distribue le texte aux membres de la Conférence. Toute-
fois,
la Conférence peut autoriser l'examen d'une proposition
dont le texte n'aura pas été distribué préalablement. L'examen
des projets èe résolutions et des motions sera fait dans l'or-
dre de leur dépôt.
Article 17
Une motion ou un nrojet de résolution Dourra être
retiré par son auteur avant d'être mis aux VOlX. Tout membre
peut présenter à nouveau une motion ou un. projet de résolu-
tion ainsi retiré.

-
408 -
MOTIONS D'ORDRE
Article' 18
Au cours des débats, tout membre peut présenter une
motion d'ordre sur laquelle le Président statue immédiatement
conformément au Règlement.
Si un membre fèit appel à la déci-
sion èu Président, cet appel est immédiatement mis aux voix.
CLOTURE DE LA LISTE DES ORATEURS
Article 19
Au cours d'un débat,
le Président peu~ donner lecture
de la liste des orateurs et, avec l'assentiment de la Conféren-
ce, prononcer la clôture de cette liste.
Le Président peut cé-
pendant accorder le droit de réponse à un membre quelconque
lorsqu'un discours prononcé après la clôture de la liste des
orateurs justifie, à son avis, cette èécision. ê
CLOTURE DES DEBATS
Article 20
Quand une question a fait l'objet d'une èiscussion
suffisante, tout membre peut demander la clôture du débat sur
la question à l'examen. Aucune discussion n'est autorisée sur
les motions de clôture, qui sont mises aux voix immédiatement.
AJOURNEMENT DES DEBATS
Article 21
Au cours de la discussion d'une question quelconque,
tout membre peut demander l'ajournement des débats sur la ques-
tion à l'examen. En dehors de celui qui présente la motion, deux
membres sont autorisés à prendre la parole, l'un en faveur de
la motion, l'autre contre la motion, puis la motion est immédia-
tement mise aux voix.

-
409 -
SUSPENSION OU LEVEE DE LA SEANCE
Article 22
Sous réserve des termes de l'Article 18, au cours de
;
la discussion d'une question quelconque, tout membre peut de-
mander la suspension ou la levée de la séance.
Les motions en
ce sens ne doivent pas faire l'objet è'un débat; elles sont
immédiatement mises aux voix.
ORDRE DES MOTIONS DE PROCEDURE
Article 23
Les motions suivantes ont priorité, dans +'ordre in-
diqué ci-après, sur toutes les autres propositions ou motions
dont la séance peut être saisie
1.
Suspension de la séance.
2.
Levée de la séance.
3.
Ajournement du débat sur le point en discussion.
4.
Clôture du débat sur le point en discussion.
DROIT DE VOTE
Article 24
Les Etats membres disposent chacun d'une voix.
MAJORITE REQUISE
Article 25
Pour être adoptées, toutes les résolutions et déci-
sions doivent être votées à la majorité des deux tiers des mem-
bres de l'Organisation.

-
410 -
Article '26
Toutefois,
les décisions èe procédure sont prlses à
la majorité simple des Etats membres èe l'Organisation.
Il en
est de même pour décider si une question est de procédure ou
non.
VOTE SUR LES RESOLUTIONS
Article 27
Après la clôture du ctébat, le Président met aux voix
immédiatement la résolution ainsi que tous ses amendements.
Le
scrutin ne peut être interrompu sauf s ' i l s'agit d'une motion
d'ordre relative à la manière dont i l s'effectue.
VOTE SUR LES AMENDEMENTS
Article '28
Quand une proposition fait l'objet d'un amendement,
l'amendement est mis aux voix en premier lieu.
Si une proposl-
tion fait l'objet de plusieurs amendements, la Conférence vote
d'abord sur celui qui s'éloigne le plus, quant au fond, de la
proposition primitive.
Le tour de priorité des autres amende-
ments est ensuite déterminé de la même manière jusqu'à ce que
tous les amendements aient été mis aux voix.
Si un ou plusieurs
amendements sont adoptés,
la proposition modifiée est mlse aux
voix.
Si aucun amendement .n'est adopté, la proposition est mise
aux VOlX sous sa forme primitive. Une ~roposition est considé-
rée comme un amendement à un texte, si elle ajoute,
enlève, ou
en change certaines parties.

- 411 -
VOTE SUR LES DIVERSES PARTIES D4UNE PROPOSITION
Article 29
Tout membre peut demander que les diverses parties
d'une résolution ou d'une motion soient mises au voix. Si tou-
tes les parties du dispositif dYune résolution ou d'une motion
sont rejetées, la proposition est considérée comme repoussée
dans son ensemble.
SCRUTIN ET EXPLICATIONS DE VOTE
Articl~ "30
La Conférence vote à main levÉe, malS tout membre
peut demander un vote par appel nominal, lequel a lieu dans
l'ordre alphabétique des Etats membres, en commençant par les
pays dont le nom a été tiré au sort par le Président. Après le
scrutin, tout membre peut demander la parole pour expliquer
son vote.
Article "31
Le scrutin est secret pour les élections, de même
que pour toute autre circonstance particulière à la suite d'une
décision prise par la Conférence à la majorité simple.
LE SECRETAIRE GENERAL ADMINISTRATIF
Article 32
Le Secrétaire Général administratif est élu par la
Conférence au scrutin secret et à la majorité des deux tiers.
Le Secrétaire général administratif est élu pour qua-
tre ans; il est rééligible.

-
412 -
SECRETAIRES GENERAUX ADJOINTS
Article 34
La Conférence élit un ou plusieurs Secrétaires gene-
raux adjoints.
Le mode d'Election est celui qui est sp6cifié ~
l'Article 32.
Article 35
Le ou les Secrétaires generaux adjoints sont élus
pour quatre ans;
ils sont rééligibles.
Article 36
La Conférence peut mettre fin aux fonctions du Secré-
taire général et du ou des Secrétaires généraux adjoints quand
le bon fonctionnement de l'Organisation le justifie. La déci-
sion est prise dans les mêmes conditions que pour leur élection.
COMITES
Article 37
La Conférence peut créer les comités ad hoc et autres
groupes de travail temporaires qu'elle jugera nécessaires.
AMENDEMENTS
Article 38
La Conférence peut modifier le prÉsent Règlement ln-
térieur à la majorité des deux tiers de ses membres.

-
413 -
,ANNEXE III
REGLEMENT INTERIEUR DU CONSEIL DES MINISTRES DE L'O.U.A.
Article 'premier
Le Conseil des ministres de l'Organisation de l'Unité
Africaine est composé des ministres des Affaires étrangères ou
d'autres ministres désignés par les gouvernements des Etats
membres.
Article'
2
Le Conseil des ministres est responsables devant la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
fONCTIONS
Article
3
1.
Il est chargé de la préparation de la Conférence.
2.
Il connaît de toute question que la Conférence lui renvoie.
3.
Il met en oeuvre la coopération entre les pays africains
selon les directives de la Conférence, conformément à l'ar-
ticle II, paragraphe 2 de la Charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine.
4.
Le budget de l'Organisation préparé par le Secrétaire géné-
ral administratif est soumis au Conseil des ministres pour
examen et approbation.
5.
Les fonctions des Commissions spécialisées créées aux ter-
mes de l'Article XX de la Charte doivent être exercées con-
formément aux dispositions de la Charte et aux règlements
approuvés par le Conseil des ministres.

- 414 -
REPRESENTATION
Article
4
Chaque Gouvernement est représenté au Conseil des
ministres par une délégation conduite par le ministre des Af-
faires Etrangères ou tout autre ministre désigné par ce Gouver-
nement.
Article
5
Le Gouvernement de chaque Etat membre transmet à
l'avance les lettres de créance de sa délégation au Conseil par
l'intermédiaire du Secrétaire général administratif.
SESSIONS ORDINAIRES
Article
6
Conformément aux dispositions de l'Article XII (2)
de la Charte, le Conseil des ministres se réunit au moins deux
fois par an, en février et en août.
Lors de sa session ordinaire qui se tient au mois de
février de chaque année, le Conseil examine et approuve, entre
autres, le programme et le budget de l'Organisation pour l'an-
née budgétaire suivante. L'année budgétaire de l'Organisation
va du 1er Juin au 31 Mai.
SESSIONS EXTRAORDINAIRES
Article
7
A la demande d'un Etat membre et sous réserve de
l'accord des deux tiers des membres, le Conseil se réunit en
session extraordinaire.

- 415 -
LIEU DE REUNION
Article'
8
Les sessions du Conseil se tiennent au Siège de l'Or-
ganisation ou en tout autre lieu que le Conseil peut décider à
la majorit~ simple~
SEANCES PUBLIQUES ET SEANCES PRIVEES
Article.
9
Toutes les séances du Conseil se tiennent à huis clos,
mais le Conseil peut décider à la majorité simple que des
séances seront publiques.
LANGUES DE TRAVAIL
Article 10
Les langues de travail de l'Or~anisation et de toutes
ses institutions s0nt, si possible, des langues africaines, ain-
si que l'anglais et le français.
BUREAU, ELECTION ET DUREE DU MANDAT
Artic'le 11
Au début de chaque session, le Conseil élit, au scru-
tin secret et à la majorité simple, un Président, deux Vice-
Présidents, et un Rapporteur dont le mandat prend fin au début
de la session ordinaire suivante. Les membres du bureau ne sont
pas rééligibles tant que tous les représentants des autres
Etats membres n'auront pas assumé les mêmes fonctions.

- 416 -
Article 12
Le Président prononce l'ouverture et la cleture des
séances, soumet à l'approbation les procès-verbaux des séances,
dirige les débats, donne la parole, met aux voix les questions
en -discussion, proclame les résultats des votes, statue sur les
ITotions d'ordre conformément aux dispositions du règlement in-
térieur.
VACANCE OU ABSENCE
Article 13
En cas de vacance ou d'empêchement du Président, un
des Vice-Présidents le remplace.
ORDRE DU JOUR
Article 14
L'ordre du jour provisoire est établi par le Secré-
tariat général administratif qui le communique aux Etats mem-
bres, trente jours au moins avant l'ouverture des sessions or-
dinaires.
Article'15
L'ordre du jour provisoire d'une seSSlon ordinaire
comprend en particulier :
1.
Le rapport du Secrétaire général administratif ;
2.
Les questions que la Conférence décide d'inscrire à l'ordre
du jour du Conseil ;
3.
Les questions
que le Conseil, lors d'une seSSlon précédente,
a décidé d'inscrire à son ordre ou jour;

-
417 -
4.
Les questions proposées par les Commissions spécialisées
de l'Organisation;
5.
Les questions proposées par les Etats membres
6.
Les questions diverses.
Article 16
L'ordre du jour d'une session extraordinaire convo-
quée par le Secrétaire 8énéral administratif à la demande d'un
Etat membre, sous réserve de l'approbation de cettE demande à
la majorité des deux tiers, est communiqué auinze jours au
moins avant l'ouverture de ladite session.
Article '17
L'ordre du jour d'une session extraordinaire ne com-
prend que les questions présentées pour examen dans la demande
réclamant la convocation de ladite session extraordinaire.
QUORUM ET DEBATS
ArticTe18
Le quorum est constitué par les deux tiers des Etats
membres de l'Organisation de l'Unité Africaine.
Article "19
Auoun représentant ne peut prendre la parole sans
l'assentiment du Président.
Le Président donne la parole aux
orateurs dans l'ordre o~ ils l'ont sollicitée. Il peut rappeler
à l'ordre tout représentant dont l'intervention n'a pas trait
à la question en discussion.

