-
,
UNIVERSITE L YON Il
U.E.R. I.P.S.E. SCI~NCES DE L'EDUCATION
CULTURE ORALE
ET EDUCATION
Etude fonctionnelle des
contes et légendes
de l"AFRIQUE de l'OUEST
. fcV-\\CAlNE e,
T, HE S EDE DOC ~~~'KT
-t;1'~~~
DE TAOISIEME ~ ~ :{;
.....
Présentée par
GBAYORO ZEREGBE
sous la direction de
Monsieur le Professeur Guy A VANZINI
ANNEE 1983

Avec tous mes remerciements à
Messieurs les Professeurs :
Bruno DUBORGEL, Guy AVANZINI,
et à Madame
Généviève CALAME-GRIAULE,
Chercheur au C.N.R.S.-Paris.

A ma mère,
"Les grandes douleurs sont muettes".

1 N T R 0 DUC T ION
Les contes et légendes sont anonymes
leur
origine, parfois très lointaine est impossible à préciser.
Or, outre les quelques-uns qui sont fixés par l'imprimé
dans des livres ou des revues pour enfants,
la pratique du
contage est toujours vivante dans les sociétés tradition-
nelles.
Mais,
faisant partie d'une culture vivante,
transmis oralement pendant des siècle~ ils ont subi aussi
bien des transformations et se présentent à nous sous de
nombreuses variantes sans qu'aucune puisse prétendre renré-
senter la version originale.
Ils ont été très longtemps
relégués parmi les connalssances les moins nécessaires
:
que nous importent ces contes et légendes qui nous ramènent
à l'enfance de l'humanité?
Ils ne servent à rlen, ne prouvent rlen,
Slnon
l'ignorance d'une race primitive qui,
incapable de pénétrer
le pourquol des choses et, sans défense contre les forces
de la nature, n'a su les expliquer que par le merveilleux,
les affabulant par une morale impérative et grossière.
Sans
doute raisonnait-on souvent comme GOLBERRY qui, au XVlllème
siècle, écrivait:
"C'e.-6-t là,
dan.-6 la g!Lan.de. c.a-6e. de. !Léun.~on.
que. -6e. !Léun.~-6-6e.n.-t
de.-6
c.o-t-te.!L~e.-6
de. n.èg!Le.-6,

- 2 -
qui y pa~~ent de~ jou~n~e~ enti~~e~ a 6ume~
a joue~, mai~ ~u~tout a Qau~e~, et a 6ai~e
de~ Qonte~ et de~ hi~toi~e~.
Ca~ le~ Qonte~ le~ plu~ ab~u~de~, le~
hi~toi~e~ le~ plu~ men~ong~~e~, ~ont le
~ouve~ain d~liQe et le plu~ g~and amu~ement
de Qe~ homme~ qui pa~Vienl'lent a la vieilleMe
~an~ ê-t~e ~o~ti~ de l' eI16anQe".
(1)
Néanmoins, et en dépit de ce jugement,
les contes
et légendes n'ont-ils pas personnifié des idées de tous les
temps et des abstractions éternelles, et exercé une
influence profonde sur la formatioD et le développement du
jugement moral de l'enfant?
Sont-ils si naîfs et Sl va1ns que le sunnosait
GOLBERRY ? N'ont-ils pas aidé les adultes, dans les socié-
tés traditionnelles, à transmettre des valeurs morales aux
enfants, et, par là méme, à les faire leurs? Quand, par
leurs allégories accessibles et vivantes ils nous relatent
les passions humaines,
le sens de la vie universelle ne
s'éclaire-t-il pas? Est-ce sans raison que les contes
flétrissent la méchanceté,
l'avarice, la gourmandise, l'au-
toritarisme des princes ... et exaltent la bonté,
la
justice, l'équité, en un mot,
les plus nobles aspirations
humaines ?
Dans notre étude, nous allons donc nous interro-
ger sur les fonctions éducatives des contes et légendes.
(1)
GOLBERRY - F~agtllel1t~ d'un voyage el1 AflILéque -)J.
347.

-
3 -
Quels sont les fondements et les finalités de l'art du
contage dans les sociétés traditionnelles de l'ouest
africain? La verve communicative du conteur est-elle un
acte purement gratuit? Comment s'y prend-il Dour faire
passer ~ travers des récits qUI se situen~ parfois de
l'autre ~6té de la logique, du réel concret, un message,
des valeurs morales ? Et quelles valeurs morales cherche-
t-on ainsi à transmettre ~ l'enfant et ~ quelle fin?
Pour cela, nous avons d'abord cherché ~ préciser
la notion,
souvent imprécise, de contes et légendes et à
étudier les recherches entreprises sur l'origine, la diffu-
sion, le contexte ethnologique, et cela dans le souci d'une
approche plus globale, des différentes notions.
En général,
les chercheurs ont étudié les contes
et légendes, en les comparant avec ceux du monde entier ;
ils ont recherché leur origine et ont tenté de découvrir
leur véritable "généalogie", leur évolution, à travers
l'histoire des peuples.
Certains ont hâtivement conclu
qu'ils ne relèvent que des activités ludiques, en mécon-
naissant leurs fonctions éducatives.
Etudier les fonctions pédagogiques des contes et
légendes dans les société traditionnelles sans écriture,
ne suscite-t-il pas d'autres interrogations, notamment
celles des modalités de transmissi0n, des moyens mis en
oeuvre pour formaliser cette pédagogie ?

- 4 -
y
a-t-il dans les sociétés traditionnelles une
intention délibérée de "pédagogiser"
les contes et légendes?
Ou alors, la transmission des valeurs morales et spirituel-
les à travers les contes ne relève-t-elle que d'un compor-
tement psycho-sociologique inconscient, diffus et non-
formel?
Nous reviendrons plus en détail sur ce concept d'éducation
non-formelle, pour justifier ses fondements,
le dynamiser,
afin de mieux le caractériser.
Pour mieux répondre aux questions que nous nous
sommes posées précédemment, nous avons classé les contes
sous différentes rubriques thématiques, à savoir:
le
conte moral,
le conte philosophique, le conte ésotérique,
le conte étiologique, et le conte ludique,
satyrique ou
comique.
Puis nous avons fait une analyse détaillée du
contenu, en vue d'identifier la nlace et les fonctions du
conte dans l'6ducation coutumière.
Quant aux légendes, deux thèmes se partagent
l'espace épique en Afrique de l'Ouest:
la légende du con-
quérant propre aux régions de savanes et la légende du
sacrifice royal dans les régions de forêt du golfe de
Guinée.
Ces récits marquent des hauts faits qu'auraient

-
5 -
accompli, en des temps plus ou moins immémoriaux,
les
conducteurs de peuples. Quelles sont les qualités morales
et intellectuelles qu'exigent ces peuples de leurs guides?
Les contes et légendes contribuent~ils encore puissamment
aujourd'hui à étayer les fondements de l'éducation coutu-
mière ?
Affrontés à des problèmes divers d'originalité et
d'identité culturelle les hommes de théâtre de l'ouest
africain esquissent tous aujourd'hui de nouvelles perspec-
tives. L'événement théâtral est, par essence, un événement
qUl ne se répète jamais puisque chaque représentation est
comme une version inédite et éphémère qui diffère des pré-
cédentes tout en en étant proche.
Les "représentations" traditionnelles savaient
tenir rigoureusement compte de ce fait,
et en mesurer toutes
les conséquences.
L'irruption du texte écrit dans le théâtre de
l'ouest africain bouleverse cette appréhension de l'acte
théâtral.
L'art du contage en tant que technique de commu-
nication peut-il servir puissamment la rhétorique théâtrale
africaine? Comment la tradition peut-elle renforcer ou ins-
pirer une modernité, qui se cherche, dans tous les domaines
précis.
*
N.B.
Nous présentons au fil de notre étude un corpus de 19 contes.

- 6 -
PRESENTATION DE L'AFRIQUE DE L'OUEST
Les Etats de l'Afrique de l'Ouest
- La Mauritanie
2 -
Le Mali
3 - La Guinée
4 - La Sénégambie
5 - La Côte d' Ivo ire
6 -
La Haute-Volta
7 -
Le Niger
8 - Le Ghana
9 -
Le Togo
1 0 - Le Bénin
1 1 - Le Nigéria

/
,
- 5 -
PRESEtITATION
DE
L'AFRIQUE
DE
L'O~~T
Les Etats de l'AFRIQUE DE L'OUEST
l
La Mauritanie
2
Le Mali
3
La Guinée
4
Sénégambie
5
Côte d'Ivoire
6
Haute Volta
7
Niger
S
Ghana
9
Togo
10
Bénin
11
IHgéria

-
7 -
CHAPITRE
1 -
QU'EST-CE QU'UN CONTE ET QU'EST-CE OU'U~jE
LEGENDE ?
Le Littré définit le conte comme un "récit d'aven-
tures merveilleuses ou autres faits en vue d'amuser
;" et la
légende: "tout récit mythique et traditionnel ... ".
L'origine de la plupart des contes remonte cer-
tainement à un passé très lointain et échappe aux investiga-
tians des chercheurs en la matière. Pour les oeuvres
littéraires écrites,
il existe des documents qui permettent
de retrouver certains jalons et d'établir une chronologie
entre oeuvres modernes et oeuvres antiques. Au rebours,
les
contes et légendes se sont transmis oralement tant ils font
partie d'une culture vivante et c'est par des concours de
circonstances exceptionnelles
qu'on retrouve des vestiges
profondément transformés sans doute dans des oeuvres écrites.
Maurice DELAFOSSE fut en effet le premier à sentir la valeur
de la littérature orale des Noirs, et à exprimer à travers
elle l'âme africaine.
(1) Après lui, Blaise CENDRARS écrivit
un recueil de contes qui eut beaucoup de succès.
(2).
[7) VELAFOSSE
(M)
-
L'ame N~~~e - et E66ai 6U~ le ~oman de
l'A~algnee ehez le6 Baoul~ - pa~u dan6
la
~evue d'ethnologie et de6 t~adition6
popUIaI~e6 en 7920.
( 2)
C ENV RARS -
Ant h 0 log i e N~ 9 ~ e -
C0 ~ iL ~ a -
PaiL -lj
79 2 1 .

- 8 -
Ces contes recueillis alors et notés fidèlement
pour la première fois,
appartiennent à une tradition orale
qui a subi l'influence d'une certaine tradition écrite.
Les
interférences entre tradition orale et littérature sont
telles qu'il n'est pas toujours facile de savoir, d'un conte
recueilli dans la tradition orale et du même conte attesté
dans la littérature, quel est celui qui a influencé l'autre.
Cette constatation est caractéristique des pays
occidentaux mais en Afrique Noire,
les contes et légendes
ne subissent de transformation notable que par le seul biais
de la transmission orale.
Dans le "co,n te popul a ire fr anç ais" S IivlüNSEN é t a-
blit un lien étroit entre les contes et légendes et le
folklore.
(1).
Pour cet auteur,
le conte populaire relève donc
du folklore au même titre que
- les fêtes,
les danses,
les jeux, etc ...
- les costumes,
les instruments de muslque, les
arts plastiques, populaires, etc ...
- les rondes, comptines, devinettes, formules
pour amuser les bébés, ...
- les salutations, bénédictions,
jurons, etc ...
- les formules juridiques, météorologiques,
(1)
SIAWNSEN
(A·j)
-
Le
c.on.te
popu..ta;'Jte nJtan.ca;'.6 - p.
la.

- 9 -
- les formules de ~édecines populaires, etc ...
Le conte populaire serait un récit au même titre
que
-
les mythes,
les légendes, les sages (récits
épiques),
les anecdotes biographiques, etc ...
Malgré les nombreuses interférences qui existent
au point de vue du contenu entre toutes ces formes de
récits,
il est important de distinguer le mythe de la
légend~ et du conte. Le mythe, bien qu'étant le récit d'évé-
nen~nts fabuleux qui n'ont sans doute jamais été considérés
comme littéralement vrais, symbolise les croyances d'une
communauté.
La légende, est un récit d'événements considérés
par le locuteur et les auditeurs comme véridiques, qu'il
s'agisse d'êtres surnaturels liés aux éléments (fées,
animal extraordinaire, etc ... ) de personnages ou d'événe-
ments locaux.
La langue courante emploie les mots de "con-
tes", "légendes", "contes de fées",
"histoire", d'une façon
peu rigoureuse.
C'est ainsi que SENGHOR et A. SADJI ont
intitulé leur recueil de contes "la belle histoire de Leuk-
le-Lièvre"
(1).
Les termes les plus généralement acceptés sont
parfois lmpropres.
(1)
SENGHOR (L.S.)
e;t SAVJI
(A)
- La bille. hùto-ÙLe. de. Le.uf2.-fe.-CLèv!l.e.
ctws (,~que. Hae-h e.tte..

- 10 -
1 - CATALOGUE INTERNATTON DES CONTES
Cependant, le catalogue DELARUE-TENEZE (1)
suivant l'usage
établi par le catalogue international AARNE-THOMPSON (2)
adopte la classification suivante
:
Contes merveilleux, désignés souvent en français
sous l'appellation de "contes de féés" impropre, car trop
restreinte puisqu'il y est rarement question de fées.
De
structures assez complexe,
ils comportent des éléments sur-
naturels non chrétiens (enchanteurs, métamorphoses, objets
magiques, etc).
Les contes merveilleux,
auxquels on a parfois
tendance à assimiler tous les c~nt~s populaires, ne consti-
CAIN~~
f "
.
.ç.,\\
.
d-1,..~ -
.
tuent en
alt qu une petlt~~~~~pertolre.
2 - Contes réal~s~e~ ou nouw~~es
---- -- -- ----~·~(,:~;::::7)l- ---
Là encore, le
.."
'(
terme~opre et n'est pas
accepté par tous les folkloristes.
Les contes réalistes ont
une structure semblable à celle des contes merveilleux, mais
s'en distinguent par l'absence du surnaturel.
Ils n'en sont
pas réalistes pour autant, et abondent en coïncidences,
(7) VELARUE (Pl
e..:t TENEZE
(M. L)
COI1.:te.J.J me.!Lve.i.t.te.ux vol.
2
Ed.
Mai~ol1l1e.uve.
e..:t La!LoJ.Je. - 7964.
(2]
AI1.:t.:ti AARNES al1d S.:ti.:th THOMPSON - The. .:type. 06 .:the. Fo.t~­
.:ta.te. - a ~taJ.JJ.Ji6i~a.:tiol1 al1d bibti09!La~
vot.
LXXV 11°
784.

-
11
-
déguisements, coups de théâtre, dénouements heureux,
lmpro-
bables, etc ... De nombreux contes des mille et une nuits
relèvent de ce genre.
Ces contes se distinguent des légendes, avec les-
quelles ils ont en commun un contenu chrétien, par le fait
qu'il s'agit de fictions données pour telles:
- histoires
d'ogres stupides, par exemple.
4 - Contes d'animaux
Cette catégorie est particulièrement difficile à
justifier en théorie puisque les animaux jouent souvent un
r6le très important dans les contes merveilleux, et que
certains contes facétieux existent sous plusieurs formes,
les unes avec les humains,
les autres avec des animaux
comme protagonistes.
Il est cependant d'usage de réserver
ce terme pour les contes qui mettent uniquement les animaux
en scène. Le conte d'animaux se distingue de la fable,
genre
littéraire au demeurant, en ce que celle-ci comporte un
enseignement moral.
5 - Le conte facétieux
Ce type de cont2,
le plus abondant, regroupe tou-
tes sortes de récits bien différents :
- récits qui se moquent des riches, des puissants
et des institutions établies.
Ils ont souvent pour héros

-
1 2 -
des humbles, qui conquièrent leur place au soleil grâce à
leur débrouillardise
;
- récits qui se moquent des faibles,
des infirmes,
des sots, des étrangers, ou simplement des habitants d'une
région voisine, considérés traditionnellement comme stupides;
- récits qui se moquent des valeurs officielles
honnêteté, piété, chasteté, ardeur au travail, et mettent en
scène prêtres débauchés, femmes infidèles, marlS cocus;
- récits scatologiques
;
- hâbleries, histoires
décrivant des exploits de
chasse, de pêche ou des pays de cocagnes manifestement
mensongers
- les fabliaux qUl sont des versions littéraires
de contes facétieux.
Mais en revenant au cas particulier que constitue l'Afrique
Noire, les premiers recueils de contes africains établis-
sent d'autres classifications.
Ainsi, Blaise CENDRARS, dans "Anthologie Nègre"
(1) établit
la distinction suivante
~~~_!~g~~g~~_~2~~2g2~!9~~~
- légende de la création
- légende des origines
.. la légende de la séparation
- la légende historique
(1)
CENDRARS
(B)
- A~~hoto9~~ ~è9~~ - Co~~é - Pa~~~ 1921.

-
1 3 -
- les contes merveilleux
- les contes anecdotiques, romanesques et
d'aventul'es
- le s contes moraux
- les contes d'amour
- le s contes humoristiques
-
les contes à combles, charades, proverbes
- le s contes modernes.

-
14
-
Il - SPECIFICITE DES CONTES DE L'OUEST AFRICAIN
Certains auteurs plus récents distinguent des
cycles dans les contes, de l'ouest africain:
le cycle du
lièvre et de l'araignée, sortes de récits qui font du
lièvre et de l'araignée des animaux-vedettes doués d'une
intelligence admirable,
souvent opposés respectivement à
l'hyène et aux autres animaux.
ou plu~ieu~~ pe~~onnage~
p~incipaux et qui va~ie leu~~
aventu~e~ au g~é de l'imagination et de~ ci~con~t~ance~ de
la vie".
(1) Ce même auteur écrit encore dans un autre
ouvrage "~elon le~ ~égion~, on peut di~tingue~ de~ clfcle~
de pe~~onnage~, c'e~t-à-di~e de~ en~emble~ de conte~ atta-
ché~ à la t~adition cultu~elle d'un peuple donné pa~ un ou
deux animaux-vedette~ qui jouent le~ ~ôle~ e~~ entiel~". (2)
Mais ces animaux-vedettes évoluent dans un cadre
géographique bien précis: c'est dans les pays de savane de
l'ouest africain qu'on trouve le cycle du lièvre.
Il part
du Sahara et s'étend sur les régions de savane de Mauritanie,
Guinée, du Sénégal, de Côte d'Ivoire, de Haute Volta, du
Mali, du Niger, du Tchad.
(1)
COLIN(R)
- Le~ conte~ de. l'oue~t a6~icain - p.
109.
(2)
COLIN
(R)
- Litté~atu~e a6~icaine d'hie~ et de demain -
P.
93.

-
1 5 -
Celui de l'Araignée serait la zone de végétation
exubérante, les for@ts de l'ouest africain, Haute Guinée,
Sierra Leone, Libéria, Basse et Moyenne Côte d'Ivoire,
Ghana (pays ashanti essentiellement).
Une étude très récente fut consacrée au "lièvre
et à l'araignée dans les contes de l'ouest africain" (1).
L'auteur y montre le rôle prépondérant joué
par ces
deux animaux avant de recueillir au fin fond des campagnes
des contes du lièvre et de l'araignée étayant du coup, les
travaux de R.
COLIN à ce sujet. Autre spécificité des contes
de l'ouest africain, c'est la prédominance, à travers les
cycles, des contes parallèles, où l'on voit les mêmes héros
affronter successivement les mêmes épreuves
: le premier est
récompensé,
son compagnon,
jaloux, veut l'imiter, mais là où
l'autre s'était montré courtois, discret, patient, attentif,
aux conseils reçus, celui-ci s'avère grossier, brutal, trop
avide, et trop pressé et est. puni en conséquence.
A titre ù'exemple, voici un conte Ouan de Côte
d'Ivoire où le lièvre et l'hyène, personnages antagonistes,
cherchent à faire fortune
:
Conte N° 1
L'hyène et le l~èv~e allè~ent ~he~~he~ 60~tune.
Il~ atte~gn~~ent deux ~ent~e~~, un g~and et un pet~t.
L'hyène. d~t :
-
"Mo~,
je. p~e.nd~ le g~aVld ~eVlt~e~."
Le. l~èv4e,
de. ~OVl ~6t~,
p~~t le pet~t ~ent~e~.
Cha~un ~u~v~t ~on ~ent~e~, pa~t~t.
L' hyène
t~ouva de.~ dlen~lle.~ ML~ ,)OVl ~hem;.!l,
~e..e.a dev~f1.t ~a
.
60~tuVle..
( 1)
COL LARV ELL E- V l ARR ASSOU BA
(Id)
-
f e. fI.. è li h e. e.l .e.' a~ a~ 9 Vl ~ e
daVl~ le~ ~OVlte.~ de. t'oue.~t a6~i~a~Vl.

-
16 -
L~ f~èv~~ t~ouva un baobab qu~ ava~i un~ 6~nt~, m~t ~a ma~n
d~dan~, y t~ouva d~~ v~t~m~nt~, d~ f'o~ ~t d~ f'a~g~nt.
If f~~ ~ama~~a ~t ~~v~nt ch~z fu~.
C~fa d~v~nt ~a 6o~tun~.
L'hyèn~ v~t f~~ ~~ch~~~~~ du f~èv~~ ; ~on co~u~ ~n pf~u~a.
Eff~ app~fa f~ f~èv~~,
~t fu~ d~t :
- " p~t~t 6~è~~ f~èv~~,
où a~-tu t~ouvé c~tt~ 6o~tun~ ?"
L~ f~èv~e ~épond~t :
- " G~and 6~è~~
f'h!fèn~, dan~ un baobab, j'a~ ~u c~~ ~~­
ch~~~~~ !"
L'hyèn~ d~t :
- "Mont~~-mo~ où ~~t c~ baobab ]"
If~ affè~~nt ~ou~ f~ baobab.
L'hyèn~ f~ v~t pf~~n d~ ~ch~~~;
~ff~ d~t au f~èv~~ :
- "J~ n'~nfèv~~a~ ~~~n, pa~c~ qu~ j'~n fa~~~~~a~~ ; j~ cha~9~­
~a~ f'a~b~~ tout ~nt~~~, j~ ~~nt~~~a~ av~c, ch~z f~~ m~~n~."
L'hyèn~ cha~g~a fe baobab pou~ f~ ~am~n~~ chez ~ff~. Eff~
a~t~~9n~t ~a d~m~u~~, voufut 6a~~~ d~~c~nd~~ f~ baobab, ~n
6ut ~ncapabf~, f~ baobab fu~ d~t
- "Hyèn~, j~ n~ d~~c~nd~a~ pa~ ; ta gou~mand~~~ ~~t ~xagé~é~,
tu mou~~a~ ~c~ !"
L'hyèn~ c~~a ju~qu'à c~ qu'~ff~ mou~ut.
L~ baobab ~~gagna la b~ou~~~.
Mais en dehors de ces cycles qui caractérisent les
contes de l'ouest africain, certains contes ont pour person-
nages des êtres humains opposés soit à des animaux, soit
à des êtres surnaturels.
Tel ce conte Bété de Côte d'Ivoire
qui met les hommes en garde contre le dépassement utopique
de la condition humaine.
Le personnage, sans commettre de faute à l'égard
d'autrui, formule une demande excessive, qui porte atteinte
à
la condition humaine.
Voici donc ce conte
Conte N° 2
Un cha~~~u~ ~~t a~~~té ~n 6o~~t pa~ un ~~~p~nt qu~ ~~ to~d
au p~~d d'un bu~~~on.
L'homm~ v~u~ ~1~n6u~~, l~ ~~~p~nt f'a~~ét~, f~ ~uppf~~ d~
fu~ ~~t~~~~ d~ fa gu~ule un~ 6ou~m~ qu~ f'étou66e.

-
17 -
L'homm~ pfo~g~ fa mai~, ~~ti~~ fa 6ou~mi.
" Tu m'a-6 -6auvé,
fui dit f~ -6~~p~~t, qu~ pu.i-6-j~ 6ai~e..
pou~ toi ?"
" J~ v~ux. viv~~ au-6-6i fOl1gt~ti1p-6
qu~ .ta piC'.~~L"
" Cr~-6t bo~, ~~~t~~ au viffag~,
~éu~i-6 f~-6 ti~~-6,
égo~g~
u~ ~oq bfa~~.
Pui-6 ~ou~h~-toi -6U~ u~~ ~att~ qu'ol1 ~ou­
v~i~a d'u~~ ~ouv~~tu~~ l1oi~~."
L'hoti1ti1~ ~uit ~~-6 i~-6t~u~tio~-6
Qua~d o~ ~~ti~a f'~to66~, if était d~v~~u u~ bfo~ d~ piC'.~~e.....
Si l'humour est macabre, l'avertissement se passe
de commentaires: l'homme doit se soumettre au sort commun.
Autre précision, dans le cycle de l'araignée,
contrairement au lièvre qUl s'en sort toujours par sa ruse
infaillible, l'araignée est toujours perçue comme un trom-
peur trompé,
illustrant le thème de la dégradation, par
l'échec d'une ruse gratuite. Araignée entend souvent tricher
aux dépens de ses partenaires, mais l'astuce est éventée, et
se retrouve sa propre dupe
:
Conte:
le champ d'ignames -
(1)
"A~aig~é~, (Kalwu A~a~zé) v~ut ti1a~g~~ -6~uf
tout~-6 -6~-6 ig~a­
ti1~-6. If 6~i~t d~ ti1ou~i~ ap~è-6 avoi~ d~ti1a~dé qu'o~ ti1~tt~ -6U~
~a tOti1b~ u~ ti1o~ti~~, u~ pi.tol1, u~~ ti1a~mit~, du -6~f,
d~
frhui.t~ ; ~t qu'o~ .tr~~t~~~~ da~-6 -60~ ~hati1p.
Chaqu~ -6oi~, i.t -60~t d~ -6a tOti1b~,
~t -6~ gav~ d'ig~ati1~-6.
So~ 6if-6, toute6oi~, d~vi~~ -60~ ti1a~èg~ ~t pO-6t~ u~ ti1a~~~qui~
~~duit d~ g.tu aup~è-6 du ta-6 d'ig~ati1~-6.
A~al1zé y ~~-6t~ p~i-6ol1~ie~,
~-6t t~ouvé au ti1ati~ pa~ -6a 6~ti1ti1~
~t -6~-6 ~~6a~t-6,
Qui 6o~t mi~~ d~ ~~ pa-6 .t~ ~~~ol1l1a~t~~
~t
v~u.t~~t f~ b~û.t~~.
La 6~ti1ti1~ 6ait 6ol1d~~ fa g.tu, Al1al1zé -6~ j~tt~ -6U~ -6a 6~ti1ti1~ ~t
-6~-6 ~~6a~t-6,
fe..-6
~l1t~a~l1~ v~~-6 .ta niviè~~ :
"~r~-6t d~pui-6 ~~-6 t~mp-6 qu'ol1 voit a~aigVlée -6U~ .t~-6 -6ou~~e-6,
f~-6 ~iviè~~-6, f~-6 6f~uv~,~".
Les contes et légendes sont les plus grands témoi-
(1)
VAVIE
(B)
-
Le pagnC'. nO-Ln - pp.
119-120.

-
18
-
gnages de l'activité spirituelle des peuples dans sa forme
spontanée, quotidienne et continue. A côté de la pensée
logicienne, à côté de la littérature écrite, coulent les
eaux parallèles, solitaires et puissantes de la mémoire
et de l'imagination des peuples. Les contes et légendes
se trouvent à la rencontre de cette mémoire et de cette
imagination.
La mémoire conserve les traits généraux, sché-
matiques, le squelette de l'édifice. L'imaginaire modifie,
amplifie en assimilant, greffant ou abandonnant des
détails, des aspects du récit. Le début et la fin des
récits sont les parties les plus déformées de la littéra-
ture orale. Le conte révèle parfois l'information histo-
rique, ethnographique. C'est un document vivant, témoignant
des coutumes, des idées, des mentalités.
Selon COLLARDELIE-DIARRASSOUBA "ce sont exacte-
ment les réalités de la vie de tous les jours, en pays de
savane, qui filtrent à travers les contes du lièvre.
Réalités parfois pénibles dans ce monde rural où la famine
sévit souvent. Nombreux sont en effet,
les contes qui
commencent par la formule:
"c'était la famine chez les
animaux ... " La grande responsabilité de ces multiples
famines est bien sOr la sécheresse bien connue des pays de
savane ... " (1).
( 1)
COL LARD ELIE - DIA RRA SSOU BA
(M)
-
0 P .
c. i:t . P .
86 •

-
19
-
Pour tous les enfants du monde il est le premler
lait intellectuel
! Les premiers héros,
les premières
préoccupations, les premiers rêves, les mouvements de
solidarité, d'amour, de haine, de compassion, viennent
d'histoires fabuleuses écoutées au cours de l'enfance.
Contes merveilleux et contes facétieux,
contes
d'animaux et contes édifiants, légendes pieuses et héroî-
ques, histoires de fées,
et histoires de diables, proverbes
et dictons, devinettes, divers et variés sont les genres
ou littératures populaires , malS rares et précieux les
conteurs qui maîtrisent aujourd'hui encore l'art du
contage, de la narration , car il ne suffit pas à un
conte, pour être vivant, et comprls, d'être transmis par
le texte : il lui faut se déployer plus largement par la
voix et le geste, la mélodie du discours, et le jeu du
conteur.
Comment donc restituer cette richesse de la
narration orale ? Comment évoquer ces fonds de connais-
sances précises, cette expérience partagée d'un lieu,
d'une société, d'une activité qui fonde la complicité
entre le narrateur et l'auditeur? C'est bien là qu'in-
terviennent tous les acquis pédagogiques du conteur. Cette
pédagogie, loin d'être une simple improvisation repose sur
une technique, une méthode.
0 0 0 0 - - - - - - - - - - 0 0 0 0

-
20 -
N.B.
- NOTES SUR L'AFRIQUE DE L'OUEST
Pendant la colonisation, les pays étaient fédérés par
zones géographiques. Ainsi,
les pays francophones de
l'Afrique de l'Ouest étaient tous regroupés dans l'A.O.F.
(Afrique Occidentale Française). Le Bénin,
le Togo,
la
Côte d'Ivoire, le Mali, le Sénégal,
la Haute-Volta, le
Niger, en faisaient partie.
Les pays francophones de l'Afrique Centrale, dans l'A.E.F.
(Afrique Equatoriale Française).
Après l'accession de ces différents pays à l'indépendance,
et la balkanisation qUI en suivit, les sigles A.O.F.,
A.E.F. ne perdirent que le F et comme par inertie de lan-
gage, bien plus que par affinité raciqle et ethnique,
\\ (~ 4. !
~
..~~.....
l'ombre de l'ancienne fédération G:.à\\~,;inue:~fe hanter les
i'V'/
" /
>: 1 _
\\ -~
organisations régionales; exempJ-e G All~ f::C.E(~.E.A.O (Com-
munauté Economique des Etats de\\~'~fri~/dÇ),j'1'Ouest) , des
\\2«. ~ ,.'0,....
instituts de type universitaire co.rl~f,e/ssi\\or.t1tels I.C.A.O.
~
(institut catholique de l'Afrique de l'Ouest) etc ...
Qu'à cela ne tienne, les peuples de l'Afrique Occidentale
font partie des Nègres proprement dits. Classés en
Soudanais, ils évoluent au Nord de l'Equateur dans un arc
de cercle qui joindrait le Sénégal au Cameroun.
On distingue parmI eux des sous-groupes
types sylvestres
et des savanes.

-
21
-
A - Typologie des contes de l'Ouest Africain
1 - Le conte moral
Le conte moral est le reflet de toute une échelle de
valeur.
Il véhicule ce que la société juge ben ou mauvalS
pour ses membres.
Dans les contes, le bien et le mal se combattent
sans cesse, et finalement, triomphe le Bien. Le récit est
composé de telle sorte que le Bien soit mis en relief
point n'est besoin d'une longue insistance.
2 - Le conte philosophique
Il traite de l'origine de la mort et du sens à donner à la
vie. Mais parfois, certains thèmes moraux sont étroitement
liés au conte philosophique.
Il est difficile, dans la
plupart des contes traitant de morale, d'établir un cloi-
sonnement rigide entre la philosophie et la morale.
3 - Le conte ésotérique
Le conte ésotérique demande plusieurs niveaux de compré-
hension et d'interprétation. Seuls les initiés peuvent en
saisir d'emblée toute la signification et la portée. Il
relève d'une littérature sacrée réservée à des pratiques
initiatiques. Dans ce cas, il se confond parfois avec le
mythe. C' e st cette constatation qui fait dire
à
!'-Iax MULLER :
"un mythe, c'est une chose admise, passe à l'état de la
légende, et de la légende, il devient conte."
(1)
(1)
MULLER
(Ml
-
E-6-6a-<- -6 LUt. -ta IIiUtho-togie. c..ompa!Lé:e. - p.
235.

-
22 -
4 - Le conte étiologique
Le conte étiologique est une tentative d'explication ou de
justification d'une situation de fait, d'un phénomène
naturel.
Par exemple, le conte étiologique tentera d'ex-
pliquer pourquoi le lion et la chèvre sont d'éternels
ennemIs ou bien pourquoi la pintade a un plumage moucheté,
etc ...
5 - Le conte ludique, satyrique ou comIque
~'atmosphère toujours agréable et gaie. Nous trouvons dans
ces contes une gamme très étendue de comique : le comique
de caractère et le comique de situation se partagent
l'espace des contes ludiques et satyriques de l'ouest
africain.
Le comique repose essentiellement soit sur les personnages,
soit sur des mots, soit sur le héros principal.
000
N.B.
: Il est parfois très difficile d'établir une frontière
nette entre le conte ésotérique, le conte étiologique, et le
mythe. "Ainsi quand la coupure entre mythe et conte est
opérée, elle ne l'est qu'en termes contradictoires. Le fon-
dement de cette coupure est justifié par les Dogons dans le
fait que le mythe est une parole vraie alors que le conte ne
l'est pas.
G. CALAME-GRIAULE précise que le conte est pris en tant que
langage symbolique. Le conte et le mythe dans leurs formes
paroxystiques sont proférés dans des codes différents : le
mythe est dans la langue des morts et les contes dans une
langue quotidienne."
(1)
(1)
REY-HULMAN (Vl - P~ocè~ d'~non~on du conte - ~n ~é~atu~e
45 - P. 35.

-
23 -
CHAPITRE II - PLACE DU CONTE DANS LES SOCIETES TRADITION-
NELLES DE L'OUEST AFRICAIN.
Selon P. ERNY, "c'est par la transmission orale
du patrimoine littéraire que se réalise une part capitale
de l'éducation, touchant aUSSl bien à la formation intel-
lectuelle que morale. Par leur beau langage et leur art de
manier la parole, les conteurs familiarisent la jeunesse
avec un vocabulaire, des tournures grammaticales, et des
intonations recherchées, peu usitées dans la communication
courante. Les enfants prennent un plaisir particulier à
réentendre leurs contes favoris présentés dans les mêmes
termes, avec les mêmes gestes, et les mêmes modulations de
voix. Le bon narrateur use d'onomatopées, d'un style vivant,
et clair; il sait aller jusqu'au bout du récit d'un seul
trait et sans erreur.
Intervenant dès que l'enfant s'éveille à la Vle
de l'esprit, l'établissant dans une sorte de familiarité,
voire de parenté avec le monde et les êtres qui le peuplent,
ces productions exercent une action absolument décisive
quant à l'imprégnation de la personne par sa culture".
(1)
Les contes et légendes sont les éléments consti-
tutifs de
la littérature orale.
Ils n'épuisent pas à eux
seuls tout le contenu de la littérature orale. Outre ces
deux éléments, nous pouvons citer l'épopée,
le mythe, les
fables, les proverbes et les devinettes.
(1)
ERNY (P) - L'en6ant e,t ,son mit-<-eu. e.n A6!LÂ...que No.<Jte. - PP. 170-171.

-
24
-
Qu'est-ce donc que la littérature?
D'après l'origine même de ce mot, c'est d'abord l'écrit, la
lettre, mais de manière plus fonctionnelle,
la littérature
est une réponse, disons une tentative de réponse.
Chaque
personne qui croit faire oeuvre de littérature essaie de
répondre à la question fondamentale posée en des termes que
seul le grec pouvait permettre à Platon de se poser et que
les hommes n'ont cessé de se poser depuis Platon; "Hèmais
de tine se hèmeis".
Cela paraît un jeu de mots sur deux termes :
"Hémeis, tines".
Platon voulait dire ceci:
lorsque nous
avons inventorié tous les domaines de la science,
il nous
reste toujours à répondre à cette question: "et nous, en
définitive, qui sommes-nous ?"
C'est une interrogation permanente sur le sens
de sa Vle ; l'homme s'interroge également sur le lieu dans
lequel il vit.
Il cherche à établir une relation, à fonder
la relation qui le lie à ce milieu. En véhiculant morale,
philosophie, histoire, les contes échappent-ils à cette
définition? En cultivant aussi une vision anthropocentri-
que de l'univers, les contes ne véhiculent-ils pas un
existentialisme humainiste ? En tant qu'éléments de la
littérature orale, les contes et légenges font toujours
appel à une participation collective, communautaire.
Ils
ne se conçoivent jamais comme une littérature de solitude.
A cet égard, les contes et légendes ont une
fonction d'intégration de l'individu à son groupe.
Les

- 25 -
contes et légendes sont donc, comme toute littérature, une
tentative d'explication du monde.
C'est ainsi qu'un conte
étiologique nous expliquera pourquol le lion et la chèvre
sont d'éternels ennemis, ce que tout le monde a constaté.
A la fois explication du monde,
ils sont aUSSl
sociologiques:
ils montrent l'organisation sociale et
tous les problèmes sociaux. En ce sens,
ils annaraissent
comme des instruments pédago~iques qui se situent dans le
même courant et utilisent les mêmes procédés que les au-
tres récits. "Ces productions littéraires apparaissent donc
revêtues d'une double fonction:
d'une part, elles mettent
en lumière des faits,
d'autre part, elles contribuent au
façonnement des idéaux.
Elles servent de manière privilégiée à l'éduca-
tion formelle, par les précepts moraux et les règles de
conduite qu'elles véhiculent de manière parfois explicite,
mais plus souvent elles laissent aux auditeurs le soin de
dégager le contenu latent ou les en imprègnent sans même
qu'ils s'en rendent comnte.
Les contes sont des graines minuscules que l'on dépose
dans l'âme enfantine et qui, peu à peu, germent et grandis-
sent jusqu'à devenir des arbustes envahissants.
Ils servent
en quelque sorte, de modèle de communication habituelle de
la pensée: en effet, dit L.S. SENGHOR,
tout langage qui
n'est pas fabulation ennuie ou n'est pas compris. Pour
G. CALAME-GRIAULE, "les contes sont une sorte de moule
privilégié dans lequel on retrouve fondus ensemble tous

-
26 -
les éléments de culture".
(1)
En ce cas,
les contes et légendes, font partie
intégrante de l'éducation traditionnelle ou coutumière en
Afrique de l'Ouest.
Mais comment cette éducation traditionnelle est-
elle perçue ou valorisée ?
l - CARACTERE DE L'EDUCATION TRADITIONNELLE
Selon P. ERNY "toutes les disciplines qUl, de
près ou de loin,
s'occupent de l'homme peuvent être consi-
dérées, au moins virtuellement comme des sciences de
l'éducation, car toutes sont susceptibles d'éclairer utile-
ment la situation dans laquelle la société place les
générations montantes et le traitement auquel elle les
soumet. De fait,
l'histoire,
la géographie, la démographie,
le droit,
la médecine,
la philosophie, voire la théologie,
ont toujours dans le domaine et dans l'optique qui leur
sont propres, enrichi la théorie et la pratique de la
formation."
(2)
L'éducation est donc le fait primordial de l'hu-
manité, celui qui caractérise peut-être le mieux l'espèce
humaine.
C'est cela, en tout cas, qui lui permet de norter
si loin son évolution en assurant la transmission à travers
les siècles de toutes les acquisitions que chaque généra-
(1)
ERNY
(Pl
-
op.
e-.Lt.
P.
175.
(2)
ERNY
(Pl
-
EthYlologie. de. l'édue-atioYl - p.
8.

-
27 -
tian a pu faire.
Or,
il est à noter que l'humanité a des
composantes très diverses, ce qui fait d'ailleurs sa
richesse. Certains peuples, pour consigner la sagesse des
anciens, les acquis des siècles écoulés, ont l'écriture,
des bibliothèques, qui leur nermettent de pallier l'irrégu-
larité dans la transmission du savolr,
de la sagesse, des
normes de la société et par là même assurer la précision.
D'autres,
n'ont, par contre, pas d'écriture,
nl d'école organisée en tant qu'institution qui contraint
l'enfant à quitter sa cellule familiale pour recevoir un
enseignement quotidien.
Ces sociétés ont développé la tradition orale
qui leur assure la pérennité de la sagesse des anciens. A
telle enseigne, que HAMPATE BA a affirmé qu'''un vieillard
qui meurt en Afrique, c'est une bibliothèque qui brûle".
Les contes et légendes ont pour fonction de
véhiculer
certaines normes de la société.
"L'eth.n.otogie a eu pouJt méJtite d'attiJteJt
t'in.téJt~t ~uJt un.e 60ute d'a~pect~ n.on. 60Jt-
met~,
6aibtemen.t in.~titution.ati~é~, aux-
quet~ t'ob~eJtvateuJt h.abituet n.'e~t pa~
toujouJt~ atten.ti6".
(1)
Aussi peut-on dire que jamais l'éducation n'a
été plus agissante qu'en ces sociétés traditionnelles de
l'oralité où l'enfant sitôt qu'il le pouvait, était mêlé
aux occupations de ses rarents, des adultes, de son clan,
ou de sa tribu.
(1)
ERNY
(Pl
-
op.
cit.
p.
9.

- 28 -
Suivant et imitant son père, ou sa mère, selon
qu'il était fille ou garçon, à la chasse, dans les occupa-
tions ménagères ou agricoles, associé de bonne heure à
leurs travaux dès qu'il pouvait rendre service,
il appre-
nait' le savoir vivre sa vle d' homme ; "et la vie, l'action,
et sa véritable école".
Cl)
Education toute spontanée, à peu nrès incons-
ciente, bornée à la pratique de la vie et qui, exploitant
les tendances naturelles de l'être,
se faisait déjà par les
jeux de l'enfant où l'on voit celui-ci imiter les adultes
par sa coopération aux travaux et occupations de ses aînés,
malS en même temps par la participation à la vie commune,
aux sentiments collectifs, à toutes les circonstances de la
Vle quotidienne de l'adulte.
II - LES NIVEAUX D'EDUCATION DANS LES SOCIETES
TRADITIONNELLES DE L'ORALITE
Si l'éducation est dans son sens large, l'action
que les adultes mènent sur la jeune génération, on peut
dire que ce sont les sociétés traditionnelles de l'oralité
d'Afrique Noire, qui peuvent le mieux nous montrer l'am-
pleur et la puissance de cette action qui s'étend à tout et
prépare à la vie.
Bien que l'on pUlsse parler d'une éducation
diffuse et même inconsciente au-delà de la petite enfance,
(1]
GAL
(Rl
-
HA..-6toA..Jte de f'éduc.atA..on -
p.
10.

-
29
-
on peut dè s 1 or s affirmer qu '" à me sure que l' enf an t gr andi t,
les interventions du milieu se font de plus en plus expli-
cites; on défend, on stimule, on incite, on conseille, on
explique, on propose ouvertement des modèles, on sanctionne.
C'est le moment des dressages, des apprentissages, voulus
comme tels.
On sensibilise le petit homme à un idéal ùe
conduite, à ce qui est bien et à ce qui est mal. Mais cette
pédagogie des valeurs n'aurait évidemment ni sens, ni por-
tée si elle ne reposait sur le roc beaucoup plus ferme des
manières de faire,
des attitudes et des jugements qui à
l'intérieur
d'une société vont de soi. En procédant à un
apprentissage technique ou en exigeant un type de conduite
morale, l'adulte prend conscience de son rôle éducatif, car
il juge l'enfant à présent capable de comprendre, de rece-
voir des instructions et de soumettre sa conduite à une
direction." (1)
Et c'est bien là qu'interviennent les contes, les
légendes, les mythes, les proverbes, en tant que support,
véhicule des échanges entre adultes et enfants. L'éducation
traditionnelle atteint son plus haut degré de conscience au
moment des initiations.
A un âge plus ou moins artificiellement fixe et
qui varle d'une tribu à l'autre, non seulement en fonction
des différences de maturité physilogique mais aussi pour
(1)
ERNY (Pl - L'c-n6cu~t U MI1 tnû-<-c-u c-n A6JUquc- No-VLC- - p.
17.

-
30 -
des raIsons extra naturelles, on marque par des cérémonies
particulières la fin de l'adolescence et l'entrée du jeune
homme ou de la jeune fille dans le groupe adulte.
(1)
Ces cérémonies rituelles accompagnées de
périodes plus ou mOIns longues d'isolement pour l'initié,
d'épreuves, de danses, de déguisements, entourés de mys-
tère et de magie, sont destinées à frapper émotivement
l'individu et à marquer fortement dans son esprit le jour
de son admission dans la société des hommes faits.
En même temps, on lui révèle complètement et
définitivement les traditions et les règles du groupe où
il aura à vivre, les interdictions sacrées, ou tabous, qu'il
devra observer et les coutumes et les secrets de son clan ;
pour cela, on se sert de toute une littérature orale sacrée:
contes étiologiques ou contes cosmogoniques en débouchant
sur les mythes cosmogoniques et eschatologiques. "L'indi-
vidu doit être éprouvé, c'est-à-dire à la fois examiné et
endurci, en vue de ce qui l'attend. C'est à travers la
pédagogie initiatique qu'apparaissent le plus clairement
les valeurs idéales qu'une société propose ouvertement à
ses membres; mais cela ne signifie pas qu'elles seront
enseignées sous forme d'un code ou catéchisme et expliquées
rationnellement.
Des enseignements de ce genre ne sont pas
absents mais ils apparaissent très secondaires: c'est
( 1) No~ ~n~uon6 à ~e d'exemple: ZAHAN {Dl - So~é~é d'~~­
~on Bambana
le Nkomo, le N~omo, le Ko~é ;
~ HÛLAS (B) - L~ Sénou6o~ - ~h 1 p. 146 - le po~o.

-
31
-
davantage en faisant vivre à l'enfant,
intensément, à
travers des situations symboliques et rituelles, tout ce
que représente pour lui et la société ce moment de l'acces-
sion à l'âge adulte, que la culture traditionnelle espère
lui en faire mesurer la signification.
Les initiations cherchent à le toucher plus au
nlveau subconscient que conscient. Le sens de leurs mani-
festations est loin d'être toujours clair pour les protago-
nistes eux-mêmes, et cependant, on le juge essentielles,
indispensables. La volonté d'éduquer apparaît donc plus
explicite que le contenu de l'éducation qui y est donnée.
Puériculture, éducation diffuse, éducation mutuelle,
apprentissages techniques, pédagogie des valeurs, pédagogie
initiatique, autant de moments que malgré .leurs interpréta-
tions il faut distinguer, parce qu'ils procèdent de la part
de l'éducateur, de niveaux de conscience et d'actions
différentes, et que du côté de l'éd~qué, leur incidence est
également très variable. Si l'on veut tenir compte de toute
la réalité,
il faut la prendre non seulement dans sa com-
plexité, mais aussi avec son échelonnement et son ordonnan-
cement internes".
(1)
Il est malaisé de définir l'initiation en
Afrique Noire, en fonction uniquement de certains critères
fortement socialisés, tels que l'intégration de l'individu
au sein d'une ou des sociétés initiatiques, la soumission
(1)
ERNY
(Pl
- L'en6ant et ~on milieu en A6~ique Noi~e -

PP.
17-18.

- 32 -
aux rites de la puberté marquée par la circoncision ou
l'excision,
l'évulsion de certaines dents, etc ... Car,
en réalité, tous ces 'critères constituent seulement l'as-
pect visible de l'initiation;
ils servent de supports aux
significations cachées malS ne sont nullement les éléments
absolument essentiels.
Il faut considérer l'initiation,
sur le continent
nOlr, plutôt comme une transformation lente de l'individu,
comme un passage progressif de l'extériorité à l'intériori-

; elle permet à l'être humain de prendre conscience de
son humanité.
Cette ascension peut être marquée par des
jalons solennels qui revêtent sur le plan social une lm-
portance telle que, parfois,
la société y trouve, en
quelque sorte, sa raison d'être; mais elle peut aussi
passer pratiquement inaperçue et se dérouler paisiblement,
pendant toute la vie de l'individu comme une longue
méditation.
Si certaines populatlons de l'Afrique de l'Ouest
comme les Bambara admettent tous les éléments mâles sans
restriction dans leurs sociétés d'initiation, d'autres
comme les Dogon pratiquent une sélection. En outre, il
existe en Afrique Noire, des populations dépourvues de
système initiatoires
; et il ne faut pas oublier les
femmes considérées en général comme portant naturellement
en elle la connaissance, donc éliminées
des systèmes
d'initiation, sauf dans q~elques populations spéciales,
par exemple, les Guéré,
les Yacouba de l'Ouest de la Côte
d'Ivoire.

-
33 -
L1absence de pratiques initiatoires ne signifie
pas absence de vie spirituelle. Qu'il soit passé ou pas
par les sociétés d'initiation,
l'individu sent en lui un
appel
à
la vie intérieure. "L'éducation formelle cherche
à
imposer par la voie des précepts et l'admonestation des
modèles que l'éducateur lui-même n'a jamais mlS en question.
Lorsqu'il corrlge un enfant en lui disant:
"ne fais pas
cela", il ne fournit pas de raisons pour justifier son
intervention et serait souvent embarrassé s'il lui fallait
expliquer dans son fond sa position. Le ton de voix lui-
même indique qu'en tel domaine,
iL_n'y a qu'une manière de
faire qui soit la bonne, agir autrement est impensable.
Il n'y a pas d'intermédiaire entre ce qui est
bon et ce qui est mal, ce qUl est vral et ce qui est faux.
L'enfant agit, essaie différentes voies, "se trompe" et
est corrigé.
Il y a activité aussi bien du côté de l'élève
que de ses mentors; ce type d'apprentissage fait large-
ment intervenir des éléments émotionnels car violer des
normes formelles, c'est toucher aux fonctions mêmes de la
vie sociale. Nous somm0S lâ en plein dans le domaine de la
coutume et de la tradition qui ont une manière propre
d'assurer leur survie et leur pérennité ...
Selon les cultures, la tradition exerce une
pression plus ou moins forte sur ses membres, et l'obliga-
tion de s'y conformer s'impose à eux-mêmes à des degrés
variables
; elle est caractérisée par le fait que
l'influence du passé prime sur les exigences du présent et
du futur.

-
34 -
Il en résulte une rigidité qui n'est pas dépour-
vue d'avantages, car l'individu a de sa vie et de sa
société une image nette, cohérente et précise,
jusque dans
les déviations permises
; les systèmes formels sont tena-
ces, résistants au changement.
Ils représentent ce qui,
dans une culture est le plus consistant, le plus fixe,
le
soubassement qui supporte le reste."
(1)
Ceci met en avant, moins l'action individuelle
d'un être sur un autre que J'influence globale qu'exerce
une société, par son mode de vie sur ceux qu'elle cherche
à
intégrer en son sein. L'accent est déplacé d'une relation
de personne à personne sur le rapport très enveloppant qui
unit l'individu à la culture dont il devient un porteur
toujours plus autorisé, à mesure qu'il progresse dans son
assimilation. "L'agent principal de l'éducation informelle,
dit encore P. ERNY est le modèle,
le pattern, dont on use
par imitation; ici, l'élève seul est actif par son ouver-
ture à des empreintes extérieures et son effort de confor-
mité. Des activités et des systèmes de conduite extrêmement
complexes dans leur agencement et leurs détails passent
d'une génération à l'autre, sans que l'on se rende compte
qu'ils sont appris, qu'ils sont reçus par des lois et ~ans
que personne ne puisse indiquer les VOles par lesquelles
s'opère cette transmission.
Il faut attendre que la règle
soit violée pour qu'on puisse se rendre compte qu'elle
existe.
( 1)
ER NY (p)
-
0 P
c--<-t.
PP.
18 - 19 •

-
35 -
Se situant pour l'essentiel hors de la consclence,
cette imitation de modèles permet un haut degré de standar-
disation et d'automatisme. Tant, que les choses vont bien,
selon les lois non explicitées, les comportements informels
ne déclenchent pas d'émotion; mais la perplexité et
l'anxiété naissent quand leur déroulement normal est
contrarié." (1) L'éducation se fait technique quand il y a
transmission explicite, se fondant sur une analyse logique
des processus en cours. Le maître agit sur l'élève et son
habileté est fonction de ses connaissances et de son apti-
tude à l'analyse.
Ce mode d'apprentissage atteint le plus haut
degré de conscience; le contenu est si exnlicite qu'il
peut éventuellement être enregistré
et s'exercer en
l'absence de l'éducateur par l'intermédiaire de l'écrit ou
de la bande magnétique. L'érudition est quasiment absente
et la résistance au changement faible.
Les fonctions
pédagogiques ici sont manifestes et explicites. Au rebours
dans une situation informelle, peut-on parler de pédagogie?
III - LE CONCEPT D'EDUCATION NON-FORMELLE ET D'EDUCATION
INFORMELLE
Il s'agit ici essentiellement d'un concept
d'origine nord-américaine. A l'origine du concept, on
trouve bien sOr, une prise de conscience croissante de
l'inadéquation des systèmes d'éducation for~els à trouver
(1)
Op.
C~t.
P.
19.

- 36 -
une solution aux problèmes des pays du Tiers-Monde
(1).
Ainsi, dès 1968, dans son ouvrage prémonitoire
intitulé La Crise Mondiale de l'Education (2) COOMBS plai-
dait déjà pour une prise en compte de cet immense secteur
qu'est l'éducation non-formelle.
Selon COOMBS, rentre dans le cadre de l'éduca-
tion non-formelle;
"toute activité éducative organisée et
systématisée menée en dehors du cadre du système formel
d'éducation pour dispenser des types précis d'apprentissage
à des sous-groupes spécifiques d'une population à la fois
adultes et enfants. Ainsi définie, l'éducation 'non-formelle
inclut par exemple la vulgarisation agricole,
l'alphabéti-
sation, la formation professionnelle dispensée en dehors
de l'école,
la formation des jeunes non-scolarisés et les
différents programmes de développement communautaire
incluant une éducation dans le domaine de la santé, de la
nutrition, des coopératives, etc ...
Quant à l'éducation informelle. elle est, pour-
COOMBS "le processus par lequel tout au long de sa vie,
une personne acquiert et accumule des connaissances, des
savoir-faire, des comportements à travers ses
expériences,
processus qui, par opposition à l'éducation non-formelle
se caractérise par son aspect "non-systématique" et non
{ 1)
BELLONCLE (G) - Univ~it~~ 6~ancorhone~ du T~~-Monde et ~duca­
t-um non-6oJune1.fe ~n communaut~~ MCMVU de ~uence~ ~oua1e-0
de ta coop~~n - n° 57
- rr. 25-29.
(2)
COOMBS (Pl - La ~e mon~a1e de f'~duc~on - 1968.

-
37 -
organisé".
(1).
Depuis les travaux de COOMBS,
le concept a été
abondamment repris par de nombreux universitaires améri-
cains ou britanniques.
(2)
L'école de type occidental nous avait habitués à
une éducation élaborée selon des normes explicites
cohérentes et systématiques.
"Ain-6i,
qu'il -6'agi-6-6e. de.-6 e.n-6e.igne.me.nt-6
di-6pe.n-6é-6 ou de.-6 thème.-6 de. ~e.~he.~~he.
p~opo-6é-6
aux étudiant-6, i l e.-6t évide.nt
qu'aujou~d'hui ~e.t e.n-6e.mble. de. voie.-6
édu~ative.-6 nouve.lle.-6 que. l'on ~e.g~oupe.
-60U-6 la dénomination d'édu~ation non-
6o~me.lle. ~e.-6te. globale.me.nt igno~ée. de.-6
unive.~-6ité-6
e.t de.-6 unive.~-6itai~e.-6".
(3)
Pourtant, l'éducation que donne une société et
qUl est en rapport avec le modèle d'humanité qu'elle
cherche à promouvoir peut ne pas être perçue au nlveau
conscient comme formant un système global et intégré. Au
niveau des structures mentales collectives, les pratiques
éducatives les plus automatisées se conforment à une
certaine orientation générale, elles vont dans le même
sens et se renforcent mutuellement pour aboutir à la for-
mation d'une personnalité intégrée selon une certaine
image
; elles sont systématiques parce que fonctionnelles.
(7) BELLONCLE (G) - "Atiadûng ~at pOV~I/' op. ~~t. p. 8 -<..n
Communauté-6 11 0 57 - ibid p. 26.
(2) Van-6 la ~e.vue. p~é~ée., bibliog~aphie. établie. p~ BELLONCLE (G)
,~M l' e.mploi de. ~e. ~on~e.pt.
(3)
Ib~d p. 23.

-
38 -
"Vu 6ait qu'il y a en toute ~ultu~e une
~o~te de ~~héma o~gani~ateu~, on peut déjà
à
~e niveau, pa~le~ de pédagogie, m~me en
admettant qu'elle demeu~e pu~ement di66u~e,
voi~e in~on~~iente.
Pa~ delà l'a~tion qu'exe~~e tel indi-
vidu ~u~ tel aut~e, tel adulte ~u~ tel
jeune, il 6aut ~on~idé~e~ l'in6luen~e
globale qu'exe~~e une ~o~iété, pa~ toute
~on o~ientation, ~u~ ~eux qu'elle ~he~~he
à
intég~e~ en ~on ~ein.
O~ ~ette in6luen~e joue habituellement
de mani~~e ~ohé~ente ~omme ~i elle était
~on~~iemment élabo~ée à ~et e66et."
(7)
Disons que le concept clé qui établit une dis-
tinction dans
cette forme de transmission du savoir est
l'institutionnalisation. Celle-ci consi~te on le sait, en
la traduction des éléments culturels
(valeurs,
idées,
symboles, etc ... ) qui ont par nature un caractère général,
des normes d'action, des rôles, des groupes qui exercent
un contrôle direct et immédiat sur l'action sociale et
l'int~raction des membres d'une collectivité. Par exemple,
la valeur générique de l'éducation s'institutionnalise dans
le rôle des enseignants appelés parfois éducateurs, dans
l'école, le ministère de l'éducation nationale, ou le rôle
du juge dans l'appareil judiciaire, etc ...
L'institutionnalisation est une sorte de concré-
tisation des éléments culturels, une transposition des
formes applicables et appliquées.
"On peut a66i~me~, en ~e qui ~on~e~ne
l'A6~ique ~outumi~~e, l'exi~ten~e non
~eulement d'une édu~ation, mai~ au~~i
d'une pédagogie.
(7)
ERNY (Pl
-
op. ~it. P.
20.

-
39
-
Mai~ il ~ 'agit d'une p~dagogi~ populai~e
~epo~ant ~u~ la t~adition o~aie et une
60~te imp~~gnation pa~ le milieu ~o~io­
~ultu~el... Tout ~ela n'enl~ve ~ien a ~on
~a~a~t~~e ~y~t~matique, mai~ ne 6ait en
~~alit~, que le ~en60~~e~." (1)
Chaque groupe humain se met tout entier dans la
socialisation qu'il invente.
Il existe une liaison extrê-
mement intime entre une nédagogie donnée et le type de
société auquel elle correspond.
"On a tendan~e a né.glige~ l'é.du~ation ~ou­
tumi~~e dan~ la me~u~e où l'on identi6ie
plu~ ou moin~ la pé.dagogie a l'é.~ole.
O~,
~ette de~ni~~e,
e~t une in~titution
qui peut ~e~te~, a~qu~~i~ ~omme dan~ le
monde mode~ne, une impo~tan~e ~ent~ale,
mai~ demeu~e ~ontingente, ~ep~é.~entant un
o~gani~me ~pé.~iali~é. pa~mi d'aut~e~ po~~i­
ble~.
c'e~t l'ab~en~e de l'envi~onnement
qui a une po~t~e é.du~ative". (2)
IV - LES RESSOURCES DE L'EDUCATION COUTUMIERE
Quand l'écolier africain rentre le SOIr à la
maIson paternelle, il se replonge dans un monde où ce qu'il
vient d'apprendre en classe n'a -souvent encore que peu
d'incidence. On aurait sans doute tort de forcer l'opposi-
tion qui existe entre l'éducation donnée à l'école et
celle que l'enfant africain reçoit de son milieu de vIe,
car l'osmose entre les deux devient de plus en plus effec-
tive, même là où elle n'est pas explicitement recherchée.
( 1)
ERN Y (P)
-
0 p.
~it.
P.
21.
(2)
ERNY
{Pl
-
op.
~it.
P.
21.

-
40 -
Cependant, sans conteste, elles puisent à des
sources d'inspiration différentes et les systèmes culturels
sur lesquels elles s'appuient sont étrangers l'un à l'autre.
Tantôt elles se développement de manière simultanée
ou
successive, en s'ignorant mutuellement, sans interférences
majeures, par simple juxtaposition, tantôt encore elles
s'appuient l'une l'autre, sans l'avoir voulu, certaines de
leurs orientations allant par hasard dans le mêmes sens,
tantôt enfin, elles s'opposent, véhiculant des éléments
culturels contradictoires. La plupart des éducateurs ont
porté sur cette formation en milieu coutumier des jugements
négatifs.
"LoVlgte.mp.6,
OVl a c.Jtu bie.Vl naiJte. e.Vl aJtJta-
~haVlt fe..6 e.VlnaVlt.6 fe..6 pfu.6 je.UVle..6 po.6.6ibfe.
aux iVlnfue.VlC.e..6 de. fa namiffe. pouJt fe..6
pfac.e.Jt daVl.6 de..6 iVlte.JtVlat.6.
Mai.6,
m~me. e.Vl c.e. c.a.6, OVl .6'e..6t ape.Jtcu
qu'à f'appJtoc.he. de. fa pube.Jtté, if.6 .6ubi.6-
.6aie.Vlt .60UVe.Vlt de. fa paJtt du mifie.u UVle.
e.mpJti.6e.,
qU'OVl Vle. paJtve.Vlait pa.6 à .6'e.xpfi-
que.Jt".
(1)
Comment, après ces années d'école, d'internat,
de catéchisme, de
mises en garde de toute sorte, l'attrait
des pratiques traditionnelles comme les initiations ou
certaines formes de préparation au mariage pourrait-il
encore s'exercer? Sur quelle force s'appuie donc la coutume
pour subjuguer ainsi les esprits en Afrique Noire ?
C'est cette efficacité des moyens qu'elle met en
oeuvre qui explique la fascination que l'éducation tradi-
(1)
ERNY
(Pl
-
L'e.Vl.6e.igVle.me.Vlt daVl.6 fe..6
pay.6 pauvJte..6,
Ed.
L'HaJtmattan 315 P.
PP.
165-168.

-
41
-
tionnelle exerce d'habitude sur ceux qui l'étudient sans
parti pris. Cela est d'autant plus vrai qu'à l'autre extré-
mité on commence à se rendre compte que comparativement,
l'éducation moderne exerce une action bien superficielle,
bien décevante, et qu'avec des moyens considérables elle
forme trop souvent des inadaptés. Passons rapidement en
revue, à titre d'exemple
et non de manière systématique,
quelques-uns des points sur lesquels l'éducation coutumière
exerce une particulière séduction.
Il s'agit d'abord d'une
éducation intégrée à la vie. En milieu coutumier, il
n'existe pas d'institutions de type scolaire qui placent
les enfants en marge de la société. Ceux-ci participent à
la vie et aux travaux de tout le groupe.
Ils voient faire
et imitent, ils entendent et reproduisent. Leur contribu-
tion a une réelle valeur économique. L'enfant est pris au
sérieux, les fonctions qu'il remplit lui reviennent de
droit en vertu de la division du travail rigoureuse, et
l'adulte ne les considère pas comme "enfantines" au sens
dépréciatif du mot.
L'éducation coutumière utilise au maximum les
potentialités du groupe enfantin. A l'influence qu'exercent
parents et autres représentants de la génération aînée,
s'ajoute celle des pairs, au sein d'un groupe de semblables
.parfois structuré en véritables sociétés enfantines.
Sou-
vent les jeunes apprennent beaucoup plus, en savoir et en
habileté, de leurs camarades que des adultes. Le groupe
d'âge leur impose des normes de conduite, et tout écart
est sanctionné avec rigueur.

- 42-
Il faut à chacun gagner par son comportement
l'estime des autres et se faire admettre, puis un jour,
entrer en compétition avec eux pour se tailler une place
dans le groupe.
L'éducation coutumière transmet d'une manière
progressive et fonctionnelle l'héritage culturel, riche,
entre autres, d'une portée didactique évidente. Ce savoir
est communiqué occasionnellement, lors d'un événement, d'un
rite, d'un écart de conduite, d'un travail à effectuer,
autrement dit chaque fois que l'enfant ressent lui-même le
désir ou le besoin d'être instruit et éclairé. On comprend
qu'un "enseignement" ainsi dispensé puisse avolr, malgré sa
rareté, un impact inattendu, beaucoup plus considérable que
s'il était administré systématiquement.
L'éducation coutumière doit enfin
utiliser les
ressources affectives de l'homme. Le but qu'elle poursuit
est lui-même principalement d'ordre émotionnel: assurer
l'affiliation de l'individu au groupe" familial classique,
lui faire endosser les valeurs d'interdépendance et de
solidarité qui animent celui-ci, lui faire mesurer le
poids des menaces directes ou occultes qui pèsent sur qUl-
conque rechigne à se conformer à l'ordre social, lui faire
sentir le contenu et la dimension invisible de toutes les
réalités qui l'entourent, qu'elles soient d'ordre cosmique
ou humain.
Les récits innombrables qui meublent l'obscuri-
té, les rites longs et compliqués qui se déroulent au fil
des saisons et de la vie des hommes,
le contact régulier

-
43
-
avec les spécialistes de l'invisible, devins, mages,
médiums, prêtres, tout cela crée une atmosphère envoûtante
qui marque définitivement la personnalité.
En tant que 6ystème homogène et structuré,
l'éducation coutumière appartient au passé.
Elle subsiste
par secteurs, par lambeaux, par bribes non intégrées.
C'est à ce niveau que le pédagogue moderne doit l'appré-
hender et chercher à capter les forces et les richesses
~qu'elle contient encore. Précisons encore qu'il y a plu-
sieurs éléments constitutifs de l'éducation coutumière ou
informelle.
Parmi tant d'autres moyens de transmission des
valeurs en usage
dans les sociétés traditionnelles de
l'ouest africain, les contes et légendes jouent leur rôle
en articulation avec d'autres éléments. Quels enseignements
véhiculent donc les contes et légendes pour qu'ils partici-
pent de l'éducation globale en Afrique de l'Ouest?

- 44-
CHAPITRE
III - SIGNIFICATION DES CONTES DE L'OUEST AFRICAIN
NIVEAU
- LE VECU CONCRET
Le R.P. TEMPELS a montré comment l'éthique bantoue
découlait d'une philosophie des forces et de l'énergie vita-
le qui régissait l'univers mental des peuples de ce cercle
cul turel.
(1).
L'éducation dans le domaine moral a des sources
complexes. Elle touche dans le bas au dressage et vers le
haut à la pédagogie initiatique, et à l'expérience spiri-
tuelle. Elle découle à la fois d'une vision de l'homme,
des structures sociales et d'un certain idéal culturel. La
Vle unit des domaines que l'esprit distingue un peu artifi-
ciellement. On trouve donc dans l'éducation aux valeurs, le
reflet fidèle d'une société et d'une culture. D'après P.
ERNY "en certaines régions des conteurs professionnels vont
de village en village, véritables acteurs, formés par des
maîtres qui leur ont transmis leur savoir, et, par leur
drôlerie
et leur aisance à manier la parole/passent pour
des incarnations de la Sagesse. Les grands-parents déten-
teurs et véhicules privilégiés de la littérature orale et
de l'enseignement qui s'en inspire, apparaissent aUSSl
comme des agents éducatifs de premier plan, dans des
domaines qui n'ont pas directement trait à l'exercice
corporel et à l'activité productive. En certaines occasions,
(1)
TEMPELS
(R.P.)
-
La ph-iioJ.Joph-ie- bantoue- -
322
P.

-
45 -
leurs fonctions de conteurs prennent un aspect quasiment
rituel et institutionnel pour transmettre des maximes, les
généalogies
et les récits historiques,
légendaires et
mythiques."
(1).
D'abord le nom que porte l'enfant et que souvent
il a hérité d'un ancêtre défunt,
lui impose un modèle à
suivre auquel l'éducation a pour but de le conformer.
D'une certaine manière,
il "est" cet ancêtre,
il doit deve-
nir homme comme lui, adopter sa conduite et sa manière de
VIvre.
Che z certains peuples,
(Bambara
du Mal i, Ouan
de Côte d'Ivoire)
le devin est là pour instruire les parents
du nom que l'enfant doit porter. Dans ce cas, certains
aspects de la conduite morale trouvent dans la personne même
une assise ontologique. Le milieu traditionnel est très
homogène et comme il n'évolue que très lentement, les rôles
des différents éducateurs, parents, grands-parents, aînés,
griots, initiateurs, etc ... ne s'opposent pas mais l'élé-
ment nouveau qu'apporte chacun d'eux s'intègre dans un
vaste cadre culturel ou tout s'harmonise quand on arrive à
le saisir dans son ensemble. Mais tout élément de moderni-
sation, école, bouleversement du marché du travail, exode
rural est pour la tradition un facteur de désintégration
et de déséquilibre. L'univers des sociétés traditionnelles
est très charpenté. D'abord et avant tout, sur le plan
idéologique et ontologique, tout se tient et s'enchaîne.
(1)
ERNY
(Pl
-
L'eno~nt et Mn milieu en AotU.que Nobte - pp. 173-174.

-
46 -
La cohésion sociale n'est qu'un des aspects d'une cohéren~e
plus profonde. La morale se fonde et s'enracine dans un
ordre métaphysique et on ne peut la comprendre sans s'y
référer. La société traditionnelle n'est pas si indifféren-
ciée qu'on le croit. En réalité, elle est composée d'un
ensemble de groupes nettement caractérisés et délimités,
ayant une existence stable et des rôles précis, et qui sont
souvent créateurs de milieux à fonction éducative.
Le milieu coutumier n'est pas simple. L'éduca-
tion morale est dispensée expressément par une gamme de
groupes SOClaux de niveaux variables différents par leur
nature, leur extension, leurs fonctions principales:
la
famille,
le lignage, les sociétés initiatiques et profes-
sionnelles, les classes et les fraternités de sexe et d'âge,
les associations.
C'est dans ces groupes que l'on peut saisir les
structures normatives de la société coutumière, et en consé-
quence, les conduites normales de l'individu. Les modèles à
suivre ne sont pas les mêmes pour tous, ils se situent à des
degrés divers de moralité, au point que l'on peut parler
parfois d'une pluralité de morales. Mais dans les sociétés
traditionnelles, ces groupes sont rarement contradictoires
ils se contrebalancent et forment une société globale diver-
sifiée, équilibrée, fortement intégrée malgré les crises
d'évolution qu'elle peut connaître et les conflits qui
peuvent opposer certains de ses éléments, non seulement
parce que leurs intérêts sont contraires, mais aussi parce
que leurs idéaux s'affrontent. Le but principal de l'éduca-

-
47 -
tion est d'obtenir le conformisme nécessaire de tous les
membres de la communauté.
Pour réaliser une cohésion solide
au niveau du groupe, moeurs et sentiments doivent être
identiques chez tous ou du moins se complèter mutuellement.
L'action éducative ne vise pas l'enfant lui-même dans sa
personne, mais la création de cette solidarité par simili-
tude qui garantit la pérennité de la collectivité. La part
la plus importante de la pédagogie n'est pas pensée mais
transmise de génération en génération.
"Le..6 é.c.he.ffe..6 de. f'é.duc.atioVl .60Vlt fié.e..6 tfLè..6
é.tfLoite.me.Vlt à f'é.c.he.ffe. de..6 âge..6.
Le..6 te.fLme..6
qui dé..6igVle.Vlt fa pe.fL.60VlVle. vafLie.Vlt à me..6UfLe.
qu'OVl pa.6.6e. d'UVle. c.até.gofLie. à f'autfLe.,

e.t
ave.c. e.ux f'habiffe.me.Vlt,
fe..6 ac.tivité..6,
fe..6
e.Xige.VlC.e..6 qU'OVl fui adfLe..6.6e.,
fe..6 attitude..6
qu'OVl adopte. à .60Vl fLe.gafLd,
f'e.VltfLa~Vle.me.Vlt
auque.f OVl fe. .60ume.t ...
VUfLaVlt fa pfLe.miè.fLe. pé.fLiode. f'e.VlnaVlt
é.vofue. de.maVliè.fLe. pfLe..6qUe. e.xc.fu.6ive. daVl.6 fa
.6phè.fLe. mat e.fLVle.ffe. , é.fafLgie. pe.u à pe.u à de..6
nigufLe..6 qui Vle. .60Vlt e.VlC.OfLe. que. de..6 pfLofoVlge.-
me.Vlt.6 de. c.e.ffe. de. .6a mè.fLe.."
(1)
Comme toile de fond de l'éducation morale, nous
trouvons l'indulgence dont jouit le petit enfant et qUl
persiste en fait bien au-delà du sevrage. L'environnement
matériel, dans sa simplicité, ne nécessite pas de la part
de la mère des interdictions continuelles de toucher, de
casser, de déranger. Cette attitude de laisser-faire a
des racines profondes dans la vision même de l'enfant et de
l'homme, elle est délibérée et consciente, issue d'une
volonté de se plier et de se conformer aux désirs de
l'enfant. On n'essaie pas, dans ce premier stade, de faire
(1)
ERNY (Pl
-
Ibid p.
22.

-
48
-
appel à des motifs d'autorité ou d'exiger l'obéissance.
En cas de conflit entre enfants on donne systé-
matiquement raison au petit et tort au grand. On est con-
vaincu qu'avant ce que nous pourrions appeler l'âge de
raison, l'enfant ne comprendrait pas la défense, le conseil,
et qu'il est donc inutile de lui en donner ou d'insister au
cas où il ne les suit pas
le petit enfant est jugé irres-
ponsable et on ne peut donc lui imputer les erreurs qu'il
commet.
Il serait injuste de le punir. Les premières
défenses portent avant tout sur des actes et des défauts
extérieurs:
s'éloigner de la maison,
jouer avec le couteau
ou le feu, ne pas exécuter une commission,
injurier quel-
4 u 'un.
Est punI tout ce qui attire des ennuis, ternit
la réputation de la famille,
engendre des difficultés avec
d'autres, cause un préjudice immédiat. Ce n'est d'ailleurs
qu'à l'intérieur du lignage que l'on y détient une autorité;
on ne peut corriger un enfant d'un autre clan: la struc-
ture sociale l'emporte sur les rapports inter-humains. La
faute sera d'autant plus grave que l'entourage en aura
pris connaissance.
Les valeurs n'ont en général
pas d'existence
propre là où l'organisation sociale n'a pas dépassé le
stade du clan. Elles s'incarnent concrètement dans la
personne des ancêtres et des chefs de famille.
S'adapter,
se conformer aux valeurs du groupe équivaut à entrer en
une sorte de symbiose parasitaire avec les figures réelles

- 49 -
ou mythiques qUI incarnent les valeurs et qUI détiennent
l'autorité.
Est bon
tout ce qui renforce la puissance du
clan, tout ce qUI va dans le sens de la solidarité fami-
liale. On ne peut abandonner un membre de la famille de
peur d'indisposer l'ancêtre.
Est mauvaIS par excellence, tout ce qui touche à
la sorcellerie, à ce qu'on pourrait appeler la magIe per-
sonnelle, forme suprême de l'individualisme et activité
destructrice de force vitale, car le sorcier représente la
volonté perverse, anti-sociale, la haine,
l'envie, la ran-
cune, le désir de puissance. Les valeurs fondamentales
tournent autour des deux pôles de la dépendance et de la
solidarité clanique. Leur système se reflète dans les
marques de bonne éducation que l'on attend de l'enfant.
Savoir s'adresser selon les règles aux personnes
rencontrées, connaître les termes de respect adaptés
à
chaque circonstance, revêt dans l'éducation une particu-
lière importance. L'enfant s'inspire là encore de la
conduite des aînés, du terme qu'utilise son père, le fils
déduit comment il faut appeler la personne rencontrée, et
quelle conduite il convient d'adopter à son égard. Le
respect envers les personnes âgées est particulièrement
exigé, et en présence d'un étranger, l'enfant ne doit se
faire entendre que si on lui adresse la parole.
C'est d'ailleurs dans ce domaine des relations
interper~onnelles que l'on donne le
plus facilement un

_ -
50 -
enseignement véritable, bien qu'occasionnel.
Tout un enseignement moral est véhiculé sous
forme d'histoires divertissantes où les animaux entrent en
scène; respect des parents, méfiance des beaux parleurs
et flatteurs, victoire de la ruse, de l'intelligence, de
l'esprit d'invention, nécessité de rester sur ses gardes
même Sl l'autre manifeste de bonnes intentions, de faire
face au danger en s'entraidant. Chaque animal,comme nous
l'avons maintes fois répété, a sa personnalité bien défi-
nie. Les contes sont le reflet des valeurs en honneur dans
la société ainsi que des contres valeurs.
Nous examinerons successivement la portée morale,
sociologique et philosophique des contes.
1 - PEDAGOGIE DE LA PEUR ET EDUCATION
Pour intimider les enfants et leur faire peur, on
a fait souvent appel à des ogres, des croque-mitaines, des
diables hideux et effrayants, des génies, des fantômes, des
revenants, des monstres, etc, tous des êtres censés être
friants de chair humaine.
Ils sont souvent invoqués pour
faire rentrer les enfants dans le droit chemin.
Si un
enfant pleure sans se consoler, quelqu'un va se cacher
derrière la case et se met à frapper du doigt contre le
battant.de la porte en poussant des cris étouffés "ou-ou-
ou". Les assistants disent alors "Tais-toi, écoute, le
génie qui vient".

-
51
-
Les craintes des puissances invisibles jouent un
grand rôle. Certains contes font la part belle à tous ces
êtres en vue de leurs exploitations futures à des fins
intimidatrices.
Ils reviennent très souvent dans les
menaces que la mère adresse au petit enfant. Mais à côté
des êtres dont l'adulte juge la menace imaginaire,
il y a
tous ceux auxquels lui-même croit fermement, et l'enfant se
rend bien compte par les conversations qu'il entend, qu'il
faut les prendre au sérieux, et l'ensemble de ces croyances
concourt à créer une atmosphère de peur diffuse et irra-
tionnelle.
Pour comprendre cette particularité des contes
d'avertissement,
il suffit d'apercevoir qu'il s'agit de
récits fonctionnels, dont la fonction précisément
est
d'éloigner les petits des dangers qui les menacent, l'eau,
le feu,
la forêt, etc ...
Pour que l'esprit syncrétique et anthropomorphi-
que des plus jeunes parvienne à assimiler la leçon, le
conte donne Vle au danger, le transforme en personnage
inquiétant, animal sauvage ou monstre, forme plus ou moins
humaine, ce qui revient à associer une peur physique, immé-
diate au lieu réputé dangereux.
Il s'agit là d'une attitude
parentale relativement courante qui consiste à associer
l'interdiction et l'image d'une menace.
Les contes de ce type, outre l'Afrique Occiden-
tale, existent dans la plupart des pays. Le plus connu en
France est "le petit chaperon rouge" petit chef d'oeuvre de

- 52 -
suspens qui raconte la triste histoire d'une petite fille
trop peu méfiante que le loup berne et mange. Paul Delarue
remarque que "les monstres dont on menace les enfants sont
particulièrement nombreux et variés, alors que pour leur
faire craindre les bois et ses abords, il n'en est guère
qu'un, toujours depuis des siècles, le loup, terreur des
grands et des petits, qui a effectivement enlevé et dévoré
tant d'enfants".
(1)
Les contes d'avertissement sont les seuls récits
où prolifèrent les créatures d'épouvante. Ces contes peu-
vent naître au gré des imaginations fertiles des adultes.
Les récits s'intègrent harmonieusement à la zone géographi-
que.
Dans les savanes herbeuses et les steppes de la vallée
du fleuve Niger (Mali, Niger, Haute Volta, Nord Côte
d'Ivoire, Mauritanie, Tchad) les collines granitiques au
sommet boisé et certaines mares sont peuplées volontiers de
génies, prêts à mettre en pièces les enfants qui tenteraient
de les escalader, ou de trop prendre plaisir à la nage en
l'absence des adultes. La plupart des familles dans les
régions sahéliennes ont des tâches de bétail. Les enfants
sont très associés à l'élevage.
Ils sont chargés, la plu-
part du temps, de les mener au pâturage, et de les ramener
dans la mi-journée au village dans l'enclos familial.
Sont-ils distraits par la beauté du paysage au Doint
d'escalader imprudemment ces collines escarpées, les souve-
(1) VELARUE [Pl - L~ eont~ po~~~ 6hanc~ - eatato9u~ d~~ veAh~on~
d~ Fhanc-~ et ~ palj~ d~ .e.an9LL~ 6!LanCaM~ - Ivh.u,on-
n~uv~-La!Lo~~ P. 142. 2 vo.e.um~ 410 P. ~ 349 P.

-
S3
-
nlrs du "génie des collines" est bien trop VIvace, pour
laisser le bétail s'égayer dans la savane.
Il est vrai que dans certaines régions, les bêtes
féroces, telles que lions, panthères, et pythons des colli-
nes font encore des ravages. Les contes et légendes, loin
de maintenir les enfants dans une peur diffuse et irration-
nelle contribuent pour une grande part à endiguer les
imprudences enfantines et juvéniles. Dans les zones fores-
tières, les dangers qui menacent les enfants ne sont pas
mOIns considérables. Face à une nature hostile peuplée de
bêtes sauvages toutes dangereuses pour l'homme, les contes
d'avertissement viennent bien à propos pour éviter
l'irrémédiable. L'éducation se révèle parfois inconsistante
dans les rapports mère-enfant. La mère n'arrive qu'à se
faire obéir difficilement. Alors que le père, moins proche
de l'enfant et moins familier,
s'impose plus facilement.
La mère manifestera par exemple devant l'enfant
son impuissance en face de la volonté ou du caprice de
celui-ci. Les ordres sont donnés calmement, répétés s'il le
faut sur le même ton, comme si on parlait à un égal, et
finalement abandonnés si l'on voit que le petit refuse de
s'y plier. Ce n'est que rarement que la mère, poussée à bout,
se livre à une violente explosion nerveuse, disproportion-
née par rapport à la gravité de la faute, et souvent
d'ailleurs, suivie de consolations et de cajoleries. Les
attitudes maternelles sont contraires à une éducation
consciente et voulue, à l'obéissance et au respect de
l'autorité.

-
54 -
Ces exigences capitales en milieu coutumier,
seront obtenues par d'autres moyens en l'occurrence, l'in-
timidation de l'enfant par des récits d'épouvantes qui ne
sont de toute façon pas frappés de l'interdiction du
contage diurne. Dans "jeux Dogon" GRIAULE fait remarquer
que pour les petits êtres la pédagogie des nourrices n'est
toujours pas fondée sur les impressions terrifiantes.
(1).
Pour inculquer certains prIncIpes moraux,
la mère
n'aurait pas que recours à l'intimidation, mais utilise des
moyens d'apparence infime, berceuse, compte des doigts,
etc ... " le petit doigt déclare qu'il a faim,
l'annulaire se
contente de rester dans l'expectative; le majeur encourage
l'affamé, l'index propose de voler et le pouce refuse.
Pour
cette raison, dit-on, le pouce s'est écarté des autres
doigts.
Ce détail est d'importance:
la fable minuscule
comporte une moralité qui a l'avantage insigne d'être ins-
crite dans la main dont elle explique en somme le mécanisme.
Le pouce, dont la position remarquable est un sujet de
commentaire et d'étonnement, doit cette position à son refus
de se prêter à une mauvaise action. On peut dire que la
nourrice Dogon utilise cette partie du corps au mieux des
intérêts de la morale. La plupart des enfants utilisent ce
schéma pour se faire peur, sans oublier ses limites et
mesurer leurs forces.
Certains enfants réagissent cependant
(1)
GRIAULE
(Ml
- Je.ux dogon..6
-
510
P.

-
55 -
à
la catastrophe finale par la terreur, ou, plus grave
encore, y prennent un plaisir morose,
la vivent comme un
encouragement à la passivité, puisque le pire est toujours
certain. Les adultes, de leur côté, peuvent être tentés
d'abuser de cette méthode qui leur permet sans peine de se
faire obéir : les aînés ont tendance à en abuser pour se
faire obéir ou pour railler leurs cadets. Parfois, la mère
ou le père intervient, rassurant le jeune enfant si l'in-
timidation n'est pas appropriée ou si l'on constate que tel
jeune enfant est d'un naturel trop craintif, évitant ainsi
de l'emmurer à jamais dans une psychose de peur morbide et
chronique, préjudiciable à sa maturation psychologique.
II - LE CONTE COMME TEMOIGNAGE DU VECU CONCRET,
DE LA MORALITE ET DE LA PHILOSOPHIE
"La notion de moralité (ou comme le disent les
philosophes, le "fait moral") s'impose et s'est vraisem-
blablement imposée à tout individu, normal, de tout temps,
et dans tout groupe social:
l'opposition du Bien et du Mal
nous imprègne de l'extérieur dès l'enfance, sous la pression
des moeurs -mores en latin, ce qui se fait et ce qui ne
doit pas se faire
elle s'éveille en nous aussi, semble-
t-il, de l'intérieur, sous forme de sentiments, devoir,
responsabilité, remords ... "
(1) Nous savons que l'homme ne
se borne pas à formuler sur le monde des jugements de réa-
lité, constatant par exemple que "ceci est ainsI, cela
(1)
GREGOIRE
(F)
-
Le.-6 gJz.ande.-6
doc.tJz..zne.-6 moJz.afe.-6
-
p.
9.

-
56 -
autrement".
Il porte des jugements de valeur, déclarant par
exemple que telle chose est bonne, telle autre mauvaise, que
tel acte est admirable, et tel autre odieux.
Il n'est donc
pas réduit à la constatation pure du donné ; il peut
dépasser ce donné, lui opposer l'idée d'une autre réalité
possible qui serait préférable et, au nom de cette idée,
porter sur la réalité donnée des jugements d'appréciation.
En un mot,
l'homme est capable d'opposer au moins mentale-
ment, à ce qUI est, ce qUI, selon lui, devrait être, au
fait,
le Droi~ à la Nature, l'Idéal.
Il est, par là même,
capable de juger la nature, ou telle chose particulière,
bonne ou mauvaise. "Ainsi, une société, écrivait DURKHEIM,
ne peut ni se créer, ni se recréer,
sans du même coup
créer un idéal. Cette création n'est pas pour elle une
sorte d'acte surérogatoire par lequel elle se complèterait
une fois formée c'est l'acte par lequel elle se fait et se
refait." (1)
Les sociologues définissent les faits SOCIaux
comme étant des faits de conscience collective. Mais on
peut craindre que, par là, ils ne séparent le fait social
de ses bases, de ses fondements, qui sont pour une part,
matériels et économiques, pour une part aussi, psychologi-
ques.
Nous tendons à croire que la conscience collec-
tive est elle-même une résultante et s'explique d'une part
(1)
DURKHEIM (E)
- Le~ 6o~me~ ~l~mentai~e~ de la vie
~eli9ieu~e - p. 603.

-
57 -
par des facteurs matériels, par la structure économique et
politique de la société, d'autre part, par la conscience
individuelle. Or, la structure matérielle de la société
est fait et non valeur.
Et si la société dépasse ici
l'individu, c'est en force, en puissance, en extension
il faudrait donc expliquer comment cette supériorité de
fait apparaît à la conscience individuelle comme une supé-
riorité de droit et de valeur. Expliquer cela par la
conscience collective qui poserait elle-même des valeurs,
n'est-ce pas transposer et reculer le problème au lieu de
le résoudre? "Aussi, ce qu'une société juge être bon ou
mauvaIS pour ses enfants dépend de ce qu'elle cherche à
faire d'eux, à quel modèle elle entend les conformer. Avec
l'éducation morale, on aborde le côté le plus synthétique
de la socialisation. Les autres aspects touchant à la VIe
collective, intellectuelle et pratique, sont reprIs à un
niveau plus élevé de synthèse et de conscience par les
idéaux de VIe et de conduite que le groupe propose à ses
membres".
(1)
Aussi, en étudiant l'art, la philosophie,
la littérature, de chaque société, à un moment donné de
son histoire, est-il impossible de ne point percevoir
quelques reflets de l'échelle des valeurs, du vécu quoti-
dien etc.
( 1)
ER NY (P)
-
0 p.
c--<-t . P.
18 8 .

-
58
-
III - LE CONTE COMME TEMOIGNAGE DE LA VIE QUOTIDIENNE
EN MILIEU TRADITIONNEL
D'après COLLARDELIE-DIARRASSOUBA, "les contes ... ,
sont en outre aujourd'hui pour nous, un témoignage sur la
vie africaine traditionnelle ..... en même temps qu'une
preuve de l'existence d'une philosophie propre à ces
populations".
(1)
En effet, outre le merveilleux, le réalisme
n'est pas mis en veilleuse; bien au contraire, l'un et
l'autre s'allient pour donner une image exacte de l'uni-
vers négro-africain, dans lequel
il est difficile de
percevoir une rupture entre le réel et le surréel. "Le
premler mérite du conteur négro-africain, comme de tout
artiste véritable, est de coller au réel, de rendre la
Vle ...
Mais encore une fois,
il n'y a pas de frontière
en Afrique Noire, pas même entre la vie et la mort.
Le
réel n'acquiert son épaisseur, ne devient vérité, qu'en
brisant les cadres rigides de la raison logicienne, qu'en
s'élargissant aux dimensions extensibles du surréel." (2)
Ce sont très exactement les réalités de la Vle
quotidienne qui filtrent à travers les contes. Réalités
parfois pénibles dans ce monde rural des savanes et des
(1)
COLLARDELLIE-VIARRASSOUBA
(Ml
- fe. f--<-èvJte. e.t f'aJtugVlée.
MM fe./.) c.oVlte./.) de. f'oue./.)t a~!t-Zc.a--<-Vl - p. 85 e;t /.)M:te..
(2)
SENGHOR
(L.S.)
--<-Vl B--<-Jtago DIOP -
PJté6ac.e. aux Vlouve.aux
c.OVlte./.) d'Amadou Koumba - pp.
14-15.

-
59
-
steppes où la famine peut sévir au moindre capxice clima-
tique.
Nombreux sont en effet
les contes qui commencent
par la formule "c'était la famine chez les animaux".
La
grande responsable de ces famines est bien sûr la séche-
resse bien trop fréquente des pays de savane. La fréquence
de ces crises dans les contes nous conduit à penser
qu'historiquement, la famine s'est abattue souvent.
Que faire dans une situation semblable?
On devine toute l'angoisse de l'homme face à un tel
problème? Dans les contes,
les animaux en arrivent aux
pires solutions: c'est tantôt la panthère qui décide de
manger ses propres petits, tantôt l'hyène qUl décide de
vendre sa vieille mère afin de subsister.
(1)
"C'e-6t un monde exc.iu-6ivement JtUJta.f où.
f'homme tJtavaiffe duJt tout fe jouJt, -6ou-6 un
-6ofe~f aJtdent,
c.uft~vant une teJtJte aJt~de où.
~f tente de 6a~Jte pOU-6-6eJt fe m~f et f';.gname
né:c.e-6-6a~Jte-6 à -6a nouJtJt~tuJte.
Le-6 out~f-6
-6ont Jtud~menta~Jte-6 : on vo~t ~c.~ fe f~~vJte,
fa p~ntade, ou d'autJte-6 animaux "c.uft~veJt
feuJt c.hamp à f'a~de d'une mode-6te houe ... " (2)
Dans ces sociétés paysannes, la chefferie a une
importance capitale. C'est au chef qu'on obéit; c'est lui
qui relie les vivants aux ancêtres dont il détient la
sagesse. En pays Sénoufo, un fait est très significatif
lorsqu'il arrive un malheur, incendie, foudre, etc, les
gens, dans les interjections qu'ilS poussent pour implorer
secours, proclament le nom de Dieu, puis celui des Chefs-
Ancêtres, puis celui du chef vivant. On doit obéissance et
(1)
DIOP
(B)
-
Le-6 nouveaux c.onte-6 d'Amadou Koumba
( 2) COL LARD ELIE - DIA RRA SSOU BA (M)
-
0 P
c. it . pp.
86- 8 7.

-
60 -
respect au chef; c'est lui qui, assisté de ses notables,
règle tous les litiges juridiques ou familiaux.
On sait que ce rôle est dévolu au lion dans les
contes. S'il arrive très souvent qu'un sujet-le lièvre-
n'obéisse pas au chef, et s'en tire néanmoins à bon compte,
c'est que le chef ne mérite pas qu'on le respecte; il est
trop autoritaire ; il abuse de son pouvoir ou il est cruel.
Tout comme le Bien se déduit du Mal, on ne trouve d'ailleurs jamais le
portrait du chef idéal; le chef tel qu'il doit être se déduit du chef
tel qu'il ne doit pas être. Là encore, non seulement le conte offre un
témoignage réaliste en matière de chefferie traditionnelle,
malS aussI un document ethnologique et historique. On imagine très
bien les abus de pouvoir qu'ont pu manifester certains chefs tous puis-
sants : usage de la force, cruauté arbitraire.
Dans l'histoire de l'Afrique Occidentale, cer-
tains chefs de sont illustrés par la cruauté, tels
Soumangourou Kanté qui décima la famille royale des Kéita
en tuant dix princes et n'en épargnant que le onzième, un
handicapé physique qui pris plus tard une revanche écla-
tante sur le voisin turbulent (1235).
Une autre cruauté, Soni Ali qUI somma à une femme
de pilonner son nouveau-né dans un mortier à l'instar des
grains de mais ou de mil.
(16ème siècle). Si l'on insiste
tellement sur les défauts du roi qui dans les contes
représente aussi bien le chef de canton que le chef du
village, bref, celui qui a le pouvoir sur les autres,
c'est que le bon chef est indispensable en Afrique tradi-

-
61
-
tionnelle
; de lui, dépend l'harmonie de toute la société
une société fortement hiérarchisée avec ses grands (le
lion, l'éléphant, la panthère, le léopard) et ses petits
(la biche, la gazelle, la tortue,
l'araignée,
le lièvre,
etc ... ) dans laquelle les petits doivent obéissance au
chef, mais aussi où chacun se doit un mutuel respect.
Si
l'égoîsme est autant blâmé: dans les contes, c'est qu'une
vertu essentielle est l'hospitalité, la solidarité, la
fraternité.
La société africaine traditionnelle est commu-
nautaire ; l'individu n'existe que par le groupe. Comme
le dit P. ERNY:
"la peft.6onne e.6t plongée d'emblée,
dan.6 un
gftoupe à la éoi.6 étendu et c.lo.6,
éondé .6Uft
le.6 jeux de la c.on.6anguinité et de l'al-
lianc.e,

au .6ein duquel i l ne peut exi.6teft
d'état inteftmédiaifte entfte une é0ftme
d'appafttenanc.e et le .6tatut d'étftangeft.
Le.6 .6entiment.6 et le.6 attitude.6 enveft.6
c.eux du dedan.6 et c.eux du dehoft.6, .6ont
nettement tftanc.hé.6,

et en c.e .6en.6, il ne
.6auftait y avoift de ftelation.6 neutfte.6.
La vie, même dan.6 l'au-delà, .6e c.oule dan.6
une .6éftie de éoftmation.6 .6oc.iale.6 hoft.6
de.6quelle.6 elle n'a plu.6 de .6en.6, et au
.6ein de.6quelle.6 l'un ne peut vivfte qu'avec.
l'autfte,
paft l'autfte, POUft l'autfte et en
c.on.6tante ftéééftenc.e à l'autfte. Toute éduc.a-
tion vi.6e à éaifte pafttic.ipeft l'individu à
la
vie de .6on gftoupe, et on ne c.oncoit pa.6
qu'il pai.6.6e pftendfte .6on· pftopfte de.6tin en
main.
Elle lui impo.6e un idéal de c.onéoftmi-
té, d'inteftdépendanc.e et de .6oumi.6.6ion à
la volonté c.ommune.
Là où la vie de gftoupe
e.6t peftcue globalement c.omme .6eul POUft-
voyeu.6e de la .6éc.uftité néc.e.6.6aifte au
déploiement
de l'exi.6tenc.e et ne lai.6.6e que
peu de plac.e POUft une vie peft.6onnelle inté-
ftiofti.6ée et c.on.6c.iente ou POUft l'intimité
du c.ouple, l'enéant
e.6t engagé dan.6 un
pay.6age .... où i l lui .6efta diééic.ile d'ap-
pftéhendeft l'autfte
en tant que peft.6onne

-
62
-
au.t 01'10 me.."
r 7 )
Tout aussi important que la soumission au chef
est le respect des traditions.
La vie de l'Africain oscille
entre la communauté et la tradition comme deux pôles
d'attraction.
La tradition
où joue sans cesse la loi de
l'initiation des anciens, fait universellement des institu-
tions primitives, le catéchisme, l'idéal moral et le code
civil tout à la fois. Autour d'elle se cristallisent la
pensée et la conduite, l'espérance et l'initiative, la
persévérance et la réussite.
Son origine, comme celle de la
communauté, se trouve dans les ancêtres ; son rôle est le
maintien de l'unité entre
vivants et morts;
sa valeur
provient tout ensemble de son origine et de son rôle.
Certains contes reflètent l'ordre de transmission
de cette tradition : "Comme tout authentique natif du
Saloum, Leuk-le-Lièvre savait l'histoire des siens comme
celle des bêtes et des gens, non seulement de son terroir,
malS aussi des terres voisines." (2)
"Dans la famille et le clan de Leuk-le-Lièvre,
l'on apprenait tout sur le passé de tous, l'on savait ce
que les très vieux du pays se rappelaient avoir entendu
quand ils étaient tout jeunes de leur vieux parents".
(3).
Les ancêtres sont en effet la Vérité et la Sagesse. C'est
donc une obligation non seulement de connaître leur tradi-
(7)
ERN Y (P l -
op.·
c- A.-t .
70 4 .
(2)
VI OP
(B)
-
C-Ol1te.-6
e.t favane.-6
- p.
63.
(3)
VIOP
(BJ
-
A.-6A.-d p.
66.

-
63 -
tion, malS encore de la respecter et de la perpétuer. On
peut penser que,
si le lièvre est SI avisé, c'est sans
doute qu'il est doué d'un solide bon sens, mais c'est sur-
tout qu'il est très savant et très respectueux du passé
ancestral. Tradition et religion sont intimement liées dans
le monde négro-africain de l'ouest africain. Respecter la
tradition, c'est respecter la religion des ancêtres et
vice versa.
Dans certains contes, certains animaux prati-
quent le culte des ancêtres. Certaines populations, mêmes
islamisées, gardent un vieux fond animiste.
Cela dénote que
certains contes fourmillent d'indications sur les coutumes
et l'anim~sme traditionnel. C'est ainsi que dans un conte
Sénoufo,
il est question d'Initiation au Poro.
Les animaux
pratiquent le Poro. Bien que les secrets du Poro ne soient
pas dévoilés, on retrouve dans les contes les réalités de
l'initiation.
Il est question du plus important stade
initiatique; le "Tchologo"
(1) au cours duquel les anImaux
doivent aller chercher du bois dans la campagne. On n'en
dit pas plus, mais la présence de l'objet qUI "fait des
frites" rappelle très bien l'existence de ces objets magi-
ques connus seulement des initiés, dont on use seulement au
cours des séances d'initiation.
Un autre objet est encore mentionné du nom de
"Tolo" objet que fabriquent les forgerons pour l'hyène qUI
veut imiter la voix de son adversaire, le lièvre. Mais il
est difficile d'expliquer exactement ce qu'il représente
( 1)
HOLAS
(B)
-
Le..6 SértOu6o,
p.
146.

-
64
-
dans la mesure où seuls les initiés en connaissent la si-
gnification et qu'il leur est interdit de la révéler.
Dans
un autre conte Sénoufo,
la pintade, le serpent,
la perdrix,
et le crapaud sont mis en scène, toujours à propos de
l'initiation. On soumet les nouveaux initiés à l'épreuve de
la rivière pour savoir qui a divulgué le secret. La pintade,
le serpent, et la perdrix traversent la rivière sans embû-
che, mais quand le crapaud veut passer, cela lui est
impossible et il tombe dans l'eau. Mais la véritable signi-
fication est tout autre, elle rappelle l'importance de
l'interdiction absolue pour un initié de divulguer le secret
de l'initiation; en montrant que si le nouvel initié ne
respecte pas cet interdit, c'est une faute extrêmement grave
et il encourt les plus grands malheurs. Le conte a une
moralité plaisant.e
; "c'est pour cela que le crapaud est
toujours dans l'eau". La véritable signification, nous
l'avons mentionnée plus haut. Quant aux pratiques fétichis-
tes, leur existence est attestée par de nombreux contes.
Celui qui détient le pouvoir de fabriquer des objets magi-
ques, c'est le forgeron:
c'est au forgeron que l'hyène
demande de lui fabriquer un "Tolo". C'est encore chez lui
que le lièvre se fait confectionner "un habit et un tambour
en métal", grâce auquel
il peut pénétrer dans le village
des femmes qui jusqu'alors était interdit aux hommes.
De même, dans un conte voltaîque, Lièvre demanda
au forgeron une tige de fer très pointue qu'il surnomma "fer
captivant" grâce à laquelle il tua la biche, le buffle, et
l'éléphant, pour se procurer de la nourriture, puisque
c'était une· fois de plus la sécheresse et la famine.

-
65 -
Le forgeron est en effet un personnage extrêmement
important. Maître des quatre éléments
(le feu,
la terre,
l'air et l'eau)
grâce à sa technique, c'est un être à part.
Il a pouvoir magique parce qu'il est en rapport avec les
puissances supérieures. Nombreux sont les contes où Lièvre
triomphe après avoir "envoOté" par quelque chant ses adver-
saires. C'est bien là une grande réalité de l'Afrique
Occidentale, même
de l'Afrique toute entière.
Le chant, la
musique, et la danse font partie de la vie de tous les jours.
Le Noir chante et danse à chaque occasion, pour une naissance,
pour célébrer un événement important, pendant @es funéraille~
etc ... "L'Afrique, c'est le rythme" a écrit SENGHOR; cela
est vérifié par les contes. Le rythme se révèle à chaque
instant dans le conte, par la langue, par les mots, par le
style, par les chants qui scandent le fil du récit. Quant à
la famille africaine, elle est bien représentée dans les
contes. C'est la famille au sens large avec non seulement
les membres vivants mais aussi les ancêtres.
Dans les contes de BIRAGO DIOP,
il nous parle
souvent du "clan du lièvre".
Il y a une histoire de la
famille lièvre et la philosophie du lièvre est le fruit de la
sagesse ancestrale. "Le système de parenté règle dans l'Afri-
que traditionnelle la plus grande partie des relations
sociales. Le type de communication qu'il représente, les
échanges qu'il instaure entre individus et groupe, tiennent
dans la vie des sociétés aussi bien soudanaises que Bantoues
une place privilégiée. On peut y voir leur foyer culturel,
l'aspect deleur organisation qui concentre sur lui la plus

-
66 -
grande part des préoccupations et des intérêts.
C'est le
groupe familial étendu qui constitue,
indépendamment des
systèmes qui le régissent, la cellule de base de la société,
la personne morale fondamentale et le milieu éducatif le
plus immédiat. Aux yeux des intéressés, les lignages et les
clans apparaissent comme des organismes au sens le plus
fort du terme, ayant une réalité non seulement sociale,
malS biologique et ontologique, subsistant par eux-mêmes,
cherchant à se perpétuer, animant et reliant leurs membres
par ~n même sang et une même vie, conférant aux individus
une appartenance et un statut d'homme. Quiconque en est
coupé retombe dans le néant. Le lignage apparaît souvent
comme un réservoir de "noms" de personnalités sociales, de
sorte que ce sont toujours les mêmes figures qui reviennent
en son seln ; il forme un système clos de vases communicants
pourrait-on dire, auquel on ne peut appartenir que par droit
de naissance, et où se trouvent associés les vivants, les
morts et les indivi~ualités encore à venir, ceux qui habi-
tent sur terre et sous la terre pourvu qU'ils descendent
d'un même ancêtre.
(1) Lièvre, tout comme l'Araignée, dans
la plupart des contes a le respect de la famille.
En
période de famine, ils partagent avec leurs femmes et leurs
enfants leur maigre pitance. L'hyène est le symbole, évi-
demment, de ce qU'il ne faut pas faire; elle ne respecte
ni le père, nl la mère; elle est prête à vendre sa vieille
mère pour subsister ; elle laisse volontiers dépérir ses
enfants pour que sa propre faim soit satisfaite.
(1)
ERNY
(Pl
-
op.
C'.<-t.
PP.
54-55.

-
67 -
L'on sait que la malédiction est entre les mains
des parents une sorte d'arme suprême et un dernier recours
le fils maudit n'aura plus de repos, rien ne lui réussira,
il sera poursuivi par le malheur, et mourra misérablement
s'il ne demande pas pardon et si le parent qui l'a maudit
ne procède pas à un rite de réintégration qui détourne la
vengeance divine. C'est là, entre les mains de b
génération
aînée une arme terrible et redoutée qUI lui permet de tenir
sous sa domination même les jeunes, par ailleurs très af-
franchis de la coutume. La malédiction est jugée d'une
efficacité indubitable quand elle suit les liens du sang,
donc quand elle vient des parents.
Quand il y a un litige au seIn de la famille, "un
conseil de famille" se réunit pour juger le ou les membres
concernés et prendre les décisions qui s'imposent. C'est
ainsi qu'après avoir "essayé sans succès d'acculer Leuk-le-
Lièvre en un coin quelconque de la brousse
," (1) la famille
M'Barn lIAne "avait tenu un long conseil".
- "Il fallait
absolument avait-on décrété à la fin de ce conseil de
famille que Leuk-le-Lièvre reçût ne serait-ce qu'un coup de
pied de M'Barn l'Ane". Dans ce conte, bien que l'âne y joue
la comédie du mort, apparaît l'atmosphère des funérailles
grand assemblement de la famille éplorée et gémissante au
chevet du défunt
appel aux voisins pour venir faire des
prières, etc ...
Le conte ne manque de révéler la place de la femme africaine
dans la société africaine traditionnelle. "La femme est
essentiellement perçue comme donneuse de vie ... on ne peut

-
68 -
séparer son activité sexuelle et son activité nourricière.
Par la nourriture qu'elle prépare et l'eau qu'elle puise
elle sustend la vie de son mari et prend dans cet ensemble
de tâches la place qu'occupait la mère de ce dernier. On
appelle l'épouse "la mère du mari".
Le respect que l'enfant
éprouve pour sa mère passera donc par le mariage à sa
femme."
(1)
La femme apparaît comme un objet de ménris ; elle
a tous les défauts; bavarde, elle est incapable de garder
un secret ; elle crle sans cesse
; elle est jalouse
bref,
elle est le plus souvent une source d'ennuis pour son marl.
Dans un conte de Birago DIOP, "les calebasses de Kouss" la
femme de l'hyène est jalouse des ornements et des parures
de la femme du Lièvre : lorsque la femme de Leuk-Ie-Lièvre
parut au puits le lendemain, couverte de bijoux resplendis-
sants au soleil, l'épouse de Bouki-l'Hyène faillit mourlr
de jalousie ; elle ouvrit les yeux, elle ouvrit la bouche
et tomba évanouie ... Quand elle revint à elle .. elle courut
jusque dans sa case secouer rudement son mari ... "
"-Fa.-lnéant ! pJtopJte à Jt.-len ! huJtla-t-e.e..e.e
ple.-lne de Jtage, la nemme de LeuQ-le-LièvJte
e~t ~ouveJtte de b.-ljoux, elle e~t paJtée d'oJt
et de peJtle~, et tu n'a~ tJtouvé que de
l'aJtg.-lle duJtc.-le pouJt la t.-lenne. S.-l tu ne
m'onnJte~ pa~ de~ O.-ljoux ~omme le~ ~.-len~,
je
m'en JtetouJtvte ~hez mon pè!l..e".
(2)
Et c'est pour aVOlr cédé au chantage de sa femme que le
gourdin magique s'abattra violemment sur le dos de Bouki à
à la fin du conte.
(1)
ERNY (Pl - op.
C-.-lt.
P.
66.
DIOP (B)
- op.
C-.-lt.
r. 158.

-
69 -
La femme, en prlnclpe, n'a pas souvent la parole.
Lorsqu'il s'agit de marler une jeune fille,
son avis compte
peu. Dans les contes, c'est le roi ou le chef, ou le père
qui donne un~époux à la jeune fille.
Le conte met à tel
point l'accent sur ce mépris total des volontés de la
jeune fille, qu'il montre très souvent un rOl ou un père
s'en remettre au destin pour déterminer le choix de l'époux.
Il soumet les prétendants à une difficile épreuve que
Blaise CENDRARS dans "Anthologie Nègre" appelle "un concours
matrimonial". Celui qui gagne obtiendra la fille.
La place
de la f~mme est à la maison au milieu de ses enfants et ses
ustenciles de cuisine. Voici un exemple de "concours matri-
monial" organisé par le lion, roi des animaux, dans un
conte sénégalais.
Conte 3 : Comment le lièvre épousa la fille du lion
Le lion, ~oi de~ animaux, avait une t~è~ jolie 6ille qu'il
voulait donne~ en ma~iage.
Il ~onvoqua alo~~ tou~ le~ animaux de ~on pay~ pou~ le~
~oumett~e a l'ép~euve.
Il leu~ mont~a, ~u~pendue ~u~ le
6eu, une ma~mite dan~ laquelle bouillonnait un liquide et
leu~ dit :
- "ma 6ille ~e~a à ~elui qui, d'une go~gée, vide~a le pot."
Tou~ le~ ~oupi~ant~ tentè~ent leu~ ~han~e, mai~ nul n'y
~éu~~it. Le de~nie~, le lièv~e ~e leva po~ément, p~it la
ma~mite 6umante et dit :
- "J'aime bien boi~e ~haud."
Mai~ avant de ~ommen~e~, il ~e mit à 6ai~e le tou~ de tou~
le~ animaux en leu~ di~ant :
- "Tu voi~, mon ami, ~e pot e~t ~empli d'un liquide bouil-
lant ; je t'en p~end~ pou~ témoin."
Ain~i, lo~~que le lièv~e eŒt 6ini ave~ le de~nie~ de~ ~a
animaux, le liquide était devenu 6~oid.
Alo~~ d'un ~eul t~ait, le lièv~e vida le pot, a~~lamé pa~
l'a~~i~tan~e.
Le lion 6éli~ita le vainqueu~ et lui donna ~a 6ille ~omme
~onvenu.

-
70 -
L'épreuve varie:
sauter assez fort sur un rocher
pour en faire jaillir la poussière. Dans les régions de
forêt,
ce rôle est dévolu à Araignée.
Dans un conte Gouro,
(Centre Ouest de la Côte d'Ivoire),
il est demandé à tous
les animaux de danser sur un rocher et d'en faire jaillir
la poussière. Pour réussir, Araignée cache des sachets de
farine dans les plis de son vêtement.
(1)
Dans une autre version de ce conte, l'épreuve
consiste à arroser le rocher de sa sueur.
Dans un conte
Voltaïque, Lièvre dissimule une petite outre pleine d'eau
sous sa tunique.
(2)
Dans tous les cas,
le chef avare ou le père
jaloux, qUl a posé la condition impossible, espérant bien
se réserver la récompense promlse, doit alors s'exécuter.
Le conte traite aussi des éternels problèmes de parenté et
de l'alliance, du mariage et des rapports entre le mari, sa
femme, ses parents, ses alliés. Le premier conte que nous
allons proposer, très court, est une énigme.
Conte Bété -(centre ouest de Côte d'Ivoire) - les trois noyés
Au ~ou~~ de la t~ave~~ée d'une
~~v~e~e, la p~~ogue ~hav~~e.
Un homme ~'y t~ouva~t en ~ompagn~e de ~a ~oeu~, de ~a 6emme
et de ~a belle-mè~e. Au~une de~ t~o~~ ne ~a~t nage~
qu~
l'homme ~auve~a-t-~l ?
(l'informateur ajoute en guise de commentaire
~~ tu ~auve~ ta ~oeu~ et que tu la~~~e~ ta 6emme ~e noye~,
il 6aud~a paye~ une nouvelle dot pou~ a~qué~i~ une nouvelle
6emme. Si tu ~auve~ ta 6emme et que tu abandonne~ ta ~oeu~,
te~ pa~ent~ t'a~~able~ont de ~ep~o~he~. Mai~ ~i tu ~hoi~i~
de ~auve~ ta belle-mè~e, tu e~ un id~ot.
(7)
TAUXIER (L)
- Nè9~e~ Gou~o et Gagou - 278 P. - P.
274.
( 2) GU l LHEM
(M) - Cinquan.te ~ol'l.,te~ et 6abuaux de la ,~avane - r. II P. 7.

-
71
-
Un autre conte Dogon
(Mali) met aussi dans l'embarras.
Il
est aussi question de choisir.
Conte Dogon
(sans titre)
Un homm~ ~utt~va~t ~on ~hamp,
a~dé d~ ~a ~o~u~
~t d~ ~a
6~mm~.
La ptu~~ étant tombé~ ~n abondan~~, ~t 6attut 6~an­
~h~~ un to~~~nt pou~ ~~nt~~~ au v~ttag~. L~~ d~ux 6~mm~~
p~~d~~~nt p~~d, ~t, tand~~ qu~ t'homm~ ~auva~t ~a ~o~u~,.ta
6~mm~ ~~ noya. L'anné~ ~u~vant~, ta ~o~u~ qu~tta ~on 6~è~~
pou~ att~~ hab~t~~ ~h~z ~on ma~~ ~t t~ pè~~ d~m~u~a ~~ut au
tog~~. It ~utt~va~t un ~hamp tout p~o~h~ d~ ~~tu~ d~ ~on
b~au-pè~~ to~~qu~ d~~ ét~ang~~~ qu~ pa~~a~~nt tà, t~ voyant
~~ut, tu~ p~opo~è~~nt d'a~h~t~~ un~ ~apt~v~ ; t~ v~u6
n'ava~t pa~ d'a~g~nt ; ~L.app~ta ~a ~o~u~ ~t d~manda aux
ét~ang~~~ ~'~t~ ~on~~nt~~a~~nt à un é~hang~ ; ~t~ a~~~ptè­
~~nt ~t, ta~~~ant ta nouv~tt~ 6~mm~ aux ma~n~ du v~u6,
pa~t~~~nt ~n am~nant ta ~o~u~. L~ b~au-6~è~~, ~n6o~mé d~
t'évén~m~nt, n~ put p~ot~~t~~, ~a~ t~ v~u6 ava~t b~~o~n
d'un~ 6~mm~ pou~ t~n~~ ~on ménag~ ~t n1ava~t pa~ out~~pa~~é
~~~ d~o~t~ ~n v~ndant ~a ~o~u~. Ma~~ ~t ~ût été ptu~ ~~mpt~
d~ ~auv~~ ~a 6~mm~ ato~~ qu'~tt~ ~~ noya~t. "Un ma~~, t~~m~n~
t~ ~ont~u~, do~t 6a~~~ pa~~~~ ~a 6~mm~ avant ~a ~oeu~ : mon
h~~to~~~ ~n~~~gn~ pou~quo~."
On voit que les Dogon n'hésitent pas à trancher
une question à laquelle les Bété de leur propre aveu,
n'ont
pas su trouver de solution satisfaisante. Les données du
problème sont pourtant les mêmes dans les deux sociétés
toutes de~x obéissent aux mêmes règles de filiation patri-
linéaire et de résidence patrilocale
; chez toutes deux,
le
versement d'une dot aux parents de la fille est une condi-
tion nécessaire au mariage. Là s'arrêtent les ressemblances
Dogon et Bété réagissent différemment aux institutions.
Au
dire des informateurs,
l'épouse Dogon ne rejoignait jadis
son mari qu'à la naissance de leur troisième enfant
; elle
se résignait alors à un séjour permanent loin des siens.
Le
séjour s'est raccourci; mais aujourd'hui encore,
le ménage
ne s'installe guère avant la promesse d'une maternité.

