UNIVERSITE DE PARIS l
PANTHEON - SORBONNE
lES RELATIONS FRANCO-PORTUGAISES A L 'EP~UE DE
LA PREMIERE REPUBLIQUE PARlEMENTAIRE LIBERAlE
(5 OCTOBRE 1910 - 28 MAI 1926)
, .
•
- •
..
Thèse pour le Doctorat de Ille Cycle en Histoire
préparée par JEAN DEROU
sous la direction de
Monsie .~ .8 . Professeur DUROSELlE
T~ l
======
Membres du Jury 1 M. DUROSELLÈ
M
M
-1-
NOTES PRELIMINAIRES
1 -
Traduction
Toutes les citations de textes sont le résultat ~p
traductions personnelles, sauf quand la référence correspon-
dante est en français.
2 -
Principales abréviations
AGM
Arquivo
GeraI da Harinha (Archives de la ~1arine PortugaÏf
ANF
Archives Nationales de France
SNP
Bibliothèque Nationale de Paris
BNL
Bibliot~~quef Nationaler de Lisbonne
ICI'
Institut Gulbenkian de Paris
MAE
~linistère des Affaires 8trangères (Quai d'Orsay)
~11'1
~luseu Mili tar (Archives de l'armée portuGaise)
MNE
Ministerio dos Negocias Estrangeiros
SHA
Service Historique de
l'Armée (Archives de l'Armpe de
Terre, Vincennes)
SH~l
Service Historique de la ~farine (Archives de la ~1arine,
Vincennes)
-II-
b - Divers
CPC
Correspondance Politique et Commerciale
LPP
Legaçâo de Portugal em Paris
NSE
Nouvelle Série Europe
se
Série Europe
DDF
Documents Diplomatiques français
---_._--------------
- - - - - - - -"--.=".-,"'~,.~.--"~--:-:-:---.~--- --.~
., -c "
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- II 1-
TABlE DES MATIERES
"
",
INTRODUCTION GENERALE
••.••••.•••••••••••••••••.•.•..••
p ..
PREMIERE
PARTIE
CONFRATEHNlTE REPUBLICAINE ET REALIn~S INTERNATIONAlES
1
LES
REL4.TIONS FRANCO-PORTUGAISES ET LE CONTEXTE DE
IlIVALT n:s
ENTRE PUISSA"CES,
DE
L\\
PROCLHIATION DE lA HEPlJ(jLJQ!'F ,\\ L\\
GLTEHRE
(OGT08HE
1910 -
JUILLl,T 1')1 1,)
Introduction
,
r. 2)
1010
• • • • • • • • •
Chapitre l
-
La reconna1ssance officielle du régime républicain
la confraternité républicaine à l'épreuve • .p. 26
l
-
La Révolution du 5 octobre, aboutissement d'une longue
crise de la monarchie
. • . .
p. 26
10
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
II -
La politique anti-cléricale du régime républicain et
son isolement diplomatique
• . . . . . . • . . . . . • . . . . . . . . .
p.
)2
III -
L'attitude française
1
la sympathie politique et les
réalités de la politique internationale
••.••••••
p.
J9
-lV-
Chapitre II -
L'opinion publique française et le Portue'al repu-
blicain 1 le phénomène d'identification •••
p.
l,il
l
-
Le concept d'opinion publique et l'étude de relations
bilatérales
1 le
phénomène d'identification ••..•••
p.
Il,''
II -
La "Monographie" des courants d'opinion en rrance.
p.
~h
, '
~.
~.
1 -
L'opinion monarchiste et nationaliste et les sources
de
l'intégralisme
lusitanien
p.
56
2
-
L'opinion ouvrière et socialiste
p.
6/
J - L'opinion républicaine bourgeoise
••••.••....•
p. (,{,
III -
La franc-maçonnerie et les relations internationales
une histoire à approfondir
1
l'exemple franco-
portugai s
p..
70
Chapitre III -
Les rapports officiels, de la reconnaissance de
la Ré publ ique à la guerre
1
le problème de la
partition (h~ l'empire colonial porturrais . p.")
l
-
Les colonies portugaises dans la redistribution des cartes
et le l'équilibrage du rapport de force entre les
pllissances
p.
Pr7
II -
La position française,
entre le statu-quo et les
int~rêts
terri toriaux
r.l07
III -
L'impuissance du Portugal et l'incertaine co(,pération
avec
la France
p.115
. - ..
~
~ - •. i .-, ;,- .•:- -.'-'~::-:. ;-,; .
-v-
Chapitre IV - Les échanges économiques •.•.••.••...••..
p.l]1
l
-
L'état de dégradation des relations économiques à la veille
de la naissance de la République
p.l JI
II - Le recours au Modus Vivendi commercial du
17 février
1911
p.1J7
III - Les perspectives après le 17 février
1
la persistance
des difficultés ................................. p. 1 1~6
1 -
L'impact du Modus Vivendi sur les échanges
commerciaux ................................. p.147
2
-
La
multiplication des obstacles à la conclusion
d'un trait~ de commerce
p.151
Conclusion de la première partie
p.161
DEUXIE ~1E PARTIE
LES LIMITES D'UNE COOPERATION: lES RELATIONS DANS LE CADRE DU
CONFLIT MONDIAL (AOUT 1914 - NOVEMBRE 1918)
Introduction -
Les relations franco-portugaises et la problé-
matiquc de l'intervention militaire portugaise
en Europe
p.16 11
...------~~-~---_._-
- ,~
~,,\\
/
-VI-
Chapitre l
-
Le Portugal,
la France et le conflit mondial
d'aoC,t 1914 à mars 1916 1 de la neutralité hostile
du Portugal à sa rupture avec l'Allemagne .• p.175
l
-
Le Portugal et la guerre
: entre les velléités de helli-
gérance et le refus britannique de l'offre de
concours
portugais
• . . • . • . • • . • • • • . . • . . . . . . • . . • . . . . •
p.176
II -
La genèse de l'alerte d'octobre 1914. De la demande
française de canons au projet de création d'une division
auxiliaire portugaise
(septembre~novembre 1914) •• p.181
III -
La marche vers la rupture germano-portugaise
(décembre 191/1 -
mars 1916)
p.192
1 - L'évolution interne du Portugal et la question de
la belligérance
(décembre 1914-février 1916).
p.192
2 - Les navires allemands, l'action diplomatique de la
France et la rupture germano-portugaise du
9 mars
1916
.o
.o
• • • •
p.200
Chapitre II - Le renforcement de l'intégration du PortuGal dans
l'effort de guerre et les contradictions anglo-
françaises à propos de l'affectation de ses
troupes
(mars -
novembre 1916)
••••..•••.
p.210
l
-
Les perspectives ouvertes à la France à la suite de la
rupture germano-portugaise
p.21ü
II -
La question de la participation effective des troupes
portugaises à la guerre européenne (avril-août 1916)
.. .. .. .. .. ....
p .. 2 1 :.
r7E')'...:;"----..-...,.~--·--'~·-
~'r -, ·r
-'\\,1<
-YII-
III -
La mission militaire française au Portugal et le
rattachement de son corps expéditionnaire à l'armée
britannique
1
comment le Portugal ne devint pas l'allié
de tous
les Alliés
.. .o
p.222
Chapitre III -
Les principaux chapitres de la coopération
militaire (novembre 1916-novembre 1918) .•
p.2J2
l
-
L'attribution à la F'rance d'un contingent d'a.rtillerie
~
portugaise ou la difficile histoire d'un élément de
compensation
p.?J/J
1 -
Le recours aux artilleurs
portugais
et la convention
militaire du 17 mai
1917
p.2Jt,
2 -
La vie éphémère du C.A.L.P.
.
.
I I -
La coopération aéronavale sur le sol portugais
'"
p.2~~
1 - La question de la déî"nse des c~tes portugaises
l ,-~
et l'accord de coope~tion aéronavale
(juin-août 1917)
..............................
1'.2"5
2 -
Le C.A.M. français d'Aveiro . . • • • • • . . . • . . • . . . .
p.25J
I I I -
Les rapports avec le
corps expéditionnaire
portugais
p.262
1 - Les conditions précaires d'envoi et d'existence du
C.E.P. Sur le front occidental et le désastre du
9 avril 1918 : le soutien français et ses
limites ............................................... p.26)
-VIII-
2 -
L'attitude française face à la question de la recons-
titution du corps expéditionnaire èt à la poursuite
de sa participation aux opérations militaires.
La
frustration du Portugal à la fin des hostilités
. . . . • . .
p.271
Chapitre IV -
Les relations économiques de guerre
•••.•
p.27R
1 -
La France à l'assaut du Portugal
1
F,uerre économique,
économie de guerre, et préparation de l'après-guerre
"" ..........
p.280
1 -
La guerre économique
1
la Conférence de Paris et la
mission du Capitaine Laurens au Portugal ••.•.•
p.2AI
A -
La Conférence Economique Interalliée de Paris
(15-17 juin 1916)
p.2Rl
B -
Le Portugal et le ravitaillement de la France
la mission Laurens
""" .......... " .......... " "_'".!" .. ~ ""__ "', p.2BJ -:>
2 -
La volonté de se substituer aux Allemands et ses
limi tes
.. "
"
"
"
" .. "
"
" .. "
p.297
)
-
L'évolution du mouvement commercial
1
le renversement
de la balance commerciale en faveur du Portugal
........ " .. " p. )08
II -
La guerre et les débuts de l'immigration portugaise
...... " .... " p. J12
1 -
La pénurie de la main-d'oeuvre en France et l'appel
aux travailleurs ~trangers ••..•.•..••••..•••• p.)12
2 -
L'immigration portugaise durant la gu~rre 1 son
histoire, sa sociologie et ses perspectives
.• p.)16
.<;; "'i'; ,>,.,:";;,:",,, .;c. ,e,.,.:.
,.
'-.'" '~"-'--,-,
-IX-
Chapitre V -
Les relations socio-politiques et diplomatigues
de guerre.
Les retrouvailles latines et le
dépassement des obstacles du décembrisme
(mars 1916 -
novembre 1918)
............ ,. .
l
-
L'action commune de propagande idéologique sur la guerre
et la coopération franco-portugaise
•••.•••••.•...•
p.J25
1 -
La propagande dans
la guerre mondiale
1
la France et
l'expérience allemande en la matière.
Les orv.anisation:o;
de propagande en France et au Portugal ••.•••••
p.J25
2 -
Fai ts et thèmes de propagande idéologique
•.•.•.•
p. JJJ
II -
La diplomatie de guerre
1
la reconnaissance du
gouvernement Paes
,.
p. ]h2
1 -
Le coup d'Etat du décembre 1917 et ses premières
interprétations
,.
,.
,.
,.
p.J lll,
2 -
La reconnaissance du gouvernement Paes
p. Jh9
Conclusion de
la deuxi~me partie
• . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p.J~J
THOISIEME
PARTIE
LA fIN DE LA CONFRATERNIlli REPUBLICAINE.
L'APRES-CUI':R1lE ET LA
CHUlli DE LA REPUBLIQUE PARLEMENTAIRE LIBERALE
(DECE~iDRE 1918 - MAI 1926)
Introduction
,.
p.J58
- ~ - ~ - ~ -
>
' ; ' ' ' - - '
'-~
-x-
Chapitre l
- Les problèmes politiques et diplomatiques à la
fin de la guerre
à propos du soutien français
au parti démocrate et du rapprochement du Portugal
avec la France (décembre 1918-mars 1919) •.
p.J62
l
-
La France et les luttes poli tiques au Portugal à la fin de
la guerre
, la question du soutien français au Parti
Démocrate et aux réfugiés politiques portugais
••••
p. J6',
1 - L'opposition à la République Nouvelle et la mlse en
cause de la France dans l'assassinat du Président Paes
et dans la rébellion de Santarem ..............
2 -
Les fondements de la mise en cause de la France et les
éléments de discussion de l'hypothèse d'un soutien
français aux réfugiés politiques du Parti Démocrate
. . . . . . .
p. J72
II -
La Conférence de la Paix et la problé~atique d'un
rapprochement du Porturral avec la France ......... p. Ji! J
1 - Les difficultés et les ressentiments de la délérration
du gouvernement sidoniste à la Conférence de Paris
comment interpréter l'attitude officielle
française .................................... p. JR J
2 - Le retour des Démocrates dans l'ar~ne du pouvoir et
la question d'une nouvelle orientation de la
diplomatique portugaise dans le sens d'un
rapprochement avec la France ................. p. JRR
.; ..•.
,>
- '( l -
Cha[litre
Il
-
L'dconomie de
pa1x
: des difficultds de
r~alis~-
ticn des vis6es cIe
la Frnncp au Portllu~l pt
J~
retour à la situation prt~ca_lrp d lavant
JG
{'juerre
dans
le domaine ries
t.~chanl;es commerciaux
1 -
Les difficultés de
réalisation des visées de
la
Fr'anc" il
travers quelques données de
relations économiqllPs de
l'après-guerre
..............
. p. '\\( ,c)
~
-
Le
problème de
la
liquidation des emprunts d ''''"dnt-
~erre et des dettes de r;uerre du l'ortup;al
2
-
Les diverses initiativ~s de la
~rance et leurs
limit~s
de
la compétition pour ICI
fourniture
de mCltdriel
aéronautique et pour
1 'CldjudicCition des
tr"vaux du
port et de
l'arsenal de
Lisbonne it la création d"
t
•,
1
la S.r.E.C.I.A.
............................................ p .. I:~.]
II -
Le s
échange s
COmml'rC1 aux
: e xpdd i ent s e t l';ne rre ct C >~
tarifs
......... .
.
~
-
Le
prélude aux difficultés d'après-guerre
des négociations de mars
-
novembre
191~
2
-
La difficile
transition (1919-1921)
les
nouvelles
conditions des échanges commerciaux et
le ~lodus
Vivendi de
JanV1er 1922
........................
J -
La guerre des tarifs
consommée
: du renouvellement
('ontinue1 du Modus
Vivendi
à la multiplication des
mesures de
rétorsion contre
le
commerce
franç;:t i,'i
"~j:-
..,~:-:----_._--~.--.--. -,---.--
/
.
',~'',;;'::<.'
-Xlf-
III
-
L'immigration ouvrière
portugaise
t?n F'rance
LHI
t(~nclpmain
de
la guerre
la cons6crati()n d6rinitive d'un r}h6nom~ne
riconomique et social dans
les
relatiolls
entre
les
deux pays
........................
..
-
1
!i
Chapitre III -
La France et
le
processus de
liquiùatiun d"
la
i
première république
parlementaire port",;ai>'''
de
la
coor~ration t'anti-bolch~viqu~" ~ la
reconna1SSance de
la di.ctature milit:\\i.rp.
l.c::S\\lP
de
la rôvolution nationale ùu 28 mu.1
l{):~G
( l 91 9 -
1926)
P 6 ','1 /1
l
-
La coopération dans
la lutte "anti-bolchévique" Cl"
1·
l,
rortu~al
............................................
1
Les dimensions internationales et
historique" de
la
question bolch~vique ..........
.
~
2
-
L'évolut'· on de
la situation aU Portugal et
} '<:'1 id~~
.00-
J"rançaiSe.
""
".. "
"
p.'I"-)'!
A -
La Révolution d'Octobre
1917 et
le
rnouvem"llt
ouvrier pOl·tu~ais ........ "
.
,,
Il -
La coopération dClns
1"
lutt" contre
1"
bolchévisrnf'
..
.
"
"
"
Il
-
Le
rapport de
1"
~'ranc" aU processus de liquidation df'
ltl
!1ppublique
Par.1 ementa i ec
:
de
l 'envoi
des
navi rf'S
en
octobre
1921
à la reconnaissance du pouvoir issu nu coup
(If~tnt militaire dlJ 2R moi
1926
1
Les événempnts d'octobre
1')21
et
lf('nvoi
df"
n."lvires
de guerre
fr~nç~i~ ...... ""
"
.
-'111[-
2 -Chronique de
la marche verS
le coup d'~tat : le climat
g6n~ral et les pr61ude8 .•..•..........•... '"
p.:,Q~
A -
L'évolution jusqu'en novembre 1924
p.!IQ~
I3 -
L'épisode du (>ouvernement José Domin~o dos Santos
et
la Révolution manquée du 18 avril 1925 .. p.'IQ'j
C -
Les derniers moments
:
le précai rI' équi libre l' ntre
les gouvernements constitutionnels et les
partisans d<.'i coup de t'orcl'
•...••
J - La Révolution du 28 mai 1926 et la reconnaissance
des premiers ~ouvernements de dictature militHira
par la France. ESSai d'interprétation d'un açte
di ploma tique
~ . . . . . . . . . . . . . .. p. le1.':
Conclusionde
lé.i
trL)"Î ..·.ièHlè
PaJ~tie
!l..tjll
CO~ClUSION GENERALE
1'.r:i15
BIBLIOCRAPHIE . • . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . • • .
1'.5J9
IND~:X
r'.57R
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1 N T R 0 DUC T ION
r . E N E H A L E
--
------_._-
-1-.
L'idée de ce travail nous est venue de deux origines
La première a été notre volonté de rompre avec l'habitude qui
veut que l'étudiant africain en histoire étudie l'histoire
africaine. Cette rupture ne doit pas Itre assimil~e ~ un quel-
conque mépris ou un désintérlt pour l'histoire africaine. Ce
faisant,
nous avons voulu élargir le champ de nos connaissanceS
et pour cela, ne pas attendre que tous les domaines de l'his-
toire africaine soient investis,
L'étude de l'histoire des
peuples extra-africains et plus précis~ment européens, nous
apparut aussi, en même temps,
comme susceptible de d~velopper
nos moyens de connaissance et de réflexion sur l'histoire con-
temporaine des peuples africains dont le processus de formation
des Etats et des nations n'est paS encore achevé dans la
plupart des cas.
Le second facteur a été la suggestion du thème "Les
relations franco-portugaises" par ~lonsieur Duro,,,,lle qui,
en le
proposant, entendait sans doute créer la possibilité d'une part
de combler un vide dans la connaissance des rapports de la
France et du Portugal et, de l'autre, multiplier, en matière
d'histoire des relations internationales,
les cas d'études de
relations bilatérales dans une perspective d'ensemble.
", ~~..-------------------------""'''''''''''---=-''''
V"",
'.,,"""
.... ,.'
. /
<.;."
-2-
Nous espérons, en dépit des faiblesses et des limites
que nous soulignerons plus loin, que ce travail aura été une
modeste réponse aux préoccupations qui en sont à l'origine.
+
+
+
Entreprise banale en apparence, mais complexe en
réalité que celle de l'étude des relations franco-portugaises
de 1910 à 1926, c'est-à-dire de la naissance à la fin de la
Première République Parlementaire portugaise. Les limites chro-
nologiques, qui sont des références à l'histoire interne du
Portugal, peuvent faire supposer qu'il s'agit d'une histoire
exclusivement politique, l'histoire des rapports de la France
à l'expérience de la Première République portugaise. Il n'en
est rien. Cet aspect des choses est intégré à une approche plus
large, répondant aux besoins d'une histoire des rapports aussi
bien diplomatiques, politiques, économiques; bref, d'une
histoire à la fois des rapports d'Etat à Etat, de gouvernement
à gouvernement et de société à société.
La vie de la Première République est néanmoins, en
dépit de cette mise au point, le cadre chronologique de cette
étude; sa proclamation ouvre ce cadre et sa chute le ferme.
Les
types de problèmes de relations posés par et après l'avènement
de la République, la cohérence du cadre chronologique ont
rendu inutile tout rappel des relations antérieures à la période.
rappel que rien, en réalité, ne nous incitait à faire et ne
rendait indispensable.
'~+
'''i'j
' ; . ,
.
/ .
-J-
+
+
+
Entreprise complexe, mais passionnante à certains
égards. Dans l'avant-propos à son "Histoire du Portugal",
Charles Nowell soulignait le fait suivant
l
"Peu de gens, même
parmi les savants, ont jamais lu un livre sur l'histoire du
Portugal; le nombre d'ouvrages en Anglais sur ce sujet est
assez limité et, seules quelques-unes des plus grandes biblio-
thèques publiques et privées ont un fonds portugais de quelque
importance. Les recueils de textes choisis et les livres d'his-
toire universelle, consacrent pour ainsi dire rituellement,
quelques paragraphes au Prince Henri, à Vasco de Gama, à
Alphonse de Albuquerque, habituellement réunis en un chapitre
ayant pour titre "Les grandes découvertes" ou quelque chose
d'approchant"(1).
Cet aUteur américain écrit certes à l ' intention des
lecteurs de son pays et des lecteurs de langue anglaise en
général. Si nous n'avons pu cependant nous empêcher de citer
ce long passage,' c'est parce qU'il est non seulement valable
pour les lecteurs de langue française,
mais rappelle considé-
rablement la situation du sujet de cette thèse.
Très peu d'études ont été consacrées aux relations
franco-portugaises durant la période que nous considérons et
(1) NOWELL (Charles), Histoire du Portugal, traduit de l'anglais
Paris, Payot, 195J, P.S.
-4-
même en général. La difficulté qui en résulte à orienter notre
démarche du début, s'est trouvée alourdie par la faiblesse de
la bibliographie en Français sur le Portugal. Cette situation
crée par ailleurs, en partie, l'intérêt de ce travail qui
constitua un terrain quasi vierge à défricher.
En effet, deux minuscules ouvrages "As relaçoes co-
merciais entre Portugal e a França" de Francisco Antonio Correa
publié en 1923 (70 pages) et "Notes sur l'évolution des rela-
tions commerciales entre le Portugal et la France depuis le
début du XVIIIe siècle" de Nuno Simëes, publié en 19J6 (JO pages)
sont les seules études portant sur la période et que nous ayons
pu rencontrer. Seul le premier qui traite des relations commer-
cia1es dans l'immédiat après-guerre est digne d'un certain
intérêt. Le second par contre, n'est cité qu'à titre purement
indicatif. Il faut sans doute mentionner aussi, à l'occasion,
l'ouvrage du général Ferreira Martins "Fran~a-portu~" publié
en 1965 (129 pages) dont l'objet est de célébrer l .•mi tié
franco-portugaise, dans la mesure où il contient des données
sur l'histoire des relations entre les deux pays, particulière-
ment en ce qui concerne la période de la première guerre mondiale
En dehors de ces ouvrages, les relations franco-
portugaises font rarement l'objet de référence dans les travaux
sur les relations extérieures, aussi bien de la France que du
Portugal 1 relativement à ce dernier pays, les ouvrages font
plus état des relations avec l'Angleterre en raison de liens
séculaires qui lient les deux pays, de l'Allemagne à cause du
L_.
C. P,'
- Q
-5-
du problème colonial, et de l'Espaene voisine. C'est dans le
cadre de l'histoire politique de la Première République Parle-
mentaire que les rapports avec la France sont qU9lquefois
abordés,
soit sous l'angle du mouvement des idées, soit à partir
des problèmes posés par l'exil en France des opposants au
régime de Sidonio Paes (décembre 1917 - décembre 1918).
Une seule exception cependant et qui mérite d'être
soulignée; c'est l'ouvrage de l'Espagnol Jésus Pabon, A Revo-
luçâo portuguesa (1), une histoire de la Première République,
écrite sous l'angle des déboires et des désillusions de celle-ci
Cet ouvrage dont l'auteur s'appuie sur une bibliographie très
étendue et constitue une appréciable source de références
factuelles, est le seul qui éclaire certains moments des rela-
tions franco-portugaises. En particulier, il rend compte, par-
tiellement certes, du rapport de la France d'une part.à l'his-
toire de l'intervention du Portugal dans la guerre et, de
l'autre aux problèmes politiques qui, au lendemain du conflit,
marquèrent la fin du régime de Sidonio Paes.
La méconnaissance des relations franco-portugaises
trouve en revanche son exemple le plus achevé dans les travaux
d'Albert Pingaud. L'article de ce dernier "L'intervention por-
tugaise dans la guerre mondiale" paru en 19J5 dans la Revue
d'Histoire diplomatique (pp,J22-JJ8) fait largement état de
l'attitude britannique, mais observe un silence total quant aux
(1) PABON (Jesus), A Revoluçâo Portuguesa, traduit de l'Espagnol
Lisbonne, 1951, 6J4 p.
4
. -.-.,~"
rapports avec la France dans le cadre de l'histoire de cette
intervention, Pourtant, cet article fut intégré par l'auteur,
comme passages relatifs au Portugal, à son Histoire diplomatique
de la France pendant la Grande Guerre publiée en 1938 (Tome l,
pp.62-68, Tome II, pp.209-223) et cela, sans qu'il ait apporté
des remaniements susceptibles d'en faire réellement une partie
de l'histoire diplomatique de la France.
Ce silence était-il dû à l'impossibilité d'accéder
aux matériaux en raison de la période close des archives ?
Ou bien résulte-t-il d'une carence de la démarche 7 Nous pen-
chons en faveur de la seconde hypothèse. Dans la notice biblio-
graphique qui accompagne l'article paru dans la Revue d'Histoire
diplomatigue,
l'auteur précise avoir utilisé, entre autres maté-
riaux, la correspondance officielle adressée au Quai d'Orsay
par Daeschner, le ministre de France à Lisbonne,(l), correspon-
dance qui apporte de substantielles données en ce qui concerne
les rapports entre les deux pays dans le cadre de la guerre.
Or, curieusement, dans son Histoire diplomatique de la France
pendant la Grandé Guerre,
l'auteur mentionne toutes les sources
précédemment citées, sauf la correspondance officielle de
Daeschner (2). Cette curieuse omission ne peut qu'intriguer et
cache sans doute un certain embarras.
Par ailleurs,
les écrits des hommes d'Etat et des
diplomates n'apportent rien d'essentiel. Tandis qU'un silence
(1) PINGAUD (Albert), "L'intervention portugaise dans la guerre
mondiale" in Revue d'Histoire diplomatique, 1935, p.332.
(2) PINGAUD (Albert), Histoire diplomatique de la France pendant
la Grande Guerre, Par1s, 19J8, Tome II, p.209.
, ,
quasi total est observé du côté français,
les mémoires de
Sir Edward Grey,
secrétaire du Foreign Office,
le journal de
Joâo Chagas qui fut le ministre du Portugal à Paris de 1911 à
1917 ( à l'exception de quelques courtes périodes). restent
d'un apport relativement faible.
Du fait de cette aridité de la bibliographie sur la
question, les sources d'archives ont constitué la base essen-
tielle de notre documentation.
Nous en avons consulté un nombre
relativement important en France et au Portugal.
+
+
+
En France, nous avons effectué nos recherches dans les
centres suivants
:
-
Les Archives Nationales de France
, La série F 12
(Industrie et Commerce) a fourni le
partie la plus importante
de la documentation sur les relations économiques pour l'ensem-
ble de la période. Mais de nombreux dossiers de cette série
portent sur les problèmes économiques de guerre avec les pays
étrangers et font très peu de cas du Portugal ; nous les faisons
figurer dans la bibliographie parce qu'ils nous ont apporté des
éléments quant à la compréhension des problèmes de la guerre
économique. Mais, en fait, des dossiers de cette série ne sont
pas les seuls dans ce cas. D'importants et nombreux dossiers
du Quai d'Orsay ou du Service historique de l'Armée et de la
Marine, marqués Portugal et Espagne, ne traitent souvent que
ce dernier pays, ,les matériaux relatifs au Portugal restant très
peu significatifs.
-11-
'.,
"
La série F JO (désormais accessible au ministère des
Finances, rue Saint Honoré) qui devrait être indispensable à
l'étude des relations financières nous apportent très peu d'élé-
r
ments. Les documents existants portent sur le siècle dernier et
r
la période 1906-1924, y compris les années de la guerre repré-
sente un passage à vide. Quelques pièces apportent cependant
1
1
des indications sur l'activité des missions techniques au
1
1
Portugal pendant la guerre,;
ces données n'offrent en aucun cas
les matériaux pour une évaluation systématique des relations
financières dans ce cadre.
Dans la série F 10 (Agriculture), aucun dossier rela-
tif au Portugal ne figure dans le paragraphe "Service de la
Main-d'oeuvre agricole et de l'Immigration" ; la situation est
analogue en ce qui concerne la série A D XIX W (travail et
prévoyance sociale). Les quelques matériaux sur l'immigration
portugaise, obtenus aux Archives Nationales n'ont été fournis
que par d'autres séries dont la F 7 (Police) qui,
par ailleurs,
instruit en partie la question du bolchévisme.
- Les Archives du Ministère
des Affaires Etrangères
(Quai d'Orsay). Elles constituent le fonds essentiel de recons-
titutio~ des rapports diplomatiques pour l'ensemble de la
période; elles sont également d'un apport important pour la
connaissance des échanges économiques et des différents autres
aspects des relations de guerre. Elles se partagent entre la
Nouvelle Série Europe comprenant la Correspondance Politique et
Commerciale'1897-1918 et la guerre 14-18 et la Série Europe
-9-
1918-1929 qui couvre la dernière année de la guerre et
l'après-guerre. Deux dossiers de cette dernière série -
le 11 et
le 12 - n'ont pu être consultés parce que inaccessibles, comme
cela nous a été précisé. pour des raisons d'Etat. Enrin.
il y
a lieu de mentionner, dans la Série Papiers d'Agents, des
dossiers relatirs au Portugal. mais sans aucun intérêt 1 il
s'agi t ,"dans la Sous-Série Papiers Berthelot, du dossier n07
(Propagande Espagne et Portugal 1915-1917) et dans la Sous-Série
Papiers Bonin,
le dossier nOJl.
-
Les Archives de l'Armée et les Archives de la Marine
toutes les deux au Château de Vincennes, ont été d'un apport
important, non seulement à l'étude des dirrérents domaines de
la coopération militaire, tant au Portugal qu'en France. mais
également à celle des divers problèmes soulevés par la guerre
(main-d'oeuvre. ravitaillement ••• ). Des rapports de la commis-
sion militaire postale nouS ont été. par exemple. nécessaires à
la connaissance. si limit~: s~it-elle. de l'opinion des travail-
leurs portugais en France.
Les diverses sources imprimées parmi lesquelles nous
~0,.;,;" \\Of
rangeons les British Documents on~the War et comprenant notam-
ment les Documents Diplomatiques français. des journaux pour
lesquels des choix précis ont dû être faits,
nous ont été
accessibles à la Bibliothèque Nationale de Paris et à l'Institut
d'Histoire des Relations Internationales Contemporaines (IHRIC).
Notre déception est venue du côté du Grand Orient de France, où
nous espérions trouver les matériaux sur les relations maçonni-
ques franco-portugaises en général et sur les travaux de la lOF,e
<-
Portugal qu'auraient créé pendant la guerre les exilés
portul':ais (1),
Les matériaux portugais ont été fournis
principalement
par
-
Les Archives du Ministère des Affaires EtranFères
(Ministerio dos Negocios Estrangeros), Ces archives étaient en
cour de réorl;anisation durant notre séjour d'études. Aussi,
n'avnns-nous pu accéder aux fonds relatifs à la Conférence de
la Paix et à la période de l'après-guerre (relation officielle,
question bolchévique".) comme nous aurions voulu le faire.
L'impossibilité où nous étions d'effectuer un second voyaFe,
nOllS a privé de cette opportunité.
Les deux fonds que nous avons consultés ont constitué
des sources
très appréciables dans
la mesure
où nous avons
q .. elquefois trouvé des pièces d'une importance ca pi ta le.
Ces
fonds sont, d'une part les documents relatifs à
la I;uerre mon-
ctiale et de l'autre, ceux de la Légation du PortllFal à Paris
pour les années 1909-1924 (10 caisses), Ces deux fonds,
et en
particulier celui de la Légation du Portugal.
nouS auraient
certainement apporté plus s ' i l n'y manquait pas de très nombreu-
ses pièces, signalées par des annotations ou des correspondances
officielles, et dont
l'absence se constate par l'abondance de
"dossiers bleus
" vides4
(1) Nous n'avons paS les moyens de savoir si oui ou non des ma-
tériaux existent sur les
travaux de ladite lop;e Portugal et
sur les relations maçonniques franco-portugaises.
L'attitude
du responsable de
la bibliothèque du Grand Orient de Prance
qui. à l'exposé de nos besoins,
s'est employé à défendre
la
maçonnerie de quelque immixtion dans la politique,
jette un
d01,Jte ~ur. les possibilités d'accès aux documents
si
cfI'llx-ci
novl c::.t i'101 "",nt
,. _ ..'
-",C'
-11-
Un registre des dépêches de la Légation reçues au
ministère de juin 1903 à septembre 1915, nous a également été
utile. Ces archives fournissent par ailleurs,
l'essentiel des
sources imprimées
: documents diplomatiques, Diario do r.overno
(journal officiel)
-
Les Archives du Musée Militaire nous ont apporté
des éléments sur l'intervention portugaise. Leur apport, qui
devait être essentiel, reste malheureusement vague en ce qui
concerne certains aspects de la coopération militaire (achat de
matériel français,
formation des aviateurs et des spécialistes
portugais dans l'armée et les arsenaux français).
- Les Archives de la Marine ont été d'un faible apport
alors qu'elles auraient pu être essentielles à la connaissance
de la coopération en matière d'aéronautique navale.
Enfin, certaines sources imprimées nous ont été d'une
grande utilité. Ce sont les brochures,
les textes de conférence,
de discours,
les articles de revues relatifs aux relations
maçonniques, de propagande durant la guerre, aux relations poli-
tiques avant et après la guerre et qui nous ont été accessibles
à la Bibliothèque Nationale de Paris, à l'Institut Gulbenkian de
Paris, à la Bibliothèque Nationale de Lisbonne.
Telles ont été les origines des matériaux que nous
avons utilisés. Comme on pourra le constater plus amplement.ci-
dessous dans la partie réservée à cet effet,. ces sources ont été
abondantes, Mais i l y a lieu, en guise de jugement général, de
__ J
'''.0/>,'
-12-
préciser ceci 1 loin de correspondre à l'importance quantitative
des matériaux consultés,
la richesse de ceux-ci est largement
au-dessous de ce qU'on peut en espérer,
Toutefois, ces matériaux nous auront permis de tenter
de faire la lumière sur les relations franco-portugaises de
1910 à 1926,
+
+
+
Il est ressorti de l'investigation de ces divers
matériaux que les relations franco-portugaises ne portent sur
aucun objet central précis. Ce sont plutôt plusieurs centres
d'intérêt qui tendent à se dégager au fur et à mesure qU'on
avance dans la documentation et dans le temps; en l'absence de
thème central, le facteur d'unité de cette étude est par consé-
quent d'ordre contextuel.
L'6v~nement de la République au Portugal souleva, pour
la France officielle, la question de la reconnaissance diploma-
tique du nouveau régime. Dans cette question,
la position
française fut subordonnée à celle du gouvernement britannique.
Ce fait révélait ce qui sera une constante des relations offi-
cielles franco-portugaises
1
son caractère de résultante,
sur
des questions données, d'une combinaison diplomatique triangu-
laire Paris-Londres-Lisbonne et vice-versa, combinaison dans
laquelle Londres a une position déterminante comme référence
indispensable à la fois pour Paris et pour Li,sbonne.
-1)-
L'explication de cette ligne de conduite réside d'une
,<
1
part dans la situation de dépendance (ou officiellement
1
1
1:
d'alliance) du Portugal à l'égard de l'Angleterre; de l'autre,
1
!
dans l'existence de l'Entente Cordiale entre la même Angleterre
1
et la France et qui contraint cette dernière à reconnaître la
prépondérance britannique au Portugal et par voie de conséquence
à éviter tout acte susceptible d'irriter sa partenaire.
Ces données diplomatiques et plus particulièrement
l'Entente Cordiale qui fait passer le chemin de Paris à Lisbonne
par Londres, est le résultat d'une situation dont la réalité
factuelle capitale, en tant qU'aboutissement, sera l'un des
moments les plus importants de l'Histoire Universelle; ce sera
la guerre de 1914-18 qui déterminera le contexte constituant
le facteur d'unité de ce travail.
En effet,
cette guerre,
la situation internationale
qui l'a précédée et eng-endrée,
ses conséquences,
furent soit à
l'origine,
soit des facteurs de détermination pour l'essentiel,
des échanges et des rapports entre la France et le Portugal.
Autrement dit, à quelques exceptions près et avec quelques
nuances, les relations franco-portugaises furent la traduction,
au niveau des deux pays, des situations et des problèmes inter-
nationaux créés par les rivalités entre les différents impéria-
lisme
: le problème colonial posé en terme de repartage de
territoires et de recomposition des empires coloniaux sur la
base du nouveau rapport de force international ; les rivalités
économiques,
le conflit armé de 1914-18, ses exigences, puis
ses conséquences,
Nous avons
été ainsi amenés a répondre à une série
de questions. Ces questions vont de l'étude des relations di plo-
matiques à propos du problème colonial portugais au rapport de
la France à l'évolution qui conduisit à la chute de la Première
République en passant par les relations dans le cadre de la
guerre. Comme nous le disions,
les questions de relations ne
se sont pas posées exclusivement à partir des données interna-
tionales. C'est le cas des courants d'opinion qui se sont expri-
més en France en réaction à la naissance et à l'évolution d,.
nouveau régime,
Nous avons tenté d'apporter aux unes et aux
autres des réponses dans la mesure de ce qu'il nous était
possible de faire.
Mais, ce faisant,
il nous a fallu résoudre une ques-
tion préalable. De la diversité des questions et de leur nature,
est né le problème suivant
comment rassembler en un travail
cohérent des réalités relationnelles et factuelles aussi écla-
tées tout en rendant compte de leur évolution et autant que
possible de leur interaction? Cela nous conduit à dire quel-
ques mots sur notre démarche méthodologique et sur le plan de
ce travail.
+
+
+
Plus exactement,
i l s'est posé à nous la question
suivante: comment articuler l'étude de tous les aspects des
relations bilatérales, c'est-à-dire,
une étude par thème, seule
susceptible de rendre compte des relations officielles et
=
F
Fln
•
-t5-
extra-officielles dans toute leur diversité. aux eX1F,ences de la
nécessaire approche historique et analytique.
La question est
d'autant plus essentielle que le cadre chronologique,
t~tn-to~r,
se répartit en des moments qui,
bien que liés, n'en restent pas
moins différen6iés
: la période d'avant la guerre.
la guerre
et l'après-guerre.
Nous sommes partis de quelques évidences ou.
en termes
de démarche scientifique, de constatations empiriques
: la divi-
sion de la période, en des moments différenciés,
la différen-
ciation selon ces moments des conditions d'évolution des rela-
tions dans certains domaines
(tel est le cas des relations
économiques),
la différenciation de la nature des problèmes
posés, entre les deux pays.
Il nous apparut alors que la
différenciation du cadre historique en des moments relativement
distincts, était une donnée importante dont noUS devrions tenir
compte dans toute démarche.
En fait,
la compréhension de cette donnée nous a
permis de procéder à une approche à la fois historique et ana-
lytique dans le cadre particulier de ce travail. Autrement dit,
nous avons tenté d'analyser,
tout en structurant sous leurs
divers aspects,
les relations franco-portugaises au fur et à
mesure du déroulement des différents moments de la période
historique considérée.
De cette démarche est née la division de ce travail
en trois parties, correspondant aux trois moments précités:
avant, pendant et après la F,uerre.
';~:::'" •
;'.--0;,." -" ~ ".', ,"
..~,;:.
"'"
, •. '·/.!~C"h.·''''-_',·
i,
+
+
+
l'
La première partie porte sur les relations d'octobre
!
1910 à juillet 1914 et traite du problème de la reconnaissance
fi
1'-
L
diplomatique du régime républicain par la France,
l'opinion
h
i
publique française et les relations socio-politiques extra-
1
,
officielles dans le cadre du changement politique intervenu au
Portugal
; les relations diplomatiques à propos du problème
1
1
colonial portugais posé par le projet anglo-allemand de parti-
!
,
f
tian,
les relations économiques.
Nous nous sommes efforcés dans
1
l'étude de ces questions, d'en souligner l'importance, de mettre
en lumière les forces et les divers facteurs qui interviennent
et déterminent les échanges,
les actions et leur résultat ;
les
contextes interne et externe des différents problèmes ont été
l'objet d'une attention particulière.
La deuxième partie est consacrée aux relations dans
h' cadre de la guerre (Q9.ût 1914 -
novembre 1918). Dans la
guerre qui éclate au début d'août 1914, la France était l'un
des principaux champs de bataille dont les besoins surpassèrent
rapidement ses potentialités humaines,
économiques et militaires.
Quant au Portugal,
il était loin du théâtre des opérations, mais
avait pris position dès les prem1ers jours et offert formelle-
ment son concours à l'Angleterre qui le déclina et maintint
pendant longtemps cette position.
L'importance accordée par la
France à ce pays à différents moments de la guerre,
le rôle et
la place de la France dans l'histoire de la belligérance du
Portugal,
l'étendue et les limites des échanffes bilatéraux
nécessités par l'effort de guerre nous sont apparus comme
indispensables à déterminer.
- • -
-17-
Cela nous a amené à étudier le rapport de la France a
la longue histoire de l'intervention portu~aise, c'est-à-dire
de sa neutralité hostile à sa rupture avec l'Allema~ne (août
1914 - mars 1916), l'intégration et l'association progressive
de ce pays à l'effort de guerre des Alliés et de la France,
les
contradictions franco-britanniques quant à l'affectation des
troupes portugaises; puis l'étude approfondie des principaux
faits de la coopération militaire et de leurs limites,
les
relations économiques, politiques,
idéologiques, en mettant
l'accent sur ce qui, dans certains domaines, constituaient des
éléments nouveaux introduits par la conjoncture.
La troisième partie (décembre 1918 - ma1 1926) porte
sur les relations économiques de pa1x et les rapports de la
France à l'évolution politique du Portugal dans l'après-guerre.
Les principaux moments de cette évolution furent,
du point de
vue de l'his'Qire des relations franco-portugaises, d'une part
la fin de 10 ~épublique Nouvelle de Sidonio Paes, établi au cours
de la guerre aux dépens du Parti Démocrate et des organisateurs
de l'intervention militaire alors exilés à Paris: de l'autre
le long processus qui conduit au coup de force qui mit un
terme à la Première République.
Nous tentons dans ce cadre, d'aborder la question
assez agitée à l'époque, du soutien français aux exilés portugais
et au Parti Démocrate.
L'étude du rapport de la France au
processus de liquidation de la Première République intègre la
coopération bilatérale dans ce qui fut au Portugal les
-IR-
manifestations des influences de la Révolution Bolchévique,
les prises de position et les actes officiels de la France ql~nt
à certains événements qui marquèrent ce processus l enfin
l'analyse de l'acte de reconnaissance de la dictature militaire
issue de la Révolution du 28 mai 1926.
+
1
Il convient cependant de souligner que notre démarche
que nous dénommons approche
(ou vision) structurelle ou mieux,
historico-structurelle, n'est pas sans inconvénient. Elle donne
au lecteur la ficheuse impression et la monotonie d'un ·plan en
tiroirs" qui introduit dans certains cas une division artifi-
cielle des thèmes. On le constatera dans la deuxième partie à
propos des relations diplomatiques et idéologiques de v,uerre.
Des faits d'action de propa{';ande datant de
juin 1916, étudiés
loin après la coopération militaire"6.t.-séparés de celle-ci par
le chapitre sur les échanges économiques!
Démarche criticable
donc à certains égards.
Cela est sans doute un risque, Mais c'est un risque
que nous avons accepté de prendre,
parce qu'il résultait d'une
impérieuse nécessité. C'était la seule démarche qui nous apparut
adéquate
elle rend possible une analyse profonde et extensive
(daqs le temps et dans l'espace) des réalités relationnelles de
divers ordres. Le second intérêt réside dans le fait suivant.
Certaines questions ont une importance qui dépasse les limites
.""
,
"
, ' , " "
-19-
spatiales et chronologiques de ce travail.
L'approche structu-
relIe, dans la mesure où elle rend possible une étude à la fois
historique et sociologique de ces questions,
permet d'envisager
des conclusions de portée générale, susceptibles de donner lieu
à des théorisations en matière de relations internationales.
Par ailleurs, dans la mesure où le but de ce travail
n'est pas l'étude ni de l'histoire interne des pays considérés,
ni des questions internationales,
il y a lieu d'apporter qllel-
ques précisions sur une certaine démarche qui l'a marqué:
nous
nous sommes employé quelques fois à dresser des tableaux de la
situation interne des pays ou du contexte intprnational, voire
des dimensions internationales des problèmes abordés.
Le
Portugal a été particulièrement l'objet de ces larges références
dans le cadre de
la troisième partie.
Il nous a paru en effet que certains faits ne pouvaient
être SalS1S qu'à partir d'une compréhension larF,e du contexte
national ou international dans lequel ces faits s'inscrivent
de même, des faits qui, dans le strict cadre des relations bila-
térales,
sont des microphénomènes,
n'ont tout leur sens et toute
leur signification qu'à partir de leur importance internationale
et historique, De ce point de vue,
l'analyse de la portée his-
torique, des conséquences internationales de la Révolution
bolchévique, de ses répercussions au Portugal,
l'analyse du
long processus d'évolution' vers le coup d'Etat militaire du
28 mai 1926,
nous ont paru, à titre d'exemple, des préalables
indispensables à l'étude de la coopération anti-bolchévique et
-
'"
-- .-;:'":+ ".,:,:._ . ~'.~:.~,.,_" ~_.·1
..
,....}...,.
"~ .~~,,<
"'.-.).~':'.":' ':o,,--:':~:,~ ~'i;·-.;
.
-20-
•
de l'attitude diplomatique de la France face à la dictature
militaire issue du coup d'Etat du 28 mai 1926, et qui mit fin
au régime républicain,
Cette démarche s'explique d'autant plus que nous avons
affaire à un terrain vierge, Dans la mesure où cela nous était
possible,
nous avons eu recours à des emprunts; dans bien des
cas cependant,
nous avons brossé certains tableaux sur le
Portu~al à partir des sources d'archives françaises, Cela
présente des risques dans la mesure 01' nous ne sommes pas en
mesure de toujours vérifier la non-authenticité de certains
faits relatés dans les documents français;
en revanche, elle
présente cet avantage, d'une part d'apporter à certains éEards
des éléments nouveaux à l'histoire du Portugal, et de l'autre,
de donner la perception que les milieux officiels français
avaient des problèmes portugais,
perception qui déterminait
avant tout leur acte.
+
+
+
Avant de clore ces propos de présentation, nous tenons
à exprimer notre profonde et chaleureuse reconnaissance à
~lonsieur Duroselle, membre de 1 'Insti tut, Professeur à la
Sorbonne, qui nous a orienté vers ce sujet et a bien voulu diri-
ger nos recherches avec sollicitude et dans un esprit de totale
compréhension de nos difficultés,
•
-·21-
Nous exprlmons également notre reconnaissance a
Monsieur Alvaro Ferrand de Almeida Fernandes, conservateur de
la bibliothèque et des Archives du Ministère des Affaires
Etranv,ères à Lisbonne pour l'aide particulière qu'il nous a
apportée dans ~os recherches au Portugal. Nos remerciements
vont également au personnel des bibliothèques et des archives,
en France et au Portuv,al, dont le dévouement nouS a facilité
la tâche.
Au cours de ce travail,
nous avons été aidé de multi-
pIes manières, moralement, matériellement et quelques fois au
prlx de réels sacrifices,
par de nombreux amis en France, au
Portugal, en Afrique. Qu'ils reçoivent touS ici l'expression de
notre profonde gratitude. Enfin,
nous ne saurions trop remercier
notre amie Martine Winckel pour le précieux concours qu'clIc
nouS a apporté en dactylographiant ce travail,
•
T
PREMIERE
PAR T l E
CONFRATERNlTE REPUBLICAINE ET REALITES INTERNATIONALES
LES RELATIONS FRANCO-PORTUGAISES ET LE CONTEXTE DE RIVALITES
ENTRE PUISSANCES. DE LA PROCLAMATION DE LA REPUBLIQUE A LA
GUERRE (OCTOBRE 1910 - JUILLET 1914)
. . . . . . . . . .
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-2 J-
En octobre 1910, une insurrection à Lisbonne conduisait
à la proclamation de la Première République au Portugal.
Le Parti Républicain, qui était à la tête de ce changement,
était devenu une force en mettant à profit les difficultés
de la monarchie, difficultés internes certes, mais également
difficultés externes, L'insurrection républicaine du
J1
janvier 1891 - en rapport direct avec le recul du gouver-
nement monarchique devant l'ultimatum britannique - qU1
révéla la force du Parti Républicain et installa définitivement
le pays dans la perspective d'un changement de régime, reste
l'exemple révélateur à cet égard. Mais le triomphe de ce
mouvement qui entendait régénérer le pays, sauver ses intérêts
et en même temps assurer son indépendance.
se situa dans un
contexte où les pressions auxquelles i l était sensé soustraire
le pays étaient devenues plus fortes.
Ce contexte est celui des rivalités internationales de
tout ordre entre les puissances, Dans le cas de l'Europe,
i l
était dominé depuis la fin du 1ge siècle et de plus en plus
par les rivalités anglo-allemandes, élément essentiel du
rapport entre les systèmes d'alliances - en particulier la
Triple-Alliance et la Triple-Entente - auxquels ces rivalités
avaient donné naissance. Plus que par le passé,
les intérêts
du Portugal allaient être déterminés par ce contexte.
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l'·
C'est donc à partir de conjonctures successives, décou-
,
,-
lant largement de la situation du Portugal que, dans la
1
période qui va de la proclamation de la République à la guerre,
un certain nombre de problèmes bilatéraux vont se poser entre
ce pays et la France : question de la reconnaissance du
nouveau régime, les rapports dans le cadre du projet anglo-
allemand de partage des possessions coloniales du PortuRal.
Problèmes diplomatiques, mais également problèmes des
échanges commerciaux.
"j
L'étude de ces questions dont les liaisons ne sont pas
toujours évidentes - c'est-à-dire qu'il n'y a pas nécessai-
rement coîncidence entre les différents types de rapports -
et oblige à faire une dissertation rhétorique, revêt néanmoins
une certaine importance. Les événements d'octobre 1910
faisaient du Portugal le tr07Sième Etat Républicain après la
Suisse et la France dans une Europe où les systèmes politiques
restaient encore largement "coiffés" par la monarchie.
Ce changement créait une parenté idéologique d'autant plus
importante qu'elle venait s'ajouter à des liens culturels et
moraux anciens et solides. La similitude et les liens que
cette parenté renforçait devait largement expliquer en France,
le phénomène de l'opinion publique.
IRI
••
urg•
-
Mais surtout,
le changement soulevait la question de
savoir si la confraternité républicaine apparue dans ce
contexte, allait constituer un facteur de rapprochement entre
les deux pays, ou tout au moins susceptible de peser dans
les problèmes posés entre les deux pays, et dont le premier
allait être celui de la reconnaissance du nouveau régime.
La France, en tant qu'inspiratrice des nouveaux maîtres du
Portugal, allait-elle être d'un appui quelconque de ce pays
face à l'isolement diplomatique dont le nouveau régime allait
être l'objet?
.J$i
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:'-,...,<,~.,' ~., .,-, ". ~ 'r',
• -,"
• -. ' . ' ,...
-26-
CHAPITRE l
- LA RECONNAISSANCE OFFICIELLE DU REGIME REPUBLICAIN:
LA CONFRATERNITE REPUBLICAINE A L'EPREUVE
l
- La Révolution du 5 octobre 1910, aboutissement d'une
longue crise de la Monarchie portugaise
Le 5 octobre est proclamé, à Lisbonne,
le régime républicain
qU1 met fin au règne de la dynastie des Bragances et au
système monarchique au Portugal. c'était l'aboutissement d'une
longue crise de la monarchie qui avait accumulé des difficultés
de toutes sortes durant les vingt dernières années.
Le premier coup porté au régime date de janvier 1891. Un an
auparavant, le 11
janvier 1890, l'Angleterre avait adressé un
ultimatum au gouvernement portugais pour qu'il retire ses forces
du Chiré et du Maschona, dans le nord-ouest du Mozambique. Elle
voulait mettre un terme au projet portugais de jonction des
deux colonies du Mozambique et de l'Angola, permettre à
Cecil Rhodes et à la British South-African Company d'étendre
leur contrôle du Betchouanàland (1) au lac Tanganika, première
(1) Le Botswana actuel.
=-------------------------_.-
c·<"·
.:."
:-.-~ -
,~.,.
".' .
-27-
étape dans l'établissement de l'axe Le Caire - Le Cap (1).
Le gouvernement portugais céda. Ce recul, qui découlait d'un
rapport de forces évident, car l'Angleterre menaçait de rappeler
son ministre et,
par conséquent, de créer un état de guerre,
porta un rude coup à la monarchie: i l y eut, dans tout le pays,
des remous et des manifestations réclamant l'instauration de
la République,
l'ultimatum et son succès étant attribués à
"l'indifférence du gouvernement de la monarchie et à la corrup-
tion de la royauté" (2).
Ces mouvements s'amplifièrent et débouchèrent sur une
véritable insurrection le Jl
janvier 1891 à Porto. Animé et
dirigé par les Républicains,
le mouvement insurrectionnel
échoua. Mais i l avait suffisamment secoué le régime pour que
l'on ait pu considérer l'événement comme un tournant. De cette
épreuve, tandis que la monarchie devait faire face à une situ-
ation de plus en plus cri tique,
le Parti Républicain ·portuf:àis···
sortit renforcé.
Au niveau économique et financier,
la situation ne cessait
de se dégrader. Le commerce extérieur et les finances publiques
connaissaient un perpétuel déficit. Pour combler celui-ci, mais
aussi pour faire face aux charges de la dette extérieure,
le
seul moyen était d'aller d'emprunt en emprunt. En juin 1891
éclate une grave crise financière qui se transforme en une
Sur Cecil Rhodes et le projet britannique de constitution de
l'axe Le Cap-Le Caire, voir ci-dessous. chapitre III, para-
graphe l
: Les colonies ~ortugaises dans la redistribution
des cartes et le rééguil~brage du rapport de force entre
les puissances.
(2 ) GRAINHA (Borges), Historia da Franco-Maçonaria em Portugal,
17JJ-1912, Lisbonne, Editorial Vega,
1976, p.156.
sop,.»
-28-
.'.',c.,
,.-..".
banqueroute de l'Etat. a tel point que les billets de banque
au Portugal deviennent inconvertibles (1).
Le pays est menacé
d'interventions des puissances étrangères. Des accords inter-
viendront peu après. mais la situation restera pour longtemps
critique et alimentera de plus en plus les spéculations sur la
vente des colonies comme moyen de résoudre le problème financier.
Les difficultés économiques s'accompagnent de crises sociale
et politique aiguës. Le coût élevé de la vie entraîne. d'une
part l'émigration des populations rurales. et del·autre. donne
lieu à l'agitation des couches sociales pauvres des villes.
Sur le plan politique.
la décomposition des forces de la
monarchie s'accentua. Sous la pression des Républicains dont les
succès furent manifestes après 1891. des scissions se produi-
sirent au sein des partis monarchistes à partir de 1900. Ces
scissions détruisirent du coup,
le "système rotatif" (2) et
ouvrirent ainsi une période d'instabilité gouvernementale et
de troubles politiques dont la dictature de Joâo Franco consti-
tua une tentative désespérée de conjuration. La tentative
dictatoriale se termina tragiquement par l'insurrection
républicaine manquée du 28 janvier 1908 et l'assassinat.
le
1er février.
du roi Don Carlos et du prince héritier (J).
(1) GUESDES (A.Marques). A Alian a in lesa. Notas de Historia
di lomatica
188 -1
4J • Lisbonne. Editorial Encyclopedica.
19 11). p,4 2.
(2) Par ce système. appelé "rotati visme",
les deux principaux
partis monarchiques - Régénérateurs et Progressistes -
ont
alterné au pouvoir de 1857 à 1900 ; A.A.BOURDON en a dressé
un tableau illustratif dans Histoire du Portugal. Paris.
P.U.F .• 1970. p.98.
(J) Sur ces événements et la situation de crise durant cette
période.
on pourra se référer au tableau instructif.
"La
crise au Portugal et les élections d'avril 1908" d'Angel
~~RVAUD in Annales des Sciences ~01iti9ues. 1908. tome XXIII
pp.468-494.
L'avènement du jeune r01, Manuel II,
ne changea rien et vit,
au contraire,
le succès impétueux des Républicains qui enlevè-
rent, aux élections d'avril 1908, la municipalité de Lisbonne.
Dès lors,
ils mirent à profit toutes les ùifficultés
internes et externes de la monarchie et menèrent une active
propagande. Sur le plan intérieur,
ils présentèrent l'avènement
de la République comme une ère nouvelle: l'ère des réformes
économiques et du redressement des finances,. en ce qU1 concerne
le monde du négoce;
celle de la fin de l'ignorance et de la
misère pour le peuple des villes, d'une juste répartition des
charges publiques pour les gens des campagnes (1).
Sur le plan extérieur, ils accusent la monarchie de ne rien
faire contre les visées étrangères sur les colonies et même de
vouloir liquider celles-ci. Ils jouent à fond la carte de la
défense du patrimoine national et mènent la propagande dans
l'armée et surtout dans la marine. Enfin,
leurs forces poli ti-
ques et paramilitaires, occultes celles-là,
la Franc-Maçonnerie
et la Carbonari, pénètrent de leurs ramifications les centres
du pouvoir dans tout le pays (2). A partir de ce moment,
ils ne
guettaient que la première opportunité pour renverser la
monarchie.
Après de vaines tentatives, dont celle de l'été 1910, une
(l) MARVAUD (Angel), "La Révolution Portugaise" in Questions
Diplomatiques et Coloniales, 2e semestre,
1910, p.525.
(2) Voir ci-dessous, dans le chapitre II, le paragraphe III
"La Franc-Maçonnerie et les Relations Internationales, une
histoire à approfondir
l'exemple franco-portugais".
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série de concours de circonstances précipitèrent les événements.
Ce fut d'abord la visite à Lisbonne du Président élu du Brésil,
le maréchal Hermès da Fonseca. Comme en 1905 lors de la visite
du Président de la République Française, Emile Loubet, à
Lisbonne,
cela donna lieu à des manifestations républicaines.
Mais ce qui surchauffa l'atmosphère politique,
ce fut l'assas-
sinat dans la même période,
le J octobre, du docteur Bombarda,
député républicain de Lisbonne. L'assassinat fut considéré comme
un crime politique et donna lieu à des ~emous dans la ville.
Néanmoins, ce qui poussa à l'insurrection, ce fut la nouvelle
qu'un des navires mouillés dans le Tage,
le croiseur Adamastor,
et qui aurait été acquis à la cause des Républicains, avait
reçu l'ordre de quitter la rade le 5 octobre
(1),
La révolution
éclata dans la nuit du ) au Il octobre. Conduite par l'un des
chefs des Carbonari et de la maçonnerie, l'officier de marine
Machado Santos, elle gagna des points stratégiques de la
capitale. Et tandis que les vaisseaux mouillés dans le Tage
.~
bombardaient au petit matin le Palais Royal, Machado Santos, à
la tête de ses hommes, ouvrait les portes de l'Arsenal à la
population, Au terme de la journée du 4,
la situation était aux
mains des Républicains. Le 5,
tandis que la famille royale était
en fuite et que les insurgés obtenaient la reddition des
dernières troupes loyalistes,
la République était proclamée à
l'hôtel de ville et reconnue les jours suivants dans les autres
villes et dans les colonies.
(1) MARVAUD (Angel),
"La Révolution portugaise" in Questions
Diplomatiques et Coloniales, 2e semestre,
1910, p.527.
-)1-
Un gouvernement provisoire, présidé par Téofilo Braga,
décréta, en application du programme politique du Parti
Républicain,
une série de mesures qui jetèrent les bases du
nouveau régime (1). Certaines de ces mesures,
telles que celles
relatives aux questions religieuses, allaient être, en même
temps, un facteur de difficultés externes.
(1) Le programme politique en dix points du gouvernement
provisoire,
signé de son ministre de la Justice, Afonso
Costa, et communiqué à la presse le 7 octobre 1910, était
libellé comme suit
,
L'intention du gouvernement est d'introduire progres-
sivement l'ordre dans toute l'administration du Portugal
et de consolider les relations du pays avec les nations
étrangères.
La politique du gouvernement aura les bases suivantes
1. Développer aussi loin que possible le programme
radical dont se réclame le parti républicain portugais.
2.
Ouvrir toutes grandes à chaque citoyen les portes de
l'instruction.
J. Assurer la défense nationale sur terre et sur mer.
4. Administrer les colonies '..ro.près les principes de
la décentralisation ét du self-govQr'.-.ment.
. -- -
5. Etablir un régime de justice qui assure à tous les
libertés essentielles.
6. Supprimer le mode actuel d'instruction criminelle et
les abus de la police.
7. Expulser les moines et les religieuses.
8. Fermer les écoles congréganistes catholiques romaines
9. Rendre obligatoire l'inscription des naissances, des
mariages et des morts sur les registres de l'état civil.
10. Prononcer la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Telles sont les questions urgentes sur lesquelles le
gouvernement veut s'appliquer à créer une législation et i l
veut en même temps prendre toutes les mesures nécessaires au
rétablissement du crédit et des finances de la nation.
Questions Diplomatiques et Coloniales, 2e semestre, 1910,
p.509
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-J2-
II - La politigue anti-cléricale du régime républicain et son
isolement diplomatigue
Le Portugal républicain éprouvera des difficultés à se
faire reconnaître officiellement sur le plan international. Près
d'une année entière s'écoulera avant sa reconnaissance diploma-
tique par les principales puissances. La cause des difficultés,
au-delà du fait que le nouveau régime ne s'était pas encore
doté d'institutions régulières,
fut l'hostilité à sa politique
relative à l'Eglise et aux institutions religieuses portugaises,
mais également étrangères.
L'Eglise, une des principales bases sociales et institu-
tionnelles du système monarchique,
fut l'objet des premières
mesures de réforme du gouvernement prOV1S01re. Celui-ci, par
plusieurs décrets-lois, s'attaqua aux privilèges et aux biens
de l'Eglise et des congrégations (1), en même temps qu'à
l'organisation de la vie religieuse.
(1) Il s'agit de décrets-lois extensifs, comme l'attestent les
articles ci-après
Art.
1 "Demeurent confiés à la garde, conservation et posses-
sion de l'Etat ou entreront sous ce régime,
tous les
biens, meubles ou immeubles, qui, en vertu du décret
du 8 octobre 1910, ont été et seront inventoriés par
les autorités administratives et judiciaires, pour
avoir été occupés ou détenus, à quelque titre, par
des Jésuites, ou par des congrégations, compagnies,
couvents, collèges, hospices, associations, missions
et toutes maisons de religieux de tout ordre régulier
quelque fussent leur dénomination,
institution,
règles,
etc,.,.,."
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-JJ-
Les mesures prises furent notamment la suppression et
l'expropriation des congrégations religieuses,
l'expulsion des
membres de ces congrégations, en particulier des Jésuites,
la
laïcisation de l'instruction publique,
l'interdiction de l'en-
seignement de la doctrine chrétienne dans les écoles publiques,
l'institution du divorce et de l'état civil,
l'exclusion de la
hiérarchie ecclésiastique des juntes (ou conseils) paroissiales
et de l'organisation du culte, Ces associations, exclusivement
portugaises, devaient se soumettre au pouvoir de l'Etat,
présenter chaque année aux autorités administratives du district,
l'inventaire de tous leurs biens, soumettre leur budget au
ministre de la Justice et affecter sous contrôle de l'Etat un
tiers des revenus à des oeuvres d'assistance. Ces mesures, qU1
furent parachevées par la loi ge séparation de l'Eglise et de
l'Etat en avril 1911, créèrent un véritable état de guerre entre
le gouvernement provisoire et le clergé portugais.
Le Vatican, en tant qu'autorité suprême de la chrétienté
catholique, réagit aux mesures prises. Après un moment de
diplomatie secrète et de protestations sans succès,
la rupture,
consommée de fait depuis les premiers mois de la République,
devint définitive après la promulgation de la loi de séparation.
(1) suite
Art.
5 "1 l est présumé qu'appartiennent aux respectives
maisons ou associations religieuses tous les biens
qui, à quelque titre, étaient occupés ou détenus par
elles et dont elles avaient l'usage".
Traduction du décret du J1 décembre 1910. Annexe à la lettre
du ministre de France à Lisbonne, en date du 7 janvier 1911,
MAE/NSE, CPC 1897-1918, Portugal, n 0 2J.
- - - - -
- - - - -
lA
Dans une encyclique datée du 21 ma1 1911 et adressée aux
chrétiens du monde entier,
le pape Pie X condamna oîîiciellement
la loi portugaise de séparation comme une loi de "spoliation en
ce qU1 concerne les biens matériels et d'oppression du point de
vue spirituel" (1). Pour le pape, cette loi proclame dans les
îaits l'apostasie. La déclarant, en conséquence,
"nulle et
d'aucune valeur,contre les droits inviolables de l'Eglise" (2),
i l aîîirma son soutien à l'épiscopat portugais,
l'exhortant à
rester îidèle et uni.
Le conîlit intéressait directement la consolidation,
l'au-
torité et la légitimité du nouveau régime au niveau interne et
externe, En déclarant nulles ses lois, le vatican justiîiait
toute attaque contre le régime républicain, Ces diîîicultés,
nées de la question cléricale, îurent des points d'appui pour
les monarchistes qui, dans leur propagande,
promirent l'abro~a-
tion de toutes les mesures anti-cléricales,
Mais, en plus de l'Eglise catholique portugaise et du
Vatican,
les réîormes anti-cléricales lésaient également des
intérêts étrangers: d'une part, elles remettaient en question
le îonctionnement des Eglises nationales placées sous la protec-
tion des légations et jouissant de privilèges anciens (J)
(1)
(2) Encyclique papale du 21 mai,
rapportée dans la presse
parisienne du 29 mai 1911. Revue de presse annexée à la
correspondance du ministre du Portugal à Paris, JI
mai 1911,
MNE/LPP 189.
(J) En ce qui concerne la France, il S'agit de l'Eglise et du
groupe d'immeubles qui l'entoure et connus sous le nom de
Saint-Louis des Français, La création de Saint-Louis des
Français par des chaudronniers bretons, constitués en
•
un
-:J5~
d'autre part, elles suscitèrent de nombreuses plaintes de
particuliers auprès des chancelleries de leur pays. Ces parti-
culiers étaient les propriétaires -
ou se prétendaient tels -
des biens, meubles ou immeubles,
et des domaines agricoles dont
faisaient usage les congrégations et associations étrangères qu,
s'occupaient des missions aux colonies, de l'enseignement et des
hospic~s au Portugal même (4),
Ces deux questions - Eglises nationales et biens des parti-
culiers - fondèrent une sorte de communauté d'action des
puissances, avec à leur tête l'Angleterre. En réalité, l'ensemble
aligna sa position sur celle de l'Angleterre en ra,son,
dis~it-
on. de la présence ancienne de celle-ci au Portugal,
Au lendemain de la proclamation de la République.
l'Angleterre et la France. de concert, décidèrent de maintenir
des relations de fait s~ns aucun caractère officiel et de
différer la reconnaissance diplomatique jusqu'à ce que la
situation s'éclaircisse. Officiellement, pour l'Angleterre,
c'était affirmer un principe qui excluait de ses habitudes
diplomatiques la reconnaissance d'un gouvernement provisoire.
Mais son attitude.
comme les faits l'attesteront. s'explique
moins par ce principe que par la méfiance vis-à-vis du régime
(J) suite
confrérie (origine non établie par des documents
authentiques). -remonterai t
au XVe sièc le, Les
premiers privilèges obtenus des rois portugais, en matière
de législation locale, daterait de 1452 avec Alphonse V et
de 1644 avec Jean IV,
Saint-René Taillandier à Stephen
Pichon, Lisbonne, 24 mai 1911. MAE/NSE, cpe 1897-1918.
Portugal,
n02J.
(4) Le m~nistre de France à Lisbonne au Quai d'Orsay. Lisbonne.
7 janvier 1911. MAE!NSE. CPC 1897-1918. Portugal.
n02J.
-)6-
républicain,
et son opposition aux mesures de réforme qUl
touchaient d'importantes institutions britanniques et qUl, en
même temps, soulevaient la question de la politique du nouveau
régime et de ses rapports avec les intérêts généraux de
l'Angleterre, La France, pour des raisons exposées plus loin,
aligna pendant longtemps sa position sur celle de l'Angleterre.
L'Espagne subordonna sa décision à celle de ces deux pays
l'Italie en fit autant,
tandis que l'Allemagne,
dont les
nationaux avaient été touchés par la loi d'expropriation des
congrégations, affichait une attitude intransigeante et
agressive,
Ainsi, la position officiplle de ces différents états,
l'Allemagne mise à part, était déterminée par celle de
l'Angleterre. Celle-ci n'avait pourtant pas de raisons de se
méfier des Républicains. Certes l'histoire du Parti Républicain
Portugais s'était confondue avec certaines manifestations
anti-britanniques et d'indépendance nationale: une première
fois autour de la défense de la colonie de Lourenço Marquès
(la question d~ Delagoa Bay), une deuxième fois autour de l'ul-
timatum du 11 janvier 1890.
Ces mouvements avaient été dirigés, à l'intérieur, contre
la monarchie, et à l'extérieur contre l'Angleterre.
Mais, dans la perspective du renversement de la monarchie,
les Républicains,
tout en parlant de régénération nationale, ne
faisaient plus cas du thème de l'indépendance nationale.
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-J7-
Ils s'étaient convertis à ce qui constituait une constante de
la politique au Portugal,
la prédominance anglaise, appelée
Alliance. Aussi, des émissaires du Parti Républicain, Alves da
Veiga, Magalhaes Lima et José Relvas,
furent-ils envoyés, au
cours de l'été de 1910 à Londres et à Paris et publièrent à
l'intention de l'Europe un manifeste concluant à la nécessité
du régime républicain comme la seule solution à la crise du
Portugal (1)
; ils auraient même été reçus par Sir Edward Grey(2
Après le 5 octobre,
le gouvernement provisoire annonça
solennellement et le notifia à l'Angleterre, que le Portugal
républicain restait fidèle à l'Alliance et respecterait tous
les accords passés sous la monarchie.
L'extension de la loi d'expropriation des congréeations et
de séparation aux Eglises et aux biens étrangers apparaissait
aux yeux de l'Angleterre comme étant en contradiction avec la
promesse de respecter les personnes et les biens étrangers ainsi
que les engagements et actes internationaux. Elle exigea que le
Portugal se dessaisisse des biens des congrégations et des
particuliers avant toute discussion et revienne au statu quo
antérieur en ce qui concerne les Eglises.
Une double préoccupation expliquait l'attitude anglaise
d'une part,
la volonté de limiter la portée de l'avènement de
(1) Le ~,anifeste du Parti Républicain Portugais in LIMA, S. de
MAGALHAES, Le Portugal Républicain, Paris,
1910, pp.JO-J2
(2) MARVAUD (Angel),
"La Révolution au Portugal" in Questions
Diplomatiques et Coloniales, 2e semestre,
1910, p.5J6.
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-)8-
la République au Portugal,
car le contexte était celui d'une
Europe monarchique où les changements de régime
jetaient l'in-
certitude sur l'équilibre au niveau de la politique interfia-
tionale et dans le jeu des alliances; d'autre part,
la volonté
de maintenir une pression, voir une mise au pas, d'un pays qui,
en raison de sa situation géographique et de ses possessions
coloniales,
tenait une place importante dans la stratégie
britannique et dans la lutte entre les puissances (1).
La situation était délicate pour le gouvernement provisoire.
La question cléricale était le seul point de friction avec les
puissances et la principale cause de son isolement diplomatique.
Il ne pouvait répondre aux différentes exigences sous peine de
compromettre une partie importante de son programme politique
et de paraître faible en politique extérieure,
comme les gouver-
nements monarchiques. Aussi ne céda-t-il pas aux différentes
conditions, admettant néanmoins le principe des discussions.
Son isolement diplomatique se maintint jusqu'en août 1911.
Seules les élections à la Constituante et les reconnaissances
consécutives à celles-ci, devaient le briser et forcer
l'Angleterre à suivre le courant.
Dans la période qU1 va de la proclamation de la République
à la constitutionnalisation du régime, un effort particulier fut
fait en direction de la France pour obtenir de celle-ci une
reconnaissance officielle prompte, propre à affirmer une
certaine solidarité républicaine.
(1) Voir ci-dessous, dans la présente partie, le paragraphe l du
chapitre III
: Les colonies portugaises dans la redistribu-
tion des car~es et le rêêquilibrage du rapport de force
entre les pU1ssances.
_.
-J9-
III - L'attitude française
: la sympathie politique et les
réalités de la politique internationale
Comme évoqué ci-dessus, les relations de fait entre
Paris et Lisbonne avaient été maintenues au lendemain de la
proclamation de la République et permis la signature,
le
17 février 1911, d'un modus vivendi commercial. La reconnais-
sance officielle du nouveau régime n'interviendra que tardive-
ment. Pourtant,
le gouvernement provisoire attendait cette
reconnaissance avec un vif intérët. Le~ Républicains la consi-
déraient comme Une sorte de patronage et de soutien politique.
Cette attente se fondait sur des raisons précises, certainement
idéalistes eu égard aux réalités internationales, mais qui
cadraient avec le romantisme républicain dans lequel le pays
était versé.
En effet,
i l existait entre les deux pays, de solides liens
culturels et idéologiques 1 le républicanisme portugais s'était
inspiré et nourri, à la source, de l'histoire et des idées
républicaines françaises (1)
; ce dont se réclamaient ouverte-
ment les dirigeants du nouvel Etat. Mais la France n'était pas
seulement une référence au niveau des théories et de l'histoire
républicaine. Elle était une République soeur dans une Europe à
dominante monarchique. Elle constituait,
par conséquent, un
(1) GRAINHA (Bor~es),
op.cit., pp.151-160.
appui politique potentiel dont les Républicains portugais
étaient en droit d'attendre le soutien, et sur lequel ils
fondèrent leur espoir pour débloquer la situation diplomatique
qui était la leur. Cet espoir était d'autant plus grand que la
proclamation de la République avait donné lieu, en France, à
de nombreuses manifestations de sympathie
1
messages de soutien
des conseils généraux, d~municipalités, deS comités de défense
républicaine, etc •.•
(1).
Pour représenter la République à Paris,
le gouvernement
provisoire nomma un Républicain francophile en la personne de
Joâo Chagas. Mais celui-ci ne sera reçu pour la première fois
par un membre du gouvernement qu'en fin mars 1911. L·entretien.
officieux, avec De Cruppi,
le ministre français des Affaires
Etrangères,
fut cordial, mais rien n'en sortit. Le chef de la
diplomatie française se garda de toute promesse quant à la
reconnaissance officielle. De même,
i l ne fit aucune allusion
à la question dans une déclaration sur la politique étrangère,
qu'il fit plus tard, début avril à la Chambre des Députés. Il
rappela plutôt dans ladite déclaration,
ceci de significatif:
"L'entente avec l'Angleterre doit être la base fondamentale de
notre politique extérieure" (2).
Début mai, Chagas. à nouveau reçu par le ministre des
Affaires Etrangères affirma que la République considérait la
(1) Voir ci-dessous, chapitre II, paragraphe II-J.
(2) Joâo Chagas au ministre des Affaires Etrangères à Lisbonne,
Paris,
10 avril 1911, MNE/LPP,
189.
-hl-
France
"non ~eulement comme une nation amie,
ma15 comme une
démocratie soeur" (1). Il ne pouvait être plus explicite.
Quant à l'homme d'Etat français.
i l apporta Son soutien à la
loi de séparation qui venait d'être promulguée à Lisbonne et
qui, selon lui,
était l'unique régime compatible
avec les principes de la liberté
(2).
Bien que rien de nouveau,
en ce qui concerne la reconnaissance officielle,
ne se dé~a~ea
de ces entretiens, Chagas tira cependant,
pour son gouvernement.
la conclusion que la République française était animée des
meilleurs sentiments pour le Portugal. que ses hommes d'Etat
étaient pénétrés d'une tradition républicaine qU'on peut
considérer comm~ une garantie de solidarité morale avec la
République portugaise (J).
Cet optimisme s'expliquait en partie. Six ans plus tôt,
en décembre 1905. avait été adoptée, en France, la loi de sépa-
ration après plusieurs anné":6. de luttes intenses qui avaient
laissé des traces profondes. La question cléricale en rapport
avec d'autres questions sociales.
telles que le problème de
l'enseignement. demeuraient un thème d'actualité et de lutte
politique
: de plus, les forces monarchistes et nationalistes
continuaient à remettre en question. par une intense propagande
le système politique républicain.
Dans cette situation.
les hommes d'Etat français.
person-
nalités gouvernementales et non-gouvernementales. apportaient
(1)(2)(J) Chagas au ministre des Affaires Etrangères à Lisbonne,
Paris. 6 mai 1911, MNE/LPP, 189.
en privé ou publiquement,
leur soutien au nouveau régime et à
sa politique anticléricale. Ainsi eut lieu-une célèbre entrevue
entre Joâo Chagas et Emile Combes, un ancien président du
Conseil dont le ministère avait été essentiellement absorbé par
la lutte anticléricale (1). Mais cette solidarité ne se tra-
duisit paS par un acte gouvernemental sur le terrain diploma-
tique
; ce dont la République portugaise avait pourtant parti-
culièrement besoin,
Chagas, qui accélérait son offensive diplomatique, avait
obtenu, par ailleurs,
la promesse qu'il serait reçu par le
Président de la République,
Fallières,
ce qui renforçait ses
sentiments de succès. Les événements ultérieurs le désillusion-
nèrent quant au sens qU'il pensait donner à la solidarité
républicaine. L'audience à l'Elysée fut une première fois
reportée en dernière minute,
la raison officielle étant le
calendrier chargé du Président, Joâo Chagas l'attribua à Jq~
présence des souverains bulgares et serbes et à la volonté du
gouvernement de ne pas irriter ces visiteurs
(2).
L'entretien eut lieu finalement le 27 mai 1911. Alors que
le ministre du Portugal en sortit avec la conviction d'une
reconnaissance future,
puisque le Président aurait dit que la
France attendait ce moment. La presse,
certainement inspirée,
(1) C9GUEL.(Françoi~), La ~olitique des eartis sous la Ille
Republ1que, Par1s, Seu11,
1958. Chap1tre V,
paragraphe II
Combes et la lutte contre l'Eglise, pp,118-12J
; sur Combes,
cf.aussi REMOND (René), L'antièléricalisme en France de
1815 à nos jours, Paris, Fayard, 1976, p.199.
(2) Joâo Chagas au ministre portugais des Affaires Etrangères,
Paris, 28 mai 1911, MNE/LPP,
189.
-
b
------------------------~-
annonça le lendemain : "Le Pr~sident de la R~publique a reçu
hier, à titre purement priv~, en audience particulière,
M.Joâo Chagas, chargé de la Légation du Portugal" (1). L'infor-
mation semblait avoir pour but de lever toute équivoque et de
souligner que l'audience accord~e ne signifiait en aucune cas,
une reconnaissance quelconque du régime r~publicain, comme la
presse de Lisbonne tendrait à le faire croire. Chagas fit des
réclamations au Quai d'Orsay,
réclamations d'autant plus
nécessaires pour lui et pour le Portugal républicain, que la
presse lui avait attribué le titre de "chargé de la légation",
Mais i l lui fut répondu que le titre de ministre de la
République du Portugal ne lui était pas reconnu (2).
La réponse du Quai d'Orsay révélait l'~tat contradictoire
des rapports qui prévalaient entre les deux pays: d'une part,
les hommes d'Etat français affirmaient leur sympathie au nouveau
régime, le soutenaient et l'encourageaient dans l'application
de son programme politique qui était l'objet de l'hostilité
internationale et l'une des causes de sa non-reconnaissance
diplomatique 1 de l'autre, au niveau gouvernemental, on se
refusait à toute initiative dans le sens de la reconnaissance
officielle, En fait, s ' i l était impossible aux Républicains
français de rester indifférents aux événements du Portugal,
il
leur était encore plus impossible de traduire leur solidarité
républicaine par un acte gouvernemental de reconnaissance
(1)(2) Joâo Chagas au ministre portugais des Affaires Etrangères,
Paris, 28 mai 1911, MNE/LPP 189.
diplomatique dans les conditions qU1 prévalaient,
Comme l'écrivait un chroniqueur de l'époque, la reconnais-
sance n'était pas une simple question de sentiment (1),
L'attitude officielle était dictée par des considérations plus
complexes,
L'Entente Cordiale avec l'Angleterre constituait la base
fondamentale de la politique extérieure, Elle imposait la concer-
tation,
voire une certaine dépendance vis-à-vis de la diplomatie
britannique, Cette dépendance était renforcée, dans la question
de la reconnaissance, par le fait que le Portu~al était lié à
l'Angleterre par des traités séculaires qui le réduisent à une
sorte de protectorat, Aussi,
toute décision du Quai d'Orsay
en la matière,
prise indépendamment du Foreign Office,
était à
écarter,
Il s'agissait pour la France d'être le plus favorable
au Portugal,
"sans encourir le blime de l'Angleterre" (2).
En effet,
la défense de l'idéal républicain ou le soutien
à une république naissante ne pouvai t
déterminer à cette epoque
un acte de politique extérieure, La politique extérieure se
définissait en termes d'intérêts coloniaux, de zones d'influence,
d'ententes entre puissances, Etait significative à c~t,égard
cette autre confidence recueillie par le ministre du Portugal
(1) MARVAUD (Angel),
"La Révolution Portugaise" in Questions
diplomatiques et coloniales, 2e semestre, 1910, p,5J6,
(2) En français dans le texte portugais, Confidence d'un haut
fonctionnaire du Quai d'Orsay à Joio Chagas, ,Joio Chagas au
ministère portugais des Affaires Etrangères, Paris,
28 mai 1911, MNE/LPP 189.
au Quai d'Orsay:
"Souvent, i l nous faut faire oublier que nous
sommes en République" (1),
Chagas conclut qu'il serait imprudent de compter en quel-
que circonstance que ce soit sur l'appui de la France,
et que,
contrairement à ce qu'il affirmait,
la solidarité de la
démocratie française restait purement morale.
Seules les circonstances allaient pousser la France a la
reconnaissance officielle.
A partir de juin 1911,
le gouvernement français commença
à éprouver quelque embarras. Somme toute,
l'Angleterre avait
justifié son attitude, dès le départ,
par un principe diploma-
tique -
pas de reconnaissance avant la mise en place d'institu-
tions régulières -,
tandis que la France, en s'alignant sur
l'Angleterre, avait seulement évoqué la nécessité d'une concer-
tation des puissances. Mais,
jusqu'à quand cela durerait-il,
d'autant plus que l'Angleterre liait désormais la reconnaissance
à la solution préalable du litige né des mesures anticléricales.
Mi-juin,
la question fut à nouveau réexaminée, sans qu'une
décision put être arrêtée, car '"e'eût été pèut-être susciter à
Londres un mécontentement dont les inconvénients eussent beau-
coup dépassé les avantages des sentiments de satisfaction
provoqués à Lisbonne"(2).
(1) En français dans le texte portugais. Joâo Chagas au ministère
portugais des Affaires Etrangères. Paris, 28 mai 1911,
MNE/LPP 189.
(2) Note pour le ministre, 21
juin 1911, MAE/NSE, CPC 1897-1918
Portugal n02J.
Les ~lections, pUIS la convocation de la Premi~re Asspm-
bl~e Constituante le 19 juin. en l~F,alisant l'existence de la
R~publique, rendirent la position intenable. Dans lin t';I';/:ram",,,
en date du JI
juillet,
le ministre des Affaires Etran~ères
charKe
l'ambassadeur i
Londres de notifier au ForeiKn Office
qu'il devenait absolument difficile au ~ouvernement français
de retarder davantage
la reconnaissance de la R';publiq"e
portuF,aise et qu'il faudrait en tout cas. qu'elle se produis"
avant
les vacances parlementaires
(11. A cela, l'An~leterre
rr.~pondit
pas de
reconnaissance
sans
solution des diffprpnds.
L'';lection du Pr';sident de
la Il';publique le 2~ ao~t,
dernière
étape
de
la constitutlonnalisation du
rf'{:lme
rf~pllhli-
caIn et
la multiplication des actes de reconnaissance de
la
p"rt
des Et"ts-Unls et des R~publiques sud-am~ricaines, bris~ren( en
fait
l'isolement diplomatique.
et d~cidèrent le p;ouvernement
français à
reCOflIlQÎtre officiellement le Portugal républ i ca in
,~
le :!6 aoùt
1911,
en dépit
de
l'Anf~leterreJ ~ qui furent TU':UI-
moins
notifiées
les
ra150ns
<if!
la
dpci~ion prise.
Ainsi
prit
fin
l t'~prcuve de
la
confraterni.té rppuhlicainfl'.
La
solid."lrité
entre
les deux
rf~pllhl.iqlJt.~s était purement
- - - " . ; . . . .- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
( 1 )
Tt~L(~:~r;llI1me du miIlÎ:-;t'('e dl':'"' ,\\('t'.lir· I·' Ct l';~,,,':~'r~f:''''' ;1
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intellectuelle et idéologique et ne pouvait déterminer,
comme
les Républicains portugais l'espéraient, un acte diplomatique
du gouvernement français.
Un tel acte est déterminé par des
intérêts qui font
fi des formes institutionnelles des pouvoirs
alors en place dans les différents pays, que ce soit l'auto-
cratie en Russie ou la monarchie parlementaire en Angleterre.
Les Républicains portugais confirmèrent eux-mêmes cela dans
leurs relations ultérieures avec l'Angleterre.
Les velléités
d'indépendance nationale, maintes fois affirmées dans des
programmes et des actes politiques sous la monarchie, s'étein-
dront. Considérée comme la condition de la survie des colonies,
l'alliance avec l'Angleterre fut réaffirmée par les Républicains
au lendemain du 5 octobre et continua à conditionner les
rapports avec la République soeur de France. Mais les limites
de la confraternité républicaine officielle,
imposée par les
réalités de la politique internationale, n'altéraient pas,
pour autant,
le fait que ~e changement était significatif, en
ce qui concerne les relations entre les deux pay~= suffisamment
pour susciter en France d'importants courants d'opinion.
CHAPITRE II - L'OPINION PUBLIQUE FRANCAISE ET U; PORTU"AL
REPUBLICAIN: LE PHENOMENE 0 'IDENTIFICATION
l
-
Le concept d'opinion publique et l'étude des relations
bilatérales. Le phénomène d'identification
Nous n'entendons pas discuter sous tous ses aspects la
question complexe d'opinion publique, mais l'dborder dans ses
rapports à l'étude des relations bilatérales. Quelle réalité
représente l'opinion publique française sur le PortuF,al répu-
blicain et à travers quoi la saisirait-on aujourd'hui?
L'idée que le concept d'opinion publique, dans l'utilisation
qu'en font les historiens, est longtemps restée des plus
vagues (1), est parfaitement juste. Mais i l convient d'ajouter
(l'hypothèse) que cet état de choses semble provenir d'une
carenCe de la recherche historique en cette matière.
La tendance
jusqu'à présent a été de l'orienter uniquement vers l'opinion
émise dans les
journaux ou les mémoires qui expriment celle des
groupes bien articulés, L'attention est rarement portée sur
(1) DUROSELLE
(J.B.), L'Europe de 1825 à nos jours, Paris, P.U.F.
1970. Ille partie,
1815
: Problèmes, debats, directions de
recherches, p.227.
l'opinion publique véritable,
celle de larr,es masses, à qU1 le
concept mérite pourtant d'être appliqué en tout premier lieu.
Cependant cette opinion existe et se manifeste. Il s'agit de la
situer ainsi que ses limites.
Elle porte sur les faits vécus ou ressentis par ces larr,es
masses,
faits d'ordre intérieur ou extérieur. Dans ce dernier
cas,
il s'agit de faits qui ont des répercussions sur la situ-
ation intérieure
ou bien dont l'intérêt qui leur est porté se
crée à partir des préoccupations découlant de la situation
intérieure. On pourrait accéder à cette op1n10n par l'étude
minutieuse des mouvements, attitudes et actions à caractères
de masses, en rapport avec des questions politiques, économiques
et sociales précises.
Les sources de la reconstitution d'une telle opinion publi-
que seraient la masse d'informations que la presse livre sur
ces mouvements,
les mémoires,
les témoignages écrits ou oraux
dans certains cas, bref l'histoire sociale. Est-ce la difficul-
té de l'entreprise,
l'appréhension d'une impossibilité de
systématisation de cette opinion, ou la carence d'une certaine
démarche scientifique qui créent cet état de choses? C'est là
un débat à suivre, car l'usage fait de ce terme nous semble
trahir la réalité.
En dehors de ce qui vient d'être évoqué,
l'opinion publique
se réduit à celle de groupes restreints, ayant la possibilité
-:>0-
de s'exprimer dans les mass media l elle se réduit à l'opinion
des organes de presse. Car, en eCCet,
outre l'absence des
moyens,
plusieurs Cacteurs -
niveau politique,
scientiCique,
culturel, disponibilité -
ne permettent pas aux larges maSses
d'avoir une opinion autonome sur les événements comme cela peut
être possible dans le cas de l'hypothèse avancée. Cette cons-
tatation prévaut précisément dans le cas de l'étude des rela-
tions bilatérales. Ainsi,
l'opinion Crançaise sur l'avènement
de la république aU Portugal Cut-elle celle des groupes
restreints et surtout celle, plus systématique, des organes de
presse. Dans la mesure où la presse, principale source de cette
opinion, est le reflet des contradictions de la société,
"le
moyen d'expression de ses différentes tendances et notamment
de leur opposition"(I),
i l faudrait plutôt parler de courants
d'opinion.
Cette expression exprime mieux les faits.
L'opinion publique
n'est pas une réalité unique ou unifiée.
Mais comment découvrir ces différents courants d'opinion
lorsqu'on se trouve en face d'un nombre impressionnant de
journaux de différents horizons et d'importance variée (2) ?
La démarche que nous avons suivie part d'importantes indi-
cations contenues dans les rapports du ministre du Portugal à
(1) BELLANGER (Claude), Histoire de la presse française, Tome III
1870-1940, Paris, P.U.F.,
1972, p.1J5.
(2) BELLANGER (Claude), op.cit., A la paF,e IJ7 et 296 sont
données quelques indications chiffrées
: la grande presse
politique parisienne comptait en novembre 1910, 70 titres
(parmi lesquels 24 journaux fantômes) avec un tirage de
-)1-
Paris: elle s'est ensuite appuyée sur l'histoire sociale et
politique en France, sur l'histoire de la presse française, de
ses rapports avec les forces socio-politiques, et enfin,
sur
une étude de la situation portugaise. Trois grands courants
d'opinion, à l'intérieur desquels les nuances existent certes,
se dégagent et correspondent à des forces sociales et politiques
de la société française au début du siècle
: un courant répu-
blicain bourgeois,
un courant ouvrier et socialiste et un
autre monarchiste
et nationaliste.
Le prem1er regroupe les partisans du système politique
républicain parlementaire et,
globalement, de la réalité
économique, politique et sociale de la France à l'époque.
Il va
des républicains conservateurs au radicaux socialistes, en fait
toutes les forces politiques qui gravitent autour du parti au
pouvoir,
le Parti Républicain Radical.
Le second courant com-
prend les divers milieux ouvriers et socialistes parlementa-
,~.
ristes ; dans le dernier, se retrouvent toutes les forces
politiques et sociales qui aspirent à une société fondée sur
l'ordre et la tradition, et qui se réclament ou non de l'ins-
titution monarchique.
A la lecture des organes représentatifs de certains courants,
tels que l'Autorité et l'Action Française pour les milieux
monarchistes,
la Bataille Syndicaliste pour les milieux ouvriers,
on est frappé par l'importance de l'intérêt porté au Portugal
(2)suite
4.937.000 exemplaires, dont les trois quarts aux
4 principaux: le Petit Parisien,
le Petit Journal,
le Matin et le Journal.
républicain,
le caractère tranché des opinions émises et le
constant recours à un parallèle entre les deux pays. Grande est
la tentation d'expliquer ces faits par les caractéristiques
propres de la presse de l'époque,
considérée comme l'âF,e d'or
de la presse française (1).
Mais il apparaît que c'est à la situation politique et
sociale moins qu'aux caractéristiques de la presse qu'il faut
l'attribuer.
L'avènement de la République au PortuF,al et son
évolution ultérieure a créé une sorte de phénomène d'identifi-
cation entre les deux sociétés. Ainsi,
les courants d'opinion
sont-ils devenus eux-mêmes le reflet projeté sur le Portu~al
de la lutte politique et sociale en France.
+
+
+
C'est qu'au moment o~-S~ fondait la Première République à
Lisbonne et où les partisans monarchistes et le clerF,é opposi-
tionnel se réfugiaient en Espagne et ailleurs en Europe,
se
parachevait, en France, un phénomène remarquable du point de
vue de cette étude. C'est la prédominance, sur l'échiquier
politique français, après sa rupture avec "le loyalisme ré pu-
blicain"
(2), de l'Action française comme principal pale des
forces politiques conservatrices, monarchistes et nationalistes
dont la philosophie politique se référait au~principesd'ordre,
d'autorité et de la tradition et par conséquent,
opposées à
(1) BELLANGER (Claude),
op.cit., p,
lJ7.
(2) REMOND (René),
La Droite en France, Tome l,
1815-1940,
Paris, Editions Montaigne,
1975, p.180.
l'idéal de la République parlementaire libérale
(1).
La République,
la ~gueuse" (2) est considérée comme la
source de tous les maux et de l'anarchie que constituent entre
autres la lutte des partis,
le parlementarisme,
la corruption
des moeurs politiques et les scandales fréquents à l'époque,
l'intense et permanente agitation sociale,
l'instabilité des
cabinets qU1 devaient faire face à des problèmes externes et
internes parm1 lesquels l'agitation sociale constituait un
fond important.
Cette agitation qU1 pesait constamment sur l'atmosphère
politique -
contr~verses autour des réformes sociales, sur
l'attitude ~ouvernementale dans les conflits de travail, etc. -
était d'autant plus intense que le début du siècle avait vu le
renforcement du mouvement syndical par la création d'une cen-
,
traIe un1que et l'apparition de syndicats de fonctionnaires dans
(1) Sur la naissance et l'épanouissement de l'Action Française,
on pourra l i r e : Weber, Eugen J.,
L'Action Française,
Paris, Stock,
1964 ; en particulier,
les deux passa~es
"La Préparation 1899-1908" et La Reconnaissance" pp.19-86.
Il convient sans doute de préciser que l'importance que
nous accordons à l'Action Française dans la "monoRraphie"
des courants d'opinions est due,
comme l'écrit René Rémond
(La Droite française, TI,
p.178), non pas au nombre de ses
adhérents déclarés,
mais à Sa capacité d'agitation (Les
Camelots du Roi), à la puissance de Sa doctrine, à l'influ-
ence de celle-ci à l'intérieur, mais surtout à l'extérieur
de la France;
à propos de cette influence, on pourra se
référer, dans l'Action Française de Eugen J. Weber,
le
passage intitulé: "LeS amis étrangers"
pp.525-547.
(2) REMOND (René),
La Droite en France, Tome l,
1815-1911.,
p. 182 .
-54-
des secteurs importants de la V1e nationale
(postiers et insti-
tuteurs)
l
mais aussi, et surtout,
par la prédominance au sein
du mouvement syndical de la doctrine du syndicalisme révolution-
naire qui prônait l'action directe, manifestations, grèves
partielles ou générales, anti-militarisme,
comme moyens
d'émancipation du prolétariat (1),
Ces réalités qui étaient déjà présentes dans le Portugal
monarchique,
prirent toutes leurs dimensions et certaines parti-
cularités, après la proclamation de la République. La stabili-
sation de celle-ci se heurta à des obstacles,
notamment à
l'action monarchique, au problème clérical, à l'agitation
sociale et à la lutte partidaire dont le corollaire fut l'ins-
tabilité ministérielle.
En effet,
le problème clérical fut l'une des préoccupations
du nouveau régime durant ses premiers moments
; proche de cette
question,
i l y eut l'opposition monarchiste dont les éléments-
.
.
irréductibles, réfugiés en Espagne,
lanceront des 1ncurS1ons
(octobre 1911 et juillet 1912) et feront agir des réseaux de
complices à l'intérieur, Mais, ce fut l'agitation sociale, en
particulier ouvrière qui,
comme l'aurait reconnu durant son
exil un des chefs du Parti Républicain, Afonso Costa, "contribua
plus que tout autre facteur à rendre la République invivable
et impuissante, et à préparer sa lourde chute" (2),
(1) Sur l'agitation sociale et le développement quantitatif et
qualitatif du mouvement syndical, de leur importance sur la
politique en France,
on pourra lire dans: GOGUEL (François),
op.cit.,
le passage intitulé "Aggravation de la lutte des
classes et tentative de réformes des moeurs politiques"
pp.1 2 9-1J6.
(2) VALENTE (Vasco p,).
"A Republ ica e a classes trabalhadoras.
octubro de 1910-Agosto de 1911" in Analyse Social, 2e série
l\\~~li Vol. lV 1 l '31~ 1 p.,15
-55-
Les désillusions des classes populaires au lendemain de la
proclamation de la République, étaient fortes,
et ce, d'autant
plus que le parti républicain avait bénéficié de leur appui et
promis du pain bon marché (1).
Le brusque développement du
mouvement syndical (2), dominé par l'anarcho-syndicalisme,
double produit de l'influence anarchiste et syndicaliste révo-
lutionnaire, rendit cette agitation de plus en plus intense et
violente, avec des morts dans les affrontements entre ~révistes
et forces de l'ordre, des déportations de syndicalistes sur les
navires de guerre, la proclamation de l'état de siège,
l'insti-
tution de tribunaux spéciaux.
Enfin,
la dislocation du parti républicain sous l'influence
de nouvelles conditions sociales et politiques,
introduisit la
lutte partitaire et l'instabilité ministérielle.
Tel était le tableau qu'offrit le Portugal républicain,
tableau projeté au devant des agences télégraphi~u'e;, ~'t qui
servit de matière à opinion.
(1) Lorsqu'en janvier 1912, à l'occasion de la grève générale
nationale,
la maison des syndicats fut encerclée et des
centaines de personnes détenues,
une femme du peuple,
pen-
dant que des policiers l'emmenaient, aurait crié en montrant
son tablier plein de cailloux : "Voilà le pain que la
République nous donne à grignoter", JOAO (Ameal). Historia
de Portugal,
Oporto 1940,
p.765, cité par NOWELL (Charles E,),
Histoire du Portugal, Paris, Payot, 1953,
p.267.
(2) Il Y aurait en 1910, 1)9 syndicats en activité totalisant
23.237 membres, et répartis comme suit
: à Lisbonne,
33 syndicats avec 7.570 membres, à Porto, 39 syndicats avec
7.645 membres, et pour le reste du pays,
47 syndicats avec
8.022 membres. Au printemps de 1911,
le nombre de syndicats
ouvriers dans le pays s'éleva à 356. VALENTE (Vasco p,),
op.cit.,
pp.294-295.
s
-
-56-
II - La "monographie" des courants d'opinion
1 -
~~~~~~i~~_~~~E~~~~!~_~!_~~!~~~~!~~!~_~!_!!~_~~~E~~~
~~i~!~~E~!~~~~_!~~~!~~~!~
Pour l'opinion monarchiste et nationaliste,
la chute de
la monarchie est une tragédie qui attristait profondément les
amis du Portugal, les amis monarchistes et nationalistes
devrait-on ajouter.
L'événement n'apparut cependant pas comme
une surprise parce que "le régime parlementaire avait mis le
Portugal dans un état d'anarchie que ce malheureux pays pouvait
difficilement dépasser"(I)
l
la royauté portugaise avait été,
selon les monarchistes et les nationalistes,
paralysée par la
constitution et rongée par la peste parlementaire. Quant au
changement de régime,
ils y virent le résultat d'une sédition
militaire fomentée par les sociétés secrètes,
la maçonnerie
portugaise et internationale l
c'était. "un mouvement concerté
des loges internationales, une manifestation de la haine juive
et maçonnique contre les monarchies"(2).
Mais, en même temps,
le triomphe républicain était consi-
déré comme sans lendemain,
car la République n'apporterait pas
le remède aux maux du Portugal.
Faisant allusion à cette
(1) L'Action Française du 6 octobre 1910.
(2 ) L'Autorité du 8 octobre 1910. Il faut rappeler, relativement
~ la référence au juif que la doctrine nationaliste défi-
nissait la République française comme l'instrument des
quatre .Etats confédérés pour perdre la France
1
juif, pro-
testant, maçon et métèque. Cf. REMOND (René), La Droite en
France, Tome l,
1815-1940, Paris, Ed.Montaigne, p.164.
-57-
perspective, L'Autorité du 6 octobre écrivait
"Comme la
République était belle sous l'empire, s'écrient nos plus S1n-
cères républicains, écoeurés lorsqu'ils contemplent leur idole
au tournant de la quarantaine", Et, présentant les événements
sous les jours les plus alarmistes, avec des titres, comme
"Guerre civile au Portugal" ou "Scène de carnage", la presse
monarchiste et nationaliste prédit le plus sombre avenir au
nouveau régime et plaignit le peuple portugais qui, dans son
ignorance, s'est condamné "au châtiment le plus infamant,
le
plus redoutable,
le plus dégradant,
la République"(I).
Mais, précisément parce qu'entourée du mépris et du dé~oût,
la République portugaise est appelée inéluctablement à dispa-
raître. Mettant en rapport les congrès radicaux en France et la
situation portugaise, Charles Maurras écrit: "Beau programme,
grands orateurs, résolutions viriles
: que deviendront toutes
ces choses et ces gens,
je ne dis pas quand le canon tonnera,
mais au premier éclair de la plus intelligente des baionnettes
de la plus sage des épées, baionnette
de Paiva, sabre de
Honk 1" (2).
Allant plus loin, L'Autorité du J janvier 1911 annonce que
la République portugaise sentait déjà le cadavre et "il y a
(1) L'Autorité du 9 octobre 1910.
(2) L'Action Française du 6 octobre 1910. Paiva Couceiro est le
chef des partisans monarchistes qui conduisit les différen-
tes incursions monarchistes de 1911, 1912 et 1919 ; Monk
(Georges, 1er Duc d'Albemarle) est le général et l'homme
politique anglais qui, maître de la situation après la mort
de Cromwell, rétablit la royauté en Angleterre en 1660 au
terme de l'intermède républicain (1649-1659).
toutes les raisons d'espérer qu'il ne s'écoulera pas de lonF,s
jours avant que le peuple portugais s'offre la joie de piétiner
dessus", Un large écho était alors donné aux mouvements monar-
chistes, à l'agitation sociale, à l'action de la maçonnerie et
de la carbonari, à l'anti-cléricalisme. "Pauvre civilisation,
si pure, si pleine de Foi et de Gloire, que les juifs s'achar-
nent donc contre toi" écrit L'Autorité du 8 mai 1911.
Comme la République qui est appelée à s'écrouler, cet
anti-cléricalisme est voué à l'échec parce que ce n'est pas
la première fois,
poursuit L'Autorité, en date du 8 mai 1911,
que "les tyranneaux ont cherché à s'attaquer à celui qui dirige
la barque insubmersible du pêcheur de Galilée".
L'agitation sociale quant à elle, est considérée comme le
résultat le plus certain de l'éducation donnée à la masse popu-
laire par la République qui, en retour,
"ensanglante les rues,
torture les prisonniers, incarcère la moitié de la population,
tandis que les démagogues portugais,
juchés sur les coffres-
forts d'Etat regardent monter le sang,
répandre avec la satis-
faction de gens qui craignent de se trouver trop tôt à sec" (1) .
Portant la polémique sur le terrain français,
la presse
monarchiste et nationaliste s'en prend à ceux qui ont applaudi
au début et se taisent devant les nouvelles réalités, affirmant
qu'il n'auraient nulle part l'autorité nécessaire à formuler les
critiques contre le nouveau régime. La Bataille Syndicaliste et
(1) L'Autorité du J février 1912.
L'Humanité étaient nommément attaquées. Il leur était reproché
de ne souffler mot de la situation de terreur au Portugal ; ce
qui ne reflétait pas toute la réalité vu la régularité et le
ton également dur, mais d'un autre point de vue de La Bataille
Syndi cali ste.
+
+
+
L'expression de l'opinion monarchiste et nationaliste sur
le Portugal républicain s'est accompagnée d'autres réalités
relationnelles dont i l est difficile de mesurer toutes les
dimensions. Les organes de presse monarchiste et nationaliste.
en ouvrant leurs colonnes à Paiva Couceiro, à Homen Christo
Filho, publiciste et à bien d'autres monarchistes portugais,
ont servi de tribune de propagande aux monarchistes (1 J. Cela
suppose et autorise l'hypothèse que les milieux monarchistes
portugais et français entre~e~~ient des rapports, que les
secorms étaient d'un appui quelconque aux premiers, ne serait-ce
qU'au niveau de la propagande et de la contre-propagande.
(1) Pour mémoire, on notera le communiqué ci-après, de Paiva
Couceiro, publié par Le Gaulois à l'occasion des élections
à la Constituante: "Lisbonne, 4 juin 1911. Au nom d'une
forte majorité d'électeurs portugais et en mon nom propre,
pour la défense des droits qui doivent appartenir à tous
les citoyens libres, et ne voulant pas que le silence soit
interprêté comme une approbation tacite,
je viens déclarer
que nous ne reconnaissons pas la validité de l'acte que le
gouvernement provisoire de la République réalisera sous le
nom d'élection aux Constituantes. De cette sorte, on ne sau-
rait dire 9ue.des élections ont eu lieu au Portugal, puis-
qu'il s'ag1t tout simplement d'une fabrication de députés,
non pas choisis par une votation démocratique libre, mais
en vérité par l'autocratie du directoire républicain"
Coupure de presse, MNE/LPP,
189.
-60-
Mais le fait le plus important de ces réalités restera
l'écho rencontré dans les milieux monarchistes portugais par
la campagne de L'Action Française, de L'Autorité et du Gaulois
cet écho eut un impact du point de vue de l'histoire politique
intérieure du Portugal. Commentant prophétiquement en avril 1911,
sous le titre "La partie se joue en France", la manifestation
des "Camelots du roi" au Quartier Latin à l'occasion de la
visite des étudiants portugais, L'Action Française soutenait
l'idée que, parce qU'elle était française, elle serait un fait
européen, voire universel,
Dans les faits, en effet, la réaction nationaliste et
monarchiste en France fascina beaucoup les monarchistes et anti-
républicains portugais qui trouveront dans L'Action Française,
une source d'inspiration. C'est précisément le cas de la
naissance de l'lntégralisme lusitanien.
Conçu comme "un mouvement de combat contre la République
et la monarchie constitutionnelle, en vue de la monarchie
organique, traditionaliste et anti-parlementaire" (1).
l ' l ntégra-
lisme lusitanien est apparu en 1914 et servira plus tard, à un
certain degré, au niveau politique et idéologique, à l'établis-
sement de l'Etat Nouveau, autoritariste et corporatiste de type
fasciste, de Salazar (2).
(1 ) C'est la défini tian qu'en donne l 'historiographe de ce
mouvement. L,Ramas de Ascençâo cité par FERRAO (Carlos) dans
o lntegralismo e a Republica. Autopsia dum mita, Lisbonne,
1964, Vol.l, p.JO.
MARQUES (A.H.de Oliveira), Historia de Portugal: desde os
tem os anti os até ao Governo do Snr Marcello Caetano, Vol.II
as
evo uçoes
1bera1s aos nossos d1as, L1sbonne, Palas
Editores,
1975, pp.291-292.
-61-
Etait-il "une imitation et un 'cho"(J) de L'Action
Française, comme l " c r i t Carlos Ferrâo ? Les doctrinaires du
mouvement reCusent cette assimilation et soutiennent que le
mouvement a ses particularit's doctrinales, des origines his-
toriques et phi10sophiques qui lui sont propres et qui disso-
cient son destin de celui de L'Action Française. Dans l'ouvraf:e
au titre 'vocateur et entièrement consacr' à ce thème, Dois
Nacionalismos (Action Française e 0 Integralismo Lusitano),
Hypolito Raposo 'crit
: "Sans L'Action Française,
l'Integralismo
Lusitano serait n ' e t aurait v'cu"(4),
En d'pit des diff'rences qui peuvent exister entre les
deux mouvements,
i l n'en reste pas moins que la naissance de
l'Int'gralisme lusitanien est li'e à l "migration des opposants
monarchistes, à l"cho et à la fascination qu'exerça L'Action
Française. Hypolito Raposo et d'autres partisans de ce mouvement
ont fait partie de la d'l'gation des 'tudiants portugais venus
visiter Paris en avril 1911. Il est incontestable que cette
visite qui donna lieu à des manifestations des "Camelots du Roi"
laissa des traces dans leur esprit. Raposo ne fut-il pas,
lui-
m~me, frapp' par "l'enthousiasme avec lequel 'taient accept'es
par la jeunesse du Quartier Latin les id'es contre-
r'volutionnaires"(S) ?
(2) suite
Sur la question des rapports entre L'Action Française
et le r'gime salazariste, entre Salazar en personne et
Charles Maurras, sur la place du mouvement int'graliste lusi-
tanien dans l'Etat Nouveau, on pourra lire avec int'r~t
WEBER (Eugen J.), op.cit., pp.5JO-SJ2.
(J) FERRAo (Carlos), op.cit., Vol.I,
p.JO.
(4) RAPOSO (Hypolito), Dois Nacionalismos
a Action Fran aise e
oInte ralismo Lusitano , L1sbonne,
1929, p.102.
(S) RAPOSO (Hypoli to), Dois Nacionalismos
a Action Fran aise e
o Inte.,.r:l1ismn I.""i""nn
, 5benne.! 19<'1}
pp.3 1-3l.
-
-62 -
2 -
L'opinion ouvrière et socialiste
--------------------------------
L'opinion des milieux ouvriers et socialistes n'est pas
unifiée comme l'était celle des forces monarchistes et natio-
nalistes.
Les nuances entre les deux principales variantes,
la
première autour de L'Humanité et le Parti Socialiste.
la seconde
autour de la C.G.T. et de La Bataille Syndicaliste, créée pos-
térieurement à l'avènement de la République, semblaient impor-
tantes. C'est La Bataille Syndicaliste qui,
par la régularité
de ses rubriques sur le Portugal et son ton tranchant,
symboli-
sera le plus ce courant d'opinion.
Dans l'ensemble, la réaction des milieux ouvrIers et
socialistes fut favorable à l'avènement de la République
portugaise et ceci, à partir d'un point de vue propre à ces
milieux.
Ils se félicitèrent de la manière dont le chan~ement
de régime s'était effectué, en portant la réflexion sur la part
prise par l'armée et la marine; les perspectives dans lesquelles
ce changement se situait,
les conclusions et leçons retinrent
également leur attention.
Dès la confirmation du succès des Républicains, de
nombreuses sections de la S.F.I.O. adressèrent des télégrammes
de soutien au gouvernement provisoire,
tandis que la C.G.T., qUI
tenait alors son congrès à.Toulouse, vota l'ordre du jour
suivant
"Sous l'impression de nouvelles réconfortantes par-
venues de Lisbonne, le congrès félicite l'armée et la marine du
Portugal du beau geste par lequel elles sont passées avec le
-6)-
peuple en révolte contre son gouvernement,
souhaite que
l'exemple des soldats du Portugal soit contagieux pour les
armées de toutes les nations,
surtout au moment de la révolution
sociale"(l).
Abordant la question sous dirr6rents aspects. L'Humanité
du 6 octobre 1910 soutint,
comme si elle répondait au Gaulois
ou à L'Autorité, que la révolution au Portu~al n'était pas une
révolution militaire, malgré toute la part prise par l'armée et
la flotte,
mais l'oeuvre du parti républicain.
L'événement,
poursuivit le même organe, s'inscrit dans un mouvement général
de révolte des peuples,
contre la monarchie au Portugal,
le
cléricalisme en Espagne,
l'absolutisme et le f60dalisme en
Allemagne
; ces mouvements marquent partout le progrès de la
démocratie (2). Par conséquent, la révolution avait valeur de
leçon,
la leçon que l'ère des révolutions n'était pas close, et
que,
contrairement aux utopistes de l'évolution progressive et
pacifique,
la marche de l'évolution comportait les révolutions.
La révolution faite,
c'était de la classe ouvrière et
de ses organisations que viendrait la pression nécessaire pour
les réformes sociales. Tout en soutenant que cette classe
ouvrière devait compter sur ses efforts propres, elle indiquait
cependant qu'elle était encore faible.
Mais l'opinion ouvrière se préoccupa surtout de
Radical du
6
octobre 1910.
L'Humanité du 6 octobre 1910.
l'évolution ultérieure du nouveau régime, en particulier des
conflits de travail incessants et violents et de la p'olitique
du gouvernement républicain provisoire puis constitutionnel
face à cette agitation.
La rupture entre celui-ci et le mouvement ouvrier,
traduite dans la violence et la dureté des rrrèves, aussi bien
que dans la répression, modifia considérablement l'opinion du
monde ouvrier en France. Celui-ci continua certes à affirmer
son soutien de principe à la République en vilipendant les
menées monarchistes et ses appuis internationaux, mais n'épar-
gnait pas le gouvernement et les dirigeants républicains.
A l'occasion de l'arrestation des syndicalistes et de
la fermeture de la maison des syndicats en janvier 1912,
La Bataille Syndicaliste s'en prit violemment aux "bourgeois
positivistes" qui détenaient le pouvoir à Lisbo",,~, les accusant
.=
d'en abuser et de faire régner la terreur (1). pour elle, le
siège de la maison des syndicats,
l'arrestation des syndica-
listes et des grévistes et leur déportation sur les navires,
révélait le forfait du régime qui n'avait donné que des "fusil-
lades aux travailleurs"(2). Aussi s'interrogea-t-elle si le
Portugal n'allait pas connaître ses journées de juin 18 118, en
souvenir des soulèvements ouvriers parisiens et de la brutale
répression dont ils furent l'objet, événement qui fut le vrai
..
prélude O,
la chute de la seconde République en France.
(1) La Bataille Syndicaliste, 27 janvier 1912.
(2) La Bataille Syndicaliste,
1er février 1912.
....
-65-
Alors que L'llumanit~ rappelait que l'action contre les
travailleurs faisait le jeu de la restauration monarchique,
La
Bataille Syndicaliste s'~levait contre l'utilisation de l'oppo-
sition monarchiste contre ce qu'elle appelait le d~veloppement
de la lutte des classes; elle considérait surtout comme une
calomnie lanc~e contre la classe ouvrière portur,aise l'accusa-
tion d'être en complicit~ avec les monarchistes, tandis qu'im-
pun~ment, les carbonari et les bataillons de volontaires - sorte
de milice r~publicaine .- intervenaient contre les syndicalistes
et les anarchistes. S'expliquant sur la situation, elle devait
faire remarquer
: "Pour avoir m~connu le principe de la lutte
des classes,
les travailleurs portugais ont fait un marché de
dupes en versant leur sang pour l'établissement d'une r~publique
bourgeoise. Ils sont aujourd'hui pers~cut~s"(I),
Les rubriques r~gulières sur la situation socio-
politique portugaise sous divers titres évocateurs du F,enre
"Despotisme au Portugal" font notamment état de l'agitation
sociale et des mesures gouvernementales. Ces rubriques s'accom-
pagnent de salutations des syndicalistes portugais à la C.G.T.,
d'appels des organisations syndicales portugaises à la solida-
rit~ internationale contre la r~pression, ou d'articles ~manant
de journaux syndicalistes et anarchistes, de militants isolés
ou de groupes de révolutionnaires portugais.
Il Y avait,
par cons~quent, des ~changes relativement
importants puisque ces ~changes semblent constituer la source
essentielle d'information (ou d'inspiration) de La Bataille
(1) La Bataille Syndicaliste, 27 juillet 191J.
-66-
Syndicaliste qU1 lançait le 21
juillet 191), à propos des trou-
bles à Lisbonne en juin et juillet 191) l
"Nous devons attendre
l'arrivée de nouvelles émanant des milieux ouvriers pour être
clairement rixés sur la nature du complot que la police,
pers-
picace, aurait déjoué". Le 22
juillet 191), le même
journal
ajoutait
: "Pas plus qu'hier,
nous ne voulons nous prononcer
sur les événements de Lisbonne. Le gouvernement républicain du
Portugal nous a, depuis son origine,
trop montré qu'il s'entend
à merveille, à jouer du télégraphe et à cuisiner les raits pour
que nous ne devions pas attendre des renseignements venus des
milieux ouvriers".
Ainsi,
autant que le courant monarchiste et nationa-
liste,
l'opinion ouvrière sur la naissance de la République
portugaise et son évolution durant les premières années fut
importante dans la rorm~tion de l'image de ce pays. A l'inverse,
l'opinion républicaine bourgeoise, au vu de ce que les SOUrces
peuvent orrrir,
rut loin d'être aussi riche.
Les réactions des milieux républicains à la proclama-
tion de la République au Portugal rurent des plus enthousiastes,
illustrées par le nombre de. messages que des conseils généraux.
des comités d'action et de dérense républicaine, adressèrent au
gouvernement provisoire (1).
(1)
Portu al en Paris,
pp.8S-88.
-67-
L'.ditorial du Radical du 6 octobre 1910 fut lIn salut
au nouveau r.gime. Le salut, dont le ton .tait néanmoins rév.-
lateur des pr.occupations internes,
semblait manifestement
être .galement une r.ponse aux organes monarchistes et natio-
nalistes. On pouvait y lire en effet
"Quoi qu'il en soit,
nous saluons la r.volution portu~aise comme une nouvelle
victoire de l'id.e r.publicaine. On a voulu proclamer la
faillite de la R.publique. La meilleure preuve que son esprit
est fort,
c'est qu'il se r.pand à l'ext.rieur,
p.nètre et
attaque les monarchies apparemment les mieux gard.es".
Comme le firent les milieux monarchistes,
nationalistes
et ouvriers,
l'opinion r.publicaine porta .galement sur les
moyens mis en oeuvre dans l'avènement de la R.publique,
plus
pr.cis.ment le rôle de l'arm.e et de la violence dans le pro-
cessus d'établissement du pouvo1r r.publicain. A ce sujet,
Le Radical se f.licitait,
dans le même éditorial, que la révo-
lution n'ait pas . t . une espèce de pronunciamento à la mode
en Am.rique Latine, mais qu'elle fut plutôt une insurrection,
oeuvre d'un peuple conscient de lui-même et décidé à se
régén.rer pacifiquement.
En effet, envisageant l'avenir, Le Radical vit dans la
naissance de la République, le début d'un r.veil national,
réveil qui .tait à mettre au.oompte des principes et des idées
qui faisaient la force des Républicains.
Mais l'opinion républicaine n'allait pas suivre le
déroulement de ce réveil. Dès que l'avènement du nouveau régime
-611-
cessa d'être un sujet d'actualité,
l'intérêt porté aux affaires
du Portugal devint moindre dans l'opinion républicaine exprimée
de façon spontanée, car celle-ci, du moins au niveau de la
presse,
s'estompa. La nouvelle situation n'inspirait pas plus
d'enthousiasme qu'elle n'autorisait de commentaires flatte'lrs
à l'opposé de la presse monarchiste, nationaliste et ouvrière,
la presse républicaine,
soit garda le silence,
soit se limita
à la simple information ou, de temps à autre,
intervint "sur
commande" .
Atténuer les effets de la mauvaise presse dont le
Portugal était l'objet, par des articles favorables à ce pays,
n'était pas qu'une nécessité politique de propa~ande pour de la
propagande. Cela relevait également d'une exigence économique.
De l'ima~e donnée par le climat social et politique dépendait
le crédit du pays et ses opérations financières sur les marchés
internationaux. Aussi, l'intervention,
non seulement la légation
du portugQ7~1 mais également les groupes économiques intéressés
à ce pays, devint un contrepoids nécessaire à la mauvaise presse.
Se situèrent dans ce cadre,
le voyage au Portugal du
directeur de l'Economiste Européen et la série d'articles qu'il
publia de septembre à novembre 1912 (1). Le rapport nettement
favorable au nouveau régime,
se termina par une condamnation
explicite de l'attitude du monde ouvrier.
"La révolution,
écrivit Théry, accorda le droit de grève •••
Le malheur,
c'est
que les ouvriers que l'ancien régime avait tenu en tutelle,
(1) Voir ci-dessous, chapitre IV, paragraphe 111-2.
-69-
grisés par les événements et entraînés par les meneurs des syn-
di cats et comités socialistes, usèrent sans réflexion et sans
ménagements de la liberté qu'ils venaient d'acquérir"(I). En
conclusion,
il considéra le conflit entre le capital et le
travail comme "le vrai danger pour la prospérité matérielle
du Portugal et, on peut ajouter",écrit-il,
"pour l'avenir du
régime républicain"(2).
+
T
Ainsi,
l'existence des courants d'opinion sur le
PortuRal l
travers les organes de presse ne S'explique que par
le phénomène d'identification qUl s'établit entre les forces
socio-politiques de France et du Portugal. S'il n'est pas
possible d'étudier dans le cadre de ce travail toutes les
réalités relationnelles qui germèrent à partir de cette iden-
tification, les échanges ~fectifs qui sous-tendent ce phénomène
et forment,
entre autres,
les éléments constitutifs des rapports
extra-gouvernementaux,
il convient sans doute, en marge de la
question de l'opinion, de s'arr~ter ~ une question bralante
de l'époque, .la question des rapports entre les maçonneries
française et portugaise.
(1) L'Economiste Européen,
nOl089, 22 novembre 1912, p.648,
colonne A.
(2) Idem,
Ibid, p.648,
colonne B.
-70-
III -
La Franc-Maçonnerie et les relations internationales, une
histoire à approfondir
l'exemple franco-portugais
Les récents travaux de Pierre Chevalier (1) et ceux plus
anciens de Borges Grainha (2), apports importants à l'histoire
de la Franc-Maçonnerie, respectivement en France et au Portu{';a l,
constituent,
à notre sens, une réponse aux préoccupations de
recherches formulées par Duroselle (J) sur l'action politique
de cette institution. En revanche,
la connaissance de son action
extérieure, aussi bien sur le terrain de la politique extérieure
que sous l'angle des relations extra-gouvernementales, est une
question qui mérite d'être approfondie.