-
418 -
RESOLUTIONS
Article "20
Les projets de résolution,
les motions ou amendements
sont remis par écrit au Secrétaire Général administratif qui en
communique le texte aux représentants. Toutefois, le Conseil
peut autoriser la discussion d'une proposition dont le texte
n'a pas été distribué à l'avance. Les projets de résolution et
les motions sont examinés dans l'ordre où ils ont été déposés.
Une motion ou un p~ojet de résolution peuvent être
retirÉs par leur auteur avant qu'ils n'aient fait l'objet G'un
vote. Tout représentant peut présenter à nouveau une motion ou
un projet de résolution ainsi retiré.
A~ticle21
Au cours des débats, tout représentant peut présenter
une motion d'ordre sur laquelle le Président statue immédiate-
ment conformément au règlement intérieur. Tout représentant peut
faire appel de la décision du Président.
L'appel est immédiate-
ment mis aux voix,
la décision étant prise à la majorité simple.
Tout représentant qui rrésente une motion d'ordre ne
peut, dans son intervention, traiter du fond de la question en
discussion.
LIMITATION DU TEMPS DE PAROLE
Article "22
Le Conseil peut limiter les temps de parole de chaque
orateur, quelle que soit la question en discussion. Pour les
questions de procédure, le Président limite à cinq minutes au
maximum la durée de chaque intervention. Quand un débat est

-
419 -
limité et qu'un représentant dépasse le temps qui lui est accor-
dé le Président le rappelle immédiatement à l'ordre.
CLOTURE DE LA LISTE DES ORATEURS
Articl"e "23
Au cours d'un débat, le Président peut donner lecture
de la liste des orateurs inscrits, et, avec l'assentiment du
Conseil, déclarer cette liste close. Il peut toutefois accorder
le droit de réponse à un représentant quelconque lorsqu'un dis-
cours prononcé apr~s la clBture de la liste des orateurs justi~
fie,
à son avis, cette décision.
CLOTURE DES DEBATS
Article" 24
Quand une ~uestion a été suffisamment discutée, tout
représentant peut demander la cleture des débats. Deux repré-
sentants peuvent prendre la parole en faveur de la motion et
deux autres contre la motion.
La proposition est considérée
comme adoptée si la majorité simple lui est favorable.
Quand
les débats sur une question sont épuisés faute d'orateurs,
le
Président déclare les débats clos.
AJOURNEMENT DES DEBATS
" Article 25
Au cours de la discussi0n d'une question, tout repré-
sentant peut demander l'ajournement des débats. En plus de l'au-
teur de la motion, un représentant peut prendre la parole en
faveur de la motion, un autre contre la motion. Apr~s quoi, la
proposition est mise aux voix,
immédiatement.

-
420 -
SUSPENSION OU LEVEE DE LA SEANCE
Article 26
Au cours des débats, tout représentant peut demander
la suspension ou la levée de la séance. Aucun débat n'est auto-
risé sur les motions en ce sens, nUl sont immédiatement mises
aux ,-/oix.
ORDRE DES MOTleNS DE PROCEDURE
Art"icle "27
Sous réserve des dispositions de l'Article 21, les
motions suivantes ont priorité, dans l'ordre indiqu~ ci-apr~s,
sur toutes les propositions ou motions présentées
:
1.
Suspension de la séance
2.
Levée de la
séance;
3.
AjournemBnt des débats sur la question en discussion;
4.
Clôture des débats sur la question en discussion.
DROITS DE VOTE
Article 28
Chaque membre dispose d'une VOlX.
HAJORITE REQUISE
Toutes les résolutions sont adoptées à la majorité
simple des Membres du Conseil des Ministres.

- 421 -
VOTE SUR LES RESOLUTIONS
Article ·30
Après clôture des débats, le Président met immédiate-
ment aux voix les résolutions ainsi que tous leurs amendements.
Le vote ne peut être inter~ompu que sur un point rttordre con-
cernant la manière dont i l a lieu.
VOTE SUR LES AMENDEMENTS
Article ·31
Lorsqu'une proposition fait l'objet d'un amendement,
l'amendement est mis aux voix en premier lieu.
Si une proposi-
tion fait l'objet de plusieurs amendements,
le Conseil vote
d'abord sur celui qui s'éloigne le plus, quant au fond, dG la
preposition primitive, et ensuite sur l'amendement qui, après
le premier amendement, s'éloigne le plus de la proposition, et
ainsi de suite jusgu'~ ce que tous les amendements aient été
mis aux voix.
Si un ou plusieurs amendements sont adoptés, la
proposition modifiée est mise aux voix.
Si aucun amendement
n'est adopt~, la proposition est mise aux voix sous sa forme
primitive. Une proposition est c(:'nsid/c'~1). comme un amendement
~ un texte si elle repr~sente une addition, une su~resslo~ ou
une modification intéressant ledit texte.
VOTES j _'·~'-'~::ERS SUR LES DIVERSES PARTIES D'UNE PROPOSITION
Article 32
Les parties d'une proposition, d'une résolution ou
d'une motion font l'objet d'un vote particulier si la demande
en est faite.
Dans ce cas, le texte résultant d'une série de
votes est ensui-te mis aux voix comme un tout.
Si toutes les
parties du dispositif d'un projet de résolution ou d'une motion
sont rejetées, la proposition est considérée comme rejetée en
bloc.

-
422 -
MODE DE SCRUTIN ET EXPLICATION DES VOTES
ArticTe"33
Le vote a lieu à main levée, mais tout représentant
peut demander un vote par appel nominal, qui s'effectue suivant
l'ordre alphabétique des Etats membres en commençant par l'Etat
tiré au sort par le Président. A l'issue d'un scrutin, tout re-
présentant peut demander la parole pour expliquer son vote.
Article "34
Le scrutin sera secret pour les élections, ainsi que
dans les cas particuliers décidés par le Conseil à la majorité
simple.
Article" 35
En cas de partage égal des voix lors d'un vote ne
pourtant pas sur des élections, la proposition est considérée
comme repoussée.
COMITES
Article "36
Le Conseil peut instituer tous Comités ad ho~ et
groupes temporaires de travail qu'il jup.e nécessaires.
AMENDEMENTS
Article" 37
Ce rè~lement intérieur peut être modifié par le Con-
seil des Ministres à la majorité simple de ses membres.

-
423 -
ANNEXE IV
PROTOCOLE DE MEDIATION, DE CONCILIATION ET D'ARBITRAGE
Première partie
INSTITUTION ET ORGANISATION
La Commission de médiation, de conciliation et d'ar-
bitrage instituée en vertu de l'article 19 de la Charte de
l'Organisation de l'Unité Africaine est régie par les disposi-
tions du présent Protocole.
Article
2
1.
La Commission se compose de vingt et un membres élus par
la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
2.
Aucun pays ne peut être représenté par plus d'un membre au
sein de la Commission.
3.
Les membres de la Commission sont des personnalités justi-
fiant de compétence reconnue.
4.
Tout Etat me.mbre de l'Organisation de l'Unité Africaine a
le droit de proposer deux candidats.
5.
Le Secrétaire général administratif prépare une liste de
candidats désignés par les Etats membres de l'Organisation
de l'Unité Africaine, et la soumet à la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement.
Article
3
1.
Les membres de la Commission sont élus pour cinq ans
ils
peuvent être réélus.
2.
Les membres de la Commission dont le mandat a pris fin de-
meurent en fonction jusqu'à l'élection d'une nouvelle Com-
mission.

-
424 -
3.
Les membres de la Commission, monobstant l'expiration de
leur mandat, poursuivent jusqu'à son achèvement toute procédu-
re à laquelle ils prennent déjà part.
Article
4
Les membres de la Commission ne peuvent être révoqués
que par d6cision de la Conférence des Chefs rt'Etat et de Gou-
vernement, prise à la majorité des deux tiers, et ce, pour cau-
se d'incapacité à remplir leurs fonctions ou pour faute grave.
Article
5
1.
Quand un poste devient vacant au seln de la Commission, il
y sera pourvu conformément aux dispositions de l'article 2
du présent Protocole.
2.
Tout membre de la Commission appelé à remplir une vacance
est élu jusqu'à expiration du mandat du membre qu'il rem-
place.
Article
6
1.
Le Président et les deux Vice-Présidents sont élus par la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement parmi les
membres de la Commission.
Ils assument leurs fonctions pen-
dant une période de cinq ans.
Le Président et les deux Vice-
Présidents ne sont pas rééligibles aux mêmes fonctions.
2.
Le Président et les deux Vice-Présidents consacrent 'tout
leur temps à la Commission alors que les dix-huit autres
membres remplissent leurs fonctions occasionnellement.
Article'
7
Le Président et les deux Vice-Présidents forment le
Bureau de la Commission
i l leur incombe de consulter les Par-
ties pour ce qui est ne la manière appropriée de régler le con-
flit conformément à ce Protocole.

-
425 -
Article
8
Les émoluments et allocations des membres du Bureau
et la rémunération des autres membres de la Commission sont
déterminés conformément aux dispositions de ln Charte de l'Or-
ganisation de l'Unité Africaine.
Article
9
1.
La Comnission nomme un Greffier, et tous autres fonction-
naires qu'elle peut juger nécessaires.
2.
Les conditions de service du Greffier et les autres membres
du Bureau administratif de la Commission sont régies par le
Statut du Personnel de la Commission.
Article 10
Les dépenses administratives de la Commission sont
prises en charge par l'Organisation de l'Unité Africaine. Tous
autres frais encourus ~ l'occasion de la rrocédure engagée dè-
vant la Commission seront réglés conformément au règlement ln-
térieur de la Commission.
Article ·11
Le Siège de la Commission est établi à Addis-Abéba
(Ethiopie) .
DeUxième partie
DISPOSITIONS GENERALES
Article 12
La compétence de la Commission s'étend uniquement
aux litiges entre Etats.

... 426 -
Article "13
1.
Un litige peut être soumis à la Commission par les Parties
intéressées, par l'une des Parties au litige, par le Con-
seil des ministres ou par la Conférence des Chefs d'Etat
et de Gouvernement.
2.
Lorsqu'un litige est déféré à la Commission, conformément
aux dispositions du paragraphe 1, et qu'une ou plusieurs
Parties refusent de se soumettre à la juridiction de la
Commission,
le Bureau renverra le cas au Conseil des mlnlS-
tres,
pour examen.
ArticTe14
Le consentement d'une Partie à un litige à se soumet-
tre à la juridiction de la Commission peut se manifester
a)
par un engagement préalable écrit de ladite Partie
acceptant le recours à la médiation,
à la concilia-
tion ou à l'arbitrage;
b) par la soumission du litige à la Commission par
ladite Partie
;
ou
c) par l'acceptation de la part de cette Partie de la
juridiction relative à un litige déféré à la Com-
mission nar un autre Etat, par le Conseil des ml-
nistres GU par la Conférence des chefs d'Etat et
Gouvernement.
Article 15
Les Etats membres s'abstiennent de tout acte ou omis-
Slon pouvant aggraver une situation soumise à la Commission.

-
427 -
Article "16
Sous réserve des dispositions du présent Protocole
et de tout accord spécial réalisé entre les Parties, la Commis-
sion est juge des méthodes de travail qu'elle estime nécessai-
res et efficaces et établit son propre règlement intérieur.
Article "17
Les membres de la Commission, dans l'exercice de
leurs fonctions,
jouissent des privilè~es et immunités dirloma-
tiques prévues par la Convention des Privilères et Immunités de
l'Organisation de l'Unité Africaine.
Article 18
Lorsque, en cours de médiation, de conciliation ou
d'arbitrage, i l semble nécessaire d'entreprendre des recherches
ou des circonstances ayant trait à l'objet du litige, les Par-
ties intéressées et tous les Etats membres apportent leur con-
cours le plus total à l'exécution de ces recherches ou de cette
enquête.
Ar"ticTe19
En cas de litige entre Etats membres, les Parties neu-
vent 8e mettre d'acèorè pour recourir à l'une de ces procédures
de rè~lernent : médiation, conciliation et aroitrage.
Troisièm:epartie
MEDIATION
Article 2 0
Quand un litige opposant des Etats membres est soumlS
à la Commission pour médiation, le Président, d'accord avec les
Parties intéressées, nomme un ou plusieurs membres de la Commis-
sion pour servir de médiateurs dans le litige.

