1
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UNIVERSITa DES SCIENCES SOCIALES
DE GRENOBLE Il
U.E.R. DE PSYCHOLOGIE ET DE SCIENCES DE L'SDUCATION
PROCESSUS D':ETUDE PSYCHOPATHOLOGIQ!lE
EN MIllEU RURAL ET URBAIN
EN
COTE D'IVOIRE
THEsE
EN VUE DU DOCTORAT D'~TAT
ES-LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
présentée par
Georges Dimy TCHETCHE
sous la direction de Monsieur le Professeur André ~UFFIOT
Tome 1
ANNSE 1985-1986

à M:>nsieur et Madane Maurice SERY <N:>LE8A,
Ministre d'Etat,
à M:>nsieur et MadaIœ BAMBA M:XJSSA,
à IœS Parents,
à na Famille,
auxquels mus devons toute mtre reconnaissance,
à IœS Amis,
à tous ceux et à toutes celles qui, par leur aide, par
leur accueil et leur canpréhension, oous ont pennis
d' entrepre:rrlre, PJ.Ï.s de corduire ces études à tente.

-...
Nos sincères remerciements au jury
Monsieur Henri CLAUSTRE, Professeur de Sciences de l'Education,
Université des Sciences Sociales de Grenoble II
Monsieur Tobie NATHAN, Maître de Conférences de Psychologie Patho-
logique, Université de Paris XIII ~
Monsieur Roger PLANCHE, Professeur de Psychiatrie, Université de
Clermont-Ferrand
Monsieur André RUFFIOT, Professeur de Psychologie Clinique, Université
des Sciences Sociales de Grenoble II ~
Monsieur Louis Vincent THOMAS, Professeur d'anthropologie, Université
de Paris V ~
Monsieur François GUY, Docteur en Médecine.

T 0 [., E l .

SOMMAIRE 1

TABLE DES MATIERES .

TOM E
l.
~ œ
.
1
~
. 9
A. SChizoP1rênie et désintégration familiale
B. Oêl1mitation des objectifs et Métb:x1ologie générale
NOS 9:lJOCES
............................................
17
NOl'RE PLAN ....................................................... 18
PRFlfiERE PARl'IE ....................................................... 19
FAITS ET FACl'EURS D' ACCUL'IDRATICN EN 001'E D'IVOIRE
0iAPrI'RE 1................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
CXNl'EXTE GENERAL. BINœR\\lILLE .................................. 21
L' J'D:lJLTURATICN •
A. HIgroRI~
30
B. LES 'l'E1IDANCES AC'IUELLES ................................ 39
C. NarRE ORIENl'ATIœ
55
CHAPITRE: II ...................................................... 58
METlDX>rœIE
1. L'investi~tian ethnologique ••••••••••••••••••••••••••• 60
2. !..es éttrl.es de cas ...........................'............ 63
oon::1uite de l'entretien
le dép:>uillement
tID exenple
discussion
CliAP~ III
. ................ ........ ........... 90
PSYŒIATR!E EN AFRICPE NOIRE
A. œ~CN •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 91
B. lES MAI.aAJ:ES ET ~ ~ ••••••••••••••••••••••••• 97
c. lES nIERAl?EXn'E'S •••••••••••••••••••••••••••••••
98
D. CCNŒPI'ICNS TRADITlOONELLES DE REFERE:OCE
DE lA MAI.MIE ~AIE •••••••••••••••••••
99
1. l' enseignem:mt de El Badji Q.lsœn.e N' DcmJ::o Ba,
thérapeute et magicien
2. le culte des esprits ancestraux
E. L'IDPITAL œ FANN EN TAN!' (U'rnsrrrurION THERAPEUTI(UE •• 107

amPITIΠ-r.J................................................................................................
110
UN EXEMPLE : te cas d' AlXiou.
1. OBSERVATIOO PSYCHIATRICVE ..............................
III
1. Bic::x:Jr'aplUe dl l\\l::rlou
..
118
2 .. ~œ fartd.lial.e
..
124
3. Analyse du délire d' Abdou •••••••••.••• .•••••••
139
II. L'EXAMEN P~IQUE ....•........••.•.........•
149
A. Une épreuve projective: le test de Rorschal:d..
149
1. carmentaires du protocole
2. protocole et psycln1rarme
B. Figure ~lexe de Rey........................
160
III.. rn ~ .AP'IŒS
161
1. Atdou
2. Djibril
3. La famille
IV'.. ESSAI œ smrŒSE
168
1. Classsœnt de la maladie d' Alx]ou
2. Conditions patrogmes
3. La famille et sa maladie
4. La famille et ses problènes
aJODSIOO DE rA ~ PARI'IE •••••••••••••••••••••••••••
174

DBJXIDŒ P.AM.'IE ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
176
FAILLn'E DE LA PRISE EN atAR7.E Il6I'ITtJI'ICNŒLLE
SUJEl' E:l' STR.:CroRE FAMILIALE. SWEI' E:l' 9X:ŒrE
(A PIUœ DE 25 CAS) •
DE L'EmmPSYCXIATRIE A LA PSYCXIATRIE SOCIALE
.................................................
177
CHAPITRE l
...................................................
178
I. CXMD:NI' CDNSULTER •••• ... ...............................
179
A. le List:qual:" •••••••••••••••••••••••••••••••.••••
179
B. ~le de la
...............................
ccnsultation psychopatrologique
en mil ieu urbain
188
II. DIroJSSION ~Ieœ .
.
194
1. les :instrurœnts .....................................
194
2. La stratégie de mise en oeuvre des instrl:lœ:nts ......
196
3. La mise en fome des résultats ......................
199
III. LA FAILLI'lE œ LA PRISE EN ~ INSTI'IUl'ICNNELLE
201
1. L'entourage et la naladie ...........................
201
2. les structmes sociales
.........................
210
a) société traditicnnelle
b)
société islamique
c) société CXI1teIriX>raine
C1JAPITRE II ..................................................
222
SUJEI' El' Sl'IU:I'URE FAMILIAIE •••••••
.
.
223
ANALYSE GENERALE DES CAS (25 Cas) ...................
224
Ienarques ........................................
268
t
1

~ITIΠIII
.
278
SW'E1' El' scx::'IE'I'E ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
278
1. dans la sociAtê traditi.a1nelle ••••••••••••••••••
278
2. dans la sociêtê islamique •••••••••••••••••••••••
283
3. dans la sociêtê OCIltenp:>raine •••••••••••••••••••
286
alAPI'lm Dl ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
291
DE L' ETlDPSYCHYATRIE A LA PSYCHIATRIE 9:X:IALE .........
292
I. IN1'KIXJCl'IOO ....................................
292
II. LA DlMENSlrn 9XIALE DE LA
PSYCHrATRIE TRADITIOONELIE AFRICAINE ••••••••••••• 298
III. PRATICPE D'UNE PSYCHIATRIE 9XIALE ••••••••••••••
307
A. Transfonnatiœ de l'n"pital psychiatrique ••••
307
.B. OOveloppeneIlt d 'une ps:~chia1·rie
extra ~ita1iêre •••••••••••••••••••••••••••
311
a) les villages thêrapeutiques
b) l' assistanœ à danicile
~Irn •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
365
\\
1

l
1 NT R0 DUC T ION .
1
1
1
1
1
i
1
1
j

2
"
Ce paBB~ pourtant est tout proche : il date
d'hier. Mais le monde bouge~ le monde change et
le mien pl~s rapidement peut-htl'e que tout autre;
et bien qu'il semble que nous cessons d'être ce
que nous dtions~ qu'au vrai nous ne sommes plus
ce que nous
~tions~ et que d~jà nous n'~tions
plus emctement nous,.,,~es dans le moment 012 ces
prodiges s'accomplissaient sous nos yeu:r:".
camara Laye
"L 1 en.i:a,nt noir".

3
~ chanp du psych1atœ est aussi celù1 du psychologue et du psycmlogue
8OCial. &1 Afrique, 11 est aussi oelui de l'ethnologue. cette notion gêDêral
plus ou m:>1ns acœpt:êe, peut être justifiêe et prêcisêe par quelques l'er.Jarqtœt
L'expêr1eooe de la psyt:h1atr1e en Afrique entra1ne, plus ou noins
mp1.dement, un sent.lltent d' étonnenent ou de réel nala1se. la référence
aux cadres occidentaux n'est pas sêcurisante : les "espêœs nosc:>graI:h1ques"
ne s:nt F8S recxmnues fac11errent; la relatioo et le contact avec le malade
ou sa. famille ne ID'lt pas vêcus de la IYêœ façc:n dans la mesure 00 le m] ade
n'est .t8S individu isolé, mais prolongé par une famille, \\D'l groupe1 il ne
peut êtœ situé par rawart A cette famille, ce groupe, parce que le l'Ié:Jecin
occidental ne oormalt pas la famille et le groupe. En Europe, ces repères
.
sent ilrplicites; tœdecin et nalade ~ t au nêœ milieu. Eh Afrique,
11 faut néoessaiJ:elœntrecourir à l'ethmlog1e et A la sociologie lX'\\ll'
éclairer le fard sur lequel se détache la "figure du nalade".
Une des orig1nal.1t& des. cultuœs africaines pourrait être fOIlllÙêe
sc::hêœtiquelœnt de la faQŒl suivante : l'organisation de l'Wiv1du se
dêplaoe, par ~ aux cultures occidentales, A la fois dans la
trajectoire taIp:>relle et àans le chanp social. les expériences
stnlcturantes (frustrantes) sant vécue? plus tardivenent et l'individu
reste toujO'.Jrs :foIW dans le réseau <Xl1'It'Ima.utaire.
L'abservatia1 centrée mn plus sur l' in:lividu nais sur le groupe
p:'-nnet, dans ces conditions, d'articuler la maladie (plus act1lelle dans
sa genèse) avec les relations de l'intividu dans le groupe.
L'étude d'un cas se situe alors selon trois niveaux :
- un niveau individuel, celui de l'observation psychiatrique, l'observation
psychologique et, dans une certaine mesure, l'analyse régressive;

- un niveau familial, œlui de l'enser'ble des relatioos Al' intêr1eur de
la fmnille ê1arg1e : verticale (les ~~rations et les ancêtres) et
lx>rizaltale (la fratrie, les all1anœs); i l s'agit ici d'êtablir un
sociogramœ souvent très OCli'Plexe, nais nêcessaire pour la cœprêhension
du cas et ~ur la thérapeutique;
- un niveau coliœctif
celui des représentations ClÙturelles qui nettent
en foIme la IŒ1l.adie.
L' histoire et la vie des familles de malades ne s:mt certes pas une
préoccupation originale.
se1al une perspective cxmfome a. l' importance accor:àêe aux prenières
:relations de l'enfant, dans la genèse de la personnalité, de rarbreuses
études rot été faites oorcern.:mt la mère et le père des malades nentaux,
des schi~s en p:lrticulier.
Dans une perspective différente, visant une oorrêlation entre
l'organisatioo familiale, en tant qu'i.ns1?-tutim et en tant que réseau
de relations, d"une part, et la na]adie rrentale, d'autre part, les
études sont rn:>ins rori:>reuses et noins satisfaisantes (1) •
L'explicaticn en est peut-être sinple : s'il existe des I!Ddèles
de la relation a. la rœre, ou au père, i l n'existe pas de nodèle d'analyse
satisfaisant de ce qui est a:welé "famille".
(1) La principale êtu3e de ce type en France, faite p:rr DErAY et 0011.,1962,
~rte sur les schiZOJ:brènes; la oonclusion des auteurs souligne une
oorresporx3ance entre le type d'organisation familiale et la naladie
rœntale.
D.ErAY (J.), DEmCIŒR (P.) et GRErn (A.) : Le milieu familial des
Schizophrènes, L'Encéphale, 1962, 51, l, 5, 73.

5
La demande qui a orierité, dans ootre expêr1ence, l'1nt:êrêt des
mIdecins vers les familles a plusieurs racines :
1) C'est d'abord la difficulté d'êtablir une relation A la fois
1nfoxmative et thêrapeutique avec un individu, malade ou non.
Cette oonstatatial, que tout le nonde peut faiJ:e, est illustrée
par la qualité des renseignsre.nts fournis au cours des entretiens
avec un seul inllvidu. les rê{xmses obéissent a des facilitatials
ou à des inhibitions oont la dynamique lOlS êchapl:'e. ce sera, par
exmpl.e, une agn:obat.i.oo absolue cpi prêcêdera la question devinée,
ou desrêponses a d)tê, obéissant A un cxx3e des relations que mus
iCJrDrons.
la relationthêrapeutique mêdecin1'B1ades est rapidaœnt bloquée
par une dêpendance nassive ou au contraire pir- une absence de transfert.
2) C'est ensuite la constatation cntplênentaire que tout êchange,
toute transaction, se situent lO'l piS entre deux individus, nais a
l' .intérieur de la collectivité. "'!but pisse y;ar le gro~" : cette
:foDnule un peu sclénatique résuIœ les conditions des échangés dans
la s:x:iêté africa.i.re traditionnellenent dêt.e.rr:linée.
C'est ainsi que l'infoIl!BUon, parce que œ p::mvant être obtenue
dans une relatial si.D:3ulière, dans le OOreau du médec:l;n, en face à face,
se dévoile tout naturelleœnt, quand l'entretien, nêœ sous fonte de
questions directes, a lieu "p.1bliquaœnt", au milieu des autres malades
et de l' ensanble du perronnel soignant. came si, pour s'exprimer,
i l fallait être porté, soutenu par un ensari>le.
Il est curieux de constater que la progression de la "collectivisatial"
toujcurs plus grande des soi~ts et des ma 1ades s'est fa!te sans idée
"a priori", mais sous la pression de l'expérience quotidienne. le rituel


6
de la visite s'est transp;>rtê de la chambre au "pinch" (3). L'affaire
du JU!'Jade, sa roaW1e, sont discutées, camentêes par l'ensenble des
groupes que cxmstituent les autres malades, les infinniers, les
CJëlr9Œ1S de salle, les tœdecins.
ce ritœl nouveau n'était pas sans s'inspirer de œs qui étaient
observés dansles villages traditionnels ail, entre autres plrticul.arités,
le IID'I.1\\1eltS1t thérapeutique, qui vise un individu, est Wcu par la
collectivité.
3) cette déoentratioo de l'intérêt de l'individu naJade vers la
collectivité corduisait à la famille: rxm pas à la famille "nuclêai.re",
de type occidental, organisée es~tiellenent par la situation
triangulaire, très accessoirement par la fratrie, et noms encore par
les ascendants, nais à la famille "élargie", groupe diac:hranique et
S',tn:::hronique, charrp de force des lignées qui se mUent et s'cgx>sent.
Là aussi, 11 est assez curieux de calStater que notre progression
s'est faite sous la pcAJSsée de l'expérience et par l' ~le de ce qui
se passe chez les thérapeutes traditiomels.
L'''entrée'' dans la famille s'est faite d'a1x>rd par le biais des
renseignements founrls par les "familles", c'est-à-dire prr ml nenbre
dE la famille, au nédeci.n ou à l' infinnier, lors de l' aànission du
IŒÙ.ade à l' b.'%>ital. Puis, s' est déve1~ peu à peu le besoin de
dépasser le renseignaœnt bi.ographiqu~, souvent irnprl3cis et
contradictoire, :r:our une relation et une discussion générale avec
!
le plus grand ranbre d'individus du groupe famili.al.
1
(2) Le "pin::h" : lieu du village où l'on se rencontre pour pirler de
beaucoup de choses: fome de réunion institutionnalisée dans les
services de psybhiatrie.
1
1
1
\\
l

7

La ~ille (ou C!UE!1c:!'JE!S-unB œ ses l'e bres) êtait d' abom
OJnvoc:tœe, ~ invitée à particirer A des discussions à 1'h"pital,
en ce c:rui cxmoemait le l''8lade. nus, au oours œ ces rêunions, trt"s
souvent, la demande du M"'decin ou les ~s ê1art:!issaient le ~
du débat. ce C!Ui êtait alors s\\l1"!X>rt de l' lkhan~ n' utait :')lus le
malade I!Bis la ~ar"ille dans son existence qootidierme, son histoire,
la vie sociale en ~éral, les re!1t'êsentations, les VëÙeurs
:religieuses, le rode des relations, les syst.ê'e; œ ~té.
A ce rêcit, il I!lal'1C!IJait un cadre l''atériel et la nécessité
d'cller voir, siron vivre, dans ce cadre,
a oo~.uit naturellerre:nt
aux visites des far'lilles dans les villalJes.
Du disoours du r.alade, souvent i.nd6ddffrable ~ce '!lJe le
rode des relations oous était inconnu, mus étions int:ro&lits
dans un univers organisé qui lui Cbnnait un sens, ou tout au roins
paraissait lui èbnner un sens.
L' .-u:tifice de s6!?arer le l'\\Ùade de son env:i..ralneM:!nt faMilial
et social IX>ur l'observer et le Cll'!'.JreIYl..re nous ~ssait cx:::I"J'e
uœ r.utilation, une erreur fondar!entaJ..e.
La référence aux ~.rapeutes traditionnels prorusa.it la J"êr'e
évolution. Aucun r.alade n'est reçu sans sa faMille. l.a fëU"ille reste
avec le ralade ~t une e:mmœ partie œ la durée de l' msnitali-
sation; elle ~ci~ aux soins et auy QCClnitions oollectives.
Un accord réunit, lie les l''B!bres œ la faMille, le gro~ théra-
peutiqœ et le I!alade. Gans cette adhésion oollective, le traitenmt
na !Jeut être entrer>ris. l i serait d'ailleurs i..rnplS...rant.
A travers ootre exrérience et ootre nénétraticn
.
.
oors re
1 '!-npital, une muvelle ire<:,€!
de la l''aladie rent.:ùe se dessinait,
dans laquelle la ~ farùliale, culturelle et sociale, était àe
plus en plus grande.

8

Une tendance s'nffhnait qui, &ms sa foxne extJ:êœ, pouvait
être a1nSi foJ:mJ1êe : le malade n'est qu'un synptt'.Iœ, la nalad1e
est ailleurs: en tant que synpt:.&e, 11 est BeCDrœ1re au dêsordre
.
1
qu'il expriJœ: le dê9Jrdre est celui du groupe familial ou celui
du groupe familial et social.
La famille et les pressions sociales organisent la naladie,
la nettent en fonte, la ~rermisent ou la guêrissent.
4) cette image, davantage représentation confuse que I!Odê1e
opêrato1l:e, trouvai.t êdlo dans les ooservations cliniques,
psychologiques ou psychiatriques.
les troubles rrent:aux ou les difficultés psych::>1ogiques
apparaissent souvent reactiomÏ.e1s, c' est-à-c='.il:e cxmœ la exmsé-
quenœ de difficultés vécues.
D'une façon générale, la I!Bladie nentale,envisa.gée selon le
sc!'lênB classique d'une rencxmtre entre une structuJ:e et \\ne
cxnjoncture, une pen:amal.ité et un e:nviramerrent, ~ t ici
davantage le fait de l'envi.ronnerœnt.que de la personnalité.
Des deux teI:nes du ra:r;p:>rt, la cx:mjoncture est valorisée'.
L'irrlividu s'organise ou se désorganise, àavantage en fœction
de son milieu acbJe1 que de s:>n histoire. ce sont les prob1àres
actuels, avec l'ensarb1e de la famille, et I!êœ du groupe, qu'il
faut repérer };Our o:::rrprendre la maladie.
n s'agit d' ml schéma, Biron d'une hypothèse, 9Ji. trouve
ainsi sa justification dans le J'!'Ode d'organisation de la
personnalité de base (3), ou du caractère social, des sociétés
détenninées par la tradition.
(3) les principales caractéristiques qui nous intéressent ici
seraient: l'absence d'organisations défensives individuelles,
la pernéabilité à l' environnerrent.

9
!es "racines" CJUe nous avalS essayê de dè'rêler se rejoignent
au niveau de la demarde, sans pour autant déboucher sur un objectif
et une mêtrodologie precis. C'est en psycrologue, acoarpagnê du
psychiatre, que nous sames partis sur le terrain.
OBJECTIF.
Pour "essayer" notre dsœnde, dans le cadre d'un travail précis,
nous avons croisi quinze familles, correspondant à vingt-c~ malades
rospitalisés depuis loogt:an[:s dans le service de psychiatrie. ces
vingt-cinq ne) ëW"Ies sent CXI'lsidérés oœme des schi~es,. sur des
arguments cliniques et évolutifs (lcngue durée d'hospitalisation) •
L'obligation de ccncrêtiser, sur des cas précis (les familles
étant considérées ici cxmœ des cas), nous a obligés à une meilleure
dêfiniticn des bypothèses de déI!rt, des objectifs et des métlxJdes.
A. SChiZO};i1rénie et dêsintégraticn familiale.
Le croix des schizq>hrènes n'est pas dû au ha.sard.
1) Le problàne de la schizofilrénie est un des plus icritants
qui roit en psychiatrie transculturelle.
Malgré des argunents qui ailleurs paraitraient indiscutables,
en hésite toujours à qualifier un malede de schizophrène.
Nous situcns ce malaise nosologique à l'intérieur de la
4
classificaticn française, qœ nous ne discuterons pas ici ( )
(4) En particulier, dans la nosographie française, on sépare la
schizophrénie des délires chroniques (paranoïa délirante, psycrose
hallucinatoire chronique) et des :t::x>uffées délirantes (prraooïd
reactions) .

10
Que ce B:)1t au niveau du synptt.me, de la structure, de la qualité
du ClCXltact, de la relation vâcue •• , l'hésitation est souvent grande.
L'maptaUon aux a:ntenus nosologiques oocidentaux et de leur oootenu
aux faits que l'DUS p::>UVŒlS observer dans une culture si différente
s' avère tr~s malaisêe, particuli~ten ce qui oonœme la
schimphrên1e •
M&e ap:ŒS un pœmier ajustaœnt des synptemas aux représentatials
traditiorme1les de la InéÙ;;vUe nentale (représentations qui sent aussi
des mises en fœ:me), i l persiste EOuvent une insatisfaction.
cette insatisfaction nous conduit alors à chercher dans l'entourage
du maléVle une oertitu:le à notre diagrostic. !l ne s'agit pas exactarent
de confrooter notre d:la:Jnostic avec celui de la famille ou du groupe,
erx:x>re qu'une attitude particulièré senble caractéristique dans les
relatiœs avec le schizcphrêne : l'être seul par excellence; mais le
.
.
cmp>rt.erœnt du malade dans sa famille, ses relatioos avec les autres
dans san cëV1re familier, la façon dont les auttes le perçoivent,
interprètent sa naladie •• , sent autant de "syrt19t:aœs" cpi CXItIplètent
ou oorrigent ceux cbservês à l'lDpitale
En étudiant ces quinze fanilles, i l serait peut~tre {X>ssible,
après une observation de quelques heures ou de quelques jours dans
le milieu familial nêre, de raœttre en question le di.a3nOstic de
sc:bi.:wJ.iu:éni.e dans certains cas (5)
(5) Il senble en effet, d'après une étuie faite sur les schi:w};hrènes
anciens, vivant en milieu feIllé, Cj\\E la félIlille ait à l'égard de ce
type de malade une attibrle de rejet ou d'exclusion. Le schi:wprrène
est perçu a:mœ un déviant "autanatisé" au rnaxiIiUlm par ra:wort à la
vie du grou~ traditionnel, donc dangereux.
Cf. SlMJN (M.), l.wn'nD (P.) et CQr.r(}.!B (H.·) : Evolution de la
s::hiZO];hrénie en milieu fenné. 2. Colloque Africain de Psychiatrie,
Dakar, 5-9 mars 1963.
,
j
1

11
2)
La plupart des l'l8lades 8a'1t suivis depuis plusieurs annêes au
centre Bospital1er. cela signifie que des relatiOns existaient dêjA avant
mtre ~te entre les ~ ou psyàlo1ogues et un ou plusieurs
meubres de la famille. Dans œrta1ns cas, 11 Y avait déjà une histoire
de visites a Cbnic1le, de ~te d'infomations dans le milieu familial
ou dans le groupe social dont fa1sa1t partie la famille.
cette relat.1al IIOtivêe par notre demmde d '1nfonrations et aliJtentêe
par la rêponse de la famille ou sa propre demm:3e facUita!t de rxmvelles
rencx:m.tres, nais en Itêœ t.e!Ip; orientait la qualité des êchan:Jes et la
qualité de l'observation. Il ronv1endra d'en tenir cœpte dans la critique
nêtrocblogique •
3) tk1 ~rn1er facteur qui est intervenu dans notœ ch::lix tient, ~ur
une part, A l'essence de la sàdzqilrênie, expression priv1lêg1ée de la
folie, dans toutes les cultures, et, polir lme autre part, à des hypotMses
. dêjA fonrulêes ailleurs t6) sur les racines culturelles et sociales de
la schizophrên1e. Dans ces h;ypothêses, la sàli.zqi1rênie serait l ' expressiœ
d'une IIBuva1se intégration familiale au niveau de l' arganisatim individuelle.
cette fornulation, trop générale, doit être précisée ~ le cadre
soc1o-culturel Africain :
a) Si la pathologie nentale est davantage" une rép:mse à un env:ironnaœ.nt
qui dêsorganise ici-maintenant, çu'une actualisation d'une structure
pathologique mise en place dans les premières armées de'l' histoire
individuelle, la sdrlZOfi1rénie, p:mr rép:lndre à ce nodMe, sera surtout
l'expression d 'lm désordre de l' enviroIll'lE!!œI'lt familial actuel.
(6) CX>LI.Gm (H.) : les bouffêes délirantes en psyd"liatrie africaine,
Psychopathologie Africaine, 1965, l, 2, 167-239; 1967.

12
b) La famille africa1ne traditionnelle est EIOtmlise l des pressioos
nées des d1angen&lts sociaux rapides qui sont aussi des forces de
dês1ntAgratiœ plus que des forces de transfo:cratian vers de nouvelles
fo1:nes mieux adaptêes au nande m:Xlen1e.
ces deux remu:ques CXI'lPlêrœntaires situent mieux notre h:y;othèse
la sdù.zq>hrênie devrait aH;:ara1tre surtout cx:mœ me a>nséquenœ des
~ts sociaux rapides sur une société jmqu' ici dêtel:minêe par la
traditial. Elle serait une fome pathologique en eJCpaIlsioo, :ar raRX>rt
Ad' autres, davantage caractéristiques des sociétés trad!tiormelles,
came les bouffées dêlirantes.
B.Dêl1mitation ·des objectifs et nét:hoà:>logie qênêrale.
1) Notre objectif visait une infonnation et oon pas une action
thêrapeutique de la famille. !bus avons" dêlibêrêaent clDisi de œ pas
inteJ:venir, mais d'observer et de nous infonœr.
cette IX'sition est justifiœ par la difficulté de l'entreprise
thérapeutique dans les cx:ndit:ials qui sont les vOtres. La différence
culturelle interdit de pr'Op)ser des oonduites néoessaiI:'a!ent inspirées
d'm autre systàœ de valeurs, d'entrer dans une relation à:nt vous
n'êtes pas en nesure de cx:ntrôler l'évolution.
le nédecin n'a pas le détad1aœnt de l'ethnologue. n est habitué
à traiter et à vouloir guérir; la préc::>œupation thêrapeùti.que latente
s'exprine parfois dans son oœp:>rtanent, de façon plus ou noins évidente.
De toute façon, quelque clDse se passe que mus percevons na! et
que nous ne pouvons utiliser, diriger, I!B1triser. n serait s:>uhaitable
de pouvoir nesurer ce que nobilise le passage du groupe ~te.lr dans
le réseau des relations familiales et dans les rap;x>rts de la famille
avec le village, ce qui reste après ce pass?ge et qui peut avoir un
effet bênêfiqœ ou non.

13
I.e groupe enquêteur vient de 1 '~p1ta1 oü est traité, coofié ou
dêposê le nalade. Il participe nêcessaire!telt aux circuits qui
cx:noement le malade et sa famille. La vitalité de ces circuits, en
ce qui oonoerne le shizophrêne, est discutable, p.Us:;IUe celui-ci
est très !Dllvent fraglê d'exclusion. Dans les fOIIl'lÙes de politesse,
qui renercient, y a-t-il trace d '\\.Dl lien que le groupe enquêteur
rétablit ou renforce par sa présence et ses questioos entre la famille
et le malade? (7). Il est difficile de rép:>rrlre.
2) Ce qui est surtout repéré, au cours des interviews, concerne :
- les êvéneœnts :1Jt1;ortants de l' histoire individuelle, tout d' al:x:>rd;
- les oonflits au niveau de la relation inter-individuelle (entre
gmérations, époux et ~s, frères) et les relaticns privilégiées;
- les cx:nf1its entre lignées;
- l'effet des changE!l1elts EK>Ciaux sur le dêteml1nisne des relations
et l'intégration 1JXiividuelle (islamisation et relation trad!ti.armelle,
ncdemisation et attacœment aux tra:litions, conflits vécus roit
entre lignées, individus, roit au niveau personnel);
- l'organisation de la famille en tant qu'institution.
(7) En règle générale, les familles ne danandent pas de nouvelles
des malérles mspitalisés.

14
I.e t:eIrps passê dans cha:Iue famille ne penœt pas d' êviter toujours
la quest1cn directe. Cependant, il faut souligner que bien souvent
l'infoImatial utile se rêv~e A prop::>s des discussioos "libres" sur des
thmes três ê10ignês de oos prêOccupatials. r:n ne peut s'Elt'pêcher ici
d'évoquer la libre association de la teàmique psychanalytique. Il
faOOrait alors disp:.>ser de beauooup plus de tenps, êoout:er patiemnent,
déplacer sa propre curiosité et son intérêt, C'est-tl-dire êtablir une
relatiœ plus proforrle pour une neilleuœ cx:xmaissance et une r.ellleure
analyse des oonflits, des rrodèles intégrateurs, des };X>6s1bilitês
d'intégration irxlividœlle.
3) Notre demande pI'OCêdait à la fois è.' un souci "obsessiormel"
d'exhaustivité et d'une orientation· (à la recherche de systères
explicatifs p:mr fonder une hypothèse) •
Elle était par ailleurs servie par une Itéthode ck>nt l'adéquation
à l'objet est loin d'Atre au p:>int.
I.e parti pris d'oublier le nalade pour étudier la fanille, y déceler
êventuellenent une maladie de la famille (famille rstrologiqœ) ou une
organisation pafu:)gène (famille pathogène), n' ël. !2S été suffisant pour
opérer une véritable décentration.
Cette décentration n' n guère été possible :
a) parce qua l'étude de la famille requiert d'autres clisci'9lines que le
milieu occidental.
Elle a eu cependant un effet. C'est qu'à vouloir oublier trop le
nal ade, mus perdioos peut-être quelque chose d'essentiel, .:1. savoir
le reflet, dans son c::arporterœnt et son délire, de cette désintégration
cherdlée au niveau de la fër.lil.le et du groupe.

15
b) l'êtlX!e de la fsnUle se heurte aussi 1 cette d1ff1cultê, dêjl
soul.1gnêe : c'est qu'il n'existe aucun ncdêle satisfaisant, q.U. p:>Urrait
servir de référence. Le ~ est trop CXlIplexe, partic1t2 de trop
de oontra:11ctions );OUr ~tre enfennê dans un ncdêle siItple.
I.e IlDiêle opératoire est erxx>re a définir Ql a construire.
En s'inspirant de l'Emsejgnaœnt de M. ltWJSS et de sa c::onception des
"faits lDCiaux totaux", cxmœ le 6U39'êre tnlr la maladie nentale
Re B1SI'lDE (1967) (8), un tel rrodAle <::œlfOrterait trois étapes :
• la considération des secteurs ou des niveaux, suivant le cas,
par une disc::jpl1œ part:iCll1 iêre (chaque secteur Ql niveau ayant sa
structure, sa 101, et surtout ses IIétb:x1es d'êtlde):
• l'établissement de la liai.s:?n et des rapp::>rts entre ces secteurs
ou niveaux:
• enfin, en suivant les lois de œs erx::haînaœnts, la rec::onstituti.cn
du "fait total dans sa gl.OOal.1tén •
Par exemple, 11 serait p:>ss.1ble d'envisager, p:xIr ce qui mus
c::oncerne :
a) l'étuie du oatpJrtanent familial selon les niveaux d'analySe du
détenninisne des relations entre les individus : niveau ISyclDsanatique,
niveau culturel (systà'œ de valeurs et de représentations en particulier),
niveau psyclx:>-sociologique (la distribltion de l'autorité, les échanges
de biens, les circuits d' infonnation, etc •• ):
h) l'intégration, ou la oon-intégration chez l'iniividu, des contrad1ct1œs
issues de ces détenni.nisœs (intégration psycb)sanatique consciente,
rcorale), les IiOdèles dl intégration:
(8) BàSTIDE (Ibger)
: 1lpproche interdisciplinaire de la maladie rrentale,
nSOCial-SCierces", Infonnations sur les SCiences SOCiales, VI, 4, 37-52.

16
c) La pression exercêe par les autres (institutioos religieuses,
politiques, sociales) et par la société globale sur la famille
en tant qu' institutial.
ces S\\Xjgestians, inspirées aussi de Ph. GMIGUE (1967)
(9),
n'ép.rl.sent pas le "fait s:>cial total". Elles soulignent sinplanent
notre embarras à construire le nodèle idéal.
Si l'on ajoute à ce qui a été dit l' ambiguIté de notre
demande, l'absence de nodèle de référence, la qualité discutable
de l'instrunent (ntrlecins et psycoologues, avec la forrm.ùatioo de
leur danarrle sous fonne d' intervie\\o1S plus ou noins exigeants et
avides ••. ), al canprerrlra que le résultat ne soit pas très
satisfaisant.
cependant, une masse de faits a été recueillie, faits qui ne
sent pas sans intérêt: tme neilleure ClŒmaissance du milieu a
été aCX}Uise, connaissance enpirique, et vécue, plus que découpage
en signifiants et repérage des structures: des méth:xies ont été
expêri.menti!es, et un projet plus clair peut être envisagé par le
futur.
1
(9) GARIGUE (Ph.) : Les fanûllesi essai d'interprétation, Revue de
l'Association psychiatries du Canada, nlmlêro spécial, 12, 515-525.
j
1

17
En ce qui oonœrne LES SOURCES de ootre dncumantatial, elles
s:mt diverses. Notre séjour en œte d'Ivoire et au Sênêga11'r1US
OOnnait l'occasion de visiter les secteurs de la santé Publique.
A Abidjan, mIS avalS tra.lvê une :iJrp:)rtante docunentat1.on relative
A la pêriode coloniale, A la Bililiothêque Nationale d'Abidjan;
de Irène, au centre It:>spitalier de Farm, A Dakar, 00 le ProfesseJr
Henri ~ (1913-1979) a mis diffêrents services au point dont
on ne saurait trop çprecier la quaIité,
ni la contribution qu'il
a a~ au peuple Sênêga1.ais et nêœ Al' Afrique entiêre. I.e
oœpt:e-rerdu de ces cas a été l'objet de n::>tre visite dans ces
centres.
Au sujet du Professeur CDI..I!H3, pionnier de 1 'ethn~ psychiatrie,
qui aura nargué la psychiatrie française, et celle du tiers-mn1e,
d'une empreinte proforrle, le Professeur ~ERA écrit dans I.e MJrrle
du nercredi 31 octd:lre 1979, p.17 :
"Pour un tenps err:x>re, la folie sera a.oceptêe en Afrique, la
colonisaticm n'a pas réussi A la rêduire au silence en
professant ses nodê1es asilaires. Mais les changaœnts
sociaux opèrent une destruction plus radicale des valeurs
du passé. le fou ~ à c1aIœr son appel et sa souffrance
dans un espace vide de toute carm.mication, 00 1 'lx:mœ est
désonrais seul avec 1ui-nêœ".
Nous avons eu par contre beaucoup de na! à obtenir l'autorisation
de consulter les archives, bien que le Ministre, Jean-Baptiste M:>IŒ,
et son successeur, aient donné 1e..rr accord.
tbJ.s avons travaillé dans des can:litions matérielles difficiles,
le JŒID:IUe de matériel lE penœttant pas à l' l!qui.pe, douée de l:x>nne
volonté, de travailler avec efficacité. Nous avons fait a~, là où
cela était possible, à la situation v€cue,
et c'est le cas des
différents exerrp1es cités.

18
NOTRE
PLAN.
Notre travail oarprend 2 TCMES.
Il se présente en CUATRE PARI'mS, chaque TCME CXJuprenant DEXJX "fARl'IES.
1er 'ICME.
La PREMIERE PARnE p:>rtera sur notre recherche à l' f6pital Psychiatrique
de BINGERVILLE, sur les faits et facteurs d' Accu1turation en COte d'Ivoire,
les tendances actuelles. Elle e>q:Dsera rotre Orientation et rotre MétloIDlogie
et se tenninera sur un exenple : celui d' Alrlou.
Dans la SECCWE PARI'IE, rotre effort d ' analyse s'orientera sur les
entretiens, jusqu'aux tests de R:>rschach et à l'essai de synthèse. Nous
décrirons les diverses fonnes de oonsultations et nous nous interrogerons
sur la faillite de la prise en charge institutionnelle. Puis, une analyse
générale des cas que nous avons éttxli.és sera oentr€e
sur le sujet p3r ra~
à la structure familiale, plis sur le sujet p3r rawort à la oociété. Enfin,
nous en arriverons tout naturellerœnt aux relations entre EthnograFhie et
Psychiatrie oociale, bases de la Psychiatrie Traditionnelle Africaine.
'KME II.
Dans la TroISIEME PARITE, nous traiterons de la Manipulation des
Signifiants Culturels, qui englobent les caractéristiques de ootre travaiL
Une esquisse de synthèse p:>rtera à la fois sur les problènes de dével~t
de la maladie et sur ses :r:erspectives. !'lusieurs illustrations achèveront
d'éclairer notre approche perronnelle du problàre et nous tenninerons cette
prrtie par quelques considérations sur les coutumes et rituels du Mariage Africain
Dans la OJATRIEME PARI'IE, nous fercns la synthèse de diverses enquêtes
sur le Mariage en Europe, p..ti.s nous tenterons une synthèse sur quelques
travaux de Monsieur André IUFFlar, p::>ur enfin nous interroger sur la
cnnparairon de cette thérapie familiale avec le milieu africain oü elle
existe deplis très longtemps.

TOM E
1.
TABLE DES Ml\\TIERES
Notre objectif
Nos sources
Notre plan
PREMIERE PARI'IE
Faits et Facteurs d' Accu1turation
en COte d'Ivoire
DEUXIEME PARI'IE
les consultaticns en milieu rural et urbain
Faillite de la prise en charge institutiamelle
Analyse de cas : sujet et structuœ familiale
sujet et scciété
TOM E
II.
TABLE DES MATIERES
TIVISHME PARl'IE
Signifiants culturels
le Mariage en Afrique Noire
Anthropologie psychanalytique
< _-
(lJATRIEME PARl'IE
Mariage et Familles d' autrefois.
Théorie et Teclmiques de la
Thérapie Familiale Analytique
Etude carp3.rative
BIBLIOORAPHIE

19
r'REMIERE PARTIE .
FAITS ET FACTEURS D'ACCULTURATION EN COTE D'IVOIRE.
1

SOMMAJiRE
Ière PARl'm.
CHAPITRE I.
a::NI'EXl'E GENERAL. B~E
L' NXlJLTURATION.
CHAPITRE II.
MEIHDJI.O:iIE.
ŒlAPITRE III.
PSYœIATRIE EN AFRIQUE N:>IRE.
œAPITRE IV.
UN E:XEMfLE. LE CAS D' Abdou.
a:>N:IlJSION.

r.
20
CHAPITRE
I l
1

21
CONTEXTE
GENERAL.
Notre recherche s'intègre dans le cadre des prêoocupatiœs de
l'équipe Iml1ti-d1scipl1naire de BlNGERVILLE, dirigée p:1r le Dxta1r
Abbé Antoine, Médecin Chef.
Assistance.
La psychiatrie, en Afrique, et plus particuliêrement en Côte
d'Ivoire, a un dêvelqp:ment l1m1té et assez récent.
En 1955, on cœptait 60 places à l' H3p1ta! Annexe de Treichville.
Dans cet lt>pital, enfeD'llês sans soins, derriêre des grilles, dans un
espace si restreint qu'ils ne pouvaient pas nêne s' éterdre, les malades
vivaient à l'heure où l'OCCident, maxqué par les oorreurs de l'univers
oonoentrationnaire, tentait de repenser les conditions de 1 'b:>spitalisaticn.
BINGERtJILtE•
Créé en 1960, 1 'H5pital de BINiERVILLE, à 18 kilaœtres d'ABIDJAN,
se trouva équipé d'un appareillage théraIEutique IIOderne.
Mais sa ronception relevait d'une image rigide de l' enfernenent,
que venaient renforcer les images e.rropéennes d' \\.ID Noir dangereux,
agressif et violent, et les images occidentales du mala::le nenta1
dangereux.
On trouvait des cellules d'isolement, avec "oeil de sûreté",
serrures et fenêtres canpliquées, tous ces accessoires étant réduits
en IIDrœaux chaque fois que l'on y enfennait un agité, les Africains
tolérant très mal toute fonne de claustration.

22
IB cx:ntact avec l' 1nstitutial psydù.atr1que occidentale se trouvait
marqué dès le départ du double sceau de l' OWression : oppressial
oolcniale et ~sion asilaire, et ceci dans une société 00,
trëKiitiamellerrent, la tolérance A l'égard du mal8de est de rêgle.
Aujom:d'hui, A B~le, plus de 50) lits sont rêservês aux
mal ades nentaux. La demarrle d'assistance s' aoc::::ro1t. Ü! rarbre de
oonsultats rouveaux est passé de 50) à 6.CXX) par an de 1970 à 1975.
Plusieurs équipes de personnes de toutes qualifications travaillent
dans cet ~ital : rrédecins, agents dans les services de soins, agents
dans les services aàninistratifs, techniques et éCX>1lCl1liques.
La prise en charge, sauf œs exceptiamels, est gratuite.
L'Hôpital s'est "humanisé" et,_ par~xalerœnt, le manque de crédits,
en dlligeant les soignants à avoir reoours à des noyens de fortune,
a favorisé la mise en place arpiriqœ d' \\me infrastructure d'accueil
assez bien adapt:l!e aux structures psyc:h>-sociales traditiamelles.
les patients peuvent à toute heure recevoir leur famille et
renpl aœr le repas des cuisines par la nourriture préparée par les
parents. ns circulent libraœnt, organisaht jeux et palabres.
les femœs passent volontiers la journée à l' è:Inbre des œses ronstruit;es
dans la cour et qui. servent égalenent de lieu de réunion à l'équipe
soignants-soignés .
Au traita:œnt occidental, dans la majorité des œs·se trouve
assx:ié le trait:ement tradi~l. La reconnaissance par l' ense.rtble
des s:>ignants de l'efficacité des tedmi.ques traditionnelles cxntribœ
p:>ur beaucoup à ren:h:e acceptable l' h:>spitalisation : ''Tu le "s:>ignes,
et noi je le guéris", disent les familles.
~ms le Professeur car..u:MB se proposait de frand1ir la distance
qui sépare l' hmanisation empirique et l' élaroration de rouvelles
techniques de soins adaptées au oontext.e africain cx:>ntarporain.

21 -
Avec l'int::rcxb:tion des thérapeutiques psycmlogiques, les
difficultés ~ t cl.a1rErnent.
Le manque d'infonnatioos p:>se un pran1er prdJlàne. les renseignements
cxmcernant tant la synptanatologie que l'êp1dêm1olog1e Balt rares, sinon
inexistants •
les quelqlES psyàliatres qui travaillent en AfriqIE sont pour la
plupart des psychiatres oCcidentaux. Les psychiatres Africains eux"'i'.êles,
fomês dans les Universités Anglaises ou Françaises, awrêherxient la
maladie en fonction de critères qui relèvent d'lIDe oonœptiœ de l'lame
et de ses r~rts avec autrui ,inadéquate dans les sàc1êtés Africaines.
les m::x1èles qui. EDIlt élR?liqués à l' obsp..rvation du malade mental
ew:opêen ne peuvent s' élR?l1quer êtroitement aux troubles nentaux issus
de cult:ures différentes.
1
Les barrières linguistiques et culturelles gênent la cœpréhensial
du malëKle et limitent la perception des facteurs étiologiques plYàlo-
sx:iaux.
les rœtha:1es thêrapeutiqIES et soci al ~ ne peuvent s' ëldapter à un
nouveau ocntexte culturel §ëUlSi avoir été préœlemœnt repen500s.
cette réflexion est rerrlue double!œn~ difficile par la nêcessité
qu'elle inplique de rsœttre en questicn oon seulaœnt un systàœ
CCI1CEPt1lel nais l'ensE'lli:>le de sa propre culture, tout en saisissant
la spêcificité de la société à l'intérieur de laquelle les oouvelles
IIéthOOes doivent être utilisées.
La plus grande partie des malades xrentaux échappe au psychiatre,
p.li.sque dans chë:qœ société la folie reçôit une inteI:prétation oonfome
aux nodèles soc~turels.
Ces rrodèles sont en pleine transfomation. L'Africain lui'1êne se
sent décalé par rag;xJrt aux autres.

24

cament enfin pour le thérapeute occidental trouver des points de
J:eIè:e dans des sociétés en transitioo ?
ces rêflexioos, issues d'une pratique difficile, arœnêrent le
Professeur CQIJQm à rasseniller autour de lui une êquipe multi-discipl.inaire
d'ethrx>logue' , sociologue, p3ydx>logue , psydlanal.yste , dans le cadre
de laquelle les chercheurs, en fon::tian de leur foIl'lBtioo particu1i~,
tentèrent de rêporrlre à œrtaiœs questions que se posaient les praticiens.
L' éluipELmulti-dis~~.
Chacun des IœIlbœs de l'équipe de soignants et de cheràleu.rs avait
profandénent c:xmscienoe du fait que.1a malalle mentale s'enraciœ dans
le oontexte sxio-cultm:e1 Africain.
1
le Professeur cor:ro-m définit volontiers la maladie nenta1e cx:mre
"la rencxmae d'une structure et d'une a::njoncture".
Jacx;rueliœ za.1PIENI-RABAlN, par ses cbservatioos de "l'enfant
Sénêgalais après le sevrage", 1'.:Udras ZEM>:ŒNI, à travers son étude de
"1' jnage de la malërlie Iœl1tale se dégageant des œprésentatiœs et
des s:>ins traditionnels en Afrique", ~·1arie<éci.1e ORl'IGUES, par sa
remarquable thèse sur "l'oedipe Africain" ~ ont pmnis une awroche
e:xmprêhensive de la ma] adi e Iœl1tale.
La oonnaissanoe des cbmées psyd101og-iques et culturelles s'avère
in:lispensable à cette approcœ. Un Hôpital Psyd1iatrique Africain se
ooit en effet d'intégrer ces à:>nnêes, sans lesquelles 8llame interprétation
et aœune thérapeutique ne sont possibles.
les travaux portant sur la psycho1og-ie ronnale de l' 1".Ïricain
sont ercoœ très rares. La tâd1e des psyclD1CXJUes cx:r.portait donc
les difficultés inhérentes à tous travaux p~onniers.

2S
J. ZEMPlENI-RABAm entreprit ooe série d'observations dêtai1lêes
des CXJrilOrtements de l'enfant Sénégalais de 3 a 5 ans a l ' intêr1eur de
sa fanille.
Dans un article : "lDœS forrlanentaux de relaticns chez l'enfant
ltblof du sevrage a l ' intêgrat.i.al dans la classe d' ~e" (le), elle net
l'accent sur l'intense maniI=U1ation P'1ysique dalt l'enfant est l'objet.
. J\\lors que la parole et le regard Balt -vécus cx:mre rœnaçants, et
de ce fait sounis à des règles, le oontact PhYsique apparalt cx:mre
"clêsaIIn§". I.e temps et l'espace propres à ces relations s'organisent
sur deux rcodes : un tanps étale 011 l'autre réalise en quelque sorte
le da.1ble de lui""fiêœ, et lm temps oonstruit sur un ryt:hne d' altemance
tel que celui des jeux aller-retoUl:: sur le oorps.
Dans ces relatioos, les objets n'occupent que peu de place.
L'enfant ne ressent pas le besoin d'un objet transitiamel, substitut
de la présence de la tœz'e, puisque celle-ci est oonstamœnt à sa prtée.
Enfin, la structure des ~ veIDaUX est en lntologie avec
les structures t:slIX>relles et rootrioes ~ relations de oontact physicpe.
L'irrportanoe d'une telle étude ~lt évidente pour une awroche
clinique d'orientation analytique. sans la connaissance des nodes
de "3tru:::turatian de la persœnalitéde l'enfant, cette approche ne
peut être que stérile, pétrie d'a priori et:1mooentriques.
les travaux de ZEMPLENI présentalt un intérêt fcndaIœntal. En effet,
aucuœ autre red1erche relevant de l'ethno-psychiatrie ne peut être
IIelll!e à bien sans une camaissance préalable du systàœ de représentaticns
de l'etlmie ou de la populati.al étudiée.
(lq ZEMPIENI-RABAIN (J.) nrbdes fondaIœntaux de relations cœz l'enfant
w:>lof du sevréÇe à l' intégrati.al dans la classe d'age", Psychopathologie
Africaine, vol. II, nO 2, 1966, Dakar, 143-177.

26

les CD1CeptialS quant à la IDSJlogie et la synptanatolog1e
OCIlStituent ce systàre dent il s'agit de définir la fcnction dans
le cëdre de la société glcbale.
cette foncticn, p.:>ur être saisie, 1np11que que le chercheur retrouve,
derrière les ratialalisaticns des Africains et derrière ses prq>res
ratiŒlalisatians, la structure, en CXI1Struisant ce que ~-5'I'RAIES
ncmœ lm "nOOêle nécanique". U1e fois cette étape franàlie, il devient
p.:>ssible, en établissant des oorrespondances de structure à structure,
de rerxIre OCIlPte de la place que ce systèœ de représentations occupe
dans la société globale, et, partant de lA, sa fonction.
(11)
Dans son article sur "la discuss1cn thérapeutique du culte des rab"
,
ZEMPLINI défmit quatre niveame d' !nterprétaticn des troubles nentame
et quatre types de traitaœnt approprié.
- L' interprêtaticn par la sorcellerie-ant.hropofilagie, dans laquelle
l'agress1cn est cxmnise par le sxc1er-ant:h.J:otqilage (~ qui dévore
la fœ:oe vitale du sujet (fit) logée dans le <DeUr et le foie, et
les J:eprêsentatials du mauvais oeil (bOt bu aay) et de la rrauvaise
langue (larnin bu aay). Le chasseur de B:>rCier (biledio) <bit ~dentifier
l'agresseur puis traiter à la fois agresseur et agressé.
- L'interprétation par le ligêey. (travaii ou maraboutage) représente
une autre fome d'agression. Le sujet est attaqué par l' int:enrédiaire
du narabout, qui aœanplit des pratiques magiques, dans· l'intention
délibérée de lui p:>rter préjudice. Il faut diagnostiquer, puis "casser"
le ligêey.
Dans œs deux cas, ce sant des individus vivants qui attaquent.
(11) ZEMPIENI (A.):
"Ia dilrension thérapeutique du culte des rabs NcXJp
Tuuru et Sanp. Rites des possessions chez les Lebou
et \\'blof",
Psycho-patlx>logie africaine, vol. II, nO 3, 1966, 298-439.

27
- L'interprétation par les dj1nnes et les seytanes fait awel A la
rêligion ItUSU1mane. La victime sera s:>ignêe par des versets cx:>raniques.
- Le quatrUrne niveau est l' interprêtat1Qn par l'action des esprits
ancestraux, dont U faudra se cx:>nc:U1er les bonnes grâces.
ce ne sont ~lus lA des irdividus vivants, mais des esprits, qui
agressent le sujet.
La. malédie nentale n'est jamais le fruit d'une héréd1té, dans
l'aooeption occidentale du tel:Iœ; elle n'est jamais mise directarent
en œlation avec les êvénanents et dYxs oontinJents. AuClme explication
P5}Ù1Ologiqœ n'agara!t dans le systàne traditionnel d' :interprétation.
1
Produit de l'agression d'un 1hli.vidu ou d'un esprit, elle eDit ~
traitée par quelqu'un de la rci!ne EDCiêtê, seul capable de manip1ler
efficaoE'lœnt les signifiants culturels.
1
( 12)
M.C. ORI'IalES et E. ORI'J.GJES , dans "oedipe Africain"
, analysent
1
à qooi les 1tDdèles proposés oorresp:03ent dans l' irdividualisation des
1
p:>sitions oed1p1ennes.
La. sorcellerie et ~n oortège de fantasnes de dévoration oorresp:>n3raient
au niveau préJênital oral. La relation au sorcier est une relation duelle.
Du p:>int de vue de l':image du oorps, la représentation est celle de la
destruction des oontenus essentiels d'un oorps "caractérisé cxmne contenant
lX>Il {ilallique".
1
L'an:jOisse est massive et in:lifférenciée. C'est la vie nêne qui est
1
1
ressentie cx:mœ mise en jeu, et oon telle ou telle de ses p:>ssibilités.
1
j
\\
1
1
(12) ORI'IG.JES (M.C .. ) et ORI'IGUES (E.)
nOedi~ Africain", Plan, Paris,
1
1966.
1
1

28 .
I.e maraboutage oorrespowait au niveau génital {i1allique. n
1mplique une relation il trois. Le marabouté se trouve fantasnat1qusœnt
menaœ dans sa sexualité. SUr le plan du corps, ce sont les représentations
d'un a>rps sexuê qui daninent. L'angoisse est différenci~.
L'<..A.IVrage de M.C. et E. ORTIGUES est une des meilleures illustrations
de la CXJli>l6rentaritê des diverses recherches au sein de l'~.pe.
Ainsi, par le biais de cette rech.eràle multi~isciplinaire, s'é\\ffiDre
la CXl'opréhension des Ihérarênes de pithologie rœntale tels qu'ils se
manifestent dans ce pays en transition qu'est la Côte d'Ivoire.
L'eKp:lsé de l'orientation d'ensemble de l'équipe IDUS a semblé
d'autant plus nécessaire que c'est à partir de ce oonsensus que IX>US
avons élaboré mue réflexion persoriœlle.
Ayant choisi, pour rép:>rrlre à la danarrle des thérape.1tes, de visiter
les familles des patients hospitalisés, afin de reconstituer leur
biograpue, e t l'arannêse de la malédie, rous fOrces très vite fraœê
par le d€ca1age
entre le systèœ de rationalisation que les familles
mus proposaient afin d'expliquer l 'lDSpitalisation de leur parent
et le systàne de représentations trallt.iDnœl. Nous p:>sâmes dès lors
l' hyp:>thèse que ce décalage était le reflet d'un nouvaœnt
d'acculturation, dont l'institution psychiatrique occidentale
oonstituait un des noteurs.
l i mus a semblé intéressant de tenter d'analyser les rœcanisœs
d'acculturation à partir des oontacts que les IVI:'iriens rx>uaient avec
l'If)pital.
NJus avons d'un roté un systàne cnhérent d'interprétation des
états et des oorrluites que les occidentaux çualifient de troubles rœntaux.
N::>us oonnaissions prr ZEMPLENI la manière Cbnt la société traditionœlle
effectue le partage entre fous et mn fous, et la façon dont elle organise
le OClllJ;X>rtaœnt de ses nsnbres
à l'égard du fou.
1

29
De l' autre ~tê, nous avions l'institution psychiatrique océ1denta1e,
avec son DDde particulier de prise en chaJ:ge, son organisation, ses
œ~E!ltat1ons de la rrallV31e nentale, sa subcu1ture, ses m:Xiê1es qui,
s'étant
constitués l l' :intérieur de la société occidentale, sont, en
dépit d'un déb.1t d'acculturation, absoluœnt hétêrogêœs au systêrte
Africain.
Il oous était possible d' aJ;pI:"éherœr toutes les CXlYpOsantes de
cette 1nS~tution transplantée et limitée dans l'espace.
I~s IOlS igrx>rions quelle signification les patients, leur famille
et nêœ les infiDn:i.ers Africains, èbnnaient à l' institution psychiatrique.
Nous ne savi.œs pas quel était le résultat du o=ntact entre
subculture p;ych1atrique et systêrre de représentations traditionnel •
.
Peut-être à ce systêrce s'était-il su1:stitœ un oouveau systàœ syncrétique.
Peut~tre avait-il éclaté totalaœnt, pe laissant place qu'aux attit\\Xles.
Pour IXJUVOfr. étudier avec rigœur ces );hénanènes dans la société
Ivoirienne, il était néoessaiœ de cxmna1tre les é1€1œnts de transmissial
de la subculture. Patients, familles et personnel hospitaJ 1er étalent
des agents facilement disœrnab1es. Encx:>re restait-il à détenniner qui
parlait, à qui, et de quoi.
Puisque les familles IX>US arrenaient les patients, il fallait que
le systèrœ traditiormel d'interprétation des troubles et les anciens
1
nodes de prise en d1arge ne soient plus totaleœnt fonctionnels.
Ainsi, le oontact avec l' instibltion psychiatrique s'enracine dans
toute uœ série de transfonnations d'une société en transition.
Les patients arrivent à l' hôpita! p:rrce qu'existent d'autres faits
1
d'acculturation. 1ms l'oospitalisation devient à son tour facteur
1,
1
d' acculturation puisqu'elle impliqœ un node particulier de oontact
avec un rouveau type d' institution occidentale.
1
1
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1
!!1l'~
1
1
1
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1

30'
L'Aa:ULTURATION •
L'histoire des changare.nts culturels ou de la dynamique culturelle
a été l'un des premiers daraines de réflexion de l'anthropologie du
IXèIœ siècle.
En fait, les études portant sur la d.iIœnsion t:a:rpJrelle des
Iilênc.rcènes de culture sont aussi anciermes que l'anthropologie ellEHrêœ.
Mais, paracbxalaœnt, ce c:hanp théorique et néthodologique restera faible
et nal intégré, durant une très longue période.
ce n'est qu'après 1930 que sera tentée la définition systénatique
de l' ensanble des problènes relevant des contacts culturels et de
l' aoculturation.
A. HIS'roRICUE •
La théorie de l'acculturation a subi des fluctuations, liées à
la fois aux changarents du contexte historique et sociologique qui
s:rvait de cadre à la réflexion des chercheurs, et au déve1~t
des diverses branches des SCiences Hurraines.
Nées aux alentours de 1910 aux Etats-Unis du besoin fondaIœntal
de résoudre le problèrœ de "l' arœricanisation des inmigrants", les
recherches portant sur les phénanènes de contacts culturels nettront,
selon l'expression de LImON (13), les sciences de l' hcmœ "au service
de la colonisation". La fin poursuivie par ces travaux est, non pas
( 13) LINroN (R.) : Acculturation in seven Arrerican Indi.an Tribes,
New York, D. Awleton centmy, 1940.

31
la préservation de l'or1g1nalitê des qroupes h\\I!Bins en prêsenoe,
mais la dêcx>uverte des nêcan1smes susoept1bles de favoriser une
assimilation rapide et une efficaoe diffusion des valeurs occidentales.
Dês lors, les Anêr1ca1ns centrent leurs recherches sur les
prà>lDs de diffusion.
ns p:>stu1ent qu'une nèœ culture peut se diffuser dans des sociétés
différentes, de telle sorte que la structure de la société rêoeptrloe
n'aurait aooune inp:>rtanoe et l'app:rocœ sociologique auam intérêt.
les é'bXies sur 1'ass.1rn1lation envisagent, jusqu'en 1930, le
oontact culturel cxmœ :an processus unilatéral d'absorption.
les àercheurs aB]lo-saxrns, bien que guidés au d4>art par des
cxns:1dêrations d'ordre pratique (telle 1'adaptation de la majn d'oeuvre
étrangère) furent, dès l'aboI:d, cx:mfrontés à des prci>lênes d'ordre
a:clologique •
n n'était pas question de la difficile création d'un cxmsensus
cultu:œl, mais des rëq:ÇOrts d'une EK>Ciété soli.delœnt structurée avec
un groupe particulier issu de société différente.
~ins inpliqués par les };hêrnœnes qu'ils se prqosaierit d'étudier,
Us optèrent, très tôt, FOur l'anthropologie ooci.ale.
.
.
La. France restera 10IkJ1:emf:s en marge des grands OOl.U'ants
anthrq;x:l1ogiques. C'est MAUSS qui èbnnera à l' anthrop:>logie ses
1ettJ:'es de wb1esse, en nêne t:en'ps que son caractère autornœ.
les mPératifs pratiques qui avaient conduit les Anéricains
et les Britanniques à oonci1ier recherches sur le terrain et réflexion
théorique n'existaient pas. le noteur initial (les problàœs à l'intérieur
même du pays) était absent. Jusqu'à la Seconde Guerre fundiale, le clivage
sera proford entre les c:herd1eurs sur le terrain, I!létlx:>èb1ogiquerrent mal
1

axnês, et les th§or1ciens de cabinet. En 1937, !t.?. IGnE ~t
êcrire, a prop's du cbna1ne français: ••• "()lant aux spêcialistes
:faJ:mês a l'observation sur le terrain, jusqu'à tout rêoerrrœnt, 11
( 1.4)
n'yen avait aucun"· .
La crise de 1929 avait arrené les tenants des SCiences Ht.rnaines,
aux Etats-unis et en Grande Breta~, à p'rter \\.Ul autre regard sur
des sociétés OOuleversœs.
L' intl!~t EK:>U1evé par les questions de cx:mtact culturel se tJ:ouve
stimulé par l'ircp:>rtance des rontacts raciaux et culturels dans le
narle noderœ, liés en particulier à la ro1onisation.
le teme d' acculturation (ad, passage; culturation) triarphe de
celui de "cx>ntact culturelIl
proposé p:lr les Anglais, qui dêsi~
à la fois la rorrli.tion nécessaire p'ur que les échanges se p:oduisent
et le prooessus de leur production.
l i s'agit désonnais d'étudier, dans une persrecUve dynamique,
la totalité des phêrorèles cx:npris dans le rontact 1lur!ain, les relations
entre institutions, les ra:fP)rts entre les groupes et les interprétations
de civilisatians dans leur réalité tarp:>re11e.
plus ou noins oonscients des erreurs de l' enpiri.Slœ de l'époque
pré'cédente, les théoriciens nord-arréricains tenteront, à partir des
années 30, de repenser les fhénanènes d' rracculturation~.
leur dénarche les CX)nduira à rerœttre en question la notion
d'unilatéralité des ~ts issus du oontact.
Dans le M8rc0rarrlun sur l'acculturation, réalisé en 1936 par
HERSKCNITS, LINroN et REDFIEI.D, l' aceulturation est déf mie ainsi :
(H.) UMIE (R.H.)
'!he History of Ethrological Theory, New York, 1937.

ft • • 1' ensemble des P1~ qui résultent de ce que les groupes
d'inUvidus de cultm:es différentes entrent en ex>ntact continu et direct,
avec les changerœnts qui surviennent dans les patrons culturels,
originaux, de l'un ou l'autre des deux groupes. selon cette définition,
l'acculturation doit être distinguée du cl'Km]ement culturel, dont
elle n'est qu'un aspect, et de l'assimilatiœ, qui n'en est qu'lU'le de
ses P'tases. Elle ci:>it être êgalaœnt différenciée de la diffusion qui,
bien que se produisant dans tous les cas d'acculturation, peut non
seu1elœnt se produire sans qu'il Y ait ccntact de groupes, mais encore
('IS)
qui ne constitue qu'un des aspects du processus de l'acculturation"
les noOClgraphies se multiplient, accurm.ù.ant une série de données,
malheureusanent pas toujours a:uparables. Ies types de contacts sont
classés suivant leur m:x3al j té : contacts entre pJpulations entières
ou entre grouP*» détenninés;" contacts entre civilisations relativaœnt
lDrogênes ou hétérogènes.
L' jnportanoe des situations sociales à l'intérieur desquelles joue
l'acculturatial est mise en 1uni.ère : climat de danination ou climat de
liberté politique ou écorx:miqœ. De oouveaux oonoepts sont é13borés :
solution des traits culturels, assimilatial, acceptation, adaptation;
syncrétislre, réinterprétatiDn, réaction,· contre acculturatian, acculturation
antagoniste, acculturation contrôlée.
Q1 assiste à la créaticn de oouve1les nétmdes et tedmiques
d' awrodle. HERSKOVITS intJ:oduit, avec la ootion de "corrlitions de
('16)
ccntact", l'utilisation de à:>cuœnts historiques
( l.!::) REDFIEID, LIN'ION, HERSKOVITS : l!énorandurn sur l'Acculturation,
1merican Anthropologist, 38, 1936.
(:16) HERSKOVITS (M.J.)
: Acculturation, the study of culture contact,
New York, 1938.

.34
REDFIEID (:17) substitue la d1mension spatiale II la dimension
t&çorelle. l i cherche à rerore 0CItq?te de la d.inension diachronique
des processus d' aoculturatiDn selon un ordre synchronique.
U1 peu plus tard, seront systématisées les rrétb:x:Jes quantitatives
et c:x:rrparatives •
Bien qu'ayant gagné en rigueur, l'étude de l' acculturation est
restée influencée aux Etats-unis par le contexte histor1o-sociologique
qui avalt favorisé son essor.
!es difficultés rœtOOdologiques, la négation de l'histoire,
s'enracinent dans un oontexte idéologique.
Ainsi, ~ , dans san
Introduction aux"f.Ëthods of Culture
COntact in Africa" (H,), affiJ:Iœ ~a.i.relœnt sa volonté d'étudier les
s:x:iétés telles qu'elles existent
Il net en garde oontre le risque d'une "appnxhe unilatérale".
l i c1ist:.in3œ trois rééÙités distinctes
en présence : la culture
Africaine, la sOciété OCCidentale, et celle qui naît du contact,
qui ont chactme leur propre détenninisrœ ~ Mais, bien qu'il
reoonnai.sse le principe de leur interdéfSldanoe, il les traite en
réalité d'une manière séparée.
Pour lui, la réféœnce à l' histoire est inutile, et rr✠dangereuse.
L'observation de la réalité actuelle doit suffire au chercheur,
engagé dans l'étude des oontacts culturels. Les institutions
oonservées forctiol'lŒmt dans le contexte oouveau,.d' ~ manière
différente à celle de l'ancien systàœ.
(17) t1EDFIEU> (R.) : '!he little COfiI"!l'!"ity, Chicago, 1959.
(18) MALIN:MSKI (B.)
: Introduction aux "NethJds of study of culture
rontaet in Africa", Narorarrlum >N, International Institute of African
Lan:Juages and Cultures, 1938.

35
Ce sont davantage les donnêes cx:rtpU'atives que les à:>I111êes historiques
1ncertaines que OOit rechercher le spêc1aliste attaché a de tels prci>l~.
Or, l' acculturatian sufP)se en réalité la discussion t:ellporelle.
certes, la Cbcuœntatioo fait souvent dêfaut, Mais le refus systl!mat1que
de l'histoire tient surtout au clivage p:>stulé entre culture et société.
Participant d'ure société intinaœnt ooIWaincue de sa supériorité,
les chercheurs nord-anérica.1ns rot é1alx>rê une théorie culturaliste,
séparant 'e culturel et le social, en se OOnnant p:>ur justification le
fait que les sociétés sont aptes à sURX'rter des changerœnts profoods
de culture, sans m:::rlification de structure. !.eS cultures p3uvent passer
d'une société à l'autre et l'acculturation est l' étu:3e de ces passages
de sociétés urbaines à cx:mmmautés rurales, de sociétés capitalistes à
sxiétés de prestation et de oontre-prestation.
Dès lors, l'histoire s'avère effectivement inutile.
Par ailleurs, en faisant de la société un élên'ent de la culture
globale, le culturalisme rEl'ld inpossible l'analyse dialectique
irxlispensable à la CXJtt%'éhension des ~sus d'acculturation.
La oonscierx:e nèœ de la ooloration ethn:>oentrique de leurs
p:>sitions théoriques n'était pas suffisan:te IX>ur libérer les lméricains
de Jeur con:litionnerœnt idéologique.
Pourtant, ~w..JN:MSKI lui"1'!l✠en était averti, qui.écrivait, dans
la préfaœ du livre de F. ORl'IZ:
le oonoept d'acculturation "implique
par la préposition "ad" qui l'ouvre, le concept de t:enninus ad quem.
L'lx:mœ iœulte doit rs::evoir lesbénéfices de notre culturei c'est lui
qui doit changer p:>Ur se oomrertir en l'un de mus" (19)
(l~) MALINJI.-s<I (B.) : Préface au livre de ORI'IZ (F.) : "Contra fuento,
cubam de! tabaoo y del azucar", La Habana, 1940.
1

36
Le oontexte lDCiologique qui a donné naissance à ces travaux
aura une autre oonsêqœnoe tout aussi grave : le psycix>1.og1aœ.
<.tr,)
R. BASTIDE
écrit: "C'est surtout en Anérique que ce
psydx>logieme se fait jour, et ce fait n'est pas dO. seulerœnt,
croyons-mus, à la terrlance ncrn:t naliste de la s:>ciologie en ce pays "
C'est que la rencontre des civilisations sont faite:8, s::>it aux
Etats-{Jnis, s:>us la fonœ pathologique de l'explosion des ClÙtures
1nligênes, soit pour les cultures inp:>rtées, sous la fOJJœ de
l'esclavage; or, dans les deux cas, les structures sociales étaient
brisées, les relations sociales rarœnées à une poussière de relations
inter-hurra.ines. le s:>ciologique faisait place au ISYcix)logi.sre.
Partie d'ml point de vue ethnocentrique, l'anthropologie ClÙture1le
ten:1 p:-ogressivenent à s'en dégager. Elle substitue le tenœ de
"chan:Jenent culturel" à celui d' "acculturation". Elle introduit dans
s:m systàœ de référence le concept de "terrlance culturelle" qu'elle
atp:UIlte à la linguistique par l'int:.eJ:Iœdiaire de SAPIR, et qui nontre
CXllllent la sélection des traits de la culture oonneuse par la culture
réceptxioe s'ozganise selon une di.rectiof!. détenninée, en suivant la
pente que fixe la culture réceptrice elle-r.êœ. Il n'en c1eIœure pas
noine que l'aœenee de séparation entre société et culture anèœ la
plupart des concepts utilisés à être iIxJpérants.
Peut-être parce que, en Grande Bretagne, les problènes IOsés par
les contacts culturels avaient une résonance noins profonde (relations
avec une main d'oeuvre êtran:rère d 'llIle part, lointaines rolonies de
l'autre), les Britanniques ont, dès le début du XXàœ siècle, clDisi
l'option sociologiqœ et délibérérœnt mis entre p:u:enthèses l'option
culturaliste •
(~) BASTIDE (R.) : La causalité ext:errE et la causalité interne
daP.s l'explication sociologique. C. Int. SOCiol., 21, 1956, 77-99.

37
En fait, l'êtude du fon:::t1.onnerœnt des sx:iêtês dans le cadre
Britannique, loin de desservir la soc1êtê ~la1se, pouvait lui.
pe:r:mettre d'asseoir Bal influence politique plus sol1derœnt dans le
cadre de l' ercp1re.
IWlCLIFFE-~, CCllliente MElCIER, dans son
5B1.sto1re de l'AnthroIX>logie" (21.)
est un de ceux qui oondu1.ront A
oette"désaffect1on vis-a.~is du ooncept de ClÙture"qui caractêrise
talt un secteur de l'anthropologie ncdeme, désaffection qui repose
sur "la a:nvictial que le eatp:>rtarent hœa1n peut ~tre mieux structuré
en te:eœ d'interactions, oe11es-ci étant plutôt oonsidérêes en~ des
(;21')
populaticns qu'entre des individus ou des é1êrœnts de ClÙture"

les grandes notions-c1efs de l'oeuvre de RAOCLIFFE-~ sont celles
de fcncti.on et de structure. Pour cet auteur, la fonction d'un é1éœnt
soclo-culturel est "le r01e qu'il joœ dans la vie sociale en tant que
totalltê et, par oonséquent, la contribution qu'il apporte au maintien
de la oontinuité ClÙture11e". La structure "manifeste les caractéristiques
d'un systàœ. Elle est faite de plusieurs é1&œnts dent aucm ne peut
subir un charqelrent sans que des chaB]elœnts interviennent dans tous
les autres é1êœnts" (2~).
.
RADCLIFFE-~ a saisi l' :inp:>rtanoe de la référence à la situation
glOOale quant à l'interpénétration des Ihéncltè1es de changaœnts socio-
ClÙtuœ1s. i l a insisté sur le danger de· toute oonception parcellaire
du ~aœnt. L'école d' anthrop:>logie sociale Britamique pourra
aborder les prab1àœs relatifs aux changaœnts et aux a:ntacts de
civi1isaticn avec un appareillage oonceptue1 stimulant.
(Ji) !&"CIER (P.): Histoire de l' Anthrop:>logie, P. U.F •
(12) HARI' (C. w. ) : Culturel Anthrop:>lCXJY and Sociology.
BEKER (H.) et OOSKCFF (C.A.) : M:xlern Socio1ogical 'lheory, Uew York, 1957,
cité par MEECIER, oplS cité .
(23) RAOCLIFF -BRJ\\~ (A.R.) : Strocture am :function in Primitive ~ciety,
I.Drrlres, 1957.

1'btre hypothèse est celle-ci:
~s ~ts sociaux issus des transfoJ:Il1atiDns 6CDnan1queS et
p:>litiques, des oontacts culturels, l:x:nl1eversent les anciennes struct:uœs
s:x:1ales et fëmllliales. Ces bouleversements affectent le groupe dans
lequel le sujet est intégré et, par là nêœ, le node traditionnel de
p:'ise en charge du sujet mal~ par la famille ou l'entourage. Le
sujet n'occupe plus dans le groupe sa place ancienne. cepenïant,
les mxlèles de cœp::>rtaœnt et les noc1èles culturels id6aux
traditionnels restent suffisanrrent prégnants pour que l' rospitalisation
risque d'être oonsidérêe a:::mœ une démission. I.e sujet manipule les
signifiants culturels, mn plus en fonction d'un oonsensus oollectif,
mais en fonction de la nécessité de les rendre acceptables en attitroes.
Ces rationalisatials sont infléchies par le dialogue qui s'établit
avec les représentants de l'institution psychiatrique, ?Uisqu'il s'agit
de oormer à l'interlocuteur l'image dé soi que l'on désire lui voir
aooepter. Celui-ci, à son tour, à la fois par ses investigations et par
sa manière de dêcrire l'l"lq>ital, d'après le degré d'ouverture à la
culture occidentale qu' il ~se à son interlocuteur, sécrète
une
image de 1 '~ita1 qui m:xlifie les représentations de la prise en
d'large par les thérapeutes occidentaux et, plus profondé!œnt, le
CXlI1tenu des signifiants culturels.

39
B. LES ~ .ACIUEl'.LES.
Aprês la 5ecalde Guerre frbndiale, l'évidence du changement social,
du rrouvaœnt, s'irrp:>se à tous, à l'observateur le m:>ins entra1nê came
au spécialiste en SCiences Humaines. Il faut adrœttre que les "sociétés
sans histoire" n'existent plus en tant que telles. Il devient nécessaire,
écrit MER:IER, "d'accepter la m:>rt du primitif" (24).
Les transfonmtiens d'ordres divers, accélérêes par l' .1.Irpêrialisœ,
la colonisation occidentale et les guerres, deviennent partie intégrante
de tout fait social. Les réponses apportées aux questions soulevées par
ces oonstatations sont variêes. Il en résulte un manque d'lurogênéité
pour les différents groupes ethniques et les différentes situations à
travers le norrle.
Héritiers d'une tradition trop lourde, les chercheurs oord-arréricains
ne pourront sortir de l' inpasse vers laquelle l' intêgration de la société
dans la culture les avait oorrluits. Ils représentent les rotions
prl!cêdEmœnt élaborées dans le sens d'un diffusi.onnisrce anélioré.
Le problème majeur de l'anthrop:>1ogie culturelle américaine
contenporaine devient celui de la cxmstitution d'un tmivers de disoours
systénatique et adéquat concernant la culture dans ses aspects dynamiques.
KEESIN:i, dans son ouvrage "Culture change", tente de soulever les
questions conootées par ce problème (25).
La standardisation et la clarté opérationnelle n'existent II✠pas
aux niveaux de base utilisés dans ce chaIrp. Le con:::ept "dynamique", bien
que oonsidérablerœnt employé par les ant:h.ro};ologues, a des significations
(24) MERCIER (P.)
: Les tâches de la SOCiologie, Dakar, 1951-
(25 J KEESIN:i (F.M.) : Culture change. An Analyses and Bibliography of
Ant:h.ro};ological Source te 1952, Stanford, 1953.

différentes dans les diverses sc~es du OC1II[x>rtanent. Le oonoept de
"charv:Jement" tend à in::lure à la fois l' iImobilité et la résistance au
chan:Jement. "L' aoculturation", en raison de la p;:>rtêe du "Menorand\\l'l\\",
a plus ou min limité la créativité des chercheurs.
La difficulté d'établil:' une tel:In.i.n:>logie de base terd à s'anparer
de la totalité de ce daraine. Le teIme de "culture" lui""!:âne, écrit
IŒ:ESIN:;, "bien que suffisarment valide quand il se cantonne à oonstruire
le systêne de a::mp:>rtsœnt d'une ethnie particulittre peut de\\Tenir noins
opérationnel que d'autres systàaes signifiants de référeœe dans des
situations de grarde hétérogénéité ethnique, ou de changanent eKtensif
et d'interpénétration d'éléments de ~rtanent".
Un autre problèIœ de base oons~ste à détenniner dans quelle mesure
les Iflén:Jrênes dynamiques, généralanent réunis sous· les tennes de diffusion
et d' aca.ùturation, qui :inqùiquent des €ontacts
culturels, entra1nent des
processus essentiellement différents de ceux qui se produisent dans une
s:imple unité culturelle en oondition de chaD:}aœnt.
Un aspect dane.Ire particulièrement obscur :. cxrrrnent trouver les
relations cau..c:;ales à l'intérieur du {X"ocessus dynanique ?
les anthrop;:>logues rord-Américains actuels ont tenté de nuancer la
typ;:>l.ogie des oontacts prop:>sée par le "Marorandurn" : p;:>IU1ations globales,
~pes, s:x::i~tés amicales et msilles, s:x::iétés à peu près égales ou WIl,
civilisations relativaœnt lr.mJgènes et hétél:'CXJènes, suivant le lieu où
se fait le contact. ns ont ainsi intégré à leurs travaux des critères
tels que la taille du groupe, sa mbilité, sa force (agressivité, passivité),
les p;:>sitions hiérarchiques des sociétés en oontact effectif,· l' :daptabilité
et la oarpitibilité des cultures en question.
La plupart des auteurs qui aux Etats-Unis tentent de créer un cadre
ron:::eptuel propre
à l' étude des rnérx::mènes de changaœnt se situent dans
la lignée des diffusionnistes.
1

41 .
1ŒESIN; se prop:>se de dêtemdner ce qui dans toute s:x:1êt:ê est
mne de persistance et zone de l'lDbilitê. I.e tenne d'inrovation
rstplace celui d'invention et d' E!l'I1{rUllt. L' acoent est mis sur la
CXIIp1ex:ité des processus d' aà::>ption d'un êHinent culturel muveal1.
Transfert culture1, valElU's et chan:Janents culturels, chan:Jerœnts
volontaires et involontaires, taux de d1an]enent, degré de stabilité
et charqaœnt, désorganisation et roorganisation allturelle, tensions
et c1larJ]anents, 1n:Uv.idus et chan:Janent, s:mt les thànes pivots de
ces réflexions.
Les oorx::epts mis en lumière, p:>Ur ir.p:>rtants qu'ils soient dans
l'étude des ~ts lents, des contacts entre groupes voisins, œ
pennettent pas de remre cx:npte de.la spécificité des ~ s
relevant de l'interpénétrat:1Dn des civilisations et de la situation
ooloniale.
L'anthrop:>logie s:x:iale ~laise, n:>US l'avons w, substitue à
1 'approche analytique, l'approche oolistique. Les oontacts de civilisations
doivent ~ êtudiés dans le cadre des raprx>rts sociaux, de l'intégration,
de la lutte ou de 1 '<Jdaptation mutuelle. tes anthrop:>logues aIXJlo-samns
accx>m.ent ure place de clDix aux faits écx>roniques oonsidérés a:mne
l'une des forces prirx::ipa1es de la dynamique des ch.an1anents EDCiaux et
allblrels. M:>nica 1IJNrER, dans son livre "Reaction te cxmquest" (~)
éb.die les transfonnations de la sxiété R:>mo en fonction des facteurs
€CX:>n::miques
et p:>litiques. L'image de la simplicité des sxiétés
traiitionnelles est peu à feU rejetée.
GI1JCFMAN (.27\\ nontre l'iIrtfortance capitale de la ootionde oonflit.
!mR::IER écrit dans "Histoire de l' antlu:op:>1ogie" : "Le oonflit est
p:mrrait-Qn dire la matière première de la oohésiDn sociale. (au noins
(26 llJNI'ER (L"1.) : Reaction to Conquest, wndres, 1936.
(27) GIlJCFl~ <M.) : Ulstan an:l COnflict in Africa, Oxford, 1960•


42
dans les sociétés africaines qu'il prerrl pour exanple). I.e conflit ne
détruit p:1S le systÈ!lœ s::>eial ; au cxmtraire , celui-ci, en lui faisant
place, acquiert Une vig\\leur t;oùjours reoouvelêe. Et chaque grou~,
chaque iniividu, n'a pas 'selon les secteurs de la vie sociale et culturelle
oonsidérês, les nênes partenaires dans la relation oonflictue1le. tinsi,
le conflit n' a-t-il pas I;X>Ul" cxmséquenoe de ranpre oarq>1êtanent l'unité de
la BlCiété; il ne fait que la troubler, [:Bis des solutions plus ou nnins
institutionalisées selon les cas interviennent toujours. :-œlations de
ooopér"tion et relations de oonflit oonstituent des réseaux ausst
inp:>rtants l'un que l' aut.re p::>ur la pennanence du systàœ 9Xial et
qui s'enchevêtrent" C2&l.
E. R. LFAOI enfin reprocœ aux anthroJ.Dlô(mes d'identifier chan;Janent
et destruction et de dormer !Dur cri,tère de santé la parfaite intl!gration
d'une sxiété. Pour cet auteJr, l'étu:Je de toute société fait apparaître
des oontradictions et des oonflits. La oonsidération du nnuvant et du
changeant doit doœ ~tre au centre de toute analyse (29).
R. BASTIDE écrit dans "Problàœs de l'entrecroisaœnt des civilisations
et de leurs oeuvres" :
L'ant:hrop::>logie sxiale an:.Jlo-saxorme "replace
les faits de syncrétisœ ou d'assimilation 'dans leurs cadres ~ structuration
cu destruction, de disoolution des anciennes solidarités ou d'apparition de
oouveaux t~s d' inter-relations ~3d .
En France, depli.s la guerre, à la faveur des oouleversaœnts divers
et des nouvanents de décolonisation, lES problèm:s des oontacts de
civilisation, d'acculturation et de changanent, cx:mnencent enfin à
recevoir l'attention qu'ils néritent. Dans le sillage de l'Ecole
9::>ciologique Française et rotamrent de M1\\USS, les chercheurs ont FU
élaJ:orer un cadre conceptuel original, particulièraœnt bien adapté à
l'étude de l'acculturation dans son contexte cx::mtar;nrain.
(:2G) MERCIER (P.)
: Histoire de l' Anthrop:>1ogie, op.1s cité.
'(25) I...EACH (E.R.)
: Politi.cal systans of Highlarrl Burna, LoOOres, 1954.
('::>0) BASTIDE (R.)
Problènes de l' entrecroisanent des civilisations et
de leurs e>e.lvres, Traité de Sociologie, T. II, P U F verrl&ne, 1963.

Le plus opp:>sê a ces orientations oouvelles est sans oontexte
C. u.vI-STRAUSS. Dans s:>n analyse du livre de G:XI:MIN "'nle sxial
mganization of the western Apad'le" (31), 11 écrit: "Bien que chacune
des ranbreuses nDIV:lgrapues déjà ronsacrées aux peuples
"
acculturés"
ajoute quelque ch:>se au tableau cx:mnencé par les prêcédèntes, elles
seublent se répC->ter t:cutes dans l'illustration d'ure nêne irdigeœe
grinaçante. C'est que s'il existe ure infinité de fozmes de sociabilité,
11 n' y a qu'une manière de perdre r~Ucalanent celles qu' on ~sêde
p:>Ur en édopter d'autres, qui s::>nt 1mp:>sées du dehors. Et ce processus
ne ex>nstitue pas une oouvelle fome de s::>ciabilité. C'est lm:! malédie
qui est cxmm..me à toutes, ou plutôt que toutes sont égalaœnt susceptibles
de ex>ntract..er".
-La mêt:h:xle nDrx::>grapù.que semble donc la nDins propre à servir les
étuies d'acculturation. car celles-ci ont affaire oon à des systànes
(qui n'eK.istent plus par hyp:>thèse, ou qui, dans la nesure 011 ils
subsistent, ne sont précis€ment
pas l'objet de l' ~te), mais a
des SYIIIptemeS. Or, ces ~ sont très peu rnnbremc : au nr:rœnt
011 elles se défont, trAltes les eociétés ~verqent,aussi différentes
qu'elles aient pl être dans leur état original':
-Il Y a des cultures Mélanésiermes, ~ricaines, l.néricaines.
La d ~ n'a qu'un visage". Il reprenl la définition de RAS
qui p:>sa1t l' acculturat.iDn cx:mne Il la façon dont des éléJœnts
ét:raDJers sont rrodifié!i en fonction des 'tyFes prédaninants dans
leur IOLIV'eau milieu" (32). "Il ne è'agit plus, ajoute-t-il, de
la façon dont une société se fait, mais se défait; ron d'une
génétique, mais d'une pathJlogie".
('3(' LE.VI-STRAUSS (C.)
: Analyse du Livre de ax>DWIN (G.) : The
. social organization of t:l"e v1estern Ap:lcœ, University of Chicago,
Press Chicago, 1942, in : L'Année SOCiologique, 3ème série, 1940-48,
P U F, Paris, 1949, pp.333-436.
(32) OOAS (F.)
: The MethJds of Et:hr't:>logy, AIœrican Anthrop::>logist
N.S., vol. 22, 1926.

'fl
LEVl-S1W'lJSS, dans sa critique, igrore dêl1bêr&œnt les divers nodes
de restructuration p:>ssibles de ces sociétés agressées Il un narent donné
de leur existence. fil s' arr~tant â l'aspect patn:>logique que ~t la
dêstrœturation dans oerta.iœs sociétés (et rotamnent les sociétés
arœrlcaines, i l l.1mite la réflexion et l'investigation sociologique â
l'étu:ie des systênes en vigueur dans des sociétés figées dans un désert
a-histor1que. Or, le cx:mtact des sociétés sans histoire, avec des
sx:iétés â l'intérieur desquelles l' histoire êtait oonoentrêe, a
I=Cécisênent introduit la d:imensiDn historique dans les systères de
tous les groupes humains. Certains n' y ont pas résisté, d'autres, en
intêgrant l'histoire, se s:>nt proforrl€mant
m:x:1ifiés. n ne sanble pas
que l'on plisse généraliser la nort des systères. Des CDntacts, a surgi
me oouveile réalité, qu'il s'agit d'6tu:lier, dans son dynamisme et
dans ses relations avec 1 'histoire.
Cepetrlant, i l semble que LE.VI-SI'RAUSS ai en fait oonfordu deux
niveaux, le niveau rethJdologique et celui du c:hanq'> d'é'bJde.
Dans un article, "Ies discontinuités culturelles et le déveloPf2lent
êcxn:mique et social" ("~~), il introduit .la ootiDn de situation CDlonia1e.
Ce qu'il sanble reprocher aux recherches sur l' ël.cculturationi c'est
avant tout d'avoir igroré l'influence de la oolonisatiDn dans les
~ts, d'avoir conforrlu des traitS culturels liés à ce m::x:1e
particulier de cx>ntact avec les traits spécifiques de la société
étudiée, de ne pas avoir saisi l'inpact de cette situation sur la
société occidentale. n écrit: "Les sociétés rous-développées ne
a:mt pas telies de leur prcpre fait et on aurait tort de les cx>ncevoir
cx:mne extérieures au développenent occidental. En vérité, ce ront ces
sociétés qui, par leur destruction directe ou indirecte entre le XVIàœ
et le XIXàœ siècles ont ren:1u p:>ssible le dévelowarent du nome
occidental. Entre elles et lui existe un rapp::>rt de cc:mplélœntarité.
(E) LEIJI-SI'RAUSS (C.) : les discx:>ntinuités culturelles et le
développement écoranique et oocial, InfOIIn. Sei. SOC., 2 (2), juil.1963.

4S
le dêvelOWSlent 1ui"'1'l'êne et ses exigences avides les ont faites
telles que ce déve1opp:nent les déc:x::>uvre aujourd'hui. n ne s'agit
cXmc pas d'une prise de oontact entre deux procès qui se seraient
poorsuivis chacun dans l'iso1eœnt~
nI.e
rapp::>rt d'êtrë01eté entre les sociétés dites sous-èéve1oppêes
et la civilisation nêcanique consiste surtout dans le fait qu'entre
elles, cette civilisation rrécanique reUouve son propre produit, ou,
plus prêciséœnt, la cxmtre-partie œgative des destructions qu'elle
a opérées dans leur sein p:mr instaurer sa réalité. Cette relation
s'étant manifestœ de manière ooœrète par la violence, l'~s1.al,
l'exteJ::mination, l'analyse de cette relation, doit tenir cxnpte des
cxmditions historiques et d'un clinat noral qui. fome la "charge
dynamique de la situation oolon1â1.e". La "sllr{)licité", la "passivité",
si volontiers ~s aux sociétés traditiormelles, ne s:>nt en fait
que le résultat d'une situation créée par la rapine et la violence.
n n'y a pas de point zéro du changenent, ocrme le pense L1.Ly MUR,
à noins qu'on ne le fiJœ a 1452, a la veille de la décx>\\werte du
N:Juveau M:>rœ qui, par la destiIUction d'abord de ce N:>uveau r-t:>nde nêœ
et ensuite de plusieurs autres, allait réunir les corrlitiDns du
dével.oI;:pEment, au bénéfice de l'OCcident, puis penrettre à ce
dével.q::p:Iœnt de se produire, avant quI. il le revierme s' inp:>ser
è.:I dehors à des sociétés préalablaœnt saccagées, 1:X>ur que le
développ:ment lui-mène pxiss naître et croître sur leurs débris".
Bien· que dans cet article, LEVI-STRAUSS introduise les notions
précieuses de situation coloniale et d' acculturation réciproque,
il ne reoonnalt pas aux sociétés colonisées les facultés œ
restructuration qu'elles senb1ent ceI;eI1dant manifester.

· 46
"Bien avant qu'uœ prise de contact avouée ne se produise, des
effets anticipés se sont fait sentir c1epl1.s de lo1'l3lJes annêes et cela
de deux man1êres, tantOt sous foII'Ce d'une secorœ destJ:uct1on à
distance, tantOt sous fume d'une aspiration qui êquivaut aussi à
une destruction".
(34)
Ce qui sanble en fait fondamental, c'est d'êt\\XÜer le ~
acculturatif à tous les niveaux.
!mMr s'y essaie dans "Portrait du colonisé"
(35). Dans un
article " Sociolog je des rapp:>rts entre colonisateurs et colonisés"
est c:onteme"la sxiologie d'un ensemble de relations nouvantes, de
pe.1ple à peuple, situées historiquerrent, dont la finalité est
écx>rmdque, les noyeIlS p:>litiques .et les conséquences psydlologiques
et culturelles. Mais dans laquelle c'est l'ensemble de ces aspects,
chacun avec son originalité particu1i~re, qui donne à chaque
oolonisation sa }i'1ysioranie renarquable" (36).
En dépit de l'intérêt que prl!sente une telle approche, on peut
reprocher à loDIU de ne pas suffisarment dialectiser la situation.
D'une part, i l œ tient qu' insuffisamœnt cx:npt:e des "tendan~ internes-,
de la société colonisée; d'autre part, il présente les conséquences de
la situation coloniale conne une rorte d' enchainaœnt mécanique,
partant du p:>litique IXJUr alx>utir au p;ydlologique.
R. BASTIDE rattache l' étuie de "1' inte~nétratiot1" des civilisations
à la trérlition sociologique française. l i insiste particulièranent sur
la néoe'ssité de réaliser l'éttXie sociologique en profondeur de ces
Ihérx::mènes. sans l' app:>rt de la nét:rode dialectique, i l est· i..n:p:>ssible
de cx:mprerrlre et surtout d'expliquer les processus acculturatifs •
(34) I?J1-SI'RAUSS (C.) : les discontinuités et le développ:ment
éo.>n:::mique et social, op.ls cité.
(35) ~ (A.) : Portrait du colonisé, précédé du Portrait du
colonisateur, Corréa, Paris, 1957.
(30) MEMMI (A.) : SX:iologi.e des rapp:>rts entre colonisateurs et
colonisés, C. Int. SOCiol., 23, 1957, pp.85-96.

47
MARX déjà, en mettant en llln1êre l' inq:ortanoe des oorD1tions
êa:>n:::rn1ques, gêograpuques, S)Ciales, et de la lutte des classes,
mus pJUSsait à ~ l'aoculturation, mn cxrrme le produit du
ex>ntact entre deux cultures, mais cœme le jeu dialectique des infra-
structures et des superstructures qui en dét:.ennirent les effets. n
s'agit de replacer l' acculturation dans le cadre sociologique du
rag;x:>rt entre structures et oeuvres culturelles, sans oublier
oepeniant que lorsque l' acculturation se fait entre sociétés
industrielles et traditionnelles, les systànes de parenté deviement
plus 1Inp)rtants que les infrastructures éoorx:rniques.
Les CXXlSidérations sur l ' acculturation OOivent tenir a:xrpte de tous
les niveaux de la réalité sociale. Min d'éviter les dangers de
l'empirisrœ mrd-américain, i l s'avêre irrlispensable d' 6tablir \\IDe
typologie des oontaets.
Trois critètes sarblent suffisants
1. La p:-ésenœ 00. l'absence de manipilations des réalités sociales.
"n y a une aocul:b.1ration SIOntanée, naturelle, libre, qui n'est ni
dirigée, ni contrôlée, où les irxIividus OOivent s'adapter il des
ooniitions altérées par le siIrple jeu des oontacts. Il Y a une
acculturation organisêe, mais forcée, a~ bénéfice d'un seul groupe.
C'est celle que mus trouvons prr exarq>le dans le cas de l'esclavage
ou de la oolonisation, cas dans lesquels il y a bien volonté de charqer
la culture des natifs p:>ur la plier aux be&:>ins du groupe dcminant,
OOnc organisation des processus acculturatifs, mais une organisation
rx:m planifiée ou mal planifiée, mécormaissant l'existence même d'un
déteJ:minisne s:x::iologique. Enfin, il Y a l'acculturation planifiée,
oontrôlée, où la manipulation supp:>se la oonnaissance préalable des
lois et du dé~, où ce &:>nt les individus qui dem:m3ent
l'altération de leurs propres conditions de vie" C37)
(3'/) BASTIDE (R.) : Problàœs de l'entrecroisaœnt des civilisations
et de leurs oeuvres, oIXJS cité.

48
2. L'l'Drcgênéité ou l'hêtêrogênêitê des civilisations en
présence.
3. Le oontact entre EPCiétés "closes", c' est-â-d1re b1en intégrées
et sx:iétés "ouvertes", c'est-à-<li.re noins v~s ou noins structu:rées.
La classification n'est oepemant qu'une étape. Ce qui i.rrp:>rte,
c'est l'explication. Or, cette explication ne peut être effective
sans l'introduction du pr1œipe de causalitê.
La question qui se pose est en fait celle-ci : toute société
évolue. Quelles sont les causes de cette évolution?
Les variables les plus QFératoires sont celles de causalité externe
et de causalité interne, qui entretiennent des raRX>rts dialectiques.
le problàœ de la double causalité est un vieux problàœ, qui
rem:>nte à l'og;x:>sition entre TAIDE et "DURKHEIM. Dans s::>n article,
"La causalité externe et la causalité interne dans l'explication
B>Ciolog1que" (38"', R. BASI'IDE dévelowe sa ooœeption :
"()l'est-ce en s::mœ que le concept d'imitation en effet, s1n:m
la reconnaissance d'ure causalité externè, penœttant le tr~sfert
de traits culturels d'un groupe à l'autre, et pas seulenent entre
iniividus, et à la linùte l'assindlation des civilisations ?".
DURKHEIM, dans "Les règles de la métb:xle sociologiqUe" (39)
déclarait qu'il fallait toujours cœrcher la cause d'un phéranène
avant d'essayer d'en dét.emù.œr les effets, parce que l'explication
fOIx::tionnelle ~ rarplace pas l'explication causale. Le fait que
telle ou telle institution est socialaœnt utile ou inutile· ~ mus
aRJI'errl rien sur ce qui l'a fait naître. Pour cxxrprerrlre la fonction
des };i1é:rx:mènes sociaux, il faut d' al;x:>rd en (X)nnaitre la cause
efficiente.
('~8' BASI'IDE (R.) : La causalité externe et la causalité interœ dans
1 explication s:>ciologique, op..1S cité.
(39) OORKHElM (E.)
: les règles de la méthode s::>ciologique, Paris, 1894.
réérl.1973.

.49
La causalitê tire sa valeur du fait qu'elle opère aussi bien
dans le dana.1ne de la discxmtinuitê, des cassures, que dans celui
de la oontinuitê.
La. Déthode des corrélations s'avêre d'autant plus efficace que
les s:>ciétés BCI'lt mieux intégrées. Or, l'étude de l' inter-pênêtratfon
des civilisations fait apparaltre la ooexist.ence de divers systà'œs
parfois juxtap:>sés.
"Ies civilisations ne sont pas toutes des touts intégrés et
l'étu:1e des corrélations fonctionnelles ne rem pas inutile celle
de liaison causale" (~~. De~, si l'on ne J;:eut s:>uscrire entièrement
à la coooeption de LEVI-SI'RAUSS, p:nIr qui l'ensemble des P'léIx'l'nènes
d'acculturation se rélJlè1e à quel~s synpt:f.ues, i l ne faut pas
négliger le niveau des attitu:ies, qui peut affleurer à \\ID nment
particulier du passage de la déstructuration à la restructuration.
Causalité interne et causalité externe ne s:mt pas opp:>sées.
Elles constituent deux naœnts d 'un ~ssus dialectique.
En effet, -les divers canpartiments d'une société, qu'ils soient
confon::1us (ocmœ c'est le cas des sociétés dites "primitives") ou
qu'ils soient différerx:iés, sont en inter-relations si étroites que .
le lIDin:ke ch.an3'enent dans l' \\ID d' e.lX ne reste pas localisé; i l se
r~partit dans tout l'ensanble, plisqu' i l faut établir, dans les
parties désonnais déséquilibrées, un oouvel équilibre'! (41). Il
peut arriver que la causalité interne l'Emp:)rte sur la causalité
externe et que les traits culturels oouveaux soient assimilés,
wlorés par l'ancienne culture.
/
(.~(') Bl\\STIDE (R.) : La causalité externe et la causalité interne
dans l'eKplication sociologique, op.1s cité.
(41) BASTIDE (R.)
: Problèmes de l'entrecioisaœnt des civilisations
et de leurs oeuvres, op.lS cité.

50
Par".roiB la causalité eKterne l'EJ'IIOrte et 11 él&nent oouveau
introduit du dehors brise la société interne. "Hais en général il
Y a mêlarqe de réinterprêtation et dl explosion, de continuité
traditionnelle et de rupture, ce qui fâit que la cause externe
entra1ne la mise en nouvsnent de.la causalité interne et que cette
dernière à s::m tour pennet le passage du dynamisœ œfomateur à
dl autres secteurs de la s:>ciété. L1 ~lênent êtrëm3'er peut biE!1 être
réinterprété ou m::x1ifié par le milieu interne, il nl~ qulavec
lui siest glissé un él€ment
de transfonnation de 11 ancien milieu
qui continue EDn action révolutionnaire, et cela dl autant plus
facilanent qui il a été, oerble-t-il, déjà assimilé" (.47.).
Il est certes possible de faire entrer durant une courte période
les soins à 11 ~ita1 dans le ritliel magiro-religieux; du dl.an3aœnt
découlera cependant pal à peu à peu toute sa série de conséquE!1Ces
et dleffets. Llébrle de la cbuble causalité doit donc evidemrent
intégrer la dimension tEr.q;x:>relle.
n ne faut pas IOn fOUS négliger la situation EDciale dans laquelle
les causes agissent.
Pour G. BAIAIDIER, on ne peut sépll"er les recherches sur les
rontacts culturels de celles sur les rontacts de race et de celles sur
les situations coloniales. La colonisation a facilité les contacts
inter-ethniques. Au caractêre hétércqène des contacts socio-culturels
est lié le caractère hétérogène des structures. LI évolution des
structures sociales siest a~lie en fonction de la "situation
coloniale" •
Dans "Sociologie actuelle de 11Afrique tbire", il rsnarqu.e que
les étules anthrop:>logiques ronsaerées aux Ihéronènes de changanents
nlont guère tenu canpte de la situation coloniale en tant que conjoncture
(42) BASTIDE (R.) : La. causalité externe et la causalité interne dans
llexplication sociologique, o:PJ.S cité.