-
72 -
Chez les Bété, au contraire, non seulement le
premIer enfant doit naître chez ses paternels, mais la vie
commune des parents débute par un rapt
: prévenue ou non,
la fiancée est enlevée et gardée trois jours enfermée
quels que soient les sentiments, les apparences de la VIO-
lence sont tenues pour nécessaires. Par la suite, plus que
son propre ménage, le premier souci d'une épouse Bété demeu-
re celui du ménage d'un père dont l'union, estime-t-elle
est son oeuvre n'est-ce pas la dot versée par le mari de la
soeur qui a permis le mariage du frère cadet? D'où un
droit de regard qui expliquerait, sans toujours le justifier,
les fréquentes intrusions de la soeur mariée dans le ménage
du frère.
Que l'épouse "manque de respect" à une soeur,
celle-ci, au premier incident, avertira les aînées du ligna-
ge
mariées aux alentours. Telles des furies,
les soeurs
envahissent le village, où elles tiennent prisonnière la
coupable; le mari lui-même ne pourra la sortir qu'en
acquiescant au paiement d'une amende dont les soeurs
demeurent libres de fixer le montant. L'épouse, pour s'ac-
quitter,
ira trouver les siens; mais une fois loin du mari,
au souci de réunir la somme exigée, plus d'une préfèrera
une vie nouvelle et la compagnie d'un autre homme.
On imagine les difficultés qu'un mari Bété peut
éprouver à tenir au logis une épouse qUI n'oublie jamais
que, dans son village, elle-même demeure une soeur.
Dans les termes où le conteur Bété pose son al-

-
73 -
ternative
(de la soeur ou de l'épouse, qUl doit"l'emporter?)
la question intéresse de manière immédiate son auditoire.
Comment expliquer ces rapports tendus, volontairement
difficiles? L'enlèvement d'une femme mariée ou ayant déjà
contracté officiellement des fiançailles,
entraînait jadis
une expédition punitive contre le village du séducteur :
diversion que les hommes habitués à la chasse accueillaient
volontiers dans la monotonie des saisons qu'aucune grande
fête,
aucun rassemblement, ne venait jamais animer.
Parmi les soucis du mariage, n'oublions pas les
exigences des beaux-parents, qu'une version Mossi
(Haute-
Volta) souligne en transposant le choix à la génération
des parents.
Conte
n° 6
Un homme, ~a 6emme, ~a mè~e et ~a belle-mè~e ~e ~enda~ent
au v~llage vo~~~n.
En pa~~ant p~è~ d'une ma~e, la mè~e et la belle-mè~e ayant
~o~6 voulu~ent bo~~e, ma~~ en ~e pen~hant ~u~ l'eau, ~ha~une
d'elle~ la~~~a tombe~ un oe~l dan~ la va~e.
L'homme plongea,
6ou~lla la va~e et ~emonta, n'ayant t~ouvé
qu' un oe~l.
A qu~, de~ deux 6emme~, do~t-~l le ~emett~e ?
Le conte Dogon rapporté ci-dessus ne fait pas
allusion au personnage de la belle-mère
; le commentaire
du narrateur Bété ne laisse aucun doute sur les sentiments
du gendre à l'égard de sa grande alliée.
Ces sentiments
s'expriment encore plus crûment dans le conte de l'Araignée,
et, sa belle-mère: si le gendre, dans le conte précédent,
l'ignore, c'est volontairement,
ici, qu'il entend noyer
"celle qui mange tout".

-
74
-
Conte Bété - Araignée et sa belle-mère
AJta~gl1ée., -6a 6e.mme., -6on e.n6ant e.t -6a be.lle.-mèJte. -6e. t1touvaie.1tt
dan-6 un
~ampe.me.nt e.n 60Jt~t,
loJt-6que. la 6am~ne. e.-6t aJtJt~vée..
AJta~gnée. paJtt e.n qu~te. de. nouJtJt~tuJte.,
ma~-6 -6e.-6 Jte.~he.Jt~he.-6
deme.uJte.nt va~ne.-6.
Il -6e. dé-6ole. "l'homme. ~he.Jt~he., ~l ne. tJtouve. que. de.-6
~~oux".
Une. p~e.JtJte. l'e.nte.nd,
e.t Jtépond
- "PJte.nd-6-mo~,
je. te. nouJtJt~Jta~"
- "Comme.nt ~e.la ?"
- "Me.t-6.;.mo~ au 60nd de. la maJtm~te., ve.Jt-6e. de. l'e.au dan-6 la
maJtm~te. e.t me.t~-la -6UJt le. 6e.u."
AJta~gnée. obé~t : m~Jta~le. ! la pote.Jt~e. e.-6t ple.~ne. de. Jt~z
TOU-6 mange.nt à le.uJt 6a~m.
Ce.pe.ndant, la be.lle.-mèJte., ~n-6at~able.,.gJtatte. le. 60nd de. la
pote.Jt~e. pouJt e.n déta~he.Jt le.-6 gJta~n-6 de. Jt~z qu~ y Jte.-6te.nt
~ollé-6 ; dan-6 -6a gloutonne.Jt~e.,
e.lle. avale. la p~e.JtJte..
Le. ge.ndJte. -6'~nte.JtJtoge.
: où e.-6t ma p~eJtJte. ?
"Je. l'a~ mangée., avoue. la be.lle.-mèJte.."
-

Il 6aut me. Jte.ndJte. ma p~e.JtJte..
Tu va-6 te. puJtge.Jt 1"
La be.lle.-mèJte. pJte.nd une. puJtge., Jte.-6t~tue. la p~e.JtJte..
AJta~gnée. me.t à nouve.au la ~~e.JtJte. dan-6 la maJtm~te. ple.~ne.
d'e.au -6uJt le. 6e.u : ma~-6 le. ~haJtme. e.-6t Jtompu,
e.t la pote.Jt~e.,
~e.tte. 60~-6, de.me.uJte. v~de. de. Jt~z.
"Ve.ma~n,
d~t AJta~gnée. à -6a be.lle.-mèJte., nOu-6 ~Jton-6 ~he.z le.-6
p~e.JtJte.-6,
le.uJt de.mande.Jt de. quo~ mange.Jt."
TOU-6 de.ux -6e. me.tte.nt e.n Jtoute..
SuJt le. ~he.m~n, ~l-6 Jte.n~ontJte.nt un étJtange.Jt qu~ le.uJt de.mande.
- "Où alle.z-vou-6
?"
e.t 066Jte. au ge.ndJte. du v~n de. palme.
- "pJte.nd-6 ~e. -6e.nt~e.Jt,
tu tJtouve.Jta-6 un palm~e.Jt abattu, que.
j'a~ m~-6 e.n pe.Jt~e.".
AJta~gnée. ne. -6e. 6a~t pa-6 pJt~e.Jt,
la~-6-6e. -6UJt pla~e. -6on bagage.,
où la be.lle.-mèJte. -6e. tJtouve. d~-6-6~mulée., paJt e.n quête. du v~n
de. palme..
La be.lle.-mèJte. pJto6~te. de. -6on ab-6e.n~e.,
-6e. 6a~t dél~vJte.Jt,
e.xpl~que. le.uJt quête..
L'étJtange.Jt, ~uJt~e.ux du -6e.~Jte.t de.-6 p~e.JtJte.-6,
pJte.nd la pla~e.
de. la v~e.~lle. e.t -6e. ~a~he. dan-6 le. bagage..
(la be.lle.-mèJte.
-6 ' é ~l~ p-6 e. ) .
Ce.pe.ndant, 'le. ge.ndJte.,
ayant bu -6on v~n de. palme., Jte.v~e.nt
pJte.nd -6on ballot, pouJt-6U~t -6on ~he.m~n -6an-6 -6' ape.Jt~e.Ç.o~Jt 'de.
la -6ub-6t~tut~on.
PaJtve.nu au boJtd de. la Jt~v~èJte., ~l -6'adJte.-6-6e. à -6a be.lle.-mèJte.
"AujouJtd'hu~, te./s jouJt-6 /sont 6~n~-6,"
Te.JtJt~6~é, l'étJtange.Jt -6'é~iL~e. "~'e.-6t mo~ que. tu poJtte.-6, e.t
non ta be.lle.-mèJte.."

Le. ge.ndJte. ne. ve.ut Jt~e.n e.ntendiLe et jette -6a ~haJtge dan-6
l'e.au ; l'autJte e-6t mOiLt pouJt iL~en 1

-
75 -
Ce conte est fort goûté des Bété.
Sur l'instant,
je n'ai pu distinguer s'ils compatissent
vraiment aux malheurs du gendre, ou s'ils se divertissaient
plus d'un effort voué à l'échec; le gendre croit-il qu'il
suffit de la jeter à l'eau pour se libérer de sa belle-
mère ?
Dans un autre conte Dogon,
j'ai eu la surprise de
retrouver le même thème mais avec des acteurs et des mobiles
totalement différents. La belle-mère demeure, notamment,
absente de la version Dogon, qui appartient à la classe des
Sa Taniye.
(1)
Conte Dogon
Un homme ~u~p~~t un jou~ ~a 6emme en 6lag~ant dél~t d'adul-
tè~e. Il donna l'o~d~e d'en6e~me~ le coupable et d'alle~
noye~ l'aut~e ; on dé~~gna à cet e66et un homme ~obu~te,
qu~ p~~t l'aut~e ~u~ ~on do~.
En chem~n, le po~teu~ e~t p~~~ d'une be~o~n p~e~~ant.
Il po~e l'aut~e à te~~e, et, avant de ~'éca~te~, demande à
un peul qu~ ~e t~ouva~t là, ga~dant ~on t~oupeau de la
~u~ve~lle~. En ~on ab~ence,
le p~~~onn~e~ ~e pla~nt ; "j'a~
tant mangé de m~el, d~t-~l, que j' en a~ mal au vent~e."
Le peul, alléché, dQtache l'aut~e et demande à goûte~, lu~
au~~~, du m~el.
L'aut~e,
~~tôt l~bé~é,
en6e~me ~on ga~d~en à ~a place, pu~~
~'en6u~t. Le po~teu~,
à ~on ~etou~, ~ep~~t ~on 6a~deau et
alla noye~ le Peul ; ~an~ p~ête~ attent~on aux c~~~ de ce
de~n~e~.
Cependant, l'amant ~'éta~t empa~é du béta~l demeu~é ~an~
maZt~e.
S~x jou~~ plu~ ta~d,
~l ~ev~ent au v~llage, à la
tête du t~oupeau. Aux que~t~on qu'on lu~ po~a, ~l ~épond~t
que c'e~t au 60nd de la ma~e qu'on lu~
ava~t donné ~e~
boeu6~ .
Lo~~que ~e~ d~~e~ 6u~ent connu~ pa~ l'homme,
celu~-c~
demanda qu'on le po~te lu~ au~~~, à la ma~e.
(Tl
So
Tan-i:ye "pa~ole étonnante" c6 CALAME-GRIAULE (G l E~o­
té~~~me et
abulat~on au Soudan - Bullet~n IFAN T xxr-
~ e~-<..e B n
3 4
u-<.. -
ct
954 -
P. 30 t .

·
~ .
~,
- ' .
-
76 -
A-Ùl-6 -t
6ut 6a.-tt .
Ma.-t-6 l'homme n'e-6t jama-t-6 ~evenu.
Vepu-t-6 lo~-6,
d-tt-on,
on ne no-te plu-6 le-6 jeune-6 gen-6.
La trame des deux contes se résume donc à peu
près ainsi: gravement offensé, un homme décide de se ven-
ger, il fait prisonnier son adversaire, celui-ci semble ne
pouvolr lui échapper; toutefois, au dernier moment, le
captif, usant d'adresse, s'évade et se fait remplacer par
un tiers étranger à la querelle, qUl paiera pour lui.
On remarquera que le motif de la gloutonnerie
est présent dans les deux versions; mais alors que l'homme,
comme le peul, en meurt, la vieille belle-mère Bété, ayant
épuisé jusqu'aux pierres, se tire d'affaire. Le portrait
est excellent, à peine chargé.
En regard, le conteur Dogon ne fait qu'esquisser
la figure de l'amant, qui demeure à l'arrière plan; il
insiste au contraire sur les deux autres acteurs, le marl
et la victime finale.
Celle-ci est un Peul, c'est-à-dire
l'homme de race différente, l'ennemi-né du cultivateur, et
dont les boeufs piétinent le maigre champ ; un Dogon ne
manquera pas une occasion de tourner un Peul en ridicule.
Le personnage est beaucoup mieux venu que l'étranger de la
version Bété, dont l'intervention demeure inexpliquée et
qui finit noyé "pour rien". Rien en effet, ne justifierait
en milieu Bété, l'hostilité à l'égard d'un éleveur absent
les Bété occupent une zone forestière dont tous les habi-
tants,
jusqu'à l'époque contemporaine, vivaient des seuls
produits de la chasse et d'une proto-agriculture encore
fort proche du ramassage
; ainsi, sur le plan économique,

-
77 -
les différences entre les deux contes traduisent déjà
les
soucis différents de leurs auditoires respectifs
l'ennemi,
"qui mange tout" dans un cas,
c'est la belle-mère, dans
l'autre le nomade et son troupeau.
Avec une leçon de modération,
la morale du conte
Dogon indique une limite nécessaire à l'emprise des VIeux
sur les jeunes, des morts sur les vivants.
Ce n'est pas
tout.
Le conte, ou plutôt son argument,
n'est pas connu en
Afrique de l'ouest des seuls Bété ou Dogon.
En 1905 déjà,
Ch. MüNTELL,
en avait publié deux versions,
recueillies
l'une chez les Khassonké,
l'autre en pays Soninké.
(1)
Pas plus l'une que l'autre, ne situe l'incident
dans le cadre de la vie conjugale,
à vrai dire,
à peine
indiqué dans la version Dogon.
Le rôle de l'offenseur
(la
belle-mère Bété, l'amant Dogon) y est tenu,
de manière
encore plus vague que dans le récit Dogon, par "l'enfant
du mal", en Soninké Marandenboné
; sorte de démon de]a
contrariété dont toutes les actions vont au rebours de ce
qu'on attendrait.
Dans le texte Khassonké,
l'offensé est
un forgeron dont l'autre, par ses méchants touTS,
à épuisé
la patience. Le forgeron,
excédé, enferme son tourmenteur
dans une Dutr~ qui a contenu du couscous au miel
; mais
l'''enfant du mal" se fait délivrer par les deux fillettes
du forgeron, qUI prendront sa place
; elles finiront non
pas noyées, mais brûlées; le forgeron,
ayant mis le feu
à
son bûcher, vint chercher la peau de bouc et, entendant
(1)
MONTELL
(Ch)
-
Conte!.> !.>oudana;'!.>

-
78 -
à l'intérieur deux mIgnonnes voix qu'il crut reconnaître
pour celles de ses fillettes,
il s'écria; "Oui, oui, fils
du diable, tu peux te dédoubler si tu veux, tu brûleras,
tout aUSSI bien".
Puis le jeta la peau de bouc dans le feu.
Au bout d'un instant la peau éclata et il aperçut ses deux
fillettes que les flammes dévorèrent tout aussitôt".
Nous retrouvons donc la belle-mère Bété sous les traits de
l'être insupportable; les Bétés ne refuseraient pas l'assi-
milation.
Mais le forgeron Khassonké, pour avoir voulu en
finir avec sa belle-mère, n'encourt d'autre châtiment que
le ridicule du trompeur trompé. Aux mains des Dogons, le
conte qui semblait exsangue prend un nouveau départ ; le
personnage devenu incompréhensible, de l'Enfant du Mal
est oublié. Surtout, la version Dogon transporte le conte
sur le plan d'un double antagonisme ; antagonisme dans les
genres de vie, où le cultivateur endure les incursions et
les pillages du pasteur Peul vagabond.
Il soulagera son
humeur en le faisant périr, victime de sa gloutonnerie.
Antagonisme plus grave entre les vivants et les morts ;
les morts ont besoin des vivants ; eux aussi, non moins
que les peuls, doivent modérer leurs exigences, on saura
leur rappeler qu'un refus est toujours possible "c'est
depuis ce jour, qu'on ne noie plus les jeunes gens." Enfin,
les Bété, pour qui tout problème de communication se pose
en seuls termes de parenté, ne peuvent voir la lutte, dont
il est question, qu'entre le gendre et sa belle-mère.

-
79 -
Combat en apparence inégal, non moins que celui de David
affrontant Goliath.
Combat, dont néanmoins,
on sait à
l'avance qui sortira vainqueur.
La dernière série de contes a une diffusion plus
vaste.
Elle relate surtout la vertu de la discrétion et
reflète le souci de l'homme de comprendre le langage des
animaux.
Certaines croyances populaires attribuent aux
anlmaux le pouvoir de détenir des remèdes miracles,
des
charmes puissants, d'où la vénération à l'égard de certains
anlmaux
(animal-totem).
Les contes suivants insistent sur
le fait qu'une communication entre l'homme et l'animal est
possible non pas au niveau des signes mais au niveau d'un
méta-langage ésotérique.
En regard, voici le texte Baoulé
(Côte d'Ivoire).
Conte Baoulé
: Malheur à qui ne sait pas tenir sa langue
Un ~h~en et une jeune 6~lle alIènent un joun aux ~hamp~ de
~ompagn~e. La jeune 6~lle pnépana le nepa~ et donna la mo~­
t~é au ~h~en. Celu~-~~, poun la nemen~~en, lu~ en~e~gna le
langage de~ an~maux.
"Ma~~ lu~ d~t-~l, ~'e~t un ~e~net, et tu ne do~ en panlen à
pen~onne".
Le ~o~n, ~l~ nev~nnent au v~llage.
La jeune 6~lle alla
~'a~~eo~n aupnè~ d'une 6emme bongne, qu~ p~la~t du m~l. Un
~oq et une poule p~~ona~ent à ~e~ ~ôté~, la 6emme v~t la
poule et la ~ha~~a. Le ~oq d~t à la poule ; "v~en~ de l'au-
tne ~ôté, elle ne te venna pa~."
Le jeune 6~lle entendant ~e~ mot~, ~e m~t à n~ne.
La 6emme bongne ~nut qu'elle ~e moqua~t d'elle, ~e m~t en
~olène et la [nappa.
La 6~lle ~e m~t à pleunen ;
Le ~h~en a~~ounut poun dé 6endne ~ 0 n am~e : "~e n' e~t pa.6 de
to~ qu'elle a n~, d~t-~l à la ménagène, ~'e~t de~ panole~
du ~oq à la poule."
Ayant panlé, le ~h~en tomba mont.

