UNIVERSITÉ DE PAlUS X NANTERRE
FACULTÉ DE DROIT
ET SCIENCES ÉCONOMIQUES
LES PROBLÈMES
DE lA PROTECTION SOCIALE
AU GABON
DONNÉES ACTUELLES •
ET PERSPECTIVES D'AVENIR
THtSE
POUR LE DOCTORAT D'tTAT EN DROIT
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PRÉSENTÉE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 25 OCTOBRE 1981
PAR: Monsieur Jean-Pierre AKOUMBOU M'OLUNA
Sous la Direction de Monsieur le Professeur
Antoine LYON-CAEN
.;
'l
.',-
!
1
,1

A tous ceux qui nous ont aidé pour l'aboutissement de
ce travail.
A M. et Mme les professeurs Antoine Lyon-Caen et Pretnar
qui par leurs efforts, expériences et critiques,
nous ont per mis de mener à bien ce travail.
Aux peuples du monde en lutte pour le progrès social.

Il
I i i TRODUO!I OI
-----------------------
METHODOLOGIE ET OBJET DE LA RECHERCHE
La pré8ente étude 8ur -le8 problèmes de la protec-
tion soc1ale au Gabon : données actuelles et perspectives
d'avenir" est l'examen d'un cas d'une institution 80mme toute
moderne ; dans une formation économique et 80ci&1e donnée :
le Gabon, hier colonie française, indépeDd8Dt e depuis 1960.
Il ne nous a pas paru nécessaire de faire une pré-
sentation globale du pays, car les développements que nous
aurons à faire au cours de ce travail le décrivent suffisammen
Nos informations sont et restent partielles car
nous manquons de certains éléments. Cette étude soutfrira en
outre de l'impossibilité matérielle dans laquelle nous nous
sommes trouvés, ces dernières années, de nous rendre dans le
pays pour un travail de terrain supplémentaire. Ceci nous
aurait demandé des moyens financiers et des pos8ibilités de
déplacement que nous n'avions pas.
En l'absence d'une enquête récente sur le terrain,
c'est donc pour l'essentiel sur la base d'une analyse des
sources de deuxième main : la bibliographie disponible sur
les problèmes de la protection sociale au Gabon et dans le
monde que nous avons travaillé.
Toutefois, une grande partie des réflexions que
nous allons émettre ici e8t le fruit de notre propre up§rienct

2
exp4rience acquise et enriChie par 1e8 discussions, 1es
dUf'rents sémiDaire. et stage. que nous avons reçus dans 1e
dom&j.ne des prob1lmes de 1& protection .oc1a:Le.
Néanmoins, de nombreux obstacles épist'mologiques
n'ayant pu 8tre surmontés, de nombreux écueils para!tront
donc nécessairement. Par ailleurs, le fait que nous l1m1 tons
le cadre de nos recherches au cadre gabon&.18, n'exclut ce-
pendant pas la possibilité de jeter un coup d'oeil sur ce qui
se passe dans d'autres pays. Car sew.es de telles ré:t~rences
pourraient nous permettre de saisir comment le problee de la
protection sociale a pu 8tre résolu par les autres.
11 nous a été difficile, mime en se limitant au
cadre gabonais, d'étudier ce problème sous tous ses aspects
administratifs, écono-financiers, politiques et épuiser le
sujet. Nous avons donc laissé de cÔté le cas de l'orsanisa-
tion adminjstrative, contentieux,tontines , mutuelles etc •..
et porté notre attention sur l'essentiel: les réalités so-
ciales gabonaises. Ce faisant, notre objectif est de contri-
buer à éclaircir la nature d'une institution, la s.s. en don-
nant notre point de vue à partir des faits ; sans nous con-
tenter de les inventorier tels qu'ils se présenteraient à
nous. Dans ce sens, nous nous efforcerons de nous détacher
de la démarche qui consiste à se limiter à l'étude des textes
de lois pour n'en tirer que des définitions ; nous avons
plutOt cherché à les confronter à 1& réalité sociale qui pour
nous a la première importance.
C'est aussi à partir d'une approche pluridiscipli-
naire requérant à la fois le droit, l' éoonomie poli tique, la


sociologie, 1& ph1].o80ph1e et l.'b1stoire que noua avons ap-
priheDd' cette r4&l.1t' 8oo1a].e et 8&:1.81. 1.' easence de cette
80rte de ph'nom'no1.og1.e qu'est la sécurité 80c1a1e en tant
que tecmu.que de protection sociale sous sa forme actuelle.
La perspective pluridisciplinaire nous a ainsi permis de voir
au-delà des apparences et de comprendre que les problème8
de la protection sociale au Gabon ooncernent l'1nt'gration
de l' homme dans une société donnée et par conséquent, relèvent
d'une conception de société et du monde quant à leur résolu-
tion et qu'ici le droit n'a pas un miil eu où il exist erait
de façon autonome.
Nous allons donc centrer notre analyse pour l'es-
sentiel dans l'étude de la société gabonaise, c'est-à-dire
dans l'étude des rapports que les hommes entretiennent entre
eux ; car un système juridique n'est rien d'autre que l'ap-
parence, la traduction dans le droit de rapports fondamentaux.
Position de la question.
Dès son accession à l'indépendance en 1960, le Gabon
a marqué sa volonté d'inscrire dans sa conati tut ion : la pro-
motion de l'homme et la promotion sociale au premier plan de
ses préoccupations et de son effort.
La santé, l'habitat, l'éducation, le travail, les
soins médicaux, les services sociaux nécessaires, la sécurité
en cas de maladie, de vieillesse et d'invalidité et autres
cas de perte de subsistance par suite de circonstances indé-
pendantes de la volonté de l'homme. La recherche d'une plus
grande justice sociale au moyen de la redistribution du

...
. ('
..
revenu national; l.")1J11nat1on de la pauvret' par ~e moyen
du d'",el.opp_en't 40ODom.que du P&711 etc •••
Tous ces C&8 ont titti globa1ement envisae's dans
1es différents plans du développement du pays. C'est dire
que la question sociale est l'un des problèmes qui préoccu-
pent les pouvoirs publics gabonais. Mais quant à la question
de savoir si ces promesses se réalisent ou se réallserant,
c'est ce dont, a priori, aucun chercheur ne peut se prononcer
sans apporter des éléments d'analyse convaincants. c'est ce
que nous tâcherons de faire tout au long de ce travail.
Par ailleurs, d'après les critères officiels de
l'O.N.U. et du Bureau international du travail, le Gabon est
classé comme un pays sous-développé ; à ce titre, il souf-
frirait d'un sous-équipement (manque de technologie, d' 1.n-.
dustries ..• ) ; d'une
insuffisance
.d ' équip-.ents
sanitaires et sociaux
d'une faible espérance de vie, 39-40
ans contre 70 en Europe; d'un niveau élevé de mortalité et
morbidité infantile, 229 0/00; d'une population analphabète
à 90 ~. Maux auxquels 1& société doit faire face dans un
nouveau milieu où le cadre traditionnel de sécurité sociale
n'est plue efficient et doit être remplacé par une sécurité
sociale d'un nouveau genre.
Dans le même temps, la sécurité sociale nouvelle
promise à tous les membres de la société ne couvre qu'une
minorité de la population alors que 80 % de celle-ci demeure
dans l'insécurité. Situation qui s"expliquerait, selon les
pouvoirs publics gabonais
pour la raison suivante : "Le ni-
veau de la protection est fonction d'une part du n1vea~ de .

5
..
d4veloppement du pays con81d41'4 et d'autre part du contenu
qui y ••t doDDé ~ l'idé. de solidarité nat1onal.e- (1).
OU encore parce que -dans nos pays les bes oins sont
immenses dans tous les domaines, alors que les ressources
sont limitées. Ignorer l'environnement économique serait
courir à l'échec à bref délai; tant il est vrai que la poli-
tique est l'art du possible- (2).
Autrement dit, le niveau de développement économi-
que est un facteur à retenir, et le Gabon étant un pays Bans
"ressources suffisantes", à première vue le système de pro-
tection sociale mis en place doit correspondre au niveau de
développement du pays.
Mais s'il est vrai que les besoins matériels ne
sont satisfaits en définitive que grâce à la croissance du
revenu national. d'un pays ; mais alors comment expliquer la
persistance de la pauvreté et de l'insécurité en Europe dé-
veloppée ?
C'ést partant èe cette situation d'ensemble au
Gabon et en Urique que différentes stratégies sont préconi-
sées comme voies à suivre pour résoudre tous les maux vus
plus haut.
La thèse la plus répandue et appliquée avec esprit
de suite est que la sécurité sociale doit 8tre développée
(1) Cf. Etienne Mouvagha, 2ème Congrès du Parti démocratique
~bonais 1979, p. 90.
(2) Déclaration Léon Mebiame, Premier ministre du gouvernement
gabonais à la Conférence régionale africaine de s.s.,
Libreville 1-12 février 1972 in Cahier africain de s.s.
nS!
11 p. 4.

6
..
dans ces paye en vue de oorriser les iné~tés sociales et
économiquee, pel"lDe't'tre 1& satis:tac1iion des besoins de con-
sommation et augmenter la productlvi1ié de la population ac-
tive afin d'accrottre le revenu national.
Le B. 1. T.
(Bureau international du travail) et la
plupart de. colloques et contérences qui tra1tent des pro-
blèmes relatifs à la sécurtté sociale en Afrique font égale-
ment de cette institution un instrument complémentaire de
financement des investissements des entreprises, des infra-
structures sanitaires et sociales, des prOts aux entreprises
etc •••
Cette orientation n'est-elle pas de nature à faire
perdre de vue la fin première de cette institution? S'il est
vrai que la sécurité sociale n'est pas dénuée de fin, mais
de quelle fin s'agit-il? Conna!tre sa place et quelles fonc-
tions elle remplit réellement nous aidera à saisir sa finalité
Pour pouvoir élaborer le travail dont le sujet et
l'objet se trouvent définis ci-dessus, nous avons basé notre
étude sur trois hypothèses principales
1- Analyser le mécan1sme des institutions de protection
sociale au Gabon.
2- Vérifier si les postulats annoncés ci-dessus ont un
impact et lequel ?
3- saisir la portée réelle de ce système.
c'est au terme de cette analyse que nous pourrons
voir l'importance de l'adaptabilité du modèle de protection
sociale actuel au Gabon, à la réalité. Aussi avone-nous trouvé
opportun de subdiv1.ser notre étude en trois parties : J

7
"
T.I - Ana 17s e du 8yatàae gabonais de protection sociale.
1'.11 - Le ~oDd. .ent du 8Y8t.e gabona1s de protection
,
sociale à l'~preuve de la r~alité.
T. III - Portée et signification du système gabonais de
protection sociale.

8
,-
~. l
ANALysB DU SYSTEME GABONAIS DE PROTECTION
SOCIALE
L'introduction de l'économie cap!tal is'te au Gabon
a produit un effet d'éclatement du groupe social et des
institutions pré-capitalistes de protection sociale: famille,
village, tribu pour laisser place à de nouveaux rapports de
production, à une nouvelle stratification sociale, à de nou-
velles institutions de substitution de protection sociale.
Aussi chercherons-nous à savoir quelle a été l'am-
pleur de ces bouleversements. La connaissance des transfor-
mations qui se sont produites dans la structure de la société
gabonaise sous l'influence du nouvel ordre juridique et éco-
nomique nous permettra de comprendre l'état actuel et la naturE
du droit social gabonais et des effets qu'il produit dans ce
milieu.

9
III
CHA PIT R E l
------------------
NAISSANCE ET EVOLUTION DES INSTITUTIONS
DE PROTECTION SOCIALE
Le besoins de sécurité est une donnée de toute so-
ciété humaine, un tait qui, jusqu'à ce jour, a été toujours
la préoccupation des hommes depuis la société pré-capitaliste
dont la colonisation a détruit les structures pour laisser
place au modèle actuel d'institutions de protection sociale.
C'est ce que nous allons voir en examinant :
Section l
- La solidarité et l'entraide au sein de la
société pré-capitaliste.
Section II - Apparition d'un nouveau modèle de protec-
tion sociale.
SECTION l - SOLIDARITE ET ENTRAIDE AU SEIN DE LA SOCIETE
PRE-CAPITALISTE.
Si le besoin de sécurité est de toutes les sociétés
humaines, toutefois, les problèmes auxquels les sociétés mo-
dernes se trouvent confrontées sont l'organisation et la
protection contre les risques qui ont changé de caractère
avec l'évolution des sociétés, leur enrichissement et l'ap-
pauvrissement continu des créateurs des richesses.

10
"
Il est auj ourd 'hui établi que, llstoriquement, 18s
sociétés &tncai. . . étaient compo8ées de 8tructureS organi-
sées et fortement intégrées, ayant franchi l'étape de la
société pr1m1tive par le développement de l'élevage et l'a-
griculture avant la pénétration coloniale et de l'économie
marchande développée.
Cette organisation avait pour fondement la famille
élargie, la tribu, le clan, le v1llaee. Dans ces structures,
l'individu bénéficie de la protection du groupe, tandis que
le groupe lui-même est régi par des norme., des modèles de
comportement d'où découlent les usages, les coutumes, les
règles morales qui caractérisent les structuree sociales et
.
rendent l'individu solidaire du groupe et le groupe solidaire
de l'individu (1).
Dans
le clan
est une entité
L'autorité y appartient généralement à un chef
choisi en fonction de ses vertus. Le chef est censé perpétuer
la personnalité de l'anc3tre du clan. Il est le guide indis-
pensable. Le clan et la parenté assurent à tous les membres
(1) Voir à ce propos, La protection sociale au Sénégal par
Omorès Thomas, Paris 1969, p. 4-5.

11
"
de la communauté (1) dans 1& mesure de leurs moyens une
garant1.. contre les aJ.éu 4e 1.' erlnence.
Lorsque se pose un prob1.~me : calamité, besoin
d'un membre du groupe etc .•• , on s'adresse au chef de famille
ou du clan qui dispose d'un pouvoir sur les biens et sur les
personnes et il doit y apporter la solution en vertu de son
savoir, des rapports de l'homme avec la Dature et des hommes
entre eux.
L'activité économique est orientée vers la couver-
ture des besoins sociaux. L'agriculture est la source essen-
tielle de la production sociale. L'alimentation : manioc,
banane, igname, poissons, viandes etc ••• sont fournis par le
groupe qui produit ce qu'il doit consommer; l'insuffisance
des ressources réduit à peu de chose l'accumulation du sur-
plus économique. Le but de la production, c'est beaucoup plus
l'autoconsommation que la recherche du surplus destiné à
la
commercialisation. Les fruits du travail de l'homme sont certe
assez maigres et les conditions de vie très dures; l'homme
consacre toutes ses forces à l'obtention des moyens de vie
et sa sécurité est à la limite de ses moyens, mais rares sont
les membres de cette communauté qui sont abandonnés dans le
besoin.
L'emploi du fer, cuivre en vue de la fabrication
des lances, haches et houes est connu. Filets, nattes, paniers
pagnes en raphia font partie du patrimoine du clan.
,
517.
J

12
..
Et il n'y a pas propriété privée des moyens de
production et particulièrement de 1.& terre (1). Les droits
sur 1.a terre, colleotifs et inal.1énab1.es, appartiennent à 1&
fami1.1.e, au o1.&n. 11.s eont fondée sur l'occupation primitive
du sol.
Les différenciations sociales qui existent ne di-
visent pas la société en pauvres et riches. L'exploitation
de l'homme par l'homme, si elle existe, n'est pas la loi gé-
nérale de la société (2).
Mais les contingences décrites ci-dessus ne sont
pas les seules à mentionner et ne témoignent pas de la per-
fection de la société traditionnelle qui comporte des limites
certaines.
§ 2 - Les limites de la société pré-capitaliste.
Comme on vient de le voir, l'esprit d'assistance,
de solidarité sont une caractéristique de la société tradi-
tionnelle gabonaise et en Afrique. "Ensemble on met en valeur
la terre ancestrale, propriété collective au profit de tous
les membres du groupe familial, clanique" (3). Le sentiment
(1) Cf. Essai d'histoire africaine par Suret Canale, éd.
sociales, p. 17.
(2) Dans l'état actuel de nos recherches, il nous est impos-
sible d'apporter des éléments sur l'existence ou non de
l'exploitation de l'homme par l'homme dans la société
traditionnelle gabonaise, la plupart des auteurs qui trai-
tent de la question considèrent que c'était une société
communautariste. Cf. Thèse Martin Alihanga, op.cit. p.516.
(3) Omorès Thomas, ~ protection sociale au Sénéga!, Mémoire,
p. 4.

13
d 'Otre toujours entour' 4 'Md., de parent. et de pouvoir
compter .ur 1eur &14e en 4e. moment. propice. contribue à
donner cette assurance qui
"
plait
Toutefois, ce système n'est pas sans limites, et
quand la famille éclate, les contradictions s'accusent, quand
les différences sociales deviennent plus marquées ; quand
une différenciation entre riches et pauvres s'opère, quand
les inégalités individuelles commencèrent à se manifester
clairement dans les préférences et les habitudes, quand un
système de gouvernement répressif prit la place d'une asso-
ciation démocratique diri~e par un chef au pouvoir matériel,
certes limité, alors tous les phénomènes déplaisants de la
vie communautaire apparurent au grand jour. L'insécurité de-
vint la règle pour la majorité de la population, la société
se divisa en deux campe riches et pauvres; l'entraide fami-
liale se transforma en parasitisme.
Aucune recherche tant soit peu sérieuse ne peut
admettre de regarder l'ancienne vie traditionnelle comme une
lumière dorée en partant du constat de la vie misérable des
masses populaires aujourd'hui.
En effet, une différence qualitative doit 3tre mise
en lumière entre la société traditionnelle et la société ca-
pitaliste qui s'instaure sous nos yeux au Gabon. Le rele his-
torique, progressiste du capitalisme consiste en ceci qu'il
a répandu l'expansion économique d'une nouvelle manière; en
ce qu'il a développé les forces productives du travail social
et collectivisé ce travail. En effet, jusqu'à la pénétration
coloniale, la production traditionnelle gabonaise était basée

14
..
sur le travail à la main et sur une technique primitive dont
les progrès sont extr'mement :Lents et purement spontaJ:Jé8. A
cet égard, :La soci't4 traditionnelle gabonaise et ses formes
de protection sociale se différencient de beaucoup de l'é-
poque actuelle. Cela est un fait objectif, une réalité qui
s'impose sous les yeux de l'homme gabonais. Mais il y a aussi
une autre réalité que l 'homme gabonaiS a vécu et vit depuis
l'époque coloniale. Et cette évidence ne doit pas aussi ca-
cher que cette transformation comporte des c~tés sombres et
négatifs et que le premier résultat du colonialisme et du
capitalisme est un phénomène négatif. Il comporte des contra-
dictions profondes, toute une série d'inégalités aggravées.
Ici la société est loin d'avoir gardé son monolithisme carac-
téristique d'antan; bombardée qu'elle est de toutes parts
de tous les effets de la colonisation et du capital.
De la sorte, le progrès entra!né par le capitalisme
s'est soldé par la réduction de toutes les valeurs de la so-
ciété pré-capitaliste à peu de choses par l'institution de
nouveaux rapports individualistes et des habi tudes de pensée
qui relèvent de l'indiv1dualisme et du rationalisme de l'ordre
social libéral.
Bien plus, la domination coloniale va marquer d'une
empreinte décisive la solidarité traditionnelle gabonaise en
détruisant toutes les formes de soUdarité connues jusque là.
§ 3 - Transformation des structures pré-capitalistes de
protection.
Martin Alihanga, dans sa thèse sur "Les structures

15
..
oommunautaires et perspectives coop~rat~ve8 au Gabon"
'tu4le Le proce.su. de d'sagr'sat~on qu'a connu ~a société
pré-cap~ta11ste gabonaise de ~a manière suivante. "GrAce à
la 801ida~té horizonta~e inter-vivants, le négro-afrioain
échappe aux effets néfastes de la solitude, car pour lui
exister, c'est "vivre avec". Ensemb~e on met en valeur ~a
terre ancestra~e, propriété colleotive privative, au profit
de tous ~es membres du groupe familial ClaniqUe...•. ( ... )
"La famille s'incorpore dans le groupe clanique
qui, lui, est intégré dans le groupe ethnique lequel tend à
s'intégrer dans un ensemble plus vaste qu'est la nation. La
survie de cette dernière qui s'identifie avec celle d'un
chacun devient pour chaque membre une question de vie ou de
mort ... ft. ! _ _ _ ')
1

"Mais tous ces mouvements d'entraide ont été pro-
~ondément perturbés par l'entrée dans l'univers négro-africain
traditionnel de l'économie de marohé. Celle-ci est en effet
f ondamerrtaLemerrt décommunautan sante et créatrice de l'indi-
vidualisme. L'économie traditionnelle étant basée sur la so-
lidarité du groupe, tout facteur qui affecte celle-ci porte
atteinte à celle-là".
En ef~et, l'introduction de la nouvelle forme de
monnaie (1), l'imposition aux pop~tions de limiter leur
(1) L'administrateur G.
Bruel (cf. le Congo français in sup-
plément au nQ 15 Mars 1909 du Bulletin de l'Offioe colo-
nial, pp. XIX-XXI) note à propos des monnaies afrioaines
avant la pénétration coloniale ce qui suit "nous sommes
obligés d'avouer que, pir ignorance ou mieux faute d'avoir
centralisé les observations des explorat eurs, nous avons
commis une très grosse erreur éoonomique. Une légelide
.
.../ ...

16
..
activité aux cultures d'exportat~on, 1e travail forcé, les
1JIlp8te, vo~lA 1•• taoteurs qui. TODt peu à peu détruire les
anc~enne. struotures soc1&1es en Afrique en instaurant des
mécanismes capital~ste8.
C'est alors que commence l'effritement de la com-
munauté. La famille étendue en tant qu'unité collective de
production tend à Be restreindre. Les structures démographi-
ques des villages vont 3tre fortement désorganisées par l'ar-
rivée des exploitants forestiers et des compagnies conces-
sionnaires ; d'où découlera un processus de prolétarisation
qui affectera plus de 40 %des populations du Gabon (1).
Le gouverneur Félix Eboué ~ori. t à ce propos :
"Aujourd'hui - et le fait est surtout sensible au Gabon - les
jeunes mAles des villages de l'intérieur sont enlevés à leur
vie coutumière, à leurs enfants et à leurs femmes pour être
transportés dans les campements où s'opère le mélange de
toutes les races, Où l'homme se trouve dépaysé, désinvidua-
lisé pour son plus grand dommage moral, où quelques prosti-
tuées stériles, sans lui donner la faculté de se reproduire,
le contaminent souvent pour la vie, ou même en échange d'un
salaire et du développement meilleur de ses muscles (sic!),
il perd le sens profond de l'eXistence et en même temps le
moyen de la perpétuer .
... 1... suite note page précédente:
presque indéracinable s'èst établie, disant que le seul
commerce possible au Congo était 1e troc. Or dans la réa-
lité, avant que les commerçants européens ne soient venus
bouleverser les coutumes indigènes avec l'importation des
marchandises, partout il y avait des monnaies indigènes.
Elles étaient en cuivre chez les batéké et les boubangui
et s'appelait Mitako dans la moyenne sanga" etc •••l
( 1) Ce chiffre donné par A. H. Akendengué in Cahier africain de
s.s. 1967 nQ 1 p.3 est à prendre avec réserve car nous
n'avons pu le vérifier.

17
1-
Cepend&D.t que se forme ce prol~tar1.at masculin, les
village. privé. de l81lN meilleurs ~1~ment8 v~glttent ; les
femmes n'ont plus d'e~ants, la race d1spa.ra~t· (1).
L'extension du salariat va aller de pair avec la
mise en place d'une nouvelle forme d'organisation du travail.
Ainsi, alors que dans la société pré-capital1ste, le travail
collectif, familial exigeait des formes coopératives spéoi-
fiques de travail : rassemblement plus ou moins régulier des
habitants du village pour l'exécution des travaux en vue de
la satisfaction des besoins du groupe, avec l'introduction
de la nouvelle organisation sociale et du travail, cette forme
de travail cède et dispara1t pour une organisation individuel-
le du travail. A la place on a maintenant un salarié vivant
dans un centre urbain d'un salaire ; sa femme ou sa famille,
si elle ne cultive pas la terre, vit aux crochete de son mari
une seconde branche de la famille restant au village.
L'homme ouvrier gabonais se trouve désormais hors
des limites du groupe familial mais intégré à l'économie
d'échange qui devi ent la règle fondamentale. Le ré sultat de
l'activité productive change en m&me temps de nature. Ce n'est
plus un produit fabriqué pour satisfaire les besoins des pro-
ducteurs ni de la famille, du village mais le résultat d'une
activité complexe, où interviennent de nombreux travailleurs
(1) cité par J. Suret canale in "L'histoire de l'Afrique noire
~ l'ère coloniale", éd. sociales p. 321, qUi note que dans
ces camps, au GabOn par ex. en 3 ans sur 1 000 "engagés"
423 seulement sont revenus dans leurs villages, 182 sont
morts, 395 ne sont pas rentrés.

18
..
qui produisent et reproduisent continuellement un mIme pro-
du1 t ~ de. hora:1ree pr4c~. et sous un commandement h:1~rar­
ch1que pnc~s en vue de la vente sur le marché et pour le
propriétaire des moyens de production.
Le passage de l'économie de subsistance à l'écono-
mie capitaliste va provoquer de profondes transformations
dans les besoins des populations. Les nouvelles charges
qu'entratne la vie de citadin (obligations vestimentaires,
savons, pétrole, pain, alcool etc•.• ) grignotent allègrement
le budget dont la part alimentaire reste très nettement in-
suffisante.
Le nouveau milieu met l' homme en face de nouvelles
conditions de vie et de travail, à l'argent, surtout à l'ar-
gent ! avec son caractère fétichiste de par la qualité des
marchandises qu'il représente. L'argent, avec sa puissance
divine, il permet à l'homme de se vendre; ce pouvoir aliéné
de l'humanité; tout par lui est contradiction; les uns (les
capitalistes) satisfont des besoins inutiles, les autres (ou-
vriers) empêchée de satisfaire leurs besoins élémentaires.
Beaucoup de populations autochtones ne tarderont
pas à découvrir son pouvoir fétichiste qui fait ouvrir toutes
les portes; "transforme la fidélité en infidélité; l'amour
en haine ; la haine en amour ; la vertu en vice ; le valet
en ma1tre ; le ma1tre en valet ; le crétinisme en intelli-
gence ; l'intelligence en crétinisme; fait fraterniser des
~ossibilités..• permet la laideur de se transformer en
beauté" (1).
(1) Cf. Karl Marx, Manuscrits 1844, éd. sociales, p. 1~3.

19
,"
JI
L'argent, écrit l'abbé Martin A.lihanga, permet de
se procurer sans dé1&! tout ce que 1'on peut désirer en fait
de jou1.8sances matérie11es et morales. Un responsable jusque-
a intègre, une épouse, une jeune fille restées longtemps
insensibles aux charmes physiques d'un tentateur, cèdent
brusquement au pouvoir ensorcelant de l'argent.
Mais le développement de l'argent dans une économie
de profit et de traite
"mise en valeur" par les compagnies
concessiOlJllaires n'entratne aucune accumulation dans cette
aire géographique. Devant toutes ces transformations, la
résistance et les luttes multiples des populations vont amener
le pouvoir oolonial à tout mettre en oeuvre pour rendre do-
cile la foroe de travail ; ce sera alors le raIe de la loi
de mettre en place un nouvel ordre juridique.
L'apparition du nouveau droit se matérialise dans
la mise en oeuvre des infractions spéciales définies comme
suit :
1) acte de désordre troublant l'ordre public.
2) bruits alarmants et mensonges propres à nuire à l' ai3 mnj s-
tration. Propos, discours ou chants proférés en public, de
nature à affaiblir le respect d~ à l'autorité française et
à ses représentants européens ou à provoquer le désordre
ou l'indiscipline.
3) détérioration ou destruction de tout ouvrage ou objet
d'utilité publique.
(1) Op. ci t ,.; P. 518.

20
..
4) coupe, abattage sans autorisation régu11ère, détérioration
d •arbre. daD.8 l.es bois doJll8.l:daux e't CollllllU11&ux.
5) asil.e e't aide aux agitateurs politiques et religieux.
6) refus d'exécuter les travaux ou de porter les concours ré-
clamés par réquisition écri te ou verba1e dans un cas in-
téressant l'ordre public, la sécurité ou l'utilité publi-
que ; mauvaise volonté à exécuter ces travaux ou à prêter
concours.
7) entrave à la circulation.
8) charlatanisme, magie, sorcellerie.
9) port illégal, dans un but non délictueux de costume offi-
ciel ou insignes.
10) entraves au recensement et à la perception des impôts.
11) changement de résidence sans avis préalable, scission,
dispersion, déplacement d'un village sans autorisation.
12) refus d'obtempérer.
13) falsification ou altération des produits hors des cas
délictueux.
14) abandon de service sans motif valable (chantiers publics
ou d'intérêt public).
.,-" -0 '~<; l-< /-.~.;-; --.
15) défaut de surveillance des f~~/--~~,
16 ) divagation d'animaux., (,'2.'2/"1 ::," \\ .
!
'--....~ 1 if
17) non déclaration de maladies Q~tagieuS,J~~t:i'
'.' .,.-........
-,/. ,<,:y,f
18) jet d'objets dans un point d "ea\\!,.
",'ô'.#
:',,~~~y.''''
• C'
19) inhumation hors des lieux consacrés.
20) usage des papiers d'autrui.
21) refus de recevoir la monnaie.
22) refus d'exécuter des travaux de plantation vivrièl'j8 ou
d'assainissement d'habitats.

21
Le. article. 4 et 5 du décret du 15 novembre 1924
( 1) ~To,ya1eDt d.. e%••pt10D8 pour 1ee chefs, 1'ac1m1nistra-
t1on, ·ceux q~ ont rendu service à 1a cause françaisw~
c'est-à-dire ceux qui avaient été enr~lés et envoyés à la
boucherie de la première guerre
mondiale.
Tout cet arsenal juridique imposait ainsi. une nou-
velle organisation judiciaire investissant les fODCtionnaires
civils et militaires, mêmes les agents des sociétés cances-
application
sionnaires de sa mise en
/
• Ceci eut pour conséquences
que paysans, artisans, :furent contraints de quitter leurs
terres et à errer dans la nature. Ceux qui ne pouvaient fuir,
soit mouraient, soit étaient conduits dans les gé~les qui se
créaient.
Les notions "d'ordre public", ft a band on de service",
"détérioration d'arbres dans le8 boiS-, "changement de rési-
dence sans avis préalable, déplacement d'un village sans au-
torisation" etc ... étaient la preuve qu'un ordre social nou-
veau avait fait son apparition dans l'univers africain. Mais
pour l'essentiel, l'existence de ces lois est aussi la preuve
qu'il y a eu une farouche résistance et un mouvement de rejet
du nouvel arrivant d'où "la désobéissance ft , le "refus du tra-
vail", la "falsification des produits" dont parlent les rap-
ports des administrateurs coloniaux.
(1) Cf. Mémoire, Idéologies et transformation du milieu rural
en R.C.At. De la décolonisation directe à la néo-colonie
par Zoctizoum Yariss, p. 69.

23
JI
brimades de toute. sorte. et assa••Ulats dans l.es prati1.ques
4e recrutement de8 prestatioD8.
En général., écrit Kumabyl.a Juste Roger (1), "le re-
orutement (des travailleurs foroés ou prestataires) se fait
par la foroe. La. nuit, à l'improviste, des miliciens enva-
hissent le village, font sortir les gens de chez eux à coups
de chicotte ou de ba!onnette ; les hommes capturés sont liés
par une corde au cou et dirigés sur les chantiers escortés
par plusieurs gardes armés. Lorsque l'invasion du village a
lieu le jour, les hommes réussiss ent parfois à s'enfuir. Ce
sont alors les femmes, les enfants qu'on prend en otages jus-
qu'à ce que leurs maris, pères se présentent aux gardes pour
être enrÔlés de force. A ces hommes qu'on a laissé dans
l'ignorance, on demande de signer d'une croix un contrat de
travail dont ils méconnaissent totalement les clause~ ~ Et
pourtant il y a néanmoins accord de volonté.
Marcel Houet rapporte dans ce sens aussi qu'en
"Afrique Equatoriale française, lorsque les esclaves épuisés
sont morts, le gouverneur local les remplace nombre par nom-
bre ..• Le milicien empoigne un pauvre diable qui semble ap-
porter une quanti té insuffisante de latex. Les boules de
caoutchouc sont jetées à terre tandis que leur propriétaire
est vigoureusement passé à tabac. Après quoi, corde au cou,
on l'envoie grossir la colonie des "mauvaises têtes" qui
voient le jour coucher en prison en attendant d'être envoyées
comme "volontaires" au chemin de fer "Congo-Océan" ; le
(1) La. domination coloniale française au Gabon de 1925r 1930,
p. 35.

24
..
travail va vi te, les filete en liane sont accroch~s à la
"ro~e. ; un coup d'oeil, on diminue du tiers et on paye
12 à 15 .. par travailleur pour un mois de travail· (1).
En ce qui concerne les prestations, cet auteur
ajoute que "chaque homme du village doit fournir à l'adminis-
trat ion 15 j ours de travail gratuit par an. Les recensement s
nominatifs n'ont jamàis été effectués; les populations
étaient chiffrées à "l'oe11". Aussi, il s'agit de dire aux
chefs, 11 me faut cent hommes pour demain, le lendemain 1ls
sont là. A la dernière minute, certains d'entre eux ont fui
en brousse ; alors le chef qui amèhe ses "prestataires" se
voit infliger cinquant e à cent franc s d'amende et, ne pouvant
s'en prendre à ceux qui ont refusé de se rendre, il ramasse
tout ce qu'il trouve devant lui : femes, enrant e pour com-
pléter le nombre de personnes demandées.
Les prestataires, entourés de miliciens, attendent
qu'on veuille bien leur montrer leur travail. Tous, ils ont
abandonné les plantations qui les nourrissaient, eux et leur
.'
famille" .
Désormais, écrit Zoctizoum (2), "la marche sur les
résidences des militaires, des agents écono~ques devint la
règle générale dans tout le territoire de l'A.E.F. Malgré la
multiplication des lois, ce fut l'enfer, la terreur pour tout
le monde. Alors le caractère "sauvage" de l'A. E.F. tout entièr
était invoqué pour justifier le sinb-ulier régime". Et 1 t on
(1)
Cf. Marcel Houet in Congo terre de souffrance, éditions
Montagne 1934, p. 27:
(2) Op.cit. p. 80.

25
,"
..
peut lire à ce propos ce que l'article 11 du décret du 15
nov_br. 1924 4ans l'un de ses cons1.d4§rants déclare à cet
effet: .Considérant que l'Afrique Equatoriale Française
toute entière se olasse parmi les régions dans lesquelles les
populations très proches de la barbarie n'ont pas encore ac-
compli de progrès sensibles dans la voie des disciplines so-
ciales librement consenties (sic!) et de surbord1nation de
l'individu à l'intér3t de la collectivité" (1).
Les conséquences sociales dues à cette nouvelle:
organisation sociale sont désastreuses. "La population des
trois colonies du Congo proprement dit (Oubangui-Chari, Moyen-
Congo et Gabon) était au 31 décembre 1911, d'après M. Bruel
et les documents officiels, de 4 2S0 000 habitants; elle
n'était plus, au recensement officiel de 1921, que de
1 577 565. Elle aurait donc diminué en 10 ans" (2).
Si la famine et la maladie (maladie du sommeil en
particulier) étaient la cause essentielle de la dépopulation
comme l'atteste la rapport de C. sargo au gouverneur de
l'A.E.F. (3), "l'indigène meurt avant tout parce qu'il se
nourri t insui'fisamment, la famine voilà la cause principale
de la dépopulation du Congo. C'est elle et elle bien avant
la terrible maladie du sommeil et les épidémies, et beaucoup
plus qu'elle qui dépeuple et ruine la colonie". La longue
(1) Cf.
J.O. A.E.F. du 15 avril 1925, p. 376.
(2) Cf. Zoctizoum, pp.cit. p. SO.
(3) Cf. Rapport de C. sargo au gouverneur de l'A.E.F., 31
octobre 1919, p. 7.

26
"
séparation de. hommes et des ~emmes du fait des réquisitions,
1'4pui8ement phy8io~og1que de. hommes rendaient 1& procréa-
tion et ~a reproduction de ~'afr1ca1n difficile.
La famine qui s'abattra sur les populations gabo-
naises dans la période de 1921-1925 ne fera qu'enfoncer le
clou. Et une mission effectuée par Marchand (administrateur
en chef des colonies) peut écrire en 1923, à propos d'une
circonscription de l'Okano (Gabon) : un quart de la popuJ.a-
tion a été décimé : 800 morts sur 3 200 habitants. La subdi-
vision d'Essone (même circonscription) compte 2 000 morts sur
6 000 habitants.
Le manque de produits vivriers oblige les popula-
tions à ne plus se nourrir que de fruits sauvages. Dans
l'Estuaire, 152 cas de béri-béri sont signalés sur les chan-
tiers du consortium avec une mortalité de 7 à 8 %. Le médecin
chef du service de santé de Libreville s'émeut, quant à lui,
du nombre des cadres découverts dans les cases des villages
(mort par manque de nom'ri ture) (1).
La dislocation de l'agriculture traditionnelle,
l'appropriation privée de la terre et autres principaux moyens
de production, tous ces facteurs vont créer au Gabon les con-
ditions pour que se forment et se créent de nouvelles couches
et classes sociales.
"Quelque primitifs que nous paraissent les noirs
africains, ils n'ont pas échappé au phénomène de la division
(1) Voir à ce propos, Rapport d'inspection Marchand 5 D.58
SOM Aix en Provence.

27
de la 8oci't' en classes. Il y a chez eux une noblesse, com-
posé. d. tous oeux qui peuvent établlr 1eur géntSalogle et
montrer qu'i1s ont droit, depuj.s une tSpoque reculée, à un nom
de c1an honoré ; et puis, il y a la classe des vilains, cons-
tituée par les esclaves" (1). Au Gabon, en droit ohamba, les
principales catégories auxquelles il est conf'ré un statut
spécial sont: les chefs ~an1) et les esclaves (Ayiga).
Avec la pénétration de l'économie capitaliste, la
caractéristique de la situation nouvelle sera la création de
canditions nouvelles génératt=ices de couches et classes so-
ciales nouvelles sur la base de l'implantation de cultures
nouvelles à l'usage industriel : café, cacao, palmier à huile;
l' exploi tation des ressources minérales : or, manganèse, ura-
nium, pétrole; le développement des villesj du nouveau régime
foncier, les établissements scolaires etc ..•
Sous ce rapport, il est possible de proposer le
schéma suivant des classes sociales au Gabon.
La paysanneri. e .
.La société gabonaise, dans son ensemble, à la veille
de la pénétration coloniale était composée pour l'essentiel
de paysans, c'est-à-dire de cultivateurs de terre : propriété
collective.
"Ce n'est pas à dire que la terre ne puisse pas être
grevée d'aucune sorte de droit. En fait, s'il y a beaucoup de
terres vacantes dans l'Afrique intertropicale, en ce sens
(1) Cf. Les civilisations disP6rues, par Maurice Delafosse,
Librairie Stock, 1926, p.
9.

28
\\~
..
qu'on y rencontre bien de. surtaoea inoooupées et ~utili­
. '•• , :1~ n'ex:1ste pail une seuJ.e paroe11e de terrain utill-
sab1e qui soit sans martre, aux yeux des indigènes. Mais
aucun de oes ma!tres n'est propriétaire dans ~'acception
ordinaire du mot. Tous sont seulement des usutruitiers, qui
ne peuvent aliéner un sol dont ils ont le droit d'user, sans
avoir celui de le céder" (1).
Mais le développement des cultures industrielles
d'exportation devait conduire à la désintégration du régime
communautaire pour faire place à un régime foncier capita-
liste. Dès lors, on assistera, sous l'influence du dévelop-
pement de la nouvelle économie monétaire, à une :individuali-
sation de la propriété foncière et à la formation d'une classe
de proriétaires fonciers.
L'arrêté du 8 aodt 1917, promulgué par le GouverneUI
général, matérialisait la procédure d'expropriation des ter-
rains au Gabon (2). En 1938, on note de nouvelles mesures de
réglementations de la terre par l'édit administratif émis
par le Gouverneur général Reste et portant obligation pour
un couple d'exploiter seulement une quantité d'hectares au
Gabon (3).
(1) Cf. Maurice Delafosse, ~p.cit., p.98.
(2) Cf. L'expropriation pour cause d'utilité publique par
Francine-Rose Rogombe, in Revus
uridique et politique in-
dépendance et coopération, Librairie
ner
e
u
0
1970, p. 956.

29
..
Aussi, voit-on naltre dans certaines régions telles
~. Estuaire, ~e Wo~ew-NTem, ~e Moyen-ogooué ••• un début de
différenciation par le haut de la paysannerie. 1- Un petit
nombre de paysans possédant des plantations de cacao, café ..
recourant de façon assez régulière, lors des périodes de ré-
colte surtout à l'utilisation de la main-d'oeuvre salariée.
2- L'énorme masse des paysans pauvres participant encore
formellement à des formes de propriété collective et subis-
sant un processus de paupérisation. Au bas de l'échelle, il
y a les saisonniers, qui n'arrivent plus à subvenir à leurs
besoins par le moyen de leurs seules activités agricoles, de
chasse et de pêche et sont contraints de vendre une partie
de leur force de trava:1.1. Les sans-emploi qui n'ont pas la
possibilité de s'intégrer dans la nouvelle société qui s'im-
pose à eux. Faute de moyens, ceux-là tombent dans la délin-
quance, vivent aux crochets de ceux qui ont un travail sa-
larié et cela avant tout dans le réseau parental, tribal,
régional ..•
La classe aisée.
Ce sont les représentants des sociétés commerciales
et des firmes multinationales (S.H.O., COMILOG, COMOF, Office
du bois, ELF ••• etc ..• ) au Gabon, dans l'économie et dans
l'appareil d'Etat, les propriétaires terriens •••
Les classes moyennes.
Ce sont les commerçants, les membres des professionf
libérales, les cadres de la fonction publique et des entre-
prises privées ; les fonctionnaires et petits employé ••

30
,"
..
Le développ_ent des classes moyennes entrabera
une tranefor.mation d'importance dans 1& sociét' gabonaise
par l.':1nstitution de 1'éco1.e. Et quelle écol.e!
celle qui
ne vous apprend que bachotage à coups de chicotte et de cor-
vée, avec ses sélections ;
celle qui est une rupture de
l'enfant avec la Vie. Celle qui divise la société en deux
catégories : celle des lettrés et celle des illettrés (la
majorité de la population). C'est dans la couche de ces clas-
ses moyennes que Se recruteront les commis du pouvoir colo-
nial : fonctionnaires, enseignants •••
Le prolétariat moderne.
Il est composé d'ouvriers et d'employés. C'est la
classe qui fit son apparition au Gabon dès les premières
heures de la colonisation avec la réalisation des oeuvres co-
loniales comme la construction du chemin de fer, Congo-Océan,
le travail forcé, le bâtiment, les chantiers forestiers, la
recherche d'or, les travaux de port, des mines.
C'est la classe qui se trouve au centre du nouveau
mode de production dont elle est l'exploitée modèle avec une
journée de travail et un rythme aux limites de la résistance
physique pour un salaire de famine.
Devant cette situation nouvelle, où les traditions
d'entraide s'écroulent, les populations vont chercher à se
regrouper dans des organisations nouvelles comme les tontines,
les syndicats et autres groupements de type associatif.
A cela s'ajoutent des dispositions législatives et
réglementaires qui vont créer au Gabon un système de sécurité

31
,"
sociale k l'image des pays occidentaux et surtout de 1a
!"ranoe.
SECTION II - APPARITION D'UN NOUVEAU MODELE DE PROTECTION
SOCIALE·
L'introduction de l' économie capitaliste au Gabon
a détruit, on vient de le voir, le cadre traditionnel de
sécurité sociale. Une nouvelle forme de sécurité apparalt
liée à la propriété, au travail salarié et aux droits sociaux.
Quel est son contenu ? C'est ce que nous allons voir en trai-
tant, dans un premier temps, l'analyse du concept de sécurité
sociale et en second lieu, les facteurs qui ont contribué à
la naissance du système actuel au Gabon.
§ 1 - Analyse du concept de sécurité sociale en tant gue
technique de protection sociale.
S'il est vrai que toute société humaine na ses fai-
bles, et en ce sens le devoir de protection sociale est de
toutes les civilisations" (1).
Mais ce qui distingue notre époque de l'époque an-
térieure de production pour l'autosubsistance, c'est que, en
dépit de l'accroissement des richesses matérielles produites
par l'homme, le problème de l'insécurité se pose avec une très
grande acuité dans des pays comme le Gabon où manque ~ême le
(1)
Cf. Nicol~ '~estiaux et Jacques Fournier in Traité du
social, Dalloz 1978, p. 439.


32
..
minimum vital à certaine8 personnes. Certes, J.a p1upar1; de
ce8 paT8 di.po8ent ici et là d'une 1égj.81at:lon d' al.1ure mo-
derne, mais elle est en mbe temp8 contrad1cto:lre et ne ga-
rantit pas une même sécurité à tous les hommes. Comment
expliquer cela ?
Au Gabon, comme nous allons le voir, les insti tu-
tions de prot ection sociale sous leur torme actuelle appa-
raissent après la 2 ème guerre mondiale, au moment où s' ef-
fondraient les Dnpires colomaux. C'est à ce moment aussi
que les problèmes relatifs à l'insécurité des masses popu-
laires af'ricaines vont être rattachés au sous-développement.
Sous-développement qui serait, aux dires de bien des gens,
la caus e essentielle de la pauvreté, de l'insécurité des
pays comme le Gabon, l'ennemi commun des riches et des pau-
vres. Certains courants de pensée allant plus loin, attri-
buent la misère actuelle de ces populations non seulement au
blocage du développement par des structures sociales "sclé-
rosées·, mais surtout à la paresse des populations locales.
Mais la conception de la sécurité sociale qu'ont
les pouvoirs publics gabonais trouve son fondement dans la
loi du 15 décembre 1952 portant code du travail dans les ter-
ri toires d'outre-mer, qui a introduit les institutions ac-,
tuelles de protection sociale en Afrique.
La sécurité sociale, selon le code de 1952, est
"l'ensemble des meSUI~S légales qui se proposent de permettre
aux travailleurs de conserver La santé, de la recouvrer et
de lui assurer en toutes circonstances les moyens de subsis-
tance pour lui-même et sa famille. 1I

.:
"
..
Le ministre d'Etat gabonais, Nguema Ndong, dans
Bon d1acoura d'ouverture du 8~DdDaire du 3 au 15 mu 1974 à
Libreville, portant sur "la coorcU.nation de l'action socia1e
et le travail en équipe" (1), définissait l'action sociale
comme: "l'ensemble des efforts qui visent à modifier l'or-
ganisation d'une société en vue du mieux-être de l'individu
et du groupe. Mais c'est également l'ensemble des moyens mis
en oeuvre pour contribuer au développement d'un pays, à sa-
voir : promouvoir tout homme et tout homme , le terme de dé-
veloppement étant pris dans un sens intégral et non pas sim-
plement réduit à la croissance économique-.
"Le terme social décrit les relations entre les
individus et groupes ; cela implique nécessairement qu'une
action sociale doit se traduire par la planification à tout
niveau. Ainsi, la politique sociale doit se traduire par la
planification de la protection sociale, comprenant les formes
institutionnelles tendant au bien-être de la population et
les méthodes sociales organisées pour satisfaire le besoin
humain fondamental d'aide mutuelle: satisfaction des besoins
de protection et de nourriture des enfants, de protection
d'autres groupes particulièrement vulnérables (handicapés,
personnes â@ées, aide pour l'adaptation aux changements ra-
pides etc .•• ".
Cela veut dire que par définition la sécurité so-
ciale est une institution mise en place par les groupes
(1) Cf. Journal
Dialogues, mensuel d'information du Parti
Démocratique gabonais, nQ 33, juin-juillet 1974, p. 5.

34
JI
sociaux en vue de 8atis~aire 1es besoins des membres de la
sociét' ; m&18 que 1es moyens traditionnels de protection
contre les risques sociaux sont devenus insuffisants ; qu'ils
ont perdu leur caractère exclusif et que la société dont on
parle a vu naître d'autres procédés et est consciente de la
nécessité de sécuriser ses membres.
Mais quel sens peuvent avoir ces déclarations et
le texte de 1952 (1) lorsqu'on sait que la domination capita-
liste a imposé au Gabon une modification brutale des struc-
tures sociales ; qu'au Gabon, la dissolution de la communauté
naturelle a engendré le droit privé ainsi que la propriété
privée pure qui se développent simultanément et que le mode
de production capitaliste qui est aujourd'hui dominant sup-
pose comme condition à son fonctionnement la représentation
idéologique de la société comme un concours d'individus sé-
parés et libres? Et que la pratique du fonctionnement d'une
telle société veut qu'i1 faut laisser à chaque individu le
soin de s'assurer lui-même contre les risques sociaux au lieu
de se confier à l'Etat ·proVidence" ?
N'est-ce pas qu'il y a ici une contradiction entre
les déclarations vues plus haut et la conception de protectior.
(1) Le code du travail des colonies d'Afrique française 1952
entend par s.s. l'ensemble des mesures légales qui se
proposent de permettre au travailleur de conserver la san-
té, de la recouvrer et de lui assurer en toutes circons-
tances les moyens de subsistance pour lui-m~me et sa fa-
mil1e. Alors que la protection sociale recouvre un domaine
plus vaste: notion d'assistance, aide sociale, assurances
sociales, c'est-à-dire l'ensemble des mesures que prend
un pays pour parer à l'intervention et à la réalisation
des risques sociaux.

'5
..
sociale des formations sociales capitalistes qui n'a pas pour
obj.cti~'t.atis~a1r.les besoins sociaux indépendamment de La
contribution de l'~d1vidu, mais accorder une protection mi-
nimum à l'individu?
Dire que l'action sociale a pour objectif de "mo-
difier l'organisation d'une société en vue du mieux-être de
l'individu et du groupe" ; "permettre au travailleur de con-
server la santé, de la recouvrer et lui assurer en toutes
circonstances les moyens de subsistance pour lui et sa fa-
mille", cela voudrait dire que la sécurité sociale a pour
fonction de couvrir tous les risques sociaux ; que celle-ci
n'épargne ni l'individu, ni le groupe qui se trouverait dans
le besoin et qu'elle écarte la voie de développement des as-
surances privées et que l'Etat gabonais condamne l'insécurité.
En réalité, ce discours tend à faire croire que la prise en
compte des besoins sociaux est l'une des nécessités du déve-
loppement du pays. Mais il a le mérite aussi de reconna1tre
l'existence de l'insécurité que la société actuelle engendre.
La sécurité sociale, sous sa forme actuelle, est donc liée à
la société, au mode de production capitaliste en développement
comme remède à l'insécurité que celui-ci engendre. Que donc,
s'il y a protection sociale, c'est tout justement parce que
le mode de production capitaliste qui est à la base de l'or-
ganisation de la société gabonaise est source d'insécurité;
alors que dans la société pré-coloniale, les formes collec-
tives d'appropriation des biens permettaient la satisfaction
des besoins du groupe social et assuraient les conditions
d'un équilibre en ce qui concerne les besoins essenti~8.

36
..
Le mérite de la sécurité social.e sous sa forme ac-
tueUe _t donc d'avoir ~a1.t appara!tre que, dans 1es nou-
velles structures, une nouve~1e forme de sécurité est née.
Et ~a déc~aration vue plus haut met l'accent sur un aspect
c'est que, dans la société nouvelle, travail et besoin sont
conceptuellement liés. Mais par travail, elle entend le tra-
vail salarié, car c'est à cette condition que l'on aura droit
à l'accès aux prestations de la sécurité sociale.
Mais ce que ces propos ne disent pas, c'est que
dans la société nouvelle, être en sécurité signifie avoir un
emploi garanti et être en état de l'exercer; être en sécu-
rité, c'est avoir le libre accès aux soins de santé; être en
sécurité, c'est être solvable, car le but de la production
est maintenant de produire pour le marché et non pour les
besoins sociaux
et que le salaire et ses accessoires ne
sortent pas le
travailleur démuni de l 'insécurité sociale.
Or, cette sécurité sociale là n'est pas à la portée de la
majorité de la population. Pourquoi ?
parce qu'il n'est pas dans la nature du mode de
production capitaliste d'assurer une véritable sécurité so-
ciale, mais plutôt de permettre la reproduction du mode de
production capitaliste à l'aide d'un instrument comme la po-
litique de protection sociale. C'est ce que nous apprend
l'histoire de ce concept tel qu'il est né en OCcident.
A~ssi, il n'est pas inintéressant de rappeler ici,
brièvement, les circonstances où ce concept a vu le jour pour
mieux saisir sa signification ~t la nature du droit social
en développement au Gabon aujourd'hui. ·Car dans tout~ questio:

37
JI
relevant de la 8cience 80 cial., J.a mé thod e l.a pJ.us s'Ore, l.a.
pJ.us ind1spensabJ.e pour acqœr1.r e~~ectivemen:t J.'habitude
d'examiner correctement J.e probJ.ème et de ne pas se perdre
dans une foule de détails, ou dans l'extrême diversité des
opinions adverses, la condition la plus importante d'une
étude scient~ique, c'est de considérer chaque question du
point de vue suivant : comment tel phénomène est apparu dans
l' histoire ; et d'envisager sous l'angle de ce développement
ce que ce phénomène est devenu" (1).
En effet, si le problème de la sécurité de l'homme
contre les différents risques sociaux est devenu une des pré-
occupations de notre époque, il faut dire qu'il a pris une
ampleur particulière avec le développement de la production
capitaliste et le salariat que celui-ci a produit. De ce point
de vue, il est devenu un problème qui déborde les frontières
nationales et intéresse tous les pays où la production mar-
chande développée et le salariat sont à l'ordre du jour; et
sa solution est par là même devenue internationale (tout au
plus ne peuvent subsister que de petites différences dans
une grande ressemblance).
Aussi comprendra-t-on que les luttes menées par les
ouvriers de la Métropole pour imposer la prise en charge par
la société capitaliste des différents risques sociaux tels
que : l'accident du travail, la charge de famille, la maladie,
. le prix de la force de travail etc ... puissent se répercuter
en Afrique colonisée par le développement d'un système de
(1) Cf. Lénine, De l'Etat, p. 25, éd. de Fékin.

Il
protection socia1e à 1'~ de celui qui est en vigueur en
Métropol.. •• C'.st pour c.tte raison préc1.se que l.a conna1.ssance
de l'origine de ce concept peut nous aider à mieux comprendre
l.a signification et le contenu de ce concept. Cette démarche
nous permettra également de voir comment le mode de produc-
tion capitaliste a été par la force des luttes sociales amené
à lâcher du lest pour mieux saisir.
Sous ce rapport, au XIXème siècle, en Europe, "la
sécurité est un fait qui tient au régime de propriété. Qui
possède un capital ou un patrimoine a de ce fait ses assu-
rances. L'une des fonctions de la propriété est précisément
de donner de la sécurité à celui qui possède. Quant à ceux
qui ne possèdent rien, ils n'ont pas de sécurité. Ils dépen-
dent, en cas de besoin, et la seule issue qu'on leur montre
est, conformément à l'esprit du système (libéral), de se cons-
tituer un capital par le travail et l'épargne. Faute de quoi,
en cas de malheur, ils sont à la merci de leurs parents, de
leurs enfants, des institutions charitables" (1). On voit
ainsi que, pour la société libérale du XIXème siècle, la
pauvreté est nécessaire à l'équilibre social.
Les théoriciens du libéralisme ne cachèrent pas
leur intention d'éviter que les prolétaires assurés par l'Etat
ou le riche d'un minimum nécessaire au mainti en de l'existence
ne tentent d'exercer sur le patronat une pression violente en
faveur de la hausse des salaires car "la hausse des salaires
(1) Cf.
Henri Hatzfeld in "Du paupérisme à la sécurité so-
ciale" p. 27, éd. Armand Colin, 1971.

39

conduit à l'augmentation du co~t de production", la réduction
du capital produit, cr~e le ralentissement des investiese-
mente nouveaux :
"Nous devons virilement repousser l'idée première
qu'il est de la compétence du gouvernement en tant que tel,
ou même des riches en tant que riches, de procurer aux pau-
vres les choses nécessaires qu'il a plu à la Divine" déclare
Burke (1).
Pressés par la concurrence et le besoin, les ouvrier.
isolés étaient obligés d'accepter les salaires de misère et
les pénibles conditions de travail qui leur étaient offertes.
C'est dans ce contexte d'insécurité et de misère, de lois
sanguinaires, si bien décrit par Marx et_ Engels que
l'idée de sécurité sociale prend sa source à la fin du XIXè
siècle dans les pays occidentaux.
L'avènement du capitalisme et du machinisme s'ac-
c œipagne de risques nouveaux : accidents du travail, chÔmage,
expropriation etc •.• Ces risques vont prendre une ampleur
considérable et des conséquences dramatiques sur la vie des
ouvriers: malformation des enfants, affaiblissement progres-
aif et inéluctable de la génération dea travailleurs ; jambes
hapées par la machine, etc...
La misère créée est telle qu'elle ne laisse à l'ou-
vrier que le choix entre mourir de faim à petit feu, se donner
(1) cité par Nicolas Questiaux et J. Fournier in Traité du
social, p. 444, ~alloz 1978.
(2) in Le Capital
(3) in Situation de la classe laborieuse en Angleterre

,"
40
la mort rapidement ou voler (prendre ce dont il a besoin -
Engels). A partir de ce moment, le mode de production capi-
taliste va s'appuyer sur l'exploitation forcenée (et des lois
sanguinaires) de la force de travail des hommes, des femmes
et des enf'ants qu'il concentre dans ses fabriques et ses
usines.
"Pièce par pièce, risque par risque" (1), ies clas-
ses dominantes seront tour à tour obligées d'intervenir.
C'est là que na1t la "question sociale" sous sa forme ac-
tuelle. Les premières initiatives qui intervinrent sont d'o-
rigine chrétienne, de charité, d'assistance, oeuvres de bien-
faisance ou d'origine patronale (construction d'infirmeries,
hôpitaux, caisses de retraite, la plupart avec retenues sur
salaires ••• ) •
L'Etat capitaliste, partisan du principe du "lais-
ser faire" n'intervient pas en matière de protection sociale.
Aussi, en l'absence d'une politique sociale cohérente et
suivie, assiste-t-on à la naissance d'une multitude d'insti-
tutions et d'initiatives privées.
Seules les luttes des ouvriers (et l'action des
socialistes, anarchistes et syndicalistes), pressés par la
concurrence et le besoin, v~ faire na!tre une prise de cons-
cience à la classe ouvrière de son existence en tant que
classe sociale et les amener à s'organiser dans des groupe-
ments d'entraide mutuelle pour se garantir contre les nou-
veaux risques.
(1) N. Questiaux et J. Fournier, op.cit., p. 444.

41

c'est alors que vont naltre également les premières
lois 80ci&1... Il en est a1ns~ de la lo~ sur 1& ~berté de
travail (1791), le réglement du trava~l fém~n1n, le travail
des enfants (1841), le repos hebdomadaire, la reconnaissance
légale des syndicats (1884), etc ...
Mais ces mesures restent limitées et timides. Ce
n'est que vers la fin du XIXème siècle que vont être mises
sur pied deux institutions importantes dans deux pays diffé-
rents qui ont fini par influencer la plupart des institutions
de sécurité sociale des pays occidentaux.
Il s'agit des assurances sociales nées en Allema-
gne où Bismark, inquiet devant l'accroissement de l'influence
du parti social-démocrate allemand, du courant socialiste
et du mécontentement populaire, usant de la tactique de la
carotte et du bâton, tenta de récupérer le mouvement. Aussi
mit-il au point un programme d'action sociale. L'expérience
allemande sera reprise à leup compte par l'Angleterre et la
France. Cette dernière avait déjà créé en 1910 une assurance
vieillesse, elle s'engagera à son tour en 1925 et 1930 au
profit des salariés à bas revenus.
L'Angleterre, quant à elle, mettra au point le
système de la responsabilité matérielle de l'employeur en cas
d'accidents du travail. Toute chose étant égale par
Qille~rs, le XXème siècle n'a pas amélioré fondamentalement
la situation d'insécurité du prolétaire. Le besoin d'une sé-
curité vraie, largement étendue à toute la population, reste
eLtier. Car le salariat est toujours là, avec lui les fins
de mois stériles, l'insécurité de l'emploi, etc •••

'----_._~_.
La première guerre mondiale, la orise de 1929 et
"
la deuxième guerre mondiale ont enoore aggrav' le sort du
plus grand nombre; "de la olasse pauvre, olasse dangereuse".
En effet, démonstration fut faite d'une façon
partioulièrement tragique par la orise de 29 (diminution de
la production, paralysie partielle des éoban88s et du oom-
meroe international, effondrement des salaires et des prix
àgricoles, des millions de ohameurs, privation et inséourité)
que le progrès éoonomique et la pro spé ri té tant attendus par
l'ordre social libéral ne pouvai~~s être le résultat des
méoanismes aveugles du marché, ni des efforts dispersés et
divergents des a~nts économiques pour oontreler ces méca-
nismes à leur avantage; et qu'il fallait que l'Etat ne se
contente plus de jeter son poids dans la lutte éoonomique
pour y maintenir l' équili bre des forces mais que, par une
action plus active, il s'affirme le "gérant général de l'éco-
nomie" et le "garant supr~me d'un niveau de vie convenable
pour tous les citoyens".
Dit autrement, il apparut ainsi que toutes les me-
sures sociales antérieures s'avéraient incapables de satis-
faire un besoin toujours grandissant.
Le résultat a été que les gouvernements oooidentaux
furent amenés à adopter un certain nombre de mesures, des
actes et des déclarations solennelles sous forme d'engagements
et de promesses.
Sur le plan international : les principes fondamen-
taux de la sécurité sociale sont proclamés. Le B.I.T. déjà
er. 1920 à la conférence de Genève s'activait en ce sens.

43
Il
En 1941, le Président des USA Roosevelt promet "la
l1b'rat1on du besoin", id~e qui s'inscrira plus tard dans la
charte de l'Atlantique en ces termes: "la charte promet de
s'a ttaque r aux plus grands maux sociaux : la peur, la maladie.
la misère et l'ignorance" (1).
La conférence de Philadelphie, en 1944, énonce dans
la recommandation nQ 67, concernant la garantie des moyens
d'existence, "l'extension des mesures de sécurité sociale à
tous ceux qui ont besoin d'une telle protection".
Des résolutions et des conventions du B. r.T,. por-
teront sur la norme minimum et la norme supérieure de sécu-
rité sociale.
L'ONU n'est pas restée en marge de ce mouvement.
Dans sa déclaration solennelle sur les droits de l'homme,
elle exprime son désir de voir les différents Etats membres
collaborer "en vue d'assurer à tous l'amélioration des con-
ditions de travail, le progrès économique et la sécurité
sociale".
Toutefois, ce sont les U.S.A. et l'Angleterre qui
vont ~tre les premiers pays à traduire dans les fai ts cette
nouvelle orientation, influencés par les réalisations so-
ciales observées en U.R.S.S. dont on cherche à contrer l'in-
fluence (2).
(1)
Voir Fa~l ~urand, Ia politique cOLte~po=aine de s.s.,
p.
114-116.
(2) En effet, Galbraith in La théorie de la pauvreté de masse
éd. Gallimard, 1980, pp. 43-44, note que c'est la peur du
communisme qui motiva en 1960 l'intervention
des U.$.A..
. dans les pays pauvres qu'il fallaLt arra-
cher à la pauvret' sinon "les communistes mettraient la
main dessus".
... / ...

44
"
JO
En effet, c'est Roosevelt qui va utiliser pour la
prem1~r. foie dans ~'histo~e ~e concept de sécurité sociale
"Act 8ec~ty" comme programme de réformes des structures
capitalistes en crise (1) 1935. Cette mesure fut suivie de
propagande et d'actions afin d'essayer de résoudre les pro-
blèmes sociaux nés de la crise de 1929.
Là aussi, toutes ces mesures n'eurent que peu
d'influence sur la situation d'ensemble du monde capitaliste.
Ce qui amena l'économiste financier anglais Keynes à publier
un autre plan de réformes basé sur la théorie de l'équilibre
économique à l'échelle de la Nation.
Le système de Keynes proposait comme porte de sor-
tie : mettre tout en oeuvre pour assurer le plein emploi grâCE
à la redistribution des revenus; l'accroissement du pouvoir
••• j ••• suite note page précédente:
Et de citer Jacob J. Kaplan, ancien fonctionnaire du Dé-
partement d'Etat et de l'Agence pour le développement in-
ternational (AID) qui estimait que "l'intérêt national
des Etats-Unis dans les pays en développement revêt quatre
aspects :
1) écarter la menace d'une prise en main du pays par les
communistes à la faveur d'une agression ouverte ou ca-
mouflée ;
2) utiliser leur potentiel militaire et leur territoire
pour renforcer la capacité américaine de défendre tant
celui des E.U. que les portions d'autres pays exposés à
la menace communiste ;
3) réduire les conflits entre nations en développement ;
4) propager, quelque éloignées qu'elles soient des normes
américaines, des valeurs et des institutions qui convien-
nent aux traditions et à la situation des sociétés pauvres'
( 1) roktar Amar et Lakehal in Sécurité sociale et besoins so-
ciaux, Mémoire, Paris 1978, p. 20, notent à ce propos que
"alors que la situation économique se dégradait de jour en
jour, le nombre des chômeurs se comptait par millions. EL
1933, on comptait environ 12 634 000 demandeurs d'emplois
déclarés" .

45
..
d'achat des consommateurs proportionne11ement aux moyens
de production.
A la oonf~rence de Philadelphie qui s'est tenue en
1944, l'O.I.T. faisait à son tour plusieurs recommandations
aux gouvernements en place parmi lesquelles la recommandation
nQ 71 disposait: "un des objectifs primordiaux de l'O.I.T.
est de promouvoir le plein emploi des travailleurs, en vue
de satisfaire les besoins vitaux des populations et, en gé-
néral, d'élever le niveau de vie dans le monde entier".
La convention n2 102 appelée norme 102, énumère 9
risques
la maladie, la vieillesse, les accidents du tra-
vail et les maladies professionnelles ••. Par contre, elle ne
prévoit ni le logement, ni les allocations aux infirmes, ni
l'action sanitaire et sociale. Lesquels,,'promis par le régime
français.
c'est ainsi qu'est apparu le modèle actuel de sécu-
rité sociale. Et aujourd ',hui les orientations de poli tique
de sécurité sociale à travers le monde, les idéologies dont
elles se réclament et les objectifs qu'elles poursuivent re-
flètent l'emprise que cette croyance exerce sur l'homme de
notre temps (1).
En effet, théoriquement, la sécurité sociale est
devenue un des droi ta fondamentaux: de l 'homme:Lue presque
toutes les constitutions consacrent ici et là. C'est un droit
qui a un contenu: la protection de l'être humain contre
l'insécurité.
(1) Cf. 4.spects et finalité de la sécurité sociale, MéJ]loire,
Paris, p. :5, Henri Ricoux.

46
,"
II.
Ces droi'ts furent promis au lendemain de la 2ème
guerre aODd1.al.e, ~ 1.& conférence de Philadelphie (1) comme
oeuvre de la lutte des peuples du monde mais aussi comme
soupape de sécurité de la part des classes dominantes. On
croit les entendre dire : "mieux vaut laisser une issue à la
vapeur pour qu'elle ne tasse pas éclater la chaudière".
Ainsi la séourité sociale peut 8tre comprise aussi
comme une soupape sociale pour contenir l'énergie populaire
accumulée qui risquait de faire sauter la vieille société.
La perspective qui se présentait au monde libéral
apparaissait à peu près comme celle-ci : nsi nous conservons
le pouvoir politique et économique, rien ne nous empêchera
une repise plus tard, quand les masses se seront tranquil-
lisées, tout ce que nous donnons maintenant".
Ce droit promet de :
- garantir le maintien de moyens d'existence en assurant des
prestations de substitution en cas de perte de revenu ré-
sultant soit d'incapacité temporaire ou définitive de tra-
vail (par maladie, invalidité, vieillesse etc ..• ), soit de
perte d'emploi, soit de décès de soutien de famille et des
prestations compensatoires pour faire face aux dépenses
exceptionnelles qu'entra1ne l'entretien d'enfants.
(1)
Selon l'article 22 de la déclaration des droits de l'homme
"Toute personne, en tant que membre de la société, a droit
à la s.s. ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des
droits écono-sociaux et culturels indispensables à sa di-
gnité et au libre développement de sa personnalité grâce
à l'effo~t national et à la coopération internationale
compte tenu de l'organisation des ressources de chaque
pays" .

47
Il
- garantir l'accès aux soins de santé.
_ la recherohe d'une p1U8 grande justice 80c1&1e au moyen de
1& redistribution du revenu national, assurer le bien-être
de 1'homme et sa dignité etc ..•
Et c'est ce droit qui se répaDira également en Afrique en
général, au Gabon en particulier, sous domination française
grâce à l'influence de plusieurs facteurs.
- les lois sociales coloniales
- l'O.I.T. (Organisation internationale du travail).
- le mouvement syndical mondial.
- la révolution d'Octobre 17 de Russie.
- la lutte des mouvements de libération nationale.
§ 2 - Facteurs ayant contribué à la naissance du système de
protection sociale actuelle au Gabon.
La création de l'administration coloniale et l'in-
troduction de l'économie marchande et ses lois ont ouvert
pour le colonisé africain d'autres manières de vivre écono-
miquement et socialement.
On ne peut donc s'étonner que les habitudes de vie
qui étaient très fortes hier et fondées sur un réel sentiment
de solidarité soient en net recul. La colonisation a été pour
ainsi dire une rupture, un changement de cap, une bifurcation.
"Le cadre économique dans lequel s'exerçaient les
activités de l'homme a éclaté et s'est élargi. Il ne s'agit
plus de vie de société se limitant au clan, au village, mais
de la vie d'une société désormais nouvelle avec ses concepts

48
de profit, de prix et de salaire, de travail ... qui n'ont
pa. le m'me contenu que dans 1a 8oci~t' traditionnelle.
Le profit, sous l'influence des idées ocoidentales
n'est plus condamnable, assimilable au vol, il devient même
la mystique du développement.
Le prix n'est plus personnalisé, il est uniforme
pour tous ; le vendeur le fixe en fonction, non plus de ses
rapports de parenté ou d'alliance avec l'acheteur, mais du
prix de revient et de profit, il est même contrôlé par l'Etat.
Le salaire primitif a perdu son caractère familial, exception-
nel, épisodique dans une société sans patron, ni salariés
professionnels, pour devenir le prix indispensable de la force
de travail que l'ouvrier de la ville ou du chantier forestier
vend de façon permanente à l'employeur" (1).
L'apparition de nouvelles formes de travail et de
nouveaux rapports de travail ne va pas de pair avec la pro-
tection de celui qui n'a que sa force de travail à vendre.
car le nouveau droit est une émanation de la puissance colo-
niale et fondé non en raison des besoins du colonisé mais des
exigences du capitalisme et des colons.
La nouvelle situation du travailleur gabonais est
d'avoir à subir deux conditions: être salarié et colonisé.
Les seules mesures sociales d'avant la 1ère guerre mondiale
sont en faveur des fonctionnaires et quelques salariés de
l'industrie et du commerce a). C'est après la 2ème guerre
mondiale que l'on va assister à un développement des lois so-
ciales en faveur des travailleurs b).
(1) Agondjo Pierre, structures parentales et développement au
Gabon, Thèse, Paris 1967, p. 167.

49

a) Les lois sociales coloniales en Afrique au SUd
du sahara avant la seconde guerre mondiale.
Jusqu'à l'indépendance juridique du Gabon en 1960,
la caractéristique de la situation sociale du salarié ga-
bonais est san double asservissement, en tant que colonisé
et en tant que salarié ; aussi comprendra-t-on que la pro-
tection du travailleur salarié sous sa forme moderne ne
vient-elle que de la puissance coloniale.
Deux périodes sont à distingaer dans cette histoire
de la législation sociale.
Avant la 2ème guerre mondiale, 11 n'existe qu'une
amorce de lois sociales pour le travailleur colonisé d' Afri-
que centrale. Après la 2ème guerre, il va y avoir un déve-
loppement de lois en faveur des travailleurs, d'abord en
faveur des fonctionnaires et des salariés de l'industrie et
du commerce ; mesures qui sont le résultat tangible de plu-
sieurs facteurs: l'influence des idées (la révolution d'Oc-
tobre en Russie, la lutte des mouvements de libération na-
tionale) ; l'O.I.T. (organisation internationale du travail)
enfin, le Gabon, colonie française, subit indirectement à
l'époque l'influence des luttes sociales et politiques qui
se déroulent en ~étropole : ex. le Front populaire.
La situation avant la seconde guerre mondiale se
présente ainsi : seule existe une amorce de lois en faveur du
travailleur colonisé d'Afrique centrale; il en est ainsi du
décret de 1903 qui introduit la notion de contrat de travail,
fixe à 15 ans la limite d'âge minimum d'embauche et autorise
le paiement de la force de travail en espèces.

50
"
Quatre ans plus tard, un autre décret, celui du
28 ma:1 1907, permettra aux patrons d' op~rer une retenue de
salaire lorsqu 'un salari~ s'absente pour une durée de ;0
jours. La retenue équivaut aux nombres de journées d'absence.
Dans ce même sens, le travailleur colonisé sera frappé d'une
amende équivalant au tiers de la somme ainsi retenue et si
la durée de l'absence excède les 30 jours de travail, le con-
trat de travail est résilié de plein droit à l'avantage du
patron.
Le salarié lui, est d'office considéré comme dé-
serteur même si ce dernier est malade
quelque part et ne
peut rejoindre son lieu de travail.
Au nom de "l'accord. des libres volontés" et à
l'instar des lois métropolitaines des 7-14 mars 1791 selon
lesquelles "Toute personne est juridiquement libre de tra-
vailler, libre de choisir la profession qui lui plaît, un
décret du 7 avril 1911 reconna1t pour l'Urique centrale "la
liberté du travail" et distingue
dans le même temps deux
types de contrats pour le travailleur colonisé : le travail
pernanent et le travail te.l'Ylporaire
Alors que le recrutement du travailleur permanent
exige la conclusion d'un contrat de travail d'une durée maxi-
mum de 2 ans, le recrutement du travailleur temporaire ne
fait l'objet d'aucun acte signé de la part des parties. Dans
le même temps, llouvrier africain se voyait attribué un li-
vret de "travail" rapportant les clauses du contrat de chaquE'
travâ.illeur.

51
Il
Le décret de 1911 comportait néanmoinS un aspect
p081ti~ en ce sens que désormais, en matière d'accidents du
travail, il accorde aux travailleurs victimes d'un accident
du travail, le droit de bénéficier des soins médicaux, de la
nourriture, d'une indemnité équivalant au tiers de son sa-
laire pendant la durée de l'incapacité physique.
Répondant à l'exigence de la monétarisation de
l'économie, ce décret va interdire également le paiement des
salaires en nature.
En effet, à l'époque, l'économie marchande déve-
loppée n'a pas encore produit tous ses effets car ce n'est
qu'après la 2ème guerre ~ondiale
que les cultures d' ex-
portation, café, cacao ..• , vont être développées, le commerce
gagnera du terrain; que tout ceci va exiger une main-d'oeuvre
plus abondante d'où la nécessité d'une réglementation spé-
ciale et plus dense en Afrique centrale. Le but étant de
procurer par là aux entreprises capitalistes une main-d'oeuvre
bon marché libre en plus des travailleurs r~quisitionnés
pour le travail forcé.
Deux décrets vont intervenir en 1922 et 1925 en vue
de lutter contre les abus les plus criants des patrons en
matd èz-e de salaire, contrat du travail, durée du travail,
logement et nourriture. Législation qui demeurera inefficace
comme le montre l'analyse ci-dessous du décret du 4 mai 1922.
Le d~cret d~ 4 mai 1922 dans ses dispositions essen-
tielles déclarait le travail libre pour le territoire de
l'A. 1:;. F. (1).
(1) Affaires politiques (AEF) 0.2859 dossier n2 7 SOM ~e
Oudinot, Paris.

52

- L'engagement de tout indigène pour une durée prévue
supérieure à 3 mois, donnait obligatoirement lieu à l'éta-
blissement d'un contrat de travail.
- Le recrutement se fait avec l'assentiment et sous le
contrOle des autorités administratives parce que tutrices
des indigènes.
- Les liti~s entre engagés et engagistes étaient tran-
chés par des conseils d'arbitrage, là où ils furent néces-
saires par arrêté du gouverneur géné ral ; mais la non exécu-
tion par l'indigène des obligations résultant d'un jugement
de ce conseil le rendait passible de la contrainte par corps
pour une durée qui ne devait pas excéder un mois
des peines
spéciales d'amendes et de prison étaient prévues contre qui-
conque tenterait d'entraver l'application loyale du contrat
de travail. Mais ce quiconque n'est rien d'autre que l'ou-
vrier puisque nulle part dans cette législation il n'est prévu
de sanction bien définie pour le patron ; pa r' contre, celle
de l'ouvrier est bien spécifiée alors que dans bien des cas
les infractions étaient des patrons.
Dans ses grandes lignes, la législation sociale
coloniale pour l'Afrique centrale sous domination française,
antérieure à la 2ème guerre mondiale, traduit un rapport de
forces entre le capital et le prolétariat en France et dans
les colonies. Elle comporte maintes lacunes et consacre une
discrimir4tion entre le colonisé et le colonisateur.
Ici comme dans bien des cas, la loi est au service
d'une claS3e sociale et des intérêts spécifiques.

53
"
Cette législation était inefficace et insuffisante.
L'inefficacité de cette législation se révélait
par le non respect par les employeurs de l'obligation qui
leur était faite d'établir les contrats de travail. En fait,
le nombre de travailleurs sans contrat était de loin consi-
dérable. Les falsifications étaient choses courantes; l'in-
timidation et la partialité de certains chefs de circons-
cription contribuaient également à renforcer la position du
patron.
En 1932, le lieutenant gouverneur révèle le carac-
tère partial du chef de circonscription du Bas-Ogoué qui
n'hésite pas à favoriser les patrons contre leurs manoeuvres
( 1) .
Lorsque des infractions étaient constatées, comme
dans le cas des sociétés comme Quil.1.ard et SAFU qui -selon
l'autorité coloniale - usaient des châtiments corporels contre
les ouvriers (2), les seules mesures prises se limitaient à
des recommandations verbales pour son employeur. En cas d'ac-
cidents du travail, les sommes versées étaient dérisoires,
comme le révèle le rapport Devouton en 1938.
500 fi' pour un mort
400 ft pour une invalidité à 80 % (amputation de la jambe).
"Certains conseils d'arbitrage n'ayant aucun élé-
ment de référence en la matière et subissant certainement des
pressions, penchaient pour le paiement d'une faible indemnité,
(1) Rapport annuel 1932 Guernut, B.38 rue OUdinot Paris.
(2) Rapport mission inspection Kait 3 D 13

54
JI
avec en plus un "emploi" moins rétribué de gardien ou autre
que le8 o~er8 aooeptent gt§néra~ement ; ignorant la plu-
part de leurs droits et souvent inorganisé8, ils croient
8tre bien payés de leurs souffrances" (1).
Hilaire Ba.bassana, dans une étude récente sur le
(2)
travail forcé et salariat en Atrique, nous apprend qu'au
cours de leur mission d'inspection, de nombreux inspecteurs
reçurent de nombreuses plaintes de la part des travailleurs
relatives à l'emploi des vieillards, des enfants, des handi-
capés physiques. Certaines mesures législatives comme les
décrets ne furent jamais admises par certains employeurs,
prétendument parce que le travailleur africain n 'avai t pas
atteint une "maturité d'esprit" et que l'Etat avait tort
partant de transposer d'une façon inconsidérée des principes
légaux incontestés dans la Métropole - entendez ici le contrat
permanent de travail.
De cette façon, le travailleur journalier pouvait
ne plus être embauché sur la base du contrat de travail ré-
glementaire ; l'utilisation des travailleurs journaliers en
grand nombre pouvait permettre aux patrons d'éluder aisément
les textes en déclarant n'utiliser que des travailleurs jour-
naliers.
Le statut de travailleur journalier permettait aux
patrons de contourner toute législation relative aux condi-
tians de reproduction de la force de travail. Et le recours
(1) Rapport mission Devouton 1938 C 96 D4, rue OUdinot, Paris.
(2) H. Babassana, Fresse Universitaire de Grenoble, 1~78.

55

facile à cette dernière forme de marché fut un moyen de
pression conaidérab1e sur l'ouvrier, l'obl~geant à accepter
n'~porte que11e oond~t~on de travail, par crainte de perdre
son emploi.
Bien plus, dans tous les cas, les patrons étaient
les ma!tres du jeu, ce malgré l'injonction de l'administratior
C'est ainsi que, par exemple, la réglementation
en matière d'alimentation exigeait une alimentation suffi-
sante et équilibrée destinée au travailleur: poisson, viande.
manioc, banane, sel, etc •.• Passant outre
les dispositions,
les patrons
revendaient aux travailleurs riz, poisson sec
ou salé, biscuits, peu importe si la consommation de ces
denrées faisaient des malades et des morts parmi les tra-
vailleurs.
ftLe riz les rend malades et chaque fois que j'in-
terrogeais sur les causes du décès de leurs camarades, les
pahouins répondaient "orisi" (riz) qui fait couler le ventre"
Chaque année, écrit Kumabyla Juste Roger (2), la
réglementation fixe comme pour la "ration" le "salaire mini-
mum" des travai~leurs. Mais là aussi aucun patron ne tient
compte des réglements, et les salaires versés sont toujours
inférieure à ceux publiés dans le J.O. de l'A.E.F. Par contre,
les patrons appliquent scrupuleusement la clause du réglement
Colonie du Gabon circonscription des 3schivas, Ra~port
mensuel, Sept. 1922 Contrats de travail 4 (1) J 2
Aix-
en-Provence, cité par Kumaoyla Juste Roger, op.cit. pp.
37-40.
(2) Kumabyla Juste Roger, op.cit., pp. 37-40.

('
56
"
qui leur preecrit de retenir la moitié du sal.aire. opération
qui est t on l'admettra, 'aD véritabl.e vol.. Le patron retient
une moitié du sa1.aire qui est envoyée à 1.'agence "spéciale"
de 1.8 subdivision dont 1.e travailleur est originaire. C'est
le fameux pécule. Le pécule doit en principe ~tre payé au
travailleur de retour chez lui, à la fin du "contrat". Reste
l'autre moitié.
Toutes ces conditions: travail long et pénible,
effectué sous la chicotte du capita, blessures et décès par
accidents du travail, absence de médecine du travail, salaires
insignifiants, expliquent le grand mécontentement qui règne
chez les travailleurs des chantiers forestiers.
Les employés refusent de travailler, désertent
parfois dès les premiers jours. Mais comme le code de l'in-
digénat prévoit ( ... ) que les désertions du travail
quand
il Y a contrat, sont punies de peines d'au moins 15 jours de
prison (1). Les déserteurs gagnent la grande forêt où ils se
nourrissent de racf.nes sauvage a et finissent par mourir. Ceux
d'entre eux qui réussissent à s'échapper des griffes de
.'
l'administration, propagent des informations sur le sort des
travailleurs sur les chantiers forestiers.
A Franceville, on note que "l'engagement des tra-
vailleurs qui s'effectuait facilement d'abord, s'est vu arrêté
vers le milieu de l'année par le retour d'un certain nombre
de déserteurs, les uns se plaignaient i'être mal nourris ou
(1) Cf. Gontet J., Le travail forcé au Congo français, "Le
J:opulaire" du 18 juillet 1934, p. 25 D 83 Aix.
-

57
,-
..
de ne toucher jamais que de. rations biscu.1.ts ; d'autres qui
portaient d '&illeur. de. marques de coups de chicotte se
plaignûent d'avoir été :frappés. Quel que soit le bien-fondé
de pareilles allégations, elles ont eu en tous cas un effet
immédiat, l'arrêt brusque du recrutement des travailleurs et,
sauf quelques pagayeurs pour la SHO, personne n'a plus voulu
s'engager pour le Bas-Ogooué" (1).
En définitive, inefficacité et insuffisance des
lois sociales laissent libre cours à l'employeur de disposer
d'une force de travail taillable et corvéable à merci. La
question qui se pose ici est de savoir pourquoi la classe
dominante française n'a pas permis le développement et le
respect d'une législation sociale en faveur des travailleurs
colonisés ?
On ne peut répondre correctement à une telle ques-
tion que si on a à l'esprit le fait que le colonialisme a
toujours correspondu à une certaine phase du développement du
capitalisme et qu'il était lié à celui-ci avec pour soucis
.'
exploitation économique et humaine avec ses lois sanguinaires
rappelant celles de l'Angleterre à l'époque de l'accumulation
primitive
en ménageant les finances de la métropole et aux
p2trons les bonnes conditions de l'er~ichissement. Allant
dans ce sens, François Schaller (2) pense que deux raisons
expliquent l'attitude du colonisateur.
(1) Cf.
80ntet P., cité par Kumabyla J. Roger, op.cité.
(2) Cf.
De la ché.rité privée aux droits économiques et sociaux
du citoyen, p. 86, éd. Lausanne.

58
JI
Premièrement, les entreprises coloniales, en cana-
lisant l'8%c~dent de. capitaux aooumu1és vers la Métropole,
permettaient au rythme économique de la pOPUlation de se
maintenir à peu près constant. Ces entreprises, directement
inspirées par les milieux de la banque et de la grande in-
dustrie, permirent d'éviter à cette époque une crise écono-
mique de grande ampleur.
Il n'apparut donc pas à l'entreprise coloniale de
"courir le risque" d'expériences sociales et d'introduire en
faveur de l'ouvrier une législation qui l'eÜt garanti contre
la misère matérielle et le chômage (1) ... car la bourgeoisie
(1) En réalité, s'il en est ainsi pour l'Afrique centrale,
c'est beaucoup plus parce que dans cette période du code
de l'indigénat et de non immixtion de l'Etat dans les
rapports entre employeurs et ouvriers, l'entreprise co-
loniale ne pouvait pas introduire une lé gislation garan-
tissant l'ouvrier africain qui n'a pas de "personnalité
juridique", l'Afrique centrale étant la propriété en
quelque sorte des 40 compagnies concessionnaires composées
en majorité d'hommes aventuriers qui faisaient "aimer la
vertu du travail" au noir par la coercition.
Les moyens financiers limités des compagnies concession-
naires qui y dominaient exigeaient que production et li-
vraison fussent assurées par les africains et on le f!t
par tous les moyens.
Comme l'écrit Albert Meister, cité par Martin Alihanga,
op. cité p. 484, "la logique du pacte colonial implique
des transformations aussi limitées que possible dans les
structures traditionnelles; dans les seuls domaines né-
cessaires à l'économie de traite ou d'implantation euro-
péenne. L'Africain n'entre dans le jeu colonial que comme
main-d'oeuvre dans les plantations ou les services domes-
tiques ou que comme producteur de matières premières ;
au-delà de cette utilité primaire, il n'y a pas d'autre
fonction socio-économique, et son sort et son ~venir ne
préoccuper..t personne".

.:
59
..
d'affaire du XIXème siè cle avai t pour trai t dominant, la
protection de ses intérats égo~stes. Ce sont les mêmes inté-
rêts égo~ste8 qui vont présider à la politique coloniale de
l'Etat et retarder la naissance et le développement d'une
législation sociale en faveur du prolétariat de la colonie
et sa sécurité matérielle.
Deuxièmement, pour une politique à courte vue, car
pratiquer une politique sociale assez cohérente pour les co-
lonisés : politique de hausse des salaires et sécurité so-
ciale, présentait des risques: la hausse des salaires et
l'octroi d'une législation sociale en faveur des peuples
colonisés allait entra!ner dans l'immédiat une certaine di-
minution des bénéfices nets des entreprises et par conséquent
du capital produit; ce que les industriels ne pouvaient
admettre .
Ainsi donc, encore plus qu'en Métropole, la classe
dominante n'osa au cours de cette période s'aventurer dans
la voie des réformes sociales pour le colonisé. Cette situa-
tion de refus connaîtra cependant un cha~ment appréciable
après la 2ème guerre mondiale (1) sous l'influence de plu-
sieurs facteurs :
1) la Révolution d'Octobre de Russie.
2) le mouvement syndical mondial.
3) l'O.N.U. et l'O.I.T.
(1)
Si en A.O.F. les décrets de 1937 légalisent le syndica-
lisme, introduisent les délégués du personnel et le sys-
tème des conventions collectives, en dehors du Cameroun,
les pays africains faisant partie de l'A.E.F. ne sont pas
concernés par cette mesure.
J

60

4) la lutte des mouvements de libération nationale des
peuples africains.
b) Facteurs ayant influé sur le développement des
lois sociales après la 2ème guerre.
Parmi les facteurs externes qui ont influé sur
l'élaboration du système actuel de protection sociale au
Gabon, il convient de noter la place prise par la Révolution
d'Octobre 1917 de Russie.
1) Y!._.R~'!Q.~'l1~Q.I.!_<!.~Q.~iQ.~~!_19.1.1_<!.~_~~~;'!.
La Révolution d'Octobre amena des chan@Bments d'im-
portance dans la situation internationale. En ce sens que la
Révolution d'Octobre, par l'influence de ses idées anti-
colonialistes, anti-eapitalistes et toute forme d'oppression
et d'exploitation, permit aux peuples des pays colonisés de
s'éveiller et de prendre conscience de sa condition d'opprimé
et d'exploité.
2) ~~_~~~!!~~~!_~~~!~~!_~~~~~~!.
Le mouvement syndical mondial, de par les organi-
sations syndicales mondiales de la F.S.M., va intervenir tant
auprès du Bureau international. du travail que du groupe du
conseil d'administration de l'O.I.T. (Organisation interna-
tionale du travail) afin que soit dirigée l'attention de
l'organisation vers l'Afrique. C'est ainsi que la F.S.~. dé-
noncera les clauses coloniales qui permettaient dans certaines
conditions, aux pays colonisateurs, de ne pas appliquer à
leurs dépendances les conventions internationales du travail
qu'ils venaient de ratifier.

..
61
\\
..
3) L'O.B.U. et l'O.I.!.
-------------------
fout au moins dans 1eur 1ettre, 1'0.N.U. et l'O.I.T.
devinrent 1es jurys d ' arbitrage devant lesquels les puf.saances
coloniales prirent le plus souvent figure d'accusée.
En ce qui concerne l'organisation internationale
du travail, notons que, c'est dans les anné es d'avant la
première guerre mondiale qu'un certain nombre de pays s'é-
taient réunis à Berne puis à Berlin, pour élaborer en commun
une législation internationale assurant la protection légale
des travailleurs salariés (sans succès d'ailleurs). Ce n'est
qu'en 1919, par l'adjonction au traité de paix constitutif
de la S.D.N. que sera créée l'O.I.T. qui comprend:
une assemblée générale
et un bureau permanent
le Bureau international du travail
(B. I. T. ).
Nous ne nous étendrons pas, dans le cadre de notre
étude, sur cet organisme, mais nous nous en tiendrons uni-
quement à l'influence qu'il a exercée sur l'instauration des
mesures de protection sociale au Gabon. En effet, l'O.I.T.
aussi a exercé une certaine influence sur les puissances
coloniales pour les amener à édicter des mesures de protec-
tion des travailleurs gabonais.
C'est son influence qui est à l'origine des pre-
ciers textes de caractère général que sont les décrets de
1S.22 et 1925 dont nous avons déjà vu les limites plus haut.
Par ses conventions et recommanàations dans les
pays dépendants ou colonisés, l'O.I.T. contribua à sa manière
à l'adoption dans ces pays des mesures de protection sociale.

62
.~
..
On peut citer parmi les textes les plus connuS :
_ 1& recommandation n2 70 sur la pol1 t1que soc1ale dans les
territo1res dépendants 1944 ; annexe section 10 "santé
publique, logement et sécurité sociale".
- la recommandation n2 74 sur la politique sociale dans les
territoires dépendants (dispositions complémentaires) 1945
annexe art. 12.
- la convention nQ 82 sur la politique sociale dans les ter-
ritoires non métropolitains 1947.
- et surtout la convention nQ 102 concernant la norme minimum
de la sécurité sociale adoptée par la 35è session de la
conférence internationale du travail 1952.
Depuis sa création jusqu'en 1971, l'O.I.T. a adopté
134 conventions qui ont ceci de caractéristique. C'est que,
même lorsqu'elles sont approuvées, elles ne sont que rarement
appliquées. A tel point qu'on peut se demander si l'O.I.T.
n'est pas beaucoup plus un centre de discussions académiques
où l'on fait des beaux discours sans que rien
nesoit accom-
pli sur le plan pratique ?
Mais c'est davantage le processus de la décoloni-
sation et les mouvements de grève des années 47-50 qui vont
peser sur les évènements et permettre le développement du
~ouvernent législatif commencé avant la 2ème guerre mondiale.

6'
JO
4) Influence de la lutte des mouve!~~~!_~!_~M!:!:11o~
-------------------------------
nat1ona1e et de 1a 1utte des ~!~~!!!_!~!~!~! (1).
-----------------------------
Pour avoir participé à 1'effort de guerre comme
fournisseurs de matières premières, de produits alimentaires,
de combattants servant de chair à canon, les peuples africains
attendaient de la victoire sur le fascisme, non pas une
(1) En fait, les mouvement de libération en Urique prennent
naissance avant la 1ère guerre mondiale et en Afrique
centrale l'existence des mouvements de libération reven-
diquant l'indépendance peut se situer après la première
guerre mondiale. Tel est le cas le l'association amicale
des originaires de l'Urique Equatoriale française et du
Congo belge, fondée le 17 juillet 1926 à Paris par une
trentaine de travailleurs immigrés de l'A.E.F. Cette asso-
ciation aura des sections à Fort-Lamy Archambault au
Tchad, Brazzaville, Pointe-Noire, Congo, Libreville et
Port-Gentil, Gabon. En France, Paris, Bordeaux, Marseille,
Le Hâvre. Si de par ses statuts elle se veut pour but
d'établir et resserrer les liens entre ses membres, l'en-
traide en cas de survenance de risques chômage, maladies,
etc ••• Très vite elle deviendra une organisation politiqUE
qui luttera pour canaliser les revendications populaires :
suppression du code de l'indigenat, du travail forcé, de
l'impôt de capitation; rétablissement de la liberté d'ex-
pression, de réunion, de croyance. Ear son activité, elle
a permis la naissance d'un mouvement nationaliste assez
radical. Elle va devenir, par son adhésion à la Ligue in-
ternationale contre l'impérialisme et contre l'oppression
coloniale, une association anti-impérialiste et anti-
colonialiste. A son crédit, on peut mettre la renoncia-
tionpar le pouvoir colonial aux méthodes coercitives
inaugurées depuis le pa.rtage du Congo français entre les
40 compagnies concessionnaires, en 1899 ; l'abolition du
travail forcé; la suppression du code de l'indigenat en
1946 et la participation partielle à "la gestion du pays
par les autochtones". "Certes, écrit Lazare Tchelo,(in
l'Association Amicale des originaires de l'Afrique Equa-
toriale franlaise, mémoire, Paris 1980, p. 47), "elle n'a
pas eu l'indepen::lance immédiate qu'elle revendiquait" mais
elle aur& contribué de façon beaucoup décisive que le
7:. D. A. 2. cette lutte comme en témoigne la répression qui
s'abattra sur ses diri@€ants
en vue de sa décapitation;
~atscua André, lamine Senghor, Kodjo Tavalou Houenou mortE
en frison. Jan2 ce senE va ég2.1e~ent l'action de la Fédé-
ration des étudiants d'Afrique noire en France et sa sec-
tion territoriale, l'Association générale des étudiants
gabonais en France, fondées en 1950 pour la FEANFjet en
1946 pour l'A.G.E.G.

64
"

nouvelle modification des rapporta de forces entre puissances
COloniaJ.eS,
,mais une véritable libération. L'évolution
politique et sociale dans toute l'Afrique noire, après la
2ème guerre, traduit cette nouvelle aspiration. La lutte
pour cette libération prendra des formes différentes, dic-
tées par le caractère particulier de chaque puissance colo-
nâ.a.Le,
Dans tous les cas, on assiste à un éveil du natio-
nalisme qui ira se développant, prenant comme texte de réfé-
rence la charte de l'O.N.U. et les principes du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes qui y sont affir.més. Le Congrès
pan-africain de Manchester 1945 constituera le premier acte
politique le plus important allant dans ce sena.
Ce Congrès fut l'occasion où le colonialisme fut
violemment pris à parti. Le tableau de l'exploitation systé-
matique de l'Afrique par les puissances coloniales et capi-
talistes fut dressé de façon détaillée (1), l'indépendance
complète fut demandée, etc ...
Les puissances coloniales ayant pris consci~ce de
la profondeur d'une telle lutte, redoutant les effets de
l'effacement de leur influence, pour des considérations d'op-
portunité plus que de principe, elles se déclarèrent prêtes
à apporter au fait colonial les aménagements rendus néces-
saires par l'évolution des esprits et des faits.
Aussi, pour désacorcer le reouvement, le Comité
français de libération natio~ale va proclamer a~ yeux d~
(1) Cf. Padmore : ouvrage Panafricanisme ou communisme 1960,
éd. Présence africaine.

