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.. t... , ;

"
A la mémoire de
MAHAN Sahon, ma mère
pour tout ce que je lui dois: tout ce qu~ je suis.
,,

2
C'est pour nous un grand plaisir que de
lnanifester ici notre gratitude. tous ceux qui, dans
l'élaboration de ce travail, nous ont accordé, à di-
vers titres, un peu de leur temps et beaucoup de
leur savoir.

!.
3
, .
Notre reconnaissance s'adresse tout particu-
lièrement à notre maître, le professeur Jaime DIAZ-
ROZZOTTO dont la longue expérience et les profondes
qualités humaines nous ont été d'un apport prépondérant
dans la réalisation de ce travail.

4
Qlle Monsieur Osvaldo OBREGON trouve ici
l'expression d'une gratitude sincère. Les remarques
et conseils qu'il nous a prodigués pendant la présen-
tatiol1 de notre mémoire de D. E. A. nous ont été d'une
grande opportunité.
,
. .
1
,r l,

5
Nous remerCIons également Monsieur Eugenio
MA'IUS ROMO, professeur à l'Université de Saint-Etienne,
qui a bien accepté de se déplacer à Besançon pour juger
ce travail.

NOLIS
ne saurions manquer d'exprimer notre
recollnalssance aux personnels de la Bibliothèque Nationale
de MADRID, de la Bibliothèque Populaire de MADRID, de la
Maison de la Culture de VALENCE, de l'Ecole Supérieure
d'Etudes flispano-allléricaines de SEVILLE et de la Biblio-
thèque Univl:l'siLlirc de SLVILLE, pour IL's sl'Lns attentifs
dont nous avons bénéficiés auprès d'eux.

7
Qu'il nous soit permis de remerCler très Sln-
d"'cment Mademoiselle Sylvie 1l0NZON qui
a accepté de
S'OCCll[lCl"
dL'
la dactylographie de cette thèse,
en dépit
des exigcllces habituelles cles périodes d'examen,

Merci enfin à tous nos compatriotes et amis
Léon
AOULOU
Bertin
ASSOU
Koblan
AVON Y
Cyrille
BADJ ERI:
Charles
BATOC
Abou
IJlAKITE
1\\larills
Dl B1 N' CORAN
Sahiet
DIDI
Sékou
DOUMBTA
Mathurin
Ki\\NGi\\
Firmin
KREK1ΠDACBO
Nazaire
LAVE" CRAH
i\\kll
~lA\\vUGBLO
Benoît
TANO
Marie-Laure
TIQUANT
Alexis
YAPO-YAPO
agents permanents de l'ambiance familiale qUl a
favorisé l'éclosion de ce travail.

9
INTRODUCTION
Il
L'indigénisme n'est pas un phénomène essentielle-
ment littéraire comme l'est le nativisme en Uruguay.
Ses racines plongent dans un humus historique dif-
férent.
l.es
i ncligéni stes authentiques
-qui ne doivent pas
être LonConcius avec ceux qui exploitent des thèmes
indigènes par simple "exotisme"- collaborent, incons-
ciement ou non, à une oeuvre revendicatrice de type
poli tique et économique. "
(1)
En affirmant ceci, le célèbre pellseur péruvien, José
Carlos Mariategui apporte une orientation décisive de l'indigénisme
dans l'acception contelnporaire plus généralisée.
Cette orientation illslnue logiquement l'existence d'une
réalité d'oubli et de discrimination politiques et économiques, qui
fait d'elle-môme appel
à une oeuvre revelldicatrice en faveur des
victimes. Cette oeuvre de revendication, qui doit donc être la jus-
tification absolue du 'I,ouvel"ent i'idigéniste dans les pays à popu-
lations indigènes Inajoritaires -tels que le Mexique,
le GURtémala,
l'Equateur,
]e Pérou ct la Uolivic- ne peut être l'apanage excll\\sif
cl 'une activ i ré
puyen,ent 1 ittéraire, l'l'ès loin s'en faut.
(1)
~IARIATI"ClJJ, José Carlos. Sept essais d'interprétation de la
réalité péruvienne.
Paris,
F. ~laspero, 1977. P.
263.

10
L'indigénisme hispano-américain a son histoire, vaste et indépen-
dante, avec des racines lointaines. Mais ici, notre,vocationnous
.
. .-.;.
' , - -
am~nera à traiter de ce sujet dans son aspect purement littéraire,

.\\r.-
.
m0me si, il faut le dire, opérer un cloisonnemen~I~~anche entre la
littérature et les autres catégories historiques est une épreuve
vaine.
De tous les pays cités plui haut; le Pérou est le centre
le plus fécond ~ans le domaine de la littérature indigéniste, pour
,
des raisons historiques bien connues : nous centrerons notre étude
sur l'écrivain péruvien José Maria Arguedas dont. l'oeuvre marque,
comme nous le montrerons, le sommet de la littérature indigéniste
non plus seulement péruvienne mais hispano-américaine. C'est pour
cette raison exacte que notre analyse s'effectuera'sous le titre
générique de LA CULMINATION DE L'INDIGENISME CHEZ JOSE MARIA ARGUEDA:
1
.
.
,
/'
Mais l'étape qualifiée de "culmi~ation"'IJTésuppose un
1
processus historique de maturation préalable et l'irruption du thème
de l'indien dans les lettres péruviennes est, bien entendu, très
antérieure à l~:génération de notre auteur.
Les facines indigénistes plus lointaines et plus légi-
tilnes se trouvent dans l'oeuvre de Garcilaso de la Vega (1539-1616)
~t de Guaman Poma de Ayala (fin XVI ème-début XVllème).
1> .
.~.
, ,

. \\
11
Fils de Garci Lasso de la Vega, un capitaine de l'armée
de Pizarro et de Isabel Chimpu-Ocllu, une cousine de Atahualpa,
l'Inca (2)
Garcilaso de la Vega était remarquablement placé pour
faire connaître au monde les gloires de l'Empire disparu. Soli-
düjJ'l,; du
son
fli..:uJI"lL:
d'ol'ig.inu,
Joyul
sllj~t: dll l'o.i d'l~spngtlc.; \\\\Hll$
plus inca que conquistador, il étala dans son Comentarios reales
son désir d'arracher à la dégraaation et à l'oubli les traditions
et coutumes du Pérou précolombien.
Quoique contenue et censurée (3) son action en faveur
des indiens condamnés à l'esclavage par l'agent de la "encomienda"
représentait le sent~ment collectif d'une réalité tragique.
Si Garcilaso de la Vega fut le premier metls 4ui trai-
ta franchement du thème de l'Indien, Felipe Guaman Poma de Ayala
fut le premier écrivain indien de la tendance indigéniste. Dans
son Primer nueva COl'or-ica y buen gobierno (1613-1620), une ana-
lyse de ['état social de l'Indien effectuée dans un espagnol qu'il
ne dominait pas, apparaissaient pour la première fois, désignés
nommément les vrais re~ponsables de la misère de l'habitant amé-
ricain: le curé, le Gouverneur et le juge.
Le livre de Pomh de Ayala ne se borna pas aux critiques.
11
SUggél'~l
un rêllll:dc au
dralllt::
sùclo-é~onollliLluc ù(,)$ And~$ : 'lt) l'etou ~
(2) Pour rendre hommage à l'illustre dynastie des Incas dont il est
une descendance il se fit appeler Inca Garcilaso de la Vega.
(3) Son livre Comentarios reales
fut interdit par Carlos III qUl
trouvait dans la révolte de Tupac Ama~u un alibi suffisant.
..
'r
1
,
\\

1 2
au système communal de l'ère incaïque, solution devenue utopique. de
nos Jours. .11 pensa même à,la réduction du temps de travail à diX·1
heures par jour et s'attaqua aux lourds tributs imposés à. une po-
. '
pulation indienne sans ressources, à l'excessive exploitation phy-
sique des Indiens dans les mlnes et au libertinage des curés euro-
péens.
La période qui su~vit fut celle de l'effervescence
révolutionnaire américaine qui se solda par la révolte de José
:. "
Gabriel Condorcanqui Tupac Amaru
(1780-1781).
Après le choc de l'indépendance, lorsque, à l'image de~
.
l'
républiques naissantes de l'Amérique hispanique, le Pérou fut rendu
aux ... caudillos, héritiers des colonisateurs europ~ens, l'indi~'
, .
.
génisme connut une période de morte-saison (4).
.'
' ..
Croyait-on la justice sociale acquise avec l'émancipation
politique? L'Indien, le métis et plus tard le Noir ne sortirent
pourtant de l'esclavage colonial que pour entrer dans la servitude
du colonialisnlc républicain: abolir -fut-il par décret- l'escla-
vage et laisser les coudées franches au féodalisme économique, avec
1
toute sa machine d'oppression était, plus qu'une erreur, un atten-
tisme coupable.
(4) On retiendra i~i cependant le n?m. d: Melgar Mariano,. un poète :1
dlsparu trop tot, qUl fut dlscrlmlne pour le ton plebeyen de sa
po~sie. Divorçant d:avec la tradnio~ litt~raire coloniale, ljl;~,"
poesle de Melgar s'lnve~tlt d'lnlugesiconcretes et populaIres e
réussi t à transposer en espagnol le rythme du "Yaravi"
chant. : '.
élégiaque quéchua.
' .
"

1 3
C'est à cet état de fait que s'attaqua Manuel Gonzalez
Prada dans la deuxième moitié du XIX· siècle. Son activité intel-
lectuelle ne pouvait donc pas être purement littérair§.
L'oeuvre de Gonzalez Prada est vaste et constitue, par
son influence sur les générations suivantes, une étape décisive du,
mouvement indigéniste. Certains critiques contemporain~ se comPlai:
sent cependant à lui nier toute valeur artistique, n'y trouvant
1
;
qu'un intérêt politique.
Si la mystique de justice sociale a, chez ce grand poète
et critique péruvien un caractère de militantisme politique, ,cela
obéissait, comme nous l'avons insinué plus haut, à la volonté de
, ,.
son époque où les lettres et les hommes vraiment responsables
élaù,nl {urgés clans la fel"Veur d'un iIlLpél'atif de rupture des palia
tifs de l'action politique 'trop tutélaire, de l'assistance adminisj
trative et du paternalisme hypocrite de l'Eglise, pouI atteindre a
vrai problème social qui se posait en termes bien dramatiques.
Cela dit,
lorsque Gonzalez Prada écrit, par exemple, dans,
son Paginas libres :
" Los que ]HSan el umbrai de la vida se junt~n,hoy
para dar una lecci6n a los que se acercan a las
puertas deI sepulcro. La fiesta que presenciamos
tiene mucha de patr:L0tismo y algo de i ronla :. el 1
i . :. oÏl:,::: i
'~,';" ,~:'; ·1
,"
l"
:.1
-
"1"'
nifio quiere rescatar'con el oro lo'que:el honlbr~ 1
no supo defender con el hierro. " (5)
(5)
GONZALEZ l'IU\\IJA , Manuel.
l'uginas libres. LilHU,
PeÜu, 1 ~62. P ..6

1 1\\
":'\\ :r: :Li"
:
'.; ,"f
il est tout à fait clair que le charme du verbe l'emporte", sur, l',~,n,,7J
. '
'~;:':.;, .
tention politique.
,
C'est donc à raison que Mariategui dit ceCl de lui
,.. ~
" Si COl1zalez Pradil n'était pas né daps un pays ayant
un urgent besoin de réorganisation et d'épuration
politiques et sociales et dans lequel une oeuvre
artistique ne pouvait porter ses fruits.
l' i,dée de
,
.
former un parti ne l'aurait jamais effleuré. " (6)'1
Dans son oeuvre apparaît à nouvea~ l'odieuse trinité
révélée deux siècles plus tôt par GuamanPoma de Ayala, et son
accusation se fait plus effective avec le célèbre discours du Théâ~'
tre Politeama de Lima où Gonzalez l'rada dit ceci en substance
" Trescientos anos ha que el indio rastrea .en las.
:1
capas inferiores de la civilizaci6n, siendo un
hlbrido con los vicias del barbaro,y sin las
virtudes del europeo ; ensenadle siquiera a'leer
y escribir, veréis si en un cuarto de siglo se
levanta a no a la dignidad del hombre. A vosotros
ll\\:lcsl:ros de escuela, tcica galvanizar una raza que se':
adorlliece bajo la tirania del juez de paz, del Gober~
nador y del cura, esa trinidad embrutecedora del'
,
,
'.
l
indio. " (7)
-
,".;,'
( (l )
MAI(Ii\\TI'CUI,
.José Carlos.
Op.
cit. P. 209
~j ~ : .
(7)
CONZi\\I.LZ
l'I(Mli\\,
~lal1ucl. Op.
cit. P. 65
.', ;
.. i
. JI'

J 5
Un an après la réunion de Politeama,
la Péruvienne
Clorinda Matto de 'j'urDer pllblia son Aves sin Dido considéré par
les lins comme premier roman indigéniste et classé par les autres
sous la rubrique de l'indianisme ou de romans de moeurs.
En notre sens, c'est avec Aves SIn nido que l'Indien
arrIve au roman comme personnage effectivement localisable et non
plus comme support d'une peinture exotique. Ce pas décisif de la
littérature dite indigéniste est le produit de deux sources d'in-
fluences
: le prèche de Prada qui créa parmi les jeunes écrivains
de son temps une atmosphère d'inquiétude responsable et l'avènement
du IlaturalislllC qui rallprocha davantage l'homme des lettres de la
réalité concrète.
Les jll(:rlli81'é'S décennies de notre siècle furent marquées
en '\\lIIérique hispanil{ue par deux principaux courants d'influence sur
l'ensemble des activités socio-politiques et culturelle:
1°] la Révolution Mexicaine de 1910 qui constituait le
preniler 1II0UVemeJlt organisé de revendication sociale en Amérique
ZU) .la i(évù.lutiùn Russe de 1~17 qui, par les idées de
réformes sociales qu'elle brandissait, permit les Réformes Univer-
sitaires de Cordoba (1918)
Dans .les pays à fortes populations indigènes, le moment
....
ne saurait être plus OPpOl"tun de s'attaquer à ln racine de la tra-
gédie indigène. Au Pérou ce sera l'oeuvre de José Carlos Mariategui
Son ~cpt CSS" lS d' i lltcljHétation de la réalité péruvienne donne le
ton

16
" Toutes les thèses sur le problème indigène qUi
ignorent ou éludent son caractère essentiel de pro~
blème socio-économique sont autant de stériles exer
cices théoriques -et parfois purement verbaux- con-
damnés au discrédit le plus absolu; " (8)
Dans cette collection d'essais bien connu et respectable
jugée généralement comme 13 première analyse cohérente et systéma-,
tiquC' Je Iii ,éClI ité du Pérou moderne, Mariategui juge vile, anachr,
nique, voire utopique la médiation de l'humanisme dans la recherch
d'une voie de rédemption des strates sociales asservies aux inté~
rêts féodaux,
tout autant qu'il qualifie de retardataire et anti-
Ilistoriquc la possibilité d'une solution ecclésiastique : l e pro~
blèmc de
l' indip,ènc, c'es1 rOll1 honnêtemL'llt le problème de terre.
Il faut rétablir son droit à la terre, -à sa terre-. Ce ne sera
qu'une restitution, nOll une faveur.
Cette solution de nature essentiellement socio-économique
repose sur la solidarité et sur la force des mouvements d'émanci-
pation des masses.
Il n'est donc pas étonnant que la littérature
nourrie aux sources de la pensée de Mariategui accorde une impor-
tance toute divi,ne ~ l,a naissance d'une conscience populaire et,
par VOle de conséquence, au rapport homme-nature. La première de
ces deux grandes lignes alimentera l'oeuvre de César Vallejo,
1
auditeur privilégié de Mariategui et la seconde sera la rengaine
....
de Ciro Alegria.
(8) MARIATEGUr, José Carlos. Op. cit. P.
51
il

17
Paru enl ~118, Los Heraldos Negros est le premier livre
de C:éSill' V'lllcjo, Si ce recueil de poème indique encore une 1n-
fluence plutôt moderniste, Vallejo s'y refuse déjà à un pitto-
resque facile.
Puis, l'influence de Mariategui ~renant le pas
sur celle du modernisme, Trilce (1922)
le second livre du poète
péruviell annonce l'avènement d'un langage propre; un langage~
l"."'j
qu.i
Il·c;.;pr,illl(~ qllC la c1oI11clIT.
Mariategui, celui-là même qui refusa à José Santos
Chocano -en le démontrant de façon convaincante- le mérite d'être
le chantre de l'''Amérique autochtone et sauvage", dira de Vallejo':
" Vallejo fait preuve d'un américanisme naturel et
essciltiel ; non d'un américanisme ,descriptif ( ... )
Il n'a pas recours au folklore.
Le mot quechua, le
tour vernaculaire ne s'insèrent pas artificiellement
à son langage; ils en sont le produit spontané, ~a
cellule propre, l'élément organique ( ... ) Son mes-
sage,
il le porte en lui. " (9)
La douleur exprilnée dans Trilce prend l'allure d'une
révolte dans Tungsteno (1930), rOlllan de violence où le mineur
indien apparait exploité par le capital étranger et meurt lors-
qu'il tenLe de se rebiffer. Dans ce roman où toute idée de trans-
.,.
formation nationale est subordonnée ,a la li~uidation du, ~olonia-'
lisme politique, économique et culturel, Vallejo présente la ré-
volte comme chemin exclusif pour permettre l'établissement de
(9)
Op.
cit. P. 246
·

18
l'équité et conduire l'indigène à la dignité. Nous retrouverons
ce thème chez, José Maria Arguedas.
L'indigénislDe s'enrichit d'une innovation littéraire
avec Ciro Alegria qui découvre les liens de l'homme avec la nature.
Contrairement au Bolivien Alcides Arguedas
(10), Alegria présente
la communauté
indicllllc comme corps social capable de survivre au
temps moderne avec tout son cortège de valeurs culturel, tout en y,
trouvant son cO'Dpte.
Il revendique pour cela la réhabilitation de
l'institution du noyau social ancestral appelé "ayllu", menacé de
disparition.
Les idéologues du déterminisme biologique du temps de
Alegria présentaient cette n,enace de disparition comme aboutis-
seme:]t logique de phénomènes biologiques im"nents
: vieillissc'-
ment, décadence puis disparition d'une race débile (la race In-
dienne) confrontée à une race forte
(la race blanche). Pour
l'écrivain péruvien,
le cataclysme redouté ne peut être que la
conséquence néfaste de l'ambition destructrice du gamonal d'ori-
gine européenne.
Ualls El IlllJndo es ancho y ajeno (1941) Ciro Alegria dit
que l'Indien ne peut vivre que sur la terre qu'il aime. Le trans-
p.lnntcr "i llellrs,
l'intégrer de force a un monde capitaliste est
une
injustice Cl·jlll'j!lcllc.
.....
, ,,,
i
i
(10) Dans son Pueblo enfel"IDa, Ulle analyse de l'économie bolivienne;!
AlCIdes Arguedas affirme que l'Indien ne pourra s'incorporer à 1
la nouvelle société que par la perte de ses croyances primiti-.I
ves.
'
' \\ '
..
>i'
,

19
iJn autrl' écrivain péruvien devait changer encore le
cours de l'indigénislne et le transformer ell un véritable acte de
foi et d'amour: José Maria Arguedas. C'est avec cet auteur que 1
thème reçoit l'apport des techniques scientifiques de recherches.,
Arguedas fut anthropologue: et 'dirigea un des plus. grands instituts
de recherches du Pérou; mais c'est surtout son enfance parmi les
paysans indigènes de la sierra péruvienne qui lui permit d'explore:
davantage la vie spirituelle du quechua, et de construire une oeul
vre abondante où le Pérou tout entier est restitué avec un réa-
lisme impressionnant.
Ce grand écrivain fut cependant ignoré pendant de nom-
breuses années tant par la critique espagnole et européenne que
par la critique hispano-américaine. Cet injuste oubli est au
nombre ùes conséquences du "boom" du nouveau roman latino-améri-
cain observé vers les années 60 et qui traitait l'indigénisme de
folklolisnle Oll dB JJrimitivisme.
'J'ranslllcttre la véritable image de l'illdien et de son
monde depuis le coeur nl0me de cet univers mythique fut, la rengaine
d'Arguedas.
Inviter la conscience nationale et interaméricaine au
réamé'l"gement de sa triste condition socio-économique fut son
dcvoir pel'sollne]. Mieux que quiconque,
il jouissait des atouts
lIlùispens,i1J]es pour Ineller une telle mbsion à bon port : ~piri-
tuellement il était indien.
.. : -
: '"
~;~~i~1 (: ~ .~I, •
"
.
: i
'
.'
,
En essayant de préciser les principaux thèmes' de'
, j ' . "
. ,~ ,
l'oeuvre de José Maria Arguedas, de les étudier dans le but de
mettre à nu le sens réel de leur agencement, les pages qui vont

1
zo
. . ~
suivre se veulent une modeste contribution à la révélation de
l'esprit authentique et de l'envergure réelle de l'entreprisè
littéraire de cet auteur.
La littérature fut pour lui un drame commun à un écri-
vain et à un peuple. Mais comment donc fut forgée cette commun.auté
de sentiment ? Nous en avons une marque indicatrice dans la bio-
graphie même de l'écrivain; une biographie dont l'influence sur
l'oeuvre est d'une éloquence remarquable. Commençons donc cette
,
étude par une note biographique à l'intérieur de laquelle il seri
1
Si, comme le di t ~Iario Vargas Llosa, Arguedas fut
1
1
" El prlmer escritor que nos introduce en el sena
';
mismo cJe la cul tura illdlgena "
Cl 1),
c'est justeme!lt parce que ce peuple et cette culture constituaien
le cadre strict de son enfance. On comprend donc qu'en arrivant à
Lima en 1931, après ses études primaires et secondaires dans.la·
sierra, ArguecJas soit tout imbibé de la vie et de la nature andine.
Mais ce qui perlnit à cet auteur de recréer avec plus de
vie l'c"prit tYl'ique,nent andin de ses récits, ce fut cette inno~ ,,
vation linguistique qui lui fut inspirée par la densité et la sin+
'.
.,.
.' 1
gularité de la !lature et de la vie des Andes péruviennes. Sous le]
(11) VARGAS LLOSA, Mario. ".José Maria Arguedas descubre. al indio 1
auténtico" Vision deI Peru. Lima, 1964, nOl,
P. 6
.,

2i
titre de l'Expression littéraire du quechua, notre deuxième. cha-
pitre étudiera l'aspect linguistique de l'oeuvre d'Arguedas
nous apprécierons immédiatement après l'importance de la 'présence
de la sierra dans cette oeuvre. Ce nouveau chapitre aura pour tit~e
la diln~nsioll mytllico-religieuse et l'univers musical quechua dans·
l'ocuvre de ..José ~I~lriél Argl.lcdas.
Produit d'un processus de maturation constante, la pro,. , .
duction littéraire d'Arguedas constitue, dans son ensemble, la rup
.
. -
,
turc d~ la structure monolithique de l'indigénismetraditionnel où
civilisation occidentale et culture indienne représentaient deux
mondes en opposition irréductible.
Dans l'oeuvre arguédienne comme dans la vie réelle du
Pérou le conflit Blanc/indien s'oriente au fil.du temps vers.une.
structure d'interpénétration et débouche sur un type de société
intermédiaire effectivement localisable d'un double point de vue
racial ct cultllrel. Nous recueillerons cet aspect du thèmeindi~
géuiste dans un cllupitre que nous intitulerons Le phénomène de
transculturation.
De môme,
le personnage indigène d'Arguedas participe de
ce système de réanlénagement littéraire qui donne de l'oeuvre l'im-
pression d'un cycle unique et uni:
il part d'un état de soumissio
servile de l'indigène (Agua) pour accéder à un esprit révolution-\\,
.
1
, .
. naire tel .qu'on peut l'observer aUjobr,cI'hui dans les sociétés de: l,'
. '.'
l'Amérique latine. Cette largeur cie vue, paramètre indéniable du
réalisme littéraire confère parfois à l'oeuvre arguéclienne un cara
1
tère prophétique : La révolte sociale sera le titre cie notre avant
. ,,
dernier chapitre.

1.
22
Parvenu au sommet de la maturité littéraire, José Maria.
Arguedas attenta à sa vie le 29 novembre 1969 et meurt après. troiA
jours de pénible agonie. Acte apparement irrationnel, le suicid,ej'
!
d'Arguedas semble pourtant avoir un rapport avec son i~éologie
1
profonde. lin livre posthume publié en 1971 se situe au 'centre dé .. e
rapport tragique que le dernier cllapitre de notre étude tentera.
d'élucider.
1
., .
• 1
L'analyse de ces principaux thèmes nous fournira.des
-1 ,.'
. ~ r
éléments de revendication de la place que notre auteur et son
oeuvre méritent dans la littérature universelle.
Un appenclice consignera à la fin quelques poèmes
quéchuas traduits par Arguedas.
. 1
i
. \\ .
.' 1
-
' "
f
1
\\ '

, ,
" ,',
') ..
- .,
,,.
CHAPITRE l
BREF APERCU DE LA VIE ET
DE L'OEUVRE DE JOSE MARIA ARGUEUAS
.1
, ,~ -, ..

24
José Maria Arguedas naquit en 1911 à Andahuay, un petii
village de l'actuel d6partement péruvien de Apurimac. Son père,
l"~ 1
i
Victor Manuel Arguedas Arrellano était un avocat blanc d'origine
européenne et sa mère, Victoria Altamirano Navarro,
fille d'une
des familles les plus riclles de la région de Andahuaylas.
Doté d'une profonde sensibilité, José Maria fut marqué
à vie par la disparition subite de sa mère survenue en 1914, alor'
qu'il avait encore à peine 3 ans.
1
Le docteur Arguedas se remaria et sa seconde épouse,
Guimaresa Arangoitia, riche veuve de San Juan de Lucanas fut
d'une cruauté qui rouvrira chez le jeune orphelin la blEssure
causée par la disparition de sa mère; en raison de l'intermit~
:1
tBIlte ahsellce de SOlI père, José Maria dut se réfugier dans la
!
chalcui' IH!Jlla:In\\è ,Ie:s domestiques inûigènes de la contrée, comme
il le racontera plllS tard :
" Yo soy hechura de mi madastra. Mi madre muri6
cuando yo tenra dos afias y medio y mi padre se
c~S() en seglllldas nupcias con una lIlujer que tenJil
tres hijos. Yo era el menor y camo era muy peque-
fia me dej6 mi padre en la casa de mi madrastra,
que era duefia de la mitad de1 pueb10ten{a mu-
i
cha servidumbre indlg;:<na y tradicional menospre~i~ \\
,
,
" ,
1
e ignorancia de 10 que era un indio, y corna aml
'
1
me tenla tanto rencor coma a los indios,decidid
'1
.. ' ::1
que yo Ilabla de vivir con ellos en la cocina, co-; 1
1
,~
: ~
i '

25
mer y dormir alll ( ... ) Pasaba las noches conver-
sando y viviendo tan bien que si mi madrastra hubi-
era sabido, me habrla llevado a su lado donde s{
me hubiera atormentado. "
(1)
Tel fut le début du profond contact que José Maria
Arguedas entretiendra avec la communauté quechua pendant toute
sa vie.
J 1.
<1\\,,1 j t
8 lins
JorsqlLe son père flLt privé de son emploi:
le docteur AI'guedas dut parcourir le pér~u
dans tous les sens, presque tOlLjours accompagné de son enfant qui,
ne sera envoyé à l'école qu'en 1920, à l'âge de 9 ans. Jusque là
il ne parlait que le quechua. Mais il dut changer d'établisse~entJ
scolaires avec une fréquence déprimante au rythme des voyages de '.
" Empecé a recorrer el Peru pOl' todas partes -racon-,
tera-t'il plus tard, avec une note de fierté-Llegué
"-1,
a Aregllipa en 1924 y fui honorable huesped de la'
,
casa rosada (aplausos). De aqul fui al Cuzco, deI
Cuzco a Abancay, de Abancay a Chalhuanca, de Chal~
hllanca llLego a Puquio, a Coracora, a Yauyos, à Pampa
a ~ILlancayo, a una ca~tidad de pueblos y tuve la for~
tuna de hacer un vlaJe a caballo deI Cuzco hasta Ica
:1
-
(1)
Primer Encucntro de los Nan'adores Perùano (Arequipa 1965).
'j"
Lima, Casa de la Cultllra deI PerD, 1969. P. b
i
l,
. ;\\
il'
i
'1 :r
1
1
,
,
'
"
,
1

26
Catorce d{as de Jornada. " (2)
,1
'\\lguedas o\\ltont pourtant une Dlédaille d'or a l'âge de
14 ans, PUllI' sun intelligence et son assiduité au travail. C'est
a cette époque qu'il écrivit sa première nouvelle, "Los gallos". , ..
Dans ce court récit il racontait déjà son enfance à Sari
1
Pedro de Andahuaylas et décrivait surtout la cruauté de sa marâtre,
i\\vlséu du
l'cx.isLuJlcU
Jè cc
récit,
dona Guillla"resa arracha à l'en-
fant l'aveu de ne jamais le publier. On dit qu'Arguedas révisa la
nouvelle en 1951, mais il ne la publia pas.
i,
! '
l '
En 192R, père et fils s'installèrent à Pampas et José
Maria fréquenta l'école de Santa Isabel. Là,
il intégra le Comité
des Etudiants et publia dans "Antorcha",
le magazine culturel de
l'association, de \\Irefs récits sur son enfance, sur la misérable
il
situation économique et la hauteur d'esprit des Indiens qui l'ont
élevé.
C'est en 1929 qu'Arguedas vit Lima pour la première fois .;I~
malS, victime de constantes crises d'angoisse et de nostalgie il du1
rejoindre son père à Yauyos, dans la sierra, et ne s'établira vrai-,
ment dans la capitale péruvienne qu'à l'occasion de son entrée à
l ' Uni ver s :i, téS" Il M" r LC 0 s.
en
l '13 1 .
.1
Le p~re Arguodus mourt on 1932 et José Maria fut privé
1
ainsi de tout appui économique. C'est àlorsnue, présenté· :par un
i
.
.
..
;
. '
,-' .. '"
.
,
. ,'"
.:\\
."
ami d'Université,
il obtint un poste d'auxiliaire administratif'à ,"
• , 1
1
1
1
,
(2)
Op. cil. P. 7
j
.il
.'

27
'.l.:
.
,
. '
.
"
.
l'Office des Postes et Télécommunications de Lima. Cette"situation
. .
",~ .
L:CUllUIllLquc
llUL' Lqlll...: peU confoL'cahl.e .l.uj. valut
de donner lib"rl,] coUl'S
aux griefs qu'il couvait depuis de longues années contre les pro-
priétaires terriens des villages de son enfance, les ·latifundiaires
cruels oppresseurs des Indiens. ~gua (3) le livre alors publié
exprime toute l'indignation d'un enfant révolté par l'injustice et
la violence.
D6s sa l,arL'tion, ce premier livre d'Arguedas connut un
gr~ndsuLcès cL fut tr;lllu; L clans plusieurs langllL's dont le fran-
çais (4).
Initialement composé de trois nouvelles, ce recueil cons':
tituait un important document sur le problème social de l'Indien
et promettait déjà l'art naissant de son auteur à un réalisme
remarquable.
1°) [Jans "Agua", la première nouvelle qui donne son ti-
tre au livre, un cacique blanc du nom de don Braulio, maître abso-
lu du village de San Juan de Lucanas, se heurte à la révolte de
Pantaléon, un héros adolescent forgé par l'atmosphère infecte des
bas-quartiers de Lima. Le ~éros révolutionnaire est abattu par le
cacique, mais son action est aussitôt saisie par un disciple inso-
lite: Ernesto, un enfant de race blanche plutôt solidaire. de la
souffrance des indigènes parmi lesquels il a été élevé. Ern~sto
est, dans ce sens,
le pendant littérai.re d'Arguedas lui-même.
i
~,
-
i
!
(3)
ARCULlI!\\S, .José Maria. Agua. Lima, Compafiia de Impresiones y .
Publicidad, 1935.
140 pages.
(4) Les vingt meilleures nouvelles de l'Amérique latine; ·Paris,
Seghers, 1958.
. "
1

, ',1
:' '-f'::,:.' :',:.
28
t "., .-,'
2°) "Los escoleros",
le second récit se situe dans la
m6me atmospl1bJ"e de r0volte juvénile face aux exactions des grands
propriétaires féodaux.
Ici,
le narrateur est présenté dans le rôle
d'un écolier rebelle qui organise la défense d'une femme de race
indienne contre la cruauté de don Ciprian,
réplique absolue de, don
",
Braulio du récit précédent.
3°) "\\l'arma Kuyay" ou "amour d'enfant" rend ,compte de la
violence sexuelle perpétrée par un cacique sur lIne "dolescent.e ln-
digène.
Incapable de venger directement sa fiancée,
Kutu décharge
sa rancoeur sur le bétail de son ennemi. L'enfant Ernesto qui appa-
Tait à nouveau s'indigne tant contre la luxure bestiale de don
Froylan que contre la vengeal1ce déplacée du fiancé indigène :
"
Asesino también eres, Kutu
Un becerrito es
como criatura"
(5)
1
,
,
Ce recueil de nouvelles présente un élément important
'
d'apprc'ci;lt".ic)I' de
l'évollition conjoint.e de l'oeuvre et de son
autcur
rct:cnolls dans l'C sens qu'ici,
;1 1" description du cadre
réduit d'un petit vinage indien, ~ua fait correspondre l'enfance
d'Arguedas symbolisée par Ernesto. Ce cadre s'ouvrira, nous le
~'
\\'errons, n,rs lin processus d'intégration majet;re, au rythme de la
JlwtllJ"ité persollllclle de l'écrivain.
-
-;-------0--
. '
' C ,
~:~S) ARGUEDAS, José Mar{a. Op. cit. P. 126
'.:

29
L'année 1936 marqua le début de la Guerre Civile espa-
i.i
gnole. Dans les ancienlles colonies espagnoles d'Amérique, des mou-
vements d'étudiants s'organis~rent ell appui à la Uépublique espa-
gnole en péril. Les étudiants de l'Université San Marcos de Lima,
créèrent un mouvement appelé CODRE,
(Comité de Défense de la
République Espagnole). Arguedas en fut un des membres fonda~eurs
et fut fait prisonnier en 1937, au cours d'une manifestation pu-
blique organisée par le mouvement :
Le Général italien Carnarotta, dignitaire du régIme
fasciste de Mussolini se trouvait au Pérou pour aider à asseoire
La clict"tllrc: de S:l!,,·.Iic:'. Cerro, pcn" la réorganisation de la Police
péruvi~nne. L'aviation italienne venait de bombarcler des villages
espagllols
; révoltés,
les étudiants cle Lima reçurent le Général
italien avec des slogans cl'hostilité.
1
Arglledas resta à la prIson "El Sexto" de Lima pendant près: ..
et Télécommunications ; il racontera plus tard cet épisode de sa
1
vie avec une pointe d'humour:
.(
.,
,..
" Cuando estaba estudiando el cuarto ana, uno de los
buenos dictadores que hemos tenido me mand6 al Sex-
to,
p,·isj.6~ que fue tan bucnu COlllO llli Inadastra
(Cl)']CILISOS).
Exactemente tan buena como ella. All{
....
conoel la mejor deI Perl' y la peor del Pèrli:'; (6)
(6)
Primer Ecuentro de Narradores Peruanos
(Arequipa. 1965) Op.
cit.
P.
12

30
,
,
A sa sortie de "El Sexto", Arguedas prépara un mémoire
à la Faculté des Sciences Humaines de l'Université San Marcos,
sur
le thème de "La canClon popular mestiza, su valor poético y sus
:
1
.posibilidades", mais il ne le présenta pas. Les recherches ethno-
logiques effectuées dans le cadre de ce mémoire témoignaient ce-
pendant ,léj;, d'lin 'illtér'êt pour le phénomène de l'interpénétration
des cultures el'fopéenne et indienne ; le premier roman d'Arguedas
rend compte de cet intérêt: Yawar Fiesta (7).
Yawar Fiesta est un roman d'action collectiveo~ se
coml)ljql'~llt Jéj~ tous les éléments sociaux révélés dans les
A Puquio, une capitale provinciale de l'actuel départe-
ment péruvien de Ayacucho, les indigènes entretiennent depuis de ,_ ",1
nombreuses années la tradition d'organiser, pendant la Fête Na-
,r, '
tionale du 28 juillet, unl2 corrida appelée "turupukllay" ou "yawar
fiesta", c'est-à-dire "fête de sang". Pendant la cérémonie, il
. '
est de coutume que les hommes les plus téméraires descendent dans
,
1
une arène close et défient un taureau dressé à cet effet, avec
pour cape leur poncho, ou tout simplement leur adresse.
Mais cette fois,
le Sous-Préfet de PuquiQ reçoit de Lirn~
une
C·iTclda"i.TC
intcrdi.s::lnt
le tltuTupukllay"
au pr.'o[jt.
d'une corrida
de pure tradition espagnole. Tout le petit monde de Puquio se met
r
alors en mouvement et on a l'occasion'd',a§sister, au défilé turnul~"j'
,,:
.
~. :~t i
.• .J! '. '1;
':.
.
'j.
tLieux
d' ulle
fou'lc,
d~s pJ liS diverses.
Les noLlhlcs
blanc.s
appcdé~ ;"'1',
aussi "rnistis" ou "principales", désireux de s'attirer les faveurs j'
1
(7)
ARGUI'UAS, José Mar{a. Yawar Fiesta. Lima, (IP 1941 .'1,49 'Pages: 1
1

31
ct l'estime de l' Cl\\ltori té poli.tique viennent donner leurs opinlons
sur la décision ministérielle d'interdiction du "ya\\Var fiesta",
et, réprinlant tant bien que mal leur passion pour le rituel en
péri], ils 3pprouvent tous le message annoncé par le Sous-Préfet.
L[J\\.·(JlII·~tgés cL suutUlltlS' pal' dÙll JuliuJl, le plus puissunt
des propriétaires terriens de Puquio, les Indiens parviennent
cependant à faire descendre de la montagne, "Misitu", un taureau
sauvage d'origine légendaire. Le jour de la F@te Nationale,
"Misitu" et les indigènes détruisent toute limitation et le
"turupukllay" peut avoir lieu, dans un mouvement vertigineux, de
violence et de sang.
Dans cc deuxième livre, qui décrit la Vle d'une capitale
provinciale, Ar·guedas prouve déjà qu'il est absolument possible de
concevoir un récit collectif qUl ait autant de charme qu'une évo-
cation individuelle ct intiliie.
Dans Yawar Fiesta en effet, la description de l'atmos:
phère du village de Puquio, avec ses nlontagnes sacrées, les vibra-
tions de l'imminellce de la f0te,
le rapport des plus petits· com-
mentaires des indigènes entêtés et prêts à tout pour célébrer
leur rite de sang, sont d'une netteté tout à fait poétique. Les
jeux de force,
d'habileté et d'astuce entre l'autorité politique,
les "mistis" et les intellectuels indigènes, viennent compléter
l'ambiance d'une scène vibrante qu' aUUl1le thèse de l'auteur n' in-
"
1
fluen~e ni ne simplifie.

32
Dans ce livre aussi, la complexité des relations 50-
.."
,
ciales est celle qui caractérisait les réalités de la vie du ~é=
. :.
l'OU
du temps d'Arguedas
: les groupes sociaux et/ou raciaux ne
sont plus seulement deux, comme on avait pu le voir dans Agua,
mals trois ~ présent, car, entre l'Indien et le créole se dresse
désormais .1 n fi gure ],ési tante du métis. De ce point de vue,
1
Yawar Fiestn précise davantage l'épreuve du rénménagement litté-
raire enricllissant qui sera la rengaine de notre auteur.
Après le succès de Yawar Fiesta et la publication d'une
scrlc d'articles sur l'orientation de l'Ecole péruvienne
(8),
Arguedas fut détaché au Ministère de l'Education Nationale pour
collaborer b l'élaboration d'un plan de réformc scolaire, puis il
fut désigné comme représentant du corps professoral péruvien au
Congrès Indigènistelnteraméricain organisé cette année-là ~
Patzcuaro, au Mexique. Rentr~ du Mexique en 1944, il dut observer
de longs mois d'inactivité pour raison de santé:
" En mayo de 1944 -écrira-t'il plus tard- hizo
cri.si.s una dolencia ps{quica contra{da en la
infancia y estuve casi cinco a~os neutralizado
para escribir. IJesde ese momento he vivido con
.:1
illtcrJ"ul'ciones, al go mutilado.
"
(9)
(8)
Ce travail réalisé avec la collaboration des élèves du collège' 1
"
. Mateo Pimaccahua ~ù Arguedas avait été nommé professey!, de ,J.angue'jl.:
espagnole et de Geographle deux ans plus tôt,
soUlikne'l'im~dr~~~.
tancc clu folklore dans l'enseignement au Pérou.
Il fut' publié",'""
sous le titre de Trabajo de los alumnos deI Colegio Nacional ::.":,,;'" t
t~te~)L!!!,accal1..':'.:~' Cuzco, 'llp. "La Economlca, 1940. 32 pages '
,;:1
Il Ill:; L l'{·:C:;.
.
".~. -.1
l~J
j\\l{L;tJLlii\\S,
,J.~J.
L:I
"uII'0
,Je,
aJ'l'lb"
y el
zorl0 cle abajo.
HUt'IIDS,
Aires, Losada,
19/2.
P.
11
.f'(·i~; )
~:

, , '
33
En 1947 il fut nOlllmé Conservateur Général à la Direction
Artistique du Ministèl'e de l'Education Nationale, mais il dut
perdre cette fonction deux ans plus tard:
il était soupçonné de
collaborer à la diffusion du communisme au Pérou.
Arguedas termina ses études d'anthropologie en 1950"et,
réhabilité aux yeux de l'opinion politique, il fut nommé Chef de
la Section du folklore à la Direction Artistique du Ministère de
l'Education Nationale. Les vieilles querelles politiques étaient
bien oubliées et notre auteur ne tarda pas à accéder au poste de
Directeur de l'Institut d'Etudes Ethnologiques de Lima. C'est
alors qu'il représenta le Pérou à la Première Semaine du Folklore"
Américain, activité culturelle célébrée en 1953 à Santiago du
Chili. Presque à la même époque, sans le consulter, le Gouverne-
mellt Militaire de Manuel Odria le nomma à la Direction Nationale
de la Clllture, l'Histoire et l'Archéologie, mais Arguedas déclina
l'oJ:Crl:.
liCJ'LI\\lé::
111)\\I\\lc;;IU
p<'ll"
l'<'Jutol'ité
politiquc,
.il décida de
se consacrer davalltage à la littérature
c'est alors qu'il conçut
Los rios profundos, rUlIIan qui sera publié très exactement en
1957 (10)
,
Los l'lOS profundos est le roman le plus personnel
Lllj\\rgllL:J<'IS,
;\\-1:'UII
CI..JULUlIlC
du dire,
Jtl~I:i.S ]lé1él1lcnt autobiogra-
pllique de ce récit n'est qu'un tremplin permettant la présenta-
tion d'une réalité encore plus vaste que celle qui a été révelée
dans les deux premiers livres.
- ,.
,
(10) ARGUEDAS, José Mar{a. Los l'lOS profundos. Buenos Aires,
Losada, 1957, 299 pages.