- 80 -
Conte Bété - Séri, sa femme et son chien
Un jou~,
Sé~~ pa~t~t ~n 6o~~t av~~ ~on ~h~~n,
pou~ ~~~u~~f­
f~~ du v~n d~ pafm~.
A~~ivé au pafm~~~,
Sé~i ~n ~omm~n~~ f'a~~~n~ion fo~~qu~ ~on
~out~au fui é~happ~, tomb~ à t~~~~.
If ~~ fam~nt~ ; "Comm~nt 6ai~~ ? Si j~ d~~~~nd~ pou~ ~ama~~~~
mon ~out~au,
j~ ~~nai 6at~gué ~t n'aunai pfu~ fa 6on~~ d~
~~mont~~. Qu~ mon ~hi~n n'~~t-if un homm~
j~ fu~ d~~ai~ d~
montelt rn' appoJtteJt mon c.ou.,teau "..
.':.
L~ ~hi~n ~nt~nd ~~~ mot~ ~t népond à Sé~~
"j~ mont~~ai t~
donn~n ton ~out~au. J~ va~~ t~ 6ai~~ un ~ad~au."
"Mai~ ~ i tu n~ 6ai~ pa~ bi~n att~nt~o n, tu mou~~a~".
Sé~~ dit "j~ 6~~a~ att~ntion". L~ ~h~~n mont~, fui donn~ ~on
~out~au. Sén~ ~a~gn~ ~on pafmi~n. P~u apnè~ Sé~i ~t ~on
~h~~n ~ont d~~~~ndu~. Un~ 6o~~ à t~nn~, f~ ~hi~n V~~~~ qu~f­
qu~~ goutt~~ d'un méd~~am~nt dan~ f~~ y~ux ~t f~ n~z d~ Sén~.
Au~~~tôt, ~~fu~-~~ ~ompn~nd ~~ qu~ d~~~nt tàu~ f~~ an~maux.
If~ n~ntn~nt au v~ffag~.
L~ ~o~n,
fa 6~mm~ d~ Sé~~, qui
était bo~gn~, pifait du niz. Un~ pouf~ ~t ~~~ pou~~in~
~'appno~h~nt du mont~~~,
fa pouf~ dit aux pou~~in~ "m~~ ~n­
6ant~, pa~~~z du ~ôté où fa 6~mm~ n~ vo~t pa~, vou~ pounn~z
man9~n à votn~ ai~~ ; moi, poun n~t~ni~ ~on att~ntion, j~
vai~ pi~o~~~ d~ f'autn~ ~ôté". Sé~i f'~nt~nd, if nit.
Sa 6~mm~ fui d~mand~ "pounquoi ~i~-tu ?"
- "~i j~ t~ f~ di~ j~ vai~ mounin." fa 6~mm~ in~i~t~ ; "j~
~ai~ pounquoi tu ni~, ~i tu n~ v~ux pa~ m~ f'avou~~ ; ~'~~t
qu~ ma mè~~ ~~t mont~". Séni pnot~~t~, ~a 6~mm~ n~6u~~ d~
f'é~out~~. Van~ fa nuit, fa 6~mm~ pf~unait. L~~ ~ou~i~ ~ont
v~nu~~ mang~n f~ ~iz qu'~ff~ avait mi~ d~ ~ôté. Tand~~
qu'~ff~ ~ha~~a~t f~~ ~ou~i~, f'un~ d'~ff~~ dit à ~~~ ~ompa­
gn~~ ; "Sa mè~~ ~~t mont~, mai~ ~on ~ha9nin ne f'~mpê.~h~
pa~ d~ ~u~v~~ff~n ~on ~iz."
Séni,f'~nt~nd, ~f n~t.
Au matin, fa j~un~ 6~mm~ o66~n~é~, ~~t panti~ ~h~z ~~~
pan~nt~. Sén~ fa ~~jo~nt, fui d~mand~ d~ n~v~ni~. Eff~ ~e6u~~.
On ~xpfiqu~ fra66ai~~ aux pan~nt~ d~ fa 6~mm~. C~ux-~~ d~man­
d~nt à Séni : Pou~quoi a~-tu ~i ?
- "C'~~t un ~~~~~t, ~i j~ t~ f~ di~, j~ vai~ mou~i~."
L~~ pan~nt~ d~m~un~nt in6f~xibf~~ - "Si tu n~ t'~xpfiqu~~ pa~
~fain~m~nt, tu 11'~mmèn~na~ pa~ ta 6~mm~."
Ain~~ ~ontna~nt, ~t pantagé ~ntn~ f'amoun d~ ~a 6~mm~ ~t ~on
~~~~~t, Sé~i a dit pounquoi if avait ni.
Ayant viofé ~a pnom~~~e, if ~~t mo~t.
Et f~ ~ont~un de ~on~fun~
: depui~ ~~ jou~, ~i un homm~
~~6u~~ d'obéi~, en n'in~i~t~ pa~.
Décor et action des deux contes ne se situent
pas sur le même plan : alors que le mari Bété dupe de sa
belle-mère dans le conte précédent,ici succombe, victime de

-
81
-
l'intransigeance de sa femme,
le texte Baoulé ne parle que
d'un chien, qui meurt en défendant son amie; on ne dépasse
pas le niveau de l'anecdote. Néanmoins,
le déroulement de
toute l'histoire et jusqu'aux détails de la femme borgne
et de la conversation entre la poule et les poussins,
viennent d'une source qui ne peut qu'être la même.
Nous quittons ici Bété, Dogon, Baoulé, etc ...
Ces deux versions SI différentes du même thème,
ne sont pas les seules qui ont été relevées au sud du
Sahara. D'autres avant nous l'avaient noté en Côte d'Ivoire,
même au Ghana voisin, dans le sud du Dahomey, en Nigéria,
beaucûup plus au sud, chez les Mbaka de l'Angola, beaucoup
plus à l'est, chez les Zandé du Haut Oullé, à la frontière
du Soudan oriental. Tous ces contes suivent à peu près le
même canevas, dont seul le texte Dogon s'éloigne largement
un chasseur initié en forêt par son chien au langage des
animaux, à moins que la poursuite' du gibier ne l'ait entraîné
au fond d'un terrier qui donne accès au monde des génies
(Côte d'Ivoire), Baoulé encore,
(1) des animaux (2)
(Ghana),
au royaume des morts,
(Nigéria, Ekoi)
(3).
Le thème de la chasse n'est omIS qu'une seule
fois, dans la version Popo (Sud Dahomey) qui parle simple-
ment d'un "mari" ; l'homme en simulant l'immobilité d'un
(1)
HIMMERLHEBER
(H)
-
"AwouILa
Polwu"
pp.
112-115.
( 2)
BAR KER
( WH)
e.t SIN CLAI R (C)
-
Co nA: e..o
de. l ' 0 Ue. -6 t
a 6IL i-
c. a~ VI. -
pp.
1 05- 1 1 3 •
(3)
TALBOT
[P.Al
- Au c.Oe.UIL de. la bILou.o.oe. - pro
99-101.

-
82
-
cadavre, a trompé le flair d'un vautour qUl laisse échapper
son secret (1).
La suite est constante.
1) l'homme surprend une conversation entre
anlmaux de la basse-cour et rit
; le détail de la mère
borgne est accordé à la belle-mère dans les verSlons
Ashanti, Popo, Ekoi ; dans le texte de l'Angola (2)
la
belle-mère survient, "en haillons".
2) l'épouse s'offense d'une hilarité qu'elle
croit malveillante à l'égard de sa mère, elle refuse de
poursuivre la vie commune.
3) en butte aux insistances de sa belle famille
("tu n'emmèneras pas notre fille si tu n'expliques pas
ton secret") le mari parle et meurt. Dans la version'
Zandé (3)
le partenaire qui s'offusque est le beau-père
qUl a demandé au héros de venir lui tresser les cheveux. Le
gendre qui surprend un dialogue cocasse entre fourmis rit,
la fin est la même; le gendre, auquel on interdit d'emmener
sa femme s'il ne révèle pas son secret, parle et meurt. La
version Asnanti est aussi la seule où le mari échappe à la
mort et sa~ve sa dignité en ruinant, il est vral, son ménage
"ce fut le premier divorce".
Rappelons ici les conditions selon les recherches
de FORTES ; les conditions particulières du mariage Ashanti
la moitié de la population est organisée en foyers matrili-
(1)
TRAUTMANN
(R)
- La l~tténatune popula~ne à la ~ôte de~
e.-6clave.-6,
pp.
30-32.
(2)
CHATELAIN
[V.H+
-
Conte..o
d'Angola
-
pp.
20-21.
i 3)
LAGAE
1 Pène.
R. C)
-
la tangue de.o Azandé - t
l - pp.
243-245.

-
83 -
néaires, un tiers seulement des femmes mariées réside
auprès de leur mari.
(1)
Vivant chez sa mère ou chez sa soeur, un homme se
passerait à la rigueur d'une épouse pour tenir son ménage .
. Tel n'est évidemment pas le cas ailleurs; en règle géné-
raIe et au moins dans le domaine de la fiction,
le mari
africain assez imprudent pour offenser sa femme et ses
beaux-parents demeure sans recours et finira lamentable-
ment. Les versions africaines de "l'homme qui entend le
langage des animaux" offrent presque toutes une fin
pessimiste; l'homme parle
(enfreint l'interdit) et meurt,
victime des soupçons de sa femme et de sa belle-mère. La
présence de la polygamie permet une variante où la bonne
épouse fait contraste avec la mauvaise
: la première ne
demande rien, la seconde exige le secret et cause la mort
du mari.
(2 )
Un conte vOlsln, recueilli chez les Dyiwat de
Casamance (Sénégal) ne fait pas intervenir les anlmaux
l'homme trouve simplement un bâton maglque qui lui assure
la richesse, à condition de ne pas divulguer son secret.
La faute qu'il commet est alors, on le devine, de devenir
trop riche trop vite. Ce succès inexplicable excite la
jalousie, provoque les soupçons; de quel prix aura-t-il
payé cette fortune subite? S'il n'est pas lui-même
sorcier, n'aura-t-il pas vendu un des siens à d'exécrables
(1)
FORTES
(MI
- Kind~hip and Ma4iage among the A~hanti ~n
L'homme - 15 ) p.
37.
( 2 ) Bon e xempf e dan ~ MEFAN A (N)
Il Eba
Mb0 é,
f e c. 0 q 6ét i c. he"
fe ~ec.4et de fa ~OU4c.e - pp. 43-46.

-
84
-
complices? L'homme est contraint d'avouer, le bâton aus-
sitôt devient serpent et le
mord, il meurt.
(1)
Le contexte n'est plus celui du mariage, le,
danger ne vient pas des alliés
(qui ont en principe le
droit de tout exiger du gendre).
Il réside dans la tenta-
tian d'une réussite insolente, qui vous distinguerait par
trop dans un univers villageois où l'individu se définit
par son statut et non d'abord pas ses qualités personnel-
le s .
Dans les deux cas, le "cadeau" est empoisonné
le héros succombe sous le poids d'un secret trop lourd,
qui l'isole et l'écarte de ses semblables. Une société qui
se veut communautaire n'a-t-elle pas intérêt à combattre
le "secret" ? Nous avons pu observer, à travers ces contes,
quelques traits de comportements, de préoccupations quoti-
diennes dans les so~iétés coutumières. Le conte, à cet
effet, peut être un document ethnologique incontestable.
IV - LE CONTE CO~~E EXPRESSION D'UNE MORALE SOCIALE
ET INDIVIDUELLE
Tous les contes sont lourds d'un enseignement
Moral varié et précieux. A travers les aventures des
animaux (2~ filtrent tous les éléments d'une véritable
morale. Le Bien et le Mal n'y sont certes pas formulés en
(1) THOMAS (L.V) ~ouvet exemp~e d'o~afité a6~~ai~e. Ré~ N~~g­
Vj -Utag 0 n, diota- KMaba~ e;t dlj-twa,t (bM.6 e CMama~~e)
Butteun HAN - p. 279 - "~e bâto~ mag~ue".
(2) VAVIE [B) ~t TERRISSE (A) - La b~e hihto-Ute.6 de Kakou A~anzé
i- 1 A/Lel ~{'Cjl1 é e .
_ _
1

- 8S -
principes abstraits ils se déduisent au contraire des faits
de la Vle quotidienne.
C'est essentiellement par le biais de la critique
et de la satire que s'exprime la morale.
Qu'est-ce en
effet, que ces héros qui incarnent les antivaleurs et
l'immoralité? Des monstres de méchanceté et de perfidie
une somme de tous les défauts et vices humains ; la carica-
ture de tout ce qu'il y a de mauvais en l'homme; découvrir
les principaux défauts revient donc à établir clairement ce
qUl est condamnable au sein de la société.
Dans les contes
mentionnés ci-bas, Araignée est avant tout un être méchant
on sait qu'il ne se plaît qu'à faire le mal,
cherchant
sans cesse à tendre des pièges à tous ceux qui l'entourent
ou qu'il rencontre:
sa femme,
ses enfants, Dieu,
les
génies, les autres animaux,
ses semblables, etc ... Pour
parvenir à ses fins,
il utilise toutes les ressources de sa
ruse. Hypocrite consommé,
il joue parfaitement la comédie.
N'écoutant que son seul instinct, - et celui-ci essentiel-
lement mauvais - l'envie, la jalousie, l'égoïsme et l'avarice
dictent sa conduite.
Peu importe pour lui pourvu qu'il
parvlenne à ses fins,
à savoir la satisfaction de ses bas
plaisirs. Araignée, mauvais père (1) est une illustration
parmi tant d'autres des traits caractérist~ques précités.
En effet, Araignée joue aux siens la comédie du fétiche
"dont personne ne doit s'approcher" afin de manger seul
quand toute la famille meurt de faim,
le délicieux miel
qu'il a trouvé.
(1)
VAVIE
(B
)
-
ié.gel1de~ a6Jtic.ail1e~ - pp.
71-76.

- 86 -
Méchanceté, envIe, gourmandise,
jalousie, avarIce,
cupidité, égoîsme, cruauté, violence, malhonnêteté, nerfi-
die, tels sont les principaux défauts de l'araignée. Chez
cet être foncièrement mauvais, chaque vice en amène un
autre. Suivons toujours notre illustre héros;
il est aussi
débordant de suffisance et d'orgueil, ce qui le conduit à
ne rien respecter nI personne.
Il ne se sent de devoir
envers qUI que ce soit; nI envers sa femme, nI envers ses
enfants, ni envers ses semblables, nI envers Dieu lui-même.
Une telle attitude ne lui réussit d'ailleurs pas souvent.
Manque-t-il à ses devoirs de père? ses enfants le feront
s'en repentir; la solution concentrée de piments qu'ils
lui versent dans la bDuche
(1) lui arrachant ainsi des cris
de douleur, -le puni t
comme il convient de son égoîsme et de
son absence de tout sentiment familial et paternel. Essaie-
t-il de tromper Dieu? S'il Y parvient quelquefois, ce
n'est que provisoirement. Dieu se vengera plus tard d'une
façon ou d'une autre. Ainsi, un jour, c'est sous la forme
de la Mort
(2) qu'il le punit d'avoi~ voulu prouver qu'il
était plus fort que lui. Certes,
l'on a vu que parfois
Araignée fait le mal impunément. Lorsqu'il profite de la
confiance que Dieu a mise en lui pour le tromper, dévorant
la graisse de "la vache de Dieu" et provocant sa mort par
l'intermédiaire de l'hyène,
il se tire parfaitement sain et
sauf de l'aventure, puisque c'est l'hyène seule qui se fait
rosser.
(3).
Il ne faudrai t pas conclure de ce qu'Araignée
(1)
VAVIE
(B)
A~a~9né~ mauva~~ pè~~ -
(2)
VAVIE
(B)
op.
c.~:t. p.
76
"f'a~a~gné~ mauva~~ pè~~".
(3)
~b~d ".e.avac.h~ de V~eu" pp.
123-124.

- 87 -
fait parfois le mal sans recevoir de châtiment que le conte
lui donne raison. Qu'il soit puni ou qu'il ne le soit pas,
Araignée a toujours tort. Réussir à tromper Dieu est pour
lui une marque de gloire; la preuve qu'il est plus fort
que tout le monde montre simplement à quel point il est
dangereux. Sa ruse, sa méchanceté et sa perfidie sont
telles qu'il peut même faire du mal à celui à qui l'on ne
doit qu'obéir. Araignée est donc celui qui ne se soumet pas,
il est celui qui ne respecte rien, ni personne.
Il est bien
le contraire de ce qu'on doit être. Dans les sociétés
traditionnelles, l'obéissance aux coutumes et le respect
des interdits dans les circonstances importantes de la vie
de l'individu et du clan, est de rigueur.
Il faut savoir
endurer patiemment, supporter sans rechigner la présence
d'autrui. Les respects,
les convenances, les hommages et
les craintes respectueuses à l'égard des parents et plus
tard des beaux-parents, sont quelques-unes des prescrip-
tions assez hétéroclites visant l'intégration sociale.
Dans certains contes, l'Araignée apparaît comme un sorcier
qUI a des pouvoirs spéciaux et dont on se méfie. Pour les
Attié de Côte d'Ivoire, Araignée, que la nature a créé
laid , bossu , est un être apparemment défavorisé sur terr~
malS qui en réalité, précisément en raison de ces infirmi-
tés, est supérieur
dans l'autre monde.
Il peut communIquer
avec l'invisible. Comme c'est avant tout un créateur,
il
utilise son art à faire le mal. Pour la plupart du temps,
Araignée commence par emporter une victoire, puis à cause
d'une faille de réflexion,
il n'arrive pas totalement à ses
fins, et son stratagème retombe sur lui.

- R8 -
Nous touchons là à une différence essentielle
entre le Lièvre et l'Araignée. Lièvre est toujours astu-
Cleux pour calculer et préparer parfaitement ses coups.
Quoi qu'il arrive, il sait réagir,
il n'est jamais pris au
dépourvu il n'est jamais à court de ressources.
Les contes,
à travers un personnage principal, fustigent essentielle-
ment la méchanceté, la perversité, l'irrespect,
l'égoïsme,
l'insoumission, ainsi que la sottise, le manque de
perspicacité.
La morale se dégage d'une certaine critique, et
des faits concrets empruntés à la vie quotidienne ; elle
est mise à jpur par une critique systématique du Mal. Le
Mal est exactement le contraire de ce que fait le héros,
celui-ci devient le véhicule et le symbole de la bonté, de
la générosité, de la solidarité.
Le héros prend la défense
des plus faibles, des opprimés. La société traditionnelle
exige que l'individu doive aide, secours, à tout moment à
son semblable, à son frère. Ne lui resterait-il qu'un grain
de riz,
il doit le partager avec l'autre. L'union, l'équili-
bre de la société reposent sur ces liens qui unissent les
hommes. Le héros du conte affronte et triomphe des mauvais
citoyens par excellence, qui veulent garder tout pour eux ;
ils sont le symbole de troubles pour l'harmonie du groupe.
Solidarité à l'égard de ses frères implique, à plus forte
raison, sentiment familial.
L'homme est responsable de la
bonne marche de la vie de sa famille.
Il doit nourrir sa femme et ses enfants.
Le lièvr~
dans les contes, ne négligeait jamais les siens.
Sa famille

-
89 -
donnait l'exemple, d'un clan unI, serré, solidaire. On se
léguait des secrets de père en fils.
Sentiment familial et
respect des ancêtres ne font également qu'un Lièvre respec-
tait ses ancêtres et toutes les traditions. Une autré
représentante du Mal dans les contes,
l'hyène, n'écoute
que ses bas instincts, elle est incapable de se plier à
quelque règle que ce soit.
De l'antipathie qui rejaillit sur
ce personnage, apparaît clairement la nécessité d'être
fidèle aux traditions et aux ancêtres, d'obéir à toute auto-
rité humaine ou divine, y compris pour les enfants à
l'autorité paternelle.
Ce n'est que dans l'observation de ces prin~ipes
que le groupe social peut vivre en paix. La déloyauté,
l'hypocrisie, la perfidie continuellement attaquées, consti-
tuent un plaidoyer en faveur de la droiture, de la sincérité,
du respect de la parole donnée. Le manque de clairvoyance
de l'hyène nous révèle une valeur extrêmement prisée dans
la société traditionnelle
; ainsi le mauvais héros allie
souvent méchanceté et absence de bon sens comme si ces deux
aspects ne pouvaient aller l'un sans l'autre.
Les contes sont une mise en garde contre les gens
habiles et méchants. Le mal étant présent partout dans le
monde,
il convient que l'homme soit averti et en mesure de
lutter contre lui. C'est là qu'apparaît la différence
fondamentale entre le Bien et le Mal.
Le héros est toujours celui qui est apte de
naIssance à réagir et à lutter contre toute forme de mal,

-.90 -
le mauvais héros est le Mal dont il faut se méfier.
La
morale du conte n'est jamais exprimée de façon abstraite.
C'est une morale essentiellement pratique qui vise à mon-
trer à l'homme ce qu'il faut faire ou ne pas faire dans sa
vie quotidienne, s'il veut contribuer à assurer la palx de
la communauté ; par là même,
le conte constitue le
véritable
guide d'une morale pratique et éminemment sociale.
Remarques : le milieu coutumier semble particulièrement
sensible au vol, et la saisie d'un voleur a toujours donné
lieu à de grandes démonstrations collectives. Ce vice est
sévèrement réprimé, qu'il s'exerce ou non à l'intérieur du
clan. Le mensonge naît généralement de la peur. Mais dans
cert&ins cas, la sincérité peut aussi être une technique de
prudence, quand il faut dire la vérité sous peine de graves
malheurs, par exemple quand on recherche une mauvaise
influence à l'intérieur de la famille sur une personne
tombée malade.
Là encore, mentir à l'étranger n'est pas grave
car ce mensonge préserve les secrets de la famille. Aux
enfants, on pré-sentera le mensonge par exemple comme un
mauvais calcul ; "le menteur peut trouver à manger le
matin, mais le soir personne ne voudra le nourrir" dit un
proverbe Ouan. La paresse est mal particulièrement, car elle
pourra faire peser plus tard sur la collectivité une lourde
charge. On habitue le jeune paresseux à ne compter que sur
lui-même. "Travaille ou ne travaille pas; cela te regarde"
entend-on dire souvent.

-
91
-
L'entraide est la vertu fondamentale, malS elle ne
s'exerce obligatoirement que dans étroites limites claniques
ou ethniques. Elle se prolonge dans les obligat~ons de
l'hospitalité et du partage. L'enfant est habitué très jeune
à mettre en commun ce qu'il reçoit avec ses frères et cama-
rades, et on voit d'un mauvais oeil celui qui a tendance à
tout garder pour lui.
Les techniques d'utilisation des forces occultes
pouvant agir à distance pèsent lourdement, dans toutes les
sociétés traditionnelles sur la vie psychologique et la
conscience morale. On peut s'allier les esprits et s'assu-
rer la bienveillance des
Ancêtres afin que toute la collecti-
vité en bénéficie ; mais on peut aussi poursuivre des buts
égoïstes individuels et satisfaire sa jalousie et sa
cupidité.
Conte - comment Bême perdit un oeil
B~me avait l'habitude de tend~e de~ pi~ge~ dan~ la 6o~~t.
Pendant toute une ~emaine, il en avait tendu plu~ieu~~ et
n'avait ~ien att~apé.
Mai~ aujou~d'hui, il ne ~eviend~a paA b~edouille ~a~ une
bi~he était p~i~e a l'un de~ la~et~.
Il t~an~p~~ta ~ette bi~he dan~ ~a ~a~e, la donna a ~a
6emm~, en lui ~e~ommandant de ne pa~ en mange~, de la
ga~de~, di~ait-il, pou~ le~ jou~~ de 6amine.
"c ependant, lui demanda- t- il, tu Ut do Y1.ne~a~ a ma ~ a eu~
~elle- ~i e~t bo~gne.
Elle doit ven~ demain nou~ )[end~e
vi~ite."
Le lendemain, il ~'en alla aux ~hamp~. Van~ une ~lai~i~~e,
il ôta ~e~ vêtement~ et ~evétit de~ habit~ de 6emme. Ain~i
dégui~é, il enleva l'un de ~e~ yeux, le ~a~ha dan~ un
bui~~on, et ain~i t~an~6o~mé en 6emme bo~gne,
~e di~igea
ve~~ la ~a~e. Sa 6emme le p~it pou~ la ~oeu~ annon~ée et
lui p~épa~a un mo~~eau de la bi~he. Le lendemain, ~oeu~
bo~gne ~evint. Et le ~u~lendemain, et tou~ le~ jou~~ ju~qu'a
~e que la bi~he 6ut ~ompl~tement a~hevée. Le de~nie~ jou~,
alo~~ qu'il 60uillait le bui~~on pou~ y dé~ouv~i~ ~on oeil,
a6in de le ~emett~e en pla~e, il le t~ouva ent~e le~ main~
d'une ~ou~~~ qui jouait ave~ l'oeil ~omme un en6ant joue
ave~ de~ bille~. Lo~6qu'elle vit B~me, la ~OU~i6 pénét~a

-
92
-
danô ôon t~~~~~~ ~n ~mpo~tant l'o~~l. Bém~ ôa~ô~t ôa hou~
~t ~omrn~~ca a ~~~Uô~~ pou~ ~~t~ouv~~ ôon o~~l. Au p~em~e~
~oup de hOU~1 pa6 1 ~l ~~~va l'oe~l. Béme éta~t devenu
~é~llement bo~gne. "Qu~ va~ô- je d~~~ à ma 6emm~ ? n~ va-t-
elle paô dev~n~~ ma ôup~~~he~~e
?"
Il ~on6e~t~onna un 6agot de b~an~heô
ép~neuô~ô,
le ~ha~gea
ôu~ ôon épaule et p~~t l~ ~hem~n de ôa ~aôe.
A~~~vé danô la ~ou~, ~l j~tta v~olemment l~ 6agot à t~~~e.
"Malh~u~ 1 ~~~a-t- ~l, une é p~ne d~ ~~ maud~t 6ag a t à ~~e vé
mon oe~l 1"
Sa 6emm~ le pla~gn~t beau~oup.
Vo~là ~omment, pa~~e qu'~l éta~t glouton ~t égoXôte, Bém~
pe~d~t un a e~l.
Un style de relations interpersonnelles fondées sur la
coopération et l'interdépendance, sur la vie communautaire
exige que chaque homme devienne avant tout responsable de
sa femme et de ses enfants. Ce conte a la même morale que
"Araignée mauvalS père" que nous avons déjà souligné.
Il faut aux gens riches un supplément d'âme
ce
conte met en garde les parents sans scrupules prêts à
céder leurs filles au premier venu, pourvu qu'il soit riche.
La mise en parallèle du riche et du pauvre nous enseigne
que ce ne sont pas les plus riches qui sont les plus
vertueux et que l'idéal d'une société communautaire et soli-
daire, se réalise mieux avec des gens pauvres et vertueux
plutôt qu'avec des gens riches et orgueilleux. Ce conte
Peul nous en dira plus.
Conte : le riche et le pauvre
Vanô l~ payô que t~av~~ô~ l~ N~ge~, un~ 6emme m~t au monde
un~ 6~ll~, bell~ ~omme ~~lle d'un ôultan.
Pluô elle g~and~ôôa~t, et pluô elle d~vena~t b~lle.
Auôô~, lo~ôqu'elle ~ut d~x-ôept anô, elle éta~t la pluô
bell~ d~ô j~uneô 6~ll~ô du payô, et peut ~t~e, d'a~lleu~ô
auôô~.
Veux homm~ô v~n~~nt t~ouve~ leô pa~entô et l~u~ p~éôentè~~nt
leu~ d~mande.
Ilô déô~~a~ent touô d~ux épouôe~ la belle jeun~ 6~lle.
Le p~em~e~ éta~t pauv~e.
Il n'ava~t qu'une ~a~e !lcnde, dc.ux
~hèv~eô, ~t un ~h~en ma~g~e.

-
93 -
L'aut~~, au cont~ai~~, était t~è~ ~ich~.
C'était m~m~ l'un d~~ plu~ ~ich~~ du pay~.
s~~ t~oup~aux d~
zébu~ pâtu~ai~nt innomb~abl~~,
au bo~d du Nig~~ ; ~~~
pi~ogu~~ couv~ai~nt l~ 6l~uv~ ; ~on palai~ était ~paci~ux
~t ~omptu~ux.
L~~ pa~~nt~ ~u~~nt tat 6ait d~ donn~~ l~u~ p~é6é~~nc~ a
l'homm~ ~ich~.
Il 6it un p~~mi~~ cad~au d~ c~nt zébu~.
L~ pauv~~,' qui aimait ~incè~~m~nt la j~un~ 6ill~ n~ ~~ dé-
cou~ag~a pa~. Il alla t~ouv~~ un~ vi~ill~ 6~mm~ qui avait
la ~éputation d~ conna~t~~ d~ nomb~~ux ~o~tilèg~~. Il lui
~xpliqua ~on ca~. La vi~ill~ 6~mm~ lui con~~illa : "va
~~nd~~ vi~it~ aux pa~~nt~ d~ la j~un~ 6ill~ ; au mom~nt d~
l~~ quitt~~, tu lai~~~~a~ comm~ pa~ néglig~nc~, ton bâton
dan~ l~u~ cou~".
L~ j~un~ homm~ pauv~~ ~uivit l~~ con6~il~ d~ la vi~ill~.
Ap~è~' avoi~ longu~m~nt bava~dé av~c l~~ pa~~nt~, il aban-
donna ~on bâton qu~ p~~~onn~ n~ ~~ma~qua ca~ c'était un
bâton tout a 6ait o~dinai~~~ un bâton d~ pauv~~. L~ l~nd~­
main, la j~un~ 6ill~ tomba malad~. C'était un~ maladi~
in~xplicabl~, qui lai~~ait la j~un~ 6ill~ abattu~ ~t ~an~
cou~ag~. C~ jou~-la, p~écédé pa~ ~~~ po~t~u~~ d~ cad~aux,
l'homm~ ~ich~ a~~iva av~c l'int~ntion d'épou~~~ ~a 6iancé~.
Lo~~qù'il app~it qu'~ll~ était malad~, il ~~p~it l~~ zébu~
~t ~'~n ~~tou~na ch~z lui ~an~ ~~ p~éoccup~~ davantag~ d~
~a 6iancé~ malad~.
La maladi~ ~mpi~a ~t la j~un~ 6ill~ mou~ut.
Ell~ était allongé~ ~u~ un~ natt~, l~~ y~ux clo~, ~t ~an~
vi~, lo~~qu~ l~ j~un~ homm~ pauv~~ a~~iva. Il alla ch~~ch~~
~on bâton a l'~nd~oit où il l'avait lai~~é. Il toucha l~
cadav~~ d~ ~a 6iancé~ av~c l~ bout d~ ~on bâton ~t l~
mi~acl~ ~~ p~odui~it. La j~un~ 6ill~ ouv~it l~~ y~ux,
éton-
né~, l~~ coul~u~~ lui ~~vin~~nt aux jou~~. Ell~ était ~~~­
~u~cité~. C~~tain~ di~~nt qu'~ll~ l~ 6ut pa~ l~~ ~o~tilèg~~
d~ la vi~ill~ 6~mm~, d'aut~~~, pa~ l'amou~ qu~ lui po~tait
l~ j~un~ homm~ pauv~~. Il ~~~ait di66icil~ d~ ~épond~~.
C~p~ndant, c~ qu~ l'on p~ut a66i~m~~, c'~~t qu~ l~~ d~ux
j~un~6 g~n6 6~ ma~iè~~nt ~t qu'il6 vécu~~nt pauv~~m~nt,
mai6 h~u~~ux.
"Il6 vécu~~nt pauv~~6, mai6 h~u~~ux".
"L'a~g~nt n~ 6ait pa6 l~ bonh~u~" t~ll~ e6t l'aut~~ 6igni6i-
cation d~ la 6in d~ c~ cont~.
Un conte, parce qu'il est du domaine de la fiction permet
d'aborder les questions les plus graves. Or, satisfaits
les besoins immédiats, - pouvoIr dormir sans crainte, voir
écartées la faim et la soif - le premier problème qu'af-
fronte une société est celui des rapports entre ces membres.
'"

-
94 -
Le vol, la tricherie et la duplicité ne sont
pas de nature à faciliter les rapports entre les membres
d'une société. Dans ce conte, le lièvre connu sous la
forme d'un animal rusé et redresseur de torts est puni
parce qu'il voulait tricher. Le conte ne laisse aucune
alternative à ceux qui incarnent le Mal, que la punition ou
la déchéance.
Conte Bambara - la tortue et le lièvre
La to~tu~ ~t ~on am~ t~ t~èv~~ dé~~dè~~nt un jou~ d~ p~at~­
qu~~ ta p~~h~ dan~ t~ 6t~uv~ vo~~~n. It~ ~~ 6~~~nt ~ha~un
un~ na~~~ ~t attè~~nt au 6t~uv~. La to~tu~ m~t ~a na~~~ ~n
pt~~n dan~ t~ ~ou~ant ; t~ t~èv~~ ptaça ta ~~~nn~ tout p~è~
du bo~d. Chaqu~ mat~n, t~ t~èv~~ v~na~t d~ bonn~ h~u~~ ~t
v~da~t ta na~~~ d~ ~a vo~~~n~ dan~ ta ~~~nn~. La to~tu~,
~on~tatant qu~ t~ t~èv~~ 6a~~a~t toujou~~
d~ bonn~~ p~~h~~,
tand~~ qu'~tt~ m~m~ n~ p~~na~t jama~~ ~~~n,
6~n~t pa~ avo~~
d~~ ~oupçon~.
Ett~ atta ~on~utt~~ un v~~ux 6ét~~h~u~ qu~
tu~ d~t : "Façonn~ un~ ~tatu~tt~ ~n t~~~~ au bo~d d~ t'~au
~t ~ndu~~-ta d'u.n~ ~ou~h~ d~ gtu~ ; tu ~onna;{.t~a~ ton
vot~u~." A~n~~ d~t, a~n~~ 6a~t. L~ t~nd~ma~n mat~n, quand
t~ t~èv~~ v~nt au 6t~uv~, ~t v~t ta ~tatu~tt~ ~t, 6u~~~ux,
voutut tu~ donn~~ d~~ ~oup~ d~ p~~d, ma~~ ~~~ p~~d~ ~~~tè­
~~nt ~otté~ a ta t~~~~ ; d~ m~m~ ~~~ ma~n~ ~Dttè~~nt au~~~.
Quand ta to~tu~ a~~~va au 6t~uv~, ~tt~ v~t t~ t~èv~~ dan~
~~tt~ po~~t~on, ~t ~omp~~nant qu~ ~'éta~t tu~ t~ vot~u~, t~
6~appa ju~qu'à ~~ qu'~t 6ut à d~m~-mo~t. Et t~ ~ont~u~
d'ajout~~ "t'~nt~tt~g~n~~ qu~tt~ qu'~tt~ ~o~t, do~t êt~~
m~~~ au .6~~V~~~ d~ ~au~~.6 ju~t~~."
1 - Le contenu sociologique des contes
Outre leur fonction sociale qUI résume essentiel-
lement un facteur de cohésion, les contes ont un intéressant
contenu sociologique. Nous avons déjà souligné que les
contes constituaient un solide témoignage sur la société
traditionnelle, en pays de savane et en zone forestière.
C'est ce que suggère SENGHOR en s'appuyant sur les deux
grands conteurs modernes représentatifs de chacune des deux

-
9 S -
régions de l'Afrique Occidentale: Birago DIOP et Bernard
DADIE. "C'est par là,
(en collant au réel, en rendant la
vie) que Birago DIOP, homme du nord, s'oppose à Bernard
Dadié, homme du sud, comme le cycle folklorique de la
plaine "soudanaise"
à
celui de la forêt "guinéenne" (1).
Les contes s'insèrent dans un contexte géographi-
que. La forêt avec ses grands arbres, ses lianes, et sa
végétation dense. Témoin en est ce conte de DELAFOSSE (2)
où Kenndéoua - l'Araignée, va chasser "en brousse" gr impant,
tel un cynocéphale à "un acajou ou sur une liane à caout-
choue", ou cet autre conte Agni ou Ananzé l'Araignée
défrichant la forêt "pour faire une plantation" rencontre
le monstre Akotrokon. Les plantes comestibles que signalent
les contes sont caractéristiques de la forêt:
l'igname, le
café, le caca-a, la banane. Les animaux de la forêt sont
aussl représentés. Les contes expliquent comment les travaux
champêtres
sont accomplis : on défriche la forêt en la
brûlant, avant de planter
; chasse en brousse
on tue
l'an t i lape, le 1 éopard, le Kpuéma (3) type de rongeur appe-
lé généralement "agouti".
Préparation de la cuisine et repas.
On se nourrit essentiellement d'ignames, de
manloc. On fait des sauces à l'huile de palme avec beaucoup
de piment ; on boit du vin de palme appelé "bangui" en Côte
(7) SENGHOR (L.S) - P~é ace aux nouveaux conte~ d'Amadou Koumba, p. 74
~n B.
P -
e~ nouveaux cont~
a ou Koumba.
(2) DELAFOSSE (Ml - Le ~oman de t'~aignée chez t~ Baouté de Côte
Ivo~~e - in ~evue d'ethnotogie et de~ ~a~ono
poput~e~ - pp. 797-278 l~e année nO 3 - 3e ~­
m~~e 7920.
(3)
16<-d PIJ. 208-209 - conte 2 - "t'~aignée et t'hyène".

- 96 -
d'Ivoire. En matière de religion et croyances, nous voyons
que conformément à nos connaissances historiques et nos
constatations, le~ peuples des forêts ne pratiquent pas
l'islam comme les peuples de savane du nord. On y mentionne
un Dieu tout-puissant,
les génies intermédiaires entre Dieu
et les hommes, génies mystérieux de la forêt, nains cheve-
lus, monstres.
Il est sans cesse question d'objets magiques,
de pierres mystérieuses, de fétiches puissants. En forêt,
Dieu apparaît plus abordable d'accès que le dieu des contes
de savane. Certes, lièvre avait un assez fréquent commerce
avec Dieu, mais celui-ci gardant une certaine hàuteur ne se
laissait pas duper. Le Dieu des gens de la forêt,
imprudent,
fréquente volontiers Araignée,
il peut même en faire son
courtisan, son allié, voire son confident. Aussi est-il
trompé quelquefois, puisque ce courtisan est perfide, un
imposteur. Les coutumes sont assez bien représentées; fêtes
de villages, concours, funérailles
(1), etc ...
On peut mesurer l'importance de la soumission que les
sujets doivent au chef. Dans les contes de savane, la
soumission au chef revient très souvent ; est-ce à dire que
les sociétés fores~ières étaient moins hiérarchisées que
celles des savanes ? Ou bien que le pouvoir du chef y était
moins sujet à des critiques ? La place de la femme dans
cette société semble être la même qu'en milieu de savane.
Elle est surtout la mère qui s'occupe de ses enfants; elle
prépare les repas mais aussi elle participe aux travaux des
champs.
(1) VAVIE (B) et TERRISSE (A) - Le..o be.lle..o Vû.otOA.Ae..o de. Ka/wu AI1CLVLZé
.e.' McUg»ée. - Natha» - 1/ Le..o ûu»éJta.-ule..o de. lIIèJte. ~gual!e." - p. g7.

- 97 -
Dans les contes de la forêt, elle est raillée
sous les traits de madame Araignée, qui est généralement
une ménagère peu commode,
jalouse, criant sans cesse, sur
ses enfants ou son mar1
mais on sent qu'elle a quelques
excuses, étant donné le monstrueux mari qu'elle a.
On est naturellement polygame, comme en savane.
Si
Araignée, n'a, la plupart du temps, qu'une seule femme,
lorsqu'il est fâché contre la sienne,
il part à la recherche
d'une autre femme.
(1)
La femme même semble quitter facilement son mar1
Sl
celui-ci lui déplaît, elle n'hésite pas à demander à un
autre homme de l'épouser. Madame Araignée voulant quitter
Kenndéoua qui revient toujours bredouille de la chasse,
pour devenir la femme de Gbohrokofi - l'hyène, qui, lui,
bon chasseur, couvre, avec le produit de sa chasse, sa
femme ,d'or et de bijoux! Vie et coutumes des sociétés des
savanes et des forêts apparaissent de façon intéressante à
travers les contes.
Pour mieux comprendre certaines coutumes des
sociétés traditionnelles
de l'ouest africain, analysons un
thème très fécond en enseignement : le thème de l'orphelin
en cinq versions différentes
;
Co-nLe s TI 0
Un en6ant pe~d~t ~on pè~e, et ~a mè~e, et ~on tuteu~ te
déte~ta~t. Un jou~,
c.etu~-c.~ demande à t'o~phet~n "atton~
C.~e.L["~V1. de~ 6o~~é~ et nou~ y jete~ de~ tanc.e~."
(1)
VELAFOSSE
(Ml
-
op c.~t c.onte nO
3 -
"t'a~a~gnée et ta
b~c.he g~~~e".
~b~d - "t'a~a~gVlée et t'hyène" c.onte nO
1.

-
98 -
On ~~~u~~ d~~
6o~~~~,
~ha~un d~ ~on ~ôt~,
~t on ~nvoi~ d~~
~oup~ d~ lan~~.
L~ tut~u~ ~tait à p~u p~~~ ~û~ d~ ~on ~xp~~i~n~~ en la
mati~~e ~t de l'inexp~~ien~e de l'o~ph~lin qu'il pou~~ait
6a~ilement tue~. L'o~phelin demande ~on~eil à ~a g~and­
m~~~, la v~ille de l'~p~euve, et ~elle-~i lui dit:
"~n ~~eu~ant le 6o~~~, il 6aut qu'il am~nag~ de~ ~et~ait~~
au 6u~ et à me~u~e que le tut~u~ enve~~a ~~~ lan~e~, il ~e
pen~h~~a et y é~happe~a.
Il ~~ d~plaLe~a tantôt dan~ une
~~t~aite, tantôt dan~ l'aut~e, ~omme ~ela il ~~~a à peu
p~~~ ~a~, qu'au~une lan~e n~ l'atteind~a."
C'e~t ~~ qu'il 6ait,
et il ~~happe à la mo~t. V'ailleu~~,
on dit,
à peine avait-il jet~ deux ou t~oi~ lan~e~, que
l'aut~~ a lev~ le b~a~ pou~ d~~la~e~ ~a d~6aite.
Un jou~, il l'envoi~ ~he~~he~ d~~ petit~ ~~o~odil~~.
L'o~phelin demande ~omme toujou~~ à ~a g~and-m~~e ~omment
il doit ~'y p~end~e pou~ alle~ ~he~~he~ le~ petit~ d'un
~~o~odil~. Le tuteu~ e~t a~~u~~ que l'o~phelin n'en ~evien­
d~a pa~. La g~and-m~~e lui dit d'alle~ ~he~~he~ une poule
~t l'atta~he~ quelque pa~t et quand le ~~o~odile i~a pou~­
~u~v~~ ~ette p~oie, il pou~~a t~anquitement p~end~~ l~~
petit~ du ~~o~odile.
La de~ni~~e ~p~euve ~e pa~~e dan~ un monde de l'au-d~là.
Le tut~u~ l'~nvoie ~h~~~he~ ~hez le~ 6antôm~~
un obj~t dont
j~ n'ai pu id~nti6i~~ la natu~~ ~t qu'on app~ll~ ~n Ouan
d'un nom qui ~igni6i~ app~oximativ~m~nt "l~ tambou~ d~~
6antôm~~". En tou~ ~a~,
~'~~t un obj~t my~t~~i~ux à all~~
~h~~~h~~ au pay~ d~~ mo~t~.
All~~ au pay~ de~ mo~t~ ~t ~n
~~v~ni~ vivant, ~'~~t qu~lqu~ ~ho~~ d~ p~atiqu~m~nt impo~­
~ibl~. C~p~ndant7 g~a~~ aux in~t~u~tion~ d~ la g~and-m~~~,
l'o~ph~lin ~~vi~nt av~~ f'obj~t my~t~~i~ux au g~and ~tonn~­
m~nt ~t à fa g~and~ admi~ation d~ tout f~ viffag~ pa~mi
f~qu~f if 6ait ~n~ ~nt~~~ t~iomphaf~.
Il y a un~ p~tit~ ~han~on qui a~~ompagn~ ~~ ~~tou~. L~~
g~n~ du villag~ qui ~ont ~~andafi~~~ pa~ f'attitud~ du tu-
t~u~ à f'~ga~d d~ f'o~ph~fin ~t qui admi~~nt la ~ag~~~~ ~t
l~ ~ou~ag~ Œ~ l'o~ph~fin, m~tt~nt à mo~t f~ tu~u~.
Conte n°
2
Un ~n6ant p~~d ~on p~~~ et ~a m~~~ ; if d~vi~nt o~ph~fin.
If quitt~ ~on viffag~, ~t va viv~~ dan~ un aut~~. viffag~
f~~ habitant~ f~ d~t~~t~nt ; pou~ f~ 6ai~e t~avaiff~~, on
lui donn~ un bout d~ ma~h~tt~ mal aigui~ée ~t qu'il pleuve
ou qu'il vent~ ou qu'il 6a~~e du ~oleil,
il e~t oblig~ de
t~availle~ toute la jou~n~e: ~a tut~i~e a beau~oup d'en6ant~.
Un jou~,
elle pé~he ~e~tain~ poi~~on~. Elle 6ait ~ui~~ ~e~
poi~~on~ et ~e~t à mange~ à tou~ le~ en6ant~ avant de pa~ti~
au ~hamp. Le ~e~te,
~lle fe ga~de dan~ une ma~mit~. A peine
e~t-ell~ pa~tie que l'o~phelin ~'en va t~availle~, et, quand
tout ~ompu de 6atigue, il ~~vient, il ~~ ~ou~he, et ~'endoTLt.
Le~ en6ant~ de ~a tut~i~e, ~e~tent à la mai~on, dévo~ent tout
l~ ~ontenu et, ~up~éme a~tu~e, il~ p~ennent de l'huile de la

-
99 -
~auc~, ~t ~f~ ~n m~tt~nt ~u~ f~~ fèv~~~ d~ f'o~ph~f~n.
Lo~~qu~ f~u~ mè~~ ~~v~~nt,
~ff~ va v~~~ fa ma~m~t~ pou~
~~~v~~ à mang~~. La ma~m~t~ ~~t v~d~.
Cofè~~,
c~~~.
Tou~
f~~ ~n6ant~ ~ont app~f~~ ~t m~nac~~.
L'o~ph~f~n,
fu~,
cont~nu~ à do~m~~. L~~ ~n6ant~ d~~~nt à f~u~ mè~~ "tu n'a~
qu'à vo~~ no~ bouch~~ ; fa bouch~ ~u~ faqu~ff~ tu v~~~a~
f'hu~f~, tu ~au~a~ qu~ c'~~t c~tt~ bouch~-fà qu~ a vof~ f~
cont~nu d~ fa ma~m~t~." In~p~ct~on 6a~t~, aucun ~n6ant n'a
fa
bouch~ pf~~n~ d'hu~f~. L~~ ~n6ant~ dù)~nt ; "~t c~fu~
qu~ do~t, tu f'a~ ~n~p~ct~ au~~~ ?" Eff~ f'~n~p~ct~. Su~ fa
bouch~ du j~un~ do~m~u~,
~f y a pf~~n d'hu~f~. Eff~ f~
~~v~~fl~ à coup~ d~ baton~, ~t fu~ d~mand~ ~mm~d~at~m~nt d~
~~ ~~nd~~ à fa m~~ pou~ pêch~~ f~~ mêm~~ po~~~on~ ~t f~~
~~~t~tu~~ 6aut d~ quo~, ~f n~ m~tt~a pfu~ f~~ p~~d~ ch~z
~ff~ .
Là, ~f Y a un~ f~con d~ g~og~aph~~ qu~ ~'~n~è~~.
If y a un~ m~fod~~ qu~ ~~t chantée et f~ j~un~
chant~u~ ~n
fa chantant do~t énum~~~~ tou~ t~~ v~ffag~~ qu~ ~~pa~~nt
~on p~op~~ v~ffag~ du v~ffag~ ou du f~~u qu'~f a 6~x~ comm~
~tant f'~mpfac~m~nt d~ fa m~~. Et à chaqu~ mom~nt ~f ~~n­
cont~~~a un p~~~onnag~ ~t vou~ av~z un~ f~con ~u~ fa 6am~ff~,
pa~ f~~ 6ant5m~~. Tout~ fa 6am~ff~ y pa~~~, fa 6am~ff~
d~6unt~, fa 6am~ff~ v~vant~, tou~ f~~ an~maux y pa~~~nt. A
chacun d~ c~ux qu~ f'~nt~~~og~a~~nt, ~u~ ~a m~~av~ntu~~,
v~vant, dé6unt, ou an~maux, ~f ~~ponda~t pa~ un chant.
Et quand vou~ ~nt~nd~z c~tt~ m~fod~~ au 60nd d'un~ ca~~'
fa nu~t, av~c f~~ ~~6~a~~ ~~p~~~ pa~ f'a~~~~tanc~, c'~~t
qu~fqu~ cho~~ d~ t~è~ ~mp~~~~~onnant ~t d~ t~è~ ~a~~~~~ant.
L~ j~un~ o~ph~f~n ~'~n va a~n~~ ju~qu'au bo~d d~ fa m~~ ou
~f ~~ncont~~ 6~u ~a mè~~ ~t 6~u ~a g~and-mè~~ qu~ fu~ donn~nt
du po~~~on à ~am~n~~ ~t n~u6~ o~u6~ ~n fu~ d~mandant ap~è~
~~~t~tut~on d~~ po~~~on~ qu'~f a~ff~ d~~~~è~~ f~ v~ffag~
t~è~ fo~n dQn~ fa 6o~êt, ~t qu'~f ca~~~ f'un ap~è~ f'aut~~,
c~~ n~u6~ o~u6~. N~u6, ch~66~~ ~ac~é ~t f'o~u6 qu~ ~~t fa
tab~~nacf~ du mond~,
d'où tout~ fa v~~ ~o~t. If ~~v~~nt, ~t
~~~t~tu~ f~~ po~~~on~. ca~actè~~ mod~~n~~ant du cont~,
ajouté pa~ f~ cont~u~, quand ~f ~'~n va dan~ fa 6o~êt fo~n
d~~~~è~~ f~ v~ffag~ à chaqu~ 6o~~ ~u~g~t un~ m~~v~~ff~. C~
d~ux~èm~ cont~ ~~ t~~m~n~ ~gaf~m~nt pa~ fa v~cto~~~ d~
f'o~ph~f~n, f~ t~~omph~ 6~naf d~ fa 6a~bf~~~~ ~n~t~af~.
Conte n° 3
Un homm~ ~pou~a d~ux 6~mm~~ ; f'un~ m~t au mond~ un ~n6ant,
f'aut~~ pond~t d~ tout p~t~t~ o~u6~. L~ ca~actè~~ 6anta~- .
t~qu~ d~ c~~ cont~~ appa~a~t pa~ c~ b~a~~. Un jou~, f~~
d~ux 6~mm~~ affè~~nt à fa pêch~, ~t, au v~ffag~, ~f ~~ m~t
à pf~uvo~~.
L'homm~ ~~nt~a f~~ ~n6ant~ à fa ma~~on, ~t
oubf~a ~ou~ fa pfu~~ f~~ p~t~t~ o~u6~ d~ f'aut~~ 6~mm~.
L'eau d~ fa pfu~~ ~mpo~t~ f~~ p~t~t~ o~u6~ ~t quand fa 6~mm~
~~v~~nt, l~ m~ fM da "j~ f~~ a~ oubf~~~ ~t fa pi.u~~ f~~ a
empo:1.t~~." La 6~mm~ ~'~n va à fa ~~c.h~~ch~ d~~ o~u6~ d~
v~ffag~ ~n v~lfag~ (f'oc.ca~~on ~nc.o~~ d'un~ f~con d~ g~og~a­
ph~e ~n ~num~~ant f~~ v~ffag~~ qu~ f'on t~av~~~~ f~~ g~n~

-
100 -
qui y habit~~t).
Et ~~ ~'~~t qu~ ni~al~m~~t lo~~qu'~lle
a~~iv~ ~h~z ~a mè~~ qu~ ~~ll~-~i lui dit "mai~ ~~t~~, au
moi~~ ~t ma~g~" ... En nait, ~a mè~~ avait ~~~o~~u l~~ p~­
tit~ o~un~ d~ ~a nill~, ~ll~ l~~ avait ~~cu~illi d~ la
~igol~ ~t l~~ avait co~~~~vé~. Ell~ l~~ lui ~~~titu~. La
j~u~~ n~mm~ l~~ ~appo~t~ ~t l~~ p~tit~
o~un~ éclo~~~t.
Il
~~ ~o~t d~~ ~~na~t~, d~~ ~~nant~ t~~~ibl~~. p~u ap~è~,
l~u~ mè~~ mou~ut. C~~ d~ux ~~na~t~ ~ont v~aim~~t d~~
~~na~t~ impo~~ibl~~. A la ~iviè~~, il~ batt~nt l'aut~~
~nnant. Si la ma~ât~~ ~~~ai~ d~ p~ot~~t~~, il~ ~a~~~~t l~~
ma~mit~~. P~~~on~~ n~ p~ut ~out~ni~ l~u~ én~~9i~. u~ d~~
~~na~t~ mou~ut au~~i. L'aut~~ ~~ ~~t annaibli ~t l~ pè~~
v~ut l~ nai~~ mou~i~. Il l~ ~oum~t à u~~ ~é~i~ d'ép~uv~~.
C~ ~o~t l~~ mêm~~ ép~~uv~~ qu~ p~écéd~mm~~t : on va ab~~
l~~ ~oix av~c u~ pani~~, on va att~app~~ d~~ p~tit~ lio~­
c~aux, ~tc ... ~t toujou~~ lr~~na~t ~'~~ ~o~t à ~o~ avanta9~.
Mêm~, il ~éu~~it à tu~~ ~o~ pè~~ d~ ~a la~c~.
Comm~ la pfupa~t du t~mp~, da~~ c~~ ~é~i~~ d'ép~~uv~~, on
pa~~~ toujou~~ d~~ ép~~uv~~ d'i~i-bà~, aux ép~~uv~~ d~
l'au-d~là, l'~nnant va a~~iv~~ dan~ l~ mond~ d~~ nantôm~~,
~t fà, if ~i~ que. d' ét~~ ma~9 é pa~ d~~ n~mm~~ 6antômu
qui l~
no~t mo~t~~ dan~ u~ 9~a~d a~b~~, ~oi-di~ant pou~ lui nai~~
cu~illi~ d~~ 6~uit~ d~ c~t a~b~~.
Quand i l ~~t monté, pa~ u~~ bagu~tt~ ma9iqu~, ~ll~~ t~a~~­
no~m~~t f'a~b~~ ~~ u~ 9~a~d baobab, ~t l'~~na~t là-haut,
pou~~~ d~~ c~i~ d~ dé~~~poi~ ~t app~ll~ au ~~cou~~ ~o~
~hi~~. C~lui-~i a~~iv~ ~t l~ ti~~ d~ c~ mauvai~ pa~. Et
l'o~ph~lin ~~vi~~t t~iompha~t au vilfa9~.
~~co~~,
~'~~t toujou~~ la naibl~~~~ initial~ qui, à la
ni~, t~iomph~ d~ tout~~ l~~ ép~~uv~~ natu~~ll~~ ~t ~u~~a­
tu~~ll~~.
Conte n° 4
u~ homm~ épou~"a u~~ n~mm~ qui mit au mond~ u~ ga~con, pui~
~ll~ mou~ut. L'homm~ p~it u~~ aut~~ n~mm~ qui ~~ mit à
dét~~t~~ l' ot'tph~fi~. Un j ou~, étant allé ~ à la pê.ch~ av ~c
l' o~ph-~lin, chaqu~ noi~ qu~ l' o~ph~fin att~apait (Ln poi~­
~on ~t ~'~n ~~iuui~~ait
~n di~a~t :
- "Ah ! c~ ~oi~, av~c mon pè~~, on va bi~n man9~~. " ~ll~
lui a~~achait l~ poi~~on ~n di~ant :
- ~Tu pen~~~ ~u~ tu va~ mang~~ ~~ poi~~on, av~~ ton pè~~ ....
Et
mo~ ~on~ubin, alo~~ ! Alf~z,
donn~ ca !"
Ain~i tou~ l~~ poi~~on~ d~ l'o~ph~fin ~ont ~ama~~é~ pa~
~lf~, ~t, lo~~qu~ l'o~ph~lin ~~vi~nt, il dit à ~o~ pè~~ c~
qui ~'~~t pa~~é. C~lui-ci, d~ dépit,
d~ jalou~i~, et au~~i
pa~c~ qu'il était p~onond~m~nt attaché à ~on 6il~, décid~
~u~ l'in~tigation d~ c~ d~~~i~~ d'afl~~ ~~ ~ui~id~~ à la
m~~. Et l~~ d~ux p~~nn~nt la ~out~ d~ fa me~.
Et d~ ~ou~~au, voilà la l~con d~ gé09~aphi~ huma~n~, et d~
géog~aphi~ phy~iqu~, pou~ a~~ive~ à la m~~.
L~~ d~ux ~o~t ~uivi~ pa~ la ma~ât~~ qui ~~~ai~ d~ l~~ di~~ua­
d~~, a~~iv~nt à la m~~, ~t ~Ilj j~tt~~t 6inal~m~nt.

-
101
-
Conte nO 5
Le dernier conte de notre série sur le thème de l'orphelin,
je l'ai intitulé
- "L'homme et l'aJtbJte inteJtdit".
Un homme ~pou~a deux 6emme~.
Il planta un aJtbJte appel~ en Ouan "Zâ" et inteJtdit à toute
peJt~onne de ~ueilliJt de~ 6euille~ de ~et aJtbJte, ~e Jt~~eJt­
vant ~eul un tel dJtoit.
I l paJttit en voyage,
ave~ la pJtemi~Jte ~pou~e.
Re~t~e à la mai~on, la deuxi~me ~ueillit le~ 6euille~ de
~et aJtbJte ; elle le~ hâ~ha dan~ la ~ui~ine de la pJtemi~Jte
6emme, pJt~paJta dan~ ~e~ maJtmite~,
jeta le~ oJtduJte~ ~uJt ~on
6umi Vl.
V~~ ~ 0 n JtetouJt, l' ho'mme ~ e Jtendit au pied de ~et aJtbJte, et,
~'apeJt~evant qu'il y avait ~ueillette, ~e mit en ~ol~Jte,
et appela devant lui ~e~ deux 6emme~ pouJt leuJt demandeJt
qui avait
o~~ poJtteJt la main ~uJt ~et aJtbJte.
La deuxi~me 6emme de diJte :
- "Je n'en ~ai~ Jtien.
Pui~que le~ 6euille~ de ~et aJtbJte, on
le~ mange, tu n'a~ qu'à alleJt voiJt dan~ no~ ~ui~ine~ et ~uJt
no~ 6umieJt~. Il doit bien y avoiJt une tJta~e que.€.que
paJtt."
C'e~t ~e qu'il 6ait.
La
pJtemi~Jt~ 6emme ~e d~6end,
en di~ant :
- "J'~tai~ ave~ toi, en voyage, ~omment ai-je pu 6aiJte ~et
a~te ?"
L'homme n'en ~Jtoit Jtien et ex~~ute ~a pJtemi~Jte 6emme puJte-
ment et ~implement. OJt, la pJtemi~Jt~ 6~mme avait lai~~~ deux
en6ant~.
Un jouJt, la deuxi~me 6emme envoya le~ deux oJtphelin~ à la
6ontaine, et ~loigna magiquement ~ette 60ntaine da village.
En e66et, ap~~~ avoiJt tu~ ~a pJtemi~Jte 6emm~, ~ho~e 6anta~ti­
que, mai~ a~~ez 6Jt~quente dan~ le~ ~onte~, i l avait JtetiJt~
la peau de ~ette 6emm~, et l'avait 6ait ~~~heJt au ~oleil~
et obligeait le~ en6ant~ de la 6emme, à veilleJt ~uJt ~ette
peau, en paJtti~ulieJt, la JtentJteJt en ~a~ de pluie. Voilà la
deuxi~me 6emme envoie le~ en6ant~ à la 6ontaine, ~loigne la
60ntain~ 6ait magiquement tombeJt la pluie ~uJt la peau de la
pJtemi~Jte 6emme. Le~ en6ant~,
Jtevenant de la ~ouJt~e, ~ont
~onvain~u~ qu 1 il~ ne pouJtJtont ~~happeJt à la m~~han~et~ de
~euJt p~Jte, et devJtont mouJtiJt.
Le~
en6ant~ ~taient 6ille et gaJtco~.
Le
gaJtcon d~~ide d'u~eJt d'un ~tJtatag~me.
Il
~e dit que leuJt p~Jte ne pouJtJta le~ ex~~uteJt que loJt~que
le~ deux
~eJtont Jt~uni~.
Il
~on~eille, paJt ~on~~quent,
à ~a ~oeuJt, de JtentJteJt au
village
et de lui ameneJt à mangeJt.

-
102 -
Chaqu~ 6oi~ qu'~ff~ vi~nd~a à fa ~ou~~~, ~ff~ m~tt~a ~a
ma~mit~ dan~ fa ja~~~, d~ maniè~~ qu~ p~~~onn~ n~ ~a~h~ qu~
~'~~t ~a ~o~u~, ~t non un~ aut~~ p~~~onn~, ~'~~t un~ ~han~on
dont if~ ~onvi~nn~nt, ~t qui ~gaf~m~nt ~~t t~è~ b~ff~.
Chaqu~ 6oi~ qu~ fa 6iff~ ~~vi~nt ain~i ~t quand ~ff~
~hant~ ~~tt~ méfodi~, ~on 6~è~~ ~ait qu'~ff~ ~~t fà.
Eff~ fui donn~ d~~ nouv~ff~~, fui donn~ à mang~~, ~t
fui ~xpfiqu~ qu~ ~on pè~~ ~~t ab~ofum~nt dé~idé à f~~ ~~­
t~ouv~~,
~t à f~~ ~xé~ut~~ tou~ f~~ d~ux.
L~ pè~~ ~~pionn~ fa 6iff~, ~a~ if ~~ dout~ bi~n qu'~ff~
doit avoi~ d~~ ~~fation~ av~~ ~on 6~è~~.
Un jou~, if fa ~u~p~~nd ~n t~ain d~ ~hant~~ ~~tt~ m~fodi~,
~t ~~ dit qu~ ~~ doit ~t~~ f~ ~ign~ d~ ~~~onnai~~an~~.
If d~~id~ d~ ~hant~~ ~~tt~ m~m~ m~fodi~, mai~ if ~n vi~nt à
fa ~hant~~ av~~ ~a g~o~~~ voix, ~t f~ 6if~ n~ ~'U t~omp~ pa~
~t n~ ~o~t pa~ d~ fa ~a~h~tt~.
L~ pè~~ ~'~n va voi~ un magi~i~n, qui f~ ~oum~t à un ~égim~
afim~ntai~~ qui adou~it ~a voix,
fa 6émini~~.
If ~~vi~nt, ~t ~u~p~~nd f'o~ph~fin, pa~ ~a maniè~~ d~ ~han­
t~~. C~fui-~i d~~~~nd, ~t f~ pè~~ ~mmèn~ f~~ d~ux ~n6ant~
au viffag~, ~t f~~ ~xé~ut~ ~omm~ if ~~ f'était p~omi~.
Et voifà qu'un ~oi~, if ~u~p~~nd ~a d~uxièm~ 6~mm~ à
dan~~~ ~u~ fa tomb~ d~ ~a ~ivaf~, ~t d~ di~~ dan~ ~a ~haMon
"C~ux qui ont mangé f~~ 6e..uiff~~ du "la" ~ont ~n vi~, ~~ux
qui n'ont pa~ mang~ f~ "la" ~ont mo~t~, ~t j'~n ~ui~ 60ltt
.
"
a.u~ . ..
Eff~ ~hant~ ~t dan~~ d'un bout à f'aut~~ d~ fa tomb~.
L~ ma~i, qui ~u~p~~nd ~~tt~ dan~~, ~~ ~ai~it d~ ~~tt~ 6~mm~
~t f'~xé~utL
Analyse des contes
Procédons à l'analyse des contes en groupant les
personnages comme suit: d'un côté, ceux qui sont pour
l'orphelin, de l'autre, ceux qui sont contre lui.
Dans le premier conte,
le tuteur est seul contre
l'orphelin, et, du côté de l'ornhelin,
il y a la grand-mère
et les gens du village.
Le dénouement, c'est la mort du
tuteur.
Dans le deuxième conte,
il y a d'un côté, la

-
103 -
tutrice et ses enfants; du côté de l'orphelin, iJ n'y a
personne d'ici, mais tous ceux de l'au-delà sont avec lui
feu son père, feu sa mère, feu sa grand-mère; le dénoue-
ment, c'est l'enrichissement de l'orphelin.
Dans le troisième conte, du côté de l'orphelin,
se trouvent sa mère, et les gens; contre lui,
il y a son
père et une femme, plusieurs autres personnes, et les fan-
tôme s.
Le dénoue~ent,
c'est la mort violente du père qui
sera tué par son fils, et la victoire de l'orphelin sur les
vivants et même sur les fantômes.
Dans le quatrième conte, la répartition des
acteurs est singulière dans la mesure où l'ornhelin et le
père se trouvent du même côté contre la seule marâtre.
Dans le cinquième conte, nous avons d'un côté, le
père et la deuxième femme, et de l'autre côté, les deux
orphelins, frère et soeur, et leur mère.
La première femme.
Si nous résumons, dans l'ensemble,
le spectre de
la répartition des acteurs
est le suivant
- contre l'orphelin, de manière presque permanen-
te, nous avons son père,
son tuteur, la marâtre, la tutrice,
les fantômes, et les gens.
- Dour l'orphelin, nous avons une seule fois,
son
père, et, le plus souvent, sa grand-mère, et sa mère.
Une double conclusion du point de vue sociologi-
que peut se dégager de cette répartition structurale des

-
104
-
acteu~s, c'est que les heurts sont possibles entre le père,
le tuteur, et le fils.
La deuxième conclusion, d'importance sociale,
c'est que les heurts sont impossibles entre la mère, la
grand-mère et le fils.
Il me semble que c'est là, une Image fidèle et
précise de la réalité sociale Guan.
Prenons la relation père-fils dans le troisième
conte. Nous voyons que les enfants sont d'origine mysté-
rieuse, ils naissent des oeufs.
Il y a quelque chose de
ridicule qui est attaché à eux,
de ce fait.
Des oeufs, que
le père néglige, ce sont des enfants indésirables. Quand
ils arrivent à maturité, ces enfants sont turbulents, ils
sont impDssibles. Quant leur mère disparaît, et que l'un
meurt aussi, l'autre en est affaibli, et le nère veut sa
mort et le soumet à une série d'épreuves de plus en plus
difficiles.
Nous remarquons que l'enfant est obéissant,
soumIS à tout ce que le père lui commande, malgré le danger.
Cependant, l'enfant tue son père, mais c'est le père qUI
est responsable de ce parricide, c'est lui l'instigateur du
duel. Et lui, le premier, il jette les lances, ce n'est
donc pas à proprement parler, un parricide.
Le père veut soumettre l'enfant, qui a un carac-
tère terrible, puisqu'il bat les demi-frères à la rivière,
il casse les assiettes et les jarres. Les relations entre
le père et le fils sont donc tendues dans ce conte.

-
105 -
Dans le cinquième conte, également, opposition
entre le père et le fils de par la malice de la deuxième
femme,
la mère sera tuée injustement; le père oblige ses
enfants à veiller sur la peau tannée de la défunte et,

encore, les enfants se soumettent. L'autorité du père
s'avère donc suprême, sans appel.
Il a comme un droit de
vie et de mort, droit d'autrefois, ce qui peut expliquer à
l'heure actuelle le conflit des générations; les Vleux
rêvent du temps où ce droit était suprême et sans appel,
les jeunes vivant l'aujourd'hui de l'Indépendance où cha-
cun a le droit de disposer de lui-même.
La transgression,
bien qu'involontaire, ne constitue pas une circonstance
atténuante et ils n'échapperont pas à la sanction.
L'ordre, c'est l'ordre,
sans circonstance atté-
nuante pour ceux qui violent l'ordre. Entre le tuteur et le
protégé, le tuteur étant une image amoindrie du père, il y
a également opposition violente dans le conte. Par contre,
les relations orphelin-grand-mère, la grand-mère étant dans
la civilisation n~gro-africaine
une image supérieure de la
mère, la grand-mère veillant sur les petits enfants
plus
affectueusement que ne le fait la mère, vont plutôt à
l'intimité, la confidence.
Dans tous ces contes, nous avons pu VOlr que le
rôle de la grand-mère est toujours de conseiller, d'aider
l' orphe 1 in
à dépasser le s épreuve s
au.xquelles
il est soumis.
Si nous regardons maintenant les sociétés tradi-
tionnelles de l'Ouest Africain où nous avons recueilli ces

-
106
-
contes, nous pouvons nous demander pourquoI le conte insis-
te tant sur la tension quj existe entre le père et le fils.
Cette tension se trouve-t-elle au niveau de la réalité ou
bien n'est-ce que conte pur? Quand une femme disparaît et
laisse un enfant, et que son père se remarie,
la nouvelle
femme,
surtout si elle a des enfants, incline à défendre
férocement l'intérêt de ses propres enfants contre les
enfants de la défunte. La question de l'héritage, des
terres, est ici l'enjeu du drame.
Quels sont l~s enfants
qui hériteront de la propriété, des terres, après la mort
de leur père? Et la femme fait tout pour défendre les
droits de ses enfants et c'est continuellement dans les
sociétés traditionnelles quel'on observe de telles querel-
les domestiques ayant pour cause la terre. Les supporters
étant toujours la mère contre les enfants de l'autre
femme.
La haine du tuteur aussi, est monnaie courante
dans la société traditionnelle
; les mêmes conflits inter-
viennent toujours à propos des terres, et des plantations.
Qu and 1e tut e ur,
Cl' 0 n c 1e pat e r n e 1 0 u l'on c 1e
maternel) hérite de son frère, en principe et par le droit
coutumier, il doit conserver cette propriété jus~u'à ce que
les enfants du frère défunt deviennent majeurs ; mais la
plupart du temps, il cherche à faire main basse sur la pro-
priété et à écarter ses neveux au profit de ses propres
enfants.
Ce que les conteurs ont voulu traduire dans les
contes, c'est tout simplement cet événement quotidien,

observable dans toutes les relations sociales, de l'opposi-
tion entre le père et le fils, pour des questions d'héri-
tage.
Si l'on observe maintenant les relations entre la
mère et l'enfant, on remarquera que tous les contes où il
est question d'orphelin indiquent toujours que c'est parce
que la mère est morte.
C'est rarement l'orphelin à la suite
de la mort du père. Ceci semble traduire que, pour les
sociétés traditionnelles de l'Ouest Africain, on n'est
vraiment orphelin que quand on est orphelin de mère.
Que conclure après le thème de l'orphelin dans
les contes de l'Ouest Africain
?
Le conte est d'abord
description de la société: c'est le miroir de la société,
car on y découvre les réalités de tous les jours. Pour
ceux qUI écoutent ou ceux qui content, il a les mêmes
dimensions que la vie réelle dont il est l'ombre à peine
voilée. La fonction ethnographique de ce genre littéraire
est assez claire.
Il s'agit pour le conte, de traduire sUL
un mode fabulateur la société d'hier et d'aujourd'hui telle
que se s membre s 1 a vi ven t.
Le conte n° 2 va assez loin dans la traduction
des signes extérieurs de richesse
(maison à étages, voiture
de prestige, comme la Mercédes, etc ... J.
Le conte peut, de par sa plasticité, accompagner
la société aujour le jour, et l'aider à interpréter son
propre destin.
On peut, à la suite de cette réflexion,
se deman-
der quelle est la fonction pédagogique du thème de l'orphe-

-
lOS
-
lin dans les contes de l'Ouest Africain.
Les contes ne sont pas les seuls à refléter les
relations de la société. Dans la ~orcellerie, les mêmes
tensions se retrouvent, cependant avec une différence.
La
fonction de la sorcellerie semble être de détruire les
tensions, tandis que la fonction du conte serait de faire
venir à jour ces tensions.
Le conte, dans ce thème, met
l'individu au coeur des tensions de la société. On peut
dire qu'il a une fonction de sensibilisation et de cons-
cientisation. En faisant de la violence un objet mythique,
le conte essaie de la voiler, et d'en faire un objet
d'amusement. On s'amuse de cette rivalité. Dans la réalité,
on ne s'en amuse pas. Le conte et la conception générale
de la sorcellerie sont deux manières de "tourner" la
violence.
Le conte consiste à dire ce qui est d'une cer-
taine manière pédagogique,
ironique de sorte que le groupe
sache se comporter devant ce qui est vécu. La sorcellerie
a le m~me objectif. Et si, actuellement, cela nous parait
le contraire, c'est que la sorcellerie elle-même est en
pleine dégradation. A notre avis, la sorcellerie est le
transfert, le transport de la violence du groupe dans
l'imaginaire. On inculpe quelqu'un de la famille parce qu'il
faut absolument accuser quelqu'un.
Il est d'une utilité
vitale pour le groupe que la responsabilité soit pDrtée sur
quelqu'un à condition que le groupe vive encore et postule
encore les structures sociales de réconciliation.

-
109 -
Le drame, à l'heure actuelle, est que les struc-
tures de réconciliation
sont demantelées, alors que
l'accusation continue. Mais c'est plutôt une manière
d'atténuer la violence, qUl est quelque chose de si fort
en chacun des hommes.
On a souvent l'impre~sion que cette forme de
littérature orale est la répétition directe des faits de
la vie quotidienne, comme une photographie de ce qUl se vit.
Au départ, ce n'est pas la littérature orale qui est
première, ce sont les traditions. Les gens ont d'abord
inventé leurs traditions pour organiser leur vie sociale.
Une fois que ces traditions ont fait leurs preuves, il faut
qu'on les transmette. C'est là qu'intervient la littérature
dite orale, pour faire passer ces conditions d'une généra-
tion à l'autre. Ainsi,
l'effort pédag.ogique vient de lui-
même. On est obligé d'adopter les techniques de composition
de type oral.
Il faut non seulement composer chaque genre,
mais aussi le retenir,
le transmettre à l'abri des trans-
formations. Le procédé de répétition du conte, correspond à
sa fonct.i-an pour le maintien de la société. En faisant
revenlr le même refrain,
il garantit que la communauté cla-
nique a reçu le message que le conte transmet.
2 - Les fonctions ludiques des contes
Instruire en amusant.
Les contes se prêtent à merveille à cette règle.
L'atmosphère est toujours agréable et gaie. NGUS trouvons
dans les contes de l'Ouest Africain, une gamme très étendue

-
11 0
-
de comIque. Le comIque de caractère, et le comique de
situation se partagent l'espace ludique des contes de la
savane et des contes de la forêt.
Le comise repose soit
sur les personnages, soit sur les mots, soit sur le héros
principal. Dans les contes de région forestière, Araignée
est un personnage hautement comique.
C'est une caricature.
Au physique, il concentre toute la laideur du monde avec
son petit corps difforme, velu, bossu, ses longues pattes
et ses yeux exhorbités. Au moral, c'est un comDosé de tous
les défauts et vices humains. Araignée est un véritable
bouffon. Le comique des contes de l'Araignée, est un
comique de contraste. Contraste entre ce qu'il dit de lui-
même et ce qu'il est réellement. Cet affreux personnage se
trouve en effet très beau: "Dans mon pays, les beaux jeu-
nes gens comme moi ne mangent pas, cela les alourdirait". (1)
Lorsqu'il raconte l'histoire de la bosse qu'il a
sur le dos,
il éprouve d'abord le besoin de rappBler avec
emphase et force détails qu'autrefois,
il était le plus
bel homme de la terre.
Il faut alors souligner l'art avec
lequel B. DADIE fait faire à Kakou Ananzé-l'Araignée, son
auto-portrait
~En ~e temp~-la, j'~tai~ un beau ga~~. Il
n'y avait pa~ mon pa~eil dan~ le monde.
Nulle
pa~t, l'on ne t~ouvait un ~t~e au~~i
beau, au~~i ~ha~mant Que moi .. " (2)
Auditeur ou lecteur, nul ne peut s1empêcher de
(1)
DELAFOSSE
(Ml
- op ~it "l'A~aign~e, .6a 6emme, et le
~e~pent python" ~onte 3 - p. 202.
(2)
DADIE lB) - ~~ne noi~ - P~~~en~e A6~i~aine - ~onte
~la bo~~e de l'a~aign~e" - p.
40.

-
111
-
rire du profond ridicule du personnage. Quoj de plus laid,
repoussant, répugnant, pour ne pas dire effrayant qu'une
araignée? Et voilà que notre héros parle de sa beauté, et
de son charme
Contraste aussi réel entre ce qu'il dit et
ce qu'il fait
nous verrons que c'est sur ce procédé que
reposent surtout le comique de caractère et le comique de
situation. Dans les contes de la savane, SI la balourdise
de l'hyène dans les contes fait rire à gorge déployée,
il
faut dire que Lièvre, lui-même provoquait généralement le
sourire, le rire fin,
aussi fin que la finesse de son
esprit. Au contraire, dans les gestes de l'araignée, où
c'est principalement le héros qui provoque le rire, le
comique est la plupart du temps "gros". Soit qu'Araignée
s'introduise "par la fente"
(1) dans le ventre de la vache
de Dieu pour en dévorer la graisse, ou qu'il pousse des
hurlements de douleurs, quand les enfants, pour le punir
de sa goinfrerie lui versent une solution concentrée de
piment dans la bouche (2).
Une autre différence entre les contes de la
savane et les contes de la forêt
; dans le premIer cas, si
le lièvre fait rire c'est à son avantage; on rit de sa
ruse, de sa finesse d'esprit, du bon tour qu'il vient de
jouer à la sotte hyène. Mais, quand l'Araignée fait rire,
c'est à ses propres dépens. On rit parce que le trompeur
a été trompé, parce que le beau parleur a été ridiculisé,
le voleur volé. D'un côté, le comique repose essentielle-
(1)
VAVIE
(B)
L e. Pa 9 ne. .A;J 0 ift -
".t a v a c. ft e. de. Vie. u" p.
1 2 0..
(2)
DAVIE
(B)
-
Lége.f1de..o a6ftic.aine..o
-
"AJta-tgnée. mautJa-C6 pèfte."
p. 76.

-
11 2 -
ment sur le héros central,
l'Araignée.
Il y a un contraste
entre ce qu'il dit et ce qu'il est réellement. Araignée est
vantard, bavard, hâbleur.
Il se dit réellement si beau que
toutes les femmes du monde sont à ses pieds; pourtant, les
rares fois où on le voit aux côtés d'une belle femme, cela
ne dure pas longtemps, celle-ci se rendant vite compte de
la fatuité du personnage. Ainsi, GUINNDE-SOA se métamorpho-
sant en biche, s'enfuit-elle immédiatement après mariage,
lorsqu'elle constate que Kenndeoua (araignée en Baoulé)
n'est qu'un menteur, et un ingrat.
(1)
Araignée, en tant que héros des contes de la zone
forestière de l'Afrique de l'Ouest manque totalement de
prudence, de prévoyance, de finesse.
Parlant toujours trop
vite, sans mesurer la portée de ses paroles, il est presque
toujours amené à se contredire, ce qui le ridiculise auto-
matiquement. Lorsque mourant de faim,
il pris au piège un
écureuil et que celui-ci le supplie de le laisser en vie
en lui rappelant qu'il "est du village de sa mère", Araignée
se moque bien de cela et ne pense qu'à tuer l'écureuil de sa
machette: "Tu es certainement du village de ma mère, mais
pas du village à moi. Et même, serais-tu de mon village à
mOl, penses-tu que ta tête ne serait pas au fond de la mar-
mite? (2) Puis écureuil lui ayant promis de l'emmener dans
"le plus beau, le plus merveilleux pays" s'il lui laissait
la vie sauve et le conduisant effectivement à travers
champs de papayes, de maïs, d'ignames et de bananes, Arai-
( 7)
Op W
c.onte. n° 3 - f' aJuugné.e. e;t ta b,[c.he. gwe. - p. 720.
(2)
OAOl E (B)
- te. pagne. no.0'1- - "aJz..a.,.[gné.e. e;t ta tolLtue." - p. 77.

-
11 3 -
gnée n'a plus du tout enVIe de le faire mourIr. Au contraire,
voilà que d'une voix doucereuse il lui dit maintenant: "Ma
maman me parlait souvent de toi, de tes richesses. Moi,
je
ne te connaissais pas. Oh ! comme Dieu fait bien les choses
Sans cette famine opportune, t'aurais-je jamais connu, toi
qui es du village de ma mère? de ma brave mère, morte trop
tôt, hélas! Elle parlait encore de toi lorsqu'elle
mourait."
(1)
Le comique naît de l'énormité des mensonges
d'Araignée, de l'art qu'il a d'être hypocrite et comédien.
Voulant dévorer seul le champ d'ignames que toute la
famille a fait pousser,
il va d'abord jouer aux SIens la
comédie de la syncope puis les persuader qu'il a rêvé sa
mort: il devra être enterré près de ses ignames, et il
faudra mettre sur sa tombe un mortier, un pilon, une marmite,
du sel et de l'huile.
(2)
B. DADIE accentue le comIque du thème tradition-
nel en prêtant à l'Araignée un savoureux monologue dans
lequel, il reproduit lui-même son dialogue avec le person-
nage qui lui est apparu :
- "Quoi, ne pas me baigner, ne pas m'habiller, et m'enter-
rer dans le champ ? ça,
j amai SI"
- "Et le cimétière où dorment les miens," répliquai-je.
Mais la voix continuant me dit
:
- "C'est pour le bonheur des tiens, ta femme,
tes enfants,
(1)
ibid pp.
73-74.
(2)
VAVIE
(B)
-
Le.. pagne.. no-<..!L
- "te.. c.hamp d'igname..,~"- p. 138.

- 114 -
surtout".
(1)
Dans un autre conte,
(2) Araignée assure Dieu
que lorsque la reine mourra, il donnera pour ses funérail-
les une hyène, une panthère, et un boa.
La reine meurt;
Dieu demande à Araignée d'exécuter ses promesses. Grâce à
toutes sortes de ruses, il réussit. Et l'auditoire d'an-
plaudir, au succès d'Araignée.
Ce n'est plus du ridicule
d'Araignée que l'on rit alors, mais de la victoire qu'un
petit a remporté sur des forts.
C'est ce que signalait déjà
DELAFOSSE :
"Comme. -tou!.J te.!.J
homme.!.J,
te.!.J Baouté!.J aA..me.n-t
e.-t app~é~A..e.n-t
e.n Ke.nndéoua
(a~aA..9née. e.n
Baouté)
te. naA..bte. quA.. !.JaA..-t vaA..n~~e. le. no~-t,
ou !.Je. ve.nge.~ de. tuA.. e.n jouan-t de.!.J tou~!.J" (3)
Dans les contes de l'Araignée, il reste que,
outre l'araignée lui-même qui suscite le rire, ses princi-
paux partenaires, Madame Araignée et Dieu lui-même, ne vont
p~s sans une petite part de comique. Le mauvais caractère
de Mme Araignée que nous avons déjà souligné plus haut,
renforce ici et là, le comique lSSU d'Araignée lui-même.
Un Dieu, aussi naîf qu'il l'est quelquefois, ne peut manquer
de faire sourire. Comment Dieu ne sait-il pas qu'Araignée,
sa créature, est un imposteur? Enfin lui qui peut tout,
s'étonne souvent de l'intelligence d'Araignée! Araignée
prétend être l'objet de l'admiration de toutes les femmes
( 1)
A..bA..d p.
138.
(2)
ROEHRIC
(V)
- "Comme.nt NA..amA..e.n ~é~ompe.n!.Ja.e.a mafA..gne. aJz..a.i-
gnée." A..n B.E.A.O.F. - Vafwt 1938 - pp. 42-43.
( 3) VELAFOOSE (M) - "te. ~oman de. t' a.Jta.,[gnée. ~he.z tu Baou.fé!.J de. Côte.
d' Ivo~e." A..n ~evue. d'ethnogMphA..e. et de. tMdA..tA..O/1!.J
popu.f~e.!.J pp. 197-218.

-
11 5 -
de la terre !
Mais lorsque nous voyons l'attitude de celles-ci à son
égard, nous constatons qu'elles sont, pour le moins, plus
moqueuses et impératives qu'admiratives:
- "Ote.-to-<- de. fà,
me. d-<-t fa pfu-6
je.une. 6e.mme.."
- "La-<--6-6 e.- mo-<- tJtanqu-<-ffe.".
- "Comme.nt te. fa-<--6-6e.Jt tJtanqu-<-ffe.
-6-<- tu e.-6 c.ouc.hé
dan-6 ma
c.u -<--6 -<-n e. ?"
- "La-<--6-6e.-mo-<- tJtanqu-<-ffe., te. d-<--6-je. f"
- "Tu
ne. mange.-6 pa-6, aujouJtd'hu-<- ?"
-
"Je. n'a-<- pa-6 6a-<-m."
"Eh b-<-e.n, nou-6 autJte.-6, nOU-6 avon-6 6a-<-m. Ote.-to-<- donc. de.
fà."
(1)
Dans ce conte, qUl vient d'être cité, notre héros,
jadis "le plus beau gars de la terre", apparaît couché sur
le dos dans la cuisine dissimulant ainsi sa bosse dans un
trou, lorsque la horde criarde des femmes arrive.
Celles-ci, loin de lui parler avec douceur, comme nous
venons de le VOlr, l'apostrophent vertement au contraire
lorsqu'elles aperçoivent la bosse! Et elles ne s'en tien-
nent pas là :
"Et e.ffe.-6 me. hu~Jte.nt,
au f-<-e.u de. me. pfa-<-n-
dJte. ... Effe.-6 Jtac.ont~Jte.nt fe. 6a-<-t à fa
vO-<--6-<-ne.,
fa vO-<--6-<-ne. à -6a vO-<--6-<-ne. ; c.e.ffe.-c.-<-
à c.e.ffe.-fà, c.e.ffe.-fà à c.e.tte. autJte. ; c.e.tte.
autJte. à
Le. mlme. jouJt,
tout fe. v-<-ffa~e.
-6 ut que. j' éta-<--6
bo-6 -6U ."
(2 1
Il Y a comique de situation chaque fois que notre
héros joue le rôle du trompeur trompé, de "tel est pris qui
croyait prendre". C'est là encore, en se retrouvant victime
des femmes qu'il se ridiculise.,
(1) VAVIE
tB)
- fe. ~agne. 110-<-Jt - "fa bO-6-6e. de. f'aJta-<-gnée."
p.
1.
(2) -<-b-<-d p.
47.

-
11 6 -
Voulant en effet duper sa femme en savourant égoïstement le
bon miel qu'il a trouvé et (lU' il appelle "un nuissant
fétiche",
il doit finalement subir le supplice de receVOIr
dans la bouche une solution concentrée de piment, qui le
fait hurler de douleur, et ceci sous le rire et les ricane-
ments de sa femme, et de ses enfants.
(1)
Comble de honte enfin, et par là même de ridicule,
lorsque sa propre femme, Madame AKORU, lui préfère l'indivi-
du réputé le plus sot de la création: Gbokrokofi,
l'hyène
(2).
Honte encore lorsqu'il se fait rosser de coups
par son rival
!
La plupart des pièges qu'il tend retombent sur lui, et il
est à chaque fois couvert de ridicule. C'est Iguane qUI
lui retourne la ruse "Papa-Sédentaire-Papa-Etranger" (3).
Ce sont les antilopes qu'il a voulu effrayer qui le font
trembler et engendrent la panique de toute la famille
Araignée: "Voilà les antilopes qui viennent, qui les
frôlent presque ! alors Kakou Ananzé ordonna le sauve-qui-
peut. Tout le monde n'attendait que cela. Ce fut donc la
débandade." Pour mieux savourer le comique des mots, de
situation et de caractère, du conte de l'Ouest Africain,
il faut comprendre la langue. Les contes traditionnels,
fixés par l'imprimé dans un livre, ne peuvent restituer
qu'une infime partie de ce comique. C'est le choix de tel
(1) B. VAVIE - Lég(u1de.-6 AnJu:.c-M.n.e.-6 -"AJtarign.ée. Mauva--W PèJte." pp.
75-76.
(2) M. VELA FOSSE - op. ca. "i'a.!l1Ugn.ée. et t'hyèn.e." - c-ol'Lte. n. 0 2.
[3) B. VAVIE - Le. pagn.e. n.ohz. - "nun.é~e..6 de. mèJte. --éguan.e." pp. 90-91.

-
11 7 -
mot, à la place de tel autre, c'est le surnom de tel animal,
qui déclenchent le rire. Regardons l'auditoire du conteur
on est attentif, on approuve, on répète quelques mots, on
rit en choeur, à chaque instant.
Ce ne peut être que celui
qUl entend la langue du conteur qUl pourra en faire un
commentaire vraiment solide. Le seul atout des conteurs
n'est pas le mot;
ils ont aussi pour eux la voix, l'into-
nation, et surtout le geste. Le conte traditionnel, avec
ses mimes, ses chants rythmés, ses danses, ,est à lui seul
un spectacle.
Instruire en jouant, le conte respecte bien ce prlnclpe.
En dehors de son caractère ésotérique, moralisateur, ini-
tiatique, c'est une activité ludique. "Partout sur la
terre, les enfants jouent, et cette activité tient tant de
place dans leur existence, que l'on est tenté d'y voir la
raison d'être de l'enfance. Et de fait,
le jeu est vital
il conditionne le développement harmonieux du corps, de
l'intelligence et de l'affectivité. L'enfant qui ne joue
pas est un enfant malade. L'enfant empêché de jouer devient
malade, de corps et d'esprit. La guerre, la misère, qUl
laissent l'individu livré aux seules préoccupations de
survie et, du même coup, rendent le jeu difficile ou même
impossible, aboutissent au dépérissement de la personne.
Si l'évolution de l'enfant et de ses jeux, si le
besoin de jeu en général, font figure de réalité universel-
le, le jeu n'en est pas moins ancré au plus profond des
peuples, dont l'identité culturelle se lit à travers les
jeux et les jouets qu'ils ont créés: "les pratiques et

-
118
-
objets ludiques sont infiniment variés et marqués profon-
dément par les spécificités ethniques et sociales." (1)
Conditionné par les modes d'habitat ou de subsistance,
limité ou encouragé par les institutions familiales, poli-
tiques, et religieuses,
fonctionnant comme une institution,
le jeu constitue un véritable miroir social. A travers les
jeux et leur histoire se lit non seulement le présent des
sociétés mais le passé même des peuples. Une part importan-
te du capital culturel de chaque groupe ethnique réside
dans son patrimoine ludique enrichi par des générations
successives. Dans les sociétés traditionnelles de l'Afrique
de l'Ouest, les jeux sont très variés.
S'agissant des contes et des fables,
GRIAULE note que chez
les Dogon, on peut distinguer dans cette catégorie, les
récits qui mettent en scène des animaux, ceux qui présen-
tent des personnes, et enfin des contes astronomiques et
cosmiques où interviennent lune et soleil.
Les énigmes servent surtou-t aux jeunes gens pour
se faire la cour. D'une manière générale, les Dogon clas-
sent les devinettes, les proverbes, les fables, et les
présages qui demandent à être expliqués pour être compris
et font partie des "paroles étonnantes", énigmatiques, dans
la catégorie des "paroles du tissage". En effet, la poulie
du métier à tisser, par son grincement régulier, parle sans
cesse, mais personne ne la comprend; sa parole est "secrè-
te", peine de mystère, comme celle du génie de l'eau,
(1) UNESCO - Etude.J.> e.t Voc.ume.ntJ.> d'Educ.at-ton - ".t'e.nnant e.t
le. je.u" n° 34 - p.
5 e.t J.>u-t:te..

- 119 -
première manifestation du verbe, au début des temps, que
les hommes ne saisirent pas.
(1)
Ces paroles énigmatiques
ont pour effet de développer considérablement les capacités
q'enregistrement. Certains contes à énigmes détendent
l'atmosphère, et font chercher la solution par l'auditoire.
Ces contes n'ont aucune morale, tel ce conte Ouan de Côte
d'Ivoire: "Les trois prétendants";
"TtLoiJ.J je.une.J.J ptLéte.ndantJ.J J.Je. tLe.nde.nt danJ.J -te. vi-t-tage. de.
-te.UtL du-t~inée..
Le. ptLe.mie.tL J.J~tLute. J.Jon mitLoitL magique., i-t y
voit -ta je.une. 6i-t-te. éte.ndue. J.JUtL un -tit de. motLt.
Le. de.uxième.
détLou-te. J.Jon tapiJ.J vo-tant.
Le.J.J ttLoiJ.J ptLéte.ndantJ.J, aptLèJ.J que.-t-
que.J.J minute.J.J de. voyage. danJ.J -te.J.J aitLJ.J, atte.tLtLiJ.JJ.Je.nt au
~he.ve.t de. -ta 6i-t-te. dé6unte..
Le. ttLoiJ.Jième. -ta tLe.J.JJ.JuJ.J~ite..
A qui tLe.vie.nt de. dtLoit -ta je.une. 6i-t-te. ?
Un autre conte de ce genre,
intitulé "les trois
phénomènes" : (2)
"I-t était une. 6oiJ.J ttLO,{.J.J homme.J.J ; -te. ptLe.mie.tL était J.Ji tLéputé
danJ.J -t'atLt de. donne.tL de.J.J ~oupJ.J de. pie.d, qu'on -t'e.xpu-tJ.Ja de.
J.Jon vi-t-tage..
L'habi-te.té du J.Je.~ond dépaJ.JJ.Jait toute. me.J.JutLe., ~e.
qui ~ui ~oûta d'êttLe. ~haJ.JJ.Jé. Quant au ttLoiJ.Jième., ~-t était
ttLOp ma-t~n .. I-tJ.J J.Je. tLe.n~onttLètLe.nt
e.t -t~ètLe.nt am~t~é aptLèJ.J
avo~tL natL~é ~ha~un -ta tLa~J.Jon de. -te.UtL e.xpu-tJ.J~on.
I-tJ.J
a-t-tètLe.nt
e.nJ.Je.mb-te. e.t matL~hètLe.nt pe.ndant ttLèJ.J -tongte.mpJ.J à ttLave.tLJ.J boiJ.J.
B~e.ntôt -ta J.Jo~6 -te.J.J ptL~t maiJ.J ~-tJ.J ne. putLe.nt ttLouve.tL
au~une. J.JOUtL~e.,
au~une. tL~v~è~e..
I-tJ.J
J.J'atLtLêtètLe.nt e.t J.Je. ~on-
~e.tLtètLe.nt.
- Eh b~e.n,
que. ~ha~un 6aJ.JJ.Je. ptLe.uve. de. J.Je.J.J pOJ.JJ.J~bi-t~téJ.J
e.t
nouJ.J ve.tLtLonJ.J ~omme.nt év~te.tL une. motLt due. à -ta J.Jo~6.
Le.
ptLQm~e.tL J.Je. -te.va e.t J.JanJ.J atte.ndtLe. donna un ~oup de. p~e.d J.J~
v~o-te.nt qu'~-t 60tLa un pu~tJ.J dont -t'e.au ttLèJ.J abondante. J.J~~n­
t~-t-ta~t tout au 6ond. L'homme. hab~-te. ~n~-t~na aUJ.JJ.J~tôt -te.
pu~tJ.J e.t ~ha~un d'e.ux pùt J.Je. déJ.Ja-ttétLe.tL ave.~ p-ta~J.J~tL.
Au
mome.nt de. patLt~tL -te. ma-t~n tLéuJ.JJ.J~t à e.n-te.ve.tL -te. pu~tJ.J qu'~-t
ptL~t J.JUtL -t'épau-te. pOUtL, d~t-i-t,
ne. p-tuJ.J avo~tL à tombe.tL e.n
déttLe.J.JJ.Je. à
~auJ.Je. de. -t'e.au.
On de.mande. -te.que.-t de. ~e.J.J ttLO~J.J homme.J.J métL~te. -te. p-tuJ.J -t'ad-
mitLat~on ?"
(7)
G.
CALAME-GRIAULE:
e.thvlOlogie. e.t -tangage. t'J.o.
75-76.
(2)
J.
COPANS e.t P.
COUTY - Conte.J.J Wo-to n de. Bao-t - ~o-t-te.~­
t~on 70/7& - pp.
733-734.

-
120 -
Ces contes à énigmes sont ludiques.
Ils servent
de divertissement à l'auditoire et permettent à celui-ci
de dialoguer avec le conteur.
Ils ont aussi pour but de
stimuler l'intelligence enfantine, de la faire travailler,
de la familiariser avec les énigmes.
Les proverbes, les
devinettes, sont des énigmes de la littérature orale.
Ils
reviennent aUSSl fréquemment pendant les séances de contage.
"Le~ maxime~ ~e~vent de point d'appui en
m~me temp~ que de ~~an d'a~~~t à la pen~ée.
Elle~ ~oulent la di~~u~~ion dan~ une t~adi­
tion,
quelque ~ho~e de tout donné,
et de ~e
éait,
elle~ ~a~~u~ent, endiguent, ~anali~ent.
Citée~ à p~opo~,
elle~ ont une valeu~
d'a~gumentation pé~emptoi~e et ~e~onnue~
pa~ tou~ ... La devinette, ave~ ~e~ image~
é~appante~, dé~outante~ dan~ leu~ ~on~i~ion,
le~ ~app~o~hement~ inattendu~ qu'elle opè~e,
peut elle au~~i, pa~ti~ d'un t~ait ~éali~te
pou~ ~ondui~e dan~ l'unive~~ de~ ~ymbole~ et
~on~titue~ ain~i le point de dépa~t d'un
vé~itable en~eignement". (1)
L'universalité du jeu dans l'élaboration du psy-
chisme individuel, va de pair avec une variabilité qui se
marque d'une époque à une autre, d'une culture à une autre,
d'un type de société à un autre. L'éducation de l'enfant
apparaît aussi quand on le regarde globalement comme un
processus extrêmement diversifié, qui fait intervenir des
agents
et des moyens de nature variée, selon une chronolo-
gie précise.
Mais. cette diversité est coordonnée, elle forme
un tout organique. Les interventions peuvent être apparem-
ment hétérogènes les unes par rapport aux autres ; mais
(1)
ERNY (P)
-
L'enéant et ~on milieu en A6~ique Noi~e -
p.
177.

- 121 -
elles sont fonction d'un même milieu, et porteuses d'une
même affirmation culturelle. L'homogénéité résulte de leur
complémentarité, SI elle ne peut être appréciée qu'''au
terme". Selon ERNY, "étudier les éléments qui constituent
une pédagogie, ne peut avoir de sens que dans une perspec-
tive fonctionnelle et finaliste".
Pour conclure, reproduisons deux contes qui sont
à la fois ludiques et comiques.
La nature de ces contes se
passe de commentaire.
Araignée, Mauvais Père (1)
A~a~gné~ pè~~, ~~t un ét~~ pl~~n d~ v~~~~ dont la
mal~~~ ~t la 6ou~b~~~~ ~ont l~~ mo~nd~~~. Il t~nd la nu~t
d~~ 6~1~ d'a~g~nt ~n t~av~~~ d~ no~ p~~t~~ bo~dé~~ d'h~~b~~
~ha~gé~~ d~ ~o~é~. Il p~ét~nd, ~~ pè~~ mal~~~~ux, nou~
b4~~~~ la ~out~ a nou~, l~~ homm~~. C'~~t du mo~n~ ~~ qu'~l
~a~ont~ aux ~~~n~ dan~ l'~~t~m~ d~~qu~l~ nou~ n'avon~ ~û~~­
m~nt pa~ d~ plae~ d~ ~ho~x. En ~éal~té,
~~nt~ant p~é~~p~­
tamm~nt d'un~ ~~~apad~ no~tu~n~,
~l a ~~mpl~m~nt la~~~é la,
pa~ méga~d~ de~ pan~ de ~OYL pagne.
C'e~t au~~~ un vo~~~n en~omb~ant, pou~ nou~ beau~oup
plu~ en~omb~ant que mauva~~ pè~e. Il n'y a qu'a ~ega~de~
de~ pla6ond~ oa de~ ~o~n~ de mu~~ pou~ ~'en ~onva~n~~e.
Ah ! la ~ale béte, qu'~l 6aut dét~u~~e ju~qu'aux oeu6~. Et
avant que nou~ ~oyon~ a~mé~, A~a~gnée qu~ do~t un oe~l
ouve~t ayant p~e~~ent~ le dange~ a déja d~~pa~u ~u~ ~e~
béqu~lle~ 6Iuette~. A~a~gnée, toujou~~ a~a~gnée, pa~tout
a~a~gnée : A~a~gnée "Ekèdèba", ~a 6emme "Côlou" et ~on 6~1~
a--<:né "Eban".
Un beau ménage, vou~ pouvez le ~~o~~e. Un
ménage où la lo~ de la jungle ~ègne ~ouvent ave~ la p~n~ée
de mal~~e, la do~~ de ~u~e, la quant~té de 6ou~be~~e qu'~l
6aut, ma~~ tout ju~te alo~~. N~ plu~ n~ mo~n~. La quant~té
pou~ pun~~ ou 6a~~e ~~~e, e~t dan~ le ~ang de ~ette engean~e
A~a~gnée. Une ~a~~ée 6am~lle que ~ette 6am~lle-Ia. E~uutez
en~o~e ~e men~onge, l~~ men~onge~ ont la v~e du~e et le~
~onte~ ne ~ont que de~ men~onge~, d~t la v~e~lle Taya.
C'était p~ndant une 6am~ne, une 6am~tle te~~~ble, une 6am~ne
~an~ p~é~édent, une oamine qu~ pouva~t batt~e le Véluge au
~e~o~d d'hé~atombe~. En e66~t,
homme~ et béte~ mou~a~ent pa~
(7)
VAVIE
(B)
- Légende~ et roème~ - pp.
77-75.

-
122 -
m-<"ii-<"e.Jt-6.
Le.-6 aJtbJte.-6 éta-<"e.Vlt e.66e.u-<..iié-6.
Le.-6 -<"gVlame.-6 -6auva-
ge.-6 Vle. dOVlVla-<"e.Vlt piu-6 ; ie.-6 6Jtu-<"t-6 ; Vl'e.Vl paJtiOVl-6 pa-6. Le.-6
-6 oUJtc.e.-6 éta-<"e.Vlt taJt-<"e.-6.
Pa-6-6 e. qu'a Vl Vl' a-<..t Jt-<"e.Vl à -6 e. me.ttJte.
-60U-6 ia de.Vlt, ma-<"-6, au m0-<" Vl-6 , qU'OVl a-<..t Uvl pe.u d'e.au pouJt
étaVlc.he.Jt -6a -60-<"6. Ma-<"-6 VlOvl, ie.-6 -6OUJtc.e.-6 e.iie.-6 aU-6-6-<" éta-<"e.Vlt

taJt-<"e.-6, e.t ie.-6 c.hamp-6 bJtûié-6 de. -6oie-<"i,
e.t ia 60Jtêt e.Vlt-<..èJte.
mouJtaVlte. e.t ie.-6 o-<"-6e.aux ava-<"e.Vlt 6u-<...
Où éta-<"e.Vlt--<"i-6 pa-6-6é-6
tOU-6 c.e.-6 -6-<"Vlge.-6 maJtaude.uJt-6 du bOVl te.mp-6 ? Ii-6 mouJta-<"e.Vlt,
e.ux aU-6-6-<",
c.aJt homme.-6 e.t bête.-6 mouJta-<"e.Vlt paJt m-<"ii-<"e.Jt-6.
Le.-6
Jtue.-6 éta-<"e.Vlt jOVlc.hée.-6 de. c.adavJte.-6 e.t ie.-6 -6oU-6-bo-<"-6 pua-<"e.Vlt
e.t ie.-6 aJtbJte.-6 bJtûia-<"e.Vlt taVlt ie. -6oie.-<..i éta-<"t toJtJt-<"de..
Le.-6
60-6-6oye.uJt-6, Uvl jouJt,
pouJt c.ombie. de. maihe.uJt, ia-6 e.t a66amé-6,
pJt-<"-6 de. ve.Jtt-<"ge., ava-<"e.Vlt c.hu daVl-6 UVle. tombe. qu'-<..i-6 ve.Vla-<"e.Vlt
de. c.Jte.U-6e.Jt.
Be.auc.oup d'êtJte.-6 -<"mpioJta-<"e.Vlt va-<"Vle.me.Vlt UVle. moJtt
qu-<" -6e.mbia-<..t pJte.VldJte. pia-<"-6-<"Jt à ie.uJt-6 -6oU66JtaVlC.e.-6. Homme.-6 e.t
bête.-6 mouJta-<"e.Vlt, -6au6 UVle. -6e.uie. e.-6pèc.e. de. "bête.-6" ...
de.V-<"Vle.Z!
Eiie.-6 -60Vlt -6-<" agacaVlte.-6,
bouJtdoVlVle.Vlt taVlt ! Ou-<", ie.-6 mouc.he.-6!
e.iie.-6 Vle. mouJta-<"e.Vlt pa-6,
e.iie.-6.
Eiie.-6 Vle. mouJta-<"e.Vlt pa-6, ie.-6
mouc.he.-6, quaVld ie.-6 6ie.uve.-6 éta-<"e.Vlt à -6e.c., e.t que. ie.-6 aJtbJte.-6
bJtûia-<"e.Vlt.
Le.-6 mouc.he.-6,
e.iie.-6,
v-<"va-<"e.Vlt e.VlC.OJte. pouJt -6'ac.haJt-
Vle.Jt -6UJt toute.-6 ie-6 c.haJtogVle.-6.
Et e.iie.-6 gJto-6-6-<"-6-6a-<..e.Vlt ie.-6
mouc.he.-6, pJte.VlaVlt du Ve.VltJte. e.t de. ia c.ouie.uJt, de. ia be.iie.
c.ouie.uJt ve.Jtte., moJtdoJtée.,
e.t ave.c. c.e.ia UVle. Vlouve.iie. 6acoVl
-6péc.-<..aie. de. -6'abattJte. -6UJt ie.-6 pJto-<..e.-6,
de -6e. 6Jtotte.Jt ie.-6
patte.-6 ! NoVl vJta-<"me.Vlt AJta-<"gVlée. Vl'e.vl pouva-<..t piu-6.
C'e.-6t de.
ia bOVlVle. v-<"aVlde. tout c.e.ia. Que.i déc.Jte.t e.mpêc.he. de. maVlge.Jt ie.-6
mouc.he.-6 ? Se.uie. i'aboVldaVlc.e. ava-<..t pu 6a-<"Jte. étabi-<"Jt c.e.t u-6age..
OJt, aujouJtd'hu-<", que. ia d-<"-6e.tte. a Jte.mpiac.é i'aboVldaVlc.e.,

Vl'e.-6t--<"i pa-6 Jtée.iie.me.Vlt -<"VlC.OVl-6éque.Vlt de. -6'ac.c.Jtoc.he.Jt à de.
v-<"e.-<..iie.-6 pJtat-<"que.-6
? 5-<" ! 5-<" ! C'e.-6t de. ia puJte. -<"d-<"ot-<"e.. Ma-<"-6
c.omme.Vlt 6a-<"Jte. adme.ttJte. c.e.ia paJt UVle. 6e.mme. QU-6-6-<" têtue. que.

Côiou ! Bah! qu'à c.eia Vle. t-<"e.VlVle..
Ekèdèba a piu-6 d'UVl touJt
daVl-6 -60Vl -6ac.,
c.'e.-6t pouJtquo-<", Uvl -6o-<"Jt, au c.ouJt~ de.-6 iam~Vlta­
t-<"OVl-6 v~-6péJtai~-6,
-<"i d-<..t à bJtûie.-pouJtPO-<"Vlt à -6a 6e.mme. :
- G-<"6ie.-mo-<", ma c.hèJte., g-<"6ie.-mo-<" de. toute.-6 te.-6 6oJtc.e.~.
- PouJtquo-<" ve.ux-tu que. je. te. g-<"6ie. ?
- G-<"6ie.-mo-<" de. toute.-6 te.-6 60Jtc.e.-6, c.aJt je. -6u-<"-6 Uvl -<"d-<"ot.
C'e.-6t b-<"e.Vl que. tu Jte.c.OVlVla-<"-6-6e.-6 tOVl -<"d-<"ot-<"e., ma-<"~ e.vl quo-<"
me-6 g-<"6ie.-6 à mo-<" pouJtJta-<..e.Vlt-e.iie.-6 te. -6e.Jtv-<"Jt ? A tOVl âge.,
Ovl
Vle. c.haVlg e. pa-6.
- Femme., g-<"6ie.-mo-<", ou je. te. g-<"6ie..
Et Côiou ie. g-<"6ia, c.e. pauvJte. maJt-<", qu-<.. e.vl gu-<"-6e. de. c.oVl6e.~­
-6-<"OVl iu-<" d-<..t
:
- H-<"e.Jt,
e.vl -60Vlge.,
UVle. aie.uie. m'a Jtéviié UVle. Jte.c.e.tte. : ie.
b8doah de. mouc.he.-6, c.aJt c.e.-6 be.-6t-<"oie.-6 -6e. maVlge.a-<..e.Vlt, avaVlt,
avaVlt, avaVlt.
Ii -6U66-<..t de. me.ttJte. ie.-6 mouc.he.-6, a-6-6a-<"-60VlVlée.-6
de. p-<"me.Vlt e.t de. -6e.i, c.u-<"Jte. -60U-6 ia bJta-<"-6e., daVl-6 Uvl paque.t de.
6e.u.zii e.-6 v e.Jtt e.~ .
- C'e.-6t tout?
- Ou-<..,
c.'e.-6t tout.
- E-6-6ayoVl-6 vo-<"Jt !
Côiou e.-6-6aya ia Jte.c.e.tte.,
ia tJtouva bOVlVle. e.t ia 6am-<..iie.
aJta-<"gVlée dé-6oJtma-<"-6,
put -6ub-6-<"-6te.Jt e.vl atte.VldaVlt de.-6 te.mp-6

-
123 -
me~lleun~, de~ temp~ me~lleun~ qu~ ne vena~ent pa~.
Et
ERèdèba,
battant la bnou~~e, ~haque ~o~n, nevena~t bnedou~l­
le, vac~llant de 6a~m ~un ~eb 6antôme~ de jambe~, ~e gava~t
de bôdoah, ~'a66ala~t ~un ~on l~t de pa~lle, ~mpo~a~t
~~lence pan ~n~tant~ à ~e~ en6ant~ qu~ pan leun~ cn~~ l'em-
pêcha~ent, d~~a~t-~l de cog~ten ~un le~ m~~ène~ de l'époquen
La cha~~e aux mouche~ éta~t devenue un vén~table ~pont
auquel on ~e l~vna~t même la nu~t. Depu~~ deux joun~ Ana~gnie
couna~t la ~onêt. Depu~~ deux joun~ ~l ne voya~t qu'une
6onêt.
Depu~~ deux joun~ ~l ne voya~t qu'une 60nêt calc~née~
Depu~~ deux joun~ ~ou~ ~e~ p~ed~ autoun de lu~, ne ~e
leva~ent que de~ lég~on~ de mou~he~ vona~e~. Depu~~ deux
joun~ ~l n'ava~t n~ bu, n~ mangé. Depu~~ deux joun~ ~l allait
de m~nage en m~nage devant lu~, couvnant de~ l~eue~. Ma~~
e~t-ce un autne m~nage apnè~ tant d'autne~ m~nage~ ? E~t-~l
.éve~llé ou dont-~l ? Devant lu~ éta~t un anbne en 6leun~,
avec dan~ le 6eu~llage tou~ le~ o~~eaux du monde, tou~ le~
6nu~t~ de l'un~ven~ et de~ ~anan~~ d'on pan-c~, de~ ~anan~~
d'on pan-là, pendu~ aux bnan~he~ maZtne~~e~.
E~t-~e vna~ qu'~l a entendu quelqu'un l'appelen pan ~Oi
nom ?
- ERèdèba ?
- Qu~' donc m'appelle ? E~t-~e que je nêve ? Ma~~ non, je
t~en~ un anbne.
- ERèdèba.
- Qu~ m'appelle?
- C'e~t mo~.
Et pen~onne à l'entoun, à pant de~ anbne~ calc~né~ et
de~ chanogne~ et de~ nég~ment~ de mou~he~ a66amée~.
- Qu~ to~ ?
- C'e~t mo~. Le nom, du ne~te,
t'~mponte peu. S~ tu voula~~
changen, je t'auna~~ nendu le plu~ gnand ~env~ce de ta v~e.
- Comment donc ! J'a~, du ne~te,
beau~oup changé ce~ temp~­
~~, plu~ d'égo~~me, plu~ de v~la~n~ toun~ à pen~onne. On
peut 6ac~lement me ponten ~un la l~~te de~ ~a~nt~ 6utun~. Et
mo~, Ekèdèba, de~cendant du gnand ERèdèba, le no~ de la
mal~~e, June,
june ~un mon honneun de pnat~quen l'altnu~~me.
A pe~ne ava~t-~l 6~n~ de panlen qu'un va~e tomba devant
lu~. C'éta~t un va~e de m~el 6~n ... Le ~uatn~èm~
joun au
~o~n, Ekèdèba nentna chez lu~ ave~ ~on va~e qu'~l d~t êtne
un 6ét~che donné pan un gén~e au ~oeun tendne,
6ét~che
pu~~~ant que pen~onne ne deva~t appnochen.
Et à pant~n de ce
joun, le bon pène de 6am~lle qu'éta~t ERèdèba, ne6u~a de
tou~hen à ~a nat~on de mou~he~, pnétextant de~ 6at~gue~, de~
mala~~eJ, e~t-ce que je ~a~~ ? Quand ~a 6emme le pne~~a~t de
tnop pnè~, ~l ~e 6âcha~t, ge~t~~ula~t et pnenant ~on 6ét~che
d~~a~t :
- Fét~~he pu~~~ant, c'e~t à to~ que je demande fa pneuve de
mon ~nnocence.
S~ je men~, que je meune ~mméd~atement.

-
124 -
- Rétflac.te-, fléDwc.te- ! hUflta-Lt ta. 6amA.-tte- ape-ufté e-.
Elzèdè ba
~e- ~e-flVaA.-t que-tque-~
c.oupe-~ du bfle-uvage- 6étA.-c.he- e-t bflaVaA.-t
~e-~
ac.c.u~ate-Ufl~
:
- Voye-z-vou~, je- ne- ~UA.-~ pa~ mOflt, c.'e-~t que- j'aA.- dA.-t ta
véflA.-té.
Et toujoufl~ Elzèdèba dA.-~aA.-t ta VéflA.-té,
pUA.-~que- ~on 6étA.--
c.he- ndn ~e-ute-me-nt te- btanc.hA.-~~aA.-t,
maA.-~ te- 6aA.-~aA.-t gflo~~A.-fl.
Oh , que-t bon 6étA.-c.he- ! Et ~e-~ jambe-~ de-ve-naA.-e-nt ptu~ c.on~A.-~­
tante-~,
e-t ~on ve-ntfle- ptu~ tuA.-~ant,
e-t ~e-~ pOA.-t~ ptu~ tong~.
Le- 6étA.-c.he- d'Elzèdèba étaA.-t vflaA.-me-nt un bon e-t puA.-~~ant
6étA.-c.he-.
Le-~ 6étA.-c.he-~ te-~ ptu~ puA.-~~ant~
du monde-, m~me- c.e-ux
de- c.e- 6A.-tou d'Ebouc.té, aujoufld'huA.- mOflt c.omme- un c.hA.-e-n, ne-
60nt pa~ gflo~~A.-fl. Et mA.-tte- A.-dée-~ e-n éc.taA.-fl pa~~aA.-e-nt pafl ta
tête- de- côtou. OuA.- maA.-~ ~A.- c.'étaA.-t flée-tte-me-nt un 6étA.-c.he-.
It
y avaA.-t tà que-tque- c.ho~e- de- tfloubtant, un 60nd à éc.taA.-flc.A.-fl.
Et Côtou y ~onge-aA.-t ~e-~ e-n6ant~ au~~A.-.
.
AflaA.-gnée-, tuA.-,
c.ouflaA.-t ta bflOU~~e- e-t fle-ve-naA.-t te- ~OA.-fl
~e- fle-mptA.-fl de- mA.-e-t POUfl fl~ve-fl e-n~uA.-te- aux étoA.-te-~ e-t c.onte-fl
de-
VA.-e-A.-tte-~
hA.-~tOA.-fle-~
du te-mp~ de- t'abondanc.e-.
Et te- je-ûne-
6aA.-~aA.-t gflo~~A.-fl Elzèdèba.
Et toute- ta 6amA.-tte- bA.-e-n qu'A.-ntflA.--
guée- n'y voyaA.-t que- du 6e-u. "Poufltant,
c.e- n'e-~t pa~ po~~A.-bte-",
~e- dA.-~aA.-e-nt te-~ e-n6ant~
e-n c.ha~~ant te- gA.-bA.-e-fl. Ce-ta dUflaA.-t,
c.e-ta aUflaA.-t dUflé ptu~ e-nc.Ofle- ~A.- Eban un joufl, POUfl ~e- ju~tA.-­
6A.-e-fl aux ye-ux de- ~a mèfle-, n'avaA.-t jUflé ~Ufl te- 6étA.-c.he- de- ~on
pèfle- ; A.-t e-n pflA.-t un ve-flfle-.
It te- tflouva doux, doux c.omme- du
mA.-e-t de- pfle-mA.-èfle- tune- e-t c.'étaA.-t e-66e-c.tA.-ve-me-nt du mA.-e-t, du
mA.-e-t 6A.-n qu'Elzèdèba, égoZ~te-me-nt e-n une- tflA.-~te- c.omédA.-e-, c.on-
~ommaA.-t à ta baflbe- de-~ ~A.-e-n~.
IndA.-gnée-, Côtou vA.-da te- va~e- e-t
te- fle-mptA.-t d'une- ~o.e.utA.-on de- pA.-me-nt 6oflt, tflè~ 6oflt, de- c.e-~
pe-tA.-t~, tout pe-tA.-t~ pA.-me-nt~ quA.- pe-ndant quatfle- joufl~ c.on~éc.u­
tA.-6~ pA.-que-nt te-~ pataA.-~ te-~ ptu~ c.oflA.-ac.e-~,
épuA.-~ant c.e- joufl-
tà toute- ~a ~c.A.-e-nc.e- c.utA.-naA.-fle- tflè~ épflouvée- e-n ta c.on6e-c.tA.-on
du me-A.-tte-ufl bôdoah de- mouc.he-~.
Et A.-t ~e-ntaA.-t bon, c.e- bôdoah
dan~ te-que-t avaA.-t mA.-joté mA.-tte- A.-ngflédA.-e-nt~.
Et A.-t e-mbaumaA.-t
t'aA.-fl c.e- bôdoah autoufl duque-t ~'ébattaA.-e-nt tou~ te-~ aflaA.-gnon~.
Et te- ~OA.-fl ve-nu,
Ekèdèba, gogue-nafld, ~e-ntflaA.-t au togA.-~, fle-6u-
~aA.-t ~n~Dfl~ de- mange-fl, pflé6éflant, dA.-t-A.-t e-n bon pèfle- qu'A.-t
étaA.-t, taA.-~~e-fl ~a paflt à ~e-~ pauvfle-~ e-n6ant~ dont t'A.-dée- m~me­
de- te-Ufl~ ~ou66flanc.e-~
tuA.- te-naA.-ttaA.-t te- C.Oe-Ufl. Apflè~ aVOA.-fl
bA.-e-n mangé, e-t bA.-e-n éflUC.té, te- bôdoah étaA.-t ~A.- ~uc.c.ute-nt !
Côtou A.-nte-ntA.-onne-tte-me-nt, te- pfle-~~e- de- que-~tA.-on~.
Ac.c.uté,
e-xc.édé, Elzèdèba ~e- 6âc.he-, ~'e-mpafle- de- ~on 6étA.-c.he-, pflOnOnc.e-
ta 6oflmute- de-ve-nue- flA.-tUe-tte- e-t te- boA.-t à m~me- te- va~e-. "PflOU!
pflOU ! pflOU ! pflOU ! Hu ! Ha ! hu ! ha ! HOflfle-Ufl ! Ce- n'e-~t
que- du pA.-me-nt hu ! ha ! hu ! ha !" La tangue- e-t te-~ boyaux e-n
6e-u, A.-t ~e- tOfld ~Ufl te- ~ot, te- pauvfle- Elzèdèba ! It ~e- tOfld e-n
c.flA.-ant :
"Que-tqu'un a touc.hé à mon 6étA.-c.he- ! Que-tqu'un a touc.hé à mon
6étA.-c.he- ! PflOU ! POOflOU ! hu ! ha ! hu ! ha! "
POUfl c.ombte- de- mA.-~èfle-,
e-n je-tant te- va~e-, de-~ goutte-~
de- tA.-quA.-de- tuA.- étaA.-e-nt tombée-~ ~Ufl te-~ ye-ux.
Pauvfle- AflaA.-gnée-,
A.-t 6attaA.-t te- VOA.-~ ~e- floute-fl ~Ufl te- ~ot dan~ ta pOU~~A.-èfle-, ~e­
te-nant te- ve-ntfle- c.omme- une- 6e-mme- e-n tflaVaA.-t.
Et Côtou flA.-aA.-t.

-
125 -
Et Côtou ~~a~t. Et EQèdèba pteu~a~t.
Et tè~ e~na~t~ pou~ te
taqu~~e~ tu~ d~~a~e~t : "papa, vo~c.~ de t'eau". A~a~g~ée
ouv~a~t u~e bouc.he ta~ge et te~ a~a~g~o~~ qu~ éta~e~t à bo
bo~~e éc.ote de mat~c.e ta~~~a~e~t tombe~ da~~ ta bouc.he du
bo~ papa, quetque~ goutte~ de m~et.
- Ma~~ c.'e~t mo~ nét~c.he, hu~ta~t te bo~ papa de nam~tte,
te papa au c.oeu~ te~d~e.
Hu ! ha ! hu ! Re~dez-mo~ mo~ 6ét~­
c.he ou ~t vou~ tue~a tou~.
- Ouv~e ta bouc.he, papa.
Et te pauv~e ouv~a~t ta bouc.he.
- Papa, veux-tu du 6ét~c.he ou du m~et ?
- Vu nét~c.he ! et ta ~otut~o~ de p~me~t tomba~t pa~ gobetet~
pte~~~ !
- P~ou ! p~ou ! hu ! ha ! Hu ! ha
- Papa, veux-tu du m~et ou du nét~c.he ?
- Vu m~et ! Et te m~et tomba~t.
Pe~da~t deux jou~~ EQèd~ba ~ub~t c.e pet~t ~uppt~c.e
deux jou~~ c.omme te~ deux jou~~ du~a~t te~quet~ ~t ma~c.ha de
m~~age~ e~ m~~age~ pou~ about~~ à t'a~b~e gé~é~eux. Veux
jou~~ pe~da~t te~quet~ ~t ~e dema~da~t ~'~t atta~t ~u~v~v~e
et quette pu~~t~o~ ~t deva~t ~~nt~ge~ à toute ta ge~te a~a~­
g~ée, Eba~ e~ t~te !
- Papa, veux-tu du nét~c.he ou du m~et ?
Veux to~g~, t~~~ to~g~ jou~~ de v~ta~~ jeu, de c.ette c.o~~ec.­
t~o~ b~e~ mé~~tée. Veux jou~~ d'ab~o~pt~o~ de ~otut~o~ de
p~me~t t~~~ no~t, deux jou~~ de n~èv~e~, de ~évotte~, de
m~~ac.e~, d'e~po~~~ et de dé~e~po~~~ ! Veux jou~~ de ~uppt~c.e
~ann~~é qu~ au~a~t ~ame~~ t'~~d~v~du te ptu~ ta~é da~~ ta
bo~~e vo~e. Vuu~ d~te~ t'~~d~v~du te ptu~ ta~é et ~o~ A~a~­
gnée. Heu~eu~eme~t, c.a~ pe~~ez-vou~ Que EQ~d~ba,
tu~,
p~on~ta
de ta teco~ ? Pa~ du tout.
~ou~ te c.o~na~~~ez mat, EQ~d~ba !
Qua~d je vou~ d~~ que t' A~a~g~ée e~t u~ ê.t~e pte~~ de v~c.e~ !
Aba~do~~a~t ~o~ dom~c.~te, ~t pa~t~t c.o~t~~ue~ a~tteu~~ ~a v~e
d'apac.he.
Ah ! c.e mauva~~ p~~e !
Et c.'e~t depu~~ c.e jou~-tà Que ~ou~ te ~e~c.o~t~o~~ u~
peu pa~tout, au c.o~~ de~ mu~~, au ptano~d de~ c.a~e~, au p~ed
de~ a~b~e~, au bo~d de~ nteuve~ ... It e~t toujou~~ à ta
~ec.he~c.he du t~eu ~t t~ouva te va~e de m~et.
lia Route
(1)
La ~oute mo~e, g~pe, d~c.e~d, to~~e ~~, to~~e tà, ~'e~­
~oute ~e dé~oute c.omme pwe d' ~v~~~e. Et c.eia ~t pMc.e que ~eu av~
u~e nille à m~~. Et V~eu na c.eta pMc.e que ta ~oute ma~Qua de fu~é­
W~, pMc.e QU' ille 6ut ~ubo~~ée pM Kac.ou AM~zé, t' M~~ée QM, aujoM-
dhu~, va tM-même VOM c.o~~ t'u~ de M~ m~pte~ exptoa,~.
KM~go~don go~do~ ! go~do~ (Rythme du tarn-tam]
La ~oute ! La Route ! La Route !
K~ongo~do~ ! go~do~ ! go~do~ !
(1) VAVIE (B) - op. c.d. pp. 90 à 95.
'"

-
126 -
La Route !
La Route ! La Route !
On a toujouttJ.J douté de meJ.J pttomeJ.JJ.JeJ.J.
ELteJ.J J.Jont J.J.z nombtteu-
J.JeJ.J, J.J.z 6antaJ.Jt.zqueJ.J, J.J.z tttoublanteJ.J que leJ.J hommeJ.J J.Je
d.zJ.Jent :
"Quo.z ! EJ.Jt-c.e poJ.JJ.J.zble qu'une beJ.Jt.zole, l'Atta.zgnée que
nouJ.J c.onna.zJ.JJ.JonJ.J touJ.J,
a.zt pu ac.c.ompl.ztt tant de hautJ.J 6a.ztJ.J?
Comment a-t-elle pu tttompett le Renattd et le L.zèvtte, maZttteJ.J
en ttouett.zeJ.J, menett en la.zJ.JJ.Je l'Eléphant, le L.zon, la Pan-
thètte, le S.znge même,
en6tte.zndtte deJ.J ptteJ.Jc.tt.zpt.zonJ.J de d.zeu
J.JanJ.J
jama.zJ.J enc.outt.ztt le mo.zndtte tt.zJ.Jque ? LeJ.J anc..zenJ.J J.Jont
deJ.J 6attc.euttJ.J et leJ.J c.onteJ.J ne J.Jont que deJ.J t.zJ.JJ.JUJ.J de
men-
J.J ong eJ.J" .
Et mo.z, c.ollée danJ.J un angle de c.aJ.Je,
je leJ.J éc.oute
d.zvaguett,
je leJ.J ttegattde et je J.Joutt.zJ.J.
Catt leJ.J 6a.ztJ.J ttappott-
téJ.J danJ.J leJ.J c.onteJ.J J.Jont vétt~d.zqueJ.J
en c.e qu~ c.onc.ettne leJ.J
m.zenJ.J ; .zlJ.J J.Jont J.J~gnéJ.J de mon J.Jc.eau, une patte à deux
gtt.z66eJ.J danJ.J un c.ettc.le de 6~l blanc..
Et b~en ! hommeJ.J, J.Jac.hez que je n'éta~J.J po~nt Atta~gnée
que vOUJ.J voyez de noJ.J jouttJ.J c.ollée danJ.J un angle de voJ.J
J.Jottd~deJ.J
ma~J.JonJ.J,
voJ.J taud.zJ.J,
voJ.J maJ.JutteJ.J, Atta.zgnée qu~
vOUJ.J 6u~t et que vOUJ.J po uttc.haJ.JJ.J ez, tuez poutt le pla.zJ.J~tt,
jo~e, délec.tat~on, l'éc.ttaJ.Jant J.JoUJ.J voJ.J talonJ.J 6utt.zeux,
déc.haZnéJ.J, ac.hattnéJ.J,
op~n.zâttteJ.J,
c.omme J.J~ vouJ.J voul.zez patt
c.e geJ.Jte puétt~l tatt~tt à jama~J.J mon engeanc.e ...
Et poutttant
meJ.J h.zJ.Jto~tteJ.J
vOUJ.J 60nt tt.ztte,
voUJ.J a~dent à v~vtte, pattc.e
qu'en leJ.J éc.outant,
vouJ.J vOUJ.J déleJ.Jtez de vOJ.J J.Jouc.~J.J.
En c.e
tempJ.J-là,
d~eu vena~t de c.ttéett J.Jon mvnde qu'~l peupla auJ.JJ.J~­
tôt de c.e que vOUJ.J appelez deJ.J "bêteJ.J".
NouJ.J avonJ.J été c.ttééeJ.J b~en avant l'homme, non paJ.J poutt
lu~ J.Jettv~tt de pâtutte c.omme ~l le pttétendtta pluJ.J talLd, ma~J.J
pOHtt qu'~l 6Œt humble, modeJ.Jte. Catt c.'~J.Jt à c.onJ.J~dittett noJ.J
dé6autJ.J que le c.ttéateutt m~t en lu~ quelqueJ.J gettmeJ.J de vetttu.
N'a-t-~l paJ.J été 60ttmé aVec. le tteJ.Jte du l~mon qu~ J.Jettv~t à
nouJ.J
c.ttéett~
nouJ.J,
o~J.Jeaux,
blteJ.J,
végétaux?
En c.e tempJ.J-là,
donc.,
d~eu éta~t matt~é. Comme voUJ.J et
mo~. Et même j'a~ été J.Jon beau-6.zlJ.J ! Eh ou~, le beau-6~lJ.J
de d~eu ! J'a.z été quelqu'un c.omme vOUJ.J le voyez! Et d~eu
qu~ J.Ja~t b~en 6a~tte
leJ.J c.hoJ.JeJ.J, ava~t donné à J.JeJ.J en6antJ.J
une de c.eJ.J beautéJ.J ! Et la c.adette éta~t une mettve~lle de
beauté, un c.he6-d'oeuvtte de pett6ec.t~on. Poutt elle, d~eu
ava.zt c.ettta~nement épu~J.Jé J.Jon ~ngén~oJ.J~té.
Et le mat~n
lottJ.Jqu'elle J.Jottta~t, on ne J.Je laJ.JJ.Ja~t paJ.J de la c.ontemplett,
et danJ.J c.ette c.ontemplat.zon, on oubl~a~t de mangett, de
bo~tte, de tt~tte, de c.hantett, de danJ.Jett. Une beauté enJ.Jottc.e-
lante...
.
LottJ.Jqu'elle J.Jottta.zt, le J.Jole~l amoutteux btt.zlla~t de touteJ.J
J.JeJ.J 60ttc.eJ.J, le vent muttmutta~t, leJ.J o~J.Jeaux c.hantonna~ent,
leJ.J hettbeJ.J J.Je c.âl.zna.zent de la tête, leJ.J ~nJ.Jec.teJ.J
batta~ent
deJ.J a~leJ.J
; leJ.J pap~llonJ.J
c.eJ.JJ.Ja.zent de voletett ... Et poutt
c.hattmett la 6~lle de d~eu, leJ.J o~J.Jeaux entonna~ent une mélo-
d.ze depu~J.J longtempJ.J oubl~ée, leJ.J hettbeJ.J une ttomanc.e depu~J.J
longtempJ.J oubl~ée, leJ.J bêteJ.J J.JuttJ.Jutttta~ent une c.ompla~nte,

-
127 -
ef..f..e au-6-6i depui.6 f..ongtemp-6 oubf..iée.
Et f..e-6 6if..f..e-6 de dieu
tout f..e temp-6 -6e p~omenaient -6U~ ta ~oute. If.. n'y avait en
~e temp-6 qu'une ~oute, qui af..f..ait de f..a te~~e au ~ief.., une
~oute -6U~ f..aquef..f..e toute-6 f..e-6 ~~éatu~e-6
pa-6-6aient, homme-6,
bête-6, Vent, Sof.. eif.. , Lune,
Etoif..e-6 ... Et toute-6 f..e-6 ~~éatu­
~e-6 f..e-6 ~hantaie.nt,
f..e-6 f..ouaie.nt.
Et f..e-6 6if..f..e-6 de. dieu,
~ontente-6, heu~e.u-6e-6, -6ou~iaient, ~hantaiént ef..te-6 aU-6-6i,
jouaient -6U~ f..a_~oute, à f..'af..f..e~ ~omme au ~etou~, -6U~ f..a
Route qui étaient d~oite, d~oite., t~è.6 d~oite, e.t g~ande et
f..i-6-6e.
Unie et b~if..f..ante ~omme. une. gf..a~e.
K~ongondon
!
gondon ! gondon !
Le.6 amant.6 -6e pa~f..e.nt -6U~ f..a Route.
K~ongondon ! gondon ! gondon !
Le.6 pa~e.nt-6 -6e pa~f..ent .6U~ f..a Route.
K~ongondon !
Le.6 6ille-6 de dieu .6' inte~pef..f..ent et ~ient .6U~ f..a Route
K~ongondon ! gondon ! gondon !
La ~oute .6euf..e ~onnaZt tou.6 f..e-6 -6e~~et-6.
K~ongondon
! K~ongondon ! gondon ! gondon
K~ongondon !
L'on .6avait f..e. nom de.6 6if..f..e.6 de dieu, .6au6 ~ef..ui de f..a
~adette.
Le-6 êt~e-6 ne .6'e.n inquiétaient pa.6. Cha~un f..ui
donnait f..e. nom qu'if.. t~ouvait bien. Ain-6i ~h4~un f..'appef..ait
à -6a 6açon.
Vingt hive.~nage.-6 étaient pa-6-6é-6, hive~nage.6
f..ong.6 et dif..u-
vien-6.
Et pui.6 voif..a, un beau juu~, f..anouvef..f..e. ~ou~ut,
in~~oyabf..e, que. dieu ~he~~hait un beau-6if...6.
If.. ma~ie~ait .6a
6if..f..e ~adette à ~ef..ui qui f..ui en di~ait f..e nom. VOU-6 pa~f..e.z
.6i f..e.6 ~andidat.6
6u~ent nomb~eux
!
Toute f..a te~~e.
La nou-
vef..f..e ~'en af..f..ait toujOU~-6, jetant .6U~ f..a Route tou-6 f..e-6
êt~e./~ animé-6 !
Ma~ie~ f..a 6if..f..e ~ade.tte de dieu,
f..a pf..U-6 bef..f..e pa~mi f..e-6
pf..U-6 bef..f..e.6 ! Cef..f..e dont f..e vef..outé de f..a peau. -6u~pa-6.6ait f..e
vef..outé de f..a ~o.6e ; ~e.f..f..e dont f..e pa~6um é~f..ip.6ait f..e
pa~6um tena~e du ja-6min ; ~ef..f..e dont f..'abondante. ~hevef..u~e
onduf..ante -6u~pa-6-6ait f..'é~f..atante ~hevef..u~e de-6 nalade-6, f..a
6if..f..e. ~adette de dieu, ~ef..f..e dont f..e moind~e .6ou66f..e. embau-
mait f..a natu~e entiè~e et 6ai-6ait -6'épanoui~ f..e .6of..e.if.. pa~
f..e-6 te.mp-6 -6omb~e.6.
Ef..f..e af..f..ait .6e ma~ie~.
Cette ~e.ine de
beauté af..f..ait appa~te.ni~ à un ét~e, n'impo~te f..eque.f.. - dieu
ne 6ai-6ait au~une di.6tin~tion ent~e .6e-6 ~~éatu~e.6
- pau~vu
.6 euf..ement qu'if.. di-6 e : f..a 6if..f..e ~ad-ett<!- de dieu -6 e nomme
Attou ... Qu'af..f..ai.6-je di~e ? ..
Pendant deux an-6, deux f..ongue.6,
t~è.6 f..ongue.-6 année.6, f..e.6
p~étendant.6
-6e bou.6~uf..è~ent
nuit de jou~, .6U~ f..a Route
d~oite, d~oite et g~ande et unie. ~omme une. gf..a~e.
If..-6
af..f..aient, venaient, -6e ~~oi.6aient,
~epa~taient,
~evenaient.
Et jamai-6 pe~-6onne n'avait en~o~e .6U f..e. nom de f..a nif..f..e
~adette de dieu. Le Singe, f..e Capu~in ave.~ .6U ba~bi~hette de
bou~, f..'Ef..éphant, f..e Boa, f..e Lion, f..a Panthè~e, f..e Tig~e., f..e
G~if..f..on,
f..a Saute~ef..f..e,
f..a Fou~mi,
f..e Lièv~e,
f..e Rena~d,
-tOU.6 f..e-6 animaux étaient au ~endez-vou.6...
Tout ~e qui
peupf..ait f..e monde étai-t-f..a ...

-
1 28 -
Et d'au~un d'~ux d~pu~~ d~ux fongu~~ année~, n'ava~t ~u
d~~~ f~ nom d~ fa 6~ff~ ~ad~tte d~ d~~u.
K~ongondon ! .yondon ! gOl1don !
Mon pè~~ m'a d~t qu~ fa ~out~ ~~t ~ou~d~.
K~ongondon ! gondon ! gondon !
Ma mè~~ m'a d~t qu~ fa Rout~ ~~t mu~tt~.
K~ongondon ! gondon ! gondon ! K~ongondon
J'éta~~ ~~uf à n~ pa~ m~ dé~ang~~. A quo~ bon ? J'éta~~
~û~ d~ ma v~~to~~~.
V~~u, ~~ma~quan~ mon ab~~n~~,
6~t ~épé­
t~~ fa nouv~ff~. Ka~ou Ananzé, f'A~a~gné~, mé~~ta~t b~~n
~~t honn~u~. J~ m~ d~apa~ dan~ m~~ pfu~ b~aux pagn~~, p~~~
mon tambou~~n mag~qu~ ~t d~ ma pfu~ b~ff~ vo~x m~ m~~ à
~hant~~ ~u~ fa Rout~. Et j~ 6~appa~~ av~~ 6o~~~ ~u~ mon tam-
bou~~n :
K~ongondon ! gondon ! gondon !
K~ongondon ! gondon ! gondon !
J~ ~hanta~~ ~t tout dan~a~t ; ~~ux qu~ affa~~nt t~nt~~
f~u~ ~han~~ ~t ~~ux qu~ ~~v~na~~nt ap~è~ f'avo~~ t~nté~, f~~
a~b~~~, f~~ 6f~uv~~, f'a~~, f~~ ~n~~~t~~, f~ ~of~~f, fa
pfu~~, f~ v~nt. Tout.
Et j~ ~hanta~~ ~t fa Rout~ ~ff~ au~~~
dan~a~t :
K~ongondon ! gondon ! gondon!
Mon pè~~ m'a d~t qu~ fa ~out~ ~~t ~ou~d~... K~ongondon
J~ vo~~ fa ~out~ dan~~~ ! Q~ongondon !
La Rout~ ~~t mu~tt~.
Et ma mè~~ a ~a~~on.
K~ongondon ! gondon ! gondon ! K~ongondon
Et tout, autou~ d~ mo~, pa~fa~t. La Rout~,
~eufe ~e ta~~a~t.
Effe 6a~~a~t fa muett~. Je me m~~ afo~~ à dan~e~. J~ dan-
~a~~, je dan~a~~. La Route v~~~bf~ment ~e ~etena~t d~ ~~~e.
Et je 6~appa~~ pfu~ 6o~t en~o~e ~u~ mon tambou~~n mag~que,
et 6~~ une de ~e~ p~~ouette~ d'un ~66et tef que fa Route
~ e m~t à ~Ùle. ..
K~ongondon ! gondon ! gondon !
K~ongondon !
Effe ~~t fongtemp~, au~~~ fongtemp~ qu'elfe ava~t m~~ fe
temp~ à dan~e~.
Pu~~ vo~fà que fa Route m~ 6a~t ~~gne. Je m'app~o~he et à
f'o~e~ff~, effe me ~ou66fe f~ nom de fa 6~ffe ~adette de
d~eu. Ca~ effe fe ~ava~t effe, ~e nom, ~t ~'e~t pa~~e qu'eff~
fe ~ava~t qu~ d~eu n'ava~t pa~ a~~~pté qu'effe pa~t~~~pât à
~ette e~pè~e de ~on~ou~~.
Afo~~ gu~ffe~et, tout épanou~, ~hantant pfu~ que jama~~ et
tapant ave~ 6o~~e ~u~ mon tambou~~n,
j~ vofe à fa ~ou~ d~
d~eu. J'y ~e~te un~ jou~née ent~è~e à é~oute~ fe~ aut~e~
d~~e de~ bêt~~e~. Quand j'en eu~ a~~ez, je me feva~ ~afmement,
m'avança~ dan~ fa 60ufe ave~ a~~u~an~~, et ave~ une a~~u~an~e
pfu~ ~n~uftante en~o~e - je ~a~~ t~è~ b~en fe~ ~ho~e~, mo~,
Ka~ou Ananzé - je d~~ ~~mpfement
"Où. e~t Attoua, ma 6emme ?"

-
129
-
V~eu me 6~xa dan~ le~ yeux. Je ~out~n~ ~on ~ega~d. Se~ yeux
dev~n~ent ~ouge~. Je ~omp~~~ que ca nralla~t pa~. Ma~~
n'ava~~-je pa~ gagn~ ? Le~ yeux don~ de d~eu pouva~ent ~ou­
g~~. Et ~l~ ~oug~~~a~ent, vou~ pouvez m'en ~~o~~e. Ma~~
mo~, je ~hanta~~ ma v~~to~~e en tapant ~omme un 60u ~u~ mon
tambou~~n
:
K~ongondon 1 gondon
gondon
K~ongondon ! gondon
gondon
K~ongondon !
Et d~eu ~e leva, p~~t ~a 6~lle ~adette pa~ la ma~n et me
d~t : a mo~, Ka~ou Ananz~
- "Vo~~~ ta 6emme. Il
Le~ yeux de d~eu ma~ntenant jeta~ent de~ nlamme~.
La
Route, elle, ~'étenda~t d~o~te, g~ande et un~e ~omme une
gla~e. V~eu tou~na ~e~ ~ega~d~ de ~e ~ôté là.
Et la Route en
t~embla. On la v~t bouge~ ~omme lo~~qurelle dan~a~t au ~on
de mon tambou~~n,
~e ~apet~~~e~,
~e gondole~,
~e to~d~e,
~ren~oule~,
~e mult~pl~e~,
monte~,
g~~mpe~,
de~~end~e,
~on­
tou~ne~ de~ a~b~e~,
de~ ~av~n~,
de~ montagne~,
alle~ en
v~~lle, deven~~ ~uelle, ~ente, venelle, ~mpa~~e, ~ahotante,
bo~~elée, ép~neu~e, mala~~ée ... V~eu ava~t pun~ la ~oute ...
Et depu~~ elle pleu~e ~haque mat~n, la Route.
Le~ he~be~
qu~ l'~bo~gnent ~emuent la tête et ve~~ent de~ la~me~ que
le ~ole~l ~ è~he a me~a~e qu r~l monte.
Vou~ d~te~, vou~,
homme~, que ~e ~ont le~ goutte~ de ~o~ée. Jama~~ ! Ce ~ont
le~ la~me~ de la Route qu~ pleu~e ~on ~nd~~~~ét~on.
Ma~~ ~e qu~ me pe~d~t,
mo~ Ka~ou Ananz~
? Je vou~ le
d~~a~ la p~o~ha~ne 6o~~ ....
3 - L'univers des contes
Les contes et les légendes chantent la confiance
perplexe et en alerte, finalement joyeusB, de l'homme en
lui-même. Ou de chaque homme en soi et des hommes en ce
que tous les hDmmes ont d'humain. Cette confiance est plus
forte et plus profonde que la recherche à tout prix de
l'heureuse fin.
Nous pensons ici à toutes les formes de
fictions qui donnent la priorité à l'action sur la passion,
à
l'exceptionnel sur le quotidien, au voyage sur la ~erma-
nence, à l'initiatique sur le coutumier, à l'éthique sur le
psychologique, à la richesse de l'invention sur la fidélité

-
130 -
de la discrétion.
Indépendance et intrépidité, autrement
dit, aller au dehors, rompre avec la tiédeur engourdissante
et routinière d'un foyer où l'âme certes,
se constitue,
mais où aussl, elle se sclérose et s'asphyxie.
Dans les contes, c'est la perpétuelle tentation
de l'intempérie qui palpite. Et rappelons que la "tenta-
tion"
est ce qui attire et repousse à la fois,
ce qui
séduit et effraie. Le héros du conte veut toujours ~artir
"courir le monde", VOlr ce qu'il y a au-delà des montagnes
parfois, il veut découvrir ce qu'est la peur, pressentant
que le lieu de la peur, ce sont les confins de l'espace et
que tout horizon lointain est rehaussé d'un halo légèrement
effrayant, mais sachant aussi que l'âme humaine, pour
atteindre la stature qui est la sienne, doit affronter au
moins une fois la peur du lointain. Pour mieux cerner la
dimension du héros enfantin, dans le conte africain,
il est
bon de rappeler brièvement la place du conte dans l'univers
de l'africain. Conçu par le groupe et pour le groupe, le
conte est le véhicule privilégié de la sagesse africaine.
Il expTlme les aspirations les plus profondes du
groupe social dont il assure la cohésion autour de sys-tèmes
de valeurs et de croyances qui doivent être consolidés pour
l'équilibre et la survie de la société. Les défauts y sont
dénoncés, et les marginaux châtiés par les hommes ou par
des forces surnaturelles, à la mesure de leur forfait.
La
leçon qui se dégage du conte africain constitue une sérieuse
mise en garde pour tous ceux qui seraient tentés de s'écarter
des principes moraux, et des conceptions religieuses observées

-
1 3 1 -
par la société. Le conte africain a donc une ~ortée essen-
tiellement didactique bien qu'il soit une source de détente
et de divertissement.
Par sa capacité à franchir les portes
du réel, pour s'insinuer dans le domaine du merveilleux, et
du fantastique,
il offre à l'enfant des hori~on~ nlus vastes
et ulus fertiles pour son imagination.
Il est aussi une bonne
occasion de cultiver chez l'enfant la croyance aux phénomènes
surnaturels et de l'initier à la métaphysique des mythes et
légendes cosmogoniques qui peuplent l'univers des hommes.
Le souci d'enseigner la morale du groupe apparaît
très nettement dans la nlunart des contes.
Selon les cas,
les valeurs qui fortifient la société contre sa propre des-
truction, entrent en conflits ouverts avec les antivaleurs
destructrices; au détriment de ces dernières,
le conte se
termine par l'incarnation de l'esprit du mal dans toute son
absurdité.

-
132
-
CHAPITRE
IV
SIGNIFICATION DES CONTES DE L'OUEST AFRICAIN
NIVEAU
II -
AU-DELA DES APPARENCES
l - LE CONTE COMME EXPRESSION D'UNE PHILOSOPHIE
Outre les documents sur la vie africaine tradi-
tionnelle de l'Afrique de l'Ouest, les contes renferment
aussi les éléments certains d'une philosophie africaine.
Quelles sont les valeurs suprêmes que la société africaine
traditionnelle propose à ses membres? Beaucoup d'observa-
teurs, en particulier M. GRIAULE
(1) ont cru déceler dans la
notion de sagesse, de "Sophie",
l'idéal dernier auquel s'ar-
rête la pensée de l'humanisme africain. Qui dit sagesse, dit
aussi culture, connaissance, mais une connaissance intégrée,
une conception du monde qui se traduit par un raffinement de
l'esprit, un art de vivre, une aptitude à percevoir le goût,
la saveur, l'humour des choses, une certaine connaturalité
avec elles. La sagesse se situe davantage du côté de l'être
que de celui de l'avoir ou du faire, mais parce qu'elle est
un état d'esprit, elle imprègne la vie, la mentalité et
l'action dans son ensemble.
La question qu'il convient de poser est de savoir
comment concrètement cet idéal est développé et perçu. Cher-
chant de son côté à dégager quel était l'ultime ressort de
l'éthique traditionnelle, D.
ZAHAN en arrive à penser que
())
GRIAULE
(MI - Le. pJtobtème. de. ta e-uLtuJte. no-lJte. - -ln L'oJt-lg-l-
lLaL,_-té c{e.-6
e-ut-tuJte.-6
- PaJt-l-6
- UNESCO -
Le.
-6avo~Jt Dogon - jouJtn. -6oe-. de.-6-a~an-l-6-te.-6
XXII,
6a-6e-
)-2
-
pp.
27-42.

-
1:3:3 -
l'Africain valorise par-dessus tout la domination de l'homme
sur lui-même, l'aptitude à contenir ses passlons, ses émo-
tions,
san comportement.
"Palltout e.t toujoull~, cLne. ~e.ute. llèCjte. Cjou-
ve.llne. t'~du~ation de. t'~tlle. humain: te.
~Uppollt ~toZquc de. ta doute.ull, ~e.nti ~omme.
te. me.itte.ull e.ntllaZne.me.nt a ta mait~i~e. de.
~oi,"
(1)
qui devient ainsi le fondement de la con~ition humaine vécue
dans sa plénitude.
La maîtrise de soi est dans les sociétés
d'Afrique Noire un des signes de la sagesse et de la perf;;c-
tion,
la maîtrise du verbe,
l'indifférence à la douleur et
le silence.
La parole ne se valorise pleinement et n'est
efficace nue si elle est entourée de silence, et le véritable
sage sait user dans son langage de toute une technique de
l'euphémisme, du sous-entendu, du symbole, pour l'enrichir
d'un sens caché et secret. C'est ensuite une véritable méta-
physique que révèlent certains contes.
Dans les légendes
cosmogoniques et dans les contes à personnages humains, sont
abordés les problèmes de Dieu et de la force vitale. On y
voit à quel point,
l'homme noir a besoin de s'expliquer et de
chercher à connaître le principe des choses ; les systèmes
varient, certes, avec les diverses ethnies, mais le principe
d'explication révèle une unité certaine dans la pensée méta-
physique du Noir.
Le Bien n'est jamais défini que par rapport
au Mal dans les contes. La morale pratique qui s'en déga ge
montre que pour les peuples des savanes, comme ceux de la
forêt,
la valeur suprême de la communauté est la paix,
la
justice, l'hospitalité,
la solidarité, le respect des lois

-
134
-
du groupe et la soumission ~ une hiérarchie.
De plus, pour assurer le triomphe du Bien sur le
Mal, et par là le triomphe de la paix, une qualité semble
primordiale et indispensable, c'est l'intelligence. L'in-
telligence n'est d'ailleurs plus seulement une simple
fonction intellectuelle, mais une véritable valeur. Le
Lièvre est sans cesse aux nrises avec des difficultés;
soit que, en période de famine,
il doive trouver de la
nourriture, soit qu'il ait à satisfaire les plus incroyables
caprices des grands
(Lion, panthère, éléphant), soit encore
qu'il ait mille épreuves plus invraisemblables les unes que
les ~utres à franchir. O~ Lièvre triomphe toujours; et
cela, en général, non pas en faisant appel à une puissance
surnaturelle, mais simplement grâce à son intelligence.
Si, en effet, les épreuves imposées au lièvre,
sont le plus souvent invraisemblables,
il est à remarquer
que le merveilleux n'intervient pratiquement pas comme
solution à ses problèmes.
Lièvre use essentiellement de ses
ressources naturelles : son intelligence et aussi son cou-
rage. On aurait pu penser que lorsque ce tout petit se
trouverait aux prises avec la force,
il serait vaincu. On a
vu à quel point il n'en est rien. Lièvre triomphe toujours
d'un plus fort que lui:
le lion,
la panthère,
l'éléphant.
Le lièvre est l'image même de l'homme; tout petit triom-
phant des forts
; il est à la fois le symbole des petites
gens qui luttent contre les puissants, mais aussi de la
petitesse de l'homme face ~ l'univers. Seulement cet homme
minuscule à l'égard de ] 'infini n'est pas un néant;
il n'a

-
135 -
pas à désespérer, au contraire. Cependant, "l'homme est
donc plus qu'un spectateur sur la scène de la vie.
Créature,
certes, circonscrite par les constantes déterminées par les
ancêtres spirituels et les mauvais esprits,
l'homme dispose
toujours néanmoins de la volonté personnelle et la fait
intervenir dans le monde matériel et le monde spirituel à
la fois.
Pour agir efficacement dans le monde matériel,
il
doit en fait apprendre à pourvoir à ses besoins d'être
humain et à satisfaire ses intérêts personnels en se gardant
d'entrer en conflit avec les forces spirituelles d'en
haut".
(1)
Si l'homme est faible face au vaste monde et à
son destin,
il a l'arme ou plutôt l'outil le plus nuissant
l'intelligence. S'il sait se servir de son esprit, s'il
sait réfléchir et aussi être patient et courageux, rlen ne
lui sera impossible.
Si on a l'habitude de définir sommairement
l'intelligence comme essentiellement la faculté de résoudre
des problèmes nouveaux, on voit bien qu'elle se définit
adéquatement à travers les contes de l'Ouest Africain.
C'est grâce à son intelligence que le héros réussit à sur-
monter tous les obstacles qui se présentent à lui.
Il repré-
sente l'homme en action dans le monde. L'intelligence du
lièvre ou de tout autre animal dans le conte symbolise
l'intelligence humaine.
Le lièvre, dans les différents
contes, qui n'est jamais à court de moyens quoi qu'il arrive
(1)
SULAYI\\,jAN NYAN
(5)
C 06 HI oC 09 -t ('
a Il /L-t c (ci, f'l C -
,Ut
co U/L/L-t e./L
de.
f.'UvlC/SCO
-
p.
27.

-
136 -
et qui l'emporte toujours sur tous, a, certes une intelli-
gence d'un niveau supérieur à celle de ses semblables.
Néanmoins, cette intelligence reste humaine. Maintes fois,
il est allé trouver Dieu pour lui demander de le rendre
encore plus intelligent, malS Dieu lui a toujours refusé
cette faveur
:
te. monde."
(1)
lui répondi t- il en effet dans un conte Ouolof.
Le lièvre a donc une intelligence supérieure Dar
raprort au commun des hommes, mais qui reste humaine.
Ceci
explique la finitude de l'homme face à l'infini.
L'apologie
de l'intelligence humaine, demeure tout de même une philo-
sophie très réconfontante.
Les animaux héros des contes
disent à l'homme qu'il peut vivre tranquille et confiant
il a en lui, si du moins il sait s'en servir, tous les
atouts nécessaires pour sortir vainqueur de tous les coups
du destin. C'est là une philosophie optimiste.
Philosophie
optimiste, certes, mais aUSSI sagesse. Aussi sûr de lui,
l'homme ne peut qu'être tenté de vouloir jouer au Prométhée
~
et égaler
Dieu lui-même. Dans un conte, lièvre alla deux
fois auprès de Dieu pour lui demander "un gris-gris de
finesse".
(2)
Dieu s'étant rendu compte de son extrême
intelligence, le renvoya d'abord en lui disant; "file avec
ton gr i s - gr i s de fin e s se" pu i s i l s' é c r Li "H aIt e - 1 à ". 0 n ne
peut qu'être frappé par la profondeur d'un tel enseignement
et l'homme de l'ère atomique devrait bien relire les contes
(1)
BASSET (RI - Conte..h POP~(WjLC-h d'A6Jt-Ù{ue.. - fe.. f<-èl.!!Le.. e..,tte.. mO-<-Yle.au
p.
185.
(2)
COLIN (R) - LI2--6 c-onte.h no,-étv5 de. t'A6~qcLe.. de..t'OUe..,5t - pp. 36-37.

-
1"37 -
séculaires. Grande est, en eifet,
la sagesse qu'ils ren-
ferment;
si l'homme est doué de grands pouvoirs,
il ne
doit pas néanmoins essayer de dépasser sa condition, "qui
aboutit parfois au gaspillag~ et à l'auto-destruction.
Qu'il se contente d'être ce qu'il est et de l'être bien.
Comme le disait Montaigne: "il n'est rien si beau et
légitime que de faire bien l'homme et dament"
(1).
Le bonheur n'est donc pas chose inaccessible.
Il
est à la
portée de l'homme, pourvu qu'il sache le saisir.
Il est
entre ses maIns.
L'homme peut aussi devenir en quelque
sorte artisan de son propre destin.
Face aux mystères de
l'univers négro africain, une telle philosophie constitue à
la fois un véritable défi et une solution pratique. Surtout
que
:
"e a6Jz.~c.a~VL de -ta tJz.ad~t~oVL vo~t l' uVL~veJz.-6
c.omme UVLe h~~Jz.aJz.c.h~e
de 6oJz.c.e-6 v~ta-te-6,
et
-t'homme e-6t c.ette 6oJz.c.e qu~ Jz.e-t~e -te-6 objet-6
~VLaVL~mé-6 au mOVLde de-6 6oJz.c.e-6 -6p~Jz.~tue-t-te-6
d'eVL-haut.
S~ b~eVL que -t'homme e-6t à ta 60~-6
man~pu-tateuJz. d'un pouvo~Jz. -6p~Jz.~tuei et c.~b-te
de c.e pouvo~Jz..
A c.aU-6e de c.e mode d'~nte-t-t~­
genc.e
du Jz.~e-t, -ta c.onc.ept~on a6Jz.~c.a~ne
tJz.ad~t~onne-t-te de -t'homme en paJz.t~c.u-t~eJz.,
tei-te qu'e-t-te e-6t c.aJz.ac.téJz.~-6ée paJz. -ta ph~-to­
-6oph~e bantoue a été dé6~n~e c.omme "v~ta-t~-6te"
c.'e-6t-à-d~Jz.e
qu'e-t-te -6e 60nde -6uJz. -ta c.Jz.oyanc.e
que -ta v~e e-6t une un~té v~ta-te que -t'étJz.e
huma~n n'e-6t qu'un po~nt du c.eJz.c.-te
c.o-6m~que
de -ta v~e"
[2)
Le conte de l'ouest est bel et bien porteur d'une sagesse
et d'une philosophie de l'homme engagé concrètement dans le
monde;
singulièrement, une philosophie de l'action révélant
une concention optimiste de l'homme.
L'homme noir échappe au
(1)
MONTAIGNE - E-6-6a~-6 III XIII - P.
50.
(21
SUlAYMAN NYANG
[S)
- op c.~t p.
28.

-
138 -
"péché originel" car il ne se sent pas concerné par une
telle conception de la relation homme-monde et de la rela-
tion homme-commencement. Un thème que nous pouvons aisément
mettre sous cette rubrique philosophique est le thème de
l'origine de la mort.
Pourquoi 1 'homme naît, contemple le
monde et meurt aussitôt? La durée d'une vie humaine par
rapport à l'éternité n'est qu'un instant.
La découverte de
l'absurdité de la vie n'accrédite nullement une philosophie
pessimiste de la vie.
La vie n'est ici ni laide nI cruelle à
la manière de SCHOPENHAEUR. Absurde doit être pris dans le
sens que lui donnent les logiciens : non déductible par la
raison. Avec de telles prémisses, l'on ne s'étonnera pas
que l'africain ne s'en prenne à Dieu pour expliquer l'ori-
gine de la Mort.
Pour "tourner" cette violence verbale,
le tort
est rejeté,
soit sur des humains,
soit sur des animaux,
soit sur la Mort persofinifiée mais jamais sur Dieu lui-même.
C'est la difficile conciliation de la Mort avec l'épicurisme!
Conte: Gouro -
(Côte d'Ivoire)
C'e~t ZRA qu~ a ~~éé la Mo~t ; ma~~ avant, la Mo~t n'éta~t
pa~ dan~ le~ v~llage~, elle ~e tena~t dan~ la 60~êt. Le~
homme~ ne mo~~a~ent pa~. Un jeune homme alla a la ~ha~~e
dan~ la 60~êt. En ~e temp~-la,
la Mo~t éta~t dan~ la 60~êt
et tua~t, du g~b~e~ ~eulement.
Le jeune homme éta~t un ~ha~~eu~ ~ema~quable. Il L'Louva,
dan~ la 60~êt ~u~ du 6eu, du g~b~e~ que là Mo~t p~épa~a~t.
Avant, pe~~onne ne voya~t la Mo~t. Ma~~ le jeune homme la
~en~ont~a pendant la ~ha~~e dan~ la 60~êt. La Mo~t lu~ d~t :
"Bon, tu
a~ vu mon g~b~e~,
~'e~t que tu m'a~ vue ! V~en~ ~c~
tu e~ un ~ha~~eu~ et mo~ je ~u~~ au~~~ un ~ha~~eun. Nou~
~omme~ pa~e~l~ J"
Et le ~ha~~eu~ ~e~ta avec la Mo~t pendant
plu~~eu~~ jou~~. La mo~t lu~ donna de la v~ande, le cha~~eun
la ~eme~~~a et amena quelque~ mo~ceaux davul ~ 0 n \\i,t ttag e.
Ma~~ ~l ~gno~a~t qu'~l ~'éta~t ~ha~gé d'une dette.
Un jou~,
la mo~t v~nt au v~Lt.aqe pOl/ft detllaI1dc,'L te
~embou~~ement de la dette et d~t : "Pa~e-=-r;lo.t ta dct,tc !"

-
1 39 -
L~ ~hahh~uh hépond~t :
"Eht-~~ qu~ ~~ n'éta~t l:Jah un ~ad~au ? Eht-~~ qu~ ~'éta~t
un phét ?"
La Moht hépond~t :
"Mo~,
J'éta~h dalH la nO/Lét.
Tu ~h v~nu,
tu ah hamahhé
tout~ ma v~and~.
AuJ oU.hd' hu~ tu dO~h m~ h~mbouhhVL !"
L~ ~hahh~uh d~t
- "Bon,
ph~ndh un d~ m~h ~nnanth 1"
~t tùut d~ hu~t~, ta Moht atthapa un ~nnant ~t d~t :
-
"J~ hU~h v~nu ~h~z VOUh.
VOU/~ ét~h au v~lla9~, vou/~ n~
hav~~z pah qu~ J'éta~h danh la 6ohét, tu ~h v~nu ~h~h~h~h
ma v~and~,
~t quand J'a~ voutu m~ na~h~ h~mbouhh~h, tu ah
voutu d~h~ut~h."
L'argument est ici réduit à sa plus simple expres-
slon, le conteur n'émet aucun jugement sur le comportement
de son héros. On ne saurait reprocher à un chasseur
d'abattre du gibier. Chasse, guerre, n'en demeurent pas
moins des activités voisines, dangereuses,
les paroles de
la Mort ne laissant place à aucune équivoque.
- "Tu ~h un ~hahh~uh ~t mo~ J~ hU~h un ~hahh~uh. Nouh homm~h
pah~~th" .
Ramenant au village des cadavres d'animaux,
le héros y ln-
troduit
:
- "un don d~ ta MOht"
Le conteur voudrait l'excuser
"~t ~9noha~t qu'~t -6'éta~t ~hahgé d'un~ d~tt~".
Mais l'excuse ne vaut rlen.
Il n'est pas de don qui n'appel-
le un contre-don ; et concevrait-on cadeau plus empoisonné
que celui offert par la mort? gift/gift,
l'homonymie qui
veut qu'un même terme désigne le don et le poison
nrend ici
tout son sens
"la ~ho-6~ h~CU~ ~n don, ta ~ho-6~ h~cU~ ~n
généhat ~nga9~, t~~ mag~qu~m~nt, h~l~9~~u­
h~m~nt, mohat~m~nt, jUh~d~qu~m~nt, t~ dona-
t~Uh ~t t~ donata~h~. V~nant d~ t'LUt,

-
l4 0 -
6ab~iqu~e ou app~op~~ee pa~ lui,
qui l'a~~ep­
te.
Au ~a~ oQ la p~e~tation donn~e ne ~e~ait
pa~ ~endue dan~ la 6o~me ju~idique, ~~onomi­
que,
ou ~ituelle p~~uue,
le donatai~e a
ba~~e ~u~ ~elu~ qui a ~pou~~ la 6ille ou
~'e~t li~ pa~ le ~ang, ~u~ le b~n~6i~iai~e
qui u~e ~hez lui d'une ~ho~e en~hant~e, de
toute lrauto~it~ du donateu~."
(1 j
Tuer pour né pas être tué est la loi de la
forêt,
le chasseur qUI s'y aventure n'a pas le choix
aussi bien, s'il y demeure,
finira-t-il dévoré par une
panthère ou piétiné par un buffle. Mais forêt et village
sont deux mondes distincts, entre lesquels semble dire le
conteur, ne s'était encore établie aucune communication
"la !'-1ort n'était pas dans les villages, elle se tenait
dans la forêt.
Les hommes ne mouraient pas ;" et plus loin
"vous êtes au village, vous ne saVIez pas que j'étais dans
la forêt ... tu es venu chercher ma viande ... " La leçon qui
se dégage est claire: viande contre viande,
la Mort exige
son dû. En termes plus généraux:
tout cadeau restera
stérile, source de mort, aussi longtemps que le bénéficiaire
- le débiteur - sera tenu de le restituer semblable à lui-
même,
sans possibilité de substitut. Plaidoyer à contrario
en faveur de l'échange dont l'absence, ou la non-reconnais-
sance, est synonyme de mort.
Le conte a traversé l'Atlanti-
que avec les chargements d'esclaves et s'est maintenu en
Guyane française
: ayant reçu de la Mort un cadeau de
viande séchée, Ananse
(Araignée,
le décepteur)
revient en
cachette voler son bienfaiteur
; celui-ci surprend le coupa-
ble, le poursuit, pénètre au village sur ses trousses.
En
( 1) M. MAUSS - Gi6t, GiDt - M~lange~ o66vvt6 à M. ChMle~ Andl~ pM
,~e,~ runiMet ~e~ ~lève~ - Pa!r.M - SbLMbOWtg - I~bLa - ~d. 1924
p. 245.

1 41
-
conclusion, si "Ananse" n'avait pas volé la viande,
la Mort
serait restée au fond de la forêt.
(1)
Morale d'esclaves, le serviteur qui pille le garde-manger
s'expose au fouet.
Le chasseur africain, dans le conte
précédent , traitait avec la l\\1ort d'égal à égal : "Nous
sommes pareils" lui dit-elle.
Sous une forme ou sous une
autre, le conte évoque un temps 00 les hommes ne connais-
saient pas la Mort.
Ils ignoraient donc son nom.
C'est dans
le passé reculé que se situerait ce récit.
Conte DAN
Avan~ l'homme ne mou~ait pa~. Ce ~ont le~
6emme~ qu~ ont
amené la mo~t.
Deux 6emme~ étaient ma~iée~ avec un même homme.
Chaque
6emme eut U/1e 6ille.
L' une de~ 6emm e~ n' était pa~
aimée de ~on ma~i, mai~ ~a 6ille était aimée de tou~.
L'aut~e était aimée de ~on ma~i, mai~ on n'aimait pa~ ~a
6ille.
Pe~~onne ne voulut l'épou~e~. Sa m~~e l'amena chez la
Mo~t. En ce temp~, la Mo~t tuait tout le temp~ du gibie~.
La m~~e c~ut qu'elle allait ~ecevoi~ beaucoup de cho~e~ de la
mo~t, ~i elle lui donnait ha 6ille en ma~iage. Elle dit:
"g end~e, voilà ta nemme !"
Mai~ la mo~t ne ~épondit pa~.
Elle ~épéta :
"Voilà ta 6emme 1"
Mai~ la mo~t ~e~ta ~ilencieu~e.
La m~~e dit :
Bon, ~i tu ne ~épond~ pa~, je vai~ p~end~e deux gigot~ de ce
gibie~ que tu a~ tué".
Elle p~it deux g~goth et ~'en alla avec ~a 6ille.
La Mo~t ne dit ~ien.
La m~~e ~etou~na avec ~a 6ille et mangea la viande.
La hemaine ~uivante, elle dit à ~a 6ille :
- "Allon~-lJ,
j'ai t~ouvé de la viande là-ba~ f"
Elle dit enco~e à la Mo~t :
- "Gend~e,
vo~là ta 6emme"
La Mo~t ne ~épondit pa~.
La m~~e p~it de nouveau deux gigot~ et le~ amena au village.
(7)
HURAULT (J)
-
Leh Noi~~ ~é6u9ié~
BOIÜ
de. fa GUlJane Ô/tCU1-
ca.{~e - Revue IFAN 11° 63 - DakcuL 1967.

-
1~· 2 -
La Mo!Lt d~t :
- "Ce.tte. 6e.mme. qu~ p!L\\2.nd tou.jOU!L.o ma v~ande.,
je. va~.o fa
,.'J U~V!Le. . "
C'~ta~t jOU!L de ma!L~h~, on dan.oa~t au v~ffage..
La Mo!Lt t!Louva don~ be.au~oup de. monde..
Effe. .oe. je.ta .oU!L .00.
6~an~~e e.n pubf~~.
En ~e. te.mp.o-fa, pe.!L.oonne. ne. mou!La~t.
Et tout de. .ou~te.,
fa
6~ffe. ne. bouge.a pfu.o.
Le..o ge.n.o ~omme.n~è!Le.nt
a pfe.u!Le.!L.
La Mo!Lt d~t :
- "Ah 1 j'a~ be.au~oup a gagne.!L ~~~ e.t j'é.ta~,.'J tout fe. te.mp.o
dan.o fa 6o!Lét : je. n'a~ tué. qu'une. .oe.ufe. 6~ffe e.t ~f.o pfe.u-
!Le.nt c.omme. ~e.fa."
La Mo!Lt e.mme.na fa 6~ffe..
La .oe.ma~ne. .ou~vante.,
fe..o homme..o dé.~~dè!Le.nt de ~éf~b!Le!L fe.o
6uné.!La~ffe..o.
If.o tuè!Le.nt de..o boe.u6.o.
La Mo!Lt d~t :
- "Ah 1 C'e..ot b~e.n : j'a~ be.aucoup a mange!L ~~~ 1 je va~.o
toujOU!L.o p!Le.nd!Le. fe..o homme..o 1"
Ce. .oont fe..o 6e.mme..o qu~ ont ame.né. fa Mo!Lt.
S~ ~e.tte 6emme. n'ava~t pa.o 6a~t ~e.fa,
f'homme n'au!La~t pa.o
pu mou!L~!L.
La Mort, au début, est en forêt,
"ne répond pas",
ignore les
hommes
; elle ne pénétrera au village que provoquée par le
geste inconsidéré de l'un d'entre eux. Mais le responsable
est ici une femme et la venue de la mort se trouve liée à
l'institution du mariage.
La morale du conte serait double.
D'abord, une image à peine chargée de la "belle-mère", dont
les exigences insatiables provoqueront la catastrophe. Mais
l'anecdote couvre une leçon plus grave. La femme,
en prenant
la viande, veut garder sa fille;
elle triche, "donner et
retenir ne vaut", et la punition est inéluctable: "si cette
femme n'avait pas fait cela, les hommes ne mourraient pas."
Le conte entend rappeler à ses auditeurs que
marler ses filles équivaut à les donner "à la mort".
Le
lignage doit agir loyalement et les laisser partir sans es-
prit de retour.
En contrepartie,
il recevra de la "viande"

-
143 -
sous forme d'une dot qUI lui permettra d'acquérir une épouse,
c'est-n-dire un espoir de survie. Tout gendre est vu comme un
gros ogre, dont le rôle est de "manger les filles".
Le rappro-
chement entre origine de la mort et mariage
(le conte nourrait
indifféremment porter l'un ou l'autre titre) traduit un
retournement dans les rarports de l'homme avec son terrible
partenaire
désormais, non seulement l'homme n'i~nore plus
la Mort, accepte l'échange, mais, fait carital, il prend
l'initiative et s'assure l'avantage en mettant l'autre dans
la position du donataire qUI doit "rendre", du débiteur
contraint de s'acquitter.
Il Y gagne un compromis
à
la mort longue, défi-
nitive, va succéder une mort "brève", dont l'homme bon gré,
mal gré, s'accommodera car elle est l'autre face de la VIe -
une vie également brève -.
Il ne rd ses filles mais gagne des
brus : le mariage demeure synonyme de mort pour les filles
tenues, en quittant leurs parents, d'abandonner les horizons
qu'elles ont toujours connus. Mais en mourant à leur lignage,
elles apportent au lignage de leur marI les enfants qu'elles
mettront au monde. De même, pour donner naissance à des
moissons futures,
le grain doit-il au préalable être enterré,
tel un cadavre.
Origine de la mort, origine du mariage, orIgine
de l'agriculture, s'expliquent nar les mêmes nécessités,
racontent la même histoire: mourir pour renaître, donner
pour percevoir.

-
1 44 -
II - SIGNIFICATION ESOTERI0UE DES CONTES ET LECENDES
Les contes et légendes en Afrique de l'Ouest,
présentent un peu partout, avec des variantes locales,
les
mêmes formes de base
; une des plus courantes met en scène
des animaux doués de parole et dont les aventures font la
joie des petits et des grands,
dans les longues réunions
nocturnes, en place publique.
Il faut bien dire qu'un esprit
européen est facilement dérouté nar le caractère anodin de
ces récits, qui contraste avec son importance sociale.
Il
s'étrinne de voir des hommes graves prendre nlaisir au récit
du lièvre ou de l'araignée qui ne lui paraissent qu'affabula-
tion ~uérile, où il ne trouve,
dans les cas les ~lus heureux,
qu'une certaine verve ~o~ulaire, parfois un charme poétique
un peu naîf, VOlre une image originale dûe à un narrateur
occasionnel. Quand nous parlons d'étonnement, nous pensons à
celui des esprits bien informés, qui,
à
la suite des décou-
vertes les plus récentes dans le domaine des sciences humai-
nes ont cessé de considérer les Noirs vivant en sociétés
traditionnelles comme de "grands enfants"
: car pour les
autres,
la question ne se ~ose même pas. On s'étonne donc de
ne trouver dans cette littérature orale aucun souci de forme
qui corresponde aux concentions littéraires occidentales qui
exigent l'ambition de créer une oeuvre durable, nersonnelle,
obéissant aux lois formelles de l'esthétique.
Les thèmes
populaires sont puisés dans un trésor commun,
transmis Dar la
tradition orale, et chacun les accommode à son gré,
sans
souci de construction,
sauf dans
le cas où le rythme inter-
vient.

-
145 -
Pour en revenIr à la signification ésotérique des
contes, disons que certains récits sont exprimés le plus
souvent en langue ancienne
; ils renferment, outre leur
sens caché, un pouvoir d'exaltation de la personnalité qui
procède de l'efficacité même du verbe et met en cause les
éléments composants de la personne.
Un conte ésotérique que
nous rapporte Généviève CALAME-GRIAULE (1) qui a ses pro-
longements dans le mythe de Commencement Dogon saura illus-
trer le caractère ésotérique et les difficultés de compré-
hension des récits qui ne sont en général que destinés aux
adultes.
III - LE CONTE ETIOLOGIQUE
Pourquoi le mille pattes n'a
pas d'yeux.
Aut~~6oi~, la ma~mott~ ~tait av~ugl~ ; o~,
~'~tait la m~~e
du mille-patte~
qui 6ab~iquait le~ yeux. Un jou~,
mille
patte~ ôta ~e~ p~op~e~ yeux pou~ en 6ai~e don à la ma~mott~,
et pa~tit à la ~e~he~~he de ~a m~~e, pou~ en avoi~ d'aut~e~.
Mai~ il ne la t~ou\\Ja point.
Lo~~qu'il voulut ~e;o~end~e ~e~
yeux, le ma~motte ~e ~auva dan~ ~on t~ou. Quant au mille-
patte~, il n'a toujou~~ pa~ d'yeux et n'a toujou~~ pa~
~et~ouv~ ~a m~~e.
.
Les éléments de ce conte étiologique, nous paralS-
sent caractéristiques du genre
: les aventures contées y
sont peu importantes ; une ex~lication étiologique justifie
le récit; enfin,
la moralité peut surprendre les esprits
non avertis, car les rieurs sont du côté de la marmotte.
En
effet,
l'explication de l'imnortance sociale accordée à ces
menus récits, est à chercher dans leur signification ésoté-
(1) G. CALAME-GRIAULE - in P~~~en~e A6~i~aine - nO ~p~~ial
14-15
-
Juin-~eptemEJLe 1957 - p. 335
"Conte~ ~~oté.~ique~ Dogon.

-
1 46 -
rlque et symbolique.
Ce sens caché a une portée métanhysi-
que,
comme nous allons le voir; mais il est aussi projeté
~ l'échelle humaine et sociale. Pour mieux décrypter le
sens ésotérique de ce conte étiologique,
il nous faut
résumer brièvement dans les grandes lignes la cosmoJogie
Dogon et le drame de la création du monde.
Voici le mythe Dogon, d'après la version publiée ~ar
G.
DIETERLEN
(1).
A t'o~igi~~ du mo~d~ ~~t ta pa~ot~ du Vi~u
Q~~at~u~,
AMMA ; Q~tt~ pa~ot~ Q~~a u~ i~6i­
nim~~t p~tit, ~~mbtabt~ au g~ai~ d~ 6o~io
(digita~ia ~xiti~) atom~ d~ t'u~iv~~~. c~
g~ai~ ~'~tant d~v~topp~ d~VÙ1.t "t'o~u6 du
mo~d~" ~o~t~ d~ va~t~ mat~iQ~ Qo~t~~a~t d~ux
ptaQ~nta~ qui d~vai~~t ~o~mat~m~nt donn~~
nai~~an~~ à d~ux QOkpt~~ d~ jum~aux Moni-
t~u~~, p~ototuP~~ d~ t'huma~it~ 6utu~~. A
t'aub~ d~ ta Q~~ation, ta ~ègt~ d~~ nai~~an­
Q~~ in~titu~~ pa~ Vi~u ~tait donQ ta g~m~tti­
pa~it~. Mai~ t~~ d~~~~i~~ d~ Vi~u nu~~nt
Qo~t~a~i~~ pa~ ta ~o~ti~ d~ t'o~u6, ava~t
t~~m~, d'un ~t~~ mat~ uniqu~ dont ta ~otitud~
6ut l~ Qomm~~Q~m~nt d~~ d~~o~d~~~ du mo~d~.
En ~66~t,
pou~ t~~t~~ d~ ~~p~~~d~~ ~a jum~tt~
dan~ t'o~u6,
it a~~aQha un mO~Q~au d~ ~on
ptaQ~nta ~t d~~Q~ndi~ aV~Q tui dan~ t~ vid~.
L~ mO~Q~au d~v~na~t ta t~~~~, it Y pén~t~a,
toujou~~ à ta ~~Qh~~Qh~ d~ ~a jum~tt~. Tt
Qommit ain~i un inQ~~t~, pui~qu~ t~ ptaQ~nta
~~t t'~quivat~nt d~ ta mè~~. R~montant au
Qi~t, toujou~~ da~~ t~ mém~ but, it ~~ t~ouva
ra~ ~a jum~lt~, Qon6i~~ pa~ Amma aux d~ux
aut~~~ jum~aux d~ t'o~u6, mai~ it ~n r~o1ita
rou~ vot~~ huit d~~ g~ain~~ Q~~~~~, dont t~
6o~io, g~~m~ du mo~d~, . ~t il ~~d~~Q~ndit t~~
~~m~~ ~u~ ta t~~~~. La 6ou~mi ~~ ~auva ~~pt
qu'~tt~ mit da~~ ~o~ t~ou, mai~ t~ nonio 6ut
~~m~ ~t g~~ma, d~v~~u ~oug~ ~t impu~ à Qau~~
du ~ang ~o~ ~nQO~~ ~éQh~ du plaQ~~ta.
A ta
~uite d~ tou~ Qe~ dé~o~d~~~, Q~t ~t~~ qui
ju~qu.e-là, pontait l~ l'tom d'Ogo ; "~iQh~~~~"
6uttJUl~~IÎO/LHJé en animal,
You.~ougou (vutp~~
palida),
le ~ena~d pate.
Tout aitait d~ mat
en pi~
ta teJtJte était deve~ue ~téJtite ~ou~
il) VIETERLEN rGj - Pa/U!nté et Mil/Liage dzez te,~ VNjOn [Soudan F~a~Ç.~)
R~vu.e, A6JtiQIl Il\\!Jt. 56.

-
147 -
r'e-66e-t de- l'ùr7pulte-té.
IR. 6alla-ét une Itépalta-
t-éon,
une- Itéde-mpt-éon,
ealt -él n'e-~t pa~ de-
!tépa~at-éon ~an~ ~ae~-é6-éee-.
Ce- 6utle- ~ae~-é6-éee­
au e-ée-l d'un de-h de-ux aut~e-~ Mon-éte-u~~
Nommo,
dont le- nom ~-égn-étl-ée- "donne- à bo-é~e.", le-u~
~~gne- étant ~u~tout aquat-équ~ e-t l'e-au étant
la
~ou~ee de- toute v-ée- ; -él ve-~~a ~on ~ang e-t
le-~ glta-éne-~ de- ~e~ elav-éeule~,
p~-éne-épe-~
v-étaux e-t 6utu~e ~ub~-é~tanee de l'homme-,
pou~
pu~-é6-ée-1t l'unive-~~. Son eo~p~ 6ut palttagé. e-n
~o-éxante mo~ee-aux qu-é 6ulte-nt je-té~ dan~
l'e-~paee- aux quat~e- po-ént~ ea~d-énaux, e-t
donn~~e-nt na-é~~anee- à d-é66é~e-nte.~ e-~p~ee-~
végétale-~.
Pu-é~ Amma le- ~e-~~u~e-éta e-t le-
6-ét de~ee-ndlte- ~u~ te-~~e- avee une- a~ehe- po~­
tant ~e-0 en6ant~ (qLLat~e eouple~, 6utu~~
ane~t~e-~ de- l'human-été) e-t tou~ le-~ an-émaux,
m-éné~aux e-t végétaux de-~t-éné~ à pe-uple-~ le-
monde-
de-~ homme~.
La de-~eente- de- l'éd-é6-éee-
eoZne-éda ave-e l'appalt-ét-éon de- la lum-é~~e
~ola-é~e. Ju~qu'alolt~, le ~ègne du Itenaltd
pâle ava-ét été ea~aetélt-é~é pa~ la nu-ét, la
~éehelte~~e, la ~télt-él-été, le dé6oltd~e, l'-ém-
pulteté e-t la moltt.
La création réorganisée entrait, grâce au sacrifice rédemp-
leur à la descente de l'arche et à la chute de la première
pluie fécondante,
dans le règne de Nommo, caractérisé Dar la
lumière, la fécondité,
l'ordre,
la pureté,
la vie. Mais les
deux principes continuent à s'opposer et à s'~quilibrer
éternellement pour permettre la continuation de la marche
du monde. Le rôle de Nommo fut dans la suite de limiter les
désordres de Yourougou, et notamment de lui reprendre les
gralnes volées.
Il inventa une série de techniques successi-
ves qUl permirent à l'humani té de s'organiser.
Il révéla
aux hommes les différentes catégories de paroles, au nombre
de vingt-deux comme toutes les catégories de l'univers
classées par lui. Quant à Yourougou,
son destin malheureux
fut de poursulvre éternellement sa jumelle Yasigui sans
jamais pouvoir l'atteindre.

-
148 -
Cette quête éternelle est figurée sur le plan
cosmlque par la révolution du satellite de Sirus
(étoi]e
digitaria exilis) autour de Sirus, révolution de sent fois
sept années qUl règle le calendrier religieux dogon.
C'est
à
ce destin que se rattachent les contes,
les fables, et
certaines légendes.
Leur origine, chez les Dogon est attri-
buée à Nommo, qui les a inventées et révélées aux hommes,
pour tourner en dérision le Renard pâle.
Car tous les
mettent en scène sous une forme symbolique et contiennent
une
intention maligne à son égard.
Les différents personna-
ges,
généralement animaux, qui y évoluent représentent les
partenaires de Yougourou dans le drame primordial et leurs
aventures de peu de poids sont une figuration du conflit de
la création.
Dans le conte étiologique cité en exemple,
le
mille-pattes joue le ~ersonnage de Yourougou, et la marmotte
celui de Nommo.
La perte des yeux symbolise la perte de la
lumière, à laquelle Yourougou fut condamné à la suite de son
geste incestueux:
il erre désormais dans l'ombre des caver-
nes et des nuits.
Nommo est le vral
possesseur des yeux, c'est-à-
dire de la lumière, et Yourougou erre à sa poursuite, en
même temps qu'il cherche sa mère, c'est-à-dire sa femme;
d'autre part, elle était représentée par le placenta mater-
nel de l'oeuf, qui par ailleurs, est devenue la terre; ces
notions complexes nous ont été rendues familières par la
psychanalyse.
Nous comprenons donc
]e rôle de l'explication
étiologique du conte "~ourc]uoi le mil1e-pattes n';'l nas d'yeux".

- Hg -
Elle doit justifier le récit aux yeux des profanes
et détourner l'attention du sens véritable.
Quant à la
moralité elle devient plus claire
: les rieurs sont du bon
c6té, puisqu'ils se moquent du mille-pattes,
c'est-à-dire
de Yourougou.
Un type de r6cit met souvent en scène le
lièvre et l'hyène.
(l).
Le lièvre qui ~asse pour intelligent et rusé,
joue le r6le de Nommo, et berne constamment l 'hyène,
animal
lourd, nocturne,
antipathique qui incarne Yourougou.
En
voilà un exemple qui réunit plusieur~ thèmes
: le lièvre et
l'hyène décident un jour d'aller chercher des oeufs de pin-
tade en brousse. Or, l'hyène emplit son sac, et le lièvre
ne peut en trouver qu'un seul.
Il dit alors à l'hyène que
SI
elle fendait le fond de son sac, celui-ci s'emplirait
encore mieux.
Crédule, celle-ci déchire le fond du sac,
avec ses dents. Quand elle se remet en marche,
les oeufs
tombent par terre un à un, et le lièvre les ramasse derrière
elle. Finalement il ne reste dans le sac qu'un seul oeuf et
un mille-pattes desséché.
Rentrée chez elle,
l'hyène demande
à sa femme un panier pour y mettre
sa récolte, et entre dans
une grande colère en ne trouvant plus qu'un seul oeuf.
Le
premier épisode peut former à lui seul un tout
il s'agit
du vol par Yourougou des graines,
figurées par les oeufs de
pintades, en brousse et leur reprise par Nommo.
Grâce à un
stratagème, Nommo les reprend à l'exception d'une seule,
Il)
L.
S.
SENGHOR e-:t A.
SAD]I
:
La Be--t-te- H~!.J:to~!le- de- Le-ul<.-
ec.-L~èv!le- - Hac.he-:t:te- 1953 - Pa!ll.~ - (dél - COLLARVELLE-
DI ARRASSOUBA.
M.
Le- LtèvJte- e-:t -t' hyène. dan!.J -te-!.J
c.on:te.!.J
~~~~C.6:t ~!l~c.a;Vl ; c.o-tl. 30/18 - PaJti~ 1975.