65
li
monde colonisé qu'il était disposé à b!tir des rapports
d'égalité entre coloD1Bateur. et coloni8és sur une base nou-
velle : sic ! déclarations qui seront concrétisées par la
fameuse conférence de Brazzaville 1944.
La conférence, après avoir délibéré dans sa séance
du 6 février 1944, adoptait les recommandations suivantes:
En matière du travail :
A la question de savoir comment
concilier
la nécessité de faire fonctionner et développer les exploi-
tations agricoles existantes, les mines, les chantiers fo-
restiers et les industries actuelles ou éventuelles avec la
double obligation de maintenir en "bon ordre" la société
indigène afin d'assurer la reproduction de la force de tra-
vail ? la résolution ré pond en ces termes :
"Si l'effort de guerre exige provisoirement le
maintien du régime du travail forcé, la conférence n'en est
pas moins unanime à affirmer la supériorité absolue de la
liberté du travail : un délai maximum de 5 ans sera imparti
aux autorités locales pour la rétablir".
"Le rétablissement du libre marché du travail ne
peut aller sans un relèvement sensible de la condition morale
et matérielle du travailleur qui trouvera dans la hausse des
salaires, dans l'organisation de l'apprentissage et dans le
développement de l'enseignement professionnel... , le moyen
d'être attiré vers le travail et d'y satisfaire sa dignité
et ses besoins~ Toujours dans le dessein de donner au travail
en Afrique une place "d' honneur", i l est rec ommandé

66

1- l'institution et l'observation du repos hebdomadaire,
2- la durée de la journée du travail est tix~e à 8 heures,
3- l'interdiction d'une retenue de salaire sans l'assentiment
de l'administration.
Parce que résultat d'un rapport de forces, la con-
térence maintient le travail obligatoire pendant un an pour
les indigènes de 20 à 21 ans reconnus aptes et qui n'auraient
pas été pris dans la première portion du contingent militaire.
La conférence crée un 11 vret de pécule qui assurait
une retraite à l'indigène après 15 à 20 ans de travail. Est
reconnu le droit pour le mari d'être accompagné de sa femme
sur les lieux de travail. Pour obtenir un contrôle renforcé
du régime ainsi défini du travail indigène, il est recommandé
la création d'un corps spécialisé de l'inspection du travail
dépendant du ministère des Colonies.
Dans le m~me ordre d'idées, le développement des
associations professionnelles est considéré comme un moyen
efficace d'améliorer la condition du travailleur indigène.
La conférence pose le principe de l'ouverture des protessions
diverses aux noirs et autres hommes de couleur. L'accession
aux emplois et aux cadres sur la base d'une rémunération
égale à celle des européens, lorsque la compétence serait
égale.
En matière d'enseignement, proposition est faite
de développer l'enseignement primaire des garçons et des fil-
les, d'accélérer l'installation des écoles indigènes tenues
par des instituteurs africains formés dans des écoles normales

......._.r.,
_
-----~
67
,-
coloniales, d'organiser enfin, en plus grand nombre, des
écoles pratiques de métiers, d'agriculture et de commerce.
Sur le plan médical et de l'hygiène, on prévoit la
multiplication des équipes mobiles de dépistage et de trai-
tement des maladies contagieuses, la création d'un institut
central d'hygiène publique doté d'un personnel de médecins
en vue de la lutte contre les maladies tropicales, notamment
la maladie du sommeil, la création d'une école de médecine
africaine, réplique sur le continent noir de l'école de Banc
Quelle appréciation pouvons-nous faire de tout
ceci ?
Si l'on peut dire à certains égards que l'esprit
de la conférence de Brazzaville fut un progrès dans les mé-
thodes de colonisation pour les masses africaines, il ne
reste pas moins que par rapport à l'Afrique du Nord, la con
férence de Brazzaville n'a rien innové comme le dit à ce
propos le rapporteur de l'A.E.F. : "La conférence est conv:
à reconsidérer le problème des rapports entre la France et
ses possessions. Trois politiques sont possibles
- assujettissement
- autonomie,
- assimilation.
La colonisatioL française est basée sur l'assimilation; &
similation dans les domaines militaire, judiciaire, gouvel
nemeLtal et ad~inistratif ; autonomie d'ailleurs réduite:
le domaine financier, assujettissement enfin dans le régir
législatif ct c ccr.e r ci a L". =: d'ajO'L;ter : "l.ou s sommes po

68
..
vers l'e.pire au sena romain et non vers l'empire au sens
anglo-eaxon- (1).
Il s'ens~t que la conférence de Brazzaville est
tout à la fois une concession et un refus. Une concession en
ce sens qu'elle est le fruit de la nécessité de répondre à
l'espoir soulevé par les principes énoncés dans la charte
de l'Atlantique, nécessité aussi de mobiliser davantage de
main-d'oeuvre et de combattants pour la guerre mondiale
Elle est aussi un refus, comme le dit tout haut
René Pleven, alors Commissaire aux colonies, dès l'ouverture
des travaux.
-Nous lisons de tempe à autre que cette guerre doit
se terminer par ce qu'on appelle un affranchissement des
peuples coloniaux. Dans la grande France coloniale, il n'y a
ni peuples à affranchir, ni discriminations raciales à abo-
lir, il y a des populations ( ..• ) qui n'entendent connaître
d'autre indépendance que celle de la France ft (2).
(1)
Cité par Ali Yalem : ColonialiBm
Trusteeship indépendancE
de la France, éd. Défense de la France.
(2)
:2apporté par J.
Arnaut, a n
":Al c o Lon.i a.l.Ls me au s cc i a La srae !".
p. 26, éd. sociales.

69
( ) Parmi les autres dispositions qui seront prises par la
suite sur le plan social, retiennent notre attention:
1- le décret du 7 aodt 1944, cf. J.O. français 17 aodt
1944 p.
720 qui transpose à toua les territoires afri-
cains les dispositions du code français du travail
relative aux syndicats.
2- le décret du 17 ao~t 1944, cf. J.O. français du 22 aott
1944 p.
738 qui institue un corps de contrOle.
3- les décrets du 18 juin 1945 et 17 octobre 1947 devaient
réglementer: le contrat de travail, le salaire, l'hy-
giène et la sécurité, les services médicaux, les dé-
légués du personnel, le placement, les conventions col-
lectives, le réglement des conflits du travail. L'hos-
tilité des orgardsations patronales amènera le gouver-
nement de la métropole à surseoir à leur application.

70

La conférence sur la naissance du rassemblement
démocratique africain qui se tiendra à Bamako en 1946 for-
mulera un programme de revendications modéré certes mais qui
in:fluera aussi sur l'ensemble des mesures prises par la
suite par le pouvoir colonial au Gabon dans deux domaines
1- Dans le domaine de la santé, revendication est faite
d'une gratuité des soins médicaux; de l'institution d'une
formation médicale et un dispensaire par canton et là où il
y a une école; de la création dans chaque territoire d'un
laboratoire et d'une école d'herboristes pour l'utilisation
de la pharmacie africaine.
2- Dans le domaine social, on réclame l'extension immé-
diate et effective des lois sociales à tous les territoires
africains sous domination coloniale
française ; la liberté
d'organisation des syndicats; la suppression du travail
forcé sous toutes ses formes, etc ...
Somme toute, on peut dire que l'année 1946 fut très
riche car elle consacre l'abolition du recrutement forcé des
travailleurs africains et proclame "la liberté" du travail
en Afrique ; actes aussi importants que la libération des
esclaves en 1848. Cette même année est pleine d'un essaim de
grandes réformes : suppression du régime disciplinaire de
l'indigenat (1), unité de justice répressive qui devra être
(~) Le régime de l'indigenat fut la réponse donnée à la guerre
de résistance menée par les masses populaires africaines
contre l'agression coloniale. Ce régime organisait :a v~e
et la condition de l'.~ricain sous un nouveau jour. Du
point de vue juridique, l'Africain était considéré comme
un incapable, un non citoyen et sujet sans droit. L,s au-
torités coloniales avaient par là le droit de frapper les
sujets de sanctions pénales sans avoir à en justifier
.../ ...

71
Il
théoriquement la mAme pour les noirs et pour les blancs;
représentation de toute l'Afrique à l'Assembl~e constituante,
institution des assemb1~es 10081es qui d~l1bèrent sur les
budgets et autres problèmes spécifiques à l'Afrique
déve-
loppement des coopératives et des syndicats.
Mais une étape importante sera marquée par l'insti-
tution du code de travail d'outre-mer le 22 novembre 1952 par
le Parlement français, sous l'effet des grèves générales qui
se produisirent cette année en Afrique. Quelle est la portée
de ce code ?
L'on peut dire que les mouvements de grève des
années 1950 imprimèrent à ce code une portée sociale non
négligeable, comme on peut le constater à la lecture de ses
principales dispositions.
C'est ainsi que le titre 1er débute par la suppres-
sion de toute discrimination entre les travailleurs, puis il
interdit de façon absolue (cf. art. 2) le travail forcé ou
obligatoire "exigé d "un individu sous la menace d'une peine
quelconque et pour lequel le dit individu ne s'est pas offert
de plein gré".
Dans ses grandes lignes, cette loi définit les
~esures de protection de la fernœe salariée, les conditions de
travail et de l'hygiène, les conditions de la conclusion et
rupture du contrat de travail, etc ...
... 1... suite note page précédente:
devâLt aucune auto~ité judiciaire ni politique. :e2 ;éné-
lit~ê fixées primitiveœent à un maximum de 15 jours de
prison et 100 " CFA d'amende pouvaient être infligées par
tous les colons résidents en Afrique. 1'indigenat (fign1-,.
fiait aussi la destruction rationnelle du pouvoir des
chefs dans leurs villages, réorganisation du village sui-
vant la politique générale coloniale.

72
,"
Parmi les nombreux textes d'application qui interviL
rent, soulignons ici l'importance particulière des disposi-
tions de l'arr3t~ général du 25 novembre 1954 concernant
les mesures de protection sanitaire et médicale dans l'entre-
prise. Cet arrêté faisait obligation à certains employeurs
d'organiser des services médicaux et sanitaires d'entreprise
dans tous les établissements publics et privés exerçant une
activité quelconque et employant des travailleurs salariés
que ce soit:
- un personnel permanent,
- un apprenti.
- un travailleur engagé à l'essai,
- un travailleur saisonnier.
Non seulement le travailleur malade pouvait doréna-
vant prétendre aux premiers soins "gratuits" donnés par
l'établissement. mais sa famille avait également droit aux
soins gratuits en cas de maladie.
La loi du 27 mars 1956 (1) portait à un jour et
demi ouvrable par mois de service la durée du congé payé.
Le décret du 24 février 1957, modifié par celui du
23 juillet 1957. établira un régime unique de réparation des
accidents du travail et des maladies professionnelles.
Trois branches de sécurité sociale vont dès lors
voir le jour. Ce sont
- la branche des allo:~tions familiales,
(1) Cf. J.O. F.
31 mars 1956.

7'
_ la branche d'assuranoe des aooidents du travai1 et
maladies pro~e8s1onne11e.,
_ 1a branohe des retraites.
Mais, au-delà des textes, on peut voir que l'éveil
politique et social de l'Afrique noire sous domination du
colonialisme français est allé et ira de pair avec sa libé-
ration sociale.
Comme le dit Pierre Paraf (1), il a fallu que deux
guerres mondiales mettent en contact les peuples africains
avec leurs frères de classe de la Métropole, pour qu'ils
mesurent peu à peu leur détresse, pour qu'ils envisagent de
réagir contre elle. Et c'est dans la mesure où la lutte contré
le colonialisme a pris corps que ce combat social s'est char-
gé d'un nouveau dynamisme, qu'il s'est systématiquement or-
ganisé.
La paupérisation et la ruine des masses paysannes
africaines, voilà la réalité que le capital monopoliste, dans
sa course au profit maximum, imposa à l'Afrique coloniale.
"S'il fallait schématiquement résumer la condition
sociale de l'Africain, la marche du travail, la rémunération
du travailleur, son niveau de vie en valeur absolue et en
valeur relative, comparés à ceux de l'Européen et comparé à
ce qu'il était dans le passé, on serait amené aux constata-
tions suivantes dont blancs comme noirs, patrons comme ou-
vriers he contesteraient peint l'exactitude:
(1) Cf. L'ascension des peuples africains, éd. Payot.

74
..
_ ~Qu.a.ntités insuffisantes des Afri caa na dans Le travai~
sal.ar14.
_ Rémunération et niveau de vie de ~. Africain d'une
extrême médiocrité.
- L'une et l'autre sont très nettement inférieurs non
pas du simple au double mais parfois du simple au
quintuple à ceux de l'Européen" (1).
Ces propos sont confirmés par une étude faite par
Henri Nadir (2) qui montre qu'en 1954, 90 % des hommes et des
femmes en Afrique noire française avaient un revenu annuel
inférieur à 13 000 ~ CFA, qu'en comptant 300 jours de tra-
vail par an, cela faisait 86 ~ métropolitains par jour pour
90 ~ des travailleurs d'Afrique noire française où il n'exis-
tait pas de sécurité sociale. Alors que, dans la région pa-
risienne, le salaire national interprofessionnel garanti
était de 115 FF par heure. A la fin d'une journée, l'Africain
gagne donc 115 ~ - 86 ft = 29 ft de moins que le Parisien. Et
de poursuivre :
On comprend dès lors que "les indigènes sont répu-
tés fainéants parce qu'ils refusent de travailler à ce compte-
là. 3t l'auteur d'ajouter: Schoeler écrivait "la question
du travail n'est plus une question d'argent, de loyauté et
de procédés bienveillants ... , parce que le nègre travaillait
rral sous leur rigoise (nerf de boeuf) sanglante, parce qu'au-
jour~'bui, il ne ve~t pas donner sa journée tout entière pour
(1)
c:. L'ascension des peuples africains, éd. Fayot, r. 56
(2) Réalités coloniales, Rousseau, Paris 1954, p. 31.

75
quelques sous: Rila disent qu'i1 est paresseux" et conclue :
"Ainsi en 1954, le colonisateur jette à l'A~ricain - qui nast
pas pour lui un capital - 120 Ir par jour pour se nourrir,
s'habiller, se soigner sans l'aide de la sécurité sociale ...
lui et sa famille.
Après quoi, dans des films qu'aujourd'hui on in-
cline enfin à censurer, exposez-les tout nus, ou dans leurs
guenilles, sans dire qu'à moins de voler, ils ne sauraient
se vêtir. Montrez-les, contempler, abattus par le sommeil,
en ne précisant pas que c'est surtout par la faim. Emprison-
nez-les à Bouaké, Dimbocro, en les taxant de communistes.
Durant ce temps, exhibez à Paris un ou deux "officiels" ou-
blieux. Continuez votre infâme besogne#(1).
Toutes les études sérieuses faites sur les condi-
tions de vie et de travail des masses populaires africaines
sous la période coloniale, comme l'indique Basile Davidson
(2), montrent toute la ligne de démarcation qui sépare l'or-
dre traditionnel et les débuts chaotiques d'une société nou-
velle capitaliste - situation qui n'est pas sans rappeler la
misère des villes européennes du début de l'ère industrielle
si bien décrite par Engels ou par Karl Marx. (3).
Dans le cas de l'Afrique co~e en Europe, l'accu-
mulation du capital a eu pour les masses populaires comme
-:f. Henri Rousseau Nad i r , Réalités coloniales, p. 31,
:paris 1954.
:;:n Le s voies afr-t cai ne s , Ca.b...iers li bres ..../ -.<;- .....
./
/4, P• cr
u ...;,
éd. r·~aspé ro.
(3) Engels, La condition de la classe laborieuse en Grande-
Bretagne.
Karl Marx, Le capital, livre 1er, éd. La Pléiade.

76
..
conséquences
destruction du monde, apparition et nouveaux
problèmes :
Les fléaux qui découlent de l'absence de vie fa-
miliale - ivrognerie, prostitution, maladies vénériennes -
règnent dans les villes où la population africaine est nom-
breuse .•.
Certes, beaucoup d'administrateurs s'efforcèrent
de lutter contre la misère, dans quelques villes, on soulage;
les détresses les plus criantes, on construisit des logement
on fit entrer davantage d'enfants à l'école primaire, l'on
essaya de pourvoir aux besoins les plus élémentaires. Mais,
ces efforts ne pouvaient être que marginaux, car le problèmE
essentiel, à savoir l'édification d'un ordre social nouveau.
dépassait les possibilités du système.
Si dans bien des cas, l'Europe avait apporté aux
colonies un grand nombre d'éléments nouveaux, d'ordre pra-
tique ou spirituel, il faut dire aussi que dans beaucoup de
cas ces "innovations" s'annulent. Il y a moins de malades,
grâce à la médecine moderne, mais il y avait plus de sous-
alimentés, parce que l'augmentation de la population n'étai
pas accompagnée d'une augmentation de récoltes.
Et la situation dans les colonies des pays afri-
cains, à la veille de l'indépendance, peut se résumer: un·
pauvreté aigüe qui allait s'aggravant.
Si dans l'ensemble, les économies de subsistance
tradi tionnelles suf'fisai ent à nourrir les popu.La tions dans
passé, mais en ï945 la situatiOl: était dÉ.s?streuse, la di·
préciation de l'économie rurale associée aux migrations dE

,-
77
"
main-d'oeuvre et à J.a conat1 tut10n de grands domaine s par
J.e8 Buropéens avaient provoqué une crise à .l'éche.l.le du
continent.
A la fin de la 2ème guerre mondiale, on totalisait
9 à 10 millions de travailleurs en Afrique au sud du sahara,
soit 6 % de la population dont un grand nombre d'ouvriers
étaient des saisonniers recrutés par contrat.
L'avènement de l'indépendance a-t-il conduit à un
changement fondamental tant du point de vue législatif que
des conditions de vie ou pérennise-t-il le discours colonial
et la situation d'insécurité?
Ce que nous avons décrit jusqu'ici donne déjà une
idée de l'èsprit du système de protection sociale gabonais
créé sous la poussée de plusieurs facteurs et essentiellement
dans le but de remplacer la solidarité coutumière, stabiliser
les cadres et la main-d'oeuvre et les intégrer au système
colonial.
Voyons ce que recouvre exactement la réalité de ce
système après l'indépendance.

18
CHA PIT R E
II
CONT~u DU SYSTEME JURIDIQUE GABONAIS
DE PROTECTION SOCIALE
Le système de sécurité sociale gabonais est le
frui t historique de longues luttes de la part de ceux qui
subissent le plus grand nombre de risques sociaux et des
réactions réponses de l'Etat colonial. Au départ, seuls les
ouvriers et fonctionnaires furent concernés par la législa-
tion de sécurité sociale; après l'indépendance en 1960,
toutes les lois intervenues en matière sociale marquent très
peu de changement par rapport au code d'outre-mer de 1952.
Jans leurs principes ~néraux, elles consacrent -
en partie sous l'influence du B.I.T. - le droit de l'homme à
la sécurité en cas de maladie, d'invalidité, de veuvage, de
vieillesse et chaque fois que l'homme est privé de subsis-
tance par suite des circonstances indépendantes de sa volon-
té ; er. cas d'évènements malheureux, comme la perte de soutien
de faTille - ou heureux, COmITe 1& r.aissance d'un erdant ;
e:: cas d'accroissement des charges de famille; de "sorte
qu "aucun être buma m ne va enne à III anque r- des ressaurc es in-
di sp er.ss.b.ï.e s pour UT.:.e vie décente", etc ..•

79
Mais ces 101s ont aussi d'autres caractéristiques.
C'est a1nsi qu'el1es ne protègent qu'une partie de la popu-
lation : fonctionnaires, employés de l'industr1e, du commerce
et de l'Etat pour certains risques sociaux; elles accordent
des prestations insignifiantes à certaines catégories so-
ciales.
Il nous faut voir et analyser le contenu de ses
lois en examinant
Section l
- Le champ d'application de la sécurité
sociale en ce qui concerne les personnes.
Section II - Le champ d'application quant aux
risques.
SECTION l - CHAMP D'AFPLICATION EN CE QUI CONCERNE LES
PERSONNES.
Ce qui caractérise la sécurité gabonaise sous sa
forme actuelle est la limitation de son champ d'application
quant aux personnes ; aux travailleurs salariés alors que
80 ~ de la population demeure dans l·insécurité.
C'est donc la notion de la condition salariale qui
est au coeur de la législation gabonaise.
§ 1 - Le bénéfice de la sécurité sociale au Gabo~ est subor-
~Qnné à la condition salariale.
:e Ëystè~e actuel de sécurité sociale c)=~orte de~=
régimes principaux :

.-
80
..
_ Le régime des trava1.~~eu.rs salarié s Don fonctionnaires
géré par ~a ca1.sse nationale de sécurité socia18 (régime
généra1) ; le régime spécial des fonctionnaires et des ré-
gimes particuliers concernant les députés et les membres du
gouvernement géré par le ministère de l'Economie et des
finances ; le régime des fonctionnaires concerne environ
14 750 agents civils et militaires (1) et comporte les bran-
ches suivantes :
- une branche prestations familiales (2),
- une branche vieillesse (3)
- une branche maladie (4)
- une branche accidents du travail et maladies professionnelle
- Les régimes complémentaires intéressent :
- la retraite des Présidents de la République, Vice-Président
du gouvernement (5).
(1) Cf. 2ème Congrès du P.D.G., Introduction à la réforme de
la s.s. par Etienne Mouvagha, p. 90, éd. P.D.G.
(2) Cf. Arrêté général du 16 novembre 1951 mis à jour le 30
septembre 1954.
(3) Cf. Article 108, 109 et 110 10i 2/77 portant statut géné-
ral des fonctionnaires, loi 7/60 du 6 mai 1960 et décret
252/MFPT 29 décembre 1960 portant organisation du régime
des pensions civiles de la République gabonaise. Ordo
29!PR 21 mars 1962 portant application du régime des pen-
sions de la République aux militaires de la gendarmerie
et des Ïorces armées gabonaises.
(4) ~f. Art. 106, 113, 114 et 115 du statut général des fonc-
tionnaires, décrets nQ 6C5/FR/EFB/KSFP du 22 aoi1t 1 ~;6~.
et 889/IR;':t-.S,}P 28 novembre 1969 rét$lementant les évacua-
tions sanitaires sur les hôpitaux etrangers.
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1;: e \\., ~ / ~ a U Cr" _: J an~-~ € r
gabonais de s.s.

81
_ Le régime des pensions des députés de l'A8semb~ée nationale
de J.a Républlque gabona1.se (1).
_ Le régime spécial de pensions de retraite en faveur de
certains emplois (2) concerne les présidents des institu-
tions constituées, les membres du gouvernement, les ambas-
sadeurs, les directeurs de cabinet du Présidant de la Ré-
publique, le Secrétaire général du gouvernement.
Le régime général, quant à lui, comprend (3) 4
branches :
- une branche des P.F. qui intéresse 42 532 allocataires et
65 839 enfants en 1978, selon Etienne Mouvagha, (~)
Sur une population estimée à
million selon
les chiffres officiels
(1) Loi 8/68 du 4 juin 1968.
( 2) 10i
17/ 67 et 0 rd . 51/ 69 du 28 a oût
1969 .
(3) La loi nQ 6/75 avec effet au 16 novembre 1976 portant
code de sécurité sociale qui a abrogé l'ancienne législa-
tion était constituée par:
- le décret nQ 57245 du 24 février 1975 sur la réparation
et la prévention des accidents du travail et des maladies
professionnelles modifiait le décret n2 57829 du 23 juil-
let 1957.
- le décret nQ 6/PR du 7 janvier 1963 portant institution
d'un régime de prestations familiales et des accidents
du travail au Gabon tel que modifié par le décret n2 673/
FR 2 1 IDai 1975 .
Toute cette législation a été complétée par une ordon-
nance nQ GGCÎO/FR/~TIS du 6 janvier 1976 portant extension
de la législation de sécurité sociale en instituant théo-
riquement une branche de distribution gratuite de médi-
caments aux travaiililcurs salariés et à leurs familles.
~ette loi étend le bénéfice des P.F. et des avantages so-
cisux accordés à l'enfant légitime du travailleur salarié
à l'enfant naturel reconnu par le salarié célibataire et
,
-,
~
t
' 1 : .
l
~
. ' .
l
2
l
e~~a~
~e
lcrs ~srlage reconnu par
e sa~arle aans
é
liœite àe 4 enfants, légitimés ou naturels, nés de la même
mère, par allocataire. L'enfant devant être à la charge
effective de l'allocataire et vivant sous son toit.
(4) op. cit. p. 90.

82
..
_ une branche accidents du trava11 et ma1adies profession-
nel1ee q~ couvrait en 1978 environ 130 000 assurés (1).
_ une branche viei11esse, invalidité et décès.
- une
"
maladie.
Un régime d'assurance volontaire concernant
- les non salariés
- les Français travaillant au Gabon (2).
Tel qu'il apparaît, le système gabonais se carac-
térise par une certaine complexité de son organisation, co-
existence de plusieurs régimes mais surtout un champ d'ac-
tion très limité.
En effet, la loi dispose que "sont assujettis au
régime de sécurité sociale tous les travailleurs salariés
quel que soit son sexe, sa nationalité, qui s'est eng~ à
mettre son activité professionnelle moyennant rémunération,
sous la direction et l'autorité d'une autre personne physique
ou morale, publique ou privée, de même que les salariés de
l'Etat et des administrations publiques qui ne bénéficient
d'un régime particulier de sécurité sociale".
On peut ici constater un fait, c'est que, du point
de vue des personnes protégées, il n'y a que les travailleurs
salariés et memb~es du gouvernement qui sont couverts contre
l'insécurité. Et rien de tel n'est prévu pour les autres
caté[ories sociales, principalement chômeurs, paysans. Il
(2) Loi 31 décembre 1976, cf. J.O. République gabonaisp 1976,
Décembre.

,-
83
Il
est simplement émis la possibilité d'une assurance faculta-
tive et 'Volontaire pour toute personne ayant été affiliée
au rég1.JDe de sécurité sociale pendant 6 mois consécutifs
au moins et qui cesse de remplir les conditions d'assujet-
tissement ; "la personne concernée a dans ce cas, la faculté
de demeurer volontairement affiliée à la branche des pen-
sions dans les conditions et selon les modalités déterminées
par un décret pris après avis du conseil administratif" (1).
Pendant que les 75 ou 80 %des membres de la popu-
lation demeure dans l'insécurité totale, ceux qui ont les
capacités matérielles: hauts fonctionnaires, P.D.G. d'en-
treprises, expatriés privilégiés, membres du gouvernement,
parlementaires sont à l'abri des risques que leur garantit un
régime spécial plus avantageux.
Il convient de faire remarquer que les allocations
fort modestes qui sont distribuées et les cotisations très
élevées qui sont demandées n'incitent ni petits commerçants,
ni gens de maison , qui sont souvent mal informés et démunis,
à souscrire à un régime d'assurance volontaire de sécurité
sociale (2).
c'est parce que ces mesures ont été conçues comme
un moyen de "stabiliser" la force de travail que l'octroi des
prestations est, elle, subordonnée à la condition salariale.
(i)
Selon le plan de réforme de la sécurité sociale gabonaise
exposé par E. l'~ouvagha, op.cit. p. 92. "Le champ d'appli-
cation du nouveau système devra s'étendre aux ~assee r~­
réles, ré6i~e unique, uniforcis&tion progressive oes
prestations.
(2) Faute d'enquête sociologique, nous ne disposons pa~ du
nombre de ces personnes oubliées.

84
Il
l'artic~e 3 Loi du 25 novembre 1975, portant code de sécu-
di
dans ce S e ns que :
ri t' 8oo1&le,
spose
"1) sont assujettis au régime de sécurité sociale institué
par la présente loi, toute personne, quels que soient son
sexe et sa nationalité, qui s'est engagée à mettre son acti-
vité professionnelle moyennant rémunération, sous la direc-
tion et l'autorité d'une autre personne physique ou morale,
publique ou privée.
2) y sont également assujettis les salariés de l'Etat et
des administrations publiques qui ne bénéficient pas d'un
régime particulier de sécurité sociale".
Aussi n'est pas assuré l'entretien et l'avenir des
travailleurs qui exercent nombre de petits métiers dont ils
tirent régulièrement leurs revenus. C'est le cas des artisans,
de certains chauffeurs de ta~i, des bijoutiers, pêcheurs,
tailleurs, etc ...
La justification trouvée est qu' "à l'égard de ces
personnes, on ne peut s'attendre à aucune cotisation d'em-
ployeur" ou bien "c'est parce que ce sont les travailleurs
salariés qui ressentent le plus de besoin de sécurité" ;
"les niveaux de leurs gains peuvent leur permettre de verser
des cotisations pour assurer leur Fropre sécurité sociale".
"Ces t ravaa Lû eur s étant concentrés en q,uantités assez gré.ndes
dans les centres urbains, cela rendrait facile la Gestion du
sy s t èrce ainsi créé, etc ... etc ... (1).
Cf.
E. Tsoucatos, consultant du B.I.T. in Les ob~ectifs
souhaitables de la sécurité sociale dans les pays en voie
de développement, Cahier africain de sécurité sociale, .
n2
13-14 1974, p. 50-51.

85
En réalité, si les premiers systàmes de sécurité
sociale mis en place en ~r1que ne concernent que les seuls
travailleurs salariés et que ne sont pas reconnus les besoins
du plus grand nombre, c'est essentiellement en raison d'une
absence d'un marché de la force de travail développé
c'est aussi parce que l'administration coloniale
française qui a, durant la période coloniale, instauré au
Gabon les principes du droit libéral
européen n'a fait que
transposer au Gabon les principes du droit en vigueur dans
la métropole. Et il est de principe, dans cette conception
juridique, que l'ho~e ne possède que les droits pour les-
quels il a travaillé. Le libéralisme veut que l'homme porte
d'abord le souci de sa propre existence moyennant quoi il
sera aidé; c'est en conséquence qu'on lui accordera plus de
droits, davantage d'indemnités journalières ou de pensions,
selon qu'il a ou non un salaire plus élevé. Une telle con-
ception de la sécurité sociale est loinde la conception de
la sécurité sociale traditionnelle de solidarité
qui opérait la distribution des revenus en fonction des be-
soins des rreœbres de toute la société.
Et si la force de travail vendue au capitaliste
est rémunérée moye~~ar.t un salaire, condition exigée pour
avoir droit a~ no~velles mesures de sécurité sociale en cas
àe maladie, accident du travail etc ... , c'est parce q~'elle
est iIT~~diate~eLt ~tilisée dar.s le procès de Ircd~ction
capitaliste.
0'est parce que la valeur d'échange de la force de
travail comporte non seulement celle du pain quotidie~ de

86
..
l'ouvrier au travail, mais aussi celle de ~'entretien du
malade, des enfants., :Le salaire direct étant inférieur à
cette valeur qui est accordée au prolétaire sous forme de
sécurité sociale
~e salaire indirect) Car le salaire, de
par ses limites, ne permet pas la satisfaction des besoins
du prolétaire; et le capital privilégie d'abord sa propre
mise en valeur immédiate pour ne pas prendre comme tel com-
plètement en charge la reproduction de la valeur de la force
de travail dont il a pourtant besoin
encore moins la cou-
verture des besoins de l'ensemble de la population. L'exi-
gence de la condition salariale pour bénéficier de la sécu-
rité sociale ici signifie que c'est l'ouvrier propriétaire
de sa force de travail qui est responsable de l'entretien
de celle-ci; et que c'est en principe lui et non le capita-
liste qui a la charge de la reproduire lui-même.
La limitation du champ d'application de la sécurité
sociale gabonaise aux seuls salariés est aussi liée au rap-
port de force$entre les différentes classes et couches so-
ciales dans la société gabonaise en relation avec les déve-
loppements du capitalisme et des rapports capitalistes. Le
fait m~me que les pouvoirs publics gabonais projettent son
élargissement d~~s l'avenir aux paysans, après le~r regrou-
peœent en coopératives, est symptomatique à cet égard. C'est
ce que nous apprend l'histoire de la prise en coœpte du coût
d'entretien et de reproduction ae la force de travail du
prolétariat en Europe, qui se réalisa au fur et à mesure que
le prolétariat s'intégrait progressivement dans les repports
de production capitalistes. Après des formes d'assistance

87
Il
comme la charité, l'assistance publique, 1es mutuel1es, la
sécurité sociale fit son apparition d'abord au niveau de
groupes d'entreprises (ex. Krupp en Allemagne), puis des
branches industrielles, enfin à l'échelle nationale. Mieux,
la législation sociale en Allemagne, sous Bismark, n'inter-
vint au profit des seuls travailleurs salariés jugés les
plus exposés aux risques sociaux que dans un but politique
bien déterminé: "Couper l'herbe sous les pieds" des socia-
listes allemands. L'insuffisance du salaire faisait même que
des ouvriers, pour ne pas mourir de faim, conservaient des
liens avec la terre, et la fraction de la famille restée au
village. La liquidation progressive, le relâchement puis la
rupture des relations d' entraide famili~correspondant au
passage de la société tout entière sous la domination capi-
taliste fut le point marquant que, désormais, la force de
travail sera produite, entretenue et reproduite dans le cadre
exclusif du capitalisme (1).
Comme on le voit, la limitation de la protection
sociale aux travailleurs salariés pose d'innombrables pro-
blèmes parmi lesquels, celui des paysans qui retiendra le
(1)
Cn peut noter cependant que, en France, le système de
;rotection sociale mis en place par un texte du 22 mai
1946, portant généralisation de la sécurité sociale, ren-
voyait à des textes d'application le soin de la mise en
oeuvre du principe de la généralisation ; Au fil des an-
Lées, le systè::r:.e s'est développé sans ordre, à tel poiLt
~~'on est arrivé au résU:tat actuel: un système hétéro-
clite avec en présence deux catégories de régimes diffé-
rents pour les travailleurs salariés et pour les non sa-
lc..ri~s. :L' hos ta Li té des non-salariés dominés par des or-
ganisations à tendance corporatiste a fini par triompher
au détriment de l'institution d'une couverture sociale
pour tous.

88
plus ici notre attention. En effet, on sait qu'au Gabon,
seule peut bénéficier de la sécurité sociale "toute personne
travaillant pour le compte d'une personne physique ou morale,
publique ou privée" (1). Dès lors se trouve ~tre posé le
problème de la protection de ceux - les plus nombreux - qui
jouent le rôle de nourricier dans le pays. Le problème est
d'autant plus complexe que les obstacles sont nombreux
faible productivité due au manque de moyens mécanisés, déve-
loppement des rapports sociaux capitalistes, crises de su-
perproduction du marché mondial dont dépend le Gabon.
§ 2 - La protection des paysans.
Le divorce entre l'évolution politique et sociale
et l'état actuel de l'économie est l'une des grandes réalités
gabonaises. Les paysans, qui représentaient à l'époque pré-
coloniale la totalité de la population gabonaise, ne forment
plus aujourd'hui que 75 à 80 %de la population; dans tous
les cas, ils représentent la couche sociale la plus impor-
tante quantitativement (2). Aujourd'hui, la condition paysanne
évolue au jour le jour dans le sens de l'appauvrissement,
alors qu'autrefois, le paysan prévoyait une récolte qui suf-
fisait à la conso~~ation faœiliale. le marché était un lieu
(î) 70ir en ce sens la loi n 2 6 Novembre 1975 portant code
Ge séc~ité 8Qciale, article 3.
(2)
Il s'agit dans notre champ d'étude de la condition des
c~tivateurs pauvres et moyens pauvres mais pas des pay-
sans riches ::;'-.2 SOLt, du reste, très rares en dehors de
ç~elques notabilités locales généralement liées aux so-
ciétés internationales et des membres de la classe poli-
tique privilégiée.

89
de rencontre et d'échange qui permettait un ajustement en
fonction des besoins. La société traditionnelle s'était
structurée, organisée en fonction de ce système économique.
De nos jours, cette conception adaptée aux besoins familiaux
tend à être remplacée progressivement par une autre forme de
production selon les lois de l'économie capitaliste.
Etant donné que le cours des produits vivriers est
insignifiant sur les marchés mondiaux, les paysans sont con-
traints de cultiver des produits agricoles susceptibles
d'être vendus et exportés. c'est le cas du café et du cacao
qui se présentent dans les années 60 comme le moyen le plus
ser de gagner quelque argent. Mais l'effondrement des cours
de quelques produits encouragés par les pays industrialisés
a conduit à des situations souvent catastrophiques pour les
paysans. Comme il n'existe aucun fonds de soutien à ces der-
niers et que la vente du café est pratiquement arrêtée depuis
1974, on comprend que les maigres sommes perçues par le pay-
san ne peuvent qu'à peine lui permettre de faire face aux
dépenses d'entretien de sa force de travail et de subvenir
à ses besoins. L'acheteur du café et du cacao (c'est-à-dire
la capital international) sait que l'extrême pauvreté du
cultivateur le contraint à vendre à vil prix et exr1cite à
fond cette situation avec l'aide bienveillante de l'Etat
gabonais.
En ce q~ concerne les produits vivriers, l'agri-
culture gabonaise ne produit ni en ~uantité Li en Q1Jalité
actuellement. Farmi les produits agricoles utilisés dans la
consommation locale, notons: le manioc (aliment de ba~e de

90
Il
la population), la banane plantain, le taro, l'igname, la
patate douce, le ma~s etc ..• La cul1;ure des arbres fruitiers
n'est pas systématiquement organ1.sée et la plupart des
fruits sont: banane douce, mandarine, orange, mangue, ananas,
papaye, avocat, goyave. Quant aux cultures mara1chères, d'o-
rigine européenne, elles sont en expansion. On peut citer
des tomates, de la salade, du chou, des aubergines, concom-
bres, haricots etc ... Et l'ONCA (Office National de Commer-
cialisation Agricole) n'a pour but que la commercialisation
de ces derniers. Les campagnes ne produisent plus assez pour
la consommation nationale. La solution trouvée par l'Etat
pour résoudre cette contradiction est l'importation de fortes
quantités de produits alimentaires, soit 8 000 BCFA par per-
sonne et par an contre 500 ft CFA en Haute-Volta et 2 200 FCF~
en cOte d'Ivoire en 1965.
En 1976, les prix de certains produits agricoles
des petits paysans, loin d'augmenter, avaient stagné, la
proàuction alimentaire baissant dans le même temps et les
chiffres officiels reconnaissent un déficit de 5 600 tonnes
de riz. Quant aux produits manufacturés, s'ils coûtent déjà
très chers dans les villes, dans les villages, c'est à des
prix exorbita~ts q~'on se les procure. On estime qu'en 19EC,
~3C COO ha seule~ent sont cultivés alors qu'en 1967, on re-
cenaai t
150 CCO hectares, ce qui laisse présager que la si-
tuation du petit paysan ne connaît pas d'amélioration essen-
tielle. l'Union (1) soulignait dans ce sens que: "les
(1) Article du 16 janvier 1976.
Quotidien gouvernemental

91
..
activités de pêche au Gabon sont surtout artisana~es, infé-
rieures aux eaux territoria~es gabonaises". Les protéines
anima~es proviennent du petit bétail qui vit autour des ca-
ses et aussi du produit de la chasse devenue de plus en plus
aléatoire. Le cheptel comptait, il y quelques années (1975),
4 500 bovins, 5 000 ovins, 50 000 caprins, 5 800 porcins et
350 000 volailles. Les efforts de développement de l'agri-
culture sont réduits à la création des cultures industrielles.
Le faible et artificiel développement des autres activités
industrielles, autres que les mines, le bois, ne va pas sans
poser de problèmes.
Il s'agit de la désarticulation de l'économie tra-
ditionnelle ne fournissant plus au paysan que peu de revenu
grignoté par les multiples impôts et taxes diverses. Il s'a-
git de la désintégration régionale, avec des déséquilibres
rébicn~ux qui résultent de la concentration des activités
économiques dans certaines régions sans lien avec le reste
du pays.
. t
Lorsqu'on sait quel\\le coût de la vie au Gabon,
pays réputé l'un des plus chers au monde, lorsqu'on sait que
très peu sor.t les villages gabonais où le camion peut arri-
ver ~iin de tra~sporter le peu de produit alimer.taire du
,;J2.,j'Sc.L vers les
grandes agglorrératiOns, or. devine la si tua-
tion de parias ~u'endure le rrcnde paysan, vivant de bois, de
torç~e de résine, ie la~pe à p8trole, le paysan voit son or-
g2.~~SLe très tôt épuisé. Le départ des jeunes vers les villes
et les ctantiers forestiers réduit la population active à un
faible pourcentage: 10 % de moins de trente ans, 31 ~ de

92
Il
plus de 30 ans et 11 % de plus de cinquante ans. Les vieUX
qui peuplent les villages aujourd 'hui sont pour la plupart
des jeunes d'hier des villes et des chantiers qui reviennent
au village les mains vides, épuisés par le capital et des
journées de dur labeur pour un salaire de misère. Une fois
épuisé, le travailleur est rejeté. "J':.onsieur capital" n'en
a plus besoin. A tel point que, pour bon nombre d'entre eux,
le retour au village est un calvaire car ne pouvant plus ni
chasser faute de force, ni faire des plantations dans un
milieu où les rapports capitalistes pénètrent tous les jours,
il leur faudra attendre trois mois et parfois plus pour que
la pension de retraite, déjà maigre, vienne.
Quant au peu de jeunes paysans qui restent, la
dégradation de leurs conditions économiques et sociales ne
leur offre d'autre choix que l'exode rural. Cette paupérisa-
tion des masses paysar~es est presque partout la même dans
le pays "en partie grâce à un échange non équivalent ; en
partie à une exploitation directe~ car tous les paysans ne
peuvent élever leur niveau de technique et d'organisation de
la culture. Et ceux qui sont éliminés du processus de pro-
duction n'ont aucune possibilité de trouver du travail dans
les villes.
Cette situation de misère du paysan a pour consé-
quence urle crise du mar8té intérieur, faute de ~iversifica-
tion de la ~rcduction et cela renforce ~~ logique ~u syst8rre
capitaliste dans la mesure où elle se traduit par l'offre
d'une main-d'oeuvre à bon marché. Cette détérioration des
conditions de vie pousse le paysan au découragement et à un

93
désintéressement quant au développement des cul~es indus-
trielles comme le c~é.
Ainsi, de nombreux paysans à Okondja ont, depuis
plus de cinq ans, devant la mévente du café, purement et
simplement abandonné cette culture dont il ne reste plus
que de vieilles plantations envahies par les herbes. Son
mécontentement et son hostilité à la condition qui lui est
créée se manifestent par le refus de payer des impôts écra-
sants. c'est le cas des paysans de ~imoul en 1971 et des
femmes de Franceville qui, en Mars 1976, se mirent en grève
en occupant la mairie de Franceville, parce que les autori-
tés s'étaient opposées à leur revendication d'aligner le
prix de leur manioc sur celui des autres centres urbains
comme Bakumba et surtout en rapport avec le coût de la vie
extrêmement élevé.
Il convient aussi de mentionner le cas de ces pay-
sans qui travaillent comme saisonniers dans les petites en-
treprises ou à la Société sucrière du Haut-Ogooué. En géné-
ral, ces entreprises emploient un très petit nombre de
travailleurs. Souvent, ces travailleurs ne bénéficient d'au-
cune protection sanitaire, malgré le fait qu'ils sont exposés
à de nombreux risques professionnels plus graves et plus
fréquents que dans les grandes entreprises.
~ais la diversité de situation économique, d'acti-
vités Fro:essio~~el1es de tous ces paysans, ne peut cacher
ce qui fait l'unité de cette couche sociale. l'habitation à
la. campagne à la ma r ge du progrès, la vie aux champs toute
concentrée sur l'activité agricole, elle-même dominée ~ar

94
JI
égé
umi

'
s naturels bé-
des rythmes v
tat1fs, so
se aux p
nomene
néf1ques ou maléf1que. qui échappent souvent à la mattr1se
du paysan, conat1 tuent -
entre autres - ces facteurs d 'unité.
Ils engendrent l'ind1vidualisme et la routine, mais aussi
l'entraide entre voisins. Ici, il y a encore beaucoup d'élé-
ments où la communauté traditionnelle produit maintenant
pour le marché afin de pouvoir acheter sur le marché des
biens et des services qu'elle se procurait elle-même autre-
fois ; on peut dire que le paysan gabonais ne peut plus en-
gendrer sa propre sécurité. Obligé qu'il est de se livrer aux
fluctuations des prix et du volume des achats, caractéristi-
ques du marché capitaliste.
Dans l'examen de ce problème, véritable "casse-
tête" pour les pouvoirs publics et le B.r.T., nombreuses sont
les propositions qui se font jour ces derniers temps. D'au-
cuns pensent qu'il faut affilier les agriculteurs soit au
titre de leur regroupement coopératif, soit individuellement
à la C.N.S.S. (1). Pour d'autres, il faut envisager la pos-
sibilité de création d'une mutuelle agricole comme en France.
Dans les deux cas, le problème des paysans ne trouvera pas
de solution. Car pour qu'il soit résolu, il faut atteindre
de~~ objectifs. Le premier est d'ordre économique: il s'agit
de relever la capacité de production et de consommation des
p~ysans. le deuxième objectif est social : il faut dévelop-
per une infrastructure sanitaire et sociale.
(1) Voi~ en ce sens: Obiang Ossibita (Thèse)
"La médecine
du travail au Gabon", Lille 1974.

"
95

La question se pose de savoir comment atteindre
ces deux objectifs. En ce qui concerne l'objectif économi-
que, -le problàme des paysans (gabonais) n·est-il pas aussi
qu'ils réclament de la nourriture alors que la fourniture
des denrées alimentaires relève d'un tout autre domaine que
la sécurité sociale"? La question qui se pose aussi est de
savoir comment augmenter la capacité de production et de
consommation des populations rurales. Comment moderniser
l'économie agricole non pas en vue de la rentabilité mais
pour la satisfaction des besoins des intéressés, en vue de
leur maîtrise et contrale des moyens modernes de production?
Comment réorganiser le circUit de distribution afin de per-
mettre aux paysans d'écouler régulièrement leur production
alimentaire vers les villes et de bénéficier régulièrement
d •un revenu ?
L'objectif à c~ractère social lui non plus n'est
pas facile à atteindre. La dégradation de la solidarité en
Eilieu traditionnel dans lequel le paysan trouvait sa sécu-
rité, plonge ce dernier dans une situation d'insécurité très
préoccupante. Les charges sociales, les multiples impSts
(imp8t du parti, impÔt du chemin de fer, impet de capitation
etc), les risques malaèie, vieillesse, les calamités Latu-
~elles etc ... sont le lot quotidien du paysan. Aussi, la
question paysarill6 ici ne peut être résolue correctenent à
r.ct.r e s.vi s SG.:~S envisager une
sclution ci' ensemble de trans-
fo~ation de la société, sans une nouvelle concertio~ èu ié-
-,-e::'C:f!~:t:-:.:,ent du secteur rural a:ïn de pallier à l'insuffisance
et à l'inégale répartition du personnel et de l'infrastruct~re

96
sanitaire, à l'impossibilité des popuLations rurales de faire
face aux dépenses sans cesse cro~ssantes de santé, afin de
prendre en charge cette jeunesse dont le taux de mortalité
infantile est très élevé et dépasse 146 p.
1000 en zone
rurale.
L'Etat s'est engagé, de par ses lois, à couvrir
les besoins sociaux de la cité ; or, nous l'avons suffisam-
ment montré et montrerons davantage plus loin, que les tra-
vailleurs ruraux sont exposés à des risques sociaux au m~me
titre que les autres travailleurs: ainsi, la vieillesse,
l'invalidité, la maladie, les charges familiales sont aussi
le lot quotidien des charges familiales du paysan. Les acci-
de~ts du travail existent aussi en milieu rural, etc ..• L'en-
semble de ces risques conduit à une insécurité de ressources
du monde paysan qui exige de la société une prise en charge.
La question qui se pose est maintenant de savoir
si, de par l'orientation prise par le développement qui met
l'accent sur les "priorités économiques", on arrivera à re-
dresser la barre. Existe-t-il une lueur d'espoir qui peut
permettre de croire que demain, dans les structures actuelles,
on cessera de faire accrottre les disparités dans les condi-
tions de travail et de vie entre la ville et la campagne ;
d'encourager l'exode désordonné, de susciter une urbanisation
archaïque ? la solution réside-t-elle dans une générélisation
èé l'écoLomie de rr:~rché et des rapports commerciaux ~ui fa-
ciliterait la redistribution du revenu en faveur des popula-
tians pauvres ? "~ politique de sécurité sociale n'eEt bien
sûr pas seule en cause et c'est tout le problème de la; place

respective du développement industriel et du dév~loppement
agricole dans le processus global de développement qui est
ici posé" (1). Peut-être est1me-t-on que la capacité écono-
mique du Gabon ne permet pas au pays de couvrir toute la
population de tous les risques sociaux . Auquel cas, les
paysans seraient les "laisser pour compte" de ce plan tac-
tique
SECTION II - CHAMP D'APPLICATION QUANT AlfA RISQUES.
Le système gabonais de sécurité sociale se carac-
térise par un champ d'application très limité, une certaine
complexité dans son organisation (co-existence de plusieurs
régimes) et une disparité dans les situations. Les autorité
gabonaises expliquent une telle situation par le fait que
Ille niveau de protection est fonction, d'une part du nivea-
de développement du pays considéré et d'autre part du con,
q\\U y est donné à l'idée de solidarité nationale" (2).
De ceci découle qu'un ordre de priorité pour le
champ d'application quant à la couverture des personnes e-
des risques a été donné en fonction de l'urgence, de la c,
cité économique du pays; de l'importance de chaque risqu
et que, ~t~nt dorillé l'état act~el du Gabon, les risques (
j.e:...rve rrt ê t r e couvert s sont
--_._--- -------
(1)
In Robert 0av"j' fl.:;écurité sociale €n
agriculture", ~.
r. 254.
-
.:,ï;ienne l'.ouvaCha, 2'2 c cng rès
....
,...
c;.c~L.-., F.

98
Il
- Risques communs
maladie
charges fam1~1a~es
vieillesse
survivant
action sanitaire et sociale.
- p~sques particuliers ou professionnels
accidents du travail
maladies professionnelles.
Le risque chômage n'étant pas protégé au motif que
tison institution se heurterait aux plus grandes difficultés:
ampleur et nature du sous-emploi, absence de mesures de con-
trôle efficaces en vue de vérifier la disponibilité du chô-
meur pour le travail" (1).
Nul doute que l'institution de l'assurance chômage
n'est pas la solution au problème du chômage et que seule
une politique de plein emploi peut y contribuer. Toutefois,
autant dire que l'absence de ce palliatif en Afrique con-
damne à la misère des milliers de travailleurs dans des pays
où les causes et l'étendue du chômage ne sont plus à nier.
Mais il faut aussi savoir que le système de pro-
tection sociale gabonais a pour traits : la variété des pres-
tations, des services accordés inégalement aux assurés et à
leur f'arr.d Ll.e .
=héoriq~en:ent, l'asEl.<ré bénéficie de l'assistance
n:é~icale, de diverses prestations en cas de maladie, acci-
.
c er... ts
.
~
~
cu vraVal.l., llis~adies rrofessiorxelles, congés nate r-,
~ité, retraite et invalidité.
(1) Cf. Rapport à la 5ème conférence régionale africai~e.
Abidjan, Sept-Oct. 1977, p. 14.

99
r
..
C'est ainsi q us, par exemp~e, en cas de ma~adie,
les assurés ont dro1.t aux soins "gratu1.ts" , cependant avec
une différenoe de traitement et d'indemnités pendant la pé-
riode d'incapacité, selon que l'on est fonctionnaire, expa-
trié, membre du gouvernement, ouvrier etc ..•
§ 1 - Un risque inégalement couvert : la maladie.
Dans la société traditionnelle, une personne frap-
pée de maladie était prise en charge conformément à la tra-
dition ; il recevait aide et secours des siens et autres
membres de son entourage.
Mais depuis l'époque coloniale, bien des choses
ont chan~. Le progrès entraîné par la médecine occidentale
n'a pas profité à tous.
La médecine moderne est entrée dans la société
gabonaise traditionnelle avec la colonisation par l'inter-
médiaire d'officiers de santé, puis de religieux. De même
que l'école, la médecine apparaissait pour le colon comme un
moyen "d'intégration" des populations rebelles. Les résis-
tances rencontrées furent grandes. Progressivement, une pé-
nétration s'opère à l'intérieur du pays, en particulier avec
la création des disper-saires dans chaque région et plus tard
dans chaque district. 30it 10 centres en 1950, 17 inf:rrneries,
9 naternités. Cette médecine v~ devenir peu à peu crédible
aQ~ yeux des populations, certains médicaments comme la pé-
nicilline, la Li vaquine
et de très grandes garar.tiez de
guérison.

100
Dans le mOme temps, pour 1es besoins des colons
et de 1'~ni8trat1on ooloniale, se développent une infra-
struc~re et un syst~me médical copiés sur la métropole au-
quel les Gabonais, dans leur grande majorité, n'ont pas accès.
Le personnel gabonais qui s'y trouve employé occupe des fonc-
tions subalternes.
Vers les années 1960, la scolarisation bien que
quantitativement très réduite, amène au compte-goutte quel-
ques médecins gabonais. Aujourd'hui, le bilan est presque
aussi maigre: 25 médecins gabonais. Parmi eux, nombreux sont
ceux imprégnés de l'idéologie de la médecine libérale qui
voient dans le corps médical une caste, jalouse de ,ses pré-
rogatives, qui devra se reproduire au sein d'un système
hiérarchisé. Four eux, la médecine doit être individuelle et
privée, débouchant sur les cliniques.
La médecine publique doit être pratiquée dans les
dispensaires et les centres de soins, implantée dans les
quartiers populaires, elle débouche sur l'hôpital.
En 1960, lorsque le Gabon est indépendant politi-
quement, il hérite d'un mode de conception et d'organisation
de la santé hybride avec la co-existence de deux secteurs
public-privé, une infrastructure sanitaire déséquilibrée dans
s& réyartition. Depuis lors, la situation n'a pas fondamen-
talement changé, une série de mesures ont été prises pour
p~l~ier ~u ~~~~ue dE médecins, pharmaciens, dentistes par la
création d'une école d'infirmiers, d'une faculté de médecine,
l~ construCvion ~'un hôpital par ci par là, augmentation des
différents budgets de santé sans pour cela que le déséquilibre

101
d'infrastructure et des soins ne se corrige ni ne permette
t
soins
Commen t ex-
aux popu1ations d'accéder 1ibremen
aux
.
pliquer ce1a ? C'est ce que nous allons voir en examinant
l'organisation du système de santé au Gabon.
L'ORGANISATION DU SYST~E DE SANTE AU GABON
===============--==========
L'organisation de la santé au Gabon a hérité d'un
système colonial suranné qui, jusqu'à ce jour, ne s'acquitte
pas selon les attentes des tâches qui lui incombent. Jusqu'en
1971, c'est le réglement du 2 août 1912 sur l'organisation
et le fonctionnement du service de santé d'outre-mer qui
s'est appliqué au service de santé gabonais. La structure
actuelle, régie par le réglement du 20 février 1971 approuvé
par le décret nQ 646 du 24 juin 1971, n'a pas innové grand
chose et main1ie!'~t
les anciennes barrières au libre accès
des populations aux soins de santé, à tel point que la situa-
tion actuelle se caractérise par le'développement d'une mé-
decine de classe, une insuffisance et incompétence du per-
sonnel, une bureaucratie paralysante, une insuffisance des
ressources financières (sauf quand il s'agit d'une politique
~e prestige et du Sfestaculaire) et enfin, par le développe-
ment d'un secteur privé qui prend le pas sur l'organisation
de la santé ;ublique.

102
l - L'organisation de la sapté publique.
a) L'organisation administrative.
L'organisation administrative se présente à dif-
férents niveaux. Au niveau central, le secteur public est
dirigé par le Ministère de la santé et de la Population.
Sont rattachés à ce dernier: l'Inspection de la lutte contre
les grandes endémies; l'Inspection d'administration géné-
rale et financière; la pharmacie centrale d'approvisionne-
ment chargée d'équiper toutes les formations sanitaires du
pays en médicaments et matériels ; le laboratoire national
de Libreville chargé de faire tous les examens demandés par
les médecins de C.H.L. et privés, médecins régionaux; l'écolE
nationale de santé et une faculté de médecine. Dans chaque
région, il y a un médecin-chef qui assure la liaison des
services sanitaires régionaux avec la préfecture et la direc-
tion de la santé.
Voyons maintenant quelles sont les formations sa-
nitaires du secteur public.
b) Les équipements sanitaires.
C'est le réglement sur l'organisation et le fonc-
tionnement des formations sanitaires en République Gabonaise
du 24 juin 1~Î1 qui est le fondement du classement médical
et des hôpitaux gabonais actuellement (1).
Voir ~ ce ::roDoCè
-"~ -.:...,.,.,.,,, Toi "'-+-+p
..,ou~:·~~
"Le s -, f"-~l-+r_- X
_........
_ . . . . ,
~ -- - -- - _.,.V
.r.L. - '" '.J -
J
...... ' - ' __

.:...;
~~ \\,...' \\-'
V c... LA 10.
ran ais et -atùr..E:l.is
etude de legislation comparée"
'
,
h
T ese, Houen 1977, p.
39.

12) Le Centre hospitalier de Libreville.
Hier appelé Hôpital général, le Centre hospitalier
de Libreville regroupe divers services : un service de chi-
rurgie, à la tête duquel se trouvent un chirurgien-chef, un
chirurgien-chef adjoint et trois assistants, trois salles
d'opération et deux salles d'interventions courantes et une
salle d'orthopédie, traumatologie, une salle de plâtre, une
salle de stérilisation, un service de réanimation pour tout
le Gabon placé sous la surveillance d'un infirmier major.
Le Centre comporte un service d'hospitalisation divisé en
deux catégories: d'une part, il y a une catégorie payante
elle-même subdivisée en trois sous-catégories, et d'autre
part, une catégorie di te "indigents" pour les pauvres, à 1:
charge de l'Etat.
Toute différence de catégorie entra1ne une difff
rence matérielle, aussi comprend-t-on que la catégorie pa?
puisse jouir d'un certain luxe : chambre individuelle avec
climatisation pour la première catégorie ; chambre à deux
trois lits pour la deuxième et troisième catégoriee. La ql
lité des soins et d'alimentation variera aussi dans les ~'
proportions. Quant f;.UX "indigents", ils sont placés dans
8hambres cOD~unes de six à huit lits souvent malpropres e
~al traités. ~e service de médecine suit la même logique.
La médecine A est dirigée par un ffi?decin chef qui reçoit
quement les mal~jes ce ;remière et àeuxi6Ee catéGCries
crvée aux hauts fonctionnaires et aux personnes mieux ;

104
..
financièrement; la médecine B reçoit les malades de la
troisième oatégorie (petits fonctionnaires, élèves), elle
assure la consultation externe des fonctionnaires. Pour les
masses populaires, il existait jusqu'en 1974, dans la même
enceinte, un service appelé "la médecine Kong". Depuis lors,
cet hôpital a été transféré à onze kilomètres de Libreville
à la périphérie.
Le service de pédiatrie est lui aussi divisé en
deux: la pédiatrie A reçoit les enfants malades des trois
catégories vues plus haut avec un service de réanimation
infantile.
A ce service s'ajoutent d'autres: le service
d'ophtalmologie, le service d'ORL, le service de maternité
et de gynécologie, un laboratoire national, des centres de
PMI et un centre de nutrition. Et avec l'hôpital de Nkembo,
qui comprend deux services (l'un s'occupant de la phtisiolo-
gie et l'autre àes grandes endémies), on peut dire que le
nombre d'hôpitaux publics à Libreville reste très limité.
Alors qu'au niveau régional, dans chaque chef-lieu èe région,
il Y a en principe un hôpital sur tout le territoire gabonais
avec un ou deux médecins, une léproserie à Ebène près d'Oyem
et un centre médical (1) dans chaque district.
:,1)
:;'est le cas de Ear~go, 8ocobeach, Omboué, Gamba, lidjolé,
Bcué , }-ékarnoo, Las t.r-ouvdLl e , Ok on j a , dekoni, Akieni,
rO:::.TiÙa,
Cvs.r., >:le11clé, !·:~igou, :r-:ié,:":!1[;o, Le banba , ?ougar::ou,
Y8..::e~èa, Foabi, 3i t aa , r .i.nv ou.L, ~~edoUlleu,
Fana, 1·:and~i.

105
(ii) ~~~~~~~~_E~~~~~!!~~_~~~~~~~_E~~_~~_~~~!~~_~~_~~11~
contre les grandes endémies et la médecine du tr~!~!~.
-----------g~-----------------------------------
Dans le domaine du service des grandes endémies,
il existe théoriquement autant de secteurs des services des
grandes endémies q~'il y a de régions administratives avec
un médecin et une équipe mobile d'une dizaine d'infirmiers
sa mission est de dépister les maladies, vacciner la popu-
lation contre les grandes endémies: variole, rougeole, tu-
berculose etc ... Mais la lutte contre le tétanos, la coque-
luche, la poliomyélite n'est pas prévue. Les actions de pré-
vention doivent théoriquement permettre la surveillance de
l'ensemble de la population et comprennent en outre les
centres de PMI pour les mères et les enfants.
Les PMI (centres de protection maternelle et in-
iantile) assurent en général la surveillance pré et post-
natale des mères, le dépistage et la prévention de la mal-
nutrition et des diarrhées des nourrissons par la surveillance
des enfants et de l'éducation des mères (conseils diététi-
gues, séances d'éducation sanitaire) ; les campagnes de vac-
cination de tous les enfants ; les consultations pour les
femmes en grossesse. Mais, dans les fa.i ts, les P1·~I répondent
diff~ci~e=ent S ces ~ôles, va.c~in~:~ons, pesées à l~ cr.aîne,
manq~e de persoLnel, absence d'un travail d'équipe par man-
:ûrrr2tior. dans ce sens, difficultés à s~isir - , .
.; ~rrr: cr-
t ar.c e ë. "ur.e actior. 8..:..ivie.
èe santé général de la population active, le manque de cadres
,
et de moyens rendent difficile la connaissance des risques

106
professionnels et leur maItrise. Les statiatiques en matière
d'accidenta du travail de la caisse révèlent une tendance à
l'accroissement du nombre d'accidents du travail et laissent
apparaître qu'en 1975, 10 000 travailleurs ont eu un acci-
dent; en 1976, ce chiffre passe à 12 516 accidentés pour un
coût évalué à 600 millions FeFA pour 1975 et 700 millions
pour 1976. Quant aux maladies professionnelles, il paraIt de
plus en plus difficile de déterminer leur importance dans la
situation actuelle; leurs symptômes étant noyés dans le ta-
bleau de pathologie générale.
Par ailleurs, si théoriquement toute entreprise au
Gabon est dans l'obligation devant la loi de dispenser la
médecine aux travailleurs soit en créant un service autonome
de santé (cas de la CO~ILOG) soit s'en remettant aux services
de la CNSS, on remarque des insuffisances qui se traduisent
par la con!ùsion entre médecin du travail et des soins. Les
travailleurs ignorent leur droit à la médecine du travail et
ne peuvent obliger leur employeur à la leur assurer ; la
surveillance des lieux de travail et les études de poste sont
quasiment inexistantes, la médecine du travail se limitant
aux visites d'embauche à des visites de contrôle périodiques.
Les moyens mat~riels et h~ains sont mal répartis. ~onsieur
otiang Ossoubita déclarait : "La m~decine du travail est très
en retard au Gabon. Il faut assurer d'une part, les chefs
~'entreprise q~i ne voient pRS trop la nécessité de faire
s~bir aux travailleurs les visites d'embauche et d'autre part,
les respo~sables de l'inspection Qe l'hygiène et de la méde-
cine du travail qui, au lieu de rester dans les burea~,

107
doivent entreprendre des opérations ponc~elles et diffuses
dans les différents quartiers et aussi à l'intérieur du
pays" et il regrette que "les médecins n'ont pas de cons-
cience professionnelle" (1).
En fait, dans le cadre des services publics de
santé, malgré le principe de l'assistance médicale gratuite
des soins et des médicaments qui est affirmé, il existe di-
vers tarifs d'hospitalisation selon la catégorie sociale du
malade. Les tarifs d'hospitalisation déterminés par l'arrêté
nQ 315 du 28 mai 1959 sont conçus en fonction de cinq caté-
gories dans les hôpitaux de Libreville, Port-Gentil, de trois
à quatre dans les autres établissements hospitaliers. Les
soins médicaux sont aussi différents que le confort matériel
et les repas (quand ceux-ci &ont fournis par l'établissement);
les malades plus ou moins bien soignés selon la catégorie
sociale, la progression s'effectuant de la cinquième à la
première catégorie comme nous le verrons plus en détail plus
loin.
Selon Hervo Akendengué (2), "les catégories réel-
lement payantes sont constituées par les victimes d'accidents
du travail pris en charge par leur régime de réparation con-
formérnent à la lei n2 3/59 du 16 février 1959 par le personnel
~ospitalisé, p~r le personnel hospitalisé de certaines grandes
entreprises, par le personnel du service des postes et
(1) Ln s pe c t eur- de ::'a n::':de~ine dl'; travail
"Uni on" du 2 5
j~illet 1~7E, r. ~.
(2) Cf.
"Cahiers africains de sécurité sociale" 1969. J

108
..
télécommunications, par les étrangers à leurs frais prove-
nant du secteur indépendant, par les étranBBrs pour les-
quels une convention a été conclue entre le Gabon et l'Etat
dont ils sont ressortissants.
Quant aux indemnités de maladie, selon la loi por-
tant le code du travail (article 46), pendant la durée de
l'absence du travailleur, en cas de maladie d~ent constatée
par un médecin, dans la durée limite d'un mois, durée cor-
respondant au préavis, l'employeur est tenu de verser à
l'employé une indemnité égale au montant de sa rémunération.
La durée du préavis est fixée, compte-tenu notamment du con-
trat de travail, de la catégorie professionnelle et l'an-
cienneté du travailleur dans l'entreprise. Elle est égale à
une heure pour les travailleurs rémunérés à l'heure ou à la
journée et payés chaque jour ainsi que pour les manoeuvres
ay~t moins de quinze jours de présence dans l'entreprise à
huit jours ouvrables pour les domestiques et travailleurs
rÉmunérés à l'heure ou à la journée.
Pour les fonctionnaires, la situation est encore
plus avantageuse. D'après l'arrêté nQ 11/MFP du 9 janvier
1959, en cas de maladie dûment constatée mettant le fonction-
naire dans l'iŒpcssibilité d'exercer ses fonctions pendant
une aurée de ceins d'un wois, il est considéré comme étant
e~ ~osition d'abse~ce rég~li~re. ~ si la durée d'absence est
conێ
de maladie. l'adEinistration peut alors exiger un exa-
r.er. ;:;. 'un r::~:iE:cin asserment~ O"CA j r ovoque r une expertise par
le conseil de santé local. Le fonctionnaire en con~ d.

109
maladie conserve l'intégralité de son traitement pendant
une durée de trois mois; 1e traitement est réduit de moitié
1es mois suivants comme i1 conserve par ai1leurs ses droits
aux prestations familiales. Le fonctionnaire qui a obtenu
pendant douze mois consécutifs des congés de maladie d'une
durée totale et ne peut reprendre son service à l'expiration
du congé est soit mis en disponibilité, soit s'il le demande
et s'il est reconnu définitivement inapte, mis à la retraite.
Il a droit en outre au remboursement des honoraires médicaux
et des frais entraînés par la maladie ou accident ; dans ce
cas, l'avis du conseil local ou du conseil supérieur de la
santé est obligatoirement requis~
~~eux, le fonctionnaire en congé ou en mission a
droit où qu'il se trouve, aux mêmes conditions d'hospitali-
sation que celles en vigueur au Gabon. Un congé de longue
durée est accordé de droit au fonctionnaire atteint de tu-
berculose, de maladie mentale, de poliomyélite, d'affection
cancereuse etc ... Le fonctionnaire conserve alors l'intégra-
lité de son traitement pendant les trois premières années,
il en reçoit la moitié pendant les années suivantes. Si la
maladie donnant droit à un congé prolongé a été contractée
dans l'exercice des fonctions, ces délais de deux et trois
~~~ées sont respectivement portés à trois et cinq années. Le
bénéfice de congé de longue durée est étendu à tous les fonc-
tiJr~~ires. les fonctionnaires qui sont reconnus hors d'état
d'assurer convenablement leur service à la suite d'une maladie
dûcent cOLstat2e, peuvent bén~:icier de congés de conv~les-
cence. Ces congés sont accordés pour une période de tr~is

110
..
mois renouvelable. Et pendant ces con~s, les fonctionnaires
peuvent prétendre à la rémunération intégrale pendant six
mois ; ils peuvent prétendre à des con~s spéciaux pour cures
thermales etc ... , ce qui leur confère une sécurité qui n'a
rien de comparable à celle des ouvriers et leur famille même
si une action sanitaire et sociale a été aménagée pour remé-
dier à cette situation.
II - L'action sanitaire et sociale de la Caisse nationale
de sécurité nationale.
L'action sanitaire et sociale a été instituée par
les dispositions du décret nQ 6/PR du 7 janvier 1963 (1).
D'après ~. Hervo Akendengué, c'est l'insuffisance des centres
de soins et de personnel médical et para-médical en Afrique
qui a conduit les caisses de sécurité sociale à envisager la
création de leurs propres centres de soins (hôpitaux, dis-
pensaires etc ... ) et à organiser des camps de vacances et
autres actions sociales pour les assurés (2).
Créée en 1956, sous la dénomination de Caisse de
compensation des prestations familiales, la Caisse nationale
de sécurité sociale voit depuis lors son champ d'action
s'él~rgir. C~tre ~u'elle cctroie des prestations en espèces
et en nature (distribution layette, lait en poudre .. ,), elle
di2t~ibue à p~rtir d'une liste de 77 médicaœents des produit?
(1) 70ir cahier africain de s.s. nQ 1 r:ars 1S67, p •
.
3.
\\ L )
"
Il
"
Il
42 conférence régionale
Libreville 2-12 février 1972, p. 50.

111
,"
..
pharmaceutiques aux assurés et ayants droit; elle a cons-
truit de~s 1958 p1us d'une quinzaine de centres médico-
sociaux réservés aux assurés et particulièrement au person-
nel de la caisse et leurs par-ent s ; elle a ouvert depuis
~ars 1978 un hôpital pédiatrique, une clinique; elle détient
un centre de médecine du travail à Libreville ; dispose
d'un cabinet dentaire, un cabinet médical itinérant dans la
préfecture de Ndjolé (zone forestière de l'exploitation du
bois) ; elle emploie environ une vingtaine de médecins,
d'assistantes sociales, des sages-femmes, puéricultrices,
monitrices d'enseignement ménager, une équipe d'infirmiers
et infirmières, etc ..•
Dans le même temps, elle construit des hôtels et
cités d'habitations qu'elle met en location à des personnes
solvables.
Le déveloPFece~t d'une telle activité v~ certes
dans le sens de l'orientation vue plus haut et aide à l'ac-
croissewent des moyens et infrastructures dont a besoin la
formation sociale gabonaise, mais il faut dire que cela se
fait tout en excluant la majorité de la population non assu-
rée des services de la caisse.
Dans ce sens, il est c~rr.e perœis d'avancer que la
Lort~e èe l'action ce la ~aisse est lirrdtée lorsqu'on l'examine
;luE en d4tail. Les dépeLses de la caisse qui sont en pro-
: :'e r;s.ie-
ment des êifiérentes pr-e s t at Lons , les frais de pe r s cnn e.I et
r:::::..t-oiri8': né c e es a t.é e par s cr; :for.ctionrJ.ement ; le r erccour-eement
des avances de collectivités locales et entreprises privées;

112
..
théoriquement, la gestion de chacune des branches est dis-
tincte et les ressources d'une branche ne peuvent être af-
fectées à la couverture des charges d'une autre branche;
dans les faits, la progression des dépenses pose l'équilibre
financier de l'institution. Bien plus, la progression des
dépenses n'est que rarement suivie d'une augmentation des
allocations et des taux de prestations.
Et l'on peut voir par exemple qu'en 1971 le total
des entrées s'évaluait à 1 827 000 ~ CFA provenant des pres-
tations familiales~ 948 500 000 & CFA; des accidents du
travail pour 408 700 DOC gcFA ; assurances vieillesse pour
406 500 000 et des revenus financiers divers pour 63 300 OOO?:
Au 30 novembre 1971, l'actif du bilan s'élevait à
2 224 149 036 FCFA. Sur ce total, 1 175 207 615 PCFA furent
versés à l'Etat comme prêt (prêt à l'O.N.C.A., dépôt au Tré-
sor), prêt à la société équatoriale:
cor~truction de loge-
ments ... Comme on le voit, presque l'essentiel de l'actif de
la Caisse est so~~ent versé à l'Etat, pour qui apparemment
la caisse est une source commode de financement, vu qu'il
peut aussi lui-même fixer les taux.
En ce qui concerne les sorties, sur les
297 348 633 FCFA de dépenses de l'année 1~71, la conférence
Cli,,'aint estime que la rr:oitié au moins va pour le persor..nel,
fr-a Ls de personnel, autos, logements, les frais de bure au ,
orciinateu.r, 1== et c ut r-e s frais générau.x, alors que 1o,;: 5
des revenus étaient consacrés aux allocataires.
~.ue dire à. pr cpc e des "r..aba t.a ta on s sociales" q"l;.'ei.::",-
développe. Les appartements et maisons construits sont loués
,

"
à des prix si élevés qu'aucun ouvrier vivant de 50 000 ou
40 000 FCFA ne peut y accéder. On comprend alors pourquoi
il n'y a que les hauts fonctionnaires .et le personnel haute-
ment qualifié des entreprises privées qui peuvent s'en per-
mettre l'accès. Mais la contradiction apparaît lorsqu'on
sait que ces logements sont construits sur les fonds des
travailleurs, et que ce sont ceux pourvus de moyens qui bé-
néficient de la jouissance.
Aussi, nous nous demandons: est-ce par souci de
résoudre la question du logement des plus démuniS que la
C.N.S.S. s'est livrée à de telles opérations ou par souci
de rentabilité? Pierre Mouton (1) écrivait, à propos des
limites d'une action de la caisse, parallèle à celle de
l'Etat, qu'elle était limitée pour plusieurs raisons. Cette
action non planifiée et menée au coup par coup ne pouvait
~tre efficace ; son ffiode de financement est aléatoire dépen-
dant souvent des ressources disponibles dans les autres braD-
ches d'assurances sociales; l'octroi des secours individuels.
qui n'est qu'un palliatif et peut créer une mentalité d'as-
sistés, prévaut sur les interventions de caractère collectif.
Les jardins d'enfants, édifiés à grands frais au profit de
quelques dizaines de privilégiés, les colonies de vacances,
absorbent des ressources qui seraient mieux employées autre-
ment; l'action en vase clos de la Caisse conduit à l'épar-
;ille~e~t Ges efforts.
( i) ia s éc urL t.s sociale eL ~frique au sud du üahara, ?;.l.T.
19741-.-------=-=:.....:..---.:-::.::--==-=..;~:.::-.:.-.-::.:..:.~~-=-=-.::=.:==:..=.

114
.:
"
La situation actuelle est que la Caisse semble de
plus en plus se trouver dans une situation de fait qui ne
lui permettra pas, à moyen ou à long terme, d'être en mesure
de limiter le service de ses prestations à ses seuls res-
sortissants et à leurs familles ; dans le même temps, les
moyens dont elle dispose ne lui permettront pas une action
de grande envergure afin de satisfaire les besoins des autres
couches de la population.
La question se pose dans quelle mesure le dévelop-
pement d'un secteur privé de santé parallèle pourra venir
en aide à l'Etat et à la Caisse pour combler le vide?
III - Développement d'un secteur de santé privé parallèle.
L'hepital Schweitzer de Lambaréné est une formation
privée. Il fut créé par le Docteur Schweitzer au début du
siècle et du vivant de son fondateur; l'hôpital Schweitzer
était un lieu "où on soignait, on pensait, on y vivait dans
l'ambiance d-un "village nègre", les poules picorent entre
les cases, chaque malade vit dans son coin avec au moins un
"gardien" membre de sa famille qui s'occupe de lui, prépare
ses repas ... , la fumée des feux de bois pique aux yeux; les
~al3rles graves sont installés dans leurs chambres avec fa-
kille, armes et bagages ... si d'avantage la pluie tombe, on
pstauge dans un bourbier pour aller d'une case à l'autre ou
I-:êI:le si, COI:'Jr:e le prétend la Revue des 2 Fondes du
If';
g';n.2rate urs assurent l' élimen-
tation en courant électrique de la salle d'opération ~ telle
( 1) l'. 239

115
..
sorte que la défaillance de l'un d'eux soit sans conséquence
pour les chirurgiens et pour les op~r~s,
qu'il existe des photomètres, centrifugeuse électrique, étu-
ves, réfrigérateurs et microscopes, un service de radiologie
très équipé ... , électrocardiographe, cystoscope, oesopha-
goscope, gastroscope et microtome"
il n'en demeure pas moins que "le paradoxe" du vieux doc.teur
nous donnait autrement l'image de ce "grand héros de la fra-
ternité que fut Schweitzer" et son hôpital comme le disait
cette même année Paul
Joachim (journaliste Bingo) qui ca-
ractérisait en ces termes "llllustre humaniste" de Lambaréné
dans sa vraie nature.
"C'est un vieil Alsacien des siècles révolus, ar-
chafsant en diable, un paternaliste et un individualiste de
la plus belle espèce, qui s'installe à Lambaréné ...
Sa légende, il faut avoir le courage de le dire,
fut une monumentale mystification. Il était farouchement en-
nemi du progrès de l'homme. Pourquoi n'aurait-il pas choisi
l'Afrique, terre des ténèbres, pour vivre sa doctrine, pour
exister selon sa propre philosophie, selon sa morale fondée
sur le seul principe du respect de la vie ?
Ailleurs, i l eût cormu des restrictions, des con-
traiLtes, ~~e certaine gêùe ...
En tout cas,
ce n'était pas un grand médecin.
Ses
le dos à l'art moderne de guérison des malades.
Li. Y 2. vr-a i.r.en t
G.e q uc i
nurLe r , cie quoi se c cr.auraer
de rage lorsque vous entendez Schweitzer prétendre que;les

116
besoins de l'hygiène du malade gabonais sont autres que ceux
des hospitalisés de Strasbourgft (1).
Et depuis 1971, 1es successeurs de Schweitzer ont
pris la décision de construire à Lambaréné un nouvel hôpital
comportant de nouveaux bâtiments, une polyclinique, deux
services de chirurgie, une maternité, un centre de pédiatrie
et de protection maternelle et infantile ..•
Quant aux anciens bâtiments restaurés, ils servent
maintenant de musée. Il reste que le mythe de l'hôpital
Schweitzer qui est resté propagé, perd tout son sens lors-
(1) "Et les villages les plus profonds de la brousse afri-
caine sont dix fois plus propres que cet hôpital branlant
et malsain de Lambaréné où l'aseptie n'est guère respec-
tée ; où manquent l'eau courante et l'éleEtricité, le
confort le plus élémentaire, où règne encore une dange-
reuse promiscuité entre malades et bien portants, où
chaque malade est gardé par les siens, comme au village,
au milieu des marmots, des poules et des chèvres, des
canards, des moutons.
Oui, Schweitzer cherchait un lieu au monde où il puisse
vivre en parfait accord avec ses principes moraux.
Le fleuve Ogooué est un grand cimetière, cela tous les
·]abonais le savent. On y trouve des centaines de caisses
de médicaments, de pénicilline, d'antibiotiques. Le grand
sorcier blanc qui reçoit tout cela en dons du monde en-
tier prétend que le nègre pour guérir et pour vivre, n'a
pas besoin des progrès de la science, et il lui faut aussi
son milieu naturel et non pas une formation sanitaire
moderne pour vivre et guérir", poursuit Paulin Joachim.


qu'on sait ce qui s'y passait en fait.
Le journal Jeune Afrique (1) donnait la même idée
de l'hôpital Schweitzer en ces termes
"Le Gabon est l'un des pays d'Afrique les plus
riches en équipement sanitaire. Pour 445 000 habitants, il
y a 4 hÔpitaux, 30 centres médicaux, 22 postes de radiologie.
9 équipes mobiles d'hygiène et de prophylaxie, 2 centres de
protection maternelle et infantile. La vaccination systéma-
tique y a pratiquement éliminé la fièvre jaune et la variole
La lèpre, la terrible trypanosoniase et le paludisme sont eI.
complète régression."
"Au milieu de cet effort de modernisation, une
plaie, un cloaque, ce que l'on appelle "lhôpital de Lamba-
réné rr • Conçu selon des principes typiquement racistes, les
malades portent des étiquettes : "indigènes" pour les Afri-
caans , "européens" pour les métissés. Dans l'affaire Schwei
il Y a trois aspects :
1- La mystification: le monde entier imagine que LambarénÉ
est le seul coin où l'on puisse se soigner en Afrique,
alors que l'hôpital du docteur Schweitzer soigne plus me
que partout ailleurs.
~- L'anomalie. Alc~s que le Gabon tente de moder~iser ses
méthodes médic~les et y réussit, la persi2ts~ce de ce ~
sanitaire de\\ient scandaleuse.
à Lambaréné
~anQats, dons en médica~ents, apparei~2
(1) Cf. Jeune Afrique nQ 10 du 24 au 30 sept. 1962.
;

118
..
Si jusqu'en 1970, en dehors de l'hôpital Schweitzer
créé au début du siècle, la médecine privée n'était pas trop
répandue au Gabon, la situation de ces dernières années est
marquée par une accélération de ce processus, surtout dans
les villes comme Libreville, Port-Gentil.
Si les médecins coopérants, étant sous contrat
sont plus ou moins obligés d'en respecter les clauses, par
contre, nombreux sont les médecins gabonais qui, ne voyant
pas de perspective de faire carrière et s'enrichir dans le
secteur public, préfèrent ouvrir qui, sa clinique privée, qui
son laboratoire, qui sa pharmacie; à tel point que le sec-
teur public est délaissé, sans équipements, un personnel in-
suffisant et en déséquilibre. Alors que les équipements hos-
pitaliers font défaut dans le secteur public, le gouvernement
aide à la construction du secteur privé en donnant subven-
tions ou en construisant des cliniques privées etc ... dont
les frais sont excessivement chers. Un accouchement, par
exemple, à la clinique chambrier, revient à 150 ooe PCPA, le
prix d'une consultation èst de 5000 PCPA.
Le fait que la médecine au Gabon est de plus en
plus conçue pour les riches est une preuve que"~.
l'areent"
tr2verS€
tous les =~lieux et SEt illustré par le décret n~
CCc7 P~/~S du 2 octobre 1969, J.O. Octobre 1969, qui institua
"le1: c onsu.l t.et i on s payan t e s daris les hôp.i t aux publics", à
rai2Cr. de 2CC F~?~ ;our les ad~:tes, 100 F~?~ pour les e~-
far.ts de 5 à i2 ans.
Dans le secteur privé, des sociétés comme EL?,
CO~ILOG, CO~nŒ ont certes construit chacune un
centre'pour

119
l'entretien de sa force de travail, mais il faut dire qu'ici
aussi les services sont divisés en services cadres et ser-
vices ouvriers et la qualité des soins est fonction de la
catégorie sociale à laquelle on appartient. Mieux, la pra-
tique de ces dernières années, faute de médicaments dans les
hôpitaux, à délivrer systématiquement une ordonnance à tout
consultant montre on ne peut plus clairement qu'ici la maxime
populaire selon laquelle "la santé n'a pas de prix" est un
leurre.
Le journal "Union" du 24 avril 1979, dans un ar-
ticle intitulé "Autopsie des cliniques privées", révélait
qu'"Aux patrons des cliniques privées, il est reproché d'être
trop chers, de gonfler leurs ordonnances au profit des phar-
maciens avec lesquels ils ont tissé des liens multiples dans
le seul but d'exploiter les clients". L'Union ajoute: "Les
rralades ne font qu'engloutir énormément d'argent sans pour
autant retrouver leur santé. La preuve, c'est la longue liste
des décès dans les cliniques privées, qui ne prennent même
pas la peine de suivre la nomenclature des tarifs officiels.
Beaucoup de propriétaires de ces établissements
ont avoué ne pas être au courant de l'existence de cette no-
mer.cLature ... Il •
Ainsi sont posés les problèmes d'infrastructures
a~~uels c'ajouter.t ceux du personnel.
- Les Droblèrr.es du nersonnel.
Les Nations Unies avaient fixé, pour l'année 1S?û,
terme de la décennie, les objectifs suivants en matièr~ de

120
"
formation de personnel de santé des pays du tie~monde
_ un médecin pour 10 000 habitants,
_ une infirmerie pour 5 000 ha bitan ts ,
_ un technicien (laboratoire et radiologie) pour 5 000 hab.
- un auxiliaire sanitaire pour 1 000 habitants,
- un technicien de l'assainissement pour 1 500 habitants,
- un ingénieur sanitaire pour 250 000 habitants.
C'est sur la base de ces indicateurs que les auto-
rités gabonaises proclament tous les jours la nécessité de
la for~mation d'un personnel de santé.
8es objectifs, que devraient atteindre les pays
africains, s'inspireraient des normes des pays capitalistes
développés où il y a un médecin pour 500 ou 100 habitants.
Or depuis, si certains de ces pays du tiers-monde
ont accéléré la formation de certains de leurs cadres, en
espérant par là améliorer les conditions de santé de la po-
pulation, force est de constater que nombre ne l'ont fait
qu'au com~te goutte et au Gabon, la situation qui est à
l'aggravation des maladies l'est aussi en matière de personnel.
Jusqu'en 1974, le personnel était constitué dans
le secteur public de 59 médecins, 2 pharmaciens, 19 sages-
fem:rnes et 75~ infirmiers. Il s' y aj out ai t, dans le secteur
privé, près ~e 22 médecins traitants. Aujourd'hui, il y a
enviro~ ~5 m~iecins g2bonais à côté d'un puissant contingent
de coop~rsr.~2 français, quelques Jano~éens, lia~tiens et
Guinéens, soit un total de 144 médecins dont 72 exercent à
Libreville, la plupart dans les cliniques privées. Quatre
cents lits pour une population estimée à un million d'mabi-

121

tants. Il s'ensuit que les soins ne sont pas répartis éga-
lement à l'ensemble de la population. Si les villes sont
passablement pourvues, les campagnes le sont plutôt mal.
Ce déséquilibre a pour cause la concentration des
effectifs et des moyens thérapeutiques dans les villes, mais
aussi l'insuffisance et le manque de personnel dans certains
districts et en milieu rural. Abond.ant dans notre sens, Th.
Piette (1) écrit : "Le personnel de santé publique (au Gabon)
apparaît à la fois comme un personnel pléthorique et un per-
sonnel de pénurie. Personnel pléthorique, car l'ensemble de
la fonction publique regroupe environ 1 100 agents pour un
million d'habitants (chiffre officiel) et est particulière-
ment encombré, santé comprise, par les "petits protégés" qui
sont d'~~e utilité pratiquement nulle. Personnel de pénurie,
car insuffisant en nombre et en formation pour assumer les
diverses tâches de la santé".
"La faiblesse des moyens du service des grandes
endémies est te~le que beaucoup de nos villages ne sont vi-
sités qu'une ou deux fois par an et encore !" nous rapportait
un infirmier gabonais en Novembre 1978, au cours d'une con-
versation. Le quotidien gouvernemental "Union" confirme cette
sit~tion en révéla~t dans un article du ITois de novembre
1~7E la déclaration du rrinistre de la santé Kamiaka qui sou-
lignait le manque Q'e~~adrement don: souffre lé personne~
consistant à percevoir des honoraires pour les s~rvice~ ren-
d.'J_ S C4 ~u' i~v • ~
r .
-
ft
. ....
..L:.
(? )
_ .
(1) Cf. Les hôpitaux français et gabonais, thèse Rouen 1977
(2) Cf. Un~ on
p. II.

3 novembre 1978, p. 5
.

122
Et comme la plupart des médecins coopérants qui
exercent dans les h8pitaux du Gabon sont en majorité des
étudiants stagiaires sans connaissances approfondies de leur
métier ni du milieu où on les envoie, aussi se considèrent-
ils comme étant simplement de passage.
Quant aux médecins gabonais, nombre d'entre eux
sont enclins à des postes politiques, d'autres veulent à
tout prix se maintenir à la capitale (Libreville) ; certains
avides de fortune, préfèrent se livrer à une entreprise com-
merciale en ouvrant des cliniques privées.
La création à Libreville d'une faculté de médecin(
où il n'y a que 5 étudiants en 5ème année, n'est pas pour
résoudre dans l'immédiat le problème du manque de médecins.
La situation d'ensemble est telle que l'absence
de détermination, l'inconscience professionnelle, l'abseL-
téisme, l'esprit de négligence sont monnaie courante. On
comprend dès lors que diagnostics et prescriptions médica-
menteuses deviennent sujet à caution. Combien de fois n'a-
t-on pas assisté à des intoxications médicamenteuses des m
lades par abus de prescription et négligence des médecins
des infirmiers? Combien d'enfants, de mères de famille Il'
pas payé de leur vie cet esprit de négligence parce qu'un
infir~er, un médecin avait donné un traitement contre-
indiqué à l'eufant, ou a dépassé la dose; ou parce que lE
Ir8decin s t aga ai r-e vou af t tenter son expéri er.c e en ra ti sr:
ï
chirurgicale avec un matériel qu ' il savai t
i:~:~ect.
::;ette s i tuet a on d'e::-.ser:::ble n'e2t pa s sans lier.
la prolifération de nombreuses maladies hier
inconnues &
tuellement au Gabon.

12'
..
v - Une esguisse des maladies les plus fréquentes au Gabon.
La présente partie de notre travail est assez peu
fournie en données chiffrées, néanmoins nous allons esquisser
dans ses grandes lignes un tableau des maladies les plus
fréquentes dans le pays qui n'est donc pas un bilan en tant
que tel de l'action du service de santé gabonais, mais une
photographie en quelque sorte des grandes maladies contre
lesquelles l'homme gabonais lutte depuis plusieurs générations
1- La lèpre.
La lèpre atteint encore 2,5 %de la population, soit
plus de 10 403 lépreux, 615 cas nouveaux en 1970. D'après le
rapport annuel du service des grandes endémies, depuis 10 ans
une certaine amélioration de la situation se produit, mais
cette évolution est cependant très lente. En 1969, le total
des lépreux était de 10 326 et les équipes sanitaires n'en
avaient visités et contrôlés que 3C,4 ~c. Les traitements sont
en général mal suivis, i l est rare que plus de 50 % des ma-
lades connus soient traités.
Bien que le nombre de dépistés paraît en diminu-
tion ces dernières années, i l importe d'intensifier l'effort
de prospection et d'accroître les moyens des groupes mobiles
et des centres fixes.
2- La trypanosomiase ou maladie du sommeil.
:]ette ~alsdie est en nette régression, si l'on E'er~
t.::'er.: é.'C-..:Z données et déclarations o::îcielles. Si en 1S'44,
:S55 i l
y ~vait 4 419 cas connus;
1969 : 257 et 146 en 1974, dont

124
..
,
tain
aUJ'ourd'hui. Les centres
il ne resterait plus qu une cen
e
les plus importants sont l.'Estuaire, l.'Ogooué Maritime.
Afin de faire disparaître l.'affection, un programme
d'éradication avait été projeté 1974-1975, projet qui devait
être réalisé en deux phases successives : une phase prépa-
ratoire comportant la poursuite de lomodinisations semes-
trielles dans le foyer, un dépistage immunologique exhaustif
des malades éventuels et leur mise en traitement, une enquête
sur l'origine des vecteurs et leur sensibilité aux insecti-
cides. Une phase finale consistant en la poursuite de la
neutralisation de l'homme, associée à la destruction du vec-
teur par une opération de désinsectisation.
Contrairement à ce que les statistiques officielles
semblent affirmer, la trypanosomiase connait une recrudes-
cence importante dans les anciens foyers de l'Estuaire,
[gcoué ... les Frospections ayant été partielles. Les chiffres
du service des grandes endémies ne peuvent que minimiser le
fléau par la mauvaa se .collecte des données ou l'absence d'une
prospection exhaustive. En effet, dans la réalité, on note
une recrudescence de la trypanosomiase au Gabon et en Afrique
centrale de façon générale.
~'est ainsi que, au dé~~t des arillées i96e, on a
obs e rvé un ri-,TE;ilie cette II:.:.ladie da r.s certains ztats c ' ;~-
trique c e nt r-aLe , sei te, 1 ) à. Î 2 )- de cas au =aï~'e, au .2-E. bor;
1CS nouveaLü: cas en 196C et un indice èe con~2mination ~e
L ,5 au I'cr.ad ,
~rl ISé5, le
éJ.
Î 35
nouveaux cas. A partir de 1968 jusqu'en 1975, le nombre de

125
\\~
..
nouveaux cas semble osciller entre 38 et 40 pour passer à
60 en 1976 ; 91 malades dépistés en 1977 uniquement dans les
foyers de l'Estuaire et de l'Ogooué de loin les plus actifs.
Au Cameroun, on note 427 cas en 1967 contre 41 en 1966 ;
674 en 1976 et 913 en 1977 dans deux grands foyers: le foyer
Fontem et le foyer Bafia. 339 nouveaux cas dépistés et trai-
tés en 1976 si l'on s'en tient au rapport final de la confé-
rence technique de l'O.C.E.A.C. de 1977(1).
Le foyer de Bafia fournissant 248 nouveaux cas en
1977 sur 331. Parmi les causes de cette recrudescence dans
l'ensemble des pays précités, il yale manque de personnel
qualifié et sa ~uvaise répartition, l'absence des cadres
qualifiés, le manque de moyens financiers.
Concernant ce
dernier point, si au Congo la part du budget de la santé dans
le budget n&tional décroît, passant cie 12,8 7- qu'il était en
1967 à 10,2 7 en 1971, 7,9 % en 1972 et 4,3 r en 1975, au
Gabon, le budget de la médecine préventive paraît station-
naire soit 9,42 % du budget total des dépenses de santé.
Il s'ajoute aux causes citées plus haut l'inexistencE
d'une prophylaxie à long terme et systématique, à tel point
çue dan~ cieL des cas. les procrarr~e8 Q'éraciication Iréconisé~
restent lettre morte.
~E; }:ié.L tôt un e œé.ladie infectieuse de .i a peau voi-
~1)-Cit~par Tchelo Lazar~-----
T. Lazare in Réflexion sur l'évolution de l'organisation
~es services de prophylaxie de la trypanosomiase en Afri-
~ue centrale, Mémoire, Paris 1978, p. 41.

126
,-
"
,
da t 1
gt
au ('..<>bon et est
de la pauvreté t elle sevit pen
n
on
emps
~
en régression de nos jours. On signale cependant,3 393 cas.
L'influence déterminante du milieu dans la propaga-
tion de cette maladie, qui ne pourra dispara!tre que par une
amélioration des conditions de vie des populations, ne permet
pas dtespérer voir disparaitre cette maladie dans Itimmédiat.
4- La variole.
Cette maladie est loin de disparaitre au Gabon.
Elle se manifeste souvent à l'état épidémique. Ses principales
victimes actuellement sont les enfants.
5- Les maladies parasitaires.
Les maladies parasitaires occupent une place prio-
ritaire dans la pathologie gabonaise. Elles affectent une
proportion importante de la population qu'elles contribuent,
avec le paludisme et la malnutrition, à mettre dans un état
de moindre résistance.
Actuellement. on trouve chez les enfants de 0 à 4
ans environ 6,5 ~ de polyparasitoses
4, 5 ~" d' ankylosto-
miases ; 3,9 ~ d'amibiases.
La bilharzie signalée dans tout le pays se rencon-
tre dans les zones où les mares sont nombreuses avec, comme
foyer principal ="1 breville, avec 30 5, des cas signalé s à
i: ou Lamout ou ,
s- ies IDoladies v~~~~ie~nes.
les rr~12dies vénérierilles prenr.ent une grande ex~eL-
sio~ de "-os ~ours p2T suite i'un usage excessif d'alcool.
Elles ont des suites fâcheuses sur la santé d'un peuple et

127
,-
"
notamment Bur la fécondité. La gonococcie et la syphiliS ont
une fréquence très élevée dans tout le pays et principalement
dans les centres urbains. Et le fait que les hommes soient
les seuls à venir d'eux-mêmes se faire soigner rend impossi-
ble l'éradication de ces maladies.
7- L'alcoolisme.
L'alcoolisme est une maladie sociale, aujourd'hui
elle est un fléau national, chez jeunes,adultes et vieux
c'est la seule distraction; ses conséquences sont nombreuses
moindre résistance aux maladies, absentéisme, oisiveté, pa-
rasitisme, etc ...
La disparition de ce fléau nous parait difficile
dans les structures actuelles, car c'est la société gabonaise
qui est organisée pour favoriser la consommation excessive
des boissons alcoolisées par la construction et l'implanta-
t i cn dans tous les coins les plus reculés du pays des débits
je boissons, des brasseries dans la plupart des provinces.
Le drame est tel que, quand vous discutez avec les gens, ils
vous disent que "c'est la seule distraction qu'on a ; que
l'alcool aide à oublier l'angoisse de l'avenir".
Dans tous les CaS, l'alcoolisme au Gabon est une
ma Ladie soci ale ; sor: importance, son développement hi st ori-
;~~, son caract~re i'~DplaLtation au profit du capital inter-
national ffiontrent tr8s bien o~ est l'origine du mal.
Le paludisme est la caladie la plus répandue au
~abon, atteignant tûute la population. Les causes sont les

128
...
conditions géographiques, hygiéniques, parasitaires qui
facilitent sa progression. Il est la cause la plus impor-
tante de la mortalité infantile et nuit considérablement à
l'accroissement de la population. Il est l'endémie majeure
avec plus de 63 909 cas déclarés depuis 1969 à Libreville.
Le service urbain d'hygiène lutte de façon trop
empirique contre ce fléau (débroussage et emploi d'insecti-
cides). Une distribution régulière des nivaquines avait été
pratiquée dans les écoles, dans les années 60 ; depuis, cette
pratique est à l'abandon, faute de médicaments et insuffi-
sance du personnel.
L'expérience acquise montre que, vu l'apparition
des réactions de résistance aux insecticides, la lutte contre
ce vecteur aurait pu être menée sur deux fronts : destruction
des insectes vecteurs, destruction du parasite infiltré dans
le sang en procédant de façon systéc~tique à une politique
d'assainissement généralisée et à une distribution gratuite
des médicaments antipaludiques à toute la population.
9- La tuberculose.
La tuberculose est en extension dans les milieux
urbains et affecte toutes les régions du pays. sa progression
actuelle est le reflet Q'une ~ggravation des conditions de
vie de la population.
Si, en 1~7C, ~l4 cas étaient dépistés,
actuellement on évalue à envi r cn h.4 maLad e s connus et soi~.-:~
, 1 . . -
:LE tetanos.
cause de d é cè s au Jabon. Une campagne de vaccination sJ-sté-

129
\\~
matique de toute la population semble être le remède ~é­
diat qui ne S8 pratique malheureusement que rarement.
11- La malnutrition.
La situation démographique du Gabon est condition-
née aussi par les maladies infantiles
paludisme, parasi-
toses, et le déséquilibre alimentaire sont à l'origine d'une
importante mortalité de la population représentant 15 à 35 %
au 1er âge. Si on ne meurt pas de faim souvent au Gabon et,
les états de dénutrition grave: ex. Kwashiokor sont rares,
néar~oins, dans de nombreuses familles, les besoins nutri-
tionnels fondamentaux (en protéines et vitamines) ne sont
pas totalement assurés par l'alimentation.
Ici, la malnutrition est très grave chez le jeune
enfant du milieu pauvre. La plupart des nouveaux-nés sont
nourris au sein maternel pendant une bonne période d'environ
9 ~cis à la cac~gne, 6 mois en ville. Cette alimentation est
suffisante jusqu'à un certain seuil, au-delà, elle ne permet
pas d'assurer une croissance normale de l'enfant, car une
fois l'organisme de la mère affaibli par une lactation pro-
longée et une nourriture pauvre en éléments nutritifs, il
finit par produire un lait insuffisant en quantité et en
çuslité. ies ccnséQuences d'un~ telle situstion sont énormes
four le développ===u; futur de l'enfant. La. malnutri tion em-
A
..
.,
' " 1 '
1
d l '
~ecne ~e Qeve~orr=~ent
e tout son organisme \\systece nerveux
des maladies infectieuses ou parasitaires, éntraîn~nt chez
les enf~ts une Kortalité très forte : 229 %0.

.-
130
"
La lecture d e s tableaux suivants portant sur la
natalité et la mortalité du Gabon, en rapport avec d'autres
pays africains, montre que l'état sanitaire des populations
gabonaises n'est pas enviable.
Natali té
Fécondi té
Reproduction
Gabon
35 0/00
116 0/00
2, 1 0/00
Centre Afrique
48 0/00
157 0/00
2,5 0/00
Zaïre
41 0/00
149 0/00
2,6 0/00
3énin
54 0/00
227 0/00
2,9 0/00
Haute-Volta
49 0/00
197 0/00
3, 1 0/00
Fortalité générale
Mortalité infantile
Gabon
30 0/00
229 0/00
Centre Afrique
26 0/00
191 0/00
Bénin
26 0/00
110 0/00
Haute-Vol ta
31 0/00
174 0/00
( 1 )
~u'est-ce ~ è~e ~ Sinon que
:é.bleéù.X coz_;O~';(_::: ~: ;.~rtl..r c e s il.:'on:.'':;tiuY,s Ccr,;
rence Olivaint 3elgique 1971 et Thèse Obiang
Osibitsa, Lille 1974.

131
,-
"
12) Le Gabon, comparé à d'autres pays, a des taux de
é
t
t 1- ~é r1 eurs . Le taux d'accro1s-
natalité, ~écond1t
net emen
~
sement est estimé en 1971 à 5 0/00.
2Q) Le taux de mortalité générale est très élevé, 30 0/00
Celui de la mortalité infantile, encore davantage, 229 0/00,
Il s'ensuit que la population ne peut que stagner. Il s'en-
suit qu'il faut développer de puissants moyens pour combattre
les causes de la mortalité, ce qui exige une politique cohé-
rente de santé.
Conclusion.
c'est ainsi que se présente de nos jours l'état
sanitaire du Gabon. Malgré la régression de certaines grandes
endémies, i l reste que des problèmes énOrmes se posent. Ces
problèmes ne peuvent ~tre résolus s'il n'y a pas une action
d'e~semble associant l'intervention de la médecine curative
et préventive avec toute une série de meSUTes visant à amé-
liorer les conditions de vie et l'éducation des populations.(~
(1~ableau l - Taux de mortalité, de natalité et
d'accroissement annuel par sexe
Taux de
'Taux de natalité
Taux d'accroisse-
Sexe
mortalité
par sexe
ment annuel
!-:o~.es
35 5·
i ,5 ~.
?err:..:: es
~ 1
1
c:
"
7 '
-
c
../e:. ,L
1 ,1
~.
../
i
'
/-
.~-_._----- . _ - - - - - - - - - - - - - -
. ~
'-
... - ,
c-
- '
l
, , , , .
"
1


_ ;
• • 0

..
c'est avec beaucoup de réserve qu'il convient de
prendre tous ces chiffres car, en effet, une critique s'avère
nécessaire dans la mesure où dans la plupart des cas il
s'agi t plut5t des taux de "latali té", pour-centaga des morts
dans les régions ou centres médicaux par rapport à la popu-
lation hospitalisée moyenne. Ce qui, on en conviendra avec
nous, rend difficile l'appréciation de l'ampleur de la mor-
bidité et de la mortalité de l'eLsemble du pays lorsqu'on
sait que les 3/4 des villages ne sont nullement touchés. En
fait, pour cerner la réalité, il serait intéressant de voir
et de comparer les taux de mortalité et de latalité par ma-
ladie e~ fonction de l'âge et du sexe.
Ts.bleau L -
~ortalité infantile rar sexe
:3vène~ents des 12 derniers rrois
Survivants de
Sexe
-d'1 an
Hommes
7 930
371
6 846
?emmes
7 488
893
6 763
:,c:..-v..x de cortali t':; infantile selon les sexes
:::nserrble : 146 c
3ulletir,::'e lia.ison spécial n:! 9 Ncv.
i S'76.
Source: Démographie en Afrique noire d'expression française.

133
,"
...
Tableau
types
3 - Natalité selon les régions et les zones
Régions et
NATALITE
FECONDITE
.
T~
T 7- Femmes
Zones types
:Naissances:Personnes:
15-49
...,
Woleu-Ntem
c
887
78 311
37
122
Estuaire
2 346
61 075
38
133
Ogoué 1J;aritime
1 631
41 503
39
142
r·~oyen-OUgoué
975
34 154
29
102
Cgoué - Ivind 0
S72
34 154
28
53
Ogoué Lolo
?22
36 669
25
80
Eaut-Cgoué
1 353
42 189
32
105
l\\gounié
2 427
78 642
31
98
Nyanga
1 902
36 670
52
170
.
.
TOTAL
15 418
444 264
35
116
: - - :
Zones rurales
11,717
355,087
33
109
Zones urbaines
2,621
62,982
42
159
Chantiers
925
25,750
36
115
Tableau -:,
-'
(slLite)
Taux de stérilité selon les régions
et zones types
Régions et zones types
T 7' Femmes
Woleu-Ntem
31 ,2
Estuaire
33,5
Cco"L4.é }:2.ri t Lrne
2E,6
43,6
Lgoué-Ivindc
:; 1 ,4
leol;.~ ~clo
'::6,2
..... ,.,c
r:t:0umi é
25,5
Sources
République Gabonaise UNICEF (Enfance-Jeunesse
et Plan de développement 1971).

134
,-
Il
c'est en partant de cette situation d'ensemble
caractérisée par une insuffisance très marquée en équipement
et personnel. sanitaires, un état pathologique préoccupant
que le gouvernement gabonais théoriquement a cherché depuis
le 2ème plan 1970-1975 à associer l'effort financier consenti
dans le domaine des infrastructures à une recherche de solu-
tions pratiques.
Cette politique de santé, le 3ème plan 1975-1980
s'est efforcé également de la définir.
Nous allons ici essayer d'en présenter les grandes
lignes avant de voir plus loin dans quelle mesure les réa-
lisations ont été conformes aux dites options.
VI - Les principales options de la politique sanitaire
gabonaise.
Les options prises par le gouvernement gabonais en
~~tière de santé sont définies, depuis le IrQ plan 1970-1975
de 1& manière suivante : développement de la médecine préven-
tive, assainissement et éducation sanitaire; augmentation
de la capacité hospitalière, des centres médico-sociaux ;
la poursuite de la formation professionnelle du personnel.
Le plan quin~écehnal de développement des services
m sat.Lon riondâ a Le de la santé é Labor-e un tableau s:lr~tLéti~l,.;.e
èe:=: C2.r21ctÈr€S
~-~oË.r:i}:r.:.i·.::~':.,,~~, c Lâraat i q ue s 8: e t.hnd que s ~u
~sys et ~v~lue les rroblèilies sanitaires et àét~r~ine les ot-
vention des épidémies non seulement par les actes médicaux

135
appropriés; accroître la natalité et protéger l'enfance.
Le 2ème plan a pour ambition de procéder à la mise en place
d'une organisation sanitaire plus structurée à l'échelon de
tout le pays. Il était promis l'assainissement, l'augmenta-
tion de la capacité hospitalière et du personnel sanitaire.
Analysant cette politique, Piette Coudole (1)
écrit qu'en 1970, certains objectifs n'avaient été réalisés
Qu'à 50 ~ des investissements prévus, faute de financements
extérieurs attendus. De plus, l'action psychologique sur la
population n'avait pas atteint les résultats espérés (méde-
cine préventive), celle-ci n'attendant de la médecine qu'un
caractère curatif.
Si le bilan du 2ème plan fut satisfaisante, cepen-
dant, la décentralisation et l'intégration de la médecine
préventive ont mal été réalisées. Quant aux régions sani-
taires, elles n'ont pas été créées.
Le 3ème plan (1976-1960) dégageait les objectifs
suivants
19 ) Développeœent de la médecine préventive par la cons-
truction des centres de P.M.I. ; l'accroissement des moyens
en personnel, matériel et transport; le développement d'un
~ro7arr,""~e national d 'r.(.':iène du :,:,.ilieu et d'assainisseI:èent
p.~::" des 't ravaux d'assaié~issement, ad.duction d'eau etc ...
par
~~ fCl~.2tions exiS~ct~te8 ;
création de "centres de quartier".
(1) Op.cité p. 34.

136
32 ) Développement des activités de sport.
4 2 ) Formation des personne~s par ~e dédoublement de la
capacité de ~'éco~e de santé, la constitution de trois écoles
d'infirmiers élémentaires; la création de différents cen-
tres d'écoles d'infirmiers à Franceville, rouila, Oyem.
Les objectifs ci-dessus ne furent jamais tous réa-
lisés en raison des coüts prévus, de la sous-évaluation des
crédits inscrits au budget d'investissement et de la crise
financière des années 1977-1980.
Voyons maintenant, en examinant l'évolution du
budget de l'Etat de 1975 à 1980, quelle a été la part des
moyens attribués à la santé publique pour la réalisation de
ces objectifs? (1).

(1)
BUl)(;,'j'
i~T AT
:
BUDGET GANT~ PUBLI~UE
·
POUHe EN TAGE
·
Entretien
,
Ann ex s :l"ow~tj onv : L0velop.: Total
: Ponc t Lcn ,
Total
: Fonction.
:nâtiment : Develop.:
: Total
:
:
:
:
1975
: 44. 1iJ5
107,263
151,448 : 2,7'?0
0,0525
5 , 111
7,883
:
6,15
5,20
_._.
:
·
·
:
:
·
:
·
·
·
:
1976
:
ljb, 718
· 134,396 · 193,114 : 3,536
· 0,066
· 2,815
.6,417
6,07
· 3,32
·
·
.
·
:
:
:
:
1977
: lA, 9~2
:
17,121
: 255,792 : 5,18392
: 0,080
: 3,393
:8,65692
:
6,11
: 3,88
- - _ . :
_.
~-_._----
.
.
1978
:2C"),lli~;7e' )7,34742' 242,4512: 6,001844
· 0,090
· 1,677
'7,768844
2,97
• 3,20
·- -
:
1979
:2ifl,?h5
: 1
282,258 : 6,465525
0, 113
1 ,033
7,611525 :
2,7'3
2,70
- - - - - : ------
·.-~ .
1980
:?;'l,71l·5
112
·
· '513, 1705: 7,51 16603 . 0, 1147
· 2,730
.10,391303:
3,45
· 2,90
:
._---.--..
·
.
.
·
.
.
(1) Ces c h i ft'res sont exprimés en milliards de F. C1~'A.
(2)
Hmrcps : tLru.s t èr-e de la Santé publique, service des statistiques.
,.
-VI~

138
Il découle de ce tableau que le budget de l'Etat
ne semble pas avoir souffert des difficultés économiques de
ces dernières années. On est tenté de croire que le domaine
sanitaire se développera dans de bonnes conditions vu les
moyens qui lui sont consacrés. En réalité, ce budget ne re-

présente pas grand chose par rapport aux besoins du pays en
matière de santé. Et la part affectée à la santé publique
est plutôt maigre puisqu'on y a consacré 2,90 %, alors que
cette part était de 5,20 ~ en 1975.
Le divorce qui apparaît ainsi entre les textes, les
discours et les programmes de santé d'une part, et les réa-
lités sociales s'explique par la nature des structures capi-
talistes de la société. Les structures de base, les super-
structures étant à l'image de l'ancienne puissance coloniale
la France.
l'absence d'un plan rigoureux et respecté, la pé-
nurie en personnel et infrastructures sanitaires, la spécula-
tion s~r la base de la souffrance humaine, le développement
d'une médecine de classe sont les facteurs qui laissent l'hom-
me gabonais dans l'insécurité. SUr la base de telles struc-
tures, la protection par la collectivité de ses membres de-
vi er.t Sa.!:8 rersrective pour le pauvre er, cas de su rv enan ce
de s T::'S-:.t<SS, =.&::.e lorsqu'il s's.git d'un risque heu reux COIT'J:.e

139
,~
..
( 2 - La protection maternelle et infantile.
Dans la tradition gabonaise, l'enfant étant consi-
déré comme le gage de la continuité du groupe, il appartient
à la collectivité de le prendre en charge aussi bien intel-
lectuellement que physiquement (1). Dans la période actuelle,
la réglementation portant sur la protection maternelle et
infantile date du 4 juin 1936 ; lorsque fut pris un arrêté
qui posait le principe de l'organisation d'une fête de l'en-
fance indigène une fois par an en Afrique Equatoriale. Cette
fête devait organiser un concours de bébés, une démonstra-
tion de puéricultrices et une remise de prime aux familles
nombreuses.
La création, le mois suivant, d'une oeuvre de pro-
tection de l'enfance et de la maternité "indigène", avait
pour but, en théorie, de permettre à cette institution de
d onr.er' des cons ea Ls d'hyciène et de diététique, distribuer
certains produits alimentaires et pharmaceutiques.
Dans les faits, toutes ces mesures sont restées
limitées aux grands centres administratifs, elles n'ont p~
être bénéfiques qu'à une minorité d'agents administratifs.
'.::'out c orrme l'ar::'~té du 1er septembre 1960, qui instituera
<''':':: t2.::,d U2'_ cC'::..::eil L::-t:"c·;-:al de la pr-otec t.aon n.e t er ne Ll.e et
il i::.Œtile er
vue de sU5~rer au gouvernemer.t toutes mesures
-------------------
- j '
-
,
...".

140
"
de la natalité demeurera dans la logique de la législation
vue plus haut.
Son apport fut : la gratuité des consultations de
la maternité et de l'enfant accordée à toutes les mères et
à tous les enfante.
Dans tous les cas, la législation sociale afférente
à la protection maternelle et infantile demeure, jusqu'à ce
jour, discriminatoire.
A - La protection pré-natale.
Elle se rapporte aux congés et aux allocations
accordées aux femmes fonctionnaires dans un premier temps et
salariées des établissements privés essentiellement ensuite.
1 2 )
~~~-~~~~~.
Le droit en vigueur au Gabor- actuellement, inspiré
p~r les textes d~ coce Q'outre-llier de 1952, fixe ieruis l'ar-
rêté du 9 janvier 1959 le principe du congé pré-r.atal en fa-
veur des femmes fonctionnaires. La femme intéressée bénéficie
avant la date présumée de l'accouchement d'un congé de 4
semaines au moins et 6 semaines au plus. Elle conserve de ce
fait l'intégralité de son traite~ent.
~rivé, l~ situatioL eE~ tout ~utre. rOUT elles, les disposi-
- -, -
--,
.
~.... -:;
-- ',. _. - ..
tenue à was ca ngt.on le ~ ': cc t obre 1S19 sur l'emlJloi des femmes