51
particul1êre. Elles ont envisagê les p:rooessus d'acculturation sous la
fome de la diffusion de l'enseignarent nDderne, àe l'action de
1
l'évarJ3ê1isation, etc., ~is elles ne les ont pas considérés came
1
un tout ouvrant la voie à l'édification d'tme B:>Ciété IX>UVe11e.
"Toute êtu3e oonc:rète des sociétés affectées par la oolonisation,
1t
s'efforçant 1 tme saisie ex:mp1ète, ne peut ceperrlant s' acc:x:mp1ir
que par réf~erx:e 1 ce cx::mp1exe qualifié de situation ooloniale.
C'est en appro:forxli.ssant l'analyse de cette dernière, en repérant
1
l
ses caractéristiques selon le lieu de l'erqJête, en examinant les
1IDIVanents qui terœnt à sa œgation, qu'il devient possible d' inter-
prêter et de classer les phérx:Jnênes observés. Cette reoonnaissance
,
de la situation résultant des rapp::>rts entre "société oolcnia1e"
et "société oolonisée" requiert du sociologue un oontinuel effort
critique, le mettant en garde oontre les risques d'une observation
1
tmp unilatérale" .( d .
De JXJtbreuses études ont insisté sur l'état de crise que révêlent
les sociêtês oolonisêes. C'est une mtion qu' 11 oonvient d'envisager
pr:uiaIment car l'état de crise ne dure que si la rnï.rorité cbninante
S'0RX'se aux véritables solutions. Il n'en daneure na.s noins que
.
-
l'exmnen de sociétés Afriœines par le biais de leurs crises faït
accéder à ure IOSition privilégiée. De ~lles crises ranettent en
cause la quasi totalité de la société, les institutions cx:mœ les
gJ:OUpaœnts et les syrri::x:>1es sociaux. Les désajustaœnts oonstituent
autant d'issues penœttant à l'analyse de s' insimIer et de saisir
ron sa.ù.anent les IhéI'atènes de oontact entre société daninante et
société déperx1ante, mais encore de mieux c:arq;>rendre cette dernière
dans ses fonnes trtrlitionne11es, en manifestant certaines faiblesses
caractéristiques ou certaines structures et représentations oollectives
irréduet.i.bles.
(4)) BAI..ANDlER (G.) : Sociologie actuelle de l'Afrique tbire,
P ù F, Vendôme, 1963.

52
De telles crises, qui affectent la s:>ciêtê globale, dans EKm
ensemble, constituent autant d' aperçus sur cette "totalitê" et sur
les relations fomanentales qu'elle 1mplique; elles facilitent cette
étude ooncrête et CXI'l1Çlête, déjà recx:mnan:1êe par Marcel MAUSS (38).
Mais l'analyse ooit aussi atteirxire le niveau des funnes de axiabilitê.
certaines maniê~s d' ~tre liés subsistent à travers les àlan:Janents des
strue'blreS s:>eiales, tandis que d' autres a~aissent à la faveur de
la situation coloniale. G. lW:}M)IER, SE"lon l'expression de P. MElClER ""4)
"rêhabilite le changanent". Il élarore une sociologie dynamique et
dialectique qui intègre à la fois l'histoire et le oontexte p:>litique.
Tout en ne nêgligeant pas l' :i.nqx>rtance du facteur interne, i l
prem pJUr pivot de s:m oeuvre le oorx:ept de "situation coloniale" .
.
"les êtu:1es orientées vers l' examen et l' expliœtion des
chanJaœnts ncdifiant les s:>ciétés traditionnelles dêperdantes
ne l'OlS éclairent pas seulaœnt sur le devenir de ces de1::niêres,
mais aussi sur leur structure et leur orgaI"'.isation antéri.alres.
A l'oocas:1Dn des "épreuves" que ces ocx::iêtés durent affronter,
se saisissent des agen::aœnts plus ou ro~ vu1.nêrables, des
équilibres plus ou IIDins fragiles, des rrodèles sociaux si valorisés
qu'ils se maintierment en dépit de leur inadéquation à la situation'
wuvelle. L'irnp:>rt:an::e relative des divers élâœnts oonstitutifs est
alors appréherrlée avec Flus de œtteté et noins d'arbitraire.
En analysant la n:>tion de sitUél.tion ooloniale, rx:>US avons rontré
CXITlbien les crises subies par les sociétés oolonisées cx:mstituent
autant d'issues dormant vue ron seulaœnt sur les Fhén:::mènes de
contact, mais aussi sur les structures anciennes de ces s::>ciétésll C4S)
R. msI'IDE, qui préfère à la rotion de situation coloniale la
dis~tion entre civilisation imp:>sêe, à l'intérieur de laquelle il
fait entrer la ooloni.sation et l'esclavage, et la civilisation
C4~)BALANDIER (G.) : Sociologie actuelle de l'Afrique !bire, op.lS cité.
(45) MEICIER (P.)
: Histoire de l' Anthrop:>logie, op.lS cité.

53
!
,
!
,
,
rêc1.5n§e OU aoceptêe volontairsnent, S\\.Ji19êre la p:>ssibilitê de ex>nsidérer
la ex>lonisation elle-ml!rœ cx:mne un facteur extr~.
1
1
"n p:x.u:ra m!me arriver, puisque les fOInes de colonisation varient
1
suivant les civilisations aI'l3'lo-saJCaU'le, française et luso-tropicale,
1
que si les ex>ntacts culturels doivent être envisagés à l'intérieur de
j
la situation coloniale, la situation coloniale à son tour doive être
1
envisagée. C'est-à-dire que la colonisation ne serait plus seulenent
le milieu à travers lequel açrit la œ-usalité externe, elle serait
1
1
elle-nime cause externe" (46 / •
Il peut app=1ra1tre au p:-sni.er alx>rd p3I'adoxal que la France, si
1
longtemps demeurée iIdifférente aux considérations d'ordre anthrop:>logique,
1
ait c1eplis la 5eCX>rde Guerre ~ndiale dormé une telle jmp:>rtance aux
~es de c:llan:Jsœnt et d' acculturation. En fait, ce n'est qU'à
1
la faveur des êvêneIœnts lesplus cxmtarp:>rains, la guerre, la ex>lonisation
1
!
à ses dernières étapes, et plus enoo:œ la décolonisation, que les
1
àlercbeurs français se sont intéressés réel.lenent à ces prcblànes.
les bouleversements auxquels ils assistèrent, et assistent enoore,
1
j
devaient les ex>rduire à rmettre en question les fon:3ements de leur
propre sx:iétê et de leur propre culture, et à éviter ainsi les écœUs
1
1
de l' etlmx:entrisne. Confrontés à des dlangenents d'une telle anpleur
~,!
qu';.! devenait 1Irq;x>ss1ble d'en nier l'éviàence, ils ne p.rrent construire
une théorie de l'acculturation qu'en intégrant à la foi~ la a.ùture,
1
la sxiété, l ' histoire et le contexte prrticulier de la situa.tiDn
;{
1
i
CX>1oniale.
î
l
L'Ecole Sociologique Française, bien que ne s'étant pas penchée
1
1
1
,:~,
sur le problàœ de l'interpénétration des civilisations, a p:mnis aux
,j,
t:hl!!oriciens d'élaborer leur appare;llage ex>nceptuel à partir de notions
1l,
aussi riches que celles de société globale, de Fhéranène social total.
Î1
(46) BASTIDE (R.) : La causalité externe et la causalité interne
dans l'explication s:>eiologiCJŒ, op.lS cité.

.54·
ra sociologie dynamique des Iilêranênes de contact est l'enfant
de cette tradition sociologique stinulante et toujours noderne et des
évênements p;>litiques oontemp:>rains.
Peut~tre les différences essentielles entre les tendances
directrices de ces trois tradJtions résident-elles dans le re.wc>rt
que les ~ s ont entretenus avec les Iiléranênes étudiés.
Pour les 1\\néricains, il s'est a:Ji d'abord d' ét\\Dier, dans le
ca3re de leur S)Ciétê, un processus en cours qui les impliquait
directement. Il ne leur était probablaœnt pas p;>ssible, face à
des événements en train de se dérouler, de prendre le recul suffisant
PJUr une étu:le objective.
les Arglo-5axons, bien qœ nD.ins touchés p;ych:>logiquanent par
les Décanisœs qu'ils se trouveront dans l'obligation d'étudier,
ont dll l!qalanent tenter de rés:n.rlre le' délicat problàœ de l'analyse
des Ihêrx:mènes en oours.. De plus, et c'est là le problàœ de toute
sociologie awliquée, ils ont eu à tenir cnnpte de la nature pnticuliêre
du denIaIdeur, en l'occurrence le gouvernement. Aussi ne I;XJrent-ils pas
resituer les problàœs dans leur oontexte. p:>litique.
I.e manque d'intérêt des chercneurs français envers "l'acculturation",
l'orientation générale d'un gouvernanent qui, n'étant pas préoccupé sur
le l;ilan intérie.rr par le problàœ des étranJers, ne voyait pas en qlDi
la ex>nnaissance du oontexte culturel et sxi.al dans lequel se déveloFÇait
l'action cnlonisatrice se révélerait utile, pemù.rent aux tenants des
SCiences Humaiœs de se situer objectivement face à des sociétés
relativerrent automnes ou déjà décolonisées lors de leur pranière
awroche. Les pn>cessus de déstructuration, lorsqu'ils avaient eu lieu,
~ent déjà au passé. Le chercheur français devant des sociÉ:tés
en quête d'un équilibre oouveau est le tém:>in d'une période qui a

55
laissé sa marque sous fcmœ de sys~s de valeurs, de ncdes
d'organisation sociale, de réseaux de relations, etc .. , qu'il
s'agit de décrire, de mettre en relation avec la société tradi-
tionnelle. Il peut tenter de mesurer le chani.n parcouru de la
tradition à l'époque actuelle, et d'analyser les causes du
changanent. Il peut clx>isir d' accarpagner la société qu'il étudie
dans ses tentatives de constJ:uction. Dans ce cas, "l'acculturation"
ne sera plus le pivot de son orientation. Elle deviendra à son tour
le facteur interne dont il faudra détenniner l' inpact. Il se trans-
fcmœ alors en ooservateur d'une rêa.lité nouvante à laquelle il
participe à titre irrlividuel et rx:>n exclusivement en tant que
représentant de la société daninante et productrice des valeurs.
Si le contact s'effectue, c'est avec UDa civilisation récl~
volontairanent. Rien en principe n'empêche le chercheur de prendre
le recul nécessaire p::>ur intégrer l'ensati:>le de la rêa.lité sociale.
c. R7.l'RE ORIENmTION.
!bus mus profX)sons de vérifier l' hyp::>thèse que oous avons
fonnulée plus haut.
La société lvoirienœ s'est constituée et transfonnée à la
faveur de divers facteurs externes :
- événarents historiques, oonquête ooloniale, ép::que ooloniale et
IndépeI1da.œe ;
- contacts avec l'OCCident (Portugal, Fran:::::e, Hollande, Angleterre)
à la faveur de la traite des esclaves, de l'inplantation des
établissaœnts français, puis de la colonisation française;
- naissance d'une éconanie d'échange, début d'industrialisation,
création d'UDa infrastructure des t.ransp:>rts, croissance des villes,
app:rrition du clivage des masses.
1
1

S6
ces facteurs externes n'ont pl m::xi1fier le contexte 1DCio-eulturel que
pu:œ qu'ils ont rencontré A l'intérieur de la société des facteurs intemes
d ' opposition ou d'accueil.
les Ivoiriens se IK>nt IIDntrés put1culiêrenent réceptifs aux changsœnts
en railK>n de facteurs internes que oous analyserons par la suite.
C'est dorx:: à partir d' e.lX que n:>us étuiierons les transfoonations
actuelles de la société Ivoirienne telles qu'elles reslK>rtent du contact
avec l' inatitution psychiatrique occidentale. ces cl1an}aœnts ne peuvent
être saisis qu'en référence à la situation ooloniale à l'intérieur de
laquelle ils se IK>nt produits.
L'1mp:>rtanœ de la référence à la situation ooloniale est d'autant
plus grarrle que l'image du fou et ]:'organisation asilaire s::>nt en fait
étrangaœnt parallèles à l'image que le oolonisateur se faisait du
colonisé et aux instibltions qu' i l c:reait p::>ur l'encadrer.
Le fou, dans la société occidentale, est quelqu'un qui, par définition,
n'est plus capable de se oonfo:rrrer aux noIl11eS. n oort de la culture;
plus même, par s:>n OCItI};Orteme.nt destructeur, il est l' anti~ture qui,
si on ne la maîtrise pas, peut oonstituer un darg'er d'éclatsœnt s:x::ial.
Le fou, c'est le danjer maximum. De la part d'un fou, on :Peut s' atterrlre
à tout. La folie n'est p3S seulement absence d'oeuvre, elle est destruction
de l'oeuvre hunaine.
Il s'agit donc d'enfenœr le fou dans un espace clos, aux oonfins de
la sxiété, de le faire garder, de lui ôter le droit à la puole, de
lui retirer tous ses statuts, à l'exception de celui de "!!'alérle rental"
qui oonrote la p3Ssivité la plus totale. Devenu nalade rental, le fou
doit être c:gi en référence à des nomes créées spécialaœnt pour lui
et qui lui enlèvent toute possibilité d'initiative.
Par s::>n internsnent, le fou est la grarrle victime d'une 0RJression
contre laquelle i l n'a plus de recours.

57
1Q.1r le oolonisateur, le oolonisê n'était pas três différent du fou.
o::mne le fou, il n'était pas capable de créer des n:>I.'IleS. Il ne reprêsentait
pas l' anti~ture, mais la rxm-<:ul.ture. De sa part, c:œme de celle du fou,
on pouvait attemre n'1Irq:orte quel a:lllfOI'tsœnt. Pour œrta1ns violent et
darçereux, gram. enfant p:>ur d'autres, i l était dans tous les cas quel.cp'un
1mapable d'initiative, qu'il fallait agir en fonction de ronnes
particuliêres spêcialEment créées };OUr lui.
Ces n:>DneS ne p)Uvaient être identiques aux oomes qui J:égissaient
la ex>rduite des oolonisateurs, plisque les oolonisês n'étaient pas
considérés cx:mne susceptibles d'assimiler, dans leur totalité, les
subtilités de la "civilisation". n fallait créer p:>ur eux des
instit1ltions marginales qui, en permettant au groupe détenteur de la
culture d'exercer le IQlVOir, le préserveraient du darqer du contact
avec la ron-cult'Ure.
Ainsi, l'institution psyc:h.i.atrique, o:mœ la situation ooloniale,
s'attad'le à des ocmp:>rta:œnts de crise.
C1ez les Ivoiriens, le déclendlsnent de la mal adie au sein d'un
qraJpe dont la pluristructuration reflète·un stade de transitien actualise
les difficultés que chacun éprouve à se situer. le fou sert aiors de
-révélateur" des conflits et des tensions.
Dans cette crise, l'~ita1 psyc:h.i.atrique s'inscrit en creux.
En marge du système trcrlitiormel, 11 oonstitue la pause. qui penœttra
au groupe de se restructurer selon des IIDdalités wuvelles.
Or, l'aRBI"ition dans un groupe sxial cbrmé d'une institution de
type muveau tenl à susciter des réactions en chaîne et à nndifier
selon les facteurs internes existants tout ou partie de l'ensemble des
structures et des valeurs de la s:>ciété.
Dans wtre analyse, c'est l'lDspitalisation qui joue le rôle de
facteur externe; c'est à partir d'elle que rous étudierons cbnc les
chan:Jeœnts, en fonction des facteurs internes et de la référence à la
situation ooloniale et post-coloniale.

58
CHA PIT RE
1 1 1

$9
ME'lH:XXJ[.()GIE •
NJus oous situons dans les perspectives définies par
R. BASTIDE et G. BAlANDIER, que nous avons précédemœnt analysées.
Nous avons cœrchê à étudier l'organisation sociale et
familiale Ivoirienne, traditionnelle et en transition.
Or, dans le cadre d'un pays ayant depuis
des siêcles subi
tant d'influences extérieures, les étlXles IX>rtant sur chacune des
ethnies étaient rares, ou incœplêtes. Il est en effet infininent
noins séduisant pour un ethrx:>logue d'étudier les différentes sociétés
Ivoiriennes, à l'intérieur desquelles l'organisation traditiotmelle
a disparu que des sociétés qui, en deça des rationalisations, en
raison d'une histoire noins toulJnentêe, ont oonservê une partie de
leur organisation traditionnelle.
Sur les ouvrages que nous citons et qui oonstituent une
bibli.ogra};Xùe quasi exhaustive, seuls les travaux de D.P. G\\MBLE
et de D.W. AMES fournissent des élémants intéressnts et approforrlis
sur l'organisation sociale et familiale et la culture traditiormelles.
La littérature PJrtant sur la Côte d'Ivoire I1Dderne est plus
riche. MUs, dans la rrajorité des cas, ce sont des travaux
dl êcorx:.mi.stes qui Si efforcent de saisir les phénœènes de
développatent, et qui cherchent avant tout à analyser la
croissance éconcmi.que et à évaluer les freins du développement.
La plupart de ces ouvrages négligent les dormées ethnologiques
et bien souvent les données s:x::iologiques elles-rrêœs.

60
ce sont les travaux de P ~8S qui mus ont été les plus
0
utiles, les recherches de FCXG:YR:lLt8S (47) établissant le lien entre
sxiologie et psydx>-sxiologie 0
1. L'investigation ethmlogiqUeo
Nous avons j~ utile de <XIt1pléter les renseignements foumis par
AMES et GAMBLE et, B:lUS une fonne très norce1êe par les autres auteurs,
par ~ investigation ethn:>logique 0
N:>us avons à BnŒRVILLE cx:mrenœ à interroger les 1nfinniers de
l'lDpital en nêne tenps que mus lisions à la bibliothèque de l' l FAN
d'Mjané toute la littérature ayant trait aux différentes s:>ciétés
l'voir1enœs 0
Ure fois les doI'll'ées rassanb1ées, mus avons tenté de les enridùr
en prenant plusieJrs infonnate.Jrs sachant parler français, mais issus de
villages de brousse, afin que leurs ré{x)nses ooient le noins biaisées
p:>ssible par l'urbanisation et par l'image qu'ils p:>UVaient se faire
de l'OCCidental (mus tenons à préciser qu'il Y a 61 ethnies en Côte
d'Ivoire) 0
En fait, le biais que oonstitue, dans ure véritable investigation
et:hJx)grëq;iùcpe, la présence de l'enquêteUr dans le champ de l'observation,
la lkessité dans laquelle se trouve le cher~ur d'écarter PJur
interpréter le systàœ, les rationalisations cxmre autant de paravents
à une réalité s:>eiale dont les autres Africains n'ont pas oonscience,
re mus semblaient pas, dans le œdre de n:>s préoccupations, accroître
les difficultés; au oontraire, cela n:>US ouvrait une voie d'accès au
{tléIJ::JOOne des oontacts culturels 0
La négritu:1e est un prcrluit de la oolonisatiDn. Les divers IIDuvaœnts
de oolonisatiDn ont oonstitué le Tiers-M.:>rrle en objet: objet d'exploitation,
objet d'éblde, etc ..
(47) ~ (Po) : M:xiernisation des hcmnes, Flarrrnarion, 1966.

61
Mais cette idéation issue de l'OCCident, en transfomsnt l'Afrique
en cbjet poor autrui, a permis 1 certains Africains de prendre oonscienœ
de la spêcificité de leurs valeurs culturelles. Peu 1 peu s'est effectué
le pessaqe du ~ 1 l'idêologie. C'est sans doute grâce 1 ces id6:>logies
que les états Africa1ns se transfonneront peu 1· peu en nations.
Dans le Cédœ des partis Africains, par l' intetIrédiaire de la radio,
par la vie des griots, ces idéologies se diffusent. L' infonnation rational.1sêe
de quelque ordre que ce soit, en marquant la !Dss:ibilitê nouvelle d'échapper
sans sanction au consensus de groupe, est peut-être le meilleur indicateur
de l'évolution. Enoore faut-il ~tre en mesure de reoonnaltre à quel naœnt
intervient cette rationalisation. Et, !Dur cela, la saisie de la stnrture
sous-jacente au systère apprêherdé, est nécessaire. Il faut, !Dur reprendre
une réflexion de BASTIDE, passer "de la pensée oonstituante à la pensée
oonstituêe" ethrDlogiqusœnt et sociologiquaœnt.
Deux éb.Xles allaient mus penœttre d'analyser les relations entre
tra:litlon et mJdernitê. La premiêre, réalisée avec G. anJNDARE
pour
l' A.U.D .E.C .A.M., IDrtait sur "La rœre Africaine face à la scolarisation" (48)
La nère, cx:>ns:idêrie cx:mœ la gardienne de la tradition, est tenue p:>ur
resp>nsable de la bonœ ou de la nauvaise 63.ucation de l'enfant. De cette
éb.de, InlS avions FU dégager un scnâna sœmai.re des processus
d'acculturation. Dans un premier tarp;, l'opposition à la soolarisation,
fom.a de résistance à la oolonisation, trouve sa justification dans le
systà:œ trëditiDnrel. L'école française, c'est satan, dont il faut se
protéger et protéJer le groupe.
Puis, les exigerx::es muvelles de l'éooranie d'échange atténuent
quelque pe.1 les résistances. L'éa:>le devient "un mal nécessaire". Elle
s' inscrit en marge de la société traditionnelle.
Dans un troisiàœ tanps, ex>ntar1p)rain, les femœs ont réussi à
élaborer une idéologie syncrétique. La scolarisation, dans la mesure
(4fH . cxnJN)ARE (G.), S'lORPER (O.) : La mère Africaine face à la
Scolarisation, Rapport A.U.O.E.C.A.~., Paris, 1965.

62
00. elle pernettra a l'enfant de rEl'ltllir ses devoirs d'assistance ! l'êA;Jard
de la famllle, est un facteur de cohêsion du groupe. Dès lors, le rendsœnt
sooJaire qualifie la œre au mtme titre que l'éducation traditiormelle.
MI!Iœ illettrée, elle est tenue p:>Ur resp:msable. Consciente d'avoir A jouer
un ~le nouveau, elle n'en est pas p:>ur autant prête à se défaire de ses
ëU'd..ens rOles. La scolarisation accroit ses resp:>nsabilitês, mais s::>n
statut ne chaI'qe pas. Alors, p:>int d '1nquiêtude : ressentie cxmne
brisant le scléna traditionœl d 'l'arogénéité de la classe d' ~e, la
rêussite scolaire mpLique un autre idéal d'intégration sociale enoore
êt:ra.rqer aux femœs. Elle oonrote, en raison du pa.ssage de la confonnité
A la c:xmpétitien, le dan:.Jer d'agression, de maral::x:>utage. Ibur protéger
leurs enfants, les Iœres ont recours au marabout. En fait, c'est à
partir du nœent 00. les femœs, pal: un effort de rationalisation, ont
réussi à é1al::x:>rer une idéologie leur penœttant d' int:êgrer le oontact
à l' institutien occidentale dans l' Ol:gahisatien trad!tionnelle, que
il
le retour à la traditien s' imp:>se a:mœ ralucteur de l'anxiété issue
l!
de l'interpénétration de deux systàres antagonistes.
1
1
1
Nous avons, dans ure 00\\lrte recherche p:>rtant sur les représentations
l,
de la grossesse chez les femœs Africaines, bénéficiant des oonseils et de
1
l
l'assistance de la Protection Maternelle et Infantile, et acoouchant à la
1
Maternité, retrouvé le m!me scléna. AujoUrd'hui, l'accx:>ucharent à la
1~
Maternité accroit le prestige du groupe familial, plisqu'il est
1
!
re::x:mnarrlé aux mtables des villages, et par les chefs de quartiers.
l
Mais œtte valorisation s' accx::mpagne d'une anxiété d'autant plus forte
que la sage-fenme --aI1Dl1yrre a supplanté la "matroœ". Les jeunes fernes
-~
manifestent en apparence un attachement plus grand que leurs mères
au systàœ de représentations et leur demandent de les aider, et, au
besoin, d' acxx:mplir les gestes nécessaires au l::on déroulerrent de la
grossesse.

63
2. t a êtudes de cas.
DEplis 'liDW) et ZN1OOB:I<I (Îi9/), l'utilisation de docurrents personnels,
livres d'histoire de vies, est devenue d'un usage cx:JUrant en socioloqie
et en etlm:>logie. D'un nanisœnt déliœt, œtte néthode peut pexmettre
d'illustrer certaines options thooriques et de rontrôler certaines
hyp:>thêses. Mais les critères de validité restent faibles; les hyp:>th~ses
à:>ivent ~ €mises
avec d'autant plus de rigueur. C'est ]';X>urqooi
l'investigation ethoo-axiolog ique s' irnIDse pu:allêlanent à œ tyI:e
d'awrocœ.
n serait égalaœnt lx>n de ccmpléter une telle étude par une enquête
extensive. Mais l'investissement en ta'rpS que suppJse une telle néthode
est si grand que l'en:pête extensi~ n'est réalisable que si l'on disp:>se
de· plusieurs années p;>ur explorer le terrain. Par ailleurs, lorsqu'il
s'agit de scx::iétês en transition, le seul établ:lssarent de œtégories
demande que !K>it ma1trisé au préalable l'ensemble des cx:mnaissances
quant aux divers types de structures et de stratifiœtions axiales.
Les étu:ïes de cas ne peuvent don:::, dans œ cx:mtexte, amstituer
seulsœnt une !K>rte de pré-eIXjUête à partir de laquelle sera élaboré
le questionnai.œ de l'enquête extensive. Elles foment à elles seules
le rorps de recherdle •
.
Nous avons !OU" mtre part procédé à une observation participante
à l'intérieur de l 'oopital : discussions avec les infi.nni.ers et les
patients parlant français, particip:1tion aux visites des psycniatres, etc.•
NJus avons visité 15 familles de p:1tients hospitalisés à BIN:;ERIJll.,LE.
les problèmes fOsés p:rr ce tTIe d' approcœ s:>nt n:rnbreux. La.

situation, en cela identique à celle que les p:1tients et leur entourage
renrontraient dans le cadre de lll"Ôpital et qui de ce fait reproduisait
Wle des m:xIa1ités de oontact avec 11 institution psychiatrique, nous
SEmblait en réalité un facteur p=>sitif.
( 4. ~ 'l'IDmS (W. 1. ), ZNANJ:..OCKI (F.) : '!he fOlish peasant in Europe am
J1ineriœ., 2 vol., Dever Publications, 1958.

64
Dans une s:x::iêtê aussi stratifiée que la scx:iêté Africaine, la
parole est en quelque sorte repartie de façon particulière selon l'age,
le sexe, le ratVJ, la position que l'on 0CC'I.lpe dans la fratrie, etc ••
Pour reoonstimer l'ensemble du d1scx>urs, 11 rous fallait à:::>nc
interroger tous ceux qul en détenaient une :PiU't1e.
cela se révélait doublement malaisé. D'une part, la famille êtait
souvent dispersée: d'autre part, interroger en priorité un manbre du
groupe PJUVait interdire d'en interroger un autre. Ainsi, un petit
frère ne doit };aS oontred1re oon frêre plus âgé: une oo-ép:>use ne peut
r ~ si la rœre du sujet a déjà été intérrOgée, ou le pêre, etc .•
Dans une s::>ciété en transition, très forteœnt chargée d'él€ments
anxiDgênes, la crainte d'agressionS, la peur du ''mauvais oeil" et de
la "mauvaise lan:jue" sont oonsidérab~.
Dans la s:x::iété traditionnelle, 11 est malséant d' €mettre
devant
un étranger uœ opi.n:ion défavorable à l'égard d'un procile ou d'un voisin.
ra DDirrlre i.nsimlation· entra1ne la suspicion du milieu : celui qui parle
n'aurait-il pas, :PiU' l'entranise d'un mar~ut, provoqué les ennuis de
s:>n voisin et peut-être la maladie du patient ? .
Certes, une analyse du oontenu na.ni!este des entretiens ~ne à
déaJuvrir au niveau latent certaines accusations ooigneusement mascpées.
Mais ces accusations elles"'11'êœs ne p:>rtent, le plus so?vent, que sur
des peroonnages lointains qui. ne peuvent pas exercer en retour des
représailles •
Dans une société où le principe du oonsensus social reste la règle,
oü la si.n:Jularisation est doublement dan:Jereuse };X>ur celui qui se
sin:Ju1arise cc.mre };X>ur la cohésion du groupe, questiormer ou réfOrrlre
aux questions représente un risque, et ronstitue une trans:;ression.

65
Point n'est besoin d' 1nterroqer un sujet auquel on reoormalt sa
place dans le groupe, cette place marquêe par la naissaœe 1npl1quant
l'8dopt1.on des IDDœS et des valeurs du groupe d'origine. Cette
1nteJ::rogation agsraltrait en qœlque K>rte carme une insulte, p1isque
c::haom est défini avant tout par sa p.:>sition dans la société, position
chaque jour œcxmnue a travers les 1.cDJœs salutations dont le principe
nêDe est la œoonnaissance réciproque de la situation de l'autre,
et CX)ns::>11dêe en toutes oocasions par le griot, dont le IOle est
prêciB€lrent
d' affiIIner aux ~ du IrOIXle qœ la famille a laquelle
11 est attac:.hê occupe légit:inenent sa place. A ces qœstions, quam
elles s::>nt p:>sées, questions dangereuses, injurieuses, le sujet tente
de ne PaS rép:>ndre. C'est ainsi qu'a celui qui demande cnnbien de
IDeIIbres <XlUpte la oo~s1on, on ne rép:>rrl qu'êvasivaœnt, ou m OCItptant,
non pas en irrlividus, mais en "oouta de oois de Dieu".
Dans la tradition, la curiosité d'un enfant téroigne de la mauvaise
ldtration de sa xœre. Une des prEmiAres àx>ses que l'on enseigne en effet
a l'enfant, c'est de na pas nanifester sa curiosité. lorsqu'un visiteur
quitte une concession, on deman:le à l'enfant de décrire sa tenue
vestimentaire : si celui-ci y parvimt, i l est battu, afin qu! i l
cxmprenœ qu' i l lE doit pas ree.:rarder les ét::raIx1ers.
Devant un étranger à la famille ou au clan, la jame fille et la
jeune femne, le petit enfant, ont "la h:>nte". i l faut, par de nul1tiples
visites, réussir à établir un climat de oonfiance suffiSant p:>ur
cp' ils se départissent assez de leur réserve p:>ur accepter de parler.
Aussi, le temps qœ nécessitent ces mtretiens est-il oonsidérable
si l'on cherche à atteirrlre un niveau plus J'n)forrl que celui des
stérOOtypes •
r-1ai.s, en réussissant à ouvrir le dialogue, l'enquêteur contribue
à mxlif1er la place du sujet dans oon gro~ de référence. ce déplacaœnt
1

l.~ •
66
est irduit en fait par to.1S les oontacts que les Africains peuvent n:roer
avec les instit1ltions de type occidental, et plus particu1iêrenent ~
les relations qui s'établissent entre patients, fan1lles et t:.b!rapeutes
! l'intêrie.lr de l' ~ita1 psychiatrique; oous y reviendrons pu- la suite.
La folie, n:>US l'avons w, n'est pas psychologisêe. Elle est toujours
liée! ure causalité externe, à une agression oont le guérisseur ooit
dét:enni.œr l'auteur. Pour établir son d:iagrostic, 11 s'inquiète du lie.l
et de l' heure 00 les troubles se EDnt manifestés. Puis, s'il s'agit
d'une a:jression de type islamique, 11 se chargera de détecter l'attaquant
et de prendre les mesures qui oollV'iennent. S' 11 s'agit d'une a:jression de
type traditionnel, c'est le patient lui-mâne qui, pris en chaJ:ge pu- le
groupe, identifiera 9Jn persécuteur par l'entrEmise du thérapeute. En
aUClm cas, l'organisation de la cure et le cxmp::>rt:aœnt à l'éganl du fou
ne nécessitent la recherche du ~ perdu, oonrntée par la thérapeutique
occidentale.
Aussi, les fanilles interrogées ne cnnprenaient-e1les que diff1cilanent
ce qui p:>uvait p:>USser les gens de l'lDpital de BDGER\\Tn.tE à p:>ser tant
de questions.
L'argmnent de rotre interprète est répété plusieurs fois au oours de
chaque visite: nà BINiERVILLE, on s:>igne plI' les nédicaments, l'électricité
et l..ë.. parolen ; s'il nodifiait progressivaœnt l'image de l'institution
psychiatrique, constituant en cela \\ID facteur d'acculturation, i l ne
~ i t qœ difficilarent.
Plus que la collV'iction de contribuer à la guéris:>n, les rép:>nses
constituaient une sorte de contre-prestation à l'égard de l' ropital qui
avait pris en charge leur parent. f.1ais se prêter à ros investigations,
c'était IXJUr les familles admettre que l'on puisse attribuer à la maladie
d'autres causes, c' était, sinon intégrer le systàœ occidental, du noins
le refoDtUler de manière à le rerrlre EDutenable.
1

67
Enfin, dans une société 00 ce qui CXItIpte c'est la p>sition que l'on
oœupe dans la l:s.gœe, dans la famille et dans la société, et n:m le
dêroolElœnt abstrait du tsnps, notre ooooeption d'un ordre cl"D:orologique
des êvênements ne suscitait qu' ~nsion.
Les cadres sociaux de la m&roire a:>nt évidement diffêrents dans une
s:x:iêtê ron oat'Ipêtitive, ot\\ le tanps est celui de l' an~, celui de
l' inUigration à la fratrie, celui, oosrogonique, des saisons, celui,
mystique, des ~s. Le tsnps de l'1n:1ividu a:>lidaire brlUant les étapes,
se p:ojetant dans un avenir de prcx1uction et de oonscmnation, œ chaque
instant gagné est \\.D'le éta:çe franchie sur le sentier de la réussite, n'est
certes plus totalsœnt êtrarger à la Société Ivoirienne ou à l'ethnie.
n est oepeIDant encore peu intêgrê ~ se super];Ose aux t:Eq>s anciens
bien plus qu' i l ne les interpénètre.
la vie de l' inlividu Africain s'est· trop lOn:Jtanps inscrite dans un
passé mythique, dans un p:ésent dont l'environna:nent hunajn oonstituait
les limites, pour que la prêsentation des évênenents dans l'oI:dre
chma:>l.cqique ne l'aœne pas à se cxmstituer en in:iividu b:>rs de sa
structure. Etablir une chrorolCXJie, c'est assimiler les catégories
taillarelles rouvel1es, sans signification préalable.
<l1acun des nanbres de la famille appréhende le patient selon la
};OsitiDn qu'il. occupe dans la oonstellation familiale.
Ainsi, une grard-mère liée à s:>n petit-fils p:rr un Systàœ de
plaisanteries institutionalisê, situé sur le même niveau d'horizontalité
que ce1ui-ei, rr::ms oonfiera aisaœnt les souvenirs qui lui restent de
l'enfance de son petit-fils. Mais elle ne saurait, sous p:riœ d'être tenœ
JPUr resp:>nsable des ermuis qui adviermaient à la femne de S)n petit-fils,
I01S parler de ses relations oonjUJales.
Retracer la vie entière du patient, c'~t à un certain nanent se dép:lrtir
de l'attitlde prescrite. l-lême lorsqu'ils oonnaissaient leur femœ deplis

68
l'enfance, les maris en au:ron cas ne toléraient que mus les 1nten:ogions
sur cette pêr.iode. lb1s devions mus 1Drner A leur p:>ser des questions
sur la lignée de leur êp:>UBe et sur leurs relations d' adulte.
COnduite de l'entretien.
N>us p::rorsuivons, A travers ces entretiens, un oouble prop::>s.
n J'DUS ino::mIbait de fournir aux thérapeutes les renseignarents qui
leur manquaient quant A la oonstellation familiale des p:itients, A
leur biograpue et A l'anannèse.
Dans une optique de recherche forrlarœntale, n:JUS souhaitions plr
ailleurs oanprerrlre ce que S)us-terxlait la manifestation a~te des
signifiants culturels, oü se situaient les chan;JEJreIlts ou les dysfonctions
qui avaient arœnê le groupe à boulevèrser le rrode traditionnel de prise
en charge. N:>us désirions détenn1ner les cxxrp:>santes et les facteurs de
ce changsœnt.
Nous cherchions à nettre en relation ces m:xlifiœ.tions d'un q.roUI2
restreint avec les transfonnations de la société globale.
Le rapport à l' institution psychiatri~ urbaine et à l'enquêteur
se rêvélait tel que p:>ur app:'éherder les diverses variables de cette
situation de crise, il ne pouvait en aucun. cas être question de faire
passer un questionnaire RfeJ:IIé". La ron~irectivité totale ne p:>uvait
n:m plus être la règle, p.li.sque nous n'entrions le plus souvent en
contact avec ms interlocute.lrs que par l'inteJ::rnédia.ire de l'interprète.
Nous avons à:>nc élaboré un guide d'entretien, très souple, qui.
avait p:>ur unique objet de ne pas laisser échapper involontai.re!rent
des informations qui pouvaient nous être fournies.
En fait, i l était rarerœnt rép:>rrlu à la totalité des questions que
InlS p:>sions, puisque rous avions à tenir cxxnpt:.e des résistances issues
du exmtact avec l'enquêteur, ou du climat ex>nflictuel qui régnait dans
le gn>upe, des attitudes prescrites et de la crainte de la transgression.

69
N:>Us 1'X'US proposions de damer rê{Dnse A cbuze questions principales :
- Est-il p:>ssible, A travers la b:1b11ograpue et l' aIlëm'lêse retraœe pu-
ros soins, de trouver les ê1~ts ethrx>logiques et psycb:>log1ques
susceptibles de domer les indications quant à la pl.aœ effectivement
occupêe dans le groupe par le sujet ?
- Existe-t-il des diffêrences fon:1aIœntales dans le c:anp:>rtEment, les
attitu::les, les systènes de représentation des l'ames et des fermes, des
jeunes et des vieillards, des 1nd1yidus diversement acculturês
(soolarisês ou mn, intêgrês dans le circuit de l' 6cx>ncmle d' êd'larr:Je
ou artisans, etc.), entre les l'al nusulmans et les nusulmans ?
- Le oatp:>rtsnent et les attitOOes du gro\\.1{E familial à l'égard du
ma1ëde s:>nt-lls inf1êch1.s par le rarg que celui-ci occupe dans le
groupe ?
- Les options prêal ab] es du patient ont-€lles
a::llpté dans la décision
de l'b:>spitalisation ?
- L'mapitalisation marque-t-elle la rupture du degré de tolérance
trërllt10nnel ?
- ()Je1les oont les notivations explicites des familles quant à"la prise
en charge par le thérapeute occidental ?
- ~-il p:>ssib1e de détenniner les ll'Otivations implicites ?
- A quel systàœ de représentation les i..rrlividus se réfèrent-ils?
- ()le11es rationalisations ou CJlElles idéologies invoquent-ils ?
- Carment se représentent-ils l' institution psychiatrique occidentale ?
- Le o.:>ntact avec le thérapeute occidental et le désir de l'introduire
dans un systme ex>hérent intenriennet-ils dans l' élal:oration d'idéologies
rouvelles?
- L'b:>spitalisatiDn du patient diminue-t-e11e le seuil de tolérance à la
malë1lie dans l' eI1SE'!lil1e de la société et a-t-elle des incidences dans
sa réinsertion sociale ?

70
N:>us avons chaque fois interrogé to.1tes les personnes accessibles
dans l'entourage du patient, en essayant de p:rooêder 1 ms entretiens
dans un ordre tel ~ chacun se sente en droit de rêpol'ilre.
lb.1s avons pratiquement toujours interrogé les femnes chez elles,
dans leur a.wartanent ou dans leur concession.
Les b:mnes, oonscients de la prêêninenoe de la parole masculine,
ont parfois danandé à être interwievés sur leur lieu de travail ou à
l' lDpital, loin des oreilles iriliscrètes des femnes.
le défouillanent.
RJus avons procédé selon .de.lX directions.
Ure analyse de a:>nternl fine ne. s'avérait p:lS p:>ssible prisque mus
n'avions des entretiens que l' :image défonnée dans la largue D1Dula qui
est le noyeI1 de cxmnuniœ.tion tradit1Dmie1, ou alors dans un français
rlDimentaire prr l'entremise de l'interprète. C'est à:>nc ~ analyse
thêDat1que qui l'PUS a pemli.s de trouver la réJ;Onse à quelques-unes des
questions que rous l'PUS étions !Osées, et de mettre en lumière un certain
ran1:ce d'élérents qui l'PUS avaient échappé. Nous avons analysé sép:u:éIœnt,
durant cette pranière étape, les réJ;Onses des l:rmnes et des femnes, d~
j~ et des a.rx=i.ens, des musulmans et ~ mn musulmans, des nenbres
de diverses familles selon leur degré de parenté, des inlividus selon
qu'Us se ooient présentés a:mne occidentalisés ou mn.
L'analyse en profon:1e.rr des cas, pris famille par famille, mus a
peIInis de saisir à un niveau psydn-oociologique et ethmlogique
l'interpénétration des divers éléIœnts. <sei)
(SC) N:YrA : D'une façon générale, les fonnes persécutives daninent très
largement par leur ranbre et sont représentées surtout par des bouffées
délirantes à thàœs de persécution par les sorciers. les thèmes de
persécution par maraboutage sont sensiblarerit plus rares que ceux
à:>servés dans le N::>rd. Ceci est certainanent lié au peu d'influence
culbJrelle de l'Islam, car les thèmes de maraboutage sont apparus
plusieurs fois dans les syrrlranes délirants chez les malades,Dioula
Voltaique,p:>ur la plupart et a~t à la religion musulmane.
1

71
.
Un ~e de la oarplex1tê ~l! menée des en~~.
Le cas ~, \\'blof d'origine, né à Abidjan, Iqê de 31 ans.
10 AoOt 1979 :
EntIetien avec les dEJJX êp:>uses du père du sujet :
Effarouchêes, elles refusent d'abord de oous rêP'OOre, plis, mus
disent: • La IDëItlaIl est dêcMêe, le père, comucteur de train Abidjan-BXJo.
n est en voyage". Elles ne peuvent pas dire grand. ch::>se. "anar était
taljours calme et très gentil. Il travaillait déjà dans une l:xmtique de
la place. Il n'était pas encore marié quaOO elles l'ont connu. n
sortait ;NeC ses camarades. n a.inait beaucoup le cinêna~. Elles ont
pitié de lui car "il est marié et père de famille. n était toujours
três généreux. La maladie, c'est des. rabs, ou une question de marabouta]e.
anar a un petit frêre de nêœ mère". Elles ne peuvent rien d'autre.
"n faut dsnarder au papa d'anar".
Le nêne jour, mus inter.t:ogoons la bell~ d'anar, qui habite
,
dans un autre quartier de 'Ireichville :
Elle a COIUJJ. anar dep,j s s:>n enfarv:::e. anar et elle s::>nt pruches
1
parents. Le père de la tante et la grarrl-mère de la belle-mère ont le
InÊIœ ~. ns se rendaient visite. L'enfant avait alors un CXIl'lFOrtaœnt
1
1
rx>ona1, mais elle ne peut pas à:>nner de détails p.ti.squ' en visite les
l
enfants se retirent.
1
Tout petit, Qnar a été élevé p!r sa maman. Elle est norte quani
1
j
i l avait 5 ans. Qnar était avec sa fille et elle vit avec lui deJ:Ui.s
!1
qu'il a êpJusé sa fille. Ce mariage était bien p.ti.squ'anar est un parent.
j
)
Il n'a pas fait trop de dons à cause de cela, mais i l est très· généreux.
1
,
n travaillait au naœnt de son mariage. Il était rx>nnal avant sa maladie.
1
1
n p!rlait peu et s'entendait bien avec sa feme qui était très contente.
anar considérait sa be11e-flêre cx:mre sa propre mère. Il s' enteOOait bien
avec ses "copains": i l ne buvait };Bs, fumait; dOIIllait beaucoup, InanJeait
1
peu. n
ne p3.rlait pas de s::>n travail, car i l n'est };Bs de nature à };BrIer.
1
j
1
1
1
l
1
1
1j
1

72
La prE!l'n1êre crise est arrivée à la mais:>n. Qnar a pris sa femne,
l'a sçoignée par le cou et lui a dit : "Tais-toi, je vais te tuer".
n lui a tapê la tête contre le IlUJr. Les voisins ont entendu des coups,
ils ont voulu ouvrir. Qnar s'est enfui à s:m travail, d'oo s:>n patron
l'a ëItlel'lê à BnŒRVILLE.
n a un petit frère, de nêne ~re, de nifne xœre. La. famille a
pensé à des rabs ou à du maraboutage. Elle n' y cmit pas. Si elle avait
cru cela elle se serait levée pour "affronter les diables". Elle ne
sait pas si dans la famille d' Qnar ils ont été attaqués par les rabs.
Qnar est un parent, il n'est pas question de divorce. Un parent,
il faut le suivre jusqu'au mut. Pers.::mne n'a le droit de dire à sa fille
de divorcer; d'ailleurs, personne n'y :çense.
Au mut de deux nois, Orar so~ de 1 'ropital CXIrIp1ètaœnt guéri.
Il reprerd son travail. n a une crise à la mutique et on le J:eCX>muit
à BIRiERVILLE.
Il en ress:>rt à oouveau guéri. Pendant la troisiàœ crise, il était
ooucl'é avec sa ferme; i l était tard. Il l'attrape par la ceinture, serre,
et tire, alors qu'elle était enceinte de 7 nois. La. ferme a eu mal, elle
a appelé la graro.-mère qui a appelé la bell~ère. Elle est venue ouvrir
la fenêtre. Qrar a voulu la refenner, et, devant l' a~ition dè sa
belle-mère, i l a grimpé sur le relx>rd, en tirant sur l'avant-bras de sa
farme, qui a pris son enfant p:>ur bouclier p:>ur se protéger de lui.
C'est à ce narent que toute la famille est arrivée .. Qnar a pris peur
et a pris la fuite vers BllGERVILLE (il est à signaler qu'entre EINiERVILLE
et Treichville, il y a environ :!.5 kilanètres).
ce qu' Onar raronte de son :iItpIissance au nanent de la dernière crise
ne doit pas être vrai, car sa fille ne lui a rien raronté. Sa fille
n'est pas triste, mais pas très rontente. Elle est en état avancé de
grossesse. Elle danarrle au Ibn Dieu que sa fille aca:>uche et qu'Qnar
guérisse. C'est Dieu qui a voulu la maladie. On ne peut rien faire
rontre Dieu.

73
Qnar n i a certa1nEIDent pas êtê mara1:oub. parce qu' 11 est trop gentil.
C'est Dieu qui lui a donnê sa rralad1e. On ne peut pas lutter oontre
sa volonté, parce qœ, sin l'avait voulu, Qnar serait DOrt aujourd'b.11.
17 JId1t 1979 :
Entretien avec la femœ d'anar, en présence de sa ~e
Elle a été élevée avec lui depuis sa. première enfance, vers sept ans.
Elle habitait avec lui chez son papa, avec les oo-épouses, la narnan d'Qnar
étant décêdêe. Quan:l elle est allée habiter là-tas, Qnar trava111 ait déjà.
Elle ne peut pas dire de qlDi la maman d'<ïrar est DOrte, elle ne sait pas
le rœbre de frêres de s:>n nari, mais elle en oonna1t que.lqœs-uns : un
qran:1 frère et un petit frère, de mÊ!œ ~, de mêrœ ~e. ns habitent
à '1'J:e1chvi.lle, 11s s'enterdent bien. .
Qnar a vêcu avec s:>n grand frère et, quard i l s'est marié, le gram
:frêre venait toujours le voir.
Elle est restêe à Koœassi (chez le père d'Qnar) jusqu'à !Dl rrar.iaqe.
A ce DDœnt, Qnar vivait aYec IDn grand frère. n
ne :parlait pas trop,
n'aimait pas s'occuper des affaires des autres, s'occupait de s::n travail.
n
n'avait pas beaucx>up de copains. n
a des· camarades, mais un seul ami :
El Hidj qui habite à Mjaœ. ns parlaient ensanble et se rendaient visi;te.
Elle sait que cet ani-là est l::on IOur lui, f[Iai.s il ne le lui a p:!S dit.
Le papa d' Qnar avait dalX éIOuses. n s' enterx:la.it bien avec elles.
n
s' enten:':l. bien aussi avec sa belle-mère. Il n'a rien à:>~é IOur le
nari.aje; c'est le papa qui s'est chargé de tout. C'était un l:x:>n nari, ils
ne se di.sJ.:utaient pas. n
lui faisait des causeries d' anour.
lis avaient des rëlR;X>rts à feu près quatre fois par se.naïne. Elle a
toujours été contente. n
a oontinué après ses sorties de l' oopital.
Avant sa. première crise, elle était enceinte de 6 nois, il était trop gentil.
La. maladie est venue brusquaœnt. Qnar est arrivé vers 9 heures du
soir. n lui a à:>nnê sa ration alirrentaire et son argent pJur le noise

, -74
Us se s>nt ooœhês. Vers 5 heures du matin, 11 s'est levé du lit, a
fait quelques pls, l'a ercp:>ignée au cou, lui a fraQ;)ê la tête ex>ntre
le l'lUlr. Après ça, 11 s'est enfui jusqu'au à:lnic11e de s:>n patron qui
l'a fa!t hospitaliser.
Elle a pensê qu'11 êtait malade parce qu'il n'avait jamais fait
ça avant. La maléKi1e, c'est Allah qui l'a èbl'Ulêe. Us n'ont janais w
de' marabout. Qnar est s:>rti p:>ur le baptêne de EKlll fils. Tout le non.de
croyait qu' 11 êtait guéri. Il a repris le travail.
La deuxiàre fois, il est prrti au travail en pleine fonne et on
le raœœ <X:IIiÙètaœnt cl"1au1é vers 11 heures du matin. l i disait
n'1np:>rte qooi; il voulait prerrlre la fuite; 11 criait; on le retenait.
On a appelé son papa. ()land il est arrivé, Qnar a voulu le nordre. On l'a
attaché et on l'a corrluit à B~.
QuaIxl il est EDrti, s:>n a:Jrp:>rtercent serrblait 00I1'llëÙ. n êtait en
oongé, et maintenant aussi. A la troisiàœ crise, ils s'étaient couchés.
Qrar a voulu de la kola, il est sorti en adleter, s'est recou:::hé. Mais
11 a eu tJ:op cham; il est resEDrti, plis s'est recouché. A m:Lnu1t, il
lui a enp:>i.gné les gris-gris qui se trouvent à la ceinture. Elle a
te1lsnent crié que sa. grand~e a eu peur; elle a averti. sa maman, qui
a ouvert la fenêtre et regardé avec la lanpe IX>ur éclairer la chambre.
Qnar est VerD..l vers la f~tre en la tirant. Elle amis l'enfant devant
elle et il lui a nordu le bras et 11 l'a IX>ussée contre le ImJr cù elle
s'est blessé l'oeil; elle p::>rte enoore les cicatrices de la IlDrsure et
du coup. Il s'est ensuite sauvé à BnŒRVILLE.
Elle croit qu'il va guérir, mais maintenant elle est IlDins sûre.
Elle ne sait pas si les maral:outs ~uvent le guérir, mais elle ~se
qœ celui qui rentre deux fois à BINiERVIILE et qui ne S)rt p3.s guéri
(bit ~tre EDigné par les maral:outs.
cette histoire d' iIt"q;uissance c'est faux : trois jours avant, i l
s'était oouché avec elle.
1

7S

20 1d1t 1979 :
Entretien avec le pêre d'Onar, à l'B'pital :
Iorsqu'CDar était tout petit, 11s habitaient Cité du Chemin de Fer.
n n'avait E!l'KX1re qu'une seule êp:)use, qui lui a à:>nnê deux filles et
un garçon décêdês, et trois garçons vivants, le gram frêre d'Qnar, Onar
et BOO. petit frêre.
Dans la oonoession vivaient aussi le frère de la maman, sa femœ,
et ses deux enfants vivants. Qnar était E!'l lx>nne santé et jouait avec
ED'l grand frère. A six ans, 11 est allé à l' écx:>le ooranique et à huit
ans, à l'êoo1e française. n travaillait bien et s'ent:.eD:1ait bien avec
tout le ItDIX1e. Il avait beauroup de carcarades. Sa nanan est norte
en 1970 quani 11 avait onze ans. Il ~ été très triste, Itai:S pas malade.
La maman est norte par les diables, bien qt:e certaines per!Dnnes,
came son gram frère, disent que c'est 1" estanac. Lui a pensé que
c'était les diables. Elle ne p:mvait pas voir le blanc. Elle ne laissait
rien de blarx: dans sa c::!larbre. Quand elle envoyait quelqu'un chercher de
l'eau au robinet, elle demmdait s'il n'avait renoontrê per!Dme, et
quarii 11 répordait si, elle faisait vider l'eau.
I1a dé~nsé p::>ur elle 95 à lOO.CXX> francs CFA de 1960 A 1970.
La gram-i'ŒJ:e de sa femœ avait aussi des ram, mais elle
s'ocx:upait bien d'eux. La nanan d'Onar ne s'occupait pas d'eux et
c'est p:>ur ça que le rab de sa nanan l'a attaquée, et naintenant les
rabs de l'arrière grand""'!Ière maternelle !Dnt sur Onar.
De 1966 à 1969 11 reste cœz !Dn oœle maternel perrlant que son père
est à Abidjan. Perdant le tanps qu'il passe chez son oncle, il fréquente
une barde de jeunes qui ftment le yarrba et boivent de l'aloool. Pax:mi eux,
cinq ou six sont devenus fous et les autres se sont fait renvoyer de
leur travail. Cette barde était cœposée de garçons du quartier qui
s'ac:::c:arpigIlaient de garçons de la ville.
1

76
En 1972, malgré cela, 11 à:>tient s:m certificat d'êtudes. n
trava~le tout de suite cxmœ aide-ex:rmerçant chez M., d'al 11 est
envoyé chez L., plis d'lez S.
En 1969, 1l se dispIte avec son oncle et retourne chez B>n pêre.
Ap1:ès il vivra chez SOn gram frêre.
A partir du nanent 00 11 quitte son oncle, c'est un bon garQOn, qui
a beauooup de bons c:opa.i.ns. n joue de la 1:ra1p!tte : il aàlête un
instnJœnt qui vaut 55.cm francs CFA. Son grand frere aussi est
ttarq:ettiste, et 1ls jouent dans des ord1estres en ville. n sort avec
des filles, mais sans penser au mariage. Très bien oonsidêré, i l s'entend
bien avec tout le IlDme et avec ses "tantes" (c:x>-êpJuses du père). Il
s'entend bien avec M. (sa future ferme), qui vivait d'lez lui de};m.s l'age
de I l ans. Mais i l ne pense pas à ~'épouser.
En 1971, la maman de M. l'oblige à éfOuser un pretemant vieux dont
elle ne veut pas. Ccmœ elle refuse, elle la fait revenir chez elle. On
la marie de force, mais elle refuse de se ooucher avec son mari, jusqu' a-
ce qu'on soit obligé de dEmarrier le divorce. C'est à ce naœnt qu'Qrar
décide d'épouser M. n quitte son père fOur vivre dlez son grand frère.
Ini est très oontent qu 'Qnar êl;x::>use M. et.il arrange le mariage.
n
dorme 3O.CXX) fran::s CFA, plus les frais de quartier (les" frais
de cérérronie). les êp:)ux vont habiter chez la nanan de M. celle-ci avait
été furieuse du divorce, mais le mariage avec Qnar la rem oontente.
la. malaiie cx:mnence fin 1971. ns étaient mariés depuis 8 nois
et M. était enceinte de 6 noise La nuit, il a crié que le sorcier
du quartier voulait le JDéID3er. n
a été chez ses "tantes", puis d'lez
ses patrons, qui l'ont fait donnir d'lez eux et l'amènent à BDliERVILLE
le lenianain.
M. PenSe que ce sont des rabs. n
a deIrandé des gris~is du
safara ·(gris~is : ~ d' amulette; safara : liquide dans lequel
ont baigné des versets du Coran) .
1

77
n y a deux sortes de rabs (rabs - gênies aIO!Straux) : les rabs
musulmans et les raœ n:>n musulmans. Les premiers sont ca.1.rœs avec
les gris-qris et le safara~ les autres avec le ndOp (rituel de
possession d 'or:lqilYa Iebou, dont les Ihases de l'identification du
rab et de la oonstr\\X:tion de l'autel, oonstituent les principaux
nate1ts). Le gris-gris et le safara ayant échoté, la mùad1e doit
être ca~ par des rabs n:>n ImlSU.1mans ou par des personnes qui oot
dO. marabouter Qnar. n pense qu'il a été marabouté (marabouter :
user de prooédés magiques p:>Ur aider ou p:>Ur nuire) par l'ancien
prét:erdant de M. anar, lui, est snr d'être travaillé par l' E!lti>loyé
de cx:mnerœ qu'il a sous ses ordres. Au début, lui n'y croyait pas,
mais, came la maladie dure, 11 pense que s:>n fils a peut-être raison.
Pour les rabs n:>n nusulmans, 11 ne peut pas faire un ndOp, car c'est
déferrlu par la religion~ mais on va essayer un khanb, un ndOpkat (bain
l'autel du thérapeute traditionœl, qui est agent du culte des rabs,
et destiné à faire prerxke patience au rab du rœJade).
0Jarrl Qnar est S,)rt1 de BIH2ERVIU.aE la pnmiêre fois, i l a
pris deux lTDis de roD:Jé et a recamenœ à travailler. n était oont:ent.
Mais un jour, au travail, la maladie l'a repris. La troisième fois,
11 a menacé sa fame~ la fami.lle est arrivée et on 1 'a fra~ de '
trois coups de bâton à la nuque. i l s'est sauvé à BIlŒRVllatE.
Le papa est seul à s'C>CCIJIer d'anar. n se "dérœrde" partout.
Si la maladie n'est ISS guérie cette fois-ci, i l obligera M. à
divorcer pirŒ qu' i l ne veut pas qu' Qnar soit tué à cause de M.,
ni M. à cause d'anar. La belle-mère sera contente du divorce,
parce qu'elle œ veut pas qu'anar continue à faire peur à tout le norrle.
Si la maladie guérit, 1-1. et Qnar viem.ront vivre chez lui, ou
d'lez le grarrl frère. Ccmœ ça, i l sera surveillé et pers:mne œ
);OUrra lui faire de mal.

78
On lui a deman:lê des gris-gris contre le maraboutaqe, nais
jusqu'il n' y a pas lorçtemps il refusait de les garder. Clez roua,
les narabouts, c'est presque ocmne des avocats.
M. refuse de croire que le prêterœnt "travaille" s::m mari; elle
dit que ce sont les diables. Mais il est p::>ssihle aussi qu'Omar soit
fou a cause du YëITIba. le Yamba. est mauvais, parce qu'il brm.e le cerveau.
D'ailleurs, la religion interdit fonnellarent d'en ft.mer. ceux qui
prennent du YëmIba le boivent cxmœ le thé, bouilli dans une cafetière.
Poor le Tamba, ce n'est pas Dieu qui pmit. Dieu a une tolérance,
mais la à:>se de Yamba n'atterxl pas que Dieu lui pardonne p::>ur brlller
le cerveau. L'alcool br\\Ue aussi le cerveau des ITUlSulmans. les
nusulmans œ savent pas la dose. La ma] adie d' Qnar est trop difficile
a s:>igœr car elle a plusieurs éauses : les rabs de l'arrière grand~
maternelle, ceux de la mère, le maralx>utage du préteD3ant et de l'empl.oyé,
le Yarrba et l'alcool.
Certaiœs na]aclies peuvent être soignées par les Européens, d'a:utœs
par les iIdigêœs. les EuJ:opêens sont seuls capables de retl:rer le Yanila .
et l'alcool. Les gris-gris des maralouts détruisent les raœ, les
&>rciers et le mal que font les autres:
25 AoO.t 1979 :
Entretien avec la grarrl-nère et la feme d' Qnar :
M :
La femne ne va jamais voir Qnar à l'hôpital car elle a peur des
lDpitaux, Irène de l 'ropital général. ··iâne le rx:m de l 'lDpital l'effraie.
La première fois qu'elle a été à l' hôpital, c' était quand. son mari l'a
blessée. cette peur provient d'elle et pas des médecins. Elle a peur
des maladies, de n' iIrporte quelle maladie. La Maternité, ce n'est pas
pareil. les fermes qui ont aCOJuché, ce ne sont pas des rralades, elle
ne les craint pas. Elle n'a pas peur oon plus des malades en dehors de

79
l 'hOp1tal. Elle n'a jamais êtê assez malade pour voir le œœcin.
Elle n'a jamais w que le mara1:x>ut. Pour la dian:hêe de sa fille,
elle veut voir le m!!decin, car il y a des cnrpr1mês et des p1qOres.
La grarn1êI'e :
Elle est plus !gêe que le père d'Qnar, mais ils n'ont lBS habité
ensemble, et c'est lui le chef du conseil de famille. Elle veut bie1
parler d'Onar, mais il y a un seul "emœrdaœnt" : elle était au Sérégal
quam il était à Abidjan et il devait avoir lS ans quard elle l'a w
JDUr la prsn1êre fois. n était mince et plus petit que maintenant
(les grands-mêres qui ont des relations de plaisanteries avec leur
"mari" petit-fils, sont três sensibles à leur aspect P1ysique) •
Elle œ sait pas s' il ~rte le rx::m de quelqu'un de la famille.
Elle n'a jamais w un enfant cx:ime lui. Il était três, três, três bien.
n s'amusait seuleuent, la oonsidêJ::ait oc:mœ sa grarrl"'1tè:e, avait pJUr
elle un respect fonnidabl.e. n ne lui parlait que ~ur lui donner des
dons d'aJ:gent. n œ parlait janais trop. ~1aintenant, ils sont dans la
miBêre, car c'est une mal ad i e qui est venue brusquaœnt et ils ne savent
pas qooi faire. Elle a été prévenue du mariage et ça l'a :ren:lue trop
contente. Tout le nome était trop oontent. Elle œ peut dire si on a
voulu narier M. avec un ét.ran:]er à la famille, car elle vi.vait en·
brousse, bien qu' elle vienne BOuvent·à Treid1Vi11e. Si cette histoire
avait eu lieu, on aurait pl la lui dire car elle est la plus âgée,
elle devrait être le chef de la famille. Bien que plus âgée que le
pêre d'Qnar, toute la parole est domée au pà'e. 'lbut le nonde était
trop oontent du mariage, mais il n' y avait pas de griots. Elle et le
père d'anar ne veulent pas voir les griots avec leur t:.arft.-tam. Eux,
ils sont religieux, c'est pour ça qu'ils ne veulent pas. S' i l Y a
les griots, ils vierment le matin de bonne heure, après la nuit de
mce et disent que les nariés ont oouché ensanb1e~ la famille ne
veut pas de ça.
1

.~,
80
IoIX]talipS après le mariage, Q1ar n'habitait pas ici, car la
à1anb:re n' êtait pas préparée. n êtait encore chez son frêre. Au bout
de quatre neis, 11 est venu. n cbnnait de l' al:qent A tout le l'IDl'de,
A sa femœ, A sa belle"'1'lÈe, A sa grarrl1lêre, A son pêre. Mais, quand
11 avait de l'argent, c' était d'abord pour san pêre, bien qu' 11 traite
tout le nonde aussi bien que son père.
La maladie est venue brusqleœnt. Il n'avait nêne pas eu un mal
de tête avant. La pran.ière fois, la maladie a cx:mœnœ vers 11 heures
du soir. Il a attrapê sa fEmœ, l'a nordue, il a pris la fuite, est
passé chez son ~ 00 i l a nordu son peUt frère, s'est bagarré, puis
est allé chez ses IStrons. La deuxiàœ fois, c'était le sept1àœ jour
du Ranadan (donc jour de je1lne). Il est revenu de la lx>utique, a
trouvé toot le norrle dans la CXJlŒSsion. l i a forcé le grand frère
de sa femne A boire de la linoI1ëde, mais ne s'est pas bagarré. On a
voulu le rarœner à BlNiERVILIE. l i a fallu le ligoter. La première
fois 11 est sorti de BlNiERVILLE pour le baptême. '!but le nonde était
CDntent. On a donné A la petite fille le IOn de la petite soeur de
nêœ père qu' Qnar, qui a fait des cadeaux, qui a cbrmé le grand et le
petit pagœ, trois robes et des 1x>uc1es d'oreilles, et qui a:mtinue
à donner des habits à la petite fille (la tradition veut èJue l'enfant
prenœ les sept qualités de son b:Iron.yIœ. Entre les deux une relation
d'affection s'établit. L' h:::Ironyrœ ooit répondre à l' honneur qui lui
est fait en prodiguant des cadeaux à l'enfant et à sa famille. A son
tour, plus tard, l'enfant traitera avec 'lm respect particulier s::m
haronyne). La troisième fois, i l est venu perœnt la nuit. l i est
resté rouché perDant cin:;l minutes puis est sorti une demi.-heure,
est revenu dix nrinutes et a voulu res&>rtir. sa femre lui a dit
"'lU es déjà sorti deux fois, ça fera la troisièrœ, tu sais bien que
b.1 es malade et que la nuit c'est nauvais IX>ur toi" (à cause des
esprits qui. rOdent). !1algré cela i l est f'Orti. Quand i l est revenu,
1

81
sa femœ doxrna1t. Au bout de c1Iq minutes, 11 l'eup:>1gne a la
ceinture par les griB-<Jrls. n ne veut pas ~rxh:e à ses qœstions.
Elle a~le la grand-œre qui •••• (à partir de U, version identique
à celle de M. et de sa œre).
Tout ce que dit Qnar maintenant, c'est faux. Elie croit qu'il
est à l'lDpital et c'est tout (il s'était sauvé dep.rl.s trois jours,
mais elles n'en ont rien dit) •
Elle est três agêe, mais elle n'a jamais w de maladie cxmœ
celle-là. La feltlte de son petit frêœ a été ma] ade un peu cxmœ Qnar,
mais on l'a fait guérir à BnŒRVn.J:.E. ]\\~s Dieu, c'est l'hôpital
qui reste. Ces àloses-là, c'est la maladie, on ne peut pas savoir.
Pour la fsme de san petit frère, c' était peut-atre les rabs, car
Us parlaient. l-Bi.s p:>Ur Qnar-on ne peut rien dire. <il le net à
BlNiERVILlE et au balt d'un t.arp; il guérit. Si c'était les raba,
i l ne guérirait pas cx:mœ ça. Pour B. (la femne de SCI'l petit frêre)
on avait tout fait. <il avait été voir des marabouts. Ce peut être
500 ou 5.CXX> francs CFA. A BnŒRVn.J:.E, ils ne pa1ein'. pas .tant.
Aussi tout le rronde est content de BlNiERVILlE. '!bus les Ivoiriens.
Avant, elle avait peur que B. soit perdue . Maintenant ça va mieux.
Elle croit que c'est à BnliERVILLE qu'on peut guérir Qnar. Peut-atœ
aussi les narabouts, ou les guérisseurs, mais ça regarde le père.
Et prls les malades jettent leurs gris-gris. cette maladie les
a beauCXJUP ét.c>nnaes.
Discussion :
i l n'entre pas dans mtre proIXJS de réaliser dans ce chapi.tre
néthodologique \\ll'le analyse détaillée du oontenu de ces entretiens.
Nous voulons siItplarent nontrer que l'impact des attit'IDes
prescrites par l'age, le sexe ou la IXJSition dans le groupe familial,
sur le oontenu manifeste des réponses; nous oblige oonstamrœnt à
piSSer au oontenu latent, par \\ll'le sorte de traduction du disrours.

82
Nous avons tour A tour interrogê les c:x>-êpouses du pêre d' Qœr ,
sa be1l~re, son épouse M., le pêre d'anar, et la grarrl~ de M.
les ~pouses, œ se sentant auamement mises en œ,use par la
maladie, refusent pratiquerœnt de rép:>rm:e. La Iœre d'Qnar étant
ucrte avant le mariage, i l Y a ~u de chance qu'on les accuse de
maraboutage, p.U.EÇl'elles n'ont aucune raiscn d'être jalouses.
Elles n'ont donc A manifester ni une excessive bienveillance, qui
~ait se:nbler suspecte, ni \\ID gram intérêt, qui. serait malséant
poor des fames. lbus ne tirons d'elles que des Ptr'ases stéréotypées :
"La mala:1ie, c'est question de rabs ou de maraboutage, et Irène de
la sorcellerie", disent-elles. les rabs se transnettent le plus
~uvent en lign§e mateme11e, elles peuvent sans hésitalion porter
ce diagnostic, qui en fait ne les ooncerne pas. Elles ~uvent.
êgalaœnt sans crainte parler de maraboutage. Nul..œ les accuse
et elles n'accusent persorme directement. Tout au plus laissent-elles
un doute s'insinuer dans l'esprit de leur interlocuteur. Peut~tre
quelqu'un a-t-il pu trouver \\ID int&êt A ce maraboutage. Qnar était
ta.ljOUL' ca..l.ne et gentil, toujours généreux. Elles n'ont pas eu A
s'en plaindre, c'était un jeune hame·qui. rêporx1ait aux oorrres de
la bonne éduœ.tian. En le décrivant ainsi, elles rerrlent hamage à
sa famille et se parent oontre toute .accusation . Pow:qlDi auraient-elles
agressé \\ID garçon aussi parfait? Ells ont pitié de lui car i l est
"marié et père de famille". Elles ne manifestent à ~ êgard que des
sentiIœnts altruistes. Elles se nontrent irréprochables.
La bell~re prend oonventionnellaœnt l'attitude d'assistance
requise. Parente d' Qnar en lignée paten1elle, elle se trouve
cult1lrellsœnt dans l'obligation de le prendre en charge en nâre
tanps qœ tout le grou~ familial. le nariage avec sa fille était
bien "car c'était un parent". i l entre dans le cadre de l' ~e
restreint (mariage avec la CX)\\ls:iœ croisée patrilatérale), qui est
la deuxiàœ fonne de mariage préférentiel.
Par définition, il ne

83
peut etre que bênêf1que. Mais nous appren:h:ons, au travers d' autœs
entretiens, qu'elle a prêcis&œnt marié de force sa fille avec un
rD.1pirant qui n'êta!t pas un parent et que le pêre d' Qnar accuse de
marabouta1e. Insister. sur la valeur du seoord mariage de sa fille,
c'est se ~ir cxmtre les accusations de maraboutage. "La maJad1e,
c'est DieU seulement". Ni elle ni sa fille ne peuvent se pmœttœ
de fa1xe awe1 ouvertaœnt aux marabouts, sous peine d'être suspectées
d'essayer de réparer le mal qu'elles auraient causé. Porter le
c1i.agwstic de rabs, c' est rat~ Onai- à sa lignée maternelle. Or,
IDUS verrons par la suite qu'il est, p:>ur la grard-mêre piterne11e,
l'enjeu d '\\me lutte de prestige avec le ~re. Porter d'autres
diagnostics d'agression JIrpliquerait qu'elles prennent directarent
Qœr en charge en le faisant s6igner par des guérisseurs. Or, elles
n'en font rien. Si Qnar est entre les mams de Dieu, rien ne peut
~ tenté. L'hospitalisation ne devient pas une dénission, mais la
seule solution p:>sSib1e. D'ailleurs, Qnar est un parent et "un parent,
on le suit jusqu'au bout". Nulle ne songe à éviter de ~ir ses
devoirs. Qnar est un parent "il n'est pas question de divorcer".
D'ailleurs, "personne n'y pense". El1ès sont came les oo~uses,
sans reprocile. Elles ne EK>Iqent pas à abandonner Qnar. Si quelqu' m
pensait au divorce ce serait &:nc 1e·père et cela signifierait qu'il
leur est b:>stile (IOlS verrons que le père songe effectivenent au
divorce). La belle-mère à:>rme une version des crises dans 1ë.qUe11e
il est uniquem:mt fait mention des violences infligées à sa fille
et IPIl de celles que la famille a infligées à Qnar. Elle et sa fille
se protègent ainsi de toute accusation. Elle dit qu'Cknar était oonnal,
parlait peu, s'entendait bien avec sa fille qui était satisfaite.
Il la respectait cx:mœ sa propre mère •.La belle-mère insiste sur la
qualité des relations qui. s'établissaient entre son beau-fils et
sa famille. Nul n'aurait pu ne pas l'a.iIœr. Son ~rtarent n'avait
1

84
donc aœune raison de soulever l' k>stilité de sa famille par alliance.
Ce n'est qu'une fois malade qu' 11 s'est nontrê violent et persame n'a
rêpordu A sa violence. La belle-r-lère dame d' elle-1'lêne 1 '1na.ge que
l'on est œnsê atterilre Rien ne transp:lra1t de plus persame1 au
niveau manifeste que l' affinnation un peu trop véh&œnte : "personne
ne pense au divorce" ~ nais celle-ci peut enoore entrer dans le cadre
de l'attioœ trëd1tionnel1e qui consiste à ne pennettre auo.m jugement
à un é~ : les prob1àœs familiaux ne ooncernent que la famille.
De la femœ d' Qnar, à qui le respect cxmnande de ne pas oontredire
sa rnè:œ, l'X)US obtierrlroos des rêp:>nses à peu près identiques. Ccmœ
sa mère, retenue par la crainte d'être suspectée de maraboutage, elle
dame de la malëd1e la version: "c'est Dieu seulerœnt". E1evée avec
.
lui dep.ti.s l ' âge de 7 ans, elle ne peut rien dire de lui que : "11 ne
parlait pas trop, n'aimai.t pas s'occuper des affaires des autres,
s'occupait de oon travail~ 11 n'a pas beauooup de cripains et il a
un seul ëmÙ; i l s'enterdrlt bien avec tout le ItDl'de". Persorme autour
de lui n'a pu lui en vouloir puisqu'il était discret et CCI'lciliant.
"c' était un ben mari", ils ne se di~taient pas et il lui faisait
des "causeries d' anour" ~ ils avaient des rapfOrts "à peu près quatre
fois par semaine". Elle était "très oontente". Leurs relations
étaient hamonieuses : elle ne peut donc pas lui vouloir de mal.
Qnar ayant nentionné une :inpu.issance causée par la jalousie de sa
ferme, elle proteste, sans trop de véhénence, FOur fie pas donner
l'iIrpression que cette accusation la touche, nais suffisarment FOur
ne pas dormer à Penser qu'elle l'aurait marabouté pour se venger.
Sa version des crises est identique à celle de sa mère. Il n'est
faitrrention "qu'en passant" des violences de la famille. Enoore
iIrpliquent-e11es le père d' Onar. C'est parce que son fils l'aurait
ItDrdu que la famille l'a attarné pour le conduire à l' hôpital. Elle
œ parle pas du soupirant du premier mariage.

85
le pke, au (X)\\JJ:'8 de l'entretien, se rrcntJ:e t::rês 0l1W!rt et
ooopêrant. Sa femne êtant ltDrte depuis 1algtertp, 11 SElli:>le qu' 11
ait pris en d'large Onar, tant matériellement que noralement. Cette
prise en cbuge aurait dn êtœ partagée pu' le frère de la mère.
Mais entJ:e œlui-ci, représentant de la lignée maternelle d'anar
et le père, le désaexx>rd paraIt profond. Le père d '()nar ne tente pas
de masquer ce dêsaooord. IbmqlX>i le ferait-il? Sa femne est dêa!dêe,
il siest remariê ~ entre la lignée paternelle et la lignée maternelle
1 ' a11 ianoe peut être I:ŒPUB. Mais le père le souhaite-t-il vrairœnt ?
En &œttant li hypothèse que Bal fils est victiIœ des rabs de son
arrière grard."'1tlêre et de sa œœ, il rejette la resp:msabilitê de
la malëdie sur 1.a famille maternelle d 'Qnar. se rœttant ainsi
hors de cause, il &:>ustrait en nêœ terrps BŒl fils à 1 '.influence
.
de sa he]] e-famille qui représente, nous le ver.rons dans l' entœtien
avec la grand-nère, une nenaœ pour son autorité. Mais ce n'est pas
seulanent la fëmille matemelle qui p:>rte la responsabilité de la
ma] ad; e, c'est l' oocle, en tant qu':1ndi.vidu, puisqu'il a laissé
Qnar fréquenter un groupe de jeunes qui. fumaient le Yanba qui rend fou.
L'lDstilitê à l'ê:Jard de l'cncle est ~ qœlqœ sorte neutralisée
par le fait qu'al 11 accuse de cpalque chose qui. n'entre pas dans le
cadre de la traditien. n ne s'agit pas de répondre à ses fautes
par \\.ID reraboutage, puisqœ ces fautes relèvent de 1 'mlivers
raticnnel de la nodernité : "Dieu a \\.IDe roléranoe p:>ur le Yanba,
1
mais la à:>se de Yarrba. ni atterd pas que Dieu lui paiCbnre p:>ur
brlller le cerveau".
En inputant en nêre tatp; la maladie au
maraboutage du prétendant que M. a hunilié après \\.ID mariage
qœ luilêrœ ne désirait pas, i l rejette aussi \\.IDe partie de la
faute sur la belle-famille. C'est parce que l'on nia pas suivi ses
conseils que sen fils est rralade. Une fois encore, c'est la
cx:nste1lation de sen autorité qui fonde l' étab1issarent de son diagoostic.

86
n ne fait pas nention des violences exeroêes sur M. et 8CI'1 grand
frère. l i ne parle pas IXm ~ des norsures qu'Qnar aurait infligées
a BŒl père ou l son petit frêre. &1 :revanche, il rélCXJl'lte que quelqu' ln
de la belle-famille l'a asEKJnê de trois CX>\\JPS de b!ton sur la n'l.XJl1e.
l i aff1IIœ avec feoneté que si la maladie ne finit pas il obligera M.
à divorcer. D'ailleurs, ajoute-t-il, la belle-mère sera satisfaite
de ce divorœ, car elle ne désire pas qu'anar continue à terroriser
la famille. l i est catégorique: dans tous les cas, Qnar ne retournera
pas dans sa belle-famille. O1ez s:>n père, ou chez son grand frêre, il
sera plus en sêœrité. l i te.Irpère ceperrlant quelque peu les diverses
acx::usations portées en acceptant, panni d'autres, l' hyp:>thêse d'un
maralx>utage par l' arployé d' Qna.r. les accusations de maraboutage ne
sent forulêes que contre des inflividus suffisamrent lointains pour
qu'on ne puisse pas penser qu'ils n'ont en fait agi qœ pour se venjer
1
i
!
d'un maraboutage préalable du père.· En érœttant quatre hypothèses
CXXltradictoires quant à l'étiologie de la maladie de son fils, i l
peut e:xpriIœr BŒl l'x>stilité à l'égard de l'oncle d 'Qnar (le Yanba),
1
1
l'autoranie d' Qnar face à sa belle-famille (les rabs de la famille
j
maternelle), les conflits d'autorité entre lui et la belle-famille
1
(le maraboutage par le préten:iant) en les déchargeant queique peu
de leur valence de danger (le maral::outage par l'employé d'Qnar).
l i peut égalarent fournir une raison valable à l' oospital i sation.
Après avoir, au cours de l'entretien, insisté sur le fait qu'il ne
1
recule pas devant les prises en dlarge qui lui incxrnbent (argent
1
dépensé durant la malaiie de sa femœ, dot, consultations de thérapeutes
1
traditionnels), il distingue les troubles êbnt la an:e incx:ITbe aux
maraJ:x>uts : rabs, oorciers, rra! qœ font les autres, et ceux dont la
cure i..ncx:Irbe aux thérapeutes occidentaux : le Yamba, l'alax>l.
De cet entretien, fort ricœ, ressort au premier plan une oostilité
assez grande à l'égard de la belle-famille, qu'il expri.rre en majeure

87
partie par la man:1pllation des s1gn1fiants cultuœls, que nous
dêcr1rons plus loin. Sa bonne foi ~ pouvant être mise en cbute,
8CIl assistance 1 l'égard d' Qœr dêbordant la Hmite de ses devoirs,
i l n'est pas mis en cause par la maladie. n p:>ae les autres en
ocupables et peut se peonettre de l'exprirœr nêœ 1 un étranger.
La grand""fOère parle d'Qœr avec tendresse et ent1x>usiasrœ,
rêporxlant l l'image que l'al se fait des relations grands-parents/
petits-enfants. Pas plus que les autres nerb:œs de la belle-famille
elle ne peut accepter l' mterprétation par les rabs en raison de
l'aut:cncmie qu'elle oonfêre à Qnar par rapp:>rt à sa lignée paternelle
dalt elle fait partie, ni celle de naraboutage, qui ri!qUerait
d' 1npliquer directsœnt sa fille et sa petite fille. Elle dame
.
la IIèœ inteJ:prétation de la "maladie". Elle insiste sur les
. violences qu'Qnar a fait s1bir l M•. et 1 90ll grand frêre, sur celles
qu'il a fait s\\bir l sen propre frère, mais elle d'lerche l taire les
violenœ'3 que sa propre famille lui a infligêes en retour ("il a
fallu 1· ligoter", dit~lle cependant). Elle tente de nier le pranier
mariage de M. Igmrant ce mariage, ell~ essaie davantage d'asseoir
s:m. autorité que de CDUVrir sa fanille. Elle n'a pas été consultée;
le mariage n'a <Dnc pu avoir lieu. cependant, elle attaque les griots,
en expliquant qu'en rais:>n de le.rr piété, le père d' Qnar et elle-nêœ
n'ont pas voulu qu'ils assistent au mariage. le lendemain des noces,
les griots viennent ann::>noer que les époux ont CXl1'1SCI'Œtlé le mariage.
<il retrouve ici l'écho du scandale produit par le premier nariage,
n:>n ooIlSClllIé. En dépit de l'affection qu'elle manifeste à l'égard
d'Onar, elle lui reproche plus ou noins ouvertarent d'être plus
attaché l sen père qu'à sa belle-famille : tlQuand il avait de
l'argent, c'était d'abord PJur s:>n pèretl • La plus ancienne de la
famille paternelle, elle aspire à en devenir le chef. Elle ne ~rd1e
pas à masquer s:>n b:>stilité PJur le père d' Qnar, qui a usurpé la plaœ
1

e8
",. ,
qui lui revenait de. droit. Puis;rue celui-ci se pose en d'lef, c'est
lui qui doit pren:lre en àlarge sen fils (peut-être les marabouts
peuvent-ils le guérir, mais "ça regarde le pêl:e"). ceperx3ant, si
la famille a oonsenti A laisser l' hOpital se charger d' Qnar ,
c'est que rien d'autre ne peut ~tre tenté. Elle est très !gée,
mais 11' a jamais vu "de maladie came celle-1A". C'est BnŒRVII.LE
qui peut quérir Qrar. U. à BOn tour justifiera l'abandon dans lequel
elle laisse sen mari en n'allant pas le- voir, par sa peur des hôpitaux.
Ce sont les blessures provoquées par Qnar qui l'ont a:>nduite à aller
CXXlSulter dans un hôpital pour la pranière fois de
sa vie. ~21s tout
1
ce qui a trait à la malëdie dans le cadre des ~itaux la terrorise.
t1
1
Dans cet exemple, nous avons dlerd'lé à nontrer qu'en raison
l~
IIêœ des statuts et des attitudes prescrites, l'événe:œnt traumatisant
1
j
que constitue l'apparition de la folie dans une famille d::>lige chactm
1
1
à se r~s·tœr par rapfOrt au maléKÏe. De ce fait, l'étude du changement
l
ne peu+·~tre Iœl'lée à bien que par des re<X>upaœnts de représentations
1
en app:.:.- ,""nce extrêIsllent rigides, qui serblent servir entre autre à
~1,
masquer aux yeux de l'étranger l' exi.stènce des tensions in.ter et extra-
.Jj
fam:i..liales. Nul ne pouvait livrer le noindre fait sujet à rol.lpÇon •.
1
C'est en prêtant attention aux plus infines détails et en dérodant
~1
l'ensanble du discours que le d'l~ur peut être à n✠de CXlTprendre
:i
l
ce qui se passe effectivarent et de rresurer le décal,:ge entre la
1
fonction des systèrœs de représentations dans la société traditionnelle
1
et dans la société en transition.
1
l
l
Cette analyse ne se situe tout au plus qu'à un niveau psyd1o-
~
1
sociologiqœ~t:hrx>logiquesœmaire. l«:>us n'avons en fait que retracé
à des fins d'illustration un tableau succint des relations familiales.
1
!
la place d'Qnar n'y apparaît PaS c1.a.i.rercent, ~ien qu'il serrble avoir
1
été l'enjeu de luttes de prestige entre sa. famille d' origiœ et sa
~
!1lt
1
1ij
1

89
famU1e par al11arv:e, toutes deux relevant de la nêne 11qnêe paternelle.
Dans la belle-fmnille, la tDlêranoe à l tégard du nalade apparalt
davantage cxmne la marque de la rivalité à l tégard du père que cx:mœ
celle dt un vêritable intérêt. Pour aucune des persomes interrogées,
Qœr ne SE!Il'iJle rêellE!lnènt au centre des prêoocupations ou du disoours.
En fait, la maladie a actualisé les oonflits sous-jacents.
()l'elle s:>it le produit de fautes vraies ou suwosêes de certains
lllBIbres du groupe, ~ t de la Itère au culte des rabs, rauvaiBe
êc1ucation de l' orv=le, mariage ~ de loi., la malad1 e transfonœ Qnar
en "êterx3ard" de la faute. Devant le malade, la famillE:' "St rrenacêe.
C1aclm est obligé de se justifier, de renforcer sa p::>sition. cette
justification st organise autour de lui, s1n:>n en fonction de lui.
Peut-être cela peut-il être cxmsidéré a:mne un des facteurs de
l' ex:b::êne tolêranœ à l'égard du "Zou", qui, en dépit des transfoJ:Inations
sx:iales, senille persister, en partie tout au IlDins.
1

90
"
1
1
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1
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J
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CHAPITRE
III.
,1

92
PSYœIATRIE EN AFRIcm: mIRE.
A. DESCRIPl'ION.
la. psychiatrie en Afrique Noire reste et restera er:core
pendant un certain tanps le parent pauvre de la nédecine.
Quel est en effet le degré dl urgence dl un progranrœ de lutte
contre les na] adies rœntales, cœpte tenu des rémissions spontanées
de ces ma] adies, dans un pays où la nortalité infantile et les
endémies infectieuses font des ravages oonstants, où les malnutritions,
11 analphabétisrœ et le paupérisme sont encore tellement iItp:>rtants
qu 1i l apparatt imnédiataœnt en clair qu 1i l faut ccmœncer par
lutter contre ces œlamités et ces fléaux si lion veut réellement
prarouvoir la santé totale, physique, rœntale et sociale des
p:>pulations de ce pays.
cela dit, la rraladie psychiatrique en Afrique Noire ne sanble
pas plus rare que dans les pays dits "développés". Mais i l y a peu
dlhôpitaux psychiatriques, et si les traitanents chimiques et
électriques des maladies mentales sont efficaces en Afrique Noire
came partout ai.p.eurs, il faut ici les compléter par des méthcx1es
de psychothérapie convenant à la culture et à 11 âIœ africaines.
En Afrique, les naladies mentales ont \\ID profil particulier.
la. folie, pour 11 Africain, relève traditionnellement de trois
causes: un sort jeté par un déron, le viol dlun code rituel
(tabou) ou une cause organique (généralement un emp::>isonnerœnt) •
L'hame qui soigne ces "fous" est soit un féticheur (sorcier
animiste), soit un guérisseur, habituellement un nonothéiste
mararout islamique ou évangéliste d'une secte souvent inspirée
du christianisme.

92
I.e féticheur utilise uniquaœnt le surnaturel came remêde.
Il n'explique rien au malade, mais ordonne une série de sacrifices
rituels expiatoires... et conteux. En veillant sur le malade dans
sa
case, le féticheur exerce en fait surtout une technique de
'-maternage", skurisante, généralement efficace pour liquider la
plup:lrt des. angoisses.
la. fome de thérapeutique pratiquêe prr les guérisseurs,
prêtres ou prQIilètes, est plus efficace. ceux-ci sont gênêralaœnt
nenbres d'une religion ou d'une secte nooothéiste, le harvisre prr
exarple. Le ha.rvisrce est une secte fondée au siècle dernier prr
William Hadde Harris. ce ~ir, élève de missionnaires protestants
au Libéria, parcourut la cOte ouest de l'Afrique en faisant des
adeptes qu'il baptisait, tme croix à la main, en brOlant leurs
fétiches.
Ainsi, le prq;ilète harviste Albert A'IOiO, en COte d'Ivoire,
dirige un "village fSYChiatrique" dont l'efficacité n'est PaS
cootestée. ses néthodes thérapeutiques sont tout à fait déferrlables.
Le proIilète exerce d'abord une fonœ de ~érapie.
Le malade "confesse" son passé et se repent, en préseœe d'tme foule
n::rrbreuse et d'un infinnier en blouse blanche. cette confession est
anxiolytique en elle-uête. De plus, elle est transnise par
télégrarmE! à Dieu qui Peut donner tme absolution par l' intennédiaire
du prqilète.
A'IOlO ordoI1l'E ensuite à son malade de s'asperger matin et soir
cl' une eau lustrale, préparée avec des racines qui lui donnent un
.
aspect savonneux. cette pratique a son cOté utilitaire: le nalade
est en fait lavé par un infinnier. Les yeux ootamœnt, souvent
infectés en Afrique, sont ainsi nettoyés plusieurs fois par jour.
M:ri.s on perçoit également son aspect mystique: effacer les péchés;
et sa oote symbolique: l'eau, signe de fertilité et de fécondité,
est nécessaire à la vie.

..
93
En outre, les oorditions du traitanent favorisent les relations :
elles sont sociothêrapiques .• I.e prophète ne soigne pas le tœlade
sous son pJ:opIe toit. C'est le danicile du malade qui, dans un village
artificie11eœnt crêê, est installê près de la maison du guêr1sseur.
Dans une ambiance sociothêrapique sêcurisante, le malade devient
[
1
plus rêceptif à la psycOOthérapie, c'est-à-dire à des entretiens
p8i'clx>logiques, 1.rrlividue1s ou en groupe, alors qu'un Africain rxm
1
êvo1uê, rosplta1isê dans un êtablisserœnt psychiatrique classique,
risque, 1rr:>ocupê et iso1ê, de s'aliéner encore davantage.
1
Instal1ê rour un temps irrlêteJ:mi.nê dans ce village oü les
1
familles occupent les cases vides, ou en a>nstruisent de oouve11es,
1
le malade, tout en suivant son rituel thêrapeutique, danarx1era
1
bientOt à participer soit à des travaux ItÉnagers, soit à des travaux
1
agricoles ou de pliche, sous la corxIuite d'A'IOD, qui sait alors se
·t1
transfonœr en un excellent nomteur d'ergothérapie pour nener ses
1
1
êquipes de planteurs ou de p@cheurs au travail.
!1
1
Le Professeur Henri CX::>:LILM3, clEf de service de l' HOpital
1
psyc1ùatrique de Farm, à Dakar, reuarque que IX'UI' l'Africain, il
y a deux origines p:>ssibles aux troubles mentaux: les esprits et
1
les lnrmes. Les esprits peuvent agir soit en retirant quelque clx:>se
1
du corps (et en diminuant de ce fait la force vitale), soit, au
1
contraire, en introduisant dans le corps quelque chose de nuisible
J1
ils IIp:>ssèdent''.
tl11
L'agression vient toujours de l'extérieur. Le malade n'est pas
r
of
1
responsable. La famille mn plus. Il n'y a pas de culpabilité et le
malade mental n'est jamais rejeté de la famille, ni de la société.
1
1
Il ne suscite ni peur, lni malaise, ni agressivité. On cherche
1
seulement à le soigner, en pensant que tout malade peut être guéri
j
J
si on découvre les agresseurs qui ont suscité le mal et si les rites
1
p:mr agir contre ces agresseurs sont accomplis.
l.j
i1i
1
\\

94
le guérisseur pose le diagnostic avec l'aide des esprits
qui le guident et le oonseillent. Puis il xret en oeuvre la
thérapeutique (bien entendu magique) oorrespondante.
le Professeur 'Itaras A. IAMBO, directeur de l' HOpital
psychiatrique d' Abeokuta, a réussi à xrettre sur pied depuis plus
de dix ans au Nigêria une annature psychiatrique très rercarquable,
rnn seulanent adaptée à l'Afrique et à ses besoins mais d' avant-garde,
dans la mesure où elle préfigure \\me psychiatrie sociale et
"cxmm..mautaire", famée sur la mtion de "secteur protégé", qui
cxmnence seulanent à naitre dans les pays occidentaux, et
~lt aux yeux de bea.ucx>up cx::mre l'avenir de la psychiatrie.
Or ce systèrœ englobe les guérisseurs traditionnels. Tout en
recxmnaissant qu'il est difficile d'évaluer la valeur scientifique
1
de le.Jr travail, le Professeur IAMBO a <:XIIpris et senti - en
1J
Africain - que leur oonoours était ilXlispensable, dans l'état
i
actuel des clx:>ses, et, en effet, une telle association peut
1
SEmbler cOOquante au praticien occidental qui œ cormait pas le
visage particulier que la "folie" prerrl en Afrique.
1j
1
Un autre exerrple de ool1.alx:>ration mérlecin-guérisseur est mis
i
en oeuvre par l'équipe du Professeur OOLI.!M3 à l'Hôpital Fann, à
1
IBkar, au SénégaL A Farm, les sorciers viennent assister aux
1
séances de "pi..Ix::h", uœ fo:rrre particulière de thérapie de groupe.
Le "pinch" (en W:>lof, ce net signifie: lieu où les cooses se
j
disent) est une recx>nstitution à l' hôpital d'un groupe, selon
j
l
1
l'organisation des villages traditiormels. Il ex>.rrprend environ
1
~ malades. Il est dirigé par un chef et son auxiliaire, et CCITq>rerxl
t
un secrétaire, uœ pri..Ix::esse, un dép:>sitaire des scierx=es occultes,
un chargé de la terre et des eaux, un dirigeant de prières, un
1
instructeur, un chef de protocole, un dép:>sitaire du taIn taro
1
traditiormel, etc ••.
1

9S
Le pinch se réunit le l'lIU'di pour accueillir les entrants
qui, retrouvant a l ' hOpital des structures analogues a celles de
leur village, ne salt pas traunat1sês (ce qui est souvent le cas
avec l' internerœnt classique), et le vendredi en rêun10n thêra-
peutique. Chacun parle de sa maladie, de ses probl.œs, ses
ran:x>eurs, ses reproches vis-à-vis des autres ma] ades, ou du
personnel soignant. ~ conflits se dess:iJ1ent; l'agressivité
se libêre, des synthèses se nanifestent. ra force du groupe,
parfois surprenante, aide à la fois au diagnostic et à la
thérapeutique. Ainsi, un nalade agité peut être calmê par le
groupe qui le matel:ne, le supp:>rte, l' enve1QR?e de chaleur
hutaine ••• Et dans ce groupe, le sorcier, dépositaire tradition-
nel de ~irs magiques, joue un rOle jnp:>rtant.
L'Europêen, êvidemœnt, en ce qui le con:::eme, a t:el'ldaroe
à considérer ce recours à des forces occultes ou surnaturelles
avec un petit air de supériorité, et ocmœ le rappel d'un passê
lointain 00 lui~ attribuait aux m]adies et surtout aux
naladies mentales une origine mystérieuse et une intentionnalité
ualveillante. Mais ne demeure-t-il pas actuellanent eœore
secrètaœnt jnp:"êgné de cette pensée magique ? SOn besoin
d'investir sa confiance lorsqu'il est par exanple nalade
n'est-il pis, en définitive, le nêœ que celui de l'Africain,
l'un croyant un peu plus en l' esprit du mal, l'autre - l'Européen -
croyant un peu plus en l'esprit de la science, mais l'un et
l'autre ayant surtout besoin de se référer â une autorité dont
le pouvoir absolu, magique, confère sécurité et t.rarxpi.llité
d'esprit?
Ccmœ l'a écrit le Professeur R. AMIEL (51)
: "Ne mettons-oous
pas d'ailleurs dans oos diverses entreprises thérapeutiques une
put considérable d' "intuition clinique", afin de cx:Jnpenser la
(51) R. AMIEL : Paris,
Rubrique MMicale de la saraine du
9 au 15 décembre 1973, nO 292.

· .
96
nette insuffisance de IDS noyens en psychiatrie, ron seulement
parce que ll:)S malades ont besoin de croire en leur nédecin, rrais
parce que le mêdecin lui'"1tê:œ ooit êga1ement croire en quelque
chose, par exerrple en l'efficacité d '\\D'le thérapeutique qui n'est
pas enoore rigoureusement awrêciée et vérifiée ?"
Malgré ces quelques traits de ressanb~, les différences
entre la façon occidentale et les rrani.êres africaines de traiter
les malades nentaux sont très sensibles. Toutefois, avec
l'acculturation occidentale de l FAfricain et l'augmentation
progressive du ranbre de vrais psychiatres africains, arrivera
bien le jour où il y aura aussi peu de différences entre la
psychiatrie europêenne et la psychiatrie africaine qu'il en
existe actuellanent entre la psychiatrie euro~ et la
psychiatrie oord-anéricaine.
En attermnt ce joor, les malades africains et leurs familles
oontinueront - les premiers en absorbant des neuroleptiques et des
traJxIuillisants souvent payés au prix fort - à frêquenter le
guérisseur indig~, dont la puissa.rx:=e de suggestion alliée aux
thérapies de groupe et aux thérapies par le milieu, est d'une
ef'*:icacité qui ne peut être ni igmrée ni négligée.
Le guérisseur, sorcier, ou "native àJctor" africain appara1t
donc en quelque sorte cc:mœ un ami-praticien qui utilise des noyens
adaptés au milieu et qui souvent exerce une fome de "psychiatrie
camn.mautaire" enoore peu répandue en Europe, où, jusqu'à présent,
les traitanents psychiatriques se font surtout à l'Hôpital
psychiatrique et en dispensaire public. Or cette psychiatrie
camn.mautaire, où une petite équipe hautarent spécialisée prend
en charge les problàœs de santé mentale de la p.:>pul.ation de son
secteur géograIirigtE, cx:mœoce à peine à faire ses preuves chez
rr:::>us en Europe, rr:::>tan1œnt en découvrant les vertus des traitements
à danicile et des thérapies familiales, abaissant ainsi d'une
façon rr:::>n négligeable le n:mbre de malades oospitalisés en Mpital.