En dépit des limites de son aspiration à l'universalisme,
la maçonnerie n'en reste pas moins une des formes par lesquelles
différentes sociétés entretiennent des rapports et que maintes
réalités politiques, sociales et idéologiques se reproduisent
à l'échelle international,
L'approche des relations maçonniques franco-portugaises
se heurte à des obstacles qui tiennent au cadre chronolov,ique
étroit de ce travail et aux questions matérielles d'absence de
sources.
Les relations,
pour la période qui concerne cette étude.
unirent d'une part le Grand Orient,
la principale obédience
CHEVALLIER (Pierre), Histoire de la Franc-Maçonnerie fran-
çaise,
tome J,
La Maçonner1e
, Egl1se de la republ1que (187~
1944), Paris, Fayard, 1975, 47J p.
(2 ) GRAINl~ (Sorges), Historia da Franco Ma onnaria em Portu al
(1757-1912), Lisbonne, Ed1tor1al Vega, 197
20
p.
DUROSELLE (J-B.), L'Europe de lB15 à nos jours, Paris, PlIF,
:3. &~ 1 lQU', P :l)~
:
-71-
maçonnique en France, et le Grande Oriente Lusitano Unido qU1
jouaient, l'un et l'autre, dans les deux pays,
un rôle de choix
dans la vie politique et sociale, rôle qui leur confère toute
leur importance en matière d'étude historique.
En France,
la maçonnerie, et plus précisément le r..O.D.F.,
était un pilier du parti républicain, aussi bien sur le plan
idéologique qu'institutionnel.
Il était alors aux forces poli-
tiques et sociales républicaines ce que l'Eglise catholique
était aux forces attachées au principe de l'ordre et de l 'auto-
rité. Ces dernières qui comprenaient les forces nationalistes,
monarchistes et cléricalistes, représentaient une menace pour
l'institution républicaine, menace que les Républicains enten-
daient combattre dans divers domaines et par divers moyens.
Comme le parti républicain,
la maçonnerie se recrutait
dans "il petite bourgeoisie et la bourgeoisie moyenne (1) qui
':.
fournISsaient l'essentiel du personnel politique de la Troisième
République et constituaient sa base sociale. Se posant en con-
tinuateurs des traditions de 89,
les maçons affirmèrent la
défense et la propagation des principes de la raison, du posi-
tivisme scientiste, en vue du progrès de l'humanité contre le
principe d'autorité et le dogme religieux. Ce dernier aspect de
la question fonde les rapports entre la Franc-Maçonnerie et la
Libre-Pensée.
(1) CHEVALLIER (Pierre),
op.cit., p.10 ; pour plus de détails,
on pourra lire avec intérêt dans le chapitre l,
le paragra-
phe sur le recrutement de la Maçonnerie et Son rapport à
l'organisation du Parti Républicain,
p.9-17.
-72-
Plus pratiquement,
les préoccupations de la maçonnerie
coîncidèrent avec le programme du parti radical,
par une étroit~
corrélation entre les sujets étudiés dans les loges et les
convents, et ceux discutés dans les congrès radicaux et dans
les débats parlementaires, Dans la deuxième moitié du XI Xe siècle
et jusqu'à la guerre, les préoccupations maçonniques s'orien-
tèrent dans le sens de l'achèvement de la révolution démocrati-
que bourgeoise comme moyen d'affermissement du régime républi-
cain Ct),
La maçonnerie fut alors,
non seulement un "comité consul-
tatif" de la Troisième République, mais aussi quelques fois,
une sorte de réserve du pouvoir, voire même une sorte de pouvoir
parallèle. Jouant un rôle déterminant dans l'histoire politique
et sociale, elle s'intéressa à la réforme de l'instruction, à
la réforme électorale, aux relations entre l'EKlise et l'Etat,
à la question c' ':ricale et des congrégations, aux réformes
sociales, etc"
Ainsi la maçonnerie mena bataille pour l'institution de
l'école laîque gratuite et obligatoire, parce que la formation
de la jeunesse dans de telles conditions, apparut, dans le
contexte politico-social de l'époque, comme le meilleur moyen
de saper l'influence de l'Eglise, d'obtenir l'adhésion de nou-
velles générations et d'assurer l'avenir de la république,
Parallèlement aux luttes parlementaires sur ces questions,
les
(1) On pourra lire avec intérêt,
pour le Grand Orient de France,
les documents dits Congrès des Loges de la région parisienne,
pour les années 1892,
1910-1911,
1911-1912,
1912-191),
----------------_._----------------
~,\\ '.
- - - -
-7J-
francs-maçons avaient développé des écoles et inspiré la créa-
tion des ligues de l'enseignement et des sociétés de gymnastique.
Autour des années l'l, les préoccupations portèrent sur la guerre
des manuels,
livrée par les forces cléricales, et le projet du
monopole de l'enseignement, comme le moyen le plus radical
de laïcisation.
L'action maçonnique porta également sur les questions
sociales. La maçonnerie prit une part active à l'élaboration
des lois sociales mais chercha également à s'implanter en milieu
ouvrier et socialiste pour contrebalancer l'action de l'Eglise
catholique. Celle-ci, depuis la publication par Léon XIII, de
l'encyclique Rerum Novarum sur la condition ouvrière (15 mai
1891), disposait désormais d'une doctrine sociale,
instrument
précieux en matière d'action politique et sociale. Ainsi les
conditions furent-elles créées à partir de 189J par un abaisse-
ment du droit d'initiation et des cotisations pour r~voriser
l'intégration des ouvriers, mais surtout des d i r i - .~~s de
partis et syndicats ouvriers (1) dont les membres,
par ailleurs,
étaient divisés sur la question de savoir si la maçonnerie était
neutre ou si elle appartenait à l'organisation politique de la
bourgeoisie.
Mais l'exemple le plus édifiant du besoin pour la maçon-
nerie d'être présente partout et de contrôler les institutions
fut l'affaire des fiches
(1904-1905).
Dans le but de remplir un devoir de défense républicaine,
(1) CHEVALLIER (Pierre),
op.eit., p.12-1J.
la maçonnerie accepta de servir d'agence de renseignements pour
le compte du ministère de la guerre, en procédant au fichage
systématique par l'intermédiaire des loges, des "Jésuites casqups
et bottés"(I), c'est-à-dire des officiers de l'armée de convic-
tion monarchiste, et catholiques pratiquants, réfractaires à
l'idéal républicain et éventuels fauteurs de coup d'Etat (2),
Le fait que l'action maçonnique ne s'opère que de manière
occulte,
laisse supposer que l'affaire des fiches reste un cas
parmi d'autres.
Instrument de défense du régime républicain en France,
la
maçonnerie fut au Portugal celui de sa création.
"L'oeuvre de la
révolution est due exclusivement à la maçonnerie" (J)" aurait
écrit Machado Santos dans son rapport sur le 5 octobre. En effet,
si officiellement la révolution fut conduite par le P.R.P.,
la
maçonnerie et ses divers prolongements ont joué un rôle essen-
tiel. Sur le plan idéologique et politique,
la Franc-Maçonnerie
fut à l'avant-garde du combat contre les Jésuites et le cléri-
calisme sous la monarchie,
en particulier depuis 1901, date du
retour en force des ordres religieux au Portugal, et dans les
premières années de la république. L'action maçonnique visait a
saper l'influence et le pouvoir des forces cléricales dans les
domaines sociaux de l'éducation, de la santé, de l'état civil,
au profit d'une laïcisation de l'ensemble des institutions
sociales.
La maçonnerie constitua également l'appareil logistique
(1)(2) CHEVALLIER (Pierre),
op.cit., p.91.
(J) Hachado Santos, A Revolucâo Portuguesa, cité par GRAINIIA
(Borges),
op.cit., p.159.
-75-
du Parti Républicain, à travers ce qU1 constituait alors, dans
les conditions du Portugal,
son prolonv,ement armé
la carbonari Cl
A l'origine de celle-ci,
i l y avait la Franc-Maçonnerie
Académique, constituée des étudiants des ~randes écoles de
Lisbonne et de fervents républicains. Connue é~alement sous le
nom de Comité Révolutionnaire Académique, la maçonnerie acadé-
mique initia les hommes du peuple,
institua de nouveaux règle-
ments et se transforma en une organisation révolutionnaire,
la
Carbonari a Lusitana, dont chaque membre possédait une arme et
recevait une instruction militaire. Elle aurait compté
40.000 membres (1) à la veille de la proclamation de la Répu-
blique. Un membre du directoire du P.R.P.
était chargé des
relations avec la carbonaria, mais celle-ci agira plus par le
biais de ses rapports avec la loge Montanha qui comptait dans
ses rangs les principaux chefs carbonari.
Cette loge s'était déjà illustrée en 1907 en contribuant
à l'élection de Magalhaès Lima, un des dirigeants républicains,
à la tête de la maçonnerie pour mieux la "républicaniser"(2).
C'est elle qui, en élisant le 14 juillet 1910 une commission
secrète ayant des pouvoirs souverains et composée des principaux
protagonistes du 5 octobre dont Machado Santos et Mi~uel Bombarda
créa un puissant facteur de triomphe des Républicains.
Ce n'est donc pas sans intérêt que le chef de la maçonnerie
portugaise, Magalhaes Lima, écrit à propos de ce triomphe
(1) LIMA (S.de MAGALHAES), Episodios da minha Vida, Lisbonne,
1927, Vol.I,
p.280.
(2) GRAINHA (Borges),
op.cit., p.159.
---------------------------
-76-
"Le 5 octobre aurait-il été possible sans la carbonari a ?
Hardiment,
je peux répondre que ce fut la carbonaria qui déter-
mina le cours de la révolution. On n'imaginait pas ce que fut et
ce que représente cette organisation en courage, en effort et
en sacrifice"(l).
Les réformes du nouveau régime furent largement inspirées
par elle. Son intervention fut quelques fois publique et directe.
C'est ainsi que,
sous sa direction,
le 14 janvier 1912, une
foule immense, avec en tête le Grand Maître, Magalhaes Lima,
accompagna l'Association du Registre civil au ministère de la
Justice pour appuyer le gouvernement d~ la République dans la
lutte contre le cléricalisme (2).
Ce rôle important de la maçonnerie en France et au
Portugal amène à s'interroger sur la réalité des relations
maçonniques.
La maçonnerie portugaise s'est largement inspirée
de l'histoire maçonnique française qui apparaissait à bien de
ses représentants comme l'exemple ach~vé de la corrélation entre
la maçonneri~ et les exigences de l'élargissement de la démocra-
tie bourgeoise. Ce n'est pas sans intérêt que Magalhaes Lima.
libre penseur et grand maître du G.O.L.U .• célèbre dans ses
écrits les faits notoires de l'histoire maçonnique et républi-
caine française,
telle que la préparation de la déclaration des
droits de l'homme par la Loge des Neuf Frères à laquelle avait
(1) LIMA (S.de MAGALHAES), Episodios da minha Vida, vol.I, p.266.
(2) GRAINHA (Borges), op.cit., p.185.
-77-
appartenu Diderot (1). Au cinquantenaire de la constitution de
la loge Philosophie Cosmopolite en mars 191J à Nice,
i l déc1a-
rait, après avoir remercié les frères du soutien qu'il a eu
durant son exil, en tant que partisan républicain,
"c'est
l'esprit de la maçonnerie française qui nous a toujours guidés
et c'est par lui que nous avons libéré les esprits et émancipé
les consciences des vieilles tute11es"(2).
Déjà, en 1906, le G.O.L.U.,
tirant les enseiF,nements de
ce qui se passait en France, abondait dans le même sens et
proc lama i t
: "
Faisons honneur à ces glorieuses traditions.
En France, la maçonnerie est un des principaux appuis de la
démocratie et le principal adversaire du cléricalisme réaction-
naire auquel i l s'affronte dans toutes les circonstances et
attaque dans tous les domaines. Pour cela,
le peu d'hommes
d'Etat de ce pays qui n'appartiennent pas à notre ordre ne
t
l'attaque~\\'as et l'estime~Au Portugal, la maçonnerie devrait
~A
suivre Hi rnéme chemin pour ne pas trahir sa mission"()).
C'est dans cette perspective que les rapports entre les
deux maçonneries semblent s'être développés. En 1909, Maga1haes
Lima,
élu deux anS plus tôt grand maître du G.O.L.U.,
était
nommé par le congrès du parti républicain portugais chef de la
( 1 ) LIMA (S.de ~~GALHAES), a centenario de José Estavâo, Home-
nagen da Maçonnaria Portuguesa,
Lisboa,
1910, p.19.
(2 ) LIMA (S.de ~~GALHAES), Discours à la fête du cinquantenaire
de la constitution de la loge Philosophie Cosmopolite,
Nl.ce,
190, p.n.
Proclamation du G.O.L.U.
in LIMA (S.de MAGALHAES), A vida
dum aposto10, Co1eçâo de textos de S.de Maga1haes Ll.ma,
Alvaro Neves Editor, Lisbonne,
19JO, vo1.TT,
p.2), A propos
des hommes d'Etat et de la maçonnerie,
on pourra lire dans
CHEVALLIER (Pierre), op.cit., pp.18-29,
L'appartenance des
ho"'~".. toli tiq Opc:,.èl , 'oyd.." de;> IQ.,":J~ à \\011-0
-7R-
commission chart~ée de la propagande à l'extérieur. A Paris. 011
i l résidait et ou fut publié, au courant de 1910,
le manifeste
du P.R.P.
à l'intention des nations européennes pour les rassu-
rer sur le fait que le régime républicain devait apporter ordre
intérieur et extérieur (1), les responsabilités de représentant
officiel des Républicains et celles de la maçonnerie portuvaise
se confondirent dans les faits et se complétèrent.
Magalhaes Lima, qui avait entretenu le 19 décembre 1907
la Loge Cosmos de Paris du thème "Portugal,
nécessité d'un
régime républicain"(2),
participa en septembre 1910 ail
c onvent
du G.O.D.F.
; d'où la question posée par la presse
nationaliste, à savoir jusqu'à quel point la Franc-~laçonnerie
française était intervenue dans la révolution portugaise. S'il
est difficile de répondre à cette question,
i l est tout à fait
possible de retenir l'hypothèse que le soutien des frères
français à la mission de propagande de ~lagalhaes Lima fut 1mpor-
r~
tant au regard de la revue de presse réalisQG par la Légation
de Paris au cours de cette même période. Cette hypothèse mérite
d'être retenue d'autant plus que l'un des moyens d'action de la
maçonnerie est "d'inspirer" la presse.
Lorsque la République fut proclamée,
les loges du G.O.D.F.
saluèrent tout naturellement sa naissance et les frères de Paris
organisèrent une conférence publique où Magalhaes Lima prit la
parole (J). Ils se penchèrent, dans les loges,
sur le soutien
(1) PABON (Jesus),
op.cit.,
p.119-120.
(2) PABON (Jesus),
op.cit., p.49.
(J) LU·.!\\. (S. de MAGALHAES), Le Portugal Républicain, Confére nce
fa1te dans les salons du Globe à Paris,
le 8 octobre 1910.
-79-
à apporter à la république et aux frères portugais. Le soutien
dont i l est difficile de déterminer les différentes formes,
a
été l'objet d'abondants commentaires de la presse.
Le 25 août 1912, le publiciste portugais, Homen Christo
Filho écrivait dans la revue catholique libérale Le Correspon-
dant, que la République ne se maintenait que par le soutien que
lui apportaient les frères étrangers (1).
Il faisait sans doute
allusion à l'aide des frères étrangers quant au dépistage des
diverses manoeuvres internationales des partisans monarchistes.
En effet, les relations tissées dans les milieux maçonniques et
la presse permirent à Magalhaes Lima, au cours de la même
période, d'être info~mé des tractations financières des monar-
chistes auprès de certaines banques parisiennes et d'obtenir
l'annulation de ces projets en intervenant auprès des autorités
gouvernementales (2).
Si ces types de rapports sont m01ns saisissables,
on peut
affirmer en revanche, que les rapports maçonniques classiques
-
échanges des expériences, circulation des informations maçon-
niques,
inspiration de l'intérêt porté par l'une des maçonneries
aux problèmes de l'autre pays -
furent florissants,
en dépit de·
la faiblesse des sources disponibles.
Au courant de l'année 191J, Magalhaes Lima fit une impor-
tante tournée de propagande en France rour préparer le congrès
(1) Le Correspondant du 25 août 1912, p.767.
(2) LIMA (S.de MAGAllHAES), Episodios da Minha Vida, vol.I,
pp.J10-Jll.
...
s
-
-IW-
international de la libre pensée à Lisbonne qU1 devait se tenir
en octobre de la même année; comme en 1910.
i l eut l'occasion
de participer à différentes manifestations maçonniques et de
lancer l'appel au congrès qui devait coîncider avec le troisième
anniversaire de la République et le second centenaire de la
mort de Diderot qui. selon les propres termes de Magalhaes Lima,
lutta contre dix-huit siècles de superstition.
Le congrès retint l'attention en France d'autant plus
qu'il portait sur l'expérience de la République portugaise et
sur l'éducation rationnaliste. Le 1er octobre 191J. Magalhaes
Lima fit au Radical une déclaration qui était un appui aux
partisans de la laïcité en France
n • • •
C'est. dit-il. dans
cet esprit de libre examen et de propagandisme fécond que le
congrès de Lisbonne proclamera la nécessité de la défense
laïque pour un peuple épris de liberté. Et la République porttl-
gaise à qui la Rome papale ne pardonne point sa politique nette-
ment laîque, verra le congrès de Lisbonne célébrer l'avènement
de l'école laïque et de la sécularisation de tous les services
publics"(1).
Il Y a lieu de s'interroger sur l'impact de ces échanges
dans l'évolution de la question scolaire dans les deux pays et
plus particulièrement au Portugal où les débats et les luttes
autour de cette question en France semblent s'être répercutés
et avoir exercé une influence importante.
facilitée par l'exis-
tence des circuits traditionnels de pénétration de l'influence
(1) Le Radical du 1er octobre 1913.
~.--------------------------
-81-
culturelle et des courants idéologiques en provenance de la
~rance : l'histoire et la langue d'une part, et de l'autre
l'admission en franchise sur le marché portugais, depuis la
convention littéraire de 1866, de livres et manuels français.
Le congrès de Lisbonne devait illustrer les rapports entre
maçons et libres penseurs français et portugais. Sous l'action
des délégués des deux pays,
la question de la laïcité fut défi-
nitivement résolue. Le congrès de la libre pensée adopta une
résolution qui proclama l'exclusion de l'enseignement religieux,
mesure que les deux pays appliquaient déjà.
Il découle des lignes qui précèdent que les relations entre
maçonneries française et portugaise étaient importantes et assez
régulières. Certes,
l'état des matériaux disponibles ne permet
pas de saisir ces rapports dans toutes leurs dimensions. Dans
c
quelle mesure ont-elles eu des incidences sur la Politi~ue offi-
cielle 1 Quelle a pu être la portée pratique des discussions
abondantes des loges françaises sur le problème des possessions
coloniales portugaises? Il n'est pas possible d'y répondre.
Mais,
s ' i l n'est pas possible de saisir le rôle de la maçonnerie
dans la politique extérieure des gouvernements,
ce rôle est
beaucoup plus précis et plus saisissable dans les relations bila-
térales entre les maçonneries des deux pays
l
elles constituent
une composante des divers rapports entre les forces sociales et
politiques correspondantes dans l'une et l'autre société. Réali-
tés souterraines, ces rapports ont été parmi les principaux élé-
ments d'interpénétration
du Portugal et de la France, plus
importants que les rapports officiels qui, dans bien des cas
-82 -
seront déterminés par les réalités de la politique interna-
tionale et seront marqués pendant la période considérée par la
question de l'empire colonial portugais.
+T++++++++++++++
-8J-'
83
Cl~PITRE III - LES RAPPORTS OFFICIELS DE LA RECONNAISSANCR DE
LA REPUBLIQUE A LA GUERRE
: LE PRORLEME DE LA
PARTITION DE L'EMPIRE COLONIAL PORTUGAIS
Avec la reconna1ssance diplomatique du régime
républicain par le gouvernement français en août 1911, plus
aucun problème n'opposait la France au Portugal.
La question
des biens religieux ne constituait pas un obstacle majeur au
développement de bonnes relations. Cette question des biens
allait par ailleurs trouver bientôt un début de solution. Au
terme d'un compromis intervenu le JI
juillet 191J entre le
ministre portugais des Affaire~ F.Lrangères, Macieira et les
représentants diplomatiques de Grande-Bretagne, de France et
d'Espagne,
la question fut portée devant la Cour Permanente
d'Arbitrage de La Haye, conformément à 1; Convention Internatio-
nale du 18 octobre 1907 pour le règlement pacifique des conflits
internationaux (1).
On peut, dès lors,
parler de part et d'autre, de
confraternité républicaine qui fut célébrée au Portugal par des
manifestations à l'occasion de la reconnaissance du régime par
la France. L'affirmation de la fraternité républicaine était,
entre autres,
l'expression de la volonté d'entretenir les
(1) Cour Permanente d'Arbitrage de La Haye. Affaire des Biens
contestés au Portugal. Vol.I, p.5-7
; la question ne sera
définitivement réglée que le 2 septembre 1920, Le gouverne-
ment portugais conserva,
à titre de propriété, les biens
saisis et
sten~agea à verser une certaine somme forfaitaire
aux anciens propriétaires, Vol.I,
pp.14-15.
-8h-
rapports cordiaux entre les deux Etats.
Ainsi,
lorsqu'en janvier 1912, le navire allemand
la Panther -
le meme dont la présence à A~adir accéléra la crise
franco-allemande à propos du Maroc - visita Lisbonne, et que le
commandant reçut à bord les membres du gouvernement,
le ministre
des Affaires Etrangères jugea-t-il indispensable de s'en expli-
quer au ministre de France pour que celui-ci n'en prit ombrar,e(l)
En France,
l'événement marquant de cet état ~
chose fut la réception faite à Joâo Chagas, ministre du gouver-
nement républicain à Paris, en mai 1912, et à laquelle prirent
part des personnalités gouvernementales,
par le Comité Républi-
ca1n du Commerce, de l'Industrie et de l'Agriculture qui
jouait
un important rôle officieux (2). Un an après cette manifestation
à laquelle un large écho fut donné,
une délégation du même
comité, composée d'hommes d'affaires et de parlementaires, se
rendit, en avril 191J,au Portugal (J).
Dans la même période, apparurent des initiatives
d'échanges culturels organisés pour renforcer une situation de
fait qui constitue un des liens essentiels entre les deux pays.
Déjà en avril 1911, l'administration portugaise avait organisé
la visite à Paris des étudiants des universités et des grandes
écoles de Lisbonne, Porto et Coimbra. La délégation portugaise
(1) Sir A.Hardingue à Sir Edward Grey, Lisbonne, 2q janvier 1912,
British Documents, Vol.X, Part. II,
n 0 269.
(2) Le ministre du Portugal à Paris aux Affaires Etrangères à
Lisbonne, Paris, 21 mai 1912, MNE!LPP 190.
(J) Sur ce voyage, voir ci-dessous dans la présente partie, le
paragraphe III du chapitre IV.
-85-
fut reçue par l'Assemblée Générale des Etudiants de Paris qui
inspira et patronna un an après,
la création de l'Association
des Amis de Camoëns du nom du grand poète portugais (1). A partir
de
janvier 1912, dans le cadre de l'attention portée au Portu~al.
et particulièrement aux questions de réforme de l'ensei~nement,
certains journaux de Paris,
mais également de Lisbonne,
soule-
vèrent l'intérit qu'il y aurait l
ollvrir l
la Sorbonne, des
cours de langue et de littérature portugaises (2). Le projet
pris en main par la légation du Portugal et qui fut l'objet de
décisions au Portugal,
ne put être concrétisé dans l'immédiat;
i l ne le sera qu'après la guerre.
Mais les relations officielles, en dépit de leur
cordialité resteront superficielles. Certes les sujets sur
lesquels elles portèrent furent limités. Mais le sentimentalisme,
l'idéalisme et la cordialité qui les accompagnaient ne résis-
taient pas aux réalités de la situation internationale
: les
relations entre les deux pays étaient largement infl.encées par
la dépendance politique du Portugal vis-l-vis de l'Angleterre,
par la présence économique de plus en plus forte de l'Allemaffne
et l'hostilité entre celle-ci et la France; enfin, pour des
raisons de voisinage, par les rapports avec l'Espagne.
Le problème de l'adhésion du Portuffal l
l'accord
franco-allemand du 4 novembre 1911 sur le Maroc donna une excel-
lente illustration de cette situation.
Lorsque quelques jours
(1) Le ministre du Portugal l
Paris au ministère portuF,ais des
Affaires Etrangères, Paris,
6 avril 1914, MNE/LPP 192.
(2) Le ministre du Portugal l
Paris au ministrp portugais des
Affaires Etrangères, Paris, 8 mars 191), MNE!LPP 191.
-RG-
après la signature de l'acte précité,
le ministre de France à
Lisbonne, agissant sur instruction de Paris,
fit les démarches
nécessaires en vue de la reconnaissance de l'accord par le gOI1-
vernement portugais,
le ministre des Affaires Etran~ères se
borna à exprimer l'espoir que son gouvernement adhérera à ladite
convention (1). Pratiquement,
i l ne put arrir dans le sens ~'llne
décision concrète immédiate,
Ce faisant,
i l voulait à la fois ménaGer la
France et l'Espagne qui serait intervenue pour que son V,ouver-
nement attendit l'accord franco-espagnol avant d'adhérer à la
convention franco-allemande du 4 novembre 1911
(2).
"Pris entre
le veto espagnol et la demande française"
écrivit à ce sujet
le ministre de France,
le gouvernement portugais aurait confié
son embarras à l'Angleterre (J). En fait,
l'adhésion du Portl'v,al
à l'accord franco-allemand n'aura lieu qu'après l'arrangement
franco-espagnol,
le 7 mai 191J (4).
La France, de même, aura tendance à envisager
ses rapports avec le Portugal beaucoup plus sous l'angle de ses
rivalités avec son ennemie jurée d'alors,
l'Allemagne, Deux
questions,
le problème de la partition de l'empire colonial
portugais et les négociations commerciales qui seront abordées
plus loin,
occupèrent principalement les relations officielles.
(1) Le ministre de France' Lisbonne au Quai d'Orsay,
I.isbonne,
21 novembre 1911, DDF.llI-l,
n0176.
(2)(J) Le ministre de France à Lisbonne au Quai d'Orsay,
Lisbonne, 21 novembre 1911, DDF.llI-l,
n0176.
(4) On trouvera le texte de l'adhésion du Portugal au traité
franco-allemand dans Nova Colecçâo de Tratados,
tome XIV,
1911-191J, p.297-298.
-87-
La question de la partition de l'empire cOlonial
portu~ais est née de l'apparition dans l'extrême fin du
XIXe siècle, de l'Allemagne comme puissance mondiale et de
ses rivalités avec l'Angleterre. Son étude sous l'an~le rles
relations franco-portugaises intègre d'une part la politique
générale de la France en tant que puissance et les débuts des
échan~es entre les deux gouvernements, français et portugais,
à ce sujet.
J
-
Les colonies portuGaises dans la redistribution des cartes
et le rééquilibrage du rapport de force entre les puissances
Les possessions coloniales portugaises étaient devenues,
depuis la fin du XI Xe siècle, un objet important de la politique
internationale.
La période qui suivit la conférence de Berlin
vit l'accélération de la compétition coloniale entre les prin-
cipales puissances. Mais la crise de Fachoda et la guerre des
Boers marquaient déjà la fin d'une période de l'histoire de
l'expansion coloniale,
la période de l'occupation des "terres
vacantes"(l),
et en ouvraient une autre, celle de la redistri-
bution des cartes entre les puissances.
(1) L'expression traduit l'esprit de l'acte de Berlin.
JI ne
s'agit pas de territoires non peuplés, mais non occupés par
une puissance colonisatrice; c'était, en droit international
des res nullius ou territoires sans maître,
susceptibles
d'une occupation légitime,
cf, ROUSSEAU (Charles), Droit
international fUblic aPfrofondi, Paris, Dalloz,
1961, p.141 ;
pour une conna1SSance h1storique de la justification du fait
colonial depuis le XVe siècle et particulièrement sur le plan
juridictionnel, on pourra l i r e : JEZE (Gaston), Etude théo-
ri ue et
rati ue sur l'cccu ation comme mode d'ac uérir les
t~rrltolrp.~ en dro~t lntern~tl0na • Parls.
Q ,
p.
-88-
La nouvelle période correspondit,
en effet, à un rerarta~e
du monde par des modifications territoriales, des délimitations
nouvelles des zones d'influence, ou bien rar l'attribution de
territoires coloniaux ou semi-coloniaux au moyen de l'élimina-
tion des petites puissances (1).
Dans ce contexte, l'empire colonial portugais, une proie
alléchante pour les "mal servis", devint et resta lonf'temps un
objet de la politique mondiale.
Les contradJctions entre l'impé-
rialisme anelais et allemand furent un facteur décisif dans
l'apparition et la persistance du projet de son démembrement.
Le JO août 1898 était intervenu entre les deux puissances,
l'An~leterre et l'Allemagne, le premier accord relatif à la
question.
Le prétexte fut donné par les difficultés du Portu~al
qui cherchait à restaurer ses finances au moyen d'une aide
financière du gouvernement britannique. Cela offrit une belle
occas10n que saisit l'Allemagne dont le parti colonial menait
campagne pour l'acquisition de territoires,
particulièrement en
Afrique (2), Mais si la question financière fut le prétexte, le
facteur essentiel qui intervint fut le besoin d'occupation des
Républiques Boers par l'Aneleterre.
(1) L'exemple le plus achevé est l'occupation des Philippines
par les Etats-Unis qui en chassèrent l'Espagne; avec nuance
l'indépendance de Cuba entre dans ce cadre.
(2) Le pangermanisme colonial proclamait volontiers à l'époque
"Nous devons prendre de nouveaux territoires en dehors de
l'Europe,
partout où l'occasion se présente, sans renoncer
à rien, en dépit des efforts des Etats moins puissants comme
le Portugal et l'Espagne pour conserver leurs colonies",
in Cahiers de la Société Coloniale Allemande, Berlin
Charlottenburg,
1898-1899, 1er fascicule;
p.!,6, cité par
P. Dubois:
"Le trai té anglo-allemand du JO août 1898",
in Revue d'Histoire de la Guerre,
19J9,
p.2J4 ; sur le pan-
gennanisme, on pourra lire les textes traduits de l'Allemand
par Charles Andler sous le titre
: Le pangermanisme colonial
sous Guillaume II, Paris,
1916,
JJ5 p.
-89-
Déjà, lorsqu'au printemps de 1897 circulèrent les rumeurs
sur une action imminente de l'Angleterre au Transvaal, Hat7.feldt"
l'ambassadeur allemand à Londres,
fit vivement comprendre à son
gouvernement qu'il ne fallait pas contempler l'intervention sans
rien faire,
mais plutôt essayer de parvenir à un accord avec
l'Angleterre sur une base de compensations
(1). Salisbury,
Premier ministre britannique,
nia alors toute intention de
guerre de la part de l'Angleterre. Mais, Hatzfeldt,
lui, était
convaincu que Son interlocuteur serai t
content de parvenir à
un arrangement avec l'Allemagne sur le Transvaal "si le prix
n'était pas trop élevé"(2).
Il semble même qu'il fut entendu
que l'arrangement pourrait concerner les colonies portu~aises.
L'évolution de la situation en Afrique du Sud et l'état des
finances portugaises firent relancer la question à partir de
mai 1898. Le Portugal ayant repris les conversations en vue
d'une aide f,~ancière, le gouvernement britannique posa les
mêmes cond'I.e-i Ons que celles avancées dans les négociations pré-
cédentes
: d'une part, la garantie de l'emprunt par les revenus
douaniers des colonies, de l'autre l'engagement du Portugal de
n'aliéner, pour quelque raison que ce soit, aucune partie du
territoire.de Delagoa Bayou les environs du Transvaal (J).
L'objectif de l'Angleterre était de "préserver le contrôle
commercial sur Delagoa Bayet le chemin de fer en temps de pa1x,
et l'occupation en temps dé guerre" écrivait Chamberlain.
ministre des Colonies, à Sir Alfred Milner, Haut~Commissaire
(1~) LANGER (William), Diplomacy of Imperialism, New York. Londres
19J5. Vol.II.
p.521. l,'auteur s'appu1e sur les documents
allemands
: Die Grosse Politik. XIV.
nOJ40J.
(1)
LANr.lm (IVilliam), op.cit ••
p.522.
-90-
britannique en Afrique Australe
(1)
; ce dernier était déjà
parvenu à la conclusion que le gouvernement du Transvaal était
devenu "incorrigible"(2).
Les nouvelles de la reprise des négociations anglo-portuF,ai-
ses parvinrent à la diplomatie allemande.
Le 14 JU1n 1898.
Hatzfeldt s'enquérit auprès de Salisbury et protesta contre
l'action séparée de l'Angleterre dans la question des colonies
portugaises .. Mais, en dépit de l'insistance de Hatzfeldt,
Salisbury maintint l'idée que les pourparlers avec le PortuF,al
étaient strictement d'ordre financier (J). Rendant compte de
cet entretien à l'ambassadeur britannique à Berlin, Salisbury
devait préciser que la politique du gouvernement devrait être
"le maintien du statu-quo en ce qui concerne les colonies
portugaises" (4).
Mais l'Allemagne va harceler l'Angleterre ~t préc;~er ses
projets de partage des colonies portugaises. Etfe ne fut nulle-
ment dérangée par la déclaration faite le 1 J juillet 1898 par
Soveral, le ministre du Portugal à Londres, et selon laquelle
le Portugal renonçait à l'emprunt (5).
La situation internationale semblait se prêter au marché
que proposait .Hatzfeldt. L'Angleterre connaissait de sérieuses
difficultés en cette année de 1898
aux prises avec la Russie
(l)(2)(J) LANGER (William),
op.cit., p.522.
(4) Salisbury à L'ambassadeur britannique à Berlin. 21
juin 1898
in Marques GUESDES, A Aliança Inglesa,
notas de historia
diplomatica 18 1IJ-194J, Lisbonne, 194), p.1165.
(5) GUESDES (Marques),
op.cit., p.467.
-91-
au sujet de la Chine et de l'Asie Centrale, avec la France à
propos du Haut-Nil et du Siam, elle se heurtait dans sa politi-
que d'expansion en Afrique Australe, à la résistance des Boers,
particulièrement au Transvaal. Or, cette république était liée
par un traité de commerce (1) à l'Allemaene qui y possédait
d'importants capitaux dans les mines d'or et les entreprises
commerciales (2),
et dont dépendaient lareement les approvision-
nements en matériel militaire (J) indisponsable à l'or~anisation
de la résistance contre les Anglais.
l'lais ce n'était pas là les seules raisons qui justifiaient
un soutien ouvert de l'Allemaffne aux Boers; c'était également
et surtout les préoccupations territoriales en Afrique et
les
rapports de rivalité avec l'Angleterre.
En effet,
l'Allemagne qU1 se considérait comme mal servie
dans le partage colonial et qui,
par conséquent, réclamait sa
place au soleil, était hostile à l'occupation du Transvaal,
c'est-à-dire une modification territoriale qui fera
la part
belle à l'Angleterre, sans compensation pour elle.
Or l'Angleterre était solidement accrochée à l'idée de
l'annexion de ces riches régions minières. Depuis 1889, tout
avait été mis en oeuvre pour tenter de réaliser les ambitions
du parti colonial dont le slogan était "From The Cape to Cairo
(1) DUBOIS (Pierre),"le traité anglo-allemand du JO aoüt, relatif
aux colonies portugaises" in Revue d 'Histoire de la guerre,
19J9, p.2J6.
(2)(J) WARHURST (Philip R.), AnglO-Portuguese Relations in South
Central Africa 1890-1900, Londres,
1962, p.129.
-02-
and Cairo to Old Calabar", c'est-à-dire la constitution d'un
empire s'étendant des rivages de la Méditerranée au Cap et du
golfe de Guinée à la Mer Rouge (1). Ainsi, au prix d'une menace
de guerre,
le Portugal avait été contraint d'abandonner ses
projets de jonction de ses colonies de l'Angola et du Mozambique;
de même,
la réduction des Boers était devenue indispensable
pour fonder l'unité politique de l'Afrique Australe britannique,
une des pièces maîtresses de la stratégie coloniale. Avoir les
mains libres au Transvaal et la possibilité d'agir à Delavoa Bav
constituaient une priorité pour laquelle l'Angleterre était
prête à mettre le prix. Aussi accepta-t-il la proposition d'un
accord secret sur les colonies portugaises malgré son alliance
avec le Portugal, alliance dont l'une des fonctions essentielles
étai t
la garantie de l ' intégri té de ce même domai ne.
Les laborieuses négociations engagées en début
juillet entre
Salisbury et Hatzfeldt ne se limitèrent pas exclusivement aux
colonies portugaises
; les deux parties envisagèrent des arrn.l~-
gements touchant à des régions aussi variées que le Togo,
Walfisch Bay, Zanzibar (2).
Le marchandage fut certainement
serré, comme semble l'indiquer ces propos de Hatzfeldt rapportés
par Balfour:
"Le gouvernement allemand dit que ce qu'il demande
est le moins qu'il puisse demander pour l'abandon des Boers et
du Transvaal"
(J).
Le JO aoat,
l'accord fut conclu.
(1) TRAMOND (Joanis) et REUSNER (André), Eléments d'Histoire
Maritime et Coloniale 1815-191 11, Paris,
1924, p.55R.
(2) LANGER (William),
op.cit., pp.524-526.
(J) Balfour à Sir Franck Lascelles, 19 aoat 1898, British
Documents, Vol.I, n085.
-<))-
Il comporta une convention, une convention secrète et
une note secrète, Dans le préambule de la convention,
i l était
stipulé que "pour éviter les complications internationales" 'lui
pourraient se soulever si le Portugal demandait l'assistance
financière d'une ou de plusieurs puissances étrangères, et dans
le but de "préserver son intégrité et son indépendance",
les
parties contractantes convenaient de ce qui sui t
(1)
: 1 0 _ Sile
Portugal manifeste l'intention de contracter un emprunt en
Angleterre ou en Allemagne, celui des deux gouvernements qui
serait ainsi pressenti, avertirait aussitôt le second et, au
cas où ce dernier désirerait avancer une partie de la somme
désirée par le Portugal, un prIt parallèle et, autant que possi-
ble simultané, serait consenti par les deux gouvernements.
douanes de la partie méridionale du ~Iozambique, à
l' oues t du
Chiré et du Zambèze, et de la partie centrale de l'Angola, déli-
mitée au nord par une ligne r~dt\\,,-Û>t.a et- ~t d'Ct,.!>o..d
le,·po,rqll"llI.cle. IQr;tu~Q. 4uq, illfq,,'cw.1". d~'l.t. de lo ..~i~d&r_e.'i>t-, dUc.II.M~
Iv:iit \\'Ilb."iqicz.1iI j~$~IJ'El-U. 'Iode lqr.tt..c;je SlJd, ,Dutt: le po.r"O.(l~l", dec.elte IQtitLu:l~
)lJst\\II'd \\~~Yo'lti~V'/l. d'-' l' E.I-a.l-
libre du Congo~ au sud par une ligne partant à 5 miles (anglais)
au nord d'Egito jusqu'à la frontière est de l'Angola, serviraient
à gager l'emprunt anglais;
les douanes de la partie septentrio-
nale du Mozambique, à l'est du Chiré et du Zambèze, du reste de
l'Angola et la partie portu~aise de Timor ga~eraient l'emprunt
allemand,
)0-
Les
délégués envoyés par l'Angieterre ou l'Allemagne pour prendre
note de la collecte des reVenus garantissant les emprunts,
(1) Cette numérotation des éléments substantiels de l'accord
est de nous.
La convention elle-mIme est en 6 articles.
-94-
n'auraient seulement qU'un droit d'inspection, malS non d'admi-
nistration, d'intervention ou de contrôle, aussi
lonetemps que
le paiement des intérêts serait assuré,
4°_ Faute de
paiement des intérêts de l'emprunt,
l'administration des douanes
devrait être abandonnée à l'Angleterre et à l'Allemaene dans
les territoires leur servant de gages (1),
Dans la convention secrète, les deux pUlssances convinrent
notamment qu'au cas où l'intégrité territoriale des colonies
portugaises d'Afrique Australe ne pouvait être préservée,
elles
n'émettraient aucune prétention sur la zone attribuée à chacune
et qu'elles s'opposeraient dans les territoires concernés à
l'intervention d'une tierce puissance qui agirait au moyen de
prêt gagé sur les revenuS douaniers, au moyen d'acquisition par
octroi, achat, bail ou autrement (2).
Quant à la note secrète. elle précisait qu'au cas où l'uri
des deux gouvernements obtiendrait du Portugal un avantage
quelconque, ou une cession de territoire dans la région dont
il contrôle les douanes,
ce privilège ne pourrait entrer en
vigueur que si des privilèges analogues étaient accordés à
l'autre puissance (J).
(1) Annexe de la lettre de Balfour à Sir Franck Lascelles.
Foreign Office,
Jl août 1898. British Documents, Vol.l, n"qO.
(2) Annexe de la lettre de Balfour à Sir Franck Lascelles,
Foreign Office,
JI août 1898. British Documents, Vol.l, n"91.
(J) Annexe de la lettre de Balfour à sir Franck Lascel1es.
Foreign Office, JI aQût 1898. British Documents, Vol.l. n"92.
C'était un réel partage de la plus grande partie de l'empire
colonial portur;ais, quels qu'en furent
les termes. En jetnnt un
coup d'oeil sur la carte,
on est frappé par la part britannirl'lf'
en Anr;ola qui,
manifestement, devrait offrir un accès mnrit;me
à la Rhodésie.
Mais le traité n'eut pas à s'appliquer.
Lorsqu'en début
septembre 1898, les représentants de l'Allemagne et de l'An/'le-
terre offrirent leur concours au r;ouvernement portugais,
celui-ci le déclina (1).
Il ne semble pas cependant que
la non-application de la
convention d'août 1898 soit due à l'accord ultérieur conc lu
entre l'Angleterre et le Portugal le 1~ octobre 1899. II ne telle
interprétation est restrictive et ne tient pas compte de l'en-
semble des dimensions du problème (2). Certes, au lendemain de
l'accord du JO août,
nulfour estima nécessaire de remettre à
Soveral une note expltquant que l'arran,'T,ement qui venai t d'être
signé avait pour but d'éviter des complications futures en
Afrique Australe et qu'il était avantar;eux pour le PortuP,al et
les autres puissances (J). Ces propos qui cachaient des réalités
en fait,
ne rassurèrent pas Soveral qui chercha à obtenir de
l'Angleterre, la levée de l'équivoque qui pesait sur l'alliance
à travers les tractations anl';lo-allemandes sur les colonies.
(1) (~UESDES (A.~larques). op.cit .. p.l171.
(2) Nous nous référons ici aux interprétations de ,J.DRO':,
Histoire diplomatique de IG lf8 à 1919, Paris,
1970,
p.I'59,
et POTIEHKlNE, Histoire de la diplomatie,
Paris,
1956,
t.TT.
p.144.
(J)
Balfour à Soveral, Poreir;n Office,
Jl août 1898, British
Documents,
Vol. l,
n09J.
L'Angleterre acceptera volontiers de réaffirmer les vieux
enféar;ements de l'Alliance et, plus particulièrement,
les clauses
sur les responsabilités à l'·égard de l'intée-rité territoriale
du domaine colonial portugais; car, en échange de cette protec-
tion,
le Portugal s'engagea à "ne par permettre après la décla-
ration de e-uerre entre la Grande-Bretae-ne et la République
Sud-Africaine ou pendant la durée du conflit, l 'importation et
le passage des armes et des munitions nestinées à cette
dernière"(l), Trois jours avant l'arrangement,
la guerre des
Boers avait commencé (2).
Ainsi, la signification réelle du traité était moins la
réactualisation de l'Alliance que l'affaiblissement des noers.
L'objectif, pour la diplomatie britannique,
était l'écrasement
des Boers par un réel blocus, Delagoa Bayet sa ligne ferroviaire
étant les seuls moyens de communication du Transvaal avec l'ex-
térieur.
Les nouveaux engagements de l'Angleterre dans }p cadre
de ce traité relevaient du jeu diplomatique, de formalités
qu'il fallait remplir pour aligner le Portugal sur les eXigences
de sa politique. L'accord du 14 octobre 1899 n'était donc pas
opposé à la convention du )0 ao~t 1898. Il la complète et sert
le même but.
Certes, on peut considérer de façon formelle que l'accord
du 14 octobre 1899, postérieur à la convention anglo-allemande
était une néF,ation de cette dernière dans la mesure Oll
l'AnF,leterre s'engageait à protéger le Portugal et ses colonies
contre les ennemis ·présents ou futurs".
N'avait-elle pas moins
(1) Anglo-PortuF,uese Secret declaration,
1~ octobre 1899.
BritiSh Documents, Vol.I,
nOl18.
(2) \\,ARllURST (Philip R.). op.cit., p.i/19.
-'17-
de ra1sons que l'Allemagne de partager des territoires ou son
commerce et son industrie étaient larr;ement implantés ? 8n
admettant que des circonstances aient orienté sa politique dans
le sens d'une nér;ation de la convention de 1898 qui,
en l'absen-
ce d'une dénonciation publique,
~ardait toute sa valeur d'ins-
trument diplomatique de réserve,
l'Angleterre n'était pas indif-
férente et était prête à s'accomoder d'un démantèlement de
l'empire portugais,
pourvu que ses intérêts fussent pr~servés.
Sir Edward Grey ne déclara-t-il pas,
plus tard,
à la fin de 1'111:
"Sans doute il y a certaines parties de l'Afrique contir;llës aux
possessions anglaises,
plus particulièrement les territoires de
l'Union sud-africaine,
o~ nous ne pouvons admettre que des
régions passent entre des mains autres que les nôtres, Si de
r;rands chanr;ements territoriaux se produisent r1~"s ces paraFes,
le territoire britannique pourra donc S'étendre r;râce à des
rectifications de frontières,
mais on ne peut appeler cela une
poli tique d'expansion" (1),
Quels territoires étaient contigus à l'Union sud-africaine
et susceptibles de passer en d'autres mains si ce ne sont les
domaines portugais ?
Au moment o~ ces déclarations étaient faites,
la question
du démantèlement de l'empire colonial portugais était revenue
sur scène, du fait des exigences de plus en plus ~randes de
l'impérialisme allemand et 'd'un nouveau choc anglo-allemand,
(1) Extrait d'un discours de Sir Edward Grey, reproduit par
Le Temps, cité par Saint-René Taillandier au ministre des
Affaires Etrangères à Paris, Lisbonne,
18 décembre 1911,
0.0.1""
I I I - l ,
nO)59.
-9Ei -
cette fois-ci sur la question de l'armement naval et, à travers
elle,
le problème général du rapport de force international.
En Allemagne,
le pangermanisme colonial avait donné le Jour
au projet de création d'un Mittelafrika allemand joignant les
possessions allemandes des deux côtes occidentale et orientale
de l'Afrique et incluant les territoires portuFais et belFes.
Ce qui tenait lieu de thème de propagande aux feuilles panFer-
manistes, était l'objet des préoccupations du gouvernement
allemand dont les membres n'hésitaient pas à s'en servir sur le
terrain diplomatique.
"Je suis convaincu",
confiait JaFow,
ministre des Affaires Etrangères allemand à Jules Cambon, "qu'il
est nécessaire, même pour le maintien de la paix, de donner à
l'Allemagne l'expansion à
laquelle le développement de sa popu-
lation l'oblige. C'est là le fond de toute l'agitation dans ce
pays et de son ambition ••• L'intérêt de la paix exir:e que nous
cherchions cette expansion dans le seul continent ouvert à la
colonisation. D'autre part,
tout indique que les grandes nations
seront seules capables de supporter la concurrence mondiale, et
dans l'avenir les petites nations doivent disparaître ou devenir
leurs satellites"(l).
Les colonies portugaises réapparurent donc à nOuveau comme
monnaie possible d'échange dans la question des armements navals,
source de tension entre l'Allemagne et l'Angleterre.
L'Allemagne dont la marine de guerre était insignifiante à
(1) Jules Cambon à Doumergue, Berlin.
lJ avril 191~, D.D,F.,
III-la, nOl02.
-9lJ-
la fin du XIXe si~cle. avait, depuis 1898, inaugur~ une politique
navale qui inqui~tait singuli~rement l'Angleterre.
"Unsere
Zukunft lieet auf der see
(notre avenir est sur mer)" disait
Guillaume II à Kiel,
le 9 juin 1900 (1). De par Sa position de
premi~re puissance autant que par sa situation insulaire,
l'Angleterre fondait toute sa strat~gie sur une supF~matie
navale absolue;
pour cela, elle avait ~rig~ en r~gle de s~cu-
rité le principe du "two-powers standard", selon lequel la
flotte britannique doit être au moins é~ale à celle des deux
autres premi~res puissances navales avec une marge bénéficiaire
de 10 % (2).
Redoubler ses propres efforts de construction ou négocier
avec l'Allemagne une limitation de l'armement naval, telle était
l'alternative impos~e à l'Amirauté et au gouvernement britanni-
que par l'accélération du rythme de construction des bâtiments
de guerre allemands.
La solution de la limitation fut la premi~re envisag~e par
le gouvernement britannique.
"Si aider l'Allemagne dans le
domaine colonial était un moyen de stabiliser la situation,
écrira à ce propos Winston Churchill, à l'époque Lord de l'Ami-
rauté,
c'était un prix que nous étions disposés à payer"(J).
Dans une lettre à Sir Edward Goschen, ambassadeur britanni-
que à Berlin, à la fin de 1911, sir Edward Grey se déclarait
(1) TRAMOND (Joanis) et REUSNER (A.),
Eléments d'Histoire mar1-
time et coloniale 1815-191q, Paris,
192q, p.686.
(2) TRAMOND (,Joanis) et REUSNER (André),
op.cit.,
p.671L
(3) CHURCHILL (Winston), La crise mondiale, Paris, 1925, t.I,
p.lJS.
-100-
conva1ncu qu'il fallait donner quelque chose de substantiel aux
Allemands pour leur faire renoncer à
la course aux armements
navals 1 il notait en même temps que l'Union sud-africaine
- en fait
les mêmes groupes d'int~rêts qui avaient poussé à la
guerre des Boers -
ne serait jRmais tranquille tant qu'elle
n'aurait pas Delagoa Bay, en d~pit des obstacles tels que
l'Alliance (1). Ainsi le d~membrement de l'empire colonial
portugais ~tait une question dont les milieux dirigeants conce-
vaient l'~ventualit~ et qu'ils ~taient prêts à accepter.
Les négociations navales men~es tout au long de l'année 1011
entre l'Allemagne et l'Angleterre n'avaient rien donné, comme
les pourparlers pr~cédents. Or,
les Anglais étaient d~sireux
de diminuer la tension entre les deux pays, c'est-à-dire de leur
point de vue,
obteni r
la 1 imi ta ti on du pror:ramme naval allemand
moyennant des contreparties.
Début f~vrier 1912, llaldane, ministre britannique de la
guerre, se rendit à Berlin pour conf~rer sur la base des propo-
sitions d~jà soumises aux autorités allemandes par le banquier
sir Ernest Cassel qui avait,
à titre officieux, entamé des dis-
cussions avec l'armateur Albert Ballin de la puissante Hamburr,--
Amerika Linie.
Le chancelier Bethmann-Hollweg résume ces pro-
positions en ces termes
..... Reconnaissance de la suprématie
anglaise sur mer, aucune augmentation du programme naval alle-
mand, diminution de ce programme dans la mesure du possible,
(1) Sir Edward Grey à Sir Edward Goschen,
F'alladon, 29 d~cembre
1911, British Documents, Vol.X, Part.II,
n0266.
-101-
aucun obstacle de la part de l'AnF,leterre à notre expansion
coloniale, discussion et encouragement de nos désirs en matière
coloniale ••• "(1).
Les pourparlers sur les colonies,
repris dans ces Clrcons-
tances portèrent sur une modification de la Convention de 180~.
Les deux principaux acteurs de cette renégociation.
l'ambassa-
deur allemand à Londres, Karl Lichnowsky, et le secrétaire au
Foreign Office, Sir Edward Grey,
ne s'accordent pas sur la date
à laquelle le document définitif fut paraphé. Le premier situe
ce moment en ao~t 191J. le second en janvier 191~ (2). Si on
s'en tient à la note explicative accompaF,nant le dernier texte
anglais des British Documents et adressée à Lichnowsky par
Grey (JI
juillet 191J),
le texte final dateraitdu;~Ooctobrel<lJJ.
Non publié,
il serait. en dehors de quelques expressions, d'im-
portance mineure,
pour son contenu,
identique au texte précité
du JI
jui Ile t
(J).
=
Le nouvel accord abrogeait la Conventiot:l de 1898, ma1S
reprenait l'ensemble des points de celle-ci. Son préambule
apporta un élément nouveau. Au souci de prévenir "les complica-
tions" et de préserver "l'indépendance et l'intégrité" du
Portugal,
s'ajouta l'argument de la défense des "intérits spe-
ciaux de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne dans leurs posses-
sions et protectorats respectifs en Afrique Orientale et
(1) BETHMANN-HOLLWEG, Considérations sur la guerre mondiale,
Paris,
192 1"
p.42.
(2)
LICIlNOWSKY (Karl), Ha mission à Londres, Genève.
191R,
p.2 1q
GHEY (Edward), Hémoires, Paris, 1927,
p.281.
(J) Annexe de la lettre de Sir Edward Grey à Lichnowsky.
ForeiRn Office, JI
juillet 191J. British Documents, Vol.X,
P"rt.TT.
n01hl.
-102 -
Occidentale,
contigus à certains domaines portuGais"(I).
Les
parties secrètes du traité de 1898 - la convention et la note
secrète -
furent supprimées mais leur contenu essentiel fut
repris en des termes plus subtils et,
pour le Portu[:al,
plus
courtois. Cet esprit inspira par ailleurs l'ensemble de la
rédaction du nouvel accord.
Les modifications dont la principale fut d'ordre territorial,
et les nouveaux éléments de la convention renforcée peuvent être
substantiellement présentés comme suit
1 - En ce qui concerne le partaGe,
les territoires dont les
revenus douaniers serviraient de F,age à l'emprunt an~lais
furent
1"- la partie du Mozambique située au sud d'une li~ne
qui part de l'embouchure du fleuve Lukugu jusqu'à sa confllJence
avec le fleuve Lugera,
longe le Lugera jusqu'à sa source,
va dtl
méridien de cette source au 16e parallèle de latitude sud,
puis
suit ce parallèle jusqu'à la frontière ct" protectorat britanni-
que du Nyassaland.
2"- la portion de lr~~Rola située à l'est
du 20" de longitude est et aU sud du fleuve Kasai
; à l'Allemagne
revenait le reste du Mozambique et de l'Angola, y compr1s
l'enclave de Cabinda.
2 - Reprenant un point de la convention secrète,
l'article 6
du nouvel accord stipula que la Grande Bretagne n'émettrait pas
de prétention sur les territoires réservés à l'Allemagne (ci-
dessus délimités), ainsi que les îles de San-Tomé et Principe
l'Allemagne en ferait autant pour Timor et les territoires
attribués à l'Angleterre.
(1) Annexe de la lettre de Sir Edward Grey à Lichnowsky.
Foreign
Office, JI
juillet 191J. British Documents, Vol.X, Part.TT,
-10)-
) - Dans le cas ou la V1e Oll les biens des sl,jets de
l'Angleterre et de l'Allemagne,
les int~r~ts vitaux de leurs
possessions avoisinantes seront menacés par des troubles, ou pnr
des autorit~s locales, et que le gouvernement portu~ais ne
serait pas en mesure d'assurer la protection n~cessaire ou qu'il
y
~choup.rait, les gouvernements anglais et allemand, après
s'~tre mutuellement consult~s, et adress~ une communication
conjointe au gouvernement portugais, d~termineront la nature,
la dur~e et la forme des meSures qu'ils jugeraient nécessaires
pour la protection des intér~ts menacés.
4 - Au caS ou l'une des colonies en question deviendrait
indépendante et reconnue comme telle par les deux parties con-
tractantes, ou qu'une partie d'une telle colonie i~épendante,
déclarera son annexion aux possessions de l'une des puissances
contractantes,
l'autre puissance pourra ~tre en droit, après
avoir inform~ l'autre partie, d'annexer les portions de la
colonie indépendante, plus exactement,
les portions dont l~=
droits de douane lui sont assignés en gage.
5 - Enfin, au cas où l'administration de l'Angola ou du
Mozambique passerait sous le contr6le de l'Allemagne ou de
l'Angleterre,
les sujets et les natifs des protectorats et
possessions de l'autre puissance contractante, ainsi que les
produits et les industries de ces protectorats et possessions,
jouiraient des mêmes prérogatives, exemptions et privilèges
relatifs au commerce, à la navi~ation et à la fiscalité et dont
la puissance qui prend le contr61e de l'administration concède
à ses propres sujets et dominions.
-101<-
Le nouveau traité comportait des avantages certains pour
l'AllemaGne, mais aussi pour les groupes d'intérëts britanniques
installés en Afrique du Sud. En ce qU1 concerne l 'Allemar;ne,
on
notera l'attribution qui est faite de Cabinda, ainsi que les
possibilités d'intervention et d'interprétation plus larr;es.
"En outre".
~crit Lichnowsky.·'le nouveau trait6 nous abaJldonnait
les îles de San-Tomé et Principe qui,
situées au nord de
l'Equateur, appartenaient en réalité & la zone française"(I).
"Les conditions d'intervention étaient S1 larr;es",
poursuivit le
diplomate allemand,
"qu'en fait,
nous avions à décider nous-
mëmes des cas Oll
nos
intérëts vitaux étaient en jeu. Le Fortup:al
se trouvant dans une dépendance absolue vis-à-vis de
l'Angleterre,
nous n'avions qu'à entretenir nos bonnes relations
avec Londres, pour que noS projets respectifs puissent se réali-
ser plus tard avec Son entière approba ti on" (2) .
•
Une telle interprétation de la part d'un diplomate allemand
était tout à fait inévitable.
Le cas de San-Tomé et de Principe
en offre les meilleurs exemples.
L'Angleterre avait refusé de
les attribuer à l'Allemagne en raison du fait qu'elles étaient
à proximité des territoires anglais du Nigéria, mais surtout à
cause de leur appartenance a une zone géor;raphique d'influence
considérée comme française
ce raisonnement des autorités
britanniques s'inspirait de l'attitude adoptée à l'ér;ard de
l'Angleterre par le gouvernement français & l'occasion des
négociations de l'accord franco-allemand du 4 novembre 1911
(J).
(1) LICHNOWSKY (Karl),
op.cit., p.22.
(2) LICHNOHSKY (Karl),
op.cit .. p.22.
(J) Sir Edward Grey à Sir Edward Goschen. Foreir;n Office,
" juin 1912, British Documents, Vol.X, Part.II, nOJ05.
-10')-
~Iais la mention faite de l'interdiction de ces îles aux
prétentions britanniques ne constitue-t-elle pas une reconnais-
Sance implicite des droits de l'Allemagne sur elles? Enfin,
l'analyse du nouvel accord cadre avec les propos des hommes
d'Etat allemands,
propos selon lesquels l'An~leterre était dési-
reuse de payer le prix qU'il fallait pour obtenir une limitation
des armements navals allemands.
~lais comment expliquer dans cc cas, la demande hri tanni.que,
~ partir de 191 11, de publier h la fois le nouvel accord et
l'an'ê,ngement anglo-portugai s du 14 oc tobre 1R99 ? Ce tte démar-
che devait être à l'origine de la suspension des négociations
ou mieux, du report de la signature du nouveau traité.
Comme nous le soulignions plus haut,
les colonies portu~ai
ses constituaient pour l'Angleterre un instrument de reserve,
de jeu diplomatique,
ou d'appât dans le marchandage de rivali-
tés avec l'Allemagne. Or,
il apparut qU'au terme de l'année 191J.
en dépit des concessions de l'Angleterre tant dans le domaine
colonial, qu'à propos du Bagdadbahn,
l'Allemagne maintenait ses
pressions en matière de construction navale; de surcroît,
elle
cherchait à obtenir de l'Angleterre, des engagements de neutra-
lité en cas de guerre européenne, Pour cette dernière,
l'échec
des négociations navales
rendait moins nécessaire les
concessions coloniales. A défaut d'une rupture sur cette ques-
tion, ce qui aurait eu pour conséquence de redoubler la tension
entre les deux pays,
le gouvernement britannique entendait sans
doute, au moyen de la publication du nouvel accord, maintenir
l'équivoque,
tout en compromettant, dans la réalité,
les
chances d'application.
-106-
Les traités anglo-allemands de partage des colonies port 1I-
~aises auront cependant été, en un sens, un acte international
consacr~ qui commençait à avoir un début de r?alisation dans la
mesure ou peu avant le conflit,
les autorités officielles de
ces deux pays s'en inspiraient pratiquement
(1),
+
+
+
Instrument de rééquilibrage des rapports de force entre
puissances,
les colonies portugaises n'intéressaient pas seule-
ment l'Angleterre et l'Allemar,ne. Si le secret entoura les nero-
ciations de l'accord de 1898, celles de 1912-191~ furent accom-
pagnées par une intense campagne de presse internationale.
le
Portugal, en tant que victime, et la Prance,
pour des raisons
territoriales et diplomatiques,
se préoccupèrent ér,:alement de
leur avenir.
Ces deux pays,
chacun dans une optique qui
lui
était propre,
envisageront les possibilités d'une coopération.
~Iais l'action de la France se si tua d'abord sur le terrain
diplomatique,
(1) A ce sujet, on notera les propos de l'ambassadeur à Londres 00
"Le fait suivant montrera la sinc~rité britannique dans les
efforts déployés par lui pour tenir compte de nos droits.
Avant mime la rédaction définitive et la signatllre du trait~
comme des capitalistes anglais cherchaient à acquérir des
intérits dans les territoires qui nous étaient nouvellement
attribués et sollicitaient dans ce but l'appui du gouverne-
ment britannique, Sir ~dward ~rey les pria de s'adresser à
nous,
en leur faisant remarquer que l'entreprise en question
rentrait désormais dans notre sphère d'influence",
LICIlNOWSKY (Karl).
op.cit.,
p.2)
;
cf,aussi
: Carnegie à
Sir Edward Grey,
Lisbonne, 2 juillet 1911,.
British Document~
Vol.X,
Part.II,
n O J77
; Poreign Office au Colonial Office,
10 juillet 1914, British Documents, Vol.X,
Part. II,
nOJ78.
--'107-
II -
La Rosi tion française
entre le statu-quo et les intérêts
territoriaux
Rien que les né~ociations an~lo-allemandes sur les colonies
portuaaises aient été engagées au courant de l'année 1912, après
le voyage de Haldane à Berlin (février 1912). ce ne fut qu'en
février 191) que les autorités françaises eurent la confirmation
de ce fait.
Les rumeurs persistantes à propos d'une entente
anglo-allemande sur les colonies nécessitèrent, de la part des
représentants de la France, Paul Cambon à Londres et Jules
Cambon à Berlin. des démarches dans ces deux capitales intéres-
sées, A Berlin. Von Jagow.
le ministre des Affaires Etran~ères
répondit à Jules Cambon que l'idée d'une entente africaine
entre l'Angleterre et l'Allemagne serai t tombée à l'eau de puis
l'échec de la mission Haldane (1). Mais, à Londres, Sir Edward
Crey ne nia pas les faits et expliqua que les discussions en
"ours portaient sur UJle""ré-vision des sphères d'i'nfluence ['revues
dans la Convention secrète de 1898 (2),
Dès lors se posa au gouvernement français le difficile
problème de la politique à suivre, Cette difficulté tenait à
deux raisons. D'une part. les clauses exactes de la Convention
de 1898.
lui étaient inconnues.
tandis qu'il restait tributaire.
en ce qui concerne les négociations en cours. des informations
livrées par les autorités britanniques ou recueillies à Berlin.
informations fragmentaires et quelques fois erronées ; de
(1) Jules Cambon à Jonnart.
ministre des Affaires Etranp;ères,
8 février 191). D,D.F •• 111-5. nOJ41.
(2) British Documents, Vol.X. Part.II. nOJ57,
l'autre,
il Y avait la difficulté,
pour une puissance coloniale
africaine,
~ concilier, dans une politiqup ferme, la défense
des intérêts territoriaux, et la prétention à s'opposer à la
dépossession des petits Etats par l'affirmation du maintien
du statu-quo.
Cette difficulté s'illustra par le décalape entre la pério-
de de renégociations effectives et celle o~ s'est déployée
l'action diplomatique de
la France; cette action en effet,
commença véritablement en octobre 191J, au moment même o~ le
texte définitif du nouvel accord était arrêté.
La première préoccupation de la diplomatique française
fut
la question de l'enclave de Cabinda. Cette enclave, du fait de
son rattachement administratif à l'Angola,
était concernée par
le projet anr,lo-allemand de partage. Le {,;ollvernement franç"is
considérait son statut comme touchant directement à l'inté{';rité
territoriale et ~ la sécurité du domaine colonial français
d'Afrique Centrale. Cette appréhension s'était créée à partir
des ambitions allemandes transcrites dans le projet de création
du Mittelafrika.
Certes, dans toute l'agitation faite autour de ce projet
qUl intégrait,
outre les colonies allemandes,
l'Angola et une
partie du Congo belge,
il n'était, nulle part, fait
nomina-
tivement caS des possessions
françaises
(1)
; mais au cas où la
(1) TRAMOND (J.) et REUSNER (A.), op.cit., font état à la page
595, d'un projet de Mittelafrika allant, d'un seul tenant,
de la baie du Biafra au fleuve Orange et de l'estuaire du
Congo à celui du Zambèze et inclUant donc les territoires
français d'Afrique Centrale.
-1(\\0-
convention an~lo-allemande attribuerait l'enclave de Cahinda "
l'Allemagne, celle-ci, d~j~ prcisente au Cameroun au nord,
serait
limitrophe, au sud, des territoires du Congo français et tien-
drait en tenailles l'ensemble du domaine colonial français
d'Afrique Centrale,
Il apparut par cons~quent n~cessaire de mettre tout en
oeuvre pour que l'Allemagne ne s'établit pas à Cabinda.
L'action du gouvernement français tendit à obtenir du l':0u-
vernement britannique l'assurance que l'accord ne porterait pas
sur des territoires autres que l'Angola et le Mozambique. Cela
ne mettait pas seulement Cahinda hors de cause. mais sauverait
l'ensemble des intérits coloniaux de la France dont le point de
vue officiel était que les colonies portuv.aises jouaient un rôle
d'~quilibre en Afrique
obtenir que l'accord ne porti'Ït que sur
ces deux territoires lui permettrait de se r~server 13 nossibi-
li té de revendiquer,
en cas de liquidation de ce domâlll!!,
les
territoires restants et de demander, au besoin, des compensations.
Sur le plan du principe, les autorités françaises affir-
maient leur opposition aU démantèlement de l'empire portugais.
'lais tout en proclamant l'attachement au statu-quo, elles se
préparèrent ~ l'éventualit~ d'une liquidation de ce domaine.
Le ministère des colonies élabora, en octobre 191J, un prop:ramme
de revendications territoriales. Ce prop:ramme reprit, en le
modifiant,
les grandes lignes d'un projet précédent, mis au
point par le même département à la fin de 1912 et au début
de 191J,
L'ancien programme, considéré comme dispersant les efforts,
revendiquait pOllr la France
, les îles du Cap Vert,
la f:uinée
Portugaise avec les Iles Bissago et les Iles 801ama, Sao-Tomé et
Principe, Cabinda,
une partie du ~Iozambique (1)
: le nouveau
tendit vers une concentration géographique.
Tl exclut par
conséquent, le ~lozambique, et intégra à titre de compensation,
outre les autres domaines ci-dessus mentionnés,
le Togo,
la
Cambie,
les régions limitrophes du Lac Tchad, c'est-il-dire le
nord du Cameroun et le nord-est du Nie;éria, et enfin,
la liberté
d'action au Libéria (2).
En décembre 191J, au moment où, dans une lettre au ministre
des Affaires Etrangères, Lebrun,
le ministre des Colonies,
tout
en estimant que le rôle de la France devai t être d'aider all
maintien du statu-quo, affirmait "l'impossibilité absolue pour
le gouvernement français d'admettre l'établissement desAllem~~ns
à Cabinda" (J), les Anglais révélèrent l'attribution de cette
enclave à l'Allemagne;
ils arguèrent,
à propos, qu'ils ne
pouvaient pas revenir sur des engagements pris en 1898.
"Ce qU1
est fait est fait"(4),
déclara Sir Eyre Crowe, Sous-Secrétaire
d'Etat adjoint au Foreign Office, à De Fleuriau,
le charGé
d'Affaires de France à Londres. Manifestement, les Anglais
mettaient à profit l'ignorance des Français en ce qui concerne
l'accord de 1898.
Londres chercha à tempérer la réaction française à cette
(1) Note pour le ministre, JO octobre 1913. D.D.F., III-R, n0404.
(2) Note pour le ministre, JO octobre 191J. D.D.P., III-S, n0404.
(J) Lebrun à Doumergue, Paris, 2J décembre 191J. 0.0.1" .• III-B,
n066J.
(It) De Fleuriau à Doumergue, Londres, 2/. décembre 191.3. D,D.P .•
TTT
Q
_ot:..t:..o
-111 -
révélation en rappelant la possibilité pour la France de faire
jouer contre l'AllemaF,ne l'article 16 du traité franco-allemand
du 4 novembre 1911 sur le Haroc, et selon lequ"l tout" modifi-
cation du statu-quo territorial du bassin conventionn"l du
Congo tel qu'il avait été défini par l'acte de Berlin du
26 février 1885. devait être l'objet d'une conférence r';llnissant
non seulement les deux pays - France et All"ma~ne - mais é~al,,-
ment les autres sir;natair"s du dit acte
la France pouvait
provoquer la réunion d'une telle conférence pour faire valoir
ses droits au moment de l'exécution du traité.
Mais cet article n'apparut pas aux autorités françaises
comme un" ~arantie suffisante. 0 'apr"s ce qui a pu filtrer des
clauses secrètes du partaF,e et qu'elles considéraient comme
certaines,
- et qui l'étaient effectivement -
les deux si~na-
taires devraient
s'entrai,der pour entrer en possession de
le\\lrs
parts respectives contre toute intrusion d'une tierce
=
puissance
(1). Dans ce cas, quand bien même une conférence
aurait été convoquée, elle aurait été un échec pour la France,
parce que l'Angleterre appuierait les positions de l'Allema~ne
et non celles de la France.
Aussi Doumerp,-ue réexamina-t-il la question afin de dér.a~er
la ligne de conduite. suivre. Dans une lettre circulaire du
20 janvier 1914 aux représentants diplomatiques de
la France ~
Berlin, Londres, Bruxelles, ~Iadrid, Lisbonne, et au ministre des
Colonies,
il écrivit notamment
"La France
ne
saurait,
sans
(1) Cette clause comprise dans la convention secrète de Ig98,
British Documents,
Vol.I,
n091,
a
~tci reconduite SOllS lJJle
nouvelle forme dans l'article 10 de la convention nouvelle
cf. Rritish Documents, Vol.X.
Part.TT.
n01/ll.
;':'<·6:.:."~:;\\i,:;-_,,~. _~: .'f '~'. _," ,A,'_'"
~.:<, .._.~~ç;·· ...:V ",~~:,-,"__ ~;,,,,,,;..~,. "."_.,.~,,o""":" "',.
renoncer à d'anciennes et nobles traditions,
s'associer à
l'entreprise dont l'Allemagne a pris l'initiative et qui tend
à dépouiller un Etat faible d'une partie de ses territoires.
Offrir. en l'esp~ce. la complicité de la République qui n'a
pas été recheréhée.
serait une action qui ne nous apporterait
sans doute pas plus de profit que d'honneur.
Le ~ouvernement de
la République ne doit donc pas se mêler aux né(;ociations en
cours,
mais signaler au Foreign Office les inconvénients de
cette voie et l 'inci ter à réduire ces inconvénients au minimum'~1 )
DoumerF,Ue définit alors en deux pr1nC1paux points,
l'action
à mener:
10
-
Insister auprès du gouvernement britannique, pOlir
que l'accord ne fut pas publié comme i l le laissait entendre
2 0
-
Insister pour que Cabinda ne fût pas livré à
l'Allema~ne. Il lui apparut qu'obtenir dans le cadre des 11é~o-
ciations, que Cabinda fut mis hors de toute attribution, pourrait
permettre à l'Angleterre de soutenir la France dans une éven-
tuelle conférence
; à défaut de C(l\\a-, ~l 'Angleterre soutiendrai t
l'Allemagne dans une telle conférence. en raison des stipula-
tions de l'accord de 1898 sur le soutien mutuel contre une
tierce puissance
(2).
Mais comment s'abstenir de s'immiscer dans les néeociations
et vouloir en modifier les résultats 1 Le 27 janvier 1914. Paul
Cambon informa Doumergue de l'impossibilité d'obtenir une modi-
fication de l'accord dans le sens oh Paris le souhaitait
(3),
(1) 0.0. F.. 1II-9.
n0116.
(2) 0.0. l"., 1II-9.
n0116.
(3) D.D.l"., 1II-9. ,..°171.
-----------~
}J.q,-~';,t::--':;.~
"
~jé!~:i~fu;:"-'i~
!
'-IIJ-
.'
Entretemps, depuis janvier 1914.
la France avait fait
savoir au Foreign Office qu'il y aurait un réel désavantar,e à
publier la convention,
l'Angleterre ayant en effet envisar,é sa
publication ainsi que celle de l'arrangement anglo-portur:ais
du 14 octobre 1899. N'ayant pu obtenir ni l'abandon du trait~.
n1 sa modification dans le sens souhaité,
la France va s'em-
ployer à empêcher Sa publication,
non seulement à cause de
l'opinion des milieux politiques et sociaux intéressés
(1),
01H15
surtout à cause de la certitude acqu1se de la part de Londres,
que le traité ne pouvait être appliqué sans faire
l'objet de
publication.
Paris exerça alors sur le cabinet britanniqlle une inces-
sante press10n en faisant
intervenir les exigences de l'Entente
Cordiale. Réfutant les arguments britanniques fondés sur
l'antériorité de la corwention de 1898 à l'établissement de
l'Ente~te Cordiale (19011) comme n'étant plus valables en 191 11,
avec l'existence de cette Entente Cordia1'li!.î \\e's autorités fran-
çaise firent observer que l'Allemagne se servait du dépècement
de l'empire colonial pour établir un lien entre elle et
l'Angleterre: de ce point de vue,
l'objectif de l'Allemagne
n'était pas seulement d'ordre territorial. Elle donnait à
l'accord un caractère politique et menaçait par ce moyen
l'Entente Cordiale.
En ce sens, sa publication aurait un avantage d'ordre
(1) A ce sujet,
on notera pour mémoire,
l'article de Leroi
Beaulieu, paru dans l'Economiste Français du 17 f~vrier 1912;
p.2J4-2J6, dans lequel l'auteur formulait l'espoir que "dans
l'intérêt de l'équilibre du monde", les convoitises sur les
colonies portur,aises seront déjouées.
-11/';"
général pour l'Allemagne,
considérait Doumergue, dans la mesure
où cela révèlerait l'anta~onisme dans la politique de
l'Angleterre et celle de la France (1).
L'Allema~ne associée n
l'Angleterre. en dépit des relations respectueuses des trois
Etats! Cette réalité se renforcerait du fait que la France
serait contrainte de répondre à la publication du traité anr:lo-
allemand,
une réponse qui serait nécessairement une dénonciation
et une non-reconnaissance de celui-ci. Or.
cela ne pourrait
qu'approfondir le dissentiment entre la politique anglaise et
la politique française (2).
Par ailleurs,
les autorités françaises étaient convaincues
que la publication de la convention remaniée si(':nifierait que
le PortuGal perdrait du coup sa souveraineté réelle sur ses
colonies, et ne pourrait plus accorder des concessions àd'autres
puissances en dehors de l'Angleterre et de l'Allemagne.
Le gouvernement français s'inquiéta de cette perspective.
Bien que l'ambassadeur à Berlin ait rappelé à l'Allemagne l'ar-
ticle 16 du traité de la Convention du h novembre 191/ entre les
deux pays (J). et donc le droit de préemption de la France sur
le Bassin conventionnel du Congo, une nouvelle politique fut
envisaF,ée, celle de l'implantation d'intérêts économiques fran-
çais dans les colonies portugaises.
( 1 ) Doumergue a Paul Cambon, Paris, 10 février 191 /, • D.D.F .•
1II-9, n02 56.
(2 ) Doumergue à Paul Cambon. Pari s, 10 février 1911/. D.D.F .•
III-9. n0256.
(J) Jules Cambon à Doumergue. Berlin. 28 janvier 1914, D.D.F.,
111-9. n0178.
-11 )-
Il s'agissait,
pour le
~ouvernement français, d'un projet
imp.rieusement ur~ent qui permettrait de creer sur le terrain
une situation dont l'Angleterre et l'Allemagne seraient obli~~es
de tenir compte.
Cette nouvelle orientation coïncida avec
les
voeux du ~ouvernement portugais de voir la F'rance participl'r "
l'exploitation de ses colonies.
III -
L'impuissance du Portugal et l'incertaine coop.ration
avec la France
Les nér;ociations anglo-allemandes maintenaient le P0rtllr;a 1
dans lIne sorte de fatalité.
Pourtant,
l'empire colonial
tenait
une r;rande importance dans
la vie de ce pays.
Il apparaissait,
pour certains Portu{~aisJ comme "une question de vie OII de mort'{I)
En effet~ au n1-veaU économique, le Partu:,;al était .troi-
tement dépendant de ses colonies quant à son équilibre. 1.'in-
frastructure industrielle,
très faible et arri.rée,
était inca-
pable de soutenir la moindre concurrence des
industries étran-
gères et par conséquent,
ne pouvait se faire de place qlle sur
les marchés réservés des colonies nationales.
Par ailleurs,
une
part importante des activités économiques du pays reposait sur
le commerce colonial dans lequel le Portugal servait d'inter-
médiaire entre les marchés internationaux et les colonies dont
certai.l> -rodui ts consti tuaient une des sources essentielles
de devises.
( 1 )
Le ~inistre
de F'rance à Lisbonne au ministre des Affaires
"~L1l1"ères, Lisbonne, li décembre 1 r '11. D.D.F' .. TTT-l, n'lll"
-11(,-
Mais la place de l'empire colonial dans la Vle nationale
d~passait larGement le cadre ~conomique
il
jouait un rôle
id~olor;ique essentiel pour avoir marqup depuis le '(\\le "iècle
l'histoire du pays,
Pour ces raisons,
la question coloniale constitua un point
chaud de la politique au sein des classes dominantes d,. Port'I~al
et n'y échappa pas,
par conséquent l'opposition entre n;publi-
cains et mon~rchistes, Alors que le pOllvoir monarchique était
accusé de mollesse à l'ér;ard des pUlssances étranr;ères et de
leurs ambitions, Joâo Franco, durant son ministère ar:it';,
hréln-
dissait la question coloniale contre
les républicains
il
déclarait volontiers reconnaître
l'urrrence des
rpformes,
mals
que la république n'était pas nécessaire,
car elle pouvait avoir
pour conséquence "la perte des colonies"(I).
Il était r;énérale-
ment admis cependant, en raison des précédents tels que
l'ulti-
matum,
que
le pouvoir monarchiste
n·~tait pas d6termin~ ~ prci-
server le domaine colonial, dont la défense fut en revanche,
pendant longtemps,
un cheval de bataille du Parti Républicain.
La position de celui-ci,
réaffirmée au lendemain de la procla-
mation de la Hépublique,
était la défense inconditionnelle de
l'empire colonial.
Dans une interview accordée le 2 novembre 1'110 au quoti-
dien français Le ~latin, le Président du F,ouvernement provisoire
devait préciser, afin de démentir les rumeurs sur la vente des
colonies,
que le
nouveau rér.ime considérai t
celles-ci comme
un
(1) UèTIESQUE
(Philéas), La République Portuçaise, Paris, F:dition
Sans 0 t e t e 0,
1 91 J,
p, 68 .
-117-
patrimoine aussi sacré que la métropole
(1). ~lais ces d""lara-
tions de principe, ainsi que les appels h l'I.nion, ne consti-
tuaient pas une Garantie. Celle-ci reposait essentiellement, au
niveau de la politique ~ouvernementale, sur l'Alliance avec
l 'Angleterre.
Mais,
comme l'écrivait le ministre de France ~ Lisbonne,
l'AnGleterre rassurait beaucoup moinS le Portugal que ne l'in-
quiétaient les ambitions allemandes
(2). L'acceptation,
par
l'AnGleterre, d'une convention secrète sur les colonies qu'elle
était censée protéGer, avait créé une méfiance que le cours des
événements tendit à renforcer.
Les déclarations déjà évoquées de
Sir Edward Grey sur les chanF,ements territoriaux en Afrique
Australe,
étaient loin d'affirmer la défense des colonies portu-
gaises.
Il en ressortait manifestement que l'homme d'Etat
britannique considérait la question du seul point de vue des
intérits britanniques. Cela laisse penser 'lue l'An(!leterre POI,-
vait s'accomoder de
changements
territoriaux d3.ns des r61o:ions
où ces changements ne pouvaient épargner les domaines portup:ais.
De cette situation,
était né, dans les milieux politiques,
économiques et SOC1aux intéressés,
un état d'esprit 'lue symbo-
lisèrent ces propos du Diaro de Noticias du I~ décembre 1911
'~ntendre ce qU1 se dit en Europe à notre sujet, et demeurer
les bras croisés,
nous en remettant dans la défense de nos
colonies, à des traités et conventions que les variations de la
Coupure de presse,
MNE/LPP.
IS7.
Le ministre de France au PortuGal au Quai d'Orsay,
Lisbonne,
II décembre 1911, 0.0. F.,
III-l,
no'JI,.
politique internationale vieillissent prcimatur~ment, serait une
inffénue et une dan,~ereuse utopie"( 1).
Cette inquiétude se développa avec la reprise des nel~O-
ciations anRlo-allemandes qUl rendirent de pl'lS en plllS fr~quen-
tes les spéculations et les réf~rences de la presse interna-
tionale à la convention de 1898. En Allema,~ne, la campal"ne de
presse prit l'allure d'une agitation en faveur d'u~e d~posses-
sion pure et simple du Portur,al.
Bien qu'en coulisse,
on admit
la gravité de la situation,
le gouvernement portur,ais s'efforça
d'afficher un certain optimisme,
fort en cela des explications
d'apaisement reçues de la part du r:ouvernement britannique,
après
le discours de Sir Ed'"ard r:rey sur les chanr;ements terri-
toriaux en Afrique.
;'Iais la fausse sécurité ne dura pClS.
Les pressions de 1"
campar;ne de presse panr;ermaniste tr~s fortes avant et après le
voyar;e de IIaldane à Rerlin (février 1912) mit
le r;ouvernement
dans la nécessit~ de démentir officiellement ce qui se disait à
propos des colonies. Garder le silence,
c'était laisser accrci-
diter les divers propos. Aussi fallait-il non seulement démentir
les fausses
rumeurs d'une
cession des colonies,
mais a11ssa..
et
surtout, démentir Une réalité vivante,
l 'existence d'un accord
secret de partage entre l'AnGleterre et l'Allemagne.
Après avoir
manifesté· en vain le désir de voir publié le traité d'octobre
1899 entre les deux pays,
le gouvernement portugais demanda
l'accord de Londres afin de faire une d~claration officielle
(1) Cité par le ministre de France au Portugal,
Lisbonne,
18 décembre 1911. D.D.F., III-l, nO)59.
, .'.; ...,--
qui fut une réponse ferme à la campagne de presse, d'autant
plus que la question était soulevée au parlement.
Le 15 mars 1912, le Président du Conseil et ministre des
Affaires Etrangères, Augusto de Vasconcelos,
fit à la Chambre
des Députés, des déclarations sur l'état des relations exté-
rieures du pays dans le cadre de la Rppublique,
sur la validité
des traités signés par la monarchie, et sur l'existence ou non
d'un accord anglo-allemand concernant les colonies;
relative-
ment à cette dernière question, Vasconcelos devait notamment
déclarer: "Je peux répondre à votre question, avec une ~rande
satisfaction, que le gouvernement de la République sait qU'il
n'existe pas de traité quelconque, entre le Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande et l'empire d'Allemagne, qui
contint quelque chose de nature à menacer l'indépendance, l'in-
tégrité ou les intérêts du Portugal ou d'une partie quelconque
de ses domaines"(1). Le Président du Conseil qui précisa qu'il
faisait la déclaration avec l'assentiment des Cabinets de
Londres et de Berlin, acheva son intervention par une énuméra-
tion codifiée des pactes noués avec l'Angleterre et toujours
en vigueur (2).
Une telle opération de la part des membres du Cabinet
portugais ne sera pas la dernière. En novembre 1913, alors que
les grandes lignes de la nouvelle Convention modifiée avaient
(1) GUES DES (Marques),
op.cit., p.476, cf.aussi D.D.F., 111-2,
n0212, Le ministre de France au Portugal au Quai d'Orsay.
Lisbonne,
16 mars 1912.
(2) L~dite énumération s'inspirait d'une déclaration récapitu-
la'ti ve faite par le r;ouvernement britannique à la Chambre
des Lords en décembre 1898 et relative aux arrangements
passés avec le Portugal depuis 1873. D.D.F., 111-2, n0212.
été arrêtées, Macieira,
le ministre portuF,ais des Affaires
Etrangères fit à Lisbonne,
à la Société de Géographie - une
institution justement habilitée à discuter de l'avenir des
colonies -
un discours rassurant dans lequel i l réfuta la véra-
cité des rumeurs d'une entente ou d'un traité entre l'Allemar,ne
et l'Angleterre concernant les colonies (1).
Mais Macieira fut confondu quelques semaines plus tard par
une fracassante déclaration du chancelier allemand relative aux
négociations anglo-allemandes sur les intérêts économiques en
Afrique (2).
Bien que la déclaration du chancelier ne mention-
nât pas explicitement les colonies portuF,aises,
il ptait impos-
sible d'admettre qu'elles n'étaient pas concernées. L'embarras
à Lisbonne fut tel que le ministre des Affaires Etrangères dut
s'abstenir de se présenter au Parlement de peur de ne pas avoir
à être de nouveau interpellé (J). Le ministre des Affaires
Etrangères, et à travers lui,
le Cabinet portugais,
s'en remit
au gouvernement anglai5~il sollicitait que fût réaffirmé, par
quelque F,este,
l'Alliance séculaire entre les deux pays.
En fait,
en dehors de la solution d'une protection
anglaise,
le gouvernement portugais était impuissant face aux
prétentions allemandes. Aussi,
va-t-il rechercher des appuis
du côté de la France.
Le prem1er pas dans ce sens se fit sur le terrain diplo-
matique. En janvier 1914, le ministre portugais des Affaires
(1)(2) Carnegie à Sir Edward Grey,
Lisbonne,
1J décembre 191J,
British Documents, Vol.X, Part.II, nOJ51.
(J) Carnegie à Sir Edward Grey,
Lisbonne,
1J décembre 191J,
British Documents, Vol.X, Part.II,
nOJ51.
" . , . . .",'c.-.
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;;;'", .. '~ i:," "';Fr~·""~·;/J.- -
:,
Etrangères laissa entendre que la France lui rendrait service
lIl
si elle obtenait de Londres et Berlin la publication du traité
H
anglo-allemand (1). Si le gouvernement français enre~istra
~
avec courtoisie et attention la démarche portugaise, i l ne
1"
i1
pouvait,dans la réalité,agir dans cette direction, dans la mesu-
i:
lx
re où sa propre position était l'opposition absolue à la publi-
:rr
i !..
cation de l'accord. Mais cette initiative du Cabinet de Lisbonne
i i ,_
: 1"'
i;
n'allait pas être la dernière. Un nouveall pas fut fait en
début mars 1914, qui porta cette fois-ci sur le terrain de la
1 i'
j
l '
, 1
;l"~
coopération économique en matière coloniale.
Une des justifications des convoitises allemandes étant
l'incapacité du Portugal à mettre en valeur ses colonies, le
gouvernement portu6ais, qui avait émis le projet de les dévelop-
per depuis la proclamation de la République, envisageait sérieu-
sement les possibilités qui pourraient exister. Ainsi, le
.,
,1
2 mars,
le Président du Conseil portugais exprima à Daeschner
1
le désir de son pays de voir la France prendre pe~t ~ la mise
1
~
;!
en valeur des colonies en y effectuant des investissements,
regrettant qu'en France,
on ne s'intéresse pas aux colonies
portugaises (2). Dans sa réponse, le ministre de France devrait
signifier qU'il serait bon que les autorités portugaises préci-
sent les régions et les entreprises qu'elles ont plus spéciale-
ment en vue (:)).
Avant cette initiative du gouvernement portugais, le
gouvernement français,
inquiet de la perspective de la publica-
(1) Daeschner à Doumergue, Lisbonne, 26 janvier 1914, D.D.F.,
111-9,
n0166.
•
(2)(:)) Daeschner à Doumergue, Lisbonne, 6 mars 191/1, D.D.F.,
!'
1
,..
III-9, nO 407.
I.,.~~ .. :, .•,·. l'.,.',>; '. ;. , .. :.•.• '
:~,;f.,,~.,..,,~~, ,,,,.,:\\:,(-,,~~-,,,...'N'';- ....." .•
.....,;~--.
-1~2 -
tion du traité anglo-allemand et conscient du caractère inopé-
rationnel en matière économique, de son droit de préemption sur
le Bassin Conventionnel du Congo, conformément à l'article 16
du traité franco-allemand du 4 novembre 1911, avait envisagé
une politique de rechange que Doumergue analysait en ces termes,
dans une lettre à Jules Cambon, le 14 février 1914
: "Mais
l'accord anglo-allemand de 1898 et l'accord en préparation
visent d'abord un partage de ces colonies en zones d'influence
économiques.
Il convient donc de rechercher des mesures pour
assurer les intérêts français à cet égard. Cela est d'autant
plus nécessaire que les intérêts économiques fournissent sans
doute,
en dehors des textes signés et des assurances reçues,
l'un des arguments les plus forts que les diverses pU1ssances
feront valoir à l'appui de leur ambi tion. Ce n'est pas en inter-
venant dans l'accord, mais en agissant à Lisbonne que le gouvcr-
nement de la République peut poursuivre la sauvegarde des inté-
rêts économiques"(l).
Une telle politique, dans les vues du gouvernement fran-
çais créerait une situation dont l'Angleterre et l'Allemagne
seraient obligées de tenir compte.
Dans les propositions alors envisagées pour être soum1ses
au gouvernement portugais,
l'accent fut mis sur la construction
des chemins de fer,
le développement des ports et des voies
navigables.
"A défaut d' un' droi t de pré férence,
i l faudrait
obtenir tout au moins pour la France, dans ces entreprises,
une
participation de cinquante pour cent" écrivait Doumergue (2).
(1)(2) D,D.F., 1II-9, nO)OO.
-12)-
Ainsi furent envisagés l'amélioration des ports de Landana
au Cabinda,
l'établissement dans la même enclave d'une voie
ferrée s'embranchant sur le chemin de fer du gouvernement
général de l'A.E.F.
projeté entre Brazzaville et Pointe Noire,
le rachat et l;achèvement de certaines lignes en Angola (1).
Le 19 février 1914, le ministre de Francereçutde Doumerffuc
l'instruction de s'atteler l
trois choses: étudier les possi-
bilités d'implantation de la finance et de l'industrie française
à Cabinda, fournir les renseignements économiques nécessaires,
en s'informant sur la Compagnie de Mossamedès en Angola,
les
Compagnies du Mozambique et du Zambèse en Afrique Orientale, et
sur la possibilité d'agir par leur entremise dans l'exploitation
des ressources minières et agricoles
; enfin, savoir si le
Portugal aurait besoin du concours français pour l'établissement
et l'exploitation de nouveaux chemins de fer et l'amélioration
des ports du Mozambique (2).
Mais la tâche ne s'annonçait pas facile.
Comment opérer
une telle ouverture à un moment où le gouvernement portugais
était très méfiant du fait de la situation internationale et des
visées sur ses colonies ? Certes la demande en vue de la publi-
cation du traité était le signe d'une certaine confiance. Mais
ce geste ne pouvait rassurer quant aux dispositions du Portugal
l
d'éventuelles ouvertures en matière de coopération coloniale.
On eut beau préconiser à Dàeschner d'imprimer à ses conversa-
tions avec les officiels portugais "un caractère de généralité
(1) D.D.F., 111-9, nO)OO.
(2) D.D.F., 111-9, nO))2.
---------------------
et d'examen en commun des questions susceptibles de lier les
intérêts des deux pays"(1),
on ne savait pas nans quelle mesure
ces démarches ne donneraient pas à la France,
l'apparence de
poursuivre une politique d'annexion déF,uisée,
analo~ue à celle
de l'Angleterre et de l'Allemagne (2).
La tâche du ministre de
France à Lisbonne était des plus délicates et le F,ouvernement
français allait se trouver impuissant quant à la concrétisation
de ses intentions.
Les ouvertures faites le 2 mars par le ministre portu{':ais
des Affaires Etrangères venaient par conséquent à point ; la
participation française à l'exploitation des territoires colo-
niaux portugais se trouvait posée, avec l'avanta~e pour Paris,
que c'était sur l'initiative du Portugal lui-même. Les possibi-
lités de pourparlers apparurent, en ce qU1 concerne la France,
plus lar~es et plus prometteuses, bien que des embuscades et
des obstacles continuaient à subsister.
Sur le plan de la conception de la pénétration économique
dans les'colonies, deux possibilités existaient pour la France
soit s'implanter dans les régions considérées comme devant lui
revenir un jour,
comme
la Guinée
ou le Cabinda,
soit créer dans
d'autres régions des intérêts qui puissent servir éventuellement
d'élément d'échange ou de marchandage (J). Mais dans quelle
mesure l'application de la première solution ne manifesterait-
,
elle pas de l'intention de participer au partage
(4)? Par
ailleurs,
la politique de résistance aux pressions extérieures
(1)(2) Doumergue à Daeschner, Paris,
J mars 1914, D.D.F., ITI-9,
nO J92 .
(J)(4) Daeschner a Doumergue, Lisbonne,
7 mars 1914, P.P~f~~
-125-
et de contrales effectifs des colonies et des investissements
qui y avaient lieu, conduisirent les autorités portuv,aises à
décider que la construction et l'exploitation des voies ferrées
étaient du domaine exclusif de l'Etat.
Le gouvernement n'étant
pas revenu sur cette décision, cela limitait et limiterait
considérablement le champ des entreprises françaises aux seules
exploitations minières. agricoles et commerciales; domaines
pour lesquels les capitaux français trouvaient déjà à s'employer
largement ailleurs (1).
Mais cette phase de recherche d'un terrain de coopération
allait vite se refermer. Au moment où elle s'ouvrait,
le
Cabinet britannique avait fait part au gouvernement français de
la demande de Berlin de suspendre à la fois les négociations
et la publication des traités.
La suspension de la publication du traité eut pour effet
le relâchement de l'action de la France.
"Puisqu'il semble
acquis que nous n'avons pas à redouter la conclusion imminente
de nouveaux accords entre Berlin et Londres au sujet du partal':e"
écrit Doumergue à Daeschner,
le JO mars 191J, "l'action que
nous avons à envisager dans ces régions est moins urF,ente et
nous devons apporter une F,rande prudence dans les conversations
que nous pouvons avoir avec le r;ouvernement de Lisbonne"(2).
\\
L'attitude recommandée au ministre de France à Lisbonne
fut alors celle de l'expectative afin de maintenir le Portugal
(1) Daeschner à Doumergue, Lisbonne,
7 mars 1914, D.D.F., III-9.
n0410.
(2) D.D. F .•
III-l0, nOIIII.
"
dans sa situation de demandeur, ce qui représente un avantaRe
certain
en d'autres termes,
ne pas prendre d'initiative, mais
observer,
comme le conseillait Paul Cambon, "là silence d'abord.
la prudence ensuite,
la patience par dessus tout" dans la mesure
ou il n'y a "rien de plus dangereux que de vouloir faire quel-
que chose (1) sans avoir reconnu son but et préparé ses moyens
d'action"(2).
C'est dans ces conditions nouvelles qu'eut lieu] 'entre-
tien qu'au terme de l'ouverture faite
le 2 mars,
le Pr~sident du
Conseil portugais,
projeta entre le ministre des Colonies et le
ministre de France au sujet du concours éventuel de la Frrtnce
dans le développement des colonies; mais le résultat fut
quasiment nul.
Le ministre de France devait constater que si
les désirs exprimés par les autorités portu~aises s'inspiraient
de vues politiques justes,
ils ne reposaient en revanche sur
aucun plan de réformes et de développement avec des données et
projets précis, même s ' i l ressortait que leur attention portait
prtrticulièrement sur l'AnF,ola. Cette situation fit tirer au
ministre de France,
la conclusion qu'il s'imposait aux pouvoirs
publics, de découvrir drtns les régions concernées,
ce qui pou-
vait intéresser les entreprises françaises et provoquer de la
part de celles-ci des demandes de concessions que le Ruuvernc-
ment appuierait auprès du Cabinet de Lillbonne (J).
En t'ait,
les autorités françaises vont se trouver dans un
(1) Souligné par nous,
L'expression est entre ~uillemets dans
le texte original.
(2) Paul Cambon à Doumergue,
Londres,
5 mars 191 1"
D.D. F.,
IJI-')
nO 1101.
(J) Daeschner à Doumer~ue, Lisbonne, 5 avril 1914, D.D.F"
l~l-IO
(\\°16
"
certain d'sarroi face à l"volution nouvelle de la question des
colonies portugaises, Alors que la France relâchait Son action,
il apparut de plus en plus clairement que l'arrêt des név.ocia-
tions par l'Allemagne ne siRnifiait pas l'abandon de ses visées
expansionnistes.
mais correspondait au déploiement d'une poli-
tique de mainmise économique
l
une telle politique avait un
avantage certain dans la mesure où elle permettait de ne pas se
lier les mains vis-à-vis de l'Angleterre et de ne pas s'affron-
ter à la France.
toutes difficultés que soulevaient le parta~e
territorial et la publication du trait'.
Déjà. en mars 1914. citant un consul de France en Afrique
Orientale. Daeschner attirait l'attention du Quai d'Or$ay sur
le fait qu'au Mozambique.
suppos' r'servé aux \\nglais,
les
maisons allemandes Mannesmann.
Orenstein. A,Koppel. syndiqués
pour toute l'Afrique du Sud. déployaient une intense activité.
et avaient établi sur les point les plus divers.
"des a~ents
nombreux et actifs qui ne paraissaient nullement gênes par
l'accord de 1898"( 1). Dans la même correspondance.
le diplomate
français signalait les initiatives en direction de l'Anv,ola
l'inauF,uration de la première liv.ne régulière de navires à
passagers touchant la colonie.
les efforts fai ts pour racheter
aux pêcheurs norvégiens de baleine.
plusieurs concessions qU'ils
avaient obtenues du gouvernement portugais. et l'intérêt porté
à certaines lignes de chemin de fer.
En mai. Daeschner constatait la création de l'instrument
au moyen duquel l'Allemagne entendait pénétrer en AnKola.
la
(1) Daeschner à Doumergue.
Lisbonne, 16 mars 1914. D.D.F.,
1II-9. n 0 471.
-1:?f'-
.
,
constitution d'un puissant syndicat à la fois financier et
industriel re~roupant notamment
la Deutsche Bank,
la Nord-
deutsche Bank,
la Dresdner Bank,
la Diskontogesellshaft,
la
Salomon Oppenheim (de Cologne),
les Compaf~nies de navigation
Ilamburp; - Amerika Linie et Woermann, Handelsgesellshaft,
Bleichroeder, Friedrich Krupp.
Les autres associés étaient la
South African Co et Edmund Davis,
propriétaire des minesd'0ttavi
dans le Damaraland (Sud-Ouest africain) et qui,
en tant qlle
tel,
était intéressé au premier chef à l a construction d'tin chemin
de fer qui relie ses entreprises à un port au sud de l'Anr;ola (Il.
A Li sbonne,
le syndicat s'appuyai t
sur la mai son hambour-
(,eoise Warburg et son représentant,
le financier Weinstein
"char,~é", écrit Daeschner, "de constituer les sociétés il façade
"
portur;aise destinées à solliciter du Rouvernement portur;ais des
concessions que l'opinion ne permettrait pas à celui-ci d'accor-
der à des compagnies dont le caractère étranp;er ne serait pas
suffisamment dissimulé"(2).
En fait,
les Allemands n'auront pas recours à ces procédés.
S'il est vrai que la maison Warburg et son représentant eurent
un rôle de choix en raison de leur position au Portup;al,
les
demandes de concessions se feront à visage découvert. Cc fut le
cas pour la principale demande relative à la construction d'un
chemin de fer allant d'un port du sud de
l'Angola aux mines OP
fer d'Ottavi, et raccordé aux lignes.du Sud-Ouest Africain
,a11ern"nd. Cette demande devint si pressante,
peu avant 1<]1!',
que le
(1)(2) Dacschner à Dourneq;ue,
Lisbonne,
JO mai 1911"
0.0.1".,
III-l,),
n"J1?
--------------------_._.._..-
gouvernement portugais dut confier son embarras à l'alliée
britannique
(1).
+
+
+
Si elle créait une situation embarrassante pour le
Portugal,
l'offensive allemande renforça l'inquiétude et le
désarroi des officiels français,
d'autant plus qll'aucune pntre-
prise financière ou industrielle ne se manifestait.
Tl en
ressortait que l'opposition au partage territorial,
c'est-~-dire
la lutte sur le terrain diplomatique offrait plus de perspecti-
ves,
ou du moins des possibilités d'action.
Faire prévaloir les
exigences de l'Entente Cordiale auprès de l'Angleterre. brandir
face à l'Allemagne son droit de préemption sur le Bassin Conven-
tionnel du Congo, mener une action à Lisbonne
(et aussi à
Bruxelles) constituaient,
pour la France, ces possibilit"s.
En revanche, elle fut considérablement limitée sur les moyens
d'une politique de pénétration économique, moyens dont parlait
justement Paul Cambon à propos de l'action à mener à Lisbonne.
Dans la question du projet anglo-allemand de partage des
colonies portugaises, un fait remarquable aura été l'initiative
du Cabinet de Lisbonne auprès de la France, d'une part en vue
de la publication de l'accord secret anl'.lo-allemand, et de
l'autre pour une contribution au développement des colonies.
Cette initiative n'est pas sans rappeler le précédent de l'ar-
bitrage du maréchal Mac-Mahon (2) dans le différend anl'.lo-
(1) Carnegie, ministre d'Angleterre à Lisbonne à Sir Edward Grey,
Lisbonne, 2) juin 1911~. British Documents, Vol.X, Part.TT,
-\\ JO-
portu~ais à propos de la souverainété sur DelaF,oa Bayet le
port de Lourenço-Marquès. Dans ces deux cas,
totalement diffé-
rents quant aux problèmes posés,
la France a constitué un recour'
pour le rortuF,al contre les al;issements de sa propre alliée.
Mais la question du partage révélait, du moins pour la France
en particulier, un fait
important:
la présence de l'Allemagne
comme facteur exerçant une influence sur les relations de la
France et du Portugal. Cette présence allait se retrouver dans
un autre domaine ct' affrontement des impérial i sme s,
le doma i ne
des relations économiques.
(2 - suite de la p.129)
WARHURST (Philip R.),
op.cit ..
p.IIO.
- t 11 -
CHAP1TlŒ IV
LES EClIANr;ES ECONO~1IQUES
l
-
L'~tat de d~Rradation des relations ~conomiques ~ la veille
de la naissance de la r~publique
Au moment o~ intervient le changement de r~Rime ~ lisbonne,
les relations ~conomiques entre les deux pays connaissaient Ilnp
réelle dégradation. Ayant commencé plus de vinr;t ans auparavant,
cetfte dér;radation se tradui:l;it par l'essoufflement des éch;,nr:"s
financiers et, Sllr le plan commercial,
par la Ruerre des tarifs.
La prem;~re manifestation de cette dér;radation Se situa a\\1
nlveau des t'Qlations financières que,
pour des ralsons déjà
exposées,
nous n'étudions pas, mais dont nous sir;nalons l'exis-
tence,
comme étant un exemple assez illustratif des difficultés
des échanges économiques entre les deux pays.
A l'instar de maints pays o~ la révolution industrielle
avait avorté ou n'avait pas pu avoir lieu,
le PortuRal eut
recours au XIXe siècle aux techniques et aux capitaux étranr:ers
pour la création d'une infrastructure économique moderne,
l.a
France,
pays par excellence d'exportation de capitaux. ;,vait été
de fait le premier créancier jusqu'à la fin du "iècle et y avait
tenu l'ne place importante dans l'équipement d'I pays
tf"chnicplf~~
- - - - - -
-1)2 -
et capitaux français ont contribud à la construction de~ ~ort~
tels que Lisbonne, des ponts, des chemins de fer,
à l'exploita-
tion des mines, à la création d'entreprises industrielles
(1 J.
Mais,
le plus l':ros de l'épargne française
fllt oriente: vers 1.. ~
emprunts publics d'Etat ou de municipalités
(2).
Ces placements, en particulier dans le domaine ~ublic,
subirent les contrecoups des difficultés économiques et fin~n-
cières que connut le Portu~al. Non seulement ce pays doit
rédllire arbitrairement en 1892 le service de la dette extérieure,
mais i l
fut contraint,
pnlJr assurer CP service,
d'aller d'pm-
prunt en emprunt à tel point que fut atteint,
11 la fin du sièc 1C',
le seuil d'insolvabilité,
La situation fut d'alitant plus rn~oc-
cupante en ce qui concerne la France, que,
sllr 1.'i92,O()(),(I(10 de
francs de dette,
plus d 'un milli~rd était déte~u ~ar l 'ép~rp;n{'
française
(J J.
Les différentes mesures portv~ises touchèrent les ~orteurs
~'
français qui,
en 1897, estimèren. le~rs pertes qui en résul-
tai~nt, à 407 millions de francs (4), et optèrent pour des
représailles.
Ils obtinrent que s'établit une sorte de blocus
(1) Il faut sans doute signaler que l'ouvrage de CAMERON (Rondo),
La France et le dévelo
ement économi ue de l'Euro e 1800-
.!.2..!.!!, Parl.s, Seul.l, 19 l, IJO p., dont on est en drol.t
d 'attendre des indications,
n'apporte que très peu d'éléments
à ce sujet.
(2) A titre d'exemple, voir CA~ŒRON (Rondo), op.cit., p.92
alors que les emprunts publics français au Portue;al de 181(,
à 1851 étaient ,estimés à 125 millions de francs,
les inves-
tissements privés étaient portés à la rubrique "montants
négligeables",
(J) Note pour le ministre, 29 août 1898, A.N.F./FJO J20.
(4) Union des porteurs français des rentes portugaises, Comité
Francain. Réunion plénière des créanciers de
la dette exté-
rieure portugaise du 14 décembre 1897, p.l0, ANr!FJO J19.
-1))-
,,~~
sur les valeurs portu~aises ~ la Bourse de Paris. Cette situa-
tion. venue s'ajouter à de très vieux litiges financiers
(1 l,
eut pour conséquence qu'au début du XXe siècle,
les transac t ions
financières connaissaient d'énormes difficultés. Des accords
entre l'Etat portugais et les porteurs français essayèrent de
les réduire,
mais la normalisation resta partielle.
Au niveau des échanges commerciClux,
la situation était rela-
tivement analoITue, Après une
longue période d'échanges rélculiers
et intenses,
favorisés par des accords commerciaux successifs
en 1852,
1856 et 1881, suivit la I;uerre des tarifs.
En effet. au début de 1891.
le gouvernement français,
afin
de "rendre au parlement sa liberté d'action en matière de tari-
fication douanière"(2) et afin d'éviter1:\\ùe l'application, à
i
partir du 1er février 1892, du nouveau tarif en voie d'élabora-
tion ne rencontrit "aucun obstacle dansfes actes intprnntin-
naux"()) déjà existants,
prit l'engagement d'effectuer la dé non-
ciation,
~ temps, de ceS traités commerciaux qui consti.tuaient
alors le tarif conventionnel de la France. Etait parmi ces
traités dénonçables, celui passé avec le Portugal le 19 décembre
1881 et qui expirait le 1er février 1892. Parallèlement, du côté
portugais intervinrent des changements en matière tarifaire.
(1) C'est le CaS de la dette Don Miguel, contractée en 18)2,
dans un contexte de lutte dynastique,
par un souverain qui
fut par la suite renversée
; cette dette ne fut pas reconnue
par les différents gouvernements monarchistes et les por-
teurs continuèrent à s'agiter.
cf.le ministre du Portugal
à Paris aux Affaires Etrangères à Lisbonne. Paris, 27 avril
1912, MNE/LPP 190; cf.aussi CAMERON (Rondo), op.cit.,
pp,JI9-J21.
(2)(J) Lettre de Ribot, ministre des Affaires Etranr;èresàMéline
Président de la Commission des Douanes de la Chambre des
Députés,
Paris, 9 janvier 1891, Ministère des Affaires Etran-
r,ères.
Dénonciation des traités de Commerce expirant le
1er février 1892, Paris,
Imp,Nationale,
18'11.
p,),
La nouvelle loi douanière supprIma le tarif mInImum au profit
d'un tarif unIque;
en revanche. elle autorisa le ~ouvernement
à accorder des concessions iSolées et spéciales à chacune des
nations avec lesquelles
il entrera en né~ociation (1).
En janvier 1892, au moment o~ le Rouvernement français,
pressé d'être fixé avant le 1er février et surtout désireux
d'écarter toute perturbation des transactions en attendant tIn
nouveau traité,
proposait un modus vivendi provisoire (2),
le
Portup;al dénonça l'ensemble de ses enp:al';ements internationaux
en matière commerciale (J),
A partir de cette date s'installa .entre les deux pays un<-
véritable F,uerre douanière
1.. s
produi ts français furent
frappés au Portugal du tarif maXImum,
tandis qu'en France,
les~:
produits portuffais subissaient
le tarif F,énéral
de
nouve Iles
circonstances devaient aERraver. à partir de 1906,
,
la situ'ltion:
;i
de ces produits qui étaient les seuls en Europe à être soumis
au tarif général.
A la fin de l'année 1905.
l'EspaRne inaup;ura l'application
d'un nouveau tarif douanier qui frappa durement
le commerce
français.
Le ~ouvernement de Paris fit alors voter spécialement
(j.tillet 1906)
l'élévation d'un certain nombre de droits du
tari.f r:énéral et touchant les vins,
les fruits de table,
les
fruits secs,
les huiles,
les lé!,:umes,
les poissons de diverses
(1) Lettre du ministre de France à Lisbonne à Ribot.
Lisbonne,
17 décembre 1891. Ministère des Affaires Etranp:ères, op.cit .•
p. 110.
(2) Téléeramme de Ribot au ministre de France à Lisbonne. Paris.
19 janvier 1892. Ministère des Affaires Etran::ères,
op.cit.,
p.IIS.
('J) T,;}pp;ramme du ministre de France à Lisbonne. dat" du
pr~parations, les liqueurs, les eauX minérales et bien d'autres
produits de provenance espaKnole et qui constituaient é~alement
l'essentiel des exportations portugaises.
Cette ~l~vation du tarif g~n~ral. conçue dans la perspec-
tive d'une rupture
de~ néeociations en cours, et devrait servir
de moyen de pression, éparv,na l'Espagne qui obtint la conclusion
d'un modus vivendi lui attribuant les avantav,es de la clause de
la nation la plus favoris~e. Le Portugal encaissa le coup en
subissant toutes les rir;ueurs de la majoration du tarif
g~néral (1). Ses exportations vers la France, alors r"ibles,
chutèrent,
passant en valeur de IJ.200.000 francs en 1~0~, à
11.000.000 en 1907 et à 10.bOO.000 en 1908 (2).
Deux ;"Ins après la mesure de juillet 1906,
le parlement
portugais vota une loi qui fixa les limites de relèvement ou
d'abaissement des
tarifs douaniers dans lesquelles le gouver-
nernent pourrait se mouvoir pour néffocier les conventions commer-
ciales. Plus précis~ment. du point de vue des relations avec la
France,
cette loi autorisait le gouvernement ~ élever jllsqll'au
double les droits du tarif Génoiral pour les marchandises orir:i-
naIres de pays appliquant au Portu/';al leurs
tarif maximum ()).
La même année de 1908 vit également
la conclusion par le
Portugal des conventions de commerce avec certains pays,
parmI
(J-suite de la page
IJ~) •.. 27 janvier 1892. Ministère des
Affaires EtranGères, op.cit., 1'.119.
(1) Le Traval National,
orr;ane de l'Association de l'Industrie
et de l'Agriculture française,
nOJJ, 9 octobre 1910,
1'.506.
ANf/FI2 7606.
(2) Chiffre du Commerce Général.
Tableau rrén~ral du Comm.. rce ct
de la naviGation, Ann~e 1910.
(J) Happort au Président de la n';publique sur le modus vivendi.
.Journal Officiel du 21
février 1911,
1'.1/'29-1 1')0.
,.PtJf!/~12 ~O
-11(,-
lesquels se trouvait l'Allemagne,
une rivale politique et
commerciale de la France.
La perspective, d'une part, de nouveaux tarifs en Allema~n~,
un des principaux d~bouchds des produits coloniaux du rortu~al,
et de l'autre,
la surtaxe porturraise amena ces deux pays à
conclure le JO novembre 1908, un trait~ de commerce qui devint
un facteur suppl~mentaire de d~gradation des ~chanF.es franco-
portugais.
Le fait
inqui~tait Pa~is d'autant plus que les vent~s
de l'Allemagne au Portu~al portaient en partie, à ce moment-là,
sur les mêmes produits que ceux de l'exportation française et
que sa p~n~tration ~conomique avait déjà sérieusement ent;unp
les positions commerciales de la France (1).
Cette si tuation de guerre entre la France et le rortur~al,
qU1 durait depuis vingt ans,
connut un début de solution favo-
rable au début
de l'année 1911, à pe1ne c1nq mois après
la
proclamation de la r~publique. Un modus vivendi commercial
intervint entre les deux pays le 17 février 1911. Cet accord
provisoire, qui
permit d'arrêter la dégradation des échanres
commerciaux,
devait servir de l)r~lude à un traitci de comnlerce
et de navigation plus complet. Ce traité, dont
la né~ociation
avait commencé bien avant celles menées par lp rortu~al avec
l'Allemagne,
ne verra cependant pas le .Jour avant
1 'éclatem~nt
de la guerre.
(1) Hapports du Vice-Consul chargé de la Chancellerie de
lit
Légation de France à Lisbonne, du 11
janvier 1901'\\ et du
7 septembre 1911. ANF/F12 7271.
II - Le recours au ~odu8 Vivendi commercial du 17 février 1911.
Après la dénonciation en 1892 du traité de commerce de
1881, il y eut entre les deux pays d'actifs pourparlers qui
restèrent infructueux (1),
Les né~ociations reprirent cependani
en 1905 sur l'initiative du gouvernement portugais qui offrit,
en échanF.e du tarif minimum français,
le bénéfiG~ de son tarif
conventionnel résultant des conv.ntions conclues avec
ta Russie,
les Pays-Bas et la Norvège.
Mais, le dit tarif conventionnel
portait sur un petit nombre de marchandises, de surcroît dif-
férentes de l'exportation française.
L'offre fut refusée en
conséquence, et,
pendant un certain temps, les né~ociations
tombèrent au point mort (2).
A la suite de la loi portugaise de surtaxe douanière
(septembre 1908) et la signature du traité de commerce avec
l'Allema~ne (JO novembre 1908), le PortuF.al proposa. nouveau
~ la France, le 19 décembre de la mime année, l~ conclusion
d'une convention anal0F.ue à celle passée avec l'Allemagne, et
différente des conventions précédentes par sa relative étendue.
Mais les négociations durèrent encore deux ans,
se heurtant de
part et d'autre à des intérlts fiscaux ou économiques,
Les nérrociations butèrent sur trois questiuns
: les pro-
duits lainiers pour l'exportation française,
les vins et le
cacao pour l'exportation portu~aise. Le problème de la Prance
(1)(2) Rapport au Président de la République sur le Modus
Vivendi commercial franco-portlJ{';ais du 17 février 1'11l.
Journal Officiel du 21 février 1911, p.l 1f29-14JO,ANF'/f'I? F\\<)'J(1
---------------------------
-1)11-
était d'obtenir dans ces négociations un nouvel élargissement
du tableau de la tarification conventionnelle portur;aise qui
avait déjà subi une évolution dans ce sens,
à la faveur de
l'accord avec l'Allemar;ne, mais ne satisfaisait pas pleinement
les exportateurs français.
Le traité r;ermano-portuF,ais était
même considéré par les négociateurs et certains milieux d'affai
res comme un précédent fâcheux par la largesse des concessions
faites au Portueal par l 'Allemar;ne. Aussi cherchèrent-ils plu~
particulièrement à obtenir des concessions pour certains pro-
duits non compris dans la tarification conventionnelle.
Des nombreuses concessions que demandait la France,
celles
portant sur les produits lainiers,furent un des points d'achop-
pement. Ces produits constituaient, à cette époque,
la première
exportation française et occupaient la première place sur le
marché portugais (1). ~lais les portugais étaient opposés aux
réductions dans ce domaine,
non pas seulement pour des raisons
fiscales,
comme c'était le cas généralement, mais en vue de la
protection de leur industrie, car,
sil':nifièrent-ils au ministre
français à Lisbonne, de telles concessions signifieraient la
mort de leur industrie de lainage (2).
En ce qui concerne les ventes portur;aises en France,
les
él~ments de litiges furent les vins et le cacao, de loin les
produits les plus importants en volume et en valeur. Sans doute
faut-il signaler que les négociations eurent à souffrir des
rivalités au Portugal même, entre les F,roupes d'intérêts
(1) Tableau général du Commerce et de la Navieation. Année 1910.
(2) Le ministre de France à Lisbonne à Stephen Pichon, ministre
des Affaires Etranf:ères.
Lisbonne,
'1 janvier 1910, ~'AF;/NSE
cpe 1897-1918, PortuEal, nO)9.
vinicoles d'une part,
et coloniaux de l'autre (1). Les n~~ocia-
tions, au cours des deux années qU1 précédèrent
le modus vivendi
étaient perpétuellement remises en cause selon que le ministère
était dominé,
du m01nS sensible, aux intérêts de
l'un ou de
l'autre r;roupe.
Mais,
si la question des V1ns pouvait trouver des solutions
par l'application du tarif minimum et d'autres arranv,ements -
reconnaissance de la propriété des marques rév,ionales des vins
liquoreux de Porto et de Madère,
p;arantie de protection contre
les fa~sses indications d'origine, etc.
-
moye~n~~t des contre-
parties,
i l n"en était pas de rnême pour le cacao,
produit rinns
les Iles africaines de San Tomé et Principe, et
introduit en
france après transbordement dans les ports du Portup;al conti-
nental ou ceux des Iles adjacentes de ~ladère et des Açores. I,n
vertu d'une
loi qui
soumettait ~ une surtaxe sp6ciale. dite
d'entrep6t,
les prodlJits d'oriRine extra-européenne,
importé~
d'un pays d'Europe,
le cacao portugais s 'acqui ttai t
d'un droi t
de
11~ francs les 100 kilo3rammes, au lieu du tarif llniquc dc
10~ francs appliqué au cacao sud-américain et à celui d'autres
provenances,
introduit par voie directe en France.
Les exigences portugaises furent
par conséquent de deux
ordres
obtenir d'une part l'introduction d'un tarif m1nlmum
sur le cacao a la place du tarif unique,
et de l'autre la
suppression de la surtaxe d' entrepôt.
Mais du côté frança is,
cn
fut
le refus de toute modification du tarif unique et de
surcr6it,
la suppression de la surtaxe d'entrepôt, autant po.,r
(1) Saint-René Taillandinr à Stephen Pichon,
Lisbonne, 25 fé-
vrier 1910. ~~E/NSE cre 1897-1918, PortUGal, n039.
-1 ,0-
'
des considérations fiscales que pour la protection des colonie~
nationales.
L'explication des préoccupations du Portu~al résidait dans
le fait suivant
: la convention commerciale en négociation
devait inclure les îles Madère et les Açores.
Une partie du
cacao portugais qui entrait en France par le port de Funchal
(Madère) et était jusque là soumis au tarif unique de 10', franc~
devait désormais s'acquitter de la surtaxe d'entrepôt et payer
par conséquent 114 francs,
Or,
tout le cacao portu{':ais arrivait
sur le marché français par les ports de Lisbonne et Funchal.
Dans ces conditions,
la convention,
loin de favoriser le cacao,
seul produit à ne pas bénéficier du tarif minimum, allait
a&~raver les conditions de son entrée en France. L'importance
de la question incita les Portu&ais à lier la conclusion d'un
accord à la solution du problème du cacao.
Cette fermeté s'expliquait par le fait que le cacao jouait
un rôle important dans l'économie du Portugal dont la tenue du
change dépendait alors en grande partie du placement de ce
produit sur le marché international. Mais, dans le contexte des
négociations,
les Portugais étaient également dans le besoin
d'améliorer leur position sur le marché français,
le quatrième
de leur cacao après l'Allemagne,
l'Angleterre et les Etats-Unis;
l'échec relatif de la campagne déclenchée en Angleterre contre
le système de la main-d'oeuvre à San Tomé et Principe n'avait
pas suffi à dissiper la hantise dlIn boycott,
international
(1).
(1) Cette campagne s'appuyait sur les rapports des missions
effectuées par Cadbury,
Burt et Swann (The Slavery to-day),
entre 1905 et 1908,
~ San Tomé, Principe et en Angola.
le41its rapports identifiaient les conditions de recr"utement:
de
1.-=1:
nlilin-d'oPlIVT't:'
(-In
Anrr nl.'l
P"t
son
llt:;li_~~t;nn d:1n~
10~.