141
.:
..
avant et après l'accouchement. Ces conclusions furent éten-
dues par la France à ses colonies d'Afrique beaucoup plus
tard, c'est-à-dire en 1954, par le décret du 28 janvier 1954
complétant le code du travail de 1952.
Les dispositions de ce décret seront reprises par
le code gabonais du travail dans ses éditions de 1962 et
1978 en ces termes: "Toute femme enceinte dont l'état a été
constaté médicalement ou dont la grossesse est apparente peut
pour jouir de son congé de maternité quitter le travail sans
préavis et sans avoir de ce fait à payer une indemnité de
rupture du contrat. Le congé pré-natal auquel elle a droit
est de 6 mois" art. 117 code du travail 1978.
2 Q) 1~~_~~~~~~~~~~~_E~=~~~~!~~·
Le bénéfice de ces allocations fut étendu au Gabon
par la loi dite Lamine Gueye du ;C juin 195C dont les moda-
lités d'application furent fixées, en ce qui concerne les
fonctionnaires, par les arrêtés du 5 mai et 16 novembre 1951
Les dispositions de ces deux textes, malgré de lé-
gères modifications, demeurent aujourd'hui en vigueur. C'est
ainsi que les articles 3, 4, 5, 6, 7 de l'arrêté du 16 no-
la Il.,;.ture mère à cor::pter du jour où l'état de grossesse est
(1) Cf. arr~té n2 355G in J.C.AEF du 1er décenbre 1551,
p.
1745.

142
"
soumise à trois examens médicaux (à la fin du 3ème mois, au
cours du 6ème mois et du 8ème mois). En cas de naissance
multiple, chaque enfant ouvre ~it rétroactivement au béné-
fice des allocations auxquelles il devait donner droit pen-
dant la grossesse.
L'article 115 du code du travail, alinéa 3,gabonais
1962 reprend les mêmes dispositions, et tous les autres dé-
crets intervenus ultérieurement n'ont porté sur sur la modi-
fication des allocations à l'exception de l'ordonnance du 6
janvier 1976 qui étend aux enfants naturels des salariées le
bénéfice des allocations pré-natales, des primes à la nais-
sance, à la condition de produire une pièce de reconnaissance
de paternité et maternité déclarée sur l'honneur par le sa-
larié et la future mère, légalisée par un officier d'état-
civil (1).
B - ~ protection post-natale.
Elle consiste dans le bénéfice des congés et des
primes à la naissance.
Ici encore, la situation est différente en ce qui
c cn ;- ':-'::'le les r::ères f'orrc t Lonn a.i l'es et le::.
IJ~ res ss.:ari~es d
.. \\ .:: c cr j t e r
G.ll
,S~· ~~r... v i e r
_ ~,
l'é;,.l':ocaticr_ 1-r~-rl~t~:e
e c t
f.3.S3~e dé :( bC;C F.C?). Èi 1: 500 5'.Cl'A., so[':,e quire2ts
insi.crüfi'..:;.r:.tE- au re€,ard
d.
ccû t
de la vie a; ~-_':':::'. Y''C-:::';:;'':;
"ur. « e s IJé~J·~ les plus
LûnQe.

"
pour les mères fonctionnaires, la durée totale des
congés est de 14 semaines, et elles bénéficient, après l'ac-
couchement, d'un repos d'une durée égale à cette période,
déduction faite de celui (repos) dont elle aura bénéficié
auparavant.
Si à l'expiration de ce délai de 14 semaines,
elle n'est pas en état de reprendre ses fonctions, elle peut
obtenir un congé de maladie ou de convalescence sur produc-
tion d'un certificat médical délivré par un médecin asser-
menté.
Quant à la femme salariée du secteur privé, si elle
bénéficie durant la périoàe de congé maternité prévue par le
code du travail de 6 semaines avant l'accouchement et 8 se-
maines après, le code du travail 1962 ne lui permet de rece-
voir pendant cette période que la moitié de son salaire ef-
fectif (son contrat de travail étant considéré comme suspendu)
:'article 118 du code du travail loi n~ 5/1978
accorde maintenant la totalité du salaire qu'elle percevait
(notons cependant que cette mesure reste en contradiction
avec l'article 52 da code de sécurité sociale qui n'accorde
qu'une indemnité journalière égale à la moitié du salaire
effectivement perçu). Elle bénéficie en outre de la " gratuité Il
ies soins que ~eut nécessiter son état; le verse~ent de
2 er.aâ.ne S
2-li
er: cas de congé supplécentaire prescrit p~r
la prise en charEe effective de cette
pr'e s t a t on par 18.:;3.isse f:è:. bonaise de sécurité sociale.
:;' e s
â
t
l'e:-.ployeUl' q;il ve r s e l ' inc.e:::.ni té j ournali ère de congé mais
pour se faire rembourser par la caisse.

,.
144
"
2 2 ) ~~~_E~!~~!_~_~~_~~~~~~~·
Le principe de l'allocation d'une prime à la
naissance de chaque enfant au bénéfice des fonctionnaires
selon les modalités contenues dans l'arrêté du 16 novembre
1951 portant application de la loi Lamine Gueye s'inspirait
à peu de termes près àu décret du 25 juin 1942 relatif aux
indemnités pour charge de famille en faveur du personnel des
cadres coloniaux. Cette prime, appelée allocation de mater-
nité dans l'arr~té du 16 novembre 1951, devait être attribuée
à la naissance de chaque enfant né viable, légitime, soit
naturel dont la filiation maternelle est légalement établie
pour tout enfant d'un fonctionnaire ou agent de l'Etat.
Elle n'était accordée pour la première naissance
que si la mère n'a pas dépassé 25 ans ou si cette naissance
survient dans les 2 ans du mariage. Four y avoir droit à la
deuxième naissance, il fallait que celle-ci se soit produite
dans les trois ans de la première maternité ou dans les cinq
ans du mariage. La troisième naissance n'y donnait droit que
si elle se produisait dans les trois ans de la précédente
maternité, les six ans de la première maternité ou les huit
ans du mariage; elle était acquise sans conditions de délai
pour les naissances suavarrte s .
3L cas de naissaLces multiples, le droit à la prime
de n2..issance était aprrécié sép:'irément pou:, cl:.aClue eLfant.
~lors que pour les
prime à la naissance ne leur était accordée à l'occasion de
lu. na i e sance cie cnaque entant que lorsque l'enfant été:.::" t dé-
claré à l'état-civil. Les femmes mariées aux hommes salariés

145
..
n'y avaient également droit que si le mariage avait été dé-
claré à l'état-ci~l, légalisé s'il était coutumier.
Le décret du 7 janvier 1963 n'accorde cette prime
aux femmes salariées non mariées que dans la limite des
trois premiers enfants.
Dans tous les cas, la caractéristique de toute
cette législation pendant la période coloniale demeure les
grandes disparités dans les conditions de bénéfice des dif-
férentes prestations. C'est ainsi que les femmes salariées
non mariées n'avaient droit à la prime allouée à la nais-
sance que pour les trois premiers enfants. Celles qui ne
bénéficiaient ni du régime des fonctionnaires - de loin le
plus avantageux - ni du régime des salariés du secteur privé
n'avaient pas droit aux allocations pré-natales. La prime à
la naissance ne pouvait leur ~tre accordée que si elles en
faisaient la âemande dans les trois mois qui suivent la dé-
claration de l'enfant à l'état-civil, organisant ainsi des
inégalités.
Ces inégalités organisées sont maintenues dans les
textes parus après l'indépendance et apparaissent aussi en
ce qui concerne le régime des allocations familiales que les
G.utres éroit accordés à titre d'&ide à la famille.
c - Les allocations fa~iliales.
2.i21es am: farr:.illes a irLc a i ne s da te du décret du 21 dé cembre
;: ~ 5:;,-c;.i dé:::Lic1.Ï t
".;,' accorder aux raru Ll e s nécessiteuses d e s
"ti~ailleurs" africains engagés dans les troupes de l'armée

146
"
française pendant la première guerre mondiale de 1914-1918
une aide f~anc1ère mensuelle était allouée à ceux d'entre
eux appelés à servir dans l'armée française et ne pouva~
plus subvenir aux besoins de leurs femmes et leurs enfants.
Le paiement de cette allocation sera étendue aux
divers cadres "indigènes" civils de l'A.E.F. par l'arr~té du
18 juin 1927 (1) ; allocation annuelle et qui n'était accor-
dée qu'à partir du 3ème enfant vivant jusqu'à l'âge de 13
ans. L'arrêté du 13 décembre 1940 restreint encore ce droit
en n'attribuant la dite allocation qu'aux pères de 4 enfants
vivants (2).
Les dispositions de ce décret seront reprises avec
des modifications mineures par celui du 25 juillet 1942 qui
va instituer une allocation dite de salaire unique aux chefs
de famille "qui ne bénéficient que d'un seul revenu profes-
sionnel", laissant apparaître ainsi le caractère discrimina-
toire des décrets de 1S28 et 1941 qui n'avaient pour objectif
que de favoriser les cadres de l'administration coloniale à
qui étaient réservés le bénéfice des inde~nités.
c'est la loi dite "Lamine Gueye" du 30 juin 1950
et l'arrêté d'application d~ 16 noveEbre 1951 qui va étendre
a~x fonc~ioLnaires a~tochtones le bén2fice des dispositions
d i; 25 jui!', 1~ <+2, qui n'avaient pas pr Ls L: na t Lona l ; té fran-
ça Ls e .
( 1 )
<-.L.
R.F.
10 2 7 , p.
44E.
(2) Cf.
;;.C.n.l.".
1941, p. 23.

.-
147
..
Quant aux salariés d'entreprises privées, c'est
l'article 237 10i 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant
code du travai1 dans Lea territoires d'outre-mer et "terri-
toires associés", qui habilitait les chefs de ces territoires
à prendre des arrêtés, après avis des commissions du travail
et des assemblées territoriales, créant des prestations fa-
miliales pour les travailleurs salariés régis par le dit code.
Le premier texte d'application de cet article fut
pris, en ce qui concerne l'Afrique Equatoriale française, le
1er juillet 1956. Le 25 juillet de la m~me année, le gouver-
neur du Gabon signait 9 arrêtés portant institution et orga-
nisation d'un régime des prestations familiales pour les
travailleurs salariés des secteurs public et privé ayant un
ou plusieurs enfants sur le territoire gabonais. Ces arrêtés
seront complétés par ceux du 12 octobre 1956 nQ 2073/1 TG.A(1)
Ces textes seront abrogés et remplacés par le dé-
cret n2 6/PR du 7 janvier 1963 (2), modifié par l'arrêté
n Q 550 du 12 mai 1964 (, ) .
L'ordonnance du 6 janvier 1976 étendra le bénéfice
des prestations familiales et des avantages sociaux aux en-
t'ants naturels reconnus par le salarié célioat3.ire et 2-ID:
enfants nés l:.ors w~riage re:::onnus par le salarié s'ils sont
nés de la même mère et ce d2.ns la limite de 4 enfants de cettE
(2)
Cf.
J.O. RG 1er mars 1~63 nQ 6 p.
231.
(.i )::f.
Bourdès, ;)tatut de la femme gabonaise, Thèse, Faris
1973.

148
..
tif
l a situation finan-
catégorie par allocataire ; au mo
que
cière de la Caisse ne permet pas d·ouvrir plus de droits.
pour avoir droit aux prestations familiales, le
travailleur salarié doit avoir exercé une activité salariée
dans le territoire gabonais depuis 4 mois consécutifs chez
un ou plusieurs employeurs.
Toutefois, i l semble que cette condition n'est pas
exigée pour les travailleurs licenciés pour des motifs d'ordre
économique entraînant réorganisation, réduction ou suppres-
sion d'activité; en cas de force majeure dûment constatée (1)
Il (le travailleur) doit en deuxième lieu justifier
pour chaque mois donnant lieu au versement des prestations
d'un minimum de travail salarié de vingt jours ou 133 heures.
Ne sont pas déduites les absences pour congé régulier et pour
accident du travail, maladie professionnelle dans la limite
de 6 mois; les absences pour maladie dûment constatée par
un médecin agréé ; pour les femmes salariées ; les périodes
de repos des femmes en couches prévues à l'article 117 du
code du travail loi 5/78 ; il doit résider en principe au
Gabon, sauf dérogation. La veuve de l'allocataire continue à
percevoir les prestations familiales, même si elle n'exerce
pas de profession salariée, à condition qu'elle assure la
i~~r~e et l'entretie~ ~es enfants qui étaient à la charge d~
uénéficiaire décédé.
(1)
Cràonnance n~ 51-IR du 23 septeffibre 1964 instituant des
G~r~nties en favê~r de2 trav~illeurs licen2i~s ~e leur
erzp Loi, pour des mc t Lf s ci' orc r-e économique in J. l.
2épu-
blique gabonaise, septembre 1964, nQ 27 spécial p.
14.

149

Le service des prestations familiales est maintenu
sous certaines conditions au travailleur victime d'un acci-
dent du travail ou d'une maladie professionnelle, au titu-
laire d'une pension de vieillesse ou d'invalidité, aux or-
phelins de père et de mère. Dans le cas où le mari et la
femme ont tous deux qualité de travailleur salarié, le cumul
n'est pas admis. Toutefois, les prestations sont établies
et liquidées au nom de celui qui a droit aux prestations les
plus avantageuses (1). Pour se voir reconnaître la qualité
d'allocataire, tout travailleur salarié doit adresser à la
C.N.S.S. une demande visée par son employeur pour les enfants
à charge de la naissance à 16 ans révolus. Cette limite d'âge
est repoussée à 20 ans si l'enfant poursuit des études se-
condaires ou supérieures ou à 17 ans si l'enfant est placé
en apprentissage.
Les prestations sont subordonnées à l'assistance
régulière des enfants bénéficiaires d'âge scolaire aux cours
sauf impossibilité certifiée et pour ceux qui n'ont pas at-
teint l'âge scolaire de se soumettre à des examens médicaux
p9riodiques. Elles sont maintenues pendant les périodes
d'interruption d'études ou d'apprentissage pour cause de ma-
18..:":.ie dans l', licite d'une ar.né e à rürtir de l'interruntion
-
.
~e s "'-11 OC2.l., .2-C:l:~ fé:.I::ilii:iles C E;ssen t c ' être versée s à l'apprenti
C~ 2 l'étudi~nt si l'apprenti perçoit un salaire égal à la
2
c~;l;ficie d'U218 bourse c or-re s j.ondant à ses frais d. 'études et
d.'er-tretien (cf. tableaux en annexe).
(1) Cf. pode de sécurité sociale loi 1975 •


150
..
Théoriquement, le taux d'allocations familiales par
entant et par mois est fixé par décret ministériel en fonc-
tion du SMIG, sauf dérogation. Les allocations familiales
sont payées à la mère, mais pour "des raisons pratiques"
c'est le travailleur salarié qui les perçoit. Elles sont
liquidées par trimestre, à terme échu et quelle que soit la
résidence des enfants. Les prestations familiales sont payées
soit par la caisse, soit par ses préposés locaux, soit par
les employeurs ou leurs préposés, soit par des sociétés mu-
tualistes ou tout autre organisme ou service public habilité
à cet effet par la Caisse.
Dans les faits, les prestations d'allocations at-
tribuées permettent à peine de couvrir les besoins (1) des
fa~~lles démunies qui voient leur sort empirer lorsque sur-
vient un accident du travail ou une maladie professionnelle.

151
\\~
Il
Evolution des prestations
: Date
:1er examen:2Q examen:Montant
Prestations (1)
d'effet .prénatal
prénatal. total
·
• (F,CFA)
Allocations prénatales · 1. 7.56
900
1 125
2 025
:1.10.57
2 000
2 500
4 500
.10.4.64
4 000
5 000
9 000
·
Prime à la naissance
· 1. 1. 56
1 125
(par enfant)
·1.10.57
2 500
1. 1.59
3 000
1965 ·
5 000
·.
1976
8 000
1979
idem
Allocations familiales
(par enfant/mois)
1.7.56
225
.1.10.57
400
· 1. 1. 59
500
1. 1. 60
1 000
1976
1 500
1976
2 000
1~'79
idem
(1) Construits d'après les statistiques OIT/OTA/Gab/R2
Genève 1962 p. 77-78 et d'après les statistiques de la
CNSS.

152
II.
~ 3 - La protection
en cas d'accidents du travail et
maladies profess1onne1les.
A - Champ d'application.
Si les dispositions sont prises dans la plupart
des pays africains pour garantir au travailleur salarié une
réparation
du dommage causé par un accident du travail et
maladie professionnelle, cependant, l'efficacité de cette
réparation reste minime. Car dans tous les faits, les mesures
qui établissent la responsabilité de l'employeur n'assurent
pas une protection efficace. On note également que les pres-
tations prévues par ces mesures ne sont qu'une somme forfai-
taire sans rapport avec l'étendue du besoin résultant de
l'accident ou de la maladie.
La loi gabonaise en matière d'accident du travail
et maladie professionnelle va dans cette logique. 3istorique-
ment, la gestion de cette branche était confiée aux compagnies
d'assu~dnces privées. C'est la loi du 8 déce~bre 1S61 qui
donnera à la C.N.S.S. la gestion de ce risque à compter du
1er janvier 1962. La loi nQ 6/75 du 25 novembre 1975 définit
l'accident du travail comme "l'accident survenu à un travail-
leur pendant le tTajet de sa résidence et vice-versa ; dans
pour ur. motif par l'intérêt personnel ou indépendant de sen
er:?::"c·2.".
:':'st c or.s i c é r-é a u s sa c ornce a cc Ld ez t du t rava i L "l'ac-
ciient sur~enu peniant les voyages dont les frais sont soumi~
è. 1;:,;, charge de l'employeur".

153
\\~
Il
Du point de vue de l'étendue de la garantie, la
loi gabonaise se montre ici très.~arge lorsqu'elle protège
non seulement les travailleurs salariés mais aussi les di-
recteurs de certaines sociétés, les PDG des sociétés par
actions, les gérants et personnes rétribuées des coopératives,
des coupeurs de bois libres, le coupeur libre étant défini
comme "un professionnel dont l'activité constante ou occa-
sionnelle consiste dans l'abattage d'arbres pour le compte
d'exploitations forestières sans êtreasujetti à un contrat
écrit ou verbal et sans considérer sa rétribution comme sa-
laire" (1). La question se pose de savoir pourquoi les pay-
sans qui sont soumis à de dures conditions de travail, qui
les exposent à tout moment à l'accident, n'ont aucune protec-
tion, surtout lorsqu'on sait par ailleurs qu'ils n'ont aucune
source de recours à même de les garantir contre les accidents.
rotons par a I l Leuz-s que les dispositions qui s'appliquent en
cas d'accident àu travail s'appliquent également en cas de
r.a.Lad i.e- professionnelles dont la liste est vague et "non
adaptée aux conditions du pays" (2).
Il est indiqué que des "arrêtés pourront énumérer
~es manifestations morbides d'intoxications aigues ou chro-
~iques prése~tées par les travailleurs exposés d'u:~e façon
~_::-::::ituelle i l ' ac t i cn c es a,s-ents nocifs rrentionnés par les
- - - - - - - - -
.) ::L art.
i ; c loi ;;'/ 5e, 1S' février 1S'59
les assurés
volontaires etc ...
:,~) ;ierre LC'J.tor., op.cit., " ... écuri té sociale en i..i'rique li ,
p.
24.

154
..
"tableaux spéciaux" (1). Théoriquement, la C.N.S.S. est chargé
d'exercer une action préventive en matière d'accidents du
travail et de maladies professionnelles. A cet effet, elle
recueille, pour les diverses catégories d'établissements, les
renseignements permettant d'établir les statistiques sur la
fréquence, les causes et les effets des accidents du travail
et des maladies professionnelles.
L'exploitation des statistiques depuis 1972 jus-
qu'en 1977 permet de dégager les données suivantes :
607 cotisants du régime général
808 des gens de maison
avec 2 215 salariés, 53 accidents mortels, 390 accidents de
trajet (2).
Les statistiques concernant les accidents du tra-
vail port~nt le nombre d'accidentés au 1er janvier 1972 à
7 5S5 déclarés à la caisse, taux somme toute élevé quand on
sait par ailleurs qu'il n'y avait que 60 000 salariés et que
tous les accidents n'ont pas été déclarés à la Caisse. En
1975, il Y a eu 10 000 accidents àont 1 500 bénéficiaires de
rentes et divers, 600 millions F.CFA versés. En 1976, le
nombre augmente de 12 516 accidents dont 1 700 bénéficiaires(3.
(1)
fI.Jes 1;~.D..i..t:S.UX s psc i aux " peuverrt aussi énumérer les infec-
tions r:.icrobineuses 0'\\.4 parasitaires qui sont présumées
éV9ir ~'ori9Ïn: professionne~e, ou bien des affections
;resumees resu~ter d'une a~b~ance ou d'attitudesparticu-
~ières nsc82sitées par l'exécution de certaines trava~~.
(2)~ources : Thèse Gbiang Ossibita, op.cit.
L) ,'ourees "L~eurle c'"îrique" LYOUom z.yLve e t r-e , Directeur de
la CKSS, 1er juillet 1977, n~ 560.

155
"
Le total des rentes en charge au 30 novembre 1977 s'élève à
1 520 représentant des droits ouverts d'un montant de
71 055 618 F.CFA contre 44 rentes rachetées représentant des
droits ouverts de 27 864 279 F.CFA.
Mais ce que les chiffres ne disent pas, c'est le
nombre d'ouvriers mutilés chaque année, et aussi combien
d'ouvriers de la CO~mF et d'autres installations dangereuses
n'atteignent pas l'âge de la retraite; ils ne disent pas
quel est le nombre de travailleurs qui sont morts de "mort
naturelle" et combien de la faute du patronat au cours de
leur travail. Ces chiffres ne disent pas non plus le taux de
maladies cardio-vasculaires chez les travailleurs qui con-
naissent les conditions de travail les plus dures. Rien n'est
dit sur le développement inquiétant du nombre et de la gravité
des maladies professionnelles (maladie de la peau, etc .• ).
Ils ne disent rien de l'usure, de l'épuisement physique et
nerveux de ceux-là qui sont soumis au bruit, à la chaleur,
aux poussières, aux rayons etc ... Ces chiffres camouflent le
fait qu'au Gabon, comme dans la plupart des pays africains,
la législation sur les accidents du travail et maladies pro-
fessionnelles . est loin d'être adaptée aux conditions du pays
"~êrr;e lorsqu'il est spécifié que tout docteur en médec:ine
doit d é c La re r t.cut e r:~l3.c:..ie qui présente 3. son avis un Cal'dC-
tère professionnel, dans 12 pratique, il n'y a qu'un nombre
tr6s faible de à~clarations enregistrées ne correspondant pas
à la réalité des faits (1).
(1) Pierre ~louton, "Sécurité sociale en Afrique du sud .du
..sahara", BIT p. 24.
1

156
Mais que dire des indemnités ?
B - Prestations des accidents du travail et
maladies professionnelles.
Pour les salariés du secteur privé, théoriquement
la couverture de tous les frais entra1nés par un accident du
travail ou une maladie professionnelle (soins et transport,
appareillage, ré-adaptation fonctionnelle et rééducation pro-
fessionnelle) incombe à la CNSS, sauf les premiers soins qui
sont à la charge de l'employeur. Historiquement, le système
de réparation des accidents du travail était fondé sur la
responsabilité individuelle de l'employeur. Le nouveau sys-
tème singifie que les travailleurs cotisent pour couvrir les
risques qu'ils courent en travaillant pour le patron. C'est
ici qu'apparaît au grand jour les tendres égards de la légis-
lation gabonaise à l'égard des patrons. Il s'ajoute à cette
iniquité le fait que l'indemnité, Dême si elle représente la
totalité durant les trente premiers jours d'incapacité, n'est
que de deux tiers ensuite (1).
La discrimination sociale caractéristique des lois
sociales appara1t ici lorsque l'article 10 du décret 28.PR du
21 mars 1962 toujours en vigueur, dispose que "en ce qui con-
ce~e les travailleurs b~~~:iciaires du préavis supérieur à
un rr.ois, le taux réduit aux deux tiers n'est applicable qu'à
C02~ter de l'expiration du dit délai de préavis ... La ~ê=e
'1)
C~ retro~ve ic~ l'iLfluence du r8bi~e fr~~~ais, l'ir~e~­
~~té é~&nt 5e 5 du s~laire pendant les vingt-huit pre-
IDlers Jours et deux tiers ensuite, comme au Cameroun.

règle s'applique lorsque le contrat de travail est de durée
déterminée, dans ce cas, la période prévue ci-dessus est
définie par référence au préavis qui serait applicable pour
un travailleur de même qualification titulaire d'un contrat
de durée indéterminée. Le salaire journalier de base, pour lE
calcul de l'indemnité journalière, est obtenu en divisant
le montant du salaire perçu par le travailleur pendant trent,
jours précédant l'accident par le nombre de jours ouvrables
contenus dans cette période".
Se pose alors un problème
si l'ouvrier victime de l'accident a fait grève pendant deux
ou trois mois qui ont précédé l'accident, sur quelle base
sera calculé son salaire ? Sur le salaire de neuf mois ou Sl
le salaire de l'année?
Des rentes sont accordées en cas d'incapacité per-
manente ou de décès. Elles sont calculées sur la base du
dernier salaire annuel de la victime; il s'agit d'accident
mortel ou ayant entraîné une incapacité égale à au moins 1C
les rentes dues ne peuvent être calculées sur un salaire ar-
nuel inférieur au ~--IG, le plus élevé du territoire, multi-
plié par le coefficient 1,2. Dans la mesure où le salaire
annuel de la victime est défini, il n'est considéré que po~
un tiers pour le calcul de la rente. Il n'est pas tenu corn:
lie la rr-ac t i.or; c e Ei:::lé~ire annu eI excédant trente-huit f oâ e
le mon t an t du salaire minimum.
s~ cas d'i~cap~cité pe~~~ncnte, la victime n'a ë
qu'à une rente égale au dernier salaire annuel perçu, mult
1,lié pa r le t2W: d'inc3.pacité préalablerr.ent réduit de mait

158
,"
"
pour la partie àe ce taux qui ne dépasse pas 50 ~ (1). Et
augmenté de moitié pour ~a partie qui dépasse 50 ~ - si
~'incapacité permanente est totale et nécessite l'assistance
pour la victime â'un tiers, le montant de la rente est majoré
à 40 1, sans pouvoir être inférieur au ~jIG du secteur gé-
néral. C'est là, on l'admettra, un système fort complexe qui
permet à ceux qui détiennent l'institution de voir croître
ou décroître le montant de la pension beaucoup plus rapide-
ment que le taux d'incapacité.
En ce qui concerne la pension de survivant en cas
de décès, la loi prévoit une rente égale à 30 %du dernier
salaire annuel de la victime pour le conjoint survivant ni
divorcé ni séparé de corps, une rente s'élevant à 15 ~ ou
30 5 du même salaire annuel pour un ou deux enfants majorée
de 10 ~ pour chaque enfant en plus et les ascendants à charge.
~a rente viagère serVie au conjoint ~urvivant peut se cumuler
avec une pension d'invalidité ou de retraite. Le total des
sommes allouées aux ascendants ne peut dépasser 30 ~~ du sa-
laire annuel de la victime; mieux, l'ensemble des rentes
allouées aux différents ayantsdroi t ne peut dépasser 85 % de
ce même salaire.
Les frais funéraires, en cas d'accident ~ortel, sont
c::arge de La ~'e:;.is~.:o e c ,,~n2 la lirü te des deux tiers du
1
\\
(
"'cu:;3.r'sroU-.'rJ., ~éJ. v i c t m;e a ;irait à une rente prcporticn-
1
"
Lelle é::.U salaire éinnuel : lion se retrouve en :rrésence d'un
systè~e socia~ où les pa~vr~s sont condamnés à rester pau-
vr~s e t ~es r-Lc he s assures a C~L:e'..<.rer riches". '::jega
Il ~-ê'curit'.:::
S 0:::i8.2e au Cé::.z:.eroun", p.
129, laris . (77.

159
,"
salaire annuel minimum servant de base au calcu1,. des rentes
d'accident du travail. Toute modification de l'état de la
victime soit par aggravation, soit par atténuation de l'in-
firmité, peut entraîner une révision de la rente. Cette mo-
dification peut être constatée par la Caisse à la suite des
examens de contrôle périodiques (tous les six mois au cours
des deux premières années) auxquels la victime est soumise
auprès d'un médecin-expert. La victime jouit de la même pos-
sibilité de constatations par son médecin traitant.
Les rentes sont également fonction du coût de la
vie et de l'évolution des niveaux de salaires. Elles sont
ainsi susceptibles Q'être revalorisées (1). En 1965, inter-
vient le décret nQ 293/MT/PR du 21 septembre 1965, concern2
les rentes allouées en réparation d'accidents du travail et
avec effet à compter du 1er juillet 1965 par application ~E
coefficients ci-après :
rentes annuelles égales cu inférieuree à 68 640 FCPA, co
ficient de valorisation: 1,212 ;
- rentes annuelles supérieures à 68 640 FC?rl, coefficient
revalorisation: 1,15.
(i)
les rentes en rép~ra~ion des acci~ents du travail et è
maladies pr ofe s sd onne Ll.es ont été revalorisées en 1:":"
ave c l"';s t aux sui va nt s
:
nentes trimestrielles
]18.1,;,.X
1
à
25 CCC ?CFA
15 cJ'
<ô)
( ~'C
3-
SC l CC
PI
12 o/
5(, LLl
a
1(,C CCC
PI
1l
10C' CC,(I
a
2CC Cu:'
"
é "r-
2CC CCC
à
-: cc ccc
PI
,-
G
5
CC l'CC et au-delà
4 c1

160
\\~
..
L tapplicat10n de ce dernier coe~~icient ne peut avoir pour
effet de réévaluer les rentes sux une base inférieure à
83 200 FCFA par an.
Le rachat des rentes peut porter sur la totalité
ou une partie de la rente allouée en réparation d'accidents
du travail. Le rachat de la totalité de la rente peut s'ef-
fectuer un an après le point de départ des arrérages sur une
simple deffiande du titulaire majeur si le taux d'incapacité
théorique ne dépasse pas 10 ~.. Dans les autres cas, le rachat
des rentes peut stopérer cinq ans après le point de départ
des arrérages, dans la limite d'un quart au plus du capital
correspondant à 50 ~_ au plus, ou, s ' il est plus élevé, dans
la limite d'un quart du capital correspondant à la fraction
de la rente allouée jusqutà 50 7.
Le délai de dépôt de la demande de rachat est de
deux ans avant l'expiration d'un délai de cinq ans à compter
du point de départ des arrérages (forclusion: sept ans),
alors que dans le secteur public, les parlementaires et mem-
bres du Gouvernement qui staccaparent la part du lion du
revenu national, ont à leur disposition un régime de répara-
tion des accidents du travail et maladies professionnelles
organisé depuis 12. période coloniale par la loi nd 41/59 du
~'est un régime fort avantageux par r&pport à celui
~ue nous venons ce voir. Ainsi, le parlementaire et membre du
gc~verneLent bénéficie àtune inder.nité en cas dtaccident
(1) Cf. J.O. République gabonaise, 15 novembre 1959.


ayant entraîné une infirmité occasionnant une 1pcapac1té
d'au moins 50 ~
ou en cas de décès. Si l'incapacité perma-
nente est totale, la victime reçoit une rente viagère cal-
culée en proportion de la rente d'incapacité totale, le ser-
vice de cette rente sera différé jusqu'à la cessation effec-
tive des fonctions de l'intéressé. En cas de décès, il est
attribué à la veuve un capital décès du montant annuel des
émoluments d'actiVités de la victime et une rente viagère
égale à 60 ~ de la rente d'incapacité permanente totale.
Alors qu'il n'est alloué qu'une rente de 30 ~. du derni er sa-
laire annuel en cas de décès du salarié du secteur privé.
Mieux, si le décès du membre du gouvernement ou
parlementaire survient après la cessation des fonctions of-
ficielles de la victime, la veuve a droit à une rente viagèr
si la mère décède ou est déchue de ses droits, ses droits
passent aux enfants de moins de vingt et un ans avec majora-
tion de 1C ~. à partir du cieuxième enfant. 'J' est un autre
système confortable de protection que la loi leur réserve e:
cas de vieillesse, d'invalidité, alors que les pensions de
vieillesse, d'invalidité et de survivant sont un véritable
problème social pour les masses déshéritées.

162
"
TABLEAU'
"ACCIDENTS DU TR.-\\VAIL ET RENTES"
1974
1975
1976
1977
Accidents déclarés
9 255
9 874
12 593
9 046
(nombre)
Dossier de constitution
de rentes (allocation
1 129
1 275
1 373
1 423
vieillesse)
TABLEAU
PRESTATIONS VERSEES (en millions F.CFA)
1974
1975
Frais de médecine
120 000
185 747
Indemnités journalières
70 000
99 199
Rentes
120 000
166 189
capital décès
3 500
4 500
Orthopédie
500
680
Transports accidentés
2 500
2 500
Frais funéraires
2 500
3 000
TOTAL
320 000
462 815
Source
Direction des statistiques ~nérales
(Jituation écono~ique, financière et sociale de la
République gabonaise en 1977, p.
1E'2-1 E3,) .
}récisons que ces informations sont à prendre avec réserve
en raison du manque de possibilité de vérification.

163
,.
"
§ 4 - Les pensions de vieillesse, invalidité et de survivants,
important problème social.
Si au Gabon, le salarié qui a cotisé durant la
période exigée par la loi bénéficie en cas de survenance
d'invalidité, de vieillesse ... d'une pension, il reste que
les taux de prestations allouées et les conditions exigées
aggravent les inégalités et laissent les allocataires pauvres
dans la misère.
A - Les pensions de vieillesse.
Le problème de la protection des personnes âgées
a pris en Afrique une dimension importante, car les liens
familiaux traditionnels se sont peu à peu relâchés aussi bien
dans les villes que dans les zones rurales, où l'exode des
jeunes vers les centres urbains a eu pour effet de retirer
leur soutien à un grand nombre de personnes â~es (1), cons-
tatait la 5ème conférence régionale africaine de sécurité
sociale tenue à Àbidjan en Octobre 1977.
En effet, cet exode rural rejette les vieux dans
l'isolement, et malheur à ceux qui n'ont pas de moyens finan-
ciers substantiels; malheur à ceux qui n'ont point d'enfants
,.
r t\\, e
l . . r
. .
s e c.......cur-c
lo.4...........
ï-our
..
I.A......
.... el'v-l~
'I",,;....(.J\\.
......
,
l.·_c
n'y a plus que la pauvreté, la misère, le désespoir.
1orsqu'on examine les textes de loi en matière de
rrotection des personnes â@ées, le Gabon dispose à l'heure
(1) Voir 5ème Conférence régionale africaine de s.s., BIT
1977, p. 2.

actuelle d'une législation somme toute moderne. Mais pour

avoir droit à la sécurité, il faut avoir 55 ans, avoir cotisé
60 mois, être immatriculé depuis vingt ans. Les travailleurs
âgés de 45 ans ou plus au 1er mai 1964 bénéficient d'une
validation de 6 mois d'assurance pour chaque année comprise
entre 45 ans et l'âge à la dite date, à condition d'accomplir
au moins 6 mois d'assurance au cours de la première année
suivant l'entrée en vigueur de la loi de 1964. Le droit à
pension de retraite peut être ouvert par anticipation à l'âge
de 50 ans, si l'assuré est atteint d'une usure prématurée de
ses facultés physiques ou mentales dfrment contrÔlée par le
médecin. L'âge d'admission à la pension est également ramené
à 50 ans pour les travailleurs qui, comptant un minimum de
dix années, une activité particulièrement pénible et mal-
saine ...
Dès lors, la question peut se poser la condition
i'~ge obligatoire qui s'ajoute à la condition du stage ne
sont-elles pas des injustices du système ? Est-il juste que
l'ouvrier qui a commencé à travailler à l'â~ de 15 ans at-
tende 55 ou 45 ans pour pouvoir bénéficier d'une pension de
retraite <;l
La carrière d'un travailleur salarié n'est donc
ccnsidérée COh~e cO=Dlète .
~
eue s'il existe une adéquation
exa c t e entre sa car r-I er e réelle et la carrière th';criqus a
l::'~uelle est s our.I se le bénéfice ci' une pension complèt e. 10:2
le jo i rrt de départ théorique de cette carrière théorique e;
source de discrimination pour ceux qui ont commencé à

165
travailler avant cet âge, surtout pour ce qui concerne les
ouvriers. Car les années de travail effectuées avant cet
âge ne sont pas prises en compte pour le calcul de la pen-
sion. C'est ainsi que, par exemple, l'ouvrier qui a commencé
à travailler à 15 ans pour s'arrêter à 55 ans, âge de la
pension, bénéficiera d'une pension complète calculée sur 20
années de travail, alors qu'il aura effectivement travaillé
40 ans. Voilà un nombre considérable d'années qui ne seront
pas valorisées par le calcul de la pension et qui ont pour-
tant donné à la perception des cotisations de sécurité sociale
Tout comme le lieA de subordination juridique exigé,
souvent mal défini, laisse entrevoir que les employeurs peu-
vent échapper à leurs obligations et à la Caisse de sécurité
sociale de refuser aux marginaux de bénéficier de la sécurité
sociale; de sorte qu'une personne peut ne pas bénéficier du
tcut de prestations vieillesse parce qu'elle n'a pas rempli
les conditions mentionnées plus haut, à un moment donné, alors
qu'elle a été immatriculée pendant au moins 10 ans. Le légis-
lateur a donc trouvé que c'était juste à ses yeux qu'un tra-
vailleur qui a travaillé pendant 20 ans pour un patron et
cotisé à la C.N.S.S. perde ses droi~à pension si chèrement
payés sitôt ~u'il rlait au patron de ~~ cong~dier ? Alors que
ié..ns le même ter: ps il autorise que "les étrangers~uittant
remboursecent de leurs doubles co t Lsa t t ons , après eriquê t e du
conseil d'adrr:inistr;:--ition de la Caisse sur le caractère défi-
ni tif du à.épart".

Le système actuel aggrave les inégalités et d1~-
férentes étuàes (1) le prouvent et montrent que les ouvriers
arrivant à la retraite ont la durée de carrière la plus
longue; ils ont cotisé sur la totalité de leurs salaires
déjà maigres. Leur revenu a toujours été rogné par l'infla-
tion et les spéculations, a permis aux plus favorisés de
préparer durant toute leur vie une bonne sécurité pour les
vieux jours; moments où l'on a le plus besoin de soins et
d'argent. Une carrière longue et pénible a réduit leur espé-
rance de vie de 5 à 8 ans.
Le taux de la pension allouée permet d'apprécier
l'efficacité de ce régime à l'égard de ceux qui, déjà avec
leurs maigres salaires, n'arrivent pas à "joindre les deux
bout s" ; selon la loi, si le montant de la pension du salarié
ne peut être inférieure à 80~· du S1-:IG mensuel qui est ac-
tuelleI!lent de 4C CCC FjFA, le montant mensuel de la pension
ô'invalidité ne peut être inférieur à 6e 5 du salaire mensuel
gar~nti (2). Le ~OLtaLt mensuel de la pension vieillesse ou
de la pension anticipée est égal à 35 ~ de la rémunération
mensuelle moyenne; le montant mensuel de la pension n'est
majoré que de 1 ~. du salaire de base pour chaque période de
12 mois de cotisation.
La situation dans laquelle se trouvent les ouvriers,
obligés (Fi'ilé~ s cr.f d e c on t Lnue r ~ trc..v""illsr jusc:u'à un âge
--- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1)
Cf Gabriel Gran~cr, La sécurité sociale, des idées pour~in.
CI. art. 7E;oie è.e s.s. rabcné4is .Loi n2 6 ""'~ du ;:::: 11 ""5
~
i'.>
~.,. • • : .

"
167
très avancé - la loi prévoit même que "l'âge d'admission à
la pension de vieillesse pourra ~tre porté ultérieurement,
par décret, à 60 ans, compte tenu de l'évolution des condi-
tions économiques, sociales et démographiAues ll (1) - non
seulement nuit à leur santé, mais fait qu'une bonne partie
d'entre eux meurent avant d'accéder à la retraite et procure
à la Caisse nationale de sécurité sociale, propriété des
patrons et leurs alliés, des fonds gratuits; alors que cer-
taines catégories sociales (fonctionnaires, parlementaires
et membres du gouvernement) ont des retraites proportionnelles
qu'elles cumulent avec l'épargne due à des salaires confor-
tables perçus tout au long de leur vie active en plus des
avantages en nature (2).
Il Y a là une série de mesures discriminatoires
dont on est en mesure de dire que la loi en matière de pen-
sio~s vieillesse a ses privilégiés. ~u'en est-il en mati~re
èe pension d'invalidité r;
(1)
Cf. article 75 code de sécurité sociale gabonais, Loi nQ
6/75 du 25 novembre 1975, alinéa 2.
(2) 0'est le cas des anciens vice-présidents, présidents et
leurs veuves qui ont droit à une réSidence, à un vé~icule
en rapport avec leurs ar.c enne s fonctions et aux p::'esta-
â
tions servies. Cf. loi n1 1C;65 du 2 ~éce~br& 1~55, ;.l.
hsrutlirJue é=.'"aton9is€
~":;~-,-r,Tiic:r'
1c~6
~~-~1 ü~too~e iS77 : )~~2 r€r.ticrs'a~ titre àe la pension
-'.-:'..eilles:::e f:::..;.r;;;.ient per ç u trimestrielleœnt leurs r en t e s ,
~arci lesquels 4 5~6 pens i cr.s vieil] 85:::2 s e rvd s Ec'L,. r;::"aL-
r··,'O"Y'
c.'e cr, ::7
(>:.c- c
('1
-.~.)
-
y
_ ...... J,..
c r , -..) ./
\\....
/
...... .; _1. -J,
451
peLsion2 vieilles~e servies er.tre r;lan-
c:-~er E,77 5 et plafond; 11::5 au p La fcnd ~;,6G ;,. ;:;ou~cês
ie la ~irection gén~rale des statistiques d~ 3ator..
:~s
statistiques étant à ~r~n~re ave~ toute la réserve voulue
~u ~~e L0US n'avoL2 pu le2 vérifier.

168
"
B - La pension d'invalidité.
Certes, les travailleurs, employés bénéficient
~\\
d'une pension d'invalidité en cas de perte totale ou partielle
de leur capacité de travail, mais les conditions exi€ées
pour
bénéficier de ce droit sont à l'image des pensions de vieil-
lesse sinon pires.
Ainsi, l'invalide qui n'a pas atteint l'âge de 55
ans doit avoir été immatriculé à la C.N.S.S. depuis 5 ans au
moins et avoir accompli 30 mois d'assurance au cours des 5
dernières années. Comme en ce qui concerne les autres pays
d'Afrique francophone, l'invalidité est définie comme "l'as-
suré qui a par suite de maladie ou d'accident d'origine non
professionnelle,
subi une diminution permanente de ses ca-
pacités physiques ou mentales le rendant incapable de gagner
plus dUn1/3 de la rémunération qu'un travailleur ayant la
mêne fomation peut se procurer par son travail" (1).
Comm e
on le voit, cette définition limite d'office le nombre de
bénéficiaires estimés comme valides.
Le subside alloué est non seulement soumis à une
condition de stage mais est encore maigre. En effet, le mon-
tant de la pension d' invalidi té "est égal à 60 ~_ de la pen-
sio~ vieillesse à laquelle l'intéressé aurait eu droit co:: ' ; -,
l.-'
...... ...L
av~i~ travaillé jusqu'à l'âge d'admissior. à pension vieilless~
et l~ pension d'invalidit8 est remplacée par la peLsion vieil-
lesse, lorsque le bénéficiaire atteint l'âge de 55 ans.
(1) Cf. Fierre r·:outon, La sécurité sociale en Afrique du sud
~ u Sahara, p. 28, BI T.

169
Ainsi, la pension d'invalidité n'est, pour les
travailleurs, ni un secours matériel mais encore moins un
instrument prophylactique, puisqu'il n'y a aucune structure
de réadaptation physique ou professionnelle, ni de moyens
et appareils nécessaires à leur adaptation.
Il est à noter que les conditions restrictives
observées plus quant à l'octroi des prestations sont géné-
rales à l'Afrique.
c'est ainsi que, en Guinée, il faut 3 mois d'imma-
triculation et d'emploi (26 jours ou 120 heures de travail)
au cours des 3 mois civils précédant la maladie ou l'invali-
dité. Dans certains codes, les invalides sont classés en 2
groupes: ceux qui sont entièrement incapables d'exercer un
emploi salarié quelconque perçoivent 100 % du salaire moyen
pendant les années de travail, avec une majoration de 20 ~
si l'invalide, aveugle ou paralysé, a besoin de l'assistance
d'un tiers; ceux qui sont partiellement aptes à exercer leur
erip.Lo.i ou un autre emj.Lo.i rémunéré perçoivent 40 ~. du salaire
moyen antérieur (cf. loi camerounaise 1960).
Pour d'autres pays, les invalides complets ne per-
çoivent qu'une pension proportionnelle à leurs possibilités
~'activité sans qu~ cett6 pension ~ui2se jaôais excéier 3C ;
loi c u î7 j anvâ er
1~'(~.
~~s pe~sions et allOCations ce survivants 6uivent-
elles l '2 ~~I:'.e cours Clue la ~esion cl 1 invalidi té et les re-

170

c - Pensions et allocations de survivants.
Loin de répondre aux besoins de ceux qui ont perdu
leur soutien, la pension de survivant est d'un montant dé-
risoire, en plus d'importantes restrictions quant aux condi-
tions d'attribution. Son taux est de 50 ~, pour le veuf ou la
veuve invalide, 20 5 pour chaque orphelin de père, mèr~ ou
pour l'orphelin dont la mère ne perçoit pas de pension.
Le montant total des pensions ne peut excéder 85 ~
de celui de la pension du de cujus.
Le bénéficiaire de l'allocation de survivant n'a
droit qu'à autant de mensualités de la pension de vieillesse
à laquelle le défunt aurait pu prétendre au terme de 120
annuités d'assurance qu'il avait accoopli de semestres d'as-
surance à la date de son décès. En d'autres termes, si cette
condition n'est pas remplie, parce que le défunt n'a tota-
lisé que 100 annuités d'assurance, le droit tombe.
Le montant de la pension est réparti selon les
pourcentages suivants
- 50 %à la veuve non salariée ou invalide, mariée à l'assuré
au moins un an avant le décès ou ayant un enfant de l'assuré.
- 50 r au veuf invalide à charge, marié à l'assurée au moins
un an avant le décès.
-
c~ 5 ~ cll~q~e crr~eiiL ue ps~e cu de mère et ~5 5 ~ cha~ue
crphelin de p~re et de mère ou ~ l'orphelin dont la nère

171
Comme on le voit, d'après ce qui précède, la ca-
ractéristique des prestations offertes par le système de
protection sociale gabonais en matière de vieillesse, inva-
lidité et pensions diverses, est l'insignifiance de celles-ci
pour tous ceux qui n'ont que des bas revenus. Par ailleurs,
on remarquera que l'attribution d'une pension est souvent
subordonnée, en ce qui concerne l'invalidité, à une réduction
d'au moins 2/3 de la capacité de travail. La durée d'affi-
liation est souvent très longue. La pension, théoriquement,
est de 40 ~. du salaire de base, mais comme ce salaire de
base est calculé sur l'ensemble de la période d'immatricula-
tion, le manque à gagner dû à l'inflation qui est de l'ordre
de 26 % fait que les prestations sont très insignifiantes.
Au vrai, les prestations en matière cie vieillesse,
d'invalidité etc ... ne sont que des prestations d'assistance
four la majorité des travailleurs, laissant les allocataires
dans la misère. Elles ne sécurisent pas le travailleur pauvre
dans ses mauvais jours (1).
L'analyse que nous venons de faire se rapporte au
milieu des travailleurs urbains salariés, alors qu'il n'existe
rien de seœblable pour les paysans, petits co~erçants, ar-
tisa~~ etc ... Seuls quel~ues textes peu connus des iLtéressés
ex i s t e n t , sar,s pr-é e e rrt e r- les r.êra es car-ac t èr-e s ni accorder
(1)
Depuis 1~76, selon l~ direction générale des st~tistioues
du r;'~bon, 11E dossiers ê.'allocations o e eur-v iv azt s C:."[.;rdier:-
sté
r-t
et 6 6~c
';OU1.'
r(;:::è'c-J.2."se~_s:"_t
o u v
e
s
d o s s i e r s
l - : ?
c
e
s
cotisations.

les mêmes avantages, maie instituant un système d'aide
sociale réduite au minimum (1).
(1) Un décret du 8 février 1965 a étendu le versement de
l'allocation à l'enfance à toutes les mères de famille,
quelque soit le nombre de leurs enfants, et a fixé son
montant à 500 francs par an et par enfant - aujourd'hui
1 500 francs.
Alors que la prime à la naissance est un droit, les allo-
cations à l'enfance restent une assistance en fonction
des disponibilités budgétaires locales. Dans la pratique,
rares sont les mères de famille qui bénéficient de cette
allocation à l'enfance.
Des exonérations et allègements fiscaux sont théoriquement
également prévus en faveur de la famille. En fait, il
n'en est rien du tout et aucune famille gabonaise non-
salariée ne perçoit de prestations, ni n'est exonérée
d'impôt.
L'allocation annuelle, du reste dérisoire, qui était at-
tribuée aux familles sera supprimée en 1971.
Et le rôle de l'aide sociale se ramène aujourd'hui à
assister, conseiller les familles pauvres qu'assurent les
centres sociaux qui ont été construits pour cette besogne.

17'
CONCLUSION D'ENSEMBLE
---------------------
L'analyse ~ue nous avons faite jusqu'ici montre
/
les problèmes d'application des lois sociales coloniales et
du système juridi~ue de protection socia1egabonais actuel.
Alors ~ue la société gabonaise traditionnelle igno-
rait les notions abstraites de sujet de droit; alors que
dans cette société régnait un univers de solidarité sociale
représenté par des groupes allant de la famille,au clan, à
la tribu, l'introduction de l'économie capitaliste dans cette
aire géographique eut pour conséquences de briser l'ancienne
organisation sociale et transformer les individus en sujets
de droit capables de vendre leur force de travail.
Désormais, l'homme gabonais doit vendre sa force
de travail pour vivre. 3n outre, le travail est exécuté au
profit d'une personne étrangère au groupe social ~ui s'appro-
prie la part essentielle du fruit du travail; le travail est
désacralisé, car dorénavant, il a pour objet l'obtention de
revenus monétaires et non le devenir du groupe social.
~'est cette nouvelle situation d'inséc~ité qui
donnera lieu 2 la création d'ir.stitutions nouvelles de pro-
tectiou sociale jaLs le but de créer une sécurité, de subs-
titution.
A la sécurité sociale, fut assigni le rôle de :
- restructurer les familles urbaines par le relèvementJd'un
minimum vital aux familles ouvrières.

..Jt
...(<)
.f' r'
174

.r.
,-
remplacer la solidarité coutumière,
Il
_ stabiliser les cadres et la main-d'oeuvre et les intégrer
au système établi (1),
- la prévention et la réparation des accidents du travail,
- la protection contre la vieillesse ...
Force est de constater aujourd'hui que le passage
de l'univers gabonais sous la domination de l'ordre juridi-
que colonial capitaliste pose plusieurs problèmes :
La législation en vigueur offre tous les inconv6-
nients des mesures prises sous l'impulsion des circonstances,
mesures arbitraires et discriminatoires prises sans une
analyse profonde de la réalité sociale. Européens et autoch-
tones, cadres et ouvriers, membres du gouvernement, fonction-
naires ont des statuts juridiques différents ; les non-
salariés et toute personne sans contrat de travail en sont
exclus. La législation manque de cohésion et les taux d'al-
location sont inégaux j la période de stage edgée, le délai
de carence, la limite pendant laquelle les prestations sont
servies sont de véritables obstacles pour les masses popu-
.'
laires. Il s'agit des droits qui ont une spécificité, c'est
d'offrir une mosafque de solutions à la question sociale.
Ainsi, le législateur colonial et les pouvoirs pu-
gabon~is estiment, a~~ yeux du monde, qu'ils OLt résolu
le r;roblèrne de la sé c ura té de l "homme gabonais. ;:',:ais la ques-
tion de savoir si l'ouvrier gabonais réussira-t-il ~ vivre
avec une pension de 4C ; de son salaire de base et a Io rs
(1) Voir ::ongré Ambroise, La sécurité sociale en Haut e-Vo Lt a ,
~émoire, Paris 1966, p. 12.

175
qu'il meurt déjà à moitié de faim avec son plein ~alaire
mensuel, demeure sans réponse.
Dès lors, on aimerait savoir sur quels postulats
repose le système de protection sociale gabonais ? A-t-il
un rapport quelcon~ue avec les problèmes cruciaux concernant
le développement du bien-~tre des masses laborieuses des
villes et des campagnes à l'intérieur d'une formation so-
ciale spécifique à l'époque actuelle du progrès de l'huma-
nité ? Est-il besoin de rappeler ici l'ampleur des nouveaux
besoins créés par l'ordre social capitaliste?
Jusque là, la famille, le clan étaient un lieu de
sécurité pour l'homme gabonais; avec la pénétration du ca-
pitalisme au Gabon, les villages se vident de jeunes qui vont
en ville à la recherche d'un emfloi. Ce mouvement de popula-
tion entraîne l'éclatenent du cadre traditionnel de sécurité.
J'est là une situation qui ne va pas sans engendrer de nou-
veaux problèmes dans le cadre c e s e t r... ctures actuelles
cn.Ôn:age, d~linquance, vols, prostitution, mendicité, crimi-
nalité, fa~ine, parasitisme, problèmes d'habitation, etc ...
maux que la société traditionnelle ne connaissait pas sous
ces aspect s-ci.
La séc~ité est maintenant liée à l'activité sala-
riale, ~ais l'activit~ salariale L'exis:e ~~s fCu~ tout ls
des moyens de production.Certes, une législatio~ scciGle Qe

176
,.
..
plus en plus abondante est venue grignoter la toute-puissance
des droits du propriétaire des nouveaux moyens de production,
mais l'emploi, auquel sont subordonnés tous les droits à la
sécurité, est d'essence contractuelle fondé sur l'article
1780 du Code civil français en vertu duquel "le louage de
service fait sans détermination de durée peut toujours cesser
par la volonté d'une des parties".
En Afrique centrale, le droit de propriété, des
~oyens de production, le concept de propriété individuelle
est un apport nouveau; l'univers africain ne connaissait pas
l'appropriation privée des moyens de production; la terre
et les autres moyens de production étaient le support de la
vie du groupe et le chef qui en avait la garde sacrée était
l'incarnation vivante de la communauté passée, présente et
future.
Ici, la personne est définie comme sujet social et
DOL D~S cODee ur- sujet individu. A aucun momen~, il ne peut
être question qu'une activité individuelle quelconque puisse
léser l'intérêt, la sûreté et la sécurité matérielle de la
collectivité. L'évolution du Gabon actuelle va-t-elle dans
ce sens? ou au contraire, assiste-t-on à une évolution vers
une fome de vie et d'activités individualistes considérée
leE ;J~~oirs rublies ~ettent-ils en oeuvre les ~cyens n~ces-
0~ir';;'ê pJt,I' Y faire f'ac e ? =-e potentiel é c or.oru que du Gabor..
a uj cur-d 'hui luilonne :3 GCe i- par tête ci 'habitant, le bud ze t
es~ constar.~eDt en ~~gmentation, passant de 5 milliard~ de
F.CFA en 1960 à 335 milliards en 1979 ; 404,5 milliarde en

"
177

1981, alors que, dans le même temps, les conditions de vie
des masses laborieuses des villes et des campagnes ne cessent
de se dégrader. Comment concilier cette réalité contradic-
toire avec la thèse officielle qui prétend que s'il en est
ainsi, ce sont des traits qui illustrent la primauté de l'im-
pératif du développement économique sur le droit de la sécu-
rité sociale. Autrement dit "le niveau de protection sociale
est fonction d'une part du niveau de développement du pays
considéré et d'autre part, du contenu qui y est donné à
l'idée de solidarité nationale" ? (1).
La question se pose
la sécurité sociale gabonaise
est-elle en avance, en retard ou correspond-elle à la base
économique du pays? C'est ce que nous allons voir en mettant
le fondeu:entdu système je j.r-o t.e ct Lcn sociale g:~bonais à
l'épreuve des réalités sociales.
l')
:-~tienne j·:ouvacha, OS.cité, p. ~C.

178
T r T R E
II
LA REALITE SOCIALE ET LE FONDEME1~ DU
SYST:EJ1E DE PROTECTION SOCIALE GABONAIS
L'histoire des sociétés modernes de ces dernières
années est, à bien des égards, marquée par l'emprise des
idéologies du développement et de l'idée que la pauvreté,
l'insécurité sociale des pays comme le Gabon a pour cause
leur retard économique.
Depuis l'après seconde guerre mondiale, les écarts
des conditions matérielles et sociales apparus croissants
entre les pays capitalistes développés et les pays capita-
listes moins développés à qui l'ordre social libéral fait
tout pour retarder l'accès au niveau social correspondant au
système social installé ont alimenté cette croyance.
Alors qu'aujourd'hui le monde tend à s'unifier,
alors que les progrès de la science et de la tecPLique ouvrent
une perspective ,~~~ bien-être et Q'~panouisser:::ent ::-. l'hoŒr'e
c:o:..ocr.ais, les
car
é
t s de niveau de vie, de culture et des pri-
vilèE€S
entre ~etJ~ d'en r~ut et ceux d'en bas de ~'échelle
~cciale ne cessent ûe s'accroître: famine, taudis, rrauvaise
6ant~ et hygiène, chômage et rrauvaises conditions de trsvail

.:
179

etc ••. tel est le lot quotidien qu'endure une partie de cette
humanité.
L'idée que la pauvreté peut 8tre résolue par le
développement de la croissance économique est née de ces
contrastes.
Dès lors, prétendre que "Le r~le de l'Etat en tant
que moteur de l'action sociale ira en augmentant jusqu'au
jour o~ notre pays aura atteint un niveau de développement
économique suffisant. A partir de ce moment-là, l'Etat devrait
continuer à prendre largement en charge les plus défavorisés
et laisser une plus grande part de responsabilités person-
nelles et familiales à ceux dont les moyens d'existence, le
degré d'instruction, les responsabilités professionnelles sont
les plus élevés" (1). ne revient-il pas à dire que la pau-
vreté n'a pas un caractère universel à notre époque ; et à
affirmer que les pays capitaliEtes développés sont parvenus,
en suivant cette voie, au stade de développement o~ le pro-
blème de la pauvreté est déjà résolu? OÙ est la vérité?
N'est-il pas vrai qu'en Gccident aussi les pauvres
sont en nombre croissant si l'on considère les mal logés, les
chÔmeurs, les Smicards, les sous-eŒployés, les vieillards,
etc ... ? Il Y a lieu de se deménàer si de tels ~rcpos L'OC-
c u.l t er t
ras ULe rés.l.ité, le f ond en er. t o e "la pauvreté, qui
est ur. rapport social entre les hommes . .Ko::.p:;::ort ir.:;~oss r.aa s
ci·~ze2nt, dans le 26L2 c~ il répon~ à la logique de diffé-
(
' )
,"-'-Ç'
r-
i.. 1
-J~....."1o..
5cng-o, ler;.zée et action sociale, op.cité, P. 24.

180

renciation sociale que les classes dominantes, à différentes
époques, érigèrent en un Etat, c'est-à-dire en une forme de
gouvernement" ? (1).
Sinon comment expliquer que le concept pauvreté
soit d'actualité en Occident depuis les années 70 ? (2).
C'est ainsi qu'une enquête réalisée auprès de 1 000 personnes
par pays e~ Europe, en 1976, montre que 33 % des Français
jugeaient leurs revenus inférieurs au revenu nécessaire ; 47~,
des Français percevaient l'existence des gens dans la misère.
L'étude faite par MM. Lecaillon et W. Van Ginneken, L.
Lambert révèle que 60 millions de personnes en Europe vivent
dans la pauvreté (3).
En ce qui concerne les pays du tiers-monde, la
situation est encore plus dramatique. La Banque mondiale, dans
son rapport sur le développement (1980) dans le monde, note
que la pauvreté risque de faire "tâche d'huile" d'ici à 1990.
Les pays démunis: l'Asie et surtout l'Afrique au Sud du
2ahara serent les régions les plus touchées.
L'objet de cette partie est de mettre à l'épreuve
des faits la thèss de la "répartition des fruits de la crois-
sance" ; situer le débat ouvert sur la question de la pauvreté
et les rerrèdes ~ui sont proposés.
(
1
)
l
'
, .
~f. La relativité du concept de pauvreté par F. GreIl et
~. ~ery in 3CCTIO et humanisne p.
21, juillet-août 1SéC.
l2j
~f. F. Grell et A. ~ery,op.cité, p. 36-39.
(
~)
\\ .J
Cf. La pauvreté persistante oar,s les pays industrialisés
à ~cono~ie de narché in revue internationale du travail,
Vol. 118 n 26, novembre-décembre 1979.

Aussi, lorsque d ans ce travail, nous parlerons des
..
pauvres ou de la question sociale, nous entendons par là, la
condition de ceux qui manquent des moyens d'existence ou qui
vivent de si peu qu'ils demeurent dans l'insécurité au sein
de la société moderne d'abondance, "en tant qu'individus dé-
classés, non fonctionnel pour le mode de production matérielle
et symbolique de notre époque" (1).
Mais, pour tenter d'aborder tous ces points, la
réflexion critique exige qu'on explique d'abord la thèse:
la protection sociale dans la mouvance du développement et
en second lieu qu'on mett e cette thèse à l'épreuve des réa-
lités sociales gabonaises.
'. 1)
r ,
Gye 11 e -::
_..
.~ e ry 1 0 1-. ci t ~ 1 p.
22 .

182
"1:.,
i, ~
CHA FIT R E l
LA THEBE : LA FROTECTION SOCIALE D~~S
LA MOUVANCE DU DEVELOPF~ENT
Au Gabon, nous l'avorovu précédemment, la majorité
de la population et certains risques sociaux sont laissés
quasiment sans protection du fait qu'il n'y a pas suffisamment
de moyens matériels pour les couvrir.
M. Léon Mebiame, vice-président du gouvernement
gabonais, dans une allocution à la quatrième conférence ré-
gionale africaine de l'Association internationale de sécurité
sociale à Libreville du 2 au 12 février 1972 (1), s'en tenant
à cette idée, déclarait
"Il est réconfortant de noter que, dès leur acces-
sion à l'indépendance, les Etats africains ont entrepris de
promouvoir une politique de sécurité sociale sans jamais perdre
de vue leur situation de pays en voie de développement.
En effet, dans tous nos Etats, les besoins sont im-
menses dans tous les domaines, alors que les ressources sor.t
::r::.tées. I~norer .L "envar-or.r.erserrt é corror.Lque s e ra i t courir à.
Cahier
-r
,-,
~
_"1..~.I>....,
r

..:...
l 2
tt ,
i ~'72 , p.
4.

183
Il
l'échec à bref délai, tant il est vrai que la politique est
l'art du p08s~b1e·.
M. Et~enne Mouvagha de son cOté ajoutait au cours
du 2ème congrès du parti démocratique gabonais en 1980 : "Le
niveau de protection sociale est fonction, d'une part, du
niveau de développement du pays considéré et, d'autre part,
du contenu qui y est donné à l'idée de solidarité nationale ll
Rappelons qu'en 1969, le gouvernement gabonais a
dû renoncer au projet d'étendre le régime des prestations
familiales à l'ensemble de la population au motif que son
coût était trop élevé: 15 r. du budget de l'Etat et près de
5 ~ du produit intérieur brut (2).
Cette thèse, qui considère la protection sociale
comme un besoin non prioritaire que le pays ne peut se per-
mettre que si la production marchande l'autorise fait de
celle-ci la distribution des résultats de la croissance éco-
noma que .
"Elle opère un cloisonnement entre l'économique et
le social. Il y aurait d'un côté, celui de l'économique, des
lois objectives à ne pas transgresser, celles qui régissent
le fOLctior~ement de l'économie capitaliste de 2arché. Le SG-
cial L'in~ervenant qu'ensuite, à 1& marge, pour aménager, re-
partir, hu.'taniser le produit naturelle l'activité économique"
( 3) .
(1)
Cahier A.I,S.S., p. 89.
(2) lierre I.:outon, op.cité, p.
103.
(3) Jacques Fournier et Nicolas Questiaux, Le pouvoir du;so-
cial, FUF 1979, p.
15.

184

Elle se rattache à un courant de la pensée occi-
dentale libérale (1): L'école néo-classique1Pour qui le be-
soin de l'homme doit être déterminé en fonction de ce que
chacun juge utile dans la production offerte. Ce besoin est
tout entier subordonné à la production. Ici un minimum phy-
siologique n'est mAme pas fixé. Il est même naturel que la
non couverture des besoins fondamentaux de certains membres
de la société ne soit pas assurée par celle-ci. C'est un cou-
rant de pensée qui minimise et évacue l'importance de la ques-
tion sociale.
Elle tend aussi à faire croire que l'Etat est res-
ponsable de l'amélioration du bien-être social; de ce fait,
elle sème l'illusion sur la nature de cet Etat et sa capacité
réformatrice, nie le fait que la différenciation sociale ac-
tuelle organisée est produite aux fins du fonctionnement de
la société.
Mais elle ne nous dit pas comment réussira-t-elle
à concilier les intérêts contradictoires de ceux qui, déte-
nant les moyens de production, recherchent l'accumulation des
profits et les privilèges et de ceux des masses laborieuses
créatrices des richesses qui sont astreints à une sous-
consommation permaLente ?
ter-r0E'~ SUl le postulat s e Lon lequel le pr ctec t i on sociale
drit ê~re considérée co~e le T~sultat de la croissance et à
(î)
SUT la critique ~es scoles de l'école classique et néo-
classique, voir r. ~L.:'3 Traité de l'économie de la sécu-:
rité sociale, l.G.D.J.
1981, p. 5 et suivantes.

185

se demander si l'accroissement des biens marchands conduit
a priori à la satisfaction des besoins sociaux ?
SECTION l
- L3 DEVELOPF31>":ENT ECONOMIQU3 COMME REMEDE A LA
PXl;"""T1RETE.
De nos jours, nombreux sont ceux qui pensent que la
clé de solution aux problèmes sociaux réside dans le dévelop-
pement économique des pays pauvres. car, estime-t-on, la
pauvreté qui prédomine dans des pays comme le Gabon a pour
cause leur faible niveau de développement, l'arriération de
leurs techniques de production, la pénurie de leurs capitaux
leur imprévoyance; l'insuffisance de leur épargne; leur
manque de cadres compétents etc ..•
Aussi la société internationale incarnée par l'C1~,
la Banque Vondiale, le n.l.T. ; leur demande de s'efforcer
de réd uire leur déficit des paiements extérieurs "non pas en
comprimant leurs irr..portations, mais en accroissant leurs ex-
portations ll ; en cherchant davantage l'aide des pays capita-
listes développés. Ces pays doivent, selon cette logique,
assurer un système politique et social qui autorise et même
incite l'individu à rechercher l'ar,é1ioratic" de son sort
r~c=:u1er 1'e:.'::6r:::'1e::'1.1 sy s t ème e c or.onuque peur l'es.::.entiel
~rtce au ~arché (~).
(1)
Voir Galbraith, op.cité, p.
59 et le jO'l;.rnal 1e Fonü.e du
mardi 19 aoUt 1~e0, p. 20.

186
..
Dans tous les plans de développement économique,
tout comme dans les discours politiques, l'objectif est de
faire admettre que le développement économique constitue le
remède à la misère et à l'insécurité sociale. Ainsi, la so-
lution contemporaine à l'appauvrissement des classes labo-
rieuses s'avère être le développement.
Nous allons ici chercher à saisir ce que recouvre
ce concept; l'impact du modèle de développement en cours
afin de voir si ce développement économique se traduit né-
cessairement par un progrès social dans les pays pauvres.
Certes, le fait premier, historique, est d'abord
la production des moyens permettant de satisfaire les besoins;
la production des moyens d'existence est un fait historique
tique l'on doit, aujourd 'hui encore comme i l y a des milliers
d'années, remplir jour pour jour, heure par heure, simplement
pour maintenir les hommes en vieil (1). 3t pour ce faire, les
hommes ont besoin des instruments de production plus perfec-
tionnés qui leur permettent d'accroître les biens matériels
& produire et à parta@8r. Mais pour apprécier le niveau de
développement atteint par une formation sociale et afin de
savoir si elle peut subvenir à l'essentiel des besoins de ses
membres dans des justes proportions, on ne pe~t se ~i~iter ~
urie c ons t a te t t or. è..: Liv(:;,-",- e t t ei.n t
p2.r les forces internes
:-:...r c ar.s sa &5.[.0..;; par t.Le , il est détern·in/ par le r.t veau
e t t e i.n t I>s.r le cs.r::~lisr::e 2. l'~c.:L6l1e IDonCLiEl1e - t ~:::t e ouv en t
::~L~tion des besoins cie celui-ci. Et aU Gabon, son ex:r:1oits.tiol'J.
': Î )-;f.
Karl J.!arx , L'idéologie allemande, éd. sociales, p.
17.

187
et sa domination sont les obstacles majeurs au dé~eloppement
de la protection sociale des masses populaires ; parce que
les principaux instruments de production sont concentrés pour
l'essentiel au niveau des activités d'extraction des matières
premières: pétrole, uranium, manganèse, fer, bois, or, mar-
bre etc. ; l'agriculture vivrière est délaissée et ne béné-
ficie que d'instruments de production rudimentaires. La si-
tuation créée est que presque toutes les exploitations com-
merciales et de production d'importance au Gabon sont des
propriétés des personnes privées ou des sociétés monopolistes
qui organisent leur activité en fonction des intérêts des
possesseurs de capitaux et rapatrient une part considérable
des profits en r-:étropole. Le journal "Le Monde" daté du 1
ao~t 1976 nous apprend dans ce sens qu'en 1975, plus de 20
milliards de F.CFA étaient sortis du C~bon par les firmes
multinationales. Même lorsqu'il y a des créations de l'Etat,
ce sont eL général dee crfations des sociétés monopolistes
internationales, comme la Caisse de Coopération économique
française, qui se masquent derrière l'Etat gabonais pour pil-
ler et exploiter en toute sécurité la force de travail et les
richesses du Gabon. Le prolétaire vit d'un salaire qui lui
permet à peine de ne pas mourir de faim.
La faible t ecnru ci t
c e s p3.YSé.'_S est ici UL v';rits.-
é
cIe tar~dicaJ q~a~t à l'acc~üisse~ent Qe la prod~ctivité des
biens mat é r Le La. Généralerr:ent, ces pay sar.s ne da sj.o s er.t qu e
~'L:;L cc;till8.ge rudilLeYltaire: p.i o che , me.che t t e , hacne . };ên:e
si au c ours de ces dernières années, on a vu appar'e î t.r e des
't ra c t.eur s , dSE rea cha nes <igricoles, on ne les utilise en règ~e

186
"
générale que dans les exploitations des capitali~tes euro-
péens et des membres de la classé
privilégiée et bureaucra-
tique gabonaise. A ce niveau de forces productives corresponde
des rapports de production spécifiques : la réduction de la
production vivrière et la ruine de l'artisanat, consécutives
à l'extension des rapports marchands, provoquent une carence
alimentaire chronique et une émigration vers les villes dans
l'espoir d'y trouver du travail salarié. Mais comme nous
l'avons vu plus haut, le capital international ne crée pas
les industries susceptibles d'employer ces chômeurs, le chô-
mage s'accroît. Les cultures d'exportation restant un des
seuls moyens pour le paysan de se procurer de l'argent, la
surproduction étant fréquente, les prix s'effondrent pério-
diquement. Déficit vivrier, exode rural et chômage s'accrois-
sent tendanciellement, d'où l'insécurité du plus grand nombre.
Les rapports pré-coloniaux sont en pleine transfor-
mation ; la propriété collective des terres tend à disparaîtr:
transformant par là aussi les rapports de distribution. Seulet
subsistent encore des formes de travail collectif de certaine~
terres et à certaines époques du cycle agricole.
Ces rapports de production et leur développement
sont le frein essentiel au développement de la protection
sociale au Gabon et ne peuvent être appréhend~s qu'en les re-
liant Su cari t2.1 internati ona I qui d or.ine CE; pay s . Dominé:. -'ci C'T.
q'J..i s'appuie sur àes forces sociales dont le capa t a L se sert.
pour réaliser ses desseins : lé:. classe privilé~ée bureau~ra-
tique. L'existence et le développement de cette classe socia~:
est le fruit de la décolonisation et situe au clair

189
..
l'état des rapports de classe actuellement au Gabon. Cette
classe sociale a maintenant remplacé l'administration colo-
niale dans son r~le de gestion au service des intérêts des
monopoles, des trusts. Elle se sert de ses fonctions admi-
nistratives et politiques pour s'enrichir et vite! enper-
cevant des pots de vin, des commissions sur les marchés ad-
ministratifs, en se faisant octroyer des concessions, des
terrains à des fins de spéculation immobilière ; en obtenant
quelques participations au sein des sociétés capitalistes
internationales installées au Gabon.
Elle a adopté le style de vie du colonisateur et
tient en piètre estime les masses populaires. Cette situation
entraîne des tensions entre les masses déshéritées et les
nouveaux dirigeants qui établissent des régimes armés et po-
liciers répressifs.
Le capitalisme s'est imposé au Gabon - même s'il
n'est pas très développé - il Y a plus d'un siècle, il est en
train de bouleverser chaque jour les vieux rapports de pro-
duction pré-capitaliste et s'est emparé des principaux moyens
de production et a créé une insécurité permanente pour le
plus grand nombre de personnes. Tout rapport de proàuction
étant social a né ce ss.a Lr-ener.t son irdl1..;ence sur la vie s oca a Le
dans une formation sociale donnée.
::.,'il est bien vrai que "le f'(':.cteur qui, en dernière
in2tance, ~~te~ine l'rristoire est la prod~ction et la rerro-
duction de la vie réelle", comme le disait Engels. i.l L'est
pas moins vrai que "si quelqu'un déforme cela en disant 'lue
le facteur économique est le seul déterminant, il transf~rmera

cette thèse en une phrase absurde, abstraite (étant donné que)
Il
la situation économique est la base, mais les divers facteurs
de la superstructure, qui se fondent sur elle - les formes
politiques de la lutte des classes et ses résultats ( ••• )
exercent aussi leur influence sur le cours des luttes histo-
riques" (1).
Autrement dit, tout rapport de production étant
social a nécessairement son influence sur la vie sociale.
Pour les masses déshéritées, la domination et l'exploitation
du Gabon par le capital international signifie les crises
périodiques, les licenciements, le chÔmage, le coût élevé de
la vie, l'accroissement de l'intensité du travail, la fatigue
et les maladies qui l'accompagnent, la baisse des salaires,
en un mot l'appauvrissement.
C'est dire que la cause essentielle du sous-déve-
loppement et de la persistance de la pauvreté au Gabon n'est
pas seulement le faible niveau de développement des forces
productives et leur lenteur dans la croissance, mais la domi-
nation et l'exploitation capitalistes. Puisque, selon Eddy
Lee (2), de 1950 à 1975, la plupart des pays en voie de dé-
veloppement ont atteint une croissance assez satisfaisante
de leur P.N.B., soit total, soit par habitant, avec un taux
dé croissance moyen du P.N.B. par habitant de l'ensemble de
~ 1) Cf. Lettre a'Engels à J. Bloch du 21 septembre 1890 in
;=tud.es philosopbiques_, éd. so cf.a.Le s .
(2)
Cf. Revue internationale du travail, vol.
i1S, n2
1,
janvier-février 1~80, P.
~G4.

191
JI
ces pays de 3,4 %par an ; le Gabon, quant à lui, avec une
population atteignant à peine le million, est au 3ème rang
des Etats africains pour le produit intérieur brut par habi-
tant avec 3 000 $, sans que les masses déshéritées cessent
pour autant de s'appauvrir chaque jour. Le fait de se cons-
tituer une petite réserve d'objets de consommation, d'avoir
des appareils ménagers, voiture, maisonnette ••. ne leur per-
mettant pas de subsister sans travailler plus de quelques
mois; et en cas de coup dur, les petites économies seront
vite dépensées avec leurs intérêts (pour ceux qui en ont).
Si le capitalisme international signifie, presque
par définition, le sous-développement, l'insécurité et la
misère des masses déshéritées, ce n'est pas en ce sens qu'il
s'opposerait à l'industrialisation des pays africains. Non,
il est synonyme du sous-développement pour l'Afrique princi-
palement pour deux raisons :
La première, c'est que la base du capital, c'est la
surexploitation des masses travailleuses; ainsi la classe
ouvrière exploitée par le biais de l'exportation, de l'extor-
sion de la plus-value; la paysannerie est exploitée par le
biais des impôts prélevés par l'appareil d'Etat néo-colonial,
de l'usure, du capit~l marchand qui se développe au fUT et ~
~~s~Ye ~e l'exte~siG~ de l~ pro~uction marchande.
J'autre part, la superstructure mise en place par
~e ~olo~i~lisme (2PI d r e i l d'~tat) tout en garantissant les
conQitions externes, générales de l'extraction du surtr~vail
Eon }:s~;é, se s cume t en nême temps 18 reste de la société :

192
,~

destruction du cadre précapitaliste de sécurité sociale, et
opprime les masses de cette société.
En effet, ce qui caractérisait la société d'avant
l'avènement du modèle actuel, c'est le fait que la position
sociale de l'individu au sein du groupe social n'était pas
définie par l'accumulation des biens matériels, mais par des
échelles de valeurs, certes complexes mais plus ou moins
équilibrées, offrant à chacun des membres une sécurité sociale
en fonction des moyens. Or, aujourd'hui, c'est la civilisation
capitaliste qui engendre la misère de par la nature propre de
ses valeurs basées sur l'argent, le profit que seule une in-
fime minorité de la population peut avoir alors que le plus
grand nombre ne pourra jamais s'élever à ce niveau et doit donc
demeurer dans l'insécurité.
Par conséquent, le produit par tête d'habitant p0ut
très bien augrrenter - comme c'est le cas au Gabon en ce mo-
ment - du fait ~e l'accélération du développement du capita-
lisrne et de la croissance des forces productives qui l'accom-
pagnent - comme l'histoire de l'Europe de l'après deuxième
guerre mondiale l'a montré - ; la classe des capitalistes des
pays développés peut même contribuer dan~ une certaine mesure
e: danË certaines ciTconstances & l~ croissance des indus-
au t.an t
qu e c e l.a ll~ r-ene t t e e:_ cE:.use le na Lnt i.en U~ rrc18taire
2ccnomique, politique
e~ ~~turelle. ~e but 8tant pour elle (la classe des capita-
ès chercher à préserver ainsi les
conditions générales de la surexploitation.