34
La scène principale du récit est l'internat d'une école
catholique au coeur de la sierra. Mais le récit proprelnent dit
commence à Cuzco, la capitale historique des Incas, où Ernesto et
son père vone rendre visite à "El Viejo", un vieillard dont la
crauté et l'avarice n'ont d'égale que sa,hainepour les.lndiens. A
la vue des ruines de la cité millénaire, un animisme ensorcelant,
émanation de l'âme indienne, s'empare d'Ernesto et lui fait voir
et sentir les mystères de ce lieu sacré : les pierres des monu-
ments en ruine donnent] 'impression de se mOUVOIr,
l'adolescent
',1
observe une ,orte d'i] lumination interne qui donne un sens pro-
II
fond (or sacré ~1 J.:uut CC' monde frémissant d'une vie toute parti-
:
1
culière.
1
Le père poursuit ses périples interminables et l'enfant '« )
est confié JUX moines de l'Ecole Catholique d'Abancay. Cet établis-
sement scolaire, avec son internat aux caractéristiques de cloi-
ll'C,
est
1111
vl:ri.l::llllc
ub:';I..·l'vato.i_r~ pCl"lllcttUJlt Lill i:lcl..~ès confortable
aussi bien à la vie tumultueuse et trouble du petit village, qu'à
,l'
celle de la sierra toute entière.
, ,
A travers des dialogues, des réactions et des situations
des plus diverses, Ernesto,
le personnage narrateur, présente au
lecteur, de façon progressive les pensionnaires de l'établissement
,
1
venus des quatre COi'I5 de la sierra,
le Père Supérieur et nombre
:1
d'autres persOllllages secondaires, dont la figure errante et patho-
logique de "La Opa",
une démente indigène victime de l'instinct
...
,
. ; ! '
• ..:
~
'" : .lI'
'. >, 1
':';-
sexuel des adolescents du cloitre.
.,
j i"·r\\··
,
,
A partir de cet épisode, le récit se scinde en deux
volets
- le cours de la vie à l'iIlternar, avec les querelles
'ct divagüt.ion:.;
des
,"jelll1US
J)(~ns il)r]",],,"" "',"',' ,
'
'
"(}(l:-;'
:I1·[lr·~.s P:lt"
1~1
vil..:

35
' t
,.
externe,
- le COLlrs de la V1C dans le village, centré lui-même
sur trùl..s
fnLt.s
cs~,,;cll(:i.c]s
la révolte des femmes face à l'injus-'
tice dans la répartitioll du sel,
avec la figure dominante de dona
Fl'lipa, une métisse exhllbérante aux caractéristiques d'héroîne
populaire; l'arrivée des troupes militaires de Cuzco, alertées
,,
l '
par Ja révolte des femmes;
la révolte finale des paysans indi-
i
gènes, provoquée par J'éclatement d'une épidémie de peste met fin
1 '
~JU
J'ulllaJl.
,
Los rlOS profllndos est conçu au moment pD Arguedas
dirig~ait déjà un institut de recherches,fonction qui lui valut
de représenter son pays à Llne importante manifestation du folklore
américain. Ces différentes situations de privilège permirent, chez
Arguedas,
la précision d'un double champ du passé
le passé loin-
tain ail la nature alldine toute entière était propriété absolue de
l'Indien,
ct le passé récent Je l'adolescence de l'écrivain parmi
les Indiens dépouillés de tous leurs atours. Roman de mémoire, Los
,,
rros profundos confirme pour cela l'intégration d'Ernesto -c'est-
"
:
à-dire d'Arguedas-, dans l'uni,vers andin, cadre particulier dont
] 'auteur revendiquera ensuitc l'intégration au vaste territoire
national.
plus à arracher à l'oubli, à ~xhumer un livre qu'on attendait
.
depuis des années,
sl,lr son séjour à la pri;;,on.',"EI Sexto"" Le mo,-
','
.,';.,' l"': ;,," 'i.~ " ., ,',
, , '
.
1
'
,
lnent ne sautait d'ailleurs êtrc plus opportun :' lis ~le~t{o~s'd~
1
1956 avaient mis fin à la dictature de Manuel Odria et proclamé
l'accession au pouvoir du modéré Manuel Prado Y Ugarte. Le roman
, f
d'Arguedas peut sortir de ]'o~bre; il porte le nom de l'établis-
i

36
sement pénitentiaire qu'il décrit: El Sexto (11), un chef-d'oeuvre
d'horreur, d'abandon et de décrépitude.
LI Sexto s'inscrit entre deux livres de grande impor-
tance dans la production littéraire d'Arguedas
: Los r{os profundos
qui se compte de nos jours au nombre des grands classiques de la
littérature Ilispano-américaine et rodas las sangres qui marque le
SOIlIlIl<.:t du labeur créatif de notre auteur.
Mais en réalité El Sexto fut commencé en 1939 ; Arguedas
venait de sortir de prison. Une dictature militaire l'avait envoyé
à
"El Sexto" : une autre dictature militaire sévis sai t au Pérou
au moment de sa libération. Les dictatures militaires se succèdent
et se ressemblent:
le roman d'Arguedas ne verra le jour que 18
années plus tard, période· d' obsevation au cours de laquelle
l'expérience immédiate de reclus politique a été affectée par une
suite d'incorporations nouvelles.
Gabriel Osborno, un jeune étudiant injustement arrêté
par l'autorité [Ililitaire partage l'étage supérieur de la prison
avec deux grollpës ,Je. reclus farouchement opposés par leur idéo-
logie politique: les communistes et les apristes.
L'atmosphère et la structure de l'établissement sont
présentées comme un fidèle reflet de la vie sensible du Pérou
de cette époclue, une vie dominée par la violence répressive du
militaire et la corruption morale.
/
.
( 11)
ARGUEDAS, José Marla. El Sexto. Lima, Mejia Baca, 1961.
198 pages.

37
I,é pn:IIII('r ';"'1)'." de 1~ prison, qll"j symbolise le bas de
l'échelle sociale, est occupé par les mendiants, les parias, c'est-
k-dire l'humanité assinlilée à la bestialité par l'oeuvre du dénue-
ment économique et de l'injustice sociale,
Au deuxième étage se trouvent les criminels et les
gangsters de tous bords, c'est-à-dire ceux qui ont choisi de
répondre à la violence de l'autorité militaire par la violence,
Ainsi, "El Sexto" est le lieu de convergence de tous
les secteUl"S sociaux et Ilumains du Pérou, De même 'ILle la cruauté
de sa marâtre llii perlnit de découvrir le vrai visage du monde
quechua,
la dictatLlre Inilitaire offre iCl à Arguedas l'occasion
de reCenSél"
lé" é10111,.:nLs les plus riches de la nation péruvienne.
Tous ces nlisérables l"cclllS de tous les horizons, politiques,
ouvrlers,
leaders synclicaLlx, paysans indiens, Blancs, métis,
mulâtres, Noirs, etc ... qLli pacaugent dans une atmosphère infecte
cl"éée et entretenLle par l'autorité militaire, sont les acteurs
les plus riches et les plLls purs de la grande évolution sociale et
politique.
Dans tout le désordre de l'établissement, la figure de
Gabriel Osborno apparait comme symbolisant l'innoncence et la
justice. Rongé par la vision de tant de putréfactions physiques
et morales,
il donne libre cours à son indignation le Jour où
Libio Tasaico, un enfant indien envoyé injustement à la prison,
est violé par "1'un:llada", un surveillanf" de l'établissement. Le
roman s'achève sur l'exécution de "Punalada")
incarnation de
l'autorité pénitentiaire et la vengeance en chaine des reclus.

38
En abandonnant momentanément le th~me familier de la
vie rurale, Arguedas soumet ici son style ~ une épreuve nouvelle
qui rév~lera l'universalité de son art.
Devenu célèbl'e au Pérou tant pour son activité litté-
raire qlle pOLir son oeuvre d'entretien de l'histoire et de la civi-
lisatiüll !":rllviclllli~'S, Argul'clets fut nommé en 1963 ~1 la direction de
la "laison l'éruv'l'nlle dl' CuLture (Casa Peruana de Cultural. c'est
alors qu'il créa la revue "Cultura y Puebla", destinée ~ l'éduca-
tian de la masse et distribuée au
prlx symbolique de deux soles.
La popuL:lrité de cette initiative valut ~ Arguedas d'accéder à la
direction du Musée National de l'Histoire. A ce couronnement de
l'accivlLc prut"èssÎuJlIH.:lle currespollu
Le couronnement de l'activitê
littéraire:
il publia aussitôt rodas las sangres
(12l, son roman
le plus vaste et le plus complet.
rodas las sangres est le livre le plus complexe de toute
la productioll littéraire d'Arguedas.
De ce point de vue, son volume
est déjà révélateur de son dessein d'être le récit le plus complet
du Pérou.
Le roman est basé sur la destruction des communautés
indigènes par les grandes compagnies capitalistes étrang~res, mais
il l'l'vile surtout la naissance d'un courant de lutte interne qUl
désintègre ~ son tOllr l'univers des propriétaires féodaux.
Le récit est ainsi composé d'une double structure
....
d'intrigue et de lutte où l':lllteur superpose 11 son monde fa"lilier
, 1
(12l ARGUEOAS, José Mar!a. rodas las sangres. Buenos Aires, Losada,
1964. 471
pages.

d'Indiclls, de Inétis et de Blancs, l'univers vorace du capitalisme
dont les fin~llciers locaux sont présentés dans le rôle de vulgaires
pantins à la merci de quelques "tsars" nord-américains.
AV~llt de sc suicider, Adrian Aragon de Perata, un VIeux
j:..tl.i.[Ulld.i.dil-c,
profère
des 1l\\<.I.l.édiclioJls contre
ses héritiers ct
lègue ses biens aux travailleurs indiens de sa proprité. Après la
disparition de leur père, don Fermin et don Bruno sont farouche-
ment opposés par leur opinion sur le développement du Pérou :
Don Fermin est pal·tisan de l'industrialisation du pays
dans une perspective bien restrictive : celle de la bourgeoisie
nationaliste. DOII BrlillO p,·§conise, lui, la construction d'une
nation pé.·uvienne b~sée sur la rédemption préalable de tous les
secteurs exploités.
LI s'allie pour cela la perspicacité de
D~metrio Rendon Willka, un ouvrier indigène présenté en symbole
all nouvel esprit soci.al.
De retour de Lima où il s'est imbibé de la matière
révollitionnaire, Rendon Willka organise la masse populaire et la
prépare ~ une révolution de l'ordre SOCi'll. Arrôté par l'autorité
militaire, il est fusillé comme agitateur nuisible au progrès de
la civilisatj.on ; mais son action conserve un caractère de semence
pour un avenir meillellr incarné par un enfant dont la naissance
est annoncée à la fin du livre.
En dépit cIe la tragédie que c"'bnstitue, vers la fin du
rOlnan,
la mort du héros révoJ.utionnaire, le message de Todas las
sangres transcende le pessimisme d'un fatalisme individuel:
le

sacrifice des nombreuses victimes dont le héros révolutionnaire,
bien loin d'ôtre une vaine destruction,
revêt le caractère gal-
vanisant d'un holocauste préludant à un avenir chantant, c'est-à-
dire le moment où "tous les sangs" qUl irriguant le pérou parti-
ciperont à titre égal au progrès d'une nation juste.
Quelques tenlps après la publication de son grand livre,
Arguedas dut renoncer à la direction du Musée National de l'His-
toire. Une importante réduction du budget des musées péruviens
venait d'avoir comme conséquence spontanée une compression massive
de personrlels. Les familles des employés touchés par la mesure de
restriction allaient en nombre toujours plus important implorer
,
l'intervention d'Arguedas pour l'abrogation de la décision de licen
ciement. 'rouché par tant de supplications et incapable de résoudre
tout seul ce problème, Arguedas attenta à sa Vle.
Apres cette tentative de suicide,
il ne retrouvera plus
jamais la tranquilité de l'auteur de Iodas las sarlgres. Profitant
d'une brève période de lucidité il assista, à Santiago du Chili,
au Congrès International des Ecrivains Latino-américains. Il dut
retourner plusieurs fois au Chili et, définitivement rentré à Lima,
en 1969,
irrémédiablement déprimé, il mit fin à ses jours dans les
10calD: de l'Ii!\\i\\'l:rsité Agrai.re au mois de décembre de la même
année.
1.1 laissait inachevé, le roman El zorro de arriba y el
zorn' do abajo (13).
-------~-------c----------------------~
(1~) AI1GIIf:[JAS, .José ~Iar{a. El 30rro de arriba y el zorro de abajo
I,ll~:(d;ll
1~171.
:~H~ p:q',c:;.
!Jans
/lot l'L:
l;tudc~':',
tuute
aJ.lu.=;loll
èJ
Cu
llvl'e
::;Vl"Cl
::;ignalt3e
plus simplement par la mention "El zorro"

4 1
Ce dernier rOlnan fut publié en 1971 par l'éditeur
argentin Gonzalo Losada, à qui Arguedas laissa le message
suivant :
" Querido Gonzalo :
Uno de estos dias-me voy definitivamcnte a
Llma.
Esta carl:a
se
J.~L èlltrcgar~ln jUI1to ~OI1
el"
Ultimo diario 7" de los "zorros", do-
cumento que acaso pueda, como pretende, ali-
viar la novela de su verdadero aunque parcial
truncamiento ( ... ) Yo no voy a sobrevivir al
libro. Como estoy seguro que mis facultades
y armas de creador, profesor, estudioso e in-
citador se han debilitado hasta quedar casi
nulas y 5610 me que dan las que Ine relegar{an
"
I:i ,"""cl ie i6:~ de cspcctador pas1vo c impotente
de la formidable lucha que la humanidad esta
librando en el Per~ y en todas partes, no me
seria posible tolerar ese destino. 0 actor
coma he sido desde que ingresé a la escuela
secundaria, hace cuarentitrés arias, 0 nada. "
(14)
ce document est publié, avec une série d'autres messages
d'adieu d'Arguedas dans "El zorro"
. Op. cit. PP.
273-274.

42
De l'aveu de Sybila Arredondo, veuve du défunt écrivain,
l'Université Agraire de Lima avait demandé à Arguedas de réaliser
des recherches en Sociologie Urbaine sur le phénomène de gonfle-
ment de la ville portuaire de Chimbote. Le résultat de ces travaux,
qui ne fut pas publié, servit de substrat au dernier roman
d'Arguedas.
El zorro se présente cependant comme une sorte de tes-
tament ~ l'idée du suicide qu'Arguedas porta à effet en 1969,
après
une
!r)JlgllC
Il\\:!'Îucle: clT'hésitation malacLive
entre
la vie er. la
mort; un testalncnt surtout ~ l'idée de l'acte final d'un combat
qu'il n'était plus capable de soutenir avec la lucidité qui a
toujours caractérisé son oeuvre: l'incitation au réaménagement
de l'ordre social péruvien.
IJ~J1S l'C J.ivrc,
le:
style arguedicll épouse une forme
toute;)
nouvelle, où le texte se scinde en deux structures bien distinctes:
la réalité externe est restituée à travers la structure romanesque
habituelle et la réalité interne fait l'objet de "journal" d'une
intimité toute émotive. La combinaison des deux styles fait de ce
livre une création insolite, unique dans toute la littérature his-
pano-américaine. La partie narrative de El zorro est composée de
longs chapitres décrivant le monde des pécheurs d'anchois de Chim-
bote et des débuts d'industrialisation de cette ville de la côte
péruvienne. Arguedas présente ici des figures agitées d'un monde
turbulent où défilent sans cesse les Indiens descendus de la
sierra à la recherche d'un moyen de
-
survie dans" le travéil indus-
triel.
Paradoxalement, la figure la plus sympathique de tout ce
cadre est celle d'un jeune "Yankee" qUl abandonne son entreprise
pour intégrer le prolétari.at péruvien.

43
Après de longs chapitres où il décrit Uil cadre bouil-
lant cie p(~Clle'lr~,
de vendeurs ambulGnts, cie femmes <.le joie,
d'ouvriers industriels de lea<.lers syn<.licaux et de curés toujours
plus hésit3nts entre la morale catholique et la tentation d'une
luxure facile, Arguedas résume ~n deux pages seulement ce qUI pou-
vait constituer le dernier chapitre du livre. C'est pour cette
raison Ill'écise que, dans sa lettre d'Gdieu à son éditeur, il
qualifie ce roman de
:
" Novela algo inconexa que contiene el germen
de otra m~s vasta. " (15)
Les "journaux" d'Arguedas dont les premiers datent du
mois de mal de l'an 1968, révèlent, d'entrée, une intention de
suicide
" Ahora estoy otra vez a la puerta deI suicidio.
Porque nuevamente me siento incapaz de luchar
biell, de trabajar bien. Y no deseo, como en
abril ciel 66, convertirme en un enfermo inepto,
en un testigo lamentable de los acontecimientos. "
(16)
Puis ils divaguent par endroits entre des souvenirs
d'enfance et des notes se rapportant k une série de voyages, avec
un spécial hommage au Cuba.
....
(15)
Ibidem. P.
273
(16)
Ibidem.
P. 11

ces passages, sont cependant d'une finesse plutôt incroyable chez
un écrivain en agonie de mort. Dans ses "diarios", il apparaît en
polémiques illtermittentes ou en conversations intimes avec des fi-
gures bien connues des lettres hispano-américaines comme le Cubain
Lezama Lima,
le ~Iexicain Carlos Fuentes et l'Argentin Julio Cor-
tazar ; tous ces commentaires donnant au livre la triste allure
d'un adiell irr0vcl'sible.
Pour conclure ce bref chapitre, il serait plus intéres-
sant de faire remarquer la générosité de l'entreprise arguédienne
d'énumération et d'intégration des principaux élélnents de la
natiollalit6 péruvienne: nlarquée au départ par le cadre exigu du
petit village indien de San Juan de Andahuaylas, elle s'épaissit
, '
davantage avec l'intégration d'une capitale provinciale (Ya"~'..!:.
1
(Lus
I·J.US prolullclüs).
L'intégralité du territoire péruvien est amorcée avec El Sexto
pour mieux se préciser avec 'fadas las sangres. Avec El zorro le
processus d'intégration progressive déborde le cadre péruvien par
l'adoption du capitaliste "Yankee".
La conscience personnelle de la vie d'Arguedas devient
a.tnSl l'objet d'une créa'tion qui déborde le cadre d'une vie pour
accéder 11 lIne intégration colossale. Ce processus de maturation
indiv i tllIel.! c' 'I" i n:1l i cuje sans ccsse le réaménagcment de la réa-
....
liré péluvielllll' fut la l'engaine de José Maria Arguedas.

4S
·1
CIIM'ITI<E Il
L'EXPRESSION LITTERAIRE
-----------------------
"l""

• • l '
-
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, : 1 ;
i l 'I~.
• • 1
1 ~i
. '
'1;
.' .i
,. ,
,
i

Dans son article "La novela y el problema de la expre-
sion litera ria en el ['eru" publié en
1~)50 dans la -revue pé1'u-
vienne Mar deI Sur,José Maria Arguedas affirme ceci, en substance
"Un incollveniente aturdidor exist:i:a para realizar el
ardiente anhelo.
t Coma describir esas aldeas, pue-
blos y campos
; en qué idioma narra1' su apacible y
a la vez inquietante vida ?
~ En castellano ?
~Después de haberlo aprendido, vivido y amado a
tr:lvés cl eL clulce y palpitante quechua? Fue aquel
Uil
trance al
pa recel' i nsolubl e " (l)
Le problème posé ici, en termes très clairs, par un des
plus grands écrivains péruviens de tous les temps, est celui du
langage littéraire, non seulement au Pérou, mais en Amérique latine
en généra 1. COllllllent tranSlliettre le mancie interne, dense et clos
Je
L'jnJ.igl:llè
.s~IJlS l'app~lu\\'rjr vU le détl'uirl1 '?
S'il est vrai que ch~que système linguistique organise
la réalité de façon distincte, selon les propres exigences de
celle-ci,
la vision du monde quechua ne peut être fidèlement res-
tituée qu'~ travers la langue quechua. On ne peut interpréter un
(l)
ARGUEDAS, José ~1ar[a. "La novela y_el problema de la expresion
literaria en el l'eru". Mar deI Sur. Lima. 1950; vol.. III. nO.9.
p.
68.
'
'

47
unlvers aussi particulier 11 travers la langue espagnole -nl à
travers aucune autre d'ailleurs- sans en détruire l'âme.
Or, dans la vie sensible du Pérou moderne, il suffit
de l"appeJel" le bllt du combat indigéniste pour qlle l'argument de
l'invioJabilit0 sacrée de l'univers andin se bellrte à une con-
tradiction et devienne anachronique, utopique même :
En dénonçant l'injustice sociale qui maintient encore
de nos Jours l'arborigène américain dans un état d'extrême dénue-
]Jlcnt
(:collnIllÎqll\\'
cl"
d'lllllllil·i~ltinll soc"iale,
le mouvement
indigé-
niste vu de quelqlle angle que ce soit, contribue à l'intégration
de l'Indien à l'ensemble des activités nationales. Mais la muta-
tian sociale que suppose cette lutte pour l'équité renVOle à une
attitude qui Ile correspond pas à la structure mythique de l'uni-
vers quechua, nl donc Cl la langue quechua.
[Ians ce cas, peur l' homme de la sierra, assumer la
possibilité de révollition sociale aujourd'hui présuppose appren-
dre à nommer le monde à travers la langue du colonisateur, établie
comme celle de la nouvelle société péruvienne.
Dans Todas las sangres,
le grand roman d'Arguedas, nous
verrons que, pour organiser l'incorporation du paysan ou de l'ou-
vrier indigène à la perspective de lutte sociale, il faut que
DCllIct.ri.o
Hcn<.1oll
Iv"il1k;l
r:l~Sl~ SiClll1(~, non ~lIt'l('I1lCllt 1:1 ~tr:lt:l<rit~
syndicale du Pérou moderne, mais aussi ct de prime abord,
la
langue espagnole.

Cette )'6alité de la situation linguistique de l'indigène,
liée elle-même ~ sa situation socio-économique se fait plus ef-
fective aIl lnoment de la désin~égration des structures écononliques
précolonia10S et se généralise avec l'ouverture des routes de la
sierra veys les grands centres urbains, comme l'explique ici
Arguedas :
"Toda emp",eza a cambiar en las ciudades y aldeas
pr6xinlas y el los no pueden sostener ya siquiera
.
. ,
su organlzaclon antigua. A cada heredero le cor-
responde, frccuentemente,
no m&s de un surco de
tierra. Nadic quiere ya, ni puede desempefiar en
esas comunidadcs un cargo pol{tJco y religioso. Las
formas cooperativas deI trabajo,
la organizacion de
la familia,
toda la estructura precolonial desa-
parece, pero convirtiendo al grupo humano en lin caos
sin autoridad,
sin fiesta,
sin tierra. No ticne
ante si otro camino que emigrar "
(2)
biennes,
la perte des terres et l'ouverture des routes consti-
tuent ainsi un jeu de circonstances qui débouchera sur un vaste
mouvement d'exode vers les centres modernes de la cOte.
Lorsqu'il descend sur la cOte dans l'espoir d'y trouver
de meilleures condJtiollS de vIe,
l'indigène est presque toujours
'domestiqlle dans des familles d'origin~ européenne ou ouvrier sous
,1,
'
1
les ordres d'un patron blanc. La nécessité de la pratique du cas-
,
i
(2)
A!'GUr:.IJ!\\S,
José Maria. "La soledad cosmica en la poes{a
quechua".
lùea.
Lima.
lJiciembre 1961. n° 48-49.
P.
17
,1

49
j
t i llan,
langue na t ionale du Pérou ne peut donc ê tre contournée.
C'est ainsi 'lm: naît .1 'al'got andin.
A)
- L'ARGOT ANDIN
On appelle argot andin l'espagnol hybride de caractère
populaire qui permet 11 l'indigène des Andes de résoudre le pro-
blème immédiat de communication en milieu urbain. Ce langage
incorrect
c~t 11~11J~)Utjs~CI1lCllt du lIombreuses ;lllllt-CS de' c00xi~rl~11Ç~;
de l'espagnol et des langues andines; il exprime donc l'expé-
rience linguistique populaire. C'est un élément toujours plus
effectif du métissage culturel, qui ne doit donc pas être jugé du
seul point de vue de l'espagnol académique.
Cet espagnol appauvri ne représente vraiment aucune
langue indienne comme semblent le montrer certains écrivains
indigénistes. Arguedas en était conscient
" Ls
l'Cl 1Su
y ho rrendo presentar a los indios
JlablaJldo en el castellano de los sirvientes
queChuas aclimatados en la capital" (3)
1
1
, 1 • ~
• ,:'
1
: 1
---------.-------------'--'~-,--:--------"-,--:---,-,-- 1
(~)
IIR(;IIF,Il,\\S,
,Jnsé M,,,,,,,.
"1,,,
novel" y cl
prahlem" de la expreslon
1 i Le; '" J' i"
e;11
cl
l'c l'L'''.
Ul"
c: il..
)'.
"/1
.!
',f
1

L'erreur des écrivains incriminés ici consiste seulement
il attribuer l'argot andin au strict ensemble de la communallté indi-
gène, aussi bien aux indigènes des centres urbains, même conversant
entre eux,
qu'li
CCllX
des campngncs profondes qui.
CIl
ré31ité,
s'cx-
priment toujours en langue indiellne.
Cette erreur est, par exemple,
le défaut majeur que
l'ensemble de la critique littéraire trouve à l'oeuvre de l'Equa-
torien Jorge Icaza. Dans Huasipungo,
le roman le plils connu de
cet écrivain,
il n'est en effet pas rare de rencontrer des passages
comme cellii qui va suivre, mettant en conversatioll des Indiens des
profondeurs andines
,1
"i\\Y
I:UIlSilI,
sh,!. 1\\y bOllicél,
sha. iQuién ha de cuidar,
pes, pucrquitu5 ?
&Pur qu~ te vais sin shevar
cuicitu ? Soliticu dejandome, nu. ~Qui~n ha de sem-
brar, pes, en Iluasipungo ? ~Qui~n ha de cuidar, pes,
al guagua ? Guagua soliticu. Ayayay ... Ayayay ...
Valllos cuge!" hierbita para cuy. Vamus cuger lei'iita
en muute. Vamos cainar en r{o para lavar patas ...
Ashcu tan shorandu est~. Huaira tan shorandu est~ ...
dPur qué tE vais ~in deSFEGir'7 Ccrro ""heu sin
dueno. Otrus "nus que vengan tan,
gua:lIleta hemus
de eumer "(4)
-
(4)
ICAZA, .Jorge. Iluaslpungo Uuenos Aires, Losada,
1953.
P. 160

51
M~I"jO Val"8"s Llosa, lin des plus gl"aJlds représentants dll
nouVeall
I"Oinan
hisp~IT10-aIJI61'ic~lin cite son con\\p~ltTlote Ciro Alegria
au nombre des écr.ivains victillles de ce piège du langage
l'
[1;1:-; t-:I
;\\ l
' l ' ] " " "
"
.l.:,.?
t
, .
b" /
ca leI 0
él
vcces en esta
trampa que
C,S
film
-lon un;l
rc:-;ulT.:;
[0
1111 :-'1110
qlle si
h il- jera
!1~1!)1:)1' n los obleros élrgel.înos dt' Pacls èntl'E'
ellos ~n el
franc{s
balbGceante y caricatural que
clIlplcan enl)
los fr~nccsès li
(5)
L"
rel;wl'que cie Va rgas Llosa trouve
son fondement
dans
(les p(1ssagcs L~OJ1l111l:' celui-ci, extrait de El mundo cs ancho y
~ J e 110
. ;'
r
/
"
Hay genLe quc téllli1en clan y mas toclav1"
si la
forastcra eo vi8ja,
porque piensan que es ]a
,
'
' 1 '
"
I1lL'''';l11~J
1:1.(:;1"1':1
CUYd
~-lnlllla est;!
te
\\--I:i.'(.'
p~l
\\"('1"
,
l"UlllU
S(~ porl ail J o~) que hdl1 sembrao y L-osechao 1
pal' vcr
Sl
son guenos Jc cor"zi6n con ]0 que
le,; Ii'l
c1~IO 1:, tic!'!':t, S"bcn '1"e;ll no Jale,
.
.
,.
{
la
t l(:1'1';1 sc clloJarl.:J
y Y::I 110 sel'.ta guena la
cosccl1a. Mi
"laillita Pasclla18
les daba a todos
(5)
V;\\RG,~S LLOSA. "José Marla Argucdas clescubre al indio auténtico".
Op.
ci t.
p.
6

S2
,
,
sC)'''n v.l,ejos,
seyall
jovcncs,
Val"OneS 0
1]
est cependant faux de croire,
comme certains criti-
ques péruv 1ens que J' oeuv re de José ~Iaria est totalement exempte
Je cel:lngage POPUI.Cl ire,
Iles
l'om,lIlS comme El :orro de arriba y el
:01'1'0
Je abajo,
par exemple en SalIt cri,blés.
Mais Arguedas, plus
réal iste,
ne
fait
lI:;<Jge de Cc't espagnol hybride que lorsqu'il
s'agit Je faire
intel'venil' des personnages indigènes en situation
de cOlnmunication avec des persoIlllages d'origine européenne. Nous
avons cité plus Ilaut le cas des ouvriers
industriels des grands
i
,
centres
llrb~ins
cie ce poillt de vue,
El zorro est le .livre Je
1
plus riche,
parce que le cadre
industriel
de la ville de Chimbote
qu'il décrit est pallice :1 la situation de communic'aLlon obliga-
tojrl~ L'!lLl"'_' {JLlV)'!:')S
indigènes
ct
patrons blJllcs.
Dans
l'ensé.:'l1lb1c
de
l'oeuvre,
ce phénolllè'fll' s'illustre généralement par la comrnu-
nicatioTl entre ~~vari:lyok's", chefs indigènes,
ct "m.1stis l ',
proprié-
taires terriens.
Dans les pages sU,lvantes 1l0US aU ons tenter d'étudier
les principaux traits Je l'argot andin en illLlstrant notre étude
par cles exemples choisis d,'lfls l'oeuvre de notre auteur.
En raison
de la profusion cIe ces exemples,
chacun d'eux senl dit"ectement
SUIVI
cIL' titre et de la page du livre Jont i l
est extrait.
(6)
ALLGR1J\\,
Ciro.
1'1 munclo cs anclio y ajeno,
Î\\1,ldricI,
,'\\]lan:::l
Ld i to ria l,
1982. -P.
82

c -
.).)
Chez Argueclas,
l' 010ment principal cie cc processus cie
transmutatioll lingllistiqlle est le changeluellt phonétique.
1 0 )
challgeiuellt pllon6tique
Se]oll. Le doer"ur Andres !\\lcnc"strc,
professeur de
vIenne de
l:Jngue QuechJ,
lc système voc:lliquc quechuJ se compose
de
3 phoJ\\èlllCS
l7.1
( i )
(LI)
Si 110US considérons cejleJldant quc,
comme l'affirmc le
linguiste l'"rf"n,
"Las c:inco vocalcs ciel castellano J,
e,
1 , 0 ,
u,
se
cmple"n cn Jas
lcnguas andinas tal como cn el
idioma
oficial,
3unqli12
los abor I.günes no prccisan 1;'1
tlis-
tincion ent rIO la
(0)
y ] J
(U),
nI. entre la (c)
y 13
(i)
tanto como sc h:lcc cn eS]1:Jîiol
"
(8)
nous pouvons étahli.!'
un
système vocalique
:intl'rllléd.i.;l.irL~
qucChU;I/l'Sp;I~',llol, dLl point de vlIe du qllclhlla, selon le t3blc:lLl
- _ . _ - - - - _ . _ - ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ - - ~ ~ ~ - - ~ ~ ~ ~ ~ ~ - -
(7)
1 nka
ILi Il];1 Y . OI-g:lue de
l' i\\caclémie l'é ruvicnnc cie Quechua.
Cuzco.
l '163.
n û 1 •
(8)
B.
FARFAN
"['scl·itur" pr::lctica" dans
Alfabeto de las lenguas
.;;a,:b"o:.r;,.=:l..;,g"c:.J::.I::.c-,s,-,-:.1::.10...:1,-1:...'::.10..:'..::·
LI. Li III", 1n 5 t i t LI t 0 cl cEs t ucl 1 0 5 Pe rua nos, 19 36 .
P.
7

1
54
voyelles espagnoles
l voyel les quechua phonèmes 1.J)- obsl'rvations
t.t:'nnéd i :1-] r C':':'
1
(argot "ndin)
---
- - - - - -- .• _o•• ___ • J .._-_._._._-~
a
-
u
correspon-
dance
I
e
,.
l,e
I- problème de
l
distinction
1
CON FUS 10:\\
o
u
1l,O
- problème de
1
u
distinction
CO,~HISlù!\\
1
Le phénomène constaté ici n'est pas celui d'exclusion
absoluc dCî111O/lèlllcs.
Il
S';l!;lt pllltcît d'lIll 1'roh1':llIl' lle- dislilll·(.ioll
entre
les phollèmes
"il! et lIel! d'une p~lrt, et "0 11 ct "u"
cl1autre
['art.
Clé
pl,0nomèrlc est alllplellrcnt illustn' dans
l 'Ol'lIvrc d'Arglledas
l '
Taytakuna,
fIIerak'ochakllna
ahisti juntos,
todo,
~. il cl i tJ ~~
r Ll k ,Ill ~l S,
vaIn 0 s ab r i -r C 3 r r:i ter a a ~. a z cap a r a
vl'irlt.iilcbil
j()lio"
(Yawar Fiesta.
P.
18S)
-
"
K' ayau 1)[·~llIcro s()\\II1're "
(Yawar Fiesta.
P.
140)
"
En SC) pecho COll nie cabeza he taconeado "
(El
zorn),
P.ICJ4)

55
2°)
la notioll de genre
Comme ]lresque tOLites les langues i.ndiennes, le quechua
ne conna1t pas la noti.on de genre. L'hispallisant quechua tend pOLir
cela 11 omettre la différence Illasculin/féminin.
En général, et sans
doute en raIson du caractère prépondérant dll genl·c lnasculin Jans
certaines structures grammaticales des langues latines, il établit
le mascul:in comme gcnre de base et le féminin comme un simple
Jérivé.
Il
utilise donc les ;Illjectifs et les art"icles mascul.ins
;tvee
les
subsL1Ucifs
fémjnjns
ct
jama.i s
le COll l l'a.i rl~
:
" LIl Z e 1é c trI c 0 Jw b fa"
l L] Z 0 r r o.
1).
1 53)
COlilO
pucclc sel' ~.elltc crist.iana
r[J Z 0 no. l'. 89)
3°)
la notion d'accord
En langlle qllechlla,
la catégorie numérale n'a pas le
le quecllua peut toujours déterminer
l'importance numérique du sujet par rapport au verbe ou du com-
plément d'objet direct par rapport à son antécédellt
il consi-
Jère conlille postulat "bsurde l'influence cl'un nombre donné sur les
;Jutres éléments de 1~1 phrase
Il
Va
voJ.~lr ~l"rûtas Il
CL]
201'1'0.
li.
5:))
"
I.e
11l~11lOS :1 J il1lCnt~ldo ;1
los
CU;It"ro
Il
(U
ZOHO.
P.
249)

5b
tout aux notions dc genre ct de nombre est si persistallt au Pél'Oli
que des stl'uctl,rcs
j'lcOTI"Cctes qu'il
a engelldrécs tcndent b s'im-
poser COmllle: correctes au
1allgagc de ni.veau soutcnu
:
ll:ln~; llJ)t..:' c1lLj110tc.:: 1'6:11 iséc "Lins le cll'P;-II'tClIlCllt de
;\\ r~; \\.: LI I~: !1Ü l P;1 l'Ill lll;~; C'1I S C' j g Il a Il t S cl II Lye lep r i.lll a.î L\\~\\ ~I LI C y c .1 ('
supéricllr,
le linguiste Poz".i
Escot afEirme quc les phrases
suivantes ont été considérées par tous cOJllme eorreete.s
(9)
- "
r:ui " ver la carretera, ya la habîan arreglado "
-
"
i:s nccesario la ensenanza deI qucchua "
- " La S otras chacras no tiene riego '1
1'1 sc rapportc prineipalclllcnt :1 l'article et dans ulle
mOinÙI"C II1eslH0 " la préposition.
" La juvC'Iltucl ha colaborado
( "[
apertura
( )
estado chieo
(9)
POZZI
ESCOT
: El reto deI multilinguismo en cl Per6.
Lima,'
.1
lEP,
1972.
P.
93

c c
., 1
I:rente ~I
(
)
gran monumento
( )
Huna incaica que
con
( )
cnl: esdi "
(El
zorro.
P.
233)
La notion d'art.icle 'n'existant pas en quechua,
l'his-
p:lI1isant de Cl'lte
langul' n'y prête pas attention et l'omet que1-
quefois nlôme avec la prôposition qui y est rattachée.
Il
arrive aUSSI que l'ellipse affecte
le verbe d'état
~.;:i clllpre
l ) maleantlè "
(10 1 zorro.
P.
8ti)
J1 arc 0 n t r c,
"1]
pc II t
(:1 l' r j ver
Cil! e
1C' li \\1C L' hLIa <:1 j () LI t l:',
(' Il
pratiquallt le castillan,
lIn verbe SUI'plémentaire, par croisement
cl'usage ou de sens en quechua et en espagnol
"
tillé
seril ha habido 0 "
(Yal"ar Fiesta.
P.
48)
,
-
II
[.1 uquio
esta
purece pantéon l'
CYs\\var
Fiesl~l. P.
13
2
ComlIIe
on
le voi t. bj CIl,
cc
lang~lge débouL~he sur la 1I10no-
tonie d'lin argot qlli ne traduit pas rôelleluent le mode de pC1Isée
quechua.
l'our cela,
lorsqu' iLs' agi t
du tri1!.ls.fert cie la langut'
illd.ÎenllL:
,1
['cSI)(lgl"'lol,
c'cst-ü-(l.il'C
lOl'Sl{lll:îJ
~'~lg.Lt Je lllcttl'e ell
COllv('rS~ltioJl des jJCJ"SOllJ13gcs
indigènes clltl'e CLIX, ~l'gLledDs a
recours
:1
lIn
:..; tyl chi en
p IllS correct.
en dép i t
dll changol1lent
S)'I1-

58
taxique elui le caractérise; c'est l'innovation d'Arguedas, son
apport le plus personnel et le plus extraordinaire à la litté-
rature latino-américaine.
Bl - L'INNOVATION D'ARGUEDAS
Elle consiste au remodelage de la syntaxe espagnole en
fonction de la structure particulière de la langue quechua et
permet ainsi d'inslLfler au castillan l'élément substantiel du
quechua.
Cc réa]isuLe linguistique n'a pas recours à une norme
préétablie
il crée un langage tout à fait nouveau, artificiel,
inlaginaire si l'on veut, mais si éloquent qu'il donne l'impres-
sion d'une réalité absoille.
La structure de ce langage artificiel prend un SOln
méticuleux de l'équilibrage des caractères essentiels de la langue
indienne et de l'universalité du castillan. C'est donc une fidèle
traduction du quechua qu'Arguedas apporte au lecteur de langue
espagnole.
Cette nouvelle création se caractérise par c1nq' traits
importants:
la position postérieure du verbe à l'intérieur de la
phrase, la particularité du présent progressif, la force de l'ex-
clation, l'utilisation d'un adjectif qualificatif à la place d'un
adverbe de manière, la double précision du possessif. L'iilnovation
argllédieJlne révèle ;lussi LIes catégories grammaticall-'s quechua
vraiment
étrangères RU castillan:

".
59
1°) la place du verbe
lèn langue quechua, pour souligner une action ou un état
par rapport il l'ensemble de la phrase, le verbe qll:i s' Y rapporte
est transféré à une place très postérieure
"
iEse canto es de Paraisanco ?
- No. De Lucanamarca es "
(Los rIOS Profundos.
P.
182)
- " La voz del patr6n es "
(Todas las sangres. P.
28)
" Yo, con el carbonicito, a ella estoy yendo "
(El zona. P.
124)
" El negro ha galgueado par el cerro abajo, dejando
su cruz qui'
uste esta cargando. Grande es. Para
lenita llevas ? "
(El zorro. P.
203)
2°)
Je sens du présent progressif
U"ns l' espci t du quechua, le temps présent tel que le
conçoit la lallgue espagnole indique la répétitivité de l'action
dans le temps,
une qualité ou une fonction.
['xemple
: El l'erra ladra (le chien aboie)
: aboyer est
une habitude du chiell. C'est uniquement par le présent progressif
qu'on souligne qu'une action a lieu maintenant

60
" SeriaI' sintiendo, pues, yo también " (Todas les
sangres. l'. 30)
" Con la muchacha,
jugando pues, no ofendiendo "
iLos rios lHofundos. P. 178)
" i Estan viendo la luz deI sol, Pukasiras ? "
(Todas las sangres. P. 441)
1
/
1
"
patron, contra don Fermln ? Par que
diciendo ? "
(Todas las sangres. P. 36)
3°)
la force de l'exclamation
Lorsque le quechua effectue un récit, la phrase excla-
mative surgit de façon spontanée, naturelle; ce qui octroie plus
de vie 11 l-a chose contée.
l'Il ceci réside
l'origine de la briéveté
caractérisrique des phrases dans certains récits d'Arguedas :
" Cuando iba amaril' Inkarr:L,
i oy plata y oro
diciendo " (10)
Lorsqu'intervient le personnage indigène d'Arguedas,
les mots à l'intérieur de la phrase arrivent comme sans autre
(la)
ARGUEDAS, José Marla.
"Puquio, una cultura en proceso de
cambio" Revista deI Museo Nacional. Lima, 1956. Vol. XXV.

61
mode d'agencenlent établi qlle l'ordre pllrement émotif ou
instinctif :
" "Tayt;:!
!
'1 Misitu
! Ya esta bajando cuesta.
Atr.i.J1caclo tayta. Como toro ladron " (Yawar
Fiesta. P. 125)
lei le lecteur ne perçoit que des concepts énoncés
comme par une suite de vives sensations
,
- " . Toro
toro
i~1isitu
jEsta corriendo
l
'
i Y;llllll1 ]
,
i J:s ta baj ando
" (Ya\\;ar Fies ta.
P. 121)
Ces interventions faites d'une suite de courtes phrases,
exclamatives presque· toujours et sans connexions apparentes, sont
pourtant riches de vie, de mouvements: en dépit de sa structure
apparemment décousue,
le passage précédent, par exemple restitue
de façon précise l'idée de rapidité et de menace.
4°)
l'utilisation d'un adjectif qualificatif tient lieu
aussi d'adverbe de manière. Cette substitution donne à la phrase
espagnole une structure insolite :

62
"
LI negro ~Ioneodo, dicen que h3c (3 p1'edica r
[00
esa cruz de no che "
(El zo1'ro. l'. 80)
"
1: 1 1'.01'0
les alcanzal'a [.lcil en ese l'uedo
chIco"
(Yawar Fiesta. P.
Hü)
" Cuidate de Gerardo. Lo has insultado feo "
(Los rIos profundos. P. 123)
50)
la double pr~cision du possessif
Lorsqu'elle a un sens possessif,
la phrase nominale
quechua est affectée d'une double précision:
Exemple: " Chay Warmi-q tura-n " (11)
Etymologiquement, ccci correspond à :
esa mujer/de llermano/su
::::
de eS<J Inujer su hermano
=
(LI \\lern'ano de esa mujer)
. '
"
Ll'
l'''q~unté d una de las mcstizas gUlen ha
;,bi,,\\"to Id chicherla.
- su 8SpOSO cie dona Feli1'a - me clijo " (Los rios
2
profundos)
P. 160
(11)
Inka Rimay"
Op.
cit. P.
13

63
" Sus hermanos d'ese mujer a ml padre la han
2
cuchilleado " (El zorro.
P. 146)
Lorsqu'on considère l~ langage littéraire d'Arguedas du
point de vue du quechua, on découvre des catégories grammaticales
qui n'ont pas de correspondance en espagnol. C'est le cas des
suffixes "-lIa" et "ya".
6 0 )
le suffixe "-lIa"
Selon le docteur Alencastre
(12),
le sens du fuffixe
"-lIa" varie selon le contexte de la phrase et ne peut être lit-
téralement traduit en espagnol. Très fréquent en langue quechua,
il délirn·i!,·
Je ~('Il~ d'un substantif, d'un verbe, cI'tm adverbe ou
cI'un adjectif.
Il souligne qu'il s'agit précisement de ceci e~
permet ainsi une expresSlon précise.
Dans ce cas, Arglledas le traduit par
,
" Nada mas '1
,
" no mas Il ou
Il
Solo rI
"
S610 los winkus pueden llevar mensajes.
los winkus no mâs " (bas rlos profundos. P. 157)
..............- . _ . _ - - - - - - - - - -
(12) ALI;NCi\\STRJ:, !lndres.
lnka Rimay. Op. cit. P. 13

64
" El Pantéon no m~s es mi camlno " (Los
1
1'105
profundos. P.
226)
,
,
Il
Ah.l naJa mas los mas probres serranos estan
yendo " (El zorro. P. 79)
" POl' barranco deI lado deI nana iba carretera
1
,
1
hasta l.l.nea tres
ahl cerca no mas "
(El zorro. P. 152)
~Iais "-lIa" peut être dans certains cas une marque de
tendresse. Arguedas le traduit alors par les diminutifs:
'1
-ito ..
" -cita l' ect . . .
,
'J'u cres lIn
"
jClaro
ni~ito
LlSl,
asis.tto l'
(Los rIos profundos. P. 182)
" - Los pukasiras tenelllos un patroncito "
(Todas las sangres. P. 441)
" - Senorcito, descan~r;\\.s en 1111 casa con tu cruz,
pues, diosito "
(1:;1
zorro: P.SO)

65
7°')
te
suffixe 11_ya'!1
Il ~ pOUl· fonction d'indiquer uvec insistance la valeur
émotionnelle du sens de la phrase par rapport au locuteur. Ce sens
peut être positif ou négatif: "-ya" exprimera alors la joie ou la
tristesse.
Dans les récits d'Arguedas il est restitué dans ces
deux cas par:
" pues ",
introduit dans une dimension inhabituelle
en espagnol
:
"d- C6mo iba a tomaI' yo tanta chicha sin estar
sentado junto a una mesa? Me mir6 ella con
. ,
. -
expreslon trluniante
,
-
TOJlla,
~IC s,
nJno
- me l1ijo "
(Los
l'lOS
profundos.
P.
177)
- " Con los chunchos,
dicen,
ha de volver dona
Felipa -
le dije al soldado
El soldado se echô a l'cil'
:
- S
'
era, pues,
su alma.
Ella judido ya, en San Miguel,
i Segura ! " (Los l'lOS profundos. P .160)
"
i Ese ninito va amaril', pues ! "
(E]
zona.
?
142)
Dans Temblar el sueTto deI pongo,
le livre bilingue d'Ar-
guedas apparaît le suffixe "-ya" de la rdçon suivante
" Nichkachunkuya, hinata nichkallachunku "
(13)
(13)
ARGlJEDAS,
José Maria. 'l'emblar el sueno deI pongo. Santiago,
Ed.
Universitaria,
1969.~~

66
ce qui correspond à la phrase espagnole
" Que est~n hablando, ~, que est~n cotorreando
s]
osa les gusta 1.
[Jans l!l1l' I.,,[tre adressée '1 Hugo Blanco peu avant sa mort,
Arguedas éCl"it ceCI ;
- " Tupananchiskama tatay, ama~ qonqawankuchu "
ce qui veut dire
" hasta· que nos encontremos, tatay. No te olvides,
de ml Il ( 1 4 )
Dans son Postulados lingGfsticos deI idioma aymara (15)
le linguiste Hardman distingue 3 types de siscours en langue
quechua ;
- une
i.nforll\\ation di j"ecte (connue du locuteur] lIi-même)
- une finformation indirecte (expression de ce qu'on a entendu
dire)
(14) "Correspondancia entre J. M. Arguedas y Hugo Blanco". ln Amaru,
Lima, clic.
1969. P.
13
(15) HARDMAN, M.
Postulado ling~{stico deI idioma aymara.· Lima,
lEP.
1972.
P.
12.