- l 'il -
La persistance de cette campa~ne maintenait au contraire la
conviction qu'il était nécessaire de prendre des pn;calltions
poyr l'extension des débouchés autres que l'An~leterre.
Les Portugais allaient concentrer leurs efforts sur la
question de la surtaxe d'entrepôt. S'appuyant sur "Les Douane~
Prançaises"
de GeorRes
Pallain
(ouvra~e que nous n'avons paS pli
trol1ver),
les PortuRais ne cess~rent depuis le d~but des n~~n-
ciations, de développer des arguments assez solides. Pouf e"x,
la surtaxe sur les produits extra-européens importés d'un pays
elJrOp~en, en vertu de l'article 2 de ia loi du 11 janviQr lAn~.
ne peut s'appliquer au cacao et autres produits des .1.1(''1 du
Cap Vert, de San Tomé et Principe.
Le. fait que la France n'ait
pas de ligne de naviGation directe entre ses ports et .les dit"s
îles,
soutinrent-ils,
est
une
circonstance exceptionnelle qui
justifie un infléchissement de la r~~le. N'était-ce l'as .le cas,
dans des situations analo~ues, des produits des contrées extra-
européennes qui
ne pouvaient, dans la prati~ue, satisfaire
normalement à l'obligation du transport en droiture 7 Et
1""
Portur,ais de citer, à l'appui de leur th~se, les différents cas
d'exemption de la surtaxe, notamment ceux des tapis perses et
(l-suite de la page 140) . . . îles à celles des esclaves.
Par con-
séquent. recommandait la campagne,
le cacao de San Tomé.
ré-
pU/inant et criminel produit du travail d'esclaves, devrait
être banni des
fabriques anglaises et ne devrait
pas entrer
dans les familles de bonne foi et de conscience. Ce à quoi
les Portugais répondirent (notamment dans 0 cacau de San Tomé.
re ostas ao relatorio da missâo Cadbu
Burtt et Swann nas
prov1nclas de S.Tome et Pr1nclpe et de Angola en 190A
que
c'~tait moins l'excès de sentimentalisme philanthropique
qu'un plan prémédité de préoccupations mercantiles.
Ils si"ni·
fièrent
notamment que ce qU'ils faisaient était pratiqué sur
une vaste échelle par les entreprises de trafic de la main
qui opéraient dans le Rand:
la Witwatersrand Native Labour
Association et la Transvaal f1ines Labour Company. Cf.
James
Il1JFFY, A question of Slavery. pp.lh l, et 149.
Il
n'est pas
sans
intêrêt,
tout proportion r;ardéc.
du point de vue de
llhl,~tn-jre économiaue iîltQ!"'national(~ 0t dt~ l'FIction contro-
et d'autres produits des provlnces turques d 'Asie import,~s d"
Constantinople, des produits de la Russie d'Asie import~s des
ports de la Russie d'Europe, des produits des iles Canaris
importés d'Espagne.
Considérant que la surtaxe ne favorisait,
objectivement, aucun intérêt français de naviF,ation,
ils y
virent une mesure discriminatoire il leur égard, au seul bén":ficf'
des cacaO du Brésil, du Venezuela, de l'Equateur, des Antillf' sel)
Mais la position française resta ferme.
Les pouvoIrs
publics concernés, IOn particulier le ministre des finances,
~taient hostiles à toute modification du tarif uniqlle et de la
surtaxe d'entrepôt.
Cela aurait réduit considérablement
les
rentrées fiscales car, i
titre d'exemple,
sur un total de
2.0/f6.000 francs de droits perçus sur l'importation portll{~ais"
en france pour l'année 1910,
le cacao procurait il lui seul, all
trésor.
1.1)).000 francs,
soit plus de la moitié (2).
I~n décembre 1909, après.~Qcceptation de part et d'autre du
statu quo sur les produits. la,niers et le cacao,
les négocia-
tions furent considérées comme ayant avancé, et les questions
en suspens comme étant réduites pour qU'lIn accord pat interve-
nir ~ bref délai. Mais l'instabilité minist~rielle à Lisbonne
le rendit impossible.
Une année de négociations fut encore
(l-suite de la page 141) ... vers~e de la philanthropie britan-
nique, de rapprocher cette question de celle de l'histoire
de la traite classique des nègres et de son abolition.du xVTI
au XIXe siècle; cf.WILLIAM (Eric), Cnpitalism and Slavery,
Londres,
1964, X-285 p.
; on notera par a111eurs à propos,
que le Bulletin de la Chambre de Commerce franco-portugais de
Paris, de mai 1910, signale que Cadbury est lui-m~m" choco-
latier.
Mémorandum portuGais,
traduction en date du 10 mai 1910 par
la légation de France à Lisbonne.
~1AE/NSE CPC 1,'<97-191·9
Portursal,
n Q )9.
'1'-, h l """"11
n-j'"'.n';''''''''_'l1
dl!
("f':nmt'r"cp;
("1:
de
1:1
Nav,iration.
Ann(~p tQl(l.
nécessaire,
une annee au cours dE' laquelle apparurent de nou-
veaux facteurs et Oll fut remise à l'ordre du jour la question
du cacao,
La France où venait d'être voté un projet de
loi de reV1-
s10n du tari f douanier,
informa en mars 1910 le f>ouve rnement
portur,ais de la m,cessité d'appliquer aux produits portLlr;ais
les nouveaux tarifs 51 un accord n' intervenai t
pas au pins
tôt
(1).
Mais ce
fut elle qU1 eut' à parer un double coup.
La
mise en vigueur à partir du 5 juin 1910 de la convention
r;ermano-portuf>aise,
en instituant un tarif différentiel,
créait
une situation désavantar;euse pour l'exportation française
rar
rapport aux produits allemands.
Cette mise en vir;lIcnr de la
convention décida,
par ailleurs,
le p;ouvernement portur;ais il
promulr;uer un décret fixant au 1er janvier 1911
l'application
de la nouvelle surtaxe douani~re. Un autre fait,
moins imror-
tant,
fut
la sif>nature le 28 juin.
par le Portur:al, d 'I1n tra; tr
de commerce avec les Etats-Unis.
cours de l'été 1910,
le
{,ouvernement portugais,
désireux de faire profiter aux vins
français
le déficit vinicole français,
proposa la signature
d'un modus
vivendi
mais les deux parties ne purent se mettre
d'accord lorsque s'écroula le réf>ime monarchique.
Le (';ouverne-
ment provisoire républicain ajourna par un décret l'application
de
la
surtaxe douani~re. Il en laissa le soin à la flltllre assem-
blée constituante et reprit néanmoins la proposition dtl modus
vivendi.
Ct) Le ministre des Affaires l':tranr;,,res au ministre de F'rance a
Lisbonne,
Paris,
5 mars lQl0, MAE./NS~ ere 1A97-1û1R,
Portllf,a l, . n O )9.
Mais,
si la non-application immddiate de la loi des sur-
taxes permit à la France de négocier dans d'autres conditions
que sous la menace d'un tarif de guerre,
la deuxième menace,
c'est-à-dire le tarif différentiel entre produits français et
allemands, demeurait et faisait sentir ses effets. Les exporta-
tions françaises de cuir et de peaux furent
les premières tOI'-
chées,
si durement que les chambres syndicales -
le Syndicat
Général des cuirs et peaux de France et les Chambres de Commerc<-
d'Annonay et de Millau - en saisïrent les pouvoirs puhlics (1).
Sous leurs pressions,
le ministère des Affaires Etran~ères
intervint auprès du gouvernement portuv,ais pour obtenir, à
titre provisoire,
et jusqu'à ce qu'un accord soit conclu,
l'op-
plication à ces produits de droits réduits, appliqués à ceux
en provenance d'Allemagne (2).
Le Portueal, qUl ne pouvait se priver d'un moyen d'action
aussl important,
refusa. Dès lors,
pour la France,
la q' -stion
de la conclusion du modus vivendi cessa de se résumer r:t Y
l'alternative "la (;uerre ou la paix"(J) avec le Portuf~a], pour
devenir le maintien de ce marché ou sa perte au profit de
l'Allemagne. Le ministre du commerce, dans une lettre à son
homologue des finances,
à la fin de janvi~r 1911, dpvait expli-
quel' en des termes significatifs la nécessité des conceSSlons
tarifaires au Portugal: ..... L'exportation allemande au
Portugal bénéficie d'ores et déjà d'une situation privilégiée
par rapport au commerce français.
Il est par suite, de notre
(1) (2) Le ministre du Commerce et de l'Industrie au ministre
des Finances, 7 décembre 1910, ANF/F12 R990.
(J) Le Travail National, or~ane de l'Association de l'Tndustri"
et de l'Agriculture françaises,
no'n, q octobre t910,
p. r-;n(J,
t\\1\\'P/r<'1/
7()(\\G.
int~r~t imm~diat, de chercher à obtenir. mOlns la balance des
abandons et remises des droits stipulés de part et d'autre,
qu'un traitement d'é~alité par rapport aux autres pays, notam-
ment l'~llemagne. de façon à maintenir les positions enPortu~al
et mime à les faire fructifier"(I).
Au début de février,
le gouvernement portup;ais fit saV01r
que s i l e modus vivendi ne perme etai t
paS au Portuv,a 1 de com-
bler le d~ficit vinicole français,
il perdrait de srln intérit ç).
Cet avertissement remettait, en perspective,
l'ensemble des
acquis des né~ociations en cause. Mi-février, Saint-René
Taillandier télép;raphiait à nouveau à Paris
"Les vins
portu-
r;als,
lassés d'attendre,
s'acheminent vers l'Allemar:ne,
L'intp-
rit de notre accord diminue pour le Portugal et il importe de
se hlter"(J).
La gravité de la situation força le p;ouvernement
français à précipiter la conclusion du modus vivendi
le
17 février 1911
par échange de lettres entre le ministre de
France à Lisbonne et Bernardino Machado. ministre des Affaires
Etrangères du gouvernement provisoire républicain.
Au terme du modus vivendi,
le bénéfice du tarif minimum
français fut accord~. en France et en Algérie, aux marchandises
originaires du Portugal et des Iles de Madère,
porto Santo et
des Açores; en outre.
les produits des Iles africaines de
(1) Le ministre du Commerce et de l'Industrie au ministre des
Finances. Paris, JI
janvier 1911, ANF/FI2 8990.
(2) Télégramme de Saint-René Taillandier à Stephen Pichon.
Lisbonne. 5 février 1911, MAE/NSE CPC 1897-1918. Portur,al.
nOJ9.
(J) T~lép;ramme de Saint-René Taillandier à Stephen Pichon,
Lishonne,
IJ février 1911, MAE/NSF: CPC 1897-1918, Portu,;al,
nO .J9.
Principe, San Tomé et Cap Vert,
importés par le port de Funchal,
en fait essentiellement le cacao, et qui auraient dû, en prin-
C1pe, être soumis à la surtaxe d'entrepôt, furent considérés
comme transportés en droiture. En échanffe,
les marchandises
originaires de France et d'Algérie furent admises au Portugal
et dans les iles adjacentes au bénéfice des droits les plus
réduits du tarif de ce pays et de toutes les réductions accor-
dées aux marchandises étrangères, mises à part les faveurs
exclusives faites au Brésil et à l'Espagne; à ces conceSS10ns
s'ajoutèrent de nouvelles réductions consenties en faveur d'un
certain nombre de marchandises intéressant particulièrement
l'exportation française (1).
Le modus vivendi entra en vigueur le 22 du même mois et
devrait demeurer exécutoire jusqu'à l'établissement d'un traité
complet de commerce. La conclusion du modus vivendi intervenait
après 20 ans de Fouerre des tarifs entre les deux pays. Coinci-
dant avec des chanr;ements politiques au Portugal, elle semblait
par conséquent ouvrir une période nouvelle dans les échanF,es
économiques. Qu'allait-il en être dans les faits?
III -
Les perspectives après le 17 février 1911
la persistance
des difficultés
La conclusion du modus vivendi avait, au niveau commercial
(1) Nova Colecçâode Tratados,
Tome XV,
1911-191J, p.l-II.
-147-
débloqué la situation en crise et écarté une nouvelle détério-
ration.
Le fait de sa sienature sous le réeime républicain fit
escompter que cet accord marquerait le début d'une période de
fructueux échanges. Le ?arti Républicain n'avait-il pas promis
une politique de réformes économiques et plus précisémpnt une
libération du commerce extérieur ?
En fait, dans les trois années qui précédèrent le conflit
mondial,
les perspectives des échanges économiques restèrent
limitées, malgré l'affirmation, de part et d'autre, de la
volonté de développer les relations économiques et l'esquisse
de quelques initiatives dont il est difficile de mesurer la
portée effective, Si le modus vivendi constitua une parade à la
détérioration,
il fut loin de constituer un prélude à un déve-
loppement notoire des échanges pconomiques comme on s'y atten-
dait. Et l'impossibilité de conclure un accord commercial défi-
nitif illustre plus que tout autre fait les difficultés des
rapports économiques entre les deux pays.
Au moment où fut signé le modus vivendi,
les ventes portu-
gaises en France étaient, en valeur (chiffre du Commercer.énéral)
de 14.600.000 francs tandis que celles de France au Portugal
étaient de J4.500.000, soit un solde d'environ 20.000.000 en
faveur de la France. Ces chiffres se caractérisaient par une
(1) Tableau Général du Commerce et de la navigation. Année 1910.
inces~ante fluctuation au fur et à mesure du renforcement du
régime protectionniste dans chacun des deux pays.
L'application du modus vivendi s'accompagna, sans qu'il y
ait toujours des liens de causes à effets (cas de la France), de
sensibles modifications de ces chiffres. Ces modifications ne
se firent pas dans un sens identique pour les deux pays. Comme
l'indique le tableau suivant,
les ventes portugaises montèrent
très rapidement dans les années qui suivirent l'accord commer-
cial,
tandis que le commerce français en direction du Portugal
stagnait.
Le bénéfice du tarif minimum permit le retour en force des
produi ts portueais (en particulier,
sardines,
légumes et vins)
sur le marché français où, depuis vingt ans,
ils étaient fai-
blement représentés du fait de la double action de la concur
rence espagnole et du caractère prohibitif du tariC général
auquel ils étaient soumis ; ce fut dans ces conditions que,
durant les trois années qui précédèrent la guerre, l'exporta-
tion portugaise qui comprenait, en tête,
les produits de la
pêche,
le cacao,
le vin,
le soufre,
les produits lainiers,
les
peaux,
les fr,ti ts,
les légumes et les huiles végétales, pro-
gressa régulièrement. Cette progression diminua de façon sen-
sible le déCicit du commerce portugais, qui passa de 19.000.000
de Cranes en 1910 à 1).700.000 en 1911, 12.700.000 en 1912,
10.)00.000 en 191) (1). La diminution,
i l faut le noter, était
rendue également possible par une stagnation des exportations
françaises.
(1) Cf. tableau ci-dessous.
TABLEAU RESU1'IANT EN VALEUR LES ECHANf;ES COHMERCIAUX DE LA FRANCf
ET DU PORTUGAL (MARCHANDISES PROPREMENT DITES, NOK-COMPRISES
LES NUMERAIRES) DE 1910 à 1914 (1) (EN MILLIONS DE FRANCS)
Année
1910
1911
1912
1913
1914
(1) Etabli à partir du Tableau Général du Commerce et de la
Navi~ation, de 1910 à 1914.
-150-
Pourtant la France avait obtenu des contreparties relati-
vement larges en comparaison de tout ce qui avait été jusque
là concédé par le Portueal aux autres payS.
Outre le tarif
conventionnel découlant des accords passés avec la Norvège,
la
Russie et l'Allemagne, elle avait obtenu la réduction des droits
sur certains produits de son exportation. ~Iais elle fut per-
dante si l'on considère la question strictement du point de vue
des relations bilatérales et des avantages mutuels résultant
de l'accord, Les réductions de tarif sur les produits lainiers
ont été faibles.
L'ensemble des exportations frnnçaises en
direction du Portugal au cours de ces mêmes années 1911, 1912
et 191J, connut une stagnation et même une légère baisse.
Il
s'ensuivit par conséquent une diminution de son excédent com-
mercial sur le Portugal de près de 50 ~.
Comment expliquer la stagnation des ventes françaises alors
que le modus vivendi comportait les plus lar~es concessions
faites par les PortuGais? Outre les mesures fiscales prises
par le gouvernement portugais et dont souffrirent certaines
exportations françaises,
la stagnation semble s'expliquer éF,a-
lement par la forte pression du commerce allemand. Mais cette
stagnation était en même temps un acquis du modus vivendi, dans
la mesure où elle correspondait au maintien du niveau du
commerce français,
justifiant assez largement les points de vue
du ministre du Commerce et celui de certaines chambres syndicales
qui avaient plaidé pour sauvegarder tout au moins le marché,
-----------_•..
-"
_-~------------"-~-------
-151-
à une convention commerciale définitive
Les milieux économiques portugais et français avaient
déploré l'état difficile dans lequel se trouvaient les échan~es
économiques entre les deux pays. Mais les tentatives faites
pour y palier demeurèrent toujours sans lendemain. Ainsi, en
1907, sur l'initiative de quelques hommes d'affaires français
et portugais, se créa à Paris une chambre de commerce franco-
portugaise à laquelle adhérèrent plusieurs collectivit6s corn-
merciales de France et du Portugal, des financiers et des com-
pagnies coloniales à chartes ; la présence du représentant de
la Compagnie de Chemin de Fer de Paris-Orléans et du 'Iidi à la
séance de préparation du IJ juillet 1907 devait permettre de
poser le problème du trafic franco-hispano-portugais, question
importante touchant au dpveloppement des échanges commerciaux U).
En janvier 1910, parut le premier bulletin mensuel de cette
chambre. Mais le bulletin ne dépassa pas le cap de cette année
1910 ; il cessa de paraître à partir de juin, les activités de
la chambre étant restées au niveau des voeux et n'ayant pas
véritablement vu le jour, Le changement politique et la si~na-
turc,
peu de temps après, du modus vivendi firent naître de
nouveaux espoirs, mais les obstacles demeurèrent.
Sur le plan des relations financières,
la chambre syndicale
des a~ents de chanv,e qui jouait un rôle essentiel dans la
(1) Bulletin de la Chambre de Commerce franco- ortugaise.
1ère année, n O l,
JanV1er 1910, p.J-'.
-1 ')2 -
cotation des titres étranffers à la Bourse de Paris, envoya au
Portugal, en 1912, en accord avec la légation de ce pays,
Edmond Théry, directeur de L'Economiste Européen, pour y étudier
les conditions économiques et financières, dans le nouveau
cadre politique (1).
A son retour, Théry devait déclarer à Joâo Chaffas,
le minis-
tre du Portugal, que l'Europe avait "un jugement erronné"(2)
des finances portur;aises. Le rapport publié par la sui te, dans
L'Economiste Européen,
fut des plus favorable au nouveau régime
et à son administration. Après avoir constaté la situation
financière et budGétaire déplorable héritée de la monarchie (J),
Théry explique l'augmentation de la dette flottante par
l'urgence et l'étendue des réformes républicaines.
Il mit notam-
ment en lumière, chiffres à l'appui,
la diminution du déficit
budgétaire, en dépit des dépenses publiques énormes, et l'état
favorable de la balance des paiements (4). En contribuant à réta-
blir dans une certaine mesure le crédit du pays, le rapport était
susceptible de favoriser les opération financières et boursières
intéressant le Portugal et ses échanges économiques avec la
France.
C'est dans un sens analogue que se situa la visite à
Lisbonne en avril 191J d'une délégation de 48 parlementaires et
(1)(2) Lettre adressée au ministère portugais des Affaires
Etrangères par le ministre à Paris. Paris, 9 juillet 1912
MNE!LPP 190.
L'Economiste Européen, nOl08J du 20 septembre 1912, p.J60-
J61 et nOl081 du 27 septembre 1912, p.J94-J95.
L'Economiste Européen, nOl082 du 4 octobre 1912, p.425-426
et nOl08) du Il octobre 1912, p.456-457.
-15J-
hommes d'afTaires du Comité Républicain du Commerce, de l'Indus-
trie et de l'AF,riculture, dirigé par son président, le sénateur
Mascurand, à l'invitation du Conseil Municipal et de l'Associa-
tion commerciale de Lisbonne (1). Le voyage devrait être l'occa-
sion de déterminer la place du Portugal dans les communications
avec l'Afrique du Nord et d'examiner le problème de l'introduc-
tion de la main-d'oeuvre désoeuvrée de Lisbonne au ~·!aroc. pour
la réalisation des projets de construction d'hôtels, de ports
et de chemin de fer (2).
Entretemps,
se poursuivaient, parallèlement à l'application
du modus vivendi, les néF,ociations pour la convention définitive.
Dans un texte complémentaire, annexé à l'accord du 12 février
1911, les deux F,ouvernements s'étaient engaF,és à surmonter les
questions épineuses en suspens. Les engagements portaient sur
l'inclusion dans la future convention de dispositions relatives
à la suppression de la surtaxe d'entrepôt au profit des îles
portugaises d'Afrique, et à la réduction des droits sur des
produits déterminés du commerce français (J) 1 enfin, l'appli-
cation par chaque pays à l'égard des produits vinicoles de
l'autre, de l'arrangement de Madrid du 14 avril 1891 qui inter-
disait l'entrée,
le transit,
le conditionnement et la mise en
vente de tout produit vinicole portant une fausse appellation
d'origine, Cet engagement avait particulièrement pour but de
(1) Le Radical,du 9 avril 1912.
(2) Lettre du ministre du PortuF,al à Paris aux Affaires Etran-
gères à Lisbonne, Paris, 7 avril 191J. MNE/LPP 191.
(J) Les droits que le Portugal s'engageait à réduire portaient
sur les produits lithographiques,
typographiques et d'art
les embarcations et véhicules, appareils et instruments,
vins en bouteille, plusieurs spécialités de laine et de
coton, ouvraee de bois et produits pharmaceutiques.
Lettre
complémentp'ire sur les dispositions de la convention future,
eto eo.r"at"l1r ne> MQehcrdo, m; ""'; c:.t-rp Nil p"nl1vp:rnp.ment orovisoire ..
lutter contre la production et la commercialisation frauduleuse
en France de faux Porto et Madère, et au Portugal contre les
faux Champagne
et Cognac
(t).
En déblayant le terrain,
les deux parties espéraient faci-
liter la conclusion de la convention lors de la reprise des
négociations. Mais celles-ci allaient piétiner, se heurtant à
de nombreux obstacles, Les conséquences de l'application du
modus vivendi, l'évolution défavorable du commerce français en
direction du Portugal, les diverses mesures prises par le ROU-
vernement portugais, le désaveu en France par un large secteur
des milieux économiques des termes du modus vivendi, et bien
d'autres facteurs,
créèrent un climat peu propice à la conclu-
sion d'un traité complet de commerce,
Certaines associations économiques françaises accueillirent
très mal le modus vivendi. Dans un long rapport relatif à
l'accord provisoire émanant du directeur des services économi-
ques de la Fédération des Industriels et Commerçants Français,
et publié peu après la signature du modus vivendi, on pouvait
lire notamment : "Dès que nous avons appris par la presse
anglaise mieux renseignée que la nôtre, que le Portugal propo-
sait la signature d'un modus vivendi en attendant d'établir une
vraie convention,
nous avons exprimé la crainte de quelque
pénible surprise. Aujourd'hui,
l'acte diplomatique est connu et
nous ne pouvons retenir un cri de douloureux étonnement. Nous
avons presque tout concédé et nous n'avons presque rien obtenu,
(J-suite de la page 15J).,.à Saint-René Taillandier, Lisbonne,
17 février 1911. MAE/NSE CPC 1897-1918, Portugal, n040,
(1) ldem de la note (J) page 15J.
Les défenseurs de nos intérêts - le ministre du Commerce et Je
ministre de France au Portugal
doivent se féliciter que
l'ancien président de la commission des douanes de la Chambre
~es Députés, devenu ministre des Finances, se soit rappelé de
l'existence d'un texte permettant de tout régler par décret
sinon,
jamais le Parlement français n'eût accepté un projet de
convention établi sur de telles bases"(l).
Oubliant, ou iF,norant, dans quelles conditions était inter-
venue la conclusion du modus vivendi,
le rapport considéra en
exemple les réductions sur les chassis d'automobiles avec moteur
comme une prime aux favricants portugais de carrosserie.
Dans une note du JO mars au ministre des Affaires Etrangères
le président de la même fédération exprimait son espoir de voir
les négociations se poursuivre et le modus vivendi remplacé par
un accord "défendant mieux les intérêts de notre commerce
d'exportation"(2).
Ces critiques à l'égard du modus vivendi et ces voeux
annonçaient clairement un certain durcissement de l'attitude
des milieux d'affaires face aux négociations dont l'accord,
pour être valable cette fois, devrait ètre ratifié par le Par-
lement. Le modus vivendi, outre qu'il ne satisfaisait pas le
commerce d'exportation comme l'auraient voulu les intéressés,
allait par ailleurs porter préjudice à des secteurs d'activité.
(1) Bulletin de la Fédération des Industriels et Commer ants
França1s,
insere dans ~'lAE ~BE: CPC 1897-1918, Portugal, n040.
(2) Le président de la Fédération des Industriels et Commerçants
Français au ministre des Affaires Etrangères, Paris,
JO mars
1911. ~/NSE crc 1897-19 10, Portugal, n040,
'
-156-
La réduction des droits d'entrée sur les sardines portugaises
entraîna une invasion du marché Crançais (1 l. avec pour consé-
quence dans l'industrie sardinière Crançaise une crise telle
qu'en 1912-1J, il Cut question de la Cermeture des Cabriques (2).
La tension entre les deux pays vint également des mesures prises
par le gouvernement portugais.
En eCCet, les républicains qui, dans l'opposition, tenaient
des promesses sur le Cait de vouloir à la Cois libérer le com-
merce extérieur et développer l'industrie nationale,
ne pou-
vaient plus tenir, une Cois au pouvoir, ces promesses contra-
dictoires, et devaient nécessairement satisCaire les Corces qui
constituaient un appui du régime, à savoir la bourgeoisie portu-
gaise qui avait le plus grand intérêt au développement d'un
nationalisme économique au moyen d'un renCorcement du système
protectionniste; les exigences de l'alimentation du trésor
allaient également expliquer cette tendance
(J).
Le 26 mai 1911, le gouvernement provisoire promulgua un
décret qui interdit la Cabrication des spécialités étrangères,
institua l'apposition d'un timbre de 10 et 50 reis, respective-
ment sur les spécialités pharmaceutiques nationales et étran-
geres ; cette dernière taxe s'étendit également à la parCumerie.
(1) De 850.000 Cranes en 1910, les poissons portugais importés
en France, en Cait essentiellement les sardines en conserve,
passèrent à J.9Jl.000 Cranes en 191J. Sources: Tableau
Général du Commerce et de la Navi~ation - 1910 et 191J.
(2) Lettre du ministre du Portugal à Paris au ministre portugais
des ACCaires Etrangères. Paris, 6 janvier 191J. MNE/LPP 191.
{Jl "Les mesures qui lèsent l'industrie de la pharmacie et de la
parCumerie, écrivait Saint-René Taillandier, maniCestent
d'une part une véritable Cièvre de la Ciscalité qui entraîne
en ce moment l'administration portugaise, et surtout un sen-
timent puissant en ce pays, et que la révolution est venue
aviver, la .lalousie des industriels nationaux contre les •••
•
UGE
: .
=
-157-
Ces mesures qui entraînèrent dans l'immédiat la fermeture des
officines travaillant pour les maisons françaises,
furent
l'objet de vives protestations de la part de la Chambre de
Commerce française de Lisbonne, et des Chambres syndicales de
la parfumerie, de la droguerie et des fabricants de produits
pharmaceutiques de France.
A la requête des représentants de la France qui, prenant en
compte les protestations, firent valoir que les mesures portu-
gaises d'interdiction de fabrication étaient illégales,
le ~ou-
vernement portugais répondit que les victimes du décret ope-
raient à l'ombre d'une tolérance, c'es-à-dire sur le plan juri-
dique, en violation des lois du pays •. Considérant quelques
exemples d'officines touchées et dont les cas avaient été soumis
par la légation de France, les autorités portugaises montrèrent
comment les intéressé$ se couvraient d'une activité quelconque
comme la fabrication de produits chimiques et surtout la repré-
sentation commerciale, pour se livrer à la fabrication des
spéciali tés pharmaceutiques, de sorte q u' ils ne payaient et ne
pouvaient payer aucune contribution pour cette industrie (1).
Les discussions qui ne connurent pas de solution au terme
de l'année 1911, reprirent de plus belle en 1912. Ainsi, en
remettant une nouvelle protestation le 10 janvier 1912, l@
ministre de France jugea nécessaire de l'accompagner de commen-
taires verbaux "propres à faire réfléchir aux inconvénients
(J-suite de la page 156) ••• confrères étrangers". Saint-René
Taillandier au ministre des Affaires Etrangères. Lisbonne,
Il
janvier 1912. MAEjNSE CPC 1897-1918, Portugal, n041.
(1) Le ministre portugais des Affaires Etrangères à Doulcet,
char~é d'affaires de France. Lisbonne, 27 septembre 1911.
HAEjNSE cre 1897-1918,-"-o!".t~~~l, n040.
-15R-
qu'il y aurait pour la République à se montrer, au lendemain
du modus vivendi, plus inhospitalière que ne l'avait été la
monarchie"(I). S'agissant de l'institution du timbre de 50 reis
sur les spécialités, associations proCessionnelles et autorités
Crançaises y virent un droit de douanes déguisé, une taxe
d'importation. Cette taxe, en étant diCCérenticlle pour les
produits nationaux et pour les produits Crançais, violaient les
engagements pris au terme du modus vivendi, et qui interdisaient
toute augmentation des droits sans une dénonciation préalable
de l'accord.
Relativement à la question de l'interdiction de la Cabri-
cation des spécialités pharmaceutiques,
la Chambre Syndicale
des Fabricants des Produits Pharmaceutiques recourrut aux ser-
vices d'un avocat portugais dont i l ressortit de la consulta-
tion que les mesures du Cabinet de Lisbonne étaient illégales ~).
Entretemps, celui-ci avait constitué une commission pour étudier
la question.
La conclusion de ses travaux allait dans le même
sens que celui de l'avocat; i l s'ensuivit une levée de l'in-
terdiction en mai 1912, Cait qui s'ajouta au recul déjà opéré
sur la question de la parCumerie. Cependant,
la loi sur les
spécialités,
loi élaborée à partir des travaux de la commission
et votée un an plus tard,
le 29 juin 191J (J), s ' i l autorisa la
(1) Le ministre de France à Lisbonne au ministre des ACCaires
Etrangères à Paris, Lisbonne, Il
janvier 1912. MAE/NSE CPC
1897-1918, Portugal, n041.
(2) Annexe à la lettre de la Chambre Syndicale des Fabricants de
Produits Pharmaceutiques. Paris, 6 Cévrier 1912. MAE/NSE
CPC 1897-1918, Portugal, n041.
(J) Traduction de la loi du 29 juin 191J. annexée à la lettre du
ministre de France à Lisbonne au Quai d'Orsay. Lisbonne,
19 octobre 191J. MAE/NSE CPC 1897-1918, Portugal, n041.
-159-
fabrication des spécialités étrangères, institua des droits,
considérés par les professionnels comme un impôt prohibitif de
fabrication, et de commercialisation. Règlements désavanta~eux
à tous les égards devaient-ils assurer (1).
Les mesures sur les produits pharmaceutiques n'étaient pas
is olées. Des taxes frappèrent les sacs d'engrais importés de
France,
tandis que la fabrique locale d'Uniâo Fabril qui dépen-
drait de la maison allemande Wei~stein, en était affranchie (2).
Dans le même sens,
la crise de l'industrie des arts graphiques
et lithographiques, du fait de l'invasion des produits allemands
à la faveur de l'application du traité de 190R entre l'Allemagne
et le Portugal,
contraignit le gouvernement portugais à réta-
blir des droits d'importation, ne maintenant la franchise dont
bénéficiaient jusqu'alors les produits français, que pour les
livres.
Les pression~du commerce allemand qui suscitaient des
mesures sur ces derniers produits, affectaient également le
commerce français. Celui-ci faisait difficilement face aux ex
exportateurs allemands qui, outre leurs méthodes efficaces -
commis-voyageurs,
importants services après-vente,
longs délais
de paiement, qualité de l'emballage et des produits (J) -
(1) La Chambre Syndicale des Fabricants des Produits Pharmaceu-
tiques au ministre du Commerce ct de l'Industrie, des Postes
et Télégraphes. Paris, J décembre 191J. MAE/NSE CPC 1897-
1918, Portugal, n041.
(2) Le ministre de France au Quai d'Orsay. Lisbonne,
lJ juillet
1911. MAE/NSE CPC 1897-1918, Portugal, n040.
, ~
(J) Rapport sur les procédés de pénétration de l'Allemagne et
son action économique comparée à celle de la France et de
l'Angleterre, par le consul de France à Porto. Porto, 2 juin
191!1. ANE/F12 8988.
bénéficiaient au Portugal-même de l'appui de
la puissante mai:;on
Warburg du financier Weinstein, représentant, au Portu~al,
d'importantes entreprises;.ndustrielles et commerciales
+
C'est dans ces conditions, qu'en dépit de l'existence d'une
base, en l'occurence de modus viv~ndi, et de l'pngagpmcnt
mutuel pris dans le texte complémentaire relativement aux
concessions respectives à faire,
l'accord définitif ne put
intervenir avant la guerre,
Les négociateurs français durent
prendre en considération les différentes exigences des fabri-
cants et exportateurs dont l'action constitua une vp.ritable
pression qui amena à examiner,
rubrique par rubrique,
les réduc-
tions de droit et les garanties à obtenir du Portugal,
Le modus vivendi continua, par conséquent, à régir les
relations commerciales jusqu'à la fin de la guerre qui appor-
tera d'importantes modifications aux relations économiques entre
les deux pays.
+
+
+
-161-
A la veille de la guerre,
les relations franco-portugaises
portaient sur le problème du partage de l'empire colonial
portugais, sur les échanges économiques et socio-politiques
extra-officiels. Ces domaines - diplomatique, économique et
socio-politique extra-officiel - constituaient autant de champs
de la domination des trois grandes puissances impérialistes
d'Europe,
l'Angleterre, l'Allemagne et la France. En effet,
petit payS économiquement arriéré et possédant un vaste
domaine colonial,
le Portugal'subissait une sorte de trilogie
de la domination: domination politique de l'Angleterre (et
par conséquent dépendance diplomatique à son égard), domination
économique de l'Allemagne, culturelle et idéologique de la
France.
Cette trilogie fut un facteur qui marqua les principales
tendances et l'évolution des relations franco-portugaises.
Facteur de similitude entre les deux pays, exprimés à
travers le phénomène d'identification, la proclamation de la
République au Portugal favorisa le développement des échanges
culturels et idéologiques. Ces relations dans lesquelles la
place tenue par la France fut celle de métropole, revëtirent,
d'un certain point de vue, un caractère formel en face des
réalités de la politique internationale.
En dépit de la confraternité républicaine, la politique du
Quai d'Orsay fut en étroit rapport sinon tributaire du Foreign
Office. Ce fait s'explique par deux réalités complémentaires:
-16:' -
1°_ l'existence de l'Entente Cordiale, donnée diplomatique
fondamentale aux exigences de laquelle la France fait subor-
donner autant que possible son action; 2°_ la reconnaissance
par elle de la prépondérance britannique sur le Portugal,
prépondérance officiellement connue sous le nom d'Alliance.
Cette Alliance, qui était la forme institutionnalisée de la
domination politique de l'Angleterre sur le Portugal, serait
elle-m~me un objet de musée, si elle n'était pas fondée sur
,
des intér~ts précis, stratécriques et économiques de la pre-
mière puissance mondiale qu'était l'Angleterre
position
géographique clé du Portugal et de ses rIes de l'Atlantique
Nord (Madère, Açores), importance économique, militaire et
diplomatique de ·son empire colonial qui faisait l'objet des
convoitises allemandes.
Dans le domaine économique, en particulier commercial, la
France rencontra des obstacles. Ces obstacles étaient dus,
certes à des production identiques aux deux pays, mais surtout
à la concurrence exercée par l'Allemagne qui avait investi
l'économie portugaise au niveau commercial et industriel. Il
en résultait que les relations économiques franco-portugaises
étaient une dimension des rivalités et de l'hostilités franco-
allemandes.
Par ailleurs,
la recherche d'un appui de la France, comme
moyen de trouver une alternative à l'attitude ou à l'action de
l'allié britannique (exemple de la question de la reconnais-
sance diplomatique du régime républicain, problème colonial),
-162 bis-
aura été une constante dans les démarches du gouvernement
portugais en matière de politique extérieure.
C'est sur cet état et ces tendances des relations bila-
térales franco-portugaises qu'éclate le premier conflit
mondial. Quel cours ce dernier allait-il imprimer à ces
relations et quelles allaient en ~tre les données ?
DEUXIEME
PARTIE
~=~:=========~:==============
lES
LHtlTES D' UNE COOPERATION
LES
RELATIONS
DANS
I.E
CADRE DU CONF'LIT MONDIAL
(AOUT
1914 -
NOVEMBRE
lC)l.'l)
INTRODUCTION
LES RELATIONS FRANCO-PORTUGAISES ET lA
PROBLEMATIQUE DE L'INTERVENrION MILITAIRE
PORTUGAISE EN EUROPE
Début août 1914 éclate la première guerre mon-
diale, qui prit au fil des jours, des mois et des années,
le
caractère d'u~ conflit mondial, Elle mit aux prises les prin-
cipaux Etats du monde qui se trouvèrent répartis en deux blocs
d'un côté,
le bloc des empires centraux, comprenant l'Allema~ne,
l'Autriche-Hongrie, que nous désignons aussi du terme de puis-
sances centrales,
alliées à la Turquie; de l'autre, l'Entente
qui compta d'abord la ~'rance, l'Angleterre, la Russie, laSerbie,
la Belgique et plus tard le Japon\\
l'Italie,
les Etats-Unis etc.,
La guerre résultait du choc des impérialismes (1 J.
Elle était le débouché logique des contradictions devenues iné-
luctables, irréductibles et insolubles, entre les principales
puissances, Comme puissance ascendante en quête de sphères
d'influence et de territoires coloniaux, l'Allemagne joua un
rôle essentiel dans l'accumulation de ces contradictions; ses
(1) Nous empruntons cette expres'sion à Georges li, F. Ifallgarten,
dont nous partageons par ailleurs le point de vue dans la
discussion scientifique des causes de la guerre, contenu
dans
: "Le choc des Impérialismes" in Histoire de l'Europe
(ouvrage collectif), Milan, Mazorati, 1962
{4 volumes} t.II,
pp.1095-11J2,
Pour une étude des cas, en matière de politi-
que impérialiste, on se référera à l'ouvrage du même auteur:
Imp6rialismus vor 1914, Munich, Beck, 1951
(2 vol.), qui se
veut une approche théorique et sociologique de la politique
extérieure de" trois nrin"iDflles puissances de l'Europe ...
-165-
visées sur les possessions coloniales portugaises et belrres
constituent de ce point de vue.
l'illustration la plus proche
et la plus vivante. En posant le problème d'un repartage du
monde. en appuyant cette revendication sur des préparatifs de
guerre intenses par le développement d'un puissant potentiel
militaire et naval - ce qui heurtait nécessairement l'hégémonie
britannique ainsi que la France -
l'Allemagne fut le principal
agent de l'accumulation des explosifs (1).
Dans ce conflit qU1. quatre années durant,
non
seulement mobilisa les ressources humaines et matérielles des
belligérants. mais affecta pratiquement toutes les régions du
monde. quel cours prirent les relations entre la France et le
Portugal ?
La France était l'un des principaux champs de
bataille et l'un des belligérants qui reçut les plus rudes coups
du début.
L'inv~.ion d'une partie de son territoire. la réduc-
tion de son potentiel économique.
les pertes subies en hommes et
en matériel. vont faire dépendre largement son effort de guerre
(l-suite de la page 164) ••• Occidentale. la France. l'AnF,leterre
et l'Allemagne.
(1) A propos des contradictions entre les puissances et des pré-
paratifs de guerre. lisons ces propos attribués à un consul
allemand d'un grand port de commerce d'Europe: "Il est pos-
si ble que la guerre, surtout une guerre malhe'Jrcuse amène la
déchéance commerciale de l'Allemagne. mais elle ne l'entraî-
nera pas plus que les reculades diplomatiques. en raison des
conséquences morales et économiques de ces dernières. Le com-
merce et l'industrie souffrent actuellement très durement
des difficultés suscitées de tous les côtés à l'Allemagne.
Il faut les briser par la force si c'est nécessaire et s'ar-
mer en conséquence". Cité par JOFFRE
(Maréchal), ~lémoires.
Paris. 19)2. tome 1. p.88
; on pourra également se référer.
à propos du militarisme allemand. aux extraits d'écrits de
deux idéologues du pangermanisme en matière de guerre
:
KLaUS Wagner (la théorie de la guerre perpétuelle) et
FRIEDRICH Bernhardi
(le pangermanisme intégral et la philo-
snr:hi p
rlp
, "lo
l T I I ( \\ r r p )
; n
~erma(1; ~mn phi·l osophiqve, .. -c
--
-111(,-
des ressources ext~rieures. Aussi, tant pour se procurer ces
diff'rentes ressources, pour obtenir d"ventl~ls concours mili-
taires que pour 'tendre au Portuffal la lutte totale contre
l'Allemagne, elle allait s'int'resser à ce pays. La question
essentielle ' t a i t plutôt celle de l'attitude du Portugal face au
conflit. D'elle d'pendait avant tout la nature et l·'tendue des
rapports entre les deux pays.
Des deux positions, qu'il lui ' t a i t possible
d'adopter,
la neutrali té plus ou moins bienveillante entre
l'Entente,
ou la bellig'rance aux côtés de ce bloc, en raison ct~
sa situation internationale - alliance avec l'Angleterre, con-
voitise allemande sur les colonies -
le Portu~al, après bien des
p'rip'ties, choisira la seconde et interviendra militairement
sur le front occidental à partir de janvier 1917. Cependant, la
problématique des raisons profondes de son engagement militaire
en Europe et du processus de cet enga,";ement nous semble ne pas
avoir eu jusqu'à présent une réponse J'ensemble satisfaisante;
~'
de même,
l'histoire réelle de cet enc~gement, c'est-à-dire les
différentes étapes et les conditions, restent obscures.
L'explication la plus r'pandue quant à cette
intervention. reprend la thèse officielle de l'époque, qui fonde
l'attitude du Portugal sur son alliance avec l'Angleterre. Les
(l-suite de la page 165) . . . 1800 à·.1l914. avec une préface de
Charles Andler, Paris. 1917, 2e Ed •• pp.J78-J92.
Il y a
lieu de préciser notre pensée et notre démarche
nous n'entendons nullement attribuer la responsabilité
morale du conflit à l'Allemagne. Ce débat n'est pas de notre
ressort et de toute façon ne nous intéresse pas : notre
intention est d'éclairer encore plus les conditions histo-
riques qui ont engendré le conflit armé et, dans ces condi-
tions historiques, les facteurs qui ont été déterminants.
-167-
éléments essentiels de cette thèse sont exposés dans le rapport
officiel du gouvernement portugais, publié dans le Diario do
Governo du 17 janvier 1917, peu avant le départ en France des
premières unités combattantes du C.E.P., le Corps Expédition-
naire Portugais.
Comme tous les autres belligérants, le Portugal
attribua à l'Allemagne, c'est-à-dire à l'ennemi, la responsa-
,
bilité de la rupture et de la déclaration de guerre.
Initiative
ou responsabilité?
Le gouvernement portugais exposait en même temps
que depuis le début du conflit, i l n'a cessé d'accomplir les
devoirs imposés par son alliance avec l'Angleterre; i l énuméra,
à l'appui, toute une série d'actes de soutien à l'Entente et de
belligérance de fait contre l'Allemagne. Abordant les raisons
de l'engagement militaire, i l considéra la guerre comme étant
"une guerre fondamentalement d'alliance" (1 ), Selon le rapport,
les différentes nations y ont été entraînées par le jeu de leur
alliance.
"Pratiquement", y lit-on en effet, "toutes ces nations
n'ont rien avec la question initiale du conflit. Elles luttent
parce qu'elles comprennent que sans ces alliances, leur exis-
tence peut d'un moment à l'autre péricliter"(2).
Le caractère mondial de la guerre et sa tendance
à renforcer le phénomène d'adhésion à l'un des blocs de puis-
sances, les données de la situation internationale du Portup,al
peuvent faire facilement accréditer cette thèse qui fait de
(1)(2) Rapport de la Présidence du Conseil des ministres de la
République portugaise, Diario do Governo, 17 janvier191~
pp "'1_~
-168-
l'alliance anglaise les raisons de l'intervention portu~aise.
Certes,
l'alliance avec l'Angleterre est une
donnée constante dans l'histoire de l'intervention du Portugal
en raison de sa Conction de guide oCCiciel de politique exté-
rieure depuis des siècles. Mais elle ne semble pas avoir été en
soi la cause déterminante de son intervention. Il nous apparaît
plutôt qu'elle en a été le prétexte et qu'il Caudrait chercher
ailleurs l'explication du choix portu~ais.
En évoquant l'existence qui peut d'un moment à
l'autre péricliter sans les alliances,
le gouvernement portugais
songe sans doute aux possessions coloniales dont l'instrument
essentiel de déCense est,
théoriquement, l'alliance avec
l'Angleterre. Mais en quoi mener la guerre en Europe auprès de
l'allié britannique était-il nécessaire à la préservation de
l'Angola ou du Mozambique?
Le gouvernement britannique avait promis sa
protection, et demandé au Portugal de se tenir à l'écart du
conClit, du moins oCCiciellement,au niveau européen.
Par
ailleurs, la guerre aux colonies s'cst déroulée depuis octobre
1914, sans qu'il y ait eu rupture avec. l'Allemagne et au moment
où celle-ci se produisait,
le danger était largement écarté.
Le général Botha avait obtenu la reddition des troupes alle-
mandes du Sud-Ouest aCricain, tandis que dans l'Est africain,
la situation militaire avait été largement redressée.
-161)-
Comment donc expliquer que le Portugal ait voulu
intervenir à tout prix en Europe ?
La réponse à cette question nous semble résider
dans une hypothèse que nous empruntons à Arthur Ribeiro Lopes
qui écrit à propos de la motivation des gouvernants portugais
"Ils redoutaient que l'Angleterre, signataire de la convention
secrète avec l'Allemagne pour le partage des colonies portugai-
ses, que l'Angleterre des traités de Lourenço }1arquès, de
l'ultimatum et des pourparlers coloniaux de 191J, ivre de la
victoire, absorbât définitivement toutes les colonies portu-
ga1ses ou en fit un appât pour une paix prématurée"(1 J. Cette
hypothèse, dont nous n'avons pas les moyens de vérification, mais
que nous essayons d'enrichir, et particulièrement son second
aspect, nous semble être la seule susceptible de répondre à la
problématique de l'intervention portugaise; elle seule, en
effet, est susceptible de pouvoir expliquer à la fois l'insis-
tance du Portugal à intervenir militairement en Europe, et le
continuel refus britannique de ce concours.
La préoccupation n'était pas nouvelle. Déjà, à
l'occasion des guerres balkaniques,
certains milieux portugais
s'étaient interrogés sur l'avenir et la place de leur pays et
du domaine colonial, au cas où éclaterait la conflagration
mondiale qui s'annonçait manifestement à l'horizon; ainsi,
pourrait-on lire dans le Século d'octobre 1912 ces lignes signi-
ficatives
" ••• Et nous ? Quel rôle peut nous échoir dans le
(1) LO~S (A.Ribeiro), Histoire de la République portugaise,
Par1s, Les Oeuvres França1ses, 19J9, pp.189-190. Rappelons
que l'auteur ne fonde son assertion, ni sur des faits,
ni
sur des références. Aussi maintenons-nous l'idée d'hypothèse.
-170-
conflit? Jusqu'à quel point pouvons-nous en ressentir l0s
conséquences? L'Alliance avec l'Angleterre peut nous englober
dans la conflagration qui s'annonce.
Possesseur de domaines
convoités par beaucoup,
le Portugal peut être dans la guerre à
venir, et les arrangements qui s'ensuivront, non chair à canon,
mais chair à compensation, et cette situation est d'autant plus
grave qu' i 1 est indéniable que la crise nous trouve désarmés" (1). ;
La guerre reposait la question avec plus
d'acuité, En effet, relativement au refus du gouvernement bri-
tannique et à un "mauvais coup" éventue l de la part de ce pays,
les autorités portugaises n'étaient pas indifférentes aux pro-
pos quJ. accompagnaient le cliquetis des armes.
La publication
dans le Livre Blanc portugais, comme texte officie l
composant
l'histoire de l'intervention, d'une interview du ministre fran-
çais des Affaires Etrangères Delcassé au Corriere de la Sera
nous semble assez révélatrice. Dans cette interview transmise
par Joâo Chagas à Freire de Andrade, ministre des Affaires
Etrangères portugais,
le 24 août 1914, Delcassé déclara notam-
ment au quotidien milanais
: "Je crois que la carte de l'Europe
sera remaniée pour un siècle. Le prochain congrès aura à accom-
plir une tâche plus grave et plus longue que celle des di plo-
mates réunis après Waterloo.
La distribution des bénéfices sera
proportionnée aux sacrifices et la part de chacun sera propor-
tionnelle aux efforts, chacun recevra selon son apport"(Z). Il
est évident que,
comme à Vienne, et encore plus, les modifica-
Principaux passages d'un article du Século reproduit dans la
lettre du chargé d'Affaires de France à son Ex. Raymond
Poincaré, Président du Conseil, ministre des Affaires Etran-
gères, Lisbonne, 19 octobre 1912. MAE/NSE CPC 1897-1918,
Portugal, nO)).
(2 ) ~1NE/Portur:al no conflito Europeu. 1ère partie, 1er août 191 11
_ _
A
• •
l a i ,
h"~
-171-
tions des cartcs et la distribution des bénéfices s'étendent
aux sphères d'influcnce et aux territoires coloniaux.
De tels propos ne pouvaient que faire résonner
le précédent des accords secrets anglo-allemand, car si
l'Allemagne en a été à l'origine, ceux-ci n'ont été possiblcs
qu'avcc la complicité de l'Angleterre qui a voulu préserver ses
intér~ts dans sa rivalité avec l'Allemagne. Or, le contexte de
la guerre se pr~tait à de nouveaux marchandages de ce genre.
Expliquant l'attitude britannique face au pro-
blème de la position internationale du Portugal dans la guerre,
une attitude qui fut en réalité, pendant longtemps, celle du
refus de l'offre de concours portugais, Sir Edward Crey évoque
les risques d'attaques navales allemandes contre les colonies et
le commerce portugais dont la protection constituerait des
charges supplémentaires pour la flotte britannique (1). Cet
argument ne pouvait ~tre valable que pour la période précédant
la rupture germano-portugaise. Or, le refus du gouvernement
britannique s'est maintenu après la rupture.
L'acceptation, dans les conditions que nous
verrons plus loin,
tant du principe de la coopération que de
celui des dépenses relatives aux troupes portugaises en Europe,
constitue, à posteriori, une réfutation des arguments britan-
niques basés sur le péril naval allemand et sur la crainte d'une
charge supplémentaire.
(1) CREY (Sir Edward), Twenty five years 1892-1916, New-York,
19J5, Vol.II,
p.2JJ.
-172-
En refusant le concours militaire du Portugal
depuis le début de la guerre, et après sa rupture avec
l'Allemagne, l'Angleterre voulait le tenir à l'écart de la par-
tie européenne du conflit, et qui allait décider de l'essentiel.
Dans quelle mesure, ce faisant, le gouvernement anglais
n'entendait-il pas conserver vis-à-vis du Portugal, une liberté
d'action et par conséquent, rendre disponible à tout moment cet
instrument de réserve diplomatique, cette monnaie d'échange
qu'a toujours constitué l'empire colonial portugais?
L'utilisation de celui-ci dans la recherche d'une
paix de compromis avec l'Allemagne dans la guerre en cours,
comme ce fut le cas dans le passé à propos d'autres questions,
aurait été rendu difficile, sinon impossible par une partici-
pation militaire portugaise en Europe, Telle nous semble être
l'explication de l'attitude-britannique aussi bien que de celle
du Portu"al dont l'intervention militaire, aussi contradictoire
que ceLQ puisse paraître, et contrairement aux proclamations,
était beaucoup plus dirigée contre sa propre alliée l'Angleterre
que contre l'Allemagne,
Les milieux dirigeants portugais proclamaient
agir en vertu de l'Alliance, mais n'hésitaient pas à faire
connaître le fond de leurs préoccupations quand l'occasion se
présentait. Norton de Mattos, un ancien gouverneur d'Angola,
ministre de la guerre et principal organisateur du Corps Expé-
ditionnaire Portugais ne déclara-t-il pas aux officiers de la
mission militaire française
: "C'est le sort de nos colonies
qui est en jeu, et nos colonies, c'est l'avenir du Portugal en
même que son passé. Sans nos colonies, que sommes-nous, un tout
petit pays sans force par lui-même et destiné un jour ou l'autre
à être absorbé par l'Espagne"(l).
Mais, à partir de ce facteur de base, entrèrent
également en ligne de compte d'autres facteurs,
tels que le
besoin d'affermissement du régime républicain et de sa consé-
cration internationale, le poids de la situation de luttes
partidaires et sociales.
Après ce que nous considérons comme l'explication
possible de l'attitude de l'Angleterre et du Portugal, reste la
question suivante: comment, en dépit de la position résolue
de l'Angleterre, antérieurement et postérieurement à la rupture
germano-portugaise, le gouvernement portugais ait pu entrer
dans la guerre européenne ?
C'est ici qu'interviennent l'action et les
besoins de
la
France. En effet, la conjugaison de deux éléments,
les besoins de la France et sa politique vis-à-vis du Portugal
d'une part, la volonté de participation de celui-ci de l'autre,
ont permis l'intervention militaire portugaise.
La France exprima, à différents moments du
conf'lit, des besoins vis-à-vis du Portugal dont, à l'inverse de
l'Angleterre, elle avait peu de raison de voir retarder l'inter-
vention.
Le Portugal, quant à lui, prit appui sur les demandes
(1) Le Lieutenant Colonel ,Togal Paris au Commandant en chef et
au ministre de la Guerre.
Lisbonne,
5 septembre 1916.
SHA/16N 2 982 •
formulées par la France pour sortir de la situation dans
laquelle l'Angleterre entendait le maintenir. Du projet de la
création d'une division auxiliaire portu~aise au début du
conflit (octobre - décembre 1914) à l'envoi du Corps Expédition-
naire en France en janvier 1917 en passant par la rupture du
9 mars 1916,
les demandes de la France et son attitude devaient
être des facteurs importants de modification de l'attitude
britannique.
Ainsi les relations entre les deux pays
n'échappèrent pas aux réalités du conflit. Au contraire, elles
s'intensifièrent par le développement de multiples formes
d'échanges et de coopération dans les limites autorisées par
la situation internationale du Portugal.
CHAPITRE l
-
LE PORTUGAL,
LA FRANCE BT LE CONFLIT ~10NDIAL
D'AOUT 191 Il A ~1ARS 1916 : DE LA NEUTRALI'ill HOSTILE
DU PORTUGAL A SA RUPTUHE AVEC L'ALŒ~lACNE
Presque deux années séparèrent le déclenchement
des hostilités en Europe de la rupture des empires centraux
d'avec le Portugal, en mars 1916. La po~ition internatio~le de
ce dernier au cours de ces deux années rut, en dépit du désir
manireste d'entrer dans la ~uerre, et de la situation aux colo-
nies, une position des plus ambiguës
: ni belligérance déclarée,
ni neutralité déclarée, Cette position était inspirée des
recommandations de la puissance de tutelle, l'Angleterre.
La France, bien qu'intéressée à divers titres par
ce pays,
n'eut pas, dans l'immédiat, de positiol'l indépendante
de celle de l'Anglete~re.
Cependant, elle eut à rormuler les besoins précis
pour mener à bien son erfort de guerre. Et comme nous l'écri-
vions dans l'introduction à la présente partie,
le Portugal
s'en saisit dans sa marche vers la belligérance. C'est là un
aspect très peu connu de l'histoire dipiomatique de la guerre
et du processus d'intervention du Portugal. Ni les acteurs de
l'époque, en particulier Sir Edward Crey dans ses mémoires (1)
GREY
(Sir Edward), Twenty rive rears 1A92-1916, New-York,
1925, 2 vol., la version frança1se en un seul volume est
~lémoires, Paris, Fayot, 1927, 59Tp. Les conditions de
trava11 expliquent que nous ayons utilisé tantôt la •••
-176-
ni ceux qU1, comme Albert Pingaud, se sont intéressés de près a
la question,
n'en rendent compte; pourtant, ce dernier, en
écrivant l'histoire de l'intervention portugaise, entendait
"combler une 1acune"(I) dans la connaissance de l'histoire de
la guerre.
L'attitude et les besoins de la France ont pour-
tant constitué un facteur à propos duquel on peut se demander
quelle aurait pu être en définitive, sans son intervention,
la
position du Portugal, une position qui fut, au début celle de
l'équilibre entre la volonté de belligérance et le refus bri-
tannique d'offre de concours.
l
- Le Portugal et la guerre: entre les velléités de
belligérance et le refus britannique de l'offre de
concours portugais.
Lorsque le conflit éclata, le Portugal prit le parti de
l'Entente. Cette attitude s'illustra à la fois par des manifes-
tations organisées par les milieux favorables à l'Entente et
par des prises de positions officielles dans le même sens. Dans
les faits,
la position internationale du Portugal allait être
celle de l'ambiguïté.
(1-suite de la page 175) •••version anglaise, tantôt la traduc-
tion française.
(1) PINGAUD (Albert), "L'intervention portugaise dans la guerre
mondiale" in Revue d'Histoire diplomatigue, 19J5, p.J22.
..------------_._-------------_.__._----_._._---_.---_..-
-177-
D~s les premiers jours d'aoGt 1914, les forces politiques
et sociales favorables aux alliés, et les seules à apparaître
publiquement, organisent d'importantes manifestations tant à
Lisbonne que dans les principales villes du pays. De bruyantes
démonstrations de solidarité et de sympathie sont faites devant
les légations de France et de Belgique. Ces manifestations
jou~rent un rôle certain dans ce qui fut la premi~re prise de
position officielle et qui, comme cela était prévisible, fut
favorable à l'Entente.
En effet, d~s le 1er aoGt, dans un message au Cabinet bri-
tannique,
le gouvernement portugais réaffirme sa fidélité à
l'Alliance avec l'Angleterre et demande au Foreign Office de
lui faire connaître l'attitude sur laquelle i l entend ré~ler
la sienne (1). En attendant les délibérations du Cabinet sur la
question, vu les complications de la situation internationale
et l'insistance du Portugal,
le sous-secrétaire d'Etat Sir Eyre
Crowe transmet,
le 3 aoGt, au ministre du Portugal Teixeira
Gomes, une réponse provisoire de Sir Edward Crey.
Le secrétaire
au Foreign Office demande au gouvernement portugais de s'abste-
nir pour le moment de toute déclaration de neutralité
(2).
Le 4 août,
le gouvernement britannique transmet sa réponse qui
comportait deux points essentiels: 1°_ promesse d'assistance
au Portugal conformément à l'Alliance pour le cas où i l serait
attaqué par l'Allemagne sur ses côtes ou aux colonies
2°_ recommandations de ne .pas faire de déclaration de neutralité
(1) PINCAUD (Albert), Histoire di~lomatique de la France pendant
la grande ~uerre, Paris, Edit10ns Alsat1a, 1938, tome l,
pp.64-65.
(2) }lNE/Portulpl no conflito, p.5.
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a.
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w•.
-
-171'-
arin de ~arder Sa pleine liberté d'action pour l'avenir (r).
Ainsi, dès les premiers jours, le Portugal se trouvait
maintenu, par la volonté de l'Angleterre, dans une position
qu'il était théoriquement impossible de dérinir sur le plan du
droit international.
Mais lorsque le 7 août,
le congrès de la République se
réunit en séance extraordinaire arin d'examiner la situation,
l'exaltation patriotique rut si vive que le Président du Conseil
Bernardino Machado conrorma son langage à l'ambiance du moment
sans tenir compte des déclarations initialement prévues et dont
le texte avait été arrêté d'accord avec la légation britanni-
que (2).
Dépassant donc SeS intentions primitives,
le Président du
Conseil rut amené à présenter une demande des pleins pouvoirs,
voté par acclamation sur-le-champs (J), comme si la rupture
était consommée avec l'Allemagne et la guerre déclarée. Il ral-
lut intervenir pour que la presse rapportât les paroles, non
telles qu'elles ont été entendues, mais telles que le Président
du Conseil aurait d~ les prononcer; ne parut donc ,en dérinitive
dans la presse et ne rut communiqué aux représentants de
l'Entente, qu'un texte qui rut une réarrirmation de la ridélité
du Portugal à l'Alliance avec l'Angleterre, accompa~née de
l'oi'i're de "se mettre à ses côtés sans aucune restriction" (II).
(1) MNE/Portugal no conrlito, pp,6-7.
(2) PINGAUD (Albert), op.cit., tome l, p.65.
(J) PINGAUD (Albert), op.cit., tome l, pp.65-66.
(4) Idem, p.66.
- - -.._-_._----------------
-179-
A partir de cette date,
le pays vécut dans l'attente d'une
décision. Aux bruyantes manif'estations des premiers jours suc-
cédèrent une fausse situation et une atmosphère de nervosité.
Le ~ouvernement ne pouvait rien décider sans le feu vert de
l'An~leterre. Or celle-ci, en réponse à l'offre portugaise, se
contenta d'adresser des remerciements
(1) et de recommander une
position d'expectative. Dans SeS mémoires, Sir Edward Grey, qui
ne mentionne pas la proposition formelle du Portugal, mais
écrit avoir eu l'impression que le pays aurait été prêt, à la
demande du Cabinet, à Se ranger aux côtés de l'Angleterre à
titre d'allié, rapporte qu'il leur apparut peu raisonnable
d'exposer le Portugal aux risques de ~uerre à moins que les
autorités militaires et navales considérassent cette interven-
tion comme utile
l
i l ajoute que le commerce portugais et les
colonies souf'friraient des attaques navales allemandes et que
l'effort de protection nécessaire constituerait un fardeau
supplémentaire pour la flotte britannique (2).
Les Britanniques n'étaient pas les seuls à s'opposer à
l'intervention portugaise. Le ministre de la Russie, Botkine,
l'aurait considéré comme une lourde charge pour l'Entente, et
aurait,
pour qu'elle fut évitée, insinué au gouvernement espa-
gnol que la cession de la Galice serait le prix promis par la
France au Portugal pour son intervention ()).
Situation ambigu~ et embarrassante pour les diplomates
portugais que celle de ni guerre déclarée,
ni neutralité
(1) PINGAUD (Albert), op.cit., p.66.
(2) GREY (Sir Edward), op.cit., Vol.II, p.2)).
()) PINr.AUD (Albert), op.dt.,
tome 1, p.67.
-180-
déclarée.
Faute de position officielle définie,
ils ne pouvaient
rien notifier aux Gouvernements étrangers auprès desquels ils
étaient accrédités.
Mais si la position officielle n'était pas définie, des
mesures prises par le gouvernement portugais étaient manifes-
tement des actes d'hostilités vis-à-vis de l'un des blocs de
belligérants, vis-à-vis de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie.
Le Portugal manqua délibérément d"appliquer en bonne et due
forme les règles du droit international en matière de neutra-
lité maritime. Alors que les navires allemands et austro-
hongrois, surpris par la guerre, se voyaient bloqués et internés
dans les ports portugais de la métropole et des colonies,
les
navires de l'Entente jouissaient de toute liberté de séjour,
de ravitaillement et de circulation,
Un autre ~este plus grave et difficilement compatible avec
les obligations de la neutralité eut pour cadre l'Afrique. Les
colonies africaines du Portugal,
l'Angola et le ~ozambique,
étaient limitrophes à la fois de celles de l'Allemagne et de
l'Angleterre, Leur utilisation par l'une ou l'autre belligérante
offrirai t
des faci li tés quant au mouvement de ses troupes. C'es't
ainsi que le Portugal, à la demande du gouvernement britannique,
accorda,
le 12 août, le droit de passage, à travers le
Mozambique, aux troupes britanniques qui allaient assurer la
défense du Nyassaland, et 'combattre les forces allemandes du
Tanganyka (1). Un peu plus tard, le 22 août, le gouvernement
britannique dut accepter de la part du Portugal une offre de
concours militaire dans cette région pour le cas où la situation
(1)
PTNr.ATm
(Alhert.L .!l"dt ..
tome n.. 0.212.
y deviendrait critique (1),
Au début de décembre 1914, une véritable guerre va opposer
les troupes allemandes et portugaises à la frontière de l'Angola
et du Sud-Ouest africain allemand, ce qui va nécessiter, de la
part du gouvernement portugais, l'envoi de troupes, ~:ais lcs
événements aux colonies n'allaient pas influencer le problème
de la position internationale du Portugal et de sa participa-
tion à la guerre en Europe,
Le statu-quo, cn ce qU1 concerne la position du Portugal,
allait certainement se maintenir si, en France, les premièrc~
opérations militaires, et surtout la retraite qui précéda la
bataille de la Marne, n'avait pas causé d'importantes pertes en
matériel d'artillerie et crée la nécessité de demander des
canons dont disposait le Portugal, La demande française offrit
au !"ouvernement portugais une occasion pour sortir de la posi-
• '..>~
t10n où le maintenait l'Angleterre, Telle fut l'origine réelle
de cc que Albert Pingaud appelle "l'alerte d'octobrc"(2),
II - La rrenèse de l'alerte d'octobre 1914, De la demande
française dc canon au projet de création d'une division
auxiliaire portugaise (septembre -
novembre 1914)
Très tôt, les autorités françaises s'intéressèrent au
(1) PINGAUD (Albert),
op.cit.,
tome II,
pp,212-213.
(2) PINGAUD (Albert), op.cit., tome II, p.213.
Portugal. Les démonstrations en faveur de l'Entente et les
sympathies particulières exprimées envers la France dans ce
pays ne les laissèrent pas indifférentes. Peu après la séance
extraordinaire du Congrès,
le Président du Conseil, Bernardino
:'Iachado, avait fait part au ministre de France du désir du
Portugal de prendre une part active au conflit par l'envoi de
60.000 hommes au front européen (1). Mais, en l'absence d'une
ligne diplomatique propre, indépendante de celle du Cabinet
anglais, l'attention portée à ce pays se limita à déceler les
possibilités qu'il pouvait offrir pour l'effort de guerre en
France. C'est dans ce cadre que se posa la question des canons,
en septembre 1914.
Les premières opérations militaires et surtout la retraite
qui précéda la bataille de la Marne, causèrent des pertes de
matériel et, précisément, un déficit en matériel d'artillerie ~).
Or le plan de mobilisation ne prévoyait la fabrication d'aucun
canon ni d'aucunecaisson (J). D'ailleurs, i l ressortira des
premiers échanges entre le ministère de la Guerre et le haut-
commandement, que la,reprise des fabrications donnerait des
résultats trop tardifs pour pouvoir être envisagée (4). La
recherche de solutions immédiates au problème du déficit de
l'artillerie de campagne
conduisit les autorités françaises a
envisager l'acquisition des J2 batteries du canon de 75, de
fabrication française et dont dispose le Portugal (5).
(1) Le ministre de France au Portugal au Quai d'Orsay,
Lisbonne,
14 ao~t 1914. MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, n06J7.
(2)(J) JOFFRE (MaréChal J.J.C.), Mémoires, Paris, Plon, 19J2,
tome II, p.8.
(4) JOFFRE (Maréchal J.J.C.), op.cit., tome II, p.9.
(S) Le ministre des Affaires Etrang~rcs au ministre de France à
LiSbonne,
Paris, 10 septembre 1914. ~~E/NSE Guerre 14-1A,
J.'OYC&..ïci= 1 ~:'~}-
-II1J-
La dépendance de ce dernier par rapport à l'AnF,leterre ne per-
mettait pas à la France, de mener, relativement à une telle
question, une démarche qui n'ait pas l'appui de Londres,
C'est donc rort de l'assurance du gouvernement britannique
d'appuyer ses démarches, que le F,ouvernement rrançais rit, par
les soins du ministre à Lisbonne, la demande de cession de tout
ou partie des J2 batteries achetées en 1905 au Creusot et
,
restées inutilisées dans les arsenaux portugais,
Mais une réalité allait vite se révéler.
La demande fran-
çaise de matériel d'artillerie tendit à servir, en quelque
sorte, de cheval de Troie au gouvernement portugais pour son
intervention dans la guerre.
Le Cabinet de Lisbonne en effet
répondi t
ravorablement à la demande rrançaise, mais ajouta qu' à
cause du sentiment populaire, i l ne pouvait donner les canons
qu'avec les soldats et 1<,,, orriciers qui les servaient: il
fera par la suite la p1oposition de céder 10 chevaux qu'accom-
pagneraient 600 hommes (1).
Au ministère français de la Guerre, la première réaction
fut la réticence en raison des longs délais qu'entraînerait
l'envoi des hommes. En revanche,
1 'Eta t-~Iajor, consul té à ce
sujet, acquiesça :
le maniement des armes en question étant
délicat,
leur rendement dépendait essentiellement des officiers
et des hommes qui les utiliseraient. De Sel" côté, paradoxale-
ment,
le Foreign Orrice fut d'avis que, vu l'importance et
_ _
è
~
(1) Le ministre des Afraires Etrangères à l'ambassadeur rte
France à Londre:;, 19 septembre 1914. a<\\E/NSE Cuerre l!l-lR,
Portugal,
n06J7.
l'urgence de la question, i l fallait accepter les conditions
portugaises (1).
Telle fut la v~ritable gen~se de l'alerte d'octobre 191~,
c'est-à-dire le projet d'envoi d'une division auxiliaire portu-
ga1se au front occidental.
La question des canons ouvrit en
effet au Portugal l'occasion de r~clamer q.,e l'Angleterrc fasse
appel à l'ex~cution des enga~ements de l'Alliance, c'est-à-dire
qu'officiellement le concours por,tugais soit sollicité. J.'expli-
cation que Sir Edward Grey donne de cette exigence et selon
laquelle le Portu[,a 1 désirai t, avant de sc d~partir dc sa nCll-
tralit' -
c'est-à-dire livrer des canons à des bellig6I~nts -
s'assurer de tous les statuts d'un alli~, n'cxprime pas tOlite
la r~alité ; il ne s 'agis sai t
pas seulement de livrer rl"s C'HlOns.
De même,
contrairement à ce qu'il rapporte,
la r~ponse britan-
nique ne donna pas lieu immédiatement à l'entrée en guerre
du Portugal (2).
Le processus de cette entrée fut plus complexe et plus
long. La démarche du gouvernement portugais à partir du pro-
bl~me des canons, s'inscrivait dans la perspective d'une parti-
cipation effective à la guerre sous forme d'envoi d'unit~s au
front européen. C'est ce qui explique qu'au moment Otl les
hommes et les canons étaient attendus en France,
il fit un nou-
veau pas, en posant de nouvelles conditions.
Fort des premières conceSS10ns des Alliés,
le gouvernement
(1) Télégramme de l'ambassadeur à Londres au Quai d'Orsay,
Londres, 21
septembre 1914, NAE(NSE Cuerre l~-1il, Portugal
n06J7.
(2) GREY (Sir Edward),
op.cit., Vol.II, p.2JJ.
-lR5-
portugais. par les soins du ministre de la Guerre,
fit savoir
que l'envoi de l'artillerie seule serait considérée com~e une
marque de dédain pour les autres armes et provoquerait, dans
l'armée. des mécontentements et peut-être des désordres, dont
les monarchistes pourraient tirer parti. Il proposa par cons6-
quent l'envoi de l'artillerie avec les unités correspondantes
de cavalerie et d'infanterie (1).
Cela ferait plus de deux divisions, estimait le ministre
de France. Après de nombreuses discussions entre les ministres
de l'Angleterre et de France et le ministre portuGais de la
Guerre,
ce dernier accepta de n'envoyer qu'une division avec
12 batteries à quatre pièces et de donner un certain nombre
de canons (2).
~ais il ressortit des informations recueillies par le
colone 1 Ti lli on.
l'a ttach6 mili taire de France à :;..drid et
chareé du poste de LisbO~,Ile' que le canon de 75 portul;ais ne
tirait pas les mêmes cartouches que celui en usa~e dans l'armée
française.
La cartouche employée par celle-ci était plus lonr,ue,
le projectile plus léger.
tandis que la rayure du canon était
différente (J).
Le ministre à Lisbonne suggéra donc que des
renseignements techniques soient pris auprès de la direction de
l'artillerie et auprès du fabricant.
le Creusot. afin de juger
de l'opportunité de la poursuite des démarches (4), ~Iais le
gouvernement britannique fit savoir qu'il jugeait préférable ~e
(1)(2) Le ministre de France au Portugal au quai d'Orsay.
Lisbonne. 2 11 septembre 1914. NAEjNSE Guerre 111-18,
Portueal, n06J7.
(J)(4) Le ministre de France au Portugal au quai ct'Orsay.
Lisbonne, 26 septembre 1914. MAE/tBE Guerre 14-1R.
Portu({al. n0637.
---_._-_.~
suspendre jusqu'à nouvel ordre toute démarche concernant
l'intervention de l'armée portUf.raise (1).
Les autori t,:s fral1-
çaises n'abandonneront pas pour autant l'idée du concours
matériel du Portu~al.
Elles envisageront la fabrication,
à l'arsenal oe Li sbllnne.
des munitions et des accessoires adaptés aux canons portugais
;
des démarches précises à ce sujet seront menées par le ministre
de France. ~lais ce dernier const~tera à la mi-octobre la diffi-
cul té d'obtenir une réponse concrète de la part du [:ouvernement
Portui;ais.
"De mon côté, écrira-t-il le 16 octobre.
je parle
chaque jour des Canons et chaque jour on me répond qu'on les
prépare, mais
je ne peux pas trop insister que le Portugal
prate son concours"(2).
En fait,
les préoccupations portugaises n'étaient pas les
m~mes que celles des autorités françaises. Lisbonne entendait
tirer au clair la question de Son intervention militaire en
Europe à commencer par la définition de sa position interna-
tionale dans des conditions précises. Tel est le sens de la
nouvelle exigence du Portugal, dont le ministre des Affaires
Etrangères, Freire de Andrade, avait remis, le 1er octobre, au
représentant britannique, une note par laquelle le Portugal
réaffirma son appui à l'Angleterre et offrit l'envoi d'une divi-
sion combattre aux côtés des forces britanniques, tout en pré-
cisant attendre de son allié un appel formel de concours (J).
(1) L'ambassadeur à Londres au Quai d'Orsay. Londres, 28 septem-
bre 1914. ;'lAE!1'<"SE Guerre 14-18. Portugal, n06J7.
(2) Télé~ramme du ministre de France au Portugal au Quai d'Orsay.
Lisbonne,
16 octobre 1911~. ~lAE!NSE Guerre 1/1-18. Portugal,
n06J7.
(i) Le.l'llitli $~ J. J"lott~~ C1Jl. ~~!JCI1 CP. ~f;lQ.i J(BrSQ'! ,J.1Ç·L....".t,.
Albert Pingaud écrit à propos de cette initiative du
1er octobre, que c'était pour sortir de l'état d'énervement o~
se trouvait l'opinion publique, par suite de la situation de
ni guerre, puisqu'aucun des deux pays,
l'Allemagne et le
Portugal, ne l'avait déclar~e à l'autre, ni paix, puisque leurs
armées s'étaient déjà affrontées hors d'Europe (1). Il est pos-
sible que soit intervenue, dans la démarche portugaise,
la
situation d'énervement née de la non-définition d'une position
officielle. Cependant, la démarc!;te ne fut concevable et possi-
ble dans les termes o~ elle fut menée, que grlce à l'utilisa-
tion habile qui a été faite de la demande française de canons.
En admettant dans un premier temps le principe que le
Portugal pût faire accompagner les canons d'hommes qui les ser-
viraient,
le gouvernement britannique avait créé un précédent
dont Lisbonne s'est saisi pour imposer l'idée de l'envoi d'une
division sur le front européen; mais si Londres admettait
implicitement la participation portugaise, sa respn'l.o..lbilité se
limitait à un appui aux démarches françaises.
Répondant à la lettre de Freire de Andrade, Sir Grey fit
comprendre qu'il n'y avait pas de distinction à faire entre
l'Angleterre et la France dont les troupes combattaient côte a
côte, et que ce qui était donné à l'une était donné à l'autre~).
La réponse parut insuffisante au gouvernement portugais qui
(J-suite de la page 186) . . . le 2 octobre 191". ~1AE/t\\'SE Guerre
14-18, Portugal, n06J7.
(1) PINGAUD (Albert), op.cit., tome II, p.21J.
(2) Le ministre de France à Lisbonne au Quai d'Orsay. Lisbonne,
5 octobre 191 1. ~lAE/NSE Guerre 1!~-18, Portugal, n06J7.
'
-lMl-
r~pliqua ne pas faire de l'affectation des unitcis portl'eaises
au commandement britannique une condition;
ces unitcis pour-
raient être aux ordres du général Joffre. Mais i l insista pour
que fut clairement proclamé que si le Portugal intervenait dans
la guerre, c'était en vertu de l'Alli~nce traditionnelle avec
l'Angleterre et sur demande de celle-ci, conformément aux
traités (1).
Harcelé, le eouveXTIement britannique, dans un mémorandum
du 10 octobre 19111, invita le Portugal à se "départir de son
attitude de neutralité et à se ranger activement du côté des
Alliés"(2). A la suite du mémorandum britannique,
le ministre
de France à Lisbonne crut que la question des batteries trou-
verait enfin une solution rapide. Il n'en sera rien.
La demande de coopération officiellement formulée d'lllS ce
mémorandum enterra défini ti vement la question des canons et
donna un nouveau cours au probJo~e du concours portugais. A
peine une semaine après le mémorandum britannique,
les deux
gouvernements anglais et portugais signent un accord prélimi-
naire qui fixent les conditions dans lesquelles une division
auxiliaire portugaise doit combattre aux côtés de l'armée
britannique (J).
Le lendemain,même de l'accord, le 17 octobre,
le gouver-
nement portugais dépêche ~ Londres trois officiers d'état-major
(1) Le ministre de France à Lisbonne au Quai d'Orsay. Lisbonne,
5 octobre 191 11. ~IAE/NSE Cuerre 14-18, Portugal, n06J7.
(2) Cité par PINGAUD (Albert), op.ciL, tome II, pp.21J-21!1.
(J) MNE!Portu1!al no confE to Europeu. 1 ère part ie, pp. 5i1-59.
-lfl9-
avec pour mission d'~tudier les d~tails des conditions de la
coopération. ~lais le 18 octobre, avant que les ~missaires portu-
gais n'arrivent à destination, Sir Lancelot CarneRie,
le
ministre britannique à Lisbonne remet à Freire de Andrade une
note dans laquelle i l déclare avoir reçu de Londres l'ordre de
ne rien demander au gouvernement portugais qui pourrait entra~-
ner un manquement à la neutralit~ pour le moment (1),
La mission portugaise n'en poursuivit pas moins,pourautant
ea route. Comme s ' i l avait pr~vu ce revirement anglais et
s'attendait à d'autres éventualités du même genre, le r,ouverne-
ment portugais donna à la mission des consir,-nes très nettes.
Il fut bien explicit~ que si le gouvernement britannique consi-
dère que le concours doit être constitué d'une unité d'artille-
rie seulement,
la mission doit répondre que le gouvernement' de
la Hépublique a le souci de contribuer aux succès des alliés
avec une unité de son arm~e et désirerait pouvoir maintenir sa
proposition (2), celle d'envoi d'une division auxilic<re (3).
En cas d'insistance des Britanniques, la mission ne devait rien
d~cider sans instruc~ion de Lisbonne.
Aussi la délégation exprima-t-elle dès la séance d'ouver-
ture son espoir de pouvoir étudier "sans retard les détails de
la question"(4), c'est-à-dire de l'organisation de la force
(1) ~ll\\'E/Portugal no conflito Europen, 1ère partie, p.59.
(2) Instruçâo para a missâo official à Inr,-le terra. H~l/l a di vi sâo
35a secçâo n01276(l).
(3) Il ressort d'une lettre du chef du Cabinet du ministre de la
Guerre au ministère de la Marine, en date du 16 octobre 1914,
que la division auxiliaire devrait comprendre 20.000 hommes,
6.800 chevaux et 1.100 véhicules. MM/la divisâo 35a spcçâo
n01271(1) •
(~) RaRPort de la mission. 1ère partie (17-27 octobre 191~)p.4.
r.tR11~ dïlfi$iD 3,). seccq\\9 nO'Z'6(")
-190-
expéditionnaire. Hais, contrairement à
toute attente, les pre-
mières séances de travail portèrent sur les besoins immédiats
de l'Angleterre qui demanda la cession au profit de sa colonie
du Cap, de 20.000 fusils et des cartouches en précisant que
cette question n'était pas liée à celle de la division auxi-
liaire
l un accord intervint là-dessus.
L'An~leterre fit alors
savoir que le concours ne pouvait être discuté sans que fut
résolu le problème du ravitaillement, en munitions, de l'artil-
lerie portugaise. Et puisque les canons portugais étaient d'ori-
gine française,
la mission,
recommandée par l'attaché militaire
de France à Londres, se rendit à Bordeaux qui était alors le
siège du gouvernement.
La mission fut chaleureusement reçue.
Les officiels fran-
ça1s exprimèrent leur plaisir de voir le Portugal aux côtés des
Alliés. Ils acceptèrent toutes les doléances et affirmèrent net-
tement ~arantir la fournitur~ des munitions dans les mêmes
condi tions que celles accordées à l'artillerie française.
"Vos
canons auront de quoi manger" (1) aurai t dit Delcassé. o!ais lors-
que les émissaires portugais retournèrent à Londres, les Dri-
tanniques formulèrent de nouvelles demandes de matériels,
118
pièces d'artillerie pour l'armée belGe et 56 pour la leur ~).
Le désarroi fut grand du côté portugais d'autant plus qu'à
Lisbonne,
on prévoyait l'entrée au front au plus tard fin
décembre (J).
(1) Rapport de la mission, 2ème partie
(28 octobre-2 novembre)
p.I!. ~r;cl/la divisâo J5a secçâo n01276(1).
(2)(J) Rapport de la mission,
Jème partie (J-I0 novembre 1~14)
~M/la divisâo J5a secçâo n01276(1),
---------------......
~ - - - - ~-----
-191-
A41
~lais pour Lord Kitchner~ le principal interlocuteur des
émissaires portugais,
les capitaines d'état-major,
Ivens Ferraz,
Freira et Martins,
l'Alliance c'était d'abord et avant
tout les
vues et les intérêts britanniques. Ce sont eux qui sont dé ter-
minants,
le reste leur est subordonné. Comme l ' écri vai t
plus
haut Sir Edward Crey,
l'engagement militaire du Portugal ne se
concevait que s ' i l répondait à un besoin effectif d'assistance
pour l'Angleterre
(1).
Toutefois, une convention militaire intervint. Mais le
~ouvernement britannique demanda par la suite au Portuga~ de
ne pas songer pour l'instant à une déclaration de guerre, ni
déclarer publiquement les motifs de la mobilisation en cours r-);
de même,
le gouvernement devait s'abstenir d'en faire allusion
lors de la réunion inuninente du con{rrès (J).
Le chemin parcouru par le Portugal était déjà long. F.t
lorsque le 2J novembre se réunit le congrès,
les chambres
votèrent les pleins pouvoirs au gouvernement, afin qu'il puisse
intervenir militairement dans la lutte armée internationale au
moment et de la manière qu'il le jugerait nécessaire et, bien
entendu d'accord avec le gouvernement anglais (4). Les pleins
pouvoirs votés en août, explicita-t-on alors,
ne l'ont été que
pour des mesures défensives. Peu après, est promulgué un décret
autorisant le ministre de la guerre à prendre des mesures de
mobilisation partielle nécessaire à la constitution d'une divi-
sion dont la destination serait différente de celle des renforts
(1) CREY (Sir Edward),
op.cit., Vol.II, p.2JJ.
(2) Télér;ramme de Teixeira Gomes au ministre des Affaires
Etrangères. M.'ljla divisâo J5a secçào 1250(10).
(J) PINGAUD (Albert), op. ci t of tome-II, p.21 1.
'
(&t) lllî~, pp 2.'''4.1'''-
••
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-1 ~2-
envoyés aux colonies. La mesure apparut comme le prélude à un"
rupture avec l'Allemagne.
~lais l'alerte !'ut sans sui te. Les deux alliés marchaient
dans des directions di!'!'érentes.
L'Angleterre avait pris le
parti de geler aussi longtemps que possible,
la question de la
participation portugaise. L'accord, sinon les accords sur
l'envoi de la division auxiliaire au !'ront. auront été un
"blu!'!''' du gouvernement anglais. Tenir le Portugal sur la
touche et préserver l'avenir représentaient beaucoup plus d'in-
térêt pour 1 'An(l'leterre. L'évolution de la si tua tion intérieure
!'it le reste dans le maintien de la position internationale
ambiguë du PortuITal. Il !'audra par conséquent attendre plus
d'un an pour qu'un nouveau problème dans lequel la France !'era
encore le premier pas, conduise à la rupture germano-portu~aisc.
III -
La marche vers la rupture germano-portugaise
(décembre 1914 -
mars 1916)
1 -
~~~~~!~~i~~_i~~~E~~_~~_f~E~~~2!_~!_!2_S~=~~~~~_~=_!~
~=!!~~~E~~~=_1~~~=~~E~_!2!~_:_f~~E~=E_!2!§l
Avant que !'ut trouvée une issue à la question de l'envoi
de la division auxiliaire portugaise sur le !'ront occidental,
survint le 12 décembre la chute du Cabinet Bernardino ~lachado.
Ce changement de personnel politique ouvrit une période d'incer-
ti tude. quant à l'intervention dans la guerre.
-193-
Les premiers facteurs d'instabilité furent d'abord les dif-
ficultés économiques. En effet,
les répercussions économiques
de la guerre se firent se~tir dès les premiers jours du conflit
et s'accentuèrent au fil des
jours et, des mois. La baisse des
exportations,
la diminution des arrivp.es d'or du Brésil, par
suite de la crise économique dans ce pays, entraînèrent une
dépréciation importante de la monnaie
(1). Ce fait rendit dif-
ficiles les transactions qui souffraient déjà des difficultés
de transports. La plus grande partie des biens de consommation
de première nécessité,
le sucre,
le blé,
le riz,
la viande,
relevant de l'importation,
i l en résulta une hausse du coQt de
la vie que ne purent enrayer les différentes mesures de l'admi-
nistration centrale parmi lesquelles,
la fixation d'un cours
officiel des denrées alimentaires et du change.
Cette situation se répercuta sur le plan social et politique
ct sur la question de l'intervention du pays dans la guerre
d'une part, elle offrit un terrain particulièrement propice à
la campagne et à l'agitation contre la guerre,
organisée pour
des raisons différent~s par les milieux ouvriers et monarchis-
tes l de l'autre, elle renforça
les contradictions entre les
différentes fractions des classes dominantes au pouvoir. Les
partisans de l'intervention perdirent momentanément l'initiative
tandis que les couches populaires, passant de l'indifférence à
l'irritation, devinrent plus que jamais réceptives à la propa-
gande contre la guerre.
Lü Cabinet Bernardino Hachado, qU1 avait, en novembre 1914,
(1) Le ministre de France au Portur:al all Quai d'Orsay. Lisbonne,
25 septembre 1911~. HAE/NSE Guerre- 19111-1918, Portur:al,
nOl!IR4.
reçu les pleins pouvoirs, démissionne le 12 décembre et est
remplacé par celui de Vitor lIuGo de Azvedo Coutinho. ,'rais ce
dernier, qU1 affirma dans son discours inaugural que "l'avenir
de la patrie et la condition de son ind':pendance se jouaient sur
les champs de bataille de l'Europc"(1},
fut renversé un mois
plus tard.
Il fut remplacé, selon un processus assez en mar~e
de la légalité constitutionnelle, par le Cabinet d'exception de
Pimenta de Castro, nommé par le Président de la République sans
la sanction du congrès. Le rapport de force venait de se modi-
fier au profit des éléments politiques dont les actes attes-
tèrent les sympathies monarchistes et qui,
sur le plan extérieur
menèrent une politique de non-intervention, voire favorable à
l'Allemagne à certains éGards.
Un acte remarquable du Cabinet de Pimenta de Castro fut la
proclamation, le 20 avril, d'un nouveau décret d'amnistie qU1,
allant plus loin que celui que fit voter le gouvernement
Bernardino Machado, le 22 février 1914, élargit les rares monar-
chistes que le précédent décret n'avait pas libérés. Ce décret
autorisa en même temps tous ceux qui étaient bannis à rentrer
au Portugal. Tant par son caractère large que par la date
choisie,-le 20 avril étant un symbole, le cinquième ann1ver-
saire de la séparation de l'Eglise et de l'Etat -
le décret
apparut aux yeux des républicains comme une provocation et une
atteinte contre la République. Sur le plan extérieur, l'intcr~
mède de Pimenta de Castro fut une période de repli dans le
processus d'intervention. Le gouvernement, dont le chef aurait
(1) Cité par PINGAUD (Albert), op.cit., tome II, p.215.
-195-
adressé un messace personnel de voeux à la lécation d'Allema~nc
à l'occasion de l'anniversaire de Guillaume II (1), ne fit plu~
cas de l'intervention et surtout ne mena aucune action contre
les incursions allemandes en Angola.
La question de la belliaérance prit dès lors, du fait de
cette double évolution, une importance toute particulière. Ell ..
devint plus que jamais un enjeu dans la lutte politique interne
et à certains égards, un des éléments de définition des forces
monarchistes et républicaines.
Certes, de son exil d'Analeterre,
l'ex-roi Don Manuel pour
qU1 l'intérêt du Portugal était de se tenir aux côtés de
l'Aneleterre, avait préconisé l'union de toutes les forces
nationales, et demandé aux monarchistes,
la temporisation dans
la lutte contre le ré[;ime
(2). Mais cela n'empêcha pas l'oppo-
sition monarchiste à la guerre de se développer et de trouver
dans le mouvelf\\Qnt de l'Intégralisme Lusitanien l'un de ses
meilleurs instruments, du moins au niveau de la propaGande (J).
Est-ce le fait que la participation, aux côtés de l'Entente, dll
Portugal à une lutte victorieuse consacrerait le régime républi-
cain? Au moment où, en France,
l'Action Française prenait acti-
vement part à la défense nationale, oubliant momentanément la
lutte contre la "gueuse", Antonio Sadinha, qui était à l'Inté-
gralisme Lusitanien ce que Charles Maurras était à l'Action
Française, exaltait l'AllemaGne et son armée, souhaitait leur
(1 ) FERMO (Carlos), op.cit., Vol.II, p.217.
(2 ) FEIlRA.O;, (Carlos) , op.cit., Vol.II, pp.207-20S et p.Z!I.
(J) Sur l'attitude de ce mouvement face à la guerre et ~ la
position du Portugal, durant ces quatre années,
on se réfé-
rera à FERMO (Carlos), op.cit.,
l'ensemble du volume II.
-l')G-
victoire (1). Ainsi la guerre avait-elle introduit une rupture
dans le ph~nom~ne d'identification, rupture qui ne sc limita
pas seulement aux forces nationalistes et monarchistes.
L'opposition ouvri~re ne fut pas en reste et trouva dans
la situation économique de guerre un terrain propice de propa-
gande. Des milieux ouvriers portugais,
secondés par les
Esparrnols, serai t
venue l ' ini tia ti ve du congr~s contre la p;ucrre
et qui, en avril et mai 1915, de~rait réunir en Espa~ne, ùes
délérru~s du monde entier (2). Ce congr~s qui fut interdit par
les autorités espagnoles, mais se tint dans la clandestinité A
la fin d'avril 1915 au Feirol avec la participation des délé~ués
espagnols, portugais, américains,
termina ses travaux le
JO avriL
Dénonçant les socialistes réformistes et l'Internationale
d'Amsterdam comme un instrument de la guerre au service du
capitalisme, le congr~s affirma la nécessité de la coordination
des organisations espagnoles et portugaises et décida de la
formation d'un "Comité" Permanent du Conrrrès International de
la Paix (J)
; ce comité qui aurait pour siège Lisbonne, serait
chargé d'élaborer tous les 15 jours, une adresse "révolution-
naire" écrite dans toutes les langues des pays belligérants et
qui devrait être "par tous les moyens possibles, à travers les
(1 ) FERRÂO (Carlos), oC.cit., Vol.II, p.JJ9. Saldinha aurait
écrit dans le quotl.dl.en "A Ilonarquia" : "Latins, votre
déroute sera le salut. Je dêsire la victoire de l'Allemagne.
C'est par la déroute que le Portugal et la France se sauve-
ront. Il faut que l'Angleterre disparaisse de la terre~ Du
S.R. de Lisbonne, J juin 1918, reproduit par l'Etat-major
Général,
11
juin 1918, MAE/NSE 1918-29, Portugal, n015.
(2 ) JUNIOR (Cos ta), Hist aria brève do Hoviment 0 Operari 0 Portu-
gues. Lisbonne, Editora Verbo, 196h, p.l0l.
(J) JUNIOR (Costa), op.cit"
p.l01-102.
-1'17-
champs de bataille, et les tranchées,
portée n la connaissance
des soldats"(l).
Il est peu probable que ces résolutions aient été appli-
quées
; autrement dit, les correspondances des attachés mili-
taires et des services de renseignement auraient fait état de
ce comité et des proclamations. Mais i l n'en reste pas moins
que le fait illustre la résistance des milieux ouvriers et
annonce d'intenses campagnes.
L' opposi tion ouverte de ces milieux à la f,'uerre,
conjU{;1l0e
à l'orientation du réGime Pimenta, cela créait Ilne situation
qui pourrait être lourde de conséquences.
Les puissances de l'Entente, auxquelles le Porturral avait
offert son concours, étaient concernées par cette évolution.
L'Angleterre s'en accommoda. Elle lui évitait la tâche délicate
de retenir continuellement le Portugal dans l'attentisme. La
France, en revanche, s'en inquiéta. La situation,
telle qu'elle
prévalut les cinq mois que dura le ministère Pimenta de Castro
sembla confirmer l'hypothèse que les Allemands étaient en
oeuvre au Portugal ; l'Espagne était proche et Iladrid était
devenue depuis août 1914, le principal centre de guerre secrète
dans la péninsule. L'Allemagne, dont 8.000 ressortissants rési-
daient au Portugal,
tirait profit de la nouvelle orientation
politique. De surcroît, elle pourrait utiliser à fond l'opposi-
tion monarchiste à ses fins de guerre.
(1) JUNIOR (Costa),
op.cit., p.l0l-l02.
.--.-_.._"--~-""""""""'---
:'lais le ITouvernement Pimenta de Castl"O est bientôt rcnvers,;
par la r~volution dite du l~ mai 1915 au profit des forces
politiques désireuses de mettre un terme à l'escalade monar-
chisante de la droite républicaine et dont l'une des critiques
au e;ouvernernent d~chu était que celui-ci n'avait r:Î!en fait pour
tirer vengeance des échecs subis par les troupes portue;aises en
Angola (1). Parmi les forces qui dirig~rent le mouvement, il y
avait le Parti Démocrate d'Afonso Costa qU1 s'était prononcé le
plus franchement pour l'intervention et jouera un rôle effectif
dans cc sens.
Plus favorable à l'intervention, le nouveau Cabinet proclam<1
solennellement qu'il allait "rectifier" la situation intl'rna-
tionale du Portugal (2). Un d~filé sous les fenêtres des l6c;a-
tions de France et d'Angleterre le 20 juin, l'envoi d'une
adresse au gouvernement français ~ l'occasion du premier anni-
versa ire de la e;uerre (5 août), a lIaient constituer quelques
marques extérieures de cette évolution. En fait,
male;ré la rela-
tive instabilité qui suivit le l~ mai, due aux élections géné-
raIes le IJ juin, aux deux élections présidentielles le 29 mai
et le 7 août,
à deux crises minist~rielles (J), le pays fut
engag~ sur le chemin de l'intervention.
Tout d'abord,
l'ordre fut donn~ au gouverneur d'Angola de
réorganiser le corps expéditionnaire dans cette colonie et de
se préparer,
le cas échéant, à barrer la route aux Allemands du
Sud-Ouest africain si, pour échapper à la poursuite des troupes
(1)(2) Rapport de Daeschner à Delcassé. Lisbonne, 2) septembre
1915. ~~E/~~E Guerre 14-18, Portugal, n01245.
(J) PINGAUD (Albert), op.cit., tome II, p.217.
sud-africaines du rrénéral Botha,
ils tentaient de franchir la
frontière an~olaise. Dans la perspective d'une participation
aux opérations militaires sur le front occidental,
les prépara-
tifs reprirent à Tancos, à la fin de 1915, par la création
d'une division d'instruction.
Le gouvernement portugais entama une certaine coopération
avec la France en demandant la possibilité pour ses officiers
de suivre les opérations militaires sur le front et de v;s;t~r
les fabriques de fournitures de guerre (artillerie, munitions,
aéronautique). Mais la question précise de la belliITPrance et
de la définition officielle de la position internationale d"
Portugal ne fut pas immédiatement résolue. Elle ne pouvait
l'êtr~ sans l'accord de l'Anffleterre, laquelle continuait à
conseiller le maintien du statu quo.
Déjà. en juillet 1915. Sir \\rthur Nicholson. sous-secrétaire
.
.
d'Etat aU Forei~n Office avait~lgnifié ceci au ministre du
Portugal à Londres
: "Le Foreign Office continue à maintenir
l'opinion qu'il n'est pas nécessaire au Portugal d'entrer ouver-
tement dans la guerre"(l). En août. Sir Lancelot Carnegie,
le
ministre britannique à Lisbonne. précisa à nouveau la position
du Cabinet britannique
: le Portugal ne peut entrer dans la
guerre que forcé par l'Allemagne et seulement dans SOn propre
intérêt. mais non comme obligé du fait de l'Alliance (2).
Mais Qi l'Angleterre était en ~aVeur du statu-quo officiel
(1) rABON (Jesus), op.cit •• p.279.
(2) PADON (Jesus), op.cit •• p.279.
-200-
(ni d~claration de neutralitj, ni d~claration de Ruerre), les
conséquences d'une telle situation préoccupaient les autorités
françaises
; les besoins jprouvjs par elles allaient faire
déployer une activité diplomatique dont l'objet sera i
l'origine
de la rupture rrermano-portueaise.
2 -
~~~_~~~~~~~_~!!~~~~~~!_!~~S!~~~_~~E!~~~~~S~~_~~_!~_~~~~~~
~!_!~_~~p!~~~_~~~~~~~:p~E!~rr~~~~_~~_2_~~E~_!2!~
L'évolution de la situati6n intérieure et extérieure portu-
rraise était attentivement suivie en F'rance. Depuis le passal;e
à Dordeaux, en novembre 1914, de la mission militaire portu~aise,
les autori tjs françaises avaient maintenu l 'éventuali té d 'une
intervention du Portugal. Les exi~ences de plus en pll1S no"'-
breuses de la Ruerre allaient renforcer cette tendilnc'e, ma l,'"ré
certaines réserves du fait des cons j'lUences possibles qui pour-
raient résulter d'une déclaration de guerre entre le Portugal et
l'Allemagne. Des nombreuses démarches faites pour répondre n
ces exie-ences, celles relatives à la question des navires
allaient, sans déterminer de mani.re directe la rupture du
Portugal avec l'Allemagne, composer l'histoire de cette rupture.
L'intérêt port~ au Portugal depuis le début du conflit par
la F'rance, s ' i l est favorisé par les velléités interventionnis-
tes de ce pays, découlait avant tout de la spécificité de la
situation de la France dans la guerre et de ses énormes besoins.
D.s le début des hostilités,
lorsque la rapide usure des forces
----_...,---,
...
-~- ._----_.~~-_
_-------~-------=
fit ressortir un cruel besoin d'effectifs,
le chef "'état-major,
le général Joffre, formula la nécessité d'explorer toutes les
possibilités d'apports extérieurs et demanda, à cet effet, en
septembre 1914, un rapport sur l'armée portugaise
(1).
Il res-
sortit du rapport du colonel Tillion, attaché militaire à
Madrid, chargé de couvrir le Portugal, que, malgré la qualité
individuelle du soldat portugais, et la bonne volonté des
officiers et sous-officiers,
la faiblesse d'instruction des
troupes et le manque d'expérience, des officiers feraient de
l'intervention portugaise un concours peu efficace (2),
En dépit ne Cl' JUGement,
l'état-major français n'écarta pas
l'éventualité de ce concours. A la fin de 1915, des députés
français soulevèrent le problème de l'intégration d'un contin-
gent portugais au corps expéditionnaire de Salonique dont le
recrutement présentait des difficultés
(J)
; la question n'",.t
pas de suite à l'époque.
~lais outre le problème du concours militaire, le Portu:;al
était également d'une certaine importance du point de vue du
ravitaillement, de la lutte contre la contrebande de guerre ct
du renforcement du blocus. En effet, de par sa position sur
l'une des grandes routes maritimes,
i l devint très tôt,
par ses
ports l'un des lieux de transit des produits stratégiques de
contrebande en provenance d'Amérique du Sud. Cette contrebanne
était facilitée par la proximité de l'Espagne où les Allemands
(1)(2) Daeschner au Quai d'Orsay. Lettre relative au rapport du
colonel Tillion sur l'armée portugaise. Lisbonne, 29 sep-
tembre 1914. ~IAE/NSE Guerre 111-18, Portugal, n06J7.
(J) PINGAUD (Albert),
op.cit.,
tome II, p.218; cf.ci-dessous,
chapitre II, paragraphe I,
lettre d'un député à Philippe
Berthelot, Paris, 16 novembre 1915. ~IAE/NSE Guerre 14-Pl,
Portu{;al, n06)7'
_ _._
..__
......._c_ _
_
~
~
~
~ _ .
..
_
"_mm:
•
-~ 02 -
avaient toute leur liberté d'action,
par le maintien des liens
de commerce avec la Hollande et d'autres pays neutres par
l'intermédiaire desquels était forcé en partie le bloclls imposé
par les puissances de l'Entente. Le PortuGal pourrait par
ailleurs fournir,
dans des conditions bien meilleures,
les res-
sources nécessaires à l'effort de guerre en France.
En rapport avec ces préoccupations, ma1S également sur le
plan des perceptions propres que'les autorités françaises
avaient des buts de la guerre, des dimensions multiples de la
lutte contre l'Allemagne, dont elles étaient conscientes des
ravaEes causés au commerce français sur différents marchés
internationaux dans la période qui précéda le conflit, et,
enfin, dans la perspective de l'après-guerre, i l y avait le
problème des Allemands installés au Portur,al. Ces derniers,
estimés à A.OOO et établis comme commerçants, industriels ct
financiers,
continuaient à mener leurs activités en dépit de
l'arrêt du commerce avec l'Allemagne. Cela leur était possible
grâce aux succursales des sociétés-mères se trouvant dans les
~ays scandinaves, en Hollande, en Espagne et qui, au besoin,
changeaient de dénominations. Ce furent autant de considérations
qui entraient dans l'examen de la position du Portugal.
Certes,
jusqu'en 1916, la position ambiguf du Portugal, ni
neutralité déclarée, ni belligérance, était de fait une posi-
tion d'allié des puissances de l'Entente
1
i l apportait sa
contribution en facilitant dans certaines mesures, le ravitail-
lement, et l'application du blocus, en cédant du matériel mili-
taire ; mais cette contribution restait insuffisante et incer-
taine. En l'absence d'une déclaration de guerre et de ce qU'elle
-20)-
impose, les rapports de force pouvaient changer d'un moment à
l'autre et remettre en question cette contribution.
Les autorités françaises,
tout en s'en accommodant, étaient
irritées quelque peu par la position britannique, bien qu'en
ce qui les concernait, une certaine appréhension pesait sur la
perspective de l'entrée en guerre du Portugal, la rupture de
celui-ci avec l'Allemagne pourrait compromettre les conditions
de sécurité que trouvaient à Lisbonne les navires français.
Mais en fait,
i l s'agissait moins d'un écartèlement èntre des
exigences contradictoires que des limites pratiques d'une posi-
tion en faveur de l'intervention.
En l'absence de la définition d'une attitude diplomatique
autonome, la France continua à s'en tenir, face au Portugal,
aux démarches ponctuelles. C'est ainsi qu'à partir d'octobre
1915, elle posa la question des navires allemands
; question
-
qui allait déboucher sur la rupture germano-portugaise.
Le gouvernement français connaissait d'énormes difficultés
en matière de fr~t nécessaire à ses approvisionnements civils
et militaires (1). Or, les navires allemands, au nombre de 80,
dont certains étaient de fort tonnage, se trouvaient immGbilisés
et inemployés dans les ports portugais de la métropole et des
colonies.
(1) Dans une note non datée et sans doute rédigée par des mem-
bres du qomité des Transports Maritimes, on pouvait lire ces
lignes
1
"La question du tonnage est la clef de toutes les
autres. Trouver les matières premières et les produits
fabriqués, c'est bien; avoir de l'argent pour les payer,
c'est mieux. Mais tout cela n'est rien si l'on n'a pas de
bateaux pour les transporter". ANF/F12 7789.
_.__._--_. _.._--~.~----
-2.04-
Abordant la question au terme d'un long rapport sur la
situation interne et externe du Portugal (2J septembre 1915),
le ministre de France à Lisbonne considéra que ces navires
seraient d'un précieux concours pour le ravitaillement et les
transports des Alliés 1 i l émit l'opinion qu'il était possible
de déterminer le gouvernement portugais, qui voulait se:consti-
tuer une flotte,
à se saisir des navires et à les affecter au
ravitaillement des Alliés (1). Deux mois plus tard, le ministre
de la marine mettait à exécution 'une décision prise à ce sujet
par le conseil des ministres. Il donna l'ordre à l'attaché
naval à Madrid de se rendre à Lisbonne, et y examiner avec le
ministre de France, dans quelle mesure i l serait possible de
mettre à la disposition de la France les navires de commerce
allemands et principalement les cargos en vue de leur affecta-
tion au ravitaillement (2).
Comme la question ne pouvait pas aboutir sans l'interven
~tion de l'Angleterre, instruction fut également donnée à
l'ambassadeur à Londres d'exposer au gouvernement britannique
les difficultés de la France à s'assurer le frIt nécessaire au
transport des approvisionnements militaires et civils et
l'attention qu'elle portait aux navires allemands immobilisés
dans les ports portugais (3).
(1) Daeschner à Delcassé, Lisbonne, 2J septembre 1915. MAE/NSE
Guerre 14-18, Portugal, n01245.
(2) Télégramme du ministre de la Marine à l'attaché naval à
Madrid. Paris,
le 26 décembre 1915. MAE/NSE Guerre 14-18,
Portugal, n01245.
(J) Le ministre des Affaires Etrangères à l'ambassadeur de
France à Londres. Paris, 28 décembre 1915. MAE/NSE Guerre
14-18, Portugal, n01245.
-205-
Le Portugal était officiellement neutre et ne pouvait pro-
céder à des réquisitions simples comme le faisaient les Etats
belligérants. Aussi, le quai d'Orsay exposa-t-i~, dans ses ins-
tructions à l'ambassadeur à Londres, les grandes lignes de la
démarche;que pourrait suivre le gouvernement portugais 1 se
baser sur les événements d'Angola, faire valoir les pertes
subies et les dommages causés par les troupes allemandes, pro-
noncer un embargo de la flotte commerciale allemande, la réqui-
sitionner et ensuite l'affrêter au gouvernement français.
Dans sa réponse, Sir Edward Grey aff'irma que la question
préoccupait également le gouvernement britannique. S'il n'avait
pas poussé le gouvernement portugais. à réquisitionner les
navires allemands, c'était par crainte de provoquer une décla-
ration de guerre de l'Allemagne et, par contrecoup, un mouve-
ment en Espagne, perspective qui serait, selon lui, très embar-
rassante pour les puissances de l'Entente. Il assura qu'en
dépit de ces constatations, le gouvernement britannique avait
J~cidé de faire des démarches, amené à ce recours par les dif-
~
,
ficultés croissantes des transports de céréales qu'il effec-
tuait pour le compte de la France et de l'Italie. Relativement
à la procédure à suivre, Sir Edward Grey précisa avoir écarté
le système des représailles, étant donné que les incursions en
Angola ont cessé depuis la reddition des forces allemandes du
Sud-Ouest africain et qu'en conséquence, il avait basé ses
instructions à Lisbonne sur le précédent de l'Italie qui avait
réquisitionné les navires allemands réfugiés dans ses ports, en
vertu du principe qu'un Etat avait le droit d'utiliser pour ses
services nationaux tcnlt: ce, qui se trouvait sur son terri toire (1 ) •
(1) Télégramme de De Fleuriah. Londres, JO décembre 1915.
MAE(NSE Guerre 1914-18, Portugal, n01245,
-206-
Ce précédent n'avait pas provoqué de rupture avec
l'Allemagne. Il lui parut donc utile de l'invoquer. Sir Edward
Grey fit savoir, en m~me temps, l'intention du gouvernement
britannique de faire affréter par l'Angleterre seule tous les
navires allemands ainsi obtenus (1).
La réponse britannique était adressé à Paris au moment mëme
où les milieux maritimes privés français manifestaient leur
intérêt pour les navires allemands 1 déjà à Lisbonne, l'agent
de la Compagnie Transatlantique étudiait un projet qui, basé
sur le précédent de l'Italie, proposait une combinaison qui
procurerait de "précieuses mensualités" à l'administration por-
tugaise et "serait peut-être", écrit le ministre de France, "de
nature à tenter le Président du Conseil"(2).
Le 2 janvier, dans un long télégramme à l'ambassadeur à
Londres, le gouvernement français, par son ministre des Affaires
Etrangères, réagit V~Yement à la perspective que la mainmise
sur la flotte commerciale allemande le fût au seul bénéfice du
pavillon anglais. Il considéra que s'il y avait lieu d'apprécier
le concours anglais en matière de transport en vue d'une guerre
en commun, la France ne saurait reconnaître de ce fait un droit
éminent de l'Angleterre sur les bateaux ennemis; Et le ministre
des Affaires Etrangères d'argumenter 1 " ••• Au début de la
guerre, la marine française a assumé la charge d'assurer la
police de la Méditerranée, laissant à la marine anglaise le
(1) Télégramme de De Fleurian. Londres, JO décembre 1915.
MAE(NSE Guerre 14-18, Portugal, n01245.
(2) Le ministre de France à Lisbonne au Quai d'Orsay. Lisbonne,
Jl décembre 1915. MAE(NSE Guerre 14-18, Portugal, n01245.
,
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~.o
-207-
bénéfice des captures.importantes dans les océans et sur les
routes les plus fréquentées. Nous n'avons à ce moment, marqué
ni jalousie, ni regret, estimant que l'effort en commun justi-
fiait notre abnégation. Ces sentiments généreux ne doivent
pourtant paS aller jusqu'à la négligence de nos intérêts ..... (1).
Le message conclut que, tant au point de vue des ménagements
à garder pour ses finances que de l'exécution rapide de trans-
,
ports nécessaires au maintien de l'existence nationale, la
France devrait avoir la libre disposition d'une partie de la
flotte allemande et plus exactement la moitié de cette flotte.
La question des navires ne posait pas seulement un pro-
blème de coopération entre les Alliés. Il y avait là un butin
de guerre à partager. Mais le gouvernement britannique consi-
déra que la question des navires ne pouvait se traiter séparem-
ment, en dehors de la question générale des transports et que,
de toutes façons, les besoins français en rr~ dépassaient de
beaucoup la puissance des navires allemands, et que ce besoin
était urgent, tandis que la disponibilité des navires allemands
après 17 mois d'immobilisation pouvait être tardive du fait des
réparations nécessaires (2). Paul Cambon, se ralliant à la
position britannique, considéra que la position du gouvernement,
telle qu'elle était formulée, était imprudente et que la ques-
tion du frêt était mal comprise en France 1 il fit observer à
cet égard ; " ••• la question des bateaux allemands dans les ports
(1) Télégramme du ministre des Affaires Etrangères à l'ambas-
sadeur à Londres. Paris, 2 janvier 1916. MAE/NSE Guerre
14-18, Portugal, n01245.
(2) Paul Cambon au Quai d'Orsay. Londres, 8 janvier 1916.
MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, n01245.
-208-
portugais n'est qu'un point d'une importance très relative dans
l'ensemble des considérations qui dominent la crise actuelle"(l).
Le Quai d'Orsay ne fut pas de cet avis et demanda que le
ministre de France à Lisbonne fût associé à toute démarche
relative à la question. Tout en rejetant l'idée que l'Angleterre
pût obéir à un sentiment exclusif, les autorités britanniques
firent valoir que l'Angleterre était liée au Portugal par une
alliance perpétuelle (2). Ce fut sur cette donnée que la France
fut écartée des pourparlers relatifs aux navires allemands.
Au terme de plusieurs échanges entre les gouvernements
anglais et portugais, le ministre d'Angleterre à Lisbonne remit
le 19 février un mémorandum qui demandait au gouvernement por-
tugais, au nom de l'Alliance et en raison de difficultés de
frêt en Grande-Bretagne, de réquisitionner les navires ennemis
se trouvant dans ses ports. Le 2J février, le gouvernement
promulgua et appliqua le décret de réquisition en se h~sant sur
une loi sur les subsistances du 7 février qui autorisQ~t à
réquisitionner tout moyen de transport nécessaire aux besoins
économiques du pays (J), Cet acte donna le signal de la rup-
ture totale.
Le gouvernement allemand protesta énergiquement et invita
le ministre portugais à Berlin à donner des explications dans
un délai de 5 jours (4). Le ministre, en notifiant la mesure
(1) Paul Cambon au Quai d'Orsay. Londres, 8 janvier 1916.
MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, n01245.
(2) Ambassade de Londres au Quai d'Orsay, 11 janvier 1916.
MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, n01245.
(J) Daeschner à Briand. Lisbonne, 25 février 1916. MAE/NSE
Guerre 14-18, Portugal, n01245.
(4) T'f~tea...",f',J" 10. IJ~o.f:"'e.., d~ .fhl"c~ cl' Lit bolo U Q,iI q·VflIl'
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-209-
de réquisition, avait déjà, sur instruction, fait savoir que
les propriétaires seraient "indemnisés lorsque l'emploi de leur
navire ne serait plus jugé nécessairew(I). A nouveau, le gou-
vernement portugais exposa les" motil's qui, au point de vue du
droit international et pour des raisons économiques, justifiait
la mesure. Le 9 mars, Rosen, le ministre allemand à Lisbonne,
remit une déclaration écrite au gouvernement portugais. Faisant
la rétrospective des événements, et considérant les diffé~antes
inl'ractions du Portugal à la neu~ralité, le gouvernement impé-
rial conclut par une déclaration de guerre.
L'acte du gouvernement allemand leva définitivement l'équi-
vaque quant à la position internationale du Portugal.
Cette issue intervenait à un moment important de la lutte
militaire, au moment de la bataille de Verdun, Elle ouvrit
donc des perspectives nouvelles à la France. Mais le dévelop-
pement des rapports franco~portugais dans ce nouveau cadre
allait'Is 'inscrire dans la logique apparue daM l'histoire de la
marche du Portugal vers la rupture. Les principaux éléments de
cette logique, éléments' qui réapparaltront, on été l'opposition
britannique à la belligérance du Portugal en Europe, la volonté
d'intervention du Portugal et l'utilisation à cet efl'et des
démarches françaises pour l'orcer la main de l'Angleterre, les
limites de l'action de la France, les contradictions franco-
anglaises quant à l'utilisation des possiblités militaires
ol'fertes par le pays.
(4-suite de la page 208) ••• d'Orsay. Lisbonne, 28 l'évrier 1916,
MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, n01245.
(1) Daeschner à Briand. Lisbonne, 24 l'évrier 1916, SHA/16N
)2
48 (JE).
-210-
CHAPITRE II -
lE RENFORCEMENT DE L' l NTECRATI ON DU PORTUCA L DA NS
L'EFFORT DE CUERRE ET lES CONTRADICTIONS ANCLO-
FRANCAISES A PROPOS DE L'AFFECTATION DE SES
TROUPES ( MARS -
NOVEMBRE 1916)
l
-
Les perspectives ouvertes à la France à la suite de
la rupture germano-portugaise
La rupture entre l'Allemagne et le Portugal ouvrit une
période nouvelle dans les rapports de ce dernier avec la France.
En en faisant un allié de fait et de droit des pays de
l'Entente, èlle élargissait les possibilités de mobilisation
de toutes ses ressources potentielles aussi bien économiques
qu'humaines en vue de l'effort de guerre 1 la France. par
conséquent. a1lait y déployer de multiples activités. plus
facilement qu'avant le 9 mars 1916.
Au Portugal. la rupture mettait définitivement le rapport
de force du c&té des classes dominantes qui étaient en faveur
de l'intervention. Les éléments francophiles de celles-ci purent
dès lors exprimer plus ouvertement leur sympathie pour la
France. célébrer les fondements divers, idéologiques, culturels
et intellectuels qui justifiaient le choix du Portugal (1).
(1 ) Voir ci-dessous chapitre V, paragraphe l
: L'action commune
de propagande idéologique sur la guerre et la coopération
franco-portuga1se.
J,',".
-211-
Ainsi, allaient-ils pouvoir servir de précieux appuis et
d'actiCs agents de la propagande de guerre de la France. Mais
c'est surtout vers les disponibilités en ressources matérielle~
militaires et humaines que se porta principalement l'attention.
Au moment où le Portugal entrait dans le conCli t, la France,
comme toutes les puissances belligérantes - après avoir déci-
nitivement perdu l'illusion que la guerre serait courte -
poursuivait ses préparatiCs en vue d'une guerre longue 1 elle
consolidait la relance de son économie de guerre en élargissant
ses sources de ravitaillement, de recrutement tant des combat-
tants que de la main-d'oeuvre nécess~ire aux Cabriques de
guerre et autres usines ainsi qu'à l'agriculture, qui étaient
toutes privées du gros de leur eCCectiC du Cai t de la mobilisa-
tion. Relativement à l'économie de guerre, les autorités fran-
çaises étaient intéressées à la solution urgente, en ce qui
concerne le Portugal de deux question 1 celle du wolfram et
celle de la main-d'oeuvre.
La neutralité, même hostile, du Portugal, c'est-à-dire en
Caveur de l'Entente, ne permèttait pas d'exercer quelqu'inC-
luence que ce Cût sur la production et l'exportation de ce pro-
duit. La contrebande vers l'Espagne s'en trouvait par consé-
quent Cacilitée tandis que 18 concurren~e qui s'exerçait entre
les diCférents acheteurs des pays alliés et neutres Cavorisait
la spéculation et la Cluctuation des prix. La France, pour
laquelle le Portugal constituait l'une des rares sources de ce
métal précieux à la Cabrication dé matériels militaires, allait
pouvoir intervenir, Corte en cela des accords passés avec
l'Angleterre relativement aux achats sur les différents marchés.
Quant à la question de la main-d'oeuvre, le Portugal est un
pays traditionnel d'émigration 1 étant loin du champ de
bataille, bien qu'il avait à soutenir la guerre aux colonies,
il offrait des potentialités dans ce domaine (1).
La Conférence Economique de juin 1916 à laquelle prit part
le Portugal, en fixant le cadre de la coopération interalli~e,
donna une réponse de principe, non seulement à l'une et à
l'autre des deux question, mais à bien d'autres sujets concer-
nant le ravitaillement et la guerre économique contre
l'Allemagne, entendue à la fois en termes de blocus contre
l'Allemagne et d'occupation de l'espace économique évacué par
elle (2).
Peu après la Conférence de Paris, le gouvernement français
renforça ses missions techniques au Portugal qui étaient, à la
tin de l'été 1916, au nombre de trois. La première était la
mission Laurens, du nom de l'officier des forges qui la diri-
geait, le Capitaine Laurens. Cette mission, appelée aussi
mission d'artillerie ou d'armement ou encore de ravitaillement,
eut à se charger de la production des obus, de l'organisation
de l'achat du wolfram et de bien d'autres produits nécessaires
soit à l'alimentation, soit à l'équipement des armées; la
seconde mission, dirigée par le Capitaine Aerts, s'occupa du
contrôle télégraphique, Lisbonne étant un important relais de
communications avec l'Amérique du Sud. Les activités de ces
deux missions entraient également dans le cadre du renforcement
(1)(2) Pour l'ensemble de ces questions, voir ci-dessous, le
chapitre IV 1 Les relations économiques de guerre.
-213-
du blocus des empires centraux, Enfin, la troisième mission fut
celle chargée du recrutement de la main-d'oeuvre, et dirigée
par le lieutenant Legentil,
r:~,
En plus de ces questions et sur le plan strictement mili-
'{
taire, se trouvait à nouveau mis à l'ordre du jour, dans des
"
li
Ji
...~
conditions désormais plus favorables, la question de l'utili-
J
t
sation de toutes les potentialités militaires du Portugal 1
jt
1
:1
l'utilisation et l'installation ~ventuelle de bases, et surtout
j
'1;
l'emploi de ces troupes, Ce dernier sujet intéressait particu-
1
l
lièrement les responsables militaires français.
1
Le Portugal qui avait depuis décembre 1915 commencé une
timide préparation de son armée dans l'éventualité de l'entrée
1
en guerre, renforça cette préparation. Des commandes d'équipe-
ments militaires étaient organisées et des officiers envoyés en
stage en Angleterre et en France, dans l'artillerie et l'avia-
tion militaire, A partir d'avril 1916, des attachés militaires
et navals allaient 4tre nommés à Lisbonne et à Paris (1). Plus
tard, le 22 juillet, le gouvernement portugais organisa en pré-
sence des représentants diplomatiques et militaires alliés, une
première revue des unités ayant achevé leur instruction.