193
Il
Et c'est pour les raisons que nous venons d'évoquer
plus haut que l'on peut comprendre que le Gouverneur R. saller,
lors du colloque portant sur les aspects psycho-sociologiques
de la lutte pour le progrès social et économique en Afrique
les 29 et 30 janvier 1970 (1), constate que vers les années
1960, les experts fixaient à 500 $ per capita de P.I.B. ce
qu'on appelle le lI s eui l de décollage" à partir duquel le dé-
veloppement peut se poursuivre sans aide extérieure. Compte
tenu de la lente et continue augmentation des prix dans tous
les pays, ce niveau doit être plus élevé en 1970. Or, aucun
des pays en cause n'a encore atteint 500 dollars par habitant.
On est donc loin du compte.
L'O.I.T. de son côt-é estime qu'en 1972, 69~; de la
population africaine était dans la pauvreté.
MM. Cheik Hamidou Kane et Fierre-Emeric YJandl, dans
une étude "le 1~73 (.:.:), confirment les résul tata vus plus haut
er. ces termes : "Imitant en cela le modèle occidental de santé
publique, l'objectif des Etats africains semble être la cou-
verture sanitaire totale du pays". On constate en réalité que
la couverture réelle des besoins a été inférieure, en raison
de la concentration urbaine des services, du persorillel et des
moy ens f'Ln ancd e r s , Eé:;.:'c aussi d' ur.e dü.:.rari t~ ~E: c I ae. e d ans
._---------_._---------------------
~)
j:t.
::ollo·,:uE: :S-:-."tL- ....:.e he.ut e s
t ude s
SW'
l'.~..f r a que et
é
l'Asie mojer~8, p.
S.
(2)
:Ji.
-y-er:=- WH: reni s e er. cause (.E<_ Jclitiqucs de s'::'nt~ pu-
èljc;.è.s E:'D •• :.'riqu,:: -..:.8 l ' u...e s t
el, du Centre ? rtevue Tiers-
l'on;;;'e n;:
5~, janvier-mars 1973, pp.
135-147.

194
"
a atteint son stade d'essoufflement financier et ceci bien
avant d'avoir réalisé ses objectifs. Que le seul maintien du
système dans Bon état actuel pose des problèmes considéra-
bles ... que le taux d'accroissement annuel de 2 ou 3 %du
budget de la santé permet tout juste de prendre en compte
l'avancement normal des fonctionnaires et ne permettrait pas
d'accueillir les fonctionnaires de retour de formation à
l'étranger ... que les résultats obtenus en matière de santé
au cours de la dernière décade ont été médiocres, vu la na-
ture des te~oins et leurs dimensions ;
les insuffisances
graves paraissent dans les domaines de l'aménagement et as-
sainissement du milieu; alimentation et nutrition liées à
l'économie rurale ... ·
la promotion et la protection des fem-
1
mes; population etc.,.
l'augmentation de la production ne s'est pas
traduite par une amé Lt o ra t i or. à.e la san té , "souvent c'est le
contraire", Et cela parce que "les choix défectueux de la
politique de santé existante, qui limite les services de sant~
à leurs propres moyens, et qui aboutit à concentrer sur une
faible partie de la population des moyens qui demeurent in-
suffisants, même dans ses limites, ont pour effet, vu les
caractéristiques de l'environnement physique et hurrain dans
ces régio~s, de d2~entiT souven~ ~a th~orie se~o~ laquelle
une croissance de 13 production et des revenus entraînerait
ur.e é:.rr,~lioratioL de lE4 sant; des popu.Lat Lorrs " ,
La c ont'é r-enc e régionale africaine sur la stratégie
besoins en Afrique, t enu e à .~-:::idjan en 1977 (1), note que
(1) Cf. 5ème conférence régionale
stratégie des besoins pour
l'Afrique, BIT 1977 P. 6.

195
\\~

ma:gré les différences qui existent entre les 18 des 29 pays
considérés comme les moins développés par l'Organisation des
Nations Unies en Afrique, la pauvreté et le chômage, le sous-
emploi constituent des problèmes sérieux; la pauvreté frappe
la majeure partie de la population africaine.
Et si l'on en croit un rapport de la Banque mondiale
sur les politiques médicales du tiers-monde (1), l'état de
santé des hommes et des femmes du tiers-monde ne va guère
s'améliorant: non pas que de louables efforts n'aient été
faits pour équiper sur le plan sanitaire les pays en voie de
développement, mais parce que les équipements modernes ne
profitent qu'à 20 r de leurs habitants. Alors que ceux qui son
dans le besoin ne peuvent pas le satisfaire. Les systèmes de
santé mis en place, souvent à grands frais, ont peu d'impact
sur la majorité des populations pour plusieurs raisons :
J'abord, pour des motifs qui tiennent à la fois à
la géographie et à l'économie, les équipements de santé sont
en général peu accessibles.
Par ailleurs, on a trop mis l'accent sur les soins
hospitaliers sophistiqués au détriment de la prévention et
des soins primaires qui pourraient être prodigués par des uni-
tés plus petites.
=:'t
e:~iln, lé f orn.a t f on des médecins, fort c oût e us e ,
sst trop souvent inadaptée.
r .~otrl~n ~uenum (2) décl~re trÈs pe~ satisfaisant
(1) ~oir à ce propos ieune Afrique, n~ 1013, 4 juin 1930 p.6E.
(2) Voir Jeune Afrique, 31 décembre 1980, nQ 1043, p. 10.

196
Il
l' état sanitaire de l'Afrique en Décembre 1980, car 70 à 90 5,
des populations des zones périurbaines et rurales ne bénéfi-
cient pas encore des soins essentiels compatibles avec la
dignité humaine.
Si l'on en croit Sophie Bessis (1), sur le plan
alimentaire, en 1979, la production céréalière africaine a
diminué de 3,5 ~ contre une croissance démographique de 3 %
pour la troisième fois en 5 ans, la quantité de nourriture
disponi ble par habitant aura diminué en 1980. Et que les chif-
fres sont encore plus dramatiques si l'on prend comme indice
la production alimentaire par tête de 1969-71 (base 100), qui
n'était pourtant pas brillante
elle n'est que de 90 en 1979
accusant une diminution de 1,7 ~ par an de 1970 à 1974 et de
1,4 ~: par an de 1974 à 1979.
La production agricole totale, selon la F.A.O. a
t cut juste suivi la progression démographique (2,9 5' par an
dans le tiers-monde). Ici et là les inégalités se développent.
A telle enseigne que pour les pays du tiers-monde dans leur
ensemble, la croissance (re~ative) ne résout pas grand chose,
quand bien même avec l'aide de l'O.N.u .. C'est d'ailleurs ce
que ~. Mac Namara, président de la Banque mondiale, a depuis
1~72 rév~lé en d é c Lar-arrt qu'il n'y é.. pas lieu de perdre du
sont les re~;onsables de cette situation,
Li ce qui est pire 3. gasI,illeT nos fcz-c e s à des c on.rr ontat i ons
~:;riles entre pays riches et 'ays pauvres.
(1) Voir Jeune ~frique, îu décembre 1980, nQ 1040, p. 40.

197
..
Le rapport de la Banque mondiale de 1978, montrait
déjà que, pour l'essentiel, ~en ne s'était amélioré; et
que, pour plua d'une trentaine de pays, la situation s'était
encore détériorée; que la croissance atteinte, pour la ma-
jorité des pays du tiers-monde, était de 2, 5 ~. par an environ,
soit souvent moins que le chiffre de la poussée démographi-
que. Car la croissance tend naturellement à se concentrer
dans les secteurs modernes de l'économie, et n'intéresse que
dans une certaine mesure négligeable les couches de la popu-
lation qui disposent des revenus les plus bas ou qUi n'en
disposent pas du tout. Soit environ 40 % de la population
globale du tiers-monde qui demeure dans un dénuement extrême.
Le programme d'action proposé à cette occasion
préconisait d'accroitre le revenu de 40 % des plus pauvres de
la population du tiers-monde (1,5 milliard d'hommes environ)
en établissant dans les plans de développement des divers
pays des objectifs spécifiques. A cet effet, la pauvreté étant
liée au chÔmage, il s'agit d'attaquer de front: chÔmage et
sous-emploi. A cette fin, on mettrait en oeuvre certains tra-
vaux publics, urbains, et ruraux, tels que la construction
des routes d'accès aux marchés, des logements sociaux, des
programmes de reboisement, des travaux d'irrigâtion et de
Faire des réformes institutionnelles ~fin ~e redis-
t r; bue r les reven1.;.S
; ré:;:"ormt éCGnJ:::i::ue ; réforr.;e s..gr2..ire ;
réforme de l'irrrôt, crédit etc ... ; aménagement des dépe~ses
l ,;;:.:_:::<~o..;.es ca r Ee Lcr, ;:; :.ar.-;ara, trop souvent celle s-ci, qui se
rapportent en principe, à la santé, aux transports, à l'appro-

198
\\-
visionnement en eau, à l'éducation etc ... profitent en défi-
nitive aux priVilégiés beaucoup plus qu'aux déshérités. C'est
dire que les freins résident dans la nature même de l'écra-
sante majorité des régimes en place dans le tiers-monde et
ces freins sont politiques et sociaux.
Il est intéressant de remarquer que c'est en l'oc-
curence L
Mc Namara, le plus haut représentant de la société
internationale pour l'aide au développement, qui constate que
la condition sociale dans les pays du tiers-monde des masses
déshéritées ne s'est pas améliorée depuis 1972 au profit de
l'enrichissement des riches. Mais ce qu'il oublie de dire
aussi - et pour cause! - c'est que, s'il en est ainsi, c'est
parce que les conditions dans le~quelles se trouvent ces mas-
ses dans ces aires géographiques sont la conséquence de l'en-
trée de ces pays dans le marché mondial capitaliste ; elles
sont la condition sans laquelle le capitalisme ne peut "vivre"
ni se l'développer" ; et que si l'aide des pays riches aux
pays pauvres, des institutions internationales - qui du point
~e vue de principe est la traduction d'un mouvement de soli-
darité humaine s'avère un remède insuffisant, c'est parce que,
en accordant ces aides et ces crédits, les anciennes puissances
coloniales capitalistes exigent des concessions ~t Ces sr~~res
,:: "Lr.f Luence . ::;' est a i.nc i, que j Lus f eurs prêts récents du Fcnd s
:::.,;ts.irt ir.teTl.2.tioL8.1 et de la Janque monc i a Le ont été 2..C-
c crdé s au Zaire ;: ;S-:S-~SbC)
er.
c hange d'une gestion dir8cte
é
,,>2::
a1'faires C;cor:;oru.iql...es àu Fays récipiendaire. Et ceux q·.;.i
8.cccrdeEt ces prêts et dides exifer:.t 2..ussi invariablement
':;".A' i.i~ servent à faciliter la pénétration accrue du capital

199

financier international dans les pays aidés en vue du pillage
des ressources et de l'exploitation de la force de travail.
Jean-Suvet Canale et J.C. Mouchel (1) écrivent à
ce propos qu'en fait, si l'on examine de près cette notion
d'aide, aL s'aperçoit qu'elle est le lie
d'une véritable
mystification. On qualifie d'aide tout flux de valeurs se di-
rigeant des pays riches vers les pays pauvres sans jamais
prendre en considération les flux en sens inverse. Et que, si
l'on examine les composantes de la prétendue aide, l'aide
~ilitaire et l'aide budgétaire sont improductives. Quant à
l'aide en investissement de capitaux privés, il est un inves-
tissement de capital ou un prêt à intérêt "normal" (dans le
cas de ces pays, de l'ordre de 5-6 ~ au minimum). Il ne cons-
titue donc pas une aide mais un placement destiné à rapporter
à celui qui l'effectue. Il permet d'exploiter les ressources
et la cain-d'oeuvre des pays b~néficiaires. Jans le cas du
~~gt, intérêt et capital doivent refluer dans un certain délai
vers le pays prêteur; dans le cas de l'investissement de ca-
pital, les bénéfices doivent de même, dans un délai souvent
rapide, permettre l'amortissement du capital; c'est-à-dire
sa récupération assortie d'un intérêt au taux "n o rmaL" sans
~ue, ls: 20L:~ibutio~s ;~tliqueE non assorties de
P~o s sées !:, -,r ' c: eIl 'c.. ;::; ::;
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.::-,:G~
u i s pen sé
;:::_ e
en
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
" 1)
Cf. v. Suve t canal et J. C. Mouchel in La. faim dans le monde,
Ed. sociales p. 114.

200

iutérêts des firmes capitalistes des pays aidant. 3t de rap-
porter cet aveu de ~. André Fostel-Vinay (1) qui déclarait:
"Dans la mesure oh elle est trop influencée par les préoccu-
pations exportatrices des pays riches, l'aide n'est plus
exactement orientée en fonction des besoins prioritaires du
tiers-monde. Son orientation se trouve déviée suivant les in-
térêts des industries ou des entreprises de travaux publics,
des Etats donateurs ou prêteurs. Certaines de ces industries
ou entreprises ne résistent pas à la tentation de détourner
à leur profit une partie des efforts destinés aux pays pau-
v re s" •
Ces auteurs ajoutent que l'assistance technique
elle-même et la coopération culturelle tendent aux mêmes buts
accroître l'influence culturelle et la diffusion des techni-
gues et marchandises des métropoles capitalistes. Que dans
bien des cas, les investisse~ents réb~isés dans les pays aidé~
sont orientés essentiellement vers les travaux publics (in-
vestissements dans l'infrastr~cture des communications notam-
ment: routes, ports, aérodromes ... ). Ces investissements,
pris en charge par l'Etat "donateur" (à titre gr a t uf t) et
cocpcrtant généralement une participation obligatoire du pays
c:.:r,ita-u.x iYl-
- - _.._------_._--------- _.-----
(Î)
Jlrecteur de la Caisse centrale n'Aide et de Coopération
de la France en 1968 : exposé à Washington, 7 mars. 1968.
J

201
Quant aux investissements scolaires et sanitaires
qui présentent au premier abord un caractère purement désin-
téressé ; s'il est vrai que la population en tire un bénéfice
direct, bien souvent, ils sont limités à ce qui paraît néces-
saire aux grandes firmes pour disposer sans frais du œinimum
de main-d'oeuvre qualifiée ou en état de travailler dont elles
ont besoin (1).
Jacques Berthelot (2) abonde dans ce même sens en
montrant qu'au niveau de l'aide alimentaire, celle-ci sert
d'abord les intérêts des pays donateurs.
c'est ainsi que, lorsqu'en 1973, la famine ravageai:
l'Afrique et l'Asie, le montant de l'aide était tombé au quart
de ce qu'elle était vers la fin des années 1960. Le marché
laitier était très actif et la nécessité d'écouler les excé-
dents était alors moins pressante.
L'aide alimeLtaire sert beaucoup plus à modifier
les habitudes alimentaires (blé, poudre de lait ... ). Elle
amorce d one la pompe Four d es exportations c ommer-c i a Les ac-
crues ( ... ). Mieux, elle soulage les consciences et dispense
les gens de chercher à comprendre les vraies causes de la
faim et de la pauvreté ( ... ).
L'aide aliment4ire consolide leE gouvernements des
fay~ SOUE. -\\lév e Lo ppé s en a Ll.é gean t leu ::-.~ soucis cuc gé taires :
1er vivres reçus gratuitecent sont e~ général revendus & la
pc pu.l.at Lon ...
( 1)
Cf.
J.
~~ret ~2nal et Z.~.
~.:tns le r::oni,
Ed.
s oc i a Le s,
p}:;.
1\\4-1'17.
(2) Voir Le Monde, op. cité, p.
14.

L'aide alimentaire porte encore tort aux paysans
"
dans la mesure où, garantissant aux gouvernements un appro-
visionnement minimum des villes, elle les dispense de mettre
en oeuvre une politique de développement agrico1e, ce qui leur
permet d'utiliser leurs ressources budgétaires ( ••• ) à d'au-
tres fins et notamment ( ..• ) à des fins militaires pour con-
tenir l'ennemi intérieur.
Tout comme la solution qui consiste à demander aux
pays de l'OPEP de contribuer à la lutte contre la pauvreté
en donnant un peu d'argent aux pays importateurs en voie de
développement, a pour but d'empêcher cee derniers de faire
failli te.
En effet, l'aménagement d'une aide des pays expor-
tateurs de pétrole aux pays plus pauvres vise, quant au fond,
à garantir aux pays capitalistes développés un moyen de paie-
ment des dettes astronomiques dont sont victimes les pays
aidés (1) et que les pays en question archi-endettés n'ont pu
J.
Ziegler note dans "Main basse sur l'Afrique", p.
31,
éd. l'oints, que les bénéfices que les pays producteurs de
pétrole ont retiré des cinq augmentations successives
(1~73-1976) du prix du pétrole brut, ont été partiellement
annulés par la dépréciation continue de la monnaie nord-
américaine, autrement dit: par l'inflation continue qui
dOIT~ne les principaux pays industrie1s, fournisseurs de
biens d'équipements des pays producteurs de pétrole. C'est
ainsi que, par exemple, en décembre 1978, l' C:F3P décide
'w:e siX ième augmentation de 14,5 7-. Or, en t r e :lé cembre
-, -5 et décecb~~ 1~7E, le dollar a perdu 2t ~ de s~ v~l~~~.
2ien plus, les ~tats qui - au sein de l'CrE} - déter-
L~nent la fixation des prix de vente du baril, sont l'hra-
rie ;jaoudite, le Koweit, le i:uatar ... Cr 18. politique
é:::--2..r:.gère et ir.térieure de ces g.rar.:.~es pui~ ar:ces pétro-
liè::--es reste étroitement contrôlée par les USA .
• • • /< •••

203
..
faire face aux échéances de leurs emprunts et sont acculés
à solliciter des moratoires ; parce que - entre autrœ raisoŒ -
les prêts de sources privées ayant progressé beaucoup plus
rapidement que ceux de sources publiques, la structure des
échéances de la dette des F.V.D. s'est détériorée.
Selon la Commission Brandt, la dette extérieure des
pays du tiers-monde s'élèverait à 300 milliards de dollars (1)
... 1... suite note page précédente:
Pays en développement : Ratio du service de la dette
1970-1985
:En pourcentage des
:En pourcentage du
exportations de
.produit national
:biens et de services

brut
non facteurs
Pays d'Asie à
16,8
12,6
12,6
1 ,0
1,3
1 ,4
faible revenu
Pays d'Afrique a
4,8
6,7
C
r
_ , b
1 ,2
1 , 5
2,5
faible reven~
pays à revenu
15,6
1 1 ,8
22,0
2,4
2,7
4,8
interméiiaire
Ensemble des pays
15,2
11 ,8
21 ,0
2, 1
2,4
en développement
4,3
Ce tableau montre l'accroissement de la dette publique exté-
rieure des pays en voie de développement, surtout africains.
:::o...... rce
Banque monci a Le , rappor7. su r le déve Loppemerrt dans
le monde 1~76, p. 36. qui n~te qu'il s'agit du ser-
vice de la dette au titre de prêt à moyen et long
termes accordés ou garantis par des ressources publi-
ques unique~ent et que ~lus de la moitié êes nouvea~':
besoins de financement des 1.V.D. pour la periode
1975-85 a trait au paiement des intérêts à l'amortis-
sement, c'est-à-dire au remboursement de la dette ex-
térieure, ce dernier él~IT.ent reflétant la place de
plus en plus importante qu'occupent les capitaux pri-
vés à moyen terme.
(1) Voir à ce propos le Monde du 16 octobre 1980 p. 23.

204
,.
à tel point que beaucoup d'entre eux sont si accablés qu'ils
sont au bord de la faillite. Cela veut dire qu'ils ne pour-
ront pas rembourser leurs emprunts aux grandes banques et au-
tres agences internationales de prêts; et que les conditions
de Vie des masses déshéritées vont empirer (1).
La leçon qui se dégage de cette situation est que:
premièrement, l'aide internationale, si utile qu'elle puisse
être comme procédé temporaire, ne saurait résoudre ce problèm6
grave qu'est l'insécurité sociale. Les pays sous-équipés ont
un besoin pressant de nouvelles structures et de nouveaux rap-
ports sociaux ainsi que de capitaux à investir; et qu'il ne
suffit pas de IIbaptiser la carpe, le lapin" sans qu'un chan-
gement n'affecte la structure générale de la société ni les
rapports sociaux au sein de celle-ci pour que se modifient
fondamentalement les données du problème.
Deuxièmement, la misère et la famine qui sévissent
en Afrique en général, et au Gabon en particulier, ne sont pas
uniquement dûs à l'arriération des forces productives, au
manque de croissance de ces pays, mais à leur développement
dépendant du capital international, à la politique néo-colo-
niale qu'appliquent les anciennes puissances coloniales.
Tout cor~e l'on peut voir que dans des pays èéve-
lCPI'; ê c ornne la Fr-anc e , les 1..J ••~ ••:;.., la Grar.de-:=retagnEo, ti er;
1)
Ju fait à.ei:: emprunts sous f orrne de pr ê t s ou aut r-e e fcr:::'E-s
d'aide, la dette exigible du Gabon est passée de 2C'C mil-
liards de ?CFA à 630 milliards en 1~77. En ce qui concer~:
Le s aut r e s -r-..••.
'-;1'+'.,..."~U€
-"'C'-ie c+ ~I
:.~
'r+"
........
~
a.
t..,,;
l-c..::.-...~
'.,.4
. -..~ ... ..L.~
,
.....
c-: .....)~
...... v
\\....t.
,c.c.t:rls,ue ~c...vln&,
la presse occi~entale parlée et écrite nous appren~ que,
en 1979, leurs dettes ont augmenté de 20 ~ par rapport à
l'année précédente, alors qu'actuellement elles dépassent
les 300 milliards de dollars.

205

que possédant d'immenses moyens de production et des équipe-
ments, à tout accroissement de l'opulence collective corres-
pond une augmentation de la misère individuelle. Il y a certes
plus de produits consommables, mais il y a moins capables de
les consommer. Les pauvres là-bas aussi se sentent étouffés
par une organisation sociale qui ne protège pas leurs droits
mais les usurpe.
C'est dire que le capitalisme ne peut pro-
duire que le capitalisme, plus il se développe, plus ses con-
tradictions s'approfondissent. Et la misère des pauvres ici
ne provient pas d'un manque
de
développement du mode de
production capitaliste mais du
type de développement.
On constatera de même au Gabon que, plus le mode de
production capitaliste pénètre dans les pays arriérés, plus
les lois classiques se font valoir, exactement comme dans les
pays développés de l'Europe. L'expulsion des paysans de la
~erre n'est paz le fruit d'UL retard de l'agriculture mais prc-
\\~ent justement du progrès du capitalisme. Et plus celui-ci
[randira, plus s'élargira ce phénomène de prolétarisation de
la paysannerie ; le chOmage est-il dû au développement des
forces productives dans la forme capitaliste et non à leur
stagnation; il en va de ~êrne pour l'urbanisme et l'habitat .
. j
l é 2
pauvr-es ~ "art a s s er.t c ar.s les bidcnvilleE" b. libI'.:o".-L:.le,
: __ r t - :~2::ltil etc ... n' e ; t-::e f-2.S là meilleur symptôme que le
::"c:'bc~ est en tI'sin de ~8 civ eLoppe r - et pour ê t r e pr é c i s -
~~n2 le sens c~~it81istE:, ~V8C coexistence ici des quartiers
luxueux et là les bidonvilles et la misère ~
_..a ne i donc, les forces et l~s facteurs qui sont
J
aujourd'hui pour l'essentiel à l'origine de l'appauvrissement

206
\\"
..
et de l'insécurité du plus grand nombre au Gabon sont le co-
lonialisme, la domination et l'exploitation impitoyables
qu'impose aux masses déshéritées le système capitaliste in-
ternational par l'interrédiaire de ses divers agents et ins-
truments : les firmes multinationales, mais ausr.â les insti-
tut ions internationales comme le Fonds monétaire internatio-
nal, la Banque mondiale etc ...
SUr le plan interne, c'est davantage la collusion
existant entre certaines forces politiques et sociales (créa-
tion de colonialisme) et les anciennes puissances coloniales
qui opèrent tous les choix en matière de développement et du
mode de consommation en fonction de leurs intérêts au détri-
ment de la satisfaction des besoins des masses déshéritées.
l'inégalité qui caractérise les sociétés du tiers-
monde, constate la conférence syndicale mondiale (1) réunie
9. ~el:Téde en .~vril 1jéC, les phénomènes d'aliénation, d'ex-
ploitation et de domination qui caractérisent la situation
ac~uelle ne sont pas conjoncturelles, ni imputables seulement
à l'appétit de puissance et de profits de certains agents
économiques comme les firmes transnationales. Ils sont insé-
parables du fonctionnement général du systè~e économique
(c2:;:taliste
t c~-
et ~u tiers-~onde.
(1) Cf. Le monde diplomatigue, Octobre 1980, p. 19.

207
-~t ct' enchainer, le problème n'est pas purement ct' OT-
dre économi~ue. Le capitalisme tire sa force non seulement
des mécanismes d'exploitation et de sa puissance financière,
techni~ue, des valeurs qu'il répand, de sa capacité à imposer
et à reproduire des rapports discriminatoires et inégaux dans
tous les secteurs de la vie de travail et de la vie sociale :
consommation, habitat, culture, éducation loisirs, vie poli-
tique, rapports sociaux, son type de satisfaction des besoins
etc ..•
J.Y. Carfantan et C. Condamines (1) mettent le doigt
sur la donnée fondamentale des problèmes de l'insécurité so-
ciale aujourd'hui lorsqu'ils écrivent: "Cn croit généralemer..t
que s'il y a encore des hommes, des femmes et surtout des en-
fants qui meurent de faim dans notre monde, c'est parce que
la production de nourriture est insuffisante. A y regarder de
plus près, le fait· ~u'il y ait davantage à manger n'empêche
pas qu'il y ait aussi et en m~me temps davantage d'affamés.
Et cela, non pas parce que le nom~re des bouches
à nourrir augmenterait plus vite que la production de viande
ou de céréales. Mais tout "naturellement" parce que le blé et
le riz sont devenus des marchandises co~e les autres. L'ar-
:!eTIt les a retirés de leur fonction pr-enI èr e '';CÙ Est de no'~:::'-
ture rrcné t af.r-e . ~eE denrées sont ainsi ieven~es
sp~c~13~ion et de ;rofit.
~lles ~'o~t ~e v~:eur q~2 d~~s 12.
( 1) :1. J. 1. :é:1Tf'é4ntan et :';.:::or~da~:.in~s, Qui a peur d1.;. tiers-
monde? Rapports Nord-~ud : les faits, Paris, Ed. 5euil,
Coll. Points, 1980.

208
mesure où elles accompagnent la vente d'engrais, de tracteurs,
"
de silos ... Elles ne sont rentables que dans la mesure où
elles nourrissent les capitaux et font trembler la bourse.
Elles ne sont rentables que dans la mesure où elles sont ven-
dables. Et elles ne sont vendables qu'à ceux qui peuvent les
payer l'
Face à tous ces faits, on est en droit de se poser
des questions sur les "inquiétudes", les "recherches de solu-
tion" au problème de la pauvreté et de la misère des masses
populaires en Afrique par l'O.N.U., la Banque mondiale, le
B.I.T. et les puissances coloniales.
Mais cela peut s'éxpliquer pour les raisons sui-
vantes
les classes privilégiées du monde d'aujourd'hui es-
timent dans leur for intérieur que la pauvreté forme une tâch
sur les sociétés industrielles ; riches ; si son atténuation
peut être accomplie tout en laissant le système capitaliste
survivre, il n'y ~ pas de r~ison que cela ne soit pas fait.
"Fieux vaut contenir les explosions sociales que de
risquer l'effondrement du paradis". A cette fin, sont é Laborx
d'attendre
des plans d'assurance permettant aux travailleurs en chÔmage/
pas
dans une situation qui n'estttrop critique des jours hypothé-
tiques meilleurs ; on envisage le recyclage des personnes
8~ées, des handicapés, la politique de l'éducation, la corree
t i cr, des ef:Cets né f as t e s ; des prOt;ramme6 à 'aide aux pays
c r.p.i. talistes r.oi no dev eLoppé s ; une conception "entièrement
D:uvelle" peu:, r":?souère la question sociale au-delà du sala-
riat par 18 pa.rticipation du prolétariat à la propriété et

209
à la direction des entreprises économiques appelae cogestion
en Allemagne, participation et actionnariat en France ...
pour d'autres, la mentalité nouvelle, le profit
n'est plus une fin en soi, mais un moyen d'assurer la péren-
nité de l'entreprise devenue un groupe social dont la vie,
la prospérité, l'avenir "intéresse chacun des membres, ou-
vriers, cadres et patrons". La logique d'une telle mentalité
ne peut s'accommoder de la vieille distinction entre problème~
techniques, économiques d'une part, et problèmes sociaux et
humains d'autre part; elle impose une synthèse. Aussi la for-
mation, la promotion, la valorisation des hommes deviennent
désormais pour l'industriel un souci majeur (1).
~ieux encore, des auteurs comme Galbraith (2) pen-
sent qu'il y a échec des politiques d'aide au développement
des pays pauvres car "ayant observé les techniques qui avai en-
réussi dans leurs pays, les techniciens des Nations les plus
2i8hes ont tout na't ur'e Ll ement préconisé les mêmes recettes à
l'intention des pays pauvres". Or cela n'a pas marché. L'aide
alimentaire, l'aide financière, l'aide technique des pays
industrialisés n'ont jamais changé grand'chose au sort quoti-
dien des pays du tiers-monde. Pourquoi? Parce que, estime-t-:
les ~xplications qui ramènent tout à des problèmes de climat
cu de pauv r-e t é de r6SS0ürC&S naturelles ; ou celles q~ Lnv c-
quent les dif~~rences ~e r~~ime politi~ue ou ae système
; 1)
:::" .
. ·;:~é;.:::,'u uJ..u,
II
':J:slam, soci.étés africaines et culturE
J
industrielle", ~es nouvelles éditions africaines, Paris,
~~75, r.
124.
(2) Op.cité. ; il s'agit ici d'un résumé de son livre
La
théorie de la pauvreté.

210

économique; ou encore ceux qui font de l'exploitation capi-
taliste et colonialiste le bouc émissaire de tous les maux
de l'humanité sont insuffisantes. Si le cercle vicieux de la
pauvreté tend inexorablement à se perpétuer, prétend Galbraith,
c'est parce que nous oublions que, pour être efficaces, les
outils économiques modernes supposent qu'existe a priori une
volonté de progrès, une motivation individuelle à rechercher
l'amélioration de son sort, sic! Rechercher un revenu plus
élevé est une attitude banale dans un pays occidental modelé
par deux siècles de progrès économique. Il n'en va pas de m~me
dans les régions où le caractère séculaire de la misère en-
traine un phénomène d~c~tkn à la pauvreté. Cette accom-
\\
modation résulte d'une adaptation rationnelle des individus
à une situation où l'expérience passée montre que tout effort
visant à échapper à la pauvreté se heurte à des forces irré-
sistibles
Et !,'. Galbraith d'ajouter, très logi-
quement, les paysans du tiers-monde ont tendance à préférer
la résignation à l'espérance frustrée.
Des remèdes pour sortir ces peuples de cette situa-
tion d'impasse, Galbratih n'en voit pas beaucoup et des plus
efficaces.
Fre:r:.i èr-emen t , esti [',e-t-il, "rar:"er c e .L' ac comme .,c:.-
t i.on G.es pauvres
s. la ;:",u',~'eté n ' est pas nécessairement une
attituGe indig.ne et insuitante pour eux
mais au contraire,
la r'e cor.nad s saric e c::. 'url f a t hurna i n tout à fait rationnel",
â
car "au bout de pLusLeur s siècles de r''::;.uvreté ... :..,,~ ...""eL:: ori t
.
-
fin.i
pé.l.T
se faire à cette existence ... On ne lutte pas, gér.é-
ration après génération, siècle après siècle contre une

211
..
situation face à laquelle on
est battu d'avance. On l'accepte.
:'est au contraire une réaction profondément rationnelle" (1).
Les seules chances de réussite consistent, d'après
lui, à concentrer l'aide sur "ceux qui se tirent déjà mieux
d'affaire que la plupart" "sur la minorité, si petite soit-elle
qui a rejeté l'accommodation", c'est-à-dire sur les individus
dont le comportement montre qu'ils font déjà un effort pour
échapper à l'équilibre de la pauvreté plus fort que les autres.
Deuxièmement, on ne peut briser ce cycle vicieux
de la résignation que par le traumatisme et l'éducation. Car
dans le passé, observe-t-il, c'est le traumatisme qui a géné-
ralement servi de déclic (rÔle des famines, des guerres, des
exodes massifs des populations ... ). Ces phénomènes jouent en-
core souvent un rOle dominant (cf. l'exemple de la diaspora
chinoise dans le décollage du Sud-Est asiatique).
Mais si l'on considère qu'il n'y a dans tout cela
rien de bien civilisé, il reste alors l'éducation qui est un
moyen insuffisant certes mais absolument nécessaire
Dans tous les cas, il y a un point commun à toutes
les recettes qui sont préconisées de nos jours pour résoudre
la question sociale : préserver le mode de production capi-
taliste par l'élimination de la lutte des classes. :lles t ra-.
ciu:."'e!:t le r eur- des c Las ee s privi1~giées face à la d égr-ac at t on
:'8 ::"'c s i t.uat i on é conoma oue et sociale d~seE::::";r8e des pays :..,;0-
c oi or.Laux e t c é per.d an t s :;.ui s. ace ru les c ond i tians objectives
j.ou r UT.€;
:-.0'';'';611e vie, une nouvelle cité. Elles sont <'.:.'clssi
(1)
Cp.cité, pp. 74-77.

212
un moyen pour les puissances capitalistes et leur~ théori-
ciens de préserver et étendre leurs sphères d'influence.
Et les réformes et autres solutions du genre : la
définition d'un mécanisme d'atténuation des charges d'endet-
tement ; l'accommodation; la mise en oeuvre d'un fonds ex-
ceptionnel de promotion de l'Afrique, etc ..• si elles peuvent
aider les pays en difficulté, il faut dire qu'elles ne règlent
rien quant aux problèmes fondamentaux des classes déshéritées
comme en témoignent les données vues plus haut (1)
N'est-ce pas que les 30 années d'expansion qui ont
mené à la crise actuelle ont assuré un développement prodi-
gieux des forces productives de l'humanité. Mais l'anarchie,
les inégalités sociales, l'insécurité des masses populaires
ont-elles été résolues par le progrès des richesses ainsi
créées par l'humanité et la lutte de classe devenue inutile ?
Kul doute que le développement à pas de géant, ces dernières
années, ~e la science et de 1& technique, ont donné à l'huma-
nité la possibilité de concevoir une cité où la faim, le chô-
mage, la pauvreté et l'insécurité seraient moins criards (2).
Force est de constater cependant qu'il n'en a rien été de tout
cela. Bien au contraire, ce à quoi on assiste, c'est la misère
généralisée,des milliers d'hommes meurent de faim chaque an-
née au peint où , a ux dires de la 3é.nçue zond La Ie , La J:_-uvrets
'- ~) :'-e fi'oi::r:::s, au ma,?n~nisDe ,~-cri col e, l8. f'ab r Lc a ti on u e nou-
v eLl e s eS.f:t:ces veGetales, r.rcc uc t i cr: _, 'E:.lirnents ~e t cut
cer.è'e. r:roii<-= .-... ': ~' -~,c;Oi~ùtlcL est la pour prouver cette
}:-l .; S :'c1:1 ttf .

~,J.,~.~.
-.....
Cr-oLs s an ce (,,:ro pour l ' Afri que li' ici 1990
lopulation
i~Jl 1980
'CROr:'::;SANGE DU PNB l
CROISSANCE DU PNB PAR HABITAN
~;jiTI~GCi!\\.I J:;~; »; l.'~':.YS
en 1980
(dollars)
. (hypothèse haute)
(hypothèse haute)
(millions)
r/habi t .
.
• 1980-1985!1986-1990 .197Û-1980!198û- 1985!1985-1990
...
. .
.
Importateur~ Je
p~trole ~ faible
135
168
4,1 %
4,6 C;;
0,9 rc
1,7 '1.
!
2,4 %
revenu
(1 Cf·)
( 1 ,3 %)
iJoni; 1'i,Cr i q u e EtU
141
186
3, 1 7'
3, 8 ~.
Û, 2 ~';
0, 1 7.
1 , 1 %
:.ud d II .ahLu'a
(0,37)!
(0, 1 ~)
Impo r t.: .t ou re ,le
1
pétrole à revenu
701
275
4,9 ~'~
6,7 Cf-
3,
2,6 C;,
1 "
3,5 ,:
interm,~diitire
(2 ~)
1
(2, 4 ~)
:~'xp0rtateurr~ -l e
456
753
6,3 7"
5,9 7·
3, 5 ~,
3,5 Cf
r
3,4 "
f'étrol.e
(3 7')
(3 f,)
r ay s industrj:I.Li-
671
7 599
3, 3 ~:
4 ~('
2,4 <t
2,8 'j:
3,5 ,:
:~p fi
(2,5~)!
2,5 %
t:
Il ~;' :1.,,o'i t du pourcentage moyen ùe croissance annuelle au prix de 1977. Les chiffres entre
pa re n th€:s r::; tr-ad uisent l ' hypothèse basse. Le Monde, mardi
19 a oû t
1980.
Au c o u r a
d c:}
~) prochaines années, la Banque mondiale prévoit que l'ensemble des pays d'Afrique
au ~':Ull du ,,:lhara verra son revenu par habitant diminuer de 0,3 Cf: chaque année (+ 1,6 ~ dans
les :tnnf~es /.0, + 0,2 7' dans les armé es 70-80) ..
..
1\\.
....
Vi

des pays d'Afrique et d'Asie, le rapport publié dans la se-
maine du 20 août 1980 dit que "sui te au marasme économique
des années 70, même dans les conditions optimistes, leur
croissance sera négligeable
pendant
la période 1980-85 (1). Il est à craindre, ajoute la Banque
mondiale, que la pauvreté fasse tâche d'huile jusqu'en 1990.
Et depuis la deuxième guerre, parmi des milliers de personnes
qui ont été arrachées à l'agriculture et prolétarisées. Mais
combien ont acquis un travail et des revenus plus ou moins
réguliers? et ceux qui l'ont obtenu c'est à quel prix? Si
ce n'est au prix de conditions de travail les plus inllumaines
semaine de 52 à 60 heures dans certains pays, et du travail
des dizaines et des milliers d'enfants qui en cete d'Ivoire,
en Inde, au Brésil mourront avant de devenir adultes pour
nourrir leurs parents chassés du travail par le capitalisme
(2). Au prix de la vie misérable dans les bidonvilles d'Abid-
jan, Libreville ... à côté du luxe le Flus insoleLt.
Kul doute que ces dernières années les conditions
de vie d'une partie des masses déshéritées ont cor~u une cer-
taine amélioration, les classes dominantes ayant, pour les
(1)
Ainsi il est officiellement admis que plus de 8CO millions
de personnes dans le monde vivent dans la pauvreté et
souffrent de faim.
c.:)
·:;f.
~:érie s.'art.ic:l.e2 par-us ë.8.~S le journcl. 4.(: r'crJ.~-=, ~6~
~7, ~E et 2~ i:';cer::t:::'8 i979 : "les enfants Irclètaires d u
:iers-rnonde" oi, il est montré que le travail c e s enfants
est un phénomène très répandu dans le tiers-~or~e m~is
:.;.ussi en Europe. le 3IT e s t i me t en 1977 ~UE; 54,5 L.:illiG~:.s
â
~'enfants de moins de 15 ans

215
..
raisons vues plus haut, concédé un certain nombre d'avantages
souvent présentés comme le remède ultime aux maux des pauvres
qui n'avaient plus de raison de chercher d'autres solutions.
C'est ainsi que dans les pays capi tallstes développés un
remarquable accroissement de niveau de vie peut être noté
la sécurité sociale a été étendue à presque toute la popula-
tion, des mécanismes d'indexation du salaire ont été mis à
jour, des lois assurant une garantie de l'emploi se sont gé-
néralisées avec l'extension des nationalisations en France,
Angleterre .•. dans les jeunes Etats, l'instruction, l'assis-
tance médicale, les logements ont été développés ; il Y a eu
majoration des salaires des catégories sociales défavorisées,
le contrôle des prix a été établi ; on a introduit des sys-
tèmes progressistes de sécurité sociale et d'assurances so-
ciales, pris des mesures de lutte contre le ch8mage ; une
législation progressiste a été introduite qui stipule le droit
de l'homme au travail, à l'instruction, à la participation à
la gestion de la production et à la répartition des profits,
à l'assistance médicale etc •.•
Mais que s'est-il passé dans les faits?
La dominstion par les monopoles internationaux du
D~~cts e~ àes rrinci;a~~ secteurs écor~omiques de ces pays a
::·~~·là t é.. pCl<. Cle cr.o s es ces rceeur'e s , 1es empLoyeuz-s t eridan t
tcujours ~ violer ou 2 contourner la législation, eD partic~­
:ier, les lois sur l8S s~laires minimum, les assurances so-
ciales, la durée du travail etc ...
iLeux , que valent ces avantages à côté de l'accu-
mulation des richesses que se sont accaparées dans le mê~e

temps les capitalistes ? M~me si on prétend aujourd'hui que

ce sont ces avantages et l'augmentation incessante du prix
du pétrole par les pays détenteurs du pétrole qui sont la
cause des maux, de l'insécurité, montée des prix, de l'infla-
tion, qui sévissent à travers le monde.
Ainsi vu le capitalisme est bien incapable de ré-
duire les inégalités quelles que soient les réformes et amé-
liorations que l'on peut lui apporter. Il est bien comme le
disait Marx, "accumulation de la richesse à un pôle de la
société, accumulation de la misère à l'autre".
~isère voulue et organisée. "Notre planète est
habitée par 4 milliards d'êtres humains: cette humanité a
développé des moyens de production, des sources énergétiques,
des techniques agricoles, synthétiques, scientifiques qui
seraient capables d'assurer - théoriquement et pratiquement -
une vie harmonieuse à tous et de faire en sorte que chacun
soit à l'abri du besoin. Or cette hUffianité n'existe pas. Seule
une minorité d'hommes vivent comme des hommes; le système
capitaliste mondial organise la rareté. Les sociétés multina-
tionales, bancaires, industrielles, minières pillent les res-
sources, organisent l'armée de réserve des chômeurs, fixent
le niveau de vie infra-humain des populations de la périphé-
rie afin d'assurer, à travers les dictatures ~ilitaires
( 1) l::t net.arment je:, 5 na r.i i cns en Asie :r:éridionale (Inde, }a-
kistant, Bangladesh), S,9 millions en Asie du 2ud-3st,
S,:: Lillions en Afri,-=:.u-:: et 3,: rrillions en AIc9riaue Latine
connais saient un e E:X tl.oi te. t a on Lnc.La ca ble : salaires au-
Liessous du se.laire minimum, durée·de la journée à la dis-
crétion du patron.

217
qu'elles installent ou les compradores qui les servent, leur
..
domination de plus en plus indéracinable, L'accumulation ac-
célérée du capital, la maximalisation du profit, l'exploita-
tion optimale des hommes et des choses sont les maîtres ac-
tuels de la planète et les Etats qu'ils contrôlent, les para-
mètres uniques de leurs actions, La course démentielle à
l'armement, le gaspillage de la nourriture et du savoir dans
les îlots de bien-être, d'une part, et la sous-alimentation,
la faim, 12 maladie organisées dans l'immense zone triconti-
nentale, d'autre part, en sont aujourd'hui les manifestations
les plus visibles" (1).
Et sa nature m~me est de freiner le développement
d'une véritable sécurité sociale. Car son but est de produire
pour le marché et non pour les besoins sociaux, Comment s'en
sortir? Est-ce par son développement encore plus poussé ou
par un changement de cap, la conception d'un autre type de
développement de progrès social qui sortirait l'humanité de
cette insécurité permanente que le capitalisme engend.re dans
tous les coins du monde?
En conclusion, nous pouvons dire qu'il apparaît
aujourd'hui, qu'il y a une invariance et une portée limitée
des remèdes que la société actuelle offre pour résoudre la
question sociale: réduction des inégalités et trar.sferts 80-
maase s laborieuses en t emps d e c r i s e économique au L'JIT. de l ' ~:.-
riches et pauvres,
\\~) :i, Jean ~ieGl~r, Cp.cité, p. ~3, éd, Foints 1SéC.

218

8i, pendant les premières années d'indépendance
des pays africains, le concept de progrès social était encore
flou dans l'ésprit de beaucoup de gens qui croyaient que le
progrès social dépendait uniquement du développement écono-
mique de ces pays, il devient évident aujourd'hui que ni en
théorie ni en fait la relation n'a été évidente. Et qu'un
pays peut conna!tre un développement économique prodigieux
sans que ne s'ensuive une solution adéquate à la question
sociale.
Il résulte du rapport de la Banque mondiale, établi
en 1seO, que pour l'avenir les pays du tiers-monde dans leur
ensemble vont s'appauvrir encore au cours des prochaines
années.
Par conséquent, une toute autre approche de la
question du développement en tant qu'elle est un moyen de
résoudre la question du besoin social pour appréhender cor-
rectement le réel s'avère nécessaire. Elle devra pour cela
partir de l'étude de la dynamique d'une formation sociale
donnée.
c'est dans ce sens que Marx a étudié "la loi du
mouvement du capitalisme" en prenant l'Angleterre comme champ
"ls è.';veloPI-sJ:eEt ci, cap.i t a Lasme en rtussie".
JaL" les d e ux cas, chacun i es auteurs des oci e
~Es~yses nécessairement au stade d~ développement de l~ so-
ci;té, c'est-à-dire au stade suprêrre de développement de la
:'G.ê~::::"tian sociale iuture et c e La lutte pour y par-veri; r-,
"Que
l'humanité y croit ou non; qu'elle en ai~ ou non conscience"

219
(Lénine), Le stade suprême étant celui qui organise l'éman-
cipation des masses travailleuses et de la société dans son
ensemble.
Autrement dit, même si la croissance économique
d'un pays est un élément qui entre en ligne de compte dans
le développement du progrès social ; m~me si la satisfaction
des besoins dépend des possibilités de moyens d'existence
dont dispose une socié té, il n'en reste que ce sont les rap-
ports de production, et à travers eux la lutte des classes,
qui constituent la force motrice de l'histoire, De ce point
de vue, la thèse qui prétend que l'obtention et la progres-
sion continue du produit national brut est la condition sine
qua non pour assurer le progrès social, mérite d'être nuancée
sérieusement lorsqu'il s'agit d'une formation sociale capi-
taliste,
S3GTIOK II - L."'- FrtOTECTIŒ~
SO:;L.:..L3 :;m"}~2 RES1JLT_~.T DE LA
Depuis la deuxième guerre mondiale, il a semblé à
beaucoup de personnes que la progression continue du produit
_,1.;01
est le bilan <:;.1.;e 1'0:-. peut Î2.ire au~ourd'hui r-
i l es"t
:curs qu~ los ;~ys occidentaux ont corillU àepuis ces trente
-------- ---------------~------------
(1) Cf, Traité de sécurité sociale, Tome Il, L,G.D.J. 1981
p.
19. C. Mills,

220
dernières années un taux très élevé de croissance économique
et consacrent une grande part de leur F.I.B. (17 à 27 %) aux
dépenses dites sociales. L'accroissement de cette production
a-t-il donné lieu à une véritable sécurité sociale?
S'il est difficile de mesurer d'une façon précise
la contribution de la croissance des biens produits par un
pays à la résolution de la question sociale, on peut dire
sans risque de se tromper que l'acquisition d'un r~ut niveau
de développement économique agit à plus ou moins lone terme
sur les conditions de vie, de travail et sur les structures
d'une société en répondant à certains besoins qui seraient
insatisfaits si les moyens d'existence étaient en nombre
insuffisant.
Et c'est, assurément, parce que les pays occidentaux
disposent de moyens économiques suffisants que depuis une
trentaine d'années le~r2 défeLse2 sociales se sont accrues .
.: 'arrès ricoles ~uestiau.x e t
<-;.
Fournier (1), entre
1960 et 1970, les interventions sociales dans les pays de la
c ommunaut é ont vu leur- poids relati f ,,' accroître dans les
ressources nationales de 4 en 1960 à 16,6 ~ en 1971 pour
l'Allemagne; de 4,8 à 23,4 ;- pour les lays-Bas. En 1976, la
part des rreet2tions sociale~ dans le F.:.B. Qes r2~Ë Le~bre2
, , )
1
/
\\ -
..
' 1;\\ Cf, louvoir
1
èu social, or cl'té
.. .
.
f. "Î)
le..

221
pour les Pays-Bas; 20,6 %en 1970 et 26,5 ~ en 1978 pour
l'Allemagne de l'Ouest.
M. J.F. Launay (1) confirme la véracité de ces don-
nées lorsque, analysant les rythmes de croissance des fonc-
tions les plus importantes,de ceE dépenses au cours de la
période 1970-1975, il montre que la fonction maladie a connu
en général un taux d'accroissement à prix constant très élevé
en Irlande, Belgique, pays-Bas; le poste retraite a connu
une croissance assez soutenue, 6,5
à 9,6 % en Belgique, 9,4
à 11,5 ~ en RFA ; 7,4 à 10,1 ~ de 1970 à 1978. Les prestations
familiales ont connu, dans tous les pays précités, des amé-
liorations importantes au niveau des conditions d'octroi par
un développement des aides en faveur des ménages dont les res-
sources sont les plus faibles.
Le poste de l'assurance chômage a connu une vive
croissance des dépenses, soit de (:, 7 ~
à 2 5 en Belgique ; de
(,6 à 3,2 5 au Danerna rk ; de C,3 à 1,2~' en France, de
lS7C
à 1978.
Si l'on prend maintenant le cas d'un de ces pays
comme la France, on constate que le taux de croissance des
prestations sociales de 1971 à 1978 dépasserait largement le
taux de crois sance de la production intéri eure br-u te .sai t
\\,., J
....'
1
;
j
er" lS77 ;
),2 ~
en
social de la r;ation". les d é pe nse s
~l'~'e~ er, .r~ran~6 rerr;=en+er~l' eT.~ ~r~0 ~e ~L- C Q"e la .,- - "1'
~
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-
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• • Il
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: '
~ '"
'-'-
J i " : J.. Z.
[.:.'.:;.
-
chand e ,
(1)
Ji.
Fin-::.nceZ":'dît G.e ic. :;2curité sociale et politique éco-
Loci ':Jue in .uroi t social, janvier Î 981, p.
7.

222

L'analyse de quelques aspects de la redistribution
horizontale des comptes de la protection sociale faite par
Jacques Fournier et Nicoles Questiaux en 1979 (1), à partir
du rapport annuel de l'Inspection générale des Affaires so-
ciales, nouS apprend qu'en France, "si on cherche à apprécier
au niveau de l'individu et de la famille l'impact des trans-
ferts sociaux, l'indicateur à retenir varie selon la branche
considérée" .
c'est ainsi que pour la santé, la part de consomma-
tion médicale finale couverte par la sécurité sociale serait
passée de 44,4 ~. en 1950 à 69,4 " en 1974 et que depuis 1974,
on assiste à une croissance des dépenses de santé soit 20,13 ~
en 1968 ; 24,6 % en 1977, 24,76 % en 1978. Cette évolution
serait accompagnée d'un mouvement de généralisation de l'as-
surance maladie à une partie de la population.
En ce qui concerne la branche Irestations familiales,
ces auteurs font remarquer que de 1946 à 1975, les prestationE
familiales ont progressé de 347,9, qu'elles étaient pour deux
enfants en 1946-55 h 638,8 en 1975 ; de 434,2 pour 5 enfants
à 1376,6 en 1975. En 1968, la fonction famille représenterait
21 ,47 ~. au total de la dépense sociale ; en 1975, elle aurait
baissé de 16,96;, 14,78 en 19 7 7 et 16,52~· en 1~7é (2} .
.r our le j.os t e i:.vs.:i.ic.i té-vieillesse-à~cès, les dé-
~' :2:... ~ E:'2 rE:~ré s ent era aent :;7, 27 ~. de la dépense soc iale er; 1S6E,
; 1 )
' - ' - '
Fournier, le pouvoir du social,
-,..l

"-'.
~'~es ti~ux et Li.
62-6S.
Cf.
C2therine ~·i~=--s, :l'8.ité dE: la sécurité sociale, T.II
çG~o=ie de la 8~curité sociale, L.G.D.J. 1981, p. 134. '

,"
22'
36,95 ~ en 1976, 37,49 ~ en 1978.
Les dépenses en matière d'accidents du travail et
maladies professionnelles se seraient élevées à 3,76 r en
1977 ; 3,59 ~ en 1978 etc ...
De l'avis de plusieurs auteurs, cette forte crois-
sance des transferts sociaux dans les pays précités, a permis
d'accroître le champ de la protection sociale à toutes les
catégories de la population; d'améliorer le niveau de cou-
verture des assurés ; de modifier la répartition des revenus
de garantir le pouvoir d'achat des ménages. Et que tous ces
revenus de substitution assurés par la collectivité étaient
encore pratiquement inconnus au début de ce siècle ; ils ont
pris aujourd'hui, dans la vie quotidienne des individus, une
importance considérable (1).
En 1979, environ 25 ~ des ménages français vivaient
des transferts sociaux ; ~our d'autres faffiilles, les trans-
ferts sociaux représentent 50 ~ de ressources (2) ; des crè-
ches ont été construites pour accueillir les enfants des mé-
nages dont les conjoints travaillent sans pouvoir se payer
une bonne à la maison ; des maisons de culture ont été ou-
vertes pour mettre les oeuvres culturelles à la portée de tous ..
~es hôpitaux q~i dépendent de l'assistance publique et la
5'::Cu.: l t~ sociale permettent aux j.Lus démunis de recourir aux
,1)
Vo~r à ce propos cath&rine Kills, Economie de la sécurité
sociale, op,cité. J.F. La~~ay, op.cité.
(2) Cf. Christian Jaudelot, ~cger Establet et Jacques Toiser
in ;.cui traVaille pour qui, chez Haspério, pp. 159-161- j

224
services d'une médecine scientifique
en dehors de toute
considération financière etc .••
Mais ces chiffres posés positivement doivent être
nuancés. Car, en effet, une croissance des dépenses sociales
assez marquée sur le plan quantitatif peut très bien escamoter
une autre réalité : les inégalités des différents membres de
la société et l'état de leurs rapports sociaux.
En réalité, écrivent 8hristian Baudelot, Roger
Establet et Jacques Toiser, dans le cas de la France, ce sont
toujours les catégories les plus favorisées qui profitent le
plus de ces transferts. F. Bourdieu et J.C. Passeron ont
montré que l'école, gratuite, laïque et obligatoire, "favori-
sait les favorisés et défavorisait les défavorisés" ; que les
maisons de la culture étaient surtout "les maisons des hommes
cultivés" .
\\~'enq~ête Janté faite par l'INSEE et le CRE~OC en
1~70, révèle que ce sont les agriculteurs, les salariés agri-
coles et les ouvriers qui se soignent le moins, tandis que
les catégories exemptées de travail manuel et par là même
soustraites aux maladies professionnelles et aux accidents du
travail qui l'accompagnent, se soignent, elles, beaucoup plus.
physique de l~ ~orce ~e tr~v&il Qui dev:~i~~t cc~so==er le
;luE Je c~iecine, ~e c}~rurgie, d'analyses, de rééduc~ticn e~
de radios, ce sont au contraire c eux ?::.qui les conditions
,
..,
. .
"
. -
~
"
a eXlstence et ae traV8.l~ assurent déja la plus grande longé-
vité et la moindre usure physique qui sont les plus grands

225
consommateurs d'ordonnances et de soins de toutes sortes" .

~t ces auteurs de conclure : "Tous ces résultats
sont convergents
quelque soit le domaine examiné, qu'il
s'agisse de sport, des loisirs, de la santé, de l'université,
des musées, de la culture etc ... , le mécanisme est le m~me.
En principe distribués de façon à corriger ~es inégalités et
des disparités économiques initiales, les transferts sociaux
organisés par l'Etat fonctionnent à rebours. Ce sont les ca-
tégories les plus favorisées qui en profitent le plus" (1).
Catherine Mille (2) fait remarquer dans ce sens qu~
l'accroissement et l'importance considérable de la dépense
sociale n'est pas une preuve que les besoins sont mieux sa-
tisfaits. Car la dépense sociale obéit aussi à d'autres né-
cessités : stimuler directement la productivité, c'est-à-dir~
qu'elle sert comme facteur de relance du profit devenu trop
faible en période de crise économique. ~ême si sa fonction
principale est de permettre la reproduction de la force de
travail, elle participe directement ou indirectement au fi-
nancement de l'accumulation capitaliste.
C'est ainsi que, par exemple, le prix de la journf
de l'hôpital pris en charge par la Caisse nationale d'assu-
rance maladie inclut le financement de certains équipements
ccl2-f:ctife, no t amn er t
tit~e de l~ participEticn au fOnGE
2~r~taire et ~o2ia~ ;
f i.nanc er::c6r. \\, ci € S Co::c=:.=--_ni e s
\\i)
Cr.cité, r . 152.
r ?)
~ -
Cf. Traité de séc-ùrité sociale
écono~is de la sscurit
s oc i e Le , T.2,
cr.cité, p.
1~C'.

,-
226
..
l'hÔpital passe avec les laboratoires, les industries phar-
maceutiques, les industries liées au secteur médical etc ..•
Il en est ainsi également de l'utilisation par
l'Etat des fonds de retraite, d'assurance, de recouvrement
de sécurité sociale et des prestations familiales (charges
indues). De ce point de vue, la sécurité sociale, par l'é-
pargne forcée qu'on lui assigne, contribue à l'accumulation
ca pi,taliste.
Jorninique Gerbaux et l':ar gue ri te Huntziger de leur
c$té (1), étudiant la relation qui peut y avoir entre la no-
tion de FIE et l'état sanitaire d'un pays, montrent que la
relation n'est pas automatique entre ces deux indicateurs.
c'est ainsi que la France qui, d'après les données
quantitatives recueillies par bien des organismes nationaux
et internationaux, se situe sur le plan international dans le
peloton de tête des pays en ce qui concerne la croissance ;
cette constatation n'apprend pas grand' chose en ce qui concerne
l'influence sur le système sanitaire.
Car si, à l'évidence, pour faire face au cont crois-
sant de l'amélior2tion de la santé (coût croissant de l'amé-
lioration des tecLniques), il est nécessaire d'accroître la
c r ci e se.nce c e la Traduction e t d'arnslioriSY' 15. r i c hee se natic-
L,le-
;
::: l
_ e
j r er iÈ:r2 E-téi.}:,e ESt.
c er-t e.Lnernerrt de produ.ire pLus :
12, ·:eu.x t èn.
c e rSDéi.rtir ni
.
~
euz c e t t e cr-o i s sar.c e afin cu e les
-;~. ~;::_;::;é,i .~ 'iütE01'.f'r8tation -:;"indicateurs sociaux à l'aide
o.e s comp8.rai SOllE
interr:ationales,- l'Iémoire, Paris, 19J74,
p.
123.

227
possible; il faut reconnaître que la relation n'est pas
évidente.
Puisque les Pays-BaS, moins bien placés dans la
progression de croissance, dépensent plus en matière de pro-
tection de la santé que la France.
c'est dire que la croissance quantitative des biens
produits n'est pas suffisante pour que les besoins sociaux
soient satisfaits, il faut surtout tenir compte des priorités
q~'OL lui affecte. Ce d'autant plus que les comptes nationaux
des divers pays vus plus haut sont souvent peu précis en ce
qui concerne l'év~luation des dépenses sociales. En matière
de santé, par exemple, le pourcentage du produit national qui
lui était ccnsacré en 1974 était d'environ 4 à 6 f
en Occi-
dent. par r-appor-t au pourcer:.tage que consacraient les pays
ca~italistes moins développés, ces dépenses représentent à
certains écards des Eo~es is}ortantes, mais par rapport aux
oesciL,s sociaux des pays concernés ils rerrésentent bien pe~
de cr.ose s .
Assuré~er.t, la faible part de revenu dont disposent
les pays capitalistes moins développés a des conséquences sur
le niveau de mortalité, les conditions de vie etc ... Mais ce
que toutes ce s donné es contrad .i c to Lr e s Fe'~ver~ t nous apprendre,
:. ::;,22"'L2.ré. -""d"ùy \\ Î) note que daz.s les pays capi ta-
( 1):;f. ~a "kali ti Que d'action sociale, éd. :trivat , Paris,
lS75, p. 73.

228
listes développés, le phénomène de la multiplication des
biens marchands ne s'est pas accompagnée d'une plus grande
satisfaction. "Au contraire, la croissance s'accompagne d'é-
volutions défavorables: maladies mentales, drogue, suicides.
L'invalidité pour cause de maladie mentale a quadruplé en
France de 1950 à 1970. Le nombre de toxicomanes est passé de
20 ceo à 68 000 entre 1S\\63 et 1969 aux USA. Le nombre des
suicides augmente ... ".
L
G.}' Cabanel s'étonne, de son côté, "des progrès
limités aujourd'hui en matière de taux de mortalité et d'es-
pérance de vie. Dans la plupart des pays industrialisés, le
premier a peu varié depuis dix ans. L'espérance de vie croît
encore mais lentement (6 mois pour les femmes, 4 mois pour
les hommes gagnés en 5 ans). Le système de santé se révélerait-
il impuissant à dominer les maladies que nous devons à la so-
ciété industrielle et à notre mode de vi e ?" (1).
La cOLférence de l'CCDE (2) tenue à Paris en Octobre
1980, estime que l'inflation et le chômage resten~ les prin-
cipaux problèmes de l'heure. Et, si les tendances actuelles
se poursuivaient, on compterait plus de 20 millions de chô-
meurs dans les sept principaux pays membres d'ici 1985 et les
...
'
,,-...:.
'. . /
v~.
r<;;;ùecine
( 2 ) »v ,r-
v1.

229
,-

des effectifs dans les crèches et les écoles ... F. Bernard
Leroy écrit : "La. pauvreté est désormais un phénomène des
sociétés riches. Le mot revient à la mode en même temps qu'une
réalité que l'on avait crue' caractéristique du XIXème siècle"
(1).
"En Belgique, l'action nationale pour la sécurité
vitale recense un minimum de 10 % de handicapés sociaux, soit
près d'un million de personnes" ...
"En Allemagne, le nombre des sans-logis est d'envi-
ron un million, dont 50 ,: de moins de 20 ans" ...
Selon la commission économique des Nations Unies
pour l'Europe (2), la France, pour sa part, détenait dans les
années 60, le record de l'inégalité en Europe Occidentale avec
un quart de revenu pour 5 ~ de privilégiés et 2 5, seulement
du revenu pour les 20 ~, des ménages les plus pauvres.
J'après l'estimation de ~. 1. ~~oléru (3ecrétaire
d'Etat français au travail manuel), dans son ouvrage "La pau-
vreté dans les pays industrialisés", la répartition des pau-
vres en France en 1974 serait la suivante :
La plupart des salariés agricoles, environ 600 000
personnes avec leur famille. La plupart des manoeuvres,
11C CCC;
d eux tiers des p er s onn e.Ls de sc:~vics: é~C< CCC
12.
rr,citi2 ces ouvr i er-s sp';ci8.:::'isés Î 3CC L{(
;
"~;ci:i~ des
p er s onn es 1e::ées GE:: rLu., c..S' '.::' ari s 2 6(( CCC;
les;::3 d e s ve:..;.',
(1)
Opcité, p. S.
(~ ) Cité par,;.uy.,:uadeu in le liéoca-ei talisme une éc onc~ie po-
litigue contemporaine, p.
194, ed. J.}. Delarge.

230
\\~
..
ayant un enfant à charge 1 000 000 ; les handicapés physiques
et moteurs de moins de 65 ans 200 000 ; les inadaptés sociaux
mineurs 1 000 000 soit au total 11 200 000 personnes ou 3·
millions de familles. Auxquelles il faut ajouter près de
300 000 immigrés vivant dans des caves, des bidonvilles etc ...
~. Michel castaing, dans une série d'enquêtes sur
la pauvreté en France, indique qu'il existe aujourd'hui en
1981, "toute une misère cachée qui échappe jusqu'aux services
sociaux. Ce sont les clochards qui ne sont pas tous des pro-
fesseurs de philosophie ; ce sont ceux qui pour survivre sont
obligés de "faire les poubelles" ou " de consommer des boites
d'aliments pour animaux; c'est le cas de celle qui est con-
trainte " de gaver ses enfants de friandises parcequ'un pa-
quet de bonbons vaut moins cher qu'un bifteck" ; c'est le cas
de "toute une famille de la rue de Ménilmontant ( ..• ) qui se
nourrit à grand peine une fois par jour" etc ... (1).
Cet auteur ajoute : "On souffre encore de la faim
dans la France de 1981" ( ... ) "C'est ainsi que "secours po-
pulaire" français lui-même a été surpris en organisant, en
novembre dernier, à Lille, une distribution de pommes. Un
millier de personnes
a
fait la queue, dans le froid, pour
percevoir 5 kg je fruits". Et de citer le cas d'une étude àu
sec ours cs.t no Li qu e qui rai t apparaî tre que quatre f aru Ll.es
sur cin~ ~es interrogées en Frar.cs ont ur. revenu égal ou in-
.... ' .
,
...
=~rle~r a ~J rrancs par jour et p3r pérso~~e.
- - - - - - - - - - - -
,1)
Cf. Fauvres de toujours et pauvres d'aujourd'hui in ~e
Monde des 2, 3, 4, 5, 6 mars 1981.
--

231
\\~
..
Mieux, le développement de la crise économique de
l'heure a eu pour conséquences: de plonger des milliers de
familles dans l'endettement; l'assistance "dont un élément
significatif est les loyers impayés". C'est ainsi qu'en No-
vembre 1980, la Fédération du Nord du "secours populaire"
français comptabilisait à Lille 7 216 retards de paiement -
sur 16 000 logements, soit 45,1 ;' - allant d'un mois à 6 mois
et plus.
L'étude faite par ï<. Joseph Wresinski (1) portant
sur quarante familles dans une cité sous-prolétarienne atteste
que de nombreuses familles n'ont pas un revenu régulier; et
que de ce fait, "il arrive qu'il y ait des mois qu'elles n'ont
rien du tout".
Pour les familles avec beaucoup d'enfants à charge
et avec un seul revenu primaire, la part des prestations fa-
ITdliales dans le budget devient de plus en rlus prépondérante
2lo~s que dans les familles où il n'y a que l ou 2 enfants
"la majorité des familles se retrouve souvent dans des condi-
tions de survie d rama't i.que s ,",
De l'avis de ~~. 1e caillon et W. Van Ginneken 1.
Lambert (2), la pauvreté persistante en Europe se localise
dans certains quartiers des vi~les c~ les m&isG~s sont en
'~,i
"C.:-=-'talre go::néra..J.. a.u c.ouvenc n t international :.. :::'.2::.
~.1;EY't-
monde. Voir ,droit social ,1anvi,:Y ;!é:.1, :;. L:.
(t,::ité,
p. 13':'.

232
Ajoutons aussi que, avec le développemen~ de la
crise économique et la compression des dépenses sociales, ce
sont les avantages sociaux qui constituent parfois 50 ~ des
revenus de certaines familles qui diminueront ou disparaî-
tront ; que la dégression d'une firme multinationale pour
raison de compétitivité aura pour conséquence la disparition
d'un emploi; le désespoir pour le prolétaire, les suicides
etc ...
Il ressort de ce que nous venons de voir qu'au sein
des pays développés, la croissance économique ne se traduit
pas par la meilleure satisfaction des besoins de tous les
membres de la collectivité et que la persistance de la pau-
vreté et de l'insécurité sociale sont des éléments qui posent
aujourd'hui des problèmes qui dépassent la seule question du
seul développement de l'économie.
La question de loin la plus importante est celle-ci
dans quelle mesure les structures sociales actuelles permet-
tront-elles de résoudre la question sociale ?
Une autre question peut se poser : pourquoi cette
persistance de la pauvreté ?
En effet, si dans les années 60, on pouvait nier
l'existence de la pauvreté en Occident, auvour'd t huâ , :;:"\\~sieU!'s
na;
fr;-.nçais Le :'-onde (1), n.ett ent
en év Ld er.ce une rÉe..2.i 'té
(~) ~:::iI' ~ ce :p:ëOJ;0S Le lI:onde des 2, ), 4, 5, 6 et 24 mars
iSE'1.

La question qui demeure dans le flou et qui mérite
éclaircissement est donc de savoir comment expliquer ce re-
nouveau de l'insécurité dans les pays capitalistes développés
et ce malgré le développement des mécanismes de sécurité so-
ciale, d'allocations chÔmage etc ...
Les explications dominantes imputent ce phénomène
à la multiplication de la race humaine que les richesses
créées aujourd'hui par l'humanité ne peuvent pas encore nour-
rir. S'il y a misère de par le monde, et m~me si cette misèr.
s'aggrave, c'est parce qu'il y a surcro!t de la population
et que la part du gâteau à partager ést insuffisante.
Pour cette école, l'inégalité est de nature, le
seul effet des conventions d'égalité serait un nivellement
des revenus et richesses par le biais des transferts sociaux
etc ..• Ce faisant, il ya une tendance à nier qu'il puisse
avoir un lien de causalité entre l'état social actuel du ph
grand nombre et les structures capitalistes de la société.
En vérité, c'est le mode de production capitalistt
.'
qui est la cause fondamentale de l' insécuri té du plus grand
nombre aujourd'hui comme hier. Comment et pourquoi?
1e mode de production capitaliste est générateur
de misère parce que c'est un mode de production o~ le but â
la production est avant tout l'accumulation de l'areent et
dominent des rapports sociaux d'exploitation de la classe
pauv-re par la c las se cies ca pi talist es.
En effet, les conditions sociales fai tes à une p.
tie des membres de la soci~té actuelle, si elles sont sanF
rapport avec le monde où les magasins regorgent des marcha~

234

cela ne relève pas de l'ordre de la nature des choses, c'est
parce que dans cette société, le produit du producteur se
retourne contre lui comme une marchandise étrangère ; privé
des moyens de production, il a été jeté dans l'engrenage de
produire pour une autre personne, qui possède les moyens mo-
dernes de produire; il fournit le travail, non pas pour sa-
tisfaire un besoin, mais parce que le monde de la production
des marchandises ne lui laisse pas d'autres possibilités. La
misère s'accroît en fonction de l'importance de son travail,
quel que soit le montant du salaire. Plus il produit des ri-
chesses, plus il s'appauvrit, que son salaire augmente ou non.
Pourquoi ?
Parce que la société actuelle est celle où domine
la propriété, l'argent, le capital et le travail salarié.
Et c'est parce que la victoire de la manufacture
t'abord et àe la grande industrie sur l'atelier artisanal a
eu pour conséquence juridique le fait que le travailleur cesse
d'être le maître du produit de son travail et ne peut donc
plus le porter au marché; que c'est le détenteur des outils
complexes permettant l'emploi du travail associé qui devient
propriétaire du produit. Il verse une rétribution en argent
à ceux qui ont coopéré à la production.
La misÈre Ge l'ouvrier tient donc au fait qu'il
reproduit par son travail le capital pour le capital et par
conséquent son aliénation et sa misère.
Ceci revient à dire que la situation actuelle d'ap-
pauvrisseffient généralisée à l'échelle mondiale dans une si-
tuation de crise ~nérali8ée de l'économie mondiale ne peut

être comprise que comme conséquence des crises du capitalisme
..
qui anéantft les améliorations de vie des travailleurs, ruine
les petits producteurs (paysans surtout dans les pays du
tiers-monde) et expriment clairement leur paupérisation dans
ses formes les plus diverses : logement, alimentation, soins
de santé et surtout chÔmage.
Vue ainsi, la pauvreté est donc un rapport social
qui obéit à une logique sociale donnée. C'est un rapport so-
cial d'exploitation de la force de travail de l'ouvrier par
la classe de capitalistes qui s'approprie le travail non pay
de l'ouvrier. Oomme Marx l'a enseigné, la marchandise force
de travail, de mAme que toute marchandise possède une valeur
qui se détermine par le temps de travail à sa production. En
tant que valeur, la force de travail représente la quantité
de travail social réalisée en elle.
Partant, même lorsque le capitaliste paie la forcE
de travail de l'ouvrier à la pleine valeur qu'elle a sur le
marché en tant que marchandise, il reste que c'est lui qui '
..
tire plus de valeur qu'il n'en a payé pour l'ouvrier. Cette
plus-value est la somme de valeur d'où proVient la masse de
capital sans cesse croissante accumulée dans les mains des
capitalistes non seulement pour le renouvellement des machi
et de la production, mais aussi pour leurs jouissances.
le fait même que les ouvriers, au travers de lon:
luttes, aient pu arracher au capital une amélioration de If
conditions de Vie ne change rien. Ce mouvement contradicto:
s'explique par le fait que dans son procès renouvelé de mi,
en valeur par le travail, le capital rencontre constamment

236

des oontradiotions qui, si elles se maintenaient, feraient
d1Bpara1~r. ~ou~. possibi~té de mise en valeur. Ce qui re-
vient à dire que 1es oonditions à un moment donné de sa mise
en valeur compromettent la poursuite de son accumulation à
un taux convenable. C'est ainsi par exemple, que
- Premièrement, en l'absence d'élévation de la producti-
vité, la main-d'oeuvre se raréfie, les salaires montent et
ralentissent de ce fait l'accumulation,
- Deuxièmement, l'accroissement de la mobilité du capi-
tal permet de tirer parti des taux de profits différentiels
selon les branches ou les régions, mais en même temps il éga-
lise rapidement les taux de profits,
- Troisièmement, l'augmentation de la productivité néces-
site des investissements de plus en plus considérables. La
plus-value s'accrott mais le taux de profit baisse etc •••
La marche de l'accumulation ne peut se poursuivre
qu'en recherchant de nouvelles conditions de mise en valeur.
De nouvelles modalités de l'utilisation de la main-d'oeuvre
.'
vont permettre de surmonter ces contradictions et assurer le
maintien d'un taux normal de rémunération du capital.
L'introduction de nouvelles machines entratnera
cbômage des travailleurs et "détente" du marché du travail,
le recours à une force de travail simple, abondante (immigrés,
enfants etc ... ) et par conséquent baisse des salaires, en
l'absence d'élévation de la productivité, grignotent les pro-
fits.
Les incitations où les mesures, contraignant à la
mobilité de la main-d'oeuvre, permettent au capital de se
J

237

déplacer plus aisément et de se diriger vers les sphères de
reproduction aux taux plus rémunérateurs; en l'occurrence,
à l'époque actuelle, ce sont les pays d'Asie, d'Afrique et
d'Amérique Latine.
Mais pour arriver là, il faut d'abord que les tra-
vailleurs ne s'opposent pas aux nouvelles conditions de tra-
vail (d'ot l'institution des régimes dictatoriaux dans les
pays du tiers-monde) ; il faut ensuite une centralisation
accrue du capital, une composition organique plus élevée, une
rotation plus rapide, une mobilité plus forte. Les conséquen-
ces de tous ces mouvements pour le prolétaire sont aussi con-
tradiciPires.
- à la fois ils permettent un accroissement du nombre
d'emplois, puisque la masse de capital en fonctionnement s'ac-
croît considérablement, et à la fois ils multiplient les oc-
casions de ch~mage : déplacement d'usines, fermetures, dispa-
titions de petits producteurs, etc ...
- à la fois ils diminuent la valeur unitaire de chaque
produit et par là même ils permettent d'accrottre la masse de
la valeur d'usage théoriquement disponible, ils multiplient
en même temps les contraintes, provoquent de nouvelles dépen-
ses Lnd i spenaab Les en raison de la concentration è u cari t a L.
- .3. l: .:;:'(1.:. :.2.2 "c,;r~U2..li:'isnt"
le travail d'u..'1 petit
~omo~e ~e tr~vailleurs ~ui ont à concevoir et 2 réaliser des
îient" l.e travail du plus ti:rand nombre qui n'a plus comn:e
t~~he gus s~~'eiller ou ~limenter ies ~ac~~nes complexes ;
dévalorisant par là la force de travail.

238
Dans le m~me temps, il y a raccourcissement du
temps de travail et accroissement de l'intensité du travail
qui use prématurément la force de travail ; suppression de
tous les temps morts etc ...
Tel est le mouvement qui conduit à la paupérisation
du prolétaire qui joue encore de nos jours, même si avec le
développement du capitalisœe au stade monopoliste, les capi-
talistes des pays développés ont avec leurs super-profits
extorqués aux peuples coloniaux, accordé à une partie des
ouvriers de la métropole des conditions d'existence meilleures;
non seulement cela a été fait dans le but d'obtenir une paix
sociale précaire, mais la condition de cette aristocratie
ouvrière n'est nullement la situation matérielle générale de
la classe ouvrière tout entière dans ces pays.
Faut-il le rappeler, aujourd'hui encore, les condi-
tions d'exploi~ation de la force de travail dans 15 monde
n'ont pas fondamentalement changé, indépendamment des change-
ments intervenus dans le développement économique et dans la
composition sociale de la société capitaliste: le prolétaire
est toujours obligé de vendre sa force de travail pour vivre
tandis que les capitalistes qui possèdent les moyens de pro-
duot Lon , ac capar-er.t lé;. t"Tosse J::art:S.e la pro:::'1.<c;"tior: s c ci a.l e .
~-c~'O:r:.-:'..:::::. : ieLLC -'- ~ c.:':~ro:r.ter:e:nts
de rue entre les ouvriers
et l'=tat, le nombre de grèves (i) qui se sont ~ulti?:i~2 ces
è. er:_i~:'ec ann- 23
~.:or.:' ::"'es tér::: oins de cet te insécurité touj ours
croissante.

,
239
~
Il
( j )
Nombre de
Nombre moyen
grèves pour
de personnes
concernées par
100 000
salariés
confll t
France
1950-1954
17,2
747
1955-1959
15,7
692
1960-1964
14,4
1 034
1~65-1969
12,4 (1)
1 173
1970-1974
22,0
599
Suède
1950-1954
1,2
362
1955-1959
0,6
115
1960-1964
0,7
109
1965-1969
0,6
440
1970-1974
2,4
)19
Royaume-Uni
1950-1954
8,0
343
1955-1959
11 ,4
293
1960-1964
10,8
597
1965-1969
10,0
:;, 11
1970-1974
12,4
545
3tats-U:nis
1950-1954
9, 1
520
1955-1959
6,9
514
1960-1964
6,9
360
1965-1969
5,7
486
1970-1974
6,9
488
(1) sauf 1968.
::Jctrait du livre de t:~ ••:'à3J:'. ~t ,-.:S ••~eynaud
;on-~li-:s du
:ra,\\"'8.il Et C}l~nfecent scci2.1, 1:'L7F, :P}:'.
~'(,:-21_

Confli ts du travail.
,Journées perdues pour 1 000 salariés
1"L'ance
:ielgique
R. }'. /1..
1 t al.Le
Pays-Bas
Royaume-Uni
.suède
Danemark
Etats-Unie
l' Cj8
H:
115
41
j79
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1 053
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1
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4
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112
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2
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1
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4
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4
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3
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1(''13
253
279
26
1 564
152 I:
318
3
2 007 I
363
1 ('74
198
183
49
1 246
2
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18
96
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1:>u
780
230
516
I<oyenne
de 1962
205(1)
176
33
1 ?BO
26
340
37
à
l~n4
(inclus)
N.B. En "x" pour chaque pays, les années les plus fortes et les plus fai b Le s en ce qui concerne les
Journées perdues pour 1 000 salariés.
-,
(1) Non compris L'armée 1968 exclue de la statistique (la moyenne atteint 931 en incluant 1968).
'"."..
C

241
Reste à examiner maintenant la manière dont s'opère
le p~rtage des fruits de la croissance par le biais de la
sécurité sociale.
Si, comme nous l'avons vu précédemment, la sécurité
sociale a pu dans une certaine mesure, dans ces pays, con-
tribuer au développement des forces productives, il faut dire
que comme instrument de lutte contre la pauvreté son effica-
cité reste à démontrer.
Jacques Lecaillon et W.G. (1) donnent trois raisons
à cela.
Premièrement, les systèmes d'assistance intervien-
nent avec une large dose d'arbitraire (les pratiques sont
différentes d'une commune à l'autre, d'une période à l'autre)
cas par cas, l'assistance ne permet pas à ses bénéficiaires
de sortir de l'ins9curité du lendemain et des comportements
de sur,ie qui y sont 8ttactés.
DeuxièEement, fondée sur des appréciations subjec-
tiveE, l'~ide a;~ort~e se p~ie d'une dégradation du statut
social du bénéficiaire lorsqu'une personne ou une famille
pauvre fait la demande d'un logement ou d'un crédit quelconque
et qu'elle doit prouver s~ solvabilité, les reven~s à'assis-
i~~~le~ rc~ettes du tudcet ~s l'i~t~ress~ ; ou e'ils co~~tent,
~t enfin, le r~oint de réf4Ye~ce dE l'as2ist~nce est
(1) Op.cité, p.
746.

242
..
l'indigence; elle requiert la preuve administrative, non pas
d'un évène~ent paupérisant, mais d'un état de pauvreté; n'in-
tervenant que lorsque cet état est avéré, elle ne peut con-
tribuer à sa prévention.
Far conséquent, "la panoplie des allocations peut
paraître impressionnante, comme peut sembler colossal l'ef-
fe' social de la Nation", mais si dans les fai ts le secours
élague par toute une série de dispositions réglementaires
"ceux à qui i l est destiné
si les prestations de "bien-être
social" allouées aux pauvres sont aussitôt remises au pro-
priétaire du logis, du supermarché, au pharmacien, au méde-
cin etc .•. le pauvre reste pauvre. Toute l'ambigUïté de la
sécurité sociale paraît au grand jour lorsqu'on sait quell~s
sont toutes les inoohérences et contradictions des systèmes
qui se sont développés en Europe.
Diverses études et enquêtes montrer.t que certaines
allocations destinées par priorité aux populations les plus
pauvres, ne sont perçues en définitive que par une proportion
relativement faible des bénéficiaires potentiels. Ainsi par
exemple, l'allocation spéciale du fonds national de solida-
rité en France est loin d'atteindre toutes les personnes qui
pour rad errt Y prétendre, car nombr-e d' entre eJ.les soi tif'': TC.:
r.:.,TC:les È:. effectuer, soit r e rus er.t Le s r:rests.tio~s pour di:;:"-
: cr2iL~e d'une reprise sur leurs
enfants ar:r8s leur mort) (1).
i
, )
\\.
!
Cf.
3ulletin G. A. li'. (caisse d'allocations familiale fran- :
çaise) n2 7-8 1979, P. 39.

243
JI
M. Steak, dans un cours polycopié de 1977 (CNAF)
écrit dans la même lignée d'idée que "l'on peut reprocher au
système français d'entrainer ce que les Américains appellent
"des effets négatifs de revenus".
L'auteur de ce cours démontre qu'en France, une
progression minime du revenu primaire peut entraîner une perte
de droit importante des prestations, lorsque le revenu pri-
maire est proche du plafond. C'est le cas lorsqu'on prend par
exemple, une famille de trois enfants dont l'un au moins a
moins de 3 ans et où la mère n'exerce pas d'activité profes-
sionnelle ; au cas où son revenu imposable brut, net de coti-
sations, était de 33 150 FF en 1974, elle percevrait
2 049,60 F de majoration d'A.S.U.
(1) entre le 1er juillet
1975 et le 30 juin 1976. Au cas où son revenu était de
33 160 FF en 1974, soit seulement 10 F de plus, elle ne per-
cevra pas de majoration.
Le décalage entre l'année civile de référence et
l'année d'exercice en juin 1976 des ressources de l'année 1974
conduit à une perte de droits importante ; dans le cas où une
famille connaît une diminution brutale de ses revenus ; lors-
qu'on se trouve en présence de jeunes ménages passant du sta-
tut ~tudiant à celui d'actifs professionnels.
~ c~r~ctsristlque fonQacentale du système de pro-
tection sociale français - poursui t r. 2teak - est l' exa s t enc e
de vJTit~bles clauses ~e sauvegarde; chaque prestation est
soumise à une condition et à un dispositif technique qui lui
est propre.
r
(1) Allocation de salaire unique.

.~
244
..
Il s'ensuit que les prestations attribuées n'at-
teignent presque jamais la totalité des bénéficiaires. Il
s'ajoute à cela le fait suivant: c'est que beaucoup d'élé-
ments de l'acquis du progrès social sur le plan des droits
est le fruit d'un compromis; éléments arrachés par les uns,
concédés à contrecoeur par les autres, restreints au maximum
dans l'application, tournés chaque fois que l'occasion se
présente, détournés de leurs finalités originelles pour ser-
vir dans un sens opposé.
A en croire le journal français ilLe Nouveau Journal"
(1), les statistiques publiées par l'U1~DIC (organisme payeur
de l'indemnisation du ch8mage) indiquent que de Janvier à Mai
1980, 64 871 demandeurs d'emploi n'ont plus perçu d'alloca-
tion chômage. Autrement dit, sont tombés dans la misère. Cela
prétendument parce qu'ils avaient atteint la durée maximale
ù'indemnisation (: ans pour les moins de 50 ans et 5 ans pour
ceux qui ont dépassé cet âge) ; ou parce qu'ils ont épuisé
leurs droits d'allocation et n'ont pu obtenir la prolongation.
Cette situation découlerait de la réforme sur l'in-
demnisation du chômage signée en Mars 1979 par le CllPF et les
syndicats français; alors que, antérieurement, les chÔmeurs
qui 2.vaient épuisé leurs droits pouvaient bénéficier "presque
:.~.. _~: ':'lniLent" scus U1; p::'2.fond d e ressource - d'une aide pu-
Lli~ue fixée en 1979 à ,6 FP par :our.
(1)
Le l;ouveau Journal du 29 juillet 1980, p. 2.

"
245

La convention médicale signée en France en Juin
1980, après une augmentation des cotisations des assurances
sociales, faisait éclater le système d'assurance maladie en
instaurant : un secteur conventionné où les médecins devront
observer plus strictement les limites fixées à leurs pres-
criptions d'examens, de soins, d'arrêts de travail (enveloppe
globale) •
Le ministre de la santé, Barrot, a lui-même rappelé
à R. T. L. le 11 mai 1980, qu'un contrôle "mieux organisé" des
congés maladie fait partie du dispositif destiné à réduire
les dépenses de santé. Le deuxième secteur aux honoraires
formera une médecine parallèle réservée à ceux qui pourront
payer. La liberté des honoraires devient accessible à tout
médecin sans avoir à fournir de justification.
D'ici 4 ans, près de 50 % des médecins pourraient
ainsi opter pour la liberté jes honoraires.
Le ticket modérateur d'ordre public, instauré en
Janvier 198G par un décret du ministre ~rançai6 de sécurité
sociale interdisant aux mutuelles de rembourser les dépenses
de santé à 100 f, obligeait les assurés, à partir du 1er mai
à payer de leur poche 5 5 des frais de santé.
J'a.près le projet ,le loi -::erger, ne e e r s a er.t r Lus
~emboŒ~~e~s : les acciieLts de la route, les ~Ql~iies liées à
l' alcooli SEe cu au tabacisrr:e ; tau t comme v i e r.ner.t à.' être
ré1è.ali sé s : l' ho spi talisa tian d es personnes âge; es au-delà de
60 jours, elles doivent par-t i r ou rayer c e 1êU:'-· fc~::-;.e entre
~5 et 15C F? p~~ jour.

Depuis mi-mars 1980, les chameurs non 1nde~aés
..
depuis plus d'un an n'ont plus droit à la sécurité sociale.
Quant aux autres, pour avoir une couverture sociale, ils
devront accepter n'importe quel emploi.
Ainsi, le système de protection français tend de
plus en plus à devenir une assistance minimale. Le projet de
loi Berger prévoit dans cet esprit une augmentation des co-
tisations sociales qui représentent actuellement 13 à 14 ~
du salaire.
Ce qui revient à dire que, après avoir cotisé toute
leur vie, les vieux travailleurs devront verser une deuxième
fois la cotisation-maladie
1 % sur leur pension vieillesse
à partir du 1er juillet et 2 %sur leur retraite complémen-
taire. Et que le système de protection sociale français, en
théorie comme en pratique, ne fournit que des allocations
insuffisantes, à peine de quoi vivre, aux handicapés, aux
travailleurs en longue maladie, aux ouvriers retraités; il
abandonne donc purement et simplement les inaptes au travail,
les pauvres dans la misère.
Le système de protection sociale anglais suit à peu
"
près la même logique. Dans le Monde du 23 décembre 1979, M.
Jean-Marie Macabrey écrit qu'en Grande-Bretagne aussi, il y a
des pauvres qui vivent avec une prestation de moins de 284 FF
accordée par l'Etat et que la complexité des services sociaux,
la jungle des prestations de toutes sortes, la fierté de cer-
taines personnes se refusant à deman:ier "l'aumône" - fut-elle
celle de l'Etat - font que bien des infortunés restent dans
la pauvr-et é •••
(
• • •
)

247
I~

Que "ni la pauvreté héréditaire, ni la méconnais-
sance des rouages de la sécurité sociale ne sont typiquement
britanniques. On les retrouve dans toutes les banlieues pau-
vres des villes occidentales.
Ce qui est propre à la Grande-Bretagne ( .•• ) ce
serait plutôt ce piège tissé de bonnes intentions que l'Etat
providence tend lui-même aux pauvres car face à l'augmenta-
tion de la pauvreté, la réaction de l'Etat britannique a été
depuis le début des années 60, toute une kyrielle des presta-
tions sociales accordées en fonction de la situation de for-
11
tune ...
Robert Castel, dans "La guerre à la pauvreté aux
USA: le statut de la misère dans une société d'abondance"
(1) se demande: "Est-ce par accident que la Nation la plus
riche figure parmi celles qui traitent le plus mal leurs ma-
lades et leurs pauvres ?
Les Etats-Unis sont sans doute, de toutes les sociét·
capitalistes avancées, celles dont le système public d'assis-
tance est le plus archafque et le plus déficient.
Ici, il n'existe pas un système national d'assurancef
comparable aux sécurités sociales européennes. Il faut avoir
65 ans cu être indigent reconnu, pour bénéficier o'une cou-
v&rture médicale gratuite, encore que partielle et souvent
m éd i.ocr-e ( ••• )11
(2).
(1) Cf. Revue Actes et recherches en sciences sociales,
Janvier 1978, p.
11.
(2) "Ceux qui ne sont pas assez pauvres ou assez vieux pour
l'obtenir doivent souscrire des contrats très onér~ux. ta
plupart se contentent donc de couvertures limitées. Ainsi
pour des millions d'Américains ( ....• ) et pas seulement
.../ ...

,._------_.
' - " _ .......
Reste à savoir si la sécurité sociale telle qu'elle
"
est conçue actuellement dans tous ces pays est compatible
avec l'actuelle structure économique et son développement
constant? En effet, il est à noter que
dans les années
d'après la deuxième guerre mondiale, la majorité des pays
européens bénéficiant d'un bon accroissement des richesses
ont développé des systèmes de protection sociale assez
'6tendus, mais
depuis le début de la crise économique mondiale,
"Partout - que les nations soient ou non industrielles - la
crise économique met en pleine lumière la relation entre le
taux de progression des dépenses sociales et l'état de santé
de l'économie. Les gouvernements s'efforcent partout de freiner
le développement des régimes de protection sociale ..• " (1).
Comment alors expliquer qu'en période d'expansion
économique, ce qui était considéré comme un acquis du'~ien­
~tre" social soit remis en cause en période de récession éco-
nomique ? Comment expliquer le mouvement de régression sociale
qui se matérialise aujourd'hui en Europe par la réduction des
dépenses sociales ?
.
"Il faut maîtriser les transferts sociaux et res-
'
susciter l'initiative, l'innovation et l'esprit d'entreprise"
déclare ~. Fourcade à la convention des Clubs perspectives et
......• sui te note page précédente :
pour les plus pauvres, l'éventualité de la maladie repré-
sente un risque constant de catastrophe, qui peut compro-
mettre de façon irréversible l'équilibre financier des fa-
rr:ilies et I!:ener à la déchéance sociale" ...
(1) Cf.
3écurité sociale: crise en Europe in Bilan économique
et social 1?79, p. 26, J.Pierre Dumont.

249
"
·..
·· ..· · . · . · . ' "
.
\\~
,
.r
· 4 · ·
réalités. Pour le Vlllè Plan de développement de~a France
"Il faut adapter la protection sociale aux possibilités de
l'économie ( ... ) et i l n'apparaît plus possible d'accrottre
des prélèvements obligatoires dans le PIB" ( ..• ). "L'évolu-
tion en cours doit être infléchie : cela est possible puisque
le système de protection sociale est maintenant parvenu à
maturité" (1).
La conférence de l'O.C.D.E. tenue à Paris le 20
octobre 1980, portant sur les politiques sociales dans les
années 80, parle de "redéfinition des politiques sociales
dans un contexte de croissance réduite".
On peut se demander si c'est un signe de mort des
garanties sociales ? Est-ce une nouvelle stratégie du progrès
social ?
En effet, aujourd'hui, "le consensus acquis depuis
des années au sujet de la sécurité sociale, commence à s'ef-
friter et des principes fondamentaux ont été attaqués" (3).
Dans un grand nombre de pays capitalistes développés se pra-
tiquent à grande échelle des politiques dites de "maîtrise du
.'
budget social". C'est ainsi que cette croissance a été ramenée
selon M. Dumont, à 30,1 % en Allemagne alors qu'elles étaient
de 30,5 du P.N.B.
En France, la poli tique de freinage des dépenses
( 1) Cf. fw7ichel Vingre in "c ' est fini le social", collection
Autrement, p.
45.
(2) Op. cité p. 3.
(3) Cf. déclaration de l'Assemblée internationale de sécurité
sociale à Manille, 28 octobre au 6 novembre 1980, citée
par J.P. Dumont in Bilan économique et social 1980 p. 28.
J
.

250
hospitalières et médicales a ramené la progression des rem-
boursements maladie à un rythme annuel de 14,5 % en Octobre
1980 au lieu de 18,5 % l'année précédente. Ce mouvement s'est
suivi par une remise en cause de certains droits acquis
cotisations d'assurance maladie sur les retraites en France,
en Belgique etc ... , accroissement des cotisations vieillesse
en Italie (0,70 %) ; moindre remboursement des médicaments
en Belgique; de l'hospitalisation aux Pays-Bas; suspension
de l'indexation de certaines prestations sur les salaires au
Danemark, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.
Comment expliquer que dans les années qui ont suivi
la mise en place de cette institution, on cherchait seulement
à harmoniser, codifier une législation disparate, obscure et
qu'aujourd'hui on entende presque partout en Europe: "La
sécurité sociale a besoin d'une bonne cure d'amaigrissement".
Car selon cette supposition, les déficits cumulés de la sé-
curi té sociale sont imputables "aux faux bénéficiaires que
sont : les chômeurs, les travailleurs immigrés, les ouvriers"
etc ...
..
La vérité est que, s'il est vrai que la sécurité
sociale a toujours été en déficit et en crise, il reste que
jusqu'à présent, ce sont les richesses accumulées au cours des
30 années de l'après-guerre qui ont permis une augmentation
importante du niveau de vie à une couche importante àe la
classe ouvrière. Les mécanismes de sécurité sociale, de "gra-
tuité" de soins, d'indexation du salaire, de garantie ae l'em-
ploi et des ressources pour les chômeurs et les Vieux ne fu-
rent possibles que dans cette mesure là.

,-
Pourquoi ? Parce que les classes dom1na.Pte s comp-
taient par là faire reculer la lutte des classes. Le partage
des fruits de la croissance par le biais de la sécurité so-
ciale avait pour but entre autre j'assurer la paix sociale.
Mais comme toute période de prospérité sous le mode de pro-
duction capitaliste est toujours suivie de marasme économique
où la classe des capitalistes ne peut redresser son taux de
profit déprimé que par une exploitation accrue de la classe
ouvrière en retirant de la main droite ce qu'elle a concédé
de la main gauche, la sécurité sociale devient un lieu de
lutte, un lieu de rupture car "lorsqu'il s'agit de gérer la
pénurie et de la répartir la tonalité change" (1).
Tel est le vrai sens des réformes de la sécurité
sociale, de réduction des dépenses sociales. Mais la question
qui reste en suspens est de savoir si le mouvement de régres-
sion sociale actuel conduira à la mort des Baranties sociales
pour un retour à la privatisation de l'assurance sociale, pour
un retour à l'individualisme; "à chacun sa sécurité sociale"
comme c'est le cas aux U.S.A. ?
Effectivement, le danger existe, si la tendance
actuelle qui voit dans la diminution des dépenses sociales
et l'augmentation des recettes le remède ultime à brandir à
tout bout de champ l'emportait; car pour elle, "les charges
sociales sont un boulet a.~x pieds des entreprises" ; chaque
individu doit d'abord compter sur lui-même; l'aide de l'Etat
ne doit venir qu'en cas d'extrême nécessité; l'égoïsme et
(1) Catherine Mills, op.cité, p.
19.