-
1 50 -
Digi taria exil'is, devenue imnure
(il s ' agit cie l' esnèce
dite "fonio rouge" que l'on ne consomme pas.)
Le mille-pattes desséché représente le placenta de Yourou-
gou desséché par son impureté, et sur lequel a marché
Binou Serou, l'un des quatre
ancêtres descendus avec l'ar-
che et qui deviendra le premier prêtre totémique.
La femme
de l 'hyène est l'insaisissable YASIGUI.
Deuxième épisode; à la suite de ces incidents,
l'hyène demande au lièvre de lui tresser les cheveux.
Celui-ci prétend ne pouvoir le faire que si elle monte sur
un arbre, et se met à attacher les cheveux à l'arbre un à
un.
Puis il frappe l'hyène avec un fouet;
à force de se
balancer dans le vide, elle finit par arracher ses cheveux
et, ainsi libérée s'enfuit.
Le lièvre la précède, se cache
dans un buisson et quand elle passe,
lui demande ce qUI lui
est arrivé. Elle se plaint des mauvrais traitements du
lièvre. Toujours invisible,
il lui propose un remède et lui
applique de la cendre chaude sur la tête.
L'hyène, brûlée,
se lance à sa poursuite, mais ne parvient jamais à l'attein-
dre.
Ces tours pendables, qui nous rappellent un Deu
ceux du roman de Renard,
symbolisent cette fois la remontée
au ciel de Yourougou voulan~ reprendre le reste de son
placenta, dans l'espoir de retrouver sa jumelle: c'est
pourquoi l'hyène monte sur un arbre. Mais le placenta avait
été transformé en soleil par Nomma
; les cheveux attachés
en éventail aux branches de l'arbre sont une figuration des
rayons du soleil. Yourougoll, clans sa démesure, a p,riffé le

1 51
soleil, et 0n morceau lui est tombé sur la t@te
c'est le
symbole de la cendre chaude qui le brOIe.
Cet ésotérisme de la littérature orale que nous
venons d'illustrer
par quelques exemples,
a donc une
portée métaphysique; au m@me titre que les mythes, mais
sous une forme doublement affabulée, donc moins transparente.
"Le. mo,t mljthe.,
a éCA..i...t Ma/tcd' GRIAULE,
ne.
doi...t pa~ ~'e.nte.nd/te. au ~e.n~ o/tdi...nai.../te. de.
6o/tme. poé,ti...que.,
un
pe.u ab/~tL/tde.,
6antaùJ i...-0te. ,
ou e.n6anti...ne. ... i...l e.~t une. a66abulati...on
volontai.../te. d'i...dée.
maZt/te.~~e.~ qui... ne. pe.uve.nt
~t/te. mi...~e.~ a la po/ttée. de. tou~ a n'i...mpo/tte.
que.l mome.n,t".