Cependant, au lendemain du 9 mars, le problème de la parti-
cipation effective du Portugal sous forme d'envoi de troupes
sur le front occidental restait entie~, en dépit des préparatifs
déjà effectués et ceux en cours. La France qui considérait le
,moment venu, inspirée par les initiatives de certaines person-
(1) Jusqu'à cette période, il n'existait pas d'attachés mili-
taires et navals portugais à Paris , en ce qui concerne la
France, les titulaires des postes de Madrid s'occupaient
aussi de Lisbonne.
-214-
nalités portugaises, va engager une démarche dans le sens d'un
déblocage de la situation.
Mais sa démarche allait mettre à nu les contradictions qui,
au-delà de l'unité d'action, l'opposaient à l'Angleterre. Une
fois de plus, allaient se révéler les limites de l'autonomie
des rapports avec le Portugal, le fossé qui existait entre ce
qui était proclamé du fait des liens culturels et idéologiques
et ce que les réalités internationales imposaient aux classes
dirigeantes de ce pays.
II - La question de la participation effective des troupes
portugaises à la guerre européenne (avril - août 1916)
L'initiative de la rupture prise par l'Allemagne, résol-
vait la question de la position internationale du Portugal et
aidait considérablement dans ce pays, les partisans de l'inter-
vention. Seulement, la question de savoir quand, sur quel front
de la guerre, et auprès de quelle armée, la française ou la
britannique, les contingents portugais allaient-elles combattre,
demeurait entière. L'hostilité britannique à une participation
du Portugal aux opérations militaires en Europe ne s'était en
rien modifiée du fait de la rupture avec l'Allemagne.
Mais en Frànce, les autorités civiles et militaires
s'étaient plut&t habituées à l'idée d'une intervention prochaine
-215-
du Portugal. L'impossibilité où le gouvernement portugais était
de prendre des initiatives ou de forcer la main à l'Angleterre,
poussa certaines personnalités portugaises à rechercher ailleurs
le chemin de l'intervention. Ce fut particulièrement le sens
des actions de Joâo Chagas.
Ministre du Portugal à Paris et de surcroît francophile,
Joâo Chagas subissait incontestablement l'influence de la pro-
pagande patriotique, de l'ambiance et de la situation de guerre
du pays hôte. La France où la guerre avait permis de sceller
"l'union sacrée" et donc l'unité de façade de toutes les forces
sociales et politiques n'offrait-elle pas un exemple attrayant?
L'intervention du Portugal ne permettrait-elle pas de neutra-
liser les forces dissolvantes qui menaçaient le régime répub1i-
cain, dG_mettre
un terme aux actions des monarchistes et des
syndicats ouvriers dont la propagande contre la guerre avait
une prise réelle sur les couches populaires et les troupes et
mettait en péril le pouvoir de la fraction politique dont
Chagas était issu.
Joâo Chagas en tout cas n'épargnait aucun effort pour
agir dans le sens de l'intervention, même sans instructions de
son gouvernement. Déjà, en novembre 1915, il avait fait été de
la participation de son pays à l'expédition de Salonique (1).
La rupture justifiait encore plus ses initiatives. Ne s'arrê-
tant pas aux interviews et aux déclarations particulières, il
laissa entendre en avril 1916, au cours d'une audience diplo-
(1) Lettre d'un député à Philippe Berthelot. Paris, 16 novem-
bre 1915. MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, n06JZ.
matique, que le concours de son pays pourrait s'élever à envi-
ron 100.000 hommes (1). Les autorités françaises pour qui la
participation militaire portugaise semblait plus ou moins une
évidence depuis mars, et qui l'attendaient, se saisirent de la
question.
Dans un télégramme du 22 avril 1916,aux représentants
diplomatiques à Londres et à Lisbonne, le Président du Conseil
français faisant été des propos ~e Joâo Chagas soulevait la
question de l'intervention effective de l'armée portugaise aux
eStés des troupes alliées, sous-entendu auprès de l'armée
française (2). C'était le coup d'envoi d'une démarche diploma-
tique pour l'obtention du concours militaire portugais en
faveur de la France.
Le général Joffre, commandant en chef des armées fran-
çaises, auquel le texte du télégramme fut également adressé, et
dont l'avis fut demandé, répondit qu'au point de vue militaire,
la collaboration envisagée serait avantageuse et qu'il serait
indispensable d'être fixé le plus t&t possible sur le degré
d'entraînement de ces troupes, sur leurs besoins, sur leur
valeur militaire, sur l'époque à laquelle elles seraient uti-
lisables 1 il proposa en conséquence que, dès que la question
de principe de cette participation aura été solutionnée par les
chancelleries, une commission militaire française fût envoyée
à Lisbonne pour en étudier les conditions matérielles, initier
l'armée portugaise aux méthodes de combat des forces armées
(1) Rapport de Jules Cambon. 20 avril 1916. MAE/NSE Guerre 14-18
Portugal, n 0 6J7.
(2) Télégramme du Quai d'Orsay aux représentants diplomatiques
à Londres et à Lisbonne. Paris, 22 avril 1916. MAE/NSE
Guerre 14-18. Portugal, n 0 637.
-217-
françaises et donner des renseignements sur la valeur de ce
concours et la date à laquelle il pourrait être prêt (1).
La réponse du commandant en chef des armées françaises
faisait fi du jugement de l'attaché militaire à Madrid et
Lisbonne qui, dans un rapport sur les mesures militaires et la
mobilisation au Portugal, maintenait la conclusion retenue en
•
septembre 1914 et écrivait notamment : "Il n'Y a pas à souhai-
ter le concours des contingents portugais 1 ce serait un embar-
ras plutôt qu'une aide. Prions les Portugais de rester chez
eux. Si toutefois ils manifestent le désir de nous envoyer des
troupes, demandons-leur, avec toutes les formes nécessaires
de politesse, des ouvriers 1 c'est le plus précieux appui
qu'ils puissent nous apporter"(2).
Le JO avril, Daeschner, le ministre de France à LiSbonne,
tout en portant un jugement moins catégorique et moins négatif
sur l'armée portugaise, rappelait que Chagas agissait sans
instruction. Il écarta en mame temps l'idée de la mission telle
qu'elle était conçue J selon lui, elle serait difficilement
acceptable. Le gouvernement portugais ne pouvait rien faire
sans l'assentiment de l'Angleterre qui venait de notifier,
rapportait-il, que le rôle militaire du Portugal ne saurait
dépasser la défense de son territoire
et de ses colonies (J).
Daeschner soulevait par conséquent le problème de la concerta-
tion avec l'Angleterre. Malgré son caractère urgent aux yeux
(1) Le général commandant en chef au Président du Conseil, min
ministre des Affaires Etrangères. OQG, 24 avril 1916.
MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, n06J7.
(2) Colonel Ti11ion, attaché militaire à Lisbonne à Monsieur le
commandant en chef, Lisbonne, 8 avril 1916. SHA/16N 2912.
(J) Daeschner au ministre des Affair~ Etrangères. Lisbonne,
JO avril 1916. MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, no63Z.
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-218-
du haut-commandement, le concours militaire portugais n'allait
donc pas être une réalité immédiate.
Mais l'attitude des autorités militaires et civiles en
France n'obéissait à d'autres considérations que celles des
besoins en troupes. Les pertes subies et l'usure dans les
tranchées rendaient ces besoins de plus en plus cruciaux et
urgents. Aussi, le 20 mai, le ministre de la Guerre soumettait-
il à l'appréciation du Président du Conseil et ministre des
Affaires Etrangères, la liste des officiers de la mission mili-
taire qu'il venait de nommer pour se rendre au Portugal. Le
cabinet britannique fut saisi de ces intentions. Mais il répon-
dit qu'il avait, de son côté, envisagé une mission analogue et
l'avait ajournée en raison des nouvelles venues du Portugal.
Ces nouvelles faisaient état de mouvements contre l'envoi de
troupes sur le front allié et cela rendait inopportune, en son
sens, la visite d'une mission militaire étrangère.
Mais la pression se faisait de plus en plus forte en faveur
de l'intervention effective des troupes portugaises. Dans une
note publiée le 14 juin, la Commission des Affaires Extérieures
de la Chambre des Députés invitait de nouveau le gouvernement
à négocier le concours des troupes portugaises et, si les
négociations présentaient des difficultés sérieuses, à les
faire connaître (t). Peu après, Paul Cambon présenta à nouveau
au gouvernement britannique, les positions françaises 1 il
réitéra la proposition d'envoi d'une mission au Portugal et
(t) Note de la Direction Poli tique et Commerciale. 14 juin t9t6.
MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal,' n06J8.
.....
t.
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----------_._-
---~
.
-219-
souligna la nécessité pour le gouvernement britannique de pro-
fiter de la présence à Londres des ministres portugais des
Finances et des Affaires Etrangères pour soulever la question.
A Londres, où Afonso Costa et Augusto Soares s'étaient
rendus après la conférence économique interalliés de Paris,
dans la perspective d'étudier les conditions de l'entré effec-
tive de leur pays dans la guerre, il leur fut signifié que les
responsabilités de l'Angleterre étaient immenses et qu'elle ne
pouvait subvenir en même temps aux besoins portugais ; en con-
séquence, l'intervention du Portugal ne pourrait être envisagée
que si son armée disposait des moyens matériels et financiers
nécessaires.
Afonso Costa et Augusto Soares, conscients de la faiblesse
des possibilités matérielles de l'armée portugaise dans l'éven-
tualité d'une participation au front occidental, se gardèrent
d'engager leur gouvernement. Rien ne fut alors arrêté. C'est
dans ces conditions que le gouvernement britannique demanda
qu'il soit saisi officiellement et avec précision par le
Portugal de son offre de concours alors que la volonté du
Portugal était plutôt d'être saisi d'une demande de concours.
En raison de la pression française et de l'obstination des
Portugais, le Foreign Office publia le 28 juin un mémorandum
qui faisait état du désir du Portugal de recevoir une invita-
tion pour envoyer ses troupes combattre en Europe, et de la
nécessité d'une mission franco-anglaise au Portugal pour en
étudier les conditions. Il prit soin d'affirmer que le gouver-
nement de Sa Majesté, tout en accueillant avec plaisir une
participation quelconque que pouvait désirer offrir le Portugal,
ne voulait pas s'exposer au reproche d'avoir fait au nom de
l'alliance des demandes qui seraient une charge pour le
Portugal (1).
En dehors de l'élément nouveau de l'éventualité de la
mission, le mémorandum ne modifiait en rien le fond de la
position britannique qui entendait mettre le Portugal dans une
situation de demandeur. Cela permettrait au gouvernement bri-
tannique de tabler sur les difficultés matérielles pour retar-
der et rendre impossible le concours portugais. Mais comment
maintenir et défendre une telle position quand une alliée, la
France, sollicitait ouvertement et sans condition, ce même
concours ?
Le cabinet britannique demanda alors officiellement, début
juillet, le concours portugais. Le gouvernement français, dont
l'avis avait été à nouveau demandé quant il l'opportunité de ce
concours, exprima son désir de voir la décision suivie d'effets
le plus vite possible, en insistant sur la présence d'éléments
français dans la mission qui doit être envoyée au Portugal.
Mais alors que la mission française avait été composée depuis
le moie.de mai, Sir Edward Grey demanda le 18 juillet que
l'officier qui devra diriger la mission française fût de grade
inférieur à celui de l'officier anglais, le major général
Barnardiston.
Le général Ferry, initialement désigné chef de la mission
(1) Mémorandum britannique du 28 juin 1916. MAE/NSE Guerre 14-18
Portugal, n 0 6J8.
-22.1-
française, n'apprécia pas cette issue de la question. " ••• Tout
milite en effet, écrit-il dans une lettre à un ami, pour que ce
commandement revienne à moi, officier général français. C'est
nous qui avons eu l'initiative de cette mission, dont nous
poursuivons depuis trois mois la réalisation, y mettant comme
dans toutes les oeuvres de la guerre, un amour propre louable ••
Jamais les Anglais n'ont témoigné grand intér~t à cette affaire.
L'état de leur effectif ne leur commande pas, comme le nôtre, à
faire appel à des troupes portug~ises. Ils n'ont pas foi en
ce concours et ils ne semblent pas désignés, ni par affinité
de race, ni m~me par leur expérience militaire, à le rendre
fécond"(I). Convaincu que seule la coopération française pour-
rait tirer le maximum de ces troupes; il écarta l'argument de
l'Alliance perpétuelle et soutint que le front était "un".
Le général Ferry avait certainement raison lorsqu'il sou-
tenait que le front était un. Hais l'unité dans une telle
guerre ne supprimait en rien les oppositions d'intér&t entre
l'Angleterre et la France. La Grande-Bretagne jouait vis-à-vis
du Portugal le raIe de puissance de tutelle, La guerre devait
permettre d'élargir les zones d'influence et non les rétrécir.
Certes, elle a eu une attitude négative quant au concours
portugais depuis le début. Mais puisque le principe de ce
concours est: acquis, elle veut avoir la direction des choses
pour maintenir sa position prééminente au Portugal, position
qu'une coopération des troupes de ce pays avec l'armée fran-
çaise pouvait ébranler ou considérablement affecter.
(1) Général Ferry à un ami. Paris, 21 juillet 1916 (Une autre
lettre du m&me officier en date du JI juillet et qui semble
&tre la suite logique de la première, est adressée à uncer-
tain Philippe, sans doute à Philippe Berthelot, adjoint au
Directeur des Affaires Politiques et Commerciales du Quai
('l'OTsay)
HAt:!tl.if: GUQrre 'If-tB Portu!fIl, 11°638
-222-
Le Quai d'Orsay céda aux conditions britanniques, crai-
gnant que toute volonté de commander la mission ne retarde ou
ne compromette sa réalisation. Au début d'ao~t, le gouvernement
français désigna une nouvelle mission commandée par le
lieutenant-colonel Jogal Paris et qui comptait dans ses rangs
l'écrivain, alors sous-lieutenant, Jean Giraudoux.
La première phase dans l'envoi de contingents portugais
venait d'être franchie. Le fait que la mission mixte soit com-
mandée par le major général Barnardiston, n'entama en rien
l'espoir des autorités françaises concernant le rattachement
des contingents portugais à l'armée française. Mais cet espoir
sera déçu, en dépit de la solidité des arguments,
III - La mission militaire française au Portugal et le
rattachement du corps expéditionnaire portUgais à l'armée
britannique 1 comment le Portugal ne devint par l'allié
de tous les alliés
Conformément à l'accord intervenu entre les gouvernements
français et britannique, les deux missions militaires quittent
Paris le 28 aodt pour Lisbonne où elles arrivent le JO, non
sans incident, Les syndicats ouvriers manifestèrent contre cette
visite qui marquait une nouvelle étape dans la participation
effective du pays à la guerre européenne, Le lieutenant colonel
Paris notera dans son rapport que l'accueil de la population
fUt froid. En revanche, celui des milieux officiels fut des
plus enthousiastes et empreint de la plus grande cordialité.
La visite ne constituait-elle pas le prélude à l'entrée du
Portugal sur les champs de bataille de l'Eu~ope dont dépendait,
selon le ministre de la guerre, son avenir et son existence?
La mission française dont les tâches auxiliaires consis-
taient à rendre compte des ressources industrielles, des res-
sources en matières premières et en main-d'oeuvre du pays - ce
dont les missions techniques de divers départements ministé-
riels se chargeaient déjà sur place - devait confirmer ou
infirmer, une fois pour toutes, les appréciations de l'attaché
militaire à Lisbonne sur l'armée portugaise. Celui-ci, dans un
dernier rapport après la revue de la division de Tancos
(22 juillet 1916) restait toujours pessimiste et concluait à
la non-opportunité de l'utilisation des contingents portugais
sur le front. Il suggéra leur emploi sur l'arrière, pour les
travaux de défense de garnison ou des missions secondaires (1).
Etre fixé sur la valeur militaire exacte des troupes
portugaises dans les conditions qui étaient celles de lamission
impliquait, dans l'esprit des autorités françaises, une totale
indépendance de jugement et une fermeté vis-à-vis des alliés
anglais. Aussi le lieutenant colonel Paris reçut-il, dans son
ordre de mission. des recommandations spéciales de veiller à ce
que les Anglais ne trouvent pas de prétexte, soit pour faire
trainer les choses en longueur, soit pour rejeter l'offre du
Portugal,
(1) Colonel Tillion au commandant en chef. Lisbonne, 2) juillet
1916. MAE/NSE Guerre 14-18, PortUgal, n D6)8,
L'appréhension était justifiée, Les instructions secrètes
du gouvernement britannique à Barnardiston, dont le lieutenant
colonel Jogal Paris put prendre connaissance en cours de route,
semblaient avoir été spécialement préparées pour décourager le
gouvernement portugais, Si l'esprit général de l'ordre de mis-
sion était d'agir sur les autorités militaires et civiles en
vue du développement de la puissance militaire en Europe et
dans les colonies, Barnardiston devait signifier aux Portugais
que la pénurie d'instructeurs anglais ne permettait pas d'en
envoyer au Portugal; dans le domaine de l'armement, des muni-
tions et de l'équipement, le gouvernement britannique ne pou-
vait aider que dans une très faible mesure. Sur le plan de la
guerre dans les colonies, i l était demandé aux troupes portu-
gaises du Mozambique, de déployer plus d'activités, tandis que
l'Angleterre décidait unilatéralement que les territoires
gagnés sur l'Allemagne ou qui viendraient à l'être, devaient
être confiés à des commissaires anglais pour leur administra-
tion. Enfin, le dernier article des instructions prescrivait
de notifier que les troupes portugaises pourraient, au besoin,
être utilisées à des travaux de l'arrière, dans les ports ou
sur les bases militaires anglaises en France (1).
Il ressortait déjà de ces recommandations que l'Angleterre
ne concevait la participation des contingents portugais qU'au-
près de l'armée britannique. A considérer certains termes,
tout
semblait être mis en oeuvre pour rendre impossible cette parti-
cipation. Cette hypothèse incita le lieutenant colonel Jogal
Paris à faire des observations sur l'effet que produiraient
(1) Lieutenant-colonel Jogal Paris au ministre de la Guerre et
au commandant en chef. Lisbonne, JI ao~t 1916. MAE/NSE
Guerre 14-18, Portugal, n 0 6J8.
-225-
chez les Portugais, certaines des instructions. Ces observa-
tions eurent sur le champ l'adhésion de Barnardiston. Mais cela
ne devait paS empêcher les frictions au cours des négociations
avec le gouvernement portugais lorsqu'interviendront les repré-
sentants britanniques.
Les recommandations britanniques allaient contraster avec
la détermination des autorités portugaises d'envoyer un corps
expéditionnaire au front occidental. En effet, à la première
séance de travail de la commission mixte franco-anglo-portugais(
tenue à l'arsenal de Lisbonne, Norton de Matos
porta à la
connaissance des Français et des Britanniques que la première
division, celle de Tancos (18.000 hommes ) était préte, que la
seconde était en prépar.~ion et qu'il était possible d'en pré-
parer une troisième et que le désir du Portugal était de mettre
à la disposition des alliés, dans les plus brefs délais, les
contingents préts. Il proposa alors un programme d'activités
qui devait consister, notamment, à suivre les travaux d'orga-
nisation, de préparation, et d'entraînement de la division de
Tancos, ce qui permettrait à la commission de déterminer dans
quelles conditions il fallait qu'elle complète son entrainement,
au Portugal ou en France, où elle profiterait de certaines
installations et des conditions spéciales. Après deux séances
de travail, les missions militaires purent se faire une idée
du tableau complet des forces portugaises disponibles. Au terme
de la première quinzaine de septembre, il était possible aux
délégués britanniques et français de porter une appréciation
sur les capacités militaires du Portugal.
•
-226-
Si l'on s'en tient aux rapports du lieutenant-colonel
Paris, Barnardiston était sceptique et semblait dire dans les
séances de la commission mixte que l'armée portugaise était
sous-équipée et ne remplissait pas toutes les conditions.
Mais, pour le lieutenant-colonel Paris qui constatait ce
fait, il n'était pas question de négliger le concours de )0 à
60,000 hommes. "Si les Anglais qui ont subi moins de pertes que
nous, ne veulent pas s'embarrasser d'une ou de deux divisions
portugaises, écrivait-il, nous pourrions, nous, les utiliser
dans un secteur de notre front"(1).
Aux termes de la quatrième séance de travail, le gouver-
nement portugais posa des questions dont les réponses étaient
déterminantes pour la poursuite des préparatifs. Norton de
Matos
demanda si les gouvernements alliés étaient décidés à
admettre la coopération du Portugal telle qu'il la proposait
sous la fot~@ d'un corps expéditionnaire composé d'abord d'une
division dont la base serait l'effectif réuni à Tancos, mais
qui serait renforcé pour atteindre )0.000 hommes, avec trois
brigades, quatre groupes de batterie de 75, un ou deux groupes
d'obusiers légers, trois compagnies de génie ; cette division,
ou tout au moins tous ses éléments pr&ts, partiraient le plus
tôt possible. Il y aurait une deuxième division que l'on s'occu-
perait de créer aussitôt après le départ de la première. Qu'en-
visagerait le Grand Quartier Général des armées alliées en cas
d'acceptation de la collaboration? Les contingents seraient-ils
encadrés au milieu des forces françaises ou bien au milieu des
(1) Lieutenant-colonel Paris à Monsieur le Ministre de la
Guerre, Lisbonne, 15 septembre 1916. SHA/16N 2912.
-227-
forces britanniques 1 Leur laisserait-on au contraire une large
indépendance en les rattachant seulement au C.Q.C. d'une des
deux armées 1 (1).
Ainsi se trouvait posée la question du mode d'emploi du
corps expéditionnaire portugais, c'est-à-dire principalement
son affectation soit au groupe des armées anglaises, soit à
celui des armées françaises.
La portée de la question et seS
implications dépassaient le strict cadre des besoins militaires
immédiats. Elle était au centre d'une des multiples problêma-
tiques de la guerre.
Le 22 septembre, dans une lettre au ministre de la Cuerre,
le général Joffre, s'appuyant sur les rapports du lieutenant-
colonel Jogal Paris, souleva à nouveau la question de la coopé-
ration du Portugal dont les contingents seraient entraînés par
les troupes françaises et rattachés à une des armées du front
1
nord-est
1 i l sugg~ta que le transport de ces troupes fût
entrepris le plus vite possible et qu'un camp fût désigné pour
leur rassemblement et pour la mise au point de leur instruction
sous la direction de cadres français
(2). Joffre allait vite,
sans tenir compte des intentions des Anglais sur la question.
En effet, Barnardiston ne cessait de répéter au
lieutenant-colonel Jogal Paris que les troupes portugaises pré-
féreraient combattre avec l'armée britannique. Mais surtout, le
(1 ) Lieutenant-colonel Paris au ministre de la Guerre et au
co_ndant en chef. Lisbonne ,1) septembre 1916. SHA/15N 22.
Le g~néral commandant·en.c:hef au ministre de la.Guerre.
OQG, le ~~ septembre 1916. ~E/NSE cuerre 14-18, Portugal,
n06)8.
27 septembre 1916, l'ambassadeur britannique transmit au Quai
d'Orsay, une note de son gouvernement. Selon cette note, le
Portugal, tout en désirant remplir ses obligations envers la
France, en faisant combattre ses troupes sur le sol français,
avait exprimé le désir que le contingent portugais reste en
étroit contact avec les troupes britanniques et soit employé
dans la zone britannique d'opérations. Le gouvernement britan-
nique expliqua cette démarche par les liens d'"alliance sécu-
laire" qui unissaient les deux pàys (1).
La note britannique signifiait que la France avait été
écartée de la négociation relative à la coopération portugaise
si négociation il y avait eu. Les voeux dont faisait état le
cabinet britannique, bien qu'ils aient pu ëtre formulés par le
gouvernement portugais, contrastaient avec les déclarations de
Norton de Matos
à la séance de travail précitée. Elle indiquait
tout au moins clairement que le cabinet britannique avait la
haute main sur les affairee. d-U
Portugal et qu'il en détenait
la clef.
La décision britannique rencontra une vive opposition du
ministre de la Guerre et du haut commandement français, dont le
Quai d'Orsay reprit et développa les arguments dans les instruc-
tions à Paul Cambon.et dans sa réponse officielle à la note
britannique (14 octobre). Selon cette réponse, les troupes
portugaises devraient 4tre mises à la disposition du commande-
ment français qui les utiliserait, au début tout au moins, dans
les zones calmes de son front. Le secteur tenu par les Anglais
(1) Le Président du Conseil, ministre des Affaires Etrangèresau
ministre de la Guerre. Paris, 3 octobre 1916. SI"/7N 398.
commandait les communications avec le Nord, et, était proche de
Paris 1 il était par conséquent trop important pour permettre
l'emploi des troupes non conCirmées (1).
Outre cela, les eCCorts Cournis par la France et les
pertes subies par son armée, depuis le début de la campagne,
justiCiaient pleinement l'emploi des troupes portugaises. Le
Quai d'Orsay aCCirma r.e pas méconnaître les raisons politiques
- l'Alliance basée sur des liens ~éculaires - invoquées par le
gouvernement britannique. TouteCois. le fait que la négociation
relative à la coopération portugaise se soit effectuée sous les
auspices du cabinet br~tannique et qU'un général anglais ait eu
la direction de la mission militaire d'étude. suffisait à affir-
mer aux yeux du gouvernement portugais le rôle éminent de
l'Angleterre, le gouvernement français laisserait par ailleurs
le soin au Foreign Office de faire connaître à Lisbonne que.
pour des raisons militaires. il serait préCérable que les trou-
pes portugaises puissent &tre utilisée~ 3ur le front français~).
Mais le gouvernement britannique resta ferme sur ses
positions. Le protocole de Boulogne du 20 octobre 1916 qui
conclut les derniers pourparlers franco-anglais sur la question
du corps expéditionnaire portugais, conSacra le rattachement
de celui-ci à l'armée britannique (,).
,+
+
+
(1)(2) Le ministre des Affaires Etrangères à l'ambassadeur à
Londres. Paris. 14 octobre 1916. MAE/NSE Guerre 14-18.
Portugal, n0629.
(,) Le ministre des Affaires Etrangères à l'ambassadeur à
Londres. Paris, 21 octobre 1916. MAE/NSE Guerre 14-18,
-2)0-
Il résulte des conditions dans lesquelles le CEP a été
affecté à l'armée britannique qu'il ne s'agissait pas d'une
question exclusivement militaire. Si elle avait été envisagée
sous son aspect purement militaire - c'est-à-dire du point de
vue de l'efficacité dans la perspective de la victoire commune
des puissances de l'Entente - l'issue aurait été le rattache-
ment à l'armée française. Les arguments des autorités françaises
à cet égard étaient solidement fondés. La France, en raison de
ses pertes, avait, plus que l'Angleterre, des besoins réels et
urgents en troupes fraîches J par ailleurs, dans la mesure où
l'affectation des troupes portugaises à l'armée française
aurait été l'affirmation d'une certaine autonomie par rapport
à la tutelle britannique et un antidote à la propagande alle-
mande - que le Portugal est vendu à l'Angleterre - elle aurait
créé des conditions psychologiques meilleures, tout au moins au
niveau des officiers J les affinités culturelles et idéologi-
ques auraient renforcé cet état de choses et constitué en même
temps un facteur d'~Lcacité.
Certes, c'est la France qui depuis le début avait porté
son attention sur la contribution du Portugal sous cette forme
et oeuvré dans ce sens, alors que la politique de l'Angleterre
avait été d'écarter cette éventualité pour des raisons qui lui
étaient propres, Mais, puisque malgré la réticence du début,
l'envoi du CEP au front occidental était devenu une réalité, il
fallait que cette participation se fit sous son controle et à
son profit. L'unité d'action contre les puissances centrales ne
signifiaient pas la fusion des intér~ts des puissances alliées.
-2JI-
Le Portugal était une chasse gardée de l'Angleterre et
un élément extr~mement important de sa stratégie mondiale, tant
par sa position géographique que par ses colonies dont elle a
essayé de se servir à plusieurs reprises comme monnaies
d'échange, pour surmonter les moments difficiles de ses rivali-
tés avec l'Allemagne et qu'elle pourrait utiliser dans la
recherche d'une éventuelle paix de compromis, La participation
d'un corps expéditionnaire d'environ 60.000 hommes de ce pays
était une chose trop importante pour être laissée au contrôle
de la France. L'opposition des intér~ts des deux Etats demeu-
rait et elle seule expliquait le fait que le Portugal ne pût
être, selon l'expression du ministre de France à Lisbonne,
"l'allié de tous les Alliés"(I).
Mais l'affectation du corps expéditionnaire à l'armée
britannique n'arr~terapas pour autant la coopération militaire
entre les deux pays, tant sur le plan bilatéral que multilaté-
ral. A défaut d'avoir ce qui constituait la contribution essen-
tielle du Portugal, la France entretiendra avec ce pays des
relations militaires à des échelles et dans des domaines par-
ticuliers qu'autorisaient la situation et la logique de leurs
rapports.
(1) Daeschner au ministre des Affaires Etrangères. Lisbonne,
18 novembre 1916. MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, n06J9.
-2J2~
CHAPITRE III - LES PRINCIPAUX CHAPITRES DE LA COOPERATION
MILITAIRE (NOVEMBRE 1916-1918)
Au moment m.me où s'achevait la mission du
lieutenant-colonel Jogal Paris, la guerre entrait dans une
nouvelle phase. C'est la période où les puissances de l'Entente
cherchaient à retrouver leur équilibre matériel et militaire
sur le terrain, et où l'Allemagne s'apprêtait à déclencher la
guerre sous-marine à outrance, avec toutes ses conséquences
militaires et économiques (1).
En France, les besoins en effectifs imposèrent
le maintien de l'idée d'un concours portugais, circonscrit
cette fois dans un domaine précis, Au lendemain de la décision
d'affectation du corps expéditionnaire portugais, l'état-major
souleva le problème de l'envoi par le Portugal de personnel
pour servir l'artillerie lourde. Un peu plus tard, le Portugal
(1) Au terme de l'année 1916, la guerre sous-marine sans res-
triction apparut à l'Allemagne comme le moyen susceptible
de décider, en sa faveur, de l'issue de la guerre. Solli-
cité par le haut-commandement militaire d'envisager la ques-
tion, le chef de l'état-major de la marine allemande termi-
nait, le 22 décembre 1916, un long mémoire par la conclusion
suivante 1 "La guerre sous-marine peut, en cinq mois, forcer
l'Angleterre à la paix". Le JI janvier, un mémorandum fut
remis aux neutres. Le lendemain, l'Allemagne ordonnait la
guerre sous-marine sans restrictions 1 LAURENS (Adolphe),
Précis d'Histoire de la guerre navale 1914-1918, Paris,
192 9, pp.19J-194.
-2JJ-
commença à subir les effets de la guerre sous-marine. et solli-
cita de la France non seulement la fourniture de matériel mili-
taire. mais une action conjointe dans l'organisation de la
défense de ses côtes.
Les relations militaires. que ne remit pas en
question le changement de régime au Portugal. en décembre 1917.
s'étendirent cependant au-delà de ces de~ chapitres de la
coopération bilatérale. Elles comprirent également les rapports
avec le corps expéditionnaire. la signature d'un accord en
matière de justice militaire. la collaboration multilatérale
dans le domaine des renseignements. choses toutes nécessaires
à l'effort de guerre.
Bien que les documents relatifs à ces deux der-
niers sujets soient insignifiants. on peut néanmoins signaler
au passage 1
1) la création en août 1918 à Lisbonne sur ini-
tiative de la France. de la Police Interalliée (Policia Inter-
aliada) ou PIA. Destinée à permettre une meilleure coordination
des services alliés. afin de déjouer plus efficacement les
activités allemandes au Portugal, la PIA regroupa la France,
l'Angleterre. les Etats-Unis. l'Italie et le Portugal 1 ce der-
nier créa, pour la circonstance. une section spéciale de la
police secrète, avec laquelle les officiers alliés pourraient
directement communiquer (1).
2) l'établissement d'une convention juridique,
intervenu le 26 septembre 1917 entre le chargé d'arfaires de
(1) Rapport du S.R. de Lisbonne sur l'organisation de la Police
Interalliée. Lisbonne. 20 août 1918. SHA/7N 1215.
-----------------
-2)4-
France à Lisbonne et le ministre des Affaires Etrangères du
Portugal, Augusto Soares, en vue d'une part, de la reconnais-
sance pendant la guerre de la compétence exclusive des tribu-
naux des armées respectives des deux pays, à l'égard des per-
sonnes faisant partie de ces armées, et, d'autre part, de la
recherche, l'arrestation et la remise à des commissions mili-
taires installées à Lisbonne et Bordeaux de déserteurs et
insoumis de l'un ou l'autre pays (1).
La conclusion de cette convention juridique
n'était pas un fait militaire en soi. Son importance se situait
essentiellement par rapport aux trois principaux chapitres
ci-après de coopération militaire, qui se déroulèrent tnnt en
France qu'au Portugal.
1 - L'attribution à la France d'un contingent d'artillerie
portugais ou la difficile histoire d'un élément de
compensation
1 - ~!_!!~~~!_~~_~!!!!!!~!!_~~!~~S!!!_!!_!~_~~~!!~!!~~
militaire du 17 mai 1917
------------------------
Après l'affectation du corps expéditionnaire portugais à
(1) Convention relative à la compétence juridique des armées
portugaise. et .française. SHA/7N ~98. Le texte est publié,
en ce qui concerne le Portugal,
ans le Diario do Governo
du 15 octobre 1917.
-2J5-
l'armée britannique, la pénurie d'effectifs conduisit le com-
mandant en chef des armées françaises à demander, à la fin de
novembre 1917, au ministre de la guerre, de procéder aux démar-
ches nécessaires à l'obtention de personnel portugais pour le
service des matériels d'artillerie lourde de grande puissance.
En fait, la question n'était pas nouvelle, puisqu'elle avait
été soulevée pour la première fois en septembre 1916, avant que
ne fut résolu le problème de l'affectation du corps expédition-
naire (1). Avec l'attribution de 'celui-ci à l'armée britannique
la question se posait seulement avec plus d'acuité.
La démarche portait sur 20 à JO batteries à pied, à effec-
tif de 200 hommes environ chacune. Toute idée de troupes mer-
cenaires étant à écarter, elles devaient se composer, chacune,
selon les indications du général Joffre, de 3 officiers dont
un capitaine, 16 sous-officiers, dont un adjudant et un maré-
chal des Logis chef, 10 brigadiers, 140 canoniers servants (2).
Le ministre de France à Lisbonne fut chargé de mener sur place
les négociations.
Après bien des péripéties, le gouvernement portugais,
auquel la question avait été soumise, se déclara favorable au
principe d'envoi des batteries, dans des conditions précises
de préparation. Pour des considérations politiques tant inté-
rieures,qu'extérieures, le gouvernement devrait opérer de
manière à ne pas faire accréditer l'idée qu'il organisait deux
corps expéditionnaires, l'un pour l'Angleterre, l'autre pour la
(1) Note sur le contingent d'artillerie portugais destiné au
front français. 20 avril 1917, p.l. SHA/7N 398.
(2) CQG, 11 décembre 1916. SHA/16N 2912.
-2J6-
France. Pour cela, le corps d'artillerie serait plutôt organisé
et ajouté comme annexe au corps expéditionnaire dont il serait,
par ailleurs, entièrement indépendant (1). Il serait transporté
en France avec des détachements du corps expéditionnaire portu-
gais, et là, une fois débarqué, serait détaché et remis à la
disposition du commandement français (2).
Le gouvernement portugais, tout en accédant, dans le prin-
cipe, à la demande française, affirma néanmoins ne pouvoir rien
décider sans l'avis du gouvernement britannique et jugea néces-
saire que la demande fût formulée officiellement par écrit, et
qu'elle fût transmise par le gouvernement britannique, ou tout
au moins appuyée par lui officiellement (3).
Peu après, le ministre d'Angleterre à Lisbonne appuyait,
sur instruction, la demande française. Et tandis que le minis-
tre des Affaires Etrangères exprimait dans une note l'entière
satisfaction de son gouvernement de pouvoir pr&ter un concours
direct à la France, le ministre de la Guerre assura qU'il
mettrait à la disposition de l'armée française 20 à 25 batteries
avec à leur t4te, un colonel et quelques officiers supérieurs (4).
Telle fut l'origine du C.A.L.P., le Corps d'Artillerie Lourde
,Portugais, connu aussi sous le nom de C.A.P,I. (Corpo de Artil-
haria Pesada Independante). Mais la collaboration allait
s'avérer difficile et éphémère.
(1)(2) Colonel Denvignes au commandant en chef. Lisbonne, 18
décembre 1916. SHA/16N 772.
(3) Daeschner au ministre des Affaires Etrangères. Lisbonne,
20 décembre 1916. MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, n06J9.
(4) Note sur le contingent d'artilleurs portugais destinés au
front français, 20 avril 1917, p.2. SHA/7N 398.
---
-------~--<-~---_._--------'----------
-2J7-
A partir de la fin de décembre 1916, les autorités fran-
çaises se posèrent le problème des conditions juridi~ues de
l'emploi du contingent portugais et envisagèrent, par consé-
quent, la question d'une nécessaire entente entre les deux gou-
vernements. L'incorporation complète de soldats et officiers
portugais dans l'armée française était différente de celle de
volontaires étrangers et appelait, par conséquent, une régle-
mentation particulière. Dans la conception que les autorités
,
françaises avaient de la question, cette réglementation devait
~tre dominée par la reconnaissance de la juridiction française.
En clair, un accord spécial devait permettre la subordination
de ces militaires qui passeraient collectivement avec leur
grade sous les drapeaux français et y conserveraient leurs
droits normaux d'après les règles de leurs propres lois mili-
taires.
Sans doute, par crainte de causer des retards, Paris ne
souleva pas finalement la question auprès du gouvernement por-
tugais. Aussi, au moment où, entre janvier et mars 1917, il fut
question d'envoyer en France les premiers détachements, aucun
accord sur les conditions d'emploi du corps expéditionnaire
n'était intervenu. Et, dans un télégramme du 28 mars, le minis-
tre de France à Lisbonne faisait connaître qu'un premier déta-
chement de 10 batteries quitterait Lisbonne par mer vers le
milieu avril et que le cadre précurseur partirait le 8 avril,
en passant par l'Espagne 1 le m~me télégramme faisait état du
désir formulé par le ministre portugais de la Guerre pour que
"le troupes portugaises soient nourries et entretenues enFrance
-2 JR-
comme les troupes françaises"(1).
Le ministre,de France devait remettre plus tard, le 12 avril.
au gouvernement portugais, une note qui acceptait cette exi-
gence et qui stipulait aussi, entre autres 1 "Le seul moyen
pratique d'administrer ces troupes serait que le service de la
solde et des allocations comme celui de l'alimentation, soit
entièrement pris à la charge des organismes administratifs
français auxquels elles seront rattachées"(2).
Le gouvernement portugais n'accepta pas la mise à la charge
du gouvernement français de l'entretien des artilleurs et
soumit un projet de convention stipulant que le corps portugais
jouirait d'une autonomie et que, pour les soldes et autres
allocations, le gouvernement français ne ferait que des avances
qui seraient remboursées dans des conditions à déterminer ulté-
rieurement entre les deux gouvernements (J). Le projet portu-
gais allait servir de base à la convention militaire.
Le 12 mai 1917, Norton de Matos,
le ministre portugais de
la guerre, sur le point de se rendre en France en vue de l'ins-
pection des troupes du C.E.P., reçut les pleins pouvoirs pour
négocier la convention qui devait fixer l'essentiel des condi-
tions d'emploi du C.A.L.P. Cinq jours plus tard, le 17 mai,
celle-ci était signée avec Paul Painlevé, ministre français de
la Guerre.
Note sur le contingent'd'artilleurs. portugais destinés au
front français, ~o avril 1917, p:2~ SHA/7N J98.
(2) Le ministre de France à Lisbonne,au ministre des Affaires
Etrangères du Portugal, 12 avril 1917, MM/la Divisao J5a
Secçâo 12 50/Z.
(3) Note sur le contingent d'artilleurs portugais destinés au
front français, 20 avril 1917, p.J. SHA/ZN 398.
-2J9-
Au terme de la convention, le gouvernement portugais s'en-
gagea à fournir le personnel nécessaire à la formation de
batteries lourdes dont le nombre ne pourrait 'tre inférieur à
15, ni supérieur à JO. Les batteries seraient groupées sous le
commandement d'un officier portugais, colonel ou lieutenant-
colonel d'artillerie, et constitueraient un corps qui opérerait
sur le front français, à des positions déterminées par le com-
mandement français. Lorsque des considérations d!ordre tactique
l'exigeraient, le corps pourrait 'être fractionné et ses diffé-
rents groupes employés sur des secteurs d'opération différents,
les groupes détachés continuant néanmoins à rester sous les
ordres du colonel portugais pour tout ce qui concernerait la
discipline générale, l'administration et la justice militaire.
Pour assurer les opérations de toute nature avec le e.A.L.p.,
ravitaillement, évacuation, liaison avec le commandement fran-
çais, un petit état-major français serait détaché auprès du
colonel portugais, tandis que des interprètes et sous-officiers
comptables seraient attribués aux batteries (1).
Le gouvernement français fournirait tout le matériel néces-
saire, initial et de réserve, à l'exception des uniformes, du
linge et des chaussures qui seraient fournis par le gouverne-
ment portugais. Tout le matériel distribué devait être consi-
déré comme propriété du gouvernement portugais qui pourrait le
rapatrier:l la fin de la guerre, après accord avec le gouverne-
ment français. Mais toutes les dépenses faites par le gouverne-
ment français (matériel, rations, avances, etc ••• ), en dehors
(1) Convention militaire franco-portugaise du 17 mai 1917.
MAE/NSE Guerre 14-18, Portugal, n0640.
de quelques rares dépenses telles que les traitements des
blessés et malades dans les hapitaux français. seraient rem-
boursées par le gouvernement portugais, de la manière qui serait
réglée plus tard entre les deux gouvernements. L'administration
et la justice des troupes portugaises, soit sur le front, soit
dans toute autre position, seraient de la compétence exclusive
des officiers portugais qui les commanderaient. L'application
des peines serait faite par les officiers et les tribunàux
militaires du C.E.P. qui coopéraient avec l'armée britannique(I}.
La convention était nettement en faveur des thèses portu-
gaises et laissait une autonomie relativement large au C.A.L.P.
qui, contrairement à ce qu'envisageaient les autorités fran-
çaises, restait soumis à la juridiction portugaise. Cette exi-
gence s'inscrivait dans la m&me optique que celle de la pré-
sence des officiers et permettait, en donnant au contingent
portugais une identité, de conférer à la collaboration plus de
poids politique et diplomatique.
Quelques jours après la signature de la convention, le
cadre précurseur du corps d'artillerié arrivait, le 26 mai 1917,
à Paris. Les 26 officiers et les 2- sous-officiers le composant,
furent conduits d'abord à Epernay, puis à Mailly. Le 1er juin,
le détachement précurseur était définitivement installé à
(1) Convention militaire franco-portugaise du 17 mai 1917,
MAE/NSE Guerre 14-18. Portugal, n 0 640.
~ ".0:-
.
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Bailleul-sur-Thérain, dans l'Oise, où un ancien camp de prison-
niers de guerre. rebaptisé pour la circonstance. Centre d'Orga-
nisation de l'Artillerie Lourde Portugaise. leur Cut attribué.
Il Cut également constitué à Brest un petit dépôt de passage
pour des unités constituées ou isolées.
Mais. les batteries ne suivirent pas immédiatement le déta-
chement précurseur. en raison des diCCicultés de transport. dues
au retrait par le gouvernement britannique. des bâtiments ayant
servi à amener en France les troupes du C.E .P. Le gouvernement
portugais ne disposant que d'un seûl bateau de transport, déjà
insurCisant pour le ravitaillement et la relève du C.E.P., il
Callut attendre le 1) octobre 1927 pour que débarquent à Brest
791 hommes constituant le premier détachement des batteries.
Les diCCicultés précitées et le changement dû au coup d'Etat de
Sidonio Paes. le 5 décembre 1917. retardèrent le second convoi.
Celui-ci. qui sera en Cait le dernier. ne quittera Lisbonne que
le 10 janvier 1918 et comptera 585 hommes. si bien qu'à la
mi-janvier. leC.A.L.P. ne totalisera que 1.41) hommes. soit
moins de 10 batteries. alors que la convention prévoyait un
minimum de 15 batteries.
Le C.A.L.P. subit depuis octobre 1917 une préparation inten-
sive. si bien que le 1) Cévrier 1918. l'oCCicier 8upérieurCran-
çais chargé de son inspection. le général Maurin. adressait au
colonel Camara Pestana. commandant du C.A~L.P•• le message sui-
vant l "A la suite de l'inspection que je viens de passer au
C.A.L.P •• je tiens à vous adresser toutes mes Célicitations
pour l'excellente tenue de vos troupes et pou i' les résultats
--------
-242-
que vos efforts personnels ont su réaliser en si peu de temps.
Je vous confirme ma promesse verbale de saisir la première
occasion pour engager vos batteries"(l).
En fait,
les batteries portugaises n'allaient être engagées
que dans une très faible proportion et durant un temps relati-
vement court, car au moment même où le second contingent arri-
vait en France, le haut-commandement et le ministère de la
,
guerre, envisageaient la suspension de cette collaboration, non
seulement parce qu'elle n'a pas donné des résultats escomptés,
mais surtout en raison de l'arrivée des troupes américaines
(2).
Depuis novembre 1917, les Etats-Unis d'Amérique étaient
entrés dans la guerre aux côtés des puissances de l'Entente.
Tenue à l'écart du conflit pendant trois ans, cette puissance
avait profité de la situation pour développer prodigieusement
son potentiel militaire et économique. L'arrivée sur le front
occidental de ses troupes, fra!ches et puissamment équipées,
tendit à changer les données de la guerre, en dépit de la défec-
tion de la Russie. L'utilité militaire des ba~teries portugai-
ses s'en trouva considérablement diminuée. Leur emploi parut
alors de peu d'intérêt.
Le ministre de France à Lisbonne fut alors ehargé, le
2.1
janvier 1918, de demander au gouvernement portugais 1
1 0 _
son approbation au sujet du rattachement du C.A.L.P. à
(1 ) MARTINS (Général Ferreira), França-Portugal, Lisbonne, 1965
p.18.
(2. ) Télégramme au ministre de France à Lisbonne, 22 janvier
1918, SHA/16N J006.
l'armée britannique en France, zo_ la cessation de l'envoi des
artilleurs, )0_ la suspension provisoire de la convention du
17 mai 1917 (1). Un accord intervint entre les états-majors
anglais et français, et le Z5 février, 1918, le cabinet britan-
nique notifiait au gouvernement portugais son acceptation du
principe de transfert du C.A.L.P. Des dispositions furent
prises, et le contingent fut transféré,de Bailleul-sur-Thérain
à Mailly d'où il devait rejoindre Le Havre pour être mis à la
disposition du commandant de la base anglaise 1 le transfert de
cette première fraction fut prévu pour le 9 avril 1918 (2).
L'effectif restant, la le, la Ze et la )e batterie, employée
dans l'artillerie des voies ferrées, 'demeurèrent dans l'immé-
diat, à la disposition du commandement français, en raison des
besoins des batailles alors en cours ()). Ainsi, la 2e et la
)e batterie mises à la disposition de la 4e armée, commandée
par le général Gouraud,
firent partie d'une formation d'artille-
rie qui, stationnée à Saint-Remy-sur-Bussy, à l'est de Reims,
prirent part à des actions dans la deuxième quinzaine de mai.
C'est au cours du même mois que la première batterie fut égale-
ment associée à des opération militaires dans le secteur de
Sommesons, au sud de la Marne (4).
Mais cette participation dura peu de temps. Au début du
mois de juin, les autorités françaises offrirent de rendre le
(1) Télégramme du ministre des Affaires Etrangères au ministre
de France à Lisbonne. 22 janvier 1918. SHA/16N )254(lP).
(2) CQG, 8 avril 1918. Ordre pour le commandant de RGA.
SHA/16N 2492.
'
()
CQG au Président du Conseil, ministre de la guerre.
17 septembre 1918. SHA/16N 2492.
(4) MARTINS (Général Ferreira), op.cit., p.1B-19.
reste du corps aux Anglais, La réponse du gouvernement britan-
nique se Caisant attendre, le ministre de l'armement demanda
le 29 juin la possibilité d'utiliser le détachement portugais
aux travaux du Cront (1),
Les pourparlers Curent engagés à ceteCfet entre les auto-
rités britanniques, à qui le détachement devait ~tre remis à
l'origine, et le gouvernement portugais, Leur accord permit le
transfert, le 8 octobre 1918, du détachement d'artilleurs
(28 officiers, 18 sous-officiers 'et J6J canoniers) au ministère
français de l'armement et des fabrications de guerre, pour ~tre
ensuite mis aux ordres de l'officier chargé de l'armement de
la IVe armée (2), Un mois plus tard, c'était l'armistice,
II - La coopération aéronavale sur le sol portugais
La rupture germano-portugaise créait une situation nou-
velle quant à la sécurité du Portugal 1 ses eaux territoriales
et ses ports étaient désormais exposés au danger des attaques
sous-marines allemandes, Pour organiser sa défense, le Portugal
fit appel principalement au concours français qui se manifesta
sous forme de fourniture de matériel et d'assistances techni-
ques diverses et par l'installation d'une base aéronautique
maritime française à Aveirc en 1918, D'autres Cormes de colla-
boration dans le domaine naval précédèrent l'organisation
(1 ) Le ministre de l'Armement et des Fabrications de guerre au
CQC, 29 juin 1918, SHA/16N 2492,
(2 ) CQG au Président du Conseil, ministre de la Guerre, 9 octo-
bre 1918, SHA/16N 2492,
-245-
commune de la défense contre les sous-marins. Le Portugal avait
depuis la fin de 1916, accordé certaines facilités à la marine
de guerre française qui put disposer d'un dépôt de combustible
à Lazaretto près de Lisbonne (1), et d'une base à Leixoes, près
de Porto, cette base complétait les points d'appui de la
flotte de patrouilles opérant dans le golfe de Cas cogne (2).
1 - ~_9~!~!!~~_~!_!!_~!!!~~!_~!!_~~!!~_e~~!~~!!~!~_!!~!~!~~2~~
~!_~2~E!~!!!2~_!!~~~~!!!_iJ~!~_:_!~g!_!2!71
Menant la guerre sur plusieurs fronts - en France, en
Mozambique, en Angola, dans les îles et sur le territoire
national - le Portugal avait d'importants besoins en armement
pour la satisfaction desquels il dépendait presque entièrement
de l'étranger. Son alliée, l'Angleterre, ne pouvant à lui seul
le satisfaire, d'autres puissances entrèrent en ligne, pour son
approvi&~anement en matériel militaire. Parmi ces puissances,
la France tint une place importante non seulement dans la four-
niture de matériel, mais aussi dans la création de certaines
armes, comme l'aviation militaire, mais plus particulièrement
dans l'organisation de la défense des côtes portugaises contre
les sous-marins allemands.
Cette coopération aéronavale n'est pas partie d'une situa-
tion ex-nihilo 1 bien avant la rupture avec l'Allemagne, et
(1) Capitaine de Corvette Batsale, attaché naval à Lisbonne au
commandant de l'Aéronautique portugaise. Lisbonne, 21 août
1918. AGM/4169 A.
Sur l'escadrille de patrouille du Portugal, cf.LAURENS
(Adolphe), La guerre sous-marine, t.V, L'organisation des ...
dans la période qui suivit, le Portugal commanda en France les
matériels nécessaires à la défense maritime, à la protection
de l'entrée du Tage à Lisbonne et du Douro à Porto 1 torpilles,
mines sous-marines, appareils de dragage, etc ••• Mais ce fut
surtout dans le domaine de l'aviation militaire que ces échan-
ges furent les plus poussés. Un peu avant la guerre, avait été
créée, le 14 mai 1914, l'Ecole d'Aviation militaire portugais~l).
Celle-ci semble n'avoir pas connu une existence réellement
opérationnelle. Cela explique sans doute le fait que, lorsqu'
éclata la guerre, il fallut continuer à envoyer en formation
dans les écoles françaises d'aviation militaire (Chartres,
Juvisy, Pau, Châteauroux, Tours) des officiers tant pour le
pilotage que pour le tir aérien. Dès mai 1916, afin de pouvoir
doter de toutes les armes son corps expéditionnaire alors en
formation, le,gouvernement portugais commanda en France des
appareils pour l'équipement de son école et la formation
d'une
escadrille de combat.
Le 4 septembre 1916, le gouvernement français autorisait
la cession de quatre appareils (deux Nieuport, un Caudron, et
un Morane) pour l'équipement de l'école, mais subordonna l'exa-
men de la question des huit appareils et des bombes pour l'es-
cadrille de combat, à la solution qui serait apportée au pro-
blème de l'affectation du corps expéditionnaire.
Pendant ce temps, au Portugal, seule la division navale
assurait la défense contre les sous-marins, par l'établissement
(Z-suite de la page 245) ••• forces de Patrouilles, ouvrage dac-
tylographié, bibliothèque du SHM, p.588-589.
(1) NUNES (Pereira), Portugal na grande guerra. Lisbonne, 192),
p.29.
-247-
de barrages à Lisbonne et à Porto, par la réglementation stricte
de l'entrée des navires dans les ports, la pose de mines, et
l'organisation de patrouilles le long des cates. Mais l'étendue
de celles-ci rendait nettement insuffisants les moyens dont
disposait la division navale.
Le 14 janvier 1917, le lieutenant de vaisseau Saccadura
Cabral, l'un des officiers d'aviation, formé en France, dans
l'aviation militaire puis dans l"aéronautique maritime, et
chargé de la section d'aéronautique maritime de l'Ecole d'Avia-
tion Portugaise, attira l'attention du ministre de la Marine de
ce Pays sur le développement de l'activité des sous-marins
allemands qui venaient de bombarder le port de Funchal aux
Madères et menaient des attaques quasi-quotidiennes dans les
eaux territoriales portugaises contre les embarcations de
pêcheurs. Ces attaques "prouvent bien, à l'évidence, écrivit
Cabral, l'arrogance croissante des sous-marins allemands, due
à la défiGi ence de la surveillance 'maritime'·(1).
La question lui parut vitale dans la mesure où le Portugal
vivait de l'importation et que la guerre sous-marine mettait
en danger l'industrie de la pêche qui, en raison des difficul-
tés de l'époque, était un secteur important de l·économie, tant
en ce qui concernait la consommation interne que l'exportation.
Dans son rapport sur ia situation, Cabral se disait con-
vaincu que les attaques sous-marines s'accroîtraient du fait
que l'activité navale allemande porte sur la construction des
(1) Saccadura Cabral au ministre de la Marine, 14 janvier 1917.
MNE/Je PA 7M 10.
sous-marins 1 se référant aux recommandations du lieutenant de
Vaisseau Larrouy, de l'aéronautique maritime française - dont
il s'inspirait dans son rapport - il conclut sur l'urgence de
l'organisation de la surveillance côtière au moyen
d'hydravions (1).
Le 29 janvier 1917, le ministre de la Marine portugaise
remet à son homologue des Affaires Etrangères un exposé relatif
à la nécessité d'organiser sur les côtes du Portugal des sta-
tions d'hydravions pour la surveillance et la lutte contre
l'action des sous-marins. Le document exposa une série d'élé-
ments qui Condaient cette nécessité. La crise du tonnage et
avec elle les diCficultés de plus en plus grandes du ravitail-
lement, exigeaient la protection, autant que possible de la
navigation marchande alliée, f'rançaise et anglaise, principa-
lement contre les sous-marins. Or, le Portugal occuPait une
position stratégique sur les routes maritimes en direction de
l'Af'rique et de l'Amérique du Sud 1 cette position ~tait mena-
cée par la promixité de l'Espagne où les sous-mari~~ allemands
trouvaient des ressources pour leur ravitaillement. L'envoi
des troupes portugaises au f'ront f'rançais (les premiers contin-
gents partiront le JI janvier 1917) rendait également indispen-
sable l'action de surveillance (2).
La question, soumise au gouvernement f'rançais, ne put abou-
tir à une décision concrète, tant à cause .des diCf'icultés en
France, que des problèmes internes à l'administration
(1) Saccadura Cabral au ministre de la Marine, 14 janvier 1917.
MNElJe PA 'lM 10.
(2) Le ministre de la Marine au ministre des Af'f'airesEtrangères
Lisbonne, 29 janvier 1917. MNE/Je PA 7M 10.
-249-
portugaise. Il en Cut de même des propositions Caites en avril
1917 par le gouvernement portugais.
Néanmoins, le 16 juin 1917, un mois après la publication
par Le Temps, d'un article sur l'activité des sous-marins au
Portugal, article dans lequel l'Espagne était à nouveau mise en
cause indirectement, le Portugal souleva à nouveau, plus réso-
lument, la question. Joâo Chagas remit cette Cois-là au Quai
d'Orsay des propositions précises, en vue de l·établissement
sur les côtes portugaises d'un réseau d'observation, pour la
protection contre les sous-marins et l'inCormation sur ce qui
se passait au large des côtes.
Les propositions du gouvernement portugais portaient sur
l'établissement par les deux pays de stations de dirigeables
et d'hydravions, selon le plan suivant (1) 1
1) une station centrale à Lisbonne comprenant d·une part
une station avec 2 dirigeables ·pour les patrouilles en
haute mer, et la surveillance des côtes avoisinantes 1
2) deux stations d'hydravions, une dans le nord, une dans
le sud, comprenant chacune huit hydravions pour les
patrouilles dans les régions correspondantes.
L'ensemble devait être tenu en liaison par le T.S.F., le télé-
graphe et le téléphone.
Faisant valoir la surcharge de son budget par la guerre
européenne et l'impossibilité de réaliser seul le programme
(1) Propositions (portugaises), annexe à la lettre du 21 JU1n
1917 du Président du Conseil, ministre des Affaires Etran-
gères au ministre de la Marine (Etat-major général).
SHM/Vi. 1 Portugal..
-250-
sans le concours français,
le gouvernement portugais affirma
&tre en mesure de réaliser l'installation complète de deux
stations.d'hydravions, fournir le terrain et faire les instal-
lations complémentaires pour la station de dirigeables et la
)ème station d'hydravions
1 i l demanda par conséquent au gou-
vernement français de compléter à ses frais la station centrale
de dirigeables et la )ème station d'hydravions, de lui céder
aux meilleures conditions le matériel nécessaire pour les sta-
tions qu'il établirait pour son compte (hydravions, moteur,
outillage, matériel T.S.F., etc ••• ).
Relativement aux questions de personnel et de commandement,
le Portugal proposa : les centres établis par le gouvernement
portugais auraient du personnel portugais, et les centres éta-
blis par le gouvernement français du personnel français.
Le
gouvernement français détacherait au Portugal le personnel spé-
cialiste nécessaire, et permettrait au gouvernement portugais
d'envoyer en France, pour les spécialiser dans les écoles
d'aviation et d'aérostation, du personnel portugais 1 quant au
commandement des différents centres, i l serait mixte et assuré
par un officier français et un officier portugais, tous deux
placés sous l'autorité de l'Etat-major de la marine portugaise.
Le 2) juillet 1917, dans une lettre au ministre des Affaires
Etrangères, le ministre de la Marine donnait son accord pour
apporter le concours de l'aéronautique maritime française.
Il
promit, dès que les disponibilités de matériel et de personnel
le permettront,
la fourniture de 24 hydravions et de deux diri-
geables de type vedette de )000 m), ainsi que la prise en charge
__.
---------~----_.
,.--------
-251-
Z~1.
par la France du centre d'hydravions du nord et la station de
dirigeables de Lisbonne avec un appoint de personnel portugais
subalterne, Contrairement à la proposition portugaise de com-
mandement mixte franco-portugais,
le gouvernement français pro-
posa que les installations portugaises russent placées sous les
ordres des autorités portugaises tandis que le centre français
serait sous les ordres du commandant des patrouilles françaises
de Leixoh (1).
Le 4 août, les contre-propositions françaises étaient sou-
mises à la légation du Portugal à Paris qui les transmit le
6 août à Lisbonne (2). Cet échange de lettres tint lieu d'accord
de coopération sur la base des termes contenus dans la réponse
française.
Le 15 septembre 1917, le lieutenant de Vaisseau,
Larrouy de l'Aéronautique française est chargé de se rendre au
Portugal pour en étudier les conditions d'exécution, Au cours
de sa mission, Larrouy servit en quelque sorte de conseiller au
gouvernement portugais. En particulier, i l établit les règle-
ments d'armements, de services militaires, de matériel et de
personnel,
inspiré de ce qui était en vigueur dans l'aéronau-
tique maritime rrançaise ()).
Sa présence semble avoir joué également un rôle dans les
changements intervenus dans d'autres domaines de l'aéronautique
maritime au Portugal. En effet, ce rut dans la m~me période que
la section d'aéronautique maritime de l'école d'Aviation Mili-
taire rut détachée pour former l'école d'aéronautique maritime,
(1) Le ministre de la Marine au ministre des Affaires Etrangères
2) juillet 1917, SHM!Vi 1 Portugal.
(2) Le ministre du Portugal à Paris au ministre des Affaires
Etra~èr~s à Lisbonne, Paris, 6 août 1917. MNE!~e PA 7M 10.
()) Rapport du capitaine Larrouy au ministre de la
ar1ne,
19 octobre 1917. SHM!GA 14J.
-252-
tJZ
le 18 septembre 1917 (1).
En ce qui concerne l'objet essentiel de la mission, la
recherche des sites pour l'installation des centres français
d'aviation et d'aéronautique, un accord, réalisé à partir des
résultats des études de Larrouy, comprit les principaux points
suivants (Z)
1
1 0 _ l'aviation maritime française s'établirait
sur les côtes nord. de façon à patrouiller dans la région nord
du Portugal et les abords du Vig~l
2 0 _
l'aérostation s'établirait dans la région
sud entre le Cap St Vincent et la frontière espagnole, de
manière à surveiller en liaison avec l'aviation portugaise de
Faro, les abords de Cadix et du détroit de Gibraltar.
Les recherches menées dans la région nord ont fait retenir
Aveiro comme réunissant assez de conditions pour accueillir la
station d'hydravions. En revanche, la désignation du point
d'installation de la station de dirigeables dans le sud du
pays l'a été sans recherche très approfondie 1 ce fut plutôt
lié au rejet de la région de Lisbonne,
lnitialement prévu,
comme étant impropre à l'établissement d'un centre de dirigea-
bles.
Dans les faits, en dépit de son importance stratégique, le
sud ne verra pas la construction de station de dirigeables,
bien que les recherches eussent été poursuivies. Seul Avèiro
sera construit et mènera la lutte contre les sous-marins alle-
mands, dans des conditions difficiles.
(1) NUNES
(Pereira), op.cit., p.29.
(2) Rapport du capitaine Larrouy au ministre de la Marine,
19 octobre 1917. SHM/Ga 143.
L'accord intervenu en octobre 1917 entre le gouvernement
portugais et Larrouy au cours du voyage de celui-ci fut immé-
diatement mis en application. Si le lieu précis de construction
de la station de dirigeables n'avait pas pu ~tre déterminé,
celui où la base française d'hydravions devait être implantée,
était définitivement fixé. C'était le lieu dit San Jacintho à
Aveiro et où la présence des lag~nes offrait des avantages de
commodité et d'efficacité nécessaires à un centre d'hydravions.
En janvier 1918, Larrouy est nommé commandant du centre,
qui, officiellement appelé Centre d'Aviation maritime d'Aveiro,
fut placé sous l'autorité du commandant des patrouilles fran-
çaises de Leixoês (Porto). Tout en se chargeant de construire
et de diriger le centre, Larrouy devait également poursuivre
les travaux de recherche sur l'emplacement de la station de
dirigeabl85
1 la station idéale devait ~tre celle dont la situa-
tion fut telle que les routes maritimes suivies par les navires
alliés entre le Cap Finistère et le Cap St Vincent au sud du
Portugal, soit vers la Méditerranée, soit vers l'Afrique ou
l'Amérique du Sud, puissent être efficacement surveillées. Dans
la région que l'accord avait retenue, les différents sites ne
convinrent pas. Il en fut également de Faro, dans le sud, qui
avait pourtant une situation stratégique très favorable
(U.
(1) L'amirauté britannique, sur insistance du commandant en
chef britannique de la Méditerranée, demandera à nouveau en
octobre 1918, l'établissement d'une station de dirigeables
pour la protection des convois et les opérations d'observa-
tion dans la Méditerranée occidentale. Contre-amiralGrasse~
attaché naval à Londres au ministre de la marine. Londres,
5 octobre 1918. SHM/Ga 14J.
-254-
- HIl-
Mais le terrain, tant par l'absence d'eau douce pour les diri-
geables que par la présence à la fois de collines et de laguncs
était hostile, et aurait nécessité des travaux d'aménagement
chers et longs. La proximité de la frontière espagnole, et par
conséquent les risques d'incidents diplomatiques en cas de
chute ou d'atterrissage forcé sur un territoire neutre, les
difficultés de ravitaillement du fait de l'éloignement, furent
autant de raisons qui ne permirent pas la construction du
centre. Aussi, une seconde fois, ,Larrouy porta son attention
sur la région de Lisbonne, non plus cette fois à Benfica, mais
à Belem où le gouvernement portugais projetait la construction
de son école d'aéronautique maritime. Mais le centre français
de dirigcables ne verra jamais le jour.
Quant au centre d'Aveiro, les travaux commencèrent immédia-
tement après la désignation de Larrouy, le 9 janvier 1918. En
mai 1918, i l était opérationnel et devint un des éléments du
système de défense contre les sous-marins. Mais le centre
devait connaître des difficultés de divers ordres
1
dans ses
rapports avec la population locale, dans son fonctionnement
interne, dans son activité militaire, en raison de sa non-
intégration dans les structures logistiques de défense du
Portugal, et enfin les difficultés en rapport avec la situation
politique interne du pays.
Un des problèmes auquel le centre dùt faire face dès sa
construction,
fut la question de ses rapports avec la popula-
tion locale. L'installation de la base ne laissa pas indiffé-
1
rente celle-ci. Beaucoup de gens étaient en effet désireux de
f1
pouvoir la visiter et voir ce qui s'y passait. Larrouy, qui
1
1
-255-
.uS-
écrit à ce propos que les Portugais considéraient le centre
comme un lieu de promenade et un objet de curiosité, prit des
mesures d'interdiction d'entrée à tous ceux qui ne faisaient
pas partie du personnel.
Ces mesures irritèrent les habitants de la région qui ne
concevaient pas, selon leurs propres termes, que des étrancrers
puissent interdire "l'entrée d'un terrain national à des natio-
naux"(l). Cet argument auquel le personnel portugais de surveil.
lance ne résista pas, exprimait la réalité suivante: que le
centre était étranger à la population locale et isolé. Une
sourde opposition va par conséquent se développer, et atteindra
son point culminant au cours de l'attaque des sous-marins
allemands, le 5 septembre 1918. Il lui sera alors reproché
d'avoir "apporté le trouble sur une côte paisible"(2).
Les mesures administratives mirent certes un terme à
l'activité des promeneurs de San Jacintho, mais le problème du
fonctionnement interne, sous l'angle de l'attitude du contin-
gent portugais, attitude à rapprocher de celle des habitants
de la région, resta entier. C'était la question essentielle de
cohésion et d'efficacité militaire qui était posée.
Des questions d'apparence banale, mais importantes dans lp.
contexte d'alors,
telles que les fuites de nourriture, étaient
l'objet de vifs dissentiments entre le personnel français et le
(1) Copie faite le 16/10/78 d'un rapport non daté du lieutenant
de Vaisseau Larrouy, commandant du CAM et intitulé J
Fonctionnement général.
p.l. SHM/Vi 1 Portugal.
(2) Copie du rapport du commandant du CAM, op.'cit., p.J.
-256-
personnel portugais. Ce dernier était accusé de sortir fréquem-
ment avec du café, du sucre, du pa1n, etc ••• A cela, i l répli-
quait que ces fuites étaient le fait de matelots
français.
Mais le principal problème posé par les Portugais de la base
fut celui de l'indépendance dont ils firent preuve et pour
lequel la présence du commandant portugais ne fut d'aucune
solution. D'après Larrouy, les matelots s'attribuaient des per-
missions, des exemptions de service, et des autorisations de
sortie, sans que le commandant français en soit info~mé, ni
que le commandant portugais soit en mesure de prendre des sanc-
tions. Parfois m~me, ce furent des refus de répondre aux aler-
tes pendant les heures de repos (1).
Cette attitude semblait ~tre l'expression de la situation
de malaise qui sévissait au Portugal et dont le ceptre, tout
autant que les différents corps expéditionnaires, subissait le
contre-coup dans sa vie quotidienne, sa vie militaire comprise.
L'équipaGe portugais était traversé par les luttes poli-
tiques et sociales qui avaient cours dans le pays. Toutes les
mesures prises, rapporte Larrouy, étaient connues à l'extérieur,
interprétées et discutées dans la presse. La situation fut
telle qu'il renonça à la rédaction d'un cahier d'ordre (orga-
nisàtion des services, utilisation de l'armement, patrouilles,
etc ••• ) de crainte de voir ces documents communiqués à
l'extérieur (2).
(1)(2) Rapport du commandant du CAM, op.cit., p.2.
-257-
La situation politique interne du Portugal affectait en
effet la politique militaire à divers niveaux, tant en ce qui
concernait le CEP sur le front français,
qu'en ce qui concer-
nait la défense des côtes du Portugal.
Le gouvernement de
Sidonio Paes,
issu d'un coup de force, devait constamment faire
face à des complots et des intrigues, et était plus préoccupé
de sa survie. Les relations du Centre avec les autorités furent
donc difficiles, et furent marquées sur le plan militaire et
technique par l'absence de rapidité et de cohérence dans
l'action.
Ini tialement, les réseaux de stations d 'hydravions devaient
être intégrés. C'est d'ailleurs dans cette perspective que le
gouvernement portugais avait proposé un commandement unique,
confié à deux officiers, un français et un portugais sous l'au-
torité du ministère portugais de la marine.
La décision française de créer un centre autonome et d'assu-
rer son commandement ne remettait pas en cause la nécessité
d'une coordination efficace de l'activité de ce centre avec les
bases et les postes de communication portugais. Mais la réalité
fut que le centre fut isolé sur le plan des communications et
le resta dans les moments les plus critiques. Non seulement i l
ne fut pas intégré au réseau national portugais de communica-
tions, mais était à Aveiro même, sans aucune communication
avec la capitainerie du port et aveç le phare dont l'équipage
pourrait bien lui signaler tout mouvement sur la mer, pouvant
entraîner une opération aérienne
(sous-marins, convois, navires
isolés, etc ••• ). Cet isolement et le poids de la situation
-258-
intérieure devaient se révéler le 5 septembre 1918,
Le centre fonctionna régulièrement jusqu'à ce jour où i l
fut l'objet d'une attaque surprise de deux sous-marins alle-
mands. Si une riposte énergique le sauva de justesse, rien ne
permettait cependant qu'une telle situation se produisit.
Les deux sous-marins avaient en effet commencé leur manoeu-
vre depuis le Cap Espischel au sud de Lisbonne et coulé des
barques de p~èheurs à vue de terre (1). Ils se sont ensuite
signalés à l'ouest de Lisbonne. Le contexte portugais était
alors assez troublé, marqué par des mouvements de grève, des
mouvements révolutionnaires et séditieux. De ce fait,
non seu-
lement les sous-marins n'ont pu ~tre poursuivis, mais le centre
ne sera m~me paS tenu informé de leur action dans le sud
ainsi,
l'action des sous-marins à J miles à l'ouest de la Barre
de Lisbonne dans la matinée du 5 septembre ne sera connue que
dans l'après-midi du f,Septembre et par voie de journaux (2).
Cette situation permit aUX sous-marins d'attaquer dans les
meilleures conditions, l'un faisant la diversion en attaquant
un navire portugais, Le Desertas, tandis que le second bombar-
dait les installations de la base (J). L'équipage du phare qui
les avait repéré à temps ne put être utile de par l'absence de
communication avec la base française.
Situation dramatique que celle d'un centre dont le rôle
(1) Extrait traduit du journal 0 De Aveiro du 15 septembre 1918.
SHM/Ga 14J.
(2) Le lieutenant de Vaisseau Larrouy au capitaine de Corvette
Tavares Da Silva. Officier adjoint du CAM d'Aveiro. Aveiro,
le 9 septembre 1918. SHM/Ga 14J.
( 3) Copi e du ra "ppo,.t du c.omm" nrh. nt nu rA". op, G; t.. o. J •
-259-
principal est la défense contre les sous-marins et qU1 ne pou-
vait être informé des opérations de ces derniers en un point
quelconque des côtes portugaises. Après l'attaque, le comman-
dant du CAM demanda qu'il puisse être relié au phare et à la
capitainerie d'Avéiro d'une part et de l'autre, au réseau régio.
nal de communication et au réseau de TSF de Lisbonne (1). Le
principe fut accepté par les autorités portugaises. Mais au
moment où ces mesures étaient envisagées,
la dégradation de la
situation intérieure du pays, qui avait déjà affecté les capa-
cités d'intervention de part e~ d'autre, créait de nouvelles
difficultés, cette fois-ci d'ordre politique avec le régime au
pouvoir.
Lors des opérations des sous-marins allemands, le 4 septem-
bre, l'atmosphère politique n'a paS pu permettre l'action de
l'aviation maritime portugaise. Cette arme n'ayant pas toute
la confiance du pouvoir, elle n'a pas eu les moyens nécessaires
d'intervention l elle n'a pas pu s'élev~~ faute d'essence.
"A un autre moment, cette même aviation a été privée de ses
bombes sous le prétexte qu'elle aurait pu en faire usage contre
la ville dans une révolution éventuelle (2).
En début octobre 1918, un mois après l'attaque des sous-
marins, lorsque la situation devint plus grave et que les trou-
bles éclatèrent à Coimbra et à Aveiro même, le gouvernement
craignit la perspective que des opposants ne se servent du
matériel du CAM dans des tentatives révolutionnaires. Le comman
dant de la région militaire d'Aveiro remis à cet effet une
(1) Le lieutenant de Vaisseau larrouy au capitaine de Corvette
Tavares Da Silva, officier adjoint du CAM d'Aveiro. Aveiro,
le 9 septembre 1918. SHM!Ca 14J.
l2) C.0P;QJlJ Y'Gpper}- J» Co""-.all\\tb ..., cl.. ('tH).: tl'b.llf., t>lI
-260-
requête gouvernementale dans laquelle était demandé au comman-
dant du centre français de ne pas permettre que, sans autorisa-
tion du gouvernement portugais, des officiers portugais ou des
personnes étrangères à l'aviation française puissent, sous
quelque prétexte que ce fût, utiliser les avions du centre.
Dans sa lettre,
l'officier portugais précisait que la requête
était seulement faite dans le désir d'éviter que quelqu'un
puisse utiliser le matériel français dans un but politique
intérieur. Dans une deuxième lettre, en réponse aux assurances
de Larrouy qui avait évoqué l'impossibilité d'une telle éven-
tualité, l'officier portugais indiquait qu'il existait une
dénonciation selon laquelle quelqu·un d'étranger à la base
"aurait pensé se servir d'un hydravion dans un but révolution-
naire"(l).
La base était ainsi directement au centre des luttes poli-
tiques. Il en résulta, pour le commandement français de la base,
la nécessité d'interdire l'accès auxO~loteurs portugais qui y
seraient venus, quelques fois, à bord de leurs appareils dans
le but de recueillir des renseignements d'ordre technique. En
même temps, sans rompre la convention de juin 1917, Larrouy
prit la décision de diminuer le nombre du personnel portugais
tenu depuis peu à l'écart des activités vitales de la base.
Ces difficultés expliquèrent la précipitation avec laquelle
i l fut mis rin aux açtivités du centre après la signature de
l'armistice. Il est à signaler que la base n'a pas été le seul
(1) Le commandant militaire d'Aveiro au commandant de l'aviation
militaire maritime française à la base d'Aveiro.
10 octobre 1918. SHM/Ga 14J.
-261-
élément de la coopération dans le domaine de la guerre sur mer
et du blocus. Il y eut d'autres faits et projets de coopération.
Comme nous l'avons évoqué au début de ce passage,
le déve-
loppement de la guerre sous-marine, et la nécessité d'une exten-
sion du système de défense au large des côtes françaises
avaient été à l'origine de l'installation au début de 1917,
après accord du gouvernement portugais, de la base de Leixoes
près de Porto. C'est de cette base qu'une escadrille indépen-
dante de patrouilles menait dans une partie du Golfe de
Gascogne, à la fois des opérations de patrouille proprement
dites et de surveillance des convois
(1), La base retint égale-
ment l'attention lorsqu'apparut la nécessité de perfectionner
les dispositifs de visite des navires neutres, afin de resserrer
plus étroitement le blocus des empires centraux (2),
En effet,
il- fut constaté au courant de 1918 que les navi-
res scandinaves et surtout danois se trouvaient en situation
d'échapper à toute surveillance sur le trajet des ports espa-
gnols aux îles danoises de Feroe (3). Il fut alors envisagé
par les autorités fr~nçaises et britanniques, de mettre à profit
la présence
à
Leixoes de la base française pour y établir un
centre de contrôle et de visite. Le gouvernement portugais
donna son assentiment en juin 1918.(4). Des difficultés d'ordre
technique et la perspective de la fin de la guerre empêchèrent
le projet de se réaliser.
(1) LAURENS (A.), La guerre sous-marine, Vol.V, L'organisation
des forces de patrouilles, p.589.
(2)(3) Capitaine de Corvette Batsale, attaché naval au ministre
de France à Lisbonne.
Lisbonne, 2 avril 1918. SHM/Px 2
Portugal.
(4) Le ministre de la marine au commandant de l'Escadrille fran-
çaise de patrouille de Leixoes.
Paris, 17 juillet 1918 •••
-262-
III -
Les rapports avec le corps expéditionnaire
Le rattachement du corps expéditionnaire portugais à
l'armée britannique ne l ' a pas exclu du champ des relations
avec la France 1 quand bien même elles ne furent pas affectées
à l'armée française. les troupes portugaises combattirent sur
le sol frança~, Ce qui en France fut connu de la contribution
du Portugal. le fut essentiellement à partir de cette présence
du CEP. Cela souleva donc
des problèmes de relations militaires
et diplomatiques,
L'histoire du corps expéditionnaire portugais en France
fut ponctuée d'énormes difficultés qui pesèrent sur l'issue de
sa participation : ces difficultés résultèrent des conditions
générales de la création de ce corps, de son envoi et de son
existence au front, des effets des divergences entre le gouver-
nement britannique et portugais.
La France, en raison de l'unité d'intérêts des alliés, du
strict point de vue de l'issue militaire du conflit, était
concernée par le devenir des forces portugaises. Elle fut amenée
à intervenir. dans un sens ou dans un autre, mais dans les
limites qu'autorisaient désormais ses rapports avec l'Angleterre
et l'état de ses besoins propres,
(4-suite de la page 26t)."SHM!Px 2 Portugal.
-26)-
1 -
Les conditions précaires d'envoi ~ d'existence du C.E.P.
---------------------------------------------------------
sur le front occidental et le désastre du 9 avril
:
---------------------------------------------------
La préparation et l'envoi du corps expéditionnaire se
déroulèrent dans les conditions matérielles, politiques et
morales les plus précaires. C'est avec "une armée dépourvue
d'organisation appropriée, sans uniforme, sans transport et
sans argent"( 1), que le Portugal s'est lancé dans la guerre,
écrit le général Gomès Da Costa qui commanda la Ile division
du C.E.?
I l fut certes possible, par une intense préparation,
de surmonter des déficiences matérieiles et militaires, mais
d'importants problèmes demeuraient.
L'union sacrée à la portugaise ne réunissait pas toutes les
forces politiques et sociales. L'instabilité ~ut par conséquent
une réalité quasi-permanente au cours du conflit.
Du point de vue de l'engagement des officiers et des sol-
dats, de leur état moral, les raisons de l'intervention du
Portugal restaient mal élucidées. Cette idée de participation
à une guerre en Europe, sans mobile, est omniprésente dans les
écrits de la plupart des officiers qui combattirent en France.
Etait en effet largement répandu le sentiment que la guerre en
cours était la manifestation des rivalités anglo-allemandes.
"L'incident de Sarajevo, écrit Comes Da Costa, était l'étin-
celle qui mit le feu aux explosifs longtemps accumulés par
(1) COSTA (Cames Da), A Batalha do Lys, p.14.
l'Angleterre et l'Allemagne dans cette lutte d'intérêts commer-
ciaux"(l). Le conflit mondial était donc "une guerre pour le
placement des cotonnades et des machines, une guerre d'intérêts
de c ommi s voyageurs" (2 ) •
Le Portugal n'avait rien à gagner par conséquent à la
guerre en Europe. Son alliance avec l'Angleterre justifiait
encore moins sa participation d'autant plus que celle-ci n'a
pas hésité plus d'une fois à négocier avec l'Allemagne la
liquidation de son domain colonial.
L'armée portugaise par conséquent restait non seulement
insensible à la propagande patriotique par manque de motivation
et de stimulation, mais était au contraire perméable à l'action
d'opposition,à la guerre. Le mouvement révolutionnaire du
16 décembre 1916, qui éclata au moment où le corps expédition-
naire achevait ses préparatifs de départ, était significatif à
cet égard. Les conséquences de ce mouvement devaient être res-
senties dans l'action ultérieure des forces portugaises. De
nombreux officiers qui avaient dirigé l'instruction des troupes
et commandaient des unités, furent impliqués dans le coup,
arrêtés, incarcérés et par conséquent remplacés.
"Cette substi-
tut ion des officiers à la veille du départ - écrit à ce propos
le général Tamagnini, commandant en chef du C.E.P.
jusqu'en
avril 1918 -
pesa lourdement sur le moral des troupes et sur la
(1) COSTA (Gomes Da), A Batalha do Lys.
(2) Idem p.15. La référence aux commis voyageurs est signifi-
cative. L'utilisation générale des voyageurs de commerce
dont nous faisons également état dans le chapitre sur les
échanees économiques de guerre, a été l'un des moyens essen-
tiels de pénétration de l'impérialisme allemand sur les
marchés mondiaux avant la guerre, aux dépends de ses
rivaux.
-265-
confiance possible qui pouvait exister entre officiers et
soldats"(1).
Deux sernaine.s après le mouvement du 16 décembre 1916.
arrivèrent à Paris des officiers portugais pour préparer la
venue du corps expéditionnaire. Le JO janvier 1917.
les premiers
détachements de celui-ci quittaient le Tage à bord de trois
navires britanniques et débarquaient le 2 février à Brest par
une température au-dessous de zéro. dure épreuve pour une armée
dont l'essentiel des cadres avaient passé au moins une partie
de leur carrière aux colonies.
"L'état précaire de subordination et de discipline" dans
lequel débarquent les troupes portugaises tendra à s'accentuer.
Outre les conditions d'existence au front.
i l y eut les effets
de l'évolution interne du Portugal et des divergences anglo-
portugaises quant à la place, à l'importance et aux modalités
d'utilisation du corps expéditionnaire.
Relativement à ce dernier aspect,
le gouvernement portugais
tendit à porter la représentation militaire, primitivement
fixée à une division, à un niveau le plus haut possible qui
conférât un certain poids politique à ce pays.
Dans cette perspective,
le niveau du corps expéditionnaire
fut officiellement fixé, début mars 1917, à celui d'un corps
d'armée à deux divisions. Le 20 avril, le corps était défini-
(1) Général Tamagnini de Abreu. préface à CARVALHO (Vasco de).
A 2a divisâo portuguesa na Batalha do Lys, 9 de Avril de
!lli, p. VI.
-266-
tivement organisé avec un effectif de 54.976 hommes. Son quar-
tier général fut installé à Aires-sur-Lys, tandis que ceux de
la 1ère et 2ème division qui le composaient et respectivement
commandées par les généraux Gomes da Costa et Simaes Machado
étaient établis l'un à Thérouane, l'autre à Fauquenbergues.
Dans l'immédiat, seule une division entra,en première ligne,
la
seconde étant affectée au ravitaillement et aux travaux de
l'arrière.
Mais la politique militaire du gouvernement portugais
rencontra une vive opposition de l'Angleterre. Celle-ci voulait
limiter la participation et l'autonomie des forces portu~aises.
Elle tendit par conséquent, à créer des
obstacles matériels quant à la réalisation des projets
portugais concernant le corps expéditionnaire: alors qu'il
était bien convenu en novembre 1916 que l'équipement du C.E,P.
revenait au pays à l'armée duquel i l serait rattaché, le gouver-
nement britannique fit savoir qu'il lui était impossible d'équi-
per le C.E.P. 'en matériel d'artillerie lourde. Cela était-il le
fait d'une pénurie réelle ou l'effet des divergences entre les
deux gouvernements ?
La question coïncidait avec les discussions sur la trans-
formation du C.E.P. en corps d'armée l
Londres - comme en
novembre 1914 -
subordonna son assentiment à la formation du
corps d'armée. aux possibilités de fourniture de matériel par
des sources autres que l'arsenal britannique. en fait par la
France. Le gouvernement portugais allait se servir dans tous
les cas possibles de cette dernière pour échapper aux pressions
et aux exigences de l'Angleterre à propos de différentes
questions. Cette tendance à vouloir prendre appui sur la France
autant que possible tenait à l'histoire m~me de l'engagement
portugais sur le Cront occidental. Le jugement du lieutenant-
colonel Paris n'a~t-il pas été déterminant dans l'acceptation
par l'Angleterre, du principe de l'envoi du C.E.P. au front
occidental 1
La France, qui attachait encore une grande importance à la
contribution portugaise, accepta de Cournir l'essentiel du
matériel d'artillerie loùrde du C.E.P. particulièrement entre
avril et octobre 1917. Ce soutien s'étendit également audomaine
de l'aviation militaire.
Le C.E.P. devait incorporer dans sa composition, une esca-
drille d'aviation dont le matériel était à Cournir par
l'Angleterre. Celle-ci ne Cournit rien.
Le corps d'armée portu-
gais reçut plutôt pour son service une escadrille de l'aviation
bri tannique,
tandis que le persQl'lnl!' 1 portugais (55 of Ci ciers
aviateurs, 1 oCCicier supérieur, 29 sous-oCCiciers mécaniciens)
en l'absence d'initiative de la part des Anglais, étàit envoyé
à Pau, afin de s'exercer à bord d'appareils ofCerts par l'armée
Crançaise (1) •. Comme ... la fin de leur entraînement, l'a t t i tude
britannique n'avait pas évoluée, ce fut sur le front Crançais
et dans des escadrilles françaises que certains prirent part
aux opérations militaires en avril-mai 1917 (2).
L'appui Cran-
çais au C.E.P. allait cependant connaître des limites.
Après la constitution du corps d'armée,
le gouvernement
(1)(2) MARTINS (Général Ferreira), op.cit.,
p.19-20.
-268-
portugais voulut aller plus loin. Il chercha à doubler l'effcc-
tif et faire du C,E.P. non plus un corps d'armée, mais une
armée dont le chef eut pu prétendre au même titre que les géné-
raux en chef des armées anglaises et françaises
(1).
L'Angleterre qui n'arrivait pas à obtenir l'abandon de ce projet
trouva le meilleur moyen de pression dans la rupture des dis-
eussions alors interminables, et le retrait de ses navires de
transport
(2). Mais, en dépit de cela, le corps d'armée commença
à fonctionner comme tel, c'est-à-dire à 100 ~, par l'entrée en
première ligne de la deuxième division, le 26 novembre 1917.
Au moment où le fonctionnement était adopté, la deuxième divi-
sion avait justement son effectif incomplet, et on pourrait se
demander quel était l'avenir militaire du corps dans son ensem-
ble, privé d~sormais des moyens d'organisation des renforts.
Le retrait des transports britanniques diminua considéra-
blement les possibilités d'entretien des troupes au moyen de
renforts régU Ij"ers, tandis qu'au Portugal la détérioration du
climat politique et social s'accentuait et se doublait de polé-
miques propres à affaiblir le moral des troupes (J),
L'isole-
ment du gouvernement Costa devint tel qu'il ne put résister au
coup de force déclenché le 5 décembre par Sidonio Paes avec
l'appui entre autres, du 16e et JJème régiment d'infanterie en
instance de départ au front.
(1)(2) Daeschner à Pichon, Lisbonne, J septembre 191R. MAE(NSE
1918-1929, Portugal, n 0 29.
(J) Tel fut le cas de la campagne organisée au courant de l'an-
née 1917, et qui atteignit directement les membres du cabi-
net démocrate dont Affonso Costa. En référence à la rubrique
"RaIe d'honneur" dans laquelle les journaux publiaient les
noms des soldats et officiers tombés au front, des feuilles
clandestines dressèrent régulièrement sous le titre "Rôle
de déshonneur", les noms des officiers attachés au gouverne-
ment et affectés à des postes éloignés du péril. PABON
(Jésus). oD.cit., 0.121.
-269-
La junte révolutionnaire présidée par Sidonio Paes ne remit
pas en question l'engagement du Portugal. Mais ce changement de
régime accentua les difficultés du C.E.P. qui dut cesser, en
janvier,1918, de fonctionner comme corps d'armée.
La démoralisation se faisait alors de plus en plus grande,
et les actes d'insubordination individuelle de plus en plus
fréquents.
Des journaux portugais lus au front menaient une
intense campagne en faveur du "r·oulement" (mot adapté du fran-
çais), un roulement dont les combattants ne voyaient pas la
moindre perspective de réalisation, alors qu'il leur avait été
promis qu'ils jouiraient de congés au pays après un an de ser-
vice en France (1).
Le roulement devait permettre une réparti-
tion équitable des charges du service sur l'ensemble des forces
militaires du Portugal par voie de relève périodique entre le
front et la base organisée en France, entre cette base et la
mère-patrie,l ce dernier aspect intéressait le plus les Alliés
et l'opinion au Portugal. Le 20 mars 1918, le décr€t
du roule-
ment fut signé, L'impossibilité de son application immédiate
allait peser encore plus lourdement sur le moral déjà fortement
entamé des troupes.
Mais combler les vides intervenus dans le C.E.P. et appli-
quer le décret du roulement nécessitait d'importants Moyens de
transport
l
le gouvernement portugais ne disposait que de deux
croiseurs qui faisaient la navette entre Lisbonne et Brest,
pour les besoins les plus essentiels,
tandis que l'Angleterre
continuait à refuser ses transports.
(1) CARVALHO (Vasco), op.cit., p.66-67.
-270-
L'absence de renforts devait ~tre fatal au C.E.P., où la
démoralisation,
l'insubordination et l'absentéisme avaient
atteint leur plus haut niveau, à tel point que toute une unité
d'infanterie, .dans un ·acte d'insubordination collective, refusa
d'aller au front (1).
Le 6 avril,
le haut commandement britan-
nique décida de faire relever la deuxième division portugaise
par une division anglaise du XIe corps d'armée britannique
auquel i l était rattaché. Cette relève fut fixée pour le 9,
le
10 et le Il avril (2).
Il manquait alors à la deuxième division
41J officiers, 6.208 hommes de troupe pour un effectif de mobi-
lisation de 1.102 officiers et 25.525 hommes de troupe, soit
respectivement, J7% et 27% (J).
Le 9 avril,
le jour prévu pour la relève,
les Allemands
déclenchèrent une brutale attaque à partir de cinq heures du
matin. Sur les forces portugaises qui occupaient le centre du
plan d'attaque (leur objectif étant de faire une percée), ils
lancèrent trois divisions.
Les unités portugaises s'effondrè-
rent. Le front fut enfoncé. Le désastre du 9 avril venait
d'~tre signé. Les forces portugaises perdirent du coup
7.199 hommes, dont 614 morts et 6.585 prisonniers
(4).
Ce qui restait de la deuxième division du C.E.P., environ
IJ.500 hommes, fut alors retiré du front.
Le corps expédition-
naire était considérablement diminué et désorganisé, voire
inexistant. Se posa alors le problème de sa reconstitution et
de la poursuite des hostilités par le Portugal.
(1) COSTA (Gomes da), op.cit., p.40.
(2) Idem, p. 41.
(J) Idem, p.4J.
(lJl CARVALHO (Vasco de), op.cit., p.410.
-271-
2
-
~~~!!~!~~~_!~~~~~~~=_!~~=_~_!~_S~~~!~~~_~=_!~2:~~~~~~~~uYj_~n
~~_~~~E~_~~E~~~!!~~~~~_!~_~_!~_E~~~~~!!~_~~_~~
E!~!!f!f!!!~~~~~~_~E~~~!!~~~_~~!!!~!~!~~_~_!~~!~~!!~~
~~-~~~!~~~!_~_!~_!!~-~=~-~~~!!!!!!~
La question de l'avenir du corps expéditionnaire et de son
action se posa avec plus d'acuité au lendemain de la bataille
du 9 avril, qui n'avait laissé subsister que l'effectif nominal
d'une division. Le revers subi par la deuxième division portu-
gaise justifiant après coup son opposition aux prétentions
militaires du Portugal, le gouvernement britannique tendit non
seulement à restreindre cette participation, mais à mettre un
terme à la relative autonomie d'organisation et d'action du
corps expéditionnaire.
Quoique limité par la faiblesse de ses moyens, et la situa-
.tion interne, le gouvernement portugais avait maintenu son
intention d'envoi de renforts en France. Le gouvernement bri-
tannique d'avis contraire,
jugeait inoportun tout envoi de
quelque renfort que ce fGt. En rejetant l'idée d'envoi de nou-
velles troupes,
i l entendait sans doute enlever au Portugal les
moyens de toute tentative de reconstitution du corps expédi-
tionnaire, et du coup, le mettre dans des conditions telles
qu'il ait à accepter éventuellement les modalités nouvelles
de son utilisation. Si Londres pouvait cependant notifier au
gouvernement portugais l'arrêt de tout renfort et maintenir son
refus d'affrêter les navires, i l ne lui était en revanche pas
possible d'empêcher le Portugal d'en organiser par ses propres
moyens, si faibles fussent-ils.
~ ,
-272-
Mais une occasion d'empêcher la venue de nouvelles troupes
portugaises fut donnée par la nouvelle qu'une épidémie de
typhus exsanthématique sévissait au Portugal. Dans des condi-
tions mal éclaircies, des militaires portugais se virent inter-
dire l'entrée en France (1). La raison de cette interdiction
étant officiellement d'ordre sanitaire et relevant exclusivement
d'abord de la compétence des services administratifs de l'Etat
français,
le ministre du Portugal fit une démarche diplomatique
en vue de la levée de l'interdic~ion en faisant valoir que
l'épidémie en question était circonscrite à la région de Porto.
Mais i l apparut que la décision d'interdiction d'entrée était
inspirée par les autorités militaires britanniques et que la
réponse à la démarche du ministre du Portugal n'appartenait pas
au service français de santé (2). Reconnaissant ce fait,
le
Quai d'Orsay estima que les raisons sanitaires ne sont pas les
seules à dicter la décision du haut commandement britannique
et qu'il fallait par conséquent laisser Londres et Lisbonne
régler entre eux le problème.
Indépendemment d'un accord verbal qui serait intervenu dans
cette question sanitaire, l'attitude de la diplomatie française
se fondait sur la connaissance au m~me moment d'un message que
le War Office venait d'adresser au gouvernement de Lisbonne. Ce
message, relativement plus explicite, semblait préciser les
intentions nouvelles de l'A~gleterre quant à l'avenir des trou-
pes portugaises
: "L'expérience a prouvé, disait le message,
que les troupes portugaises, lorsqu'elles sont commandées par leurs
propres
(1)(2) Télégramme du ministre de France à Lisbonne au Quai
d'Orsay. Lisbonne, 20 avril 1918. MAE/NSE Guerre 14-18,
Portugal, no640.
officiers, n'offrent pas de résistance suffisante,
tandis que
les petites unités portugaises, lorsqu'elles son encadrées par
des troupes britanniques, se battent bien"(I).
Les autorités militaires britanniques demandèrent en consé-
quence que le gouvernement portugais autoris~t l'incorporation
des compagnies portugaises dans l'armée britannique.
Très vite, la question de l'interdiction pour épidémie fut
dépassée par un réel recul momentané du fléau,
mais surtout par
le problème d'ensemble de l'avenir des troupes portugaises.
Quand bien même les intentions du gouvernement britannique par-
tiraient de considérations strictement militaires,
i l n'en
reste pas moins que ce dont i l demandait l'autorisation compor-
terait pour le Portugal, dans ses conséquences, une dimension
politique et diplomatique. L'incorporation des unités signifiait
la dislocation définitive de son corps expéditionnaire. Ce fait
n'entraînerait-il pas la fin de sa présence sur le front occi-
dental,
non seulement sur le plan militaire, mais également en
tant qu'entité politique et diplomatique? Cela ne compromet-
trait-il pas sa participation ultérieure à la conférence de la
paix sur de solides bases ?
Jusqu'au début de juin 1918, le refus du gouvernement por-
tugais permit de maintenir en partie le statu quo, car l'incor-
poration avait commencé, en ce qui concerne certaines unités
d'artillerie, Mais les pressions britanniques se firent plus
(1) Message du War Office au gouvernement portugais, extrait
télégraphié au ministre de la guerre par le général De la
Panouse, attaché militaire à Londres, 2) avril 1918,
SHA/15N 22.
fortes et menaçantes. Le chef de la mission militaire britan-
nique à Lisbonne fut alors chargé de notifier par écrit au
gouvernement portugais d'accepter l'incorporation complète de
ses contingents. faute de quoi. ils seraient réembarqués
d'office
(1). Le ministre de France à Lisbonne. qui a eu con-
naissance de cette demande.
notait qu'en l'en informant confi-
dentiellement. le chef de la mission britannique paraissait
surtout avoir en vue la nécessité de le mettre en garde contre
une démarche que pouvait tenter le gouvernement portugais en
demandant à la France d'accepter le concours refusé par l'allié
traditionnel (2).
La crainte du général Barnadiston' était inutile. Une telle
éventualité n'était plus possible. Le gouvernement portugais ne
fit pas une telle démarche. mais surtout. on était loin de
l'été 1916 où les autorités civiles et militaires françaises
sollicitaient le concours des troupes portugaises. Il était
désormai? hors de question. pour le gouvernement français. soit
de prendre des initiatives pour offrir des bateaux. soit d'ac
d'accepter d'éventuelles offres portugaises. De surcroît. i l
était lui-même en train d'organiser le transfert des artilleurs
du C.A.L.P. au corps expéditionnaire.
Certes. les commentaires de l'attaché militaire à Lisbonne
pourraient faire supposer que la France accordait encore une
attention et un intérêt à l a coopération du C.E.P. Il appelait
en effet de tous ses voeux. en juin 1918. que le Portugal soit
mis en situation de fournir l'effort militaire que rendait
(1)(2) Daeschner à Stephen Pichon. Lisbonne. 2) juin 1918.
~~E/SE 1918/29 Portueal. nOl0.
-275-
possible "sa population et ses ressources", de maintenir au
moins l'effectif initial de son corps expéditionnaire; i l
suggéra, en particulier, pour cela que l'Entente assurât le
transport immédiat des 15.000 hommes disponibles au Portugal et
qui pourraient combler les vides existants dans le C,E,P, et
servir à l'application du roulement (1),
Ce sentiment qu'il fallait emmener le Portugal à fournir
tout l'effort dont i l était capable est renfocé deux mois plus
tard,
Le général Gomes da Costa, qui commanda la Ile division
à la bataille de la Lys, intervint dans la polémique sur les
responsabilités dans le désastre que connurent les troupes
portugaises. S'en prenant implicitement aux différentes posi-
tions, Gomes da Costa lança, sur un ton patriotique, un appel
en faveur de la reconstitution du corps expéditionnaire (2).
(1) L'attaché militaire de France au ministre de la Guerre.
Lisbonne, 17 juin 1918. MAE/SE 1918/29, Portugal, n010.
(2) "De quoi devons-nous occuper comme hommes pra tiques et
hommes d'action? C'est de reconstituer le corps d'armée,
maintenant notre place dans la guerre d'où nous ne pouvons
nous retirer noblement qu'à la fin. Nous avons besoin de
démontrer une fois de plus que nous pouvons et nous devons
vivre, et que ce n'est pas un simple revers qui nous fera
retirer du champ de bataille et rentrer chez nous pour gémir
et chercher des excuses enfantines. Le Portugal n'a pas
encore achevé sa mission historique ••• Si nous ne pouvons
maintenir un corps d'armée, maintenons-y au moins une divi-
sion, mais complète,
toujours complète, •• Le maintien de la
participation du Portugal à la guerre est aujourd'hui une
question d'honneur national et d'intérêt pratique. Car à
la conférence de la paix, i l n'y aura que ceux qui auront
les armes à la main qui auront voix dans l'assemblée ••• "
Extrait de l'appel de Gomes da Costa en août 1918.
Lieutenant-colonel· Bernard au ministre de la guerre.
Lisbonne, 1er septembre 1918. MAE/SE1918-29 Portugal, nOtO.
-276-
-Z~'-
En suggérant une telle attitude de soutien à l'armée portu-
gaise, l'attaché militaire Crançais se plaçait du point de vue
que la guerre n'était pas terminée,
Par ailleurs, la mise en demeure du gouvernement britanni-
que ne Cut pas acceptée par Lisbonne. Après des péripéties, un
accord intervint avec le nouveau commandant en cheC des Corces
portugaises, le général Roçadas. L'a~cord qui sauvegardait
l'unité et une certaine indépendance du C.E.P. se Cait sur la
base que le Portugal continuât à entretenir auprès de l'armée
britannique deux divisions 1 l'une destinée à participer aux
opérations, la seconde servant à l'arrière et devant permettre
à la division en première ligne de maintenir toujours ses
eCCectiCs au complet (1). Mais la reconstitution du C.E.P. ne
Cut pas possible avant l·armistice. En dehors de quelques
unités, J bataillons d'inCanterie, 10 batteries d'artillerie
lourde, et 9 d'artillerie légère qui combattaient aux côtés de
l'armée anglaise, l·essentiel des troupes était affecté aux
travaux de déCense du Cront, c'est-à-dire qu·elles n'etaient
pas en première ligne.
Ces conditions dans lesquelles l'armistice trouva le C.E.P.
contribuèrent largement à frustrer le Portugal, du moins le
sentiment national des fractions interventionnistes du corps
des ofCiciers et des classes dominantes. Ceux-ci ressentirent
vivement le fait que le Portugal, après avoir contribué si
largement à l'eCCort de guerre, termina celle-ci avec une armée
en désintégration et une image un peu ternie.
(1) Le ministre de France à Lisbonne au Quai d'Orsay. Lisbonne,
16 septembre 1918. MAE/SE 1918-29, Portugal, nO l0.
-277-
+
+
Il découle de l'exposé et de l'analyse des raits ci-dessus
que la coopération militaire connut des dirricultés. L'envoi
du contingent d'artilleurs portugais se rit avec un tel retard
et à un rythme si lent que son emploi en rut arrecté ; quant
à l'action commune de dérense contre les sous-marins, elle
subit le contrecoup de la situation politique qui prérigurait
l'après-guerre. Dans cette coopération, la France a eu à
solliciter le Portugal et vice-versa. Mais cela n'altéra pas
la réalité qu'elle se soit développée dans les limites imposées
par la tutelle britannique sur le Portugal. Ces raits, aussi
bien que les attitudes de la France race au C.E.P. et le ratta-
chement de ce dernier à l'armée britannique sont nettement
en deçà de la propagande menée sur la coopération entre les
deux pays. Cette contradiction a été une des caractéristiques
des relations de guerre où la coopération s'est étendue au -
domaine économique non sans problèmes, donnant à ces échanges
une dimension particulière en rapport avec la situation.
-278-
CHAPITRE
IV
1
!.ES RELATIONS ECONOMIQUES DE GUERRE
En créant les conditions nouvelles dans la cir-
culation des marchandises et de la monnaie,
les capacités de
production, les disponibilités et les besoins de toutes sortes
des différents pays, belligérants et non belligérants, la
guerre a fortement marqué de son empreinte les échanges écono-
miques internationaux. Les rapports dans ce domaine entre la
France et le Portugal n'échappèrent pas à ce phénomène
; au
contraire, ils s'intensifièrent et subirent de profondes modi-
fications. Ces modifications qui portèrent à la fois sur la
nature et l'importance quantitative de ces échanges prirent
toutes leurs dimensions à partir de la rupture du Portugal
avec l'Allemagne et son entrée en guerre aux côtés des puissan-
ces de l'Entente.
En effet, la participation du Portugal, en tant
qu'allié aux conférences économiques interalliés de mars et
juin 1916 et l'acceptation du principe de la coopération et de
l'action économiques contre l'Allemagne ouvrirent à la France,
dans ce pays, des possibilités inconnues avant la rupture de
mars 1916. Et ce seront ses besoins et ses exigences, non seu-
lement en tant que l'un des principaux champs de bataille, mais
en tant que métropole impérialiste ,.~qui auront un rôle de
détermination.
r.
-279-
1
1
Le contexte de la guerre fit du Portueal, pour la
France, non seulement une source de ravitaillement en ressour-
ces matérielles de toutes sortes, mais aussi un pourvoyeur de
main-d'oeuvre et, accessoirement, de fonds.
Relativement à ces derniers, nous nous limitons,
pour des raisons de carences documentaires, à noter l'organi-
sation dans ce pays en 1917 et 1918, par le service français
d'Emprunt National, de souscriptions qui auraient été couron-
nées de succès (1) 1 cet exemple, sans importance capitale en
1
l
lui-même, dans la mesure où les fonds recueillis au Portugal
restèrent relativement limités (2), n'en est pas moins illus-
1
tratif de l'évolution de la situation, la France ayant toujours
1:
et jusque là joué un r&le de financier dans le monde et dans
1
r
ce pays.
Mais le Portugal devint aussi, dans la lutte
contre l'Allemagne, un champ d'action où, au-delà des exigences
immédiates de la guerre, la France entendait élargir son propre
espace économique international. Tels furent les deux aspects
de la logique à laquelle furent soumises les relations écono-
miques de guerre.
,
,
i
1
(1)(2) Le montant des soUscriptions organisées par l'intermé-
1
diaire du Grédi't franco-Portugais, la Banco Ultramarino
'i
à Lisbonne et Porto et d'autres établissements bancaires
j;
des mêmes villes, aurait été de ))8.724 francs en 1918,
i i
s o i t ) fois et demi celui de 1917,
. 1
Daeschner à Pichon. Lisbonne, 18 décembre 1918.
MAE/SE 1918-19, Portugal, nO)I.
1 - La France à l'assaut du Portugal: guerre économique,
économie de guerre et préparation de l'après-guerre
L'issue de la guerre dépendait largement des ressources
humaines et matérielles des belligérants et de la possibilité
de maintenir celles-ci, Dès lors, la question du ravitaillement
en toute matière, matières premières industrielles et alimen-
taires et en produits manufacturés nécessaires à la vie des
1:,
,
pays et à la poursuite de la guerre, était d'une importance
capitale. Aussi, les relations économiques internationales
furent-elles profondément affectées. Un élément de cette situa-
tion fut la guerre économique livrée'contre les empires
centraux, en particulier contre l'Allemagne par les Etats de
l'Entente.
Cette guerre économique qui prit une nouvelle ampleur à
partir de juin 1916, eut un triple objectif : asphyxier les
empires centraux par le renforcement du blocus, créer pour les
Etats alliés les meilleures conditions de ravitaillement et de
collaboration, éliminer les pays ennemis des ditférents marchés
tant dans l'intérêt immédiat de la victoire que du point de
vue des intér~ts économiques de l'après-guerre.
Les échanges économiques de guerre entre la France et le
Portugal seront marqués par ces préoccupations. Plus particu-
lièrement du côté français,
les autorités publiques et les
intérêts privés tenteront de mettre à profit la nouvelle situa-
tion du Portugal dans trois directions
1
comme champs d'action
économique contre l'Allemagne, comme marché à conquérir, comme
-281-
source de main-d'oeuvre et de ravitaillement en divers produits
bruts et manufacturés,
du capitaine Laurens au PODtugal
--------------------------------
A -
La Conférence Economique ~nteralliée de Paris
(15-17 juin 1916)
La question de la lutte contre l'action économique de
l'Allemagne au Portugal fut pendant longtemps un facteur qui
intervint dans l'examen du problème de la définition de l'atti-
tude de la France face à la position du Portugal dans la guerre.
En dépit de l'immobilisation de ses navires, de la diminution,
puis de l'arrêt des opérations commerciales directes avec le
Portugal, l'Allemagne co~servait une relative liberté de
manoeuvre dans ce pays. La présence de nombreuses entreprises
commerciales et industrielles, d'une importante colonie, lui
permettait en effet la continuation des activités économiques,
,
surtout commerciales, par l'intermédiaire de l'Espagne, de la
l,
Hollande et d'autres pays neutres,
La rupture du 9 mars 1916 tranchait la question pour la
France et élargissait les possibilités de son action dont le
cadre diplomatique et juridique fut offert par la conférence
économique interalliée qui se tint du 15 au 17 juin 1916 à
Paris,
-282-
Plusieurs initiatives, dont deux méritent qu'on s'y
arrête, furent à la base de sa convocation de cette conférence.
La première, d'origine diplomatique, vint de la France dont le
ministre du Commerce, Clémentel proposa le 20 décembre 1915 la
tenue d'une conférence des ministres du Commerce des gouverlle-
ments alliés 1 la seconde, d'origine corporative est issue de
l'association des chambres de commerce de Grande-Bretagne (1).
L'initiative du ministre français résultait des cOflsi-
dérations selon lesquelles l'issue de la guerre ne réside pas
seulement dans les opération militaires ou les tractations
politiques, mais que la coordination des mesures
prises pour
enlever à l'ennemi ses possibilités de ravitaillement, arrêter
la production de ses usines de guerre, réglementer le commerce
avec les neutres, et enfin la collaboration économique entre
Alliés,
peuvent avoir une importance décisive, Quant à la
seconde, elle est issue de la nécessité éprouvée par les cham-
bres professionnelles d'organiser la défense contIe
l'invasion"
des produits allemands après la guerre 1 cette initiative posait
le problème général de l'élaboration d'un plan commun de poli-
tique commerciale interalliée (2),
Au moment où le Portugal entrait en belligérance,
le
projet de conférence était avancé et le même mois de sa rupture
avec l'Allemagne, se tint à Paris, le 28 mars 1916, ce qui peut
3tre considéré comme la réunion préparatoire de la conférence
économique de juin 1916, Cette réunion retint le principe de
la collaboration, mis sur pied le Comité Permanent International
(1)(2) Rapport en date du 11 avril sur la Conférence Economique
Interalliée, p.2. MAE/NSE Guerre 14-18. n01216.
-28J-
d'action économique, organisme à rôle consultatif de centrali-
sation des informations, et chargea la conférence de juin de
créer les moyens nécessaires pour renforcer et unifier les
mesures de guerre économique.
La France attachait une grande importance au Portugal.
c'était le moment où la mission de ravitaillement envoyée dans
ce pays entrait dans une phase importante de ses activités et
où la question du recrutement de 'la main-d'oeuvre portugaise
était à l'étude. Ce ne fut donc pas un }~sard si un certain
écho fut donné à la participation de ce pays qui fut représenté
par une importante délégation composée notamment d'AfonsoCosta,
ministre des Finances et chef du principal parti de la coali-
tion gouvernementale et Augusto Soares, ministre des Affaires
Etrangères. Les résolutions de la conférence fixèrent les voies
et moyens de la guerre économique contre l'Allemagne et de la
collaboration interalliée.
Préalablement à l'énumération des différentes mesures
arr~tées, l'acte final de la conférence stipulait que les
1
représentants des pays alliés "constatent qu'après leur avoir
imposé la lutte militaire malgré tous leurs efforts pour écar-
ter le conflit, les empires centraNx de l'Europe préparent
aujourd'hui, de concert avec leurs alliés, sur le terrain éco-
nomique, une lutte qui non seulement survivra au rétablissement
de la paix, mais prendra à ce moment toute son ampleur et toute
son intensité. Ils ne peuvent, en conséquence, se dissimuler
que les ententes qui se préparent à cet effet entre leurs enne-
mis ont pour but évident d'établir la domination de ceux-ci
sur la production et les marchés du monde entier et d'imposer
1
1
aux autres pays une hégémonie inacceptable"( 1 ).
1
1
Pour Caire Cace à ce qu'ils considéraient comme un
f
péril, et Cavoriser leurs alliances économiques, les représen-
1
tants des pays alliés prirent des résolutions qui étendirent
et systématisèrent des mesures déjà prises en grande partie
dans chacun des pays. Globalement, ces mesures se divisent en
trois chapitres
1
les mesures valables pendant la durée du
conClit, les mesures transitoires pour la reconstitution com-
1
merciale, industrielle et maritime des pays alliés, et enfin
,1
les mesures d'entraide et de collaboration.
1
Les premières mesures qui Curent de loin les plus impor-
tantes du point de vue des exigences immédiates de la guerre
économique, portèrent:sur la mise en concordance des lois et
des règlements interdisant le commerce avec l'ennemi. La France,
l'Angleterre, la Belgique, l'Italie, le Portugal se mirent en
eCCet d'accord pour appliquer les mesurer suivantes (2)
1 0 _
l'interdiction à leurs nationaux et à toute per-
sonne résidant sur leur territoire: de tout commerce avec les
habitants des pays ennemis quelle que soit leur nationalité,
avec les sujets ennemis quel que soit le lieu où ces sujets
résident, avec les personnes, maisons de commerce et sociétés
dont les aCCaires sont contrôlées en tout ou en partie par les
sujets ennemis ou soumises à l'inCluence de l'ennemi et qui
seront inscrites sur une liste spéciale;
(1) Résolution de la ConCérence, MNE/Diario do Governo,
29 juin 1916.
(2) La numérotation ci-après a été établi par nous, à partir de
la substance des résolutions sur les mesures adoptées pour
le temps de guerre. Diario do Governo, 29 juin 1916.
-285-
-zlS-
2°_ la prohibition absolue de l'entrée sur leur terri-
toire de toute marchandise originaire et provenant de pays
ennemis
JO- l'établissement dans chaque pays d'un régime per-
mettant la résiliation pure et simple de contrats souscrits
avec les sujets ennemis ;
la mise sous séquestre de maisons
possédées ou exploitées par les sujets ennemis
;
4°_ l'institution de listes noires portant les noms de
sociétés considérées comme cnnem~es ou jouant le rôle d'inter-
médiaire en raveur de l'ennemi;
5°_ l'unirication des listes de contrebande de guerre
et de prohibition de sortie,
impliquant la prohibition à
l'exportation de toute marchandise déclarée contrebande de
guerre absolue ou conditionnelle 1
6°_ la subordination de l'octroi des autorisations
d'exportation dans les pays neutres à des conditions précises.
Dans le cadre du second et troisième chapitre des
mesures adoptées,
les pays alliés proclamèrent leur solidarité
pour la reconstitution de leur économie et le principe
d'entraide et de collaboration. Ils s'engagèrent à maintenir
après l'arrêt des hostilités leur collaboration, à soumettre
leurs relations économiques avec les pays ennemis à un régime
particulier, à s'assurer des débouchés compensateurs, à conser-
ver pour les pays alliés leurs ressources naturelles l des
mesures immédiates de collaboration devraient leur permettre
de s'arrranchir de toute dépendance des pays ennemis, d'assurer
l'indépendance des pays alliés dans tous les domaines (1).
(1) Pour une connaissance approrondie de la guerre économique,
on pourra lire avec intérêt; LAURENS (Adolphe), Le blocus
~t la guerre sous-marine 1914-1918. Paris, Armand Col1n,
l '&4, ~I 5 P.
Les résolutions eurent des implications dans les mo~s
qui suivirent. Le Portugal qui avait déjà pris des mesures
contre le commerce des empires centraux ct expulsé les Allemands
créa, dès septembre 1916, une organisation spécialis6e, la
Commission d'Action Economique contre l'ennemi (1),
lié au
Comité Permanent International d'Action Economique. Mais le
pays n'avait pas la stabilité et l'homogénéité des classes
dominantes face à la guerre comme c'était le caS en France ou
en Angleterre. Le caractère nettement dépendant de l'économie.
locale, la proximité de l'Espagne créeront des failles dans
.l'application de ces mesures de blocus.
Il en résultera que la France et l'An~leterre s'appuyant
sur l'activité de leurs divers services, exerceront des
pressions sur le Portugal dans sa lutte contre l'action écono-
mique allemande. Mais la conférence élargit surtout les poss~
bilités d'action de la France au Portugal. Outre l'occasion
offerte de s'emparer de l'espace offert par le départ des
Allemands, l'affirmation de la nécessité de collaboration entre
Alliés ouvrait la voir vers la solution du problème du recru-
tement de la main-d'oeuvre, et donnait une base solide à la
mission d'armement dirigée par le capitaine Laurens, dont les
activités constituèrent un aspect important des échanges écono-
miques de guerre entre les deux pays.
(1) Diario do Governo,
4 septembre 1916.
-21l7 -
B -
Le Portugal et le ravitaillement de la France
la mission Laurens
De la situation de guerre, avait résulté, en plus des
circuits commerciaux traditionnels qui servirent également au
ravitaillement, l'envoi au Portugal d'une mission spécifique-
ment chargée de la recherche des ressources de ce pays en
main-d'oeuvre, en matières premières agricoles et industrielles,
en produits manufacturés,; de l'organisation des achats et,
dans la mesure du possible, de l'organisation de certaines
productions industrielles, Ce fut la mission française d'arme-
ment au Portugal ou mission Laurens, du nom de celui qui la
dirigeait, le capitaine Laurens du service des forges du minis-
tère de la guerre.
, i
Les modalités,
les caractères et le sens particulier
des échanges organisés par cette mission qui participèrent à
la fois de l'économique et du militaire, nous conduit à les
mettre en lumière et à ne pas les fondre dans l'ensemble des
,
II
échanges économiques de guerre. Cela est d'autant plus impor-
tant qu'en valeur commerciale, prise de façon absolue, les
produits concernés occupèrent une place relativement faible par
"r:j
i
rapport à l'ensemble des ventes du Portugal durant cette
Ili~
période.
ri
"
+
1
+
+
La mission Laurens assurera pendant trois ans le ravi-
taillernent de plusieurs services de guerre
1
artillerie, marine,
-288-
armement, munitions. Elle s'occupa de choses aussi variées que
l'achat des haricots ou du wolCram,
l'organisation de la Cabri-
cation des obus. S'il n'est pas possible de rendre compte de
toute l'histoire de cette mission et de livrer toutes les
données de son activité,
les matériaux disponibles permettent
d'avancer que trois domaines Curent particulièrement au centre
de son activité
: la Cabrication des obus pour les armées Cran-
çaise et belge, l'achat des traverses de chemin de Cer pour
;"
.
.
~
les armees Crança1se et belge, et plus tard pour l'armce ame-
ricaine, l'organisation du monopole et de l'achat du wolCram
pour les industries de matériel de guerre en France.
Seuls,
le premier et le troisième domaine,
tant par les
problèmes qu'ils soulevèrent que par l'état des matériaux
disponibles, Ceront l'objet de notre étude.
La question de
la main-d'oeuvre, conCiée à une mission spéciale dite de recru-
tement d'ouvriers, sera étudiée plus loin.
+
+
+
La production des munitions d'artillerie avait été envi-
sagée pour la première Cois au moment où la France avait
demandé la cession de canons par le Portugal (septembre -
octobre 1914). S'il ne Cut pas possible, dans la période qui
suivit, de déboucher sur de telles possibilités, les besoins
d'approvisionnement extérieur en munitions continuèrent à se
Caire sentir. La disponibilité de certaines installations et
entreprises industrielles au Portugal et la présence d'une
-289-
abondante main-d'oeuvre à bon marché, firent que le projet fut
repris lorsque furent créées, en mai 1915, après la chute du
Cabinet Pimenta de Castro, les conditions nécessaires
: la
formation d'un gouvernement d'union nationale, le développement
des perspectives de rupture germano-portugaise et l'accéléra-
tion des préparatifs de guerre au Portugal m~me, Le 3 février
1916, un mois avant la rupture avec l'Allemagne, le ministre
de la Guerre fixa les conditions de production des munitions
celles-ci pourront être fabriquées pour le gouvernement portu-
gais,
l'Angleterre et les Alliés (1),
C'est dans ce contexte que le capitaine Laurens put
organiser la production, pour les armées belge et française,
des obus de différents calibres (150-155-220-240), soit explo-
sifs, soit vides, Il pasSa à cet effet des contrats avec des
entreprises locales
: le premier contrat passé en été 1916 le
fut avec l'Empreza Industrial Portugueza, qui disposait de deux
. '
usines à Lisbonne et à Porto, pour la production des obus
explosifs 155 en fonte aciérée , le second, avec la fonderie
Massarelos de Porto, pour la production dans un premier temps
de 10.000 obus 220 et le troisième, avec la CompagnieAlliança~~
Afin de permettre aux entreprises d'assurer cette pro-
duction, la mission leur fournit des fonds et le plan de
l'outillage nécessaire qui pouvait ~tre fabriqué sur place.
(1) Norton de Matos
au ministre du Fomento (développement).
Lisbonne, 3 février 1916. MM/la Divisâo 35 Secçâo, n D1255.
(2) Rapport sur les activités de la mission Laurens, du
lieutenant-colonel Jogal Paris au ministre de la Guerre et
au commandant en chef. Lisbonne, 8 septembre 1916.
• 1
SHA/16N 772.
i
-290-
Elle devait également avoir la tâche de surveiller non seule-
ment la production, mais l'approvisionnement, en faisant lever
toutes les difficultés qui pourraient retarder l'octroi des
permis d'importation et d'exportation, Mais les conditions de
production, en définitive,
ne seront pas totalement faciles.