-
428 -
Ar-ticle21
1.
Le rôle du médiateur se limite à concilier les points de
vue et les revendications des Parties.
2.
Le médiateur présente des propositions écrites, aUSSl rapl-
dement que possible, aux Parties.
3.
Si les termes de réconciliation proposés par le médiateur
sont acceptés, ils font l'objet d'un Protocole d'arrange-
ment entre les Parties.
Quatriè'me partie
CONCILIATION
Article '22
1.
Quand une ou plusieurs Parties à un litige désirent qu'il
soit réglé par voie de conciliation sous les auspices de
la Commission, elles peuvent adresser à cette fin une re-
quête au Président.
2.
Si la requête est introduite par une seule des Parties,
cette Partie indique qu'une notification écrite préalable
a été adressée à l'autre Partie.
3.
La requête contient un exposé succinct des motifs du con-
flit.
Article 23
1.
Dès la réception de la requête, le Président institue, d'ac-
cord avec les Parties, un Conseil de conciliat~urs, dont
trois seront choisis par le Président parmi les membres de
la Commission et les deux autres désignés respectivement
par chacune des Parties.
2.
Le Président du Conseil est désigné par la Président de la
Comùission parmi les trois membres de la Commission.

-
429 -
3.
Quand elles proposent des personnes non membres de la Com-
. .-
mission pour sleger au Conseil, les Parties au litige les
désignent de telle sorte qu'il n'y ait pas au seln du Con-
seil deux ressortissants d'un même Etat.
ArticTe24
1.
Les fonctions du Conseil des conciliateurs sont de préciser
les données du litige et de s'efforcer de réaliser un ac-
cord entre les Parties à des conditions mutuellement accep-
tables.
2.
Le Conseil examine toutes les questions dont il est saisi; il
est habilité à entreprendre toute enquête ou à entendre tou-
te personne en mesure de fournir des renseignements perti-
nents concernant le litige.
3. En l'absence de toute opposition entre les Parties, le Con-
seil établit sa propre procédure.
Article "25
Les Parties sont repr~sentées par des agents qui agls-
sent en qualité d'intermédiaires entre elles et le Conseil
elles sont autorisées, en outre,
à se faire assister par des
avocats-conseils et des experts et à demander l'audition de
toute personne dont le témoignage est, de l'avis du Conseil,
pertinent.
ArticTe2"6
1.
A l'issue de la procédure, le Conseil rédige un rapport
exposant soit
:
a) que les Parties sont :;:'2.rVenUCS 2 un aco:"rd an spéci-
fiant,
si besoin est,
les termes de cet accord
et toutes les recommandations soumises par le Con-
seil pour un rèr,lement
; ou bien :

-
430 -
b) qu'il n'a pas été possible d'aboutir à un règle-
ment.
2.
Le rapport du Conseil des conciliateurs est communiqué sans
délai aux Parties et au Président de la Commission ; il ne
peut être publié qu'avec le consentement des Parties.
Cinquièrriepartie
ARBITRAGE
Article· 27
1.
Lorsque le recours à l'arbitrage a été décidé d'un co~~un
accord, le Tribunal d'arbitrage est institué de la façon
suivante
a) chaque Partie désigne, parmi les membres de la
Commission, un arbitre possédant des qualifica-
tions juridiques ;
b) les deux arbitres ainsi désignés choisissent,
d'un commun accord, parmi les membres de la Commis-
slon, une troisième personne qui .assumera la Prési-
dence du Tribunal ;
c) si les deux arbitres ne peuvent se mettre d'accord
dans le mois qui suit leur désignation sur le choix
de la personne qui sera le Président du Tribunal,
le Bure2U désigne le Président.
2.
Le Président peut, d'accord avec les Parties, nommer au Tri-
bunal d'arbitrage deux membres supplémentaires qui ne doi-
vent pas forcément être membres 0e la Commission mais qui
auront des pouvoirs identiques à ceux des autres membres
du Tribunal.
3.
Les arbitres ne doivent pas être des ressortissants des Par-
ties, ou avoir leur domicile sur les territoires ctes Par-
ties, ni être à leur service, ni avoir afi en tant que mé-
diateurs ou conciliateurs dans le même différend.
Ils seront
tous de nationalités différentes~

-
431 -
Article 28
Le recours à l'arbitrage implique la soumission en
toute bonne foi à la d&cision arbitrale.
Article "29
1.
Les Parties concluront, dans chaque cas, un compromis où
serent spécifiés
:
a)
l'engagement des Parties à recourir à l'arbitrage
et à accepter comme juridiquement obligatoire la
juridiction du Tribunal
b) l'objet du différend;
c) le siège du Tribunal.
2.
Le compromis peut spécifier la loi qui sera appliquée par
le Tribunal et la latitude, si les Parties sont d'accord
de juger, ~x a~quo et bono, le délai dans lequel la sentence
arbitrale sera rendue, IR désignation des agents et des con-
seils devant prendre part à la procédure engagée devant le
Tribunal.
Article 30
En l'absence dans le compromis de toutes dispositions
concernant la loi applicable, le Tribunal d'arbitrage tranche
le litige conformément aux trait6s conclus entre les Parties,
au droit international, à la Charte de l'Organisation de l'Unité
Africaine,
à la Charte des Nations Unies et,
si les Parties sont
d'accord, ex aequo et bono.
Article 31
1.
Les audiences se tiennent à huit clos, sauf décision con-
traire des arbitres.

-
432 -
2.
Le proc~s-verbal des s6ances signé par les arbitres et le
Greffier est le seul document faisant foi.
3.
La d6cisicn arbitrale est établie par écrit et expose, pour
tous les peints sur lesquels elle statue, les motifs sur
lesquels elle se fonde.
Sixièm:epartie
DISPOSITIONS FINALES
Article 32
Le pr6sent protocnle, après approbation de la Confé-
rence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, deviendra partie in-
tégrante de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine.
Article 33
Le présent Protocole peut être amendé ou révisé con-
formément aux dispositions de l'article 33 de la Charte de
l'Organisation de l'Unité Africaine.
En foi de quoi, nous, Chefs d'Etat et de Gouvernement
africains, avons signé le présent Protocole.
Fait au. Caire <Républicue Arabe Unie), le
21 Juillet 1964.

-
433 -
ANNEXE V
PACTE DE LA LIGUE DES ETATS ARABES
SIGNE AU CAIRE, LE 22 MARS 1945
Le Président de la République syrienne
Son Altesse Royale le Prince de Transjordanie
.
Sa Majesté le Roi d'Irak ,
.
Sa Majesté le Roi de l'Arabie Saoudite ,
Le Président de la République libanaise ;
Sa Majesté le Roi d'Egypte
Sa Majesté le Roi du yémen
Désireux de resserrer les liens étrois qUl lient les Etats
arabes
;
Soucieux de cimenter et de renforcer ces liens sur la base
du respect de l'indépendance et de la souveraineté de ces
Etats, d'orienter leurs efforts vers le bien commun de
tous les pays arabes, l'amélioration de leur sort, la ga-
rantie de leur avenir,
la réalisation de leurs aspiration;
Et répondant aux voeux de l'opinion publique arabe dans
tous les pays arabes
;
Ont décidé de conclure un Pacte à cet effet et ont nommé
pour leurs plénipotentiaires, savoir:
.......................
.
'
Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs recon-
nus en bonne et due forme,
sont convenus des dispositions
suivantes :
Article premier
La Ligue des Etats arabes se compose des Etats arabes
indépendants qui ont signé le présent Pacte.

-
lf34 -
Tout Etat arabe indépendant peut devenir membre de la
Ligue.
Il devra, A cet effet, présenter une demande qui sera
déposée au Secrétariat général et soumise au Conseil à la pre-
mière réunion tenue après la présentation de la demande.
Article
2
La Ligue a pour objet le resserrement des rapports
entre Etats membres et la coordination de leur action politique
en vue de réaliser une collaboration étroite entre eux, de sau-
vegarder leur indépendance et leur souveraineté et de s'intéres-
ser, d'une manière générale, aux questions touchant les pays
arabes et leurs intér~ts.
Elle a également pour objet d'assurer, dans le cadre
du reglme et des conditions de chaque Etat, une coopération
étroite entre les Etats membres dans les questions suivantes
a) les questions économiques et financières, y compris
les échanges commerciaux, les questions douanières,
monétaires, agricoles et industrielles;
b) les communications, y compris les questions relati-
ves aux chemins de fer,
aux routes,
à l'aviation,
à la navigation et aux postes et télégraphes
;
c) les questions intellectuelles
d) les questions de nationalité, passeports, visas
et exécution de jugements et d'extradition;
e) les questions sociales
;
f)
les questions sanitaires.
Article
3
La Ligue a un Conseil composé des représentants des
Etats membres
; chaque Etat a une seule voix quel que soit le
nombre de ses représentants.

-
435 -
Le Conseil a pour mission de réaliser les objets de
la Ligue et de veiller à l'exécution des conventions que les
membres auraient conclues entre eux sur les questions visées à
l'article précédent ou dans tout autre domaine.
Il a également pour mission d'arrêter les moyens par
lesquels la Ligue collaborera avec les organisations interna-
tionales qui seront créées dans l'avenir pour assurer la paix
et la sécurité et régler les questions économiques et sociales.
Article
4
Il sera constitué pour chacune des catégories de ques-
tions énumérées dans l'article 2 une commission spéciale où se-
ront représentés les Etats membres de la Ligue.
Ces c0mmissions
seront chargées d'établir les règles et de déterminer l'étendue
de la collaboration entre les Etats membres, et ce sous ferme
de projets de conventions qui seront examinés par le Conseil en
vue d'être soumis à l'approbation des Etats membres.
Pourront prendre part aux travaux des susdites commlS-
sions des membres représentant les autres pays arabes.
Le Con-
seil déterminera les conditions dans lesquelles la participa-
tion de ces représentants pourra être admise et les bases de la
représentation.
Artkl~
5
Il est interdit de recourir à la force pour le règle-
ment des conflits pouvant surgir entre des Etats membres de la
Ligue. S'il s'élève entre eux un différend ne touchant pas à
l'indépendance, à la souveraineté ou à l'intégrité territoriale
des Etats et que les parties litigantes recourent au Conseil
pour le règlement de ce différend,
la décision du Conseil sera
obligatoire et exécutoire.

-
436 -
En pareil cas, les Etats entre lesquels le différenn
a surgi ne participeront pas aux délibérations et aux décisions
du Conseil.
Le Conseil prêt€ra
ses bons offices dans tout diffé-
rend susceptible d'entraîner la guerre entre geux Etats mem-
bres ou entre un Etat membre et un Etat tiers.
Les décisions d'arbitrage et de conciliation seront
prises à la majorité des voix.
Art"icle
6
En cas d'agression ou de menace d'agression contre
un Etat membre, l'Etat attaqué ou menacé d'agression pourra de-
mander la réunion immédiate du Conseil.
Le Conseil arrêtera, à l'unanimité, les mesures né-
cessaires pour repousser l'agression.
Si l'agression provient
d'un Etat membre, il ne sera pas tenu compte de sori vote dans
le calcul de l'unanimité.
Si le gouvernement de l'Etat, objet de l'agression,
se trouve, par suite de l'agression, dans l'impossibilité de
communiquer avec le Conseil, il appartiennra au représentant
de cet Etat dans le Conseil de demander sa réunion dans le but
visé à l'alinéa précédent. Dans le cas où ledit représentant
n'est pas en mesure de communiquer avec le Conseil, i l appar-
tiendra à tout Etat membre ne demander la convocation du Con-
seil.
Article
7
Les décisions du Conseil prises à l'unanimité obli-
gent tous les Etats membres de la LigUE ; celles qui sont pri-
ses à la majorité n'obligent que les Etats qui les acceptent.