97
Or ,c'est bien une vêritable psychiatrie cxmrunautaire
que le Professeur LNtB) a organis& dep.11s plus d'une d.êœnnie
a Abeokuta au Nigêria, en incorporant des guérisseurs indi9'ênes
dans son dispositif de soins aux nalades mentaux, et c'est ce
que le Docteur
ABBE
tente de faire a Bingerville en COte d'Ivoire.
les malades qui arrivent au setVice psychiatrique de
l' HOpital Fann viennent priœipalaœnt de la rêgion de Dakar,
mais aussi des autres villes du Sênêgal.; il n'est pas rare de
voir un nalade qui vient de faire 600 kilaœtres pour consulter,
accarpagné d'un ou plusieurs membres de sa famille.
Si la plupart. peuvent s'exprimer en WOlof, langue oarprise
par les infil::miers et les étudiants africains, nais aussi par
certains méiecins européens, d'autres, Peuls, Toucouleurs, ne
parlent que la langue de leur ethnie et le discours entre eux
et le mêdecin français s' êcalle plus ou noins facilaœnt à
travers une cha1ne de traducteurs bénévoles. C'est ainsi qu'on
awrem que depuis quelque tarps Fatou ne parle plus et ne veut
pis manger, ou que N' Deye a é~ saisie par les rabs et qu'elle
se pl:aDène de case en case en touchant à tout. le nanque de
respect aux traditions sociales est souvent un node d'entrée
dans la maladie; d'autres fois, ce seront des troubles de la
fonction alimentaire, des uoubles de la 10000000tion, des troubles
sociaux, des troubles sœatiques diffus, des rêves, des visions,
des voix, ou encx:>re des uoubles et des accidents de la fêoordité .••
ces uoubles sont repérés et signifiés par la famille, qui
reoonna1t ainsi un statut qui les alanne et FOur lequel elle
vient d.anan::ler assistarx::::e. La plupart du tarps, le recx:>urs à la
consultation à FaIm est la dernière étape d'une enquête qui les
1

98
a menés déjà auprès du narabout ou du l'ldt5pkat. Ils n'en
parleront pas slX'ntanênent, nais, interrogés sur ces points
précis, ils
parleront sans rét1ce~ de leurs précêdentes
quêtes thérapeutiques.
C. LES 'IHERAPEUI'ES.
Ou' il s'agisse d'un habitant de villes éloignées, carme
TaIrbacolmda ou saint-Louis, ou d'un habitant de l'agglcmération
de Dakar, à quelles !X)rtes peut frapper la famille du ma] ade
pour obtenir la disparition des sympt&es constatés?
Assez schématiquerrent, elle peut s'adresser à un marabout,
saint lx:mœ islamique, dont la vocation de thérapeute fait accourir
vers lui les nalades du quartier, et, si sa réputation est grande,
les ItBlades du pay~ entier. Il s'agit là, mais pas toujours, d'un
premier recours, car la famille peut, dans certains cas, susciter
les séances d'exorcisme collectif sous la direction d'un rxïopkat,
thérapeutique plus conteuse et qui nobilise l' ensanble d'une
famille, d'un village, d'un quartier. Enfin, le recours au
médecin-toubab - Blanc - s'inscrit aussi dans la pratique
qootidienne, ceci surtout dans les granies villes, et à Dakar.
L'afflux croissant des rralades vers le service psychiatrique
de Fann est le ténoin de son crédit gran:li.ssant, à la fois en tant
qu'institution psychothérapique et dispensatrice de médicaments.
La trajectoire du ma.lade d'un m:rle de thérapeutique à l'autre
est des plus variables. Il n'est pas rare, et c'est surtout le cas
des naladies nentales qui se prolongent, de voir ces divers rrodes
de traiteIœnt essayés tour à tour et, disons-le, dans une succession
variable : mus avons persormellerrent pu retrouver, le pied entravé
dans un lourd billot de bois dans une hutte d'un "village !X)ur fous"-
placé sous la direction d'un marabout, un nalade qui avait déjà fait
un long séjour à Fann IOur une paranoïa avec accès agressifs.

99
Tradit1onnellerœnt, l'Africain n'a pas la nêne cxn::ept1on de la
lTfJlad 1e que les occidentaux. les oax:eptions pat}x)gêniques de la
mêdecine occidentale, qui font dêriver les synpt&es observés des
dêsordres de l'organisrœ sous l'effet d'êtiologies infectieuse,
vascula.ire, tutomle, œtabolique, génétique ••• , n'ont pênêtrê que
très superficiellE!lœ1"lt dans l'esprit de la plupart des Africains,
pour qui les synpt&es observés sont dt1s à l'intervention de toute
une sêrie de forces in::arnées par "les esprits" dont le ronde
grouillant a pour lui une existence incontestêe et dans le ocmœrœ
desquels il vit dès son enfame et jusqu'à sa rrort, et l'lêTe au delà.
la. distinction que l'DUS établissons entre les ma1adj es organiques
et les troubles de la relation qui caractérisent les ma] adies mentales
leur est é ~ prlsque, quel que soit leur aspect, les troubles
abservês sont la marque de l'intervention de ces esprits mal.Mlis ou
m:mentanlment néx:mtents. Pour guérir, i l faudra c:xnp:>ser avec eux
en leur sacrifiant, en quelque rranière.
Les clx>ses se canpliquent du fait que dans un pays cxmœ le Sênêgal,
l'Islam et l'Animisme coexistent en se recouvrant (90% des Sénégalais
sont nusulmans). ceperiiant, le degré d'adhésion à l'un ou l'autre
syst.È!Iœ se fait dans des proportions variables selon l'ethrùe
oonsidérêe.
Bien plus, du fait d'un syncrétisme très oourannent observé,
dans un nêœ groupe ou d'lez un nêœ ind.ividu, les deux m::xles de pensée
ex>existen"tt au nêne titre d'ailleurs qu'une adhésion tout aussi totale
chez certains aux valeurs ocx::identales. ceci explique qu'un nêœ
malade pri.sse s'adresser successivement, ou sirnult.anaœnt, au mara}x>ut j •
au guérisseur animiste ou au né:1ecin occidental.
L'opposition officielle - je dis officielle, car e:x:trbien de
consultants de IDS services les plus avancés techniquaœnt n'ont-ils
pas eux aussi tâté de l' lx:né:>pat1ùe, de l' acuplmCture ou des "vertus"
du narron d' Ime gardé en poche ou du bracelet de cuivre p:>rté au
p:>ignet ? - entre la né3ecine de ms écoles et les guérisseurs n'a

100
guère de sens chez 11Africain disposé à recevoir le m:ù.
IŒÙS aussi le bien, de quelque oOtê qu'ils viennent. Il
n i en reste pas noins que l'influence de l'Islam et de
l'Animisne va slinscrire dans un nonde des esprits différent:
et que les pratiques thérapeutiques p:oposêes par les tenants
de l'un ou 11 autre systàœ dans les soins dispensés aux Ira) ades
et mtanment aux nalades mentaux, sur lesquels J'D1S avons centré
notre prcços, sont très différentes : les djinês, les seytanês
et les sukunabês· étant les acteurs du t.hêâtre fantasrratique
d'inspiration islamique peu ortlx:x3oxe avec lesquels se débat
le narabout alors que les rabs ou esprits ancestraux sont
ce.lX de la scêne fantasrcatique animiste, avec lesquels <:x:rrp:)sent
les sorciers, guérisseurs et rx3l>pkats.
Pour illustrer cette différence, J'D1S allons arpnmter de
longs passages à deux très belles ét:ldes d' ethnopsychiatrie
(S~)
réalisées sous 11 iItpJ.l.sion de H. COI.UM3 par. Ch. de PRENEUF
et A. ZEMPLENI Cs3).
(1) L'enseignanent de EL HAW'I ~ N'IX:>.MOC> BA,
t:hêra.peute etrnagicien.
Chez cet lnme de 52 ans, fier de son a~
religieuse et des c.in:I pélerinages à lA MEOJUE, Islam et
religion traditiormelle c:oexi.stent sans heurt.
Il sait placer dans le contexte oosmique ces êtres dont
i l chercœ à cœi>attre les méfaits.
Il Y a sept norrles : on dit le nome du père Adam pour
désigner mtre terre; les six autres nomes sont quelque part
( 52) ilL' hcmœ qui fait pleurer les arbres", Chantal de PRElmUF,
Psyclx>p:lth:>logie Africaine, 1969, voLS, nO 3, pp.395-461.
(- S3) "Ies diIœnsions thérapeutiques du culte des rab-mëp Tuuru
et Sémp. Rites de possession chez les Iesbou et les l-I:>lof",
A. ZEMI?I...mI, Psychopatb:>logie Africaine, 1966, vo1.2, nO 3,
W· 295-441.

101
dans la nature; le plus grarrl des sept IIDooes est celui des anges;
en secoooe position vient celui des djinés qui en sont les seuls
habitants. Il Y a lm IIDnde où ne vit qu'un seul ange, uniquement
occupé à glorifier Dieu : il remplit entièrement sa planête, nêne
une founni ne peut trouver place en deh::>rs de lui. I.e plus petit
des nondes est le nStre. Les seytanés n'ont pas de nonde mais sont
toujours avec les h:mnes.
Seuls les h::mnes et les djinés ont une autonanie; les
seytanés sont seulerent leurs parasites. Les sukunabês sont des
guerriers qui, au temps des guerres saintes, ont bu le sang des
harrœs; dep..lis lors, quand ils voient des hcrnœs qui saignent,
ils viennent sucer leur sang. Quand ils donœnt, leur "xux" {!Ire}
s'en va à la rec~e de ceux qu'ils désireht le plus et attaque
le "xux" de ceux-ci . I:X>nc, ils ont oon seulem::mt bu du sang hurrain
nais ils ont aussi pris 1 'habitude de manger de la c~. IDrsque
les gens dament (tous les gens), leur Ilxux" plane et revient quand
ils s'éveillent. Q.larrl des Ilxux" i.ruxx::ents sont attaqués par les
" XUXII de ceux qui ont bu du sang, ils reviennent à leurs proprié-
taires porteurs des traces de cette attaque et le propriéta.i.re a
alors la maladie des sukunabés. Les seytanés sont des créatures
de Dieu mais, came ils ont refusé d'exécuter l'ordre de Dieu, ils
poussent au rral les gens pieux; ils essaient de dévorer les "xux"
des lxmœs. Le seytané habite les gens et les arbres; s'il a..i.Iœ la
tennitière et le baobab, il préfère encore les harmes. Parfois, il
peut collaborer avec les sukunabés et il arrive que le Ilxux" d'un
sukunabé lui confie une proie. Quand le seytané tient un "XUX", il
en nange la noitié. MÊ!'œ si sa victime lui échappe, ou si quelqu'un
pnv:î.ent à intercéder pour elle, elle garde des traces pennanentes
de cette agression. Les djinés opèrent toujours seuls. Ils peuvent
attaquer quelqu'un et le détruire CClT'plètaœnt.

102
ces mtions, qui concordent a. peu près avec celles qu'ont données
d'autres thérapeutes, s'inscrivent pour Ousmane dans la fresque
hêrolque de ces visions oocturnes. SOn propre p:>uvoir tient a. ce que
son propre "xux" voit tout ce que font les sukunabês et les seytanês.
"ces cooses, je les tiens de très haut: cela m'a été révélé
par les sukunabês, par les djinês et les seytanés".
1
Pour OUsnane, l'essentiel, c'est en effet que l'on recormaisse
1
1
l'origine supra-naturelle de son savoir. OUsmane a ainsi :iInaginé toute
une patlDlogie psychiatrique assez CClTplète, dont les divers synpt1Jnes
déperxJent des intentions et des actes de ces divers esprits sur l'aIre
enlonnie du patient. Il va agir sur ces diverses rraladies par des
thérapeutiques corresporrlantes qu'il a minutieuserœnt différen::iées
et cxxlifiées. Pour cela, il utilise des "lêld.", rrot qui en poular
signifie il la fois "arbre" et ''médicament'', nais l'un et l'autre sont
bien autre coose qu'un arbre ou un mêd.i..caIœnt pour un occidental.
"M.:>i, je me place devant les arbres, je les aRJelle et ils me
répondent; je les frappe jusqu'à ce qu'ils pleurent et ils ne
disent il quoi ils servent".
Il existe un certain rx:rnbre de "léki"; tous les maîtres
n'ezr.ei.gnent pas les nâœs. '!bute une série de pratiques et de
fonnules magiques, dont certaines seularent sont dérivées du Coran,
vont penœttre d'aider celui oont le "xux" a été attaqué.
Rappelons en outre que l'art de marabouter et celui de dérara-
bouter vont ensemble et que
"tous ceux qui soignent peuvent rendre malade".
Il semble que les techniques varient considérablanent selon les
marabouts; chacun présente la sienne cx:mne invincible.

·'.
103
(2) Le culte des esprits ancestraux.
Si le culte des esprits ancestraux est une religion, l'action
de certains esprits an:::estraux nécontents est considérée ccmne
resp:>nsable des divers troubles du canportaœnt présentés par
certains sujets et des cér€!rrcnies
telles que le Ndëp, le Tuuru
et le 5anp, pratiquées chez les Lébou
et les ~lof sont faite~
p:>ur leur action thérapeutique. Ces rites de p:>ssession sont
l.a.rgerœnt répandus sous des fonnes voisines, qu'il s'agisse du
culte des zar éthiopien ou du Vaudou Haïtien.
Le Tuur est un génie désirant vivre auprès des hcnuœs, pouvant
anpnmter des fonnes aniIre.les ou humaines diverses, et conçu quel-
quefois, quant à son origine, cœme le jurœau de l'ancêtre et, en
tout cas, carme naître de la nature, des eaux et du sol. Ce génie
fi
1.
a coœlu une all:ia.œe transmissible de génération en génération
1
avec l'arcêtre de lignage utérin ou, noinssouvent, nasculin, au
teIIœ de laquelle l'offrarrle de nourriture et la reconnaissance
sociale sont assurées au Tuur contre la fertilité, le savoir et
la richesse qui reviennent à l' hcmœ. Tout ceci s'organise dans
les limites d'un lieu de foooation où l'ancêtre est établi pëII
suite d'un pacte initial. un Tuur est donc un esprit ancestral,
identifié de longue datei son nan et ses attributs sont connus
pëII un groupe plus ou noins étendu de personnes qui lui rendent
un culte régulier en des lieux bien détenninés
Les Rab : La frontière entre Tuur et Rab est rrouvante.
Les Tuur sont au départ des Rab, et un culte assidûment rendu
au Rab hissera celui-ci au rang de Tuur. La différence réside
dans le degré de notoriété et l'anciermeté de l'alliance.
En
effet, ce sont les rituels du NdOp et du 5amp qui ~nnettent
d'identifier et de localiser le Rab : l'esprit ancestral ainsi
nanmé sera honoré sur l' autel d~stique par la p:>ssédée qui
connaît son chant-devise et se laissera investir par lui au
cours des séances publiques de p:>ssession. Il prendra alors sa
place p:mni. les véritables Tuur.

104
lA! postulat fordamental de l'univers des Rab est le suivant :
tous les traits et êcarts différentiels prêsents dans la société
h\\R!line se retrouvent ou peuvent se retrouver dans le l'lOllde des Rab.
Les Rab ont dc>rc un run, un sexe, une race, une religion, une
personnalité, des traits de caractère. Ils peuvent awartenir A
une caste, exercer une activitê, occuper un rang, etc.. Ils
rêsident ordinairement dans l'autel danestique ou "xamJ:)1, 00 des
offrandes lui sont apportêes rêgu1iêrement. te systàœ des Rab
ne situe pas l'individu au centre de sa d€mlrche.
Pour lui, ce
sont les instances arv::estrales qui dêtierment les ressorts secrets
de la naladie et de la guêrison. Il est cbnc 1rdi.spensable qu'un
aocx>rd familial se fasse sur la nêcessité d'un NdOp, ce oonsensus
familial étant le premier êvênement thérapeutique de la sêrie, et
le ~t en a clairEltent oonscience. cet acoord n'est du reste
lBS acquis sans de longues discussions le plus souvent car, en
matière de tralbles rrentaux, cxrment en serait-il autrElrent ?
Enterd1 au sens large, n' est-ce pas prêcisêœnt le manque de ce
c:x.msensus familial qui est leur lit le plus fêcx>rrl ?
La nature du tableau clinique penœt un certain d6:x>upage dans
le charrp Itère des esprits ancestraux pouvant être mis en cause.
~ aspect de leur identité PJUrra être mis à jour par les paroles
et les gestes du malade (langue dans laquelle chants et paroles
sont proooœés, gestes caractêrisant tel Rab). te cOté paralysé,
A en croire certains thérapeutes, décidera de l'origine paternelle
ou matenlel.le des Rab ou des 'l\\Iur. La localisation des troubles
aux jëlI'l'bes, A la ~itrine, A la tête, leur gravité et leur
frêquenœ, 1rdi.queront la plus ou ItDins lonne d1sp::>sition
d'esprit envers la personne et, par lA Irène, le type de thérapie
A entreprerrlre. te ~t, après des entretiens avec les parents
de la malade apprerdra le IDrbre et l'identité des Rab qui ":suivent"
les différentes bran:::hes de la famille, lalocalisa.t1on des autels
s' il Y a l1eu et les ciroonstaœes du dêcleœherœnt des troubles
chez la 11111 ade.

lOS
Ces oonsultations préalables pennettent au thérapeute de
se faire une idée awz:oximative des troubles du naJade. Dans
certains cas, l'épilepsie, les paralysies lxrtolatêrales, certaines
affections in~s, les crises d'ël1'lÇPisse, sont imœdiaterœnt
dirigées sur l'~ital ou vers d'autres guérisseurs. En aucun œs
on ne sourret un malade agité au ~ ou au Sémq:>. Il existe plusieurs
"recettes" tx:>ur tranquilliser un nalade : appliœtion de lait œillé
sur le oorps du malade en crise; lui faire respirer l'odeur d'une
braœhe parfumée; le frotter à la nUIœ et à la tête avec la nêœ
braœhe; verser brutalanent de l'eau sur le dos et sur la tx:>itrine;
forcer le patient à s'ailter peOOant plusieurs jours : ce sont
autant de noyens p:>Ur œ1ner l'agitation, ainsi qu'un certain
rx:ni:>re de Iirrases incantatoires s'adressant aux Rab etaux Tuur
propraœnt dits et à leur lieu d'origine. ce n'est que plus tard,
après de longs tx:>urparlers familiaux et la fixation du prix
approximatif de la cérérènie, que celle-ci s'organise, avec
l'aexx>rd de l'individu nalade, de sa famille et du Ndëpkat en
tant que représentant du culte des esprits an::estraux. La variante
du rituel sera alors dl!cidée. On pratique le Tuuru lorsque l'esprit
a été préalablanent InrJ'[é et localisé dans un autel.
le 8arrp est une sorte de N:llip réduit aux seuls actes rituels
essentiels : cérÉmJnie discrète sans tanbour, centrée sur la
oonstruction de l'autel, rituel préféré des Rab musulIrans.
le N:1Dp enfin est la céréronie la plus ilrq:ortante du culte des
Rab. L'identifiœtion et la localisation du Rab Y ront prl!cédées et
suivies d'une série d'actes rituels s'anboltant les uns dans les
autres, à travers lesquels la dénarche thérapeutique se révèle
dans talte son ampleur. le N:1Dp dure huit jours, avec des Iilases
successives a::rrJfOrtant l'invitation des esprits, la IlCIIÙ.Ilation
du Rab, son ensevelissaœnt symbolique, le sacrifice d'un animal
(boeuf ou chèvre), la construction de l'autel danestique et des

1
1

lOG
sêaIv::es publiques de danses et de p:>ssessions rituelles, au
cours desquelles le (ou la) malade a des crises et des chutes
signifiant la p::>Ssession par le Rab. Dès la fin de la cx>nstroction
des autels, le rituel n'est plus centré sur la personne du (de la)
malade qui est devenu(e) un des nenbres de la société des p:>ssêdés.
le bénéfice thérapeutique est à double face :
• La rx:mination du Rab a permis de tran.sfl\\uter un être, un
p:utenaire fantasrratique en un élêtœnt du systàne symbolique
collectif; au oours de la sêaœe, cet acte estlêgitiIré par le
groupe rêellenent présent •
• M:ùs, ce qui c:arpte peut-être autant, c'est cette présence
réelle, chaude et penn1ssive des parents, du voisinage et des
connaissa.œes de la naladie. les échanges inter-personnels sont
réanDrcés, la camnmication rétablie, les relations partiellement
réajustées, l'agressivité inpmérent eJq?riIœe.
le fait que la cêraronie se décentre du (de la) ma.lad.e, cxmne
le fait qu'oo accorde à celui (celle-) ci une grande li..berté d'action,
favorise le processus de réconciliation.
Il faut en effet insister, ccmœ le fait A. ZEMPLINI
sur la chau::1e atnosIbère dans laquelle se déroulent ces huit jours
de fo«3Op, que ce a:>it au danicile du (de la) rralade ou lors des
séances publiques, sur une aire ccmmme
où l'on s'affaire, bavarde,
plaisante, va et vient, où personne n'est pressé. les effets solennels
sont irxx>nnus dans ce genre de cêraronie. Dans la ma.ison illuminée
de tous ses feux, corp:;, odeurs, paroles, objets s'entrarêlent
c'est "le groupe" avec toute sa chalarr physique et humaine.
R:>us en avons fait InlS""1têuEsl 'expérience, accueillis avec le
I:bcteur OORES, qui s' expriJœ couramrœnt en ~lof, et qui cormaissait
persamellement le WOpkat DAOUDA. SEO<, lors de plusieurs séances
successives d'un Nc15p.

107
E. L 'OOPITAL DE FANN EN TAN!' OU' INSTI'IUI'IOO THERAPEtJl'ICOE.
f
Un malade n'est jamais admis seul, mais toujours avec lm
1
aCCXllpagnant de sa famille ou de son village, qui va partager sa
chambre et rester avec lui tout au long de son séjour. cet
acoarp:1gnant oonstitue un lien pemanent entre le ma] ade et son
groupe familial. Il fournit des irrlications sur celui-ci, penœt
l'observation des cnTIJ;Ort:aœnts du malade envers lui et, dans
une œrtaine masure, il oonstituera un lien entre ce qui a été
dit et fait A l'hOpital et le malade une fois rentré chez lui.
Il existe, dans chacune des cinq unités psychiatriques,
une réunion hebdanadaire : le pintch , qui se tient soit en plain
air, soit dans une graIrle paillotte située dans la cour de la
division, réunissant une c~taine de personnes: malades,
aca::JTpagnants, infinniers et infi.nni.ères, psycoologues, visiteurs
et IŒ!decins. Un Djaraf (en Wolof: sorte de maire) dirige les
débats, qui sont ext:rênement libres, p:>rtant aussi bien sur
quelque événanent survenu la veille - lm jour, mus avons assisté
à une grande discussion provoquée par le fait qu'une des mal ades
avait tué lm chat mir - que sur les améliorations à app:>rter aux
conditions d'oospitalisation, sur la rnrrriture, sur les faits et
dires de tel ou tel malade. Des discussions s'engagent entre
malades, infinniers, accanpagnants, dans lesquelles cacahuètes
et' paquets de cigarettes circulent de main en main. Parfois,
des danses spontanées s'instituent au son du t.arrr-tarn, chacun
dansant à sa guise. Des repas collectifs, au oours desquels le
mil et le p:>isson sont cuits sur des feux de oois, oontribuent
aussi A favoriser les entretiens avec le malade, seul ou en
préseœe de son aC::ccrnpagnant et de ses infi.nni.ers, du mé!decin
traitant qui prescrit aussi des médications adaptées :
nDdificateurs de 1 'hurœur, le plus souvent, beauooup plus
rarerœmt électrocOOcs.

.. ..
'", .
lOS
1
les séjours sont volontairanent relativement brefs,
de quelques SEIl'aines, le malade rentrant ensuite dans son
village, aD. la thérapeutique mêd.icarrenteuse IX>urra être
poursuivie. Des r6admissions à FANN sont frêquEmnent observées.
Les bénéfices d'une telle institution paraissent se situer
à deux niveaux :
• Du p:>int de we du malade, l'hospitalisation à FANN remplit
l'office traditionnel de l' hospitalisation, c'est-à-dire une
rupture avec le milieu, l'accueil dans un lieu d'asile où il
peut se passer, où i l se passe souvent quelque crose, pas
toujours discernable et encore rroins discible, mais qui se
solde par une arœlioration de l'état du nalade. L' atItosphère
très permissive, les séances oollectives, les groupes, les
entretiens individuels, penœttent la prise de CQ1SCience ou
la mise à dista.rx::e de certains pr'OOlàœs, et des amlHiorations
fréquentes. Bien entendu, ici, cx:mœ en Europe, des rechutes,
des évolutions désespéréœnt traînantes, peuvent s'observer,
sujets d'une attention toute particulière et de discussions
parfois vives dans le groope des thérapeutes.
• Sur le plan théorique de la oormaissance des maladies
mentales, il est bien évident que FANN représente un lieu de
croix p:>ur l'étude et la réflexion. Le rorbre et la qualité
des travaux de linguistes, de sociologues, de psychiatres,
à partir de l'observation des nalades hospitalisés ou d'enquêtes
suscitées par l'observation de ces malades, sont déjà
.,
rararquables, bien souvent d'un haut niveau d'intérêt. la
confrontation des niveaux d'interprétation des troubles
cbservés dans les divers systEmes traditionnels africains
de pensée d'une part et les systèrœs de références
occidentales essentiellanent d'ordre analytique d'autre part,

109
est bien entendu la grarrle tentation de bon nanbre de
ces êtu1es ou eIXIUêtes. ceci donne lieu à des discussions,
des interprétations et des travaux dont certains ~nt
exenplaires, cx:mne l'étuie de A. ZEMPLENI et RABAIN sur
l'enfant Nit Ku Bon (5~1
(5l ) "L'enfant Nit Ku Bon : un tableau psycho-patlnlogique
traditionnel chez les Wolof et les Lebou du Sénégal",
par A. ZEMPLENI et J. RABAIN. Psychologie Africaine,
vol.l, 1965, nO 3, pp. 329-443.

110
CHA PIT REl V •

· .
111
W EXEMPLE. LE CAS D' ABOOU
1.
œsERVATIOO PSYCHIATRI~.
La. premiêre consultation d' Abdou au centre Hospitalier de
Bm:iERVILLE date de juillet 1972. Il a 18 ans.
L'oncle et le frêre alné qui l'acc:x:rrp:lgnent dêcrivent des
troobles du Cat1?Qrt.ercent qui durent dep.rls six nois environ.
Parfois, sans raison ~te, Abdou pcA19se un gran::1 cri; ce cri
lui est iJrposê par une sensation pénible d'angoisse et il ne peut
le refréner. D'autres fois, il tient des propos étranges concernant
la religion et la guerre sainte. Il adhêre tellem:mt à ses discours
qu'il ne supfX)rte plus rien; sa susceptibilité confine aux iill!es de
perst!cution et entraIne des réactions brutales. Il serrble avoir des
ermanis partout, évite les contacts avec les autres, s'isole.
Divers ma.ral:nlts ont été consultés, sans bénéfice, avant le
recoors au psychiatre.
Abdou se présente mal vêtu, négligé, nais ca1Iœ et assez
coopérant. Son discours, parfois vif, exprine la colêre :
"Si j'ai des crises, c'est avec raison. C'est lorsqu'on
m'arbête ou on m' interrUlpt. '!but a CCItII'eœé avec le retour de
la brousse de non frêre. Lui et les autres ne regardent cx:mœ
s'ils voyaient à travers ma tête. leurs yeux m'intriguent.
Alors, j'ai un serraœnt de coeur, je respire très fort et
je crie. ces crises ne calnent. ~ frères se noquent de noi,
ne réporrlent pas à IœS questions. Leurs nanières m'insultent,
mais ils ne l'adIœttent pas".

,
112
.Al:xb1 est suivi à la oonsultation et traité par des neuroleptjques,
et lIIlKiolytiques. Rapidement, son cx:anp:>rtelœnt s'amêliore. n se
prêoccupe noins de ce que lui font ses frères, puis, avec la reprise
des classes, 11 dit êchapper à leurs persécutions.
MaJB, en Février 1973, avec l' arr~t prênaturê du traitarent,
Abdou ex:pr.ime avec force ses touments : œs frères et sa mêre ne
l'éocutent pas, ne le croient pas, ne l' estiIœnt pas. Quand son
frêre a1nê le reqarde dans les yeux, 11 tarbe, ou bien sa oolêre
s'en va; c'est s::m frère qui lui fait tout ce mal, c'est 'lm sorcier.
Devant mus, \\me brusque jmpll.sion arrache Abdou à son fauteuil;
11 lx>rXlit vers le mur, le bras Iœnaçant tendu vers un être :1naginaire :
nC'est une force qui m'a ooligé à b?Irlir; c'est la faute des questions,
cx:mne avec mes graIrls frères "lorsqu'ils Iœ donnent des ordresIl •
Entre Février et Juillet 1973, l'état d'Abdou n'évolue guêre,
et l' b:>spitalisation a lieu le 20 Juillet 1973, soit 'lm an après la
pranière oonsu1tat:ion.
Dans le service, le CXI'lp)rtement d' N:xbu est bizarre. Il reste
s:>uvent seul, sanble lx>l.rler. Qlani i l arpente les couloirs, il. le
fait avec des gestes anples, démesurés, tête baissée; ses départs
SJnt brutaux, spectaculaires. Le plus souvent, il reste allon:Jé dans
sa chambre, n'ayant avec les autres maJades que de rares contacts.
Rarement il proronce quelques Il'Dts, seul dans sa chambre, et rit.
Le contact avec le médecin est cependant très bon et i l n'existe pas
d'0IlX'sition. Il se prête docilarent aux activités habituelles des
nalades du service.
AWou s' expr:iIœ en lx>n français. i l garde un &>uvenir des faits
passés et se situe très bien dans son histoire a:mne dans le présent.
Il est venu à l' lupital contre son gré, cx:>rrluit par son frère a1né.

113
C'est son frêre a1nê qui pren:1 les dêc1sionsi c'est lui qui
l'erx::ha1nait, ou l'enfeJ:rna1.t 1 la maison. Pour Abdou, les tow::rrents
gu' U subit sont anciE!1S, deplls son jeune tge
: "ils" le traitent
de fw, "ils" l'embêtent et ne l'admettent pas. tIns" veulent le
œndre fw. "Ils" veulent le reOOre myope par des voies mystiques,
p:JUr qu'il ne lise pas. "ns" 11 attachent, mais refusent de lui donner
des livres. Si il "les" évite, c'est que leurs cxmversations ne
l'intéressent pas i U prêfêre les livres.
Al' écx:>le aussi, "ça ne
l'intéressait pas". n
p:'êférait les cantes de fées, les joumaux,
le cinlma, les histo1J:es de prqilêtes. S'il menaçait ses pu:ents,
clest que œux~i se ItDqUaient de lui, mais, dêsoImais, Us n'oot plus
l'oocasial de le faiI:e plisqu' il ne se nêle plus l leurs cxnversations.
Avant, il leur raoontait son p.:>uvo!r de faiI:e des rêves qui se
réalisent, de prévoir ce qui est écrit ~ les journaux, mais ils
faisaient des gr1maces de dénégation. Alors il criait, ou bien fnq:çait,
et ça lui faisait du bien, car taltes ses rêacti.ons lui servent paJr
obtenir la. paix. Si il fnq:pe, c'est p.:>ur se soigœr, car frçper ou
crier, cela éloigne ses crises, "ça le pn:ge du mal qu'il a en lui".
D'aillmrs, en fraJ;P3Ilt les autres, il les rurifie aœsi, car. il les
fait crier. Il les fraa;x:: car ils lui font du mal et ses rouIS les
purgent du mal qui est en eux.
Clest lU1 '''Esprit du Bien" r:!Ui le fait
agir et oon lui-mâne, 1DJr son bien et celui des autres. Ainsi, un jour
qulil avait mal à la tête, il a giflé lU1 frêre et le calme est revenu,
cx:mœ si qœlque chose qui avait quit'té sa tête auparavant 11 avait
réintégrée. Une autre fois, il avait senti que du mal allait avoir lieu;
11 a terrlu la main et celle~i est arrivée près de la. gorge de son
jeune frère.
Pour Abdou, c'est le frère a1né, Djibril, qui est res{X>nsable des
premiêres "crises". Un jour, celui-ci lia ~lé trois fois de suite,

114
três vite. Abdou n'a pas pl rêporxh'e et il a crié. Une autre fois,
le frère l'a regardé fortanent et lui a dit "I:IrDêcile", alors il
est tanbê.
sa mke cependant aurait une respcnsabilitê identique, ou
supêrieure : ses paroles surtout, ou sa seule présence ont aussi
ce p:>uvoir. Par deux fois, i l a giflé sa rrêre A cause de cela,
év1tant ainsi la crise. Un jour, i l a lancé une chaise A toute
volée loin de lui, et cette chaise est tarbée A roté de sa rrêre;
11 savait que cela se passerait ainsi, et pourtant il ne savait
dl se trouvait sa nêre.
Malgré ces p:rsécutiDns, Abdou ne peut affinœr qu'il n'aine
pas sen frère a1né ni sa mêœ, mais tout ce qu'il désire, c'est leur
prouver san grand IQuvoir.
l i a entrepris des expériences et" l' ~pital est la retraite revée
PJUr· les nerer à bien. Dès qu'il les aura teI:minêes, i l leur nontrera
des miracles; il 1alr prédira quelque chose. Il veut devenir pro{:hète.
Un jour de visite, oontrarié par une remarqu& anod1ne, Abdou rous
à:anne un aperçu de ses réactions affectives explosives. Bru.squatent
violent, agressif, il insulte tous ceux qui l'envirorment. l i va
"user de la force de Dieu" p:>ur écraser ses ennemis, ceux qui se
noqœnt de lui et qui s' OJ?IX>SEIDt à lui. Il n'a pas peur de leur force.
Il se battra jusqu'à la nort avant d'aller au Paradis. ·Son frère veut
lui enlever sa foi et lui dérlDntrer qu'il nent, mais il gardera sa foi.
Cette explosion de violence est hachée de quelques pleurs bruyants,
de grarrls gestes, de déplacaœnts rapides et spectaculaires. Elle se
tennine par une rouvelle affinnation de sa puissance et de la
rOOdi.ocrité de tous ceux qui l'oppri.Irent.

115
Après quelques semaines d'hospitalisatioo, l'bdou livre une partie
de BJn secret. n est vrai qu'il a décidé, dep.118 l' 1ge de 4 ans, de ne
pas toucher une femne. A cet ~e, il a êtê entra!nê à· des jeux sexuels
par une fillette et c:lêooncê par elle. Pour cette raiscn, il a détesté
l'ê<x>le mixte qu'il a dP fréquenter pendant trois ans, et a Bbandc:r1nê
la cx:rrpagnie de ses amis dès que des filles ont êté admises dans leur
groupe. Mais il a cependant l'intention de se marier un jour et d'avoir
un qarçŒl. cet enfant, il veut en faite un grand hanTe, car sa dêcx>uverte
l
est que "talt est dans le rnn".li a p:>ur cet enfant plusieurs beaux nanB.
s:n propre IX:IIl mœ est inoonnu et il ne peut mus le dire, mais
1
~ ne l'a porté avant lui. '!bus les grands hames sont les premiers
i
à p:»:ter leur rD1\\. lA est le secret de la puissance. IDrsqu'il ressenblera
à son rD1\\, alors i l fera des nùIacles.
1
i
En N:M:!nbre 1975, Abchu a presque teJ:minê ses expériences. Il a
i
dêcxJuvert le mystère des IlCInS. S'il ne pmt l'DUS livrer le sien, il nous
1
éclail:e partiellerœnt sur le systàœ qu'il a élaboré.
Parfois, les voyelles sent groupêes en ia, iou, 3 l'intérieur du
IX:IIl (exarple : Dia, 1ù1oune); parfois, les voyelles d'un groupe donné
sont disper~ dans le rnn (e.xati>le : 0, ·u, a dans M:>ustaFha).
'!bus les rans en 0, i, sont des rois. Les nans oontenant a, i, a;
s::mt des ven:jeurs, i, a, étant le n:m qui attaque; a, i, a, le ran qui
renvoie. !es nana en a, i, ou a, i, 0, sont des détectives. Les nars
en i, a, sant des lanceurs de lumières (Dial est de ceux-là). C'est
son frère Djibril qui l'a initié à ce savoir des IXES. Il prendra le
ran. de ven:Jeur ou celui de roi. li prerxka celui de l' hyplOtiseur, mais
il n'en a p:1S erx:ore le pouvoir. Quand son esprit aura rêinté;Jré sa tête,
i l nJUS hyplOtisera. Certes il a déjà hypootisê sa nère, ccmœ l'a fait
aussi son frère Dj ibril, gr8.ce à cette lumière qu'il a dans les yeux et
qu'il tirera du ciel lorsqu'elle sera épuis~, nais ça ne narche pas
e n:x>re cx:mplètanent. Pour l'instant, i l use de son pouvoir seulaœnt
lX'\\lr jouer aux cartes et aider les autres joueurs.

116
Après huit nois d' hospitalisation, le tableau clinique est
partiellaœnt nodifié. En particulier, on n' ooserve plus de crises
notrioes 1npulsives brutales et le CX)I'ltact est sensiblement meilleur
avec certains malades du service . L'isolement est peut-être noins
franc, malgré une forte terdance à garder le lit p::>ur des lectures
inteI:m1nables. lorsqu'il se rend, p::>ur de oourtes sorties chez sa
Itère, i l n'y a plus de heurts. J\\bjou parle très peu avec ses frères,
préfère lire ou aller au cinana. Hais si le <::X:IIp:>rtaœnt est rœilleur,
si les crises notrioes agressives ont disparu, les oonstructions
:lnaginatives et délirantes sont inchangées:
a) le cinéma et les lectures ne oont pas seulement des distractions.
Leurs situati.ons et leurs peroonnages ali.Iœntent les rêves d' l\\bdou et,
débordant sur la réalité, oontinuent à créer de oouvelles aventures.
Abdou Y joue le rOle du héros, et ceci .d'autant mieux que p:>ur lui
les rêves, les ranans et les films ont toujours une valeur prédictive
et· se bornent à ocmœnter ou à ann:noer la vie. Tel rêve aura préfiguré
tel film. Tel ranan ou film aura seulaœnt précédé telle aventure
réellenent vécue. les rêves, les ranans, ~es films, oontribuent à
créer p:>ur Al::rlou un noOOe docile et imaginaire oü tout est
satisfaction et oonfinnation de ses règles et théories.
b) Si les heurts avec la fratrie ont disparu,
ce
n'est pIS
faute de tracasseries, insultes, manqœ
de respect ou sourooiserie
de la part de ses "~sécuteurs". Abdou a seulaœnt perdu ses forces
de réaction : il ne :feUt plus se défendre, attaquer, riposter.
Son esprit est sorti de lui, et, avec son esprit, ses oonnes réactions.
Avant, il était en bonne santé, car il pouvait avoir ses crises qui le
p.rrifiaient et le guérissaient. Sa mère est cert.ainerrent resp:>nsable
de cela car elle ne canprerrl pas ses actes. Elle ne veut pas qu'il ait
des réactions et elle a eu recours aux "5erigue" };Our l'iImobiliser
(55).
65) "5erigue" : marabout guérisseur.

117
()Jant aux ocnversatials avec Djibril, si elles ont diminué ou
disparu, ct est que ce frère qui 1 t avait in!tlê et aidé aur la voie de
la recherche du sens caché des ocms se désintéresse désoma1s de lui
et ~ ses dêcx>uvertes.
c) ces déoouvertes sont bien avancées, r:ais incx:rrplêtes. ilbdou
pense avoir trouvé du ~é des voyelles et pouvoir ainsi expliquer
le ron des hames. n cherche . maintenant à déoouvrir le sens caché
des OC>nSC4'U'les : "L" par exerrple signalerait les enq:ereurs (01arlemagne,
Alexamre, etc.); "K" indiquerait les optimistes, etc ••
Mais surtout, Abdou s'est damé un Inn. Ce IOn, qui est un
secret absolu, rsrplacera son ncJn de fanti..lle qui "cnndarrne 1 tJndividu
et l' ~ de se libérer et de s'épanouir". C'est le nan de celui
à::nt tous les voeux seront exaœés, qui loue le seigneur, qui. possède
tout ce qui existe autalr de lui. AlXlou
désonrais, nous dit qu'il
J
ressemble à son ncJn, à ce ran en "ia" qu'il a d'loisi à sa nesure
(et qui est le cxntrai.re de ceux qui néprisent, de ceux qui. prerment
les autres PJUr des inférieurs). Or, ressenbler à son nan, c'est le
p::rovoir absolu, c'est surtout le p::>uvoir de faire des miracles et de
rrant:rer aux parents, qui œ le croyaient pas, que ses expériences œ
sont pas celles d'un fou.
Ceperrlant, tout n'est pas tenniné, car l' esprit fait à son tour
défaut. C'est son jeune frère qui le lui a volé. Son esprit est sorti
de sa tête p::>ur entrer dans la tête du frère. Peut-être· pourra-t-il
en :reprerrl:re dans le ciel lorsqu'il ·saura voir où il y en a. Parfois
il en voit, c'est roUJe, c:x:xrme la oouleur des nans en "1-1", "~1" CXEI'!e
Mahanet le proFbète au teint venœil. aais ce n'.est pas tellerent à sa
p::>rtée, et d'ailleurs, en a-t-il réellanent besoin, puisque parfois son
esprit est en lui, à ses narents d'ent.l-ousiaSlœ. Sans son esprit pourtant,
Abdou ne peut pas faire ce miracle, <JUi. le situera clairE!!eIlt, et cela
bien qu'il :resserrble désormais à son non.

us
d) Les projets d' Al::xlou s:mt simples. ses expêrieœes ne SŒlt pas
t.enn1nêes; i l doit Y arriver. L' éoole passe au BeCDOO plan. n doit
embattre les sarcasrœs de ses frères. L' hipita1 lui oonvient p::>Ur ce
travail délicat. La prière, qu'il fait réguliêrerœnt, ne lui est
d'aUC\\D secours, d'autant noins qu' i l ne veut pas du tout aller au
Paradis, came le disent les prières. san Paradis sera le r.onde, ses
aventures et son iImortalité certaine. "Un jour viendra" 00 11 mus
étamera.
1. Biograpùe d' IJ:rlou.
Abdou est né le 27 Décembre 1950 à Mjarœ (œte d'Ivoire), de
pêre et mère I.elx>u, résidant en Côte d'Ivoire depuis plusieurs armées
(terrp; colonial). les deux parents "étaient unis, <:nme 11 arrive souvent
chez les Lebou, par des liens familia~ très serrés. I.es mères des deux
conjoints étaient soeurs, de rcâne père. Le grarxI-père paternel de Na•• ,
la ferme, était oousin du grand~re du mari.
A la naissance d 'l\\lxlou, vivaient dans la ooneession : la tœr'e,
seule épouse du père, le père, les parents. de celui-ci, ses deux frères
aInés, Djibril et 'Ibieroo, et différents rcerbres de la farnillè paternelle.
Pour son bap't&le, il Y eut une grande fête, à laquelle assistèrent leS
trois-quarts des parents. Le grand-père FEiternel de l'enfant étant \\ID.
rx>table de la cx:r.rnunautê des Lebou à Treichville, les griots, très
nanbreux., chantèrent les louanges de la lignée.
L'enfant, avant le sevrage, était en parfaite santé. r-a rere lui :; .
inallqua très tôt des habitlXles de propreté : dès l'âge de deux semaines
elle le rrettait sur le p:>t. sevré à dix-huit IIDis, il pleura pendant
longtarps. Après le sevrage, il fut ronfié à la grand-nère maternelle
qui habitait égala-ilent Treichville. Ea l'1ère venait le voir cha;rue jour.

119
Dans la maison paternelle, vivaiE!lt â cette époque deux enfants
de son age : un cousin, N> •• , fils du petit frêre
oonsanguin du père,
et un enfant confié, 00 •• ; les deux enfants étaient nés au début de 1951.
Dans la nais:>n maternelle, vivaient la grand""1'!ère, ses fils
célibataires, et, une enfant oonfiée, Am••• La gran:i""!'1êre gâtait
beauooup Abdou; elle lui donnait à manger cha:Iue fois qu'il le désirait.
IUle le récarpensait en lui cbmant de la rourriture, et lui interdisait
certains plats, mauvais pour lui.
1\\lors qu'il a trois ans et demi. ou quatre ans, Arn •• l'incite à des
jeux sexuels avec une petite voisine, puis le dénonce à la grand-mère.
Al:dou est profondémant marqué par cet événaœnt.
A cinq ans, son père le trouve' trop gâté. .7',ussi le reprerrl-il chez
lui, cx:mne Al::rlou lui"'flêœ l ' avait demandé. Hais, dans la naison
paternelle, tout le IrDI'rle se noque de lui car il ne !=Sut répriner
son envie de rourriture. Il semble avoir été très affecté par cette
attit1x3e, et, durant les I!Dis suivants, i l aurait très feu nang~.
Q1 l'envoie à l'école ooranique en ~ t:errp:; que Do.. et Ab... Il
s'enten:1 bien avec le pranier, nais se bat avec le seoond, 9JIl oousin.
Al' éa:>le pdrnaire, on ccntinue à se ncquer de lui, car il n' ai.Iœ FSs
jouer avec les autres enfants. Aux ncqueries, il rip:>ste par des ooups,
mais Do •• et Ab .. s:mt plus forts que lui; il en est très humilié.
Bagarreur, replié sur lui-mêne, 11 lit beau<x>up et parle peu à ses
camarades. Pour le dégourdir, Djihril, san grand frère, lui apprend à
nager.
le père est un hCJYI'i'E strict et sévère, Docteur en Théologie Islamique
et cx:mœrçant aisé. C'est lui qui se charge presque entièrerrent de
l'éducation religieuse des enfants. Il s'OCCll.J.:e beauooup de ceux-ci,
les répri.rnarrle, les frappe au IIDindre écart.de oonduite. Il organise
pour eux des jeux de groupe, des jeux de IIDts et de rnénoire. Il les
CCI'lduit au cinéma et les oblige ensuite à raoonter le filIn.

120
Pour le travail scolaire, le père pratique l' (ducation indirecte,
chargeant Do •• et Ab •• ùe a:>rriger Abdou. Les trois enfants se prrtagent
to1jours les trois premières places. ~int n'est besoin de les surveiller,
il suffit de pranettre une ré~ au rreilleur d'entre eux.
La rrêre, très nerveuse, très orgueilleuse, crie beaucx:>UP. Abdou ne
peut le supporter et s' enfenre dans sa ch.al:bre.
C'est la tante paternelle, a::mœ le veut la tradition, C!Ui se charge
de parler A l'enfant du nan de la lignée paternelle. Tout le m:Jlde a1Iœ
A parler des ancêtres dans la fanù.lle, mais cx:mœ 11 se doit an n'en
parle pas devant les non-cirooncis de peur de les rendre trop orgueilleux.
AbDu œpen:iant avait dû entendre les choses A ce sujet, car 11 p:>sait
beaua:>up de questioos. L' institu~ur, ayant dEr.andé un jour aux enfants
de s'enquérir de leur origine, Abdou interrogea passionnérœnt son
grarrl-pêre, le meilleur gardien de la 'tradition familiale. La Irère
p:rrle très souvent aussi des ancêtres, ancêtres paternels et matemels
dent les lignées se rejoignent.
Une autre particularité du caractère d' Abdou est qu'il n'a janais
lEur d'avouer ses fautes. Un jour, rùors qu'il a Il ans, il ~ sans
penni.ssion au rord de la lagune avec ses CEUX oarpagnons. A leur retour,
on les questionne; ceux-ci refusent de réporrlre, mais Abdou avoue.
Il ~t traité de fou par ses camarades, qui ne peuvent cx:nprendre
qu'il avoue une faute aux adultes. Depuis ce jour, 3 l~ rroindre occasion,
ils le qualifient de "faux jeton" et de "=oU".
Ils échoœnt tous les trois à l' exarœn d'entrée en sixi.àœ en 1958.
C'est le 1er Janvier 1969 que le père meurt d'un cancer de l'estœlac.
sa nort survient brusquerrent : ccmœ il dîne chez des amis, il a un r.alaise,
s'allonge, vanit et neurt. en ramène le corps· à la maison en pleine nuit.
n faut réveiller les enfants pour faire entrer le corps, ce qui
~ssiorme d'autant plus vivement Abdou que "les enfants n'ont pas
le droit de voir les norts".

... ,
121
C'est pendant la semaine qui suit le décès du pêre qu'Abdou présente
une p:emi.êre crise z 11 tœbe brusquement, alors qu'il se bat avec san
grarr:l frère 'l'h1ento.
La crise suivante survient alors qu'il joue au football, IS'ldant
le Ramadan. Ql lui donne il boire et ses cx>équ1piers lui reprochent
aussitOt d'avoir sali l' hooneur en brisant le jetIDe, et l'injurient
violemrent.
les crises suivantes sont brèves et ne survierment pas en classe;
elles ne troublent pas la scolarité.
~rès les quatre rois de deuil, Na•• , la mère d' l\\.bdou, nalgré
l'olP)sition de san beau-père, retourne dans sa famille qui la réclarre.
I.e petit frère de son mari aurait voulu la prendre pour éIx>use, cxmœ le
conseille la oouturœ, mais elle refuse FOur êvi.ter des histoires avec la
première épouse qui est san amie. Cell~i devient néanrroins très jalouse
d'elle et tente de marabouter Djibril et Abdou qui, eux, restent chez
leur grand-père paternel. Djibril et Abdou la smprennent, oous dit-Gl,
en train de "verser du "safara" (s6') sur le seuil de leur àlarrbre. Djibril
fait sortir Al:x1ou par la fenêtre. Celui-<::i; viverœnt effrayé, raoonte
1 'histoire
à sa 11ère. Peu de terrps après, à la suite d'un différend
entre Dj ibril et leur tuteur, les enfants" regagnent la maison rratemelle,
à l' E'xception ue Do.. et Ab ...
Al::dou passe avec succès le certificat d'études priI!aires, le ooncours
des bourses et l' exarren d'entrée dn sixièrre. Il est reçu en rrêrre terrps
que ses deux camarades, bien que la rivale de sa mère ait essayé d'intervenir
auprès du directeur JX)ur qu'il écooue. l)'élUtre part, !'.bdou est obligé de
demmder W"e dispense {X>ur entrer en sixià'!e, après avoir tenté en vain
de faire m::xlifier sa date de naissance par l'administration. Do.. et Ab ..
nés en 1951, entrent sans difficulté.
Abdou et Ab .. , yui. ne s'enterrlent pas, 'roopent à cette période toute
relation. Do •• vient voir Abdou épis::xiiquer:ent, l'!'Iais celui-ci, qui ne
supp:>rte pas la cx:mpagnie des filles, lui reproche ses fréquentations féminines.
(55) "safara" : eau dans laquelle ont macéré des versets du Coran, et qui
est utilisée généralement en ablutions, parfois en ingestions.

122
En sixU!rre classique, ~.l:rlou oontinue à travailler très oorrecterrent
mais, par cxmtre, devient tout à fait indocile. Il est très bagarreur,
alors qu'il ne s'intéresse pas aux jeux et ne pratiqœ le football que
par obligation. n lit êooméœnt. C'est l'êpoque où il s' aà:>Ime à la
lecture du COran en français, êtu:ll.e la vie de 11aharet et s'intéresse
à la oorrêlation que SAVMY établit entre rans et versets. Il prétend que
"Abdou provient d 'lùy, "l'élu" ".
En cirxpiè!me, i l bifurqua vers le rroderne afin d' Gtuiier les langues.
L'écx:>le devient mixte, il en est très J"éoontent. En 1963, ses crises
augmentent de fréquence et il redouble la quatriàre. :n a des difficultés
en mathématiques et en physique. Il quitte l'école en mars 1964.
Ièvewns sur les armées précédentes FOur dire que la tante paternelle
est norte en 1959, peu de taips apr~s le père, et que le grand~ meurt
à son tour en 1960. Ojihril, le grarrl f~re, en qui Abdou a mis sa confiance,
part alors enseigner en brousse came instituteur, et Abdou se retrouve
seul enfant dans la maison rnaterœlle, assistant inpuissant aux querelles
de ses oncles maternels avec sa Itère.
Des quatre oncles vivant dùns la ~ssion, l'aîné, 01 .• , est
"géarètre". Le second, 00 •• , est "architecte". Le troisiàre, .;d•• , le
préféré de Al::rlou est paralysé et sujet à des crises depuis son adolescénoe.
le quatrièrœ, Ba •• , le plus jeune d'entre eux, est "réparateur en
réfrigérateurs", mais fantaisiste, et irrégulier dans son travail.
Il entretient les trois autres, qui ne travaillent pas, ou ne FE!uvent
travailler, ne veulent ou ~ peuvent se lier à personne.
lorsque les camarades d' l'lrlou c:x::JrI!eIloent à fréquenter des
associations mixtes, !\\l:dou refuse catégoriquarent de les suivre, puis
ranpt toute relation avec
eux.

123
lorsque Dj1bril revient de brousse, i l parle il Abchu, entrousiasré
par cette science, de l'êlaboration d'une théorie de cx>rresp::mdanoes
entJ:e le nan, la P'lysionanie et le caractère des individus. Il tente
de l' illustrer par le dessin.
.. ~ . -.L
'lhierrx>, lui, fréquente les filles et se rroque des idées d'Abdou,
et Dj1bril est alors devenu son unique recours. lI,ussi Abdou tente-t-il
d'intéresser Dj ibril à ses déa:>uvertes. r-Llls Dj ibril, bien que ses
SU]9estions soient· à la base des théories d' J'Ibdou, n'a que faire de ce
petit frère qui s'accroche à sen groupe d'amis, et il le rabroue souvent.
Une crise, plus grave que les précédentes, survient le jour de
l'ouverture de la fête de l'Indépendance à Abidjan. Abdou devient
violent, s'agite, crie. Dans les jours qui suivent, i l fraPfe Dj.1bril
en lui disant: "Tes yeux Ire piquent"'. n jette une bouilloire sur
sa mère, alitée, lui disant : "Tu es mal~, tu n' œ pas le droit de
te IIDqUer de noi". le jour de la fête, 'lbienn tente de le faire
hospitaliser, mais 1 'hôpital ne p:>uvant le recevoir, faute de place,
i l est traité à titre externe. Parallêlenent, la mère, aidée de ses
fUs a1nés, ocnduit Al:rlou chez un guérisseur PJur faire un "XaI!p" fi'),
mais les rocles mateImels et la grand rere font int.errœpre cette
thérapeutique •
Puis, l'état d'Aliiou s'aggravant, il est hospitalisé.
lbtons, dans l'histoire de la famille, l'existence de "rab" (!?6),
tant du roté rna:terœl que du a5té pat:.ern:!l.
(57) 1lXaq;>" : sacrifice a l ' autel des anCÊtres.
(5'8) "'rab" : lJénies ancestraux.

124
2. ~te familiale.
En rous entretenant a différentes reprises avec les persormes de
l'entnlréÇe d'AlXbu, avec s:>n frère Dj1brU, sa ~re, sa grard-mêre
maternelle, nous poursuivions deux buts.
D'une part, IX)US avions à recueillir une biograpue aussi CXllplête
que J:X>SSible, et IX'ur limiter les 1mprécisions ou erreurs, il était
nécessaire de pouvoir recouper entre eux lm assez gram l'D'CÙJre de
renseignaœnts •
D'autre part, mus cherchions à éclairer \\ID peu les relations
existant entre les nenbres de la famille du malade et à arrorcer le
d~ffr~e des représentations que les proches d' Abdou se faisaient
de lui (dans le présent et dans le pa&sé), pJUr mus danarder ensuite
dans quelle nesure Abdou est-il cx>nfonne ou mn à ces représentations
qui lui sont Pl:qX>sées ou :imp:>sées, ~ ces 'échos de ses tJ::oubles et de
lui~lâne, qui lui renvoient les regards, les paroles et les attituies
de ses proches ? dans quelle mesure est-il ncdel.é par eux ? dans quelle
mesure réporo.-il par oon état de malade, par ses synpt:êmes, aux attentes
de l'entourage ? et aussi, en quoi la "mal adie", telle que l'appréhen::lent
ses proches, est-elle précisément différente de la manière dont mus
l'appréhens:>ns ? Pourrons-mus d€masquer,
à l' nide de cette cx>nfrontation,
l'iIncge de lui-r,l✠et l'esquisse d'un destin que mus aussi, nous offrons
à Abcbu ?
La question ouverte par l'inter-subjectivité se dénu.ù.tiplie sans fin
plisque chaque reflet renvoie aussi à ses reflets, mais il suffit souvent
que la question ooit arrorcée :fXJUr qu'une certaine lumière en résulte.
Les trois entretiens èbnt J'X)llS allons rendre CXEpte c:x>nstituent lm
matériel très limité, insuffisant.. Leur app::>rt ceperrlant vaut d'être versé
au dossier en raioon des silhouettes de la maladie qu'ils dessinent.

• 125
a) EntJ:et1en avec la grand"'1:têre mateme1le.
Pour pouvoir roua entretenir avec la grand~re, oous avons eu à
vaincre l'owosit1on de la dre, qu11'X>US laissait entendre que "la
vieille n'était pas en état de parler".
Aprês que J'VJUS ayons ceperdant obtenu de la saluer, nous avons eu
la surprise de trouver une ferme enoore alerte et vive. Mais, à la
xêt1œnœ de la œre à laisser s'installer une conversation, p>Urtant
tenue en sa présence, a rêp.:>rdu la réticence de la gram~ à parler
en son propœ IOn. sans cesse elle tendait à se réfugier derrière
l'opinion de sa fille ou de ses fils. ceperxiant, sa conviction intime
~ t la malëd1e de son petit-fils est dite en clair, en dépit du
ton de prudence et de neutralité qu'elle cherche à donner à ses p:rqx>s.
le passé Q.' Abdou.
En rappelant que la gram.., è'e a élevé Abdou du sevrage à l'âge de
5 ans, on éclairera l'insistance qu'elle net à affil::mer qu'il êta!t
"un enfant três bien dans son jeune âge" : c'était "tm gœseœ1me,
cp! ne pleurait pas~ il jouait bien, i l était propre~ i l n'a janais été
maJCKle chez elle, il n'a jël'llais crié mn p1.us~ c'était tm gosse qui
ne s:>rtait pas de la c:::oœession". Autrenent dit : "je l'ai bien élevé",
et de à:>nner deux argunents suWl€nen~es : on lui a c:x>nfié d'autres
go~s après A1:rlou, et A1:xk>u par la suite venait la voir souvent.
Cepe1'dant, elle aborde avec enbarras l' irx::ident des jeux sexuels
avec une fillette de la ooncessioni elle s'en justifie: "ce n'était
c:p'tme petite histoire; s'il continue à en parler, c'est qu'il ne va
pas bien". Autrement dit : ce n'est pas l'affaire en ell~ qui est
patb:>gène, cxmne certains le pensent, mais c'est parce qu'lbdou est
na.la:le maintenant qu' il lui acoorde de l' ~rtanœ. Puis elle arrorce
une autre explication, qu'elle retire qussitôt qu'elle a réalisé y être
1nq;ù.iquêe : "c'est une histoire d'enfants gâtés", mais il est rrel de 1::rq>
g:!ter les enfants, aussi c::x:mçlète-t-elle : "j'ai bien élevé nes enfants,
11s n'ont pas à faire cela!".

126
La maladie.
- - -
Aux yeux de sa grand-rère, Ab:bu est malade; elle ne le nie pas,_.
nais "cela l'étonne, elle n'arrive pas a savoir d'QÜ ça provient". Cet
aveu d' ~anoe, qui reviendra a plusiaIrS reprises, est cx:mne une
négation préalable des lorgs proIX>s qu'elle tient ensuite sur les
rab familiaux. Pour elle, toute la maladie est affaire de "rab", rais
i l ssnble qÙ' elle ne se penœtte pas de le dire trop ouvertaœnt. Et, la
enoore, elle ~ par se justifier : à la naissaœe de l'enfant, on
a bien fait ce qu' i l fallait pour les rab, ron pas elle, mais, cx:mœ il
sied, sa granie s:>eur, l'ainée de la famille.
Elle p;:mrsuit : "Le cas d' Abà:m l'étollœ! beauooup; elle n'arrive
pas à savoir d'QÜ ça provient; si elle croyait que c'est une histoire
de rab, elle l'aurait soigné. Mais· cx:mne on ne sait rien, c'est mieux
qu'il soit à 1 '~ital". Elle sait que les rab existent. Elle sait
qu'on peut les guérir avec le N'OOp (55) ,"rais ses fils ne sont pas sOrs
que la naladie , c'est l'histoire des rab. Chez eux, i l y en a
en
p:tgaille, des gens mal ades par lES rab, des gens de la proche parenté,
mais elle ne vwt pas dire leur Inn. Du côté paternel, il Y en a
aussi. Les histoires de rab, on les a laissées, on n'en parle IX>us.
On paie J;X>Ur les nalades, et si la naladie devient grave, on les envoie
à l' 1t)pita!Il •
Et aussi : "01.ez les Iebou, tout le nome a des rab, c'est à cause
de la religion (musulrnane)
qu'on ne pratique plus: il est IX>ssible
que ça les oontrarie (les rab). '!buS les I.ebou ont des rabs, mais une
partie d'entre eux déteste ces histoires, si bien qu'ils ont été
IX>ussés par la religion à ne plus pratiquer (le culte des rab). On
envoie les malëK3es à 1 'hE>pital, mâne s'ils doivent nourir de leurs
"rab nêgl:iqés·..•• Mais, bien que convaincue de l'inefficacité des
prières et des trait:aœnts qui ne tiennent pas cx:mpt:.e des rab, elle
oonclut par une pn>fession de foi musullnane : "elle n'a jamais
pratiqué le culte des fames (le culte des rab)".
(:59) N'OOp : Cérém:mie d'initiation à la société des possédés,
chez les Iel:x:>u.

127
Si nous rêS\\.IIDns : '!bus les Lebou ont des rab; dans les deux
l1gnêes, on cx::upte de lOnbreux malades par les rab; les rab sont
contrariés qu'on les nêglige. Elle sait que le N'dôp p:mrrait guêr:1r,
mais la religion rx::uvelle ne pemet pas cela, ses fils s'y opposent
et elle-1têœ ne s'est jamais miUée au culte des rab. Q.Je faire alors
p:JUr NJdou ? Faire cxmœ si on ne savait IBS que ce sont les rab,
et omœ les prières musulmanes ne suffisent pas à le guérir, le
nett:re à l'1Dpital.. et s'en justifier
si c'était une histoire de
rab, on l'aurait soigné.
n est difficile d' ~tre insensible à la tension assez dramatique
de ces pJ:OIX>S, tension entre deux fidélités. la graoo.-mère sait ce
qui pooIrait guérir l'enfant qu'el~e a élevé, et elle ne se penœt
pas de le faire, à noins qu'elle ne parvienne à inp::>ser EKm ~1nt
de we •• L'interprétation de la maladie par les rab ne ~uvant pas
~tre ret:erue, du noins officiellaœnt, il sanble que l'on assiste,
a travers les p.:tqX)s de l' aIeul.e, à un déplaOE!lœI'lt de l' 1nterprétation
d'Wl type de représentation oo1lect1ve à \\ID autre. '!but se passe
cx:mœ si l'interprétation par les esprits .ancestraux, ou rab, n'ayant
plus a:>urs au niveau sociologique (mus avons vu que personnellaœnt
la grarxl-mère y adhère), l'interprétation par maraboutage lui soit
substituée. ~ verrons \\ID peu plus loin qu'en un sens elle est
ItD1ns satisfaisante :fOUr les usagers, car elle n'intègre pas la
totalité des sympt.&es.
Eca.1tons, mn plus la grarrl~, mais la mère, à qui la
grand-mère passe à ce rcaœnt la parole. Elle ne veut pas dire ce
qu'elle pense de la maladie : "Il faut le demander à na fille,
œ que je pense, c'est ce que ma fille pense".

128
1
l1
La dre d'Abdou déclare: "Abc'bu, à l'école, était toujours le
prEmier. 'l'alt le m::mde venait lui dBnander conseil pour le travail.
Quard ça arri'\\le à un enfant et qu'il tatbe malade, c'est qu'il a
été "marabouté n(ff;J). Abdou a c:arrcenœ à perdre sa àlance au naœnt
du certificat d'études. Quand il a été reçu et aàni.s au cx:noours
des bc:A1rses, ma rivale (la femœ du petit frère, de sen défunt mari)
a été là-bas pour
qu'on n' a.ocx>rde pas l'admission. le fils du
di:recte.1r l' avait w en tête de liste, mais, au naœnt des résultats,
le directeur ne l'a pas nc:mœ. Elle a pensé qu'en avait cassé son
aàmission; elle a fait des dénarches, et l'injustice a été répaIée".
Dans l'interprétation par maraboutage, c'est la réussite soola1re,
la réussite 1n:iividuelle , qui organise et aprelle la FOsition
persécutive. A1:rlou est marabouté Par la "rivale", jalouse de ses
succès, car elle a un fils de nêœ âge, qu'Al::rlou et de nêœ niveau
soola.ire. n faut noter qlE le début des troubles n'est pas référé
au décès du père, mais au succès soolaire, bien que les deux
êvéeœnts soient cxmtenp:>rains.
Si le sc:tàne de la ma.lëKli.e par les rpb était admis, Abdou serait
par là-m✠"bien de sa famille, de sa race, situé cxmœ tel". Il en
va tout autJ:e1œnt avec le schàœ du maral:x>utage : c'est l'. 'affaire ae
persame à per&:>nne, Abdou affronté à san oousin, la mère à sa rivale.
le schèrœ du rnaral:x>utage n'intègre pas tous les élarents du tableau
cliniqlE, les crises en particulier, et tout le noOOe èst"étormé" •
sans riSJUe d'erreur, on peut SURJOser que personne ne serait
étonné de rien si les rab p:>uvaient ~tre officiellerrent évoqués en
cette affaire.
Dans chacun des trois entretiens que nous a:mnentcns, il est
intéressant de relever ce qui est dit des oncles maternels d'Abdou.
(60)
Maraboutage: i l oonsiste en pratiques magiques faites dans l' intent.i.cn
délibérée de nui.i:e, ou de protéger (pour protéger quelqu'un, i l faut souvent
nuire à d'autres).

129
cœme lui, plusieurs d'entre eux ont interrarpu études ou travail.
came lui, 11s s'isolent. Certains ont fait des crises. !es c:onsidêre-t-œ
came "malades" p:>ur autant?
La grand-mère ne laisse rien IBI'a!tre de ce qu'elle pense de cette
question. Elle ne veut pas dire les nars de ceux qui sont ma] ades
(des rab) dans la famille, et nous ne savons pas si elle c:xmpterait
ses fils parmi eux. Elle rapp:>rte seulement qu'eux aussi sont étonnés
de la maladie d'Abdou et q\\E, lorsque celui-ci est agité (lor9:!U'il
a des crises), ils viennent donner des conseils; autrerœnt "ils ne
pensent pas au sujet de la maladie d'Abdou". ~tenons l'élérœnt
d' étennerœnt devant les crises.
b) Entretien avec la ITère.
Au oontraire de la grand-rcère, la mère d' AbJou affinre ses positiens
sans détoors et critique ouvertaœnt la parenté.
Dès le début de l' entretien, elle brosse un tableau de la grande
famille. Elle insiste sur le grand ncmbre de parents habitant la
concession (les paJ:eIlts de son nari, les frères de son mari., leurs
ép:>uses et leurs enfants, des enfants ~iés). Elle insiste sur le
statut traditionnel élevé de la famille, sur les liens serrés' existant
entre les ascerrlants de son mari et les siens (la mère de son rrari et
sa mère à elle oot le nêœ père, son père est le cousin du grand-père
de son mari). Elle insiste sur le fait que le baptêrre d' N:rlou a été
célébré selon la tradition et que l'on attache un gram: prix aux
connaissances concernant la lignée : "e' est la soeur du père qui
raa::>ntait les histoires de la famille à Abdou", et tout le rronde
aimait à parler des ancêtres dans la famille. : "Abdou était curieux
et p::>sait trop de questions à ce sujet, alors qu'il est mauvais pour
'lm enfant de conna1tre trop bien les ancêtres; ça le rend orgueilleux
vis-à-vis de ses camarades, ça le gâte trop".
Abiou est donc si'b.lé d'emblée par sa rrière comre rrerrbre d' 'lme
grande et noble famille, en rcêrre terrps qu'est exprim§e l'inquiétude
"c'est mauvais p:>ur un enfant de trop bien connaître ses ancêtres".

130
Le ~sé d 'Ab2e~.
sur ce thêrœ, cornœ la grand--nère, la mère cherche a se justifier.
Avant le sevrage Al:Xiou êtait très bien; il a été propre très tôt.
Après le sevrage, il pleurait, et la grand~re a qui on le cx>nfie
alors le ga.tait trop : "elle le laissait trop en liberté, elle lui
Cbnnait a manger quand il le désirait, il faisait tout ce qu'il, voulait".
La IIêre Y insiste. C'est pourquoi le père a repris l'enfant. l'bdou
. était très bon élève. Le papa surveillait un peu les devoirs, r.ais
c'êtait elle la plus sévère. Le père s'occupait beaucoup des enfants
et s'était chargé de leur éducation cx>ranique.
1\\bdou s' entenJait bien avec les autres enfants. Persarme ne se
noquai.t de lui. i l était timide, i l n' avait rien à voir avec les filles.
Il
f
· sai
~...-+;, de l'
. .
.
de
l ' T • d .
Il
( Sl)
.
ne
al.
t pas .!:""'"'- .......e
aSSOCJ.éltion
s
1
Janes
, ma1S
il avait des amis d'école.
Si nous résurrons : l\\bdou allait bien p::>ur autant qu'il était élevé
par elle et sen mari. La grand""'f!ère lui a nui en le gâtant trop. La
tendance à s'isoler est mininù.sée.
ResI:ectant la succession des faits, la Itère raFPOrt ensU:ite le
décès brutal du père, et le situe justerœnt dans le IIêrre temps que
les su:cès scolaires. A partir de quoi ecmœnce "la maladie".
La maladie.
La mère signale que la première crise d' Abàou a suivi d'une sanaine
la ncrt de son père, mais elle ne semble pas faire découler l'une de
l'autre. D'ailleurs, à ce rrorœnt, "les crises étaient brèves, et ne
le prenaient pas à l'école". C'est un peu c:onme si elle expliquait
que la vraie maladie n' avait pas encore axrrrencé.
Cette maladie comœnce, p:>ur la mère, serrble-t-i~., avec l'épisode
du rraraboutage (par la rivale), que nous avons déjà rapp::>rté. la mère
(61)
WTidjanes"
clan mystique des jeunes.

131
eut très peur de ce maraboutage, mais s'est gardée d'en faire état pour
ne pas Atre suspectée 1 son tour, d1t~lle, œperdant qu'un marabout
lui avait ocnfiDtê la chose. Elle a a::msulté un grand rmbre de ~abouts,
les uns lui rot parlé de maraboutage, les autres de "~,, t52) ,
d'autres era>re de rab.
Mais, aussitôt après avoir expr1.rrê SCI'l ~s1on 1 l'interprétation
de la maladie par un maraboutage, la mère expr1Iœ, avec plus de force
enoore, et plus d'argurœnts, son adhésion 1 l'interprétation par les
rab.
Eooutons-la : "Dans la famille de l'lOIl mari, il y a les rab. Mais
personne n'a de Xarrp. Elle ne peut pas parler de rab dans sa fand.lle
1 elle, conna1t le nan de detDC de leurs rab. Ils n'ont pas de xanp non
plus. sa naman n'a jamais voulu qu'oo ré~te ces histoires, mais
plusieurs personnes SŒlt attaquées par les rab cb3z elle . .Ad •• , un
des oocles maternels d' Ab:X>u, a été f~ quand i l était très jeune
très intelligent 1 l' é<X>le, il a cessé brusquaœnt de travailler, puis
est devenu peu 1 peu cntplètenent paralysé. Un autre de ses frères,
Od•• , est revenu de France cil i l était parti faire des études, et a
refusé de travailler. L' a1né, Cl .. , géanètre, ne travaille ~ oon plus.
C'est le plus jeune, Ba•• , qui. travaille et oourrit les autres.
Abdou, s'il guérit, i l ne veut pas retourner à l'école. De toute
faç~, avant son hospitalisation, il refusait d'aller en classe et,
p::>ur la première fois, i l avait redotblé".
en ne ~t dire plus clairenent qu' l>..bcbu, came ses oncles,
est malade de la naladie familiale. Came etDC, il a cessé de travailler,
cx:.mœ eux, il s'isole et fuit les autres, conne .Ad•• , i l a été frëq:pé
1
jeune. C'est pour la mère tellerœnt évident qu'elle poursuit:
i1
"Elle aurait voulu faire un Xarrp, nais il faut, p:mr cela, une entente
l
l
,
avec toute la famille. ses parents ne voulaient pas, car ils disaient
1
1
1
,l
(62) Seytané
esprit ancestral, qui est fixé à un autel, chez les Lebou.
1

132
que c'est une bet1ae oootre la religial. Elle voulait cependant camenœr
,
la prêparat1al du Xanp avec le ~r1s&e.1r x•• , mais ses frères et sa mère
cnt fait arrêter cela. ses frères ne disent rien de la maladie, ils
veulent la guérison seu1eltent. Il n'y a qu'elle qui s'occupe de soins.
la parenté ne fa!t rien".
Cootrai..relœnt 1 la grand~, la nêre ne craint pas d' affiJ:Iter sa
croyance aux rab dans cette affaire, et elle tente de faire ce qu'il
faut, et elle critique assez violemœnt la "parenté" de l'en enpêàler
et de ne rien faire. n faut ratp!ler que la thérapeutique traditiamelle
requiert l'entente de toute la famille. Tenter un Xarrp sans l' accx>rd des
autres IœI'lbres du groupe n'est plus la réintégration du malade dans son
groupe, ni la soc1alisatloo de sa maladie, nais plutôt l'apprq>rtation
d'un :l.ril1vidu par un autre.
I.e tableau serait inOCllplet si l'on ne soulignait pas que, !lBJ:Ini
les synptelœs présentés par Abdou et ses oncles, la rœre privilégie
ceux qui oorrespoodent le mieux 1 la représentation trad1tJomelle de
l'atteinte par les rab : la paralysie, l' apragmat1slœ et les crises,
alors'que le délire n'est à aucun m::rœnt nentionné. La "crise",
tradit.1amellerrent, signe et résuœ la possession par le rab, "elle
en est le synptane majeur, ici celui qui est le plus OOltuenté.
les premières crises et leurs CXXld1tions d'apparitia1 sant bien
repérées et décrites : alors qu'il se battait avec son frère 'ltùenx>;
alors qu'il jouait au football; la crise a eu lieu le jOur de
l'ouverture des jeux destinés à la fête de l' D1dépen:ianoe ••
Et nous apprenœs que les crises d' Al::rlou font peur à tout le Italde
à la maiscn : ''Elle-m!!ne craignait s::>n fils quand elle était seule
à la maiSCl1 avec lui; il faudrait faire un N'dOp, nais elle n'a pas
d'argent". Bien entendu, les crises d'Abdou pouvaient inquiéter
l'entourage, étant dalné l'agitaticn, les rrenaces proférées.

133
Mais il SEItlble, si l'al se réfêre à l'attitll3e généralement à>servée à
l'égard de telles crises, qœ l'inquiétll3e la plus profome soit ici
d' lm autre ordre. Elle est liée au fait qœ la manifestation des esprita
est 1'd'l ma1trisable, ncn maniable, puisqu'on ne se donne pas les noyens
de la naltrlser, al ne se per:net pas de faire un Xanp ou un N' ~. C'est
l'impasse d'une anxiété qui se sait sans issue. Aussi "tout le nonde
est-il o:ntent qu'AJ:x1ou soit à l 'h5pital: maintenant, tout le m:nde
est traIGUille".
On ne peut que souligner encore cament la p:>sitioo sociologique
de cette famille, ~ appartenance de fait à deux religions, son
adhésion arrbi~, voire conflictuelle à trois sortes de thérapeutique,
excluent que les parents d' Abdou, resp:nsables de lui, nalade, trouvent
la "traIGUillité" •
c) Entretien avec le frêre a1né, Djibril.
Djibril est un garçcn ext:rl!nSlellt vif, intelligent, visiblenent
passiŒlllé par tout ce qui touche à la philosophie et aux sciences
oocultes, bien qu'il se destine aux mathématiques. Depuis des armœs,
lui et ses amis se sent grisés de discussions intenninables, auxquelles
Abchu assistait. Djibril se veut "ratiormel": il se Inse en grarxi
dialecticien. n a expliqué avec trop de fougue et de clarté le sys~
de pea1Sée d'Abdou p:JUr qu'an ne doute pas un instant que ce systàœ,
du noins en grarrl partie, ne soit aussi le sien. n parl~ de
"superstitioos"de sa rœre, ll'lr.llS l' intégratiCl1 des rab à un systàœ
de pensée ocxidentale, qu'il prêt à son frère, serrble corresporrlre à
sa prq>re interprétation des d1oses. Il est oontent qu' CI1 le solIicite
et ne nénage pas ses paroles.
Des années antérieures, Djibril dorme un tableau ricile et assez
précis, qui a été largerrent utilisé plus haut, dans la biogréifhie.

134
RappelŒ1S~ les êlêtœnts essentiels: Abdou est trop ~.tê par sa
grarii1\\êre. Au retour dans la maison tatemelle, en se m::que de lui
parce qu'il maI"ge t.rcp, il s'en Italtre três affecté. r:n se ncque de lui
éga1Elœnt A l'école, parce qu'il n' a1Iœ pas beauroup jouer. I.e terrps
passant, il devient plus renferrré, plus s:>litaire, plus bagarreur.
Il li,t beauCX>up et parle peu. n est arrivé qu'on le traite de "fou".
Entre les trois enfants du rrêrre ~e, i l y a toujours cx:rrpêtitiœ i ils
tiennent la tête de leur classe.
Molesœnt, Ablou fuit tout cxmtact avec les filles, ce qui le
coupe encore davantage de ses carpagnons.
l i s'est toujours intéressé avec passion A l' histoire de la
famille, des an~tres, du Ilan. Les années passant, il se nêle aux
discussions de Djibril et de ses amis : on y traite de philosopue
et d' ocx::ult.i.Slœ. l\\l:rlou a cxmfiance en son aîné et n'a plus d'échanges
qu'avec lui. l i l'enoœt>re parfois. lDrscÏu' il dérouvre quelque close,
c'est à lui aussitOt qu'il en parle. Djibril l'encourage, lui awrend
A distinguer les traits de caractêre à partir de la [hysiananie
et AlxJou prolonge cette recherche en établissant des liaiscns entre
rons, voyelles, visages 'et caractères. Djibtil lui ronseille de, vérifier
son systène par la philosophie, nais Ab10u ne pense plus qu'à sen systàœ,
entre les crises, cela devient une "idée fixe".
Ce que Djibril nous dit du passé d'Abdou est plus cx:rrplet et plus
objectif que ce que nous avaient appris la mère et la grand-mère,
plus confonre, il faut le roter, à ce que nous attendions, étant donné
l'état actuel d' N:rlou : isolerœnt progressif depuis l'enfance, replienent
qui n'exclut pas la recherche des bagarres, évitarent des filles, goût
IX>ur les jeux verbaux et les "raisonnercent" .• l-ms dans quelle rœsure
Djibril tient-il ces traits de caractère pour patlx:>logiques ? Il est
difficile de l'estilœr. D '\\IDe prrt, à ses yeux, ils font partie du
caractère familial de la lignée paternelle: '''Les D.. sont têtus, dit-il,

135
intelligents, mais œnfenœs, travailleurs et nerveux. On dit que
les "fous" viennent des O•• parce que ceux-ci sont trop nerveux.
Dans la famille, Œl a1mait bea\\XOup parler de la signification
des rx:ms, de leur histoire". ce pro!X's est oonfonœ à la tradition
des O•• , r.lais Oji.bril ajout'.e : "AbCbu est le premier O•• à être
atteint", et : "Je n'ai pas été tellement étonné par la crise:
AJ:dou avait toujours été me nature étraBJe, et la famille
maternelle est sujette à la maladie".
Bien que le caractère familial intègre une partie des traits
que mus teIDns pour des synptêrœs, pour Djebri1, Abdou est "l':'alade",
il n'est nul1erœnt errbarrassê pour exposer ce qu'il en pense.
La maladie.
Djibri1 dorme une interprétation psychologique de la maladie.
l,
Abdou, de talt tenps, a &:>uffert de la .&:>litude, d'être différent
!
des autres enfants et d'être en butte aux noqueries. Ojibril était
j;
emuyé de Bal attitude et essayait de l'aider. De tous les enfants,
1
-~
Al:xbu fut le plus affecté par la nort du père, qu'il admirait
l
bea\\xx:>up. Du vivant du père, il était ten\\J.. Après sa nort, il cx:mœnce
il n'en faire qu'à sa tête, devient plus bagarreur et &:>litairè.
1
sa
1
&:>lit:ude est devenue totale après la nort de sa tante et de son
1
grani-père, et après le départ de Djihril en bIousse. Al:xbu vit
l
1
alors dans la naison maternelle et il se serait révolté, inpuissant,
1
devant les bagarres qui éclataient entre sa mère, nerveUse et
i
orgueilleuse, et ses Œlc1es? Djibri1 tient deux des oncles maternels
1
pour "demi-fous" : "ns ne peuvent pas se lier avec persame: ils
l
ne veulent pas travailler, passant leur tenps en lectures et en
1
1
,
prières" •
Si nous résurons, les causes de la maladie sont : la solitude,
le manque dl une ailtorité, l'influence néfaste de la famille maternelle.
1
1
j
1
1
.,
1
1
l,1
1

136
cette interprêtatial CXlTprêhensive se cœjugue avec celle des
damées hêrêd1ta1res. tbus avons w que certaines d'entre elles salt
citées oame critères d'ëq:partenanœ au groupe des D•• et sant
reoamues c::ame pouvant facllerœnt basculer du côté de la naladie
al dit que les "fous" viennent des D.• ,
les autres, les traits
mpruntês à la lignée maternelle, sent tenus pour pathologiques
l'iEK:>lElœl1t, le refus de travailler.
SUr ce dernier point, il ne rous a pas été possible de rous
faire tme opinion; nous ne savons pas si les oncles sont des na1ades
ou des presque malades, ou s'ils sont des l'nmes pieux, reclus par leur
vie de dévotion et d' ét1.1de. Il n'est pas sans intérêt de noter que
Dj1brll, au rcaœnt de ces entretiens, se disp:>sait à cesser de travailler
pour se consacrer à des étlœs.
A aucun naœnt, Djibril ne parle ~ maraboutage, ce qui, bien
enterdu, ne veut pas dire qu'il n'y attache pas de crédit, mais nous ne
p:>UVŒls qœ nous poser la question.
"sa nère, dit-il, est superstitieuse, elle croit aux rab et au
maralx>utage. ". !'bus avcns déjà signalé que Dj ibril, lui, senble être
d'accx>rd avec Al:rlou pour faire des rab lm principe vital : ''Le ·processus
de talt être, c'est l'esprit qui procà:le de la matière; dans cette
matière sont la vie, liane, l'esprit; les ràb sont l'esprit qui ani.ne la
matière". les croyances arciennes sont ainsi rationalisées et prerment
place dans lm système de pensée "occidental".
en ne s'étormera pas que Djibril, lui non plus, n'ait pas fait état
du délire d'Al:x:1cu, car les élaborations, pour rous délirantes, semblent
non seulement prerx1re racine dans lm oertain cliJrat familial, que nous
avons évoqué, nais aussi adopter et prolonger les oonstructions
intellectuelles dans lesquelles Djibril se carplait et auxquelles il
a initié son jelme frère deIUis des années.

137
Pour Djibrll, donc, ce sont finalement essentièllement les crises
qui relèvent de la pat1'x>logie mentale. Il ne leur attribue pas directEment
une ê.tiologie, nais les détache des autres synpterœs qui, eux, oont raPfX'rtés
à 1 'hêrêdi~ ou au caractère du malade.
Résurons maintenant ce que rous ont aPfOrté ces entretiens sur le
plan des do~ socio-farniliales.
On saisit et on suit, en passant d'une génération à l'autre, le
rrouvement par lequel les représentations collectives se transfoment.
Bien q.Je la grarxl~re ne veuille pas ~e à son <Xn1pte l'interprétation
par les rab, on voit que cette interprétation aJ;Partient à sa génération,
où le culte des esprits ancestraux est encore pratiqué d'une manière
habituelle Par la rroyenne des femres. Bien que la mère proclane sa
croyance à l'action des rab dans la maladie de son fils, elle affi.J:Iœ
aussi croire au maralx>utage, et c'est dans ce registre qu'elle p:mt agir,
c'est à ce registre qu'elle appartient sociologiquaœnt. 'Avec Djibril,
apparaissent les explications psycmlogisantes en mêrœ temps qu'une
tentative de rationaliser les anciennes Cl':?yances.
On aperçoit que l'ordre de succession des ~ésentationS allant
des rab à la psych:>logie en passant par l~ maraboutage individualise
la wtion de maladie, de sujet malade. D'une affaire familiale, prise
en charge par les aînés, on passe à un affrontaœnt entre personnes,
p.lis à une mtion déjà assez explicite d'histoire persormelle.
On voit à l'oeuvre le syncrétisI'œ religieux, donnée iIrportante
de la société Lel::ou actuelle, faisant le lit des tensions intra-farniliales
et étant source de malaise, d'anxiété, de rarords, de contradictions
ou de drames ~ les individus.
On voit cament se référer à l'une ou à l'autre des différentes
étiologies inpJse et corrluit en fait à opérer une séle:tion panni

138
les ~es, A nettre l'accent sur certains d'entre eux, afin que
la maladie apparaisse oonfome au schlma que l'on s'en donne. C'est
ainsi qu'avec les rab, l'accent est mis sur les crises, ~vec le
naraboutage sur la réussite, ~ l' êchec scolaiI:e, avec la psycoologie,
sur les traits de caract:êre qui. sont reliés A des circx>nstances de la
vie du mala:le.
en remarque que l'interprétation par les rab est celle qui intègre
le plus gram rxrnbre des syrrq:>tâœs présentés par le malade.
On remarque égalenent que la mtion d'~redité, qui. est partie
oonstituante du ooncept de rab, est écartée dans l'interprétation par
marbout.a:Je, mais qu'on la retrouve alors juxtarosée à celle-ci cx:mne
à l'interprétation p;yc:hologique, et faisant le jeu des affrontarents
entre lignées.
On oote que ni la xœre, ni·la gran5~re, ni le père, ne font état
de ce que IX>US IXmtDnS "délire".
Enfin, i l n'est pas sans intérêt de déoouvrir que l'effet le plus
rapide et le plus apparent du séjour en milieu hospitalier étant la
suppression du sympt:eme "crise", la naladiè est ainsi rendue plus
oonfonœ aux schénas du maraboutage ou de la psychogénèse.
Mais qu'en est-il d'Al:rlou, objet de projection et supfOrt, au
carrefour de ces représentations? Peut-on oonclure ?
certa.i.raœnt pas dans ce cas, où l'a ~ familiale n'est
qu' ébauchée et pennet seulanent de pressentir ce qu'elle rourra donner
lorsque mus en aurons une plus grande expérience et maitrise.
NJus IXJUS oontenterons ici d'un bénéfice difficile à cerner :
celui de percevoir un peu mieux ce que chacun veut dire en oous
p:rrlant d' Ab<bu et de quelle manière se sent mis en cause par sa
maladie,
ses~, les soins qu'il reçoit.
1

139
3. Analyse du délire d '1\\l:x1ou.
OJe,lques entretiens ont été proposés à Abdou, qui auraient pl
oonstituer la mise en route
d'une psychothérapie. :·1ais Abdou n'était pas,
ou guère, "deman:leur"; le matériel verbal recueilli par nous est identique
à celui recueilli par les autres praticiens qui se oont occupés de lui; CIl
n'y re:fêre aucune arrorce de nobillsation des positions exprinées par ailleurs;
en bref, il œ s'est pas instauré de relation analytiqœ.
Est-ce parce que notre al:x:>rd de ce malade a été maladroit? La
diférence de culture a-t~le joué en sa .défaveur? Ou bien la durée
de cette tentative a-t-elle été· trop brève? ces questions restent
ouvertes. Plus probablaœnt, l'état d'1-Jxlou rerrlai.t très difficile,
voire jnp:>ssible, l'instauration d'une relation analytique, comœ cela
est souvent le cas chez les ma] ades psychotiques.
L'analyse qui suit ne !Sut donc pas être l'analyse d'un cas,
d'une personnalité dans sa dynamique; elle ne peut pas effectuer la
mise en place de la ma]adie dans l'histoire du sujet malade. Elle peut
seulaœnt être l'analyse d'une expression, d'une manifestation de la
maladie, du délire, dans son organisation et son contenu. Elle oonfimera
ou infi.rrœra l' i.np:>ssibilité d'une relation; elle dira si l' ébaucile ou
le genœ d'une relation n'a p::lS échappé à" une pranière ccmpréhension.
Elle pourra mntrer en qtX)i consiste le noyau p:;ychotique du délire.
L'indication fournie n'aura pas valeur de pronostic car 'elle n'est
qu'un élâœnt parmi tous ceux du tableau clinique.
Pour situer lesprablèrres que iX'se l'analyse d'un délire, il est
utile de définir rapiderœnt en qooi consiste la différence entre
névrose et psych:::>se, telle SU' elle se présente dans le disoours du rralade,
dans le texte de son délire, et telle que peut la rœttre en évidence une"
analyse de ce texte.

140
CD peut dire que toutes les relations humaines 8UWOsent un systène
de rêgd.es synix>liqœs, ou "00de", qui, à la fa90ll d'un llDdêle cybernétique,
orqan1se et donne un sens aux échanges vécus entre les inllvidus. Il y a
lieu de distirçuer deux plans :
- celui des échanges vécus
- celui du rode ou de la règle du jeu.
On IDurrait dire aussi que le névrosé est un individu qui ID8Sêde
i
!
le rode régulateur des échanges avec la société, mais qui l'utilise mal;
1
l'emploi du rode se fait avec des difficultés et des échecs dans les
échanges.
Chez le psycb:>tique au antraire, ce na sant pas seu1.aœnt les
échanges qui sont déficients, mais le rode lui""1!èœ. le sujet a ~rdu
le cxxle, ou plutôt certains élé:rœnts du rode. i l est cx:rrparable à
;
quelqu'un qui, tout en ayant l'usage ma~riel d'une langue, na saurait
1
l
plus distinguer les nans et les vel:bes, le sujet et le oœplénelt,
1
le passé et le futur , le noi et le toi, etc •.
1
1
Toutefois, chez le psyclx>tique, ce n'est pas le code linguistique
l
qui est déficient, mais le rode des relations inter-pm;onnelles.
On peut dire qu'un systàœ familial est un c:x:>de oarportant \\ID' certain
1
IlCIIbre d'ogx>sitions distinctives: père/fils, nère/&>eur, mari/ferme,
ete.. Dans le systène des a:s;:pellati.cl1s familiales, toutes ces relations
1
existent ensenble, elles se définissent les unes par raIPJrt aux autres
1
et c'est le systàIe global qui à:>nne une règle et \\ID sens aux relations
1
vécues. Dans la psycb:>se, certaines de ces C>pIX>sitians sont isolées,
j
1
réduites à une opposition duelle qui n'est plus nédiatisée par l'ensari>le
du réseau; les différences de sens ne peuvent plus être mises en place
J
d'une manière rohérente.
1
l'Vus allons voir ce qu'il en est d'lez A1:rlou.
1
1
1
1
'1
t1
1
1
lJ11l~

141
La questiœ que p::>se et qœ nanipule le délire d' Abdou est essentiellEltel'l
celle des rapports du sujet à la fonct1cl'l synix>lique du pêre, celle du
r8RX>rt pke/fils.
Chez lui, les troubles éclatent dans les jours qui suivent le dêœs
de 9:ln père, ocrme si la disparitioo du pêre avait révélé la carence
d'une certaine ccnstructial de la personnalité du fils, carence que la
présence reelle canouflait.
Rappelons que l'acœssioo d'un sujet à la virilité, came à la
fêminité, est le tenœ d'un procès de synbolisat1on en:jaqé depuis la
naissance, dès avant rnêrœ, depuis que l'enfant existe déjà dans le
désir de ses parents, c'est-à-dire dès qu'il est pris dans le désir
de ses parents, pris dans le réseau des échanges hunains, p::>ur une
mise en p:>sitioo dans la société hUÏnaine; mise en p:>Sition qui est
à la fois intériorisœ chez le sujet et re<X>Imue par les autres.
Pour Abdou, cette recherche de la virilité ou du droit à être
re<XXU'lU oame hcmœ, ne parvient pas à se situer, à s'inscrire dans
le registre du cxxle, mais elle se matérialise au niveau de l' ima~
du oorps, à la fa\\XD d'une "chose", d'un état de dx:>se physique •••
"Isnaël, le gars de ma classe, c'est lui je crois qui m'a c10rmé
l'esprit. Avant, j'avais l'esprit vide; i l m'a mis quelque àr:>se
et je suis plus vivant. Lui, il peut prendre quelque cOOse dans la
main et te le nettre dans le oorps. C'est son pouvoir, ~ n'est pas
un sorcier, c'est un saint plutOt" .
•.• chose que l'on a, ou ron, chose que l'on vous prend, :PUs que l'on
reprerrl, chose que l'on nia pas si les autres l'ont, de telle sorte
que le va et vient de la "chose" ~t: se poursuivre indéfi.n.i.rrent sans
que rien ne change.

142'
r
1
..
1
f,
La "coose" n'est pas un JTé:11ateur syrrbolique qui pex:rcet aux échanges
l
de se stnx:turer, de progresser. Ici, chaque acte annule le prêoêdent1
l
oous avons affaire à une relation "en miroir".
i
1I()Jand il se détournait, c'est cx:mre si CIl arrachait quelque chose
dans ma. tête".
1
IIJ' ai giflé non frère, c'est cx:mœ si quelque cb::>se avait réintégré
ma. tête".
llQuard l'esprit revierXlra en noi..".
"L'esprÜ: cho:se" revient, repnt, sans que rien ne sOit aCXJUis. La
"clDse" que l'on a ou rnn se déplace, d'ailleurs, d' \\ID registre sensoriel
à l'autre.
"ils se ooupent la parole .• Q'i m'interdit de prier".
"5' il ne parle, ça ne fait du bien".
IIDjibril m'a ~lé irrbécile, non CXJeur s'est ralenti, je suis tarbé".
"Il veut qœ je oois ~".
le registre de la vue est privil6:Jié avec le thàœ de la lœrl.êre
dans les yeux; si CIl l'a, on est aveugle; .si CIl ne l'a pas, on est
aveuglé par l'autre qui l'a.
"L'esprit, c'est came une larrpe qui s'aUme et qui s'éteint".
"Quarrl l'esprit est rentré en noi, c'est là que j'ai les lumières
dans nes yeux. C'est arrivé une fois. Ça va les aveugl~, ils fenœront
un peu les yeux. Je regarde came m:::>n père. Je crois qu'alors je };X)urrai
inp:>ser ma volonté aux autres, ceux qui ont des lumières dans les yeux
sont souvent des savants".
"M:>n petit frère, des fois, il te fait tarDer came il veut. Il re
regarde et je tarèe. Quand il fait "tzz", c'est c:x:r.ne s'il m'enlevait
quelque chose dans la tête, l'enthousiasrce. Je ne suis pas vivant, ce
n'est pas l'impression, mais je ne fais rien, je reste came ça".

143
La virilité est aussi faite "chose" par Ab30u en ce qu'il l'identifie
à un état eUI*x>rique de subexcitat.i.oo senSorielle qu'il name "ent1'x>usiasme".
n recherche cet état par le noyen du cinlma, de la nusique, de la lecture,
du Coran.
"()land j'enterds de la nusique, ça matohe cx:mœ ça, ça dérrontre que
l'esprit est entré en noi".
C'est le nêœ type d'alternanee qui. sous-terrl les crises violentes
d'Abcbu. les crises le caJ.rrent parce qu'elles sent des équivalents
"d'avoir la chose, l'esprit". Au contraire, les insultes, les ITlJqUeries
l'en privent. C'est ainsi qu'il explique :
"Si Djihril ne regarde, ma colère s'en va" .
.
Il ne veut pas dire qu'il est apaisé, nais vidé , privé de la "c::tx>se".
Possession de la "coose" ou état sensoriel sent indéfi.n.inent
vérifiés dans le vécu coqnrel, au cours d'expérmentations qui. sont
toujours à recamenœr. le malade oscille sans cesse entre des narents
CAl l' inpression-.réw du corps lui prouve sa virilité et d'autres norœnts
CAl oell~i est pour lui armulée parce qu'.il ne perçoit rien.
L'insertion dans le réseau sym1::x::>lique ne peut naître de la sensation,
de l'expérience. La "coose" n'est donc jamais aCIIUise dans sen sens
et bbdou est "dans le t:atps de l'expérience", de la "preuve à faire"
et toujours "à refaire".
"Qu'on IrE laisse en paix le temps que m:>n expérience se termine".
et
"Un jour viendra •. " •
La quête de la "chose" est aussi quête d'un rnn. Pour Abdou, avoir
un certain nan et lui resserrbler, c'est avoir la "coose".
"Quand non esprit aura réintégré ma tête, je ressemblerai à l'!OI1 rx:rn".

144
I.e IOn n'est pas utilisé cxmœ le signifiant pu' excellence, filais
dans sa matérialité scn:>re (et la eX)lùeur de l'esprit dêp!1'd du nan),
et, du coup, il devient nêoessa1re de le dStu1tip1ier pour des usages
divers: 11 y a :
- le IOn qui déferd,
- celui qui attaque,
- celui qui se ~,
- celui qui renvoie le mal,
- celui qui dit que l'on n'enlève pas le bien.
De rrêre sorte est l'usage que fait Al:rlou des é1&rents de nortflo-
p;ycOOlogie qu'il a ac"q>tés.
La différence entre l'utilisat,ioo de la sensation et celle du nan,
c'est qœ la seoonde penœt un jeu plus sinp1e, plus différencié.
L'1nstrulœnt abstrait est plus maniable; parce que les idées sont
tenues à distance des sensatioos.
1
le IOn qu'il tient de s:n père - ce ron qui: par définitian situe
1
chacun dans la société hunaine - Abdou le rejette, et il effectue une
1
auto-nanination, une auto-situatian qui mai:queet expri.Iœ l' ~ de
1
l'accès au réseau syniJo1ique eœm.m. l'.bdou, en un sens, se fait père,
1
1
son propre père, celui qui name. le rafPOrt père/fils est neutralisé
dans ses traits distinctifs et la recherche du nan devient une fome
1
'1
vide, une question qui ne a:nporte pas de réponse.
1
Ce nan auquel Abdou veut ressenb1er est un nan "secret"
'-rous les grands hcmtes s:nt les premiers à avoir porté leur nc:rn".
1
!
L'autcr-nanination, came le secret, narque la place vide du
!
signifiant, place vide devant laquelle tourne la ronde dérisoire des
l
1
ncrrbreux nœs que manip..1l.e Abdou.
1
1
1
~
1
1
~1
l
1
1

145
Dans un entretien, 11 roua raoontera la lêqende du casseur de pierres
qui c:lemarde l un gên1e de le rE!lldre roi, plis ~ - qui est plus
p.li ssant que le roi - plis soleil - qui assêche le plits de l' enpe.reur -
puis ~ - qui cache le soleil, puis IlDIltagne - qui arr~te la ~ -
puis. •• casseur de pierres - qui casse la nontagne -. 00 l'on voit le
ragx:>rt pêre/fils ne plus avoir de sens. 1'h3ou, lorsqu'il oous en fit
le rkit, cherchait ml ran pour chacun des héros de la légende ••
la perturbation prqmnent psycWtique de la relation père/fils que
IX:JUS veoons de dkrire, cx:xrp::>rte une oonséquence logique: elle
s ' ~ nêcessairEment d'ure affiDnation ou d'une recherche de
plissance sans l:1mite, autrarent dit il n'y a plus de place pour la
castration.
La mise en fonction, en tant qu'!ntme ou femne, adulte, supp::>se
cpe s:>it sumonté, vécu p::>sitivanent, ~e problàœ de la castration.
L'angoisse de castration a certes une valence sexuelle, mais elle en a
d'autres aussi, qui s:>nt rouvent d'ailleurs syrrix>lisées par la valence
sexuelle. Pour être b:mœ, adulte, i l faut oon seulement accepter les
l:1mitations à la sexualité jmp:>sées par toute société humaine (le faOOu
de l'inceste, dont on sait qu'il constituè les sociétés), mai,s accepter
et assuma- toutes les limitations qui marquent la cordition de 1 'lrmœ :
œlles du tanp3 irréversible, de la nort, du corps unixexué; il faut
rer..>ncer à la plissance sans l:irnite, à l'enfance iIrléfinie, à
l'imrortalité, etc •• , rerDœer, oon IXJUr se &:>UIœttre à un père terrible,
mais parce qu'il s'agit de prerdre la réalité telle qu'elle est en vérité.
Certains malades psychotiques se dirent riches à milliards : ils
p:>ssèdent la terre, cx:mnarrlent aux rois, oourrissent le IlDnde, etc •.
Alx1ou, lui, est prophète, sera prorilète. Il devinera l'avenir, i l fera
des miracles, il devierrlra ce qu'il veut, il sera savant quarrl i l le
vo\\.rlra. Mais lui-mâne expriIœ a:mœnt la p.li.ssance qu'il recherd'le est
à prqu-anent parler "invivable".