Les matières premières essentielles, le charbon et la
fonte,
relevaient de l'importation. Par ailleurs, le gouverne-
ment portugais essaya un moment d'instituer une taxe de sortie
que seule l'intervention commune des Alliés put supprimer en
imposant une clause spéciale qui stipula que, les obus étant
destinés à une armée alliée, la déta~e à l'exportation était
une forme de collaboration. Cette situation permit la produc-
tion de munitions pour l'armée française et belge jusqu'à
l'arrêt momentané avec l'armistice. Le redressement de la
situation militaire et des conditions générale de fournitures
de matériel de guerre, fit prendre la décision facQ aux nou-
velles difficultés, de ne pas forcer une productio4 qui, dans
la per~pective de l'après-guerre, était appelée à concurrencer
la production française,
+
+
L'autre domaine important d'intervention de la mission
sera en revanche l'objet de tensions avec le gouvernement
portugais, des groupes d'intérêts locaux et ceux d'autres pays
industriels, La question était, sans doute, de loin la plus
importante de celles dont la mission avait à s'occuper.
Intervenant dans la fabrication d'acier destiné ~ la
production de machines-outils et de matériel de ~uerre (pointe"
de projectile, par exemple),
le wolfram était, dans la situa-
tion qui prévalait, un produit stratégique considéré comme
indispensable à la France, dont le Portu~al était la seule
source d'importation, après la décision de l'Espagne d'en pro-
hiber l'exportation. Par conséquent, la France fut amenée ~
établir son monopole sur la production portu~aise de wolfram.
La première base de ce monopole fut la prépondérance avant la
guerre des groupes français et franco-belges qui contrôlaient
une bonne partie de la production locâle (1). La seconde fut
les circonstances de la guerre qui écartèrent du marché
l'Allemagne, puis menacèrent les Etats-Unis, mais surtout per-
mirent l'accord franco-britannique auquel la conférence écono-
mi que interalliée donna implicitement une dimension diplomati'lu(,
multilatérale.
.
~v
En effet, depu1s le 15 ev~
1915, les gouvernements
britannique et français avaient s1gné une convention qui mit
d'accord les deux parties sur le principe d'une entente relative
aux achats que les deux pays auraient à faire pour les approvi-
sionnements destinés à leurs armées de terre et de mer pendant
la durée du conflit.
L'entente devrait avoir pour principal
effet que les deux gouvernements ne se fissent pas de concur-
rence sur les marchés extérieurs afin de ne pas provoquer la
hausse des prix. Appliquant cette meSure au marché portugais,
(1) Lettre du consul de France à Porto, relative à la produc-
tion du wolfram au Portugal, adressée au ministre des
Affaires Etrangères à Paris. Porto, 22 septembre 1914.
ANF'/F12 9769.
-292 -
les ffOUVernQments anglais et français convinrent de l'attribu-
tion à la France de tout le wolfram produit au Portuffal (1).
La Conférence Economique Interalliée de Paris (juin 1916)
en recommandant au Portugal de réserver toute sa production aux
pays alliés, entérinait dans les faits l'accord franco-anglais
Qt consacrait le monopole français.
Le désaccord qui apparut
entre les gouvernQments français et portugais laisse supposer
que cette attribution de l'essentiel de la production portu-
gaise aux usines de guerre françaises n'a pas été explicitéQ
aupr~s des autorités de Lisbonne. En fait, l'exercice du mono-
pole allait soulever des difficultés,
Les pOUV01rs publics en Franc~~ en rapport avec des
groupes privés intéressés,
firent créer un ore-anisme unique
d'achat, placé sous la direction du capitaine Laurens, en tant
que délégué du sous-secrétariat d'Etat à l'artillerie. Il
fut
également mis en place un consortium des principales en~e-
prises utilisatrices du minerai
Schneider (Creusot),
Saint-Chamond (foreQs et aciéries de la Marine et d'Homécourt),
la Maison Girod représentant quatre entreprises. Ces trois
groupes recevraient respectivement Ils, Ils et J/S du minerai
portugais introduit en France (Z).
Le but de l'opération était d'une part, éviter que des
(1 ) Le sous-secrétaire d'Etat à l'Artillerie au ministre des
Finances. 10 décembre 1916. SHA/10N 71 .•
(2 ) Note relative à la comptabilité du consortium formé pour
l'achat du wolfram au Portu al, par le capitaine l~urens.
L1sbonne, 21 aout 191
• SHA ION
1.
--------------~_._~-------------
-293-
quantités importantes du minerai ne passâssent à la contrebande
du fait de l'anarchie dans les achats, de l'autre, empêcher
toute spéculation et hausse des prix que pouvait entraîner
l'achat direct par les entreprises utilisatrices, S'ils ne vou-
laient pas de hausse des prix, les entreprises et les POUV01rS
publics français cherchèrent en revanche, à provoquer leur
baisse, un monopole étant un monopole, et la guerre n'aynnt
rien changé à la loi du profit, fut-ce aux dépens d'un allié.
En effet,
les directives sur les prix stipulaient notamment
"Les transformateurs, établit un document officiel, ne font pas
d'achat direct de façon à ce que la centralisation des achats
entre les mains du sous-secrétariat d'Etat produise une
baisse"(l), De surcroît, instruction 'fut donnée au capitaine
Laurens pour que les cours fussent établis non plus en shilling.
mais en francs français
(2).
Cette politique fit surgir, à partir d'octobre 1916,
1
une violente campagne de presse. Celle-ci prit à parti
la
maison Ahlers qui, au Portugal, centralisait les achats pour
le compte du consortium français et sous le contrôle du
capitaine Laurens; Ahlers était accusée de monopoliser l'achat
du wolfram dans un but lucratif. La campagne était d'autant
plus vigoureuse qu'Ahlers avait arrêté les achats sur instruc-
tion de Laurens.
Au-delà de l'attaque contre la maison Ahlers, était en
cause le principe même qui attribue à un organisme étranger
(1)(2) Procès-verbal de la réunion tenue le 12 août 1916 au
sous-secrétariat d'Etat de l'Artillerie et des Munitions
SHA/l0N 71.
(le service de contrôle ou bureau d'achat du capitaine Lauren~),
le monopole du commerce extérieur du minerai, avec pour consé-
quence le pouvoir de fixer les cours. I~ campagne s'accompagna
de l'action des concessionnaires portugais. Ces derniers, dans
une péti ti.on adressée au p;ouvnrnement, demandèrent d'une part
que soit supprimé le contrôle étranger, c'est-à-dire l'action
du capitaine Laurens, et son remplacement par une commission
portugaise, et de l'autre, qu'il soit accordé aux concession-
naires le droit de s'adresser directement aux acheteurs du
dehors ainsi que la liberté de vendre da~~ les pays neutres.
Ces derniers, plus implicitement les Etats-Unis i'lvllnt·lel1r'
entrée en guerre, étaient touchés par l'application de la réso-
lution de la Conférence Interalliée de Paris.
La situation fut telle qU'elle né~essita, en novembre
1916, l'intervention du ministre de France, appuyé par ~on
homologue d'Angleterre, auprès du ministre portugais d"i
Finances, Afonso Costa. Mais ce dernier, qui était à la Confé-
rence de Paris, assura n'avoir "jamais pris d 'autres ell,'~aG'e-
ments que celui de n'autoriser les exportations que pour les
pays alliés et cela, tant que le commerce continuerait de
recevoir les prix auxquels i l était habitué"(I).
Il considéra
notamment que les assurances verbales échangées à Paris impli-
quaient le maintien des cours alors pratiqués.
L'issue incertaine de la campagne,
la crainte que le
gouvernement portugais ne délivre des permis d'exportation à
(1) Daeschner au ministre des Affaires Etrangères. Lisbonne,
20 novembre 1916. SHA/I0N 71.
-295-
d'autres pays ou ma1sons décidèrent le ministre de france à
exposer à son ffouvernement la nécessité de pratiquer des prix
satisfaisant le vendeur. Le retour aux prix antérieurs permit
de stabiliser momentanément la situation. Ainsi, en 1917, 75%
du wolfram portugais, soit 1.066 tonnes sur un total de
I.J78 tonnes, put être livré à la France (1). Si, dans l'immé-
diat,
le monopole fut maintenu, les pressions pour le briser
demeurèrent. L'application de la résolution de la Conférence
Economique Interalliée avait été'vivement critiquée par les
Etats-Unis qui se plaignaient d'êire victimes d'une télle
discrimination. Leur entrée en guerre donna plus tard,'à' le:u,!,#c--
.,,f-:',,:,'
ent1'~nrises nationales les bases légitimes de la libre concur-
rence.
...
....;.-.
'.,::-~:'-:._:;";,:.<:~;;;\\-
En effet, S1 les représentants de l'armée amér1eaintF",:e"
acceptèrent que leurs divers achats soient effectués par la
mission Laurens,
les entreprises américaines, elles, n'étaient
pas soumises à ce principe et exercèrent de fortes pressions
pour renforcer leur part de commerce du minerai.
Par ailleurs,
à la même période, l'Uniaâ Fabril, une grande entreprise indus-
trielle,
fut sollicitée par l'Italie en vue de la livraison du
wolfram en échange du soufre dont le Portuffal était à court.
Sous l'effet de ces différentes pressions (et certainement des
difficultés financières) qui annonçaient l'après-guerre (résis-
tance des milieux d'affaires locaux dans les pays dépendants,
concurrence entre les principales puissances industrielles sur
les marchés mondiaux),
le Portugal dut prendre des mesures.
(1) Le ministre du Blocus au ministre des Affaires Etrangères,
17 mars 1917. MAE/Guerre 1914-18, nOl1~84.
-296-
- z.'l {,
En effet, en mars 1918, le gouvernement de Sidonio Paes décida
par décret de se réserver l'exportation du wolfram et éleva le
droit de sortie (1).
La mesure qui visait le monopole français du wolfram
suscita une protestation du gouvernement français qui répliqua
que le droit d'exportation ne pouvait être modifié sans son
assentiment et que l'action française s'inscrivait dans la
nécessaire unité d'action des Alliés et était une mesure con-
crète effective pour empêcher la contrebande par l'Espagne.
L'impossibilité où le gouvernement portugais était
d'appl~quer le décret lui réservant l'exportation du minerai,
en ra1sqn du rapport de force constamment imposé par
\\
l'Anglet~rre et la France, fit que le monopole du wolfram se
maintint jusqu'à la fin de la guerre. Et plusieurs centaines
de tonnes de minerai étaient en stock au moment de la signature
de l'armistice.
Ainsi le problème du ravitaillement posait le problème
permanent de la concurrence économique entre les puissances
et de la volonté de celles-ci de contrôler la production ou les
secteurs économiques des nations dépendantes. Tel était le cas
autour du wolfram portugais, avec la concurrence des Etats-Unis
et de l'Italie.
(1 ) L'article premier de ce décret du 14 mars stipule:
"Pendant la durée de la guerre et six mois après, i l est
réservé au gouvernement le droit de devenir seul acheteur
et seul exportateur de tous les minerais susceptibles
d'intéresser l'industrie de guerre ou la réalisation des
échanges de compensations économiques en vue de pourvoir
aux besoins nationaux". Rapport du Comi té Permanent Inter-
national d'Action Economique, 13 avril 1918. ANF/FI2 7R57.
C'est dans cette perspective de concurrence et de
contrôle des marchés, avec pour objectif essentiel de "prendre"
la place des Allemands que fut envisaffé en France l'ensemble
des rapports économiques avec le Portugal.
2 -
La volonté de se substituer aux Allemands et ses limites
--------------------------------------------------------
"Le militarisme, criblé de coups n'est pas encore abattu,
Nais le commerce de l'Allemagne est réduit à notre merci. Les
Alliés lui ont pris ses comptoirs. Ils lui ont fermé
la m e r , "
La France, l'Angleterre,
la Russie se sont débarrassées de la
vermine qui épuisait de son parasitisme. Ils en ont du coup
'~
'"\\ débarrassé le monde ••• De sorte que, pour notre industrie e
,
notre commerce, une ère de richesse doit s'ouvrir, si nous
savons la prévoir et en profiter. Il y a une place au soleil
celle que l'Allemagne encombrait de son outrecuidante person-
nalité"(1).
Ce passage du journal Le Matin illustre de façon significa-
tive combien la supplantation des Allemands sur les différents
marchés extérieurs était une préoccupation importante et
indissociable de la lutte militaire menée contre l'Allemagne.
Pour la France, le Portugal constituait l'une de ces places
à prendre. N'a-t-il pas été l'un des pays où le recul de son
commerce a été en étroit rapport avec la pénétration économique
allemande 1
(1) Le Natin du 25 février 1915.
Cette visée française sur le PortuITal qui a commencé a
s'affirmer depuis le début du conflit prit une importance
nouvelle après mars 1916. Outre les aspects déjà évoqués, et
parallèlement à la coopération militaire, i l y eut dans le
cadre précis des relations bilatérales, l'apparition de part
et d'autre d'associations patriotiques et d'amitié franco-
portugaises. Ces organisations que nous passerons en revue plus
loin,
jouèrent un rôle non négligeable en créant des sections
ou commissions économiques et en faisant du développement des
échanges économiques un des thèmes de leur propaaande et un
champ de leurs activités.
\\
Avec la fermeture du marfhé allemand,
les milieux économi-
ques portugais avaient besoi~ d~ leur côté, de s'adapter aux
,
nouvelles conditions. Ainsi, dans sa première circulaire
d'information aux présidents dés chambres de commerce en France,
la Société Amicale franco-portugaise de Porto,
formée à l'ini-
tiative des Français résidant dans la localité et de nombreux
Portugais dont des commerçants, des commissionnaires, des
hommes politiques et de lettres, proclamait
: "Le Portugal,
malgré les sentiments francophiles, était envahi par les mar-
chandises allemandes. Leur expulsion crée une situation qu'il
fallait mettre à profit. Nous, Français, résidant ici, et nos
amis Portugais, avons jugé que la place laissée vacante reve-
nait à la France et avons décidé de faire l'effort nécessaire
pour qu'il en soit ainsi et pour que, une fois la paix signée,
nos ennemis trouvent une organisation puissante qui, se mettant
au travers de leur route, ne leur permette pas de prendre leur
ancienne position ••• Nous sommes décidés à faire dans notre
,
-299-
soci~t~., l'effort n~cessaire, ma1S nous ne sommes que des
~claireurs, des franc-tireurs de l'expansion française et ce
n'est que si nous sommes soutenus par tout l'effort français
que nous pourrons compter sur une victoire commerciale de la
France"(l) ,
Des proclamations analogues en faveur de l'expansion du
commerce français furent faites par d'autres organisations tel
que le Comit~ france-Portugal de Paris dont la section écono-
mique intervint à plusieurs reprises auprès des pouvoirs
publics en France en vue de l'aplanissement de certains obsta-
cles dans les échanges avec le Portugal ; ce fut le cas de son
intervention en avril et octobre 1917 en faveur de l'Jxonéra-
,
tion de la surtaxe d'entrepôt sur le cacao, Ce comité a~rait
.,
L_
h·',:""
~-,..r
;0....-.',"- ~'.~-, ,.'
•
oT.'ganisé d'importantes études en vue de promouvoir leS~hanl:;es
~-~,
économiques, en particulier dans le domaine commercial et
touristique,
Pour rendre effectives ces visées, des actions furent
menées à plusieurs niveaux sous la direction du ministère du
Commerce et de l'Office National du Commerce Extérieur. Ce
dernier organisme avait la responsabilité de la publication de
documents dits "Dossiers commerciaux" qui furent l'instrument
de centralisation des informations de diverses sources.
L'objec-
tif était de créer les moyens d'une réelle offensive commerciale
dans l'immédiat et à long terme. Comme dans le cas d'autres
pays, des études systématiques permirent d'~tablir le bilan de
(1) Copie de la circulaire de Société Amicale franco-portugaise,
annexée à la lettre du consul de France à Porto au ministre
des Affaires Etrangères. Porto, JO août 1917.
HAE/NSE CPC 1897-1918, Portugal, nO lll.
-)00-
1
l'état et de la, pratique du commerce de la France au Portu~al,
de ses insuffisances ;
les mêmes études permirent de déterminer
la place de l'Allemagne,
les moyens et les méthodes qui lui
assurèrent sa position de force d'avant-guerre. Elles se
concluaient par des projets, et des solutions possibles aux
divers problèmes.
Les agents consulaires et diplomatiques,
les membres des
Chambres de Commerce et d'Industrie tant en France qu'à l'étran.
~>"
,ger, les conseillers du commerce extérieur participaient à
~:;~:"
~'
:-.
..
!i;[<~
l;élaboration de ces dossiers. Aux yeux des autorités,
la situa·
,
...:~':;':c:'
-;" '-,0-
tion de guerr~ devait constituer un nouveau départ qui devrait
~'- ..
s~enrichirdes"expériences récentes. Aussi ,faire le point
' , - ' .
~~-c,,' -:':...
,étai t - i l quelque cho~e d'important.
Des différentes études,
i l ressortait que le commerce
français
t'exportation était, au Portugal, en constante régres-
L
l'
sion. C.tl:.:e régress ion serait due en partie à la nature de ce
commerce et à ses moyens.
Le commerce français d'exportation,
constatait-on dans le bilan, était, en dépit de la bonne place
tenue par les automobiles avant la guerre, composé en grande
partie de produits de luxe
: articles de peau, soieries, meu-
bles, parfumerie et cosmétiques, bonneterie,
laines, etc ••.
En raison de leur caractère de consommation de luxe, ils
étaient imposables, mais surtout ne créaient· pas les conditions
d'élargissement de l'ensemble des ventes.
Les faibles moyens de ce commerce, c'est-à-dire l'absence
de commis voyageurs, les conditions de crédit et de contrats
-JOI-
moins larges ou inexistantes,
l'absence d'établissements
financiers susceptibles de servir de support financier,
le
mettaient en position de faiblesse devant ses concurrents. A
propos des opérations financières et des crédits d'achat,
les
rapports déplorèrent l'inadaptation, aux besoins du commerce,
des activités du Crédit franco-portugais,
filiale du Crédit
Lyonnais qui se confinerait dans "les opérations de banque et de
change
pures et simples"(1). La création d'une banque d'affai-
res qui pourrait prendre du jour au lendemain la place du
f'inanciex:-Weinstein, apparut- comme le meilleur moyen de résou-
Les rapports soulevèrent également, dans le domaine commer-
r
. . , '
_
cial,
le problème capital de la représentation 1 ils consta-
tèrent que--les maisoo_s f:r.-ançaises exigeaient des garanties
pécuniaires tandis qua 1e-s maisons allemandes exigeaient unl.-
quement de bonnes références. Ces mên'" 5 rapports étaient par
1 •
ailleurs unanimes à déplorer qu'à l l~verse des Anglais et des
Allemands qui s'engageaient dans les entreprises commerciales
et industrielles, la pénétration financière française fut
orientée presque exclusivement vers les f'onds d'Etat ou de
municipalités, dans les entreprises d'utilité publique,
telles
que les chemins de fer,
les travaux publics,
les entreprises
de distribution de gaz et de l'eau, aux rendements modestes
(J).
Le recul de la France serait également dû à la pénétration
(1)(2) Rapport de H,Martinet au ministre des Af'faires Etrangères
9 février 1916. MAE/NSE CPC 1897-1918, Portugal, n 0 41.
(J) Le consul de France à Porto au ministre des Aff'aires
Etrangères.
Porto,
12 mai 1915, MAE/N5E CPC 1897-1918.
Portugal,
n 0 41.
-)02-
en force de l'Allemagne dans l'ensemble de l'économie portu-
gaise, Alors que la France vendait peu et achetait peu,
l'Allemagne en revanche -
et c'était là une des préoccupations
des intéressés -
occupait une importante place. Elle était le
premier client et le deuxième fournisseur. Son commerce d'ex-
portation avec environ 52.000.000 de francs en 191), représen-
tait près du double de celui de la France. De surcroît, ce
commerce portait sur les biens nécessaires aux secteurs les
plus dynamiques de l'économie
m~tériel industriel, électrique
et mécanique, machines, outils. La diffusion deces!T1~t~r'iel:S'.,_,
et soutenue par la création d'agences - dépôts avec' ateiier de
réparation et de services après-vente
(1).
Pour percer sur le marché, les maisl)~; al1~;';arl<;!ë~'tnet.tài9,nt,
•
•
. . . . ,
" " , . 7 ; "
.,",-,
.;~ "'.'.,.". '..
' .
,,-.c;.'./":'::",i:.F
en mouv6!ment des commis voyageurs, posaie~nt-des conditions
relativement souples pour leur représentation et par conséquent
disposaient de nombreux représentants et a~enrs comme,rciaux",,{'
•
dans les grandes villes, adaptaient certaines productions aux
besoins et aux goûts de la clientèle, accordaient de longs
délais de p~iement
tout ceci était appuyé à Lisbonne et à
Porto par l'activité des agences des compagnies de navigation
et des financiers dont le principal était Weinstein, représen-
tant d'importants établissements industriels, commerciaux et
financiers d'Allemagne
(2).
(1) Le consul de France à Porto au ministre des Arfaires
Etrangères. Porto, 12 mai 1915. MAE/NSE CPC 1897-1918,
Portugal, n 0 41.
(2) Sur Weinstein, voir ci-dessus dans la première partie, le
paragraphe III du chapitre III.
f:
- JO)-
!
Cette prépondérance commerciale de l'Allemagne au Portuffal
s'exerçait également dans l'importation des produits d'autres
origines en particulier les produits coloniaux pour lesquels
les maisons allemandes agissaient comme intermédiaires.
La
vitalitci du commerce, allié à la puissance de la marine mar-
chande, permit aux maisons allemandes de Hambourg de partici-
per pour une large proportion à l'importation au Portugal de
produits destinés à l'alimentation (céréales, riz)
; ces mêmes
possibilités leur permirent d'établir un quasi monopole sur
les produits coloniaux, en particulier le cacao de San-Tomé
pour lequel elles servirent d'intermédiaires entre le PortugâF'.:?ê
' ..L';,;'::'€._'f~~~_' .
et les pays de l'Europe du Nord et du Centre.
~,\\
Elles établirent leur monopole en employant des méthodes
"\\\\ d'usure; les maisons de commerce de Hambourg par l' intermé.-< I...
\\
=~~
diaire de Weinstein avançaient aux planteurs des sommes
d'argent sur leurs récoltes et leur rournissaient toutes les
marchandises dont ils pourraient avoir besoin ; en cas de
mauvaises récoltes ou d'insurrisance, des délais de paiement
étaient prolongés.
De la sorte, ces maisons s'étaient rendues
"mattres incontestés des récoltes de l'tle"(l).
+
+
+
L'établissement de ce bilan s'accompagne d'une réelle cam-
pagne pour développer le courant commercial. De nombreuses
(1) Rapport de M.LaNty,
conseiller du Commerce Extérieur de la
France. Dossiers commerciaux du 6 octobre 1917, p.2.
ANF/F12 7980.
maisons qui représentaient jusque là l'industrie et le commerce
allemands se trouvant privées de ces relations,
se tournèrent
tout naturellement vers les marchés alliés. Ainsi, régulière-
ment,
les "Dossiers commerciaux" publièrent-ils les rensei~ne-
ments pratiques recueillis par les agents consulaires et diplo-
matiques à Porto et Lisbonne sur les maisons
, leur adresse et
leurs activités. Les agents consulaires,
les Chambres de
Commerce françaises et les associations amicales livraient
également par le même biais la liste des articles qui,
jusque
là, étaient livrés par l'Allemagne et avaient besoin d'être
remplacés par les exportateurs français
; cette question avait
été l'objet d'une lettre du ministre du commerce à son homo-
logue des Affaires Etrangères depuis le J août 1915 (1).
Mais la volonté de se -faire une place au soleil et de
préparer l'après-guerre sur le marché portugais va se heurter
,,
à des obstacles dressés, dans la période considérée, par les
,
faibles moyens et l'état général de l'industrie et du commerce
français.
Ceux-ci ne seront pas en mesure de satisfaire le
marché portugais, en particulier en articles jusque là fournis
':='"
par l'Allemagne, et qui faisaient grand défaut
matériel élec-
trique, mécanique et certains produits chimiques dont l'ani-
line, les produits tinctoriaux et les engrais;
la production
o-
F
des industries chimiques, mécaniques et de matériel électrique
étaient en France pratiquement orientée vers les besoins de
guerre. De surcroît, ces m~mes besoins firent reculer les
positions déjà acquises sur le marché, par exemple dans la
(1) Le ministre du Commerce au ministre des Affaires Etrangère~
J août 1915. MAE/NSE CPC 1897-1918, Portugal, n 0 41.
-305-
fourniture d'automobiles complètes et de châssis.
Par ailleurs,
le contexte n'autorisait pas l'évolution
souhaitée du commerce français d'exportation. Comme le fai-
saient ressortir les études sur les méthodes commerciales a1le-
mandes,
les importateurs portugais avaient besoin de certaines
facilités, en particulier dans le domaine du crédit et des.
délais de paiement
: or la situation en France était telle
qu'il était quasiment impossible' de mettre en oeuvre ces
,méthodes qui avaient cours en temps de paix.
Le commerce français,
alors largement déficitaire, devait
, . sCllténir~varit tout et d '~bord l'eff'~rt de 8'uerre et seS exi-
-";:. ~(>:'~i(~·s'.}~,:::;: ~~"~:'/'~:':)-: ... :;;~'~-..;,..-;;;,~<._:",::;;,,~,{.:).:
.,',
"ftit"'"l~~'tWmb;~:re:i~Ùvemér'l't rêstreint de maisons port~gaises
'qui Feçtirent des réponses favorables à leurs demandes de
représentations.
Les milieux économiques portugais affectés par cette situa-
tion s'en plaignirent. Déjà, dès le 4 septembre 1916, au len-
demain de la création de la commission portugaise d'action
économique contre l'ennemi, Le Seculo exprima à ce propos des
sentiments assez significatifs, sur ce qui était attendu des
Alliés.
"Ils doivent",
lança le journal,"adopter les procédés
commerciaux des Allemands en donnant aux acheteurs portugais les
mêmes facili tés que l'Allemagne leur consentai t, sinon la guerre
économique tant préconisée devient impossible"(l). Ces lignes
(1) Editorial du Seculo de Lisbonne 4-9-1916, reproduit dans
Bulletins Périodiquen de la Presse Portugaise, 2e semestre
1916. SHA!7N 1045.
-)06-
adressées à l'ensemble des pays alliés illustraient les condi-
tions de la guerre économique au niveau des nations dépendantes
et indiquent les limites de la volonté de se substituer aux
Allemands 1 elles annonçaient également du point de vue des
relations bilatérales et des visées commerciales de la France,
les difficultés qui surgiront dans l'immédiat après-guerre,
dans la mesure où le conflit a fait apparaître de nouvelles
concurrences (Japon, Etats-Unis) et a donné lieu à la naissance
au Portugal de certaines industries.
+
+
+
Ces difficultés de la France contrastèrent avec la situa-
--- ._1
"
..
-,
i
·tfonciei'exportation portugaise.
L'introduction des produits portugais sur le marché fran-
.. çai:Lhe rosa. en effet. aucun problème majeur, en-dehors du
cacao.
Les énormes besoins militaires et civils donnèrent un
,
large débouché aux produits de la pêche. en particulier les
,
sardines. tandis que la fermeture du marché allemand aux vins
portugais était compensé par l'énorme déficit de la production
vinicole française.
Par contre, le projet de remplacer Hambourg
par le Havre dans le commerce international du cacao se heurta
à la surtaxe d'entrepôt et à la situation de l'industrie
chocolatière.
L'existence de la surtaxe d'entrepôt mettait une certaine
limite à l'importation du cacao, qui s'est toutefois accrue.
Cette limite a été particulièrement -ressentie à partir de 1917
avec la généralisation de la guerre sous-marine.
L'aggravation
des conditions de transport maritime et le bombardement du port
de Funchal rendit l'introduction en France du cacao,
à partir
de ce port, quasiment impossible. La presque totalité de cc
produit alors importé le fut à partir de Lisbonne et par consé-
que nt soumis à la surtaxe d'entrepôt de 20 F le quintal.
L'intervention du Comité Fraryce-Portugal en faveur de
l'exonération de la surtaxe pendant la durée du conflit et se
fondant s-ur.lil, nécessité de créer les conditions de l'évince-
ment de l'Àl1~magne. se Mufta •à un refus' du" ministère des
Finances, De même,
l'industrie chocol-a tière traversait une
crise, liée simultanément au manque de sucre pour la fabrica-
tion-et à la diminution de la vente de ce J'lroduit dont le prix
était élevé. Les achats de la France restèrent par conséquent
relativement en-dessous des offres portur;aises.
Cette situatio~ et lan:on:"'e~onér;".tionde la surtaxe rendait
toute sa valeur à la plainte du Seculo ct soulevait le problème
d'interprétation et d'application d'une des résolutions de la
Conférence économique
: celle relative aux débouchés compensa-
teurs entre alliés.
+
+
+
Le ralentissement relatif des exportations françaises,
malgré la volonté de combler le vide et l'introduction massive
des produits portugais furent, en définitive, sur le plan des
- JOfJ-
réalités pratiques, le trait caractéristique des échanges
économiques, plus précisément commerciaux entre les deux pays.
J - ~~~~~!~!~~~_~~_~~~~~~~~!_~~~~~~~~~!_!_!~_~~~~~~~~~~~!_~~
~~!~~_~~~~~~~~~!_~~_!~~~~~_~~_~~E!~~~!
Les échanges commerciaux durant les années de Guerre subi-
rent d'importantes modifications. Ces modifica tiol'),S_poX'-tèrentc"
.
--_ ...
..
' .
- - . ~.-
-' ....• ,
.._- ,,-
.
-,.
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····.·_,..'".__ oc,_·,.··".··,.···""··,,,.,, __.
chiffres. En ce qui concerne ces derniers, lescl6nnP.es·du
tableau ci-dessous sont assez révé1a'trices, comparé~sb. cel1~s
-. '-",
qu 'une belle comparaison soit arbiti-ài~e en r~i:;~~,~~·':).~·I1a~~·~~'·
..~,-
>:>'.....
phénoménale des prix durant la période considérée.;·'·"'·...···,_·
L'évolution la moins sensible concerne. s\\lt:tml.t ..1.,i.expo.itâ...::"'~·.•
.. :\\_~
tion française vers le Portugal.
Les traits caractéristiques
d'avant-guerre de cette exportation demeurent.
Les articles de
consommation de luxe,
tissus et produits de soie, articles de
peaux,
lingerie, meubles, articles de Paris, etc ••• continuent
à occuper une place toujours importante. Loin de fermer le
marché portugais aux produits de luxe,
la guerre et l'affai-
risme qui l'ont accompagné dans ce pays situé loin des champs
de bataille, semblent au 'contraire avoir augmenté la capacité
de consommation de ses classes aisées.
(1) Cf.ci-dessus, première partie, ch.IV. Les chiffres
ci-après,'
sont tirés du Tableau Général du Commerce et
de la navigation, pour les annees 19111, 1915, 1916, 1917,
1918.
-10')-
TABIiEAU RESUMANT LES ECHANGES DURANT LA GUERRE
-en' million de francs-
(1)
Année
1915
1916
1917
191.'1
'Exporta tion portu-
~~~~~_~~!:~_~c: _
Commerce eénéral
41,2
119, /1
160,A
110, 6 .~
Commerce spécial
Il ,2
10) ,1
99,6
..
\\: Exportation fran-
~ ~~~~~-~~-~~:!~~~!
\\
.....
:' Commerce général
26,5
38,4
53,S
J6,2 ":
Çommerce spécial
22,6
33,8
3 l ,2
1
Solde excédent por-I
tugais - déficit
:
~:~~z~~~_{~~~~JJJ_4):
Commerce général
14,7
81,0
107,3
Commerce spécial
8,2
14,3
90,6:
68,4
(1) Sources
1
Tableau Général du Commerce et de la navigation
pour les annees 1914 a 1918.
-J10-
En prenant en exemple la soie et la pelleterie de toute
préparation,
on constate que ces deux produits occupent res-
pectivement la troisième et la première place en 1915,
la pre-
mière et la quatrième place en 1916,
la troisième et la qua-
trième place en 1917, la première et la deuxième place en 1918.
Les seules modifications intervenues furent d'une part,
la
place importante prise à partir de 1917 par les armes, poudre
et munitions qui occupèrent cette année-là le premier ranF, et
le matériel aéronautique; de l'autre,
la diminution des
ventes de tissus et produits de laine, des véhicules automo-
biles et des machines mécaniques.
L'au~mentation de ces\\ventes fut très modérée. Après l'im-
portante baisse due au déc\\enchement des hostilités,
la reprise
,
1
suivit Une pente très faibl~, sauf en 1917 où le chiffre de
1
1
:
5J.000.000 de francs fut atteint.
\\
Le mouvement commercial du Portugal vers la France subit
par contre une profonde évolution. Le point remarquable dans
la composition des exportations portugaises est la part prise
par les poissons,
les vins et le cacao. Ces trois produits
monopolisèrent, à partir de 1916, les trois premiers rangs.
Ils occupèrent respect;vement la deuxième,
première et
troisième place en 1916, la première, deuxième et troisième
place en 1917, la deuxième première et troisième place en 1918.
Ce faisant,
sur les ventes totales portugaises en France, ils
totalisèrent 96.529.000 francs sur 119.400.000 francs,
116.768.000 sur 160.800.000 francs, 8J.562.000 sur 110.600.000
francs,
soit, au cours de ces trois années,
la moyenne de
.. J11-
-311_
75% des ventes totales,
Le deuxième type de modificationsintervenue fut l'introdllC-
tion sur le marché français des produits de l'industrie portu-
gaise, en particulier certains produits chimiques et mécaniques,
les tissus de laine et de coton.
Parmi les autres produits qui
occupèrent une place non négligeable,
par leur valeur straté-
gique ou monétaire,
figurent les produits miniers (wolfram),
les traverses de bois,
les graines et fruits oléagineux et de
tables.
Les conséquences. de cette évolution furent le renve~sement
brutal, puis l'élargissement en faveùr du Portugal du solde
,
des éChanges commerciaux entre les deux pays. Celui-ci pa~e
,
.
d'un déficit de\\11~ millions pour le Portugal en 1914 à un ,\\xce-
\\
dent de 107.JOO,OOO francs en 1917; la situation était nette-
,
ment favorable au Portugal dont l'excédent équivalait au double
des ventes françaises,
et pouvait largement équilibrer son
commerce avec la France par ses seuls ventes de poissons.
La guerre confirme de façon vertigineuse la tendance amor-
cée depuis la conclusion du modus vivendi de février 1911 qui
releva le niveau des exportations portugaises et entraîna une
baisse de son déficit.
Mais cette situation favorable au Portugal qui s'expli-
quait par les circonstances particulières n'allait pas résister
au retour à l'économie de paix, Comme le révéleront les négo-
ciations entreprises à partir de mars 1918 et que nous
abordons dans la troisième partie consacrée à l'après-guerre,
-)12 -
le Portugal aura à nouveau du mal à placer ses principales
productions sur le marché français. Mais cette évolution aura
contribué, dans les échanges économiques entre les deux pays,
à marquer la période qui vit l'apparition d'un élément tout
nouveau dont les dimensions s'étendaient au-delà de l'écono-
mique
le phénomène de l'immigration en masse des travai lIeur"
portugais en France.
TI -
La guerr~ ex les débuts de l'immigration portu~aise
/-
1 -
~_p~~~~~~_~~_!~_~~~~:~~~~~~~~_~~_~~~~S~_~!
!~~rr~!_~~~_!~~~~~!!~~~~_~!~~~~~~~
La Franr~ était l'un des principaux champs de bataille.
En ~aiso~'de son état démographique à la veille du conflit et
des pertes subies durant les premières années de la guerre,
elle connut avec acuité la pénurie de main-d'oeuvre. Outre les
énormes besoins militaires en hommes valides,
l'économie de
guerre avait besoin de travailleurs dans les usines, mais éga-
lement dans l'agriculture. Les pouvoirs s'attachèrent d'abord
à exploiter au maximum les possibilités locales.
Si la pénurie de la main-d'oeuvre n'épargnait aucun secteur
de la production, la question était très délicate pour des
secteurs tels que l'agriculture où l'organisation de la produe-
tion était soumise à des contingences saisonnières, à un
_.--....
-.J13-
-~I ?I
calendrier imposé par la nature, sans le respect duquel i l n'y
a pas de production.
Dans un premier temps,
l'effort des autorités porta sur
la pleine utilisation des possibilités intérieures. Beaucoup
de cultivateurs étant alors stationnés dans des dépôts,
i l
leur était accordé par l'autorité militaire des permissions
individuelles de quinze jours, une pour les travaux d'ensemen-
cement, une permission de fenaison et une autre de moisson.
Dans d'autres cas,
on employait aux travaux d'agriéulture des
équipes militaires, . les conval.escents retirésdu,.f!:ont.des
pri si onniers dé />'Uerre.
Autant que dàns l'agriculture,. le besoin demain-d 'oetlvre
était grandement ilécesBàiredansl'indusl;rie et plus particu-
lièrement dans les usinés de f'ab:t'Îcati6n' de matériéT militaire
qui devaient souvent respecter des délais et des rythmes de
production relativement courts et intens~~. Là, le gouvernement
décida de rendre aux industriels, quelle~~e soit leur grade
les ouvrierq ayant travaillé dans leurs usines et qu'ils récla-
ment nominativement comme indispensables à leur production (1).
Outre ces rappels individuels,
le gouvernement eut à répon-
dre aux demandes d'ouvriers professionnels ou manoeuvres qU1
lui furent adressées par les industriels pour le renforcement
de leur effectif du temps de paix ou insuffisamment reconstitu~.
La centralisation des ofrres et des demandes d'ouvriers,
la
recherche des
meilleurs moyens d'utilisation de la main-
(1) Coupures de presse
Le Hatin du 11
juin 1915.NNE/LPPI9.J.
-)1',-
d'oeuvre disponible en France,
furent orG'anisées (1). Et'pollr
la première fois,
les femmes étaient employées à tous les
secteurs de l'activité économique où cela était matériellement
possible, rompant avec tous les préjugés et les tabous
jusque
là observés.
Ainsi, comme les matières premières et les produits de
première nécessité, la main-d'oeuvre était également devenue
l'objet de rationnement et de rationnalisation dans son utili-
sation. Mais,
s ' i l était possible par ce moyen de tirer le
maX1mum de la main-d'oeuvre disponible,' cè~à !1éJll!",rnt~"tt:ait.
. ,'~'"-
plus en plus rait appel à la main-d'oeuvre étrangère et
coloniale.
Le phénomène de l'importation de la main-d 'oeuvre.,étran:- .. , , ..•.
gère n'était pas nouveau. Dès avant la guerre, i l avait résulté
de la di sproporti on entre le déve loppement ~c.opQ!Jliqu.~, ~tlg ... ':':'.:,:~:'.
faible accroissement de la population,
l'introduction systé-
matique de travailleurs étrangers. Cette entrée des travailleurs
était venue renforcer un courant déjà ancien d'immigration
individuelle et spontanée en provenance de l'Italie et des
colonies.
La guerre donna au phénomène une extension nouvelle. Des
organismes spécialisés furent créés en vue du recrutement et
de l'emploi militaire, paramilitaire et civil des travailleurs
de diverse. catégories et provenances.
(1) Coupures de presse
Le Natin du 11
juin 1915. MNE/LPP 193.
-J15-
Il en fut ainsi de la Commission de l'armée sur la main-
d'oeuvre étrangère ct coloniale; cet organisme se chargeait
de la répartition de la main-d'oeuvre coloniale employée dans
les usines ressortissant du ministère de l'armement et divisée
en 3 catégories
1°_ les tirailleurs sénégalais, indochinois,
malgaches
2°_ les O.A.A.,
les ouvriers auxiliaires
d'artillerie (Algériens du service auxiliaire)
JO_ les travailleurs coloniaux: Malnaches,
,
Indochinois, Chinois, Algériens, Marocains, Tunisiens (1).
Les travailleurs des colonies étaient recrutés directem~irt· .""
,par le ministère des Colonies et le ministère de la Guerre
(Directions des troupes coloniales). Le service de main-d'oeuvre
\\
é\\rangère s'occupait de travailleurs européens: Italiens,
,
Belges, Serbes réfugiés, Espagnols, Polonais, Grecs.
En dépit de ces appels, les besoins en main-d'oeuvre sem-
blaient illimités et la rupture germano-portugaise intervenait
à temps puisqu'elle permit de poser le problème de l'utilisa-
tion de la main-d'oeuvre portugaise qui n'était pas totalement
absente en France, puisqu'un rapport du ministère de la guerre
en fin d'août 1916, deux mois avant la convention franco-
portugaise sur la main-d'oeuvre, établit la présence de
J20 ouvriers portugais dans les seules usines de guerre, sur
un total de 25.291 travailleurs étrangers (Espagnols, Belges,
Serbes, Russes, Italiens) dans le même secteur (2).
(1) Note aU sujet du rapport fait à la Commission Sénatoriale
de la main-d'oeuvre coloniale, algérienne et étrangère.
Ministère de l'Armement, Paris, J août 1916. SHA!10N 63.
(2) Etat numérique des travailleurs originaires des pays alliés
employés dans les établissements publics et privés à la .,.
r
1
-J16-
•
La question de la main-d'oeuvre portugaise fut soulevé
pour la première fois par le ministre français de l'Agriculture,
Méline, en 1915. En recevant Joâo Chagas, après le retour de
celui-ci au poste de ministre du Portugal à Paris, à la suite
de la chute de Pimenta de Castro~ Meline lança au diplomate
portugais et fervent interventionniste
"La France a besoin
de bras"(l). Mais la question ne fut résolument posée qll'une
année plus tard par le haut comm~ndement français et le minis-
tre de la Guerre, à la faveur de la rupture du Portugal avec
les empires centraux.
\\
Le 7 avril 1916, le lieutenant-colonel Tillion, attaché
militaire à Madrid et chargé du poste de Lisbonne, pell favo-
rable au concours militaire portugais, dressait un rapport sur
les possibilités de recrutement des ouvriers portugais pour
les usines de guerre en France;
le rapport s'appuyait sur le
témoignage des responsables d'une fabrique de munitions et sur
l'exemple m~me de cette fabrique. S'il ya peu d'ouvriers
professionnels, disaient-ils, i l est facile de les former
puisque la fabrique a procédé de cette manière en formant en
trois semaines des ouvriers sans connaissances techniques au
départ. Estimant que les disponibilités ne pouvaient excéder
15 à 20.000 travailleurs, ils faisaient observer en même temps
(2-suite de la page J15) ••• fin d'août 1916 établi par le sous-
secrétaire d'Etat à l'Artillerie et munitions. SHA/l0N6J.
(1) CHAGAS
(Joâo), Diario, Vol.II, p.196.
-,117-
que les ouvriers de Lisbonne étaient à éliminer parce qu'in-
fluencés par les idées syndicalistes et révolutionnaires et
qu'il conviendrai t de recruter plutôt dans le nord 011 les
ouvriers étaient plus dociles (1).
Fort de ce rapport, le commandant en chef des armées fran-
çaises écrivait un mois plus tard au Président du Conseil,
ministre des Affaires Etrangères
: " .•• Il serait du plus ~rand
intérêt que le Portugal, devenu ,à l'heure actuelle notre allip,
apportât une aide efficace à la pénurie de main-d'oeuvre dont
,
nous souffrons
: le concours qu'il nous donnerait diminuerait
f
d'autant le prélèvement d'hommes que nous sommes appelés à
faire sur nos unités du front dont i l importe au plus haut
\\,,
point de maintenir l'effecti,f. Je vous demande de bien vouloir
i
\\
insister auprès du gouvernement portugais pour qu'une solution
\\
favorable soit promptement donnée à cette question, soit par
l'envoi en France de détachements d'ouvriers mobilisés, soit
en levant l'interdiction de sortie d'ouvriers que nous recru-
terions au Portugal"(2).
La France avait en effet besoin autant des travailleurs
civils que militaires. Mais certains départements ministériels,
en particulier le ministère de l'Armement et des Fabrications
de guerre, désiraient prioritairement la deuxième catégorie,
c'est-à-dire des contingents de travailleurs militaires cons-
titués e.n unités avec un encadrement pour assurer l'entraînement
(1) Lieutenant-colonel Tillion au commandant en chef, Lisbonne,
7 avril 1916. SHA!16N 2912.
(2) Le commandant en chef des armées françaises au Président
du Conseil, ministre des Affaires Etrangères,
C.Q.G., J mai 1916. SHA!16N 2912.
,..
1 2
1
-JI,'l-
et la discipline. Cela répondrait à la nature de certains
travaux tels que ceux de défense et d'am6nagement du front et
de fabrication de matériel militaire.
La réponse portugaise ne put se faire dans l'immédiat en
raison du peu de disponibilités des différents départements
ministériels. Mi-juin, le ministre de la guerre répondit au
ministre de France à Lisbonne qU'Afonso Costa s'est réservé
de traiter la question à Paris (1) où i l s'est rendu avec
Augusto Sôares, pour participer à la conférence économique
interalliée' (jÜin 19i 6}. Cette dernière consacra comme dans
,
'...
-' -.
~
bi.end 'autres domaines"
la nécessité et le principe de la
coopération inter-alliés en matière de main-d'oeuvre.
Les
négociations bilatérales ultérieures entre ).es deux trOlIVerne-
ments. furent sanctionnées par une convention signée en
octobre 1916 (2,).
Mais"f···au· cour~oJe ces négociations, le principe de la
main-d'oeuvre militaire fut écarté par le gouvernement portu-
gais qui assura ne pas être autorisé par la législation quant
au recours à un tel procédé. Les circonstances étaient par
ailleurs propices à un refus. L'Angleterre, qui avait décliné
toute offre éventuelle en main-d'oeuvre lors du voyage des
officiers d'état-major en octobre et novembre 1914, faisait
alors une demande analogue pour ses troupes en France ; elle
(1) Lisbonne,
17 juin 1916. SHA/16N )248 (4).
(2) Nous n'avons pas pu trouver le texte de cette convention
dont font état plusieurs documents officiels français.
Selon l'un de CeS documents, cette convention serait siF,née
le 28 octobre 1916 : le ministre du Travail et de la Pré-
voyance sociale à Monsieur le ~linistre du Blocus et des
Régions libérées. Paris,
Il mai 1918. ANF/F12 R991.
-31Q-
demandait la fourniture de bataillons de travailleurs mili-
taires de chemin de fer (Railway Labour Batalions).
La réponse portugaise fut le ref'us immédiat et catégorique.
La participation eff'ective des troupes portugaises n'étant pas
en ce moment-là encore acquise, ces combinaisons suscitaient
sans doute des appréhensions
: elles pouvaient en ef'fet tendre
à détourner les contingents proposés par le Portugal d'une
participation militaire ef'f'ective, pour les "cantonner dans
le rôle ef'f'acé de manoeuvres à l'arrière-"(l). En même temps,
la prépara ti.on de h l s contingents de travaiJ.~~~,:.i.~';'iÜtaires.·
"'~:., .~,~ ,~.
des corps expéditionnaires d'Af'rique,
et bientôt d'Europe et
celui des troupes qui resteraientauPortuga~même,
- .. -
, , _ .
, ' . .
- -. - -.,-
-
-,;-'
deux gouvernements, portait par conséquent uniquement sur les
travailleurs civ·il~·, autol.'isarrt- le t'eertftl'mèiit'{$Ïmultané de
10.000 ouvriers portugais, la convention stipulait l'établis-
sement par le gouvernement d'un système de passeport collectif'
applicable à chaque groupe d'ouvriers quittant le pays. Un
agent du gouvernement f'rançais f'ut nommé, avec pour siège
Porto; i l centralisait les contrats des maisons f'rançaises et
de certains services d'Etat et dirigeait le recrutement,
f'aisant passer des contrats par groupe et quelquef'ois indivi-
duellement,
Au mois de mai 1918,
le nombre total des ouvriers portugais
(1) Le ministre des Af'f'aires Etrangèrcs au ministre de
l'Armement, Paris, 19 septembre 1917. SHA/7N 398.
-:)::>0-
introduits en France s'élevait à 1).800 dont 7.)00 étaient
déjà rapatriés (1). Hais, à partir de 1918, l'apport de la
main-d'oeuvre portugaise commença à diminuer; et cela, à un
moment où on en avait le plus besoin, non seulement pour le
remplacement de ceux qui étaient rapatriés à l'expiration de
leur contrat, mais aussi à cause de la demande de main-d'oeuvre
considérable faite au service de la main-d'oeuvre étrangère
par l'armée américaine. Aussi le ministre du Travail estimait-
i l nécessaire, en mai 1918,
l'introduction en France d'une
dizaine de millier de travailleurs portugais avant le
)1 décembre (2).
. ."'1.',.,......... '.,
~'ais comment y parvenir? La situation devenait de plusen~'··
plus difficile, Outre l'arrêt momentané du recrutl1{~~~dan;j:;Y'.!!;'·;'
les premières semaines de l'année 1918, enra~l!!onl;Î!~·~ié~~~~'ii~:;f:.
santé dans la région du nord, i l y avait d'autres problèmeJl".'··'., ..
bien plus complexes, Bien qu'il fût effectué dans le nord,
comme cela avait été suggéré,
le recrutement des1:r!!v..~;il_le\\~,r:~.
pour la Frm ce n'échappa pas à la polémique et à la campagne
contre la guerre. L'envoi, tant du corps expéditionnaire que
de travailleurs, constituait une ponction assez importante
des hommes valides, suffisamment pour rendre chère, par rapport
à ce qU'elle était, la main-d'oeuvre locale et léser les
intérêts d'un certain nombre de milieux économiques, en parti-
culier les grands propriétaires fonciers,
La campagne menée sur cette question trouva sa systémati-
(1)(2) Le ministre du Travail et de la Prévoyance Sociale au
ministre du Blocus et des Régions libérées. Paris, le
11 mai 1918, ANF/F12 8991.
-J21-
sation dans un ouvrage publié en octobre 1917 et réédité en
1918 par un ancien ministre des Fin~nces, Anselmo de Andrade
et intitulé "Portugal Economique, Théories et Faits". Dans
cet ouvrage,
l'auteur estime que la guerre "qui contribue au
renchérissement de la vie, en privant nos camparrnes et nos
fabriques des meilleurs travailleurs, a semé les grèves en
produisant la raréfaction du travail". Et l'auteur de pour-
sU1vre
, "Il Y en a déjà là-bas 50.000, 60.000 de ces travail-
leurs. Demain, ils. seront 100.000, 120.000, peut-être plus,
entre ceux qui sont envoyés pour les tranchées et pour les-
quels i l ya au moins des raisons de guerre, bonnes ou mauvaises,
et ceux qui vont travailler comme des nègres à l'étranger,
enlevés,
ceux~ci, sans aucune raison avouable, au travail
,
\\.
national"(1).
\\
campa~\\e
Cette
"des théoriciens faisant cause commune avec
"
les propriétaire~.agricoles"(2)soulevait des problèmes d'ordre
diplomatique puisqu'elle remettait en question le principe
de la coopération entre les alliés
l
elle touchait également
à des considérations de politique intérieure, propres à mettre
en difficulté les pouvoirs publics. Mais i l est peu probable
qu'elle ait eu des effets sur les émigrants. Ceux-ci étaient
avant tout poussés à partir par l'état de misère des campagnes
du nord et les contraintes imposées par ces mêmes propriétaire~
contraintes qui expliquent le développement parallèle de
l'émigration clandestine.
La difficulté principale semblait
( 1 ) Anselmo de Andrade, Portugal economico. Teoria et factos,
p.1J4-1J5. Extrait traduit, annexé à la lettre de Legentil,
chef de la mission française de recrutement, au ministre
du Travail et des Affaires Sociales, service de la Main-
d'Oeuvre étrangère. Oporto, J
juillet 1918. MAE/SE 1918-29
Porturral, n02 5.
Lerrcntil au ministre du travail;- J
juillet 1918. ~1AE/SE
1918-29,
Portugal, n02J.
-;----~--------------------------.----~---------.--.~-- ----~-
... ....,.-/1r.,..
-J22-
provenir par conséquent des ouvriers qui avaient l'expérience
de l'émigration; celle-ci ne parut pas en effet avoir enchanté
tout le monde. Ainsi, sur les 6.500 ouvriers qui restaient en
France en mai 1918, 1/6e seulement était en second contrat de
6 mois (1). Les témoignages, soit oraux de ceux qui rentraient,
soit par correspondance à partir de France,
ont sans doute
contribué à freiner le recrutement.
Beaucoup de travailleurs portugais supportaient assez
difficilement les travaux auxquels ils étaient affeètés et qui
étaient généralement des travaux assez pénibles de mano~uvres,
dans la manutention ou le terrassement.
\\
Il Y avait également les conditions générales\\d'existence
\\,
et d'intégration sociale. Ces extraits de correspo~dance irlclus
\\,
dans un rapport de la commission militaire de cont~ôle postal
étaient assez significatifs à cet égard
Joaquim Alves Larego,
chez Peugeot à Sochaux,
à Emilio de Souza Carnego, Rua do CasaI de Pedro,
J Massarelles - ?orto •
.....
Il vaut mieux manger une sardine au Portugal que tout
ce que l'on trouve ici
l tu dois te faire une idée de ce que
c'est ••• Pendant les 8 jours que nous sommes restés à Bayonne,
c'était une vie de roi ••. Ici, on travaille comme un forçat.
C'est l'enfer"(2).
Joaquim Alves n'était pas le seul, D'autres immigrés
(1) ~linistre du Travail et de la Prévoyance Sociale au minis-
tère du Blocus et des Régions libérées, Paris, 11 mai 191fl,
SHA/F12 8991.
(2) Rapport de la Commission militai~e de Contrôle Postal,
15 février-16 mars 1918. SM/ZN 98 /1,
os
:2 &Ji""Sil
-3 2 3-
portugais soulienaient les conditions non seulement de travail,
les contraintes telles que l'impossibilité de changer de
travail et d'habitation. Ces conditions firent qu'en 1918,
le
recrutement marqua le pas,
tandis que les renouvellements des
contrats se faisaient en dessous de ce qu'espéraient les auto-
rités, si bien que le Président du Conseil, ministre de la
Guerre, demanda aux commandants régionaux des eroupements de
travail, en octobre 1918, de faire tous leurs efforts et
d'employer toute leur influence pour décider les travailleurs
à proloneer leur contrat.
Ces difficulté; n'altéràient en rien le fait que la guerre
venait d'ouvrir un nouveau chapitre dans les relations écono-
miques et sociales entre les deux pays. Letourant d'immigra-
:,-.
tion ouvr'ière portugaise en France
n'allait plus s'arrêter'et
se ,poursuivra dap.s l'après-guerre.
+
+
+
Tout en constituant une donnée nouvelle dans les échanges
économiques et sociaux entre les deux pays,
l'introduction des
ouvriers portugais en France constituait une illustration de
plus de l'étendue du champ de la coopération dans l'effort de
guerre; cette coopération qui eut à se développer dans divers
domaines militaires et économiques, en révélant certaines con-
tradictions, va marquer l'évolution des relations politiques
et diplomatiques au cours de la même période,
tant dans la
forme que dans le contenu de celles-ci.
" ,
- J .. 1-
CHAPITIŒ V -
illS RElATIONS SacIO-POLITIQUES ET DIPL(l't\\TH~UES
DE GUERRE
:
illS
HETROUVAI LLES
lA TI NES ET U;
DEPASSEMENT DES
OBSTACLES DU DECEMDnIS~!E
( ,'lA ns
191 6 -
NOVE ~lDnE 191 il )
Dans le ctolllàine d.es relations socio-pol i tiqll"" et
dip,lomati.qlles de guerre, deux faits ,esse.ntiels dominent
1"
péri9de .qui va de mars 1916 à
la signature de
l'armistice.
le!. y·a· d.'une part l'action· commune de propalIancte sur le sens
.
de 'la guerre,
la coopération interalliée en général, et franco-
portugaise en particulier,
<iinsi que
la création ct 'associ"ti'>ns
amicales et patriotiques,
expressi,c-ps politiques et sociales
des r~-latT-~n-;; ~ouvel1e;- ;:;~es cte'ï;,",uerre ; de l'<'lutr."
les
rapports diplomatiques avec le pouvoir issu du coup d'Et<'lt de
décembre 1917 et établi aux dépens de ceux qui avaient été
les artisans de
l'entrée en guerre du Portugal.
l
-
l'action commune d~ propacanùe id(~olo{ti9UP sur la çuerrC'
et
la coor~ration franco-portugaise
La
Guerre donna
lieu éiU nIveau des
nation~ bell\\.c-éri1ntps
à d'intenses activitps de propa{~andfr. ·Ces acl;ivit6.,,:.é.tni p nt.,
déjà lLlrGem.~nt présentes dans l"s préoccupation" interna ti fT"
-
-
..
nales des puissances. Elles comptaient parmi Tês'ir\\st't't1menf;·';
de lutte
pour la conquêt" des march65 et l'éxtensiondps 'Zone'F
d'influence
avec
la {;uerre, elles prirent une an'I'Ç~nOtnr;Ù;;:
immpdi'lts de
la situation et de l'effort d" guerre, besoi'1s
~conomiques imm6diats et ~ lonrr terme.
En effet,
les Etats belliGérants menèrent Ct l';nt';['iC!ur
des frontières
nationales,
la propagande ct l'action de polic"
nécessaire pour faire supporter les efforts et
les hnrrel,rs de
la Guerre aux populations,
pour combattre les actions de pro-
paGande de l'ennemi,
l'influence et l'action des mOllvements
pacifistes, des organisations syndicalistes ct socinlistes,
du moins pour ces derniers,
ce qu'il en restait d'pl~ments
fidèles au principe d'opposition à la guerre
à l 't:~xtérieur,
ils oT{;anisaient la propagande comme un support id~oloG;qtl"
à l'action sur le front militaire ct diplomatique, politique
nt
économique.
1
1
,.
1
Ces activités de
propa,';ancle
tinrent entrf'
1,.,
Fr:lne.' f't
1"
Portu{;al une
place
importante et
connurent
trois cli'n"ns i '"ln'"
activit6s de
propagande
par la France et en 'r~vpur rt~ l~
France
dans
le
sens
de
l'cxb:~nsion de ~on ch;:\\rnp
rl';.lct ton nu
PortuGal
justification idéolor;ique
de
la
p:uerrc,
Tl0CC:-:;C:;lirc
tant il
la France qu'au Portu{;al,
et enfin,
célpbr<1tiol\\ ne
l'amitié
et de
l'action communes.
En France,
la npccssi té d'étendre
l'action sur r.c
terl'~lin
de
la lutte
totale menp" contre
les empire", centr;)ux SPI"blp
sct"vit directement ne source ct·in~pir;ttion. IG r.ré;l.t.ion,
1~
20 ~ovembre 1915, de 1'<1ssociation réaie pnr la loi 1001,
"IJ'i~ée française ~ It~tran~er" fut à la fois unr c00ir et un('
\\
r~pli~ue à l'action de l1rOIJaffande allcmnncte dans le Tnonci0.
le bulletin {j'avril 1916 de
cette
orr;anis<ltion constatpr<1 'lup
la. g-uerrc
a
trouvé
la
France avec
une
préparation i.nsllrfis~'nt;f!
dans
ce
domaine
et
Clue
la
lacune
(~tait G'r~nctc. "Salis CE' rapport
-
soutenaient
l0s
responsables -
tant
en Europe 'lu'..lUX ftiltS-
Unis et même en Asie,
nous
nous
sommes
h~urtés à une formicia-
ble
oreanisation allemande de
presse,
sous forme
d'informations
d'aeences
téléaraphiques,
de brochures,
de
catalorr\\l~~, dc
tracts et de
conf'rence" inimaeinables"(l).
En effet,
dans
l'âpre concurrence que
les
princip;:lll's
(1)
Dulletin mensuel de
"L'id~e française à l'6tranger", p.l~.
"I~N.E(JO PA 7 ~19. Sur le rôle de la propaeancte dans
l'actl0n de
l'imp~rialisme allemand, on pourra consulter
l'6tude de HARVAUD
(AnGel),
sur la presse politique alle-
m"nde,
chapitre TV,
"La
presse et
l'opinion.
Les rapports
avec
les pouvoirs
~lblics" in Questions diplomatiques et
c,->Joni"les.
1er seml'stre 1910,
pp.!117- 1(?f<.
.,.
1
î " -
- - '- 1 -
pU1SSûnccs
se
sont
livrp0s
ct
dont
ln
Guerre
ptô,ltt
l'aboutis-
sement,
l'AllemaGne était
le pa~'s qUl avait étl;
le pills
loin
dans ce domaine
elle USa des méthodes
lAS
plus raffinées
d'orr,-anisation et de propae-ande commerciale et
i.d601('lgirp.tt'·.
Par l'action d'a~enccs t~16~raphiques dispcrs6es rtan~ )0 morlrlc
ct
par divers
alltres moyens,
les Allemands
pllrent
s'ndrHsspr
directement à leur client~le et aux populations dans
la
lan~le
du pays,
pour répandre
"L'idée 311emand0 dans
le rnonrlp"(l),
c'est-b-dire
sur le
pl~n des f~i.ts prati-qllcs, d61()~pr le~
concurrents
ou
tout
au moins
les
surclasser;
c 'e~t il JX'lrtir~
d~ là que ~. t imposai t une imaGe de l'Allcma~ne. Cette prOr;1,n;;\\ nr!f'
s'appuyait dans
les
pays
concernés,
parfois
sur d("'~ f.Jé"TlI·nts
d 'orir;-ine allemande de
la population .tocale
(~mériqtl" clu "iore!
et d"
Sud),
sur les
l'essortissants all~,m(lnds installés corn",,,
\\
aeents
commerciaux,
industriels
(par ex"'mple,
le 8.000 Allc-
,
mands
install~s au Portugal), cnrin sur 1,~s milieux économlfluP,c;
et politiques qui
leur étaient ~troitement rattach~s par des
li~ns commerciaux ou fin~nciers.
l.'importance de
la propagande au point de vue de
l'expan-
sion impérialiste, des préparatiîs cle {;uerre et,
p(lr 1(1 suite,
de
l'effort de guerre,
~tait telle que son organisation cessa
en effet de relever exclusivement du ressort de
l'initiative
privée. Elle était devenue
l'objet de
préoccupation des POll-
voirs publics arin de permettre une meilleure concentration
des
forces dans ce domaine.
Dan!';
les années qUI
p~"écpdèrent la Guerre, le bure <::111 de
(1)
8ulletin d'avril 1916 cie
l'Irlée
française
à
l'Etcanr;""
"".1 !'/15.
l
pI'esse du ministère
des Affû.irûs Strangèrps dtAllj:~MaG'nc ~ul"ait
f"it
crper sous son érride une compaGnie privée dont le but
serait de favoriser le prestie;e industriel allemand à l'étran-
Ger.
Avec
la e'ûrantie du gouvernement,
la. compae-ni.c
~e-l"L)i t
financée
par les souscriptions de maisons dont
les noms pvo-
qucnt
toute la puissance de ce pays dans le domaine industriel,
financier et commercial: Krupp, Siemens, Schuckert,
Diskon-
togesellschat't,
Allegemeine ElectrizitatsGesellschaft
(A.E.C.)
Norddeutsche Lloyd, Hambourg Amerika,
etc ••.
La compagnie
devait conclure un accord avec Havas,
en vertu duquel cette
. 1
ar:ence publierClit li l'avenir en fait de nouvelles d'AllemaGne_,
exclusivement celles fournies par le bureau téJérrraphi'1ue Vo1.f
;
qui recevrait uniquement des nouvelles de la compar:nie
(1 J.
L'idpe alle-mande-
dans
le
monde alnSl
répandue
paT' ces
di vers moyens, exprimai t, au ni veau dé la propagandE>,
la
Nelpolitik, clle-m&me expression de l'essor (conomique de
,
.. -;;
C'xt01'ir'urs.
race li cette expérience et à cet arsenal de la propagande
allemande,
la ~'rance semblai t
mal armée
la guerre
rendait
insuffisant l'organisme
traditionnel de propaGande extérieure
qu'était l'Alliance Française, dont l'action était beaucoup
plus culturelle en temps de paix et ne s'adressait dans les
pays donnés qu'à une élite locale parlant la lan/jue
françnise.
La propar;nnde commerciale proprement dite était n un faible
(1) Bullotin d'avril 1916 de l'Id6e Prançaise à l'Etrancer,p.21,
Lps
r(~d.,'ct.eurs affirment .s'ûppuyer ici sur différenL:s
livTc3
blnnc!i
h~'it<\\nniqucs sur .li:l propar;andc allemnnde, !-i~S
!noycns ct
Ses
InetllOl1es.
-
_
- - -
R
-----------------~"'_
l
-)29-
1
1
1
nivC'o.u.
La pente:" remonter l'tai t si haute que les promoteurs
de "1.'Irl6c Française à l'Etraneer"
jug~rcnt qll'il n'y avait
i_
paS à innover.
"Il faut imiter les Allemands, car ceux-ci ont
atteint la perfection en la matière"(l),
proclamèrent-ils.
Ils
recommandèrent à cet effet l'emploi des mames moyens Cl.,i
auraient
l'avantage, disaient-ils,
"de ne propager que la
vdrit~ et de servir les ~d~eg de justice et de droit, ce qU1
constitue par essence"l'Idée Française. l'Etranger"(Z).
Le bulletin exposa alors les moyens possibles de propagande
dont l'utilisation ~tait sueeér~e et envisagée: la création
.-
.
deburcia-'.I}c d'.i,lforrnàtion,
le rec:ou~s aux correspondants:"
Paris de journaux étraneers
(J), l'organisation de suppléments
illustrés et littéraires dans la langue des pays il "évanG~li-
sl'r" (selon les termes employés),
la multiplication des confé-
r"nCC5, des sermons, -de-s ciiscour& et autres moyens de propa-
' .."-.
gande intellectulllleet morale, reproùuction de dessins et
carricatures,
fi Ims, et enfin,
la création à l'étranger de
s('c-t ions de ·1' assoc·i'lti on. - "
...
';0.
"L'Idée Française. l'Etranger", dont le rôle apparent
de propagande fut surtout id~ologique, culturel et politique,
n'aura pas le monopole de l'action de propagande.
Il se créera
à la faveur de la guerre, d'autres organisations en France et
Jans les pays étrangers, avee ou sans appui et inspiration des
représentations diplomatiques et des institutions officielles
françaises.
(1)(2) Bulletin d'avril 1916 de l'Idée Française à l'Etranger
p. 16.
(J) Le voyage de Xavier de Carvalho, correspondant du Oin1'io
de Noticias, dans le nord du Portugal (voir § suivant
:
faits et thèmes de propD~ande) semble bi~n se situer dnns
ce
c;).l1r~, même s'il proclame Clue son voya{~e n'avait ripn ...
-1~0-
Le phénomène
fut pnrticulièrement re"'arqunble ct;)ns
le CdS
des rapports avec le Portugal. ~Iais si la France nvait oes
raisons, déjà lar~ement évoquées, d'y mener des actions de
propagande,
celles résultant de l'initiative et de la parti-
cipation de Portue-ais méritent des pclaircissements.
l.'action
de propagande menée de concert avec la France semble aVOIr
été nécessaire à certaines fractions oes classes oomin;)ntes
de ce pays,
La guerre avait rendu aiguës les luttes entro les -di ffé--
rentr.s frnctions de ce.sclassès,do!ltintlOtcs -ét-r~~mf1:i"ùi:
pconomiques liés par intérê_t à l'un ou Pa-titl;'e désoE'liJ( blocs
de puissances belligérantes; or,
le besoin de
justificntinn
- .' .•.
_
- .~--,
idéologique oe la guerre trouvait dans le soütiI)P3j,-ia'
France et la coopéra ti on aVec celle-ci des - reSSQurce", abon-
dnntes,
plus qu'on pouvait en trouver dans les--rà~_pQ.r.t8.aV"ë
l'Angleterre.
La propaganoe en faveur de la France y- fut de
ce fait si nourrie que le ministre dp Fra-nce.-py,t-.ca-bJe-r -à./,
son gouvernement en pleine guerre
: "Les sentiments oe la
grande mnjorité du pnys ont rendu inutile l'envoi au PortUGal
de missions spéciales de propnKnnde.
La légation aioée rte
quelques soncours locaux a suffi à assurer l'action pouvnnt
être utilement tentée"(l). Daeschner.se référait dans ce télé-
gramme aUx différentes initiatives qui avaient été réalisées.
Les instruments de la -propaganoe au profit oc
la France ne
firent en effet pas défaut.
L'Idée Française à l'Etran~('r créa
(J-suite de la page J29) .•.
"d'officiel et d'officieux",
(1) T~]6Gramme de Dacschner al) ministre des Affaires Etrnn:;~rcs
J
septembre 1917, ~~E/NSE Guerre 121!I-l1\\, rortlv;al,
nO';)'),
---------------------_....
1"
---
-
1
-JJ1-
p<'u après la ruptur<' du Portur;al avec
l'Allf'ma;;ne,
une section
portur;ais<'. 11ar;a lhaes Lima,
ancien ministre de
l'instruction
publique,
et ~rand-maitre du Grand Orient portur;ais, en ~tait
nommé
le dél~gué (1). La section compta, parmi ses adhrirents
T~ofilo Braca, ancien président de la République, des hauts
fonctionnaires,
des parlementaires, des
journalistes et des
hommes cie lettres.
Dans la même période naquit l'association,
la Junte Patrio-
,
tique du Nord qui orrranisera, en faveur des Alliés, des mani..:
festations dans les villes du nord,
et au cours desquelles
.
. , .
_...
'.'
..'; ':".'~;.:','.
-
était glorifié"
la France et célébrée la sol1darl.te"l~,l'aml.he,·
franco-portucaise
(2). En avril 1917, se créa à Porto la ,C, .:",_:,,,:,,-
.-:";·':.~:"-;;·'~'0~ ':",."
\\
.
_
':·'''~K,:;,:'_;!j:~~,;yP:.,
\\
Société Amicale l"ranco-Portue-aise,
regroupant des indU';tri~f!;-';">
\\
pt cles commerçants français et portue-ais de
la 10cali~i,p~~~4~~l~'-
',,' -_~c;:{~,:-,,,, "',
\\
k·":'·."
\\,
:lider au drive loppement et à la multiplication des re.lation'à·"';:i:
.
-" -."-', , , .,-"", - ~"--:-:-:~'~-;"-~""-
<'ntre Français et Portugais,
à la défense des
'.
intér~;;;mll~;;~~~~-"
entre les deux pays,
intérêt industriels,
commerciaux et
artistiques
(J). L'Amicale se fixa des tâches précises
l'organisation des expositions, des conférences,
la réalisa-
tion de cours pratiques de
Portugais et de Français
(1,). A ces
organisation, viendra s'ajouter plus tard,
en janvier 191R,
la Licue Nationale Anti-Germanique qui
fut
le fait des monar-
chistes refenus au Portucal après le coup d'Etat de Sidonio
(1) Sur ~Ial~alhaes Lima, voir ci-dessus dans la première partie,
le § III du chapi tre II
: L..'l maçonnerie et les relations
internationales,
puis dans le ch.I de
la Je partie,
le 1-2,
Les fondements de la mise en cause de la France et les élé-
ments de discussion de
l'hypoth~se d'un soutien françal.s
aux refurriês
portUGais.
(2) Le consul de France à Porto au Quai d'Orsay.
Porto, 20 mai
1916. aJ\\E(NSF. Guerre 1 11-18,
Portu"al,
n 0 6)).
(J)(!f) Le consul de France à Porto au ministre des Affaires
Etr"nl~ères. l'orto, JO août 1917. ~IAE/NSr cpe lR97-191fl
Portu[j'al,
nO.I~l.
--_._-------~-
T
PaCS.
La création dc
cette
li{;ue était
la r(~pli.qlle au f'ortl!{;:J1
des
ligues anti-gcrmaniqlles cr~~es en France ct vraisembln-
blement proches des forces
politiques comme
l'Action franç~isp.
Toujours du côté portugais, mais cette fois-ci
èl r,1ris.
il Y eut la parution à partir du 1er juin 1917 .de Portu,~:l1 r:"
{;uerra
(Le Portu{;al dans la ~uerre), revue illur;tréc- cxclusl-
vement consacrée à l'intervention du Portur;a l
et
?t
1:1
("n()p{~-
ration aV~c les Alliés (1).
En france même vit le Jour,
le 1'1 novpmbre 1916,
le- Comi t(~
France-Portu~al. Présid6 pOl' Paul Deschane-l, rr6sident de- 10
Chambre des Déput6s,
le Comité comportera trois ~ection~
culturelle,
touristique ct pconomiqllc,
rcspectivcmC'nt pr0si.-
'-kC·_,
.~
-
dées pOl' Paul Appel, Doyen de la Faculté dcs Sciences de
rari~,
.,:,.
Ernest ~eyer. conseiller d'Etat et membre du Tourin~ Club de
France, et Yves Guyot, ancien ministre et r6dac to'ur en che f
du Journal des Economistes.
Le secréta ire r;6m;ral êta i t
Ernest 'Iartinenche,
professeur à la Sorbonne,
el
le
ln~sClricr.
le banquier SieGfried Propper (2)
l'architecte Henri ""rlineL
qU1
Joua un important rôle dans la création du comité ct
deviendra le secrétaire,
se vi t d'abord confier le secr<~tarint
de la section touristique.
Le Comité dont nous avons eu l'occnsion d'6voquer le rôle-
dans
les
relations économiques de euerrcJ
eut
pour l.~q\\1ivalent
(1)
Nous n'avons
trouv~ de cette revue qui paraissait tOtlS lc~
15 jours que J numciros,
offerts au Président de la Répu-
blique française et disponibles èl la DN de Pnris.
(Fol CQ lJ7-1).
( '.J.. )
l' or t U
1
0 G
na &uerra,
septembre- 1<)17,
pp.l0-11.
tout
le Comi t0
France-Portugal qtll
put
r(~f".11p::lt.:'nt ,.;:i r. ';lIr 1.
plan cxIllsir d0.
l~ propae-anrle, Urt o['{:::'lni~rnc ana t(l~~I~' ':1 I"T~~,~,·
lp s A llip~
(2)"
Ces diversps
or{~~ni.sations HII~,ienl ,''-;l't'Yl-l',
a
cfivl.-'rs
nlve~lux, d'instrumcnts ;', 1.1 propaG'anr1,~
fr~ln,~':-\\i':;('.
\\ •\\\\
I~.<'.······
'~ction de prop3.~;ande ne cormn('nça à conn..."'llttP l1n rl(~vf'lnl\\--
?7~";,
perne:1L
systématique qU·<J.pr~~:~ la curLur''''- gC'rll\\3no-T.... nr t,11;:d1:-4I'
:f.~}~
r";
D(!s
CP
momcnt,
des conféccnce:..;; en l''rance ct aU. rOl'ttl~:,ll,
1;:\\
l/
publication d0.
reVU0S,
l"action inspir'pe ou f;'lIid~(' rh~"" (ll'II~.Jnp';
,
d"
p"csse
sC mul tipl i~rent.
1.
li
t~
I}'
'\\
L3
période qui
suivit la ru.pture vit
le ci~blJt des
tnurnt~(\\..:::
d(' conférences de
~1ü~~alhac~ Lima, en Ttalio, 011 F'ro.nc(' f"L ..:Ill
I"'l)rtuc:al même
(J). En juin 1916, l~t.:li t orGanisp 2l n()[dp~l(t'(J
par
1(' Comité
"L'effort rio
13
Pr:lnce ct ric
SPS A]li6.,,"',
Ilrl
) '(~~rj vain français
P;tul Adam,
et
JOclo Ch;1::l1S,
mini ~,trC' du
( 1 ) l'ortu"al na gucrr". nOJ. scptemhre 1917. 1'.11.
(~ ) AnA~l (Paul), L'\\.... ff<îrt rJCll'tlll[~ais. Pat'js, tllond pt C.ty, l~-)tÇ.
• r1. '.
(3) En t.....rance, ~1agalh,:\\cs Lim,:\\ .:ltlt'ait fJ' t (le~; ('(lr1f~l'(\\n('''',...; "
l'oulol.lsc,
Pari~j Lynn, .\\;O/(tlJt~llicl'J 1JDt'dp~HIX
in
"(;,\\'jpr'
'1('
C"lrv,".llho
r.'1a
:O'l ..lrtr,'l
Ill'l'ole.),
ï'()j"Lt~~';,~_~!.2.,_,_d_,_,_~ ,_~_S~.
;''!r'{ ,J
l 'll,Q.
1'"\\
~
--------------------
.. ~ .~ '. -
l'action pltl~ vaste du Comitô FTnTlce-Portul:al qUl
PI':'.'.lnl::.pr..
d('s
cOllf(~rcnces ct des missions d 'étuclt~ d:lns le sen.'" du d(~'\\:f~-
loJ'j1(\\JlJ('nt
d0S
l'('lations cntrf'
les deux
rays.
Sou.'";
l'anr,-le de
la
proparç;lndc strictf'rnpnt
rr;-'''~';l~':'_'' I,\\~'
moycns d t nc til1n auprès des
journaux portll~;ais
1 \\""
!'r'l~{)('("l-
~Q l ions en direction du Portugal, il
l ' inverse <1 ...... 5' 1I1;\\nl fr- ~,t,l-
l ·.:l1 1. u rc(J • u Of'
croi"'nd.. pour convertir lc
Portu!,:"l
;,
1 ';nflucnr'!'
fr;, n r ,ll""""".
. ' ,/
dps associations telle que
la .Tuntû
r'ltriolique du ~:nr'd,
1«
,
- - . , -
'.;0
3or.it.~Lé Amicale fran'eao"'portll[jajsc. S 'i L '-:ost dirrici 1(' (h' nn L p ['
1
(',l'IL
("' r:
Cil 1917 pJr Xavier dt.' C;:\\rv;llho,
Jourllz~l lsl0 f'Ot'lu::.l;'''; r-L.,!:l i
.
. .
l n~)'\\l rI,'.
l,j'.'.I~[,
1
!
f' ,','jln
Il~la.5i-perlT1v.n,- nl(' d(';;
I..h(;::H'~'" lllli
1'1'J',)11".1 j·,·,t
'; n
1
1
!
'"
-J1')-
de
la victoire,
et
tentaiC'nt de
trouver le fondellH'nt de
h
coopf~r.:ltion interalliép et fl."anco-porLlIG,"lise.
En effet,
la (;uerre imposait rie part et d'autre au" popu-
liJ.tions un sacrifice
inoui en vic~ humaines et ~n .sollffr~ln!.:f'.':"
de
toutes .,ortes, sur lequel s'"ppuyait au Portu{;al
la ['1'0-
paganrlc syndicaliste
(1), celle des rlon-interventionn; ~t,'s l't
des ;;enllanophiles ;
il est à noter qu'" partir d" 1'117 1"s
En l·'rance, en dépi t de l'Union Sacrée qucllrii n~ 'rI.Oh
seulement
les classes dominantes de
tendances mo-nal'chi"te (\\\\1
répllblicaine.
rna1S
(~G'alement les représenti:lnts rle~- orcilnls<J-:
.i"ns ouvrières et sociali.ste.':<,· La résistEl·no~à-l".(;uerl'l'
, .
socL;lli~te internationalQ de Zimmcrwald (2)," tCf'HllJ- du > ,]\\1
g septembre 1')15, et dont
le tnanireste était en.rupt.l.l.fg· ,-,vel'
...... -
l'attitude de rait de
la plupal't des orl;anisations (lUvI'i;,,'es,
syndicatset partis socialistes dont les représentants av"ient
admis
l '''Union Sacrée", voté les crédits de Cuerre,
pris part
aux cabinets de guerre,
Le manifeste de Zimmct'l.ald décI"rait
que
L. ;;uerre en cours était une l;uerre impérialist(',
('t
rctp-
nai t
(10
1.' impérialisme
deux
trai ts
ess~nticls
l ':lspi (',:1 tion
d~s ~randes puissances au partaGe du monde et à l"asscrvlsse-
ment des petites nations
(J).
( 1 ) S'lr l'attitude du mouvement ouvrier portugûis,
\\~oir C1-
J,
,.
<\\pssus, ch.I,
§III.
IL':'IINE
(N.) et ZINOVIEV (G. ) • COlltre le courant • "
.
.
ar1S,
françois Maspéro.
1970,
t • Ir,
r. 1 .',.
(J) ~\\('m, PP.7-8.
Al'id(~0 d'une telle c-uerre qui ne ju~tifi.).it ni
lc~
un idpQl noble.
supérieur aux
intp.rêts Inï\\t~rjr.l~, C(llfl'l'el'ri~1\\l'\\
ou territoriaux.
L'action de
propaGande
officielle entre
la l"rance <'l
1<'
PortuEi11
rn:"(~spntait en effr.t la g-uprrc colTlme ~t.;)nt c~110 dp
0t du j'Joint de vue
des 1'0tatÎl1n!';
franco-poriue~lÎ:-:-("~, (h-.
t;,
rf5surrccti.on.
la réG'énprescenre et
l 'inc\\(~pendanc(' du p.lY~·.
'.
\\-.
.
\\
Cc
sont ces
th~"le3 ~UP d"v<,lopp~ Xavi~r de C~rvalho, r: 1)('-
rp~pond.lnt il. Paris du niario de Noticias lorsqu'fin jarH"lcr 1~17,
i l ~e rendit au Portuc;al "muni ct'un I1\\i,ndat"
quoi
n'{lvait.
'"l'iron
(\\'orricicl pt d'officieux",
charr;é d'une
"mi.ssion "'pi.ritllcJlp'·
qlli
"-;tait celle d'apporter "le salut de
tout Iln l'<'UI'''' vi h'-:H,t
(j'enthousiasme pour l'appui '"or"l et matériel" apl'(1f·t(~ par 1,',"
PortuGais à la France
(1).
Xavier de Carvnlho d~fpnrlit notnm-
ment
l'irl60 que
ce n·~tRit pas simplpment les int6rit~ 6cono-
miquf:s qui étaient en jeu;
Ilu 'il n~ S '.:llrjss.:l.i t ["'']$ n0n pl 11.'3 ,
certains
le
pr6tC'ndaicnt,
pOlir
"des buts f"1~11vpi Il':lnLc;;''
ct'une
r,-uerrc entre le
pouvoir monc1inl (lp
l'.\\n{;lC'tprr(l pt
Ir
pouvoir mondial de
l'A 11 em"r;n<'
(2).
(1)(2) CAllVALHO
(Xavier).
Pela França heroic".
f'ortu0al
amir:o
<'L aliado.
Port",
l~lR. p.9.
- l ' ) 7-
Tl dpveloppa amplement
l'idpc d'un conf.~it rie ("()I1~('lf'nc('
ct ne
principes,
me t tant aux pri ses deux V ù lCln'."'I nppospp.s.
"D'un c5tJ,
les r~actiollR
l'imrérialism,.,
ff~I.'OCP. 1(' rnili-
tarisme
intransirrcant,
le G'ouvcrncment (lfJ'
5=abre,
Ll riomin:1Liorl
de la forcI'
brute,
la destruction de
la piétl:,
1;) n<-({.ILi."n (1 ..
l'infini~ bont0, le colosse remplaçant le hellu,
1~ sCl('ncr" ,111
servlCC de
la
cruauté Pot,
rie
l'autre,
le~ rorcC'~ Vi'T('S f't
monernes de
la démocratie,
la beauté qUI
fait
la Vi0 pt
1,1
vie qui
sic-nifie
l'hommp.,
l'aff'il'malion des droit~ S,lît"':S dp.<:;,
pcupl",,"(1 ).
Conflit cie cons,cicnce,
la guerre ét.ait pr'0~f\\nt0C' ;l11~';1
comme conflit de races et de civilisations. Ainsi,
'(lcc irl,-.nl,
tel,qu'il était apparu dans d'"utrf>s
littératures
(rCll' "<"OIplf',
sur-;:-l'cxpansion europccnnc dans
le manne),
disparaissait
011
;
r'<duit aux nations
latines.
~\\"is les n;)tions latin,,"
n'0t;).icnt pas seules à combattre l'Allemar:ne. Allssi,
lf~
recours aux thèmes cie
la rùCCl'
1,':ltinc 05(' c1oubl.:lit rle ('{'O'(
,;';111'
l~,<-, pf'lnClp0.S ct les 01(:~1('nts de clviJ iS;tlin!\\. A.in~-i'
s()n adresse'
ûu
f'ran(~.:Jj~, ~~i..l.;~i11h;l('s 11r~ld d{~rini;-;~;;liL ld ::\\lf'I'l'P
1(~ r1C'.-:potiSlllC, du droi.t cout.!'!'
'-'iJli(luit(~, df' tout Cl-' (1;)\\
t;C'1'!1ldniqllus"(2) •
CARVALHO
(Xavif~r), op.cit., p.In. L'ilutClir rltl~ D l'':1r'111Ii
df'
la b'Jrbarie
Gf'l':rlani'1u(,
1~ df~ml)lition de la ("':tt!ll~('r,i'p
r1(~ lU"'lr.1s par les c.Jnons z,ll('m.1nf'is (p .. l()).
!,n-~A (~j.de r-tagalh.l('~), l'effort pOI-tur:dls pt
'{''li nn
()c~i(fprlt::l.le. Au~,,"r['(', 1·nr. (';"l11(lt,
lC)l,Q,
p.eI.
r'''1 p.L.lce et 1(' rôlp respecti f ete la l"r<::lnCf' (' l du J""'lortlli:;'! l
ét:li0nt i]ll~si :lboretés.
La
première était consid(~r(~e C()nHnf~ 011..1
rll~rc spirituf'lle ete la racp latine, que la rroch~i_ne victnirp
dnit
placer i1
l'avant-Garde des nutrcs
nations,
rar Sil
vaJeuI',
Sa
culture,
Ron
intcllig'encc u (1).
L'acharn..:.'ment d~ l '.\\11p1O'''f:ne
sur elle
tiendrait au fait qu'elle
étai.t
"l'avant-garrle
l,'
l'0ccident"(2)
dont
l'~crasempnt serait "la fin du monde
latin"()).
Le Portueal latin étClit concerné par conséquent.
Par son intervention, en l'absence d'une menace directe,
i l
clonnait le premi<'r à sa lutte SCl véritable signification
occidentale et lCltine.et SOn caract~re de principe (~). En se
cie lJ
latinité et cie IR libprt~ dans une ~uerre
un~
E urop'!
\\
féoclale se bat contre une Europe libérale"(5).
\\\\
Cette division artificielle cie l'Europe
fit que la barba-
,
ri., cessa momentanément d '~tre cons ti tuée par les rays
d'Afrique ct d'Asie,
i1. "civiliser", mai.s les concurrents dans
l'oeuvre de "civilisation". En tant que
justification icléolo-
,.
gique,
la propa~Clnde ,sc mettait en travers des réCllités diplo-
matiques et historiques du moment.
Comment expliquer que,
depuis des années,
la Russie,
slave
ct autocratique ait été la meilleure alliée de
la m~re latine
républicaine 7
Discours de Manuel ,'Iartin do Conto Vianr1a,
ur.-ent consulaire
de France à Vi"nna do Castello. Consul de France à Portoau
ministre des Aff;Ürps Etran~ères. 20 mai 1916. ~lAF:/NSE
Guerre 1914/18,
Portuaal,
n06)).
LnlA
(S .de ~!al:alhaes), L'effort portu",;ais et
'union
occidentale,
op.cit .. ,
p.5.
() ) Discours cie JOiÎO Chagas il !JoI'll<'aux, 2R juin 1~)1(, in
AD/\\~1 (P..luJ), op.cit"
p.J1.
1.1;1..\\
(S.dc' ~~a{~.:.tlh.:1ps), op.cil.,
p.5.
niscouf':" rh'
,Jolio Ch;l;;:~5" ln Ai).\\~·; (P,-dlt),
{}p.cÏ.L.
11.'J1.
t
;~ais, s·il n'y avait pas de répon5P quant. n l'('I'pnsition
république-autocratie ou république-royauté
(Crancte-nn't"!:lle 1,
i l y
en avait pour le
thème de
la latinité.
La
latinit.,; s'éL,; l
,;telldue.
Par le
biais cte" conquêtes romaines,
] 'unitf cles
pays cte
l'Entente étai t
fai te
sous
l'emblême des
J,~{;iolls
romaines,
5f~ rptrouvaipnt à la fois des Ittlliens,
les r:allo-
Homains,
les Byzantins de
flussiC'
et
les AnGlais
qUd n L
il
l'AI1(;l<·terre
plus prfcis,;mcnt,
Paul Adam fcrira lJu'f'll" "'/,11 L
d'Oxford et de Cambrid::e
les mots et
les moeurs de not"c
pa t ri e
l .. tin!! .. (1 ) .
Une cri tique de ces discours est rendue superflue par' lu
• •
,
,
~ ..• ; ' . ,
. •
' ,
"
• .
~.
.C.·'"
•
~' .• _._ _ .
.
Les contrac\\1ct10ns nces de
la·.!lue.st:"on, ctQs. IBO(ii,!11t\\:lli," 'f"~pJ,;}L".:·.. :::,::':.
-
--
- . '
..'
du corps expédi tionnaire portuf,'ais' con'hitu"nt'~. ",h{c,;:;;-d
\\ln exemple de critique vivante. En dépit des affinit{s cullll-
re.1 les.
linGuistiques et
idéolOGiques
réelles ;;voqUt~... ~ -
l't.
'iur cc
plan.
le
Portu0"al l~st p.1us prochp de
la
Franr.p qUC'
,J(,
touL autre
pays -
Je CEP fut
l'atLnch,; èt ) 'ar-·'e hl'j larmirl"'"
,.
t
Les
~clkln.'3'cs id(~01()::iqups e)~lprullt0['{'nL (~{:~'ll\\_':nC'nt: un ~'lllc't\\
cil'cuit,
celui de la fiTanc-rnnconnerjp.
Ill'''';;
sP~:;~;in:l'i sllt~ri.JI(·'
(1) .\\r>A:! (T':-tul).
Op'.Cl t . ,
11.(,,.
des
loges
à Pnris
(1).
~'ais ces rchant;ps se ~it"èr('nt""lJl..t()lIt
dans \\ln cadre multinational dan~ lequel
les mQçOnn('r10~ rr~n-
çcdscs ~t portuGaises jOll~~rent un rôle de choix.
(ln citer"
notûmment
la
tenue
à Paris de
la Conférence rles
~;'ltion" A 11101""'
en j~nvier 1917.
puis du COn/~rès des Nations Alli':: ... s pt nPlItJ'('
en juin de
la même année.
La Conférence des Nat.ions Alliées
(1!1-15 janviC'r 1<)17) '1'"
réunit
les maçonneries
fr"nçaigp,
rortu~aise_ italir'ncH',
voix humanitaire dans
\\
\\
\\qui d(~~olc l'Europe et s 'étenrl aux confins du monrl('tl(~). IJ
\\\\Onf(;rPllce. qui servit ne fDit de sl?ssion pl'ép:lr"toir<' "u
, : -
C&n~rbs Int~rn~tional ric JUln
~orlna li('u à la corlrlillnn~tin~:-·
J
~t'·~ lu. d(~nonciation ries actp5 des be]l;f,"(~I'ants cnnf'm.i-:;
lp.<,
rtéportations ct les
trav<lux
forcés
ui",posés
par l'Allemc,!;np
ct ses alliés aux populations ctu nord de la Fr<lnce. ct"
la
n
,
cte la Polo:;ne, de
la Serb1en~ les cnlèv~ments
rl'cnfants en Serbie,
les cruautés inouies" des arrnpl"s turques,
avec
la complicit. des officiers allemands. en Syrie,
en
Armènie,
au Libanu(J).
La conférence rl'-:cirla de
la convocation
i
d. 'un conGrès qui aurait
pour :r:ission d'arrêter un programrm-'
1
1
et un plan ct'action en vue de
la constitution de la
[,
Soei.té des Nations
(~)
1
(1) CAHVALHO (Xavier de),
op.cit ••
p.IA.
l'
(2) Conférence des ,'laçonnerics des Nations Alliée". 1 !I-U,~"n
l,
vier 1917.
Paris,
1917.
p.l.
1
,i.,
(J)
Inem, Résolutions T et II. PP.J-~.
:"
i'
(',)
Idem.
p.5.
1
un ;,ppt'l
,lllX
ob,~dien("'p~; !l1aço~1!li_qu('s des n~lti011.~ rH'llln'.'; :1
Au con[~r~s tenu
If'.'; ~~, ~9 et JO juin,
part.'lci p~r("'nt dc~
F:tctt~-Uni.~
cf'rtaines :na\\~onnf:->rip.s SUd-ilf!1(~ricainps S~
f:irt:'nt
r\\'pr\\~scnter par des pcrc;;onn3]"it(~S europl~C'nn0-s. :\\i.n~i, IHIf'
maçon"
frGnçai s
dont S teph.'n Pichon (2).
l~s propos des mGçons port~rent sur les th~me"
i1'>vl'loppés en d 'Gutr"s occ;:,sions,
en particul.ier
l'idée 'lue
-, .....
"'..;;.; ,,-'
\\...
IG c;uelTe ('n cours opposai t
deux principes
"cc 1 ui de
la
\\ d.;mocratie pt celui rIe l'impériali~m~. ,celUi de la libe,rté'c,~~~'~:;~
cd ui de l 'autori té, celui cle la ven te prouvant sa 1?:9~~;fO~»::,·.':?'
\\
'~'~ -t·"~:,~<,~.>:;: ,.,~-..-,
,celui du menson,;e s'enfonçGnt de
plus en plus c];:,ns
les
intri~'~""'~t"~
-
.
'~,
~ues lOIJches .•• "(J).
Les maçons considèrent en effet que
la [>uerrl' "
été provo-
'1"1' par le despotisme,
le désir d'assujetir les
peuples et
Il's nations par la subordination du droit à la
force,
par
la
conception autocratique du gouvernement
(~); cela fondait le
fait que,
bien que contre toute ~erre, la maçonnerie subli-
m;:,it
les sacrific('s des peuples qui répondent à
l'ar;resseur
et crée
les conditions d'établissement de
1;:,
libre et pacifi-
que union cntre
les
peuples
(5).
Pour ce
faire,
dans
ses réso-
(1) Idem, PP.7-8.
(.2) Con~rès des Ma onneries des Nations Alliées et Neutres
~f\\,
~9, JO JU1n 1917. Par1s, 1917. pp.5-
(J) Idem, pp.l0-1l.
CJ)(S) Idem. PP.!f!'-'15.
-l';"" _
lutions
finales,
le
cone-rès appela
notamment
à rix~r les l'elCl-
ti ons des peuple s sur le princ ipe du droi t à la recoltnai s S'lIICP
de l'autonomie et l'indépendance des nationalitC:~. :1 l'ob(~is-
sance des
lois
nationales Dt
inlernationa10s,
à la conslitll-
tion d'une union économique,
politiquc,
intel1ectnelle 50'.15
le nom de Société des Nations
(1),
II -
La diplomatie dc guerre
la reconnaissance du
'çàuvernement Pacs
Les contradictions qU1 apparurent en octobre-novembre 101(
à propos de l'affectation du corps exp';cli tionnaire l'ortll/:,,i,q.
~t ~ d'~utres occasions n'afCect~rent pas les relations nffi-
cielles entre le PortuGal et
la France.
Ces relation~ '1"1
se
r~~·A3ient sur diverscs Cormcs d'échanGes et de
.,
,
coor'(~c.\\Lion
dan....;
l'effort de guerre l'es tèr0J1t
très
cordiales,
r,J"ol'i:-,r{~'~
en cC'lct petr LI multiplicit6 des
liens idéntOGi'1l1cs et t'ut t'J-
rcls el
le
besoin de
lellI' utilisation cJans
1.a
rrnr~~n~(lp
ofCi cielle nc
part "t d'autr<'
Ch8quc
occ~~ion 0tnit ~~isir
pOlir rap[lcl~r le rôl~ joué
r<1r les
16~ion5 portuG,... is<'.": r1:ln-.::;
l'arrTl('~f' de Napoléon ~n Russie.
Ainsi,
le rattachement du CI~P b l'~rmt~e hri t0.nn;f!l1f'
1
1
f!
cl~ti1chcmf!nt pr0curs0ur fut marqupc pnr Urt 0ch~\\n:::f~ (f(' L(~1r-
gra!llmes entre
les
Présidents Rél)~nno roincû.re et DCrnd['r{inq
}1~chado•
Les manifestations de
cordi ô liLé entre
l0~ (fPtlX p.-lYS
connurent
leur point culminant en oetobre 1917.
Le
rn~s ident
de
1<)
R~pub]ique
portuG'.:tlse,
accompaGné du Président dn ConsC';
et du ministre des Affaires Etranl:ère.s Afonso
C0:,;ta
pL
AuC'usto Soares,
effectua cc
mois-là en France,
m.J.ls ~ll."~i ('n
Angleterre,
un voya.'~e oîficiel. En compaG"nie dc R;Jym0nd
>
Poincaré,
Bernardino :bchado visita
les
fronts
franç:lis
cL
portugais,
se rendit
à fleims et ft Verdun et honora cr'tt<'
:dernière ville de
l'ordre de
la Tour ct de
l'Ep~e, 1<1 T'III"
haute di:,;tinction portu:;ili sc
(1). ~
furent
décorés de
1,],
LéGion cl 'Honneur,
constituai t
un fil i t
important pour la classe
politiq"c
au pouvoir au
rortu~al C'[
(linsl
qlJC
tous
ceux fJ.ui
considérr1.icnt
la f:\\lC'rr('
et:
l 'i ntc'rvC'n-
tion,
comme une
OCCilSlon de
cons6cration.i.ntC'rn:'ltinn:11(' ll.;ri-
nitiVt, du l'(~,~i:1'le républicain et de relèvement du Portl.l:;~ll.
~~ach;)c1()-Co::;ta avec les milieux de la politique ,~ r'i..lr1S, :!rLtil
non ~an5 ir~rortance.
:':31s peu après
ce voyar;c,
1. '0C}uip(~
de {~11Ct're fut
t'l'n\\,pr-
:-;ée
por un coup de
forcr>
mi li tnire
r{an,,", r~cs
can~l i Li ()nS fit: i
p05èl'~nt <tU Gouvernemc~nt
franç;lis,
lc
problèmC'
-irn:n'~rliat rie l:J
r('conllais.';ancc du nc:nnre ...l.U
pouvoir pt de
la conf-i~1.nc(' (Pl' i l
( 1
···.'.,.·l·'.·.~.'::-:
((',c-nC-l~;ll
"'r'I·[·(·l·~"'··l\\
')"
('~L
i)
" ' ,
.
-
.. ~ ,
" , J
/ . • .
L · ' r o - - .
......•
.
•
..._
........,_..v._.< .
~_.~
..,Ii__.:t'~
~tnil possible de lui faire.
1 -
~~_~2~E_~~~!~!_~~_~~~~~~E~_~2~Z_~!_~~~_eE=~l~~~:
~~!:~r:~!~!.~~~~
La fin de
la premi~re ann.e de l'intervention ;),l'mf e rlu
Porturral se termina,
sur le plan politique,
par un rf'nverse-
ment du pouvoir en pl;)ce.
D~clenché le 5 décembrf' 1917. un
coup de f'orce militaire triompha
le 8 décembre et mit un tf'l'fl1e
à l'équipe Bernardino ~lachado - Afollso Costa qui "en,li t d 'êtr"~
reçue
of'f'iciellement dans
les principaux pays alliés,
l'An~leterre et la France.
_._-
--;..>'~>
Le coup de force
intervenait apr'ès un lone pl'occ"sus <le .~~
détérioration de
la si tuation interne du Portueal, dl; au
contexte Général de guerre et aux spécificité de
1", ,;itu;)tinn
dans ce pays.
La fragile unité des classes dirigc<lntes S'y
était consid~rablement aff'aiblie.
Depuis avril 1917,
le e;ouvernement d~'Union Silcréc qui ne
c~nprenait alors que deux des trois principaux pilrtis rfp'l-
blicains,
avait laissé la place au cabinet rl'~fonso Costa et
du Parti D~"lOcrate. Sur l'l plan social, la situation ';tait
intena bIc
la crise des ~ubsistances qui Tl lavai t L\\UCUT1fl prrs-
pective de solution continuait à provoquer des émeutes fn;-
quentes et violentes
tandis que les rrrèves ouvrièrf's sc r.,i-
saient de plus en plus nombreuses et dures.
Pace à ces cler'-
ni~resJ le eouvern~mcnt de Co~ta apr~s crlui cIe l_r~ninn S~Cl·I~('.
_ ... --- - ---- -------'--·-
......·~,...._oII
n"eut d'autres rem~rles que d'orcaniser ln r~pression tarldi~
que
la propacande officielle accusait
les syndicats et
les
crévistes de complicité avec
les ennemis ct les monarchistes.
En mai
1917,
l'état de
siègedut être procl'lmr.
~\\.is les mou-
vements ffr~vistes pcrsist~rpnt. ma1cr6
les menaces ~p fairl~
partir au
front
tous
les erévistes.
L'opposition ouvrière n'était pas seule. Celle des autres
forces des classes dominantes m~naçait et all'lit ac'r en
s 'oppuyant sur le
mécontentement des closses
popul'lireo< et
l'hostilité à 10 guerre. Relotivement il cette <1crnière,
la
pol i tique <1" guerre
tendit il être perçue de plus (>n 1'11,;5
comme
mettant
le san~ et
l'arg'ent de
ln
nation 3U sùrv:i CP
d'un p'lrti
"la guerre ne fut
plus que l':ivtirtfut'e"'ct"un p~rt:l:'·'" '" ,
,-.-
écri t
à ce propos A. Ri beiro Lope,s (1 ). Les,,6-1ect1t1'ns-':;~ml.ifIlei;;:'!~~:'tt;~:~~~
'~:::-~;::~:-~;:~
_::·-L'<;:'~:.:-,$)Y:_-~~~
pales de novembre 1917,
par une forte 'Ibstention des élect,,'irs "'
et un net recul du Parti Démocrate révéla l'isolement'du
pouvoir.
C'est ,Ians ces conditions 'lu'un officier d'artilll'{'il',
Sidonio Pa"5,
tenta et r,;us5it tIn coup d'Et'lt. Avec deux cents
personnes 'Ill départ,
Paes,
bénéficiant de
la neutralité de
cl'rtai nes uni tés et du ralliement d ''Iutres,
parvint après des
affront('illcnts assez sanc-lants, ? 50 morts environ,
à ~pfa i rc
les
forces
loyales au Gouvernement,
[',dt sicnificatif,
les
troupes do:' choc du mouvement furent constituées par 1"" élèv""
de
l'~colc de Cuerre et le 16~me ct le JJ~m~ ré~imcnt rl'infan-
tcrie qui
étaient en inst'lncc de clép'Irt all front.
ne
(1)
~()!'ES (.\\.lJ.ibeiro), n'l,cle"
p.191.
de-s r;roupcs d' ouvrier~ prirent part au muuvement <Îprè~ ("1\\'01 r
obtenu la libération sur-le-champ, dans
la zone contr616c,
par les
insurGés,
de militants ouvriers cmpri~onn6s pour 1(1)1"
",ction sociale.
Quelle que fut
l'importance relative de
la contribution
clu Portur;"l,
la nouvelle d'un tel 6v6nement politiqup 'luel'l'''''s
temps apr~s la révolution bolch6vique ct la d6fection d"
la
Russie,
inquiéta les puissances de
l'Entente. Qu 'pst-cc qUI
citait en dessous de cc chanGement et dans quellc meSUI'p
ne
cOlnpromettait-il pas les diverses formes de
la coopération
avec
le
PortUGal.
,
Les premières informations en provenance de l,isbonn4
. .
.
\\
rec'lei llies à Londres ct Paris etaIent effectJ.vernent sus,\\ep-
tibles d'inqui6ter les r,-ol1vl'rnpment alliés quant au Sl'ns <lu
mouvement révolutionnaire.
Tout
j)ortai t
à croire que les
hommes qui venaif'nt de prendre le
pouvoir .~taient favara"]ps
il l'Alle,nacne r:-t suscf'ptibl('s de faire son jeu, I.e principcll
chef ct artisan du mouvement, Sidonio Paes a été le ministre
du Portur,-al à Berlin jusqu'à la rupture de mars 1916 ct est
consid(;rf~ comme admiratf'ur de l'AllemaGne et favorable il "11('.
Deux autres acteurs,
le colonel Roçadas et Soares Branco ont
été,
l'un officier distillGUP sous
la monarchi.e et
l. 'autre
anCIen millistre de
la monarchie
(1), Tous les trois apparte-
naient au Parti Unioniste
(2), Parti républicain conservalflur,
comptant des monarchistes dans ses rancs et q'li
citait opposé
(1)(2) Tél~uramrne de Daeschner au ministre des Affaires
Etran::ères. 1"isbonnr:-,
.'1
décembr<' 1917. SE\\/IG~J2j.', (Ir).
"--.,
à 1:1 p<lr'tici pnt"Ï.O!'"l :111 ('ortf'l i t (ln I~Ur0[10
('hi.~t(~s h0néfic-i~\\r('llt
dl'"
1;1
complicité f't du sîlllt;pn lT'"l"~t"i('J
,
l';
1f'Ul'
1 otf"'nt; Orl (le rc.,tl?r ."1 li Portllr~al, rcnfOrç:l-i(lnt
l I ] nqtJir.-
rut,
selon les
termes d'un commentateur frClnçai..c;,
cOM.'Tle
"1.1
prise de Li~bonne par les Allemands"(2).
Cependant rie
son côté,
le nouveau pouvoir chercha ~ raSSu-
rer les rrouvernement~ de
l'Entente.
Dans la ,n0tificati0n ri"
\\
pri~e depollvoir faite le 9 d0cembre au corps: diplomatiCjue,
\\
.
"n tilnt Cj\\lf' président de
la junte révolutionm\\ire,
Sidonio
\\
ril"~ réaffirma son intention, déjh proclamée l~ 7 décf'mhre, cte
consacrer !"les effort~
à. resserrer les licnR qui lIn] S'5f'nt .1;:::)
l(épuhli"Tlue porturraise aux nationa a",ies et alli"e~ et de
faire
honnellr ~ tous
les engagements
pris envers
c~l]_es-ci. '.,'ID. 'l 5
comment ~ la fois raSsurer les ~oIJvernem~nts al]i~s de Sa
bonn(;'
foi
('11;
1' ..~pon(1r"
;-lll
hf'soin C'sf;{'rot.if'l (~P. cCHl,solidation de
son pouvoir p.'l.r d~5 m{"S'ures dont certains renforçaient les
thè!"lf'S de
CP1lX
qui
d~nonçaipnt Je putsch comme 6tant l'o~uvrp
des a~cnts all~mands ?
Si
la suspension de l'envoi des
renforts en Franc" -
notam-
ment le 16ème et
le JJème
régiment,
les personnels artilleurs
(1) :-1AHTINS
(Rocha),
'1emorias sobre Sidonio Paes,
Lisbonn", 1')21
pp.6-9.
( ~)
' , V C""TL'f'Ao
. n _ L J "
(J'
G~me )
, "
.
.·.e:nor~"s
1
(.:1 "
,..ra" ci e
~
\\~uerr,:),
Porto,
1')19
p . l l i .
1
1
c16part -
pouvait se
justifier,
i l en était
tout autrement ne
certaines mesures de la junte révolutionnaire.
Dans sa poli-
ti'1ue ct... contrôle de tous les moyens militaires riu pouvoir,
b,
junte ripcida GU lennemain du 7 décembre,
la suppres.~ion de
\\l,
la division navale qui constituait en ce moment-l~ IR " ... ule
arme opérationnelle de lutte contre les sous-marins. Cela
s'expliquait par le fait qU'elle fut
également une arme efri-
cùce de l'équipe déchue.
Par ailleurs,
le 11 décembre,
rieux
jours après la notification au corps diplomatique,
la
junte
ri6créta Ll révoC<ltion des mesures pris'es il la suite riu mouve-
m"nt insurrectionnel manqué du 16 décembre 191("
dirir:é contre
l'interv... ntion militaire et contre le départ imminent des
troupes pour 11'1 Franc ..
i
tous les individus, militaires "t
civils impliqués rians ce mouvement furent
libérés et réinté-
1
1
Grés rians
leur char[;"e ou emploi. Machado' Santos,
l'instiGateur
1
i.
de ce mouvement fut
libéré et devint l'un des principaux "iri-
ii,,
r:eants officiels rie
la junte.
l'
l't·
Ainsi
les conriitions de
la pr1se du pouvoir,
les tendances
l'olitiques de
l'entourage des putschistes,
le" moyens mis en
•,
oeuvre pour consolider le nouveau pouvoi l' et é l"r/';ir ses
appuis rendaient toute sa crédibilité à l'analyse faite du
putsch à Paris sous l'action de .Joâo Chagas. Ce dernier qui
démissionna de son poste de ministre du Portugal à Paris,
d6fendit, dans un manifeste adressé aux milie',x politiques
français
l'id6 û que
la République
portugaise a ét6 victime
d'une machination de l'Allemagne.
Telles étaient les conditions
{;énér"les dans lesquelles l'entente et plus particulièrement
la France devait résoudre le prohlèmc clc 5.'5 r"l'ports avcc 1c
nouveau pouvoir.
~alGrd la victoire deN putschistes, ]e rr~sident de ]~
R~publique, Bernardino èbchado, refusa d'abandonner ]p p,11ai.s
présidentieL Aussi,
au moment même
011
111
note de
la
jllntp
dtait
remise au corps diplomatique,
dos officiers 50 rondirpnt
au Palais
obtonir sa démission. A "no
note de
ln
jllnte qlli
llli
demanda i t
de
sc
const i tuer pri ~onnier. Dernardi no '~~Chllci 0
per-
sistn dnns son refus de
c~der ; il répondit 'l"e mêml' si en
présence
ct'une rlictature
milit",ire,
i l
ne
pouvait
exprcer ~p~
attributs,
i l
continllpr" "
&tre en droi t
le chfd' d 'f:tat
jll.'-
!
1
,
'lU'" expiration do son manrbt.
Il
Ju(>oa danp;erellx 'lu"
]<,
r"ys
1
~\\
cess5t d'avoir à sa t5te,
vu
la
p6riode,
l'autorit~ l~~iti'np
qU1,
d'après
la constitution,
doit
le
représenter"
l'intériellr
1\\
et à l'extérieur (11.
~ais les armes ayant donné raison aux putschistes, le
10 décombre,
le
junte annonça
la dissolution du parlement et
par un autre décret du
11
d~cembre, la destitution du Président
de
la flép"blique.
I l
lui
était reproché de n'avoir pas Sil
s'd]ever au-dessus des
partis
par le même décret,
l'~ncien
chef d'Etat était banni du
pays pour
le restant à couvrir de
son mandat.
Entrct.:-mps,
les
repr(~5entants diplomatiques ùvnicnt fél i t
sursco1r
la
l'~ponse ~ J.n notification de prisp de POllvoir (1,~
la
junte,
fai tl>
le 9 décembre
ils attendûient lIn ~cl~l.lrcj:;-
sernf'nL des
(~v6nements. \\bis 13 nestitution du Président de la
(1) ::,\\!iTPIS
(Rocha),
up.cit ..
p.GJ-fi:',
-lW-
République et la dissolution du parlement enl"vèrE'nt
les (ler-
niers doutes entretenus quant à l'illélSalité du mouvement 'lUt,
loin de viser seulement le cabinet,
comme
cela l-~t(\\ i t
SUppOSf~
au début,
prenait
le caractère d'un véritable coup d'Etat
(11.
Le probl~me qU1 se posait aux Etats d" l'Entente 6tait
c"lui de savoir comm"nt ,."connattre un pouvoir installé dans
de
telle conditions.
Mais l'heure n'était pas a"" f"rmalitrs
et au respect des "us et coutumes" en cette rn"tière.
la p["~oc-
cupation ess"ntiell" était
l'cffort d" G""rre "t,
par con56-
'luent,
le mainti"n de la participation du Portugal;' cet efforl
de guerre
or,
i l n'y avai t
pas ne mei lIeurs mOYt~ns ct· en
créer les conditions '1.ue
la reconnaissance du pOllvoir de
fait
installé ~ Lisbonne~ Aussi, dans le mlm" rapport o~ il fit
une analyse défavora~le à la junte et sOlllirrnait l'illérralité
des mesures de dissolution du parlement, de destitution et cte
bannissement du Président, Daeschner,
le ministre de France d
Lisbonne,
indiquait au Quai d'Orsay qu'il y avait intérêt" n"
pas retarder la reconnaissance de
la junte. (:').
En France,
la tâche des autorités officielles parut 'luel-
que peu délicate en raison du fait '1"1'
la fraction politi'l\\I('
qU1 venait d'être renvers';e a
jOll6 un rôle e,",s<'nti"l dan.s
ln
coopération portugaise et
comptai t
d<.lns
Sf?5
rûn{,:s
1('5 mn; Ilf?1Jr~
appuis politiques et idéologiques de
ln France. "nis les
variantes politiques et les individus comptent peu dans
les
l.
relations d'Etat,
surtout dans de telles conditions.
Di.en '111('
m~fi3nt vis-à-vis du nouveaU pouvoir, le eouvern~ment fr~nçai~
(1)(2) Daeschner au Q\\Jai d'Orsay. Lisbonne, 1) décembre 10 17.
'-tI\\E/NSE "uerre 1 'f-lA,
Portll!";al,
n~6J5.
-1") l -
s'cn tint
RUX
proclamations
officiellps,
51
intcnti()nnrllrs
rus s e nt - e Ile s •
Dnns une
démarche
séparée,
mais concC"rtéc
nV~c 1 'A ni, li.' trrl"t
il reconnut de fait,le
17 rléc~mbre, lp pouvoir du {~oUVç'rn('lTTJ(~nt
Po<,s et donna Son assentiment à la nomination de Horirir,1IC'7
lJettencourt en remplacemf)nt de Joâo Chor,os, qui e:toi t
orrose:
nu nouveau pouvoir ct avait
rlonn~ sa d6mission.
En accornplissant cc ::estc,
les gouvernements frnnç.li:c::
(It
britannigue entendaient ne
pas irritf)r les nOUVl"OllX ",,,iLr',, d"
Portu~al ct pouvoir reprendre la r6sotution dC's ctirrérC'otC'N
fluestions 'té.n suspens.
Dans
If!'
cas de
1.'1 france,
d'alltT'C':C:: ("nn~.;i-
\\.
.
dérations el'ltra1ent en j e u : ce "este en effet étai t
<1C"'''0'1
\\
une
nécessit~ pour les r"pports officiels, d 'autant pl\\l.~ 'l"C'
d'irnportnntes personnolitps du régime dpchu,
pnrmi
1('sq""11<',<
le Président de
la népublique,
t3ernardino ~lachado, s 'ét",,<,nt
réf'ur;iées en France Ot; Joâo Chagas avai t initié une campa"ne de
presse contre
le pouvoir df) 5idonio Paes.
Ln reconnni .~""oce
levait
l'équivoque qui
pouvait s"bsister quant 'lUX rnprorts rl"
la Frnnce officielle avec
les rpfugiés.
I.n r<:prise des activités des différentes m1"",10n", tC'rhni-
qu"s "lIiés,
et
le départ 1" 10 janvier 1911\\ d'lin dét""hC''''''nt
d 'arti l.leurs destiné" ou C.A, L. P.,
achl','f.r<'nt de dis,,; r"r 1C'"
~nl1pçons qui pesaient !='ur If' nouvC';\\u ponvoi r pt d~ rf"ndrC\\ rrp-
(Ii hIes
!=;es
proc lama tians qU3nt nu resp~ct de~ ~nr:é1g-emrnt ~
int0rn~tjQnaux pri~ antérieurement
l·~ttachp milit~irc rl~
F'ri1nc~ vit clans le discours prononcé p.:11' Sidonio Pue::- 8
l'c)C'c.îsi on rlu départ
rJf'~ arti 1 leurs tIn pcl;ltant drm('nti :1'1"'"
-1 ,-) ...... -
insinuCltions
.~ur le nouvca.u pouvoir (1)~ Dès lor~, ln flll(\\.·~ti.()n
de ln reconnaissnnce diplomatique devint inllti le et n"
fut
P"'~
soulevée,
contrairement à ce qui avait 6té dit,
uprbs
1;)
tcnlJr'
des ~lections pr~sidentielles d'avril 1918.
Cependant,
une
certaine dualité contin\\l~rû à exi.~tr'r d 0 ns
les rApports de
la France avec
le réF,ime
Paes qui S"1';1 cannu
sous les termes de Sidonisme
ou de Décembrisme. Si officirllr-
ment,
i l était conv.. nu de nuintenir une certnine cordiCllité,
on nvait à l'esprit les conditions de
ln prise du TH>uva1[',
con-
di tions caractérisées par l'appui des forces hostil<'s il 1:1
guerre
la consolidation du régime se fit
é~al<'m"nt dans dr~
conditions analogue,~. Les forces politiques sur l<,squrll""
il
s'appuyait,
les républicains conservateurs du Parti ~nionist"
et les monarchistes,
n'étilient pas connues comme de chauds
partisans de
l'int .. rvention.
Une ce1t~ine méfiance demeura donc vis-à-vis du nOUVC'<1ll pnu-
voir.
Son ()tientation politique,
la répression tiont il
frappa
les partisans tie
la fraction politique déchue en dtlc<'mbre 1917,
considérée comme favorable à la France, accentua cet état d"
choses.
Les rapports tissés par les représentants de cette
fraction avec les milieux: politiques en France,
011
précisément
les principaux dirigeants s'étaient réfugiés et o., ils nr crcn-
saient certainement pas les bras à attendre,
combinés n"x don-
nées précétientes, allaient lourdement peser sur l'atmosph~re
du début de la période ouvrrte, au lendemain de
l 'nrmistice,
par l'assassinat de Sidonio Paes.
( 1 ) Télégramme du colonel Denvi~ncs au ministre (.le ln Cuprre,
15 janvier 191R . .SllA/16!': 125:' (IP).
-.1") 1-
+
+
+
Au moment 0"
intervient,
le 11
novemhre 191,Q,
13 ~i ":Tliltllr"
de
l'armistice flui mit
fin à
la euerre en Furopp,
unC' rllf'" cil'""
Paris portait le nom d'''avenuQ des PoX'tugais". Cetl<' drnnminel-
tion a
été prise au courant de l'année 1918 en ho""",,::e "
l'intrrvcntio n du Portugal auprès des Al1i~s. Le
l)r'nlr)n~{~ment
de l'avenue des Portugais porter~ plus tard le nom rIe ,Jeiln
Giraudoux
(1 J. On pourrait penser que cette proximité ["'.',t Iln
ha"ard.
Cett;e <lisposition s'ex['liqtH' par le fait 'lu'i '. ~ ',):~j
moins d'honorer un 6crivilin que de
fixer le souvenir ctr~
rapports frahco-portlJGilis durant
la Ruerre <le
191~-JP.
Jean Giraudoux,
1iellt"nant en 1916,0. été membre cl"
la
mission militaire françnise qU1 s'est rendue au rnrtu{',~l t .:n
aoQt-novembre 1916,
étudier les conditions de
la participiltinn
du CO'?/?,$ Expéditionnaire portugais aux opérations ~lIr le f,"nt
'\\, ~
occidental.
L':lttribution de ces noms ii des rues de r"ris '1'11
aurait pu 5tre sans importance en soi,
sont siGni[ic~tif~ rlp
l'évolution des rapports entre les deux ['ays dlJrant cetl"
période de
la ~uerre.
La guerrc a déve10Pflr en effet de mil 1 tiples
l'elatinn~
culturels,
idéologiques. le d6ve1oppement de Cl'S l'eliltiC'Tlc
s'est
opér6 dans
le
sens d'un r0f\\forcerncnt,
\\1vec des
rlr'npnl'~
(1)
1 ,1
rl(,rlnmination
Je;lr1
Cir.:tudol1X:,
en
rC"l'TIrd::Lcc!~('nt (1(" la r'11("'
jJ<:.11.lqUCt dl1tc de
l~-,',C, in J.lIilairet, :'Itrtlonnairc lilstol'i-
~IY~-' d(''S rues d0 l"lris. !\\ll'is, 19(;), vol .. T, l,.r)';";,
mondial.
L'influence culturelle et id~ologique française dont nOU5
soulienions la réalité dans la première partie comm~ un élpm~n:
de la trilogie de la domination,
connut une extension nouvp11".
La guerre vit en effet près de 80.000 Portue-ais - soldats <lu
CEP et du CALI',
ouvriers industriels et agricoles fo"lpr lI'
sol français.
Cette présence constitua un importnnt facteur
d'interpénétration sociale et surtout cie pénptrntion de
l'in-
fluence culturelle et idéologique française BU Portu!,:" 1 ; m"is
la guerre a ~galement clonné lieu à une action bilatérale d ...
propagancle. De cette action est apparu le rait que la f'r"nee
fut,
pour les
classes dominantes
interventionniste~ pnrtu-
\\
\\t
gaises, une référence dans laquelle elles trouvèrpnt les élé-
\\
ments de
justification idéolor;ique de
la Guerre contre
l'AllemaGne.
L'intervention se fit donc, dans CE' domaine, al1
son de la ~brseillaise qui accompaGna effectivement Ips mani-
fcst3tions patrioticluCS. Aussi,
plus qU'auparûvllnt,
]G C'ontra-
diction rut rorte entre le fai t
de domination et d '"rrinHé.s
culturelles et idéologiques, de l'existence d'une certaine
fraternité et s~npathie réciproque d'une part et les exieCnCE'ë
des réalit~s d~terminantes de la politique intern:ltion.:'I1e de
] 'autre.
Plus significative fut,
du point de vue d'un rpnforcempnt
de tendnnces préexistantps au conrli t,
la répéti ti on rI 'Un<'
situation diplomatique qui
s'est déjà développp.('
il pr()l'0~ rt(",c;
;:tllX
colonics.
H~pr('n:..\\nt la dém~'rche suivie lors rl~ CPS n6,<;0-
ciations,
l(~s classes diriGeantes portuG'3ises, dans le pro("es,~l1~
-J::>:;-
d'interventions,
s'appuyèrent sur la France pour dépasser la
position où l'Angleterre maintenait leur pays;
elles se sont
servi des besoins de la France et par conséquent, de certnines
de ses oppositions de vue et d'intérêts avec l'Angleterre,
sans aller au-del~, Ces oppositions constitueront la SOtlrCe
de la contradiction précitée, et qui s 'i llustrera à tr.-.ver><
le
problème capital de
la coopération militaire.