67
- une infol'iiistion probable (expression d'un fait à vérifier,
douteux)
Chacun de ces trois nlveaux de locution a sa propre struc-
ture, et des signes précis qUl le distinguent des deux autres. Le
langage littéraire inventé par Arguedas tient un compte effectif
de ces différentes catégories de qiscours :
S")
l'information directe
C'est, comme nous l'avons dit, l'information connue du
narrateur,
l'expression d'un fait dont on est témoin soi-même, ou
dont on est absolument sOr. Dans ce cas, le quecllua ponctue son ré7,
cit du suffixe "-chay" qui signifie
" cierto Il
Il
segura " ou
" capaz "
Ces mots abondent Jans
les
récits d'Arguedas
" Cier_ta han matado ha dona Felipa "
(Los l'lOS
profundos.
P. 160)
" Ella judido ya, en San Miguel.
Seguro "
(Los rIos profundos. P. 160)
1,
'1
'?'
:. :
" Capaz con d:i.nami ta asustani, camo chascha "
(Yawar Fiesta. P.
35)
,1
,
"1
, 1

68
gO)
l'information indirecte
C'est l'expression de ce qu'on a oui dire, ce qui nous
a été conté par d'autres personnes. Il est donc nécessaire d'indi-
quel' la source de l'information. Chez Arguedas, ce niveau de
narration se précise par l'emploi générique du mot" dicen " qUl
arrive presque toujours en fin de phrase pour plus de netteté :
" - Cardazo es comunista cat61iea, dicen "
(1,1
zono.
P.
47)
,
"
Esteban, hijo mlo, ese hombre graIldazo ( ... )
LnuJCJ cs,
diccn ? "
(El zorro.
P.
187)
S.
" - Con los chunchos, dieen, ha de volver don a
Fel ipa "
(Los l'lOS profundos. P. 160)
" K'ayau y Pichk'achuri, dicen, van pelear "
(YaHar Fiesta. P.
56)
10 0 )
l'expression du doute
C'est l'expression de ee qUl est supposé, incertain. Le
degré d'incertitude est indiqué par le suffixe "-ch~ycha" coy-
r~o[lolld"nt ch~z i\\rguedas il
Il
QuizD.s ",
Il
Scrà Il,
" Seguro qUlzas " ou
" acaSQ Il

69
Ces différents mots ou groupes de mots expriment la quasi certi-
tude, la méfiance ou l'espoir que ce qui est supposé s'accomplisse
- " - Segura quiza don Gregorio vefa muy cerca la
rC:lliz"cion de su magnanilllo hazana" (El zorro.
P.
237)
" - ·Osti no puede llorar ?
6
- Sera, Creo - dijo el hombre" (Elzorro.l'. 84)
Une des principales caractéristiques du style d'Arguedas
est l'introdllction de mots quechua dans ses récits, de chanso~s et
parfois de légendes andines. Le lecteur sent qu'il ne le fait pas
dans le but d'un pittoresque folklorique, mais qu'il s'agit d'une
façon spontanée de sauver la couleur réelle de certaines scènes
délicates :
..
-
'1
Cailo licendi ado ( ... )
tiencs mie do
Me contest6 en quechua :
" Onk'ok' usank'a jukmantan miran "
(cl piojo deI enfermo se reproduce de otro modo.
Hay que irse lejos) .. (Los dos profundos.
P.
237)
D'un point de vue stylistique, lorsqu'on observe la pro-
gr~ssion de la production littéraire d'Arguedas, son écriture se
présente comme une recherche effrcnée du mot juste pour interpréter

70
la vie andine qUl,
par son essence, eXlge de l'écrivain des signes
particuliers.
Signalons qu'une forte part de l'activité intellec-
tuelle de cet écrIvain fut cOIIsacrée à la traduction du folklore
quechua ;
Dans Kanto Kechwa (1938), Canciones y cuentos deI puebla
guechua (1949) et Cuentos magico-realistas y CaIICJOnes de fiestas
tradicionales en el Valle de Mantaro (16), il fixe des mythes, des
contes ct d,,,.; PUL'IIIC'; saLIvés ainsi de la dégradation, et c'est cet
exercice de truduction qui lui permit de créer des personnages
réels, concrets, absolument localisables des points de vue histo-
rique, social, linguistique.
Arguedas nous rappelle ainsi l'origine de sa vocation lit-
téraire ;
" Yo comencé a escribir cuando lei las primeras
narraciones sobre los indios
; los describian
de una forma tan falsa
( ... ) en estos relatos
estaba desfigurado el indic y tan rneloso y tan
tonto el paisaje 0 tan extrano que dije ; " No,
yo 10 tengo que escribir tal cual es, porque yo
10 he gozado,
yo 10 he sufrido "
-------------------~-------- ;
(16)
ARGUI!DAS, José Maria. Kanto KecJlwu. Lilna,
1938
Canclones
cuentos
ueblo quechua
Lllna, Huascaran,
1
.
[ucntos m5gico-realistas y canciones de
TicstastradicLonalcs en cl valle (1e
~lantaro Folklore Americano. Lima, 1953;
N°l
.PP.
101-293.
.1
"

71
y escribi esos primeras cuentos que sc publicaron
en cl l'ellueno libro que se llama Agua " (17)
En accomplissant cette mission qui fut pour lui, on le
voit bien, un devoir personnel, Arguedas se fait l'inventeur de
nouvelles frontières linguistiques et offre au castjllan l'accès
à un patrimoine culturel inestimable.
Par son style tout à fait
simple il réussit à prouver que, pour assumer la fonction r é v é - i
latrice de la réalité, la langue n'a que faire du libertinage de
rhétorique.
1
1
,
,' ..
.~
; .i .:
(17) Primer Encuentro. Op. cit. P. 13

72
CHAPITRE III
DIMENSION MYTHICO-RELJGIEUSE
----------------------------
E'r UNIVERS ~IUSICAL ANDIN
------------------------

73
Dans la note biogr~phique qui prélude à l'étude de
l'ocuvre de José Maria Arguedas, nous aviolls appris quc, né en
1911, cet auteur se donne la mort en 1969, à l'Ige de 58 ans
seulement. Si on considère que Agua,son premier livre, fut pu-
blié en 1935, Argllell~s n'ellt ql,ri 24 ailS d'activité littéraire.
l'endant cette courte période, il parvint cependant à
élaborer une intcrprétation d'ensemble de la réalité du Pérou de
son temps,
pal
la révélation de la vie authentique de la sierra,
ses lumières et ses ténèbres, ses beautés et ses horreurs.
I:n dellors de la tragédie socio-économique dont Arguedas
fut,
avec José Carlos Mariategui, un des interprètes les plus
autorisés, la présence de la sierra se manifeste dans l'oeuvre
arguédienne en deux dimensions essentielles aussi denses l'une
que l'autre, et toujours complémentaires:
la réalité mythico-
religieuse et l'unlplitude du domaine musical, principales données
du réalisme magique urgllédien.
l:' es1
;, cc,; dcux thèmes que nous consacrons le présent
chapitrc de notre étllJe.
Pour un besoin de précision nous introduirons ce nou-
veau chapitre par une localisation géographique et historique de
la région péruvienne appelée" sierra ".
A)
Paysages géographiques et historiques de la sierra
la)
les paysages géographiques de la sierra

74
Dans l'actllelle division politique du Pérou, la région
géographique appGléG " s1Grra " par opposition à la côte et à la
forêt corrGspond, au Sud du pays, aux départements ,de Junin, Pas-:
co, Ayacucho, HuancavGlica, au Nord du département d'Apurimac et
il l'ex t rême Sud de cel u i de Huan uco.
(1 1
Cet espace couvre 12.000 km2 Gmbarquant toute la zone
d' influence des fleuves Mantaro et Apurimac. La vallée du fleuve
Mantaro, par ses ressources minières et son intense activité agri-,
cole joue un rôlG ililportant dans le développeolent éconoolique du
Pérou. AppeléG " sierra central ", l'industrie minière y a créé
aujourd'11Lli d'importants CGntres llrbains avec la majeure concen-
tration humaine dans la région d'Ayacucllo. La population serra~,
nienne est d'origine essentiellement quecJlua.
Par le caractère très accidenté et complexe de son
relief, la sierra se divise en cinq zones climatiques: la Yunga,
la Quechua,
la Suni, la Puna et la Junca.
al la Yunga : le mot" Yunga " signifie endroit au
climat cllaud et insalubre, par allusion aux maladies infectieuses
caractéristiques des régions humides, comme le paludisme, la
verrue, le goître, etc ...
, . "'
(l)
cette 6tllde a pour source
URIEL CARCIA;"José: El nuevo
indio. Lima. HP. 1951

75
La Yunga correspond à la pente occidentale de la
sierra et au versant oriental des Andes. La flore y est extrê-
mement pauvre, On y cultive la coca et surtout les arbres
frui tiers coihme le. goyavler, le figuier,
le pommier, etc .. ,
h)
La Quechua : tout au long de l' histoire du Pérou,
le mot" quechua" a toujours été attribué de façon capricieuse
à une langue, un peuple et une culture.
En réalité le mot Il
quechua Il signifie région tempérée au climat agréable.
A l'illtérieur de la slerra, la Quechua est consi-
dérée comme la zone la plus propice à la vie de l'homme, Par
une longue oeuvre de terrassement, de reboisement et d'irri-
gation,
l'homme en a modifié le paysage, le rendant propice
à la pratique agricole.
C'est la région du mais ancestral, et, aujourd'hui,
de la canne à sucre, de l'orge et du blé. C'est la terre de
l'action créatrice et généreuse qui permit la fondation du
célèbre empire du Tahuantinsuyo, avec la capitale à Cuzco.
c) la Suni : Il Suni Il est le nom d'une graminée qUl,
fur cultiv~c relldullr Je nombreux siècles dans cette région où
la broussaille ililsute qu'elle engendrait servait à retenir
l'eau des J'ares pluies, On y cultive surtout des légumes .
,~ i;"

"
t
. '
:j
cl)
la Puna:
le mot " puna " vient du mot quechua
" punuy Il qui signifie" rêve", allusion faite à l'agression ... ·1
que produisent les hauteurs sur l'être humain.
Ici le climat

7G
est extrêmement froid,
avec de fréquentes tempêtes de neige et de
grêles qui rendent impossible une activité agricole régulière.
L'llomme de la Puna cultive la patate de la puna ou patate amère
que, par fermentation et congélation,
les indigènes parviennent à
rendre douce.
e) la Junca : le Inot " Junca " signifie" blanc" et
renvoie aux sommets enneigés avoisinnants. Elle correspond à l'es-
pace supérieur de la sierra et se situe à 4.800 mètres au-dessus du
niveau de la mer. C'est la région des fameux" huayco ", 'phénomène
de rupture des digues des lagunes glacières, qui représente un
danger permanent pour les populations des pentes inférieures. La
flore y est pratiquement inobservable et se réduit à quelques
espèces disséminées à la faveur de la chaleur des grands rochers
qui les protègent contre le vent glacial.
Cettc' hl'~VC description géographique révèle que la
nature de la sierra fait appel au sens collectif des hommes qui
doivent unir leurs forces pour lutter contre l'inclémence de la
nature.
Il existe une tendance contemporaine qui s'évertue à expli-
quer la base communau'taire de la société quechua comme conséquence
de l'inclémence de l'espace physique serranien.
En notre sens, l'absence, chez les Quechuas,. de cou-
ples monogamiques, avec création d'une propriété et d'une auto~_
,rité individuelles, est l'aboutissement logique-d'un niveau social'
"
"
,
, .
"
'
.
de développement interne basé sur une structure clanique. Chez les.

.. ',~.;
77
Quechuas, comme chez certains peuples d'Afrique ob l'espace phy-
sique n'est pas forcément inclément, la famille, premier noyau
social, se fonde autour de deux figures ancestrales, le grand-
père et la grand-mère, pôles d'intégrité, de l'union et de l'ho-
mogénéité du clan.
Si, donc d:ul'; la sierl'a,
l' " ayl1u " est une fOl"..:e col-
lective capable d'organiser les bases de la vie sur un paysage
i
hostile ou p'IU\\'1'C, on ne doit y voir que la manifestation d'une
i1
volonté de u'0ar iOIi [lUllr laquelle l'hostilité ou la pauvreté de
la nature n'est pas un obstacle à la vie.
2°)
Les paysages historiques
Dans la division géopolitique de l'empire inca appelé
Tahuantinsuyo, la sierra correspondait aux cantons Antisuyo (est)
et Cuntisuyo (ouest). D'un point de vue historique, l'importance
de l'espace serranlen ne peut donc être mieux appréciée que par
, .
,
rapport aux différents cantons qUi cohabitaient à l'intérieur du
Tahuantinsuyo.
Le~; «11;1 Lre C:lI1tons ou paysages historiques qui caracté-
risent l'amplitude du grand empire inca sont
: l' Antisuyo, le
Cuntisuyo, le Chinchasuyo et le Kollasuyo.
"
l"
:'l', <
, , L'.,:,
i ::'
;,
al l'Antisuyo : selon l'étude de Ur~e1 Garci~ q~e
avons signalée précédemment,
Le paysage Anti correspondait à une
1
1

78
partie de la forêt amazonienne et au versant oriental des Andes,
jusqu'à la ville de Cuzco. Le mot Il Anti Il vient de Il Andes ".
Les Incas appelaient donc Antisuyo l'espace compris entre le
fleuve amazone et la Cordillère des Andes,
région tropicale où
l'exhubérance de la nature est si forte qu'elle absorbe tout,
soumettant l'homme à ses caprices.
Dans la conscience incaique, l'Antisuyo symbolisait
un type illtégral d'humanité: c'est ici que s'est forgé l'es-
prit mythique et primitif de l'indianité. Le canton anti cor-
respond donc à l'embryon de la hiérarchie spirituelle de
l'Amérique antique, la première étape de l'histoire morale des
incas.
Il symllOl i sc le retour à un passé qui lutt.e pour le
maintien de son intégrité. L'Antisuyo est, en ce sens, l'en-
ceinte,
la source de vie, la caverne hospitalière où l'être
social vaincu par l'adversité peut trouver refuge, se revi-
taliser pour repartir à la conquête de la dignité violée.
C'est ici que sc ]'éfugia autrefois Manco II après sa défaite
face au conquérant espagnol Almagro (2)
(2) Manco II était un des fils de Huayna Capac. Trop jeune, à l~
mort du monarque inca,
il ne participa pas directement au
conflit fratr:i cide qui ravageait le Tahuantinsuyo au moment
du débarquement espagnol au Pérou. Mais il soutellait secrè-
tement le groupe légitinliste de Huasear Tilea. Lorsque Pi-
zarro arriva au Pérou, Manco Inca crut trouver en lui un
allié capable de l'aider à combattre les généraux de
I l
l'usurpateur Il Atahuallpa. Après la victoire des Espagnols
ct 1,1 nIOI"L de Atalluallpa, Pizarro écarta Manco Inca et nomm~
un nouvel eillpereur : l'intention des Espagnols était de sus J
citer une nouvelle guerre qui affaiblit davantage l'Empire
mais le nouvel empereur fut empoisonné et Pizarro se vit
obligé de nommer Manco Inca.

79
La participatioll de l'Antisuyo à l'oeuvre civilisatrice des Incas
fut énorme: c'est lui qui procurait l'énergie guerrière, les armes.;,
Il était le gardien des secrets du tatouage et de la. défiguration
comme pouvoir magique de la victoire sur le prisonnier.
Il procu-
rait les ornements, éléments fondamentaux de la gravité de l'image
physique du guerrier et gardait le secret de tous les cultes à la
nature.
Si donc l'Antisuyo est un monde chaotique d'un point de
l'ue physique par J' exhubérance aliénante de sa végétation, il re-
présente moralement et spirituellement la conscience de l'humanité
en germe, la vision nlagique de l'univers.
,
" .
De nos jours, cet espace reste un dénominateur détermi-
i
nant de l'indianité préhispanique.
bl
le Cuntisuyo : du nOIll de " Cunti ", une petite pro-
vince à l'Ouest du Pérou,
le Cuntisuyo s'étend de la .vallée de Ica
~ la sierra Nevada au Sud-Ouest du Pérou actuel. C'est le paysage
de la puna où s'éveilla la vololltécréatrice de l'Indien pour
Consta~ment Ilumilié par les Conquistadores qui cherchaient à
le discréditer aux yeux de ses sujets, Manco II s'insurgea
contre les Illancs :
" En vérité,
je dis que VOliS êtes des démons et non des dieux
-s'écria-t'il- puisque sans motif vous me traitez ainsi"
(Guaman Poma de Ayida. Cité par WACHRèL, Nathan. La vision des
vaincus.
Paris, Gall:illlard, 1971. P.
257)
"lanco Inc"
quilt<l
'<1 l'ille cie Cuzco par ruse et se réfugia
dans l:1 val 1 éc du Yueay d'où i.l
lança ses fidèles contre les
Espagnols. V:lillLli [J:H Almagro,
il se réfugia [1 Vitcos, dans
la vallée du fleuve Urubamba, au coeur de l'Antisuyo.

80
maîtriser l 'CSp<lC"
vCI-tical et concevoir la cabane aux propriétés
Illagl.guc·s
dév i<ll' iOIl de LI
foudre,
amortissement du bruit du ton-
nerre.
cl le Kollasuyo
c'est le paysage de la pampa, prolon~
gement de l'espace du lac Titicaca, où l'amplitude du désert donne
une impression de l'absolu: on dit que le panorama du Kollasuyo
est lin panorama Inétaphysique, en tant qu'expression de la décou-
verte de l'infini. C'est le domaine de l'art magico-métaphysique :
les sorciers Kollao étaient les plus redoutables du Tahuantinsuyo.
dl
le Chinchasuyo : c'est la régiori du Nord où se trouve
la province du Chillcha. Le Chinchasuyo s'étend du Sud de la Colom-
bie jusqu'à Lima. C'est surtout l'espace côtier, la zone d'inflen-
ce qui, pOlIr être, <1 besoin du conCOllrs de tout l'ensemble social
du Talluantinsuyo, rapport qui existe encore de nos jours, plus
8ssentiellcIlIl'nt elltre la Sierra et la Côte.
I~", Ch i](chasllYo est la zone neutre de réconciliation et
de fusion des 311tagonismes de l'arri~re-pays.
La mer 3 pour l'Indien une valeur symbolique: c'est
l'espace sacré où se perdit autrefois Viracocha, cet élément .idéal
de la spiritualité andine dont l'attente du retour a converti le
paysage maritime en région privilégiée du futûr.
Le primitivisme régénérateur de l'Antisuyo, la créati-
1 .
vité magique du Cuntisuyo, l'énlotionnante infinité du Kollasuyo et
1

81
la neutralité récollciliatrice du Chinchasuyo sont les principales
données de l'intégralité du .Tahuantinsuyo.
Dès l'abord du présent chapitre de notre analyse,
il est
indispensable de rappeler l'importance des facteurs géographiques
et historiques que nous venons de décrire, avec une attention par-
ticulière DU domaine serranien, c'est-h-dire la zone de fusion de
l'Antisuyo ct du Cuntisuyo. C'est dans ce cadre strict, berceau
de l'indianité immuable et de la créativité magique que s'est for-
gée la persollnaLité profonde de José Maria Al'guedas
: on comprend
comment cet écrivaill parvi.ent dans ses récits à dissocier des réa-
lités hahituellement unIes par l'esprit moderne, à réaménager
un orclre :i1'[l",ollllllelll"
Fini. pour le rédui.re (1 un nouvel ordre, cohé-
rent, vrJisemb13hle, non plus réellement commun, mais plutôt fon-
dé sur une sensi.bilité " :lIlimiste "
C'est par ce caractère de son art qu'Arguedas rejoint le
célèbre Guatémaltèque Miguel Angel Asturias,. précurseur incontes-
table du " réal isme magique", c'est-à-dire la vision ·du monde non
pas à travers l'abstraction rationnelle de l'occident, mais fondée
sur des images concrètes, permettant la connaissance directe des 1
choses avec toutes leurs contradictions. Seul un esprit réceptif
à cet ordre particulier est autorisé à
rendre compte de la vie
andine. C'est salis doute cOllvaincu de cette condition réellement
incontourll"ble que José Carlos Mariategui avait écrit
,.
" La littérature indigéniste ne peut nous donner
une version rigoureuselnent vériste de l'Indien.
. .1

82
Elle doit l'idéaliser et le styliser. Elle ne peut
non plus nous 10nner son âme propre. C'est toujours
une 1 i ttérature de métis"
(3)
Nous venOllS J'établir le pa~sé comme source première de la vie de
l'Indien;
il est sYlilbolisé par. tout un univers,
l'univers" anti "
s'unit avec la terre pour créer le prelnier couple humain modèle.
Si pour l'esprit occidental le passé, l'expérience et
la VIe sont une continuité ordonnée de façon chronologique autour
Je faits et de personnages bien concrets, chez l'Indien ces réa-
lités sont liées h un temps particulier, sacré auquel il n'a
accès que par des rites et par la répétitivité cyclique de ces
rites.
Cette pratique sociale par laquelle se rOIDpt le voile
entre l'homme et les c]loses,eette vision du lnollJe qui permet
l'organis!ltion de la VIe sociale en fonetioll du mouvement interne
des choses es t IHés(;lll:ée comme un fait de " mythe" par le ratio-
nalisme de notre temps. A ce mot,
reflet d'un certain élan de
scepticisme, notre étude ne concède que le sens de la réalité
profonde h laqllelle il se heurte -mais ne traduit pas-. En ce
sens,
l'oeuvre d'Arguedas est une leçon fondamentale:
chez le
quechua il n'y a pas de " mythe pour le mythe ". Los 1'105 pro-
1
fundos son livre le plus célèbre introduit ainsi le mythe de la
" l'
.....,.
création de l'Empire inca:
i
(3)
MARIATEGUI, José Carlos. Op. cit. P.
263

83
, ,
,
" - Puede que Dios vlva mejor en esta plaza, poI'q,ue
cs el centro deI nlundo, elegido por el Inca. N O l
es cierto que la tierra sea redonda. Es larga.
Acu6rdate, hijo que hemos andado siempre a 10
ancho y a 10 largo deI mundo "
(4)
)
1
!
1
H)
Mythe
de l~ cr6ation
1°)
le
TIlytlle
du Lac Titicaca
En r6cusant l~ thèse de la rondeur de la terre et en
indiquant la ville de Cuzco comme le centre du monde, le personnage
d'Arguedas signale un certain niveau d'évolution de l'astronomie
chez les Incas. Le mythe dit ~ peu près ceci:
Condescendant du sort lamentable des premiers hommes le
soleil, Dieu suprême, décida de créer un couple rédempteur: Manco
Capac et Mama Dello qui sortirent du lac Titicaca avec une canne
d'or.
[ls parcoururent toute la région du lac à la recherche du
centre de fondation d'une ville modèle. Le lieu indiqué par l'en-
foncemcnt de la canne fut CIIZCO qui deviendra la capitale de l'em-
1
.,
, ,,,,1
('1)
AI<GUI'IJI\\S,
..1056 M'II'(~
Los nos profundos. Op. cit." r: 15
"
,
" ' ,'1
", !' :
Î
1
1

.
,
i
84
pire, PU1S le " nombril du monde ". Là, Manco Capac enseigna aux
]Iommes les techniques agricoles et Marna Ocllo ~Iart ménager aux
femmes.
Plus tard, Manco Capac prit le nom lnslgne de " Inca ",
Homme fdé;I'],
ét:lbl i sS:lnt ainsi la base cJu Tahuantinsuyo et de la
célèbre dynastie
Inca (lue l'Espagnol Fl'ancisco Pizarro détruira au
XVlème sièc~e dc notre ère.
Selon ce mythe donc,
la création du Tahuantinsuyo fut
le fait de l'union du ciel, élément masclilin, et de la terre,
élément féminin.
L'or étant considéré comme métal solaire, la
canne d'or représente le soleIl qui symbolise lui-même le ciel.
La canne d'or s'enfonce dans la terre et la féconde à l'endroit
précis où fllt bâtie la ville de Cuzco,
lieu de l'union permanente
de l'univers des dieux avec celui des hommes.
Cc mythe est une véritable '.' bibliothèquc' mentale" sur
la maîtrise de l'astronomie, du rythme des saisons, du temps en un
mot et suri 'organisation des cultures. Voyons-en les principaux
rl"ujLs
1c s (_) 1 c i 1 liait dans le lac Titicaca, c' est-~l-dire à

J'Est (>1". fonde SOlI dom;l Ine ~1 Cuzco qui dcviendra le " nombril du
monde Il
le centre, c'est-~-dire le zénith. Ajoutons à cela que
Viracocha, sYlnbole terrestre du pouvoi! solaire di~parut sur
"l'Océan,
~l l'Ouest
l'Es t,
le zénith et l'Ouest, lefpi'incipaux
J','
"
.. ~ ,
j)oints dll parcours solaire.
,
"
- Cuzco devient le centre de la prospérité; c'est le
fruit du travail des hommes q~i organisent"l~s cultu!~s ipdispen-
:, '
. '

H5
sables à la v.ie et au pl'ogrès des sociétés.
- l'organisation des cultures se fonde sur la détermi-
nation du rytllme des saisons à partir des mouvements astraux dont
le soleil est le principal agent.
- la fondation de la ville de Cuzco est guidée par
l'enfoncement de la canne dans le sol. Cette baguette aimantée
par la fécondité tellurique est l'instrument de culture appelé
" cava" dans certaine.s régions de l'Amérique.
- Manco Capac qUl incarne le pouvoir solaire et qlli
guide la canne vers le lieu de fécondité enseigne aux hommes les
techniques agl"icoles : les rapports dieu/homme se fondent sur un
régime social concret. Ceci rappelle une affirmation de José
Carlos Marilltegui
" Les traits fondamentaux de la religion inca
sont son collectivi~me théocratique et son
matérialisme ( ... ) La religion quechua
était un code moral avant que d'être une
conception métaphysique" (S)
Le mythe du lac Titicaca révèle aussi l'importance de la
mission civilisatrice des Incas; avant l'avènement des fils du
Soleil,
la terre était un véritable chaos, .. Signalons à nouveau
"
'.'
! ' ,
'
que,: Il!
i
(S) MARTATI:GUJ, José Carlos. Op. cit.
P. 139

86
le mot" Inca" veut dire Homme modèle, pouvoir des fils du Soleil..
,
Dans Los rlOS profundos, Arguedas se rit franchement du
rationalisme contemporain qui situe naivement toutes ces réalités
dans un cadre de songe et ne perçoit pas leurs rapports massifs
avec la vie sociale concrète, autant qu'il n'a pas accès au sens
de la fusion de l'homme et des choses comme êtres d'une même na-
ture. Le conflit esprit rationaliste/esprit magique ou savoir
occidental/savoir" animiste" est illustré dans le livre d'Argue-
das par cette cOllversation, ce di,alogue de sourds entre Ernesto
et son père
"
C... ,1
Este es cl palacio de lnca Roca. Vamos
. ,
despacio.
Irenlos tamblen a ver el templo de
,
Acclahuasi. El Cuzco esta igual.
- Papa - le dije - Cada piedra habla. Esperemos
.. '
un instante.
- No cs que hablan. Est's confundido. Se tras-
ladall a tu mellte y desde all{ te inquietan.
,
- Cada piedra es diferente. No estan cortadas.
Sc cst'n moviendo.
j\\le toma cl brazo.
- Dan la illl]1rcsion dc moverse porque son desi-
guales, m~s que las piedras de los campos. Es
.
,
qlle
los
Incas convertlan en barro la piedr~.
Te 10 diJc varias veces "
(6)
(6) ARGUEDAS, José Mar {a,
Op. c i t.
P.
1 2

87
Mais de tous les mythes de la création, celui qui a plus
de répercussion sur la trajectoire d'ensemble de la production
intellectuelle de José Maria Arguedas, c'est celui de Inkarri avec
tous les cul t.es qu 'i 1 engendre,' notamment le cul te aux" !l'amanis "
ou espriL des montagnes.
2°)
le mythe de Inkarri et le culte aux" \\l'amanis "
Cc lnythe fut révélé au grand jour en 1956 par Arguedas
lui-même (7).
Inkarri fut engendré par le soleil et une femme sauvage,
symbole du chaos, c'est-à-dire la terre avant la maîtrise de l'as-
tronomie.
Inkarri créa à son tour tout ce qui existe maintenant
sur la terre. C'est lui qui fonda la ville de Cuzco en lançant
une canne d'or depuis la cime d'une montagne. Mais il fut fait
prisonniel" par le roi
d'Espagne, martyrisé et décapité. Sa tête
fut envoyée à Cuzco Ol! elle demeure vivante. Le corps de Inkarri
est en reconstitutioll constante à Cuzco. C'est pourquoi sur la
côte les oiseaux chantent :
(7)
ARGUEDAS, José Mar{a. " Puquio una cultura en proceso de cam-"
bio " Revista deI Museo Nationale.' Lima.
1956. Vol XXV

88
" En el Cuzco el rey.
Al Cuzco icl " (8)
M~I i S Ill' .iouissant plus de son pouvoir divin, sa volonté
ne peut s' accoll\\J1.li r. I,e jour où son corps aura recouvré son insigne
intégralité, ce sera le jour cle la justice pour ses sujets soumis
aujourd' hui aux vainqueurs européens.
Dans l'esprit de l'oeuvre arguédienne, le mythe cle Inkarri
symbolise l'interruption de la civilisation inca par le viol eu-
ropéen ; et le jugement final que suppose la future résurrection
de Inkarri peut être interprété comme moment de la rédemption défi-
nitive de l'indigène captif clu système cl'exploitation du Pérou
nloclerne. Cette perspective explique que chaque livre d'Arguedas
se ferme sur l'espoir cl'un ordre social équitable.
Inkarri gouvernait à la destinée des hOlllmes secondé par
les" Wanl'''' i s " ou espri t cles Iliontagnes c10nt l'illiportance cle la
représelltativité clans la vie spirituelle quechua trouve sa Illesure
clans le caractère essentiellement accidellté cle l'espace serranien.
Ce SOllt le,'" Il:11I''''lis'' 'lili créent l'eau, premier aliment de l'hom
me.
Dans une étude anthropologique de la ville cle Cuzco
Arguedas écrit
(8) ARGUEDAS, .José Maria. FormHci6n de una culturH nacional indo-
americana. M6xico, Siglo XXI Edltores 1975. P. 229

89
" Todos estos nOlnbres de montafias siguell siendo le-
gendarios 0 miticos, porque estin cargados de
historia y porque los habitantes de Cuzco siguen
contempl~ndolos con unci6n religiosa 0 con un sen-
tiiniento mas antiguo de temor y rendimiento " (9)
Les ll'amanis " divinités s'identifiant donc aux montagnes jouis-
sent d'un culte intense parmi les Quechuas.
Les l:U"ltC.s aux "Wamanjs '1
s'effectuent. pal' l'entremise
d'un" auki ", prêtre indigène qui représente l'esprit des monta-
gnes parlili
les homlnes, Oll, ~ défaut, pal' l'intermédiail'e d'un
perSOl1ll.1gc
il1l'(,sti d'llll Sl:atl,'t particulier par la communauté.
IJalls la pI'oduction littéraire de notre auteur, les
" Wamanis " incarnent la dimension sacrée de la nature, le centre
d'irrupt,ion des dieux dans la vie quotidienne du mortel. On le
voit clairemé:nt avec" Auki K'arwarasu " signalé dans presque tous
les romans d'Arguedas.
Dans Yawar Fiesta" Auki K' aTlvarasu " est présenté comme
le sommé:t de la h iérarchi e des" ll'amanis "
'1
El ullki. K'[ll'WU1"aSll ticne
tl"CS picas de nievc,
es el padre de todas las Inontafias de Lucanas.
I.os Vi"jCl'OS indios esparcen aguardiente, mi-
(9)
ARGUEIJAS, José ~lar{a. ReseDa de Cuzco. Lima, Ed. Contur,
1947.
P.
7

90
,
randolo con respeto
; SllS ojos se es[uerzan para
distingu:i rIo bi.en tras de todas las cUlllbres "
(10)
liominant toute la province de Lucanas, la montagne
K'an,arllsu e;;l couverte cie ncigos éternoJ les qui. lui donnent une
allure toute d.i vine pour los
Indiens qu'il protège.
Il assunle co 1'610 sacré Sllrtout dans Los rios profundos
c'est blui que 50 recolllmalldo l'enfant Ernesto, avant d'affronter
un camarade d'école:
" Entonces, mientras temblaba de vergUenza, vino
,
a mi memoria, COIIIO un relampago, la imagen deI
Apu K'arwarasu. Y Je hablé a él, como se enco-
IIIC11daban los escoloros de mi alden nativa, Cllan-
do tel1{an qua luchar 0 cOlnpetir cn carreras y
cn prucbas de valor "
(Il)
Ernesto inlplore llinsi
lc soutien de K'arwarasll
"
Solo te"
Apu
jApu K'arwarasu, a ti te voy
a decidarte 1111 pelea ! N~ndame tl' killincho
para que me vigile, para que Ille chille desde
10 alto.
A patadas, ~arajo, en su culo, en
(10) ARGUliDAS, José Naria. Yawar Fiesta. Op. cit. P. 119
(11)
ARGU121)AS, José Maria. Los r1QS profulldos. Op. cj.t.
}).
87

91
su costilla de perro hambriento, en su cuello
de vialin
i Ja caraya !
iYo say lucana,
minera
]llcan~
i Nakak l " ( 1 2 )
Et dans l'esprit de l'enfant, comme dans celui des
Indiens qu'il plagie la participation de la divinité au conflit
est immédiate
1
J
"
" Empece a darme aIUnlOS, a levantar ml coraje,
,
ciil"igic:ndome a la gran montana, de la misma
loanel"a que los indios de mi aldea se encomen-
daban alItes de lanzarse contra los taros
bravos"
(13)
Par la création de l'eau,
les montagnes, ou les
" \\l'amanis " se présentent aussi comme divinités de l'univers
souterrain o~ les cours d'eau prennent leur source. Aucune
oeuvre souterraine ne peut être entreprise sans l'accord préa-
lable des dieux. Les travaux des mines qui mobilis~rent autre-
fois d'importantes masses indig~nes supposaient donc la pertur-
bat ion de la vie des diellx car,
" Se tl'ata de introducirse en una zona reputada
(12)ldcm
(13)
Ide1l1

92
coma sagrada e inviolable
se perturba la vida
,
, ,
subterranea y los esplrltus que la rigen
se
entra en contacta con una sacralidad que no
pertenece al universo religioso familiar
sacralidad mas profunda y tambiéÎl mas
peligrosa "
(14)
C'est pour cela que toute manoeuvre d'extraction de
mines requiert l'approbation préalable des diellx, Cette appro-
bat ion s'obtient par des offrandes et la médiation du " Auki "
comme le montre !\\rguedas dans Todas las sangres
" S:lgraclo Pukasira, - continu~ invocando y nombr6
;1)
1)()(lc ro~o \\\\1 ...1fllalli,
aL d ios de
los li colonos Il
SC:ll01" K'o"üpuna ; IIl~S silgrado seIÎol' Salk'antay ...
PrOnlJllCiaba los nombres de las lejanas, de las
inalcanzables Inonta5as nevaclas, dioses de ta da
la tierra,
y esparci6 con los dedos gotas de
aguardiente al aire"
(15)
Lorsque les dieux approuvent l'opération suggérée, le
" Auki " annonce la bonne nouvelle à l'ensemble de la communauté
(14)
ELlADE, Mircea. Merl'eros y alquimistas. ~Iaclrid, Taurus, 1959,'
P.
57
(15) !\\RGU~DAS, José Maria. l'odas las sangres. Op. cit.
P. 94

93
" He ido a escuchar la cascada de"agua que
sabe ". No me ha contado nada. He cerrado los
ojos, he deteni~o el coraz6n para oir. Est&
cilntando con su voz COmlll1. En su vena blanca
el l'adre " l'ukasira " danza, contento.
No
11~11J l'il rabia " (16)
Comme l'univers souterrain est aussi le lieu de repos
des âmes impures qui ne peuvent accéder à la paix de Q'oropuna,
il peut abriter des mallvais esprits; pour les conjurer, c'est
encore aux" \\\\famanis " que l' homme doit faire des offrandes ;
mais il existe allssi de nombreux autres rites de conjuration de
ces esprits :
" Cuando se hizo de noche, don Santos pidi~
,
licencia al patron para encender una fogata de
k'opayso cn el CClltro deI galp6n. El humo y el
0101'
de ese arbusto que ~I hab!a tra{do en dos
l
,
,
!JIII'I'IIS
~i1l1lye!:tar].all los malos espl.rltus deI
gal l16n, dc la liiontafia Apark'ol"1 y de las boca-
minas. Los indios de " La l'roviclencia " tem{an
a la montafia Apark'ora
; sus boca-minas cran
consideradas como tLinë1es malditos " (17)
(16)
Ibidem.
P.
3S
(17)
Ibidem. l'. 93

94
Ccs JiEI:6l'cntes prati,ques ressemblent bien à une mani-
festation d'un sens collectiviste qui exclut toute activité sociale
isolée:
les pl'incipes d'adoration requérant l'adhésion de, l'en-
semble de la collectivité, ils ,sont au nombre des pratiques socia-
les destinées ~ j'éguLer l'exploitation des ressources communau-
taires.
Mais le climat de respect et parfois de peur qui inspire
ces rites peuvent aussi se fonder sur des faits d'une autre
nature
;
" En no muy lejanos tiempos, hab{an sido aniquila-
llos en
las minas centenares de indios. Se guar-
daba de esa época un recuerdo bnlliloso como de
las gl'andes pestes que pasaron como fuego sobre
las aldeas indias. El nombre de Apark'ora pOl'
SI
mismo, en su sonido, despertaba una especie
de tCrl"or vago pero encarnizado "
(18)
Par leLlr caractère sacré,
les montagnes constituent
l'élément essentiel de la nature. Par leur présence insistante
clans la nature serranienne, elles inspirent aux Indiens les rites
les plus divers. Au bout du compte, rien ne peut s'accomplir
d'important clans la vic de l'Indien S!l'TlS un rite préalable. Le
colonisateur européen qLli perçoit cette union intime de l'indi-
gène avec la chose sacl"ée foncle souvellt son entreprise d'usurpa-
(18)
Idem
,1

95
tion sur des pratiques religiellses ou pseudo-religieuses desti-
nées à anéantir chez l'Jndien tout élan de contestation. Y01,ar
Fiesta nous en dOLIne un exemple précis
l'our L!l:l~sl'r .1es indiens de leurs terres les latifun-
diaires occidentaux montent une céréliionie ,·idicule destinée à
impressionner leurs victimes :
" Aprovechalldo la presencia de los indios, cl
.,
juez ordenaba la cere,nonia de la poseslon
el juez elltraba al pajonal zeguido de los ve-
cinos y autoridades. Sobre el ischu (paja),
. .
,
ante el silellcio de indios y mlstls, lela un
papel. Cuando el juez terminaba de leer, uno de
los mistis, el lluevo duefio, echaba tierra al
aire, botaba alguna piedra a cllalquier parte,
se revolcaba sobre el iscllu. En seguida gri-
taban hombres y mlljeres,
tiraban piedras y
r·(:):IClll.
Los
COfllllneros m.iraban toda eso desde
lejas " (19)
l't,
JOls4u'on ohserve que 1'1 c~ractbre apparemment
sacré de la cérémonie a prOduit chez Jes indigènes l'effet re-
cherché,
(19) ARCUEDA5, José Mar{a. Yawar Fiesta. Op. cit. P. 19

96
" Los indios miraban al Juez con miedo " (20)
C'est alors que tombe le couperet
" - Punakulnuncuna - disait aussitôt le juge -
:
Sefior Santos es duefio de estas pastos
; todo,
todo
; quebradlls, Iaderas, puquiales, es de
~l. Si entran animales de otro aqui, de indio
a vecino,
es Il dano II.
'IIndios
Ive ra k' ocha
Santos es dueno de estas pastos "
(21)
A la fi.1 de
l~ cérémonie,
les indigènes abandonnent tout
aux" fils de Werak'ocha "
" Lü:'; (Olllllfl(: L'O:'; ib~ll con el lok'o en 1~l mana,
y besaball uno a uno la mana deI nuevo dueno.
Par respeto a Taitacha Dias "
(22)
Cette cérémonie est une véritable profanation, un
blasphème contre le sens du christianisme; un abus des formes
sacrées, avec pourtant l'aval des curés authentiques:
---------------------~~------------------'-'·~l
(20) Idem
(21)
Idem
(22)
Idem

97
" El cura se pon{a en los brazos una faja ancha
de seda, coma para bautizos, miraba le jas , en
todas direcciones, y despu~s rezaba un rata.
El! segllida, coma el juez, se dirigfa a los
indios :
- Cumunkuna : con la ley ha probado don Santos
'1 1: l' (;,; Los cchadcros son de su pl' rtenencia.
Allo 1';.[ don Santos va a SCI' respet.o
; va a sel'
patr6n de :i ndios que viven en estas tierras.
Dias deI cielo también respeta ley. Cumunkuna
j a ver ! Besen la mana de don Santos"
(23)
Les rites indigbnes expriment par contre une foi pro-
fonde et un respect méticuleux des réalités sacrées.
Ils sont
accomplis avec lille soumission et une attention particulières.
L,'acte se célbbrc presque toujours par] 'intermédiaire
d'un personnage doué d'un pouvoir spécial et, même si la plupart
de ces ri L(;S onL lin cilractère de pl'ocession avec la participation
de LI collect.ivit.e' ['()lIre, c:ntibre, l',lccès effectif au domaine
divin n'est permis qu'au seul" Auki "
Par leur sens respectif, le -eadre, le temps et tous les
objets qUl interviennent dans la célébration d'un rite ont un
caractère sacré :
(23)
Idem

98
Dans l'ah';"- l;iest:J, au moment des préparatifs du
" turupuk'llay ", les chefs de la communauté indigène de K'ayau
se réunissent pour désigne]- celui qui dirigera l'épreuve de la
capture de 0lisitu,
le taureau sauvage. Cette réunion apparemment
ordinaire s'inscrit, on va le voir, dans une dimension toute
spéciale. Exanlinons-en seillement le cadre et le temps:
" El ayllu completa reunido en K'oro Ladera.
Casi en el centra deI clara hay una piedra
alnymoska, coma de media Inetro de nltura. El
1
.
sol pasaba ya pOl' el centra deI cielo
; ardla
fuerte en el blanqueo de las paredes, sobre
}'I
c"J
de los techos. Las
rocas, en la
cUlnbre de los cerros que rodeaban al plleblo
parce fan m5s negros a esa hora ; ya no hab{a
nubes en cl cielo; en 10 alto, daban vueltas
gavil anes y ak' chis volando lento"
(24)
Ce J.ieu, par toutes les connotations que suggèrent les
éléments auxquels il donne accès, se présente comme le centre
d'un univers, le point de convergence de tous les esprits qui
commandent à la destinée du village: la pierre" alaymosk'a ",
les montagnes,
le soleil, c'est-à-direJe centre du ciel, les
éperviers (lui voltigent mais ne s'éloignent pas, sont autant
(24)
Ibidem. P.
35

99
d'éléments d'une symbiose religieuse Vlvace.
Le livre d'Arguedas montre allssi que, dans l'enceinte
d'un Dlême cadre pllysiqlle, deux ou pilisieurs rites peuvent être
destinés 11 s' anIluler 1Il1itue II elllent
Au 1110111(:111: Oll la communauté de K' ayau prépare le ri te de
la capture dé ~Iisi tu pal' des offrandes 1. K'ar\\\\'ar:lsu, Kokchi, le
sorcier dé la conllllunauté de K'onani et ses assistants font des
offrandes à la mOlltagne Ak'chi pour que s'annule tout effort
tendant à arracher Misitu de son repaire :
" La voz deI layk'a Kokchi dura largo rato,
COlllO si estuviera subiendo en una pefia
para alcanzar la cumbre.
,
Baja su fiambre
; amontono en el suelo el
ischu seco y con un fosforo 10 encendib.
De rodillas,
levantando sus manos Kokchi le
pidio al auki en quechua :
" - Tay ta,
jatun Auki,
tayta Ak'chi : tus
cri;Itur:IS,
juntos toditos, en tu lado, donde
COlllléIlZ:1S ell la tierrél. K'ayau, dice éstii
r;Iil:i:IIlcio CIl la quebrada,
V;I venir, dice,
l''''''' î l.e'Vilr ru ~Iis:itu, d,: tu pcrteIlcncia,
de tu puna. No \\'as a querer tayta " (25)
(25)
lbidem. PP.
9'1-95

1.