146
Un jour qu 'll pense avoir fait "la preuve", il nJUS dit :
"J'ai fait l'expérience, ça a réussi, j'ai mis les mains pour prier,
j'ai w que ça réussissait, alors j'ai mis ce ran-1! de COté pour non fils,
je ne savais pas quoi en faire.
Dans le délire d'.?'lbdou, le rapp:>rt ~re/fils n'est pas oonf1ictue1~
i l est éludé, forclos (cf. J. UCAN). Deux oonséquenœs en résultent:
(1) l'apparition de ce qu'on p:>urrait a~ler une "~rde des n:r:lS" , le
n::m servant. à maxquer la place, celle du pêre, ocmœ celle du fils, ne
nm:quant aucune place, toutes les p::>sitions s:>nt équivalentes et les rans
J;eD1Utent de l'une à l'autre, sans fin et sans direction : ils tournent
en rord~
(2) une affiDnation de prlssan::e sans limite : des FOsitiDns articulées
entre elles permettent de définir les limites assignées à chacune~
l'abolition des p::>sitions est aussi alx>lit:i.on des 11lnites, 1iroites de
ce que l'on peut faire, p::>sséder, être, ete ••
Dans le délire d' Abdou, i l Y a un autre é1€m:mt
d' fup:>rtance et
1
que l'on trouve raraœnt à ce p::>int explic.ité
c'est la place de la
~1
nère, de la femœ. Fa:>utons-1e :
1
t
l
"Clnse curieuse, j'ai pris un ran, là, dep..ûs que j'ai lu ~ histoire
!1
âjyptierme, celle de nâ, qui avait p1usie.rrs n::ms, et une femne
1
voulait oormaître ces rons. Elle a fini par oonna1tre so!l vrai IXITl.
i
Elle s'est faite déesse, là. Je Iœ suis rroqué de ce Dieu qui s'est
!
fait tr<Jnt:er par W1e femne. on dirait que le destin veut que je lui
ressanb1e.. Je n'allais pas avec "elles". C'est depJ.i.s l' histoire de
1
non enfance •• J'imagiœ ce qui FOurrait m'c.rriver, des fois. Les femnes
1
SJnt toujours en train de se rroquer des lnïmes~ m::>i, on me traite souvent
1
1
de feu, j'ai toujours été ccmne ça •• rœs frères ont pris l'habitude des
1
femres, de se détourner en faisant du bruit avec la muche •• ".
1
1
l
1
1
1
1
ij
1

147
A lD'l autre nOllent, parlant du Dieu Râ, 11 êvoque son aspect solaire
t
et le met en continuité avec le tMrœ de la luniêre dans les yeux.
1
i
Ü! ttène de la femne, de la mère, '1ui nous prive de l'esprit, de
1
1
,
"la cb:>se", est repris par lui dans maints entretiens :
1
1
"La première crise, dit-il un jour, c'est à cause de ma mêre: elle
1
voulait me défen:lre d'avoir un bâton. Je me pranenais avec un baton à la
1
main. Elle m' a dit de le l5cher. :Blle m'a parll!, elle m'a enlevé non
1
1
esprit. J'aurais pl lui prendre aussi, vais je me suis retenu".
1
j
Une autre fois, il situe la première crise :
"Dans la maison de ma grarrl"'1'lè:e, r:on esprit est parti. Je regardais
1
en haut, partout, je crois que quelqu'un ne l'a pris".
1
1
"Je sens que si je parle à ma iœre, ron esprit va s'envoler, il va
en elle".
1
i'bls savons déjà cament il accuse sa mère de provoquer ses crises
1
1
par sa présence, par ses paroles :
1
"Je m'enfuis, je recule devant ell.e •• Si je la frappe, j'évite la
i
crise" .
!1{
Faudrait-il de tout cela conclure que les CXIIIJ:X>rternents ou les
attit:Ines de la mère d' Al:xiou sont resp:msables de la maladie de son fils?
A oonsidérer seulaœnt le délire, 11 n'est pas p:>ssible de le dire,' car
la IX>Sition de la 11ère dans ce dél:iIe rourr~t être d€duite
de la
structure psychotique que n::ms avons voulu décrire. En effet, nonnalenent,
chez l'enfant, la relation de départ est une relation duelle avec sa mère.
L
Relation qui est, d'entrée de jeu, virtuellem:mt, p..ùs de plus en plus,
médiatrice par le père. C· est par rapp:>rt au père que l'enfant s' insère
1j
1
dans le réseau social des éc11anJes. C'est dire que toujours, lorsque
~
1
l'insertion symlx>lique éc:lx:>ue, l' enfant est rejeté du côté de la ITère,
!
,
de la relation duelle à la mère.
1-
~

148
Tout ce que dit Abdou de sa. mère et des femes signifie seulE!lœnt
que la place d'harme est p:nJr lui forclose.
Dans l'histoire du baton, dont la nêre veut le priver, on p::>urrait

~ tenté de voir une figure de mère castratrice, nais, qui dit castration,
nous l'avons w, dit mise en place du symlx>liSl!e paternel. Or, ici, i l
fait défaut, et ce dont la xœre prive 1ù:xlou n'est pas du droit de se
faire recx:mnaltre hcmne, mais de la "clDse".
Ces précisions tllOOriques p::>sées n'écartent };Bs la IOssibilité
que la per!Drmallté de la Itère ait joué un rôle décisif dans l' tüaboration
des troubles d'Abdou. IDrBqll'On disp::>se de dOImées suffisantes, on peut
généralanent CXluprerxke cx:mœnt la névrose d'un sujet s':lIticule avec
les élffilents pathogènes de la personnalité des parents, nais ici les
données oous manquent p:>ur en juger.
tbus cxm::luerons en affiImant la l1ëlture ~cix>tique des prop::>s
d'Al:xlou et en répétant que œtte'affiJ:ma.tion n'ergage p;ls le pronostic;
une struct1.1re psychotique telle celle que mus venons de décrire.·
peut être réversible • Par oontre, un él~t .i.nqx>rtant du prowstic
est la longue durée et la fixité du délire dl.ez notre malade.'

., ..
.
149
II •. L' EX1\\MEN PSYCIDIDGIÇÇE.
A. UNE EPRE1JVE PROm:TIVE : LE TEST DE ro~.
1. CŒr.entaires du Protocole.
Nous r:anquoos d' él6rents d '1nfonnat1on en ce gui oon::erne les
rép:mses d'adultes rx:mnaux Ivoiriens au test de ~rschach, et d'él€ments
1
de c:x::r,paraisan entre les adultes DXltB.UX et les malades rœntaux Africains
1
lX)ur donner à ces résultats une valeur CCJ!!>lète. Une étude quanti~tive
1
des rép:mses Africaines reste à faire. Nous diS!X'SOns p:lr ailleurs d'un
1
rnrbre insuffisant de protocoles pour une étJJde qualitative. Nous sennes
1
oontraint d'utiliser, cx::rm-e cadre de' référence, les oorr.es occidentales.
1

Nous trouvons, dans ce ~rschach, des siçmes et une i.Irpressian
d'ensanble qui suggèrent un tableau de naladie nentale. Par ailleurs,
1
l'étude du œ.s ccnfi.D!e oos interprétations et lêcritiJœ l'utilisation
1,,
de cette épreuve.
L.
a)
L'intelligence du sujet se traduit par les ~7J?eB d'a~réhension,
1
~
la qualité des déteI:minants "F", la succession, les contenus et les
!!
IXJUrCeI1tages de banalité et d'originalité.
f
Ici, nous voyons les 'tyI:es d'appréhension se déplacer vers les
1
00, Do et Db! pJUr oonstituer 53% des rép:lnses. Panni ces 53%, 23%
sant des Do. Le sujet se classant dans la royenne des adultes au test
1
j
de Rey, le pourcentage important de Do serait chez lui le signe d'une
~
1
farte inhibition intellectuelle.
1
t
1
<~1
1
1j
1
1i

1SO
tes rêponses globales salt au robre de 23%. ce 1;)OUr'œ1'ltaÇ7e se
situe dans les limites de la oonna,litê. Le :rnu:-œntaae de bonnes foMeS
est de 41%1 il est de 80 A 90% chez les OOntBUX. Les for:res êvoquêes
plr le sujet ne sont pas rral WeB, nais sant vagues : lacs, terres,
cartes de ~aIiUe•••
Le rœrcentage de contenu arWnal n'est que de 23% (il est, en
gênêral, d'environ 40%).
Le axschach du rralade ne contient que 15% de banalités, alors
qu'un protooole oolltBl en contient habitue1laœnt 25%.
Nous retierrlrons, chez le sujet, en ce qui concerne son intelligence
- une baisse gualitative des node.s d'awrêhension et de leur fODœ;
- de très fortes inhibitions intellectuelles;
- peu de précision dans la pensêe;
- une pEoT: . de contact avec la réalité.
Le
let s'avère œ-IBble, à l'eIÇJête et quand i l est stimulé, de
retrouve:- de bormes fornes et d' utilisei à nouveau ses I!O~ intellectuels,
mais il y a chez lui un refoulenent irlx>rtant de ses !X>ssihilités
intellectuelles.
i
b)
L'analyse des réponses nontre, en ce qui concerne l'affectivité
1
- un choc à la couleur, très i.np:>rtant;
~
- refus des planches, absence de banalité à la planche VIII, fuite du rooge
aux plarx=hes II et III, fuite des couleurs en VIII.
1
1
ces
1
réactions traduisent un refoulaœnt massif, profond, gui se
nanifeste par une absence de contact.
1
1
j
f
1
1
i
1
1
,

151
Aucune Jnterprêtat10n 0.) la oouleur est dêt:ex:m1.nant:e n'est dorlnêe.
Par contre, on note une réponse K : c'est un K de flexion, signe, chez
le sujet, d'un dynamisne eKistant, mais exprimant le besoin de la
personne d'être soutenue, redre8sêe, de trouver un appli autour d'elle.
Le bilan est pauvre, le dynamisme du sujet est refoulê. Les
lX'ssibilitês de réalisation qui ~sent l' irdividu à agir ou à
oamuniquer avec l'autre sont ici três rêprimêes.
tOus voyons dans le contenu un certain IXJnbre d' él€rrent.s
qui
peuvent confiIIœr l' apauvrissanent intellectuel et affectif.
Le 1% est très faible. SUr le total des interprétations, 15% sont
oonterus gOOgr~iques, signes, ~ Ibrschach, du "CXltlp1exe
d'intelligence". 41% sont des éHinents en particulier des brousses,
c'est-à-dire des contemls isolés. Les rep:mses lunaires occupent 23%
des rep;>nses. L'une est un K de flexion (personœs penchées, liées
à un Do à ~1on parcellaire de ce qui est généralement w
c:xmne un trot).
De cette analyse, nous relevons :
- un tn:e d'appréhension très a~uvri;
- un cx:mtenu pauvre avec apparitien d' él€ments
isolés;
- de la persévération avec identi~ de contenu;
- une seule interprétation où la a:>U1eur entre ccmœ déteI:minant.
Ces signes évoquent la schizophrénie, mais ils sont atténués par
l'enquête.
Ce qui avait été donné cx:mœ éléments norcelés est réuni, recx:>nstruit
en un tout (ainsi, à la pranière planche, ~es mains et les jëlntes deviennent
une personne entière).

152
la banalitê, qui n'avait pl ~tre donnée çontan€ment,
est retrouvée.
Cette possibilité de dépasser le pranier refus le fait apparaltre cxmœ
un nêcanisne nêvrotique et non cx::mœ un nécanisme psycb::>tique.
Tout se passe donc cx::mre si le soutien qu'on app:>rte au sujet, les
questions qu'on lui pose, le dialogue qu'on instaure, l'aidaient â
utiliser â oouveau ses capacités; les interprétations dol'lIlêes â
l'enquête s:>nt toutes de l:x>nœs fomes; le sujet a ~ tr1anfher, en
partie, de ses refus, nêœ s'il reste des noyaux d' inhibitien.
On distingue, par oonséquent, à ~é des éléments schizc>P1réniques,
d'autres él€m:mts
névrotiques.
2. Protocx:>1e et Psychograrmes.
(1);ProtOcx>le.
~SES
EtUJEI'E
l
1
"Des jambes jointes"
OOF+Hd
1. Ça les o.lisses,
ça les nollets,
45"
parce que les
V
cuisses sont plus
grosses que les nollets
(F)
2
"Deux mains en haut"
DoF+lk1
2. Le IDuce et les
doigts. Je vois le CXJU.
"A droite, je ne
Ce sont les mains de la
cunpreoos pas"
personne. Je vois
seulerrent les mains et
le.s jarriJes et peut~tre
le rou.
"C'est tout, je
(D H F)
Elle est del:x>ut avec
crois"
les nains au dessus
de la tête, c'est lm
peu ccrnne l':i.Inër:Je de J.C.
crucifié là. I.e roir,
ça dessiœ bien la fome
de la persorme.
Là, peut-être, ce sont
les hand1es. Petit à
petit, la personne se
reoonstruit et prerrl
sa fonœ canplète

153

REPONSES
EtQ.lETE
I I
1
"Au milieu, ça au
Dbl G F !
1. J'ai pensê que c'est
milieu, un lac"
Elân.
une ne éWeC un lac au
1
27"
milieu
V
2
"A droite et à gauche,
ce sont des terres"
OF!
2. Je ne ex>rma1s I8S
d'ne de ce genre.
ce n'est peut-être 125
une ne, c'est deux lles
avec la ner qui passe au
milieu.
"Je ne vois pas bien"
Je ne sais pas ce que ça
représente, ça peut
représenter des an.iIraux,
des lapins avec les
pattes de devant levées.
"Je ne vois plus rien'"
(00 F + Ad)
Je ne vois que les pattes
et un peu le museau et .
les noustachas, mais je
ne vois pas les oreilles.
l·bi, je ne vois que la
fome.
Je ne regarœque la fOIne.
I I I
1
nA droite et à gauche
GKH
1. Je crois qu'ils s:>nt
i l y a des personnes
ban.
habillés en Européens,
17"
penchées"
des ~s:nnes qui
V
routiennent quelque
coose, mais le dessin
est vague.
"e 'est tout"
(Alors que l'enfant
désigœ le roU:Je du
milieu, ré~nd sur le
mir du bas)
Dbl P +
La fOIne blanche, la
obj.
robe, et ça UŒ!
ceinture de darœ.

154
"IA je ne vois pas"
(réponse sollicitée)
20"
V
l
"c'est peut-être une
carte"
D G F ± Géo
1. La. ligne du milieu,
c'est peut~tre un fleuve.
Je lE cxmnais Pls cette
carte, mais c'est cette
ligne qœ j' ~lle
fleuve, qui Ire fait
penser à une carte.
Là, c'est l' enbouchure
du fleuve.
(00 F + Rd)
2. La. jambe est CCImle ça,
voilà la fonœ du
derrière. Ibn, je ne
crois pas qu'il Y ait
des ani.Iraux. Un delta,
c'est un fleuve qui
arrive avec plusieurs
bras sur la rœr.
V
l
"c'est une chauve-
G F + A basse OUi, c'est \\me chauve-
souris, ça ,avec les
souris, tout sirrplerrent.
9"
deux ailes, à droite
V
et à gaudE i en bas,
ce sont les pattes,
en haut, deux oreilles"
(Sollicitation de
l'observateur)
"Je crois qu'on ne peut
rien voir, c'est une
chauve-souris, tout
5 implerrent"
"Ça, c'est une ligœ
de sym§trie, au milieu"

155
REPOOSES
mcm:rE
VI
1
"IA, je ne vois pas"
"ce ne scnt pas des
17"
Do F + hi
1. lh'l. animal qui li des
ailes en haut à droite
ailes. Je ne crois pas
V
et à gaudle"
qu'il puisse avoir des
PJils. Ça; ce soot des
plunes, parce que les
plurœs sont êparpil l ées.
2
"Ça des poils.
Do F + hi
2. Je ne wis pu;
En haut et à dmite
l'arùlnal, mais je vois
et .l gauche il y a
qœ ça, ce sont des
des PJils".
phmes.
"Ensuite, je ne vois
rien"
VII
1
"Ça o'est un bras de
ObI G F -:
1. Ça me fait );enser à
mer peut~tre'l
Elan.
une carte, c'est une
23"
lIe avec un bras de Jœr
au dedans.
"A droite et à gauche
·0 F :!:
il Y a des terres,
Elém.
la ner est au milieu"
VIII
"Là je ne vois pas bien"
1 (0 F +
1. cament s' a~lle
Anat)
l'os au milieu, qui
26"
soutient" les côtés,
X
le sternun et les entes?
(Tu ne vois pas dl animal?)
1-
"Tout cela, ce sont des
2 (0 F +
2. Ça, ça peut être des
d.essins, avec des lignes
A ban.)
rats ? Cl est );eut~tre
de synétrie au milieu"
la. queue, mais elle est
trop grosse.
3 (00 F :!:)
3. les lignes, là (au
milieu du bleu), ça peut
être les nerfs.

156
~SES
m(l.tETE
IX
"c'est ça le haut?"
(Petoume la plandle)
DF+
1.
45"
Ça peut être me xobe
objet
avec les manàles qui
V
(or1g. )
gonflent.
>
Ça peut être les dessins
de la robe (petites
taches blanches) .
"Je ne vois pas bien"
Ça ne fait penser à la
robe de Blanche Neige.
x
"Ça ce ront les oords
IXl F ~ Géo
1. OUi, ça peut être
35"
d'une carte, des
D F ~ Elém.
un crabe ici, un sanglier
v
terres"
(D F + A)
(jatme D et G au centre)
(D F +
nais i l manqœ une come.
A ban.)
"C'est tout ce que
(D F + A)
Une espèce de crabe
je vois"
aUSsi avec un Cl:QCœt
devant.
C'est le choc qui ne
fait oublier bealXDUp
de cb:>ses. (en a arrêté
IMintenant) •
Je suis sjmplenent mùade.
C'est tout.
Oloix des ~)land1es :
- Planches préférées
III et V
"paroe que je oonprerrls ce que c'est".
- Planches rejetées
IX
et X
"je ne cx:rrprends pas ce que ça veut dire.

157
9!!!!!nta1.res du sujet aeres .le ~I!~ :
"J'ai des Cl:Oyanoes qu'on ne peut pas m'enlever.
Chacun resserrble a son oncle.
les grands hames portent leur nan les premiers.
Je ne suis donné m ran que personne n'a jarrais IX'rtê.
Des fois, j'avais des J:êves qui se réalisent. Mais j'ai oublié.
Quand j'aurai \\ID fils, je lui trouverai \\ID nom original, et il
va devenir quelque cOOse.
Il Y avait un garçŒl dans na classe qui était a:mœ noi, avec
des rêves qui se rêalisent.
!·1es parents sont ItD..1Sulmans. Quand œ est nusu1man, œ doit
ressercbler au proftlète z.-.ahaœt. M::>i, je veux ressembler à noi"'1'Êlœ.
Je lis quarrl nêrre 1 'Histoire Sainte : 1 'histoire des prophètes
m' intéresse .
l i Y a un nalade qui s' aprelle
"un jour vierrlra"
etc .. "

.'
158
- Pllyc:UXŒatliB 1.
Mponsea spœtanAes du sujet t
R 1 13
T : 20'
Tsrp de rêact1cn t 26 ft
Banalités t 2
0rig1nalltês :
pas de baobab 1 la planche J)J
K II la planàle nI (l'alites hab111ês en Europêens)
Partieularitê :
àloc-oouleur très izrp)rtant.
G
1:
3
F+ c
5 _
A
=
1
7 - 12
D
• 3
Ft 1:
Ad
c
2
01-
2
H
1:
1
)):)=
3
Rd
=
2
Dtxi=
2
K
1:
1
t;êo=
2
ElêrF=
5
= 13
= 13
c
13
G
c
23%
D
= 23%
F+%
=
41
A%
= 23
(très faible)
(tJ:Op fa:1Ne)
01=
16%
F%
=
92
H%
=
23
(trop fort)
Db1.=
15%
ElêrrF
41
Type d' aIl?rêhens1al : G 0 Dd
Ik>
Il::>1
Résonance int:Uœ :
1KpourOC
Sœoessial :
relâchée
ctK:>ix des plandles :
I I I et J)J = +
'IV et X
=-

159
- ~Xlititll II.
MpcNea çc:ntan6ea du aljet, pl~ z:êpon8es &xmIes a l'enquite 1
R 1 24
Banalltêl 1 4
G - 3
F+ - 1: _ 22 A - 5
D
- 10
Ft -
Ad
- 3
Dd-
5
J(
- 2
H
- 2
Do-
3
Hd -=
3
Dbl- 3
Obj-
2
Anat=
2
G60=
2
El. 5
- 24
- 24
a:
24
i
i
G
-=
12%
F+'
= 63
At =
37
(trop faible)
1
D
-41'
f t
(tzop
-91 IR
fort)
- 20
1
Cd-
20t
Elfrn-
20
Dbl- 12'
Dd-
1
12'
1
1
Type d'aJ;Prêhens1cm:
G 0
ni
~ Ibl
1
1
\\1
1
1

·
110
B. FIClJRE cn1PlEXE lE REY.
1. Exactitude de la figure.
:-: Copie' : La cq>ie est oorœctaœnt reproduite avec tous ses êlênelts.
-léro1re : L'exact1ttJie est rroins berme. n ~ la rroitiê des
êlê:œnts.
2. ~ de reproduct1on.
- La cq>ie est batie sur la figure centrale et ex>rrespcndrait à un
type supérieur de reproduction.
- La figure de néroire a gardé le rectangle central et les figures
principales, mais 11 Y a absence ou déplacenent des êl€rrents
ooncrets.
3. Le teI!ps.
- Le t:stp; à la cq>1e (4' 5ft) est 1alg.
4. Conclusion.
Les perfo:rnarr::;es du sujet sont celles d'un adulte intelligent
si al interprète selon les nomes éprouvées, en milieu occidental.
En milieu Africain, les reproductions (oopie, rÉrtOire) nettes
et fentÉeS sont plutôt rares.

i~ bis
,...-----
1

161
Uous suivons depuis plus de trois ans Abdou et 8a famille.
Ut an aprês la .:>rtie diAbdou, des faits nouveaux sont intervenus
(le frère, Dj1brU, a êté hospitalisê à BCIl tour &ms le 8erviœ de
Psyàliatr1e; les antêc6dents psychiatriques de oerta.ins narbres de la
famille mt pu être prêcisês; un contact plus précis a été recherché
dans le milieu famil.ial; oertaines ~tes ont p.1 ~ awrofoOOies).
loua ~s ici ces différents él&œnts.
1. A1:xlou.
Dep.rl.s sa sortie, .Abdou revient xêgulière:nent aux oonsultatians.
n suit, avec plus ou mins de régularité, lm traitelœnt neuroleptique
l'LDlêré. les troubles majeurs du exxtpOrterœnt (actes agressifs ou
d lORJ08itial notament) oot nettaœnt dim1nuê, mais le tableau clinique
n i a pas du tout changê en ce qui 0CIlCeme 11 aspect du mal ade,
11 êt.rar1getê du ocntaet, le cootenu et la. structure de 11 élaboratial
dêlirante.
Abdou passe des joumêes entières ~ sa chanbre, se l'lêle peu aux
aut'res netbres de sa fanille, oc:ntinue 11 édifiœtion de SCI1 systàœ
dl explication des naos et des hc:rrnes, fait de oouvelle~ déa::>UVertes :
"J'ai découvert que ceux qui mt lm non en 0, u, i, a, ;euvent
creer une religial car il y a dans leur nan 0, u, i, qui est le ncrn
de celui qui défend, et i, a, qui est le ncrn de ceux qui ordament.
Ainsi, ils dêfement et ordonnent. Et les religioos défendent le Mal
et arcbment le Bien.
ceux qui mt le ncrn en i, a, ne peuvent hypx>t1ser les 0, u, i,
car ceux-ci refoulent la lunière hyplOtique qui sort des yeux des i, a,
et cette lunière reste sur leur front. C'est pourqooi les 0, u, i, ont
le front lœd.neux.

16'.
les i, 0, u, s::m.t des Cbninateurs, mais ils ne peuvent daniner
les 0, u, i, 0, u, car ceux-ci, avec leurs premiers 0, u, enlêvent
le jou; des i, 0, u, qui est le 0, u, des i, 0, u, et leur nettent
leur pxopre joug, qui est le deuxière 0, u.
Si m veut dire lisage", ce dent je doute, car en "Dioula, et nêne
en Sénégalais, la dêsignatial m, i, est la désignation d'un l'ame
disposant de toute sa faculté xœntale, n, 0, u, veut dire "sagesseIl ,
m, a, veut dire "le sage", et m, i, veut dire "agir sagerœnt".
Ainsi, i, a, 0, u, veut dire respectiverœnt "le verbe Il , "l'lame"
et "la matièreIl •
les rx:ms cx:.mre MJustaIfla, Souleymane, et Colbert, sont des rx:ms
,
de ceux qui disent : lin' ayez pas ~ d'éooüter la vérité", car ces
1
i
naos sont fonrés par les nans en 0, u, i, le nan de celui qui enlève
1
i
le pessimisne, et des cxnsonnes cx:mre. B, M, P, F, V, qui foot que
1
l
l'l'ome Ilaffinœ Il •
1
les ncms en i, a, i, s::>nt les nc:r.s de ceux qui terrassent les
1
obstacles, car le i avant le a nm:que l'ermui, et le i après le a,
la détente. Ceux qui œt le nan en a, i.,. sont toujours détendus,
1
c'est poUIqUOi tout se passe cxmœ ils veulentIl •
1
ces découvertes ont toujours la nâœ" direction
la déoouverte
d'un ncm p::>ur Abdou lui-rrêrre, un nan qui lui donnera la force, la
1
puissance, la lumière, etc .. :
1
l
"J 'ai vu au cinérca une déesse hi.n::k:>u qui descerXiait du ciel.
!l
Cela m'a fait penser à l'un de IreS nans secrets, un nan en a, i, a.
~
1
J'ai corrpris que ceux qui ont le nan en a, i, a, sont ceux qui
descen:lent du ciel".
1
Et le syst:èn'e continœ à se développer selon des ronstructions
1
linéaires à deux niveaux, par un encha1.nerœnt et un jeu infini de
1
voyelles:
i

..
163
a
~ effet, a, i, a, peut s'écrire ; ,ce qui fait que le
dêpl.acement entre les deux a se fait de haut en bas" les a, i, a,
soot aussi de bons sauteurs en lœgueur; le i est le dêplaoerœnt
entœ les deux a, cette fois oor1mntalement. les a, i, 0, U,
SDt de bons sauteurs en hauteur: du p:>int a, c'est-!-d1re le sol,
ils ItOIltent jusqu'à cbn1nerl'obstacle, quand ils arrivent dans le
0, u. Les 0, u, i, 0, u, sont aussi de bals sauteurs en hauteur, car,
de dessous l'obstacle, ils m::ntent jusqu'à dan1ner 1 'ci>stacle .. ".
Ainsi, pour Abdou, chaque voyelle recouvre une infinité de sens,
de valeurs, de fcmœs :
0, u, a, ce sent les gens qui. tordent, l'lient les hames à leur
volalté, came une barre de fer ; exenple: "roi"
i, a, ce sent ceux qui tirent à eux ou attaquent, vont vers
l'adversaire
a, i, ce sont ceux qui repoussent s'ils sont attaqués, rrais
n'attëquent pas.
Abdou manip.l1.e ces signes, les util:LsE: en eux~, et pour
aborder le reste du nonde :
"IDrsque l'esprit du na! est en noi, je pIends le nan en a, i,
et l'esprit du na! s'en va".
Mais p::>ur l'instant enoare, le m:nde d'l'J:x:1ou est de. plus en plus
feoœ, limité à un très étroit univers. Sa chambre est sortie du
cercle étreit de la famille encore jeune et active; 1\\Wou est
maintenant logé dans le pavillon de 1 'mcle Ch •• , cx:mœ lui isolé,
inactif, solitaire.
Sa mère est lasse de lutter cxntre la maladie, contre le mauvais
sort. Elle et ses autres enfants CXllplerment maintenant qu' lbdou est

164
ancrê dans ce statut si spécial qui est le propre de ses oncles :
rre 1ad1e ? maraboutage ? en tout cas un état chronique, définitif.
Dj1bril lui~, qui avait autrefois enoouragé Abdou dans sa création
ésotérique, rit naintenant de lui, s'en détourne. Le systè'œ d'7··l:rlou
a perdu IOur Djibril lui-m~ue toute valeur de relation.
2. Djibril.
Djibril a 24 ans, il est célibataire. ses études secx:mdaires, ses
tentatives d'études supérieures, ses essais de travail dans
l'enseignerœnt came instituteur sont restés sans succès ou sans
lerxlemain .
A san tour, Djibril s'est cantamé dans des activités assez mal
définies, sans ooraire fixe, sans salaire régulier, p.rl.s a milité
de façon peu précise dans un parti IX'litique d'owosition. Enfin,
awaremœnt très pris par des occupations irraginaires et vaines,
Djibril présente brusquenent, en 1976, un état d'agitation aigu,
avec hurœur et carpJrt.aœnt naniaques, idées délirantes mal systérratisées
cil dardnent les thènes de puissance, de r~fonœ, de rédenption :
Il est le "Madior", prophète envoyé par Dieu IX'ur juger les b::>ns et
les mauvais.
le table;:m clinique, par ses bizarreries, par l'intrication étreite
des thàres L'élirants et des ronstructians imaginaires, évoque une fonœ
d'erri:>lée sdü.zophrénique.
Une hospitalisation de deux IIPis fait disparaître les troubles aigus
du cœp:>rterœnt. Djibril retourne alors à son inactivité ooutumière.
Il échafaude d'autres projets.

165
3. La famille.
lb1S avoos pl a trois reprises pênétrer dans le cercle familial,
qui est logé en pleine ville, dans un quartier, dans une três vaste
ocnoessioo,
y
revoir les deux ma] ades , et faire des ronstatations
surprenantes 1
les 1:âtiItents eux-m!rœs de bonne facture s'effritent douoerrent.
certains, três abinés, salt inhabitables: d'autres, en ruines, sont
part1el1enent déblayés. SUr l'enserble rêgne une jnpression de
destruction lente et inévitable. SUr quinze chartbres, huit seularent
sent occupées. les autres Balt vides, étemellaœnt fe:mées.
La ooncessioo CXI1Prend (schênatiquem:mt) deux parties, séparées
transversalenent par me bâtisse plus haute (où lcqent Ch •• et Abdou).
a) La partie la plus reculée est aussi la plus abinée. Dd.. y r~
en desp:>te absolu, du roin le plus c:bscur et délabré, seul, à l'abri
des regards et des gens. Nous n'avons pas pu l' ëq::pI:OCher, ~ nous
avons eu la surprise d'apprendre qu'il avait fait, en 1969, \\ID long
sêjour dans notre service. Ancien élève des Beaux-Arts, !,xanis à \\ID
avenir intéressant, il a quitté l'~tude P:>ur l'isolaœnt, l'qgx:>sition,
l'agressivité éventuell.enent rontre les intrus pénétrant dans san "à::mUne".
Del.. exige que la vétusté des clnses soit respectée et que les ruines
fasE'31t leur lent travail; il repousse l'idée de toute réparation,
cxmœ il chasse tout visiteur. La "ruine" seule a droit de cité.
lbn loin de lui, vivent enoore dans cette partie, quatre persormes
la grand-r:lère maternelle, et deux autres frères de 00 .. , J\\d .• et Ba ••
Ce dernier, cadet de Na •• règne sur un 1!DIlde étrange fait de carcasses
de réfrigérateurs plus ou noins irrécupérables; il est la façade sociale
du groupe. Mais son regard, son attitu::le, son iImobilité , indiquent une
désadaptation proforrle et \\IDe persam.alité figée dans le passé.

166
M •• nous est dêcrit, lui, ocmœ paralytique, Mlet, A jamais retiré
du regard des hames dep.rl.s de ratbreuses années. l;c,us aWrerD1s
inciclelliuent et fort tard qu'Ad.. est malade ItS1tal dep.lis plus de
v1ngt~inq ans. ses troubles, A type de crises d'agitation, avaient
débuté A l'êccl.e primaire. Ad •• a été OOspitalisé A trois reprises
dans le pavillon psychiatrique somnaire cl' alors. Deplis cette date,
il est enfenœ, il a désappris la marche et le langage, tient
quelques rares propos incohêrents. l'bus n'avons PaS pu le voir.
Enfin, en trouve dans cette zone un jeune garçon de dix-sept ans,
qui vit avec la grarxl~re, mais passe le maxi..num de son tenps dans
l'autre partie de la ooncession, la plus avanœe.
b) Cette seCX>me Partie est cx:mre 'Ul'le zone de relative lumière et
de vie. Deux fillettes
y jouent, y êtudient. Adanou et Thierno,
frères de Djibril et d'Abdou, y vivent égalarent, et étudient ou
travaillent avec Na •• , la mère.
Tous redoutent de passer "de l'autre côté"; ils ne le font qu'à
ccntre-coeur. Tous, jeunes et plus âgés, reëbutent le jugement de 00 .•
et respectent ses décisions. 01.. lui""fIère, frère aîné de Na ~ • ,- a1né
des frères -, obéit et se tait; sa vie est la conta'rplation, la prière,
le silence canplet. Nous n'avons PaS pu .1' awrocner .
~ar le schéma de l' ensarble, nous avons voulu essayer d' eJq?rirœr
1
les rares zones de lumière et la progressicn régulière· des arbres,
le grignoterrent progressif d'une L"'1éluctable destruction.
j
Pour la grand-mère, sa fille, ses fils, œtte lente agonie des
choses et des lames est le résultat d'un maraboutage. les Lebou
1
sent "impitoyables" parfois entre eux p:>ur acquérir les biens de
"l'autre" (voisin ou parent) plus riche. A ce désir, un seul remède,
1
si les contre-maraboutages écoouent : l'anéantisserrent des biens
qui va de pair avec la dégradatien des personnes.
1
1
1
1

167
la mêœ, active encore, est maintenant résignée
elle est
"trop fatiquée d'avoir lutté, pour rien" ••
la grarD~ère, lœide, accueillante, n'a plus d'autorité.
Ba•• Italte une garde vigilante et c:iJêit aux ordres de 00 ••
la nourriture circule eooore entre certains des nenbres de la
OCI'lItUlauté, mais l'argent se fa1t rare : les autres propriétés
de la famille, sources des seuls revenus, sont à leur tour
lenterœnt abandormêes et détruites. Da •• fait "vivoter" le clan
des hames rrOrs et "sch1zophrmes" , ainsi que la grand"'1OOre, en
réparant des réfrigérateurs. Na.. reçoit l'argent du loyer d'un
imœuble paternel qui échappe à la règle.

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V/.c.
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C.uis'nu.
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AftcÎCII". eftahtltr& cl. Del.

, .

168
!
1
1
1
1•1
1
1
1
19. B:SSU œ mmmsE.
1
1
1.- infcmrat.tœa recue1ll1es proposent une *18 de dêrarches :
1
cl.·...
1
1& .''''''. d'Abb1,
i
art1cu1er cette . '"'" e avec 1& vie d' A1Xb1 (oondit1a1s pathoqênes
l
b1atDr1ques et acta.ll.) ,
J
II1tuer Abcb.1 IIIIlade dans •
trille,
j
\\
reconna1tre le ~ da cette far.\\1lle.
l
l
J
t
L'obeervat:1cn psychiatrique, l'~JOlut.1an de la r.B1adie, l'analyse
1
du dêliJ:e, l'examen psyt:ho].oçJiQ., oondu1sent au d1.sgrx)st1c de
~ .
1
;
i
I8ol8l8lt ptOg18881f, perte des relat1ans avec les aut:xes,
~
1Jrp1l a tcm, b1zarnr1es, Sli:dvalence, ~1re puano!de, traœ11 sent
1
1
la d18soc'at.1a\\ ~ .
!'1
1
Par àe1l ces synptbres, s'expriJœl?t la div1s1cm et la perte de
j
1
1
l'unitê, la confus1a1, l'absence de limites, l'absence d '1dentitê
et l' 1Dpcss1hil1tê de se situer dans le rêseau des relatials,
1
j
l'invas1on par le l'êYe, l' ir'aq1naire, les 1Jœges extêrieures.
1
,
C'est le vêcu dr2IIIlt1que de la quest1.al nSUis-je ou ne suis-je pas?",
:,
j
quest1.al posêe aussi l propos des autres, qui deviennent fœ:nes, BalS,
1
Sluboles grçtù.ques, v1dês de toute rêalitê, vaguement ervDre an1r."&
1
par des nsegale:ntsn de farce syrrftrique, CJRX)Sês, qui t:ourb1llament
i
t
et s'annulmt. Q1 ne peut mieux traduire la dissociaticm sch1~én1que
du JID1 et du 1ŒX1de.
1
;
·1

Ibit-al s'arrêter ci quelques nuances qui atténuent la rigueur de
ce diagnostic ?
- les cxrrrrenta1œs du ~rschach
"Tout se passe came si le soutien qu'on apporte au malade, les
qlE5tioos qu'on lui pose, le dialogue qu'an instaure, aidaient ci
utiliser de nouveau ses capacités •• ",
et de conclure ci la présence d' élérrents névrotiques.
- I.e "cootact", qui, pour le psychiatre occidental, n'est PaS tout
à fait celui du sd1i.ZQFhrène. Mais le psychiatre d'tme autre culture
peut-il awrécier ce "contact" de façoo aussi précise que lorsqu'il
s'agit d' i.rdi.vidus çpartenant à sa propre culture ?
-
Le s efforts et les tentatives dl l'hdou p:>ur accéder à l'unité,
J;X>Ur se donner une identité, p:>ur se si.tuer dans le réseau familial
et social : Que nous explique-t-il ? Qu'il est rroqué, J"'éprisé, insulté
par sa famille et par les autres; qu 1i l cherche :la force et la puissance
1
IOJr lutter, et s'affirrrer devant les autres. cette force (esprit-puissance)
!1
il l'a, il l'espère. Dieu la lui donne, l~s autres la lui cbnnent •• en
1
j
la lui refusé naguère; ron père ne la lui a pas donnée; il la cherche
dans ron systàœ délirant. Il veut \\ID rnn pour exister et aussi pour
1
1
a~ à ~ valeur propre. cette revendication, noo seulaœnt
i
i
d'existence, nais de valeur singulière, indique aussi \\ID autre niveau
11
que
"\\
celui de la régression schizophrénique.
i
l
L'exist:.erx::e est au terme de la relation duelle
la notioo de sa
1
1
propre valeur, c'est déjà l'accession au social par la nédiation
.~
j
:~
synix>lique du père. La qœstion ne serait plus "suis-je ou ne SUis-je
i
pas ?", mais "qui suis-je?".
1
;
l
Dans ce qu' expri.ne Abcbu, les deux interrogations sont simultanérrent
1
ou alternativerœnt vécues :
1
,il~ili
1

170 _
• c'est la mise en quest1cn de l'existence, "le regard du frêre
aInê le fait tarber"; les autres le regardent et il a un serrerœnt
de coeur, il respire mal, il crie. "sen frêre est un sorcier".
• Mais c'est aussi l' acquisitian d'un pouvoir, d'une ?llssance.
~ nan qu'il se dame signifie "celui qui brise les obstacles",
"celui qui décide du destin", "celui qui a la force Il • !l "garde
de beaux nans p:>ur ses enfants Il , car lIil se mariera ll •
ces nuances ne sauraient cependant écarter le diagnostic de
schizoprrénie. Elles soulignent siJrplenent quelques partiœlarités
qui sont souvent observées dans la sd1izq:>hrénie en milieu Africain
une camunicatiœ toujours p:>ssihle, une peD'!'éabilité toujours
conservée. Ces partia.ùarités nouS renvoient à l'organisation
particulière de la personnalité Africaine par les premières
expériences de l'enfance.
2. Conditions patOOgènes.
L'histoire d'Abdou est marquée d'~ts, de situations, dont
la charge IItraumatique" ou llpathogèœ" est difficile à évaluer.
i l est souligné par exemple que sa mère lui a inculqué très tôt
des habitudes de propreté: à l'âge de deux semaines elle le rœttait
sur le FOc:.. cet apprentissage précoce, qui est habituel dans les
familles sénégalaises, est un canditiorm.errent facile, généralerœnt
obtenu sans frustraticn - l'enfant est mis au JX)t dans -le nêne tenps
qu'on lui cbnne le sein. La mère qui p:>rte l'enfant sur son dos perçoit
ses noindres réactions à des tensions organiques; elle CXlnpr:end ses
besoins et ses noindres nouvetents. L'éducation sphinctérienne se
fait sans heurts, sans cris, sans brusquerie, sans inpatience -
nais en est-il de nêœ pour Abdou ?

171
De rrêœ, la sêparatiCl'l lors du sevraqe, à dix-huit rois, a pu
être mal supportée par A1xk>u:
celui~i a pleuré beaucx>up, et chez
sa gran:i~êIe il avait une demande excessive de nourriture.
L'incident à prop::>s des jeux sexuels vers l'':Je de quatre ans est
plus ou m:>1ns valorisé par les nerbres de la famille. Doit-on lui
aax>rter une grande irrportanoe ?
Aprês 'le retour dans la maison paternelle, la relation d' A1xlou
est plus étroite avec le père en nêrœ terrps qu'elle s'élargit dans
la cx:mnunauté des frères et cx>usins. Le pêre est rigide et autoritaire;
le climat est d' hmd.liation, de noquerie, de cœpétitian. Abcbu ne se
SO\\X3e pas aux autres; il s'isole, se replie sur lui-rrâœ. Ses demandes
répétées et passiamêes à p:r:qos de ses an~tres traduisent tme
insertion difficile dans la famille ou la recherche de "racines Il
qu'il ne sent pas en lui.
A la m:>rt du pêœ, la maladie d' Abdou éclate. Mais cette nort du
père ne révèle pas seulenent la carerx:e d'une certaine "c:x::mstruetion"
1
j
de la persormalité du fils. Le père maintenait un ensenble familial.
1
sa
1
l1'Ort découvre une famille désunie, pat:b:>1ogique, qui ne sera
1
l
désormais };Our Abdou que le seul ~le de référence, de cx:mnunication·
l
et d'échanges, avec la mésentente de la mère avec la famille paternelle,
l
1.
l'~1Vahi.sserrent progressif de la place vide du père par les oncles
j
J
nat:en1els, ralades.
i1,
Le "processus" pathologique d 1 Abèbu ~aît ici davantage en
l~
rapport avec \\ID milieu qu'avec tme histoire .. Il ne :r:;eut que s'aggraver
aussi lorgterrps qu' Abdou restera dans le cadre familial.
'~
l,,i1
.JJ
1
1j
j
ii
1
ij
1
i

172
3. La famille et la rralad1e.
La famille nat.erœlle seule a pu ~tre étu:liêe, et de façon sc:mnaire.
Clest elle qui "vit" actuellerœnt la nalad1e d IAbdou.
Abdou est certes considéré cx::mœ "r.alade" par la grattl~êre maternelle,
la 11Ère, le frère Djibril. Mais 11 acoord ni est fait ni sur les synptâœs,
ni sur llétiologie : crises, échec scolaire, traits de caractère, délire,
pour ce qui est des synptâœs; rab, rnaraboutage, caractéristiques
psydlologiqœs familiales, p:>ur ce qui concerne 11 étiologie.
La naladie dl Abëbu ni est pas "intégrée" par la famille.
Chacun a
sen opinion, sa façon de voir, d'interpréter : cette dissociation
est à souligner.
Par delà les significatioos i.rmlédiataœnt saisies (discordance
familiale, i.np:>ssibilité d'lIDe action efficace qui demanderait
l'ac:x:nrd du groupe dans la mise en fonte et le recours thérapeutique),
il Y a aussi l'iIrlice d'une maladie plus générale, qui est la maladie
du groupe.
Cette maladie du groupe n'est pas \\IDe .cx:>ncentration de malades, \\IDe
addition de cas, lIDe psycmse collective. C'est le groupe en· tant
qu'unité et identité qui est lilisscx::ié : on serait tenté de dire
"schizophrénique". C'est ce groupe dissocié qui secrète des malades.
les synptôrœs sent aussi bien dans les pièces
désertes et jamais
réparées, l'isolarent et la séparaticn des différents"quartiers",
la désagrégation progressive de la concession, que dans les persormes
et leur m:rle de relation.

173
4. La famille et ses problàœs.
Une dernière articulation serait celle de la famille et du milieu
l:K>C1o-culturel.
L'êc1a1rage est insuffisant; les infomations nanquent.
L'autorité de Od••• , qui a desfoœt1ons d'ainé, est indiscutée.
n vit seul, cxnpê des autres, mais pêse sur l' ensanble. Depuis son
retour en Fraœe et son lDspitalisation dans le sexviœ de psychiatrie
en 1969, son a::mportaœnt n'a pas chan;Jé.
Deux autres frères sont malades rœntaux; le troisiême est très
marginal, au ItDins névrosé et socialsrent isolé. ses activités
professionœlles sont irrigulières.
c'est au niveau de cette génération que s'expriIœ la désorganisation
familiale. Sur cin} individus de la fratrie, quatre sont atteints;
seule la soeur, rœre d' Abdou, ne présente aucun trouble êvi.dent.
Mais deux de ses enfants sont nalades.

174
CONCLUSION.

175
ce qui nous a intéressé dans rotre étude, en ce qui conœme
la suzvenue d' \\ID cas de folie dans le cadre de la Société traditionnelle
Ivoirienne, c'est tout A la fois de cClllpremre les cl1an:Janents qui
c:orduisent A m:xlifier la fonne traditionnelle de la prise en charge,
i
les transfoonations irrluites par 1 '1'x>spitalisation et d'analyser
les causes de ces cl'laD;Jaœnts.
1
1
Il n'est pas IX>ssible de canprerrlre carment ces changaœnts sont
~
1
vécus sans déteIIniner· quelle foone ils prennent et pourquoi ils se
1
1
produisent, tant au niveau de la société globale qu'à celui du micro-
~!
groupe fami1\\ëù.
1
j
1
Nous allons voir, dans notre DEXJXIEME PARI'IE cannent les
::1
.
oonsultatiœs se font dans les milieux traditionnels et, par la
mêne occasion, cx:mnent se fait la oonsultation psycoo-path:>logique
en milieu africain : cette consultation donne en effet un esprit
caractéristique du milieu afrilbain, différent de celui des
oonsultations psychiatriques en France.
Afin de pennettre au lecteur de saisir les raisons de la
faillite de la prise en charge traditiDrmelle, nous en al:x>rderons
les élélœnts.
Puis, une analyse générale des cas que nous avons rencontrés
dans notre étude sera centrée sur "le sujet par rapport à la
structure familiale" et sur "le sujet p:rr rapport à la sxiété".
Nous en arriverons alors tout naruellanent aux rapports étreits
entre Ethnographie et Psychiatrie s:>ciale, bases de la Psychiatrie
Traditicnn:elle Africaine.

176
DEUXIEME PARTIE .
FAILLITE DE LA PRISE EN CHARGE INSTITUTIONNELLE
SUJET ET STRUCTURE FAMILIALE
SUJET ET SOCIETE
(A PROPOS DE f5 CAS)
DE L' ETHNOPSYCH IATRI EALA PSYCH IATR lE SOC IALE .

SOMMAIRE
nàœ
PARI'IE.
œAFITRE I.
a::M1EN1' CXNSULTER.
DISCUSSICN MEl'faX)tlX;ICUE
FAILLITE DE LA PRISE EN QIAK;E INSTrrurIONNELLE
CHAPITRE n.
ANALYSE DE 25 CAS
SUJEI' El' STRUCTURE FAMILIALE
ŒIAPITRE III.
SWEl' El' SOCIEI'E
œAPITRE Dl.
DE LI ErHl'DI5YCHIATRIE A LA PSYœIATRIE SOCIALE
au::rœION

177
AVANT-PROPOS.
cette seconde partie de notre TCME l oous perrœttra de décrire
les nodes de consultation traditionnelle en COte d'Ivoire, tant en
milieu rural qu'en milieu urbain.
A la faveur de cet éclairage, nous verrons c:x:mtent oous en sames
arrivés à nous mterroger sur les ra isons de la faillite de la prise
en charge institutiormelle.
N:::>us développerons alors, gra.œ à l'analyse des cas rencontrés
lors de ootre étu:3e, les rapports entre sujet et structure familiale,
plis entre sujet et les différents rrodèles de soc:iété.
Enfin, nous en arriverons à
définir le rôle de l' "Et.lm:>psychiatrie"
vis-à-vis de la Psychiatrie Sociale, en milieu africain.

178
CHAPITRE
l

179
1.
a»tENT CX>NSULTER.
A.
LE LI~.
C'est une techrù.que qui se !Jratique à la de""aflde d'un consultantl C"IUi,
lorsqu'il a des ermuis persormels ou qu':"l souhaite qu'un ::TQjet alx>utisse,
va exposer I!1inutieuserrent son cas au marabout (oraticien lT'Ill5\\Ù!""an). les
projets ty".-rsonnels vont-ils aboutir? les ermuis vont-ils cesser ? Telles
sont finalanent les questions dont le consultant att.errl les réponses.
Il se retire; quant au narabout, il opère la nuit et donne ses réponses
sous huitaine au plus tard. C'est prrce qu'il y a des jours favorables
IOlr' pratiquer le Listqar : les nuits du di:'nanche au lundi et du jeudi
au vendredi sanblent être tout particulièranent irrliquées. Il s'agit,
pour le narabcut, de se nettre dans des a:m<litions telles qu'il se trouve
dans un état de "rêve éveillé", durant lequel se déroule "oc:mœ un film
devant les yeux" le cas du consultant.
Mais quelle est la procédure technique qui provoque un tel état ?
Il faut distinguer plusieurs :rrarents
1. La consultation.
Lors de la consultation, a~rès un e>q:'Osé ccnplet de son cas, on dEnllXie
;
i
au consultant ses l'XE'. et prénCJT'"
de nên'e que ceux de sa. !"'ère. Parce crue le
1i
n:rn est attaché à la substance de la personne, "agir" sur un :nœ:' et "aO'ir"
i
î
sur sa substance sont p:rrfaitanent .identi~es en "~frique. Il existe un
î
déc::arpt.e nurrériaue et alphabétique de chaque nan et ::n:-éncn, corresporrlant
11
à un code chiffré; l'addition des chiffres 'CC1"1.X>sant le nan et le prérx::.rn
1
donne un rnnbre iJ'rp:>rtant IOur la suite des opérations.
il
1

180
A titœ d' exerrple, mus avons proIDsé l'identité d'une famille, ü..1nsi
9Je celle de la œre. Ainsi, Bakari KoIIaté, se CXJ:1lX>Be c:xmœ suit :
Bakari : 258; ~tê : 306; total : 564, chiffre qui oor:respond à oot:re
substance personnelle. celle de oot:re Illère oor:resp:md à un total de 854.
2. La prooêciure d'ouverture techn1qtE.
I.e jour favorable ayant été clx:>isi (lundi. ou vendredi), entre deux
œures et quatre heures du matin, dans le caJ.ne total et l' cbscurité
a:mpl.ète gênéralsœnt, parce qu' "on y voit plus clair au petit matin" ,
le praticien marabout se réveille (après avoir Cbnni quelqtES heures au
IIDins); 11 fait ses ablutions ritœlles. Le jour précédent, il aura été
SJbre et se sera abstenu de rela~ans sexuelles. Après les ablutions,
i l procà:1e à "l'ouverture", qui consiste à faire une prière ITIJSulmane,
a:mœ suit :
Tout d'abord, deux ~ : ~ r~a est constituée par un ensercble
alterré de prosternatials.
La staticn debout est achptée :
• première raqa : on y récite deux sourates
le fatiqa "et la &Jurate
des infidèles;
• deuxiàœ raqa : 0, y récite deux sourates: le fatiqa et la rourate
de l'wùcité divirE.
A la suite de quoi, an adopte la p:>Sitian assise en tailleur, avec le
àlapelet; on dit cxnsécutivement, cent fois, la Prière du Pardon; et
alSsitôt après, cent fois, la Prière sur le Prophète (le Sou1latourn Nabi) .
3. FonmJ1aticn de la demande.
Puis, la Prière suivante (traduite approximative.rrent) est dite
sept fois de suite :

181
"0 'lbi, seigneur, je Te demande, dans Ta divine puissance,
o 'lbi, p.J.issance, 0 'lbi, ?lissant panni les puissants. 'lu
es le plus savant paDni les savants, le seul à savoir les
à10ses cachêes. Toi, seigneur, je Te darande de m'aider à
savoir si ITal affaire qœ voici peut être favorable et ce,
en oonfonnité avec les rêgles de la norale religieuse, à
travers ce Iralde-ci, et mêrre ce que je peux oublier, dans
ma requête, en cette affaire. Est-ce que cela peut se
réaliser rapidelrent ou plus tardiverœnt ? Fasse qu'il en
soit favorable. Si cette affaire doit se réaliser, c'est
'lbi qui sais si elle est bonne ou si elle est mauvaise
rour nous (qui Te le derrandons) dans le cadre de notre foi
religieuse et mêIœ en fonction de ce que j'ai doublié (de
dire) ou que je ne sais pas (par. ignorance). Rends-iIDi la
tâ.cbe facile. Fais en sorte que cette affaire soit une bonne
chose et qu'elle soit favorable et réalisable".
A la fin de cette pu-ase, le praticien fonmle explicitaœnt
la demande de son client (qu'il reprend ~ son CXlt'pte en disant:
telle est "Eon" affaire : "je" veux (ou ne veux pas) telle èhose.. ) .
cette mase préparatoire achevée, le praticien reprend son chapelet,
ceLte fois !Our éiR?cler les nan et prénau du consultant (ainsi que ceux
de sa mère); à la suite de qooi, après avoir cmisi l'·un des quatre-
vingt-dix-neuf attributs divins (cléTent, miséricordieux .. ) selon sa
propre inspiration, i l invoque (Wirdé) le dit attribut autant de fois
que les ncrnbres indiqués par le code ntmlérique ci-dessus évoqué. En
.
~
prenant l'exemple de rotre propre cas, nous avions 564 (];our nous-rrêrre)
1
!
et 854 (];our notre mère) . Voici la procédure:
l
Pour 564 : 4 fois (unités), puis 60 fois (dizaines) PUis 50) fois
1
(centaines) .
i
j
1
1
!
1
1
1
1

182
• Four 854 : 4 fois (unités), puis 50 fois (dizaines), puis 800 fois
(centaines) •
Mnsi, i l s'agira de ramer 854 + 564 = 1.418 fois l'attribut divin cb:>isi.
4. Pmoédure de clOture.
De nouveau, le praticien fait deux "raqa" identiques à celles de la
prooêdure d'ouverture et "feme" avec trois fois la Priêre sur le Pl:ofhète
et une fois la soorate de l'unicité divine.
Ceci étant fait, au m::xrent d'aller se ooucher, le praticien se drape
d'un tissu blanc, entièrenent, et se oouche sur le 05té droit (décubitus
latéral droit), "cxmœ dans la tombeR, la tête face à l'Est; il se oouche
à terre sur une. natte.
<n CX1LlfXerrl bien a.iséœnt que de telles pratiques nettent celui qui
s'y oonsac:re dans un état dit de ''Djenner" (rêve êvei.llé, avec expérienœ
p;ycb:>-sensor1elle) ou nêœ parfois traversant le Ngueleam" (état oonfuso-
oniriqœ transitoire avec désorientation .1:Efiporo-spatiale) .
lDrsque tout se passe bien, au cours du sc:mreil de ~, faisant suite
à la pratique du Listqar ou, parfois, l~s jours qui suivent, le praticien
(ainsi préparé) voit "se dérouler cx:::rcne dans un film, entre le rronde
visible et le nome invisible, une action dans laquelle entre en scène
s:>n client".
Alors, la "réalité" ag;a.rait d.i.rect:aœnt (il se tire ou il ne se tire
pas d'affaire dans 11 action où i l se trouve enjagé) ou indirectaœnt
(inter-p.:>sition de synboles à interpréter) .
On se doute bien que de telles ~ures, si elles peuvent parfois
être arq:>loyées par des particuliers pour leur propre cœpte, derreurent
fcn3anentalerœnt affaires de spécialiste, 'et quI il y' faut une certaine
stabilité au plan de la structuration de la personnalité, sinon surviendra

lB3
assez facilerrent une désagréable ~rience de "Djamû." (hallucinations
insug;x:>rtables, avec vision de génies };articuliêremant dangereux et
nenaçants pour l' intêgrité psychiqœ, provoquant frayeurs, angoisse
et nêrre folie), c'est-à-dire une délXlup3nsation psyclx>tique vêritable
et ncn plus une expérience techniqœ nmtrisée. (~3)
Pour tenn1ner, nous dirons encore quelques rrots des thérapeutiques
CXll'l.OernaIlt la d:iIœnsion la plus irrportante, à savoir : la dinension de
la Vertic:ùité, au sens où mus l'avons définie dans des développenents
antérieurs. Ces techniques de traitarent ont, ici ou là, de rx:rnbreuses
dénaninations, mais possèdent toujours un rrêlre dénœd.nateur cx:mnun qui
les caractérise. Rapt:elons, panni les plus oonnues (ayant fait l'objet
de publications) le Lup des serer" au Sénégal, le Holley des Soughrai au
Niger, le Bori des Haoussa (Niger et ~igéria), le Zelx>la au Zaïre, le
N'd.oep des Lébou et W:>loff au Sénégal. Elles présentent toutes les
caractéristiques tec1miques détaillées et minutieuses gui ont fait l' à:>jet
d'études oélêbres et nanbreuses. ~'il mus suffise de renvoyer le lecteur
aux travaux des auteurs cités plus haut.
A qœlques détails près, l'essentiel des étapes de l'opération
thérapeutique peut se rarreœr à l' enchaînement suivant
- danarrle de cx:nsultatian et cx:>nsensus primaire;
- rituels d'afPrêtaœnt et de maternage (déshabillage,' bains, massages, etc.);
- rituels de rrort et d'ensevelissarent synbolique;
- ra:wel, IUis descente et :[X)ssession du Génie persécuteur, quelle que
soit la t.eehnique enployée (absorption d 'hallucinogènes, avec ou sans
ryt:hnes a:mditionnels) et cx:>rrespondant à un remanierrent profond, total,
pyysique. et p:;ychique du patient;
- rituels de constitution d'un espace syrrbolique pour fixer, puis êbIœstiquer
les dits Génies persécuteurs;
(63) 1. sa~ : Psychiatrie ciynarnique africaine, Pa~I()'~, :Paris 1977.

184
- offrandes et opérations sacrificielles de victimes transférentielles
(substitutives) ;
- renaissance l l'ordre du ~lique et réintégration d'un être muveau au
sein d'un "Nous", lu1'"1iêœ œrnIVelé;
- repas-participatial et fête collective.
Au dêcxJurs de tous les dêvelofP!lents qui précèdent, amsi qu'à la suite
de ms propres expériences sur le terrain, notre attention a été vivenent
attirée par le fait que les états de conscience "destructurée" selon les
ncdes crép..lSCU1aire, onirique, second, ete. (états renrontrés dans les
b:>uffées psyclntiques, si fréquentes et si significatives, de la p;yclx>-
patb:>logie Africaine qu'on peut parler de psychoses "octuelles") nettalt
en évidence l'usage qui peut en être fait, dans la nesUIe dl s'établit
une œrta.ine continuité entre les p5les subjectifs, objectifs, et trans-
subjectifs (ailleurs dévalorisés ou niés). Il existe en effet une profonde
oontinuité et/ou analogie entre le vécu hallucinatoire nautique, le vécu
hallucinatoire provoqué artificiellaœnt lors d'épreuves initiatique ou
thérapeutiques, le vécu de rêve, le vécu hallucinatoire de l'affection
nentale et les vécus de conscience lors du déroulerœnt nête.des séances
thérapeutiques traditionnelles. Dans tous les cas, les vécus "hallucinatoires"
ont un sens, une structure; ce ne sont pas puraœnt et simplaœnt les états
biulogiques dits confuso-oniriques de la nosographie française. Il Y a là,
nous mus en doutons bien, matière à de lon]S et inpol7tants dévelOH?6TeIlts
théoriques. Mais, cx:mœ nous l'avons déjà rouligné, et nous le répétons
néarnDins, i l peut être entrevu que la lxmffée psydx>tique aiguë Afriœine,
loin de contribuer uniqusœnt à "un remanianent de la zone superficielle
des rôles et statuts sociaUx" (H. CDLT.DMB), nous apparaît être plutôt ~
véritable recréation de la pers:>nne elle-rrâœ. Aussi bien, la conscience
{Sychotique (~ntanée ou de teclmique psydx>tique), ~ s:m vécu, donœ
au IlDIlde, au plan de la Fhén::ménologie, un sens, une tonalité, lIDe
réoonance, une interprétation.. , ayant une structure qui, dans le oontexte

185
Africain, n'a en aucune manière le caractère de l'étrangeté, de la
bizarrerie, du rx>n-sens, si rcanifestes ailleurs. Car ces différents états
sus-ênumérés d'un rrèœ p;ychisœ, non dévalorisés, rorrespondent au
canevas culturel. En effet ici, l'accès aux cx:>uches profondes du ISychisne
lunain est essentiel1ercent une accession (au sens d'une m:mtêe vers
c:pe.l.que coose de plus élevé et de plus essentiel) aux différents étages
d'une mâre Réalité Totale à plusieurs niveaux cx:>ntinus. La bouffée
psychotique, qu'elle soit "sp:>ntaree" ou provoquée "techniquaœnt",
penœt, mus l'avons w, de remuer avec les plus authentiques
traditions anœstrales. Dès lors, on cx::.rnprend mieux que dans la
"fonction" Africaine, initiatiqœ, pédagogique, traditionnelle (il
s'agit de fabriquer des hormes et des femœs "0001p1ets"), le nêophyte,
le {Ostulant, doivent en passer par là. les rrei11eurs thérapeutes, et,
de manière plus géœrale, tous ceux qui assment d' inp:>rtantes
resp:msabilités (sociales, religieuseS, 1ignagées, {Olitiques, etc.)
en milieu traditionœ1, ont subi l'épreuve de "1' asœnsion" psych:>tique.
Ce qui veut dire qu'ils ont reçu (le carrli.da.t étant \\ID. récipiendaire)
nais aussi animé, agi, bref vécu p1einaœnt et totalaœnt la violence
du double antithétique "nonstrueux" du Soi que p::>ssède chaClID (Génie
ëgl:eSsif, esprit errant, etc.) et qu'ils ont su se "pacifier". La
technique "psychotiqœ" contrôlée, c'est, selon les Afriœ.ins, œ qu'il
Y a de mieux, autant pour aller au forrl des choses que p::>ur fonœr des
persormes val j des, "cx:>hérentes" et re5p)nsab1es, et a:: malgré les
ëqpirences.
Quoi qu'il en soit, les m::tœl1ts de constitution-déa::>nstitution de
la per&>nne-persanna1ité sont les plus féconds pour la a:xcpréhension,
aussi bien de la fonnation, à "l'état naissant" de l'individualité, que
p.:Alr apprécier la capacité, la seule d':ülleurs qui soit exigée, d'une
90Ciété à l' anthrop::xjynamie .

186
Enfin, le sens gênêral de toute la t:hêrapie trad!tiamelle est la
crêaticn oontinue et la o:::asécratioo d'un ordre renouvelé aux plans réel,
syniJol1que et imaginaire, oollectifs, à partir de signifiants nouveaux
awarus au sein de la cx:mnunautê. I.e trouble nental d'un de ses nenbres,
vecteur de ces signifiants, a transfonœ ce dernier, radicalerrent, en
l'x:mœ nouveau dont l'épreuve profitera il l'ens€!llDle
de la oolleetivité.
la thérapeutique traditionnelle Africaine, de nature essentielleœnt
collective, IDSsè!de cette réelle vertu œthart1que, et il est facile il
tout obser\\7ateur de cxmstater une véritable atJrosphêre de détente, de Paix
et de ccnoorde qui. aca::upagne et suit, habituellenent, l 'o:rganisation des
séances traditionnelles. le nèœ Iilénanène s'observe aussi bien au déoours
des sêan=es nocturnes de "chasse" synboliqœ au sorcier, organisées à la
demmde oollective et penœttant a' "abréagir" tous les cx::nflits sociaux
ou l1gnagners latents, qu' apr~ les ~ances de oonfessions publiques réalisées
dans des oama.maut:és telles qœ celle de BRmoo ou de J. EDJK) (en Côte
d'Ivoire) •
Pour le diœ d'un net ., ce qui fait la oohérence, la solidité, le succès
des thérapies traditionnelles, c'est, bilgm plus enoore qœ le traiterrent par
la œuse, le traitaœnt par la Signifiœtion : signification aperçue et
acceptée "de l'intérieur", à partir de la réalisation de cx:nsensus à chacune
des étapes de la prise en charge. la dimension du conflit est bien une <hnnée
p=nnanente. C'est une nena.ce dont il s'agit de maitriser les sources et les
manifestations afin de les réduire et de les dépasser "dans la création
rollective de conditions nouvelles.
Ainsi donc, le trouble nental, loin d'être une pure et simple régression
à de soi-disant stades ard1aiques, pemet ici, tout au rontraire, un
réajustaœnt relati.amel de haut niveau entre l'individu affecté, la
société et la culture.

1B7
Ams1 conçue et "pratiquée", l'affection nentale marque le triarphe de
la p.l1.ssanoe de la culture sur les siItples rrécan1srres "naturels". La. Sociétê,
la Pers:>rme, la Culture, ne sont pas détruites, mais nêanrro.1ns elles ne
a:>ntinueront d'exister que gr~ce a des opérations collectives de renouvel-
lerœnt et de renaissance périodiques.

• • 1
188
B.
E>ŒM'LE DE lA a::NSULTATlOO PSYOD-PA'lHOI.OOlaJE; EN MILmJ URBAIN.
La seule nétlo:le utilisée est celle de l'entretien, génêralaœnt centré,
mais restant sous \\IDe fonne "ron directive".
Ces entretiens se situent à des niveaux d'investigation différents.
1. La danarche initiale est œujours la même : un malade est amenê
en oonsultation, a.ccx:upagnê par un ou plusieurs parents. Une première fiche
est établie, très brève, ooocenxmt le' natl, le sexe, l'âge, l'ethnie du
malade, ses troubles actuels, l'histoire succinte de la maladie.
L'oospitalisation est alors décidée.
Dans les deux ou trois jours qui. suivent, un infinnier ou une infil:mière
prerrl quelques renseignenents auprès des nenbres de la famille a.cocrrpagnant
~1
le malade. Ce recueil d'informations se fait selon un schana préétabli, sous
1
1
i
une fome assez stéréotypée, qui. porte sur les secteurs suivants :
i;
- état civil et matr:iIronial du sujet:
- biographie, dans ses grands traits;
1
!
- i..n:=idents lors de la grossesse et de l' acaoucherœnt:
l
i
i
- pranier dêvel~t psyctmoteur, marche, langage, etc••
1
1
j
- sevrage;
l
1
- sa:>larisation:
- environnaœnt familial du sujet et corrlitions de vie;

189
- antêcêdents, troubles mentaux dans la famille;
- thérapeutiques traditionnelles déjà utilisées ou envisagées pour l'avenir;
- explications de la maladie données par la famille.
2. Ces renseignerœnts s'enrichissent au cours d'entretiens, qui ont
lieu à l'hôpital sous deux fomes :
a) En groupe, sous "la case", en présence du malade, des autres nalades,
du persormel soignant rêuni.. Le mê1ecin parle alors avec le, ou les
représentants de la famille, d'une façon non directive, laissant libre cours
aux interventions de chaC\\D1. ces entretiens ont toujours pour point de
départ le "malade", s:m histoire, ·la cx:mpréhension de ses troubles, la
façon dont il est vécu par s:m entourage, mêIœ si, au déa:>urs de l'entretien,
on dévie vers l'organisation ou la stiucture familiale, le malade étant
laissé en arrière-plan.
b) En "tête à tête", dans le bureau du Itédecin ou de la psycrologue, la
relation étant dans la majorité des cas "relayée" par lm interprète,
habituellement lm infinnier ou lme infinnière. ces interprètes ont
presque toujours été les nêœs pour tous les sujets de l'enquête.
Les entretiens s:>nt centrés autour des chapitres retenus pour
cette étooe, mais, dans leur déroulerœnt nêre, ils sont daœurés oon
directifs, la "relance" d'lme question s'inspirant toujours du dialogue
lui-même. Il- ne s'agit oonc pas d'un questiormaire, avec une fo:rnulation
toujours la nêœ, mais, le nanbre des intervieweurs étant limité à trois,
en reprenant les protocoles d'entretien, il s'est avéré que chacun avait
tendance à reposer toujours les mêmes questions dans les rrêrnes ternes.

190
ces entretiens avaient pour but le recueil final d'un certain IXJti>re
de cbnnêes objectives(exenple : liste exhaustive des rœrnbres de la famille
pour oonstituer un arbre gênêalogiCIU:e, nais aussi, dans une perspective plus
"clinique", d'entendre le disoours oollectif qui se oonstitue autour du
syIll)t&e prêsentê par le nalade.
Ces entr~iens ne sont pas sitœs systénatiquement dans la chronologie
de l'E!!'lqUête. GênêralE!œI'lt, ils "enœdrent" les visites à danicile. Un ou
deux entretiens à l'hôpital soulevant des "questions" que nous tentions de
rêSO\\Xlre "sur le terrain" et quelques entretiens après, OCI'lPlétant une
infoDtation qui nous a toujours laissés insatisfaits.
3. !.es visites à danicile.
Elles ont êtê de deux sortes
a) lorsqu'il s'agissait de fandlles vivant à BIN:iERVn.LE ou dans les envi..nms,
elles ont eu lieu le natin ou l'après-midi, durant en noyenne deux heures;
b) lorsque les familles habitaient au loin, elles ont fait l'objet d'une
"e:Jq;:é:litiDn" en landrover, et, dans chaque famille, nous scmnes restés
plusieurs jours, reçus pai eux.
Pour les familles proches géographiquemant, le nalade était amené avec
l'équipe, au noins pour l'une des visites.
Pour les familles plus éloignées, le malade n'était pas présent.
L'êquipe de "fomn était oonstituée d'un rœdecin, d'un psychologue, d'un
inteq>rète. lDrs des déplacaœnts et dans un certain nanbre de cas, elle était
cx:mplétêe par un autre psychologue et un deuxièlre interprète. Cela pernettai.t
à l'équipe de se scinder en deux : après les salutations d'usage et l'arrorœ
de la r~tion, une partie de l'équipe restait dans la maison ou dans la cnrr
p)ur parler avec les membres de la famille,. tandis que l'autre Partie se
chargeait du relevé topographique de la roncession et du quartier, et tentait
de prendre oontact avec des voisins.

191
Il a êtê ainsi possible, en fonction des circonstances, d'adopter
des fonnules très souples. Par exstp1e, si nous sentions des rêsistances
au niveau du conflit familial, l'un des membres de l'êquipe proposait un
entretien seul à se..ù. avec l' interpr~te au personnage le plus âgé de la
famille (celui qui prend d~s dêcisions iIrp)rtantes) tandis que les autres
devisaient avec le groupe familial.
Si mus sentions gênante la présence d' h<mœs pour aborder certains
problèmes, le nédecin et l' interpr~te s'éloignaient, tandis que la
psychologue et l'assistante &>ciale africaine, tenant lieu d' interpr~te,
restaient à Parler avec les femœs du groupe.
Après avoir 10nguaœnt débattu de ce IX>int, nous avons opté pour la
fonnule qui oonsistait à annoncer ·notre venue. Elle avait l'avantage
d'éviter des dép1acarents inutiles et, d'autre part, il nous a serrb1é
qu'arriver in'prarptu pour surprendre ies gens avait quelque coose à voir
avec un "voyeurisne" de mauvais aloi. I l a paru préférable de s'en tenir
à ce que l'on veut bien nous m::mtrer et nous dire et connoter seulercent
le. non-dit.
Evidamtent, notre présence seule est un facteur de rrodification de
la vie de la famille. Le jour de notre venue, les h:Ir'r-1es ne vont pas 'travailler
aux chanps, le rythrœ de l'existence est noclifié. Mais c::x:mœnt éviter cet
écueil ?
Un autre point est à souligner : celui de la prisè de l' infonnation.
Le oontenu des entretiens a été relevé sur papier, dans son intégralité
(questions et rép:mses), toujours après quelques nets d'explication sur la
nécessité de prendre des notes IX>ur se souvenir de ce qui sera dit. Dans
trois cas, nous avons utilisé un magnétophone à piles, l'un de nous se
rœttant en retrait et redisant dans le micro tout ce qui était verbalisé
au fur et à mesure.

192
LI entrœ en matière a toujours été la nêne : elle présentait la denarxle
au niveau du malade, à peu près en ces t.emes : "Nous travaillons tous à
l'hOpita1, mus avons votre nelade qui est chez oous c1ep.lis l.D"l certain ~.
Pour [OUVOir mieux ~ sa maladie, il mus est an;aru gu'i1 était
ndcessaire de venir voir sa far.li11e, le lieu oil il a vécu, et de parler
avec les l.D"lS et les autres de toute son histoire et de l' histoire de la
far.rl.11e à laquelle 11 appartient •• ".
Les entretiens à l' ~pita1 ont visé à établir une relation avec les
IŒ!Itbres œ la famille qui, dans une perspective occidentale, mus
piraissaient i.Iq;x:>rtants : père, Itère, ép:>ux, frère ou soeur (ceci p:>m:rait
être discuté). Parfois aussi, on ~ p..1 intenriewer des amis ou des carrarades
de classe et de travail.
Le contenu de l'infonration que mus souhaitions finalerrent recueillir
portait sur les secteurs suivants :
(1) BiograIiùe du sujet.
a) SOn histoire dans ses difffuente;; étapes (naissance, sevrage,
développenent psycho-m::>teur, circoœision, scolarité, !Jllberté et
ëà>lescence, fon:ation professionnelle, vie rratriJroniale, etc .. ).
b) SOn CCJ":1POrtement dans l'enfance (vis-à-vis des adultes, frères
et soeurs, classe d' a.ge, etc .. ).
c) ses conditions de vie (séparation, changarents, etc .. ).
d) La r:aladie (aFParition, évolution, antécédents familiaux,
interprétation de la I!1alaGie, thérapeuticy.les traditiorme lles, etc .. ).

193
(2) le groupe familial en tant que cellule sociale.
a) le rx:m (origine de la famille, mêlange d' etlmies, a ~ e
à une caste, etc .• ).
b) Les migrations.
c) L'impact de l'acculturation (scolarisation, statut professionnel,
urbanisation, etc •• ).
d) Le niveau socio-éooranique.
e) La vie religieuse.
f) I.e node de vie de cette famille (traditionne! , famille élargie,
ou nucléaire, etc •. ).
g) Les tensions et conflits à l'intérieur de la fnrnille (p:>rtant
sur des alliances l'X)n a<:lrnises, des pro~:>18.rreS économiques, des conflits
d' autorité, de prestige, de statut, etc .. ).
h) La place de cette famille dans le village ou le quartier et
la représentation qu'en ont les autres.
(3) Une journée de l'E.G.G.
- racontée par lui;
- par un parent proche;
- par un observateur.

194
II. DISCUSSlOO ME'lHOIX>IOOIC(JE.
tbe analyse critique de la mêtlDà:>log1e EIlployêe au cours de cette
en::}Uête, de son évolution disons de ses avatars, nous parait pouvoir se
situer à trois niveaux :
(1) celui des insttuœnts : des actions isolables investigant des variables
identifiables, discernables ~
(2) celui de la stratégie d' ercploi de ces instrurcents, de leur oonjugaison,
de leur articulation chrooologique~
(3) celui de la fonnalisation des résultats d>tenus pour les rendre, non
seulement lisibles, nais aussi ''parlants''.
(1) les instrunents.
!bus avons été guid€sà ce sujet par un souci majeur de non directivité.
Il s'ac.:Jissait en fait de faire naître ~ infonration sur laquelle
mus n'étions pas fixés, de faire ~aitre "de l' incormu". Donc, tout cadre,
toute systématisation, auraient risqué d'appauvrir les données de l'eIqlête,
de l' anputer de œ qui serait resté en marge.
Deux aspects seulerrent de l'objet de la recherche se prêtaient à un
recœil, à un rasSE!I'blaœnt d' infonnations objectives :
a) les systàœs d' allianœ et de parenté tels que mus pouvions les
extraire d'un questionnaire généalogique posé à tous les rrerbres de la
famille, avec qui oous pouvions être en oontact. Ici, mus avions pris
cx:mœ base l'arbre génalogique (64J
, et nous avons,
d'entretien
(.64) cf. chapitre l de cette IIàœ Partie, p.19ID bis, le schéma généalogique
à:>nt mus nous sames servis concernant la famille d' Abdou.

195
en entretien, essayé d'en cxxrbler les lacunes ou d'en rectifier les
disoordances. Nous avons opêré ainsi en l'absence de tout registre
exploitable d'état civil.
b) Les dormœs toJ:X)graIiUques concernant la position de la concession
farùliale dans le village, son organisation interne, l'am§nagerrent des
lieux et leun; aspects signifiants, du p.:>int de we des raPfOrts sociaux
qu' ils nat~rialisent.
Les autres aspects que nous avions 2. ronsidérer ~uvent se rMuire
à trois :
1- vécu de la maladie nentale par le sujet et son envirormerœnt;
2- représentations de cette maladie rrentale par les rnênes;
3- systèrratisation des relations inte~rsonnellesau sein du
réseau farilial.
lIbus n'étions pas en J!e5ure d'élaborer, au début de cette enquête,
des 6:::helles d'attitudes, ni des Méthodes projectives, ni des tests de
situation (sociograrmes) p.:>ur explorer ces as~ts érninamœnt; subjectifs.
lIbus ne ~uvions donc que faire appel à deux catégories d'investigations
mn directives : les entretiens mn directifs centrés et les discussions
de grou;?e prenant (X)IW'e thèIœ iniliaI le JTalade, nais acceptant les
digressions.
A cet égard, mus rappellerons seulement une difficulté sur laquelle
mus m-ùS sames ~liqués, 2 savoir le problèrœ inhérent à l' interpJsition
dans une relation transculturelle de la subjectivité d'un interprète:
appauvrissaœnt des nuances significatives, contamination des attentes,
substitution des attitudes, ete ..
1
1
1
1
1
1

196
Mais oous dirons aussi que la oooouite des réunions de groupe,
de style l'O'l directif, sans thèrre fixé, dans le contexte de ms enquêtes,
mus est a~ 00I1I"e très aléatoire. Dans les l1mites de temps qui
mus penœttaient 1 'tkx>nanie des noyens mis en oeuvre, i l était iIrq;:ossible
de "laisser" rt..'ellement surgir l'essentiel. Or, toute sollicitation
carrluisai.t à ranener le groupe a une attit\\.Xie de dépendance à l'égard des
enquêteurs, à lm souci de répondre à une demande infoIIlU1ée et partiellerrent
falsifiée.
Nous pensons qu' actuellerœnt une analyse de contenu des quelques
vingtaines d'entretiens pratiqués penœttrait de r€diger
un guide d'entretien
plus précis gui, à l'avenir, é:o:lraniserait le terrps d'investigation sans trop
perdre d' infol1""\\3.tions.
De l!ême pensons-mus qu'une certaine sélection de thèrœs de discussion
(l' autorité, l'argent, etc.) s'avère possible, qui perrettrait de fornaliser
les réw1ions de groupe et ainsi de leur appliquer des rœt:h:rles éprouv~s
d'observation (catégories Bales)
A ceci ):jrès toutefois qu'il nous paraît; devoir être toujours difficile
de rraintenir une définition d'effectif et un isolanent suffisant du grou~
de diSCUBsion éJ~ ron contexte socio-culturel d'app:rrtena.nce, freinant
considérablc'ïcnt. (sans doute) la sp::mtanéit6 des interventions.
(2) la. stE i Ggie de r.'ise en oeuvre des instrurœnts.
Une é' -,lyse rétros~tive des investigations nnntre à quel p:::>int la
façon èbnt elles sont corrluites est corrélative de l'âttitude des chercheurs
à l'égard de l'objet de leur recherche.
La J!'ûdification progressive de la stratégie signe le rem-lIlierœnt des
hyp:>thèses irq:>licites ou explicites du départ.

197
Indên.iabIE!"leI1t, cette enquête a caractérisé un effort de dkentration
du ralade mental sur un objet qui l'inclut, le groupe social familial, nais
ceci était en ruIlture avec une attitude clinique de focalisation sur un sujet.
AUSSi p;::>tlVOOS-nous constater que les prer'ières ~tes ne quittaient
pas en réalité une perspecthe d' exarœns canplé'"entaires de l'observation du
r.a.lade.
L'entretien inter-iniividuel princeps restait le pivot autour duquel
s'organisait une exploration d'un contexte progressiverœnt éclairé. La maladie
rœntale que l'on voulait p:>urtant mettre en question CXJIt'Uô"e phéronène social,
ne quittait pas son incarnation la plus tangible: le malade mental.
En bref, les entretiens avec les parents à l'hôpital, l'enquête sur le
terrain, la ~ise de oontact f~ilial in situ, s'ordonnaient came une
exploration ooœentrique atteignant un en~rmeI!eIlt explicatif de plus en
plus large.
La r.aladie du malade n'était pas sans rapp:>rt avec les causes favorisantes
ou décIenchantes , à chercher dans son entourage.
'!but ooœourait d'ailleurs à raintenir la recherche dans ces limites
l' attitude des cliniciens, nais aussi la justification que constituait le
malade p:::>ur entrer en oontact avec le groupe. familial, le nalade objet
transitiormel entre enquêteurs et enquêtés"
C'est seulerœnt maintenant que nous aH?ôIaît la nécessité, dans une
perspective de décentration, de rener en prrallèle trois démarches concurrentes
au lien d'en développer une seule." Dans mtre esprit, l'équipe se rendant sur
le terrain, travaillant en gro~, rermettait un contrôle mutuel permanent
des attitudes, des projections, etc."
~la.is mus perdions
ipso facto
la
p::>ssibilité du choc bénéfique qui résulte des découvertes irrlépendantes"

198
Actuellaœnt, dore, J'DUS serions favorables a une stratégie en
trois tarp; :
1. Une eIX}Uête rorx:uite selon le rrodêle habituellement utilisé I2I'
un travailleur social., visant il recueillir des données objectives.
2. une enquête d'attitude, explorant, dans une perspective psychologique
et psychanalytique, l'environnement familial imnédi.at du l'!'a1ade. cette erqJête
c::orrluite selon les r:étb::Xies cliniques (irrlividuelles ou de petit groupe)
aurait p:mr p:>int de départ: "Vous connaissez X •• , qui est actuellement
hospitalisé p:>ur naladie n:ptale .. ".
3. Une enquête ethrx:>-sociologique effectuée sur le territeire de vie
du nalade, I1'ai.s qui ne devrait retrouver celui-ci nœrnércent qu'au déex>urs
de l'exploration.
l
cette procédure restituant aux disciplines leur irdépendance,
1
rétablirait en fait la dynaMique propre de la rmltidisciplinarité.
1
1
l
Il faut que les secteurs soient très Protégés les uns d~ autres
,~1
p:>ur qu'en des rn::rtents de ronvergence
et de ronfrontation de l'objet,
1
en l'occurrence le nalade nental, celui-ci se révèle sous des fomes
l
OOll'Vt::1les.
1
t
Indiquons en passant que èans cette perspective, urie équipe de
~rche sur la sociologie des naladies rœntales ne devrait pas avoir
1
p:>ur base 1 'hôpital psychiatrique, rais au contraire lui faire équilibre
J
1
grâce à un certain éloignement institutionnel.
1

199
(3) ta mise en foue des résultats.
Plus mtre souci de liberté était grand pour recueillir l'infoDnation,
plus 11 fallait s' atteOOr'e il ce que la représentation organisante de
cette infornation s'avère difficile. Il fallait qu' â une intégration
intuitive de données éparses se substitue une projection de ces données
sur un champ structur~ et très jalonné.
Puisque mus prenions en fait ccmœ point de dé:.a,rt un !1alade,
mus devions le garder au centre de ootre repr~sentation. Puisque oous
poursuivions une canpréhension de l'aliénation, il nous fallait
schématiser les distances sociales, la laxité des liens, les lacuœs
relationnelles.
c'est dans cette double pers~ctive que nous nous SOIl'IœS arrêtés
à une schérratisation en cibles. Celle-ci rend CŒ1pte irrléniablerrent
j
oon seularat: de la r;osition du rralade, na.is aussi de la façon dont
peut s'organiser pour lui son espace social.
1
1
Il est naturellerœnt difficile de rendre canpte en nêœ temps
1
!
des r~gencaœnts successifs de cet espa.c~ au cours de son histoire.
1
Seule une supeIp:>sition de calques penœttrait de rendre éloquente
cette évolution.
1
1
Mais déjà ainsi nous avons le senti.rent de disp:>ser d'un outil,
!
qui renouvelle les questions et qui rerrplit pa.r là son rôle opératoire.
1
En particulier, les secteurs vides, les carences de nodèles
1
d'identification, le déséquilibre entre les lignées, la désorganisation
relative de l'une d'entre elles deviennent des schènes très expressifs.

D'autres Iilêrx:J'œnes bien stlr seraient a irraginer : place de la
famille dans la ex>nI"UIlautê ethnique, carte des circuits écornniques
externes et internes, distribution des statuts, etc.. t-1ais rous pensons
que leur représentation èbit être définie dans la perspective du
remmierœnt stratégique que oous avons exp::>sé ci-dessus.
sans èbute cette ~te êtait-elle nécessaire ccmne tat;>s
préalable de rn::xlification des attitudes personnelles des chercheurs
al' égard de l'objet de la recherche.
Avant de rerxlre cœpte de la naladie rrentale eawte ph0nanène
social et incarnation in:lividuelle, i l fallait que dans rotre propre
systèrle de représentation de clinicien':> se soit opéré un docentraœnt.
C' est sans èbute de cette aventure personnelle qu' il était au forrl
question dans cette an.ùyse de rotre rethodologie.


201
III.
LA FAILLr.Œ DE lA PRISE m CHAKiE TRADrrlœNELLE.
L'lDspitalisatian en milieu psychiatrique occidental maxque la
faillite, totale ou partielle, du rrode traditiormel de prise en charge.
Au niveau des faits, elle doit être rattachée à la déstructuration
du milieu familial, à l'i..rrpact de l'Islam et d'autres religions, aux
bouleverserrents éconaniques liés· aux changenents oontemp:>rains et à
l'm::banisation.
une analyse du
contenu man:ifeste des entretiens net en lumière
les raisons que les Ivoiriens dament à l'?ppui de l' mspitalisation
1
peur provoquée par le fou, tant dans l'entourage familial que dans
î
le groupe de voisi.nag:e et le groupe pro~essionnel, i..Iq;x:>ssibilité liée
1
1
à l'Islam et à d'autres religions de se oonfonœr aux rrodèles de
cx:mportaœnt tœrapeutiques idéaux, difficultés financières, incurie
1
des guérisseurs, awa,rition de nouvelles catégories IlOSJgraphiqueS
issues de l'acculturation.
1
le contact avec l' hôpital amène à son tour à rrodifier le systàœ
1
d'interprétation et à transfonœr le statut du fou.
1. L'entourage et la rraladie.
1
!
Dans aucun des cas étudiés, la famille ne se trouve au corrplet.
Très souvent, les grarrls-p:rrents sont rrorts, les soeurs du père et
1.
les frères de la mère du malade, absents' ou non agissant dans le cadre
1
du groupe familial. les parents sont divorcés, et l'enfant confié à
l'uœou l'autre de ses lignées.
1
1
1
1
1

202
les parents qui avaient le devoir d' assmer l'assistance Al' égard
du malade ont disparu, ou lorsqu'ils Balt enoore lA, 1ls sont frêquemnent
trop Sgés pour supporter les frais de la cure. Ils se trouvent OOnc SOlIDis
au bal vouloir des jeunes, soutiens de famille, qui ne sont pas disposés
A fa1.J:e face à des dépenses supplênenta1res.
lorsque le patient est mar1é, 11 ne peut cx:rtpter sur l'aide de son
épouse, ou de la famille de celle-ci. S1 la fenne est une puente, elle
s'en rercettra à la famille de SXl cx:njoint. Si elle ne l'est pas, elle
ne jUJera pas qu'il est de son ressort d'intervenir dans la guérison
d'une maladie qui la prive de son mari et qui la oonstitue en victiIœ.
D'ailleurs, si elle s'avisait d'outrepasser, par générosité, ses devoirs
d'assistance, an la soupçonneraie :imnédi.atarent d'être la cause de la
maladie de son. époux.
Elle attend. donc, avec plus ou noins de patience, qu'il sorte guéri
de 1 'l'i:Jpital, sans s'opposer au préalable à son lx:lspi.talisation.
Si la maladie dure trop lorqtarps, elle cesse de venir le voir
nparce que le vr::JyafJe ootlte cher et que ses parents ne lui cbrment pas
1
d'argent" (cas 5), "parce que nêœ, le nan de l' hôpital lui fai t ~ur"
(cas 10).
1
i
A peu près sûre de retrouver \\ID mari dans cette société ~lygane, al
il Y a rareté de fennes, ayant le droit de son d>té (puisque la folie
est une cause de divorce), ne se tJ:ouvant Cbnc pas obligée de rerrbourser
la dot, elle se fera toute sounission si ses parents lui onhnnent le
divorce.
S'il s'agit d'une malade, mariée, c'est en principe son ccnjoint qui
s'c:xx:upera d'elle. Mais, en raison de la règle de résidence virilocale,
la rralade, dont le plus souvent la famille est désunie, se trouve sans
recours. Elle est livrée à son mari. celui-ci, s'il ne subit pas la
pression de sa belle-famille, qui hab!te parfois avec lui , livrera

203
d' autant plus ais€ment
la nalade a l ' ~p1ta1 que, s 'n lui p.tête trop
d'attention, ses co-ê};X>uses l'accuseront de les délaisser.
L'hosp1ta1isat1oo en milieu psychiatrique occidental est dcnc avant tout
fruit de la destructuration familiale.
ra pressicn de l'entoura:je qui conduit à l'oospita1isati.c:n est
d'autant plus forte qua le malade provoque la peur, aussi bien dans
la fëlt\\i.lle que dans le quartier et sur les lieux de travail : "sa mère
en a très peur" (cas 1): "il terrorise l'entourage et les voisins" (cas 2):
nil fait peur à sa tante, aux petites filles, 'lUX enfants" (cas 3): "il
effraie le voisinage" (cas 4): "il effraie les gens et terrorise sa femœ"
(cas 5); "il nenace ses camarades de travail avec un couteau" (cas 6) ete ••
Dans le Cérlre du village, le malade p:>uvait ~tre sounis à la
surveillance collective. En ville, il va et vient, plus ou noins dénudé,
semant la terreur sur !Dn passage, nenaçant ses collègues de bureau,
courant devant les voitures.
les voisins, les chefs de seI:Vi.ce, c;JlÙ n'ont pas à asS'l.lIYer des devoirs
particuliers envers le ma] ade, pousseront donc les parents ·à l' hospitali-
t
sation. L'initiative des patrons ou des directeurs, ou des "flics",· qui
1
se chargent parfois directement d'envoyer le patient à BJNiERVILIE, ne
1
1
roulèverapas de protestations. Au rontraire, elle évite à la fanù.lle
1
la difficile décisicn, génératrice de conflits plus ou noins violents,
d'abarrlormer le malade entre les nains des thérapeutes occidentaux.
1
Travaillant, et inséré de ce fait dans \\ID systàre pseucb-occidental,
c'est tout naturelleœnt que le patient aboutira à 1 -OOpital. Dès lors,
i l sera plus aisé aux parents qui le désirent de xœner pirallèlarent
1
un traitanent trérliticnnel ou musulman. Il ne s'agira plus de devoirs,
mais d'initiatives personnelles de zœnbres du groupe familial, plus
1
!
1
1
1
1
1
1

204
partiaùiêrenent attadlês
au patient. Mais le géœreux donateur sera
en droit de se lasser. te pitient devienira sen débiteur, alors que dans
la famille étendue, i l se tIouvait enserre dans un réseau d'cbl1gations
rêc:iproques. Aujourd'hui, malade, et soutenu par son entourage, ce
serait demain san tour de soutenir, avec tout EDn groupe, une autre
vict1Iœ du destin.
Auparavant, 11 oontractait une dette symlx>lique. Il est à présent
débiteur réel de celui qui accepte de lui IX'rter seoours.
L'influence grarrlissante de l'Islam joue a~t un rôle enrore
plus iIrportant dans cette faillite de la prise en charge traditiorme11e.
C'est au niveau de la génération' d'âge noyen que l'an peut le mieux
analyser l'inpact de l'Islam.
Généralerœnt non soolarisés, ayant p:miu les prérogatives qœ leur
cxnfèrait l' organisaticn gérontocratique d'une société stratifiée
verticalercent, les 0Cmnes de la classe des pères ne sent plus à nâœ
de subvenir aux be&>ins de leur famille. Us voient leur autorité
rontestCe et doivent se souœttre à leurs enfants, qui les entretierment.
Certains trouvent dans la religion musu.l.nane un noyen d'asseoir leur
prestigE". C>J.:p:>sés aux: traitalents thérapeutiques relevant de l'ordre
traditionnel, ils adhèrent ceperrlant profondérœnt aux systàœs
d'interprétation ancestraux. Ils vivent donc une situàtion trip1aœnt
ronf1i.::tuelle :
· cŒ"lflits peroonnels entre adhésion à des rrodèles culturels et des
nodèles de C'CfII'Ortement oontradictoiresi
· conflits avec les anciens encore irrbus des croyances anciermes;
• cx:>nflits avec les fermes.
Celles-ci, en effet, trouvaient dans le culte des rabs un rroyen d'assurer
leur prestige. La p:lsition d'officiante, én rr✠taTps que lucrative,

205
E!ltra1nait la oonsidération de l'enSE!Tlble du groupe familial, du village
ou du quartier. la participation au N'dëp, divertissement très awrécié,
renforçait la ex>hêsioo du groupe des fer.nes. Dans l'exercice du culte
des esprits ancestraux alqUel adhéraient les tx:mnes, mais qui leur
revenait en propre, dans leur a~ce à des sociétés secrètes,
elles affinnaient leur autrnanie. D'elles dépendait, en gran:3e partie,
la benne marche de la famille. sans le culte des femœs, le groupe
oourait à l'anéantissaœnt, Jlli.sque la procréation dépendait de
l'aca:>rd des ancêtres et des esprits alliés.
Avec 11 adhésion à l'Islam et d' é'\\utres religions, les hornres ont
abarrlonné l'exerciœ du culte ancestral. Quelle que soit l'influence
des cro'{i):lCes anciennes (la création de la catégorie des rabs musul.rrans,
c:x:nrœ tu'-..t 1-ilénanène syncretique, ténoigne de la nécessité FOur les
lxmres J' intégrer deux registres d'interprétation), ils ne peuvent en
aucun cas aC"œpter que le patient soit pris en charge par le groupe,
à grand renfort de tat\\l:x)urs, de danses, de ciIculation de biens, etc ••
Cet , acceptation, êbrarù.ant larr statut de grand musulman, leur
1
fex::nero ' I l seule possibilité de prcnption sociale qui leur est offerte.
les fe.'yto's .·u contraire, qœ la tradition, l'Islam, ou œrtaines
religic: ;,;,
elèguent à l' arrière-plan,. sont plus enclines à interpréter
1
la mal·~i.i'.; ,'c le.rr parent en ternes d'agression par les ral:s, ou
1
autre
l'~e cœz les
autres, et à faire ooincider croyanœs et
!
o::rf1lX
'f,l~nts. leur interpI:'étation, en leur offrant la FOssibilité de
se hp. . ~..i_r aux hames, leur penœt de reoorw:;ruérir, m:rœntaném=nt, leur
statu\\: p~rdu. Si elles sont suffisarment agées, les hornœs seront
obligés de se plier à leurs sollicitations. Autraœnt, ils devront,
mur le m:>ins, tenter de les a:nwaincre et, par là nêre, agir en
fonction d'elles.