En effet,
la coopération miiitairc bilatérale qUl
se déve-
loppa après la rupture germano-portugaise connut des
] j mi tf'.s
significatives, Malgré les conditions et des argumenis plus
favorables à la France - que sont, d'unte part les perif's
humainps considérables subies par eJ les ei polI' consP'luf'nt,
If"
\\
besoins réels en troupes,
la nécessité et
la Âossibilité pour
\\
elle ct 'essayer les troupe!'; portugaises non aglU't;rries dans un
.
\\ . . .
secteur du front relatlvcment calme,
de
l'autre Jes afflnltf'S
de
langue et de r.ulture -,
la question fonclamenta'le cl"
l'affection du CEP se résolut en faveur de
l'AnGleterre. ~n
füisant valoir son point de vue,
l'Angleterre e'l,tf'ndaii pré-
scrv('r une
position \\lu'ûurait:
pu entanJcr une
p~rt;ci.r.îLi()n
~ilitair'e portuanis~ DUX c5t~~ rtp l'nrrn~C' rrnnç3i~0.
Ln
Guerre
pcrmi t
r.cpcnrhlnt
2'1
1" France (1<,
renforcer' ~rs
mjlit"irC'
(création (10.
l'tlv;:ltion et: rl0
l'~0rOn;)\\ItiC11H'I) }'('n-
fnrçn
SOn
influence'
GU
nJvC'GU
dp
] 'F.télt
rortllr,-nis.
SUT'
1('
r1;1n
l'imm6diat, il ne lui fut pas possible de faire de 1 'a~piration
à occuper la place laissée vacante par l'Allcmnrrnc, une
réalit6.
1
!j
Si cela constituait le bilan des relations de ~lerre, le
~
problème que posait l'armistice était celui des relations de
paix. Quel allait itre, à partir de ce bilan, l'évollltion des
relations de l'après-guerre? Leur objet et les facteurs de
détermination ? Quelle~ allaien~ Itre, dans l'évolution ulté-
rieure,
les implications de l'exil en France de
la fraction
politique déchue en décembre 1917 ?
\\
.l,
, ,\\\\,
\\,
"
' ;.
UNIVERSItE D.E PARIS T
PANTHEON - SORBONNE
ŒSRElA.TIONS FRANCO-PORTUGAISES A L'EPCl;lUE DE
lA. PREMIERE REPUBLIQUE PARlEMENTAIRE LIBERAlE
(5 OCTOBRE 1910 - 28 MAI 1926)
Thèse pour le Doctorat de Ille Cycle en Histoire
préparée par JEAN DEROU
sous la direction de
... Monsieur le Prof'essaur DUR05ELlE
TOME II
z:z:===:=
Membrllll du Jury 1 M. DuR05ELlE
M
M
'"
Li guerre s'est terminée par ta victoire des puissances de
l'En~'nte dt des Etats associés sur les ~pires "entraux. De
, ~
'il,
faç orti:l· générale , elle avait entrâllné un profond bouleversement
-!i:
du mO~de. Le rétabliss~ment de la paix se trouvait en effet
"1
domin~, entre autres données, par les conséquences de l'écra-
semen~ militaire et politique de l'Allemagne, les prolongement~
de lai'R-évolution Bolch~vique, le problème de la recon.'Itruction
et dÜfpassage de l'économie de guerre à l'économie de paix.
Atant la guerre,
ta politique officielle de la France
vis-à~vis du Portugal était déterminée par les exigences de
l'Entente Cordiale ;
la France reconnais sai t dans ce paYIl la
prép9l:1dérance britannique et y avai 1; une politique rela.tivemen1
peu a~tonome pa1~rapport à celle de l'Angleterre. Cette logi-
que l'l" avai t
pas fonrtalTlentalement changé au cours d~' confli t,
bien9.ue le développement des besoins et de l'influence de
la France ait fait appara1tre des contradictions entre les
deu.x;.Àlliés. Mais le nouvel ordre introduit.;p(=I'ic:rasement
de l'tllemagne modifiait le contenu des allian~es,~lUs préci-
sémel'l~ celui de l'Entente Cordiale; le centre des rivalités
en E~ope se trouvait ~éplacé et par voie de conséquence se
!
trouvaient modifiées les conditions internationales des rap-
,
ports!,: possibles entre la France et le Portugal.
Eb effet, tout en enregistrant avec satisfaction l'écrou-
,
, 1
,
lemé9~ des ambitions e,t l'écrasement de l'Allemaene qùi lui
disPlltai t
1 'hégémonie .mondiale,
l. 'Angleterre considérai t
avec
appr'hension la nouvel'le situation européenne. La France
sortait de la guerre consid6rablement renforcée, militairement
et politiquement. Sa prêpondérance sur le continent affectait
l'objet toujours recherché de la politique britannique:
l'équilibre continental.
Ainsi,
l'effondrement. de l'Allemagne réactiva du coup les
vieilles rivalités franco-anglaises qui auront pour tex'rain
immédiat de manifestation,
le partage du butin de guerre et
les conditions générales de rétablissement de la paix, Relati-
verne nt à ces dernières,
~ y aura le problème du traitement
à réserver à l'Allemagne, Alors qu'un certain relèvement de
ce tte puissance apparaissai t à l'Angleterre comme nécessa ire,
tant au point de vue de ses intérêts économiques qu~ strat~-
giques (oclloin de conserVer le marché allemand et de maintenir
l'équilibre continental)"
la France Y était hostile; son
int6r~t ~tait d 'elnpêche~;2.utant que pos5ible cette perspective
en en créant les "onditions par des traités les plus durs
autant que possibl.".
-. ' - .. --... _.-
..... -~
---~-~~-
C'est dans ce contexte international d'antaeonisme franco-
britannique susceptible ·de modifier sensiblement la ligne d ..
conduite de la France vis-à-vis du Portugal que se posèrent,
dans le cadre des lutte~ politiques qui marquèrent la fi~ de
la "République Nouvelle" de Sidonio Paes, d'une part la ques-
tion du soutien français au Parti Démocrate, dont d'importants
dirigeants s'étaient réfugiés à Paris, de l'autre le projet
d'une politique de rapprochement du Portugal aveccla France
envisagé à la suite du retol~r dans l'arène gouvernementale
des perso~lité5 àu parti.précité.
1
1
"
i!
,: i
' :
1
Ce~jquestions sou18v~es dans l'opinion et les milieux
:
1
poli ti4~es ouvrirent la péri ode de l' ap~ès-guez're, Re levaip.nt-
1
!
elles <1\\.1 domaine des "boatos" U~.eut4
) ou des intz'igues
caractéristiques rte l'ambiance politique portugaise d'alors
(et des situations de crise en gérléral)
? Si les éléments d'une
réponse sûre n'existe pas, ces questions déterminèrent,
toute-
fois pendant un moment, l'atmosphère des relations entre les
deux paYs dans la mesuz'e Otl elles eurent tendance à signifier
un jeu politique de la France et une modification de la ligne
de conduite jusque-là suivie par les deux pays,
l'un vis-à-vis
de l'autre, Mais elles ~anstituèrent un ~pisode assez bref ctes
rapports de cette période, épisode fermé par le retour à
"l'Ancienne llépublique"(l),
c'est-à-dire le régime parl(>men-
taire à partir de l'été 1919.
.. ',40
A partir de cette période,
le
terrain des relations entre
les deux pays sera occupé par lE's questions économiques et les
problèmes politiques,
plus exactement le rapport de la Pran'::e
,.
~',i
,."
à l'évolution politique et sociale du Portugal.
-7'
La,question se posait de savoir si, dans le contexte éc',-
nomiqu~ de la paix, la France allait pouvoir réaliser les
ambitions nourries au cours du conflit, f't le Portul;al 'llainte-
nir le niveau de ses ventes sur le march~ français. Su"~plll"l ,...\\itl-
~1/11, la thème :~ominant restera le rapport de la France au process,"s
hi stot-~que de liquidation de la Première République portugaise.
En opposition à la"R~publique Nouvelle" de Sidonio Paes.
MARQUES (A,H,de O~ivcira), Historia de PortùgaL ~ desde os
teinl;0s mais antir;os' at'; ao p;overno do sur ~~arcello Caetano.
je cdition,
Lisbon~e, 5, 1975, Vol.II, pp.27~ et 278;
Le retour à "l'Ancienne République" ne mit pas un terme
aux difficultés du Portugal;
le pays évolua dans le sens d'une
réelle déstabilisation politique et sociale qui déboucha sur
un coup d'Etat et la dictature militaire. La coopération à ce
qui fut appelé la lutte "anti-bolchévique" et plus tard la
reconnaissance de la dictature militaire constituèrent entre
autres éléments,
les manifestations de l'attitude française
face à ce processus qui entre dans le cadre général de crise
des démocraties libérales bourgeoises dans l'entre-deux-guerre~:
"
'
.
.
-)6:;:..'
CHAPITRE l
-
lES PROBLEMES POLITIQUES ET DIPLOMATIQUES A LA
FIN DE U. GUERRE
1 A
PROPOS DU SOUTIEN ["HANCArS
AU PAR'!'! DE~1OCRA'Œ ET DU PROJET P 'UN RAPPROCHE~IE!i
DU PORTUGAL AVEC LA FRANCE
(DECE~rnRE 1918 - MARS 1919)
La signature de l'armistice donna lieu à des
manife sta tions qui furent l'occasion de cé lébrer officiellemen'
au-delà des liens entre Alliés. les lien,;, particuliers entre
la ?rance et l~ Portugal. A Lisbonne et à Porto. furent orga-
nisés des manifestations et des réceptions officielles ;
cw_
l'importance prise aux unes etiàutres par la Marseillaise et
la lecture des poésies 'patriotic;ues en Français confirmèrent
le râleidéolo&,ique tenu par la F.':'ance dans ce pa,ys • • .~ ~es
manifesta tions laissèrent bientêt la place, pendant une" périod,
relativement brève. à de sourdes tensions dues aux problèmes
politiques et diplomatiques posés entre les deux pays. à parti]
des luttes contre le régime de Sidonio Paes,au Portugal d'une
part. et de l'autre à partir du contexte de la conf~rence de
la paix en rapport avec cette évolution interna.
Les nécessités de la guerre avaient imposé aux
autorités françaises la reconnaissance rapide du gouvernement
Paes en décembre 1917, Tant que dura le conflit, les rapports
~I}'i'
officiels conservèrent leur caractère cordial. Mais ces rap-
ports connurent un véritable malaise à l'occasion de
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l'assassinat du Président de la République, Sidonio Paes
(14 décembre 1918) et lors de la rébellion républicai ne de ,f't
"
Santarem contre los successeurs de Sidonio Paes (mi-janvieJ).
Sans que cela fut l'objet d'une démarche ou d'une accusat:ion
officielle, la France fut mise en cause dans ces événements
"
comme ayant apporté son soutien aux réfugiés portugais à Paris
,-
et à leur formation politique, le Parti Démocrate. Le sentiment
qu'il y~ait un parti pris de la France contre le pouvoir
() i ' le~pt<>u
officiel du Portugal rut particulièrement renforcé par
l'accueil froid dont la délé"ation portugaise à la conférence
do la paix fut
l'objet de la part des autorités françaises et
par l'atmosphère qui y régnait du fait de la campagne de presse
des réfugiés du Parti Démocrate, dont le retour dans l'orbite
gouvernementale aurait été à l'origine d'un projet de rappro-
chemant plus intime du Portugal avec la France.
En l'absence de données factuelles précises et
.-Fe---lllCl.tériaux suffisants, ces questions restent encore un
épi~ode obscur des relations entre les deux pays, notre appro-
che s'inscrivant plutôt dans la perspective d'une instruction
des hypothèses.
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-
La France et les luttes politiques au Portugal à la fin
de la guerre
1
la question du soutien français au Parti
Démocrate et aux réfugiés politiques portugais
1 -
~~~EE~~!~!~~_~_!~_~~E~~!~9~!_~~~!!!!!_!~_!~_~!~~_!~_~!~~!
de la France dans l'assassinat du Président Paes et dans
--------------------------------------------------------
la rébellion de Santarem
------------------------
Le régime de Sidonio Paes, connu sous le nom de République
Nouvelle rencontra de toutes parts une forte opposition.
Le Parti Démocrate, aux dépens duquel Paes avait pris le pou-
voir en décembre 1917, éta.i t
au .premier rang de cette opposi-
tion. Ce parti fut au centre de certains des événements qui
marquèrent la fin de la République Nouvelle, en particulier
l'assassinat de Sidonio Paes et la rébellion de Santarem.
:;'~:.'-'-,-, --,-.-
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'
- ~ <:
Dans .cette .t.V~llJ·Hol1 la France fut mise en cause comme
ayant apporté d'une manière ou d'une autre, son soutien ail P...tl.
L'objet de l'opposition au régime instauré par Sidonio
Paes variait cértes d'un parti à l'autre. Dans l'ensemble
cependant, les forces attachées aux institutions républicaines
parlementaires craignaient le retour à la monarchie, en raison
de l'orientation politique suivie et qui permit le retour au
Portugal et sur la scène politique de partisans èt de forces
monarchistes. Loin de signifier seulement l'élargisse~ent des
opposants monarchistes emprisonnés ou bannis par les précédents
gouvernements, l'établissement du pouvoir Pees était, d~ fait,
l'instauration d'une dictature militaire appelée "République
Nouvelle" •
La "République Nouvelle", présidentialiste, fut consaer~e
,
.~,
par des élections législatives et présidentielles directes,
tenues en avril 1918 et auxquelles refusèrent de participer les
trois grands partis (Unioniste, Démocrate, Evolutioniste) de
-">"
l' "Ancienne République" (1). Sur le plan poli tique, elle
s'appuya, selon l'expression de A.H.de Oliveira· ~larquès, "sur
une espèce de front populaire des droites républicaines"(2),
le Parti National Républicain l au congrès de la République,
dont l'existence était plutôt formelle, une forte minoritG de
monarchistes et de catholiques (3) constituait l'opposition'
officielle. Le rétablissement des relation!!l avec le Saint-Siège,
les modifications apportés à la loi de séparation de l'Eglise
et de l'Etat, et les différentes concessions telles que la
cession aux organisations charitables etroligieusBs,des éta-
~--_.
b1issements confisqués au lendemain de la proclamation de la
République,
constituèrent autant d'éléments qui illustrèrent
la nouvelle évolution et soulevèrent l'appréhension des autres
forces républicaines qui craignaient que le gouvernement ~aes
ne fut un gouvernement de transition monarchiste
(4).
Enfin, en matière de politique internationale, les partis
(1) MARQUES (A.H.de Oliveira), op.cit., Vol.II, p.274.
(2) Idem, pp.247-248.
(3) Idem, p.274.
(4) Le colonel Tisseyre, attaché militaire à Madrid au
Président du Conseil, ministre de la guerre. Z ao~t 1918.
'lAE/sE t918-29, Portugal, n015.
-J61':-
républicains partisans de l'intervention dénonçaient la poli-
tique de guerre de Paes et n'hésitaient pas à le présenter
commel faisant le jeu, voire servant les intérêts de l'Allema-
gne. Cette critique trouvait des échos au niveau des pays de
l'Entente en raison du retour au Portugal de gens qui avaient
été expulsés avant décembre 1917 pour avoir été en intelLi-
3~ret~
gencC' avec les services allemands.
L'opposition au régime de Sidonio l'ses était d'autant plus
grande qu'il avait enlevé aux autres partis républicains
d'opposition,
tout moyen de manoeuvres politiques.qu'autori-
sai t
<-luparavant le rt;giT:1e parlementa ire.
Sidonio Paes avait proc6d6 ~ une vciritable militarisntl~n
du pouvoir. Ce fait constituait sans doute un aspect important
, .
du sidonisme et résultai~ des conditions rn~mcs de la prise du
pouvoir"
de
la
situation politique et sociale
interne au cou:cs
de l'armé"! 191R, une situation faite de grèves ouvrièr'es, de
complots et de séditions militaires. Comme antérieurement au
5 décembre 1917,
0" tous les actes d'opposition étaient consi-
dérés
com~e des menées monarchistes ou eermanophiles, le ~ou-
verne"ent trouva son prétexte de répression, au cours des
derniers mois de 1918 dans la lutte contre le b61chévisme. Les
moyens de cette répression furent renforcés au fur et à mesure
que se multipliaient les difficultés.
Le gouvernement recourut
aux mcsures d'exceptions dont certaincs,' comme la création
des conseils de guerre pour juger grévistes et comploteurs,
furent sans suite. D'autres,
telles que la proclamation
de
l'état de siège,
la censure de guerr"e et son extension auX
sujets nun militaires, étaient devenues un sy.!!tème de pOUVÛl.r.
Sur le plan militaire, la Garnison de Lisbonne fut consti-
tuée d'unités sûres et comblée5d 'avantages ~",~j~l.s
avec
l'intention d'en faire une garde prétorienne. Parmi ces unités
figurent le JJème régiment d'infanterie qui joua un r~le nota-
ble dans le coup d 'Eta t de décembre 1917 et qui, en guis.~ de
récompens'e, ne partit jamais au front. Hais l'armée parut
peu sûre au gouvernement qui porta alors toute son attention
sur la Garde nationale républicaine. Simple corps de police
au dépa.rl;, celle-ci fut militairement organisée, recevant en
équipemont fusils et mitrailh,ttes, manoeuvrant et paradant
chaque jour sur les places stratégiques de Lisbonne •
...,
Il en résulta qu'au moment où intervenait l'armistice,
le
nombre des détenus dans les prisons de la métropole
pour des
raisons politiques et sociales étaient estimé à environ
!JOOO à 3000. sans compter les déportations en mas_s":_".d~ns les
-
~__
-•• ;"";"J,,';:' ,.,
colonies (l). L3. militaI'isation et la répression étaient telles
que germa et se développa à partir de l'été 1918, l'idée que
l'assassinat était le meilleur moyen de venir à bout de
Sidonio Paes et de son régime (2).
Daeschner à Stephen Pichon, ministre des Affaires Etran-
gères. Lisbonne, 14 novembre 1918. ~~E~SE 1918-29. portu~al
n015. Dans une correspondance en date
u 28 decembre 191 ,
DaeSchner écrira qu'entre le chiffre de 5000 avancé par
l'opposition et celui de 1000 par le représentant du gou-
vernement au Parlement, i l fallait prendre le milieu.
(2 ) PABON (Jésus), op.cit"
p.J87. à ce sujet, le ministre de
France à Lisbonne ~ite le cas d'un sergent qui s'est COns~
titué prisonnier. déclarant que, désigné au sort par un
comité secret pour assassiner le président, i l n'avait pas
eu le courage nécessaire d'accomplir son mandat. Daeschner
à Stephen Pichon. Lisbonne, 7 octobre 1918. ~~E/SE 1918-29
P"rtugnl,
n015,
;'~ "-
L'opposition,
mise à part celle des organisations ouvrières
dont i l sera question plus loin, Itait incarn'e par le Parti
Démocrate, principale victime du coup d'Etat de Paes en
décembre 1917. Ce parti, malgr~ la répression, maintint une
constante pression au fur et à mesure que 5e rapprochait la
fin de la guerre et la perspective ct€'
la victoire des puissan-
ces de l'Entente.
La perspective que les fruits et les honneurs
de la victoire allaient être recueillis par Sidonio Paes,
porté au pouvoir par des forces anti-interventionnistes ~antait
les démocrates
:
n·~tait-ce pas eux qui avaient été à l'origine
de l'intervention arm~e du Portugal? Dans quelle mpsure ~ussi
la victoire n'allait-elle pas consolider la "Rcipublique
Nouve Ile" ?
Déjà,
en août 1918, le Parti Démocrate avait ;:lUbli.; un
manifoEtt? dans
l~qupl il instruisait le procès du Gouvernement
et conc1 1J8i t
en a~lpelant ]es Portu~c:.nis à. s'unir j:'our la
défense de la :1épubliqu,= (1).
L'ambiance politiquc. justifiait
cet aFp0I
; le Prlrlement
s'6ti1it
séparé par dE!S
"Vive
la
i'-Ionarchi.e tl répondant aux tfVive
la R6 pu blique u (2).
Ripost8.nt au
mani:f~ste, les monarchistes auraient mis le .~ouverncm(lnt en
demeur~ de "défendre le pays contre le régime des sovietstt(J).
Le 12 octobre 1918, un mouvement insurrectionnel, attribu~
au Parti Démocrate éclate à Porto et Coimbra. Son échec conduit
à l'emprisonnement d'importants membres de ce parti. Le
16 octobre 1918, à Lisbonne, de nouveaux incidents se produi-
(1) (2) (J) Lieutenant-colonel, Bernard, attach~ militaire au
Président du C0nseil~ ~inistr(' de la Guerre. Lisbonne J
1fl. nctobrf?: 1918.
~':AF/SE 191,Q,-79, Pcrtur:al,t n015.
-
--
'.> ";: !;" '~!lf}; -(;"7;'-. '.
sent à l'occasion d'un transfert de prisonniers politiques.
Plusieurs dizaines de blessés et sept morts son dénombrés.
Parmi les victimes figurait le vicomte Ribeira Brava,· ancien
gouverneur civil de Lisbonne et éminente personnalité du Parti
Démocrate qui serait revenu d'exil pour participer à la
révohltion (1).
Les pressions se firent de plus en plus fortes au lendemain
de l'armistice. Le 6 décembre, Sidonio Paes échappe à une
tentative d'assassinat au cours d'unedll"OrnOl'liQ
publique.
Cependant, une semaine plus tard, le 14 décembre,
i l est abattu
en plein Lisbonne,
à la gare du Rossio, au moment où i l s'ap-
prêtait à prendre le train pour Porto. Sa disparition subite
ne mettait pas un terme au décembrisme (ou sida,dame)
; elle
le privait néanmoins de son symbole et de son autorité et
créait par conséquent un vide, c'est-à-dir-e une situation de
luttes poli tiques_ plus initp.nses.
Déjà, avant la mort de Paes,
les pressions de l'opposition
avaient créé des contradictions au sein du régime, ce qui
s'était traduit par une certaine perte de contrôle de la situa-
tion par le pouvoir central. Les éléments les plus durs et dont
certains étaient de tradition monarchiste (2),
cré~r~nt la
~unte militaire du Nord, pour appuyer ce qu'ils appelaient
"le courant anti-démagogique"(J). C'est pour résoudre le pro-
bl~me que Paes se rendait à Porto le l/f décembre.
(1) Lieutenant-colonel Bernard, attaché militaire au PréEtident
du Conseil, ministre de la Guerre. Lisbonne~ 18 octobre
1918. ;~.AE/SE 1918-29, Portugal, 0°1.5.
(2)(J) PABON (Jesus), op.cit., p.J99.
'i'
Son assassinat constituai·t une raison de plus
dG. la
résistance des forces hostiles au retour à l"'Ancienne népu-
blique".
Le 11l décembre, au moment où entrait en fonction le
nouveau ~résident de la République,
l'amiral Canto e Castro,
la j~ntQ révéla publiquement son existence au moyen d'un
manifeste qui fut un véritable ultimatum au pouvoir central
~
.;
:!
i l Y ét~it notamment réclamé la constitution d'un gouvernement
"réponèant aux nécessités du moment"(l), autrement dit,
lin
gouvernement d'ordre;
à défaut, elle prendrait ses responsa-
bilités et assurerait l'action gouvernementale
(~).
La junte maintint sa pression sur le pouvoir central et
obtint d"but
janvier, en échange d'une auto-dissolution,
une
recomposition partielle du minist_ dans lequel entrèrent des
hommes désignés par elle,
l des postes importants dans la
situation politique et sociale d'alors
: le
lieutenant-colonel
Silva Basto ~ la Gl1~rre, l'avocat monarchiste Francisco
Fernandes à la Justic,e,..t }eàidoniste
Cameirica
a~ Tnw"il (1).
,l'Jai;~ le 12 janvior, f!ll réaction à cette ccncession à la
junte lT'ili taire,
éclate à Santarem un mouvement révolution~
rlaire.
Oeuvre de plusieurs fractions républicaines,
le :nouve-
ment aurait été impulsé principalement par le Parti Démocrate.
Le programme de la junte révolutionnaire issue du mouvement
comprenait entre autres points
:
le retour à la constitution
~e 1911 avec le principe de dissolution qui sera appliqué
immédiatement au conr;rès issu des élections d'avril 191·'1,
la
(1)(2) Daeschner à Pichon. Lisbonne, 28 décembre 1918.
;:AE/SE 1918-29, Portugal, n015.
(J) PA.JDN (Jesu.s), op.c:it •• p.'12J.
continu"ltion de la poli tique internatioJ>'"lle flUX côtés de
l'Angleterre et des Alliés comme garantie des droits du
Portugal comme nation libre et indépendante et de l'intégrité
des colonies.
les plections générales immédiates.
la remise
de tout.'s les charges de confiance.
civiles et militaires.
à
des hOIT'JJoes honnêtes.
compétents et républicains
1 l'abolition
des mesures d'exception et le rétablissement des libertés de
pensée, d'expression. d'association.
de réunion,
l'amnistie
générale
(1).
Dans les deux événements,
l'assassinat de Paes et la
rébellion de Santarem,
la France fut mise en cause. Flle était
soupçonnée d'appuyer le Parti Démocrate dans ses te,ntatives de
..
porw9<Ud
"
reconquête du pouvoir.
Les milieu:\\( poli tiques 1figuraient
Afonso Costa,
le chef de ce parti en relation intime avec le
·gouvernement fr3.nçais auquel fut par conséquent attribué une
co,"plicité plus ou meins tnd te dans l'assassinat de Sidonio
*
Paes et dans la rébelli01l'
Santarem. Relative.mellt·cà-·J.-'his-~.-
toi-ce de l'assassinat,
se r,;",andit le bruit, repris dans la
l'l'esse, qu'il a été décrété :~u cours d'une réunion
t."'IJ~
à Pari s, rue Cadet, au siège du Grand Orient de France, et à
laquelle assi$taient des maçons portugais
(2).
Ces accusations n'étaient pas certes officielles. mais
suffisaient à créer un état de fait.
influant sur les rapports
officiels, suffisamment pour que le ministre de France ait pu
(1) Daeschner à Pichon.
Lisbonne. 17 janvier 1919,
;1AE/SE 1918-2-9, Portugal,
n016.
(2.) A Ordem du 16 décembre et du 21 décembre 1919, annexes à
la Iettre de Dapschner 2t Pichon" Lisbonne, 27 décembre 191,Q.
:;}..E/SE 1918-·,'29,
Portt.\\~êl1e nO!5.
considprer que c'<6tait un courant qu'il était difficile"
remonter (1).
Cette évolution des rapports intervenait à un moment
important de la vie internationale, au moment de la préparati
puis du déroulement de la conférence de la paix ; par eo""é-
quent,
à un moment de profondes mutations internationales.
Durant cette courte période,
les rapports officiels furent des
plus froids.
Tandis que la presse de Paris se saisissait des
événements et que,
selon les termes de Joâo Chagas, "le
Portugal, un .moment pris au sérieux, redevenait le pays de
Vaudevjlle qu'il était"(2),
la délégation officielle du
Portugal a la conférence de la paix était l'objet d'un accueil
'~s plus froids de la part des officiels français.
Comment expliquer d'lI1'le Ft CJZA S9I.1'PÇ0rt.s tli!>.2i·lIlt J~Ia.F"I"A..ct
et de l'~utre, la brusque absence de
cordié'.J i té de la part de Paris·li l(:istai t-i 1. une nHfft"'Î.orF
entre ces événements et les révéJ.]tions ultérieures d'un pro-
jet de rapprochement franco-portugais ?
.,
2
Le~ fondements de la mise en cause de la France et les
------------------------------------------------------
~!~~~~E~_~~_~!~~~~~!~~_9~_~:~rE~E~~~~_~~~~_~~~E!~~_E~~
~x~!~
~~~..~§E~2~~~_P~!~!!~~~~_9~_~eE!~_e~'2:'~=::~!~
A l'origine de la mise en cause de la France, tant dans
(1) Daeschner au ministre des Affaires Et:rangèx-es à Paris.
Lisbonne,
12 janvier 1919. :'~AE/Sr; 1918-29 Portur.•.ü n°1l'ï.
(~ ) Va\\ldeville en frençaig ctan~
\\ "
le
texte portuzais a
Di-".'; n. ,'.,1 1."J
P ~77
l'assassinat de Sidonio Paes que dans la r6ballion de Santarem,
i l y a la place particulière tenue par la France et par Paris
dans la lutte politique au Portugal depuis l'avènement de la
Répubti'lue :-l'ouvelle. Les principales figures de la fraction
politique chass6e du pouvoir par Sidonio Paes, bannies ou
contraintes à l'exil avaient tro'.1v6 refuge en France. Ces
hommes avaient pour eux, (lUX yeux das puissances de l'Entente
et pr~'isément aux yeux de la France, la considération d'avoir
organisé le concours apporté par ce pays à l'effort de guerre
certains parmi ces réfueiés avaient été l'objet de distinc-
tions honorifiques de la part du gouvernement français.
Bernardino !>lachado qui continuait à se considérer C01'lme
Présiè",nt constitutionnel "dé la République du Portugal,
Afonso Costa, ancien Président du Conseil des ministres et
chef du Parti Démocrate,
le général Norton de ~lato:<;, ancien
ministre de la Guerre et org",:1isateur du corps expéditionnai-
portugais en France, Leote do Rf'go, ancien cOIl)mand~l;tt d~"'~ .C
division navale et orga.nisateur de la lurte antî-sous-marïltt'
au Portugal,
Joâa Chagas,
ancien ministre du Portugal à Pari~,
inteI'Vcntionniste et francophile convaincu,
et bien d'autres,
résid:lient en France et avaient fait de Paris leur principal
centre d'activit~s ; ce fait était d'autant plus important que
cette ville était en m~me temps, dans la période considér6e,
le sièrre de la conférence de la paix.
De Paris, :Les éléments militants parmi les réfugiés diri-
gèrent l ' opposi tion démocrate au Portugal contre le régime Paes ~
',',.,,:,-,
' ... ',"
" , "
"Ô_
."" .. '
-J7',-
tout en utilisant autant que passible la tribune que repré-
sentait cette ville. Bénéfici~rent-ils d'un soutien quelconque?
Quelle fut
la part des dlécisions prises à Paris sur les évé-
nements au Portugal ?
Certes, à peine le coup de Sidonio Paes avait-il triomphé
que Joâo Cl~gas initiait à Paris un~ campagne de dénonciation
contre
les nouveaux maitres du Pqrtugal
; dans un manifeste
adressé après sa démission du poste de ministre du Portug-al
à Paris, aux personnalités françaises et à la presse, il
soutint que la République portugaise vE'nait d'être victime
d'une machination de l'Allemagne
(1).
Pour contrer cette cam-
pagne nppelée à se développer,
le Gouvernement sidoniste créa
immédiatement à Paris un service d'information et de propa-
gande dirigé par le publiciste Homen Christo Filho qui, depuis
la proclamation de la République résidait dans cette ville 011
i l s'ptnit illustré un écrivant dans la presse royaliste et
nation31iste
française
contrf"
le nouveau r~gime (:').
"l,jais en raison de l'état de ~uerre, le e;ouv(!rnemont f'ran-
çais suivit à la lettre la mise en garde de son ministre à
Lisbonne, Daeschner. Celui-ci, qui, ,aU premier chef veillait
sur place à Lisbonne à la réalisation de la coopération franco-
portugaise, attira l'attention sur le fait qU'une campaene de
dénonciation des nouvelles autorités officielles du Portu~al,
menée par l'opposition à partir de Paris pourrait avoir des
effets néfastes. Aussi, tant que la guerre dura,
les exilés
(1) ~lAHTINS (Rocha), op.cit., p.l07.
(2) Sur Homen Christo Filho, voir ci-dessus, 1ère partie,
ch. II.
.
f·'~~··....:./,~'~F';;'~'
.f.;": _
~
~~
portugais furent
consid~rablement li~it~s dans leur action
..;
publique contre le pouvoir en place à Lisbonne. action dont
. i·l'
"
le principal moyen public était la presse.
~ais l peine les hostilit~s ~taient-elles arr~t~es que les
journaux parisiens ouvrirent leurs colonnes aux r~fu(!:'iés. Ce
fut particulièrement le cas après l'assassinat de Sidonio Paes.
Dans une interview auquel Le Matin du 20 d~cemhre 191R
donna le titre d'''un vrai réquisitoire", Afonso Costa décrivit
la ~ituation <!e son pays comme "poignante et tragique" ; i l y
accusa longUf'ment le gouvernement d'avoir incarcéré et marty-
risé des centaines de républicains et mené,
sur le plan inter-
national,
une politique d'abandon. Dans le Temps du même
jour,
Bernardino Machado,
faisant allusion à l'assassinat de naes,
soutint que "ce qui. se
passe au Portugal est ce 'lui arrive
toujours dans les nations d'hommes libres,
soumis par quelques
circonstances au despotisme". Quant à Leote do Rego,Aan&·
l'interview au Radical du 21 décembre,
il
fit passer l'accusa-
tion de 3~rmanophilie, de l'insinuation -
comme ce fut
le cas
dans l<'s déclarations ct 'Afonso Costa et Bernardino Machado -
à l'affirmation formelle en fournissant à l'appui l'extrFlit
d'un télégramme adressé le 17 octobre 1917 aU mi.nistère des
Affaires Etrangères par Sidonio Paes quand ce dernier ~tait
ministre à Berlin, au début de l~ guerre.
Parallèlement à ces campagnes de presse, un autre réfugié
aurait f.,it circulé un opuscule Le Portugal et la g'l.Ierre (1).
(1) Le P,œtugal et la guerre,
Paris,
1911'
in ~'(1NTS (Egas),
Dm ~no de Politj.ca,
I~ishonneJ 1919, pp.20?-204.
Tout en affirmant que le fait que Pae3 ait . t ' ministre à
Berlin ne suffit pas à prouver sa ffl>rmophilie,
l'auteur du
document soutint que le r~,,,iJne sidoniste a ~té en revanche
.'
,
l'occa,;ion de l'app"rition ct de la réapparition de tous les
,
r~actionnaires, des vieux politiciens P.t de tous les adver-
saires de la guerre contre l'Allemagne
en proclamant II>
respect des enffagements internationaux du Portugal,
poursuivit
le document,
la junte de décembre 1917 cherchait avant tout
à .'3e faire reconnaître et à garder le pouvoir (t).
,
Ainsi, Paris, siège de la Conférence de la Paix,
était
devenue la tribune par excellence de l'opposition d~mocrate,
Cette campagne constitua un des facteurs d'alourdissement
du climat entre la France et le Portugal officiel d'alors,
~ont le programme gouvernement"l comprenait justement, entre
autres points
: "poursuivre l'ueuvre de régénération natioTlélle"
cornmenc 0 e par PaBs,
recommander à toutes le'>.a.ut.o.r.it.P5_.1a .plt!';
grande rigueur dans le maintien de
l'ordre et dans la réprcs-
sion des attaques contre la propriété
; rétablir la vérité et
neutraliser les effets des campagnes menée.'3 à l·~tranger contre
le Portugal et la situation r~sultant du mouvement de décembre
1917 (2).
Cette situation donna en effet libre cours à la pensée,
certes non affirmée officiellement à Lisbonne, que les réfu~iés
à Paris bénéficiaient d'un soutien de la part du gouvernement
Le Portugal et la guerre,
Paris,
1918 in HOmS
(Egas),
Dm lino de Politica. Lisbonne, 1919, pp,202-204,
Procramme du gouvernement Ta.maITnini Barbosa.. Daeschner à
l'ic~on, Lishonne, 2R déc,,:nbre 191'l. 'lAS/SE 191'l-'>9,
Portq7.':l1,
!"1°1:>.
français
ou tout nu moins d'une certaine comp1lcit': Une telle
suspicion était d'autant plus forte qu'a,u lendemain de
l'assassinat de Paes,
s'était répandue avec insistance la
nouvelle dont la presse de Lisbonne se fit
l'~cho et selon
laquelle l'assassin aurait exécuté des ordres émanant du
Grand Orient de France.
c.eltt YV",w,...
Quel crédit accorder ~
et qu'est-c8 qui fonderait
une telle assertion? Etait-ce une invention des monarchi,stes
et des forces sidonistes,
hostiles aux Démocrates? Cette
hypothèse n'est pas à priori à êcarter
ces éléments avaient
déjà attribué à la maçonnerie portugaise la responsabilité
de la première ~entative d'assassinat du 6 décembre en sacca-
geant
l~ Gremio Lusitëtno, siege du Golu, en raison, du .fait que
l'auteur de cette tentative appartiendrait" la Loge "ro-Patrie
qui fut
6IT31em~nt 5acc8~~p (1). l.e recours n de tels procédés
6tait tout à fRit
possi.ble
~~ns le contexte politi.que qlli
prév.llait. De même,
la nqV'le/,l.E pcuv"l.it trouver à se fonder.
A l'origine de la nouvelle,
i l y attrait el! un t~16~ramme
chiffr,; reçu de P3.ris, mais reproduit nulle part,
.. t
selon
1e'1uel 1'assas,sinat aurait été décidé au cours d'un.. réunion
des T.açons portugais à Paris (2). En revanche,
une lettre
trouv?e dans la poche de l'assassin et adressée à l'un des
siens, mentionnait sa rencontre avec 'laga1haes Lima.
Ce de
qui fut arrêté, reconnut avoir effectivement reçu à son hôtel
la visite. de Julio Costa,
l'assassin de Paes sans avoir pu
(1) PABON (Jesus),
op.cit.,
p.400.
(2) :\\C:1exe à la lettre <le Daescl1ner, 27 dÉce'"bre 1913.
:U~L/.sE 191:~-'?~?, T'ortur~'al, nOl.).
cependant s'entretenir avec lui f!n raison de son '>t.:'tt df!
santé
(1).
Les soupçons vis-à-vis de Magalhaes Lima ct par con5 équent 1
l'idée que l'assassin était aux ordres de la maçonnerie
franco-t
portugaise et du Parti Démoc:i.'ate trouvai t
faci lement à
1
s'accréditer,
Julio Costa était membre des Jeunesses Républi-
caines affiliées au Parti Démocrate, ~lagalhaes Lima est le
grand maitre du Grande Oriente . Lusitano Unido (COLU) qui est
le Grand Orient portugais. A ce titre,
i l entretenait des
rapports
officiels ct réguliers avec lp, Grand Orient de Francon
Sur le plan politique interne,
i l est proche du Parti Démocrate 1
et sur le plan intern::ltional,
i l est
le principal représentant
a~ Portugal de la propagande française (2).
Jesus Pabon,
con~e tant d'autres auteurs, ~voque à ce
_ ..•.
sujet la création à Paris, au Granrl Orient de Franc",
rue
Cadet,
de
L.\\ Lo~e Portu~al qui srr9; ~ devenue le centre des
i
,
'1,
activités S onter:"é:I i nes de s rpf'u~iÉ':. poli tiques pOI"tu~ûis (J).
f
la cr6ation d'une telle loge dont nous
n'avons
pas pu trouvPI"
. ~,
de traces est fort possible ~tant donn' les rapports tradi-
tionnels entre
J.e Grand
Ori~nt de France et le GOLt!. Son exis-
tence poserait la question du soutien des milieux maçonniques
français,
par conséquent des milieux politiques aux réfugiés
portugais et à leur Parti,
Le GODF 'lt
le GOLU jotte'lt dans leur
pays rnspectif un l'ale politi'1ue indéniable
(1+), Aussi, l'idée
PABON (Jest\\s),
op.cit.,
p,~.05.
Sur Magalhaes Lima dans les relations maç.onniques frflnco-
portugnises et d8.ns la propagande enffaveur de la France.
voir respectivement ci-dessus,
1 ère partip,
ch. II/III et
2~me parti.e, ch~V,!I.
,.! ...".~
..... (155).
~.f'n;T'T,n:~ (r)o~h-.)
o~ ~l·t·
(J)
"J
,c.....,
.;
•
~
'.
C'.
'
' .
f l ,
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\\
"
'" '
~. _.' .
., p. 107 .
1 1>\\
,: ..J...... lJ... ,. DO.\\'"tie. cl.. 1/ J:1ir---
selon laquelle l'lli.stQire de
la ~~publique Nouvelle de Sidonio
Paes et sa fin ne peut être totalement connue tant qu'on
n'aura pas su ce qUl. s'est passe à l~ Loge Portugal de la
rue Cadet à Pari.s, est pprti!"lente et méricftl l'attention (1).
Relativement au soutien des milieux politiques et ~cono-
miques,
i l apparait qu'il np fit pas d'faut. Certes, i l est
nDuvel(4
ctifficile d" vérifier Id
lanc~à l"poque, par an jour-
nal port;ugai~,d'un emprunt concéd~ par un banquier de la rue
"' ..... b..ee,
Hichelieu à Pari,'~ à Afonso Costa et à treize autres
de rang élev~ dp SOn parti
cet pmprunt dans le contrat
duquel serui t
in:;';rét~ la promesse de c on~essinns en Angola J
devrait servir <J
faire
la rÉvolution au Portugal
:i.e
journa l
•
précisait r:1eme ql.~'un~ partie'Bvait été prélevée pOUT. la prn-
pag-ande pax'nlJ. l('~j troupes se trouvi"'lnt en Fr2'~nce (2). En reYan-
che,
le saut1.en {10
certains groupements ou du moins de cer-
t~ins de leurs ~;!0:ubr23, f~n ~troit:.;.:. rnppocts ':lVec les rE~fllgié.s,
f'Jt un rait.
~lartinet 2..vait-.iJ fait -J.'_tprès d'un haut-fonctionnaire de la
pr(~siden~e du [.n;îseil, peu avant l'assassinat de Sidonio Paes,
une démarche rOUI' l ' obtc"tion d'une entrevue entre Afonso Costa
et Georges Clémcnceau,
Prési~ent du Conseil.
Cette demande d'audience de '1artinet "st: significative à
plus d'un titre. Ce dernier
y
évoque des intérêts de la France
aU Portugal et fait état de ses rapports intimes avec les
'1 ) PAllO" (,1<0""5),
op.cit.,
p.J:l8.
\\
'
101 ('
(2 ) 1)aç;schner il'J qu<::o.i d ~Ors8.:/. LisbQ;"Li'l!'::.,
,j,
."
...
- '
•
.,,' .. :SE
1·':1 t ~.~ -'-, c ~
PO.rt ;1,':"'';1 l f
nO 1 f-,
réfuGiés. Mais surtout, ses propos intriguent et sont suscep-
tibles de faire supposaI' qu'il 4tait informé d'un coup de
force,
d'un projet ou d'un événement Cl"elc onque concernant l,..
PQli tiqUf'
intérieure du f'ortuga 1. Dans cette dr'iTIande d ·3l.ld.i~n("e
qui précpdait de trois
jours l'assassinat de Sidonio Paes,
l1artinet
~(.rh'q;t """ta,.r.o.JlO.eltt: <~. •• •
Si
je vous aiécri t,
c'est non seulet:lent comme secrétaire du Comité France-Porturral,
mais aussi parce que IL Bernardino )lachado,
toujours Président
constitutionnel de la République portugaise et èl.Afonso Costa
veulent bien m'honorer ~e leur amitié et que, par suite de
l'expérience que
j'ai acquise au cours de mes longs séjours au
Portugal,
je me suis rendu compte que ce pa}-s est soumis à un
régime '1ui peut être co;nparé à celui de la Grèce,
sous le
r6gime de Constantin et celui de la Rouman1.e . • . .Je sais de
la meilleure source, que la situation dans ce pays est sur
le point de changer et qu' i 1 Y aurait l';rand intérêt à ne pas
18.isser çompromettrC' raT' les ~l~~r:lents eerJ11anophilc45, une .'5itua-
tian qui pourrait être excellente pour la France . . . Or en
raison rie l'importance des cnmmupications i
faire et de la
personl1alitp. de ~!.AÎonso Costa, une entrevue avec ~l.Cle;nenceau,
si courte qU'elle puisse Itre,
semble devoir Itre utile"(l).
Nous n'avons pas eu trace de la r~ponse qUl a 6t~ réserv~e
i ~artinet et si l'entrevue entr~ Clemenceau et Afonso Costa
a finalement eu lieu. 'lais nous savons par ailleurs que
Clemenceau est ath'e et anti-cl~rical. Or les r'fugiés portu-
rrais étaient des anti-cléricaux ; Afonso Costa en particulier,
(1) ;lartinet à :lartet, chef du secrétariat du Frésident du
Conseil.
P:!.ris,
11
décembre 1918.
\\.IAE/SE
191P-29, Portl1e:;ll
nO 1 J.
....
- - ,;--..~ ,.
-J~1-
a ~t~ l'~uteur des principales ~esurBS anti-cléricales du
~ouvernement provisoire (1). Il s'agissait donc/'f'Oterd:,iellQlIltll1:
politiques.
Quoi qu'il en soit,
le document montre assez clairement
......p,.".t~ '>uWi&
que ~larti net étai t en
avec les réf'ugiés portuga.is.
Le comité dont i l est membre a été institué au cours de
la
Guerre
cn vue de
la promotion des relations économiques,
cul-
ture lle3 .•. entre
les deux II! ys. Dans que lle mesure n 'y aurai t-
i l pas do projet précis quand Martinet parle ct 'une "situation
qui pO'H'L'ait être excellente pour la France"? Dans tons les
cas,
la démarche consti~ue en elle-même un &Cutiell et la note
éclaire l'esprit sur ce que représentent les opposants du Parti.
DémDcrnt~ pour certains milieux t'rançais. Or il semble res-
sortir de la note de ~1artinet que le Cami té jouit cl 'une h~né-
diction offioielle.
Cert0-S,
les preuves matérielles d 'Hn soutil~n of'ficiel
n'exi~tf~nt pas. Et dans l'exemple pr~cit~, c'est Afonso Costa
qui dem"nde une entrevue. Mais le Parti D~mocrate pourrait
bien de:nander un soutien de
la l'rance dans ses tentatives è.e
reconquête du pouvo::l.r moyennant un rapprochement ~vec la
france 1 ce qui aurait signifi~ sur le plan pratiqtlC, l'ouver-
ture ~ la France des plus ~randes possibilités de p~n~tration
au Portugal.
C'est un marché possible dans
lequel les milieux non offi-
ciels assumeraient le rôle que
la diplomatie ne pourrait pas
Il)
\\
\\" nlr
. d "
c1-_essus,
~2re
par t '1e,
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G
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···:;:\\"'~:;.'~~'~~~~'>·;;;~~~:~);~~1
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f>:
-Jq~-
,..'..,
1
f.
f
r·
t·
"
direct"ment prendre en ma1n. Le Parti Démocrate avait 1"
sympathie des autorit~s officielles,françaises, celles de
Paris et des représentants accrédités à Lisbonne. Cette sym-
pathie ressort amplement dans certaines correspondance", offi-
ci.elles
m~mp si Daeschn~r ~tai_t hostile ~ l'activit~ de~
j
rêf'ugi(:s. Ainsi,
le
lieutenant-colonel Bernard, attaché mi li-
taire de France, exprimant ses réserves et Sa réticence quant
i
.
aux appuis populaires des mouvements d'octcbre 1911', attribué
i
au Parti Dé~ocrate, écrivait : "On voit par la suite les
con.séquences que pourrait avoir une révolution s'appuyant sur
de tels 61éments. Le Parti D~mocrate, ardemment francophile et
qui a
toujours prôné une
participation active à la guerre,
nous
est certes tout à fait sympathique, ~rais il faut bien recon-
naître qu'en l'état actuel,
i l paratt être dans l'impossibilité
de mener à bien une révolution à son profit, c'est-à-dire au
o..... ().I~
Il ,,{cnule rte ces
que,
si les preuves forme-rI-es
d'un marchp quelconque entre les autorités officielles fran-
çaises et
les réfuffié5 portugais
n'ex1ste pas,
l'hypothèse
qU'·tm tel projet aurait été nourri an niveau officieux et des
gages pris, est envisaeeahle.
Le changement d'orientation de
la diplol1atie portugaise qui aura.i t
plané un moment J
après le
retour au .gouvernement des démocrates rte résulterait-il pas
des enga~ements pris par ceux-ci à Paris ? Il est hasardeux
d'y répondre affirmativement,
mais i l est également impossible
de dire non.
Il y a plutôt lieu de maintenir l 'hypothèse pour
élargir l'éclairage de ce labyrinthe.
(1) Lt-colonel Bernard, attaché militaire au ministre de la
Guerre. Lisbonne,
1fl octobre 1918. '1AE/SE 191~-;~9
Port1.;,;:','3-1,
nO 15.
'"; ,';, ; c: "~,',,;c.;:;;,~;;j}'~;;;'l
!
II - La Conférence de la Pa ü: et la problématique d'un
rapprochement du Portugal avec la France
La Conférence de Paris devait fixer les conditions géné-
raIes de la paix, procéder à la distribution du butin de guerre
car c'était avant tout pour les vainqueurs l'occasion de voir
se réaliser leur but de guerre. C'était donc une période de
:\\
recomposition des rapports de force entre grandes puissances,
1
!
et par cnnséquent, un moment très propice à un jeu politique
1
J
international.
,,'f
,.
L'état des rapports entre la délégation
et les officiels français,
les propos tenus d~ part
,
~·,.-;
1
.
..•·•.·.I·
et d'aut!'e.j les conséquences, au point de vue de la poli tique
f
extérieure portugaise du retour des Démocrates dans le gou-
,,1
, '.f.:~f
1
vernement,
constituent autant d'éléments nouveaux de discus-
'J
sion de l'hypothèse d'un soutien t'rançais au Parti Démocrate.
, r
"1
,1
1
'1q
gouvernement sidoniste à la Conférence de Paris
-----------------------------------------------
1
Le 20 novembre, une commission spéciale d'étude des thèmes
était nommée et commençait ses travaux. P~mi les points de
· ...".
-1c!!~-
rf~vpndications retenus comTT"e intéreSBant le pay~, figurèrent
entre D.utres
1°_ le problè'l1e colon] a.l comprenant d'une part l'extemd on du
Hozarnbique ~u nord, par la récuppration du petit terri-
territoire de KianG"- que l'A.lle'nù,a,-ne avait occupé en l Q9,Q,
et de l'autre,
la garantie de l'intéGTité de l'ensemble
de ses possessions coloniales
2 0
-
indemnisation
;
JO - droi'C 3. une Dartie de la flotte de Vlerre allemande.
Le 5 décembre,
la dél~gation officielle quitta Lisbonne.
Dirig~e par Egas ~orlis, ministre des Affaires Etrang~res du
gouverne;nent Paes,
elle 6tait COJllposée notamment du i.i.in.isLre
du Portugal à Paris,
Rodrigu~~z 13et·';èncourt, Freire de Andrade,
ancien ministre des Affaires Etrangères au mo~ent des première
tentativ~s d'entrée en guerre du Portugal (septembre-octobre
191!~) et Batalha Reis, ancien ministre à Pêtrnerad.
A la confér~"!'1ce, la d91?gation devait avo;.r t~L'm!le 1icne
de condui.te à suivre,
celle de toujours s c'est-à-di.re s'allier
à l'Angletprre (1). A'Jssi,
se rendit-èllé d'a.bord à.londres
se mettre d'accord qv~C le ?orei~n Off'icp sur un c~rtai.n nom-
hre de questions et obte'1ir l'assurance du 'loutien hritannique
A.ux dires d'Egas "Jonis,
le voyage à Londres fut satisfaisant
sur tous
les plans.
En revanche,
quand la déléffation revint à Pari5
le
J
20 décembre,
la situation qu'elle y connut fut toute autre.
(1) "Iams (F:c;as),
op.cit., ;'.171.
L'2.tmosphère à Pari.s était en effet tendue ..
La campagne rl.e
presse des réfugi6s du Parti Démocrate battait son plein et
allait lui porter ombrage.
La critique de la politique de
guerre de
Paes,
le
rait que
les r~fugi~s ~ient effectivement
organisé l'intervention armée du Portugal,
te-ndaient à :faire
apparaitre les délégués officiels comme
des uSllrpateurs.
Cette situation leur était d'autant plus insupportanle 'lue
la
presse pc,risienne,
prompte à ouvrir ses colonnes aux rérllgiés
ou à exposer la situation "chaotique" du Portuffal,
obsenra
un si.lence total sur les revendications portuguiseEll alors
qu'elle avait conEacré des pages à celles d'autre.:i nations
belligérantes.
L;,
frustr'ation sur Cèf point touchait à 1<:>. fois le,,; offi-
ciels et
les réf'uc-iés.
Les premi~I's att:ribltèr'?nt co ~ilpnce à
l'action de sabota~e des seconds, tandis que ces derniers le
consid~raient comme la cons~qu~nce du d6sastre qui r~su~te,
selon les t",rmes de Joâo :'::h2.gas, du triomphe de la r~sti' ~n
,
germanophile et de sa poli tique ct 'a~andon (1).
La car1pagne de preSSE des t:'éfugiés,
le
silencp de
la
pre!',;e française face aux reve:ldications portug-aises pouv'.!ient
s'expliquer parfaitement. ,'lai!' l'infortune de la d"16r;,'f.tion
portugaise se retrouva ér;alement au niveau des rapports offi-
ciels par la froideur affichée par les autorités eouvernemen-
tales françaises
(2).
Cette situation emmena Egas Monis,
cher de la d"lé~ation.
(1) CI~GAS (Jo&o'. Diario, IV, p.451.
'-'."',
à poser clairen'ent, au cours d'une entrevue avec Stephe"
Pichon.
le ministre français des Affaires Etrang~re9, le
7 janvier 1919, la question ci-apr~s : "Nous n'avons pas à
Paris, déclara "Ionis,
l'atmosphè~e de sympathie à laquelle nous
avons droit au nO~1 des sacrific~~ nue nous avons con~enti3".
" ••• Sincèrement, poursuivit-il,
j'aimerai'! savoir les griefs
que la France a
contre notre pays"(l).
A cela.
Pichon "urait répondu que cet état de fait ét,a.it
dû à la constatation e!1 france qUI> "dans l'actuel minist~re
figurent des personnalitps qui n'ont
jpmais soutenu la poli-
tique de guerre"(2).
"Vos prédécesseurs no'1S dont"laicnt des
gages, vous nous clonne" des mots"(J), rapporteàe son côté
Joâo Cha~as à propos de la réponse de Stephen Pichon. Dans
les deux cas,
le fond reste le m~me.
Une telle r.éponse était en ruptnre avec l'attitude adopte'"
depuis décembre 1917 par le gouvernem"nt françai.s. La. susr/S--
cion ?t l'égard 011 r~girne de P:l.CS n'avait jûmais étô l'objet
de
parf2illes dpclaratinns ou r6flexions r!e
personnali't;;6s
officielles.
Au contrai.re,
tout fut ~is Gn oeuvre pour pr~-
servel' le caractère cordial, bien que super'ficiel des rapports.
Certes,
la fin du conflit et par cons~quent celle cie ses
différentes exieences libéraient Pichon d'une telle co~trainte.
'~1ais il ne pouvait pas i[rnorer que ses propos constituaient
un désaveu, qu'ils conduis~ient en plein dans les luttes
internes du Portugal et lui faisaient pr.endre parti, en accré-
ditant les thèses de l'opposition réfugiée & Paris.
(1)(2) :OIGNIS (Beas), op.cit., p.2J2.
(J) CIL'\\r.AS (JO.:10), r)i;:~rio, IV, ::o.'~I~[:1.
~lonis cividem~ent rejeta 18.
l!nC'
injuste
aCClt~ati0n. Il Y -",-it une insinuat; on qu'il considpi'a commE:' un
affront au gouverne'11ent auquel i l elflpartenait, et répliqua
qlle le PortllGal est pntr6 dans la guerre non par la volont~
d'un parti,
mais parce que le P3YS tout entier le rlésir;,it
depuis que l'Ang"leterre a demandé le concours
(1). Le parti
sous-entendu ne pouvait ~tre que le Parti Démocrate,
le parti
des
pr~ctécesseurs du gouvernement Paes,
Relativement aux propos de Stephen Pi~hon, un autre élé-
ment pourrait entrer en jeu, constitué par le contexte inter-
nat"ional d'anta;;onisme franco-an;rlais à propos durl'!el ,Jesus
Pabon écrit
"Durant la guerre,
fa~e à un ennemi cornf!lun,
être a'111e rie l'Ang~eterre, c'était l'être aussi de la France.
~aintpnant, non, L'adversaire pliminé, dans le dé'11êlé di plo-
mntique des Alliés,
être du côté du l"oreign Office,
c'est Se
situer en opposition au Quai rI'Orsay,
compter avec rellfour,
c'est s'opposer à Stephen Pichon"(2),
Ln délégation officielle portuE:aise r"présentf' pn "ffet
::, la fois
le r;ouvernement Cl"e comh"ttent
les réfugiés qui SO'1t
sUI'posés être soutenus par la France et ont effectivemf'nt la
sympathie de Paris,
et,
sur le plan de
la poli.tique extérieur o
la li8"ne diplomatique traditionnelle d'alliance incondi.tion-
nelle avec l'Angleterre. i:t le voy;:ge à Londres en vue de la
préparation de la Conférence de la Paix n'est certainement paR
passé i.naperçu,
Or,
l'Ani>leterre est, (lans le nouveau contexte
la principale rivale de
la Prance en particulier dans le cadre
(1) '!()~iIS (E;,;as), op,dt .. p.2J2.
(:?) f'A13Q~ (Jesus), op.cit., ryp.'~rO-'~p,l
~j;;'i;:'.::;i~i,::·:.•· '''-"'''~ r,
J "
1;.iIf,c::J\\~, _. -; -.. ;_.; -;.i- -,~ ·'V;.-~~....~.">.,,w;,.;..... "'--'~_'h'
rJu l'~rta;3'C OLt butin dL' Guerre
~ ~€tte corlf~rcnce.
Pichon Qxpli~lJC cc~tcs l'attitudr françoi~e par la poli-
tique de guerre du ~ouv('rne1Icnt sidoniste. ~'ais en le f.?~isant,
il repl'end les th~mcs de propagande et les griefs de l'oppo-
8ition. AllESi peut-on se demander dans quell.c mesure sa
réflexion ne
trahit-elle ;>"s une pol.itique di.s,imulée clans
le s m6and rc: s dA} (
Tlouve.:.l,u contexte intern;).tional.
1.1hyp0-
th(.'c,;e '111e
la. France ait nourri un moment
l'intention de se
faire U71e place au rortu~éll, et donc aux dépp:1s de l'Anrrleterre
e~ SE' servant des ré.f'uc3'i6.s et du Parti Démocrate. ou bien
qu'eJ.le ait apport6 son soutien d'une mani~re ou d 1 une autre,
011
aCCeIJt~ des avances qttelconques, deviellt tr~3 plausible
avec
J '6voJlltion ult&r'ieure des 6v~nemcnts.
Les luttes politiquC'::; ouvertes par l'assassinat de :-'aes,
~pr~s ~ps p~rip~ties, ~~~ouchbrent deux ~Oi5 plus tard s~r la
formation ct "In (,:ouverncment de concentrati0n r0pllbH caine.
Le
Parti D~nl0crate revint par con~6q\\lcnt ctans l'orbite dl! POllvoir.
C'est ~ 18. .suite de c~ retour que se SCrél1.t PO$0 au ~eif1 du
cabinet,
la '1ue~tion de la modificatiDn de la tnctique suivie
à 1~ Conf~rence de la Paix et de façon e~n~rale, de ]a modifi-
c"tion de
l ' ori"ntation cle }" rlirüomatie rortu:;ai~e da'lg Il'
!'. - -
':
'
-', -."., -.'.';:'--""">:~~:.··}'!-'~';;i·":"·""ôf-':'."".
"" .."- .,,.:... -c";'-':.,~
-),'19-
sens d'un rapproche~ent plus intime avec la France aux dépen~
de l'Angleterre.
Une telle modification, au cas où elle aurait été effecti~
vement envisagée, pourrait bien être la confir~ation à poste-
riori de l'hypothèse qu'un jeu s'est noué à Paris entre les
réfugiés portugais et les milieux politiques français.
Il est difficile de vérifier l'existence de ce projet d'une
modification de la politique extérieure, que seul révèle
Egas Monis, dans Vm Ano de Politica (1), ouvrage répondant
avant tout aux préoccupations de luttes politiques intérieures
du Portugal de 1919. L'objet du livre, selon son auteur, était
d'apporter une contribution aUX débats ouverts, à partir de
l'été 1919, autour de la participation du Portugal à la guerre
et à la Conférence de la Paix, en rapport avec la sittmtion
poli tique interne depuis décembre 1917. La recomposi tion de
..la délégation portugaise à.la Conférence de la Faix, en faveur
,·C"'" ....•.• . . . .
.. . . . . .
des réfugiés, rend cependant tout à fait possible l'éventua-
lité qu'un tel projet âit réellement existé.
Le passage du gouvernement hérité de Sidonio Paes au gou-
vernement de concentration républicaine fut marquée par trois
faits majeurs déjà évoqués en partie: 1 c _ la formation de la
junte militaire du nord, d'inspiration monarchiste et en oppo-
sition ouverte au pouvoir central ; cette junte tenait la réa-
lité du pouvoir dans le nord, nommant et révoquant les auto-
rités administratives; 2°_ la rébellion de Santarem (12/iJt9UJ
"': ..
(1) H0NIS
(Ecas),
op.cit.,
PP.J9='-J9J.
- .
...
j
' -
qui fut une r6ê'-'.ction républicaine aux concessions politique~
faites à la junte ,nilitaire; JO_ la proclamation de la
Mo~archie à Porto, le 19 janvier 1919, suivie du soul~vement
monarchiste de Monsanto prbs de Lisbon~e~
rour combattre la r'bellion de Santarem, qui constitua ln
pr\\-~lnière épreuve de force nuquel il eut à faire face,
l(~ eou-
vernement sidoniste dirigé par Tamagnini Barbesa s'appuya sur
les forces monarchistes dont la junte du nord était l'cxpres-
~:
f..:
~.
sicn organisée~ qü.and une semaine ûprès] les monarchistes
pasc;èrent à l'a.ction. en proclamant la monarchie à Porto et
en occupant Monsanto.
près de !,isbonne,
il dut une fois de
plus,
nouer toutes les alliances possibles.
En effet, la r~hellion monarchiste :le fut vaincue q11 ' avec
,
le soutien et l'action non seule~ent de coutes les forces
r~publicaines bourgeoises. u!ais altssi de cel~ des orgnnisations
ouvri~res, syndicalist~s et sociali~tes~ Quinze ~ v~ngt mil.le
. .
.
. , . ,
..
, , \\
C1Vlls vàlont;:'"lJres se
sera1ent presentes pour etre ar'pf'S
ll,I
et ~ la marche sur ~~onsanto, rarticip~rent aussi ~ien les
unités de l'ar~ée réGUli~re qu~ les colonnes de combattants
civils
(2).
Le gouvernement se trouvait dès
lors contr.3,int de,
c~der devant tous c~ux qui ont mi.s en ~chec la tentative de
restauration de la monarchie.
La défaite des !T'anarchistes au
Monsanto,
écrit Jesus Pabon à ce sujet, siGnifia la disparition
de la tentative de maintien du sidonisme au pouvoir (3).
(1 ) PA BON (Jesus), op.cit., p.I·~36.
(2 ) Idem, Pl 4,'+0.
(3 ) Idem, p.r"!~5.
-391-
Le cabinet Tan13E;nini I3arbosa fut donc remplacé par un
ministère de concentration républicaine,
présidé par José
Helvas,
et qui compta toutes les nuance.s tiont les démocrates
et,
pour la premi~re fois,
un socialiste, Augusto Diés daSilv3
au ministère du Tr8.vail.
La formatiun de
ce ministère était
le prélude au retour du pays" l ' "Ancienne République".
~·lais surt out, au point de vue intcrnati anal, la fo:t'ma tion
du ministère de concentra.tian républicaine consacrai.t le
retour au POUV01J:' des d6r~ocratesJ considérés comme soudoyés
par la France. En effet,
intervi nt,
à parti:t, de mars, une
recomposition de la délégation portugaise à la Conférence de
la Paix. De l'ancienne délée:ation nommée au temps de Si.donio
Paes,
i l ne re3ta que
trois
mem~res, maintenus ~our'des rai-
sons techniques.
La nouvelle délégation présidée par Afonso
Costa comprenait Augusto Soares,
Norton de :~;;t.tos, Joâo Chaeas,
Teixeira Gomes et
J.es
trois
membres de
l'ancienne d616gation
Freire de Andra,te, Batalha neis et Santos Viega (1). Cette
modification ' t a i t manifestement l'expression du retour en
force des d~moerates sur la sebne politiq•• e. Avec AfonbD Costa.
Auzusto Soares,
Norton de )i!at 0.'3 ,
Joâo Chagas,
c'était la nomi-
nation,
en partie.
de
l'ancienne
pquipe de guerre.
f·
•
Avant que cette l'ecompcsition n'intervînt,
se
serait manî-
festé à l'intérieur du cabinet portugais, une tendance en
faveur d'un rapprochement plus intime avec la France. Egas
;'!onis l'aurait appris d'une conversation qu'il eut 'avec Jo,Î.o
Pinheiro, membre du co.binet Relvas au poste du ravitaillement,
(1) :!O,US
op.cit.,
p. :397.
, ~'
et de passage à Paris (1).
Il fit alors part de son opinion
au Président de la République (2 ). Le sujet l'inté-
ressait particulièrement en tant que cheL' de la délé,-;ation
portugaise à la Conférence de la Paix. Toute la stratégie de
cette délégation était bâtie sur l'aJ.liance avec l'Angleterre.:
le soutien britannique lui semblait la seule garantie de
succès des revendications du Portugal. Aussi, envisaeeant et
analysant la question du rapprochement L'ranco-portugais sous
l'anele des exigences de la conférence, Eeas V;onis dans une
lettre au chef de l'Etat portugais, écrivit notamment
nous 3.vions la France de
îaçon rlésint:éressée à not:re côté,
nous n'obtiendrons rien de plus. Et si nOlis nous lions à elle
d'une ma.nière plus
ostensive,
nous pourrions seulement rnain-
tenir cette situation, abandonnant parfois dans" les votes,
l'Angleterre
pour passer à ses cat~s".
"Je dois infor:ner votrl' fxC'ellence qu'à plusieurs reprises,
ces- deux pay·s,--···su-rtout dans les commissions,
ont maniît?sté
des manières de voir diL'férentes et défendu des intérêts anta-
goniques.
Seule
l'orientation angla.ise est celle qui,
d'une
manière générale est plus en accord avec les intérêts de notr...
pays,
indépendanunent des désirs que nous avons toujours mani-
e
festés aux délégués angla.is de leur être agréables" •
"Si noU"; changeons d'orientation, désirant être aux côtés
de la France,
nous créerons une situation douteuse qui aurait
pour résultat, l'abandon de l'Angleterre. Pour cela, nous
avons toujours marché aQ~ côtés de notre alliée et avec l'avan-
(1) ~O~IS (Egas), op.cit., p.J97.
(?) Td€'r.1,
:J~4J?J-J9'·+.
taee manifeste pour nous. C'est cette orientation rie politique
internationale que moi et la délégation avons suivie et c'est
l'unique qui nous convienne.
Nous d~sirons de bonne relations avec la France. N~18 les
avens et essayons de les maintenir et même, de les améliorer.
:-lais jamais je ne pensais faire,
ni ne ferais avec ce pays
quelque rapprochement qui déplairait à l'Angleterre. Nous
entrâmes dans la guerre, aux côtés de notre alli~, nous reste-
rans à ses côt~~ à la conférence ...
En résumé
altérer l'orientation des travaux de
la délé-
gation de
sorte à froisser notre all~J, si l~g~rement soit-il,
'o;t"
sera une
très mauvaise tactique dont
je he puis porter la
respons abilité"(l).
Trois Jours apres avoi.r exprimé ce point de vue, ~~onis
reçut un télégramme l'informant de la modificat:i~n de la com-
position de
la délégation à la Conférence de la Paix.
Les
considérants o:fficiels de cette 'nodification invoquent le rôle
joué par Afonso Costa et Norton de 1'·latos dans la participation
du Portu~al à la guerre, et dans les conférences internatio-
nales précédentes et, enfin,
le fait que leur nomination "tait
une nécessité pour le bien de la politique intérieure et
extérieure du pays.
Si cette modification de la délégation est avant tout le
résultat d'un chane;ement de ra.pport de forces à l'intérieur
(1) nOI\\'IS (Eiras), op.eit .. PP.J92-J95.
,...•• :"', ..
.;
" , : ',' ,. ,"
du cCl.binet portu,::8is 0;1 faveur du Parti D[,tnocrat". elle pour-
rait être par là-mêmE' la confirmation de l'existence effective
de la tendance à orienter la diplomatie portugaise dans le
sens cl 'un rapprochement avec le) Fr8.nce.
La lettre dl' "onis au
!"'rh'iclent de la R~publiqUE" antérieure ~l son remplacr:ment à la
tête de la délégation ~emble authentique. La nouvelle dél~
ail
gation est constituée
majorité de réfugiés,
sur lesquels
planent toutes les hypothèses quant 11 heurs activités et à
leur rapport avec
les ~ilieux officiels et non officiels ~
Paris.
Ces 6l~ments peuvent n'Jtoriser à soutenir que ce projet a
:i
:. t
effectivement ;>er'1lé n un mO,""Pl1t donné au sein du cabinet portu- .,1
gais de coalition.
La Confér('J1ce de la Paix étaI"'t le principal
élément de politique extérieure, et par conséquent le terrain
privilégié d'application de
la n.ouvelle orientation.
Or Egas
:!onis n'étn.it pas 'tJien pl~c6 pour porter la resp0f!sabiJ..ité (~.e
cette politique. I l en réfutait la justesse.
E.t surtout J le
climat de ses rapports avec les officiels français en tant que
personnal.it~ repr~se~tativp du r6eime d~celllbrist0J le fnit
d'avoir por.té l'orientation diplomatique traditionnelle,
le
....
rendaient inapte •
[
1
En revanche,
avec la nomination ct 'une nOl'velle délée;ation,
tout étai t
possible. ~:ais dans la mesure 01' la nomination de
la délégation nouvelle procède d'un chancrement de rapport de
1
1
force en faveur du Parti Démocrate,
le choix d'une orientation
de politique extérieure ne peut qU'être le résultat de la même
influence
;
le rap;:>rochernent franco-portugais évcqué pourrait
,<,'-.
.....
'ci ',_ ,.'-:
':,',
. e;__ .-,
'fd;;'8';Y':;';~':'.
-J95-
i>: .
~.
?
tj.7·
l
~
{,
bien être la première manifes tation d'une pol i tique extérieure
avancée par les Démocrates, c'est-à-dire par des "amis" de la
Franc~:.. en échange du sou.tien reçu.
Il nou;; est impossible de vérifier pour des r:l.isons pL'é-
citées la ligne de conduite suivie par la nouvelle déléeation
~ la Canf'rence de la Paix. du moins ce qu'il en restait,
"
"
Cependant,
lBS éléments passés en revue,
entre autres,
la
présence de réfugiés à Paris et la transformation de cette
ville en principal cen~re de leurs activités à l'extérieur,
;~
.
1~5 r~lations maçonniques, la lettre de demande d'audienc~ du
Secrétaire du Co~itp. France-Portu~al en raveur d'Afonso Costa,
les termes d'''amis" ~. la France r6gulière'Tlent usités par des
officiels français pour désirrner les fTIf?!ilbres du Parti Démo-
crate .•• nous conduisent à maintenir l'hypothèse que, clans
leur lutte contre Sictonio PD,es,
les réfUGiés portui~~<3i.-· ("lnt
noué des relations avec des mi.li2:\\.L"'C politiqu(k,~
P1'ot~ ~-du
i
Dans que ll.es me Sl..lre s
le s parnle s de Stephen pichotl re
trahisse~,t "u ne cachent-elles pas la r~alité des rapports
='"
entre des milieux gouvernementaux français
et
les réfugiés
portuITais à des fins de luttes politiques au PortuGal? En
tant que chef de la diplomati~ française duran~ cette pdriode
et repr~sentant de la maçonnerie d'un pays d'Amérique Latine
aux conférences maçonniques des pays alliés et neutres
(1).
(1) Voir ci-dessus,
2èMe
prtrtie,
Chapitre V,
le passaf~c I-2,
"Fai ts et
thèmes de propagande" .
./-,
,.- .... ~..
.-,- "-
"
~~1~\\~::.!~'_'h 7"".:f".t~,:: :':'.,:"
", ,.:
~~:·.~-:;;:~'::r~.;;:t-,.;:c.;:,· ~':';, <:i.i-:t.\\' ,"'~':;<""'-.'
-.J96-
Stp.phen Pichon pourrait dVOlr' d~velop;:>é des relations rendant
pos~ible des ouve:t·tures sur de tels sujets
aussi,
comme
Jesus l'ab!)n,
nous pensons 'lue cette )1age des rapports poli ti-
ques et diplo~atiqueR est encore ~ 6cr5.re.
:~ais, en même temps, s'il est possièlf~ que l'idée- ct1une
CJctian de la F'rance au Portu8'2.1.,
et s'appuyant sur les Démo-
crates ait ~té- caressée et ~nvisaGée, il y a Jieu de sDulignp.r
que les conditions de sa ré31isatinn étaient frngl1e5.
JI
aurait fallu pour cela 10 ~aintien au pouvoir pour llnc lo~gue
période du Fnrti Démocrate,
ce que l'expérience politique du
Portugal et la ~itu3tj.on d':1lors rG!1d3it pt~U prcb2.ble. ~~ais
surtout,
pour 1. 'ensemble dps classes f.omina.ntes du Po::::t1..~(;al,
l'alli:lnce avec l'Angleterre dCl1eUrël.it eS3cntielle.
:'~al,::rr la
nl~fiance ~veill~e par les accords secrets ~nglo-nlJ.emands
q'avant-guerre,
cett:e alJiance n'Gn continuait l)a~": Loin::. :1
consti.b)".~r une g~1rantie rlu maintien .-!f\\lS possessi.ons col0.d.alf·s.
+
Cet 6pisode fut par cons~qucnt bientat d~pQss6 avec le
retour du rortllgal aux anC1ennes condil:ions cJe V12 politique.
L'attitu(\\e de la France dès lors tendit à maintenir dans ""
pays les moyens de lutte contre le bolchévis'lle, à apporter s"n
appui ct exercer son action en vue d'une situation d'ordre.
P8r
ailleurs,
les conditions économiques qui auraient pu permettre
d'évincer,
ou tout au :no1.ns d'entamer la prépondérance de
l'Aneleterre n'existaient pas. A peine la G'Jerre était-elle
terrrl':i.né~ 'lue les dif.fj c111t0sr0a;1P8rQrent d;l:1S lE~ 0chan.,,:~s
CHAPIT;œ, II
-
L'CCO:Wr1IE DE PAIX
:
lES DIFFICULTES DE
REALISATION DES VISEES DE LA FRANCE AU PORTUr:AL
.ET lE RETOUR A lA Sn'VATION PRECAIRE D'AVANT LA
c:lJERHE DANS lE DO~LUNE DES ECHANrES C0YYERCIAUX
La question de l'~venir des relations économique
;.",
entre la France pt le Portugal avait été l'un des thèmes de
propar:ande dans 1", célébration de l'amitié et ,'e la coopéra-
,
tion entre les deux pays, dans le' cadre de l'Entente.
tes cir-
constances créées ~ar le conflit avait ouvert des perspectives
et permis un d,!,veloppeMent de .. échanges économiques. Le
Portugal avait vu ses ventes en France atteindre leur plus
cette
,
haut nive,'>.u ; et r:leux produits-clô de
~x:pQrtation portuMi.se,l
1
treint avant la ~erre bénéficièrent particulièrement de cette
évolution. Quant à la France, elle voyait dans l'élimination
de l'Alle~agne au Portugal, des possibilités de redressement
de sa si tu",tion commerciale et de manière générale,
le renfor-
cement de sa présence économique; elle avait,
à cet effet,
procédé à des bilans de "H'S propres pratiques commerciales,
de celles de ses rivâles, principalement de l'Allemagne, et
engagé diverses initiatives.
Qu'allait-il en ~tre dans les faits,
l'id6e
répandue au cours de la guerre par la propagande commune,
qu'un~ ~re nouvelle ~tRit ouverte dan~ les ~cha~ges ~conomiq11e~
~1~,~~+:;:,:"'.::,,.,.
. _'.,
- 'f-'
""',
"J9<1-
t,
~;.
ttr
•i
entre
les deux pays? Les obstacles aux échane;es c'Jrmnerciaux
;:~.
\\"
allaient-ils être surmontés? La r'rance allait-elle pouvoir
:"->
~.
l
rtaliser
~.
se~ ambitions, c'est-à-dire une percée dans l'écono-
.,i~
mie portugaise Bn s'appuyant sur les
positions
et
l·i.nfltlence
•
.'
acquises durant
le conflit?
L'évolution de l',.,près-gue-rre allait
a.~","~ tQ/
Ol'~\\'t\\...tel.Les échan~es économiques, commerciaux principalement
allaient conna.ître un cours imposé par les dures r';:alit';s
de l'après-guerre.
Ils all?-.ient êt-re marrpH!S, durent la périone
1919-19~ '1 par des difficul t6s rpsul tant d€'s
exig€'nces
écono-
miques de chacune des <ieux n2tions,
de
l'Dcc~l~ration des
diffi~ultps 0cQno;'!1iq1les ct financi~res du Portup,'al, enfin de
l'âpre concurrence entre
les puis51a.nces industrielles dans
l'6c n nonlie portugaise
dan~ une conjoncture internationale
j
défavorable.
N;
Les d.eux pays,
non <;euleonent ne parviendront pas{ j
.,
à conclurp. un accord çnmme:t:"ciaJ stable, rér::ulari~ant les
€chanr;es
cOT'!-(r71erci::lux)
lTIa].s
se
livr'?-ront quasi.'tlp-;}t une
P;:1.1(!rre
des
tarifs,
",lternant le recours aux expédiE'nts des <lccorns
provisoirps
pour éviter la. rupture
et
l'application de tarif5
maximum et prohibitifs;
la
P'rancp-,
en outre,
rencontrera des
li"lites à ses ambitions dans d'autres domaines des relations
bilatérales dont l'approchp- révèle
toute la difficulté à
retracer l'histoire des relations économiques de l'après-guerre.
l
- Les difricult~s de r~ali3ation des vis~es de la- France
à trQvers guelques données des relations pconomiques
de l'aprèS-guerre
1 -
~~_rE~~!~~~_~~_!~_!~9~~~~!~~~_~~~_~~E~~!~_~~~~~~!=~~~EE~
et des dettes de guerre du Portugal
--------------------------------~--
Avec la fin des hotilit~s, se posa le problème de la
liquidation d'une part des vieux contentieux financiers en
suspens et souvent aggravés pa.r ce'r'taines mesures
des autorités
;~ouverne~entales portllg'Aîses et, de l'autre, l~,c; dettes de
{,;,..erre. La perte des valeurs françaises dans des pays ptranrrers
- ,f
en particulier en nussie,
à la suite de la n4volution Bolché-
vique, sembla avoir joué certainement un rôle dans la d~ter-
mination aV8C
la.quelle
les
rentiers
français
~oulev~rent
auprès
des pouvoirs
pubJic5 J
aU
lendemain d~ 13 p;'UeT."~.e;, le
problème de leurs intérêts.
La plupart de ces avoirs qui ~taient constitués de dettes
publiques
(emprunts municipaux ou d'Etat) et de place11pnts
priv~s (conpaenies à Chartes dans les colonies 011 en ~étro-
poles) citaient en perpétuelle souffrance. En effet, si la
Compar;nie des Chemins de Fer PortllP,-nis Ibt la Compap,-nie des
Tabacs du Portugal continuaient à assurer tant bien que mal
le service des int~rêts, il n'en fut pas de même de l'em~runt
Don >liguel. de l'emprunt 1886 de la ville de Lisbonne ou des
obligations de la Compagnie de Caz de Porte.
.-, ~;
·.. '!~0-
RelativemE'nt il l'emprunt Don '1.i,:;uel ri'~i date de 1")6,
le
gouvernement portuffais continua comme par le pass6 A ne paS
reconna!tre la dette. Quant à l'emprunt de la ville de Lisbonn~
cp. ne fut pas une question de reconnaissancQ,
ma.is
l'impo~-
~ibilit6 d'y faire face. Les coupons des abJirationR d~ cet
emprunt, émis en 1.q86 par l? Banque du Cn'77l~erce et de l 'Indus-
trie de Darmstactt et souscrit par des ressortissants français,
devait être payé selon les stipulations du contrat, ('n !1'0nnaie_
or portugaise. _"1ais
les presc;;ions des associ2_tions OP. porteurs
français ne d~bloq'Ieront en rien la situation command~e avant
tant par les diffi.(';ultés .fin3-ncièr0s et la .~itl'etio!1 firiuciairc
du ?ortu~a1. Les ob1i~8ti()'"1s de Ip.. CQmpi1~-r!1ie
des c: n. 7, de :-'orto
ne connaîtrDnt P'?:.S
un sort meil.lc-'ur ..
?rpl13.nt pC1-lr pr0texte
la mauvaise 'lualit{~ du 13'37. ÎOl.lTni
p.a.r la C0::I·!)a{~ni.e, la :"1uni-
cipalit6 l'av3it cxprcpri.~e en 1917, et pris pos~essio~ de son
'explai télti on.
L'expropria ti on 6tai. t i n terve nue- sans indcl1ni-
sation,
t<J.ndis que 10 servic~ ctes obligations ~~t;:d.t 511,r;:;ncnrhl.
La persistance de
ceS
contnntiellX s'expliquaIt cn r3rtie
pa;:- la si tua ti on mon~~t2..ir~ et fin<.:.nc iè.l'e cri tique du Portu[~a1 ..
ne permit [JA3
également an. l;ouvernement de ce
pays de faire
face
aux dettes de Ruerre dU€8
~ la France.
La dette de guerre du l'ortug-al ét<>it une des questions
relative l
la liquidation des relations de guerre.
Source~ : ~:inist~re dps Affaires Etranff~res, Note pour le
servic~ français rte la SDN (Documenta.tion sur les re,vendi-
ca +
.. '
+'
•
•
10ns
Lrança1,fic5
P t,Plbl 'le •a.
l '
.
occaS10n d ' une "
d
L~eT!lan e
dl assi stance financière ad."r-c.sséC' par le ô"0ttverne:nent pr,!"-
tU,'3"~if;). ~8.ris, 1er ff-vripr lSI'1A. t\\î'J~·/r'";O leJ.5.
-.
'<-'.
En décembre 1918, fut ~is sur pied un bureau franco-portuga~~
chargé d·~tablir la créance de la France sur le Portugal. V'_,
que des cessions françaises faites au Corps Expéditionnaire
Portugais ~taient ~ la charge de l'Angleterre,
la cr~ance
s'établit en trois rubriques
(1)
1~- la v81eur totale (J millions et demi de francs envi:'on·
de~ c~ssions de mat~riels ~i.litaires et ~'autres prestation~
fai tes au CAL?
(Corps d 'Artilleri e Laurele Portu~aise) qui ,",cr-
vait dans l'armée f:rançaise,
mais qui,
conformément à la COn-
vention Norton de 'Jatos-:'aul Painlevé du 17 mai 1917. était
à la charge du gouvernr;ment portugais
2 0 _
la valeur des cessions de mat~riels aéronautiques e·
de lutte c1ntrc
le~ sous-!narins, n~ces~aires à l.a d~fBnse d'1
territoire continental pendant la l';u('rr,,
)0_ enfin,
les
cessions faites
apr~s l'armistice_ Il s"l~it
d2~ns le dernier cas, du matériel dp la basf' 0_ 'hydravions re!"1-
dus inlltilis8.bles par la 5upprec;.:=;ion des mesures de surveil,-
lance: -établie
pa.r la m~rine fri:lnçaise sur les côtes du
?ortu~al ; J.a cession qui avait 6t~ ~aite au lendemain d~
1 'armisticp,
par un 8ccord intt~rvpnu ery.tre
l~ li~utl?nant-
Larrouy et le gouv€'rne p1ent portu?:'a-J.:3 portait sur
1.192.700 francs payables ~u com~tant.
Cependant,
aussi bien en ce qui
concer~e 1eR cessions
effpctuées au cours de
la frHerr~ que celles faites postéric'.l-
rement à l'armistice et pour lesquE'lles
le
chef' de
la missiJ'n
financière portu~ais(' en France avait formellement accepté ~,l
(1) Sources : R<:>pport du Contrôleur, chef nu service Inter-
minist~riel rtp~rl6~'en5es ~ l-Etranger, aU mini~tre d~s
l'l·n-ne
cl
.... '"
1 l - ' I ' l ' c
,\\:":.' •
.D,
.;:::), .
.Je;...
1"
~"
'" "
A
..... '"'Jf"'l
C'I·L\\ .'C-''''
.4~'--v.~)
/-.~"
1"'
"-_.
:;j;~}1:~~~~;tt~%:-':~~;'R~h::~":'
::c:;~)::,.~i'f"Y;~~J!3#'?:C;'.:f~::';·;$~'.i'l~f·-.
-hn2-
stipulation pr6ci,~ant ]" paiù''1ent au comptant,
le Portugal se
montra mauvais
payeur.
Les 199.997 francs
(sur 1.192. 000 francs
des cessions postérieures au 11
novembre 1918) versés au ]en-
demain des pre~ières réunions de la commission mixte, allaient
constituer les seuls paiements effectués par le C'ouvernement
portugais. De
l.a m~me ~anière. l'activit6 de ],3 mission ne
put aller nu-delà de- ceR
rr0r'!'1iers
travaux qui permirent d'éta-
blir tout
juste 1" montant de
la dette.
Par la suite,
la
mission fut retirée de France.
Les ::"utorités portur:aises, dès
lors,
soit donnaient des réponses d·attent ....
soit n'en don-
naient pas dl! tout
(1). 2n l'absenc D, dans l·jrmnédiat. de
CO!"1mande imy>artante de matériel IT'ilitaire de leur part -
ce
qui aurait pu off"rir une occasion de pressi.on -
le gouvern2rnpnt:
françaiS dlJt de ce fait se r~signer,
•
de telle sorte que,
jusqu'en 192 1:,
la question n·éta.it toujoltrS pas réGlée.
Fonds pu~li~s et priv~s. dette~ d~ ~lerre non r6gl~es, 1~~
difficltltés de recouvrement des dDttes ne furent pas les
seul.es {lue rencontra la France dans
ses rel.ations ~conomi(~ues
3vec le Porturral.
(1) Le contrôleur chef de service interministériel des dépense~
à l'étranger à !'1onsieur le ~'1inistre des Finances.
Paris. 6 mars
192J. SHA/8N 12.
'}
-
Les di verses
initia t i ves de la France et leurs limi tes
~~_!~_~~~E~!~!~~~_r~~:_~~_!~~:~~!~:~_~~_~~!~:~~!_~~:~:
~~!~g~~_~!_~~_!:~~l~~~=~!~~~_~~~_!E~~~~~_~~_E~~!_~!_~~
l'arsenal de Lisbonne à la cr<Sation de
la SFECTA
------------------------------------------------
Des initiatives, de la part de
la France, vont Itre tent'es
dans
le sens de la concrétisa ti on de la volant' <lffir:n8e p€n-
dans
la g'uerre de se faire 'llne place dans l'économie
rortu-
gaise.
Ces initiatives
ne seront paS' forcément
le fait des
structures mise? en place durant
la guerre comme le CO'l1it,i
France-Portugal dont on n'entendit plus parler dans le domaine
~conomique all lendemain du conflit mondial; dan8 l'essentiel,
ces
i.nitiatives
apparaitront
~ l'occasion de projets n~s au
.,
Portugal et ayant parfois,
de
surcro'tt,
une
importance
stra-
tP~ique, soit en tcr~e strictement économique, soit eécpoli-
tique.
Le
premi(~r do'n.';-l i ne
celui de l'a~ronautiquc. Les perspectives de d~veloppe~pnt de
ce secteur s'étrlien.t élaT.'g'ies ;'lU lende 1nain de
la e;uerre
multiplication des r8,ids aériens rendait en effet
pro.""tteur
l'avenir de l'aviation civile dans le domaine commercial et
f'0"tal.
Le Portugal allait se trm.ver sollicit~ par les pays pro-
ducteurs de mat~rie] en raison de l'engouement que connut
l'avia tion civi le qui rûprésentai t
un marché potentie 1...
L'intérêt porté à ce pays se manif'esta s',rtünt à
,"
l'occasion du projet de travûrs'e de l'Atlantiqu~ ver" le
Brésil.
Ce
projet,
np 8U cour'l.n.t de
lfann0p
15'19,
SOlLe:
l'influpnce
du ~llccès du vol des ::l..viatpur~ ar~Éric~in!3 ('ntre
ouvrit des cr6dits à cet effet (1).
Le
succès des .\\''1f-ricains, ;;'ais f-~zal~~rr('nt des BritnnniquC's
qUl ::Jvaient relié
rerre-:~euve à IfJrl3.rK~0 lp~ ;r]ettaie11t en
position de
~Qrc~
~ffet et portèrent rar COnS0C1l.lCnt leur fcnn:"ur ,<:;~).r rle,,,,, (1r~~')ô,-
La France
qui aVQit
aCC111is Url"';
inÏluence
i'"!1port2ntp
rour
avoir joup un raIe essentiel dans la cr6ation de l'aviation
!"'1ilitaire porttl':3'niSC
pendant
13 I~uerre (frJ\\.lrniture rt~ m,'1t~rie]
et formation cle pil<>tes) et dans la défense des côtes de ce
pays contre l'action des sous-mari'ls allemands, entend"it ne
pa5
~tre en reste et tenta de ~pttre ~ profit cRtte posit~on.
~~lors que le ~ortur:al n'8.vait pté sollicité, (~r.1.".ce ql~~.:L.,..,Ç_Q_~_~Tn~=--l
les propositions, que p"r l'inter1'pdiaire dl'S 16g"tions et
des att2ch~s co~~prciaux dps dellx pays pr~cités, ].~ rr~nce,
quant à elle, dér1cha à Lisbonne le lieutenant de Vaisseau
Larrouy, ~ncien commnndant du Centre d'A~ronautiqup mDritime
ct 'Avciro.
Selon le rappox't de mission de
ce dernier,
la d6cision
d'acqu6rir des appareils britanniq,œs aurait ~té d~j~ prise
lorsqu'il arriva ~ Lisbonne. C'est alors que son intervention
Rurait contribu~ i
remettre en qupstion cette option ;
i l
(1) D30Schner ~ Stephen Pi.chon. Lisbonnn, 20 juin 1919.
'::'\\E/SE
191q-~9. Portllo:al, nO'tlJ.
r•.o.'.;.•.'.'..""~~:.,."<.,"'-
aurait convaincu les aviateurs portugais et en particulier le
responsable de l'organisation du raid, Saccadura Cabral, que
le meilleur choix pour eux était celui d'appareils qu'ils
connaiSSaipnt
le mieux (1).
Ce faisant,
i l mettait à profit les positions acquises par
la France dont le "1atériel volant était, pra.tiquernent,
le
seul auquel les aviatl".'T'S portue;ais s'étaient
jusque là
exercés.
La question était d'importante. La fourniture de matériel
pour le raid représentait en so~ un "'arché insignifiant qui
n'aurait pn5 nécessité un tel effort. Son importance r~sidait
cependant dans le fait que Je choix d 'UlI appareil rcpI';sentè >.
pour son prod.'cteur une énor",e opération publicitaire en cas
de :t'éalisation de la traversée de l'Atlantiq'le' du Portugal au
Brésil.
~~ais surtout, c'était obtenir une position de force
.. pour investir ultérieurement le ma.rchp de 1_'a~rQnau1=-igut7::_::'~_,,
__ç,~ .._.
",ili taire et civile et contrôler éventuellement c(~tte dernière
dont le r~le dans le domaine co",,,,ercial et poi"tal s'annonçait
clairement.
Consid~rant la mission de prospection que devait
effectuer Saccadura Cabral à Londres et Paris,
Larrouy écri-
vait que, de son issue, dépendait assurément
la clientèle
aérienne au Portugal et dans les pays d'A!l1érique du Sud
(2).
En dépit de cet effort,
le marché pour la fourniture du
(1) Rapport du lieutenant de '[aisseau Larrouy au !<1ini.o;tre de
la Marine.
Lisbonne, 20 juin 1919. smI/sSEA 15J.
(2) Rapport du lieutenant de Vai,;seau Larrouy au ministre. de
la l'1arine.
Lisbonne,
20 juin 1919. SlL'J,IS8EA 15).
,:.•.'.VI.'.it.."trtt
matériel volant pour la li,\\Ïson Portugal-Brésil - qui n'«ura
lieu qu'en mars 1922 -
échappera à la FL'ance. Pourtant, c'est
à bord d'un hydravion français, un Bréeuet XIV A2 que, dans le
cadre de la préparation du vol projeté, Saccadura Cabral et
ses coéquipiers réalisèrent le premier exploit aérien portu-
gais en assurant la liaison du Portugal continental avec
~:adère en rlk'1rs 1921 (1). :.:ais ce fut à bord cl 'un apparei 1
britannique, un Farey 17 qu'un an plus tard,
~e fit la traver-
sée de l'Atlantique vers le Brésil (2).
Il appara!t que des intérlts français se sont intéressés
par la suite à l'organisation de l'aviation civile portugaise.
On citera pour mémoire la polémique qui eut pour objet la
publication en 1923, par un citoyen portugais, José Font"s,
au nom du Comité d'Etudes Francc-PortuEal (différent du Comité
France-Portugal créé pendant la guerr,,), d'un fascicule
inti-
tulé
: Aviation commerciale - Travaux de propaeande et étude
pour son organisation (3)-.
Le fascicule contenait notamme-nt··-
un projet de convention au terme duquel (article 1 du projet)
le eouvernement portugais accordera,it "au COMit~ d'Etude
France-Portueal, à titre exclusif,
l',,'xploitation de la navi-
gation aérienne civile et ses applications de toute nature
sur le territoire portugais"(4). Qu'en fut-il en définitif du
~.:, :
CORREA (Pinheiro), Saccadura Cabral, homen e aviador.
Lisbonne, 1966. p.60.
(2 ) AU·1EIDA (A .Duarte de), Regimen Republicano Domentario
1910-1934. Lisbonne,
? date non indiqu~e p.204.
"Aviation civile au Portugal", article paru dans
le Diario
de Noticias du 15 mai 1923, composé d'une longue i~troauc
tian du Journal èt d'une lettre de Saccadura Cabral, cri-
tiquant l'action de José Pontes et le contenu du fascicule
publié par ce dernier a.u nom du Comité ct 'Etudes France-
Portuga.l.
l'raduction adressée par l'ctttaché commercial all
ministre du Com:TIcrce ct J.c l'Indust.t'ie .. Lisbonne,
l? lI\\oi
102·3 ft Hf'ft'. Z ~1-
~ :, >,·,t~/'~"So~ti~:~?t(i:~~~f:'}:~:;'/t;t}~11;r~f~~:2';·
" "c- ~,''':..5jF~:,:;,3;';\\f'k~~.~Jr.'''~~'~ ''':V:i':'i~;'-:'t?~t\\'~·
-fl-C7-
projet? Il pst difficile de la pr6ciser.
Dans l'introduction à son ouvrage Saccadura Cabral, homen
e
aviador,
Pinheiro Corrca 6crit que
Itaviat~ur portugais a
pté l'initiateur du Comité en questir;m qui aurait joué Il'1 raIe
dans le développement de l'aéronautique civile.au Portugal.
Il es~ possible que ce comité ait pu jouer un r&le en ce sens.
~ais il est clairl'ment établi que "accadura a été justemont
celui qui s'est élevé contre le projet du Comité, considérant
notamment que
le "devoir pa'triotique"'des Portugais ptait de
lutter pour une poli tique ,,':ronautique nationale et non de
défendre la politique aéronautique de tel ou tel pays comme
cela lui apparaissait ~ traver~ les publications du Comité (1).
La concurrence britannique qui
s'est ï.lanif'esté dans
la
fourni ture de matériel aéronautique a lIai t
se rl'nc<mtrer sur
un deuxième terrain,
celui de
l'adjudication des travaux d'un
por.t et d'un arsenal nouveaux ~\\ Lisbonne, dont un.·J:'d,Pf'o.l;'.t.. du..,.
Q1lai d'OrBay du 2G ~ars
192~
fait
le
poin-t.
A la fin de 1919.
le ~ouvpr.n"'11('nt portuf;8is rendit pllhlic
un projet de cré"tion ct 'un nOll"eJ
arsenal complet pour Ja.
rpparation et la construction de ~rands bate?ux, sur la rive
r;auche du T~ee en remplacement de celui qui existait alorR
sur la rive droite,
en plaine ville.
Il
lança
~ cet effet un
concours puhlic auquel prirent part un eroupe an~lais repré-
senté par une maison portugaise et le groupe rrançais Hersent-
Schneider. L'adjudication fut attribuée au groupe anglais, en
(4-sui te de la page !f06)... Idem, p.2.
(1) Idem,
p.6.
)'W!a
'e.·
~_,.-.
~- ·t· ...
YOD
dépit de la soumission meilleur marché du ffroupe frr:tnçais qttl
proposait 2.J65.000 livres sterling contre J.500.000 pour l~
groupe anglais, soit une diff'érence de 1.135.000 livres
(I).
Ce choix serait dO. au f's.it que les conditions f'inancillres
du groupe français témoienaicnt de
trop de défiance à l'é[~ard
du i!0uvernemcnt portugais
(:::).
~1aisJ fort de cc succès, h's AnGlais cherchèrent à trans-
former l' affa.i re.
I19 proposèrent la combinais on sui.vante
en compensation d~s :facili.trf.-s financières au ,~ouvernem~"t
rJOrtugais pOllr combl~r SfJn déficit budeétaire et rembou!'ser
l'argent angla.is
c'e5t-n.-dire les avances d'argent faites
t
pendant la ~uerre, ils obtiendraient en m~rne temps que la
concession d.es trav['..tLX du :"'louvel arsenal,
l'~xploitat10n de
ce dernier pour une
long':le p6riode,
.soixante ar.nées par exem-
?le.
ils di-velapperaient en 1110!lle
tC'!<JS
la
po.rtiû du port
"
~~)~~"~' .
adjaconte à
:e nouvel arsenal (J), .~
Ces propositions
formulées
aU
courant de
19:~O, d'n.bord
adoptées par un vote favorable dl' la chambre des députés
portul",ais mais suspendu à la suite de changl''''ents ministériels;'
inquié~èrent les autorités françaises. Si les Anglais ohte-
naient gain de cause et réalisaient leur proposition,
cela
,
' f '
'~
" 1
b
..
' .
•
t
5!.gnl
~eral u
qu 1 S a
5: orueraJ.en't
en 'T1eme
emps.
de l'ancien port de Lisbonn"
doi'\\t 1~c.o\\l\\ceç.i'oWl, d&.hl'Ul.41
(1) Copie d'un rapport du Quai d'Orsay sur la question de
l'arsenal et du port de Lisbonne. Paris, 26 mars 1922, P.l!
ANF /F12 9267.
(2 ) Idem, p.2.
(3' Idem, p. ;.~ •
~
:, ;,
~"-:J':<7
.~n.t~le~_
,
~française Hersent ct qui expiraitl en 1924. Il apparut que
c'était, à brefs délais,
le contréle par les Anelais,
pour une
longue période, du port et de l'arsenal en question (1).
La perf;pective ét;1it inquiétante pour la France dans la
1
~"
mesure
o~J,dans la situation de l'imm6diat a,pr~s-guerreJ
~1;'
l'Angleterre constitluit la principale rivale européenne dans
;'
E
le domaine colonial et commercial
l
"Une nouvelle emprise ne
~~
ït..
l'Angleterre sur l'embouchure du Taee, désor~ais organisée
{{
f
commercialement et ",ilitaircment par clle, écrivait déjà le
~,
~.'
ministre de France R Lisbomlf' en juin 1920, équivaudrait à la
tk
r:
préparation d'une base éventuelle pour sa flotte f;ur
~"
1,:
~~:
l'Atlantique. Ce côté de la question ne saurait laisser indif-
it;
~-::
"
"'.
~:....
férent le p;ouvernement de la République ~l'.i ne se d.esintéresse-
~
r-
,<
rait
pas sûremcn't de 1 'équilibre dans cette partie du l~onde"r).
li
""
~
Cette considération qui se situait au-delà du simple rapport
.' ,;~;:~"
v
''';;
économique fut par c~)na6quent reprise dans le ra;rpnrt t:lll Quai
~.
"
z
:;1""'
d'Orsay. Le.s autO{,'t:eS en France fondèrent en ,effet .. 1C'u:r::_ .. ,
crainte sur· la persp~ctive que le port de Lisbonne, pos9ddant
un puis"~ant outilla3"€,
ne le mit à la disposition de la base
navale de Gibraltar, et devint lui-même une base navale
(J).
L'hypothèse que l'Alliance séculaire permettrait l'instal-
lation d'une autre base anglaise n'IX Açores renÎorça ces
craintes du gouvernement .françai3_
" •••
j
et avec ces deux
bases de Lisbonne et des Açores - poursuivit le rapport
(1) Idem. p.2.
(2) WiLliam l'1artin, ministre de France à Lisbonne au' ministre'
des Affaires E~rancères ~ Paris. Lisbonne, 11 juin 1920.
>TAE(SE 1918-29 Portugal, n<'27.
"""l_
, '
ct
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' "~'C 1 fV) 1"').
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l
)
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,.
l'réci té -
les An:;lais
tienJrcmt
touteb
les
communications de
1. 'Atlantique ct pourront nous couper,
le cas pchéant, du
;·1aroc et de nos colonies. et menacer l'Amérique" (1).
L
. , .
d '
\\ .
a qucstJ.on Pta1t
'J::llportance ....c lLSS~1
sur ordre du eou-
verncment
l'attaché nav'al à ~';adrid,
le C0mr:landant Joubert,
l
,
entreprit de ~Iûner une int(~nse actjvité dans les milieux poli-
tiques portll~ais.. Le premier r~g111t~t de cette mi,ssion attrait
~t~ l'~chec subi par les propo~ttion5 anrrlaises lor~qu'~lle~
,
passeren ~
" t
... au -)pn3
(~)
' - .
Le ministère des Affaire3 Etr3.n:'~ère.s français préc'Jnisa
alors qu'on entrf'{lrit quelque ch()se au plus vite. En parti-
culier,
i l rec0m~nanda que des ~is~,ions t(~chniquùs fuss..?nt
eny())-"ées au Portugal .. qu'un g-roupe franç2.i.~ donnât de~ moyens
de faire eu gouvern~!11ent rartu~ais1 des -;ontre-propositi,)ns
aux propositions .'1nr,;,la.is,,::,s,
et q~'i'en l;-:êmf? tc~ni)s,
on fît plus
frc:'lnçai.s,
le ;;l,inistË>l'c; ajoutait ]'1ême qu'il serait nécEssaire.
dans les circonstances qui prévalaient
que le gouvernement
J
provoquâ t
lui-:l:ême 13 forma ti on rapide de Cf' Groupe..
PO,Ir ren-
forcer les pos3ibilités de
succè.c:,
i l préconisa d'€lnvisager
une entente entre le groupe r~rançais et le groupe anglais de
façon à pnrtaeùr les travaux ct les concossions. C'~tait, lui
( 1 ) Idem, p.2-J.
(2 ) Idem, p.J. Pr~cision : le poste d'attaché naval à Lisbonne
ayant été supprimé au terree de la guerre,
c ·est celui de
Yadrid qui
couvre toute la ppninsule ibérique.
·/~·~tt~.{t~~::;i.';Ô.,.i.:(i;';~:;l~;;~-~;j'··.' .,~.~,:;.~~> .'
1~~';}SI\\:e;:~~_~';!l~~.~]~-A:"W:~~;"'fi,;~,,.,~jr;'>3:-:'
~:
parut-il,
le meilleur moyen rl'évitE'r l'emprise anglaise
(1),
Faute de sources,
i l n'a pas étü possible d'en savoir plus
sur le développement ultérieur de 1;). question •
.k
Cette vnlontp d'implûntation et de ~énétratjon all?lt
-è.
trouver un instrumeon.t ?riviléc-ié à travers la création, en
1<;2lj,
de le Sf'ECIA dont on est tenté de de:!Iander les
liens
aV~c la sUEeestion ~ontenue dans le rapport de mars 19?~ à
propos rl.u concours public pour J.aréali~ation du nouvel arsenal
et des docks sur la rive gauche clu Tage à Lishonnf'.
Cette
question S'impose double~2nt. Deux lettres de la J~gationJe
Frunce ft Lisbonnc,
dat~es r~srectivement du 9 janvier 1921 (~),
et du 8 '"ars
1Q2'~, font ét<:1t de Iv mise ',ur pied de cett"
soci~t~ ; dans la mesure o~ 1~ secl1nde J.p-ttre expasc ln QU~S-
tion comme un ~ait nouveau et q\\le~ entre l.e9 ,ln11X nnn~0~,
an
n'a pas €'u
trace dps activitf!s dp.
la sociét(~, il Cl. ~arlt j1Jd.i-
cipux ct '~cto-;:)ter
la ;;econdc date c::>mme 6tilnt:
l:i date (..!f~ la
\\\\.;:.
." >
",-;..
e[-:'-;--
constitution clf.f'initive de la S?CCIA. Cn deuxième
lieu,
i l y
~ ,
a
le fait Clue
le secnnd docu;:lE'nt,
plus él2.bcr~) en ce <}Ul
con-·
cerne les
objecti~s de l.a soci~t~, se ~:;itl.la
,
. ,
.-L
p:.....cc1ser.-rcnL.
la
~.,ême ~'..ruv2e que celle o~'· dt~\\'<J.it expirer la concession de l'en-
treprise française HersAnt qU1
exploitait le
port de
Ii~b0nne•
..
La SPECIA,
c'est-à-dire
la 8'lciété Portub'aise d'Expansion
Commercio.1e,
Industrielle et Agricole,
~f' fixa pour but la
réalisation de
toutes
les entreprises susceptibles de favorise~
l'exploitation économique du Portuaa1 et de ses
colonies et
Ide!'!,
p.'~.
Le ~inistre de Fr~nce QU Portucal nu Quai :::1 'Crscty.
r"~("~
1. i3"b0l111I;:>,
~
jan-'.~icr 1921. A~;l} 2'1~ ;., -. ~ 1 •
.......
-
l'élargissement de ses relations commerciales,
industrielles
et financi.res avec la France
(1). Constitu'e sur l'initiative 1
de Laurens,
nnC1.en chef d~ la. mission.d'armement.demeHré au
Portugal comme rcpr6sen'tant du Creusot,
elle compta par~i se5
~~sociés, la Banque de Pari~ et des Pays-3as, Schneider et
Hersent,
c'est-à-dire le gaupe concessionnairo du port,
el:
béncificia du soutien de tous les groupe~ents ~cono~iques frnn-I
çaL'3 au f'ortugal.
La S :'ECIA devait
procéder notamment
à
l'fctude des projets de contrats d'achat de concessions, et
d'entrepris0.s
(2).
SntI'e ~uLres projets lIas l~n avant par la soci~té.. figura
la création d'industrie ",étal.l'~rgique, projet non sans li,'fl
etVf:C
les préoccupations nourries
par les milieux l~cono'1'1iques
français durant la [-;uerre J
p3.r les ,qctivi t~s dont, durant
cette périade J
le capi tain~ Lauren~ 8Ut ?t s '.')ccuper : le
com~~rcc du wolfram et la ~roduction d'obllS dont J.a cessation
L'encbit di~pf)nibleS ·Ce.rtœ.ilLe~ il'l~..t.<ll.l/Qi-,·olol~ i/llcU..... f:..,.idJl!~
por_
"tul:?fl-ises
.c'
La CL'Pilti on d~ la S?ECJ:A m2.rquait sans doute un pas impor-;
tant dnns
la r6alisation des vis~es françaises. ~~ais le retollr i
·2!n force de
1. 'Allema,~e
dans
l'économie portugaise crp3.i.t J~s
conditions pot8ntielles de
li~itation des possibilités de la
"'rance ; outre les limite" propres du projet métallurr.;ique.
dues à l'absence des matières pre~ières - l'exemple des diffi-!
cuItés de fabrication des obus a été de ce point de vue le
meilleur exemple - i l Y a la pression de l'Allemarrne. Cette
(1)(2) Le Inini~tre de France au Portugal au Quai d'Orsay.
Lj.sb0nne,
~ mars 19~'!!. ~'~E/191-9-29 rortl.lf}'3.1J neJ')..
dernière avait, dans le cadre de la reconquête de ses positions
perdues durant la guerre,
créé de vastes entrûpAts de produits
:;
métallurgiques ainsi que d'autres produits à Porto et à
Lisbonne.
Ce sont, par ailleurs, ses pressions qui constitueront un
des facteurs dû la détérioration des échanges co~~erciaux
franco-portugais dans l'après-e;uerre, échanges qui ne connurent
que des expédients et la guerre des tarifs.
II -
Les échanrres co~erciaux
expédients et guerre des tarifs
Sous le ti t~'e "Portugais et Espagnols", la Dép~che de
3rûst du 26 dp.cembre 1918 (1) envisageant ce que devaient être
les relations C ollunerci ales. de la France et du Portugal soute-
nait
: "Le concrès de la Paix devra exa~iner le 'statut éco-
nomique d'après-guerre et se préoccuper, principalement de
favoriser les nations qui, dans la mesure de leurs moyens et
de leurs forces,
ont coopéré à la victoire finale •••
••• Des tarifs de faveur devront ~tre accordés à la nation
portugaise pour l'exportation de ses produits merve:llleux,
notamment de ses vins à peu près inconnus ûn France, gr~ce aux
pratiquûs de commerçants soucieuxavant tout de leurs bénéfices
,
,
1,
personnels et à une législation imprévoyante.
~.::>
,.
(1) Coupure de presse, :':NE/LPP 195.
Les produits portugais devront ~tre répandus en France,
sous
le couvert d'un~ protection réglementée aussi largement
et bienveillante que possible. Il f'aut que sur '105 tables,
à côté des crus fameux GU Bordelais, de l'Anjou, de la
Bourgogne et du Rllin,
les vins de Forto et de Calares, de la
province de l'Estremendur, du:Jinho, du Douro, de Traz-os-
"!ontes, de Alto :1inho et de tant d'autres ct précieux Vié:no-
bIcs, soient représentés comme des a~is sars, vers lesquels
on tend volontiers des
lè'vres avides et charmées"
,
,
,
L'auteur de ces lignes se plaçait encore dans l'optique
de la propa~andc de guerre et de la célébration des relations
amicales entre pays alliés et par C0115p.qtlent nloralisai t
la.
question des
relations
~conomiques. La r~alit~ sera tOllt le
contraire de
ses voeux.
Le
commerce
entre
les deux pays
sera
•
soumis
aux dures r6a.lité3
écono~iques nationales et interna-
ti·'Jnalcs. Et
ID. rr'f~stion d.u com;nerce vinicole qu'il ab0rde de
façon si idÉal;S',t"P ",,_constituera précispment nn des fac t"lll'S
de clé;:t:c::tdation dc~ échanges commerCi81lX qui
connaîtront
tantôt
des exp6dients,
tantôt
la guerre ct0S
tari.ft,.
négociations
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ pconomioues
_ _ _ _ _ _ _ J
de mars-novembre 1918
_
Une sorte de prÉlude à la dé~radation des reintions CO'11-
merciales de l'apr.s-guerre, sc produisit en 191~, alors que
- .-.,....
duraient enCOI.'12 1\\::8 hos t i l i tt~s. Profi tant des circ ons tances
de la guerre et d~ la situation as~ez ravcrahle de son corn-
marce avec la France o~ i l dcoulait une partie importante de
ses pronui t~, le ITouverne,r.ent p~rt:ugaj s décida de consolider
cette position et më're,
de
l'êclllélior"r,
en arr"chant de no!l-
velles concessions,
par un accord économique comple-t.
TIoclriguez Bettencourt,
le ministre du Portue;al à ~aris, SOUJ'!'lÎ-t
?I. cet effet, en début "'"r,;
191~, un projet de convention '"]11i
inclut les princinales '"]uestions intéressant du point de vue
portur,-ais,
les échanges entre les deux pays. '~a.is les nér;o-
cÎ-ations q 11i f\\u:î.virp-nt
l'in:it:ia.tiv~ portur;ôist:-' trô.:tnèr~r":t Pi-
se soldèrent par un échec.
Le projet portu{~3.i~ expo~ait certes cc que les rortur~aig
0tai'?nt en rreSl1.re d'offrir aux 2.cheteurs frl.~nçais, les pro-
dults dll territoire continental,
des Iles adjacentes, ~es
?rClnce. Entrt? êJlttre~ qU'33ti.ons 6 Qulcv€-cs{f9.,V ~~.e ~-'ortuga.l
au-delà d.es questions
t3..1 if3.ires ordinaire:~, rigurèrent le
'naintien (Je ses ventes JE- vins à. un niveau. assez élevé, T'lême
au lendema i '1"1 de
la ,~e.rre, pour ne l'Jas provoquer de crise au
Pt'\\rtug2.1,
la recherche d'une solution 8.1.1 problème dn
transport
ferroviaire à travers l'Espagne.
Le Gouvernement de cc der:-der
;lays,
se proposant de supprimer à partir du 1er janvier i919.
le télrif franco-hispanc-portucaisJ
et ayant déjà relevé Llnila-
tér<llement certains tarifs,
le Portugal s'en rernit à une action
commune avec la France qui aurait cez'tainement de plus larges
vio.r.-::",;:;t",':q;,~,'4i.:t~ ,';; \\'-.7'<;""""'~'~'-:"," __ ;i ~ ,'_,
:~';~'n~~~;"t:·~"'::!~;~":,!,;r~~~:~,'--:~:'-:',:,,'J'. ; , .,.'..- .,'.-, .
.." ....
,
,
..".
moyens de Fres510115
;
0:1r~n, ].'6tcI'nclle qllestion de le sup-
~-
pression de la 5urtaxe d'cntrcp8t
(1).
Le context~ de la gueI're ~arqua de rai,t,
consid~rahlement
les négociations.
TOllt en acceptant le principe,
le gouvernement français
laissa entendre !}l1l~ la dur'f'c de tout accord éventuel '.te devait
;JaS excéder 12\\ fin dt.: 1919 (.:) •. rais surtout i l chercha ;)
saisiJ.-' l'occasion de
C0.'3
née-oci~tions pour obtenir des garan-
tics Sur certaines fO'.lJ:·nitLlr,,'~~ pOl'tlJG~ises pour lesqu.ellr~s
1
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. 85 reso u'c,.onS ;,les CO~... 121·':ncc.s pC0noil1ques
l.ncera .... lAeS
ptaic=nl: diverse\\~ent interpr~téc!). Lef: négociatent'~ fl'.'3.~çais
formu.lèrent
le VQeu (lue
1~ droit d rc:_~,::p('lrtation f:ur le ~..ro~.fra.m
ne put être modiîié sans
.1. 'as,sentiment (les autorit85
français~5
et que furent pr~ci~6es le~ facilitci~ et les Garanties qlJe
J,c gOllvernC~0nt p0rtucai~ ~t~n~~~cait ~ accorder pour J,c
recrute~ent de 1~ m8i~-dt0cuvr~ et ln sortie cie ce}~tains pro-
, l \\ :\\ccorc1 cOTnT:err::ial :fr3.flCO-lJ0rtu~~a;s. DZl.ses propo.c::ées
\\
!
;--1.H
gou-
vernement .franço.is par.:
IF.:! ministre du Portuf'T'al à. Pari'3",
A. de Bettencourt rtodri r~l1ez (copie non datp€" j .A;'W/F}Ol'''99.
"rojet d'arranGement entre la France et le Portugal, docu-
:~e nt re la ti f aUJ<.: pos:i t4 ons françai Ses êtablî pa.T' le r~inis-
tère du Commerce et de l'Industrie.
Copie datée du
16 octobre 1913. ANF/~12 A991.
( ~ \\
~)
Relativement aU \\iolfram et [,. la main-d'oeuvre, voir ci-
dessus
II~;ne partie, ch. IV. En ce qui concerne les produits
dt alimenta ti ons,
le fT,'ou.vernement
port\\..1célis pour ne pr::rm€ t-
tl'e que la sortil'! de ce 'lui était 8n abondance clans Je pays,
s'était donné l'entière liberté de reviser constamment le
"
talu des taxes et surtaxes à l'exportation. C~s dernières
variant en même temps que le pri;<: sur le marché i.ntér·ieur,
cela fausserait le jeu normal -dans l'application de tout
accord v~ritaQl~.
annuel de )00,000 hl soit un l!'eu moins de lél. moitié des
livrai·-
sons de 1917 et moins du tie.t·s de
celle de 19111 ;
i l refusa
en revanche
toute concession sur la surtaxe d'entrep8t qui
fut,
une fOl':'; de pl113J1
l'un des obscacles ~ cos pre!T!ière.s
négociations.
Les terlne·~ de la fluestion s "f.taient E'p.nsiblemcnt modiÎi~s.
L'effpt co,nbin0 rie la r:lr~té des ~r~ cs et de la fl?rmeture du
lnnrch0 -:,,11ern::-nd avait fait de Lisbonne la prj ncipale source
de ravit2.illc~~!1t de 18. Frù.nce en. cacco. S'nppuynnt sur cette
~-
df":'nnée,
le ministre du !"ortl.t,~al déveloPY'3. de nouve2.UX arr:,u-
rnents en fave~lr de
1.:1. suppression d€':
la Sl.u:'t:1X(~. Il pvoq~ta
entre autres,
la '311P.rrf"",c; ..~ion !.Jar le eouverne"1C'nt po!."'tu~ai3J1
en !'~vrier 19l3, de l.a tnxe sp~ciale qui, deruis 1897, ~tait·
,
•
l
.>
C '
'~h
.
app 1quee au c~cao '~0 ~an ~ orne,
les ~vnnt~~es pnur l'~ndus-
tric français9
"
les- G-Daféronccs Jcono:Jliqu.e.s de T'al.'is .i.Juisq~.~'elle favoriserait
(:.-
Ituti!i.3ation dcs re~sourcns d'un PQY~ a!li~ et cst u~e juste
~
t"
position de la Ch:lmbre Syndicale des Chocolatiers de Fr3nce
dont le 5
membre s
trouvère-r..t lJvantarreux la s uppre s sian de
la
surtaxa.
La Chambre for.da o:f.ficicllcment son avis sur trois
principaux ar.:;uments
1 0 _
la surtaxe,
en privant le marché français de l'a.ppoint
de cacao de San Thomé contribue à l'é10vation des cours des
(1) Le ministre dl1 Portugal 5 Paris au Quai d'Orsay.
;'ari:-3
Z
J
juillet 191·Q•• A:'fF'/.?JO 1~}S'C).
cc..caos employ~s par l'innustrie choc0latièrp. française et par
conséquent le prix de vente du chocolat;
2,0_
1<1. surtaxp ne répond plus nu but que le
léeislo.teur
se propos~it d'attoindre
JO_ le maintien de la snrtaxe a pour conscqllence de .favo-
riser les marchQs anglais de Li"J"erpool et de Londres au
détriment C~,€· ceux ou Havre et de i-larseil.le et constitue une
prohibition qui v", J. 1. 'Emcontre des intérêts de l'industrie
r
r
,
chocolatière française
d) .
n
Le èninistère <.les Finances rCfU3é:l tout idée de suppression ..
Non süulcment i l combet cit
les diff(~I'ents :lr(':um(:nts t
~ais
COTlsi(:f.rù. qH2
ln st:PI'r~s5i()n de la surtaxe privc:ro.it Ir- trp::::cr
consa:nrnateur prn!'it5.t d'un dé~Tèvcm0nt quelconq'-1.e, en cc .sens
q11C le com:1~ercc n~ réduirait pas les prix (2).
~ltant sur les diff~rent0s questions, les n6~ociations no
purent abot:tir lorsqu·:i.llt8rvi.r~1; J'ar'c:i'3ticc ,:l.U 11 naVt?dJbre 1918.
~1ai8 si, d.::.ns l'im;:10diat, 'p11.l5ii!uI':~ question, (font Ip cacao,
ticl la qu~stion Yini cole et ~ travf'rs elle,
les candi tian....
(1) Note "ur les cacnos, p.l
(1 0 _ Avis de la Chai~bre Syndicale
des Chocolatiers de France). ANF!F12 0991.
(2) Le ministre des Finances au Quai d'Orsay. 8 août l'18.
A~W/FJO 1499.
-.-.':'-."
,<.. ; ... -
,.. - La dirricile tran~ition (1919-1~~i)
les nnuvelles
---------------------------------------------------
En dépit de l'échec des néc;ociations de
1918,
le niveau
. ,
des échanges coml'lf'rciallX se maintint pour cette annpe.