100
MJis le sorcier Kokchi sera vaincu ct
offriia
même de
sa vIe le tl'ibut de sang qu'exige la capture du taureau.
K'ayau
parviendra ~ emmener Misitu pour permettre la c~lébration de la
fête qui affirmera les vertlls J'une commllnauté llnie.
Cette premièl'e victoire de K'ayau a souvent été attri-
buée au fait que le "Auki " de cette communauté invoque la mon-
tagne K'arwarasu,
le père de toutes les IDOI!tagnes de Lucanas et
lui adresse ses offrandes, alors que Kokchi l'ecommande sa commu-
nauté à Ak'chi, une montagne secondaire. La divine hiérarchie des
" wamanis " influe-t~elle donc sur les fins des rites des
mortels? El! notre sens, le beau rôle semble pllltôt revenir au
groupe qui oeuvre pour J.'union de l'ensemble de la collectivité.
S'i, comme il a été dit précédemment, l'univers sou-
terrain est le domaine des âmes impures, l'espace sup~rieur des
montngnL'" ",.'1' .1 L' n,":l i l"c: ciL's âmes pures, Tel.s sont les deux pôles
de destination Jes morts chez les Quechllas. Mais le trait le plus
frappant de la notion de nlort est l'association des images de
chien et de rivière.
Cl La notion Je mort
Selon Mateo Garriazo et Ernesto Quispe, tous deux sages
.v,ieillards du village indien de Puq,ut,o,
les 1l1)O:[t, s', vont à
':i,
,." :;, ;Ii "
. ;. "
,
".,
Q'oropuna, une grande lnontagne de la province ~'Arequipa. Là, ils

101
s'occupent selon l'orde des" Wamanis"
à construire une tour
qu'ils n'achèvent jalnais (26)
A Q'oropuna les morts se nourrissent de "mote", maïs
cuit à l'eau, d'excréments de lama et d'une soupe de cendre. Mais
ceux qui ont commis de graves méfaits perdent leur âme qui reste
prisonllièrc sur la ter,'e, condamnée à errer et à s'alimenter de
ch:l roglle.
1'''111'
r;\\, ',Le l'
que l' fîllle du dé [L1l1t l'e~te Cil peine sur la
terre, Cl:lIX '1LII
j 'OIlL
:tilllé dOlV811t
int8l'C'édcl' pour lui par le
lavage d8S llabits qu'il laisse. Ce rite apparait très clairement
dans Los rios pl'ofundos, quand à l'annonce de l'épidémie de peste
à Abancay,
Ernesto demandc au Père-directeur du collège où il
est. interne
:
" -
,Ya esta la peste, Padre, entonces!
'Ya
1
1
esti la peste! Yo voy a morir. Har~ usted
que laven mi ropa, que no la quemen " (27)
De même,
il demande à la cuisinière de l.'établis-
sement
"
2- S i yo me IJ\\uero,
ropa ,"} Il
(28)
· ,;.: ,
,'.

'
\\
<
"
(26) Propos recueilli à Puqllio par José Marra Arguedas et publié
dans.rormaci6~ de una cuJtu!a nacioJlal indoamericana. Op. cit.
(27) ARGUEDAS, Jose Marla. Los l'lOS profundos. Op. cit. P. 221
(28)
Ibidem. P.
20

102
Au trajet terre/Q'orOjlUna correspondant aux esprits
S3111S
sont insistamment associées les images de chien et de
r.Îvièl'c.
Dans Todas las sangres ces deux 1mages apparaissent dès
les preillièl'es pages, pelldant la cérémonie d'enterrement du vieil
AragOtl Je Peralta,
Les indiennes de l'hacienda du défunt parti-
cipent au rite avec la chanson sllivante :
" Tu perrito
Sobre las nieves,
entre los piedras
par el podrido pllente de tu destina
te guiara bien.
,
Ah hua y , padrecito HUa
No los barrancos,
no el
no la tormenta
han de perderte.
Tu perrito,
,
con la sangre de nl1 corazon
con el fuego de sus ojos
ha de ver el camino
.
,
Te gUl.ara
.:,
"Ii·
Ah huay,
triste anciano
el triste viejo de este puebla"
(29)
(29)
Ibidem.
l'.
31

10,)
I:t le " va rayok " indigène explique ainsi le sens de
la chanson :
Il
Patrones,
senores mios
: ese canto dice que
cl allna deI gran 'seITor ya est' caminalldo
bien, Un perro la guia
; la comunidad le ha
puesto Oj05 grandes y pics delgaditos.
El po-
dricla
l'uente deI destina deI gran senor no
L.~lcr:l J y dcspués, su pcrrito ] 0 llcval'~ pOl'
siglos "
(30)
On raconte que dans certaines communautés péruviennes,
l'inhumation de certaines grandes figures sociales se fait tou-
jours avec un chien noir. Ainsi, l'animal guide l'âme du défunt
par le c!lemin de Q'oropuna semé d'embûches.
Dans tous les cas, le chien est considéré COmme un etre
pur, habilité pour cela à combattre les forces du mal qUI tendent
à noyer les âmes saines dans la rivière de la mort.
l.'image de la rivière sur le chemin de Q'oropuna semble
symbolise)' Ulle zone cie jugement. Un pont fragile est tendu sur le
cours d'c;.iLI, destiné', se rompre saLIs le poids des forfaits de
l'âme qui tente de le franchir.
Lorsque le pont se rompt, l'âme
J,lll;-;j
JTP()II~~,~':'(_'(; rC!C)!it'lll"> t'Il pçinc.: sllr l-tt terre.
(30)
Ibidem.
P.
31

\\04
Cette .Il1lcJge se concrétise dcJ!ls Toelas .1 "S sangrcs avec
la cllanson d'enterrelnent de dona Rosario Iturbide. Il s'agit en
fait d'une cllanson funèbre des plus populaires et anciennes du
Pérou :
" Gusano negro
i ah a a a a
hijo deI mundo,
pie deI arbol
a mi madre amada,
en silcncio,
,
al otro lado elel r J.O ,
muda flor negra.
l'a no es
i Ah a a a a ! ...
,
Y~l
110
cst~.
COlllLJ
tu
sOlnbra que no ilabla,
·llevatela
1
,
al otro lado deI T10 J
que nadie conoce;
' \\}
l ! l a a a a
l. • • •
"
(31)
la mort suscite c.eI:te,s".d,o~.I,lOL!r.:tri?~~sse'
. ; -.;;
1
i
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 1
(31)
Ibidem. l'.
208

lOS
et nostalgie, nlalS elle suppose la paix éternelle pour le défunt.
('est pour cela que les vivants doivent accompagllcl' les morts
avec des cJlants, pl'Itôt qu'av8c des pleurs; ainsi,
la nature
elle-même s' adollci t pour eux il travers le chant des oiseaux ct
toute cette assistance du mOllde sensible les aide à franchir
" le pOlit fragile du destin"
Il résulte de tout CCCl que, dans l'esprit du Quechua,
la mort ne signifie pas la fin de la vie
c'est même par la mort
que se couronne la vie. Et d'ailleurs,
les morts retournent pal'
moments sur la terre en visite aux vivants. ('est pour cela qu'il
faut leur apporter une fois tous les ans la nourriture qu'ils
aimaient
" Es de otra vida. Vendra a verte el d{a de los
'
dl f untos
"
nornas. Ese d{a le vas a mandar hacer
altarcito c!lico frente al pantéon. En ollita
le vas a dejar las comidas que le gustaban " (32)
De cette sorte, comme les dieux,
les morts reviennent
1,",lI" tic i pe,' :1IlX li i r r15 1"<.' ntes é pre II ve s cl8 "l' ex i 5 te nceci csv i v il nt s .
l'l'ma rqllons dans cc sens que, dans Iodas las sangres, au
moment de son arrestation, Rendon Willka se rit du capitaine char-
gé de son exécution et parle de " la pl*\\uena muerte ", " la muer-
~E' l
'.. '1 id ., '; ,:: ..' . ,li 'l:'
:,.
,
'"":'"
I~:'~ Il'' ";"' ..'1 ,,',
' "
'1.
)
': ::", :.:fi:; .. :~ .. ;. '. ~~~ .. :1
(32)
Ibidem.
P,
22 1

106
tee i.ta Il
"
la pc t i lc mort"
la mort incLignifiallte qui ,,'annule
)las 13 vie,
l:ih::
Ic:'
Indiens de la va1.lée de ivIantaro, all coeur de
la 5Jerl'a,
la lnort est consi.dérée comme simple phénonlène de régu-
lation de la population tel"restre. Cette conception trouve son
i11ustration dans une Ili.5toire recucillie en 1956 dans cette région
par Arguedas lui-même.
(33)
L'histoire nous d.it qu'en des temps immémoriaux, un
homme qU1 ne put se consoler de la mort de son épouse décida de
se rendre à Q'oropuna.
Il lui fut remis une gerbe de laiche avec
la stricte rccomnlalldatioll dc Ile la dépoLliller que SLlr la terre.
M3is l'homme ne put réfréner son impatience et défit l'objet d'00
s'échappa la" chiririnka ",
la" mouchc de la mOI"t ", rendant
ainsi impossill10 la r6sLIrrection de la défunte. Le narrateur indi-
gène altrillUL: :1 1:1 dé,;ubéiss:IIICC de lTt llomme le salut du genrc
humain car, conclut-t'il,
" De no haber desobedecido aquel hombre
enamorado, los muertos hubieran regresado
al mundo y como son tan en infinito n~-
mero,
los alimentos de la tierra no ha-
,
br1an alcanzado para todos y nos hu-
(33)
ARGUEDAS, José Maria,
Formacion de una cultura nacional 1n-
doaméricana. Op. cit.

107
-,-
bieramos devorado los unos a los otros " (34)
Cette Ilistoire se perçoit ainsi dans l'oeuvre d'Arguedas
" Estan bien en Q'oropuna, los muertos. Tienen
oCllpaciones y s6lo asoman al mundo cle los
VLVOS
cll~nclo sus deudos se acuerdan de
ellos "
(35)
Comme l'indique l'association des images mort/chien
pour illustrer la fidélité,
il existe dans la vie spirituelle Ju
Quechua une suite d'associations d'êtres ou de réalités diffé-
rents 011 opposés, permettant l'évidence des principaux aspects
de la vie. Nous en avons décelé deux courallts essentiels dans la
production littéraire d'Arguedas
: les rapports homme/animal et
la fusion force du bien/force du mal.
D) Mytlle de la fusion des corps
1")
la notiol] Jes rapports homme-animal
(3,1)
I,klll
(35) A!(CUI:Jj,\\S, .Jus':: Î'!:II-,a, ToJaslas sangres. Op, cit. P. 71
!
. ,

108
Chez les Quechuas, l'int.imc relation entre l'homme et
l'anilnul Il'a P"s l,our ullielue fondement les commodités alimentaires
que peut offrir le second Uli premi.er. Elle s'inscrit aussi dans
une dimellsioll spirituelle qui peut échapper à l'esprit moderne.
L'oeuvre d'Arguedas qui révèle cette relation avec la clarté et
la Inaitrise d'un alltoclltone nous a permis d'élaborer le tableau
de rapports suivant, que nous développerons par la suite :
NATURE DU RAPPORT
REALITE SY~IBOL l SEE
enfant - vache
réalité de tendresse
homme - vlgogne
réalité de solitude
homme - renard (ou puma)
réalité d'usurpation
homme - taureau
réalité de dé fi
homme - chien
réalité de fidélité
;1)
rapport enfant - vache: dans" Los escolerc~ ", nous
avons un rapport synlbolique elltre les écoliers d'un petit village
i.ndi.cn ct·
"1:1
"
l~riJlg~1 l',
Llne vache aux c~lrélct.éristiqucs de mère.
La " Gringa " est présentée ici dans un strict rapport
de mère à fils
elle donne son lait aux écoliers, les mak'tillos
et joue avec eux
"
POl'
las mananas, muchos escoleros forasteros
tomab"n la lcche de la." gringa "
; y lambién
porque era mansa, y en su baco de labios abul-

109
tados en sus ojos legafiosos y azules, en sus
ore jas pequefias, encontr~b"loos una expresi6n
de bondad que nos desle{a el coraz611.
" Grin-
gacha "
Lo que es,' yo la querra coma a una
madre de verdad "
(36)
Mais bientôt, don Ciprian veut s'emparer de la vache, et
cc r te menacc dc JIIort 'lU i. pJ anc sur l' 'lnimal est vécue avec beaucoup
d'amertumc par les" mak'tillos "
"
__ ,
m,
Cie'IIC
'lue matar prlmero don Cipr{an para
llevarse a la gringa "
(37)
Et, au moment o~ le propriétaire terrien emmène la
vache,
" 1-le eché al cuello de la " gringa " y lloré,
como nunca en mi vida. Su cuerpo caliente,
su olor a leche fresca,
se acababa poco a
,
,
1
/
b
1
poco, Junto con JIll a egrla. Me a race a su
cuelJo, l'use loi cabeza sobre su orejita
,
blanda y espere morlrme a su lado, creyendo
,
'lue cl
frlo que le entraba en el cuel'po iba
(36)
i\\!(GUEDi\\S,
José Marla. " Los escoleros "
Op.
ci t. P. 46
(37) Ibidem. P. 47
1
1

1 10
a 11egal" a nllS venas, hasta la lllZ de mis
ojos " (38)
il est révé16 aussi dans
" Los escolèros ", par une chanson dédiée aux vigognes, éléments
esselltiels de la faune de la puna.
L'Indien s'identifie à cet animal pour sa condition
d' " orphelin" sol.itaire et lui manifeste une profonde tendresse.
Le ''\\l'ikunitay ", hymme aux vigognes est aUSSl triste gue la majes-
tueuse désolation du paysage de la puna
" l'li kufii tay, wikuni"ta
Wikunitay, wikufiita
No 110res tante porque ml coraz6n due].e
cres cailla yo nomas, sin padre, ni madre, Slll hogar,
pel'O [Il siquiera tienes ·ru nieve blanca, tu manan-
\\l'ikunitay, wikufiita.
Llévame con tu tropa, correremos llorando sobre
el
ischu,
Lloraremos hasta que muera el corazôn, hasta
que mueran nuestros ojos.
Te seguirl con mis pies,-al fangal,
al rro 0 a
;'l
los Inontes de kenwa.
\\l'ikunitay, wikufiita "
(39)
(38)
Ibidem. P. 8S
(39)
Ibidem. P. 68

1 1 1
c)
rapport homme - renard (puma)
ce rapport qui illus-
tre la réalité d'usurpation se précise dans les deux premières
nouvelles de Agua :
- dans " Agua " lorsque Ernesto affirme que " Don Braulio es
como zorro ", parce que don Braulio s'est approprié toutes les
terres fertiles et tous les points d'irrigation de la commune
- dans" Los escoleros ", lorsque Juan t.rait"c don Ciprian de
" puma ladron Il
IJarce que celui-ci s'est injustement emparé de
la vache Il
l.a Cl J llg~l rI
d) rapport homme - taureau: l'ilnage du taureau jouit
d'une intellse tradition parmi les Indiens. C'est uné figure syn-
chrétique sacrée dont le rapport avec l'homme est essentiellement
conflictuel, contrairement ~ la vache. C'est l'épreLlve suggérée
par ce rapport qui a permis, dans Yawar Fiesta, l'évaluation de
la force de la communauté indienne face à la communauté des
" mistis"
Nous verrons ceci avec plus de déta.ils dans le
chapitre consacré ~ la révolte sociale.
e) rapport homme - chien : ce rapport couronné par
l'association des images mort/chien dans la compagnie absolue
pcrlnet "LI55! d'illustrer la différence globale entre le
collcctivismc des .inJigènes ct l'individuillisme des " m~stis "
,
1

1 12
"
I.e cilic'Il
~Idopté par l' lndien, le " chascha " est de
petite taille et vit ell cOnlmllJlauté, tandis qllC Kaisercha par
exemple, le chien du " misti " décrit dans" Los escoleros "
a pour rôle de veiller sur l'isolement de son maître; comme
celui-ci, il est toujours solitaire et menaçant.
2°)
la fusion force du bien - force du mal
Elle a pour vocation d'offrir aux llolnlnes le chemin de la
purification, ou, au contraire le chemin de la condamnation. C'est
dans Los rios profundos que Arguedas rend compte de cette importan-
te réalité Je la spiritualité quechua.
Deux exelnples précis du
livre nous découvrent les sens possibles de mutation de l'esprit
humain :
al le chenli.n de lapurificatioll : les Quechuas appel-
lent l'
Op~1 "
CIl
~l
Up:'1
lt
]' êt rI.:'
dont l' time
sIen est
allée P':I.
L' âme
peut déserter un c01'pS pOUl' plusiellrs raisons et généralement
parce que l'être qlli la perd n'en a pas un soin effectif, qu'il
a commis un grave forfait etc ... Le " misti " perd son âme
lorsqu'il fait montre d'un penchant exhorbitant pour" la plata"
l'argent.
-
r ,., .' 1 Il
L'lndien peut aussi perdre son âme parce que celle-ci
est restée prisonnière d'un sentiment incontrôlé pour un être ou
, "
...
pour un lieu. Pour cela, dès qu'il abandonne un lieu où i l a vécu
~

1 13
, '
ou qu'il a simplement aimé,
l'Indien de la sierra prend toujours
soin de s'interpeller soi-même pour que son âme le suive.
Or, dans Los rios profundos, Marcelina, une démente in-
di gène est toujours désignée par le nom de " la opa ". Constamment
violée par les adolescents du collège d'Abancay, elle prend godt
au jell et finit par se convertir en une innocente bôte de satis-
faction sexuelle. Mais par sa mort qlli annonce l'épidémie de peste
~ Abancay, ~Iarcelina retrouve le cJlemin de la purification et pourra
Illênle intel'céder pour les enfa"ts du collège au nom de qui Ernesto
formule cette prière
" I.e pedf perdôn en nOlnbre de todos los
al umnos "
(40)
l,a purification de Marcelina se manifeste dès
sa mort
par l'embellissement subite de son corps:
" El rostro de ella embellecla, perdla su di-
forrnidad"
(41)
Cette In6tamorpllose purificatrice se nlanifeste même dans
la nature: h l'endroit précis de ses fréquentes rencontres avec
les écoliel's d'Ab:lnc"y l'herbe avait f.reuri
:
'.,
! .1"'
'
, 0
(40) ARGUEDAS, José Marfa. Los l'lOS profllndos. Op. P.
220
(41)
Idem

114
" I:ran tres las casetas de madera de los excusa-
/
\\.los
; y un~1 111~IS grallde,
la que dab" tee he <,1
peque~o estanque y a otro caj6n. AllI tumba-
1>;111
;,
1 a
,"'mente
ole acerqllé a l'sa puerta
La
0
0
;ilH1o IIClbla florec} do Illas la l'erba l' cree la
en un rinc6n h~medo, junto a la pared. Un rama
de ayak' zapatilla podla hacerse " (42)
Par la fusi6n vie/lnort, Marcelina retrouve le chemin
de la purification.
b) le chemin de la condamnation: Antero el " Markask'a "
est le personnage qui entreprelld le chemin inverse. Il part du
monde de la musique, de ln joie clone, pour intégrer celui de la
corruption, du mal.
1111 t.l""
"L' i 1
ce Illi en qui I:rne,;to trouvili t refuge dans
l'at,nosphèl'e infecte dll collège. A travers ln description qu'il
fait de Salvinin,
la jeune indigène dont il est épris, Antero se
montre réceptif au mystèloe de la beauté et à la communication
interne entre les hOlllllles et les êtres inanimés
/
" Cuando estan quietos sus oJos, parecen un poco
bizquitos
; no sefijan p,!rejos
; uno de el10s
(42)
Ibidem. P.
233
. i

1 15
se queda sin haher llegado al centro. En esa
dcsigualdad hay una duda de su alma; su her-
mosura ljueda como pcnsando, atrayéndote
;
Y
otra cosa hermanito
! Cuando los ojos de mi reina
se detienen as{ muestran mejor su color:
,
or'
d '
~ Cual es?
i u po r1as decirlo ?
1'0 te voy a mostrar un remanso que hay entre
precipicios alnarillos. El barl"anco sc refleja
en el remanso
;Ese es cl color, hel"mano ! El
"""""; 110 deI
precipicio con el verde deI agua
tf"n'luila en ese remanso deI Paclluchaca. Los
pastos deI rfo y un pajarito que merodea en
las orillas tienen las al as de ese color "
(43)
C'était encore Antero qU1 pouvait commUJllquer la magie
du zumbayllu aux enfants du collège
" El zumbayllu sc detuvo, camo Sl fuera un
brote de piedra, un hongo m6vil sobre la
superficie deI canto roda do y cambi~ de voz.
- ~ Oyen ? - dijo Antero -
Sube al cielo,
sube al c.ielo !
Con el sol se va a me:clar ... !
(43)
Ibidem. 1'1',112-113

1 1 6
iCMnta el
j)jsonay
iCallta cl pisonay
"
(44)
l:cr,ncio,
le fils du commandant, est présenté par contre
comme inuli'llation du diable:
/
" Crel que de la mancha del ojo de Gerardo iba
a saltar un cllorro de pus, 0 algun otro li-
quido insano "
(45)
Gerardo symbolise, parmi les adolescents d'Abancay, la
barbarie de l'autorité militaire:
" Cuidate de Gerardo.
dNo le ves sus ojos ?
~ Son acaso como los de un cristiano ? Lo
has illsliltado feo.
Los guardias te pueden
llevar le jas y te pueden degollar. En un
ra[o te comer!'n 105 perros y los bruitres"
(46)
Pour ce l ",
ses relations avec Ernesto sont de caractère
CSSCl1l.iC"l[ClllC:ilL
\\.:ùl1flictuel
:
(44)
Ibidem P.
1 96
,
,
.';~f; /~ !.I
t,~ 1'~t:' •
"
',. . r.:I.~(
(4 5)
1 b idem
P
:W8
~ ,;.,;. '.
• • l , ' , . ';
"'.</
( '1 6)
Tb idem P
2 1 3
' . 1" '.. "i :
.;\\ ~:' 1

1 17
,
" Gerardo cres un perdido nornas. ~No clice Antero
,
que a todas las haces llorar ?
jFuera de aqu1,
hijo de mil ital'
iCerdo
! "
(<17)
De même, la rencontre de Gerardo et Antero fut, au
départ de nature. brusque et belliqueuse
:
" ~ Sabe usted que say hijo deI cornandante ?
dijo el joven,
increiblemente nervioso.
TClllblaban 3lgo sus labios.
1
- Su J)~drc - le contesta Antero
Acaso
S li
:JI :lel r c
5 cap C rra
! "
( 48 )
~Iais bientôt le fils du commandant conquiert Antero qU1
illtègre alors l'univers du mal. Ernesto clui en est affecté révèle
ainsi son état d'6mc ;
/
" dNo sab La que cl hijo deI comandante era
,
1
solo coma el " Peluca " ? ci Nada mas ?
As!, asqucroso, aunque sin la impaciençia,
Sln ese indomable furor, pero con la rnisma
b::lilil
de 5::1[10
y cauteloso, artcl'O y contagioso
1 •
-_ _._ _ _..•_. -------
('17)
Ib'dom.
l'.
2lJ7
(48)
Jbidem.
P.
173

11 8
4ue Ilabia trallsmitido a los lunares y al
rostro dei" Markask'a " esa huella de bestia-
lidad que ahora la manchaba "
(49)
Par son amitié avec Gerardo, Antero emprunte le chemin
de la cOnd:llllll:ll iOll, déserLlnt illns)
l'ullivel's cle la musique, de
la clansé" ~Y!l1bol j sé pi' r le " zUlllbayl 1 u ". On apprécie 1I11eUX encore
l'importance cle cette désertion lorsqu'on observe la densité du
domaine musical quechua. NOliS consacrons justement le dernier
épisode de ce chapitre ~ l'importance de la musique et de la
danse clans la vie du Quechua.
E)
Univers Illusical andin
" La cultura deI pueblo quechua durante el iloperio
de los
Incas fue verdaderamente extraordillaria
- écrit le professeur Daniel Gomez - Ten{an
una mGsica sagrada y una m~sica profana de con-
~i,kr"hlcs méritos. Llegaron a utilizar la m~sica
y el canto para el trabajo inciliso deI campo.
Pose{an multitud de instrumentos y llegaban a
celebraI' verdaderos conciertos en una especie
(49)
Ibidem.
p.
212

11 9
de uclos sociales que celebl'aban varIas
veces al ano "
(50)
Le sentimellt musical andin est, bien el\\tendu, antérieur
au règne desfncas, La mllsique est, cllez les Indiens, une réalité
SI
vivace qu'on en ignore l'origine.
,
" Los hombres deI Peru, desde su origen, han
compuesto mÛsica "
(51)
Cependant,
les spécialistes contempora:ins de la civi-
lisation andine dOlninent mieux ce domaine culturel à partir de
l'avènement des Incas, même SI là encore,on n'arrive pas tou-
jours 'L déterLwillèr dL' f:L,'OJl précise la vocation ou la thématique
de chacune des nombreuses catégol'ies poétiques qui le composent,
La poésie quechua était exclusivement destinée à être
chantée. On en distingue généralement deux catégories:
- la poésie savante, oeuvre des" Amautas " ou philosphes qui
composaient les tragédies et les comédies destinées à être repré-
sentées, les jours de fôtes solennelles, devant l'Inca et les
Seigneurs de la cour impériale,
- la poésie populaire, de conception spontanée, libre de tout
(50) GOI\\IEZ F., Daniel. " L itteratura quechua" dans' Litcratura.
Autores hispanoamericanos.Caracas, Ediciones Co-Bo, 1969
P.
18
(51') ARGUEDAS, José Nar{a. Los r{os profundos. Op. cit. P. 172

120
al'tifice
; elle traitait surtout du thème de la réligion, des
travaux champêtres (semences et récoltes) et des sentiments 1n-
times de l'amour et de la joie, C'est] 'oeuvre des" Harauec "
qui composaient aUSSI
les hYlnlles aux dieux et les cllallsons
destinées ~ la divulgation des cOllnaissances de lu tluturc.
[1:lIls son V;tSl"e ensemble, la poésie quechua se carac-
térise pal' sa richesse lexicale avec des llnages d'une extrême
beauté, reflétant la faune et la flore des Andes.
Destinée ~ être chantée et ~ être transmise de géné-
ration en génération, la poésie quechua,
la savante aussi bien
que la populaire, ne s'embarasse pas de complications métriques.
Les vers sont généralement brefs mais d'une éloquence remarquable
" Caylla llapi
" Sur cet air
Pununqui
Tu dormiras
(traduction)
Chaupltuta
l\\ minuit
Samusac "
(52)
Je viendrai" (52)
La règ.l c de l' llne dont les traducteurs contcmporai !~"
affublent parfois les poèmes quechuas est un simple fait de trans-
cull"lIration,
l
'
Dt: pùi.nt de l'lie purement musical,
la poésie quechua se
(52) GARCILASO DE I.A VECA.
Les commentaires royaux.
Paris, Club
de s Lib ra ire s (18 j;rance-;-T959. P. 31

1 2 1
scinde·en deux groul,es de tllèmes. Les vers destinés b être chantés
seulement et cellX qlli associent le chant et la danse :
- le premler groupe' de thèmes comprend le " jailli"
le " ha-
ra,.;i " et le Il
taki Il
Le jaillI désigne les hymnes religieux au Dieu Soleil
et à Viracoha.
Le araWl
désigne les chansons d'amour exprimant la nos-
talgie, l'absence, la tristesse; il devient yarawi (53) depuis la
colonie.
Le taki se rapporte quant à lui aux chansons destinées
à exhalter l'amour et la nature.
- le second groupe de thèmes comprend le walno, le wanka et
le a raIlloJay.
Le waillo a pour principale vocation la description de la
lluture ; mais il peut être Ulle forte matière satirique. Il est
toujours J'objet de danse collective et traite rarement du thème
,
! .
dl:
l':J.l!lour
Le trait esselltiel du wallka est la douleur.
Il est prln-
cipalement destiné à exalter les vertus d'un défunt aimé ou
illustre.
Le aranway renvoie aux poèmes humoristiques meublant
les fêtes populaires.
Il a souvent un caractère de fable,
recelant
un enseignement pratique.
i
- - - : - ' . - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - , - - - - - -.. i
(53)
l" orthographe de ces différents termes varie parfois d'un
"
auteur à un autre.
Dans l'oeuvre d'Arguedas " Y::ll'31oJi "
,
s'écrit Il jarahui Il ou harahui II et Il \\'laina" s'êcrit
Il
huayno "

i

<
122
De nos jours, comme nous le verrons souvent dans les
livres d'Arguedas,
tout ce vaste domaine musical tend à se réduire
à deux catégories essentielles
le arawi, en raison du tempé-
rament nostalgique du quechua, et surtout le waino compte tenu de
l'importance de la nature dans la vie du quechu~ et du caractère
vivace de la danse dont il est le principal support.
l'ar son caractère mélancolique et nostalgique, le jarahui l,
delneurc le conlpagnoll fidèle de l'indigène clans tous les moments de
sa IJagécl.ic: : c'v,;t. l'c;moLion qui adoucit la rudesse des corvées
ou la fati.gue des
longs voyages ~ pied, comme Arguedas aime
souvent ;1 le nlOll1 l'cr
" Antolin se alejaba l'or la falda de la mon-
tafia y las mujeres la seguran, 10 alcanza-
ban, 10 sacudran con su canto. El jarahui
lento,
largo, coreado en la voz mas aguda,
dominaba el dra, al sol menguante de esa
hora
y Antolin tras de su piara caminaba
a paso de cuesta. Vera que el j 3'";lhui hab{a
/
hecho detenerse el mundo p;lra que solo el
fuerte y alegre Antolin viviera, caminara,
resa 1 tara en la honda quebrad~ "
(54)
(54) ARGU~DAS, José 0arra. " Diamantes y pedernales " dans la
agollla de Rasu Niti. Lima, Populibros, 1969. P.
26

123
Le huayno fut clllti,vé avec UIIC illtensité considérable
sous le l'ègllC des Incas.
Il avait lIn caractère sacré ou profane
selon les circonstances. Avec la colonisation européenne il affi-
cha un caractè,]'c plutôt mélancolique.
Le huayuo devint la musique du métis
rural avec la
Ilépllblique,
l'exaltation d'un état d'âme gal tendant au défoule-
ment, le cllant d'un heureux évènement, d'une récolte abondante.
De lIaS jours, il est l'expression de la maturité ou
de la perfection du selltiment musical populaire. C'est la musique
des "Chicherias ", bars populaires des quartiers indigènes, ou
des cérémonies de retrouvailles des ouvriers indigènes des grandes
cités. I.e huayno est dans ce cas l'expression d'un esprit nouveau
qui cherche à sc recréer à travers le passé, lin mode de récupé-
ration de l'esprit vernaculaire qui se perd, la racine pl'ofonde
qui maintient l'homme à son milieu et le pose comme valeur impé-
rissahle l'acc;,
,,, IlIl'n;JCe externe de désintégration.
C'est dans cette perspective que s'illscrit le champ
musical de l'oeuvre d'Arguedas
; ce champ ne sera donc pas isolé
du mode d'intégration progressive de l'espace péruvien qui fut la
ritournelle de cet autellr : il sc développe dans le cadre strict
de la double relation Jlomme - milieu - action/village - provInce -
nation.
i,)
'.. '1
-':
Dans l'oeuvre de José Naria Arguedas, la musique a
d'abord le caractère mélancolique du défoulement, l'allure tumul-
tueuse d'une explosion momentanée; elle indique la distraction
fugace de celui qui souffre.

12 Il
Dans" Los escoleros " en effet, la muslque atteint son
plus llaut niveau d'expression en l'absence du mistis don Ciprian,
offl'ant ainsi aux
inùigènes l'occasion de donner libre cours aux
sentiments 4U'ils répriment face.~ l'oppresseur.
Le second trait de la musique dans ce récit renvoie à
1
une certaine limitation dans l'espace
..
" No qui e l'a s h.i j a mla al hombl'e de paso,
a esos v:iajel'os que Iteg'ln .le pueblos ex-
1 ,."ii",.
CU'lndo tu cOl'azon esté 11 cno de
tL:rllUl';\\
c.uantlo
en
tu
pl:\\.:.ho hay~ crecido
el amor esos hombres extra fias dar6n
·
,
vuelta y te
1
ceJaran. M~s bien ama el irbol
deI camino, a la piedra que estira Stl sombra
sobre la tierra.
Cuando el sol arde sobre
tu cabeza, cuando la lluvia bafie tu es-
palda ; el 'rbol te ha de dar sombra
dulce,
la piedra Uli lugar seco para tu
cuerpo "
(55)
Cc htlaYDü 4Ul enseigne la fidélité absolue au clan
comme principale règle de sécurité exprime une tradition de
,'
(55) ARGUEDAS, ..José ~larra. " Los escoleros " dOlls AgLa. Op. cit.
1'1'.70-71

1 25
cloisonnement
1c cadre qu'il délimite, ccl] lIlC' s)'lIbol ique d' in-
tégrité, est le prem i.er moment dll Il Pérou de José ~Iaria Arguedas Il
COlJtlllt;
le voJ Llille musical, ce cadre s'amplifie quelque
peu avec Yawar Fiesta
Le Il turupuk'llay Il décrit dans ce livre ne renvoie pas
seulement au déroulement final de la corrida andine, mais aUSSl à
la musique spéciale qui l'accompagne toujours.
Un ou deux molS avant le grand évènement, le choeLlr des
". wa kawak'ras Il lance son appel impressionnant il toute la
commune
I l
En la puna y en los cerros que rodean al pueblo
,
tocaban ya wakawak'ras. Cualldo se 01<1 el
turu-
puk'llay en los cominos que van a los distritos
y en l.as chacras de trigo,
indios y vecinos habla-
bCln de la corrida de este aiio Il
(56)
I.v ;,,:;kal·;<1k' 1'" est un
i.nstrument CI vent taiJlé dans une
corne de tallrcou.
Il ploduit Ull SOlI sec ct profondélnent lugubre. A
l'origine le ~ak'lwak'ra accoillpagnait les chansons funèbres. Le
Yawar Fiesta est une [6te de sallg comme l'indique son nom, et
donc une fête de lnort :
;.
,.
I l
Fn cl descampado, el canto deI turupuk'llay
(56) ARGUEOAS,
José Marla. Yawar Fiesta. Op. cit. P.
26
1

1 26
,
encage el corazon, le vence, coma Sl fuera de
criatura
; la voz deI wakawak'ra suena gruesa
y lenta, coma voz de. hombre, coma voz de la
puna alta y su vieJlto fue
silbando en las
abras, sobre las lagunas. Las mujercitas de
los cuatro ayllus y de todas las estancias
lloriqueaban oyendo las cornetas "
(57)
A l'annonce de la fôte par la voix péllétrallte du cor de
mol't,
]c's femmes
indiennes pleurent leurs hommes à l'avance:
,
,
,
,
"
Quiell pues sera mamitay
jQu1en pues viuda
,
,
,
\\Qllj~ll plies pnlltcull IJoI"anl!o cstara
vintiucl1u ! "
(58)
Môme la cOllllnullauté blancJle est secouée par la terreur
du SOli du cor :
, .
"
'Que lnUS1ca tan penetrante
Es odioso
1
air esta tanada a esta 110ra. Se debiera pedir
a la guardia civil que prohiba tocar esa
tonada ell las noches.
:.. :'
(57)
Ibidem.
J'.
27
,1
(58)
[dem

127
- Esos indios s~ preparan el 5nil[[0 ,lesde
ahora.
Que feo llora esa corneta "
(59)
L'effet de la musique du turupuk'llay se fait sentir
Jusque dOIIS le ciel o~ s'opère un phénomène nlagique en appui aux
victin)(.:~~ cl l un 1:01'L1 i t ~éc111airc
:
" EsC' Jomingo,
toda la tarde y en la noche,
los wakawak'ras atronaron en los cuatro
barrios. Era muy entrado ya el menguante,
pero salio la luna y alumbro fuerte "
(60)
L'appel grisant du cor atteint tous les esprits et
emplit la nature toute entière. Le monde recouvre toute sa di-
loension magique :
" Pasaba las cumbres, daba vueltas il las
allras, llegaba a las esta[lcias y a los
pllebl i.tos. En noche clara, a en la oscu-
ridad, el tllrupuk'llay llegnba cOlno desde
la alto ,.
(61)
(59)
Ibidem. PP.
28-29
(60)
Ibidem. P.
36
(61)
Ibidem. P. 29

128
l~ CJ1'act~r~ sacré Je la IDusi4ue du turupuk'llay est
symbolisé par le Ilersonllnge nlGme du musicien, don Maywa. Dans
ce sens, le prestige ct l'autorité de Maywa ne peuvent être
contestés : sa maison est bâtie dans Uil lieu chargé de sens sur
la place publi4ue, près de la pierre dite alaymoska, symbole de
l'union de la communauté. Ce caractère spécial de l'espace du
Inusicien ajoute une note magique à la musique qui transcende
ainsi sa catégorie pour accéder à une dimension sacrée.
" Don j\\lay"a de Chaupi era el mej or c.ornctero.
La casa de don Maywa esta junto a ~iakalirumi,
en la plaza.
Por las noches, temprano todav{a
:11,:".lJ~s ,le! b'Jrr.lo y 'IJgunos comuneros veci-
nos, entraban en la casa de don May"a. ALI!
clwkch'lb:J" coca, y a vcccs Jon ~Iay"a sacaba
su botella de c.anazo para convidar "
(62)
Comme pour entreprendre toute activité importante de
la v1e, le turupuk'llay est précédé d'un rituel qui fait appel à
la participation des seuls initiés. C'est l'esp:Jce du musicien
qui organise le rite.
La maison de don Maywa n'est pas un espace
ordinaire, ses caractéristiques répondent au type d'évènement
-
qu'on s'apprête à annoncer:
:',
. , ' , ;
',',i
(62) Ibidem. P.
38

,,' .
129
" Un mechero alwnbra el cuarto desde una repisa
de cuero de vaca. Don Maywa levantaba su wa~a­
wak' ra y tocaba et turupukllay.· El cuarto se
llenaba con la voz deI Wakawak'ra,
retumbaban
las paredes. Los comuneros miraban alto, el
1111'11]'lIk11 ay les agarraba,
oprimla el pecho ;
nLngun" tonada era para morir como el turupuk'
llay "
(63)
Dans Yawar Fiesta le c}lamp musical est un. cycle complet·
il inclut la danse ql1i marque le passage de l'émotion à l'affir-
mation totale du corps. Dans ce livre, la danse marque le passage
des chants et des préliminaircs du tllrupukllay à la corrida pro-
prement dite. C'est par la danse que s'annonce ouvertement le
défi qui va unir la communauté indigène face i. celle des
" mistis Il
" Mirando la casa de los vccinos, los comuneros
de los cuatro ayllus ten18n fiesta ; el rego-
cijo eri' igual para todos los indios de Puquio.
y dcsafiaban en su adentro a los mistis "
(64)
cl.
cc r,rL'!)""·,
tous les élomclu;s qu'elle
inclut sont chargé
(63)
Idem
(64) .Ibidcm. P.
38

1
130
l.Jc
sens:
- l'itinéraire:
le " Giron Bolivar" est la grande artère de
Puquio qui mène droit du quarticr indigène à celui des Blancs.
- la figurc centrale : l'acte~r principal, c'est-à-dire le
" Dansak ". Il est comparé à un épervier et s'identifie donc à
l'univers sacré.
,
" Llevaba un cuerpo de gavilan con cl pico por
delante " (65)
- le corps de la danse : il engcndre la participation de la
collectivité toute entière.
\\Je mêmc qu'il
marque lc passage de la col ère réprimée
l " Los Escolcros")
il l'affirmation du défi,
l'amplitude mllSl-
cale dc Y".:''-' r ricsLl rompt lc cloisonncmcnt suggéré par lc prc-
]1I1er hua)'",) ·c'r p'·0l'usc un éclatcmcnt majèllr de son champ. Cet
éclatemcnt se !lrécise davantage à travers le harahui de la cons-
truction dè la ,·outc de Pllquio à Nazca, voie qui symbolise
l'ouverture d'une ville de province à un secteur humain plus
vaste :
1 .
..
i
" Ya salicndo dcl pueblo, las mujeres cantaron,
:1
.-
alto, con su voz mas ;delgada,eI. harahutde la;;
\\1 .
1
1
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - \\
(C>5)
[bùlcJll.
l'.
37

1 31
despedida :
/
i Ay, vol veras,
ayali, ayali,
bien no m6s camino,
ayali, ayali !
No lluvia
,
no l]uvia caeras
ap] l,
ayal.l
!
/
No .Ll'aS
,
no 1l,IS viento
i ayali aY81i !
y por esa carretera llegaron à Lima los dos
loil lucallinos, y los coracorenos. Al mismo
tiempo, pOl' todos los caminos nuevos, bajaron
a la Capital los serranos deI Norte, deI Sur
y deI centro " (66)
On a l'impression que, dans le roman suivant, Ernesto,
le personnage biographique d'Arguedas participe à ce mouvement
J'intégration. Cette correspondance ,rétablit par le harahui
. '.,,:'
(66)
Ibidem. P.
7S

132
d'adieu des femmes cie Iiuancapi il Ernesto qui quitte la communauté
cie son enfance pour lntégrel- un univers bien plus vaste.
" En ~eguicla montamos a caballo, en la plaza,
y empezamos a subir la cuesta. Las mujeres
cantaban el jarahui de despedida
No te olvides, mi peque50
no te olvides
Cerro blanco,
hazlo volve,- ;
agua de la monta5a, manantial de la pampa,
que nunca muera de sed.
,
,
Halcon, cargalo en tus alas
y hazlo volver.
Inmensa nieve, padre de la nleve, no 10
l'!.:JI
v.icnto,
no 10 toques.
Lluvia cie tormellta
no 10 alcances.
No,
precipj~io atroz precipicio,
no 10 sorprendas
,
Hijo nllo
".;'
J
, "
has àe volver,