206
Cette rigiditê des IDsitiens des groupes fên1nin et masculin est
gélêratrioe de ex>nflita que l'entourage du patient expr1rœ ouvertaœnt :
"Ü! guérisseur cxmœnœ, mais les frères (de la mère du patient) le font
détruiI:e" (cas 1); "l'oncle (du malëde) sait que les rabs existent, mais
sa relig:1Dn lui interdit de faire attention à leurs manifestations" (cas 2):
"les parents (du ~re du malade) l'ent obligé à faire le Khanb. Il a
domé l'argent, mais n'a p;lS assisté; lui a essayé d' a1:x:>rd les marabouts"
(cas 5): le mari de la malade refuse d'accéder à 8)Il désir de cure
traditiormelle (cas 8); "avant le proJ;tlète, il Y avait des rabs, qœ
la venue de celui-ci a déraD:Jés. C'est pour cela que le vrai IIUJSulIran
ne coma1t pas les rabs. l i (le mari de la malade) a été obligé de faire
s:>igner sa femœ p:JUr les rabs à .cause des voisins et de la famille:
autrelœnt en aurait dit qu'il était vaurien" (cas 9) : "p::>ur les rabs
I a l nusulmans, ils ne ~uvent pas faire un N' dëp car c'est défendu p3r
la religion" (cas 10); "les mararouts ont parlé de rabs. Mais eux ne
croient pas trop aux rabs. Ils ne ~uvent dire ce qte c'est la naladie"
~
(cas 16): "avant, dit la mère aà>ptive du ma100e, tout le nonde était
·i
1
arrlmiste, maintenant tout le ronde est dévié vers le Bon Dieu" (cas 19):
l
"la mère (du malade) veut qu'on fasse un N'dOp mais les histoires de
1
l
I<hatb, il n'y ~ pas, dit le pêre" (cas 25).
1
Les cnnflits se révèlent d'autant plus insolubles que les
i
thérapeutiqœs traditi..ormelles ou musulmanes ooûtent ç:her. Les
1
1
grDUfes des pères ou des ITères qui voudraient y avoir recours
1
doivent fréquament faire aptel à leurs enfants plus jeunes, qui
l
ne se sentent pas impliqués, prlsqu'ils détierment, eux, d'autres
l
noyens d'occuper une positian honorable dans la hiérard1i.e sociale.
1
,
c'est au marabout que l'entourage adresse ses reproches.
1
"les rrarabouts sont des nenteurs, ils se oontredisent tous"
(cas 3);
1
1
"les marabouts œ peuvent rien faire" (cas 4): "les narabouts
1l
1
1
l
1

207
prennent trop d'argent" (cas 8) ~ "les marabouts se oontredisent tous"
(cas 11) ~ "la plupart des marabouts sent des charlatans qui vous
trarpent et prennent votre argent" (cas 12) ~ "les marabouts l'ont
ttatpéei 11s ont pris sm argent" (cas 13) ~ "il (le rrari de la malade)
n'a pas oonf1anCe dans les soins traditionnels" (cas 17); "il œ l'a
pas fait soigner par des gœrisseurs car il s'en méfie" (cas 19):
"personne de la famille n'a été voir de marabouts ou de guérisseurs.
ns n' y SJnt pas allés parce qu'il Y a trop de charlatans panni eux"
(cas 20) •
Ces affinnations ont \\ID fondaœnt rœl. Dans l' agglœération
Abidjanaise, n' iIrq::orte qui peut s' improviser marab:mt~érisseur,
p..ti.sque le ccntrôle social des a.r:ciens ne s'exerce plus sur les
quartiers à l'intérieur desquels se ~toient des ress:>rtissants
de diverses ethnies, allant et venal1'~ au gré des migrations
saisonnières •
Dans une s:>ciété en transition, le thérapeute ne reçoit plus de sURX'rt
institutionnel pour sa conduite. L-:" tente de a:mpenser sa baisse de prestige
par des avantages matériels.
Or, dans le milieu urbain anxiogène, le recours au rnaralxmt est· fréquent.
C'est ainsi que lors de ootre enquête sur "La mère Africaine face à la
5C.Jlarisatian" ~5:l, 80% des fenues nous ont avoué faire aptel au maralx>ut
avant un exanen ou après un succès trop brillant renqx>rté par leur enfant.
Rares sont les Ivoiriens qui ne portent pas ces petits sachets de cuir
qui recouvrent les versets coraniques protecteurs.
i
1
Le prix de la o:msultation s'élève en fonction de la fréquence et de
1
l' intensité de la demarrle.
l
(6 5) <XiOUNDARE (G .), S'IORPER (D.)
"Ia. mère Africaine face à la scolarisation".
1
op.cit..
1
1
\\

208
le maralxJUt ne devient ni plus ni mina digne de a>nfianœ en cas
de folie du m:ù~. En revanche, 11 devient plus cher. ~ fernnes
mnifestent leur opposition à san êgard, le N'dë~t leur awaraissant
plus apte à guérir leur puent. Mais les 1'xJmes justifient leur
résistance à la t.hêrapeutique tradit10melle par le prix três êlevé
de la cure.
Par aille.us, de muvelles caté:Jories OOSDgraphiques tendent à
~a1tre cœz les musu.lrcans. I.e chanv1:e 1OOi.en, l' alcxx:>l et le
sunnenage sont des causes de rraladies liées au a>ntact avec le nonde
occ:iilental. Elles ne peuvent donc être traitées effiœcaœnt que par
les thêrapeutes europêens.
Enfin, "si 'Dieu a créé la maladie, 11 a aussi .créê les nédecins"
(cas 2). Dès lors, rien n'interdit de leur confier le nalade.
le contact avec l' institution psychiatrique occidentale amène
â SŒl tour à repenser â l' interprêtatioo de la maladie.
Cette maladie, qui a résisté à la thérapeutique traditiarmelle,
aux thérateutiqœs nusu1lnanes, se trouvë sirnn guérie, du npins
aréliorée par le séjour à l' hOpital. Il devient évident que le séjour
du patient à B~ était une n~sité. Plus rien n':i.rrp:>se alors
la prise en charge du nalade par son groupe. Puisqu'il va bien à
l'hôpital, il doit Y rester. cette attitJ.ile s 'mracine dans le oontexte
socio-culturel traditi.onrel. LorSI\\l'on a CXXlfié un enfant à quelqu'un,
celui-ci n'a:wartï-ent plus à la famille, nais à ses parents adoptifs.
n serait nalséant et injurieux de demanler des a:rrptes à son sujet
ou de cœrcher à le reprendre. Mais en n✠temps, cette attitude
favorise l'abandon total du malade : "Maintenant qu'ils se sont remus
CXJtpt:e que l'état de Assétou s' anéliorait, ils sont oontents de
l' hOpital et la grand-tante est d'accord p:>ur qu' 11 Y reste un bon

· 209
naœnt" (cas 3): "maintenant ce n'est plus la peine qu '00 le ranèle
s'il n'est pas guéri" (cas 4): "cette maladie est bizarre: à l'~ita1
il est bien et A la maison il est nal~. Si an peut, on le laissera
là-bas tant que 1 'hOpital existe" (cas 5),: "elle (la malade guérie)
va très bien et conseille 1 '~pita1 A toux ceux qui sont malades",
dit s:m mari (cas 8): "on le net A B1NGERVILLE et au bout d'un 1:.aTps
i l est guéri. Si c'était des rabs, il ne guérirait pas axme ça" (cas 10):
"il faut qu'il reste A BlNiERVILLE jusqu'A ce qu' il ~it tout A fait guéri"
(cas 12): "A B:m::iERVUaLE, on soigne bien. Quand il est sorti :fOur la
1
1
première fois, il a été guéri J.X>ur un bon naœnt. l'. présent, ce n'est
pas la peine qu'on le fasse sortir, tant qu'il ne sera pas guéri" (cas 13):
"si on lui donne quelque coose IX>ur les rabs, ça au:.;rœnte: quelque ch:>se
1
pJUr le maral::x:>utage, ça augrcente:' les nê:licarœnts le guérissent, donc
c'est une maladie" (cas 2).
Déjà, par le passé, les Ivoiriens s'étaient aperçus que certains
désordres organiques p::>uvaient être mieux traités par les Eurc:P§ens.
1
Une sorte de partage s'était établi entre les maladies :fOur diarrhée,
1
sypulis, paludisrœ et les maladies p::>ur. marabout-guérisseur.
J
,
Aujourd'hui, c'est au niveau des troubles rrentaux que le partage
1
cx:mœnce aussi à s'effectuer.
f
i
Mais la thérapeutique occidentale de la maladie rrentale implique
l'enfenrerœnt, et 1'00 voit };Oindre les attitudes liées à la situation
asilaire : peur du fou, suspicion à l'égard de celui qui sort de
BlNiERVIILE. "Il ne veut PaS retourner à l' éoole parce que ses camarades
1
sauront qu'il sort de BnGRVILIE et qu'il n'est p:ls oorme tout le rronde"
1
(cas 1): "naintenant, ce sera difficile de le marier à Abidjan: il a été
1
trop vu" (cas 7): "tout le quartier le ronnait: an ne pourra pas lui
ébnner une ferme, tant qu'il ne sera pas guéri" (cas 12): "ses a::>llègues
1
f€mi.ni.nes
savaient qu'il avait été à BnŒ..WILLE et elles avaient peur
1
de lui" (cas 13).
1
!
1
!
1

210
L'b:>spitalisation du malade rccd1fie peu à peu l' ·:lttitude à l' hJard
du fou. Il devient progressivE!tlBnt cx:mne en Europe c:i>jet d'1.na:mpréhension,
de mépris. Il faut s'en préserver. Famille et société <:XITIne.Inmt A
rejeter ce -déviant" dangereux, qu'il faut cacher derriêre les nurs
de l'~pital J:SYChiatriCJl.te.
ce nouveau m:x1èle est imposé par les structures sociales oouvelles
et par la nédec1ne occidentale. l i pénètre d'autant plus aisaœnt que
le Pitient b:>spitalisé est â la société ce que le oolonisé était
autrefois au colonisateur.
Il s'avère do~ œcessaire, IOur cxrnprendre les causes sxiologiques
de la failli te de la prise en charge tra:litiormelle, de m:mtrer quels
s::>nt, à l'intérieur, auprès des. Ivoiriens, les facteurs "internes"
qui la rendent pe.méable A la pénétration de facteurs "externes" de
charqanents, telle l'institution psyclù.atrique occidentale.
2. Les structures ·soc1ales.
C'est un le>n:J processus dialectique qui a amené les facteurs
eKte.rrres à pénétrer dans les eociétés traditioIUlelles à l~ faveur de
certains facterrs in1:.erDas, penœttant la pénétration de rouveaux
éléments.
Les chëm1aœnts ont été favorisés p:rr la nu.l1.tiplicité des contacts
entre la
société- Ivoiri.erJ.re- et d'autres s::>ciétés,' entre celle--ci
et l'Islam, et par les diverses situations pré-coloniales et IOst-
ooloIÙales, dans lesquelles
ell;e a dû trouver sa place.
L'Islam constitue la voie royale du passage entre tradition et
nvdernité.

211
a) Dans la sx:iêtê traditionnelle.
Ies Ivoiriens, rous l'avons w brièvaœnt au cours d'un chapitre
prêcMent, fonnent plusieurs scx::iêtês â tendances féodales, stratifiées
en cartes, rolygames, à filiation bilatérale, dans lesquelles se
supeqx>sent trois pri.n:ipaux ~s d' écharges matrirroniaux : êchan:Je
généralisé, êc:::hanJe restreint et "prix de la fiancée".
Les cartes constituent un systàœ d'organisation vertical et
endogame. les opp:>sitions lames libres - castes - esclavage, sont
marquées par des relations ·à plaisanteries et des écl1arJjes de
prestations de services et de oontre-prestations matérielles. Tout
nenbre d'un groupe socialeœnt inférieur est assuré de p:>uvoir <XJnpter
sur l'assistance des participaI)ts du groupe sup§rieur. les rois et
les robles guerriers ont joué un grand rôle dans l' histoire de la Côte
d'Ivoire, jusqu 1 à la ~riode coloniale. Les griots p:>rteurs de la
tradition, dans des oociétés sans écritures, créaient la continuité
irrlispensable entre un irrlividu, sa famille et sa lignée.
Craints et néprisés à la fois, enterrés à l'écart dans le tronc
dl un baobab, ou s)us un l'1aNJar, ils n'en étaient pas noins extrêmaœnt
plissants, plisqu' ils marquaient l' a~ce à la lignée d'origine.
les forgerons, en contact avec les redoutables plissances du feu,
se chargeaient de la cirooncision, perrlant que leurs femnes, dotées
des mânes p:>uvoirs, tatouaient les lèvres des fille~ (voir dans le
Nord, et dans l'Ouest).
Chacun, dans le cadre de cette rociété, détenait une p:>sition
1
a:nrplaœntaire. certes", les heurts étaient ranbreux, mais la nécessité
1
1
de la cx:rnplémentaritê assurait la oohésion de l'ensemble. Les esclaves,
1
1
élérents de prestige, mais aussi nécessité absolue à l'équilibre de
castes endogames, furent libérés en 1848 par les Français.
1
!
1
1

212
Les S)Ciétés Ivoiriennes, siIDn Africaines, traditionnelles,
sont organisées verticalement selon le node gêrontoc:ratique. Les
anciens eKerCeIlt un oontrOle souverain. C'est le plus ancien de
la c:x:mcession qui dirige la famille. C'est le plus ancien des wbles
du village qui en reçoit l'administrateur. ce sont les anciens
réunis s)us l'arbre A palabres qui oontrOlent la bonne marche du
groupe. Dix étapes oooou1sent A la vieillesse, assxiêe A la
sagesse et au prestige. L'ancien se réalisera plei.nanent par sa nort
en rejoignant les grands arx:êtres auxquels on p::>rte un culte.
~1ais l'organisation vertiœle est t:e.rrp§rée par l'organisation
1'x>rimntale des classes d'age, renforcée par les rites de passage
dont les plus imp:>rtants sont ~ cirooncision et le ta~e des
lèvres.
Dans le œ.dre de la structure' familiale, le ~tàœ des appëllations
et des attibrles rem a::mpte de la superp:>sition des trois systàres
d'écharges natrinDniaux : systàœ d' écha.rge généralisé (nariage
1
préférentiel avec la CDUSine croisée rnatrilatérale) ; exa'!q?le, dans
l
le NJrd, alors que les rousins parallèles sont rx:mnés "frères",
les rousins croisés reçoivent un ron différent; le fils du frère .
1
de la mère est le "rnaitre", le fils de la soeur du père "l'esclave";
1
,
l'oPfOsition, cx:mœ l'opp::>sition inter-castes, est narguée par des
1
écharqes : prestations de biens et prestations de ~ces ;
systèrre d'écharqe !:~eint (mariage avec la cousine croisée patri-
latérale); le petit-fils est aIJFelé "srand-père"; il est interdit
1
de le réprimarrler en présence de ses grands-parents; petit-fils et
1
grarrl-mère sont "mari" et Itfame"; petite-fille et gram-r"ère sont
noo-éJ;OUsen; ce type de relation avec tenni.rx>logie alternative et
1
h::>rimntalité, est la marque du mariage par écha.n;Je restreint, dans
lequel un fils se marie dans la direc~on oPfXJsée de celle où son père
1
1
s'est marié et dans la mêœ direction que celle de son grand-père.
1
!;
1
! .
1
1

213
Enfin l'éch.arl1e matr1m:>nial reflète deux nodalités : le lévirat
et le mariage oblique entre niêoe et oncle où l'on trouve le prix de
la fiancée (la dot) : le systl!me d' ."lppellation, assez simple, insiste
sur l 'opp:>sit1on hcmœ-femœ, aInê-cadet; la prrentê est classificatoire.
La cx:mplexité du ~iage P!!E acha~ explique la nécessité d'iOOiquer
clairsnent la place de chaque enfant dans la fratrie et dans la lignée
en raison de la ccmplication du droit d'hl§ritage qui découle de ce
systàne; les diverses prestations effectuées lors du mariage IX'rt.ent
en effet sur un volume de richesse oonsidérable dont le chef de
con::ession doit assurer la chiuge; s'il meurt, ce sera selon s:m raD;J,
selon qu'il est marié ou ron, l'un ou l'autre des fils qui héritera
les terres, propriété irrlivise; l' œritier se devra à son tour de
rourvoir à la dot de ses "fils", c'est-à-dire des autres célibataires
de la ooncession.
La filiation est bilatérale: r:atrilinéaire, qui regrour:;e les
descerrlants d'un ancêtre féminin et ceux qui ont le m✠lait,
et patrilinéaire. En fait, la famille se constitue essentiellaœnt
en filiation ratrilinéaire. La résidence est virilocale.
Outre les échanges, ce s::mt les relations de danination et de
9:xnnission a~ées de prestations et contre-prestations qui
donnent au systàœ des attitudes sa ooloration rarticulière. I.e fils
est SJumis à son père, a:mne la femne à SJn mari. Le mari est soumis
au frère de sa fame, la femne du frère de la farrœ est SJumise à la
roeur de SJn mari, le fils de la soeur du père est SJumis au fils CE
la soeur de la ItÈre, le frère de la farrœ est SJumis à sa soeur,
l'oncle maternel est SJumis à SJn neveu, ete .. '!butes ces relations,
qui reproduisent en fait la stratification qui règne à tous les
niveaux de la réalité 9JCiale, SJnt la marque de la dette réelle ou

214
symbolique que contractent les maris en prenant une fsme dans uœ
autre lignée envers le frêre de leur fame et envers les soeurs,
qui pennettent par leur mariage le mariage de leurs frères.
Les p5les Cbninat1on-soumission B)nt plus ou l!'Dins accentués
en rai9:m du chevauchanent d'autres statuts prescrits par l' ensent>le
de l'organisation sociale.
Selon LEVI-STRAUSS, cette superJX)sition d'écharges matrirron1aux
est œractéristique d'une organisation féodale ayant évolué vers \\m
systi!rne de castes.
L'échan:;Je généralisé, qui présuPfOse l' égalité des statuts
(p.lisqu' i l est forr:laIœntal que les fame; éd1an:Jées aient la mâœ
valeur) n'est guère cx:rnpatihlé avec la stratification des a:>ciétés
féodales. L'instauration du prix de la fiancée, oonséquence du
conflit entre les ex>rxlitions égalitaires de l'écharqe généralisé,
et l'organisation hiérarchisée, founùt une oouvelle foIInUle qui,
tout en sauvegardant le principe de 11 échan:Je généralisé, peI.Iœt
dl intégrer les évéœrœnts historiques. ce systàœ mène inévitablaœnt
au dével~t de l' hytergamie, puisque les familles l~ plus
riches et les plus prestigieuses reçoivent la p:>ssibilité de
consolider leur p.1issance par 11 acquisitiDn des femres de statut
élevé. Peu à peu, une strate aristocratique, qui ne peut désonnais
réaliser 1'écha.rxJe qu 1 en sa défaveur, se oonstitue. en caste errlogane,
et dévelo~ l'éch.an;Je restreint afin dléviter que la caste ne se
disloque en multiples sections exogames. Les autres gro~s, exclus
des cycles éterxius, se trouvent dan; l'obligation dl adopter le nêne
systàre • Le rorollaire de cet échange restreint est la naissance
00 la consolidation de la bilatéralité.
Pour éviter que les castes
ne s'éteigrent, en rais:>n de la rareté des femœs, les Dioula

215
intrOduisent des femœs-esclaves, qu'ils ép:>usent, et <bnt les
enfants deviennent des hcmnes libres ~ filiation patrilinéaire.
Ainsi a~a1t en filigrane la p>tentialitê d'un conflit
entre deux nodes de filiation.
b) Dans la société Islamique.
les facteurs internes, susceptibles de favoriser la pénétration
de l'Islam, sont èbnc rx:mbreux.
lbus avons ooté au cours de rotre
chapitre cxmcernant le peuplaœnt, le oourant Mandé Islamisé durant
la périme préooloniale. C'est à la faveur de la situation ooloniale
que l'Islam s' 1nplantera proforrlaœnt. sa fonction n'est plus cxmme
autrefois de oonsolider le pouvoir de l'aristocratie, mais d' mir
contre le colonisateur l'ensemble de la société mus~. Les gens
de castes qui œ trouvent plus dans l'organisation féodale danantelée
la contrepartie de leur statut inférieur, accueillent favorablaœnt
l' oPIOrtunité de la pr<m:>tion sociale que constitue l'aocession à la
cormaissance et le voyage à La Mecque.
Le systàœ de castes n'en disp:u::a1t pas rour autant. Selon o. SYLIA (6E'
avec les narabouts une caste wuve1.le se su~rp:::>se aux castes tradition-
nelles.
les anciens et la génération intennédiaire, àéSëllll'és devant la
naissance d' ~ éoon:::mie d' échan3"e, prennent afPli. sur l'Islam rour
préserver W1e autorité qu'ils sentent menacée.
Avec la religion musulroane, la p:>lygarnie est préservée.
L'al::olition de l'esclavage représentait un terrible darY:Jer p:>ur
ure organisation à castes. Sans awort extérieur, la canpétition
fOur les femnes se développa.it. Il œ serait bientôt plus p:>ssible
de préserver l'endogamie. L'Islam, en reconnaissant l'esclavage,
(06) SYLIA (O.)
: Persistance des castes dans la société WJlof
o:,mtEInfx:>raine, Bull. LP.l\\..H., T.28, nO 3-4, 1966.

216
pm:met de contourner la loi de 1848 pranulguée par les
Français.
les prà)U!mes de l' héritage, toujours générateurs de oonflits,
se trouvent s:lmp1ifiés par le droit Inl.1SlÙI'llaIl chez certains,. et chez
d'autres par le droit ooutumier qui supprime la propriété in:livise.
Les prérogatives de la lignée paternelle, déjà oontestée dans
une organisation familiale à filiation bilatérale, ont d'autant r:lus
besoin d'être raffenni.es que le père n'est souvent plus en mesure de
};OUrVOir à la dot. O1ez les musulmans, l'Islam ne reoonnaissant que
la filiation patrilinéaire, la préém:i.œnce des hcmnes est institution-
nellaœnt affi.IInée. Dans certaines 9X:iétés, les Ivoiriens acquièrent
ainsi ure autoranie relative Prr rapp:>rt à leur lignée.
~s victiIœs de ce systèrœ s=nt les fernes, qui perdent tout à
la fois leurs droits persoIU'Yals et l'awu de leurs frères. C'est
par l' intetmédiaire de la religion tr~itionnelle qu'elles tenteront
de préserver leur statut.
ctez les Dioula, il y a deux fonnes de mariages, le mariage
1
1
préférentiel ne disp:u:aissant pas. Mais il s'agit davantage d'une
idéologie que d'une situation de fai,t (67) la pierre de touche de
l'écha.rBe ma:t:riItonial devient "le prix de la fiancée".
1
~ mariage des frères déperrl, cxmœ autrefois t de celui de
1
lems soe~ mais ils leur sont rroins redevables qu'autrefois,
pli.Squ'il ne s'agit plus d'un échange direct, mais d'une relation
1
médiatisée par l'argent.
1
i
Dans la sxiété Guéré, ocmœ J~té, il Y a ciIXI fonnes de
1
mariages :
1
1
1
i
!
1
(éi7") '!HORE (L.)
: Mariage et divorce dans la banlieue de Dakar,
1
Cahiers d'Etudes Africaines, VoloIV, 4, 1964, pp.479-551.

1
1
1
1

- 217
- mariage "achat de la femœ p:lr le pêre"
- nariag'e "rapt simulé"
- nariage "êchanJe direct"
- nariage : littéralE!lœnt, "il (ou elle) aR'Orte la femœ PJUr que je l'achète"
- nariage "hêritage de la veuve".
c) Dans la société cont.a!lP?raine.
La. transfonnation du droit d'hérita:Je, sui rerrl roins forr.:3arœntale la
cohésion du groupe familial, l' autoranie face à la lignée matemelle,
l'ouverture à une rouvelle fonne de stratification sociale qui pennet à
l'iIrlividu d'acquérir un statut qui n'était pas prescrit à la naissance,
ex>nstituent autant de facteurs internes, en relation avec les religions
favorables à la pénétration de l'organisation g)Ciale et de la culture
occidentale.
tous avons vu cx:m:ïIel1t, avec la ex>lonisation et la période d' W ~ ,
la création d'une infrastructure écorardque et administrative, le
déIJeloppement des villes et la fontation de rouveaux {X>stes, rot eu p:>ur
oonsêquence la naissance de rouvelles stratifications g)Ciales de typ:!
quasi occidental.
Aux oonflits sociaux, inhérents à la scx::iété pré-irrlustrielle et anté-
coloniale (conflits d'autorité et d'aR'ropriation des richesses) se ront
a.inEi juxtap::>sés les conflits g)Ciaux issus de la oolonisation, entre
IX>Ssesseurs et non p:>ssesseurs des noyens de productiOI)., détenteurs et
mn détenteurs du {X>uvoir {X>litique, daninants et dominés.
Le prestige s'ordonne sur trois axes :
- la trad.ition
et son systèrœ hiérarchique
- l'Islam
- l'e>c:Gidentalisation.
Des marabouts des diverses confréries déperrl l'2ccession au p:>uvoir
p:>litique, qui ne peut être généralaœnt détenu que par des hcmnes nobles
d'origine et imprégnés de culture occidentale.

218
Dans le cadre de l' écx>ranie d'échange, la stratification se présente
rnwent cxmœ une 1mage renversée de la stratification traditionnelle.
EnYoyês d'akord par la force, y accêdant ensuite par désir de proFOt1Dn,
les nenbres des castes inférieures ont profité plus tôt de l' éa:>le
oœ1dentale que les rd:>les et les lxmœs libres et que les fils des
paysans, les marabouts.
certains conflits d'autorité sont le produit de ce renversement.
Cette p1uristrueturation mœne les iIdividus à s'attacher rigidaœnt à toute
:p:l8it1on génêratrice de prestige.
L'intense circulation des biens, liée à l'organisation traditionnelle
des êchan:;Jes de prestations et de oontre-prestations dues aux autres pers:>nnes
et redistribuées en partie en a~es, se oonci1ie assez mal avec les
iIrpératifs d'une éooronie de marché. Les à:>ns les plus ostentatoires
prerment dès lors !Duvent le pas sur les devoirs familiaux mins
spectaculaires et plus contraignants.
La gérontocratie arx::ierme s'est trouvée ébranlée par les oouve11es
stratifications fomées sur l'instruction et la richesse.
Le chef de famille n'est plus en IœSure de Sllbveni.r aux' besoins de
sa parenté. C'est aux jeunes scolarisés qu'incnnbe la lourde charge
d'entretenir la famille. Ibn gré, r:al gré, ils s'intègrent à une
SJeiété a:mpétitive où les IOssibilités d'emploi sont enoore médiocres.
La destruetm:ation du groupe familial, accélérée par l' urœ.nisation,
accrue par le méc::ontentaœnt de la lignée féminine qui voit ses prérogatives
s' évan:>uir, trouvant un sup{x>rt dans l' .::lUton:rnie que l'Islam oonfère par
raw>rt à la lignée maternelle (et aussi p3ternel1e, puisque, quelle que
soit la religion de son père, un lx:mne peut se oonvertir à l'Islam),
est accélérée par les problèmes qui se 'fOsent aux jeunes gens.

219
Les anciens, dêsonnais incapables de rEllÇ?lir leurs devoirs,
laissent la place ~ je\\.lI'eS gens qui doivent faire face, pratiquement
seuls, au dêveloppenent fantastique du prix de la fiancée. En ville, et
dans le cadre de l' écx>rrrnie m:::>nêtaire, la spéculation est d'autant Flus
intense que les fatmes sont rares et que, par le biais de ces prestations,
elles prerment Wle revanche sur un systè!lœ qui les défavorise.
Inséré dans une éoonanie cxxnpétitive, le jeune b:::Jime se trouve par
ailleurs en oanpétition penna.nente p:>u.r l' é'cquisition des fE!1'ltœs. iQur
faire face à ses propres obligations, 11 se voit contraint de négliger
ses devoirs d'assistance à sa lignée.
La faillite ou la ItDà.if.ication de la prise en charge traditionnelle
s'enracine donc dans les transfonnations et dans la pluristrueturation
de la société cont:elrp:>raine.
Les anciens, n'ayant d' autres ~ssibilités d' "lSSeoir leur auterité
que l' a1hésion à l'Islam, s::>nt avant tout attachés à préserver leur
statut .de grarrls musulnans. Aux wn-occidentalisés, l'Islam procure le
prestige et le noyen d'exercer un controle sur les jelUles. l\\ux
occidentalisés, plus ou rroins suspects auprès des gens de leur classe
d'~e, il penœt de concilier trërlition et nodernité. A tous, il offre
la ~ssibilité d'échapper à la danination de la famille maternelle,
raais surtout de la famille de leur ferne.
n
semble donc hors de question que les hames (sauf rrotivations
p:!rsonnelles très puissantes) consentent à faire traiter leurs enfants
ou leur ép::>use par des thérapeutes traditionnels.
ns accepteraient volontiers de les ronfier à lUl narabout, mais
les fernes s'y opp::>sent. Leur statut étant en Féril dans la société
contanfOraine, elles sont à l' affnt des rossibilités de le rétablir.

220
L' 1nt:erprêtation dans le sens d'une agression par les esprits
traditionnels leur redonne d'autant plus de p:>uvoir qu'elle leur penœt
de rernler la canpliclté avec les lignées flm1n1nes, et qu'elle enfeJ:Iœ
leur mari dans ses oontradiet1ons entre IrDdêles culturels et IrDdêles de
oc:mpxtaœnt.
scx>larlsés, ou tout au noins gagnant de llargent, les jeunes peuvent
appJ.yer leur prestige pers:>nnel sur d'autres valeurs que l'Islam ou la
tradition. Détenteurs d'une culture spêcifique, ils échawent à la
tyrannie des aœiens. Us ne &:>nt pas pr~ à prerrlre partie dans les
oRXJs1tions qui divisent leur famille. lis n'ont rien à gagner à ce
niveau. Au oontraire, en s' iIrpliquant, ils seront obligés de participer
financièrerœnt et, bien EDuvent, d'assuner seuls les frais très élevés
de la cure.
L'occidentalisation leur procurant .rotbre d'avantages, ils ne voient
pas dans l'}i;pita1, came leurs parents, l'ananation de la chnination
coloniale.
,
BDGERVILLE est pOur elDC un errlroit cx:mrode dans leqœl on peut
enfemer un parent en:nnbrant, difficile à .surveiller , envers lequel
l'assistance se révélerait onéreuse.
1
C'est ainsi que, !SU à peu, l'hôpital devient "llasile", clest-à-dire
le lLdu où est reœeilli le malade abandormé.
certes, BDGERVILLE siest humanisé; les FOrtes oont' ouvertes; les
familles et llentourage peuvent rerrlre visite au patient. Mais, dlune
1
part, au IÙl{eau réel, 11 ima:Je de IllDpital psychiatrique ni est p:lS
uni.q1,lsœnt liée à BDGERVILLE. Dans les autres lDpitaux, les Ivoiriens
ont été en oontaet avec 11 asfSCt le plus rigide et le plus sordide de
1
11 institution psyd1iatrique. Le contact siest effectué tout d'a1:x:>rd
avec l'institution officielle, et ron pas avec 11 institution pratique
1
telle qu 1elle res&:>rt de 11 usage. A qœlques' exceptions, près,
1

221
les ~itaux psychiatriques en Afrique, ou en Côte d'Ivoire, construits
par des occidentaux en fon:::tion de l' mage qu'ils se faisaient des
Africains et de l'image de l' 1~p1.tal, lieu de gard~e, qu'ils
n'avaient pl nodifi.er, p.ùsqu' ils se trouvaient oors des oourants de
remise en question (liés à la fois au souvenir de l'univers ooncentra-
tionnaire et à la diffusion des neuroleptiques) n'étaient oonsidérês
par personne, pas même par leurs pracoteurs, cxmœ une espêce
thérapeutique. L'oospitalisation p:>rtait la triple marque inf%nante
de 1 'og>ressl.on coloniale, de 1 'owression asilaire et de la dénission
de la famille. S>us l' imp.ù.sion de BnŒRV'ILLE, l' iJra:Je de 1 '~ital
se m::xlifie, mais, et c'est cela le deuxiàne pJint, il n'en daneure
pas noins que le patient est retiré du circuit rocia1. ce n'est plus
le représentant d'~ lign~, nais on in:lividu que l'on n'a pas pl,
ou pas voulu garder. Ce n'est plus un hcmne oornœ les autres. Comœ
dans la société occidentale, fDrt1 ou mn de l' h5pital, i l restera
i.r:rénêdiableœnt "en marge", à noins que la famille oonsente à le
reprenhe en ehal:ge, durant son oospitalisation, ou après les soins,
à lIOins qu'on ne lui reèbnne, dans la lignée, la place qui lui revient.

222
CHAPITRE
I I

223
su:JErr' Er SI'Rt:CIURE FAMILIALE
N:>tre propos, au oours de ce chapitre, est d'analyser,
tant au niveau latent qœ manifeste, l'histoire du sujet sain,
telle que mus la livrent les parents.
Les attitudes sous-jacentes â ces récits nous aident â
saisir de quelle manière l'entourage perçoit et situe le sujet
dans l'ensemble des groupes familiaux et extra-familiaux.
cette analyse rr:::>US perrrettra de cœprendre, dans ~ étape
ultérieure, dans quelle rresure l' apparilion de la maladie
et les interprétations qu'elle suseite, obligent le milieu
familial à restructurer selon des nodalités nouvelles, à
partir de la prise en charge du patient par l'hOpital
psychiatrique •
Cas après cas, mus éttrlierons a:mœnt le patient était perçu
par chacun de ses parents avant l'apparition des troubles.
N:>us tenterons de détenniner les tensions qu'il créait,
ou subissait.
ce qui nous amènera au 0hapitre suivant à saisir les rapports
entre sujet et société.

224
ANALYSE GENERALE DES CAS.
(25 cas).
cas 1.
• Pour la grand~ naternelle qui a élevé Konaté, du sevrage jusqu'à
l'age de 5 ans, celui-ci était un enfant bien élevé, rêp::>n:1ant aux m:xiêles
habituels de <:x::JTP)rterœnt d' \\ll1 garçon de son age, recevant une bonne (rlucation
''C'était \\ll1 gosse ca.1Jœ qui ne pleurait pas et jourait bien". Chez elle, il
n'a janais été malade, i l n'a jamais crié oon plus. C'était \\ll1 gosse qui ,ne
sortait pas, selon elle. Il restait constaIment dans la concession.
Certes, Konaté et S., une enfant confiée, ont suscité \\Dl petit scarrlale
en pratiquant des jeux interdits, nais la grarrl.~tre conteste sa responsabilité
dans cette affaire: "L'histoire entre lui et S., c'est une histoire d'enfants
gâtés". Elle a bien élevé ses enfants. Ils n'ont pas à faire ça. Elle se
cx::JlIlOrtait en bonne grarrl.~e. Elle ck>rmait à rnan:Jer à Konaté quarrl il
voulait, le réoc:npensait avec de la wurriture. Konaté a d'ailleurs nanifesté
sa reconnaissance envers elle et les parents ont reconnu ses nérites puisque,
lorsqu'il est parti, on lui a confié \\Dl autre gosse. Mais Konaté venait souvent
la voir.
. EQur la mère, c'est parce que Konaté était trop gâté par sa grarrl.-nère
maternelle que son père a décidé de le repren1re : "Sa grand~ le laissait
trop en liberté, faisait tout ce qu'il voulait, lui donnait à manger quarrl i l
le désirait".
Chez eux, en reva.œhe, i l a reçu une éducation parfaite. Il s' entendait
parfaitarent avec les enfants de 9Jn age. i l était \\ID excellent élève. Elle
surveillait son travail scolaire, tarrlis que le père s'occupait de son
éducation religieuse. Très attentif à ses enfants, le père cherchait en
outre à éveiller leur intelligence par diverses nétln:1es : par exenple,
i l les arœnait au cinéma pour leur faire raconter le film ensuite.

225
Le ~e rœurt brusquement, chez des amis. Son oorps est ramené a la
maison et les enfants se trouvent oonfrontês au spectacle interdit de la nort.
Dans la serraine qui suit, KO,naté a uœ crise brève et sans oonsêquence.
I.e petit frère de son mari, confoDl'léœnt a la couturee, demarxle a la veuve
de l'épouser. Elle, I:X>ur évit.er des histoires, a refusé, car elle était
amie de sa femœ et les oo-êp:>uses ne sont jamais amies. Dês lors, les
enfants qui sont restés dans la maison paternelle, peroant qu'à la danarrle
de sa propre famille elle allait rejoirrlre ses frères et sa mère, sont en
butte aux tracasseries de sa rivale. Celle-ci tente de marabouter Kaiaté,
qui obtient des résultats scolaires trop brillants. Sa maroeuvre ayant été
éventuée, elle essaie à rouveau de le marabouter "en mettant du safara sur
le seuil de sa charrù:>re". Les enfants effrayés viennent la rejoirrlre.
!maté était un bon garçon. On one peut lui adresser aucun reproche,
sauf peut-être son excessive curiosité à. l'é:Jard de ses ancêtres, ce qui
le rerrlait "orgueilleux vis-à-vis de ses caMarades" •
• Pour son gram frère, I<cnaté, très jeuœ, a manifesté des difficultés
d'int€lgration
à sa classe d'âge. Les enfants, à son retour dans la maison
paternelle, lui reprochent de ne FQuvoir rêfreiner ses envies de IXJUrriture
et se noquent de lui.
Al' éoole, il se trouve en canpétitian avec son frère cadet et un
garçon confié à son pËk'e, tous deux un peu plus jeunes que lui, qui
fréquentent la mê':Iœ classe. Les trois garçons se partagent les premières
places, nais, Fflysiquement noins fort que ses deux camarades, Kouaté
réussit noins brillarment dans les activités sPJrti.ves. I.e père, qui se
charge de leur aiguiser l' esprit et de leur prodiguer un enseignement
religieux, conscient des difficultés de Kouaté, décide de "pratiquer
l'éducation i.ndirecte". Désonnais, ce seront les garçons qui se
contrôleront mutuellerent. ~té le tolère assez mal. Il supfOrte

226
encore plus mal la nervosité de sa nme qui sw:veille leur travail soolaire.
Devant ses éclats, i l s'enfeme dans sa char:i:>re. ~ le pêre rœurt, la mère
se brouille avec le frère de son mari qui veut l' ép:>user. Elle regagne sa
famille. les enfants la rejoignent peu après, car la rivale de leur mère
avait tenté de les marabouter.
Déjà violent avant la ITDrt de son ~xe, Konaté, qui avait été tenu
jusqu'alors, ocmœn:::e ft à n'en faire qu'à sa tête". Il se bagarre à l'l!o:>le.
Il ne s'intéresse ni aux jeux, ni aux sp::>rts. "C'est un être très renfenné
et oolitaire". Il se fait traiter de "fou" par ses camarades, car il avoue
leurs fautes cx:mnunes aux adultes, ce qui oonstitue un ~ t grave
aux wnnes de sa classe d'age. Plus tard, il refuse de se mêler à lœrs
distractions, n'accepte ni de danser, ni de participer à leurs associations
de jeunes.
Devant oon in:::apacité à se oonfomer aux règles de ses Iaires, il
cherd1e un appri. dans sa lignée. Dès l'écx:>le primaire, il s'était
passionné p::lUI' l'enquête que le ma1tre leur avait denarrlé de nener sur
les origines de leurs familles. nais la lignée paternelle s'éteint.
Dans la mâne armée, le père neurt, puis la tante paternelle et le grand-
père. Konaté se trouve dès lors le téroin ~sant des dissentions qui
déchirent la lignée maternelle à l'intérieur de laquelle trois sur les
quatre frères de la mère sont plus ou r.oins atteints nentaleœnt, se
faisant entretenir par leur frère cadet et passant leur vie dans la
solitude et la prière.
Il tente un autre rerours. Il partage les intérêts pulosoIblques
de oon frère aîné et rationalise ses difficultés face à ses lignées,
en inventant un systàœ de traduction des n:ms. Il déclare que D. (le
ron de la lignée paternelle) est "un n::m qui corrlarnne l'individu, qui
l'empêche de se libérer et qu'il est nécessaire fOur s' éparouir de se
trouver un autre ran".

227
Son grard frère tente de le guider, de œnaliser ses réflexions.
Mais il part en brousse ocmœ instituteur et, durant SJD séjour à Bouaké,
~ parfois difficilement que SOn frère cadet se m'He a. ses propres
c:x:mpagn:>ns.
Auprès de ses orcles naternels, Kcnatê ne rencontre qu '1nc:onpréhension.
Grarrl~re, rœre et frère insistent chacun sur le rôle bénéfique
qu'ils ont joué envers le sujet. Mais alors q\\E les deux femnes tracent
de lui le p:>rtrait d'un garçon bien élevé, respectueux et docile devem
ainsi sous leur influence, le frère met l'accent sur ses raPfOrts avec
sa classe d'age. Ce qui l'intéresse, ce sont les difficultés de
s:x::ialisation, l'attittrle de ses parents ~ l'égard de Kcnaté plus
que l'attitude de Konaté à l'égard. de ses parents.
Tous trois rœttent à profit l' histoire de Kcnaté fOur mentionner
leurs propres oonflits. La grarrl-r"ère Se déferrl oontre les accusations
de la famille qui lui reproche la ma.uvaise éducation qu'elle a donnée à
&Œlté. La mère, en insistant sur les persécutions de sa rivale envers
s:m fils, projette en fait ses préoccupations ~nnelles. Le gram.
frère, en n:>tant l'ab~e de soutien
de' la part des harrnes de la
lignée maternelle, parle autant de son impression d'abandon que de
celle de Kc:naté.
Ce qui apparaît, c'est la solitude de Kcnaté, qui n'a jarrais réussi
SJn int~ration à sa classe d'age, qui s'est trouvé brutalanent privé de
l'aIPli de sa lignée paternelle, qui dans une famille maternelle
pathogène et déchirée p:rr les a:nf:lits n'a renoontré qu' i.nccropréhension.
Il a essayé d'établir des relations sur un rrode plus occidental dans la
canplicité intellectuelle avec SJn ainé, flais cette tentative elle-mêIœ
s'est ooldée par un semi-échec, puisque le grand frère ne s'est pas
avéré capable d' asS\\Jtler totalement cette relation.

228
cas 2•
• La œre d'Abdou, qui est célibataire, garde l'enfant jusqu'au sevrag'e.
Elle décrit la grave maladie dont 11 est atteint à l'age de un an et den1. :
"Le oorps est d'laoo; 11 vcmit dès qu'on le fait nal'l3'er; cx:mne il ne peut
plus bouger, on le rœttout le temps sur le ~té". Soigné par un marabout,
au bout de trois lIDis 11 est guéri. Il est alors envoyé à Man, chez son
orx:1e naterne1, le gran:1 frère de la mère, qui est cxrcmerçant. Jusqu'à
l'age de 15 ans, l'enfant ne verra sa ~e qu'une fois par an, lorsqu'elle
vierrlra lui ren:ire visite. Aussi par1e-t-e11e davantage de sa "faute", du
prétendu géniteur de son fils, que d'Abdou 1ui""'f:'ê'œ, à:>nt elle ne oonnaît
que peu de choses.
Par deux fois ceperoant, 11 vumt lui rendre visite: "Claque fois
11 n'est resté qu'un jour et une nuit. Il ne parlait que lorsqu'on lui
adressait la pa.ro1ei i l ne se nêlait à Personne" .PerDant la deuxiàœ
visite, i l lui a demmdé 00 était son père, car il voudrait le oonna1tre.
Elle a rêp:>rxiu : "ton père, quarrl j'étais en grossesse de trois lIDis, a
quitté le pays". C'est la dernière fois qu'il est venu la voir, environ
trois ans avant le début de sa naladie .
• L'ooc1e maternel, avec qui Abdou a vécu tout au lol'l3' de sa vie,
est mieux à mâne d'en p:rr1er. C'est lui qui l'a élevé. Il a été obligé
d'assurrer ses devoirs de prise en charge en raison de la "faute" de sa
soe.rr. Quarrl une ferme est très jeUl'e et qu'elle n'a plus de mari, i l
faut qu'elle se remarie après le sevrage de l'enfant. Et, chez les .I~ens
quan:J on se remarie avec un hœme et qu'on a un enfant, on le oonfie à
l' ooc1e. Si cet enfant un' a pas de père1l , on ne peut pas l' arœner dans
une autre famille, car le muveau mari n'aurait pas autant d'affection
IDur lui que p::>Ur son fils.
Dès SJn retour à Man, Al::dou s'est oPfX)sé à la famille, et mtamœnt
à la première fsme de son ooc1e. l i ad' abOrd refusé la rourriture, puis,

229
plus gram, n'a pas acx::epté qu'al lui lave !K>ll lirge. Il s'est toujours tenu
à l'écart, refusant de jouer avec les autres enfants et les frawant. "Il
1
restait toujours assis, triste et à l'écart". n est renvoyé de l'école
1
1
ooraniqœ en raiSCl'l de ses sautes d' huneur. Il n'accepte pas l' autorité de
E01 oncle. A 15 ans, apprenti maçon, i l ch.arXJe plusieurs fois de patron
1
à cause de Bal caractère. Q1aque fois, c'est à son oncle qu'il revient
!
de trouver un nouvel employeur. D' awrentissage en awrentissage, au mut
1
de sept ans, i l ne ramène encore aucun salaire à la maison.
i
1
l
Abdou œ fait, durant son enfance, qu'une seule fois rrenUon de
1
sa rœre. Il demande l'autorisation de lui rendre visite, mais son oncle
refuse.
1
La mère, coupable des emuis d~ son frère et de son fils, ayant
1
divorcé pour rester à Man auprès d'Abcbu lorsque celui-ci est tari:>é malade,
1
l'XJU5 entretient presque exclusiverœnt de -sa "faute" originelle.
1
L'oncle, qui a asSl.lrCé ses devoirs au delà de ce qui était culturel-
lerrent prescrit, n' hésite pas à tracer un tableau très sœbre de son neveu.
1
n peint un garçon incapable de se plier aux n::mres du groupe familial,
mal adapté à sa classe d'age, na! intégré aù milieu professiormel.
1
1
n insiste sur les situations conflictuelles que son neveu a créées
en refusant d'accepter que les fermes agisSent en CXJ11fonnité avec leur
statut, en s· OPtosant directerœnt à elles, en se disputant avec ses enfants.
Mlis, par ce mir tableau, il serrble qu'il cherche avant tout à charger sa
soeur qui l'a obligé par son inoonduite à s'occuper de ce garçon difficile.
Abàou, sans lignée paternelle, loin de sa mère, livré à ron oncle et
à sa fanille, évoluant au milieu de ses trois femrces et de ses vinJt enfants,·
s'est trouvé enfenné dans ~ situation d'absolue solitude. N'ayant pu être
IDnnalerrent socialisé au rours de son enfance, son existence se déroulera
sous le signe de l'échec, tant parmi. ses pairs qu'à l'émIe et dans le
milieu professionnel.

230
Cas 3.
r
• La tante maternelle de :Konê raconte CUlllent, sa mère étant rrorte A sa
1
naissance, KoOé a été élevé F8I' sa grand-tante maternelle et laissé
1
c:x:It1?lèteuent A 11 abarxk:n par le père. Ne 11 ayant cxmnu qu1A 11 aà:>lesoenœ,
l'.....•
elle ne ~ut le décrire que superficiellement : "c 1 était un enfant calme

et courageux·, 'c' litait le plus calli de l'atelier". Elle insiste part1culiè-
l.
rE!lœIlt sur la scandaleuse démission du père : "c 1 était un très mauvais père", 1
dira-t-elle A plusieurs reprises A notre interprète.
1
t
~
• Lloncle maten1el de Konê, frère de sa mère, peut se ~nrettre de le
f.
décrire avec plus de précisions.
Elevé Par sa grarrl-tante naternelle, Kollé était un enfant bien édlXJUé :
"quand il était petit, i l était bien ca1Iœ, i l jouait, mais i l ne travaillait
pas bien". cette défaillance dans le travail scolaire constituait le seul
défaut de cet enfant "très sérieux, très sensible, très apprécié PJur S)Jl
a::mp:>rt:enent" •
Il ne réussit pas son C.E.P. n apprend func avec son cousin le Détier
de réparateur de madùnes A écrire. A Grand-Bassarn, où il effectue &)Il
ag>rentissage, i l avait "une très bonne cOnduite".
Il vient ensuite habiter auprès dieux à Treichville, où son carp:>rLellent
Si avère tout à fait satisfaisant : "li jouait beauooup au football, était
content de son travail où i l touchait 2O.<XX:> CFA. Pendant les deux
premières années à Treichville, i l oc::cute ses loisirs à jouer au football.
Puis il renoontre une oousine patenlelle qui il souhaite êPJuser.
Clest alors que ses emuis cx:mœncent. n tanbe de notocyclette, fuit être
hospitalisé. A sa sortie de lllDpital, les troubles apparaissent.
• le oousin a oonnu Konê à sa naissance. Ils ont été élevés ensenble.
Recueilli par la grand-tante mat:errelle stérile, à la suite de la nort
de sa mère, Koné devient en quelque sorte le fils acbptif de celle-ci.

231
n souffre d'être délaissé par son père. Mais clest un enfant "très nonnal,
très calme; il ne pleurait IBS souvent et s 1entendait très bien avec tout
le IlDrde; il s'anusait avec les fils de ses belles-tantes; il mmgeait
bien, domait bien; à 6 ans, on le net à 11 êa::>le ooranique; à 8 ans, à
l'êcx>le française; c'est un l:x:n élève, calrre et travailleur".
Après son échec au c. E. P ., il part p=>ur Grand-Bassam où son oousin
lui apprem le rrét.ier de réparateur. A 16 ans, i l travaille à Treichvi.lle.
Bien intégré à sa classe dl âge, i l participe à une association religieuse,
joœ au football, mais œ fréquente pas enoore les jeunes filles.
Vers 21 ans, i l revient à Bassam, dl il nène 11 existence de tout
jeune Bassarrois bien élevé, jouant au football, allant au cinérra et
lisant sans excès. Puis il t.arbe ~ureux dl une parente de la famille
paterœlle. Dès lors, i l ccmœnce à nanifester les premiers synptâœs.
Le p::>rtrait
de Fei.,§ tracé par les trois parents se révèle dl une
pauvreté navrante. I~n§ nia d'autres œractéristiques que celles de
tous les garçons de son âge. le oousin damera quelques détails précis
1
sur son a::xnp.:>rterœnt à 11 intérieur de sa. classe dl âge, nais i l Si agira
j,
1
dlune narration et non dlune description.
1
i!1
En revanche, 11 eI'lSen'ble de la famille s' acrorde à charger le père
i
et la jeune parente. A travers le tableau que tracent les parents du
déroulaIent de la vie de Koné, Cl est 11 antagonisme de la grarrl-tante et
1
du père qui transparaît.
Quelques visites décevantes à son père mises à part, Kcné nia jamais
1
1
pu Si awuyer que sur le bloc maternel. Il siest trouvé pris entre
1
l' autorité d 1~ grand-tante plus sévère que les ferrrnes de sa classe dl âge
puisqu 1elle 11 avait pratiquenent adopté 1 et d'un a:::>usin plus âge 1 qui
avait face à lui l' attitude anbigœ d'un éducateur et dl un patron.

232
1
1
·1
!
Repoussê par la parente qui pouvait l'aider A renouer le lien avec
1:
sa llgnêe plternelle, il se trouve enpris:>mê dans ce réseau de relations.
ses aptitlXJes lui pennettraient d'occuper un poste plus avantageux, mais
i l ne veut pas courir le risque, en changeant d'arploi, de se brouiller
avec sa grand-tante, qui cx:>nstitue sa véritable apr:artenanoe A la lignée
matemelle.
cas 4.
• La Itère , divorcée lorsque Kassi avait 8 rois et demi. , et remariée
5 ans plus tard, vivant actuellenent, après son secxnd divorce, avec un
autre mari, essaiera de donner de SŒl fils une image aussi satisfaisante
qle p:>ssible. C'est le père adoptif qui nous livrera tous les détails
facheux de la cx:>nduite de Kassi.
Pour sa Itère, Kassi était un enfant ca1Iœ : "il ne parlait pas,
s' anusait avec ses camarades, s' enténdait bien avec tout le ronde, se
CXJIp:>rtait c:x:mne les autres enfants".
Il est envoyé durant un an à l' éoole française, puis l'année
suivante chez son père géniteur où i l est maltraité par les oo~u.ses.
lDrs;ru' i l revient, ses parents le placent en ëq:t>rentissage aux
usines de chaussures Bata. Il a 9 ans.
. C'est le père qui. oontinuera l' histoire de la vie agissante de Kassi.
H:Jurri, logé par l'usine, i l camenœ à fuguer. Puis, de retour chez lui,
i l est sérieux pendant 2 ans. l i travaille royenIlant salaire. Au mut
de 2 ans, il s'enfuit avec un ami. l i est oondarmé à trois nois de prison
pour vol. Pendant une dizaine d'années, sa vie ne sera qu'une longue
série de coo.damnations.
Enfin, relativerœnt assagi, il retourne d1.ez Bata pendant un. an,
puis aca:nplit ses obligations militaires.

233
cx:mne si l'X>US parler de son enfant était en quelque sorte le voler a son
père. Elle ne cesse de resituer son fils dans la lignée naternelle,
dkrivant cxxnplaisarcment, les uns après les autres, les parents agressés
par les rabs.
Le père ne senble voir dans Qnar que le noyen d' affi.Dner son statut.
l i lui a ordonné de quitter l'.fuole, p.rls d'é{X)user sa cx:>usme. Son fils
ne l'intéresse que dans la mesure 00 il lui penœt d'essayer son autorité.
La femne prête il SOn mari les traits de caractère liés à son age et
à sa. oomition. Elle se oonstitue en petit objet docile. Derrière le
J:'EIrIf8rt protecteur de la sounission, elle peut nani.fester son oFÇOsition
à son beau-pêre, qui les a mariés de force, et il son éFOux qu'elle quittera
dès que ses parents le lui ordonneront.
anar ag:arait cx:mne déchiré par ~es luttes de préé'ni.nence entre ses
deux lignées.
Cas 6.
• IX>nnés par les deux soeurs de Poubacar, les renseignaœnts sont très
lnrogènes.
Il a été un enfant naladif jusqu'il. l' age de six ans. Il a narché et
parlé rorrnalaœnt. Il jouait beaucoup avec ses amis, nais la nuit il
pleurait beaucoup.
Al' école ooranique, c' es t
"un enfant intelligent qui s' enterrl
bien avec tout le nome.- "ll est d'accord avec tout le nome, mais
préfère sa grarrle soeur qui l' avait {X)rté sur son dos". A sept ans,
i l va à l'école officielle. Sa mère s'occupe de son travail soolaire.
Mais cemœ elle ne sait pas lire, c'est le frère de celle-ci qui signe
le carnet. Les parents divorcent quarrl Boubacar a environ dix ans.
La n'ère se remarie : "Poubacar s' enterrl bien avec oon père adoptif".

234
et avait peur du rrarabout. n travaillait bien. Dans la ooncession,
i l y avait d'autres enfants qui partaient avec lui pour aller Al' éoole
ooraniqueft. Qnar a été ensuite Al' éoole officielle: "n allait et
venait sérieusement" .Elle le laissait sur ses cahiers. Personne ne
signait le œmet; persarme de la famille ne sait lire ni écrire.
A l'age de 9 ans, ses parents ayant divorcé, Qnar a été oonfié
A ~n père. n
venait la voir une fois par semaine. Au bout de 5 ans,
i l quitte l' écx>le p:>ur apprendre, à la demande de son père, le n'êtier
de nécanicien : "Qnar était \\ID garçon travailleur. Il lui Cbrmait de
l'argent".
Puis i l fait son service militaire au carrp Galliéni d'Abidjan.
()land il revient, il ép:>use une parente en ligne paternelle.
• I.e père décrit Qnar enfant cx:mœ sérieux et travailleur. Parce que
celui-ci n' obtenait pas de bons résultats à l' écx:>le officielle, son père
le net ~n awrentissage. Il séjourne à Abidjan durant toute sa période
d'apprentissage, pllS revient d'lez son père après le service militaire.
n épouse, sur l'ordre de son père, une j~ oousine, alors qu'il
faisait la rour à son amie. Il habite à Treichville chez un oncle
j
!
paternel, bien qu'il passe souvent la nuit avec sa fenue. Il n'a pas
1
era>re les noyens de la loger.
i1
• La ferme d' Qnar parle des };X)stes qu'il a occupés, de leur mariage
1
"plus ou noins forcé", des difficultés financières de .son ép:>ux, qui
j
n' arrive par à rémri.r l'argent nécessaire pour la faire venir chez lui.
"Avant sa maladie, c'était un hc::mœ cal.Iœ, qui s'amusait avec
tout le nonde. Il s ' entendait bien avec sa Itère et sa belle-mère".·
La Itère mus décrit un fils ronfonœ aux rrodèles de CXITpOrtements
idéaux. nais elle hésite longt:en'ps avant de nous confier quoi qœ ce soit,

235
Iorequ' i l revient, i l travaille durant 5 ans à l'usine .
..A cette époque, i l faisait le garçœ, B:>rtait avec des camarades,
oourait beaucoup les filles et ne 9:>n]eait pas encore à se marier.
n était cxmœ tous les garçons, nais alors qu'il mmgeait à la mais:>n,
i l ne donnai.t d'argent ni à sa xœre, ni a. son père adoptif, et dépensait
tout en Ville".
La xœre cherd1e à couvrir Kassi. Elle cbnne de son oœportement
une image satisfaisante.
Le père adoptif au contraire, insiste sur l'accum.ùation de ses
néfaits.
c'est la ITère qui l'a élevé.: elle est donc entièrement resp:msable
des méfaits de Kassi; entièreœnt resfOIlsable de sa mauvaise conduite.
En essayant de masquer les côtés négatifs du cx:np:>rternent de son fils,
elle se défend en fait CX)Iltre les atta:Iues de son mari actuel.
le père aà:>ptif, quant à lui, en insistant sur l'incx:nduite de son
beau-fils, peut projeter sur lui l' hosti~ité qu'il ressent ex:mtre sa
femœ, qui, i.nd.:irect:elœt, lui occasionne tant d' ernuis.
Kassi ne peut guère ccrrpter sur cette famille restreinte. Haltraité
par les o:>-€fX>uses
de son premier père, obligé de travailler dès l'âge
de 9 ans pTI son seoorrl père, il ne reçoit de son père adoptif acb.1el
qlE reproches et brimades.
Cas 5.
• La mère d'anar n'a vécu avec sen fils que pmdant 10 ans. Elle
n'en parle que superficiellerœnt : "Petit, Qnar avait l:xm caractère,
autant qu'il est possible de remaJ:qUer pour un enfant". "A 4 ans,
i l est allé à l'école coranique. Il se battait avec tous les garçons

-'"1;'" .-...
236
l i êc:::lDue deux fois a son C.E.P. Il est si malheureux de son échec
que les parents insistent p::mr qu'on le reprenne m'le troisi~ ëll1l1êe.
nais on n' accêde pas a leur œquête. Il a~eOO alors la menuiserie.
l i a seize ans : ft n va EK>uvent au cin€!ma,
il a quelques o:>pains, nUs
pas te1lenent. Il êcrit et lit tout le temps, nêne aprês sa sortie de
llécole". "n est cx:mœ tous les enfants, c'est un garçon ca1Iœ".
Il devance 11 aR?Eù, plis, cl'lemeur, se réen;Jage. Il êcrit fréquemœnt
et envoie de 11 argent à sa famille. Il demarrle à partir PJUr le Mali.
sa mère meurt peu avant son départ.. Au Mali, il éIX>use une femœ
féticheuse, dont i l a un enfant. Il reste sept ans absent. A son retour,
il travaille dans le service des transnissions à Radio-t1ali. Il habite
chez sa grarrle soeur. n Si entend bien avec elle, r.a.is se dispute avec
un cousin paternel et sa fame.
Llharogénéité nêoe des rép:>nses empêche que transparaissent au
niveau latent des conflits actualisés ou FOtentiels.
Pour les deux s:>eurs, Boubacar sertble ~ un personnage étran:Je,
avec ses livres et ses voyages.
Les éléments sont trop peu ranbreux FOur dormer la noi.rrlre iOOication
dl ordre étiologique.
Cas 7 .
• seule, la mère adoptive du patient accepte de mus accorder \\ID
entretien. La maman de Kouamé est décédée alors qu'il n' avait pas sept ans.
Confié à un oncle nat:enlel jusqu'à la fin des études primaires, il se sent
très malheureux auprès de lui : "e' est un enfant gentil, réservé, oociable
et bon travailleur". Le père de Kouamé meurt alors qu'il a seize ans.

237
~ était alors brillant é1êVe au cx>urs oo:cnal de Bouaké, et
son père lui avait trœds de l'envoyer en France. Très déçu, i l êclx:nJe
à s:>n brevet et part à Binbokro cx:mne instituteur. Il courtise la
ferme de son directeur et suscite un scandale. Il brutalise ml élève.
Il écrit qu'il s'ennuie. n revient au bout de deux ans "~lêtsœnt
malade" •
~uarœ est le plus jeune des frères. Il Te peut s' a~ rù sur
la lignée maternelle, ni sur la lignée paternelle, dont tous les nerbres
s:>nt norts ou absents. Il ne p:>urrait canpter que sur ses frères qui,
d€!gëlg'és
des :impératifs familiaux traditionnels, se sont organisés sur
le IOOde de la famille nucléaire et ne sont prêts à le prerrlre en charge
à aucun rùveau.
Cas 8.
• Le mari œ peut lBS parler de l'enfance de sa femœ puisqu'il na
la oonnait que de~ 1948. Elle était divorcée et avait deux enfants
qtiaIrl il l'a oonnue. Il l'a rencontrée chez son oncle. Son père a été
assassiné quand elle avait douze ans environ: i l s'agissait d'me
bagarre entre bergers; le meurtrier a été enprisormé et la mère s'est
ranariée. C'est l'oncle de Boooussou qui l' avait obligée à éFOuser en
pranières ooces un parent.
lDrsqu' i l l'a ronnue, elle vivait avec son oncle à Katiola : "Elle était
tuI:bulente, nerveuse, gaie, travailleuse, et s'entendait bien avec la
famille. Elle se bagarrait avec les oopi.œs, rais pas plus que les autres
jeures filles".
Lui avait déjà une pranière ferme qui avait alors cinq enfants.
Ils étaient mariés depris dix ans. Bohoussou est venue vivre avec eux.

238
La première femœ n'a pas fait d' histoire, mais Bohoussou était jalouse
et la traitait de "sorciêre". Les deux femnes se bagarraient toujours,
mais avec les autres personnes
Bohoussou avalt bon caractère.
Elle a EU six enfants, dont cinq vivants. la première ferme est
décMée alors que Bohoussou et lui étaient mariés depuis sept ans.
~sou était nerveuse, mais ils s' enterx:laient bien.
Elle t:cJrbe mala:ie Wle première fois en 1973. n la renvoie dans
sa famille maternelle qui la prerrl en charge. lorsqu'elle revient,
il pren::1 Wle autre ferme, avec laquelle elle s'entend bien. came elle
cx:mœnçait à aller mal, il n'a pas voulu lancer les invitations pour
le baptêne de son dernier enfant.
Le mari donne une :impression de totale indifférence. L'entretien
avec la seule personne de l'entourage -accessible n'est pas suffisant
pour déteI:miner la place du sujet. Le fait qtE son mari ait, à la faveur
1
;
de sa prE!lIdère maladie, pris une autre épouse, a dO créer tme situation
j
très a:mflictuelle chez une femne présentée cx:mœ une "jalouse". Le
1j
lra.n:}Uelllel1t aux frais du baptêœ représente par ailleurs la plus grave
injure qu'un hcmne p.ri.sse faire à sa oonjointe, puisque c'est ne pas la
1
!
rea>nnaî.tre dans sa fonction première, la pérennité de la lignée
j
Cas 9.
j
• La maman d' Amana dresse de sa fille un tableau sucx::i.nt. Après le
sevrage, Amana n'a pas été malade. Plus tard, "elle faisait son travail
1
earrect:eIlent et ne se diSp.1tait avec personne". lorsque sa fille a été
1
en age de se marier, elle l'a obligée à éI;Ouser un agent de I;Olice,
1j
!
car il avait de l'argent. "e' était un très grarrl mariage, avec beauooup
1
de norde, des griots en pagaille, beauooup d'argent" (partie de la dot
1
qui circule durant les cérétonies). 11 Ils n.' ont rien rendu quarrl Arcana
a divorcé" •

239
• Le mari décrit Amana avec plus de précisions. n l'a cx:mnue alors
qu'elle avait treize ou quatorze ans : "C'était une jeune fille d6:Jourdie,
dynamique, qui n'était allée dans aucune êoole". Elle vivait seule avec
sa mère et ~ beau-père. Jusqu'à la IXJberté, elle souffre de maux de tête
très graves. Par la suite, elle est en parfaite santé. A 21 ans, on la
marie oontre son gré avec un agent de p:>liœ, bien plus 8gé qu'elle.
ü.li. la oourtisait déjà. Trois ans plus tard, elle divorce. Elle a deux
enfants. Le garçon est décédé deplis, et la fille est mariée, et vit
à Gagn::>a. Au bout de deux ans, elle êp:>u.se son mari actuel. ns s'entendent
bien, mais "elle rouspétait souvent, elle voulait tout savoir". Elle a
toojours eu des displtes avec ses voisins; "quarrl elle était jeune, elle
se dispJtait avec sa mère".
En oonœ santé, elle lui dorme cinq enfants. Sa belle"'1!lère l'aide
à. s'en occuper, mais 1mlana se disp.lte 'fréquemœnt avec elle. Elle est
norte deIUis un an. la maman d' Amana est malade depJ.is deux ans, et
Amana doit vaquer seule aux occupations nénagères. Elle a beaUCDup
d' anies, bien qu'elle se dispute €galeœnt
avec elles.
La mère, âgée, préoccupée de ses propres maux, ne p:rrle· de sa fille
qu'en se référant à ses propres pouvoirs. C'est elle qui l'a p:>ussée' à
prerrlre p:JUr mari un hcmne qu'elle n' ainiait piS. Anana, malade a:mne elle,
tamnentée J;ar les rorciers, se doit de p3rticiper à des clans de
sorcellerie. Or sa mère est sorcière. Saine et mariée,' sa fille présente
beauroup rroins d'intérêt, p..ri.squ' elle est sounise à l'autorité de son
mari et lui écha~.
Le mari, en dépit des rm.ù.tiples défauts qu' il lui prête, a besoin
de sa femœ, tant affectivaœnt que matériellement. cependant, dès avant
la maladie, i l serrble avoir souffert des a:mflits qu'elle soulevait
dans la famille, ccmœ le groupe du voisinage. Amana a dû être l'enjeu
des affrontements dl autorité entre sa belle~re et sa mère, entre
sa nère et s:n mari.

240
Cas 10.
• La grarrl-mère de la ferme d' Adama, parente pa~lle de celui-ci,
qui n'a eonrnJ\\àana que lorsqu'il avait lS ans, ne peut parler de son
enfance. Elle le décrit A la p.1berté : "Il était mince et plus petit
que maintenant". Elle n'a jamais w un enfant c:ame lui : "il était
très, très bien". i l s'amusait, la considérait cx:rme sa grand~
et avait pour elle un respect fonnidable. I l ne lui parlait que };Our
lui faire des dons d'argent; il ne parlait jamais 'tr9P. Elle a été
prévenue du mariage (avec T •• ) et en a été contente. 'Ibut le ronde
était très content. Elle ne peut dire si on a voulu marier sa petite
fille A un étranger à la famille, car elle vivait en brousse, bien
qu'elle vienne ici souvent. Si oe~te histoire avait eu lieu, on aurait
dO. lui dire, car elle est la plus agée : elle est le chef de famille.
.
,
Bien que plus âgée que le père d '1v:lama, toute la parole est Cbrmée au
père.
j
~ s'installe chez eux quatre nois après le mariage. "il
1
cb~t de l'argent à tout le nome, A sa femœ, à sa belle-mère, à
1

elle-m!!rce et à son père. M:iis quarii il aVait de l'aIgent, c'~tait
d'alx>rd p:>ur son pêre, bien qu'il traite tout le nonde aussi bien que
1
son pêre".
1
1
• La belle~ (parente paternelle) a connu. Marna dès l'enfance.
l
En dépit de œ.la, elle ne peut dire s' il a été à l' éa:>le officielle.
1
l
Elle et Adama sont ~ts en ligne pa~11e. ils se rendaient visite,
l'enfant avait alors un cxrrp:>rtenent oonral, mais elle ne peut donner
i
de détails, car en visite les enfants se retirent.
j
!
Tout petit, il a été élevé par sa mère, qui est norte 1or9:JUe
j
l'enfant était en âge scolaire.
l1
Elle est heureuse qu'il ait éPJUSé sa. fille : "Ce mariage était
1
bien, car 1\\dama était un parent. Il n'a pas fait trop de dons à cause
1
de ça, nais i l est très généreux". Il travaillait au rrorrent du mariage.
1
1
1il

241
n était mma1 avant sa maladie, plrlait peu, s'entendait bien
avec sa femœ qui était ex>ntente. Adana ex>nsidérait sa bell~re cx:mne
sa propre mère. n s'enterrlait bien avec ses cx:>pains , ne buvait pas,
funait, dontait beauroup, mangeait peu. Il ne parlait pas de son travail
car "il n'est pas d'une nature à parler".
• La femœ d'Marna, ex>usine paternelle, bien qu'élevée avec lui, ne
peut le décrire qu'à partir de l'adolesce~ : "n ne parlait pis trop,
n'aimait pas s'occuper des affaires des autres, s'occupait de son travail".
i l n' avait pas beauroup de ex>pains. Il a des carrarades, mais un seul
ami, A •• , qui habite P •• Ils parlaient ensemble et se rendaient visite.
Elle sait qœ cet ami-là est lx>n pour lui, bien qu'il ne le lui ait pas dit .
.Adana a vécu avec son {Ère et; s'enterxlait bien avec les cx:>-ép:>uses de
celui-ci. Puis il a habité avec son grand frère. C'est son père qui s'est
occupé du mariage. Ad.arna s'enteroait bien avec sa belle~re. "C'était un
bon mari", ils ne se disp.1taient pas, et il· lui faisait "des causeries
d'ëIlDlr". lis avaient des rafP:>rts à peu près quatre fois par semaine.
Elle a toujours été satisfaite.
• les ro-épouses du père d'Adama n'en parleront que très ~ficielleœnt.
"n était toujours ca1Iœ et très gentil". n travaillait déjà à la phannacie.
Il n'était pas encore marié quand elles l'ont roIUlU. n sortait avec des
caIla-r:-ërleS. n aimait beaucoup le cin€ma..
l i était toujours trop généreux.
• Pour le père, Marna est doté d'une pers:>rma.lité plus précise, mais
surtout le père s'avère capable de mieux retracer les divers épisodes de
s:>n existence. Petit, Adama était en banœ santé. n jouait avec son
graIrl frère. A 6 ans, sen père l'envoie à l'école roranique, à 8 ans il
l'école officielle.
"n travaillait bien et s'entendait bien avec tout le nonde. li
avait beauroup de camarades".

242
sa xœre neurt quard il a dix ans. n habite alors àlez son oncle
rrat:ernel; celui-ci ne le surve11le pas. Marna se net A frêquenter une
barde de jeunes qui furent le Yamba (chanvre 1rrl1en) et boivent de
11 alcxx>1. Malgré son inoonduite, 11 obtient son C..E. P. Il travaille
aussitôt a:mœ apprenti P1aJ:rracien.
n se disp.lte avec EOn orx::le, retourne chez son p&e, p.1is habite
chez san gram frère. Dès l'instant c:ù 11 quitte son oncle, c'est un
aà:>lesoent accnnpli, qui a beauooup d'amis recxmnandables. l i sort avec
des filles, rais sans &>l'XJer A se marier. Très bien cxmsidéré, "i l
s'enterd bien avec tout le rronde" • Il aimait bien sa oousine M•• ,
mais ne pensait pas alors à l'épouser. loi•• suscite un scarrlale en
rP..fusant de cxmscmrer le mariage avec l' hame qu' 00 lui ÎIrIfXlse.
A la suite de cela, AéL:Ina décide a' épouser M.. C'est le père qui
p:>UrVOit à la dot. Les ép:>ux vont habiter chez la Itère de M•• , très
1.
heureuse du mariage de sa fille.
l
1
1
,
La grand-mère, A travers sa description scmnaire, laisse essentiel-
ll
lsœnt transpara1tre les o:mf1its d'autorité avec le père.
La belle-mère et la ferme, qui ne vëulent pas être accusées d'avoir
1
l
marabouté Adama, en dressent un p:>rtrait oonventionnel, très p:>sitif.
1
Mais, au niveau sous-jacent, dans leur façon de parler du père, qui a
1
payé la dot, elles prennent p:>sition p:>ur la grand-mère dans ce oonflit.
;1
l
Les oo-ép:>uses refusent de se laisser impliquer par ce qui touche
1
j
l
à Marna.
1
,
Le IÈre, quant à lui, rranifeste sen op[X)sition au frère de sa femœ,
1
à la Itère de
\\Î,
M••
'1it
Sans lignée mateDle1le, 1>.dama doit vivre d'autant plus douloureusaœnt
les a:>nflits qui déchirent sa famille, que dans ces conflits, ce œ &>nt
pas deux lignées qui se tJ:ouvent confrontées, !'lais des individus qui,
culturellsnent, devraient être liés.

243
Cas 11 •
• La Iœre oous décrit Lamine pr:1ncipùezœnt dans ses relations au pêœ
et à la sro1arité.
Il est le fils a1né,et unique de son pêre et de sa mère. Au rrarent
de sa naissance, elle vit dans sa famille maternelle. Lamine n'a d'autres
maladies que celles habituelles aux enfants. A 5 ans, il est confié à
un instituteur à OOiennê. Elle ne va pas le voir. Elle ne veut pas
hmrl.lier l' Mucateur de BOO fils al lui donnant à penser, par des
visites, qu'elle doute de l'efficacité de sa prise en d1arge. A Odiermé,
i l a des cauchemars. Il vient passer ses vacances en famille. "C'était
un enfant turbulent, qui. aimait jouer avec tout le nonde". Elle se
souvient qte, lorsqu'il travai1lai.t et qu'elle était dans sa chanbre,
elle l'entendait réciter. Il lui disait qu'il apparenait ses leçons ou
lisait, mais p:rrfois i l parlait tout seul, sans livres. Elle s'inquiétait,
mais lui affiImait qu' i l ne faisait que réeiter. "il était seul enfant
à la naison, mais ses ex>pains venaient SJuvent".
Après le C.E.P., i l revient à Abidjan. SOn père l'a ramené, car
son instituteur cx:mœnçait à faire de la ix>litique. l i recbu1:?le plusieurs
classes. "Ça le rendait soucieux. 01aque fois, i l se plaignait, ne
exuprenait pas p:>urqu::>i il redoublait, et passait ses vacances à
tr?vai11er". Puis, un professeur européen lui cause "des difficultés".
Son père le ronfie à sa propre famille à IOuaké, afin qu'il prépare
son brevet. Il éclDue une première fois, et "pleure plusieurs jours
durant. l i ne voulait pas sortir dé sa charrbre". il cx::JlI'tence à avoir
des crises d'étouffeœnt. Epouvanté, i l s'enfuit d'lez des amis qui lui
dcnnent asile. Son père se fache ex>ntre Lamine qui le "déshomrell
auprès des siens en refusant leur hospitalité. Revenu à Abidjan, i l
redouble ses deux classes tenninales. i l obtient ses baccalauréats.
"Il n ' avait nêne pas l'air te11erœnt oontent d'avoir le bac".
De sa propre initiative, sans en parler à son père, il demande et

244
obtient une bourse. Il ne prévient son père que six jours avant le départ.
Celui-ci, furieux, le menace violemnent, plis le c:orduit sans un not à
l'aéroport.
En Frarx::e, son père lui envoie une lettre sévère 011 il lui dernarrle
de "faire honneur à la famille", d'''être le pranier", etc •• C'est à ce
naœnt que Lamine tanbe vêritablement malade .
• Son père insiste ê;Jalaœnt sur le rapport de son fils aux études,
IIBis, dans la description de leurs relations, il net l'accent sur le
rôle perturbategr de la Itère.
,
,
Lamine est né dans sa famille rœteme1le. Après le sevrage, son
1
~, méamtent de l' €ducat ion qu'il reçoit, reprerrl d'lez lui sa femœ
1
et son fils. lorsque Lamine a 5 ans, il l'envoie à Odiennê chez un de
ti
ses amis, directeur d' éa>le. La Itère ~ lui rend pas visite, BUS le père
i
vient fréquament le voir. "Lamine, jaloux, avait l' iIrpression qu'il
1
n'était pas aussi bien traité que les enfants de son éducateur, un peu
11
plus agés". lorsque le directeur de Lamine, piètre pédagogue, CQtuence
l
à faire de la politique, Lamine, à la demarrle de sa. mère à laquelle il
.~
l
s'est plaint, retourne à Bouaké. Il a 12 ans. "C'est un élève passable
1
en tout, mais bon en français". Il a des cauchanars la nuit, mais parso~
\\1
n'y attache d':imp:>rtance.
i
La mère de Lami.œ, que ses rabs rendent stérile, est "extrêœlœnt
1
j
œ:rveuse et irritable", aussi bien avec son mari qu'aVec son fils et les
1
autres IIleIl'bres de sa. famille. Elle était et est toujours "d'~ jalousie
!
1
noIbide" •
Le père pren:3 une co-épouse afin d'assurer sa descerd:mce J il s'en
sépare au bout de quatre ans, sans qu'elle lui ait cbrmé d'enfant.
1
Ianine devient "insUH;X>rtable à l'école", alors qu' il avait toujours
été timide, baissant les yeux lOr5Ç!U'on l~ faisait des cbservations,
1
\\
1j
1
1

245
"trarq,lille, peu remuant". Il passe au oonseil de discipline et est
renvoyé en dépit de ses bons résultats soolaires.
Ianine s' ent:elldait mal avec sa rœre à l' êIXXIUe. L'un et l'autre
étaient si nerveux que le père était parfois obligé d'intervenir.
Mais c' était un bon carcarade et un bon fils, qui baissait les yeux
lorsque son père le réprimandait IOur son travail. La mère ne
s'intéressait que peu à lui.
Après s:>n renvoi, ~ put p:>ur Bouaké, où il vit dans la
fami.1le paternelle. Mais, à la suite d'hallucinations auditives, il
quitte la maioon de ses parents. Son père, méoontent, lui envoie une
lettre de reproches. Lamine cependant s'installe chez des amis. Il
passe son pranier bac à Bouaké, puis son dandàne à Abidjan. Il a 25 ans
lorsqu'il tennine. "Perrlant toute sa soolarité, son retard l'a beauooup
tow::Iœnté. La mère, i.rx::apable de c:x:nprendre ce que faisait oon fils, le
harcelait sans cesse".
sans réclarœr l'avis de s:>n p&e, Lamine demande lIDe bourse. Il n'en
avise son père qu'à la dernière minute, ~ors que celui-ci accanplissait
des démarches IOur lui obtenir un IOste de IIIëlitre d'internat .. Larn.i.œ
oontinuait à souffrir d'hallucinations auditives.
Il part cependant p:>ur Paris, d' 00 il écrit qu'il préfère partir
fX)Ur Dijon, ne sUfP)rtant pas la capitale.
Son père ayant reçu ~ rép:>nse IOsitive de la part du proviseur qui
devait lui donner un IOste de surveillant, écrit à son fils IOur lui
danarrler d'envoyer une lettre de raœrciements. Lamine réporrl insolament.
Le père rip.:>ste et refuse désormais de lire les lettres que son fils lui
envoie. Deux nois plus tard, Lamine tanbe malade et est lnspitalisé à
l'HOpital Psychiatrique de Dijon.

246
La ~re tend A minimiser l'aspect conflictuel des relations
fanilia1es. Elle esquisse un tableau qui tŒo1gne de la bonne éducation
qu'elle a prod.1.guêe A son fils.
le père, au contraire, insiste particu1iêrerœnt sur la tension qui
rligna1t dans les rapp:>rts entre Lamine et sa femœ, entre sa femre et lui.
Iani.ne, dont on a axé toute la vie sur les études, ne p:>uvait trouver
d'issue l'x:>rs de la réussite scolaire. Or, celle-ci l' êloignait de sa mère,
qui n'était pas capable de suivre son cheminarent. A réussir, i l gagnait
un père, mais perdait ure mère que sa stérilité rendait jalouse, IX>ssessive,
nerveuse, dressée contre son mari. Opp:>sée A celui-ci, elle œ p:>uvait
qu'essayer de m:::mter l'un contre l'autre le pêre et le fils. L'enfant a
v€!cu
au milieu de tensions intenSes, s\\lPIX>rtant les récriminations de sa
mère et les scèœs de son père. ce ~e est un hœme très strict, très
rigide. Par son départ p:>Ur la France, Lamine s' €!nancipait
de la tutelle
du père et se ra.wroehait de la mère, ~ament cx:mplice de ce départ,
sans IX'UI" autant tœber sous sa roupe, et faisait sierme sa réussite.
La lettre du père, qui lui demandait de se plier à la norale faniliale
et lui donn:ùt des conseils, le dép:lssédait cx:mplètemEnt, réduisant à néant
ses tentatives.
cas 12 •
• C'est la mère de N'da, entourée de plusieurs de ses enfants, qui. oous
répom. N'da est l'avant dernier fils d'ure famille de douze enfants. C'est
sa Itère qui s'est occupée de lui. Il a parlé plus tard qœ ses frères, reis
la Itère n'a rien pensé de ce retard, elle savait que le nment viendrait où
i l parlerait. "C'était lm enfant sage, qui jouait bien. Il était d'acoord
avec tout le nonie". On l'envoie à l'émle. Atteint d'une rréningite, il est
soigné Al' hOpital.

247
Après oe1a, 11 avait c:ha.rgé. "Il restait seul dans son coin, 11 ne
parlait à persorme". Bien qœ sa mêre le force à travailler, 11 travaille
"un peu seulement". Le père était très sévère, reis la mêre fraFÇai.t plus
souvent. Personne ne l'aidait à faire ses devoirs. Il jouait avec ses
canarades dans la corx:.-ession, rais on le laissait jouer dehors.
Il ne réussit pas au C.E.P. Il part pmr Grarrl-Bassam chez un gram
frère pour a.pprerrlre le métier de nenuisier. Mais il s' enteoo mal avec
la fame de son frère. Il reste chez son frère durant 5 ans <X1!1tle apprenti
wn rêmméré. Puis 11 retourne chez lui et trouve un travail de rœnuisier.
Il sort avec des jeunes filles, Mais ne SOnJe pas à se marier. Il n'a que
peu d'amis. La mère œ le laissait pas se praœ.ner la nuit avec les gens,
œ.r elle avait peur "de la mauvaise influence". les enfants l' éroutaient
bien. "ns sont tous sages, dociles, obéissants".
N' Da était exmtent d'être payé, . œ.r "11 p:>uvait acheter des chemises
et des pantalons". Mais i l a cx:mœncé à s:>rtir sans prévenir sa mère.
i l s'entendait bien avec tout le nome, mais ne èbnnait de l' aDJent à
personne. La mère, mécontente, le nenace : "Tu as de l'argent, tu n'en
dormes pas; danain, si tu es fauché, je· ne t'en donnerai pas ron plus".
N'Da s'entendait très mal avec la fame d'un autre de ses grands
frères. Il la persécutait tellaœnt qu'ils ont dû louer une maison.
Il p:nsait qu'on voulait lui èbnner en mariage la petite soeur (de sa
belle-soeur) "p:>ur ItlaDJer son argent".
les renseignaœnts obtenus s'avèrent assez superficiels.
La mère serrble une ferme très autoritaire. Ses fils, au cours de
l'entretien, se plaindront en français de sa sévérité. Mais un consensus
d'oostilité s'établit autour de N'Da, qui a été une source de ronflits
pennanents, et qui n'a assuné aucun de ses devoirs à l'égard de sa parenté.

248
Cas 13.
• La. mère à:>nne beaUCDup plus de détails sur ses propres raFPOrts
avec sa lignêe et son arc1en mari que sur la vie de BOn fils.
te père d'Ali était un hame instable, qui a ép::>usé plusieurs fames,
a divorcé, s'est remarié, quelquefois nèœ avec l'une de ses femes
rêpXliées. Elle a ép:>usé le ~re d'Ali oontre son gré. Après son mariage,
elle a continué à habiter chez ses F6I'eIlts. Elle a eu quatre fils, à:>nt
un d~. te père aimait beauooup Ali qui lui resserrblait. "Ali était
un enfant cal1œ; c'était le seul à être aussi calme. n ne jouait p:lS,
se retirait dans son coin. '!but petit, il était très maladif".
Le père voyageait beauooup. lis quittent ensarDle Bouaké p:>ur
AbeD3Ourou. Ali devient très nerveux : "Il avait peur la nuit, dans
une chanbre obscure, i l criait, 11 t:J;anblait, i l sortait en courant",
ceci jU9:IU'à 15 ans. "n se battait beaucoup avec son grand frère, tout
le tstp; nêne, mais i l ne se battait presque pas avec ses camarades".
Jusqu'à la maladie, Ali et son frère se battaient. Ils se à:>nnaient
des coups. Elle était fatiguée. n fallait arbitrer.
Al' école, i l travaillait, mais n'était pas trop intelligent,
pIi.sqœ s:m frère a eu le C.E.P. et pas lui; c'est le grarrl frère qui
est nerveux, pas Ali.
()Jarrl Ali a passé son C.E.P., ils étaient
retournés depuis lo~ à Bouaké. Après son éd1ec, il va à Aben:;}ourou
awrerrlre la dactylcgra};hie. Son awrentissage tenniné, i l travaille
d'lez un avocat à ~é. "C'était \\.ID garçon came les autres. Il partait
au travail avec ses camarades". li passait la nuit chez des amis.
n jouait au football, il ~it. A ce n:::rœnt-là, il était bien.
Il ne pensait pas encore à se narier. U parlait avec des amis
jusqu'à une heure avancée, mais elle ne l'a jamais vu avec une ferme.
"n ne criait plus la nuit".

249
Puis 11 est parti à san Pedro. "Chaque rois 11 envoyait de l'argent".
n a passé un an là-bas. n avait logé d'lez son patron, mais 11 habitait
seul et avalt peur. Elle a awris qu'un jour il a crié, et s'est mis à
parler. Q1 le rapatrie par avion .
.
. Le frère d'Ali le prrticu1arise davantage.
Les frères sont allés dans une école de brousse, dans le départeœnt
de Guig10. Pensiormaires, boursiers, le directeur était leur tuteur 1~.
Ali ne reste que quelques nois, car i l ne tolérait pas la séparation avec
le milieu familial. "U avait 6 ans à l'ép.:>que, et dans cette école tout
laissait à désirer: oourriture, etc .. i l fallait être un hcmre p:>ur
supp:>rter cela. Ali avait peur la l'Ulit, i l criait". Il a oontinué
jusqu'à 18 ans environ. i l a ~é l'année chez une tante à San Pedro.
C'était un élève noyeIl, timide, qui ccmœnçait cependant à avoir des
cana.rades. i l se bagarrait avec ses frères, nais ceux-ci étaient toujours
solidaires oontre les autres.
Au bout de trois ans, i l retourne à Bouaké, cil il reste en CDntact
avec sa mère jusqu'à la fin de sa scx:>larité. Le père ne revenait que de
tanps en tanps. C'était avec un grand plaisir que les enfants le
recevaient.
Il éch::>œ au C.E.P . "U travaillait bien, mais le jour de l' exarœn
i l s'est présenté à un nauvais endroit". i l a été triste. ses frères
avaient le C.E.P. et oontinuaient leurs études au lycée. Mais Ali
n'était pas jaloux, au oontraire i l était très fier de son retier de
dactylo.
Après sa période d'awrentissage à Abengourou, il retourne à
Bouaké. Il oontinue à se bagarrer avec ses frères, qui lui reprochent
ses idées étran:]es et le fait qu'il soit sale, mal habillé et fréquente
des garçons beauCDup plus jeunes. i l discute de fil1~,de p:>litique et
de sport.

250
Affecté A san Pedro, 11 loge chez un ex>11ê;Jue. n écrit très souvent
et envoie régulièrement de l'argent â sa ~. Mais il se heurte â beaucoup
de difficultés. n à:>it s'occuper seul de sa row:riture, car i l s'est
brouillé avec son bOte. San oollègue s'en va; il demeure seul. dans le
10geIœnt et recu:IIIHlce A avoir peur la nuit. Dans ses lettres, il ne
parle que de san retour 1mn1nent. un jour, il raex>nte qu'il a eu vréUnent
peur. nIe oouvre-feu avait été ordc>nné en raison d'incidents et il était
sorti p::lUr aller dans une b:mtique. Les gardes l'ont hélé, prêts à tirer.
On l'a B:IIIllé de s'arrêter, mais 11 est parti. à toute vitesse. Il avait
frOlé la nort et a eu très peur".
Puis i l va à BIN:iERVII...IE, envoyé en cx:msultatian par \\ID médecin
in}uiet de s:>n a:::I1'IfX)rtanent êtran;Je:
La mère
parait assez mstile à ~ fils. Elle ne le dépeint que très
superficiellerrent, mais elle oote les violences d'Ali, sa fatigue, etc ••
Ie frère d'Ali, cxmœ les autres frères et ex>usins, qui nous fournissent
des renseignaœnts sur le cnrportaœnt de leur parent, net l'accent sur les
difficultés ou les écarts aux oooœs de SOÇialisaticn de son frère.
les jeunes, occidentalisés, situent l' 1rxlividu hors de sa ligriée, relatent
le style des rapp:>rts de l' i.ntividu avec les groupes et insistent sur
l'aspect mrizontal des relations.
Ali semble avoir été mal ainé par sa mère, peu épaU;1é p:rr son père.
Mal intégré dans le groUIE des frères, i l n'a pas réussi à assurœr sa
solitude.
Cas 14 •
• Pour la grard-rnère materrYalle, Siaka était "un enfant sérieux et
ca1Iœ". Il avait tellaœnt peur de son père que lor9:1U' il touchait sa
solde, il dormait tout à son père.

251

S1.aka a fréquenté l' €xx>le
ooranique l~. Il a toujours été ca1Iœ
cx:mœ san père et sa mère. Il n'allait ni au cin&na ni au bal, n'avalt piS
de d1stract1ons ni de copains. Sa mère s'inquiétait de ce qu' i l n'avalt
pas d'amis. n a toujours été taciturne, ne parlant pas avec tout le ronde,
mais faisant rire quand il cx:mœnçait. Il a toujours d:::mr1é son argent par
reoonnaissance. Il a entretenu sa famille et fait oonstruire une maison.
"C'est un bon fils" .
• Pour la mère, Siaka était "un enfant ni trop, ni trop peu bruyant".
n jouait avec ses ex>pains. Al' age de 7 ans, on l'envoie à l' éa:>le. Il ne
piSse pas le C.E.P. car il suit son père affecté en Haute Volta. Il retourne
à Di.Irbokro chez un oncle paternel, plis au bout d'un an acconplit son
service militaire. Il retourne vi~ cnez son père et sa mère. Il manifeste
le désir de se narier, mais le père lui demande d' atterxh:e et.d' étou.ser
1
i
une jeune fille de la famille. Le père 'rreurti la mère, trop âgée, ne se
j
remarie pas.
1
!
"Siaka sortait cx:mre tous les jeunes };X>ur s'amuser. Il avait des
l
1
oopains qui venaient le prendre p:>Ur sortir. Il n'allait pas au cinérca,
1
restait souvent à la maison". Il travaillait et lui cbnnait to~te sa
!
j
solde. Il ne recevait que 200 F CFA i il était ex>ntent, car
il faut
\\
tout faire IX>ur ses parents, surtout lorsque c'est une grande fanille.
sa <r:arrl-mère lui èbrmait de qooi ad1eter des cigarettes. Quand le père
1
1
est nort, c'est la ITère qui a reçu la solde et lui a ranis 50) F CFA.
i
• La. femœ de Siaka est sa nièce maternelle. Elle le oonnaît depuis
1
longtemps. ilLe nariage, c'est une question de d1.ance, c'est sa chance.
j
Siaka et elle sont jeunes tous les deux et Siaka passe son tarps à
l'aiIœr quand i l vient". D'après elle, il est guéri i il est toujours
1
ca1lœ et salue bien tout le nome. l i en veut peut-être aux gens à œuse
î
1
de son travail. en lui avait dit qu' i l était IŒÙade avant qu'elle ne l' éFOuse .
i
1
1
i
1i
\\~l

-------,.........,~--------------
252
La. gran:1~re rraterne11e et la m!re de Siaka le décrivent de manière
â pal près identique. C'est le seul harme avec qui elles soient en raJ;:P:>rt.
n n'est pas fait mention des petits frêres de Siaka (peut~tre sont-ils â
1 'écD1e?). La. gran:1-mêre et la ~re sont brouillées avec 1eJrS fils et
frères marabouts. Siaka a fait oonstruire une maison de 2.CXX>.CXX> F CFA
(avec quel argent : i l est agent de p:>lice •• ). Elles ne tarissent pas
d'éloge sur ce garçon qui les fait si bien vivre. la ferme de Siaka,
récEmœnt arrivée à DiInbokro a l'air de oonsidérer le cx:np::>rtement de
son mari cx:mœ relevant, oon de la pathologie, mais de la oondition urbaine.
Aucun é1€ment,
sioon l'excessive anprise exercée par la famille,
ne penœt d' éœttre des hyp:>thèses quant à l'étiologie de la maladie de
Sïaka.
Cas 15.
1
1
• Pour la xœre, ~, fille de son troisiàœ époux, était "un beau bêbP." •
1j
Elle parlait et marchait bien. A 4 ans, elle est atteinte de béri; béri
!
soigné par les guérisseurs, par les rrarabouts, p.ri.s à l'hôpital. Elle se
1
remet parfaitanent.
La mère de 5ac:n.l-ta habitait chez sa soeur à Daloa. Les parents ayailt
1,~
~
divorcé, saouha part chez son père, qui venait de se ranarier, mais la
t
ro-ép:>use la tra!te mal. Elle reto~ chez sa mère. Elle s'amusait
j
beauaJUp avec des oopines. A 7 ans, elle fréquent l'écn1e officielle.
1
1
A l'écx>le, elle avait des amies, elle travaillait bien, mais elle est
renvoyée car ils ne peuvent assurrer les frais de la cxx>pérative soolaire.
1
1
saouka a appris très vite à s'occuper du ménage. Quarrl elle a quitté
î
t
l'éoo1e, elle œ voyait plus ses camarades; elle restait toujours à la
1
maiSJn p:>ur faire le Illénage.
1
• Saotha (la malade suivie à titre d'externe) parle plus volontiers
1
de ses amis; de son enfance, elle n'a que des SJuvenirs vagues.
1
jili1j
l
1
1
!l
1
1

253
Elle avait des canerades qui venaient la voir. r~s elle n'allait
jamais chez elles. Elle avait "la oonte", car au dli:>ut à Daloa elle
saluait tout le nome et "on la regardait".
A l' êoole, elle êtait toujours dans les pra:niêres, mais elle n'a
pas souffert d'abandonner les êtudes, car elle n'était pas la seule, et
en ce ta'lltS-là elle avait oorreur de l'école. C'est après que ça l'a
t.ouc:bée, quan:1 elle a vu ses camarades rêussir. Elle s'entendait bien
avec talt le nome, sauf avec son petit frère. Ils se battaient. Oùand
ses parents ont divorcé, elle a êté "triste".
Elle s'est mariée à 15 ans; elle a choisi son pranier mari. Il
était cx:mptable, né en 1935; il était beau; elle l'aimait. Ils sont
restés rrariés 7 ans. Elle a al un ~ant et une fausse oouche. Ils
habitaient chez sa mère (à elle). Il était jaloux; il criait trop.
Elle a provoqué le divorce.
Elle s'est renariée 5 ou 6 nois plus tard. I.e deuxi.àre nari, elle
ne le connaissait que deprl.s deux jours quand son père l'a fait aH.Jeler
et lui a dit: "Chez noi, je ne veux pas qu' 00 fasse la cour; si tu veux
une femne, envoie tes parents". Perso~ rie voulait de ce mariage, à
part le jeuœ lx:mœ. Elle est restée un an à peu près; elle ne l'aimait
pas du tout. Elle œ sait pas cxmnent elle faisait IXJllr avoir des rapp:>rt.s
avec lui; ça l'étonne nêne qu'ils aient réussi à avoir un enfant. Il
l' cbligeait à coucher avec lui; mais elle n'a jamais passé la nuit avec
lui; i l lui èbnnait de l'argent p:>urtant. Ils étaient fidèles, tous
les deux. ses maris lui donnent de l'argent };Our leurs enfants. Ils
veulent la reprendre, mais elle et sa mère ne veulent pas.

254
Mêre et fille p:lrlent avec cx:JrPlaisance de leurs maris, mais le
portrait de Sëouha:reste flou et imprécis. ce n'est nêœ pas en fonction
de ses rapp:>rts ! la famille que sa rœre la définit. saouha est jettre,
ce qui cx:rnpte c'est qu'elle se remarie et se remarie bien. La mêre,
aprês avoir insisté sur les qualités de sociabilité de sa fille, la
dépeint ocmœ une bonne Irénë:v;Jère, ! la fois séduisante et réservée.
8aouha, fortarent influencée par sa mère, IIêne ! son tour une vie
sentimentale m::>UVerCeIltêe.
I.e père, bien que leur rendant visite fr~t, ne sent>le
constituer qu'un élment pêriFhérique, en quelque sorte un gêneur, qui
vient troubler leur ex:trplicité.
saouha s'identifie à tel point. à sa mère qu'elle manùfeste la nêœ
série de symptêJœs psydx>sc:matiques que celle-ci.
cas 16•
•. La mère de Oulahi le décrit cx:mœ "un enfant bien ca.lrre et bien
trarqullle". I.e père étant nort après le 5eYrage, elle s'est nariée dans
les délais prescrits avec le grand frère de nêne père que son mari.
Oulahi s'entaldait bien avec les autres enfants; il jouait bien.
9:>n père adoptif l'envoie à l' éoole cx:>ranique du village afin qu'il
dE!'lienne marabout. Son narabout meurt; il est confié au marabout d'un
autre village et ne revient plus qu'aux vacances. Son meilleur ami était
le fils de son père adoptif et d'une de ses co-épouses, de trois ans
plus âgé que lui. "ils étaient souvent ensarble . Oulahi se réunissait
avec les oopains de son âge, mais eux étaient plus liés; c'était un
peu drOle qu'ils soient ensenble nalgré la différence d'âge, mais ça
arrive". Après l'école ooranique, Oulahi n'a pas été marabout. Il
faisai t la culture fOur son père adoptif et sa mère. lDrsqu' il était

255
revenu, BOn pêre adoptif n'était pas ex>ntent qu'il ne soit pas devenu
marabout, mais on n'a pas Pl l'obliger a oontinuer. Toute la famille
était une famille de marabouts Guéré qui enseignaient. le père adoptif
est décMé quatre ans auparavant.
• le petit fr~re de la mère n'intervient qu'au niveau de la description
de la maladie. Pour lui, "OUlahi n'est pas devenu marabout a cause de sa
maladie, autraœnt il était calé".
· le oousin maternel de Oulahi ne le situe égalaœnt que dans son statut
de malade.
Enserré très fort.errent dans sa lignée paternelle, OUlahi se devait,
p:JUr réFOrilre aux aspirations du groupe, de devenir marabout. Quelles qu'aient
Pl être les causes de sa désaffection à l'égard de l'enseignaœnt coranique,
i l est certain qu' il a profondé:rrent déçu' toute la famille. les renseignaœnts
assez superficiels ne FOrtent en effet que sur les es};X)irs que l'on forrlait
sur lui et sur la relation étrange qu'il entretenait avec son parent, fils
de s::>n père adoptif, €!galaœnt
marabout.
Cas 17.
• La mère ayant divorcé après le sevragé d' Akissi, ne peut guère parler
de l'er.fance de sa fille, p..risqu'elle ne l'a retrouvée qu'après son ptanier nariage
à Bouaké.
Mariée à 15 ans, Akissi divorce au bout d'un an et dam. "Ca1Iœ et
sérieuse", elle se remarie au bout de 3 nuis avec un horrtœ de 40 ans, déjà
nn.mi d'une éfx::luse et de trois enfants.
Le mari, en chânage dep.ris trois ans, travaillait
c:x:mœ
journalier
sur le }';Ort. i l l'PUS décrit sa femœ came "une persorme tranquille, qui ne
se disIUte pas". Elle n'a pas d'amies de ron âge, prrce qu'ils vivent enserrble,


256
sans locataires. Ak188i aide 8a ~ as' oocuper des enfants.
Elle ne d1Bcute avec ~. Elle a ~ a la matern1tê, ~œ qœ
le dlef de quartier avait rea::mnandê aux notables d'a\\101r reoours a la
Matern1tê. Une 1nf1%m1êre a êtê três dêsagrêable avec elle et sa fsnille.
Sa Ère lui areriiu visite et a voulu la ItBSBer (il est d'usage que les
llÈ'eS IIBBsent les jeunes fsmes et leurs enfants après l' accx>uchBœnt) ,
i
1
mais Aldssi a prêfêrê être massée par sa co-êp:>use. ~ bêbê a pris le
1
1
!
1
IOn de la nÈe de la oo-êpouse. C'est la CD-êpouse qui s'est occupêe
1
1
de toot.
!
i
Ni la mère, ni le mari œ s:mt en Iœsure de cX>nner quelqœs
preeis:iDns sur l'existence et le œraetère d'Akissi. La mère en a été
sêparée trop tôt et le mari n'est PiS lm pu:ent.
1
1
1
n serrble qu'en rais:>n de son tr:}e. et de l'attitude du mari, la
1
1
~ ait fait office de œre face à Akissi. C'est elle ~ l'a massée;
~'~
J
c'est sa p:rq>re 11ère qui. a à:>nnê sen nan à l'enfant. Akissi, qui. avait été
1
privêe de sa mère, se txouve de ce fait xéduite au rarr:J de grande soeur
j
de sa fXopre fille. !Din de CX>Il9Jlider sa p:>sitien dans la lignée,
1
l'acxx>uchelœnt la oonstitue en "enfant d'une nouvelle lignée". C'est une
1
IIIltation difficile à S1JPIDrter p:>ur une très jeune femne.
il
1j
cas 18.
1
• La grarrl-mère maternelle de Bakari a toujours vêcu avec son petit-fils.
~
1
C'est elle qui l'a p:>rté sur le cDs.
1
1
"C'était un gosse qui pleurait, mais IBs ttop. Petit, il mangeait un
'1!
Ieu, nais n'était pas goUIItaIrl. C'était un enfant calIœ et p::>li; i l ne se
i
mettait pas en oolère. Il jouait surtout dans la roncession. Quand il
était à l'éCD1e française, i l se rœttait à l'écart et ne jouait pas avec
j
1
les autres". Elle l'a élevé en ce qu' i l ne se mélange IBs avec les autres.
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JJ.,
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1

-257
Bakari jouait avec ses frères et soeurs, MUS, ~ qu'ils vont à l' éo:>le,
les enfants passent tout leur terrps sur les livres. Les enfants travaillent
três bien". C'est elle qui fra~, quand ils ne travaillent pas assez.
Les enfants ne sortent pas de la maison. Bakari n'a jamais été au cin€ma
œr il lui a dit qu"'il Y ël des films qu'un élève ne doit pas voir".
De 1:eIrq)S en tarps un camarade venait le voir.
Quand son père était à Aboisso,le grand"'1'OOre le ronduisait chez lui
environ trois fois par noie. Bakari dem:urlait souvent à voir son père.
S>n père lui donnait des vêtaœnts et de l'argent. I.e pêre a quitté Aboisso
quarrl Bakari entrait en 6èrœ. L'enfant a alors cx:mœncé à bégay~r. Il se
plaignait égalaœnt de mal voir. Mais il continuait à fréquenter norarœlaœnt
l'école.
Le directeur venait souvent la voir FOur lui dire : "ton petit-fils
est le plus FOli et le plus travailleur". Le directeur a un jour ëipFelé
tous les élèves, et leur a danandé qui était le plus FOli, ils ont
réIx>rdu que c'était Bakari .
• La ITère de Bakari divorce lorsque son fils a 3 ans. Trois nois plus
taro, elle éFOuse ron mari actuel, maçon,· beaucoup plus âgé qu'elle.
A 4 ans, elle l'a mis à l'école roranique. Il était ca1Iœ, ne jouait
pas beauooup, mais il n'était pas aussi ealrœ que maintenant. ,. 6 ans, i l
est allé à l' érole française. C' était un enfant poli, plus FOli encore qœ
ses frères et soeurs. Il ne jouait qu'un tout petit peu. Al' érole primaire,
il était cx:mne taIs les autres enfants. Il était bien, il Parlait nonnalaœnt,
il était dans les cinq premiers. Il a toujours été bon élève jusqu'au lyœe.
Elle n' avait pas besoin de l'obliger à travailler. Il travaillait le soir
et se levait à 5 heures pour travailler. Ses frères et soeurs étaient came
ça aussi. Toute la famille travaille bien. Ça ne lui faisait pas peur
qu'ils soient premiers. Elle n'allait jamais voir le marabout. Elle disait
à ses enfants: "si vous travaillez, c'est·pour vous", mais elle les
réa:::rnt:ensait pour leurs succès.