.~
l'idéologie enseignent que le collectif est précaire ; l'é~-
..
lité conduit au dénuement; chaque individu doit chercher une
petite propriété transmissible.
Toutefois, il faut dire que le triomphe d'une telle
régression sociale dans un pays comme la France ne sera pos-
sible que si la lutte pour l'existence a pris fin du côté des
exploités et des pauvres et si les classes dominantes elles-
m~mes ont cessé de croire à ce que disait M. Giscard d'Estaing,
Président de la République française: "Qui aurait affirmé,
il y a 70 ans, que la croissance et l'économie de marché sur-
vivraient à toutes les contraintes sociales qui se sont im-
posées au cours du XXème siècle ?
Les syndicats, la sécurité sociale, les transferts
sociaux en tous genres, les congés payés ..• je crois que
l'économie de marché aura encore à digérer bien des réformes
sociales avant l'an 2000, mais je crois qu'elle sera capable
de les digérer et qu'elle continuera à représenter un des
principes d'organisation de notre croissance économique" (1).
En conclusion, il se dégage de tout ce que nous
venons de voir que les institutions d'un pays n'ont jamais été
·.
que le reflet de son histoire, de son idéologie dominante et
du degré atteint par le rapport de force entre ceux d'en bas
et ceux d'en haut de l'échelle sociale. Le niveau de dévelop-
pement économique est certes un élément à prendre en considé-
ration dans le développement de la sécurité sociale, mais la
(1) Ce propos est rapporté par Nicoles Questiaux et Jacques
Fournier in Traité du social, Dalloz, 1978, P.
1007.

lutte des classes et l'influence de l'idéologie libérale sont
aussi des facteurs à retenir. C'est ainsi que l'institution
des assurances sociales en Allemagne par Bismark ne fut pos-
sible que pour répondre au développement du mouvement socia-
liste
le concept sécurité sociale n'a vu le jour en Améri-
que que pour parer aux conséquences de la crise de 1929.
Et c'est ce qui explique que dans des pays comme la
France, des réformes comme la sécurité sociale réalisées au
coup par coup soient restées à mi-chemin entre une véritable
couverture des besoins sociaux et l'octroi d'un minimum aus-
si tôt repris.
Il s'ensuit que la sécurité sociale, enfantée dans
la misère pour faire face à la pauvreté, n'est plus une ins-
titution conçue dans une optique du bonheur du pauvre. Elle
est un remède insuffisant ; puisque même sa @énéralisation à
toutes les couches de la population n'a pas réduit pour au-
tant la pauvreté et la misère dans les pays riches.
Premièrement, parce que les montants des prestations
allouées demeurent souvent relativement maigres au regard du
.'
coût inflationniste de la vie.
Deuxièmement, parce que ces institutions servent
beaucoup plus à préserver les privilèges des riches et le
système économique qui les orGanise. C'est pour cela qu'est
limitée la justice sociale qui peut être réalisée da~s une
société où dominent des rapports juridiques qui ont leur ori-
gine dans des rapports marchands.
~~r l'action conSistant à grignoter le pouvoir éco-
nomique des riches pour donner des subsides au pauvre ne

254
résout pas les prob~èmes sociaux du plus grand nombre. Elle
a tout au plus pour rale de faire croire et admettre que
l'ordre social libéral est la fin de l'histoire humaine; et
que le taudis que cet ordre social réserve au pauvre ; la
coquette villa que cet ordre social offre au riche sont des
ordres d'abris naturels; que l'état de famine qui se trouve
institutionnalisé dans des pays et sur des continents entiers,
représente quelque chose de semblable à une interruption tout
à fait accidentel et passager de l'approvisionnement alimen-
taire du riche.
Les développements que nous venons de faire prouvent
abondamment que la croissance économique en soi ne donne pas
lieu à une véritable sécurité sociale, dès lors qu'elle reste
enfermée dans un cadre de rapports sociaux précis. Voyons
si le Gabon a réussi à réaliser, en matière de satisfaction
des besoins sociaux, des résultats correspondant à son niveau
de développement économique à même d'affirmer la thèse selon
laquelle "le niveau de protection sociale est fonction du ni-
veau de développement économique du pays considéré et de l'i-
dée qui est donnée à la solidarité nationale" ?

255
..
CHA PIT R E
I I
1'EPR~ùvE D33 FAITS
1 li DZV 31OFF .ëJwl ENT GABON AI S
Selon les thèses les plus répandues, un pays sous-
d9veloppé est un pays où il manque le strict nécessaire à la
rrajorité de la population; où la plupart des masses labo-
rieusessouff~t en permanence d'une alimentation insuffisante
et déséquilibrée; un pays à croissance économique faible
mais à croissance démographique galopante ; un pays à faible
r~veau d'éducation, à faible espérance de vie à la naissance
(45 à 5C ans contre 70 en Europe) etc ... De ce point de vue,
le
3-::;. :JCI: :::er.:,;it
ur. p2yS ~ou8-è.évE:lo:;:Ié et pauvre ne pouvant
se per~ettre de partager rlus de ressources qu'il n'en a. Car
la S~~ t i srac t i cn des be s oins est liée à l ' état ct u développement
éco.r:orrique d'un pays, aux moyens qu'elle peut mettre en oeuvre.
Nais la spécificité du sous-développeILent et de la
pauvreté au Gabon réside en ceci que "le Gabon nest ros sou:=,-
'l " ~ -f' c:

v _ .,) ....
,
i l r.'I2:è:
cielles d·e~.ricl:i:::;se;::er:.t B savoir l'étcc:rcissener.: ::h, ::~-.
-_.._----------------------------------
(1) Cf. Ikabanga F.
: L'impact des capitaux étrangers sur là
planification et la fiscalité au Gabon, Thèse, Poitiers,
1979, p.
1-2, dactylographiée.

256
3 300 S en 1980. Tout en étant parmi les premiers de ces pays
où les disparités sont les plus fortes àu monde.
L'objet de ce chapitre est de voir si l'expansion
économique du Gabon de ces dernières années, malgré le sous-
développement s'est traduit par une élévation de la satis-
faction des besoins sociaux et quelles ont été les incidences
du modèle de développement en cours sur les conditions de vie,
de travail des masses déshéritées ?
SECTION l
- INCIDENCES DU DZVZLOFPEMENT.
Si l'on s'en tient à la propagande officielle, le
modèle de développement suivi par le Gabon a fait de ce pays
l'un des plus avancés sur le plan de la protection sociale
(1) et ce, grâce à sa croissance économique 13 % de progres-
sion annuelle; "l'Etat gabonais supporte une t.r è s grande part
de l'effort social grâce à sa politique de protection du pou-
voir d'achat des sa Lar'Lé a" ; la Caisse gabonaise de sécurité
-
sociale développe une politique d'assistance à l'enfance et
'
à la famille en attribuant des allocations familiales qui sont
passées, en Mai 1974, de Î 500 F.CFA à 5 COC F.CFA (= 100 FF)
r~r enf~nt ! ~lle gère ée norbreQ~ ceLtres
t ::~J.- r e p pour ':"". ~'::'~..11T.'e et
C'e'·;··'·+
-;;', le'
"<::~"Y'e 1-
,.•.~ ~c pr,'
-.
-
-J.._
- " -
__
' -
__
.l.1_...-~_u.~......
e..-,,-,0~·
c..
l-~""'v'-
_.
( 1)
','oi r le s article s publiés dans Ilatior~s nouvelles, numéro
spécial, JUillet 1975 ; Le Monde, Janvier 1981, p. 1.
:

t:."
et alloue une pension de retraite aux salariés après 55 ans.
Elle mène une action sanitaire préventive dans le monde du
travail et participe à la politique de construction de loge-
ments sociaux.
Depuis 1974, le gouvernement a pris des mesures en
vue de l'augmentation du ~1IG de 46 r soit 17 000 F.CFA par
mois. Les salaires de moins de 30 000 F.CFA sont exonérés
d'imp8ts ... bref. C'est là une réalité, mais c'est une cer-
taine réalité dont toute recherche scientifique, parce que
allant à la recherche de la vérité dans les faits doit se
méfier faute de quoi les conclusions s'avèreraient aussi
é Lodgnées du
réel que le ciel de la terre.
- -
La question se pose : le progrès de l'humanité de
l'époque contemporaine profitera-t-il aux populations déshé-
ritées ? A cette question, la réponse est malheureusement,
somme toute, très relative.
Le cas àu Gabon est très caractéristique à cet égard.
Depuis l'époque color~ale, sa population vacille entre 4CG OOC
et 1 million (chiffre officiel) d'habitants, la mortalité gé-
nérale s'élève à 35 ~ la mortalité infantile à 229 ~,ç, ;
l'espérance de vie se situe entre 30 et 41 ans; la misère,
l'ignorance, la famine, l'analphabétisme, la persistance d'en-
dé=ies comme le paludisme, la syphilis, la lèpre, le pian, le
tube:::~\\1102e... c cn st i t ue n t des handicaps graves
cn t aucune
ô
e0u~e sérieuse ne pel1t cacher.
d~ns des conditions données certes implique que l'on établisse

sociale d'un pays donné ne peuvent contribuer au progrès
"
économique et social si l'on néglige de poser en unité dia-
lectique le problème àes besoins sociaux qui ont nécessaire-
ment des implications avec la transformation des structures
sociales.
AUX problèmes sociaux posés et restés sans solution,
les réalisations citées plus haut ont su apporter des remèdes
satisfaisants ? Voilà la vraie question.
En réalité, si l'on examine de près les incidences
du modèle de développement actuel, il y a lieu de relativiser
ses résultats, Alors que la mise en valeur du Gabon sert à
assurer le progrès et l'enrichissement des Métropoles et de
leurs alliés, elle va de pair avec la misère et l'exploita-
tion du peuple gabonais ; le pillage des richesses du sol et
du sous-sol du pays ; la destruction de toutes les valeurs
culture l i es,
L'exemple de la région de Lambaréné est édifiant à
cet égard, La conféren ce Olivaint nous apprend que la ré gion
de Lambaréné était, il y a quelques années, un centre très
vivant de l'exploitation de la for3t ; peu à peu, mais s~e­
ment, la production de l'okoumé s'épuisant, les entreprises
forestières se sont déplacées davantage vera l'intérieur du
pays tout en laissant la ville de Lambaréné sans plus aucune
ressource économiquE, ~ieux encore, elles ont toujours refusé
l~ perception d'une taxe destinée au reboisement de la forêt
qu'elles ont pc.ur-ta.. -::; épuisée,

Le journal Union (1), sous le titre "Doumba un
..
village qui se meurt", fait état d'un second cas du genre
Lambaréné ; en révélant que le village de Doumba (dans la ré-
gion de l'Ogooué-Maritime) qui a un brillant passé est en
train de mourir à petit feu. situé au bord de l'Ogooué, entre
Ngombi et Enonga, Doumba qui, dans les années 50, avait plus
d'une centaine d'habitants, ressemble maintenant à un nid
d'oiseau caché dans le feuillage des arbres. La plupart des
maisons sont écroulées et autour d'elles on trouve manguiers,
manda~niers, avocatiers et autres arbres fruitiers ... La vé-
gétation a tellement envahi le village, que l'espace qu'occu-
pent les quelques vieillards qui vivent là, s'est réduit con-
sidérablement. Alors que, dans le temps, le village s'étendait
sur près de 10 000 m2 ; grâce aux exploitants forestiers, de
routes
nombreuse~y avaient été construites; les paysans étaient
très actifs ; la nourriture abondait dans tous les sens
~~jourd'hui, il ne reste plus grand \\ chose de tout cela, sinon
un simple souvenir pour les quelques rares vieillards qui s'y
t~ouvent encore. Les exrloitants forestiers ne viennent plus j
l'école primaire est fermée; l'activité des paysans est pres-
que en veilleuse.
C'est assurément parce que les groupes monopolistes
qui ont ~air--~ise sur le GS80n le consicière corr~e une simple
as ci s t e er: ce ~OL1eLt 2. ·L~·. tel désastre hwr.ain.
1) C=. journ~l ü~ion du
c:»:
I~·' --.1: ~"
~.:..:-

260
Il s'ensuit que, lorsqu'on considère des entreprises
monopolistes comme Elf, dont le pétrole représente 78 ~ des
exportations avec un chiffre d'affaires qui est passé de
13,113 milliards F.CFA en 1971 à 150,345 milliards F.CFA en
1975, et lorsqu'on considère que l'industrie pétrolière dont
Elf a le monopole ne fait pas travailler plus du 1/3 de la
main-d'oeuvre locale - les cadres et techniciens supérieurs
étant en majorité originaires du pays de la société mère -,
la thèse qui prétend que "même si le système néo-colonialiste
rend possible un certain nombre d'équipements (routes, ports,
aéroports, voies ferrées, villas etc .•• ), évite les brusques
crises de raVitaillement et permet aus~i un enrichissement des
Africains" est contestable et discutable.
Elle est discutable premièrement, parce que les
routes, les chemins de fer, aéroports etc ... créés par ces
mor:..opoles, dans le cadre d'un coœprorris, servent avant tout la
bonne marche de l'entreprise qui les utilise et non le déve-
loppement utile du pays concerné. Le cas précis du Gabon il-
lustre on ne peut mieux la situ~tion. Au Gabon, le chemin de
.'
fer, dont le projet date des années 1800, ne permettra pas, par
exemple, de relier les différentes régions enclavées e~tre
elles, maie reliera ~'ra~ceville ci. il p:'endré.:. l 'U!':'::c;:üur:., lE;
m:;'l1t;anèse, le... c anr.e à sucre etc ... , }.: .se era par l:ékar::bo o·~; il
chargera le fer pour le port d' (,,;enè 0 JE: :.Libreville v i s, :::~ cls où
i l errba.rquera le bois.
COr:lllle on pe ut le c cns t at er, c'est beaucoup
plus l' intér~t Cie T'iller et de := .... ·~·ch· .,.,-.
:-'.
qui motivent la construction du chemin de fer
que la recherche de satisfaction des besoins du pays bénéficiaire
de l'oeuvre.

261
Deuxièmement, ceux qui au Gabon s'enrichissent
d'une telle opération sont en réalité une infime minorité
alors que la majorité de la population est maintenue dans une
misère sans commune mesure avec les moyens dont dispose le
pays.
Examinons maintenant les impôts que les investisse-
ments effectués par ces sociétés procurent au pays, Si l'on
prend encore le cas de la société Elf, on constatera que ses
recettes ont quadruplé de 1973-1974 ; quintuplé de 1973 à
1976. Dans le m~me temps, son capital social est passé de 7,5
à 22,5 milliards de F.CFA. Alors que le montant des impôts
prélevés par l'Etat n'atteignait m~me pas la moitié des sommes
rapatriées par Elf. Il reste vrai que ces derniers temps, par
la force des choses, les salaires des ouvriers se sont élevés,
le budget de l'Etat, des villas, hôpitaux ... se sont accrus
mais 2, 27 regc.rjer de prss, il s' é.gi t d'un d éve Lopperr.errt qui
L'a
GU~re pe~is Qe r~sorber la pauvreté.
Ceci revient à dire que ce qui est présenté aux
si~ples gens, comme quoi le pays se développe, peut s'avérer
~tre une mystique masqu~~t des rapports sociaux inégalitaires
et une extraversion du pays j ou tout au mieux la CT-22.tioL
:~ ;~sstic~ ~~~ ~c pose ~aintenant est de savoir
s'il y a lieu d'e3pérer une quelconque amélioration de la

262
situation pour les masses populaires et pour la c~as6e pri-
vilégiée dans un prochain aver~r ?
Du peint de vue indi vid uel, il va de soi que les
riches continueront à s'enrichir - malgré la crise - et les
pauvres à s'appauvrir.
Mais à. considérer les ressources du Gabon, rien
n'est plus sûr car toute ressource s'épuise. En effet, la
réponse est négative si l'on sait que les principales sources
Qe revenus du Gabon sont: les royalties et les taxes à l'im-
portation; les rentes ... ; et qu'elles ne pourront continuer
à croître dans un monde en crise en permanence.
La situ~tion des royalties est sombre à long terme,
comme le lais~ait entendre un expert à la Conférence Olivaint
en 1971, qui estimait qu'en ce qui concerne le bois, les nou-
velles plantations, principalement l'okoumé, ne combleront
jamais les vides causés par plus de 50 ans d'exploitation.
La production pétrolière risque de rester station-
usire, voire de ùirrinuer : les réserves sont connues, il n'y
a pas de nouvelles découvertes. La SrAFE a acçumulé en pros-
pections et en forages non rentables des investissements
qu'elle se doit maintenant d'amortir.
Le manganèse, dont la CU,:ILOG a le monopole, ne per-
mettra pas une augmentation sensible de la production; l'ura-
::1 ur;
l'iœportanC:E; c es s t cck s E-~ ,.23 r-es erv e s TI'est :;3.2 COL-
nu e , ~'2 ru veau des jr-Lx fu t ur-s reste incertain et le2 inveE:-

263
Il
La situation est d'autant plus grave qu'au Gabon,
le capital financier et commercial est entre les mains des
monopoles internationaux, français en particulier, qui sont
propriétaires des mines, du commerce d'irnport-export, des
banques etc •.• ; et l'Etat a pris l'engagement d'assurer aux
capitalistes le transfert (1).
C'est ce que montre la réalité des différents plans
de développement du Gabon qui ne se réalisent jamais depuis
1963. Le plan triennal de 1963-1965 s'était fixé trois objec-
tifs immédiats: l'intégration du monde rural dans le déve-
loppement, la consolidation du secteur forestier, la prépa-
ration de l'industrie future dont le coftt d'investissement
s'élevait à 20 milliards de F.CFA, dont plus de la moitié
allait aux constructions urbaines et aux routes.
Le premier plan quinquennal (1966-1970) avait comme
caractéristiques fondamentales l'importance primordiale donnéE
à l'industrie, au secteur minier, à l'infrastructure (secteurs
sous domination des monopoles internationaux) aux dépens de
l'agriculture et des investissements sociaux, donc une orien-
tation extrêmement libérale qui s'en remettait au capital
(1) L'article 6 du préambule de la ConstitutioL stipule que:
"t out e pe r-sonn e aussi ca er; seule 2U 'er. collectivité a drc~
2. 1:- rr;:, ;riété. Nu.L ne saurait être arct traire!:2 ent urivé
ü~ sa propriété si,ce n'est lorsque la nécessit~ publique
1,:: f"2.lement constate e l ' exige sous la condition cl' ur.. €· just »
et pr6s.1s. ble Lnd emnâ té ", Le code ci' Lnve s t i as em errt .cc'cranti-:
2ŒZ
s oca t és étrangères qui viennent s 'établir dan~ lEo F:,'
é
ur.e liberté absolue à.es mouvements de capitaux" art. 2
'
oro. J 1/67/23 mars 1967. L'art. 3 du même cod e : "dans le
cad r e r.(:" 1,:0 y>é,·"'le~·er:"·,-.J.-l'~r.
.--~
~·'·-r·-c.'"
l"~ t
· t - ·
r-
....
.......... --:..-
-- ....
- . .......
~ '- L
liJ.
~,Je wI
v
_ """"'t:;;;:;
L;".~'-_';'.!.G"'C'
.;:..;\\,..2.
czaranlo1
...L.-
liberté de transfert des capitaux notamment des~bénéfices
régulièrement comptabilisés, des fonds provenant àes ces-
sions ou cessations d'entreprises", faisant ainsi du Gabon
un pays libéral.

,-
international les soins d'assurer la part de financement com-
..
me le montrent bien les données suivantes
ainsi des 90,3 mil
liards de FeA,environ 67 ~, des investissements allaient au sec-
teur de la production directe, 29 %dans l'infrastructure et
4 r seulement dans le social. Le secteur privé, dominé par
les trust s internationaux, devait 60 ~, du total, les 40 <f de
l'Etat étant dûs en majeure partie grâce à l'aide extérieure
et à la rente,
Dans le deuxième plan quinquennal (1971-1976), l'in-
frastructure est restée la priorité des préoccupations du
gouvernement. Les investissements constituaient toujours la
partie importante du plan, Et le troisième plan (1976-1980)
s'était donné les orientations fondamentales suivantes:
- Assurer aux Gabonais, au sein de la nation, la place qui
leur revient et promouvoir le niveau de vie de l'ensemble
de la population.
Tendre à l'indépe~daLce économique et se dégager le plus
rupidement possible de la contrainte qu'impose une insuffi-
sante variété de ressources.
- Investir dans les secteurs productifs et utiles.
- Développer l'éducation afin de permettre aux Gabonais de
prendre pleinement conscience de leurs devoirs et de leurs
droits et d'acè2uérir les compétences g!~ce auxquelles le
- ~,ec..::-_ercher 1<2 j.Le..n ez p.Loi 2:z'in d'assurer à 12 totalité de
- _-~-;GrC;j,rüser eT reE::'orcer les structures de distri bution

Améliorer l'habitat urbain et rural et mettre ~ la disposi-
tion des populations une infrastructure de
qualité.
_ Encourager la natalité en vue de doter le Gabon de ressour-
ces démographiques correspondant aux besoins de son déve-
loppement.
- Etendre et généraliser de façon très poussée des infrastruc-
tures sociales concernant la santé, la culture et les loisirs
Il étai t prévu un programme de 878 milliards F. CFA
correspondant au taux de croissance de l'hypothèse de crois-
sance de base du plan. Les investissements se répartissaient
comme suit: 21 ~ dans les secteurs productifs, 51,8 % pour
les infrastructures de communication, 26 ~ dans les équipe-
ments sociaux et collectifs, ces derniers devaient, théori-
quement, ~tre affectés à l'habitat, à l'électricité et à
l'hydrautique villageoise, à l'éducation etc ..• A peine étions-
nous en Janvier 1979, que ce plan devait ~tre revu et le "PDG"
devait proposer UI"c autre politique économique qui consiste-
rait à accroître la produc~ion mir~ère et d'exportation, à
relever le niveau de vie des agriculteurs, à procouvoir des
opérations intégrées agro-industrielles destinées à procurer
.'
les devises; à assurer la formation, l'animation et l'enca-
drement des paysans et des agriculteurs, à permettre la créa-
tion je coopératives de productio~ et de districutiOL ; à ~~-
.:
~ "un
....
e \\r'r-·tQ"b~e
_~v
.l.
,-..J..
c L:
...
s s
~.:o.... e
a-'e-'<-r
TI li er·reneurs, Q'artisans et de com-
r.e:::' ç an t s na t i 0 lli.;. 11.'<. ;
r .

266

Monsieur François Guillaume, dans une note inti tu-
lée "Le Gabon au seuil des années 1980 : les ambitions et le
réalisme", écrit que les difficultés économiques et finan-
cières du Gabon depuis 1977 ont donné lieu à des implications
politiques et sociales. L'affairisme consécutif au boum pé-
trolier d'après 1973, le chOmage au milieu de 1977 que le 2ème
Congrès du "}DG" a été amené à reconna1tre. Cet auteur ajoute
au Gabon, au début de l'année 1980, le climat était à l'opti-
misme car le Fonds r~onétaire International, la Banque Lazard
(celle-ci faisant office financier du gouvernement) étaient
satisfaits de la politique d'austérité (1). Le IIIème plan
quinquennal, jugé dispendieux et irréaliste, a été abandonné
pour faire face à un plan triennal 1980-1982 préparé en colla-
boration avec le F. E. 1. La dette n'en demeure pas moins im-
portante
143 milliards F.CFA. On conviendra que dans un tel
tourbillon de crise et de reprise, perspective de crise, le
développement de la sécurité sociale ne peut que devenir pro-
blématique car il est autrement difficile de mener une poli-
tique d'austérité et d'accroître dans le même temps les moyen~
d'un secteur non rentable dans une économie libérale; étant
donné qu'il est autrement difficile de respecter les données
G'ill} milieu que
les ~onopoles internation~ux conèitionnent.
:L..:- r~alit~
:':'e 1;.;. s i t uat Lor; d e 18. forcatiorl 80C'1::::.1e
rsbonaise est ainsi rosée. ~lors que se renforce la dépendancE
(
, )
\\
1
Il faut noter le rôle que jouer.t les techniciens et ex~erT
internationaux du BIT et de l'Cl,-1j dans l'encaè.~'eI:1ent et
2' crier:.t:::.ticy. a e s ;-~:.-~ :..,:·::-,ic~~iL.s af'a n de ~'r'·:;·2s-~"-~Yer le r:-.G-
dèle actuel en crise. Les experts du TIll et les experts
~rança~s.~rticipai~nt en 1977 à l'aménagement d'un plan
~ntermed~a1re des depenses de l'Etat gabonais après la .
crise de 1977.

267
du pays vis-à-vis du capital international, le revenu des
masses déshéritées diminue; il Y a pléthore des fonctionnaire~
d'une administration qui devient de plus en plus lourde - sur
une population de moins de 1 millions d'habitants, il y a
environ 30 ministres, plus de 80 députés, nombreux secrétaires
è'3tat et commissaires politiques, chargés de mission etc •..
Les revenus de nombre d'entre eux s'élèvent à pas moins d'un
millions de francs CFA.
Ces revenus sont pris sur les recettes de l'Etat
~ui, à leur tour, proviennent des impôts que paient ouvriers,
paysans, petits commerçants, sociétés ~inières et forestières.
Lâ Conférence Clivaint tenue en 1971 en Belgique,
estimait à l'époque qu'un tel appareil administratif n'était
pas viable et qu'il ne paraissait pas non plus que ces rému-
n~rations soient scurce d'une importante épargne nationale
ruisque le montant Œes
provenant des Gabonais n'était
:'est dire ~Uë du point de vue du développe~ent éco-
c~c;-:-i::"t;.e~ s'il ex i s te;:" es réalisations, il reste que ces réa-
lisations n'ont pas profité à tous les membres de la société
puisque depuis 1960, les conditions de vie d'une partie de
cette population ont fort peu progressé, dans bien des cas
e::"~ e2
(.~ ce pr cpo s
_~- '1'i=" y ~

268
60C dollars p~r tête d'habitant, c'est-à-dire qu'il va dé-
passer le niveau moyen de la richesse de la France de 1900.
Si vous allez vous promener dans les campagnes gabonaises et
si vous voyez l'état de l'agriculture et du paysan eabonais,
et si comme moi vous avez quelques souvenirs d'une époque qui
n'est pas trop loin de 1900 dans les campagnes françaises,
vous verrez qu'il y a un Eonde, non pas des siècles ~ais des
rrillénaires qti séparent ces deux situations" (1).
}=. Ikabanga Firmin estime, à propos de 1 'aggrava-
tion èes inégalités au Gabon,
que l'artifice du rroduit inté-
rieur brut, de l'importance du budget et du revenu par habi-
tant s'efface devant les réalités profondes pour deux raisons
(2)
:
Preffiièrement, parce que, au Gabon, les biens tech-
niques et financiers des sociétés étrangères sont juridiquemeL-
IG propriété de ces sociétés; le produit inté~ieur b~~t lui-
IT:~Ee est influencé par les avoirs des dites sociétés étran-
Cèl'ee. et paz- La d et t e ext~rieure du pays.
Deuxièmement, le revenu par tête d'habitant ne peut
pas refléter la réalité économique et sociale dans ur. pays où
l~ c oneommat a on des 2C 5- l ~S jIus riches de la population est
soci2.le er, b.L.'ique
(2) Thèse, Poitiers 1979, p.
54, op. cité.

269
des pays africains connaissent depuis l'ère colo~ale. Comme
le notait Raoul Prebisch, ancien secrétaire exécutif de lQ
C3FAL (CoITEission économique des ~ations Unies pour l'Amérique
Latine), "l'homme ne vit pas seulement du produit intérieur
brut". Il se trouve même que la misère et les inégalités peu-
vent augmenter parallèlement et même plus vite que le FNB.
Il suffit pour cela que l'enrichissement d'une petite minorité
aille de pair avec l'appauvrissement d'une grande partie de
la population. Cela revient à dire que le gâteau peut grossir
- et il grossit actuellement au Gabon - et certaines parts
rester ce qu'elles sont ou m~me diminuer.
Rudolf E.
strahm (1) fait remarquer que le Brésil
a connu, depuis le milieu des années 60, un des accroissements
les plus rapides du produit intérieur brut. Mais, de cette
croissance, seuls les riches ont profité: ainsi les 5 r les
plus riches de la population ont vu leur part au revenu na-
t i or.al passer de 2S 5 à 3E ~., t anc i s que la part c e s 4(; ~
les
plus pauvres baissait de 1C ~ à 6 5. Et cet auteur de conclure:
"Dans p!'esque tous les pays du tiers-monde, les programmes de
développement nationaux ou ceux de l'aide internationale n'ont
guère profité qu'aux 10, 20 ou 30 5 les plus riches, alors
que le niveau de vie des pauvres avait tendance à baisser. Lt
mê~e, les pl~3 pauvres p~~i les pauvres o~t été ~:onc2s - é~
,
_ '-.
:.:..
C:"~--J..2e
W' ..E:
nière.

270
..
Ainsi, on peut conclure que le concept de P.N.B.
comme instrument de mesure est loin d'être aussi rationnel
pour rendre compte des différences réelles qui existent dans
un pays.
~ais s'il est vrai qœ, dans tcus les pays du monde, il
existe une hiérarchie des salaires suivant en cela la quali-
fication professionnelle, le degré de rendement du salaire
etc ..• au Gabon, il s'ajoute au fait que les écarts entre le
manoeuvr-e qui gagne 40 cao F. CFA et le PDG qui gagne plus de
1 000 000 F.CFA sont énormes. Une autre contradiction, c'est
que les mêmes écarts passent entre nationaux et expatriés.
Ce tableau-ci montre les écarts de salaire nets et
moyens par mois (en millions F.CFA).

271
..
Secteurs
Nationaux
Autres
Ratios Autres/
Nationaux
Agriculture
13 929
119 577
8,6
Forestier
14 079
209 623
14,9
Industrie
15 941
156 316
9,6
alimentaire
3nergie
19 627
262 765
13,4
Einier
17 279
202 437
11,7
Industrie Eéca-
18 269
184 556
10, 1
nique & Electron. :
Industrie textile:
15 306
146 462
q 6
- ,
Industries 30is
13 167
188 685
14,3
Industries divers:
22 156
179 000
8,1
:Bâtiment & Tra-
15 065
179 415
11 ,9
vaux Publics
Transports & Té-
22 260
192 183
8,6
lé communications
èervices
1
,-
,0
091
135 172
8,4
-:;ommerce
16 437
1- '7
Dl
838
10,2
Source
Firmin Ikabanga, op. cité. Lire Comptes économiques
1978, p. 88 (170).
La grille des salaires QlÙ est proposée p~r le bu-

272
..
CATEGORIE
1975
1976
1
1
F.CFA
FF
F.CFA
FF
Ingénieur 7 et plus
775 000
35 500
950 000
39 000
Ingénieur 5 et ~c
435 COO
28 700
580 000
Ingénieur
à 4
125 000
22 500
235 ooe
24 700
ET»! 10 à 12
975 oco
19 500
070 000
ETAK 6 à 9
725 000
14 500
960 000
Ingénieurs locaux
850 000
17 000
1 000 000
20 000
.
Intermédiaires euro-:.
r
360 000
7 200
415 000
peens locaux
Is , !'..~.
Locaux 5 à 8 B
340 000
6 800
390 000
,
A. 't-l. Locaux
a 4
195 000
3 900
223 000
ETOM 10 à 12
155 000
3 100
180 000
ETOM 6 à 9
78 000
560
90 000
800
3TOH
à 5
55 000
100
65 000
300
stagiaires locaux
0 )
ceo
300
75 000
500
non ti t u.Lai.r-e S
Autres emp'Loy és
25 eGO à
600
30 000
1
..
ETAN
employés, techniciens, agents de maîtrise
ETO!-:
employés, techniciens, ouvri ers, manoeuvres.
Source
Reconstruit à partir de nos enq:..;.êtes ~1; infoTméitions
ci iverses.

273
Apparemment, une telle hiérarchie des salaires
peut s'expliquer par son lien avec la hiérarchie des compé-
tences ; que donc de ce point de vue, pour ceux qui ont fait
de longues études, il n'y a pas de raison que, ayant eu une
éducation et une formation approfondies, ils ne puissent pas
être rémunérés en conséquence. En réalité, la hiérarchie des
salaires ici est le reflet de l'organisation capitaliste du
travail et est la condition de sa reproduction; en effet,
c'est à travers le salaire que se reproduisent les conditions
d'existence de la force de travail. Elle est liée au carac-
tère de marchandise de la force de travail dans le système du
salariat. Et comme toute marchandise, la force de travail a
une valeur qui équivaut au temps de travail socialement né-
cessaire à sa reproduction. La production des forces de tra-
vail aux valeurs d'usage différentes nécessitera des quantités
de travail différentes. Ainsi les frais de formation, d'ap-
pre~tissage seront plus élevés lorsqu'il s'agit d'une force
de travail de valeur complexe. Et le rele social de la hié-
rarchie des salaires dont l'école actuelle a pour mission
d'accomplir est de préparer chacun des individus selon la fi-
1ière qu'il suit et le niveau d'études oD il s'arr~te à s'in-
técrer à
0
S2
pla c e cS'
.....
o,-,,~.,...;
-~ < ...
de
.,..l. er
Q' '1 v'-'O':"J.."
_ ,
"'J.':"'~ "_ .l..
eur
_
,
scr:t le
-u~-:;l:es cl' encacr-emen t ou de conc ept ion et, sur le pl an .!=01iti-
social libéral dont ils sont parmi les premiers privilégiés.

274
..
Sur le plan idéologique, l'image du bonheur que
leur mode de vie miroite aux ouvriers, petits employés et à
la jeunesse développe chez ceux-ci l'aspiration à les imiter,
donc à s'intégrer au système capitaliste en développement, à
le reproduire et joue par là un rôle de cor~ervation sociale.
Un fossé se creuse ainsi entre un petit groupe
d'honmes instruits ou sachant lire et écrire ou dirigeants
et le reste de la population. Sous cet angle, le développement
du pays, tel que le conçoit et se le représente cette der-
nière couche sociale acquise au seul modèle de développement
social en vue : le modèle capitaliste n'est pas celui que
vivent les masses d8shéritées.
De ces deux couches sociales, l'une tire ses privi-
l~ges Qe son statut et du type de développement qui est pra-
tiqué dont elle n'a qu'une idée vague, corJuse, tandis que
~'~J0re subit :e 6it développement. ~rès peu sont ceux
qui se posent la question de savoir le développement
de Quoi, pour qui et par quels moyens ~
l'aliénation de cette couche sociale au modèle de
société capitaliste est une condition et une ~rantie pour la
pérerulité et la domination de l'ordre social libéral. le mc-
:e :~ v~e, l'i~~~l ~ atteindre.
SUI' un
L':"
. .
;.~: e:.- t:il ls .-: ~} S T:1.' ce R cc 1.'
~~.
-
-
~"1 "-' c a r:1S "on n'] on",C: e Cl', l e:-,
-~'" ~
'.AU
. _ _
, .
::
tr3.\\7r_iJlel.~::C's
salaires entre l'ouvrier et l'employé et les cadres, entre

275
..
l'ex~trié et le national sont si énormes
surtout lorsqu'il s'y ajoute ch8mage, inflation (hausse au
triple des prix) les crises de ~ermeture d'entreprises et
leurs conséquences.
Ce tableau devient encore plus sombre si l'on tient
compte du fait que la moitié du revenu d'une famille ouvrière
ou c'.'l:i.Il petit er.j.Loyé va pour les impôts, le loyer, l'eau et
l'électricité (l'ÎlEoillement devenant un luxe), le transport.
::.~t ru eux encore. lorsqu'on connaît la différence des ni veaux
Ce vie q~ existe er.tre la ville et la cacpa&1e, malgré l'ao-
croissement des richesses nationales sans qu'aucune possibi-
lité matérielle ne soit créée pour l'amélioration des condi-
tions de vie de la paysar~erie. Ici, institutions éducatives
et sanataires manquerrt, a ucur.e pension il' est envisagée pour
ceux que le cours de l'âge r.e permet plus de travailler.
jertes en 1~Ti, 8.1.. plein
ou st de la crise finan-
ï
cière c;.ti é or-an.ta les fim,nces du Gabon, le Chef de l'Etat
0-i:,Vé.:i t
d';clarer 2. la radio que d e s n esur es , consa s tarrt en une
Ponction ruérarclùsée sur les revenus d'un montant mensuel
SUF~rieur à 4CC CCC F. CFA (mont an t représentant les indemni-
tés), devaient ~tre CJI:,'~rées d ans le but de la réduction des
'-, ra -. -...,'"
ç
_
.......
_.~ -..l.
l: '--
-" ,,"-~
.- ~ ., -i -
~
...A _ _......
,
'
~
e=.~..Loyt-:::, é>•.rcr s QUE; les jrLx s cn t
pour qui gagne de 400 000 F. CFA à 1 800 000 F. CFA auxqae Ls

276
"
s'ajoutent les rentes, les frais de participation aux con-
seils d'admir~stration des sociétés privées et publiques, les
pots de vin etc •.• ? En fait, la limitation du développement
de la sécurité sociale au Gabo~ s'explique aussi par le fait
~ue l'Etat gabonais fonctionne comme un instrument du marché
mondial : exploitation forcée sur la base du mode de produc-
tion capitaliste pour fournir produits tropicaux et matières
premières indispensables aux pays capitalistes développés et
d'~~e façon dérivée mais nécessaire, pour la satisfaction du
tien-être social. A partir du moment où il dépend du capital
international, qui a d'autres impératifs (profit et plus-
value) que la couverture des besoins sociaux de l'ensemble de
la population, la marge de manoeuvre de l'Etat se trouve par
là m~me limitée lorsqu'on sait par ailleurs que le marché du
pays est dominé par les monopoles internationaux qui imposent
leur politique. C'est ~~n2i ~ue, par exemple, en 1977, les
~esures prises par l'E~at en vue de l'augmentation du SYIG
devaient se heur~er à l'opposition du patronat à Port-Gentil
.
(CFG)
qui, pour accorder cette augmentation, préféra licencier
'
une partie du personnel existant.
La voie de développement act u.TLe de la société ga-
- -
-.....,
~
.... ~-~_ "".-- ......... J,....,
~odèle de développement en rapport avec les conditions de Vie
et de travail des ouvriers et de la jeunesse ?

277
SECTION II - DES CONDITIONS DE VIE ET DE TRAVAIL DES MASSES
POPULAIRES.
La propagande officielle (1) présente le Gabon comme
l'Eldorado de l'Afrique, une oasis d'immenses richesses (man-
ganèse, pétrole, uranium, fer, bois, marbre etc ••• ) ; un pays
sur la voie de sortir du sous-développement grdce à ses im-
menses richesses et à son option libérale.
Seulement, ce que cette propagande ne dit pas, c'est
que s'il est exact que le sol et le sous-sol du Gabon renfer-
ment des richesses, ces richesses ne profitent pas à tous les
membres de la société gabonaise. Aussi, la publicité faite sur
le "décollage" du Gabon dans un proche avenir a-t-elle égale-
ment pour but d'escamoter la réalité des conditions de vie
misérable des masses déshéritées.
Il convient donc de montrer, en s'appuyant sur les
faits, quelle est leur condition réelle.
§ 1 - La condition ouvrière et autres couches sociales.
En dépit de l'enrichissement relatif de la société
gabonaise ces derniers temps (2), les conditions de vie de
~'ouvrier et ùes autres coucbes socialee ~'ont cessé àe se
dégrader.
(~) Voir 2. ce pr c pc s ,Tetine ;._:·ri0 ....~e du. ~C acût Î~'7é j ;::·,.;..::-rl·.C:-
Eent Jeune Afriaue n2 é16 du 20 août 1976 ; Ihilippe
Decraene, le lond e des ;), 7 février 1S'75.
~~) ~'accroissement du produit intérieur brut du Gabor. est
passé de 93,1 milliards FCFA en 1970 à 161,1 milliards en
1973 et à plus de 440 milliards en 1975 pour une p~pulat
selon les chiffres officiels de 1 050 000 habitants, ce
... / ...

278
('
A) Dégradation des conditions de vie de l' ouvri er.
D'1Ule 1B8Id~r. s'néral.e, ces dernières armées ont vu
une aggravation accélérée des conditions de vie des masses,
surtout ouvrières et paysannes :
- hausse vertigineuse des prix
- pénurie des produits alimentaires
- mauvaises condi tions sanitaires.
Le problème des prix et des salaires au Gabon est
l'un des "casses-tête" qui préoccupent les pouvoirs publics
et les simples gens. A tel point que le Président de la Ré-
publique, Bongo, au cours d'une réunion tenue dans la salle
des séances de l'Assemblée nationale en présence des membres
du gouvernement, des directeurs des sociétés commerciales et
chefs d'entreprises et des représentants syndicalistes, s'est
demandé : "Au Gabon, les prix augmentent sans cesse; la chert
de la vie devient "effroyable". Que devons-nous faire ? aug-
menter les salaires ou stabiliser les prix et bloquer les sa-
laires ?" (1) •
.'
L'O.N.U. de son cOté reconnaissait, en 1970, à Li-
breville "le redoutable honneur" d'être, après caracas, la
ville la plus chère du monde. En 1977, pour résoudre la crise
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
••• 1 ••• suite note page précédente:
qui donne un revenu par habitant théoriquement de 420 000
F.CFA d'après la Banque mondiale; 3 000 S en 1980. Les
recettes de l'Etat sont passées de 24 milliards en l e?1
à :; 35 mi lli2.rds en 1?- 79.
-
(1) Cf . .LF.:F. :Bulletin d'Afrique 15/16-2-~~7C n:;l ï1?2.

279

économique et financière d'alors, des mesures d'austérité
stabilisation, blocage des salaires et des prix turent prises.
En prenant les mesures de blocage des salaires et
des prix pour résoudre le problème de l'inflation et du coût
de la vie on sous-entend par là que c'est l'un des deux termes
ou les deux à la fois qui sont la cause du mal qu'est l'aug-
mentation du co~t de la vie.
Quelle est la réalité ? De quel côté se penche la
balance ?
A vrai dire, la hausse des salaires payés aux ou-
vriers ne modifie pas d'un iota la valeur des marchandises
qu'ils fabriquent, mais diminuent le profit capitaliste. Dans
des pays comme le Gabon, le capital ne peut fixer les prix
au-dessous de la valeur sociale, car par des pratiques mono-.
polistes, les sociétés capitalistes monopolistes fixent les
prix des marchandises très en-dessus de leurs valeurs sociales
Et ces pratiques sont totalement indépendantes de la hausse
ou de la baisse des salaires.
Il en résulte que lorsqu'on décide un blocage géné-
raI des salaires nominaux, c'est-à-dire une baisse des salaire~
réels, c'est qu'on le veuille ou non chercher à rétablir les
profits dev enus trop faibles (relati verae nt ) par une dininutio!
générale des salaires.
En d'autres nots, la vérité dans la relation entre
.
,
-
U:~S
na.u s s e i-':·(~,:::"-'·'...;...LE.-
Cl li
niveau des sa Lad r-e s Qüi .reut er; t ra î ne r urie ba i s s e [:?I;'ô?r:::le
du taux des :p:'c:its sans pour autant toucher aux prix :les
marchandises et non l'inverse. C'est pour cette raison1préc1-

280
,.
..
sément que "faute de pouvoir intervenir directement sur la
formation des prix en dehors du stade final, les pouvoirs
publics ne sont parvenus à s'opposer efficacement au mouve-
ment de la hausse qui s'est poursuivi et accentué" (1).
A cela s'ajoute le fait que la tendance générale
de la production capitaliste n'est pas d'élever le salaire
nominal mais de l'abaisser par l'augmentation des prix.
M. Balandier évoquant le problème du coût de la vie
au Gabon écrit: "Les 700 F.CFA mensuels que recevait l'ou-
vrier gabonais en 1949 ne pouvaient même pas couvrir les be-
soins très en-dessous de ceux qu'exigeait un niveau de vie
"décent" soit 1 274 F.CFA" (2)
Depuis, la situation n'a pas fondamentalement chan-

IlToute évolution du salaire est régulièrement annulée
par la hausse sensible des prix".
V.
Ibanga poursuit: "l'absence de corrélation entre
le salaire et le coat de la vie est davantage accentuée par
la sous-évaluation du rendement de l'employé et l'application
..
souvent imparfaite des conventions collectives par les em-
ployeurs.
Dans l'ensemble, bien que les conditions soient re~-
l'lies pour UT:'?
lllve~u de vie de l~
popuLat i or, , tout se pa as e comme si les détenteurs des capitaux
ne se p~écccupaient ~ue du prélèvement des ~3tières ~re~i~re3
2:' et cv. y' " .
- -
-_._-------_._------~-_.
(
1
\\
-'f...::"
\\
1)
'J.l. •
Farcl1és 't r-o oi
~
caux du 2~( r.::.2.J." 1S~(7,
_ p
.
'7~1
1.Je:.

(2) Cité par Ikabanga Firmin, op. cité, P. 57.

281
A
La revue "Marchés tropicaux" (1) rendai. t compte du
coat très élevé de la vie au Gabon de la façon suivante :
On remarque une évolution extrêmement rapide du
coût de la vie au Gabon depuis quelques années.
Sur la base d'une liste de 65 articles correspondant
approximativement aux besoins de consommation de l'ouvrier
africain, on a calculé qu'entre fin 1962 et fin 1973, les prix
s'étaient accrus de 52 7'.
.
Depuis lors, le rythme s'est précipité . + 17 ~' au
.
cours de l'année 1974 , + 36, 4 ~: au cours de l'aImée 1975.
Certaines indications pennettent de supposer que, depuis lors,
la progression de l'indice des prix pourrait avoir atteint ou
m~rne dépassé 25 f alors que cette hausse est moins marquée si
l'on étudie 155 articles, censés entrer dans la consommation
des ménages disposant de hauts revenus: + 11,6 % en 1974 ;
1E,~ 5· en 1975.
La dégradation des conditions de vie de l'ouvrier
cabonais dans les nouvelles conditions du développement du
capitalisme et la hausse vertigineuse des prix qui sévit au
Gabon est chose qui fait consensus.
C'est ainsi que le bulletin mensuel de conjoncture
.,~.
T-~~~l'er 1('79
é d i t.é
T\\.!'··'r TI'" ·'"'0-
~
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\\.J
CJyg~
",on eQer~ lon syn::llC'é:._e
Gbonaise) constatait le chiffre officiel de 6,70 'J. de haus s e
d e prix en 1978 et affirrr12.i t que cette hausse de prix liserait
f! - '"\\
---- ---------------
(1) Cf. Spécial Gabon 1977 1960-1980, vendredi 7 mai ~
1646 p. 1320.

\\~
282

avec le manioc". Depuis Aollt 1977, date de la dernière pu-
blication officielle des prix officiels, le prix du kilo de
banane fixé à 90 F.CFA atteignait à l'époque 450 F.CFA à
Li breville.
Dans ce même sens, la direction des statistiques
gabonaise donnait l'indice d'augmentation des prix de la ma-
nière qui suit: indice des 125 articles (prix à la consomma-
tion des ménages type
africain résidant à Libreville base
100 en Juin 1975) + 7,6 5: de Janvier à Décembre 1978 ; indice
des 155 articles (prix à la consommation des ménages dispo-
sant de bauts revenus réSidant à Libreville base 100 Juin
1972 + 4,6 ~ de Janvier à Décembre 1978 où l'indice dépassait
201 contre + 8,5 ~ en 1977 et 11,6 en 1976 etc ...
~ieux, un sondage d'opinion pratiqué à Libreville
Cl,) 12. au
16 février 1976
sur un êcnarrtf.Llcn de 513 perscnnes de la lX
pulatior- adulte des deux sexes, mettait particulièrement en
l~~ère les difficultés de la vie quotidienne dans les quar-
tiers populaires.
Ce sondage nous apprend que les problèmes essentiels
des habitants ne sont guère réglés depuis plus d'un an.
"Le plus grand problème personnel demeure, en effet,
; '. -, ,.-, - 'c: y~ ..,
en 1~ 77. Le lObeDent ~ 1 ?, le chômage 7 ~., la san té 6 7-.
"Le s r~OClÈ;Ees d es c uar-t i er-s sont : le rce.nque cl' è'lU
--
_. - . -
..,.~.-
.~...
.....-
; rnauvaa s r-éceau routier 20 c
.
/: "

283

Ce sondage va dans le sens de la déclaration du
Président de la République, Bongo qui disait en 1976 : "Pendant
des années, les Gabonais n'ont pas connu les méfaits de ce
cancer qui ronge les sociétés modernes. Le prix du bâton de
manioc, du régime de banane, des tarots, du poisson séché par
exemple n'augmentait pas. L'inflation était seulement impor-
tée, ce qui amenait nos économistes à ne parler que de dété-
rioration des termes de l'échange. Mais aujourd'hui, l'in-
flation est aussi chez nous et c'est très grave. Les travail-
leurs les plus défavorisés subissent de plein fouet les
hausses de prix, il faut en tenir compte et nous ne pouvons
plus nier l'évidence" (1).
La revue r·~archés tropicaux et médi ter -
~anéens (2) explique
ce
phénomène
de hausse
du
coût de la vie par le fait que "dans la consommation africaine
les produits a Lfment.aa.res entrent pour les 2/3 du budget ;
(1) Pour saisir toute l'ampleur de la condition ouvr~ere,
smicard touchant 40 000 F.CFA, i l est bon d'avoir à l'es-
prit les dépenses minima relatives à l'alimentation et
l'entretier- qu'un ménage sans enfant et autres parents
peut supporter pour arriver à assurer l'entretien de sa
force de travail. 1 kg de poisson coûte 500 F.CFA à 600
1 kg de sardines fraîches 300, 1 kg viande de boeuf ra-
goût 500 fr.
500 ~ le pot-au-feu, un tas de piments 200 ~,
1 kg de riz 150 & ; un bâton de manioc 2GC ft manioc oba~t~
~''''-'I'
~~
4 ;.
-
...
r-:· ..ri o .....
- C i ...'·
........
J..··,· .. r·r-.n
n....,r y
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- . . r · - '
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~ .' ~û ...
v
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U'Co.d·:L.8
_,-,-c_
\\'.;;,,~n
<::I,.,l.
L.
~e",
a
J
u.u1t=,(,;c.
un pain à 55 ë, 1 litre d'huile 750 ft dans un hypermarc~é
EDO fr chez les détaillants ; loyer maison en planches :
10 000 F.C?A la chambre, maison en planches + électricité,
eau environ EC Ole F.CFA, ~aisons dites écono de la c~iS2e
.~'--'..::G.;; é..i..G: ,;:;_··~"",k.J. <;;:;, i:";j!,ol'tcs par les firmes muLt i nat Lona-
les, c'est au double voire au triple des prix pratiqués e~
-~.,,~-• .=>
- 1 '
~';'~P"""'-
' ' ' ' ' ; l e
C'
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- . - <
.~.'
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V1w(
~_..1..J.._~b
'--11.A
..L..J.._
von
'iTer2. i..J.us aL:. ,....:~c.00r... ,
2.
e
~C.l~'~
~i."'Ul1 pr cc ui t qui coûte 9,50 Fr en France est vencu c5C-
?Cl"A au Gabon, soit le double du prix initial.
-
(2)
1977 Spécial Gabon p. 11319


284
"
..
or ces denrées (manioc, banane plantain, légumes frais) ne
sont pas produits en quantités suffisantes au Gabon.
L'approvisionnement est assuré grâce à des impor-
tations coûteuses et la distribution dans les grands centres
et notamment à Libreville, ne parait pas répondre aux besoins
de façon satisfaisante". "Les causes de la cherté de la vie
tiennent au fait que le Gabon est un pays auquel l'extraction
(des ~atières premières) procure une prospérité artificielle.
Il acquiert au dehors souvent sans regarder à la dépense tout
ce qu'il ne possède pas. En raison de l'insUffisance de l'a-
griculture ou de la pêche locale, les besoins alimentaires du
pays sont assurés pour une bonne part et .à grands frais par
des importations des produits étrangers. L'insuffisance et
l'incertitude des communications terrestres à l'intérieur du
pays constituent un facteur sérieux du renchérissement des
prix" .
Dans une telle situation, du point de vue économi-
que, se marier pour le jeune ouvrier, avoir des enfants, gar-
der ses vieux parents, ce n'est plus comme hier pour s'assurer
autant de collaborateurs à son travail, mais s'imposer beau-
coup de responsabilités financières. Il s'ensuit que l'ouvrier
ca~onéds ne SUb2i st e qu'avec d es è·~ penses aliment2<ires noa nc '-r=
G'est pourquoi la sardine, le poisson salé sont la
r.our-ri ture la plus favorite dans le r:::.ilieu ouvrier. car d aris
rables ont la I='réroga.tive fatale de servir à l'uê:::';;--S:lL:. j.Lus
,srand nOCl bre .

285
.~
..
Le SI'UG (40 000 F. CFA) répond à peine au minimum
des besoins alimentaires d'un ménage de travailleur sans
enfant (1).
Approche approximative de l'évolution des salaires
des ouvriers (non qualifiés) du secteur privé
depuis l'époque coloniale.
Année
salaire mensuel en F. CFA
1915
· · ·
· · ·
· · ·
15
1920
· · ·
· · ·
20
1929
· · ·
50
1949
· · ·
700
1956
· · ·
· · . · · ·
2 140
1962
4 549
1965
· · · · · · · ·
6 100
1970
· · · · · · ·
8 318
1973
10 500
1974
· · · ·
· · · · . · · · 17 529
1977
· · ·
23 000
1978
30 000
1979
n
· · · · · ·
1980
40 000
Cf. Firmin Ikabanga, op. cité p. 56.
Ce tableau montre l'insuffisance et la lenteur de ce salaire
par rapport au coût de la vie dont les raisons sont entre
autres :
1) les contradictions d'intérêts entre le capital et le tra-
vail dans un pays où "la préoccupation des employeurs est
la spéculation et la politique d'indexation des salaires
sur l'évolution des prix leur moindre souci".
2) L'application souvent imparfaite des conventions collecti-
ves qui, dans la plupart des cas, sont un arrangement du
patronat et du gouvernement.
3) L'inorganisation des travailleurs sur une base de classe.

286
..
1 ·
d
ouvriers smicard,
Le contraste entre les sa a~res
es
qui sont le plus grand nombre, et les salaires très élevés
d'une minorité de privilégiés au Gabonestt: révélé par "le bul-
letin de la statistique et des recherches économiques" qui
écrit : "Quand les masses ouvrières et paysannes ne bénéfi-
cient que d'un ~lIG de 30 000 F.CFA (600 NF) à compter du 1er
août 1977 et un SMAG (salaire minimum agricole garanti) de
14 871 F.CFA (297,42 NF) en 1974, on trouve très facilement
au-dessus de l'échelle des salaires scandaleux de 500 OOOCFA
soit (10 000 NF), 700 000 F.CFA soit (14 000 NF), 800 000 FCF~
soit 16 000 NF) et voir 1 000 000 (20 000 NF) et plus par
mois, auxquels s'ajoutent d'autres primes qui sont très sou-
vent doubles, triples ainsi de sui te du S1HGtI (1).
On comprend que c'est à l'aide des plantations pos-
sibles de son épouse, grâce à l'espèce de b~utique du quartier
pourvue en boissons alcoolisées et de boîtes de conserves que
l'ouvrier trouve sa seule chance de survie. Son budget n'est
jamais équilibré.
Quant aux distractions, il n'en a pas d'autres que
de s'enivrer dans l'alcool
ou à celle qu' à deux on se don-
ne mutuellement. Le résultat? Une kyrielle d'enfants. Or, il
faut les nOUTrir. La perspective d'une bouche nouvelle n'est
pas son souci, v~ l'habitude qu'on a de vivre de rien.
A ce train, la oaladie a vite fait de s'installer
;lle main.
(î) 3ervice de la statistique et des recherches économigues,
Juillet 1977.
i

288
\\~

La misère de l'ouvrier gabonais dont il est ques-
tion ici ne signifie pas seulement bas niveau de salaire, ni
seulement coût élevé des biens qu'il consomme. Il est indis-
cutable que le niveau de vie au Gabon a tendance à s'élever
historiquement (cf. Tableau SUT l'augmentation bien que lente
du SEIG). Et ce d'autant plus que pour "stimuler" l'adhésion
des travailleurs à l'ordre social en vigueur, l'Etat prend
ill1
certain nombre de mesures en vue de l'élévation du niveau
de vie des citoyens à fin de leur permettre d'accéder à un
genre de vie imité de celui des membres de la classe domi-
nante : augmentation du ~:IG, construction de logements dits
sociaux ... Il n'en demeure pas moins qu'il y a misère ouvrière
La misère signifie ici la totale privation des ré-
se~es éconociques pou\\~nt servir à la consommation en cas
d'urgence. En effet, l'extension "progressive" de la pauvreté
~~~S la population est la caractéristique ris torique fonda-
mentale de l'épo~ue actuelle.
~ans la soci~ts traditionnelle, l'artisan, le pay-
saL L'étaient pas dans un état de paupérisce.
La pénétration du capitalisme au Gabon vida
les maisons, les villages, les champs: le capital fit des
• • • i
• • •
sui l,e Lote p::ige pré céd er-t e :
pas, DC:-_ ·~ra.vE. honme . t~e ne dis pé:l.[' dcv an't age q1J_8 ces à.é-
~"'e::-_S':2 ::~.i-\\;"·G~-~t être Z--~~::'~':- ::"'e~t201ef:: ~~C'1).J:' L-:oi \\~~_._-::- c-=lls-~
--~ .. ~~ .... ,-
., ~:::- r-v\\"---:-----'-'-::.
~'~~._-(;.i... ~ie.l ~.:...~. "..J·~.8 ~I.A ,.:llSeS ~
l'occasion ~uel bon p2t~on ! et co~~e il êst 2i~ple avec
~~CU2 .! ~..~I]~8'::: 1:<:~.~-..te!!~'2
:l~'u.r~ rl'~L_~):re ~~?::,:-;c'i·~·::.:le c e -:es ~:~,:-.
~~~~cn2
_
-
,
_
LS~S&rOLt
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CODrE
c~la , i l
. . VOUE·
. . .
s~~a
. .
·01" e~~
.1.. . . . . ~if~~Cl'l~
. . .
.J......
""
ae reC-laE:er ur.e augmentation de salaire et j 'y g8.D~erai
sur mes concurrents qui ne savent y faire".

289
,"
Il
ce qu'ils ont gagne dans le mois, en m~me temps que la ri-
chesse se concentre dans les mains d'une minorité de gens.
Ce phénomène se poursuit aujourd'hui, m~me si de temps en
temps l'Etat décrète l'augmentation du SMIG, m~me si le sa-
laire de certains travailleurs leur permet de se bâtir un
logis, de s'acheter une télévision, un poste de radio
èC ..•
L'introduction de la domination capitaliste sous
la forme coloniale au Gabon y a produit un effet d'éclatement
du groupe social en une multiplicité d'individus désormais
isolés, avons-nous vu plus haut. De ce fait, la protection
sociale sous sa forme actuelle n'est rien d'autre que le
produit du rapport de force dans la société nouvelle. Dans
cette situation nouvelle, où toute espèce de produit tend à
se séparer d'avec toute espèce de travail,
les produits
ne sont pas encore devenus tous des marchandises - quoique
ce:~ l'est en grande partie - Le développement du capitalisme
dépend pour l'essentiel du capitalisme international, donc de
l'apport des capitaux internationaux qui imposent leurs lois.
Dans ce nouveau milieu, certes le prolétaire est libre de
vendre sa force de travail, mais aucune g.arantie n'existe pour
S2
s~bsistance. Il doit vivre de son travail (faudrait-il
e~;CCTe c.:.u 'il le trouve !) ; il ne veit p2.S et Le connaît pas
c e Li,; '1~;''::'' COY~SCL'..r:era Lee p r o.iu.i. ts c e son travail
le salaire
que lui offre son patron sst ùettement insuffisant pour lui
perçues comme une fatalité. Hais le mécanisme qui mène; à cette

290
"absurdi t~", qui pousse à la misère croissante de l'ouvrier
sur les montagnes toujours plus hautes des richesses qu'il
produit, celui qui pousse les capitalistes et tous les pro-
fiteurs de cette société à se repartager périodiquement par
multiples moyens les richesses nationales et les esclaves
salariés n'est ni fatal, ni naturel. Non (1). Il est un pro-
duit social, un résultat nécessaire des rapports capitalistes
de production, c'est-à-dire du capital, du salaire et du
profit. La survenance des risques comme la maladie, le ch8-
mage, l'accident du travail entraînant infirmité etc ... accen-
tuera sa misère. La protection contre ces risques qui hier
était assurée par le clan, la famille, est aujourd'hui assuréE
non pas par l'Etat, puisqu'il ne contribue nullement au fi-
nancement de l'institution qu'est la sécurité sociale; mais
par les travailleurs eux-mêmes sur la base d'un prélèvement
du salaire opéré par l'employeur et versé à un orga~~sme
"soc ialisé" .
Certes l'3tat a été contraint par la lutte multi-
forme des masses populaires à reconnaître la nécessité d'une
protection sociale, et il promulgue à ce sujet des lois sur
les conditions d'embauche, de travail de nuit, de travail des
a8 licencieDent etc ...
,
... \\
s:
~:-o _....
-.:.,J..'

~
,,-,
--~
- - ~-'- ~----

291
Mais ce que ce mouvement signifie, c'est que la
grande illusion qui veut que la société de démocratie libé-
rale soit composée d'individus libres et disposant d'eux-
mêmes, ne peut plus être maintenue qu'à condition de refouler
en permanence dans l'inconscient le contenu réel des rapports
sociaux qui caractérisent l'ordre social présentement établi.
En effet, l'ordre social institué par le colonialisme fran-
çais au Gabon, qui se poursuit de nos jours, prétend que la
société gabonaise est constituée d'une réunion d'individus
liés par un contrat social libres et égaux en droits. La dé-
mocratie ou la liberté des personnes trouve son prolongement
naturel dans la prospérité de la libre entreprise et la pro-
priété privée.
Mais cette liberté et cette égalité deviennent une
illusion lorsqu'on sait que le vrai mattre de la société,
celui qui tire les ficelles du fond de la coulisse et impose
ses lois aux salariés et aux patrons, c ' est le capi tal. Les
rapports de travail qui naissent dans un tel ordre social,
basés qu'ils sont sur les principes de l'autonomie de la vo-
lonté et de l'égalité entre l'employeur et le salarié, laissent
nécessairement ce dernier dans l'insécurité.
Certes, la Constitution du Gabon considère le tra-
vail comme un devoir et un droit (1). Mais pour le code du
travail de 1962 modifié en 1976 "les contrats sont passés
er. t r e
,) ..eLor; j'a~t. i e r , ..:g de 1::=. ':;onstitution <-=-:,:"Gcn:::.L:e du ::'1
f6vrier 1961, "chacun a le devoir de travailler et le droi
d'obtenir un emploi".

292
comme arbitre; ce dernier ayant pour tâche de contrôler les
contrats de travail au stade de la conclusion, de la disso-
lution, et d'intervenir dans les différends individuels et
collectifs de travail etc ...
L'employeur est le "seul juge de l'organisation du
travail au sein de sa propriété: l'entreprise". "Seul juge
de l'opportunité de l'ordre donné au salarié ll (1). Le salarié
sera jeté sur le pavé par le "s eu L refus d'exécuter un tra-
vail : il y a là faute lourde entraînant rupture du contrat
de travail". "Le travailleur malade qui ne justifiera pas son
absence commettra également une faute lourde entraînant rup-
ture du contrat de travail ll • Il faut ajouter que le caractère
social de la production dans ce nouveau milieu pour le salari~
est le résultat de l'expropriation du producteur individuel
de ses moyens de production ; de la séparation entre le pro-
aucteur et le p~oduit du t~~vail ; la propriété juridique des
principaux moyens de production - qu'elle soit celle d'une
personne, de l'3tat ou para-é~atique - n'est que la traductioL
sur le terrain du droit de cette séparation: l'ouvrier rece-
vant un salaire comme prix de sa force de travail ; le patron
s'appropriant la plus-value correspondant au surtravail du
":::apitalist e et t~availleur libre se rer:contrent
2'JJ'
le r.-:2.!'ché, c ' est-:c-,::ire dans La s;L:8re de 12. cf.r-cuIa t t on
, J)
~'~2-": ~-~ ~~'!",l2 d :1f:~e E-'-:::ris l t~!'~êts renc u s ~;:. _2 Jour S·ù-
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L - u i l l e t
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Î 9bC,
~: avr i L i -:: 78 in n.evu.e droit africain 3diafric, pp.
27, 46, 74, 123 et 185.

293
\\~
..
ou le premier achète au deuxième la force de travail qui est
sa seule richesse et a la vertu particulière d'être source
de valeur échangeable.
Mais la consommation de la force de travail, simul-
tanément production de marchandise et de plus-value, s'opère
hors de cette sphère de circulation, "Dans le laboratoire
secret de la production sur le seuil duquel est écrit : on
entre pas ici, sauf pour affaire" (1).
Bien plus, aux termes de l'articlç 1er, 4 Q de la
Constitution du 21 février 1961 "chacun a le devoir de tra-
vailler et le droit ci 'obtenir un emploi", mais le code pénal
dans son article 196 considère comme vagabond, passible d'un
emprisonnement de 1 à 6 mois "toute personne valide qui ne
peut justifier d'aucun moyen de subsistance ni d'un domicile
certain et qui volontairement n'exerce habituellement ni mé-
tier ni profession",
L'article 197 du même code ajoute: "les mendiants
d' rz::i tude valides seront punis des peines de vagabondage",
Ces textes reprennent sous une autre forme l'arrêté
colonial du 27 décembre 1896 (2) qui sommait tout indigène
de justifier de ses moyens d'existence prouvant qu'il faisai~
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294
"
..
a) qu'il était cultivateur, éleveur ou patenté (débitant,
commerçant) ,
b) qu'il se trouvait au service d'un tiers.
Dans tous les cas, ces textes considèrent le vaga-
bondage et l'oisiveté comme des déviants et prennent la ré-
pression comme arme ultime ue discipline collective comme
anti-développement et condamnent tous ces comportements. 3n
conà&mnant le vagabondage, l'oisiveté comme un comportement
&nti-développement, parce que refus de travail, à première
vue la mesure donne l'impression d'être une mesure de progrès
social
la rentabilité et le travail
mais, à y regarder
de près, lorsque le législateur exige à "tout citoyen gabonais
de plus de 18 ans de justifier d'une occupation, à moins
d'être inapte physiquement ou de faire la preuve d'une ins-
cription scolaire (1). Il doit faire déclaration de son emploi
scit h l'Office de la ~ain-Q'oeuvre, scit dans les bureaux àe
placement, soit à la préfecture ... et le récépissé de cette
èéclaration doit être présenté à toute réquisition", il s'é-
rige eL v~ritable pouvoir de censeur et cherche à purur un
trouble social causé par le vagabondage et l'oisiveté. Le
travail est nrésenté CO!l117le un devoir pour tout le rror.de va-
...... ..: ;-' -~ -
c.-
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-
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lri':'~ 1...L"":'"_ ~:..:..r_:::.3 •
(1) Ordonnance nQ 50-62.

295
..
la situation de ces sans "feu ni lieu" ? Quelles sont les
structures d'emploi aménagées pour amener l'homme gabonais
à avoir un travail? Est-ce un texte, aussi répressif soit-il,
qui peut changer les structures d'une société? La société
traditionnelle gabonaise connaissait-elle le vagabondage?
"Dans la société ( ... ) traditionnelle, la générosité et la
gratuité ne s'opposent pas au travail.
C'est ce dernier qui
intègre dans les rapports de gratuité et de solidarité.
De m~rne qu'un étranger est obligé de manger gra-
tuiternent, ne serait-ce qu'à titre symbolique, lorsqu'il est
invité à partager lES repas avec les gens du village ; de
m~me, il est obligé de prendre part gratuitement aux travaux
qui s'exécutent dans ce village. C'est par le travail que
l'individu se sent solidaire du groupe et s'intègre dans le
groupe. le paresseux est toujours l'objet de dérision dans le
village" (1).
L'Afrique précapitaliste connaissait donc une orga-
nisation sociale qui, par sa nature et sa répartition du tra-
vail, ne laissait de place nulle part à l'oisiveté et au va-
gabondage. Or, dans la société actuelle, la domination capi-
t~liste a fait subir à ce milieu une restructuration qui se
e~~loyé, est soumise a l'inEécurité que cr~e 13 nc~~elle
--------------------
- - - - - - - - - - - - - - -
(1) Cf. Agondjo Pierre, OP,cité, p. 305.

296
..
appropriation des principaux moyens de production et du sur-
travail par le capital. Ce qui rend l'oisiveté et le vaga-
bondage inévitables.
Du reste, que signifie une obligation de travailler
dans un pays comme le Gabon de sous-emploi et de chemage
chronique?
En réalité, le recours à des mesures répressives
pour résoudre ce problème traduit l'impuissance dans laquelle
on se trouve de transformer les structures du pays par une
action décisive ayant un impact réel sur la vie des prétendus
oisifs et vagabonds qui sont en fait des déracinés de ce nou-
veau milieu. J'OÙ la suspection de la détresse collective par
l'ordre social; d'Où la définition du pauvre COl11I2e un "danger
social", le vagabond étant considéré comme un individu se
mettant volontairement en marge de la société, etc ...
Que penser alors d'une certaine légende cowcunément
exprimée vis-à-vis des travailleurs gabonais au sujet de leur
éttitude face au travail?
"Ils sont paresseux, ils traînent, ils n'ont aucune
conscience professionnelle". "C'est par dizaines et dizaines
de cilliers d'heures qu'il faut compter la perte de la produc-
L ' a t t i tude p.is s i ve du :::-abcns Ls r. 1 est er. r~ali té
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J
avril, :p. 1 et 2 ":L'aüs2ntéisne .:iU
travail: un ver dans le fruit".

297
JI
rique aliénant, et est actuellement le fait d'une oppression
d'un système social.
Il s'agit d'un moyen d'opposition à un travail qui
ne débouche que sur le profit d'un autre individu. Comment
travailler efficacement quand on ne se sent pas concerné,
impliqué personnellement dans le procès de production? Les
rapports hiérarchiques de travail qui, dans la vie de tous les
jours, s'inscrivent sur un mode autoritaire, sont mal suppor-
tés parce que dévalorisants et humiliants. Car tout rapport
humain normal implique des échanges dont aucun des membres
n'est un sujet qu'on déplace à son gré, licencie à son bon
vouloir.
Il suffit pour s'en convaincre d'apprécier le dyna-
misme dont faisait montre le Gabonais dans la société pré-
capitaliste avec des moyens de bord. L'argent et son accumu-
lation n'étaient pas pour lui le moteur essentiel de l'action.
Il Y avait une joie du travail quoique les conditions furent
pénibles.
Les activités familiales et sociales, la joie de
s'exprimer dans le jeu, la parole, la danse et les cérémonies
paraissaient avant la recherche du surplus économique sous
forme de produit.le travail était un service qu'on rendait à
la société pour assurer sa reproduction. Personne n'y était
privé de moyens de vivre. Et ceci, en dépit de la faiblesse
essentielles d'existence (territoire, terre, fleuves et ri-
vières) 8t&it propriété du clan, du village, de la faffiille ...
C'est au sein de la collectivité que chaque individu venait

298
é
t avant toute acti-
prendre place, une place qui lui conf: rai
vit' productive des droits de co-possession et d'usage sur
ces conditions de production et d'existence.
"Très souvent s'organisent "des parties de travail"
collectives, qui groupent un certain nombre d'hommes, amis
et parents, devant débrousser ou labourer une plantation
quelquefois, tous les adultes valides, hommes et femmes, en
font partie, le village entier coopérant à l'extension des
tâches agricoles sous la direction de son chef, qui est aussi
le chef de tribu, respecté en qualité de grand-père, de beau-
père ou d'oncle maternel de la plupart des habitants.
Dans une organisation de ce type, qui se retrouve
dans de nombreuses. sociétés d'Afrique noire, le travail ap-
paralt ainsi comme une tâche collective, familiale ou commu-
nale, ayant pour objet la production de la nourriture ; la
valeur travail est estimée le plus souvent en aliments dis-
tribués par le chef des travaux" (1).
"Au village, si les femmes font régulièrement le
travail quotidien de culture et de préparation des aliments,
les hommes témoignent d'une grande liberté dans leurs activi-
tés laborieuses. Ils chassent, défrlchent, construisent les
cases, font les enclos, se livrent à quelques activités arti-
sQnales comme celles du forgeron, du tisserand, du vannier,
du sculpteur de bois et d' ivoire. r-~ais il ne s'agi. t pas d'ac-
(1)
Cl. ~a notioL ue travail en Afrique noire par J.C. Pauvert
in Le travail en Afrigue, Frésence africaine, éd. Seuil,
1952, p. 98.
J

299
"
rétribués ; ils sont prescrits par la coutume et payés par
le prestige que l'artisan en retire. Aussi sont-ils faits à
loisir et sans contrainte ... Un tel système présente un avan-
tage certain, il réalise une excellente forme d'assurance
intra-groupe. Il assure au malade, au vieillard et même aux
paresseux des conditions je vie égales à celles des membres
laborieux du clan ... " (1).
Ce n'est pas à dire que dans la société gabonaise
précapitaliste tout appartient à tout le monde. La propriété
individuelle des outils, des armes, des vêtements etc ...
existe ; ~ais les moyens de production essentiels ne sont pas
propriété privée. D'OÙ il résulte que l'appartenance d'un
individu à un groupe social qUi possède et détient collecti-
venent les principaux ~oyens de production le ~rantit de
l'accès aux moyens d'existence. Mieux, le contrôle qu'exerce
13. ccllectivi té S1.;S ces Ecyens d'existence tend à prévenir U1-_
accaparement individuel èes ressources qui risquerait de pri-
ver certains nenbres de la société.
l'avènenent du mode de production capitaliste a
ionné lieu à de nouvelles moeurs et de nouvelles valeurs. Ici
le concept travail n'a plus la Dê~e valeur. Depuis ~ue les
G.€:2
r oyens Q'2 p r o.iuc t.Lon et c on tz-ai nt s pour vivre c e venc r-e
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(1 )']f.
la cti:::uL:.. tion ~c0Ec':-,i':.Lue en milieu coutur:.ier ,~" Cé:.-
pitaliste par le docteur André Cmbredane in Le travail
en Afrique, Frésence africaine, éd. Seuil, Paris 1~52,
p.
3)9.

300
.~
..
moyens de production constituent la structure fondamentale
de la société. Il est né par là un nouveau modèle de travail
en tant qu'instance spécifiée avec sa propre logique; modèle
devant être appréhendé de manière sép~rée du groupe social.
L'homme n'est plus intégré au groupe social ni à
un système économique et social cohérent ; le travail qui
hier était un moyen pour assurer la sécurité sociale du groupe
social est devenu un moyen de réussite individuel, de pres-
tige et de division par la concurrence qu'il crée.
A la conception pré-capitaliste qui ne reconnaît
l'in~galité que celle qui est basée sur les différences des
nécessités et des charges, la société actuelle oppose celle
Qui jus:ifie l'inégalité par le degré d'utilité sociale des
professions; d'où l'institution des échelons de salaires:
de l'échelon non~pécialisation à l'échelon hautement spécia-
lisé. Chaque .2chelon coœportant une amélioration de traite-
ment et des privilèges. rour atteindre l'échelon supérieur,
~'ho~~e doit pou\\oir réfondre a~~ nomes qu'exige l'organisa-
tion capitaliste du travail: savoir lire, se spécialiser;
alors, il connaîtra la prorr.otion ; valeur déifiée parce que,
avec elle, s'attache l'a~élioration des conditions d'existe~c~
-.:2·}.er "r.e t t ra sor. è.oi~~
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que adoptée à l'époque coloniale par les colonisateurs; était

.-
301
..
de chercher à obtenir une stratification nQ~velle de la so-
ciété gabonaise en favorisant la création d'une "classe
d'évolués" ; aujourd'hui, c'est par l'institution des privi-
lèges économiques et SOCi2~~ dont les intellectuels sont les
principaux élus que l'ordre social libéral se pérennise.
La nouvelle différenci~tion des clas~es et couches
sociales par le revenu est puissamment aidée par les salaires
très élevés réservés aux cadres, relativeœent aux classes
~oyer~~es et très bas pour la ID2jorité des travailleurs sans
~ualificatioL prc:essionnelle ; et cela
sans considération
des charges.
~ur cette base, en théorie, la nouvelle répartition
èes richesses prend appui sur lë rrincipe qui veut que celui
CUl est censé e=ercer les fonctions les plus élevées est
celui qui doit être le mieux rémunéré. DaLS la pratique, au
occupent les e=plois supérieurs le sont par la faveur et le
L::'..3c_rd d u c onc cur s . ':'oü.te chose Cil.;. 'it;norai t la. s oc a.é t é cl 'nier
et dont la conséquence inéluct~ble est l~ division de la so-
ci8té en riches €t
p~uvres.
~es rel?tions d'~utorité, la ségré~tion =~t~rielle
=-i.s:..-:iOl: .i naqu e , -;Ji12 Le e vt.Le ur s c;.ui rérusnent
l'cuvrier
,
...i.. 8
:' y' __ .:!:=' s
.- .....
r:é~ ;-,ctiv~ &U tr::",v2.il. Il est p(;rst;.:::.dé qü.'Li. ne tr::",v,-illc pas
pour lui ni pour les besoins du groupe social, mais pour ceux

302

d'un autre individu au groupe social sous la contrainte d'un
horaire et d'un rythme et pour un salaire qui. ne le sort pas
de l'insécurité.
"La civilisation des blancs s'ingénie à susciter
de nouveaux besoins chez les noirs: besoins d'ustensiles,
besoins de vêtements, de voiture etc .••
Contrairement à ce qui se passe en milieu coutumier,
le salaire que nous proposons aux noirs est fonction de son
rendement dans le travail, un travail qui tend à ~tre continu
pendant des intervalles de temps fixés, un travail organisé,
imposé, contrôlé par d'autres, un travail de fourmi souvent
fragmentaire pour que sa valeur d'utilisation apparaisse
clairement à l'ouvrier" (1), faisait remarQuer le docteur
André Ombredane.
M. Charles Tavet nous fait saisir l'intelligence
et le secret caché de la stimulation capitaliste du travail
lorsqu'il écrit en 1931 (2) : "On dit : développons les be-
soins de l'indigène; à mesure qu'il agrandit sa case et la
.'
meuble, il sent la nécessité de se mieux vêtir, lui, sa femme
et ses enfants, et de mieux s'alimenter; ses besoins s'ac-
croîtront, il travaillera plus régulièrement, plus assidûment
:;our les satü:,faire : c'est le rr oy en unique, 8.ffiY::".e-t-on,
ie f&ire aVaLcer la civilisation catérielle, conùition de tout
procres, il f~ut répster ~ux indizènes le mot faceux :
(2) Cf. Travail et colonisation, L.G.D.J., Paris 1931, p. 95.

JI
"3nr1chissez-vous" et sous-entendre, pour dépenser davantage".
Le droit en vigueur au aabon enseigne qu'en posses-
sion d'argent, propriétaire d'une marchandise, chacun est
libre de disposer de sa personne et de ses biens comme bon
lui semble. Ce faisant, on peut se demander s'il ne favorise
pas les intérêts égo!stes de la propriété privée en limitant
les possibilités d'intervention de la société de sécuriser
ses membres ? puisque sur cette base, la capitaliste est li-
bre d'employer ou non ses capitaux à des entreprises produc-
tives ; d'embaucher ou non le prolétaire.
Dès lors, comment conciler une telle conception du
monde avec la tendance actuelle qui tai t appel au travail
comme devoir national ? Cet appel est discutable dans la me-
sure où le patron est celui qui s'approprie du surplus écono-
mique. En réalité, la question sociale, pour être résolue,
exige plus que l'appel au travail comme devoir national. Le
travail ne reviendra à la société que lorsqu'il n'y aura plus
de gens qui travaillent pour que d'autres s'enrichissent à
..
leur détriment; lorsqu'on rétablira le rapport immédiat entre
l'homme et le produit de son travail. A partir de ce moment,
il assumera d'un coeur joyeux la responsabilité de son travail
qu'il ignore aujourd'hui ou qu'il refuse.
D'un autre point de vue, comment expliquer le déve-
loppement du vol, individuel et en bande, du pillage au C~bon
(1) Selon la revue r·:a.rchés "tropicaux et médiaterranéens du 28
novembre 1980, p. 316 : la sécurité des biens et des per-
sonnes préoccupent les pouvoirs publics gabonais. J

1
d
l ' abo-~ ance des biens pour tout le
cela non pas en ra son
e
~
monde, mlÙ8 parce que l.es moyens d'existence n'étaient pas
le monopole des individus privés. Le fait d'avoir étalé des
biens de consommation, l'élimination de la majorité des jeu-
nes du travail, l'afflux de nombreux immigrés qui croient
trouver au Gabon un emploi rémunérateur, voilà les raisons
qui contribuent à créer des besoins nouveaux, sans permettre
au plus grand nombre de les satisfaire légalement. Pire, la
structure sociale actuelle, en miroitant au Gabonais le mo-
dèle de consommation des personnes "nanties", s'avère oppres-
sive, aliénante et incite inévitablement à l'appropriation
de la chose étalée par tous les moyens. Elle a créé une masse
d'exclus réduits au silence qui ont comme seul moyen de dé-
fense que la révolte ou une nouvelle forme de passivité dans
le parasitisme social.
Dans tous les cas, de l'époque coloniale à nos
jours, la notion de travail est à repenser en raison de nom-
breux problèmes qui s'y greffent. Car le travail ne peut faire
appel à la persuasion et dever~r un devoir national que dans
la mesure où il revient à la société. Or, jusqu'à ce jour,
il a toujours profité au capitaliste et à une bureaucratie
fort r-eu soucisuse du bien c~~un qui so~bre dans une vie
sc=~tu&ire e~ ses privilèges, ~lors que les conditions d'exis-
tence de cré~teurs de richesses vont de mal en pire.

305
\\~
ft
B) Conditions de travail. alimentaire. de santé de
l'ouvrier et sanitaire de la population et des
autres masses déshéritées.
La classe ouvrière gabonaise est caractérisée par
sa jeunesse et ses attaches avec la paysannerie dont elle est
issue. Il n'y avait pas d'ouvriers au Gabon avant la péné-
tration coloniale ; son histoire est donc liée à celle de la
pénétration du capitalisme dans cette aire géographique.
Si en 1970, la C.N.S.S. gabonaise enregistrait un
effectif général de 63 526 salariés, aujourd'hui - en tenant
compte des sous-estimations dues au fait que certains salariés
ne sont pas déclares par les employeurs qui veulent échapper
au paiement des cotisations de sécurité sociale et des chÔ-
meurs que les statistiques officielles ignorent - on évalue
à 100 000 environ le nombre de salariés dont 70 ~ sont des
ouvriers.
J. Ping, dans "3conomie du Gabon: développement ou
emprise de stI'\\..;.ctures" (1), montre que le développement du
prolétariat gabonais atteint des proportions de l'ordre de
25 r, soit la proportion la plus forte d'Afrique puisqu'elle
est de 3 5'
en }:2.ut e-\\'~ol ta, moins de 15 ? en CÔte-d'Ivoire.
créateur des richesse8 qui font vivre le pays, mais lui-même
se d~bat toute s~ vie, e:
-,--- 'un mor-e
..... ....
eau ...:: P
'-'....,
Dr'i"""
...
...L,
ruine
(1) 1e Gabon: développement ou emprise des structures?
Thèse dactylographiée, paris 1975, p. 141.

306
\\~

des conditions épuisantes, pénibles comportant beaucoup de
risque••
Dans J.e secteur minier (manganèse, uranium), le
travail dans la mine l'expose à des conséquences graves:
risque àe maganisme pour ce qui est des ouvriers travaillant
dans les mines de manganèse; intoxications, brûlures,
rayonnements des substances radio-actives pour ceux employés
dans les mines d'uranium.
A la suite d'une discussion que nous avons eue avec
certains ouvriers de la COrILOG, à propos des conditions de
travail, ceux-ci nous apprenaient que "nous travaillons dans
des conditions les plus désastreuses, alors que nous opérons
avec des produits chimiques les plus dangereux, exemple l'a-
cide chlorydrique, on ne nous fait faire aucune visite; avec
l'ancien patron, au moins tous les 6 mois nous étions suivis
médicalement. le nouveau patron, non seulement ne nous apprenQ
rien sur le plan professionnel, mais i l ne s'occupe m~me pas
de très peu de notre sécurité, encore moins de notre santé;
.'
d'ailleurs nous venons de perdre un des netres qui est mort
de on ne sai t quelle r:2J.adi e".
De telles morts, liées aux con~itions de travail,
20nt fr~quentes. le ~E Dars ~(76, le journal tnion,
~ucti~ieL
cc~ve~n8~cntal, nOUE ~p;ren~it non pas a la Jœ IlCG ~ais dans
la
(::'p POl" 0"" )
12 di2parition Ce
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'...L.
.. - "- -
...
T.~. 30urdin et chauss28 et celle ie ~ autres alors ~u'i12
électrique.

307

A I-:ounana, où les ouvriers de la mine d'uraniun
travaillent souvent torse nu, sans masque, sans le moindre
équipement adéquat contre la radio-activité, depuis 1970,
de nombreux ouvriers ont été ensevelis à plusieurs reprises
dans la mine par manque de mesures de sécurité.
Dans le secteur pétrolier, les maladies profession-
nelles sont fréquentes en raison de l'inhalation des vapeurs
de pétrole, des huiles volatiles, l'essence ou les huiles de
graissage sur la peau.
Les cas d'intoxication à la suite de la résorption
transcutanée des substances contenues dans le pétrole, sont
considérables.
Alors que l'article 135 du code du travail indique
que: "lorsqu'il existe des conditions de travail dangereuses
pour la sécurité ou la sant; des travailleurs, l'employeur
est ~is en deQeure par l'inspecte~r du travail afin d'y re-
nédier lf , dans les faits, le manque de sécurité dans les en-
treprises CO!!'.Ine ":8lF Gabon" est criard et n'inquiète aucun
patron. "Ici, dans bien des cas, les ouvri ers des at ellers
machines outils travaillent pieds-nus, risquant à chaque ins-
tant l'écrasement d'orteils", nous apprenait un informateur
~~S 2i lon:tecps.
les ouvriers du bCtiment subissent pratiquement le
cêr.~ sort ~~e ce~~~ des nines : exposition aux gaz toxiques,
,~ue cS'rt::.ines t âcr.ee exigent. ?orce es t c e cons ta t ez- Ç.u'i::i
aussi le ninicum de sécurité fait défaut : port de gants, dons
de pommades isolantes aux frais de l'entreprise etc •.• l

"
Examinons à présent les conditions de transport
dans une nUe comme Libreville.
Les conditions de transport des ouvriers comme cel-
les du travail, ne sont pas toujours celles que les écrits
officiels présentent.
La mauvaise organisation des structures des trans-
ports publics (assurés par les bus), le développement de
l'automobile individuelle, non à la portée de l'ouvrier, sont
les facteurs défavorables à la condition de l'ouvrier qui
co~~a1t moultes difficultés pour parvenir à son lieu de tra-
vail.
Comme il travaille dans bien des cas très loin de
là où il vit, c'est parfois l'entreprise qui assure ce ser-
vice. ~ais généralement, le type de véhicule qu'on met à sa
disposition est un camion (marque Berlet) qui n'a m~me pas
un petit banc pour s'asseoir. Les ouvriers s'y entassent de-
bout, qui attrapant les bords du camion, qui les épaules des
..
autres. Quand le carnioL amorce un virage dangereux, il n'est
pas rare qu'un tombe, soit se blesse, soit meurt. Les points
de ramassage (c'est ainsi qu'on désigne l'action de prendre
les ouvriers à certains endroits précis pour les conduire au
ch~~tier) sont sans relation avec le lieu d'habitation de
l'ouvrier qui p~rcourra d'Qbord 2 à 3 km pour se rendre à ce
point de repère. :ci, ce qui i~porte, ce n'est pas que le
=:t r.c.Lhe ur- à. c E:_ui qld r<.è. t era l' heure du "raCaSS2.G8Il,
l~ ne Dourra ~lus se rendre 2U travail - saui s'il e~frunte
un taxi - et sera donc absent à l'appel avec toutes leS

.-
309
..
conséquences que cela entraîne sur le maigre salaire. Car il
n'existe pas de deuxième tour de "ramassage".
L'absence du deuxième tour s'explique pour la sim-
ple raison que le même camion qui sert de transport de l'ou-
vrier sert également pour celui du ciment, des briques, plan-
ches etc ... de l'entreprise.
C'est dire que la situation de l'ouvrier de l'in-
dustrie et de certaines autres actiVités accroit le danger
d'accidents, de maladies professionnelles qui peuvent provo-
quer un arrêt de travail, une invalidité ou un décès.
Si on trouve chez ces travailleurs un sens de soli-
darité, d'entraide et d'organisation collective assez déve-
loppé, il faut dire que, vivant dans une société où la satis-
faction des besoins ordinaires et extraordinaires est fonc-
tion du revenu en argent qu'ils ne peuvent obtenir que par la
vente de leur force de travail au capitaliste qui veut bien
la leur acheter à un prix qui n'a aucun rapport avec leurs
besoins, la conséquence en est que, faute de revenus suffi-
sants, l'ouvrier est condamné à vivoter dans la misère et est
incapable de satisfaire tous ses besoins et ceux de sa fa-
mille large et ses enfants qui croissent au jour le jour.
sur le nlan alimentaire.
-------~---------------
M. Biffot dans un travail de terrain de Janvier-
Août portant sur les conditions alimentaires des travailleurs
du bâtiment 1977 (1) résume la situation alimentaire de
(1) Cf. Pour l'étude du monde rural du Nord-Est du
~ ; pendant 6 mois avec les travailleurs du
reactualisées en 1977.

.:
310
..
l'ouvrier gabonais de la manière suivante :
"Le travai11eur gabonais est un ma1 nourri, un chiche-
ment alimenté, sinon un sous-alimenté quJ un individu fondamen-
talement, essentiellement paresseux".
Théoriquement, il existe au Gabon des dispositions
de lois qui font obligation aux entreprises des chantiers à
pourvoir à la nourriture de l'ouvrier; dans les faits, la
quasi-totalité de la main-d'oeuvre en activité dans ce pays
se contente bien souvent d'un "casse-croûte" à midi.
Devant l'ac uité du problème, le séminaire des ins-
pecteurs et contrôleurs de travail qui s'est tenu en Juillet
1972 à Libreville, a émis le voeu pieux, de l'organisation
d'un système de cantines. Force est de constater que la si-
tuation n'a pas fondamentalement
~gé
jusqu'à ce jour
en dehors des collèges, lycées et hOpitaux, il n'existe aucun
service de cantine pour les travailleurs. Dans tous les cas,
l'alimentation des masses déShéritées gabonaises n'est pas
très brillante .
..
Elle est à base de racines et tubercules de manioc
appauvris par un procédé de traitement qui enlève toutes qua-
lités nutritives
de bananes plantain en nombre insuffisant;
8i les fruit2 20nt variables leur consommation reste en quan-
tités licitées selon r. Obiang Ossoubitsa dans sa thèse sur
12. c,~dec:ine du travail au G-a bon ; la ration moyenne se si tue
auz envaz-on s de .2(,0 calories dont seulement 7Ce bT~r.:es de
:;:rctides.
Les lacunes dans l'alimentation de l'ouvrier' et de
la population sont dues à une faible consommation du groupe'

311
\\~
de légumineuses et de viande, des oeufs, lait et aux inter-
dite alimentairee qu1. Mer étaient nombreux, ajourd 'hui en
voie de disparition.
Dans tous les cas, il y a earence alimentaire;
carence alimentaire alimentée et entretenue par des struc-
tures socio-économiques et politiques qui privilégient la
satisfaction des besoins d'une infime minorité de gens à gros
revenu qui vivent à leur aise.
~E_!~_E!~_~~~!~~~~·
La question se pose de savoir dans quelle mesure
les réalisations de ces dernières années ont-elles été con-
formes aux orientations définies par les différents plans de
développement et réponduesaux besoins des masses populaires ?
Il est difficile de répondre par l'affirmative à
cette question lorsqu'on regarde l~ réalité que nous révèle
le quotidien gouvernemental Union du 9 mai 1978 sous le titre
"portes vermoulues, cadavres pourris, eaux polluées à l'hô-
.
pi tal général". Cet article nous apprenait que, à l' hOpi tal
'
général de Libreville, travaillaient 225 agents sanitaires,
175 employés non permanents, 40 médecins et internes, et que
le budget de cette année n'avait pas suivi l'expansion de
AnaLy san t les différents postes comptab.ï.ee "1'l.;nion"
c ons ta t aa t '~"c'E: cette anné e le budce t s'était réF2.rti de lz~
G~nière suiv~nte :
~~7 ~illions ~~. CF_-~ pour les n:~Qicaments
171 millions pour l'alimentation
J
62 millions pour la main-d'oeuvre non permanente.

Et de dire: "Globalement, ce budget n'est pas
minime, mais 11 n'arrive pas à dominer ~es dettes persis-
tantes, ~'état désastreux du matérie~ en cours d'utilisation
dans l'hôpital.
Les chambres froides ont subi des pannes ; consé-
quences : les cadavres pourrissent à la morgue. Dans certains
bâtiments, les bois des portes et fenêtres sont vermoulus
faute d'entretien; alors que certaines installations sont
relativement jeunes mais bâclées.
Par ailleurs, les sociétés commerciales avec les-
quelles traite l'hôpital ne livrent pas les marchandises dont
les factures sont impayées par le ministre des finances. Les
produits anesthésiques commencent à manquer au bloc opéra-
toire. Quant au stock de médicaments, il baisse de niveau
sensiblement" .
.~nsi, il apparaît que le ravitaillement des hôpi-
taux publics est sporadique ; que les infrastructures exis-
tar.tes sont vétustes et sans entretien. Une chose apparaît
d'une façon certaine, c'est que l'expansion budgétaire du
ministère de la santé ne peut laisser espérer aucune amélio-
ration de la situation vu le déséquilibre qui existe entre la
médecine curative ~ui absorbe ~~e s~~nde partie des Loyens
diEpor-ibles au bénéfice C'k~ no~bre iiLité de personnes et de
loc2~tés ~u d;~rirrent Qe l~ ~0decine pr~ventive et du nilieu
:'est ainsi ~~e ce oud~et représentait eL 1S~o,
Q~ Dujcet total 6es dépenses de santé soit

313
('

332 900 000 (1). Contrairement aux autres pays~ le Gabon
semble avoir des ressources ~portantes par rapport à sa
population qui ne dépasse pas un million d'habitants et aux
autres pays d'Afrique Centrale. Il consacre, selon les esti-
mations~ aux seules dépenses de santé, environ 3 721 à
5 439 F.CFA par habitant et par an ; contre 154 F.CFA au
Tchad; 2 025 F au Congo, ce qui n'emp~che pas que "l'héca-
tombe des véhicules s'est poursuivie en 1976 sur un rythme
impressionnant ; à cela, plusieurs causes : la mauvaise uti-
lisation des véhicules, l'absence d'entretien, les mauvaises
routes, le manque de pièces détachées pour les réparations
et, en corollaire, l'immobilisation prolongée pour une panne
entraînant le pillage des véhicules" (2).
Il s'en suit une pénurie de médecins et une mauvaise
répartition du personnel sur l'ensemble du pays.
Les nombreuses difficultés rencontrées à l'intérieur
du pays dans les centres médicaux n'incitent pas les médecins
de l'assistance technique à accepter deux affectations consé-
cutives dans le même lieu. Résultat, des centres comme Okondja
passent des années entières sans médecin, médicaments.
Il s'en suit une dégradation de plus en plus accrue
des conditions s~~itaires des ouvriers, paysans, petits fonc-
t~orilldires, petits commerçants, artisans ... qui ne peuvent
i
~ ) .;~2.ppcrt annuel 1(.76 .::ervice des grandes er:.d~r;Ü.es du 8-<:..tO!l
cité par Tchelo ~azare in ~eflexion sur l'évolution de
l'orga~_sation des. services d: la ~o~hy~axie.de la try-
,p:::ulOSOI;;lase en Afrlgue Cen--Crà-Le, 1- emoa.re ~ }arls Î ~78 p. 47.
Cité par le ~ême auteur.