133
has de volver " (67)
Ce Dloment d'adieu est pour Ernesto l'occasion de récu-
pérer par la mémoire l'espace de son enfance. Dans Los rios pro-
fundos ce mode de fixation dll souvenir s'appuie sur la musique:
c'est à travers un huayno typique qtie se recrée la vie de Huancapi,.
une chanson bien révélatrice de la douleurd~Ernesto ou plutôt de
l'intention subséquente:
" Los indios,
en maya, cantaban un huayno
gue 1'11.;ro
:
·1 Oye ccrlllcalo,
.
,
oye gavllan
voy a quitarte a tu paloma
a tu amada voy a quitarte
,-
He de arrebatartela,
me la he de llevar, me la he de llevar,
'oh cernlcalo
1
,
i oh gavilan ! " (68)
Ce chant exprime clairement une intention de revanche
de l'Indien sur l'épervier symbole de vol et de violation; telle
est l'orientation du sentiment de colère d'Ernesto, reflet el1e-
même de la frustration des indigènes.
-
qui. explosera à travers la
"
"..
.
'"
.
'. <.:. '!:
,
(67) ARGUEI1AS, José MaTla.
ci t.
P.
46
(b ~)
Ibi,klil.
l' .
.)"L

134
révolte des femmes d'Abancay.
De ce point de vue,
la geste des
" Chicheras " est tout un symbole: comme dans le turupuk'llay,
ici le chant associe la danse, forme guerrière ancestrale. Le
rythme plutôt carnavalesque airisi que la densité du choeur per-
mettent le voilage de houtades acerbes et d'inslIlres il l'adresse
des militaires venus mâter la révolte et du " misti " symbolisé
précéclcJI1lllCllt 1':11" l'épcrvier :
" El rifle deI soldadito,
habia sido de hueso de cactus,
pOl' eso, por eso,
.
, .
truena lnutllmente,
pOl' eso, pOl' eso
truena inGtilmente.
No,
no hermano,
no es el rifle,
es el alma deI soldadito
dc lefia illservible.
El rev6lver deI salinero
estaba cargado
COll excremento de llama,
/
Y en vez de polvora
1
y en vez de polvora
[J L' ,1 0
,k JI1 ul a sa.l in e ra"
(ü 9 )
(69)
Ibidem. P. 110

13S
La Inusi'iue et la danse deviennent ainsi une façon de
briser les convenances,
les lois d'un système oppresseur. Ce sont
elles qui fondent l'idelltité des victimes de l'oppression
par
cette fonction la musique est présentée chez Arguedas comme le
reflet de la diversité dans l'unité quechua. Huanupata,
le quar-
tier indigène décrit dans Los rios profundos se présente en symbole
~ cette relation :
" Solo un barrio alegre habla en la ciudad ;
Huanupata. Era el unico barrio donde habla
chicherlas. Los s~bados y dcmingos tocaban
-
/
arpa y vlolln en las de mayor clientela, y
bailaban huaynos "
(70)
C'est dans cet univers que se réunissent les Indiens
venus de diverses communautés, pOlir récupérer leur espace d'ori-
gine h t ''''CL. ,Irc:; ckillsons typ.iques qu'ils proposent aux
musiciens
;
/
/
" Ocurrla, a veces, que el parroquiano venla
de tierras mllY le jan as y distintas
; de
tlual-az, de Cajamarca,
de Huancavelica, a
de Jas provincias de Col1'ao, y pedfan que
,
tocaran un huayno completamente descono-
; .
,
(70)
Ibidem. P.
49

1 36
c.i.do " (71)
L'universalité de cet ~rt, alnSl qu'une profonde prédis-
position à l'improvisation permettent aux musiciens quechuas d'in-
terpréter en très peu de temps une chanson d'un style tout à fait
différent
" Los ojos deI arpista brillaban de alegr{a
;
llumah'l al
forastero y le pedla que cantara
cn voz baja. Una sola vez era suficiente. El
vi 0 1 i nist~l 10 aprendi"a y tocaba " (72)
C'est en cette fonction de liaison de l'homme à son
milieu que réside le pouvolr maglque de l'évocation qui carac-
térise la musique
" Iba a lus chicherlas pOl' 011' la musica y
recordaI'. Acompanando en voz baja la melo-
dla de las canciones, me acordaba de los
cumpos y las piedras, de la plazas y los
templos, de los pequenos l'l'os adonde fui
fchz "
(73)
-
· ;.r: ;-
(71)
Ibidem. P.
50
(72)
Idem
(73) Ibidem. P.
51

137
,
Dans Los rlOS profundos ce pouvolr magique de la musique
est
incarné por le " zumbayllu "
Le zumbayllu est une petite trompe ~ansante insolite ;
un jeu "PPC1Tcllllllient pri.lllc, ire, ma i.s toutes les données liées à sa
matière "ont chargc'es de sens: c'est d'abord un visage, une figure
avec deux paires d'yellx de couleur. La tête est grise et divisée
en deux secteurs par un cercle au centre duquel naît le chant.
C'est lui qui assure la sélection d'identité parmi les
enfants du collège d'i\\bancay : Ernesto, Ramera, Antero" el ~lar-
kask'a " et Palacitos, par leur émerveillement face à la danse du
zumbayllu se montrent aptes à la perception et à la compréhension
de la vie interne des choses. Par les caractéristiques sacrées
du chant qu'il émet, le zumbayllu a, pour ceux-ci, un pouvoir
parfaitement évocateul' :
"
['1 calI ta deI
zumbayllu se internaba en
el aida,
avivaba en la memoria la imagen
de los r{os, de los ~rboles negros que
cuelgan en las paredes de los abismos " (74)
Ernesto peut mêlne lui confier un message destiné à son
-
père établi dans la contrée lointaine de Chalhuanca :
, ; . 1
(74)
Ibidem. P. 88
,
1
ï

138
" Di le " ml
padre que estoy resistiendo bien;
/
aunque 1"1 corazon se asusta, estoy resistien-
,
do. Y le daras tu aire en la frente. Le canta-
r
r"s para su alma"
(75)
Le pouvoir sacré de la muslque qu'incarne le zumbayllu
se matérialise à travers cette description d'Ernesto, qui nous dit
par la môme occasion ses dispositions personnelles à pénétrer le
mystère des choses
:
" Yo imploraré el canto que vaya por las cum-
Ilras,
an al aire, y que llegue a los ordos
,
/
.
de mi padre ( ... ) Trla la mUSlca por los
bosques ralos que bajan al Pachachaca. Pa-
,
/
sarla el puente, escalarla por los abismos.
,
,
f r .
'Y ya en 10 alto,
serla mas
aCll
; en la
.
b
/
f
'
,
nleve co rarla
uerza, repercutlrla, para
volar con los vientos, entre las lagunas de
las estepas y la paja que en el gran silencio
transmite todos los soniclos "
(76)
I.a musique est alnSl une composante essentielle cie la
-
1.
"

(75)
Ibidelli. r.
12ô
(7ô)
fbicJ"llI.
P.
HS

1 39
production littéraire de José Maria Arguedas ; son champ d'ensem-
ble se développe logiquement dans l'enceinte de la grande ligne
id6010giquc autour de laquelle l'oeuvre est structu]'ée. En clair,
la musique n'est. pas, pour Arguedas, d'un intérêt pL't.ement fol-
klorique. C'est un produit social dont. les mouvements ne sont pas
isolés du rythllic cie' lIlutation du grand ensemble social.
Ainsi, dans El Sexto qUl présente l'Ilomme péruvien comme
un paria sous le joug implacable du militaire, la musique se
caractérise par une tristesse émouvante :
" Adonde vas, paloma blanca,
te pierdes en el oscurecer.
Dile adi6s a ml pecho
donde creciste
a mis pechos secos
que hielo a hielo lactaste.
Aaaay, u u u !
No has de volver
/
te arroja el viento frlo,
las Ilegras golondrinas
r,c pers 1 gllcn
,
Ya sobre ]a piedra el pajaro
fatal est~ llorando.
"

140
U.iIlIC
~lllios, el.ime
"
aelias. " (77)
Mais, fidèle ~ l'intelltion de rédemption que véhicule
l'oeuvre,
le champ musical débouche sur des airs d'héroisme :
l'hymlle apriste et l'Jnternationale communiste.
De même, dans Iodas las sangres le couronnement de la
muslque est le reflet d'une conscience nouvelle qui annonce
son combat :
" Oye, Gertrudis,
palollla, paloma
"
mla
oye Gertrudis,
"
carazan
"
corazon "
mlO,
luz de I~fo ojos,
sangre de Dios,
bac" de lEos
ilel'HJa de d.ios.
Ya no estoy ciego.
l'us enenllgos
nos persiguen
la nube negra lIa entrado a mi pueblo,
-
la mosca que anuncia la muerte""""":
..
'
'1
,:,"
.
."' ":.'
'"
",
aletea en la puerta deI templo
torrentcs de Jodo nmenazan
los perros
"
estan élullando todos
(77) ARGUEDAS, .José Marta. El Sexto. Op. cit.
P.
J29

141
en la plaza.
Ya no estoy ciego,
/
yelldo huyendo, madre mla.
Pero, he aqu{ que tus lagrimas de sangre,
empiezan a caminar,
a nue stras enemigos
espantando,
/
ahog~111clol os.
Madre ,le nli madre,
ya no ] lares,
Y;l
Lcrlgo ojüs,
,
b'
ml. rame
J.en,
herida de Dias,
con tus ojos inEinitos"
(78)
L'ul1ivers musical de l'oeuvre d'Arguedas oscille ainsi
entre la tendresse,
la tristesse et l'11éroisme, symbolisant toutes
les possibilités de la vie sociale du Pérou car,
" i Quien puede sel' capaz de se~alar los limites
C-jue median entre la heroico y el hielo de la
tristeza ? Con una mJsica de 6sta, puede el
hombre] 1or:,r hasta const!lllirse, hasta desapa-
· .'
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _.•. i
(78) ARGUEUAS, José Mar{a. Todas las sangres. Op. cit. P. 403

14 Z
/
,
reeer, pero podrla 19ualmente luchar contra
una leg,Lon de c61ldores y de leones 0 contra
los liionstruos que dicen habitan en el fondo
.i~ los
l~gos de aitura. Y en las faldas de
sombra de las montanas "
(79)
1
-
'(79)
ARGUEDAS, José Mar{a. Los rIos profundos. Op: cit.',P. 1 9 7 : 1

1,13
CHAPITRE IV
LE PHENOMENE
DE TRANSCULTURATION
-
i "f",
,~
, "
.':.
.
'.; ,

144
" llurante siglos - écrit José Maria Arguedas - las
culturas europeas e indias han convivido en un
mismo territorio en un incesante reacci~n mutua,
influyendo la primera sobre la otra con los cre-
cientes medios que su patente eincomparable din~­
mica le ofrece
y la india defendiéndose y reac-
ci ,,,1: Il \\LI 0 gracias a que su ensamblaj e no ha sido
roto y gracias a que contin6a en su medio nativo.
En estas siglos no 5610 una ha intervenido sobre
otra, sino que como resultado de la incesante
. ,
reacc:J.on mutua ha aparecido un personaje, un
,
producto humano que esta desplegando una acti-
vidad poderos{sima, cada vez mas importante : el
mestizo. Hablemos en t'rminos de cultura ; no
tenemos en cuenta para nada el concepto de
raza " (1)
Le problème qu'aborde ici l'anthropologue Arguedas est
celui du brassage culturel au Pérou; l'avènement d'une culture
mixte, fille de la civilisation européenne et des survivances
dt:
1" culture inca. Ce fut le thème de plusieurs essais anthro-
pologiques qu'il
réalisa en 1950.
Il venait d'écrire Yawar Fiesta
et nous savons qU8 llans ce livre se ronlpt déjà, par endroits,
la
grandl~ l1il.ll';tillt: qll':lrh\\-)l'ait i\\glla entre
les cleux ci.vil.i.sat.ions en
-
,
. ,
(1)
ARGUEDAS, José Mar:J.a.
Formac:J.on de una cultura nacional indo-
américana. Op. cit. P.
2

145
cohabitation conflictuelle.
Mais avant d'aborder l'élément central de ce phénomène
de trallsmutation culturelle il ~erait plus intélessant de voir
comment les nouvelles de Agua valorisent les deux types de so-
ciété en présence, et comment ce livre que son auteur dit aVOlr
conçu avec" la haine d'un enfant indigné par la violence" pose
déjà les bases d'une transculturation. On comprendra mieux par la
suite la souplesse de la structure interne de l'oeuvre de cet
écrivain.
Al La marginalité d'Ernesto
mode de valorisation des sociétés
8n présence
Dans Agua,
18 conflit que la communauté d'espace sus-
cite Cllt rL'
Le":
';'L'tcI,r, raClilUX bl"llc Lèt indien fonctionne tou-
jours autour d'un lnême personnage qUl peut seulement changer de
nom d'un récit à un autre: Ernesto ( " Agua " l, Juan ( " Los
escoleros " 1 puis il nouveau Ernesto ( " Warma Kuyay " l. Il vit
les situations lLès plus diverses et se définit par une ambiguité
caractéristique : par voie de sang il appartient à la communauté
blanche, niais Sllr le plan culturel il appartient à celle des in-
digènes. Cette anlbiguité est favorisé~par l'Ige presque toujours
. \\
"t,"" ~ Ji : \\~J "
:l' 1 ,1 rl'~ L'\\';,;
i..'
.'
" , , "
"! ;:.
jeune du personnage.
J',
Dès
Je départ,
dans
rI
AgUd"
Ernesto se présente au
i

1'16
centre du conflit blanc/indien et son choix de s'allier aux In-
diens indique la condamnation du rôle oppressE'ur de son clan
d'origine. C'est donc par ce personnage que l'auteur élabore
la valorisation des cultures en ~onflit.
En suivant Ernesto, on découvre en effet que l'univers
des Blancs est dominé par une violence active et irraisonnée. Les
propriétaires terriens, principaux éléments de cet univers, se
caractérisent par une injustice flagrante qui inspil'e directement
la répulsion.
Lis S,)''\\" présentés dans toute l'imlllol"alité de la
SOCj6ii.~ q11ljj
\\.JIll
l'rLI~l;,
une
sUL.iété
eIl
dégraclat_ion
interne par
l'oeuvre de la cupi,lité et de la barbarie. Leur langage ainsi que
les objets qu'il flamme indiquent une culture agressive, celle du
conquérant. Chacun des trois récits de flgua présente un symbole
criard de cette violence.
- dans" Agua " don Braulio abat froidement Pantaleon
- dans" Los escoleros " don Ciprian vole la vache d'une
indienne
- dans" >Vanna Kuyay " don Froylan viole l'Indienne Justina
L'univers desi ncl.l gènes se caractérise, lui, j1<lT la souf-
france,
du point de vue cle la victime. Ceux-ci se n5t.ractent
alors derr.ibrc leur barricade de protection
le chant et la
danse, mDII i l'c:si''i iuw; dei:, force qui sc sent violée et oppri-
méc.
J
[""
1
. , - , . .
1 s sc ':011' ,nLOllt ,"",; cette atmospnere mag.L'Iue qUI le LI]'
perIDet cl'entrer en contact avec toute la nature, domaine auquel
le misti n'a accès que pour les nécessités matérielles, comme
on le voit plus clairement clans Yawar Fiesta:

147
r
" Descle las cUllIbres bajan cuatro n.os y pasan
cerca deI, puebla; en las cascadas, el agua
bl:llll:a ,'JLLI, pero ,los 1I11St15 no oyen. En
1 cL S
Il il LLL Il;1 5,
e 1\\ las c UlII br cs, con el v j ('; n t a
bajito, flores all1arillas bailan, pero los
mistis casi no la ven.
En el amanecer, sobre
el cielo frfo,tras deI fila de las montafias
aparece el sol
entonces las tuyas y las
torcLzas cantan,
sacudienclo sus a Li tas; las
ove jas y los potros corretean en el pasto,
mientras los mistis duermen a miran calculando,
la carne de los novillos. Al atardecer, el
taita Inti dora el cielo, dora la tierra,
pero ell05 estornudan, espuelan a 105 cabal-
los en los caminos a toman café, toman pisco
,
C':'l 1 i è JI te.
l'l'ra en el cora zan de los l'uquios
est~ lloranclo y riendo la quebrida, en.sus
ojos el cielo y el sol est{n viviendo ; en
,-
su adentro esta cantando la quebrada con
su voz de la Dlaffana, deI mediodfa, de la
tarde, de susurra"
(2)
Désemparé par la violence qU] -l'entoure, Ernesto va
,
',..
(2)
ARGUEDAS, José Maria. Yawar Fiesta. Op. cit.
P. 15

14 S
ch8rcher refuge clans lin JJC'tit village in,lien où les chants, la
clanse et les tl'avaux collectifs des habitants lui procurent la
paix cie ] 'âme,
Dans le récit suivant, cet adolescent solidaire de la
souffrance des indigènes doit subir à son tour le traitement hu-
miliant des mistis :
"
,Juancha
Otra vez te voy a hacer tirar
l5tigu, Ya no hay doctor allora, 51 cres ocioso
/
ICI
kt ré'
ll',ilJaj al' a gol Iles
i Sabes ., Tu padre
/
me lIa Jlecho percier un plelto con la comunidad
de k'ocha
yo le di treinta libras, tienes
que pa gal' eso con tu trabajo " (3)
Ces deux premlers récits de nature épique où Ernesto
combat l'injustice et solidarise avec les indigènes constitue le
passage d'un univers à un autre, c'est-à-dire la marginalité de
ce personnage par rapport à sa communaLlté d'origine,
" Warma Kuyay " est une histoire d'amour entre Ernesto
et Justina,
Les sentiments d'amour d'Ernesto pOlir l'adolescente
indienne sont une des conséquences de son élan de Dlutation, Son
-
"langage en est déjà un témoignage:
..~
i
(3)
!\\RGUEII!\\S, ,José ~[;Ir(:l, "Los escoleros"
Op, cj,t.

149
"
Justinay, te pareces a las torzacas de
Sausiyok "
(4)
Mais l'attitude de l'interpellée indique une répulsion
.Î.llspî.rée
p:ir
1:, dil-\\·én..'llcc
de
leurs OI'JgJnCs
r~lL'i~lles :
" Déj ame, nino, anda donde tus senoras "
(5)
Déjà situé llors de la communauté blanche, Ernesto se
sent à présent repoussé par l'univers dont son attitude de déser-
tion revendique l'intégration.
Il ressent son exclusion de cet
univers comme une malédiction
" - Celedonia, Pedrucha, Manuela, Anitacha ...
soltaron la risa ; gritaron a carcajadas
Sonso nino
Se agarraroJI de las manos y empezaron a
bailar en ronda, con la musiqulta de Julio
cl clwranguero. Se voltearon a ratos, para
mirarrne )' re{an. Yo me quedé fuera clel c{r-
Cl: 1(),
:ll'(:rgonzado, venciclo para sicmpre " (6)
lirllesto sc sent alors humili~ et privé de bonheur
",
,. !_ I.~"d
,;
'jl
---_._-------,--;----------------~-
. /
(4 )
i\\RCUI'.II/IS,
.Jose' MarJ.a.
Il
Warrna Kuyay Il
Op. ci t. P. 123
(5 )
Ibidem.
P.
124
(6)
Idem

150
être rejeté par le cercle des enfants indigènes,
symbole de gaîté
et de chaleur humaine, c'est être privé de bonheur. La description
qu'il effectue de cette ronde d'enfants est éloquente: c'est
llne ronde caractérisée pal' le rire,
la danse,
Il
la lllLlsiquita"
En dépit de cette double marginalité, Ernesto ne démor-
dra pas de son désir de mutation et on peut voir plus tard, dans
,
Los rlOs profundos, que les montagnes les fleuves,
les fleurs, la
nature toute entière sont devenus pour lui des alliés infail-
libles, tout ce qu'ils représentent pour les indigènes.
La double marginalité que suggère Agua dans son ensem-
ble sc présente donc comme Ulle épreuve de conviction en prélude à
l'adoptioll définitive de l'univers quechua par El'nesto, dont la
mutation finale présente la lnatière poJélllique du pouvoir de la
civilisation du dOlniné sur celle du dominateur.
Bl Yawar Fi esta
Je pOllvoir de la culture du dominé
D'un point cie vue linguistique, " Ya\\.;ar Fiesta" est
déj~ un titl'e llybride. Dans ce livre l'optique littéraire du con-
flit Blanc/Indien est essentiellement culturaliste.
La taureaumachie avait été iu.trodui te au Pérou pendant
;'.

. " , \\'1
"
i .', ",,"; ::'
';!
,1
.;
,;,1
' .
. . ' \\ ! .,
i !~i' ;; "",
n. i. j;; Il'
"" ,.·la colonisation espagnole. Mais il faut préciser' immédiatement ·que.'~
.
,.
.
~~-,"
le" turupukllay" des Indiens de la sierra péruvienne,
tel qu'il
est décrit dans le livre cI'Arguedas, n'a absoluilleilt plus rien de
commun avec la corrida espagnole. La fête espagnole il pris ici

15 1
le visage collectif d'une épopée tragique où le goGt du risque
remplace l'homme de métier.
lei le spectacle est englouti par la
violence
" Los indios son m~s bravos que los taros, y
entran desafiando. Capean con su poncho, y
LU~lJ1l10 sc asustan,
corren y se
tîran al cho-
/
clan, en peJotera. El taro se queda a la oril-
III Jel
Ilueco,
resopl~nJü con furia.
Pero no
loJos los in,lios corren bien, y cl taro al-
canza a algu!los, de la entrepielna los sus-
pende,
los retacea coma a trapos "
(7)
La musique, la danse, les chants qui accompagnent la
cérémonie sont de conception strictement quechua et le climat
de lutte qu'ils Sllgg~l'Cllt fait directement appel à un drame:
"
Ay taro, taro,
cornea pues,
!1Iata pues
taro,
taro
"
fi)!
taro,
taro,
,-'UJilU
has de corTIcal', -
(7) ARGUEDAS, José Mar{a. Yawar Fiesta. Op. cit. P. 49

1 52
l'omo !las de matar,
toro,
toro
" (8)
l' :1 " r - ,i 1 ",(, lil (' 1':1 rl cre Il cor e de .E ê t " ? l I s ' agi t plu tôt
d'un ri.te' épou\\'anrabll' 11 tr:1vers lequel s'exprime 1:1 colère im-
mCIlse d'un peuple,
l'expression d'une douleur collective; et ce
mode d'expression est d'aut:1nt plus symbolique qu'il choisit pour
support la torture caricaturale d'une des plus grandes valeurs
socio-culturelles de l'adversaire.
Ce rite méconnaissable a cependant un pouvolr extraor-
dinaire sur les mistis de Puquio
En s'opposant par exemple à la décision ministérielle
d'interdire le " tunlpukl1ay ", ùon Julian, le plus prestigieux
des mistis de Puquio ne défend pas les droits réels des Indiens.
11 lutte pllll',ôr 1)(11'"
Ir' mil,intien d'Ulle tradition qu'il a adoptée,
pour la préservat Ion de S:1 propre fête.
Tl s'insurge ainsi contre
la décision de l'autorité centr:11e
/
"
y como va a ser la corrida ?
. Los indios
J
o
van a lIl]rar nOlllas ?
~Y las enja1mas? ~,En
si1enc10 no Illas va a ver la corrida? " (9)
-
.:,1
i
(8)
Ibidem. P. 160
(9)
Idem

1 S3
C'est lui qUI a offert Misitu aux Indiens pour la
c é 1é b r;1 r .i 0 Il
(lu 1" i. t c
" He da do mi toro al ayllu de K'ayau y quiero
saber "
(10)
Don Julian de Aranguena qui défend la tradition quechua
du Yawar Fiesta n'cst plus qu'un adversaire de classe; comme
Ernesto, sur le plall culturel il se sent plus prochc des indigènes.
Tout,
jusqu'h son langage indique cette mutation. Les indigènes de
Agua n' ;Ivaicilt l'IICOI'C aucunc sorte d' influencc sur don Braulio.
Dans Yawar Fiesta, don .Julian si fier de sa condition de seigneur
blanc n'a plus du tout sa liberté culturelle.
De même, l'opposition du Sous-Préfet et des dignitaires
de Puquio à la célébration de la corrida indienne indique une atti-
tude d'hypocrisie caractérisée, un simple orgueil de race qui mili-
te tout au plus en faveur du maintien des rapports de privilège
avec l'autorité politique représentant la" civibsation" face
à
la " barbarie "
.
, en un lnot, les mistis de Puquio luttent COlltre
le tUI'upukllay pour le maintien de la structure de domination
établie depuis la conquête européenne.
Cependant, lorsqu'il se fait décrire~,la fête indienne,
l'attitude ,lu nouveau Sous-Préfet de Puquio trahit un désir réel
(10)
Idem

154
de découvrir une merveille
"
[ol"ombo
!
Pero debe sel' fuerte eso.
b
pistolludo !
,
Tl ocr el.
que flic,. ,1 ta II saI v il:i e. Yo 10
VCI"CIIIOS.
Solo que qllizl no cs cristiano eso.
- No diga,
se~or Subprefecto, su ontecesor
ero limerlo Je pura cepa Y gozaba coma pagado.
Usted perJane, pero como un chancho gozaba.
Hab{a que ver"
(11)
Pour cela,
lorsque le Sous-Préfet reçoit la circulaire
de prohibition de la fête andine, il la qualifie de " mala
noticia Il
:
" - SeDar alcalde y senores veC1nos. Tengo que
darles una mala noticia. He recibido una C1r-
cular de la Direcci6n de Gobierno, prohibiendo
l as corridas sin diestros "
(12)
l't,
même des part.isans les pJIIS irréductibles de la
-
(11)
IbiJc=m. 1'1'. 49-50
.
1
(12)
Ibidem. P.
53
1
1
, .
:

,1
1 55
" - y Jan Demetrio se ha ce el extranjero.
Segura Sll alma est~ 11oranJo en su adentro.
Pero en el despacho deI Subprefecto pare ce
1 i.meno prisionero cn Puquio " (13)
A la fin,
face à la morosité de l'homme de métier
arrivé de Lima, le " turupukllay " peut avoir lieu à l'appro-
bation spontanée et unanime de l'assistance. C'est d'ailleurs le
Maire de Puquio lui-même qui en donne l'ordre:
" El ~lisitu se planto junto al bu1to, y
,
bailando con sus patas traseras empezo
a rebuscar tras de la capa.
Ibari.to echo
el trapo sobre la cabeza deI taro ; de
tl'es saltos lleg6 al bllr1adcro y sc ocult6
('11
"] ;IS
t:1b135.
j:l\\t:ol1c:es eL Il\\ismo don i\\ntcnor, el Alcalde,
,
,
grlto de repente, saltando de su asiento
Que clltl·e el " Honrao ", carajo !
Que entre el Tob{as
! - Grito don Felix
de la Torre.
Qlle entre e.l Wallpa
Cl K' encho
! "
(14)
":".:"..
(13) Ibidem. PP, 47-48
(14)
Ibidem. P.162

l S6
Le dénouement de Yawar Fiesta, la célébration du turu-
pukllay au détriment de la corrida espagnole marque l'influellce
de la culture andine, l'action de la culture du dominé sur celle
du dominateur. Ce thème introduit pour la première fois par
Arguedas aurait eu une connotation d'hérésie quelques années
plus tôt.
Dans Los rios pro[llnc!os le phénonlène d'indianisRtioll des
Blancs est incarné il nouveau par Ernesto. Si dans les premi.ers
rl~cits dr/\\[)l,llèd:I~; Ct.; personnage abordait cncore Jes l'éa.1ités an-
dincs pa l' Ol1ï -L1j l"C
1t
1::::;0
dj cen
",
ri
es
~lS i
seglin
] os
inc1ios "),
clans Los rios pro fundos il se présente déj h connue un pur produit
des Andes.
i
. J
!
Cc 1·0111:ln correspond à un épisode de la dynamique amor-
cée dans ~lia : lill grand effort de récupération de l'enfance loin-
taine et ce qu'elle signifie dans le cas concret de l'auteur
soit la possibilité de retrouver le bonheur perdu, ce bonheur que
procurait, non pas la tutelle d'une mâratre d'origine européenne,
incarnation de la violence, mais plutôt le contact des chefs
indigènes clon Maywa ct dOIl Victor Pus a dont Erncsto porte l'image
au plus profond de sun être
.-
rI
j\\le
vcr frente .:l Ill],
la JmelgclI de' mis'
protectorcs, los alcaldes indios
: don Maywa
y don Victor Pusa "
(1 S)
(15) ARGUED!\\S, José Mar{a. Los r{os profundos. Op.
cit. P. 16

157
La scène du livre est composée de deux mondes bien
disU-inc:ts
le collège d'Abancay, symbole de l'univers occi-
dental et les caillpagnes uvoisjn~ntes, reflet de la vie andine.
Lill le' 1("
deux mondes, Ernesto, le penclant romanesque
de
l'aurolll',
['oIlL'llt blanc aclopté par les quechuas et rendu '1
sa société cl' or i,gi ne se comporte comme' un inadapté :
- ce comportement se précise dès les premières pages du livre
il Cuzco oCl, comme clans le coeur de l'adolescent culture indienne
ct culture européenne s'entrechoquent violemment, ce sont les
vestiges de la civilisation inca qui le font rêver:
" - Los Incas estan muertos - dit le père
et
l'enfant répond:
- l'ero no este nluro ( ... ) Este muro puede
/
Call1.lllar.
['odrla elevarse a los cielos 0
avanzar hacis el fill deI mundo y volver.
No tc:lIlen qui enes viven adentro ? "
(16)
Ce monde en ruine lui suggère cles images auxquelles
son père (Blanc) n'a pas accès
Il
En la penurnbra,
las se..:t:pientes escupiclas sobre
la l'uerta del l'alaclo de' Huayna CapClc caminaban ,,' ,', i,
( 1 7 ) ' '
(16)
Ibidem. P.
17
(17)
Ibidem. P. 17

158
Par cette sensibilité animiste, Ernesto se montre
réfractaire ~ toute attitude tendant ~ interrompre sa commu-
nion avec la vie interne des cho~es
" Pero mi padre decidla irse de un pueblo a
otro, cuando las montafias, los caminos,
los campos de juego, el lugar donde duer-
men los p~jaros, cuando los detalles deI
pueblo enlpiczall a formar parte de la ,ne-
moria "
(18)
1'1115 !cl nt ,
il
L'internat du collège d'Abancay, par son
opposition COllstante (lU Père Supériellr, Ernesto se"a perçu comme
un être étrange, Sa conviction est de toute autre nature, établie
autour des figures différentes de celles qu'on adore dans son
nouveau cadre de vie, Dans l'enceinte de cet univers où il ne se
retrouve pas,
l'enfant solitaire intronise une sacralité propre,
un culte subreptice qui présente les représentants de la religion
officielle comme collaborateurs de l'injustice, incarnation de la
duplicité humaine face à laquelle il in00que la subtilité magique
cles "fleuves profonds" des Andes
-
(18)
Ibidem, l',
28

1S~)
" Deb{a scr coma el gran r{o
: cruzar la tierra,
cortar las rocas
pasar indeteniblc y tran-
q'lilo, entre los bosques y montafias ; y entrar
al nIa",
acollipafiado por un gl'an pueblo de aves
que cantarfan desde la altura ( ... J
LUIIIU
t(l,
1·.1.0
Pachachaca
! Il
(19)
Les jours de fête,
lOI'sque ses camarades de collège
s'exercent à courtiser les filles d'Abancay, Ernesto prend le
chemin des champs o~ il rêve Je cette jeune indienne d'un vil-
lagc de son enfance :
.
,
" Una muchacha de hermoso rostro que V1Vla en
aqllel pueblo salvaje de las huertas de
Capul{ "
(2OJ
Il rêve d'une femme de nature tout à fait particulière
" Una mujer que pud:i.era
adiv inar y tomar para
si. mis suc~os, la memoria de mis viajes, de
(1 ~) J 1 bi de Iii.
l'.
'1'-
(20J
lbldelli.
l'.
112

160
los rios y montanas que habl<l vi.sto" (21)
AV<lnt la révolte des ~' comuneros"
c'est Ernesto qUI
s'attaque le premier <lUX militaires, autre valeur du milieu où il
se sent exilé:
leur uniforlne étrange,
leur allure indiquant la
violence, leur manière de regarder les femmes, digne d'impéni-
tentes victimes d'images concrètes du corps etc ... Tout en eux
tranche radicalelnent sur la vie andine
"
. y estos disfrazados ?
G
~ El coronel, los
huayruros de espuelas y polainas, tan dis-
tintos de los humildes gendarmes a los que
reemplazaren, y los gordos comandantes que
Sc
('"I[ll umaban para escol tar al coronel en el
desfile ?
~
"
Adonde nos
"
querlan llevar .,
~/ Que dClisa veta deI mUlillo represcn-
t.~ln ? If
(22.1
Ernesto sc préscnte ainsi comme la conSCIence andine
pure, un anticorps qui repousse énergiquement tout être étranger
b l'org811ismc vivant mais menacé que sont les Andes.
Dans l'odas las sangres l'infiuence de la civilisation
, .
(21)
Ibidem. P.
1 1 4
1
(22)
Ibidem. P.
1 22
1

16 1
indienne se généralise avec la chute de l'eurocentrisme ardu de
dona ~[atilde, épouse de don Fermin Aragon de Peralta. Séduite par
la force de caractère de ses domestiques, autant que par la grâce
et la hauteur d'esprit de Rendon Willka et fatiguée des mOlldanit6s
de la haute société lim6nienne, elle suggère à don Fermin avec
nostalgie :
,
" Llevame de nuevo donde los brujos. Y todas
las vacanci.olles Ilar~ que mis hijos se con-
tagien de esa brujer{a. Prefiero que sean
hrujos anal fahetos "
C:~3)
~laJs c'est CIICZ don Bruno que se Ilote mieux l'influence
de la cultul'e andine, C'est le principal misti du village de Lahuay
nlarca ; Inais sur le plan Clilturei il rappelle étrangement Ernesto
et don Jlllian ArangOena. Sa mère fut, par exemple, inhumée. selon·
les tl'aditions queclluas
:
1
" Llevense de ulla vez a mi madre al K'oropuna,
que trabaje allf, junto con los muertos
Lahuaymarcas "
(24)
-
,

'
.,,~
L
• •
.""1
(23)
.~RGLJ[:Ii:\\", .los6 ~lClrfa, To'das las sangTes. Op. cit. P,341
, . ï L
(2 Li )
1h i cleo III.
l'.
ê:: 1
1

162
1.';j.,('l:IClll';ltlon
de Hl'llno cst pCl'çue av(:c
jnquiétude
pal- FerJ!lLll
1
" Bruno es gran senor de poncho, azote y revolver,
l
,
pero esta mas cerea de los indios que de la ci-
vilizaci6n. Yo 10 vi en el corredor de su ha-
1
b '
1
cienda, frente a ese gran ar 01 ro]o, y en mas
de un suefio ; habla un poco coma los indios.
1
Compara el color de mis ojos con el de unas
piedras que fueron despedazadas pOl' los rayas.
El es " brujo ., catblico y brujo indlgena " (25)
~\\~is c'est ~ travers le jugement des indigènes qu'on
apprécie llIieux 1:1 IIllIr"r ion culturelle du pel-saunage
" Es hijo deI dios Pukasira y deI dios Nuestro
Senor Jesucristo.
Ahist~ ! Juntos se ven en
él. La barba rubia,
los ojos azules, ser muje-
riego, tener caridad, es hechura de Nuestro
Senor Jesucristo, pero su decisi6n por defender
al colono, al indio ; el haber abrazado al viejo
alcalde y rezado junto con él arrodi.llado en la
misma piedra, eso es obra deI Padre Pukasira" (26)
-
j.
',,' ;'1
,,~ .
(25) Ibidem. P.
341
(26)
Ibidem. r.
268

16:'
Ce personnage allX visages multiples rappelle, du
point de vue des indigènes,
le métis Rendon Willka qui est la
SOll\\lIle
éqll.i 1 i.hréu ,,-les
va]curs
culturelles
i.ndienncs
et-
co.lOJli~lles.
Ilcndoll Willka illv04uC les divinit6s quecllllas, adresse
ses prières UIIX 6161nents sacrés de la 11ature. C'est, par exemple,
lui qui dil'jgC les
l'jres p,'éliminaires de l'extraction des mines
de la montagne Pukasira. Cependallt,
il n'hésite pas il embrasser
la croix chrétielllle. Cette attitude du principal personnage dè
Iodas las sangres indique la coexistence des traditions quechuas
et européennes dans certains aspects de la vie andine.
C) L'influence de la culture occidentale
le phénomène
-=-=-=-===---":'--='.::.......J::":":"::=:::'::":':'::'
syncrétique
Dan~ son livre Formacion de una cultura nacional
indoam6ricana José Marja Argucdas écrit
" La religion catolica no parece haber convencido
a los lllltul"ales en cuanto a sus .Eundalllentos
teor:i.cQs. El Illas notable resul tado 0 la mayor

164
conqllista del catolicisJIlo parece concretarse,
en lo 'Ille se refiere a los fundaJllcntos,
a la
conviccion de que Dios crea el JIllindo celeste
y que se le debe temer "
(27)
Considérons un instant l'émotion indienne des premiers
moments de l'invasion européenne qui fut perçue comme le retour des
Dieux. Rien que cette coincidence jctait déj~ les bases du triom-
phe du catllolicisme en Amérique.
Or,
la fonction sociale de la religion catholique dif-
fère pour l'essentiel de celle du sentiment religieux quechua:
" La religion quechua était un code moral avant
d'ôtre llne conception métapllysiquc - écrit
è1<triategui - Elle avait des buts temporcls
plllS (Ille des fins spiritllclles. Elle se préoc-
clIp:li 1 dll "oyaulilc terrestre,
avant que de
S'OCCllpcr du royaumc céleste. Elle constituait
une discipline sociale plus qu'une discipline
individuelle"
(28)
On peut donc concevoir que l':"adoption de l'élément
, "
(27)
ARGUEDAS, José Mar{a. Op. cit. P. 76
(28)
MARIATEGUl, José Carlos. Op. cit.
[J.
140

165
sp iri tUE"l du christiull.isrnc Il' ait p,IS pu détruire chez le quechua
les bases sociales de son propre sentiment religieux.
Au cours d'ulle enquête anthropologique réalisée dans
la sierra, Arguedas recueillit ces propos de Viviano Warnaucha,
un vieil indien converti au christianisme
" Los w3munis existen propialllcntc. 1'1105 [ucron
puestos por el antiguo Senor, pOl' Inkarrl. El
\\oJ;llllaJli
c.s,
plies
llucstro
SGgunuù djos
Il
(::::~))
Les wamanis sont considérés comme divinités effectives
" El wamani da pastos para nuestros animales, y
para nosot l'OS, su vecina, cl agua " (30)
Cette expli.catioll très simple et apparemment superfi-
cielle du notable quechua reprécise et fonde les analyses -ù'.Ar-
guedas et de Mariategui qui opposent le caractère essentiellement
spirituel du catholicisme h la fonction plutôt sociale du.senti~
liient religieux quecllua.
La vie spirituellc quechua est dOIllJllée p.lr la tradition
!
i.,
(20)
ARCUI:Jl;\\S,
,José 1\\1;11"(<1.
Op.
cit. l'. 41
(30)
Idem

166
orale qui a ulle puissance extraordinaire chez les peuples qU1
n'ont pas connu J 'us~ge de l'écriture:
la mati~re transmise par
cette voie s'enrichit d'autant plus effectivelttellt qu'elle est
libre de la canalisation qui fige généralement la matière écrite.
C'est a1nS1 qu'après la conqLlête espagnole, les pratiques 1'1-
tuelles des IJldiens,
a~nSl qLle leurs mythes, contes et légendes
s'enrichissent progressivement de nouveaux éléments inspirés par
la spiritualité catholique.
Ce second aspect du métissage cultLlnèl est L1ne compù-
sante appréciable de l'oeuvre d'Arguedas. L'étude que nous allons
y consacrer se présentera en quatre épisodes présentant chacun
un cas précis de coexistence des traditions chrétiennes et
quechua:
la légende de Maria Angola,
la notion du ciel et de
l'enrel,
Les rites de cOlljuration et les cultes aLlX morts.
I:C r IL:
1égelllJe
[ut révélée pour la premi ~re fois dans
llne collectioll d8 Inythes,
légendes et contes quechua publiés en
1947 par Argued'ls
Mal"ia Angola et son frère Mariano firent un jour le
pari de se rendre ~ Cuzco. Celui qui arriverait le premier de~
vrait se suspendre ~ la tour de ~a i;:~t,~,édra\\",de l~"~,il~e" inc~""
pour annoncer sa victoire au monde. Il~portaient ~hacunune
!,
chaine en or, qui leur conférait le pouvoir de l'envol. M~ria

167
Angola gagna le pari et on l'entendit chanter son triomphe 101'5-
que Mariano survolait encore la lagune de Huaypo ; confus, il se
jeta dans la lagune. Depuis, la cloche de la cathédrale de Cuzco
porte le nom de Maria Angola et on raconte aujourd'hui qu'en
période de pleine lune, Mariano sort de l'eau en trainant sa
chaine dont on peut percevoir le grincement et les reflets dorés.
Cette légende précise le caractère sacré de la ville de
Cuzco, le centre du monde d'où la voix de la cloche chrétienne
peut atteindre l'univers tout entier.
La légende présente trois figures essentielles
- la ville de Cuzco, c'est-à-dire le centre du monde
- la cloche chrétienne, symbole du rassemblement à
l'ordre de Dieu
- les J aguncs, élé",ent antithétique rappelant l'enfer:
au Pérou,
les
Lagllnos SOllt généralement situées sur les hauteurs
et le phénomène de hllayco dOllt ils font office leur confère un
caractère de lieu maudit.
.J .
Cette légende réapparait dans l'oeuvre d'Arguedas par
i
de la cloche :
" Est~bamos juntos ; ,recordan4q"y() ,)as:desnip-.. ;\\:i'
"1·:!"'I~:'·,I·:",,""l(:·~"~;1·
"
J.
,01:
,.,.
Clones que en. los viajes hizo,:mi padre, deI
Cuzco. üi entonces un canto:

'.1-
1 68
'1 La Maria Angola ! - le dij e,
i si. Quédate quieto ! Son las nueve. En la
Pampa de Anta, a cinco leguas se le oy~. Los
viajeros se detienen y se persignan.
La tierra debfa convertirse en oro en ese
instante" (31)
C'est dans un court essai anthropologique sur la ville
de Cuzco ct"';\\I'glecl:Is }'évèic l'origine et le pouvoir réels de l a i
cLoche:
" Antes deI alba, el ultimo toque de la campana
legcndaria de la catedral latina, la voz de'
..
1
,
la " Maria Angola " domina el horizonte deI
1
1
(: II ~'. c" U
nuras deI valle
se difunde en la ciudad como
,
,
el agua mas clara de los grandes rlOS
iY ya .
1
~ea nublada y lobrega la noche, 0 clara y res-
,
plandeciente de estrellas, el sonido de la cam-
. '
pana inspira al visitante, le comunica todo el
poder evocador de la grau ciudad, su migica e
ilimitilda profundidad est€tica
; obra empezada
en la prehistoria, en un lugar elegido con in-
.
. ,
. .
tUlclon rellglosa, cuan<±o el hombre es creatura
, ;'
; ;..., -,i! i, ~,I·:.
q~e eleva a la categor{a divina la fecu~didad
:-",' )~~! .
y la belleza "
(32)
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _-----:
~
I
, .
((31) ARGUEDAS,
José Marfa. Los r{os profundos. Op. cit; P. 16
~'.
32) ARGUEDAS, José Maria. Resena de Cuzco. Lima, Ed. "Contur",
'
1947.
P.
9

169
I.'origine légendaire de la cloche cllrétienne se confond
alnSl avec le caractèl'c sacré de la capitale inca, elle-même d'ori-
gine sacrée,
2°) la notion du ciel et de la terre
NUIJ~:' :.tV()IlS Vlt d.IIlS
Î U
L:hapitru précéd~nt L{UU,
pour les
Quechuas,
les morts vont à Q'oropuna, espace vertical s'orientant
vers le ciel, et que les âmes impures restent en peine sur la
terre. Q'oropuna et la terre constituent dans la spiritualité
quechua une base d'adoption du mythe chrétien du ciel et de l'enfer
avec les images respectives d'ange et de démon.
De ce point de vue, nous trouvons déjà des prémices de
transculturation dans le mythe de Inkarri. Le texte du mythe tra-
duit du quechua par Arguedas dit très précisement ceci
" Los wamanis existen propriamente (como ser y
corna cosa original nuestra). Ellos fueron
puestos por el antiguo Senor, por Inkarr{.
El wamani es, pues, nuestro segllndo Dias.
'['ocias las Inontaffas tienen wanlani. En todas
las montanas est' el wamani.
El wamani da pastos para ,nuestros animales y
para nosotros, su vecina, el agua. Nuestro
Dias puso la nube, la lluvia ; nosotros la

170
recibimos como una bendicion suya. Y de
nuestros padres,
los wamanis, recibimos el
Aaguay u~u, porq~e as{ Dios 10 ha convenido
y mandado.
Pero todo fue puesto por nuestro
,
antiguo InkarTl.
El creb todo 10 que existe.
Entonces, cuando él trabajaba, le dijo a su
padre el sol
" espérame ". Y con unos cin-
chos de hierro amarr6 al sol, en Osqonto, en
la montaITa,
junto a Wanakupampa. y el padre
de Inkarr{ fue el sol. Inkarr{ tiene abundante
Dicen que ahora est~ en el Cuzco.
19noramos quien 10 habr{a llevado al Cuzco.
Dicen que llevaron su cabeza. S610 su cabeza.
y
as{, dicen que su cabellera est' creciendo.
Su cuerpecito estâ creciendo hacia abajo.
Cuando se haya reconstituido hab{a de reali-
zarse, qujz~ el juicio.
Cuando iba a morir Inkarrf, " i oy plata
y 0 ro
" diciendo, en toda la tierra desa-
..
p:ll"eCIO la plata."
,'Ocultaos, en los siete
estados, oro y plata
!~', dicen que ordeno
Inkarr{ .
No sabemos quien 10 mata, quiza el rey espa-
501 10 matb y su cabeza la llev6 al Cuzco.