258
A 9 ans, 11 t:arIJe rœlade; 11 vanit du sang; la r8d10 ne révèle aucune
lésion, mais 11 reste petit et se net à bégayer. !\\près cet épisode, "i1 ne
parlait pas beanCX>Up, 11 restait avec ses camarades, rrais se taisait et
se Iœttait à l'écart; 11 ne bégayait presque plus jamais". Il s'entendait
bien avec tout le m:mde. Il n'allait pas au c:inêma., il n'aimait pas ça.
Elle le p::n1Ssait à sortir, mais 11 disait: "j' a1Iœ mieux rœs études".
Quand 11 est entré au 1ycêe, i l a rea:mœncé A bêga~ et 11 ne voyait
pas bien. l i a culllenœ A na1 travailler; on l'a renvoyé; i l a beaucoup
pleuré; 11 disait: Il je suis plus calé que rres copains et pourtant on m'a
renvoyé". Il s'enfermait.
Placé dans un oours privé, i l tarbe naIade.
Grand~ mateme1le et mère .tracent un p:>rtrait c:rl1érent de
l'existence et du œractère de Bakari. 'Ibutes deux nettent au centre de
leurs préocalpations et de celles de Bakari la réussite scolaire.
La. scolarisation sa:rb1e avoir pris d ' autant plus de place dans cette
famille que - IDUS l'avons awris par ailleurs - la mère de Bakari est
la maîtresse du directeur.
Peut-être Bakari a-t-il mal supp:>rté que sa mère, en devenant la
naîtresse de son directeur, le dépossède en quelque sorte du daraine dans
lequel il investissait et qui lui conférait son autonanie.
Cas 19 •
• La mère adoptive, cousine pate~lle de la mère de Tabou Ba,l ' a
pratiquaœnt élevé.
Tahou Ba, dont la mère avait divorcé quand il avait 2 ans, a d'al:ord
été roup§ de sa famille materœ11e. Puis, à 4 ans, i l est envoyé d1ez son
haronyI'œ!, ami de son père et mari de la oousine de sa mère.

259
liA la maiscn, Tabou Ba êtait un enfant vivant, qui mangeait bien
et doz:mait bien. Jusqu'~ sa maladie il pissait au lit, c'êtail le seul de
sa famille qui pissait au lit. Un enfant qui pisse c'est provoqué par une
rœre né:Jligente qui oort trop la nuit. Mais il êtait respectueux, travaillait
bien, aidait ~ la maison. Tabou Ba et un autre enfant cxmfiê de son â:Je
s'enteri1aient bien. le père avait recruté un narabout p:>ur les enfants
et ils suivaient son enseignaœnt après l' êa::>le. le père de Tabou Ba
avait un ami. de classe, mais il ne rentrait pas dans la ooncession, car
il avait peur du père adoptif. celui-ci dit qu'un garçon ne OOit pas avoir
d'anis. n est très pieux. La Itère de Tatou Ba vit en brousse; elle a
quatre enfants. on voulait parfois qœ Tabou Ba aille voir sa mère, nais
11 refusait et disait qua c'était loin" •
. le père adoptif dépeint d'abord la mère de Tabou Ba : "femœ autoritaire,
~sible, tyrannique". Pour lui, Tahou Ba a pris certains traits de sa
mère : il n'accepte pas d'être a:::mnarrlé, œ se somet pas facilaœnt, i l
est têtu, mais très gentil, très OOux, bien éduqué, serviable, oon,
sétie..IX dans le travail. 5eulenent, il n'accepte pas l'autorité. Il est
p::>p.ù.aire à l'école; ses amis viennent le ,voir. A part ses études, i l
est libre.
"Quarrl Tahou Ba est arrivé, il pissait au lit; il a toujours pissé au
lit. La ITère a été voir les guérisseurs et lui a donné des gris-gris et
des bains". Le père ne croit pas à ces histoires. Aussi, la mère fait
tout cela en dehors de lui. Le père vient souvent voir son fils.
Tahou Ba ne travaillait pas très bien à l' éa:>le; il a redoublé le c:x:>urs
noyen. Son père l'a envoyé à Lakota passer le C.E. P. A présent 1 il est
m 2ème année de cours oonnal et travaille très bien. Il n'aine pas
aller en vacan::es d'lez son père, car il n'est pas habitué et se dispute
avec ses demi-frères. Il a un canplexe d' infériorité face à eux, car
ils ne se oormaissent pas bien. Mais tous les jeudis il va. d1ez son père.

260
"Quard 11 œ va pas à l' ê<x>le, on l'envoie voir ses demi-frères pour
qu'il s'habitœ à eux et qu'ils se connaissent mieux. Mais il ne reste
jsnais lon;rt:.stp;" •
• le pêre insiste I8rt1.culiêrE!TlE!l'lt sur les ennuis que sa ~emœ lui a
œusês. ()Jant à Tabou Ba, "c'était un enfant ca1Jœ qui jouait bien avec
les autres. A 4 ans, 11 a fréquenté 11 école coranique. Son pêre est
toujours venu le voir régulièrement. A 7 ans, i l va à 11 école officielle.
l i travaille passablerœnt . Il fait l'école buissormière.
Il faut
l'envoyer à Lakota {X>ur qu'il passe son C.E.P. car il avait Ieà::>ublé
le C.M.l. le père adoptif surveille les devoirs. œ père le veut pas
trop interroger p:>ur œ pas avoir l'air de contester. Tal'x>u Ba s'entend
bien avec tout le noOOe, mais i l a passé ses dernières vacances à l'éœ.rt.
l i était chez son père, mais œ se séparait pas de ses livres. Deux fois
son père l'a trouw seul durant la journée, i l l'a obligé à retrouver
les autres enfants.
La nère adoptive SE!1'ble chercher à la fois à défen1I:e sa oousiœ
et à attaquer, par l' int.e.nœdiaire de Tabou Ba, son mari trop autoritaire,
trop sévère, qui les écrase de sa tyrannie.
1
Le père aà:>ptif retrouve dans Tal'nu Ba les traits de caractère de
1
j
sa mère, plus ou noins mise au ban de la famille.
1
Le père se sent oontesté dans son autorité par les fugues de s:>n fils
1
1
à 11 écx>le prinaire, par l' attitude de Tabou Ba quand il vient lui rendre
1
1
visite.
1
Chez cet enfant, qui ne renrontre pas de difficultés dans son
intégration à sa classe d'age, l'opp:>sition aux demi-frères traduit
vraisanblablerœnt un malaise face à la lignée pa.terœlle plus que de
1
véritables troubles relationnels.
1
,
i
1
,
l
1
t
1
1
1
1
i
1
1

261
cas 20.
• La œre de Mamadou le décrit sous les ex>uleurs oonventionœlles du
garçon bien élevé.
"n était intelligent, il était adroit, il a:im3.it bien travailler,
i l rêp:>ndait très bien aux devinettes. Il ne marchait pas beaucoup, i l
restait souvent avec sa maman. Tout ce qu'on lui de!'narœit de faire, il
le faisait. On ne l'a pas battu, car i l n'était jamais désobéissant.
'!bus les enfants sont IX>lis, mais lui est de t:errq;léranent ca1Iœ naturellemant.
r-iamachu est toujours resté le nêœ garçon, gentil et intelligent". Mamacbu
lui a parlé de son envie de se marier l'an dernier. Elle lui a demandé s'il
ne p:>uvait pas chercher ailleurs. Il a laissé passer, p.rl.s a rederrandé.
1
l
Elle a dit de danarrler au père. cœr:e il na s'opp::>sait pas, le mariage a
1
î
eu lieu. Elle a été la première à ranarquer que son fils perdait sa chanœi
l
1
il prenait son argent et dépensait sans· savoir.
1j
1
• le père trace é:Jalarent un p;::>rtrait flatteur de son fils.
i
"Enfant, Mamadou a été un an à l'éa:>le coranique. Il mard1ait
j
beaucoup, jouait avec les enfants, mais était plus ca1Iœ que les autres.
1
1
Il s'est battu ure fois seularent. Il restait à la maison".Manadou, dès
l'âge de 6 ans, p::>rtait à boire à son père, le suivait aux d1arrps.
t
A 10 ans, i l a été à l'érole officielle. Il a fallu atterrlre qu'il Y ait
1
une :place au villaBe voisin. Soolarisé, i l habite chez une amie de son père.
l
Après
!
SOL C.E.P. on l'envoie à Abidjan étudier la menuiserie. Il habite
chez son oncle paternel. Il est resté 6 ans au lycée d'Abidjan.
'1!
1
A partir de ce rrarent, il ne sait pas ce qu'il fait. A chaque fin de
lj
1
rrois il revenait. Il n'est pas au courant de ses études. Hamadou est le
1
~
seul de sa famille, en dehors de son oncle d'Abidjan, à ne pas être
>
1~
cultivateur. C'est le père qui a décidé de le mettre à l'école, car il
1
s'est aperçu que la vie avait chan:Jé; il a voulu que son fils a~le à
~
Abidjan. Pour les filles, c'est seulerrent maintenant que c'est la coutume.

262
"Mamadou a voulu se marier, au m::ment de la traite, avec la fille
de !al oncle naterœ1. Mamadou a parlé de l'40user peOOant 6 rois.
Dès qu' il a culllsncê de donner le premier cbn, 11 n'a pas eu de d1anœ.
La rœre n'~t pas d'aca:>rd p:>ur le mariage car la fille est mal
Muquée, et elle ne voulait p:1S qu'il Y ait des histoires dans la famille
à cause d'elle".
• le tuteur, orv::::le paternel de Mamadou, mal placé pour nous parler
de l' enf~ de son œveu, nous donne en revanche des renseignanents sur
sa vie à Abidjan: "n étudie il la section technique du lycée. Il travaille
beauooup, sort peu, n'a pas beauroup de camarades, ne joue pas au football.
Après am C.A. P ., il ne trouve pas de travail. Il passe le ooncnrrs
d'infiIInier d'Etat. n échoue. Il I;este deux ans sans travail, plis
décide de passer le a:moours de l'Eoole Nationale de Police. C'est un
élève très brillant. Puis il travaille,' loue un logement, partage ses
repas avec un collègue de son oncle. Il décide d' ép:>user sa cousine
maternelle; ses parents s'y OptDsent. Il insiste. La famille conclut le
mariage. Dès le lendemain, il tarbe malade".
La rere, trop éloignée du systèrœ de scolarisation, ne ~ut situer
son fils que dans le nûlieu traditionnel.
Le père Feut décrire Mamad:>u jusqu'à ron arrivée à Abidjan. Après
s:>n départ, s:>n fils lui a échappé. Il serait nèœ discourtois qu 1 il se
substitue à l'oncle pat.errel p:>ur retraœr cette épJque de la vie de son fils.
L'oncle paternel au o::mtraire ne connaît de Mamaàou que son insertion
1
dans le milieu acculturé d'Abidjan.
~
l
1
Le dérnninateur CUIlTtW'l à ces descriptions est le mariage avec sa
1
!
cousine, et les opfOsitions qu'il a roulevées, ainsi que ses ronséquences.
1
1
1
1
!
,
1
1

263
Peut-être Manadou n' a-t-il pu BUppX'ter d' eJ'a)UXir la réprobation
gênêrale soulevée p:lr ce mari~e. Mais n' avait-il pas épousé cette fille
prêcislmant po.lr s' o:R;X)ser à sa famille ? NJus disp:>sons de trop peu
d' êlénents J;OllX' cbrmer une rép:>nse.
cas 21.
• C'est la mère seule qui mus livrera quelques élénents de l'existence
de son fils.
La oo-ép:mse a acooud'lê de deux jumeaux à peu près au naœnt 011 elle
cbnnait naissance à Digbeu."Il était nerveux, ne s'entendait très bien
avec personœ, mais i l partageait sa chambre avec les jmeaux. Le grand
frère était le seul à p:>uvoir quelque d'lose oontre lui'!. Digbeu était
nerveux si on le provoquait. Autrelrent, i l était ca1lœ et intelligent.
A l'éoole officielle, Digbeu était toujours le pranier: c'est lui qui
travaillait le mieux de tous les enfants. Il jouait bien: les jurreaux
travaillaient bien, mais rroins bien que Digbeu. C'est le père qui
surveillait les devoirs des enfants. Digbeu était toujours plongé dans
les livres. Arrivés au C.E.P., les jtm'lea~, qui avaient échoué, app,reI'lD2!nt
un métier. Digbeu oontinue seul sa soolarité. Un oncle l'aidait p:>ur ses
devoirs . Il avait tout le 1:eJ:nI;:S des amis qui venaient le voir. Mais,
quanJ. i l a eu son brevet, i l a arrêté FOur travailler, en dépit du
mécontentenent de son Fère. Il avait été p:>ussé par ses amis. Il devient
a::mnis ,'; Trésor, fait sa préparation militaire, puis t:6mbe malade.
Dep..:is III ans, i l n' y a pratiquaœnt pas eu de rémission.
La maladie a ccmrencé i l y a si longtemps qu' i l ne reste plus du
sujet que ce schéna à demi effacé de ses relations initiales : les
jumeaux et l'école.

264
cas 22 •
• C'est le père de a:>laq,\\m hame três &:jé, qui oous répooo.
a:>lou a pris le n::m d'un ami du pêre. l i lui resserrble : ocmœ lui,
11 le fait pls de bruit, pas d'histoires. Bolou parlait bien, mais pas
beauooup. Avant 7 ans, 11 était toujours! la maison. A 7 ans, il va !
l'êoole officielle. l i joue bien, il travaille bien. l i a toujours donnê
satisfaction. DefW.S trois ans, 11 est awrenti Itécanicien. Il avait des
canarades avec qui 11 IX'uvait jouer et se pranener. i l était est.i.mê,
beaucoup de camarérles vienœnt le voir à l' hOpital. Il était tr~lle,
11 ne fraFPrit jamais, n'insultait pls, œ se battait pas, baissait les
yeux, respectait tous les plus grands que lui.
La nal adi e semble avoir €cl.até
brusquenent d'lez \\ID garçon bien intégré
tant dans sa classe d'âge que dans sa lignée.
Cas 23 •
• Le dialogue s'établira avec la nère de l<anJa, jeune énurétique,
soigné à BIN:iERVILLE à titre d' exterœ •
Les p:ireI1ts étaient opp::>sés à son mariage. ils ont d'abord eu deux
enfants hors mariage, p..lls Kan.;Ja. C'est ia grand~ rraternelle qui le
IX'rtait sur le ëbs. La Itère est restée dans sa famille jusqu'à la
naissance de l'enfant suivant. Elle a laissé Kanga chez' sa grand-nère
maternelle. "Kanga pisse au lit pratiquaœnt toutes les nuits depuis la
naissarce". Quand i l avait 2 ans et dani, Kan:Ja est venu habiter avec son
père et sa mère.
l i était maladie, c'était un enfant qui restait dans ron rom et
marqeait du sable. A 5 ans, i l est allé au jardin d'enfants. A 6 ans,

265
i l a cx:mrenœ à bien jouer avec les autres. Il va souvent voir sa grand"'1'llère
maternelle. I<an1a ne se bagarrait pas. les enfants passent leurs vacances
chez la soeur de la maman à Aboisso. Kanga est le seul de la famille à bien
travailler. "Tous les enfants pissent, mais PJls o:mœ Kanga. '!bus se rroquent,
et i l a oonte, pleure, se plaint, rouspête". Elle lui a dit qu'il ne p:mrra
pas se marier : "il ne bande pas; quand il veut pisser, ça se lève et il a
mal. au bas-ventre". Dans le quartier, tout le ITOOOe le sait et l' apI2lle
"pisseur au lit". '!but le ITOnde le gronde. Elle aurait voulu avoir des
filles, mais elle est contente de ses garçons.
Pour le mari, la faute revient à la rœre qui nt a pas su éduquer ses
enfants à la propreté.
Peut-être les diSp.1tes entre le père et la mère, cette vie dans un
univers nascu1in, en CXIl'p3.gnie d'une mère qui souhaitait des filles,
amèœnt-t-elles les garçons à cb:>isir une fonne de protestation culturelle
à l'égard de leur virilité.
Cas 24 .
• La mère, le père et la tante p3.ternelle de N'Dri réFODdront enSE'l'lble,
en se roupant la parole, se contredisant, et traçant en fin de rorrpte un
FOrtrait fort stéréotypé.
N' Dri est calrœ cœme son haronyrœ. De 4 à 7 ans, il fréquente le
jardin Cl' enfants. A 7 ans, i l est envoyé à l'école. Il travaille bien,
~
l,
nais à prrtir du C M 2, il retrouve tous les soirs son frère qui est
j
!
opérateur. Il échoœ au C.E.P. Renvoyé, i l devient apprenti-soudeur,
l
avant de décider d'apprendre le métier de son frère. Sa fanù.lle est
t
heureuse qu' i l travaille.
1j
.~
l
j
1
1
1

266
"~us ne rx:>us s:mœs pas fatigués à c:herdl.er la cause de l'édlec,
parce que, à l'êcx>le, c'est un cboix. l i n'y a pas d'autre ItDYel1, tous
les enfants vont à l ' êcx>le, elle est obligatoire, parce qœ l' êo:>le
dc>nre un mêtier". N'Dri fait son service militaire à KouéOO, p.rls gêre
durant trois ans un cin&na à Bassam, 00 il tarbe arroureux d'une jeune
fille J'Xlble.
"De retour à Abidjan, il s' entendait bien avec tout le nonde. l i
avait des amis de travail qui venaient le voir, mais il s' enfennait
surtout dans sa chaobre, lisait et écrivait. Lui et ses amis ne dansaient
Pls, nais allaient à des séances de chants religieux" •
• Le petit frère de N'Dri mus ptrle surtout de ses cxxrp:>rtements
étranges. "Il disait en riant qu'il avait des a::mversations avec Dieu;
on re p:>uvait pas le croire". N'Dri avait des amis d'enfance qui venaient
le voir à la maison et rortaiE~1.t avec lui. Il sait qu'ils buvaient du thé,
mais il n'a jamais PJ. asssiter à leurs oonversations.
N'Dri n'ainait piS la soeur de son père. i l disait qu'elle et sa
fille étaient des traites. En 1975, il s'est disp.lté avec sa tante
parce qu'il sifflait dans la mairon. La tante, qui ne l'ainait pas,
est venue lui dire que c'était i.nqx>li. Dep.ris, le frère n'a pas eu
d'arour p:>ur elles. Lui aimait tout le nome, à part sa tante et
sa oousiœ. Il était trop généreux. 9:>uvent aussi, i l ne l'était pas.
0Jarii ils étaient d' accx>rd un jour, ils ne l'étaient plus le
lerrlanain. Ils ne se disPùtaient sur rien en p:rrtieulier. Peut-être
voulait-il "dresser" ron petit frère.
Les portraits sont superf iciels. Les parents, et ootanment la tante,
agressés par N'Dri, ne tiennent pas à livrer qt.ni que ce soit de
personne. Le petit frère, tenu à distance en raison de SOn age, ne peut

267
mus être dl aucun secours dans la canpréhension du cas. Culturellenent tenu
à la discrétion face à son a1n6, il mus pemet de mieux saisir les rrodèles
culturels qui régissent aujourdlhui les rapports a1nês-cadets.
Peut-être 11 état dl infériorité que NIDri a dû ressentir lorsqul il
siest w refuser la main de la jeune fille mble &:mt il était anoureux
a-t-il cx>nsUtuê un facteur déclenchant.
cas 25 •
• C'est le père dlEl Hadji qui mus réIX'nd.
Le père et la mère ont divorcé avant le sevrage dl El Hadji. Le père
11 a repris au sevrage, mais 11 enfant allait voir sa mère toutes les deux
~s. El Hadj i a :reçu le n:::m du grand~re paternel. l i ressemble à
ron père et à ron grarrl-père. Us ont le nêre physique et le nêœ caractère.
ils ai.rœnt ~tre entourés tous les deux. A 11 éoole, l'enfant est toujours
dans les trois praniers, reis il échoue au C.E.P. Cœne il a honte, s:m père
le net dans un cours privé où il réussit. Il est félicité et re\\'Jit 2.CXX> F
CFA de récunpense. l i continue sa sixi~ et sa cinquièrre dans ce cours
privé, puis il apprenl qui il existe \\ID concours d'entrée à une· Erole
dl Infinniers. Son père lui demande d'atten:1re ena:>re \\ID {Eu. En quatriàœ,
il abandonne ses études p::>ur devanœr 11 app=l.
Il jcuait au football, allait au cinéma, avait deux amis, mais aimait
rester à la. maiSCll. Au mut de 4 rrois, toute sa prœotion militaire est
réfonnÉle. I l ccmœnce alors à travailler très durerrent son examen. I l
réussit, son père le félicite, mais, sans (bute p:>ur marquer &ID désaccord,
ne lui. fait aucun cadeau. ~ins d'un rrois plus tard, il part pour son école.
Au bout de 15 jours, il tanbe malade.
seul représentant de la lignée maternelle dans une concession qui
CCltpte 16 enfants, PeUt-être El Hadji a-t-il cru con::IUérir son autoncmie
par la voie des études qu'il avait choisies seul. I1ais la réprobation de
son père le rend pratiquaœnt "orphelin".

268
~.
Paraà:>xa1E1teIlt, c'est au niveau oü
mus pensions provoquer des
a::mnentaires et des réactions personœlles que rx:ms ne renoontrons que
PJ.re stêr6:>typ1e.
En fait, les questions p:>sées par rx:ms auraient tout aussi bien pu
l'être par un quelcoIqUe mercbre de l' €quipe
thérapeutique. lb1s agissions
en parfait représentant de l'institution psychiatrique ocx::identale :
nênes prklccupatiors, œœ fome d'investigation, rrêrœ recours à un
interprète, F.êne type d'explications ou d'excuses pour ootre intrusion.
C'est donc avec beaucoup d' hésitations, d' i.n:xxnprêœnsion et de réticenœs
que la famille consentait à mus répondre. ~bus affinnions soigner par la
p:u:ole; nous recevions de la p:u:ole en contre-prestation, mais une parole
fonnulée en un discours aussi œutre, aussi peu individualisé que p::>ssible.
ceperiiant, une évidence "sca.rrlaleuse" éclatait. Ibn seulaœnt
les guérisseurs,que l'on croyait igoorants
de l'univers traditionnel des
représentations, s'en trouvaient infonnés, nais encore ils acceptaient
toutes les thérapeutiques qui leur étaient liées. Et mn contents d'avoir
pénétré par effraction dans l'univers culturel Africain, ils se révélaient
détenteurs d'un univers oon seulement social, rais culturel. Ils n'étaient
plill> l'anti-culture, r:ais une autre cultllre. L'écx:>le elle-rêrœ n'avait
pas constitué uœ telle évidence.
Les mères illettrées, responsables de l'éducation de leurs enfants,
suspectaient bien l' éoole française d'être l' anti-culture, mais, p::>ussées
par la nécessité de se plier à des exigences oouvelles, elles obligeaient
leurs enfants à passer de lon;rues heures penchés sur des livres auxquels
elles en canprenaient rien. Peu irnFortait la signification des oonnaissances
acquises. Il s'agissait de oonquérir de nouveaux rroyens de subsistance afin
de perpétuer la famille. Le a:::mtact s' établissait par l' int.enYédiaire d'un
univers social, et oon d'un univers culturel.

269
Le médecin guérisseur ne se cx:mtente plus de garder ou de soigœr.
i l veut aussi guérir. te malade lui p::>se un problffie qu'il cherche à
résoudre, et c'est au pitient et à son entourage qu'il demande la solution.
Du IOOdecin, les Ivoiriens ne reçoivent plus dès lors une image figêe. Us
se t:J:ouvent ooligés de le voir jouer des rôles rouveaux, en facteur de
nodèles qui, J.XJUr œ pas être ceux de la culture Ivoirienne, n'en existent
pas lIOins. Habitués à la confrontation avec une administration rigide, ils
na s'effraient pas des questions émanant d'individus dont le statut masque
la qualité d'tame. Mais, avec les représentants de l'hôpital, l'entourage
se trouve dans l'obligation bien plus redoutable d'établir un dialogue avec
des êtres hœlains participant d'une autre culture et obéissant à des ronœs
qu'ils ign::>rent. or, ce dialogue est par définition une transgression, tant
à l'égard de l'ordre selon lequel lès relations doivent s'établir, qu'à
l'égard des forces invisibles, nais danJereusaœnt agissantes du ITDnde
des esprits.
le milieu urbain ronstitue une sorte de creuset où se côtoient les tenants
de diverses sociétés, de diverses cultures. Mais, au delà des spécificités
culturelles, les Africains Ivoiriens ooéis~t aux rcères impératifs.
Conscients du dém3"er qœ représente le oouleversaœnt du IIOnde traditionnel
des relations, ils tentent en dépit des différences de préserver la COIttonnité .
Dans le contact avec les occidentaux, i l ne s'agit plus d'une confron-
tation entre irrlividus ou groupes prévenus dès l'abord des nènes périls et
capables p:rr là nâte de se situer les uns face aux autres, de rraintenir
dans l'approche la distance nécessaire.
En dépit de l' IrrlépIDdance, la décolonisation des esprits n'est pas
e:noore entière:œnt acccmplie. Les occidentaux les plus désalinénés, les
plus acculturés, les plus imprégnés de l' idéolOCJie de la négrib.Ide ont
hérité des attitudes liées aux anciens raJ?rX>rts dorninants-daninés. Et,
panni les représentants de l'institution psychiatrique, cette attitude
est d'autant plus prégnante que, dans le cadre de la société occidentale,

270
11s se trouvent détenteurs d'un pouvoir ooercitif. Ils ont reçu pour mission
de protéger la EOCiété du danger d' éclatanent que oonstitue le fou.
iJétenteurs d'un p:mvoir à la fois syrrilolique et réel, 11s renoontrent, face
à eux, des interlocuteurs qui, à peine sortis de la situation d'o'!?ID,ressicn
ooloniale, encore Jmp~s de l'ancierme image du daninateur occidental,
ont accepté de devenir débiteurs de ceux qui ont pris en charge leur rarent.
Dans une société aussi stratifiée ~ la société Ivoirienne traditiormelle
ou oont.arpJraine, la dette oontractée entra1re des obligations à l'égard
du créditeur qui devient en quelque sorte le "ra.1tre" de son débiteur.
Arx:::ien maître oontesté durant la oolonisation, il devient le maître
difficilaœnt oontestable de l'entourage. !Bis le ma1tre traditionnel
oonna1t l'exacte nesure de ses rouvoirs; oon
errq:Jrise est limitée par de
ranbreuses autorités, les anciens, ·les rrenbres de la roblesse, les hcmœs
religiaIX, etc.. Dans la relation duelle qu= le soignant tente d'instaurer,
il n'est pas nêne freiné par le sen~t du d.arger inhérent à un dialogue
iIrlividualisé. Face au thérapeute occidental, les Ivoiriens mis dans
l'obligation d'accepter ce dialogue n'ont d'autre rea:>urs que les
résistances qui se manifestent par l'abus des stéréotypes. ce[€11dant,
nêne au travers de fonnules rigides, l'entourage du patient, en acceptant
de IX)U5 réPJrrlre, de situer le patient individuellaœnt dans ses rarrorts
à sa famille et aux différents groupes dans les~ls il est inséré,
s' irrl i vidualise lui;yêne. Et cette iIrlividualisation insécurisante que
les Ivoiriens essaient d'éviter par tous les noyens ~ une société où
elle s':i.npose avec: tant de force, transfonœnt irréversiblaœnt leur
paysage mental. Par ailleurs, l'occidental demande ron seulaœnt que l'on
restitue le sujet dans ses relations, mais égalanent qu'on relate les
évéraœnts qui lui paraissent marquants dans la vie du ratient selon leur
succession chrorologique. SC:mnés en quelç;ue rorte de psychologiser leurs
rapp.:>rts et d'utiliser de rouveaux cadres de références mnéIDniques, les
Ivoiriens ne réPJrrlent que malaisément. i~~ins, et souvent :our la
première fois, ils sont oonfrontés avec: des rrêcanienes de !'€!1sée
typiquement
occidentaux .

271
L'ass1m11ation de leurs rép:>nses aux oontre-prestations traditionnelles,
Iilénanène syncrétique qui traduit un malaise, et la nêcessité de lui t:rouw!r
ure solution, ne justifie que sut:erficiellsnent l'écart aux IIDdèles culturels
tra:litionnels. L'entourër.je du malade à::>it chercher d'autres justifications
a ces manqueœnts, et rien dans l'univers ancien ne s' y prête. C'est en
élaborant un:! idoo1ogie inêdi.te à travers ure série de rationalisations,
élaboration d'une IDso1ogie oolNel1e, reoonstruction de l':image de 1 'hOpital,
etc •• , qu' 11 rerrlra la situation supp:>rtab1e.
ce oontact que nous établissons oonstitue d'autre part, rous l'avons
déjà dit, une marque de la plus é1éœntaire des politesses. Une fois
détenninées les ooordonnées de sexe, d'âge, de caste et de religion, nous
sames censés oormaitre. les traits marquants du caractère du sujet. Il est
en effet évident que, bien éduqué, "l'individu ne doit pas être différent
des autres rœmbres de ses gJ:OUt:es d'appartenance. Réc1arrer qu'on le décrive,
c'est soit mettre en doute la validité de ses appartenances, soit oontester
la qualité de l'éducation qui lui a été prodiguée.
A ce niveau, l'enquêteur se heurte à des difficultés tangibles. D'ure
part, p.ti.sque la mère est responsable de ~'éducation de l'enfant, elle ,
ni aucun des nanbres de la famille ne se rrontrent prêts à fournir des
renseignanents qui risqueront de l' irrlividualiser dans son a:mp::>rt:aœnt •
ce serait pJUr la mère se rœttre en cause et pr~ter le flanc à lIDe opinion
qui rejette déjà sur elle la faute de la maladie de son fils. Pour les
autres p:rrents ce serait faire preuve de malveillance à' son égard et de
ce fait encourir le ri5q\\E d'avoir voulu lui p:>rter tort en attaquant san fils.
D'autre part, personne, sauf peut~tre la grand-mère, les pairs et, à un
noindre niveau, les frères aînés, occidentalisés, qui ont tenté de guider
leurs cadets, n'est capable de décrire le CXlrIlp.Jrtanent d'un enfant.
Une fois le sevrage terminé, l'enfant, sous le rontro1e de ses parents,
mais surtout des anciens, effectuera sa socialisation par l'intermédiaire
de sa classe d'âge.

273
TlJtoignant d' ~ grande anxiété, ils tentent de protêger leurs enfants
(reoours au narabout des œœs d'élèves). Ils suspectent volontiers les
camarades de travail d'avoir maral::x:>uté leur parent, mais ils ne se sentent
pas d1recterrent ooncernês par ce nnrrle rouveau. Si leur fils s'y adapte
difficilarent, s'il est persêcutê, ils se doivent de le protéger, mais
ils ne sont en allCllna manière res{X)nsables. Au contraire, si leur parent
se IlDntre insolent, peu soucieux de l'autorité de ses édnês, la faute ne
~t en revenir qu'à eUlC.
De ce fait, l'entourage du patient insistera sur les suϏs ou les
difficultés soolaires renc:ontrés par celui-ci. A ce niveau, tous sont
capables de rê{X)rrlre, tant affectivezœnt qu'inte1lectuellaœnt.
De la mê:ne façon, ils ne nnn~t aUClll'Va résistance à parler de
son milieu professionœl. Int€grê
dans le nonde du travail, l'enfant
rra relève {X)US d'eux. Alors qœ durant la scolarité, le père cxmtrôlait
ses oonnaissances , alors qœ la mère veillait à ce que son enfant exécute
les travaux danardés par l' instiblteur, les parents rra se sentent ni le
deuoir ni la capicité d'intervenir à ce niveau. En awrentissage, le jeuœ
est oonfié à un éducateur. Il serait cx:mtraire aux règles de {X)litesse de
chercher à savoir qœls sont les rap{x>rts entre le patron et sdn awrenti.
Les naris qui considèrent came contraire à leur dignité de parler
de l'enfance de leur femœ n' hésitent pas en revanche à la déFeindre sous
un
jalr
p:rrfois peu flatteur. Mais i l n'est p:lS certain qu'en œla nêœ
ils ne se confonœnt pas aux stéréotn:es culblrels. Les fames sont des
êtres capricieux, bruyants, bagarreurs, p:>urqooi la leur ferait-elle
exception à la règle ? Us ne l'ont pas élevée. Si elle n'est pas parfaite,
la faute en ina:rnbe à ses parents. Par ailleurs, œ serait-il pas dangereux
de tracer d'elle un portrait qui suscite la jalousie?
l
1
1
!
1
1
i
1

274
les femœs, si rares en milieu mbain, recherchées, objets de oonvoitise
et de crainte à la fois, ne tierment ~ à être inspectêes par leur entoura.:Je.
Elles dépeWront toujours leur mari sous un jour flatteur. Si elles
insistent tant sur les satisfactions sexuelles qu'elles retirent de leur
union, c'est certes parce que leur statut de fE!llll'e est en jeu (les
plaisanteris sexuelles a:>nt extr~t fréquentes entre fermes, et la
femne frigide est en butte au repris de l'ensemble de son groupe), mais
c'est égalaœnt parce que les agressions réelles ou supfOsêes de la part
des oonjointes prennent la forme d'une attaque oontre les qualités viriles.
Mais ce sont les grands frères qui sont le mieux à nêœ de dialoguer
avec le représentant de l'hOpital psydli.atrique. Ils ont, came leur cadet,
été soolarisés, ou à tout le noins ils ont suivi les oours de l' éoole, p.ri.s
suivi un apprentissage. ns c:x::nprenœnt mieux la signifiœ-tion des
différents groupes dans lesquels leur fl:ère a été intégré. ns l'ont parfois
aidé à surrconter ses difficultés. Dans tous les œ.s, ils ont été tÉlTOins.
Culturellarent oon responsables de l'éducation de leur parent, ils peuvent
sans crainte parler de ses défauts. Par ailleurs, ils sont, en raison de
leur degré plus élevé d'occidentalisation, .plus œ-pables de suPfOrter la
relation duelle qu'ils ne ressentent pas cx::mre aussi dangereuse. Ils
CXIIIprennent plus aisément les nécanisrres de la };Ensée cx:x:identale.
Ceperrlant, ils ne peuvent donner que };Eu d'élérœnts quant au a:ll1fXJrtarent
de leur frère dans le cadre de la famille. Tenus aux :mêmes attitudes de
respect que celui-ci, ils n'ont généralaœnt pas observé' de très près
ce qui se passait chez eux, de crainte de passer p::>ur indiscrets, curieux
et insolents. De plus, s'ils attad1ent une grande imp::>rtanoe à leurs
origines ancestrales, ils tentent de s'affranchir de la tutelle d'une
famille vivante, envers laquelle ils sont tenus à des devoirs d'assistance
qu'ils œ };Euvent, ni ne veulent cx:rnplètarent assurrer. Ils insistent donc
davantage sur les relations de leur frère à sa classe d'âge, aux divers
groupes horizontaux auxquels il a appartenu que sur ses raPfOrts à la famille.

275
Or ces relations horizontales sont d'une e.xtrt!rœ iItp:>rtance dans le
déroulerœnt de la vie du sujet. les père et Irêre avaient quelquefois
laissé entendre qu'elles laissaient à désirer, mais sans insister,
pnsqu' 11 leur revient d'éduquer l'enfant de telle maniêre que son
inté3ration à son groupe de pairs s'effectue sans heurt. Mais les frêres
fournissent des êlêtents qui, au niveau de la clinique, sont plus riches
en enseigrsnent, et qui donnent la nesure de leur degré d'acculturation.
N:>us appren::ms quels sont les nodèles culturels idéaux et les nodèles
de c:xirnp::>rtaœnt du groupe des jeunes. les jeunes sanctionnent impitoyableœnt
par la IIr:XIUerie ou le rejet tout refus de participer aux associations, aux
q:oupements. Ils vivent c:x::mœ \\IDa véritable trahison les relations d'lU1
inliv1du de leur classe d'âge avec ~ individus plus jeunes ou plus âgés,
ainsi que les rag:orts trop exclusifs de deux amis.
1
1
L'investigation à ce niveau à:>nne des résultats différents, :oon pas
tant en fonction de la p:>sition que le sujet occupe dans la lignée qu'en
fonction du degré d'acculturation de l'interlocuteur. certes, et en dépit
\\
de la stéréotypie, :oous s::mœs en nesœ:e de percevoir que les rapfX>rts de
l'iIrlividu au groupe se sont nodifiés. Mais la distance à ~urir entre
la transfonnation d'un état de fait et la reoonnaissanœ de œtte transfor-
\\
mation est grarrle. fOur que les Ivoiriens .soient en masure de repenser
leurs statuts sans que la société n'en rreure, i l est néœssaire qu'ils
aient à leur diSfOSition d'autres cadres de référenœ.
1
Dans la plupart des cas, les femœs de la génération des grands-mères
1
et rrêne œlles de la génération des mères, œ peuvent se référer qu'aux
!
m:oœs traditionnelles. C'est sur la persistance et :oon sur le d1angerœnt
qu'elles insisteront.
les pères, plus favorisés, peuvent, par la médiation de leur religion,
sin:>n adrrettre, du noins supp:>rter l'ordre :oouveau.
1
1
1
\\

276
Mais seuls les jeunes se trouvent vêritablaœnt en nesure
d'awréherrler et de participer aux changerœnts sociaux et culturels
et aux m::x:lifications de statut qui les aca:rcpagnent. Il n'en da:œure
pas noins que, nêne pour eux, le passage ne s'effectue pas sans heurs.
Les quelques élétents étiologiques que nous avons Pù isoler
se.rcbl.ent bien révéler; en effet que les jeunes éprouvent des difficultés
parfois graves, et liées à la fois à la déstructuration familiale et
aux exigences oontradictoires de la oonfonnité et de l'individualité.
l i est évident qu'il ne s'agit ici que d' hypothèses.
Probablaœnt, les élércents que mus avons relevés ont-ils joué
un rOle Panni les facteurs déclenchants de la maladie.
Peut-être ont-ils aussi dormé aux troubles une ooloration
Particuli-re.
Ma.is i l n'est pas de notre prop:>s de rvus substituer aux psychiatres.
En tant que futur psycmlogue, mus avons voulu sirrple.rrent noter
que les jeunes eux-nênes, en dépit de leurs possibilités d'accès aux
nodèles culturels occidentaux, supfX)rtent parfois difficilerrent de
fraochir la distance entre tradition et nodernité.
statuts et rôles se sont m:xtifiés progressivaœnt en fonction
des transformations de la société globale. Bien que refusant souvent
de le reconnaître, les Ivoiriens ont vu le sujet prendre une place
nouvelle par rapp:>rt à ses groupes d'origine.
Si le oontact avec l'institution psychiatrique peut aujourd'hui
prerme la forne d'un dialogue, hésitant certes, rrais réel, si le
malade peut être confié à des mains ronplèteIœnt étra.TBères, c'est
que le rapp::>rt individu et société s'est m:xlifié.

277
Nous chercherms maintenant a détenrdner à la faveur de quelle
situat:lon, de q.lels facteurs internes, les facteurs externes ont pu
provoquer ce changerœnt de la place du sujet dans la situatiŒl sociale
et familiale.
ce sera l'objet du chapitre suivant.
1
1ii1
1
1
1
1

:na
SUJEl' El' SOCIETE.
a) Dans la société traditionnelle.
Par la socialisation, l'enfant awrem très tôt à évoluer
selon deux d.1Iœnsions : verticalité et lnrizontalité.
c'est jusqu'au sevrage, vers 18 nois-2 ans, par le contact pennanent
avec sa rœre, qui le p:>rt.e dans le dos, le oourrit lorsqu'il en manifeste
le désir, et le place entre ses j arobes pour lui enseigner la propreté,
qu' il requiert les structures nentales qui le rendront pennéàbles aux
rotions de continuité: continuité du clan, de la lignée, penranence
des grarrls ancêtres, etc .. Après le sevrage, à la relation constate
à la mère se substitue le contact corps à corps'avec les autres rœrrbres
de la famille, et rotamœnt les frères et soeurs. Jeux de va-et-vient
corporels, ordres, présentés d'abord sur \\ID rrode ludique "apporte cet
objet, reprerrls-le, etc .. ", en introduisant progressivarent la
discontinuité au sein nêœ de la continuité des relations, préparent
le terrain à l'éducation de la sotmûssion, de la reconnaissance, de
la distance qui sépare l'enfant de ses a.!nés. A 5 ans, il- est en
ITesure de normer les rœnbres de son entourage, de se situer face à
ses parents. Il apprend alors, par les soins de la mère, et épisodi-
querœnt, du père, mais égalaœnt par l'entremise de tous les aînés
qui exercent le contrôle social, à respecter les nomes de politesse,
à réfreiner ses a:PPétits, ete .. C'est le rraœnt égalerœnt où l'ensemble
du groupe le pousse à répéter avec ses p:rirs, sur le rrode de la
confrontation, les jeux qu'il partageait avec ses frères. Encouragé à
la bagarre, il acquiert une autorornie plus grarrle dans le cadre de
sa classe d'âge. La grand-mère, qui n'est pas tenue d'apprendre aux
enfants à respecter la distance aux aînés, développe leur intelligence
par des contes, des devinettes, des proverbes.

, 279
DJrant ces trois premiêres étapes de la vie, garçons et filles
sont astreints a\\DC nêœs règles.
L'apprentissage de la différenciation vient ensuite, lorsque
le garçon et la fille, tenus pour responsables de la plupart de
leurs actes, apprennent en c:x::llIplgnie des parents de leur sexe,
à rêpêter les gestes du travail. Le fils acc:x:xrpagne a\\DC chcmps
son père ou son ooncle. Dans la ooncession, la fille aide ses
parentes à vaquer aux occupations darestiques.
L'apprentissage de la hiérarchie et de la division du travail
devient don:: effectif.
En rrêœ tenps, l' intégra1i:.ion à la classe d'age s'institutionnalise.
Mis en garde les uns oontre les autres par les parents, garçons et
filles s'organisent en groupes. Al' intérieur de chaque groupe,
l'écart d' â;Je ne doit pas être de plus de trois ans. Les classes
d'âge des garçons et des filles élisent un chef. L' awrentissage
de la solidarité et celui de la différenciation sexuelle vont de pair.
Chaque année, les filles choisissent dans la classe masculine qui
.
oorresporrl à leur classe d'âge un ami, qu'elles se devront de servir
et à qui elles é3IPJrteront de l'eau et de la rourribrre lorsqu'il
serd aux chanps.
Garçons et filles sont alors autorisés, sous le contrôle
bienveillant des anciens, à s'exercer le soit, à la veillée,
aux jeux de la séduction. Le garçon, acccmpagné de ses amis,
vient faire à la petite fille une cour pressante, à laquelle
celle-ci réFcrrl en se oonp:::>rtant avec la soumission requise
d'une fiancée, éooutant, baissant les yeux, s'agenouillant en
offrant de l'eau à son jeune arroureux.

280
Puis, le jeu des rOles étant bien ass1milé, arrive l'étape de
la circxmcision, qui introduira le jeune lxmœ dans le monde des
adultes. M:>rt et renaissance, la cirooncision est le plus iIrp:>rtant
des rites de passage chez les Dioula. SOutenus par leur groupe
fanilial, les garçons, vêtus en filles, buvant de l'alexx>l, dansant,
et recevant les lx:mnages de leur entourage, procéderont durant la
semaine qui précMe la cirooncision, à un véritable renverserrent des
valeurs. Puis, en oarpagnie de tous les narbres de la classe d'age,
ils subiront sans broncher l'opération qui fera d'eux des hames
à part entière.
Après avoir fait ainsi preuve de leur oourage, les garçons
resteront quarante jours à l'écart du village, recevant par
l'int.enn1§diaire du jeune lame circoncis de la génération précédente
tme véritable éducation par la souffrance. Panserœnts quotidiens,
marches forcées, châtilœnts corporels, ingestion d' ali.rœnts répugnants,
constituent autant d'épreuves d'endurance, que les circoncis sont
tenus de sutlX>rter sans faiblir. Le soir venu, le plus jeune raœt
les deux bâtons "linje" qui leur donnent le p::>uvoir.
Alors o::mœnce l'éducation intellectuelle. Olants, laI'XJage
indirect, allusions, manipulation des "linjeIl sont les instrurœnts
de cette initiation à la sagesse et à la rormaissance des grarx1s
symboles de la vie et de la mort.
A leur sortir du lieu de ret""aite, les garçons, durant
quelques semaines, bénéficient de tous les droits: pillage,
cuissage, etc.. Puis, célibataires, rrais déjà horrJœs, ils reprennent
une vie où plus rien œ peut leur être pardonné.

281
..,
le tatouage des lèvres des filles indique qu'elles sont censées
aller a l ' encontre de leur famille : c'est l'unique fois de leur vie
cù elles peuvent faire rrontre d'insubordination.
Al' aube du jour cl'x>isi par le chef de leur classe d' age, elles
quittent subreptioerrent la corx::ession pour rejoirrlre leurs camarades
chez la femœ du forgeron. Ccmne les garçons, c'est en silence
qu'elles subissent l'épreuve longue et douloureuse du tatouage.
Al' inverse des garçons, c'est à la fin de l'épreuve qu'elles
reçoivent félicitations et cadeaux de leur entourage.
Cette céraronie narque la fin de la puberté.
les filles sont alors prêtes pour le mariage.
L'apprentissage à proprerrent pë:lI'ler est tenniné.
Mais garçons et filles ont, tx>ur acquérir le statut de chef qui
les situera au samet de la hiérarchie sociale, plusieurs étapes
en:x:Jre à franchir.
Il leur faut d' abJrd conclure, en se mariant, l'alliance avec \\IDe
rnuvelle lignée. Puis, la je~ femœ doit assurœr son rOle de génitriee
et traverser, avec oourage, sans se plaindre, ni crier, les épreuves
de 1· accoucheIœnt.
C'est déjà âgé que son mari, à la rrort du chef de la coœession,
1
devierrlra à son tour responsable de l'ensemble des rrerrbres de la
1
1
concession, détenteur de l'autorité du groupe familial.
1
Enfin, après avoir tous deux participé à la continuation de la
1
!
lignée, ils se retrouveront au seuil de la vieillesse, dans leur
i
statut sexuellerœnt indifférencié de "sage".
1
1
1
1
1
1
1
j
1

282
A travers les soins de la mère et la socialisation par les parents,
par les pairs, par les rites de passage, les Ivoiriens acquièrent
les nécanisrres rrentaux et intellectuels, le respect de la hiérarchie
et de la solidarité, qui leur penrettront de s' édapter aux tieux
des rOles et des statu+-s qu'ils détiennent dans la société traditiormelle.
Si l'on suit la définition de r.:IN)N (68), le rOle est le chatnon
entre la société, la culture et les irrlividus •
C'est en fooction de sa perception des nodèles culturels idéaux
qtE l'irrlividu jouera ses rôles en se référant aux nodèles de
carpJrterœnt.
I.e nodèle culturel idéal lui"'1têrœ est en relation avec le consensus
d'opinion, c:x::IlIœ le nodèle de <:X::IIFOrt:enent avec le consensus de
cnrp)rterrent. Le statut devient alors "la place dans un systàœ
particulier qu'un certain i.rrlividu occupe à un norœnt particulier"
et le rOle, "la sornœ totale des nodèles culturels associés à un
statut particulier". Le systèrre particulier peut être le système
fX)litique, professiormel, religieux, etc ..
C'est par le biais de ces statuts et de ces rOles, par
l' inté:Jration des nodèles culturels qui penœttent de s' y conformer,
que l' irrlividu devient capable d' assUIœr sa place dans la société
globale. Bien que certaines qualités thérapeutiqœs, certaines fomes
de courage, lui pe:rrrettent d'acquérir une fX)si tion spécifique dans la
structure sociale, l' iIrlividu se trouve en quelque sorte "périphérique"
par rapport à elle dans la société traditionnelle. Il est lié à
l'ensenble par l' interrrédiaire de ses gro"pes d'appartenance :
sexe, classe d'age, lignée, etc ..
1.68) LINIDN (R) : Cultural backgroun of peroonality, 1945.

283
b) I8ns la société islamicp.:.
Avec l'instauration de l'Islam, les anciens nodes de socialisation
persistent. Mais, à partir de l'âge de 5 ans, les garçons sont oonfiés
au marabout qui, frêquemœnt, n'appartient pas au village.
L'autornnie par rafP'rt à la lignée naternelle que oonfère la
religion musulmane est enoore accrue par le fait que l'enfant se
tJ:oure éloigné de sa ITère. Il fait l'apprentissage, à travers une
relation de ma!tre à élève, d'une relation plus in:iividualisée.
Ce œ sont plus les parents, ou les aociens du village, qui exercent
en premier ressort le oontrOle social, mais un h::mœ qui a oonquis
par ses propres nérites un statut de prestige.
certes, les anciens liens de solidarité de la classe d'age
oontinuent à jouer. ~s élèves s'unissent ponr oontrer l' autorité
parfois abusive de leur €rlucateur.
Mais, unis perdant plusieurs aImées
par la nécessité d'acquérir ure nêœ oonnais~e, les enfants
pénètrent dans un univers rorrpétitif. Ce n'est plus la division du
travail qui priIœ et, à l'égard des aociens, la conplicité des pairs,
nais le degré plus ou noins élevé de oonnaissance auquel, à la fin
de ses éttrles, chacun des rrenbres du ~ a accédé.
1. la oonfonnité, c:x:mren:::e à se juxtaposer la singularité.
Par ailleurs, avec l'Islam, l 'héritage n'irrplique plus la
propriété iIrlivise. Si la maison d.areure propriété indivise, les
autres biens sont répartis en fonction du raD3" occupé dans la
lignée paterœlle, par garçons et filles. La solidité du patrinoine
1
est ébranlée. La famille souche, qui se caractérise par la présence
de plusieurs générations, mais d'un seul ooupe par génération, tem.
à remplacer la famille iIrlivise.
1
1
1
1
1
1
1

284
La oontinuité du groupe est préservée, mais les positions de
chacun des irrlividus devierment des positions uniques. Alors que
dans la famille irrlivise, les tensions qui peuvent se dévelower
sont ~ées par la nn..ù.tipIicité des statuts et des rOles,
dans la famille souche, les oonflits sont nn..ù.tiples. Le groupe
n'est plus assez éterrlu pour neutraliser les oonflits d' auterité
entre grarrls-parents et parents quant à l'êduœt1on des enfants,
les oonflits d'ordre éooranique entre le grarrl-père possesseur
du pa.trinoine et le père qui assure l'essentiel du travail,
les oonflits entre la grarrl-roère qui estirœ qu'elle doit gérer
la maison et sa belle-fille, etc ..
Le systèrœ social englobant la famille doit donc iIrposer des
rrodèles culturels extr~nt solides et oohérents de discipline,
de respect de l' auterité, de respect des anciens et de l'âge, pour
que les tensions oon OOIrlf:eI1Sées au sein de la fami.lit~e soient
a::mpensées par les règles strictes de la société.
Avec l'Islam, la p::>sition du sujet dans la structure sociale
est donc ébranlée. La p:>ssibilité de prarotion sociale que lui
oonfère la relition musulmane, l' apparition de la famille souche,
sans le placer au centre de la structure sociale, lui :oonfèrent
une position qui n'est déjà plus "périphérique".
C'est par la médiatisation de l'Islam que la société Ivoirienne
nnlsulmane a pu supfOrter le contact entre la société tradi tiormelle,
où la loi des ancêtres se traduit par un nombre restreint de
statuts distribués par la naissance, et interdit, sauf exception,
le passage d'un statut à l'autre, en IŒlintenant le jeu des l'OIes
à l'intérieur de limites stricterœnt définies, et la société
occidentale, avec sa garrrœ de statuts diversifiés et son éventail
des rôles p::>ssibles p::>ur un seul et rrêrne statut.

285
Mais en fait, le cx:>ntact a ~alerœnt été facilité par le fait
que la société occidentale n' afPaIaissait qu'à travers une structure
administrative, sanitaire, cléricale, etc •• , c'est-à-dire ses statuts
les plus cx:>ntraignants certes, nais en rrêIœ terrps les noins inquiétants
en raison nêrœ de leur rigidité.
En un tenps relativerœnt bref, les nusulmans ont da passer de la
oonfonnité oorollaire de l'organisation à la fois verticale et
oorizontale de leur société, à la compêtition liée à l' êooranie
d'échange et à la rareté des fermes. or, l'éducation de la oonfonni.té
est donnée par les femres qui, noins islamisées, plus défavorisées
que les hcmœs par les transfonrations en cours, sont noins ouvertes
au c:harx}aœnt.
Cament l'Africain socialisé sur un IIDde trad!tionnel, intégré
dans une fél'l\\.ille souche, ptrt1cipant à un systàre de ex:trpétition
êooranique, s'y prerrl-il };X>ur résoudre les prablèrres qui se };X>sent
à lui, par la force des choses, dans la société cx:>nt.arpJraine ?
C'est ce que mus allons voir maintenant.

286
c) tans la socHité cx:mtenporaine.
L' acculturation entralne le renversement dans les rapports de
l'iIrlividu à son statut. Dans la société traditionnelle, occuper un
statut revient obligatoirerœnt à ne pas se distirxJuer des autres.
Dans la société oouvelle, attei.rrlre un statut inplique en princi~
la prise en charge individuelle de son avenir, c'est-à-dire la
diffêreœiation et la cx:npétition.
Or, ce qui frappe dans les statuts tels qu'ils sont vécus par
les Ivoiriens d'aujourd'hui, c'est qu'ils œ relèvent ni des
FOsitions traditionnelles, ni. des positions occidentales actuelles.
Ils sont syncrétiques (69).
C'est ainsi que les innanbrables associations de jetmes à
Abidjan serrblent avoir une double fonction :
- assurer le retour à l'ordre sécurisant de la classe d'âge,
forrlé sur l'horizontalité et l'égalité;
- dormer la possibilité de jouer une ccrnédi.e des statuts de type
administratif et occidental à fonœ hiérarchisée.
Les associations masculines et féni.ni.nes sont couplées, a:rrrœ
les arx::iens de classe d'age. Les rrembres de l' ass:>ciation se font
confectiormer un unifonœ, mais le tergal ranplace le pagne.
Chacun doit assurœr un rOle choisi dans la longue série des
stamts i.naginaires ("trésorier", "vie-trésorier", "secrétaire
du cxnmi.ssaire aux cx::rrptes", "adjoint du président chargé des
relations avec l'extérieur", etc .. ).
~9) COLI.CMB (H.), S'IORPER (D.), ZEMPLENI (A.) : Quelques ronsidérations
sur le rôle, le statut et les relations interPersonnelles en Afrique tbire .
.CCmnunication au Corr:rrès des Psycho-Sociologues Africarùstes, Chicago, 1965.

287
Cet aspect syncrêtique et ce dês1r de sécurité se retrouvent
dans le français Abidjanais, truffê d'expressions administratives
"Quel est votre èbmiclle fixe ?", "Je suis natif de", "Vis applau:ii.sserœnts
à gauche", "Pour res fêlici tations", etc ••
Ces phêrnnènes linguistiques sont synptanatiques du node de
oœm.m1cation êtabli avec le colonisateur et du besoin de recréer,
par ~ langue rigide, l 'ordre ~alaœnt rigide, mais rassurant, de
la sociêtê traditionnelle, tout en intégrant les nouveaux statuts.
Le processus est identique au niveau d'un autre systàTe sén:iolCXJique
le vêt:arent. M::>dernisrœ poussê il son paroxysrœ (lunettes de soleil,
"déification" du tergal, perruques des jeunes filles, et, à l'ép)que,
super-mini-jupes .• ) et tendance à recréer l' unifonnité ancienne
(wùfonœ des associations, robes identiques des amies en sont des
exenples) •
Pour intéressantes qu'elles soient, ces tentatives n'en traduisent
pas noins un proforrl nalaise.
ce malaise est en relation avec les contradictions nées de
l'irrlustrialisation et de l'urbanisation. I.e patrinoine a le plus
souvent disparu. La famille est donc nenacée d'éclataœnt, puisque
chacun devrait aller gagner sa vie quelque part et que, de ce fait,
il n'y aurait plus de raisons pour que les gens restent ensanble
uniquerrent p.:>ur consamer.
Les anciens ne sont généralaœnt ni en rœsure de pourvoir aux
besoins de la famille, ni à leurs propres besoins. La prise en
charge revient aux jeunes, qui n'en obtiennent pas pour autant une
autorité incontestée : ils sont tenus d' assurœr, sans contre-partie,

288
des devoirs oouveaux, et mis dans l'obligation de sc situer selon
diverses positions oontradictoires. Le rOle qu'on leur demarrle de
jouer dans la famille n'est pas cx>nfome au statut trad1tionnel
que leur ~re les avait préparés à occuper. La place qui leur
revient dans une société pluri-structurée leur serbIe enoore très
floue. Le oonsensus d'opinion autour du m:xlèle culturel idéal ne
s'établit plus, puisque lames et femœs, jeunes et anciens,
participent à des univers sociaux d'où €minent
des và.l.eurs
différentes. Les anciens, ootarrrœnt, se trouvent dans l'obligation
d'élaborer des idéologies oouvelles pour trouver une justification
au renverserœnt des rOles et pour tenter de maintenir intactes leurs
positions. Le consensus de cxxrporterrent, autour des m:xlèles de
cœp:>rt:aœnt œ peut plus exister, p.risque les jeunes se doivent
d'être à la fois soumis et autoraœs, conforrres et sin:Juliers,
solidaires et arrivistes •••
L'acculturation a donc entraîné la m:xlification de la place
du su;et dans la structure sociale.
ceperrlant, nul n'est eJ1CX.)re en rresure de définir avec clarté
cette place. Le danger de cette définition apparaît d'ailleurs
évident. Pour les hcmœs agés, reconnaître l'irrlividualisation
conmtée par l'intégration au systèrre écol1Ql1ique occidental,
c'est ~urir le risque de voir s'efforrlrer leurs prérogatives.
Pour les femœs, c'est accepter, sans possibilités de contestation,
un rouveau statut qui les net à la nerci de la lignée paternelle
de leur nari, et plus généralerrent de l'autorité des harrnes.
Pour les jeunes, c'est vivre dans la crainte perpétuelle du
dan:Jer d'agression que COnIDte l'individualisation.

289
les difficultés de dialogue que mus avons renoontrêes
s'enracinent c:bn: dans le nouverœnt d' acculturation de la
société globale.
n est d'autant plus 1nportant de se référer aux m:xièles
culturels idéaux que ceux-ci ne reoouvrent plus une réalité
sociale effective.
C'est parce que ses parents l'ont bien élevé, que le jeWle
se devra de nontrer sa reoormaissance et de les prerdre en charge.
C'est parce que la famille est suffisamœnt unie :fX)ur protéger
ses membres oontre tous risques d'agression, que les enfants
et les jeunes pelNent affronter sans heurt le nome de l' écx:>le,
du travail urbain, c'est-à-dire de la c::orrpétition.
La famille sans patrinoi.ne se doit de justifier sa oohabitation,
rerrlue nécessaire par les difficultés écx:>n:miques. Cette justification
ne peut être trouvée que dans l'univers désonrais stéréotypé des
m::rlèles culturels idéaux.
"Q-lelqu'un de la famille, on le suit jusqu'au bout".
L'usage des stéréotypes, des rationalisations, l'élaboration
d'idéologies oouvelles, n'ont donc pas :fX)ur seule fonction de masquer
la réalité du regard de l'investigateur étraD:Jer et daninateur.
Ils ont égalarent :fX)ur fonction de voiler aux divers groupes une
évideœe insoutenable : celle du déplacaœnt du sujet par raPfOrt
à la structure sociale et à la structure familiale.

290
L'hospitalisation du nalade en rrilieu psychiatrique occidental
aworte un téroignage tangible de l' inefficacité de l' an::ienne
orgardsa.tion familiale. Mais il est PE'ssible de rationaliser cette
muvelle nodalité de prise en charge. Il est beauooup plus malaisé
de reconna1tre que cette priBe en charge est la oons€!quence
de la
nodification du statut du sujet sain. Les idéologie justificatives
elles"'1Têœs se construisent difficilaœnt. C'est parad:>xalaœnt à
partir de la manip..ùation de rrcdiHes culturels aujourd' hui. dép::>urvus
de sens qu'elles s'élaborent.
L'échec des tentatives d'auton:mie des jeunes nalades
hospita1isés, les psychoses puerpérales des fermes, rréconnues
dans leur statut de procréatrices irrlividuelles, le va-et-Vient
sans issue de la lignée rraternelle à la lignée paternelle, de
la confonnité à l' irrlividualité, qui mus ont sanblé être des
élarents inp:>rtants d'une étiologie des troubles rrentaux chez
les Ivoiriens, sont en fait le reflet défonné de l'élaboration
réussie des statuts syncrétiques au sein de la jeune société
Ivoirienne.

291
CHAPITRE
I V .

292
DE L' E'l'tIDPSYOiIATRIE A rA PSYOiIATRIE SO:IALE
( "7a
Ccmre le titre l'indique, il s ' agit d' \\ID itinéraire :
la découverte de la psychiatrie sociale par l'expérience de
l'ethnopsychiatrie.
1. INIroDtrrION.
Qùelques définitions préliminaires sont nécessaires.
(1) Le terne Ethnopsychiatrie a au rroins deux
significations :
la pranière p:>rte trace de l' iropérialisrre scientifique
occidental qui p:>se l'existence des naladies mentales définies
et classées selon des critères occidentaux. Le p:>int ccmnun des
IIDdèles utilisés, p:>ur la carpréhension et la naitrise du trouble
xœntal, et leur a ~ e à la culture occidentale qui leur
confère une valeur scientifique se voulant universelle.
En utilisant ces IIDdèles, variables selon les écoles ou
les teI"rlaœes persormelles, il est toujours p:>ssible de repérer,
dans d'autres cultures, des figures ou fonnes pathoJ_ogiques
sanblables à celles des cultures occidentales. Le même instrurœnt
étant utilisé FOur l'étude de ce qui est supp:>sé être identique,
des canp:iraisons sont p:>ssibles.
c'est une première façon de faire de l'ethnopsychiatrie.
Il peut être en effet irrportant de constater la fréquence ou la
.
rareté, voire les différences sénéiologiques, des diverses maladies
en fonction des groupes ethniques.
( 7d cf .Pr H. CDL1.Df'.1B : Centre Hospitalier et Universitaire de Nice;
autrefois à l'Hôpital psychiatrique FANN de Dakar, Sénégal.
car.Psyrhiatry, vo1.24, 1979.

293
En fait, 11 s'agit d'êpidêniolog1e oanparêe, dont la validité
rep:>se sur des présupposés discutables :
. 1 'harcgênéité du trouble nental, caractéristique de 1 'h::mne
irxlêpemant de sa culture;
• la p::>ssibilité d'une ooservation transculturelle, l'observation
La daucièIœ signification p::>se la maladie IœI1ta1e davantage
oc:mœ fait culturel que came fait anthropologique. Dans cette
perspective, chaque grc:upe hUITain p::>rteur d'une culture spécifique
(définition approximative de l'ethnie) a une psychiatrie spécifique:
CDncepts ou représentations des maladies IœI1ta1es, procédures ou
mêtb:xies p::>ur la réduction du trouble, attitudes et canp:>rt.aœnts
à l'égard du nalade.
Pour résuner, on peut dire que chaque groupe etlmique a sa
propre maniêre de "produire et de consc:mœr les malades IœI1taux".
D'autres tenni.nologies ont été utilisées. Elles définissent,
par owosition à une psychiatrie scientifique, cbjet de la recherche
médicale, une psychiatrie folklorique, une psychiatrie populaire
traditionnelle, une psychiatrie des guérisseurs, une psychiatrie
sauvage. Malgré les recherches des ethnologues, des anthropologues,
des psychiatres (cf. C.A. SEGUIN, 1976), le statut scientifique, la
validité, l'efficacité de ces "psychiatries parallèles" ne sont pas
reconnus. les expressions "croyance", "superstition", "magie",
"sorcellerie", qui les qualifient, indiquent bien la piètre estirœ
accordée aux ccnceptions et aux activités des guérisseurs.
L'intérêt IX>uveau des organisres internationaux pour la
médecine traditionnelle africaine en particulier (0 M S, D U A,
CAM E S)
(71) est appuyé par le désir des IX>pulations de retrouver
une identité culturelle qui s'effrite. La situation actuelle est
très ambiguë, ainsi qu'en térroigne l'étude récente de Ph. SINGER (1976).
(JI)
Organisation lbndiale de la Santé. - Organisation de l'Unité
Africaine. - Conférence Africaine et Malgache IX>ur l'Enseignanent
Supérieur.

294
(2) te concept de Psychiatrie Sociale pa.ra1t plus sinple
A preciser. cepemant, le CCI'ltenu des revues spêcialisêes, le
prograrrrœ des congrès intemat1oname, m::mtrent la cliversit! des
oonoepts et des pratiques que recxmvre l'expression Psychiatrie
Sociale.
Dans un souci de s1nplification, et pour préciser ce que JX>US .
entendons par Psychiatrie Sociale, nous distinguerons deux niveaux
de signification.
le premier canœrne essentiellement les activités pratiques.
C'est la mise en awlication de rœsures, dont l'objectif est
1 'hurranisation de l'assistance psychiatrique et son extension à
l'enserrble des ~tions : transfonration des institutions
de soins dans le sens d'un plus grand confort, d'une IIDiJrlre
oontraintei diversification des lieux de soins pour éviter la
séparation et l' isolaœnt, faciliter la camn.micationi réadap-
tation et réinsertion des malades améliorés ou guéris dans le
milieu familial et les circuits socio-éconcmiques i actions
préventives ooncernant l' ensent>1e de la population ou certaines
caté<pries plus ~sées (migrants, adolescents, certaines
~fessions.•. ).
Le deuxième est d'ordre théorique et situe la maladie mentale
dans le rapport individu-société. le rcodèle utilisé s'écarte des
deux autres m:dèles plus classiques, Cl est-à-dire du nodèle
nédical centré sur la notion de maladie et le nodèle psycho-
logique centré sur la notion de personne.
Le nodèle "s:>ciologigue" introduit au centre des débats le
champ social dans lequel se développe et vit l'indiividu. C!est de
II affrontanent i.ndividu-société que naît la maladie mentale.
ChaClD1 des nodèles, utilisé Pl'us ou noins oonsciament par les
psychiatres, les soignants en général, la famille, la s:>ciété, les

\\ ..
295
Pouvoirs Publics, dêteIm1ne des attitudes, dicte des OCItpOrt.EJnents
cu des actes t:hêrapeutiques, o%d:mne les institutions - hOpitaux,
asfies.. -, BtI:ucture des fonnes d'assistance.
Il n'est donc pas irdiffêrent pour le malade de se référer
à tel ou tel m::dêle.
La rx>t1on de maladie mentale a deux conséquences contenues
dans l'expression l'lêœ qui a rarplacê le tenœ folie : un effet
de rœdicalisation et un effet de négation de l'1.rx11.vidu.
La psychiatrie a hérité de la mêdecine la pensée linéaire,
causale, qui aboutit au schêra bien COIU'lU : étiologie, physio-
pathologie, synpt:eues, JŒIladj e, thérapeutique.
~ cx:rrp:>rtement et le discours du JŒI]ade sont synpt&es,
c'est-à-dire signifiants, par référence à un cadre abstrait, le
m::dèle rx>&>graphique sur lequel ils sont projetés. ~ repérage
du synpt:eue, son êvaluation, sa mise en place dans le syn::irane
ou la rraJadie occupent l'attention et l'énergie du psychiatre.
~ traitaœnt n'est pas toujours efficace, mais les
nédicaIœnts psycl1ot:rq)es effacent, p:>ur un temps, les synptâœs.
~ découvertes de la psyctqilanTaoologie ont renforcé la
nédi.~isation. ~ malade mental est désonnais "un malade" ;
i l reste dans le système nalade-mêdi.carœnts-médecins, systèlre
qui. exclut la penDnne et la diJœnsion sociale.
Malade pas talt à fait came les autres malades ceperrlant,
car il est "nental". Et c'est sur le sujet "mental" que le nodèle
médical opère une n~tion. Discours, attitude, carportanent du
malade sont ceux d'un insensé. Ils ne peuvent avoir de place
dans une relation avec l'autre puisqu'ils n'ont pas de
signification autre que celle du synpt&e.
L'~ute et le dialogue sont remplacés par l'observation.
Voir, observer, examiner, tester, prendre l'observation, lire

296
l'observation .•• sont les expressions du discours n6llca1, qui
traduisent parfait.erœnt la non rêciprocité ou la dissynétrie de
la situation, l' 1rrix>ssibilitê de l'êchange. Pour être devenu
lIBlade mental, le fou n'en reste pas noms insensé, aliéné, privé
d'existence sociale, nié dans sa personne.
I.e respect historique de la folie a disparu. La science a
chassé les esprits, et le malade est voué au nêant !8J:' son
entourage. "C'est le néant" disait un malade, traduisant
l' inpossibi1ité de se retrouver dans le regard des autres, un
regard qui. ne regardait plus que la naladie.
La dénystification de la folie, sa reduction a la na1adie
nentale, ont-e11es été progrès et pour qui ? Nous ne discuterons
pas ici les obscures notivations qui. s'attachent a ce nodè1e
m&li.ca1, roodè1e qui à l'évidence pérermise le statut du nalade
nenta1 et bâtit des institutions asilaires.
~ ou les ri:x:1è1e (s) Psychologiques (s) restitue (nt) un sens
au discours du nalade, recormaissant le nalade dans sa personne,
mais une personne altérée, névrosée, psyclx:>tique ou psycb:>pathique,
ou.•. "état-limite". La. ootion de na1adie n'est pas évacuée par
l' .J.Wroche psychanalytique.
Si l'écoute et la c:x::Itpréhension sont facilitées par les
IOOdè1es psyclxx3.ynamiques, il n'en reste pas noins :
a) que le IOOdè1e, en tant que tel, peut faire écran à la relation,
établir une distance entre malade et thérapeute, séparer l'un de
l'autre, abjectiver ou "clx:>sifier" le malade. Ce risque, variable
en fonction de l' irrq:lortanee accordée au nodèle, peut être aussi
grave que celui inhérent a l ' approche nê:licale;
b) que na1gré les prises de p:>sition théoriques de certains analystes
qui affinnent l'absence de différence fondarrenta1e entre le ooma1
et le path::>logique, la ootion de maladie est tenace et opère encore
une confusion entre malade et oon malade;

.... .:.
297
c) que la r1gigitê et la stabilitê, jntroduites par la rotion de str\\x:ture
dans le chanp anal~, rêduisent la part de l'évolution, de la
crêativitê, œœssaire au processus thêrapeutique. Si tout est
pr6dêteJ:miné, selon l':lnage freOOienne des surfaces de clivage du
cristal, il ne rest que de vagues poss1hilitês d' anênagenent par
~ prise de conscience de ce qui ne peut être changé;
d) que la relation thérapeutique est enoore une relation duelle qui
renvoie au co~le né:1ecin-malade. l i n'est pas question de discuter
les bénéfices de cette m:lda1itê de relation thérapeUtique puisque
l'lamie na1t couple et le reste, plus ou noina, toute sa vie.
Mais la d.:iIœnsion sociale, réelle, de son existence, est igIDrêe,
malgré sa présence synbolique inscrite quelque part entre le
patient et son analyste;
e) que dans la pratique, la thérapie analytique est lor:gue et coûteuse
et œ peut aider qu'une miroritê de malades. Elle est d' alx>rd et
surtout une néthode de fonration et de connaissance ant:1u::'q)()logique.
Pour reS\\.1Iter cette IntJ:Oduction, nous soulignerons que les
nDdèles nédicaux ou psyclDlogiques, en valorisant la mtion de
maladie, réduisent le malade au silen::e, llen:fennant tout au plus
dans une relation duelle régressive, entravant ou paralysant le
processus thérapeutique qui vise à une namration sociale, un accord
relatif avec les autres et le nome, une disponibilité p:mr autroi.

298
II. rA DIMENSlOO &:CIALE DE IA PSYœIATRIE TRADITIOONELLE AFRICAINE.
le psychiatre, en situation transculturelle, peut exprirœr plusieurs
types de réactions :
(1) Il peut se déferrlre contre 11 agression dl une autre culture. Ce sera
alors le refus dl acoorder une considération ou une valeur aux oorceptions
africaines de la psychiatrie; le souci de se différencier ou de se séparer,
pour assurer sa propre identité; 11 irrpossibilité de se nettre en question.
Sur le plan pratique, c'est, le plus souvent, ure rrédicalisation de la
psychiatrie et la mise en place dl institutions asilaires. l i faut remarquer
que, ce faisant, le psychiatre réporrl à ure da'r1anje de plus en plus gran1e
des Pouvoirs Publicq, demarrle justifiée par l'évolution des sociétés
traditionnelles vers des sociétés de oonscmnation.
(2) Il peut, fort de la science médicale occidentale, inposer ces rrodèles
à ceux qui sont oonsidérés cc.mœ ne possédant aocun savoir digne de ce IOIl.
Cette attitude, très générale, explique les narbreux échecs de la
"coopération technique"; en particulier, les i..ncœpréhensions, les
résistances, les oonflits qui SI expri.Iœnt lors de la fontation des
étJ.rliants et des infinniers;
(3) le psychiatre peut aussi, avec la nentalité de llethoologue, chserver,
décrire, classer, ordormer, repenser des structures, en utilisant les
cadres de sa propre culture. Le résultat risque d'être une oonstJ:uction
artifici elle dans laquelle la culture étu:iiée ne se reoonnait plus.
(4) Il peut enfin, remnçant à son savoir et à son pouvoir, se nettre à
l'éaJute à la façon mn plus du pédagogue, mais de 11 élève, Cl est-à-dire
essayer dl apprend:œ. Il faut reoonna1tre que ce projet, très arrbitieux,
nI est pas facile à réaliser. Enoore que la période actuelle soit peut-être
plus favorable du fait de la oonvergence entre 11 intérêt porté aux
médecines parallèles et le désir des sociétés du tiers-rtOrne de reoonstruire
leur identité culturelle.
Personnellerrent, mus devons reoonna1tre une évolution très lente
vers cette dernière attitu:Ie.

299
cependant, une constatation s' est 1nposêe rapidement,
l'ttJpital psychiatrique, rrcdêle institut1amel asilaire, ne
recevant que les êchecs des guérisseurs, les malades rejetés
par leur famille et leur société. .
Le plrtage entre les deux circuits de soins, circuits
traditionnels avec les guérisseurs et institutions ou techniques
de psychiatrie, était clair. L'hOpital cxmsacrait une double
aliénation: le malade était à la fois rejeté par sa ocmnunauté,
et abandormé, plus ou noins définitiveœnt, à l'étranger. ra
thêra.peutique efficace était ailleurs: 1 'hOpital, dans ces
OOI'ditions de fo~onnenent, ne pouvait être qu'W'l lieu
d'exclusion.
L'intérêt p:>rté aux cultures traditionnelles, le dialogue avec
les guérisseurs, allaient penœttre de dêcx>uvrir progressiverœnt la
psychiatrie traditionnelle, celle qui car::ernait 90% des malades.
Le renversaœnt de la situation - le pM2.gogue le cêdant à
l'élève - allait penœttre de mieux saisir les bases thêoriques
et la pratique des guérisseurs et, en particulier, d'en Iœsurer
la dinension essentielle qui est la dirœnsion sociale.
Les rotions i.nportantes pour une évaluation de la psychiatrie
traditionnelle africaine peuvent être assez facilerrent dégagêes.
1. Pour ce qui concerne les représentations ou nodè1es, il
faut retenir gœ la maladie n'est janais naturelle; elle est
toujours le résultat d'une agression; tous peuvent être des
malades mentaux. C'est la reconnaissance de la dimansion
anthrop:>logique de la folie et de son éœrgence dans les
situations conflictuelles ex>nséquences de l'agression;
agressivité p:>sée ccmœ caractéristique essentielle de l' hame.

300
Il en résulte d'lme part la familiarité de la folie, la solidarité
Al' égard du malade toujours victiIœ, d'autre part l' 1Jtplication des
autres dans la maladie de l' irXiividu.
2. Les représentations des maladies IœJ1tales, malgré leur diversité
::.~=.-.'tz, ::;:. ::,~f~ent à deux IYCdalités d'agression : aqression par un
irrlividu vivant, agression par un existant spirituel (72).
Dans la pranière nodalité, l'agression est le fait d'un individu
du groupe : proche parent, voisin. A la limite, ce peut être un étranger
ou un incx:>nnu, dont la nùse en accusation œ nettra pas en péril la
cohésion de la famille ou de la collectivité.
Dans sa fonœ élél!entaire, cette agression est directe : un
individu en attaque un autre avec l'intention de le détruire en le
dévorant. C'est le systàre sorcellerie- anit!.hroJ?è?fhêlg;i.e.;i.trèsrépandu
dans toutes les sociétés africaines. Ce llDdèle est la nùse en fonœ
socialisée de l'agressivité originelle· orale, qui se développe
nécessai.rarent dans la relation duelle mère-enfant.
Un autre systèIœ , dérivé de ce premier, introduit un tiers, un
nédiateur entre l'agresseur et l'agressé. Le nédiateur est un
personnage œutre (magicien ou marabout dans les sociétés islanùsées)
qui fait un "travail" (73)
sur une personne à la demande d'une autre.
La dérive à partir du pranier systèIœ a p:>ur fonction de désanorcer
l' agressivité : il ne s'agit plus de désigner un sorcier resrx>nsable
de la maladie, nais d'annuler par la rnêne voie le "travail" fait sur
la victiIœ. Par ailleurs, autre différence, l'agresseur ne vise pas
la nort par destruction - absorption de la victiIt'e - mais la diminution
des capacités (physiques, sexuelles, IœIltales ou sociales). la relation
nortelle inscrite dans le coupe mère-enfant le cède à une relation
agressive noins dest.r\\.rtrice, médiatisée p:rr ouverture du ~stèIœ duel.
(~2) cf. H. OOLLOMB, 1978.
(7)
travail ou rraraboutage : action du magicien ou du marabout.

· "
J01
Dans la deuxi~ JtDdalité, l'agression est le fait d'un être
spirituel app!U"tenant aux religions trad!tionnelles africaines ou
aux religions d' iItportation.
les m:xlêles typiques se référant aux religions traditionnelles
africaines font intervenir A la fois les ancêtres et les dieux.
Un exerrple parfait est celui du systèœ "rab" utilisé par les
guérisseurs du Sénégal.
~ "rab" est ml existant spirituel susceptible de s'incarner
sous fonne hunaine ou an1male. Il p:uticipe d'ure part de l'ancêtre
fondateur, des ancêtres, du lignage et d'autre part du pacte qui
lie l' arœtre fordateur à l'esprit-force possesseur et gérant de
l'esp:ice 00 s'est fixé l' an::être fondateur pour vivre et prospérer.
~ "rab" s'inscrit sur les deux registres de l'alliance et de
la filiation. came l' lxmœ, il est lm être-force susceptible
d'organisation familiale et hiérarchique. Chaqœ irdividu, chaque
lignage, chaque a::mnunautê ou lieu habité p:rr cette ccmmmauté,
a ml ou plusieurs "rab".
La relation entre les hunains vivants et les "rab" est anbivalente.
~ "rab" sont protecteurs sous réserve que soit respecté le pacte de
fondation et ce qu'il inplique. cela signifie que le "rab" est aussi
le représentant de la loi et de la
tradition et qu'il interviendra
lorsque la loi et la tradition ne sont FSs respectées.
Le "rab" se manifeste par la };X>ssession du OOrp5 ou de l'esprit
de l' i.rrlividu, provoque des désordres psyclDsanati0.Ues ou des troubles
nentaux. Il ne vise pas la nort: il ra~le â. l'ordre en tant que
garant de la loi qui gère le groupe.
~ culte des "rab" est essentiellaœnt un culte thérapeutique
et rêgu1ateur des tensions scx::iales. Le "prêtre" des "rab"; c'est-â.-dire
le guérisseur, par des procédures cœplexes, réitère le pacte d'alliance.
L'individu, libéré du "rab" qui l'agressait, entretient avec lui une
relation oouvelle fornée sur le respect et la protection.

A partir de ce m:x:1êle, d'autres représentations introduisent
les religions êtrangêres. La naladie sera le résultat d'une rxm-
observance de la loi du Dieu de l'Islam ou des chrétiens.
Par s:>uci de clartê, nous avons séparé ces différents m:x:1êles.
tans la réalité, ils se contaminent, s'asscx::ient, se dégradent en
aes tomes êloignêes des nodêles d'origine.
3. Les représentations traditiormelles expriment, dans une
lecture facile, les deux si'bJations conflictuelles que l'l'x:mœ
rencontre nécessairaœnt : le conflit avec l'autre, le conflit
avec la loi.
Le conflit avec l'autre s'enracine dans la relation avec le
premier tlautretl : la Itère. Les représentations socialisées en
indiquent la fODlE orale ca.nnibal.iC}le, le tenne dérivé, à savoir
la nort, l'organisation dans la relation duelle.
Le conflit avec la loi, l'ordre social syni::lolique, est
infi!tré ou suPfX>rté par les religions qui gèrent encore les sociétés
traditionnelles. Le rOle du père n'apparalt pas avec évidence. La loi
est la loi du groupe, déjà véhiculée p;rr la nère dans ses praniers
raH?Orts avec l'enfant. ce n'est pas celle du père en tant qu , individu,
nais :::elle des ancêtres et des dieux.
Il serait séduisant d' opfX)ser deux systèIœs qui forrlent
l'organisation sociale: d'\\.D1e part l'agressivité inter-individuelle
génératrice de violence réciproque et de désordre, d'autre part la
loi du gr0utE, loi religieuse et sacrée, puis sociale, qui contrôle
l' agressivité et en penret l'expression par des voies variables
selon les cultures.

303
4. ~ disoours du guêrisseur utilise un langage oa:rpris et
p:lrtagé par tous. ce langage cxmmm expdme, dans le chaltp de la
maladie, une oosuogc>nie qui est rêIX>nse aux questions essentielles.
Il est clair, sans ambiguIté au niveau de ce qui est dit. Mais il
voile une vêrité plus prof01Œ au niveau de ce qui n'est pas dit.
'P+ ':"~!:;t parce que cette vêrité est à la fois rx>n dite, J'IBis entendue,
que le discours thérapeutique est efficace.
Expliquons-mus :
Le guérisseur, avec le consensus du malade, de la famille, de la
collectivité, des aIX:êtres, ~re l'agresseur. Il s'agit d'une affaire
de sorcellerie-anthropoftlagie, de maraboutage, de "rab" ••• la. procêdure
thérapeutique en d6:x>ule. Le sorcier sera désigné, le maraboutage armulé,
le nrab" engagé dans une alliance reIDUVe1êe. Le malade est IDsé came
vict.iIœ; le grcupe partage sa maladie et l'assiste. C'est ce qui est
dit, ce qu'expriment aussi les procédures rituelles de cure.
Miis ailleurs, par ce qui n'est pas dit, mais entendu, s'engagent
d'autres processus. Le nalade et la collectivité évacuent leur propre
agressivité sur le sorcier, désigné cx::mœ victine énissaire; l' agres-
sivité du malade marabouté est annulée ou désanorcée p:lr le mara1x:>ut
contre-médiateur; le désir de révolte, contre les pères ou la loi,
s'efface dans le p;1cte d' allianœ rerouvelé.
Le sorcier agresseur c'est l'autre, qui peut être tous les autres,
bien que la fonœ originelle soit la xœre ou l'enfabt par réciprocité.
L'agresseur qui utilise le IOuvoir du magicien, c'est l'autre,
n'ÏItJX'rte quel autre plus ou noins aronyrne. Le "rab", c'est tous les
autres, les ancêtres, c'est-à-dire l'ordre collectif, la loi.
ce que mus voulons souligner ici, à prop:)s des représentations
tradit.1.orlœ!lles, c'est la dinension sociale, à la fois daru:r la genèse
et la thérapie de la maladie mentale.

304
c'est dans le champ social an.1.rnê par l'agressivitê et la révolte
que s'affrontent les forces qui oorrluisent à la rreladie et à la
guérison. L'agresseur, incxmscient de sa propre agressivité, la
projette sur les autres et devient le malade agressé. L' êtranger
est dêsignê a l'agressivitê des autres et devient le sorcier-
ahthroIX>Phage victiIre émissaire. Celui qui tente d'êchawer a la
tradi.tion et se veut indêperx:lant , individualiste, est vict.i.Iœ du
"rab" gardien de la tradition.
5. I.e guêrisseur qui, avec le consensus de tous, choisit fOur
un "diagn:>stic êtiologique" la ITOdalité d'agression, s'engage dans
la voie thérapeutique. Son discours est disoours thérapeutique
collectif. I.e groupe penret ainsi au nalade de se disculper, valide
ses mécanismes de défense. L'expulsion de l ' agressivité restaure
l'ordre du groupe.
Les procédures rituelles qui suivent le "diagn:>stic" sont
collectives. Un nalade ne peut guérir s'il n'a pas de famille.
La collectivité participe activement au rituel qui "traite" aussi
bien le malade que les autres participants. Un exemple en est la
cure par le "Ndop" (-7 ~), cérénDnie à laquelle participe le village
ou le quartier : la crise de p::>ssession bénéfique, exp.llsive,
libé...atrice est aussi bien dans la foule que chez le nalade.
6. La p::>sition du guérisseur, recormue par tous, est celle
d'un médiateur, p::>sition bien différente de celle du psychiatre.
I.e psychiatre doit cooisir : être avec la société ou être
avec le rnalade ~ être gardien de la société ou être exilé avec le
nalade dans le lieu de la folie.
(74) "WOp" : céréTonie rituelle très carq:>lexe, dont le rot est
d'al:x:>rd de n::mœr le "rab" qui p::>ssède le nalade, puis de
rétablir l'alli.a.n=e entre le "rab" et le nalade. Elle se
tennine par la mise en place d'un autel où le nalade viendra
faire ses offrandes (cf. H. OOLLOMB, 1968 et 1975).

305
lA! guérisseur est A la fois l'un et l'autre. Il existe dans
le registre social, came dans celui de la folie. Il a du mMiateur
la véritable fonction : accorder deux parties qui S'opfOsent, le
J'IDl'Xle de la raison et celui de la déraison. lA! guérisseur est A la
fois le néiiateur entre les esprits ou les forces du mal et le
!!'..=!.h.~c; le ~~~~t.cur entre les hames qui s'affrontent dans un
e:x::tri:la.t ck>nt l'enjeu est la survie du groupe par la rkupération
du malade et l'expulsion de la violence.
La fontation du guérisseur, ses qualités personnelles, lui
peoœttent d'exister à l'aise, sur tous les registres de la maladie
mentale (psyclx>tique ou névrotique) et d'être aussi p:lrlaitement
intégré dans l'ordre social. Etre guérisseur est un clx:>ix
relativercent irrlêpenda.nt de celui qui est clx>isi. Il serait
plus juste de parler d'élection au sens sacré du tenœ.
L'élection peut être le résultat d'une expêrieœe irrlividuelle,
interprétée cx:mœ signe du destin et des dieux: révélation brutale
dans le rêve, prise de ex>nscience extatique, maladie mentale
initiatique. Elle peut aussi être le clx>ix des autres. I.e
guérisseur a le devoir de chercher et de désigner, avec l' assen-
timent des autres, le plus apte à lui succéder panni les enfants
ou lp.s adolescents. L'élu va s'engager dans une fonration à la fois
initiatique, au sens traditionnel du tente, et teclmique
(acquisition de oormaissaœes ex>ncernant les plantes et les rites).
les deux progressions sont irrlissociables, mais la oormaissance
initiatique est la Fl·us inp:>rtante ou la plus spécifique.
Il est difficile de traduire en tenœs clairs le projet ou
le sens de l'initiation. Il l'DUS a se.rrèlé qu'elle visait, en
particulier, une évolution individuelle vers ce qui ~ t être
aF-Pe1é l'être adulte, acccrrpli, libéré de la relation incestueuse
possessive et des ooop:>sants narcissiques et sado-masochistes
l'être parfaitanent disponible FOUr les autres.

306
L'initiation est aussi le dêvelowenent de l'être cosmique et
religieux, capable de se saisir partie de l'univers et capable de
transcender sa p:>sition sociale.
La voie est longue et difficile et la réussite n'est pas
toujours assurée. le charlatan est noins rare que le vrai guérisseur.
t
Ces quelques notions n'éclairent que très jnp3.rfaiterrent la
psychiatrie traditionnelle africaine et nasquent peut-être l'essentiel,
1
surtout en ce qui roncerne la rormaissarx:e et le pouvoir initiatiques.
Elles !Y.>us invitent cepen:lant a réflêchi.r sur le sens de la naladie
nentale, sur le lieu où elle s'organise, où elle peut se cœprendre
et se na!triser.
Il n'est pas question. d'assimiler le psychiatre au guérisseur
et de 'transférer les procédures de cure dans d'autres cultures, nais
simplement, à l'exerrple de la psychiatrie traditionnelle africaine,
d'a-a::>rder plus d' i.rcp=>rtance, dans la perception 1mnédiate du trouble
rrental, au milieu familial et social, à l'existence sociale du nalade.
Peut-être n'y a-t-il là rien de très original. le nalade nental
[
en tant que prOOuit et consonmation de la société est tme notion
vulgarisée par les nouvarents anti-psychiatriques. Accuser la société
1
d'être aliénée ou aliénante est une p:>sition très répandue. ce n'est
i
pas exa.ctaœnt celle qui est défendue ici.
Rea:>nna!tre la nature sociale de la naladie rrentale, c'est aussi
changer radicalement la pratique du psychiatre et la structure des
institutions dans lesquelles il opère.
COnscient de son rôle de médiateur, il lui appartiendra d'engager
son activité aussi bien dans un projet de socialisation de l'existence
ldu ma.lade que dans le projet de faire o:>mprendre et accepter le malade
la famille et la société.

307
In. PRATIQUE D'UNE PSYœIATRIE S)CIALE •
.
I.e m:xlêle mêdica1 tel qu'il avait été Jn'qx>rtê s'est avéré
rapidement inefficace •.
nA FANN (1 'hôpital psychiatrique), les malades étaient ca1nes
mais ne guérissaient pas" : tel était le propos des nalades, des
familles et des guérisseurs. Pour une guérison, l'appareil scx:io-
culturel, supporté par les proc~ures rituelles syml:;oliques, était
nécessaire.
I.e psychiatre ne p:»uvait utiliser ces procédures. Il lui était
difficile de se faire guérisseur ('7d . Mris il pouvait introduire
la famille, la société, la culture dans les circuits de soins.
A.
Une première étape, longue et difficile, a été la
transfomation de 1 'bjpital psychiatrique, héritage culturel
occidental.
L'indépendance des états africains n'a pas été suivie d'un
retour aux sources. L'hôpital psychiatrique restait le m:x1èle
souhaité p:rr les oouveaux c:Puvernarents, darandê aux anciens
colonisateurs. Lieu carcéral, asilaire, suwrinant toute
camunication, i l ne p:»uvait que susciter un rejet encore plus
gram du malade.
Les rêsistarx::es au changement étaient à tous les niveaux
• personnel soignant, inprégnê du m:x1èle médical, p:»rteur
d'une inage du fou "insensé", p:»uvant à la rigueur repérer le
symptfme et la maladie, mais ne s'intéressant jamais à la personne
et à la famille du malade;
• persormel administratif, gérant d'une institution formée
dans laquelle le malade n'était que sous-produit de l' hurranité,
voué au mépris des autres et pour lequel tout était toujours tJ:op
bon, qu'il s'agisse de rx:nrrriture, de vêterents, de logaœnt, de
conditions d' hygiène •• ;
t7s) cf. Chantal de PRElID.lF, 1969. Op. cit.

308
• Pouvoirs Publics, dont le souci était davantage de débarrasser
la cité du fou, objet de scandale et de dés::>rdre, que d'organiser un
système d'assistaœe efficace;
• familles, qui, après avoir épuisé les ressources des circuits
traditionnels de soins, se délestaient définitivarent de leurs nalades
~ l' l':'f'l Lill lJ~}'l.;hidtrigue, a~lé d'un net : "wolof", c'est-à-dire
litas d'ordures".
a) Notre objectif le plus urgent a été la lutte contre le
rejet familial et social. Pour nodifier les attitudes, il était nécessaire,
à la fois, de changer les corrlitions d'existence des malades à l'hôpital
et d'agir au niveau des familles et des collectivités.
Une série de transfonrations ont changé l'espace carcéral et
"IlDrtifère" en un lieu thérapeutique et vivant :
• ouverture totale, chaque nalade ayant la liberté d'entrer ou
de sortir lorsqu'il le désirait; dist.irv:tion entre le delx>rs et le
dedans; visites de la famille, des amis, des anciens malades, à
n'.ilrq:lorte quelle heure du jour ou de la nuit;
· réhabilitation de la cuisine et des repas, tarps espace sc:x:ial
et rituel; cuisine faite par les nalades et le perronnel roignant;
repas cœmunautaires partagés par tous, servis et consc::mré selon la
tradition;
· organisation d' activités collectives : fêtes, théâtre
participant, cinérra, séances de tubé, danses, chants;
· organisation de rétmions quotidiermes entre malades, soignants,
familles, chacun oubliant son statut de nalade ou de soignant, sa
IX>sition hiérarchique, engageant le dialogue de perronne à personne,
reconnaJ.Ssant l'autre dans la lil:erté de sa différence. Dans ~ type
de rétmions, la parole était libre, un malade présidait, aniIrait ou
m:xiérait, veillait à ce que chacun puisse s'exprimer. 'lbutes les
décisions concernant la vie de l'institution, les soins, la rortie
des malades, étaient prises par la ccmnunauté;

309
• alx>lition des marques distinctives d'une différence ou
d'une hiérarchie, ce qui peut être vécu cxmre insêcurisant p:>ur
les uns ou les autres, mais faoilite la c:amunication lorsqu'est
dêpassœ la période d'angoisse. I.e disoours et l'action du garçon
de salle pouvaient être plus efficaces que ceux des infirmiers ou
du psychiatre;
• dêve10werœnt d'uœ vie de groupe, où chacun avait sa part
de resp:>nsabilité, mais a1 tous, du tœdecin au garçon de salle,
avaient uœ fonction thérapeutique irrléperoante de la hiérarchie,
libérœ du pouvoir nédical. Chaque décision devenait décision du
groupe et mn d'un seul, oonfonnénent à ce qu'enseigne la culture
africaine tréditiormelle. La pression du groupe était le seul garant
de la discipline, devenant affaire de tous.
L'instibltion a pu ainsi, avec ces transfonnations, rérover
sa fonction thérapeutique.
L'attit\\Xie à l'égard du malade s'est m::xlifiée radicalaœnt.
I.e rejet, oœtacle forrlanental (souvent nasqué) à toute action
t:hérapeutique, s'est progressivenent effacé. La cx::rmuni.cation est
devenue possible. Le malade a pu être recoIllUl dans la vérité de la
personœ qui souffre ou qui oonteste, recx:>nnu dans sa valeur et son
existeOC'e, à la limite dans la voie qu'il a clx>isie pour vivre.
Peu à peu, la folie, parce qu' elle était acceptée, a disparu
de l'institution. Parce qu'il avait la liberté d'exister et de
s' expriIœr, parce qu' i l était recormu par les autres, le fou
p:>uvait guérir.
!Ibn seulanent il pouvait guérir, nais, s'engageant dans des
relations avec les autres, participant à l'activité du groupe,
il pouvait être lui~ thérapeute.
Au psychiatre d'être attentif à toutes ces possibilités.

310
b) LI action auprès des familles a été plus lente a
Si organiser. Elle nia pu se faire qu 1après la transfonnation de
l'~ital.
Un naœnt décisif a été l'introduction de l'accœpagnant a
11~i tale LI accarrpagnant est un nerrbre de la famille du nalade
qui l' accœpagne pernant toute la durée du séjour a l' ~itale
Il vit cx:mœ le malade, p:rrtage sa chanbre, ses repas, son
existence glDtidierme, ses occupations, ses loisirs.
cette initiative a eu plusieurs conséquences: dilution des
nalades dans une population oon nalade, rétablissenent d'une
relation à la famille par la médiation de l'ac~gnant, organi-
sation plus facile de la vie collective, passage d'un pouvoir
autoritaire à un pouvoir dénocratique au sein de l'institution
par la responsabilité de tous.
L' accœpagnant s'est aussi révélé, dans bien des cas, être
un excellent thérapeute, en général p:>ur d'autres nalades que
le sien.
Des réflexions à putir du cooix de l'accœpa.gnant par la
famille ont permis une approche plus frucmellse de la dynamique
familiale et des conflits intrafarniliaux (76~. L'accœpagnant
avait dans la famille une position signifiante p:rr rapp:>rt à la
naladie et aux conflits qui l'avaient suscitée; éclairer cette
p:>sition oonduisait à des p:>ssibilités thérapeutiques jusque là
négligées.
Les relations avec les familles sont devenues par ailleurs
plus fréquentes, intervenant au narent de la
décision d'hospita-
lisation, pendant et après l'hospitalisation. Les renoontres se
faisaient soit à l'hôpital, soit, ce qui était beaucoop plu;
éclairant, au village, dans la concession familiale. Les visites
(~6) cf. P.A. GBIKPI, 1978.

311
au lieu nèœ de l'existence du ms1ade, sa signification en tant
que synpterre d'un désordre gui ooœernait sa collectivitê,
mœnaient a des solutions thêrapeuUques plus efficaces.
Souvent, l' ensanble du village ou les VOisins du quartier
participaient aux réunions. IBur discours était riche d'infoIlTla-
tiens. 1A'!ur int~Têt pour les problmes de santé rœntale facilitait
l'objectif nèœ de la psych1.atrie sociale : la prise de conscience
de la responsabilité de tous dans la maladie mentale et dans
l'effort t.hêrapeutique.
B.
Le dêvelowement d'une psychiatrie extra-lx:>spita1iêre a été
la deuxiêlre étape
L' hOpital n'était pas accessible a tous, pour des raisons
gêograph1ques. Les déplaceœnts longs et ooateux ne pouvaient être
pris en charge par lUle graroe partie de la p::>pul.ation. cette
consi.dêration d'ordre ~nani.que invitait a décentraliser les
actions d' assist:.an=e et a leur donner une autre fome car, nalgré
toutes les transfonnations, l' hOpita! restait erx:ore le lieu qui
marquait plus ou noins définitivenent.
c'est ainsi gue deux autres nodalités d'assistance ont pu être
J'IlÎ.SE*" en place :
les villages thérapeutiques
le dispositif itinérant d'aide a la santé IœI1tale.
a) les villages thérapeutioues ont été organisés selon
les nodèles de villages traditionnels des ZQœS rurales.
Les nalades et leurs familles sont accueillis dans des
habitations identiques a celles qu'ils ont quittées. les vivres
de base poor les nalades et les acoampagnants sont fournis Par
l'Etat; la famille participe pour lUle part a l'êconanie du village.

312
Un ou deux infinniers assurent les soins et animent la collectivité.
L'essentiel de la thérapeutique est la vie camumautaire : chaque
nalade est pris en charge par le groupe (autres Iralades, aCOCJlPignarlts,
soignants). C'est en cela que résident l'originalité et l'efficacité
du village thérapeutique, qui peut être une partie d'un village dont
tons Jp~ MhH~n~~ participent à la prise en charge matérielle et
affective
intégrant malades et ac~gnants dans une oollectivité
j
plus vaste.
L' :inplantation d'un village thérapeutique dans une région ne
~ut se faire qu'avec l'accord des habitants. Cet accord est facile
à ct>tenir, sous réserve que soit fait un travail préparatoire de
sensibilisation de la population aux problèmes de santé zœntale.
Le village n'est pas un lieu de déportation ou d' isolerœnt. Il ne
reçoit que les habitants de la région qui vivent avec les soignants
de leur région; des nêœs habitudes, des nêœs rrodes d'existence
assurent une vie sociale plus facile. Aucune barrière ne sépare de
l'erwironnanent. Les malades sont réellanent "pris en charge" et
"intégrés dans la cœrnunauté".
b) Le village thérapeuticrue, malgré son adéquation et
son efficacité, n'est qu'une étape dans la voie de la désrospitali-
sation définitive des malades zœntaux, objectif encore lointain.
L'assist:arY=e à danicile dans le village ou le quartier parait
la foDlD..Ùe idéale, qui suwri..ne les lieux de la folie et assure une
prise en charge plus efficace, en tenant cœnpte de l'environnement
familial et social.
L'action de l'équipe soignante, plus sociale que médicale,
est centrée sur le milieu plus que sur le nalade lui~.
Les rrodalités "d':organisation peuvent être adaptées à cilaque
situation particulière.