1 7 )
Elle constitue un objet de croyance pour ceux
qUl sont initiés à son symbole.
Par ailleurs,
la narration
des contes contribue à la poursuite de la marche du monde,
conséquence des grandes forces mises en mouvement à la
création et dont l'équilibre est donc nécessaire au maln-
tien de l'univers. Mais cette narration nlest pas laissée
au hasard; elle obéit à certaines règles strictes que nous
avons déjà soulignées plus loin.
En plus, c'est obligatoire-
ment la nuit que l'on doit conter. L'interdiction de conter
pendant la journée e~:iste dans de nombreuses régions de
l'ouest africain. Mais à notre connaissance,
les explica-
tions qui nous ont été données sont peu précises, et ne
méritent pas d'@tre mentionnées,
sous peine de tomber dans
des contre-vérités préjudiciables à la crédulité de cette
étude.
Seule, l'explication Dogon sembler aller de pair,
(71 GRIAULE (Ml - Conn~~~ance. de. l'homme. noi...Jt, i...n la conn~-0ance. de.
l'homme. au XXe. -0i...ècie. - Re.l1coYLtlte. i...nte.JtI1a:tA...Ol1ale. de. Ge.I1è.Ve. 7957.

-
1 52
-
avec le drame de la Création, et du Commencement
Yourou-
gou a surgi et agi dans l'obscurité primordiale et c'est
seulement avec l'avènement de Nommo qu'est apparue la
lumière solaire
il est donc un
être nocturne qui ne peut
que se manifester la nuit.
C'est en effet pendant la nuit
qu'il répond aux questions qui lui sont posées par les
devins,
sur les tables de divination (car il possède,
lui
aussI, une parole qui lui p~rmet de révéler l'avenir mais
il l'a volée à l'origine avec les graines).
Conter de nuit,
c'est conter pendant les heures oll les renards sortent de
leur tanière et rôdent dans l'obscurité; on est donc
certain que Yourougou entend les moqueries qui le visent.
Conter de jour, sous la lumière du soleil, serait Jn
affront direct à Nommo.
Au contraire, on ne doit tisser que de Jour, et
tout tisserand qui n'arrêterait pas son travail au coucher
du soleil, deviendrait aveugle, car le tissage est techni-
que de Nommo, chose divine et bénéfique,
liée à la parole
du Moniteur. Dans toutes les sociétés traditionnelles, de
l'ouest africain; conter présente un aspect bénéfique
il
représente une nécessité, pour la bonne marche de la société,
du monde, sur le plan métaphysique comme sur le plan humain
et social. Tout d'abord,
les contes et légendes constituent
une base essentielle d'enseignement, une étape première
d'instruction pour les jeunes, en leur présentant sous une
forme amusante et colorée facile à retenir,
les drames de la
création et les connaissances qu'ils devront acquérir aux
différentes étapes de leur initiation.

-
1 5:) -
Par la suite, ces vérités essentielles se déga-
geront peu à peu des images enfantines ; et il suffira de
les transposer pour entrevoir le fonctionnement du mécanisme
cosmique. Par ailleurs,
sur le plan psychologique,
ils
.produisent un effet certain
de catharsis.
L'auditoire est
mis en état d'euphorie par les rires que provoquent les
mésaventures de Yourougou, personnage qui prend lCl un
aspect
populaire et comique qu'il n'a pas d3ns le mythe.
La moquerie dirigée contre un adversaire, ou même contre un
aml, a un effet de "décharge" et facilite les rapports.
Ce
mécanisme de la moquerie cathartique a été étudié par Marcel
GRIAULE à propos de l'institution classiquement connue sous
le nom de "parenté à plaisanterie" et qu'il a préféré
nommer' "alliance cathartique"
(1) et une autre étude de G.
GRIAULE des effets des moqueries de caractère en quelque
sorte linguistique, qui sont échangées entre individus de
parlers différents
(2).
Enfin,
sur le plan social,
le contage est l'un des
rouages favorisant la perpétuation de l'humanité. En effet,
les réunions noctur~es où l'on conte ne sont pas composées
que de femmes et d'enfants; des jeunes gens s'y mêlent et
des rapprochements favorables au mariage se produisent.
L'atmosphère est en particulier propice: en effet, les mo-
queries dirigées contre la vaine quête de Yourougou exaspè-
rent ce dernier, et ie poussent de plus belle à chercher son
âme soeur.
Stimulés par son exemple,
les jeunes gens cherchent
leur "jumelle". L'hollune, grain rte l'univers, est au ceT1tre du monde.
(1)
GRIAULE (,\\1) - L'a(l.(wflc-e- c-CLtlleur...t.Lqu.e - -<-n A6JUc-a odob!le 1948.
(2)
CALAME-GRIAULE (G) - Le-,~ Il1oqueJU('J~ de- v-<-Uage{) au. Soudan 6!lancw -
Ln fIute~ a~!L-<-c-(u:.n~~ - janv. 1954.

-
1 54
-
CHAPITRE
V
LA LEGENDE DU CONQUERANT DANS L'OUEST
l - LEGENDE KHASSONKE :
L'Ami du Lion
(1)
It éta~t un ~o~ tout pu~~~ant.
Comme ~a 6emme p~é6é~ée ne tu~ ava~t pa~ en~o~e donné
d'en6ant,
~t ~on~utta te dev~n pou~ ~avo~~ quette de~~en­
dan~e ~t au~a~t d'ette :
- "Ve ~ette 6emme, d~t te dev~n, tu au~a~ un 6~VJ qu~ te
tue-~a, pou~ ~ê.gne-~ à ta pta~e".
Ve- ~e- jou~,
te- ~o~ ne- voutut ptu~ vo~~ ~a 6avo~~te ; ~t
n'e-ut ptu~ ave-~ e-tte- au~une- ~e-tat~on e-t dé6e-nd~t m~me de-
tu~ donne-~ à mange~, e-n ~o~te- qu'e-tte- 6ut ~édu~te- à gtane-~
dan~ te-~ ~hamp~ de m~t.
Une- nu~t, un g~~ot du ~o~ 6~t un ~~ve-
IL v~t ta 6avo~~te- tombée- e-n d~~g~â~e,
donne-~ à ~on maZt~e­
un 6~t~, qu~ de-ve-na~t pu~~~ant e-t ptu~ géné~e-ux que- te- ~o~
~on pè~e-.
Le- g~~ot ~on6~a ~e-tte- ~évétat~on à ~e-~ ~ottègue-~
et tou~ e-n 6u~e-nt te-tte-me-nt 6~appé~ que-, d'un ~ommun a~~o~d,
~t~ ~é~otu~e-nt d'obt~ge-~ te- ~o~ à ~e-p~e-nd~e- ~a 6avo~~te-.
Van~ ~e- but, ~t~ v~n~ent, ~eton te-u~ hab~tude-, donne-~ une-
g~ande- 6~te- au ~o~, dont ~t~ e-xattè~e-nt te-~ haute-~ ve-~tu~.
Pou~ te-~ ~e-me-~~~e-~, te- ~o~ te-u~ o~6~~t de- ~~~he-~
~ade-aux,
ma~~ ~t~ te-~ ~e-bu~è~e-nt.
Comme ~t de-manda~t ta ~a~~on de- ~e- ~e-6u~
:
- "Nou~ ne ~omme-~ pa~ ve-nu~ ~he-~~he-~ de-~ ~ade-aux, d~~e-nt-~t~,
ma~~ ~e-ute-ment te- de-mande-~ d'a~~éde-~ à not~e- dé~~~."
-"Je- n'a~ ~~e-n à vou~ ~e-6u~e-~, d~t te fLO~."
- "Eh b~e-n, d~~e-nt te-~ g~~ot~, nou~ ~e-~ont ~at~~6a~t~ quand
tu au~a~ e-u un 6~t~ de- ta 6e-mme- que- tu a~ma~~ tant aut~e6o~~,
e-t que- tu t~a~te~ ~~ mat aujou~d'hu~."
Le- ~o~,
att~~~té,
ne ~épond~t pa~ ; ma~~ ~omme- ~t ne-
pouva~t ~e-ve-n~~ ~u~ ~a p~ome-~~e-,
~t 6~t mande-~ ~on e-x-
6avo~~te- pou~ ta nu~t
~u~vante-. Ve- ~e-~ ~etat~on~
6o~~ée-~,
naqu~t un 6~t~ ; ma~~ ta 6e-mme-
ne- but pa~ pou~ ~e-ta m~e-ux
t~a~tée- e-t dut ~ont~nue-~ à gtane-~ pou~ ~e- nou~~~~.
Un jou~,
aux ~hamp~, ette- po~a ~on e-n6ant à te-~~e- pou~ ~t~e- ptu~
t~b~e-.
Une t~onne-,
e-n ~êdant,
~e-n~ont~a te pauv~e- pe-t~t e-t
t'e-mpo~ta dan~ ~on ~e-pa~~e,
à
~ôté de- ~on pe-t~t t~on~e-au.
L'e-n6ant e-t te- t~on~e-au,
nou~~~~ du m~me- ta~t,
jouè~e-nt
e-n~e-mbte-.
Quand ~t~ 6u~ent d'âge à mange~, la t~onne- donna~t
te- 6o~e- à t'e-n6ant, et l'autne ~ha~~ au l~on~eau.
Ma~~,
e-n
g~and~~~ant,
t'e-n6ant ~'ape~cut que la lionne le negandait
d'un mauva~~ oe-ii ; it te d,Lt CUl l~ovl~e-au. C'eilLi-~i, aion~
(1)
MONTEIL (Chl - COI1X-e,~ Soudanu,~ - PM,0~ - Le/1oux 1905 p. 8.