- 437 -
Dans les deux cas, l'exécution des décisions du Con-
seil dans chaque Etat membre interviendra conformément à ses
dispositions organiques.
Article
8
Tout Etat membre s'engage ~, respecter le régime de
gouvernement établi dans les autres Etats membres en le consi-
dérant comme un droit exclusif de chaque Etat.
Il s'engage à s'abstenir de toute action tendant au
changement de ce répime.
Article
9
Les Etats de la Ligue désireux d'établir entre eux
une collaboration et des liens plus étroits que ceux prévus
au présent Pacte pourrcnt conclure à cet effet des ,accords.
Les traités et accords déjà conclus ou qui seront
conclus à l'avenir entre un Etat membre et un autre Etat ne
lient pas les autres membres.
Article 10
Le siège permanent de la Ligue est établi au Caire.
Le Conseil peut décider de se réunir en tout autre lieu.
Article '11
Le Conseil de la Ligue se réunira en seSSlon ordinai-
re deux fois par an, aux mois de mars et d'octobre.
Il se réu-
nira en session extraordina~~'e sur la demande de deux membres
toutes les fois que les circonstances l'exigeront.

-
438 -
Article 12
La Ligue aura un Secrétariat général permanent compre-
nant un secretaire général, des secrétaires adjoints et un nom-
bre suffisant de fonctionnaires.
Le secrétaire général sera nommé par le Conseil à la
majorité des deux tiers des membres de la Ligue.
Les secrétaires
adjoints et les fonctionnaires principaux de la Ligue seront
nommés par le secrétaire rénéral avec l'approbation du Conseil.
Le Conseil établira un rè~lement intérieur pour le
secrétariat général et les conditions de service des fonction-
naires.
Le secrétaire général aura le rang d'ambassadeur et
les secrétaires adjoints celui de ministres plénipotentiaires.
Le premier secrétaire général est désigné dans une
annexe au présent P2cte.
Article "13
Le Secrétaire général prépare le projet de budget de
la Ligue et le soumet à l'approbation du Conseil avant le début
de l'année financière.
Le Conseil détermine la quote-part à supporter par
chaque Etat membre dans les dépenses.
Il peut modifier en cas
de besoin cette quote-part.
Article 14
Les membres du Conseil de la Li~ue, ceux de ses fonc-
tionnaires qui seront désignés dans le règlement intérieur joui-
ront, dans l'exercice de leurs fonctions, des privilèges et im-
munités diplomatiques.
Les bâtiments occupés par les organes de la Ligue sont
inviolables.

-
439 -
Article 15
Le Conseil se réunira pour la première fois sur la
convocation du chef du ~ouvernement epyptien. Il se réunira par
la suite sur la convocation du secrÉtaire général.
Les représentants des Etats membres de la Ligue, à
tour de rôle, assumeront à chaque session ordinaire la prési-
dence du. Conseil.
Article '16
En dehors des cas spécialement rrévus au présent
Pacte, le Conseil prendra, à la majorité des voix, des déci-
sions exécutoires dans les matières suivantes
:
a) personnel
b) budfet de la Ligue
;
c) rèplements intérieurs relatifs au Conseil, aux
commissions et au Secrétari2t
ct)
clôture des sessions.
Artic'le 17
Chaque Etat membre de la Livue déposera auprès du
Secrétariat pénéral un exemplaire de tous les traités ou conven-
tions conclus ou à conclure à IVavenir par lui avec un autre
Etat membre de la Li~ue ou un Etat tiers.
Article 18
Tout Etat membre peut, après un préavis dVun an, se
retirer de la Lipue.
Le Conseil de la Ligue peut exclure tout membre qui
n'a pas rempli les enrrements résultant du présent Pacte. L'ex-
clusion est prononcée à l'unanimité des votes, non compris celui
de liEtat visé.

-
440 -
Article 19
Le présent Pacte pourra être modifié ~ar un vote nris
à la majorité des èeux tiers des membres de la Lipue. Il pourra
l'être notamment pour resserrer leurs liens, ~)our créer un tri-
bunal arbitral arabe, pour r€glementer
les rapports de la Lifue
avec les er~anisations internationales aUl viendraient à être
créées à l'avenir pour garantir la paix et la sécurité.
Teut amendement au Pacte ne pourra être adopté que
dans la session qui suivra celle où i l aura été proposé.
Tout Etat qui n'accepterait pas l'amenfement du Pacte
aura le droit de se retirer de la Lifue lors de l'entrée en vi-
gueur de l'amendement, sans être lié Dar les oisrositions de
l'~rticle précédent.
Article 20
Le présent Pacte et ses annexes seront ratifiés par
les Hautes Parties Contractantes suivant les dispositions cons-
titutionnelles en vigueur.
Les instruments de ratification seront déposés auprès
du Secrétariat fénéral du Conseil, et le nrésent Pacte entrera
en vigueur à l'ép,ard ne chaque Etat qui l'aura ratifié après
l'expiration d'un délai de quinze jours à courir à partir du
dépôt auprès du Secrétaire général des instruments de ratifica-
tion de quatre Etats.
En foi de quoi le présent Pacte a été rédifé en lan-
gue arabe au Caire, le 8 Rabei el Thani 1364 (le 22 Mars 1945),
en simple expédition qui sera déposée auprès du Secrétariat
/
/
l
penera .
Copie conforme en sera remise à chacun des Etats
membres de la Lifue.

-
441 ...
ANNEXE AU "PACTE.
RESOLUTION RELATIVE ALA PALESTINE
Dès la fin de la dernière guerre, la Palestine a été,
de même que les autres Etats arabes détachés de l'Empire otto-
man, libérée de la domination ottomane. Devenue autonome, elle
ne dépend plus d'aucun autre Etat.
Le traité de Lausanne a proclamé que son sort serait
réglé par les intéressés.
Mais si la Palestine n'a pu disposer de ses destinées,
i l n'en est pas moins vrai que c'est sur la base de la reconnais-
sance de son indépendance que le Pacte de la Société des Nations
de 1919 a réglé son statut.
Son existence et son indépendance internationales ne
sauraient donc de jure être mises en question pas plus que ne
saurait l'être l'indépendance d'autres pays arabes.
Si, pour des ralsons indépendantes de sa volonté,
cette existence n'a pu s'extérioriser, cette circonstance ne
constitue pas un obstacle à la participation de la Palestine aux
travaux du Conseil de la Ligue.
Les Etats signataires du présent Pacte estiment dans
ces conditions et en raison des circonstances spéciales de la
Palestine qu'en attendant que ce pays puisse exercer tous les
attributs effectifs de son indépendance, i l appartiendra au
Conseil de la Ligue de désigner un représentant ar~be pour la
Palestine qui participera à ses travaux.

-
442 -
ANNEXE AU PACTE
"RESOLUTION RELATIVE A "LA COOPERATION
AVEC LES PAYS NON MEMBRES DE Li\\LIGUE
Considérant que les Etats membres de la Ligue auront
à traiter tant dans son Conseil que dans ses commissions des
questions dont l'utilité et la portée intéressent le monde ara-
be tout entier,
ConsidérRnt, d'autre part, que le Conseil ne peut que
tenir compte des aspirations des pays arabes et déployer tous
ses efforts pour les réaliser,
Les Etats signataires du Pacte de la Ligue arabe invi-
tent le Conseil à envisager la plus étroite coopération possible
lorsqu'il s'agira de décider de la participation des pays arabes
non membres aux travaux des commissions prévues au Pacte.
ANNEXE RELATIVE A LA NOMINATION
D'UN SECRETAIRE GENERAL
Les Etats signataires du présent Pacte ont, d'un com-
mun accord, nommé Abdel Rahman Azzarn Bey, secrétaire général
de la Ligue des Etats arabes.
Cette nomination est valable pour deux ans. Le Conseil
de la Ligue établira le statut du secrétariat général.

-
443 -
CONVENTION SUR LA DEFENSE COMMUNE
ETLI\\ COOPERATION ECONOMIQUE
ENTRE LES ETATS DE LA "LIGUE ARABE
ET ANNEXE MILITAIRE ( 13 'Avril
19'50)
Les Gouvernements de
Sa Majesté le Roi du Royaume Hachémite
de Jordanie,
Son Excellence le Président de la République syrienne,
Sa Majesté le Roi d'Irak,
Sa Majesté le Roi de l'Arabie Saoudite,
Son Excellence le Président de la République libanaise,
Sa Majesté le Roi d'Egypte,
~a Majesté le Roi du Royaume Moutawakélite du Yémen,
Désireux de renforcer les liens et de resserrer la coopé-
ration entre les Etats de la Ligue ~rabe pour la sauvegarde de
leur indépendaRce et de leur patrimcine commun,
Se rendant au oésir de leurs peuples respectifs de serrer
les rangs afin de défendre en commun leur existence, de veiller
à la sauvegarde de la sécurité et de la paix, conformément aux
prineipes et aux objectifs du Pacte dQ ia L~gue de~ ftat~ ana-
bQ6 et de la ChantQ de~ Mat~on6 Unie~, d'assurer la stabilité
et la tranquilité, tout en favorisant le bien-être et la pros-
périté dans leurs pays,
Sont convenus de conclure une ccnventinn dans ce but et,
à cet effet, ont nommé les plénipotentiaires ci-après:
...............................................................
Qui, après avoir échangé les instruments leur conférant
pleins pouvoirs, reconnus en bonne et due forme,
sont convenus
de ce qui suit
:

-
444 -
Atricle pr"emier
Désireux de maintenir la sécurité et la paix et d'en
assurer la stabilité, les Etats contractants affirment leur vo-
lonté de régler leurs différends internationaux par les VOles
pacifiques, qu'il s'agisse de leurs rapports mutuels ou de leurs
rapports avec les autres Etats.
Article
2
Les Etats contractants considèrent toute agression
armée dirigée contre l'un ou plusieurs d'entre eux ou contre
leurs forces, comme É:tant dirigée contre tous à la fois.
C'est
pourquoi, en vertu du droit de légitime défence -
individuel et
collectif - ils s'engŒgent à se porter immédiatement au secours
de l'Etats ou des Etats victimes de l'agression et G~ prendre
immédiatement -
individuellement et collectivement - toutes les
mesures et de recourir à tous les moyens en leur pouvoir, y
compris l'usage de la force armée, pour repousser l'agression
et rétablir la sécurité et la paix.
Conformément aux dispositions de l'article 6 du Pacte
de la Ligue des Etats arabes et de l'article 51 de la Charte
des Nations Unies, le Conseil de la Ligue et le Conseil de Sécu-
rité seront immédiatement avisés de cette agression et des me-
sures qui auront été prises en l'occurence.
Article
3
Les Etats contractants se concerteront, sur la requê-
te de l'un d'eux, toutes les fois que l'intégrité du territoire
d'un des Etats contractants, son indépendance ou sa sécurité
seront menacÉes.
En cas de menace imminente de guerre ou au cas où
surgirait une situation internationale compliquée, les Etats

-
445 -
contractants s'empresseront d'unifier leur plan n'action en vue
de prendre les mesures préventives et défensives que la situa-
tion comporte.
Article
4
En vue d'exécuter dans les meilleures conditions les
obligations susmentionnées, les Etats contractants agiront de
concert pour renforcer et augmenter leur potentiel de guerre.
Proportionnellement à leurs ressources et à leurs besoins, ils
participeront à l'oeuvre ccmmune pour préparer leurs moyens de
défense individuelle et collective en vue de repousser toute
agression armée.
Article
5
Il sera formé un Comité militaire permanent groupant
des représentants des états-majors des Etats contractants, afin
è'établir les pla.ns (le défense commune et d'en préparer les
moyens et les modalités.
Les attributions de ce comité permanent sont définies
dans l'annexe à la présente convention. Ces attributions com-
prennent, entre a.utres,
la préparation des rapports nécessaires
exposant les éléments constitutifs de la coopération et de la
participation envisagées à l'article 4. Ce comité permanent
soumettra au Conseil de défense commune prévu à l'article sui-
vant ses rapports sur les travaux qui rentrent dans sa compé-
tence.
Article
6
Il est formé,
sous le contrôle du Conseil de la Ligue,
un Conseil de défense commune dont la compétence s'étendra à
toutes les questions relatives à l'application des article 2,
3, 4 et 5 de la présente convention. Dans l'accomnlissement rie
.
-