'14
débourser 70 000 F. CFA pour une journée d ·hospitallsation
dans une cl1.n1que où ~es soins sont en pr1nc1pe garantis.
A 1· exception de la clinique Chambrier où le médecin ne donne
pas de médicaments mais prescrit le traitement au malade
hospitalisé qui voit sa facture s'alourdir au fil du temps.
Cette impossibilité pour les populations d'accéder
librement aux soins de santé explique le fort tgux de morta-
lité du Gabon65 ,r", la faible espérance de vie~0-41 ans
contre 70 ans en Europe} la resurgence des maladies endémiques.
En fait, on ne voit, en pratique, vraiment pas se
dessiner de politique de santé mais s'additionner une série
de réponses pontuelles, conjoncturelles dépendant étroitement
de la politique générale du pays et marquée par ses contra-
dictions. Suffiront-elles à tracer une voie originale appor-
tant une réponse globale et efficace aux problèmes de santé ?
Seul l'avenir nous le dira !
Dans l'Union du 21 décembre 1978, le chef du centre
cocial de Koulamoutou déclarait à cet égard: "Je suis très
indisposé par le mutisme que la direction des affaires so-
ciales observe quant aux dossiers des 18 handicapés qui ne
reçoivent pas encore de subvention".
la protection de la oère suit le m~me cours. ~n
effet, la position d'inégalité sociale qui est celle de la
fe~e au Gabon, se reflète dans l'absence de tout souci pour
la. protection de sa santé, dans le peu d'établissements cura-
tifs et prophylactiques à son profit. C'est ainsi que, jus-
qu'à ces derniers temps, il n'existait dans tout Libreville,
pour ne pas dire tout le Gabon, qu'un pavillon d'accouchement

315
r
.r
..
pourvu de quelques 12 lits seulement à l'hÔpital de Libre-
ville.
Le persozmel, pour tout le Gabon, se réduisait à
un seul gynécologue et à quelques sages-fanmes concentrées
dans les principales villes.
Si on note aujourd' hui une amélioration de cette
situation, il convient de dire que seules les femmes pourvues
de moyens financiers peuvent accoucher aisément dans les
cliniques privées ou sous patronage de la C.N. S. S. Les femmes
du peuple mettent leurs enfants au monde dans des conditions
dangereusement anti-hygiéniques et bien des malheurs frappent,
tant les mères que les nouveaux-nés.
Les cabinets de consultation pour les femmes en-
ceintes sont en nombre très insuffisan~ les moyens de propa-
gande sanitaire visant à apprendre aux femmes à se protéger
elles-mêmes et à protéger leurs enfants durant la grossesse
comme après l'accouchement, font défaut.
Les cas de décès pendant l'accouchement comme dans
.'
les premiers jours qui le suivent, pour la mère comme pour
l'enfant, sont très nombreux. Cette mortalité constitue un
des facteurs du faible accroissement de la population gabonais'
la naissance à'un enfant, d~ns un tel contexte, ne
peut qu'accroître la rr.isère pour la femme du peuple. Déjà, le
secte~' de la pédi2trie lui est fe~é p2r des barrières d'ar-
gent, COL~e ~cus l'avons vu ~lus ha~t.
Du fait de l'insuffisance èes structures d'accueil,
non seulement beaucouF ce malades préfèrent encore consulter
des médecins privés car ils ont l'impression que payerJest .

316
une garantie de qua11 té. Bien plus, l'accès aux consultations
des h8p1ta~ et autres unités de soins est souvent difficile ;
l'accueil, l'information, la prise en charge des malades sont
pratiquement inexistants : attendre plusieurs heures, revenir
demain, après-demain sont choses habituelles.
"Connaître quelqu'un" est un sérieux atout; à
partir de ce moment-là, les barrières s'écroulent car il est
normal que tout "parent", ami, collègue fasse le maximum pour
vous aider. Pour ceux qui ne connaissent personne, l'accès
aux services de santé est un problème presque insoluble.
Les pharmacies des hôpitaux et des centres hospita-
liers, s'ils réussissent à approvisionner les services, cela
se fait d'une manière irrégulière et rarement la totalité des
médicaments. De m~me, en ce qui concerne les analyses ; rares
sont les laboratoires d'hôpitaux qui effectuent toutes les
analyses demandées par les médecins sans paiement en argent.
Quant aux conditions d'hospitalisation, elles sont
souvent très pénibles pour les populations (services surchar-
.'
gés, personnel peu nombreux, manque de matériel... ). L'absence
de cohésion et d'esprit d'équipe et le laxisme paralysent le
fonctio~~ement du service. Cet état de choses amène les ma-
lades bénéficiant de la sécurité sociale à se diriger vers
les cliniques privées ou à chercher une prise en charge de la
sécurité sociale pour 2uivre des soins à l'étran@8r, presque
exc Lus Lver.ent en i"r2.nce. :Là aussi, "conna.ît re qu eLqut un " est
un atout majeur, surtout si le cas ne justifie pas le trans-
fert à l'étraLgBr. J'il nous ~st difficile de fournir le nombre
exact de ceux qui, même pour une cause très bénigne, o~t

"7
bénéficié d'une évacuation sanitaire en France, il reste que
ces cas sont nombreux.
La multiplication des centres de soins destinés
aux assurés sociaux par la C.N.S_S. est un autre handicap
pour le libre accès aux soins par les masses déshéritées;
car ce circuit, parallèle à celui de la santé publique et
disposant de plus de moyens financiers, leur est fermé.
Si les services hospitaliers spécialisés, bien que
surchargés de travail, fonctionnent la plupart du temps, pour
la médecine générale, la situation est toute autre. Le nombre
élevé de consultants ne permet pas un "interrogatoire l1 ap-
profondi, en général les médecins ne disposent guère de plus
de 6 à 8 minutes par malade; en fonction de son diagnostic,
le médecin peut orienter le malade vers un service spécialisé
(tuberculose, maladies vénériennes, cardiologie ••• ), soit
rédiger une ordonnance. Pratiquement, le médecin ne prend ja-
mais la peine de dire au malade la nature et les causes exac-
tes de son mal. Katurellement, il sera considéré corone un bon
médecin, si les médicaments sont efficaces
Pour les appareils en panne dont parle l'Union, les
lenteurs administratives, le manque de pièces détachées, le
~~n~ue ae techniciens co~pétents en sont les causes. Un in-
::.'CI'I:2.teu.r nous s i gria.Lc.i t , il n'y a p2.S très Lorrt emps "qu'il
existe r.êœe des ~ppareils inutilisés depuis ;lusieurs années
2ous-eœployés, soit parce q~e le personnel à m~me de les faire
::.'c~·"::t ~cr.ner est Lr.auf f'Lsar:..'t , ;::;01 t parce que certains n'ont

318

d'utilité là où ils ont été placés par prestige ou par igno-
rance';
La pénurie des médicaments dans les hÔpitaux pu-
blics n'est pas non plus une apparence mais due à l'insuffi-
sance des moyens financiers, au manque de prévision à long
terme, à la lenteur des circuits d'approvisionnement et au
manque de paiement de l'administration: la moindre aspirine
vient~à faire défaut dans maints dispensaires et hôpitaux
du pays que les soins sont non seulement supportés par les
populations mais que ces dernières doivent, comme à Libre-
ville, apporter thermomètre, seringue pour se faire soigner.
Il s'en suit que, malgré la construction de nouveaux hôpitaux,
les médecins qui pratiquent au Gabon ont beaucoup de diffi-
cultés à obtenir des lits pour des patients qui en ont déses-
péré~ent besoin. Ceci veut dire que la construction dans le
secteur hospitalier n'a pas eu pour but l'aI!lélioration des
services de santé pour le population sinon l'augmentation des
budbets aur~it eu pour cor~équence l'élimination des listes
d'attente et autres ma~~.
En définitive, on peut dire pour terniner,
que la
situstion du secteur hos?it~lier gabonais n'est pas en marge
et er.. e z t 13.;:;01'.1.': .:.:quc::n;:;e . .~n.[)i, tout se passe COI:L:8 si les
::;'OC2:' ::11i:~ s
sei en t i f i qu.es , t.ec hrd que s et ÎinCincières :'::'o:-~t
dispose le p~y2 e~ cctière de SOi~E ie 2~4té, ~'~t~ient ~a3
~l~es au r~~e rrornent ~ la iispo2ition cie tous, tout se ~a2se
c cnr.e si le.;:; c:'::'-;;s~'cries pauvr-es ne vivaient pas dans 18. même
époque que les autres. Dès lors, peut-on être surpris ~ue lé

319
malade pauvre n'ayant pas d'argent n'a plus d'autres choix
que, soit de retourner chez 1ui et attendre 1a mort, so~t
s'en remettre au guérisseur, situation qui n'est pas sans
nous rappeler celle de la France du XVII ème et XVIIlème siè-
cles, lorsque l'insuffisance, l'incompétence ou la corruption
du monde médical de l'ancien régime obligeaient les malades
surtout pauvres et isolés, à lutter seuls contre la maladie.
c'est ce qui explique qu'aujourd'hui des maladies endémiques
comme la SYPhilis~tuberculose, la tryponosomiase, la lèpre
sévissent encore au Gabon parce qu'elles trouvent là un ter-
rain propice à leur propagation.
Dès lors, on peut se demander quel est le rôle des
pouvoirs publics dans la protection de la santé? La situa-
tion telle qu'elle apparaît n'est-elle pas de nature à faire
voir que l'établissement d'un programme de santé publique
L'est pas aussi indépendant Ges facteurs politiques que l'on
ne le présente parfois ?
Ce qui se passe au Gabon, c'est que dans la réalité,
.'
ce sont les facteurs politiques qui, en dernière instance,
influencent sur la répartition des crédits, le choix des ad-
ministrateurs. "Le budget de développement accordé est tou-
jours réelle~ent inférieur à celui proposé. Ainsi 12 conti-
Luité du fin~ncement de cert~ns projets n'est pas assurée.
De plus,
sont inscrites au budGet àes opérations, çue l'on
p2U~ çualilie~ _6 poli~iques, non proG~ammées ni 2U plan ~i
au projet de bud~et et dent la santé n'a pas eu connaissance"
~crit Fiette-~oudol (~h~erry) (1).
(1) Cf.
Les hôpitaux français et gabonais, étude de lé8isla~
tion comparée, Thèse, op. cité. p.
IV.

'20

Cette politique est en effet une politique de choix;
choix dans la conception des stratégies de développement,
choix dans la conception de la société, de l'homme et de son
avenir.
Il faut bien le dire, dans une formation sociale
capitaliste, la santé a des concurrents potentiels: armée,
police, gendarmerie, économie. Le problème du choix à faire
se pose ainsi : comment utiliser et affecter le revenu na-
tional au mieux-être de l'ensemble des membres de la commu-
nauté ? Or ces choix sont autrement difficiles à faire dans
une société où la priorité est donnée aux dépenses d'une éco-
nomie de traite au profit d'une minorité.
Aussi nous nous demandons, les dépenses d'investis-
sement en vue de la création des entreprises, ports, ponts,
autoroutes qui conditionnent le développement de la richesse
nationale doivent-elles reléguer au deuxième plan la protec-
tion sanitaire des masses populaires parce que contribuant à
l'accroissement du ~teau à partager? Ou bien estime-t-on
..
peut-être que l'action en vue de l'amélioration de l'infras-
tructure sanitaire est une action à long terme alors que
l'action dans les secteurs précités agit à plus court terme Q
Le ~aintieL et le développement d'un secteur de
2édecine privée à côté d'un secteur public en train de mourir
va dans le sens de ces choix de conception de l'homme et des
choses; et ce d'autant plus qu'il permet de pallier aux ca-
rences des pouvoirs publics ; tout comme le financement du
secteur para-public par la C.N.S.S. mieux développé.
"

'21
('
S'il est vrai que, depuis quelques années, il Y a
eu amt§lioration du service rendu en structures et en person-
nels qu'~l y a 30 ans, il reste que l'image de la médecine
qui se développe, liée au système économique en développement,
est celle d'une médecine de classe; ce qui aura pour consé-
quence d'accro~tre davantage la misère des masses déshéritées.
Qu'en est-il des conditions sociales de la jeunesse
scolarisée ?
Le m~que de moyens financiers pour le paiement du
trousseau scolaire qui hier encore était gratuit, le manque
d'infrastructures sanitaires libres pour les enfants des pau-
vres la1ssentla jeunesse gabonaise dans une situation d'insé-
curité.
Dans la mesure où le travail représente le centre
de la vie économique, sociale et politique, les problèmes fon-
damentaux des jeunes ne peuvent trouver leur solution que dans
le développement général de la société. Et tant que la pre-
mière place de l'échelle des valeurs restera conquise ici-bas
.'
par le pouvoir de l'argent et l'habileté à accumuler les pro-
fits par le travail d'autrui, le jeune, dès ses premiers pas
et en contact avec une telle société, ressentira inévitable-
ment l'aversion.
Si, en principe, tous les étudiants gabonais sont
boursiers, de ~êffie que les lycéens, si en principe une alloca-
tion. logen::ent cie 11 eGO F.:::FA à 14 00(1 F.CFA, un trousseau
annuel de 50 CC'O F. CFA. est alloué aux étudiants avec un com-
plément cie 25 ccc :r.CFA pour les grandes vacances, des presta-
tians familiales et soins gratuits, dans les faits, de J

'22
.11
nombreuses coupures de bourses injustifiées mettent bon nom-
bre d'entre eux dans des difficu1tés inextricab~es. Pour la
se~e année 1976, i~ Y a eu 600 coupures de bourses pour les
seuls étudiants gabonais résidant en Europe.
Les conditions matérielles de la j ("';l.UlSd..::e scolari-
see l'empêchent de suivre ses études dégagée de tout souci.
Plus des 3/4 des jeunes Gabonais sont issus d'un milieu rural.
Le manque d'argent se fait douloureusement sentir, le budget
de l'écolier comprend les frais de scoTariti 10 000 à 20 000 FCFA
par an qui doivent ~tre versés au moment de l'inscription.
Certaines familles paient en retard, d'autres ne paieront
jamais.
Les dépenses s'accumulent. Les outils d'écoliers
sont onéreux, cahiers, stylos, compas, règle, gomme ... Le
prix des livres de classe est inabordable. A titre d'exemple,
la fourniture en livres d'un élève de 6è coûte environ
,
20 000 à 30 000 F.CFA pour l'année. Certains élèves ne peuvent
supporter cette dépense et se privent donc de certains livres .
.'
Un système de bourse est prévu et les boursiers
sont nombreux. Les demandes le sont encore davanta@e.
L'éloignement de l'école ne pose pas seulement des
problèmes financiers.
Suivre sa scolarité daLS une ville si-
tuée à une cin~~u:lrLtaine de kilomètres du village natal impli-
que
quitter s& facille, au moins pour un trimestre sinon
-::,0 ur'
l ' c.nné e •
Four les élèves externes, dont le nombre croît &vec
le d éve Lcppemerrt c es écoles e t
les c oupur-e s des bourses, les
conditions de travail sont peu propices aux études. L'~lève.

'23
,JI
qui rentre le soir dans sa fami~le doit souvent s'acquitter
des travaux communautaires. Les f1~les connaissent des dif-
ficultés plus grandes encore: leur condition d'écolière ne
peut en aucun cas les dispenser des travaux ménagers, sauf
pour certaines d'entre elles issues de familles aisées des
grandes villes. Ménage, lavage, soin des enfants plus jeunes,
cuisine restent des obligations, malgré les études.
Pour apprendre les leçons le soir, il n'y a que la
lampe tempête à pétrole.
A l'ouverture de l'année internationale de l'enfance
le 18 janvier 1979, Michel Antchouey, ministre gabonais du
plan, a souligné que "les effectifs de l'enseignement du Ga-
bon étaient passés de 61 300 en 1963 à 121 400 en 1975 pour
le primaire, et 1 982 en 1965 à 12 063 en 1975 pour le secon-
daire. On prévoit en 1980, 152 000 élèves dans le primaire et
23 eoo dans le secondaire".
Si le ministre n'a rien dit des causes des déper-
ditions et sur les prévisions de l'ensemble du supérieur,
c'est que dans les faits, il n'y a que 15 à 20 r d'élèves qui
arrivent à terminer leurs études supérieures, ce qui signifie
que 80 à 85 r d'adolescents arriveront dans le monde du tra-
vail sans aucune formation générale ou de qualification pro-
fessionnelle ; surtout quand on sait que les entreprises ins-
tallées au ,jabon, qui ont créé àes centres èe fOrL-2tion pro-
::'ç3sic:.::ù.i.elle COI:I.:.o;; la :::;c.-1.1GG, se limitent en général à donner
- en fonction de leurs besoins - un apprentissage pratique
c.irigé vers l'acquisition ô.'une habileté éléI:!lentaire, on ne
peut envier l'avenir de ces jeunes.

324
..
En 1970, la revue Documentation ~rançaise indiquait
déjà qu'au Gabon, il n'y a que 40 % d'élèves seulement qui
passent leur certi~icat d'études; 20 % qui rentrent en 6è ;
10 5c en 3è et 2 continuent ensuite. Conclusion : le caractère
sélectif de cet enseignement renforce les barrières d'accès
et de poursuite d'études; en un mot, l'insécurité des en-
fants des masses déshéritées. Déjà l'âge d'entrée au cours
préparatoire première année est limité à 6 ans; 11 ans en 6è.
La voie de la libre entreprise trouve gain de cause ici aussi.
Lorsqu'on renvoie massivement de nombreux élèves
des établissements publics pour le besoin de nombreux éta-
blissements privés qui prolifèrent et poussent comme des
champignons dans tout le pays (1). Il s'ajoute à ces barrièreé
la fixation arbitraire du nombre de reçus à certains examens.
Il s'y ajoute le manque d'infrastructures adéquates
insuffisance de locaux et d'équipements, insuffisance du per-
sonnel enseignant, insuffisance de :.ournitures scolaires
(bibliothèques, laboratoires ... ) à tel point qu'on arrive à
une surcharge des classes (40 élèves environ par classe) et
une systématisation des cours à mi-temps.
~'est ainsi que se pose le problèce de l'er~eiene-
C2?it21istés sous-àivslopp~es. ~u-delà de l'alph~b~tisation
l1) ]e sont: lE coure _r.~ourouet 27 OCO ?~F~ d'in:c~iFtion ;
=.:".E'. 2 CC'C ?'-';?;~ d e :r::.:.is p·:..:.r trim.estre, t:!"'8.l:SP01---C COrJ.-
1=1:'i::: ;
COUY''::;
Cnd o et ;ïls ~ Cyee: 2S oce }?~~'.':" de frais
"\\T~~l"'is.bles eui ve.n t L:
:2.{~.s~.:e ; ';.',-.• ''} ...., _. ~ =it:::..::. =7 5CC ?;
le ccll2ce "~~spoir" ; cours:::eprosso, cours Delta, cours
Joulinbti, collège de la Lat i on , institut Albert Schweit-
zer.
J
.

325
..
des masses à propos de laquelle il est facile de faire l'ac-
cord se pose le problème d'écrire et réécrire l'histoire na-
tionale.
Si le désir d'industrialiser le pays exige la for-
mation technique des jeunes et donc l'ouverture des collèges
et universités etc ... ~ais l'organisation d'un enseignement
qui répond aux besoins du pays ne doit-il pas avant tout
définir' des rapports nouveaux avec le système scolaire de
l'ancienne métropole coloniale? A la réflexion, l'ancien
système, qui reste tel aujourd'hui, a pour but de reproduire
le système capitaliste en développement. Et cette tendance
sera de plus en plus marquée dans les années à venir, Dans
l'avenir, la situation se présentera ainsi: la formation et
la qualification de la main-d'oeuvre gabonaise sera fonction
comme toujours des besoins des entreprises monopolistes in-
tern~tionales;de la classe des privilégiés gabonais; une
masse de manoeuvres sans instruction - ou presque - pour les
trava~x d'industrie, des champs, quelques ouvriers qualifiés
et des techniciens formés par les entreprises installées au
Gabon, un certain nombre de cadres moyens et supérieurs formés
dans les universités turoréennes et africaines.
Cette orien:ation convient parfaitement à l~ te~an~e
cie l~ r'o rraat Lon sociale capitaliste. Seule la surproduction
~e d~~ler:es en enseisnecent général ne der:eurera pas lc~~~eup2
encore sans poser ~e problèLes. ~~ ces jeunes qui n'acceptent
plus un travail m2nuel, pour qUi la sécurité est maintenant
fonction de la qualification professionnelle, de l'instruction
trouveront-ils un emploi de bureau demain ou bien sontLils des
chemeurs en préparation ?

'26
of'
§ 2 - Qh&m!g!, répression 8ypd1ca1e et 1uttes soc~a1es.
Ch~mage, ~pre88~0J1 8ynd~oaJ.e et J.uttes sociales
-. sont
~nvers de la méda~lle du modèle de développement en
cours au Gabon aujourd'hui.
Conna1tre les causes et les développements de ce
tryptique, tel est l'objet de cette partie de notre étude.
Dans un premier stade, nous examinerons le chemage et dans un
deuxième temps, nous étudierons la répression syndicale et les
luttes sociales.
A) Le ch~mage.
Depuis 1923, d'après sauter, plus de 2 000 (person-
nes) jeunes ont été enlevées ou attirées par les personnes de
la colonie, soit un prélèvement d'environ 10 %de la popula-
tion adulte mâle ; ceci pour le seul Wolew-NTem, région quien
avait déjà fourni 939 sur 2 167 pour tout le Gabon en 1921.
L'élément masculin prédomine en ville et dans les chantiers.
..
En 1951, selon cet auteur, la population â~e de plus de 15
ans offre un sexe ratio déjà très déséquilibré (alors que
femmes, vieillards et enfants restent seuls dans les villages).
A l'époque, Libreville compte 835 femmes pour 10 aGC
habi t.an t s ,
Si Libreville compte, en 1949, 10 000 habitants,
cette population atteindra 2S 603 habitants entre 1~60-1S61.
~lors que celle de rort-~entil se sera accrue de 1S57 à 1Sô~
c:.e 71 ).• ::Jans :Le mêrr.e 't er.p s , le taux c es s a.ï.az-Lé s s' élève a
44,2 ;, dans le prer:.ier cas et 17, 2 ~" dans le deuxième.

327
"
Ceci montre que, malgré le fait d'une faible popu-
lation, le Gabon conna!t déjà à l'époque l'exode rural et le
chômage, soit 29 % des chômeurs connus. En 1967, d'après une
étude faite par l'ORSTOM (1), les demandes d'emploi dans la
ville de Libreville s'élèvent à
376 pour 794 offres.
Depuis, l'exode rural et le chômage n'ont fait que
s'accentuer car, comme l'indique Bouet dans l'étude précitée,
"si la tradition de départ d'hommes jeunes vers les lieux de
travail du secteur privé (chantiers ou villes) a depuis long-
temps existé, les modalités ont changé. L'ère coloniale a été
celle de la contrainte, d'abord physique, puis plus ou moins
persuasive. Actuellement, si la contrainte a disparu, la ten-
tation l'a remplacée. La ville est une vitrine qui motive une
foule de convoitises ne pouvant être satisfaites qu'avec l'ar-
gent, c'est-à-dire avec la certitude préalable d'avoir un
emploi et de connaître le lieu ae son travail. Il va vers la
ville à la recherche de cet emploi".
..
Il découle de ce qui vient d'être dit que si, en
théorie, le Gabon n'est pas censé connaître le chômage, en
fait, depuis l'époque coloniale, le chômage y a droit de cité
et ce, d t au t a rrt plus que des trusts comme la Cm~ILOG, la
:;1~'";;'I
_..J..l.J.l.
etc • .. •
ont
.. ....
1-'................
-.
ven i r d e 12. r:.ain-
',J
t ou iour
....
s
'l...4..L......
""'~f'o,...6
'~.........
f'aa r-e
en-
t.r-e t e-iarrt une r.1.sse de r:anoeuvres sans c:.uali:~ication Clue l'or.
teL.:ité Ge l'::;.c~ivits - conoru que , le chômage ira croissant.
(1) Cf. Cahiers O~3~OM Vol. X nQ 2/3 1973.

328

M. Ikabangca Firmin signale que 8 ~ seulement de la
population totale est employée, soit 14 % de la population
active. La tendance générale est m~me à la baisse des effec-
tifs surtout dans le secteur forestier. Qu'en 1975, sur
950 000 habitants, le Gabon n'avait que 95 000 salariés soit
seulement 1/10 de la population totale. Le secteur forestier
n'employait que 15 820 personnes et les mines 6 700, soit
moins d'un quart du nombre total des salariés (1),
Toutefois, tous ces chiffres sont à prendre avec
circonspection car ils ne tiennent pas compte du nombre des
imnigrés sans travail ni des travailleurs nationaux chômeurs
qui sont pour la plupart inconnus de la direction de la
main-d'oeuvre et des inspecteurs du travail.
Autrement dit, l'importance du chômage augmente au
Gabon depuis 1923, au fur et à mesure que le capitalisme se
àéveloppe avec un bond tout particulier en 1977, comme le
montrent les chiffres sur les licenciements intervenus depuis .
.'
Dès lors, une question se pose : pourquoi et comment
expliquer qu'il existe le chemage au Gabon, pays réputé riche
avec une faible population ?
En effet, le Gabon compterait, selon certains,
950 000 habitants (Marchés tropicaux, spécial Gabon 1977).
Selon d'autres,
million 200 OCO habitants (selon les pou-
voirs publics), très inégalement répartis sur un territoire
relativement vaste de 267 OCO km2 soit, si on prend le chiffre
officiel, 4,7 habitants au km2.
(1) Cf. Ikabanga Firmin, Thèse, op.Cité, p. 75.

329
Selon les régions du pays, les zones industrielles
ont un fort pourcentage. Le co.~ficient d'urbanisation est
de 28 à 29 % ; l'accroissement de la population est de 167 ~
à l'Estuaire, 112 %dans le Haut-Ogooué, 95 % dans l'Ogooué
Maritime contre 6 ~ dans l'Ogooué-Lolo.
Les zones non habitées : montagnes, forêts, plaines
et plateaux couvrent les 2/3 du territoire; le reste du ter-
ritoire étant occupé par une population (à l'exception des
centres urbains) qui vit dispersée dans des villages isolés.
Cette population se caractÉrise par sa jeunesse,
estimée à 55 ;-, de 0 à 25 ans. Quelles sont alors les causes
du chômage ?
Elles sont de deux ordres.
1Q) Avec le développement de la crise économique
mondiale, le capital se débarrasse en premier lieu de la forcE
de travail devenue excédentaire; il en profite également
pour' réorganiser son appareil productif de manière à augmente:::
la productivité et l'intensité des travailleurs non licenciés .
.'
afin de réduire ainsi davantage les dépenses de capital va-
riable et augnenter son taux de plus-value. Le ,gonflement de
l'a~ée des chômeurs permet par là même de faire pression sur
=- es s8.laire:::. e t
ci' ac c r o î t r-e encore l' eXl~loit2.t iOI:,
surtout
oar e ur; p:~ys c orz.e le .]&'bon ci; l' inorcaLisation des travail-
>mrs y c cnccur-t pou r be auc oup à cet
t at de
chose.
é
les è.i:Ci'icultssies pd.ys c orar.e le -;aoon.

- - - - - - - - - -
330
. f
..
Il s'ensuit une suppression d'emplois dans les
secteurs non rentables.
2Q) La deuxième explication est que le chômage est
une arme pour le patronat en ce sens qu'il lui permet de
maintenir une pression constante sur les salariés. Ceux qui
sont pourvus d'un emploi savent que le patron trouvera quel-
qu'un pour les remplacer du jour au lendemain (la concurrence)
et sont tenus en laisse. En ce sens aussi que le patronat
~aintient une masse de travailleurs à sa disposition en cas
de besoin supplémentaire et momentané de travail (exportation
ou commandes inattendues).
Mais les chÔmeurs ne sont pas les seuls à être ainsi
manoeuvrés ; il Y a aussi les travailleurs immigrés.
le phénomène de l'immigration s'explique, lui aussi,
comme une des caractéristiques de l'exportation capitaliste
eL; cie l'acc~ul2.tion.::;ette accU2ulation·a des conséquences
qui nous intéressent i c i : les capitaux accumulés dans les
..
pays capitalistes d éve.Lo ppé s deviennent en surnombre par rap-
port aux taux de profi t "raisonnable" que les capitalistes
souhaiteraient tirer; ils débordent littéralement le cadre
national et vont s'investir à l'étranger, là où le taux de
;roÎit est ~~il~eur. ::;'est le ;~~nonène de l'export2tion oss
norioz:e C,;.8 -cr::..v:..,illeurs don t a oe s oa n ce capital tend à aug-
trcuve~: ?:2 ~ tr~v2.illsr ; ceci peuL; p&raitre ccnL;r~dictoire
dans un pays comme le Gabon, mais il n'en est ainsi qulen

apparence). De l'autre côté, les capitalistes trouvent inté-
rêt à ~a1re venir de véritables esclaves des autres pays
comme la Haute-Volta, le Congo, privés de tout droit afin de
semer la division au sein des ouvriers travaillant au Gabon
et les exploiter sans regimber.
Le journal "Union" daté du 1er juin 1979 (p.5) note
à ce propos que le recensement des travailleurs immigrés
"contre toute attente, les employeurs font preuve de mauvaise
volonté. Certains renvoient des réponses fausses; les autres
se dérobent. Le code du travail n'étant pas aussi précis,
aussi efficace que le code de procédure pénale, la direction
générale et la direction des travailleurs immigrés ne peuvent
pas sanctionner ces employeurs malhonnêtes".
De m~me, le rapport d'activités établi par M.
Ebobola, directeur général du travail, révèle que sur 9 050
contrats de travail passés en 1976-77, la direction générale
des travailleurs immigrés avait visé 9 080 renouvellements.
soit une moyenne de 757 contrats et 2 839 renouvellements
visés au cours de l'année 1978. Selon~. Ebobola, la moyenne
mensuelle serait passée à 672 avec un taux de régression de
11 ,2 5·.
:::ette réaression
-
, selon l'Gnion, s'expli~uerait
p~r ~_ ce~~in ralentissenent ae l'activité ~cono~ique et par
les diverses compressions de personnel opérées dans les so-
ci-;'t;:::..
Les s ec t euz-s les j.Lus tC"'Cl::'~S sers.ient : le Ü1:.ir::.d:':
et t rovaux publics, les :-.ines et le pétrole, la f'o r ê t et l' a-
griculture, la pêche, coumerce, banque, les transports, hôte-
lier, eau et électricité, ·services domestiques, servic~a diverE

332
c'est ainsi que la société S.O.A.C.O., en fermant
les portes en 1978, a fait partir 1 75' travailleurs étran-
gers qu'elle employait. La société SOeOE! qui, en 1977, avait
un effectif de 5 397 immigrés, n'en avait plus que 2 005 en
1978. La C.E.r., en "bouclant ses valises" en 1978, a licencié
230 travailleurs. La SOFRATF employant 2 108 travailleurs im-
migrés en 1977, a licencié 1 703 en 1978. L'EUTRAG a licencié
1 010 en 1978.
Le tableau classant la main-d'oeuvre par nationalité
donnait en fin de compte les résultats suivants:
1Q) main-d'oeuvre française: 30,75 ~ de l'ensemble des tra-
vailleurs immigrés au Gabon avec 423 contrats réVisés.
22) main-d'oeuvre camerounaise: 18,63 %, 231 contrats révisés
"
"
sénagalaise : 1 458 unités, en augmentation
de 14 % par rapport à l'année 1977.
4Q) Togolais · 896
·
.
52) Maliens
699
6Q)
.
Congolais
668
.'
72) Béninois · 645
·
82 ) Voltaïques: 529
92 ) 3quato-Guinéens : 236...
c'est ainsi que le capital international a toujours
traité les pro14taires : déportés en masse et surexploités
dans les périodes de prospérité, jetés à la rue ou dans le ca~
Ces iWkigr~s, r~foul~s à la frontière dans les périodes de
cri se.
La classe Ges capitalistes du pays o~ les prolé-
taires travaillent, après les avoir exploités des annéss

"3
durant. dè8 lor8 qu'elle n'en a plus besoin, les oblige à
retoUl"D8r 4ane ~eur pays où l.es at"tendent la famine et le
ch~mage.
Ainsi, suivant les informations de la presse, en
1974, plus de 190 000 ouvriers immigrés venus d'Italie, de
Turquie devaient quitter l'Allemagne occidentale. En 1979,
le gouvernement français faisait voter une loi, "la loi Bonnet
visant à réduire de plus de 100 000 personnes par an le nombre
de travailleurs immigrés en France ...
La situation de ces "nouveaux esclaves", si elle
s'est détériorée de 1977-1978, c'est par suite de la crise
économique et financière qui ne cesse de s'étendre et s'ap-
profondir au Gabon d'année en année. Et comme dans toute for-
mation économique et sociale capitaliste, la recette, pour
résoudre la crise, est de la rejeter sur le dos des masses
travailleuses; on conprendra que le blocage des salaires, la
hausse des prix, des impôts, les licenciements ne peuvent être
que partout à l'ordre du jour. zt ceci touche, en premier lieL
.'
les travailleurs immigrés qui sont les moins protégés par la
loi.
C'est dans ce sens que furent pris les décrets du
:,1 ::&i
1~'6E c onpLé té s par celui du 5 juillet 1~'72 sti::;-\\J~3.."lt
aux ]abonais.
~t cieLs le cas o~ il n'y avait ras
travail-
-
' .
- . - . . '
-,
-:
.
. '
__ 2~2."
6s.,:jcn~l~
'-:.i.<.é-:...L:;'~lç,
.... é::.I-..Loyeur
j.ouv aa 't eL[,ê::..cer un ~ra-
"1
' t
, -
,
val_ eur e ranger, a condition ue lui adjoinùre ur ;~oonais ~
::':'Ol'::.e1' ; lé tr::..v:;;.illeill':!:::.:.::;cn2.is d evar.t r-e np.Ia c er- le trc..vé.:.il-
leur étranger dès qu'il serait capable ...

334
Il est à noter que cette Lain-d'oeuvre immigrée,
qui est souvent recrutée directement par les patrons l'est
parfois aussi avec la caution de l'Etat, comme le prévoit la
convention signée en 1975 entre le Gabon et la Haute-Volta.
De tels accords, semblables à des accords entre
marchands et vendeurs d'esclaves, ne sont pas sans intérêt
pour les parties contractantes. Et l'on peut oser avancer,
sanE risque de se tromper, qu'ils constituent une source de
profit, de devises pour les Etats fournisseurs et les capita-
listes; et que les entreprises capitalistes installées au
Gabon voient dans cette immigration la possibilité de dispose~
d'un volant de main-d'oeuvre souple, mobile, privœ de tout
droit, soumise à la menace permanente de l'expulsion.
Pour ce qui est de l'immigration campagne-ville,
s'il y a une immigration, ce sont les paysans prolétaires qui
VOLt vers les ~rincip~ux centres industriels. Et c'est le
capital qui, par diverses méthodes, oblige le paysan à aban-
donner les économies de subsistance
car les besoins d'ar-
.'
gent l'obligent à quitter son village pour aller à la recherch(
d'un travail hypothétique.
Bans oublier que la chute des cours du marché l'aura
vite ruiné et que les impôts qui lui sont demandés sont une
forme indirecte d'exploitation, car le budget du pays sert en
majorité à re~bourser des prêts et les intérêts que l'Etat
développés
néo-colonial doit aux pays capitali~tes/ ou à subventionner
les capitalistes. C'est ce mécanisme qui crée des chômeurs
qui vont vé~ter dans les villes, s'entasser dans les bidon-
villes. Et comme le nombre de paysans appauvris augmente

"5
beaucoup plus vite que la population ayant un emploi, on
assiste à ceci que 1e nombre de ch8meurs augmente. A cela
s'ajoutent les faillites et les départs des capitalistes
étrangers vers des pays où le profit les attire davantage.
L'immigration, comme l'explique Patrick Méraud (1),
est motivée parce que : l'ar~nt ! il en faut pour s'offrir
tout ce qui s'impose sur le marché. La vente des produits
agricoles ne permettant que de maigres bénéfices, les jeunes
cherchent des métiers plus rémunérateurs. Les revenus d'un
agriculteur permettent juste de vivre avec des ,ressources
locales mais ne suffisent aucunement pour s'offrir àes arti-
cles importés qui, s'ils sont européens, coûtent pratiquement
le double de leur prix en r~étropole. Quand un jeune rural
veut s'acheter un pantalon, une chemise, il lui faut écono-
miser pendant plusieurs mois, voire des années ou attendre ce
r~re mandat ~ue pourrait :ui envoyer un parent. Four ~OUê les
jeunes, partir en ville, trouver ur- travail lucratif pour enfi.
épargner est lé.; seule solution idéale. Sans aucune L;.1.4alifica-
.'
tion professionnelle, souvent à peine lettrés, ils espèrent
tro~~er du travail.
Les villes se transforment alors en refuge de mi-
ss::e d cn t
i l s et
:!=,rs.til(ile::er10 irlpcsEible d'y
chapper , ;. son
é
': - ..,.., ~ ~.,..=..: Q
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_~._...J
~
..4.
...
L , u _ ... __
,
J..t::::
l_C'lÀ-ve.....r...
arrivan~ pl sir- _'ii-
camEagnes. En quelques semaines, la situation devient ~rama­
(1) In La vie suotidienne en Afrique noire à travers la lit-
térature, ed. Earrr:3.ttan :~77.

"6
tique. Un seul remède - avoir recours à l'hospitalité d'un
ami ou d'un proche paren1i.
B) Répression syndicale et luttes sociales.
La tendance caractéristique des rapports de produc-
tion capitalistes est de faire continuellement pression sur
les salaires afin qu'ils se maintiennent à un niveau relati-
vement bas. Et cette tendance se manifeste avec plus de force
dans les pays comme le Gabon où la plupart des syndicats ou-
vriers ont été muselés par les gouvernements et le droit de
grève interdit.
En effet, la naissance des partis politiques et des
mouvements syndicaux en Afrique ne s'est pas faite sans dif-
ficultés dar-s les territoires coloniaux d'Afrique au Sud du
Sahara.
3ien avant la deuxième guerre mondiale, l'adminis-
tration coloniale française a d'abord opposé un refus à la
constitution de tout mouvement syndical. Elle fut obligée p2r
la suite de tolérer dans cette partie d'outre-mer l'existence
d'associations syndicales.
Il fallut attendre la deuxième guerre mondiale pour
que l'adcinistr2tion coloniale recor~üt le droit QS l'ouvrier
er. Afrique Cd[e ci 'un cor-: r-omâ s ; mais aussi pour rr i eux ccn-
Le s ynd ics.lis;::e o:;e gêné rali sera vers le 2 c. 'Y"Ir.;;" .Cl C"
....... .L ....... ~v
'.... "-'
~~r l~ loi port~~~ code ~~ tr2v&il è.~~s l'enEecble ~es colo-
nies françaises.

Ce mouvement syndical eut pour caractéristiques
d
classe bien défi-
essentiel1es
l'absenoe d'un programme
e
ni ; un nombre de syndiqués très peu élevé (cela est en rap-
port avec le taux relativement élevés de salariés dans cette
période). L'absence d'un programme de classe bien défini fait
de ce mouvement un mouvement réformiste.
Presque tous ces syndicats étaient des filiales
des syndicats français dont ils étaient l'émanation directe.
Et, au Gabon, il existait avant le 25 juillet 1969,
trois
centrales syndicales, à savoir:
- la Confédération générale des travailleurs gabonais ( CGTG)
"
nationale
Il
croyants (CNTC)
"
"
"
gabonais (CNTD)
Mais le 25 juillet 1969, ces centrales syndicales
furent contraintes à fusionner.
Ce processus a commencé lors
du 80nerès du 3.D.G.
(310c démocratique gabonais) le 21 août
1963 au cours duquel Joseph Ngoua, ministre de la Défense na-
tionale de l'4poque, se livra à une "étude" sur le syndica-
.'
lisrne dont nous pouvons résumer les conclusions de la manière
suivante
D'après cet orateur, le syndicalisme a peu de vita-
lité en .~.• .:::. r , et L..\\.;.}aoon. Les r-e s.pons ab Les actuels s erab.Lerrt
leu ~u:.:.:.2.i=ï';: e t Le uz: cic:icn s'exerce Uéi!13 le -..ride. La deü-
x i èr.e pa.r-t Le :':"'2 son Y'é:lT};ort, après avoir passé en revue les
toute tentative d'action subversive et d'observer unepttitude

circonspecte à 1'égard du syndicalisme en généra~".
I.- rapport souligne dans ce même sens que "~a po-
~itique du gouvernement gabonais semb~e être inspirée du
doub~e souci de se préserver de toute ingérence politique et
particulièrement de tout soutien aux mouvements d'opposition
et d'éviter qu'à l'heure de la décolonisation, une agitation
sociale intempestive ne vienne compromettre la situation éco-
nomique et décourager les investissements".
"En conclusion, il est indispensable d'unifier les
syndicats, il y a intérêt pour le gouvernement à capter les
forces latentes du syndicalisme pour en faire l'instrument
du pouvoir".
Cet effort d'intégration des syndicats sera systé-
matisé le 25 juillet 1969, lors d'une réunion extraordinaire
des dirigeants de la CGTG, la CNTG, de la CNTC qui décidera
de la fusion de ces trois centrales en prétextant que "nous
avons pris cette mesure en l'absence du chef de l'Etat, ac-
tuellement en visite en France, pour montrer la paix sociale
p'
qui règne au Gabon depuis la prise de pouvoir du Président
Bongo, nous n'avons eu, en effet, qu'à nous féliciter à plu-
sieurs reprises de l'augmentation du SMIG intervenue en 1968
et 1969", En fait, ce qui s'est passé c'est que depuis Avril
:~69, une assemblée générale regroupant la CNTG et d'autres
fo~ations syndicales, avait eu lieu sous la pression du gou-
Vé::::.'r... cr.en t
en vue cie consti tuer un syndicat unique intégré.
~ussi le comité issu de cette assemblée générale aura-t-il
TOu.r ~ission2 : l'~laborcttioL des statuts et la préparqtion
d'un congrès constitutif. Ce phénomène qui consiste à ~ettre

'"
·
fin au p1ura11ame syndical et k toute ve~é~té d'opposition
du mou'9'8llellt 8ynd1ca~ va de pa1.r avec ~'évo~ution vers le
6yst~me de parti unique dominant. En 1968 déjà, le Parti dé-
mocratique gabonais issu du bloc démocratique gabonais, avait
dissout tous les partis d'opposition, à savoir l'Union démo-
cratique et sociale du Gabon, le Parti de l'unité nationale
du Gabon. La justification étant vite faite.
Selon l'éternel requiem "les nécessités du dévelop-
pement économique doivent prévaloir sur toutes les autres
considérations, les travailleurs doivent cesser de faire des
grèves et s'en remettre au gouvernement qui place au premier
plan de ses préoccupations les besoins des travailleurs".
en comprend dès lors que la Fédération syndicale
Gabonaise (aujourd'hui Confédération syndicale gabonaise) dé-
pende étroitement du P.D.G. et du gouvernement; que la dé-
fense des intérêts des travailleurs contre le patronat et la
lutte pour la transformation de la société ne soient pas la
préoccupation de la Fesyga ; que la Fesyga affiche que son
rele est "le maintien de la stabilité et de la paix sociale
au Gabon ; la collaboration avec le gouvernement et le parti
dé~ocratique gabonais à l'élaboration de la politique écono-
=i::ue et sociale è.u pays" (1).
Voil~ pourquoi le frésident de la aépublique gabo-
r; ,:ü se
peut r-appe Ler à la Fe sy ga scn rôle en ces terr:es : "Que
:~ 7esyga fasse son travail.
Il y a trop de petites grèves
~f. Article 2 des statuts de la Cosyga (confédération
syndicale gdbonaise).

sauvages. J'ignore quel est le rôle du syndicat en ce moment.
Trois personnes s'entendent arrêt de travail; deux personnes
s'entendent arrêt de travail.
Mais avant que je prenne des mesures, parce que
j'avais dit qu'il y aura répression, si nous voulons un Gabon
économique fort, nouS devons éviter les petites grèves sau-
vages.
Âvant d'en arriver à la répression, je demande à
la Fesyga de faire son travail pour éviter les arrêts de tra-
vail, Sinon, c'est la Fesyga qui connaîtra la répression dont
j'avais parlé le 30 décembre dernier n (1).
Et depuis que la Fesyga a été constituée en tant
qu'organe du P.D.G. pour garantir la paix sociale, les négo-
ciations entre les syndicats professionnels et les syndicats
patronaux sont devenues une question de pure forme; c'est
le bouvernement qui, après consultation du patronat et de la
Fesyga, fixe le S~IG, bloque les salaires etc ...
Mais cela n'est pas un signe de paix sociale car la
.'
logique des choses ici l'emporte sur toute autre logique puis-
que quelques années après, le quotidien gouvernemental Union
écrira, à propos des rapports entre les chefs d'entreprises
et leurs e~ployés à Port-Gentil: "A l'intérieur des entre-
prises, de nombreux problèmes subsistent; le mécontentement
des employés va grandissant car le dialogue entre le sommet
et la base Gevient presque inexistant, Les patrons des
(1) Paru dans le journal Union du 11 mars. Voir aussi Marchés
tropicaux nQ 1646, 27 mai 1977, p. 1302.
1

341
\\~
..
entreprises ne 88 80ucient que de la rentabilité de leurs
~~a1res.
De nombreux travailleurs nous ont avoué qu'ils
n'ont jamais approché leur patron parce que, ne pouvant même
pas le voir, les comités de concertation économique et so-
ciale deviennent une espèce de clubs de privilégiés où le
compte-rendu des réunions est rarement rapporté aux ouvriers.
D'ailleurs, au coeur des réunions, on tourne toujours autour
du pot. Aucun problème concret n'est traité. Souvent les
voeux des délégués du personnel ne sont pas pris au sérieux.
Avouons sincèrement que bon nombre d'entreprises n'ont pas
de délégués et tout est fait par la direction de l'entreprisé
Cette situation nous rappelle bien celle qui pré-
vaut au sein des comités d'entreprises françaises - dont les
comités de concertation économique et sociale gabonais a pris
le ~odèle - où les modalités de fonctionnement mises en place
interdisent aux salariés d'exercer une véritable influence
sur quelque 41ément que ce soit de la politique Ge l'entre-
prise. Daniel Eothé rend. compte de l'impasse où en est le dé-
légué du personnel en montrant comment la rétention de l'in-
formation, l'absence de prise en considération des thèses sou-
t enue s par Les r-e pr'é serrtarrt s des salariés ; 12. d i Lut Lor. d e s
d'~ 0::0. t 3 pouva i ent prcgr-e ssiv err er.t trar.sf" orrne r le foncti onner.er.t
c~tur co~ité d'entrepri[e e~ rite vidé de sens .
.l.L
s'en s1..<.i(;'"1..(:;; ~'ini"orrJ&..tion,
l'exrl~es2ior..
et:i::;,
:="~;.l:= s.o ci a Le r e c ae r'cné e r~'existeLt n2.. 2 dans ces cor... .Lit Lon a.
(1) Cf. Union
du 5 octobre 1978, p. 3.

342
Aussi, nombreuses sont les grèves, selon les dires
de la Fesyga qui, "sont à l'origine; suivant les déclarations
des travailleurs ; des mauvais rapports entre employeurs et
nous dues à la mauvaise interprétation de la législation du
travail par les employeurs. Cet état de choses a persisté
jusqu'en 1976. Les négociations sur les salaires ont connu
un échec cuisant, si l'on considère les résultats obtenus en
dépi t des vaines tentatives à limiter ces mouvements de grève"
(1), à telle enseigne qu'il est difficile de dire qu'au Gabon
les salariés obtiennent des mesures de limitation du pouvoir
patronal par le jeu des conventions collectives mais beaucoup
plus par le jeu de la grève, quand celle-ci leur est favorable
En principe, selon l'article 249 du code du travail
(loi 1978), la grève est interdite au Gabon avant l'épuisement
des procédés ou en violation du conseil d'arbitrage. Ce qui
veut dire que les trévailleurs au Gabon doivent d'abord re-
courir aux procédures de rég1ement pacifique des conflits col-
lectifs 2vant d'user du droit de grève. En conséquence, les
.'
travailleurs commettraient une faute lourde, justifiant la
rupture du contrat de travail, dommages et intérêts, s'ils
s'abstenaient de recourir à ces procédures et m~me s'ils re-
c ou rt.d erit 8. La crève avant de les 2.voir épuisées. :2e1 est le
Jans les faits, les choses 2e passent ~utreDsLt.
, -
-,
-~c~:....t;çl'eLt
eL
~ ~ .04 à la GCLlJl" sont
" i j::::'=-.
~l:....-;:"ccrL; :i-e. ...;;é~inCiire ue la les./ga interafricain à
libreville du 12 au ~2 décembre 1977, p. 8.

,.
343
"Etudes écono-
décri tes de la manière suivante par la revue
miques du chemin de fer OWendo-Belinga"
"Dur avec eux,
(1)
:
les insultant, il (le chef garagiste) s'était mis à dos les
travailleurs.
Ce~x-ci arrivèrent un matin avec un quart d'heU}
de retard; le chef de garage perdit son sang-froid, les in-
sulta et les renvoya chez eux. Très montés, les travailleurs
se mirent en grève et avertirent la direction qu'ils ne re-
prendraient le travail que lorsque leur chef aurait quitté
son poste.
L'autre débrayage eut lieu au laboratoire, à la
suite d'un licenciement d'un employé. Ce dernier refusait
d'obéir à la chimiste européenne. Tout le personnel du labo-
ratoire débraya. Les délégués intervinrent, sans grand succès.
Tout se solda par une mise à pied de 5 jours".
Depuis 1964, ce mouvement s'est intensifié. Ne pou-
vant donner dans le détail, ni analyser le contenu de ces
luttes ici, nous nous contenterons de citer celles qui ont eu
ill1
écho à l'extérie~ .
.'
c'est ainsi qu'en 1968, au mois de ~ars, l~s tra-
vailleurs de }~ounana, à la sui te d'accidents mortels survenus
dans les mines d'uranium, protestèrent en déclenchant une
crÈ-:ve.
~Y1 1S'~C, l es "tr8,vè~illeUl's des ins talla ti ons portu-
2ires de Libreville ce ~irent en cr~ve pour revendiquer l'a-
c~:ior~tion ~u ~rix de leur force de "travail.
(1)
~f. J=D3S }aris 1ol.~II, T.I p. 41 cité par J. }ing,
op.cité, p.
161.

344
1971 : Les femmes de Libreville manifestèrent pour protester
d
l.eurs maisons avant l.'arrivée
coatre 1& destruction
e
"de Pompidou.
Mars 1972 : Grève des travailleurs de l'agence centrale de
Libreville avec séquestration du personnel de direction
1974
Grève des mineurs de Moanda et Mounana pour revendiquer
l'amélioration des conditions de travail et de salaire.
1975
Grève des travailleurs d'Hatton et Cookson avec séques-
tration du personnel de direction.
Du samedi 25 au mardi 28 septembre 1976 : Les ouvriers de la
société sucrière du Haut-Ogooué se mirent en grève et
furent réprimés par la gendarmerie.
En 1976 : Les ouvriers, employés et cadres gabonais de la
maison de commerce Mbolo se mirent en grève pendant 3
jours pour protester contre les mesures scélérates de
la direction de lo~bolo qui expulsai t un cadre gabonais.
- Grève des ouvriers de la CO~~CO à fort-Gentil.
- Grève des dockers de Port-Gentil pendant 15 jours pour
exiger l'amélioration de leurs salaires et conditions
de travail.
Grève des ouvriers de l'Eurotrag à Ndjolé pour exiger
des locements décents, l'amélioration des conditions de
travail et de r~œunération.
- la grève des dockers de fort-Gentil paralys~ c02rl~te-
~en~ les activit~s portuaires et bloqua l'activiti
c ommer-c i a Le pen.Larrt
15 jours; aUCUIl -J~"'ce~u Le lut 8.'::-
~
,
-
' . .
c~~rge.
Le 2lnls~re

345
..
Port-Gentil afin de régler le conflit à la satisfac-
tion des revendications des dockers : à savoir, aug-
mentation de 8 à 10 ~( des salaires les plus faibles.
1975-76 : Grève des étudiants de l'université de Libreville
avec séquestration du recteur pour exiger l'améliora-
tion de leurs conditions de vie et d'études.
Le 26 octobre 1976 : Grève des étudiants de l'Université de
Libreville sur les objectifs suivants:
1) manque de professeurs,
2) suppression arbitraire des bourses,
3) mauvaise gestion du CNOUS (Centre national des
oeuvres universitaires et sociales),
4) augmentation des loyers: le prix d'une chambre
passait de 4 000 à 6 GOO F.CFA,
5) revendication de la liberté syndicale, la liberté
à'expres~ion et Q'or~ardsation,
6) manque de crédits, malgré l'augmentation des ef-
fectifs,
.'
7) revendication du droit à participer à l'élaboration
des programmes universitaires,
&) contre les mesures du ministre de l'enseignement
~sselé te~Qant ~ ~iriter l'~&e è'entrer en c12s~e
de 2~cs ~ 17 ~nE, 2( ~ns ~ l'L.I~.G., contre les me-
2~~es s~lec~ives Q'i~2~itution ie ~~ti~res ~li~i~~-
~. t ud i an t s ~ 12 Euite d'Wle intoxic~tion a~i-

346
Janvier 1978 : Grève de protestation contre l'augmentation
d~s loyers, des tickets de restaurant (de 125 F.CFA à
250 F. CFA), la diminution du taux de bourse de 45 ~,
(de 842 FF à 580 FF), le retard chronique dans le paie-
ment des bourses et les suppressions massives de celles
ci. A la suite de quoi, de nombreux étudiants furent
enrôlés de force dans l'armée, la police, la gendar-
merie ..•
Et bien d'autres mouvements de lutte.
c'est dire qu'au travers de toutes ces luttes, des
contradictions d'intérêts existent au Gabon; qu'il y a ici
deux camps qui s'affrontent, et ces luttes ont le mérite de
situer le mouvement historique et s'insèrent dans le dévelop-
pement même des sociétés humaines.
0'est dire aussi que la réalité sociale et ses va-
leurs do~inante8 ont des effets sur la condition des diffé-
rentes classes et couches sociales de la société gabonaise .
.-'. cet égard, on peut dire que c'est une réalité déterrr.inée
.'
~v~t tout par les intérêts des rr:onopoles internationaux et
la
classe dirigeante gabonaise
par la dimension finan-
cière qui lui est consentie mais aussi par la nature et le
ch axp de l 'Litervention et les inciè.ences cl 'une telle option.
Gar la place laissée à l'~tat libéral pour manoeuvrer à l'in-
térieur de sa propre idéologie est limitée par son manque de
contrôle direct sur le capital, la production et la consomma-
tion.

347
CONCLUSION D'ENSEMBLE
---------------------
Au terme de cette partie de notre étude, quels sont
les principa~~ enseignements que nous pouvons tirer ?
Il se dégage de ce que nous avons vu plus haut que
les vingt dernières années qui viennent de s'écouler ont vu
un progrès sensible du niveau de développement de l'économie
gabonaise. La production intérieure brute est passée de 31
milliards à 760 milliards de francs CFA. Pays le moins peuplé,
il est devenu l'un des plus riches d'Afrique actuellement
après l'Afrique du Sud et la Libye, avec un P.I.B. de 3 300 $
par habitant (1).
Toute chose étant égale par ailleurs, nul doute que
ce progrès économique a indirectement ou directement eu des
répercussions sur les conditions de vie et de travail des
.'
différents membres de la société. Mais au vu des résultats
que nous venons de voir, on peut dire qu'il a plus amélioré
le niveau de vie des II pont e s " , c'est-à-dire de la classe pri-
vilégiée. Et qu'il a très peu réussi dans l'entreprise de
!'(~duction des ill,i€:....li tés et de la pauvr e t é ,
L'excessive ~l~vation du codt de la vie, les ~&U-
plus dé~unis sicnifient que pour ceux-là la question de justic
sociale reste un p!'oblème dont l'issue est so~bre.
(1) Cf. Le journal Le Monde du 31 janvier 1981, P. 9.

348
,"

écon- " que ne s'est
Pour ceux-
, la oroissance
UJU.L
traduite néoessairement par un progrès social lorsque,
pas
dans le m3me temps, les mécanismes d'un marché dominé par les
monopoles internationaux réduisent à peu de choses toute
mesure sociale qui aurait des effets défavorables sur leurs
bilans à partie double.
L'idéologie de la protection sociale comme résultat
de la croissance économique en donnant au concept développe-
ment un contenu qui n'est pas réel, peut donc ne pas faire
l'unanimité quand on sait quelles sont les nombreuses inéga-
lités de conditiomde vie, de travail, de logement, de santé,
d'emploi qui se maintiennent et se reproduisent dans le par-
cours.
c'est vrai que la pauvreté et l'insécurité sociale,
qui sont le lot des non "nantis", sont en partie liées au
sous-développement du ~abon, mais baser sa stratégie de pro-
grès social sur la séparation de l'économique et du social ne
peut aboutir qu'à donner une représentation imparfaite des
.'
maux que l'on cherche à soigner et des moyens à mettre en
oeuvre pour y faire face.
Cette façon de voir évacue les causes de la pauvreté
et ie l'insécurité sociale qui sont pour l'essentiel 12 do-
:;~iY_2.tion des r-ono po Les a.nt ez-nat t oneux , les anciennes puf s sance .
coloni21es et l'8tat àe dépe~d2nce dans lequel est p12c~ le
)anz tous les cas, cette liGne d'action n'a, jus-
~u'à ce jour, nulle par-t r é pondu à l'attente des l'I'.2.sses dé-
shéri tées ; ni dam les pays riches où la paupérisatiom. des'

349
('
Il
_oC
d
les pays pauvres où,
masses est en ausmentation ; ~
ans
malgré la présenoe de l'éoonomie libérale de la libre entre-
prise depuis plus d'un siècle, les résultats obtenus en ma-
tière sociale ne sont pas à la hauteur des richesses et du
travail fourni au prix de multiples sacrifices.
Ce que l'expérience des pays riches nous apprend,
c'est qu'un pays peut disposer d'une puissance matérielle es-
timable et n'offrir aucune sécurité sociale véritable.
S'il para î t évident que "le facteur économique est
le fondement sur lequel la superstructure est bâtie", mais le
modèle de développement en cours dans de nombreux pays riches
où en principe il est relativement facile de résoudre la
question sociale n'ayant pu le faire, le pourra-t-il en Afri-
que? Si l'on s'en tient aux résultats vus plus haut, il est
permis de douter.
Même si les Etats africains ont aujourd'hui à faire
face à des problèmes d'équipement qui ne sont pas négligeables
dans un monde dominé par des intérêts égo!stes, beaucoup plus
.'
que par une collaboration désintéressée, mais, les problèmes
principaux qu'ils ont à résoudre aujourd' hui sont beaucoup
plus ceux posés par un type de société, des structures écono-
miques et sociales qui sont devenus un obstacle au progrès
social des rr.asses laborieuses.
Bien plus, en abordant ces problèmes avec l'idéolo-
gie de ceux-là mêmes qui visent à perpétuer leur main-mise et
leur hégéLonie sur les peuples du rronde ; ceux qui conçoivent
et eL2agent l'avenir des pays pauvres, réussiront-ils leur
entreprise ?

350

Il apparaît en définitive, en théorie comme en pra-
tique, qu'en prônant la thèse: la protection sociale comme
résultat de la croissance économique, les dirigeants gabonais
optent pour une philosophie de la vie ; celle-là même qui a
toujours considéré le social comme subordonné à l'économique
ils donnent l'illusion que les inégalités sociales et l'in-
sécurité sociale des pauvres sont dues aux insuffisances d'un
système économique dont la politique sociale aurait pour but
de corriger; ils subordonnent l'individu à l'économique "car
dans la nouvelle optique qui est celle de l'efficacité dans
la production, toutes les valeurs sont transférées au compor-
tement économique et s'apprécient en fonction de leur contri-
bution au développement en vue du bien-être qui est couverture
des besoins dits fondamentaux"
(1).
Aussi nous nous demandons si, comme le déclare le 2~
vice-preTIlier Dinistre gabonais 3tierme rouvagha, le nouveau
système de sécu.rité sociale au Gabon "doit s'inspirer de l'i-
déal de solidarismell ( ••• ) "Le solidarisme se caractérise par
le fait que les nantis trouvent normal de partager avec les
"have not" ( ..• ) lesquels se reconnaissent le droit d'accepter'
(2), quelle est la signification et portée du système actuel
~e ;rotectior- socinle au Gnbon ?
': 1)
:jf.
G.A. ..ouaesa.gan : Besoin et consorll!12.tion Ln =:cono=ie
et humanis~e nQ 248, Juillet-~o~t 1~79, p. 54.
(2)
Cp. cité, ;.
S2.

351
T l
T R E
III
-------------
SIGNIFICAT·ION ET PORTEE DU SYSTEME DE PROTECTION SOCIALE GABON.?
':"'~ étudiant les systèmes àe protection sociale mis
en plac~:~n Afrique, on est frappé par les visées profondes
que se fixait le législateur colonial en instituant ces régi-
mes. ~tr~ le fait que ces systèmes portent la marque d'un
compromi~tde la lutte entre les peuples africains et le sys-
tème colo~al, les motivations du colonisateur furent d'une
part, la;~olonté d'assimilation; caractéristique de la colo-
nisation.française, la~elle organisait les institutions des
colonies ~i l'image de la Métropole et d'autre part le souci
de re~r~ en faveur des salariés africains (après les expa-
triés) u~§ains arrachés à leur milieu traditionnel par les
exigences 9U capitalism~ et totalement démunis ~evant les
risoues socd aux la garantie d'un minimum vital qui se substi-
.'
tuait au cadre général de sécurité fourni par les institutions
traditio~~lles du milieu d'origine.
A~ors ~e cela fut présenté comme la création d'une
SOlidarité d'un nouveau genre à même de remplacer la solidarité
traditionnelle, fort est de constater aujourd'hui crue l'effi-
cacité de,,·c;ette nouvelle création est douteuse. Ce dont nous
nous rendrons compte en étudiant:Chapitre l l'Efficacité du
système de protection sociale gabonais. Après euoi, nous ver-
rons eue toute conception de sécurité sociale est en fait une
idéologi~_,des besoins: Chapi tre II.

352
"
CHAPITRE
r
------------------
EFFICACITE DE LA PROTECTION SOCIALE GABONAISE

,TT Selon le BIT, pour être efficace et suivie l'action
en mat~e de protection sociale (des gouvernements africains)
des pay~en voie de développement) devrait poursuivre les
objectifs suivants :
- gar~\\i.r le maintien de moyens d'existence en assurant les
pres~Ations de substitution en cas de perte de revenu résul-
t~t~oit d'incapacité temporaire ou définitive de travait
(par:~aladie, invalidité, vieillesse, etc ... ) soit de perte
d'empl~i, soit de décès du soutien de famille et des presta-
tio~~~ompensatoires pour faire face aux dépenses exception-
nelles ou'entra1ne l'entretien d'enfants
..
- garantir l'accès aux soins de santé de nature préventive ou
curative;
- rechercher la plus grande justice sociale au moyen de la re-
distribution du revenu national (par le biais de la sécurité
sociale) ; (1)
La sécurité sociale gabonaise sous sa forme actuelle
est donc) le produit historique d'un type de so~iété : l~ socié-
té ca~italiste. Elle est devenue une réalité dont l'OIrortunit~
èS"C fort, peu (;c-lltestée.
(1) Cf. Rapport à la 5e êonférence régionale africaine,
Abidjan, segt-oct. 1977, p. 8.

\\~
353
"
ED cas d'accident du travail, elle couvre les frais
de soins médicaux et hospitaliers, les frais de transport de
l'accidenté assuré; elle octroie des indemnités d'incapacité
temporaire, de rentes d'incapacité permanente et de survivants
de prothèses et d'autres appareillages de réadaptation et de
rééducation professionnelle ; couvre les frais Funéraires
des soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques, etc ...
Aux personnes âgées, elle octroie des pensions de
retraite, distribue annuellement plus de 2 milliards de F CFA
dans le monde du travail, etc ... etc ...
Mais l'efficacité économique et sociale d'une insti-
tution se mesure non pas seulement à l'aide de données quanti-
tatives mais lorsqu'on saisit sa portée et la singification
de son action; ea confrontant les objectifs ou'elle s'est
donnée aux réalités de ceux GUi sont dans le besoin (1).
Mieux, Hegel dans : "Les principes de la
philosophie du droit ft enseignait Q.ue : la,)
.'
"l'étude de la naissance et du développement des règles juri-
diques telles qu'elles apparaissent dans le temps, travail
purement histori~e, comme aussi la découverte de leur cohérenc
loginue formelle avec la situation juridicue existant déjà,
cu'on leur compare sont des recherches oui, dans leur sphère
propre, ont leur valeur et leur mérite. Elles restent en dehors
de la relation à la recherche philosophioue puiscrue le dévelop-
pement sur des bases historicrues ne se confond pas lui-m~rne
(1) car l'accroissement de données quantitatives ne signifie
pas nécessairement eue les besoins d'une population sont
mieux satisfaits ni crue les inégalités ont été réduites
pour autant.
(2) p. 51 collection Idées Gallimard.

\\~ 354
..
avec le déYeloppemeat à partir du coacept et que l'explication
et la légitimatioB historique n'atteignent pas la portée d'une
justification en soi et pour soi.
Cette différence très importante à maintenir, est
aussi très révélatrice : une détermination juridique peut se
révéler pleinement fondée et cohérente d'après les circonstance
et les institutions existantes et pourtant injuste en soi et
pour soi, irrationnelle, comme par exemple une foule de règles
du droit privé romain qui découlent très conséquemment d'insti-
tutions telles que la puissance paternelle ou le droit romain
conjugal. Et ces règles fussent-elles, rationnelles, encore
resterait-il une grande différence entre démontrer qu'elles
ont ce caractère, ce oui ne peut être fait en vêri té que par
le concept, et raconter l'histoire de leur apparition, les cir-
constances, les cas particuliers, les besoins et les occasions
aui ont amené leur établissement.
..
On appelle souvent une telle exposition et une telle
connaissance pratique d'après les causes historiques prochaines
ou éloignées, une explication ou encore une conception, et
l'on pense atteindre ainsi en révélant cet aspect historique
ce ~i est essentiel et seul importe pour comprendre l'insti-
tution légale ou juridiaue, alors qu'en réalité, ce qui est
vraiment l'essentiel, le concept de la chose a été ps.ssé sous
s i t ence " .
Dès lors, on peut se demander la promesse de satisfac-
tion des besoins vitaux, de la promotion de la famille, la ré-
duction de l'inégalité sociale; la garantie de l'accè~ aux

~ 355
soins de santé a-t-elle été atteinte par le système gabonais
de protection sociale et dans quelle mesure et quel sens ?
C'est ce que nous allons voir en examinant
SECTION l - SENS ET EFFETS DE LA PROTECTION SOCIALE GABONAISE
Si un résultat se définit par rapport à un objectif,
auel objectif poursuit le système de protection sociale gabo-
nais en matière de politique familiale, d'habitat, de soins
de santé, assurance vieillesse, accidents du travail et redis-
tribution des revenus ?
§ 1
La politique familiale
Les prestations familiales ont souvent été présentées
au Gabon comme devant servir d'aiguillon à la natalité, le
Gabon souffrant depuis plus de 50 ans d'un manque de population
..
(la population réelle actuelle du Gabon ne dépassant pas
800.000 habitants).
Force est de constater que, en dépit de l'optimisme
de certaines conclusions oui ont plutOt un caractère de propa-
g~lde (1), la réalité est oue les allocations familiales n'ont
pas depuis 1956 atteint ce but.
Quelles sont les raisons de l'échec de cette politioue
Si beaucoup d'éléments concordent et tendent à montrer aue les
allocations familiales au Gabon aident les salariés pauvres,
(1) Cf. Etienne Mouvagha, La sécurité sociale au Gabon, 2e Con-
grès du P.D.G. O.P. cité p. 92.

356
..
il A'ea demeure pas moins qu'elles Il'in.fluent que très peu sur
le budget de ceux qui vivent de peu. En témoigne le fait que
par exemple en 1970, le SMIG au Gabon s'élevait à 8.000 F CFA
aujourd'hui, il est de 40.000 ; le montant des allocations fa-
miliales qui est de 1.500 F CFA n'a pas suivi la même éVOlution.
Dans le même temps, le co~t de la vie dépassait 25 % en 1978.
On comprend que dans ces conditions les 1.500 F CFA d'alloca~
tions familiales soient sans effet sur le pouvoir d'achat de
l'ouvrier, et soient loin de nature à inciter quiconque à avoir
des enfants dans un pays où les dépenses alimentaires dépassent
très largement les 30.000 CFA par jour. Du reste, l'étude des
Statistiques de la C.N.S.S. ne permet même pas de conclure dans
familiales,
le sens de l'augmentation des prestations /
puisqu'il n'y a
eu depuis 1962 environ aue 4 % d'augmentation. Si il y a eu
augmentation àu nombre de naissances, les raisons sont plutOt
ailleurs; à savoir le progrès de la médecine, l'immigration
.
rurale et d'origine étrangère .
'
Du reste, que valent les 1.500 F CFA par mois et par
enfant que le salarié devra attendre tous les 3 mois pour nour-
rir ses 4, 5, 6 enfants?
Ces prestations n'arrivent nullement à couvrir les
besoins d'une famille vivant à Libreville avec 40.000 F CFA
par mois, cuand on a un enfant.
Il n'en demeure pas moins ClUe la C.N.S.S. lia le sen-
timent de ne pas remplir son rôle conune elle le devrait", non
pas dans le sens de prise de conscience de ses insuffisances
J
mais de oser dire que "les prestations familiales payées au

357
..
Gabon sont de beaucoup 1es plus élevées que celles versées par
nos voisins" (1).
Ce point de vue masque une réalité, c'est celle de
ceux qui vivent au jour le jour au Gabon, avec un salaire de
misère dans un pays réputé le plus cher du monde, comme le
montre les taux suivants d'augmentation d'allocations familiale
en 1956
225 F CFA
1960
1.000
ft
1972
1.200
If
1975
1.500
ft
1979
ft
ft
En 1975, sur une population estimée à 1 M 200.000 habitants
(chiffres officiels,
. chiffres contestables), seulement
64.000 enfants, 17.500 familles ont touché les allocations
familiales selon le Directeur de la Caisse
En 1976, 69.000 enfants pour 19.000 familles. Le taux de dégra-
.'
dation du pouvoir d'achat évalué en décembre 1977 par la Confé-
dération syndicale gabonaise, est de 33 à 20,13 %. S'il Y a eu
progression, ces chiffres ne peuvent être pris dans l'absolu
en raison de l'inflation (26,6 %) de la liaison entre le salaire
et les allocations familiales.
En effet, les allocations n'ont pas évoluées dans les
m~mes proportions eue le SMIG nui lui-même est déjà très en-
dessous du coftt de la vie et loin d'être respecté par le patro-
nat.
J
(1) Cf. Owanleley, Mémoire
Les prestations familiales au
Gabon, C.E.S.S. Paris.

#'
358
ca peut se taire UDe idée de cette sitaatioa à partir
des quelques indices comparés du SMIG et allocations familiales
En 1960 le SMIG au Gabon était de 183

les &llacatio.s familiales étaient de 120
En 1972 l e s ·


de 120
L'évolution des allocations familiales exprimées en
pourcentage depais 1956 nous IlODtre que celles-ci OI1t regressé.
C'est ainsi que :
1956
7.52 %
1960
22.02 %
1966
14.42 %
et depais 1972
14,43 %
La régressioa qui apparatt aiasi depais 1"0 _tre
qu'au Gabon le réajustement entre l'é~lutioJl du coat de la vie
et des prestations sociales . . se fait pas autoaatiqaeaeat et
Ilême retarde sur celui-ci puisque si le SMIG était de 17.000 F
..'
CFA en 1972, aujourd'hui il est de 40.000 F CFA. alors que le
~taat des allocations familiales est toujours de 1.500 F CFA.
n s'ensuit que sur le plan écoJlOJllique, c'est une aide qui ne
pèse pas lourd.
Le quotient familial, quant à lui, procure des réduc-
tions d 'impOtssur le revenu d'autant plus importantes oue le
revenu est élevé.
Dans tous les cas, rien ne déJOOntre que les prestation
familiales exercent à elles seules une LnPluence déterminante
.,
sur la natalité. ce qui est vraisemblable, c'est que alest:
l'ensemble des conditions économiques, sociales et culturelles
qui peuvent faVlJriser ou ne pas influer sur l'accueil des enfan

~ 359
Au Gabon, la législation sociale influe dans une cer-
taine mesure sur la réalité sociologiaue de ce pays où la fa-
mille est en train de connaitre des transformations qui posent
des problèmes.
Le droit coutumier tend à laisser la place au droit
occidental actuel, sous l'influence des conseillers techniques
coloniaux.
C'est ainsi que, par exemple, le droit de la sécurité
sociale gabonais limite le nombre d'enfants bénéficiaires d'al-
locations familiales à 4 enfants. Le professeur Gonidec consta-
tant ce phénomène, conclut que : "le droit de la sécurité socia·
le (africaine) admet une conception à la fois civiliste de la
famille (régime monogamique) avec la reconnaissance de la no-
tion de "l'enfant à charge". Mais dans cette conception hybride
d'un droit de la protection familiale, il fallait se demander
où commence et s'arrête l'étendue de la notion d'enfant à char-
ge ? Cette imprécision dans l'interprétation des Textes conduit
p'
au malaise financier aue connaissent les prestations familiales
en Afrique". (1)
La solution préconisée par Mr Gonidec soulève deux
types de problèmes co~~e le faisait remarruer Mr Ornores :
1°) On peut se placer sur le plan des moyens et se demander
dans ruelle mesure, la famille gabonaise est un in3trument,
cuel est son rOle et sa place dans la société gabonaise
2°) suivant la finalité, on peut se demander dans cruelle mesur€
J
(1) Cité par Qmores Thomas in Les Problèmes de la protection
sociale au Sénégal, mémoire, Paris 1969, p. 61.

360
,-
le droit de la sécurité sociale exerce-t-il une inÏluence sur
le développemeRt et l'évolution d'un certain type de statut
familial qui peut être aussi bien de type traditionnel que
moderne au sens mcdèle occidental ?
ces deux questions conduisent encore une fois de plus
à réfléchir sur la conception et l'orientation qui a été donnée
en matière de protection sociale au Gabon et en Afrique en
général.
L'objection communément répandue selon laquelle la
famille étendue est un obstacle à la liberté de personne, à
son épanouissement, au progrès personnel à travers l'éducation
et une carrière professionnelle, au développement de l'Afrique,
répond parfaitement aux conceptions d'une société capitaliste
individua1isante : qui place au coeur de ses préoccupations
la recherche du profi t ; ne crée aucune structure d'accueil
pour les jeunes générations
développe la division ville-
campagne, l'irranigration et le chOmage : facteurs du maintien
.'
et du développement du parasitisme parental.
Souvent, on passe SOUs silence ce fait fondamental
aue la vieille société reposant sur les liens du sang a éclaté
dans le choc des classes sociales nouvellement développées par
le capitalisme aui a exproprié et appauvri ceux culon appelle
les parasites parentaux; au'elle a concentré dans l'Etat la
responsabilité d'assurer logis, cantine, hôpital, travail,
crèches, etc ... et crue si dans ces milieux africains "le para-
site" s'accroche au cousin, au frère, ou à l'oncle, au beau-
frère, qui a un logement et qui peut lui donner à manger, ce
n'est pas - loin de là - en raison d'une mentalité typiquement

361

africaine mais parce que celui qui s'accroche cherche auprès
de son oncle et autre parent la sécurité que le nouveau milieu
ne lui garantit pas.
Quelle est la solution ?
L'individualisation des rapports sociaux afin de développer
l'esprit d'entreprise OU la prise en charge par la société des
besoins naissants ? Voilà le sens de la réflexion.
on ne peut escamoter aujourd 'hui le fait que dans la
plupart des pays africains, la productivité du travail se dé-
veloppe plus OU moins et avec elle la propriété privée pure,
l'échange et l'inégalité des richesses (pas du simple au double
mais du simple au quintuple) 1
l'exploitation de la force de
travail d'autrui. Par conséquent, le maintien des liens de
sang rrui d'ailleurs sont entrain de périr au profit de l'indi-
vidualisme capitaliste, n'est eue da à une situation transi-
toire aui demain dispara!tra selon que le capitalisme aura dé-
trui t ces anciens liens ou au contraire, la société mettra en
place l'infrastructure répondant aux besoins et àla libération
de l'homme du besoin.
La société traditionnelle gabonaise ne connait pas
d'enfance abandonnée. L'enfant trouve toujours un foyer. Dans
la famille, enfants naturels et légitimes bénéficient des même~
droits. Le désaveu de paternité est une praticrue importée des
aisées
moeurs aes classes/ occidentales. En ce <:TUi concerne la protec-
tion de l'enfant, le droit en vigueur au Gabon semble marcuer
une progression aujourd'hui, puisque "l'enfant naturel, quand
J
il est reconnu, bénéficie des mêmes avantages aue l'enfant lé-
gitime . Cette reconnaissance pouvant même intervenir dans le

362
Il
cas d'UJ1 enfant adultérin si l'autre époux y consent". (1)
De la sorte, il apparait que la loi de Novembre 1976
en introduisant l'adoption de l'enfant a eu pour but de facili-
ter l'intégration des enfants qui pourraient se trouver sans
soutien familial dans ce nouveau milieu social individualiste.
Mais en réalité, ce qu'exprime cette loi, ce sont les assises
de la famille, telle eue l'a consacrée le code Napoléon de 1804
le père gagne et autorise, la femme assure la lignée, les en-
fants héritent et succèdent. La maternité en dehors du mariage
est une tare.
En effet, l'évolution historique de la famille en Occi
dent nous apprend qu'à partir du moment où prédomine la famille
appariée, on
conna1t le père de l'enfant. Au Pur et à mesure
que les richesses s'accroissent, le père prend davantage d'im-
portance dans la famille. Il va utiliser ce pouvoir accru pour
remplacer le droit maternel par le droit paternel (2). Désor-
.'
mais, l'enfant fera partie de la gens de son père et héritera d
lui. Le texte sus-mentionné va dans ce sens et vise à renforcer
la famille patriarcale, car, qu'on le veuille ou non, dans la
société gabonaise actuelle, les moyens économiaues des simples
gens ne peuvent leur permettre la polygamie parce crue ne conve-
nant plus à la situation.
Nous nous trouvons devant la domination de la famille
monogami nue.
Ces enfants doivent être d'une paternité incontestée
(1) Cf. Code de sécurité sociale, Loi novembre 1976.
(2) En effet le droit actuel tend à limiter le nombre des pa-
rents, dOnc des candidats à la succession.

- 363
..
(pour 1 'héritage). Donc, l'homme aura le droit d'être infidèle.
Ainsi comme on le voit, le développement de ce droit va de pair
avec la vision qu'ont le législateur présumé et les pouvoirs
publics des rapports entre le mari et la femme, et de la familll
En effet, dans la société traditionnelle gabonaise, les époux
sont astreints aux obligations de co-habitation, de fidélité
et d'assistance mutuelle, mais le devoir de co-habitation pèse
à titre principal sur la femme dans un régime polygamique.
Le mari a le devoir d'observer le "tour de nuit" à l'égard de
ses femmes. Le devoir de fidélité a pour conséquence : la pré-
somption irréfragable "Pater is" même si l'enfant n'est pas né
de son prétendu père. Selon le droit d'avant la colonisation
et selon les nationalités, le mari exerce un certain pouvoir
sur la personne et les biens de sa femme.
Avec l'introduction du droit français actuel au Gabon,
le mari n'a plus sur sa fennne le droit de direction, mais il
reste le chef de famille, et à ce titre des pouvoirs lui sont
. '
reconnus sur les biens communs ou même sur les biens propres
de sa femme.
Ce changement est en partie un progrès puisque est
mis fin en partie seulement la situation humiliante de la femme
Les discours officiels clament ~e la femme gabonaise
est devenue l'égale de l'homme à l'intérieur du ménage ; ~e
l'objectif des pouvoirs publics est d'en finir avec "la femme
objet" et de permettre à la femme gabonaise de jouer le rOle
crui lui revient dans l'évolution sociale et économique crui
s'amorce.

,~
364

Mais en '9'érité, il faut dire que ce changement est
bancal et, dans de nombreux cas, les relations entre époux
deviennent catastrophiques : "femmes grisées" de liberté mal
comprise et aliénées au modèle occidental ; époux jubi1ants
et vivants encore dans les conceptions traditionnelles du
ménage. Il s'ensuit des tensions allant jusqu'aux dissolutions
des liens conjugaux. Et les ruptures familiales sont devenues
choses courantes.
En faisant de la famille un centre de consommation et
de la femme un instrument de procréation et de travail domes-
tique, le droit en vigueur au Gabon assure par là la suprématie
de l'homme; mais il substitue aussi ainsi la solidarité de la
société d'hier à la solidarité conjugale. Il est attribué à la
femme en cas de décès du mari par accident du travail, une rent
de 30 % du salaire annuel de la victime; plus 15 % si elle a
un enfant à charge, alors que le père et la mère du mari décédé
n'en ont eue 1U % et à condition qu'ils aient été à la charge
du déf'unt au moment de l'accident ou ne disposent pas de res-
sources suFFisantes. Bien plus, la veuve qui se remarie en
dehors de la famille de son mari, ne touche pas moins, si elle
n'a pas d'enfant, une somme égale à trois fois le montant du
salaire annuel de la victime ; si elle a des enfants, elle
continuera nonobstant son mariage avec un étranger au groupe
familial du déFunt à toucher la rente aussi longtemps eue l'un
des enfants a droit à la rente.
Si dans tous ces cas, le nouveau droit protège l'en-
fant et incidenunent la Femme, cette sécurité est limi t~ car
dans la société préco1onia1e, la femme restée veuve continuait

{" 365
l béDéPic:ier de 1& 8écuri té social.e que le groupe social mari .. a:
se deyait de lui assurer. Le mariage étant d'abord une alliance
de groupe. La législation actuelle (loi du 31 Mai 1963) en
affirmant la primauté de la volonté des époux fait donc du
mariage un contrat iruiividuel et interdit la perpétuatian comme
ce Put le cas hier. Fait progressif en ce ou 'elle libère la
femme d'une situation de perpétuation d'un mariage qui n'est
plus fondé sur la base d'une estime réciprooue entre les nou-
veaux époux mais 1 'héri tage familial ; progrès limité en ce
ou'e11e n'assure que de façon très limitée la sécurité de la
veuve et de l'enfant.
Le cas de la femme isolée sans activité salariale avec
un enfant montre comment le nouveau droit en vigueur au Gabon
n'évalue des situations sociales qu'en termes de ceût , En ef-
fet, la veuve d'un travailleur salarié décédé au travail, à
condition one le décédé ait travaillé 133 heures dans le mois
oui précède son affiliation à la sécurité sociale ; bénéficie
pour son enfant orphelin d'une a11oèation familiale de 2.500 F
CFA (1) par mois. La travailleuse salariée seule avec un enfant
à charge aura droit à l'allocation familiale; par contre,
celle nui n'est pas travailleuse salariée et oui a été abandon-
née par son mari ou son concubin ne touchera rien si l'enfant
ne
pas
n'est pas reconnu par ces derniers et si ces derniers/sonVsa-
lariés. Ainsi, une même situation sociale est traitée différem-
ment. L'Efficacité d'un tel droit reste à démontrer.
C'est ainsi 0Ue, par exemple, la loi du 31 Mai 1963
interdisant la dot disposait: toute mention de la dot Jdans .un
(1) Le CFA = Communauté française africaine.

\\~
366
acte est iAterdite, toute action en paiement ou en remboursemeni
est irrecevable sans préjudice des sanctions pénales visant
théoriquement l'élimination des abus aui se développaient au
niveau de certaines familles.
OU'en est-il devenu de cette mesure? Dans les faits,
l'efficacité de cette mesure est restée limitée dans la mesure
où toute la vie et toutes les relations sociales au Gabon sont
empruntes et dominées par des rapports d'argent et d'intérêts.
En réalité, le seul effet qu'il y a eu, c'est l'imposition et
la promotion de nouvelles valeurs fondées sur le modèle occi-
dental d'économie et de rapports sociaux. Il y a là la preuve
eue le droit est avant tout une vision du monde, la traduction
de la façon dont une société conçoit le monde et entend réalise:
son existence dans les divers aspects de la vie sociale.
La discrimination entre l'homme et la femme semble
préoccuper également les pouvoirs publics gabonais. une abon-
.'
dante littérature (textes, discours ... ) est consacrée à ce su-
jet constellée d'études empiriques et de données statistiques
témoignant parfois la volonté des pouvoirs publics de lutter
législativement et juridiauement contre cette discrimination.
Lt souvent, les problè~es soulevés par la maternité
apparaissent comme ceux les plus en vue ; puiscrue précisément,
ce sont les interruptions de travail provo~ées par les mater-
nités aui semblent fonder les attitudes discriminatoires des
employeurs vis-à-vis des femmes employées dans le secteur privé
alors oue dans la fonction publique, les femmes jouissent d'un
J
statut mieux garanti.

\\~
367
"
Mais les solutions préconisées ne consistent nulle-
ment dans la libération de la fenune en socialisant le travail
domestique, l'institutionnalisation généralisée des crèches
publiques, la répartition égalitaire des responsabilités fami-
liales avec le conjoint : en un mot, toutes solutions destinées
à faire disparattre l'esclavage domestique de la femme.
En fait, le discours sur la libération de la femme ici
cherche à cacher la pérenni.té des vieilles idées selon lesquell l
les hommes sont nobles, les femmes inférieures qui influencent
encore et se manifestent à tout instant dans la société gabonai·
se où la famille est conçue et perçue comme un centre de consom-
mation et de travail domestiaue.
N'est-<:e pas que "tant vaut la famille, tant vaut la
société" ?
Mais les principes des temps nouveaux sont tout autres
Ils revendiquent l'égalité sociale de l'homme et de la femme
devant la société et dans la vie pratioue ; la transformation
.'
du droit conjugal et du code de famille en vue d'un sort meil-
leur pour la femme et la transformation de la famille.
Cette nécessité est liée au fait qu'aucune institution
h~~aine n'est le fruit d'aucune détermination; au contraire,
toute institution est susceptible d'être transformée. C'est ce
eu'enseigne Engels lorsr.u'il analyse la condition féminine dan~
le régime patriarcal (1) et montre dUe la famille ne constitue
pas une formation sociale immuable. Elle s'est modifiée au
cours des âges. Cette évolution étant déterminée en dernière
(1) Voir à ce propos l'oriaine de la famille, de la propriét~
privée et de l'Etat, é . sociales, Engels.

.~
368
..
instance par le facteur économique.
-La première opposition de classe qui se manifeste
dans l'histoire cotncide avec le développement de l'antagonisme
entre l'homme et la femme dans le mariage conjugal, et la pre-
mière oppression de classe, avec l'oppression du sexe féminin
par le sexe masculin". Et d'ajouter: "l'avènement du patriar-
cat co!ncide avec la naissance de la propriété privée et celle
du procès de production oui lui est concomitante gr!ce aux
instruments que l'homme se forge à l'âge du bronze, grâce aussi
à la découverte de l'esclavage".
"La même cause qui avai t assuré à la femme son auto-
rité antérieure dans la maison: son confinement dans les tra-
vaux de ménage, cette même cause y assurait maintenant la pré-
pondérance de l'homme, le travail de ménage de la femme dispa-
raissait dès lors à cOté du travail productif de l'homme.
Le second était tout, le premier annexe insignifiante ( ... )
.
C'est là la grande défaite historioue du sexe féminin" .
'
II Il Y a eu alors instauration de la monogamie oui. est la premièr
forme de famille basée non sur des conditions naturelles, mais
sur des conditions économiaues, à savoir la victoire de la pro-
priété privée sur la propriété commune, primitive, spontanée".
Le rapport de l'homme et de la femme appara1t ainsi
à Engels comme le rapport d'une classe économi~e à une autre
~i fonde le régime patriarcal. La libération de la femme suit
donc un chemin parallèle à celle du prolétariat en tant eue
classe sociale au centre du mode de production en vigueur :
abolition de la propriété privée et celle du patriarcat sur'
le~el cette propriété repose.

369
"
Autreaeat dit, 1a question de 1a Ïemme étant un aspect
de 1a question socia1e, elle ne peut trouver sa solution défi-
nitive aue dans la suppression des contradictions sociales et
dans la disparition des maux qui en résultent.
Si l'action des pouvoirs publics gabonais va dans
ce sens, il faut dire au'elle est faite de contradictions et
sera nécessairement limitée par la conception qu'ils ont de
l'~volution de la société gabonaise. Et si la solution à la
question de la femme au Gabon cannait des contradictions, au'en
est-il du problème des soins de santé ?
§ 2
Le problème des soins de santé
A notre époque, le droit à la santé considèré comme
fondamental s'identifie au droi t à la vie. La Convention 102
l'OIT (organisation internationale du travail) dont le Gabon
est membre, défini. t et prescrit à ses adhérents les normes
,
-
minimum à envisager pour apporter le minimum de soins à leurs
peuples.

.~
370
"
2}.MY.:eJÜr la maladie et guérir l'homme.
""f)~èfiait du progrès, le malade espère qu'il sera soigné euel
eue-isod t le montant de ses ressources et ClUel que soit "le
coat-jugés nécessaires. Ma.is
il n'est pas de droit à la san
..
'. }é~si l'inégalité existe dans une société qui conna1t une
..~ t~sformation en riches et pauvres.
, ë~·.
Nous nous étendrons dans cette partie de notre étude
sur lesproblème des soins de santé parce qu'il est celui qui
hand;iÇ:~pe le plus les masses laborieuses et ensui te parce que
en raison de cette importance, dans l'esprit de beaucoup de
gens, l~ Sécurité sociale, c'est d'abord la distribution des
soins.
Si la politique de la santé doit tenir compte des ca-
paci t~ et des techniques médicales dont di.sposent, le pays, ne .
doit-elle pas donner au malade l'assuraJlCe C!U 'il sera soigné ~,
en toute occasion et quel crue soit le coût ? Le rOle des pou-
vairs publics n'est-il pas d'assurer l'égalité de tous en ma-
tière de santé ?
_ Or, en étudiant le champ d'application de la sécurité
sociale, gabonaise, nous avons vu ou'il n'y avait que les tra-
vai~leurs salariés, membres du gouvernement et fonctiormaires
cui étaient protégés contre la maladie, soit une proportion de
10 à 25 ~ de la population, alors 0Ue la majorité de cette po-
pulat.ion demeure dans l'insécurité.
Bien mieux, l'orientation actuelle est eue le système
gabonai$ fait des soins de santé une marchandise avec différen-
t~scatégories payantes. Les médecins du secteur publics voyant
le~r~-&qllègues installés dans le secteur privé faire fortune

\\~
371
..
luttent pour acquérir des cliniques privées. Et la recherche
du profi t gagne le corps médical dans son ensemble.
La première des victimes d'une telle situation ne peut
être que le pauvre qui, ne disposant pas de moyens financiers
pour avoir accès à des soins de qualité, àevra se contenter
d'une aide médicale et des hÔpitaux publics où la plupart du
temps, les médecins qui y exercent sont absents préférant
s'occuper de leurs cliniques où c'est plus rentable.
En conséquence de euod , le malade n'aura plus d'autres
choix eue de se rendre au féticheur, charlatant ou attendre la
mort.
Lorsqu'on examine les précédents de cette orientation
en OCcident, il est très difficile de conclure que dans ces
aires géographiques, les nobles objectifs de la médecine vus
plus haut se sont développés au service de tout homme sur la
base de la médecine libérale.
Bien au contraire, dans beaucoup de cas, le patient
examiné par un médecin est considéré par les hommes d'affaire
de la médecine comme une source de profi t. Chaque année, les
frais des services médicaux augmentent et dépassent largement
les maigres revenus des familles pauvres (cas des U.S.A.).
Il s'ensuit eue ceux cui vivent de peu et (T'Ui ne sont jamais eL
mesure de payer des frais oui dépassent leurs moyens sont obli-
gés de se faire traiter dans les moins bons hOpitaux où les
conditions des services médicaux ne sont même pas à la hauteur
des normes de traitement ou d'hygiène ; ou bien de rester sans
traitement médical jus au 'à la mort. Pis encore, les frais médi-
caux ne sont au'un aspect de ce cru'est devenue l'entreprise

\\~
372
..
médicale en OCcident, l'autre aspect, ce sont les innombrables
spéculations des hommes d'affaires de la médecine au détriment
des patients, qui suivent la méthode de référer les patients
à toutes sortes de spécialistes qui pratiquent sur eux des exa-
mens (radiographie, examen de sang, etc ... ) ; des opérations
entièrement non nécessaires et même nocifs.
C'est ainsi que, par exemple, en France en Juillet
1980, un médecin a circonci un enfant alor s qu' il ne sauffrai t
eue des amygdales ; en Italie, dans divers hOpitaux de la
Lombardie, dans la même période, les masses médias ont révélé
212 cas d'opérations exécutées sur des patients contre leur gré
sous forme d'expériences.
L'enseignement aui découle de tout ceci, c'est ~e la
voie du développement de la médecine libérale comporte beaucoup
d'embuches. i l n'y aura donc plus de surprise rm'un tel système
en s'implantant au Gabon ait pour effets entre autres, d'en-
courager la tendance aui se manifeste actuellement au niveau de
p'
certains médecins gabonais à l'affairisme. L'institution du
paiement à l'acte a été déjà la mise en place d'un système qui
fait des soins de santé une marchandise comme toutes les autres
Au mieux, la 'Pénurie èes Medecins dans le secteur pu-
blic placera dans l'avenir de la C.N.S.S. dans une situation
o~ les cnarges Financières devienôront insupportables comme le
mont r-e le cas du sys t ème Fr-ancai.s .
Jus~'à ces derniers temps, l'assurance maladie en
OCcident (France en particulier) s'était longtemps contentée
de rembourser sans crise grave les dépenses médicales. ~'orga­
nisation sur la base du modèle de la médecine libérale de la

,.
373
médecine avait semblé donner le gage de succès grâce à des
mécanismes autorégulateurs, et les dépenses restaient relati-
vement élevées.
ou 'en est-il aujourd 'hui '} La rupture de cet équilibre
instable a donné lieu partout en Europe à une crise grave et la
médecine libérale est devenue de moins en moins crédible auprès
des personnes averties car, non seulement elle s'est montrée
incapable de ma!triser les dépenses (1), mais elle a servi et
sert à réaliser des profits considérables aux trusts pharmaceu-
tiques et autres patrons des hO pi taux en faisant des soins de
santé une simple marchandise. Et c'est là cru'à notre avis résidE
le pourquoi du maintien de la médecine libérale en OCcident ;
c'est de permettre à un groupe social (les médecins pharmaciens
de faire du profit sur la base de la souffrance humaine.
Les principes de la médecine libérale avec leur arsena
idéologique et leurs inconvénients nous apprennent par la néga-
..
tive et les problèmes qu'ils posent qu'ils sont dépassés par la
vie. Et le système libéral de la distribution des soins qu'il
soit fait suivant le système des listes ou toute autre procédurE
d'attribution de praticiens comme en Grande Bretagne où le méde
cin adhérant au service national de santè n'est ni fonctionnair
ni salarié et s'installe où il veut (excepté les circonscrip-
tions où la densité médicale est déjà suffisante). Il n'est
soumis à aucune autorité.
(1) Cf. sécurité sociale. Simple freinage des dépenses ou remis
en cause des acquis par J. P. Dumont iîî Bilan éëon01i}ique .et
social 1980, p. 28 qui note que dans les pays industrialisé
le consensus accruis depuis des années au sujet de la sécurd
sociale commence à s'effriter et des principes fondamentaux
ont été attaeués.

,-
374
"
Chaq1lAl citoyeJl choisit le médecin qu'il veut consulte:
parmi ceux qa.i exercent dans sa circonscription et inscri ts au
service national de santé. Le malade peut changer de médecin
à tout moment, à condition d'aviser le service national de
santé local. Le médecin a la faculté de refuser toute personne
demandant à figurer sur sa liste et ne peut pas avoir une
liste de plus de 3.500 personnes à traiter, etc •••
La tendaDCe historique aujourd'hui est que lespopula-
tions aspirent à une médecine au service de l'homme. Les pro-
grès techniques de la médecine engendrés par l'effort physique
et intellectuel des travailleurs qui sont les premiers à être
victimes de la maladie, d'accident, doit être
~ayé.
Et ce n'est pas faire une affirmation gratuite que de dire
qu'aujourd'hui la société humaine dispose de suffisamment
d'éléments pour concevoir un autre système de distribution des
soins où des rapports d'argent ne seraient plus le mattre du
..
jeu •
Les réalités gabonaises opposent déjà une limite à
l'adoption et au développement de la médecine libérale.
Historiquement, jusqu'aux années 60, la médecine libérale
sous sa forme développée actuelle était inconnue du peuple
gabonais. En effet, sous la période coloniale, les peuples
africains avaient réussi à imposer l'institution d'un service
national de santé gratuit, certes limité (1).
Fort est de constater qu'aujourd'hui, cliniques pri-
( 1) CE. le décret du 4 novembre 1903 portant Service éolonïal
de Santé J.O. A.O.F. 12 décembre 1903 appliqué également
au Cameroun. Après 1945 et la conférence du R.D.A. et de
Brazzaville, ce système sera généralisé à toute l'Afrique
centrale sous domination française).

I~
375
..
vées, pharaacies privées se multiplient dans les quatre coins
du pays. Nul doute qu'une telle voie (encouragée par les pou-
voirs publics) amènera au Gabon - si ce n'est déjà fait - les
mêmes problèmes que ceux qui se posent en France aujourd 'hui :
constitution de groupes de pression des médecins, pharmaciens,
etc •. ; commercialisation des soins médicaux. Nul doute encore
que ce sont, en dernière analyse, les malades pauvres qui sont
et seront les victimes d'un système qui profite aux intérêts
privés de quelques-uns.
Une telle voie, loin d'aider le pays à résoudre comme
il se doit les problèmes de la forte mortalité, de la faible
espérance de vie, etc ... , ne fera que les accentuer.
Tjéga (1) pour montrer l'importance que revêt pour
un pays la voie à suivre en matière de distribution des soins
nous apprend que la Grande Bretagne et la Suède ont une espé-
rance de vie plus longue que la France et les U.S.A., en rai-
son de la différence des modes de distribution de soins qu'il
y a entre ces différents pays comme Ulustre ce tableau
Espérance de vie
Hommes
Femmes
Mortalité infantile
à la naissance
France
67,2
73
25,9 0 1/e
Suède
71,7
75
15,3
Grande Bretagne
68
73,8
21,7
U.S.A.
67
73,6
25,4
Cf. Tjéga Ruth, La Sécurité sociale au Cameroun, p.210.
Ces 2 systèmes (Grande Bretagne et suède) ne sont pas le
modèle que nous préconisons pour le système gabonais. crest
à titre d'exemple que nous utilisons les cas de la Brande
Bretagne et la Suède pris par M. Tjéga.