- 155 -
adulte,
ét~angla ~a mè~e dan~ la ~~a~nte de pe~d~e ~on am~
et dé~o~ma~~, ~l dut pou~vo~~ lu~-méme à la nou~~~tu~e
~Oinmune. L' en6ant
et le l~on vé~u~ent a~n,.'J~ dan~ t' am~t~é
la plu~ ét~o~te et la plu~ ~on6~ante.
Un jou~,
le v~llage vo~~~n 6ut en n~te pou~ la ~~~~on­
~~~~un. L'en6ant d~t alo~~ à ~on am~ le l~on :
- "Vo~~~ venu le temp~ oD. je do~~ é!.~e ~~~~on~~,.'J, je l!a~~ me
IIIe:ttiLe en quUe. de quelqu'un q~ vw~tte b~en me 6a~~e l'opé~at~on"
et ~.e pa~t~t.
Van~ un ~hamp, ~l t~ouva un homme qu~ t~~~a~t,
c'éta~t le
chen de~ capt~6~ du ~o~ :
- "Mon )Jè~e,
lu~ d~t-~l,
je ~U~,.'J un pauv~e o~phel~n abandon-
n~ j'a~ l'age d'ét~e c~~conc~~, voud~a~~-tu me rnend~e avec
te~ en6ant~ pou~ cette opé~at~on ?"
- "MolJ 6~l~,
d~t le v~e~lla~d, je n'a~ pa~ d'en6an:t, ma~~ je
con~en~ à :te ~on~~dé~e~ volon:t~e~~ comme m~en pou~ le ~e~v~ce
que :tu me demande~.
Vè~ ce jou~, l'en6ant demeu~a chez le v~e~lla~d.
Tou:te6o~~, ~l 6~:t de quo:t~d~enne~ v~~~te~ à ~on am~, le l~on.
_La ve~lle du jou~ de la c~~conc~~~on, a~~~va une g~ande
ca~avane de d~oula~.
[comme~cant~ ~t~né~an:t~ de l' oue~t
a6~~ca~n) .
Le l~on ~'éta~t po~té au bo~d d'un ma~~got qu'~l 6alla~t
néce~~a~~ement t~ave~~e~, et, quand la ca~avane 6u:t )J~oche,
~l bond~t de ~a cachette. Béte~ et gen~, 6a~~~~ d'e66~o~,
~'en6u~en:t en abandonnant tou~ le~ bagage~. Le l~on ~u~:t
au~~~:tôt 60n am~, qu~, a~dé de ~on hô:t~, ~ama~~a e:t empo~:ta
:tou:te6 le~ ma~chand~~e~. Le lendema~n de la c~~conc~~~on, le
l~on d~t à ~on am~ :
- "A pa~t~~ d'aujou~d'hu~,
et tant que tu ~e~a6 malade, tou~
le~ 60~~~, ~ou~ l'a~b~e de no~ ~endez-vou~, tu :t~ouve~a~
deux ant~lope~ )Jou~ te ~égale~ ave~ te~ cama~ade~".
Et jama~~ le l~on ne 6a~ll~t à ~a )J~ome~6e.
Un jou~,
le l~on demanda à ~on am~
- "Ma~ntenan:t quel~ ~ont :te~ p~ojet~ pou~ l'aven~~ ?"
- "Je voud~a~~ épou~e~ une jeune 6~lle pou~ ,(aquelle j'a~ ,(a
p,(u~ g~ande a66ect~on, ma~~ elle e~t déjà p~om~~e et la dot
e~t en pa~t~e payée.
- C'e~t b~en, d~t le l~on, vo~c~ ce qu'~l 6aut 6a~~e
"Vend~ed~, quand le~ jeune~ 6~lle~ ~e~ont en t~a~1l de ,(ave,'l
le ,(~nge au ma~~got, je ~au:te~a~ ~u~ :ton am~e, :tu ta dé,(~v~e­
~a~, e:t,
ap~è6 ce:t explo~:t, on ne poun~a )Jtu~ :te la ~e6u~e~
~eu,(ement, donne-mo~ en :tem)J~ u:t~,(e le moyen de ~econnaZ:t~e
:ton am~e."
Le jeud~ ~o~~,
le jeune homme d~:t à 60n am~e :
" R~ e n ne :t e ~ ~ e d m~ eux Ci u ' u n ~ u ban j aune au t 0 tUt de C({ :t ê;t e
e:t tu me 6e~a~ pla~~~~ en en pJ~;tan:t un".

-
156 -
E~~e a~~éda à ~e déhi~ et ~e ~iOfl 6ut p~évenu de ce détai~
ca~acté~ihtique. Le lendemain, au moment leh éclath de
~i~e et leh bava~dageh deh jeuneh 6illeh he 6aihaient
entend~e au bo~d de ~'eau, le lion,
jUhqu'a~o~h blotti danh
~eh he~beh, bondit tout à coup et enleva ~a jeune 6ille au
bavldeau jaune.
Leh 6emmeh et leh en6anth he6aUvètlent, leh
hommeh gtlimpè~ent
jUhqu'au haut deh a~b~eh ; heu~, l'ami du
~ion tint t~te au 6auve et ~éUhhit a lui 6aitle lache~ ha
p~oie.
Le cou~ageux
jeune homme ~ut comblé de ~ouangzh et chacun
penha qu'i~ convenait de lui donne~ pou~ épouhe la jeune
6ille,
qu'il avait hi rlli~aculeuhement ,.'>auvée.
Leh notab~eh
inhihtè~ent hi bien danh ce henh aup~èh de~ pa~ent~ de la
jeune 6i~~e que ceux-ci 6initlent pa~ donne~ ~eu~ ah~entiment.
Le che6 deh capti6h qui ~e ~onhidé~ait ~omme ~e pè~e du
jeune homme lui dit :
- "J'ai enco~e toute,.'> leh ma~chandiheh qu~ nouh avonh p~i~eh
à
la ca~avane
deh dioulah,
tu peux en d~hpohe~ en toute
~ibe~té pou~ teh 6iançailleh.
Le ma~iage 6ut une 6~te hanh égale et ~e ~oi~ m~me ~e
~ion vint contemple~ la jeune 6emme endo/1.mie, a6ùl, ~ui
aUhhi,
d'avoi~ ha petite pa~t de joie.
Peu ap~è~, une nuit,
le lion vint h'ent~~teni~ avec hon ami:
- "Maintenant que je vieillih, lui dit-il,
je ~ommen~e à
~t~e p~ih de ~emo~dh d'avoi~ tué ma mè~e ; ha hoeu~ habite
la ~ive d~oite, je vaih l'a~le~ voi~ et ~ui demande~ d'in-
te~~éde~ pou~ moi, pa~ ~eh p~iè~eh au Tout-Puihhant.
Vienh
me voi~ demain, hOUh not~e a~b~e,
je te 6e~ai, ~à, meh
adieux et te di~ai l'époque de mon ~etou~".
Le baobab, ~ieu du ~endez-vouh,
était ttlèh vieux.
A hon
pied danh une excavation, ~ogeait une hyène et tout en haut,
danh
h eh b~anc heh, un 6auco n.
Le lio n a~~iva le p~emie~ et
houdain, p~ih de coliqueh, il mou~ut. L' hyène ho~tit, et
ape~~evant le ~adav~e, dit a hon voihin ~e 6auc~n :
- "Ami,
voila une bonne jou~née, nouh pou~~onh nouh ~égale~
hanh nouh dé~ange~. Penh eh-tu que ~e cadav~e hoit pou~ toi?
Vepuih quand logeh-tu ici? Lequel
de nouh deux connait
mieux
~e payh ? Ce n'eht pah toi, ahhu~ément f"
L'hyène ne ~épondit pah et ~ent~a danh hon t~ou, pou~
attend~e la nuit, qui lui pe~mett~ait de 6ai~e han hiniht~e
~epah hanh ~t~e dé~angée. Le jeune homme a!1.~iva à hon tou~,
et, p~ih de déhehpoi~, quand il vit hon ami mo~t, i~ he tua
en ~e ~oupant le cou.
L'hyène ~ehho~tit et dit:
- "Voi~a un jou~ pa~ti~u~iè~ement heu~~ux, deux cadav~eh à
ma po~te
f"
Et,
de nouveau, elle he ~eti~a.
Le 6au~on dehcendit, h'app~ocha deh cadav~eh et dépoha ~u~
~eu~h na~ineh un peu de poud~e qu'ave~ le be~ i~ avait p~it
autou~ de hon de~~iè~e. AUhhit6t, leh mo~th étetlnuètlent, et
he ~ed~ehhè~ent.
En t'attendant,
je m'étaih endo~mi dit ~e ~ion, à ,.'>011 (VlI,L.

-
157
-
- "Et mo-<-, te. voyant e.f1dotLm-<-,
j'a-<- na-<-t de. même!',
d-<-t le.
j e.Uf1e. homme.
- "Ma-<--6 qu'e.-6t-c.e. que. c.e. -6al1g -6utL te.-6 e.66e.t-6 ?" -6'e.xc.lama
le. l-<-on.
- "Ah ! Je. me. tLappe.Lte.,
n-<-t te. je.une. homme.,
je. t'a-<- ttLouvé,
là,
éte.ndu,
je. t'a-<- c.tLu motLt
atotL-6,
dé-6e.-6pétLé,
je. me. -6u-<--6
tué. "
Et mo-<- aU-6-6-<-, c.ont-<-nua te. l-<-on,
je. me. tLappe.lle. ...
It l1'ac.he.va pa-6 ; te. 6auc.on l'-<-nte.tLtLomp-<-t e.t d-<-t
"Le.-6 6tLu-<-t-6 que. VOU-6 voye.z à c.e. baobab ne. -6ont pa-6 tLe.m-
pl-<--6 de. 6atL-<-ne. c.omme. vOU-6 le. pe.n-6e.z,
c.e. -6ont de.-6 l-<-ngot-6
d' OtL" .
Le. je.une. homme. gtL-<-mpa aU-6-6-<-t8t POUtL le.-6 c.e.u-<-ll-<-tL,
pU-<--6,
le.-6 ayant 110ué-6 dan-6 -6on éc.natLpe., -<-l -6e. ptLépatLa à patLt-<-tL ;
le. l-<-on lu-<- d-<-t :
"POtLte. tout c.e.t OtL au c.he. 6 dv) c.apt-<-6-6 du tLo-<-,
POUtL qu'-<-l
le. d-<--6ttL-<-bue. à -6e.-6 c.amatLade.-6, e.t e.x-<-ge
d'e.ux qu'-<-l-6 tue.nt
le. tLo-<- e.t t'él-<--6e.nt à -6a plac.e..
Le. c.he.6 de.-6 c.apt-<-n-6 e.t -6e.-6 c.amatLade.-6 ac.c.e.pt~tLe.nt.
Le. le.nde.ma-<-n, à la pOtLte. du tLo-<-,
e.t de. c.hac.un de. -6e.-6
éve.ntue.l-6 -6uc.c.e.-6-6e.UtL-6, -6e. te.na-<-t un c.apt-<-n atLmé. V~-6 que. le.
tLo-<- patLut, -<-l 6ut m-<--6 à motLt e.t -<-l e.n nut de. même. de. c.e.ux
qu-<- de.va-<-e.nt lu-<- -6uc.c.éde.tL.
Quand le. je.une. homme. nut nommé
tLo-<-, le. l-<-on v-<-nt le. vo-<-tL e.t lu-<- d-<-t :
"Le. dé6unt tLo-<- éta-<-t ton p~tLe., e.t c.e.tte. 6e.mme. e.n ha-<-llon-6,
qu-<- me.nd-<-e. dan-6 le.-6 tLue.-6,
e.-6t ta m~tLe., e.t -<-l lu-<- c.onta -6on
h-<--6to-<-tLe.."
Le. je.une. homme. tLe.me.tLc.-<-a le l-<-on e.t d-<-t :
"Tu m'a-6 noutLtL-<- e.t ptLotégé tant que. j'éta-<--6 -<-mpu-<--6-6ant,
d~-6 ma-<-nte.nant, je. ve.ux POUfLVO-<-tL à tou-6 te.-6 be.-6o-<-n-6 : tou-6
le.-6 jOUtL-6, tu ttLouve.tLa-6 de.ux boe.u6-6 -60U-6 nottLe baobab."
"C'e.-6t b-<-e.n, d-<-t le. l-<-on ; e.t ma-<-nte.nant je. va-<--6 te. qu-<-t-
te.tL -6al1-6 -6avo-<-tL quand nOU-6 nOU-6 tLe.ve.tLtLon-6,
ptLe.nd-6 c.e.tte.
he.tLbe. : tant qu'e.lle. -6e.tLa ve.tLte.,
e.t 6tLa~c.he.,
je. -6e.tLa-<- e.nc.otLe.
d~ c.e. monde. ; d~-6 qu'e.lle. -6e.tLa jaune. e.t 6léttL-<-e.,
je. -6e.tLa-<-
motLt" .
Et le. t-<-on patLt-<-t.
Longte.mp-6, le. l-<-on e.t le. je.une. homme. -6e.
tLe.v-<-tLe.nt à de. gtLand-6 -<-nte.tLvalte.-6.
Le. j e.une. homme de.v-<-nt un
tLo-<- pU-<--6-6ant e.t a-<-mé ; auptL~-6 de. tui était -6a vie.-<-lle. m~tLe.
qu'-<-l e.ntoutLait de. -6oin-6 a66e.c.tue.ux.
Un jOUtL, il -6e -6ouv-<-nt de. -6on ami le. lion,
qu'-<-l l1'ava-<-t
pa-6 tLe.vu de.pui-6 de. longue.-6 anl1ée.-6 ; il tLe.c.he.tLc.ha t'he.tLbe.
6atid-<-que. : e.lle. était jaune.,
6anée. e.t 6léttL-<-e. ; alotL-6 il
-6e. m-<-t à ple.utLe.tL e.t,
pe.ndant un moi-6,
de.me.utLa -<-nc.on-6olable.
pe.tL-6onne. ne. c.omptLe.nait tLie.n à -6on c.hagtLin.
En6-<-11, -<-l tLac.onta l'h-<--6to-<-tLe. de. -6a vie..
L'Ami du lion, a été publié par Char125 MONTEIL

-
1 S8 -
en 1905. Dans son introduction,
il précise en effet qu'il
doit plusieurs contes "au chef des jeunes" de Médine
(Sénégal) .
Homme fort,
intelligent, potier habile malgré la lèpre qUl
avait réduit ses mains à l'état de moignons,
le "chef des
jeunes" tenait lui-même ses récits des artistes, à la fois
conteurs,
chanteurs, danseurs, qu'il avait engagés Dour les
fêtes publiques que célèbrent les paternités de jeunes
gens dans les années de circoncision.
Pour en revenir à cette légende,
les contes trai-
tant de la prise du pouvoir sont pourtant rares dans
l'ouest africain, où les contes enseignent le plus souvent
une morale pratique par évocation des ruses du lièvre,
les
déconvenues de l'hyène, ou l'inconstance des femmes. Mais
l'ami du lion est d'origine Khassonke.
Est-ce un hasard si
les deux variantes du conte politique ont été notées dans
cette même société? Vingt ans avant Monteil, Berenger-
Feraud avait publié la Ballade Khassonkaise de Diudi
(1)
dont la fin lamentable évoque curieusement les romans de
l'époque:
Fille du roi BAKARY,
la belle Diuùi
s'éprend
d'un jeune homme pauvre, Sega ; de naissance obscure,
il ne
peut demander sa main; qu'importe,
les amants ne songent
pas à l'avenir,
ils se voient chaque nuit. Mais on apprend
que les Bambara envahissent le pays. Les guerriers partent
les combattre, Sega le premier, se couvre de gloire.
Le
temps s'écoule, la guerre s'installe
; cependant, Diudi
se
(1)
BERENGER-FERAUD tL.J.B.)
- R~eu~~t d~ eont~~ ~oputa~~~~
d~ ta Sénégamb1e. - "Battad~ K a~~on!ia-<..~~
a~ D~ud1" - pp. 27-38.

-159
-
voit enceinte, et ne peut cHcher son état à son père.
Furieux,
le roi voudrait mettre ~ mort le séducteur; la
fille du rOl ne peut être aimée que par un roi,
il exige
un nom que Diudi se refuse à donner:
"Mon père, celui que
j'aime est beau comme le soleil,
il est brave comme le
lion;
il est sage comme le vieillard; mais je ne vous
dirai pas son nom;
il ne doit pas mourir,
il doit être
votre fils aimé en attendant d'être votre successeur."
Bakari demeure inflexible et jette Diudi en prison, elle y
mourra.
Sega, pour sa part, a vaincu les Bambara,
il a
sauvé le royaume. A son retour,
le héros triomphant demande
Diudi comme unlque récompense.
Hélas!
on ne peut que lui
désigner une tomrie sur laquelle il se jette. La mort unira
les amants.
"Cette ballade est le chant de guerre autant que
le chant d'amour des Khassonkés"
conclut Berenger-Feraud.
Qui sont les Khassonké, pour prendre plaisir à entendre
chanter aussi bien l'amour malheureux que les exploits du
conquérant ?
"A t'o!ligine.., te.. KHASSO tut une.. !légion de..
pe..u d'éte..ndue.., ~ituée.. ~U!l ta !live.. d!loite..,
du Sénégat, aux
e..nvi!lon~ de Ba6outabé.
Le..~
Peut~ qui nomadi~aie..nt en 6u!le..nt, à
c.au~e de c.ette.. dénomina.{;ion,
appe..té~ "te~
gen~ du K"la~~o"
; tO!l~que.. c.e~ Pe..ut~ eU!le..nt
to!lmé une c.e!ltaine.. tamitte indigène.., une..
~o!lte de c.tan indépendant de..~ c.he..t~ toc.aux,
te nom de Kha~~o ~rapptiqua égate..me..nt a c.e..
c.ta 11"
(1).
A la seule lueur de la Ballade de Diudi,
Montesquieu n'eût pas hésité à ranger le royaume Khassonké
( 1 l MON TEl L [C h)
- L(>~ Khcu ,;, 0 n(z e - Geu Dl Il e.. !l 19 15 - pp.
9- 10.

-
16D -
parmi ceux dont le rHlnclp8 est l'honneur, "c'est-à-dire,
le préjugé de chaque personne et de chaque condition"
(1).
Le rOl Bakari ne peut supporter une mésalliance,
il tuera
plutôt sa fille.
Le souverain de l'Ami du Lion, ne peut pas
plus revenir sur une promesse donnée:
"Je n'ai rien à vous
refuser" a dit le roi. Ainsi lié et dût-il en mourlr,
il
accomplira le désir des griots, eux-mêmes poussés par un
rêve qui leur annonce, dans le héros à naître, un souverain
"pu is san t et plu s généreux que le ro i
son père." Le Monarque,
des musiciens qui chantent sa louange, des captifs (le père
adoptif du héros sera tisserand, chef des captifs royaux) le
milieu où se déroule l'action est suffisamment indiqué.
Le
thème général du conte - l'amitié qui unit un homme et un
animal réputé féroce - est connu suffisamment.
La forme la plus répandue est peut-être celle
illustrée par l'histoire d'ANDROCLES et dont la morale
s'énoncerait: "Un bienfait n'est jamais perdu." Esclave
fugitif, en Afrique romaine, Androclès délivre un lion d'une
épine qui lui traversait la patte et séjourne avec lui trois
mois dans son antre.
Par la suite,
l'homme est jeté aux
bêtes dans les jeux du crique;
le lion le reconnaît, et
l'épargne.
Rien de tel dans la légende Khassonke, où les
liens étroits entre les amis sont toutefois beaucoup plus
étroits que ceux d'Androclès avec son obligé.
L'homme ne
rend ici aucun service au lion; mais nourris du même lait,
(1)
MONTESQUIEU
E,) p,'(-( t
d
LCi -L')
-
l - l l l
CJl
6 p.
1 9 -
Gahll-«' -'(
FE({/IiIl1({!L~Ci 11.

-
1 61
-
l'enfant Khassonké et la bête féroce se trouvent sur un
pied d'absolue égalité,
le héros sera lion parmi les hommes
comme son ami est roi parmi les animaux. La mère lionne qUl
a sauvé le nouveau-né est supprimée
lorsqJe celui-ci n'a
plus de soins maternels, et il n'est à aucun moment ques-
tion d'un père lion dont la présence serait emLarrassante.
Tout au long du récit,
le lion ne cesse de se substituer à
l'homme au point qu'on pourrait croire chez ce dernier, à
une double nature.
Ceci est un trait proprement africain
la faculté de métamorphose est admise en milieu traditionnel,
au moins pour certains
individus, magiciens, sorciers,
hommes-panthères, que ce pouvoir redoutable place hors du
commun.
La présence attestée dans quelques rares cas,
d'enfants sauvages vivant auprès d'autruches ou de gazelles,
a pu renforcer cet te croyance.
(1)
Surtout,
il s'agit ici du lion;
comment à propos
du rOl des animaux, ne pas évoquer le prestigieux fondateur
de l'empire du Mali, Soundjata, l'ancêtre des Kéita, et,
avec eux, de tous les princes de la régiDn, qu'ils soient
Malinké, Bambara, Wolof, ou Sarakolé ? Soundjata lui-même
est assimilé au lion et les princes sDnt dits de la lignée
du lion.
(2).
Le lion de la légende "doublera" le jeune homme
pour accomplir
le meurtre de la mère, geste nécessaire à
( 1)
BASSET (R) - UVl homme.. c.he..z -te..-6 bitte..-6 - No-te..-6 Af1lU.ca-Ù1(»
11°
26 aV/L.
1945 - p. 4-7 MONOD (Th) "Un e..n6aiU gaze..ile.. au Sa/w./w occéde..n-tat"
No-te..-6 a6lU.0aine..-6 nO 98 - AV/L 1963 - pp. 58-61.
( 2)
CORNEVI N
H.-0.l-to-0Le.. de..f' A, lU. u<'.., de../) Oft-<-a-tJ'l<'../) à fa 212,11<'.. gue..!LJr<'..
ma ncLéa.le.. - Paljo-t
9 7
- p. 40 - L <'..tnp-Ul<'..
U
McŒ-L - PM,V).

-
162 -
l'action malS trop horrible pour être présenté sans fard
le roi de la brousse mettra le héros à même d'accomnlir
sans effort apparent des exploits virils : pillage de la
caravane, sauvetage de la
fiancée; enfin,
c'est lui qUI
trouvera l'elflploi des fruits d'or, attribut du pouvoir
parmi les hommes, s'il n'en est pas le signe éclatant. Son
ami nommé ici, son rôle accompli,
le lion disparaît. Mais
il ne peut mourIr en scène, ce serait tuer son double;
il
se retire donc en coulisse, laissant au souverain une DOl-
gnée d'herbes dont la flétrissure annoncera sa fin à l'ami
qui n'a plus que faire d'un compagnon encombrant.
Le motif
du "gage de vie" apporte une conclusion mélancolique il
n'apparaît pas nécessaire à l'intelligence d'une légende
dont le titre pourrait être "l'ami du lion" ou "comment
devenir roi".
Le schéma général de l'Ami du Lion, repose sur une contra-
diction initiale dont la solution ne peut être atteinte que
progressivement. D'où une série
d'épisodes dont chacun voit
se réduire l'écart entre deux propositions contradictoires
naissance,
initiation, et mariage forment une première
partie, à la fin de laquelle le héros apparaît comme le
jeune homme modèle, premier de tous ses ~ompagnons. La
deuxième partie concerne plus directement la prise de pou-
voir, elle comprend l'épisode mystérieux du baobab aux
fruits d'or, lié directement au meurtre du vieux roi, et la
disparition du lion.
La séquence d'ouverture pose le problème crucial
pour une monarchie, celui de la succession au tr6~e. In-
quiet de la stérilité de son épouse préférée, le roi
(un rOI

- 1(i::i -
tout-puissant)
interroge ses oracles, qUI l'informent que ce
malheur apparent est une bénédiction:
"De cette femme,
tu
auras un fils qui te tuera pour régner à ta place".
Le rOI
souhaite un fils,
mais redoute un rival,
la réponse du
devin ne lui apprend rien, elle traduit le dilemme qu'il
n'ose s'avouer à lui-même.
L'enfant n'en vient nas mOIns au
monde sur l'intervention des griots, auxquels un songe à
montré la favorite tombée en disgrâce mettant au monde un
fils "plus puissant et plus généreux que le roi,
son père".
Si le devin exprime la pensée secrète du roi,
les
griots formulent les désirs de son peuple
; leur place dans
la société est ambiguë:
relevant d:une caste méprisée,
ils
vivent néanmoins dans l'entourage immédiat du souveraIn dont
ils chantent la louange; mais la louange,
service officiel
et nécessaire, n'est pas gratuite. Pour obliger le souverain
à rappeler l'épouse répudiée,
les griots offrent à leur
maître, une fête SOElptueuse.
Ils refusent ensuite tout
cadeau:
"nous ne sommes pas venus chercher des cadeaux,
mais seulement te demander d'accéder à notre plus cher désir.
"Je n'ai rien à vous refuser, dit le roI.
Savoir donner est
la première vertu d'un souverain".
(1)
Les histoires d'enfants exposés sont nombreuses
dans la mythologie classique.
Dans les légendes de tous les
peuples, on trouve le thème de l'enfant persécuté, qUI sur-
vit à la persécution et se trouve habilité par elle, aux
plus hautes destinées.
Le nouveau-né est mis dans un coffre
qu'on ferme et jette à la mer, ou porté sur une montagne.
(1)
VLUvifJ{L(G)
-
SC.fLv~u-6 c.-t.ta
OfL-tUVlC. -6ufL .ta .touaVlgc. quaL<--
~aVl-tc. c.-t ~OVl fLa~gVlaVl-tc..
P.
56.

-
164
-
Une fois grand,
le héros prend sa revanche sur ses persécu-
teurs. Glotz et Frazer, ont vu dans la légende de l'enfant
exposé, le souvenir d'une ordalie primitive et plus préci-
sément d'une ordalie de légitimation.
Selon une autre
interprétation, la légende garderait trace des rites
d'initiation, retraite en montagne, plongeon rituel, mort
simulée avec illhumation dans un coffre d'où l'initié ressus-
cite avec une personnalité enrichie et parfois même un nom
nouveau.
(1)
Souven t , l' enf an t éprouvé
a pour gr and-p ère
maternel un roi qui n'a pas de fils,
souvent aussi, l'enfant
est sauvé par un animal sauvage miraculeusement adouci à sa
vue:
ROMULUS et REMUS sont recueillis par une louve,
GILGAMESH par un aigle, CYRIUS par une chienne.
La bien-
.
, -
veillance de l'animal est lnterpretee comme une preuve de
l'élection de l'enfant.
Il n'en va pas autrement dans le texte Khassonké,
avec cette nuance que l'enfant y est non pas tant sauvé que
dérobé par la lionne pour être nourri du même lait"que son
lionceau.
Plus tard, lorsque la lionne apportera aux nourris-
sons sevrés le butin de sa chasse,
l'enfant recevra le foie,
c'est-à-dire, la part offerte dans les sacrifices à la
divinité ou à l'invoqué. Toutefois, plus que les enfances
des conquérants, c'est d'abord celle d'un autre héros de
l'Antiquité qu'évoque la prédiction.
Si Oedipe est abandonné à sa nalssance, c'est que
(7)
VELCOURT
(M)
-
Légende).}
et c-utte,~ dLL i?ii,'Lo,:,
CI! GILèce-
pp.
99-100.

-
165 -
l'oracle d'Appolon a informé Laios, roi de Thèbes, que le
fils qu'il engendrerait de Jocaste le tuerait.
(1)
Fils de roi exposé à sa naissance,
l'Ami du Lion
lui aUSSl tuera son père et règnera à sa Dlace.
Les ressem-
blances vont-elles plus loin? Dans le texte Khassonké,
c'est à la demande de ses griots de son peuple - que le
roi rappelle la favorite,
le bien public exige la venue
.
d'un fils "plus généreux" que le roi actuel. Aussi, l'en-
fant n'est-il pas expulsé, comme la coutume africaine le
prévoyait encore hier pour les enfants maléfiques, nés
difformes ou venus au monde
les pied5 devant. Mais tel
peut avoir été le sort premier d'un petit Oedipe: Pied
Enflé, ou Pied Bot, le nom s'expliquerait par le vieil
usage grec d'exposer les nouveaux-nés contrefaits. Dans la
même lecture, le nom de son père
(Laios le Bien Public)
indiquerait qu'il agit dans l'intérêt commun. Une autre
interprétation demeure ouverte
: la seule impossibilité de
marcher n'apparaît-elle pas comme un premier obstacle à la
conquête du pouvoir ?
On se souviendra lCl que la difformité d'Oedipe
est partagée par Soundjata, le héros Malinké (le lion) dont
la légende veut qu'il n'ait pu se tenir debout avant l'âge
de sept ans.
(2).
Oedipe et l'Ami du Lion sont tous deux des conqué-
rants
tous deux doivent régner, quels que soient les
( 1) OELCOURT (Ml - Oe.dipe. ou ta tége.Vl.de. du c.onquélLaVLt - Le..o Be.Ue..o
1e.:t:tJte..6 - 1944.
(2) SUlL ta tége.nde. de. SOUNVJATA c.6 : NT NIANE - Soundjata ou t'épopée.
madingue. - P~ - PlLé.oe.nc.e. A6~c.aine. - 1960.

-
166 -
obstacles rencontrés. Le public le sait, et goGtera d'autant
plus le récit que les difficultés s'y multiplient,
surmon-
tées par la vaillance du héros et aUSSI par l'adresse du
conteur qui doit faire en sorte que son héros tue père et
mère sans savoir qu'il comm8t un double parricide.
II - LA LEGENDE DU SACRIFICE ROYAL EN AFRIQUE DE L'OUEST
Nous avons analysé quelques aspects essentiels du
conquérant et nous avons pu
constater que celui-ci évoluait
dans une aIre tragique similaire à celle d'Oedipe. Oedipe
et l'Ami du LioD, sont des jouets du destin en bien ou en
mal.
L'idée que le rOI ou le prince n'échappe pas à son
destin caractérise ces deux grands thèmes légendaires de
l'ouest africain.
La légende Baoulé nous en apprendra plus.
1 - La Légende Baoulé:
(1)
"It Y a tongte.mp.6, tttè.6 tongte.mp.6,
v-<-va-<-t au bottd d'une.
tagune. ~atme., une. ttt-<-bu pa-<-.6-<-bte. de. no.6 6ttètte..6.
Le..6 je.une..6
homme..6 éta-<-e.nt nombtte.ux,
l1obte..6 e.t ~outtage.ux, .6e..6 6e.mme..6
éta-<-e.nt be.tte..6 e.t joye.U.6e..6.
Et te.utt tte.-<-I1e., ta tte.-<-ne. POQOU,
éta-<-t ta ptU.6 be.tte. pattm-<- te..6 ptU.6 be.tte..6. Ve.pu-<-.6 tongte.mp.6,
tttè.6 tongte.mp.6, ta pa-<-x éta-<-t .6utt e.ux e.t te..6 e..6~tave..6 même..6,
6-<-t.6 de. ~apt-<-6.6 de..6 te.mp.6 ttévotu.6, éta-<-e.nt he.utte.ux aupttè.6
de. te.utt.6 he.utte.ux maZttte..6. Un joutt, te..6 e.nne.m-<-.6 v-<-ntte.nt
nombtte.ux ~omme. de..6 magnan.6.
(60uttm-<-.6 ~attn-<-votte..6
de..6 ttég-<-on.6
tttop-<-~ate..6,de.
~oute.utt ttouge.âttte.).
It 6attut qu-<-tte.tt te..6
pa-<-ttote..6, te..6 ptantat-<-on.6, ta tagune. pO-<-.6.6onne.u.6e., ta-<-.6.6e.tt
te..6 6-<-te.t.6, tout abandonne.tt poutt 6u-<-tt.
It.6 pattt-<-tte.nt dan.6 ta
6ottêt.
It.6 ta-<-.6.6ètte.nt aux ép-<-ne..6 te.utt.6 pagne..6,
pu-<-.6 te.utt
~ha-<-tt. It 6atta-<-t 6u-<-tt, toujoutt.6, .6an.6 tte.pO.6, .6an.6 tttêve.,
tatonné.6 patt t'e.nne.m-<- 6étto~e..
Et te.utt Jte.-<-ne.,
ta tte.-<-ne. POQOU,
matt~ha-<-t ta de.ttn-<-ètte., potttant au do.6 .60n e.n6ant. A te.utt
pa.6.6age., t'hyène. tt-<-~ana-<-t, t'étéphant e.t te. .6angt-<-e.tt
6u ya-<-e.nt, te. ~h-<-mpanzé gttogna-<-t e.t te. t-<-on étonné .6'é~attta-<-t
du ~he.m-<-n.
(7)
VAVIE
(B)
- Lége.nde..6 e.t poème..6 - pp.
35-37.

-
1Cl 7 -
En6in, le6 bhOu66aille6 appahUhent,
pui~ la 6avane et le6
honcieh6 et,
encohe une 60i~, la hOhde entonna 60n chant
d'exil:
Mi houn Ano,
Mi houn Ano,
Bld 6 Ebolo nigu~, no
bagnam min -
Mon mahi Ano, mon mahi Ano,
vien6,
le~ g~nie6 de la
bhou~6e m'empohtent.
Haha66~~, ext~nu~6, amaighi~, il~ ahhivèhent 6Uh le 60ih au
bohd d'un ghand 6leuve dont le coUh~ 6e bhi~ait 6uh d'~noh­
me6 hocheh6.
Et le 6leuve mugi~~ait, le~ 6lot6 montaient,
jU6qu'aux cime6 de~ ahbhe~ et hetombaient,
et le6 6ugiti66
~taient glac~~ d'e66hoi.
Con6tehn~6, il~ ~e hegahdaient.
E6t-ce là l'Eau qui le~ 6ai~ait vivhe naguèhe ; l'Eau, leuh
ghande amie ?
Il avait 6allu qu'un mauvai~ g~nie l'excitdt conthe eux.
Et le~ conqu~hant~ devenaient plu~ phoche~.
Et POUh la phemièhe 60i~, le ~ohcieh pahla :
"L'e<lu e~t devenue mauvai~e, dit-il,
et elle ne ~'apai~eha
que quand nou~ lui aUhon~ donn~ ce que nou~ avon~ de plu~
cheh" .
Et le chant d'e~poih hetentit
Ebe nin 6l~ n~n bd
Eb~ nin 6la n~n nan
Ebe nin 6l~ n~n dja
Yapen'~è ni djà wali.
Quelqu'un appelle ~on 6il~
Quelqu'un appelle ~a mèhe
Quelqu'un appelle ~on pèhe
Le~ belle~ 6ille~ ~e mahiehont.
Et chacun donna ~e~ bhacelet~ d'oh et d'ivoihe, et tout ce
qu'il avait pu ~auveh.
Mai~ le ~ohcieh le~ hepou~~a du pied et montha le jeune
.phince, le b~bé de ~ix moi~
"Voilà,
dit-il,
ce que nou~ avon~ de plu~ phécieux".
Et la mèhe,
e66hayée, ~ehha ~on en6ant ~Uh ~on coeUh.
Mai~ la mèhe était au~~i heine, et, dhoite au bOhd de
l'abime,
elle leva l'en6ant ~ouhiant au-de~~u~ de ~a tête et
le lança dan~ l'eau mugi~~ante.
Aloh~, de~ hippopotame~, d'énohme-6
hippopotame~
émehg èhent et,
~e plaçant le~ un6 a la ~~ite de~ ~ut~e~, 60hmèhent un pont,
et 6Uh ce pont, mihaculeux, le peuple en 6uite pa~~a en
chantant :
Ebe n~n 6ié n~n bd
Ebe
n~n 6ié n~n nan
Ebe
n~n 6ié in dja

- 168 -
Vap~~'oè ~~ dja wat~.
Qu~lqurun app~ll~ oon 6~lo,
Qu~lqu'un app~ll~ oa mè~~
Qu~lqu'un app~ll~ oon pè~~
L~o 6~ll~0 o~ ma~~~~ont.
Et la ~~~n~ POQOU paooa la d~~n~è~~ ~t t~ouva ou~ la ~~v~
oon p~upl~ p~oot~~né.
Ma~o la ~~~n~ éta~t auoo~ la mè~~, ~t ~ll~ put d~~~ o~ul~­
m~nt : "Baoul~", c.~ qu~ vr::ut d~~~ : l'~~6a~t ~ot mo~t.
Et c.'éta~t la ~~~n~ POQOU, ~t l~ p~upl~ 9a~da l~ nom d~
BAOULE.
Il s'agit d'un peuple "l1aisible, noble et courageux",
victime de la convoitise de voisins belliqueux, et qUl, un
jour, se voit obligé de tout quitter préférant les affres
de l'exil à un affrontement suicidaire.
Encore une autre traversée d'étendue d'eau menaçante, à
pied sec, comme le fit Moise, avec son peuple.
D'un côté, un homme, un patriarche, qui conduit son neunle
vers une terre promise.
De l'autre, une femme, une relne qui prend le chemin de
l'exil forcé.
Dans les deux cas d'espèce, des ennemis en toile
de fond dont le seul dessein avoué est la perpétration
d'un génocide.
Et c'est alors que se précisent aux yeux des
peuples, les devoirs et les obligations, la grandeur et la
faiblesse
de leur conducteur.
Lourde responsabilité que celle d'un être humain
porte-flambeau d'un peuple "harassé, exténué, amaigri"
!
Réussira-t-il à cristalliser tous les espoirs sur
lui jusqu'à la fin du voyage?

-
169 -
Changement de décor, et en même temps de situa-
tion. L'élément surnaturel vient au secours du guide:
pour Moise,
la main étendue sur la mer qui fend l'eau,
aménageant un passage béantjpour la reine Pokou, "d'énor-
mes hippopotames se plaçant les uns sur les autres" formant
un pont miraculeux".
Mais à quel prix?
,Le premler a dit à son peuple :
"Ne craignez pas
tenez ferme,
et vous verrez le salut que
Yahvé opèrera pour vous aujourd'hui:
les égy~tiens que
vous voyez aujourd'hui, vous ne les reverrez jamais plus.
Yahvé combattra pour vous; vous n'aurez, vous, qu'à vous
tenir tranquilles".
Pour le deuxième, le sacrifice du prlnce héritier suscite
la const2rnation.
Ici, la force surnaturelle qui intervient
~,
ln extremis, donne et prend.
Cette force surnaturelle, en même temps qu'elle sauve, elle
sacralise le pouvoir.
Les études de DELOBSON ont montré combien le pouvolr du
Mogho-Naba, empereur des Mossi, reposait sur le pouvoir
maglque
(1).
Ensuite, celles de Moret soulignent le caractère
religieux de certaines royautés
(2).
Les légendes sont des récits populaires sans authenticité
( 1 j VE LOBSON (V)
- L' eJnp-Ute du 1\\109110 - Naba PaJ1.M Afo ntduu!..t-tel1 1933.
(2)
MORET
(A)
- Vu ca~act~~e ~eligieux de la ~oyaut~ rha~ao­
l1-tque -
Payot - Pa~L~ 1902.

-lïO
-
certaine, tout en étant des productions collectives, consi-
dérées comme des transformations de faits se résolvant en
un produit inconscient de l'imagination.
Si le mythe tient
du domaine sacré, dans son origine,
la légende évolue dans
Je domaine profane et cherche ~ expliquer ou ~ justifier des
situations de fait.
Dans les deux légendes que nous avons
analysées,
le sujet se présente, comme un fait historique,
transformé poétiquement.
En d'autres termes, un fait assez connu au départ
pour frapper l'imagination populaire, mais assez indétermi-
né dans ses détails pour qu'elle puisse y jouer et s'y
modeler à son gré, le transformer en une sorte de symbole
où s'exprime toute une époque de la vie d'un groupe. Ce
fait tient généralement du merveilleux, ou de l'influence
des êtres surnaturels, magiques
(philtre - talismans -
enchantement) merveilleux naturel
(grossissement des
forces humaines, des objets).-
C'est une sorte de recours, sinon de refuge prls
par nos personnages (l'ami du lion et la reine Pokou) devant
un monde difficile, devant des forces obscures, devant un
destin au visage multiple. En Afrique de l'Ouest, "l'ami du
lion" et la reine Pokou sont considérés comme des récits qUl
font appel à la puissance de l'imagination, qu'idéalise le
passé des peuples Khassonké et Baoulé.
Ces récits comportent des passages psalmodiés, chantés,
mimés, dansés,
joués avec l'usage approprié des idéophones.
Des personnages illustres Dar leur nalssance ou par leur
courage et leur détermination mènent l'action qui, elle-même,

-
1 71
-
localisée dans l'espace et
dans le temps tire son orlglne
d'un fond historique embelli par l'imagination du conteur.
L'Ami GU Lion symbolise Soundjata, roi des ~,lanc1ingues, de la
Boucle du Niger, et la Reine Pokou à qui une statue
est érigée
au coeur de la Capitale Ivoirienne
(Abidjan)
traduit l'occu-
pation de la région du centre de la Côte d'Ivoire par
l'ethnie Baoulé.
Ces deux légendes ont concrétisé au cours des
siècles, le produit d'une conscience collective et du génie
d'un groupe.
Que la réalité quotidienne
et l'extraordinaire
se côtoient, c'est bien là, une valorisation des conduites
souhaitées et acceptées par le groupe et qui est son conduc-
teur, son guide, au-dessus du commun mortel.
Comme revitali-
sé par les dieux, il est propulsé au-dessus des situations,
brave les dangers et l'emporte sur les ennemis de la tribu.
Le conducteur de peuple, ne doit-il pas être un héros où se
reconnaît une société ?
On le pare de qualités qu'on a et de celles qu'on
voudrait avoir : "La Reine Pokou était la plus belle parmi
les plus belles" ou encore pour l'Ami du Lion" le jeune
homme devint un rOl puissant et aimé."
Par ces attributs, nos héros deviennent l'incarna-
tion d'une vertu: pitié, ruse, obstination, fierté ...
Ils
participent par leurs actions au monde merveilleux tout en
représentant le monde réel.
Ils peuvent inspirer des conduites;
ils peuvent
servir d'exemples d'efforts collectifs dans les guerres, les

-
1 72
-
expéditions,
les vastes entreprises
d'exemples de dépasse-
ment individuel.
La vision légendaire présente un monde fait de
grandeur, d'héroisme, de lutte, d'échec et aussi de victoire.
Mais faisant appel à la sensibilité, les légendes héroiques
ne peuvent-elles pas conduire parfois l'individu ou tout un
groupe à un héroisme exacerbé, à un orgueil démentiel, avec
toutes les conséquences que cette exaltation peut entrainer ?
Certaines guerres tribales sont l'illustration de
la dég~nérescence des plus hautes vertus héroiques ...

- 173 -
CHAPITRE
VI - L'ART DU CONTAGE ET SES RETENTISSEMENTS
PSYCHOPEDAGOGIQUES
l - A QUI TRANSMET-ON LE SAVOIR?
"C'e.-6:t palt ta :tltan.-6mi-6-6ioVL Oltctte. du pa:tlti-
moiVLe. ti:t:t~ltailte.
que. -6e. lt~ati-6e. un.e. palt:t
eapi:tate. de. t'~duea:tion. :touehaVL:t aU-6-6i bie.n.
a ta 6oltma:tion. in.:te.tte.e:tue.tte. que. moltate..
Palt te.UIt be.au tan.gage. e.:t te.UIt alt:t de. man.ie.1t
ta paltote., te.-6 eon.:te.ult-6 6amitialti-6e.n.:t ta
je.un.e.-6-6e. ave.e un. voeabutailte.,
de.-6 :tOUltn.Ulte.-6
gltctmma:tieate.-6,
e.:t de.-6 in.:ton.a:tion.-6 lte.ehe.lteh~e.-6,
pe.u u-6i:t~e.-6
dan.-6 ta eommun.iea:tion. eoultan.:te..
Le. bon. n.altlta:te.ult U-6e. d'on.oma:top~e.-6,
d'un.
-6:tyte. vivan.:t,
e.:t etailt ; it -6ai:t atte.1t jU-6-
qu'au bou:t du It~ei:t, d'un. -6e.ut :tltai:t -6an.-6
e.ltlte.UIt-6.
In.:te.ltve.n.an.:t d~-6 que. t'e.n.6an.:t -6'~ve.itte. a ta
vie. de. t'e.-6plti:t,
t'~:tabti-6-6an.:t dan.-6 un.e. -601t:te.
de. ~amitialti:t~,
voilte. de. palte.n.:t~ ave.e te.
monde.
e.:t te.-6 ~:tlte.-6 qui te. pe.upte.n.:t,
ee.h
pltodue:tion.h e.xe.ltee.n.:t une. ae:tion abhotume.n.:t
d~eihive. quan.:t a t'implt~gn.a:tion. de. ta pe.lthOn.-
n.e. palt ha eut:tufle.".
(7)
Les contes s'adressent d'abord aux enfants sous
une forme didactique directe. Mais les soirées de contage ne
comportent pas seulement
des enfants ou des adolescents.
D'ailleurs, les adultes aussi prennent plaisir à réentendre
les contes. Les jeunes enfants, les adultes et les vieillards
pas~ent aussi leur soirée dans l'atmosphère enchantée des
récits débités par les narrateurs.
N'est-ce pas eux, adultes,
qui veillent à l'éducation des plus jeunes? Ils se sentent
concernés par les finalités du contage.
L'art du contage s'inscrit dans une tradition
orale qui s'inscrit aussi dans un contexte culturel.
Il faut
(7)
ERNY (Pl
-
op.
ei:t.
pp.
170-177.

-
174
-
préciser qu'il n'est jamais question dans ces cultures
orales, de mettre en doute la transparence de la tradition
orale ni de la séparer du contexte de l'éducation et des
échanges humains.
Mais quels sont les liens de cette tradition
orale avec la société ? On peut définir la tradition comme
l'ensemble des messages qu'un groupe social considère avoir
reçu de ses ancêtres, et qu'il transmet oralement d'une
génération à une autre. Les contes et légendes en Afrique
de l'Ouest sont la mise en forme réglée par un code propre
à chaque dialecte et à chaque société traditionnelle,
d'un
fond culturel. Les messages ou enseignements transmis par
les contes et légendes peuvent être d'ordre moral, religieux,
historique, social, esthétique, étiologique.
Ils sont trans-
mis à travers une série de thèmes et au moyen de différents
genres, métaphores,
images propres à chaque culture, malS qUl
gardent cependant une constante,celle d'appartenir à une
littérature orale.
Il y a, en cette littérature orale, nous
l'avons déjà souligné, une langue secrète, réservée à
l'initiation des hommes, et des récits affabulés qui se
situent à un niveau de connaissance beaucoup plus élémentaire.
Il faut insister sur la permanence de la parole en tant que
tradition orale assurant le maintien et la cohésion du
groupe social. Ce souci de permanence se retrouve dans de
nombreuses sociétés africaines.
Par exemple, on la définit comme une bande de tissu jamais
coupée qui se tisse d'une génération à une autre, ou alors,
comme un héritage de paroles qui, comme la terre, doit
rester dans la famille.

- 176 -
1~6 aut~~6 a~peet~ d~ l'aMjhnupolog~~
~~l~g ;'.e_u~~;
Ou b~~n vo~~ dan~ t~ mythe ~'~qu~valent d~
l'~n~t~net : lrauto~~t~ de la tnad~t~on
6~g~ant la communaut~ a6n~ca;ne dan6 un
~mmob~l~~me 6a~t d~ eompont~m~nt~ ~~p~t~t~6h
ayant val~u!( d'tI16t.tnct ~oc;_(.lf {)ubl;m~" (1).
Des textes sacrés, mettant en valeur J'ensemble
de la culture ont été publiés.
(2)
On peut ainsi, et c'est fort précieux, étudier à
travers la littérature orale des institutions actuellement
disparues ou en voie de disparition, dont, en raison de son
caractère conservateur, elle reste l'unique témoignage.
C'est ainsi que Jacqueline THOMAS, a pu étudier à travers
des contes l'initiation Ngbaka dont il ne reste plus de
trace.
(3)
Archives de l'histoire sociale, la littérature
orale est aussi le véhicule de l'histoire tout court. Mythe,
histoire, épopée, légendes, poésie généalogique, sont pour
les historiens modernes une principale source à partir des-
quelles ils reconstruisent une histoire de l'Afrique Noire.
N'oublions pas qu'ils ont toujours jou~ ce rôle pour les
africains eux-mêmes, et qu'ils constituaient dans les
sociétés le chenal privilégié par lequel se transmettait la
connaissance de leur passé.
Le système des valeurs propres à
chaque société de l'ouest Africain apparaît dans la morale,
(1)
THOMAS
(L.V)
~t LUNEAU (R) - La t~~~~ a6~;caÙl~ ~t ~~~
~~Ug~on,6 - LMC'U~M!. PMM 19721 - pp. 148-149.
(2)
VIETERLEN - GRIAULE; Tc.x.tc.~ ,~ac~é.,~ d'A6~·lqUc. NoÙ1.c.-
Pa~i~ P~~~~ncc. A6~~ca~nc. 1965.
(3)
THOMAS
(JI
- Cont~~, p~ovenbc.~,
devin~tte~ Ngba~a ma'bo
Pa~i~ P~~~enee A6~ieainc. 1963.

-
175 -
La parole est un legs des anciens, une doctrine
efficace et incontestable qui sert de normes aux actes
accomplis. Cette importance accordée à l'assise de la
société explique la préoccupation de reproduire fidèlement
les textes transmis oralement.
Nous observons donc dans les contes et légendes
une volonté de conservatisme qui s'oppose cependant à leur
fluidité, à la mouvance des thèmes, à leur caractère
voyageur.
L'étude des thèmes des contes, des légendes, des
mythes, des proverbes, etc .. peut
mettre valablement en
évidence la permanence des préoccupations de la société dont
la littérature orale est le rapport vivant. Le rôle social
joué par la littérature orale, en Afrique Noire, demeure en
effet, considérable.
Imprégnée
des réalités cul turelles, elle
constitue un témoignage irremplaçable sur les ins~itutions,
le système des valeurs,
la vision du monde propre à une
société. Ce domaine est un des mieux explorés jusqu'à
présent,
l'analyse de la littérature orale par les ethnolo-
gues ayant eu pour but essentiel de montrer comment elle
reflète les structures sociales.
On a.
souvent
mis en évidence
dans les contes,
les légendes et mythes,
la projection des systèmes de paren-
té, de la culture matérielle, des institutions religieuses
ou politiques.
Dans ce cas, dit L. V. THOMAS:
"Ve.ux att"Ltude..6 do..i.ve.nt ê.Lfte. /te.je.tée..6 ;
6a..i./te. au mythe. la pa/tt t/top be.lle. e.t /tédu..i./te.
la pe.n.6ée. du No..i./t à la pe.n.6ée. myth..i.que. mê.me.
e.xattée.,
vo..i./te. ..i.déat..i..6ée. à ta man..i.è/te. de.
t'Ecote. de. GRIAULE,
ce. qu..i. ..i.nc..i.te. à négt..i.ge./t

- 1ïï -
explicite ou implicite, des contes légendes ou proverbes.
La légende restitue le modèle fondamental,
archétype élabo-
ré par la tradition et l'éducation, qu'elle rappelle aInSI
sous une forme vivante,
imagée et d'autant plus parlante
aux coeurs et aux mémoires qu'elle emprunte un semblant de
vérité à l'histoire, ranimant les enthousiasmes assoupis au
seul éclat des prouesses d'antan, ressuscitant l'image des
ancêtres glorieux dont on sait bien que la justification à
postériori, est principalement de revivre en leur descen-
dants.
Dans certaines sociétés, fortement hiérarchisées,
c'est le pouvoir politique qui tentera de se justifier à
travers la légende,
le conte, et le mythe.
"Le.UfL plu.o gfLande. fLic.he..o.oe. .oe. tfLouve. ju.ote.-
me.nt dan.o le..o fLégion.o .o'établi.o.oe.nt le..o
gfLande..o 6éodalité.o noifLe..o
; e.lle..o ju.oti6ie.nt
ave.c. tel ou te.l .oigne. matéfLie.l, la légiti-
mité du POUVOifL".
(1)
C'est seulement par référence
au système de
valeur propre à une société déterminée, que se transmettent
les contes. La vision du monde se projette dans la littéra-
ture orale à un niveau plus profond et moins conscient.
Elle est une sorte de miroir dans lequel la société s'obser-
ve et mesure sa propre stabilité, elle est aussi le truche-
ment par lequel s'expriment les idées ou des sentiments qui
ne peuvent apparaître clairement dans la VIe courante et
dont elle constitue le mode d'expression privilégié et
cathartique. A travers elle, peuvent se manifester
et
peut-être dans une certaine mesure,
se dénouer,
les tensions
sociales, les conflits de génération
et de classes. Alors

- 178 -
que la tradition ct la morale sociale tendent b établir un
système de valeurs fondé sur la hiérarchie de l'âge ou de
la fonction et que nombre de récits bien pensants exaltent
ces valeurs et dépeignent les châtiments par ceux qui les
renient, un courant exactement contraire tend à prouver, au
moyen des contes, que les jeunes sont souvent plus sages
que les vieux, que les élèves peuvent donner des leçons à
leur maître, qu'une femme avisée se moque facilement d'un
marI jaloux et tyrannique, que la justice divine favorise
l'homme pauvre et vertueux, au détriment du chef cruel et
avide.
On aura reconnu des thèmes dont il serait d'ailleurs
facile de démontrer l'universalité et qUI servent de schéma
à des contes innombrables.
CéS
contes subversifs
font
évidemment rire aux dépens de celui dont l'autorité est
mise en cause, et ce rire est libérateur.
c'est aussi par le rire que l'auditoire salue la
défaite du héros "négatif",personnage gourmand, égoîste et
stupide, berné par le héros rusé et intelligent. La fonc-
tion comique des contes, dont le procédé mériterait peut-
être une étude systématique, n'est pas à négliger, et les
usagers se plaisent à souligner le rôle de divertissement
joué par la littérature orale dans leur société.
II - QUELS SONT LES MOMENTS APPROPRIES POUR LE CONTAGE?
On pourrait mesurer l'importance de la littérature orale
dans l'Ouest Africain, aux règles et interdits qui entourent
ses manifestations.
Nous ne voulons pas parler lCl des textes à valeur

- 179 -
religieuse et rituelle dont la récitation est évidemment
soumise à des précautions et exige un certain nombre de
circonstances précises (1), mais du simple échange de
devinettes, de la narration des contes et légendes,
les
plus profanes, qUl ne peuvent avoir lieu librement
sans
souci de temps, de lieu, ni de personne.
Il semble que
l'attention des chercheurs ait été jusqu'à présent fort
peu attirée par ce problème . Nous voudrons tenter ici d'en
démontrer l'importance, en nous fondant sur nos expériences
personnelles. Une des règles les plus constantes, est celle
qUl oblige les échanges à se tenir au coucher du soleil.
L'enquêteur qUl ignorerait cette obligation,
s'exposerait à la même aventure que H.
LABOURET:
"j'a.z c.tLU pendant longtemp.ô qu'.zl n/ex.z.ôta"U
pa.ô de l.zttétLatutLe otLale en pay.ô Lob.z (NotLd-
E.ôt
de la Côte d' Ivo.ztLe) , c.atL j'éptLouva.z.ô
de.ô d.znn.zc.ulté.ô ttLè.ô gtLande.ô à ttLouvetL de.ô
.znnOtLmateutLJ.J et a me doc.umentetL J.JutL c.e .ôujet.
C'e.ôt .ôeulement aptLè.ô plu.ô d'un an de .ôéjou~
que je tLec.ue.zll.z.ô le.ô ptLem.zetL.ô c.onte.ô ...
Je n'a.z plu.ô eu de d.znn.zc.ulté POUtL tLéun.ztL un
nombtLe
a.ô.ôez .zmpotLtant de tLéc..zt.ô dè.ô que
j'a.z pu le.ô tLec.ue.zll.ztL dan.ô le.ô ttLo.z.ô ptL.zn-
c..zpale.ô langue.ô loc.ale.ô, et J.JutLtout quand je
me J.Ju.z.ô av.z.ôé qu'.zl éta.zt .zntetLd.zt de c.ontetL
de jOUtL ...
Je n'a.z pu .ôavo.ztL POUtLquo.z .zl éta.zt dénendu
de c.ontetL à mo.zn.ô d'éttLe dan.ô une ob.ôc.utL.zté
tLelat.zve.
Le.ô anc.éttLe.ô na.z.ôa.zent a.zn.ô.z,
et
leutL de.ôc.endant.ô c.ont.znuent à ob.ôetLvetL c.ette
c.outume".
(2 j
Divers malheurs menacent celui qui transgresse la règle.
Ainsi le coupable peut provoquer la mort de ses parents, du
père de famille,
de sa mère ou d'une personne de sa famille
(1)
Cd:-OM a ~e d'exemple: HAMPATE BA lA) et VIETERLEN (G) : Texte.ô
.z~o.Ltque.ô de.ô pa.ôteuM Peuttl - "c.ah.zetL de t'homme" 1961.
(2)
LABOURET (H) - VOIlage en A6"Ûque de t'OueJ.J-t - P. 200 - LatLo,,~e.

- 180 -
maternelle
(Bambara, Malinké du Mali),
sa propre mort par
noyade
(les Dogon du Mali1
ils peuvent devenir sourds-
muets
(peulh du Niger, de la Haute-Volta, du Mali). Ou
encore chez les Dogon;
lorsque c'est une jeune fille,
elle ne trouvera pas de mari. Chez les Duan de Côte
d'Ivoire,
lorsque c'est un jeune célibataire,
la personne
est censée épouser une vieille femme aux cheveux blancs
!
Parfois,
la gravité des sanctions s'est affaiblie,
et la raison invoquée est d'ordre purement économique ou
pratique: chez les Touareg du Niger, conter de jour dis-
trairait les enfants de la garde
des veaux qUl iraient
têter leur mère, et les vaches n'auraient plus de lait
pour les hommes.
La formulation de la règle n'est toujours
pas simple.
Chez les Malinké, conter de jour fait mourlr la
mère,
sauf s'il s'agit de récits mettant en scène des fau-
ves
(l'hyène exceptée)
ou des serpents (notamment le
serpent mythique Nikinâka), ceux-ci ayant pour résultat de
faire mourir le père.
La défense concernant la lumière
divine
ne peut s'appliquer qu'à une partie de la littéra-
ture orale. En fait,
il y a une opposition très nette qui
est faite assez souvent entre les histoires véridiques ou
considérées comme telles, qui s'accomodent du jour, et les
récits imaginaires, symboliques,
(contes-légendes) qui ne
doivent être dits que dans l'obscurité.
Outre l'opposition nuit/jour, on trouve des règles
saisonnières faisant apparaître une opposition saison sèche/
hivernage.

- 181 -
Les Badik du Sénégal, observent strictement l'in-
terdiction de conter pendant l'hivernage, car cela arrête-
rait les pluies.
Il en est exactement de même chez les
Malinké et les Bambara, où l'on commence ~ conter ~ partir
d'Octobre, après la récolte du maîs et du fonio
(qui sont
les premières céréales récoltées et l'on cesse en Mai).
Chez les Dogon, alors que les enfants n'observent pas les
règles saisonnières, les adultes réservent en principe les
devinettes ~ l'hivernage, époque pendant laquelle ils ne
pratiquent pas de divination et content pendant la saison
sèche.
Un autre aspect concernant les interdits paraît
être les oppositions dedans/dehors,
(maison/plac~ publique
ou village/brousse) en rapport avec d'autres telles que
femmes mariées/jeunes gens non mariés.
Ce système très
apparent chez les Dogon, s'observe également chez les
Touareg, où jeunes gens et jeunes filles se retrouvent le
soir pour conter sous un arbre en dehors du campement,
tandis que les femmes mariées content dans les tentes où
elles se rendent visite.
Les Ngbaka offrent un cas intéressant : le chef
de famille conte de préférence en forêt ou dans les campe-
ments de brousse, mais par ailleurs les Jeunes gens et
jeunes filles content dans le village, en dehors des
maisons. Les interdits peuvent enfin concerner les personnes.
Il existe en effet des répertoires spécialisés, l'opposition
la plus simple étant masculin/féminin.
Les femmes Koniagi ont le droit d'écouter les

- 182 -
contes qUI mettent en scène le caméléon, malS refusent de
les raconter.
Cet animal joue un rôle essentiel dans la
symbolique Koniagi, en particulier dans l'initiation des
hommes, à qui l'on fait consommer de sa graisse,
symbole de
force virile.
Chez les Limbas,
les hommes et les femmes peuvent
conter, mais ce sont les hommes qui le font de préférence.
Chez les Fon,
les femmes content à leur~ enfants, mais p~s
en public, car ce sont les hommes qui prennent la parole
dans les réunions. Mais certaines femmes possédant de hautes
fonctions rituelles et sociales peuvent conter en public et
ont un répertoire étendu.
Il serait fort intéressant, à
titre d'hypothèse,de proposer une tentative d'explication à
partir de ce que nous savons et en faisant appel aux cons-
tantes culturelles connues pour voir s'il apparaît des cons-
tantes au niveau des rapports symboliques.
Les pales autour desquels semblent tourner tègles
et sanctions se ramènent aux grandes oppositions suivantes :
- Nuit
(obscurité)/jour (clarté)
Mariage / non-mariage
; opposition secondaire
dedans / dehors
Vie / mort : opposition secondaire
humidité /
sécheresse.
Par marIage / non-mariage, sous-entendons les catégories
sociales entre lesquelles le mariage est licite (ainsi que
les échanges de littérature orale), s'opposant à celles qui
excluent les deux formes d'échange et pour lesquelles le
mariage s'il avait lieu, prendrait la forme de l'inceste ou

-
183 -
deviendrait,
sous une forme affaiblie,
l'impossibilité de se
marler.
L'opposition est marquée par celle du dedans
(associé au mariage,
les femmes mariées assistant à des
veillées littéraires, à l'intérieur des maisons) et du
dehors,
(les jeunes gens non mariés se réunissant pour con-
ter à l'extérieur soit des habitations soit du village.
La relation inversée que nous trouvons chez les
Ngb a ka, 0 Ù c' est 1e p ère
(e t non 1 a mère) qui con t e de jour
(et non de nuit) dans la brousse, donc "dehors", alors que
les jeunes gens content la nuit dans le village (cependant
à
l'extérieur des maisons) peut s'expliquer par une valori-
sation particulière, dans cette ethnie,
de la forêt,
conSl-
dérée comme le domaine des ancêtres, donc associée à
l'enseignement du père de famille.
C'est la brousse qui
devient alors en quelque sorte le "dedans" mais nous
observons aussitôt une inversion de tous les signes, et
c'est le pèrB qui mourra si son fils tente de se substituer
à lui en conteur de jour.
L'opposition Vle / mort est suggérée par les
sanctions qui menacent celui qui conte de jour
la mort de
sa mère ou d'un membre de sa famille maternelle, devient,
dans une relation affaiblie,
la diminution du lait des
vaches,
image maternelle; ou encore,
la mort du coupable
lui-même, ou, dans une relation affaiblie,
sa mort sociale
(il devient sourd-muet,
il se change en panier).
L'idée de vie ne nous est donnée que négativement
dans ce contexte, mais nous verrons plus loin qu'elle se

-
184 -
justifie pleinement.
D'ailleurs, nous la retrouvons dans
l'opposition humidité/sécheresse, grâce à l'interdit sai-
sonnler, par lequel arrêter les pluies devient dans un
autre contexte faire mourir la mère; or, l'identité symbo-
lique entre la mère
(ou la féminité en général),
l'humidité
et la vie est bien établie. A partir de ces paires opposi-
tionnelles fondamentales, nous pouvons reconstituer un
système à plusieurs niveaux, en prenant chaque fois l'une
d'elle pour point de départ
et
en les confrontant
à l'art
du contage.
1 - La nuit est le règne de l'obscur
Elle est donc liée au caractère énigmatique de la littératu-
re orale. Poser les énigmes et les résoudre pendant la nuit -
en menant les contes et légendes -
jusqu'à leur dénouement,
contribuera à faire sortir le clair de l'obscur, donc à
faire succéder le jour à la nuit.
Sur un autre plan, la nuit est associée au marlag~
puisqu'elle est le moment privilégié pour les rapports
sexuels. Enfin elle est: associée à la mère, car l'enfant dans
son sein est plongé dans l'obcurité, et c'est au moment de
sa naissance qu'il voit le jour.
Comme la solution de l'énigme, la nalssance est
un passage de l'obscur au clair.
Ce n'est pas un hasard si le héros Oedipien, dans
tant de contes et légendes, devient aveugle ou est transfor-
mé en animal nocturne. Condamné à l'obscurité définitive,
il
retourne symboliquement au sein maternel.

-
185 -
21 La mère est associée ~ la nuit, comme nous
venons de le voir.
Elle est le "dedans" car le ventre
maternel et l'intérieur de la maison protectrice sont sym-
boliquement équivalents.
Quant ~ ses rapports avec le contage,
ils sont
étroits:
Partout, la mère est pour ses enfants
la
première conteuse, et, de même que nous parlons de "conte
de nourrice", les Dogon, entre autres, affirment que l'on
boit les contes avec le lait de sa mère.
Le marlage, associé ~ la nuit, l'est aUSSl au
"dedans" dans la plupart des ethnies; les rapports sexuels
doivent avoir lieu à l'intérieur de la maison, ou tout au
mOlns dans l'enceinte du village.
Dans les contes de l'Ouest Africain,
l'énigme
tient une place privilégiée dans les épreuves que doit subir
le héros pour obtenir la main de l'héroine.
De ce rapport symbolique, établi au nlveau du
conte, nous trouvons maintes confirmations dans la réalité
sociale.
Les raClnes des contes et légendes plongent
profondément dans l'humus de la culture Ouest Africaine.
C'est pourquoi ils jouent un rôle si important dans la
transmission de la connaissance, une de ses fonctions essen-
tielles étant l'enseignement. On sait qu'il existe des contes
et légendes initiatiques qui se situent à un autre niveau de
connaissance et dont l'usage est fort réglementé. Les contes
qui se terminent par une morale explicite ou implicite, sont
généralement,
lorsque c'est un adulte qui les raconte, com-

- 186 -
mentés,
illustrés de proverbes proposés comme une leçon,
positive ou négative, de comportement social.
Mais ils peuvent servir à un enseignement plus
profond.
Dans la mesure où ils sont l'expression d'une
certaine vision du monde dont les grands thèmes fondamen-
taux apparaissent à travers eux, sous une forme symbolique,
la familiarité avec ces thèmes" acqulse dès l'enfance, cons-
titue déjà en SOl une formation dans un sens irréversible
qui est celui même de la culture.
Ce rt aines e thn ie s telles que les
peulh, le s ouan,
les baoulé, vont plus loin et se servent des contes pour
introduire à la connaissance des mythes, dont ils considè-
rent que les contes sont en quelque sorte une
'traduction'
dans un langage plus facilement accessible.
Les Dogon sont un des exemples les plus remarqua-
bles de cette intuition des rapports structuraux existant
entre mythes et contes, qUl, construits sur le même système
d'opposition, présentent les mêmes lignes de force,
s'expri-
ment effectivement selon la même "grammaire".
Une autre remarque à faire, est celle de la
manière implicite
de sensibiliser
les enfants sur le caractère
blâmable de quelques "bêtises" commises le jour.
Alors,
le soir, l'on introduit dans le répertoire
de contes, le conte dont la morale prend le contrepied de la
"bêtise" de l'enfant.
Les proverbes servent, parfois, sur l 'heure, à
étayer les admonestations de l'adulte.

-
187 -
III
-
QUI
TRANSMET~SAVOIR ?
Puisque contes et légendes sont des él6ments
constitutifs d'une littérature orale, donc fondée sur le
verbe,
la personnalité des agents jouera un rôle important
dans la transmission et la perpétuation du contage. Outre
des individus bien doués et appréciés comme tels, on ren-
contre dans la plupart des sociétés
traditionnelles, de
l'Ouest Africain
de véritables professionnels de la parole
dont le rôle est, par extension, de transmettre la tradi-
tion. Parmi les non professionnels, il faut distinguer les
simples amateurs qui font preuve de qualités exceptionnel-
les comme conteurs
de ceux dont la fonction les oblige à
réciter et à transmettre des textes.
C'est le cas en parti-
culier
des prières, devises, textes mythiques, et en général,
de tout ce qui concerne la tradition religieuse ou ésotéri-
que, dont les dépositaires sont les vieillards, les chefs
de famille,
les chefs religieux,
les dignitaires.
Il en est de même pour les textes en langue
secrète et les textes initiatiques. Dans certaines so~iétés
de l'ouest africain,
les spécialisations de répertoire
peuvent créer des catégories particulières d'''agents''
transmetteurs : répertoire masculin ou féminin,
(les femmes
sont considérées en général comme les !!1eilleures
conteuses),
histoire réservée d'abord aux enfants. Certaines sociétés ne
connaissent pas de narrateur professionnel: c'est le cas des
sociétés non musulmanes des côtes du golfe de Guinée (Côte
d'Ivoire,
Libéria, Bénin, Togo, Sierra Leone).
Les touareg des steppes s'inscrivent dans la tradi-

-
188
-
tion des nomades du désert où chacun peut improviser,
hommes,
femmes, enfants, sur des thèmes et des images
fixées par la tradition au cours des veillées de contage.
Mais dans les sociétés africaines où les structures socia-
les enseignent à chacun sa place et son rôle dans la vie
du groupe, et où les différentes activités de productions
nécessaires à la Vle de tous se répartissent autour d'une
activité principale
(agriculture, élevage, pêche, chasse)
cette répartition du travail, parfois fondée sur un système
de castes) réserve une place de choix à la "parole". Les
"hommes de paroles" les "artisans du verbe" appartiennent
parfois à une caste, comme les griots maliens, sénégalais.
Dans les mythes soudanais (Mali) le griot apparaît dès les
origines, dès la constitution de la société;
il est associé
à l'apprentissage de la parole par le rythme.
(1)
Le griot est presque toujours musicien.
Les instruments dont il joue le plus fréquemment en Afrique
Occidentale sont le luth, le violon monocorde,
le tambour
d'aisselle.
Plusieurs formules sont possibles; lors des
veillées de contes et légendes, il joue de son instrument
seul, il déclame ou chante en s'accompagnant,
il accompagne
sa femme qui chante, il conte avec d'autres griots. On
rencontre aussi des femmes griottes se déplaçant seules ou
en groupe. Le griot peut comme les troubadours médiévaux,
être itinérant et parcourir le pays à pieds.
Il peut aussi jouer dans les marlages et les
fêtes
ou bien il arrive sur la place d'un village et bat
(1) CALAME-GRIAULE - Ethnologi~ ~t langa9~
l'ant d~ la
pano:t~ c.h~z :t~J.> Vogon - p. 378.

-
1 S~) -
le rappel de la population en jouant
rythme particulier
ou en déclamant d'une VOIX forte.
Il peut être aUSSI tradi-
tionnellement attaché ~ la personne d'un roi ou d'un chef
ou d'un porteur de titre honorifique.
Il est, dans ce cas,
plus spécialement généalogiste et détenteur des traditions
historico-légendaires du chef de famille. Les griots ~n
Afr ique de l' Oue st, jouent un rôle
po 1 i tique cert a in.
Il s
sollicitent les grands mais aussi les morigènent.
Ils cin-
glent l'amour-propre des nobles,
les incitent à la lutte ou
au sacrifice, quand ils le jugent opportun.
Ils dispensent
des conseils de sagesse et de modération tant au peuple
qu'au souveraIn.
Bref, les griots jouent dans la légende un rôle de
ferment régulateur de la société qui reflète assez fidèle-
ment leur fonction réelle.
Les griots sont la mémoire des
clans; ils sont supposés tout connaître, mais on attend
d'eux qu'ils révèlent ce qui doit être dit, au moment o~
cela doit être dit, et ~ ceux qUI doivent l'entendre. Le
griot vit traditionnellement de son art oratoire et ne
pratique pas d'autres métiers. Les paiements des veillées
s'effectuent sous des formes diverses: vêtements, nourri-
ture, sommes d'argent.
L'aspect économique de cette fonction
se répercute souvent sur l'aspect psychologique du problème
et explique en partie l'ambivalence des sentiments éprouvés
par le public africain à l'égard des griots.
Si, en effet,
l'émotion esthétique et l'exaltation de la personnalité
qu'ils suscitent sont ressenties d'une manière très positive,
l'obligation de justifier par des dons importants le prestige
conféré
par leurs éloges,
la crainte des critiques acérées

-
190 -
qu'ils ne manquereont pas de répandre sur le donateur parcimo-
nieux, pèsent très lourdement sur l'homme du commun.
L'analyse du personnage du griot, la définition de son rôle
social comme agent de transmission des contes et légendes et
de tout autre littérature orale peut retenir quatre grandes
lignes principales définissant la fonction de griot.
- Détenteur de la parole traditionnelle,
il conserve le
patrimoine historico-légendaire du groupe
;
- détenteur de la parole exaltante,
il a mlSSlon d'encoura-
ger et d'exalter les vertus sociales par la parole conjuguée
du verbe poétique et de la musique
;
- détenteur de la parole cinglante,
il distribue le blâme
aussi bien que l'éloge et joue un rôle régulateur dans la
société ;
- enfin, détenteur de la parole sacrée, il peut aVOlr des
fonctions rituelles qui font de lui le dépositaire des
textes essentiels.
1 - Style oral et pédagogie
Qu'il s'agisse du griot ou du narrateur occasionnel, il est
bien évident que la personnalité du conteur se transmet au
texte et c'est ce qui rend l'étude totale si difficile.
Il
n'est pas suffisant pour être un bon narrateur par exemple,
d'avoir une bonne mémoire et un répertoire étendu.
Le succès du griot ne s'explique pas seulement par
sa connaissance des textes et des rythmes musicaux. Tout un
ensemble de facteurs sont mis en cause dans le style oral
l'art de se servir de la voix et du geste, le sens de la
mimique et de la dramatisation, l'identification avec les

-
191 -
personnages, la communication avec l'auditoire. Le mode de
délivrance du message est différent selon le genre du texte.
On pourra faire une distinction entre prose et non-prose en
tenant compte que certains genres se situent à la limite des
deux.
Il Y a un lien intime entre certains textes et certai-
nes façons de se servir de la voix.
Les textes poétiques
sont délivrés sous une forme déclamée, psalmodiée; ou
chantée, et obéissant à des rythmes fondés
souvent sur
l'unité respiratoire.
La diction poétique est fréquemment caractérisée
par une très grande rapidité, allant de pair avec une remar-
quable fluidité,
qui fait naître une sorte de vertige lncan-
tatoire. On observe parfois de véritables systèmes de mlmes.
Par opposition à la non-prose,
la prose se rapproche du
discours de la communication courante, en ce sens qu'elle
est délivrée sous une forme continue non rythmée.
Cependant, on pourra distinguer des nuances de
débit propre à la narration:
le discours narratif
est
souvent plus continu et plus rapide, plus monotone aussi,
mais sur la base de cette monotonie, se détachent des effets
dramatiques particuliers résultant de l'emploi d'intonations
diversifiées.
"OutlLe de-6 di66élLen.c.e-6 de -6 tlLuc.tulLe.6 , n.OU-6
dit GRIAULE, ia vaieulL explLe-6-6ive du voc.abu-
iailLe a6lLic.ain. po-6e de glLaVe-6 p!Lobième-6 de
tlLaduc.tion..
Piu-6 en.c.olLe, ie c.alLac.tèlLe -6ymbo-
iique de-6 texte-6, ie lLôie qu'y joue i'aiiu-
-6ion. et i'eXplLe-6-6ion. én.igmatique, ie-6
emplc.hen.t d'ltlLe dilLec.temen.t tlLaYl.-6mi-6-6ibie~
a un. pubiic. oc.c.iden.tai, et obiige a tout un
appalLeii de c.ommen.tailLe-6.
Le lLôie de tOU-6 i~)
éN.menU un.g~tique-6 dan.-6 ie lLythme de
ea
phlLa-6e ie-6 lLappolLt-6 en.tlLe ia palLole d~c.lamée
et lLythmle,
et ia mU-6ique qu.i, -60uvellt

-
192
-
l'a c c 0 mpa9 nC'.~. ~ 0 nl
e 11 c. 0ft e. mIf ;~ t é IL {. C'. u x.
En 6{. n ,
la me.{'lle.uILC'. tILadu~t{.on
e.t le. me.{'lle.uIL
commenta{,lLC'. ne. poulLlLont jama{.~ !Le.ndILe. le.h
qua Lt t é ~ )J IL 0 )J ft e. me. nt" 0IL ale.;~" d e. h te. xt e. h ,
ce.lle.h que. fe.uIL con6~1Le.,
le. te.mph d'une. ILéc{.-
tat{.on, la )Je.IL~onnal{.té du conte.ulL,
du
)Jo~te.".
(1)
Cependant, ces difficultés sont celles de toute traduction,
à des degrés divers,
et elles n'ont jamais e~pêché personne
d'essayer de faire passer les valeurs littéraires d'une
langue dans une autre. En ce qui concerne l'art du contage
et le style oral, nous nous permettrons de dire qu'ils
méritent au mOins la tentative.
Dans le style oral du conteur, le jeu des intona-
tions suit de près les périp~ties de l'action et les· change-
ments de personnages. Le narrateur en joue comme d'un
procédé stylistique beaucoup plus important que le choix des
termes.
L'abondance et la variété des effets expressifs
compense l'économie des mots. Eclats de voix, silences,
phrases articulées dans un murmure, exclamations de surprise
ou de dépit, accélération ou ralentissement du tempo,
accents résignés ou furieux
se succèdent sans cesse au fur
et à mesure des épisodes que le conteur rapporte comme s'il
avait été témoin. Chez les bons conteurs, les différents
personnages sont caractérisés par un changement d'intonation
ou de registre
(voix suraigu~ des femmes) voire prononcla-
tion ; le parler nasillard de l'hyène déforme ses propos.
Ces "défauts" de prononciation n'ont pas seulement
un but comique
ils peuvent être un des ressorts de l'action
(1)
CALAME-GRIAULE (G)
- L'aILt de la paILole. dan~ la cultu!Le.
a6IL-<-ca-<-ne. - p.
74.

-
193 -
servant par exemple à faire reconnaître un ennemi déguisé
ou avoir une valeur symbolique faisant partie de la défini-
tion du personnage en question.
L'emploi des gestes,
mimiques et expressions, offrent également des ressources
appréciables.
L'étude poussée des gestes demanderait qu'on
les distinguât en différentes catégories
: ceux qui évo-
quent une technique, ceux qUl soulignent les péripéties de
l'action, les gestes culturels
(salutations, affirmations
ou dénégations) ceux qui font partie de l'évocation symboli-
que d'un personnage, etc ...
Des démarches d'animaux, des mouvements d'épaules,
évoquant la danse peuvent être esquissés. La mimique peut
même aller jusqu'à la danse.
C'est le cas de Ndale dala ou
conteur professionnel Bambara, qui se comporte comme un
véritable acteur, sautant, dansant, gesticulant, prenant
des attitudes comiques.
La narration orale, d'après LABOURET
et TRAVELE est parfois à la limite du théâtre.
(1) Les brui-
tages symboliques sont un procédé très goûté, qui a pourtant
été peu remarqué, jusqu'à présent: cliquetis de bijoux,
pour évoquer un trésor, coup régulier sur un objet métalli-
que, lorsqu'on parle de la forge,
imitation des chants
d'oiseaux, de rythmes de tambour, de pleurs.
L'association étroite de l'oeuvre avec la muslque
est un des ressorts essentiels d'une grande importance pen-
dant les grandes veillées de contage. Nous avons déjà
mentionné plus haut, que les griots étaient s'accompagnaient
d'un instrument.
(1)
LABOURET et TRAVELE - Le Th~at~e a6~~~a~n t~ad~t~onn~l
p.
26 et -6 LL{_Van-t~-6 .

-
1 0 L]
-
Dans les contes, on observe souvent des parties
chantées,
inserrées dans le récit et d'un style complète-
ment différent. C'est bien la parole qui s'inscrit sur un
fond musical et non la musique qui souligne la narration. '
Toute la structure du récit est soutenue par une charpente
de thèmes musicaux qui informent et suscitent l'énoncé
verbal. Le contact avec l'auditoire est nécessaire au narGs
teur
; il le soutient,
il le stimule. C'est parfois un
véritable dialogue qui s'engage entre le conteur qui inter-
pelle son public,
le prend à témoin, réveille son attentio~
par de brusques formules stéréotypées appelant une réponse~
et les auditeurs qui interviennent, rient, manifestent
pl~
ou moins bruyamment leur approbation ou leur indignation.
Ces pauses et ces interventions extérieures peuvent marque7
un changement dans le style général du discours.
Ce change-
ment est plus net encore lorsqu'il s'agit d'une véritable
question posée par le narrateur: "Que pensez-vous qu'il
va faire ?"
Même au milieu du récit épique ou d'une devise solennelle,
il arrive que le conteur s'arrête pour faire une réflexion
personnelle, sur un ton et un rythme tout à fait différent~
Tous ces procédés dont l'importance varie naturel~
lement selon les textes et les conteurs, ne sont pas toujours
faciles à cerner, ni à mettre en évidence, dans une étude.
L'étude du style oral, des narrateurs recueillis à "chaud",
dans les ambiances des soirées de contage, aura permis de
glaner quelques éléments les plus perceptibles car c'est l~
que les narrateurs ou les conteurs, soutenus et stimulés
par les réactions du public, auront donné toute la mesure de

-
19 S -
pédagogue.
D'après GRIAULE,
"TOU.h -teh a6!1..-tc.a.-tnh ... hon-t ex-t!1.ê.memeI1-t he.n-
h.-tble.h mtme. danh ~e langage. c.oU!1.an-t, aux
d.-t66~!1.e.nc.eh d.-talec.-ta-te.h,
a la c.o!1.!1.ec.-t.-ton
g!1.amma-t.-tc.ale., a -ta p!1.0p!1..-t~-t~ du voc.abu-ta.-t!1.e.,
a l'enc.ha~ne.me.n-t ~-toqu~n-t deh ph!1.ahe.h, a
-t'e.mp-to.-t de. m~-taphO!1.eh.
La ma~-t!1..-th e de -ta
pa!1.o-te donne. un p!1.e.h-t.-tge .-tnc.on-teh-t~
danh -teh
hOC..-t~-t~h a6!1..-tc.a.-tne.h : c.he.z -te v.-te.-t-t-ta!1.d,
e.l-te e.h-t h.-tgne de. c.onna.-thhanc.e. e.-t de. hage.Me..
Che.z -te. g!1..-to-t,
e.-t-te he. man.-t6e.h-te. pa!1. un a!1.-t
c.onhomm~ de. -t'u-t.-t-t.-tha-t.-ton de.h d.-tve!1.h !1.e.g.-th-
-t!1.e.h de. -ta vo.-tx,
pa!1. une -te-t-te c.onna.-thhanc.e.
du !1.~pe.!1.-to.-t!1.e.
e.-t deh p!1.oc.~d~h po~-t.-tqUe.h
-t!1.ad.-t-t.-tonne.-th,
que. nu-t ne. pe.u-t !1.~h.-th-te.!1. a
-t'e.xa-t-ta-t.-ton qu'.-t-t p!1.oc.u!1.e mtme. c.e.ux qu.-t hon-t
c.onhc..-te.n-th du c.a!1.ac.-t~!1.e. c.onve.n-t.-tonne.-t e.-t
.-tn-té.!1.e.hh é. de. he.h 6la-t-te!1..-te.h.
(1)
L'on sait que parler ce n'est jongler avec des idées nl
polir des sentences. Parler c'est convertir. Au moins con-
vaincre ou raffermir des convictions chancelantes, ou
rapprocher des divergences, ou répandre un sentiment et la
parole du conteur-pédagogue se juge à ses résultats.
Tragique effort du narrateur.
Il doit maîtriser
la pensée qUl avance, ou qui retarde sur la parole, qui se
dérobe ou qUl se surabonde, qui s'égare dans les chemins de
t r a ver se.
Il do i t r e fou 1e r I ' exp r e s s ion qui sep rés en tee t
inventer
celle qui convient. Malheur au narrateur qui
tâtonne
!
Il faut dans une volte-face abandonner l'argument
préparé et le remplacer par un autre, découvrir en un
éclair l'intonation, le geste, qui décident de la bataille
contre l'incrédulité de l'auditoire.
(11
CALAME GRIAULE
(G)
- L'Ant de. -ta pa!1.o-te. danh la c.u-t-tu!1.e.
0i!1.-<-c.a-<-ne.,
p.
75.

-
196 -
Le narrateur cherche une adhésion ; il cherche à
faire partager ses haines,
ses espoirs,
ses colères, ses
enthousiasmes.
Il veut créer une âme collective à tous ceux
qui l'écoutent.
Le narrateur est un homme qui cherche à
inculquer quelque chose/non une suite de phrases.
Des phra-
ses ajustées bout à bout, n'ont jamais convaincu personne,
même Sl elles sont ingénieuses.
Le narrateur a des préjugés, des habitudes, des
entêtements, de la jeunesse dans l'accent tonique.
C'est
tout cela que sous les aspects de la parole,
il jette dans
la mêlée.
Les
contes et légendes se colorent de l'expression de
ses dispositions mentales et physiques. Car, nous dit
GRIAULE,
"te-6 c.onte-6 et 6ab.te-6 étant expILimé-6 en
.tangage c.ouILant -6emb.tent au c.ontlLailLe c.ou-
ILiIL
.te ILi-6que de -6'a.ttéILeIL ILapidement et de
.tai-6-6eIL .tibILe C.OUIL-6 à .ta 6antai-6ie peIL-6on-
ne.t.te du c.o nteuIL".
(1)
C'est trop dire qu'ils doivent être adaptés à ces disposi-
tions.
Il est les facultés même du narrateur en action. Ni
les phrases, ni les mots, ni l'ordre des pensées, ni leur
cadence ne seront les mêmes suivant que l'homme qui parle à
le souffre court ou de vastes poumons, la voix grave, ou
aigu~, le regard brillant ou éteint, la physionomie mobile
ou glacée, les membres déliés ou massifs,
les nerfs à fleur
de peau ou une sérennité que rien n'ébranle.
Le narrateur ne récite pas un discours écrit par
autrui. L'art du contage bouscule les plans et les formules
(1)
CALAME-GRIAULE
(G.)
-
op.
c.it.
P.
74.

- 1~)7 -
toutes faites,
il improvise.
Il suit de là, enfin,qu'il n'y
a rIen de commun entre l'éloquence du narrateur, et celui de
l'action qui restitue à son public un texte appris par
coeur.
L'éloquence ici, ne connaît pas la sécurité.
Elle vit
aux aguets, dans les transes. Ce n'est pas un discours plus
un personnage qUI le récite. C'est toutes les forces d'un
homme concentrées sur un point précis, dans la soudaineté
d'un instant.
Ici, on ne parle pas seulement avec le larynx et
les lèvres; on parle avec les mains, avec les reins, avec
les épaules, avec les yeux.
Les yeux du serpent et du domp-
teur.
Les duellistes eux aussi se regardent les yeux dans
les yeux.
La meilleure école pour un narrateur, ce nous
semble, ne serait-elle pas la pratique des sports de combat?
La première règle que nous avons pu observer,
après maintes
séances oratoires, c'est d'être dans le ton.
Hors du ton,
tout irrite. Mais celui qui est dans le ton, peut tout dire,
m&me les vérités les plus déplaisantes.
Ce n'est d'ailleurs
qu'un précepte de la civilité puérile et honnête.
Le narrateur, d'ailleurs, ne se plie pas aux
opinions de l'auditoire. C'est exactement le contraire, le
but qu'il se propose c'est de plier l'auditoire à son
opinion.
Le narrateur se déguise pour pénétrer l'auditoire
de son opinion. On ne doit pas s'apercevoir qu'il est étran-
ger à ce qu'il dit et parmi ceux
qui l'écoutent. Entre le
narrateur qui parle et son public, s'établit une sorte
d'osmose. Toute la force des coeurs qu'il fait battre passe

- 198 -
dans le SIen.
Le narrateur a mille voix au lieu d'une.
Il
suffit de quelques approbations involontaires dont il
perçoit les signes pour qu'il s'emballe comme un cheval de
sang.
Son débit s'accélère, les phrases se composent d'elles-
mêmes, les idées s'enchaînent,
les mots accourent sur ses
lèvres. Parce que ce sont les auditeurs qui,
silencieusement,
et inconsciemment,
les lui soufflent.
Il est, pour le con-
teur, peu de satisfactions comparables à la joie de ces
instants glorieux et passionnés.
Seuls,
les grands acteurs
et le virtuose
qui recréent l'oeuvre de l'artiste connaIS-
sent des exaltations du même genre. Qui pourrait oublier,
de ceux qui en ont une fois
été le centre, ces regards avides,
ces cous tendus, ces lèvres entrouvertes, tout cela qUI
attend, qui respire votre souffle, qui veut boire le phil-
tre des accents et le sortilège des mots ? Qui a pris part
à
cette communion enivrante
en subira toujours la nostalgie.
Le narrateur, n'a qu'un seul ennemI:
l'indiffé-
rence.
Il est comme le prestidigitateur et le guignol qUI
appellent dans le jeu leurs auditoires enfantins.
Ils
l'interpellent, l'appellent, le questionnent, suscitent des
exclamations, les rires,
les huées,
si bien que c'est le
petit public qUI se donne à lui-même le spectacle.
La parole a un mode d'expression qui a ses moyens
propres
que
la société traditionnelle de l'oralité maîtrise
profondément. Paroles et écritures se sentent toutes deux
des mots. Mais ces mots ne sont les mêmes qu'en apparence.
Les mots écrits sont faits pour être vus.
Ils ont une
physionomie. Ce sont leurs lettres, c'est la page d'impri-
merie, qui se gravent dans la mémoire, à tel point que dans

-
199 -
le journal et dans l'affiche il n'y a que la typographie qUI
compte.
Les titres démesurés,
les manchettes,
les slogans,
indéfiniment répétés et commentés par des Images, dirigent
l'opinion publique.
Sans doute,
il arrive aux poèmes et à
quelques proses d'être lues à haute voix, ou récités en
public. Mais avec chaque récitant,
ils changent de significa-
tion bien que visant la même portée.
Le déclamateur impose
sa manière de les entendre.
Les mots ne sont pas ceux de
l'écrivain.
Ils se sont détachés de lui.
Il les a collés à
ses interprètes. Les mots parlés ne dégagent tout leur sens
qu'à l'audition.
C'est leur son, ce sont leurs rapports avec les
tonalités voisines, c'est la cadence à laquelle ils se
succèdent,
s'interrompent, ou se précipitent qui donnent, à
la phrase sa valeur et son efficacité. Le même mot suivant
qu'il est parlé ou écrit, n'a plus le même poids, ni la
même valeur.
Certes, le livre sera lu encore dans trois mille
ans.
Il a l'éternité devant lui. On le lira seul ou à deux.
Ce que le lecteur y cherchera, c'est lui-même. Le narrateur
n'a pas six cents pages pour introduire le fil de la narra-
tion.
Il n'a pas des années devant lui pour atteindre de
nouvelles manières de sentir.
Les longues marches d'approche, les raff~nements
du style ne feraient que détourner l'attention et compro-
mettre le résultat.
Il s'agit de frapper vite et fort.
Toute phrase qUI ne produit pas son effet dans la minute
même est une phrase perdue.
Il n'a pas la ressource de

-
200 -
toucher ses auditeurs l'un après l'autre.
Il doit être
comprls de tous au même moment.
L'écrivain peut solliciter
des tendances opposées.
Lui, ne peut parler qu'un langage
et il est obligé de prendre la commune mesure de ses audi-
teurs.
"Saf1.6 que.,
pail. a~tte.U./L~,
te.~
6ac.LlLtê:~
d'~tl1­
p~ov~~at~on ~o~e.nt négt~gée.~,
ta t~an~tl1~~­
~~on o~ate. te.tte. qu'hab~tue.tte.tl1e.nt e.tte.
~'opè~e. à p~opo~ de. ce.~ p~oduct~on~
~e.po~e.
~u~ t'u~age. de. ta mémo~ne. e.t du nuthme. e.t a
poun e.éée.t,
de. déve.toppe.n con~~dénabte.tl1e.nt
te.~ c.apac~té~ d'e.nne.g~~tne.me.nt. Le.~ ~éque.nce.~
e.nte.ndue.~ do~ve.nt ~tne. ne.pnodu~te.~ le. plu~
6~dèle.me.nt po~~~ble."
(1)
Dans le discours oral,
la parole ne se borne pas
à donner à la pensée son expression
; elle est la pensée
même. Sans doute,
les hommes quels qu'ils soient, ne pen-
sent qu'avec des mots. D'où,le bon conteur ne pense qu'avec
des mots faits pour être prononcés en public.
Comment une telle capacité de conditionnement de
l'auditoire, les leçons déguisées du conteur africain ne
peuvent-elles pas atteindre leu~ but ?
A propos de cette manière de transmettre les
normes d'une société, aucun essai de théorisation ne fut
fait jusqu'ici. A savoir, bien que pédagogie diffuse et
informelle, elle doit de par ses modalités de transmission
d'un savoir, s'apparenter à l'une ou plusieurs méthodes en
pédagogie, connues jusqu'ici comme probantes. Mais avant
d'examiner cet aspect, voyons quels sont les pièges du con-
tage.
(1) ERNY [Pl - L'e.néant et ~on m~tie.u e.n A6n~ue. No~~e - p. 777.

-
201
-
2 - Les pièges du contage
Ainsi donc,
la narration orale et publique des contes et
légendes fait encore partie intégrante de la culture et
joue un rôle important d'éducation, de cohésion sociale et
de divertissement.
Il est donc regrettable que, pendant
très longtemps,
les folkloristes se soient intéressés uni-
quement au contenu des contes et légendes, et non à leur
narration orale, en tant que forme athlétique originale et
phénomène anthropologique.
C'est un peu comme si l'histoire du théâtre ne
s'était intéressée qu'aux textes dramatiques, au détriment
de la mise en scène ou du statut social des comédiens. Or,
les conteurs sont ici des professionnels de l'art de bien
dire, des professionnels de la communication orale, ce sont
des spécialistes qui ont le goOt et la fierté de leur art.
Pour eux, les contes ne sont pas de simples récits événemen-
tiels ils sont la source vivante de toutes les particulari-
tés stylistiques. Ainsi,
"POU/L qu' i.t.6
[.te..6 c.o nte..6) appo/Lte.vl.t .te. maxA..--
mum de. /Léc.onno/Lt POU/L qu'i.t.6 p/Le.nne.nt toute.
.te.U/L .6igni nic.ation .6ymbo.tique., e.t, .6U/Ltout,
tout .te.U/L .6e.n.6 inte./Lpe./L.6onne..t, it e..6t
p/Léné/Lab.te. de. /Lac.onte./L .te.~ c.onte..6 ... au
.tie.u de. .te..6 .ti/Le. à haute.
voix. Si on te..6
.tit, i.t naut
.te. nai/Le. e.n ac.c.e.ntuant
.t'émotion dégagée. paIL ['hi.6toi/Le.,
e.t .6U.6c.i-
tée. c.he.z .t'e.nnant,
e.n e..6.6ayant d'ép/Louve./L
.6oi-même. c.e. que. ['hi.6toi/Le. pe.ut .6igninie./L
POU/L .tui.
Le. nait de. .te..6 fLac.onte./L pe./Lme.t une.
p.tu,!J g!tande. .6oup.te..6.6 e."
(1).
De toute façon, un conteur, ne pourra jamais
raconter exactement la même histoire de la même façon
(1)
BETTELHEIM (B) - P.6yc.hana.ty.6e. de..6 c.ol1te...b de. née..6 - p. 195.

-
202 -
pendant plusieurs veillées consécutives.
Il n'y aura jamais
une "science du contage" mais un art du contage avec ce que
cette dernière assertion comporte de souplesse et d'adapta-
bilité.
"Ma.zJ.l,
ne. ie. c.ac.ho nJ.l paJ.l,
.zi lj a de.J.l p-<-e.g e.J.l .
L'aduite. qu.z n'e.J.lt paJ.l e.n ha~mon.ze. ave.c. J.lon
e.nnant,
ou qu.z e.J.lt t~op p~~oc.c.up~
pa~ c.e. qu.z
J.le. paJ.lJ.le. danJ.l J.lOVl .znc.onJ.lc..ze.nt,
pe.ut c.ho.zJ.l.z~
de. ~ac.OVlte.~ ie.J.l C.OVlte.J.l ... J.lu~ ta baJ.le. de. J.le.J.l
p~op~e.J.l
be.J.lO.zVlJ.l,
J.lanJ.l te.Vl.z~ c.ompte. de. c.e.ux de.
i'e.n6ant.
Ma.zJ.l tout n'e.J.lt paJ.l pe.~du pou~
autant.
L'e.n6ant c.omp~e.nd~a m.ze.ux c.e. qu.z
éme.ut J.le.J.l pa~e.ntJ.l,
e.t .zi e.J.lt t~èJ.l .zVlté~e.J.lJ.lant
pou~ iu.z,
e.t t~èJ.l p~o6.ztabie., de.
:c.oVlna~t~e.
ie.J.l mot.zvat.zoVlJ.l de.J.l
~t~e.J.l qu.z t.ze.VlVle.nt ie.
piuJ.l de. piac.e. danJ.l J.la v.ze."
(1)
Dans les sociétés traditionnelles de l'Ouest
Africain, les contes font partie intégrante des préoccupa-
tions didactiques de l'adulte si nou.s nous en tenons à leurs
traits spécifiques
conte moral, conte étiologique, conte
ésotérique, etc ...
Comment un conte peut-il être ésotérique sans
faire appel à plusieurs niveaux de compréhension? Tous les
peuples ont de tout temps, établi un dualisme entre le
visible et l'invisible, le clair et l'obscur. Dans les bDs-
quets sacrés, certains rites initiatiques
ont pour cornpo-
santes nécessaires, l'explication et la compréhension de
contes ésotériques. Peut-on être du même avis que BETTELHEIM,
lorsqu'il dit, en parlant des contes, "qu'il faut se garder
de les approcher, lorsqu'on les raconte, avec des intentions
didactiques" ? certes, les intentions didactiques, outre le
cas des rites initiatiques, se cachent sous le paravent du
(1)
.zb.zd pp.
195-196.

-
Z1l3
-
divertissement et du merveilleux. Cet aspect leur enlève
tout caractère systématique et dogmatique. Nous sommes
d'accord avec BETTELHEIM, lorsqu'il affirme que
"-te c.on:te .. , e,!):t avavl:t :tou:t une oeuvJte
d'aJt:t ... Ce qui veu:t diJte qu'il e6:t impo6~i­
ble de Jtéali~eJt une oeuvJte d'aJt:t en e6~ayan:t
délibéJtemmen:t d'o66JtiJt quelque c.ho~e de
~péc.i6ique à une peJt60nne en paJt:tic.u-tieJt.
Rac.on:teJt un c.on:te ... expJtimeJt :tou:te~ -te~
image~ qu'il c.on:tien:t c'e~:t un peu ~emeJt
de~ gJtaine~ don:t quelque~ une~ geJtmeJton:t
dan~ l'e6pJti:t de l'en6an:t.
CeJt:tain~ c.ommenc.e-
Jton:t :tou:t de ~ui:te, à 6aiJte leuJt :tJtavail
dan~ le c.on~c.ien:t. V'au:tJte~, ~timuleJton:t de~
pJtoc.e~~u~ dan~ -t'iYlc.ûn~c.ien:t. V'au:tJte~ enc.oJt~
devJton:t Jte~:teJt -tong:temp~ en ~ommeil ju~qu'à
c.e que l'e~pJti:t de l'en6an:t ai:t a:t:tein:t un
~:tade 6avoJtab-te à leuJt geJtmina:tion, e:t d'au-
:tJte~ ne pJtendJton:t jamai~ Jtac.ine. Mai~ le~
gJtaine~ qui ~on:t :tombée~ ~uJt -te bon :teJtJtain
pJtoduiJton:t de belle6 6leuJt~, e:t de~ aJtbJte~
vigouJteux.
C'e~:t-à-diJte qu'elle~ donneJton:t
de -ta 6oJtc.e à de~ ~en:timen:t~ impoJt:tan:t~,
ouvJtiJton:t de~ peJt~pec.:tive~ nouve-t-te~, nouJt-
JtiJton:t de6 e~poiJt~, JtéduiJton:t de~ angoi~6e~,
e:t,
c.e 6ai~an:t,
enJtic.niJton:t la vie de
l'en6an:t ~uJt le momen:t e:t pouJt :toujoUJt~II
(11.
IV - QUELLE METHODE EN PEDAGOG lE ? : ANALYSE DES ELH1ENTS
CONSTITUTIFS ET ESSAI DE THEORISATION
Avant de déterminer les buts de l'éducati-an, nous
avons déterminé les moyens d'action sur l'enfant et l'adulte
-
les contes et légendes -
il importe maintenant de déter-
miner le ou les méthodes à l'aide desquelles on prétend
inculquer un savoIr, une morale sociale à l'individu.
Précisons que la pédagogie étant informelle, les conteurs ou
les narrateurs, utilisent inconsciemment des éléments cons-
titutifs des méthodes d'enseignement propres à la pédagogie
institutionnelle.
(1)
BETTELHEIM (B)
- op.
c.i:t.
p.
199.

-
204 -
Les dénominations usuelles de ces méthodes d'en-
seignement, en particulier
celles du "traité de pédagogie
générale"de René Hubert
mentionne du point de vue analyti-
que et critique
- les méthodes didactiques
- les méthodes attrayantes
- la méthode interrogative
- les méthodes intuitives
- les méthodes actives.
En examinant attentivement le contenu de ces
différentes méthodes, nous pouvons sans crainte d'erreur
grave, affirmer que le conteur utilise des éléments des
méthodes attrayantes, qui se soucient de l'intérêt de
l'enfant. Mais quel est le contenu de ces méthodes attra-
yante s ?
Les méthodes attrayantes et le SOUCI
de l'intérêt
Nous savons que l'enseignement didactique est presque tou-
jours ennuyeux, que l'enfant de bonne volonté s'épuiserait
pour le suivre, dans un effort p~nible d'une attention qui
n'est que superficielle. Le maître devrait alors avoir
recours, le plus souvent, à la contrainte, aux châtiments
corporels, aux punitions, aux bruyants rappels à l'ordre,
dont l'efficacité laisserait parfois à désirer. Ces inconvé-
nients ont été depuis longtemps reconnus et par pitié pour
les enfants, autant que par souci du rendement pédagogique,
on s'est appliqué à capter l'attention, à obtenir l'intérêt
spontané, à faire que les enfants prennent plaisir à venir à

-
2ClS
-
l'école, et à s'instruire. D'abord, on n'a guère pensé qu'à
utiliser leur goGt manifeste pour le jeu; et on s'est
efforcé de les instruire indirectement par des méthodes
d'enseignement attrayantes, en les faisant jouer.
Puis l'étude psychologique de l'intérêt a fait
avancer dans la connaissance de l'enfant, et permis d'adap-
ter
sans artifice,
l'enseignement
à
sa curiosité et à ses
besoins naturels. La science, greffée directement sur sa
vie, a cessé de lui paraître ennuyeuse. Ainsi, s'est opéré
un progrès pédagogique commandé par le souci de toucher et
d'intéresser l'enfant, et non plus d'ordonner logiquement
les matières d'enseignement. Laissés à eux-mêmes, on voit
les enfants courir, sauter, crier, se bousculer, se battre.
manipuler des objets, démonter, construire, ou bien
s'absorber dans des jeux dramatiques très libres où ils se
donnent des rôles très vari~s. Dans les sociétés tradition-
nelles de l'oralité, on a depuis longtemps remarqué combien
il est anormal de les obliger à assimiler des connaissance
qui ne correspondaient pas à l'activité de leur imagination.
Ces sociétés traditionnelles ont eu l'idie, de
bonne heure, d'utiliser au contraire des tendan~es enfanti-
nes pour l'acquisition des normes de la morale sociale.
Elles se sont ingéniées à faire de l'acquisition des con-
naissances une sorte de jeu, et à rendre les contes et
légendes éducatifs. L'idée, en vérité
assez simpliste, des
méthodes attrayantes, metau mOlns en lumière
la nécessité
d'intéresser, de capter l'attention.
Il ne peut y
avoir de
véritable enseignement, de véritable éducation
intellec-

-
206 -
tuelle si cette condition n'est pas réalisée.
Les livres les plus clairs disposant les matières
de la manière la plus intelligente, étudiant au mieux la
progression, et les exposés les plus nets
et les mieux
ordonnés perdront toute leur valeur si l'enfant ne les lit
pas ou ne les écoute que distraitement ou par contrainte. On
a compris l'erreur qui consisterait

6aJ..tz..e. du c.hoJ..x de.-6 -6uje.t-6 d'étude. une.
a66aJ..tz..e. ab-601ume.nt J..ndépe.ndante. de. l'J..ntétz..~t,
e.t patz.. c.on-6éque.nt,
de.-6 be.-6oJ..n-6 e.t de.-6 6onc.-
tJ..on-6 de. l'e.n6ant ; e.t a tz..éduJ..tz..e. l'éduc.atJ..on
a n'~ttz..e. que. la c.on6e.c.tJ..on d'atz..~J..6J..c.e.-6 plu-6
ou moJ..n-6 e.xtétz..J..e.utz..-6 e.t -6Upe.tz..6J..c.J..e.l-6 de.-6tJ..né-6
a tz..e.te.nJ..tz.. l' atte.ntJ..on". (1)
Car l'enfant
est un être humain, un homme de
devenir, et il n'y a pas hétérogénéité entre nos intérêts
d'adultes et donc notre science et ses intérêts propres.
Le sens même de son développement l'amène à nous; il
s'agit de bien déterminer ce sens. Et
d'autre part, l'en-
fant a toujours quelque
intérêt qu'il nous faut découvrir.
"La vJ..e.J..lle. hJ..-6toJ..tz..e. de. l'âne. de. Butz..idan
e.-6t ab-6utz..de..
Le. MoJ.. n'e.-6t jamaJ..-6 dan-6 un
patz..e.J..l état d'équJ..lJ..btz..e.,
e.t d'J..ndJ..66étz..e.nc.e..
Ii e.-6t toujoutz..-6 e.n ttz..aJ..n de. 6aJ..tz..e. que.lque.
c.ho-6e.,
e.n état de. te.n-6J..on,
e.n matz..c.he. dan-6
une. dJ..tz..e.c.tJ..on donnée."
(2).
C'est sans doute HERBART
qui,
le premier,systé-
matiquement, s'est appliqué à l'étude psychologique de
l'intérêt comme fondement de la pédagogie.
(3)
On peut souligner quelques applications.
(1)
DEWEY (J)
-
Ec.ole. e.t e.nUaVlt - p.
59.
(2)
DEWEY (J)
-
Ecole. e.t e.Vlnal'!t - p.
54.

-
2CJï -
Toute la Vle de l'esprit n'est, pour lui, que peu de repré-
sentations qui s'associent ou s'excluent, entre les idées:
Aussi, le but suprême de l'éducation étant de former des
volontés libres, le moyen ne peut être que de dévelpper la
multiplicité des intérêts, afin que telle ou telle direc-
tion particulière ne s'impose pas irrésistiblement à l'indi-
vidu. Quelles sont donc pour HERBART, les conditions de
l'intérêt et de l'attention?
Ayant distingué l'attention spontanée et l'atten-
tion volontaire, c'est à la première qu'il donne la préférence;
c'est celle que l'art de l'enseignement doit tendre à susciter.
Car, à juste titre, c'est la constitution d'associations
profondes, et comme organiques, qu'il cherche à obtenir: ce
qu'il appelle des masses aperceptives. Aperception étant pour
lui équivalent d'appropriation (apperzeption oder aneighung).
Or, l'aperception, l'appropriation se produit quand les
représentations déjà fixées vont à l'encontre de représenta-
tions nouvelles.
L'esprit reste inerte. quand ce qui s'offre à lui
est entièrement nouveau
et étranger à son expérience, quand
il n'y a entre celle-ci et lui aucun point de contact. Au
contraire, si, par quelque côté, la lecture,
l'exposé,
l'objet, l'image, d'abord sans intérêt, se rattachent au déjà
connu, fût-ce de façon tout accidentelle et superficiel~eJ
"aussitôt, on voit des représentations se mettre en mouvement
dans nos profondeurs, pour aller s'unir avec ce semblable qui
vient justement s'offrir."
(l)
(7)
HERBART -
op.
c--<-t.
P.
77.

-
2{)~
-
La pédagogie doit donc s'efforcer constamment de
chercher ces points sensibles de l'esprit, continuellement
tenir compte de ce qui a été appris, ce qui a été vécu, et
ordonner la matière en conséquence.
Il faut toujours ratta-
cher le nouveau au connu, faire en sorte "que le nouveau
trouve déjà là l'ancien qui l'attend et avec lequel il doit
s'unir".
(1)
Mais HERBART, toujours analysant,
joint d'autres
prescriptions à cette conditon fondamentale.
La force de
l'impression contribue aussi à éveiller l'intérêt. "Des cou-
leurs vives, un éclat de voix, attirent mieux l'attention que
les couleurs sombres, ou des sons faibles".
II est vrai que
la sensibilité s'émousse et qu'il faut craindre la monotonie.
Mais c'est DEWEY et KERSCHENSTEINER qUl ont fait
l'analyse la plus vivante de l'intérêt en substituant à leur
tour
l'analyse mécanique de HERBART, une distinction plus
essentielle que celle entre l'intérêt médiat et immédiat,
entre l'attention spontanée et volontaire.
(2)
Tous deux mettent en valeur la différence entre
l'intérêt superficiel et l'intérêt profond, l'intérêt actif
et l'intérêt passif, l'intérêt d'impulsion (Triebinteresse)
et l'intérêt d'excitation (Reizinteresse). Médiat ou immédiat,
inné ou dérivé,
l'intérêt peut être actif, pourvu qu'il se
porte sur l'objet qui, directement ou comme moyen répond aux
préoccupations et aux besoins de l'individu. Le véritable
intérêt est toujours spontané,
il comporte toujours un carac-
(1)
Ib-<-d pp.
75-76-78.
( 2)
c.6 44 - VECvEY - Ec.ofe. e.t e.n wu: - (c.h 1 - R.' -<-VLté!lU u f' e.6601lt)
KERSCHENSTEINER
: Tléo~e.
B~tdun9 (c.h 11 p. 3 à 19).

-
209 -
tère affectif.
L'effort volontaire pour s'intéresser à ce
qui répugne, à ce qui ennuie, n'est qu'un supplice inutile.
L'intérêt actif, qui se distingue encore par sa ténacité,
s'accon~)agnersouvent d'un effort pénible, d'un grand déploie-
ment d'énergie. Mais cette énergie jaillit naturellement de
l'être, sans qu'il s'y force artificiellement, parce qu'elle
tend au but qu'il se propose et répond à la poussée de son
désir.
Le véritable intérêt prendrait raCIne dans les
besoins fondamentaux physiques, moraux, ou intellectuels de
l'être.
"San-6 c.e.-6 be.-6oin-6,
pa-6 d'ac.tion-6 -6pontaYlée.-6,
e.t pa-6 d'e.xpé~ie.Ylc.e.-6
qui ~évète.Ylt ta vate.u~
de.-6 c.ho-6e.-6
; -6aYl-6 c.e.tte. vato~i-6atioYl, pa-6 de.
but détibé/té
; e.t -6aYl-6 c.e. but
pM d'inté~U"{l).
Dès que la moindre tendance se révèle, elle peut
être utilisée et donner lieu à un développement surprenant
des intérêts. Car, en fonction de cette tendance, tout ce
qui apparaît comme moyen prend une valeur. L'esprit s'y
rattache,
l'activité s'y applique. De nouveaux problèmes
surgissent et les intérêts se multiplient, toujours liés à
l'intérêt fondamental, qui, non seulement manifeste sa con-
sistance et sa permanence
caractéristiques, mais qui
s'amplifie et s'enrichit ainsi sans cesse. C'est alors que
l'action de l'éducateur devient décisive. S'il est maladroit,
s'il laisse se tarir l'activité spontanée de l'élève, s'il ne
sait pas lui faire prendre conscience des difficultés qui
l'arrêtent
et lui suggérer la voie libératrice,
il n'aura
11)
BLOCH
IM.A.)
-
PWoMphie. de. t'éduc.atioYl l'louville. jJ. 38.

-
210 -
plus recours que dans les moyens artificiels et sans valeur
éducative
de maintenir l'attention: "images, anecdotes,
plaisanteries, présentations arrangées, ou bien perspective
des agréments de la récompense ou des désagréments de la
li
punition.
(1)
KERSCHENSTEINER signale le passage
de l'intérêt
pour la partie à l'intérêt pour le tout et inversement: la
prise d'intérêt pour tout ce qui touche à ce que l'on aime
ou admire, et le glissement de l'intérêt d'un objet à un
autre analogue. Aussi,
il suffit que l'enfant se soit
intéressé à une époque de l'histoire, à une famille de
plantes, à un paysage géographique, pour que, de proche en
proche,
il accède de lui-même à toute l'histoire, à toute
la botanique, à toute la géographie.
Par ailleurs, on voit
"le camarade se mettre à partager les intérêts de son amI,
l'élève, ceux du maître qu'il aime ... " (2)
On voit quelles perspectives nous ouvre cette
psychologie de l'intérêt. Mais il faut tenir compte de la
mentalité spécialement infantile. Rousseau, déjà, en même
temps qu'il invitait à étudier les enfants, esquissait une
psychologie de leurs différents âges et soulignait que les
étapes de leur développement représentaient des formes de
vie particulières. "Laissez mûrir l'enfance dans l'enfant"
disait-il dans l'Emile.
(3) le souci de savoir comment
prendre l'enfant, comment s'adresser à lui pour l'éduquer, a
(1)
KERSCHENSTEINER
-
~b~d p.
281
(2)
~b~de.Vl p.
287.
(3)
ROUSSEAU
- f'ElI1ü'.C'. -
p.
83.

-
21 1 -
mené la constitution d'une psychologie génétique, qUl nous
indique, pour chaque phase de son évolution, les intérêts
correspondant ~ la maturation organique, à ses besoins, ~
ses rapports sociaux du moment. Déjà Rousseau disait aussi
"Traitez votre élève selon son âge".
(1) Ces études ont
apporté beaucoup de précision, et de solidité aux idées
vagues de l'expérience courante. M. Debesse précise toute-
fois, qu'une "éducation génétique ne repose pas seulement
sur l'idée banale qu'il faut tenir compte de l'âge de
l'enfant, mais se fonde sur la conviction que les grandes
étapes de la croissance, correspondent ~ des réalités dis-
tinctes".
(2)
A vrai dire,
la période scolaire de l'enseignement
prlmalre ne correspond guère qu'à une seule phase du dévelop-
pement infantile,à celle qu'on appelle la troisième enfance
(3) où prédominent les intérêts techniques, mécaniques,
constructifs, et où s'opère la socialisation. L'enfant de
cet âge est très préoccupé des choses.
Il veut savoir comment
elles sont faites et quelles sont leurs propriétés, etc ...
L'enfant de la seconde enfance de 3 à 7 ans, est
caractérisé par sa vision plus affective qu'intellectuelle du
monde, par son égocentrisme.
Il voudrait tout manier à sa
guise; et c'est bien ce qui traduit le jeu de cet âge, par
lequel l'enfant se plonge dans le rêve avec volupté, choses
(1)
ROUSSEAU -
J..bJ..d p.
79
( 2)
VEBES S E (M)
- .e. e.1..l ~ ta/? e.1..l d e. .e.' é. due at J.. 0 n -
p.
1.
(3)
CESARI
(P)
-
Pl..lljcho.e.0C--<-e. de. ..e.'e.116al1t PUn "q~e. Mj./~-je." 11° 369
a aMl..l-<- LÀPÀREVE: l' ~dLleatiol1 6ol1~t,<'-Ol'tI1e.Ue.
Ve.R.aehaux - Nutié..

-
21 2 -
\\
et gens ne lui servant que de vague support et de mouvants
repères.
C'est bien ce qUI indique aussi son goût pour les
contes et légendes, qui n'ont pas pour lui la même signifi-
cation que pour nous.
Le monde imaginaire et le monde réel
se différencient fort peu pour lui.
Cependant, c'est l'âge
aussi de l'acquisition dans la famille
des attitudes
morales fondamentales
: notion du beau et du vilai~ du Bien
et du Mal, du propre et du sale. Organisation du dégoût et
de la pudeur. Enfin il faut aussi songer assez tôt
à l'éveil
des intérêts qui caractérisent la période de préadolescence.
Cet âge est celui o~ la personnalité s'affirme en
se concentrant sur elle-même, dans une complaisance à la
sentimentalité, nourrie et exaltée d'imaginations, d'aven-
tures plus ou moins romanesques.
Le monde réel ne peut plus être ignoré, malS
l'enfant refuse de le limiter au présent, comme
trop
étroit, et trop marqué. Et il cherche une voie libre aux
ambitions et aux rêves d'avenir. Tout cela constitue des
points de repère vers une psychopédagogie de l'intérêt mais
qui, utilisée inconsciemment par les conteurs-narrateurs,
demeure informelle,
diffuse.
2 - Contes et psycho-pédagogie de l'intérêt
Nous savons que le
mode de délivrance du message est
différent
selon le texte et la personnalité du conteur.
Les conteurs se sont appliqués à rechercher les intérêts
profonds de l'enfant,
SOUCIeux de lui faire acquérir le
sens moral de certains
contes et légendes sous la forme

-
213 -
choisie et au moment opportun.
Sans nous répéter inlassable-
ment, nous avons souligné dans les modalités de transmissio~
que les conteurs avaient plus d'un tour dans leur sac, pour
attirer, captiver l'enfant sans contrainte aucune
a)
le jeu des intonations suit de près les péri-
péties de l'action et les changements de personnages.
(voix
aiguë des femmes, voix nasillarde, onomatopées
imitant des
chutes ou l'écoulement d'une source, etc ... ).
b) L'emploi des geste, mimiques et expressions,
démarches d'animaux, mouvements d'épaules, pas de danse,
attitudes comiques, etc ...
c) Les bruitages symboliques sont un procédé très
goûté, des enfants
(cliquetis de bijoux,
imitations de chants
d'oiseaux, de rythmes de tambour, de pleurs, etc ... ).
d)
L'association du récit avec la musique soutient
l'attention infantile.
L'enfant est sensible à la musique et
par conséquent,
intéressé par la suite du récit.
e) Le contact du narrateur avec l'auditoire.
Il y
a parfois échange de questions "Que pensez-vous qu'il va
faire ?" "qui gagnera ?" etc ...
Les excellents conteurs ont manié intuitivement de
tout temps ces données.
Ils l'ont fait depuis toujours avec
plus de facilité,
sinon plus de sureté, sans référence aux
catégories de la psychologie génétique et de la psychologie
différentielle.
Instruisant les enfants à leur insu,
ils
ont eux-mêmes utilisé des procédés d'enseignement dont ils
ignorent les bases psychologiques et génétiques.
La trame du

- 21'1 -
récit qUI se situe parfois de ] 'autre côté de la logique,
répond
au besoin de négation du monde réel, à la manie
exaltée d'imagination et d'aventures plus ou moins romanes-
ques de l'enfant.
Le cadre dans lequel se situe l'action du conte
fait partie de l'action imaginaire que l'enfant veut mener
au gré de ses rêveries.
Le héros du conte doit vaincre et
revenlr au pays chargé de gloire et plein de bonnes inten-
tions pour les plus faibles de sa contrée. A travers les
contes et légendes, voyage l'âme enfantine et aussi elle se
risque,
s'engage, se régénère. L'enfant ou l'adolescent
qui se livre à
l'ensorcellement de la narration, défie dans
l'esprit
l'inexorable et s'ouvre aux promesses du possible.
De cet irremplaçable apprentissage du courage etde
la générosité
par la voie du fantastique dépend pour une
bonne part la future vigueur de l'esprit, le choix qui va
incliner
sa
VIe vers la servitude résignée ou vers l'é-
nerglque liberté.
Les contes et légendes servent à capter l'intérêt
des enfants dans les sociétés traditionnelles de l'oralité
qui, pour surmonter le handicap de manque d'écriture ont
valorisé les littératures populaires comme véhicule de la
sagesse, de la morale sociale, et de la philosophie.
Pour
elles, contes et légende~
sont précieux comme amorce, comme
appâts et, sans perdre de temps,
les conteurs passent à
l'essentiel.
La logique du récit met en valeur aux yeux des
enfants l'antithèse de la gourmandise,
de la méchanceté, de
la poltronnerie, de la jalousie, du vol, etc ... qui sont des

-
21 5 -
morales de base pour accéder à un haut degré de moralité
soit par l'initiation, soit sous forme d'enseignement ésoté-
rique de père en fils.
Dans les premières années de son existence, le
jeune enfant vit dans un monde à lui, dans une fiction

il est à peu près le maître. Les contes et légendes viennent
opportunément meubler cet univers;
l'enfant est alors très
réceptif au message véhiculé par les récits qui donnent
l'apparence de l'amuser, de le divertir, mais qui l'ins-
truisent à son insu, des normes de sa société.
Ce n'est que progressivement
qu'il se heurte aux
résistances et aux défenses des choses et des êtres. C'est
lentement qu'il en vient à l'observation, plus lentement
encore qu'il prend "le sens de la tâche, de la poursuite
d'un but, de l'ajustement des moyens, des règles à observer,
de la portée soutenue de l'effort," (1) qui constituent les
travaux des champs) la surveillance des animaux qui paissent
dans la savane. Le danger de maintenir l'enfant dans deux
univers contradictoires est réel.
Les séances nocturnes de contage sont des activi-
tés toutes spontanées, alors que les travaux champêtres, la
quête des fagots
et de l'eau,
(tâches dévolues aux filles),
sont des activités à peine dirigées. L'enfant, dès le lever
du jour, va au champ avec son père, tandis que la fille va-
que, avec sa mère, aux tâches ménagères quotidiennes avant
de rejoindre les hommes dans les champs, où il ne convient
plus de passer le temps à jouer.

-
Z16 -
Les procédés attrayants et les préoccupations d'enseigner
par la joie sont complètement écartés et négligés. Mais
bien que l'univers des travaux champêtres vienne contreba-
lancer celui des contes et légendes,
il ne faut pas sous-
estimer l'efficacité des préoccupations pédagogiques des
conteurs. L'on sait que les contes abordent tous les sujets.
Certains contes ne flétrissent-ils pas la paresse et
l'oisiveté?
Il est bien évident que, dans une société tradi-
tionnelle essentiellement agricole,
les contes relatifs au
travail mettent en valeur l'effort quotidien, l'épanouisse-
ment de l'individu par le travail, la considération de
l'individu par le volume de ses greniers.
Les greniers
p le ins à r as- bord témoignent
aux yeux de la communauté qu'on
s'est bien attelé à ses travaux champêtres, qu'on a bien
sarclé son champ en temps opportuns. A travers les contes,
l'enfant intériorise inconsciemment toutes ces valeurs
agricoles.
Il voudra, plus tard, ressembler à son père
avoir un champ très vaste
où les épis de maïs, de rIZ ou de
mil
s'entrechoqueront au moindre coup de vent.
Et être
aussi l'objet des considérations que la commUnauté confère à
son père.
L'enfant est conscient des classes d'âge
"Le phin~ipe de la ~ubohdination de~ plu~
jeune~ aux a-<:-né~. L'âge ~i6ni6ie havoih et
autohité ; il hègle le~ obligation~ ~o~iale~,
leJ nohme~ qui hégi~~ent la maniè~e de
~alue~, de ~'habilleh,· de mangeh, de ~e
tenih en publi~ ; de pahti~ipeh aux hite~.
A l'intéhieuh de la ~o~iété en6antine il
inthoduit de~ ~livage~ higouheux, au point
que l'on pouhha intehdihe pah exemple a une
~la,~,~e d'age de joueh ave~ une authe.
L'a-<:-néut
~ouvent pOUh le plu~ jeune le plu~ ab~olu

- 217 -
deh
maitneh,
~ontne lequel, li n'a n~ dnolt,
VIl ne~oun.6
d' au~une honte".
(7)
Pour briser les carcans de ce clivage,
il cherche-
ra à accomplir les mêmes travaux que les adultes,
ses
aptitudes à effectuer telle ou telle tâche
lui vaudront de
la considération de leur part, et à passer, sitôt l'âge
venu, au degré supérieur de la classe d'âge. Les travaux
champêtres, la construction d'un habitat,
sont autant de
techniques qui contrastent avec l'univers merveilleux des
contes et légendes. Mais une longue suggestion à travers
les contes et légendes aura eu raison du danger de rebuter,
de dégoûter l'enfant à jamais de ces tâches utilitaires ..
Les contes et légendes
auront préparé l'enfant à
affronter des activités à peine dirigées, grâce à la connais-
sance psychologique ou intuitive, des intérêts profonds de
l'enfant, "de l'appétit de son moi, des désirs de son
organlsme.
en crolssance, de ce qu'il réclame impérieusement
pour se réaliser" (2).
Et voilà que l'enfant,
sans jeu, sans
divertissement, se prend aux travaux d'adulte, qui feront de
lui un homme éprouvé, accompli, fait pour le bien de la
communauté. L'enfant, après plusieurs étapes
dans sa crois-
sance biologique,est devenu un adulte. Après l'éducation de
base, tout adulte qu'il est devenu,
il doit chercher à
comprendre, accéder à un certain niveau de compréhension des
contes et légendes, le niveau ésotérique.
(7)
ERNY
(Pl
-
L'enta.nt et hOVI milieu eVIA6~queNo~e, p. 83.
(2)
DEWEY
(J)
-
E~ole. et e.n6ant-6 - p.
46.

- 218 -
v - POUR OU CONTRE LE MERVEILLEUX DANS L'EDUCATION?
Aborder le problème du contenu des contes peut paraitre un
sacrilège pour certains pédagogues trop scientistes et
positivistes. On a pris l'habitude de les considérer
comme
des réalités purement poétiques qui rélèvent d'un monde
imaginaire et qui y renvoient.
C'est vrai
en un sens, mais
les mondes imaginaires, eux aussi, parlent du monde réel.
Comment méconnaitre que les contes s'adressent
explicitement à un public enfantin et adulte
pour qui
tout a un sens.
Il est inexact de parler de peuple inculte,
avide de récits puérils.
Sans nier la valeur que peut pren-
dre la culture écrite,
il ne faut pas sous-estimer la
tradition orale.
Rassembler les éléments d'un récit,
le rendre
homogène et passionnant, c'est une opération spécifique qUl
suppose toujours l'expérience d'un spécialiste, d'un artiste
à part entière. Or, justement, le conteur doué ne récite pas
un texte qu'il sait par coeur; son travail ~ssocie étroite-
ment mémoire et création. L'histoire qu'il raconte fait
partie d'un répertoire qu'il connaît à fond,
et qui est
d'ailleurs
connu parfois de son public. Mais il ne cesse de
l'adapter, c'est-à-dire de le modifier, plus ou mOlns
profondément, pour tenir compte de l'attente et des réac-
tions de son auditoire. C'est bien là une des raisons
majeures qUl rendent le conte captivant.
Indépendamment même des trivialités et des scènes
scabreuses,
ils contiennent à peu près tous plusieurs
niveaux de ~oo~r6hension et des épisodes qui, pour être com-

- 219 -
pris en terme philosophique et moral, exigent une réelle
expérience de la vie.
L'analyse du contenu des contes confirme qu'ils
s'adressent aussi bien aux enfants qu'aux adultes.
Ils
représentent un reflet des superstitions, des craintes et
des espérances populaires, au cours des longues durées où
les connaissances sont peu annoncées et où la misère et
l'oppression apparaissent comme des lois de notre espèce_
Les contes et légendes ont pour fonction aussi de rassurer
l'individu, de le faire communiquer, avec un idéal de
justice et de revanche. Aussi,
le héros le plus apprécié
des contes, c'est un brave garçon ou une pauvre fille,
cadets sans fortune ou peu
avantagés par le sort, et qui, à
force de bonté, de piété ou de ruse, avec parfois la compli-
cité d'un être surnaturel
ou d'un parent mort reconnaIS-
sant, finissent par tirer leur épingle du jeu.
Le héros du conte, on l'a vu, handicapé à l'origi-
ne, finit par remporter la victoire
sur un plus puissant
que lui. Or, c'est justement la situation de l'enfant dans
le monde des adultes ou dans celui des aînés. Le conte, en
privilégiant les relations de préférence, d'impuissance et
de puissance, aborde ses préoccupations les plus constantes
qui concernent sa sécurité et sa situation dans la phratrie.
Il sympathise avec le type de héros qui lui permet de se
rassurer et d'entrevoir que lui aussi, quelque jour, trouve-
ra sa place au soleil. En bref,
tout se passe comme si cette
"enfance de l'art" par une sorte d'alchimie spontanée, se
transformait très naturellement en "art de l'enfance".

- 220 -
Certains pédagogues rejettent en bloc cet héritage
empreint d'humanisme et veulent imposer aux enfants
une
conception scientiste
et bornée . Car il faut noter que ce
qui semble gratuit à l'adulte ne l'est pas nécessairement
pour l'enfant qui,
c1'1ns les récits les plus "fantaisistes" parvient
souvent à récupérer des structures linguistiques et logiques.
Comment oublier que les contes et légendes, malgré
quelques scories restent un immense réservoir de sagesse?
La preuve c'est que certains poètes et écrivains,
sont venus y puiser : RABELAIS, MOLIERE, LA FONTAINE, GOETHE
ou NERVAL.
Sans doute, ces grandes plumes
s'en sont-ils
servis comme d'une piste d'envol. Mais on peut se demander
s'ils se seraient jamais envolés sans cette piste. Un
autre aspect culturel du contage est l'art de la parole.
Alors que l'art africain "concret" achève de conquérir le
monde occidental, pour lequel la valeur de cette source
d'émotion esthétique ne se discute même plus, il faut recon-
naître que l'art de la parole n'était possédé que par les
sophistes de l'Antiquité grecque. Ceci dénote d'un passé
(!lorieux révolu.
Comment expliquer cette lacune, si ce n'est par
un manque de curiosité, un préjugé solidement enraciné à
l'égard de la tradition orale? Le plaisir esthétique que
l'on trouve aussi à ces récits
n'est pas celui de la nou-
veauté, mais celui d'entendre conter d'une manière élégante,
fidèle et complète, une histoire que l'on connaît par ail-
leurs.
De plus, la signification symbolique de ces contes,

-
221
-
bien connue des adultes dans les sociétés traditionnelles
est un élément de préservation. Nous avons tenté de démon~
trer que les contes sont une sorte de moule privilégié,
dans lequel on retrouve fondus ensemble tous les éléments
de la culture; ils peuvent être analysés sur tous les
plans: psychologique,
social, moral, mythologique, etc ...
Ils sont aussi le reflet d'une conception du monde et de
l'homme. Leur forme de style
n'est
pas dénuée d'intérêt.
Il est le ressort secret de la pédagogie, de l'art du
contage.
1 -
Bruno BETTELHEIM ou la défense des contes
merveilleux:
(1)
Pour certains pédagogues, les fées sont des re-
flets historiques, elles ont correspondu à une époque où
les connaissances étaient rares; à présent, les masses
populaires sont éduquées ou s'éduquent.
Ils adoptent une
conception matérialiste et scientifique du monde.
Les fées, par définition, contredisent les lois de
l'univers qui nous entoure. Elles apparaissent comme une
survivance dont il serait fâcheux de nourrir les enfants.
Un certain nombre d'éducateurs, avec beaucoup de bonne foi et
vivacité, défendent ces positions, par exemple André BRAUNER.
Mais le livre de BETTELHEIM se distingue des autres
ouvrages psychanalytiques, car son approche n'est pas généti-
que.
Il se pose les questions suivantes:
(1)
BETTELHEIM
(B)
-
P.6yc.hanalY-6e. de.-6
c.onte.-6
de.
6ée.-6
- 1976.

- 222 -
- Qu'est-ce qui a produit le conte?
- Quel effet produit le conte sur l'enfant qui l'écoute?
Il puise dans le répertoire de GRIMM les contes
pouvant répondre à ses interrogations.
Pour BETTELHEIM, le merveilleux, loin d'empêcher
cJlez l'enfant le développement d'une connaissance ration-
nelle du monde,
lui apporte la sérennité psychique dont il
a besoin au moment où il en a besoin. Le conte indique clai-
rement qu'il apporte un enseignement utile non pas sur le
monde extérieur, mais sur la réalité psychique. C'est une
réponse imaginaire à un conflit réel.
Les sorcières, les ogres,
les dragons et autres
personnages effrayants ne sont que la projection des an-
goisses et des phobies de l'humanité. Loin de traumatiser
l'enfant comme on le croit communément, ils le rassurent au
contraire, en lui montrant que ses propres fantasmes, de
loin aussi violentes, ne sont ni uniques, ni monstrueux. Ce
n'est qu'après avoir projeté ses angoisses sur des objets
externes, que l'enfant peut commencer à les trier, les
comprendre,
et les maîtriser.
Certaines versions modernes, édulcorées, supprl-
ment le châtiment du méchant, souvent cruel dans les
versions traditionnelles.
(Ogresse jetée dans une cuve à
vipères, marâtre de Blanche-Neige forcée de chausser des
souliers chauffés à blanc, et de danser jusqu'à ce que
mort s'ensuive, oiseau qui crève les yeux de la soeur de
Cendrillon, etc . .. ). Cette intervention malencontreuse ne
fait que troubler l'enfant.

-
223 -
La punition cruelle,
indispensable au bénéfice psychologique
du conte, assure à l'enfant que le Mal - le fantasme effa-
yant - a été définitivement supprimé. De même,
le mani-
chéisme du conte, parfois accusé de donner de la société une
vision irréaliste et
réactionnaire, est en fait indispensa-
ble. La seule manière dont le jeune enfant peut instaurer un
certain ordre dans son monde intérieur, chaotique et conflic-
tuel est de
l'organiser
selon des couples de concepts
opposés:
le Bien et le Mal, la Force et la Faiblesse, le
Succès et l'Echec, etc ...
Le conte merveilleux n'est pas toujours "moral"
il arrIve que le héros réussisse par la ruse ou par la
malhonnêteté. Pour BETTELHEIM, ceci n'a pas de répercus-
sions graves pour l'éducation morale de l'enfant,
justement
parce qu'il s'agit d'un conte merveilleux, non d'un conte
réaliste, et qui se situe d'emblée sur un autre plan.
Tous les enfants se débattent contre le sentiment
de leur impuissance par rapport aux adultes.
Ce type de contes affirme à l'enfant que même les
plus faibles peuvent réussir dans la vie.
2 - Contes merveilleux et développement
psychologique de l'enfant
Pour BETTELHEIM, l'enfance est comme un long
effort, souvent douloureux.
Il faut maîtriser, progressivement les déceptions
narcissiques de la petite enfance, les lien~ èe déDendance
enfantine, les rivalités entre frères et soeurs, les angois-

-
224
-
ses et les conflits Oedipiens,
les images parentales
inté-
1
grer les différents aspects de la personnalité
(Ça - Moi -
Surmoi), acquérir une personnalité indépendante, un sens
moral, etc ...
Dans ce processus de la maturation,
le conte mer-
veilleux joue un rôle indispensable, parce que, traitant de
manière symbolique des problèmes mêmes avec lesquels
l'enfant se débat,
il s'adresse simultanément à tous les
niveaux, conscient, préconscient et inconscient, de la
personnalité. Le conte merveilleux parle directement à
l'inconscient.
Il ne s'agit, certes, pas de message univoque,
mais d'un dialogue vivant entre l'inconscient du conte et
celui de l'enfant.
Suscitant tout un réseau de rêveries autour de
ses divers éléments, le conte merveilleux permet à chaque
enfant d'élaborer ses propres réponses à ses problèmes,
lesquelles peuvent d'ailleurs varier au cours de son évolu-
tion.
Le conte merveilleux donne forme et présence aux
tensions du Ça que, par là,
il exorcise, tout en suggérant
des solutions qui sont en accord avec les exigences du Moi
et du Surmoi.
Loin d'être un catalogue de symboles, chaque conte
est un tout cohérent, qui renvoie à une situation fondamen-
tale
(fixation orale "Hansel et Gretel", crise Oedipienne
"Blanche-Neige", premières règles et sommeil de la période
de latence "La Belle au Bois Dormant", etc ... ) mais ne reçoit
de signification que comme forme globale.

-
225 -
Chaque conte est le récit d'une "métamorphose", d'une
initiation du héros qui franchit une étape, et atteint un
niveau de conscience supérieur, après aVOIr surmonté les
dangers - les risques psychologiques -
inhérents à tout
processus de maturation.
3 - Les constantes du conte merveilleux
Certains épisodes des contes merveilleux offrent des person-
nages et des motifs récurrents comme suit :
a)
~~Q~~!_2~_h~~Q~
Qu'il s'agisse d'un exil ou d'un départ volontaire
pour chercher fortune,
c'est là le fondement même du conte
merveilleux. De même, le jeune enfant
doit renoncer à
s'accrocher à ses parents et
accepter le défi du monde
hors de la main familiale pour acquérir personnalité et
indépendance psychique.
d)
~~~2~~~~~~~~
Les dangers que rencontre le héros au cours de
ses aventures correspondent aux risques psychologiques en-
courus par le Moi du jeune enfant, lors de son combat pour
l'autonomie.
Un rôle essentiel est joué par les différentes
figures de l'Adversaire: Loup, animal féroce, dragon,
sorcière, ogre, géant, etc ... toute projection personnali-
sée de divers fantasmes
: le loup forme privilégiée en
France
de l'animal féroce représente le Ça non encore
maîtrisé,c'est-à-dire
les forces instinctives dans ce
qu'elles ont d'associaI et de destructeur.

-
22 Cl -
L'ogre, le géant, sont des images paternelles négatives, de
même que le roi est une imago paternelle neutre et le chas-
seur une imago paternelle positive, etc ...
c) k~_ç~g~!_~t~El~!.: BETTELHEIM appelle
aInSI non pas le motif du type "Cendrillon" l'enfant rejeté
et maltraité par une marâtre et des frères et soeurs, mais
celui du cadet considéré comme simplet par ses aînés, malS
qUI ne semble pas malheureux, puisqu'on n'exige rien de lui
ce qUI rappelle à l'enfant ses toutes premières années,
heureusement sans conflit, mais vides.
d)
~~_g~~~~~~_~~~~!!!~~~
Bettelheim voit là un motif Oedipien.
Le scénario
du conte reflète directement celui du fantasme de la petite
fille, qui, amoureuse de son père, imagine que celui-ci la
pré fèrerai t pour compagne,
et
. que la mère a usurpé la
place de l'enfant auprès de lui.
L'héroîne du conte représente aInSI l'enfant, et
la fiancée substituée représente la mère.
e)
~~_<1Q~~!~~!:
L'enfant est aussi sûr de recevoir de l'aide dans
ses aventures loin de la maison paternelle. Il faut noter
aussi le cas des animaux secourables, symboles de l'énergie
naturelle qui, mise au service de la personnalité toute
entière, c'est-à-dire maîtrisée, assurera le succès de l'en-
treprise du héros, alors que les animaux féroces symbolisent
souvent le Ça non encore maîtrisé.

-
227 -
4 - Mariage et montée sur le trône
L'intrigue de chaque conte merveilleux, on l'a vu,
symbolise pour Bettelheim, l'un des processus de maturation
auxquels est soumis le jeune enfant.
Au début du conte, le héros est à la merCI d'au-
trui
il a souvent des relations problématiques ~vec l'un
de ses parents. A la fin du conte,
il monte généralement sur
le trône et se marie. Le dénouement conventionnel et irréa-
liste correspond tout à fait aux besoins psychiques de
l'enfant; il ne peut encore imaginer le bonheur que sous la
forme: VIvre constamment près de la personne qu'on aime et
ne plus être à la merci d'autrui.
Le dénouement traditionnel des contes merveilleux
est aInSI la solution parfaite aux angoisses et aux diffi-
cultés de l'enfant.
Il signifie à la fois l'arrivée à l'âge adulte
(mariage), l'obtention de l'indépendance personnelle (il
n'est plus gouverné,
il gouverne)
l'exorcisme de l'angoisse
de réparation (ils vécurent Deureux jusqu'à la fin de leurs
jours), la liquidation
des imagos parentales (il reconnaît
que le roi père, qui lui accorde son royaume et une épouse,
est bienveillant~ et de l'Oedipe (il établit un lien affec-
tif durable avec une princesse/ un prince charmant, c'est-à-
dire une partenaire idéale, bien que n'étant pas l'un des
parents).
Par là, l'enfant reçoit la certitude que, tout
comme le héros du conte, lui aussi acquérra une personnalité
bien intégrée, et donc la véritable indépendance.