313
La fonrule adoptée A Dakar et au Sénégal associe une êquipe
m:Jbile A une êquipe locale. Chacune a sa forx:tion : l'équipe locale,
a:rrposêe d'assistantes sociales et d' infiJ:miers non spêcialisês,
reçoit les derrandes, fait les err::tUêtes socio-~naniques,
assure
les soins Jl'é:licaux, visite les familles et prépare le travail de
l'~ipe nobile plus sp(!cialisée. Depuis la mise en place de ce
dispositif, les demmdes d'hospitalisation ont diminué oonsidéra-
blerent. ~s populations ont awris a mieux oormaltre la maladie
mentale et A participer plus activement aux soins de santé mentale.
La psychiatrie sociale a pu t.raNer dans les pays "en voie de
dével~t" un terrain favorable. La pauvreté de structures de
soins de type occidental, fardées sur le rejet et l' isolenent,
les ItDdêles de la psychiatrie africaine traditionnelle, les valeurs
de base de la culture africaine, ont été des oorditions propi~s.
ce qui a été p:>5sible en Afrique ne peut l'être en Europe
actnellerent. L'attachsrent au ItDdêle mélical centré sur la naladie,
l'ordre régional et hiérarchique du p:>uvoir médical, la pesanteur
et la routine des stnx::tures de soins et du systàœ administratif
qui les gère, le rejet plus ou noins déguisé par la ''mauvaise
oonscierr:e" sont autant d'obstacles qui paraissent difficilaœnt
suntDntables.

314
CONCLUSION.
1

315
Eh . fin de ce 1er r.ocME de notre travail, nous scmnes arœné
aux xemarques suivantes.
Dans notre PREMIERE PARI'm, après des ccnsidératicns générales sur
les Faits et Facteurs d'Acculturation en Afrique Noire, nous avons
lalgusœnt analysé une observatioo psychiatrique, en étudiant le
cas d' ABXXJ.
Observatioo psychiatrique, examen psychologique, nous avaient conduit
à un essai de synthèse situant la maladie par rapport à la structure
familiale dans laqœlle il vivatt.
Dans notre DEUXIEME PARI'm, après avoir carplétê la descriptioo des
différentes investigaticns en milieu hospitalier par celle des différentes
fonnes de CXll1sultaticn traditiamelle tant en nû.lieu rural qu'en nû.lieu
url:>ain, nous avens précisé quelques éléIœnts de notre Irétb:x1ologie et
nous nous sœrœs interrogé sur les raiscns de la faillite de la prise
en charge institutiamelle.
Grâce à l'analyse de 25 cas rencontrés lors de nos investigations
en milieu africain, nous avons tenté de cerner le sujet tant par
rawort à la farrû.lle que par rawort à la société.
Enfin, nous avens abordé ce qui nous parait être l'avenir de la
Psychiatrie en Afrique Noire: \\IDe Psychiatrie SOCiale dérivée de
l' Ethnopsychiatrie, où doivent être aménagés le rôle du p;ychi.atre,
celui du guérisseur, tandis que se transfonœ l' hOpital psychiatrique
et que se développe \\IDe psychiatrie extra-h:::>spitalière face à la
maladie rœntale reconnœ came naladie véritable.

316
En tant que synpt:6œ de désagrégation familiale, cette
IMladie de tout l.n1 groupe nous renvoie alDe génératiœs
précédentes et au milieu. les générations précédentes ne
peuvent être awrochées que par les nod.èles socio·~turels
et les systèrœs de représentations traditionnels, dont il faut
souligner la rigidité et la stabilité, nais qui se m:x:lifient
très rapideIrent et proposent de nouvelles valeurs. les génératioos
actuelles font les frais du passage. DeIœure une adhésion sans
racines à un passé révolu, adhésion fo:rnelle, d'autant plus
rigide qu'elle n'est plus cx:mmmication vivante, à travers
la dlaî.ne des générations (dans la famille d' Al:rlou, nous
l'avens vu, on ne toucœ pas aux ruines, on interdit toute
transfonnation, 00 ne vend pas •. ) .
La naladie apparaît autant carme la Perte du passé que
noo-adhérence au présent. Elle est scission, coupure du passé,
ooupure dans la progression ••• autre image de la schizophrénie.
Le prolongerœnt de notre travail est dans le TCME II.
Il Y sera questioo, dans la TROISIEME PARTIE, de la
nanipllation des signifiants culturels, en reprenant l'analyse
des 25 cas de notre étude, ce gui nous aI1Ê11era à certaines
réflexions sur la faillite de l'efficacité sym1:x>lique traditionnelle
et sur les interprétations et changemants sociaux dérivés de la
maladie, que notre cas nO 3 tentera "Ci' illustrer.
Il nous a semblé utile et révélateur, à ce naœnt de
notre travail de décrire ce que représente, dans les oonditions
socio-éconaniques africaines, le rrariage en milieu traditionnel.
cette TIDISIME PARITE se terminera par un aperçu de ce qu'il
est convenu d'appeler l' Antiu:oJ.Xllogie Psychanalytique.


b
&2 Xl'=""·
R
S$6
•••

PRO CES SUS
o ' E T U 0 E
P S y C HOP ATH 0 LOG l QUE
E N
MIL lEU
R U R A L
E T ' URBAIN
E N
C 0 T E
o ' l VOl R E
RESUME
DE
THESE
EN VUE DU DOCTORAT D'ETAT
ES-LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
PRESENTE PAR
GEORGES OIMY TCHETCHE

4'.
'h-"'"
Il s'agit de faire connaître aux lecteurs le résumé de
ma thèse sur le Processus d'Etude Psychopathologique en milieu rural
et urbain.
Le ,champ du psychiatre est aussi celui du psychologue
et du psychologue social, et même celui de l'ethnologue. En Europe,
médecins et malades appartiennent au même milieu. Tandis qu'en Afri-
que,
i l faut nécessairement recourir à l'ethnologie et à la sociologie
pour éclairer le fond sur lequel se détache la "figure du malade".
,
L'observation centrée non plus sur l'individu mais
sur le groupe permet, dans ces conditions, d'articuler la maladie
(plus actuelle dans sa génèse) avec les relations de l'individu
dans le groupe.
L'étude d'un cas se situe alors selon trois niveaux
-
un niveau individuel, celui de l'observation psychia-
trique, l'observation psychologique et, dans une certaine mesure,
l'analyse régressive;
-
un niveau familial,
celui de l'ensemble des relations
à l'intérieur de la famille élargie; verticale (les générations
et les ancêtres) et horizontale (la fratrie,
les alliances), i l
s'agit ici d'établir un sociogramme souvent très complexe, mais
nécessaire pour la compréhension du cas et pour la thérapeutique
-
un niveau collectif ; celui des représentations cul-
turelles qui mettent en forme la maladie.
Le s~ns général de toute la thérapie traditionnelle
est la èréation continue et la consécration d'un ordre renouvelé,
aux plans réels, symbolique et imaginaire, collectifs, à partir
des signifiants nouveaux apparus au sein de la communauté. Le trouble

mental d'un de ses membres, vecteur de ces signifiants a transformé
ce dernier, radicalement, en homme nouveau dont l'épreuve profitera
à l'ensemble de la collectivité.
La tpérapeutique traditionnelle africaine, possède
cette réelle vertu cathartique, et i l est facile à tout observateur
de constater une véritable atmosphère de détente, de paix et de
concorde qui accompagne et suit habituellement l'organisation des
séances traditionnelles. Le même phénomène s'observe aussi bien, au
,décours des séances nocturnes de 'Ichasse" symbolique au sorcier,
organisées à la demande collective et permettant d'abréagir tous
les conflits sociaux ou lignagers latents, qu'après les séances
de confessions publiques réalisées dans la communauté de Brégbo.
Ainsi donc,
le trouble mental, loin d'êt~e une pure
et simple régression à de soi-disant stades soi-disant archaiques,
ici, permet, tout au contraire, un réajustement relationnel de haut
niveau entre l'individu affecté,
la société et la culture. Ainsi
conçue et pratiquée,
l'affection mentale marque le triomphe de la
puissance de la culture sur l~s simples mécanismes "naturels". La
société,
la personne,
la culture ne sont pas détruites, mais, néan-
moins elles ne continueront
d'exister que grâce à des opérations
collectives de renouvellement et de reconnaissance périodiques.
Comme l'a décrit Eugène MINKOWSKI dans son livre Traité
de Psychologie p.
33, année 196·
En tant que "fin", la folie en ce sens s'apparente au
phénomène de la mort. Elle en diffère cependant ; tout
en étant une "morte", elle ne l'est point intégralement.
Séparé de la communauté des vivants,
le fou ne fait
point pour autant partie du royaume des morts. La mort
d'ailleurs dans sa forme imminente est l'achèvement
naturel de la vie humaine ; la folie est toujours un
évènement brutal et non nécessaire.

Notre hypothèse est la suivante
Les changements sociaux issus des transformations éco-
nomiques et politiques, des contacts culturels, bouleversent les
anciennes structures sociales et familiales.
Ces bouleversements
affectent le groupe, dans lequel le sujet est intégré et par la
même,
le mode traditionnel de prise en charge du sujet malade par
la famille ou l'entourage. Le sujet n'occupe plus dans le groupe
sa place ancienne. Ce~endant, les modèles de comportement et les
modèles culturels idéaux traditionnels restent suffisamment pré-
gnants pour que l'hospitalisation risque d'être considérée comme
une démission.
Le sujet manipule les signifiants culturels non plus
en fonction d'un consensus collectif, mais en fonction de la néces-
sité de les rendre acceptables en attitudes. Ces rationalisations
sont infléchies par le dialogue qui s'établit avec les représentants
de l'institution psychiatrique, puisqu'il s'agit de donner à l'inter-
locuteur l'image de soi que l'on désire lui voir accepter. Celui-
ci, à son tour, à la fois par ses investigations et par sa manière
de décrire l'hôp~tal, d'après le degré d'ouverture à la culture
occidentale qu'il suppose à son interlocuteur, secrète une image
de l'hôpital qui modifie les représentations de la prise en charge
par les thérapeutes occidentaux, et plus profondément,
le contenu
des signifiants culturels.
D'o~ mon travail ~omprend 2 TOMES.
Il se présente en quatre parties, chaque TOME compre-
nant DEUX PARTIES.

l
1
TOME _1er
La PREMIERE PARTIE portera sur notre recherche à l'hô-
pital Psychiatrique'de Bingerville, sur les faits et facteurs d'ac-
culturation en Côte d'Ivoire,
les tendances actuelles. Elle exposera
notre orientation et notre méthodologie et se terminera sur un exem-
pIe: celui d'Abdou.
.
Dans la SECONDE PARTIE, notre effort d'analyse s'orien-
tera sur les entretiens,
jusqu'aux tests de Rorschach et à l'essai
de synthèse. NOus décrirons les diverses formes de consultations
et nous nous interrogerons sur la faillite de la prise en charge
intitutionnelle. Puis, une analyse générale des cas que nous avons
étudiés, sera centrée sur le sujet par rapport à la structure fami-
liale, puis sur le sujet par rapport à la société. Enfin, nous en
arriverons tout
naturellement aux relations entre Ethnographie
et Psychiatrie sociale, bases de la Psych5.atrie Traditionnelle Afri-
caine.
TOME
II
Dans la TROISIEME PARTIE, nous traiterons de la mani-
pulation des signifiants cultur-Is, qui englobent les caractéristi-
ques de notre travail. Une esquisse de synthèse portera à la fois
sur les problèmes de développement de la maladie et sur ses pers-
pectives. Plusieurs illustrations achèveront d'éclairer notre appro-
che personnelle du problème et nous terminerons cette partie par
quelques considérations sur les coutumes·et rituels du Mariage Afri-
cain.

' .
Aau
Dans la QUATRIEME PARTIE, nous ferons la synthèse de
diverses enquêtes sur le Mariage en Europe, puis nous tenterons
une synthèse sur quelques travaux de Mr André RUFFIOT, pour enfin
nous interroger sur la comparaison de cette thérapie familiale avec
le milieu africain où elle existe depuis très longtemps.
Nous terminerons par une conclusion générale.





















































































































































SOMMAIRE
IVàre
PARI'IE

CHAPITRE 1.
MtùUAGES ET FAMU.T.FS D'AlJI'REFOIS, EN EUROPE
DEMXiRAPHIE HIS'IORIÇUE
ANALYSE M:>RPIDIDGIOOE DE rA NUPI'IALITE FRAN;AISE
CHAPITRE II.
nQJErES
IA VIE PRENUPI'IALE
IA VIE OON:Jl.XiME
CHAPITRE III.
IA THERAPIE FAMILIALE ANALYTI~
'IHFDRIE
TEX:HNIQUES El' PRATIcms
ESSAI DE SYNl'HESE
CHAPITRE IV.
El'WE cnMPARATIVE
TRADITION El' MX>ERNISATION DANS LE MILIEU FAMILIAL AFRICAIN
UN CAS DE NE.\\7IDSE D' ANCDISSE

142
CHAPITRE
1 .

.143
1. AVANI'-PROIœ.
"le mariage part de p:-esque rien p::>ur al:outir A presque tout".
En écrivant cette };i1rase, M. :WJSS Q9) avait sans à:>ute g:ésente
Al' esprit la théorie de son maitre OORKHEJM sur l'évolution de
l'institution familiale.
Dans le clan, tel que le décrit l'auteur de L'introduction de
la sociologie de la famille (1888), le mariage n'existe pas.
Dans la famille étendue, natrilinéaire ou patrilinéaire, i l n'est
qu'un rraœnt d'un processus beaucoup plus large, qui à travers les
règles de l'alliance, doit assurer, dans un groupe s::x:::ial donné,
la survie dl UDa famille particulière. La. famille y est "presque
tout", le mari.a:Je ''presque rien".
Quelles que ooient les réserves que l'on FUisse fonnuler à
l'endroit de la théorie Durkheinienne, il faut reronnaitre avec
cet auteur la primauté, dans la société occidentale du noins,
de la solidarii:é conjugale sur tous les liens de parenté. Aussi
bien, le p:>uvoir de décision en natière matriIroniale, qui relevait
autrefois du chef de famille, appartient-il aujourd' hui. à ceux-là
qui décident par le mariage d'être à leur tour forrlateurs d'une
famille. Dans ce sens, mUs il n'est probablern=mt pas le seul
p::>ssible, la P'u:ase de ~~USS OC'lllTente la théorie de OORKHEIM
sur l'évolution de la famille.
Came la plupart des théoriciens de la famille du XIXème
siècle, DURKHEIM a largerrent arprunté les natériaux de sa
dérconstration aux resoouroes, nlors neuves, reis déjà abondantes,
de l'Ethnologie.
(29) Cité par J. SABRAN, Sociologie de la famille, La. Sociologie,
Paris, Centre d'Eb.rles et de Prorrotion de la lecture, 1970, p.IS3.

144
En 1884, dans son étude sur L'origine de la famille, de la
prs>riété et de l'Etat, Frédéric EN;ELS avait fondé une large
partie de son argmyantation sur les résultats des recherches de
(30) __
I.ewis IDRGAN
• Désormais, il devenait :inp:>ssible de fornuler
une théorie sur la famille sans l'éprouver d'abord au creuset des
èbnnées de l'ethnologie.
L'existence de sociétés primitives apparaissait ainsi came
la preuve scientifique que nos institutions avaient été Précédées
d'ure 10I'XJUe suite de nodèles entre lesquels il paraissait p:>ssible
d'établir un certain ordre, à la fois historique et logique.
L'ethnologie réfutait le fixisrœ des institutions, came la
déoouverte des fossiles de l'être serorrlaire avait rrarqué la fin
du fixisrre des espèces.
Il ne faudrait p:>urtant pas imaginer que la réflexion sur
les doru;ées de l' etlmologue a été l'inspiratrice principale des
théoriciens de la famille. MARX, EN:E.S ou OORKHEIM ont puisé à
d'autres sources leurs hypothèses fondarrentales. Mais ils trouvaient
dans des ouvrages c:ame ceux de BACHOFEN (31)et de Lewis M)ffiAN
ce qu'ils considéraient cx:mœ une sorte de preuve expérilœntale
de leur théorie.
L'ethnologie serait en réalité d'app:>int, sinon de fonderœnt,
à des thèses d'inspiration philosophique.
L'influence de l' etlmologie devait encore s'accuser Par la
suite. Elle .i.rnp::>sait désontais à tous les chercheurs une exigence
supplén'entaire, came un préalable obligé : leurs conclusions
devaient être cnmpatibles avec les données collectées sur les
sociétés primitives.
(30) En particulier sur son ouvrage : Systère de consarplinité et
d'affinité dans la famille hum:ùne, 187l.
(31) I.e Droit Matrinonial, .1861, fEut sans doute être considéré corme
la pranière oeuvre inp:>rtante sur l' histoire de la famille.

145
Il serrblait j.ri".iispsnsablr:. dès lors d' élalx:>rer une thèse
sur la famille pour qui n'avait pas d'abord oonfronté ses idées
avec les systêrœs singuliers observés dans un espace sociologique
élargi soudain par une neilleure oonnaissance de cultures afri-
cailles ou américaines.
les ethnologues ne se bornèrent pas à fournir des matériaux
aux sociologues. N'occupaient-ils pas une iX>sition privilégiée
p::>ur réflêchiI sur des systènes jusqu'ici inoormus ? L'analyse
de ces ëbrmêes nouvelles ne fournissai t-elle pas la rreilleure
façon de saisir la spécificité de la structure et du forx:::tion-
ne.rcent de la famille dans notre propre société ?
Ainsi se produisit un rrouvaœnt syrrétrique de celui qui
avait attiré les Philosophes à l'Ethnologie : tels qui avaient
ccmœncé leurs recŒrrches par l'éttrle des sociétés primitives
estimaient trouver le rouronnaœnt de leurs travame dans une
ex>ntribution à l'étude de la famille rontatporaine.
Ainsi WES'IERMARK, auteur en 1891 d'une Histoire du Mariage
p.lbliait un demi siècle plus tard un ouvrage sur l'Avenir du
Mariage dans la Civilisation Occidentale. Margaret MEAD, après
de longues recherches ethnologiques, s'est égalaœnt intéressée
aux proOlàœs de son pays et plus particulièraœnt aux questions
rel
·
à 1
.
~'l'
.
(32)
atives
a Jeunesse et au llLJUe e matrlIIOmal
.
Cette ëbuble vocation de la recherche était rendue iX>ssible
par le rapprocleœnt des néthodes utilisées. Al' expédition
lointaine de l' etlmologue rép::>rrl l'enquête "sur le terrain"
du sociologue. On ne déduit pas une thèse particulière d'un
systàre a priori plus général. Etlmologues et sociologues
de la famille s'efforcent les uns et les autres de Q)llecter
des dormées.
(32) L'utilisation sociologique de ses recherches ethnologiques
est manifeste par exemple dans Culture am a::.rnn.itrrent: a s~
of the ~rations gap. New York, !1argaret MEAD and roUBT.EDAY
âïii C.,
70, trad. de Claire VOYE sous le titre "le fossé des
générations", Paris, Derx:>ël, 1971.

146
la s::x:iologie ne peut faire l' fcoranie de cette [hase empirique.
Al' imrrense docunentation et.l'lrï:>logique rorresp:ml dés:>l:ma.is l ' acetmU1atioo
des résultats dleI'Gl1êtes dans les s:>ciétés contanp:>raines. L'Université
d 1YALE a constitué, avec les H1.Inan Relations Area Files un répertoire
des infonnations recueillies en matière de structures féllliliales dans
les sociétés primitives
(33).
Parallèlenent, l'Université de MINE'AroLIS
entreprenait, rous la direction dl ALIXXJS et ImL, un irrmense effort p:mr
rasSE!t1bler les données diSFOnibles sur le mariage et la famille.
La Bibliograp1ie Intermtionale des Recherches sur le Mariage et la
Famille réunissait pour la période 1900-1964 près de 1.300 titres.
Pour les années 1957-1968, John r.fXiEY (34) a poursuivi ce travail dans
sa "s:>ciologie du M3riage et du CcIrqx>rtanent Familial". Enfin, une
ccxlification de tous les résultats de recherches est poursuivie aux
Universités de MINNEOOI'A et de OOLtl1BIA, rous fonne d'un Inventaire des
Recherches sur le Mariage et la Famille. Ces travaux ront dl autant plus
considérables qu 1on estime, IX'ur les seuls Etats-Unis, à plus de 2. 5CX::>
les pililications annuelles sur ce thème.
On est parfois en France assez sévère };XJur les résultats de cette
rociolog ie américaiœ de la famille. On œ veut y voir qu'ure énonœ
accœnllation de données statistiques ou quantitatives. En réalité,
maigré des échecs
inévitables, et dont ils sont très conscients,
les sociologues arréricains sont passés de 11 analyse descriptive à la
théorie explicative, à corrlition de donner au !TOt "théorie" un sens
tr ' t
l ' dl
rrod'l
l'
. ,
l '
l
iabl
(35)
res
em, ce Ul
un
e e
J.m1te aux re atlOns entre que ques var
es
.
(33) Cette docmœntation p:Jrte sur 250 sociétés. Elle a été utilisée en
particulier par MURIXX1< pour établir, en~1949, que la famille élérrentaire
existe dans toutes les sociétés: MURIXX:K, scx::ial Structure, New York,
Mac Milan, 1949.
(34) Th:! Hague, Paris, l-buton, 1971.
(35) A. ~CHEL résurœ très objectivaœnt 11 i.lnr:ortance de la S:>Ciologie
américaine, en particulier dans ron Avant-Pro};XJs à la Sociologie de la
félnille, Paris, ~uton, 1970.

147
().le les résultats de ces recœrches daneurent IErlois mx1estes ne doit
pas faire oublier les pxogrès oonsidérables réalisés dans la mise au p;:>1nt
des méth.:x1es. La c:oopêration syst6natique entre chercheurs de disciplines
différentes a êtê sans aUCW1 doute une des causes pr1ncip:ù.es de cette
réussite. HILL, PARSCNS et a:x:DE par exsnple, par des voies différentes,
ont proford€ment
marqué l'étude scientifique du mariage et de la famille
et il n'est plus possible dés::>nnais de ne pas tenir cxrrpte des résultats
de leurs travaux.
L'exerple des Etats-Unis a été largarent sui.vi. Dans l' Allenagne
écrasée des années 1945-1950, H. OCHELSKY (3&) a observé les réactions
de la famille à l'effritement des instances administratives et de l'Etat•
..
Plus tard, IDNIG a ranis en cause un certain ronbre de préju:Jés ou de
simplifications sur la "nucléarité" de la famille contarqx>raine (37).
En AnJleterre et en Belgique (38), les recœrcœs anpiriques se IIU.Ùti-
pliaient. Au total, la Bibliografhie de M:X;EY retient pour l'Europe,
de 1957 à 1968, 600 oontri.l:Altions de caractère scientifique.
La part de la Frarx::e peut paraître satisfaisante :fW.squ' elle
intervient dans cet inventaire pour 40 contributions. en notera pourtant
qu'elle arrive bien loin derrière la Pologne (115 contributions),
l'AnJleterre (65 oontri.l:utiDns), la Belgique (65 oontri.l:utions). Encore
fau~-il observer que les oontrihutions françaises présentées sont
généralaœnt des articles, que leur sujet est parfois à la frontière
de la sociologie de la famille, enfin qu'ml ~u noins de la noitié des
contributions (l8 sur 40) est le fait d' \\ID seul auteur.
{36) Sociologie canparée de la Famille CoIltat'p)raine. La Famille en
Allanagne, Paris, Edition du centre National de la Recherche SCientifique,
1965.
(37) René Këtm; : Old problans am new queries in family sociology,
in R. KONIG et R. HILL, Families in Fast arrl west, Paris, La Haye,
M:Juton, 1970, W.602 et suiv.
(38) On trouvera un bilan de ces travaux belges dans . C. IAPIAE
La sociologie de la félllil.le en Belgique, 1957-1968, Recœrches
sociologiques, nO l, juin 1970, pp. 5-44 •

148
les travaux de grande qualité n'ont pourtant pas manqué en France.
Dans le choix du conjoint, par exerrple, A. GIRARD a souligné qu'en dépit
de la rrobilité sociale et géographique de la POPUlation, l'horrogamie socio-
culturelle des conjoints reste la règle. Pour établir les rapports o:xnplexes
entre la famille et ses conditions de vie, ŒIŒŒARI' de ~ a utilisé
avec succès l'approche situationnelle telle qu'elle est pratiquée aux
Etats-Unis par J. roSSARD. A. HIŒIEL a égalarent utilisé cette méthode
dans une étude sur "Famille, Industrialisation, lDgement" (39). Par
ailleurs, elle a fait porter toute une partie de son travail sur la
répartition des rôles dans la famille conteIrq;:oraine. La thèse de A.M.
:RO::HEBLAVE-SPEULE concerne ce rrêœ problème.
Dans le courant du présent travail, les citations et les références
rcontrent que runbreux sont les sociologues qui, à un titre ou à un autre,
et suivant des méthodes fort diverses, se sont intéressés en France à la
famille et au mariage. Il convient sans doute de faire parmi eux une
place à p:rrt à Ph. ARIES, dont l'oeuvre <40.) porte à la fois sur la
famille traditionnelle et sur la situation actuelle. Son analyse des
relations affectives entre parents et enfants, corrme entre les conjoints,
est constanment utilisée, sinon toujours citée.
En dépit de toutes ces contributions, lorsqu'on fait le bilan des
recherches françaises dans ce danaine depuis 1950, il est difficile de
ne pas éprouver une certaine déception. La publication en 1954 d'un
Calùer sur le Renouveau des Idées sur la Famille semblait l' anorce d'une
recherche concertée et systématique sur le mariage et la famille (41).
le Colloque tenu la m✠année sur la Sociologie Corrg;>arée de la Famille
Cont.em[:x:>raine rcontrait qu'une telle coopération était possible.
(39) Paris, C N R S, 1959.
(.10) ARIES est l'auteur d'une Histoire des Populations Françaises et de
leurs Attitudes devant la Vie depuis le XVIIIème siècle, Paris, self, 1948,
rééditée aux Editions du Seuil en 1971; et de L'Enfant et la Vie Familiale,
Paris, Plon, 1960. Il a participé, pour deux ccmm.mications, au Colloque sur
la Sociologie Canp3rée de la Famille ContaTIp:>raine, op.cité.
(41) Renouveau des Idées sur la Famille, ouvrage publié sous la direction
de Robert PRIGENT, Paris, l N E D, Cahier nO 18, 1954.

149
Malbeureusaœnt, la oonstatation de Maximilien s)RRE, en tête de
l'Avant-Propos de Canpte-Rerrlu de ce Colloque, reste vraie aujourd'hui
enoore : "La sociologie de la famille parait être celui des chapitres
de la sc::x:iologie qui a reçu en France le roins d'attention".
Deux faits nous paraissent oonfimer ce jugerœnt. Dans le Traité
de SCX:iolCXJie publié en 1960 rous la direction de GURVITCH, la question
de la famille est à peine aJ::ordée. Par ailleurs, il n'existe en France
aUCWl Institut de Recherches spécialisé dans l'étude de la famille.
Bien des explications de ces faits peuvent être avancées.
Pourquoi étudier la famille dans une société où elle ne paraissait
pas FOser de problème, oÙ la multiplicité était intense, la féoondité
en nette augzœntation par rapport à la période d' avant-guerre, où les
ruptures d'union ne serrblaient pas atteindre un seuil dangereux ?
cette famille, quiète, dont la santé s'inscrivait régulièrerrent
en oourbes stables, ne provoquait ni l'intérêt des chercheurs ni le
oouci des FOuvoirs publics.
Si les Etats-Unis, au oontraire, ont oonsaeré tant d'efforts aux
études sur le rrariage et la famille, n' est-ce pas parce que la crise
était là-bas rrenaçante, que les nariages des noins de 20 ans se
II1lL.tipliaient, que la fréquence des divorces était inquiétante ?
La qœte obstinée de oorrélations statistiques et d'explications
qualitatives n'est-elle pas notivée par le désir, oonscient ou non,
de retrouver des nomes et de ma1triser une évolution jugée alarmante ?
Explication plausible, mais qui ne va pas sans renoontrer des
objections. La famille n' était-elle pas solidement établie dans la
population européenne durant ce XIXème siècle, qui a W FOrter contre
elle les plus rudes accusations sans doute qu'elle ait jamais reçues.
EN;ELS, MARX, FOURRJER vivaient dans une société où la famille ne
~aissait pas "en crise" (42).
(42) Un hame cx:mœ LE PLAY ne déferrl pas précisérrent l' institution familiale
mais une certaine oonception de cette institution et ce qui lui en paraissait
une caractéristique essentielle, à savoir le droit d' <ri.nesse •

ISO
Le scandale que fit à l'orée du XXèrœ siècle le livre de Léon BLUM
l'Du Mariage Il , ne signifiait-il par que l'inspiration de son oeuvre était
alors à contre-courant? Le IIFamille, je vous haisll de GIDE n'a été
souscrit que par un petit mmbre de lecteurs.
On trouve donc bien, dès avant la première guerre nondiale, des
théoriciens et des littérateurs fX)ur attaquer la famille et le mariage,
mais ils le font en fX)lémistes, au nom d'une idéologie Particulière ou
de sentiments Personnels. Leur prise de pJsition n' al:x:>utit p:is à un
intérêt oouveau fX)ur une étude scientifique du sujet.
La multiplication actuelle des recherches systématiques, l'observation
méthodique des faits, ne sont-elles pas au contraire liées à la conscience
plus ou noins confuse que les nonœs de ~rtanent se rrodifient ? ce qui
p:iraissait llnaturel" semble tout à coup oomne le résultat fragile de
canportanents et d'attitudes que l'on croyait imnuables, parce qu'ils
s'étaient m::mtrés stables sur quelques générations et sur une partie de
notre existence d' adulte.
Aussi, le renouveau assez net depuis 1965 des études sur la nuptialit6
et la famille
n'est-il probablerœnt pas le fait du hasard : le
fléchissaœnt brusque d'un certain oombre d'indices dérrographiques
n'est pas étranger à la reprise des travaux de sociologie de la famille.
On citera fX)ur mérroire quelques rranifestations de ce regain d'intérêt
le livre récent et déjà cité de A. MICHEL : "La SOciologie de la Famille",
l'étude de H. 'IOUZARD sur les rôles conjugaux et la structure familiale (4'3-)" ,
l'enquête du Centre de Recherches et de Docurœntation sur la Consamation
(C RED 0 C) sur les Besoins et les Aspirations des Familles et des Jeunes (1972)
et les travaux du Centre d'Ethnologie française, enfin les différentes enquêtes
menées depuis 1966 par l'Institut National d'Etudes Dérrographiques .
.(43) Enquête psycho-sociologique sur les rôles conjugaux et la structure
familiale, paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1967.

151
Toutes ces recherches ont traité d'aspects concrets et bien
délimités de la vie des ménages: conditions d'habitat, répartition
des tâches et des fonctions, budget-temps des fermes, rrobile de la
limitation des naissances.
Dans la liste des publications, aussi bien françaises qu' étrélDJères,
la place des travaux qui traitent précisé:rent du nariage est très faible.
M:X;Ey, dans son Inventaire };Our les Pays Européens, en cc:.rcpte noins de 30
sur les 600 inventoriés };Our la famille. le titre global de la Bibliographie
Sociologique du Mariage et du Carp:>rterœnt Familial n'est pas faux, mais
suggère un équilibre dans la distribution des titres, qui ne corres};Ond
pas, et de loin, à la réalité.
Dira-t-on qu'on ne saurait parler de la famille sans traiter, d'une
manière ou d'une autre, de l'acte qui la fonde ? Certes, mais des recherches
centrées sur l'évolution des rôles dans le ménage ou l'influence de
l 'habitat sur le cœport:aœnt des Parents et des enfants, se situent en
aval du rrariage et ne l'éclairent qu' indirecte.rrent. En vérité, les
travaux qui traitent explicite.Iœnt du rrariage sont rares. Et sans doute
faut-il reprendre l' hypothèse avancée plus haut : échappe à l'attention
du chercheur, du noins ne sollicite pas son intérêt, ce qui para1t stable
et };Our ainsi dire "naturel".
Or les changerrents semblent plus nets dans le cours même de la vie
familiale, dans les indices de fécondité par exemple, que dans la
multiplicité. L'ânancipation de la ferme, les conditions nouvelles de
l' habitat et de l' w:ba.ni.srœ, paraissaient rerrettre en cause l'équilibre
de ce qui se passe après le rrariage plutôt que les conditions de la
nuptialité elle'"'f!'êrœ, multiplicité dont les indices statistiques
prouvent enx>re l' intensité et la précocité.
L'objet de notre étude, au contraire, est centré sur le rrariage,
c'est-à-dire sur l'acte qui établit entre l' homœ et la ferme une
"union spécifique".

i52
Nous nous proposons en effet d'analyser la nature du lien
r:atrirtonial, en utilisant d'abord pour cela les données qui penœttent
de caractériser cet acte dans sa quasi-instantanéité, c'est-à~re tout
ce qui rel.?ve de l'analyse de la nuptialité proprement dite. Mais l'acte
de se marier est aussi un aboutisserœnt et un engagerrent. Il n'est
détaché ni du passé des conjoints, ni de leur avenir. C'est une rrâœ
histoire qui se poursuit: le mariage lui donne une indéniable
spécificité, nais celle-ci s' exprirce déjà, a:mne projet, dans ce
qui le pr~e, et le IIaIqUe encore, ccmœ acconplisseIœIlt, dans
ce qui le suit.
La. compréhension du mariage peut donc être facilitée par une
observation de ce qui se trouve en arront et en aval. Aussi bien
le lecteur ne sera-t-il p:is surpris de trouver des données qui ne
portent p3.s uniquerrent sur le m::rrent précis de l' engagerrent public;
nais la présentation des autres données n'aura d'autre but que
d'éclairer le sens du lien :rratrirtonial, p:ir exanple lorsqu'on
s'efforcera de mieux discerner ce qu'ajoute le mariéi<]e à l'union
effective des fiancés ou encore ce qui explique la rupture p:ir le
divorce du lien conjugal.
Est-il besoin d'ajouter que cette recherche ne s'intéresse aux
faits de conscience des individus que dans la rresure où l'on espère
trouver, dans leur expression, des distributions régulières qui
renvoient, au delà des biographies individuelles, à des nonœs
collectives.
Nous nous en tiendrons donc à l'inventaire des nodèles, plus
ou noins largerœnt adoptés, qui servent de fomerrent et de régulation
à la vie conjugale dans notre société.
Hais ces différents nodèles ne se situent-ils pas sur une même
cha!ne d'évolution, de sorte que nous trouverions sirrplerrent des fonœs
plus ou noins archaïques, ou plus ou noins nodernes, d'un nodèle
fOn:lalœntalerœnt unique ?

153
Dans 1 1Intrcxluction à 1 1An Mil, H. FOCILlDN décrit cette juxtap:>sition
dans la oontarp:>ranéité apparente de réalités d'époques souwnt éloignées les
unes des autres: "Une période, nêœ oourte de tarps", écrit-il, "carp:>rte un
grarrl nanbre dl étages, ou si lion veut, de stratifications ••• , si bien que
chaque fraction du tatps êcDulé est à la fois passé, présent et à venir".
Ainsi, le projet de repérer la diversité à un IllJIteIlt donné renvoie
nécessairerrent à une analyse de 11 évolution dans le terps, IJUisqu 1il faut
bien vérifier si la première ne se réduit pas finalerrent à la secorrle..
Il ne saurait pourtant être question dl a1:x:>rder pour e11e"'iTêre
11 étule de 11 évolution du nariage en France. LI entreprise, on le
<XJtPrerrl, serait trop vaste. Elle exigerait dl ailleurs la mise en
oeuvre de disciplines très spécialisées. Il yifaudrait un historien
du droit rratrinonial, civil, rrais aussi canonique. sa cx:npétence
devrait s'ét.erx:3re jusqulaux droits oouturniers régionaux.
En réalité, l'Evolution du Mariage en France oonstitue à elle seule
le thème de plusieurs '1l1èses.
Fallait-il purerrent et silrp1errent arettre toute référence au passé
et rerx:mcer à s 1engager dans une voie dont seul un spécialiste oonna1t
la difficulté et les risques ? Prudence irrpossib1e, hélas, dès lors que
la multiplicité des m::rlè1es actuels posait le prob1àœ de la surviva...'1ce
dans mtre rociété de systènes rratrirroniaux antérieurs.
l i mus faudra donc pren::lre quelques repères, aussi sirrp1es que
possible, sur ce qui était la famille dans la société française
"d1autrefois" •

154
Restent à préciser les WIES QDISIES p:mr éttrlier la famille
cx>nt:.errp:>raiœ .
~, fOur l'essentiel, a défini la méthode qui sera utilisée
dans notre travail :
"s:>it une réalité s:>ciale, telle que la famille", écrivait-il.
"On peut distiD3uer l'idée de l' inst.itution familiale, des lois et
ooutures qui s' y rag;x:>rtent., des sentiments de famille et de norale
dorrestique; d'autre part, les familles elles-rrêrœs , telles qu'elles
apparaissent dans l'espace, telles que nous pouvons les décrire
extérieurerœnt et les dénanbrer".
On voit que cette méthode c::aTp)rte deux volets, ou plutôt deux
rrorœnts : d'une part, l'analyse des caractéristiques "telles qu'elles
apparaissent dans l'espace", et d'autre part, liée à ces fonœs
matérielles, "toute une partie de la psychologie" (44).
D'un côté, le substrat; de l'autre, les représentat.ions rollectives,
qui sont ccmœ la oonscience de ce oorPS &>Cial.
Tel est, schérratiquarent, le "discours de la méth:xie" sociologique
de HALBWACHS.
Tel est aussi, dans son princip=, le plan de rotre recherche.
(44) M. HALBWACHS
~rphologie Sociale, Paris, Colin, 1948, p.181.

155
II. MARIAGES ET FAMILLES D' AIJI'REFOIS •
N:mbreux furent au XIXèrœ siècle les théoriciens oociaux qui
s'intéressèrent il la famille.
Ceux qui étaient partisans d'une "restauration" des rroeurs ne
manquaient IUint d'illustrer leurs plaidoyers de descriptions idylliqtEs
de la famille d' autrefo is, celle des haIœaux et des chaumières (45) .
Famille étendue, disaient-ils, qui regroupait plusieurs générations,
famille où le respect des enfants rép:>ndait au IUuvoir du père, où
la terrlresse de l'éIUuse équilibrait l'autorité du mari, où la
"simplicité patriarcale" trouvait sa récœpense dans un bonheur
naturel et stable. Cette représentation de la famille est entrée
dans l' i..nagerie IUpulaire (46).
Bien plus, elle a pris force de mythe et chacun, lX>stalgique
de la tradition ou fervent partisan du cèla.n3"erœnt, diSfX::>se dans
l'arsenal de ses argurrents de cette petite i..nage bien sage de ce
qu'avait été la famille sous l'Ancien Régirœ. les jugerœnts IOrtés
sur elle peuvent s' optX)ser ; les descriptions ile divergent guère.
Historiens et dérrogratfles s'intéressent à cette famille passée
et découvrent quelques-uns de ses traits particuliers. De leurs
travaux, t.J.n2 conclusion au noins s' inpose : "Ia famille traditiormelle
n'a jamais existé". Ia multiplicité des nodèles est ir::::-écusable :
elle traduit leur évolution dans le t.errps a:mre leurs variétés régionales.
Si mus mus tourrx::>ns vers les spécialisœs du droit, par exemple,
ils nous avertissent d'anblée de l'origine cc:mp:>site des institutions
( 45) lettre pastorale de l'évêque de Meme, 1820. Citée dans l'Ami du
Clergé du 16 février 1820.
Voir à ce sujet R. DENIEL : Une image de la famille et de la société
sous la Restauration.
(46) le titre d'un hel:x1œadaire très réparrlu avant la première guerre noœiale
est très suggestif à cet égard : "Ia Veillée des chaumières".

156
7
natriIroniales françaises : "Dans le Haut M:lyen Age", &rit GAUDEMEr (4 ),
"trois institutions étaient en présence : le consensualisœ rorrain, le
dualisœ gennanique, le courant judéo-patriotique", et d'insister sur
les différences entre pays de couturre et pays de droit écrit, sur
l'influence aussi d'une législation royale qui infléchit peut à peu la
oonception carx:mique du mariage.
La lecture des historiens de la famille ne laisse finalezœnt aucun
doute sur le p:>int de l'existence en France de nodèles natrirroniaux aussi
différents que ceux que les ethnologues peuvent repérer dans les aires
de civilisations très éloignées: ccmnunautés taisibles pa.r exemple,
oü la famille élargie gère solidairaœnt un patrirroine irrlivisible et
incessible~ famille-souche, beaucoup plus étroite, où le droit d'aînesse
assure l'intégrité de ce p:ltrirroine ... , bref, l'irréductible ImÙtiplicité
décourage toute tentative sérieuse de réduire ces nodèles à un schéma
unique.
Et p:>urtant, si l'on veut apprécier la "muveauté" de la situation
oont.errq;nraine, force est de prendre quelques vues sur ces nodèles de
l'Ancien RégiI'œ.
Nous allons tenter de le faire, en suivant, rnêlre dans cette
exploration un peu sur:erficielle, la méthode d' HALBWACHS :
A la dérographie historique, mus demanderons des indications
statistiques sur ce qu'était alors la nuptialité.
Apres avoir recherché, auprès d'un historien de la famille,
Ph. ARIES, quelques é<!:laircissaœnts sur les attitudes et les
92I1ti.ments qui sous-terrlaient les cxxrpJrtanents observés, mus
en arriverons à une première analyse nPrphologique de la
nuptialité française et de ses représentations collectives.
(47) J. GAUDEMEr : Les incertitudes du haut M:lyen Age. Le lien natrirronial.
strasbourg, 1970, p.83.

157
A. LA. DEM:X2RAPHIE HIS'IORIQUE.
La démJgraphie historiqœ a app:>rté une contribution très précieuse
à l'étude du mariage sous l'Ancien Rég lire. Les rronographies de villages
ou de oourgs ont, depuis vingt ans, pennis de se faire une idée plus
précise de ce qu'était la nuptialité en France au XVIlèœ et au XVIIIèœ
siècles.
Les infonrations sont FOnctuelles, dispersées, nais elles se recoupent
aisâœnt et fournissent les premiers natériaux statistiques sérieux
sur l'âge rroyeIl au mariage, sur l'intensité de la nuptialité, sur la
durée du mariage •.
• Le pro;J1àœ de l' intensité de la n;l!Jtialité a été lOn:Jterrps débattu.
DUPLESSIS- IE GUELINEL, dans un ouvrage de synthèse très utile, soutenait
qu'il Y avait sous l'Ancien Régi.Iœ ''beaucoup plus de célibataires
qu'aujourd'hui". (48.). cette thèse a été critiquée, en particulier
par SAUVY et B:)UffifX)IS-PICHAT (49~
Les est.i.nations de MA'lliOREZ ~50), reprises par DUPLESSIS, se
forrlaient sur le dép:>uillerœnt des "livres de raison". Mais les
familles qui ont tenu ces livres ne représentaient qu'une catégorie
bien particulière de la FOpulation française.
Nous prerrlrons appui sur les données recueillies dans quelques
rrorx:>graphies de dénographie historique. Il semble qu'une certaine
convergence se réalise dans les conclœ3ions de ces études.
Notre TABLEAU l traitera de la fréquence du célibat
(48) Les mariages en France, Paris, A. Colin, 1954, p.19.
(49) Sociologie conparée de la famille contenporaine, Paris, Editions
du centre National de la Recherche Scientifique, 1955, p.52.
(SO) Histoire de la fornation de la p:Jpulation française, tare l, Paris, 1915

158
TABLEAU 1
~ DU CELIBAT DEFINITIF
Période observée
Hcmœs
Femœs
(a)
en %
en %
Crulai (b)
175crl8CX)
-
10
'Iburouvre (c)
171cr1770
6,2
5,6
Thezet - Saint Sernin (d)
1747-1792
-
13 à 17
'Iburaine
(e)
1679-1789
3 à 4
5 à 6
~ulan
(f)
169cr1714
-
10
1715-1739
-
13
(a) N::>us ooIIDOns l' estilPation finale des auteurs
(b) La population de Crulai, paroisse nonrande, étude historique,
Etienne Gautier et rAmis Hemy, INED, cahier nO 33, pp.74-75.
(c) Tourouvre en Perche, Hubert Charnouneau, W.69-70.
(d) Familles paysannes au XVIllèrre siècle, en Bas-Quercy
(e) En Touraine et en Berry, Lachiver, in Annales de dérrographie
historique, 1969, p.230.
(f) La fOpulation de ~ulan du XVIIèrre au XIX.!rre siècle, serpen,
Paris, 1969.

159
La oonvergerx::e des études faites à ce jour corrluit LACHIVER à penser
que nIa croyan::e au célibat fréquent sous l'Ancien Régirre, en particulier
chez les fermes, doit bien être mise au ran:j des léjemes" (51). Tous les
travaux de déIDgraphie historique confinnent ce juganent. On observera
toutefois qu'ils corx::ernent presque toujours la p:>p.l1.ation rurale {52.).
Certes, elle représentait alors plus de 80% de la p:>pulation française '(53,).
l i est cer::endant très intéressant d' obrerver que dans certains groupes
urbains, la fréquence du célibat définitif devait être beauroup plus
forte que dans les p:>pulations villégeoises.
On rappellera simplanent p:>ur maroire le célibat du clergé, qui
devait concerner au total 200.(0) perronnes environ (54). Les cadets
de la noblesse, grande ou r::etite, entraient le plus souvent dans la
carrière militaire, et c'était un état où l'on ne se rrariait guère.
A l'autre extréni.té de l'échelle sociale, les danestiques:;. venus la
plupart du temps des campagnes, restaient eux aussi célibataires.
sans exagérer leur rx:mbre, il est certain qu'ils représentaient, surtout
au XVIllàœ siècle, une fraction i.nq:ortante de la p:>pulation urbaine.
L'idée du service, qu'il fût danestique ou militaire, sanblait donc
exclure le mariage.
Il est vrai que l'on ne demeurait pas daœstique toute sa vie,
et que l'épargne d'un f€tit
pécule pennettait de s'établir à oon canpte
et de se marier.
Dans les grandes villes, un p:>urcentage imp:>rtant des ouvriers
restaient célibataires. M. GARDEN estime à 25% la prop:>rtion des farmes
(~5)
célibatatires après 30 ans dans les soieries lyonnaises au XVIllàne siècle
(5L) M.
LACHIVER, Annales de dém.Jgraphie historique, 1969, p.230.
(52.) Il est probable d'ailleurs que la situation variait suivant les régions
et que dans les zones pauvres la fréquence du célibat, !Dur les harrnes au IlDinS.
était plus élevée qu'ailleurs. sans dormer d'estimation chiffrée, P. RAMBAUD
et M. VlR:ENNE le suggèrent dans "Les transfonnations d'une société rurale,
la Maurienne", Paris, A. COlin, 1964, 284 p.
(53..) M. REINHARD, A. ~ et J. DUPAQUIER, I-listoire Générale de la
Population Morrliale, p. 267 .
(54) IXJPLESSIS, op. cit., p.8.
(55) Maurice GARDEN : Lyon et les Lyonnais au XVIllàne siècle, Paris, Les Belle!
Lettres, 1970, 773 p.

160
Autre catégorie 90uée au célibat, celle des "logistes", group=s
c:x::rrp;:>sites de personnes sans danicile fixe : charl::onniers, mendiants,
vivant h:>rs des villages, échawant au contrôle du fisc et aux déranbraœnts.
Quant à la l::ourgeoisie, sa situation est intennédiaire entre celle des
paysans et de ces groupes voués au célibat. L' opinion de MJHEAU est sans
doute fondée, qui pense que le célibat y était plus fréquent que cœz
les paysans 56).
Il semble bien en ocmne que la fréquence définitive du célibat ait été
très différente suivant les groupes sxialD{. En milieu rural, PJur les
h:mœs en particulier, le rrariage était de règle : peu de place au village
J:X)ur les hames célibataires. Qùi. devenait veuf se remariait rapidarent.
A la campagne, la probabilité de mariage des cadets était cependant faible.
Il leur fallait d' ailleurs fréquenrnent gagn2r la ville. Citadins, souvent ils
devenaient serviteurs, état peu canpatible avec le mariage. Demeuraient-ils
au village, ils risquaient alors d' Y être les daœstiques de l' ainé et
finalarent de rester célibataires dans la maison familiale fi7 ).
LE PlAY définit avec carrleur leur situation en disant qu'elle donne
"la quiétude du célibat avec les joies de la famille". BJURDIEU, qui cite
cette prrase, y optX)se sa propre oonclusion : le cadet est la victime
"structurale" du systèrre (58).
Ce célibat des cadets n'était pas réservé aux ruraux. La même procédure
jouait en p:rrticulier dans la mblesse : les cadets entraient dans le clergé
ou l'armée, ou encore s'exilaient dans quelque "Nouvelle France" lointaine.
Aussi souvent que dans les familles paysannes sans doute, ils renonçaient
à fomer une famille.
Au total, si la thèse de DUPLESSIS ne peut manifestaœnt pas s'appliquer
au milieu rural, nous ne disp::>sons pas de données suffisantes J:X)ur affiDœr
qu'elle est fausse J:X)ur le J:X)pulation urbaine.
(56) M:JHEAU : Recherches et Considérations sur la Population en France, 1778.
fJ7) P. ~ , op. cit., p.61, écrit : "Longtemps, le célibat a eu PJur rôle
éccm::rnique de fournir une main d'oeuvre courageuse et mn salariée".
(9.63)
P. BJURDIEU : Les stratégies matrirrDniales dans le systèrœ des stratégies
de reproduction, Centre de sociologie européenne, Paris, 1971, pp.31-32.

A Paris, à la fin du XVIIIèœ siècle, pour 20.cro naissances légit1Jres
annuelles, on cxnpta.it environ 6.CXX) enfants trouvés (59). Une telle proportion
suggère FOUX' le noins une situation très perturbée dans le danaine rratrirronial,
nèœ en admettant qu'une partie des enfants trouvés n'était pas nécessairaœnt
illégitirœ. De toute manière, dans la plupart des groupes sociaux, il est
certain que le ra.I13' de naissance détenninait largerœnt la possibilité de
se marier .
• SUr l'âge au nariage, les données les plus sOres proviel1nmt également
des norographies villageoises. On trouvera dans le Tableau suivant quelques
résultats roocernant l'age noyen au mariage
TABLEAU I I
QUELJJUES DONNEES SUR L' N;E M IV t<:N AU MARIAGE SCX)S .J' AOCIEN !mIME
Période observée
Harmes
Fermes
crulai (a)
1674-1742
27,2
24,1
Tourouvre (b)
1665-1699
28,2
24,1
1700-1734
27,6
24,9
1735-1770
27,5
26,2
'iliezet - saL'1t sernin
1700-1739
27,0
23,7
1740-1766
26,7
23,9
Tamerville (d)
1767-1792
27,1
26,3
Villages et pe~tes villes
1641-1660
26,5
22,9
de la généralité de Paris
(e)
1681-1690
30,0
25,8
1731-1740
28,4
27,0
1771-1780
32,9
26,7
dont Meulan (f)
XVIlàœ s.
24,0
23,0
XVIllàne 5.
26,8
25,4
Angleterre, noblesse (g)
1625-1650
20,7
26,0
(a) ouvrage cité, p.84
(b) ouvrage cité, pp.71 et suiv.
(c) Familles p3.ysannes au XVIllàre siècle en Bas Q,lercy, op.cit., pp. 100 et su
(d) Ph. h"IEL : Tarrerville, in Annales de dém:::graphie historique, 1969, p.140
(e) Annales de dérro:JraFffi.e historique, IACHIVER, 1969, p.12.
(f) La p:>p..ù.ation de Meulan du XVIlèrœ au XIXÈme siècle, p.139.
(g) LASLE'IT PEI'ER : Un nome que mus avons perdu. Trad. française, paris,
Flammarion, 1969, p.93.
(59~ M. REINHARD, op.cit., p.268.

162
De ces dormées, on peut oonclure avec prudence que, dans les
pJpU1.ations étudiées, l'âge noyen au nariage était le plus s:>uvent
canpris entre 26 et 29 ans p:>ur les hames, entre 24 et 27 ans ];our
les femnes, que l'écart d'âge noyen entre les oonjoints était donc
de deux à trois ans environ, enfin qu'~ évolution s'est produite
entre le XVIlàre et le XVIllèrre siècle dans le 93ns d'un recul de
l'âge au mariage.
Là encore, contrairarent à ce ~ l'on est tenté de per193r,
l'évolution ne s'est pas faite toujours dans le rnêIre sens, celui d'un
rajeunissement progressif. Ce recul de l'âge noyen au mariage à la
fin du XVIIIèrœ siècle s'explique peut-être par la croissance de
l'espérance de vie : le mariage du fils ainé survenait en effet assez
souvent peu après le décès du père. La plus grande longévité de celui-ci
peut s'être: traduite par un plus lorg célibat de celui-là. Ce retard
au mariage peut aussi s' ~liquer ccmne un noyen ];our limiter les
naissances.
Qùoi qu'il en soit, ces données sur l'âge au mariage ne ooncernent
que le milieu rural. On ne ];ossède guère de statistiques sur la
situation urbaine l GO). Il est probable que dans les villes, la
dispersion de l'âge au mariage a été plus grande qu'en milieu pa.ysan.
les :rœ.riages d'enfants existaient sans aucun doute pa.nni les rnbles
et il est vraiEaTlblable que les filles se mariaient généralaœnt très
jeunes dans cet "état". On ne peut pa.s être aussi affinnatif en ce
qui concerne les garçons.
Sur la oourgeoisie, nous avons peu de renseignaœnts précis.
L'étude de L. HENRY sur les anciennes familles genevoises (61) fournit
p:>urtant des données très intéressantes dont le Tableau ci-après
dorme un réstnné.
l6O) On trouvera p:>urtant des indications très intéressantes dans
M. GARDEN : Lyon et L1Qnnais au XVIIIèm2 siècle.
l61.} L. HENRY : Anciermes familles genevoises, l N E D, cahier nO 26,
Paris, 1956.

16j
TABLEAU III
AN:IENNES FAMTI,I.F.S GENEVOISES.
(NiE KJYEN AU PREMIER WUUAGE PAR PERIOOE EN ANNEES Er DIXIEMES D'ANNEE )
16ro-1649
1650-1699
1700-1749
1750-1799
Hort1œS
29,1 ± 1,0
32,6 ± 1,3
31,9 ± 1,5
31,5 ± 1,7
Fermes
21,4 ± 0,8
24,6 ± 1,2
26,3 ± 1,1
24,0 ± 0,8
Il est difficile de généraliser une telle série.
Les infonnations très ~nctuelles d' historiens ccmœ BABEAU suggéraient
un mariage plutôt tardif ~ur les hcmœs, plutôt précoce ~ur les femnes.
La différence d'âge entre les conjoints aurait été ainsi plus importante
qu'en milieu rural : de l'ordre de 6 à 7 ans, came à Genève. En réalité,
i l est probable que le cnrportanent a varié sensiblerœnt suivant les
milieux sociaux.
.
Sur l' horrogarnie socio-piofessionnelle, les rronographies villageoises
ne mus donnent que de rares indications. Celle de H. CHARBONNEAU (62)
est panni les plus riches. La forte h:m:>gamie de cette agglanération
(Tourouvre en Perche) n'a sans doute pas été exceptionnelle. Dans la
~iété médiévale, répartie en "ordres", "estats", très hiérarchisés
et cloisonnés, l 'harogamie matrim::>niale devait être très forte.
Plus tard, une certa.i.rY2 capillarité sociale s'est manifestée.
Le fils du riche lal:x>ureur ~uvait devenir marchand; celui du riche
cx:rrrœrçant, "rooin", celui du grand bourgeois, gentilhornœ. Ma.is la
rcobilité verticale était lente, et l'on craignait, si l'écart des
situations était trop grand, aussi bien les rnrriages de "haut en bas"
qui constituaient des mésalliances, que les rnrriages de "bas en haut"
où le conjoint était ~xé par la famille "haute".
(62) OJvrage cité, pp. 84 et suiv. On trouvera, ~ur le début du XIXèrre siècle,
des' irrlications précires dans M. SEG.l\\LEN : le choix du conjoint à Vraiville
de 1706 à 1962.

164
Halgré l'absence de statistiques, il appara!t bien que dans les familles
diSFQsant d'un pa.trirroine, le croix du conjoint relevait des parents et que
la fantaisie n'y avait guère de place, mn plus que J'inclination.
Q.,lant aux artistes, nan:>euvres, "errants", ils eussent été bien en peine
de trouver épouse au dessus de leur corrlition.
Une autre caractéristique irnp::>rtante de la farrù11e est ~ durée JOC)~nne
de l'union. Des m:>n::)9raphies déjà citées, mus tx:'uvons tirer un certain
nanbre d' eXE!rp1es convergents.
TABLEAU IV
PCXJRCENl'AGE DES UNIONS AYJlNr LURE IDlliS DE 15 ANS
ET DUREE r-DYENNE DES UNIONS
(a)
camn.mes
Période d'observation
%
Durée rroyenne
des unions
(b)
Cruta1
1675-1744
51,5
20,2 ans
(c)
Meulan
1660-1739
34,6
23,6 ans
Vjl1edieu
1711-1790
30,0
-
Tourouvre
XVIIère et XVIIère siècles
-
16,5 ans
(a) Premiers mariages et mariages après veuvage
(b) HENRY, op. cit., p. 57.
(c) En admettant que la durée rroyenne des mariages de plus de 30 ans
fût de 40 ans

165
Ainsi que oous le voyons, la durée noyenne du rrariage est dore brève :
ure vingtaine d'années, et la probabilité de cx:mtracter un deuxiàœ rrariage
assez élevée, malgré la faible espérance de vie (63); il était fréquent que
le père meure avant que le fils ainé ait atteint sa vingtiàne année, et rare
que le père rot enoore vivant quarrl ce fils avait atteint oon
quarantièlœ
anniversaire.
Dans ces oorrlitions, on peut dire qu'en noyenne les générations se
succédaient sans se chevaucher, l' U1'E disparaissant lorsque l'autre
atteignait sa rraturité. certes, les exceptions existaient d'enfants devenus
orphelins très jeunes, et de fils ou de filles de quarante ans qui avaient
enoore leurs parents. Mais dans la rrajorité des cas, un h:mne succédait à
son père avant d'avoir atteint trente ans. On élevait ses enfants, du
noins les ainés, et l'on rrourait assez rapidanent ensuite •• L'esp:::>ir
raisonnable était de vivre assez lOIBterrps mur les voir "établis" à
leur tour.
• Avant d'en finir avec les aspects rrorphologiques de la famille
"traditionnelle", il faut en venir à un IX'int peu a.l::ordé dans les
rron:::>graphies villageoises : la cc:rrtp?sition du ménage.
Les rouveaux conjoints fonnaient-ils une unité rouvelle et
irr§perrlante, ou au oontraire s'intégraient-ils dans une "raison"
plus vaste? Voilà qui pèse singulièraœnt sur les oorrlitions de la vie
conjugale et qui peut rrodifier la signification du rrariage.
A la suite des philo~s du XIXàre siècle, de DURKHEJM en
particulier, nous sames tenté d'avoir une conception linéaire de
l'évolution des structures familiales.
L'étendue de la famille aurait progressivaœnt diminué, des
"<XJ:TIllI.1nautés taisibles" du fuyen hJe à la famille "nucléaire" actuelle,
qui serait le rrarent ult.ine d'une histoire irréversible. r.bœnt ult.irre,
Cjui dans l'idéologie du progrès coïncide avec la structure idéale.
(f) 3) cette espérance de vie était d'environ 25 ans au début du XVIllàre
et de 35 ans au début du XIXà'œ siècle. La canbinaison du calerrlrier de
la nortalité et de celui de la nuptialité a pennis à J. FDURESTIE de
présenter dans un article, bref nais très suggestif, la vie d'un Français
rroyen sous l'Ancien Régime: "De la vie traditionnelle à la vie tertiaire",
Population, 1959, nO 3.

166
Cette théorie suseite aujourd' hui de ranbreuses réserves. Il est certes
établi que la France a oonnu, aussi bien dans la solidarité 1ignagère de la
noblesse que dans les "camn.mautés taisib1es" paysannes, des situations où la
famille était "étendue". Il est beau~up noins sûr que ces structures aient
été le fait de l'ensemble de la ~ation, encore noins que !le processus ait
été aussi si.rrp1e qu'on l'avait admis.
G. DUBY soutient pour sa part que la solidarité 1ignagère était re1ativerTEl
faible dans la France du Xèrre et du XIème siècles et que c'est la défailla'lœ
de l'Etat, la faiblesse du pouvoir royal, gui. ont rendu nécessaire le
renforcement des liens far.ûliaux, qui étaient restés assez lâches perrlant
tout le haut M::>yen Age
"La famille du Xàne siècle est suivant toute
apparence une ccmnunauté réduite à sa. plus simple expression, la cellule
conjugale, dont la cohésion se pro1on;reait parfois un rrornent après la nort
des prrents. Les liens sont encore assez vigoureux pour pennettre à l'hcmœ
libre de vivre indépendant et de préférer, s'il le veut, la canpagnie de
ses voisins et de ses amis à celle de ses parents" (64).
L'élargissement et le renforcerrent, il p3rtir du XIère siècle, du réseau
de solidarité familiale n'auraient été que des noyens pour assurer la sécurité
du groupe. La famille étendue aurait eu en scmœ une fonction szcurisante.
win d'être pranière, la s::>lidarité élargie de la famille n'aurait sa rais::m
d'être que dans les dégradations d'instances plus larges.
"L'histoire du lignage", écrit enoore DUBY, "est une succession de
oontractions et de détentes, dont le rythme subit les rrodifications de
l'ordre :fOlitique (05 )
ARIES reprerrl la rnêrre idée lorsqu'il écrit: "La ooli.darité lign agère
et l'indivision du patrirroine se développent à la faveur de la diss::>lution
de l'Etat" (66.')
(64~) G. DUBY : La société au XIèrre et XIIèrœ siècles, Paris, 1953, p.137.
(65) G. DUBY, id., p.136.
(66)
"L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régirœ", Paris, Plon, 1960,
p.394.

· . 167
KDNIG se rallie également à la thèse d'oscillations plus ou rroins
accusOOs entre le m::x1èle de famille éterrlue et celui de famille ronju:Jale (67
LI histoire de la famille occidentale reste à écrire, mais il p:rra1t
déjà acquis qu'elle révèlera une évolution plus cx:rnplexe que celle que
présentaient les théoriciens au siècle dernier.
I l est certain aussi qu'elle rœttra en lumière la vérité des schémas
suivant les groupes sociaux. La "r:etite" famille a toujours existé ~8'.
Elle était sans doute, ccmne le pense QX)[)E, la fonœ la plus fréquente
dans les classes sociales pauvres du milieu urbain.
Ce que oous savons des ouvriers lyonnais du XVIllèrre siècle, que
décrit M. GARDEN, suggère une famille très étreite, incapable d'élever
elle-;rêœ ses enfants (69). '!bus ces "forains" arrivaient de la campagne, et
m✠s'ils se mariaient
daneuraient ioolés, à rroins d'entrer cœme
danestiques dans une famille aisée. les bourgeois lyonnais eux""'frênes
ne vivaient guère en familles éterrlues. les ascerrlants et collatéraux
y étaient peu rnnbreux. C'est la dœesticité qui fait le rnnbre et
p:>int la parentèle.
Il est t.aTps maintenant de faire un PREM:lJER B:IIAN,1 rEs seules données
norphologiques, on peut déjà tirer deux ronclusions.
1) La famille "traditionnelle" ~rançaise n'est pas un archétype
i.nmuable dep.ris des siècles. Elle a subi une évolution dans le ternp:;.
Si oon aspect institutionnel a peu varié, ses rrodalités, elles, se
oont beaucoup m::xlifiées. Qui plus est, elles se sont transformées
d'une manière régulière, s'inclinant progressivanent vers la situation
actuelle.
(67)
"oltii problèms arrl~new queries in family scx::iology in East and ~st",
Paris, t~uton, 1970.
(68.) En ce qui roocerne l' An:Jleterre, Ll\\SLETT est forrœl : "un groupement
familial n'était jamais CCIIlp::)sé de plus d'un couple rrarié", op. cité, p.lOl.
(69.) M. GARDEN, opus cité.

168
La farrù.lle n'a pas évolué d'une solidarité plus large à une solidarité
rroins large, d'une autorité paternelle plus rigoureuse à une tutelle plus
libérale, d'un age rroyen au mariage plus é1dvé à une nuptialité plus jeune.
I.e peu de données que mus ronnaissons mus interdit ces sinp1ifications
tentantes. &>us pouvons seulerrent dire que des change:rœnts sont intervenus
qui dananderaient chacun une étude et une analyœ particulières.
2) Al' évolution dans le tarps, il faut ajouter une disperson dans
l'espace social.
L ' unité institutionnelle nasque des différences très
inp:>rtantes suivant les groupes sociaux, suivant les états. celles-ci œ
portent pas seu1e:rœnt sur l'age rroyen au rrariage ou sur l' intensité de la
nuptialité. L'étendue du réseau de solidarité, les m:xia1ités du choix des
conjoints, leurs statuts, présentaient d'un groupe social à l'autre, des
caractéristiques spécifiques.
Arrivé à ce point de mtre étude, écoutons encore.HALBWACHS :
''Dirons-mus que la rrorpho1ogie sociale s'en tient aux familles dans
l'espace et que le reste relève d'autres parties de la sociologie ? Mais
aucun de ces deux aspects ne se suffit, n'a de réalité, s'il n'est lié à
l'autre. Quelle vie proprement sociale attribuer à un groupe si, derrière
les unités rassemblées, telles qu'elles tombent S'JUS le sens, mus
n'atteignons pas des pensées, des sentirrents, surtout l'idée de
1 'o,:"ganisation qui les unit" (70~.
L'idée de "l'organisation" du rrariage, disons sa finalité, est
inoontestab1aœnt, sous l'Ancien Régirre, de nature sociale. Par le mariage,
un hc.mne, ou une ferme, entre dans un "état" muveau, acquiert un statut
qui a été défini par la société, et, en priorité, IX'ur la société. celle-ci
terri, o:mœ les êtres vivants, à persévérer dans son être, et le mariage
est un des inst.rurrents, sinon l'instrument privilégié, de cette stabilité.
C'est ce que souligne en particulier B. FARBER, lorsqu'il recherche,
au delà des fomes particulières des familles "traditionnelles", un
dérx:rninateur a:mmm à 1ep,rs caractéristiques. Il pense le trouver dans
(70) M:>rphologie sociale, op. cité, p.165.

169
Il pense le trouver dans un "orderly replacaœnt", une reproduction de
l'ordre soc ial. '!but aurait été subJrdonné, quelle que ftit la fonre singulière
de chaque institution natrirroniale, à cette finalité prioritaire (71).
En conséquence, le système de valeur était unique. La famille et la
société étaient étroitaœnt imbriquées. Elles se confortaient mutuellE'!'l'ent
p:rrce qu'elles étaient l'une et l'autre fomées sur une rnêIœ idée de l'ordre.
Cette corresp:>ndaœe était d'ailleurs prrfois solennellerœnt proclamée.
Ainsi, dans le Préambule de la Déclaration Royale du 26 novanbre 1639, cité
prr P. PE'IOI' (72)
: "Les mariages sont les séminaires des Etats, la source
et l'origine de la société civile, et le fondement des familles qui
cœp::>sent la républiqu-: ... Il Camrent dire plus clairanent que la famille
est la cellule élérrentaire de la société et que le mariage qui la forrle
se justifie d'abord par une finalité sociale?
La continuité culturelle était dooc très forte : les rnâres valeurs
circulaient dans l'intimité des ménages et dans les conseils de l'Etat.
Statut des conjoints, définition de leurs droits et devoirs réciproques,
lois et coutmnes sur la légitimité des enfants, les con:1itions de 1 'héritage,
tout en définitive se trouvait détenniné par cette primauté du social.
Cette priorité ne signifiait pas que l' irrlividu ne tirait aucun avantage
de l'institution. En réalité, il n'avait d'existence juridique que par une
appartenaœe à la famille, laquelle lui donnait son identité et son statut.
COocrètanent, le ménage constituait l'unité éconanique élémentaire.
Point d'autarcie individuelle. Pour vivre, et même [-our SUIVivre, jeune
adulte ou vieillard, i l fallait être intégré à une famille et, à travers
cette fonction éconanique, c'est encore la société qui intervenait,
puisqu'elle définissait les principales règles d'appropriation et de
distribution des biens. Le mariage était l'acte par excellence
d'inscription sociale. Lui seul fondait la légitimité des enfants,
lui seul établissait les alliances et déterminait, IX>ur chaque irrlividu,
l'espace social où il devait vivre et travailler.
(71) COoception très voisine de celle que développe M. MEAD dans Le Fossé
des Générations (titre français de "Culture am comnitment"), New York, 1970;
Paris, 1971.
(72) P. PE'IDI' : La famille en France sous l'Ancien RégiIre, in Sociologie
cœp:rrée de la famille contEmfOraine, op. cit., p.14.

170
On comprerrl dès lors que les caractéristiques sociales d'une
unité familiale étaient largaœnt détenninées p3I sa situation dans la
société. Autant d'états sociaux, de nodes spécifiques d'appartenance au
groupe, d'organisations écoroniques, autant de types de famille différents.
C'est d' al:ord la multiplicité des "états" dans une société qui rerrl
canpte de la variété des nodèles familiaux qu'observe la dérographie
historique.
S'il fallait, dans cette multiplicité, distinguer deux schémas principaux,
on le ferait volontiers sur le critère de
l'existence
d'un patrirroine.
ou
la non existence
Dans les groupes sociaux détenteurs d'un bien inm::>bilier, le souci de
maintenir l'intégrité du patrirroine comnandait pour une part les attitudes
et les coITlp)rtaœnts familiaux. Cette préoccupation était en particulier
détenninée dans la stratégie matrirroniale. Dans ce type de famille, le
mariage constituait le rœilleur rroyen de consolider ou d' argurœnter le
bien de la famille. La succession laissait généralaœnt peu de place aux
décisions et aux arranganents. Le mariage et l'alliance au contraire, p3I
le jeu de la donation, étaient les instruments p3I excellence de la
politique patrirroniale.
Dès lors, comœnt juger scandaleux que le choix des conjoints fût
l'affaire du chef de famille. La logique du systèrre ne pouvait confier
une décision aussi grave qu'à celui qui était le gérant du p:itrirroine.
Et CXJITIneIlt trouver injuste le droit d'ainesse, qui traduisait simplanent
l'i.rnpératif d'indivision de ce p:itrirroine (73). Quant au céli.J::at probable d'une
partie des cadets, c'était le prix p:iyé FOur assurer l', intégrité de la maison.
Dans un tel système, l'lx:m:>gamie des conjoints était' logiquaœnt
la règle. Mais le dessein prirrordial, celui de la transmission, :irrq:x:>sait
des exceptions.
(73) Dans les successions roturières, le partage à égalité était de règle
l'absence de patrirroine enlevait toute signification à un droit exclusif
de l' ainé sur ce que pouvait laisser les p:rrents.

17]
La mésalliance FOuvait être le seul "jeu" FOssible • Tels ces nariages
de nobles désargentés avec des filles de riches bourgeois, ou encore ceux
de filles uniques de paysans nantis éFOusant un travailleur qui ne serait
jamais le "ma!tre", mais qui assurerait la continuité de la famille.
Plus l' i.Infx:>rtance et l' urgeœe d'une alliance s' i.Infx:>saient, plus les
nomes souffraient d'exceptions. Les mariages d'enfants, dans les familles
rnbles, étaient rares, mais en cas d'OPFOrtunité, on mariait des enfants
de rroins de dix ans : l' éFOuse dans ce cas restait quelques années encore
au couvent avant de retro1Ner son mari ~4" •
Ainsi, ce gui paraît exception devient intelligible, da.'lS la Iresure
où l' a.ncm:ùie n'était qu'un rroyen un peu particulier FOur assurer la seule
fin i.rrpérative : la transnission du patrirroine.
Cette famille, toute rrobilisée qu'elle soit FOur la survie collective,
nous n'allons pas FOurtant l' im3.giner carme un groupe fermé sur lui-même.
Si les alliances matrim:miales constituaient les naœnts décisifs dans la
stratégie de la continuité, les relations sociales quotidiennes gardaient
aussi toute leur i.Infx:>rtance. Les alliés ne suffisaient pas : la survie ou
la croissan::e du groupe exigeait l'intervention de "protecteurs". Il fallait
être vassal ou client. Le repli sur l'intimité aurait été la condamnation
de la famille sans recours.
Visites, dérrarches, conversations, étaient plus que des rrondanités,
mais les instruments nécessaires de toute réussite, c'est-à-dire de la
permanence du patrirroine.
L'impératif de "transrœttre" renforçait, là où elle existait, la
solidarité culturelle entre la famille et la sc::x;iété globale. Vouloir
perpétuer le patrirroine n'allait pas sans souhaiter en même tanps la
stabilité d'une organisation et d'une culture, qui donnait au rx:xn propre
de la "maison" son sens et sa dignité. La famille ne FOuvait défendre
son patrirroine qu'en se solidarisant, en principe au noins, avec le
systÈ!ITE FOlitico-écoocrnique qui penœttait à la fois sa stabilité,
sa "reproduction" et sa croissance.
(74) Voir à ce sujet DUPLESSIS
Les mariages en France, op. cit., p. 23.

172
Affinœr l'autorité du père supp:>sait l'acceptation de la hiérarchie
s:x::iale qui, en cas de besoin, garantissait le respect des décisions du
chef de famille ~75).
Nobles, agriculteurs, ou oourgeois, chacun à leur mesure et à leur
manière, disp:>saient d'un patrinoine. Patrirroine rratériel, innobilier ou
nobilier, patrinoine symbolique aussi, qui était l' oonneur du !X)ffi et la
réputation de la famille.
Patrirroine matériel et patrinoine noral : ce n'était p3.s là deux
valeurs distioctes, mais carrœ le corps et l'âme d'une réalité unique.
Ruinée ou déshonorée, la famille cesse d'exister.
P. BOURDIEU, dans Les stratégies matrinoniales dans le systèIre
des stratégies de reproduction, développe cette idée et illustre, par
l'exenple du paysan béarnais, l' i..JnI:orta.nce détenninante du patrinoine
dans les règles des héritages COITITE dans les normes du mariage (6)
Ma.is toutes les familles ne disp:>saient pas d'un patrinoine.
'!bus les paysans n'étaient pas propriétaires de leurs terres et ceux
qui l'étaient ne p:>uvaient pas y établir tous leurs fils. Pour les
pauvres, qu'ils fussent de la ville ou de la carrq:agne, l'idée de
transrmssion n'avait guère de sens. C'était la volonté de survivre
qui réglait la conduite des pauvres, les rnécanisrœs de vicinité et
d' honogamie qui présidaient au cooix des conjoints, les contraintes
des professions qui pesaient sur la rép:rrtition des tâches à l'intérieur
des ménages. Il y avait probablerœnt, dans la constitution de ces ménages,
conme dans leur m:xje de vie, une plus grande liberté, un plus grand "jeu"
que dans les familles disp:>sant d'un patrirroine. En particulier, le choix
du conjoint n'obéissait pas à une stratégie familiale: l'at.tirance
réciproque y jouait son rôle.
(75' En cas de conflit entre père et fils, l'Etat soutient le pJuvoir
paternel, au besoin par les lettres de cachet. Si rare que soit
l'application de cette procédure, elle symbolisait efficacement la
solidarité des instances.
\\76) P. BOURDIEU, op. ciL

173
Bien entendu, d'une façon générale, Q)Jcaritatwerait sans doute la
réalité, du IlOins la sirnplifierait-on à l'extrêre, en prétendant que le
sentiment n'avait pas sa place dans les familles rm.mies d'un patriIlDine.
Ccmœnt irraginer en effet que le mariage fat sans retentissanent affectif
~ les conjoints? Le sentiment était présent, et p:rrfois vif et durable.
Mais il était en quelque sort~ "contrôlé" p:rr l'évidence que le lien
natriIlDnial trouvait sa signification bien au delà des satisfactions
subjectives. '!but se passait en sœrne e<mœ si les oonœs collectives
étaient reconnues conme régulateur des "affects" individuels. On serait
tenté de dire que l'on s'ailtait p:rrce que l'on était marié plutôt que
l'on se mariat parce que l'on s' airrait. Encore faudrait-il mettre entre
guillerœts le IlOt "arrour", qui recouvrait probablanent des sentiments
assez différents de ce que oous enterrlons aujourd' hui par ce terme.
Ce qui parait certain de toute manière c'est la grarrle rréfiance de la
société à cet égard. Les relations entre hJrmes et fanœs étaient l'objet
d'un contrôle sérieux et se trduisaient dans la vie de tous les jours p:rr
une ségrégation systématique entre les sexes.
De cette attitude ancienne, P. BOURDIEU, dans sa description d'un
village du Béarn, retrouve encore des traits : "La ségrégation des sexes
est brutale", écrit-il, "dès l'enfance, garçons et filles sont séparés
sur les bancs de l'école, au catéchisrœ. De même, à l'église, les h:>rrrnes
se grouPent à la tribune ou dans le fom de la travée centrale, tandis
que les fanmes se disfOsent sur les bas-côtés ou dans la nef. Le café
est le lieu réservé aux horrIres ( ... ) '!but l'apprentissage culturel et
l'ensemble des systèrœs des valeurs tendent à développer chez les membres
des attitudes d'exclusion réciproque et à créer une distance qui ne peut
être franchie sans gêne" (77).
Cette étonnante ségrégation des sexes apparaît cx>nlœ une irrlispensablE
précaution fOur que le caprice ou la p:ission ne viennent p:iS perturber
un ordre qu'auCW1 sentiment, si vrai et intense fût-il, ne devrait troubler.
(77) P. BOURDIEU, Célibat et condition p:iysanne, in Etudes Rurales, nO 5-6,
1962, p.56.

174
Cette "ooup.rre" ne vise pas seulanent les célibataires. Elle vaut
aussi p::JUr lèS ménages. Elle entra!ne une grarrle réserve des oonjoints
et leur interdit toute expression extérieure de tendresse. Ep::>ux et ép:>use
sont séparés dans toutes les manifestations p..Ibliques, culte
religielD{ O'l
fête profane.
ARIFS rapporte qu'à la fin du XVIIIèIœ siècle, les villageois
intentèrent un procès à leur seigneur devant la oour de 'Ibulouse,
parce que celui-ci avait présidé une procession aux côtés de sa femne (78, .
L'app::>rt capital de Ph. ARIES p::>rte sur les relations entre parents
et enfants. Il IX:>US m::mtre la famille du M:>yen Age évoluant lenterœnt
à partir du XVème siècle. Le chan:jement pr incipal, c'est l'Émergence
prcgressl.ve de l'enfant: tetit être aIX:>nyrre, il gagne au fil des siècles
une valeur tersormelle. Il carmence à exister carme objet privilégié de
la tendresse. A travers l'iooIX:>graIiùe, la littérature, les corresfX)rrlances,
ARIES oous fait suivre les étates de cette transforrration essentielle.
D'al:ord "rnigroté" par les seules femnes, l'enfant devient lentement,
IX>tir le père carme IXJur la mère, une véritable perrorme envers qui les
parents se sentent des devoirs, celui par exenple de l'instruire et de
l'éduquer. Avec le XV1Ième siècle, ccmneœent à se développer les
"tetites écoles" et à se multiplier les collèges. Plus remarquable
eIX.;Qre que ce souci de la formation est la disparition ou du noins
l'atténuation du privilège de l'ainé. Dérormais, les rroralistes
insistent sur l'égalité des enfants, sur le devoir de les entourer
d'une même terrlresse. Ainsi que l'écrit ARIES "ce reSFBct de l'égalité
entre les enfants tâIDigne du glisserœnt de la famille-rnaison vers la
famille sent.i.rœnta1e ITOderne. I,'enfant existe désonrais fX)ur lui-mêre
et, dans une certaine mesure, il devient le centre de la famille".
( 78) cette ségrégation entre les sexes, cette méfiance à l'égard de tout
sentirrent passionné, ne ront pas particulièrement liées à notre culture.
On teut affinner qu'elle constitue une rorte de trait cœmun à la plupart
des sociétés "arctk3.iques" : la ccmmmauté des fe.rmes et celle des tonnes
se côtoient, mais ne se relent que rarement.

175
Certains auteurs aooyaient {X)uvoir affinœr que l'Abcien Régi.Iœ
avait oonnu un seul type de famille, naturel {X)ur ainsi dire.
I.e manque d'informations précises et le rouci {X)lénique sont
probab1aœnt à l'origine de cette idée de la famille traditionnelle.
les oonnées que mus avons voulu présenter ici, aussi superficielles
soient-e11es, suffisent, pensons-oous, à nontrer le caractère rrwthiqœ
de cette unicité. Ce qui appara1t manifestarent, c'est au contraire
la pluralité des rrOdè1es , leurs variations dans le :ten:Es et dans l'espace,
la sim.ùtanéité à une rrêrœ époque de schémas très différents d'un groupe
social à l'autre.
Pourtant, entre tous ces nodè1es, un dénominateur cx:>mnUl1 existe, de
caractère fonœ1 et donc c:orrpatib1e avec la variété èffective des schémas
ces nodè1es familiaux d'Ancien RégiIœ sulx>rdonnaient la gratification
affective des irrlividus au respect des statuts et aux intérêts d'instances
plus larges que la famille conjugale.
Le sent.iIœnt n'était pas absent du lieu matri.rrDnial, rraix, cx::mœ
mus l'avons déjà souligné, il était flcontr01é fl par des régulateurs
sociaux rigoureux. A l'intérieur du ménage corrrœ dans la vie publique,
une certaine distance derœurait entre les é{X)ux : celle que leur inposait
préciséœnt leur statut matriltonial. Ni le mariage, ni la vie conjugale
n'étuent donc vécus conme affaires privées. La prégnance de l'institutior:
ne cessait d' i..rr{:oser les attitudes et les sentiIœnts des é{X)ux, ou du noins
de les canaliser.
L'accent que rœt justarent ARIFS à pro{X)s de la progressive mais
radicale transfonnation des relations Parents-enfants est lié à l'irruption
plus globale du sentirœntdanS les relations familiales (79) .
lDrsque roUSSEAU parle de la famille ~ de fila plus douce des
sociétés" 1 i l n' irwente pas la forrœ rroderne de la vie con jugale. Il décrit
un nodè1e qui est déjà 1argerœnt diffusé dans une Partie de la société
française : i..nnocence, bonheur (80), nature, tout devrait désonnais se
trouver dans le petit paradis familial. Mais c'est alors la fin de
l'Ancien RégiIœ, de ses structures {X)litiques, de son systèTe IlE. triIIDnia1.
(79) Ph. ARITS : Histoire des populations françaises, op. cit., P .327.
(aC)
Voir à ce sujet R. MAURY : Idées sur le bonheur au siècle des lumières
dans la littérature et la pensée françaises. Paris, A. Colin, 1969 (4ère 00.).

176
B.
ANALYŒMJRPHQLCX;IQUE DE IA NUPTIALITE F'RAN;AISE
Son objet est une description a\\)$Siiprécise que p:>ssible des
9"JTIP?rtaœnts •
La matière en a été constituée p:rr les principales données
statistiques fournies par l'administration, qui s' efforc;:aient d'en
tirer des rroyenes et des distributions à la fois P09r' l'ensemble de
la population française et pour des sous-populations définies suivant
leur position dans l'espace géographique came dans l'espace social.
Cette priorité donnée aux données rrorphologiques ne s'expliquent
p3.s seuleœnt par le degré de confiance qu'elles méritent, nais elles
oorresp:m:iaient à une hypothèse précise : les faits dont les
statistiques donnent la mesure et dessinent la configuration constituent
en quelque sorte le "corps" de la réalité, et roue ne pouvons guère
préterrlre avancer dans la connaissance d'un phénomène sociologique
quelconque dans avoir au préalable exploré, autant qu'il est possible,
le niveau forrlarrental de cette réalité, c'est-àdire sa rrorphologie
au sens où DURKHEIM et HALBWACHS entendaient ce tenTe.

IA PHYSIOUXiIE SCX:IALE DES REPRESENI'ATIONS COILECI'IVES.
L'auteur des Règles de la rréthode sociologique ne limitait
p::>urtant pas l' investigaton
du chercher à ce niveau d'analyse.
La "I=hysiologie sociale" devait prolonger la "rrorphologie".
DURKHEIH envisageait une physiologie des "pratiques" et une
Iilysiologie des "représentations collectives. Nous nous
attacherons ici à ces représentations (31)
(81) M:>rphologie sociale, op. cit., p.182.

177
A qui ne serait pas familiaris€
avec ce concept, le net
peut faire illusion. Ces représentations, HALBSWACHS les considère
comœ "les donnœs i..mœdiates de la conscience sociale".
Ccmœ les "données imnédiates" de BEIGSON, elles sont pr€sentes,
sans FOur autant apparaître d'emblée à la conscience claire.
Mais laissons encore par1er HALBWAOIS :
"La psychologie in::lividuelle n'a pas FOrté tout de
suite son attention sur le sentinent interne qu'a chacun
de rous de oon propre oorps, parce que ce n'était ni une idée,
ni tlŒ! perception claire fomée sur la distinction du sujet
de l'objet. Au reste, tant qu'on a cru que la représentation
collective n'était qu' ~ scmœ de p=nsée individuelle,
eatIœl1t aurait-on attribué à la société la faculté de percevoir
son corps puisque chaque individu paraissait ne percevoir que
s:m corps à lui, et ceux qui l'entouraient irnnécli.ataTent ?
Une vue d'enremble n'est pas une juxtap::>sition de vues fragrrentaire
Il fallait reconnaître que l'individu peut ~cevoir davantage,
dans la rresure où il participe ~ tlŒ! pensée sociale plus large
que la sienne, et oon la rroins réelle. Enfin, a::mre chacun perçoit
très nettaœnt, par la vue et le toucher, oon propre corps et
ceux qui en sont proches, i l optX>se la netteté de cette p=rception
au sentirœnt confus qu'il éprouve quand il pense et agit a::mre
partie ou élérrent d'une FOPulation. En effet, toutes nos
démarches à cet égard ront très peu sensibles et presque
inconscientes à l'intérieur de ces vastes ensembles dont nous œ sa
,nes qu'une toute petite unité.C !,est p:>urquoi, qu'il s' aqisse des
forces qui mus retie~nt dans une nation, dànsune ville, qui rous
FOrtent à n'avoir que peu d'enfants, à prolonger ootre vie, à
émigrer, rous· jles apercevons à peine en leur fonne sociale,
et rous préférons nous expliquer rotre conduite par ms rrotifs
individuels, qui nous paraissent clairs. Pourtant, ces forces
existent, puisqu'elles déterminent des effets sociaux que l'individ
ccmœ tel n'a ni prévus ni voulus. Il faut bien cependant qu'il les
ait perçue de quelque rranière" (82)
(82) ibidem, p.183.

17d
ces "représentations très peu sensibles et ccmre inconscientes",
mais JX)urtant efficaces, il est peut-être préférable de les appeler
attitudes collectives. Le terne "attittrles", nais que celui de
"représentations" sougline d'une part l' inobservabilité directe de
ces phéI'lClnères, d'autre part leur-caractère directif, puisqu'ils constituent
~ "préparation spécifique à l'action" •
Regardons d' \\ID peu plus près ces deux caractéristiques.
Si l'attitude est en soi inobservable, elle doit être induite à partir
de données susceptibles, elles, d'être saisies avec précision et
objectiveœnt interprétées. Cas données - celles en tout cas que mus
utilisons -ce sont les résultats des enquêtes d'opinion.
les opinions exprimées joueront donc le rrêœ rôle que les statistiques
dans le début du chapitre. rais la matière brute est ici plus délicate
à traiter. Les critiques dont peuvent faire l'objet les statistiques ne
rortent que sur la validité des coocepts utilisés et la valeurs
significative de 1 'éclJantillon. La ccrrptabilité du mariage œ présente
guère d'ambiguïté. Il n'en va pas de rrêre de l'opinion: la fonnulation
de la question, l'attitude partisane de l'enquêteur, ou siJ'rplarent le
S'Juci de l'enquête, de dissimuler sa t:ensée, constituent at.rt:ant d'occasions
de
biaiser les résultats.
Il n'est pas possible de faire, à proros des erquêtes relatives aux
mariages une théorie générale des opinions @3 ). On se contentera ici de
présenter quelques remarques silnples p::>ur préciser la signification que
l'on enterrl donner à l'analyse des opinionS exprimées.
les résultats d'\\IDe enquête sur le mariage
offrent à la critique
des p::>sitions qui teuvent paraître plus difficiles encore à défendre
que ceux d'autres études d'opinion. on accordera plus ou rroins volontiers
qœ le public réporoe sincèreent à des questions decaractère cx:mœrc..ia1. ou
n✠à un sondage p::>litique.
-(83) On se rep::>rtera rour cela aux ouvrages de J. S'IOE'I'ZEL et en particulier
à sa 'Ihéorie des opinions, P U F, Paris, 1943.

179
Mais la difficulté croIt avec l' inplication du sujet dans l'objet
de l'erqœte. Or, qui peut préterrlre en rratiêre de nuptialité être en
situation de neutralité. Toute question p:>sée sur le rrariage s'adresse
à un être p:>ur qui le problffie du rrariage est touj:Jurs d'une certaine
rraniêre celui de "son"
reriage. 'route question sur la nuptialité est
irrliscrète.
"Les attitudes sont les oorrélats subjectifs des valeurs" :
Cette phrase de J. S'IDETZEL et p. IAZARSFEillS (84) a une p:>rtée générale,
nais la charge subjective varie sans doute, silivant le charrp institutiormel
et l 'histoire du sujet. Il apparaît bien que la nuptialité figure panni
les théories les plus sensibles à cette charge affective.
On est donc justifié de soupçonner la personne "enquêtée", p:>ur se
débarrasser d'un opp:>rtun ,a\\I'I:!Ûr rép:>oou "n' ir.porte quoi". ~1ais qui craint
vrai.rrent l'indiscrétion ne refusera-t-il pas de se sourœttre à l'enquête
plutOt que de subir la Si rie des questions ? Cette probabilité ne suffira
évidemœnt pas à prouver le caractère "sérieux" des rép::>nses.
C'est l'analyse nêrœ des résultats qui nontrera, et à l'évidence,
que les réponses n'ont pas été délibéréleTrt:. fantaisistes. Il faudra
rrontrer la oohérence des résultats, croiser les réponses à des questions
logiquerœnt liées entre elles, rontrer en somœ que les rrêIœs se reflètent
::Out au long du questionnaire, à unI'D2J're système de valeurs.
Fera-t-on l'hypothèse d'enquêtés ID alicieux et logiques qui
répondraient oontre leur propre opinion, avec une rigueur sans faille?
Rien logiquerœnt ne peut abattre cette objection. Elle ne tient pas
devant l'expérience : il est difficile de rester en acoord avec sn
prop:>s durant une dani-hellE ou davantage lorsque la oohérence n'est pas
l'expression spontanée de l'opinion effective du sujet. Il faut donc
(84) J. S TOETZEL et p. LAZARSFELD : Définition d'intention et espace
d'attributs in Le vocabulaire œsSciences Sociales, l'butan, 1965, p.191.

180
adrœttre que les personnes enquêtées œ peuvent systérnatiquaœnt r€ussir
à falsifier leur pensée tout au long d'un questiormaire de plusieurs pages.
Si l'on peut dÉm:mtrer la ooh€rence
des r€p::mses,
i l ne sera guère !=Ossible,
!=Our oontester la sinc€rité
des ré!=onses~, de se réfugier dans 1 'hypothère
d'une "diabolique habileté" à dissimuler.
Problèrre redoutable donc qu'expri.rre la "sincérité" de la p:!rsonne
erquêtée. On a dit plus haut qu'il Y aurait une certaine naIveœ à penser
que l'opinion exprimée traduit purarent et sirrplerrent l' attittrle profonde
du sujet ..
On se dem:urlera d'abord si, s!=Ontanérœnt, le sujet ne ré!=ooo pas
suivant les stéréotypes qui ont oours dans son milieu social plutôt qu'en
fonction d'une réflexion personnelle. Hais serait-ce là !=Our le sociologue
une situation défavorable ? Ce qui l'intéresse, n' est-ce-pas plus que les
pensées int.i.rœs des individus, le sens et la force de ces stéréotypes ?
S'il s'agit de saisir les "représentations rollectives", est-il une
approche plus directe que celle qui oonsiste à répertorier ces stéréotypes
et à rœsurer leurs importances relatives?
Pourtant,leE; ronv±ctions~persormell~de l'individu, cerlles ciJui sont
le résultat de son éducation, de sa réflexion ou de son expérience,
divergent parfois de l'opinion générale et si elles sont assez fortes,
la ré!=onse de l'enquête se réfère à son propre systène de valeurs, faisant
fi des clichés et des idées reçues. Il est probable dans ce cas que l'opinion
exprunee a::mœ le systène de valeur auquel èlle se réfère ne soit pas le
fai t dl un individu isolé, mais dl une sous-!=Opulation dotée d'une sous-
culture spécifique.
Beflet des stéréotypes ou oonviction personnelle, l'opinion expri.mêe
renvoie donc d'une rranière ou d'autre autre à la dirrension sociologique.
La fréquence du m::x:lèle n'est !=ourtant pas la m§rœ dans les deux cas, ni
peut-être la oohérence entre l'idée et le c::arporterœnt.

2. Les besoins et les aspirations des fanùlles
et des jeunes
(Enquête, 1971, C N A F - CREJX)C} •
Cette enquête, dont le ooitre dloeuvre était la caisse Nationale
des Allocations Farrù.liales, a été réalisée en 1971 par le Centre de
Recherches et de LbcuIœntation sur la Consomration, sous la direction
de Nioole TABRAD. L'objectif prenùer de ce travail était llanalyse des
besoins des farrù.lles. Les résultats de 11 enquête devaient éclairer les
resJX)nsables de la caisse Nationale sur llattitude des allocataires
à 11 égard de la politique familiale actuelle et sur une évolution
JX)ssible des attentes et des besoins de la JX)pulation ooncernée.
Le problène qui est au centre de cette recherche est celui de la
répartition des rôles entre la famille et la oollectivité.
Mais 11 intérêt dépasse largaœnt cette persPective pratique.
Les réalisateurs de cette enquête avaient en effet estimé que les
réJX)nses aux questions relatives à la JX)litique fanùliale ne
prendraient tout leur sens que si elles s 1 inscrivaient dans une
recherche plus large.
Le questionnaire ~rtait au total environ seo questions
et son administration exigeait trois visites. Les enquêteurs
Si adressaient à la mère de fanùlle.
Un sous-ensenble de ces
questions, la partie oonsacrée aux opinions et attitudes, était
égalaœnt posé à 11 époux.
Les données enregistrées oonstituent sans aucun doute un
rratériel extrêrraœnt riche, dont 11 exploitation est loin dl être
achevée. Un rapport a été publié
: il ne fournit qu 1 une petite
partie des résultats espérés.
LI étude porte sur 2.156 ménages, dont 1. 771 fanùlles allocataires.
LI ensemble des données qui seront ici présentées coocernent ces familles
allocataires. Il slagit donc dlune JX)pulation de ménage dont le n:>rnbre
d'enfants égale ou dépasse deux.
Comœ 11 enquête sur 11 attitude des générations, celle-ci corrp:>rtait
à la fois des questions relatives au cœportaœnt et d'autres aux attitudes.
On ne retierrlra ici que les résultats des secoooes.

185
3. RaEfOrt sur le carp:.>ri..anent sexuel des
Français. (1970)
(D::>cteur P. SJM)N, René Julliard, Paris, 1972).
I.e but de cette enquête rœnée en 1970 était de fournir, sur la
sexualité des Français, une infonration aussi large et objective que
FOssible. I.es résultats de ce travail, entrepris sous la direction
du D::>cteur Pierre SIIDN, ont donné lieu à la Publication d'un RaPfOrt.
I.e sujet traité détorde largement l'aspect canpJrterrent : toute
une batterie de questions FOrte sur les attitudes. C'est à elles, bien
entendu, que l'on fera référence. On utilisera les résultats de ce
raPfOrt, en particulier FOur l'étude des opinions relatives à la vie
sexuelle prénuptiale. C'est un danaine qui n'avait guère été jusque là
exploré en France. L'aPFOrt de cette enquête en est d'autant plus précieux.
L'échantillon de 2.600 persormes est représentatif de l'ensanble
de la FOpulation de 20 ans et plus. Pierre SIIDN explique d'ailleurs
FOurquoi l'enquête a été limitée aux plus de 20 ans : "Il avait été
initialement envisagé d'étudier aussi la FOpulation de 15-19 ans, mais
en raison des difficultés que n'aurait p:iS manqué de soulever une telle
enquête auprès des mineurs, on a finalement dû renoncer à inclure les
jeunes de noins de 20 ans dans le chanp de l'enquête".
I.e raPfOrt 1 fera l'objet de l'appellation NUPI'IALITE
I.e raPFOrt 2 fera l'objet de l'appellation FAMIIJ.FS
I.e raPFOrt 3 fera l'objet de l'appellation SEXUALITE.
Nous allons en examiner quelques résultats dans le chapitre suivant.

186
CHA PIT R E l 1.

187
ENQUETES.
1. lA VIE PRENUPrIALE.
"Une <::otparaison etlux>logique des divers degrés de contrainte sexuelle
prénuptiale mus prouve qu'elle coïncide toujours avec la limi.tation de
la liberté sexuelle conjugale elle~ " : SCHEI.SKY (90) souligne dans
cette phrase l'idée qu' ~ plus grande liberté sexuelle avant le mariage
corresfX)oo à une rrorale conjugale rroins stricte. Il Y aurait ainsi dans
la société une certaine continuité, avant et après le mariage, dans le
degré de rigueur des mnœs en matière de sexualité. Il ni est pas certain
que tous les etlmologues ratifient sans réserve cette thèse. Il existe
en effet des sociétés où le mariage constitue ~ véritable rupture avec
la nanière de vivre des enfants ou des adolescents, où la liberté
sexuelle aura été très grande durant la minorité nais cessera brusquerrent
avec le mariage. Bien plus, la tonalité affective des relations peut
varier parfois oonsidérablerœnt suivant la situation: confiante,
égalitaire, terrlre entre jeunes gens et jeunes filles, elle devient
aoonyrre, distante et ccmœ défX)uillée de sentirœnts entre les conjoints .
C'est le cas chez les samba, les 8arro de Haute-Volta et les Sen:mfo (91,) •
L'ordre du mariage dans ces ethnies n'est pas celui de la terrlresse,
nais celui de l'alliance. Pour le signifier catégoriquerrent, la coutume
de certaines ethnies interdisait de prendre fX)ur éfX)use une fe"'Tlœ
qui d'abord avait été une "amie".
On CC>Irprend dès lors qu'une telle rupture dans la vie affective
n'est IOssible que grâce à des rites d' initiation extrêrn::m:mt efficaces,
qui narguent d'une nanière nette et définitive le seuil de l'âge adulte.
(90) Sociologie de la sexualité, p.53.
( 91) Voir à ce sujet L. "l'HOSE : Langage et sexualité, Revue d'action
populaire, mars et nai 1965
et L. roUSSEL : La région de Korhogo, RaPPJrt sociologique, S EDE S,
Ministère du Plan de Côte d'Ivoire, 1965.