-
446 -
sa mission, i l s'assurera le concours du Comité militaire per-
manent dont il est question à l'article précédent.
Le Conseil de défense commune précité est formé des
ministres des Affaires Etrangères et des ministres de la Défen-
se nationale des Etats contractants, ou de leurs suppléants.
Les décisions prises à la majorité des deux tiers des
Etats sont obligatoires à l'égard de tous les contractants.
Article
7
En vue de parfaire les buts de la présente convention
tendant à maintenir la tranquilit6, à assurer le bien-être aux
pays arabes et à relever leur niveau o'existence, les Etats con-
tranctants coopéreront à l'oeuvre de développement de leur éco-
nomie, de mise en valeur de leurs ressources naturelles et à
l'échange de leurs produits nationaux, arricoles et industriels
et, en général, organiseront et coordonneront leur activitÉ é-
conomique et concluront des accords appropriés pour atteinère
ces objectifs.
Article
8
Il sera institu{ un Conseil économique formé des mi-
nistres charfés des Affaires économiques des Etats contractants
ou de leurs représentants, en cas de besoin, pour faire aux gou-
vernements de ces Etats telles suggestions de nature à assurer
la réalisation des objectifs indiqués à l'article précédent.
Ce Conseil pourra s'assurer le concours du Comité des
Affaires économiques et financières dont i l est çuestion à l'ar-
ticle 4 du Pacte de la Ligue des Etats arabes.
·Art icle
9
L'annexe à la présente convention est considérée com-
me en faisant partie intégrante.

- 447 -
Article 10
Chaoune des parties contractantes s'engage à ne con-
clure aucun accord international contraire à la présente con-
vention, comme elle s'engage à ne pas adopter dans ses relations
internationales une attitude incompatible avec ses buts.
Article 11
Aucune des dispositions de la présente convention
n'affecte, ni n'a pour but d'affecter en quei que ce soit, les
èroits et oblirations découlant ou pouvant découler, pour les
parties contractantes, de la Charte des Nations Unies, pas plus
que les responsabilités qu'assume le Conseil de Sécurité pour
le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Article 12
Tout Etat contractant pourra, dix ans après la mlse
en vigueur de ln présente convention, la dénoncer par un préa-
vis d'un an adressé au secretariat général de la Ligue des
Etats arabes. Celui-ci notifiera ce préavis aux autres Etats
contractants.
Article 13
La présente convention sera ratifiée conformément aux
règles constitutionnelles en vigueur dans chacun des Etats con-
tractants.
Les instruments de ratification seront déposés auprès
du Secrétariat fénéral de la Lirue des Etats arabes.
La conven-
tion sera exécutoire à l'épard de l'Etat qui l'aura ratifife à
l'expiration de quinze jours de la date o~ le Secrétariat gén~­
raI aura reçu les instruments de ratification de quatre Etats
au moins.

-
448 -
Fait en un seul exemplaire en langue arabe, au Caire,
le 25 Djoumad Akhar 1369 de l'Hégire, soit le 13 Avril 1950.
Ledit exemplaire sera déposé au Secrétariat p,énéral de la Li~ue
des Etats arabes
une cople certifiée conforme en sera remise
à chacun des Etats contractants.
ANNEXE MILITAIRE
Article p~e~ier
Le Comité militaire permanent, prévu à l'article 5
de la Convention sur la défense commune et la coopération éco-
nomlque ente les Etats de la Ligue arabe, a pour attribution:
a) Elaborer les plans stratépiaues pour parer à tous
les dan~erE éventuels ou toute ap.ression armée'0ui
pourrait être dirigée contre un ou plusieurs Etats
contractants ou leurs forces.
Pour établir ces
plans, le Comité s'inspirera des principes qUE dé-
cidera le Conseil de défense commune
b) Soumettre des propositions tendant à organiser les
forces des Etats oontractants et à fixer les effec-
tifs minima de chacun è'eux suivant les besoins ml-
litaires et les possibilités de chaque Etat
;
c) Soumettre des propositions tendant 2 améliorer
l'efficacité des forces des Etats contractants en
ce qui concerne leur équipement, leur organisation
et leur entraînement, afin qu'elles se mettent au
niveau des méthodes les plus modernes et des pro-
grès stratégiques, en les coordonnant et en les
unifiant ;

-
449 -
d) Formuler des propositions pour mettre en valeur les
ressources naturelles, industrielles, agricoles et
autres, et les coordonner dans l'intérêt de l'ef-
fort de guerre et de la défense commune
;
e) Or~aniser l'échange de missions d'entraînement,
préparer les plans d'exercices et manoeuvres en
commun, y assister et en étudier les résultats afin
de faire telles suggestions susceptibles d'amélio-
rer les méthodes d'action commune en campagne des
forces armées des Etats contractants et d'en obte-
nir le maximum d'efficacité;
f) Recueillir les renseipnements et les données statis-
tiques nécessaires sur les ressources des Etats
contractants, leurs possibilités militaires et leur
potentiel èe guerre dans l'effort militaire commun;
g) Rechercher ~uelles sont les facilités et l'aide que
les Etats contractants seront requis d'offrir en
temps de ~uerre aux armées des autres Etats contrac-
tants opérant sur leur territoire en exécution des
clauses de la présente convention.
Article
2
Le Comité militaire permanent pourra instituer des
sous-comités permanents ou ad hoc dont les membres seront re-
crutés par cooptation pour étudier l'un quelconque des sujets
ressortissant à sa compétence.
Il pourra faire appel à des spécialistes dans l'un
quelconque des sujets pour l'examen desquels i l estimera nRces-
saire de recourir à leur exp6rience et à leur avis.

-
450 -
Article
3
Le Comité militaire permanent présentera des rapports
détaillés sur le résultat de ses recherches et ~e ses travaux
au Conseil de défense commune dont i l est question à l'article
6 oe la présente convention. En outre, il lui présentera des
rapports annuels sur ses travaux et recherches dans le courant
de l'année.
Article
4
Le Comité militaire permanent a son siège au Caire.
Toutefois, i l lui est loisible de tenir ses réunions dans n'im-
porte quel autre lieu qu1il désignera, à son choix.
Le Comité élira son président par cooptation pour une
durée de deux ans
; i l est rééligible.
Il doit appartenir au
moins au cadre des officiers de commandement de p.rade supérieur.
Il est entendu que tous les membres de ce Comité doi-
vent l'essoI,tir à la nationalité d' ori,r-ine de l'un des Etats con-
tractants.
Article
5
Le commandement suprême de toutes les forces en cam-
pafne appartient à l'Etat qui aura mobilisé, pour les opéra-
tions militaires, le plus ~rand nombre d'effectifs et de maté-
riel, sauf si le commandement en chef est choisi dans d'autres
conditions, à l'unanimité des voix des gouverne~ents des Etats
contractants.
Peur dirifer les opérations militaires, le commandant
en chef est second8 d'un corps mixte d'état-major.


-
452 -
RACE ET COULEUR
Une personne qui est "manifestement ô'apparence blan-
che" et "généralement acceptée cormne blanche", ne peut pas être
classée parmi les blancs si l'un de ses parents naturels a été
classé parml les personnes de couleur.
Un Africain est "une personne qui, en fait ou selon
l'avis général, est membre è'une race ou d'une tribu aboripène
d'Afrique.
Une personne de couleur est "une personne qui n'est
ni un blanc ni un Africain".
Une personne nui n'est pas africaine en fait mais qui
"en e.pparence est manifestement africaine" sera classée comme
telle dans le repistre de la population, à moins de faire la
preuve qu'elle n'est peS africaine en fait et qu'elle n'est pas
yénéralement tenue pour telle.
Un homme qUl "en apparence est manifestement un blanc"
doit être classé parmi les personnes de couleur si l'un de ses
parents a été classé comme blanc et l'autre comme personne de
couleur.
Au moment èe décider Sl, CUl ou non, une personne est
"en apparence manifestement un blanc", le fonctionnaire concerné
doit prendre en considération l'habillement, l'éducation, le
lengage,
la conduite et en général les manières de cette rerson-
ne.
Si une personne "en apparence manifestement non blan-
che" est "généralement acceptée comme blanche" dans le secteur
où telle travaille, mais non dans celui où elle vit, elle ne
peut être classée parmi les blancs.

-
453 -
Même vingt-cino, ans après o,u'une personne a été clés-
sée comme blanche dans le registre de la population et a reçu
la carte d'identité corresponèante, le secrétaire d'Etat à
l'intérieur peut demander sa reclassification.
LIBERTE DE CIRCULATION
Une proclamation puhliée clans le "Journal officiel"
peut à tout instant interdire à n'importe 0uel Africain de se
trouver dans telle ou telle ville, à telle ou telle heure de la
nuit, s ' i l ne ~orte pas sur lui une autorisation écrite signée
par son employeur ou par un représentant des pouvoirs publics.
Tout Africain 0Ul a atteint l'âge de seize ans èoit
être en possesslon d'un "Reference Book"
(Livret de références).
Tout policier peut interpeller n'importe quel Africain et lui
demander de produire ce livret. Un Africain qui ne peut le pro-
duire parce qu'il l'a laiss6 chez lui est coupable d'un délit
criminel.
FOYER, FAMILLE ET 'DOMICILE
Si un Africain, qui avait vécu sans interruption dans
sa ville natale pendant cinquante ans, l'a quittée pour aller
habiter ailleurs, ne fat-ce que deux semaines, i l n'a pas le
droit d'y retourner pour y séjourner plus de soixante-douze
heures.
Un Africain ~Ul, depuis sa naissance, a toujours ha-
bité la même ville, n'a pas le droit de garder avec lui dans
cette ville pendant plus de soixante-douze heures sa fille ma-
ri6e, son fils âpé èe dix-huit ans, sa nièce, son neveu ni son
petit-enfant.