L.,es
termes du :nociu,s vivendi cle f'svricr
1911, continut:rent à servir
de base l~tinij'ila.1~ tandis que les vins portugai3 n'o.vaient aucun
ma]
.1. (~ni;rer en France. ~!ais à partir df' la fin de 1919 et
d6but 1920, les difficult~s surzirent. Ces difficult6s li6es
dance au protectio"1.ni5~:Je, ::Je l':llltrc, c~c l·iJ.hsC'nce~ de ('{bouché
des vin.s
portuGals et C'e
la 'nulti ~1.ic~.-~t~.on par le G'ouve::.cnej[jent
rIe
ce
pa.ys,
des
~!('::itlre.s dE' r'rohibi tian du C\\"':':7!mcrc~ dp luxE' ~t
de
rétorsion CQ:1tJ....C la Fr3.nr.e .. A ces f','JctPll!:'S,
g'ojoutp.nt
En déce:llbre 1919,
le
G'0uvcrne.l1pnt :fr_:.L1çais pL'it (je.,; ~esuJ:es
et plus t2.rd en :février 19~O, 12 ;~O'_tVel:'ne;11ent po.rtlt;~ui5 ['rit
~~a1ement des ~esures ~0n sans r~ppQrt 3vec celles prise~ par
-f.
la ['rance,
r'la1'5
en particulier ~ cat!se de la 5ituation 0cono-
miquc du pay·'3
ces d~crets de prohibition et de continaente-
ment des articles è8 luxe fI'appè.'ent lourdement les exrarta-
tions français~s qui Étaient en majorité de cette nature. La
déci5ion portugaise ct '.:'tIl:r-1i:J.tler i:l1.m~diatement ces mesures mit
'en souffrance, aux Îrontières et a.u"" douan0s portueaises, dt~5
llarchandises cl' importante valeUl'.
rouX' débloquer la siLllation,
le gouvernement français pro-
posa et conclut le R juin 1920, avec le représentant du
PortuGal, un a.l'ra,ngcli1~nt pr'Jvis oire dont 1ù S termes fur~nt
notamment les s\\.li.vant:-~
1 0_ le :~ouverne:Hent; f'.l~ançais autoris'?rCli t
à partir de çette
date et jusqu'au 1er noGt,
l'importation de
)000 hl de vin
de Fort0 et de :~ad~re, racjlit~ acco:cdie ~n priorit~ a11X vin~
déjà
e-ntr~po3és en ?rancp et auxqlH':ls l'entrée SUT' 1(\\ Inélrch.~
nvait 6-t6 rprm~e, à ItexcluRion do cetlx qui SOllt parvenus
sans Jicence rég'u'lièrc d'importation:
;;':C_
le rrouve:cno:nent portug8..1.8 ,:ld.;~:H:,t;tr,]it à l'i;:lportc..tiQJ:l
aVd.nt
l~ 1er août tous les pX'oduit~i Ç'l; "llarchandis(~s qui, en
l~'~ Jtlin ~ans le~ erltrepat~i ct ~ la frnnti~re, ~n v~rtu des
...... _--,.,:~.('tJ):ûbi.tions
d'entr6e, des m0.snT0~ r81ativQs à l.'ex~ort:!tinn
,
,
r.Jédouarnei:lent,
'? la inir;~ en ciI"'culati.,C):'l ~11 :.1 .,.0.. C' ons o:n::!.:? t i on
Ital'rang·c-ment
6tait <J.pplicable p,~tJ.1e;nent ~
les
produi te
françJ..is dont les cont1.""ats auront ét(~ conclus avant le d\\.~cret
portllgais du 14 f6vrier 1920 et rpl~tif au contin3entc;nent
à la prohibi tien d-.25 rn3.rchan(~ise;~ de luxe (1).
~:lais l'application de l'ar:cancement fut de courte d'J..t'i.~c.
Les r~présentants des viticulteurs portugais estim;~rent
Journal Offi ci" 1. (lu 1"
juin
colonne
AN? IF1? '1 o
, q
,
.
ff;%~Z0'l~~;~~~~'èt'Jj;~~;';L:>:;~ "~::';;;;..',:'.::;; . ,~_.f:
, -.
;;..-.'..,;.. _J . .,. • _ ...:'••. -.
~.
inôt!ales les conc~5sion5 n:utn€llement
fai.tes
la valeuL" des
vins,
3'outinrent-ils,était infprieure à celle des marchandises
rrançaises alltoris~es ~ ~ntrer Sllr le march~. Sou~ leur pres-
sion,
la Cha~!lbre des Députés 'trota un projet de loi qui
su,-
pendit l'ef'fet du décret C]ui avait mis l'accord en applicati'm.
l~is en dépit de cette situation, les ventes françaises pour
l'ensemble de
l 'Qnn~e 1920, au~mp.ntèrent en valQur tc:.nctis que
l'exportation portuGaise -ve~s la France baissa dans UIle pro-
portion rr.od0rée, d'autres
produits ayant ['ri::? la place des
Le conflit ouve~t n'(tait cependant que chose
50US
1 '~ffet de 1. tf~vo.l'J_ti(ln de la si tuation 0C~)nO'~1iquf) des
r;')ltJme ci_(~
l 'aGl.'iculturEl}.Q.lJ
~rue des tari~~s de ~Tl:'otectioa .cerl-
~
finanri~re en ~cin~ral, 1.e probl~rne 6t~it part~.cu15_~re;~cnt
~r~u
leur ré~lation au !J10Y0f' d'accords biJat0-1:anx. Le passage ci-
a;Jrè0,
extrait ri'une
lettre en date du:?O déc(Jmbrr~ 19::0, du
?r{~sident du Conseil au ministre rles Fina:1C05 nous donne Un
tableall assez ~difiant Stlr la situation :
"La pression faite par les producteurs français sur le
eOllvernernent pour obtenir une protection plus rigoureuse
d.e leU1' industri" s'accentue chaqu'.' ,jour et elle se tra-
duit par des d~crets de plus en plus fr6quents en vue
de l'élévatjon ~es c1roits de douane,
par l'npr1lication du
r~~i.me d~s coefficie~ts••• Les int;:r~53~s ch~rchent ~insi
tl
;~1_rii..:~r l,\\. -: ....'1 .. :0 i.:lC>:~ ;';:101t:::' Cll.ll. L()!j:::'cnrr.' "7: C~lLi
'1,~~ ~
(L')n~"", te~;u;; J .~,<"; i-;.:,~ ..'·""
T 1;.:
~.r(".d_0r~t.: ,j. ..:.n,'::.'1
:;l.--..intC'L-j..c (~n.c.;
:-'n.'; x
qt!1
nnt
L:~-·n(}o.'lcC ;. li."':. h,d_sS0.
J'Qi
'~/'.j~ C:'ll l':)cc~::~)io'l rI ';:tverLil' vntl.'(' df':.p~lri;c:'!.c:-:L. f.'t
coIn).
df'
1. ':l_"""l.'i~~ulLlU'C
d0.,~ (!.:1~lZ~l':'"
e' (' C~~'C~0J..' !t n,z:.·;-_~;:,r('il1,.)
:~n'(":::;::~:i.C'11J Ch~'~P.l~ f')iz~ qu'il ;t'y ':1 p:J.:"~ r<'cc.:3sité .:lh~~r.'llH~I.
:":OP~: ;le d01~0nS f'i...1S
:'")ll~')li(\\1.'" qnE' rl.-'-~n8 Jc~s:i t'_~~lti0n ''-L~:~t!(l1 Jp
'-~e ,-:ot.l'C' ch,:;~zf' 1~.f}:1t f"l,0US (leV0aS chcrchrol' rt""~l)nt couL
If'
l'('J:~"~ro"~(\\'1t, Je
.-~c)lut '2o:::t c1 .:1ns
l·1.q.:j1~lent:l.t~.on ,-!ro ""0"-:
C'''-:'Oi'-
t3tî ;)ns •••
~,i n(l11~ nous cn~';<J_:!0C'I,g (\\.;.:':''0"" l'ne ~;oliLirtl_1.!) dt:
protcct:iot"l C:V~:0~·~~11~~' '::1e -:-10.3 il;.0't3ti-'i('~,
n~1n_::::: le' ;:;r:u.l ~'ut
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i L, C'C';-
;'l·~· n"l'
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!.'cr~r0.c::(\\lll~:~
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roys 0t:r':lr<,;el'S.
C'esL :J.in::;i qu·;.1 ;J .'3n~':îi d'un cOI?Cf:lciE:!1t
0.C
:;l.:ljrl';l·~·~ 'J'"1 --l,C :: 1.'~ St'r les vi r.:~ (~tr.:Jn~'Cl':1, r"lur :1:"10nCl"'
1 'E'Sr");:,.~ne
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\\~11('-":êl-"Q ~ln d~~rct fr'1;1p2nt d~ t::L'.:C'';::
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df',.l.rn.-
rira c~ 1 ~l1l;D."L ;:!'ll": C"î.fiC':'::lccr'lent C1ne n·)trc ~~x~ort:'lt"5 f)T1 ("st
f"'Or.'\\0'='
~""rr-"qll'~xr.1HS;,Ur-~~71t· rtr- :-,.,...or111j-rc:; n~ l1 1XP. r:lnn.t Q!1
", ~
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:J?S~("\\l" ••• :;Ol'l~ C0'Jl'OnS le ri~C1110 de vo; r
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C()""'ll'.:.-~~n (1'0X",""~_-l:;....... ci0:i. cn~\\=-,lè'L'('r:;r,f"lt '':;':-'l"'l."'êtc-r,
.;::i
'1nl1~ np
snivî)!ls
na~, nnur 12 nrob:.""'ctiOTI ne notre i:;c:htc;tl'ip, llTIP
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!1,,:,1~. t1Jllt0
~0(".nr0(' ••• ":..1 __ •
fla ys qU1.,
portl1;~ais vorS ln !·'ranc~ étrd.cnt rc~pectivcL~('r.t de
cn 191'::,1<.'17,
I. C
:'r0siC0nt du Conseil"
~jnistrG des Affaires Etr~ng~rc~
,~J5nis cre des
Finances.
?'aris, :0 déce:nbre 1~20.
C")' ·, .. ..i-'C0
,'t ,1, Cl
1. Cl
,
(.'l ,~
~~'~("l
1;;.1. .. .1
1 r~""
--- .. - ,
)~1I
4z'3
La fermeture du ~:'larcht~ français eut pour conséquence
l'ar;-gravation des problimes de la viticultu~'e portu~aise. Un
"
coner~s dûs viticulteurs du centre et du sud, rt~uni au courant
de
juillet 1921, se termina par un appel à l'union des régions
du nord et du sud dont 1 t09PositiIJn aU:i:'ait auparavant f.:li t
l-
~choucr un projet d'accord (1), LB maniCeste des viticulteur~
tirait l'alarme en ces termeS
It Nous
3 ciTIme s
à la ve i Ile dû S
venda.nges e t
~ruve est la si tuat ion du Douro qui cherche les
'.....
moyens et les rJcipients pour loger la r6colte. La crise o~t
'2'f'frayan-te, L'aute dû sortie pour le.5 vins liquoreu.~ ; et nous,
les vi tic1.llt"ur'O du cc'ntrp et du Sud,.• nous ne pouvons ~tre moins
effrayés par la. sui te de ci rconstanccs a.naloc-ues.
Il Y a de·')
3
réginns qui i.1unquen·;'; d'are:ent, YU les dépenses énormes qui
ont 6.... é fait~s pOUl."' l?s tra,ra.tLx azoricoles, et qui~ ayant
encore leuI.'s
C3."llE:S
pleine-s,
San!'
d.é,~aeement possible, m~me
à bas prix, vont ~e trouver dans l'af.frcuse néce~~d,té de
t
laisser sur pied cette récolte pour l".que.lle on a tant dépct!s6
en 8Te~nt et. ('n trav2.il" (2. ).
18
diff'';r"nt<'>s r':pi on" <lu pays tiennent,
1<'> 31
juilll't (011. un",
assemblée ~énér31e au cours C'2 laquelle furent -i:en.OS de.
vi oIent!
pl"OpO~
à l'e'nLlrvit du ffOUV\\?rnement ct voté des
résolutions récl,,'11ant dece d.e~,,;e-l'"
des mesures suivantes
le contr~lt! de la ven·te des yins n Lisbonne ponr enrayer les
J
Calsii'ications,
1", r6Voc2tion de
la législation interdisant
tout commerce aV0C
l'ennc!ni,
c'est-à-dire l'Allcmarrne, et
(1)(2) L'attaché commerçial au ministre du Commerce et de
l'Industrie, Li5bonne, ?-6 juillet 1921. A~'r/,o12 9267.
. ~.' -. '
.. --, ..", .. ~.
conclusion d ·un tro..i té Q.vec cc pays.
l'obtention de
l'entrf)~
•
des vins portu3aîs en ~.t.'ance ct en Norvège (1).
Ces r6clalnations ne tard~rcnt pas a ~tre prises en consi-
d~ration, en particulier celles relatives ~ la question ~cs
dLbouchés en France.
Le gouvcrncnl{:~nt portu8'ais qui Il' eut
ct ·autres moyens de
tenter de florcc
les portes du DIClT'chË fr~n'"
çais qu'en prenant de5
'lleSUre~: de repr6sailles, prt~enta le
l~ août 1921, à la Ch:l.jnbre de:? Députés, un. projet de loi qu.i
sera vot~ peu apr~s, et dont J.-arti.cle pre~!ier stipl~lait
"Le 30uvernClllont est autoris~ k ~l~vcr jltSq~1'3tl q?JintupJ.c les
de
surtaxes respectives
pour le~ nGV1.r~s ou "l"";1.3.rch:Hldiscs
provenant oe.. originaires det3 nat;_ons qui 'J.ppLiqucrai!!nt, au
?ort~ln-,".l, l0.ur tarif ma.xi;;;;]"
qUJ.
::30U:.1c~tI'o..ient à un traiterent
11iff?rentiel ou de dffaveur,
so5t le
co~~erc~, ~oit la n~vi.-
nutu.re ?'I g~~!Lcr ou e:.Jpêcller J. ·cxr-nrt.J_t:ï.on de~ ~.,r(FJuits f'ortne-a·j 5
[~C s t i.nô s à. C<;.S
-
.
npr;OC1.El-
tenrs Q,ntcnc1aiont c'?p(!n(~û.nt tirer narti des
rr?ssions
cx('rc~es
;>ar les Il;'!:.lwJrevr,S
sur Ir' gouv~r.'1.ement (le Lisbor..ne pour
arracher un accord dan:=:
les meilleurs conditions. >"ais une fois
de plus, les négociations furent dans l'impasse. Deux faits,
à
partir de nove:llb~~e 1921, d6cideront le zouvernement f'ral~çais
(1) Rapport sur le projet d'accord commercial de l'attaché
cOiTlmercial de ::'rance au ministre du Cormner'ce P-t de
l'Industrie. Lisbonne,
11-13 août 1921,
pp.1-2.
A.... r-.--.I;":'l':~
C'f);::-
.\\"'.""
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(2)
ldr;!m,
p. S.
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' ... '".•,0._....
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-
Le I1remicr f~lt la pror::nlG'2.tion ct la illJ.Sf' en vigueur i::1mé-
diate
(en application cte la loi
précédam:nent votée) de
deux décrets rrapl1D.:1t durement
If? com;ncrce français
l~-
.
t'
ct
"''.-'ct
c t " ,
ct
:;laJoru ~Oll
c
Jl~·.~'
"cs
rl,'.,:t~S
.t:l
clounne et
l "cytf.
\\..,
!~'
les
taxes de n~~i~ation ~ l'cncontre de pays frappant de
~urtaxe d'entl"Cpôts le~ produits coloniaux portugais, r~ex-
rort~s cie la métropole
")C
•
t '
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~,,,,r"'. 1
1
' t
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m.;lJcra 10!1. ai ...J"'"
(·('5
eral
S dll tarif G~n~ral ~ 1'on-
contre des pays
i<ilpOS':Ult
df1 S
:.ïesprcs restrictives Ol,} sp6cialB<:i
à l'importation des proèqi ts portug'ai s
(1).
A ICI. .~uj tp ::le C[,S deux dr'~cre ts,
Ip C:;(.'J1.lvernement Î r..l'1.çetÏ-S
pr('p05~ l,'} conclt~si0n ct 'un ':odus vivenc1i provisoire, po,;!'
6v5.tcr que son co~ncrcc Qvec le PortlJrrn]. ne s'nrr~t~·t totaJc-
~cnt. :"'....lis au C01.lrS (~E'S ~6goci,':ltion~ï de l'accord provisoire,
intervi~t, en d~ce:nbr0 1921, la conclusion d'un trai~~ de
des
:nilieux colcniaux ct C1o?5 viticultE'urs
l '7lccord as~:ura
Ta rranc~ ~ltt co~tr~int0 de recherchc~ ~)rst6~atiquemcnt la
le JI
janvier 1S22. Sn ~chQ~~e de 1G suspension des rt~cret~
portuGais de nove:nbrc:
1S'~ l, le gouverne!'!1ent .franç2.i.s autor'isa
1'cntr~c en France d'un contin~ent mensuel de JOOO hl de vi.n
dE liqueur cie rorto et ~act~re (contre 5000 hl pour presque
deux P"lois dans
l '2ccord sppci.n.l du S
juin 1920),
un tarif
>;~~mtf~i~4~flJ~t~;j·~~:;:~;· ~--,~,
'ij,~:;:·it~~,i;iù·:~.?';"-~;.j>-·ilii~'~"'~"~.",,:,~",,,,·,; ';,'
intermédi&ire pour les vins
co:mnun5
12 t
la Pl"OniCStH? de discus-
s10n d" la su~t:lxe d'ent:L"epôt dans les pourparlers
ultérieurs (1).
En fait,
un accord durable ne sera pas ?ossiblp,
et le
modus vivendi sera un expédient de plu5 qui ne fera que
retarder la gu~rre des
tarifs al. ~oyen de son renouvellement •
.'3
;j
L'idée que 1,:, lr:nchts ",.-ivE'ndi C~lJ J1
janvier 1922 devait
Ilermc/;tre la .fJOUr01lîte des nt~.-';ociatiQns dans Ies meilleures
conditions ç!!l vue de
la. ccn(;l\\l~i(\\n d'un Rccord n'une dnrée
1.C Tw.)dns
vivendi rer~~it
seUle!~lcnt df' rei71ettre la 3'uerre des t:.:-~r-i['E o. plus tard. Il .fut,
en cffClt,
i'lusi.eurs fois
rcconchri..t
S:"'~~i '_"lu'i.l fut po~s:j'!Jlf)
a'.J.x d(\\llX ~ays de parvc'nir ?, un acc0rd d{~finitir, rendu :J.'2 plus
qui at teiGnirent des Llévc lo::peme !1t~ te l~, Cil1~ Jo. e Q '2rre des
Le,
contexte d0 la siE'nnture du modus viv~ndi a été, rl'une
part t
celui de ln reprise du comL1erce ;'3'(?Y:71ano-portttgai.s !?tt
dG l'autre, celui de la reprise de la production vinicole en
Franc e •
C'est à plu3ieur~ ni..veallx flue le retour de l'AJlemaG"ne
sur le marché
portugais changeait
les condi tions du commerce
de la France avec
le ?ortue'al.
L'esst""t:iel des exportations
i
portugaises,
en particulier les vins pt les produits coloniaux,
trouvaie:lt 8n Allemagne t~n débou~hé plus larGe- que par Ip
paSSE; et que partout ailleur"
l'Allemagne qui n'est pas un
pays
tradition:lcl de viticultt,re,
ne possède, de slIrcro!t,
plus aucune
co],onie~ Par cons~quent, il y avait, selon
l'expression du nouveau ministre d'Allemagne l
Lisbonne,
"cornpI6mcntarit~l' cntr'e le Portueal exportant du vin, du
cac~o et d'atltres produits coloni,aux, et l'Alle~agne lui ven-
à&nt des HD.,'?;Ons,
des
locomotives,
des rails,
la quinr:o:iIJerie,
les machines
industrielles •••
(1)
;
cette"cornpl~mentarit~"
qui. servai t
ct' ai lle:urs de
thèll1B de propac'ande à .1 'Al1ema~!1e
dans 52. r(~in.scrtioll d~ns
l'économie portuGaise, s'ajouteraient
Jes conditions monétaires favorables aux pchanees entre
les
de~.lX paY3.
La dé:-::réci:ltion rle
l'ascudo,
qU1-
paralysait
le
commerc!?
/:
~ortvgQis vis-à-vis n~s nati·:-:ns à chan~3'c rp.lativpment plus
~~levS com.:1e l'AnGleterre, la Frnnce, la Delr~ique, les ~8.ys-Das,
renè.:li t
le
COiTImerce aV€"c
l'AllC';~a~ne le seul viable en raison
du tr~s bas cours du ~nrk (2).
La reprlse du commerc~ avpc l'Allp~aene où, d6.sorr."lais,
pourraient s'écouler les vins et 1"5 produits coloniaux,
(1)
Interview du ministre d 'Alle'~agne au Journal de Lisbonne
A Imprensa.
Le ministre de France aU Quai d'Orsay.
Lisbonn.. ,
16 févrhr
1921. :·:'\\E/SE 1918-29 C'ortu(!al,
n037.
(2) R~l~port de l'attach~ comrrcrci.3] 3U ~i1istre ctll Con~erce
et 0.0
l'Ind1.1..stric.
Li::::t..'T-lne,
2-;
. J
n·')v€·;}-::brc
1022.
_
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•
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•
---,- \\,.:~,h:.'.'.~"',
'.,~ ,',~ "
! ~..
-
- 'i.'"
..~(.,. - "r"·';"
311f:~ea~,t les pressions d~,~ ~roducteur!i sur le gOl\\v~rnem(!nt
portugais qui,
d~~or:i1iais, r~ou.t'rdit imposer ses c.onditions j
un acco~'d avec le gOl1vernenlent français san~ de suhst<3.ntie11es
•
1
1
t
ct
1 "
' t
' t
'
..
conceSS10ns l.e
a par
e ce.~Ul-C~ e a1 ,
par consequen~,
de .... (>!1u difficilement 8cceptahl0..
Or, de ce côté-là,
et sur-
tout par rapport aux vins,
la reprise totale de,
la production
rendit encore plus difficile les concessions,
1~5 rares
• •
- + . " - ! - " + ' - " t
c l '
COnC0.SS10nR
qUJ~
on ....
~ .... p
.:..:1.1
ps
en
cp.
oma1.ne
-
ne
t'ay~nt été quP. parcp quP. les ~xport~ltion3 françnisps y
rppr~sentRipnt, en valpur, un murch~ consid6rable.
du J1
janvier 1922, tra!ncront ~cux ~'5. Ln ~ellle snll1ti0n
pour méli:lt~nir les 0chanC;0E:: durJ.nt c0tte p!~riodl? fut la ra
Ur'! mois,
tant,:,t p0111" cicux ~Jil trois .. Ainsi fut-il pr()r0,~(.; ~:.'t1
ct une rtcrnièI:'c ~"ois :;e 15 nl8.rs 1923. Le :1t$lo,'" cl 'expiré.lti0n
.~
....>
T
d,e cette dcrnièx'€
proro:jo.tion fut
le 1j juin (1). Au-d(~L? de
vcrnem.ei1t portuC'Llis 1(:. cl.6n:Jnça à la sui [;12 de
l"t~chec d0:~
àerni~r~.r.; nérrociations (Jïenécs ? Paris à la fin de Ill..:"1.i et :lU
d6but ~e juin 19~).
Afin de mener à ter;n"
les pourparlers en vue de l'accord
définitif,
le gouvernement portugais délégua 8. Po.risJI
à la f'in
du ]lois de mai 192),
un (lncien ministre des Affaires EtriJ.neères
(1) nnpport de
l ' 3,tt3.ché c'Jt'I~lCrcial :5ur la cessat~.f)n du ~0èu5
V'iV"Gndi co;;;mercial du .J1
janvier 19:::2. 1,i.::.':onn2, 20 juin
1S;2J. AN2'/Fl~ 2~~67.
et spécialiste du commerce ext~rieur, Francisco Antonio Correo..
:'!ais la mission de ce dernier se situait li un r~omcnt où le
mouvement des viticulteurs français 'ln faveur d'une plus
~ande protection contre les vins étrangers s'intensifiait.
"Le ;·lidi hOU~2" aurait laissé alors entendre Dior, le ministre
français du 80mmerce au néGociateur portugais
(1). nelative-
,
,
ment à l'attitude des viticulteurs,
ce dernier cite justement
t
une pétition défendue par le~roupe vinicole du Sénat et C!xi-
r.
gcant notamment que le gouvernement cess5.t de considérer la
vi ti cul ture comme monnaic d'échange dans la négociation des
accords commerciaux, 'l'l'il prit des mesures de prr:>tection
efficace contre les vins portugais et grecs et rclevit,
en
ce qui concerne les vins espagnols,
le coefficient de
2 1/2 à J (2).
Aussi,
à la première séance des négociations, le repré-
sentant de la France ~o1l1igna. la nécesRité pour son e'ouvern~-
ti:~ .-----
ment de ..dOl'mersat.isfa.ction allX vignet'ons tout en menant un.E
1,'"
l·, .
politique de cond'.iation qui ne fl1t pas préjudicinble au
,"
Portugal (J).
Il fit alors les propositions suivantes c<.mcer-
nant les vins
: la prohibi tio!'1 te.nporaire des vins ordinaires
~'.
""",
rOI1~es, la fixation des contingents pour l'importation nes
autres vins,
l'établisseJr.ent cl 'un tarif intermédiaire entre
le tarif' minimum et le tarif maximuln (4). Les propositions
rencontrèrent un refus du représentant portugais qui consi-
déra que la négociation d'un accord définitif ne commence pas
C:ORREA
(Francisco Antonio), Relaçoes Comerciais entre
Port uga l
e a Franç a • Lis b"nn:'e:':,=~1~9f;2"J:::'::."":p:'::'.:;:J~8:-:.:"::'=:';:;';::"''::';':':'='::'
Idem,
p.58.
-,:r->",
par Un article rle. prühibi tian, m-ame t~r1po~"a.ire,
que le contin-
"
r:entement don."e lieu à la s["~culation et que le tarif' inter-
mé.diaire créait une situation désavantageuse pour les vins
I)ort~.lgais (1) ~ Le rep:r'és€nt.'-l!1t
françai.s r0pliqn:i par l 1 ar8"u-
ment monétaire (ln CC' qui concerne ce d~rni2r point ;
les V1ns
pe-rtugais poux'ront,
en dJpit du tarif différentil'l,
~tJ.'€' eompé-
titifs sur le marché :français,
à cause de la dépréciation de
,
l tescudo
(2).
ButZl.nt sur cette (~pineuse questi.on ..
les n6gociatiol'13
ftu'ent
suspenn~le5 pùur qne la qllestîDn Îtrt f:lXélminée pBI' le
conseil
des :"ninistrcs.
r1"tl
ter,ne d~ C~ conseil,
le Quai ç] 'Orsay
:J.dreSf;a au rainistrl3: du T'ortu:ral.
le 10 juin,
une la~Gu(' lettre
dans laque Ile
on pouvai t
lixe no tamment
: "Le gouverne:;I(~nt a
été amené à Bnvisa.:.:er l '::l.pplication aux iH1portationE; de vins
étraneers de me~ure.s de restriction nécessitées pux' la. situa-
ti,~n rions laquelle se trouve actue118m€'nt
lé, vitj.culture
,
française ....
J'aI' suite de l';::lbond2.nce ct.es d~:-~?~_~~.J::'~_S~_,__~~-~3.\\~;.~.:~,~~
i
>i
--~.
et de
la r~duction des d~ho'lCh~s ext~rieurs, !,'~~c~d~nt ~e la
production sur lu. consommatior: se
~hiffrc à '~r miJli('ns
d'hectolitres demeuré~ en stock ~ la propri~t~.. Il s'en est
suivi un effonnre",ent des prix de vente qui sont tombés ëU
tiers de ceux de
l'dnn0e dernière ctsontloin,
à l'he1JL~e
3ctuelle, de couvrir les frais de culture"(J). Apr~s avoir
soulign'> que la situation de 18 viticulture constituait une
source de difficultés économiques et socialos,
la lettre se
termina par une propo,:,:i t i on de !:lai nt ien en ...d.e-ueur dn F10dus
(1 ) Idem, p. !J2 ..
(? )
\\"- )
IdeM, p. !iJ"
(J) Id cm, PP.5J-.J5.
vivendi sur la base que les pr;Jdui ts vin} coles portur:ais
sernien·~ soumis au tnrif gén{;ral, sans limitation d '5,mporta.-
t i on (1).
Il Y avait Sans doute concession dans la mesur~ o~ les
vins portugais n'étaient pas soumis à. des prohibitions ou à
des contineentements. >:ais cela ne signifiait rien en terme
de concession tArifaire pour la principale rubrique de
l'exporta ti on portucaise. Aus si,
le négociateur portugais
jur:ea-t-il inutile de poursuivre les pourparlers et rentra à
Lisbonne avant la date d'expiration du modus vivendi.
Le Gouverne;nent portUGais qui désirait un Gccord définitif
refusa la reconduction du modus vivendi qu'il dénonça le jour
de son expiration. Dans sa décision de ne pas reconduire ,(t
a.u:.o..d r...o"jsoj~, le :,;ouvernement portue,-ais s 'F!p;'Juyai t, une fois
de plus,
sur l.cs ~ossibili.t6s of~ertes ~ son commerce ext6-
rip= du. côté cte .l'A.llemagne avec
laquelle un second acc{)rd,
-Î
Clprès celui de décembre 1921, était interv<'nu le 2~ avril 192).
~ès lors, allaient ~tre renforcées les me~ures de rétor-
sion contr~ le commerce français. Au d~but du mois d'octohre
192)"
le Conseil Supérieur du Cornr.lercc ExtJ~'ieur, regroupant
les représentants de l'Etat et des Chambres Syndicales tint
son assemblée g~n~rale pour tirer les conclusions d6finitives
à tirer de l'échec des né~ociations avec la France.
Dans le compte rendu publié dans la presse,
le Conseil
constata que les négoci.:>.tellrs étaient tombés d'accord sur les
(1 ~
T
__l_",..,
",
-'1
~"~
..
,
,1_."_- . . . ,
~'.) • ..}
;>..}_
qUG::)tions qUl.
int~~rG~sent le r'ol'tugal à l'exception du traî-
cement à donne~' aux vins.
l'entente il ce sujet étant impossi-
ble en raison de
l'8.ttitu<1c d,~ CIH;ron, le ministre de
l'Agriculture qui
entend.'1it .'épondre aux réclali1ations des
viticulteurs :friJ.nçais opposés à l'applicntion des droits
minima aux vins étra:1gers.
Le Conseil esti;lj~l ,~] ors ne plus
avoir un :nar~hé aussi f21vorabl~ Clue dans les années anté-
rieure3,
compte tenu du Îa.i t
que l'E?·pagne a r~co;m!1enc6 ses
expor'~ations sur la ?rance et ~ue les r6gions françaises qui
ont été le
théâtre de
la guerrco",t ""'prj~ /e.llr",.odvc.riOI1
Considéran.t qu'il nt y a-Iait pas (') s'inçuiptcx" pour lef;
sardines en raison dr~ l';],h3er:.cc de concurrence sur le marché
français,
le t;onsciJ p~,~:,~~ en .l'evue les pr(~judices que les
tilrifs de rizuellI' C~usp.I':1.i0nt à la France cl,ont les produits
sup~orter~ient difficil.cillent la concurrence de ~eux provc-
nonc etes pays qui,
dans
le
tr3.ite:n8nt ùe 13. :1ation ln plus
,
", ..
"
1
1,
1(' r-cnouvelleJent de
la convention litt0railJ~ qui venait D.
px~)iration f?t dont le x'cnouvcl.!.0:nent fu!; considéré C0r,n~T)e
, \\
i
devant faire partie int$~ra~te du trait~ de commerce II 1 •
En tirv':'1t ces conclusions,
le CO:1.seil Sti;,érieur du
1
COld:TlerCC
ouvrait en mêtne temps
la guerre d€'3
tarifs ct 'autant
'f
plus volontiers que.
non seu.l0fi1Cnt
Je
Portuzal n'était plus
{,"
retenu par le '71ême type d 'oxi1;enC{--:!s économiques CO!l1me en
~
,i,
:
1919-20, mais aussi parce qu'une politique d'exc'2ssive p:otec-
~
1
( 1 ) Extrait trC'lctui t
(hl
~Tf"Jl_1I':"1al .\\ TQ.rde d~l ,~.:J octobre 1921,
~~nox~ alj rapport de l'~ttaché commercial ~u ministre du
<,
0');1:;~';CY.'ce 0t de J·T:l',~211.7:tL'i,·~~ ti::;':)':"'nnr', ':1) oct;nbre lQ21.
;'...
.\\ :'~F /?1~
0 ....: (.)7 •
p=~~~:ti;;~.,~~~;:~~~~~;~j~œ;~'::Ti:
f
tian douanière ét;o.it dev€,p_ue
une nécessité,.
à la foLs p011r le
trésor public et le redressement monétaire.
Le 15 novembre 192J.
le Diario do Cov~rno publie un
décret relatif a<lX irnport3.tions et (10nt les cor:sidérants Se
réfèrent à la surtaxe d 'entr~pt>t qui frappe les produi. ts
portugais et constitue un régime de désavantage.
Les articles
premier et second portent au triple les taxes maximum app1i-
cao1es aux marchandises et navires français -
expressément
nomm~s - à leur entr~e sur le territoire portugais (1).
Les conséquences de ces mesures i'ur.:·nt ;:;raves pour le
commerce français.
Le
tarif maximu;, qui, depuis
la dénonc1a-
tion du modus vivendi,
frappait le commerce, équivalait au
daublc du tarif mi!"'timllm ;
son élév.:I.tion aU tripl~ so~mcttait
les marchQ.ndi3c~ franç:lises ~, nes droits six fois plus éle'.rés
qt!e ceux acc;ui ttés par les ;oays qui bénéficiaiE,nt du tari f
i
if
minimum"
c'est-à-dire pratiquement l'ensemble d<2S principaux
pays industrialisés, ct par conséquent susceptibles de concur-
rencer la France. De surcroît,
les "raits cte dnuane devaipnt
:i
être flay4s
(\\n monnaie-or. ~"~ai.s la m('sure ne devaâ.t pas ~ti."'e
la dernière.
Le I l févriC!r 192 Il,
le Diario do Coverno publie
un nouveau dé cre t
dont l ' artic le premier stipulai t
notanm,ent
"Le ministre des Finances pourra,
au mOY'2n d'arr~tés,
prendr€
ou conditionner l'importation des marchandises qui ne sont
pas indispensables à la conservation de la vie et au dév810p-
pernent du travail nationa1 ..... (2.).
(1) R3pport de l'attaché commercial û.U mini'1tre du Co:nmerce et
de l'Industrie.
Lisbonne, 16 novembre 192). ANF/FI2 2267.
(2)
Le mi,nistrc de France au Pr6sident du Conseil l TJinistl'c
c1e~ Affaires Btra.n~'j0:r·es. Lisbonnc
~7 :'évrier 192!t.
1
r1M:fti: -t'Hl-l'· P~T""C".1, n030.
En <:lpplic.:ltion de- cc di'cret,
le gcuvcrne':'":1ent port1.tGais
interdit peu apr~s l'importation des ti8sUS de soie, de soie
n."lturelle et artificielle, de velours de soie et ct'"' ,",otan,
de plumes et peaux et les
objets d'habillement confectionnés
l'exportation française vers
le rort'l~al.
Les mesures portuGaises pr>rtèrent u.n rude coup au commeTce
de la France dont la val~ur totale des exportations vers ce
pays passa de16R.::;OO.OOO francs cn 1':12.3 (chiffre du co'nmcrce
~~n~ral) ~ 74.~oc.oOO fr~ncs (1). soit Une baisse de pl!.ts de
}O%.
Le
cormr:erce :;Jortug'v.is ~ubi t '.lne baissl,-~ J."elativement plus
modérée. Les deux années 5l.1ivante::3 connuren.t en revanc'le une
.forte I~roeressi()n qu'il ~101JS ec;t inil1osc.;ih1e d'expliquer, :10S
$oarces s 'arr~tant en 192.:'j-.
.
Deux hypothèses :..l~uvC'nt être élVan~0es • La pl."erni ère est la
si~natttFe d'un ac-c.ord au courant de 192]. Un t;e.l ~cço~:cL.~--:m'--:_.:-=-_
pourrait ~ien intervenir sous la pras310n de certains ~i].ieux
, '
r
~
Co:nitô Central 1e la laine, U!1 clt:s :?rincipaux sectellT'<::
d'expcrtation a~l 28rtucaJ.
C:J,.S
O~l i l serait
i~pos9ible d'abol1tir h un accord entre les rtiZf~rentcs bran-
ches ctc la prQdl1ctin~ nation~lp, 5.1 ~oit fait ~p~el ~ l'~rbi-
accord peut-il avoir été conclu si, pour les deux années de
19~5 et 19~6, les quantités de vin introduites en France
n'ont été respectivement que de 78.164 hl et 60.388 hl contre
Sources
1
Tableau Général du Commerce et de la Navigation
pour les annees 1923 et 1924.
6J9,748 hl en 192J ? La deuxième hypothèse est celle d'une
levée sans condition des mesures portugaises de prohibitions,
t'arrêt total des exportations françaises signifi~t
en terme de rentrées fiscales, un double manque à gagner pour
le trésor,
Hais quand bien même, un accord aura été conclu,
l'évolu-
tion des relations commerciales à partir de 1919 aura été
révélatrice des difficultés, durant la période 1919-1926, des
échanges commerciaux dont le tableau ci-dessous donne un
résumé, en valeur, al~ée par année, On remarquera l'irré~~-
larité dans l'évolution des chiffres, en particulier les
profondes modifications des années 1921 et 192 4.
J~ l'arre~-'3<Jerre
Ainsi l'évolution des échanges
démentaient
les propos idéalistes tenus dans le cadre de la propagande de
guerre; de surcrolt, l'Allemagne contre laquelle la propa-
~,
~•...
gande était menée était devenue une des raiSOns des ..c:I.it:t:i--:
cuItés du commerce franco-portugais, L'après-guerre allait,
en revanche, consacrer le phénomène de l'immigration ouvrière
portugaise en France qui était née de la guerre,
-436-
TABŒAU DES ECHANGES COl-lMERCIAUX FRANCO-PORTUGAIS POUR lA
PERIODE 1919-1926 (EN MILLION DE FPÂNCS) (1)
1
1
1
: Année
1 Exportations f"rançaises
1 Exportations portugaises
1
1
au Portugal
1
en France
1
1
1
1
1
1
1
1
1 Commerce
Commerce
1
Commerce
1
Commerce
1
: général
1
spécial
1
général
spécial
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1919
1
87.6
1
65.6
1
243.1
1
178.6
1
1
1
1
1
1
1
1
192:0
175.5
1
12:7.0
1
212.7
1
154.7
1
1
1
1
1
.. "
1921
1
95.8
1
72.6
80.6
76.4
1
1
1
1
:
1
1
1922
1
93.0
84.6
222.0
213.3
1
1
1
1
1
1
1923
1
168.5
1
150.0
192.0
166.8
1
1
1
1
1924
:
74,6
1
60,4
1
129.0
1
92.6
1
1
1
1
1
1
1925
1
225.6
1
200.2:
1
184.644
1
152.842 1
1
1
1
1926
1
378.47 1
343.04 1
217.344
1
179.0
1
1
1
1
1
,.'
(1) Sources, Tableau Général du Commerce et de la Navigation.
Années 1919 à 1926.
,
~.
-4J7-
i
III - L'immigration ouvrière portugaise en France au lendemain
,
,
de la guerre
t
la consécration dé~initive d'un phénomène
économique et social dans les relations entre les
deux pays
L'immigration en masse des travailleurs portugais en
France, n4e des circonstances de la guerre, se maintint au
lendemain de celle-ci. Les nécessités de la reconstruction en
France d'une part, la dégradation des conditions de vie au
Portugal de l'autre, ~irent que le mouvement des travailleurs
portugais ne diminua pas. Cependant la pauvreté des sources
- du moins celles auxquelles nous avons eu accès - rend
l'histoire de l'immigration de l'après-guerre plus obscure
que celle de la période de guerre.
"
.','
Le problème de l'adaptation de la question de l'immi-
!
gration aux conditions de la paix, ~ut posé pour la première
"
~ois dans le cadre des premières négociations économiques
entamées en 1918 J mais i l n'y eut pas de suite en raison de
l'échec de ces négociations économiques. Ce ne sera qu'au
courant de l'année 1919 que la question ~ut reprise.
'; ,~
Le gouvernement ~rançais proposa que fus:;ellt étudiées
les conditions dans lesquelles devait ~tre organisée et régle-
mentée l'immigration des travailleurs portugais en France.
Son ministre à Lisbonne soumit à cet e~~et au gouvernement
portugais un projet de convention, un modèle de demandes
collectives d'ouvriers, des modèles de contrats types d'enga-
::è~.-
"
'.1;
, .....
-4J8-
gement d'ouvriers de l'industrie -et des travailleurs agricoles.
--,
En retour, le gouvernement portugais énuméra quelques condi-
tions qu'il considérait comme des clauses indispensables à
inclure dans toute éventuelle convention 1
1°_ garantie que les ouvriers spécialisés ne travaillent •
que dans leur spécialité et non dans les emplois communs 1
2°_ recrutement avec interprète faite par l'intermé-
diaire du ministre du Travail du Portugal ou sa délégation
en France ;
)0- égalité des salaires entre travailleurs français
et portugais
1
<~.",-
4°_ extension d'avantages concédés par la loi, aux
-,
travailleurs qui rentrent au Portugal, aux victimes d'accident
de travail (1).
Hais i l est invraisemblable qu'en définitive une conven-
tion sur de telles bases ait été signée. Des documents offi-
~ --
ciels de 1925 établissent que seules l'Italie, la Pologne,
la Belgique et la Tchécoslovaquie, étaient liées à la France
par des accords dont les clauses prenaient en compte certaines
des conditions posées par le gouvernement portugais dans sa
réponse au projet français de 1919. L'absence d'une convention
officielle signifia-t-elle pour autant un arrAt de l'immi-
gration des travailleurs portugais en France ?
Les faits répondent par la négative. Comme au temps
..
de la guerre, des missions officielles de certains départe-
(1 ) Récapitulation des conditions portugaises, note du
ministre de France au ministère portugais des Affaires
Etrangères. Lisbonne, 19 juillet 1919. MNE/Jo P A7 MJ1.
.f..j';~'}~',fi<;.:;::·;k>:·: -;:"_~:L:~~' "c~:...;.,..~._ .', ~
.'" ~-j~~i\\;,'XiJo>",,';-",,;:;-lI;oj--,.~. ~"i~.."" ,".-1;'-'<"'. ".,.,-;.; ~".;_....,:• .' ;-, ~ _._ '.
ments ministériels allaient prendre le chemin de Lisbonne et
•
de Porto, sans compter un courant de migration clandestine,
dont il est di~~icile d'évaluer l'importance.
En octobre 1923, deux missions se succédèrent à Lisbonn-.
La première ~ut celle du che~ du service de la main-d'oeuvre
agricole du ministre de l'Agriculture et la seconde celle
d'un haut ~onctionnaire du ministère du Travail. L'une et
l'autre avait pour objet d'étudier les conditions dans les-
,-
quelles pouvait Atre recrutée la main-d'oeuvre portugaise
pour les régions envahies et les campagnes.
Le responsable de la première mission et l'attaché
commercial, après examen du problème, décidèrent de con~ier
l'organisation pratique du recrutement et du transport des
travailleurs à l'agent portugais de la compagnie maritime
des Chargeurs réunis. Ils expliquèrent ce choix par plusieurs
..
raisons 1 l'agent des Chargeurs Réunis est très au courant
~
des questions d'immigration et est de surcrolt portugais 1
seul lui, avec sa connaissance du pays et des habitudes,
pourrait sans éveiller des susceptibilités, s'occuper discrè-
tement du recrutement, de,l'établissement des contrats de
travail, et de l'embarquement des travailleurs sur les bateaux
~rançais à destination de Bordeaux et du Havre. Le débarque-
ment à Bordeaux ou au Havre, leur apparut comme o~~rant plus
de garantie que celui d'Hendaye (par voie ~errée) parce que
l'arrivée des travailleurs dans le premier cas pourrait Atre
-440-
mieux surveillée, de m~me que serait relativement facile
leur hébergement (1).
Au moment où le chef du service de la main-d'oeuvre
agricole mettait au point à Paris, les négociations entamées
avec l'agent des Chargeurs Réunis, débarqua à Li_benne le
missionnaire du ministère du Travail. Les projets de ce der-
nier étaient totalement Jiff~r-e.J;SJ~elui de l'envoyé du minis-
tère de l'Agriculture
1
transport des travailleurs par voie
ferrée,
établissement du centre de recrutement à Porto, au
lieu de Lisbonne 1 publicité, dans la presse locale, sur les
avantages offerts aux travailleurs portugais candidats à
l'émigration vers la France.
Il ne nous a pas été possible de savoir le développement
que connut la question du recrutement, ni l'importance numé-
rique des travailleurs introduits en France à la suite de
.~~ssions, et avant elles. Ce chevauchement indique cepen-
da nt que la question de l'importation de la main-d'oeuvre
était cruciale et que le Portugal était devenu désormais une
source dont l'économie française n'allait plus se passer.
En dépit de l'absence de données précises, on est fondé
à soutenir que l'immigration portugaise a pris un certain
essor. Le tableau ci-dessous a été établi à partir de données
très partielles, à partir de rapports d'un certain nombre de
préfectures, et à des fins de police. Pourtant, le nombre
(1) L'attaché commercial auprès de la Légation de France au
ministre du Commerce et de l'Industrie. Lisbonne,
16 octobre 192). ANF/F12 9267.
-441-
QUELQUES DONNES SUR LA PRESENCE DES TRAVAILLEURS PORTUGAIS
EN FRANCE - ANNES 1925 (1)
1
1
1
Départements
1
Portugais
1
Total des
1
1
1
travailleurs
1
1
1
immigrés
1
.--------------------------1---------------1---------
.
________ 1
1
1
1
TARN
61
1
6.084
1
1
1
1
LOT-ET-GARONNE
184
1
6.512
1
1
1
1
1
1
GARD
1
2)
1
8.170
1
1
1
1
1
1
MAur-RHIN
1
4
1
5.1 )2
1
1
1
1
1
1
ISERES
1
24)
1
22.754
1
1
1
1
1
1
LOIRE
1
586
1
22.296
:
1
1
1
1
1
LA SOMME
920
1
11.804
1
1
1
1
1
1
PAS DE CALAIS
1
2.56)
1
108.848
1
,
1
1
L
.. -._. .....
_.-;:-.:"~_.---
1
ARRONDISSEMENTS DE DOUAI 1
44
1
)0.)09
1
1
1
1
1
DEPAR1EMENTS DU NORD
1
858
1
190.566
1
1
1
(dont 527 à
1
1
1
Lille)
1
1
1---------------1-----------------1
1
1
1
TOTAL
1
5.486
1
412.508
1
1
1
1
(1 ) Tableau établi à partir aes rapports des préCets du
ministre de l'Intérieur en réponse à l'instruction minis-
.:; '.
térielle du 26 février 1925 sur les travailleurs étrangers •
ANF/rz 1)518 (sous-dossiers main-d'oeuvre étrangère).
"'"
total des immigrés portugais dans les prérectures ci-dessus
mentionnées n'est inférieur au total de mai 1918 que d'environ
1.000 personnes (1).
Il ressort du tableau que les principales zones d'im-
plantation - Pas de Calais, la Somme, l'arrondissement de
Lille - sont des régions rortement touchée par la guerre et
où se posait le problème de la reconstruction. Cela autorise
à penser qu'il s'agit d'introductions nouvelles par rapport
à celles des années 1917-18 pour lesquelles les secteurS
d'emplois auraient été les rabriques d'armement et l'agricul-
ture J l'amélioration relative des conditions de travail à la
,
rin de la guerre, de mAme que la dégradation de la situation
•
l'
sociale et économique du pays d'origine pendant la m'me
période pourraient avoir retenu une bonne partie de cette
première vague localisée surtout dans les zones industrielles
de Paris et de Lyon et dans le Midi.
~,
put
On
par conséquent
penser que les données
réelles sur l'immigration ouvrière portugaise pendant cette
période vont certainement au-delà de ces chirrres. Cette évo-
lution consacra ainsi dérinitivement une réalité qui, outre
son importance économique, devint un puissant racteur d'inter-
pénétration sociale et donna au phénomène d'inrluence cultu-
relIe et idéologique de la France, un earactère de masse.
+
+
(1) cr. ci-dessus 2e partie, ch. IV.
;
...
.
.
"
.
Mais l'évolution générale des relations éoonomiques
de l'après-guerre aura été pour la France, un échec quant
aux ambitions qu'elle a nourri durant le conflit. Ces dirri-
cuItés de relations économiques contrasteront en revanche
avec l'intensité des relations politiques. Celles-ci, qui
sont nées de la guerre, eurent pour thème l'évolution poli-
tique et sociale qui engendra la dictature militaire et le
rapport de la France à cette évolution.
..
..~
,',
CHAPITRE III - lA FRANCE ET lE PROCESSUS DE LIQUIDATION DE lA
PREKIERE REPUBLIQUE PARlEMENTAIRE PORTUGAISE 1
DE LA COOPERATION DAKS lA LtJT'Œ "ANrI-
BOLCHEVIQUE" A LA RECONNAISSANCE DE lA DICTATURE
MILITAIRE ISSUE DE LA REVOLUTION NATIONAlE DU
28 MU 1926 (1919-1926)
Une Cois passé le moment de tensiona qui marqua
la fin de la République Nouvell~ et la Conf'érence de la Paix,
il fut donné libre cours à la célébration de l'amitié oCri-
cielle entre les deux pays dont le principal rait historique
de réCérence sera désormais la coopération au cours de la
guerre. Déjà la période de la ConCérence de la Paix avait été
'.
marquée par l'inauguri',tion, en _:t's 1919,4k.~ ~Q~7,~!,1,4~!L•
.,
et de littérature portugai~es à la Sorbonne \\1). Mais ce
seront surtout les maniCestations de Cixation des souvenirs
de guerre, véritables dérivatifsà une situation de malaise
?- ••
politique et social et auxquelles les milieux dirigeants
portugais accorderont une attention particulière qui seront
au premier plan.
~,
Ces maniCestations qui commencèrent par la
célébration au Portugal, du 14 juillet 1919 décrété flte
~ - "J.o_.
(.}:~:,
nationale cette année-là, en écho aux grandes Cestivités qui
~ -, :;....'
(1) Voir MONIS (Egas), op.cit., PP.J71-J75.
,.<J...._.
avaient lieu les 1)
et 14 juillet à Paris. devaient contri-
buer assez largement à l'instauration du climat id'Qlogique
dans lequel interviendra le changement de régime. le
28 mai 1926.
En 1920. le gouvernement portugais décerne à
la ville de Lille le grade de chevalier de la Tour et de
l'Epée. la plus haute distinction du pays. en reconnaissance
à la sympathie manirestée par ses habitants à l'égard des
prisonniers portugais de la Bataille de la Lys (9 avril 1918)
en route pour la captivité en Allemagne (1). En avril 1921.
a lieu l'inhumation du soldat inconnu portugais (ou mieux de
deux soldats inconnus. celui d'Arrique et celui de France)
, ~
au monastère de Batalha. La France représentée par le maréchal
!1
Jorrre y tint la première place parmi les nations invitées.
1
,!
,
Peu avant les cérémonies de Batalha. vit le
;
jour une a.fSGlC~ion dea anciena combattants rranç~~ré8idanti
,
au Portugal. Gette association qui orfrit sa président d'hon-
neur au maréchal Jorrre et prit part aux cérémonies de
Batalha était appelée à jouer un raIe dans les échanges de
.cette nature. Le mois de décembre de la même année 1921 est
marqué par la création de la commission portugais des monu-
1·
ments de la guerre qui sera à l'origine de ·,plusieurs manires- ,'i
f,
tations rranco-portugaises 1 en particulier. elle orrrit au
i
,
, t
,
Touring Club de France. sept bornes commémoratives en vue de
la délimitation du secteur portugais sur la longue rile de
bornes qui de Suisse en Mer du Nord marquèrent des lignes da
(1) MARTINS (Gal.Ferreira). op.cit •• p.)9.
2
••_
.
_ .,_,
, ...
"
'_
"
.
,
front. L'inauguration de ces bornes eut lieu le 9 avril 192)
au Pont du Hem en présence des délégués de la commission
portugaise des bornes de guerre et du maréchal Joffre qui
présida à la pose de la première pierre du monument portugais
de Lacouture qui fut le dernier réduit portugais au cours de
la bataille du 9 avril 1918 (1).
Le culte du patriotisme, qui était l'objet de
ces échanges, était le reflet du développement du courant
nationaliste né de la guerre et accentuée par la réaction
anti-bolchévique. Ce phénomène qui se traduisit en France par
la création du B~oc national qui remporta les élections de
novembre 1919, s'accompagna, au Portugal, tout comme en France,
par un retour des forces cléricales, marquant en cela un net
recul du radicalisme anti-clérical des premières années de
la République.
La fin de la· Répub1iqWl Nouve-.l,·le·· d...."Si4-onio·c··~--
Paes ne donna nullement lieu à une remise en cause de la poli-
tique religieuse de ce dernier. Les liens avec le Saint-Siège
furent maintenus. Le nonce apostolique put même présenter ses
lettres de créance le 7 mai 1919 1 la reprise fut surtout mar-
quée, à l'oocasion des cérémonies d'inhumation du Soldat
Inconnu, par les offices religieux célébrés dans la basilique
de Estrela à Lisbonne et dans la chapelle du monastère de
;.: .
Batalha, et auxquels prirent part le président de la RépubliClue!
et le gouvernement. Ce retour se précisera avec force au fur
------"'---------------------
,.<.
..
Le détail dé ces manifestations bilatérales de commémora-
;:'.
"
tion de la guerre est donné par le général Martins Ferreira
dans son ouvrage déjà cité et traitant de l'amitié franco-
'~ ..'
portugais : França - Portugal, p.)9-47.
..
..~
-447-
et à mesure de l'évolution de la situation portugaise vers la
rupture avec la République parlementaire libérale,
Le rapport de la France à cette évolution se
manifestera dans deux types de réalités différentes, mais
d/iJ ... ~ pa ....t-
complémentaires ,Vïa coopérationManti-bolchévique M (qui est
également un prolongement direct des relations de guerre)
d'une part, et de l'autre, les prises de position et les
actions officielles autour des événements marquants de ce
processus.'
l - La coopération dans la lutte Manti-bolchévisue"
au Portugal
Au-delà des luttes politiques qui, dans l'après-guerre,
opposèrent les différentes forces politiques, il y avait la
question de l'agitation sociale 1 le mouvement ouvrier por-
tugais exerça en effet une forte pression sur la vie poli-
tique du pays. Ce mouvement subit, comme
partout dans
l'Europe de l'immédiat après-guerre, les répercussions des
événements de Russie, c'est-à-dire l'influence de la
Révolution Bolchévique. Aussi, la question retint-elle l'atten-'
tion des puissances victorieuses, dont la France.
La lutteeantre le bolchévisme au Portugal constitua par
conséquent un des éléments des échanges politico-militaires
de l'après-guerre entre les deux pays. Cette coopération qui,
en soi, fut un micro-phénomène, revêt tout son intér&t à
travers l'importance des problèmes internationaux posés par
la révolution d'Octobre 1917.
1 - ~!_~~~~!~2~!_~~!!~2!!~22!!!!_!!_~~!!2!~9~!!_~!_!!
g~!!!~2~_~~!~~!!~9~!
La coopération entre la France et le Portugal dans la
lutte contre le bo1chévisme dans ce dernier pays fut, du moins
ce que nous en savons par les sources disponibles, relative-
ment limitée dans le temps. Elle fut cependant assez signifi-
1
cative de l'importance de la question et mérite d'être évoquée J
~ii,
en tant que dimension à la fois de la question de la révo1u-
tion bo1chévique en Russie pendant et après la guerre, et
des problèmes internes des puissances victorieuses.
1
~
La question bo1chévique fut, au départ, Îié-~ ~-T~-i~tt; --·f
contre l'Allemagne. La prise du pouvoir en Russie par la
fraction dite bolchevik de la social-démocratie russe, signi-
fia, pour les Alliés, la perte définitive de ce pays, tant
f
du point de vue des nécessités immédiates de la guerre, que
f!
du point de vue de leurs intérêts économiques, diplomatiques
"
. j
et stratégiques J cela était particulièrement vrai pour la
France.
;
1
~
..
La défection définitive de la Russie, du fait de la vic-
toire des bo1cheviMs 'qui libérait da coup les Allemands du
.' .
-449-
front oriental, fut considérée à maintes reprises par les
pays de l'Entente comme une oeuvre des autorités allemandes,
Les Bolcheviks étaient en effet supposés manipulés par
l'Allemagne, C'est là que réside, sans doute, l'explication
de la confusion qui exista pendant longtemps entre bolché-
visme et impérialisme allemand (1),
Cet amalgame avait plusieurs origines, Déjà, avant la
révolution russe, toute agitation sociale et toute forme
d'opposition à la guerre était considérée comme faisant le
jeu de l'ennemi ou, dans la plupart des cas, comme manipulée
et financée par l'ennemi,
Il-
La manipulation supposée du mouvement bolchevi~ fut
d'autant plus fondée qu'en accordant l'exterritorialité au
,
'
train qui transporta Lénine et d'autres dirigeants bolch~lIiq~e.s
de Suisse en Russie, à travers leur pays, les autorités alle-
mandes ont largement contribué à la défection rusae ...-Les
poches des dirigeants bolc.h~vi«tLJe.5 ont-elles été aussi remplies
avec de l'or allemand comme l'affirment certains? (2).
Toujours est-il qu'en facilitant le voyage des révolution-
naires russes, le gouvernement allemand entendait tirer parti
de la situation de décomposition de l'Etat russe,
(1) Dans une lettre au ministre de la Guerre, le capitaine
Gaillard, du service de renseignements français en Suisse !,
écrivait, le 13 novembre 1918, à propos de l'agitation
révolutionnaire dans ce pays
l
"De nombreux vieux Suisses
sont écoeurés de l'invasion de leur pays, par ces fonc-
tionnaires du roi de Prusse, humbles serviteurs de la
Germanie, qui, en silence, petit à petit livreront la
libre Helvétie aux agents bolchéviks de Guillaume II,
Scheidemann et Erzberger", SHA/16N 1290,
(2) ROSEN (Bon.), Fort y years of Diplomacy, Londres, 1922.
Vol,II, p.284.
Le retour du chef du parti ~o~"iq~ dont le programme
politique était l'arrft immédiat des opérations militaires et
'~
la paix sans annexions, devait 'tre fatal au gouvernement de
Kerensky, favorable aux Alliés et opposé à la paix séparée.
En effet, à peine les Solcheviks avaient-ils pris le
pouvoir qu'ils proclamèrent leur intention de parvenir à un
accord avec l'Allemagne. Après des péripéties, la paix de
Brest-Litovsk était signée en mars 1918. Les 8olchévikS, en
permettant à l'Allemagne de libérer son front oriental, mais
aussi en appelant au soulèvement du prolétariat à l'OUest,
devinrent un nouvel ennemi des puissances alliées qui entre-
prirent de les abattre (1).
De décembre 1917 au premier trimestre de 1918, elles se
limitèrent à soutenir des foyers de résistance au pouvoir
boleh~1I1quQ.à aider à l'organisation des forces anti-
.','<
:;- .
f~t.'
bolcheviques russes et non russes, les divisions ukrainiennes,
~~~..-:: -
l'~ ~-
~>
polonaises, tchécoslovaques. Ces efforts qui ne viseraient pas
le nouveau pouvoir établi en Russie, mais constituerait la
continuation de la lutte contre les empires centraux (2),
Ik
(1 ) Au moment où la paix de Brest-Litovsk était signée, Stephen
"
Pichon, ministre français des Affaires Etrangères fit au
.
New-York Herald une interview assez significative de l'opi. !
nion et des intentions des puissances alliées 1 "Si
r
l'Allemagne réussissait à compléter à l'Est l'oeuvre de
'
confiscation et de domination qu'elle a commencée, il est
évident que l'équilibre militaire et économique de l'Europe
sera à jamais détruite ••• Quel sera ce jour-là, la valeur
des traités élaborés par des gens payés, signés de faux
noms par des personnages sans mandats et imposés à des
nations affaiblies ••• Malgré l'effondrement de la Russie,
il y a encore dans ce pays, des éléments sains, des forces
et des richesses merveilleuses que nous ne pouvons aban-
donner à l'ennemi", Interview reproduit par le Matin du
10 mars 1918.
(2 ) FOCH (général), Hémoires
à l'histoire de
~uerre 1q 14-18. ~P;::a~r::';1~s;':';.::':;:'1"'9~="""~;':'~.""":p;'.";X;;'X";;X-nI"lI;>-~X7.X~X~IVf;>'-."'."".
devint bient&t à partir de l'été 1918, une politique d'inter-
vent ion ouverte, en Sibérie Orientale et en Russie Septen-
trionale
J en décembre 1918, débarqua à Odessa un véritable
corps expéditionnaire sous commandement Crançais pour appuyer
l'action du général russe blànc Denikine. En Cait, si la
guerre contre les empires centraux constituait encore la
principale préoccupation, la lutte contre le pouvoir sovié-
tique lui était liée et allait bient&t la supplanter.
Ainsi, compte tenu de ce déroulement des événements, la
lutte contre les inCluences extérieures du bolchévisme conti-
nua à Atre liée, plus particulièrement dans l'esprit des
agents diplomatiques et ceux des renseignements Crançais, à
la lutte contre les menées allemandes. Mais si la psychose de
ces menées continua à entretenir cette conCusion, la question
bolchévique tendit de plus en plus à être autonome et à 'tre
identiCiée aux puissants mouvements révolutionnaires et de
grèves auxque ls les pays européens durent Caire_ J'ë\\ce aJ,l
lendemain de l'armistice.
Certes, ces mouvements avaient secoué l'ensemble des
pays belligérants au cours des années 1917-1918, en raison
des dures conditions de guerre. Et ces conditions, loin de
s'atténuer, ont empiré à la Cin du conClit. Cependant, les
mouvements du lendemain de l'armistice tout en partant de ces
mAmes conditions, se développèrent également en écho à la
Révolution Bolchévique, qui apparut comme l'exemple à suivre.
(2-suite de la page 450) •••
(avant-propos de l'éditeur).
,- .... -, .
Les leçons de cette révolution et l'attitude ~ace à elle,
vont alors servir de ligne de démarcation entre les di~~érents
courants politiques qui se développent au sein du mouvement
ouvrier. La révolution spartakiste en Allemagne en 1919, avec
toutes les di~ficultés qu'il créa aux alliés, la Commune
Hongroise de Bela Kun, l'apparition des conseils ouvriers des
~abriques en Italie avec la constitution de la République
communiste de Milan, les scissions communistes dans les partis
ouvriers européens, devaient constituer les étapes marquantes
de la manifestation de l'influence décisive des thèses bolché-
':...
viques dans le mouvement ouvrier international.
Dans cette évolution, le pouvoir soviétique, allant au-
delà de l'appel au soulèvement à l'OUest avait pris le parti
d'aider dans les faits le mouvement révolutionnaire dans les
autres pays en réunissant le congrès de fondation de la troi-
sième internationale en mars 1919,
La lutte contre le bolchévisme, nouveau péril pour les
puissances victorieuses de l'Entente et le nouvel ordre inter-
national en perspective, issus de la guerre et puis des
,
congrès de la paix, dépassa ainsi largement les limites de
.
l'intervention militaire en Russie. Les gouvernements alliés
entreprirent de vastes opérations pour enrayer la propagande
et l~actio~d'inspirationbolchévique. A l'intérieur des
Etats, cette lutte recouvrit des aspects politiques, militaires
et idéologiques. Ce dernier rut particulièrement remarquable.
Autant que la guerre contre l'Allemagne
(1), la lutte
contre le bolchévisme donna lieu à une florissante littéra-
ture politique caractérisant et dénonçant le nouvel ennemi.
Comme précédemment dans la lutte contre la "barbarie germa-
nique",
le thème de la défense de la civilisation occidentale
réapparut. "C'est à la civilisation occidentale tout entière,
à son histoire et à son génie,écrit Etienne Fournol,que le
bolchévisme s'oppose. L'instinct le plus secret de celle-ci
reconna!t justement dans celui-là son irrémédiable ennemi"(2).
Le bolchévisme,
loin de les stimuler, détruirait en effet,
"tous les progrès de la civilisation sous le couvert d'un
faux sentimentalisme de secours aux faibles, qui n'Est autre
qu'un encouragement à l'inertie, à l'anéantissement de toutes
les forces,
pour en arriver au néant"(J). Une telle réalité
ne pouvait être le fait de l'occident et adaptable à celui-ci,
telle était l'opinion répandue. Le b0lchévisme fut considéré
comme un phénomène typiquement orienfol et russe L.__ ----
Certains auteurs en chercheront l'explication dans l'ori-
gine de la t~éorie de la lutte des classes dont il s'inspire.
L'origine de cette théorie résiderait dans le fait que Karl
Marx, son inventeur, soit juif et qU'à l'Est, les juifs
étaient les plus prolétarisés (4). Quel que fut l'aspect .ur
(i) Voir ci-dessus, dans la deuxième partie, le chapitre V.
(2 ) FOURNOL (Etienne), "Les volets du Dyptique", in Mercure de
France, n0504, 16 juin 1919. p.578.
LOBO (Costa), Le problème mondial et l'action du Port~,
Coimbra, 1921, p.29.
(4) VALOIS (Georges), "La théorie de la lutte des classes" in
Revue Universelle du 15 août 1920, p.420.
-454-
lequel porta la littérature anti-bolchévique, 18s auteurs
..~,
furent dans l'ensemble unanimes pour voir dans le phénomène,
le principal obstacle à la solution du problème posé 1 la
stabili~é et la reconstruction, indispensable au maintien de
l'influence européenne dans le monde.
A - La révolution d'Octobre 1917 et le mouvement ouvrier
portugais
La révolution bolchévique exerça une certaine inf1uen~
sur le mouvement ouvrier portugais. Nous n'entendons pas
étudier ici, ni sur le plan doctrinal, ni dans toutes leurs
l
complexités,
les manifestations de cette influence 1 nous nous.!
limiterons aux répercussions de cette révolution sous l'angle
des modifications introduites par elle au sein du prolétariat
portugais et dans son action.
Depuis la chute de la monarchie, les masses ouvrières
i
j
avaient fait irruption dans la vie politique du pays. Plus
1
que toute autre nation belligérante, de l'Ouest, et propor-
tionnellement à l'importance de son prolétariat, le Portugal
ne cessa pas de conna!tre l'agitation sociale. Celle-ci, loin
d'&tre réfrénée par le conflit, fut intense en raison de
l'aggravation des conditions de vie des masses laborieuses et
_. --'.
,
-455-
de l'accroissement quantitatif du prolétariat industriel des
grandes villes ; la guerre, par le double phénomène de ferme-
ture des sources d'approvisionnement en produits manufacturés
et l'ouverture de certains débouchés en France et en Angleterre.
avait suscité un développement industriel dans la métallurgie,
la chimie, mais surtout dans les industries textiles et
alimentaires (distilleries et conserves), Ce fut
pendant cette période que, pour la première fois, le capital
global des entreprises industrielles dépassa celui des socié-
tés commerciales (1). Cette augmentation du prolétariat
i-;-
industriel eut un poids certain dans l'agitation ouvrière.
Celle-ci fut en rapport direct avec le coût de la vie.
La guerre avait à la fois créé une pénurie des biens de
premières nécessités et favorisé la spéculation. Cette situa-
tion, loin de s'atténuer après les hostilités, s'aggrava du
fait de l'évolution critique de l'économie portugaise. Mais,
alors que les mouvements de grève de la fin de 1917 et au
cours de l'année 1918, animés par l'UON (Uni&o Operaria
Nacional), furent marqués par l'aspect revendicatif, c'est-à-
dire contre la vie chère et les conditions de travail, ceux
qui suivirent l'armistice se distinguèrent par une nette évo-
lution du discours politique qui les accompagnait.
;i,
A partir de cette période, commença à s'exercer
l'influence de fait de la révolution russe sous forme de
propagande, d'action et d'organisation. La manifestation
publique qui eut lieu devant le Palais de Belem au lendemain
:/
COSTA (Ramiro da), 0 desenvolmiento do capitalismo en
Portugal. Lisbonne, 1975. pp.J9-40.
( : ' >
de la signature de l'armistice fut assez révélateur à cet
égard. Lorsqu'après la lecture. par Sidonio Paes. du message
du roi Georges V. un marin français. agitant un drapeau, cria
en français
t
"Vive le Président
! Vive la République" et que
la foule scandait le nom de Sidonio Paes. des voies discor-
dantes dans la foule lancèrent
t
"Vive la Russie
! Vive la
Patrie Universelle
! Vive Lénine! A bas l'armée"(l).
Ces voix discordantes annonçaient l'influence que
la révolution russe allait exercer.
Peu après. le 18 novembre 1918. l'UON lança une grève
générale au niveau national contre la vie chère. Celle-ci. en
raison de l'épidémie de pneumonie qui sévissait alors. ainsi
que des mesures prises par le gouvernement. se solda par un
échec. Le mouvement dont le bilan se serait élevé à 5 morts.
50 blessés et )00 arrestations avec de nombreux dégâts dus à
des attentats à la bombe. annonçait néanmoins. l'ambiance de
l'après-guerre par la violence des affrontements. En dépit de
cet échec
et de la répression qU1 suivit.
l'action du pro-
létariat dans la vie sociale et politique se renforça. Ainsi.
les masses ouvrières de Lisbonne jouèrent un raIe important
dans la mise en échec de la tentative de restauration monar-
chique de janvier-février 1919. ce qui leur permit de recou-
vrer une entière liberté de propagande et d'action. Elles
seront également présentes. plus tard. dans la mise en échec
du coup d'Etat d'avril 1925. prélude à la dictature militaire.
(1) MARTINS (Rocha). op.cit •• pp.250-25t.
Au cours de l'année 1919, plusieurs faits importants
concernant le mouvement ouvrier, furent enregistrés, Oncitera
notamment 1 la création le ~J février du quotidien ouvrier
A Batalha, porte-parole officiel de l'UON et celle, en juillet.
-;f.'
d'un autre organe ouvrier, Avs,nte J la tenue en septembre du
congrès syndicaliste qui voit la dissolution de l'UON et son
Co "'''1 c/U"4c4 0
remplacement par la CGT (r
Gera l do Trabalho) J la
fondation en octobre de la Fédération Maximaliste Portugaise
"
" "'.
et début de parution de son organe de presse A Bandeira
f:r
f,·'
Ver!llelha,
~~: '~"
,,~~., -
~ '...
Le lancement de A Batalha donnait à la centrale syn-
dicale un puissant moyen d'action et de propagande (1), Bien
que l'interprétant à sa manière, la CGT portugaise se rit
l'écho de la Q-évolution d'Octobre en citant l'expérience du
"
prolétariat de Russie comme étant l'exemple, "l'Idéal en
action"(:>') ,
La révolution russe ne sera pas seulement citée en
exemple, mais va également inspirer les programmes et les
thèmes de propagande politique. Lorsqu·au congrès de septembre
,,'...
1919, l'UON laisse la place à la CGT, la nouvelle centrale
syndicale inscrivit à son programme, comme un de ses princi-
paux objectifs la nécessité de "développer la capacité du
prolétariat organisé en vue de lutter pour l'extinction du
Avec J5.000 exemplaires, A Batalha ne serait dépassé que
par le Seculo et Diario de Not1c1as. Le journal procéde-
rait également à des éditions sp4ci.~es et réimpressions
de certains articles pour la province. Cap de VaiHseau
Bergasse, au ministre de la Guerre. Madrid, 24 mai 1919,
SHM SSEA 154.
(Z) "0 ideal em ac~!o", editorial de A Batalha, 7 novembre 1919
in Pere1ra (José Pachco), 0 Movimento operario portugu.s
salariat et du patronat jusqu'à l'appropriation de tous les
moyens de production"(I).
Cette influence de la révolution russe semble avoir
atteint l'ensemble du mouvement ouvrier portugais dans son
discours, Sa détermination et son attitude face au gouverne-
ment et aux autres forces politiques du pays. Ainsi, les
ouvriers de Porto, conduits par la fédération des syndicats
de cette ville, au cours d'une grande manifestation contre 18
vie chère en octobre 1919, exigèrent de l'administration,
l'interdiction de la distillation des céréales panifiables,
l'abolition des taxes sur l'importation des denrées de pre-
mière nécessité, la mise en contact direct des producteurs et
des consommateurs au moyen de la création de magasins géné-
rawt (2:).
Ces réclamations furent accompagnées de considérants
qui ne passèrent pas sous silence laiévolution~lchévique
et les autres points chauds 1 "Considérant que la'cherté de
la vie ne pourra ~tre solutionnée, que par la transformation
sociale à l'exemple de ce qui a eu lieu en Orient, les consom-
mateurs de Porto, ,réunis en assemblée publique pour protester
contre la cherté de la vie , saluent le prolétariat de Russie,
de Hongrie,td'Italie et de tous les autres points du globe qui
se sacrifient pour la révolution sociale en marche"(3). A
cette position, s'ajouta un véritable ultimatum, qui était en
m4me temps une justification des actes éventuels 1
(t) JUNIOR (Costa), op.cit •• p.l09.
(2: ) Annexe à la correspondance du C01Ul1l1:de France à Porto au
Quai d'Orsay. Porto, 16 octobre 1919. MAEjSE 1918-29,
Portugal, n02 5.
Annexe à la correspondance du consul de France à Porto,
Op. C1 t.
J'W,;:,;·
~,
~1·...
"Considérant - conclut la proclamation - que rien n'est à
espérer du gouvernement quelle que soit sa nuance, et qu'il
est las des rormules de réclamations non écoutées jusqu'à ce
jour, le peuple des consommateurs de Porto, réuni en comice
public, déclare qu'il méprise les lois et rendra les classes
dirigeantes responsables des actes ruturs pouvant amener de
graves perturbations, si les mesures indiquées au gouvernement
par cette assemblée ne sont pas réalisées d'ici peu"(I).
fo'·
r~is bien que raisant l'apolosie de la 9évolution
Selchévique et des proclamations en raveur de la révolution
""
au Portugal m.me, la CGT, qui rassemblait la grande masse du
prolétariat portugais restait sous l'inrluence dominante de
l'anarcho-syndicalisme. Aussi la rérérence à la~évolution
Bolchévique était-elle, malgré tout, superricielle. Les
-1'~ '.
anarcho-syndicalistes qui d'ailleurs prendront vite leur
distance vis-A-vis du pouvoir soviétique à la suite de l'inter·
dic.tion, en Rus.sie. des autres. partis. parmi lesq.uelIL-1ell_"
groupements anarchistes (2). assumaient son caractère exem-
plaire comme succédant aux révolutions de 1789 et 1871 (la
Commune) et comme celui de première révolution ouvrière vic-
torieuse. En revanche, les diverses leçons théoriques et
l':
pratiques à tirer d'une telle expérience restèrent en dehors
:"i"'.
de leurs préoccupations (3). Cette double ambigutté conduisit
à la scission des maximalistes.
(1) Annexe A la correspondance du consul de France à Porto.
op.cito•
(2:) PEREIRA (José Pacheco). op.cit,.' P.2:0.
(3) PEREIRA (Jose Pacheco), op. ci t., pp.21-22.
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-':'<':'-'.1';;;1' '~~-.' ·t-:..~;· ~;:;~' .';
--.-' ,';' .-,,', '"
-1~60-
Sous l'erfet de la littérature de propagande venue
de France et d'Espagne commença à émerger un courant qui
devient plus tard un courant communiste. La fondation de la
Fédération Maximaliste, en octobre 1919, constitua la pre-
mière étape vers la création du Parti Communiste qui verra
le jour en 1921. Certes, les fondateurs de cette Fédération,
qui s'appelaient bolchévistes, soviétistes ou maximalistes,
afrirmaient à ce moment-là, ne pas voir, de différences fon-
damentales entre leurs positions et celles de l'anarcho-
syndicalisme 1 ils précisèrent mame que tout individu qui,
au Portugal, se déclare bolchéviste est anarchiste ou syn-
dicaliste révolutionnaire (1).
La création de la Fédération Maximaliste, en dehors
de la CGT, semble avoir résulté de plusieurs nécessités. La
première est oelle de la prise en compte, sur le plan de
l'organisation, d'une idée-clé des bolchévistes 1 le regrou-
pement.des ouvriers avancés en o:t'ganisation dist,incte.-de
combat politique comme cela apparalt dans les statuts de la
rédération, malgré certaines confusions (2). La seconde est
celle de l'attitude face au pouvoir en place en Russie. Dans
l'éditorial de l'un de ses tout premiers numéros, A Bandeira
Vermelha, l'organe de la Fédération Maximaliste, exprimait
assez nettement sa position face au problème russe 1
~Prolétaires, écrivit le journal, face à la question russe,
il y a deux camps, deux drapeaux bien définis. D'un c6té, les
"Déclaration de Principes", A Bandeira Vermelha, n02,
12 octobre 1919, in PEREIRA (José PachecoJ, op,cit., p.6].
1
,
f
(2 ) A Bandeira Verrnelha, nOl, 5 octobre 1919, in
'.
PEREIRA (Jose Pacheco), op.cit., p.55-61.
,,,~;~;;~Y!l;J'~~tt~~,;Ç!:'~';;'~';;'l
~1
exploiteurs et les négriers, la bande noire des ennemis et
des détracteurs de la révolution quel que soit le masque dont
ils s'af~blent - républicain ou clérical, libéral ou conser-
vateur - les Tsaristes. De l'autre, la foule rouge des éman-
cipés, des révoltés, les Bolchévistes. Tsarisme et Bolchévisme
sont les deux pSles de la société actuelle-(1).
Quel que fut le Cond de la réalité, la Fédération
Maximaliste faisait sien tout ce qui rappelle la révolution
bolchévique. Ce fut le cas des noms dont turent baptisés les
différents groupements révolutionnaires qui ~rent à son
origine 1 Clairon d'Orient. Capitaine Sadoul, etc,., (2).
Avec la création de la Fédération Maximaliste Portu-
gaise que la CGT ne reconnut pas et dénonça,deux courants.
l'un communiste. l'autre anarcho-syndicaliste. allaient
s'affronter au sein du prolétariat portugais. tout d'abord
sous la forme d'une polémique ouverte entre A Baulhae.t ..
__
A Bandeira Vermelha et dans bien des assemblées ouvrières,
ce qui n'atténua en rien l'agitation ouvrière qui devint.
au contraire, de plus en plus intense et violente.
Avec quelque répit. de très durs mouvements de grève
marquèrent les années qui suivirent l'armistice. Les années
1919 et 1920 turent remarquables de ce point de vue et la
grève des cheminots de la compagnie des Chemins de Fer
Bandeira Vermelha, 7 octobre 1919. in PEREIRA (José
Pacheco). op.cit., p.7.
Rapport du SR de Lisbonne adressé par le ministre de la
Guerre (EMA 2e bureau) à la Direction de la Sdreté géné-
rale. ~5 janvier 19Z1. ANF/F7 1J506.
Portugais en offrit un exemple. Déclenchée le 1er juillet 1~19,
elle dura jusqu'au J septembre et se termina par l'expulsion
de la compagnie de 200 meneurs du mouvement et par la reprisp
du travail sans condition. Face à l'attitude des responsable~
de la compagnie qui avaient reçu le soutien du gouvernement,
les syndicalistes durcirent le ton de leurs proclamations,
multiplièrent les actes de sabotage, provoquant des dérail-
lements et des dégâts de matériels dans les gares. Le gouver-
nement, décidé à réduire au silence l'agitation sociale,
engagea l'épreuve de force. Non seulement, il organisa mili-
tairement le transport, mais prit en otage des ouvriers
grévistes ; il embarqua en effet sur un fourgon spécial en
t~te de cr~que train, un groupe de grévistes prisonniers dont
la présence devait garantir la sécurité des voyageurs (1).
L'année suivante 1920, entre autres mouvements, il y eut ceUle
qui furent déclenchés au début d'octobre et qui affectèrent
d'abord les chemins de fer du Sud et du Sud-Est, du Minho et
d'~ Douro, Pl1is le ser1Ç' > municipal (les éboueur~l-~et-·les
ports de Lisbonne et enfin, la compagnie des chemins de fer
portugais qui entralnait dans les faits, la grève générale
sur tous les réseaux. Ces mouvements assombrirent le dixième
anniversaire de la fondation de la république et furent dure-
ment réprimés.
.
'C~e.l!\\~it.Clt'OW) qui ne serQ
pas le fait des seuls
travailleurs des industries, des transports et des services,
mais atteindront les travailleurs ruraux. des régions du Sud
(1) Lieutenant-colonel Bernard au Président du Conseil,
ministre de la Guerre. Lisbonne, 25 juillet 1919.
MAE/SE 1918-29 Portugal, n D 16.
)' '.
",
du Tage, seront omniprésents au,cours de. années qui précé-
dèrent le coup d'Etat du 28 mai 19~6. Se déroulant parallèle-
ment aux tentatives de coups de force des différentes frac-
tions politiques et militaires et les sous-tendant également,
l'agitation sociale et sa répression créèrent une ambiance de
guerre civile. Ce fut le cercle infernal de la violence
ouvrière contre la violence et l'arbitraire des milieux
patronaux et des autorités étatiques 1 d'un c&té, grèves
fréquentes avec sabotages 1 de l'autre, répression des mouve-
ments de grèves par la garde nationale républicaine et
l'armée, emploi des contingents militaires pour faire fonc-
tionner les secteurs affectés par les grèves, interdiction
des journaux ouvriers,. emprisonnement et déportations des
grévistes et autres agitateurs, etc •••
JAl situation au Portugal ne pouvait laisser indiffé-
rent les anciens alliés, la France et l'Angleterre. En ce
,qui concerne la F.lfrl!Ke., les organisations ClUvr:i.,~._~"P9.rw.,.-,
gaises, au-delà de leur ton favorable au bolchévisme, et de
l'agitation qu'elles menaient, prenaient position, assez
régulièrement, sur un certain nombre de questions intéressant
la politique française.
En avril-mai 1919, elles votent des félicitations
'.....
'i .
aux mutins de l'escadre française de la Mer Noire. Dans une
/<,,','
édition de janvier 19~1, A Batalha tourne en dérision les
~~L
considérants d'un jugement qui avait condamné la CGT française.
'
les quelifiant de futiles, étant donné que "dans Presque tous
les pays, la centrale des syndicats est illégalement
l
- La France et les luttes politiques au Portugal à la fin
de la guerre
: la question du soutien français au Parti
Démocrate et aux réfugiés polit igues portugai8
r_"
;:
1 - ~~geE~~~~~~~_~_~~_~~E~~~~9~~_~9~~~~~~_=!_~~_~~~=_=~_S~~~~
de la France dans l'assassinat du Président Paes et dans
la rébellion de Santarem
Le régime de Sidonio Paes, cnnnu sous le nom de République
Nouvelle rencontra de toutes parts une forte opposition.
Le Parti Démocrate, aux dépens duquel Paes avait pris le pou-
voir en décembre 1917, 6tait au premier rang de cette oDposi-
tian. Ce parti fut au centre de certains des événements qui
marquèrent la fin de la République Nouvelle, en particulier
l'assassinat de Sidonio Paes et la rébellion de Sa.ntarem.
ayant apporté d'une manière ou cI'une autre,
son soutien ail P.t:i
L'objet de l'opposition au rég'ime instauré par Sidonio
Paes variait certes d'un parti à l'autre. Dans l'ensemble
cependant, les forces attachées aux institutions républicaines
parlementaires craignaient le retour à la monarchie, en raison
de l'orientation politique suivie et qui permit le retour au
Portugal et sur la scène politique de partisans et de Lorces
monarchistes. Loin de signifier seulement l'élargissement des
opposants monarchistes emprisonnés ou bannis par les précédent
constituée-(l). A l'occasion de son deuxième anniversaire, en
.i.
février, le mAme journal publie un article qui met en cause
le président Poincaré, l'accusant d'avoir avoué.dans des
conférences~qu'il avait voulu la guerre (2). A partir de cette
p'riode, les attaques portèrent de plus en plus contre la
politique menée dans la Ruhr par la France, accusée de vouloir
provoquer une nouvelle guerre. Dans la question de la Ruhr"
le gouvernement portugais dut intervenir en février 192J,
1 t
pour tuer dans l'oeuf des tentatives de manifestations et
de boycott des navires français et belges (J). Tous ces élé-
ments, en plus de la question du maintien de l'ordre et de
l'autorité, donnèrent son sens à l'action de la France dans
ce qui fut appelé la lutte -anti-bolchévique- au Portugal.
B - La coopération dans la lutte -anti-bolchévigue-
..;{ _~ >'-,&n-tant que nouvel ennemi de la c.oalitioll'.-vi-e-tg.;l:'ieua4--·-
dans la guerre contre l'Allemagne, le bolchévisme fut l'objet
d'une concertation de ces alliés. Chaque go~vernement, certes,
comme par le passé, mit en place ses propres moyens d'inter-
vention, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses frontières 1
nationales. Ainsi, tandis que le gouvernement anglais accré-
ditait auprès de la plupart des gouvernements neutres, des
(1) William Martin, ministre de France à Aristide Briand,
président du Conseil, ministre des Affaires Etrangères.
Lisbonne, 25 janvier 1921. MAE/SE 1918-29 Portugal, n017.
;
(2) William Martin à Aristide Briand. Lisbonne, 2J février
1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n017.
(J) Bonin au Quai d'Orsay. Lisbonne, 20 février 192J.
,~E/SE 1918-29 Portugal, n027.
fonctionnaires "chargés de cette oeuvre capitale"(1), le gou-
vernement français créait dans certains pays des antennes
spéciales. Mais au-delà des moyens propres à chaque pays, les
deux gouvernements anglais et français accordèrent leurs acti-
vités, échangèrent diverses informations et prêtèrent main
forte aux partenaires les plus faibles. Ce fut le cas du
Portugal auquel la France apporta sa collaboration.
Au Portugal, la répression de l'agitation sociale fut
très violente au temps de Sidonio Paes. Ainsi, à la suite de
l'échec de la grève générale de novembre 1918, l'organe offi-
ciel du gouvernement n'hésita-t-il pas à annoncer que "le
Portugal est le premier payS qui, d'un seul coup, a étouffé
le mouvement bolchéviste" (2). Mais la répression menée par le
gouvernement Paes et les différents gouvernements qui lui
succédèrent, parut insuffisante aux yeux des représentants
au Portugal des puissances alliées. Ce point de vue découlait
de la conception et des méthodes de lutte anti-bolchévique
des Etats alliés pour lesquels i l ne s'agissait pas seulement
de réprimer l'agitation sociale, mais de prévenir l'action
subversive en organisant au maximum les renseignements. Cette
conception de l'action -anti-bolchévique" était identique à
,i
celle de la lutte contre les menées, réelles ou supposées,
des agents allemands durant la guerre ; elle utilisait par
ailleurs,
les mêmes réseaux.
(1 ) Copie à un rapport du chef de la S~reté de Lyon, relatif
aux instructions du Foreign Office, aux fonctionnaires
affectés à la lutte anti-bolchévique. Lyon, 3 juillet 1919.
ANF/F12 13507.
A Situaçâo du 22 novembre 1918, rapporté par : Daeschnèr
à Pichon. Lisbonne, 24 novembre 1918. MAE/SE 1918-29
Portugal, n"15.
c
. -(.
"" '." ~.-_ '_:~·~,~::·:1)G~?:'~-t4;;)';:S:.l,jo-;;:;~>.iT~~~~$j:';Û1
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-467-
Le fait nouveau résida dans la nature des recherches
à mener. Celles-ci portèrent sur toute action à caractère
bolchéviste et tout individu soupçonné ou considéré comme
bolchéviste, portugais ou étranger, ses liens avec l'extérieur J
mais également sur l'étude de la situation d'ensemble dans
le pays et ses rapports avec la propagande ouvrière.
L'action de l'Etat portugais n'avait pas atteint ce
niveau. Si la garde républicaine et l'armée pouvaient inter-
venir à tout moment, une polièe secrète, capable d'organiser
les renseignements sur les activités et ramifications secrètes
éventuelles des organisations ouvrières, faisait défaut.
Celle qui existait subissait le contre-coup des luttes entre
les différentes fractions poli tiques de la bourgeoisie. "La
police portugaise est, en outre, inexistante, écrit à propos
Daeschner à Stephen Pichon J l'imagination tient lieu d'infor-
mati on. Les services de surveillance des Alliés ont dû y
!
suppléer dans la mesure de leur force" (1). En. faU:<~alliéB-
<1
« ' _ _
i
ne se contentèrent pas de combler les vides qui exiStait , ilS
firent pression sur l'Etat portugais pour le décider à créer
un service spécial, exclusivement consacré à la question
bolchévique et qui puisse échapper aux contingences des
changements ministériels et aux luttes fractionnelles. Ce qui
fut fait au début de l'été 1919 (2).
Comme en d'autres occasions, la collaboration des
puissances alliées fut nécessaire. Celle de la France qui
(1) Daeschner à Stephen Pichon. Lisbonne, 8 avril 1919.
MAE/SE 1918-29 Portugal, n016.
(2) SR de Lisbonne au ministère de la Guerre. LiSbonne,
21
juillet 1919. ANF/FT H50?'·
" "
-468-
s'inscrivait dans le prolongement de toute son action au
Portugal depuis le début de la guerre, et de ses préoccupa-
tions internationales quant à la question bolchévique ne fit
pas défaut. En fait, elle avait été inaugurée du temps de
l'administration Paes. Dans une lettre datée du 5 décembre
1918 à Stephen Pichon, Daeschner écrivait
1
"Comme je vous
l'ai fait savoir le 1er décembre sous le n0172, le ministre
des Affaires Etrangères s'est déclaré entièrement d'accord
avec les vues que vous m'avez chargé de lui soumettre sur les
mesures à prendre pour prévenir le développement de la pro-
pagande bolchéviste"(l).
1
Cette participation de la France à là lutte anti-
.1
bolchévique COl'\\1fl"it qelJX VolGtt ~
: d'une part, les services:'
1
spécialisés français fournirent à l'Etat portugais ce qui leur t
servait en quelque sorte de "guide" dans la lutte anti-
f
bolchévique 1 de l'autre,
l'antenne à Lisbonne des services
français,
intervint directement aux c&tés des services de
police portugais.
Le"guide" en question inspiré des instructions du
Foreign Office aux agents britanniques, était une sorte de
If
cahier d'instructions contenant les points sur lesquels devait
porter les renseignements. De ces instructions en quinze
points, on peut citer entre autres
1
1°_ l'évolution du mou-
vement bolchéviste. S'agit-il d'un progrès ou d'un déclilil-"?
Les causes et les conséquences probables du changement enre-
(1) Lisbonne,
5 décembre 1918. MAE/SE 1918-29 PortUgal, n015.
.~-'-:--~~';~;~-;-,~;;"; :~~;,' --~t;:::~·I:.~~~-'è:~;~
•;'" 1~:~:t;.c'"!F-;,/,;;:'-'"";'..:".;:": ,*- ~, ~o ':~'<-"'if--';;:';-~''*'#
-469-
gistré ••• JO_ le moral de l'armée et de la marine au point de
vue du bolchévisme et de l'agitation industrielle, ••
6 0 _
la propagande, Progrès ou déclin bolchéviste ou révolu-
tionnaire. Exemples de la nouvelle littérature. Le c&té finan-
cier de la propagande et ses conséquences. Rémunération des
agents
1
leurs agissements. Les différentes ruses employées
par les bolchévistes pour répandre leur propagande. De quelle
manière s'effectue la transmission des tracts et des brochures
bolchévistes 1 ••• 8 0 _
la grève
1
leurs buts et les consé-
quences. L'élément révolutionnaire dans la grève. 150 -
Dépla-
cement de bolchévistes de paYs en pays, signalement divers,
etc ••• "(l).
Fort de son réseau établi durant la guerre et qui
constitua un des piliers de la PIA (Police Interalliée) le
service français de renseignements, dirigé par l'adjoint de
l'attaché militaire, le capitaine ~ Testa joua un rôle que
"--
le gouvernement portugais qualifia lui-même de ~~cieux.
,~
Un incident se produisit cependant vers la fin de
<:Jiu ""o;s dl
1919. 'W débutv,;ctobre 1919, le ministre de la Guerre exposa
à son homologue des Affaires Etrangères sa décision de rappe-
li
1er de Testa du fait de la diminution des crédits et de la
suppression de certains postes, parmi lesquels celui d'adjoint
de l'attaché militaire, dont, seules les circonstances de la
guerre avaient justifié la création. Le gouvernement portugais
f
qui appréciait hautement les services du capitaine de Testa
(1 ) Le ministre de l'Intérieur (Direction de la Sûreté Géné-
1
rale) à Monsieur le Président du Conseil, ministre de la
r
Guerre. Paris, 22 août 1919. ANF/F12 1J507.
[
1
-470-
dans la lutte anti-bolchévique, demanda le maintien de celui-
-",.--.'
:'-
,\\1.".
ci à son poste. Cette démarche, les correspondances de
l'intéressé sur l'importance de son action pour le Portugal,
l'insistance du gouvernement portugais ~ qui tenta mfme un
moment de lier la question du maintien~ Testa à celles des
,-
travailleurs portugais demandés pour la Tunisie
menacèrent
un moment la collaboration.
De Testa fut blâmé par le ministère de la Guerre et
rappelé en décembre 1919 pour avoir fait joué des influences
extérieures en vue de conserver son poste, Cet incident. qui
donna lieu un moment à différentes appréciations sur la situa-
tion du bolchévisme au Portugal ne mit pas un terme à la
i,
coopération dans ce domaine, Le principe de cette coopération
< -
fut maintenu, Le service organisé en fonction des conditions
nouvelles, semble avoir bénéficié par la suite, d'assez
larges moyens (1),
Ce travail était appuyé quelques fois par l'action
du SR de Madrid qui fournissait des données sur le soutien
financier des organisations syndicales espagnoles à certaines
grèves au Portugal et en général- sur les relations extérieures 1
des différentes organisations ouvrières portugaises,
I l
(1) Nous appuyons cette hypothèse sur le fait suivant.
Dans une lettre au Quai d'Orsay, en date du 22 mars 192),
Bonin, le ministre de France au Portugal, se plaignant de
ses moyens réduits et signalant la relative autonomie fi-
nancière de l'attaché-militaire écrivait
1
"Toutes les facilités matérielles sont d'ailleurs données
par le ministre de la Guerre à son représentant ici, pres-
que ses dépenses de propagande lui sont intégralement rem-
boursées et que, de plus, il reçoit des fonds spéciaux lui
permettant d'entretenir un secrétaire permanent à son bu-
reau de Lisbonne et des agents de renseignement" dans pl.u-
sieurs villes du Portugal"
M.o\\E/Papiers d'agents i
sous-
s~rie Paniers Bonin, n011. -----------------
)\\U!'i:;.:.!'.Y'Y'".~,•.•.•...
... ~ ... ,....;..;-"
-471-
fut remarquable
sur les
différents groupements ayant parti-
cipé à la création de la Fédération Maximaliste ou y ayant
adhéré. Il fut établi en particulier des dossiers assez minu-
tieux sur les "nucleo", c'est-à-dire les noyaux de base de
cette fédération.
Cette coopération qui s'est poursuivie jusqu'en 1925
(les dernières traces que nous en avons, datent de cette
période), traduisait du point de vue de la politique fran-
çaise en direction du Portugal, le besoin d'y voir s'instaurer
une situation de paix sociale.
Ce soutien à l'action ~ gouvernement portugais
signifia
sur le plan politique, une certaine admiration pour
ceux qui étaient partisans de l'ordre à tout prix. L'encoura-
gement aux gouvernements d'ordre se traduira plus tard par la
reconnaissance du pouvoir issu du coup d'Etat militaire du
28 mai 1926 qui allait définitivement mettre en sommeil le
régime républicain parlementaire.
Il - Le rapport de la France au processus de liquidation de
la République parlementaire
1
de l'envoi des navires de
guerre en octobre 1921 à la reconnaissance du pouvoir
issu du coup d'Etat militaire du 28 mai 1926
La question bolchévique qui donna lieu à la coopération
bilatérale ne fut qu'un aspect de la situation interne du
Portugal de l'après-guerre. Cette situation a été inaugurée,
nous l'avons vu, par l'assassinat de Sidonio Paes, l'insurrec-
",
tion de Santarem et les tentatives de restauration de la
'.
monarchie. Le retour à la vie constitutionnelle à partir de
juin 1919 n'y changea rondamentalement rien. Caractérisé sur
le plan politique par une extr.me instabilité et une atmos-
phère de guerre civile, en dehors de quelques moments de
répit, cette situation déboucha sur un coup d'Etat militaire
qui, connu ~ous le nom de Révolution Nationale du 28 mai 1926,
rut le point de départ du processus d'établissement, pour près
d'un demi-siècle, de l'Etat corporatiste et dictatorial de
Salazar.
Quel rut le rapport de la France à cette évolution ?
Avec le retour à la vie constitutionnelle et le retour des
exilés du décembrisme, la question du soutien rrançais au
Parti Démocrate rut dépassée. Mais, par la coopération "anti-
bolchévique", la France était étroitement impliquée dans la
situation portugaise. Devenue l'une des deux puissances exer-
çant une inrluence dans ce pays
l'Angleterre étant la
première -
la France eut, quant à l'évolution portugaise, une
attitude qu'il est possible de cerner. Cette attitude contenue,'
certes, dans la coopération "anti-bolchévique" S'exprima pour
la première rois, sur le terrain de la politique orricielle,
dans le cadre des événements d'octobre 1921.
"
,
1 - Les événements d'octobre 1921 et l'envoi des navires de
-------------------------------------------------------
"
'F
Après les révolutions républicaines et monarchiques de
janvier et février 1919 qui suivirent la mort de Sidonio Paes,
le Portugal renoua avec le régime parlementaire, à partir de
j,-.
l'été 1919, par l'organisation des élections législatives et
:.<
"
, l
".
puis l'ouverture du parlement. En août, José Antonio de
Almeida est élu Président de la République et prend jes fonc-
,1
tions en octobre. Mais, loin de se stabiliser, la situation
r
politique du Portugal entrait en fait dans sa période la plus
agitée. Certes, le gouvernement démocrate de Sa Cardoso - le
parti démocrate étant sorti vainqueur des élections - put se
maintenir de juin 1919 à janvier 1920. Mais en 1920, sept
ministères se succèderont tandis que 1921 verra des événements
assez graves se produire. Sous-tendue par une agitation
sociale quasi-permanente (analysées ci-dessus dans le cadre
de la question bolchévique) et une situation économique et
financière critique, la situation politique fut marquée par
une i~tabilité ministérielle chronique et des coups de force
qui, dans l'immédiat, se limitèrent au renversement des
ministères.
Cette situation ne laissait pas indifférente la France.
Son concours dans la répression "anti-bolchévique" ne
répondait-il pas, entre autres préoccupations, au souci de
voir le Portugal retrouver une certaine stabilité ? La coopé-
ration anti-bolchévique relevant de relations politico-
r~,
." ..'->".
militaires occultes, l'attitude officielle eut à s'exprimer
pour la première fois à l'occasion des événements d'octobre
1921.
Le 19 octobre
éclate une révolution radicale qui
force à la démission le ministère libéral, c'est-à-dire ré pu-
blicain conservateur, dirigé par Antonio'Granjo. Mais alors
que le mouvement victorieux avait obtenu du Président de la
République, une sanction officielle, par la signature de la
liste du nouveau ministère dirigé par Manuel Maria Coelho,
un véritable massacre fut organisé la nuit du 19 au 20. Ce
fut la nuit sanglante (Noite Sangrente) qui vit l'arrestation
et la liquidation physique de plusieurs personnalités dont
Antonio Granjo lui-même, Carlos da Maia, an~ien ministre
de la Marine sous Sidonio Paes et Machado Santos, dit le
fondateur de la République (1).
-
~
--
De ce cours particulièrement tragique donné à la situation
portugaise devait résulter de fortes pressions externes. Le
Corps diplomatique organisa une démarche commune de prés en-
tation'des condoléances et de désapprobation des àssassinats
en exprimant l'espoir que les coupables seraient châtiés (2).
Mais la réaction la plus vive vint des anC1ens alliés de
guerre du Portugal, l'Angleterre et la France.
Sans l'affirmer officiellement, les représentants de ces
pays considérèrent le nouveau gouvernement comme portant la
(1) Sur Machado Santos, voir dans la 1ère partie, le § l du
chapitre l
et le III du chapitre II.
(2) Télégramme du chargé d'Affaires de France au Quai d'Orsay.
Lisbonne, 21 octobre 1921. MAE/SE 1918-29 Portugal, n01Z.
responsabilité des assassinats. Dans la crainte d'une éven-
tuelle aggravation de la situation, le représentant de la
Grande-Bretagne demanda à son gouvernement l'envoi de navires
de guerre a~in d'inspirer au nouveau gouvernement "le senti-
ment de ses devoirs"(l). Le chargé d'A~~aires de France,
saisi par le diplomate britannique télégraphiait dans le m4me
sens au Quai d'Orsay. Aussi, trois jours après les événé".ts,
le 2:2 octobre 1921, le croiseur Jeanne d'Arc arriva à Lisbonna
où il fut relayé plus tard par un autre navire de guerre du
nom de Gueydon.
:r- .
Pourtant, ~aisant le compte-rendu de son entretien avec
le ministre portugais des A~faires Etra~res qui l'assurait
,
de la volonté du nouveau gouvernement de maintenir l'ordre,
;
le chargé d'A~faires de France télégraphiait le 25 octobre •
"J'ai répondu au ministre que, sans vouloir intervenir dans
la politique intérieure du pays, la France ne pouvait que
~air~ de.s voeux pour la constitution d'un gouvernelllltnt. d'ordre
et de relèvement économique" (2 ). Cette phrase pose le pro-
blème du rapport de la France à l'évolution du Portugal durant
cette période.
Le souhait pour un gouvernement d'ordre ne s'appuie-t-il
pas, dans le contexte immédiat, sur la présence de la Jeanne
~'-
d'Arc? Et dans ce cas, n'y-a-t-il pas lieu de parler d'inter-
ventioo dans la politique intérieure ? Il est difficile de
répondre par la négative.
Dubail au Quai d'Orsay. Lisbonne, 20 octobre 1921.
MAS/SE 1918-29 Portugal, n017.
(2) Télégramme de Dubail au Quai d·Orsay. Lisbonne, 25 octo-
;"','
bre 1921. MAE(SE 1918-29 Portugal, n017.
t'-
"
r:i·
Orriciellement, la raison de la venue des navires anglais
et rrançais était la protection de la vie des nationaux. Cette
protection n'était pas conçue comme une évacuation de ces
nationaux mais plut&t comme une pression à exercer sur le
nouveau pouvoir pour qu'il maintint l'ordre,
"
f,
,
<,
~.
La présence des navires de guerre, disait le représentant
t'
britannique, ce à quoi avait souscrit le gouvernement rranç.i~
devait inspirer au nouveau gouvernement le sentiment de se8
devoirs. Mais, en ~me temps et par là ~me, cette présence
pesait sur d'autres données de la situation interne, raite
d'arrrontements entre les dirrérentes forces sociales et
politiques. Sont signiricatifs à cet égard, les propos ci-
chargé d'Arraires de France quant aux "
efrets qu'aurait produit la venue des navires, w ••• Je me
permets à cette occasion, écrivit le diplomate, d'exprimer
mes virs remerciements et ceux de la colonie rrançaise pour
.,.-.---_
la rapidité avee-laquelle la Jeanne d'Arc est -:Y«~.-_-lllo/1.tJ'e_Z'c",~
.. - .
-',."
notre pavillon dans le Tage. Sa présence, jointe à celle du
croiseur CalYpSO a porté un puissant réconrort aux éléments
d'ordre et le nouveau président du Conseil pourrait y trouver
un appui pour rérréner les instincts de pillage, de vengeance
et d'assassinat dont la marine portugaise rournit l'exemple
le plus indiscuté"(I).
CoinCidence ou résultat en partie de la présence des
navires 7 Une semaine après la venue de la Jeanne d'Arc et de
(1) Dubail à Briand, Lisbonne, Z4 octobre 1921. MAEjSE 1918-29
Portugal, n017.
..,...... ,
~,_.~.,
-471-
la Calypso, est organisée à Lisbonne, une grande maniCestation
de soutien au Président de la République qui avait présenté sa
démission 1 la maniCesta tion étai t placée sous le signe de l'ordre.
Examinant les liens possibles entre sa réussite et la
présence des navires, le diplomate Crançais devait noter 1
"Il est probable que la présence des navires de guerre étran-
gers a contribué à inspirer aux éléments sérieux, le courage
d'élever la voix contre ces continuelles perturbations"(1).
Et le chargé d'ACCaires de s'interroger quant à l'avenir du
Portugal
l
"Trouvera-t-il dans la révolte des éléments d'ordre
qui, sous le coup de la réprobation suscitée dans le pays par
les assassinats commis et peut-4tre par la présence des navi-
res étrangers ont su hier, pour la première Cois depuis long-
temps se grouper et s'aCCirmer,
la Corce nécessaire pour
secouer le joug? C'est toute la question, non seulement de
son relèvement économique et Cinancier, mais peut-4tre de son
existence"(2) •
Il apparait donc que la protection des nationaux implique
aussi et revient en Cait à exercer des pressions non seulement
sur le gouvernement portugais, mais sur l'ensemble de la
situation interne 1 elle correspond par conséquent à un appui
à certaines Corces sociales et politiques désignées sous le
terme d'éléments d'ordre. L'appui à ces éléments s'avérait
d'autant plus nécessaire que la situation tendait à inspirer
de l'inquiétude.
(1)(2) Dubail à Briand. Lisbonne, J1 octobre 1921.
MAE/SE 1918-29 Portugal, .no17.
;';:~à.~'~f~.~';:;;:;:j,~·,'::~~,.;,::..,... ", ".~,;:;" ,,~~',"
';;'W'"1''''~-~.;;;,\\io-~;,:\\q).I;I,:ew
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;~" -:i. ...., , .~_; "~;;,,~,_~~,.,".__ ,:,
,
,-.:.r.~""._"
-478-
Pour que le gouvernement issu du mouvement du 19 octobre
restât fidèle et exécutât le programme radical qui en était
sorti, Ses organisateurs continuaient à faire pression ;
l'attaché militaire de France rapporte à ce sujet des menaces
qui seraient exécutées en cas de non-application du programme
révolutionnaire, comme par exemple
. . . . . . on reprendra les
armes et que souffrira qui souffrira. Il vaut mieux après
tout mourir d'une balle que de faim"(1).
Par ailleurs, la libération à la faveur du mouvement de
certains inculpés pour crimes sociaux, c'est-à-dire des élé-
ments des classes laborieuses, et, plus tard, la publication
en novembre par voie de presse d'une liste noire de 50 per-
sonnes dont des hommes politiques, des journalistes, des
banquiers, des commerçants et des industriels, renforçaient
cette inquiétude et autorisaient les plus graves hypothèses.
Ainsi fut-il évoqué dans les milieux diplomatiques celle
selon laquelle les bolchévistes pourraient bien se cacher
sous l'étiquette de républicains radicaux.
si, au point de vue des éléments d'ordre, un tel climat
donnait tout son sens à la présence des navires de guerre
étrangers, cette présence créait cependant des complications.
Comment, en effet,
la concilier avec la souveraineté et
l'amour propre national? Le lJ novembre, Tribuna, un journal
de Porto, dans un violent article, somme le gouvernement de
démissionner, s ' i l n'est pas capable de faire partir, écrit
l'organe en question, "ces bateaux dont la présence nous vexe
(1) Rapport de l'attaché militaire de France. Lisbonne, 9 no-
vembre 1921. MAE/SE 1918-29 Portugal, n017.
et nous humilie"(l). L'attaque était adressée certes au gou-
vernement portugais, mais visait également les pays dont la
venue des navires de guerre constituait, de fait, une inter-
vention dans la politique intérieure du Portugal. Sensibilisés
par ces attaques, les représentants diplomatiques des pays
concernés procédèrent cependant de telle sorte que leur
innocence fut préservée, c'est-à-dire que préval~t, officiel-
lement, l'idée de la non-intervention dans la politique
interne du Portugal.
Sur proposition du ministre de France, un texte rédigé par
ce dernier, fut remis au gouvernement portugais pour ~tre
publié comme émanant de lui. Ce texte, effectivement publié
sous forme d'un communiqué du gouvernement portugais dans les
journaux du 18, novembre disait notamment
: "Les bateaux de
guerre anglais, espagnols et français qui, au lendemain du
19 octobre sont arrivés dans le Tage et dont la présence n'a
donné lieu à aucun incident, les gouvernements auxquels ils
appartiennent n'ayant aucune intention de s'immiscer dans la
politique intérieure portugaise du moment que la sécurité de
leurs nationaux est assurée, vont, d'un commun accord repartir
pour leur port d'attache qU1 sont respectivement Gibraltar,
le Ferrol et Brest" (2).
Les conditions de publication de ce communiqué illustrent
l'état de pression dans lequel était tenu le gouvernement
(1) Cité par Bonin, ministre de France au Portugal, au prési-
dent du Conseil, ministre des Affaires Etrangères.
Lisbonne,
19 novembre 1921. MAEjSE 1918-29 Portugal, n017.
(2) Annexe à la correspondance du ministre de France au
Portugal au président du Conseil, ministre des Affaires
Etrangères. Lisbonne, 19 novembre 1921. ~AEjSE 1918-29
PnrtuP'"t.
n017.
-4AO:
portugais et constituent l'exemple-m~me de l'intervention des
puissances.
Le massacre de la nuit du 19 octobre qui semble n'avoir
pas été en relation directe avec le mouvement révolutionnaire,
mais parait plutôt avoir résulté de motifs personnels d'ordre
corporatif -
"la haine des marins et de certains membres de
la G~de Républicaine contre d'anciens chefs, responsables ou
jugés comme tels de punitions passées"(l) -
aura marqué une
étape cruciale dans l'évolution interne du Portugal en jouant
un rôle de révélateur de profonds malaises.
Ce massacre organisé à la faveur d'un coup de force
d'orientation radicale, apparut à certaines forces sociales et
politiques comme un événement achevant de discréditer la
République libérale parlementaire et par conséquent justifiant
la nécessité d'un changement de régime (2). Cette position
--
trouva son expression dans la démission d'une des figures
~
---
militaires du pays, le général Gomès da Costa et d'autres
officiers de l'armée.
En démissionnant de son poste de commandant de la Ile région
militaire et en dénonçant peu après dans un discours-programm~
les méfaits de la République, le général Gomès da Costa rom-
pait en fait avec ce régime. Cela allait se vérifier posté-
rieurement, par la part personnelle qu'il prit dans la chute
de la république.
(1)(2) MARQUES
(A.H.Oliveira), op.cit., vol.II, p.28J.
La France, tant par l'envoi de ses navires que par le
raIe joué par ses représentants, aura contribué de façon non
négligeable aux pressions exercées sur le nouveau gouvernement
portugais et pesé sur la situation interne. Cette politique
correspondait à la crainte d'une exploitation bolchéviste du
mouvement du 19 octobre et au souhait de voir la situation
se stabiliser dans ce pays. De ce fait, sans que cela fut
affirmé officiellement, la sympathie et le soutien morsl de
ses représentants allèrent aux éléments qui, comme Gomès da
Costa, tendirent à poser, dans le cours nouveau de l'évolu-
tion,
le problème de l'ordre sous l'angle d'une rupture avec
le régime républicain parlementaire libéral.
Présentant la lettre de démission du général Gomès da
Costa, l'attaché militaire de France écrivait
1
" • • •
Après
avoir été obligé de lire pendant dix jours les élucubrations
stupides, hyperboliques ou hypocrites selon le cas,
j'ai
enf'in _trouvé _un texte bref, précis, plein _de bon sens .e.t_-.d.e.
J
- -
- -
._-~
coeur. C'est la lettre de démission du général Gomes da
Costa ..... (1). Ce fut en des termes
élogieux, que le ministre de France présente
le m~me général
le~a.M-
comme{ï'espoir de ceux qui_
"sentent la nécessité d'un retour à l'ordre et n'ont pas la
force et les moyens de l'accomplir"(2).
C'est dans cette logique que la France reconnaltra plus
(1) Rapport de l'attaché militaire de France. Lisbonne,
28 octobre 1921. MAE/SE 1918-29 Portugal, n017.
1
(2) Bonin, ministre de France au président du Conseil, mini"s-
tre des Affaires Etrangères. Lisbonne,
19 novembre 1921.
1
MAE/SE 1918-29 Portugal, n017.
f
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tard le coup d'Etat militaire qui mit fin à
la République
libérale parlementaire.
['
2 - 9~~~S~~_~!_!~_~~~~~_~!E~_!!_~~~e_~~~!~!_~_!!_~!!~!
~~~~E~!_!!_!!~_EE!!~~!~
A -
L'évolution jusqu'en novembre 1924
Aux événements d'octobre 1921 succéda une période de
relative stabilité. Le ministère Antonio Maria da Silva, formé
à la suite de la victoire des démocrates aux élections de
janvier 1922 se maintint jusqu'au début de novembre 192),
avec seulement deux remaniements. Ce fut pendant la même
période que pour la première fois dans l'histoire de la Répu-
blique, un président, en la personne de Antonio José de
Almeida termina son mandat en ao~t 192) 1 i l est remplacé par
Manuel Teixeira Gomes, anci~~lninistre à Londres, qui entrera
en fonction en octobre. Mais ces années de relative stabilité
ministérielle furent exceptionnelles. La situation resta pré-
caire et le climat général allait être de plus en plus celui
d'une extrême tension entre les différentes forces sociales
et politiques.
L'évolution au sein des classes dirigeantes et de
leurs partis fut, en ce sens, assez significative. Les modi-
fications,
sous forme de scissions, de recomposition, de
retouche des programmes, de changement de nom, amorcées au
,,:
lendemain de la guerre au sein des partis constitutionnels.
"'
allèrent de plus belle. Sous la pression de la situation inter
interne et externe. le Parti Libéral. issu de la fusion en
1919 des deuz partis. évolutionniste et unioniste s'était
débaptisé en 1923 pour devenir le Parti Nationaliste. en vue
'd'une action plus à droite. Les années 1924 verront se déve-
lopper des dissensions de plus en plus prononcées au sein du
Parti Démocrate dont l'unité avait jusque là été un facteur
de relative stabilité politique ; son aile gauche finira plus
tard par se détacher pour former le Parti de la Gauche Démo-
cratique (1) •
En se faisant élire président de la République.
Teixeira Gomes avait la ferme intention de promouvoir la for-
mation d'un gouvernement national extra-partidaire comme solu-
tion à la crise (2.). Lorsque démissionna le ministinre.ÀDVoililo
Maria da Silva. en novembre 1923. il rappela donc Afonso Costa
de son exil à Paris. pour réaliser ce projet. Mais la tenta-
tive échoua. Les Nationalistes refùsèrent de participer au
ministère Afonso Costa. Ce fait. non seulement confirmait la
profonde division des classes dirigeantes du pays. mais révéla
des options de plus en plus précises de certaines fractions
de ces classes dirigeantes et précisément des Nationalistes.
Appelés au pouvoir après leur refus de participer au gouver-
nement national, ceux-ci formèrent un cabinet dans lequel
tut fortement représenté l'élément militaire. indiquant ainsi
(1) Sur l'évolution, aussi bien des partis républicains cons-
titutionnels que des organisations extra-parlementaires.
des partis monarchiques que catholiques,
voir MARQUES (A.H.de Oliveira). op.cit., vol.II, pp.246-
255.
(2) Idem, p.Z84.
ti:::~":"~-'-:;,\\ ,";ç(' -;.r/:,- ü~?_;cl.,;""""""O';'
•. ~ _ • _, .'-.
r'~--;>' .,,~"!';:':jt :'~-~:-,'i, ;';<,;;,;üf'?_~~i'"i"'ji",-<-i""~j',-/~",,,",- ......'r:_~;'-;~ -",,,,"--' ,<-;'~ :.,
-484-
les moyens de leur politique (1).
Mais l'expérience nationaliste fut de courte durée et
remplacée par un gouvernement hétérogène dont la chute en
juin 1924, après 6 mois d'exercice, ouvrit une période de
crise qui allait déboucher sur la Révolution Nationale du
28 mai 1926.
En effet, à partir de juin 1924, se posa de plus en
plus la question du devenir du régime républicain parlemen-
taire. L'impossibilité de trouver une solution aux problèmes
économiques, sociaux et politiques tendit à cristalliser les
tendances au sein des classes dirigeantes 1 on pouvait dis-
tinguer d'une part les partisans de l'ordre à tout prix, pr~ts
à se passer des formes institutionnelles du régime en place,
et de l'autre, ceux qui étaient partisans de leur maintien.
Le premier courant était représenté par les Nationalistes.
Ce parti, minoritaire au parlement, et dont le passage au
gouvernement, à la fin de 192), a été marqué par une forte
présence des militaires, tendit à devenir dans ces périodes
de troubles, de par son orientation, le parti de l'ordre.
Le second courant est représenté par le Parti Démocrate qui
reste majoritaire et fidèle à la république parlementaire ;
mais ce parti reste profondément divisé quant à la politique
(1) Il y a lieu de préciser que, de façon générale, la parti-
cipation de l'élément militaire aux cabinets ministériels
tendit à s'accrottre. Alors qu'avant l'avènement de
Sidonio Paes, les ministères présidés par les officiers
de Marine et de l'Armée de terre représentaient seulement
15~ du total des ministères, cette proportion s'était
élevée, pour la période 1918-29 à 46~.
MARQUES
(A.H.Oliveira), op.cit., p.281.
-485-
à mener pour sortir le Portugal de la crise. Sa cassure de
plus en plus prononcée en une aile modérée et une aile gauche
tendit à aggraver la situation politique.
En fait,
la venue au pouvoir de l'aile gauche de ce
parti en novembre 1924, allait constituer un tournant. Sa poli.
tique ouvrit en effet, entre les classes populaires et les
couches possédantes, entre celles-ci et les gouvernements
constitutionnels, une période d'affrontement au-delà duquel
se posait de plus en plus le problème de l'avenir du régime
républicain.
B -
L'épisode du gouvernement José Domingo do Santos et
la révolution manquée du 18 avril 1925
Au mois de novembre 1924, vint au pouvoir le leader
de l'aile gauche du Parti Démocrate, José DomingU~os Santos
dont le programme se résumait, selon Jésus Pabon en trois
mots: "Pain, liberté, éducation"(l). Le gouvernement de
José [)o",j ..3""~ dos Santos entendait en effe t appliquer un pro-
gramme de réformes susceptibles de résoudre la crise écono-
mique et sociale 1 ce programme comprenait, entre autres
points, deux chapitres épineux dans les domaines financier et
agricole
:
1 0 _
la réforme financière dont le décret donna lieu
à des débats houleux, établissait un nouveau régime des ban-
ques
1 ce régime permettrait un contrôle de l'Etat sur les
(1) PABON (Jesus), op.cit., p.616.
.1..
les établissements bancaires et le transfert des devises
étrangères provenant des exportations, une coopération plus
étroite entre l'Etat et la Banque du Portugal (1). Il s'agis-
sait en définitive, théoriquement. de limiter la fuite des
capitaux et la spéculation, de redresser la situation moné-
taire et financière du pays.
2°_ la réforme agraire, elle, avait pour objectif de
créer un régime de petites et moyennes propriétés afin d'aug-
menter la population de certaines régions du pays comme le
Sud, et d'intensifier la production agricole. Le projet de
loi du gouvernement prévoyait que dans les régions où la den-
sité est inférieure à 40 habitants au kilomètre carré, les
propriétaires possédant 800 à 1500 hectares et plus, devraient
selon les catégories, céder à l'Etat du quart à la moitié de
leurs terres. L'expropriation, faite dans des conditions
déterminées de prix, commencerait par les plus grandes pro-
priétés et les plus mal cultivées
,
les propriétaires rece-
vraient en échange, non de l'argent. mais. des obligations,.,.arn
non productrices d'intérêts, amortissables en )6 ans. Les
terres expropriées seraient vendues aux personnes qui en
feraient la demande, à l'exception des propriétaires de plus
de 100 hectares (1).
Un tel programme ne pouvait que rencontrer une vive
hostilité des couches possédantes. Le chargé d'Affaires de
France, écrivait à ce sujet, considérant le projet de loi sur
(1) Pralon, ministre de France à E.Herriot, président du
Conseil, ministre des Affaires Etrangères. Lisbonne,
7 février 1925. MAE/SE 1918-29 Portugal, n019.
(2) Doire, chargé d'Affaires de France à E.Herriot, président
du Conseil, ministre des Affaires Etrangères. Lisbonne,
17 janvier 1925. MAE/SE 1918-29 Portugal, n019.
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la réforme agraire, qu'il donnerait lieu à des "discussions
ardentes" et des "luttes sévères où se jouerait l'existence
du cabinet" (1 ) •
En effet, l'affirmation d'une politique de réforme
comme moyen nécessaire de redressement économique et d'ins-
tauration d'une paix sociale relative,
la résistance des cou-
ches possédantes à cette orientation, l'hostilité contre elles
des classes laborieuses,
les pressions de ces dernières sur
les pouvoirs publics,
leurs menaces constituent la toile de
fond de l'évolution politique qui marqua l'épisode du gouver-
nement de José Domingo dos Santos ; de cet épisode et de ses
prolongements ultérieurs, date en réalité la rupture des
classes dominantes d'avec le régime républicain parlementaire.
Elles donnèrent le ton de la résistance, peu après
la formation du cabinet Domingo dos Santos, en créant, en
décembr,~ 1924, l'Union des IIItil'êts économiques (2) ou Union
des Forces Vives. Rassemblant 139 groupements professionnels
de financiers, d'industriels, de grands commerçants, de pro-
priétaires ruraux,
l'Union était appelée à être l'instrument
approprié de "défense capitaliste contre les menaces radicales
et socialisantes"(J). L'Union, qui avait son siège à la cham-
bre de Commerce de Lisbonne, grandit rapidement et commença
à mener une fébrile activité, d'où la mesure de dissolution
de la chambre de commerce, prise au début de février 1925 ;
(1) Idem.
(2) Pralon à E.Herriot. Lisbonne, 7 février 1925.
MAE/SE 1918-29 Portugal, n019.
(J) MARQUES
(h.H.de Oliveira), op.cit., p.25J.
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le gouvernement expliqua sa décision par le fait que la
v"
.
chambre était sortie de son rale économique f6 interven,'"
dans la politique (1).
Malgré l'opposition des Nationalistes et après de
dures discussions, le décret sur le régime des banques fut
adopté in extremis, sans qu'il fut d'ailleurs possible de
savoir comment le gouvernement pourrait rendre effective son
application. Cependant, le cabinet allait tomber, non pas
officiellement, à cause de son programme dont le chapitre de
la réforme agraire ne sera même pas discuté, mais du fait de
son attitude en ce qui concerne la question de l'ordre et
liée à cette question,
l'attitude vis-à-vis des manifestations
des classes populaires rendues de p~us en plus exigeantes par
la crise du ch&mage et la vie chère.