171
, .
y por eso,
los paJaros en la costa cantan
" [n cl Cuzco el rey ", " al Cuzco id "
estan cantando "
(33)
Lu
cUl-'LUl'e
CL
l'exécuLiùJI Je
lllkuj"j'j t""' .tes lisp"gJluL
rappellent la fin de Atahuallpa, le dernier des Incas, et, plus
proche de nous,
la mort de Tupac Amaru, le leader révolutionnaire
de Tungasuca.
Mais ce qu'il est plus intéressant de faire remarquer à
présent, c'est l'adoption de la notion du jugement dernier par la
mythologie andine
:
InkCln'j, Ihcli civilisateur venu sauver les hommes du
chaos terl"cstel' ~st ClI","0té par dcs cnvallisseurs, supplicié et
exécuté. ~Iais il reviendra pour rétablir la justice.
Ceci rappelle le IllY the chrétien de Jésus Christ, fils de
Dieu descendu Sllr la terre pour sauver les hommes du péché. Arrêté
" bons " iront au ciel et les " mauvais " en enfer : le ciel et
l'enfer, deux images inspirées par le mystère du péché.
C'est dans "Hijo Solo " que la production littéraire
d'Arguedas montre micux le brassage des séries d'images Q'oropuna -
terre / cicl - enfer.
(33) ARGUEDAS, Jos6 Mal"fa. Forillaci6n de una cultura nacional indo-
americana. Op. cit. PP.
41-42

172 .
Dans la scène de cette nouvelle on distingue deux mondes
opposés
le village de Lucas Huayk'o et le repaire de Singu
l'enfant indicn et son chien Hijo Solo.
Le village de Lucas Huayk'o est dominé par la haine, la
violence et ];1 Illort, avec la figure diabolique de Adalberto, le
cacique de la petite localité. En parlant de Adalberto Singu
dit
:
" Excremento deI infierno, posma deI demonio.
Que el sol, te derrita como a las velas que
los cOlldellados llevan a las nevadas.
Te
clavaran con cadenas en la cima de Aukima
1
Hijo Solo cornera tus ojos, tu lengua y
vomitara tu pestilencia ! "
(34J
Comme le diable et tous ceux qui sont condamnés à
l'enfer Adalberto est destiné à subir le supplice du feu:
"
i Sefiorcito Dios
Levanta fuego
!
iLevanta
fuego!
i Dale la vuel ta !
i Cuida ! " (35J
AloTs que le village de Lucas Huayk'o, situé dans la
vallée est décrit comme le lieu de la condamnation, le repaire
(34)
ARGUJjUI\\S,
,Jusé ~tarLt. " lliju Sulu" III J\\llIur IlIuudu )' cudus
lus
cuentos. Lima, F. Moncloa Editoras, 1967. P.
141
(35J
rbldem. P. 142

173
de Singu situé au sommet de la montagne qui supplombe. le village
a tous les traits d'un paradis.
Il se caractérise par trois élé-
ments lourds de sens:
la pierre, l'eau et la couleur jaune.
et donc imlnortelle,
symbolise l'éternité. Rappelons encore que
dans Yawar Fiesta, la pierre alaymoska qui occupe le centre du
village symbolise l'union indestructible de la communauté.
- de même, l'eau qui est une création des wamanis, par sa
fonction d'aliment indispensable à la vie et par son rôle pré-
pondérant duns la fécondation de la terre, symbolise l'éternité.
- la couleur jaunc est celle du soleil
; elle a donc un carac-
tère sacré. Les yeux alnsi que la pelure de Hijo Solo sont de cou-
leur jaune. Dans ses fréquentes crises de tendresses, Singu appel-
le son chien par le nom de Il amarillo Il ou, plus tendre encore
I l
amadllito ". Etabli ainsi dans l'enceinte d'une sacralité
vivace, c'est Hijo Solo qui chatiera Adalberto le diable.
Assis sur une pierre de couleur jaune, au flanc de la
montagnc, Singu cOlltemple le rythme be1"~ant du fleuve et écoute
le chant des oiseaux. Son domaine incarne l'éternité, le paradis,
Q'oropuna, le ciel. Il est lui-même destiné à la vie éternelle,
au ciel, à l'opposé d'Adalberto;
Il
El Senor Dios le haria l~amar con algSn
, 1
mcnsajero, cl Jakallu 0 el Patr6n Santiago';
"

174
.
,
entonces segulrla de frente, hasta las
cumbres y por alg~n arco iris, escalarfa al
cielo, cantando a duo con Hijo Solo" (36)
Il faut faire remarquer ici que le messager de Dieu
peut à présent venir indifféremment du domaine quechua (el
Jakakllu) ou du domaine chrétien (el Patron Santiago).
De même, les images montagnes
(Q'oropuna) 1 ciel se
confondent (l'ntonces segui ri" (le frente h0~r" 1:'5 clllHbres y por
algun arco iris escalaria al cielo).
3°)
les rites de conjuration
Les calamités que l'esprit occidental qualifie habi-
tuellement de nautrelles, la sécheresse, les innondations, les
tremblements de terre, les épidémies etc ... sont perçue5 par le
Quechua comme différentes manifestations de la colère des divi-
nités dont les hOllllHUS n'observent pas toujours les recommanda-
tions COlllllle
il se doit.
Pour apaiser ces différents signes du mécontentement
des dieux,
les Indiens célèbrent des rites de conjuration et font
des offrancles aux figures sacrées dOllt ils sont en demeure d'at-
' .. ,
1
tendre des repr6s~j11es.
'.'
,'l, ."
De nos jours, cet aspect de la culture quechua est
, "j

'i
(36)
Ibidem. P.
143
J

1 75
pénétré par une intense influence occidentale. Deux récits d'Ar-
gueuüs
Cil
dUllJlt:J1L
ua HjJur~lI :
l~
lu
1111llJJ'LL~ du
lus
i\\n:lllgù
l'
L~l
I.u~;
rios profundos.
Dans" la muerte de los Arango ", pour conjurer une
épidémie de peste, les Indiens du village de San Juan sacrifient
un cheval aux dieux. La cérémonie est réalisée dans la pure tra-
dition quechua avec, au départ, la médiation d'un prêtre indigène,
le " auki ". ~lais le sacrifice d'un cheval - animal introduit au
Pérou par les Espagnols - au lieu d'un animal de tradition andine
tels èjlte le LI Ill" , l':llp:ICI ou ]a vigogne, de même que la parti-
cipation du pl'Ctee catilolique d011 Jauregui,
témoignent d'une
ouverture ~ la culture occidentale. Dans ce sens, les cris libé-
rateurs de la fin du rite sont d'une éloquence remarquable
,
"
Don Eloy, don Eloy!
i Ahi esta tu
L ~IIJ 1.1 1 1 u
propia calavera.
jSantos, santos, san-
tos !
iEl alma deI tordillo recibid
i Nuestra alma es salvada
Adios
millahuay, despidillahuay ! "
(37)
Il:lns Los l'lOS profundos,
~ L;annonce d'une épidémie de
typllUS,
le rite de conjuration s'initie par des 'imp;é~a~fons
!
(37) " la muerte de los Arango " ln Op. ci t. P. 131
,:

1 76
proférées contre l' " esprit" du mal
"
Fuera peste !
'1 IVay j iebre !
j
\\~aaay. ,.
l~ipilY, l'.lpuy
'\\ Kanask' aykin ! 1 \\l'aaay
(
vete; vete!
He de quemarte) "
(38)
Et bientôt une masse infinie d'indigènes prend
d'assaut l'église d'Abancay en scandant:
" Inglesia, illglesia, padrecito "
(39)
Bravant fusils et matraques des soldats arrivés de
Cuzco, les indigènes réussissent a atteindre l'église et la
cérémonie qui s'en suit est un mélange de traditions chré-
tiennes et quechua : le chant de la fin du rite est calqué sur
un air des cét'émotlies funèbres queclluas avec des figures chré-
tiennes CU]'jcusclncllt brondies comne objets de violence :
" Mi Madre Marla ha de matarte,
ml Padre Jes~s ha de quemarte,
Nuestro Nifiito Jes~s ha de ahorcarte.
Ay, huay fiebre ! "
(40)
- - - - - - - - - - - - - - - _ . , - , . , - - - - - - . _ - - - - - _
,
1
.._...
(38) ARGUEDAS, José MarIa. Los r{os profundos. Op. ciL P.
242
(39)
Idem
(40)
Idem

177
'fOl
les cultes aux morts
l '
,
lud"s
[;,:.; s""gles cunEI.rme 1" tradItIon Indienne de la
visite des morts qui descendent de Q'oropuna une fois tous les ans
en visite aux vivants. Dans ce livre cependant le jour de la visite
des morts se confond avecunefôte de tradition chrétienne:
" - Es de otra vida. Vendra a verte el dla de
,
difuntos nomas "
(41)
De même, dans Diamantes y pedernales,
les rites funé-
raires indiens sont parcourus d'habitudes chrétiennes:
Don Mariano est un Indien, simple d'esprit, banni de
son village par Antolin son frère aîné. Devenu musicien de grande
autorité, il Dleurt dans la capitale de la province qui l'a adopté.
La cérémonie de son enterrement est un rite hyhride ail cult.es
quechuas et chrétiens cohabitent avec un naturel plutôt
surprenant :
" En el corredor deI patio de adentro, sobre
,
una mesa, tendieron bayetas negras. Alll
estiraron el cad'ver. A una sefial deI can-
,
tor,
todo el ayllu rezo G-:J. l' yayayku "
('(ll
AR(;lJ[[I'IS,
,José !.I;lI'(a. Todas
las sangres. Op. cit. P.
221

1 78
i .
(l'aclrcnues cro)
C••• )
Cerrando los ojos, don
Aparicio le habl6 al cadaver . " Mi alma
tambi~n, padrecito Mariano, como perro blanco
te va a acompanar por todos los silencio
que tienes que andar C... ) hasta
1
llegar a la gran torre que segun los indios
.
. .
1
construyen los muertos, Sln conclulrla Jamas
,'-:uhrc
1:1
il:.J:lll:J
Cilll:1
de
K'ornplllln
"
(,12)
On citera dans cet ordre de nombreux autres exemples
s'articulant en différents stades, depuis les quotidianités les
plus immédiates jusqu'à l'organisation sociale, administrative
et politique, c'est-à-dire la conception de la vie en communauté.
Le couronnement même de l'adoption de la culture européenne réside
dans la perspective de la révolte sociale qui suppose la maîtrise
des techniques europ~ennes de lutte sociale. Notre prochain
ch"pi.rrc ,.,~r :illSrclllcllC c·onsacré au thème précis de révolte
sociale.
(42) ARGUEDAS, José Marla. "Diamantes y pedernales"in op. cit.
P.
71
.~
.
,,-.

179
C!-IAP l TRE V
lc\\
l'l,VOLT L
SOCIALE

180
Une production littéraire digne d'autorité est presque
toujours le reflet des rapports de son auteur avec les tensions
social,es et idéologiques de son temps. C'est elle qui donne la
mesure ,~t l' importailcl' de la représentativité de la personne de
l'écrivain Jans sa soci6t6.
Les relations de José Maria Arguedas avec l'ensemble de
la société péruvienne constitue la constante absolue de son oeuvre.
Cette société est d'essence conflictuelle et composée des univers
.indif:L'nc cl
hl",", {'nlJ:,1>il'[lIlt dllns l'espace concret cles Andes.
La structure socio-économique et politique d'un secteur
humain excluant tout shéma statique, l'oeuvre d'un écrivain lucide,
responsable et réaliste est un système de réaménagement permanent.
Arguedas fut un écrivain en perpétuel Questionnement de soi. Sa
profonde lucidité et son réalisme remarquable ne lui permettaient
pas de s'enfermel' J1Lns le champ exigu d'un indigénisme psycholo-
giste et mystificateur.
De Agua jusqu'à El zorro,
l'oeuvre d'Arguedas est un
cycle complet, uni. Sa grande ligne part de l'état d'asservisse-
ment d'un peuple pour s'orienter vers les possibilités de libé-
ration de ce peuple
:
.~B'=-~~~ son prcIIl"r cr 1 ivre pré~cllte un Ilh111i.lC C'ssent.i c1"1 ('111C'llt
affecté par une scission sociale catégorique~ Ici, les rapports
entre les deux clans ethniques ont un caractère purement anta-
goniste ; antagonisme irréconciliable et brutal qui organis,e ,les

1 81
divers éléments de structuration du récit:
les deux groupes
111lma;ns, cel"j de. la minorité blanche et celui de la majorité
indigène, partagent le même espace géographique, le petit village
de San Juan de Lucanas.
Ils n'ont cependant pas les mêmes pos-
sibilités économiques. Don Braulio Félix, le "principal" du vil-
lage est parvenu, au bout d'une manoeuvre bien lâche, caractéris-
tique de son groupe, ~ s'approprier les terres communales de
l'agglomération. L'unique point d'eau de San Juan fait désormais
partie de SOl! dOIll'l;"" pl'ivé.
Commcllt abattre cette injustice flagrante? Telle est la
question qui sous-tend la structure du récit. C'est à ce niveau que
l'indigénisme d'Arguedas ne se contente pas de décrire une réalité
d'exploitation et d'injustice; il est fondamentalelnent recherche
d'une possibilité d'action libératrice.
X.~,~!.l_LJ.:j_~.2.!_~I. est un moment ele tens i 011 entre les paysans
des quatre "ayllu" de Puquio et les "principales" de la petite
ville de province. Le personnage principal en est la population
autochtone qui détruit le "mythe blanc" incarné par lvIisitu. En
réalité le "turupuk'llay" est pour les aborigènes l'occasion de
montrer aux "mistis" jusqu'où peut aller la puissance d'une commu-
nauté unie :
,
"
i Ja caraya .
.
-
M1StlC J

las_veran. Principales

~;;Llsraran con Misitu "
(l)
·1 ..
(1)
ARGUEDAS, José Muria. Yawar Fiesta. Op. cit. P. 44
·"";
i
,
"""

1 82
Los rjo~l]rofu~dos est une création à thèse, en dépit
de son caract~re autobiographique :
/
" La tesis era esta -explique Arguesas- : Esta gente
se subleva por,una·raz6n de orden enteramente migi-
/
co
; corna no ]0 haran, entonces, cuando luchan par
una causa mucha m&s direct a que sus propias vidas,
que no sea l'a una creencia de tipo ma'gico " (2)
La rébellion des "chicheras" face à l'accaparement du
sel et la révolte des "comuneros" à l'approche de l'épidémie de
typhus rompent la tension lyrique du récit pour permettre d'envi-
sager une solution au drame de la Slerre : elles ont permis à
Ernesto de se libérer de l'atmosphère infernale du collège d'Aban-
cal'. Elles permettent à Arguedas de révéler ses intentions pro-
fondes à l'égard de l'ensemble de sa société. Elles pourraient
procurer au Pérou la solution tant attendue de la tragédie indi-
g~ne. Tel e~t le jell de symboles qu'édifie dans ce livre l'imagi-
nation fel't.ile <Ol
inquiète d'Arguedas.
La prlson de El Sexto oü cohabitent dans une promiscuité
,, .
effervescente prisionniers politiques, reclus de droit commun et de
nombrellses autres victimes innocentes d'une dictature militaire,
·1,
correspond à l'internat religieux de Los rfos profundos : ce sont
deux instiLuLions caractérisant l'unive'>'<3 occidental et fonction-
': : '
: . ".\\ ':
:" .,'
\\.1
nant autour du même mécanisme aliénant de'l'autorité imposée. Le:
,Père Supérieur qui est l'incarnation de i'autorité duthrist est
,p
présenté comme un autre visage du principal régisseur de prison.
(2)
Primer Encuentro.
Op. cit. P.
26

1 83
l'autorité politique et l'Eglise, qui présente d'elle-même un
motif de révolte.
Todas las sangres,
le plus vaste des livres d'Arguedas,
est loin d'être une peinture simpliste de la persécution des bons
par les mauvais. Ce livre représente le moment où les victimes
d'une oppression se posent avec plus de conviction et de Illéthode
comme force sociale capable de lever le défi d'une injustice
anach l'on i ql\\e'.
lê.l.
zorro rend compte d'une réalité magique à l'intérieur
d'un contexte Ilistorique' réel. C'est une forme d'irruption du
mystère dans la vie quotidienne. Mais cette magie de l'ère In-
caique ne peut libérer les victimes de la société nouvelle qUI
rlc)i.vent or'gunisof ciles-luôllles
leur cOlllbat.
Tels sont les prInCIpaux seglnents de l,a tension révo-
lutionnaire contenue dans l'ensemble de la production littéraire
,
, ,
d'Arguedas.
Pour une analyse plus précise de cette tension nous
nous attacherons dans un preinler temps à donner un aperçu de
l'harmonie socio-économique des communautés indiennes avant
l'arrivêe des FlIropêcns. Arguedas part lui-même de ce stade im-
portant de l.'hjstojre de la société péruvienne pour légitimer
la révolte sociale qu'il envisage pour les victimes'de la nou-
velle société. Nous consacrerons la deuxième partie du chapitre.!
.,
" . .1

1 84
à
l'étude de la nouvelle structure socio-économique des Andes,
toujours dans l'OeLIV1"e d'Arguedas. Cette étude qui doit révéler
10giqueniCnl
lL"C"
[or"",,, Cil présence précisera d'elle-même la
nature de l'élan redempteur des forces asservies. "Puis nous con"-
cluerolls ce chapitre par l'analyse des différentes formes de
libération expérimentées par les personnages d'Arguedas depuis
Pantaléon CAgua)
jusqu'à Rendon Willka (1'odas las sangres).
JI)
-
LI'
['IIJUIU [S
[',"[UlU
Ernesto, l'enfant héros de Agua est l'instrument de
structuration du paradis inca.
A travers le mythe du paradis perdu élaborê par la
pensée judéo-cllrétienne, l'harmonie de la vie du premier couple
humain fut rompue 1"'1" 1 'apparition du di3.ble. La victoire du
diable signifie pour Adam et Eve la fin des temps de l'opulence.
Chassés de l'Eden par Dieu,
ils sont soumis à tous les maux des
besoins insatisfaits et ne pourront "manger leur nourriture qu'à
la sueur de leur front".
L'Eden, c'est-à-dire le paradis,
le lieu de l'opulence
facile,
se présente comme existence éternelle qui exclut les
effets destructeurs du tcmps.
J.'hOIlIlI\\C I1C dev"it p"rt:iciper 1\\
ln
perpétuation de sa félicité que par la-5oumission au divin père
et non :par le travail physique.
""
En succomb3.nt à la tentation du diable, Adam et Eve
participent, croit-on, à la destruction de leur félicité.

1 85
Dans "1\\gUll".
l' l'mpi re inca est présenté comme un paradis-
violé par le diable européen, à la différence qu'ici, les Indiens
n'offrent pas de motif de légitimation de la destruction de leur
univers. L'action principale du-personnage d'Arguedas est la récu-
pération momentanée de ce monde violé et détruit.
L'harmonie de l'oeuvre d'Arguedas réside en cela: elle
présente d'entréo le paradis inca,
l'opulence qui le caractérisait
avant sa destructiùIl, l'a li l' faire briller le cDntraste qu'y oppose
la situation socio-économique et humaine des Indiens dans la so-
ciété contemporaine.
On a souvent affirulé, sans jamais en donner Llne preuve
valable, que la servitude établie en Amérique après la conquête
européenne n'était qu'une autre version du système d'exploitation
~lll CI LI c I l c ~ n LI t 0 l- Il ton l~ ~~ 6 1" :1 i C Il t" b'j C 11 il :1 h :i t li é. s ~ (lll ~ 1 ~ 11 r $ d i F t- l~ r (' n t s
rois.
José Carlos Mariategui dément énergiquement cette affir-
mation et participe à la reconstitution du paradis inca en ces
termes
" Tous les témoignages historiques coîncident dans
l'affirmation de ce que le peuple inca vivait dans,
le bien-être Illatériel.-Les subsistances abondaient,
viste, régie par les Incas, avait affaibli chez les
Indiens la tendance individualiste
; eL une obéis.-
. ,;'1

186
sance humble ct religieuse ~ leur devoir social
s'était extraordinairement développée chez eux à la
faveur de ce régime économique " (3)
Dans "Agua", ce paradis est symbolisé par la communauté
ancestrale de Utek'pampa :
vive
aunque haya neblina negra, aunque el aguacero
haga bulla sobre la tierra, Utek'pampa es alegre.
1
~
Cuando los maizales estan verdes todavla, el viento
,
juega con los sembrlos ; mirada desde lejos, la
pampa despierta carifio en el corazbn de los foraste-
ros. Cuando el maiz est' para cosecharse, todos los
comuneros hacen c]lozas en la cabecera de sus chacras.
Las tuy~s, los loros y las torcazas ladronas vuelan
pOl' b~llld~IJ(I~ en toclo cl
campo
;
pasan
sil banda por
CnCiJJ1B de los maizales, mostrandro sus pechitos ama-
rillos, blancos, verdes
a veces cantan desde los
mollales qlle crecen junto a los cercos. Desde los
Célm1nos
lejanos Utek'pampa se ve llena de humo, como
/
SI
todo fuera pueblo. Despues de la cosecha, la pampa
:;c
IL"lld
dL:
,llljJlltlle:~ grllildus,
tul'U:i,
1..:llbn:llo,s,J
bUl'-
ros. Los padrillo$ gritan-todo el d{a desafi;ndose
i',':
(3) MARIATEGUI, José Carlos. Siete ensayos de interpretaci6n de la
realidad peruana.
Op. cit. P. 33

-/" '
1 8 7
Je
lejus
~
lu:;
puLJ'uS
t.:.lluJIluJ'udûs
l'el.iIlLltê111
)'
~l.:
1
hacen olr en toda la pampa.
'1 Utek'pampa : indios,
mistis, forasteros 0 no,
todos se consuelan, cuando
la divisan desde la alto de las obras, desde los
caminos
!
i Utek'pampa marna! " (4)
De même, dans le récit d'Arguedas, on perçoit différents
nIveaux de dignité parmi les Indiens, selon que ceux-ci sont situés
plus près ou plus loin de la'vie communale symbolisée par la pampa
de Utck',
,;,-lon 'Ill' J h
se trouvent plus près ou plus loin de la
source spil'jtllelJ" qui marque leur origine millénaire. On voit par
exemple 'lue les iJldigènes les plus misérables sont ceux du village
de San Juan où la domination néfaste du gamonal ne connaît pas de
limites :
Il
Ntlll'-:1
('111,'1
p1n'.'.:\\
t1p ,c;:lll .lllnll
un
COlllllllcro
h~lbf.:l
hablado contr~ los principales. Los domingos se
1
l
' 1
reunlan en el corredor de la carcel, pedlan agua
,
1
lloriqueando y despues regresaban " (5)
Le village de SaJI Juan réunit toutes les conséquences
du viol européen, de la conquête, espagnole qui est venue piller
toutes les quotidienneté rituelles, opérant ainsi une fusion lourde
de répulsion mutuelle. Arguedas rapporte ainsi les derniers SIgnes
de l'extinction du paradis i~do-améric~in
'J_,-1
; ~
- - - - - - - - - - - - - ' - - - - - - - - - - - ' - - - - '
(4) AkGUEDAS, J. M. "Agua" dans: Amor mundo. Montevideo,'Arca,
:-1,
1967.
PP.
82-83
(5) ARGUEDAS, José Mar{a. Op. cit. P.
72

188
~
rI
Los colonos fueron arrojados par los senores cada
vez
']
'1
.
Illn:;
arrJ.)a, y no 50 a los slervos, sino las'
cOlllulliclacies libres. Las buenas tierras de regadlo,
los valles f~rtiles y hermosos y las faldas de las
montafias que orillan los antiguos val les alll donde'
los incas construyeron andenes que eran jardines.
Las buenas tierras fueron ocupadas por los sefiores.
,
"
LI"
cnlllunid<lcies recibieron tierras' secas, barbaras
y, a meclida que los indios las domesticaban, las
irrigaban a sembraban, calculando las lluvias, no
siempre regulares, los hacendados los empujaban .
. '.
m~s alto y ellos extendlan los linderos cie sus
fillcas par su sola voluntad. Los colonos tenlan
que irse m~s arriba a~n y muchas ya no sembraban
.
,
SIIIO
papa amarga, que convertlan en chufio ; cria-
ban llaillas y vacas y carneros. Algunos, los m~s
audaces, se aventuraban a criar un caballito a
alg~n asno, que el, sefior utilizaba libremente.
La tierra deI siervo es de la hacienda, a vida a
muerte. En ,tiempo deI rey espaiiol era tambié"n
deI rey espafiol y tambié"n la vida. Desde la Rep~-
blica, cacia hacendado es un rey espafiol " (6)
<

,'"
' " ,
. ,
1
(6) , ARGUEDAS 1 José Mar'{a. To'das l~'s ' sangres';:.J'Buenos "A~res, Losada ,II
1968.
P.
33
.
' .
"
'
'. ~~" ','
1
1
-1

189
Chassé de son paradis ou quelquefois converti en un
instrument de production sur une terre dont il n'est plus le
maître, l' 1ndi en cl,ante ainsi son infortune
"·Qué solo me veo,
1
sin nadie ni nadie
coma flor de la puna
no tengo sino.mi sombra triste,
ml pinkullo, con nerVlOS apretados,
allara est~ Tonca,
la ileri.da Je mi alma,
de tanto haber llorado!
i Que es pues esta vida
Donde voy a i r ,
sin padre IIi madre,
i todo se ha acabado
"
(7)
A l'économie collectiviste de la terre qui constituait
la base de l'existence de l'autochtone américain, le nouvel occu-
pant oppuse LIli [V[le' de production qui aboutit·à une discrilnination
socio-écollOmique, avec une structure bien distincte.
i li
W:
C' e~·, 1 \\I:lll>~
Toda:-;
l.. ~~~. ...:~~~:_&~s:..~ lille
SC
l'évèlc plus c1airc'-
lDent le mosaique complexe du secteur humain de la structure socio-
économique née de la colonisation espagnole. Au sommet de.la
(7) ARGUEDAS, José Mar{a. Yawar Fiesta. Op. cit. P. 128

190
pyramide que constitue ce mosaïque il y a les seigneurs féodaux
descendants -presque toujours- du colonisateur européen, ils se s
rendus maîtres des meilleures terres selon le procédé décrit dans
les pages précédentes. Les soldats,
les gendarmes, le juge et le
curé ont été invités et ont pris part dans l'opération par l'enté-'
rinement de l'abus,
sous le couvert de leur attribut social res-
pectif.
les travailleurs de toutes ces terres usurpées
les Indiens
appelés "colonos". Plus près des "colonos" il y a les "comuneros",
autochtones des communautés libres; malS au fil du temps, ils
seront expulsés eux aUSSl ; ils se feront alors ouvriers agri-
coles ou mineurs.
Entre les deux secteurs sociaux et raciaux,
il y a une
longue sllite d'intermédiaires dont les curés indigènes, par exem-
pll',
qui
.Î()U',:llt
lJll
j"tllt:
rrbs
il1lport.JJlt
dans
l~l strllcture de domi-
nation des se.ignclirs.
Dans Agua cette triste collaboration entre dominateurs
blancs et intermédiaires locaux est incarnée par don Inocencio et
sllrtout par don Vilkas :
" Vi l kas e ra illdio vie j 0, amlguero de los mis t is
,.
principales. Viv{a con-su mujer en una cueva grande,
,
1 ·
'
"
1
H li'-
',l,> 1 ..
l , '1
':~! 'l' Ii~ 1
1 l
, l~.
,
','
"
,1
"
",~"
~)~
L.~,~JI:1 ;.::
, 1 . , '
~ l':!
a dos lcguas deI pueblo ..; Don Braulio, ·el rico. de
.,,'
' . '
, ' , i ' 'l' .
.
-
" ' . ' .
'. ,.
".
San Juan, due50 de la cueva, le daba terrenitos'
para que sembrar.a papas y malz "
(8)
,
.
.
(8) ARGUEDAS, José Marla. "Agua" dans Amor Mundo. Op cit. P. 61

1 91
l~ll contrepartie des menus servi.ccs dUllt
.il
jùuit
dt:
la
part de don Braulio, Vilkas clloisit de trahir l'esprit de la ré-
volte incarnée par Pantaléon. La polarisation entre le héros révo-
lutionnaire et le traitre complique alors la structure desrela-
tions conflictuelles entre dominateurs et dominés : nous retrou-
verons ce thème plus loin.
De môme, le secteur des dominateurs n'est pas statique-
nient homogène. Au fil de l'évolution du système d'exploitation, de
nOlnbreux Pl'Opl"jér'lil'cS b1311CS sont ruinés et dépossédés de leurs
terres p"Jr les plus puissants "mistis" .tels que les Aragon de
Peralta.
Dépourvus de leur capacité de travail,
ils rejoignent les
indigènes ~ l'échelle des besoins insatisfaits:
" Cuando las minas de San Pedro se agotaron. los
vieron en la necesidad de dedicarse exclusivamente
a la agriculturB y la ganaderIa."Pero no pudieron
extender sus tierras. Los menos aptos, 0 los ~ue
ten{an mucllos hijos vendieron primero toda la pla-
terra de sus casas, y despu~s la tierra.
_ ,
1
El gran senor Aragon de Peralta, que no solofue
"
1
llLlnero,
slno terratenlente compro esas tierras y
- ,
. . ,
platerliJ. Se Inzo Illas pocleroso, nllcntras que los
/
b
b
- ,
,
d. cmas ca alleros empo ;recldos s\\' huncllan" ;"sus casas
.'.;
.'
.( 11-
se50riales perd{an sus areos con la lluvia deI
verano " (9)
(9) ARGUEDAS, José Mar{a. Todas las sangres. Op. cit. P. 64

192
Avec la désintégration interne de l'univers des domi-
nateurs la structure clu conflit des Andes se fait encore plus
complexe.
IIc:ux
nOUYC811X éléments contribueront davantage à cette
complexité :
1°) l'enrichissement de certains indigènes
2°) le baom de l'industrialisation.
- C'est dans Todas las sangres qu'un indigène s'intègre
rien de grande autorité,
"Cholo" Cisneros n'hésite pas à s'iden-
tifier au latifundiaire traditionnel et à exploiter ses frères
de race, souvent avec encore plus de cruauté. Sa violence appa-
remment personllalisée s'inscrit dans le processus général de
mutation de la réalité socia-économique du Pérou, où la position
sociale est ce qui détermine les attributs et les principes moraux
de l'individl'. Le conflit de la sierra n'est-il donc plus une
tragédie raciale ?
- Avec l'explosion de l'industrialisation et de l'urba-
nisme subséquent,
le cadre du conflit glisse de plus en plus vers
la ville Oil, le prolétariat urbain prend le relais du paysanat In-
digène. C'est la nouvelle réalité socio-économique que décrit El
zorro, avec l'exemple concret de la ville portuaire de Chimbote.
Le développement de la ville de Chimbote corr~e zone
d ',intér,êt économique commence, dans la,.réali,té"de l 'his,toire' péru-
•.j • .
.'
,
.'.
.
. '
"
vienne vers les années 50 de notre siècl~~'a~ec l'installat~on

193
'.<
, .••• j'
d'une USlne sidérurgiqlle, attirée par la mer et les possibilités
de réalisations hydro-électriques à partir du fleuve Santas.
Mais le grand bond de l'industrialisation s'effectue
six ans plus tard avec l'installation des premières fabriques de
farine de poisson. Ce développement économique suppose bien évi-
demment une explosion démographique favorisée par la vague d'exode
de la sierra vers la côte.
Selon les statistiques dignes d'autorité la population
Je Chimbote étai,t de 4.243 hnhitant~ en 1940. En 1960 elle attei-
gnait déjà 70.000 âmes.
Cette croissance rapide entraina un certain nombre de
problèmes socio-économiques que ArgueJas consigne clans' son livre
Comme les trois étages de la prison "El Sexto", chaque
secteur de Chimbote représente une classe sociale. Comme dans cet
établissenlent pénitentiaire" 'l'atmosphère de la ville de Chimbote
avec ses bidonvilles, ses usines de poissons et ses maisons closes,
se préscnr(; LUI!lJn'~:.~ lIll L'Jlgrenage infernal
l'ouvrier excessivement
exploité est ensuite corrompu dans un système malicieux planifié
à dessein cie combattre sa personnalité,
sa volonté, sa résistance
morale. Le travailleur perd par exemple en une nuit son salaire
mensuel, clans l'alcool et la prostitution sexuelle, de sorte ,qu'il
l
,
1
ne pellt acquérir lIne stabilité économique qui',pourrait, mettre:,:e'n.;i.q;:,:
.
,
.
, ~ .'
peril
JI.;
:.:y~LÛIlIL:
d'l.;xpllJt.L<.tL.i.UI1.
CûL
ÙHgl'èllagv
Il'uffre.qu1u.ne

1 94
seule issue:
la violcncc désordonnée et gratuite qUl ne peut per-
mettre l'organisation des travailleurs face à l'abus.
L'indigène de la sierra qui abandonne sa communauté, ses
coutumes et ses traditions pour s'intégrer à cette structure ur-
baine ne peut ni maintenir ses valeurs initiales, ni assimiler
les données de son nouveau cadre de vie. I l est alors la proie
facile
cie
la violl~llcc ct de 1:1 c1éL·OIIII",,;ition IIIUI':l1(' 'I"i
c1étOIIl'IlC
de toute actioll revelldicatrice ordonnée.
La structure politique, économique et sociale de Chimbote
est le reflet de la Vle du Pérou d'alors. Elle est représentée dans
le livre d'Arguedas par un jeu de sept oeufs blancs contre un
second jeu de trois oeufs rouges.
Les sept oeufs bl'lncs repré;;cntent
- le carital international
L: lJolll'geoisie rcaLiollaliste qlll Ill'C,:i:ite-
de 18 situation d'injustice sociale instaurée
par le capital
l'industrie coJllme incarnation du pouvoir
socio-économique et politique
- les I~tats-Unjs comme première puissance
.i.JIlvûr.J.<.l l.is LL:
i
- le Gouvernement péruvien "qui; ,accepte,l,ce' i ";,
, 1
., ,r, l,.
,
..". "'
\\ "..
;"," "·t'~: r.<·:(·t·:'r:·"'·~~; >:'i'"illi'~:)Y~:\\ I!..'
,
, ,
; \\ ~ ..
désordre et y,part~cip~,
l'ignorance du peuple dans sa misère éco-
nomique et sociale

19 S
teurs d'idéologies libératrices
Quant aux trois oeufs de couleur rouge,
ils symbolisent :
- Jean XXIII et ses idées socialisantes et
d'égalités de droit
- le communisme comme antidote du capitalisme
triomphant
la rage d'un Inini-secteur du pays ~ vouloir
cOlllb"rtrc l'injllst'i.ce.
Le pessimisme des victimes du système quant aux POSSl-
bilités d'évolution de ce schéma amplifie le champ de l'action
révolutiollnuire :
,
.
/
J I '
" l'ste 11I"1'a no va a varJ,ar cn Jamas (e
os Jamases
en contra deI capital sino a favor.
iTiro seguro
roquitos mandan en todo el unlverso , cielo y
tierra, agua y mar."
(la)
L'évolution de l'état social de la majorité indigène
du Pérou,
l'évolution de la situation socio-économique et poli-
tique du Pé"Ol1 ne I,cuvont-elles donc s'obtenir qu'avec un chan-
gement global '1
l'échelle mondiale? Le chaos de El zorro est
"';'alors le reflet de la catastrophe s,ocio-économique du,mond,e capi-
,"
taliste. Serait-ce la conclusion de l'activité intellectuelle:,de
(la)
ARGLJEDAS, José ~lar{a. El zorro. Op. cit. r. 172

196
José "'laria Arguedas '1 Le caractère incertain d'un changement d'une
telle envergure n'intel'disant pas pour autant l'espoir à ceux qUI.
souffrent,
le 1I1L'S:;:,c'c d'Arguedas semble plutôt celui-ci:
Penser aujourd'hui A la récupération de l'Eden lnca est'
une opération bien difficile. Rester ouvert à l'espoir d'une so~ié~'
té pérliviclll1e plus équitable est par contre plus qu'une attitude
raisonllable, un devoir moral. Le prix de cette équité? Des mar~
par l'écrivain nous trace l'itinéraire de maturation comme nous
allons le voir.
La tension révolutionnaire s'annonce dans l'oeuvre d'Ar-
guedas dès ses prel!iJerS récits qui présentent sous une forme encore
simple les éléments qui contribueront à la densité des récits
postérieurs.
A San Juan, Don Braulio tient la nature toute entière
sous scellé. Les conséquences de cet acte d'extrême cupidité sont
nombryuses et néfastes pour les paysans indigènes :
,
" El
mBl.Z de don Rrauli.o, de don Antonio, de dona
Juana esta gordo, verdecito esta, hasta barra hay
,
,;
.
• • "!
en su suelo. '~y de" los' co'muneros 'l, Seco.,
agachadi ta, umpu (endeble)
; casi no se ,mueve ya
ni con el viento " (11)
(11)
ARGUEDAS, José ~larla. "Agua" in op. cit. pp 63-64

197
A la population autochtone de San Juan l'imagiration
slJiiL1airc
de
1 · ( l.. ri\\/~IÎJl
dt:pC:\\."IIC
llll
Ilél'LlS
l'GVUlut.iolllla:il'u.
Ce per-
sonnage arrivé de la côte n'est pas un étranger dans le petit vil-
lage de la sierra. De Lima à San Juan, Pantaléon ne fait que réin-
tégrer sa communauté d'origine. Fort de l'expérience syndicale
vécue sur la côte il décide de libérer les siens de la domination
abrutissante du gamonal.
Il sait contre qui se battre.
Mai s
les
i Il cl i.gènes de San Juan ne peuvent se départir
de leur réticence écoeurante, abrutis par de très nombreuses années
de servitude. Pour les arracher de leur torpeur, le héros adoles-
cent entreprend de révéler l'ampleur et la bestialité du joug qui
les décîme :
" En la costa tambi~n, el agua se agarran los princi-
pales
/
nomas
; los arrendatarios lucaninos, wallhui-
, .
.
.
t1U~, nH'LLjueJ1uS,
(JI
U1LJll1Ü
)'éJ
l'.legall,
JUlllù
COll
.Los
que tienen dos,
tres chacritas
; coma de caridad le
dan un Poquito, y sus terrenos estan çon sed, de
ana en ana Il (12)
Et,
pour plus d'exhortation,
" Cailla en todas partes, en Nazca tambi6n los princi-
pales abusan de los jornal~ros ( ... ) se raban de
i
,\\1,

',1 :
hombre el trabajo de los comuneros que van de los
pllelJ!Os
: S[ln .Juall,
CJli]laU,
Santiago, Wallwa.
Seis,
1 '
:.) .
(12) Ibidem. PP. 67-68
i1
:[
.j "

....
'
,
198
,
ocho meses, le.amarran en las haciendas, le
retienen sus jornales ; temblando con terciana
10 meton ell los cahaverales,
a los algodonales.
,
Despues le tiran dos,
tres soles 3 la cara, coma
gran casa
iAcasri ? Ni para remedio alcanza la,
plata que dan los principales. De regresd en Gale-;
ras-pampa, en Tullutaka, en todo el camino se
derrama la gente; coma criaturas, tiritando,
se
mueren los andamarkas,
los chillek'es, los sond6n-
"
,
{l i Il ( )~: .
1\\ 11 j
lHIIII:I:;
;:\\'
ql1t:t1nll.
i:lIll
1111
11111111-llll
d\\'
sobre la barriga.
2Que dicen sanjuankumas ? "
(13)
Indignés enfin, comme sortant d'un sommeil maladif, les
indigènes répondent en clloeur ;
"
'1 Carago
iMistis son coma tigres
-
'1 Comuneros
son para morir coma perro
"
(14)
Et le sallVCl'!' repart ~ cllarge
" l'cro comunkunas somas tanto, tanto
; principales
,
dos, tres nomas hay.
En otra parte comuneroS se
, .
han alzado : de fuera a dcntro, coma a gastos noma~
'1.
] os han apretado a los platudos.
~ Que dicen los
comunkunas ? "
(15)
)
,
"
Alors,
l'unanimité se fait autour de l'idée de révolte"
'",
:~
,.
_:--=-:-_-:-
~
__'___.:..:.:....c._':_-'---.:..:.-c_:_.:r
",' di ;
(13)
Ibidem. P. 6
8
'
,
(14) I d e m . : { ,
(15)
Idem.
C
r

1 99
,
" Principales para robar nomas son, para reunIr
plata, haciendo 110ral" a gente gl"andc como a
criaturitas.
jVamos matar a principales, como
,
a puma ladron
"(16)
Or,
IronIe du sort c'est Pantaléon qui sera abattu
très peu après par don Braulio. Don Wallpa et don Pascual, les
deux seuls indigènes qui ont fait preuve d'esprit d'initiative
aux côtés du Iléros seront arrêtés et la population indienne
maîtrisée.
Ile
nomhreux crj t Î.ques
sc
sont
limités ~l écrire que la
tram0 idéologique de "Agua" symbolise l'impossibilité .de toute
action révolutionnaire dans les Andes en faveur des indigènes.
'.
l'n notre sens, "Agua" n'est pas un message conclu
aucune production d'Arguedas ne l'est d'ailleurs. A l'image de
t t l l l : :
"Je;;
1·11.'1·(~:~ dt, ("(,:1
:lllt{~lll'. "l\\gU:1 1l
Jl'(:~,t·. qll'1111L.\\ C(1Ilfigunlt'jQu
intermédiaire d'une action en voie d'élaboration
l'antagonisme
irréductible de la sierra est de type classiste. Son enrayement ",c
suppose, certes, une praxis révolutionnaiie ; mais cette action
ne pourra se célébrer que par tout un système d'apprentissage
dont l'échec de Pantaléon dévoile
des difficultés fondamentales:
1°) l'apathie des indigènes comme COll séquence délibérée de
'
la guerre économique du gamon""1H.
, . "." !,>
2°) la traîtrise de certains intermédiaires indigènes comme
nous l'avons signalé précédemment.
(16) Ibidem. P. 69