-
454 -
Si une Africaine, s'étant mariée, habite oe façon per-
manente avec son mari, grâce aux facilités procurées par son
employeur, dans une ville où son mari a vécu et travaillé sans
interruption pendant vingt-cinq ans, elle est coupable d'un
délit criminel.
Tout policier a le droit de perquisitionner sans man-
dat "à toute heure raisonnable du jour et de la nuit" dans les
logements où i l a des raisons de soupçonner qu'un Africain de
dix-huit ans commet le délit d'habiter avec son père sans en
avoir reçu l'autorisation expresse.
Un jeune Africain de selze ans, s ' i l ne va plus à
l'école, vit à la maison avec ses parents (qui l'entretiennent)
et ne travaille pas, peut à tout moment être arrêté sans mandat
par un policier "(}ui a des raisons de penser qu'il est oisif".
Un Africain 8ui a vecu et travaillé nendant clnq ans
dans la ville où i l est né peut être requis à tout moment de
la ~uitter et (l'aller habiter dans une zone bantoue où il n'a
jamais véctl, où i l n'a ni parents ni amis.
S'il reste dans la
ville plus oe trois jours anrès avoir reçu l'ordre de la quit-
ter, i l se rend coupable d'un ~~lit criminel.
La loi sud-africaine prévoit la division de toutes
les villes en zones distinctes,où seuls les membres des mêmes
groupes, blanc ou de couleur, selon les zones, peuvent possé-
der des terrains ou des locaux.
Aucune personne "manifestement blanche" ne peut faire
r'arti~ du groupe blanc si elle est mariée ou 'cohabite avec une
personne africaine ou une personne de couleur.
Le président de l'Etat peut, chaque fois qu'il le
jugera convenable, déclarer par proclamaticlTI dans la "Gazette"

-
455 -
qu'un secteur donn~, occupé par des personnes de couleur qUl y
possèdent de la terre (peu importe la durée de cette occupation
et de cette possession) èeviendra un secteur blanc à partir
d'une date indiquée.
Quand un secteur a ét~ ainsi d~clar6 blanc,
une personne de couleur qui y vit
(même si elle a été là sans
interruption depuis cinquante ans dans une maison CUl lui appar-
tient) ne r~ut y demeurer au-delà du d~lai de grâce (d'au moins
douze mois) ~ue le ministre de l'Interieur aura ju~é bon è'ac-
corder.
Aucun blanc habitant en ville ne peut
(~ moins è'en
avoir reçu l'autorisation du conseil municipal)
installer dans
les endroits lui appartenant le fils de son serviteur africain
qUl
vit là, si ce fils a atteint dix ans.
Aucun africain n'a le droit d'acquérir
librement un terrain en Afrique du Sud, et le pouvernement ac-
tuel n'a pas l'intention d'accorder ce èroit Aux Africains,
même dans les zones bantoues qui leur sont assignées.
T R A V AI L
Un pr~pcs~ à l'emploi et à la main-d'oeuvre peut à to
tout moment annuler l'emploi d'un Africain ~ui travaille dans
une ville, quelle 0,ue soit l'anciennet~ de son emploi, et.~ême
si son employeur proteste contre cette annulation.
L'Africain
dont l'emploi est annul~ peut être renvoyé de la ville o~ il
a travaillé et se voir refuser l'autorisation s'y revenir pen-
dant la p~riode que précisera le préposé.
Un hlanc vivant en ville et qUl emploie un Africain
comme charpentier, maçon, électricien, ou pour tout autre tra-
vail spécialisé, sans avoir d'exemption spéciale délivrée par
le ministère du Travail, commet un délit criminel. Un blanc
vivant en ville commet un délit criminel s ' i l emrloie un

-
456 -
Africain comme domestique chez lui dnns une réception, sauf si
cet Africain a reçu le permis indispensable d'un fonctionnaire
du bureau du Travail.
Il est illégal pour un travailleur africain de pren-
dre part ~ une gr~ve, quelle qu'en soit la raison. S'il le fait,
il est coupable d'un délit criminel, passible d'une amende (S
1400 maximum) ou d'un emprisonnement
(trois ans maximum), ou
d'amende et d'emprisonnement.
Un Africain, ouvrier d'usine, Qui invite d'autres ou-
vriers 2 faire Rrève pour obtenir une augmentation de salaire
commet un délit criminel.
Un Africain qui,
à titre de service personnel et sans
recevoir deppaiement en échange, répare une installation élec-
trique quelconque ~ans le logement d'un aml qui habite la mai-
son de son employeur en ville, se rend counable de délit crimi-
nel.
Si un blanc pale son domestique flour réparer le toit
de sa maison,
i l commet un délit criminel.
Un Africain n'a aucun droit d'exercer un travail spé-
cialisé dans le bâtiment, dans une ville "blanche" d'Afrique du
Sud.
Le fonctionnaire municipal du Travail peut
à tout moment mettre fin à l'engagement d'un Africain dans son
secteur, s ' i l juge qu'un tel engagement "n'est pas de bonne
..
..
.~
foi", même si l'engagement dure depuis vingt-cino ans à la com-
..
.
-
pIète satisfaction ou blanc qui l'emploie.
Tout travailleur blanc invalide à 100%, et pour tou-
jours, a droit ~ une pension mensuelle calculée d'après sen

-
457 -
salaire antérieur ; un Africain également invalide a droit ~ une
somme globale calculée d'après ce qu'il ra~nait, mais non pas à
une nension mensuelle.
Quand un employeur a fait des logements pour son per-
sonnel africain, aucun travailleur vivant dans ces logements
ne peut y recevoir de visiteur, à quelque moment que ce soit,
à moins d'en avoir reçu la permission de l'employeur ou è'une
autre personne autorisée.
E DUC A T l cr N
Le ministre de l'Education des Bantous peut à tout mo-
ment, et sans avoir à en denner les raisons, supprimer tout
subsisde octroyé par lui à une école tenue par une tribu ou une
communauté africaine.
Un Africain habitant la ville et qui donne gratuite-
ment dans son domicile des leçons de lecture ou d'écriture à
quelques-uns de ses amis africains se rend counable d'un délit
criminel.
Un blanc qUl passe quelques heures par semalne chez
lui à apprendre la lecture à ses domestiques africains se rend
coupable d'un délit criminel.
Un pasteur africain qui fait répulièrement à ses fi-
dèles des cours où i l leur apprend à lire la Bible est coupable
d'un, délit criminel.
Un collère T>rivé qui accepte un Africain comme élève
à l'un guelconque de ses cours sans la permission du ministre
de l'Education des Bantous est coupable d'un délit criminel.
Toute personne qUl donne une éducation spéciale aux
enfants africains handicapés sans l'approbation du ministre de
l'Education des Bantous est coupable d'un délit criminel.

-
458 -
Un étudiant africain qui assiste à un cours de l'Uni-
versité du Cap, ne serait-ce qu'à une seule leçon, se rend cou-
bl
,..1
,
"1'
"
pa
e u un de lt crlmlnel.
MAR l AG E
Si le fonctionnaire charpé des marla~es procède au
mariage d'un homme blanc et d'une femme de couleur, cette der-
nière ayant faussement affirmé ~u'elle était blanche, le maria-
~e est nul et sans effet.
Si un Sud-Africain blanc épouse léralement une femme
de couleur à l'étranper, le mariage est nul et sans effet en
Afrique du Sud.
REUNION ET ASSOCIATION
Un Africain Qui a toujours vécu dans sa ville natale
depuis cinquante ans n'a pas le droit de recevoir chez lui un
ami africain pour un séjour de plus de soixante-èouze heures.
Dans tous les cafés de l'Afrique du Sud, i l est inter-
dit aux blancs de boire une tasse de thé avec des non-blancs,
et vice versa, à moins d'avoir reçu à cet effet une autorisa-
tion spéciale.
S'il n'a pas obtenu un permis sr€cial,
un professeur
africain qui fait une conférence dans un club blanc
à l'invi-
3
tation de ce club, commet un délit criminel.
Une personne de couleur qui V2 dans un cinéma public
en ville
(m~me si elle occupe un sièpe à un emplacement séparé)
est coupable d'un délit criminel, à moins nu'un permis spécial
n'ait été délivré.

-
459 -
Un Africain ~ui assiste à une fête religieuse dans
une ville est coupable è'un délit criminel, à moins qu'un per~'
mlS spécial n'ait été délivré.
S'il n'y a ras de cinémas dans une commune de couleur,
un permis peut être délivré aUTorisant les personnes de couleur
à aller au cinéma dans une ville, à condition qu'il y ait pour
elles une entrée, des sières et "d'autres commorlités" séparées.
Un orchestre hlanc ne pourra pas
-avoir de permis
pour accompapner un choeur d'Africains donnant des représenta-
tions, même s ' i l y a une ségrépation des publics.
Les Africains n'auront pas rie permlS Dour assister à
un carnaval orpanisé par les étudiants d'une université blanche;
i l ne sera accordé aux personnes de couleur et aux Asiatiques
que si l'on n'y sert pas de rafraîchissement.
Tout Asiatique, Africain ou autre personne de couleur
qUl s'assied sur un hanc dans un jardin nuhlic se rend coupable
de délit criminel peur non-observation des lois de l'apartheid
(les bancs sont réservés aux blancs) et est passible d'une amen-
dem(S 840 maximum), d'emprisonnement (trois ans maximum), ou èu
fouet
(dix coups maximum), ou d'amende et è'em~risonnement, ou
d'amende et du fouet, ou è'emprisonnement et du fouet.
Quincon~ue vient en aide à la famille d'une personne
qui à été convalncue de délit de proteetion contre les lois
d'apartheid est, lui aussi, coupable d'un délit4
Si, dans une ?are, i l n'existe ~u'une seule salle
d'attente, le chef de pare a le droit d'en réserver l'usage
exclusif aux blancs, et tout non-hlanc qui y entrerait se ren-
drait coupable de délit criminel.

-
460 -
Un célihataire Gui "d'après son apparence est évidem-
ment un blanc ou qui est en général considéré comme tell! et qui
tente d'avoir des rapports sexuels avec une femme qui "d'après
son apparence est manifestement non blanche ou ~énéralement
considérée comme telle ll ,
se rend coupa01e d'un délit criminel,
passible de prison avec travaux forcés pouvant aller jusqu'à
sept ans.
Une personne de couleur est cou~able d'orpaniser un
"rassemblement" si elle a deux amis à dîner.
Aucun parti politique ne saurait aVOlr d'existence
lépale à moins que tous ses membres n'appartiennent au même
proupe ethnique, c'est-à-dire soient ou des Africains, ou des
blancs, cu des personnes de couleur.
Si un blanc orpanise une réunion dont la plupart ~es
membres sont de couleur, et demande ~ son auditoire d'appuyer
un parti politin,ue, i l commet un délit criminel.
rIvIPOTS
Tout Africain, homme ou femme, dès l'âpe de èix-huit
ans, dei t
payer une taxe annuelle (è.i te "taxe çrénérale") cu èu
moins la somme de 4,90 dollars, en plus de l'impôt ordinaire
sur le revenu Que doivent payer tous les habitants d'Afrique du
Sud, à moins de pouvoir prouver aux autorités n,u'il a atteint
l'âpe de soixante-cinq ans.
Tout Africain qUl occupe un lopement dans un quartier
africain (loi t
pa.yer une tax8 annuelle (èi te "taxe locale") de
1,40 dollar'.

.. 461 -
Dans certaines zones dÉlimités, n'importe quel poli-
Cler blanc peut à tout moment arrêter un p2ssant africain, s ' i l
le soupçonne de devoir ces taxes, et peut lui demander et de
payer sa taxte locale.
Si l'Africain n'ohtempère pas à cette demande, le po-
licier reut l ' e.rrêter et le faire compe.raître devant un commis-
saire des Affaires hantoues, qui pourra ordonner la détention
de ce passant jus~u'~ paiement des taxes dues.
LIBERTE D'OPINION ET D'EXPRESSION
L'orpane sud-africain de contrôle de la rressp
(South
African Publications Control Board)
se comnose de neuf person-
nes
(blanches) nommées et payées par le pouvernement.
L~ f~nc­
tion de cet orpane consiste notamment à empêcher la parution
de tout film o~ l'on verrait des enfants noirs partarer la même
classe que les enfants blancs, des adultes blancs danser avec
des noirs; des hommes et des femmes blancs et non blancs s'é-
treindre et s'embrasser.
Une autre fonction du South African Publication Con-
trol Board consiste 2 interdire la présentation de tout film
documentaire éducatif Clui exnrimerait une certaine approbation
..
-
_.
de l'intépration raciale ou une critinue de la discrimination
fondée sur la race ou la couleur.
C'est un délit criminel pour un journal que de publier
un article que le tribunal estime nuisible aux relations entre
blancs et Africains parce 0u'il déclare fermement que l'apar-
theid est injuste pour les Africains.
Le bureau sud-africain de contrGle des ~ublications
l'eut, par un avis clans la "Gazette", interdire l'importation en