- 228 -
CHAPITRE VII - LES CONTES ET LES LEGENDES FACE AUX NOUVELLES
PERSPECTIVES EDUCATIONNELLES
L'éducation africaine traditionnelle trouvait dans
l'organisation lignagère une base particulièrement nette et
précise, singulièrement au niveau de la famille élargie:
c'est ainsique le patriarche restait le servant privilégié
de l'autel des ancêtres. Or, ce qui frappe
quand on étudie
la société traditionnelle africaine, c'est son caractère
globalisant. On y retrouve la dimension économique:
la
famille constitue l'unité
par exellence de la production,
de répartition entre ces unités des moyens et des produits,
enfin de consommation.
Puis une dimension jurico-politique où sont réa-
lisés "la détermination du statut personnel des individus
la règlementation de la propriété et de l'héritage, les
rapports d'autorité et leurs effets sur la constitution des
organismes (assemblées d'adultes, conseils d'anciens) qui
assurent la régulation de la vie sociale en général"
(1).
Enfin, une dimension idéologique où sont réalisés
les conditions idéologiques du fonctionnement du système
solidarité entre frères, primat de l'âge identifié à la
sagesse, représentations religieuses, activité liturgique,
culte des ancêtres.
(1)
GOVELIER [MI
- Ma~xi~me,
anth~opologie et neligion in
IEi~tomologie et Ma~xi~me 10/18 - 1972 -
p.
139.

- 229 -
l - LA FAMILLE EN MUTATION
La famille négro-africaine reste aujourd'hui le
théâtre d'une double
mutation,
certainement irréversible,
d'ordre morphologique et fonctionnel
(1) qui se répercute
profondément sur le plan éducationnel.
1 - Mutation morphologique
Elle se réduit (ou tend à se réduire car les résistances
sont vivaces) notamment en milieu urbain, à la famille
nucléaire.
Par suite du prestige du modèle occidental
et
des exigences économique~ la filiation matrilinéaire semble
en voie totale de disparition tandis que s'impose la filia-
tion patrilinéaire. En ce qUl concerne la résidence, les
faits de matrilocalité et d'avunculocabilité accusent une
perte de vite~se certaine.
"Le -6lJ-6t.è.me d'apre.{{at.,{oVl dont. un -6a~t. qu/~t
rOU~-6u,{t. un cad~e à {'~nt.é~'{e.u~ duquel t'in-
dividu -6e. -6it.ue.
et. -6e meut. -6ocialement.,
e-6t.
c.on C.U~fL e nc. é e. n vi{le. e.t. même. dan-6 le. ma nd,e:
fLu~a{ :
(nouveau code de la 6amilte) pa~ la
te~minologie eu~~ple:nne. L'allianc.e -6e
~envoie. néc.e.-6-6ai~e.'rn'e.l1t à l'endogamie" [2 J.
Qualitativement, les liens de parenté ont beau-
coup perdu de leur chaleur et de leur intimité et n'engagent
plus comme jadis devoirs et droits précis; le-s "institu-
tions fusionnantes" perdront leur force, le conseil de
famille n'ést plus écouté comme auparavant.
(1)
THOMAS
(L.V)
-
B.I.F.A.N.
XXX,
B,3
;
p.
1005
-
1968
-
~lL{-6e dyna'J1,{que de ta 6am,{lle -6énéga-
ia-<.-,.) e.
(2)
THOMAS
IL. V.)
- La tefL~e a6~,{c.a,{ne et ~e-6 ~elig,{an-6
r. 272 et ~ult..

-
230
-
Il La
Jte.tat~on mè!Le.- e.nnant e.J.Jt tJtoubtée. paJt
t'ango~J.J6e
de ta mèJte qu~,
paJttagée entJte ta
tJtad~t~on e.t ta modeJtn~J.Jat~on, ne tJtouve
ptu6 t'appu~ dan6 6a pJtopJte nam~tte.
Le
"J.Je~n"
e.J.Jt meJ.JuJté, teJ.J c.ontac.t6 c.oJtpoJtetJ.J
J.Jont Jtédu~tJ.J,
te J.JevJtage eJ.Jt ptu6 pJtéc.oc.e.
VeJ.J peJtn0Jtmanc.eJ.J J.Jo~t ex~géeJ.J dè6 teJ.J
pJtem~èJteJ.J
annéeJ.J.
Cutpab~t~té et obJ.JeJ.J6~on
émeJtgent
danJ.J teJ.J c.ompoJttementJ.J quot~d~enJ.J
et ta pathotog~e meVltate.
Le moJtc.ettemeVlt et
ta déJ.JoJtgan~J.Jat~on de6 modèteJ.J c.ottec.t~nJ.J,
ta 6ot~tude daVlJ.J ta 6JtatJt~e et ta t~gnée
pJtépaJtent ta J.Jc.h~zophJtén~e, dont te taux
J.Jembte augmenteJt paJtattètemeVlt à ta Vluc.téa-
Jt~6at~oVl nam~t~ate et à t'abaVldon deJ.J
vateuJtlJ t!ud~t~o nnetteJ.J".
(1)
2 - Mutation fonctionnelle
Certaines tâches traditionnelles échappent à la
famille d'aujourd'hui;
l'activité liturgique notamment sous
l'influence de l'isla-m et du christianismej
Le rôle politi-
que, puisque l~unité locale d'organisation politique se
confond clésormais avec la cellule du p-a-rt ij
L'importance
économique acvec les conditions moderrres de travail salarié
env i Il e, l ' ex i s t e-n ce d-es coo p é r a-t ive s da TI s I e 5 campa g ne s
(seul s demeurent son ét.a:t d'uTI,ité de consommation, et,
dans
le mo n-de T.l:l:r"a~..,
ce1 ui d'un i t é de r épart~i:tion).
Sa fonc t ion
péda-goigiq.ue -d_'instruction que lui r-a.v-Lt l'école es-t d'auto-
r it:é maTa le.
Trad-itionnellement,
l ' a,u,tGTité
(pouvoir de se
faire obéir et respecter,
de transmettre un idéa.l)
s'exerce
collectivement mais reste dominée par la figure du père et
s'appuie SUT les valeurs de respe~t et de conseil.
( 1)
COLLOM-B (H! e;t VALATIN (S) : Modo.1.déJ.J de mate.JtVlage, oJtganMat~n
d.z fu pe-'LOonno.1.dé et c.hangemenM 60Uaux Jtap~de..0 -
JteULLe ~titut ~~nc.e~ ~oc.iate..0 XX, 3, 1968 - p. 488.

-
231
-
Ainsi
y a-t-il une" nucléarisation de l'autorité
qui repose désormais sur le seul groupe conjugal: plus de
père ou de mère "collectifs" mais installation
de rela-
tions restrictives duelles, singulières, limitées, anarchi-
ques.
Indifférence des proches ou des VOlSlns qui ne se
sentent plus concernés et refusent de plus en plus d'inter-
venir à propos d'enfants qui ne sont pas les leurs
effritement des cadres sociaux coutumiers - classes d'âge et
sociétés initiatiques - que ne compensent que médiocrement
les groupes d'amis, mais aussi carence des structures
éducatives pré-scolaires tels que jardins d'enfants, ou
socio-éducatives comme les mouvements de jeunesse ou les
associations dites culturelles.
II - UNE NOUVELLE INSTTTUTION EDUCATIVE
L'ECOLE
"L'éduc.ation tttaditionl1eile .6 e L'Louve c.or:.-
c.uttttenc.ée dittec.tem~nt patt l'éc.ole qui .6'im-
plan.te patttout et ttépa.Y1.d,
mime. c.hez c.eux
qu'elle ne touc.he pa.6 immédzatemenL,
de.6
idéaux et un .6avoi-tt nouveau.
Ma.i.6,
d-'au:i:.tr:e.
pa.ttt,
eLfe e.6 t
Ùl.6en.6 ib-leme:rlt a.tté/tée.. du
n-ait que la .6oc.ié;té c.outumiëttequi lLLi a
donné nai,Ha.nc.e f.,"e tttaJ!/..6 ~o/fme .6utt le r:r.tcm'l.
éc.onomique,
.6oc.ial et politique.
C'e.6tain.6.i
Q'U e le.6 homme.6 en .6 on t
.6 ou v e-nt ttéduit.6 à
.6 1 expatttiett P'ou:tt ttt-atraiLtfLtt d.an.6 leo potttJ.l,
le:.6
plantation.6 ou le..6 mine.6,
ct i.t.6 ne.
peu vent plu.6
j 0 u ett .t e LLtt-6 tt ê f. e.6 cl e pè-Jt e,:, e.t
d'onc.le.6 .6elon le.6
nottmeâ a.nc.i~l1ne.6. .•.•
Le pa.6.6age a l'éc.ole devient le c.ttitène
maj eutt de din néttenc.iatio n e I1ttte la ntta.c.-t.{.o~!
tttaditionnali6te et la
~ttact~on modettni.6tz
de la population,
qu'op~~.6e patt6oi.6 un anta-
gonL~me ptto6ond.
Il ouvlLe La v.oie à de nau-
vel.te.6
ptto6e,Hion.6,
et UYt nouveau mode de:
vie 60ndé ·6U/1. ta l1.émuné}tatzon indiv; r/IJe.J:.le. H
.t'entttée dan6 l'univett.6 .6c.olaitte boulev~tt.6Q
toujoutt6
60htement le6 habitude6 antétti~utte.6
et c.ttée de nouveaux be.6oiI16".
(1)
( 1) ERNY (Pl - L'e.n6an,t e.t Mn miUeu en A6ttique No.<.Jte - pp. 270-271

- 232 -
L'éducation scolaire,
au contraire,
invite l'en-
fant à s'individualiser sur un mode nouveau,
à
s'affirmer
par des r~ussites personnelles, à acquérir des connalssan-
ces précises sanctionnées par des diplames officiels.
Il en
résulte un certain nombre de conséquences.
"L'-<"nd-<..v-<"du dev-<"ent -6on p!l..Op,'Le_
-6auve.u!l..; Lt
n'a plu-6 la ~e.!l..t-<"tude. d'êt!l..e. a-<"dé e.t p!l..-<"-6 e.n
~ha!l..ge. pa!l.. le. g!l..oupe..
Il lutte. POU!l.. la v-<"e.,
-<"l ent!l..e. dan-6 la ~ompét-<"t-<"on -6o~-<"ale. ; le.-6
!l..ègle.-6 du donne.!l.. e.t du !l..e.~e.vo-<"!l.. -6ont t!l..an-6-
g!l..e.-6-6ée.-6 ; le dépa-6-6e.ment e.-6t valo!l..-<"-6é, le.-6
~onta~t-6
huma-<"n-6 appauv!l..-<"-6.
L'-<"-6ole.me.nt e.t
la -6ol-<"tude. -6ont ~0!l..!l..~lat-<"6-6 de. la p!l..-<"-6e. e.n
~ha!l..ge. -<"nd-<"v-<"due.lle. e.t de. la !l..e.-6pon-6ab-<"l-<"té.
Ve.-6 -6y-6tème.-6 de. ~ompe.n-6at-<"on,
-<"nd-<"v-<"due.l-6 ou
~olle.~t-<"6-6,
v-<"e.nne.nt ~omble.!l.. le. v-<"de. la-<"-6-6é
pa!l.. l'appauv!l..-<"-6-6e.me.nt de.-6 !l..e.lat-<"on-6. Ce. -6ont
la -6at~-66a~t-<"on dan-6 la !l..éu-6-6-<"te. -<"nd~v-<"due.l­
le. e.t le. -6avo-<"!l..-6a~!l..e., la -6at~-66a~t-<"on de.
pO-6.6éde.!l.., de. thé-6au!l..~-6e.!l...
"Fa~!l..e. e.t avo-<"!l..
~ompe.n-6e.nt le. manque. d'ê.t!l..e."."
(1)
La respoDsahilLté parentale n'a donc jamais été
aUSSI lourde malgré l'importance accrue de l'instituteur
avec q:ui le-s parents sont parfois en conflit, à un moment
où il devieu,t délica.t de s'exprime·r et difficile d'exercer
un contrôle sur l 'enfa,n.t , par suite des absences réitérées
du piè:T:::e. La mè,re ne s;e cont-ente pl us
de son rôle de dispensa-
trice d'amo~ure:t de sécuri.té
sous l'autorité indis-cut-able
de SOI! mari
; elle dit dorénavant suppléer aux carences cl 'un
pè re ahsen,t.,
(r.aiso,fls profe ss ionne Ile s, po l ygamie dispersée)
qui a pe:r:<lu son rô+e rel igieux de Prêtre et de représentant
de s a-ncêt re 5 •
"Lté~o.te. ~o.ton~ale. d-<..:t ERNY, a. eu, du po-<"nt
de. vue. qu-<" nou-6 o~~upe.,
-6e.n-6-<"ble.me.nt le.~
mêm~-6 e.66e.t-6 pa.!l..tout, qu'e.lle. qu'a~t été -6a
fIl
COLUiMB (Hi
e.t VALANTIN
(5)
-
op ~-<"t p. 487.

- 2::i3 -
doct~ine
et hon in6pi~atio~, tant8i plU6
a66imilat~ice, tant6t peu 60ucieu6e deI.,
valeu~6 locale6. Aux étape6 de 60n implanta-
tion,
co~~e6pondent celle6 de la dég~adation
de l'éducation coutumi~~e. A une pé~iode de
~é6i6tance
oa i l 6allait ~e~~ute~ leI., él~ve6
de 6o~ce
et oa la 60ciété a66ichait 60n
con6e~vati6me
et 60n h06tilité, ~uccéda
a66ez ~apidement une aut~e oa une ce~taine
6élection 6'opé~a aU66i bien dan6 leI., appo~t6
nouveaux que dan6 leI., coutume6 ance6t~ale6.
L'acceptation p~og~e66ive de nouvelle~ idéel.,
et maniè~e6 de viv~e et la dé6a66ection
co~~e6pondante à l'éga~d de~ ancienne6, con-
dui~ent peu à peu à une a~pi~ation qua6i
unanime deI., jeune6 à accéde~ à la 6o~mat~on
di6pen6ée pa~ l'école".
(1)
En outre, dans un univers où triomphe le profit,
père et mère deviennent possesseu~ de l'enfant, de l'objet
investi d'espérance
et de valeurs nouvelles et placent de~
espolrs souvent excessifs dans la promotion scolaire ou
professionnelle de leur progéniture.
"Le~ paflent6 eux-mé:me6, d 1 abo~d ,'1. éLlifFli_6 r en
vin!len.t à dé.6i~e~ de pluf., en piu~ œctive-ment
la géné~ali~ation de l1éducatio~ mode~~~r
e~pé~ant aÙ1Lli l'1.éaLLtle,'1. à t~ave~~ LWiI.-!J
en6ant~ cette identi6ication à L' ho-mme rr.ta;f1~c­
à -f-aquelle i-f-~ n'avaient pu a-tteindlte pa-"!.
eux-rné:me~.
Le~ motivatiol'l6 d-el.- [i-n-,6, et d:ej
aut~e~ ~epo,6 ent ~UI1: .t-e confdat que l' al1cj;en~n'e.
cultufle ~re66~ite et que l'~cole ~~ul~ ~f.,f
en me~Uf[e de pflépake-f[ {' ent~ée d-a-n-~ .te: .6Y-tJ--
tèrne nouveau qui p!le~d co~p~.n (2)
entraîne nécessairement une relative incohérence dans le
processus éducatif. La multiplicité d-e-s images parenta:l:e~,
que 1 ' 0 n rencontre enm i 1 i eut r a di t io,nne 1 , n'exprime rien-
d'autre que la répétition d'un modèle unique (pères et
( 1)
ER NY (P)
-
0 P c it
- pp.
2 7 7 - 2 72 .
( 2)
ERNY [P)
-
0 P
c it - p.
2 7 2 •

-
234 -
mères collectifs) malgré le renversement du rapport père/
oncle
maternel si l'on passe du patri au matrilignage
(relation avunculaire).
En revanche,
les problèmes d'adap-
tation à la vie moderne ont dispersé l'éventail des ori~n-
tations familiales.
Ce qui était hier renforcement de
l'autorité est devenu aujourd'hui divergence. Ainsi, peut-
il Y aVOlr désaccord entre l'instituteur et le père, le
père et l'oncle,
Cpour peu que l'un des deux soit plus jeune,
ou urbanisé depuis un temps long)
les parents et les grands-
parents.
Inutile de dire que si l'enfant exploite à son
pr~fit cette absence d'unanimité et la non-liaison école-
parents, en revanche,
il éprouve un cruel sentiment
d'incertitude et de solittude que parfois il compense par
des conduites anomiques. Mais, remarque P. ERNY,
"le -6/j-6tèm·e d'éduc.ation c.outumièJte ne-6e
dé-6agJtège pa-6 de manièJte uni60Jr:me, mai-6 paJt
pan-6 et paJt c.o uc.he-6.
Le-6 in-6 titutio n-6 pé da-
~ogiq~e~ de la -6oc.iété tJtaditionnelle
Jte:c.onnue-6
et pJtomue-6 explic.itement et c.on-6-
c.iemm:en·t c.omme telle-6 -6ont le-6 p1t-e'mièJte-6
.6e-mble-t-Li à di-6paJta:<::tne, aloJt-6 que .te-6
manA..èJte-6 œe 6aiJte qui Jtelèvent de ce que
nOu-6 avon-6 app~lé la pédagogie inc.on.6c.iente,
Q,PPO.6 entU-Yle plu-6
6oJtt e Jt é -6 i-6 tan c.e au
·c.hal'l.g,e-me-nt..
L.e-6 pJtemi èJte-6 -60 nt davantag e
r' e: x~p Jte:-6 -6~ o'n du -6 /j-6 tè me de -6 att Ltude-6 eL, d:e
c.e n·ait,
e.e..e.e-6 to"Uc.~heYlt la peJt-6onnalité à un
niveau plu.6 pJt060nd.
La pédagogi~ initiatique
di.6.paJta:<:.t d'abo-Jtd,
aloJt-6 que le.6 pJtatique-6
de puéJ&ic.uituJte -6ont le.6 pJtemièJte-6 à -6ub-6i-6-
t"e=![_.O.n p-eut diJte que l' éduc.ation donnée pa-Jt
la
6emme demeuJte ptuJ.J li.é.e à la tJtŒdcitiovl,
exlo-JtJ.J qu.-e l'ac.tion eXell.c.ée pal!. le/~ homme-6 e-t
la .6oc.iété globale, -6 l a.ltèJte plU.6 6ac.ilement,
c.a1t,
paft -6a natuJte m~me, elle e-6t davantage
in6luenc.ée de l'exté1tieuJt ...
POUJt toute
c.ette que-6tion, il 6aut -6e JtappeleJt que le-6
anc.ien-6 modèle-6 c.ultuJtel-6 c.on-6tituent aux

/jeux de-6 intéJte-6-6éJ.J plu-6 qu'un .oimple
patteJtn
de c.onduite, mai-6 une véJtitable b0Jtc.e
vitale dont on ne peut -6'a66Jtanc.hiJt -6an~
mettJte en c.aU-6e et en dangeJt -6a pJtopJte e~i-6-

- 25S -
ten~e, et ~a ~u~v~e. Ce~ta~n~ p~o~he~ pa~ent~,
~mbu~ de t~ad~t~on, au~ont toujou~~ une
~n6luen~e plu~ ou mo~n6 ma~qu~e dont on h~~~te
beauc.oup à ~e d~ba~~a,~~e~".
Il)
Car,
traditionnellement,
réussite et religion se
trouvaient rapprochées:
la recherche de la paix,
c'est en
même temps
le souci de l'ordre,
de la sécurité,
de
la
satisfaction des désirs, besoins,
aspirations de la réussite
interprêtée souvent en terme de prestige social.
Rien de tel
en milieu urbain où la réussite est surtout attendue du
prestige
intellectuel
(scolaire)
et de la situation matériel-
le
(monétarisation).
Face à l'école,
l'enfant africain1
surtout s ' i l quitte son village pour la première fois,
paraît démuni:
l'enfant arrive en classe
sans avoir élahoxé
les mécanismes mentaux que celle-ci S·Hppos,e.
II n'a eu entre
les mains,
ni crayons, ni papier.
Il a rarement eu l'occa-
sion de manipuler des objets de forme compl.exe ou comportant
une .pe t ite mé canique .
Tous les objets dont il disp.ose, -eal.e.bas:Sce., paLs,
boîtes,
sont simples et entiers.
Ce sont des "jeux OH. des
jouet.s q:ui appartiennent au milieu de l'enfant,
c'est-à-diTe
de s
j eux et des jouet s endo,gènes"
(2).
l i devr.a îrn:rnédi:ac-tcp.-
ment acp,pre-ndre le français,
c'est-à·-d'ire acquér-ir une
nouvelle vis-ion du monde.
Cet énorme effort irrtel~,ectu'el
cl' adapt ion, 1 ~enfant doit l' a'cccompc-l ir seul.
"Sa 6am~lle t'a en quelqu.e .!J atd.z.
a,.b·uf'ldon·nê
ate ~eu~l de ~et ull-ivV~,~ nouve..au, te. c.C''16-ian--t
( 1)
ER NY (P)
-
0 P
c. ~t - pp.
2 73- 2 74 •
[2)
YAHAYA TOUR EH
(5)
-
L'exp.to-itat-ion de-6 ac.:tiJJ..Lté.·~ f.ud.-i-
que"" à de.~ MrL-6 éduc.ati\\i~' .<.n Uude.lJ et
Doc.tement!! d'Educ.ation - UNESCO W 34 p. 66.

-
236 -
a l'in6tituteun comme 6; ce dennie~ allait
pnendne en change toute 60n éducation.
LeJ.l
panentJ.l ignonent 60uvent tout du tnavail
J.lcolaine
; il6 J.lunveillent,
centeJ.l, leJ.l
étudeJ.l de l'enéant, maiJ.l 6anJ.l diJ.lcennement,
obligeant l'élève a étudien auant et apnèJ.l la
claJ.lJ.le,
pendant leJ.l vacanceJ.l, J.lanJ.l poun
autant le déchange~ deJ.l be60gneJ.l domeJ.ltiqueJ.l
ou deJ.l tnavaux deJ.l champ6". ( 1 )
Ce qUI frappe,
c'est la rupture que provoque
l'école en égard aux techniques traditionnelles de l'éduca-
tion. Non seulement le cadre diffère, ainsi que les program-
mes,
les résultats,mais encore,
l'esprit qui préside à la
pédagogie: désDrmais l'enfant ne doit plus se taire et
ob~ir inconditionnellement.
Il lui faut faire preuve
d'individualisme, d'esprit de compétitiDn, de sens critique
e-t d'in i t i a t ive.
III - LA RESISTANCE AUX MUTATIONS
Sans doute,
"la civilillation négJto-aéJticaùH'
tJtaditioYl-
~ell~, qui eJ.lt d'e66ence payJ.lanne, J.le délite
inélactab:f.ement, 6an6 êtne pou·ft autant
dét~uite. .. dééend-elle encoJte deJ.l valeuJt6,
dont
le monde actuel, ,~ingulièltemen-t la
CJLltuJte 0 ccidentale j po uJtJtai,t /~' ifHpiJt-eJt :
l'aJtt de Jté60udJte le6 ten6ioYLJ.l et le 6 e-n6
de·J.l Jtcel-a-tio-nJ.l humaine-ô ; le -ôo.u.ci co n-ôtant
d'adapteJt
le J.lujet au gJtoupe (intégJtation)
;
l'a-t"titu.de 6ace aux maladeJ.l, J.lù'!.gulièlL~men,t
la maladie mentale (J.lécuJti:oation)
; le -ôe.M
p-tLo'é-ond du COftpLl et de l' équilibJte phy-6ique
r ha-Jtmo niJ.l atio-n) .
On J.l'LnteJtJtoge volontieJtJ.l J.lUJt le 6ait d2.
-6avoiJt ce Qui pe:ut-êtJte en égaJtd aux impéJta-
tiéJ.l de la modQJtnité - et doit Et~e - cnn-
-6eJtvé de tout cela : ainJ.li il eJ.lt que6tion
aujouJtd'hui d'authenticité
[au ZaIJte)
de:
Jte-peltLlonnaliJ.lation
(au Ghana et au NigéJtiaJ,
de négJtitude
(au Sénégal).
(1)
FLIS-ZONABENV - LycéeJ.l de VaR.aJt - MaJ.lpVLO 1968 - pp. 62-63.

-
237 -
"La ILépoJ1-6e à c.ette qUlZ.l,;t,A.-OYI doA.-t,
12.11
OaA.-t,
tenA.-1t compte de thoA.--6 A.-JnpéltatA.-o-6
: tout
d'aboltd,
ta mOl1dlali-6atA.-o~ de~ phél1om~ne-6
polltA.-Que-6 et ~ulttout écol1omlque-6,
ce quA.-
A.-Jnpllque l'exl-6tence néce-6-6allte,
POUIt -6ultvi-
vite,
d'un cehtain l10mbILe d'aju-6tement-6"
(1).
"Conscients de certains échecs de l'école, et de ses effets
destructeurs,
œrtains leaders africains exigent aujourd'hui
le retour aux sources"
(2) ou la création d'un enseignement
adapté aux conditions socio-économiques, aux exigences du
progrès, ,à la promotion des masses s'ils se récla;nent d'une
position révolutionnaire. Aussi, faut-il opposer - sans
durcir les différences - d'un côté,
les mouvements de "con-
tre-modernité" qui recherchent à la fois la "fonction sécu-
risante de la tradition" et de l'autre,
les partisans du
changement radical oi:! tantôt s' exclue'nt, ranc:ôt se mêle,nt
curieu-sement l'appel des valeurs du passé PLus ou mo,ins
consciemment s'ollicitées et leur rejet syst'é:matique au nO,ID
du marxisme.
"Au marnent où l'A6hique. a /téC1Lpé.lté -6O't1 indé-
pendanc.e.,

au moment où l'A,It,cgue .6"e d1e/'t che,
le.s ditLig,ea'nt-6 an;'ticaùT>.) (i:e',-~"f[:LiErF:t J.i-e P_HLc,he-J't
-6 u
It le p'll.ob'l ~'me. de t 1 uLioJUAŒ:[i,;;o-n ete-f.J t:JcardA.--
tion-6 f.J' A.-l-6 veule nt c.-J[cé,(Ut_,
o~u l't,ec,hoiett. une.
A6hiqu,e a6hie:a-trre,
.6,ifU-'<n iL.6
t,e:fLon;t u-ne.
A6hiq u e c.aJt-tc.atuhe. dei' Eu/vape . ••
Je .6o'u;(:A.-endhai t()UjO~LLJ;;-6
qéLe {ec.6 't1ta'fi--éi:.i.-D:V1.6
a ~/'tl c.aùte.6 C.O rz:tA.-e nne. vd dc--3 él éme~t6 hew-fe.mel1t
a); phé c. i a br. 12..6,
qul_,
QO dl6i.. é f.J,
a,d ap;(::i!:,-, f.> ont
capable.6 de dovwe.1t à l'k6-tLlque. Livre ph:Y'!liono,-
mle ,~oc.lale autOnome et c0n-6o'n:-m:e Ci la natuJzce
du pay.6"
(3).
( 1)
THOMAS
1L. li)
et LUNEAU
(R j
-
La teJz:I1t?~6,fL-éc.ŒiJ'Fe et .6 12.'.6
lteL<-gion-6,
pp.
2'75 -
2'Fé.
( 2 l
RAMPATE BA (A) - Le/., tltacU;Uo VL.6 a6JUcaine.o, gag u
de: plwgn:è:6 in'
ThacU;Uon et modettnÛome. en A6JUq(ke Notte, SeLUi-
1965, p.
39.
(3)
HAMPATE BA (A) - op. C-lt., p. 41.

-
238 -
Sans vouloir augurer du bien fondé de ces remar-
ques, signalons cependant l'oubli du facteur psychologique.
Une pédagogie conforme à "l'âme africaine" ce n'est pas
exclusivement le retour au discours des ancêtres, au sens
communautaire, à l'esprit (et à la lettre) des langues
locales, aux données des littératures éraIes (contes,
légendes, devinettes, énigmes, mythes, épopées)~ c'est aussi
une parfaite connaissance du psychisme enfantin, de ses
modes d'appréhension habituels des Images et des formes, de
l'espace ou du temps, des rapports et des symboles.
Les contes et légendes, peuvent être utilisés à
bon escient
dans l'école rrouvelle,à des fins éducatives
très profitables pour les jeunes écoliers. Examinons cet
aspect essentiel de notre étude car les contes et légendes
ne sont pas en~Dre les rebuts d'une société traditionnelle
décadente.
IV -
D'Ii: LI EXcpLGRATI ON DES CONTES A L'ECOLE PRIMAIRE
Lecture, morale, lan~agB.
Nou.s a-VORS suc c i nc te ment sig n a 1 é 1e-s mod-i-fIca;t~iGn s-
p:no-f.oüd:es apportées aux m-ilieux éducatifs traŒitionnels
fami~le qui se restreint et se défonctionnalise,
:a'TI1e-nuoi~s:e1Tlent de l! auLor i té du pè r e ,
g~ai-R-de- l' éw;toTi t é maternelle,
impo-tta-nce de r' instituteur,
puis perte d:e vitesse des sociétés initiatiques et des
ciasses d'â~e, leur défan~tionnalisation voire leur dispari-
tion des milieux urbains tandis qu'apparaissent des milieux
éducatifs tels que l'école.

-
239 -
Hier,
l'éducation privilégiait la mémoire en tant
qu'expression et conservation du saVOlr et ceci au détriment
de l'esprit critique: aucune contestation possible, seul
l'esprit de discernement avait droit de cité
(observation de
la nature, recherche du sens des énigmes, nlace imnortante
des devinettes).
Aujourd'hui,
l'esnrit critique ou du mOlns d'ini-
tiative est théoriquement encouragé: l'enfant est incité ~
poser des questions,
à intervenir dans la classe,
à nartici-
per ac t i vemen t.
Hier,
la parole restait le véhicule unique d'ex-
presslons et de transmission du savoir. Aujourd'hui, malgré
l'importance de l'audio-visuel,
l'éc:!7_i_ture détrône l'oralité:
le savoir se conserve dans les livres, et non plus dans les
seul-esmé-moires ; l'exercice écrit SUT le cahie-r, le
table-au, l'ardoise, concurrencent :ta- leçun "récitée"" oTal_e-
ment.
Hie r, Te s:avoi r éta-it garanti_ FaT l-e m:y-the e"t le
pTestig-e àecs vieux prése-nt_aLt t0U}0UT:5 un c:aor:a:ct·èTe s:acré,
mystérieux, tran-scendant.
Au jour d ' hui, 1 'ens e i Kfl1e IIle:n t scnl.a ire 5' e~s~t 1 a î c i sé ,
to,tal,e me TI t ciésacra l i sé .
Fau t - il pou T au t an t
déda igner l.e s con1:e's' eL
-légendes? Bans le monde occidental~ s'est c1évelû;ppée tou'~e
une 1 i t téra'ture de jeune s se cl ~ une val eUT édi: ian te incon tes-
t-able pour les jeunes esnrits.
(1)
( 7)
Va JA SOR l ANO (M) - GtUde de UftéJr.J:d.JJ. 'te de. j e.W1e.J.J.t-e_ - Fla.mrruvUo ft T9 75.

-
240 -
Des contes d'Andersen aux contes de Perrault,
quels divertissements et quelles incitations à la lecture de
ces jeunes esprits pleins de curiosité!
L'enfant qui lit un conte moral, participe au
dénouement du récit.
Il entre en contact avec les nersonna-
ges par la magie de la lecture. N'est-il pas sensibilisé
dans une certaine mesure, par la morale qu'elle véhicule?
L'enfant africain, comme nous l'avons souligné
nlus haut, parle déjà une langue maternelle dotée d'une
structure grammaticale différente du français.
Il devra Im-
médiatement apprendre le français.
L'instituteur africain, doit radicaliser son en-
sei~nement du français.
Il aura toujours dans ses eff~ctifs
un niveau disparate,
hétérogène car peu nombreux sont ceux
qui, avant 1 Lâ-ge scolaire, s'e-xprime-nt déj à en fran-ça-is-.
La langue étant le moteur, le véhicule de tou~ le
savoir qu '-il aura à dispenser aux enfacnts,
il s·e-rait de hGln
ton qu'elle fût bien maîtrisée par ceux-ci. En dehors de
l'e-nseigneme_ll_t programmé du langage,
le maître ne pent-il
pas utiliser à bon escient certains con_te-s sous forme de
jeu x sc én i que e-t de dTamat i s at i a TI ?
VOYOTI'S
en qUOI
consisteraient ses utilisations ...
1 -
Le conte et la lecture
Il y a des livres pour tous les âges.
La première règle dans le choix à faire entre tant de livres
recréatifs,
sera de consulter les goûts de l'enfance.

- 241 -
L'on sait que les ouvrages préférés par les tout
petits sont les contes,
les récits imaginaires et le mer-
veilleux où les fées,
les animaux,
les géants,
les ogres,
les lutins,
jouent un rôle et ceux aussi dont les héros et
héroines sont des petits garçons et des petites filles. On
ne saurait trop tôt s'efforcer d'accoutumer l'enfant à
l'usage personnel des livres, et de lui donner le goût de la
lecture.
Inspirer le goût de la lecture à un esprit enfan-
tin, c'est faire jaillir en lui une source de lumière; car
les livres sont une source inépuisable
de plaisir, à une
époque où l'imprimerie les a mis à la portée de tout le
monde
: il n'est personne qui ne puisse le'UT demander une
distraction, un dél-assement, et aux jours de tristesse, une
consolation.
~o t re fond in te 11ec tue:l s:e_Eéi,i t bien épu is é SI
n'oos ne Douvions le re.TIouve1er sans ce-ss-eu'ar la lecture ..
'" /.).un te.. pfc.:n .sa cJ:..c:.L,. -t-Co ~.e.c:.:tuJr..e.
e:~t U:i1 v'é'Jt-t-
ta·b t e.. e.. n.j e..u po'u.-l;;: L' e:J1t1:œnL A /.)'ix (U'LÔ, tout
te.. monde.. e..-/.),-;t J.w;6:pe.'n'Ci.u' au-,t-oaJt de.. tui dan!.l
t
' atte.. nt e.. de.. L' i' l1..rrn:e..m e:ni.::"::-[ , e: n'O·a-n-t .s-ait
ti/Le:".

C 'e.. /.) t une.. de.. /.) fTJt'e'mi..èJte.. /.) c.t é /.) d' u=n
/.)urtc:è/.) mai/.) a,U,).J.6i d"une !.l é-Ie..c.tio-n /.),é.~v,èJte. e:t
pIGé::c..oc.e.
UI!t .qLLQ.lLt d·e..L e:n'o~a;nt:!.l
lcedoubte.. te..
e. 0 u.Jt!.l p-leé p atuL-t o;','t e.. paJt.e..e.. q:u' .-i-L6 ne.. !.lav.e..nt
pa/.) a/.) ~ e.. z ti-ILe. q~
[1 r .
lecture, des livres ca-r -bien trop, d:e gens laissent leur LI1-
telligence vivre dans le vicie, da:ns un Hmental va·cum".
Un peu plus tard, l'intérêt de l'enfant se po-rtera
sur les récits d'aventures.
(1 j
L.
BELLENGER -
Le../.) méthode...6 de. tec.ta-Jte...6 - p.
f.

-
242 -
Le suc cès s écula ire de Rob in son CRUSOE, le sel! 1
livre auquel ROUSSEAU fit grâce ~t celui aussi de Jules
VERNE, nous prouvent combien l'imagination de l'enfant
s'exalte et se passionne no ur tout ce qui est surprenant et
extraordinaire.
Mais après aVOIr fait une part aux livres simnle-
ment amusants, à ceux qu'on pourrait appeler les romans pour
l'enfance,
l'enfant se tournera volontiers,
la maturation y
aidant,
aux récits historiques,
les relations de voyages, en
un mot, à des lectures plus ardues. Les contes et légendes
auront aidé l'enfant, plus ou mOIns inconsciemment, à élabo-
rer les mécanismes mentaux que des études plus complexes
supposent. L'Afrique de l'Ouest
va-t-elle laisser les
vieillards s'évanouir à jamais avec une telle richesse de
l'esprit? Mais si les contes doivent être l'on des filons à
exploiter de la littérature de taun€sse,
il ne faut pas sous-
estimer
"l'e.x.:lge.nc.e. d'.:lI1c.ulc;a-t.:lo-11 .:ldéolo9.:lque.
(qu.:l)
e.J.Jt -touJOUltJ.J auJ.JJ.J.:l plLéJ.Je.nte..
Il eJ.J-t,
Ce./L-te.>l,
.:lwévi-table. qu'un livlte. vlhicule. d~J.J ~aleuJt~
e. -t de. J.J J.J-YJ.J-tè:me. J.J d~e. It-e.p-'r:é J.Je.-I1'ta-t.:l 0'11.6.
Ma.:lJ.J,
J.J:.:ll le. 6a.i..t .6ult le. mo-d:e. du mauva.:l.6"Aoman à
t-hè.6e." qu.:l nab.i..lle. altt.:l n.:lc.:lelle.m-e.n-t,
avec.
leJ.J paltult~J.J aloltJ.J 6al1ée.J.J de. la ~.:l~-t.:lG~, ~fre
mo-Ii. al e à e n-6 ,e.--é 9 n~ It , .:li ce. ,H e. d' ê-tlt e. u i'l e. o-e-u-
Vite. "l.:lttétut.(Jr.-e" po-ait devenùr.- un pJ.Jeudo-
manue.l de moltaie."
(1)
Dans la constitution des jeunes états, une littérs.-
tUTe de jeuness-e peut alimenter abondamment un nationalism-e
exacerbé. Alors les valeurs morales qui, autrefois consoli-
daien-t les fond'ements d'une VIe sociale communautaire des
humbles se muent en morales des sei_gneurs de la guerre.
(1 i B.
VUBORGEL
-
Imagina.:l!tiZ- et pédagogie - 1_'.
38.

- 243 -
2 - Le conte et l'enseignement de la morale
On a souvent prétendu que la morale s"'inspirait"
malS ne s'enseignait pas. Nous ne pensons pas nous-mêmes que
les leçons dogmatiques suffisent pour faire l'éducation d'un
homme vertueux. Parler aujourd'hui de morale, ce serait
s'attirer les foudres des pédagogues libertaires. Parler de
leçons simples et pratiques pour suggérer adroitement à
l'enfant ce que sont les devoirs et les vertus paraît, aux
yeux de bon nombre de pédagogues, un anachronisme!
Et pour-
tant, un exposé qui est une causerie familière,
faite surtout
d'exemples, de récits d'observations, de souvenirs empruntés
à certains contes, est loin d'être une leçon théorique,
hérissée de principes et de maximes. Veut-on, par exemple,
apprendre à l'enfant ce qu'est le courage? La leçon pourra
comprendre plusieurs parties distinctes.
En premier lieu, on fera appel à l' intuitio-n_, c'est-
à-àire à un fait connu de l'enfant. On lui rappellera un
acte de courage, dont il a lu le récit dans un de s:e5 Livre--s
de cORtes ou mieux encore, le fait quel qu'il soit
sera
dé:crLt ave-c pTéc i si on,_ dan-s le déta_iJ de-sei Teo n s-tanc es qui
l'ont accompagné et avec l'analyse des s-entirnents de celui
qUl lia accompli, de façon à frapper vivement l' ima-gin-ation
d-es enfan_ts. Cela fait brièvement d'ailleurs et en peu de
mots, on procèdera à une seconde opération
ce sera le
secon-d moment de la leçon.
On interrogera les élèves, on leur demandera de
ciL-er d'autres exemples d'actions courageuses. S'ils n'en
connaissent pas, si leur mémoire leur fait défaut,
le maître

-
244 -
reprendra un livre de contes, Oll lira un récit où le courage
est exalté avant de parler
d'un soldat sur le champ de
bataille, les pompiers dans un incendie, les médecins dans
une épidémie, etc ...
Ainsi, on acheminera doucement l'esprit des
enfants à saisir ce qu'il y a de commun dans ces faits en
apparence Sl différents. On les conduira, par un exerC1ce de
comparaison, et de rapprochement, à démêler les caractères
semblables de ces diverses manifestations du courage, à con-
cevoir l'idée générale, l'idée abstraite, qu'impliquent les
actes courageux, de quelque nature qu'ils soient.
Le conte est semblable au rêve; comme lui,
il est
tissé d'une multitude d'éléments conscients ou inconscients,
de désirs et de peurs, de réminiscen:ce5 et de préoccupations
qU8tidiennes. De même que la réalité d'une p.erception physi-
que, chaleur, froid, un bruit, une douleur, une odeur,
oriente l'-image oniriq.ue, le conte est influencé par la rIe
1
1
,
réelle, la vie de tou-s l,es jours. De toutes les oeuvres
1
coilectives, le conte est la mémoire d'un peuple, et sa
!,
p=rg j.e ct-ion veTS l"a-veni r, c' e:s:t sa p,h:tl a so.p·h ie , e t S:gR ét hi-
que, sa conscience formulée.
C"est aussi une critique de l'ét'at des choses
existantes-e-t, en même te'mp-s, c lest une histoire bien fice-
lée, bien racontée, propre à amuser petits et grands :: le
conte le plus simple en apparence cache des richesses
insoupçonnées. L'Afrique de l'Ouest va-t-elle, sous le poids
des mutations, reléguer cette richesse aux oubliettes? On a
souvent répété que la valeur d'un homme se mesurait, non à

- 245 -
son savoIr,
mals à son vouloir.
C'est dire que l'éducation
mora1e est plus importante encore que
l'éducation intellec-
tuelle.
Sans doute le vouloir dépend en partie du savoIr,
mais en partie seulement.
L'instruction,
à
supposer qu'elle nous mette à
l'abri des erreurs de pensée,
ne nous préserve pas toujours
des erreurs de conduite.
Qu'importe que mon jugement condamne
les fautes et
qu'il réprouve
les vices, s ' i l ne
les empêche pas!
L'éducation, quand elle vise
l'intelligence seule,
ne 1 u-i demande pre-sque que de se soumet-tre aux ense ignemen t s
qu'elle reçoit du dehors,
et de s'ouvrir aux lumières qui,
de
tous cfrtés,
v±ennent l'éclairer.
L'éducation de la moralité
eXIge be-aucoup plus
: un effort intérieur -e-t personnel.
ConTI. a î t I.e et c.omprendTe, 1 '--i-rrt-e Il ig en cene saur ait
s'y re-fuser, Four p-eu qu'elle seit déj-à éveillée. Mais agIr
ê:st a-utr-e chose- que ccnprendre. Agir moralement, c'est
exeT~er- sa v:olo-nt é ; c 'e-s-tpar une inSp.iT ation du de da-n-s, que
l 'nn neut_ se soustraire aux .illlPUl:s:i-O:rrs d'e la p_assc-ion et éca:rter
lité- aux influences extérieure-s.
E.t tout cela n'est possible
que gr-â-ce à un dêp10remerrt d-e co-urage et d'éne-rgie,
que ne
réc l-amepa s au même de-gré l_e ciév:e 1:0:PFeme nt in tell e ct ue l .
La pra_t_ique de la vertu est au_trem-e-nt laborieuse
que l ' ad-h-ésion à la vérïté:.
3 - Con-te e-t leçon de langage dans les classes
primaires
Nous savons tous que les contes et légendes in_té-

- 246 -
ressent à plus d'un titre l'univers psychique de l'enfant.
Les contes peuvent faire office de jeu scénique joué par les
enfants.
L'exploitation d'un conte a tout lieu de créer une
motivation pour l'expression orale.
Le maître lira le conte
deux ou trois fois sous l'oeil attentif des enfants.
Ensuite,
des rôles sont distribués aux enfants, pour lncarner les
différents personnages du récit.
But de la lecon : apprendre à l'enfant à s'exprimer mieux, et
librement.
- Réemploi libre des mots de vocabulaire appris par
l'enfant et de certaines structures gra~maticales.
- Raffermir les intonations de l'enfant.
-
Instruire l'en~ant en le divertissant.
Déroulement de la leçon :
- chBis~r un conte
- le récit doit être mOlns cOffinlexe
- lire deux à trois fois de su-i-t-e 1:e CO'TIte.
Exemple: titre du conte:
"le salaire'"
(1)
Au mi.tieu du JOUit,
un. el16al1t q-u-é a.tfait e-heltc..helt du boLs
moltt,
avait .t!t~o:u·~J'é VikSSTGUE--.te-CAI-MAN dal1~ .ta blLOU~~::L
-
Que
6ai~-tu. .tà, Via~~igue ? -6'errquit t'el16œirt.
- Je me ~ ui~ peltdu, Itépo ~dLt .te e-a.{:mal1.
-
Veu~-tu m~ p~JtteJt e-hez moi, Gon.é ? 1.t'eI16al1t)
-
I..t YI.' Ij a p.tu.~ d:e ma-fLigo.t tout pltê..6 d 'ie-i~ .tui dit -.t ~eVl6a.YI. ..L
-
Poitte -moi a-.tOIt.6 au
6.teuv e,
demanda Via~.6 igu e-.te --CaXrrm.:w.
GOl1é, .t'e:116ant, aLf.a e-helte-hvL une l1atte et deJ.:J {ial1e~,
.<..t
e-mL 0u.ta V'<'Œ~ ~.<.g ue -.t e - Ca.{:ma 11 da 11 J.:J .ta natt e,
qu.' i.t attŒe--ha a v:e C.
.te~ .tial1e~,
pu.<.~ i.t .ta chaJtge.a ~u~ ~a t€te.,
maltc.hu jU.6qu'au
~o'<'lt et atte'<'gl1'<'~ .te 6.teuve.
Altlt'<'vé au bo ..td de t'eau,
.<.e. dépo.6a .6011 6altdeau,
e-ou-pa te.6
.t'<'el1.6 et déJtou.ta .ta l1atte..
( 7 l
BIR AG 0
(V)
-
Le. ..~ C 0 11 .t e. ..~ d'Am Cl. d 0Li K0 WΠA - )J.
9 7 .

-
247
-
Dia~~igue-le-Caiman fui dit alo~~
- Gon~,
j'ai le~ memb~e~ tout engou~di~ de ~e long voyage,
veux-tu me mett~e
danh l'eau,
je te
p~ie ?
Gon~, l'en6ant, ma~~ha danh l'eau ju~qu'aux genoux et il
allait d~po~e~ Dia~~igu~ quand ~elui-~i lui demanda
- Va ju~qu'a
~e que l'eau atteigne la ~eintu~e, ~a~ i~i je
ne pou~~ai pa~ t~~j bien nage~.
Gon~ h'ex~~uta et avança ju~qu'à ~e que l'eau lui 6ût
autou~ de la taille.
-
Va en~o~e
jUhqu'à la poit~ine, ~upplia le ~aZman.
L'~n6ant alla jUhqu'à ~e que l'eau lui atteignit la
poit~ine.
- Tu peux b-<"e.n atLtLiuv1. ju...~qu' aliX épaule~,
maintenant.
GOI'1.~ ma~cha ju~~u'aux ~paule~, et Dia~~igue-le-CaZman
lui dit
:
- D~po~e-moi,
maintenant.
Gon~ obéit; il allait ~'en ~etou~ne~ ~u~ la ~ive, lo~~­
que le ~aZman lui ~ai~it le b~a~.
- 0 ! ma m~tLe ! ctLia l'en6ant~ qu'e~~-~e que ~e~i ? La~he­
moi
,
-
Je nce te liidLe~ai pa~,
~a~ j'ai trd~ 6aim,
Gon~
-
La~ h e - m.o i
!
] e ne te lâdle..-/l-a-i p-a-.o,
j·e i1.' ai ~ie'n mÛ'ng é depui~ deux
j OU'l.~,
et j' a:i ;t~:è!..l
6a-ém.
- D;t~-ma'..i.,
1ika~~,Çgue, le r.:r~ix d'éLne.. bo·nt-ée.~t-~e don~ une
m·E~h'ù..nce:të (j'U UR e. bo I:L.:té. ?
- Une bonne.. a.-~:iol'I ~.e: pa.<.e pa~ une.. mé'~ha-n:~eté,
et 1'1.'0'1'1. p(t~ pa~
UrL ebo.Fl!'1:~ ac::t-i (J:Y-.f_
- M'a'..éntt'.:t1'a'nt~
c:' C:.~_t rno-<.. qui l.J.u.ü el1 ta 11 pou'voi~,
mai~ c:e:la
l'1.'e~t .t:ra-~ v1t-o:i"
..tu. e~ le ~:e.:.I.1-f. au mo_nd.e ~e~tainement
à l' a6 6i~­
me·'!..
- Ah!. t u ,ë-e c:~:a.t..o
T
_ Et b'<"el1.
ù1te:!t./[o:g.e.Of'1-6 .e.e.~ gen1.l,
l'1.'OU~ -6a:u~an~ ~e. qu'il~ di~oVlt.
- D~'a~c.o-!Ld.,
a~e.-e.p;ta le. ~a..t'mQon, ~'il lJ 'en t~ouve. t~o"ü qui
~OÙUlt de.. m,o_n G.:.v,û_, tu û,kn-itLa.o d'an.6 m,On v~entJte,
j.e. t' a~~ u~e..
A peine qu r.i:.t
6·iYi.-k~,/~.ait ~e.Lte me.-l1.a:~e.,
qu' a-~ltit):a une.
vie.i-tle. vai2:·he. q:u-i v:e.r..::a.d: .6 'a1rn.e·ttv·e-lt ...
La vi;z...i.l-.Ke t~~c.he d'("l'lna ~ai.oon au ~a:.ëmaJ1-; e.n~u'<"te -Ou~v'<"nt le
che val Lf:ui 6··Lt demêmc. ~o tL6 i' 0 e'['t mé c:hant du ~aiman .
ApJt ~~
tL-il po Vl.-6'e, du c.-ke. tJiœl,
l e. ~aiman d.<..t :
- Go né.,
a~ - tu .e..rt.:te.ndu 2
Ma'<"nte.JlaJ1L,. j"a..i. tïtOP 6a.ém,
je. va'<"~ te mal'1.ge.~.
- Non,
n·Li l'e:rrta:-n,t, tu ava'<"~ d.<..t toi-même q·ue tu '<"n.te.~~oge­
~a'<"~ t~o'<".6 pe~1.J G l'1.Yie..6 .

-
248
-
Si ~elle qui uiend~a dit la mlme ~ho~e que ~e~ deux-la,
tu pou~~a~ me mange~,
mai~ pa~ auant.
- Entendu,
a~quie~ca le ~alman, mai~ je te p~~uien6
que
nou~ n'i~on~ pa~ loin.
Au galop, et ~autillant de~~i~~e eux,
LeuR-te-Lièu~e
pa~~ait ; Via~~igue l'appela:
- On~le LeUR, toi qui~e~ plu~ uieux, peux-tu nou~ di~e qui
de nou~ dit la u~~it~ ? Je d~~la~e qu'une bonne a~tion ~e
paie pa~ une m~~han~et~, et ~et en6ant d~~la~e que le p~ix
d'une bonne a~tion ~'e~t la bonté.
LeuR~le-Lièu~e ~e 6~otta le menton, ~e g~atta l'o~eille
pui~ inte~~ogea a ~on tou~
.
In~onte~tablement, ~e~onnu LeuR-le-Lièu~e, il e~t une de
te~ pa~ole~ qui ne me pa~alt pa~ en bonne ~anté.
- Laquelle e~t-~e ? inte~~ogea le ~alman.
- C'e~t lo~~que tu p~étend~ qu~ ~e bambin t'a po~té dan~ une
natte et t'a 6ait ueni~ ju~qu'i~i.
Cela,
je ne peux le ~~oi~e.
- Pou~tant
~'e~t v~ai, a66i~ma Goné, l'en6ant.
- Tu e~t menteu~ ~omme ~eux de ta ~a~e, lit Le liève a l'en-
6ant.
- Il a dit la vé~ité, ~on6i~ma Via~~igue-le-CaZman.
- Je ne pOU:lc~ai le ~~oi~e que ~i je le voi~_, douta LeuR-le-
Lièu~e. So~te.z de l'eau tou~ le~ deux.
L' en6ante.t le ~akmarz ,~o~:t.i~e-nct de. l'eau.
Tu p~~teYla~ que tu a.~ po~té- ~e g:'LO-ô ~a.ZmLln dn~Yl-6 c.et.te
natte? Comment a.6-tu. 6ait ?
- Je l'ai erz!Z.oulé dedŒn~,
&t j'aJ... fri~e.llé ta na.:t:t.e..
- Eh bien-,
je veux. uoi~ ~omme.nt,_dLt
Leu.R.
Via~~igue-le-Ca.[man ~'a-66ala dan~ la natte q,ue l'en6a-nt-
enfloula_.

(..<cl 6,-<"'c:eLa le~ŒZman et le po~ta SUft sa tê.te)
Alo~~ LeuR-f.e-LièvTLe d.<.t à l' en6al'!t :
Empo~:te dOIl~ ta ~ha~ge ~hez toi, tOi1 pè~e. e..t :Ca mè.~e et
tou.6 te~ pa~ents e.t leu~~ ami).) te. ~eme~~ie~o'nt, puù,_qu-e. VOlL6
en mang-e. z à la -mai.ô OY!.
"A'<'n~i d-o..<cve.-nt ê:t~~e palJé~ ~eux qu-<. oublient le.~ b-c"nne.{~ ac-
t'<'o-n~" .
Un e dra-ma t i sa t ion 1 i b r e de c e c ont e ,. d ive_r t ira et
instruira les enfants lors des séances d'expression orale
libre et répondra au besoin spontané de ceux-ci, de changer
constamment d'activités.
La routine et la sclérose son~ les