'.' .
200
30)
l'isolement des commYllautés les unes par rapport aux
autres.
La morosité écoeurante des indigènes face aux invectives de Pan-
taléol\\ se traduit dans la réalité à travers son état socio-écono-
mlque.
Vers les années 30, époque de la création de "Agua", la
population indienne ~tait disséminée dans les montagnes· andines,
analphabète presqu'à 100%, abrutie par l'alcool e·t la coca,décî-
mée par la faim et exposée à la misère du travail des haciendas.
Quelle patrie peut-elle vraiment défendre dans ce gouffre malsain ?
Cet
étal d'inertie défaitiste lié lui-même à une situa-
tion de misère économique extrême rappelle une réflexion de Luis
Emilio Recabarren,
le père du prolétariat chilien :
.;
(
" Yo miro en torno mlO
( ... ) Miro en torno de la
gente de mi clase ( ... ) Miro el pasado u través
de mis 34 aftos y no encuentro en toda mi vida una
circunstancia que me convinza que Ile tenido patria
)'
li Il U
Il L;
1 c J 1 i Lit)
1 1 l.J l.~ l' U,l Li
( ... )
~ li Ôli Li c..: c..: s t,~ III.! l'a .-
tria y d6nde mi Jibertad ?
' .
dLa habre tenldo
.
alla
en mi infancia cuando en vez de 21' a la escuela
hube de ellt1'ar al taller a vendel' al capitalista
insaciable mis escasas fuerzas de nino ?
.!-La tendre
• <"
'!:, ,~ 1
110y cuando todo elp:roduetO "de~')1)i trabaj a Ta absorbe~
i;,
'\\
' ; "
el capital Sln que yo disfrute un atomo de mi
..
proclucclon ? "
(17)
(17)
lŒCM:,\\IWl':\\!,
LlIÎ,;
1'.lIiilio. Obra,; escogÙlas. S'Intiago cie Chile,
Ecl iL.
Il te cc a bar J'll /l,
1 9 b 5.
P.
7 3

201
Nous avons lCl, en clair, l'identification du dénuement
éconoolique comloe factellr de soumission. Considérons encore ce. fait
Lorsque Puquio, petit village isolé dans les. profonde·urs
de la sierra fut relié vers 1930 à une capitale de province par
150 km de route construits en 28 jours par les Indiens, la popu~
lation du village vit s'améliorer ses conditions de vie
" El ~~rnero que costaba cincuenta centavos,
"
despues
casto Cillcü soles, lucgo cliez, lucgo. cincuenta y los
indios se enriquecieron a tal punto que alcanzaron
un nivel de vida y una independencia tanfuerte que
se vülvieron insolentes y la mayoria de los scfiores
de Puqllio se fueron a Lima, porque no pudieroll resis-
tir lllaS la arrogancia de estos comuneros " (18)
~
Le;
~,t..:CUlld ut,;, UtL'.! t:
il
1 Il
gt..::, t l.;
l'G\\'U 1111. i UJllI;1 i \\'ll
C~', 1
l'action maléfique des curés locaux qui contribuent à sacraliser
plutôt le despotisme des latifundiaires. Dans "Agua" cette tra-
hison de l'esprit de l'Eglise et des plus humbles est incarnée
par don Inocencio qui prend ainsi le contrepied du héros révolu-
tionnaire :
i :
,,'
" .
.. ,:~~:;~ i, ,'~~" .
- - - - - - - - - - - - : c - - - - - - - - - - - - - - - - - - - . . . . , . , . : . . . "
(18) ARGIII:Il,\\,,), ,José M:lrLa. "Puquio una cultura en proceso de
.'", ':
C;llJlhi"i".
Il]1.
~_·jl·.
l'.
~~)

202
"
Sanjuankuna! ( ... ) don Braulio tiene harta plata,
todos los cerros,
las pampas son de él. Si entra
11Llustra vaquita en su potrero, la seca de hambre en
su cOl'ral
; a nosotros tambi6n nos latiguea, si
quiere. Vamos defender mls
bien a don Braulio. Pan-
.
,
taleon es cornetero nomas
; no vale " (1,9)
La Vle sociale et spirituelle de l'Indien le prédis-
posant au respect de toute entreprise ou de tout idéal se réclamant
du cloma'ine divin,
les missionnaires européens ctlcllrs alliés
locaux y trouvent un atout POU]' l'établissement cie la clomination.
Les conditionnements matériels du groupe opprimé sup-
posant la perpétuation du féodalisme,
le texte cie revendication
sociale s'élabore non pas avec cles agents aclultes, mais avec des
héros-enfants. C'est cela le sens cie la profusion cles personnages
adolescents clans les nouvelles cie Agua.
Dans ces premiers récits,
les personnages adultes sont
porteurs de
l ';;c'riol1
i,llIlllécliare. Cep81Hlant, la logique clu récit
supposant la continuité cie la relation conflictuelle,
les "mak'-
tillos"
de San Juan ne sont pas des spectateurs passifs cie la tra-
gédie dont ils sont téliloins, mais cles aucliteurs privilégifs du
héros, des consciences alertes, des assimilateurs d'expérience
pour une action li,bél'atrice à venir. Ce rapport,'ihéros/dilsc'i:ples !"i'j,i."
. .
"."';" ;l'
.
''''1' "\\'
',,, .
(19)
A~GUEDAS, José Maria. "Agua". Op. cit. P.71'
".1,."
'"
... -,~
" ,

203
, ,
trouve son illustration dans cette conversation entre Pantaléon
et Ernesto
" _ Agua, nino Ernesto. No hay pues agua. San Juan se
va a morir porque don Braulio hace dar agua a unos y
a otros los odia.
,
- Pero don Braulio, dice, ha hecho comun el agua,
quitandolo a don Sergio, a dona Elisa, a don Pedro.;.
- Mentira, nlno, ahora todo el mes es de don Braulio,
los repartidores son asustadizos, le tiemblan a don
Bl'ClIIL!O. Don Braulio es coma zorro y coma
1'0 rra "
UO)
Après la mort de Pantaléon, le héros, le narrateur-pro-
tagoniste, c'est-~-dire Ernesto, jusqu'alors relégué à un rang
secondaire se pr8sente comme continuateur de l'action
" Viendo arrastrar a Pantacha, me enrabié hasta el
alma.
Wiku5ero allk'o
(Perro cazador de Vicufias) le
grité a don Braulio. Sali6 al corredor. Hombre me
cre{a, verdadero hombre, igual a Palltacha. ,El alma
deI auki Kamara me entrü-seguro al cuerpo ; flo aguan-, ,:'
, ':',
i '
,l.i. "
l'
,
,
• ,:
':
1
) . '
\\',
' .
:
t:,i,,, LLl gl'an<.1e de mi rabia. Quer{an ,reventarme, m i ' : , !
,
'1
pecllO, mis venas, mis Oj05.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _---;-
- - ;
1
"",l'
(20) ARGUEDAS, José MarCa. "Agua". Op. cit. P.
58

204
Don Braulio, don Cayetano, don Antonio ... me miraron'
,
nOlllas
sus Oj05 cOrno vidrios redondito~, no Se
,
mov].an.
- Suakllna Cladrones)
- les gri té.
I.cI':IfHé
ciel
suclo la corneta cie Pantacha, y como
wlkullo la tiré sobre la cabeza ciel principal. Ah{
misnlO le chorre6 la sangre de la frente, hasta
llegar al suelo "
(21)
Puis explose sa conscicllce libérée
" iBuena mano de mak'tillo
i Muérete ; perro eres, para morder a comuneros
,
'
nomas Sirves
- le dije "
(22)
"Los escoleros" le deuxième récit de Agua se caracté-
rise par lu pl'ofusion de jeux d'enfants. Mais dès les,premières
pages on sent qu'ici
le jeu n'a aucun caractère de loisir. "Los
escoleros"
est en cela la culmination clu mouvement de dénaturation
qUl
s'est initié dans la nouvelle précédente par l'utilisation du
cor de Pantacha corr~e arme de combat. Nous avons signalé précédem~
ment l'abonclance cie personnages adolescents dans Agua. Arguedas
veut alors combattre l'invraissemblanÇ..e par l'introduction d'objets't
.• '!: i~
i
, ;'1
, " ~
-t '.
l LI)
1 Il i.d C:lll.
J'.
lill
(22)
Ldem.

propres ~ l'univers des enfants, tout en présentant ces objets
comme symbole de lutte sans qu'on n'y voie aucun artifice.
le "lI'ikullo" qui sera encore utilisé comme arme de combat dans la
protection d'une paysanne indienne contre la convoitise crimi~
nelle d'un propriétaire terrien
"
. Acaso no tiene cuello coma don Lucas, corna don
C
Kokchi ? ll'ikullo segura le rompe la cabeza.
Juancha, Bankucha
cllesta abajo ; dcsdc la
..
cumbre de Piedra Alta, en el camino al rlO grande
/
Coma. sauki arrojado sobre una roca se pegarlB
en los rctamal.es el seso de don Ciprian, sobre los
trollcos de Dlolk !
Con Wikullo de picclra!
j ,13-
jayllas ! "
(23)
sance du dOllliné. On conllait la tralne du r6cit
le "misti" don
Froylan viole Justina, une petite inclienne dont Ernesto est épris.
Ernesto et Kutu,
le fiancé de la victime s'allient dans l'impuis-
sance contre le responsable de l'outrage, et l'enfant demande à
l'adulte, suffocant de rage
,.:,~ f.' .,'~, . "

. '
1
1"

.
, . '
.. '
.
' . '
. ; . , . '
,.! t
: ~ i
1.
",
"'.
' : , , . ,
",:....,
1
(23) ARGLJEDAS. José Maria. "Los escoleros" ln Op. ci t. P. 93

:. .
" - M'tale con tu honda, Kutu, desde el frente deI
"
rlo, como 51, fuera puma ladron "
(24)
Mais impuissant de même,
Kutu rétorque
"
i Iléjate,
Yo, pues, soy endio, no puedo
,
con el patron. Otra vez, cuando seas "abugau",
,
vas a fregar a don Froylan "
(25)
Dans tous ces récits les indigènes sont présentés comme
désarmés par la terreur des latifundiaires et de leurs alliés.
Pour cela la révolte de Pantacha a un caractère isolé et impro-
Dans Yawar Fiesta la problématique révolutionnaire va
s'amplifier par la première épreuve de défi des indigènes, et par
la victoire de ceux-cl sur le dominateur représenté par ~Jisitu.
Le nom de "Mi situ" donné au taureau de K'onani renVOle
~ deux réalités sc rapportant au secteur de domination.
1") il correspond d'abord mOl'phologiq\\lement au nom
de "Î\\!isti"
]1:!1'
I(;(!llcl
sont
dôs-ignés
les propriétcdl'cs
féodaux
J'origine européenne, ct de nombreuses références corroborent
cette corl'espondance, perlnettant d'identifier le taureau à Don
l'
J~lian,: le plus pre s t Lg ieux des la t i fund iaires .,8 e PUi~i~,;~:?~~:,:i el., r" ,.,i'iiiJ,
'\\D1' j .
: 1
"
:.,
.J'
.1. j;
. ,
"';.
"
/', :.
___________________~
_,_-,-_,_.:..,.-:-.,.,.._,_-"----'c- .' "
(24) ARClJl'jMS, ,José Mnr{n. "Warma Kuyay" ln Op. cit. P. 51
"",,"
( .~ ~ 1)
J 1J j 1 Il; III.
().
.' .•
iil'
'i'

207
principal, de los principales". Ces références peuvent s'ordonner: .,:'1
selon le tableau ci-apr~s
Don Julian
Misitu
\\-
1
- - - - - - - - - - -
- - - - - - - _ . - - - - - - - - - - - - - - - - - - ' ,
"Don Julian ten{a un lunar
"Misitu es coma tigre" (P.
77)
/
grande y bien negro junto a
"Corr1a coma un puma verdadero"·
su ojo derecho ; ese lunar y
(P.
104)
sus ce jas encrespadas y media
"Cuando yo la V1 en Negromayo,
rubias,
le daban cara de
era un tigre, saltaba coma
fieras
cuando ]'abiaba"
puma" (P.
127)
(Y,nlar Fiesta. l'. 86)
(26)
;1l.1
diable
1
- "c re l:.ln q 1.Il' don ,j u j i.•(n
- "i ~lisitu es diablo ! Par eso
llaml1ba al di.ablo, cualldo
solito vive en el monte. Con
/
quer1a resond]'ur, y Ci'le el
su sombra rabia. Para matar
diablo ] e elltraba al cuer-
nomas vive"
(P .. 94)
po pal' el lunay negro de
c) après une longue période d'activité violente .ils· accusent
la fatigue de l'â e
-"-De vieios
crea
solemos
------,
,
~-Ya debe estaI' V1e)O, el
, ,
1",
,
aguevarnos.
jQué teme-
bre.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - , - - - - - ;
(26) Ces c·itati.ons v icllIIl'nt de la 2èllle édition du livre Yawar
Fiesta, Buenos Aires,
Losada, 1977.

20~
ridad !
Ya deben pesarle las cria-
i Quien iba a creer ! Los dos
dillas"
(P.
127)
presos coma indios" (P.
126)
d]
ils sont comparés ~ des divinités
"
Indio K'anra !
Ne> le
- "Hablan de Misitu come Sl
/
te n cl ras Il\\ i cd 0 a 1:\\ 1 1'1 c [' a k ' -
fuera auki"
(P.
81)
ocha
! rI
(P.
110]
e) à la fin,
ils s'identifient directement l'un à l'autre
-"-
No hay hombre para el ~1isitu
-exulte don Julian lui-même- Hasta las
picc1r;J~; 1<..' lil.'1\\lhl:lll .
; CIl'ajo !
1 P.s de
mi
!
. Es mi taro 1" (P. 97)
1 - - - - - -
- " Usted, don Julian, es corno un toro
padre en Lucanas
i
se anda usted, de
canto a canto, emplljando a los otros, y
abusando"
(P.
126)
/
"
. Ya estan entrando
i El Misi tu
1
Su
taro
i "
(1'.
128)
2°) dès le départ Misitu est présenté comme un être étrange et
le cadre de son apparition rappelle absolument celui de l'appari-
tian du premier Blanc en Amérique, avec une suite de manifesta-
tians atmosphériques inllabituelles

209
" Los K'onanis declan que habla salido de Tork'okoeha,
'.
que no tenla padre ni madre. Que una noehe, cuando
,
todos los ancianos de la puna eran aun huahuas, ha-
bîa caldo tormenta sobre la laguna ; que todos los
rayas hab(an golpeado cl agua, que desde lejos to-
dav{a cOTrlan, alumbrando el aire, y clavaban sobre
las islas de 10rk'okocha ; que el agua de la laguna
habla hervido alto, hasta hacer desaparecer las
islas chicas; y que el sonido de la lluvia habla
llegado a todas las estancias de k'05ani. Y que al
amanecer, con la luz de la aurora, cuando estaba
cnltnada la tormenta, cuando las nubes estaban yendo
deI cielo de Tork'okocha, e iban poni~ndose blancas
con la luz deI amanecer, ese rato, dicen, se hizo
remolino en el centro deI lago,
junto a la Isla
grande, y que de en media deI remolino aparecid el
~Iisitu, bramanclo y sacudiendo su cabeza. Que todos
los patos de la Isla volaron en tropa, hacienda
bullas con sus alas, y se fueron le jas , tras de los
L:l:rrus
lll::VaL!os.
~Iov ieJHJu roda (d agua llaLiô cl
Misitu hasta la orilla. Y cuando estaba apareciendo
el sol, dicen, corrla en la puna, buscando los
K' enwales de Negromayo donde hizo su querencia" (27).
(27) ARGUEDAS,
José
""
Marla. Yawar Fiesta. Op. cit. P. 85
1 •

:'10
Misitu apparaît ainsi comme un être d'une autre nature. 1
Sa naissance se situe hors des lois habituelles, tout comme l'ap-
parition du premier 110mme blanc en Alnérique.
On conrlaTt bien le mythe américain du dieu civilisa-
teur qui disparut de façon mystérieuse
en promettant aux hommes
de revenir un jour. Au Mexique Quetzalcoatl partit en direction
de l'Orient et, au Pérou, Viracocha disparut en marchant sur les
eaux de la mer d'Occident.
Les premiers conquistadores espagnols arrivent au Mexi-
que en 1519 par l'Est et Pizarro arrlva au Pérou par la côte ouest
travers la grille de mythe, comme le retour des dieux.
On raconte que dans l'empire lnca, l'arrivée des
premiers Espagnols fut précédée insistamment de prodiges et de
prophéties de diverses natures
C'est ainsi que les dernières années du règne rie Huayna
Capac,
le 11ème Inca, furent troublées par une série de tremble-
ments (le terre d' Ulle violence inaccoutumée, accompagnés, sur la
côte, de raz du Illal"6c. Le palais de l'Inca fut frappé en plein
Jour pal" la foudre,
alors qlle le ciel limpide n'en laissait soup-
çonner aucun présage.
...
;'
'llj;
Mais lc signe le plus effroyable fut l'apparition d'un
i
i
oisesLI [l'espèce l"arC au cours de la célébration de la fête au" Dieu'

21 1
Soleil. L'oiseau couvert de gales était poursuivi par un condor
ct il s'abattit au milieu de la grande place de Cuzco. Recueilli
et soigné par les grands mages, il mourut peu après.
Ce fut au milieu de tous ces présages aussi étranges
les uns que les autres qu'oll <.lllnonça 11 Iluayna Capac l'apparition
dêtres d'aspect mythique sur la côte occidentale:
" Ils disaient qu'ils avaient vu arriver dans leur
pays des êtres très différents de nOlis,
tant par
les coutumes que par les vêtements : ils ressem-
bLlient 11 des "viracochas", nom par lequel nous
désignions,
jadis, le créateur de toutes choses
( . . . )
~t
ils appelèrent ainsi les êtres qu'ils
" " ' l i L ' l I t
'.'lIS,
d'ulle part parcequ'ils différaient
beaucoup ue nous, de visage et de coutumes, d'autre
part parcequ'ils les voyaient chevaucher de très
grands animaux aux pieds d'argent ( ... )11 Y avait
de très grandes différences entre les uns et les
:llltlCS
:
ccrLlins avaient une harbe no.ire, d'autres
ulle barbe rousse. Et ils possédaient aussi des
yllapas, nom que nous donnons 11 la foudre " (28)
t
=
1
(28) Diego de Castro litu Cusi Yupanqui. Cité par Nathan lvACHTEL'.
La vision des vaincus. l,es Indiens du Pérou devant la conquête
espagnole. Paris, Gallimard,
1971.
P. 49

212
lJans son flistoria general deI Peru, Garcilaso de la Vega
mentionne de même le caractère prodigieux de cette apparition
1
.
,
" Cuando Pedro de Candia 11ego al pueblo, halJo la
forta1eza y la plaza llenas de gente apercibida con
sus a1'11185. Todos se admiraron de ver una cosa tan
eX, r"îia
; no sab{an qué le decir, nl osaron !lacerIe
,
mal, porque parecla cosa divina "
(29)
Par toute cette suite de correspondances, Misitu est le
symbole virtuel du mythe blanc conquis par. les indigènes. ·Par son
Ol'lg.lne lllyst.érjcll~';(~. ~,Icst {ln être supéri.cur.
Il brave tous les
symboles absolus de divinité :
,
,
" DeC:lan que trepaha a las cumbres mas al tas, y
que hab{an encontrado sus rastros en las faldis
deI h'arwarusu, en el sitio donde toda la no che
,
habla aranado la nieve para llegar a la cumbre "
13111
" Rabiaba mirando el sol, y ( ... ) en las !loches
,
corrla leguas de leguas persiguiendo a la
luna"
(31)
,
(29) GARCILASO de la VEGA. Historia general deI Peru. Barcelona,
Editorial Ramon sopena,
1972. P. 18
(30)
ARGUElJAS, José Mar{a. Op. cit.
P. 81
(."\\ 1 )
1d"'11 .

213
Cependant,
l'union de la communauté suffit à vaincre
toute adversité.
Ici, l'éclat de son triomphe trouve sa mesure
exacte dans l'étrangeté de l'adversaire. Mais ce triomphe ne
répond pas, en notre sens, à l~ défense, ni même à la revendi-
cali.ulI
dILlIIL;
ljlll.:-ILUIIL[IIC
Il;ltiull~llité. Ll
Ilt.:
J'cllvui,c
t..'llcurü
qu'ù
l'affirmation d'une certaine puissance des opprimés et constitue
pour cela un avertissement à l'endroit des oppresseurs.
Il revêt
tout au plus un caractère revendicateur des droits immédiats de
l'indigène:
son droit à la vie, au respect et à la dignité. La
revendication sociale est représentée sur un autre p61e, dirigée
par Escobarcha,
la réplique quelque peu complexe de Pantaléon:
Escobarcha, l'intellectuel qUl S'illspire des idées de
Mariategui retourne parmi les siens et tente de les sauver de la
dégradation. Mais son oeuvre n'est pas fondée sur une conviction
des valeurs sociales et spirituelles des indigènes ql.'il trouve
d'ailleurs superstitieux:
,
...
"J'rOllle:l!'I:1
mas
,
pronto, mucho mas pronto, este miedo deI indio por,
la tierra, por el cielo, hasta por las quebradas y
,
los rlOS. Nosotros conocemos su alma, nosotros los
iluminar{amos de cerca.
Pero qué quieres,hermano;
con un Gobierno que apoya actodos los garnonales de
,
"
.

21 1)
coraz~n duro y bestia como don Julian de Aran-
guena ( ... ) E110s precipi tan al indio hacia 10
oscuro, al temor} a eso que en la universidad
lJamamos "el temor mitico"
(32)
Escobarcha est repoussé comme possibilité de libération
parce que son action suppose aussi la dégradation de la cultur~ de
l'indigène. Le socialisme qu'il préconise ne peut se réclamer du
prêche de Mariategul. Rappelons d'ailleurs qu'all départ de Lima,
Escobarcha se recueille devant l'image physique de Mariategui, au
lieu de recourir à ses écrits. C'est ainsi que s'opère la rupture
une figure mystifiée au service d'une action personnelle, llnila-
térale, et non comme un support idéologique véritable.
L'action du'''Centro Lucanas" dont Escobarcha est 'le
dirigeant se fonde d'ailleurs au départ sur une erreur fonda-
mentale :

1
"
jEl centro garant1zara la circular deI Director
de Cob i.cl'I1o
; El centra irtI :l ruquio ! i Nunca
/
, /
Illas mOY1yan indios en la plaza de Pichk' achuri
para cl placer de es-os chanchos
!
,;.
/
,
~:' ~~ :
deI Alcalde es una adulacion.
fregados,
tenemos al Gobierno de nuestra parte.
;..
., .,
/
i Aigun d1a ! " (33)
(32)
Ibidem.
P.
134
(33)
lb idem. P. 82
t

21 5
Erreur ! Le gouvernement ne prot~ge pas les indigènes
de Puquio contre l'avidité destructrice du latifundiaire. En inter-
disant la corrida indienne, il veut simplement mettre fin à une
pratique qu'il trouve barbare.
Quant
:tllX
'intcl1cct'llcl~ indigènes du "Cent-.ro I.uc;lns",
il Y a, certes, en ellX un désir positif de rédemption; malS ils
se trompent sur l'ordre des valeurs. Ils ont perdu la notion des
valeurs essentielles de la cOlnmunauté : on ne protège pas un
groupe humain en combattant ses valeurs spirituelles.
L'exclusion de Escobarcha comme voie de libération se
manifeste dans Yawar Fiesta par son absence à la fête fillale du
tUTupuk'llay.
Le turupuk'llay est l'expression d'une vision Jll
l
il'
.1,·J(lll"11e l'Indien ne peut démordre sans !Jerdre son .iclen-
mon l c' '
~
tité,
C':lr
comme
l'a
él:rit.
f'.larccl
to.'lanus,
" Los tiempos fuertes de la colectividad son las
fiestas,
el espacio que ocupa la sociedad esta
.-
consagrado y las maneras de ser religiosas estan
colectivas. Dicho de otra manera, las cosas
sagradas son las cosas sociales"
(34)
.':: .
"
(34) MAUS, Marcel. Lo sagrado y 10 profano. Barcelona, Barral,
1970.
P.
35
,1

216
Dans Los rios profundos le défi des "chicheras'" et la
révolte des ~uinze communautés d'Abancay réactualisent la geste
des Indiens de Puquio et lui octroient UII caractère de revendi-
cation sociale. C'est aussi dans 'ce livre que la projection de
la personne de l'écrivain sur la perspective de la révolte se
fait évidente.
lei,
Ernesto, le personnage narrateur est insé-
parable d'Arguedas. Cet adolescent ému et attiré par tout ce qui
. 1 'elltoure, blessé par tallt d'iniquité, ne s'intéresse qu'à la
sol idarLté :II.iCC
j(::
pruccssllS
humain dont il est témoi.n.
Avec El Sexto, le sujet de la révolution perd toute
note de fiction avec l'entrée en scène des partis politiques réels
du Pérou. Publié en 1961, ce livre est basé sur les réalités
péruvienlles des années 30. Nous l'avons signalé dès l'abord de
cette étude. A cette époLjue,
le clilllat politique de la patl'ie
d'Arguedas était
dominé par la lutte des apristes et des commu-
nistes, formations politiques qui entretenaient à la fois une
forte rivalité interne. Ces deux courants de lutte sont évidents
. ,
. ;
dans le livre d'Arguedas
: cet allteur vécut intensément les faits
dans les circonstances qu'il n'est plus nécessaire de rappeler.
lJans ce livre cepenJant, Gabriel Osborno,le personnage
biograpllique sc situe hors des formations politiques et est traité
,par les uns et par les autres 'de "peti,t"boLir,~e,ois idéaliste!' ... !",J;:,;:i
.," '; '..
' . '1:

21 7
Sans jalnais se défendre de cette accusation Gabriel démontre la
nécess'j té ,l'è conn:IÎt rc l 'homme du Pérou avant de prétendre oeu-
vrer ~I sa 1 i hér" r.i OJl. illl fi l du récit, on voit que cette connais-
sance fait défaut tant aLlX aprist~s qu'aux communistes. En révé-
lant cette grave erreur, Gabriel
(ou Arguedas) se présente comme
le juge de ces différentes théories de libération.
Cc fut pcndnnt le f~llllCllX "oncenio", le Gouvernement de
Leguia (1'J19-1930) qu'app'trurent ces deux formations politiques
- l'Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine
(APRA) fut
fondée par Victor Raul Haya de la Torre qui en révèle ainsi l'ob-
jectif
" La cuesti6n esencial para lndoamerica es
COllt"," con una fuerza pol{tica organizada
y di sc.Lpllnalla capaz de senalar con auto-
ridad y certeza la direccibn m~s reolista
a seguir "
(35)
Le parti communiste fut structuré par José Carlos "Ioria-
tegui selon des directives socialistes enrichies par l'approche
indienne de la vie.
(35) HAY A DE LA TORRE. Victor Ra~l. El antimperialismo y el Apra.
Lima, Amauta, 1970. P. 68
· .,

. '. ~.'", '
218
, 1
\\ '
1
,
Les dellx formatiolls furent ensuite victimes d'une per-
sécution insistante de la part du général dictateur Benavides
qui régna au Pérou jusqu'en 1939 i puis elles furent menacées
de désintégrat i.on et cl' cxt,inct:ion comme conséquence des querel-
les internes que rapporte le livre d'Arguedas
- Pour l'APRA, tout comme pour les différentes dictatures
militai,res qui se succèdaicnt Dl) pouvoir, le communisme est porteur
de ruine, un agrégat d'apatrides à la solde de l'Union Soviétique:
destino - dijo, pOl' fin,
Lu{s,
revolvi~ldose
/
en su sitici -. Trabajan para un palS extran-
Jero,
todos a sueldo. Nosotros, el apra,
1 -
1
représentamos a
peru, somos su cuerpo, su
sangre. l'or eso los comunistas luchan antes
que nada contra el apra
; desprestigiar a sus
dirigentes es su mira, envolverlos en cualquier
cochinaJa, mancharlos. Provocar la revuelta
pc lilli.l Tl C'Jl li.::: ,
cl
CHOS,
13 ruina deI pa{s,
porque
'1
/
/
'
1
50
0
asl campearlan para lmponer e
yugo san-
griento de los soviets. Los aplastaremos como
sea, como a serpientes veneITtJsas "
(36)
,',
. '.1.;,
III
"
1\\1:. l' (;1.
1: l
'':(' x 1 Il.
\\
"
'1
, " !

219
I)'"h
1,1
~;L:.,"o
l'anticommunisme irréductible de l' APRA
est incarné par Luis, dirigeant apriste du Sexto:
,
Il
Luis qUlere la revolucion. Odia a los gamonales
y a los yanquis. Pero odia m;s a los comunistas.
No es posible hacerle entender que la revoluci6n
soviética ha liberado a los obreros y a los
,
y de 13 burges13 que es el poder nucvo en el
mundo "
(37)
- pour les communistes, l'APRA représente la petite
bourgeoisie, une force opportuniste à vaincre avant toute entre-
prise libératrice,
l'incarnation de la traîtrise:
"
1:1
ojlortunjslJlo
a]
mcnuc!co
y CTI
10
glande es la l{nea fiel deI apra.
y por tanto maniobrar se embar-
/
rullan, sc extravlan, se embrollan
,
i '
• 1
(37)
Ibidem.
P.
34
l
,
t
.".,
1
. :,.'
..
' -

220
ellos mismos.
La doctrina no es 111 qwicre
cl " jeIe" que; sea clara. Tampoco la puede
plantear clararnente. No es por entero fas-
,
cista ; declara ser marxista y esta contra
el cOlnunisrno, es anti-irnperialista. y ataca
a la URSS para neutralizar 0 ganarse el apoyo
de los Estados Unidos.
El " jefe " se proclama
antifeuJal,
pel"O se rodea de se~ores que san
grandes deI norte
( ... ) Engaiia a unos y otros
rccil]c cl halago de los poderosos, por 10
baJo,
Cil
Las escobas y mantiene enlace con los
proletarios de los ingenios, aparece ante el los
como el revolucionario incorruptible y sacri-
ficado.
Pero
jqué les ofrece ? Adjetivos,
adjetivos.
En el fondo, y que la diga C~mac,
'I"e 11:1 lllch:ldo jlll1to a los ob,'cros mineros
apristas, constituye la reserva deI imperia_
lismo yanqui.y la reaccion nacional" (38)
Le dénominateur COlnmun de ces deux formations est la
haine contre le capital étranger, contr~ l'oligarchie nationale
,
l '
",
':
'.'
',.
.;
"
..
1
. 1
(38)
Ibidem. P. 31

,,' ~
"
.";' '~
221
et contre les dictatures militaires qui alternent au pouvolr.
Mais pendant que la haine des communistes est décrite comme
lucide et c011structive, celle d~s apristes se caiactérise par
une ambiguité suspecte et par un manque flagrant de réalisme :
" El oelio, C~mac, es el fuego sagrado del'comu-
sin 8sa arma, sin esa fuerza invencible,
110 11aremos la unidad de tadas los pueblos su
hermandad eterna. No transformaremos el mundo
( ... ) También ellos (los apristas)
(-) adian.
,.-
Pero
Ca qlllen ? Esa es la diferencirl " (39)
,
Cette différence s'illustre dans le ronlan par le
,
l,"
Pedro, le leader communiste est un personnage assez
équilibré et serein
une sérénité qui frise parfois la ten-
dresse :
/
" Cuando iba a hablar )'0, entro a la celda
," èlok'ontullo ". Se persign6 con cierta
,
"
lronla )' pregunto.
:) I:st:i'n (;11 sesi6n ? -6Jnterrumpo ?
1
1
-",
- No,
- le contestl - Estamas 11ablando
l ,
"
de toda.
,
1
1
(39)
Ibielcnl.
j'P. 61-62
~,
(-)
la parenthèse est de na,us
1
,

. , .'
222
• Puede rezar si gusta . dijo Pedro
la
, 1
,
,
mird con cierta dulzura " (40)
Luis,
l'apriste est présenté par contre comme aveuglé
par la détermination d'une mission impérieuse et cette allure le
conduit très ~ouvent au seuil de la violence et de la grossiè-'
reté :
,.' ,
/
" LU1S y Prieto nos esperaban al final de las
f
gradas en el tercer piso.
Lu!s estaba sombrfo
,,-
- Te dejaste arrastrar pOl' este como un perro
-
le di:lo n li f'.lnk'ontlll"]n
" "
(d11
Le caractère insistamment opposé des deux groupes tend
parfois ~ rompre la neutralité de Gabriel (d'Arguedas donc) qUl
participe des remolltrances adressées aux apristes et soutient
les communistes pilr des détails historiques condamnant l'APRA
1
Il
En la universidad cl apra no colaboro con
el Comité de Defensa de la Republica Espa-
~OJ'L C... ) [ra espantoso que los muchachos
pCîmiLnecicran indifercntes aun cuanclo los
, ' ,
;
!
~, .
(40)
Ibidem. P. 32
(41)
Ibidem. P. 41

223
italianos invadieron Espa~a y bombardearon
. , .
las ciudades "
(42)
Il s'allie pour cela la sagesse de Alejandro Carnac.
Sitl16 hors de tout conflit de divel'sion ct l,ors de
toute vision rigide des principes politiques,
le communiste
Alejandro Carnac est l'incarnation de la compréhension de la
réalité de l'llomme. C'est lui qui désigne de facon très pré-
cise le premier responsable de la tragédie andine :
"
De csos gringos que he visto en Morococha
no 10 creo compafiero. Uno que tiene a su
padre y a su madre y a su patria y va a
. ,
otr" 11~ICJon peira hacer mi.llones con .la
S~lllgL'e y la tierl'a extralljera, acaso,
si
es hombre cri"c1o par paclres y maclrcs ~ puede
escupir al trabajador que le hace ganar
millones ?
~ l'uede escupirlo? i Ahist~
Esc no tiene crianza, Par eso, corna maldi-
1
cinrl,
11\\1
Il;t}'
p:lrrt
L~1 01",1'0 npoyo Ql11.: las
balas.
jBalas y billetes, es la patria
clel grInge ! Y entoneeg, toclc se 10 quiere
agarrar. No hay
"
mas. ry!r~l'dtp" P.,il:,r~. él
Esta
~ 1)

'"
l',t.'
. '
i,:';' ~ l/'"'''' "i;'.('}~' ,:
,",
'·t ,.
r.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 1 .
(42)
Ibidem. P. 3S
1 .
" .
1

224
condenado ! Y nosotros estamos bajo los
zapatos de los condenados " (43)

L1ûC[J'i.llt:
dL:
L';I\\lI~IL,
L't_~.sL I.-~c.lle du LùcUl'.
Lille
Sv
situe hors de toute fausse théorie,
très loin de toute idéologie
rationnellû. C'est l'antidote du capitalisme à caractère de
dogme dépeint ici par Arglledas
:
"
, No es cierto que el gringo de los trusts no
d
tiene patria ?
,
/
t Donde
dô'nde pone su corazon ?
250bre qué tierra, en qué pueblo ?
d- Qué cerro,
, /
d
/
o qlle rJO rccuer a en el corazon como a su madre ?
,; QlICc It:lce un hombre que lIO 113 s:ido cuidado
CllanC!o era huahua pOl' la voz carifiosa de su madre ?
d Un gringo que no ha sido criado, propriamente ?
d
[ntiende usted ?
~ Que no ha tenido crianza
de una patria, Slno deI billete, que no huele ni
a ~1éx.i.co, ni a China, nl a Japon, ni a Nueva York,
que 'li siquicl'a tiene olor de las l~grimas ni de
la sangre que ha costado, ni deI azufre deI demo-
nio?
jEstamos jodidos, porque ellos mandan
/
todavla en el mundo
! "
(44)
i '
,
:11
~-~-----------_--:,-I!'"I:
(43)
Ibidem.
l' .15
(44) I d e m ,
fi

225
:'\\ l.i1::; i,
L~llI1ac ·identifie le draille andin 8 la catastrophe
générale du Illollde capitaliste. Pour se sauver, le Pérou doit
adjoindre à l'idée politique la sensibilité du coeur pour que la
patrie s'enrichisse avec l'élémeht humain, source sure du
p1'ogrès
:
"
t~lI"':l·CllIU~:; la Lcclllca, el dcsarl'o11o, la ciencia J
el dOlninio deI universo, pero al servicio deI
ser humano, no para enfrentar mortalmente a'
η
unos contra otros "
(45)
On peut dire donc que Alejandro Camac est le précurseur
de Rendon Wi.l1k'l ll'li est lui-même le symbole de la maturité des
lléros précédents et (lu mythe de la conscience indienne qui assi-
mile toutes les formes modernes de combat social.
,.
A l'opposé de Escoharcha dont l'action n'incluait pas
la participation effective des masses indigènes,
Rendon Willka
rejoint Carnac et fonde son combat sur les forces de la collecti-
vité. En cela,
il. rejoint aussi Pantaléon; malS il diffère de
Le choix que l'auteur effectue de son héros présente
.
j "
. ; :.
•.. 1,
'société péruvienne de son temps :
"l'
Rendon Willka et Bellido, deux ouvriers indigènes arri-
(45) Ibidem. P.
81

226
vent de Lima. Au départ,
le premler se montre hypocrite et d'une
.
..
.
docilité apparemment nlaligne, pendant que l'esprit ouvert et au-
dacieux du second constituent les qualités d'un guide révolution-
naire.
Bellido tend à s'exprimer dans un espagnol très correct
'et n'a aucune sorte de respect pour les" mistis " de San Pedro.
Son esprit altier se manifeste dès son arrivée de Lima, lorsqu'il
va présenter ses condoléances à la famille Aragon de Peralta :
" - Reciba tambié'n mi condolencia - dijo el mozo
SOIII'ielldo despectivamente.
l
,
- ~ Quién cres ? - Le pregunto don Fermln
/
/
,
- Parece que alguién - contesto mas despectl-
,
1
vamente aun, y palmeo el hombro de don Bruno" (46)
Rendon Willka se présente, lui, dans un espagnol bar-
bare et avec Llne simplicité qui frise la timidité
,
" - Sefior sintiendo, pues yo tambi,en. Caballero
,
/
'
viejo habla sufrido. Yo, don Fermln soy Rendon
Willka "
(47)
·::,
A côté de l'humilité de Rendon"i~;iaudaceide,Bellido
('.
"
_,
, , 1 .
..;"
'
.'
. ;"
!
' ..-.•
,('
, \\ , . :
, . ~
t \\.
.
• i
ne tarde pas à pal"aitre au lecteur comme une insolence~aine~
et exhibitiollniste.
(46) !\\I{Cill:!IAS, José ;Iar{,\\. Todas las sang~r_c_s. 8uenos Aires, Losada}
i ~'I Cl ~.
jJ.
:) ù
il
(cl 7)
ldclll.
:
1

22ï
RespeLt ct modestie tant envers les indigènes qu'envers
les" lllistis ", sont les pl'incipales qualités du héros d'Arguedas.
Et, lorsqu'on llli demande:
. /
" -~ Con qUlen vas a andar ?
iPor el comunero,
pOl' el senor ? "
(48)
La courte réponse de Rendon est la précision d'un pro-
g J'U lJlJJlG
d'il LI i Lill
;
.,
" - Yo, comunero leldo
slempre, pues, comunero" (49)
Il restera attaché aux vertus d'une communauté solidaire,
et sa condition de " leido " lui permettra d'organiser les siens
et de les guider vers la conquête de la dignité.
Ln force cie la communauté réside dans l'union et l'es-
prit de cullectivisme que le, lIl:isère il forgé en ch3cun de ses mem-
bres.
l'OUI'
l'Illdic'[), LI vie de l'indiviclu n'a de sens que cl3ns
l'union soli,claire avec l'ensemble d~ la société; il se soumet
, ;"
pour cela 3UX intérêts de la collectivité. Le prêche de Rendon
Willka est la claire conscience de cet atout :
.1!
(48)
Ibidem.
P.
33
(49)
Idem.
.;,:
'{
': ",
l, ,i:
~', 1
~ " .,
:,; r·:
1: •
,
..
'

228
" - G Pueden apagar el sol? No pueden apagarlo.
,
.
,
ASl tampoco nos qUltaran la tierra. Quecada
UIIO muera en el sitio que la hacienda le ha
otorgado para que· trabaje C... ) Si ven carrer
la sangre, mucha sangre, no se asusten ; digan
Si con"en perder~n la vida y la tierra. Si paran
firmes, matani'n a unos pocos y se ini'n.
~ Qui~n
va a matar a todos ? "
(50)
Les soldats ne viendront justement pas à bout d'une
foule si unle pour un idéal vital. Par son sacrifice le Iléros
démontre à la fin que pour le triomphe de cet idéal,
sa vie n'a
pas plus d'j~portance (IU'LIIle autre:
,
"
Senor Capitan ! - Exclama Rendon
. ,
Willka ante el capltan que viene a fusilarlo
los fusiles no van a apagar el sol, ni menas qui-
t"r la vida a todos los indios. 5iga fusilando
/ ,
.;
( ... J Nuestro corazoll esta de fuego. iAqU1 en
Lud~I:) ll:.trl(:s
!
\\'\\ClllUS
cOllocido
1~1 pütl"ia al fln.
y usted no va a roatar a la patria,
se50r. Ah{
/
esta; parece muerta.
j No
El pisonay llora
'. ~.
'r
il·
(50)
Ibidem. P. 441
"
1

229
derraruara sus flores por la eternidad, cre-
".
cielldo. Ahora de pena, mafiana de alegrla C... )
Somos hombres que ya hemos de vivir eterna-
mente"
(51)
Et, comme une invitation à ses disciples plus qu'à
son bourre311 il ajoute
" - Si quieres, SI te provoca, dame la muerti-
,
cita, la pequeila muerte, capitan "
(52)
! '
La IlLOrt de Rendon est annoncée par une phrase courte
et sèche
,
" El oficial accedio y 10 hizo matar " (53)
'.l'
...
Et l'auteur se ruet à énumérer les résultats de l'entre-
;
prIse révolutionnaire du défunt leader, donnant au lecteur l'im-
pressIon que son héros n'est pas mort, et qu'il avait raison
.1
lorsqu'il disait ail nlOlnent de son arrestation:
,
C5lj
Ibidem. P. 447
;, i,r,
~ .'..';'~1
L ;:, '!. !-h:
,i 1"'; .• 'l' 1) \\ .
(52)
Idem
'. "
"
(53)
Ibidem. P.
285
1
r,
1
\\

230
" Yo no voy a marlI' " (54)
1."
digI,ir(; ct Je courage de Itenc!on lYiUka devant la
mort,
tout camIlle
l' héroisme de J\\nto avant lui,
la digni té et le
courage des ouvriers et des pays~ns face à la repression poli-
cière tout comme la quiétude des "Varayok' s " devant la t o r t u r e ' l
des militaires sont les principaux signes de la naissance d'une,
4
conscience nouvelle indispensable à la libération de tous les
sur l'espoir immense que représente cette force de caractère basé
elle-même sur le sens d'un collectivisme infaillible. Une apothéo~e;,
de la fin du livre donne l'importance de cet espoir:
t
" El oficial accedi6 y la hizo matar. Pero se quedo
soja. Yél, coma los otros guardias, escuch6 un
,
,
sOI1.ido Je grandes torrentes que sacud{an el sub-
suelo, coma que si las mont.anas empezaran a cami-'
nar. A esa hora (. .. ) los" extrcmistas " eran
perseguidos pero segu{an vociferando. Los indies
y obreros de las minas se declar3ban en huelga
,
exigiendo mascaras contra los gases y el pelve,
aumente de salarie, mejor vivienda " (55)
( 54) Op.
ci t. P. 388
(5,5) Ibidem. P. 447,
, ,
,
"
,. :
l',
1
,

,
.~' ,
~. i'
, ,1
!
,
,
. i·!
. i',

;'t
:\\~
.'"
(,."
"
.q ,.
.,
,
'
·t'
"
"
, l '
1

'..
231
')'Ud~l:> \\:1:', :;;lligl'I..::; d ..lt JUllC toute la foi de son auteur
en une harmonie future dOllt la maturité de Rendon Willka est le
signe avant coureur. A ceux qui souffrent dans la misère et
t
l'humiliation sociale, l'espoir est encore permis, qui suppose
1
l'abandon d'une résignation passive et l'entreprise d'une action
lucide et virile. Pour Arguedas, vivre sans contribuer b l'ef-
ficatité de cette entreprise, c'est accepter le principe de
l'abandon de la réslgllation sans adhérer au principe de lutte.
Paradoxe scandalisant que l'écrivain ne put supporter dans sa
crise physique et intellectuelle. Son suicide s'établit alors
hors du contexte d'une autodestruction inconsciente. C'est à
ce thème qlle nous consacrerons le dernier chapitre de notre
étude.
1

232
i .
;,:
CHAPITRE VI
L'HARMONIE IMAGINAIRE
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
ET LE SUICIDE D'ARGUEDA5
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
. ,
, ~1;; : ::':'"
,1"'
1
,,
,',i;·~t~i:,;,..
,.
?,'"- ..
.
"
'.'.)