-
462 -
Afrique du Sud de tous les livres publiés par §diteur désigné
(sauf les livres auxquels on décide è'accorder un permis spé-
cial), si, à son avis, de tels livres sont suscentihles de don-
ner l'impression ~ue l'apartheid n'est ras juste envers les non-
blancs d'Afrique du Sud.
Si un Africain a reçu une lettre d'un autre Africain
qui lui demande de particioer à une manifestation pacifique con-
tre l'injustice des lois d'apartheid, une perquisition peut a-
voir lieu chez lui à tout moment, sur mandat délivré par un ma-
pistrat en raison du délit commis.
Si cette lettre a été tapée à la machine, la machine
peut être saisie et remise à un mapistrat gui peut lui-même don-
ner l'autorisation de la détruire.
Tout Africain né hors d'Afrique du Sud (m~me s'il a
vécu en Afrique du Sud penèant cinquante ans et n'a pas commis
de délit) peut être déclaré indésirahle.
Tout Africain qui écrit "A bas l'apartheid" sur le
mur d'une maison est coupable de délit criminel.
Si un numéro d'un hebdomadaire ~ublié en Afrique du
Sud a été estimé indésirable, et si le bureau èu contrôle des
publications estime que les numéros suivants risquent de l'être
aussi, tous ces numéros futurs de l'hebdomadaire peuvent être
interdits, comme indésiratles, par avis dans la "Gazette" du
.l'ouvernement.
LE REGNE DE LA LOI
Tout Africain qui a été invité par un tribunal à
quitter une zone donn8e doit obéir, et aucun tribunal n'a le
èroit de s'o~roser à cette déportation; aucun appel, aucune

-
463 -
révision ne peut s'y opposer, même lorsqu'il a été bien établi
que l'ordre du tritunal concernait quelqu'un d'autre et n'était
enjoint à cet Africain que par erreur.
Si un Africain qui a reçu l'ordre de quitter une cer-
taine zone refuse d'obtempérer, le président de l'Etat a le
èroit absolu de le faire arrêter, emprisonner et déporter hors
de ce secteur, sans autre jurement ou enquête.
Quiconque brise les vitres d'un bâtiment au cours
d'une manifestation orpanisée pour èemander l'octroi de certains
droits aux Africains se rend coupable du délit de sabotage, à
moins qu'il ne puisse prouver que cet acte était involontaire
et n'avait pas pour objet d'encouraper l'hostilité entre blancs
et Africains.
Ce délit est passible de la condamnation à mort.
Toute personne qui réclame une intervention militaire
des Nations Unies en Namibie
(Sud-Ouest africain) est coupable
d'un délit criminel, passible d'un emprisonnement minimum de
cinq ans, ou de mort.
Tout policier du prade de lieutenant-colonel ou au-
dessus qui a des motifs de supposer qu'une personne cache aux
autorité s policièrE's des rense ir-nements sur les "terroristes" a
le droit d'arrêter cette personne et de la faire emprisonner
nour une durée indéterminée.
Aucune personne autre que le minis-
tre de la Justice ou un membre du gouvernement ne peut entrer en
contact avec ce détenu.
Un Africain vivant dans un secteur bantou ne peut
nas, sans permission expresse, porter sur lui, s ' i l sort de son
lotissement, un couteau dont la lame a plus de 3,5 inche
(9 cm)
de lonp.
S'il le fait,
i l est coufèble d'un délit criminel,

-
464 -
passible d'amende, de prison (douze mois mnximum).
Il peut
être puni seulement de ~rison cu seulement de fouet) ou de
nrison et de fouet.
Le~ exemple~ cit~~ ci-de~~u~ ~o~t pou~ fa rlupa~t e~
~elation avec le Rantu (U~ban A~ea~ Con~olidationl Act nO 25,
de 7945 : Le ~antu (Abolition 06 Pa~~e~ a~d Coo~rlination Dt po-
cument~1 A~t nO 61, de 7?52 : le Rantu Labou~ (Settlement 06
Vi~pute~)
Act nO 48, de 7953 ; le Pantu buifdi~g Wo~ke~~ Act
nO 71. de 7957 ; le Wo~kmen'~ Compen~ation Act nO 30. de 79~7 ;
le Bantu Education Act nO 11. de 7953 ; f'Exten~ion 06 Unive~­
~ity F-ducation Act nO ~5, de 7959 et ~a P~oclamation nO 333 du
7e~ novemb~e,7951,
~e ~~lf~ant du G~oup A~ea~ Act nO 11. de
7957.

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-
495 -
TABLE DES MATI·ERES
PAGES
AVANT-PROPOS ..........................................
5
SIGLES ET ABREVIATIONS .....•••...••..............•.•..
6
..
CARTE D' AFRI QUE
.
11
INTRODUCTION GENERALE ..............•.•.
12
l -
DIMENSIONS ACTUELLES DES RELATIONS INTERNATIONALES
12
1. Pour un dialogue concret
"
'l'b"
etequl 1 re ..•.•••••
15
2. Naissance du Tiers-Monde .......................
16
3. Enjeu de taille . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
17
II - L'ELABORATION DE L'OUVRAGE .•................•..•.
22
1. Les difficultés de la recherche
.
22
2. 1'obj.et de l'étude .
. 23
3.
Méthode de travail .
. 23
4.
Plan de l'ouvrage
.
27
CHAPITRE PRELIMINAIRE ..............•.•.
28
LE CONCEPT DE DIPLOMATIE
l -
DEFINITIONS ET HISTORIQUE DE LA DIPLOMATIE ET DU
DROIT DIPLOMATIQUE................................
29
II - EVOLUTION DE LA DIPLOMATIE .......................
33
§.1. LA DIPLOMATIE DANS LE MONDE •....•....•••.•••
33
A - LA DIPLOMATIE TRADITIONNELLE DE L'ANTIQUITE
AU 15 e
SIE CLE
. . . • • . • • • • • . . • . . . . . . . . . . . • . • . •
3 3

- 496 -
-PAGES
B - LA NOUVELLE DIPLOMATIE •..............••.•..
35
1. Décadence de la diplomatie traditionnelle
35
2. Les formes de la nouvelle diplomatie .•..
40
§.2. LA DIPLOMATIE DANS L'AFRIQUE PRECOLONIALE ...
46
A - L'AFRIQUE SAUVAGE FACE A LA CIVILISATION
OCCIDENTALE : ECHEC DE LA DIPLOMATIE EURO-
PEENNE
. . . • . . . . . . • • • . • • • . . . . . • . • . . . • • . • • . • • •
48
B - MSIRI ET SON RDYAUME .•••......... .... ..•••.
49
C - MSIRI, UN ROI FABULEUX: DIPLOMATIE DU PACTE
DE SANG
. . . . . . . . . • . • • • • . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • .
5 2
D - ECHEC DE LA DIPLOMATIE: CONQUETE nu CONGO PAR
LES BELGES ET LEURS MERCENAIRES
•••..
54
PREMIERE PARTIE
.••.•.
57
ETUDE DE L'O.U.A. COMME INSTRUMENT
TITRE PREMIER : ORIGINES HISTORIQUES ET FONDEMENTS
IDEOLOGIQUES DU PANAFRICANISME .... .••.
59
CHAPITRE PREMIER : LE PANAFRICANISME EXTRA-AFRICAIN.
61
§.1. LE 1er CONGRES PANAFRICAIN (PARIS, 1919) •.•.
62
§.2. LE 2e CONGRES PANAFRICAIN (LONDRES-BRUXELLES-
PAR l S,
19 2 1 ) • • . • • • • • • • • • • • • . • • • • • • • • • • • • • • • • •
6 3
§.3. LE 3e CONGRES PANAFRICAIN (LONDRES-LISBONNE,
1923)........................................
64
§.4. LE 4e CONGRES PANAFRICAIN (NEW-YORK, 1927)...
65
§.5. LE PANAFRICANISME MILITANT ET LE 5e CONGRES
DE MANCHESTER 1945
66

- 497 -
PAGES
CHAPITRE 2
FONDEMENTS IDEOLOGIQUES DU PANAFRICA-
NISME
. . . . . . . • • • . . • • • . • . . • . . . . . • • . . • • • • .
69
l -
LE PANAFRICANISME, MOYEN DE LUTTE ANTI-
c ...... ~ ~~ ~~}=' Ils ~i"'lE ' •••••••••••
71
CI























II - LE PANAFRICANISME, MOYEN DE LIBERATION COLO-
NIALE ET DE CONSOLIDATION DE L'INDEPENDANCE
73
TITRE II - LES DISPOSITIF INSTITUTIONNEL ..........•••.
76
INTRODUCTION LIMINAIRE : ORIGINES ET DEVELOPPEMENT DE
L'IDEE D'Ul\\TITE
. . • . • . • • • • • • . . . . . . • • . . • . . . • . . . •
77
1. Genèse de la notion d'unité................
80
2. Du Bois et le Panafricanisme .........•..••
81
3. Le panafricanisme culturel................
82
4.
Les étudiants contre le panafricanisme •..•
84
CHAPITRE 1er: LA FONDATION DE L'O.U.A . .........•.••.
85
SECTION 1er: MORCELLEMENT DE L'AFRIQUE AVANT
ADDIS-ABEBA .••..•................••.
86
§.1. PROTECTION DE L'INDEPENDANCE DES ETATS ...••.
87
§.2. CONSTRUCTION DE L'UNITE AFRICAINE .... ..•..••
88
A. L'INDEPENDANCE AVANT L'UNITE OU L'UNITE
AVANT L'INDEPENDANCE ...•. .........•....•...•
89
B. FEDERALISME OU COOPERATION INTERAFRICAINE ...
90
C. LES DIVERSES ALLIANCES POLITIQUES ...........
91
SECTION 2
FONDATION DE L'O.U.A. LE 23 MAI 1963
A ADDIS-ABEBA •...•...............•.•..
94

- 498 '-
PAGES
CHAPITRE 2 : LE SYSTEME DE L'ORGANISATION AFRICAINE ...
98
l -
LA STRUCTURE DE L'O.U.A.
: LES ORGANES INTERGOU-
VERJ~EMENTAUX
".........................................
99
1. La Conférence des chefs d'Etat et de Gouver-
nement ou Conférence au Sommet
101
2. Le Conseil des Hinistres
103
II - LA STRUCTURE DE L'O.U.I\\.
: LES ORGANES INTEGRES.
105
1. Le Secrétaire Général
106
2. La Ccmmission de médiation, èe conciliation
et ct' a.rbitrege
111
3. Les Commissions spécialisées
120
CHAPITRE 3 : LA LIGUE DES ETATS ARABES COMME SYSTEME
DE COMPA.RAISON 'ô .•••.•••••• '. • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
123
INTRODUCTION .. .. .. ". .. .. .. .. ". .. ... ". .. .. .. ... ". .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
124
'
NAISSANCE DE LA LIGUE ARABE
125
SECTION 1er: LES ORGANES DE LA LIGUE ARABE
126
§.1. LE CONSEIL DE LA LIGUE .. .. • .. .. .. • • .. Il Il .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ....
127
§.2. LES COMMISSIONS SPECIALISES PERMANENTES
127
§.3. LE SECRETARIAT G~NERAL . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . .
128
SECTION 2 : LES PROLONGEMENTS DE LA LIGUE ARABE
129
§.1. LES ORGANES DU PACTE DE DEFENSE COLLECTIVE
129
§.2. LES ORGANES CREES FAR LA CONFERENCE AU SOMMET
ARABE
12 9
§.3. LES INSTITUTIONS SPECIALISEES CREEES PAR LA
LIGUE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . ~ . . . . . • . . . .
131

- 499 -
PAGES
SECTION 3 : LES ACTIVITES DE LA LIGUE ARABE
131
§.1. LES ACTIVITES TRADITIONNELLES
132
A - LE REGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFERENDS
132
B - LA SECURITE COLLECTIVE ARABE . . . . . . . . .. . ..... 133
C - LA COOPERATION ECONOMIQUE ET SOCIALE
134
§.2. LES ACTIVITES AFRO-ASIATIQUES
135
A - LA DECOLONISATION
135
B - LE RENFORCEMENT DE LA SOLIDARITE AFRO-
ASIATIQUE ET LE NON-ALIGNEMENT ."
136
CHAPITRE 4 : LA CONFERENCE AU SOMMET COMME FORME NOUVEL-
LE DE LA "DIPLOMATIE ITINERANTE"
137
§.1. LES ORIGINES LOINTAINES DE LA CONFERENCE AU
SOMMET . . . . . . . . . . . . • . . . • • • • • . . . . . . • . . . . . . • . • . •
138
1.
L'empire gréco-romain
.
139
2 • Le moyen-âge
.
140
3 • Les temps modernes . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . • . •
141
4. L ,....
d
C . . . . "
"
ere
es
ongres europeens
;
.
141
§.2. LA CONFERENCE AU SOMMET, INSTITUTION DE NOTRE
TEMPS
. . . . . . . . . . . • . • • • • . • • . . . . . . . . . . . . . . . . • • • • •
143
1. La première guerre mondiale et ses "confé-
rences ,t • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
144
2. La deuxième guerre mondiale et les "rencon-
[
tres entre Dirigeants alliés"
145
3. L'universalisation de la Conférence au
sommet
. . . . • . . . . . • • • • • • . . . . . . . . . . . • . . . . • • • .
148