376
..
Dans cet imbroglio de voies à suivre, l'exemple de
la Tunisie m~rlt.
d'être analysé également, car entre ce sys-
tème et le système gabonais il y a beaucoup de ressemblances.
Là-bas est mis en place un système qui établit une
coordination étroite entre la santé publique et l'institution
de sécurité sociale.
L'institution de sécurité sociale ne crée pas ses pro-
pres services médicaux (comme cela se passe au Gabon), mais se
borne à verser une subvention régulière au ministère de la sant:
en contre partie de l'octroi des soins gratuits aux assurés dan~
les hôpitaux et autres centres de santé publique.
Tout comme en Mauritanie où la caisse de Sécurité
sociale verse une subvention annuelle à l'hÔpital public qui,
en contre partie, reçoit gratuitement les travailleurs salariés
et les membres de leurs familles sans paiement de leur part.
Dans tous ces cas, nulle part on enregistre une amélio-
..
ration substantielle de la condition des masses laborieuses,
pourquoi ? (1).
(1) "Nulle part on a noté une réduction significative du taux
de mortalité infantile ou du taux de morbidité dans la zone
en développement; par contre, souvent l'état de santé des
mères et des enfants s'aggrave. Les conditions de vie se
dètériorient notamment au détriment d'une partie des enfant~
des mères et des jeunes. Parmi les aggravations signalées :
la sous-nutrition dl1e à l'abandon des cultures vivrières au
profit des cultures corr~ercialisées, l'aggravation du trava:
des femmes et aussi des femmes enceintes, l'apparition des
maladies transmissibles jusqu'alors inconnues dans la régioJ
introduites par les modifications écologiques incontrOlées
apportées par le projet et le plus souvent liés à l'eau,tan-
par les vecteurs hydriques que par les vecteurs ailés: palu-
disme, onchocercose .•. bilharzioze, poliomyélite, dysenteri(
etc ..• ". Cf. Vers une poli tique de santé publique éIl AfrigW
de l'OUest et
du Centre par Cheik Hâlnidou Kane, Directeur
régional de l'Unicef pour l'Afrique de l'OUest et du Centre
in Revue Tiers-Monde, Torne XIV, no 53, janvier~1ars 1973.

377
..
1) Parce que ce sont des systèmes qui ne couvrent qu'une mino-
rité de la population.
2) Parce qu '1 on croit que la résolution du problème de soins de
santé dans ~c formation sociale dominée par le capital inte:
national peut trouver une issue favorable à tout le monde pa:
l'utilisation des mécanismes de la sécurité sociale en tant
qu'institution.
Jusqu'à une date récente, le Gabon ne connaissait pas
le développement d'une médecine privée, avons-nous dit. Seule
étai t connue du public la médecine publique. Les éléments qui,
en apparence certes, justifiaient la place de la seule médecine
publique sont : le système lui-même n lavai t que des médecins
militaires coloniaux; la population gabonaise paysanne en majo-
rité manquait de ressources suffisantes pour payer les frais
médicaux. Les cliniques privées ne sont apparues que très ré-
cemment en liaison étroite avec le développement du système
capitaliste dans le pays. Reste à savoir, étant donné le cercle
.'
vicieux dans lequel on est enfermé, faible consommation, pauvre
nutrition, mauvaise santé, affaiblissement physique, s'il peut
avoir des progrès sanitaires sans solution globale à l'organi-
sation de la société ?
Il apparaît donc que la santé pose de tels problèmes
eue leur solution ne peut être laissée en dehors d'une transfor
mation intégrale de la cité.
Ainsi aussi bien l'organisation de la sécurité sociale
du réseau de distribution, les établissements sanitaires et so-
ciaux fonctionneraient selon un plan d'ensemble.
J

378
"

L'iRtérêt d'une telle option est :
a) de permettre à l'homme de conserver le meilleur
état de santé gr!ce à une prévention individuelle et collective
la mieux élaborée possible et de recevoir tous les soins que
demande son état de santé en bénéf'iciant de tous les progrès
de la science et ce, quelque soit le codt.
b) de sauvegarder la dignité, et toutes les valeurs
positives traditionnelles gabOnaises.
c) de bannir en conséquence toute source de prof'it
personnel à partir de la souf'f'rance humaine, etc •••
Le fait d'assurer une distribution ef'f'ective des soins
peut permettre de réduire la souffrance humaine même si cela
débouche sur des considérations d'ordre économiques et finan-
cières, n'est-ee pas là le prix qu'il faut payer?
Il reste que tout cela relève de l'idéal qui ne peut
être atteintsil'on n'a pas résolu au préalable les problèmes po-
litiques, économiques et financièr s qui entravent toute perspe
.'
tive de développement du système de santé au Gabon. Car seule
la résolution de ces contradictions permettra réellement au ser-
vice national de santé, d'allier, en fait et non en théorie,
la médecine traditionnelle et la science moderne en mettant à
profit sur une base de confiance, le savoir populaire détenu
par les personnes ~gées connaissant plantes et remèdes.
Ainsi, s'opérera une alliance véritable entre la mé-
decine traditionnelle et la science moderne qui est loin d'être
la théorie des "soins primaires" que préconisent pour les pays
du Tiers-Monde l'UNICEF et l'O.M.S.

I~
379
"
En effet, on sait qu'il est d'actualité aujourd'hui
que pour ces dewt institutions, les pays du Tiers-Monde pour
-
sortir de la situation actuelle où près de 3.200 millions
dihornmes sur 4 milliards que compte la planète sont privés de
soins doivent : -renoncer aux structures médicales actuelles,
totalement inadaptées au Tiers-Monde puisqu'elles n'y atteignent
que d'infimes minorités urbaines et les remplacer par un tout
autre modèle dont la pièce ma1tresse serait "les soins de
santé primaires" qui supposent que ces pays renoncent à centrer
l'ensemble des services de santé sur les structures hospitalièr(
et même sur le corps médical. Car, au rythme actuel de formatior
des médecins dans ces formations sociales, il est utopique de
penser que leur nombre pourra répondre à l'immensité des besoin~
Les structures adéquates pour répondre à cette situa-
tion seraient :
Une équipe d'agents de santé primaire villageois dont
le rOle serait d'assainir le milieu et distribuer les médicamen-
essentiels; avec un agent de santé placé SOUs l'autorité d'un
aide soignant, lui-même relié à un infirmier; le rOle du médecil
serait dans cette optique essentiellement de contrOler, d'orga-
niser l'action des services décentralisés dans les villages, et
de ne traiter crue les cas graves.
Dans les villages, "les soins primaires ll deVTont être
aussi assurés par les guérisseurs, les accoucheuses tradition-
nelles, les sorciers, les herboristes, "euitte à les recycler
rapidement" .
Telle est la recette actuelle de l'O.M.S. et dp
l'U.N.l.C.E.F. pour sortir les pays où les barrières d'argent

,"
380
JI
excluent les pauvres de l'accès aux soins de santé.
Le docteur Marc Gentilini (1) réagissant à cette
proposition écrivait que
"le recours tambour battant fait
autour de l'alliance de la médecine traditionnelle et "les soin~
de santé primaires" est une manoeuvre de mystification qui, à bi
des égards, veut dire deux choses :
1°) ou bien on vise la récupération d'un soin parallèlE
dans ce cas, la désacralisation de cette médecine traditionnellE
est le coup fatal qu'on veut lui porter.
2°) ou bien on la valorise de façon excessive dans un
but démagogique d'un retour à une authenticité mal intégrée.
Dans tous les cas, la théorie des "soins primaires"
revient, en fait, à propager l'idée que la médecine occidentale
a fait faillite dans les pays du tiers-monde. Or, rien n'est pIt
faux. La réalité est que cette médecine qui est en fait scienti-
fique n'a pas failli pour la bonne raison qu'on l'y a jamais
appliquée; jamais en effet n'ont pu être rassemblés les moyens
.'
d'une médecine moderne à l'usage de toute la population. Elle
n'est dispensée qu'aux privilégiés mais jamais massivement uti-
lisée .
En e~fet, s'il est vrai que la médecine traditionnelle
comporte un certain nombre d'aspects positifs: la maladie n'es~
pas une déficience, une tare mais une révélation; le malade ne
vit pas seul sa maladie; il n'assume pas seul le processus de
guérison car le groupe social entier t'en est atteint". La maLac:
cui est une occasion d'attirer l'attention sur soi servant en
(1) Cf. Le Monde des 6-7 septembre 1978 sur le désert médical
du Tiers-Bonde.

381

m~me temps de moyen de révéler des choses sert d'instrument de
contrOle des institutions qui régissent la société, la question
qui reste pendante est de savoir si ces aspects peuvent coexis-
ter avec le type de développement et l'assimilation du modèle
occidental qui a prise sur l'Afrique actuellement?
Si aujourd'hui l'Africain malade va d'abord au guéris-
seur et ne se rend dans les hOpi taux qu'en second lieu lorsque
le mal s'est aggravé, cela ne tient-il pas au fait que le manqu
d'infrastructures sanitaires et la notion de clientèle et autre~
barrières d'argent l'empêchent d'accéder à la médecine occiden-
tale dont personne ne conteste l'efficacité? (1)
La vérité est qu'une autre conception de la médecine,
des besoins sociaux et de l'économie sont nécessaires car la
marche forcée de développement capitaliste que suivent les pays
concernés les contraint et les conduira à adopter des technique
et des conceptions qui ne répondent pas aux besoins du plus
grand nombre mais d'une minorité privilégiée aussi bien en ma-
.'
tière de santé qu'en matière d'assurance vieillesse.
Le quotidien gouvernemental gabonais "Union" du 25 avril
19S0 dans un entrefilet avec la manchette sensationnelle:
"Pour moi quoi Makaya" nous révélait à propos des recherche
actuelles au Gabon sur la médecine traditionnelle alliée à
médecine occidentale, que lices histoires de recherche scien
tifique, je commence à croire qu'on nous mène en bateau
sérieusement. On a lancé un ministère, des instituts, et je
ne sais quoi pour améliorer nos conditions de travail, de
vie. 1'1ais jusqu'ici je ne vois rien venir Soeur Anne. Est-c
que une seule pharmacie au Gabon vend un seul flacon de ces
médicaments traditionnels que l'institut de la pharmacopée
"découvre", plusieurs siècles après, nos guérisseurs du vil
lage ? on nous montre des expositions et des conférences,
beaucoup de paroles. C'est vrai, les écorces amères et autr
chlorophyles, mais sur le plan pratique zéro •.• ".
1

,.
382
"
§ 3
Le régime d'assurance vieillesse
JUsqu'à la période coloniale et du développement du
capitalisme au Gabon, les personnes agées étaient prises en
charge par la structure familiale élargie qui, aujourd 'hui, se
dessert de plus en plus.
Théoriquement, l'institution du régime vieillesse pa-
raissait traduire un souci d'adaptation, dans les faits il
.u'en a rien été puisque le régime repose sur une capitalisation
individuelle alors qu'une capitalisation collective répudierait
les données des estimations actuarielles.
Le risque vieillesse,enseignait Paul Durand, peut être
l'objet de deux conceptions différentes.
Dans la première, la pension se présente comme la con-
trepartie de services rendus pendant la vie active. Parvenu à
un certain age, l'assuré a droit au repos, il perçoit au sens
le plus précis, une pension de vieillesse.
-\\
Dans la deuxième conception, le vieillard est présumé
invalide. L'usure physiOlogique, les infirmités de l'age, un
rendement professionnel insuffisant, rendent impossible la
prolongation de la vie professionnelle. La pension devient alor
une pension retraite.
Ces deux conceptions ne conduisent pas aux mêmes consé
quences. L'age de la retraite dépend surtout de considérations
économiques dans la première conception; il est co~~andé par
l'état d'invalidité dans la deuxième.
Le sexe, la profession (de caractère pénible qu non)
constituent d'importants éléments de décision. Si l'on tient

383
r
"
compte de l'usure physiologique de l'organisme: la femme, ayant
une moindre résistance que l'homme, doit obtenir tOt sa retraite
les occupations ayant un caractère plus ou moins pénible doivent
donner lieu plus ou moins tOt à pension.
Le premier projet de loi relatif aux retraites obliga-
toires débattu au Parlement français (1901) se heurta à cette
double conception :
Elargir la notion d'assistance et donner à chacun,
selon ses besoins, une retraite sans rien exiger en contrepartiE
ou créer un système d'assurances avec la participation financièl
des intéressés, des entreprises et de l'Etat.
En défini tive, le régime adopté en France et étendu
aux colonies que le Gabon conserve jusqu'à ce jour n'est rien
d'autre que "l'affirmationhdu droit du travailleur à une rémuné-
ration partielle après la mise à la retraite en fonction de sa
période d'activité. La cotisation versée par son employeur et
celle prélevée sur son salaire sont la consécration de son droi"
.'
Les prestations
vieillesse
lui sont garanties par une assur-ar
intégrée dans son contrat de travail et les droits sont propor-
tionnels à sa contribution.
Le fait que le montant des pensions n'atteint jamais
le niveau àes gains antérieurs et offre des prestations très
inférieures à la rémunération du salarié avant la retraite,
alors qu'il n'existe aucun autre système de compensation de ce
manaue à gagner,pose problème.
L'explication d'une telle situation ne peut être trou-
vée que dans la mesure où dans un monde où le rendementJ occupe
la place de premier plan, lorsque l'homme est âgé, est usé,

r
384
..
jugé improductif, le capital le jette dans la rue. C'est "l'art
de jeter après usage".
Par ailleurs, depuis son institution, l'assurance pen-
sion vieillesse au Gabon, elle a connu une situation financière
favorable. La population active étant dans sa majeure partie
jeune (soit plus de 50 % de la population totale), les fonds
destinés au paiement des pensions n'ont été que très peu dépen-
sés, soit 2 % à peine de la population ont atteint l'âge de la
retraite. Ce qui a conduit à une accumulation certaine des fond
Mais il est à craindre que sous peu, ces fonds ne souffrent de
la diminution de leur valeur. ouand on sait quel est l'impact
de la crise monétaire qui secoue le monde capitaliste sur des
pays comme le Gabon on si tue mieux le manque à gagner qui peut
en ré sul ter.
La question se pose : quelle technique utilisée pour
le bon fonctionnement de ce régime ? Le régime des primes éche-
lonnées où la cotisation initiale est inférieure aux taux qui
.'
résulteraient de l'application de la prime permanente et où les
augmentations du taux de cotisation sont prévues pour l'avenir
quand la situation financière du système le commande ?
Capitaliser ou repartir?
Les principales technicues financières en matière de
gestion sont d'une part, la répartition, et d'autre part, la
capitalisation eue bon nombre de pays africains ont adopté
respectivement pour la gestion des branches à court terme commE
la maladie, la maternité, les risques professionnels, les pres-
tations familiales et des branches à long terme comme ~a pensio
de vieillesse, de survivant et d'invalidité.

385
..
Il s'ajoute à ces deux techniques, le système dit de
la prime échelonnée qui consiste à adapter progressivement les
ressources et les charges, compte tenu d'un certain degré de
capitalisation.
La répartition consiste à repartir immédiatement les
sommes recouvrées sous forme de cotisations sur les salaires,
en vue de financer les dépenses résultant de la gestion des
branches. L'excédent de gestion réalisé à l'issue d'un exercice
doit faire l'objet d'une réserve dite de sécurité qui est uti-
lisée en période conjoncturelle défavorable. Il s'agit d'une
forme d'autofinancement. Ici le transfert est direct sans dé-
tours de l'épargne.
La capitalisation est un système dans lequel les coti-
sations sont versées à un compte ouvert au nom de chaque assuré.
un capital se constitue ainsi; formé des cotisations et des in-
térêts que produit leur placement. A l'age de la retraite, ce
capital produit une rente qui servira de pension à l'assuré •
..
Mais cette technique utilisée en Europe, jusqu'à ce
jour, s'est révélée impuissante à procurer un minimum de sécurit
financière aux pensionnés car le capital placé produit toujours
la mê~e rente et le titulaire doit en conséauence supporter la
dévaluation constante du pouvoir d'achat de l'argent du pension-
né.
Quelle technique choisir alors en matière de gestion
de fonds ?
Les chauds partisans de la technique de capitalisation
estiment que ce système convient mieux aux pays du Tiers-Monde
car, il
a l'avantage que les cotisations peuvent être faibles.

\\~
386
..
Ainsi, la capitalisation permettrait de faire travailler finan-
cièrement les cotisations et les grossir d'intérêts composés.
D'autre part, la capitalisation, selon cette même opi-
nion, réalise une sorte d'intéressement des cotisants et leur
donne l'idée qu'ils sont propriétaires d'un compte et que les
pensions sont la contre-partie de leurs versements. Mieux, la
capitalisation est un moyen commode de procurer des capitaux
par l'accumulation de fonds dont elle provoque. Ce faisant elle
peut servir
à pallier à l'insuffisance d'épargne individuelle
manquant justement en Afrique.
Ces argaments sont fort flatteurs mais se trouvent
facilement contrebalancés par les inconvénients de ce système
même. Dans un pays comme le Gabon un risque existe : celui de
la dépréciation monétaire; s'il y a inflation et comme les taux
de capitalisation sont insuffisants, les pensions qui sont
intimement liées à la dernière rémunération pourront-elles être
versées ?
.'
Il ne fait aucun doute que cela se traduira par une
baisse du pouvoir d'achat des pensionnaires. N'est-ce pas que
"inflation et capitalisation sont antinomiques ?" (1)
Le système comporte cet autre inconvénient: c'est cel~
d'une longue attente. Si l'on met en place un système de capita-
lisatioll, avant de pouvoir verser les premières pensions, d'où
les convoitises des pouvoirs publics, du patronat et autres gro:
pes de pressions; les abus, etc ... Alors que le système de rép~
(1) Pierre Claire, op. cité
Mais gue font-ils de la sicuri té
sociale ?

387
,~

tition, même s'il y a risque de déficit contre lequel en prin-
cipe sont constitués des fonds de sécurité, il y a moins de
danger.
Le système gabonais fonctionnant avec le système de
capitalisation optait pour une conception donnée de couverture
et protection sociale et de la finalité à attribuer aux réserve~
réalisées à partir des fonds sociaux.
Car le fond du problème est là face aux risques sociau:
plusieurs attitudes sont possibles :
1) L'une refuse l'insécurité, elle veut la faire dispa-
ra1tre, dans cette ligne s'inscrivent les POlitiques de préven-
tion médicale et à une échelle plus large, un effort de planifi·
cation qui aurait pour effets de réduire les incertitudes.
2) Une autre accepte les risques sociaux sans chercher
à les éliminer elle se contente de la "garantie d'un minimuml1
parce que, estime-t-elle, la charge financière du système serai-
trop lourde. Les non salariés aux faibles revenus ne pouvant
.'
capitaliser; il convient dès lors de temporiser et de n'envisa-
ger l'extension du régime qu'à long terme après des estimations
actuarielles (1).
Dans cette optique,
/ s ont con s t i tuées des T2 serves, encai sses monétaires
avec de forts excédents alors qu'est maintenu bas le niveau de
vie des retraités.
Phénomène cui prévaut aussi bien en matière d'accièent
du travail et maladies professionnelles.
(1) L'actuariat étant la forme d'utilisation des renseignements
statistiques en vue de prévoir dans l'avenir l'évolution et
le développement des régimes.

388
"
§ 4
Le régim&
d'accidents du travail et maladies profession-
nelles
C'est le même phénomène de transposition des technique~
françaises qui a prévalu: fondé sur la responsabilité de l'em-
ployeur, aujourd 'hui ce régime fonctionne en compte distinct
d'assurances socia1es.Historiquement la préoccupation de ceux
qui en 1957 eurent à débattre de la question, c'était de savoir
s'il fallait confier la gestion du risque aux caisses de com-
pensation que l'on venait de créer pour les allocations fami-
liales, ou s'il valait mieux la confier aux compagnies privées.
Les diverses parties évoquaient comme argument :
1) COté compagnies privées: elles faisaient valoir
qu'elles avaient réalisé, grâce aux sommes capitalisées, des
investissements considérables dans les territoires d'OUtre-Mer
(constructions, souscriptions d'emprunts •.• etc ••• ).
Que d'autre part, la branche des accidents du travail
.'
ne représentait pour elle qu'un secteur d'activité secondaire,
et que les frais de gestion supportés par cette branche étaient
en conséquence légers. Que, enfin, la substitution d'un organis-
me public aux compagnies serait onéreuse et donc dangereuse
pour l'économie locale:
Nécessité d'indemniser les compagnies,
de mettre en place les organisations administratives nécessai
res,
de financer le démarrage d'un régime de réparation, etc ...
2) COté syndicats, les partisans de la gestio~ par une
caisse autonome avançaient :

389
..
_ que les sociétés d'assurances gèrent 1.e risque accident du
travail dans un esprit lucratif qui ne correspond pas aux
buts d'une législation sociale
- que les investissements réalisés par les compagnies ne profi-
taient pas aux Africains
- que les compagnies ne se souciaient aucunement de la préven-
tion ni de la réadaptation des victimes d'accidents du tra-
vail
- que le système ne permettrait pas d'associer les travailleurs
à la gestion
- que, bien au contraire, il apportait de nombreuses entraves
à la réparation : formalités à remplir trop nombreuses, pas
de service de liquidation en dehors des grandes villes, con-
testations interminables sur la nature professionnelle ou non
de l'accident, sur le montant de la rente, etc ••• ; que l'in-
demnisation des compagnies ne serait pas trop coftteuse puisqu\\
justement le risque ne représente qu'une partie de leur acti-
.'
vité.
La solution adoptée fut un compromis à savoir la ges-
tion du risque par les caisses de compensation déjà créées. Les
décrets du 24 février et 23 juillet 1957 qui autorisent les
assurances territoriales à confier ce risque aux compagnies
d'assurances pour une durée et dans des conditions déterminées
d~1S chaque cas avec certaines obligations imposées aux compa-
gnies : s'engager à mener une pOlitique de prévention, etc .. (1)
(1) Cf. la Sécurité sociale au Cameroun, Tjéga Ruth, P~is 1977,
p.125.

390
Toutefois, il convient de noter que de telles tergi-
versations n'étaient pas sans intérêt. C'est pour cette raison
qu'en d'autres lieux et d'autres temps, le rapport Beveridge
établi en 1942 s'insurgeait contre le fait que les accidents du
travail puissent être à l'origine de bénéfices pour les compa-
gnies privées d'assurance; il montrait que la concurrence entre
ces sociétés commerciales détenait une partie des fonds en frai~
de représentation et de publicité.
Bien plus, l'étude du modèle ainsi mis en place au
Gabon révèle à l'observation des contradictions. En effet,
selon l'article 28 du code de sécurité social gabonais loi n 06/:
du 25 novembre 1975, "la cotisation de la branche des P.F. et
celle de branche des risques professionnels sont à la charge
exclusive de l'employeur". Or, en réalité, on sait que c'est le
salarié qui subit la charge financière la plus pesante (car seu
créateur des richesses); dans le même temps, l'accident est con·
.
sidéré comme un risque social .
'
Comment alors expliquer que "l'indemnité journalière
(soit servie) à la victime (de l'accident du travail) par l'em-
ployeur qui s'en fait rembourser par la caisse? Selon les ter-
mes Ge l'article 61 du même code?
Comment expliquer que lorsque l'accident survient
sur le lieu ëu travail au cours du processus de production "les
prestations sont supprimées lorsque l'accident résulte de la
faute intentionnelle de la victime? si l'accident est causé pc
la faute d'un tiers la responsabilité incombe à la tiers person

391
\\~
"
ne- '1 (1). 1JDe telle législation rés~t-elle le problème du
travailleur accidenté ou bien se nourrit-elle de tendres égards
à l 'endroi t de l'employeur? Car en refusant la responsabilité
du patron du fait des accidents survenus à l'occasion du travai2
le code gabonais de sécurité sociale fait prévaloir un modèle
juridique dominé par la notion de responsabilité pour faute
hérité du Code Napoléon dans son article 1382-83-84 pour qui
"TOut fait quelconque de 1 'honune qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé de le réparer".
Chacun est responsable du donunage qu'il a causé non
seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par
son imprudence. on est responsable non seulement du dommage que
l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est cal
sé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des chose~
eue l'on a sous sa garde •
Une telle conception du droit outre quelle est en con-
..
tradiction avec la conception du droit gabonais précapitaliste
pour qui c'est le groupe social qui est responsable de la faute
commise par un individu, mais encore elle se refuse de faire de
la notion de responsabilité une notion juridique objective liée
au travail que le salarié effectue sous les ordres et au profit
G'un patron.
A la lecture du code de sécurité social@il ne paraît
aucux! argument à même de justifier la disposition qui prétend
eue l'accident intervenant de la faute d'une tierce nersonne
-
.
ou de la faute personnelle du travailleur, il puisse avoir pert(
(1) Cf. article 72 du même code.

392
\\~
JI
de prestation de la part de ce dernier; et qu'il y a choix de
responsabilité entre le patron et le travailleur dans le fait
qu'il subsiste un accident car l'accident a pour conséquence
de porter atteinte à la capacité temporaire ou permanente du
travail de l'accidenté.
Alors que le travailleur verse une cotisation pour
assurer la reproduction de sa force de travail, le droit actuel
au Gàbon lui inflige en plus, au moment où il est accidenté, de
supporter les frais et la perte de revenu lui-même. TI y a là
deux poids deux mesures dans la mesure où le patron qui tire
profit du travail du salarié se trouve exempté de toute respon-
sabilité.
Ce droit fait fi d'une réalité, c'est que de nos jours,
la notion d'accident du travail, ce n'est pas l'accident du
travailleur isolé mais celui qui intervient à l'occasion du
travail dans l'entreprise, en remontant une bille d'Okoumé,
dans la mine, etc •.. pour le profit d'un patron et qu'en dehors
du salaire, il n'existe plus au Gabon d'autres cadres de sécu-
ri té (le milieu familial lui-même en dépend presque entièrement:
Une telle situation crée une insécurité pour le travailleur dé-
muni.
Le re:us de la prise en compte de la responsabilité de
la société en cas d'accident du travail nous montre combien le
droit actuel ne mesure pas les conséquences pour une vie humain
du retrait hors travail.
Lorsqu'on est obligé par la force des
choses à renoncer à son "gagne pain" à la suite d'un accident
du travail qui a eu. lieu. sur le lieu du travail en par1li.cipant
à un travail socialement nécessaire l'homme ne doit-il pas

393

de
attendre la société la reconnaissance d'un droit à la vie ?
La sécurité sociale
elle-même dans ses principes gé-
néraux promet de "garantir les travailleurs et leurs familles
contre tous les risques susceptibles de réduire ou de supprimer
leur capacité de gain". N'est-ce pas là l'engagement, dans le
cas qui nous concerne ici, de permettre à l'homme accidenté -
pour qui l'accident ne laisse pas d'autre choix - d'avoir des
moyens d'existence lui permettant de ne pas souffrir des consé-
quences de la survenance d'un tel risque ?
En vérité, l'orientation du droit actuel au Gabon en
matière d'accidents du travail satisfait aux exigences de la
structure de la société en place.
Le rePus théorique et pratique de ce droit de recon-
naïtre en l'homme le "capital le plus précieux"; la réduction
de sa force de travail à l'état d'une marchandise n'ont pour
bu t que de permettre à l'argent de fonctionner comme capital.
.'
Et, dans cette logique, l'homme n'a aucune valeur; il est un
objet que l'on jette une fois qu'il n'est plus utile.
Des efforts peuvent être faits en recherchant une im-
position des cotisations proportionnelles à l'importance des
accidents survenus dans une entreprise ou un groupe d'entrepri-
ses donné comme le préconisent certains (1).
I-':ais ceci restera une simple 'VUe théorique et le res-
tera aussi longtemps que possible tant que la qualité de la vie
de l'ouvrier gabobais sera ce qu'elle est aujourd'hui. En effet
J
(1) Cf. Obiang Obitsa, Thèse
La médecine du travail au Gabon
Lille 1974.

394
I~
"
faut-il dire: disposer d'un logement de qualité. d'un repas
satisfaisant. de bonnes conditions de transport pour se rendre
au travail sont un vêri table luxe pour lui.
Tout comme la situation restera inchangée tant que
sur le lieu du travail. chaque salarié ne sera pas concerné
par toute modification de l'organisation du travail. la situa-
tion restera inchangée tant que le lieu du travail demeurera
considérée comme un endroit de réalisation du profit. les tra-
vailleurs devant cette logique abandonnent leur réalité humaine
au vestiaire.
§ 5
Quelle SOlution à la question du logement?
La question du logement se pose de façon très aigu~
pour les populations. Les logements ait économicues ne sont
accessibles qu'à une couche moyennement aisée de la population
et non aux travailleurs deshérités en raison du coüt très élevé
.'
des loyers. un F2 coO.te 30.000 F CFA environ.
Le problème est encore aggravé par la discrimination
que connaissent les principaux centres urbains où la différence
est très nette entre le luxe dans leauel vivent les membres de
la classe privilégiée gabonaise et étrangère et la situation
misérable des familles ouvrières.
C'est ainsi GUe dans des centres à caractère industrie
comme ~1oanda. Port-Gentil. Hounana, Bakoumna, , . il Y a deux ci t
d'habitations distinctes: une cité européenne avec piscine.
villas luxueuses. hôpitaux. etc •.• et une cité africaine où ~es
J
ouvriers sont parqués dans des cases de 2-3 pièces abritant
jusqu'à 6 personnes.

395
('
Ailleurs, (Libreville ••• ) c'est la coexistence de
l'opulence des beaux quartiers et l'entassement misérable des
faubourgs.
cette politique est matérialisée à travers les orien-
tations de l'Etat en matière d'habitat dont il convient de dis-
tinguer
la construction publique;
la construction privée;
la construction dite orientée.
La construction publique concerne principalement les
bâtiments administratifs et les édifices annexes. Elle est
entreprise par l'administration elle-même ou sous sa surveil-
lance. En général, les travaux sont financés par le budget de
l'Etat et accessoirement par les collectivités locales; dans
certains cas, l'administration fait appel au préfinancement
par les entreprises sous forme de prêts commerciaux.
La construction privée comporte différents cas :
des entreprises comme la COMILOG, COMUF, ELF prévoient toujour~
.'
des logements dans leurs réalisations; les particuliers les
plus aisés accèdent à la propriété en cumulant leur épargne
et àes prêts complémentaires; la société gabonaise d'aménage-
ment et d'équipements immobiliers fait construire également de~
immeubles. A toutes ces constructions, s'ajoutent celles de la
C.N.S.S. et l'action du crédit immobilier qui octroie des prêt:
sur fonds en provenance de la Banque gabonaise de développement
et de la Caisse centrale de coopération économique, sur une
échéance de 20 ans au taux de 3,5 % l'an pour les logements
dits "sous-économiques" et 10 ans au taux de 5 % pour fies loge-
ment s de moyen standing.

396

En réalité, l'encouragement à la construction par le
moyen des prêts n'atteint qu'une petite partie de la population
surtout urbaine déjà favorisée relativement : la classe moyenne
que l'on cherche à intégrer.
Déjà que, même à Libreville, les prix du raccordement
à l'eau et à l'électricité sont prohibitifs pour les revenus
modestes; .plus de la moitié des logements sont individuels et
dépourvus d'eau et d'électricité. Les cases (plusieurs loge-
ments) sans eau ni électricité représentent environ 30 %des
logements. Ce type de cases est de plus en plus acculé
dans les quartiers périphériques.
Les cases à un seul logement équipées d'eau et d'élec-
tricité constituent 12 % de logements. Elles appartiennent soit
à des sociétés soit à des particuliers. Les immeubles modernes
d'habitation dotées de l'eau et de l'électricité représentent
6 %des logements.
Selon la revue française "Publication du syndicat
.'
patronal de l'industrie de la République gabonaise", 1975 :
"l'office national de l'habitat" crée le 12 juillet 1973 alimen"
le fonds national de l'habitat (avec contribution patronale 3 ~;
des salaires); la société gabonaise d'
a~~nagement et d'équi-
pernent immobilier (S.G.A.E.) (composition Etat + Caisse central
de coopération économique française) devaient construire à
Nomba Domaine une cité de 5UO logements pour les travailleurs
du transgabonais, une deuxième tranche de 500 logements dont
300 à Libreville et 200 en province pour les personnes de peu
de ressources.

397
Il
Pour l'intérieur du pays, le programme de 1973 pré-
voyait 650 logements économiques entre 1973 et 1975. Dans le
même temps, l'Etat décidait la démolition de certaines zones
suburbaines où s'entassaient des habitations misérables.
on serait tenté de voir dans le fait de nouvelles
constructions une preuve de la compréhension de l'Etat et du
capital international pour les besoins sociaux en matière de
logements. En vérité, ce qui incite l'Etat et le capital inter-
national et le système à s'intéresser à cette question est
surtout le fait que les 3/4 des travailleurs concernés viennent
des localités lointaines ou des pays étrangers et sont sans
abri. Et vu qu'ils sont d'un grand rendement, on peut les per-
quisitionner d'un moment à l'autre. TOut comme on pourra à tout
moment exercer toute pression voulue sur les rares travai11eur~
qui ont pu avoir accès aux dits logements sociaux.
La preuve de ce que nous venons de dire nous est four-
nie par le fait que dans les villes comme Libreville, Port-
Gentil, nombre de travailleurs non seulement demeurent sans
logement décent, mais font des centaines de kilomètres sous la
pluie, le soleil br1l1ant ou sont entassés dans des camions non
couverts ~and ils sont véhiculés pour se rendre au travail.
Sinon comment expliquer les nombreuses campagnes
d'expropriation ùes populations de Libreville, Franceville
(quartier poto-poto) que l'on laisse sans abri? Lorsqu'on sait
par ailleurs ~e dans les quartiers populaires, les pauvres
vivent entassés dans des maisons prêtes à sauter au premier
coup de vent violent, le doute se renforce.

398

Bien plus, on peut se demander dans la mesure où le
problème sera résolu à partir du moment où ce à quoi on assiste
est le renforcement d'une opposition entre villes et campagnes,
le développement de petite propriétaires fonciers (fonctionnai-
res, membres du gouvernement, "expatriés") à la quête d'une
rente foncière. Le président de la République Bongo confirmait
et avouait l'existence de ces contradictions en déclarant il
n'y a pas si longtemps: "Le problème de fonds, c'est que la
majorité de la population librevilloise se sent brimée, une
poignée de citoyens se partageant généralement les meilleurs
terrains. Même lorsqu'ils ne les mettent pas en valeur, la
distribution des logements à loyer modéré reflète cette discri-
mination. La distribution des logements socio-économiques s'est
souvent malheureusement opérée dans la plus grande discrimina-
tion. Les rues d'Akébé-plaine et celles de Lalala (quartiers
populaires) ne sont pas éclairées, plusieurs quartiers manquent
de marchés. Lalala a besoin des plages parce que celles qui
existent sont devenues les prop:r:ié_~~.s. R~~.v~es des expatriés qui
louent les villas qui les bordent" (1).
Ainsi, l'histoire des logements des masses deshéritées
rui s'écrit aujourd'hui est l'histoire de leur expropriation (2
et les pouvoirs publics ont trouvé la solution à cette question
d~lS l'accession à la propriété o~ferte à tous conme l'a décide
le Conseil des Linistres du 5 l'lai 1980.
in Journal "Quotidien gouvernemental" "l'Union" du 7 Mai 19
p. 2.
1
Au Gabon, l'expropriation pour cause d'utilité publique ré-
glementée aujourd'hui par la loi n o 6/ 6 1 du 10 Mai 1961 est
l'héritage GU décret du 10 Mai 1917 promulgué par arrêté du
gouverneur géneral le 18 Septembre 1917 en ce qui concerne
les expronriatjoY:'r- rlpc; tp-r-r~;ns..en-Âfriaue.

~
399
f>,.it
"Les logements dont il a été question lors du Conseil
des Ministres (de ce jour) feront partie d'un programme d'opé-
ration dite "autoconstructionll • Ces constructions qui devront
permettre aux nationaux dont les revenus se si tuent autour du
SMIG d'accèder à la propriété avec des charges d'environ
10.000 F CFA par mois ll , écrit le quotidien gouvernemental
l'Union (1).
Telle est donc la nouvelle politique d'aide à la cons-
truction. Mais ce vieux remède à la question du logement d'ap-
parence généreux et répondant aux voeux de l'inunense majorité
de la population poursuit à vrai dire un but bien précis :
intégrer la classe ouvrière au mode de penser de la classe
moyenne : le repliement sur soi-même, le retrait de la vie
sociale.
Cette solution est recherchée depuis le début du libé-
ralisme et vient de l'OCcident où les dirigeants du régime li-
béral ont toujours cru trouver dans la maison individuelle une
.'
solution idéale au problème du logement, car ainsi l'initiativE
privée poUJ.>rai t donner toute sa mesure et retirer de son action
un bénéfice politique et économique considérable.
Cette o~ientation est aujourd'hui reprise par la clas-
se privilégiée gabonaise qui veut montrer par là ou 'au Gabon
il ne peut pas avoir lutte entre la pauvreté à ml pele de la
société et la richesse à un autre, mais que chacun des membres
de la société peut devenir propriétaire d'un logement.
(1) Cf. Union 27 juin 1980, p. 1.

\\~
400
"
Il Y a plus d'un siècle, Engels dans la question du
logement a pourfendu les défenseurs de la maison individuelle
en ces termes : (quoique dans un autre contexte ce propos est
très actuel)
"Pour créer la classe révolutionnaire moderne du prolétariat,
il était indispensable que f'O.t tranché le cordon ombilical qui
rattachait au sol les travailleurs du passé. Le tisserand qui
possèdait à cOté de son métier sa maisonnette ( ••• ) tirait son
chapeau devant les riches, les curés et les fonctionnaires de
l'Etat et était au fond de lui-même 100 % esclave. C'est la
grande industrie moderne qui a fait du travailleur rivé au sol
un prolétaire ne possédant absolument rien, libéré de toutes
les chatnes traditionnelles, libre comme l'air: c'est précisé-
ment cette révolution économique qui a créé les candi tions qui
seules permettent d'abolir l'exploitation de la classe ouvrière
sous sa forme ultime, la production capitaliste ( ••• ) En d'autrf
termes, Mr Sax espère que, gra.ce au changement social que devra:
.'
entratner l'acquisition d'une maison, les travailleurs perdront
également leur caractère et reviendront dociles et veules comme
leurs ancêtres qui, eux aussi, possédaient une maison" (1).
2°) Cette aide - dont le caractère sélectif est éviden
de par la condition exigée: (des charges de 10.000 F CFA par
mois, au'aucun Snicarè ne pourra payer; déjà crue les 40.000 Fep
qu'il gagne ne peuvent lui permettre de manger à sa faim) a
pour but de permettre au capital de se valoriser comme capital
de circulation dans l'immobilier; car dans une société capita-
(1) Cf. F. Engels, La question du logement, p.18
éditions sociales.

401
JI
liste le logement doit devenir une véritable marchandise et
l'intérêt des propriétaires fonciers et des capitalistes
trouve ici sa cause lorsque la classe privilégiée gabonaise
facilite les conditions d'achat de la marchandise logement et
cela même au prix d'un endettement à vie de l'ouvrier.
Mais cette solution ne résou.~rien. pui.squ. 'elle amène
une appropriation privée du sol. TOut ce qu'elle permet. c'est
de "tisser les fils invisibles capitalistes" qui à chaque
grève mettent l'ouvrier individuel en contradiction avec sa
classe: le crédit. les traites pour l'auto. la télé. le réfri-
gérateur et finalement les mensualités d'accession à la proprié
té du logement. Tout cela passe par la ttco1onisation de la vie
quotidienne". colonisation dont le pOle structurant est pr-écdse
ment le 10gementft (1).
D'après tout ce qui précède. il apparatt que la solu-
tion des pouvoirs publics à la question du logement connatt de~
limites certaines. Mais il n'en est pas ainsi seulement pour 12
question du logement. il en va de même en ce qui concerne les
transferts de revenu par le biais de la sécurité sociale.
- 6
A cui
,
profite la sécurité sociale?
Parmi les finalités de la sécurité sociale. il y a
la protection de la santé et la distribution des revenus redis-
tribués à partir d'un prélèvement opéré sur les salaires des
travailleurs.
1
(1) Rémy Butler et Patrice Nosette : "De la cité ouvrière au
grand ensemble". p. 129. Petite collection MasPéro.

I~
402

L'objectif étant d'aboutir à un transfert social de
revenu d'une catégorie sociale à l'autre, des plus fortunés
aux moins fortunés.
Mais quel est le bilan pratique du système qui se dé-
gage aujourd'hui ~
Toutes les classes sociales (excepté les paysans et
autres non affiliés volontaires à la sécurité sociale) bénéfi-
cient au Gabon des transferts sociaux. Mais pour expliquer les
résultats auxquels on aboutit, nous aurons recours à l'expérien-
ce de la France pour des raisons méthodologiques et historiques
En effet, lorsqu'on ne peut expliquer suffisanunent un
phénomène par lui-même, le recours à des abstractions théorique
aident davantage à sa compréhension que les simples explication
faites à partir des données empiriques. Et la référence au cas
de la France s'explique pour la simple raison que la sécurité
sociale gabonaise est à l'image de la sécurité sociale français
dont elle a hérité les principes fondamentaux •
.'
Sous ce double rapport, on peut voir, cormne l'enseigne
le professeur Gérard Lyon-Caen (1) que la redistribution des
revenus à partir de la sécuri té sociale est limitée, parce que
les chefs d'entreprises répercutent sur les travailleurs et
consommateurs la charge nouvelle crui leur est imposée. La réali
sation de la redistribution entre les différents groupes sociau
(salariés, emplojreurs, agriculteurs, professions libérales, etc
est difficile (sens horizontal) parce qu'un ménage sans enfant
de deux salariés dont le salaire ne dépasse pas le plafond
(1) Cours polycopié Droit du travail et principes de la sécurit
sociale, 3ème année, 1973, p. 425.

403
cotisera au maximum sans tirer aucun avantage du système; tout
comme un titulaire de très haut revenu chargé de nombreux
enfants et dont la femme ne travaille pas ne cotise que sur la
base du plafond, tirera un très grand profit du système (allo-
cations familiales). A l'intérieur du groupe des travailleurs
salariés (sens vertical) pour qu'il y ait réellement redistri-
bution des revenus des hauts salaires vers les bas salaires,
il faut qu'il y ait une égalité des prestations pour tous et un
stricte proportionnalité des cotisations aux salaires.
Il se trouve qu'en France, les cotisations ne sont pas
strictement proportionnelles aux salaires, en raison de l'exis-
tence de la technique du plafond qui veut
qu'un P. D. G. comme
un manoeuvre paiera des cotisations sur 2.000 FF si le plafond
est de 2.000 FF par mois. Quant aux prestations, le P.D.G. en
recevra souvent plus que le manoeuvre. Ainsi, le manoeuvre paie
par exemple même s'il est célibataire pour verser des presta-
tions familiales au P.D.G •
.'
Mr Baner (1) abonde dans ce sens de la façon suivante
La redistribution des ressources des riches aux pauvres par le
biais de la sécurité sociale est très faible.
1°) A la fois par groupes de revenus et par tête dans
chaque groupe parce que le groupe des travailleurs pris dans
son ensemble paie une partie des bénéfices au'e11e obtient et
eue les subventions ont rarement été financées pa:~ l'imp~t p1u~
largement par l'inflation.
(1) in Economie politique, T. II 1969, p. 46.

404
20 ) Parce que la cotisation des salariés Prappe direc-
tement le montant du revenu des travailleurs, tandis que la
cotisation patronale est calculée sur les salaires versés, non
sur les profits de l'entreprise.
Conclusion: en fait les deux cotisations différentes
sont financées par les salariés eux-mêmes, ce qui se produit
donc c'est une redistribution horizontale
- des biens portants vers les malades
- des sans enfant vers les chargés de famille
- des hommes vers les femmes
- de Paris vers la Province.
Jacques Fournier et Nicolas Questiaux avancent la
même chose lorsqu'ils écrivent:
"La redistribution (assurée par la protection sociale) n'appré-
hende pas toute une dimension de l'inégalité. Celle-ci suscite
des phénomènes de redondance, celui qui a les revenus les plus
bas tire moins parti des services COllectifs, est moins armé
.'
pour s'arracher à sa situation. L'inégalité se transmet, or la
redistribution ignore tant l.:.s patrimoines que le savoir ou les
chances. Il ne faut attendre d'elle qu'un tableau d'ailleurs
i~parfait de certains effets de la protection sociale.
Il peut être amélioré - il ne saurait être question par cette
techni0ue malhabile, de redresser les conséquences d'un système
de produc tion" (1).
Ainsi, il apparaît que la sécurité sociale ne réduit
pas les inégalités, elle aboutit tout au plus à des transferts
( 1) Voir Nicolas Questiaux et Jacques Fournier in Traité du
Social chez Dalloz 1978, p. 656.

\\~
405
..
de ressources entre individus et ménages ayant à peu près les
mêmes revenus et que dans une formation sociale capitaliste, le
revenu national crée par le travail des ouvriers va d'abord
aux riches qui s'enrichissent alors que les salariés pauvres
sont astreints à reverser dans un Ponds commun des sommes non
pas à satisfaire leurs besoins, mais servir de couverture par-
tielle aux risques sociaux auxquels ils sont exposés.
Et l'on peut voir qu'au Gabon (1) où c'est pratiquement
le même modèle qui existe, les hauts salariés et les patrons,
membres du gouvernement et parlementaires, qui sont gagnants
à la sécurité sociale.
"C'est ainsi que les agents du secteur public déjà
favorisés du point de vue de la sécurité de l'emploi et du ni-
veau des rémunérations, bénéficient des mesures plus généreuses
que les salariés pour les prestations familiales, pensions,
etc •.• " (2).
.
En effet, au Gabon le fonctionnaire bénéficie pendant
'
l'exercice de ses fonctions non seulement d'un
salaire, mais
aussi d'autres avantages parmi lesquels les indemnités spéciale~
accordées au fonctionnaire détenant un titre universitaire et
occupant certains emplois (art. 108 Loi no 9/67 du 1G Juin 1967
le logement lui est fourni gratuitement; le fonctionnaire occu-
pant des hautes fonctions a droit à une ou deux voitures de ser-
vice. Il peut se voir attribuer des récompenses particulières
(1) Le manque de données statistiques ici ne nous a pas permis
de présenter une analyse exhaustive et voulue de la questio~
aussi nous nous contenterons d'une présentation thék:>rique d,
la question.
(2) Cf. La sécurité sociale en Afrique au Sud du Sahara par
Pierre ~outon, B.I.T. 1960.

406
"
telles que "l'encouragement pour récompenser le zèle~ la quali t,
et le rendement manifestés dans les circonstances anormales"
le témoignage officiel de satisfaction pour récompenser entre
autres ses actes de courage et de dévouement.
Le statut général de la fonction publique le sécurise
contre les licenciements arbitraires, sauf pour motif discipli-
naire ou insuffisance professionnelle. Il ne peut être privé
de son droit à l'avancement et garanties disciplinaires •••
Les sanctions qui vont de l'avertissement, blame avec
inscription au dossier, déplacement d'office, abaissement
d'échelon, abaissement de classe; exclusion temporaire de fonc-
tion, mise à la retraite d'office, abaissement de grade et enfi
révocation sans suspension des droits à pension et révocation
avec suspension des droits à pension, n'interviennent qu'en cas
de non respect par le fonctionnaire du règlement de sa profes-
sion.
Quant aux "expatriés" : "dans nombre de cas, ceux-ci
appartiennent déjà aux classes supérieures des revenus, retiren
un plus grand bénéfice de la sécurité sociale africaine que les
travailleurs nationaux, soit en raison des modalités de calcul
des prestations et des cotisations, soit parce qu'ils utilisent
mieux les services existants. Par exemple, à gravité égale, un
accident du travail revient beaucoup plus cher à l'organisme
lorsque la victime est un salarié d'origine européenne, non
seulement les indemnités journalières sont plus élevées, mais
encore le paiement des soins médicaux porte sur des dépenses
beaucoup plus importantes.
Déjà, les colonies européennes conservent un poids

\\~ 407
politique non négligeable dans le conseil d'administration de
la C.N. S. S. dent eU_ exercent une influence considérable par
le biais de la représentation des employeurs où ils s'opposent
à toute réduction de ces privi:ièges communs à leur classe" (1)_
Ainsi vu la s~ité sociale aurait-elle été conçue
pour faciliter et entretenir la constitution des classes socia-
les dont certains nient l'existence.
"Elle aide doublement les familles riches à subvenir aisément
aux besoins de leurs enfants, à leur formation scolaire afin
d'occuper plus tard des postes de haut niveau" (2).
Une enquête portant sur les revenus et les dépenses de~
ménages européens (revenus moyens) menée par le journal Jeune
Afrique en Février 1964 situait à l'époque entre 102 à 380.000
CFA le revenu d'un "expatrié" (ménage européen), en plus des
diverses indemnités et avantages en nature.
Aujourd'hui, ces avantages toujours en accroissement
.
sont sans rapport avec le mode de vie misérable des créateurs
-
des richesses : les travailleurs des villes et des campagnes.
C'est ainsi que pour "l'expatrié" le logement très luxu.eux est
pratiquement gratuit; certains ne paient qu'une faible quote
nart sans rapport avec le coüt de la vie.
Un certain nombre de fonctionnaires et la plupart de
nOli-~onctior~aires bénéficient ce l'usage du frigidaire appar-
t enanr à la compagnie. Ceux-ci en outre ne supportent aucune
charge pour l'eau et l'électricité et bénéficient d'un équipe-
ment ménager.
( 1) Idem p. 161.
(2) Idem p.
161.

r
408
pl~complet : conditionnaire d'air et plus Fréquemment d'une
voiture de service, d'un jardinier, d'un boy, d'un marmiton,
d'un cuisinier, d'une bonne ...
Les fonctionnaires affectés au titre dtassistants
techniques peuvent utiliser gratuitement les services dans
les établissements publics de santé, ils paient parfois les
produits pharmaceutiques alors que, par contre, les soins
médicaux et les frais pharmaceutiques des agents des sociétés
sont pris en charge par ces dernières.
C'est cette situation qui prévaut dans la plupart
des pays du Tiers-Monde où le poids des privilèges des coopé-
rants européens est écrasant. A ceci près qu'une partie de
ces privilèges a été arrachée par une même couche des classes
privilégiées locales ou concédée afin de prévenir un mouvement
de plus grande ampleur afin de mieux contrOler la situation.
Une étude réalisée par le B.I.T. en 1974 révèle que
le personnel de direction dans toutes les anciennes colonies
.'
françaises africaines au sud du Sahara est en général euro-
péen; tandis que les cadres moyens s'african,isent. Ainsi en
1967, au Cameroun, sur 539 directeurs d'entreprises, seuls 77
étaient Africains, tandis qu'on comptait 3706 cadres moyens
africains sur un total de 4.489 sur 78.212 ouvriers et em-
ployés; seuls 328 n'étaient pas Africains.
Une autre étude du B.I.T. àatée de l'année 1971 sur
la COte d'Ivoire montre que 3,5 % du personnel du secteur pu-
blic était un Africain, mais qu'il percevait 29,2 % des sa-
laires. L'existence d'un double secteur privé-public ~onstltue

~ 409
l'un des avantages de ce qu'il est convenu d'appeler
"l'afric~~isationdes cadres" pour le capital interna~anal.
C'est ce qu'expliquait un journal financier français en com-
ment~lt les résultats de la compagnie fr~L;aise de l'Afrique
OCcidentale en ces termes : "l'afric~nisation des cadres
attire des sympathies et fait faire des économies car le
personnel européen est co~teuxn (1).
Il existe ainsi une véritable discrimination de
traitement comme le montre Jacques Lecaillon et D. Germidis
dans "Inégalité des revenus et développement économique" (2)
!tA qualification égale, à niveau d'instruction et de formation
comparables, les non-africains sont toujours avantagés ( ••• )
En fait, c'est à tous les niveaux de qualification que les
non-africains sont avantagés. Ceci est vrai pour les ouvriers
( ... ) C'est aussi vrai pour les employés qualifiés (dont
beaucoup de femmes : 90,9 % qui bénéficient des salaires 2,6
fois plus élevé que les Africains ( ••. ). En ce qui concerne
.'
les cadres et la ma1trise, les disparités sont de même sens,
bien que comparativement moins importantes".
Entre nationaux les disparités de revenus sont aussi
énormes comme l'atteste la situation au Gabon surtout depuis
les années 70.
En 1973, les 12.343 fonctionnaires gabonais ont tou-
ché 984 millions F CFA soit un salaire moyen individuel et
mensuel de 66.468,1 F CFA; si le partage était égal; en 1974,
(1) Cf. Le marché financier de Paris, 5 Novembre 1976J
(2) P.U.F. 1977, pp. 167-168.

,.
410

12.968 fonctionnaires ont perçu 12.390 millions F CFA pour
une moyenne abstraite mensuelle et individuelle de 79.619
F CFA pendant que le SMIG s'élevait dans le même temps à
10.S00 F CFA, 17.517 et 30.000 F CFA en 1975-78 les traite-
ments des ambassadeurs gabonais s'échelonnent à 420.000 F CFA
(Amérique-Japon), 410.000 F CFA (Europe- Moyen Orient -
Afrique du Nord) et 300.000 F CFA (autres pays), le Président
du conseil municipal en 1974 touchait 300.000 F CFA alors
qu'un ministre avait déjà en 1961 488.000 F CFA (1).
La Conférence africaine sur l'amélioration et l'har-
monisation des systèmes de sécurité sociale des pays africains
(2) conclut que la simple croissance économique peut ne pro-
fiter qu'à une minorité, élargir les inégalités et que dans
des pays comme le Gabon, le Maroc, le Xenya, la répartition
des revenus l~tionaux est très inégalitaire. C'est ainsi que
les 20 % les plus riches reçoivent 65 % ou plus du revenu
national (3). Qu'à cette inégalité de revenu s'ajoutent d'au-
tres discriminations lorsqu'il existe deux régimes distincts.
Dans ce cas, ce sont les agents de la fonction publique qui
jouissent d'une sécurité d'emploi, des prestations conforta-
bles en cas de retraite, incapacité de travail, des prestatioL
familiales, des soins médicaux dont est privé la plus grande
partie de la population.
(1) Cf. "L'impact de la rente minière au Gabon" NDong Clément
Thèse Paris 1980, pp. 371-372.
(2) Voir sème Conférence régionale africaine Abidjan ~ept~ct.
1977.
(3) si pour 44 pays d'Afrique la consommation des 20 % les plu
riches de la population est en moyenne de 10 à 1 les 20 ~'
les plus pauvres disposent de 5,6 % des revenus. les ;:>(1 C

,-
411

Ce qui revient à dire qu'en Afrique en général et
au Gabon en particulier, il y a inégalité de revenus, de con-
ditions d'existence entre ceux qui ont un emploi salarié et
ceux qui n'en ont pas; inégalités entre cadres, membres de la
fonction publique, petits employés et ouvriers; inégalités
entre l'ensemble de la population agricole et les 15 ~ 20 %
des habitants qui font partie de l'économie moderne capitalistE
Mais ces inégalités ne sont pas le fait du hasard.
Elles obéissent à une certaine rationalité et à une certaine
logique.
A. Cardero et R. Verhaesen (1) nous expliquent que
s'il en est ainsi c'est parce que~historiquernent, les mécanis-
mes et circuits ( •.• ) complexes de transferts sociaux ont été
établis en vue de compenser les inégalités de revenus intro-
duites par le patronat dans les rémunérations directes (salai-
res nets) ceci s'est fait au nom de la "justice sociale" et
.
d'autres idées nobles. La liberté quasi-totale que détient
'
le patronat pour fixer le montant des rénumérations directes
du travail entra!ne une forte disparité et entraïne une ten-
dance fréquente à tenir le salaire au bas niveau:'/ ( - -)
~/En conséquence, le salaire direct ne peut généralement
pas assurer aux ménages et aux producteurs eux-mêmes la repro-
èuction de la force de travail. Il ne peut non plus assurer
l'entretien et l'avenir des travailleurs écartés temporaireme1J.-
ou définitivement de la production. Des organismes ont donc
les plus riches de 56 %; au Gabon ce rapport serait d'envi-
ron 35 à 1 d'après Rudolf Stram cf. Pourquoi sont-ils si
pauvres? p. 21.
(1) A? Cardero et R. Verhaeren "Les travailleurs immigrés et
la sécurité sociale" P,.TT. np r"!"1"'(-'>1'l'll"',p. D. 19.

412
..
été chargés de distribuer (redistribuer) des revenus lorsque
surviennent des événements tels que : accident, maladie,
vieillesse, naissance, chOmage, etc ..• proportionnellement
aux charges familiales. et éventuellement modulés selon les
ressources salariales directes. Même si les entreprises elles-
mêmes ( .•. ) ont été les promotrices de ces organismes (cf.
les premières caisses d'allocations familiales au siècle der-
nier), il n'en reste pas moins que les patrons se sont montrés
aussi réticents à des augmentations de salaires directs qu'à
l'augmentation des retenues au bénéfice d'organismes redis-
tributeurs et que c'est à leurs luttes spécifiques que les
travailleurs ont obtenu que soit assuré le codt des risques
sociaux qu'ils encouraient.
Les crises économiques fréquentes du système capita-
liste et leur repercussion très grave sur les salariés ont
rendu la mise en place des systèmes de redistribution, auxquel
le patronat a tenu à participer tout en favorisant le maintien
.'
de la paix sociale; ils cherchaient par ce biais à maintenir
un certain niveau de consommation parmi les catégories les
plus défavorisées et - à la limite - à assurer à celles-ci
des conditions matérielles suffisantes pour qu'elles puissent
reproduire leur force de travail~ Sous peine d'ébranler.la
base même du fonctionnement du système économique, la redis-
tribution des revenus ne pouvaient aller à l'encontre des
lois qui assurent la domination économique des détenteurs de
moyens de production.
Le système de redistribution des revenus se propose d~
J
.
tout de même de corriger les disparités de revenus et d'égalis f

413
..
les chances de certaines catégories sociales comme le veut
l'objectif essentiel de la philosophie sociale du monde libé-
ral. Dans cette vision du développement social, le plein em-
ploi et l'accès à l'instruction sont reconnus comme les con-
ditions nécessaires pour réaliser un minimum d'égalité des
chances. Mais ce minimum ne peut être réalisé dans l'immédiat,
c'est en raison de la faible croissance du revenu à partager
car dans les premières étapes du développement, la priorité
peut être accordée à la croissance du gateau qu'au découpage
en parts égales d'un gateau forcément petit
sic 1 Autrement
dit, la solution ne consiste pas dans la répartition des biens
exi stants en partant des besoins de tous les membres de la
société mais à élever le niveau d'organisation économique et
technologique. ce qui apparai t d'après ce que nous avons w
plus haut, c'est ~e les transferts réalisés à partir des
revenus des salariés ne servent souvent qu'à protéger les
privilégiés.
L'accroissement des ressources des salariés pauvres
et moyens pauvres dépendant beaucoup plus d'autres facteurs
que de l'institution qu'est la sécurité sociale. Et la lutte
eue se livrent les classes et couches sociales opprimées et
exploitées de la société gabonaise en vue d'établir un ordre
social juste est in2gale. Pendant oue les uns luttent pour ne
pas permettre à leurs membres de ne pas mourir de faim, les
autres luttent pour préserver leurs privilèges. Dans cette
lutte, certains (ouvriers, paysans) manquent du nécessaire;
ils doivent faire appel à la société pour satisfaire l~s
besoins essentiels. Théoriquement, la sécurité sociale est

\\~
414
..
l'une des institutions créées dans ce but. Mais fort est de
constater que ceux pour qui l' insti tution a été crée ne sont
pas ceux qui en tirent le plus de profit.
Certes, la question sociale n'est pas seulement une
question de partage de revenu; mais l'intérêt de l'étude
existe car il faut bien savoir quel est l'apport de l'insti-
tution par rapport à la résolution du problème de l'insécurité
de l'homme, puisqu'on attribue à la dite institution la rnissio.
de prélever des fonds, de distribuer des prestations et de
jouer dans le pays un rOle dans les transferts en vue de l'ac-
tion sanitaire et sociale. "En réalité, l'action sanitaire et
sociale est essentiellement un appareil idéologique de l'Etat,
au même titre que l'école, l'église, l'action culturelle,
elle n'est parfois pas loin des autres appareils répressifs;
ceux-là: armée, police, justice. L'action sociale est un
instrument que l'Etat bourgeois possède pour exercer avec
plus de douceur sa domination. L'action sociale nie l'existenc
.'
des classes sociales et leurs intérêts divergents. Elle entre-
tient l'idée de l'inéluctabilité de la pauvreté ou des adap-
tations "dans toutes les sociétés" comme autrefois on disait
cu t i i y avait des pauvres parce que Dieu l'avait voulu ainsi".
( 1 )
Toutefois, la sécurité sociale n'est pas que cela,
elle est aussi la représentation du rapport des forces en
presence d~lS le pays. Son contrOle et sa domination par le
gouvernement et le patronat étant liés au compromis temporaire
(1) Cf. Yves Faucoup in "Les inégalités sont une nécessité
du système" Le Honde du 17 septembre 1979.

415
\\~
..
de l'heure. Et le développement de la protection sociale
sous forme de garantie de revenu, augmentation du SMIG, etc •..
est pour l'essentiel dft et lié à la croissance de la force
et la lutte des masses populaires en vue de l'amélioration
de leurs conditions de vie et de travail, c'est dans ca sens
que la sécurité sociale est le produit d'une lutte des clas-
ses. En m~e temps, elle a pour but aussi de reproduire les
rapports sociaux capitalistes, en ce sens qu'elle maintient
et représente une image de l'altruisme de la société capita-
liste protégeant les gens pauvres dans une société riche
des pires conséquences de la maladie, des accidents du tra-
vail, de l'accroissement des besoins, etc ...
Le système de sécurité sociale reproduit également
les rapports sociaux capitalistes à travers une variété de
pouvoirs discrétionnaires et d'astuces bureaucratiques, aussi
bien qu'à travers l'essentiel de sa politique. Ces politiques
et pratiques ont toujours été le sujet de plusieurs formes de
.'
lutte qui ont conduit à la forme actuelle mais n'ont pas chan-
gé l'essentiel: à savoir que le système continue à fonction-
ner d'une façon relativement compatible à l'intérieur des
rapports sociaux capitalistes et l'Etat néo-colonial.
La sécurité sociale essaye aussi de reproduire le
rapport immédiat capital-travail de par les prestations au'
elle alloue, qui maintiennent à un niveau bas le prix de la
force de travail en établissant un salaire officiel minimum.
En maintenant le prix de la force de travail à ce minimum. la
société capitaliste maintient déjà la motivation de l'ouvrier
au travail; l'ouvrier étant contraint d'offrir au capital sa

""416
..
Porce de travai1 comme va1eur d'échange au prix qui lui est
imposé par l'adversaire.
A partir de toutes ces données, on peut maintenant
faire le point et voir si les objectifs assignés traditionnel-
lement à la sécurité sociale, à savoir:
- la garantie d'un minimum de moyens d'existence,
- la garantie du maintien du niveau de vie,
- la garantie d'une redistribution des revenus au profit des
plus pauvres ont été atteints et comment ?
Le premier objectif (la garantie d'un minimum de
moyens d'existence), au niveau des ouvriers et petits employés
est atteint par le biais d'une loi garantissant le salaire
minimum interprofessionnel, donc en dehors de la sécurité so-
ciale. Par contre, 80 % des membres de la société gabonaise
ne sont pas touchés par cette mesure. Les lois sur l'assistancE
sociale qui existent n'octroient aucune prestation aux pauvres
pour répondre à l'état de besoin, pour tous ceux qui sont
.'
non-salariés au Gabon : vieillards, femmes abandonnées, han-
dicapés ... ce droit n'existe pas.
Le deuxième objectif oui prévoit la garantie du main-
tien du niveau de vie, c'est-à-dire des revenus de remplacemeL-
en cas d'incapacité de travail, de vieillesse, etc ... ; des re-
venus de comDlément per~ettant le re~boursement de certains
frais
charges fa:-:-tiliales ou de maladie, etc ... lui non plus
n'a pas été atteint pour tous les me~bres de la sociéte gabo-
naise : les non-salaries en sont exclus.
Mieux, au niveau des salariés qui jouissent de ce .
droit, la garantie du niveau de vie ne joue ou'à l'intérieur

417
'"

de certaines limites. C'est ainsi que, par exemple, la propor-
tionnalité de pension réduit les bas revenus à vivre leurs
vieux jours en-dessous du minimum vital qui est déjà maigre
le jeu des plafonds et la proportionnalité des cotisations
appliquées aux salaires entratne comme conséquences : les bas
revenus sont les plus touchés que les hauts revenus qui tirent
plus parti du droit à la sécurité sociale. Les hauts revenus
sont les plus grands bénéficiaires des meilleurs soins de
santé. Leurs pensions et autres privilèges font que c'est à
le
eux que profit~/plus la sécurité sociale. De ce point de vue
on peut dire que l'objectif de redistribution des hauts reve-
nus vers les bas n'est pas réalisé.
Mais le modèle actuel de sécurité sociale n'apporte
pas que des privilèges et des discriminations; il véhicule
également un certain nombre de valeurs qui ont un l'Ole impor-
tant dans la transformation de la société gabonaise.
Sur le plan juridique, le bénéfice des prestations
.'
de "bien-être" est subordonné à des conditions qui ne sont pas
neutres: travail subordonné, délai et nombre d'heures de tra-
vail, nécessité d'être marié à l'état-civil, nécessité de dé-
clarer l'enfant à lrétat-civil, etc ...
Sur le plan social : éclatement de la famille étendue
au profit de la famille monogani~e, suprématie du sexe mascu-
lin; transformation de la dot dans sa nature et dans son esprit
bouleversement dans les moeurs sociales.
Ainsi vu)on peut dire que la sécurité sociale actuelle
a-t-elle un effet de destruction du droit précolonial ~t d'i~­
tégration de l'homme gabonais à l'ordre social libéral dont ell

,~
418
favorise les valeurs.
certes, il ne s'agit pas de croire qu'un autre droit
au Gabon aurait au stade actuel des choses réalisé l'égalité
parfai te, mais les discriminations et valeurs actuelles SOI'.:.t
telles qu'on est en droit de se demander sur la base de quels
principes on s'est arrangé pour accorder aux uns et refuser
aux autres le droit à la sécurité sociale ? en agissant de
la sorte, quelle mission la sécurité sociale actuelle ne
remplit-elle pas?
SECTION II - LA FINALITE DE LA SECURITE SOCIALE
Si la sécurité sociale en tant que rouage de l'appa-
reil d'Etat se caractérise par une certaine spécificité fonc-
tionnelle de ces structures, elle est généralement connue par
le rOle qu'elle semble jouer: la satisfaction des besoins des
.
assurés •
'
Reste à savoir quel avenir réservé à la sécurité
au 'YU
sociale gabonaise/de l'évolution qui se dessine visant à
faire de cette institution un moyen de développement écono-
rai eue ?
"1
La sécurité sociale comme techniŒUe de développement?
.
)
Par l'importance des sommes qu'elle prélève et accu-
mule, la sécurité sociale gabonaise et africaine revêt une
importance qui amène bien des gens à se demander s'il est
,

\\~
419
JI
juste que la sécurité sociale gabonaise fasse des prêts aux
entreprises, aux banques, à l'Etat, opère des placements à
l'étranger dans le souci d'un meilleur rendement financier et
d'une plus gTande sécurité.
"La sécurité sociale bien conçue, dès lors qu'elle s'appuie
sur des bases techniques solides exerce à de nombreux égards
une influence positive sur le développement" (1).
Dans ce même sens, Alain Euzeby (2) et la plupart des rapports
des colloques et conférences internationales de l'Association
internationale de sécurité sociale, estiment que : les ins-
titutions de sécurité sociale dans les pays en voie de déve-
loppement doivent servir comme instruments complémentaires
de financement des investissements et de formation de l'épargne
Et c'est suivant cette orientation que les achats de
terrain et d'immeubles, des hOtels sont fréquemment effectués
par les dites institutions.
A. Hervé Akendengué cite dans un rapport à la confé-
.'
rence régionale de sécurité sociale à Libreville en 1972
l'exemple du Gabon, de la Mauritanie, Zatre, Togo, etc •••
et note que ce type d'investissement pourrait s'expliquer par
le fait qu'aucune autre institution publiQUe des jeunes Etats
africains ne cisposait des réserves nécessaires pour répondre
(1) écrit Tjéga Ruth in La sécurité sociale au Cameroun, p.168.
(2)
Cf. le rOle de la sécurité sociale dans la dynamique du
développement in Revue du Tiers-~·londe Tome XVIII n072 1977·
En effet, d'après l'article 40 du code sécurité sociale
loi no 6/75 du 25 Novembre 1975 Rép. Gab. §2, "lesJfonds dE
réserve doivent être placés à court terme, à moyen terme,
long terme selon le plan financier établi par le conseil
d'administration et approuvé par le ministre du travail et
de la prévoyance sociale.Ce plan doit viser à obtenir un
rendement "" .... +;m;=l' dans leur placement et auc cd ,..; ""'
'-""r-"
.
0 .. 1C011i'';'.:r
au progrèc."
pement eCl~J.~..... \\..v.,,-, ..1E:: la Nation"".
- -,.

420
aux exigences EiDaDcières des sociét~s coloniales qui occu-
paient ces terrains et immeubles. Cet auteur poursuit: dans
la mesure où des décisions de nationalisation ne pourraient
être prises en raison de l'option politique choisie, les or-
ganismes de sécurité sociale ont été en quelque sorte encoura-
gés à suppléer cette carence.
Et d'ajouter : qu'au zatre, ce sont surtout les crain-
tes de l'inflation pendant une période troublée qui ont incité
les responsables à retenir ce mode d'investissement.
Pour G. Tamburi, les pays où les dangers de déprécia-
tion monétaire sont grandes appliquent volontiers cette poli-
tique d'investissement.
D'autre part, on remarque que dans ces mêmes pays,
les disponibilités financières des régimes de sécurité sociale
sont souvent utilisés par le gouvernement pour découvrir un
déficit budgétaire ou financier des dépenses courantes (salai-
.
res des fonctionnaires: Gabon 1977) •
'
Ainsi, ArrOba note (1) que la caisse gabonaise de
prévoyance sociale a fait des avances à l'Etat à concurrence
de 88 millions F CFA et 100.000 F CFA respectivement en 1962
et 1964. Dans ce même sens, Akendengué Hervé écrit que des
prêts d'un montant important ont été consentis à l'Etat, à
diverses fins et à des taux d'intérêts variables entre 3 et
7 ~,~, Cet auteur signale ou t en Guinée, les ressources de la
Caisse sont conEondues avec le Trésor public.
(1) considérations générales sur les relations entre tes prO-
grammes de sécurité sociale et de l'économie nationale dan'
les P.V.D. in Cahier africain de sécurité sociale no 5 196
p. 87.

"
une autre teDdance constatée est le placement en ti-
tres; certains de ces pays se servent de ces fonds accumulés
pour financer des entreprises privées ou publiques, etc •..
Il y a lieu - d'après ce qui précède - de penser que
la sécurité sociale est l'un des meilleurs moyens qui puisse
contribuer à l'épargne et de financement. L'accumulation des
réserves auxquelles elle procède peut, de ce fait, contribuer
au développement économique du pays et à l'amélioration des
conditions de vie des masses laborieuses.
1I~'1ais ceci postule une confiance dans le gouvernement qui,
QUant à lui, devrait promouvoir sans réserve la poli tique de
sécurité sociale dans le cadre de sa politique sociale générale
et remplir scrupuleusement les obligations auxquelles il aura
souscrit au titre de sécurité sociale; or ces conditions sont
loin d'être remplies dans certains de ces pays" (1).
Hieux, dans la réalité des faits, il se trouve que
l'objectif consistant à promouvoir la formation du capital
.'
recule devant des considérations d'ordre politique; des groupes
de pression (Banque, Etat, patronat) pèsent de tout leur poids
pour s'emparer de cette épargne, et des placements qui ne ser-
~lt nullement à l'a~élioration des conditions de vie des mas-
ses populaires, ~ais les intérêts d'une minorité de riches.
"c;ru. 'il s'agisse àe l'action redistributrice des revenus opérée
par la législation sociale ou des incidences éventuelles de
celle-ci sur la consommation, sur le coüt de production ou sur
(1) Cf. OUzone, op. cité, p. 36.

422
"
1a for-ation de l'épargne, 1e 1égïslateur social se rend
compte que 1a protection sociale n'évolue pas dans le vide,
mais dans un espace économique" (1). Et les liens réciproques
qui s'établissent entre l'économique et le social sont fonc-
tion de la manière dont on conçoit le développement.
Les stratégies mises en oeuvre à ce propos sont aussi
fonction de la conception pOlitique et idéologique que l'on a
du développement.
Et c'est dans la ligne d'action tracée par Adam.
Smith qui veut que c'est le progrès économique qui doit con-
di tionner le progrès social que les dirigeants
a!r1-
caans tirent leur action et aujourd 'hui encore ces derniers
continuent à croire que ce n'est que si ·le progrès économique
se réalise parfaitement qu'il n'y aura plus de misère possible
pour les masses populaires africaines.
Mr Borna Kinumbé (2) dit, à ce propos que :
"si nos politiciens se permettent un chantage autour de ces
deux thèmes Aéconomique et social" pour s'attirer la sympathie
et l'attachement des populations, c'est qu'ils se rendent
compte que tout le problème du développement réside à ces deux
points.
Ces slogans de développement économique et social dan
nos pays ne peuvent avoir Ull sens que si la réalité concrète
(1) Cf. Tjéga, La sécurité sociale au Cameroun, Thèse Paris
1977, p. 169.
(2) in "La politique de santé en Afrique Centrale, Th~e Paris
1978, p. 50.

423
..
sur le terrain se concilie avec les bases mêmes d'une bonne
poli tiqu~ économique et sociale '1, ce qui est bien loin d'être
le cas."
La question à laquelle il faut répondre est celle-ci
pourquoi ~epuis plus d'un siècle de domination et de dévelop-
pement; QU;;capi talisme
on manque d'investissement,
d 'épaiI'g11e_ en Afri que ?
Ce manque n'est-il pas d'ft ici à beaucoup d'éléments
sur le,sqR-els il importe de se pencher si l'on veut comprendre
pourquoi .en dépit des lourds sacrifices imposés aux masses la-
borieus~s.:de ces pays, la misère reste leur lot quotidien ?
En effet, l'on sait que dans la plupart des pays en
ques t i.on s- les dépenses "ostentatoires", l'effet de démonstra-
tion s'opposent à toute constitution d'épargne. Cette propen-
sion à dépenser s'étend à mesure que le capitalisme se déve l.op-
pe dans. l-e pays, à mesure qu'il procure un revenu aisé à la
classe privilégiée locale, aux classes moyennes; celles-ci
..
vont à la recherche du prestige, le mimétisme
étend son
empire.
Alors que dans la société traditionnelle, l'accumu-
1ation consistait en une ac~~lation en nature et se tradui-
saitpar'\\U1 investissement en travail, aujourd'hui, par contre
la thésaurisation
est conçue en billet de banque, il est
praticuement aifficile d'avoir un fort afflux dès lors eue
toutes les institutions financières sont dominées par le capi-
tal inter~ationa1 qui pille nuit et jour et rapdtrie les devi-
ses dont le pays a besoin. Les paysans qui constituent, la ma-
jorité~e la population préfèrent garder au fond de leur malle

424
JI
les quelques centimes qu'ils ont pu péniblement avoir sur un
marché, qu'ils ne dominent pas. Si les fonctionnaires, em-
ployés d'Etat et du secteur privé, les quelques rares ouvriers,
les quelques grands planteurs de cacao et de café qui résis-
tent à la mine, les commerçants font confiance aux banques et
à la caisse d'épargne; le paysan pauvre, lui, a une toute
autre attitude et un autre comportement vis-à-vis de ces ins-
ti tutions dont il n'a pas encore perçu le secret et la nature
véritable. Assurément, ce manque d'épargne prive l'économie
d'une part des capitaux certes négligeables, mais "les aspira-
tions des hommes dépendent de l'intelligibilité que représente
pour eux le système social dans lequel ils vivent" (1).
Et il n'est pas faux âe dire : "qu'il existe (dans
les dits pays sous-développés) toujours d'importantes forces
productives inemployées qui, si elles sont correctement mises
en oeuvre, peuvent permettre une croissance rapide de l'accu-
mulation et du revenu national. Mais cette utilisation de
.'
püus en plus large des forces productives existantes et leur
mise en service ne peut se faire que si, en même temps, sont
éliminées toutes les formes de consommation parasitaire qui
peuvent exister" ('2).
En ef3et, si certains hauts fonctionnaires et hommes
?Qlitiques africains au lieu de tenir leurs comptes en Suisse,
en France, Amèri~e, etc ... investissaient sur place, n'aurait
on pas là des capitaux permettant de résoudre tout au moins
(1) François Perroux.
(2) Cf. Charles Bethehem in Croissance et planification,
éd. Maspéro, p.
51.

425
..
en partie les problèmes d'accumulation et de la faiblesse
d'épargne? (1).
Le recours des dirigeants de ces formations sociales
à outrance à l'aide internationale et la stratégie de déve-
loppement déployée par eux sont devenus un frein au progrès
social
parce qu'ils favorisent
les intérêts du capital in-
ternational qui rapatrie en toute sécurité en Métropole tous
les bénéfices tirés du dur labeur des masses travailleuses
au lieu de l'investir sur place pour la satisfaction des be-
soins sociaux. Tout comme hier, l'accumulation initiale du
capital national était exclue dans les conditions de l'exploi-
tation et de la spoliation auxquelles se livraient les puis-
sances coloniales parce que les bénéfices fabuleux que s'at-
tribuaient les puissances monopolistes affluaient dans les
coffres-forts des banques étrangères.
L'expropriation des résultats du travail des masses
populaires africaines excluant toute accumulation du capital
national nécessaire à l'élargissement de la production, voilà
le ré sul tat du développement des pays africains sous l'égide
des firmes multinationales depuis hier jusqu'à ce jour.
Il va s~ls dire que la voie de l'indépendance éco-
nomi~e ne va pas S~ls de nouveaux et importants sacrifices et
les masses p0?ulaires africaines si elles sont sUres eue ces
sacrifices seront répartis équitablement, et mle l'e~fort
(1) Si la classe privilégiée africaine et occidentale exporte
vers les Métropoles la presque totalité des revenus tirés
de l'Afrique c'est parce que pour que l'argent rapporte il
faut qu'il puisse fonctionner comme capital et que les rap-
ports sociaux le permettent, mais ce que ces classes ou~
c'est. qu t i 1 n'œt écrit nulle part, que les pays occidentaux
sont conda-nnés historiquement a devenir des zones de paix
soc~ale.

,-
426
"
qu'on leur demande sera dirigé et utilisé rationnellement
sont prêtes à souscrire à cet effort.
Encore faudrait-il que les conditions politiques,
idéologiques et psychologiques soient créees pour ce faire.
Ce qui est loin d'être le cas dans la plupart des pays en
Afrique "où la pente naturelle des choses est pour la bureau-
cratie politico-administrative au pouvoir de profiter de
l' "aide" des ex-colonisateurs ou quelques autres pour elle-
même, de demander simplement des sièges payés dans les conseilE
d'administration des sociétés étrangères, de s'enrichir en
prenant pour point de départ le capital (et les deniers pu-
blics) et de jouir de la vie.
Mais cette méthode pour efficace qu'elle puisse être
sur le plan individuel ne peut pas mener à l'indépendance éco-
nomique, ni à une radicale élévation du niveau de vie des mas-
ses laborieuses tt (1).
D'après ce qui précède, il appara!t que le problème
des fonds sociaux réalisés à partir de l'accumulation des fond~
de la sécurité sociale se pose en rapport avec la nature de
l'Etat néo-colonial et des intérêts du capital qui ont la main-
mise sur l'institution dont le rôle est réduit à la couverture
d'un minima des besoins de ceux qui avec leurs maigres revenus
cotisent leur vie durant alors que le patronat et laclasse ai-
sée
pclitir-ue et bureaucrati0Ue s'en servent beaucoup pour
d'autres besoins crue la satisfaction des besoins des masses.
(1) Soumahoro Abdoulaye in Contribution à l'étude de l1évolutic
POlitique et économique de l'Afrique noire hançophone.
Mémoire, p. 81, Paris 1971.

427

C'est ainsi qu' on peut noter qu'en 1962, la caisse
gabonaise de prévoyance sociale, a prêté à l'Etat 88 millions
de F CFA pour assurer le remboursement d'un prêt consenti
précédemment par les compagnies d'assurances privées sur des
accidents du travail. Le remboursement devait se faire en
trois annuités, soit 35 millions en 1963, 35 millions en 1964,
18 millions en 1965 sans intérêt.
Fort est de constater que
jusqu'à ce jour, cette
avance n'a jamais été remboursée. En 1977, l'Etat a da recou-
rir à un autre emprunt pendant la période de la crise finan-
cière, pour le paiement des fonctionnaires, là encore aucun
remboursement n'a été fait jusqu'à ce jour.
El OUzone Georges fait remarquer dans sa thèse sur
les opérations de sécurité sociale dans les pays du Tiers-MondE
que)tant que les clauses d'indexation ne sont pas
mises au point dans le cas des titres d'Etat cormne dans celui
des prêts à l'Etat, l'inflation qui touche sévèrement nombreux
.'
de ces pays ne peut que détruire une grande partie du pouvoir
d'achat de ces titres et de ces prêts. Cet auteur illustre
cette perte du pouvoir d'achat par l'exemple de l'Argentine
où, par exemple, 100 pesos placés en 1950 au taux d'intérêt
de 8 % donnaient en 1961 un capital de 233 pesos; or, pour-
suit Elouzone, l'indice du coüt de la vie basé sur 1950 égal
1OC, étai t monté en 1961
à l' inë..ice 1300; tandis Cl.le la va l eu ;
no~inale des placements augmentait en 11 ans d'Wle fois et
demie, le coüt de la vie augmentait 11 fois; le salaire de
l'ouvrier industriel de 8 fois et le taux minimum de pensions
d'environ 9 fois.

,~
428
EI1 dé.Bru. tive, ce qui para.!t c'est une certaine logique
l'argent de la sécurité sociale représente une masse d'argent
non négligeable, qui, si elle ne sert qu'à gérer les soins et
prestations ne prvduirait pas de bénéfices. C'est un argent
qui dormirait, d'où l'intérêt de l'Etat et dU patronat à le
lIgerer ll ; aussi faudrait-il dépenser le moins d'argent possible
pour les prestations. Mieux vaut donner à qui le feront fruc-
tifier en le mettant en dép et, en développant un secteur sani-
taire et social lucratif à travers le pays (habitats, hÔtels,
etc ... ) .
C'est dire que "si les moyens de gestion mis en place
par l'Etat capitaliste font partie de l'arsenal économique du
capitalisme, le fait que ce soit l'Etat qui les mette en place
n'est nullement indifférent : il signifie que la classe domi-
nante ne peut pas sans une certaine organisation publique,
assurer son hégémonie économique" (1). Dès lors, on peut se
.
demander à quoi se ramène le rOle de la sécurité sociale en
.
tant qu' Lns t i. tution publique dont le but proclamé est la satis-
faction des besoins sociaux ?
Place de la sécurité sociale en tant cu'institution
.
publicu.e
La gestion et l'administration des allocations fami-
liales, des accidents du travail et maladies professiollnelles,
de l'assurance vieillesse sont assurées au Gabon par la Caisse
J
(1) Cf. Etat et capital par Suzanne de Brunhoff, Presses uni-
versitaires de Grenoble, p. 15.

\\~ 429
nationale de sécurité sociale dont l'organisation et le fonc-
tionnement ont été fixés par le décret no 6 PR du 7 Janvier
1963 remplaçant la caisse de compensation des PF créée en 1956.
Mais l'institution de la C.N.S.S. n'a pas entraïné
en droit de modification profonde quant à sa nature à son sta-
tut : établissement privé chargé de la gestion d'un service
public alors que de par son financement elle est approvisionnée
en théorie par les travailleurs et employeurs.
Si de nombreux problèmes se posent en matière d'orga-
nisation administrative, une place importante y est occupée
par la gestion et le rOle réel que joue cette institution.
Nul doute que la sécurité sociale n'a j arnais été une
"enclave socialisée" dans un ordre social libéral, mais un
élément subordonné dont on se sert pour permettre à la société
de surmonter ses contradictions; surtout lorsque, une fois
mise sous la tutelle étroite d'un ministère de la sécurité so-
ciale qui lui impose ses vues; les organes d'une telle insti-
tution n'ont plus qu'une autonomie fictive.
En effet, la loi portant code de sécurité sociale au
Gabon avait institué en matière de sécurité sociale une gestion
tripartite, héritage du système et des principes de sécurité
sociale de la ~=étropole coloniale française. En vertu de ces
principes, le conseil d'administration de la C.N.S.S. comprend
3 groupes égaux :
- des représentants patronaux
- des représent~1ts salariés
- des représentants du personnel

\\~ 430
"
Le conseil de l'administration a la responsabilité
pleine et entière de la gestion quant aux représentants de
ItEtat, leur raIe est de maintenir l'équilibre entre-les sou-
cis légitimesMetUles soucis non légitimes~et faire fonctionner
l'institution.
Selon les statuts de la C.N.S.S. "les salariés sont
représentés par les représentants des travailleurs et d'em-
ployeurs" •
En France,
placée sous l'autorité d'un conseil d'ad-
ministration tripartite (travailleurs, employeurs, administra-
tion)
la C.N.S.S. a été la survivance des sociétés mutualis-
tes et relevaient par conséquent du droit privé, tout en étant
chargée de la gestion d'un service public: expression dtun
compromis dans le rapport de force qui a prévalu à la créa-
tion de cette institutioll.
Au Gabon, ltorientation pratique des activités de
la caisse est tournée vers la publicisation des structures ad-
ministratives. Ainsi, le Comité de gestion dont la composition
théorique comprend une représentation majoritaire de l'Etat,
une représentation patrons-personnels et des salariés par
ses supposés représentants la Cosyga. &1 fait, l'Etat et le
patronat exercent un pouvoir illimi té
- approbation GU buDget
contrôle cies caisses et cu fonctionnement de l'institution
- nomination du directeur général, secrétaire général, agent
comptable ... ).

~
431

L'étendue des pouvoirs tant personnels que délégués
du directeur est certes considérable : de lui dépend toute
la politique de la caisse : recrutement, révocation des agents
subalternes, remise des majorations de retard ••• etc •••
Mais il ne reste pas moins vrai que la gestion de la caisse
est étatisée alors que son financement est fait par les tra-
vailleurs qui sont exclus du contrOle et de la gestion d'une
institution qui, en fait, leur appartient.
On comprend, dès lors, que les allocations que les
travailleurs touchent à partir de ce fonds soient insuffisante:
pour les faire vivre ou les secourir en cas d'accident, de
maladie ou de l'age.
Car a-t-on dit "les bons sentiments s'arrêtent là où commencen~
les questions d'argent" .
Et le statut actuel de la caisse conduit à ceci que dans le
conseil d'administration, c'est en fait le patronat et le
gouvernement qui décident de l'utilisation des fruits du
,
.
dur labeur des travailleurs et des mesures à imposer aux
assurés.
La nomination du directeur général, l'introduction
des personnes compétentes au conseil d'administration par
l'Etat favorise la mainüise des pouvoirs publics sur l'ins-
titution.
Parallèlement à la tutelle techni~e - et c'est là
le plus important -, il existe une tutelle financière par le
canal du ministère des finances et le trésor qui ont droit de
regard sur les finances de la sécurité sociale. Et "l'autonomiE
est un leurre aussi longtemps que les circuits financiers serOl

\\"'432
CeDtralisés _:tour du trésor" (1).
cette emprise se manifeste aussi par la représenta-
tion du ministre du travail et des affaires sociales, de la
sécurité sociale. ces personnages ont pour mission de donner
leur avis sur le conseil d'administration de la C.N.S.S. et
examiner les budgets. Dans la pratique, c'est le ministre de
la sécurité sociale qui a tous les pouvoirs et doit accorder
son avis pour nombre de décisions importantes et dirige par
là même l'institution.
C'est ici le problème de la gestion et du contrOle
de la C.N.S.S. par les assurés eux-mêmes qui se trouve être
posé. Cette gestion et ce contrOle trouvent leur justification
pour la raison suivante: la sécurité sociale sous sa forme
moderne trouve son origine dans une réponse collective d'une
classe sociale en état d'insécurité que crée un mode de pro-
duction déterminé; le mode de production capitaliste. Le pas-
sage de la gestion de cette institution des mains des intéres-
sés à celles de l'Etat et du patronat a pour conséquence que
les travailleurs aujourd'hui ont devant eux une sécurité socia-
le dont ils sont dépossédés/ C'est devenu la chose du patron,
de l'2tat, ae la Fesyga. Le but visé et atteint a été de dé-
menteler la solidarité sociale des travailleurs en mettant en
valeur des comportements individuels et en procédant à des
interventions paternalistes d'assistance.
C'est pour~~oi la sécurité sociale doit revenir à ses
(1) Pierre Clair, "Mais gue font-ils de la sécurité sotiale'?"
éd. Cl é, p. 15.

\\~
433
Trais propriétaires qui seuls sont à meti'l.e de prendre en main
d'antres besoins, d'autres aspirations, d'autres thèmes de
protection qu'il soit de nature préventive ou curative, indi-
viduelle ou collective.
Auj ourd ' hui, l'assuré moyen et pauvre ne sai t rien
de ce qui se passe au conseil d'administration de la C.N.S.S.
il a plutOt l'impression que les prestations qu'on lui donne
sont un don de l'Etat. Nos enquêtes sur les relations qui exis-
tent entre la C.N.S.S. gabonaise et le public disent beaucoup
sur la façon dont les assurés sont reçus et accueillis. Ce
sont les longues attentes devant les guichets; les indic ations
données au public en majorité analphabète sont souvent insuf-
fisantes; à tel point que très peu sont ceux qui savent quels
sont leurs droits, très peu sont ceux qui ont le courage d'aIlE
réclamer ces droits. Les formulaires à remplir sont très com-
plexes et compliqués. La réglementation elle-même est déjà
conçue dans un jargon et une langue qui lui est étrangère.
d'après
.'
Ainsi, il appar-aï tyce que nous venons de voir que la
sécurité sociale gabonaise dans son fonctionnement tend de
plus en plus à devenir une entreprise publique et un système
bureaucrati crue.
Traitant des types de gestions possibles du secteur
public, François Perroux (1) concluait crue l'entreprise publir~
n t a d'autre but que de procurer aux consor.U71a teurs le maxi mun
d'utilité et d'èconomie. A vrai dire, la cause essentielle qui
(1) Cf. Le secteur public industriel et les conditions de la
é
1
coh rence in Economie et Humanisme, p. 45.

434
fait que l'on donne au secteur public une logique d'entreprise
réside dans le caractère néo-libéral qui marque les politiques
économiques et sociales du monde capitaliste depuis la deuxième
guerre mondiale et leur sert de stratégie de développement.
Et les institutions comme la sécurité sociale fonctionnent
dans cette même logique comme instruments d' accunmlation capi-
taliste. Ainsi peu à peu, mais sdrement, elles ont été amenées
à se soumettre aux normes d'une économie et d'une société où
l'on ne conçoit d'autre but pour toute institution qui détient
d'importantes sommes d'argent que la recherche du profit.
Dans ces conditions, on comprend en partie que l'Etat
gabonais n'intervienne pas dans le financement de la couverturE
des besoins du plus grand nombre. Et pourtant, "la qualité
des services publics en théorie du droit n'est normalement pas
subordonnée à une quelconque préoccupation de rentabilité, sa
logique est de satisfaire la demande au plus bas coQt" (1).
Et l'on est en droit de se demander si, en allouant de très
.'
hauts salaires et privilèges à son personnel et des prestation~
âérisoires aux ayants-droits pauvres (un agent comptable de
la C.N.S.S. touche environ plus de 300.000 F CFA par mois) au
lieu d'améliorer la rrualité des services et étendre la protec-
tion aux autres catégories sociales, la s2curité sociale gabo-
naise accomnlit-elle sa ~ission ?
::=;.n r':::?lité, il est Ge tels traits tel rue le bureau-
cratisme ... ~li ne sont pas le seul fait des institutions afri-
cei nes Ge s scur-i té sociale et neuvent être élilT.in2s par de
(1) François Perroux.

435
"
de simples réformes administratives. Bien au contraire, ils
jouent un rOle central en remplissant certaines fonctions
essentielles à la société capitaliste en développement:
rationalisation des services et indemnités d'après le critère
idéologique "d'ayant-droit"; retenir la pression individuelle
et collective pour la transformation de la société grace à
ces amortissements sociaux.
Jean-Luc OUtin (1) rend compte des difficultés quoti-
diennes que vivent les "ayant-droi t" en France. Parmi ces
difficultés, il Y a le problème de l'accès aux droits. Au
niveau de la constitution du dossier, dit cet auteur, c'est
l'allocation logement qui, parmi les prestations courantes
para1t la plus compliquée. Le dossier est composé de pièces
nombreuses d'origines diverses: quittances de loyer, bail,
aèclaration des ressources, etc ... L'imprimé servant à la
description du logement ne semble pas toujours très Clair,
notamment pour ce qui est du nombre de pièces à indiquer .
..
Cet auteur ajoute: "lorsqu'il s'agit d'une première demande,
pour les jeunes notamment, les choses sont encore plus com-
plexes puisque la procédure de rappel permet de remonter deux
~Ulées en arrière. Il faut donc fournir des justifications
Qe loyer nui ne correspOllaent pas toujours aux mêmes periodes.
Gr, la constitution correcte d'un dossier est d'autant plus
<iifficile à réaliser eue "l'ayant-droit" parvient mal à saisir
la mécanique de la presta~ion : période de prise en compte du
(1) Cf. Famille et droits sociaux, étude de la caisse français(
d'allocations familiales, 1980, p. 93.