Le 4 janvier, se tient à Marvila, dans la banlieue de
Lisbonne, un comice ouvrier qui demande à la CGT d'organiser
un mouvement général dans les rues contre le ch&mage et la
vie chère, et adresse un appel aux soldats, invité à ne pas
faire usage de leurs armes si les ouvriers poussés par la
faim, venaient à pi 11er les magasins de denrées alimentaires (2).
Les manifestants réclament également du gouvernement la réou-
verture des fabriques fermées, selo~~s termes "pa~ le
caprice patronal"(J)
1 le patronat ~ait à volonté du lock-
out et des briseurs de grèves (4). Le 7 janvier, des centaines
(1) Pralon à E.Herriot. Lisbonne, 7 février 1925.
MAEjSE 1918-29 Portugal, n019.
(2)(J) Le chargé d'Affaires à E.Herriot. Lisbonne, 17 janvier
1925. MAEjSE 1918-29 Portugal, n019.
(4) BOURDON (A.A), op.cit., p.112-11J.
d'ouvriers, appartenant à la construction civile, parcourent
la ville en plusieurs groupes, recueillant des aliments et
une certaine somme d'argent versée à la CGT en faveur des
emprisonnés pour raison sociale (1). Le 12 janvier, ont lieu
de nouvelles manifestations au terme desquelles le président
du Conseil reçoit une délégation des manifestants (z).
Le 6 Cévrier, à la suite du vote pénible du décret sur les
banques, a lieu une rnaniCestation populaire de soutien au
gouvernement, marquée par des incidents dus en partie à
l'intervention de la Garde Nationale Répub1icain~. L'attitude
qu'eut alors José Dominglt~dos Santos devait être Cataù &.Lv
• cabinet.
José Doming~~os 3antos répondit aux acclamations de
la Coule par une allocution dont des détails donnés u1térieu-
rement permettent de rétablir les grandes lignes. Après avoir
remercié les maniCestants,
i l "déclara que le gouvernement se
trouvait en pleine lutte contre les exploiteurs du peup~Q.
D'un c&té, i l y a les exploiteurs, de l'autre leurs vict ..nes
le gouvernement se trouvait aux c&tés de ces dernières. Il
les déCendra jusqu'à la dernière limite de ses forces.
Pour
mener son oeuvre à bien, le ministère a besoin de l'appui
populaire. C'est pourquoi la maniCestation actuelle de sympa-
thie l'émeut. Il regrette que par erreur ou précipitation,
les baionnettes de la Garde Nationale Républicaine se soient
interposées entre lui et la maniCestation patriotique et
ordonnée qui se réalisait. Mais i l va ordonner une enquête
(1)(2) Le chargé d'AfCaires à E.Herriot. Lisbonne, 17 janvier
1925. MAEjSE 1918-29 Portugal, n019.
rigoureuse parce qu'il ne veut pas que la ~orce publique serve
à ~usiller les ~ils du peuple (1).
L'émotion suscitée par ces propos auraient été parti-
culièrement vive au sein des classes dominantes du ~ait m~me
que les acclamations de la ~oule, selon les comptes-rendus de
la press~ seraient allées à la révolution sociale et à la
Russie des Soviets (2). L'inquiétude augmenta encore plus,
quand, deux jours après, par ordre,
la police n'assista pas à
un meeting organisé à la Place du Commerce contre l'Union des
Intér~ts Economiques et au cours duquel de violents discours
~urent prononcés (J). Trois jours après, le parlement abattait
le cabinet par le vote d'une motion de dé~iance et d'une autre
de salut à l'armée, ce qui ~it dire à José DomingU~os Santos,
au milieu de violentes protestations
: "C'est entendu, la
Chambre veut un gouvernement qui dé~ende les exploiteurs
contre les exploités"(4)o
Cette issue allait ~aire réagir à nouveau la rue.
Le 12 ~évrier, au moment où le cabinet rendait sa démission
et que les discussions étaient engagées pour la ~ormation d'un
nouveau ministère, les organisations ouvrières et socialistes
-
l'Union des Syndicats Ouvriers, l'Union Ouvrière des Inté-
r~ts sociaux, le Parti Socialiste, Ile Parti Communiste, le
Comité des Partisans de l'Internationale(5) - se concertaient
(1)(2)(J)(4) Pralon à E.Herriot. Lisbonne, 15 ~évrier 1925.
MAE/SE 1918-29 Portugal, n019.
(5) Il ne nous a pas été possible de savoir à quoi correspon-
dent ces noms d'organisations ci-après, dont i l n'est
nulle part ~ait mention, en-dehors de cette source :'
OV'll~jé:re..
des Intérêts Sociaux, le Comité des Partisans de
l'Internationale.
pour préparer une manifestation contre le renversement du
gouvernement dans les conditions ci-dessus exposées.
Au terme de la manifestation qui,
le vendredi lJ fé-
vrier, aurait mené 40.000 personnes au Palais de Belem, une
motion fut remise par une délégation au Président de la Répu-
blique.· Le message protestait contre le fait qu' "un ministère
pourrait être renversé pour avoir affirmé que la Garde Natio-
nale Républicaine n'était pas faite pour fusiller le peuple
et qu'il se trouvàit du c&té des exploités contre les exploi-
teurs" 1 le message affirma ensuite "la confiance des mani-
festants dans les hautes vertus du chef de l'Etat pour lui
faire comprendre le sens de la manifestation et le convaincre
que désormais, aucun gouvernement ne saurait vivre qui défen-
drait les principes opposés, c'est-à-dire que la Garde Natio-
nale Républicaine était faite pour fusiller et qu'on devrait
gouverner pour les exploiteurs contre les exploités"(l).
Dans sa réponse, Teixeira Gomes aurait déclaré "qu'il
se réjouissait de cette manifestation (2) à ses yeux, sorte
de rajeunissement des idées démocratiques"(J). Il ajouta "que
la crise qui avait entra!né la classe ouvrière à l'activité
politique était d'une importance considérable et bienfaisante
(7) pour la République"(4). Mais, considéra-t-il, quelles que
fussent les circonstances de la politique portugaise,
i l
devait observer les obligations de Sa charge au premier rang
desquelles se trouvait le respect du parlement et de seS
(1)(2) Pralon à E.Herriot. Lisbonne, 15 février 1925.
MAE/SE 1918-29 Portugal, n019.
(J) Souligné dans le texte original du ministre de France à
Lisbonne.
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;~','";q._"",,,_~~.i,,..,~,~~· ... --. ,...-,-"-,"",,~.,.,,,
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~-,,_.;',,;-<.,,_._,....,...~
-492-
délibérations. Invité à paraitre sur la terrasse du Palais
pour recevoir le salut des manifestants, i l accepta après
avoir reçu l'assurance des membres de la délégation qu'ils
répondraient à son cri de "Vive la République" 1 ce qui fit
écrire le ministre de France que les pouvoirs publics
n'étaient paS convaincus du caractère républicain de la mani-
festation. Sur la terrasse, le Président de la République
embrassa une vieille ouvrière, membre de la délégation et
lança le "Vive la République" repris par les membres de la
délégation, puis par la foule (1).
Mais c'est dans le sens contraire que le pays allait
évoluer. Le nouveau ministère, dirigé par Vittorino Cuimaraes
s'inspira, dans la définition de son programme, de certains
principes du gouvernement précédent. "Intransigeant en matière
de trouble,
le cabinet sera nettement républicain en matière
poli tique et radicale en matière financière".
tel se résuma
la déclaration ministérielle faite au~~ment (2) 1 le chef
du gouvernement précisa qu'il comptait faire subir des modi-
fications au décret sur le régime des banques et des devises
étrangères, le
transformer en loi, en vue d'une meilleure
réalisation des prescriptions qu'ils contien1t
Mais la réaction de l'opposition nationaliste résulta
moins du programme du nouveau cabinet que de la manière dont
la crise ministérielle a été résolue. Dans une violente inter-
(4-suite de la page 491)(1) Pralon à E.llerriot. 15 février
1925. NAE/SE 1918-29 Portugal n019.
(2) Pralon au Quai d'Orsay. Lisbonne, 28 février 1925.
MAE/SE 1918-29 Portl1gal, 11°19.
..•
,.
vention faite immédiatement après la déclaration ministériell~
Cuhna Leal, le leader nationaliste prit vivement à parti le
chef de l'Etat qui aurait,
par la désignation de Vittorino
Guimaraes, "le plus ferme soutien de DOming"~os Santos",
souffleté le pays et le parlement. Il conclut alors
l
"Dan.~
les conditions actuelles,
le Parti Nationaliste n'a plus de
raison d'être politique, et puisque le régime actuel n'est
qu'un régime masqué de dictature,'qu'il n'y a plus de consti-
tution, nous avons décidé de ne plus participer aux travaux
du parlemen~'(l). Et les députés nationalistes sortirent.
En abandonnant, pour une période indéterminée, le
principal rouage du régime républicain parlementaire libéral,
les nationalistes faisaient un pas important dans la rupture
avec ce régime. Cette rupture que représentait leur départ,
après la démission intervenue trois ans plus t&t, du général
Gomes da Costa et de plusieurs autres officiers de l'armée,
rendait désormais prévisibles des coups de forea~~= >
Le contexte international était celui de la crise
des démocraties bourgeoises libérales et de la montée des
régimes de type fasciste. Quelle autre possibilité politique
existait, pour les nationalistes, en-dehors de la voie consti-
tutionnelle, sinon le recours aux solutions autori taristes?
Cette perspective qui permettrait de résoudre la question de
l'ordre par l'instauration d'un Etat fort et la mise au pas
des classes populaires, ne rencontrait pas l'opposition des
"Forces Vives" dont l'organe représentatif,
"0 Seculo",
(1) Pralon au Quai d'Orsay. Lisbonne, 28 février 1925.
MAE/SE 1918-29 Portugal, n019.
lf;;-,;·.,(T~..:i;·:~.f,;;;i:,:::i;Î'::,:.,,~ ..-y_-<;
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< c', -,~
~.' ,- .,~.-,.-: -. ".' ';'
.ri' ,'".
agissait sur l'opinion et la préparait apparemment en déver-
sant "dans chacun de ses numéros, un torrent d'accusations
contre les pouvoirs constitués"(l).
C'est dans ces conditions que vont se multiplier les
tentatives de coup de force, dont celle du 28 avril 1925,
passée dans l'histoire comme le vrai prélude au 28 mai 1926.
Cette tentative illustre en effet le climat dans lequel évo-
luait la société portugaise, le degré d'affrontement des
forces sociales et politiques, bref le contexte
de la liquidation du régime républicain parlementaire.
Dans la nuit du 17 au 18 avril 1925, des éléments
de la garnison de Lisbonne,
1500 hommes environ, se mettent
en mouvement,
occupent le Parc Edouard VII, un des points
stratégiques de la capitale l puis les mutins somment le
Président de la République de se séparer du cabinet vittorino
Cuimaraes, menaçant d'ouvrir le feu sur la ville si satisfac-
tion n'était pas donnée à leur ultimatum. En fait,
i l se révé-
lera que le mouvement était également dirigé contre le chef
de l'Etat (2).
Le reste de la garnison,
fidèle au gouvernement,
sembla néanmoins faire
le jeu des putschistes en ne manifes-
tant aucune ardeur à les combattre l du côté du gouvernement
lui-m~me, huit ministres sur onze étaient pour la capitula-
tion immédiate. C'est dans ces conditions que José Doming~M
(1 ) Pralon au Quai d'Orsay. Lisbonne, 26 avril 1926.
MAE(SE 1918-29 Portugal, n019.
(2 ) Télégramme de Pralon au Quai d'Orsay. Lisbonne, 24 avril
1925. ~ME/SE 1918-29 Portugal, n019.
~:~:.:,.~. '.\\
~;,;;:~.~,.-;.
-495-
dos Santos est parti V01r le Pr~sident de la République et
lui déclarer que s ' i l n'avait paS la possibilité de réprimer
l'insurrection, 7.000 prolétaires acceptaient d'être armés
et de rétablir l'ordre
(1).
Au moment où cette proposition arrivait en haut lieu,
les organisations ouvrières se concertaient et mobilisant
leurs troupes,
lançaient à la population de Lisbonne, une
proclamation disant notamment
: "Les libertés populaires con-
quises par tant d'effort sont en ce moment en danger. I l est
nécessaire de réagir par tous les moyens possibles et extrêmes
contre la vague de réaction qui prétend nous subjuguer.
Derrière le c omi té militaire qui se trouve au Parc Edouard VIT,
se cache le fascisme,
la monarchie,
l'étranglement d'un peu-
pIe soucieux de vivre libre. I l est indispensable que le peuple
de Lisbonne ne confie pas exclusivement sa défense aux forces
militaires qui sont aux c~tés du gouvernement. Si le gouver-
nement, par des actes énergiques et décisifs,
ne résoud pas
aujourd'hui-même la situation en attaquant les forces réac-
tionnaires, le peuple,
le prolétariat doit,
par les moyens
à sa portée, s'armer et faire face avec décision au mouvement
des droites qu'il jugulera"(2).
Préconisant le dépassement des "divergences d'écoles"
et l'union avec les forces républicaines de gauche,
la procla-
mation poursuivit: "Nous devons unifier le mouvement d'atta-
que contre la réaction que soutienne les Forces Vives (alias
les membres de l'Union des Intérêts Economiques) qui tentent
de résoudre la crise par la diminution des salaires
(1)(2) Correspondance de Pralon à A,'Briand, ministre des
Affai res Etrangères. Li~bonn", 2 4 avril 1925.
et l'esclavage du travail"(l).
L'intervention de José DOmingM~os Santos, l'effer-
vescence née de cette proclamation, véritable sommation au
gouvernement aurait alors décidé celui-ci à proclamer l'état
de siège et à mettre en action les troupes restées loyales qU1
vinrent à bout des insurgés le 19 avril dans la matinée.
,
. t
Mais pour le régime républicain, CIl YI'o.ta.&-
qu 'un sursis.
c - Les derniers moments 1 l'équilibre précaire entre les
gouvernements constitutionnels et les partisans du
coup de force et du pouvoir fort (avril 1925-mai 1926)
Le 18 avril allait ~tre suivi par de nouvelles tenta-
tives dont principalement celle de juillet 19251 les coups
illustraient le fait que l'idée d'un renversement du régime
ou d 'un changement poli tique au moyen d ·une... .int~l:'Ye.ntiQn_de __
l'armée était définitivement installée au sein d'une large
fraction des couches dominantes de la société et au sein de
l'institution militaire. La période qui va d'avril 1925 à
mai 1926, fut donc celle d'un équilibre précaire entre les
coups de force et les tentatives des gouvernements constitu-
tionnels de désamorcer la réaction anti-parlementaire 1 cette
politique se traduisit par un coup d'arr~t aux réformes, une
modération vis-à-vis de l'opposition nationaliste et dans
la répression des auteurs des putsches, la fermeté en ce qui
concerne l'agitation sociale afin d'enlever aux fauteurs du
régime, le prétexte de leur action.
(1) Idem.
Au lendemain de la tentative du coup d'Etat, outre
les officiers impliqués, des membres du Parti Nationaliste,
dont son leader Cunha Leal sont arrêtés
1 le Seculo, porte-
parole des "Forces Vives", qui aurait appuyé les putschistes{l),
est interdit. Les protestations des autres parlementaires, y
compris ceux du Parti Démocrate, feront bientôt relâcher
Cunha Leal. De même sera levée un peu plus tard l'interdic-
tion du Seculo et mis un terme à la politique de censure des
journaux qu'avait inaugurée le gouvernement après les événe-
ments d'avril. Ces mesures s'imposaient par la nécessité de
respecter l'immunité parlementaire et la liberté de la presse,
d'où l'intervention des autres parlementaires et des autres
journaux républicains.
Le problème se posera autrement quand i l s'agira du
traitement à réserver aux auteurs des tentatives de coups de
force
la modération
vis.o.-V1s,
des officiers impliqués
donnera lieu à de vi ",es. protestations dans les m;il1-~R"-ges _
Républicains radicaux.
La question était en même temps devenue
une dimension du problème général concernant la politique à
mener, les- moyens de cette poli tique, les rapports, d'une part
avec l'opposition nationaliste et la réaction anti-
parlementaire, de l'autre avec les classes laborieuses.
La
pression des événements extérieurs dont la crise de certains
régimes parlementaires, conjuguée à l'évolution interne con-
duisit à ce fait que de plus en plus, au-delà de chaque
question, se posait le problème du contenu du régime répu-
blicain et des conditions de son maintien.
(1) Arquivo Nacional, Ano r, n020 (27 mai 19J2), p.4.
Cette tendance de la situation s'illustra en juin1925
au terme du congrès du Parti Démocrate. Ce ne fut sans doute
pas un hasard que ce parti soit entré, au terme de ce congrès,
dans l'ère de Sa désintégration, après aV01r été pendant
15 ans "l'arbitre des destinées du pays"(t}.
Deux positions, difficilement conciliables s'affron-
tèrent à ce congrès. La première pouvait être résumée comme
suit
renforcer le régime républicain en opérant des réformes
économiques et sociales qui seraient les moyens d'un élargis-
,
sement de sa base sociale
et de l'instauration d'un minimum
de paix sociale 1 s'appuyer pour cela sur les classes labo-
rieuses des villes (en particulier de Lisbonnp) qui avaient
largement contribué à l'établissement de la République ainsi
qu'à sa défense. C'était la ligne incarnée par José Domingo
dos Santos. La deuxième position, celle de l'aile droite du
Parti, dirigée par Antonio Maria da Silva, était pour une
modération des réformes, un compromis avec l'opposition natjo~
naliste et, de façon générale une politiqu~ de conciliation
afin de désamorcer la réaction anti-parlementaire ; cette
politique avait pour corollaire une ferme action contre l'agi-
tation sociale.
•
1
Deux discours devaient illl1"tre..Y'
/-ampleur de
l'affrontement. Le premier fut celui que prononça au début du
congrès, José Domingo dos Santos qui, soutenant que la répu-
blique avait été faite contre les rois et également contre les
banquiers, déclara pour terminer • "Le peuple est souverain,
(1) Rapport de Pralon à Briand sur le cong~ès du Parti Démo-
crate. Lisbonne, 16 juin 1925. MAE/SE 1918-29 Portugal
n019.
~~';"'ic.-~;-i-;.,.:,;">;';"'..::.-,,,".y..
;-:.
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/.~·~:~·-;::?.z:'·:'::>I"'''''A:o.\\;\\?'i.1Iil',:;V
..••,.!'iol.-~." ,;~~-,.;
mais i l est souverain d'opérette quand il a faim.
Les enfants
du peuple doivent être élevés aux frais de l'Etat. Le droit
de propriété est indéniable, mais i l est primé par le droit
à la vie. La propriété doit avoir des limites. Or les maisons
de Bragance et de Cadaval (1) possèdent 80.000 hectares de
terres incultes. Cette injustice n'a que trop duré. Nous
amènerons le Parti Républicain Démocrate vers la gauche"(2).
Et puis, i l annonça sa démission de la direction du Parti.
Le ministre de France rapporte à propos que le congrès
vécut surtout dans l'attente de la réponse de la droite,
laquelle réponse intervint vers la fin du congrès, peu avant
les élections. Antonio Maria da Silva fit alors le procès
des membres du parti qui s'allient, selon les termes, aux
extrêmistes. Et se tournant vers José DOmingij~dos Santos, il
conclut l
"Je ne suis pas l'instrument conscient ou incon-
scient de l'Internationale de Moscou. Vive la République" (J).
Mais la République allait mour1r. Les élections à la
direction du Parti, donnèrent gagnants les modérés qui enten-
daient sauver l'unité du Parti et étaient conduits par le
chef du gouvernement, vittorino Guimaraes.
Cette issue
n'allait pas cependant empêcher, après le congrès,
le renver-
sement du cabinet et un détachement de fait de l'aile gauche
du Parti Démocrate qui fondera peu après,
le Parti de Gauche
Démocratique. Dans les faits,
ce sera la droite avec Antonio
(1) Maison nobiliaire 1 le titre de duc de Cadaval est le
premier et le plus illustre des titres portugais, excep-
tion faite de ceux de la Maison Royale. Grande Enciclope-
dia portu~esa et Brasileira. Lisbonne, Rio de Jane1ro.
Vol.V. p.J 5-J68.
(2)(J) Rapport de Pralon à Briand sur le congrès du Parti
n6""..... ,..T""" .... O
T;c;:hn1""lnlO.
16 juin 1925
MAF/~F 191~-29 p,.,,... t:n.a'~l
.' .. ", •.,."...
Maria da Silva qui dirigera le parti et les derniers gouver-
nements du régime républicain parlementaire.
En juillet, le gouvernement Antonio Maria da Silva,
qui succède brièvement à celui de Vittorino Guimaraes, libère
un certain nombre de militaires m~lés aux événements d'avril
1925 et classe aux archives le dossier du procès de Cunha
Leal.
Ces mesures, considérées comme une concession aux natio-
nalistes, rencontra l'opposition des milieux républicains/de
gauche (1). Le 27 septembre 1925, sous le gouvernement d'un
autre démocrate, Domingo Pereira, a lieu la libération du
reste des inculpés d'avril, au terme d'un procès où ces der-
niers furent traités en héros et, d'accusés, s'érigèrent en
accusateurs des hommes politiques (2). L'acquittement donna
lieu à une vive réaction et à la création d~un comité dit
de "Défense de la République" par José DOmingti~os Santos" (3).
Le gouvernement n'envisagea cependant pas la révision du
procès et se limita à prendre certaines mesurea-+-des~~u~i&~--l
du général Alberto Ilharco du poste de Président du tribunal
militaire et de chancelier de l'Ordre militaire, affectation
dans une caserne éloignée du général Carmona, avocat général
et commandant de la 4e région militaire de Lisbonne •••
(4).
Le second procès, celui des inculpés, de la tentative
du 19 juillet 1925, se termina par le m~me verdict, ce qui
révéla de manière implicite certes,
l'adhésion de nombre
(1) Pralon au Quai d·Orsay. Lisbonne, 22
juillet 1925.
MAE/SE 1918-29 Portugal n019.
(2)(3)(4) Pralon au Quai d'Orsay. Lisbonne, 6 novembre 1925.
MAE/SE 1918-29 Portugal n019.
~:cit.;',;i~..'~);~:';",~~,,,~i:~ ',"",00 ',"", '
~<:i!~~~:g-~'"i1t~:."":~i;': ~~';;;;!>f~" ~-~;r...~._-..........-•. ,
"'··"'Co·'.- - >,• .,.'
~
-501;;:>
d'officiers de haut rang à l'idée d'un coup de force militair~
Pendant ce temps, en revanche, les autorités se mon-
trèrent fermes dans la répression de l'agitation sociale.
Déjà, en avril 1925, des grèves avaient donné lieu à des
déportations en Afrique, suivies de nouvelles grèves de pro-
testations qui donnèrent lieu aux m~mes mesures (1) J en
l'absence de solution à la crise de chômage et à la vie chère,
la fermeté apparut comme la seule politique possible pour les
gouvernants, d'où le cycle infernal de l'agitation-répression;
ce climat était aggravé par l'action violente de la Légion
Rouge, groupe terroriste d'extr~me gauche qU1 justifiait son
action par la nécessité de répliquer à la violence des
patrons et de l'Etat.
La politique contradictoire de répression des gouver-
nements constitutionnels facilita-t-elle le succès des parti-
sans du coup de .force? "Le verdict d'acquittement - écrit
;
~
-_.
Georges Guyomard - donnait un sauf-conduit à tous ceux qui
voudraient conspirer contre les gouvernements ou les institu-
tions d'Etat ••• La justice militaire consacrait le droit à la
révolte"(2) •
Plus rien en effet n'allait s'opposer à la marche
vers la dictature militaire. Les élections législatives de
novembre 1925 donnèrent vainqueurs les Démocrates, conduits
par Antonio Maria da Silva, qui obtinrent la majorité dans
(1) Pralon à Briand. Lisbonne, 2) novembre 1925.
MAE!SE 1918-29 Portugal, n019.
(2) GUYO~~RD (Georges), La dictature militaire au Portugal.
Paris, 192r. p.27.
.'.
. ,
~~~~~~;~~~~~~'~,~,.'.;~:-:;'<'.:', '
- 502-
les deux chambres. En décembre,
le Président de la République.
de plus en plus attaqué par les Nationalistes et les Monar-
chistes, démissionne pour des raisons officielles de santé.
Il est remplacé par Bernardino Machado,
tandis qu'éclate le
scandale de la banque "Angola et Métropole" qui achève de
ternir l'image du régime.
Ce sera donc en vain que le gouvernement Maria da
Silva, qui se laissera aller "chaque jour davantage à des
compromis avec les puissances d'argent"(l), cherchera à se
concilier l'opposition nationaliste; cette politique put
provoquer la scission au sein du Parti Nationaliste, mais ne
désarma ni les éléments durs de ce parti, ni tous ceux qui
voulaient en finir avec la situation qui prévalait.
des premiers gouvernements de dictature militair ~
------------------------------------------------
Après l'échec de la tentative de juillet, les partisans
du coup de force chercheront à agir dans de nouvelles condi-
tions. Ainsi, étendirent-ils le réseau de complicité aux
principales unités du pays. Mais, en même tempS, un fait appa-
rut. Les conspirateurs ne constituaient pas un groupe homo-
gène. Trois groupes en effet existaient au sein de l'armée,
représentant des sensibilités politiques et des projets plus
(1) GUYOMARD (Georges), La dictature :nilitaire au Portugal.
Paris, 1927. p.17.
ou moins distincts
1
le premier est celui des officiers du 18 avril. Sinel de
Cordes. Raul Esteves. Filomena da Camara J
le second oomposé d'officiers radicaux et autres républi-
cains 1 Mendès Cabecadas. Carlos Vilhena. Armando Ochoa J
les nouveaux. hétérogènes. mais plut6t d'idéologie
monarchis te. (1).
Cette situation expliqua la difficulté à constituer une
direction et à désigner un chef. Le choix put ~tre finalement
porté sur le général Ro~adas et après sa mort subite. sur le
général Gomes da Costa J c~est ce dernier qui. de Braga.
donna le signal de la Révolution Nationale. le 28 mai. par la
proclamation suivante
1
"Portugais! Pour des hommes de dignité et d'honneur. la
situation politique du pays~t inadmissible. Pliée sous
l'action d'une minorité débauchée et tyrannique. la nation
hOrl.li. :_e sent mourir."
"Quàn~ à moi. je me révolte ouvertement".
"Que les hommes de valeur. de courage et de dignité, se joi-
gnent à moi, les armes à la main, vaincre ou mourir !
"Aux armes. Portugal"
"Portugal. aux armes pour la liberté et pour l'honneur de la
nation. Aux armes Portugal !
"Gomes da Costa, général en chef de l'Armée Nationale"(2).
Le mouvement. tel qu'il était né à Braga, comme on peut
le constater à la proclamation de Gomès da Costa, était
(1) Arquivo Nacional. Ana l, n020 p.7.
(2) ALMEIDA (A.Duarte de), op.cit •• p.245.
-••,'Ü>~ ~,;'"~~:+-::"';"';. ..<. -
~;:":-:;'-~~;~::t~'.1r!:lI~~!-,_: ~,,,""'::" -, .
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d'orientation nettement nationaliste; i l obtient rapidement
l'adhésion de toutes les garnisons du pays, à quelques excep-
tions près, et se solde par une victoire totale des insurgés.
Au moment où les troupes de Gomes da Costa descendaient sur
Lisbonne, une junte militaire s'y était déjà formée, dirigée
par Cabeçadas. Il y a sans doute lieu de souligner que le
mouvement s'est imposé à Lisbonne, non sur la base de la
proclamation nationaliste, mais sur la base d'un programme
qui ne constituait pas une rupture d'avec le régime
républicain.
En effet, le programme que distribua la junte, et avec
lequel Cabeçadas se présenta au Président de la République
et demanda, au nom de l'armée, "la formation d'un gouvernem"lnt
extra-partidaire, constitué de républicains qui ont la
confiance du pays"(1) fut libellé comme suit
1°_ publication d'un statut fondamental qui maintienne
essentiellement le régime proclamé en 1910 et reconnu par les
puissances, qui introduise les modifications nécessaires pour
garantir son fonctionnement régulier ;
2°_ réorganisation des services publics et élaboration de
lois établissant la responsabilité tant criminelle que civile
de tous les agents de l'Etat;
J O _ réduction des dépenses publiques ;
4°_ régulation des comptes publics et simplifications du
régime des impôts
;
5°_ développement de la richesse nationale
;
6°_ réforme et systématisation des méthodes de l'ensei-
gnement et de l'éducation;
7°- organisation d'une
justice indépendante avec des
procès rapides et efficaces pour les réparations des droits
et punitions des crimes
;
8°_ réorganisation immédiate des services de coordination
de développement colonial, intensification des progrès écono-
miques et financiers des colonies
;
9°- réorganisation de l'armée et de'la marine et acquisi-
tion de matériel moderne et indispensable ;
10°_ garantie inviolable des droits de vie, de propriété
et du bon nom des citoyens (1).
(1)(2) Arquivo Nacional, Ano l, n020. p.9.
· .'
-505-
Sur la base de ce programme, non seulement Cabeçadas fut
autorisé à former un gouvernement, mais reçut bientôt tous
les pouvoirs constitutionnels que lui remit Bernardino
Machado
qui préféra se retirer devant l'ampleur du mouveme~t,
Il était incontestable que, fondamentalement,
la Révolu-
tion Nationale créait, à travers ceux qui en constituaient la
force agissante,
les insurgés de Braga, une situation nou-
ve Ile, Cette "avalanche" qui est descendue du "Nord, telle
une lourde et pesante machine de guerre vers la capitale"(l),
a surtout été influencée par les exemples de l'Italie et de
l'Espagne, où avaient triomphé les régimes autoritaristes.
C'est ce qui expliquera bientôt,
l'élimination du courant
Cabeçadas.
Comment la France allait-elle, dans ces conditions, réagi~
c'est-à-dire se situer quant à la question de la reconnais-
sance du nouveau pouvoir ?
Après un moment d'expectative,
le temps que les événements
soient clairement connus, Paris recommande au chargé
d'Affaires à Lisbonne, en ce qui concerne l'attitude à adop-
ter, de s'inspirer des principes d'action qui seraient dictés
au représentant britannique à Lisbonne. Le Foreign Office
prescrit à ce dernier d'entrer en relation avec le nouveau
gouvernement de manière à ne pas soulever la question de sa
reconnaissance.
(1) GUYOMARD (Georges),
op.cit., p.)).
Tout en faisant agir son représentant dans ce sens,
le
gouvernement français se fit toutefois le devoir de trouver
à son acte de reconnaissance, un fondement juridique. Puisque,
se dit-on, le commandant Cabeçadas s'était fait remettre les
pouvoirs supr~mes par Bernardino Machado qui les détenait en
tant que Président élu de la République, le gouvernement
militaire était assuré d'une légitimité; Cabeçadas détenait
le lien constitutionnel entre l'ancien et le nouveau pouvoir.
Mais le lien constitutionnel détenu par Cabeçadas et sur
lequel s'appuyait, sur le plan juridictionnel, l'acte de
reconnaissance fut bient&t rompu. En effet,
i l se dessina
bient&t, au niveau des nouveaux mattres de la situation, un
double courant,
l'un représenté par Cabeçadas,
l'autre par
Gomes da Costa. Le premier courant, républicain dans son
essence, était soucieux de préserver la continuité et les
apparences constitutionnelles et, pour cela, de composer avec
des éléments civils, afin ode ~pas s'exposer à de violentes
- --
ç;».
-.
réactions et à l'isolement. Le second était en faveur d'un
gouvernement purement militaire et de caractère dictatorial(l).
Ce courant qui avait pour lui les troupes, entendait en finir
avec "la période démagogique".
Cette division correspondait également à des clivages ~n
ce qui concerne l'orientation à donner à la politique interne,
sur des questions telles que l'avenir des institutions répu-
blicaines, la personnalité juridique de l'Eglise (2).
(1)(2) Jeannequin, chargé d'Affaires de France à Briand,
Président du Conseil, ministre des Affaires Etrangères.
Lis~onne, 10 juin 1926. MAE/SE 1918-29 Portugal n019.
"
,
La rormatioR dans un premier temps du triumvirat
"
,
Cabeçadas - Gomes da Coata - Armando Ochoa, puis d'uD premier
gouvernement militaire élargi aux civils correspondit à
l'état successif du rapport de force, en faveur de Gomes da
Costa, puis de Cabeçadas (1). Mai s Gome. da Cos.ta fini t
bient&t par l'emporter.
Le 17 juin, il prit en efret le commandement des troupes
cantonnées dans la banlieue, les pousse dans la capitale et
adressé un ultimatum à Cabeçadas, Président du ministère. La
dictature militaire sans aucune apparence constitutionnelle,
était consacrée, dirigée par celui qui, cinq ana plus t&t,
avait vivement dénoncé la situation qui prévalait et avait
rompa de rait avec le régime.
La légalité sur laquelle l'acte de reconnaissance du
pouvoir militaire était sensée se fonder, venait ainsi d'~tre
détruite .• "E1s!i I:IBtallant par la force et de sa seule volonté
à la présidence du conseil et en rejetant hors du gouvernement
le commandant Cabeçadas qui avait été régulièrement investi
par le .PrésidentBernardino Machado, écrit à ce pr.opos le
représentant de la France, le général Gomes da Costa est
sorti de la légalité pour entrer dans la dictature"(2). Il
demanda par conséquent s'il peut dans ces conditions. nouer
avec le nouveau gouvernement de Gomes da Costa J il informa
par la m'me occasion que son homologue bri tannique, 1.Dlit ~I'I
cù.II\\CIll'ldlbl."t 'oas 'ft51,"1Ià.i'1lK.'7, avl1Â.t. SlI~~ Q14.,~o ..e.i,.., Df~c..e..
de ne pas ~tre trop formaliste. Le Quai d'Orsay
répondit
(1) Idem.
(2) Télégramme au Quai d'Orsay. Lisbonne. 19 juin 1926.
~'HC ISF. H)\\S-2.'l VorW!f!\\ 1\\° \\')
par l'affirmative. Ainsi la France reconnut-elle le gouver-
nement de Gomes da Costa qui marquait la victoire totale du
pouvoir militaire.
Il est sans doute anachronique, comme l'écrit Jesus
Pabon (t), d'attribuer au pouvoir Militaire de Gomes da Costa,
puis celui d'Oscar Carmona, le projet qui institue l'Etat
nouveau, c'est-à-dire le régime dictatorial de type fasciste
de Salazar qui s'installe un peu plus tard. Mais la dictature
militaire qui s'établit était en complète rupture avec le
régime parlementaire libéral. Elle en' 1:fitruir-a. toutes les
possibilités de retour et constitua par conséquent le cadre
qui a rendu possible le processus de formation de l'Etat
oorporatiste.
Comment expliquer, dans ce cas, l'acte de reconnaissance
par la France des premiers gouvernements de dictature mili-
tair,~ 1 Ce,tte question pf~ç~le plus générale du, rapport
des démocraties libérales occidentales au processus d'éta-
blissement, dans "l'entre-deux-guerres" des dictatures de
types fascistes, de différents calibres, Autrement dit, c'est
la question de, savoir dans le cas précis du Portugal, comment
les démocraties -
la France et l'Angleterre -
ont-elles pu
reconnaltre illico presto une dictature militaire dans un
pays où elles exerçaient une influence et où elles étaient
intervenues en octobre 192t pour, en fait,
infléchir l'action
du gouvernement issu du mouvement du 19 octobre ?
(t)PABON (Jesus), op.dt., p.644.
i'
"
La question prend un sens particulier en ce qU1 ~oncerne
la France, dans la mesure où i l s'agit de la liquidation d'une
république soeur, d'un régime dont elle constituait la pre-
mière source d'inspiration, car cette mutation ne faisait
aucun doute en raison du contexte international d'évolution
des Etats.
La compréhension de l'acte français de reco~issanca,
diplomatique de la dictature militaire requiert, comme point
de départ indispensable,
l'examen de la situation et d4 cli-
mat politiques an France même. L'intervention d'octobre 1921,
à laquelle la France fut associée, était l'oeuvre du gouver-, •
nement du "Bloc National", dans un contexte dominé par la
crainte du bolchévisme en réaction duquel ce bloc avait été
justement créé.
La question se pose autrement pour la reconnaissanc~ dè
'k-'.
la dictature militaire qui est l'oeuvre des débris de l'admi-
nistration du cartel des gauches qui réunit autour du, Parti
Radical Socialiste de Edouard Herriot les forces politiques
les plus attachées aux formes républicaines par.lementaires
du pouvoir politique •
.~.
"C-
En fait,
le passage du Portugal à la dictature militaire,'
qui était une réaction nationaliste à la crise du pouvoir
d'Etat, est intervenu au moment où, en France, la ·même. idéo-
logie, née de la guerre et développée pendant la période du
bloc national (1919-1924) restait très forte et était loin
d'être enrayée par la victoire du cartel des gauches; Bl1ssi
les gouvernements nés de 'cette coalition échoueront dl!-ns leur
politique anti-cléricale et rencontreront des difficultés
quasi-insurmontables, dans le domaine de la politique fi nan-
cière. objet essentiel de la crise qui les emportera.
En effe,t.
le cartel se heurta au "mur d'argent", c'est-à-
dire à l'opposition acharnée de la bourgeoisie financière qui
organisa systématiquement la fuite des capitaux. La caseaçle
de crises ministérielles qui en résulta (juill~t 1925 -
juillet 1926 r. d<>nna lieu à une vague d'anti-parlementarisme
et surtout provoqua une paralysie de l'Etat dont toutes les
forces politiques (à l'exclusion des communistes) furent
suffisamment conscients des dangers pour donner leur aval
,
-
a la formation du gouvernement d'Union Nationale par Poinoaré
en juillet 192 6. Au-delà de la déf'ense du franc,
l'objectif'
de ce gouvernemep,t était la sauvegarde de l'Etat (1 ).
Les possibilités de trouver une telle issue à la orise
n'existaient pas au Portugal, qui apparaissait à l'opinion
internationale
comme lM
symbole t~~jql/e
,
l'anarchie. La crise d'autorité de l'Etat n'y était pas le
seul fait de l'obstruction des classes possédantes contre l~s
tendances radiealisantes des gouvernements démocrates (de
gauche ou modérés), mais également le fait des pressions et
agitations des classes laborieuses dont l'action donnait lieu'
à des hypothèses, dans les dépêches diplomatiques sur les
risques de bolehévisation.
Les éléments essentiels de cette évolution de la situation
en France sont tirés de
1
DUROSELLE
(J-B), Le monde
'
contem orain, Paris. Fernand Nathan, 1971. p.a4-sg. et
BONNE FOUS
Edouard), Histoire
oliti ue de la Troisième
République. t.IV, Cartel des Gaue es et 1,1m.on
a l.opa e
Paris, P.1,1.F. 1973 p.2-184.
"
"
/
<.-
"'1
Par conséquent, la reconnaissance de la dictature mili-
taire semble s'expliquer par le l'ait qu' i'l devait apparai tré
comme la seule solution à la désintégration de l'Etat portu-
,
gais, Cette 'position, outre le contexte politique-même en
France, a également besoin d'être étayée par la position
internationale de la France en tant qUe grande puissance.
Cela nous condu~t au problème général du rapport des démocra-
ties au processus d'établissement de certaines dictatures
de l'''entre.,.deux-guerres''.
L'établissement des dictatures fascistes dans la plupart
des pays est passée par une répression accrue des classes
laborieuses et un affaiblissement du mouvement populaire.
De ce point de vue, et dans une certaine mesure, le cas de
l'Allemagne mérite d'être évoqué dans le cadre d'une extra-
polation nécessaire à l'éclairage du contexte internat~onal.·
C'est avec la complicité. aussi bien du gouvernement bri tan.;.'
=
1ue que de celui de la France (malgré l'occupation de
lJarmstadt, de Francl'ort par cette, dernière) que les troupe.s
du Reich, en dépit des clauses militaires du Traité de
Versailles
(réduction des effectifs et démilitarisati?n de
la rive droite du Rhin) purent réprimer de 1920 à mars 1921
les insurrections de la Ruhr (1).
La dictature militaire étant la seule solution à la
désintégration de l'Etat, Sa reconnaissance par la France -
et aussi par l'Angleterre -
était une causion tacite à' cette' .
solution qui ne remettait pas en question ses intérêts au
RENOUVIN (P.), Histoire des Re.lations Internationales.
Tome VIT, première partie, 1914-1929, Paris, 1969.
o.21~3.
-.... ,...
"-5[Z,.
Portugal. Elle s'inscrit par conséquent dans la
•
ITleme
pers-
pective que la coopération anti-bolchévique, c'est-à-dire
pour la défense et le renforcement de l'Etat contre l'action
des éléments "bolchévisés" des milieux ouvriers et contre
les milieux en général, qui ont constitué une des principales
contre-forces à la réaction monarchique (janvier-février 1919)
et nationaliste (avril 1925).
,
+
+
Ainsi,
la reconnaissance de la dictature militaire cons-
t i tuai t-elle l'événement qui clôt les rapports da \\Ja.f ..è~.~ve"'e
et ferme le cadre chronologique de notre étude. Ces rapports
auront présenté deux caractéristiques
, d'une part un tableau
assez éclaté des thèmes et des faits,
et de l'autre une évo-
lution contradictoire illustrée par les difficultés des
échanges économiques et l'intensité des relations politiques.
Au niveau économique,
la France ne put réaliser ses ambi-
tions, du fait de la concurrence d'autres pays industrialisés,
de l'Allemagne dans le domaine commercial, de l'Angleterre
sur des terrains économiques revêtant une importance parti-
culière, d'ordre militaire et stratégique. Réciproquement,
le Portugal vit un recul considérable de ses ventes en France.
L'impossibilité d'un accord commercial durable fut sans doute
la meilleure expression de ces difficultés des échanges
économiques de paix.
~
Dans le domaine politique, on reVll)t, quant ~''''ia-démarche,
à la logique de l'avant-guerre, une fois que passa l'épisode
des rapports dans le cadre de la fin de la "République
Nouvelle"
; la concertation avec l'Angleterre présida désor-
mais à la définition de l'attitude et à l'action de la France
vis-à-vis du Portugal. Mais cette politique de concer~ation
et d'inspiration réciproque,
illustrée aussi bien par l'action
conjointe d'envoi, en octobre 1921, des navires de guerre des
deux pays comme moyen de pression sur le Portugal que par la
reconnaissance de la dictature militaire, était le fait de
nouvelles exigences. En effet,
l'intégration des intérêts
politiques dans ce pays et d'une action commune répondait
moins aux anciennes exigences de l'Entente Cordiale que celles
d'une coalition informelle des puissances contre les prolon-
gements de la Révolution 80lchévique et la déstabilisation
des Etats.
La reconnaissance était donc l'aboutissement d'une poli-
tique visant à sauver l'Etat portugais. Elle était, en m~me
temps,
le prolongement logique de l'action internationale
multiforme des puissances pour combattre laQ.6volution Bol-
chévique et les manifestations de son influence.
Cet acte découle de la position internationale de la
France, c'est-à-dire celle d'une grande puissance et des im
implications qui en résultent
; elles sont traduites ici par
la nécessité d'appuyer la dictature militaire qui promettait
de rétablir l'autorité de l'Etat qui est une nécessité qui
transcende les formes institutionnelles du pouvoir politique.
La reconnaissance marque par conséquent la prédominance
de la solidarité inter-étatique sur la confraternité républi-
ca1ne
l
certes ce thème n'a jamsis eu de poids dans les rela-
tions entrc les deux pays en termes de facteur de détermina-
tion d'actions d'une quelconque importance.
Il avait néanmoins
une place considérable au niveau du discours officiel, comme
l'une des références quant aux affinités et à l'amitié exis-
tant entre les deux pays.
Mais plus qu'une confirmation de
son caractère formel,
l'acte de reconnaissance de la dictature
militaire marquait la fin de la confraternité républicaine.
·.~ ....•
;I·a.:.;'_'\\~,_-:,,·
•
CON C LUS ION
GENERALE
,~~. -516-
Premier défrichage dans les relations franco-portugaises,
ce travail comporte des limites. D'une manière générale, i l
ne nous a toujours pas été pOllsible de fClli.f"e \\lexfo~ d~ ~vèll«"~
toute la clarté et toutes les précisions nécessaires. Cela
s'explique par l'histoire mouvementée du Portugal républicain,
l'obstacle représenté par la carence des sources et de' réfé-
ce."Ce. de<! -fV:~
. Ces difficultés nous ont quelquefois
contraint à une "histoire-fiction" ou à une "histoire-
policière", ce à quoi nous ne nous soDlDles pas refusé dans
la mesure où, comme démarche, elle nous a permis de démêler
les faits, d'émettre ou d'enrichir les hypothèses.
Le second type de limites est d'ordre thématique. En
effet, un certain nombre de questions n'ont pas pu être
étudiées. Ainsi,
les rapports entre le Corps Expéditionnaire
Portugais et la population française,
l'image que l'opinion
patriotique française s'est faite du Portugal et du soldat
portugais et, réciproquement, l'image de la Franc~au Portugal,
n'ont pas été étudiées. Il nous est apparu que le développe-
ment approfondi de ces thèmes, hormis les aspects qui ont
été traités dans l'étude de l'action commune de propagande,
n'était pas indispensable pour appréhender les lignes de
force des relations de guerre.
En raison de la destruction durant la seconde guerre
mondiale des dossiers relatifs au Portugal dans la Série Paix
des archives du ministère français des Affaires Etrangères,
-j17-
les relations diplomatiques dans le cadre de la con~érence
de la paix n'ont pas été abordées. On peut cependant penser
que cette lacune est d'une importance relative.
La position internationale respective des deux Etats
est telle qU'ils n'auraient pas à s'affronter sur les ques-
tions cruciales de définition des conditions de la paix et
de partage du butin de guerre. Avec la défaite de l'Allemagne,
l'intégrité de l'empire colonial portugais se trouvait pré-
servée. Et bien qu'ayant contribué à cette dé~aite, le
Portugal n'avait formulé aucune revendication susceptible de
l'opposer de façon particulière à la France. Sa seule reven-
dication, au-delà de la question générale des réparations,
était la récupération du petit territoire de Kionga au nord
du Mozambique. Cette revendication, bien mineure, se situait
de surcroît, hors de la zone d'influence de la France.
_ L'état des relations dans le cadre de la con~érence de
la paix était par conséquent moins ~onction des problèmes
posés entre les deux pays par ladite conférence que le reflet
des contradictions franco-britanniques en rapport avec le
contexte politique interne du Portugal. Cela e~riqJe ~~e
1
VlOI1~ a.yo"'S
aborde:
ce moment Sous l'angle des problèmes politiques de
la fin de la République Nouvelle de Sidonio Paes.
Par ailleurs, i l aurait certainement été nécessaire de
procéder à une analyse plus profonde des conditions économi-
ques et financières qui précédèrent la chute de la Première
::::~t:.;/i>,i;··: \\,:','ù,\\:.,>:-, "";.::', ~; _
~
, ' j . .
•
0 ,
t!..·..~:·~,.:,..";:':.;"':";:"""~'',.,*". ·llI.~.~.>r:",;i,-",..-i: .__~ • ~. ~'i ""-'.'_""
.;~
':~'__:).' .• '",n·"-~_.'.;'- .._ .",,,,...
République portugaise. Les difficultés financières ne sont-
elles pas souvent évoquées à propos du changement de régime
et de l'établissement de l'Etat Houveau~ Il nous est apparu
que mettre l'accent sur les étapes et les faits significatifs
de l'évolution politique et sociale en relation avec le
contexte international, permet de mieux saisir le changement
de régime et par la même occasion, la signification de l'acte
de reconnaissance diplomatique du nouveau pouvoir par la
France.
Ce travail représente pour nous une ébauche à l'étude
des relations franco-portugaises contemporaines. Aussi, dans
la mesure où dépasser les différentes limites et plus préci-
sément celles d'ordre thématique
ne ressortait pas d'un
impératif catégorique pour son équilibre d'ensemble, nous
n'avons pas cherché à le faire.
+
+
Cela dit, cette ébauche aura toutefois permis de mettre
en lumière des problèmes majeurs d'un moment important des
relations entre les deux pays. Importance non pas à cause de
l'étendue de la période qui n'est que de 16 ans, mais en
raison du contexte historique et des événements qui marquèrent
cette période tant au niveau international que sur le plan
de l'évolution interne des Etats, en particulier du Portugal.
~-". -'
-519-
L'évolution des rapports dans la période d'avant-guerre,
ouverte par la proclamation de la République au Portugal,
aura été inrluencée par le contexte international de rivalités
~es puissances. Petit pays accusant un retard économique et
disposant d'un immense domaine colonial, le Portugal consti-
tuait un terrain d'afrrontement des grandes puissances 1 i l
subissait en efret, une sorte de trilogie de la domination
des principales puissances de l'Europe Occidentale: forte
influence culturelle de la France, forte présence économique
de l'Allemagne, monopole politique de l'Angleterre. Curieuse
situation qui plonge certes ses racines, en partie, dans un
passé lointain, mais dont l'actualité s'explique avant tout
par le contexte en question. De cette situation, résulta ce
fait qu'à bien des égards, les relations franco-portugaises
furent conçues, en ce qui concerne la France, comme un
prolongement de ses rapports avec les deux autres puissances.
+
,~
-
'1-
'1-
L'étude des courants d'opinion et des relations maçon-
niques aura illustré, en partie certes, le premier élément
de la trilogie - l'influence culturelle de la France - en
révélant l'importance des relations sociales et politiques
extra-officielles entre les deux pays. Dans l'intensification
de celles-ci, est intervenu le fait essentiel de l'avènement
de la République. Cependant, les échanges dans ce cadre
doivent ~tre compris, sur le plan du mouvement des idées,
- 52 0..;.
comme un mouvement de la France vers le Portugal. Cela est
vrai pour bien des couches de la société portugaise. Le
phénomène prend toutefois la dimension d'une véritable dépen-
dance idéologique en ce qui concerne les classes dominantes
qui cherchent constamment les références intellectuelles et
morales du côté de la France 1 la similitude créée par la
naissance de la République renforçait cette tendance.
Ce phénomène qui a ses origines dans l'histoire de la
Renaissance au Portugal,
les influences de la Révolution
Française et les traces des guerres napoléoniennes, fait
partie de la réalité portugaise et est entretenu par plusieurs
facteurs
1
la place de Paris et l'attrait que cette ville
exerce comme centre privilégié de la vie intellectuelle et
culturelle internationale
,
le phénomène d'émigration
intellectuelle et politique vers la France,
la place qu'occu-
pent dans l'activité intellectuelle et scientifique de ce
pays,
la langue française d'une part et, de l'autre, les
produits de l'édition et de l'imprimerie françaises.
Comme dimension des relations entre les deux pays, ce
phénomène eut une importance formelle en face des réalités de
la politique internationale qui préoccupaient les grandes
puissances: les questions d'équilibre et d'alliance, d'expan-
sion commerciale, d'extension des zones d'influence ou de
territoires coloniaux.
L-.
-521-
Ainsi, dans le domaine commercial -
le seul chapitre
des échanges économiques à ~tre étudié - les deux pays se
livraient à la guerre des
tarifs. Examiné du point de vue de
la France, l'état des échanges commerciaux était d'autant
plus ressenti que, au-delà des obstacles propres aux économies
des deux pays (similitude de certaines productions tel que
le vin), la poussée allemande sur le marché portugais exerçait
une réelle pression sur les positions françaises. Le fait
d'avoir à faire face à ces pressions, quelques fois au prix
d'arrangement forcé,
tendit à transformer, quelque peu, les
relations franco-portugaises en une dimension des rapports
'e4i/,ILl.Js efai.W
franco-allemands,V-faits d'hostilité due aux traces de la
guerre de 1870-1871 et à l'évolution de la fin du XIXe siècle
et du début du XXe siècle qui vit se développer les préten-
tions et les manifestations de plus en plus grandes de
l'Allemagne à l'hégémonie mondiale et dont l'expansion
commerciale n'était qu'un aspect.
e.t ie,,,p...ir,, .. tio .. s d<2I '.4l1e»<o.'j""
Ces manifestationsVfurent à l'origine du partage de
l'empire colonial portugais qui fut,
après la question de la
reconnaissance du régime républicain, l'objet essentiel des
'Cl F""",e el" 1.. Po rtd!!d1
relations diplomatiques entre les deuxV..
et l'un ~s fon-
dements du troisième élément de la trilogie,
la domination
politique de l'Angleterre sur le Portugal.
L'importance des rapports particuliers entre ces deux
pays, consacrés par l'Alliance dite séculaire ou perpétuelle
se fondait en effet, avant tout, sur l'importance du Portugal
- 522"-
et ses colonies pour l'Angleterre,
importance d'ordre écono-
mique certes, mais surtout d'ordre stratégique et diploma-
tique
1
position géographique des c&tes du Portugal conti-
nental et des Iles adjacentes de l'Atlantique Nord, de
certaines colonies comme l'Angola et la Mozambique, raIe de
ces dernières comme monnaies d'échange dans le cadre de la
"weltpoli tik" et de la "machtpoli tik", plus précisément dans
la résolution des contradictions avec l'Allemagne. Garantie,
en retour, de l'intégrité de ces colonies, l'Alliance servit
de guide au gouvernement de Lisbonne, en matière de politique
e~térieure. La reconnaissance par la France de ces deu~
réalités complémentaires -
monopole politique britannique,
allégeance portugaise -
liée à l'e~istence de l'Entente
Cordiale détermina l'orientation de ses actes diplomatiques
en ce qui concerne le Portugal.
Ainsi, dans la question de la reconnaissance officielle
du régime républicain, le Quai d'Orsay aligna sa position
sur celle du Foreign Office en dépit des sympathies politiques
et du soutien moral des hommes d'Etat français au nouveau
régime. La reconnaissance de la prépondérance britannique au
Portugal et la nécessité d'éviter tout
acte susceptible de
contrarier cette réalité e~pliquent cette attitude qui révéla
le caractère formel de la confraternité républicaine dans un
caB où elle aurait pu jouer.
Face au problème de la partition de l'empire colonial
portugais, la position de la France était délicate et son
~#j,:{;:;~~::':';.'~~:J, :,;.(':'~~I.'·''-,.,.,: _,.~'".
:',',->.'·:.:".... ·-,~ ...t' ';,.
......~,'/.,..•~_""'.
..... ';:;5~J-
action en partie tributaire de l'Angleterre. Elle était à
l'écart des négociations secrètes anglo-allemandes non seule-
ment par principe, mais aussi parce qu'elle n'y était pas
conviée quand bien même elle aurait manifesté le désir d'y
participer. Pourtant, la ~uestion d'importance majeure, sou-
l'vII d'orqre
l'~
levait deux problèmes,
territorial etV;'ordre diplo-
matique.
La partition aurait, pour la France, remis en question
la sécurité de ses possessions coloniales d'Afrique Centrale
et l'équilibre calonial en général. Mais en même temps, dans
la mesure où un tel partage devrait contribuer à estomper
les tensions anglo-allemandes, i l pourrait affecter l'Entente
Cordiale en y créant une première fissure au profit de
l'Allemagne. Après avoir cherché en vain à obtenir la mise
de Cabinda hors d'attribution, elle orienta son action dans
trois directions
: préparer l'éventualité où le partage
serait inéluctable, développer les initiatives du côté por-
tugais en vue de la pénétration économique dans certaines
possessions, agir sur l'Angleterre pour obtenir que le traité
ne soit pas oublié.
dern,è re d'Y'e~tîo\\1,
En agissant dans cettev.--
auprès de l'Angleterre,
la
France entendait surtout empêcher toute réalisation du projet
anglo-~llemand ; le statu-quo apparaissait comme répondant
mieux à ses intérêts, du fait même des limites à ses autres
actions. La démarche auprès du gouvernement portugais en vue
de réaliser des investissements dans certaines colonies devrait,
elle, permettre de créer une situation qui pût, soit légitimer
~,,,-,C' .... ''-'c'
'-"""".,.;",;.,.. ',"i
::tn''''""~,',,,-,,~''·'''\\':'''~' -~" "-:~ ,,'---_c
une prise de possession en cas de partage effectif, soit
ob1iger 1es deux autres puissances à tenir compte de ses
intérêts. Mais, outre 1es difficu1tés à trouver 1es inves-
tisseurs, i1 y avait un obstac1e de tai1le, d'ordre politique.
Le Portugal était certes désireux de sauver ses co1onies
qui 1ui étaient essentielles sur le plan économique, social
et politique. L'impossibiHté pour 1ui d'e.l\\ cL$SOr<er-
\\~sécurité et 1a promesse formelle de leur défense par
l 'Angleterre fondaien~ l 'Alliance, Or l' ~ot"i30I1 iO'\\torl1atJOl(~1
1-
a.-.,.,ot-l~it...,., OlJl'a~a.11
violent 'Ï.ii"e. h\\.tt:.roit pas seulement en danger 1es
territoires co1oniaux des petits Etats, mais l'existence
même de ces Etats.
Dans la situation internationale d'a1ors et le rapport
de force qui en découlait, 1'allégeance inconditionne11e à
1'Ang1eterre était pratiquement la seule politique possible
pour les classelllal"oç:igeantes. Le Portugal n'était donc pas
à m~me d'a11er au fond de la logique de l'alternative engagée
- la coopération co1onia1e avec la France - en en développant
les ultimes conséquences, c'est-à-dire éventuellement envi-
sager un rapprochement avec la France ou, surtout, prendre
l'initiative de lui offrir des concessions de manière à créer
des difficultés à la réalisation du projet anglo-a1lemand
il Y avait donc un obstac1e à 1 'action envisagée par la
France.
~~...
-525-
La suspension des initiatives des deux côtés, portugais
et français,
à la suite de l'arr~t supposé des contacts
anglo-allemands illustra les limites de l'action respectives
des deux Etats, dans la question coloniale.
+
+
+
Le contexte international et la trilogie de la domina-
tion, comme facteurs exerçant une influence, auront été essen-
tiels à la compréhension des relations franco-portugaises
dont la situation, au moment de l'éclatement du conflit mon-
dial, était la suivante
: lP- renforcement, du fait de la
naissance de la République au Portugal, des affinités idéolo-
giques entre les deux Etats, des relations sociales et poli-
tiques extra-officielles 1 mais en m~me temps, accentuation
d~la
au point de vue~politique officielle, du caractère formel de
ces échanges et de c~s affinités en raiso~ J~s tendances
.
~
-
dominantes de l'évolution internationale , 2 P- difficultés
des relations commerciales 1 JP- absence quasi-totale d'auto-
nomie dans les relations politiques du fait de la position
respective des deux Etats par rapport à la première puissance
mondiale, l'Angleterre.
L'état des relations diplomatiques traduisant le mieux
"
la situation internationale, on avait affaire en définitive,
dans les relations franco-portugaises,
à des rapports tridi-
mensionnels où Londres constituait, pour Paris et pour
· ..... ,
-526-
\\
Lisbonne, un pôle de référence dans la prise des décisions
en matière de politique de l'une vis-à-vis de l'autre.
+
Le conflit qui éclate en été 1914 était fondamentalement
l'aboutissement de l'affrontement des puissances, contexte
dont résultaient ces différents faisceaux de relations. Dans
ce conflit total, la France, un des principaux champs de
bataille, dans sa recherche de ressources et de concours
extérieur allait porter son attention sur le Portugal. Ce
dernier, dès les premiers jours, avait pris position et offert
son concours à l'Angleterre.
Le cours général des relations franco-portugaises
allait
par conséquent ~tre avant tout fonction de la posi-
tion internationale effective du Portugal de belligérance ou
de neutralité, c'est-à-dire en définitive une position dans
la définition de laquelle interviendrait le gouvernement
britannique. Relativement à cette période, i l y a lieu de
distinguer ce qui nous apparait comme des conclusions provi-
soires et des conclusions définitives.
Question-clé dans le développement possible des relations
entre les deux pays, le problème de la position internationale
du Portugal connut une histoire qui est celle d'un équilibre
entre la volonté proclamée d~ c.e. pctys qe Ft"C:rr mi li~..,eltt
~ CD~fUt en Europe et l'opposition britannique à cette
-527-
éventualité. Des discussions sur l'explication de ces posi-
tions, nous sommes parvenus à des conclusions provisoires
qui se résument en une seule question 1 le domaine colonial
portugais.
L'argumentation sur laquelle repose l'opposition britan-
nique à l'engagement militaire du Portugal - éviter un effort
supplémentaire pour la Royal Navy et pour le Trésor de guerre-
est apparemment solide et officiellement défendable
1
mais
le maintien de cette position après la rupture germano-
portugaise puis la formation du Corps Expéditionnaire
Portugais . en cI'-tl"uise.n.t la port~
L'attitude britannique semble découler
d'une autre explication 1 la volonté britannique
.
de préserver la possibilité d'utilisation des colonies portu-
gaises dans une éventuelle paix de compromis avec les Empires
Centraux 1 tenir le Portugal à l'écart des champs de batailles
décisives d'Europe pourrait avoir été considéré comme le
meilleur moyen d'avoir une plus large liberté d'action quant
à un recours éventuel à cette "chair à compensation".
De m~me, seule la crainte de cette éventualité justifiée
non seulement par les précédents des accords secrets anglo-
allemands de partage, mais aussi par les propos tenus dans
les milieux dirigeants des puissances belligérantes sur les
modifications de la carte de l'Europe et donc nécessairement
du monde, pourrait fonder le désir de participation du
Portugal. Mais s ' i l n'est pas possible d'être définitivement
édifié sur les facteurs d'explication des deux positions,
•
'f ".-~,.
• ~.i -
_;. '
t,' ~:-';:'<';t;;:-)l;::,::_'"~~'-_c;;."-'-{'_'-:~;"';..";'-. .;."
,- .J, ',',,-
-528-
portugaise et britannique, i l est toutefois possible d'établir
que l'équilibre fut à chaque étape rempu en faveur de la
volonté portugaise de participation au conflit et que les
besoins de la France tinrent une place, parfois essentielle,
dans cette rupture.
e
A l'origine de l'alerte d'octobre 1914, c'est-à-dire du
premier projet de formation d'une division auxiliaire portu-
gaise,
il y eut la demande française d'artillerie de campagne, 3
Le projet de création de la division auxiliaire n'a été envi-
sageable que grâce à l'acceptation par l'état-major français,
puis par le gouvernement britannique, de la proposition
portugaise de faire accompagner les batteries par ceux qui
les servent. Outre les difficultés britanniques en matière
de frêts,
en raison de la guerre sous-marine, l'attitude
française joua également dans la prise de décision du gouver-
nement britannique de pousser le Portugal à se saisir des
vapeurs allemands, acte qui fut à l'origine de la rupture
germano-portugaise. Processus analogue dans l'envoi de la
mission militaire mixte anglo-française au Portugal et dans
l'acceptation du principe de sa participation militaire au
front occidental.
Ces besoins qui forcèrent le gouvernement britannique
à évoluer vers l'intervention armée du Portugal ont été en
même temps utilisés par ce dernier comme un cheval de Troie
dans son intervention.
Mais la coopération qui s'engageait allait avoir
des limites. La vie interne et externe du Portugal était
largement affectée par la participation militaire en Europe.
La coopération de son Corps Expéditionnaire avec l'armée
française constituerait un moyen de renforcement de l'influence
de la France. L'intégration des intér&ts des Alliés n'était
pas synonyme de fusion de ces intér&ts. L'Angleterre ne
laissa donc pas le C.E.P. combattre aux c8tés de la France.
Telles furent les limites les plus significatives des relations
de guerre entre la France et le Portugal, la non-affectation
du Corps Expéditionnaire Portugais à l'armée française, en
dépit des arguments psychologiques et militaires.
Néanmoins, les relations de guerre furent intenses.
Proportionnellement à ses potentialités humaines et maté-
rielles, le Portugal tint une place non négligeable dans
l'effort de guerre de la France et constitua en même temps,
une sorte de prolongement du champ de bataille contre
l'Allemagne. Inversement, la France fut pour le Portugal, une
alliée de choix. Le Portugal offrit à la France un contingent
d'artilleurs, servit de source de ravitaillement, autorisa
l'utilisation de Leixoes comme base de l'escadre de patrouilles
opérant dans le golfe de Gascogne. La France contribua,
quant à elle, à la fourniture de l'équipement militaire, à
la formation de l'aviation et de l'aéronautique maritime,
installa une base d'hydravions à Aveiro pour la défense des
côtes portugaises contre les sous-marins allemands.
-530-
Sur le plan économique. une nette évolution s'opéra.
Avec le bouleversement introduit dans l'économie française.
tant dans la production que dans la circulation des marc han-
dises. le Portugal n'eut aucune difficulté à placer ses prin-
cipaux produits sur le marché français
; et. de surcroit.
pour la première fois.
le solde commercial était en sa faveur.
La France qui ne pouvait mettre à profit dans l'immédiat les
potentialités offertes par l'élimination de l'Allemagne. tira
le maximum des possibilités offertes par le Portugal. possi-
bilités matérielles certes. mais également possibilités
humaines. La guerre vit en effet l'apparition du phénomène
d'immigration de masse des travailleurs portugais en France.
Phénomène total. l~ guerre donna également lieu à des
qVI
échanges intellectuelsVentrint dans le cadre de la propagande
et de l'action contre l'Allemagne. Dans ces échanges idéolo-
giques qui portèrent sur les thèmes de la liberté et de la
civil:.~ ion, de la confraternité républicaine. de la commu-
nauté latine et bien d'autres. la France trouva en d'éminentes
personnalités portugaises les meilleurs défenseurs de sa
cause ; quant aux interventionnistes portugais, ils trouvèrent
dans la France. la référence à la justification idéologique
de la participation de leur pays
1
la défense de la civili-
sation. de la liberté et du républicanisme contre la barbarie
et le despotisme. Ces relations de propagande confirmèrent
à nouveau le phénomène de l'influence culturelle et idéologique
de la France. En revanche, la critique essentielle de ce
phénomène devrait 'tre l'absence d'interférence entre le
~
~,,.
l.
1
r~
discours et la réalité de la coopération étroitement soumise
1
au bon vouloir du gouvernement britannique.
lftape importante dans les rela-
{a qbl'.,.e
tions entre les deux pays/vtout en multipliant ces liens et
en renforçant la position et l'influence de la France, elle
était en même temps, au Portugal, source de difficultés.
Aussi, le renversement de l'équipe Machado-Costa qui organisa
l'intervention se fit dans les conditions où tout laissa
croire à une remise en question de cette politique. Mais le
contexte contraignit à la "réalpolitik", c'est-à-dire à la
j-j".te ... ;/; Iat-w- Ji~~ f'4"
reconnaissance dQ
Sidonio Paes qui avait
proclamé sa fidélité aux engagements internationaux pris
par le pays.
Les conditions d'instauration du nouveau pouvoir, la
République Nouvelle de Sidonio Paes, créèrent une situation
politique dans le développement de laquelle, vers la fin de
la guerre et dans l'immédiat après~erre, le nom de la
France fut associé en partie (1). A l'image de cette question
qui ouvrit la période, les rapports de l'après-guerre furent
marqués par des problèmes d'évolution interne Ju Portugal,
largement influencés par des données et des tendances de la
situation internationale.
Relativement aux problèmes qui surgirent entre les deux
(1) Cette précision est nécessaire. Les tentati~ de restau-
ration monarchiste découlent directement de l'évolution
politique durant la période sidoniste. Mais à aucun moment,
au cours de ces tentati~s, le nom de la France ne fut
évoqué.
(-~' ., , ......,.; ,-:;~;I .,:.. - < ';":"v__
. _ .
-~·-"·"~'...,n·;'''~;·..
: :."'·."';:'-<:~t;;~"':" '::_":"' ~
. ,
,., .,-.--,
'-".-
pays dans le cadre de la fin de la République Nouvelle
- l'assassinat de Sidonio Paes et le soutien qu'aurait apporté
la France au Parti Démocrate - on est fondé à maintenir
certaines hypothèses, en dépit des obstacles quant aux possi-
bilités de vérification. A l'évidence, la présence des
réfugiés portugais à Paris d'une part, le contexte interna-
tional de l'autre, rendaient possibles toutes les suppositions
et spéculations.
Certes, il n'y a pas de doute que Paris a constitué une
base d'action contre le régime de Sidonio Paese On ne peut
imaginer les hommes politiques déchus, disposant d'un puissant
parti, abandonner l'idée de reconquérir le puuvoir ; de
surcrolt, les réfugiés et leur parti constituaient la fraction
politique la plus attachée aux formes républicaines parle-
mentaires du pouvoir politique et que ne pouvaient qu'inquiéter
l'évolution de la République Nouvelle et l'importance qu'y
avait prise les monarchistes •.Da"s I~ur:f entrep'" SI<. Jq l''eù''''lvèle cL...
~ovvolr, tes réfugiés comptaient nécessairement sur le soutien
"d'amis français" comme l'atteste la démarche de Henri Martinet
au profit d'Afonso Costa, et sans doute aussi sur celui
indirect d'institution, comme la Franc-Maçonnerie; les
rapports étroits entre le Parti Démocrate et le "Grande
et-
Oriente Lusitano Unido" d'une part, et entre ce dernier'
le Grand Orient français, rendent possible la création à la
rue Cadet de la "Loge Portugal" qui aurait servi de centre
d'activités aux réfugiés.
-5~J-
En ce qui concerne les milieux gouvernementaux français,
.-
les démarches portugaises constituent un indice, mais non
une preuve formelle de rapports, encore moins de soutien aux
réfugiés. Néanmoins, on peut considérer comme probable l'exis-
tence de relations particulières entre les réfugiés et cer-
tains officiels français
l
de telles relations ne pouvaient
qu'aboutir. en arrière plan, à un "ma;-ché" dont les termes
e" ~G-1,~"9<ô!
seraient entre autres, un soutien~'une politique future,
plus favorable à la France.
La tendance prônant un rapprochement plus étroit avec
la France, qui se serait manifestée dans le premier gouver-
nement de coalition post-sidoniste consti tue un
élément
supplémentaire de renforcement de l'idée d'un "marché". Mais
cette question du soutien aux exilés portugais était en
partie vraie ou fausse,
le reflet des conséquences immédiates
de la guerre.
La défaite de l'Allemagne renforçait la position de la
France sur le continent et faisait remonter en surface les
vieilles rivalités anglo-françaises. Une telle situation
rendait tout à fait envisageables deux hypothèses complémen-
taires.: 1°_ dans le co",t~x te 1Il0\\/Ve.CUl-
créé
par la guerre,
le soutien de la France au Parti Démocrate se situerait bien
.sc>!
dans le sens d'un élargissement de
influence
au
I-ofJ,., f'C{,.f CI j~ si
Portugal, aux dépens de l'Angleterre,
avec la
politique reconnaissant la prépondérance de cette dernière:
·" . ;." .~. " •., '"-·l:.·~
'. ".t>Ii,~'::~.·~\\~,o:~.'S;;'Jt
.. ~5:34-
la. vO\\O'lt~
,
1 ri.
du Parti Democrate, QI1 rllLS rrv. -
de ses principaux dirigeants en exil, de mettre à profit les
contradictions anglo-françaises, ~\\11 jolJa.~
la carte de la
France, moyennant un soutien.
Outre l'obstacle considérable, quant aux possibilités
d'une telle évolution, cette période qui engendre ces
questions fut bientat close, et dans le domaine politique,
on assista du côté français, à une politique de concertation
avec l'Angleterre. Cette politique de concertation répondait
moins aux anciennes exigences de l'Entente Cordiale, qu'à
celle plus utile d'une nouvelle coalition informelle des
puissances, contre les conséquences de la guerre, en parti-
culier les prolongements de la Révolution 8olchévique,
désintégration des Etats.
Cette question de la désintégration des Etats introduit
le rapport de la France au processus de liquidation de la
Première République parlementaire portugaise, En effet,
l'attitude de la France, face à la situation portugaise,
attitude qui se manifeste à travers la coopération anti-
bolchévique, l'envoi de navires à l'occasion des événements
d'octobre 1921, la reconnaissance du pouvoir militaire, répon-
daient à un souci de voir cette situation se stabiliser.
Mais l'évolution interne du Portugal posait en m~me temps
le problème de l'avenir du régime républicain qui fondait
-t'
d'impoSantes affinités entre les deux pays.
-535-
Cependant, ce qui intéressait les puissances, en l'occur-
rence la France et l'Angleterre, c'était moins les formes
du pouvoir politique, que la consolidation de l'autorité de
l'Etat. La dictature militaire, issue du coup d'Etat du
28 mai 1926, apparut comme la solution à la désintégration
du pouvoir d'Etat portugais
1 dans
la mesure où elle ne
remettait paS en question les intérâts généraux de ces deux
puissances et que, par ailleurs, elle se présentait comme
une solution à la longue crise portugaise, elle fut acceptée
et reconnue diplomatiquement. A l'évidence, la reconnaissance
de ce pouvoir, dans un contexte international d'instauration
de régimes dictatoriaux de type fasciste, par des démocraties
dites libérales
, était gênant. Mais l'intér't
des puissances outrepasse les formes institutionnelles
du pouvoir d'~t~
,surtout dans leur zone
d'influence.
Ainsi, pour la France, la reconnaissance de la dictature
militaire dont i l était évident qu'elle rompait avec la
République parlementaire libérale, ne marquait paS seulement
Ye.pu/,U CQ; 11'1.
la fin de la confraternité
.
J elle confirmait
définitivement le caractère formel de cette confraternité.
Conséquence logique de l'action anti-bolchévique, cet acte
de reconnaissance était aussi l'affirmation de la primauté
des rapports d'Etat.
+
+
-5J6-
Telles sont les grandes lignes de l'évolution des
rapports franco-portugais durant la période allqn.t d'Oc.tobre
4qlQ .., mQ\\ Iln,b
+
+
+
La rerlexion doit s'orienter à présent vers l'examen
des résultats acquis et de leur portée. Deux type. de préoccu-
pations ss rév~lent à l'issue de netre travail, '0/ L•• relations
.ociales et poli tique. non-ofricislle~il. travers l'opinion pu-
blique et la rranc-maçonnerie. 2°/ Les relations inter-étatiques
qui montrsnt le raIe de la France dans\\le processus de liquida-
tion de la premi~re République par~ementaire portu«aise.
L'étude de l'opinion publ\\que française face il. l"v~
n~msnt de la république au Portu«al ~\\ mis en lumi~re divers cou-
rallts d'epinie.. qui sont le rerle. de' contradictions des rorce.
sociales et politiquesdde la société française sur la situation
portu«aise.
La notion d'opinion publique n'est pertinente que si
elle s'appliqu. à un ensemble ho.o«~ne. Or toute société est
hétéro«ène. Cette notion ne peut, à rortiori,
8tre opératoire
s ' i l s'a«it de décrire Iss rapports entre deux société. distincte.
certe., le. dirférent. courants d'opinion n'iorluencent pae au
ml.e de«ré le. év~nements st l'évolution des situations mais i l .
n'en sont pas moins variés. Il faut cependant rsmarquer qu'au ni-
vsau des relations bilatérales les ·opinions" sont l'expre.sion
voir ls prolon«ement ds véritables rapport. multiformes.
Css différents constations nous autorisent, au plan
méthodolo«ique. il. faire les sug«estion. suivantes. '0/ En his-
toire des relation. internationale. et plus encore pour le.
relations bilatérale., i l est nécessaire d'effectuer une étude
socio~ogique de l'opinion publique. 2°/ - Il est indispensable
que l'étude des relations bilatérale. indiquent la nature des
rapports entre forces sociales correspondantss ds. dsux sociétés.
~J7
La systématisation de l'étude de tel. rapports enri-
chira l'histoire des relations internationales et expliquera
par surcro!t la reproduction à l'échelle international. de cer-
taines institutions sociales, l'évolution 'nterne des états.
De ce point de vue l'étude des t'ranc-maçOllneries t'rançaise et
portuguaise et de leurs rapports a été révélatrice à plus d'un
titre 1 elle aura fourni la preuve de l'existence,
entre les
société., de relations peu visibles et in4aisissables, mais
dont le r8le est considéra"le dalls la reproduction des valeur.
sociales et idéologique~ sur le plan international et dans la
politique officielle et extra-officielle. Ces relations repo-
sent sur des institutions politiquee et sociale. (celles-ci
sont quelquefois de caractère ésotérique). Ces institution.
sont en général des émanations des couches dominantes des socié-
tés industrialis"es. Elles se reproduisent dans des' états neuf's
ou sous domination. La franc-maçonnerie est, à cet é'lfard, un
exemple des plus frappants.
\\
\\
La question des rnpports occultes relfarde é~lement
un aspect apparem.. ent microphénoménal, mai. en réalité 'lmpor-
tant du r8le de la France dans le processus de liquidati~D de
la première République Parlementaire Portulfaise. Une autre
dimension cachée des relations internationales 1 les diff"r"Tltes
t'ormes d'action Folitiquemilitaires, singulièrement celle des
Ifrandes puissances à l'encontre des petits 'tats ou des état.
4
dépen.ants ,
destinée inf'léchir le cours de leur
évolution,
telle la lutte anti-bolchévique menée par la France
au ~ortucal.
Ainsi l'action anti-bolché.ique et l'acte de recon-
naissance de la dictature militaire par la France répondent
,'uX m~mes exigences. Ces deux actions complémentaires posent
le problème If"néral de l'histoire politique internntionale, du
r&le des démocraties parlementaires libér.!les dans l'établisse-
des dictatures, du rapport de ces deux rélfimes.
538
Le probl~ma se pose plu a particuli~rement lorsqu(il
s'agtt des ét".ts en t'ormation et des états n'ayant P',s connu
la révélation industrielle,
créatri ce de .. comU tions économi-
ques et culturelles nécessaires à
l'apparition et à
la couso-
lidatLon de la démocratie libérale b ·urgeoise. L'évolution ~nter~
ne de ces éta.ts,
loin de s'opérer d<'l manière autonome, subit
l'ini'luenee et l'action direct .. ou indirecte des grandes p\\li.~
sances qui tentent d'imprimer. cette évolution une direction
cont'orme à leur intérlt.,
stratégiques, économiques ou poli ti-
ques.
S~ l'on tient compte de ces considérations, il n'est
pas possible d'accepter la théarie Rostowienne (1) sur le
processus du développement historique,
théerie des étapes de
la croissance économiques.
Si~alons ent'in quelques directions de recherche. Les
préoccupations théoriques t'ormulées ci_dessus devra~ent ins-
pirer l'étude des rapports entre les grandes pu~s.ances et le •.\\
états et nations en t'ormation ou dépendants. On pourrait, con- \\ ,
cernant les relations t'ranco-portugaises, approt'ondir un certain.
nombre de th~mes.
La période étudiée s'est terminée par l'établissement
de la dictature militaire à laquelle succède, un peu plus tard,
:'..
l'état t'aec~ste de Salazar. L'étude des rapports de la France
et du Portugal à partir de la Révolution Nationale du 28 Mai
1926 jusqu'à la chute de l'Etat t'asciste (Avril 1974) peut cons-
tituer un prolongement logique de l'entrepriee que nous avons
commenc~••
Cette nouvelle étude pourrait aussi Itre envisagée
dans une perspective structurelle certains thèmes d'histoire
politique et militaire pourrai*nt faire l'objet d'une attention
particulière :
les rapports entre, d'une part, certainss t'orees
politiques t'rançaise et, de l'autre, le regime fasciste et le
mouvement intégraliste portugais (2), le rappor~ de la Frabce
à
la longue résistance portugaise contre le fascisme,
le rapport
à
la guerre coloniale (1961
-
1974).
\\1) Rostow (W.W), Les étapes de la croissace économigue Paris,
Seuil 1970. 252 P
(2) cf
Weber (Eugen J.).
0 0 .
Cit., 'PP (530 -532)
~r;',.;;,i;r..;';:.l~";:.~··:;"l'" '", ,.
.c:
~.~-J/"{"~-i.-,_'· ; .~, •. ,
..:.,."~.:."
S O U R C E S
E
T
B l B LlO G R A PHI E
~~~=~=======~~~===~~========~=============~====
PRE~lIERE
PARTIE
. ;,
LES
SOURCES
l
l
- LES SOURCES FRANCAISES
l'
F
A - Les Archives du ~Jinistère des Affaires Etrangères
Corps diplomatique - Gouvernement
1
Légation,
consulats et attachés de France 1918-1929
2 - Décoration 1918-1929
) - Gouvernement, dossier général
déc.1917 - déc.1929
4 - Questions dynastiques ~1: COlU"3
26 nov.191R _
1) oct.1927
5 -
Parlement, élections législatives 1918-1925
6 - Corps diplomatique 1918-1929
7 - Renseignement sur les personnalités politiques
192 0-192 9
8 -
Presse 1918-1929
Armée
9 - Dossier Général 1919-1929
10 - Coopération militaire et matériel de guerre
1918-1929
13 - ~'larine, dossier général et matér:"l naval
mars 1918 -
1929
14 - Blocus, dossier général
18 juin 1918 - 21'1 nov.19 2 9
15-20 - Politique Intérieure
Juin 1918 -
janvier 1927
Politique Extérieure
22 - Dossier général
1919-1929
2J - Propagande de l'Allemagne
1918-1925
Situation Economique
25 - Dossier général
1919-1921
26 - Achats de la France
1918-1920
27 - Finance, dossier général
1918-1929
28 - Budget
1919-1929
29 - Dette publique
1920-1929
JO - Législation financière
1918-1929
J1 - Emprunt de la France 1918-1929
J2 - Accord économique franco-portugais 1918 avril-12oct
J4 - Etablissements financiers
1918-1929
J5 - Douanes
19 2 0-1929
J6 - Agriculture
J7-J8 - Commerce, dossier général
1918 - sept.1929
39 -
Boissons
41 - Industries, dossier général
1918-1927
43 - Mines et travaux publics
1918-1927
44 -
Ports
1919-1925
45 - Chemins de fer et routes
1918-1929
46 - Aviation
1919-1929
47 -
Navigation Maritime
1918-1929
48 - Navires de Commerce
1918-1924
Divers
51 - Registre des biens ennemis au Portugal 1919
52 - Instruction publique
192 0-1926
56 - Recom~andations des Français
1918-1929
57 - Réclamations des Français
191)-1925
53 - Biens ecclésiastiques
1918-1921
Politique intérieure
,
1~6 - Dossier général
1897-1916
7 à 9 -
Possessions Outre-~lcr
1896-1907
10 - Questions dynastiques et cour
1893-)91)
Politique étrangère
11 à 19 - Dossiers généraux
1897-1915
-
-
r~
--
20 - Relation avec la France
1897-1907
..
21
"
1908 janvier-septembre
?"
~~
"
"
oct.1908 - déc.1910
2)
"
"
1911-1912
..
..
24
191)-1918
Questions économiques
27 - Finances
1896-1898
..
28 -
1899-1900
..
29
1901
..
)0
1902
,
-543-
•
r
J1 - Finances
190J-1904
..
J2 -
1905-1907
..
3J -
1908-1912
..
J4
1913-1918
35 - Affaires Commerciales, relations avec l'étranger
1905-1916
J6
idem
1897-1907
37 - idem
1908 janvier - 1909 avril
38 - idem
1909 ma1 - déc.
39 -
idem
19 janvier 1910 - 15 février 1911
40 - idem
16 février 1911 -
J décembre 1911
41 - idem
1912-1918
A -
J - Nouvelle Série Europe Cuerre 1914-1918 (Portugal)
----------------------------------------------
6J2 - Dossier général
août 1914 - décembre 1915
..
..
633
janvier 1916
sept.1916
..
..
634
octobre 1916
août 1917
0;-
..
..
635
septembre 1917
janvIer--i918
-
..
..
636
février 1918 - mai 1918
637 - Coopération militaire et matériel de guerre
août 1914 - avril 1916
..
638
mai -
septembre 1916
..
639
octobre 1916 - mars 1917
..
640
avril 1917 - mai 1918
Afrique
1612-1613 -
Possessions portugaises. Dossier général
1614 - Guinée portugaise
1914-1916
..
..
1615 -
1917-191R
-544-
1616 - Mozambique
avril 1914 - août 1918
Divers
1216 - Conférence économique internationale de Paris
juin 1916
janvier 1916 - août 1917
1217 - L'arme économique, contr~le des matières premières
décembre 1917 -
février 1918
1218
..
mars - avril 1918
1219 -
..
mai 1918
1220 - France, passage de l'état de guerre à l'état de pai~
1221 - Dossier général. Comité des Transports Maritimes
1245 - Ravitaillement de la France à l'étranger
sept.1914 - mai 1916
1246
..
JU1n 1916 - mai 1918
1280 - Missions d'achat Espagne, Portugal
; ,
déc.1914 - mai 1918
i,
1332 - Achat de vin, d'alcool 1914 - 1918
1
1-·
.
1)' .~
Tabac 1914 -
1918
tc-
148 11 -
Affaires financières des Etats, Portugal
1914-1918
I
Sous-série Papiers Berthelot
Dossier 7 - Propagande, Espagne, Portugal
1915-1917
Sous-série Papiers Bonin
Dossier nO 31
~,;,
i...,;'
l
1;
B - Les Archives Nationales
Série F7 Police Cénérale
------------------------
12906 - Activités des Anarchistes
189J-191J
1J065 - Activités des Anarchistes et Révolutionnaires
étrangers
1909-1927
1J068 - Anarchistes et Révolutionnaires italiens, portugais,
etc," '" '"
1908-1920
1J471 - Relations internationales,
••• Portugal
1921~-1925
1J506 -
Police générale, Relations internationales.
Bolchévisme dans le monde. Propagande bolchéviste
dans les pays de l'Entente
1918-1921
13507 -
id.
Dossier général
1919
13508 -
id.
192 0
1 J509 -
id.
1921
13510 -
id.
1922
13511 -
id.
192 3-2 5
13518 -
Les étrangers en France
législation, expulsions
1925-1934 etc •••
Série F12
(Portugal)
6291 - 6292 - 6293 -
62 9/1 - 6295 - 6296 -
Accords commerciaux et législation douanière
étrangère
, Portugal XIXe siècle
6582 à 6586 - Relations commerciales avec les pays étrangers
législations douanières étrangères, Portugal et
colonies portugaises
18959-1897
6869 à 6871 - Régime fiscal des vivres et eau de vie
1878-1917
..•.
6874 - 6875 - Alcool et V1n d'Espagne et Portugal,
Vinaigres. Produits pharmaceutiques à base de vin
1905-1907
6918 à 6928 - Législation douanière et uSages commerC1aux
1825-1915
6944 - Régime des entrepôts
1859-1916
6971 - Appellation d'origine, législation, affaires
diverses, produits étrangers importés en France
1897-1921
716J à 7165 - Rapports consulaires antérieurs à la circu-
laire du 26 décembre 1906 rattachant les consulats
au ministère du Commerce pour tout ce qui est de leur
correspondance commerciale et leurs fonctions
commerciales
1809-1906
7271 -
id.
Portugal 1907-1919
Guerre 1914-1918
7657 - 7658 - Renseignement sur les services ('c!:é_~~~pE>ndant
les hostilités
1914-1918
7662 - Services techniques ; affaires particulières :
enqu~tes économiques, correspondances avec les parle-
mentaires, les membres des comités du pétrole, des
matières graSses et des produits chimiques 1916-1918
766) - Consortiums, organisation générale et correspondance
1916-1918
7664 - Régime des importations des métaux
1916-1918
7665 - Commission interministérielle des bois et métaux
procès-verbaux
1916-1917
7666 -
id.
1918
C:"l?::'·.': ~..,......., ''- .-..."c..,-......
lV~,"., ,:.:':',.\\1 :,.t~'::--~,.:,c.",;:",---,:",
J!:O.f.-·-~"'.\\é-~~; "-~r,r"'!:'''' -.h.-y..'~"":'-";';"'l"
-'-
-547-
7668 -
Importations et répartitions, correspondance avec
les administrations publiques (Affaires étrangères
et finances)
7670 -
Importation et répartition, programme, statistique
1914-1918
7672 - Comité des forges,
correspondance avec la première
section
1916-1918
7673 - Autre groupement professionnel. Correspondance
1916-1918
7674 - Demande d'importation
1918
7677 - Comité des minerais, de la sidérurgie, de l'outillage
mécanique, et des machines à outils etc •.•
; des
séances et pièces annexes
1916-1918
7680 - Métaux divers
1918
7682 - Comités du bois. Affaires diverses
(1918-1919)
7781
- Transport maritime et tonnage. Documentation,
rapport, correspondance avec les commissions parle-
mentaires. Accords interalliés
1918
7783 - Affaires diverses
1917-1919
7784 - Dossier par pays
1917-1919
7785 - 7786 - Dossier par produits
1917-1919
7788 - Tonnage français - Statistique
1917-1920
7789 - Tonnage par pays
1917-1919
7792 - Affaires particulières
1918-1919
7796 - Services français à l'étranger - Dossier général -
Organisation interalliée pour les matières premières
1918-1919
7799 - Conseil interalliée des achats de guerre, des
finances et de l'armement
7819 - Comité des matières premières - Documentation
7821 - Portugal, interdiction de commerce avec l'ennemi
1
7857 - 7858 - Conférences économiques des gouvernements
alliés
; Comités permanents d'action économique
PV des séances et résolutions
1916-1918
7860 - Restriction du commerce avec l'ennemi. PV des séances
et notes
1916-1918
787J - Maisons de Commerce suspendues dans différents pays
Amérique, Espagne, Grande-Bretagne, Hollande,
Portugal
1915-1916
7877 - 7878 -
Prohibitions de sorties et droit d'entrée -
législation
1915-1919
7954 - Infor,,'ation .;conomique sur les différents pays
Panama à Portugal
1916-1919
7980 - Documentations réunies par le bureau Hauser-Allegret
en vue de la conférence économique des gouvernements
alliés
1916-1918
7985 - Préparation de la pq;K
: notes économiques 1916-1919
-~
---
7986 -
id.
notes politiques
1914-1918
7987 - Conférences économiques des gouvernements alliés
1916-1917
7988 - Mesures transitoires pour revenir à l'économie de
pal.X - Documentation économique
1916-1918
7989 - 7992 - Bulletins économiques de l'Etat-'fajor de
l'armée
1916-1919
7996 - Commerce international pendant la guerre
1914-1918
7997 - Missions économiques
1916-1919
8004 - Main-d'oeuvre étrangère et coloniale
1915-1917
-549-
802.J - 8021+ - 80)6 - Mouvements sociaux - Difficulté de
guerre - question du temps de guerre - réorganisation
industrielle
Commerce extérieur
898J à 8991 - Portugal - Négociations et conventions diver-
ses avec la France. Documentation économique, tarif
douanier des pays étranger - Portugal
18J1-1922
9048 - Commerce extérieur de la France. Prohibition d'impor-
tation en France, en Angleterre et au Portugal
1916
9055 - Liste des traités et conventions conelus avec les
pays étrangers pendant la période
1911-1921
91~0 à 9122 - Chambre de Commerce française à l'étranger.
Correspondances des bureaux
1906-1918
9267 - 9268 - Renseignement économique fourni par les
attachés commerciaux au ministre du Commerce.
Portugal
1919-19JO
9289 - EliminatbD~de la concurrence austro-a~l~mande des
marchés étrangers - Correspondance générale 1914-1918
id.
Panama à Roumanie
1914-1916
9299 - Remplacement des représentants commerciaux ennemis
sur les marchés étrangers (1917-1918). Influence de
la guerre sur les marchés étrangers (1917-1918)
Série F18
2J54 - Convention littéraire avec les pays étrangers
1850-191J. Portugal, Allemagne
-550-
J17 - Portugal, situation économique et financière (1871 -
1914) Colonies portugaises (1900-1914). Compagnies
du ~ozambique et du Zambèze (1894-191 11). Delagoa Bay
(1884-191/~)
J18 - Portugal, emprunts d'Etat
1871-190J
J19 - J20 - Dette intérieure ~onsolidée (190J-1909).
Réclamation des Porteurs, Union des porteurs français
de la rente portugaise
J21 - Banque du Portugal (1892-191J). Crédit foncier de
Lisbonne. Compagnier réunies de gaz et d'électricité
de Lisbonne (189J-1909)
J22 - Tabac portugais
1891-1906
J2J - Chemin de fer
1860-1918
J2 11 - J25 - Chemin de fer: communication des Affaires
Etrangères. pétitions des obligataires français,
admissions à la côte (1881-1902)
10J5 - Documentation sur la dette extérieure -}jorn..g:;"ise.
Tabacs du Portueal , emprunt 1902 et emprunt
Don ~iguel. Obligations des chemins de fer
1902-19Jl
10J6 - Emprunt Don Miguel de 1890 à 1917
11~9 5 - France. Commerce extérieur de guerre
1914-1918.
Paiement à l'étranger, ravitaillement
1/198 - Commission des achats à l'étranger, procès-verbaux
1499 - Service interministériel des achats à l'étranger et
questions diverses
: poudre, tabac, accord Brésil-
Portugal
1918 et 1920
-~ ..
)~
" .
..,
1504 - APFès guerre Comm;ssion interministérielle des
Affaires écono~iques et sociales t questions doua-
nières, contr&les des importations et exportations
1917 -
1920
C - Service Historique de l"Armée
J N
4 - Télég~ammes provenant des Affaires Etrangères et
concernant divers pays: Portugal, Espagne, etc •••
5 N 71 - Traduction de télégrammes chiffrés, classement par
pays (1917-1919). Rapports divers. Portugal
août 1914 - août 1915
5 N 189 - Portugal - Renseignements provenant de l'attaché
militaire et du ministère des Affaires Etrangères
concernant les Affaires intérieures et militaires.
Les relations granco-portugaises
mai 1918-mai 1919
5 N 279 - Portugal - Situation dans ce pays (1917-1918)
t
6 N
58 - Tableaux graphiques ei:t:~istiqUeS générales
I.·.•...__ c
_
concernant la
i
guerre,~uestions économiques (agri-
&.
cultures, ravitaillement, main-d"oeuvre) 191J-1918
r..~.
6 N
68 - Conférence et réunion interalliées antérieurement
~.~.:.:
~ ,.
~-
à l'armistice. PV, décisions, textes d"accord,
t.• --
~. .
!S,.. i
nates et divers rapports
1914-1918
~,
~/;.
6 N
76 -
Conférence de la paix
~.'.:'r.'
~(.
6 N
81 - Bolchévisme, socialisme, pacifisme et autres
mouvements
6 N 216 - Portugal, rapports et télégrammes de l'Attaché
militaire du ministère des Affaires Etrangères
1917-1922
.:>,;:~'>','
.,~:, ;', - ,' .•
'~'....
.;~,~~·\\~·f.1";'~--~'ic;",~~-
",','
.
"
- ~ ,",
,~-
-
/~ ~~
-552-
6 N 258 et 6 N 291 - Renseignements politiques et mili-
taires concernant divers pays
: Hongrie, Portugal
1917 - 1921
7 N 160 -
Personnels divers - Combattants et travailleurs
étrangers en France
7 N )97 -
)98 - Ravitaillement des puissances étrangères
et questions diverses les concernant
, Hollande,
Portugal, etc •••
Portugais (légionnaires,
troupes
et travailleurs)
7 N 58) -
584 - Cession de matériel et approvisionnements
aux pays alliés et neutres
7 N 681 -
Bulle tins d'information quotidiens ou de quin-
za1ne, situ~tiun générale, note et études sur
divers pays
1917-1919
7 N 692 - Correspondance reçue du ministère des Affaires
EtranS'ères
7 N 886 - 837 - Comité international d'action économique
documentation
1915-1916 <~
7 N 90) - Economie de Kuerre, exportation d'Angleterre,
Portugal
1914-191Y
7 N 9)4 - Portugal, dossier concernant "l'Affaire Burnay"
1915-1916
7 N 966 - Questions financières relatives au Portugal
1916-1918
7 N 98/1 - Bordeaux, rapports moraux et commerC1aux de la
commission militaire postale
1916-1917
7 N 10)7 - Revue de presse étrangère et traduction d'arti-
cles de journaux. Presse portugaise et espagnole,
etc •••
mai 1915-janvier 1916
7 N 1045 - Bulletins périodiques dé la presse étrangère
publiés par le ministère de la guerre et celui
des Affaires Etrangères
1916-1919
7 N 1215 - Correspondance de l'attaché mjlitaire au
Portugal au ministère des Affaires Etrangères
(1918-1919). Situation politique èt militaire.
Relations extérieures
7 N 1216 - Mission militaire française près de l'armée
portugaise. Lettres du lieutenant-colonel Paris,
chef de la mission (JO août-20 nov.1916). Ren-
seignement sur les corps expéditionnaires
portugais
7 N 2009 - Documents relati:'s aus armées anglais..~ et
""portugaise
"8 If 1 - Dépense à l'étranger J les missions d'achllt dans
les divers pays
1917-1922
8 N 12
Cession de matériel au Portugal
1917-1920
10 N 6J - ~in-d 'oeuvre employée dans.(es. !,lSines de guerre 1
"
Sïtuation matérielle et morale, hygiène de la
main-d'oeuvre coloniale et étrangère
1915-1918
10 N 105 - Collaboration du Portugal. Cession de matériel
1919-192.0
10 N 143 - Statistiques françaises et alliées pour la
Conférence interalliée de novembre 1917. Statis-
tiques françaises et alliées du bureau inter-
allié des statistiques
10 N 169 - Achat de vin en Argentine, Chili, Portugal et
Espagne
;,
,,- ... -'-'.- .- ..
-554-
16 N 215 -
Notes du Comité de Guerre LIe l'état-major et du
CQG, des attachés militaires. Cession de maté-
s
riel aux alliés
16 N 299 - Instructions et notes sur le bolchévisme
1917-1919
16 N 1290 - Compte-rendu d'information; bulletin de presse
Renseienement concernant la situation économique e
et politique en Europe,
la révolution en
Allemagne et le mouvement bolchéviste en Europe
novembre 1918-février 1919
16 N 1315 - Services de renseignement d'Aix-la-Chapelle,
divers documents sur la lutte contre le
bolchévisme
16 N 1361 -
Bulletins de presse et communiqués, Bulletins
périodiques de la presse étrangère. Presse
portugaise
janvier 1917 - août 1918
16 N 1539 - Rapport sur les mouvements ouvriers, pacifistes
et socialistes,
etc •..
reçu du ministre de
l'Intérieur
1917-1918
16 N 1566 -
1567 - Copie de presse, Question sociale, mou-
v('ment nuvrier, socialisme et pacifisme, Pro-
blème de la paix et du bolchévisme
16 N 2492
- Armée portugaise, serbe et romaine, etc •.• Cor-
respondance générale
1915-1918
16 N 28 11) -
Transport concernant les différentes armées
alliées;
l'armée britannique, portueaise
16 N 2912 - Renseignement sur les armées. Cession de maté-
riel et munitions
troupes portugaises
16 N 291J - Cession de matériel et questions diverses rela-
tives aux aviations étrangères
1916-1918
-555-
16 N 29J5 - Documents sur la question des ouvriers portu-
gais pour les fabriques de munitions fran9?ises
février -
septembre 1916
16 N 2982
-
Portugal - Document provenant de l'attaché
militaire portugais et de la mission militaire
française
et renseignements
d'origine divers
concernant la situation intérieure,
l'armée, le
corps expéditionnaire,
l'envoi d'une mission
militaire franco-anglaise au Portugal et les
,
troubles à Porto
1916-1918
16 N Jo06 - Espagne,
Portugal: Correspondance reçue du
!
ministère des Affaires Etrangères et de l'atta-
ché militaire et renseignement d'origine divers
f1
Situation intérieure, action avec les Alliés
f
16 N J248 - Etat de guerre et situation militaire du
r
(
Portugal. Recrutement d'ouvriers et mesure
,
!
prise contre les Allemands
16 N J254 - Contingents portl.gais
(sept.1916 -
janvier 1920)
r
17 N J02 - Correspondance et circulaire concernant les
armées américaines,
i ta liennes, portugaises
1916-1919
17 N 4JO -
'IJ1 - Le corps expéditionnaire portugais
(documents portugais)
1917-1919
17 N 4J1
- Propositions de récompense, circulaire divers
sur le corps d'artillerie lourde portugaise
organisation et matériel
1917-1918
D - Service historique de la qarine
Ga 1 1f) -
Liaisons avec les Alliés - c6néralités Comités
interalliés d'aviation -
Portugal
vi
1 -
Patrouilles aériennes
; aviation. Aveiro
:
Portugal. Correspondances reçues
(1917-1918)
Px
1 -
Patrouille de Leixoes -
Ordre, Correspondance
1917-1918
Px
2 -
Patrouille de Leixoes - Correspondances reçues du
ministre, des bâtiments, de divers
1917-1918
SSEA 153 et 154 - Ravitaillement et gestion de matériel
militaire - Mi~sions diverses au PortuKal
E -
Les sources imprimées
- Documents diplomatiques Crançais
;
Le .~ ~igines de la guerre de 1914-191R
2e Série 1901-1911 - Tome X à XIV
)e Série 1911-1914 - Tome l
à XI
- British Documents oC War, 1898-1914
Vol.I The End of British Isolation décembre 1897 -
av ri 1 1901~
Vol.II Japenese Alliance and french Entente
Vol.VI The Anglo-Cerman Tension
1907-1912
Vol.X Part II The Last Year oC Peace
Vol.XI The Break oC War
" . ,
,~"J- " '" ," ,
-557-
E - 2 - .Journaux et Revues
Quotidiens 1909-1914
- Action Française (L')
- Autorité (1,')
- Bataille Syndicaliste
Gaulois
(Le)
- Ilumani té
(L')
- Lanterne
(La)
Hatin (Le)
- Hadical (Le)
- Temps
(Le)
Revues
- Annales des Sciences Politiques
- 3ulletin de la Chambre de Commerce "ranco-portugais
(année 1910)
- Le Correspondant
- Economistes Français (L')
- Economistes Européen (L')
- Questions diplomatiq~es et coloniales
1908-1914
- Tableau général du Commerce et de la Navigation,
publié par la Direction Générale des Douanes
Année
1909-1926 (Minist~rc des Finances)
>, l
,.~;.:.<
_
:•..->~': ~.oh""''-''-- -~ <
-558-
- Cours permanent d'Arbitrage de la Haye -
Affaires des Biens contestés au Portugal
- Compte-rendu des travaux du Grand-Orient de france
Vol.
LXV
1909
LXVI
1910
LXVII
1911
LXVIII
1912
II -
LES SOURCES
PORTUGAISES
A -
Les Archives du o'linisterio dos Negocios Estrangeiros
(Affaires Etrangères)
~222:~~~~
187
19 0 9-1910
188
1910-1911
189
1911-1912
190
1912
191
1913
192
191'"
193
1915-1916
194
1917-1918
195
1919-1920
196
1921-192 l,
A - 2 - Documents relatifs à la première guerre mondiale
--------------------------------------------------------
JOp A7 1-IJ - Encomendas diversas e Hissoes ao Estran-
geiro de oficiais do exercito
1915-1917
JOp A7 M5 et 6 - Encomendas de material de guerra e
materias primas
JOp A7 M7 et 8 - Cuerra mundial- 191 11-1918 Diversos
JOp A7 M9 - Volontarios portugueses nos Exercitos
franceses et belgas
1914-1917
JOp A7 N10 - Aviaçâo - Campra de aeroplanos. Estaçôes de
hydravioes na costa de Portugal 1914-1917
JOp A7 ;'120 - rlissâo militar à Londres dos Capitôes
9
Ferraz, Freira e Martin por occasâo da
Conflagraçâo europea, Relatorio da mesma
~lissao (1914)
JOp A7 M22
-
Portugal e a guerra. Negocias sobre a en-
trada de Portugal na guerra - Envio de
Tropas Portuguesas para França
JOp A7 MJ1 - Acordo coma França sobre a conce~sâe da
mâo de obra portuguesa,
1919
JOp A7 MJ2 à JI, - Gllerra mundial - 1914-1918 Diversos
JOp A7 MJ6 - Decreto de proibicâo da importaçâo de arti-
gos de luxa em Portugal
1920-1921
JOp A7 rIJ7 - Guerra mundial,
Proibicoês de exportaçâo
noS diversos paises, 1914-1916
JOp A7 M40 -
Informaçoes transmitidas pelas legaçôes de
Portugal
1914-1916
JOp A7 M4J - Cuerra mundial
1914-1918
Diversos
"--"~~' -
t«~,·~,;.~;;" c··\\'.,/." .. ,~,."~~.
•
l.i\\'~~" ..~ ..,\\~. _'.''l:<''.:~:;-':- ""'''''.'
-560-
JOp A7 M1J5 - 1J6 - Interesses inimigos em Portugal
JOp A7 M1J9 - Politica mundial
1918-19~0
Divers
A - 14J - Despatchos da Legaçâo de Portugal em Paris
25 de junho 190J à Sept.1915
B - Les Archives du ~Iuseu MilitaI'
- Adidos militares portugueses - Correspondencias
1916-1918
1250(9.10)- Convençâo militaI' corn França e Ingleterra em
1917. sobre à imprego das fore as portug'uesas
na Grande Guerra. Correspondencias diversas
1250(6,7) - Corpe de Artilharia Pesada. Correspondencia
diverSas sobre 0 corpo de Artilharia Pesada
1250 (1)
Commissâo inter-aliados correspondencias refe-
rentes aos anos
1916-1919
1251
(6)
- Compra de ~!aterial no estrangeiro
1914-1919
1252(1,2)
Communicados da Missâo inglesa. Tratam de Noti-
cias semanais sobre a guerra transmitidas tele-
graphimente pela ministro da guerra ingles ao
chefe da Missâo inglesa
1916-1918
1255 (1)
- Commissâo inter-aliados - Diversos 1916-1918
1255 (5)
- Defesa National. Documentos referentes fabrico
de muniçôes e material de guerra em varias
fabricas do Pais
1916-1918
-561 -
1262(1,2) - Propaganda e contra propaganda sobre a entrada
de Portugal na guerra
1275 (1)
- Correspondencia sobre a cedencia de canhoes e
outros materiel de guerra a Ingleterra e
20.000 espinfardas à Colonia do Cabo
1276(),4) - Missoes diversas de oficiais no estrangeiros
Correspondencia s
1276(1,2) - Missâo à Ingleterra sobre à entrada de Portugal
na grande ~erra - Correspondencia
1278 (1)
- Grande Cuerra. Nobilisaçâo. Documentos referen-
tes à oficiais nomeadas para various commissoes,
Missôes para Prança, 1915-1918
1279
(2)
-
Novimento r~volucionarios. Infori1laçôes
1281(1,2,),4) - Movimiento operario e agitador 1916-1918
129) (1)
- Hecrutamento de operario5 para França e
Ingleterra
129) (5)
- Documento~ ref(~rentos à requisiçâo e aqtlisiçâo
de material pOl' intermedio da commi5sic
nter-
-;.
nationale de Ravitaillement
1296 ())
- Emigraçâo clandestina. Correspondencias
1)04 (1)
- Viagem presidencial e ministerial a Ingleterra
1917
1)14(2,))
)
)
1)15(1,2,))
Grande Guerra. Confidencias expedidos pela
1)16(1, ))
do Gabinette do Ministerio da Guerra
1 ) 1 7 (l,)
)
1)25 (5)
- Informaçoes sobre a situaçâo das forçes portu-
guesas em França
",.,':",:,:,;"""\\,,.. :., ,.;;.;::,.~.,:;-, '. '';;'.. ~,
(~d;>~t·,,;,t~, ,,:~.:.'it.', '~k-~"",~ ...
-562-
)6 Secçâo
Cx 1
- Documentos relativos à greves operarias 1917
ex 2(1,2,),11) - Correspondencias relativas aos aconteci-
mentos politicas
1918-19Z9
Cx 16(5,6) - Movimentos revolucionarios.
Correspondencias
confidenciais sobre diversos assuntos
1918-1919
C - Les Archives de la Marine Portugaise
4 168 A - Aviation navale.
Correspondance reçue d'octobre
1917 à JU1n 1918
..
..
4 169 A -
2e semestre 1918
..
..
4 170 A
1919
4 067
- Aviation navale. Correspondance expédiée du
4 jui llet 1918 à. septembre 1918
D -
Les sources imprimees
Portugal. Tratados de 1918. Protocola da Grande guerra
1914-19113
Nova Colecçâo de tratados, convençôes, contratos e actos
publicos celebrados entre Portugal e as mais Potencias
18/IJ-191J
T.
XIII
1906-1907
T.
XIV
1908-1910
T. XV
1911-191)
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-563-
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J1 Dezembre 191 11). Imprensa Nacional -
Lisboa 1918
Colecçâo de Tratados, convencôes e actos publicos entre
Portugal l'mais Potencias. Nova Serie Vol.I
Ministerio dos Negocios Estrangeiros. Direcçâo General dos
Negocios Comerciais. Compilaçôes daté J1 de Outobro de 1929
dos Tratados e convencôes en vigor entre Portugal e os outros
paises
Portugal no conrlito Europeu
la Parte
1914 à Março 1916
Diario de Coverno
1910-1926
Hinist~re des Arraires Etrang~res. D~nonciation des traités
de Commerce expirant le 1er février 1892. Application du nou-
VEaU
tar1r douanier et prorogation de certaines clauses des
Traités dénoncés.
Paris,
Imp.Nat.,
1892
BNL
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;
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DEUXIEME
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·- c-,~_.•, _.~.-- '"",",'C••-
;;"'.~~:t~;.: l!'i/i.;,,-;~·JÙ ";." ~;('" "~:;:+1S.';'<;_""'.,.",." •.-
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A.. o ... yvne/
., ri
ItJJtJiH 1'1/6
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-579-
Avertissement
Cet index a été dressé à titre indicatif 1 il est
sélectif et ne totalise pas l'ensemble de noms et références
historiques que compte le texte.
Açores (L'archipel des)
139, 140, 145, 409
ADAM (Paul)
1
333, 339
Adamastor 1 30
AERTS (Capitaine) 1 212
Afrique 1 21, 108, 109, 123, 248, 253, 319, 338
Afrique Australe 1 90, 91, 95, 97, 117, 118, 120, 523
Afrique du Sud 1 96, 104, 127
Aires-sur-Lys 1 266
Algérie 1 145, 146
Alliance (anglo-portugaise) 1 162, 172, 184, 229, 328, 521,
522, 524
AIJolEIDA (José Antonio de)
1
473, 482
ALVES (Joaquim)
322
Amérique du Sud 1 212, 248
C>
- -
ANDRADE (Anselmo de)
1
321
ANDRADE (Freire de) 1 170, 186, 189, 384, 391
Angola 1 26, 92, 93, 95, 102, 103, 108, 123, 126, 127, 128,
168, 180,
181, 195, 245, 379, 522
Antilles (Les)
1
142
APPEL (Paul)
1
332
Arménie 1 340
Armistice (du 11 novembre 1918)
362, 456, 451
Asie 1 )26, 338
Asie Centrale 1 91
Autriche-Hongrie 1 164, 180
Aveiro 1 244, 252, 253, 254, 257, 259, 529
Bagdadbahri (le)
1
105
Bailleul-sur-Thérain 1 241, 243
iwii;;.'.".<" '.',.. ,.,..• ". ,.
l'l';l'! .... ~-;n",,-~;,'~_.:';_"
·...;~'?·~ .. j->_·..'r"-;;y-.'_ _
',Or
'·",..Z' :,.~-
BALLIN (Albert) : 100
Balfour 1 92, 95, J87
BARBOSA (Tamagnini) 1 J90, J91
BARNARDIST,N (Major général) : 220, 221, 222, 224, 225, 226,
227, 274
BASTO
(Lieutenant-colonel Siva) 1 J70
Lys (bataille de la) : 275, 445
Batalha (monastère de) 1 445, 446
Bayonne 1 J22
Belem (Palais de)
: 254
Benfica J 254
BERNARD (lieutenant-colonel) 1 J82
Betchouanaland 1 26
Bethmann-Hollweg : 100
Bettencourt (Rodriguez)
J51, J84, 415
Bissago (!les)
J
110
Bolama (!les) 1 11 0
BOMBARDA (Mi&yel) 1 JO, 75
Bordeaux 1 190, 2J4
BOTHA (Général) 1 168, 199
BOTKINE (ministre de Russie)
179
Boulogne (protocole de)
: 229
BRAGA (Teofilo) 1 JJl
Brazzaville 1 12J
Bré .. il 1 142, 146
~
-
Brest: 241, 265
CABECADAS (Mendes) : 50J, 504, 505, 506
Cabinda 1 104, 108, 109, 112, 12J, 124, 52J
CABRAL (Saccadura) 1 247, 405, 406, 407
Cadix : 252
Calypso 141;;, '11·7-
Cai re ( le ) 1 2 7
CAHARA (Filomena da)
1 50J
CAMBON (Jules) 1 107, 122
CAMBON (Paul) 198,107,112,126,129,218,219,126,129
Cambridge 1 JJ9
CAMEIRICA (ministre portugais) 1 J70
Cameroun 1 109, 11 0
.1.".,·""'.',.·,,·,····,·. ,
'.
f.'-, .
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..~. ,'- "-'l'-''~
-581-
Cana~ies (les tles) 1 142
CANTO E CASTRO (amiral)
1
J70
Cap Vert (le)
1
141. 146
CARDOSO (Sa)
1
47J
CARLOS (don)
1
28
CARMONA (général)
1
500. 508
CARVALHO (Xavier de)
1
JJJ. JJ6
CASSEL (Sir Ernest) 1 100
CASTRO (Pimenta de)
1
194. 197. 198. 289. J16
CHAGAS (Joâo) 1 40. 42. 4J. 45. 84. 215. 216. 217. 249. J16.
JJJ. J48. J51. 372. J7J. J74. J85. J86. J91
Chartres 1 246
Chateauroux : 246
CHERON 1 432
Chiré 1 26. 9J
CHURCHILL (Winston) : 99
CLEMENCEAU (Georges)
1
J79. J80
CLEMENTEL (ministre français)
1
474
CœLHO (Manuel Maria)
1
474
Co!mbra 1 259
COMBES (Emile)
1
42
Commune hongroise 1 452
Congo (bassin conventionnel du)
1
111. 114. 122. 129
Congo (belge) : lOR
Congo (Etat libre ~ r 1 9J
Congo ( territoire français du)
109
CONSTANTIN ( de Grèce) 1 J80
CORDES (S.de)
1
50J
CORREA (Francisco Antonio)
1
429
COSTA (Afonso)
: 54. 198. 219. 28J. 294. J18. J4J. J44. J71.
J7J. J75. J77. J78. J79. J80. J81. J91. J9J. J95. 48J.
5J1. 532
COSTA (général G.da) 1 26J. 266. 275. 480. 481. 49J. 50J.
504. 506. 508
Costa Rica 1 J41
CONTINHO (Victor Hugo de Azvedo)
1
194
CR01Œ (Sir Egre) 1 11 O. 177
':>" .....;'.. .....
~
..
:,.;:,~~.,~" ..,:,
~,-~-
,~
-582-
DAESCHNER (Emile)
1
121, 12J. 125, 128, 217,
J50,
J74, J82,
467, 468
Delagoa Bay : J6, 89, 100, lJO
DELCASSE 1 170
DENIKINE (général)
1 451
DESCHANEL (Paul)
1 JJ2
Le Desertas
: 258
DIDEROT 1 77, 80
DIOR 1 429
DOUMERGUE:
(Gaston)
1 111, 112, 114, 122, 12J, 125
Egi to 1 9J, 94
Miguel (emprunt don)
1 J99, 400
Entente 1164,166,167,177,178,180,182,195,197,202,
205, 210, 211, 242, 280, J58, J66, J68,
J97, 514, 522,
52J, 5J4
Epernay 1 240
Equateur 1 142
Espichel (Le Cap)
: 258
ESTEVES (Raoul)
1
50J
Fachoda : 87
Faro 1 25J
Fauquenbergues
: 266
FERNANDES (Francisco)
: J70
FerBe (il.... ) : 261
FERRAZ (;t"f'0).z )
: 191
FERRY (général)
: 220
HOMEN CHRISTO (Filho)
1
59, 79, J74
Jo'inistère : 25J
FLEURIAU (de), diplomate française: 110
FONSECA (Maréchal Hermes da)
1
JO
FRANCO ( Joâo)
: 28, 116
FREIRA 1 191
Funchal : 140, 146, 247, J07
Galice (la)
: 179
Gallo-romains
: JJ9
Gambie
: 110
-583-
Gibraltar 1 252, 409
GIRAUDOUX (Jean)
1
222, 353
Gascogne (golf'e de)
1245, 261, 529
GOMES (Hanuel Teixeira)
1 177, 391, 482, 483, 491
GOSCHEN (Sir E.)
1
99
GOURAUD (général)
1 243
GRANJO (Antonio)
1 474
GREY (Sir E.)
1 37, 97, 99, 101, 107, 117, 118, 171, 175,
179, 184, 191, 205, 206, 220
GUILLAUME II (empereur)
1
99, 195
GUlMARAES (Vittorino) 1 492, 493, 494, 499, 500
Guinée 1 92, 110, 124
GUYOT (Yves) 1 332
HALDANE (Lord)
1 100, 107, 118
HATZFELDT (diplomatique allemand)
89, 91, 92
HERRIOT (Edouard) 1 509
ILHARCO (Général Alberto)
1 500
Irlande 1 119
Italie 1 233, 284, 295, 296, 333
JAGOW (Von)
1 98, 107
Japon : 164, 306
JOFFRE (Haréchal)
: 188, 201, 216, 227, 445, 446
JOUBERT (Commandant)
: 410
.Te...nned'Arc :~rÇ",~1"
3'V~e militaire du Nord 1 369, 370, 389, 390, 504
Juvisy 1 246
KITCHNER (Lord)
1 191
KUN (Bela)
: 452
Landana 1 123
d. i/a' .... "'q,;
LARROUY (lieutenantÎ
: 231, 248, 252, 253, 254, 256,260,
401, 404, 405
Kionga (territoire de)
1 517
LAURENS (mission du capitaine) 1 212, 281, 287, 293, 295, 412
Lazaretto 1 245
LEAL (Cunna) 1 493, 497, 500
Légion rouge 1 501
Leixoes 1 245, 251, 253, 261, 529
Liban 1 340
-il-.:n,,'
-~
;
·~~,,,'jt".,i--';;;,,· ti':-·~;"'·'.~"""'.-'''·"
~
-' _
-584-
Libéria 1 110
LICHNOWSKY (Karl)
1
101, 104
LIMA (Magalhaes)
1
'7, 75, 76, 77, 78, 79, 80, Dl, 'D, D7,
J41, '77, J78
LOUBET (Emile)
1
JO
Lourenço Marquès 1 '6, 1'0, 169
MAC-MAHON 1 128
MACHADO (Bernardino)
1
145, 178, 182, 192, J4J, J44, J49, '51,
J7J, J75, '80, 502, 505, 506
MACHADO (Santos)
1
JO, 74, 75, 266, J48, 5Jl
MACIElRA (Ministre portugais)
: 8J, 120
Madère (Ues)
1
lJ9, 140, 145, 247
MAlA (Carlos da)
1
474
Mailly 1 240, 24J
MANUEL II 1 29, 195
Marne (la)
1
24J
Maroc 1 84, 85, 111, 15J, 410
MARTlNENCHE (Ernest)
• JJ2
MARTINET (Henri)
• JJ2, J79. '81, 5J2
MARX (Karl)
1
45J
Mas c hll»l:l 1 2 6
Messamfdes : 12J
MATOS (général Norton de)
1
172,225, 226, 228, 2J8, J7J,
J91, 401
- - _
c ~
_
MAURIN (général)
: 241
MAURRAS (Charles)
• 57
Méditerrannée 1 25J
MELINE (J.)
: J16
MEYER (Ernest)
1
JJ2
MILNER (Sir Alrred)
• 89
MONIS (Egas) • J84, '85, J86, J87, J89, J91, J92, J94
Mozambique. 26, 92, 9J, 102, 10J, 110, 12J, 22J, 245, 517,
522, J84
NAPOLEON 1 J42
Nigéria 1 104, 110
Norvège 1 lJ7, 150
Nyassaland • 180
OCHOA (Armando)
• 50J, 507
Odessa
451
Oxrord • JJ9
-586-
SADI~HA (Antonio) 1 195
Saint-Rémy-sur-Bussy) 1 24J
Saint-Siège : JJ, J65, 446,
Saint-Vincent (Cap) : 252
SALAZAR (Antonio) 1 60, 472, 508
SALISBURY (Lord) 1 89, 90, 92
Salonique (expédition de)
: 201, 215
San Jacintho 1 255
Santarem (rébellion de)
1
J64, J70, J71, J7J, J89, J90, 472
San Tomé 1 102, lJ9, 140, 141, 146, JOJ
SANTOS (José Domingo dos) : 485, 487, 489, 490, 49J, 494,
496, 498, 499, 500
SANTOS (Machado) 1 474
Serajevo 1 Il 6J
Serbie 1 164, J40
SILVA (Antonio Maria da)
: 482, 48J, 498, 499, 500, 501
SOARES (Augusto)
1
219, 2J4, 28J, J18, J4J, J91
Sochaux : J22
Sommessons 1 24J
Soulèvement de Monsanto : J90
Sud-Ouest Africain 1 128, 168, 181, 205
Suisse : J41
Syrie 1 J40
TAILLA~DIER (Saint-René) 1 145
Tancos (camp de)
: 199
Tanc'o,>
(division de)
1
22J, 225, 226
TESTA (capitaine de) : 469, 470
THERY (Edmond) : 68, 152
Thérouane : 266
TILLION (lieutenant-colonel) 1 185, 201, J16
Togo : 92, 11 0
Tours 1 246
Tunisie 1 470
Turquie 1 164
VASCONCELOS (Augusto de)
1
119
VEIGA
(A .de)
1
J7
-587-
•
Venezuela 1 142
VIEGA (8.) : J91
VILHENA (Carlos) 1 50J
W'EINS'ŒIN 1 12.8. JOJ
Zambèze 1 9J. 12.J
Zimmerwald (conférence socialiste de) 1 JJ5
•
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