-
249 -
terrains propIces Où poussent la passivité et le manque
d'intérêt réel.
Il ne suffit pas de posséder des connais-
sances dont on aura à transmettre les éléments à des
intelligences naissantes
; il faut avoir appris par quels
moyens,
les plus efficaces et les plus sûrs, on les leur
transmettra.
Il ne suffït T'as de savoir
il faut saVOIr enseigner.
Peut-on nIer, après de tels exemples la valeur
pédagog.ique du conte
j
son impact sur le psychisme enfantin?
Face aux mut-ations, la pIre des attitudes est de demeurer
les bras croisés. Car, nous dit P. ERNY
~le eontex.te ~o~ial tend a appauv~i~ ~on~id~­
Itable.ment fa p~dagogie ~outumiè~e, a l'alt~­
~~~, a la d~~ompo~e.~, au point qu'il n'en
it~).)-te, dan).) le-6 ~a).) ext~é:me).), q-u ' Uf1e ~a~i~a­
.:t..tUte.
Mai).)
i l e).)t de la plu).)
haute impo~tan~e
de f1o-t-e~ que hOAo du mo-nde ).)~olai~e, ~ien n-e
).) e ).)-u-fJ).)·titHe v_alablemef1-t a elle ou p~e-f1d sa
,"teXève.
Beau ~o up d'en 6af1t).) , mêm e f10 f1
/~ cola/tiocéo, f1e /le_COiVEI1-t plu).) de. l' édu~a:tiol1
-ü'Lad-itio.nne.lle. que de~ miette).),
).)af1~ pou~
a:U.tacVL--t que. {'on pui).) ~e di~e q.u e leu~ 601t-mcatiol1
6e /Lcs~tJi,Uc..tu.;"te. xu.t,o;u-~ dce m-o-dèle).) ~o hé~ent~,
en
dz-n·o.ld
d'e l ' é~ote...CeLe.e-~i e).)t elie-mê.me
pZ1CÇ..1L.e p-a~!t .ta po pulat-ùH't pa~de).) ).) c.h.éma).) de
p;e.cvr&é~e.œn-~i'e,n-J.J . /1
(1 l
[ 1) ER'NV
(PC}
-
op.
~{..t .
P.
2 7 9 •

-
250 -
CHAPITRE VIII - LA TRADITION AU SECOURS DE LA MODERNITE
DIALOGUE DE LA PEDAGOGIE DES CONTES ET DU THEATRE NEGRO-
AFRICAIN.
Nous avons pû constater que les contes dans le contexte des
sociétés traditionnelles sont une mine de trésors inépuisa-
ble
et que leur utilisation à l'école prlmalre comme
support aux leçons de lecture,
de langage et de morale,
est
une bouée de sauvetage trop étroite pour ramener sur le
rivage tous les naufragés du système scolaire.
En effet,
la
situation de crise généralisée des systèmes éducatifs que
nous vivons amène bon nombre ci' éducateurs à s'interroger sur
le type d'actions éducatives à envlsager, qu~ soit en ad&-
1
quation avec les aspirations des sociétés africaines e-n
1
1
,
Sacn5 nJ.er les déterm-inismes SOClaux qUl"
vas de
près, relèvent plus sou-vent de volonté et d'o_pt_ion p:ollitiq;ue,
on peut affirmer que ce s'ont les h<Jmmes qui façonnent la
société d:an:slaque-ll-e ils vivent.
Il s' a'g i t
de s re-s-p'enTs'a'01-e'-S
s:o-cia-ux, poTitiques et d-'éducation. M-ai-s- an do:i:.t reoJ1'lnalltre
que la société ~ par la fOTme des id,éa'ux gu' elle secrète e!
dont elle s' in5pi Te,
m-o-dè le le s homme_s -à so-n ima'ge.
E-lles
sont l-égit-imes, et viennent à le-ur heure,
:Ees interro-gat_i_o:H:S
de fG-nd qeui s.urgissent d '-un peu p:art_ocut_,
sur le type de sys--
tème édu-ca-t-if, son contenu,
ses finalités,
car toute ëdu'Ca-
tion humaine authentique doit se proposer pour fin de
permettre à l ' homme,
enfant,
jeune,. adu1.te,
de parvenir le
plus possible au développE'ment et à l'épanouissement de sa

-
251
-
propre humanité.
"A,Ù1-6,{.
une. pédagog,{.e. ...
e.-6t tout d'abofLd une.
ph,{.lo-6oph~e. de. l'édu~at~on.
Il 6aut qu'e.lle. -60~t une. ph,{.lo-6oph~e.
POUfL
OpéfLe.fL la l~a~-6on e.t fLe.6a~fLe. l'un~té de.
toute.-6 le.-6 donnée.-6 d~-6pafLate.-6 de. toute.-6 le.-6
-6~,{.e.n~e.-6
qu' e.lle. me.t à ~oI1tfL~but,{.on".
(1)
Or, les contes sont d'une richesse inépuisable sur
le plan de la morale, de la mimodramie, de la symbolique, de
la gestuelle, de la stylistique, et de l'émotif. Nous n'igno-
rons pas que toute personne humaine appartient à une société
errgagée dans une histoire en progrès. Mais le progrès doit-il
s'accomplir nécessairement de la négation pure et simple du
passé? Nous avons souligné plus haut le fait que la famille
africaine était en mutation. O~ la personne humaine est en
r~lati8n vitale avec la famille qui lui sert de milieu.
naturel pour naître, pour grandir et pour s'épanouir.
Bien
pLus_, e:lTeest le centre e-t la raison d'être.
C'es-t-ll'oTmalement au sein d'une famille que
1 '.homme vient au mGn.de et c'est au sein de la famille qu'il
.ap}?T-e.nn. à .p.ar..:1::e:r..:., à connaître,. à v·ouloir, à aimer. C'est la
fa-m;iIl.e q:u.i lui tOH,rnit l-e·s éléments essentiels de sa crois-
la fam'ill-e- a'fricaine traditionnelle d:ans une sociét.é en
mutation, ne: p:eu"1 plus désormais se procurer tout ce d'Ont
elle a besoin., pour remp kiT sa mi.ss.Lnn éduca t r ice envey-s
La communa·u té so'ci ale et po 1 i tique do i t d-€-s
lor s
sup'p-léer à ses insuffisances en lui apportant l'appui des
i ns.t i tu't io-n's éd-uca-t ive s .
(1,
I-WEERT
CR)
-
T.'ta~.té de. pédagog,{.e. GénéfLale. - )J.
14.

-
252 -
Et SI ces
institutions éducatives sont en prOIe à
une crIse
?
Quand la tradition vient au secours de la moderni-
té,
il ne sragit pas de
la rénétition stéréotypique d'un
passé révolu mais d'une réactualisation,
d'une adantation de
normes anciennes à un contexte nouveau.
Mais à quel nIveau peut-on s'inspirer du passé
dans
le cadre spécifique des contes et légende~ ?
Pour bâtir non seulement une
identité culturelle
malS aUSSI un théâtre africain
qui vaille la peine de figu-
rer à égal nIveau de considération que le théâtre européen,
chinois, ou autre
?
C~r, si l'on veut comprendre le théâtre africain,
il faut résolument changer de persp~e-ct-ive et reTIOflre-r, e-n
pacrticulier, à lui appliquer les valeurs qui sem'"! !JTD1JT"eS' ail
théâtre eur~péen.
Les e ulm 0 d e d' ap-pTo-cn e cÛ-flv-e'fl'a__fu l e est",
ffiU-
CO:N-
tra-ire, de restj;Luer ce thé'âL:r:"e à SQ;TI con'-Ëex,:t;-e et sa r,éa:1:i'=té:
pTo~p.res, qui sont ceux de l' AfT_iq_ue Noire.
Le t __h-é-âLr~e.
n-'=est-
il pas.
un être humain,
ou plusre:urs êctT'€~s hljm.ains pJqsiqne-
ment présents,
ici, mainten.an.t., qui feignent, qil.Ji font.
se;m-
bl an-:L,
de f-a ire,
d'e di r e,
qU.e l que cho-s,e , da.ns le mème l i-e'u
que dt autres êtres humains,
physiquernen-t p-ré-s'ents J' e~x a'rJ'SSI,
et qui, en principe, ne bougen~ pas et se taisent?
Ce Il e s e t ceux qu.i fan t
s emb l an-t,
q~ui !~j>{:me'n"t~lI so-nt
dits tlacteurs", ou "comédiens'!
(actrice~s~. cûmédieJ'.J"tes)
celles et ceux qUI se taisent sont dits
spe~c-t_ateurs (s::p:ecta-
tricesl.

- 253 -
Considéré froidement,
du dehors,
le théâtre n'est
pas différent de ce qui n'est pas théâtre.
La maman qU1
chante une berceuse ou raconte une histoire de
fées ou de
génies de
la forêt à son enfant,
c'est un théâtre,
et c'est
le couple acteur-spectateur.
L'inconnu qU1 surveille sa m1se,
ses gestes,
ses expressions du visage,
son ton de voix, qui
choisit ses mots afin de
séduire l'inconnue,
c'est un
théâtre.
Mais aussi
l'acte utilitaire pur, par exemple,
l'ouvrier,
qui,
à
seule fin de gagner son pain,
et sans au-
cune attache de sens ou d'âme, pour son travail,
exécute des
ge-5te-5 à la chaîne de montage sous le regard sévère du contre-
maître,
c'est un théâtre.
Ces gestes sont si intimement
étrangers à l'ouvrier,
Sl
indifférent-s et même si pénibles,
qu'au moment où il les accomplit, en fait,
il
les "joue".
Cette contrefaçon,
cette imi-t-a-ri-on ima-gin-aire,
de
la V1.e réelle_"
n'est pas une opération fictive,
un menson-ge
pcê:I t_3i.g;é r
-Les i'e:mmes e't le's homr.1.e-s qui exercent ce travail
-d ,-ac t'eur, é pT ouv:e nt rée l1eJnen_t le-s effort s phy s iq-ue-se t
sp:ir:irtue-1-s,
le-s souffr:ance s' ,
las j oi~e s , les an g 0 i s ses,
d~'cac:te5 e:n vérité accomplis. On peut même dire qu 111s ont de
ce:s act'e·s une perception de corps et de· conscience plus af-
f:irrrée que rr'cen ont, dal1's leUT métier,
dans leur j-ournée,
à:a,!l:s l~e;ur v:i,e acti ve_, b eau coup d' a ut r e.s t r av ailleurs. An rè s
ces quelque-s traits caractéristiques de l'aCl:ivité thé:â-trale,
-p-e-uct--"Ouaffirmer qu'il y a une différence entre le conteur,
l'''-a:ct-eur de théâtre et le con-teuT-éducateur ? Les heures
vécues par le con-te UT ,
l'acteur de théâtre, et le pédagogue,
pou,rT.aient être considérée-s comme des heures d'une vie reflé-

-
254 -
hie, méditée,
sentie, d'une Vle consciente, et éprouvée, et
ela dans une tension de vérité d'expression, d'efforts
d'imagination et de création.
L'utilisation des contes au
seln des activités scolaires, que nous avions soulignée
dans le chapitre précédent, ne doit pas être l'heure d'une
vie machinale, obligée, non convalncue, fictive.
Ainsi,
comme le souligne Geneviève CALAME-GRIAULE,
le pédagogue qUl
exploiterait les contes ~ des fins scolaires ne doit pas
perdre de vue que
:
Il davl.-6
un.e. c.ivi..J:_,ü a-tio n. de. t' oJtatité, ta n.aJLJLa-
-tion. d'un. c.on.te. e.-6t un. pnén.omèn.e c.ompte.xe.
do n.-t f e.-6 éf é me. n.-t-6,
étJto i-te. me. n.t amafg,a:mé -6 da n.-6
fa Jtéafité,
pe.uve.n.t -6e. décompo-6e.Jt de. fa
6acon.
-6uiva n.-t e. :
- un -tex-te. ..tJtan.,-'>mi.6 paJt la mém·oi-:r.e oJLafe et
do n.t 0 Yi a 66ircm e. -6 0 u v·e. nt q-u.
'Cr!.e e.
dit
Il c.omme.
on. f' a e.n.te.l1du·tI ,
bie.l1 que. t'on adme.-t'-te.
de.-6
pO-6-6ibitité.ô de vaJtiante..ô,
e.6.6-e.ntie.tfe-
me-nt -6tIJti-6-tiq ue.-6,
du e.-6 a..u .:tale.nt pa!L:tic.utie.Jt
du ~onte.uJt-n~JtJtate.~Jt.
- un. C·O!'1-te..u,'l. qui !t.éae-tlLGdib.e. c..e. :t:e::x1.~ à uv.:e.
o:c. c a ~ -<.. en d(WI.Hé e e. t
.tu.i. CO~:'1:;:u n..<"qu e. -6 Mt ceUta e--
~è1L-e dr...ama-ti..q-ue. (cra .6~el1-6 é;t~~/"'l.c:togiqu.e. de. m-t:,-'>,e
c.y!
a..c ..t:i:c Y'.)
au. mD~Yi!..'i1. de I.J T..-il.:.6·_"'OLLJt C.1l11 ete. '~'O ri.
e-ü''1.p:6 e..t d.e. ,-'>.a IJ_O J. x ..
-tLJ'l.
co:n--te.-x.te. cu.t-twr:e.t -e.t so-c.i-a:t d:a:n~-6 t:e.-q'Ue.t
.6' k rr::6:UI.-Lt l.e. C. a n..te.
e. t: q,tLi. -êui dcO;l1'ne. -6'Om.6LYl.-6_.
- une .e.œY.'i''9~u..e. pa-ft :e. a:q:u: e:1t'l G. t;';Qf.L.t"e. le. .:te..x-.t:e.e..t
don-t: le.-6 pJtccé-aé.-6 e:cp·Jt@.~-6."<"-&li p-.e...t.m.ette.n.t de.
.6 it.ueJt à un n{\\Je.a:u: de. di-6co:u'ft,o e..c6:tftEt.-lq'u:e..
-
U YI.
au di:ta i Jt.e. e: n. 6;" n, q'u. i Jt·iay~-t au x dkt:F(!:Jtc.6
e.. 66et-6 d:Jtama:t-<..que.-6 e.t -5:tg:f. i:-5.t,[q.rLe.~-é
e.~ do nt
te.t, malt~u._e..6d-' appFi.oblit..Lo Pl LloO:n.t WI'1 kmp,oJt.-ta·,nd
.6tJ.rnuta.-nt PCU!L
.iCl c.C'n.Le(.jJt'r_
(r)
fi)
CALAALE-GRIAULE
(G)
Ce. q u..( eto nn.(2. du. 9·c·(;[,-1: au x c a nt e..6
in LLt.té/c..atu,'l..e. na 45 - p.
45 -
Fév.
1982.

· - 255 -
doit pas l'ignorer car,
" ...
c~e~t la mi~e en ~c~ne, la d~amati~ation
de ce ~pectacle que con~titue le conte :
ge~te~, attitude,
exp~e~~ion~ du vi~age,
du
cOYlteu~,
(et -!Jecondai~e.ment de t'auditoilte),
en lUt mot,
ce qui" ... donne du goû.t" au
conte, au ~en~ où l'on dit que le ~el et le.~
condiment~ en donnent à la noultltitulte. Ce.t
appauvlti~~ement con~idéltable,
qui ~emble
inhéltent au pa~~age de l'o~al à l'écltit, a
été ~ouvent con~taté, et déplo~é, pa~ le-!J
cheltcheult~.
On peut,
poulttant, -!Je de.mande~
-!Ji une telle dépeltdition e~t vltaiment inévi-
table
et ~'il ne ~eltait pa~ pOé~ible d'ob~elt­
veit ce~ élément~ pltoplte~ a l'oltalité, de. le.~
inte.ltpltéte.1t POUIt compltendlte. la paltt qu'il~
tiennent dan-!J la tltan~mi~~ion du me~~age et
de le~ ~e~tituelt dan~ la publication de.~
texte.~".
(7)
N'est-ce pas bien là, de nouvelles pers~ectives
pédagogiques ?
1- UNE CIVILISATION DU VERBE
La civilisation africaine procède avant tout du
'verbe, qu'il soit parole·, rythme, ou symbole.
Le langage.,
r-o'ut'e'fo.i-s, n"estp:as seulement instrument de cOITununication"
Il est ,. par excellence, expr.essi-on de l tEt-re-FoTc:e,
dé c le"nc he,roe.n.t de-s _p u i s 5 an ce s vit a-le-s et p:r-hlcip'e-s ,de 1eu r
cohésioH.
Sce~lon Latris-Vim.œ:nt THOMAS, le KOMO-D'IBI, le chan-
tre malien du~9MO (société d'ini.tia.ticon) définit ainsi
l'àmnipo·tence (lu Verbe
:
" La pait 0 le e ~ t t O·U t
E-fle. c.oupe,
éc.oltc.he.
E-fle modèle, module,
Elle
pe~tu~be, ~end 60u
(7)
rbide.n_,
p.
46.

-
2516 -
Elle gu~~it, ou tue net
Elle ampli6ie,
abai~~e, ~elon ~a cha~ge.
ELe r?
e xc it e 0 U cal me l e ~ â m(7,6"
(1)
Il Y a donc des degrés dans les manifestations de
la parole correspondant à la hiérarchie des Etres-Forces.
"La pa~ole, di~ent le~ Bamba~a, e~t au~~i
longue que l'humanité;
celle-ci atteint le~
dimen~ion~ co~mique~ pui~que l'homme e~t,
dan~ ~on e~~ence, l'exp~e~~ion éminente du
monde.
C'e~t-à-di~e que le Ve~be et l'unive~~
~'ideVlti6ient daVl~ un ce~tain ~en~ ... Pou~
ce~ ~oudanai~, l'immell~ité du Ve~be e~t ~OYl.
att~ibut
6ondamental.
Au~~i. eV! di~ant pa~
exemple qu'une pafLole e~:t "t~op g~a.J'lde" pou~
la bouche de l' ë.t~e.. huma:in, ~ e ;'LQppo~tent-il~
à cet a~pect incommen~u~able du di~e,
di~­
p~opo~Li..onné
à ~on utili~ation.
LeVe~be intég~al e~t le pat~im~ine de, t'hu-
manité et,
pa~-delà elle, de la divinité,
en.vi~ ag é comme. maillo n initia'l de la ch-a:tne
de~ humain~.
C'est )Jou~quc-i.., plu~ un mot, une
ex-p~e~~ion, C'LL un d-ücou~~ app1t.oche de ta
g-é'léJ1..alité et de La ~fjVlth-è6e, p-lu~ i.e. ~ei.ève
du do mai ne de .r..' ë.k:JŒ, ![ ep/'L é ,) e ntc{ nt i.' u niv e~;ô:a­
lité,
et moin~ l'individ~alité humai~e e~t
apte à le~ P-'l.0 no VlCe..J1.. •. "
(2)
1 -
Le 5 i le n-e e et 1 e ges;r-"è
.p aro le retenue ou si l ence
: ce Lur±.- ci en e'ffecL,
occ.upe une
pTace fondame,nt.aLe dans l ' ex.p.r-ess.ion de l~a: p:e'Irs:ée du N:o-ir-
Af ri c a in.
Sou s r ' ar br e 'à rra'la-b-r::e~,
L '~o:n est p:e:r su ad'"é' que 1 a.
par o-le n'e s t
e:ff.i.cac e Bt ne se· va.lori-se :p1.e=ÏJ1.emen,t quà c o·n-
dition d"être enveloRpée d'ombre,. qU'Elle Ile conse.rv,e son
intégralité q:ue pro:port.ionnel1ement à Si0n dce'gré de carence.
En poussant les choses jU'squ' au p:ar~adoxe, on pou-r-
rait même dire que,
J.1our
le n-é·g.ro-africa~ïIï, Le verbe vrai,
( 1) THOMAS (L. V) - Nég1t.ilu.de, ;0'tacf...0t{.on, e:t déveXoppement - pp. 120-121.
(2)
THOMAS
(L.V)
-
op cit - p.
U2.

- 257 -
la parole digne de vénération est le
silence.
Elle s'attache
encore au ~este et au chant.
Non seulement les prières et les
sacrifices s'accompagnent d'une
liturgie des gestes mInu-
tieusement réglés, mais encore on ne conçoit pas de narra-
tion - qu'il s'agisse de contes,
légendes, mythes,
épopées -
sans une mimique appropriée,
sans un grammaticalisme du
geste et une syntaxe de l'intonation qui en constituent le
support nécessaire.
Le conteur,
le griot, poète-narrateur,
dont la spécialité est la narration des récits, procède à un
usage judicieux du geste.
C'est pourquoi
il trouve tout naturel de danser,
le moment
venu, pOUT faire avancer son monologue.
Le mouvement cadencé du pied,
le rythme harmonieux
du corps,
le balancement de la tête sont
les parures de sa
parole e~ le charme indubitable de son éloqDerrc~. Ain~i, B~J
FOUDA (1) e·n vieRt· à distinguer le geste· formulaire
(schéma
ryt.hmiqueJ
favorisant
la mëmoris'ation,
le K€ste
vo'calise
C-moyen d'a'ccro,cn.age) psychologique par l'atout de la phoT18.-
t ünr} ,
le geste occulaire enfin,
(ensemble de·s mim-rques et
.des a~t t i t udes t.our à t.our in di.cact i f, e x·p l_é~t_if ou imit'a·t'i f) •
C "est po'ur cela qu'il es.t permis d-e d.ireque la
lit·té'ra t ure Rég ro'--a,f r i c a i ne
trad rt-io'nne I l e e sot au's s i
un,e
1 i t'tférat UF.e - arc:h:iye clu ge s.t e pas·" ur al..
Q.u:ant au chan t,
il
sout ieiJ t
et st ruc t ure les
d-iveTs états ou activités de
l'homme, naissan'ce,
initiati.on,
Id.te religieux., mort,
occupations quotidiennes,
j'eux.

-
L5t\\
-
2 -
Le Rythme
Dans l'univers non organisé et hiérarchisé par la connaIS-
sance,
il tient une place importante car le matériel sonore
qu'il met en branle a des répercussions sur la marche du
monde,
aussi bien sur le plan cosmique que
sur celui de
l'activité humaine.
Expression de la VIe et de la force,
à la fois
source et effet de l'émotion,
le rythme est "l'architecture
de l'être,
le dynamisme interne qui lui donne forme,
le
système d'ondes qu'il émet à l'adresse des autres,
l'expres-
sion pure de la force vi tale".
(1)
Une telle conception révélatrice de la ment-alité
nègre, explique pourquoi la vibration rythmée joue un rôle
si grand,
soit dans la narration des contes el- légendes,
soit dans les conceptionsnnh-aphysique-s où elles demeurent
ind-issociables de la répétition générative.
CeLte prédominance du rythme caractérise p-ositi'Fe-
:men_t une civilisation ora-le dans son essence et s:e,s ffi'a:nife-s~
t ati on-s, paT 0pp0:S i t ion à une c i vil i s a t ion é cr i te.
Le r y-thme
s:'-i-rrs:cT.Ll da-ns un CDmp_l.exe me nt_a:! (');ù. :oTdr-e., rép:é-t it ion, e-t
.équilib-re constituent les s-tTucture-s in:ternes fondamelHales
de la pensée Nègre_
3 - L 'ima,ge e-t le s yrnbo.Le
Un autre mode d'expTession du verbe consiste dans
1 '-usage· de l' ima-g-e et du symbole.
En effet,
dans la perspective,
la pUIssance de
( T)
TH-OMAS
{L. V)
-
LJ)J
c.;' t
-
p.
126 •

- 259 -
l'oralité dépend du mode d'expression, c'est-à-dire, non
seulement du rythme, et particulièrement au niveau de la
mélodie
(tel son avec tonalité haute, diffère du même son
avec tonalité basse) mais encore, de l'image analogie.
L'objet ne signifie pas ce qu'il représente, malS ce qu'il
suggère, ce qu'il crée. Nous sommes ici
en présence d'un
surréalisme à la fois mystique et métaphysique qui confère
à l'image son efficacité et son caractère symbolique. Que le
symbole se situe sur le plan exégétique (signification des
formules ou du récit) ou sur le plan opératoire (interpréta-
tion des gestes, des pDsitions, des actions)
il offre tou-
jours un double aspect ésotérique et sociologique.
Selon L.V. THOMAS,
" i i J:.~é.,6.u.ete. Ci u.e. poutr. .te Né.g,~LO - A6Jë.ic.ain, .ta
pen·f..ée f..ym·bo.tiQue ,6 'atr.tic.u.Le f...Uf!. d·eux
tab.teaux,
c.elui d,e .t'intv!.vention,
c.e..tui de
.ta tr.e.ptr.L,t,.e.:rrt-a-tion ou d:e .t' e-xptr.ef..f..ioJ1 ..
Ou p.tUf..
e.x a.c:tem r2..~':t,
e..t.t e. a. UJ1e. QuacLtr.u p.t,e 6inaLété
:
Url.
,Hcv.L6
ic.c.nomiQu..e pU-Î...:6qu'.e..tJ.e tr.éf..ume,
C.OJ1-
d'0n.~ e: l2ap_p Jtcc..h.e j tH1. e. ~ CI1C..t<:'o J1 0 Pé tLa.t 0 itr. e ,
.c-a.,'l c..-' G.,.:'i t
u J1 v é-tr.-i.:tabt,e. jeu de 6·e. 'tm e. J1tatioJ1
q.u-' e:tT:e: 'te-nd PD_'6ofj,.<"b-te
(g,f..ùn!J e..m0Ylt d·e .ta
c.-ho~e ~ !;!rF.bc:ti6cé:.e.. a..u~x dive''!.JJ é.té·me.'nL6 du: c.hamp
6IJm,b.at.{.0u~.e.) ..; U'lye.var.f:-.e.'u1l. d' u /~-a. 9 e q.u..L !LXP-P e..f..f. e.
Le...6_ !l;èc9·lef.. d-z .f. "ac:t,f;QiYl et m'o·n tlt e
.t ' uni on ete.
t ' o·b,t igŒ·t'a ,i'::tr.:e e-t du d-é -6 i-tr.-a:b-te. ;
e.cJ1-Ô-,Ùt, u-ne
60nC.t-éMl ete -6'u~g!g,e:.6:ot-.:èo:J1'
[e:.,r..e.-e. 6-:Jm']9p:e. .t' i"nra.=g-k-·
ITcr;;(;io'J1)
ou iF' e.xp.tic.a-tko'J1
(e..t.te e.-6:t .t' i·n-dkc.e.
:Lc .p-:tLU~, ,6Ei.~'l ite.·-tJ C.D tr.Jz:e.~.6=p.o;l'"~dili.n:c:e.6·
et de:-tJ
)'JG:.tr.t~c ..i. pa;(:-<:'o'I1:.6) ~
Fn tant CfU 1 i-mœg-e:,
e..·t·f.e. e.-6:t 6igutr.e..,
e..-n ta:nt
qiLe ~tké ;'Lo=p·h:a:.nke ,eLle.. d:e:\\hù~:11t
f.Ju"<"-6 c.6;a'YEc.=e-"
(1 1 •
Les symbol.es af"ri-eains SORt l-égions et envahissent
tout~ gest.es, p:aroles~ ;atsitudes, couleurs,. sons, rythmes,
ebjets manufacturés., rittLeL
(1)
THOMAS
(L.V)
- ol' c.Lt -
p.
1 Z8.

- 260 -
Dans les prières BALUBA (Congo)
des formules
symboliques interviennent constamment pour désigner les
attributs divins ou définir l'attitude de l'homme envers
Dieu :
patience de Dieu
la tortue franchit les
fleuves profonds.
beauté de Dieu
la terre blanche ne s'accorde
qu'avec des choses pures.
omniscience de Dieu
porte qlil voit des deux
côtés.
-
toute puissance de Dieu : le serpent DIAMBO, on
ne peut mon-ter sur son dos
; celui qui y monte,
glisse en
bas, etc . . .
4 -
L' émo.t i.on
Grâce à l'émotion, et par-delà 'les manifestations
multiple·s de l'art du verbe, nous somm'es renvoyés à une
uni té d" inspiration qui est pTo'bablemecfl:t la vision sp:é:cif.i-
que n:ègTo-.afrIcaine de l'homme et du monde.
Cet.te v i-s i o·n TI 'éma,ne .pasde 1a-. v 8l0TI t é de àOffi..i-Ra'-
tian de la nature,
comme dans certaine.s ·cult.uI~e:s asiatique-s·.
Ell.e p.ro.cède d "un dessein dol alliance de :L'homme
a·.\\:lX Forces nature:lles,
de particip-ation à: l:a grande vie'
cosmique,
de cOIn-muni.o·n avec le s nu] sions
te llurique-s.
C'est pourquoi l ' aTt de la parole,
s.oigne·usement
tra'Rsmis d'une génération à l'autre,
rigoureusement codifi.é
apparaît comme éminemme:n~t fonctionnel.
Il n'est presque jamais une activité de luxe; même
le
jeu se révèle finalisé.

- 261 -
Il est presque
toujours une activité vitale au
serVlce de
la communauté.
Spontanément engagé,
il assure la cohésion du
groupe,
il la rythme,
il la magnifie.
5 -
Le style
Puisque nous sommes en présence d'une littérature
orale,
le style reste inséparable de l'éloquence; de fait,
quiconque possède à un haut degré l'art de bien dire ne
manque pas de jouer, da-ns la société négro-africaine,
un
rôle important.
Dans un univers social, où la palabre est
reine,
ou le Dyali
(maître de la langue)
s'apparente au
sage,
la facflité dl improvisation,
la correction de la langue,
l'aisa'nce avec laqueTle on manipule symbo-les ou lma-ges,
le
sens de la réplique sp-ont:ané:e,
le pouvoir de suggestion
pas sen t
p our d-e~s q~Ga:l it é:s maî t r_esse s e t de s d:OŒs div i n s.
San s
doute.,
tout réc i-t -dOl t comporter
certains moments stéré-otypés,
no'tamment au cFébut:_ ex à la fiR-, mais l' a-rt du TlacrTateur peut,
àan:s l ' in:t'ervla'OII=e,
j=Œue:r un r:ôJ:ce ém-inen.t, q li' il -s' a-gi~sse de s
g.e-s:t-e:s., de-s ID i-miq ue-s ,. d-e-s oItnmat-op:ée s,
ŒaS
i-:rr_t:on'aTion=s,
des
-im-age-s ou ,cifes -bTuderi-e-s t:ouJours p:erm-rse-s sur un ca,nev.as
gcén-ér a 1 e,me-nt immi:labl-_e..
L'int-éTê't de La Fce_p ré 5 e n t a tiün th éâ -
t r ale ne rés :ii de pas cran s
1 a r e.p.r 0 ducti~on de s a pp ar ence 5 de la
v:ne rée Ile.
Un -t€'l
théâtre ne vise pa-s des ressemblances super-
ficie-ll-e-s,
mais s'efforce au contraire par des moyens symbo-
li.qües d'exprimer en que_lq:ue sorte la quintessence ou
l '-esprrt in_ti"ânsèque de la réali_té.

- 262 -
Il s'agit de
la stylisation de
la réalité,
d'un
code qUI n'exprime que l'essentiel de
l'action destinée à
produire dans l'imagination du public des Images dramatiques
exactes et concrètes.
Dans la mesure où
i l n'y aura pas collaboration
créatrice
avec
le public pendant la durée de la représenta-
tion,
sans la participation de l'imaginaire collectif de
l'auditoire,
le spectacle ne pourrait pas se dérouler de
façon satisfaisante.
Pour ce faire,
le théâtre,
tout comme la
pédagogie, ont beau~oup à apprendre de l'art du contage, car
"un conte raconté sans procédés expressifs corporels,
sans
"remuer les bras" comme on dit en Tasawaq,
est fade et ne
retient pas l'attention de
l'auditoire.
Plus enCQre peut-être
que l'intérêt de
la variété de son répertoire,
la réput-a-tiorr
d'un cont-eur est fondée
sur son art d'employer les intona-
tions adéqu-at-es et de faire les gertecs au bon moment".
(1)
Par exe-mple,
comme la s-cène du C'onta~ge est démunie
d-' accessoiFe-s ,a't1 sens propTe du mut,
il eXI-st'e Tou-te une
sér ie de mou\\-;ements par le sque 15 le s CD'n~te.ur:s peuv-ent morrtT€:"E'
qu'ils ouv-en:t une porte, qu'ils s:e dépl'a-centà che-val, en
-barq·ue, etc . . .
Pouréta-bl ir cet échange,
e:n.t.r-=e le corrt-a:ge et le
thé âtre,
cm. Ci co ut ume de d-ire ~
s' ag is s aT'~t du C o-n-t e ur que 1'1 te l
un act-eur,
il module ses effets,
en fonctüm des réacti-ons
des auditeuT_s, répétant paT exemple,
à plusieurs TeDT1SecSUil:
.geste pa-rticulièrement ré-ussi qui a provoqué le rir-e-
C•• _).
( 1)
CAL AIvi E- GR. l AU L E (G)
-
0 p
c. J.. :t p.
4 9 - 5 0 .

-
263 -
Cette fonction de dramatisation est en effet
essentielle et va beaucoup plus loin que
le plaisir immédiat
qu'elle procure.
La mise en scène gestuelle fait passer le
message et joue un rôle très important dans la communication.
~lême redondants
(ce qui est fréquemment
le cas),
les gestes apportent des informations qui ne sont pas four-
nles par l'éno·ncé et dont on peut se demander si elles ne
sont pas en fait,
llessentiel du message.
L'en~emble des procédés gestuels implique en effet
de la part du c0nt~ur, un investissement de l'espace qui lui
est
imp·arti.
S'il est debout,
il peut "théâtraliser" davanta-
ge et aj0uter aux. ges·tes des bras et du buste des déplacements
ré'els,
mais ïl est éyident
qu'il restera dans les limites
de ce qui cûnstit·ue en quelque sorte son espace scénique ...
Un be!: cont:eur v'isuali-se parfai ternent ses déplace-
'~I L"!·uLïJ..isact ion d'e s ax'e s haut- bas, dro i te - gauche,
devalTt
1
c- de'rrière-,
ect cie Ie:UT \\Lal,e u r s ymho 1 iq u e,
est un pro cédé
J
s:cénique ~iJ11p.o.'Lta'nt .qui r=e'qH i e r:t une a'na 1 y s e pa r.t.i c li1 i ère" . (1 )
!-1
Ainsi,
le p-roj;et pé'dagogiq:ue q:aen'ous avons d.éj à
1
élaboT_é_, à SX!o.V.Oll
l"u,tilisation des c.0.n:.tes à l'école, ne
!
1
deVT a:i"t p as se p:ass'er de la mi.s.e en s.c.è Re .ges tu e:l1 e re·con·nue
cQlmme e'ffica,ce ~)«mr fa"ire Fa-sseT Je me.S.S.d:g.e et jouant un rô'le
i·mpo-rta·nt. inüo..ntes.ta'ble d'an·s la communic.ation.
Théâtre spéci-
fiquement africain e-t actualité pédagogique peuvent être une
répDnse a'(leq'l:l'a·te à
la revend'ication d'une iden.tïté cul turelle
afr ica~ine .
(1)·
CA li. AMT- GRI Mn E
LG)
-
op c.i:t p.
50.

-
2 () 4 -
II - THEATRE NEGRO-AFRICAIN ET IDENTITE CULTURELLE
On observe chez les écrivains d'Afrique Noire,
depuis les années cinquante,
un
intérêt de plus en plus
marqué pour le théâtre.
(1)
Cette orientation nous paraît aVOlr eu une double
conséquence
elle a transformé tout d'abord la configura-
tian générale du champ de
la production littéraire africaine
en conduisant à ce qu'on pourrait appeler un rééquilibrage
des genres ou des modes d'expression;
elle a,
d'autre part,
contribué à instaurer un certain type d'écritur_e,
fort_ement_
marqué par le théâtre.
Pendant toute une période, deux
genres ont dominé la production li ttéra-ire né-gro-africaine
la poésie et le roman.
La poésie a flermis à l'écrivain Ncdr
d-'exprimer de fa_çon éclatante à la fois
la révol~t-e que lui
inspirait sa condition de colüRisé et le5 liens qui l 'unis-
saient à la terre africaine.
Le roman a é'galement joué Cil?:'
slon,
1-e- t-hé ât Te ne s'es t
p as encore hie:n imrrl-a'TIt-é.
OT, Il expression thé-â_tr-ale -aJ?p-arait d-ésor-mais
comme un moyenp,a,y.ti-culièrement pr-ivil:é:g:ié e~t intéressant
pour résoudre le pTahl ème de l ' iderrti-tè cult uT'8-11e ~La p'05-S'--i-
hi_li t:é
pour une- t r oUèpe de "s' e x-p r:i:meT _, p a-r tE. i e Ile ment: ouen
totalité;
dans les Tangues afTi_caines~p'ermet de -sensibi-i-rseT
le public
d'une fa-çon incomparableme-ntplu's fa:ci.le,. e-t
efficace que par les livres écrits en français d.on:t ]"'aüces
5upp.ose qu ' ait é-t-é franchi auparavantp-aT le lecteur,
un
double baTTage
: celui de la compréhension de la langtl'e eur-O'-
pé e n ne e t c e 1 u i
ùe l ' a 1p-h a-b é t i s a tian.
(7)
B.
LECHERBONNIER -
In~-t.{ation à -ta -t~.t.té./tatl.L/t:z. l1ég-/t-o-
a 6Jt1 c ct .l n e. - Fru&VWJ1d N:aLh a 11 -
p.aJtLé
1 9_6_2..

-
265 -
Or, l'utilisation des langues africaines ne peut
aller avec l'omission totale des formes expressives de l'art
du contage, des mimiques, des images et symbole~du style
des conteurs, des rythmes, des qualités d'improvisation.
Ce passage au théâtre ne s'explique pas seulement
par le fait que les écrivains africains trouvent dans la
forme dramatique un mode d'exnression et de communication
plus efficace que le livre auquel ne peut avoir accès qu'une
infime minorit~. Les écrivains africains découvrent aussi
que le théâtre offre,
sur le plan de l'esthétiqueJtout au-
t r e s r e s s ou r ce·s q-ue 1e 1 i v r e .
Art de la parole,
le théâtre permet à l'écrivain
de retrouver le chemin de l'oralité. Les dispositifs de la
m-ise·en scène, les d:écors,
l'alternance toujours possible du
disco,urs, du dia-Iü'gue, du chant, de la danse,
de la musique,
le mélange :des genTes et de-s tons,
sont pour le dramaturge
Ifaccasron de r~e:n0uer étroitement avec les caractères fonda-
rna:Ri~:fes1;e ilirns l.a ve:illée du villag.e ré:unie aut:OUT du
'1':t' ,t-n-t-eO:'l:p1této:tion de.-6 g'e.-6te.-6 do,tt te.nùt c.ompte.
de.-6 c. 0. mm e.·ntaùt e.-6 d.e. J!..' in 60 !Lmate.u/t -e.:t de. .Ca.
m-é-6e. e.n /te.lation ave.c. le.-6 énonc..é..-6 :tirqrui6:t.,t-
que.

c.'o-Jc/t-e:~:po'ndo:n-t-6.
O-n n'e t,te.nd/ta j ama,t~ p.O.UIt
~vi:de.-n-t e E' Ù7.tVI. p/t é :t:a·t,t o·n d-J-un 9 u, te.. .e. e.-6
c:ont-/te-J.Je-n-ô étant 6,ac.,tle.-6
d"'une. c.u.ttuJte. à une.
wil-.f/t-L I I ôau'd/ta.,
ra./t a.ü~_leu/t-6, me.tt--Jte. e.n
.Il.ce.iatio:nle.-6.
g.e.-6Ie.-6 de. la. na/t/tat,tcn,
aTe.c. >tu)
nive Cl11 xg e. ~;tu-e. l -6 dt>.. lac. Li.: g t Li.: /t e. 0 b-o.e. /tv é. e. c.-t
n.ota-mme.nt,
le. n,tve.a.u de. .ta c.ommun,tc.at,toV1.
c:.oulta.n:te.:.
Le.-6 gl,t-6-6e.me.nt-6
e.t e.-mp·Jtunt.6 d'u-n
nkv~a.u a lta.ut/te., -6ont 6/téque.nt-6. S,t un d,ta-
l.ogue. inte./tv,te.nt d-a-n-6 le. c.onte.,
.te.-6 ge.-6-te.-6
d'e. la c.onve.'/t-O.Œ:{:,ton 60nt le.u/t a.ppa./t,tt,ton ; à
l '
,t nv e/t-6·e. ,
-6,t un /t é c.,tt
[a n e. c.d 0 t e. p'tl/t e. xe. mpl e. J,
~e man,t~e.-6te. dan-6 .ta c.onve./t~at,ton c.cuJtante.,

-
26 (i -
le6 ge6te6
na~~ati66 y 60nt imm~diatement
ob6e~vable6. (1)
Même si le théâtre africain cherche h s'appuyer
sur une double tradition,
il devra,
tout en incorporant
des formes théâtrales occidentales,
s'inspirer avant tout
des traditions locales,
ou régionales.
Il se réinvente ainsi,
utilisant contes,
légendes,
mythes,
épopées,
chants, masques et costumes traditionnels.
Mais sur le plan technique,
"il 6aut ~ema~que~ c.ependant,
[et c.' e!.Jt 6011-
damental pou~ not~e p~opo!.J) que c.e~tain6
~l~ment6 ge6tuel6 !.Je ~et~ouve~ont toujou~!.J
a
c.haque nouvelle na~~ation ; c.e 60nt p~~c.i!.J~­
ment de!.J ge!.Jte6 C.l~6 a!.J!.JOc.i~6 aux mo~~6!.J
e!.J!.Jentiel6 du ~~c.it. vraut~e!.J c.at~go~ie!.J de
ge!.Jte6,
plU6
bal'l.al6 quant a le~~ !.Jigni5ic.Q-
J.I.-i.on,
appa~ai!.J!.Jei'!t
~g-alement t~è,s r~igufi"èJ:f'.­
me-nt paILc.e qu' il/5 ,~OYlt ti~!.J a c.e;'tLa-tYle~
6o~me!.J dr~110nC.~ dont il!.J 60nt, !.Jemble-t-il
in-!.J~-p-œtm-ble!.J : c.e. !.Jont pa~ exemple" ,e.,Q.,~
_ge!.Jte6 a-c.c.-ompagl1ant l{l.!.J
ve~-be6
cte mow:Jeme~n-t
- d~plac.emen.;t de pe~!.J o,nvrag_e-f. - Olt i_e-8 d-éict-é-
q ue_:Q "
(2).
On peu t
CORS i dé r-e-r
le l1l'ii1 i-eu_ cul t ure 1 c om-me ume-
structure assimilante qui digère de-s- mCftériaux ét!'-.a~ngeTs €ot
assimila-t.üm l "enr_LcJiit et n-e peut affecte-r son des-ti-n.
Seu 1e l a destruction p:ar l1rre ca,u5emée::a_Il iq\\;Fe
d'origine externe,
l 'écléitemeTIt pO-lJT àe-s Ta-isoàlsdi'CeTse:s_~ ou
la scléros-e p-ar -excès d' autare ie, pe'uv-en:t !:u'i être fa_tëac:ls,~
Les mé-t'amorpll'Oses de la tradition orale ne dojv:.en-t m-as-- être
consid-érées comme le signe annonciateur du d:ép.éris-semeITt du
noya-u spécifique qui met fin à la vie de 1-a socié~é
africaine.
11) CALAME-GRIAULE 'FI ,
: 17 1
-
op cit - p., 49.
( 2 i
,{, b ,{, d c. m
-
)J.
5 1 _

- 267 -
Aussi,
tous les efforts doivent tendre aujour-
d'hui à protéger cette spécificité enrichissante:
ce n'est
pas là isolement,
repli sur soi,
c'est la condition même de
l'universalité.
III - CRISE OU MANQUE DE CREATIVITE?
Les contradictions,
apparemment
insolubles,
entre la demande
éducative et les possibilités matérielles de
la satisfaire
se sont cristallisées dans l'idée d'une "crise mondiale de
Ifédu~arion'r. Etendre les difficultés réelles auxquelles se
heurte l'éducation en Afrique Noire,
à la situation concrète
de l'éducation dans les autres pays du monde paraît néanmoins
quelque peu abusif.
Les pays en développement connaissent,
avec
au-
tant d'a-cui-té
que les pays d-éveloppés,
le problème du con-
t-erru à d-orrrre:rà l'enseignement et des moyens d'accroître son
e-fYi:cari-té. (o:mment combler le fossé q:u i se creuse entre une
iBtoTIDc=,tion toujOUF"S-P 1 us abondante et le volume des connais-
s:an:<::~::;qoe l_,céco-le est pratiquement en mesure de donne-r? Le
pTo:b1:èmeEo:n.damentaL qui res-te en suspens dans le_s p:ays
_d lm. fT rq,ue No'-i:re:" ·es,t c e-}u i de·s mét-hode-s- Te:s p.l.use:fIïca·ce-s
POllT
in-tensifi-er l'enseignement.
Le fait que 1 ~éducatioR
suppo:se' ta tr:ansmis'sien de génératio·n engénérati-on, de.
-témmigr:raogoe's e~td' op inions épTo:uvée's, TI' e st pas p-Lus un cr i-
teTe de CD:nose-rva,t:ï:srne que l'utilisat.ion,en médecine" de
méihc<tmen--ts accept.é.s et éprouvés par la p-ra-tique.
CeTte-s,
~es faits et tes lois qu'on doit transmettre à l'êcolier
peuvent é:vo:-laer au fUT et à- mesure des mutations sociales,
5cientiIiques et techniques,
et aujourd'hui plus rapidement
q;u:e j arna-i-s.

-
268 -
Mais cette dynamique du changement ne doit pas
être poussée à l'absurde.
C'est pourquoI un regard de la
pédagogie vers le passé ne peut être que salutaire pour
l'Afrique Noire.
"Dan~ une cuttuJte de t'oJtat.zté., en e.66lt, un
c.onte,
c.haque 6o.z~ qu'.zt e~t énonc.é,
e~t
t'about.z~~ement ponc.tuet - et éte~neltement
pJtov.z~o.zJte - d'une longue matuJtat.zoYl et
d'une étaboJtat.zon c.omptexe. qu.z c.Jt.z~talt.z~e
autouJt d'un noyau (~tJtuc.tuJte naJtJtat.zve et
pJtojet ~émant.zque) de~ étémeYlt~ d.zveJt~,
~ujet~ à de,s mod.z6.zc.at.zon~, ~ub-6t;",tutzon~, et
qu.z
toute~,
o~t teuJt Jta.z60Yl et paJtt.z2ipent
à ta
6oJtmal.z~at.zon du me~~a9e. pcuLt.zc.ut.zeJt
dé.t.zvJté. à c.hac.une de c.e~ é~.z~~.zon~.
VaJt.zante!.l et veJt!.l.zo-n!.l !.lont,
pou~ ce genfLe de
l.zttéJtatuJte, !.la man.z~Jte de p.z~geJt, p~uJt t~ute
!.l.ztuat.zon,
ta Jt.zc.he d.zveJt!.l.zté. de !.le!.l poten-
t.zat.zté!.l qu.z, a.zn!.l.z ac.tuat.z!.lée!.l et p~i!.l~ntée!.l
c.omme de!.l
expéfL.zenc.e!.l
hybJt,Lde!.l du véc.u et de
t' kiîî'aginaiJtl, iJ't!.ltittent en tou.s - etc.o-mm;e à
teu,'/. in!.l u - .f. u~ dO-Ylné-e-6 6:oJ'lG:ctme ntaleJ dec leufL
univeJt!.l
cuLtuJtet c.ommu-n ... "
: 1 )
Ainsi,. au lieu de faire
table rase des con.tes,
au
nIveau desvilla"g-es,
l'on peut vivifier la prL'ac-t ique du
contage. -Car,
la veillée de CUPi-!::a.ge qui réuni!
tous les gens
du v i rI a-ge,
re-p~hm:-ge l a: commU!TI'aut é d-aon-s une réë:E 1e vi e -ct.rl--
tur:elle.
Et ceci aUTa non seulement 1'·a'Va!n.ta~ge Ge réü:::1ir les
je une saut 0 ur cl e-s vie î IIar.ds ~ ma-i-s a ussi d:'~a:tt"énue:-T 1.e's
·q.ueTe-ll-e-s de génèracti-8.R.
1e charme du 1T.i_llage ne pe:at-il peas
fr-e-iner l ' exo·de rUTal duut su-uffr::e l ' A:,fr.iqu_e ~o,i.:r::e ? Les
contes ont p'ar'fo'is pour cOEcl.us iandes prov:e:Tbes qp:i p:e'uMe-n-t
avoir un. imp,a c t
fa r t
SUT'
l ' or-ien:tat Ï'on- deI a v li'e~,
moral et ê'tr-e une nourriture iP.'t,ellectuelle.
Lorsqu'''-un élève
ut.ilise à bon es_cie.n_t des p-roverbes de langue 10ca~ïc--e êlan:s- un
écrit en français et est capable d'en donne.r une tra'Œl:lCti~on
( 7)
V. GOROG--KARADY (l.t. C. SEVDOU : "Cof'tteJ.l-, mon beau. c.orr.te, de ;fou,!) teÂ
~OE,S, dù- l'wu,!, quet l2.-6t: .te vttai" in Litté:JtatrJ.!ti'.. n° 45 - p. 25..

---- 269 -
précise,
il peut davantage préciser sa pensée. Le nroverbe
est comme un contenant dans lequel la pensée peut s'expri-
mer plus sOrement. Et lorsqu'il est assez imagé,
il permet
aussi de donner lieu à un développement personnel qu'il
recrée.
Même certains élèves, plus doués, plus habitués à
cette tournure proverbiale et plus habitués aussi à l'écouter
dans leur propre famille,
sont capables de réinventer avec
les éléments du monde moderne de nouveaux proverbes pour
exprimer leur pensée. L'école moderne entraîne à l'analyse, à
la prêcision dans la distinction. L'usage des proverbe5 qUl
suppose pJucôt l'entraînement à une pensée synthétique, ne
va--·t-il pas contre cette formation à la rigueur d'esprit
analytique? Il est aussi difficile de rêpondre à cet-te
question, qu'à ce-lIce qui concerne la créativit-é, d-ans te
texte même de s -con tes.
Ainsi, aIl a pu consta-ter que les contes et légende-s
font p:aoLtie intég-:r.s;n_te d'U'ne conception traditionnelle de
ll:é.a-l.'hca:t_i.on'_" wé:cue au sein du clan et qui assurait la vitali-
AIr rqne j'>loire -e_t b-ren des jeunes, refusent d'être des cünsom-
m'a=t-eu.rs de civil i sat ion et s' in t e-r r a-gent SUT le:s f-i dé 1 i-t-é s-
et Tes aba-ndüns néce-ssaires à tout africain qui se veut
~t:o:ta~lern~ent homme de son temps.
"Ce quJ.. il toujOU!L~ 6a:J..t .ta va.te.uiL de. 12.' éd.u-C.a:-
tJ..o n tJta-dJ..tJ..o VI. Vl.e..t.t e.,
c.' e ~.t 0 Ù Il adap ta.U_-ML à.
.ta vJ..e. de. .ta ~oc.J..été c..talü_que."
(1).
(1)
CALAM-E-GRIAULE - op c.J..t -
p.
50.

-
27 (l
-
Alors, ce n'est que par la prlse en compte du
patrimoine traditionnel que la pédagogie, le théâtre négro-
africain apparaîtront comme le moyen par lequel vont être
élaborés un nouveau mode de communication, un nouveau style,
une nouvelle écriture, qui participent tous de l'identité
culturelle du négro-africain.

-
271
-
CON C LUS ION
En donnant des causes précises à des phénomènes
mystérieu~ les contes et légendes jouent un rôle apaisant.
Et de surcroît,
ils apportent l'espoir à ceux qui en ont le
plus besoin.
Contrairement aux religions fondées sur des
sacrifices rituels,
qui demandent certains sacrifices en
échange de la promesse d'une vie future meilleure,
le conte
promet le bonheur tout de suite}
et gratuitement.
Un capri~e
de fée,
un coup de baguette magique,
et le pauvre sot,
risée
du village, devient un homme riche.
Car la première loi du
cORte,
c'est la fin h'eureuse de toute's les vicissitudes,
le
hon-heur final de ceux qui ont tant souffert au cours du
récit. La légende, conte appliqué à un person-n.a.g.e hi st.oriq.ue,
à un endroit réel,
peut se terminer dramatiquemenL.Mais
pOUT que la fïn s'oit entièrement crédible,
il faut à ce :pan1:
des assises solides.
Tout f'antastique qu'il appal'a;,isse,
le
merveilleux des con_te:s doit obéir à l'a logique.
On p'arle
sauvent d€
l'absuTde' des contes~ bien à tort.
L.es hommes
n" a-iment pas le.s coïnciden.ces et se méTient du h-asard.
En· li_t.t.éra tUTe,
ils tiennent la co-înc iden;ce pOUT
unep i è tr-e ficelle et d an:s la vie rée Il:e-,p our un s.i.g.nedu
des~ti,n_ Le conte, exp-Tessio-n dire-ete et sp'ontanée des aspira-
;t:iD;n~s :huma ine s , est le se il 1 genre littéraire
où Teh a say d
n'intervient j-amais.
Là, rien n'est coincidence,
tout est
causalité.
Causalit·é irrationnelle
peut-être,
malS irratio-n-
nel ne sign-i-rie p'as absurde.
Et que ferait
l'absurde dans cet

-
2ï2 -
univers strictement motivé , où chanue chose a sa raison
d'être,
chaque geste provoque des conséquences? Naturelle-
ment,
la logique du conte lui est propre,
elle n'a pas
grand-chose à voir avec la logique courante.
D'autant plus
que sa logique est toujours conforme aux moeurs du pays.
Le
conte s'adapte à l'esthétique et à l'éthique de ceux qui
l'accueillent.
Cette plascicité est sa force,
la source de
son éternelle jeunesse.
Toute collectivité humaine, pnur durer,
doit Ins-
t ru ire 1e s
jeunes,
cie s t - à - d ire,
1e l:H fa ire con n a î t r e ,
apprendre,
leur donner des notions jugées utiles et utilisa-
bles, meubler leur esprit.
En somme,
transmettre sa civilisa-
tion_.
s:a culture, un héritage de croyances,
de coutumes et
de connai5sance-~ lentement acqu-is:e-s au cours des siècles
un trésor de rêves et de travaux,
de s'Guvenirs e-t de
d-é-c OUNce rte s. Tou te's ce s as pi ra t ï 0 ns pnû'fowdes d-e s pe-up 1 es,
nous les re-trouvons dans le·s contes de l'Ouest afTIcain.
Le
cont-e e~s-t- un récit qui donne Ë. ihrecollTs à_ lad~éE].'g:\\jr:ra-t-ion
du
p'0èUT
raCnTI.teT son histoi-re,
commeITE_e- p:a:r dir:e- ",un me:nsonge à
moi" qui est L"éq'Uiva'l:e]lt signif~catkf dul"Tl -é:tait URe- f04-5'1
fra:nçais.. :1' 011 sait que it'O{ites l~e:s c:onfiguratio:.n-s du récit
SORt e nr i chie s, enj 01 ivées.
Un me-nson:ge,
0eerte s, ma=ois un
mensorr:g:e qui conLient .ur~ erllse igrnement d'01rt- il f,au-t 1N:ofit-er
UBoe 1e ç on de p rudzn.ce.
d.e gén:ér-osi té,
d:e p-a:t ie n:ce.,
d--e sagess-e- indispensable à la gOl\\lver:.le de l'homme e-t néces-
sa ire à 1 a s t ab i 1 i té de 1 a soci ét é. 1_e s c 0n>:te-s e t
1 ég end e s
contribuent à instruire les enfants e:t 1-e·s adultes en les
amusant.
Ce qui compte, pour que le cunte se disctingue d'u-n

-
2ï3 -
fait historique, c'est que le récit garde toute sa teneur
fabuleuse et merveilleuse.
Les contes sont captivants; par
conséquent, certains interdits empêchent de conter de Jour
sous peine d'être frappé par une malédiction.
Non!
cela
empêcherait de travailler,
de faire ce que l'on doit à la
communauté par son travail.
La pauvreté,
disent les Ouans de Côte d'Ivoire,
est la fille ainée de
la paresse.
Et c'est donc la nuit que
l'on conte.
La nuit,
l'ambiance nocturne,
les feux,
le clair
de lune,
les cris des animaux insomniaques dans les bois qui
jouxtent le village,
les chansons reprises en choeur,
les
battements des mains,
le tarn-tam,
toute cette atmosphère du
conte presque toujours mimé,
rend l'âme éLrangement réceptive
et l 'on peut direave"c Wil,l Durant que "la civilisation débu-
t e d,an s la hu t t e du p a y san".
(1)
Conte's et légendes sont les miroirs de la ciy_i,l,î~sa­
tion au:t~ochtone
tra,ditionnelle.
Ce sont les asnira-LÎ'on-s d'fun
JJeuple te11es que I-es siècles les .on,t modelées.. Püur un peu,pl.e
s,ans écr ituTe·,
i~Fs s'ont d "tHle imp:QTt:a;n;ce, caR ita 1e
: 1 es page s
p'F-écéè:entes nous ont bien mon,tI_é comhien ils pouvaient ê:tr-e
un do,cli·ment p:hil,os op'lYi-que, e"t-hno 1ogique et. a nthT opo_lo·g iqüe ~
cré·dible . . Ci-est .par eux que les anciens transrr.:ett-ent,
à des
de·gr é sde compT éhens ion d i \\~e YS ,
sous des for m'e s f acile5 à:
retenir~
les valeurs mDral·es et spirituelles.
Les séances de contage sont parfois émaillés de
dictons qui permettent à chacun d'e s'enrichir intellectuel-

- 274 -
lement
-
"le mensonge donne des
fleurs,
malS pas de
fruits."
-
"Celui qui épouse une belle, épouse des tourments."
-
"A la vue de l'épervier,
on n'expose pas ses poussins sur
le rocher."
-
"Fais tes affaires toi-même,
tu ne
seras pas trahi."
De quoi parle-t-on dans le conte ?
De l'hospitalité,
de la politesse,
du loyalisme,
de
la compassLon,
de la solidarité humaine,
du
sentiment de
l'homme,
de la patien-ce,
du dé v ouelllen_t_,
de la reconnalssance,
du sens de
l~ordre et de la discipline, de la prévoyance,
etc . . .
L'on fIé tri t
e t
r 2- i Il e par cont re
la violence,
la
mal'honnê-teté,
lacupidit-é, en un JIOt,
tous 1ees vices.
On
trouve aussi dans les conte-s, une
Leçon du devo_ir,
du mépris
de 'p-e:nseT~ Ainsi.., un vie-il ho.mme Çl:éCTépit, mép-risé de tous,
était ·éc·outé de Dieu,
sa:PJS Lql:1e nui ne le sa'che ~ ]1 accompli.t
d-eux moira-c le 5 pa y
S€-S
P'Y i ères.. Sa_ T~é~pRt:ati.o.n 50' é t-e nd- ,
l e
peuple- se -me·t à' le v..énéTce-I.
Le v ie:.i_l humme
m·aIs pour lui demande.r fi:...a JTI.o'r1:. : "j;ra:rce que sa vie es_t deve-
mTe cbose:. pu1J~li que-" .
l ' Oue-s t
s'on t
e TI !9:te in:e mut a-t-i cm,
cecrte:s.,
mai.s pa.s au p-o.in t
ci'-'1:FE
baulevers:em-eTftt-otal.- Cmn;n;:e le C'OTIst'a·-te P.
ERNY,
"if t1-e. 6aut pa~ o-ubf.i e.1t q-u e. f 1 irnm-e:n-,6 e. rn a jo-triLé
d-e.:-~ el1·6·a-:n::t-6. Jt':e.t:ève.
e.11C.Olte. du rn.LLéeu Itultaf
e't ql:Le p.e..C1.~
de. la moit...i.é d'e:ntlte. e.·ux l1'e.-6t
paJ.J e.1·lC.OJt~ d-é.:te.c.te.meI1t to'uc.h-ée. p-a-It l' éc.ofe..

- 275 -
L'·é.u.otut.-tol'l qU.{6'a.c.c.ompt.-tt daVl.6 tC:/j aggtolJlé.-
~at.-toVl.6 Vl'e.6t pa6 ideVlt.-tque a cette que
c.oVlVlait~oVlt te.6 c.ampagVle.6,
c.a~ c.ette-c..-t
ga~deVlt toujOU~.6, .60U.6 quetque fatitude que
t'OVl .6e t~ouve,
Uvl attac.hemeVlt plu.6
60~t aux
vateu~.6 d'eVl~ac..-tVlement de ta t~ad.-tt.-ton, et
t~.6 c.ond.-tt.-ton.6 .6oc..-totog.-tque.6 .6ont é.v.-tdemment
to.-tn d' lJ (U~e te.6 même..6 If. (1)
Pour apprécier
l'incidence que peut aVOlr actuel-
lement encore la pédagogie coutumière dans tel cas particu-
lier,
il faut user d'un double critère:
l'un quantitatif,
tenant compte du nombre d'individus qu'elle touche partielle-
ment ou exclusivement;
l'autre,
qualitatif, prenant en
considération sous quelle
forme plus ou moins pure ou
dégradée elle subsiste encore.
Malgré cette remarque optimiste,
il n'emp~che que
le fossé ne cesse de se creuser entre les générar-ions
;. ce
g,ui conduit aux ant-ipodes d-e
la tra-dition où tout ét ait mis
en oe,uvre pour assurer au contraire l'haT_morLie.us_e COIJ.tin-ui té
de l ' educa t ion.
Le nIveau de connaiss,ance supéTieŒTede:5 enfants
qUL _Rcc.èdent
à lia lecture e-t leur imp-O.Ltance éC0,no,miq-ue
p:oI'ent-ie-lle quoi po 1 al" i se le s e spo ir s des p:arent s . J a D a-rcel-
./
1 is:at-io n ,
1-' inco h é r e fi cee t
l ' i ndi:vi du:a:f_isa:t:i:om_ d-e l Lau~t E:H.:i_t:él
l-e conflit entre lce-s valeur s occidentale s e t ce11e s de
l'A'fr:iqu.e- c:ouLumXàr_e
,
la co.nception TI0uvelle GU respect- die-
La p-ersonnalité de l'enfant,
en expriment Le_s dimensio1l.S ~les
IfT~op ,fjOUl'2.Vlt, Or1 ncû:t enthe-;t â t'éc:oie une
AnJt.-tqu e mo u~al1te,
u.ne A6Jtiqu e. no.tfdo~iqu'e qui
qu.-t n' e.6t ptu,fj tà.
Ceta n' e.6t,
cC'lte,s, pa.6
dépou~vu d'inté~~t,
c.a~ ~.{en ne vaut t~ c.ut-
tu~e du pa.6.6{ pou~ no~t.-t6.{e~ un .6eVlti~en:t
( 1 )
ERNY (P)
-
op
-
p.
280.

- 276 -
d' -<"di?,nt-<"té. Il
(7)
Mais
la formation coutumière ne
se réduit pas
à cela.
Elle
est vie.
En un sens,
elle n'est autre chose que
la vie
sociale courante,
elle
s'étiole et meurt dès qu'on veut la
faire entrer de force
dans le cadre scolaire conventionnel
qui lui est parfaitement étranger.
L'apport }e plus
intéres-
sant de l'éducation coutumière,
là encore,
ne doit pas être
cherché du côté du contenu,
mais des structures.
Pour comparer valablement littérature orale et
littérature é~ci:_ite, il faut
le5 placer sur le terrain commun
à toute littérature,
c'est-à-dire celui de la communication.
On s'e-s-t- demandé ce que le conte en tant que litté-
!'ature orale a dE- caractérisct-ique dD. point de vue de la
communication. -Nous avons longuement év-oq,ué la plasticité,
c'est-à-dire,
le conte.
av€.c
toutes ses variant-es,
témoigne
d "une eeTta in.e vie.
l [
s.' a g_i_t plu:t-âct ·d-' un c.arBet èr e po s i tif,
d'uE caractèEe d.e \\:i:ce., JTIlf--UX exprim:f par -la n{)tion de p.la-s-
ticité. Se-]-on le pUiD'lic et les circonstance-s,
le conteur
p-eu t -v.:aTi-eT son ré-eit p:mur--réyGndTe à
] l-a'.ttent e du p:llbL1L.
Lep-édag.ogue -ne- à07it-~iJ. -pea's -v-aTier S:GD _e:n'se-i'gn-emen:t,
s"ad-a;)'tecI" à l 'c:-tL~en_te de· ce:trX à qui ï l transmet un s-acVoir ?
1.1 e-xics!-e tDU~'\\0llr.s en f_Qftctîo'n cl' un pub~lrcq.ui le
reçoit et ";/ répiD1l.à. lCt\\-est une :tittlératu1'e qui veut transmet-
tTe_ qu:elque chase et cq:ui s'uit d-e-s rè-g1es d-etransmissio-n.
Elle a- des dép-os; t:ai-re-s,
etes pe r son-ne s pr éc iCs"e-s
(1)
ERNY
(Pl
-
L' ecn.6 e.ig 11 e.m e-l1t: dan-6
ie..6 palj.6 pau\\JJte.6 - p.
i68.

- 277 -
dans la société qui sont chargées de la transmettre dans un
concert de mimes,
de gestualités,
de symbolismes,
de drama-
tisations et de stylistiques.
"SJ.. l'a,U:e.ntJ..on de. l'anthlLopologue. ou de- J:.'e.-tf.:-
nolJ..nguJ..~te.
e.~t ~uILtout mobJ..lJ..~ée. paIL la
mutabJ..lJ..té du eonte.,
e'e.~t que. la 6ILéque.nta-
tJ..on de.~ eultulLe.~ de. l'olLalJ..té le.ulL ont
ILévélé que. ee.tte. eaILaetéILJ..~tJ..que. du ge.nILe.
étaJ..t POUIL e.ux la plu~ 6éeonde : caIL e'e.~t
pILJ..neJ..pale.me.nt dan~ le. je.u dJ..ale.etJ..que. de.~
ILe.~~e.mblanee.~
e.t de.~ dJ..~~e.mblanee.~ qu'J..l~
pe.uve.nt tILouve.1L un te.ILILaJ..n d'e.xplolLatJ..on
eommun a le.u/t double. pILOpO~ qu~ e.~t de. pILe.n-
dILe.
le eonte. t~ut a la 60J..~ eomme. objet
d'étude. e.t moye.n de.
eonnaJ..~~ance..
Obje.t d'étude. e.n ~0J.. dan~ une. pe.IL~pe.etJ..ve.
méthodologJ..que., le. eonte. 066ILe.,
de. paIL ~a
vaILJ..abJ..lJ..té e.t ~a ILJ..ehe.~~e., un e.xe.mple. pILJ..VJ..-
légJ..é POUIL l'e.xamen de.~ mode.~ d'aILtJ..eulatJ..on
de. la "~yn'Laxe." e.t de. "le.xJ..que." dan~ la
60fLmatJ..on du ~e.n~,
moy,e.n de. eonnaJ..~~anee.;
J..l
e.~t, a plu~ d'un tJ..tILe., pO''r.te.u.'''' d'ù160!LmatJ..on
~UIL la ~oeJ..été, dard kl émal'le. :: d~:n.t- ~on
conte.nu~
dan~ la manJ..~ILe. dont celui-eJ.. e.~~
m,ü e.H 6oILm:e. , da-n:o le.~ modalJ..{f-:ê de. -6on
adapt~t~on cont~xtue.lle.,
dan~ ~a 60netJ..on
même. de. tILadJ..tJ..o n eultu/te.-lle. e.t -6 e.~ mo-de.~ de.
tILan-6mi~,~J..Dn,"
(1)
As-sureT la con-tinui té et f&v-orisE-r le L_eJlo,uyell.e--
men'! d-e cha que so_c i été ,.cl ans 1 e Te spe ct de son g:én ie. pT 09 r e ,
tel J: e s:emh 1 e b i e Il être 1 a mi s-s i on es sent--re-Ile d €"
P'êduc at ion,
d-ans sa douhLe Lonet_ion de reprod-uct-ion soci:<lle et: d'inova-
tion : l'-école est par excelTence le Tie:uou p:e-u,t se
tranSlne-ttI'eet 5;e peTpétueT l 'héTitage cultU'-~elde chaque
p,eu pIe, -e-n mê-m-e t:emps euu-, -e l1-e en "pTépare ï e T'en ouveTleme.n-t ,
par la format iC'ln de s at t-it.ude5 e.t de5 apLi,t.u.d.e,~, nêces sa-ire:s
pourp-articiper au changement et pOUT le maîtrise-y.
Pour y
parvenir,
il Y a lieu é-galement d·e re'ch:eTcher un 2'juste'm:ent
( 1) V. GOROG- KARADY u C. SEYDOU - "C("nte., mon beau eonote., de. taLLé teô
M.n~ d~ -HO(1.ô que.l e.:ot :te. vJta.t" .ty: LiliéJr.et-t.uAe. l'l0 45 - p. 45',

- n8 -
à
la fois plus étroit et plus souple des contenus et des
méthodes d'enseignement aux caractéristiques de
l'environne-
ment naturel,
culturel et humain,
dans
lequel il s'inscrit.
L'utilisation des ressources immenses du conte,
dans la pédagogie et le théâtre,
ne doit pas être une
occasion pour prêcher un "fixisme" éducationnel,
au contrai-
re,
il faut ouvrir les esprits à l'environnement interna-
tional, en dév-elcppant une meilleure connaissance des
problèmes mondiaux e't une meilleure compréhension des
différe:n.tes val-eurs de civilisation,
tout en favorisant
l'enracinement dan-s le tissu de vie locale, pour permettre
a u x in d,i v i du s et aux coll e ct i vit é s de ma î tri se r
1eu r
env i -
ronnement prDpre et d"enmobiliser les re,ssources.
Le t'héâtre africain,
considéré de plus pr-è-s,
plonge l'Übse-rva,teur d'ans un emba-rra-s touchant au désarFoi
la dcifficu:n-é d,e cerne-T les contours exacts du.:t.héâtre en
AfriqJl€
"?'l'ovËennenct du fa,it GJue certains éléments culturels
(le synr0;(};lisme ,_ ,la:, gestue:ne"
l erythme',
e'tc ... ) furent peu
U'Eilisés.
ges"tes qui sont irr:a:JUa~tis'é's' da-ns l-e-s pratiques Œu contage pONr
sortir de·s sep..,tie-rs haëtt_u,S du "déoj:à vu".
Cependant,
l ' o'n peut
se d-eaamde-r s-i e'n p_é.dag'Ü.gie,
les resp,onsa:ble-s de l ' éduca tian.
q (re·s.~ Les re.s5:SZ:am:ce:sacux mut at-ioTI's s'e sont e ff e c tuée s p:ar
"4ue.tque.6 Jralte.6
e.6.6a..t.6 pêdagag.ique.6
(qui)
ont
Le,rr:êé do, in-f. é.g7z: e-tc .t e p:t11...6. p-.fe.irte.me.-n.t p 0.6.6 ..to.t e.
.te~ a-ppOll..t:o .c.outumi:e-It-I.> dan.6 Urt ert.6 e.i.gcrte.men.t
de t'y:pe ma de-,'1..rt,e a-6in de ne pa.6 d'éltae-ine.ft
!'e.:rt6al'l.-t et de. tlLtue.tr. t'éduc.a.tion ,~e-o.ta<'~'r.e

- n~1 -
dan~ le pitolongement de celle donn~e pait la
6am-tlle.
U~ n'eLLiLent guèite de ~u-tte." Il)
Est-ce la seule issue possible,
le seul chemin offert à
l'avènement d'une nouvelle Afrique?
Mais avant que la mutation ne soit radicale,
les
enfants des sociétés traditionnelles
de l'ouest africain,
continueront à écouter ces genres de contes humoristiques
" I l
tj
ava-tt une
6o-t/~ c-tnq aveugle~ qU-t vou,e..aéent ~avo{./'l à
quo-t ite~~emble un ~l~phant.
Le plLop/L-téta-tfLe de l'éléphant leufL peitm-tt de ~ouc..he/'L
l'an-tmal POUfL ~'en 6a-tfLe une -td~e.
"L'~l~phant fLe~~emble à un ~efLpent" d~c..lafLa l'aveugle q.u-t
tâta-tt la tfLompe.
"Plutôt un c..ha~~e-mouc..he~" d-tt c..elu-t qU-t tâta-tt l'o.fLe-tlle.
"Janla-t~ de la v-te" -tl fLe~~emble à un p-tl-tefL" pfLote.6.ta c..elui
qU-t pal~a-tt une jambe.
Ta-ndi~ que c..elu-t qU-t tena-tt la qu-eue de l'(H'l.t.mal a6-6-<:fLma:
"Ma-t~,p.a~dl1 t:out, ! -tl fLe~~emble à une c..ofLde."
AlofL-~, c..efu-t qU-t tâta-tt un-e du dé6 en,6e~, de l r -tmpo,6 Œf2t
an-tmal,
~e m~t a fL-tfLe :
" Ete~ - VŒ,Ué> ,~oL~
1 L' é!fi phant :!L--''!.-~ -6~rn'b Ce à lUi. C~
,,,
(1)
O::"Jy
(P)
-
;"b-i.-d pp.
280-281.

- 280 -
B 1 B LlO G R A PHI E
- AARNES
(A)
and THOMPSON
(S)
: The type of folktale,
a classification and bibliography
vol LXXV na
184 Helsinki 1964.
2 - ARNAUD
(M)
"Le lièvre et le serpent" in Présence
Africaine na
2 Janvier 1948 -
pp.
260 à 263.
3 -
AV AJE l Nl
( G)
L'échec scolaire -
Editions unlver-
sitaires -
Paris 1967 -
203 P.
4
-
BALLANDIER (G)
Histoire des littératures tl
Paris - Larousse 1956 -
219 P.
5 -
BA:R:KER (W.H) et SINCLAIR
CC)
: Contes d:e l'ouest
a fric a-in -
Par i s Ha-c-h-e-t-t e 1937 -
212 _P.

-
BASSE.'f
(R)
"Un homme chez les bêtes" in notes
africaines n G
26 - Avril 1945.
"'Le s formul es da-ns Le s con te s" revu e'
.œes: tT-ad:i.Li0fls p.op li 1 a i-!' e s 1 ïè .ann-é e
T XXX l I n a
5 1 96 5 .
CoTI-t-e:s--n-opu-l air e s d' Afr i q~ti:e m'a l S:Qm.~­
--p..:e:uve Lay:o s:e -Pa:-ri s 1 969 -
1 79, P_
T -
BEAUMONT
fP-. de)
: Con_t'e-s a--iri-cains -
édi tions- afri-
caine.s 8 1 i vret.s Ab idj.an T9 64.
Leco,n-te phiXosopn ique, Londo-n",
Eâ.imÎ)0tl-g 19-6:7 ) 21 0 P.
"Attacking poverty" et universités
francoflh0-nes du Tie-rs-Monde et éduca-
t ion non -forme lIe in communa-u té-s

57 Juillet-Septembre 1981.

-
281
-
10 - BELLENGER (L)
Les méthodes de lectures PUF !lQue
sais-je 7" n° 1707 - 125 P.
11
- BEN-AMOS (D)
Catégories analytiques et genres
populaires in Poétiques n° 19 1974.
12 - BENGONO CJ)
La perdrix blanche - Yaoundé édit.
clé 1966 - 170 P.
13 - BERENGER L.J.B et FERAUD:
Recueil de contes populaires
de Sénégambie - Paris Leroux 1885
250 P.
14 - BERNFIELD (S)
Sisyphe ou les lim~es de l'éducation,
Paris Payot 1981 -
200 P.
1 5 -
BETTELHE lM CE)
Psychanalyse des contes de fées -
Paris Seuil 1976 - 282 P.
T8 -
B lRAGO
(Dé)
Les contes d'Amadou Koumb-a - Paris
Présence Africaine lc9,65 -' 211
P.
Les nouv-e,aux contes d'Amadou Koumb-a
Paris Présence Africaine - 19T2 -
223 P.
COTI'_t:ecse t 1 avanes Pa:r i S Présence
Africaine 1:'9,6:3 - 20_5 p..
.
Rh±tosoph-tede' 1"·écduca~t ion nOèlvcel1e -
Pt]F Pari s 19 7 3 -
Z- 20 P.
"8 -
BOUN":ElGJJES (O. àe)
: Nou-ve a-u-x ca:n.te sde!, Afrique -
BrJ'lx:e_lTe-s La ren3: i s-s'arrce du l IV re
Ce qu-e C0,n"t-e'TI-t le S n:o'irs - PaT i s
L.e:the±lleux 1936 -
179 P.
Le message n-a·rratif ln communication
n° 4 - Avril 1'~64.

-
282
-
20 -
CALAME-GRIAULE
CG)
-
Pour une étude ethnologique des littératures
orales africaines
in Pottier Langage n°
18 -
1970 - p.
22 à 47.
-
Ethnologie et langage -
Paris ~outon 1965 -
326 P.
-
So Tanyé "parole étonnante" ésotérisme et fabula-
tion au Soudan -
Bulletin IFAN T XXI série B
n° 3-4 Juil-Oct.
1954.
-
L'art de la parole dans la cul ture africaine -cn
Présen~e Africaine 3e Trimestre 19~3 - PP.
74-77.
-
Con~e~ ésotériques Dogon, in Présence Africaine

Spéc.
14-15 Juin-Sep.
1957 -
PP.
335-342.
-
Ce gui donne du goût aux contes
in Li ttérature
n° 45 Fév.
1982 - PP.
45 à 50.
Les moqueries de village au Soudan français
ln
NoTes africaines n°
l
Janv.
1954.
Langage e"t -cu 1 tares a-friTa:.ine-s - e:s Sa:I ti-1 e thnolo-
gu i st igue -lVl:a:spérc: lo9 T7 •
-
Règles sociales de rfcitatio-i1- des CO'1'<-,toe'5 e,fi
Hau:.te- Volta iT~ Reocherdre.pédag0gie et cGi_Lt,U!T-e
n° 2&-30.
T:raodi-t i on' -ar-crIe et _ffilTS lq-ue
f97T,
Vo'l "5.
-
Proj-e-tde q.ues.tioI'm,aire pOUT l 'enqu~ête SUT le
st)'l-e oTal
des conteurs tr.a&i.tlC?lr.mels CO~]"3:q!ae
SUT
les languecsà tradition o:r:ale - Nice 1971.
-
Permanence et mé~tamoTphose des co:mt~5:,. P.aris~
puhlicatïon or.aliste de ~France19ï5.
2J
-
CARRAS
CI. B.~) : L 'hyè.ue .et les. anima~ux d-e- ï!-a b-F0-,m--s'S·e
L"édu·c a t ion a f r i_ca_ine Da k.arF9 5 7 Tl') 4~; 4 Z -
pp .
1 6 6 - 1 6 T •
22 -
CENDRARS
(B)
: ;'1.rrthol.ogl.e N-ègr-e Pa--ris CeŒréa, 192L

-
28.3
-
23
-
CESARI
CP)
~sychologie de l'enfant - "Que sais-
je 7" n°
369
PUF 126 P.
24 -
CHARLOT
CB)
La mystification pédagogique -
Payot
1976
-
280
P.
25
-
COLIN
CR)
Les contes nOlrs de l'ouest africain
Paris -
Présence Africaine -
1953
-
210
P.
Littérature africaine d'hier et de
demain ADEC Paris
1965
-
240 P.
26
-
COLLARDELLIE-DIARRASSOUBA CM)
: Le lièvre et l'araignée
dans les contes de
l'oue~~ a~ricain
Coll.
10/18
-
Paris 1975 -
219
P.
27
-
COLLOM CH)
et VA-LANTIN
CS)
: Modalité de maternage,
organisation de' la 3'ersonnalité et
cha--n-gements s-0ciaHx ra'p-ides - Revue
de l' insti tut des sciences social:e's'
T xX 3 1 908 -
P.P.
M~,8 et 5E.Tv:.
2:8
-
CO OMB S ( Ph)
29
- 'COPANS
CJ)
e·-t- CUgTY
CP)
: Conte-s- OUGlofè:eBm~ü--- CŒ]J.._
10/18 Paris: 19~T2 -- 2'10 P.
Histoire de I,ôAfroi-que,
de:s sOir;igines
à la: 2eg-tle-rr.e- -
P'ayo-t i?ar rs
r975 -
240' P.
31
-
COURTES
CJ)
.. De l a de ser j-p~t ion à l.a sné_ciLiG,acr: i 0il1!
des -c on't e s P-Q.pu;lâFÜ:~es --- Etlb.""1'Gi'l:G'g'i e
française ,-oE II - Il'e l-2
1"9/T.
3 2 -
COU ST INE (G de)
Co'nt-e- s s-ous l_ct cnJiix du sud_,
P liT i5
Maisonneuv.e e.t Larose· 1:9-67 -- 1'78 P..

-
284 -
33 -
DADIE
(B)
Le pagne noir Paris Présence Africaine
1955 -
220 P.
Légendes et poèmes Paris Seghers -
1966 -
275 P.
La belle histoire de Kakou Ananzé
l'araignée
-
Paris Nathan 262 P.
(avec la collaboration d(André TERRISSE)
Le conte élément de
solidarité et
d'universalité -
Paris Présence Afri-
caine 1967 -
PP.
99-117 Juin-Sept.

14-15.
34 -
DAVE SNE
(A)
et GOUIN
(J)
: Contes de la brousse et de
la forêt
Paris Strasbourg
ISTRA 1964 -
365 P.
35 -
DEBESSE
e·n
Les étapes de
l'é_ducatio-n Paris PUF
1 9 8 0 -
1 6-8 P.
36 -
DELAFOSSE
CM)
Le roman de l'arai-gnée chez les
Baoulé de Côte a-rIvoir-e in Revue
d'ethnographie et des tr-aaitïo-ns- po,pû-
laire.s
1èLeannée n° 3 -
3ème tri>ne-s-
t Te
1 920
-
PP.
1 8 7 - :: r8 .
37 -
D-EL:MRUE
tP)
et TENEZE
(M. L)
:
Contes- -m.eTv:ei_117 eux vol
2_
Ma-is:oll,netl'Ve e-t Larose
t964
-
2JiO oP'.
38 -
DELCQURT
(NF)
L~gende.s eL cuLte s cl !il h-é rc,s e:n tS r è CE"
PllF _E:ar.Ls 1 9'4-2 -
23GJ' P'.
Oe-d:ip.e ou 1 a
l é-gende du conql1_é.r_an1:_
Par.is Les belles lettres '--944 -
215- p~
3-,9- - BEbORSON
CD)
L "e-mp_ire du_ 11o:gho -NaV' ê.
Dam.at Mont-
c hr_é t_ie n 19 3 3 -
2 :3 (:) P.
4~O -
DERL\\Œ
(J)
Coll-ectes et t.raduction des littéra-
tures orales
: UTt exemple n:égro-
, -
africain -
Paris SFCAF 1975 -~12 P.

-
20:1
-
41
-
DEWEY
(J)
Ecole et enfant -
Aubier Montaigne-
Paris 1968 -
220 P.
42
-
DIETERIEN et GRIAULE
CM)
: Parenté et marlage chez les
Dogon
(Soudan français)
in Revue
Africa na
18
-
1956 PP.
130-140.
43 -
DUBORGEL
CB)
Imaginaire et pédagogie -
le sourire
qui mord -
Paris 1983 -
480 P.
44 -
DUMEZIL
CG)
Servius et la f0TtuLe P3ris Gallimard
1943 -
350 P.
45 -
DURANT
CW)
Le héros civilisateur -
Nathan Paris
1942 -
304 P.
46 -
DURKHEIM
CE)
Les formes éTémentaires de la Vle
Teli.gieus·e Paris PUF 1979 -
6S6P.
47 - ERNY CP)
Panorama des recherches sur les
contes populair·es -
revue de=s
sc i en-ce s sa c i a l. e s de la Fra nce de
-
L' e:rrf'ant
e.t s~,nnriJi i e-uen AIT iqu:e
Noir-e· F'.a::,-ot PaTislg:T2 -308 P.
- Et fin oJ.og"ï~ dl? ].1 ét8u'Ca·.t:i~oTl --- P a::r i 5
i?l:JF 1'9:S'1 .Lü8, R•.
-
As.pee ts de P-é:âuc a~:i:_ùnmo:r.:a.l.e_-,en_
Afr.ique NoiFe· in· Af'ric.a docume-nt
na
96 -- l~ fuS plP..
3S·-4:3.
-
L r. é du c a:t:i.on ...da-n:s ] e.sp:ays- rl'a'UN=T~e°.5=,
Harma.tLan... :P=a·r-is L97i -3'1'5 F.
48 -
FLI S et
ZONABEN;D
3 TOP'.
49 -
FORTES
uri
Kind ship and IJarlag-e anrÛ'B5 the
Ash anct i
in l r rmmme ua
15P'ar..is 1c~}6'1.
s~u -
FOUWI,
(B.J)
L it-t-é rat UTe nég-ro--ca fT i.C:a-'.LIEe- P'é!;ri s
Seuil 1972 -
2S~ p_

-
286 -
FREUD
(S)
Essai de psychanalyse appliquée -
Paris PUF 317 P.
51'- FROBENIUS (L)
Histoire de la civilisation africaine
Paris Gallimard 1952 -
322 P.
52 - GAL (R)
Histoire de l'éducation -
PUF "Que
sais-je" n° 310 -
126 P.
53 - GENNEP (A de Van)
: La formation des légendes -
Paris
Alcan 1910 - 418 P.
54 - GODELIER CM)
~1 a r x i sm e, a TI t hrop 0 log i e et rel i g ion
in Epistemologie et marxisme - coll
10/18 1972 - 315 P.
55 - GüLBERRY (M)
Fragment d'un voyage e-n Afrique -
Paris Leroux 1882.
56 -- Gt}ROG
CV.o-'K)
Con tes Barnba-r a du ~1 a 1 i
-
Par i s PU F
1979 -
230 P.
GOROG-K.-\\RADY
CV)
e-t SEYDOU
(C)
: Conte~ mon be-au
con~e ...
in ]it~~raXDIe n° 45 Fév-.
1:982-- PP.
2S- 29.
5:7 - GRE GOIRE
CF)
Les grandes {}.octri-nes morales- PUF
coll HQue sai s-j e ? 11- n° _6.5_8 - 1.2.2 P_.
58 -GRIAU'I:;-E' CM)
Co nna--is-s-a'RE-_e de ~ 'chomme noir _. ln la
connaissance de l'nomme au X.x-e s-i~èc.le
-Re n c 0 n_t.L.e i::ut e IRa;t_i(tna.Ie cie ·G.en_è~v e
19:6-1
-
Pp.
5·0--"6 (}.
L'a Il iance ca th:acr t-iqu:e -
rn Afri,ca

11
-
o'ctübr8 19'48.
Jeux no_g on Paris 2 ré se.nce Africaine
1 9 5 6 --
3 1 0 P.
Le problème de la culture nO-1re ln
l ' 0 r i g i na 1 i t.é de s c li 1 tu r e sPa ris
UNESCO 19-53 -
PP~
59 à
"70.

- 287 -
Le d SaVOlY Dogon in journal de la
société des africanistes XXII fascicule
1 et 2 - 1952 PP.
27-42.
59 - GUILHEM (M)
50 contes et fabliaux de la savane
(2 tomes) Paris, Ligel 1962 - 210 P.
et 200 P.
60 - HAMPATE BA (H)
- Textes initia-
tiques des pasteurs peulh Paris Cahier
de l' homme - 1961 - 311 P.
- Les traditions africaines gages de
progrès in tradition et modernisme en
Afrique Noire Paris Seuil 1965 - 320 P.
61- HENRIQUEZ (E)
Pedagogie psychologique des groupes -
éd. de l'épi Paris - 1973 - 320 P.
HERVE CH)
Con tes du pays Mal inké in l' é.du~cati.on
africaine B.E.A.O.f. ~n° 89 - janv-mars
1935 - pp_.
67 à 94.
62 -
HôLAS O!·,)
Les Senoidfo PaT-is PUF 196,6 - 312 P.
63 -
HUBERT (R)
.
Traité de péd:a:gQg-Î'e générale Pari-s
PUF 1'959 - 6&7 P.,
64 -HURAULT
CJ)
L-e-s no l-r s r {fug i é 5 del_a Guya~n-e
f ra nça-ise - R-e"V'ue I-EkN nO'6-3 - Daka:r
1'961 .
65 -
ÉL LI CH CI)
1'975 - 3rS P.
- Be la .conviv-ialité Se-uil Facris 197-5
260 P.
6'6 - JEAN(G)
Le pouvoir des contes -
TouTn~i­
Castermann 19~1 - 350 P.
Aube aLr i caine - PaT i s Seg h:e"Y s 1 9·65 .-
305 P.

- 288 -
68
-
KOUAKOU
(t-1)
Comment araignée punit sa femme
in
L'éducation africaine n°
29 - 1955 -
PP.
124-125.
69 -
LABOURET
CH)
Voyage en Afrique de l'Ouest - Nathan
Paris
1931 -
214 P.
Le théâtre africain traditionnel
(avec
la collaboration de TRAVELE)
Paris
Nathan 1928 -
410 P.
70 - LAGACHE
(D)
La psychanalyse coll "Que sais- je?"
PUF 123 P.
71 - LAGAE (Père R.C.)
: La langue de Azandé - Gande 1931
245 P.
72 - LANG
CA)
La mytholo~ie -
PaTis Alcan 1903 -
502 !J.
T3
-
LE-CHERBOJ\\INIER 5 CB)
:
Initiation à la littérature
négro-africaine -
Na_than Paris 1962
170 P.
74 - LEV I-S;nt~(Js s CC n
: Anthrop 0 TIog~ie_SXTl:l:ct:UT_ale Far is
PloTI_ 19~5,g
-
4'27 P.
7S - Mi':QUET {J)
. Af r j call1:Ë.--tté t~l",:ad~iL Lm-llReTl e f'â-r-i-s Prè:s:€m-
Africai-ne 19HT -- 3'(f3--P.
7 6 -M-A.J' l P ( B)
A la. bee Ile éto-i~1:e -
PaTis Pxé'sE."nc e
A:fricaine
1~H},2 -
27!.} P.
7 7 - fliGNDT
(Ch)
Un -eELf an:t ga:...-:e:1'=1"e arr Sa:na-Fa Occiiiie'll;t-a-}
in mJtee5 ar,:ri~ca=i:n~:s _n~o 9-8 - avril 1-963
pp.- 58 -61 .
7B - 'MON TEiL L {Ch)
Con te 5
S 0 il d:a n8 :ifs
-
P-a';T~is M·aisonueJ:lve
1905 -
2"30 p~

-
289
-
79 -
MORET
(A)
Du caractère religieux de la royauté
pharaonique -
Paris Payot 1902 -
304 P.
80 -
r-1ULLER
(M)
Essai sur la m)~hologie comparée -
Paris Didier
1873
-
506 P.
31
-
NIANE DJIBRIL
(T)
:
Soundjata ou l'épopée Madingue -
Paris Présence Africaine
1960
-
230 P.
82
-
NYANG-SULAYMAN
(S)
: Cosmologie africaine
in courrier
de l'UNESCO fév.
1982
-
PP.
27--35.
83 -
PALMADE
(G)
Les méthodes en pédagogie -
PUF "Que
sais-je 7" n°
572
-
125 P.
84 -
PAULME
(D)
Cendrillon africain ln Critique n° 394
19~0. Sur trois textes africains (Bété,
Dogon,
Kikuyu)
in cahier d'études afri~
caines n°
30 - Mouton et Co vol VIII
1 9 68
2 ème ca hi eT pp.
1 90 - 2 0 0 .
La mère dévorante -moTPholog-ï-e d'ueDn-te
afr icain -
Paris Gallimard 1973
5'LO P.
85 -
PIAGET et
INHELDER
: La psychologie de
l'e!1fa'flt -
co-Il
"Que sa-ïs-j-e -?"
1 2'ér -P-.
8'6 -
RADIN
CP}
La littérature des primitifs

l2
r9'S S.
87 - RLVEt
(MA
de)
Paris,
Présence~fricacinll:€
1960
316 P.
88
-
ROBERT 0IVl'-)
Con'te-s e"t rom ans S li r
1 e pcap ie r
-
Péu:iis
Gr a-s-s-e-t
r96 7 -
2'3 0 P.
Comment
Niamien récompensa la nraligne
araignée
in BEAOF Dakar -
Janw-Juin
1938
-
PP.
4:2-43.
9J) -
ROHEIM
(G)
Les DOTtes du r_êve
-
Paris Pavot 1952
.
.
230 P.

-
290
-
91
-
SA NO (M)
Une ruse de lièvre in Bulletin de
l'enseignement en AOF Juil-Déc 1974 -
PP.
73-76.
92 -
SEID
Au Tchad sous les étoiles - Présence
Africaine 253 P. Paris.
93 -
SENGHOR (L.S)
La belle histoire de Leuk le lièvre
Hachette Paris 1953 - 410 P.
94 -
SIMON SEN (l\\'!)
Le con:e ~oDulaire français coll
.
';Que sais-je ?" PlJF 1906 - 120 P.
95 -
SOGE (0)
Contes et légendes d"Afrique Noire
Paris nouvelles éditions latines
1962
-
3 236 P.
.9·6 -
SDRIANO (M)
Les contes- de PeTT·a·ultculture
S:.3.·\\:a:nte e-t cu i"tU'renopula i re Ga I l i-
mard ·P:arrrs 1'977 -
435 P.
Gu-ide de la· ]itt·-éra-ture pour la_ Jeu-
Ille us 5e· F l-aimrrra--rion. 1 9-7 5 -
6'90 P.
97 - TXLBOr ;( P.. A)
A~~ cne lH de la h'f.'OcQS8e
HacJ~e-t te
F94 Z: -
2' 2 0 P.,
9'S -
TM:JX1ER (L)
~ë'gTe's; :G.0Hlt:6'- -eot 'GAGflU P_ar i seo rré.a
274- P.
. La 1 ittér-a.1:~U'Ee _PiQ,p~l11_a.ir::e_à Ta côt:e
cEe s
e sc];a.v.es -
P ar.Ls Lex aux 193-;' --
210 P.
}(}O -
TeHJ CA~A- CU)
L-é-Q,;e'ndie:s afri:c:a:ine s - -P a ris Se:g:heT'5"
~'9 6·';'- 3.2.0 P. •
101
-
IEMPELS (P.P)
La phi:rv)s.a~h-ieha~ntoue
-
Par is
PTésence AEricaine 196;6 - 340' P.

-
291
-
102 - THOMAS (L.V)
in négritude : tradition et dévelop-
pement - Paris PUF 1976 - 235 P.
- analyse dynamique de la famille
sénégalaise - BIFAN XXX B3 1968 -
PP.
1005 - 1009.
- nouvel exemple d'oralité BIFAN XXX
II janv 1970 - nn 1
- la terre africaine et ses religions
(avec la collaboration LUNEAU René)
Paris Larousse 1974 -
514 P.
103 - THOMAS (J)
Contes~pToveT.hes, devinettes Ngaka
Ma'Bo P~ris Présence Africaine 1963 -
194 P.
104 - TOUREH {Y.S.)
L'exploration des activités ludiques
2 de~s foins éàuca-t ive-s in Etude s et
documents ~J'NfESCO N° 34 - PP.
66- 69.
105 - VAUSSAIS CP)
C0n.te~s a-fLÎ::cains -
Pa ris,
le 1 TV r e
c.r:!:-r--ica:in 1 968 - 30 6 P.
HJ 6 -
FRAN z: CV)
- L tinte rp F état iO'n de s C ont-e-s de f é e.s -
P~Ei:s 1 a fan ta ine d,e 0'-ie rTe - 1978 -
3'0 Z P.
- -12. femme d',an,s 1"e'5·· con-t'es de fé·e·s
2.5 0 l2:ar-Îs la.:...::f.o.TI.t;a~-i°ne'de~p:ierTe 197'9 .
r07 -
lARAN
CD)
_. Sü c"ié-té s de;, i TI ~t iat.ion -B'arnha-r a Le
N:keillo,
11'8- N~tj\\!)<mo,
le Koré -
Mouton
Paris. 5-19' P.,
r 08 - LE!0,P CH)
.ta l~ê;ge"Ba'e .àes -gr.:io:ts mal l-ncké
:n n ca~h'ieT d-'-:-é! udes ..:af.r..i.cail1·e sParis
La Ha:!e 1'-1o'U'ton e,t Ci e TI 0
24 - 'vo 1 6 -
1956.

-
202
-
Revues-numéros spéciaux
- Critiques - n° 394 - 1980
- Degrés le conte populaire - n° 23 - 1980.
- Les Etudes françaises conte oral conte
vol 12
n° 1-2 1976.
- Le français auiourd'hui - les contes n° 43 - 1978.
- Magazine littéraire
Contes et mémoire du peupl~ -
n° 150 - 1979.
Litt-éTat-ure orale de l'Afrique Noire
Bibliographie a-nalytigue, Paris Maisonneuve et La-rose
1981-.
\\

-
29.3
-
TABLE
DES
MATIERES
Pages
I1'H RODU CT l ON
CHAPITRE
T
1
OU'EST-CE OU'UN CONTE?
.
7
1
-
CATALOGUE INTERNATIONAL DES CONTES
10
1 -
Conte~s proprement dits
2 - Contes réalistes ou nouvelles
3 -
Contes religieux
. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
4 - Contes d'animaux
5 - Contes facétieux
rI
-
SPECYr~IC~TI:: iJES COXTES BE L'OUEST AFR1CAIN.
~ 4
A -
Typologoie des contes de l'Ouest Afr-icain
21
1 -
Et:
c-,,~n-le ~moTal
Z -
Lof' CD;nte ph iitosc,phique-
3. - -Le CD n'_te _éso t.éT-rque
4 - Le co:r~e é--':-iolog-i-q,ue
_-..-.-.-.-. . . .-.. ~ ..
22'.
j
-
Ge =:omt:e Tudiql:l8, sa;t)"rique ou comiql:le-
CHAI?-LI RE J].
-PLACE DLJ [(j'NIT mx~s tES- SGCIETES
TR~lJITITm'INELlE~S BE -L-"(j)WEST AFRtCâ~i~~L
23
if
-
CARACTERE TIiE L $?Ei§ua:ATI:Cm TR.ADIT~0NNELLE
GL 0-:81-\\1;;6
.-•••-••.•• _ ••..- .• '.' ._ ••__ •••• -.- • • • • • . • . •
"Zll
rI -
LES -N]V-EAUlK Tr' ETI8CATLON _DANS bIS SOCI-ETES-
TRADITIiOXNEiLLE ptE i'ORALITE
• . • . . . . • . ,_.......
28
LU
- LES CONCEPTS D' E'fll}CATION N8N- FORME'.1.L E
ET Dcrq:-DHCATTO'N FORMULE . . • . . . . . . . . . . -. . . . • .
3.5
IV -
LES R.E:SSOlJRCES DE L'EDUCATION COUTUM'IERE...
39

-
2 ~J 4 -
CHAPITRE
III
SIGNIFICATION DES CONTES
DE L'OUEST AFRICAIN
.
44
NIVEAU 1 - LE VECU CONCRET
11 4
l - PEDAGOGIE DE LA PEUR ET EDOCATION
50
II - LE CONTE COMME TEMOIGNAGE DU VECU CONCRET,
DE LA MORALITE ET DE LA PHILOSORHIE
55
III - LE CONTE COMME TEMOIGNAGE DE LA VIE
QUOTIDIENNE EN MILIEU TRADITIONNEL
58
IV - LE CONTE COMME EXPRESSION D'UNE MORALE
SOCIALE ET INDIVIDUELLE
,-.........
84
1 - Le contenu sociol-0Kique des contes
94
2 - Les fonctions ludiques des contes
109
3 -
L'univers des conte s
1 2:9
CHA-P-1TRE
IV
SlGNIF LeAl] O~] DES eONfITES DE L'Ol:JEST
A:F-~](A fN
~ .. ,. - - . - -.--,
-..
l - LE COK:'fE COMME EX PJŒSScI ON D' UNeE EHJLO-S OP~-FI E
.LI:.. - SIGNIFICATI,,}K ESOTERIQl'E DES CüNTES
ET .LEG:ENIJES .... ~ ... - ..........•...........-...-.-.-.
1.-4:4'
rII -
LE CON,TE ETIOLOGIQUE
145
lA LEGEHDE DU Cm·JG1HERANT
- - ' - - -
ET DU S-,L\\CRI Fr-CE ROl'At DANS L '·OUEST
AfR 1CA 1N
-
,
- .
154

-
295 -
Pages
l
-
LA LEGENDE KHASSONKE
:
"L'AMI
DU
LION"
II
LA LEGENDE DU SACRIFICE ROYAL
"La légenrle
BAOULE" . . .
166
CHAPITRE
VI
L/,l\\,RT DU CONTAGE ET SES RETE~]TI S-
SEMEN1S PSYCHOPEDAGOGIQUES
.
173
1 - A QUI TRANSMET-ON LE SAVOIR?
173
II
-
QUELS SONT LES MOMENTS APPROPRIES POUR LE
CONTAGE
1 78
III
-QU l
TRANSMET LE SAVOI R ?
187
1 -
Style oral
e-t pédag.ogie
190
2 -
Le-s pi-è g es du c.o.n.ta ge
',_'_' ~-.~ • .. . . . . . . . .
201
IV -
QUELLE MET-HODE _EN JŒDAGOGJE -.
AN~A:tYSE
DES ELEMENTS CDNscTTTUTI'FS ET ESSAIS
[lE THEORI SATJOX • . . • . .- . . . . • . . -. -•. _ ._. ~ ..•Q }. •
20 S
i
-
t es_mét'h a de s a t·t-rayant'es e-=t-h~· som::-'ï
_de r'intér:êt
. . . • ~ . . . __ . . . • . __ ._.~ . . . ._._.,
204-
Z - Contes et ps-y.chopédago,g;ie: de _1: ~ i!lt.é.rê-t.
2-1-2
V -- P8IJR OU C8N+.RE TFMERVEILLHJX]}ANS L' EDU-
Ci\\.T_ION- ?
.' •• _._..•.•• ~ ._ ..' •..•-__•• "' • . • . . . . . ._...'
- "Brun.o BETTELHEIM ou l~a défe:n:s:e
àe-s _c.ont.e.s,
._ . . . '.",_0' ••••• _. '.-.-.__ .- ••-. _ '••••••
2 - ~te~s :COnotBS merverl1eux ~e::t le .dé.v,çla:r:ppe-
-men-t ;psycholo,gique ·d!e l'e-nf;an_t
._. __ ....
~3 - -Les constant-es do cO'rrte nerveil:TIeu::e: ..•
4 -
MaT i:age et montée
sur ~_etT.ôJ1e .• _....•.
CHAPlTRE
VU
LES CôNIES ET LEGE~l-BES FACE A;0~
~!OUVELLES PERSPECT l'lES EDlj(p,T [ON-
~ -
i
NELLES
.

-
296 -
1- LA FAMILLE EN MUTATION
.
1 - Mutation morphologique
2 - Mutation fon~tionnelle
Il - UNE NOUVELLE INSTITUTION EDUCATIVE:
L'ECOLE
.
III - LA RESISTANCE AUX MUTATIONS
.
IV - DE L'EXPLOITATION DES CONTES A L'ECOLE
PRINAI RE : LECTURE, MORALE-, LANGAGE .. _...
1 -
Le conte et la lecture
.
2 - Le conte et l'enseignement de la
morale
.
..,
C
t
t
1 ~ICd'~"\\7'>~
.) -
on e e /1§f'Gn
e E~l':lngage
.
,~
7
C
-
r;
C A
Cl
CHAPITRE Vl rI -
LA liR/\\f]jr-T-I:Q:Né:AU S-JjCOURS
~<: \\
'~/I
DE L\\1\\--~ClD'E'R~H Tl! .'
--.' I~I_~ .'
-1 ~~ i .~....é. ",': . .. • . . .. . . . . • • . . ... -.
~,(,e
0 " - '
DIALOGl:JE DE LA PEDAG'OGIE ET D[J--Tl1EÀ~ NEGRD-
AFRIC/tLN A TRAYERS l'~fn: DtnCONTAGE ....•. -. - .-.-.-.-.- ..
l
- UNE CIVILlSATIUN DU VERBE T _ ... _ . . . . . -. . . . .
1 -
Le sil e.n.c.ee t
l~e g:est e
_ . _.......• '.
Z- --_. he· -ryt:hm'e' ~. -
,
-'
-. ~
.
3 -
L' i!mag-e et le symbole
.~-
.,
.
4.- - .L' é:m'.0::t:Î-o,n
-..-._._.~._._._._._._.. ,_._. __._
.
'5- - _L_e__5~t,y le
.•• ,_,,_,., .'... .-.~.,_._. . _....__•__.•_. • • • •_. . ._.
II - THEATRiE NEGRO-A-FRILCA-]NET 1lJEN-T lIE.
CUL-TU!RE:LCE " .._.. _. _. . .. _. . . . ..._. . . . . . . . . . • . . . . . . .
LU -
CRISE OU M:.tNQlJE D;E CREATIVITE.?
H
• • . • • • • • • • •
CQN:C:LtlS:I'ON
-..-.~
_.. '0' -••••••••- ••••.•- ••.•. _•._•.•-'.-._._._••
13TBLlGG KAPHTE ..•................... - .. . .-. . . . .. . . . .