\\~
436
..
loyer; période de prise en compte des ressources ••• ".
Le concept "d'ayant-droit" qui est propre à la ratio-
nalité du droit actuel est une notion qui a une grande impor-
tance aussi bien pour ceux qui sont dans le besoin que pour
ceux qui sont les administrateurs de l'institution qu'est la
sécurité sociale. En ce sens que ceux qui administrent la dite
institution ont l'impression qu'ils donnent aux bénéficiaires
d'indemnités ce dont ils n'ont pas droit. Et les Uayants-
droits" pauvres conditionnés de croire qu'ils reçoivent un don
de la part de l'Etat.
La publicité faite autour des fraudes, de l'encoura-
gement à la paresse que conduit la sécurité sociale renforce
cette idée. En apparence, la sécurité sociale est un droit
fondamental de tout citoyen; un accès à des moyens de subsis-
tance, un droit qui aide ceux qui ont les plus bas salaires ou
ceux oui, sans les prestations de sécurité sociale, seraient da
..
le dénuement complet en cas de maladie ou d'accident du travail
etc •.. En pratique, ce n'est pas un droit qui est à la portée
de tout le monde et que l'on peut avoir sans ficelles. Toutes
les prestations sont subordonnées à une demande/sans demande,
~ê~e si le droit existe, pas de prestations. Si sur le papier
les droits existent, en faire Si~l n'êst pas cnose facile,
surtout lors~'on est class~ parmi la catégorie sociale des
"non-accès Il aux c1.roi ts sociaux.
Ceux ':'Ui reçoivent les indemnités et autres avantages
savent de quoi il en relève : les longues attentes devant les
guichets, les nombreux papiers à remplir. Les lIayan1JHirbi t" .
devant avoir le "bon sens" dans leurs dépenses et leurs budgets

437

ajuster leur niveau de vie au niveau des prestations qu'on
leur alloue; prouver qu'ils "méritent" les prestations qu'ils
postulent. Ceux qui ne rentrent pas dans cette norme peuvent
passer des moments très durs entre les mains du personnel de
la caisse, des tribunaux; voir, aller en prison; rembourser
les "indus" qu'ils croyaient recevoir à bon droit.
La contradiction entre les droits apparents du ci-
toyen d'une part et les fonctions économiques et idéologiques
de la sécurité sociale d'autre part, apparaissent encore au
grand jour lorsqu'on sait qué l'administration de la sécurité
sociale dans son aide aux ouvriers cherche à emprisonner la
lutte des classes au relèvement et à l'amélioration des droits
particuliers, et que le fonctionnement du système par rapport
aux femmes, aux pauvres, à la discipline du travail, etc .••
protègent en réalité les intérêts au capital en général et va
à
l'encontre des intérêts collectifs de la classe ouvrière
tout en répondant aux besoins les plus pressants de celle-ci.
VUisous cet angle, la sécurité sociale ne PeUt être
considérée comme une oasis du socialisme et donc comme une
offre généreuse faite par la classe aisée à la classe ouvrière
mais comme une institution née des contradictions et des con-
Elits du développenent de la société actuelle cans un contexte
;listoricue spécifirue.
Du point Ge vue de la classe dominée, elle est une
réponse à sa lutte continuelle pour améliorer et s'assurer des
conditions de vie ne i l ï.eur-es . Du point de vue de la classe
dominante, elle a contribué à la lutte continuelle pour accu-
J
.
muler le capital en aidant matériellement à mettre ensemble

\\~
438
capital et travail avec profit et retenant ainsi la résistance
et le potentiel transformateur de la classe ouvrière. Si la
sécurité sociale est un moyen commode pour régulariser la
force de travail; ce n'est que secondairement qu'elle fonc-
tionne comme moyen d'atténuer la pauvreté en fournissant un
revenu qui permet à peine de se maintenir en vie. Il en va
de même en ce qui concerne la poli tique du logement. Celle-ci
vise en fait à régler la consommation d'une marchandise.
Pour le capital, nécessaire à la reproduction de la force de
travail et n'est que secondairement une tentative pour fournir
un logement adéquat à la classe ouvrière.
Pis encore, l'activisme que mène la classe dominante
gabonaise et le capital international ici vise un but politiquE
bien précis: compromettre toute possibilité de voir un chan-
gement fondamental dans la structure des inégalités de classe
dont ils sont les bénéficiaires. C'est ce aui explique les
nombreuses réformes politiques et administratives. Et l'Etat
"
joue dans cette mission la fonction essentielle de favoriser
la reproduction du rapport entre le capital et le travail.
Eais, étant un Etat néo-eolonial, son intervention dans l'édu-
cation, la santé et autres services sociaux, est nécessaire-
ment limitée parce que la place ~e lui laissent les monopoles
ca?italistes DOlIT manoeuvrer à l'intérieur de sa propre idéo-
lo~ie est réGuite par son man~e de contrele èirect ~lr le
capital, la production et la consommation du "bien-être".
C'est ainsi que, par exemple, les logements dits "sociaux"
sont construits en grande partie par des firmes privées avec
l'argent emprunté soit à des institutions publiques étrangères

439
A
soit à des sociétés privées; les pouvoirs publics agissant
comme un intermédiaire dans le processus de production et de
consommation.
De la même façon, le système de sécurité sociale
fonctionne pour les besoins apparents du marché du travail
et de la famille, en pratique, ici aussi les pouvoirs publics
brillent par leur démission lorsqu'il y a des crises comme
celle du chÔmage soit qu'ils nient qu'il n'y a pas de ch6mage
au Gabon, soit qu'ils prétendent que c'est un mal contre le-
quel il n'y a de remède. sic !
Dans des domaines tels que les accidents du travail,
maladies professionnelles, emploi, les organismes de l'Etat
jouent plutôt un rôle consultatif, et de "gardien" avec une
préférence d'auto-régulation des conflits qui naissent entre
les ouvriers et le patronat GUi mène le jeu.
Mais la responsabilité de l'Etat est à situer, parce
çu'il est non seulement impliqué dans l'approvisionnement des
services à travers ses agences. Mais il est aussi celui qui
assure l'approvisionnement et la consommation du bien-être.
Il prélève des impôts, "surveillant du bien public et créateur
des règles de fonds pour les marchés privés" (1) et se sert
de la sécurité sociale comme moyen de développement éconor.1il""'"Ue
"L'essentiel est ainsi posé, il ne reste plus eu'à
lever l' cuivc
é
r"ll.2 11
(2)
En définitive, ce oui apparaît c'est que l'Etat ici
(1) Cf. Pierre Clair, Mais que font-ils de la sécurit\\sociële
éd. Clé.
.
(2) Pierre Clair, op. cité.

440
..
fonctionne pour les besoins du capital dans ses (le capital)
exigences de la force de travail. Et cela ne s'accorde nul-
lement avec les besoins des ouvriers dans un contexte plus
large.
Mais conunent apprécier le fait que l'Etat se livre
à une vaste opération de constru.ction de logements économiques,
d'hOpitaux, cliniques; que la C.N.S.S. distribue gratuitement
des médicaments aux assurés sociaux et aux ayants-droit ;
se livre à des prêts d'accession à la propriété de logements
pour les ouvriers, n'est-ce pas une conception originale,
"socialiste" des besoins que le Gabon développe ?
En vérité, la signification de l'action sociale de
l'Etat est celle-ci: Prenons l'exemple concernant les service:
gratui ts ou subventionnés; certes ils sont d'un grand secours
à la classe ouvrière, puisque l'approvisionnement des ouvriers
à certaines valeurs d'utilité prive le capital des occasions
pour l'appropriation de la valeur (sous la forme de profit)
.'
dans la production et la consommation; dans le cas des loge-
ments, cela réduit les dépenses de certains ouvriers locatai-
res; mais en même temps - et c'est ce qui n'est pas dit -,
l'octroi de ces valeurs d'utilité par la caisse permet au ca-
pital de s'accumuler, et aux firmes multinationales et trusts
Lnterna'td onaux de s'enrichir. C'est le cas des pharmec i.e s et
du b~timellt en ce qui concerne la construction.
Quant à la cuestion des indemnités et des services
oui sont accor-de s sur "La base des besoins", bieu sür, en
termes de principe idéologique de l'Etat social, la p~station
est accordée sur la base des besoins de l'ouvrier, mais cornmen-

('
441
est-il établig voilà la vraie qa.estion.
.
En Pait, à l'intérieur d'une formation sociale capi-
taliste, le besoin est défini de manière étriquée en fonction
des impératifs de plus-value et de l'accumulation, et il y a
par là même une relation à voir entre un système de protection
sociale et l'idéologie des besoins.

442
CHA P I T R E
II
SYSTEME DE PROTECTION SOCIALE ET IDEOLOGIE DES BESOINS
Le professeur Gérard Lyon-Caen (1) enseigne que
"parmi les techniques les plus répandues en matière de sécu-
rité sociale, les unes se rattachent à la technique de l'as-
surance dont l'inspirateur fut Bismark. Dans cette conception,
la plus ancienne, la sécurité sociale est considérée comme un
système de garanties tiré de l'activité professionnelle.
Elle emprunte son style juridique à l'assurance traditionnelle;
en ce sens que les travailleurs en cotisant à une caisse
se prémunissent contre les interruptions professionnelles.
Les prestations de sécurité sociale apparaissent alor~
comme une sorte de salaire indirect qui au lieu d'être versé
au travailleur est retenu par l'employeur, transite par une
..
caisse et est restitué au travailleur frappé par le risque" .
Cette conception qui est largement appliquée dans les pays
de l'Est semble avoir également inspiré le législateur gabo-
nais.
Si en principe ce système ne fonctiorille que pour les
salariés à~lS nombre de cas, on l'étend à d'autres catégories
sociales = les pavsan.s , C'est i.e cas se ce-rtains pays africaL.c
l'.\\l]~rie par exej:,ple.
La. deuxième conception "solië.arité en 5'ace du besoin"
(1) Cf. cours de sécurité sociale. 3e année droit, Paris 1973
p.
384.

443
..
dont le mattre à penser Put Beveridge considère la sécurité
sociale comme un mécanisme de redistribution des revenus.
Théoriquement, son ambition est de prélever de l'ar-
gent sur les uns pour pouvoir distribuer une prestation mini-
male à tous ceux que les risques sociaux plongent dans le be-
soin. C'est cette conception qui est la plus répandue dans les
pays scandinaves, en Grande Bretagne, etc ...
Le professeur Lyon-Caen conclut que ces deux concep-
tions aboutissent à des résultats pratiques différents.
Dans la première conception, l'objectif recherché est
de permettre au travailleur ayant interrompu son travail de
toucher une indemnité résultant de son salaire.
Dans la deuxième conception, on assure un minimum de
couverture à tout le monde salarié ou non.
Dans tous les cas, à notre humble avis, si théorique-
ment la sécurité sociale diffère d'un pays à un autre; c'est
.'
le besoin qui est sa raison d'être. En effet, c'est sur cette
base que se fondent tous les systèmes de sécurité sociale
si le besoin de sécurité est reconnu légalement, cela suppose
en même temps une reconnaissance tacite de la pOlitique qui
~ettra en oeuvre les moyens de satisfaction. Et ces systèmes
répondent tous à un besoin, en principe il n'y a pas de dis-
tiüction foncamentale entre le système gabonais et le système
français, britannique si ce n 1est l'étendue de la protection.
Sous ce rapport lices svstèmes satisfont un besoin ô'argent,
car nous sommes dans une société marchande dominée par l'ar-
1
gent. Un des principes de l'économie marchande est que les
recouvrements des frais d 1entretien de llindividu se fasse par

JI
l'intéressé ~ui""'''e ou. par un tiers-payant" (1).
Chaque individu n'a d'existence ici bas que s'il est
solvable. Le marché capitaliste qui a étendu ses ramifications
dans tous les coins de la pianète pour s'approprier l'argent
et le travail ne conna1t pas autrement les besoins du pauvre.
Pouvoir payer est devenu une question de vie ou de mort pour
le plus grand nombre. Et comme la satisfaction du besoin dans
les sociétés actuelles ne peut s'opérer que par l'argent, les
classes gouvernantes font croire que l'on peut résoudre la
question sociale par des politiques d'augmentation de pouvoir
d'achat des deshérités. L'institution de la sécurité sociale
entre dans le cadre de cette pOlitique; ces mesures à vrai
dire n'ont comme portée que d'éviter des inégalités devenues
trop criardes entre les différentes classes et couches sociale
de la société tout en maintenant chacun dans sa position socia
Toutes ces poli tiques vont dans le sens de la concep-
tion actuelle dominante des besoins de l'homme dont les limite
sont certaines - Section 1.
A laquelle on peut opposer une nouvelle conception
des besoins - Section II.
SECTION
l
-
LA l'';OTION
DES BESOINS
FONDA1'ŒNTAUX AUJOURD'HUI
La Banque Mondiale, l'O.I.T. insistent depuis ces
dernières années sur l'idée que dans les pays pauvres il faut
parer au plus presse, c'est-à-dire satisfaire d'abord les
1
(1) Cf. Besoins et sécurité sociale par Amar et Lakehal,
Mémoire, Paris 1978, p. 65.

\\~
445

besoins élémentaires des populations : nourriture, logement,
santé, éducation.
Mais cette notion de besoin essentiel, quel impact
a-t-elle sur le réel ?
Théoriquement, la méthode adoptée par le B.I.T. et
les différents pays africains qui organisent leur politique
de sécurité sociale sur la base de la plate-forme du B.I.T.
pour évaluer les besoins (1) consiste à calculer le revenu
minimal nécessaire pour satisfaire les besoins fondamentaux
de consommation d'une famille (coÜt de l'alimentation d'après
les habitudes locales pour une famille moyenne ou des familles
différentes : taille pour une nourriture bon marché mais saine,
coÜt des autres biens ou services essentiels : habillement,
logement, instruction, etc ••• ) 'et à déterminer la proportion
des ménages qui ne disposent pas de ce revenu.
Mr Dharam Ghai (2) précise qu'
un programme de
gouvernement peut être considéré comme une activité concernant
les besoins essentiels s'il présente l'un au moins des traits
suivants
i) il augmente le revenu des catégories les plus dérmmies
de la population et, en une période donnée, le porte à
un certain niveau en cré~lt des emplois, en redistribu~l~
la fortune et en s t i mu Lant la proèuctivi té~ ;
ii) il aide directement à attendre les objectiis fixes en cs
cui concerne les principaux besoins fonèamentaux :
(1) Cf. à ce propos Assefa Beguelé et Rolph, in Pauvreté et
inégalité en Afrique in Revue internationale du travail,
Volume nO 3 119 p. 388.
(2) Chef du service des politiques rurales de l'e~ploi du BIT
cf. leg besoins essentiels : des paroles aux actes. QuelQUE
".(0
c h ' ; va
in :::"t::V;,l:? :i:,te:
,1
vol. '1:9 :nO 3 mai-juin 198b, 'P. 371-372~

446
"
alimentation, santé, instruction, logement et apprqvision
nement en eau ;
iii) il augmente la production d'autres biens et services es-
sentiels que les groupes les plus pauvres achètent sur
leur revenu disponible et qu'acquièrent aussi le secteur
public et les services collectifs ;
iv) il favorise la décentralisation, la participation et la
confiance de la population en ses propres forces.
Dans le rapport VII de la 65e Session de la Conférence
internationale du travail de 1979, il Y est dit à propos du
concept des besoins essentiels : "En aucun cas, il ne devrait
se ramener à la garantie d'un minimum nécessaire à la seule
subsistance: il devrait s'inscrire dans un contexte incluant
l'indépendance nationale, la dignité de l'individu et des
peuples et leur liberté de façonner leur destin sans entrave"(1
L'association internationale de sécurité sociale de
son côté définit la sécurité sociale comme étant un système
"
garantissant une aide minimum à chaque individu d'une quelconqu
communauté à la sécurité sociale. La tâche de la sécurité socia
le étant de garantir un minimum vital pour tout individu de la
. société (2).
nr songré Ambroise (2) voit là un signe de progrès
puisque,
tenant
compte de l'état du sous-développement d'un
pays à revenu par habitant le plus faible d'Afrique (la Haute-
Volta) ~er.antégalement compte des capacités d'investissements
productifs et étendmt à tous un minimum de couverture des risques
~
(1) cité par Pierre Drouin cf. Crise et panoplie des besoins iL
Le j-londe de Février 1980.
(2) cité par songré Ambroise in la S~<:tl!,j.té sociale en U"""'--"
. -'-"', ..~~, .~~-------~'"
~ '"
1
r Ô

447
Mais cet auteur ajoute, cette conception de la sécuri t
sociale implique d'abord un retournement d'option: non plus
des institutions consacrant une discrimination sociale, mais
abattant les "droits acquis" et étendant à tous un minimum de
couverture de risques.
Ce qui revient à dire que la notion de minimum de cou-
verture sociale ici est très différente de la notion du minimum
vital utilisé par le B.I.T. L'O.N.U. etc ••• qui, elle, définit
l'indigence par rapport au revenu minimum - que l'on fait par-
fois varier selon la taille de la famille mais qui linon seule-
ment (parfois) ne suit pas automatiquement les variations de
l'indice du co~t de la vie et ( .•. ) ne reflète donc pas les
changements GU niveau général des prix, mais comporte le risque
de ne pas tenir compte des besoins effectifs (ou du moins sou-
haité) de consommation.
Bien plus, cette approche néglige de prendre en con-
sidération les inégalités sociales, alors
même que, celles-
ci et la pauvreté sont, de toute évidence, indissolublement
liées; elle aboutit à l'idée assez simpliste que l'on peut
supprimer l'état d'indigence du seul fait que l'on donne aux
è:eshérités un revenu su-périeur au seuil de pauvreté" (1).
La notion de minimum vital occulte bien des rapports,
Duisnue pour l'ordre social libéral satisfaire un besoin signi?
des revenus ; garantir la re-production des rapports sociaux
(1) Cf. La pauvreté au Sierra Léone par Franklisk et Rd1ph van
Der Hoeven in Revue internationale de sécurité sociale,
vol. 118 nO 6 novembre-décembre 1979, p. 756.

448
"
existants ; éliminer, rectifier les effets les plus insupporta-
bles du système économique dans l'ordre des choses existant.
La valeur de la force de travail de l'ouvrier étant déterminée
par rapport à ce minimum vital, c'est-à-dire à l~entretien de
cette force de travail alors qu'un petit nombre de gens jouit
d'une sécurité sans commune mesure avec la situation de ceux à
qui est attribué ce minimum de couverture de risques.
La situation devient davantage une mystique lorsqu'on
sait que dans une formation sociale et économique capitaliste
la tendance naturelle de l'Etat n'est pas de concourir à ce
genre d'intervention mais faire respecter l'initiative privée -
initiative privée qui dans son principe s'oppose à ce genre de
réformes et qu'il n'y a jusqu'à ce jour nulle part eu de rela-
tion systématique entre la croissance d'un pays et sa réussite
dans la satisfaction des besoins fondamentaux.
Moktar Amar et Lakehal montrent quelle Put la réaction
du patronat français en 1950 lorsque, proposition lui fut faite
.'
par la Commission supérieure de conventions collectives le 12
Mai et où fut adoptée la définition du budget type
Alors que la Commission proposait "Par budget type
servant à la détermination du S11IG ( ... ) un budget tel qu'il
assure eu tout état de cause et au minimum la satisfaction des
besoins individuels et sociaux de la personne humaine, besoins
considérés co~~e élémentaires et incompréhensibles" (1) ; iw~é­
diatement après l'adoption de cette définition, le patronat
français interpréta les termes "élémentaires et incompressibles
J
(1) Cf. Besoins et sécurité sociale, op. cit. p. 86.

449
de Paçon restrictive. certains patrons considérant que le
poste -eau· n'était pas à retenir dans le budget type car
dans les villages on va chercher l'eau au puits; que la ré-
fection et l'entretien du logement ne fent pas partie des be-
soins élémentai:-es, que le logement ne devrait être prévu.
qu'avec un "poste d'eau ll sur le palier.
Un représentant patronal refusait de retenir dans
"le budget type u un complément aux assurances sociales "esti-
mant le système de sécurité sociale français le plus cOÜteux
de tous les systèmes et jugeant impossible de faire supporter
aux employeurs le ticket modérateur qui a justement pour objet
de IIfreiner les abus ll •
Pour le logement, les patrons proposaient la catégori
A qui correspondait aux taudis. Dans le même temps était jeté
au colonisé d'Afrique 120 F CFA par jour pour se nourrir,
s'habiller, se soigner lui et sa famille.
Ainsi vu, il apparaît que l'évaluation des besüins
sociaux par ceux qui possèdent est en réalité faite d'une
manière étriquée, décidée d'en haut. Ce ne sont pas des bud-
gets objectifs mais obéissant aux impératifs de la plus-value
de la concurrence et du profit.
Le li~l entre la production, le profit et le salaire,
le marché limite au niveau minimal de subsistance (1) néces-
saire le renouvellement de la force de travail. Ce qui a pour
consequence le fait que dans toutes les sociétés capitalistes
(1) Il semble que la terminologie des minimum vital n-test appa
rue qu'à la fin du XVIIIe siècle avec Vauban en 1698. On
peut cependant rattacher toutes les études antérieures COlî
cernant le nivea~ de ~a~vret~, la quantité de subsistance
minimum, le s a'l af.r-e nunarnum a ce concept. Et c'est avec
Villermé 1831 crue le minimum vital est évalue au niveau dt
- ~_.: :- ;.-

450
..
actuelles, les besoins peuvent se maniFester avec toute la
richesse qu'on voudra; les besoins essentiels de la majorité
des masses populaires passent bien souvent après les demandes
les plus sophistiquées des gens solvables ; partout règne le
besoin d'argent qui est devenu l'exigence ultime pour satis-
faire toute transaction; l'argent est devenu la seule réalité,
à telle enseigne qu'aujourd'hui seuls ceux qui le possèdent
peuvent manger à leur faim, se soigner, profiter des richesses
du progrès tout en privant ceux qui créent les richesses qui
n'ont que leurs yeux, le ventre vide.
Pour ces derniers, avoir de quoi manger, s'habiller,
se loger, payer des impOts est fonction d'argent et faute
d'argent ils ne peuvent satisfaire ces besoins.
Si la réVOlution industrielle et le règne de la mar-
chandise ont apporté dans toutes les régions du monde une pro-
fonde transformation des besoins)fort est de constater que le
progrès amené par cette révolution dans des sociétés divisées
en classes s'est soldé par le confinement de la majorité des
peuples dans une misère inutile même s'il est vrai que par
rapport à il y a trois siècles leur sort s'est relativement
a,'1lélioré.
"haguère on était certes dans la pauvreté comme aujourd'hui
encore en maintes enaroits du pays. Avec cette différence
toute~ois ~e l'on ne savait pas 0Ue l'on était d~1s la misère
n'ayant pas de point de référence ( ... ); on était donc rela-
tivement heureux. Lais en contact avec i.e faste du train de
vie occidental chacun sait désormais qu'il peut vivre lIlieux-,

\\~ 451
Il
et que l'~ est présentement dans la misère. Cette prise de
conscience dODDe à la misère vécue une accuité particulière
surtout lorsqu'une certaine opulence insulte à la pauvreté des
plus démunis"
( 1 ) •
Dans un tel milieu social quel sens peut avoir la
notion de besoins essentiels~ Car parler en termes de besoins
essentiels signifierait que la société veut assurer l'adéqua-
tion des richesses aux nécessités de chacun; organiser la
société selon une rationalité qui est toute autre que celle
du profit et de la plus-value; et opter pour une analyse
nouvelle des besoins, chose que la société actuelle pourrait
très difficilement réaliser.
SECTION II - POUR UNE NOUVELLE CONCEPTION DES BESOINS
Il appar-aî t d'après ce que nous venons de voir, que 12
..
satisfaction des besoins de la majorité de la population dans
toute formation sociale capitaliste se heurte au but même de
la production capitaliste qui est la valeur d'échange et non 12
valeur d'usage, alors que dans la perspective d'une nouvelle
conception des besoins, le besoin est considéré comme étant
indissolubler:lent lié à l'économie: "Toute production (destruc-
t i on ) de s C~~Os2S .:::tant aussi une pr-ocuc t i.on (de s tz-uc t i oa )
d'~o~es ; Ge ce point de vue l'affectation de l'inégalité des
ressources doit etre faite en référence aux objectifs ~conomi-
ques et sociaux de l'activité travail constitutifs d'un vouloi~
J
(1) I~artinAlihanga, op. cité, p. 456.

vivre ensemble· (1).
cette conception critiquera alors la réduction du
concept de besoin au seul besoin économique, expression de
l'aliânation capitaliste des besoins. Elle verra dans la so-
ciété capitaliste le lien où la production capitaliste n'a
pas pour but, la sàtisfaction des besoins mais la mise en va-
leur du capital où le système àes besoins dépend de la divisio:
du travail; où le besoin n rapparaf t que sur le marché sous la
forme de demande solvable.
Si la réalité des besoins du pauvre n'a aucun rapport
'"
avec la technique du minimum nécessaire présente par les dif-
férents sy=tèmes de protection sociale ; si on assiste dans
le monde à un retard des consommations réelles des masses
popUlaires - en dépit du développement formidable des biens
matériels, c'est parce que aussi bien l'industrie que l'agri-
culture capitalistes ne produisent pas en vue de la satisfac-
tion des besoins du prolétaire; enfermé qu'il est dans les
justes limites du minimum vital. C'est donc parce que le but
de la production capitaliste est la mise en valeur du capital
pour laquelle, la satisfaction des besoins (sur le marché)
n'est qu'un moyen. D'où découle un renversement de la rela-
tian : moyen-but.
Ici, les buts et les contenus sociaux, tout comme la
vie collective (evieltrJ.ent des mo ven s au service des intérêts
privés. Le capitaliste est l'entremetteur qui, en créant tous
.
(1) Henri Bartholi, Professeur à Paris l, préface à l~vrage
"Familles et droits sociaux", Etudes CNAF, p. 10-11.
·

(' 453
les jours de DDUVeaux objets et susei tant toujours de nouveaux
besoins fait des hommes des prostitués des besoins.
Tout en reconnaissant la supériorité de la société
capitaliste sur la société traditionnelle puisqu'elle a réalis(
la transgression des limites des formes pré-capitalistes,
émancipé les capacités et les besoins du producteur; il faut
reconnaître que la croissance numérique des besoins n'a jamais
pu et ne pourra jamais devenir une richesse vraie pour le pro-
létaire parce qu'elle sert uniquement de moyen à une force
étrangère à l'individu aliéné: l'augmentation de la productiOl
capitaliste.
Autreme:at dit, le capitalisme par nature est incapa-
ble de satisfaire les besoins sociaux (1).
Karl Marx montre dans des oeuvres comme Le Capital,
Travail, prix et salaires, Capital et profit, que la force
de travail et le besoin sont liés à deux niveaux :
D'une part, le travailleur voit son salaire fixé par
la valeur de sa force de travail; c'est la grandeur de son
salaire qui décide de la quantité de marchandises qu'il pourra
acheter, c'est-à-dire de la satisfaction de ses besoins.
D'autre part, utilis~lt sa force de travail dans le
procès Ge production, le travailleur doit la reconstituer,
sous peine de ne pouvoir se reDrésenter sur le ma~hé de tra-
(1) Est besoin tout ce qui est indispensable aux hommes, mais
aussi toutes choses non indisDensables crue les hommes dé-
sirent effectivement d'après ie vocabulaire de l'économie
de Gilbert Mathieu.
Le besoin est nécessité, pression (nourriture po~ le cerp
logement convenable pour une personne).
L'aspiration, au contraire, est attraction vers un but,
une fin, un objet. C'est le désir activé par des images, è
repré sentat i.ons ,

454
JI
vail. De 1'uti1isation de la Porce de travail naissent donc
1es besoins. L'uti1isation de la force de travail et la néces-
si té de son renouvellement donneront aux besoins des hommes une
base objective dans le déroulement même des processus de pro-
duction capitaliste.
Marx entend par force de travail "l'ensemble des fa-
cultés physiques et intellectuelles qui existent dans le corps
d'un homme, dans sa personnalité vivante et qu'il doit mettre
en mouvement pour produire des choses utiles" (1).
Le travailleur apporte cet ensemble de facultés au
le
possesseur du capital et\\lui vend temporairement. La force de
travail est une marchandise, qui comme toute marchandise a une
valeur. Mais comment la détermine-t-on ? "par le temps de tra-
vail nécessaire à sa production".
En tant que valeur, la rorce de travail représente le
quantum du travail social réalisé en elle. Mais elle n'existe
..
en fait que comme puissance ou faculté de l'être vivant. L'in-
dividu étant dominé, il produit sa force vitale en se reprodui-
sant ou en se conservant lui-même. Pour son entretien ou pour
sa conservation, il a besoin d'une certaine somme de moyens
cie subsistance. Le temps de travail nécessaire à la proQuctioL
de la force de travail se résout donc dans le temps de travail
n2cessaire à la production de ces moyens de subsistance ; ou
bien la force de travail a juste la valeur des moyens de sub-
sist~lce nécessaires à celui ~i la met en jeu.
J
(1~Capital, livre l Tome, p. 170, éd. sociales.

.~
455
"
La force de travail se réalise par sa manifestation
extérieure; elle s'affirme et se constate par le travail;
lequel de son cOté nécessite une certaine dépense des muscles,
des nerfs, du cerveau de l'homme, dépense qui doit être com-
pensée. Plus l'usure est grande, plus grands sont les frais
de réparation.
Si le propriétaire de la force de travail a travaillé
aujourd'hui, il doit pouvoir recommencer demain dans les mêmes
candi tians de vigueur et de santé.
Il faut donc que la somme des moyens de subsd s taace
suffise pour l'entretenir dans son état de vie normale. "Les
besoins naturels tels que nourriture, vêtements, chau2fage,
habitation, etc ..• diffèrent suivant le climat et les autres
particu1ari tés physiques d'un pays."
"D'un autre cOté, le nombre même de prétendus besoins
naturels, aussi bien que le mode de les satisfaire est un pro-
dui t historique et dépend aussi, en grande partie, du degré
.'
de civilisation atteint. Les origines de la classe des sa1arié~
dans chaque pays, le milieu historique GÙ elle s'est formée
continuent longte~ps à exercer la plus grande influence sur le:
:labi tudes, les e:dgences, et par contre coup, les besoins
cu. , elle apporte dans la vie:'
La force èu travail renferme donc au point de vue de
sa valeur, \\Ul élément moral et historiûUe, ce qui la distingue
des autres r:;ù.l"c~·1andises. :'ais pour un pays, une é?ome donnée,
la mesure nécessaire des moyens de subsistance est aussi donnéE
1
Les propriétaires des forces de travail sont mortels,
les forces de travail que l'usure et la mort viennent enlever

\\~
456
..
au marché, doivent être constanunent remplacées par un nombre
au moins égal. La somme des moyens de subsistance nécessaire
à la production de la force de travail comprend donc les
moyens de subsistance des remplaçants, c'est-à-dire des en-
fants des travailleurs ...
D'autre part, pour modifier la nature humaine de ma-
nière à lui faire acquérir aptitude, précision ... dans un genrt.
de travail déterminé, il faut une certaine éducation qui coüte
elle-même une somme plus ou moins grande d'équivalents en mar-
chandises. Comme la force de travail équivaut à une somme dé-
terminée des moyens de subsistance, sa valeur change avec leur
valeur, c'est-à-dire proportionnellement au temps nécessaire
à leur production. Ainsi, la définition de la force de travail
et de sa valeur montre le caractère objectif du besoin. Il est
défini socialement, historiquement, de façon abstraite mais
,
aussi concrete.
..
La satisfaction de certains besoins est donc sociale-
ment indispensable. C'est pour cette raison précisément GUe le
capitaliste est bien obligé de satisfaire certains besoins
minimums socialement de l'ouvrier faute de GUai le propriétaire
ce la force de t:ravail d.is nar-a î t r-a.i, t. ::ais il convient de no tc:
crue si ~~arx di t eu.e les besoins doivent être satisfaits par
le paie':1e:r1t Ge la Eorce ce travail à sa valeur, cela ne veut
pas dire c:ue le salaire satisfait tous les besoins des tra-
vailleurs. ?ourouci ?
Parce que, ne font partie de la valeur de la 30rce
J
de travail que les besoins indispensables à sa reconstitution
et à sa reproduction; dont la non satisfaction entratnerait
la disparition de la force de +-··-·r,..'; 1

('
457
Aussi oa~eDd-t.~. que 1es besoins dont 1 •origine
n'est pas directement liée à la nécessité de la reconstitution
et de la reproduction de la force de travail ne soient pas né-
cessairement satisfaits dans la société capitaliste.
Mais la valeur de la force de travail évolue dans
le temps. Il ressort également de l'étude de Marx que la manièl
dont sont satisfaits ces besoins essentiels varie considérable-
ment dans le temps : les générations d'il Y a deux siècles
ne connais saient par exemple ni l' avion " ni la voi ture •
... L'histoire de l'humanité depuis des siècles est
sous cet angle, l'histoire de la façon dont elle s'organise
pour satisfaire ses besoins selon des formes perpétuellement
en changement. Le passage du mode de production précapitaliste
au mode de production capitaliste amène des besoins nouveaux
que ne connaissaient pas la société antérieure. La croissance
de la productivité du travail et l'utilisation du progrès
technique permettent la satisfaction des besoins nouveaux qui,
progressivement répandus, se traduisent par une élévation de
la valeur de la force de travail.
Sous le capitalisme, la façon dont les besoins sont
satisfaits est étroitement dépenQanLe du caractère capitaliste
ou capitaliste dominé de l'économie du pays.
Les besoins humains ici seront satisfaits essentiel-
lement sous la forme d'une consommation de biens marchands
c'est-à-dire de produits dont la vente assure un profit à
l'entreprise productrice. Les besoins non marchands sont par
contre non satisfaits. Même quand il Y a augmentation '~e la'
valeur de la force de travail se traduisant par une augmentatic

,~
458
..
du pouvoir d'achat des ouvriers, en vérité, ce mouvement cache
bien une détérioration des conditions de vie qui crée aussi
de nouveaux besoins.
Il en est ainsi de :
- logement, voiture, télévision, accroissement de la famille
- accroissement des cadences,
fatigue.
La valeur de la force évolue aussi en fonction du
rapport de forces.
Elle dépendra des victoires que sauront imposer les
travailleurs dans la lutte. C'est ce qu'atteste l'histoire des
luttes prolétariennes à travers le monde. En effet, ce n'est
que organisés et mobilisés que les travailleurs ont réussi
souvent à obtenir l'amélioration de leurs conditions de vie
et de travail. Ltimportant mouvement moderne des lois sociales·
limitation de la journée de travail, du travail des femmes et
des enfants, contrOle des conditions d'hygiène dans l'indus-
trie, précautions contre les accidents du travail, les assu-
rances sociales, la sécurité sociale est dft aux luttes que la
classe ouvrière a dû mener pour leur conquê te ,
Autrement dit, l'inorganisation des travailleurs tout
ccnme le niveau ce chÔmage - (le patronat pouvant à chaque ins-
tant brandir la menace d'un licenciement) sont des facteurs
~i jouent négativement en faveur de l'évolution de la valeur
de la force de travail.
Le systène capitaliste est ainsi incapable de satis-
faire les besoins de l'ouvrier.
Mais Harx n'a pas fait que dévoiler l' Lncapacd té du
système capitaliste à satisfaire les besoins des masses popu-

~
459

laires, il a aussi élaboré une solution à la question sociale
sur laquelle il est utile de revenir vue l'actualité de la
question et l'inopération des différents remèdes qui nous sont
proposés aujourd'hui.
Après la prise de pouvoir par le prolétariat, écrit
Karl Marx, il (le prolétariat) devra assurer le transfert à
l'Etat des moyens de production. Pourquoi?
Parce que sous le régime capitaliste, l'Etat possède
certes en général un domaine public qui représente une part
fort importante de la richesse nationale : routes, ponts,
ports, cours d'eau, lacs, un grand nombre de palais et d'édifi-
ces publics. A quoi s'ajoute un trésor public plus ou moins
garni obtenu en principe au moyen d'impOts ; il arrive que
l'Etat soit en outre le propriétaire d'entreprises industriellE
qu'il encaisse des redev~1Ces des sociétés concessionnaires;
mais tout n'appartient pas à l'Etat. Les particuliers isolés
ou groupés en sociétés ont, eux aussi, des biens très nombreux.
Existe donc ici les conditions de s'approprier et d'exploiter
le travail d'autrui.
Dans la société nouvelle, au contraire, la société
est l'wlique propriétaire de toute richesse nationale. La
propriété privée àes moyens de production, donc la fac·~té àe
s'approprier et è'exploiter le travail d'autrui devra dispa-
ra1tre mais non la propriété des produits socia~c répartis
entre les individus. Une fois abolie la propriété privée des
moyens de production, la répartition du travail social entre
les diverses productions correspondant aux besoins de la socié-
té se fera selon un plan élaboré avec la collaboration de tous

\\~
460
"
les travailleurs associés.
Par le plan de réparti tian du travail, qui est en
même temps le plan d'investissement, la société nouvelle telle
qu'elle vient de sortir de la société capitaliste, doit POUVOil
s'interdire les avatars des crises. Ne plus distraire des re-
venus qui devraient servir à la consommatLon , le gaspillage des
biens matériels et les hasards du marché éliminés (1).
Les producteurs associés auront pour mission de mesu-
rer leurs besoins.
Le temps de travail disponible: établir pour chaque
activi té le temps de travail socialement nécessaire ; répartir
d'une façon nouvelle les forces productives entre les diffé-
rentes branches de la production.
Dans cette nouvelle société l'Etat étant propriétaire
de tous les moyens de production, il sera le seul distributeur
du travail, et le travail lui-même constituera l'unique res-
source de tous les habit~lts valides. Le système du salaire
(salariat) sera remplacé par un système nouveau, celui des
bons de travail que :Karl l-1arx a exposé dans "la cri tique du
progrannne de Gotha".
Alors eue le prograrmne de Gotha parlait "d 'tUl partage
20Œitable du proëuit GU travail entre les membres de la sociét
?:arx cri t i rua cette For-rm r e et J:1011tra comment; la satisfaction
êes besoins des l'lo:'1J71es doi t se .Eaire dans une société nouvellE
libérée des entraves du capi tal. : .ar-x procéda à une analyse de
cette socift~ eil ~~rtilllt ~e la totalit~ ~u prc~uit social.
1
(1) Voir Manuscrits de 1844, éditions sociales.

461
Marx déclare qu'il .faut en dé.falquer :
Premièrement : de quoi remplacer les moyens de production usagÉ
Deuxièmement : une fraction supplémentaire pour accro!tre la
production ;
Troisièmement: un fonds de réserve ou d'assurance contre les
perturbations dues à des phénomènes naturels,
etc ..•
ces défalcations sur le "produit intégral du travail ll
sont une nécessité économique, dont l'importance se déterminer,
d'après l'état des moyens et des forces en jeu
en vertu,
partiellement, du calcul des probabilités ; en tout cas, elles
n'ont rien à voir avec l'équité (1).
Après que ces prélèvements ont été opérés, l'autre
partie du produit social, destiné à la consommation, doit subi:
de nouveaux retranchements concernant :
1°) les frais généraux d'administration qui sont indè
pendants de la production ;
.'
2°) ce qui est destiné à satisfaire les besoins de la
communauté: écoles, installations sanitaires, etc .••
3°) le fonds nécessaire à l'entretien de ceux oui
sent incapables de travailler, etc ...
Après toutes ces défalcations, poursui t ;·:arx, il ne
S'3.qit plus ce "produit intégral du travail". "Le -produit
illtégral", ajoute-t-il, s'est déjè. :712taInorphose entre nos mai i.
en produit partiel; bien crue ce oui est enlevé au producteur
en tant qu'inàividu, il le retrouve, directement ou non, en
J
(1) Cf. Cri ticrue du progranune de Gotha, éditions de Pékin,
p.
2~.

~462
tant que lIlembre de ~a société. ce que ~e producteur reçoit
individue~~ement, après que ces déÎa~cations ont été faites,
c'est ~'équiva~ent exact de ce qu'il a donné à la société,
c'est-à-dire de son quantum individuel de travail:
"Par exemple, la journée sociale de travail représentE
la somme des heures de travail individuel. Le temps de travail
individuel de chaque producteur est la proportion qu'il a
fournie de la journée sociale de travail j la part qu'il y a
prise" (1).
En contrepartie de son travail, le producteur aura
droit à un bon de travail dont l'utilisation sera soumise à
certaines prescriptions : il ne peut retirer des stocks sociau:
qu'une quanti té d'objets de consommation correspondant à la
valeur de son travail, ce bon ne circule pas et n'est pas
l'équivalent de la monnaie, il n'est
pas épargnab1e.
Ceci revient à dire que dans la première phase de la société
nouvelle, les revenus du travail ne consistent plus en des
salaires payables en pièces. Ils consistent en bons délivrés
par l'Etat. Ces bons sont remboursables en marchandises, pri-
ses dans des magasins désignés d'avance et qui sont ceux de
Il n'y a pas là "partage équitable", droit égal de
ci.acun au proc.~ui t du travail. Pourauoi ?
?a:.~ce C'J.2 le ~~roi"t cu producteur est p:;."opc::r-ticHnel
au travail ml'il a fourni
la seule égalité ici consiste dans
l'emploi du travail comme unité commune (2).
J
(1) Idem.
(2) Voir Lélune L'Etat et la révolution, éditions de Pékin.

463
liMais les gens dif.férents qui, en .fait, ne sont ni
identiques, ni égaux. Aussi le droit égal équivaut à une
violation de l'égalité, à une injustice, car les individus
ne sont pas égaux. L'un est plus fort, l'autre plus faible,
l'un est marié, l'autre non, l'un a plus d'enfants, l'autre
en a moins" (1).
liA égalité de travail •.• et par conséquent à égalité
de participation au fonds social de consommation, l'un reçoit
donc effectivement plus que l'autre, l'un est plus riche que
::. ''2tat éconor::inw ce la soci2té et ~e le degré de civilisatic

-1/
CUl Y corz-es oonc..
Thèse 0ui
~
ne s'aDPlicrue
J,
oa
..
eru1à un Davs
_
. . .
socia-
liste et pas :' une For-ma t i on sociale 0"'; les pri nc i paux moyens
Ge production appartiellllent à âes persolUles privees ~~i s'ap-
pr-cor-i ent les pri nc i paux revenus. Car la réparti tian de la
richesse nationale sur cette base ne peut que tendre à favo-
1
(1) Lénine, OD. cit.

('
464
.Il
riser les riches ; l'inégalité dans toutes ses .formes tend
à se développer.
Autrement dit, Marx après avoir montré que la con-
quête fondamentale du capitalisme : ~e caractère social de la
production est le résultat de l'expropriation du producteur
individuel aui a pour conséquence la séparation entre le pro-
ducteur et le produit d'un travail toujours plus socialisé;
que la propriété juridique des moyens de production - qu'elle
soit celle d'une personne, d'une entreprise ou de l'Etat -
est devenue avec le capitalisme la traduction sur le terrain
du droit de cette séparation; l'ouvrier recevant un salaire
comme prix de sa force de travail ; que la production et
l'accumulation sociales sont réalisées par chaque entreprise
dans la société capitaliste au sein de l'anarchie des échanges
mercantiles conclue que le but final du mouvement prolétarien
pour résoudre la question sociale ne peut être un retour uto-
pique à la production artisanale qui détruirait l'acquis
révolutionnaire du capitalisme, ni la seule expropriation
juridique du propriétaire individuel du capital qui laisserait
sur pied ce qui constitue l'essence même du capitalisme mais
l'appropriation sociale de la production socialisée ~~i ne
peut être réalisée qu'avec la destruction du salariat, du
marché, de la production marchande.
capitalisme), les antagonismes sociaux et les inégalités
qu'engendre le capitalisme, la société moderne a comme pers-
pective sa transformation en société socialiste ; tr~sforma­
tion (période de transition) qui se terminera avec l'élimina-

('.
465
tion de l'échange, du salariat, de la loi de la va~eur et son
symbole l'argent, le prorit. on aboutirait ainsi au communis-
me inrérieur (1ère phase du socialisme) qui se traduirait par
la formule
"De chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail".
La période de transition représente une longue pério-
de historique de lutte des classes où la société est encore
essentiellement une société capitaliste même si la domination
politique des anciennes classes a été renversée puisque exis-
tent encore: les classes (ouvriers, paysans, etc ••• ); la
division du travail entre travail manuel - travail intellectue
entre villes et campagnes ; les forces productives libérées
des entraves du capital n'ont pas encore connu le déve Loppemei.
universel que vont permettre les rapports de production socia-
liste.
Sur le plan de la répartition, subsiste encore le
droit bourgeois qui est dans son principe un droit inégal.
Toutes ces contradictions, le pouvoir prolétarien aura pour
taches de les résoudre.
Alors qu'au sein de l'ordre social communautaire,
les proëucteurs n'échangeront plus leurs produits, de même
le travail incorpo!'é dans les produits n'apparaît pas davan-
ta'J"e COJ7L'TIe valeu!'s de ces Droèuits, comme
une "[;:'1J.al±t2 réelle
.-
"
~.
-.
,-.., , -
-
0assait d~1S la vieille société, ce n'est plus par la voie
('un èétours (le marché) ma is è.irectement crue les travaux
de l'individu deviemlent partie intégrante du travail-,de la
communaute. Et lorscrue aura disparu l'asservissante subordi-

<'
466
JI
nation des individus à la division du travail et avec elle
l'opposition entre travail manuel et travail intellectuel
quand le travail ne sera plus seulement un moyen de vivre
mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand avec
le développement multiple des individus, les forces produc-
tives se seront accrues, elles aussi, et que toutes les sour-
ces de la richesse collective jailliront avec abondance, alors
seulement l'horizon borné du droit bourgeois pourra être dé-
finitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses dra-
peaux: "A chacun selon ses capacités, à chacun selon ses
besoins". Il n'y aura plus alors ni gouvernement, ni Etat en
opposition avec la société. Vivre du travail d'autrui sera
devenu une affaire dépassée.
Telle est la contribution que Marx apporta à la ré-
solution de la question sociale. Solution toujours jeune et
scientifique, de portée universelle et concernant tous les
pays qui aujourd'hui vivent sous la seule autorité du système
juridique et structures capitalistes. Elle situe le sens de
l'évolution de l'histoire humaine indépendamment de ce que
certains considèrent aujourd'hui comme son application.
Que cela se réalise maintenant ou demain n'a qu'une
importance relative : une question de temps et le temps tra-
vaille à~lS ce sens, en vue de ce point d'arrivée des sociétés
sxiste-t-il une autre voie ? nous ne la connaissons
pas encore puisque les remèdes capitalistes à l'insécurité
et à la question sociale nous ont montré jusqu'à quel~ limite
ils étaient opérationnels. Et que le capitalisme qu'il soit

('
467
de la libre entreprise ou d'Etat se développera toujours de
pair avec ses inégalités. Les besoins du plus grand nombre
seront toujours insatis.fai ts sinon en tant que reproduction
de leurs conditions de pauvres. ?a:c consé qi...en; , la seule pers-
pective qui se présente à l'heure actuelle comme clé de solu-
tion à la question sociale ne parait être que la réorgani.satiol
de la société sur une base nouvelle. D'où sortira la prise en
compte des besoins présents et futurs ; intérêts individuels
et intérêts collectifs. Le but de la production ne sera plus
le profit d'abord, comme c'est le cas dans la société actuelle
mais l'homme et ses besoins.
Mais, dira-t-on, en Afrique le problème doit être vu
autrement. Il s'agit ci' "acheminer les sociétés africaines
profondément humaines vers une vie matérielle plus abondante
s~1S les asservir au matérialisme pratique dans lecruel baignen
les civilisations européennes".
Dans cette optique, la tâche des pays africains serai
d'élever rapidement la production et le niveau de vie sans dé-
truire la liberté individuelle: "Substituer à l'esprit capi-
taliste déclinant une nouvelle force morale en mesure d'ins-
taurer le dynamisme de la personne dans Ulle société de plus e~
plus communautaire et égalitaire selon l'idéal du comnUllauta-
risme africain : "Le socialisme africain" .'/
: .Leu.: le Parti d~~ocr3.ti ':l'-e !J3.bonais allc..llt 0('l..)lS ce
sens distingue dans le monde d'aujourd'hui l'existence de deux
grands systèmes Q'organisation po l i t i cue et economi cue , ci sa-
voir le capitalisme et le socialisme. Il rejette la ~e ca-
pi taliste dans son aspect sauvage dénoncé par le chef de l'Eta-

468
gabonais dans son discours du 11 Mars 1976 et le socialisme
scientifique dans son caractère autoritaire pour le progres-
sisme démocratique et concerté qui "entend davantage privilé-
gier le développement par rapport à la croissance, le dévelop-
pement impliquant surtout la diffusion du progrès et du bien-
être dans toutes les couches de la population gabonaise
privilégier le progrès social par rapport à l'accumulation
individuelle de la richesse" (1).
Les théoriciens de cette voie nouvelle manifestent
également une volonté: c'est celle de revenir aux sources
des traditions gabonaises et africaines et recréer une soli-
darité profanée par le colonisateur (2). La caractéristique
de cette voie nouvelle "le socialisme africain" est donc
d'être à la fois contre le capitalisme sauvage qui a permis
que "ces dernières années de nombreuses sociétés se. sont pré-
occupées surtout d'amasser le maximum d'argent de l'exploita-
tion de nos richesses sans rien laisser comme investissement
et contre le socialisme sous sa forme la plus élaborée, le
marxisme-leninisme car "il repose sur l'existence de la lutte
des classes et sur la dictature du prolétariat et la nécessité
d'une révolution pour amener le progrès social" (3).
2e ccnZ~ès du P.0.G., op. cit~, pp. 15-16.
(2) Notons égale~ent dans ce sens la tenue à Dakar en 1962
d'un collocue sur les politiaues africaines de développe-
ite~t et les ~ivcrses voies a:ricaines vers le socialis~e
dont se J"2clamaient à l'époeue : le Sénégal, la Tanzanie,
le Hali, le Ghana, le Tchad.
1
(3) Conférence 2e congrès du Parti Démocratique gabonais,
op. cité, p. 15-16.

JI
Le déPw1t président du Ghana I:vame N1crwnah disait en
son temps que ~e terme socialisme africain est "dépourvu de
sens et relève de l'anthropologie plutôt que de l'économie
politique. supposer qu'il puisse y avoir des socialismes
tribaux, nationaux ou raciaux; c'est s'enliser dans le chau-
vinisme.
Il ne faut pas idéaliser la société tribale africaine
et la tache des socialistes africains consiste plutôt à renoue
avec l'esprit des sociétés comrrnulautaires qu'avec leur struc-
ture. Il serait vain de chercher des solutions aux problèmes
complexes de la société moderne dans un retour au passé mythi-
crue. Car, la civilisation islamique et l'expérience coloniale
sont toutes les deux des è~ériences profondes qui ont apporté
des changements durables à la configuration de cette société.
211es ont introduit de nouvelles valeurs et une organisation
sociale, culturelle et économique de la vie africaine.
Les sociétés africaines modernes, quoique arrierées
.'
ne sont pas traditionnelles et elles se trouvent clairement
en état de déséquilibre socio-économique. La solution ne con-
siste certainement pas à rejeter toutes les influencesislarni-
Gues et euro-coloniales, dans un essai vain de recréer un
passe qui ne peut ressusciter. La solution ne peut se trouver
~e dans Wle ruite en avant, vers lli~e forme plus élevée et re-
conc i Li ée ('ce la société, où la quintessence du projet humain
ce la société africaine traditionnelle s'exprimera dans tUl
contexte moderne, bref vers le socialisme, moyennant des po-
l

470
litiques scientifiquement élabprées et correctement appli-
quées· (1).
En effet, le problème aujourd'hui est de savoir
comment transformer l'ordre social actuel et ses structures
du modèle d'homme et de société coloniale en we d'un ordre
social et d' insti tutiolli.~_ ~
nouvelles, afin de mettre fin
à la situation actuelle d'impasse des peuples africains
- la
dépersonnalisation de l'homme
- perte du sens de la vie communautaire (altruisme courage
au service des autres)
- désiutégration de la vie familiale, etc •••
Car s'il est un fait que l'ordre social libéral a JOUé
historiquement un rOle progressif lorsqu'il porta atteinte à
la doctrine de l'ordre social féodal qui reposait sur les
principes de la révélation et de l'autorité qui étaient une
base commode pour édifier le droit et la coutume sociale lui
permettant d'asseoir sa société inégalitaire et
contraignante
""l'autorité, il opposa la raison, à l'arbitraire fut opposé
un nouvel ordre juridique qui assurait: l'exercice des droits
individuels ; la prévention, la séparation des pouvoirs et le
règne de la loi.
Désornlais, tous les hom~es devenaient sujets de droit
dans la société; droits ~(és sur l'individu considéré comme
le titulaire de droits r~turels il1alienables et sacrés.
L'individu possède une zone d'autonomie dans lat""l1.elle l'Etat
(1) in African socialisme: Communication envoyée au ~minaire
sur la révolution nationale et sociale en Afrique organiséE
par la revue AL-TAL LL\\ au Caire du 24 au 29 oc tobre 1966
cité par Ignaty Sachs "La découverte du Tiers-Honde" édit.
Plammarion, 1971, p. 76.

.
471

n'a pas à intervenir. L'axiome libéral proclame que l'accès
des hommes à l'usage des biens se réalise par le moyen de la
propriété privée (1) garantie des droits fondamentaux de la
liberté et de l'égalité.
Mais, nous explique Michel Miaille (2), nl'atomisatiol
de la société par éclatement des groupes qui la structuraient
ne signifie pas un effet évident du mieux-être ou d'une meil-
leure conscience, il exprime un autre stade de conscience;
et si tous les hommes sont sujets de droits dans la société
capitaliste, c'est afin de permettre la généralisation de
l'échange dans un cadre national et international suivant
une logique et une rationalité des droits abstraits et géné-
raux". Il en est résulté une transformation profonde des rap-
ports sociaux de production et de la structure de classe de
la société. Les travailleurs : femmes, enfants y compris -
étaient concentrés dans de grandes fabriques travaillant sur
des machines à vapeur , la propriété de ces fabriques et ce
qu'elles produisaient étaient entièrement contrOlés par des
capitalistes dont l'intérêt principal était la maximalisation
de leurs profits et l'accroissement de leur capital; des
~opulations entiè~es furent jet~es dans èe grandes aggloméra-
tions urbaines et concentrées dans des bidonvilles ou des
logements de Geuxième catégorie. Le pouvoir politi~~e et éco-
Le code civil français dans sa rédaction èe 18C'4 cui por-te
la marŒUe de ce caractère inviolable et sacré ce la Pro-
prité privée a été repris presque mot par mot et fait la
loi des partis au Gabon.
1
(2) Cf .•Introduction à l'étude critique du droit par Michel
!-1aille, p. 132.

472
..
nomique appsr1.1alt aux riches alors que misère, maladie et
mortali té infantile étaient le lot des masses laborieuses
européennes au XIXe. Si.(.~lv
La transposition de ce modèle de société, juridique
et de rapports sociaux en Afrique a produit quels effets?
Nous avons eu à le montrer dans la première partie de cette
étude que c'est en vuede permettre l'introduction puis le
développement du modèle actuel de la société occidentale qu'a
été brisé par le fer et par le feu l'ancienne organisation
sociale au Gabon et en Afrique, et transformé les individus
en sujets de droits capables de vendre leur force de travail,
que dans le même temps, la domination capitaliste coloniale
a imposé au Gabon sur le plan du droit privé l'individualisa-
tion des droits de propriété ; une nouvelle conception de
société et d' homme qui ne donne de valeur aux biens qu'en
terme de rentabilité et de croissance économique.
Aujourd'hui, on peut tous être d'accord au moins
sur un point : c'est que les pays africains ont fait l'expé-
rience d'un processus décrit par les uns conune le sous-
développement qui a entra!né toute une série de conséquences
§cono~i~es et sociales. La production (d'une ou deux marchan-
èises) était tournée vers l'exportation (minerais, cultures
a~icoles inèustrielles); l'artis~lat local etait Getruit
Far la co~?ètition des importations des produits bon marché
en provenance des pays capitalistes développés; les classes
noyelllles qui prirel1t la place du colonisateur eurent dav~ltage
de pouvoir et de privilèges alors que les prolétaires "15 'entas-
saient dans les bidonvilles des grandes agglomérations à la

f'
473
JI
,ri.,
pourni1:e 4'1111 emp10i sa1arié.
Depuis l'indépendance, les tentatives de mise en
place d'industries modernes ont plutOt aggravé qu'elles n'ont
réduit les déséquilibres économiques et les maux sociaux oc-
casionnés par la société qui fut implantée.
Alors que, depuis les temps
anciens, les études fai-
tes sur l'Afrique montrent que même s'il y a eu une féodalité
(Empire du Ghana par exemple), il n'y a jamais eu d'appropria-
tion privée de la terre et des principaux moyens de production.
Ceux-ci ayant toujours été considérés comme un domaine collec-
tif de la famille, du clan, du groupe social.
Pour ce aui est des conditions de personnes, la notiol
de hiérarchie a bien existé, dans la société traditiomlelle
africaine, il a même existé une catégorie de personnes appelée
serviteurs. Eais le chef est propriétaire au nom de tous ceux
dont il est responsable de la sécurité matérielle. Dans la
communauté, l'individu n'est GU'UX~ rouage, son bonheur n'exist(
pas en dehors de celui des autres, il n'a pas Wl bien-être à
lui, il ya le bien-être du groupe ou la misère du groupe.
Cet aspect mis en valeur par beaucoup d'auteurs his-
t ori en s CC;-:lT':'.e Sayècn Badian Kou~rat~~ 03.l1S son livre "Les diri-
gealits africains .face à leur peup Le" et Josep:1 Kizerbo dans
certains eur-cp eeiis tel q:ue cor-nevi,n , laisse entr'2vcir les
conséouences crui ont été celles de la domination colonialiste
sur la société africaine.
Mais dans toutes ces manifestations, il n'y a'rien"
de "socialisme africain".

11 a-y a rien de "socia1isme aFricain" en ce sens
que 1e caractère éga1i taire, t.es pratiques de solidarité :
1'esprit communautaire ne sont pas des éléments à même de
justifier l'emploi de l'expression "socialisme africain" mais
sont l'expression des rapports de production donnés déterminés
par l'état des forces productives. Situation qui n'est pas
spécifiquement africaine puisque les sociétés européennes et
autres ont connu le même phénomène d'antan. En étudiant
l'histoire àes anciens germains et des peuples européens à
l'époque de la communauté primitive, Engels (1) montre comment
pendant des Blilliers d'années les rapports de production
étaient fondés sur la propriété collective des moyens de produ(
tian ; la propriété commune correspondant au caractère des
forces productives, les instruments de travail étant trop pri-
mitifs pour permettre aux hommes de lutter isolément contre
les forces de la nature et les bêtes féroces. La propriété
individuelle des ustensiles de ménage, des vêtements existait
dans le cadre de la propriété collective des moyens de pro-
duction.
Le travail reposait sur la coopération simple c'est-à·
cire dans l'emploi simult~lé d'une ~antité plus ou moins
grande de force de travail pour exécuter des travaux
du même
genre afin de s'acquitter des t~ches qu'il aurait ét~ impossi-
ble à un seul homme d'accomplir (chasse des grands animaux).
"Ce type primitif de la production collective ou
1
(1) Voir l'oriv;ne de la famille, de lapropriêté privée et de
l'Etat, éd1tions sociales

.. \\*"
475
coopératiw, écrit Marx, fUt, bien entendu, le résultat de la
Faiblesse de l'individu isolé, et non de la socialisation des
moyens de production" (1).
Les produits du travail étaient consommés en commun
ou divisés en parts égales. La première grande division sociale
du travail - séparation de l'élevage et de l'agriculture -
eut pour résultat un développement plus élevé des forces pro-
ductives de la société. Les échanges se multipliant, la pro-
priété privée apparue avec elle l'inégalité économique des
membres de la comnnmauté. L' appari tion de la première grande
division du travail et de la propriété des moyens de productiol
eurent pour effets l'avènement du mode de production esclava-
giste qui accentua encore l'inégalité économique.
La séparation des métiers et de l'agriculture, inten-
sifia la destruction de la commune primitive. La richesse et
la pauvreté, l'exploitation, les classes et l'Etat firent leur
apparition. La commune primitive s'effondra définitivement et
fit place à la société esclavagiste puis féodale et en der-
nièr capitaliste qui dépouilla de toute propriété sur les
moyens de production et a fait le tour du monde avec ses
inégalités, le salariat, l'insatisfaction des besoins du plus
gra.lld nombre.
Ceu;: cui on t bén~ficié de ces changements ont tou-
jcu~s preten0U ~le ces nouveaux Qéveloppements étaient purs
~rogrès et ne devaient pas être remis en cause ; des courants
plus conservateurs voyaient là la destruction d'un age d'or.
1
(1) Voir l'oriqine de la famille, de la propriété privée et de
l'Etat, éQitions sociales - Lettre de !larx à Vera Zassou-
li tch, annexes, p. 293.

of'
476

Par contre, ceux qui ref'lètèrent la mi sère et les
désirs des pauvres rêvèrent et pensèrent à une société meil-
leure dans le futur.
C~est dans ce cadre que naquit le concept socialisme
avec les utopistes. Naturellement, les contours de cette so-
ciété différaient d'un individu à l'autre, mais ils avaient
un fonds commun, c'était la vision d'une hunamnité misérable.
C'est cette vision qu' sous-tendai~ les socialistes avant
]·1arx. C'est vrai aussi que le socialisme de Marx différait
fondamentalement de celui de ses prédécesseurs et contempo-
rains mais les différences ne concernaient pas tellement les
formes de la société à venir, mais les méthodes par lesquelles
la société future devrait être réalisée. Quand Marx opposa le
socialisme scientifique au socialisme utopique il ne sa battai'
pas avec eux sur ce qui etait désirable (quand bien même il
y avait des différences là aussi) mais davantage sur le com-
ment le désirable allait devenir réel. Les utopistes pensaient
qu'une société nouvelle et meilleure pouvait être créee par
des hommes de bonne volonté qui agiraient d'après la raison.
t-':arx fi t voir qu'une bonne compréhension de 1 'histoire par
les méthodes de l'investigation scientifique était nécessaire
et montra cu'ulle nouvelle société était déjà en gestation et
~ 'our
.
.
J
deva i t -VOlX' tô t cu tard par l'action du prolétariat industriel
~ui ét3it lui-~êne le produit de la r2volution illdustrielle
0ui bouleversait toutes les structures de l'Europe occidentale
En indiquant la méthode pour la transformation des
sociétés dont il donnait la genèse, il a toujours eu de la
société future une vision d'une société sans classe, égale,

l..
477
;,
~,
,
..
communautaire où règnerait la solidarité humaine. Ce faisant
il ne pensait pas que les prolétaires "qui n'ont que leurs
chatnes à perdre et un monde à gagner" pourraient voir ces
idéaux se réaliser dans le cadre des structures sociales et
économiques capitalistes. Il reste que l'histoire n'indique
jusqu'à ce jour aucun pays au monde où ces idéaux ont été
réalisés dans le cadre de-ces structures.
Il Y a certes de grandes similarités entre la situa-
tion de l'Europe à l'avènement du capitalisme et les pays afri-
cains aujourd'hui. Les formes traditionnelles des rapports so-
ciaux ont été détruites, des masses de vies humaines ont été
déracinées et assujetties au jeu arbitraire des forces du ca-
pital j on a polarisé la société en deux extrêmes avec d'un
cOté les riches, les privilégiés ceux qui ont le pouvoir et
de l'autre, la pauvreté, la souffrance, la misère, l'obscuran-
tisme. Un vieux monde détruit et un nouveau monde qui ne sa-
tisfait pas les besoins du plus grand nombre.
Mais il faut dire que c'est dans ces circonstances
que le socialisme au sens moderne du mot vit le jour il y a
plus d'un siècle en Europe et que c'est dans ces mêmes circons-
tar~es qu'il redevient d'actualité en Afrique aujourd'hui.
Dans les deux cas, il est venu au monde comme un
~ouvement de réaction contre les souffrances, la misère cui
r-e su l t er.t (~es st r-uc tu r-e s ~COllO'Ii-:-'-les et soc i e i e s c:l"i ta i i s t e s
il est l'explication de la genèse des sociétés ~u~aines et
néthode pour leur tr~lsformatioll.
Par contre, il est difficile de voir dans le contexte
actuel un parallèle entre le socialisme utopicrue et le "socia-

lisme arricain". Une chose paratt vraie, c'est que le recours
au communautarisme collectivisme par les classes privilégiées
africaines apparaît à la réflexion comme la réponse au grand
apr"?~ f,e~· peuples aux idéaux originaux de l' égali té, de la
coopération et de la solidarité que l'ordre social actuel a
détruits, Hais le sOlidarisme, le communautarisme (1) comme
fondement au "socialisme africain" mis en valeur dans le ca-
dre des structUres actuelles sert beaucoup plus à d'autres
fins.
Il est davantage un moyen dont se· servent les classes
aisées africaines, effrayées par les protestations et les
agitations des prolétaires afin d'apaiser la tempête sociale.
Et pour atteindre ce but, l'occultation des rapports de classe
en développement s'avère être une roue de secours nécessaire.
C'est dans ce sens que Jules Bourdès Ogouliguendé peut écrire
"Il n'existe pas de lutte de classe au Gabon.
Il y a certes
des personnes qui se sont enrichies à la faveur des activités
economiques dans notre pays ou en profitant des postes de
responsabilité qui leur ont été confiés, soit dans l'admi-
nistration, soit dans le secteur privé; mais l'enrichissement
de ces personnes ne les a pas conduites à développer un esprit
de classe. L'esprit de classe se caractérise notamment par le
fait que les personnes bien nanties en argent et en biens
accaparent tout pour elles et s'opposent à l'amélioration des
(1) Notons que selon Mr Etienne Mouvagha le nouveau système
de sécurité sociale au Gabon doit s'inspirer de l'idéal dE
solidarisme d'essence authentiquement négro-africain; le
solidarisme se caractérisant par le fait que les nantis
trouvent normal de partager avec les "have DOt", ·lesquels
se reconnaissent le droit d'accepter~... Op. cité, p. 92.;

candi tiolls de vie des autres. ce n'est pas cet esprit qui
caractérise ceux que Makaya (dans notre journal Union) appel-
le les "pontes" puisqu'ilS n'ont jamais constitué des partis
ou des associations pour défendre leurs privilèges et s'oppo-
ser à la politique de progrès social, les méthodes viOlentes,
notamment le recours à la révolution ne se justifie pas" (1).
Ces propos qui vont dans le sens de beaucoup d'autres
hommes politiques des pays du Tiers-Monde (socialisme arabe,
socialisme musulman, socialisme indien... ) tendent à nier
l'existence du concept de classe ou tout au moins à minimiser
sa signification. Mais cette négation sert en réalité de
fonction idéOlogique et ne peut résister à une analyse scien-
tifique.
L'arrière-plan intellectuel de cette façon de voir
se situe dans les années 1946 où la plupart des analyses
semblaient converger dans un effort pour enterrer toute ana-
..
lyse en termes de classe en Afrique. Ce n'est que après les
indépendances (1960) lorsque l'idéologie nationale commençait
à disparaïtre faisant place aux dures réalités d'une indépen-
dance assise sur un ordre social qui organisait une discrimi-
nation des traitements, des inégalités (cf. Loi Lamine Gueye
et le code du travail d'OUtre-mer) que la crise de l'idéologie
èu èévelov?e"1ent associée à la »er s i s t ance du paupér-i srae amene
quelques ho~~es d'Etat africains (2) à reconnaître l'existel~~
des classes sociales en Afriaue (qui est une partie du monde
(1) Cf. Introduction au progressisme démocratique et ~oncerté
2e congrès P.D.G. Op. cité, p. 17.
(2) Voir Kwamv Nkrumah : la lutte des classes en Afrique,
éditions Présence africaine.

480
..
capi taliste).
\\\\
A partir de 1960, écrit Ndong Clément (1), le pro-
cessus de différenciation sociale s'est accentué, il s'est
formé des couches sociales qui se sont concrétisées par les
privilèges spéciaux dont elles jouissaient. La division de
la société africaine en classes est devenue plus profonde
encore" .
Lorsqu'on examine les arguments de ceux qui nient
l'existence des classes sociales en Afrique, lllargument massu
est la négation de"l'esprit de classe entre les différents
groupes sociaux", et souvent ceux qui représentent cette opi~
nion reconnaissent volontiers que la classe a une singificatiol
en Europe, mais elle n'en a pas en Afrique. Mais ces affirma-
tions semblent méconnaître le contexte contemporain africain,
l'histoire de l'Europe occidentale, les structures économiques
et sociales actuelles en Afrique et les arguments des socia-
listes sur l'analyse de classe pour qui l'utilisation du con-
cept des classes au XIXe siècle et XXe siècle se réfère au
système capitaliste.
En vérité, le "socialisme africain" répond aux besoin:
du developpement des jeunes pays capitalistes dans les condi-
tions historicues nouvelles où de nouvelles forces sociales
r-ri vi légiées voient le jour dans les pavs afr i c a.in s èans un
contexte mondial dominé par le capital monopoliste. Ces classE_
sociales qui sont le produit du colonialisme se heurtent en
naissant et en se développant aux capitalistes monopoleurs.
1
(1) Qp. cité, p. 369, citant la revue internationale du
Caire, 1966, Vol. 4, p. 3.

Elles doivent dODC revendiquer sur le plan économique des
réEormes économiques et des mesures de protection contre lui
et dans le même temps "courtiser" les prolétaires dans l'es-
poir de mieux les tenir en laisse du moment que le problème
historique n'est plus d'empêcher le colonialisme classique
de revenir physiquement au pouvoir, elles cherchent à tout
mettre en oeuvre pour le maintenir. Le"socialisme africain"
semble être la pièce de rechange trouvée.
Mais la question qui reste entière est celle-ci,
les auteurs de cette nouvelle solution à la question sociale
ont-ils une idée du comment ils vont réaliser leurs promesses
sans que soit aboli le salariat, le marché mondial dominé par
les monopoles ?
La situation actuelle, vécue quotidiennement en
Afrique est - comme l'écrit Guy A. Kouassigan (1) -"les na-
tions africaines pensent qu'il n'y a de développement économi-
que et social que par la reproduction du modèle de l'occident
proposé par la colonisation. Il suppose donc nécessairement
la destruction des structures traditionnelles jugées incompa-
tibles avec les nouvelles options. La réussite paratt se si-
tuer dans l'adoption et la transposition pures et simples des
perspectives de la colonisation. Il s'agit de faire évoluer
les sociétés a~ricaines selon le modèle dont le choix a été
rendu facile par l'héritage colonial et de voir les institu-
tions juridiaues européennes le levier de cette évolution".

482
I l reste difficile de dire qu'elle aurait été l'évo-
lution des sociétés africaines avec l'ensemble de ses moeurs,
coutumes et organisations sociales - qui n'étaient pas par-
faites - si ce choc da à la cOlonisation n'avait pas eu lieu.
Ce dont on peut affirmer avec certitude, c'est que le brassa-
ge d'un ensemble de valeurs contradictoires et des deux vision:
du monde; l'une fondée sur une conception de l'organisation
sociale centrée sur la primauté de l'individu en tant que
seul moteur réel de la croissance économique et de la réussite
sociale; et l'autre fondée sur la solidarité du groupe comme
condition au bien-être social a débouché sur l'accouchement
d'un homme nouveau altéré, aliéné ou moderne, selon les avis,
qui, confronté au modèle social de la société actuelle ne con-
sidère plus le groupe social comme un cadre adapté à la re-
cherche des moyens de satisfaction des besoins et de ce fait
a adopté des attitudes individualistes, égo!stes incompatibles
avec le désir de vivre collectivement et avec son histoire.
"Et alors, le désordre s'humanise, un type d'homme
naît qui, une fois admis dans le ce~le des élus doit se re-
tourner avec rage contre ses frères comme s'il semblait leur
re~roche~ sa 9ro~re couleur, l'illjure r.u'il porte et dont il
ne pourra se G2faire ; il est incit2 à les écraser, pour leur
:'lCiHrer c:u'il n r e s t :;lus de ce "-c;llc.':.e arrier2, car il doit avo i
hon re Ü 'être:,'2s Leur s . Il est cievell'J. .:. 'auxiliaire essentiel
de la COlonisation, dressé contre son monde et tout ce cru'il
comporte. Quelle qu'ait été la fonction qu'il assurait alors,
il devait rompre toute solidarité avec ses frères. Seg charOges
familiales ridiculisées par ses maîtres ont commencer par lui

,~
483
peser. Ses multiples parents étaient agacents ; il fallait
les renier. En lui inoculant le complexe d'infériorité, on
a voulu qu'il soit cet être déséquilibré qui cherche par la
par-o e , par le blùf..? à se donner une taille morale, intellec-
ï
tuelle qu'il n'a pas" (1).
L'étranger débarquant au Gabon dans la société d'hier
était frappé par l'indifférence ou du moins le désintérêt du
Gabonais pour l'argent. Les pourboires, les gratifications
monétaires étaient presque inexistants. La recherche de l'ar-
gent n'était pas une fin en soi. Les relations commerciales
étaient empruntes de générosité.
Ce mode de relation, combien déroutant pour l'Euro-
péen issu d'un milieu capitaliste où l'argent est roi était
un facteur d'attachement et de relation sociales profondes.
Hélas, l'avènement de l'ordre social capitaliste a
été l'occasion de pervertir la collectivité et émousser le
sens de la dignité, le sens de la vie qui n'a plus de sens
que par rapport à l'argent.
La mendicité n'existait pas hier; aujourd'hui, les
premiers enfants mendiants ont fait leur apparition au Gabon.
Le désir de s'enrichir rapidement par tous les moyens associés
à la recherche du prestige social fait place à l'estime col-
lective et à la recherche des intérêts du groupe social.
Certains se livrent desormais Èt la course aux millions. Les
jeunes ne résistent plus à la chose étalée. Ils veulent
(1) Cf. Les dirigeants africains face à leur peuple, nar
Seydou Badian Kouyalé, édition Maspéro, 1966, p. 73.

484

satisfaire tous leurs ~esoins daas l'iJJDnédiat, et perdent
ainsi un des aspects de la culture gabonaise. Le désir de
para!tre les pousse à acheter des voitures de luxe, des biens
de consommation au détriment de la famille et souvent au prix
d'expédients, d'escroqueries. Les chèques sans provisions sont
devenus fréquents.
La société de consommation prend au Gabon des pro-
portions inquiétantes. Certains investissent pour assurer
l'avenir de leurs familles en construisant une maison à mettre
en location, mais nombreux sont ceux qui vivent au jour le
jour. Lentement mais s~rement, l'esprit de propriété s'empare
du Gabonais. Si en milieu rural, les terres ne sont pas encore
devenues une propriété privée, la notion de propriété s'est
précisée ces derniers temps. La clOture tend à faire son
apparition. Les conflits de mitoyeneté sont de plus en plus
frequents en milieu urbain. Des conflits meurtriers entre
voisins sont devenus un fait quotidien pour un motif futile
divagation d'un enfant ou d'un animal.
Si le sens de la propriété individuelle tend à deve-
nir de plus en plus aigu, celui de la propriété collective
tend à disparaitre. Les b~timents et biens publics ne sont
pas respectés. Les infrastructures et biens collectifs encore
nains.
st cela nous amène à la question suivante :
est-ce qu'on doit voir l'aspiration et le mimétisme de
l'Africain au mode de vie des classes aisées occidentales
comme un désir de se soustraire à la triste candi tion"Jimposée

485
JI
par le capitalisme sauvage. et la domination coloniale ; ou
bien on doit l'analyser comme une recherche du progrès auquel
cas il reste à démontrer en quoi ce phénomène est progressif
pour l'Afrique? (1) .
.~"ujourd 'hui, rapporte Jean-Claude Pomonti dans Le T''ionde
du 31 Janvier 1980, "la famille, le groupe investiront
tout dans l' Lns t ruc t i on ë, 'un enfant. On lui dit: "tu
Gois réussir". Il est charcré d'une lourde mission. Tradi-
tionnellenent, c'est le groupe qui doit réussir non l'in-
cividu. L'individu, c'était le sorcier, l'homme du maL~
or GilllS la vie urbaine, il s'agit de développer les indi-
vidualites, le sens de la compétition, de la liberté.
Pour le jeune ivoirien, la t~che est formidable. En cas
G'échec, il n'ose pas retourner au village. Il va peut
être pour se ~Ol"Jier du courâge, Eaire appel à des deriv0-
tifs : la Clrogue, le c narrvr-e in.G.ien - ou l' acné s i.on à
l'une des sectes syncrétistes qui foisonnent en c~ moment.
Il va agir en diable. C'est son expression, c'estTà-dire 8
conduire mal contre son gré. C'est un dédoublement de culp
bilité : on ne conna!t pas ses erreurs, souvent, grace à
une faculté extraord1naire d'adaptation, il sortira de
l'impasse en recouvrant au mimétisme, il va mimer le blanc
modèle qut on .lui impose"
".-:" 'T

486
CONSIDERATIONS FINALES
Il apparaît au vu de ce que nous avons pu analyser
et étudier que les problèmes de la protection sociale qui se
posent au Gabon sont ceux que tous les pays qui ont connu les
mêmes transformations capitalistes ont eu à vivre. Les seules
spécificités ici résident dans les réalités économiques et
sociales de ce milieu.
Au Gabon comme ailleurs, la question sociale est à
l'ordre du jour des préoccupations des pouvoirs publics qui
pensent le plus sérieusement du monde en finir avec ,en modi-
fiant le mode de distribution tout en préservant le système
capitaliste et son ordre social.
Ce faisant, on oublie de dire qu'il ne peut y avoir
une juste répartition, distribution dans une société où les
principaux moyens de production sont propriété privée, le
marché existe, le salariat, car cette société est ainsi faite
que le rOle qu'un individu occupe dans l'organisation sociale,
ses rapports vis-à-vis des moyens de production déterminent
nécessairement les modes d'obtention et l'importance de la
part des richesses sociales dont il dispose.
On oublie de dire qu'une société comme celle du
Gabon, éèifiée s-'J.r un ordre de valeurs où la r2ussite ext-2-
rieure paraît constituer le critère dominant de la distinctiOl,
ne répondra jillnais à l'exigence d'une justice sociale, qui
pourrait conduire effectivement à une véritable sécurité so-
. ~
ciale.

, t'
487
-Le riche, écrivait Gandhi, possède des quantités
de choses superflues dont il n'a pas besoin et qui sont par
suite négligées et gaspillées, tandis que de millions d'hommes
meurent de faim, faute de pouvoir manger.
Si chacun ne consacrait que ce dont il a besoin,
nul ne manquerait de rien".
Lui ~aisant écho, un homme politique anglais,
Beveridge encha1nait
"Pourvu que l'état de besoin disparaisse il suffirait
eue ceux qui sont dans l'abondance renoncent à une faible
part de leur superflu" (1).
Etait-ce de la duperie ou de l'utopie? Car quelle
importance peut avoir ces déclarations de bonne intention
dans l'oreille du riche, combien de riches ne pensent-ils
pas comme Talleyrand qui r-épondai t à un pauvre en quête d'un
emploi: "il faut bien que je vive !" disait l'ouvrier;
"je n'en vois pas absolument la nécessité", rétorqua Talleyral~
L'achat et la vente devenus une escroquerie, le pro-
fit capitaliste; tel est dal~s notre société actuelle capita-
liste le but de la vie. Dans une telle société "l'homme est
'..l.Ù
lOUD
Dour l'~lor;lr"!e, si VC1).S n'égorgez pas les autres, vous
sere:: '2gorgés vous-mêmes". La S2CU1~i té sociale gabonaise
-cE:'.. :':>.3 ,'LJ,e .,....'..u s scut être ses i::.rper.?ections actuelles,
jemeu::--~
W12
C2il~uete ~e la lutte de ce peuple et du monde du travail.
ë'.is ce n'est nulle:1ent ninimiser la portée de cette institu-
tion Gue d'en montrer les limites. Car aujourd'hui, il apparai
,
(1) cité par Henri Ricoux, mémoire "Finalités de la sécurité
sociale", op. cité, p.
14.

,~
488
JO
aussi clair que le jour que la sécurité sociale au Gabon n'a
pas la même signification pour le riche que pour le pauvre.
De quoi s'agit-il au fond?
L'histoire du monde est longue en narration des
luttes contre la nature. L'homme a d'abord appris à se pro-
téger contre la dureté des éléments naturels et la férocité
des animaux. Il a ensuite appris à utiliser les produits de
la nature. poussant plus loin son action, il a commencé à
domestiquer la nature. Dans cette lutte incessante contre la
nature pour sa transformation, il a cherché à comprendre les
évènements, les causes de son échec et de sa réussite.
La connaissance des causes n'a d'autres buts que de
détourner à son profit le déroulement de son action. Le déve-
loppement de la technicrue et de la science lui a permis d'es-
pérer à une libération de ses besoins toujours croissants.
Et l'accroissement colossal du revenu mondial de ces dernières
années aurait pu lui permettre de consacrer davantage de moyen
à la satisfaction de ces besoins. Cependant, fort est de cons-
tater que rien de tel ne point à l'horizon. Ce qui se passe
en fait, c'est que les riches s'enrichissent, les pauvres
s'appauvrissent et crue l'accroissement des quantités de biens
disponibles n'a pu être la clé du problème social .
.:'~1).t:Ult ([ire eue l'accumulation àes richesses au-delL
des besoins essentiels est l'obstacle majeur au progrès de
l'}lomme et la cause fond~~entale des conflits des sociétés
contemporaines.si l'accumulation du capital est indispensable
à un accroissement de la production, nécessaire au pr6grès .
technique, il faut reconnattre que,aujourd'hui, le mode de

('
489
productiOWl capitaliste n'a pu historiquement joué ce !'Ole
:. :_~. ,>1,".;...' .'~'V'·'
qu'audêtriment de 1. 'honune pauvre, au détriment des "sans
feux ni lieux". L'enjeu aujourd'hui est entre la recherche
du
triomphe àes intérêts égo!stes de ceux qui domin2nt par
la ruse, le mensonge, la dureté de coeur et la construction
d'un ordre social nouveau, d'une société communautaire de
sOlidarité concrète et vécue; entre accroStre indéfiniment
et rapidement le capital argent en négligeant l'homme et ses
aspirations, sa dignité et la satisfaction de ses besoins.
L'absurdité de ce monde dit civilisé est que envers
les pauvres on légitime le fait que la société ne peut lui
procurer des ressources. Des notions à fort contenu idéologi-
que comme "ayant droit ll justifie cette situation et vise à
priver l'homme pauvre
du produi t de son travai l, du droi t
aux soins, en un mot du droit à l'existence.
De telles énormités sociales ne sont pas loin de
ce qu'écrivait Fournier dans "traité de l'association aux
énormités sociales" (1).
"Aujourd'hui, on peut dire que le médecin souhaite
à ses conci toyens de bonnes fièvres et de bons catarrhes,
le militaire une bonne guerre qui fasse tirer la r.1oitié de
ses ca~arades afin de lui procurer de l'av~1cement et l'acca-
pareur une b01U1e famine oui élève le prix du pain au double
et au triple."
"Guidée par une conception trop étroite ou superfi-
cielle de son rôle humain et social, la médecine, dont
(1) Cf. Paris 1882, T. 1, p.
36.

490
Descartes disait qu'elle est la chose la plus importante
pour le bonheur de l'humanité a cessé pour beaucoup de cons-
tituer une vocation véritable pour n'être qu'un instrument de
valorisation extérieure, voire quelquefois dieAploitation
astucieuse de la misère humaine" (1).
Et les droits du citoyen, à quoi servent-ils, si ce
n'est de base à une collaboration sociale illusoire. L'Etat
qui s'est donné pour vocation d'assurer la sécurité de chacun,
de protéger les citoyens, les meurtres, le vol, l'arbitraire,
l'injuste est loin d'assumer cette tache comme il a promis
et pour cause ! Dès lors, les droits poli tiques et sociaux
en question ne peuvent plus être pour le pauvre que comme
"vides d'eux-mêmes".
Nombreuses sont les études faites à travers le monde
Gui confirment le fait que les institutions de la société
moderne jouent contre les pauvres, leur refusent les avantage~
eu'en tirent les autres membres de la société, les confinent,
de plus en plus dans un état d'exclusion et d'isolement.
Et pourtant, ces institutions sont en général conçue~
en vue de la satisfaction des besoins de tous les hommes à
conô i tion d'être dans une situation ;;condi tionnelle", partant
on senble oublier la situation de fait de celui qui est dans
le besoin.
2t l'OH nous dit eue s'il en est ainsi, c'est crue
"De m@me, il y avait: autrefois, mais il y a bien longtemps
àe cela, un temps où la société se divisait en deux camps
1
(1) Henri Ricoux, Aspects de finalité de la sécurité sociale,
Hémoire C.E.S.S. Paris

\\~
491
là des gens d'élite, laborieux, intelligents, et surtout doué
d'habitudes ménagères ; ici un tas de coquins faisant gogaille
du matin au soir et du soir au matin. Il va sans dire que
les uns entassèrent trésor sur trésor, tandis que :es autres
se trouvèrent bientôt dénués de tout. De là, la pauvreté de
la grande masse qui., en dépi t d'un travai l sans fin ni trêve,
doit toujours payer de sa propre
personne, et la richesse
du petit nombre qui récolte tous les fruits du travail sans
avoir fait oeuvre de ses dix doigts". (1)
Ainsi vu, les droits si généreusement proclamés par
les institutions modernes s'ils ne sont pas une simple procla-
mation d'intention, il reste que leur objet principal n'est
pas l'épanouissement de la personne humaine pauvre; mais le
service qu'ils rendent à la société capitaliste qui les utilisl
pour s'affirmer et se reproduire.
"Il en résulte que ces droits, conçus pour être ceux
de l'homme, de tout homme, ne sont plUS, dans l'Etat libéral,
que les droits que 1 ' individu doit à sa place et à son l'Ole
dans les mécanismes de l'économie. Plus cette place et ce
rôle sont importants et plus la réalité du droit est effective
3n r-evanc ne , pour ceux dont la situation économique est défa-
vorable, àroits et libertés revêtent un caractère formel" (2)
Il val,] une autonor:ie entre le droit social et le
lib~r3.1is;:(e,pcnr.siJ.::t Burceau. Cet auteur reconnaît cue , his-
torir-uement, le lio2ralisme a toujours opposé une fin de non
(1) Karl Marx, L'accumulation primitive, chap. XXVI, 1. 1, .
p. 527, capital, éd. Flammarion.
(~) Georges &lrdeau, Le libéralisme, éd. Points, p. 97.

,"
492
recevoir à la consécration des droits sociaux. Même si avec
le temps, cette attitude a connu des atteintes, c'est essen-
tiellement en vue de la défense des intérêts des classes do-
minantes dont la société eut été compromise s'il avait fallu
satisfaire les exigences des classes en lutte contre cet ordre
Depuis, l'ordre social libéral a pris conscience
d'une réalité, c'est que l'Etat capitaliste ne peut plus
demeurer passif en face des problèmes sociaux posés par le
developpement de l'ère industrielle. Désormais: "G'en est
fini de la bOlllle conscience sur laquelle s'était épanoui le
libéralisme triomphant. Le mal existe auquel l'Etat se doit
de porter remède par des réformes appropriées" (1).
La logique qui domine eet oue mieux vaut : "des ré-
formes et non pas une révolution, car ce qui doit inspirer
son action, ce ne sont pas les revendications contradictoires
des classes défavorisées, c'est la compréhension ~es impératif
auxouels obéi t le progrès social Il •
Ainsi vu, cela revient à dire et admettre que dans
la réalité, les lois gouvernementales, en matière sociale
bien qu'étant le compromis d'une lutte visent aussi à enchaî-
ner le pauvre ~ l'ordre social dominant, b confiner leurs
luttes dans les bornes acceptables pour les riches, à perpe-
tuer l'ordre social capitaliste et à compromettre l'avenir ne
ceux l'"'1.Ü vivent de peu.
Depuis des temps immémoraux, tous les peuples ont
souvent rêvé d'Wle société de bonheur, ne la fraternité, de
J
(1) Georges Burdeau, Le libéralisme, op. cité, p. 97.

493
..
la justice sociale, d'abondance; d'une vie meilleure.
En occident, il eut même des penseurs qui inventèrent des
ïles légendaires, perdues dans l'océan ou des villes lointai-
nes gouvernées collectivement par des hommes sages et justes
tel l'écrivain philosophe anglais Thomas More, qui dans son
Oeuvre: "L'utopie" fit des critiques et des révélations sur
les misères du temps. Il montra que l'ordre social en vigueur
n'avait d'autre but que d'assurer le bien-être des riches,
des nobles surtout qui tiennent la terre, mais aussi et déjà
des hommes de finance et des banquiers. C'est pour eux que
les lois sont faites et le sort des travailleurs est prre
que celui des bêtes de somme. L'origine du mal, c'est la pro-
priété privée individuelle et l'argent. Et comme en ce temps
là aucune classe sociale n'apparaissait assez puissante pour
jeter bas 1Ul régime d'oppression et construire un monde nou-
veau, c'est vers un pays inconnu que l'auteur appelle l'utopie
entra1ne ses lecteurs. Pays merveilleux où le bonheur règne
pour tous et qui seul mérite le nom de République, parce que
la propriété y est commune et que dès lors il n'y a pas d'in-
térêts privés pouvant s'opposer à l'intérêt de la communauté.
Seules les paresseux et les oisifs sont exclus de la co~~lau­
té. On ne travaille eue six heures par jour et, puisque per-
SOlUle n'acca?are le fruit du travail des autres, la productiol:
est large2ner:..t stl.?f'isa11te. Pas de distinction entre travail
manuel et travail intellectuel. Le cul tivateur et l'artisan
proiitent ces heures de loisir pour parfaire leur instructiol~
et se consacrer à l'étude des sciences. Car il import, de .
laisser à chacun le plus de temps possible pour cultiver son

esprit.
J'USqa.tà ce jour, ces rêves n'ont pas encore vu le
jour. Mais ce sont des rêves du jour de la latence du proces-
sus historique, c'est de l'utopie positive, comme dit J.
ziegler (1).
Si aujourd'hui rares sont les théoriciens, hommes
politiques et chercheurs qui nient que la question sociale
est liée à la question du développement, il reste que les
voies divergent quant à la façon dont il faut résoudre cette
contradiction qui a pour fondement le rapport capital-travail.
Aussi, d'aucuns pensent que l'ordre social de demain
ne peut être trouvé que dans l'effort de chaque individu
d'accéder à la propriété, que l'ouvrier ne peut pas prendre
en mains l'appareil productif; il n'a ni les moyens d'inves-
tir, ni la capacité de ~ér€r; que malgré tout, le sort qui
lui est fait par celui qui ,peut investir et doit gérer n'est
plus celui de l'ouvrier du XIXe siècle ni du sauvage d'Afrique
,ùil y a cent ans. Que àonc sa vie n'est pas sans espoir ; son
travail non plus n'est pas sans récompense, il n'y a donc pas
de raison qu'il ne se tourne pas vers une collaboration rai-
sOiUlée avec le pat~on cui est aussi Ul1 être sensible à ses
son?frances. sic !
Ainsi progressive~ent, mais sürement, on éteindra
la. :;;e.uVTet~ et ëùlnLlile.::::'a. la p.isère. "FLus de pauvr-es mais
èes citoyens inté~és". L'essentiel est eue dans ce monde en
ccnvu i s.i cn on sac he compcser- avec le capital international
»
(1) Op. cité, Main basse sur l'Afrique, p. 9.

e:
~9S
pour le, bien du pays et la prospéri té de tous. sic
Le but de cette démarche est de tenter de créer
l'illusion qu'il existe une égalité d'intérêts entre le capi-
tal et le travail, que les rapports de production capitalistes
sont les seuls viables en ce monde; que l'ouvrier en ce monde
n'est pas dominé, etc ...
Mais un tel mouvement n'est pas le fait du hazard,
Hegel en son temps enseignait qùe : "D'autres idées et d'au-
tres représentations se sont imperfectivement imposées même
aux adversaires et tout en se montrant réfractaires à leurs
sources et principes, tout en se posant en contradicteurs
des uns et des autres, ils n'en sont pas moins obligés d'en
accepter les conséquences, incapables qu'ils sont de s'en
préserver. Dans leur attitude de plus en plus faiblissante,
ils ne voient pas d'autre moyen de se donner une importance
posi tive et un contenu qu'en disant oui aux nouvelles maniè-
res de penser" (1).
Pour ce monde, toute stratégie du développement
économique et social doit être fondée sur l'appropriation
privée des moyens de production, libre initiative du proprié-
taire des moyens de production. L'individu ici est le centre
du système et l'Etat n'intervient ~le pour lui permettre
d'exercer sa libre initiative et faire respecter les engage-
nent s pris par les un s et par les autres d'acheter et de ven-
dre les produits et les facteurs de production.
Il s'agit quant au fond ici de la même conception de~
,
(1) Cf. Préface à la première édition de la science de la
logique, p. 7, Aubier ;·lontaine.

~
496
..
instibltiOAS sociales et du monde que celle des philosophes
occidentaax du XVIIIe siècle qui domine le monde civilisé
d'aujourd'hui Fait régner sa loi et joue sa comédie.
L'autre partie en lutte aspire à un monde où l'homme
ne serait plus un Lonp pour l'homme, un objet mais un homme,
ma1tre du développement, ses besoins l'objet des préoccupa-
tions premières des plans de développement ; son bien-être
la loi fondamentale d'un développement progressif, un monde
où l'arbitraire du licenciement patronal, le préjugé, l'igno-
rance feraient place à la confiance, à des rapports sociaux
nouveaux fraternels, de confiance réciproque.
-f/
Que cessé~es lois aveugles qui naissent de l'anarchie du
marché ;' la fin des crises, des guerres exterminatrices,
les haines nationales.
3tre libéré du joug de la production pour la valeur ct técllan-
ge, pour le profit, la fin de la loi de la
production pour
la proauction. Eais son organisation de façon consciente
selon un plan ratio&l qui présidera aux rapports harmonieu:
entre production et consommation.
- Consacrer efficacement ses efforts au problème important
Ge Itagricv.ltù~e et de l'alimentatioll, secteurs c~~elle~ent
c2class2s car.... le capitalisme DOur la. s Lmp l e r-ai scn <ue 2.'2
""':.."cfi t :' est t r o> T'lince ;
: :3.î tri se r la
(; 3.115
international est devenue un danger pour l ' humarri t·~ ;
.j'J.~>pri;71er pl"logressivemel1t 13. èivision entre ville et campa-
gue par une répartition équilibrée de l'activité productive

La Pin du règne du capital et du salariat; la destruction
de l'abrutissement de l'homme par le travail; la. participa-
tion de toute la population au travail dans la mesure des
capacités de chacun.
- La socialisation complète des tâches domestiques du ménage,
de l'éducation des enfants ; des revenus réels garanties
avec un service médical et un enseignement libres et gra-
tuits ; un temps libre pour se consacrer à la lecture et à
l'éducation comme base à l'épanouissement de la richesse de
la vie humaine.
Avec la disparition de la guerre de tous contre tous
disparaîtra également tout individualisme, toute opposition
durable entre individu et société. C'est la société de l'es-
pèce unie où la participation à l'effort collectif sera deve-
nu le premier besoin vital et le libre développement de chacw1
sera devenu comme dit le manifeste du P.C. de K. Marx:
"ta condition du libre développement de tous"
C'est seulement ainsi que l'on verrait na!tre une
véritable sécurité sociale qui S'inscrit dans le cadre du
développement de la société. Le développement signifiant li-
bération de l'homme des aliénations qui pèsent sur lui et dont
la source doi t ~tre r-ecuer-chée dans l'évolution des rapports
èe production car la notion même de sécurité sociale est non
seulement étr~lgére à la doctrine libérale, mais elle est en
opposition avec cette doctrine qui, loin de subordonner l'éco-
nomie à la personne, subordolll~e l'individu.
Il ne peut avoir un tel développement que si -;i. 'on
substitue les inégalités économiques et sociales du capitalismf

t"
498
l'individualisme et les .fluctuations du marché livrés aux
décisions individuelles plus ou moins réglementées par l'Etat,
une société cohérente, orientée vers la couverture des besoins
réels du plus grand nombre. Un type d'homme non aliéné, une
société réconciliée avec elle-même na!tra de cette mattrise
des moyens de production t~t ou tard.
Les institutions mises en place pour parvenir à cette
finalité à savoir la sécurité de l'homme sont l'appropriation
collective des moyens de production et la direction centralisè(
et de l'économie.
Ainsi, on voit que, entre ces deux conceptions, la
finalité du développement n'est pas la même. Partant, les ins-
titutions comme la sécurité sociale et les autres mécanismes
mis en place ne peuvent être conçus et réalisés qu'en fonction
des motivations ~e ces deux mondes ont de l'homme et de la
société.

499
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511
,JI
1
INTRODucrIOft" ..
_ M!thodologié 'd~ objet de -la recherche
l
-
Position de la question
3
T l T R E l
ANALYSE DU SYSTEME GABONAIS DE :PROT~~CTION SOCIALE
8
CHAJ?ITRE l
- NAIS SANCE 3T EVOLUTION DES INSTI TUTIONS
DE FRar3CTION SOCIALE.
9
Section l - Solidarité et entraide au sein de la
société précapitaliste
9
§
- Le clan comme entité économique et
sociale
10
§ 2 - Les limites de l'organisation
sociale pré-coloniale
12
§ 3 - Transformation des structures
14
Section II - Apparition d'un nouveau modèle de
protection
31
§ 1 - Analyse du concept de sécurité
sociale en tant que technique de
protection sociale
31
§ 2 - Facteurs ayant contribué à la
naissance du système de protection
sociale actuel au Gabon
47
CEAPITRE II - LE SYSTEME JURIDIQUE GABON1US DE
PROTECTION SOCIALE.
78
Section l - ~hacp d'arplication en ce qui
concerne les personnes protégées
79
1 -
Le bénéfice de la sécurité sociale
au Gabon eEt 3uJordonné à la
condition s~lariale
79
$ 2 - Protection des paysans
88

512
"
Bection I I _ Champ d'application quant aux
97
risques
Un risque inégalement couvert :
§ 1 -
99
la maladie
~ L'organisation du système de santé
101
au Gabon
1 - L'organisation de la santé publique
102
11- L'action sanitaire et sociale de
la C.N.S.S.
110
III - Développement d'un secteur de santé
privé parallèle
114
IV - Problèmes du personnel de santé
119
V
Esquisse des grandes maladies
123
VI - Les principales options de la
politique sanitaire
1J4
§ 2 - La protection maternelle et infantile
139
A) La protection pré-natale
140
B) La protection post-natale
142
C) Les allocations familiales
145
§ 3 - Protection en cas d'accidents du
travail et maladies professionnelles
152
A) Champ d'application
152
B) Prestations
156
§ 4 - Les pensions de vieillesse, invalidité
et de survivants : important problème
social
163
A) Pension vieillesse
163
B) Pension d'invalidité
168
C) Pension et allocation de survivant
170
T l
T R E
II
LA REA1IT= 30:;L.L:: =1' 1= i:'Cl~D~l=:r;r DU ~JY._·T3YE Dr.;
PRC1' .2;CTIOH ",C:L.L":: G"'~BONAIS
176
C~-:.·J='lTrŒ l
-
L~. TE::;';] : 1",- 1-.-?Cf71':;8TICn ~OCL~= JAl;;:; T.L ._
r·: Ct;V.:,l':C::; Dl! .u,::,v':::10}Pill·3NT
182
Section l - Le développement économique comme
remède à la pauvreté ?
185

t'
514

Stction II - Finalité de la sécurité sociale
418
gabonaise
§ 1 - La .Icur1té sociale peut-elle servir
en tant que techn1que de dévelop-
418
pement ?
§ 2 - Place de la sécu.rité soc ial.e en tant
qu'institution publique ?
428
,~j. c:._.,,;s!'~:··:
' , _
-.
Section II - Pour une ana.lY'se nouvelle dës"
besoins
451
CONCLUSION
486
1