-
500 -
PAGES
§.3. CONTROVERSE SUR LA CONFERENCE AU SOMMET ~ •....
153
1. Les critiques négatives ••..................•.
153
2
L
th '
' t '
.
a
ese pOSl lve
. • . . . . . • . • . . . . . . . . . . . . . . . • • •
156
§.4. OBSERVATIONS CRITIQUES SUR LA CONTROVERSE ....
158
DEUXIEME
PARTIE
~.
162
CHAMP D'ACTION DIPLOMATIQUE DE
L'O.U.A.
: L'AFRIQUE ET SES PROBLEMES
INTRODUCTION LIMINAIRE: L'IDEOLOGIE DE L'O.U.A
163
TITRE 1er : CHASSE GARDEE DE LA DIPLOMATIE DE
L'O.U.A .
..•..•••••.••••••••••••••••••.•.••••
166
0
CHAPITRE 1er
LES FRONTIERES AFRICAINES .,
169
SECTION 1
POSITION DU PROBLEME
17 a
SECTION 2
INTANGIBILITE DES FRONTIERES AFRICAINES
(UTI POSSIDETIS JURIS)
173
SECTION 3
UN PUZZLE FRAGILE
179
SECTION 4
LES MODALITES DE REGLEMENT
183
§.1. LES NEGOCIATIONS DIPLOMATIQUES
183
A - DEFINITION ET IMPORTANCE DE LA NEGOCIATION ..
183
B - LE NEGOCIATEUR ET LES METHODES DIPLOMATIQUES
CONTEMPORAINES
185
§. 2. LE PLEBISCITE
188
§. 3.
LA COOPERATION ECONOMIQUE
189

- 501 -
PAGES
CHAPITRE 2 : REGLEMENT DES DIFFERENDS AFRICAINS DANS
;N CADRE AFRICAIN.................................
191
§.1. LE CONFLIT ALGERO-MAROCAIN
193
§.2. L'O.U.A. VICTIME DU SAHARA .. .. . .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
196
§.3. LE CONFLIT SOMALO-ETHIOPIEN ET SOMALO-KENYAN.
203
§.4. LES AUTRES CONFLITS AFRICAINS
206
TITRE 2
L'AFRIQUE DU SUD: L'O.U.A. A L'EPREUVE DE
SON UNITE
209
INTRODUCTION LIMINAIRE
•...•...
210
CHAPITRE 1er: BREVE HISTOIRE DE LA COLONISATION .•.•.
214
S:-'CTION 1
L'EVENEMENT PRIMORDIAL: LA "NAISSANCE".
215
SECTION 2
SOURCES DE LA DOCTRINE D'APARTHEID .' •.•.
219
SECTION 3
L'AFRIQUE DU SUD ET SON SySTEME .... ..•..
222
§.1. LES DEUX PILLIERS DE LA PUISSANCE ECONOMIQUE
DE L'AFRIQUE DU SUD
! . . ~....
222
§.2. LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DE L'FRIQUE DU SUD
223
SECTION 4 : L'AFRIQUE DU SUD ET LA DEFENSE DU MONDE
LIBRE................................................................................
226
SECTION 5 : L'APPLICATION DE LA DOCTRINE D'APARTHEID
231
1. Stratégie armement .•.•.......
233
2.
L'Afrique Noire:
zone d'expansion. . . . . .
235
CHAPITRE 2 : OBSERV~TIONS CRITIQUES SUR LES INTERETS
OCCIDENTAUX EN AFRIQUE DU SUD
..••••
237
A - INTRODUCTION .........•.•••....................
238
B - INTERETS OCCIDENTAUX EN AFRIQUE DU SUD ET
OBSERVATIONS CRITIQUES
....•
240

-
502 -
PAGES
CHAPITRE 3
L'AFRIQUE DU SUD ET UNITE AFRICAINE EN
1971
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • .
245
SECTION 1 : LA POLITIQUE DU "DIALOGUE"
247
A - LE MANr"ESTE DE LUSAKA.......................
247
1.
Pacte de non-agression
250
2. DiplomatC'", africains : "européens à titre
hom.oraire" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2 51
SECTION 2 : VOTE DE L'O.U.A. SUR LE "DIALOGUE" .....
254
A - ANALYSE DU VOTE..............................
255
B - L'OPINION AFRICAINE FACE AU "DIALOGUE"
256
C - LA RESISTANCE AFRICAINE
257
TITRE 3 : L'AFRIQUE AU SEIN DE L'o.N.~.
..
260
CHAPITRE 1 : LES RAPPORTS ENTRE L'O.N.U. et L'O.U.A,.
264
,
l -
STATUT DES MOUVEMENTS DE LIBERATION NATIONALE.
265
II - RAPPORTS AVEC L'O.U.A. SUR LE MAINTIEN DE LA
FAIX ET SUR LA DECOLONISATION
267
1.
Lutte contre les colonialisme.
269
2.
Les procédés pacifiques et diplomatiques
270
111- RAPPORTS AVEC L'O.U.A. A PROPOS DES LITIGES
INTER-AFRICIlINS
272
CHAPITRE 2 : LE GROUPE iT-~ICAIN ET conPERATION DIPLO-
MAT l QUE AL' 0 . N. U.
. . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
273
SECTION 1 : LE PHENOMENE DES GROUPES.....
274
1.
La formation des groupes à l'O.N.U
.
274
2. Les groupes officiels à l'n.N.U
.
277
3. Sous-groupes et intergroupes .............•
279

-
503
PAGES
SECTION 2 : LE GROUPE AFRICAIN A L'O.N.U.
......•...
280
l -
LES SOUS-GROUPES AFRICAINS A L'O.N.U.
: LUTTE
D'INFLUENCE ET COMPORTEMENT DIPLOMATIQUE ..••..
281
II - L'UNITE DU GROUPE AFRICAIN DANS LES NEGOCIATIONS
INTERNATIONALES .....•..••.••....•..........•..
284
CHAPITRE 3 ~ L'AFRIQUE ET L'EQUILIBRE POLITIQUE GLOBAL
AU SEIN DES NATIONS UNIES ••...............•..•
288
SECTION 1 : L'EVOLUTION NUMERIQUE DES GROUPES ..•.••
289
A - LE CONTROLE DE LA MAJORITE ......•.......•.••
291
B - LE TOURNANT DE 1960 •••••••....•... ..... ..•••
292
SECTION 2 : LE NOUVEL EQUILIBRE MONDIAL
294
A - DIPLOMATIE DU NOMBRE ET SA PUISSANCE
,...
295
B - LA PUISSANCE DIPLOMATIQUE DU NOMBRE ET SES
LIMITES . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . • . . . . . . . . . . . . • • .
297
TROISIEME PARTIE •.
.•••.
298
PERSPECTIVES D'AVENIR: L'AFRIQUE,ET,LE
MONDE DE DEMAIN - POUR UNE STRATEGIE
DIPLOMATIQUE UNIFIEE
INTRODUCTION ... . . . . . . . .. . . . . .. ..... . .. .. .. ... . .. .....
299
TITRE 1 : LA STRATEGIE DIPLOMATIQUE AFRICAINF. DANS LE
MONDE
. . . . . . . . . . . . . • . • • . • . • . . . • . . . . . . . . • • • • •
307
CHAPITRE 1 : CONFLIT DES SOLIDARITES .............•••.
311
SECTION 1 : LA SOLIDAPITE DE L'AFRIQUE AVEC LE TIERS-
MONDE
. . . . . . . . . . . . • . . . • . . . . . . . . . . . • . . • . . • • • •
312
l -
1974, L'AN 1 DE LA JUSTICE POUR LE TIERS-MONDE.
313
11- COOPERATION-REVISION : L'HEURE DU NATIONALISME
ECONOMIQUE
. . . . . . . . . . . • • • • • • • . . . . . . . . . . . . . . . • • • • •
315

- 504 -
PAGES
SECTION 2
CHANGEMENT DE PERSPECTIVE ET CONFRONTA-
TION NORD-SUD ...•...................•..
317
CHAPITRE 2
LA COOPERATION AFRO-ARABE : LE RUSH DE
LA DIPLOMATIE ARABE ...........•........
323
SECTION 1
LA POSITION DES PAYS AFRICAINS FACE AU
CONFLIT DE 1973 : LE GRAND REFLUX ...•.•
325
SECTION 2
DIPLOMATIE DU DOLLAR "OU" REVISION DOU-
LOUREUSE MAIS CONSCIENTE? .•..... ...•..
329
SECTION 3
DE LA SOLIDARITE DE CONJONCTURE A L'UNI-
TE D' ACTIOl\\T
. . . • . . . • . • . . . . . . . . . . . . . . • • . •
332
SECTION 4
LES DIMENSIONS DE LA COOPERATION AFRO-
ARABE
. . . . . . . . . • . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . •
335
CHAPITRE 3 : L'AFRIQUE ET LE RESTE DU MONDE.
344
SECTION 1 : L'AFRIQUE ET LE NOUVEL ORDRE ECONOMIQUE
INTERNATIONAL (NOEI)
346
SECTION 2
L'AFRIQUE ET L'EUROPE: LES ACCORDS DE
LOME OU SOLIDARITE AVEC LES PAYS DEVE-
LOPPES
. . . . . . . . • • . . . • . . . . . . . . . . . . . . . • • • .
349
TITRE 2 : STRATEGIE ENTRE ETATS MEMBRES DE L'O.U.A...
354
CHAPITRE 1 : POUR UNE IDEOLOGIE AFRICAINE ........•.••
357
SECTION 1 : UNE PHILOSOPHIE TRADITIONNELLE..... ....
362
CHAPITRE 2 : REDEFINITION DE L'O.U.A.
367
SECTION 1
CE QUE NE DOIT PAS ETRE L'O.U.A . .•.....
370
SECTION 2
CE QUE DOIT ETRE L'O.U.A . ............••
374

- 505 -
PAGES
CHAPITRE 3 : NOUVELLE STRATEGIE ECONOMIQUE AFRICAINE:
376
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.
SECTION 1 : PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT,ETiEE
q~ (.c. A NI c
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CROISSANCE EN AFRIQUE
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1.
Le diagnostic . . . • . . • . . . . . . . . . . ~~;.,.. .• •• • ;'''-319
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380

lSlon et 0 ]ectl S •••........... ~"'.'''~e~g'l'ôr;.J·
SECTION 2 : ELEMENTS POUR UN PROGRAMME D'ACTION ...•
382
1. Une nouvelle pédagogie de l'Unité africai-
ne
. . . . . . . . . . . . • . • • • . • • . . • • • . . . . . • . • • . • • .
383
CON C LUS InN ..............••••
385
1. Différence de concept ion . . . . . . . . . . . . • . • .
387
2. Le nouvel ordre mondial " a t home" •. •••••
389
ANNEXES
l, II, II, IV, V. . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
392
DOCUMENT ....................... .,
.
451
BIBLIOGRAPHIE
. . . . . . . . . . . . . . . • . • . . . • . . . . . . . . . . . . . . . • . •
465
TABLE DES MATIERES ..............................•.•••
495