233
Au cOllrs d'une polémi.que équivoquc qui l'opposa en
1965
à Sa.Lél:ar lJondy,
Arguc'J<.ls réfut<è .La défini lion du .L<.l lillé-
rature cOlllme "réalité verbale" pour l'expliquer comme "réalité-
réalité" :
" Tampoco acepto el término " realid<.ld verbal "
pue de que sea una gran verdad dentro de la
tem;tica deI estudio de la literatura
; pern
~ realidad verbal?
i No existe ! La palabra
es 110mbre de cosas 0 de pensamientos 0 de refle-
x 101l('S LIu" jlrov~enen
de las cosas
; 10 que es
" realidad verbal" es " realidad-realidad "
"
(1)
Pour cet écrivain il n'y a donc aucune sorte de dif-
fércnce entre Ja l ittér:lture et la vie sensible. Todas las sangres
qui est le sommet de sa production constitue une éclatante
démonstration de cette conviction, et la grande ligne qu'il en
suggère ici est représentative à plus d'un titre de l'ensemble
de l'oeuvre
1
/
" Conozco el l'cru a traves de la vida y entonces
intenté cscribir una novela que mostrara todas
.
/
~
estas Jel"arqulas con toao.lo que tienen.~e pro-·
'. :
"
'
".'1 i
mesa y todo 10 que tienen de lastres ". (2).
(1)
AR~UEDAS. José Maria. Dans
Primer Encuentro de Narrodores
l'eruanos. Op. cit.
P.
140
(2)
Ibidem. P.
13

234
L'écriture d'i\\rgucdas n'est donc autrc chose que l'ex-
pression de la vie réelle du Pérou de son temps. Le réalisme et
la forte précision qUl émane de la révélation de cette Vle sont,
on l'a vu,
le fruit de la collaboration de trois agents
'0)
l'écrivain fortemcnt imprégné depuis le pilis jeune âge
de l'essence intime du monde qu'il décrit
, .
2°) derrière l'écrivain se trouve l'anthropologue qui lui
souffle le mot exact, capable de restituer la vic intégrale
de chaque situation
3°) entre l'écrivain et l'anthropologue se trouve la personRe
même d'Argu<?clas, déchirée entre deux mondes en conflit national
et pol i ticlue.
C'est pour cela que son oeuvre est dominée par un souci
permanent d'harmonisation,
la recherche effrénée d'une issue à la
t.ragédie andine: de ~ua à El zorro, l'oeuvre d'!\\rguedas est une
t.entative de résoudre à un niveau esthét.ique le problème qui fut
l'objet du combat de Manuel Gonzalez Prada, José Carlos Mariategui
êt
CC;,::;Ul"
VulJcju,
.'1L~::i
j
llu:)ll'l::~
IJI'I:tll~,c·t;:.:;C1Ill':'.
C'est dans Iodas las sangres qu'est suggérée, par une
suite de symboles bien précis la solution au drame andin :
'1
"
passage du Pérou de l'état féodal, archalqu~:~~ improductif à

l'état capitaliste et expose en clair toutes les conséquences de
cette métanlor]Jhose
l.a crise du secteur agraire, la mobilisation
de la population de la sierra vers la côte,
l'explosion de l'urba-
la naissance d'un prolétariat urbain.
A ce stade de l'évolution de la société péruvienne, est-
il réaliste de suggérer .l'avènement exclusif d'un secteur racial
au détriment d'un autre dans la définition de la nationalité
péruvienne ?
Elle semble plutôt bien révolue,
l'époque où Gonzalez
Prada pouvait proclamer librement que
,
Il
No forman el verdadero Peru las agrupaciones
de crjollos y cxtranjeros que habitan la faja
de tierra situada entre el oc~ano y los Andes" (3)
seule la conjugaison de toutes les forces vives du Pérou, de
quelque origine raciale qu'elles soient, peut conduire au progrès
de la nation.
J'our cela,
il prend soi.n de suggérer de prime
abord, par la mort du vieil Aragon de Peralta,
la disparition du
vétuste ordre social qui entrainait la soumission et l'asservis-
sement d'un secteur racial à un autre.
·,
[
----------~.1·
(3)
GONZALEZ,
PRf\\11}\\,
;\\lunuc1.
P~ginas libres. Op. cit. P. 59
·.1
:
1, .
,
,
,
1
.,
.~'

236
,, .',.,..
L'histoire de la famille Aragon de Peralta, c'est visi-
..,
blement l'histoire des propriétés féodales des Andes depuis leur
constitution et leur raffermissement jusqu'à leur désintégration
ct leur disl':Jr.iliüli.
Todas las sangres révèle surtout l'apparition d'un
nouveau système d'exploitatioll dont l'anéantissement par une force
sociale nouvelle devra déboucher sur l'harmonie d'un ordre plus
juste. On comprend donc que le livre s'ouvre pUIS se referme sur
une double perspective propllétique : la mort du vieux latifun-
diaire et la naissance du fils de don Bruno et de l'indigène
A:iUlll'.LJ.
Par sa mort, Adrian Aragon de Peralta suggère deux
modes de développement du Pérou :
Celui qu'offre don Fermin,
le premier héritier, adepte
d'un capitalisme dogmatique et outrancier, et partisan d'un déve-
loppement du Pérou au détrinlent de la masse indigène qu'il. trouve
primitive et pour cela inapte aux données de l'activité indus-
trie] le.
ri s joueront tout au plus le rôle de robots:
" El Peru da vergÜenza. Los indios idolatras,
analfabetos, de ternura salvaje y despre-
' . 3
:, "
ciable, gente que habla ~na lengua que no
\\
'.
. , ' .
",J~1: ''1:....,. "I"f!:, tl;",:·1,i'\\.I.· qO'!i.
Slrve para expresar el··raciocin:i:à":·sino·urii···1 ', .,.'\\'.•• ,'''
' ••
camente el llanto inferior o· e~ ;~~or in;:~·.';~>··,·::,,~;
.
- . ,
l' I.UJ'J
Ila)'
qllL:
ltuccl'
ùe
el10s
lucidos obreros
de las f8bricas "
('4)
(4) ARGUEDAS, José Mar{a. rodas las sangres. Op. cit. P.
259

237
le prototype du nouvel esprit de progrès, positiviste et anticom-
muniste :
" l'retendo 11I111unes para los hOJllbn:s de empresa,
,
,
miles para los trabajaclores. Fabrlcas, carre-
teras, mucha alimenta, casas en lugar de cuevas
y barTacas de que
"
esta rodeada Lima, y buenas y
sôlidas carceles para los comunistas "
(5)
non Ferllli.n Incarne l'option capitaliste du point de vue'
de la bOllrgeojsie nationali.ste qUl coopère avec le capital étrange~
dans 1 "llll,!lle pel'spective d'ulle nationalisation future.
En parlant
pllis tard l'objet de son combat il dit
" Yo no pretendo la insensatez de destruirlo,
SjllO incorporalo para variar un poco la
,
" ,
clireccioll que lleva. No debe digerir unl-
.
1
SJliÙ
LUlllUlt.:ll
para los capitalistas peruanos. Este
"
palS
merece ser grande, puede serlo. Unicamente
el capitalismo 10 conseguir{" (6)
., , "
(5)
Ibidem.
P.
333
" .
!
·1
(6)
Ibideill.
JO.
269

La seconde voie de développement est représentée par don
8runo qui incarne le sentiment du créole patriote qui fit l'indé-.
pendance de l'Amérique latine.
Acculturé,
b la fois ouvert au christianisme, aux tradi-
tians incas et élliX mystères cle la nature,c'est son fils - et non
celui de Fermin - qui sera présenté en symbole au Pérou de demain.
De cc po i Il C cle vue,
;;" l'i si on pl'ophétique sera accomplie par Rendon
Willka ~ qui il cOllEie son enfant et avec qui il forme un couple
symbolique pour l'affirmation de la terre péruvienne. Au moment
de son arrestation,
il délègue ainsi son pouvoir à Rendon Willka
,
i
" Si no regreso,
si me llevan preso, ponte firme
dependen de tu inteligencia, de tu astucia para
el bien. Entre a mi biblioteca de nache, tran-
qllilo. Tu castellano es coma de ... , no es de
CilOlo ; es de otra clase
; hablas coma que Nues-
tro Nifio Dies se recogiera par tu boca. Castellano
b~rbaro pero clara. Demetrio" (7)
Le coupl'" Bruno - Rendon est le symbole le plus éloquent
de l'union de toutes les forces nationalistes dll Pérou, la rencon-
tre harmonieuse de toutes les composantes de la nation et de ses
forces libératrices. Cette nécessité de fusion, Argueda~ l'avait
.11
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - . [
(7)
Ibidem. P.
311
1

239
suggérée de: vi \\'(' \\';,,'I-j x: :lU COUYS Je la rencontre des écrivains
, "
péruviens b Arequipa
" El Pc ru esti; ahora debatié"ndose, en ese momento
cl mundo se debate' entre dos tendencias
l'
l'
"
~ Que cs mejor, como progresa mas cl hombre,
,1
11l(.'lli:I\\Ir.,'
1;1
<:lllllpl'I·c.'11Ci:J
illdividll:ll,
l~l
lIlccn-
~
tivo de ser uno mas poderoso que todos los
dem~s 0 mediante la cooperaci6n fraternal de
todos los hombres, que cs 10 que practican los
indios ? "
(8)
Par cette question - réponse qui 'établit
un dilemme
entre le SCllélilB bOII,"geois de développement ct le sclléma socialiste,
Arglledas, choisit la voie de don Bruno au détriment de celle de don
Fermin.
Il
précisc d'aillcllrs davantage son intention:
" El individualismo agresivo no es el que va
a impulsa,' bicn a la Ilumllnidad,
sino quc la
va a destruir ; es la fraternidad humana la
que haT~ posible la gTandeza, no solamente deI
pTactican los indios y la practican con un
ordon, con un sistl~ma, con una tradicion " (9)
.l'i.
(8) ARGUEDAS, José Marta. Dans
Primer Encuentro de Narradores Pe-
ruanos. Op. cit. P.
239
(9)
Ibidem. PP. 239-240

240
Cette perspective d'harmonie réapparaît dans le dernier
livre d'Arguedas,
El zorro de arriba Z el zorro de abajo.
. "

Les renards du livre d'Arguedas ne sont pas des animaux,
communs, malS des 'personnages mythiques inspirés par une cOllectioJ
de légendes quechuas qu'Arguedas avait traduite et publiée en
,
. !
1 966
( 10)
Selon la légende, ce couple de renards vivait autrefois
tyacuri.
Ils représentaient,
l'un,
la région montagneuse (celle
d'en haut) et l'autre, la terre sèche et inhospitalière du lit~
taraI où il ne pleut presque jamais (celle d'en bas). Ces deux·
Illlllltll':-:
l'nl'l'C'::I"III •. lnlll'
1·"~:Jl,.'I·1 j VI'I1H'lll
:11\\'\\
1"61-: ll-'Il;~
11["
l'III" i(.'IIIIP~:
,Il'
[:\\
Slerra et de la côte, les deux centres hégémoniques de l'histoire
du Pérou ( la sierra avant l'invasion européenne et la côte depuis
la colonie ).
Dans ce dernier livre où il dédouble un mythe quechua
pour lui donner un sens social moderne, l'idée d'Arguedas est
d'imagine,' la rencontre des deux sectellrs incarllés par les renards,',
c'est-~-dil'e la fusioll des principaux secteurs raciallx du Pérou,
quatrl.:.'
~i0,-~J.I.'S ,IPI'(~S 1:1 prclllièrc rencontre tragique de.la conquête'l'
El zorro l'é;, rfi l'Ille d"ns ce cas le més-.;age de Todas las sangres
qui présente le phénomène de transc'ul turation et la' mobiÙsation ;';'f
'1
'. , ;1 .
(10)
Dioses y hombres de lluarochiri. Lima,
lEP, 1966. Traduccion
.(
cre-J~.- Arguedas
l.'

241
générale des masses populaires comme atouts de grands effets pour
l'harmonie de cette rencontre.
Cependant, l'llistoire n'est pas seulement un fait de
culture
il est fondamentalement volonté et action des hommes. lle
même, pour murlr à la conscience de la société moderne où elle
revendique sa jllste intégration, la masse exploitée doit être or-
ganisée. l'uur cuntribuer :1 la ré~ululion de ces problèmes, Arguedas
avait trouvé son arme:
la littérature, appuyée par la tribune
stratégique que constituait la chaire universitaire.
Or, vers la fin des années 60, moment de grande effer-
vescence socio-politique au Pérou, cette arme dont on peut d'ail-
leurs SOup~ollner les li,loites ne jouissait plus de l'adhésion
totale de l'écrivain enlisé dans le gouffre d'une crise névrotique
suicidai re :
/
/
1 T
~,lc
'''Yo 111\\ repentino huayco que enterra el ca-
mIno y IIU pude levantar, por mucho que hice,
el lodo y las piedras que forman esas avalan-
,
chas que son mas pesadas cuando caen dentro
deI pecho. Quiero dejar constancia que el huayco
~
.
, .
Hace mUC]laS anas quo ml anIma funciona coma los
camino s que van pe 1 a cosq, 'l, ,~a",s ierra per,uana.
. ,
: . l
,. ~
" : !, ',' 1 '. ': 'I, ~. ~', ?ll; ,:, ::;
,
1.
. \\." 1
....
" f
subiendo por abismos y lade~~s ~~ologicamenie aun
'"
'"
/
/
.~ :'j
/
inestables,
ri Quien puede saber que dIa 0 que noche
ha de caer un huayco o un derrumbe seco sobre esos
caminos " "
(11)
'i
(11) ARGUEDAS, José ~laria. LI zorTo. Op. cit. P. 274

242
Le prestigieux bilan de l'activité intellectuelle de cet
auteur sc fit alors dans une perspective plutôt triste
" Creo haber cumplido mlS obligaciones con cierto
sentido de responsabilidad, ya como empleado,
como fucionario,
docente, y como escritor. Me
retiro ahora porque siento, he comprobado que ya
no tongo energ{a e iluminaci6n para seguir tra-
bajeLnll0, cs c1eclr para justi.fic,ll' la vida. Y
,"lICllCh.
0 iJJa"
todos los colegas y aluillnos,
justi-
fiquen y cOlllprondan que para algunos el retiro
a casa es peor lIue la muerte "
(12)
La décllirllre de l'acrivain transcende ainsi la frus-
tration d'un IIOIIIIllC pour s'élever au niveau de la tragédie d'un
IJ'";UjJlc,,
dll
J'L:"Ull
LUlle
C I J l . l e j " ,
Comme dona Iturbide Aragon de PeraIta, José Maria
Arguedas, ce célèbre écrivain blanc, quitta ce monde sous les
traits d'un Quechua des confins andins
"" Yo pedir{a que alg6n hermano mio tocara
Ch:ll'dllg,a a lIuena (Jaime, Maxima Dalllia'n
Huaillan i. a Lufs ilurand) "
(13)
.
l,"
, :"
hz) Ibidem. P. 277
(1 3)
Ibidem. P.
269
i
1

243
avait-il pris soin de conseiller pour la cérémonie de sOil enter-
rement, peu de temps avant son suicide. Ce voeu fut exallcé par u~
al'tiste
indiell dontlc seul nom fait penser :lUX hauts sommets des
Andes ct aux (l'iv;ns esprits qu'ils abritent: Damian Huamani :
" Yo say Damiâ'n Huamani, mencionado, el pidi~
que tocara 18i viol{n en su entierro. Ah! es~
/
~
tuve, pues, tocandole " Agonla " que es muy
r·,·i~:tl'.
11l11'qllC
c:;
ln 1l11lt'rte dl]1
dnl1s:lnte H'Jn1tp~1
Wajai, que le gustaba mucha cuando vivo. Era
bueno el doctor, he llorado su mueTte de veTdad,
l
'
l '
.
coma
loramos en ml tlerra, con
agrlmas, no
fillgimiento. ~Ie de llevar este luto par selS
meses, a la costumbre de nli puebla, San Diego
~
de Ishua, pero que con esto no acabarla ml
pCILI.
Ile sufrido bastante, y he llorado
por
1
1
que no plies
; el era cailla fami lia"
(14)
Damian Hllamani joua de son violon et chanta un air fu-
nbbre, paroles d'adieu d'un Illdien à celui qui sut sentir l'âme
indielloe dans toute son il8mensc profondeur. Acte simple mais
symbolique par lequel toute la nature des Andes accomagnera cet
illustre membre de la communauté quechua, pour l'aider à franchir
,
(14)
GIACOMAN,
F.
Recopi,lacion de textos':sobre J. M., Arglledas
La Habana, Ed. Casa de las Américas, 1978. P. 67

244
le " Pont débile du destin "
. ,
..
,
, : , ~,'
" ) "1
:'1 ~ 1:, ; ! j
!
~ " ',;'

"l
.:.
(~i

245
CONCLUSION
' l , ;
!'"
• L' .': :
· 1 '
,
.••.•.,
. " .

246
Si, comme il a été indiqué dès l'abord de cette étude,
la littérature indigéniste telle qu'elle nous apparait aujourd'-
hui fLlt initiée Gvec Aves sin nido de Clorinda MGtto de TLlrner,
l'Indien el SaIl monde OIll élé abordés ~l Cl'avers d:i.l'férellts COll-
rants d'opinions intellectuelles dès la naissance de l'Amérique
à la conscienco européenne
- les chroniqueurs,
les historiens pL.1S les poètes des premiers
instants de l'invasion européenne avaient abordé ce thème à tra-
vers une visi.on propre, conditionnée par la Renaissance qUi avait
cours ùans
le:
11
Vieux ~Ionde ".
- l'approche des romantiques était, quant à elle, dominée par
un élan d'i.d0al.isilliun 'lui éL.blissait 1'~.rbor:igèIl8 américGin hors
de la réalité de :'a V.L8.
- les naturalistes n'av<lient considéré le sujet que sous un
aspect purement social.
- les marxistes s'en saisirent dans la perspective de son assi-
milation ~
la révolution du prolétariat.
l'est, C'll IIOL!'c :iens, avec Clor.inda ~Iatto'de Turner que
l'Indien arrive all roman comme figure principale. Avec César
Vallejo et Ciro Alegria, l'indigénisme littéraire orienté par
José Carlos MariGtegui achèvera de s'affirmer comme mouvement
indépendant.
Il récupérera alors les valeurs spirituelles et
"
psychologiques de l'Indien négligées jusque-là au profit d'un
"~'),~:"
.
.
J\\
::,,: .•. 1.;.',:
_,'
,
:
. '
·,~\\.·.i,;\\.;:
'
·i·
intérêt purclllcllr ';OC i.ù-économique et historique.
i,

zn
Mais pour restituer toute l'essence de la V1e andine,
il manquait encore à ce mouvement un ingrédient de grande auto-
ri té : la langue.
Rn apportant aux lettres péruviennes cet élément es-
ser~tieJ, ,Jo~é j\\Llri:1 i\\l'gll('L1a~ sc présente comme un sommet inf1'an-
chissabh: .
Si, COllllne l'a écrit Rodriguez-Luis,
" La novela indigenista parece 1J0y d{a un
op(tlilo ccrrado de la historia literaria
dCl
1ll1Jndnl::11."ill():111IC)'icillln
li
( ' \\ )
c'est parce qlle, emprunter le chemin de l'indigénisme après José
Maria Arguedas est un risque considérable.
L'univers romanesqt:e d'Arguedas est un circuit complet.
Construit avec une fidélité sans faille à un rôle de guide et éta-
bli llors des gants folkloriques d'une école littéraire, il saisit
l'espace péruvien c1el'"i.~ ]e petit village de la sierra pour s'ou-
vrir comme un éventail sur l'étendue du grand ense:nble national,
en en consignant toutes les manifestations spirituelles, physi-
ques, sociales, économiques, politiques.
Par cett,,: perfection qui .ne,laisse:iaucun esp3;ce d,'apport:
nouveau, l'oeuvre d'Arguedas se détacJle de plus en plus maintenant
(1)
ROUklGUHZ-LUlS, José, ,Herl:leneutica y prax1s deI indigenismo.
La novela indi~enisti 'de Clarinda Matta a José Maria Arglledas.
~lex1co, Fondoe Cultura Economica, 1980. P. 7

248
sous une 11011Vl,Jl" rubrique distinctive:
le neo-indigénisme qUl
l'enVOle (1 la fil1 définitive de l'approche périphérique de l'uni-
vers andin.
Défini de cette façon,
le neo-indigénisme insinue l'avè-
nCII1 1.'111·
d ' I I I I I '
I l l l l l v / ' I I l '
[."';1-:1))4.'
(lt~:-:
l(,t:1"rL'~~ l)érIlViellnc~
:
c01ui
d'lIne
littérature non plus" indigéniste ",mais plutôt" indigène ",
unique réalité concevable à la suite de la production de.notre.
auteur.
Cette réalité éclatera peut-être au grand jour lorsque
l'Indien lLLi-même, incorporé à une nation péruvienlle plus éCIUi-
table nous
rL'vèlcr:l
l'esprit le plus intime de son monde. Maria-
tegui l'avait clairement dit
" Une littérature indigène, si elle doit surgir,
surgira à son heure. Quand les Indiens eux-mê-
mes sel'ont en mesure de la produire"
(2)
(2)
MARIATEGUI, Jci~é Carlos. Op .'·cit:' P.'265'!"

,1
249
BIBLlOGRAPHIE
-------------
Cette bibliographie, q,Ul est une tentative de récupé-
ration. de tous les matériaux se rapportant à la production lit-
té raire d' !\\rgllecl;];;, :lnclut aussi des articles et des ouvrages
que nous n'avons j13S l'li consulter dans le cadre cie notre étude.
Notre intention est alors de contribuer à la mlse à
jour de la vaste bibliographie de notre auteur, travail dont les
bases ont été posées par de très sérieuses analyses clont celles
de Mildred Merino et de William Rowe
(1)
Elle s'échelonner;] sur deux sections essentielles
1")
l'oeuvre de José Maria Argucclas
2°)
la bibliographie critique rattacllée à cette oeuvre.
lIne troisi èllie section compl ètera notre étude, destinée
à consigner tous les
livres ou articles que nous avons consultés
sur le thème général du Pérou.
(1) Articles publiés dans Revista de Cultura Peruana. N° spécial
['Iomen":ic a José Maria Arguedas. Lima.
1970.

13-14.
En p.llh cie ces Ilc!lX articles,nos sources d'élaboration de
ceT. [ Co
b j b lit) g r ~l [J 11 "j (' 50 Il t
:
- nib, 'loU"cc, ';ac:ioll;'.l. 1'13Z;] de Colon. ~Iadrid (Espagne)
- Hi b.l jule,';] l'lib 1iea. C/Quintan;] -9.
~13dricl
i
- Casa de la cul tU1'a.
P1;]za deI Pais Valenciano., Valencia" (Es.~;",r:,l
p:lgne)
.
;'..
'}:j.
- Escuela de Estudios Ilispanoamer icanos. C/A1fonso XI1,'
Sevi11;] (Espagne)
.. " .
Biblioteca Universit;]ria. C/Alfonso XIII
- Sevilla
,.
r

250
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1

.,
275
APPENDICE
POI:~IES QUECHUAS
Traduction de José Maria Arguedas
" Par a 1~l Pe Il a 0 p~l raI ct ale g r i ct, e 1 in d i 0
sicmjJre ticne un canto"
José Maria Arguedas
Cité par i:clmundo Bende z u Ayba r
clans
LiteraturiJ quechua
Caracas, Biblloteca Ayacucho,
1980.
l'.
4
i ..

276
VEN AUN
/
Ven aUll,
verdadero de arriba,
verdadero de abajo,
Senor,
deI uni verso
el modeJaclor.
Poder de toclo la existente,
/
un lCO cJ'c:ldoJ' de 1 IJ(Jlnbre
diez veces he de U,IOI"al"te
con mis ojos manchaclos.
-
iQue resplandor !, diciendo
.-
me prosternare ante ti ;
/
S -
n1.1Tame,
. enol',
adviérteme.
v
/
, vosotros, rIOS y cararatas,
y vosotros
-"
paJaros,
dadme vuestras fuerzas,
todo la que poda{s darme
ayudadrne a gritar
con vuestras gargantas,
/
aun con vuestros deseos,
,-
y recordandolo todo
.
"!.,
: 1:;:: ,:
"
" i
".-
,
"
"
; i '
"
"
rcgoc I.J CJI10JlO~,

277
,
tengamos alegrla ;
y asf, de ese modo hellchidos,
Yendonos, nos lrenlOS.
Traduit du quechua l'al' J. ~1. A. 1957.
Extrait de Literatura Quechua de Ed-
mundo Bendezu Aybar. Caracas, BA,
1980. P.
9
.
"

278
El p'jaro que se esconde
cuando llamamos en la pUlla,
esti llorando, esti gimiendo.
Busca la paja alta y llora
I~l pobre pukucha !
y
la noche sc ''lJrOXilll'',
las nubes oscuras galopan,
Traduit du quechua en 1949 et publié
initialement dans canciones y cuentos
deI pueblo quechua P. 22
) "
. ,
!

279
Clèl::iL\\L!NO RIO
1
Cristalino l'la
d", los J amb ras,
/
lagrllllas
de los peces de oro,
llanto
de los grandes precipicios.
:1"
!
;
Hondo
/
l'la
cle los, basques de tara,
el que sc picl'cle
en ",1 l'e<':u11clo cle 1 :l b"j :-; 1110 ,
cl que grita
en el barranco donde
tienen su guarida los 101'05.
Lejalto,
le jan a ,
r
l'JO
amado,
/
llevame
con mi
joven amél11tc,
par ~n nlecli0 cle las rocas,
l: 1\\ t reLIS
nu h e s Li e 1 1Ll V 'i ;1.
Iluayno enl'egi stré par J\\rgllcdas a Calca,

vill:lgt'
indien
de
l:l
sicrr:l,
rl':I~lllit· en
1~)(1~) cr pubLié dans C:lnClones r ,:ucntos
deJ
[lucbJo quechua.
l'.
21J
,, '
"
.'
, '1
1
1

281
DiéS l'IJI i DA
---------
Hoy no IIIC . ,

JO
....
1re, me 1re Ill3nana.
Me ver~is salir tocando
una flauta de hueso de mosca,
llcvando pOl' bandcra Lina tcla de DI"ana
,
sera 11I1 talnbor lin Ilucvo de hOI"miga,
"y mi montera? mi 1II0ntera
C
seri un nido de picaflor.
I-\\lIayno c:nreg i stré Cil 1946 ~l Anta,
.:iollcs y ClIcntos deI l'ucblu Quc-
chlla.
l'.
27
'.';
.'

282
VOLANIJO POR LO AL'fD
Est; cayelldo la lluVla sobre mi pueblo,
,
esta llornndo mi amada
tras de
la DlontlLfia.
EsdI cayendo la llLLvia sobre Illi pueblo,
~-;1I cieLo c:-;t~ O~Llj]'O pOl' 1;\\ torlllcnta,
::;~
°
>'l)
I~:',:I··: \\,-\\:!llî~':llo
1
Volaria sobr" LI
lluvia,
pasaria por la montana,
dcsde
Jas nLLbcs
IlL
1lama r Ca
/
\\ S i
f li 0 t'Il Il ale 0 n
Volalldo pol'
10 alto,
1
desde cl cielo Il.amaria
Tradu it clu qLLlèchua
('n
1 'H C) et pub]i é
dans Canto KcchHa.
l'.
52

2R3
CI:LSO ~ILII1Ni\\
,
,.1/: 1l dUlld(~ C'llcollt"r':lst12, V'i~ljCI'O, a (Ion Cl~lso [\\Icdina ?
,-
-
)'0
la ellcon t ré cn
L1 c Lllilh re,
ccrca cie los san tuaI' ios ,
bajo los capes cie llicve y el gr311izo trataba cie enterrarse
l'Il
la gr"ll nieve,
b:,jo los
temp:lnos,
trataba de entGrrarse.
No te pregunto par su cluLce amante,
,
,
1
par aquelLl que en cl vienta y en el fl'lo le ayudo a penar,
/
1
1
par aquella que en 12] viento y CIl Gl frLo 1101'0 con él ?
,
-
lè n sus l' l' i ste s a j 0 s sc ;1 (:<1 bar a n ya LI S
1agI' i m;l s ,
,
1
Gn su cor;lcOll se seco el
sufrim:iento
{-"()fIl ()
1() ~ vil: JI'" () ~, \\' I~ Il ' . Il r (' s LI che c s 1: :] r vi: 1.i ;'1 n dos i Il S;) ber :l cl 0 Il de ..
Huayo recuci.lJ.i
~ l'UqUlO en 1940 par
Raci la Rami rcz,
traduit en 1949 par
i\\l"glleJas et Pllblié clans cancloncs y
cuentos ciel puebla Quechua.
l'.
34
"
,~'
,
;
"
"
1

ClIi\\N[J(J TL: VI';\\S SOLA
-------------------
/
Cuando te yens sola en la Isla deI rlO
/
no estara tu padl'e para llaJnarte
i alau 1 hija ml"
/
.
t"
lnadre no l'adj'" alcnnzal'tc
. ,
r
Il 1 J ;1
III 1 ~I •
con la lluv:ia en J.os ojos,
/
,
con SLIS
l~\\gTlnlas de SOllg1"C,
la 11uvia en sus oJos
"
]agrlll\\as
1
((; sal1gre.
y
"Lit] cl l'"to rca 1 h'l cie
i rse
/
cualldo las olas ciel Y10
se precipiten.
Pero entollces yo
iré a }"ondarte,
cantando
" le arrebataré su
r
jovcn corazon,
en la .ï.sla,
Sil
-,oven
/
Ci) )';\\ zon
cil
Ii.I
tOJïll(:nti.1
I I
"

285
Traduit Cil! (H~) et publié dans Canciones
v ClICIHos dcl
l'lIl'hln QlIcchlia.
l' .
.-il
' . l
~
.. ·
,
.1
1
F
. " .

2K6
C;\\I\\Nt\\VAL DE TMIl1013At11l3A
----------------------
1
Un 1'10 de sangre
ha arrastrado
al jovcn talllbobambino.
LI ha lIlucrto.
/
Solo su qucna
est"" rlOLando
:~ubrc 1:.1 cOrriL~Jltc,
?
solo Sil poncho
sobre
11.\\ co"rricTlt.c,
?
1
so 10
su
L 1~1 !'ango
"
esta flotanclo,
~ t :..l f 1 û t ;-1 11 li 0 •
}lilli.blitay, huif"Ja
,. 1·1 u j l' Cl 1 i t il Y ,
l1uiCaJa
y
la jovcn qllC él umaha
dora en Jas oril Las.
Su idolatradu alll"llre,
su aciorllclu,
,
c:sLI
Ilür:llllllJ,
,
(;:;1:;1
ll(ll";llidu
en
L.l:; 0 ri t 1iJ S

:~ 87
,
solo cl charango
flota
sobrc la corricntc,
,
solo la qucila
l'Iota sobrc la corricnte,
/.
\\
solo su ponc)Q
flota sobre la corricntc
61 ya no existe.
i li u i f al it a y 11 Il.i fa 1 a
,. HId fa l 3,
hui fa La, 11ld fa 1 :1
Un cbndor IIl.i.r:1 desdc los cielos,
'. \\ ; 1 Il LI ù
V \\ t L l t; 1 :; •
Busc:1
u 1 j ov.::n
taIllbobtl!nb:i no.
Un
"
l" lü
dl..' S\\;ll~i·t·
10 :1:'l,:lsLro,
1 .
.
~
el
rtO
sungl':Icnto
la CllVO!VIO.
i Huifalitay, huifala
i Ilu i Cd i ta)', /1lI'1 fa J a
'l'radLI]t dLI qucc)lua en 1949 et publié dans
CCI' Q.
P,
43
(IJuifala cst une danse de carnaval)
;i .

288
YUNCA
,
;-
~ A clollde vas padrc 11110 '?
Voy ~l 1~1 gr';t/1 scdva, vO)' C~llllill;llldo.
i i\\ CI ué v (-1 s, q li i éIl l è "1.1 c v ~1 ..,
COSCCh:I"é
"1:1
(llllCl~ l:OC.1, voy soJo.
V\\ll~ J \\.' (."
~ ~)
J
:
rj 1. u ~
\\.,' 11(' 1v L'
Ill" U Il l (J
tc cspcl'al'6 gimicndo,
En
ta
mont~li1a pOl' donclé dcbcs pasar J
En cl abri! que dcbcs cruz;]\\",
la ycrba particla florccc en mantos.
Qué coraz~n, qué corazon amargo,
al despedlrsc de la l'Illolna amada !
Campan i.ta dc
Pal.lc~ll·t;IJ1lbo,
,
tocamc
l"
<I"spccli da.
Voy a
la
gl';tll
SI.... ]V<Ï.
Ya no vülvcl'c
;-
.1 ;1111 ~t S .
,
Traduit en 1949
'
L:l1:lnson clu village de IJaucartambo,
,'c-

289
cueillie dans lcs ArcJ,ives de Folklore
clu Musée clc Ll Cul turc en
1()46.
Tracluit en (949 par Argucclas ct publié
clans Canciones y cucntos ciel
Pueblo
Qucchua.
l'.
d6

290
l'II Kil 1, 1,11
1.1\\
I.'~ l.:iJli:1 dl
jJtl!~1I111(
pa.1 il
:1 l t;l
~!...: 0 rù ,
a
la ilorJ Cil que eanta cl galLo,
a
la mccl-iallochc,
me accrco a
toi
Pac1I'C montéllÏ,J,
no has de enojarte.
Iiclltr'o deI
l'uKllllu
picaflor,
èSmèl':ILd;1
verde,
a La IIledianoelle
m;
campane ,'0 en cl
,1] anto,
r
UYllJulne ;1 aJol'Ul"
no le nlcgllcs,
Cil
el corazon de la 1Il011tana
tu creciste.
llYJnnc dcs "
aul<:is "
al!
(sacel'dotes], prê-
tTCS
j.lldigèncs,i·"rccuci]]l [1 PUCluio Cil
1952 ct pubLié
intùJ1l'lIlcnt dans
: "
Pu-

qUlO,
un'l cultur'l en proccso de combio ",
~studios sobre L" cultura actual deI Peru.
I.illla,
!')(i·I.
P.
247.
Avant certaines cérémonies rituelles, les
aukis déposent leur croix devant les pukullu,
esp~ce Je case construite avec des plel"res"
~ 11 l" l.,." i ;1 1c-~.;, l.: 1· c Il: 1Il t" l' Il t
1 l' 1\\ l'
Il rIII 1\\ l'
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192
HYMNO !JE IJlèSPHlllJ}\\
------------------
I~aylillay IVaylilli'y
LI
\\vayli
waylillay waylillay.
,
,-
Dillle aJios~ deSpJc\\ellle,
U\\Vélyll,
1
te he visitado en tLI c\\~a,
II
\\\\'ayli,
,
~I se50r cabildo Ille esta uspcrundo
;.J
l.a
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LI
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C:L/JlÎIl.'.lntc,
li
h':.1 y] i,
a fin de tille
/'cgresc, <le llllC vllclvas
b;'l.sta mi yctorno,
p::ldrc
mOlltana
·
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iJ)JlIl1C'
t· st
chant(5
Il'' " le::; ;lllkis avant 1a
dl.....'_':iCt: J'lte
des collines o Cl 1 ls se chargent cie
l CU}'.s croix. Op, cit
P.
247

294
illMNO i1i: LOS i\\lIi\\IS Ui: Cllr\\IIi'I
----------------------------
3ylill,t)' ,tj'li.I]:t)'
uh \\1ayll,
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scnores COlTIunes
ull wa)'li
hermosa
palllbra
LJ Il
hl ~t Y') j
. /
Jlernlos~1 [ltenelOll
uh wayl Î
11l..:' rdl)ll:ldlllf.'
ulll"t)'Lt
IHtCedme entcnder
uh I<ayb
,
llablad padre lTIIO
uh \\,'ayli
,
rechazad la pereza
·1
uh I<ayli
recllazad la rabia
uh I<ayli.

Cet
h)'lIlllC est entonné
lorsque les aukis
descendus de la colline se joignent à l'en-
,;cmbl" dei" communauté qui les attend. Op.
eLt.
P.
250
Ces hymnes sont chantés à
l'occasion de~
fêtes que célèbrent les quechua dans lèS
1Il0111:1g11cs
en
1 1 honncLlr de
1:1
lCI'I'e
ct
dL~
J l('JU
(mois lIlaoût
terre
; LIlU LS de sep-

2%
TaytakullLl,
lIl,-LtUllî:1
los picaElorcs I"CVel"llCI"JII CIl el arrc
,
los taros estan peleando ell la pampa
las palamas dicen:
itinyay tinyay
/
porque hay alegl"la en sus pcclti.tos.
Taytakllna, mamakulJ:l.
Traduit en 1933 et publié dans AgLJ~
1
.
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,.',.
',,;:
\\ '
1
1

Akakllo de los pedregales,
bullera pajarito de las penas
no Ine engafies akak110.
i\\k~kllLJ IHctcncioso,
lllist-i.
i.llgcnicro,
te llicCIl.
/
lJIUCStt'3111()
fLI
baI'I'c~U
1 jajayll~s ;lka1:.110
'1IIr;'I""""
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.
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Ill..
i,.l]l\\ .. l.>
ï'ndu:i.t en 1933 et publié dans Agua

1

298
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~I,-> ~~l'J'sonl\\('S, diviniTés, Lieux, pellplC's et prati-
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78,
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78,85,
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185,209,211
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10,
171
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BENM]D[S;
218.
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CIIAI.IIUI\\NCA
137.
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42,
52,
192.
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10.
CIIINCIIASII','O
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77,
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81.
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53,
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84,85,87,88,89,
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167,168.
ELIADE, M.
; 92.
J:QUATJ:UR
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ESPAGNE:
11,87.
FARFAN,
H.
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53.
FUENTES,
C.
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44.
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10.

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10,
11,
212.
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100.
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17,7<1.
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IIU,I\\NCAVELIC1\\
:
74.
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135.
IIUASCAR:
178.
J-IIJ,'IYNA CAPAC
:
7R,
211.
IILJAYNO
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121,
123,
1211,
133.
IIU!\\! l'Cl
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IH7,202.
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301
lNKARRI
60,
87,
88,
169,
171.
JAILLI
:
121.
JUNCA
74,
76.
JUNlN
74.
K'ARWARASU
: 87,
90,
99.
K' AYAU
:
98,
99,
100.
KOLLASUYO
:
77,
80.
K 'ONANl
:
199.
K'OROPUNA
(ou Q'OROPUNA)
90,93,101,102,106,169,171,177.
LIMA
:
1LI,
20,
2 -,
27,
29,
30,
39,
131,
155,
226.
MAMA OCLLO
: 83,
84.
1\\1i\\NCOI 1 :
78.
MANCO C/\\I'/\\,:
:
83,
H'l.
H5.
MANTARO
: 74,
106.
MARlATEGUI
:
9,13,
15,
16,
17,73,81,85,
185,215,218,246,248.
MATTO DE TURNER
:
15,
246.
MEXIQUE:
9,32,211.
MUSSOLINI:
29.
NAZCA
:
130.

302
OORIA, M.
33,
35.
PM1PAS
:
26.
PASCO:
74.
PATZCUAIW
:
32.
PEI\\oU:
'l,
lU,
11,12,
IS,
16,
19,
21,
25,
29,
33,
38,46,47,49,
7 3,
7 Il,
7 S,
7 R,
7 ll,
211,
2 18,
2 2 5,
2 3 5,
2 3 8 .
PIZARRO:
10,
78,
84,
211.
POZZI ESCOT:
56.
PRADO Y UGARfE
:
35.
PLJKA.')lIU\\
:
~)L,
Ill::;.
l'UN A :
74,
75,
76.
PUQUIO
:
30,
100,
130;
152,
202,
215.
QUECIIUA:
19,25,
4ü,
47,
53,
54,
74,
75,89,90,100,104,120,
QUET2ALCOA TL
:
21 1 .
QUISPE,
E.
:
100.
IŒCABARREN L.
E.
:
20 1 .
ROORIGUE2-LUIS,
J.
:
247
\\\\\\
SALAZAR BONDY:
233.
SALK'ANTAY
:
92.
SAN JUAN DE LUCANAS
24,
27,90,175,
180,187.

303
SAN MARCOS:
26,
29,
30.
SANCHEZ CERRO:
29.
SANTA [SAHEL:
26.
SAN'J'Ii\\(;() illl CIIII.I
:
3.'.
SIERRA
2 0 , 2 6 , 4 7 , 4 8 , 7 3 , 7 4 , 7 5 , 7 7 .
SUNI
: 74,
75.
ï'AHUANTINSUYO
: 77,
78,
81,
84.
TAKI
:
1 21 .
TITICACA:
80,
83,
85.
TUPAC AMARU
:
12,
171.
UNION SOVIETIQUE
218.
UIWIJAJ\\IBA
:
79.
URIEL GARC 1A,
J.
74,
77.
UIWGUAY
:
9.
VALLEJO, CESAR:
16,17,246.
VARGAS LLOSA
20,
51.
VITCOS
:
79.
VI RACOCHA
(ou \\'IERAK 'OCHA)
80, 84, 96,
211.
WACHTEL .
N.
:
79.
,,\\'IAKAWAK'RA:
125,
126,
127.
' I I ,
- i' "
!
l\\',\\MANI
: 87,
88,
89,
92,
93,101,
165.
1l
1

304
YAUYOS : 26.
YUCAY
79.
YUNGA
74,
75.
ZU~IlJAYLLlI
137,
138.
"
l ' ,

, .
30b
à la place d'un adverbe de manière
61
5)
la dOllble précision du possessif
62
,
'1 '
6)
Le suffixe "-lIa"
-.
63
7)
le suffixe "-ya"
65
H)
]' information directe
67
,1)
i ' infol'mat i.on inch l'ecte
68
10)
l'expression du doute
68
·1
CHAr.
TIl:
DTMENSJON ~IYTHTCO-RELIGIEUSE
ET UNIVERS
MUSICAl. ANIIIN
72
-
l\\j
[J;lys:lges ~l~ugr:lpllj.qtlCS ct
hi.stor1.quc$ du
la sierra
73
1) pays~ges géographiques
73
2)
paysages historiques
77
- B)
Les mythes de la création
1)
le mythe du Lac Titicaca
83
2)
le mythe de Inkarri et les cul tes aux
1
'h'al!13nis r,
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
87
C)
La notion de mort
100
- D)
Le mythe de la fusion des corps
107
1)
la notion des rapports homme/animal
107
2)
la fusion force du bien/force du mal· . . . . . 112
- E) Univers musical andin
118
.. l'
1
, -

307
1 .
CHAI'.
IV:
LE PHENO~lENE
DE TMNSCULTUMTION
142
1
, ,
- A)
La marginalité d'Ernesto, mode de valorisation
".,
cles sociétés en présence
145
,1 .
- BI î:.~I"."_l· . .Fi('st~,_,,!g_E9.':"_Y.,~2:~__!a culture du dominé 150
- C) L'influence de la culture occidentale:
le phé-
nomène sinchrétigue ........................ : : ",' 163
1)
la légende de.Maria Angola ........ ".166,
,,
2)
la notion du ciel et de la terre .. 169 .
,
3)
les rites de conjuration .......... 174
4) les cultes aux morts .............. 177
CHAI'.
V :
LA "EVOLTI: SOCIALE
179
- A) Le paradis perdu
184
- B) Nouvelle structure socio-économique des Andes
Péruviennes
189
- C) Perspective cie révolte sociale
197
CHAI'.
VI
L'HARJ\\10NIE
I~IAGINAIRE ET LE SUICIDE [)'ARGUEDAS.
232
CONCLUSION
. . . . . . . • . . . • . • . . • . . • . . • . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . • . . .
245
BIBLIOGRAPHIE
. • . . . • . . . . . . . . • • • • . . • • • . . • . • • . . . . • . . . • . • . . . •
A) Oeuvre d'Arguedas
.
B) Critique sur Arguedas'
\\ 1"
i, (
,
1
~ '; 1
'ot, .\\' ) 1



















• 1.
. ' . '. ••
~
'"
'l',:~ ~
..' ,

308
L
, .
. ,
"
,y'RICA/1V
- C)
Bibliographie générale
(f.ç.(\\~~1':~>
;~~269
i'
i
.:
<
. . .
\\:
~:t
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\\,.,
~
APPENDICE
POEMES QUECHUAS TRADUITS PAR ARGUEDAS_ .._•. v/. 27 5
1
1
'-
r;
~
e....'
,~. €'ÎTlcnl~û?
-_...;,-;,;.;,;,~
INDEXE DES NO~IS
. . . . . . . • . . . . . . . . . . . . • • . . • • . . . . • • . • . . . • . • •
298
TABLE DES MATIERES
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . • • .
305
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