188
Dans les scx::iétés de type occidental, où ces rites ont disparu,
ou se sent considérablerœnt dévalorisés, tme telle discontinuité n'est
plus imaginable ( 92). L'hcmne qui se marie ne renaît plus "rituellarent"
à une vie toute neuve. Il garde de sa vie antérieure, idées, images,
attentes.
Dans les deux cas, donc, celui d'une SJCiété sans initiation et
celui d'une s:>ciété avec initiation, la phase prénuptiale éclaire, que
ce ooit p3I contraste ou par ressEmblance, les nodèles de la vie conjugale.
1) La liberté sexuelle prénuptiale.
S'il fallait trouver un argmnent supplérentaire pour justifier
l'intérêt de l' ébrle du canr:orteœnt sexuel avant le mariage, on
rrontrerait facileœnt que les pays où les sociologues de la famille
sont les plus ranbreux sont aussi ceux où l'étude de la sexualité
prénuptiale est la plus avancée.
Faisant le bilan des travaux consacrés à ce sujet aux Etats-Unis,
K.L. CANOON et R. IDN:; présentent une bibliographie de plus de 40 articles
et livres mur la seule décennie 1969-1969 (93). C'est là un des thèmes
de red)erche le plus fréquerrment abordé par les sociologues qui s'intéressent
au présent et à l'avenir du mariage et de la famille.
En Euro:P=, les études analogues sont beaucoup rroins nanbreuses et plus
récentes. La plupart des enquêtes sont mstérieures à 1965 et rrême 1968.
L. PIEI'ERS en cite 5, dans un article où il rrontre "les conséquences pour
l'institution du mariage d'une adhésion massive au cede sexuel actuellaœnt
daninant (94.)
(92) Voir à ce sujet G. HENDEL, La crise des générations, Payot 1968, en
particulier ce passage, p.128 " Nous voulons ~rler des rd.tes dd..ts de passage
ou d'initiation qui, dans toutes les sociétés connues, assuraient à la p..1berté
le passage de l'état biologique d'adolescent à l'état social d' horrrœ ( ••• ).
Voir égalerœnt s. M)SC()VICI : La s:>ciété contre nature collective, coll. 10/18 ,
Paris 1973, pp.283 et suiv.
(93) K.L. CANOON
et R. LON; : "Premarital sexual behavior in th= sixties.
Journal of Mariage and the family, fév.1971, pp.36-49.
(94) L. PIEI'ERS, Codes sexuels et relations pré-conjugales, ~cherches
sociologiques, 1972, n° 2, pp.231-215

189
On ne peut présenter en détail chacune de oes cinq en:::JUêtes.
en se contentera d' irrliquer les nans de leurs auteurs ainsi que
quelques caractéristiques penœttant de les identifier.
G.A. KOOY, 1988, Paus-Bas (les jeunes de 16 à 20 ans)
G.A. !<OOY, 1969, Paus Bas (20 à 64 ans)
G. SCHMIDT et V. SIGUOCH, Allanagne fédérale, 1968-1969 (20-21 ans)
G. sœMlD'f et V. SIGUSœ, Allanagne fédérale, 1966.
A. ZET:['ERBEK;, 1970, Suède (18-59 ans.
Toute une partie de ces red1=rches s'inspire du systàre oonceptœl
sur les ty];:es de codes sexuels, mis au point, aux Etats-Unis, ~ 1. REISS.
Pour ce qui est de la France, la recherche empirique est beauroup plus
rrodeste. L'enquête NUPI'IALITE CCITIfOrtait un certain ronbre de questions sur
ce p:>int dont mus verrons les résultats dans la suite de oe texte.
Il a pourtant fallu atterrlre l'enquête du r:octeur SlMJN sur le
ccmp:>rtaœnt sexuel des Français FOur avoir lJl"lœ' ~~ infonnation
plus systématique sur ce sujet.
Avant d'étudier le m:x:1èle actuel du carportarent sexuel avant le
mariage, indiquons rapiderœnt ce qu'il était dans le systàœ traditionnel
et, p::>ur être plus précis, dans la oociété française au XIXèœ siècle.
Ol" -pdlurrait penser qu'il ooïncidait alors approximativerrent avec les
prescriptions de la religion catholique. Celle-ci était très rigoriste
et exigeait avant le mariage une abstinence totale des rapp:>rts sexuels,
aussi bien FOur l' harIœ que p:>ur la ferme. En réalité, i l s' agissait là
d'tID idéal plus que d'un nodèle social effectivement pratiqué par la
majorité de la population. En fait, le "code de la sexualité 'prénuptiale"
n'était pas égalitaire et une certaine liberté était laissée aux homres
qui était refusée aux fermes. On ne danandait aux premiers qu'une certaine
discrétion, dans tous les sens du tenœ. Il n'en allait pas de rrêne p:>ur
les jeunes filles. La virginité était exigée d'une manière intransigeante
et le rroirrlfe écart FOuvait les déshonorer.

190
Certes un écart assez important demeure entre l'attitude des hommes
et celle des fernes. On trouve cette fois une proposition de 48% de farrœs
qui "adrœttent" de tels rapp::>rts. Elles étaient seulerœnt 29% à considérer
corrrne très souhaitables "des rapp::>rts sexuels avant de se narier". On peut
évidarrœnt arguer de la différence qui existe entre déclarer souhaitable et
adrœttre ...
La question de la permissivité dans la vie sexuelle prénuptiale peut
être al:x:>rdée à partir d'une situation particulière : celle où une jeune
fille se trouve enceinte.
TABLEAU B. "NUPI'IALlTE"
"Dans le cas où une jeune fille se trouve enceinte, pensez-vous que
le mariage est fXJur le jeune hcmne un devoir strict, que le mariage
est la solution qui convient le mieux à cette situation, que le
nariage ne s' :i.rrqJose pas et que d'autres solutions peuvent être
envisagées ?"
Hanmes
Femnes
Ensemble
Le mariage est fXJur le jeune hanme
un devoir strict
43
36
29
Le mariage est la solution qui
convient le mieux
29
26
28
Le rrariage ne s' :i.rrqJose pas et
d'autres solutions peuvent être
envisagées
25
35
30
Ne se prononcent pas
3
3
3
'Ibtal
100
100
100
Pour mieux apprécier la p::>rtée de ces rép:::>nses, il convient de rappeler
le caractère impératif qu' avait autrefois, disons il y a un demi siècle, le
devoir de "réparer". Il semblait aller de soi que le mariage s'imrx>sait.

191
le débat est-il tran:::hé et faut-il conclure, sous réserve de
quelques nuances, gLerous gardons aujourd' hui un "o:xie" analogue â celui
de ros aIeux. Ce serait sans doute faire preuve de précipitation.
La question p:>sée p:>rtait sur les relations sexuelles, sans référence
à un contexte affectif. Ne oonvient-il pas de limiter la p::>rtée de la
rép;:mse à \\IDe situation où le rapp:>rt sexuel serait détaché de toute
relation sentinentale stable? On aurait ainsi dérrontré p:mr ce cas
nais p:>ur ce cas seulenent, la persistance d'un double systàœ de rorrres.
Tableau A.
"SEXUALrrE"
.Aàrœttez-vous que deux persormes qui ne sont pas mariées ense.rrble
aient des rapp::>rts sexuels si elles sont célibataires et se oonnaissent
depuis très p=u de tanps'?
•. si elles ront célibataires et se connaissent déjà depuis longtatps ?
Homœs
Fermes
Ensemble
S~ elles sont céldbataires et se
connaissent depIis très p=u de temps
()ui •••••••••••••••••••••
33
........ 16 .......
24
N::>n
60
76 .......
68
Ne se prononcent pas ••••
7
......... 9 .......
8
Si elles sont célibataires et se
connaissent déjà depuis longtarps
Oui •••••••••••••.•.••••.•
65
.
. 48 ••••••••
56
N::>n
29
40
35
Ne se prononcent pas ••••••
6
12
9
'IOrA1.J •••••••••
100
• •••.••• 100 .••..••••.• lc:x::>
L'oHJOsition principale n'apparaît plus ici entre hcmœs et femres,
mais plutOt entre la situation où les deux perrormes ne se oonnaissaient
que depuis tr~s peu de temps et celle où elles se connaissent depis déjà
lon;t:eTps .

192
La règle idéale et êgalitaire de 11 abstinence pour llun et llautre
sexe restait théorique. Les noeurs obéissaient à un gystèrœ dualiste,
rigoriste pour les fermes, indulgent, sous certaines oonditions, pour
les tr:mnes.
LI analyse des enquêtes dont mus dis}X)oons devrait permettre de décider
si ce m:::xièle persiste ou si un oouveau "code" contrôle dés:mnais 11 activité
œxuelle prénuptiale. Pour tenter de résoudre ce problàne, la voie la
plus droite nlétait-elle pas de poser la question de la liberté des
rapp:>rts sexuels pré-conjugaux IX>ur les hcmnes d lune Part, }X)ur les
farrœs dl autre Part ? Sur ce fX)int, le rap}X)rt STI-ON IX>urrait être
dl une précieuse contribution (95).
Llaœlyse des réponses rrontre manifestanent la persistaoce de la
dualité des nodèles suivant le sexe dans une large fraction de llopinion.
Ibrmes et femnes estirœnt à une large majorité que, p:>ur les jeunes gens,
des rapports sexuels prénuptiaux sont souhaitables. Ik:mnes et fernnes
estiment égalanent en majorité que ces raPfOrts ne sont pas souhaitables
fOur les filles. Sans doute llopinion des h::mnes est-elle le plus souvent
pennissive, fX)ur eux-rrêœs CXJITtœ }X)ur les jeunes filles. Il nlen reste
pas rroins que les deux sexes sont dl accord }X)ur reronnaitre que les
oonœs doivent différer suivant le sexe et estiIœr que ce qui est permis
à llun doit rester interdit à llautre.
La réprobation sociale qui SI attache à la prostitution ne peut faire
oublier quI elle est, de droit ou de fait, largement acceptée par la rociété.
H. OCHELSKY écrit excellemnent : "Il existe donc entre 11 adoption affective
des oonnes sexuelles .i.mp:>sées prr la rrorogamie aboolue et 11 extension de
la réglanentation de la prostitution une corrélation directe. Dans certains
milieux où le mariage }X)ur 11 h:mne se oonclut à un âge avancé, 11 exigence
de la virginité de la fiancée est incmrlitionnelle et la fréquentation
des maisons de tolérance est une oomrention admise prr la rociété" (96).
( 95) op. cit. p. 604.
(96)SCHELSKY, op. cit., p.7!.

193
Les résultats de cette enquête révèlent dl abord la dispersion des opinions.
Certes les deux tiers de la p;:Jpulation estinent toujours que le mariage
"convient" dans ce cas, mais rroins de 40% y voient un devoir strict.
Si intéressantes que soient ces données, elles ne penœttent pas
une comparaison rigoureuse avec les résultats obtenus aux Etats-Unis
ou en Europe. Dans la plupart des enquêtes étrangères, avec des nuances
plus ou rroir.s i.rrp:>rtantes, on siest efforcé en effet de tester un systèIœ
dl hY:fXJthèses où le senti.rrent arroureux est pris en considération p;:Jur
l'awréciation des raPfX)rts sexuels prénuptiaux. Qui il s'agisse des
travaux de Ira REISS ou de ceux de SIGUSCH, ce qui est en question dl une
manière ou dl une autre, Cl est de savoir si 11 arrour peut légitilœr les
rafP)rts sexuels entre célibataires.
Il nous faut donc rappeler ici quelques résultats de ces étu::les
étrangères, quitte à mus derrarrler ensuite Si il est p;:Jssible dl interpréter
à leur lurrù.ère les infornations fragrœntaires dont nous diS:fXJsons p;:Jur la
Frarce. Voici par exerrple un tableau où sont présentées les réponses à une
question p;:Jsée par 1. REISS dans une enquête de 1967 (ETATS-UNIS)
(97)
TABLEAU
C.
"SEXUALITE"
"Pourcentage de ceux qui approuvent les relations sexuelles
suivant le niveau dl engagerœnt"
Ensemble des adultes
Etudiants
HOflll'eS
Femnes
Hannes
Fermes
Si il Y a "arrour"
17 ,6
14,2
47,6
38,7
S'il y a solide
affection
16,3
12,5
31,9
27,2
sans affection
11,9
7,4
20,8
10,8
(9)) 1. REISS, cité par CANIDN and IDNG, in : Prerrarital sexual behavior in the
sixties. Journal of Mariage and the Farnily, fév.1971, p.45.

194
Ces résultats révèlent un contraste très net entre l'attitude
de l'ensemble des adultes et celle des étudiants. Il semble par contre
que la "dualité" des m::x:lèles soit très atténuée, les pourcentages étant
en scmœ peu différents suivant le sexe. ~us intéresse surtout, dans
ces données, la graduation de l' approbation suivant le niveau d' engagerœnt
affectif. Les écarts sont relativerœnt faibles chez les adultes, où le
pourcentage d'approbation n'atteint jarrais 20%. Ils sont beaucoup plus
sensibles chez les étudiants : la proportion d' approbation est multipliée
par 2 ou même par 3, suivant qu'il Y a ou non "arrour" entre les jeunes gens.
Citons encore quelques résultats des enquêtes allemandes de SIGUSCH
et SCHMIDI'. Leur questionnaire s'inspirait de la problâratique d'Ira REISS.
L'échantillon de l'enquête était relativerœnt restreint (3CX) ouvriers et
6 7 '
di
)
l
'dr
. ,
' d '
\\..~
f
(98)
o etu ants. l
s a
essalt U11lquerœnt a
es Jeunes, UUlltCS et
emes
TABLEAU D. "SEXUALI'IE"
"Relations sexuelles avant rrariage"
Hommes
Femmes
OUvriers
Etudiants
OUvrières
Etudiantes
Permises IX>ur les deux
sexes, s'il y a sentiIœnt
anoureux
46
56
Pennises IX>tlr les deux
sexes, :rrêœ sans sentiIrent
anoureux
34
82
20
73
Interdites aux deux sexes
1
9
3
10
Pennises aux femres avec
sentiment arroureux, aux
hc::mœs, même sans sentiment
anoureux
18
7
20
11
Pennises IX>ur les hcmœs,
interdites IX>ur les femes,
dans tous les cas
1
2
1
6
'Ibtal
100
100
100
100
(98) G. SCHMIIJ!' et V. SIGUSΠ: Patterns of sexual behavior in West Gerrrany.
Workers and students. The journal of sex research, vol. nO 2, pp. 89-106,
rcay 1971.

195
L'échantillon est évidement un peu faible pour que l'on puisse
oonsidérer coorre statistiquenent établis les résultats, nais oous IX'uvons
ceperrlant remarquer que les pourcentages d'opinions permissives sont
netterœnt plus élevées que dans l'enquête précitée d' 1. REISS. D'autre p3.rt,
la dualité des nornes, dans le cas oü le sentirrent aITOureux est absent,
persiste chez les ouvriers, hcmres ou femœs. Elle est beaucoup rroins
fréquente chez les étudiants.
Dans la mesure où ces données sont significatives, il semble bien
que le systèIre norrratif traditionnel se soit corrpliqué par la prise en
corrpte, par une partie de l'opinion (les jeunes surtout) du sentirrent
aITOureux comœ justification suffisante des relations sexuelles.
1. REISS voit dans cette attitude oouvelle une des données les
plus i..rnp:)rtantes du "oouveau libéralisrœ américain" lorsque cet auteur
écrit que ses sources "comprennent la IX>Ssibilité de la contraception,
les rroyens de canbattre les maladies vénériennes, et, ce qui est tout aussi
i:rrp:>rtant, une philosophie intellectualisée considérant camY2 souhaitable
que l'affection s' accanpagne de rranifestations sexuelles ( .. ) Ceci oonstitue
un sUPFOrt nouveau et plus durable IX'ur le libéralisrœ sexuel, puisqu'il
est basé sur une philosophie IX'sitive plutôt que sur l' hédonisme ou
le désesp:ür" (99).
L'analyse des erquêtes précitées conduit IX'ur sa part PIETERS à la
oonclusion suivante : "lbus avons été frappés par la large acceptation et
la forte conformité à un seul et mêrœ code sexuel en natière de relations
sexuelles préconjugales. ce code,nous pourrions le résurrer en ces tenœs :
"pennissivité au nom de l' arrour et responsabilité en rratière de oontracep--Jon'"
Un des problèrœs qui se FOse alors est de savoir si ce "code" est stable
ou non. On aura sans doute remarqué dans le texte de REISS le rrot "supp::>rtIl ••
plus durable pour le libéralisrœ sexuel.. SIGUSCH et SClIr-lliY.I' partagent
cette opinion :
(99) 1. REISS : HON arrl why Arrerica sex standards are changing, Transactic:-~ 5,
1968, cité par A. MICHEL : La sociologie et la famille, t-buton, Paris, La Haye,
1970, p.220.

196
Ces auteurs est1ment que ce a:>de expriIœ une adaptation stable il la
structure actuelle des sociétés occidentales. Ils en voient FOur preuve
le fait que cette rnuvelle "norale sexuelle" transpose la plupart des
valeurs et des exigences qui caractérisent l'idéal de la vie oonjugale
IOOnJgamie, fidélité, oonfiance mutuelle. les qualités attendues de "l'amie"
sont celles recherchées d~z l'éFOuse : "La sexualité prénuptiale est
acceptée cx:mne naturelle et nécessaire, ma.is elle copie le nodèle oonjUJal.
L'arrour ranantique a pris la place de la nonne d'abstinence cx:mœ régulateur
de l'activité sexuelle" (100)
Quant à la France, et dans l'état actuel de ms oonnaissances, i l
n'est guère FOssible de prouver que le "nouveau a:>de" a égalaœnt oours
panni les jeunes. Il est certain qu'ici, la réalisation d'une enquête
auprès des jeunes soulève difficultés et résistances. II paraît p=>urtant
probable que les oonclusions de REISS ou de PIEI'ERS s' aWliquent aussi,
d'une certaine manière, à la France. Là aussi, la ma.jorité des jeures
estiIrent que ce qui est pennis aux garçons ne saurait être interdit
aux filles. Là aussi, le sentiIœnt arroureux paraît à la fois justifier
et "contrôler" l'activité sexuelle prénuptiale. Là aussi, l'idée de
plus en plus largaœnt réparrlue de la nécessité d'une éducation sexœlle
précoce témoigne d'une évolution dans le rens de ce "oouveau a:>de" que
nous venons de voir na!tre d'après les quelques enquêtes relevées.
2) L'éducation sexuelle.
Dans la société française traditiormelle, il ne semble pas que
l'éducation sexuelle des enfants ait FOsé un véritable problèrre.
En milieu rural, la vie de la ferme fournissait mille occasions
d'infonnations et d'explications. Dans les villes, la praniscuité
penranente entre enfants et adultes et la grande liberté de langage
renseignaient très vite les enfants sur "le mystère de la vie".
(lOO)SIGUSOi et SCHMIDT : I.Dwer class sexuality : sare enotional and social
aspects in ~s;t Gennan males and females. Arch. of sexual tehavior, vol. l,
1971, p.34.

f
197
1
1
C'est sffible-t-il vers le XVIlène siècle et surtout dans la
bourgeoisie qu'est apparu le souci de tenir caché aux enfants tout
ce qui relève de l'activité sexuelle. Il en était tout autre:rœnt
aupn-avant. Ph. ARIES écrit à ce sujet : "Cette nani.ère d'associer
les enfants aux plaisanteries sexuelles d'adultes appartenait aux
rroeurs oomnunes et ne choquait pas l'opinion", et il cite à l'appui
de sa thèse cette phrase de P. de DAINVILLE : "Le respect des enfants
était IX>ur lors (au XVIèrœ siècle) chose tout à fait ignorée. Devant eux,
on se pernettait toutes paroles crues, actions et situations scabreuses.
Ils avaient tout entendu, tout vu".
D'une rranière générale, l'effort principal des parents était
devenu celui de retarder aussi longtarps que PJssible le rrorœnt
de l'initiation sexuelle de leurs enfants: ils y renonçaient finalem:mt
le plus souvent, oonscients que leurs fils ou filles avaient appris de
leurs camarades ce qu' eux-rrêœs ne leur avaient pas expliqué. Une
telle attitude se fomait en fait sur la présarption que la famille
p::>uvait préserver jusqu'à tn1 âge avancé "l'innocence" de l'enfant
et que le contrôle de la sexualité dans la société était suffisamœnt
rigoureux PJur que les jeunes s' y plient et que se trouvent ainsi
minimisés les risques du "rrariage forcé Il •
ce cC('[lfX)rterœnt est devenu 2 son tour, assez brusquement d'ailleurs,
bien anachronique. L'utilisation actuelle constante de thèrres érotiques
par la publicité, le spectacle de la rue, les prograrnrres des cinérras
et de la télévision, tout ooncourt dans notre société à souligner
l'irrp:>rtance extrêIœ que revêt la sexualité et à dévaloriser en ce
daTaine corrme dans d'autres tous les interdits et les contrôles.
L'enfant est dooc, très jeune, confronté à une inforrration, parfois
brutale, et adolescent, il vit const:arrIrent, à l'école ou dans ses
loisirs, dans un milieu mixte où la pluprrt affichent une attitude
netterœnt permissive.

198
Il était inévitable qultme telle situation fX)se aux parents,
en tennes oouveaux, le problèlœ de l'éducation sexuelle de 11 enfant.
Puisqu 1 il apparalt désornais i.rrp::>ssible dl escœpter la prolongation
de 11 état dl" innocence", la nécessité Si :iJrqx>se de fournir à 11 enfant
une connaissance "objective" de la sexualité. Faute d lune telle infor-
mation, il serait incapable dlordonner le flot des données disparates
que lui fournit quotidiennerœnt son environnement. Plutôt que de laisser
au hasard 11 initiation sexuelle de leurs enfants, l'ensemble des parents
estime qulil est préférable qulune forrration progressive leur soit
aménagée.
Dans deux enquêtes récentes, les résultats exprirœnt clairerrent
llopinion qulune éducation sexuelle doit être donnée aux jeunes
TABLEAU E.
"FAMILLE"
(1971)
"Etes-vous partisan p::>ur les enfants et les adolescents
dl une infonration systérratique sur les problèrœs de sexualité ?"
Ensemble
Ne se prononcent
OUi
Non
pas
'Ibtal
hcnrres, fermes
- de 35 ans
83
12
5
100
25-35 ans
83
10
7
100
35-50 ans
82
12
6
100
50 ans et plus
78
22
100
TABLEAU r. "FAMILLE" (1972)
"Estimez-vous que lion doit donner tme éducation sexuelle aux jeunes
ou qui il vaut mieux qu'ils apprennent ces choses-là eux-mêmes ?"

199
On observe, dans l'une et l'autre enquête, que la fréquence de:;
p:rrtisans de cette éducation sexuelle est un peu plus faible chez les
persormes de plus de 50 ans, nais reste cependant très élevée.
Cette quasi-unanimité n'est-elle p:ls en fait qu'apparente ?
Les tenœs "infonnation", "éducation", ont-ils été entendus de la mêrœ
nanière par l'ensertble de ceux qui se déclarent favorables à une initiation
méth:xlique ? Au vrai, le problèrœ délicat est de décider qui assurera cette
fonration plutOt que celui de savoir si elle doit, ou non, être donnée.
TABLEAU G. "SEXUALITE"
"Quelles sont à votre avis, panni les persormes suivantes,
celles qui vous paraissent le mieux placées p::>ur àonner
une éducation sexuelle aux jeunes ?"
Hcmœs
Farrœs
Ensemble
Le père
59
52
55
La mère
70
74
72
Les enseignants
36
36
36
Les nédecins
33
35
34
Des spécialistes formés
32
33
33
Des éducateurs (resp::>nsables
de naisons de jeunes ou
20
27
24
IIDuverrents de jeunesse)
D'autres persormes
4
4
4
Ne se prononcent p:ls
4
3
3
1
1'bta (total supérieur à 100 en raison des réponses multiples)
1
C'est donc la rnère qui est la plus fréquerrment considérée comœ
"la mieux placée". Le choix du père n'obtient que des pourcentages plus
fà.ibles.

200
ceci tient peut-être au caract~re trop général de la question
ont clPisi la mère ceux qui ont pensé à de jeunes enfants ou à des filles,
la préférence p::>ur le ~re n'intervenant que p::>ur les garçons ayant
dépassé le stade de l'enfance. Une autre explication, non exclusive
de la premi~re, serait que le rôle éducateur de la mère s:::>it devenu
prép::>rrlérant dans la famille contanp::>raine.
La fonnulation de cette question dans l'enquête "FAMn..LE" ne
distinguait p:is le rôle du père de celui de la mère. Elle traitait
Par contre de façon distincte l' infonnation sexuelle de l'enfant et
celle de l'adolescent. Enfin, elle demandait d'ind~er, Par rang de
préférence, deux "fonnateurs" et oon un seul.
TABLEAU H. "FAMILlE"
"Par qui pensez-vous que l'information sur les problàTes de la sexualité
"
j;;+-rp'
,
?"
1er choix
2àœ choix
l'enfant
l'adolescent
l'enfant
l'adolescent
formation orale p:ir
la famille
63
50
12
12
fonnation dans les livres
achetés p:ir la famille
5
12
27
26
forrration par l'école
15
16
34
23
fo.anation p:ir le
méclecin
2
6
11
23
autre
1
1
1
1
ne se proroncent pas
14
15
15
15
Total
100
100
100
100
Un premier résultat p:iraît clair : c'est à la famille que revient le
pranier rôle dans l'éducation sexuelle du jeune enfant. Le p:>urcentage
:impJrtant de ceux qui "ne se proroncent pas" marque qu'une partie
de la p::>pulation hésite sur le ch:>ix du resp::msable, mais la majorité est
nette de celD{ qui réservent à la famille (y conpris par les livres "achetés
Par la famille") cette tâche.

201
Faut-il que la famille s:>it aidée? Y a-t-il UI18 personne ou une
institution susceptible d'assister les parents ? Tel était le sens de
la rêponse au 2èœ ch:>ix. L' tkx:>le est la mieux placée dans cette
instance: elle ne recueille p::>urtant que 34% des suffra<]es.
En ce qui concerne les adolescents, les résultats sont analogues.
La noitié seulaœnt des ~sonnes interrogées inscrit la famille en
premier ch:>ix, mais il convient d'~' ajouter les 12% qui laissent aux
parents le s:>in d' acœter les livres d' initiation. L'école et le médecin
n'obtiennent des suffrages relativerrent :irp:)rtants qu'en second ch:>ix.
Panni les problàœs relatifs à l'éducation sexuelle, il en est un
d'ordre pratique: la connaissance des métOOdes contraceptives. Ce
p::>int est capital rui!:qU' il penœt de réduire ou de suwrirrer les riEqUes
de fécofrlité. Faut-il dès lors enseigner ces méthodes aux Qeunes et
supprin'er ainsi un des freins aux relations sexuelles prénuptiales?
TABLFAU
I.
"SEXUALITE"
"EStirœz-vous que l'on doit infonrer les garçons sur les méthodes
destinées à éviter d'avoir des enfants? et les jeunes filles ?"
Hormes
Femœs
Ensemble
Information des garçons
Oui
69
75
72
N::m
24
16
20
Ne se proooncent pas
7
9
8
Total
100
100
100
Information des filles
Oui
74
76
75
N::m
19
16
18
Ne se proooncent pas
7
8
7
Total
100
100
100

202
Un quart des personnes interrogées se déclare oPfOsé à cette
infonnation. I.e p:>urcentage de ceux qui "ne se prononcent pas" est
d'ailleurs plus faible que lorsqu'il s' ag issait de dire à qui
doit incanber l'éducation sexuelle. En OOllhaitant que les rréth:xies
oontraceptives soient expliquées aux jeunes gens et jeunes filles,
œrtains parents songent peut-être noins à la limitation des
naissances dans le mariage qu'aux danjers de la oonception avant
le mariage .. Conscients de la libération des rroeurs, ou la redoutant,
persuadés qu'ils n'exercent plus déso:rmais dans ce danaine un oontrôle
très efficace, ils voient dans une info:rmation précise le rœilleur
noyen de réduire les risques qu'entraînent [our des jeunes gens
non avertis des relations sexuelles, rêrœ occasionnelles. L'idée
nêrre d' inforner les jellI'Es filles des rroyens d' éviter la oonception
aurait sans doute paru irmorale à llI'E grande partie de l'opinion
voici quelques années seuler.ent. Elle sanble aujourd' hui à l:::eaucoup
relever de la prudence et s' i.mrX>ser à ce titre aux parents soucieux
de leur responsabilité. La récente loi sur la vente libre des
oontraceptif s oonfirrre la rapidité de l'évolution sur ce p::>int.
Et pourtant ce s rrênes parents se sentaient mal annés pour
assurer la fonnation sexuelle de leurs enfants. Dans un mâre
Raq:;ort "SEXUALITE", 57% de la p:>pulation reconnaissait qu'elle
est peu informée, ou pas du tout infonœe, sur la nanière de
donner à ses propres enfants une véritable éducation sexuelle ..

203
les questions les plus naives sont aussi les plus difficiles :
Pourquoi se marie-t-on ? <il r€pondra
à côté du problàœ si l'on ava.œe
seulaœnt que dans une soci€té
00 tout le nonde se marie, ou presque,
c'est le c€libat
qui appelle une explication et non le mariage. Mais
qui.. se marie pour "faire cx:mne tout le nonde"?
Dans sa "représentation"
du mariage, chacun trouve des raisons plus p:>sitives.
rbus avons précédament essayé
de repérer les attitu::1es "en arront"
du mariage, dans les cx:mp:>rtanents et les "attentes" de la vie prénuptiale.
t'bus allons maintenant tenter de cerner, à travers différents aspects de
la vie a:mjugale, l' image que les oonjoints se font de leur union.
Cette inage n'est p;ls perçue d'une manière claire et imnédiate. Encore
noins est-elle facilerrent expr:im3ble. Il serait donc illusoire d'attendre
que l'analyse d'opinions sur la nature du lien oonjugal nous app:>r:te
directenent la rép:mse. C'est pour ainsi dire d'une marùère latérale
qu'il faut aborder le problàœ, à travers les rrodèles de CCI'rlpJl't.ements,
les attentes réciproques des oonjoints ou leurs aspirations a::mrnmes.
1) La perception globale des chan:Jerœnts.
Illusoire ou réel, le sentinent qu'-une réalité a changé oontribue
toujours à nodifier effectiverœnt cette réalité. N:>s oont€f!1tXJrains
p:msent-ils que le nariage derreure aujourd' hui ce qu'il était p:>ur
leurs p:rrents, ou estiment-ils au oontraire qu' i l s'est transfonre,
telle était la première question de l'enquête ''NUPTIALITE'', canplétée
de la qUestion de savoir si les personnes interro::fes trouvent ces
chan:]anentsbénéfiques ou non. les rrêœs questions ont été reprises
dans l'enquête "DIVORCE".
t'bus en relevons les résultats dans les tableaux ci-après.

204
TABLEAU l
"NUPTIALrrE"
"y a-t-il dans le nariage et la vie conjugale, par rafF)rt ~ la
génération de vos parents, des changements ?"
~s
l'PJTI1F's
avant
1951- après
avalft
1951-
après
1951
1960
1960
1951
1960
1960
très .iIrp:>rtants
22
18
18
19
16
20
inportants
35
41
42
39
43
39
peu i.mp::>rtants
17
16
16
15
16
18
pëis de ch.angerœnt
22
22
19
22
21
17
ne se proooncent p:ls
4
3
5
5
4
6
total
100
100
100
100
100
100
si oui, ces changexrents vous sanblent-ils dans l'enserrble
oons
82
81
81
77
77
86
mauvais
7
4
2
5
5
3
iIrlifférents
10
12
13
10
12
9
ne se prononcent pëis
1
3
4
8
6
2
total
100
100
100
100
100
100
sur l'existence des d1angerœnts, la grande majorité est d'accord.
sur leur imp:::>rtanee, la dispersion des réponses est forte. Ceux qui
esti.rœnt que les changerrents ont été "très i..Irlfûrtants" ne représ::mtent
qu'une minorité. I.e sentirrent daninant n'est donc pas celui d'une
révolution dans les nodèles de vie conjugale, IT'ais plutôt d'un
chan:jerœnt "iIrportant". Cette évolution, lorsqu'elle est perçue,
est considérée p:ir la grarrle majorité C'OIll'œ bénéfique : les censeurs
déclarés sont très rares.

205
TABLEAU II "DIVORCE"
"A votre avis, y a-t-il dans le mariage et la vie familiale,
par raFPX't à la génération de vos parents, œauroup de changerrents,
peu de ch.a.rqaœnts, ou aucun changerœnt ?"
Hcmres
Fermes
Ensemble
teaucoup de chan:JeJœnts
66
71
68
peu de changerœnts
24
21
23
aucun chan:;Jerœnt
10
8
9
total
100
100
100
" A ceux qui ont déclaré que des changerrents étaient intervenus :
Dans l' enserrble, les changenents vous sanblent-ils être : surtout
de bans ch.angeJ:rents, surtout de rrauvais changerœnts, autant de l:x:>ns
que de nauvais changerœnts ? 1\\
surtout de lxms changerœnts
46
41
43
surtout de nauvais changerœnts
10
12
11
autant de oons que de nauvais
44
47
46
total
100
100
100
La g~ plus étroite des réPonses proposées dans cette enquête "DIOOR:E"
gêne la cx:II1pérraison. Mais le p:>urcentage de ceux qui estirrent ici qu'il Y a
"teauroup de changerrents" n'est pas très éloigné du cumul, dans la
précédente en:;ruête "NUPI'IALITE", des opinions "chang"erœnts très i.rrpJrtants"
et "chan:Jements
inportants" .
En ce qui roncerne la rous-question relative à l'appréciation sur
les changements, l'écart entre les deux erquêtes parait plus nargué:

206
La première traduisait une opinion plus optimiste que la seoonde.
Mais la différeœe de fOnmllation des réponses proposées a sans doute
joué : la proposition équilibrée "autant de bons que de mauvais"
était plus attracti\\~, nous sanble-t-il, que la réponse oorrespondante
de la première enquête : "changanents indifférents". De toute
manière, les "l:::ons" changarents recueillent des suffrages beauooup
plus nanbreux que les ''mauvais'' dans l'une conne dans l'autre de
ces enquêtes.
Poursuivant leur questionnaire, elles dernanda.ient ensuite
que soit indiqué "le plus i.rrp:Jrtant des changaœnts", dans le
cas bien évidercrœnt où les interrogés avaient recormu avoir
ooservé les cha.ngerœnts.
Dans l'enquête "NUPI'IALITE" deux thèrres se détachent
netterrent : l'élévation du niveau de vie et l'évolution du statut
de la fenrne caractérisée avant tout par une plus grande égalité
des oonjoints.
On observera que le premier changaœnt, netterœnt daninant
dans les oohortes anciennes, perd des points panni les plus
récentes : les femœs des oohortes postérieures à 1964 rrettent
plus souvent en avant l'évolution du statut de la ferme que
l'arrélioration des ronditions matérielles.
cette évolution des oonditions de vie est noins fréquemœnt
évoquée dans l'enquête "DImRŒ". L'accent y est mis plus souvent
sur la qualité des relations à l'intérieur du ménage, et en
particulier sur l'arrélioration du statut de la ferme.
voici ces résultats dans les TABLEAUX III et IV.

207
TABIEAU III
"NUPTIALTI'E Il
"POuvez-vous 1rx:1iquer ce qui VOUS parait le plus inportant
dans ces chargarents ? Il
(p:mr 100 réponses estf.rna,.'1t que les changerrents semblent ''bons") •
Harnes
Femœs
avant 1951- 196er après
avant 1951- 196er après
1951
1960
1964
1964
1951
1960
1964
1964
égalité hames-fermes
31
30
30
34
27
38
35
43
élévation du niveau
de vie
47
48
47
36
45
42
42
37
cxntraception,
ffiucation sexuelle
1
4
3
4
1
2
3
rapports entre
parents et enfants
6
2
3
5
7
3
2
1
autres raisons
la
la
9
11
la
7
7
7
ne se prononcent pas
5
6
8
10
11
9
12
9
total
100
100
100
100
100
100
100
100
TABLEAU IV ''DIVORCE Il
"<).leI est selon vous le changarent le plus i..Irportant p:mni
les ''bons Il changarents ?"
Hames
Femmes
Enserrble
Amélioration du statut de la ferme
24
33
29
Amélioration des rapports à
39
26
32
l'intérieur de la famille
Amélioration des corrlitions matérielles
27
21
24
Autres réponses
10
20
15
total
100
100
100

208
La différence des résultats suivant les rohortes dans la
première enquête et le changerrent d'accent d'une enquête à l'autre
suggèrent, sans que l'on puisse parler de véritable "dénonstration" ,
que l'opinion est de plus en plus sensibilisée par le problèrœ de la
qualité des relations à l'intérieur des familles.
cette évolution peut s'expliquer de plusieurs rranières
L'amélioration des oonditions de vie serait devenue dans la najorité
des cas un fait acquis au point de ne plus être repéré panni les
"changerrents". Mais l'on peut aussi penser que l' "amélioration" des
relations à l'intérieur de la famille est ronsidérée cxmre une
transfornation plus irrp:>rtante que celle du niveau de vie. Une Partie
de l'opinion semble d'ailleurs estirœr que le progrès dans les
conditions matérielles peut aller de pair avec des rorrlitions générales
de vie peu satisfaisantes pour les relations familiales. C'est du
noins une hypothèse plausible si l'on examine les résultats du
tableau suivant.
TABLEAU V
"DIVORCE"
"selon vous, les ronditions générales de la vie mOderne semblent-elles
plutôt favoriser ou plutôt défavoriser la vie ronjugale ?"
Hames
Fe.rrrœs
Ensemble

Plutôt favoriser la
32
39
35
vie ronjugale
Plutôt défavoriser la
48
61
65
vie conjugale
total
100
100
100
Le pessimisrœ ici l'enporte.

209
Ce n'est pas à dire qu'il Y ait oontradictian entre ces résultats
et les précédents. Il est seulaœnt précisé que le rronde extérieur, la
"vie rroderne", avec ses oontraintes de déplacerrents qu:>tidiens, ses
règles adrrùnistratives, ses choix écx:>IDni.ques, son caractère "frénétique",
rrobilisent, fatiguent, arœnuisent le terrps de la vie ccmnune, et risquent
de la déséquilibrer.
Nous voyons appara1tre ici \\ID certain antagonisrre entre le rcode de
vie intra-familial et les conditions de l' activité à l'extérieur du
ménage.
Tout le rronde reconna1t donc l'existence de changerœnts.
D' \\IDe rranière générale, les transfonna.tions survenues dans le nodèle
de la rie con jugale semblent être perçues c::x:mre noins inportantes que
celles qui ont touché la vie prénuptiale
(liberté sexuelle par exemple) .
ces d1.ange.rœnts, pour inportants qu'ils soient reconnus, ne sont
pas ressentis cx:mne \\IDe rupture avec le passé.
Au total, les transfornations intervenues dans la vie conjugale
seraient bénéfiques suivant la najorité des opinions alors que le
jugaœnt est beaucoup plus fréquemœnt défavorable en ce qui concerne
la vie prénuptiale et les conditions actuelles dl existence .
La vie conjugale serait ainsi perçue cxmre ce qui a le noins
changé : l' égalité des con joints n'aurait pas rrodifié le sens général
de l'institution, ni transfonné ses fonctions essentielles.
Tel est le sentirrEnt global.

210
2. La fin de la rronarchie daœstique.
En France, le systàœ social traditiormel a sans doute c:ormu ses
rreilleurs théoriciens alors qu'il avait déjà cessé d'exister, plus
exactaœnt au cours de l'éphémère "Restauration".
Or, quelles que soient les nuances qui séparent BONAID, WùSTRE
et HALLER p:rr exerrple, ils considèrent tous que l' anrature de la société
est une hiérarchie de paternités, celle de l'échelon le plus bas, du
chef de famille, anpruntant sa légitimité à celle du niveau le plus
élevé. "Toute autorité procède d'une paternité" (101). Le père de
famille est aussi le symbole et le substitut de Dieu. Chaque groupe
social est conçu comœ ~ sorte de rronarchie, aux limites plus ou
rroins étendues, où l'absolutisrœ du souverain n'est tempéré que par
la bienveillarx:e du père.
A l'Etat MJnarchique, à l'Eglise M:>narchique, correspond, en
vertu de la logique interne du systÈme, une M::>narchie IXrrestique.
Tel était le fonderœnt idéologique de l'autorité du chef de
ménage. Elle assurait la subordination de l' ép:::>use à son rrari, au
nan d'un ordre providentiel qui établissait entre les deux sexes
des différences radicales et définitives. Epoux et épouse relevaient
p:::>ur ainsi dire de dGUX "natures" différentes. A l' horrrœ les tAches
nobles, à la femœ les travaux plus humbles.
La question a donné lieu à une littérature très abondante, aussi
bien à l'étranger qu'en France. 01 connaît la thèse de PARSONS et BALES
sur la corrplé:rœntarité dans le couple du rôle instrurœntal et du rôle
socio-affectif (' 102) Elle applique à la vie familiale une théorie dont
le champ est plus vaste : celle des "groupes restreints".
(101) HALLER : Le Mérrorial catholique, déc. 1824, p. 326 i
cité par R. DANIEL : Une image de la famille et de la société sous la
Restauration, Les Editions Ouvrières, Paris, 1965.
(102) PARSONS and BAIES : Family socialisation and interaction process,
~York, Free Press of Glancoe, 1955.

211
La famille, ccrnœ tout petit groupe stable, c:orrporterait un
responsable instrurœntal, l'époux, et un responsable des relations
affectives, l'épouse.
La conception de PARSCNS est loin d'être unan.i.IœJœnt acceptée.
Des études arpiriques très nanbreuses ont abouti à des prises de position
contraires.
A. MIOiEL a e>qX;)sé à plusieurs reprises la thèse de PARSCNS
et narquéson opposition à cette conception de la carplérrentarité dans
le oouple(103). Il semble d'ailleurs que la plupart des sociologues
français de la famille aient accordé au problèm= de la répartition
des rôles une place i..nportante, sinon centrale, dans leurs recherches (104) •
En réalité, deux problèœs très différents se p:>sent à propos
de cette thèse :
• La bip:>larité, rôle instrurœntal et rôle expressif, est-elle
une structure nécessaire à la stabilité de tous les groupes restreints,
et plus particulièrerœilt à celle de la famille ?
• La famille, telle qu'elle existe actuelle.rœnt, a-t-elle ou non
tendance à confondre les rôles masculins et féminins ?
Il serblerait qu'en matière de répartition des rôles, la question
de l'activité rrofessionnelle de la femœ soit décisive. Ne peut-on pas
adrœttre que les partisans de la ferme au foyer attribuent à celle-ci
un. rôle surtDùt "expressif", alors que ceux qui souhaitent qu'elle
travaille s'opposent à cette thèse ?
{ 103)voir à ce sujet A. MICHEL : Sociologie de la famille et du rrariage,
Paris, P U F, 1972; ainsi que son article: Rôles masculins et féminins
dans la famille, e:xarœn de la théorie classique, Informations sur les
sciences sociales, 10 (1), pp.113-135.
{ l04)Citons quelques titres :
A.t-~. IO:HEBIAVE-SPEUIE : les rôles nasculins et féminins, Paris, P U F, 1962;
aD1BARI' DE IAUWE : La vie quotidienne des familles ouvrières, Paris, CNRS, 1951
H. 'IOUZARD : Enquête psycho-sociologique sur les rôles conjugaux et la StructurE
familiale, Paris, CNRS, 1967;
P. FUtŒYROLLES : Prédani.nance du rrari ou de la femœ, Population, 1951, nO l,
pp.83-102.

212
Deux. enquêtes sur ce ITère sujet ont été entreprises, l' me
par le CRE DOC (enquête "FAMILLE"), l'autre par l' l N E D
(enquête "NUPI'IALITE").
Dans l'enquête "NUPTIALI'IE", harrœs et fermes, dans tous les
groupes de cohortes, se sont révélés favorables, à une majorité
souvent faible, au travail de l'éPJuse, nais se sont déclarés
généralerœnt partisans pour l' éPJuse d' une tâche noins absorbante
que celle de son mari. Les fermes sont m peu plus souvent que les
homœs favorables à me activité professionnelle tnur elles""'IIèœs.
Enfin, les pourcentages en faveur de la ferme au foyer décroissent
des prarotions de mariages les plus anciennes aux plus récentes.
Dans l'enquête "FAMILLE", panni les épouses mères de deux enfants,
une nette najorité s'est nontrée opp::>sée au travail professionnel de
la ferme, tandis qu'en dessous de ce nanbre d'enfants, les positions
sont très partagées. Les résultats de cette enquête soulignent
l'inp:>rtance, pour décider de l'opp::>rtunité du travail de la ferme,
de la position du ménage dans le cycle familial, et en prrticulier
de la présence ou de l'absence de jeunes enfiants.
On a tenté dans l'eIXIUête "DIVOR:E" de neutraliser cette variable
en supp:>sant que tous les enfants du rrénage étaient déjà. d'âge 5O:)1aire.
Le résultat global est net: la majorité de la population est.iJre que
le travail de la ferme présente surtout des inconvénients. Partout,
les hœrres sont plus hostiles que les fermes à cette activité de
l'éPJU5e.
Il semblerait finala;ent qu'me najorité se dégage en faveur d'un
arrêt total de l'activité professionnelle de la mère durant la période
de l' "élevage", et pour une reprise à mi-tarps lorsque les enfants
sont scolarisée.

213
Plus délicat enrore que le problàre de l'~rtunité du travail
de l'ép:>use est celui de la notivation de cette éventuelle activité.
La principale raison avan::ée en faveur du travail de la farme
est, dans la majorité des cas, d'après les enquêtes réalisées,
d'orore éconanique. Le ~centage en faveur de cette justification
est sensiblenent plus élevé crez les h:mnes que chez les fatrnes.
Mais ces résultats danandent à être interprétés avec la plus grande
prudence. Et d' arord, "l'utilité" écorr::::rnique ne peut être assimilée à
l' :i:mp::>ssibilité de satisfaire, sans le salaire de l'épouse, les œsoins
élémentaires du mariage. Elle doit s' enterrlre bien plus en fonction d'un
rni.n.i.mun gx:ial que d'un min.i.rm.In vital. "Joindre les deux l:outs" ne signifie
plus, fOUI' la grarrle majorité, s'assurer lOjement, oourriture, tabillarent.
Le b\\.ilget inclut oorrnalanent la FOssibilité d'acheter et entretenir
voitures, équip:roents méragers, de prévoir des vacances. Le salaire de
la ferme, présenté parfois a:mne un simple aF{Oint, est en réalité
souvent nécessaire p:>ur atteirrlre et maintenir ce oouveau "rni.nirroJm gx:ial".
Par ailleurs, on peut constater que, chez les h:mœs, les p:>urcentages
les plus élevés en faveur du travail féminin s'observent dans les catégories
les plus défavorisées (lorsque le questionnaire tient o::mpte de la catégorie
socio-progressio~lledes couples), alors que chez les femres la terrlance
est inverse. Ceci est un argunent de plus dérrontrant que la rrotivation
écoranique justifierait, plus souvent chez les h:mnes que crez les fermes
l'activité professionnelle des ép:>uses.Celles-ei, au contraire, ainsi
qu'il était prévisible, voient surtout des avantages à leur travail
lorsqu'elles occupent une p:>sition de cadre, et ce p:>ur des rais::ms
qui ne relèvent pas, dans la grande majorité des ms, de la seule
utilité écoocmique.
En résumé, on p:mt rappeler d'une part que les ferrmes paraissent
plus favorables que les lnmes à l'activité extérieure de l' ép:mse, d'autre
part que la fréquence· ries opinions favorables à l' activité professionnelle
féminiœ est fortenent liée à la }Xlsition dans le cycle familial et en
particulier au rnnbre d'enfants.

214
CHAPITRE
I I I .

215
LA THERAPIE FAMILIALE ANALYTlCUE. 'I1ID)R!E Er TEOiNlCUES.
CL05)
I. 'œELORIE.
Arrlré RUFFlar, Chargé de la Fbrrnation des Thérapeutes Familiaux à l'U.E.R.
de Psychologie de l'Université des Sci.eœes Sociales de Greooble, raftX>rte
cette citation :
"Celui qui sait quelles discordes déchirent oouvent les familles ne sera
pas étonné de constater, en pratiquant la psychanalyse, que les procœs du
malade sont souvent plus intéressés de le voir rester tel qu' il est qu'à le
voir guérir" ••• Dire que cette phrase, écrite par FREUD en 1916, augurait à
elle seule les recœrcœs sur la psychothérapie du groupe familial serait sans
cbute abusif, d'autant que FREUD lui~ en tire argunent dans un sens q:JtX:>sé,
se danandant ccmrent "faire entemre raison" à ces familles IOur les décider à
"se tenir à l' écart de toute l'affaire".
Pourtant, en 1921, dans "Psycrologie collective et analyse du noi", il
jette un IOnt entre la psychologie des irrlividus et celle des groupes hunains.
D' anblée, il ranarque que psychologie irrlividuelle et psychologie collective
oont difficilaœnt dissociables. Came autrui, dit-il, joue toujours dans
la vie de l ' individu le rôle d'un rrodèle, d'un objet, d'un associé ou d'un
advn-rsaire, il se trouve que la psychanalyse a eu en fin de canpte p:>ur
objet l'attitude de l' irrlividu "à l'égard de ses parents, de ses frères et
&:>eurs, de la peroonœ aimée, de s:m médecin .. ". Ainsi donc, il précise
nettanent que la psychanalyse étudie l'individu dans ses relations familiales.
Allant plus loin, il fait ranarquer que l'individu fait aussi Partie d'autres
groupes plus vastes qui, eux aussi, peuvent intéresser la psychanàù.yse :
ainsi, "la psychologie collective envisage l'individu en tant que membre
d' W1e tribu, d'un peuple, d'une caste, d'ure classe oociale, d'une
institution, ou en tant qu' élérent d'une foule hurraine". cet instinct
gré;Jaire n'est, d'après FREUD, pas un instinct oouveau, apparaissant
seulaœnt dans le cadre des grands groupes.
(195)
RUFFlaI'A. La thérapie familiale analytique. Technique et Théorie.
Perspectives Psychiatriques, II, nO 71, 1979.

216
Mais, écrit-il, "cet instinct existe déjà, ne serait-ce qu'à l'état
d'ébauche, dans des cercles plus étroits, CCl'ClTe celui de la famille".
On peut en cooclure qu'on devrait retrouver, dans la famille
(au lTOins "à l'état d'ébauche") les lois qui président à l'organisation
de groupes plus i.mp:>rtants nurnériquerœnt.
FREUD
nous rappelle à ce propos qu'en 1913, dans "'Ibtan et Tabou", (la»
il a tenté de cerner la première famille h1..llTiline, en adoptant l' hyp:>thèse
de DAmIN concernant la forrre primitive de la société : Au début de
l 'h1..llTilnité était une horde so\\.IDlis à la danination absolue d'un nâle
puissant, tyrannique, despotique, qui s'attribuait jalouse.rœnt la
possession de toutes les fenues du groupe. Les fils, frustrés dans leur
prérogative de rrâles, s'unirent, tuèrent le despote .. et le nangèrent.
La suppression violente du chef et l'identification à ce chef par le
repas oorrmun permirent le ranplacanent de la horde p3.ternelle par une
ccmnunauté fraternelle fondée sur deux préceptes : l'interdiction de tuer ..
l'animal-totan, représentant le père rrort, et l'interdiction d'avoir des
rapp:>rts sexuels avec les fenues ou les filles du père, cette dernière
interdiction donnant naissaoce au tabou de l'inceste et à la loi de
l'exogamie.
ce mythe de la horde primitive, fonnulé par FREUD à titre d'hyp:>thèse,
est le fantasme fondateur des groupes h1..llTilins. Et nous le retrouvons sur
le plan de l'ontogenèse dans les fantasrres irrlividuels oedipiens, fantasrœs
organisateurs des familles névrotiques : "Le noyau structurel de l'oedipe
donne à la famille h1..llTiline sa dimension spécifique". C'est ce que S. LEBC'"\\lICI ~ 1
a synthétisé dans sa "Théorie psychanalytique de la famille". C'est ce
que les thérapeutes entendent sur leurs divans d'analyse.
Ce fantasrre oedipien fait graverœnt défaut dans la famille des
psychotiques et son absence est rrêrœ la caractéristique principale de
ceux-ci.
L. KAUFMA1'\\'N}l~)cours du Séminaire sur la farrùlle du schizophrène,
à Lausanne, en 1973, rerrarquait déjà une aborrlance de publications
(106) FREUD S. 'Ibtan et TaJ:x)u. Payot, Paris, 1958.
(l07) LEBOVICI S. La théorie psychanalytique de la famille. L'enfant dans la
famille. Masson, Paris, 1970.
(lOt)
KA.lTfjv'Jl\\NJ~ L. Considi?ration sur la thérapie des familles, 1975.

217
décrivant une technique "behavioriste" ayant pour but de clarifier la
camnmiœtion fOur changer le ocmp:>rterrent de la famille. Il soulignait
la rareté dans la littérature des techniques d'autres tendances.
Nous en arrivons au princir:e ITêrœ de la Théorie Familiale
Analytique dont nous trouvons une définitian chez M:msieur André
RUFFIOI' (l09) :
La thoorie familiale analytique est une thérapie par le
langage du groupe familial dans son ensemble 1 fondée sur
la théorie générale des systèrœs et principalerrent sur la
!héorie psychanalytique des groupes. Elle vise, par le
rétablisserrent de la circulation fantasmatique dans l'ap-
pareil psychique groupaI (familial) à l'autonanisation des
psychisrres individuels de chacun des rrenbres de la famille.
Ce nouverœnt a ccmœncé en psychiatrie infantile et a emprunté
des noyens techniques inportants à la thérapie de grotJI=e et au
psychodrame avec, plus récerrrrent, des aPfX)rts des grouf€s
de
rencontre et de formation.
Du fOint de vue théorique, ce nouvaœnt prend ses racines dans
les ét,..làes anthropologiques et sociologiques de la famille, la
théorie psychanalytique, l'étude des petits groupes, et, plus
récemnent, dans les théories linguistiques, cybernétiques, la
théorie générale des systèrœs et les théories de la eat1mll1ication.
Nous allons aborder ma.intenant ses techniques.
(109) RJFFIOI' A. op. cité.

218
( 110)
II. TEOfNIQJES ID' PRATlç;m:s.
A. AVANI'-PIDPOS.
Tout essai d'isolement de la thérapie familiale en tant que technique
doit être préc€rl.é
d'une mise en garde. A l'intérieur de ses limites, cette
discipline ne peut être plus diversifiée que d'autres psych:>thérapies, mais
certainaœnt ras noins. Par conséquent, celui qui généralise le fait à ses
propres risques et périls. On ne peut saisir en quelques tennes descriptifs
les aspects à la fois ~cs, âpres et intellectuels des théories et de la
pratique de Murray !n'EN ou l'élan dramatique de Virginia SATIR.
RaH?E!lons que le trait d'union entre les thérap:mtes familiaux,
c'est l'intention de "changer le systèrœ familial", et que ce qui
caractérise les teclmiques de thérapie familiale, c'est tout d' alx>rd
d'aller aux faits les plus sigrùficatifs plutOt que vers une
syrrpt:ana.tologie finie ..•
Ainsi que mus l'avons déjà roté égalarent plus haût, rappelons
enfin que l'essence de la thérapie familiale en tant que technique, est
d'avoir directanent à faire à un systèrre "naturel", c'est-à-dire à une
part impJrtante de la famille du patient désigné (là où il y a un
patient désigné).
Il en découle une série de conséquences techniques et stylistiques.
La thérapie de famille est une thérapie par l'action, une technique
du faire, du nontrer, du dire; une thérapie qui agit sur les obj ets
prim:lires et sur les symboles primaires par lesquels les gens ont
l' habitude de s' exprirrer; c'est une thérapie orientée vers une
redistril:ution des atouts; une thérapie d'exploration concrète et
de mise à l'épreuve d'autres nodèles interactiormels mieux adaptés;
c'est une technique de nodelage dans laquelle l'expérience des
thérapeutes pennet d'offrir à la famille d'autres nodèles impersonnels.
(ua) RUFFlar A. op. cité.

219
L'implication personnelle du thérapeute (ou a:m absence
d'implication) imprègne toutes les psychothérapies. Dans la
thérapie familiale, elle est plus explicite, car l'anonymat du
thérapeute est noins admis. Dans les autres thérapies, l'interaction
personnelle a sa place nalgré la barrière de on implication. Dans
la thérapie familiale, on encourage l'implication. Ouvrir la p:>rte
et inviter le diable â entrer est peut-être une meilleure mét:h::x1e
que de prétenire que la p:>rte est fermée alors que le diable s'est
glissé furtivaœnt à l'intérieur .•. Etant donné qu'il existe de
toutes façons des attitudes transférentielles, le contexte de la
thérapie familiale atténue p:>ur les merrbres de la famille le côté
nagique et épineux des fantasrœs oostiles, érotiques, ou de déperrlance.
Les plaisanteries à prop:>s des relations sexuelles entre thérapeute
et patient, gui sont habituelles en psychanalyse, sont pratiquement
Ï.nX)nnues en thérapie familiale.
La thérapie familiale s'intéresse directement au rôle du p:>uvoir
dans le travail thérapeutique. Le p:>uvoir n'est pas seulement affaire
de transfert; il déperrl également des interférences provenant des
options du systèrœ. Ainsi, le psychanalyste s'efforce principalement
de renoncer au p:>uvoir; le déroulement de son travail consiste d' arord
à augmenter, puis à diminuer son p:>uvoir transférentiel, à investir le
vécu infantile et régressif qu'a le patient de la toute puissance
analytique, et à réorienter le node de relation vers l'égalité et la
réalité. Le thérapeute familial, conscient du caractère hauteœnt
stable des systènes bio-psycho-sociaux, tente de prendre le p:>uvoir.
A cette fin, il utilise le paradoxe, les équivoques, les contradictions,
les renverserœnts de situation, noyens gui provoquent délibérément le
déséquilibre des systèmes. Le fait de favoriser ce déséquilibre , c' est-
à-dire le thèIœ anti-h::lnéostatique de la thérapie familiale, en est
un aspect fondamental.
Beaucoup, parmi les innovateurs de ce secteur
(H. HALEY, hll)
c. WHITAKER, M. BCMEN) ont manifesté une i.rragination et une invention
extraordinaires dans le développement de cet arsenal thérapeutique.
(Ill) HALEY H. Strategies of psycootherapy, New York, 1969.

220
La thérapie familiale corrp:>rte des teclmiques "rrodelisables"
le thérapeute nontre qu'il peut exister d'autres mécanismes de
fonctionnerœnt, en les utilisant avec la famille - en se nontrant
ai.rrable avec une mère affreusEm2l1t manip.ùatrice, sans crainte
devant un père tyrannique, ou en se faisant le soutien d'une
fille de quinze ans, eoceinte, voulant en rerrontrer à ses parents
à propos de la sexualité et de l'amour, par exemple .. Dans ces
cas, des facteurs p;rradoxaux ou politiques peuvent également
entrer en jeu.
Dans ce contexte, les qualités du thérapeute, en tant que Personne,
jouent un rôle détenninant dans l'évolution thérapeutique. Il convient
de soulignet:que ses insuffisances Personnelles sont souvent d'utiles
auxiliaires : l'incapacité d'un thérapeute à traiter d'un sujet
est souvent aussi inp:>rtante que son aptitude à y faire face. Il
peut se nontrer, carme n' i..Irlfx:>rte quel menbre de la famille, déroutant,
sur ses gardes, sensilile aux mêmes pressions sociales, etc ..
Il peut être entraîné par la famille dans des rn.::xièles de réponses
qui iIrù.tent, et en fait révèlent les véritables difficultés, dont
la famille fait elle4rnême l'expérience.
On peut en outre utiliser des équipes de oothérapeutes pour
nontrer à la famille une interaction reflétant les divisions, la
compétition, les difficultés de camTI~cation, la confusion des
rôles, etc.
Il s'agit en fin de caupte de ce qu'on pourrait appeler une
thérapie de prosélytisrœ , en faveur d'un systEme de valeurs et.;:
de croyances selon lequel la famille, ou un système co111p3rable
à la famille, est en fait nécessaire au maintien de la santé mentale,
et selon lequel un être humain fonctiormant seul fonctionne au dessous
de ses noyens, ou fooctionne mal.

221
En essayant de rerrlre justir;e à la nature fon::larrentalanent
sociable des êtres hurcains, et au fait que la vie hurcaine se
:
développe de façon satisfaisante seulement en famille, et en tenant
cœpte du systêrœ socio-culturel dans lequel mus vivons tous, mus
prétendons que la famille, malgré ses rx:rrbruex ~onvénients et ses
incertitudes, est le systêIœ le plus snr et le plus responsable
p:>ur le maintien des liens interPersormels hUl'lBins.
came l'a décrit A. EIGUER dans la Préface au livre : La
'Ihérapie psychanalytique du Couple, Ed. Durxxl, mus rappelons dans
mtre thèse que 1 'histoire de la psychologie de ce siècle comœnce
avec une référence au couple. Et que la thérapie familiale ne peut
se faire sans une recherche sur le couple. Ainsi que l'a écrit
EIGUER ~ : La thérapie psychanalytique du couple peut-elle se
définir ccmœ la thérapie par le langage des deux partenaires
traités ensemble et came uœ totalité? Cette thérapie est ins-
pirée par la théorie et la pratiqùe psychanalytique du groupe.
Elle cherche à développer la prise de oonscience des liens incons-
scients engagés par le couple depuis le début de la relation,
liens à la source des conflits et des malentendus, tout en faci-
litant le rétablissanent de la circulation fantasrratique entre
les oonjoints. Sensible au déplacemant transférentiel que son
cadre typique penœt (névrose de transfert groupaI), la thérapie
psychanalytique du couple étudie également les représentations
d'objets transgénérationnels, les If!Ythes qu'elles créent et les
fidélités oontraignantes qu'elles farentent. (112)
A ce sujet, citons deux textes consacrés au problèrœ de
l'état arroureux : celui d'Arrlré RUFFlatl1e3J celui d' 1. BERENSTEIN
et J. PUŒI'. A. RUFFIaI' établit le forrlaœnt d'une canpréhension
du oouple came dyade (" le groupIe"). Puis, recherchant à quel
vécu le plus archaIque renvoie l' expérieœe arroureuse, l'auteur
repère "une topique de 1 'arrour". Il décrit les idées sur l'originaire,
(112) ElmE
A. Préface. La thérapie psychanalytique du couple.
Dunod éd., Paris, 198!.
(113) RUFFIOT A., op. cité.

222
développées par P. AlJI...lGi[ER, rencontrant ses propres thèses,
exposées arlmirablaœnt dans La Thérapie Familiale Psychanalytique
(1981), sur le fond fantasnatique de chacun, où s'inscrivent les
représentations les plus primitives, oon encore rattachées à un
espace individuel (psyché pure oon-corp:>relle). En appliquant
ses idées à la technique, l'auteur a&œt dans certains cas des
IlDdifications intéressantes, carme la prrticipation des enfants
aux séances en mêrœ tenps que le couple: leur activité fantas-
natique, nèœ leurs rêves, en contreIX>int avec ceux des parents,
vont faire résonner le fond fantasrratique canrnun. Il analyse
ensuite les organisations du couple narié, du couple d'anants
et du couple d'amis, mises en parallèle. 1. BEREN8TEIN et J. Pt.œI'
centrent leur intervention sur l'engagaœnt arroureux ccmne un
instant d'idéalisation qui cherche à atténuer la souffrance et
les senti.m:mts de détresse. Ils rappellent l'état de détresse
originaire vécu par le oourrisson,dont l'issue intrédiate est
le narcissisrœ, l'indifférenciation dans l'autre. A partir du
concept fort intéressant de "structure des jurrea.ux", les auteurs
envisagent l'état anoureux et le conflit. Celui-ci est rattaché
à la désillusion pouvant suivre l'illusion conjointe. "Le reproche
est plus qu'un syrnptône de la mésentente : par ses côtés ~'DSV:Cho­
tiques", il est le cri de détresse de la gÉ!Tellité déçue' ~ 11").
Quant à C. PADIDN, il oous pr0IX>se d'aborder le couple par
son inverse : le séducteur, présenté ccrnme l' anti-p:rrtenaire.
t1n= des découvertes de l'auteur est que L'on Juan agit inspiré par
le désir de briser, d'attaquer le lien du couple afin de dissocier
les amants. Les phototypes de L'on Juan et de Casanova - étudiés à
p:rrtir de différentes versions littéraires, opéristiques et cinéma-
tographiques - précèdent la vignette de l'analyse de Jean, harrne
app3.remnent heureux de son nariage, nais fantasmant de devenir un
L'on Juan frénétique. Son expérience de thérapeute de couple pennet
(114) cf. DONALD -A.,· BLOCH -M~D.
:-Techni~ues de base en
thérapie familiale, Ed. Jean-Pierre Delarge, p. 27, 1979.

223
à C. PADroN de trot.ïler la source de tout conflit conjugal dans le
lien rœre-enfant. L'auteur exp:>se plus loin CXJITl'Tent chaque partenaire
"cherche (dans le conflit) un gain de plaisir ( ... ) ccmne d,l,une
activité sexuelle". La place des pulsions inhibées quant à leur but
et celle de la désexualisation sont également étudiées.
s. DEroBERl' et M. SOULE font part de l'expérience fort intéres-
sante du traitanent p3.r un couple de thérapeutes d'un groupe de
parents d'enfants perturbés. Ils découvrent qu'un des rôles impartis
aux thérapeutes par le groupe est celui d'un couple mythique aux
contours idéalisés. Dans l'interrogation du contre-transfert qu'ils
font, la mise en valeur de la notion du "plaisir du fonctionnement"
constitue un des p:>ints les plus originaux de leur observation.
cette fome de thérapie d'un groupe de couples, variante de la
thérapie de couple, laisse irraginer de multiples "couplages"
fantasmatiques entre cothérapeutes, et entre un cothérapeute et
un participant du groope. Les auteurs savent tirer parti d'une
telle richesse expressive p:>ur con:::lure sur les avantages du
travail interprétatif sur le lien à deux et sur la théorie du
couple. (Us>
Enfin, après urv= introduction où sont avancées trois notions
de la métapsycoolCXJie du couple : la ptrleur, la crainte du rappro-
cherrent et le caIDa.t entre deux narcissisrœs, A. ElGUER analyse
les aPfX)rts de la théorie systémique et de la théode groupale
psychanalytique à la caupréhension du lien d'alliance et de la
mésentente conjugale. La différence des sexes en étant un des
pivots conceptuels, la notion de "structure de couple" facilite
la présentation de trois types d'organisations inconscientes de
la dyade : oedipien, anaclitico-dépressif et narcissique. Etayée
sur des exenples de cures de couples, la partie consacrée à la
technique voit précisés les postulats généraux de la thérapie
psychanalytique de couple:
(115) O:OCOBERI' S., SOULE M. La notion de couple thérapeutique.
Revue Française de Psychanalyse, 36, l, 1972.

224
1. l'établissement d'un
cadre stable et régulier qui, défini
au rn::m:mt de la fonnulation du contrat, assure le bon
déroulement de l'expérience;
2. l'utilisation de l'interprétation dynamique qui vise la
prise de conscience et la recirculationfantasmatique
(les paramètres de l'interprétation sont détaillés
ses rrotifs, son temps, son objet, son but et sa
fonnulation) ;
3. le centrage sur le transfert, qui saisit le rrouvaœnt le
plus vivant de l'actualisation structurelle;
4. l'intérêt du travail sur la résistance, qui invite à la
perlaboration.

225
. La. technique de thérapie familiale est fondée sur trois règles
la règle de présence bi- ou multi-génératiormelle simultanée;
la règle de libre association;
la règle d'abstinence.
Nous allons ânalyser ci-après la première de ces règles.
Règle de présence bi-génératiormelle simultanée.
Cette règle trouve sa justification en partie dans la théorie génerale
des systèmes, mais surtout dans la théorie psychanalytique des groupes,
thêories que mus avons évoquées précédemœnt.
D. MASSON, en 1978, reprenant l'étude de Y. BOSZO~-NAGY de 1965,
a tracé l' historique de l'approche thérapeutique des psychotiques et de
leurs familles : (11 7)
"Jusqu'aux année 40", écrit-il, "le schizophrène est considéré
a::mœ étant à l'origine des troubles fonctiormels du groupe familial.
Il est le "trouble-tête" de la famille; et l'ingérence de celle-ci
dans la thérapeutique individuelle ne peut être que néfaste. Alors
pr~.raut, dans la relation thérapeutique avec le malade la IX>sition
de FREUD concernant la famille du névrosé : ccmœnt la décider de
se tenir à l'écart de toute l'affaire ? Corrrrent s'en débarrasser ?" ••
En 1948, F. ~-REICHMANN introduit la ootion de ''mère
schizophrérogène". En 1957, Th. LIDZ souligne l' i.rrIpJrtance du
rOle du père dans la pathologie. Enfin, les travaux sur la
comnunication, à la suite des découvertes de BADESON sur le
"double l,ien", prennent en considération le groupe familial
dans son enserrble, en appréhendant le systèrrE familial, selon
la "Théorie générale des systèrœs", issue de L. VON BERI'AIANFLY.
(H6) RUFFIOI' A., op. cité.
(H7) MASSON D. A prop:>s des interventions préventives en psychiatrie.
Mêd. et Hyg., 1978.

226
Appliquée aux sciences humaines, la conception systénùque,
dont oous avons déjà parlé lors de ootre analyse de la Psycoopathie
infantile et de sses techniques préventives, peut se fonnuler ainsi
tout irrlividu humain fait partie d'un systàne,
c'est-à-dire d'un ensenble d' élé:rœnts en interaction, d'un ensart>le
organisé, le système le plus prégnant dans ootre civilisation étant
celui de la famille.
"La théorie des systèmes considère la famille came une unité
vivante", écrit P. CAILLE, en 1978. "Cette unité, cet ensemble, carrrne
tout individu, a un passé, un présent et un futur; elle a aussi des
règles particulières et relativement stables de fonctionnaœnt.
Ces caractéristiques ne sont pas décidées par une persorme du
système, nais par la dYnamique de l'interaction de tous les rnanbres
du système".
Le fonctionnerrent du groupe familial est régi par des lois qui
ne sont pas nécessairement celles qui président au fon::tionnement
psychique de chacun des individus qui la cCITpJsent.
Dans cette optique, "la naladie rœntale ou psychosœatique est
considérée cornne une conséquence naturelle du dysfon::tionnement
int13ractiormel" de la famille (toujours selon P. CAILLE). Notons
que cette pror:ositien peut s'inverser et s'énoncer de la façon suivante
La naladie rœntale affectant un manbre d'une famille tend à engendrer
naturellement un dysfonctionnement interactionnel du groupe familial
dans son ensenble.
Si oous oous dégageons de tout souci étiologique (qui est
resr:onsable de la rraladie mentale ? qui est le resr:onsable du
dysfon::tionnaœnt du groupe ?) oous ferons nôtre une hYJX)thèse
systémique, neutre, de départ :

227
Un groupe familial comprenant un ou plusieurs de ses rranbres
présentant une pa:tb:l1ogie psycootique - et en p:rrticulier schizophrénique -
manifeste un node de fonctioI'1I1a1'eI1t particulier, un dysfooctionnerrent
interfantasmatique.
Au niveau de notre action thérapeutique et de notre observation,
la notion d' interfantasmatisation nous paraît pranière par rapp::>rt à
celle d'interaction, au sens des échanges nanifestes : digitaux ou
analogiques) .
~us voici arrivé
alors aU'.FOint de divergence avec celles des
cooceptions systémiques qui déOOuchent sowent. sur des techniques
faisant fi de l'intrapsychique et rr✠de l' interpsychique, court-
circuitant en scmœ le fantasrœ.
~tre propre champ d'écoute
d'analyste est en effet la circulation fantasmatique et, dans le
cadre du système familial, l' interfantasmatisation.
~us l'avons déjà signalé, une notion i.nqx:>rtante en théorie
des systè'œs est celle d'hcrnéostasie. Dans le système familial,
les mécanisrœs hcrnéostatiques se traduisent dans le fait que, dès
qu'une nodification terri à Si instaurer dans la structure familiale,
tous les rœnbres de la famille se liguent FOur annuler ce changaœnt,
FOur maintenir le statu quo, le rrode de fonctionnenent antérieur
coutumier. Ainsi app:rrait un autre "pa.tient désigné" quand celui qui
était à l'origine le rrobile conscient de la consultation va mieux.
L'hcrnéostase se manifeste par la résistan::::e au changenent.
Les analystes sont on ne peut plus familiers avec cette réalité
la tendaoce hanéostatique de l'app:rreil psychique individuel.
'!bute l'oewre de FREUD, rappelons-le est un approfondissaœnt de
cette notion de résistance au changaœnt lU8). La conception
systémique n'est pa.s étrangère, en tout cas ni est pa.s Opp8sée, à
la conceptualisation analytique.
(118)
voir D. WIDILX:l!ER
"Freud et le problème du changaœnt", 1970.

228
LI idée de champ syrœtrique existe en filigrane dès le départ des
théorisations freuliennes et éclate à 11 évidence en 1923 dans la
formulation de la deuxième optique où FREUD décrit 11 appareil psychique
came un ensemble dl instances, de persoIIDes intériorisées. D. ANZ lEU ,
en 1975, décrit le jeu des instances (" ça", "mi Il , "surITOi") dans
11 appareil psychique comœ groupe Il intériorisé" .
LI hanéostase, dans un système, est assurée par le rnécanisrre de
rétro-action, qui fonde le principe de causalité circulaire : Toute
action dl un élérent sur un autre déclenche, par un phénanène de feed-
back, une réaction de 11 élément stimulé sur 11 élément stimulateur,
une Ilrétro-actionIl pour annuler ou rrodérer le changement du système.
FREUD, en introduisant les ootions dl investissement et de contre-
investissement , et en insistant sur leur interdépendance -
jeu de
forces Si .ilrpliquant Imltuellerrent, inter-agissant l lune sur 11 autre,
selon un rode de causalité qui ni est pas s.ilrplerrent linéaire -
ni a-t-il PaS utilisé en précurseur un concept-clé de la cybernétique
qui est à 11 origine de la théorie des systèIœs? Certes, il a théorisé
le foœtionnement mental en tennes de therrrodynamique, qui était sa
culture scientifique de base et la fonœ de PenSée de son érx:xIUe (H9).
Ne peut-on pas Penser que, si la cybernétique avait été fonralisée en
189C), la métapsychologie eût pris un tour inspiré des théories de
N. WIENER ? IINe confondons janais ll , répétait FREUD, "1 1 édifice (les
découvertes cliniques) avec 11 échafaudage (théorique) Il.
La coœeptualisation en tenœs systémiques est devenue de oos
jours courante. Elle nous apparaît une représentation efficace du
cadre familial.
M.::üs oous constatons que la référence au système délx>uche chez de
nanbreux praticiens, P. WATZIAWICK et ses collaborateurs en étant les
principaux représentants, sur des techniques dl intervention de type
ou dl inspiration behavioriste, tendant à déstabiliser le système, à
(119' cf. D. ANZIDJ, 1975.

229
nodifier, de l'extérieur, son fonctiol1I'lE!l'œI'l.t rranifeste par des nét:lx:Xies
de dêcorxiition:nerœnt-recxmditio1'1JlE!lœ1lt, réduisant l'intrapsychique à la
portion oongrue. N:>us pensons que cette déstabilisation brutale du
systèrœ familial, outre qu'elle présente des risques supérieurs de
d~tion, n'a pa.s , n'a pis l'efficacité de l'approche de la
dynamique interne, propranent psychique, du systàœ. Et mus mus
étoIlIX>n5 que les "syst€mistes"
n'aient pa.s jusqu'ici eu recours aux
travaux psychanalytiques sur les groupes.
L'aPIBreil psychique groupal peut être défini ccmœ un
.
.
(120)
systàœ interpsychi.que, d' apr~s 'André RUFFIOI'.
Cetté approche du systèœ familial s' app.rie sur la théorisation
qu'en a faite R. KAES, en 1976, qui oous paraît indispensable pour
l'observation des ph~ psychiques ï.n:x>nscients intra-familiaux.
Selon R. KAES, l'appareil psychique groupaI est "la construction
~ des nenbres d'un groupe pour constituer un groupe. Il s'agit
d'une fiction efficace, dont le caractère principa.l est d' as5'l.1IœI' la
médiation et l'échange de différences" entre la réalité psychique
irrlividuelle et la réalité groupa.le.
L'appareil psychique groupal se réalise selon deux fonœs, pa.r
raPfX)rt au m::x1èle psychique in::1ividuel :
a) la réalisation isorrorphique, de nature psychotique, conséquence
de la négation de la différence entre l'appareil psychique individuel
et l'appareil groupaI;
b) la réalisation lnrœorphique, forrlée sur la différenciation
entre appareil irrlividuel et app:rreil groupal d'une p:rrt et entre
les appareils psychiques in::1ividuels eux-nêmes d'autre part.
(120)
RUFFIOI' A. op. cité.

230
Une des prin::ipales raisons qui milite en faveur de l'approche de
l'awareil psychique familial en tant que systèma, et dans ses aspects
conscient et fn:x)nscient, lorsque mus avons affaire à une famille dont
un nenbre est psycOOtique et spécialement schizo};i1rène, c'est le lien
tout à fait particulier que le schizophrène établit avec le réel, le
réel le plus proche étant représenté par la famille. ce lien a été
magistralement décrit par P. C. RACAMIER dans son RaPfOrt de Florence,
en mai 1978.
"Vivre la schizophrénie consiste à vivre oors de soi" : RACAMIER
décrit les deux nodalités psychotiques de C?ntact et de c:x::JIIDat avec le
réel
que sont l'engrèrarent et la surréalité.
"Le psychotique et son objet sont nachine, et machine aux rouages
engrenés. Il n'arrive rien au sujet qui n'arrive aussi à l'objet, et
vice versa".
"Le psychotique recourt exclusivement à l'alloplastie ( •.. ) N:m
seulerrent il extériorise sa psyché, transfigurant ainsi le nome réel
des objets, nais le fantasrœ ne lui suffit pas. Il lui faut une
réalisation. Il veut trouver une solution externe à ses conflits internes.
La réalité est traitée carme un prolongaœnt narcissique. L'objet réel,
ainsi transfonné Par le fantasme et manipulé dans sa réalité nêne,
devient une hallucination réussie".
Cette situation d'étreinte fanù.liale justifierait à elle seule
une approche du groupe dans son ensemble. La psychose, dans une fanù.lle,
est une glu où chaque rranbre vient se prendre.
M. SOULE, de son côté, dans son travail "L'enfant gui venait du froid",
qu'il aurait ai.m§ intituler, dit-il "cament j'ai rendu ma mère folle:
récit d'un nourrisson de douze rrois", insiste sur les processus protecteurs
que la mère d'un enfant autiste doit développer devant la non-réfOnse à
son instinct maternel.

231
Il nontre cxmœnt ces prœessus matenlels défensifs sont
lia. leur tour iMucteurs d'une action néfaste sur un enfant dêja.
proforrlêœnt pertw:bê". De telle sorte que s'instaurent entre
mère et enfant des "circuits rêverbératifs pathogènes" qui
altèrent de plus en plus les peroonnalités tant de l'enfant
que de la mère.
Ces nécanisrnes d' engrènaœnt, ces phéranëmes de réverbération
dans les relations mère-enfant, mus les retrouvons dans mtre approche
des familles de FSyclx>tiques ccmœ s'étendant à tous les nsnbres du
groupe familial. C'est p:>urqooi ootre perspective de traitelœnt et
de recherche vise un systène tout entier, en une thérapie familiale
"oonjointe" (KAUFMANN) dans une "approche Im.Ùti-focale" (RACAMIER).
D'où cette prani.êre règle de mtre thérapie familiale analytique
la règle de prêseœe hi ou Im.Ùti-génératiormelle si.rm.lltanée.
Les séances se déroulent avec toute la famille réunie : les
deux parents et tous :l:es enfants, dans la rœsure du IX>ssible.
Les
grarrls-parents, lorsqu'ils vivent avec la famille nucléaire,
et d'une façon générale lorsqu'ils ont une fonction iIrp:>rtante
vis-à-vis de ce myau familial, sont invités eux aussi à participer
à J3. thérapie.
les séan:::es n'ont lieu que si deux générations au m::>ins sont
présentes. cette règle est édictée dès le départ, lors de l' irrlication
de la thérapie. Au début, mus ërXeptiOns certaines séan::es en sous-
groupes (sous-groupe parents, ou sous-groupe enfants) : mus mus
scmœs rendu
conpte que mus perdions ainsi une part importante de
l'infornation ooncernant la circulation fantasmatique familiale.
De plus, i l mus est apparu que les contacts ini"lt.iaux avec le patient
désigné seul, ou avec les parents seuls, gênaient mtre action
thérapeutique ultérieure et mtre contre-transfert.

232
III. ESSAI DE SYNTHESE.
Cette
approche analytique du groupe familial, approche lente,
longue, et "myope", ainsi que le disait FREUD de la cure individuelle,
nous apporte une richesse de rratêriel et de nécanismes dont nous
n'avons, dans le cadre de ce travail, retenu que quelques aspects. 6.21)
Nous devons noter toute la dette que nous avons vis-à-vis
des travaux sur la
théorie psychanalytique des groupes, effectués
p:ir l'équipe française, représentée par D. ANZIEU, A. BEJARANO, R. KAES,
A. MISSENARD, J.B. roNl'ALIS. Les recherches de ces auteurs ont
essentiellerrent p::>rté sur les groupes "artificiels" (fo:rnatifs et
thérapeutiques) et les groupes "naturels
larges". Ils ont peu
abordé l'étude de ce groupe prirraire, naturel restreint, qu'est
la famille. Leurs conclusions, les hypothèses qu'ils fonnulent
COnceD'lent le fonctionnement inconscient des groupes en général.
Sont-elles awlicables au groupe fanù.lial ?
D. ANZIEU tenrù.nait son chapitre liminaire de "Groupe et Inconscient"
(1975) sur une certitude et un espoir :
(122)
"la certitude que les processus inconscients spécifiques des
situations groupales sont les mâœs dans les groupes de forrration,
dans les groupes thérapeutiques et dans les groupes sociaux réels".
"la confiance qu'au prix des aménagerrents adéquats qui
restent à trouver, le nodèle sera opératoire p::>ur la corrpréhension
des groupes sociaux réels et p::>ur des interventions fondées sur
une telle corrpréhension".
Cette certitude p:rraît vérifiée et cet esp:>ir satisfait en ce
qui concerne la thérapie familiale analytique, qui est à la confluence
de deux tyt:es de groupes : le groupe réel naturel et le groupe thérapeutique.
(121) RUFFIOI' A. op. cite.
(122) ANZlEU D. Le groupe et l'inconscient. Dtmod éd., Paris, 1975.

233
A. LES TROIS ORG.l\\NISATEURS DES GroUPES.
O. ANZIEU Si inspire des organisations du psychisrre individuel selon
SPITZ P'UI' d~ager, sur le rrêne rrodèle..( trois organisateurs du
o.2j)
fonctionnement groupal inconscient.
1. Le premier organisateur est celui de 11 illusion groupale,
ou "c:ontre-fantasrre originaire".
Les nembres dl un groupe tendent, dans une pranière étape, à
organiser fantasmatiquercent une fusion de leurs appareils psychiques
indi.riduels autour dl un rrêrre fantasrre. Ils terrlent à identifier, selon
une règle dl isarorphie, leurs psychisœs individuels, à Y renoncer au
profit dl un pseudo-psychisrœ de groupe qui se manifeste par le phé1'lC!Tlène
de 11 illusion groupale :
"Nous scmœs bien ensemble, mus constituons un bon groupe,
netre chef est un bon chef".
Ce qui, analysé, se traduit par la dénégation de la différence.
Mais un groupe ne peut tenir longtarps dans cet~ position
fusiormelle Si il veut rester vivant, p:mse D. ANZIEU (et clest pourtant
ce que réalise la famille psychotique, nais à quel prix !) : le groupe,
au stade de l'illusion groupale, est dl ailleurs ce que R. KAFS appelle
"le groupe psychotique".
2. Le deuxiàœ organisateur inconscient du groupe, selon
D. ANZIEU, est l' :ima.go, ou représentation inconsciente dl une personne.
cette représentation a:mstitue le royau des instances psychiques
régulatrices du noi, tels le sumoi, l'idéal du noi .. Les irrages
incx:mscientes, de nême qulelles sont régulatrices du noi individuel,
apparaissent aussi être régulatrices d'un groupe en évolution.
(12~)ANZIEU D. op. cité.

234
L'll'nage qui perrœt au groupe de sortir de la stase de l'illusion
groupale est l'image paternelle, 1rcage ambivalente, c 'est-A-dire
l' image inconsciente d'un père bon et a.iné, ainsi gue d'un père
sévère et détesté.
cette 1nage paternelle reoouvre, bien enterrlu, une mage plus
précoce, prégnante au cours des pasitians paranoïde, schiroïde et
dépressive, de la bonne et de la mauvaise mère.
3. Le troisièrre organisateur du groupe est représenté par
les fantasrres originaires (vie intra-utérine, sMuction, scênes
primitives, castration .•. ), cet héritage fantasmatique inoonscient
qui est le a::mnun déraninateur de l' iIrag:inaire des psychisrœs
i.rxlividuels.
Le groupe, s'organisant autour d'un fant.asIœ ordinaire, adrœt
les différences entre ses rranbres, :PJisqu' i l est assUl.é d'avoir en
ccmnun quelque coose de définitif, qui est justanent _1' origine.

235
B. ~lEI,~ PERSPEX:TIVES.
le projet d'une thêorie groupale du psychisrœ et de l'analyse des groupes
fait apparattre la oouble appartenance systl!mique du sujet et la double
entration de l' êtay~ psychique.
les logiques de ces systàœs sont ~ explorer et toUt autant, la
locj1que, alors nécessairarent groupale, de leurs relations.
En effet, ce projet ne peut être entrepris que si mus abarxX:>nrons
l'épistbrologie des sciences positives, sur laquelle sont enoore
cia.n:Jereusement forrlêes ce qu'on appelle les sciences de l' hcmœ.
Une telle épisténologie suprose l'objet discret, autoraœ,
reproductible, non oontradictoire et univoque.
Elle implique une logique de l'un, où. la sin:Jularité de l'objet
n'est pas affectée, du fait de son isolarent méthodologique, par les
conditions de son approque.
Une telle logique est dotée de psychisœ évolué. Une logique de
l' unité duelle et de l' unité groupale est à dégager pour forrler
l' intelligibilité des fonnations psychiques.
N'Jus trouvons chez 1. HERMANN, dans son ooncept d' unité duelle ,
chez R. IA.lll; dans sa notion de famille, chez WINNICXJIT lorsqu'il
affi.nœ qu'un bébé ça n'existe p?:s, mais seulerœnt la relation entre
la mère et le bébé, ou encore chez IACAN dans la théorie. du sujet,
des fonmIlations arpiriques ou théoriques qui appellent une telle
.
(124)
(125)
1ogl.que.
Arx1ré GREEN fait très just:aœnt remarquer que, dans le ooncept
de relation d'objet, ce qui a:upte surtout c'est le terme relation.
(126)
(124) WINNICO'IT D.M. La première année de la vie. Revue Française de
Psychanalyse, 26, 4, P U F, Paris, 1962.
(125) LACAN J. L' institution familiale. Le canplexe, facteur concret de la
psychologie familiale. T.III, Paris, 1938.
(12()) GREEN 1.. Narcissisne de vie, narcissiSMe de rrort. Minuit, Paris, 1983.

236
WINNIrorI' acoorde dans cette approche une capacité structurale
~ l'objet quard 11 se place d'un point de vue de la mutualité, alors
que FREUD traite de l'objet du seul point de vue du sujet.
On peut espérer qœ sur ce point les recherches sur la logique
du paradoxe et du discontinu, celles qui prennent en oonsidération
le point de vue du sujet (J .B. GRIZE) seront des apports décisifs.
Nous en ~ns l'utilisation précise dans un projet de
théorisation des raPfOrts entre les niveaux logiques individu-groupe.
La fluctuation du continu et du disoontinu dans ces raPfOrts et ces
racoords est à prerrlre en oonsidération si l'on veut oc:rrprendre le
piI'adoxe du sujet qui peut, dans une visée thérapeutique 00 fornative,
élaborer des conflits interpsychiques dans un groupe, ou le paradoxe
du groupe qui s'organise ocmœ charrp d'élaboration de processus
app:rrtenant à ses élfuents oonstituants, les individus qui le
<:XJI'lp:>sent. ce transfert d' un niveau à l'autre, Irnltuellaœnt, fait
problàœ dans une logique de l'objet discret, car cette logique ne
peut penser le charrp des relations dynamiques pas plus que le
statut paradoxal du sujet.
Si nous théorisons à partir de oos pratiques et de 005 expériences,
il est possible et nêœ souhaitable que pratique et théorie marquent
leur écart mutuel vivifiant. Adrœttre ceci, c'est dire que, pour une
part, les théories psychanalytiques 'du
osychiere dérivent des
oorrlitions dans lesquelles la psychanalyse est pliatiquée ..
Correlativaœnt, l'exercice de la psychanalyse n'est pas sans rapports
avec l'état des théories du psychisrre.
Mais une telle circularité, alors idéologique, ne peut se briser
si l'analyste se tient à l'écoute de la parole de l'analysant et de
celle de l'analyste, paroles surgissantes, ironies inuentives d'un
savoir enoore "non su" (cf. D. ANZIEU).

'237
Pour ce qui est du cadre et du charrp de la psychanalyse, i l est
défirù par ce que FREUD en a institué dans la cure-type. Si ce cadre
et ce charrp de l'analyse n'étaient pas tenus p:>ur uniques et exclusifs,
nais seulement originaires et exarplaires, d'autres seraient
susceptibles de l:'EIœttre en question les thoories de la psyché et les
pratiques psychanalytiques qui s' y réfèrent.
Mais i l faOOrait l€giti.rcaœnt
se danan:1er à quels critères ces
chalp; rouveaux devraient se plier ponr oonstituer ml cadre tel que
le ~ t e COIlCX)rde avec le psychanalysable.

238
CHAPITRE
I V .

239
ESSAI D'E'lUDE CCMPARATIVE AVEX; IE MILIEU AFRICAIN.
Traditiœ et M:rlernisation dans le milieu familial africain.
Dans la tradition africaine, on ne IBrle-: jamais dl l ango1.sse" ,
ae "dépression" . Dans mtre société, des liens se tissent à l'intérieur
et entre les familles. L'être n'est jamais isolé, ccmœ c'est le cas
en OCcident.
Cela veut dire qu'en cas de malheur, de probleme, c'est
l'ensanble de la collectivité qui se trouve touchée.
Le groupe, la famille, ont droit de regard sur les éfOux.
Dans le milieu traditiormel (nêœ le milieu m:x:J.erne), les ~ts,
l'entourage participent aux problèIœs conjugaux.
En cas de
dispute entre mari et fame, les parents du conjoint, saisis du
problàœ, peuvent le régler sans que les bea.ux ~ts y prerment
part. Cela nontre bien l'inp:>rtaoce du lignage dans cette société.
En ce qui coœerne le mariage traditionnel, i l nia jamais existé
de nariage devant l'Etat Civil, ccrrrre c'est le cas en mi1.ieu occidental.
Le mariage africain est très différent (voir rotre description des
différent~ sortes de mariages) et ses nodalités détenninent le sens
de la cohabitation: il n'y a jamais eu de séparation à proprenent
parler, ccmœ ceci est le cas, fréquent, en occident.
Par définition, il ne doit pas naître de crise d'angoisse,
de dépression, dans les familles. Les querelles, les problèrœs de
famille se règlent en fami1.1e. D'ail1.eurs, un Africain est toujours
surpris d' enterrlre ces nets "angoisse", "dépression" tant employés
par les OCcidentaux. C'est OOIlIœ s'il n'existait pas de "folie"
en Afrique, au sens où l'OCcident 1.' entend.

240
Mais si rous sames de plus en plus envahis t=ar ces sortes de
proglêrœs, la société occidentale n'en est-elle p:ls en grande partie
resp:msable ? Elle transfonœ toutes oos structures, comre si
l'Afrique n'avait rien de solidanent, de valablerrent établi.
Rappelons cette citation de Denise PAt.JI.ME
"L'OCcident s'est servi de l'Afrique oomœ si l'Afrique était
incapable de se suffire, car, FOur lui, l'Afrique était un vase vide,
qu'il fallait rE!ll'lir de oouvelles structures".
A partir de cette fpnsée, oous dégageons de n:mbreuses situations
coocrètes. On mus fait subir des changeœnts, et, après de longues
réflexions, on se rend cœpte que la voie que suivait la tradition
africaine était en fait une voie de solutions raisormables.
l'bus en verx:>ns à la Thérapie Familiale.
La Thérapie Familiale est une des cbnnées êléœntaires qui s' ap-
pliquait
dans ms familles sans l' app:>rt de l'administration.
I.e mariage, à l' éIXXIUe seularent de nos parents, se coocluait sans
une quelconque présence administrative. I.es parents et les mariés
en étaient les acteurs, et on sy:m1::x)lisait l'union par un acte.
I.es querelles - si querelles il devait y avoir - se réglaient à
l'arni..:ilile, ce qui ne p::mvait arrener ni angoisse, ni dépression,
répét0ns-Ie. Il existait une Thérapie Familiale inhérente au groupe.
I.es :P3ys occidentaux, à l' heure actuelle sont à la recherche de
ce que mus p:>ssédons en Thérapie Familiale. rbus sames frappés à la
lecture d'ouvrages écrits par des OCCidentaux, par cette ootion de
perte d'identité qui est à retrouver. Dans un IIDrrle où chacun vit
"p::>ur soi", où l' individualisrœ prend de Flus en plus d' irrpJrtance,
i l va sans dire qu'il Y a
là des facteurs favorisants de l'angoisse,
capables de créer la dépression et de fabriquer des rralades rœntaux.
Prenons le cas de A. T., un cas de "névrose d'angoisse", qui
illustrera ms prop:>s.

241
UN CAS DE NEVIœE D' ANOOISSE.
Il s'agit de A.T ••• , je\\IDe femœ de 24 ans, de race Dida,
catholique, mariée.
1. Eléœnts biographiques.
La nalade, que nous désigrx:>ns par ses initiales, A.T .. , est
\\IDe je\\IDe femœ de 24 ans, née dans la région de L... (COte
d'Ivoire), catholique, institutrice à la Mission catholique de B ••
Elle est mariée, depuis 1969, à lU1 jeune hcmœ de race Bété,
de 29 ans, également catholique. Il est instituteur à la Mission
de B..
A.T .• est mère de trois enfants, âgés de 5 ans à 6 rois
deux garçons et une fille.
D'après le mari, les familles étaient d'accord FOur le mariage
et la famille de la jeune fille avait derrandé la dot, qu'il avait
"payée régulièrement".
Le mari est originaire d'une petite ville, assez éloignée,
et bien qu'il n'appartienne pas à la rrêTœ etimie, parle et
comprend le Dida, car il est instituteur dans la région de L..
depuis 1963. A.T.. était alors à l'école ccrnœ élève et il
enseignait dans un village proche de sa future belle-famille.
C'est là qu'il a fait la connaissance de la jeune fille.
ses relations actuelles avec la belle-famille sont très
oonnes. Pendant la naladie de sa femne, ce sont les beaux-parents
qui gardent les enfants. Le père de la nalade est un homœ de
65 ans, planteur, catholique, chef de la Mission catholique de
son village. La mère est âgée de 45 ans, catholique égalerœnt.

242
L'un et l'autre sont bien p::>rtants. Ils ont eu douze enfants,
dont deux seulerrent sont en=ore vivants : A.T .. et un jeune
frère, qui est élève de 4êlœ dans un COllêge d'Abidjan.
Ils habitent un village, situé à 13 kilanètres de la
petite ville où la malade est institutrice avec son mari.
2. Histoire de la rraladie.
Hospitalisée à BINGERVILLE en février 1976, A.T.. se
présente came une jeune fame très soigneuserrent habillée,
bien que sans recherche ~ Son visage est ouvert et agréable,
son contact est très facile. Elle recherche et dem:urle
sp:mtanérœnt à avoir des entretiens avec un psycoologue,
car son isolement lui pèse au milieu des autres rralades.
Elle se plaint essentiellement de céphalées, de vertiges,
d' étoufferœnts, de manque d'appétit et de sameil. Elle
.. sent venir" la maladie, qui s' accarpagne d'une angoisse
rrassive et envahissante.
Dans son récit, elle p:l.sse sans cesse des faits à la
description des synptâIœs. D'après les renseign.erœnts obtenus
d'elle, les troubles auraient carrrrencé vers le nois d'octobre
1975, à la suite des funérailles d'un cousin, rrort accidentel-
lanent dans la brousse.
Ensuite, elle aurait enseigné pendant trois nois sans
rien ressentir. Mais les troubles sont revenus. On l'a alors
hospitalisée à L.. , où elle aurait reçu un traiterœnt de
"piqûres" (nous n'avons pu savoir de quel rnédicarœnt il
s'agissait) et de Nivaquine parce qu'elle n'avait pas
d'appétit.
Dans le récit de la naladie, l'incident des funérailles
apparaît ccmœ l'événanent najeur qui a déclenché les troubles,
au noins sous leur fonne aiguë actuelle.

243
Il faut roter ceperxlant le tarps de lateœe (trois nois)
qui a permis aux troubles de s'organiser, de se structurer.
Panni les êvênements familiaux, on peut mter le décès
du premier enfant, SllIVeIUl presque aussitôt après la naissance
et dont la nalade ne parlait pas souvent, d'après le taroignage
du mari.
Ce qui occupe actuelleœnt la première place dans le tableau
clinique, ce sont les syrrpt:&es sœatiques: battarents vifs du
c:x>eur, sensations de constriction thoracique, d' étouffercent,
de carrant électrique dans tout le corps, de vergiges, de
rouffIes qui serrblent "la traverser".
A ces synpt:lEes, qui se rapportent au vécu corp:>rel,
s'ajoutent des idées obsédantes, des phobies : peur de dire
des bêtises, de faire des actes incongrus (se déshabiller en
public par exenple) , peur de devenir folle, peur de nourir.
Si mus essayons de raIDnter dans le tanps, nous voyons
que A.T.. prrle de maux de tête et de fatigue, antérieurs à
l'événerrent des funérailles, auquel elle attribue le déclen-
cherrent des troubles actuels.
En tenteS de nosograr:hie classique, on peut hésiter entre
la bouffée délirante et la crise d'angoisse névrotique,
décarpensée brusquerrent, alors qu'elle évoluait lentement sur
un fond d'anxiété et de sanatisations discrètes.
En faveur de la première hYIOthèse (la bouffée délirante) ,
on peut noter les idées de Persécution par la rrort, les voix
et les menaces qu'elle entend.
La barrière est fragile, en milieu Africain, entre la
conscience-image et le rêve, entre les idées obsédantes et les
hallucinations sensorielles, entre le rêve et la vie éveillée.

244
A. T.. fait d'ailleurs bien la distinction entre les
hallucinations atrlitives "vraies" et les idées obsêdantes gui
se présentent à elle sous la fonne du rrort, qui lui parle cœme
une voix : lice n'est pas la voix, j'imagine cela", dit-elle.
M:ù.gré l'angoisse très envahissante, le contact est très
bon. Aucune confusion rœntale, dépersormalisation ou désorien-
tation dans le te!rps ou l'espace, ne peuvent être observêes.
Enfin, malgré la panique qui l'envahit parfois, janais
la malade ne perd le contrôle de ses gestes ni de ses paroles.
L ! ensembledu tableau clinique nous oriente davantage vers
le versant névrotique que psychotique de la rraladie, en faveur
duquel la rapidité et la profondeur de la régression ne peuvent
être retenues. La brièveté de l' épiscde délirant et la guérison,
qui s'est maintenue jusqu'à ce jour, rrontrent la capacité de
résoudre efficacaœnt les tensions et les situations anxiogènes,
sans que la noyau de sa persormalité soit atteint.
La notion classique de bouffée délirante, telle qu'elle
est explicitée en nosographie occidentale, ne peut être
appliquée ici. Les limites dans ce sens sont difficiles à
préciser entre le versant névrotique et le versant psycho-
tique, et n'offrent pas, en définitive, un grand intérêt
pour la con-préhension du cas.
A. T.. est sortie après deux rrois dl hospitalisation, au
cours desquels elle a subi un traitement dl électrochocs
(12 chocs) et de tranquillisants (Procalrradiol).
Elle était très améliorée lors de sa sortie, et, depuis,
nous avons reçu de ses nouvelles : le 3 mai, elle avait repris
son travail, mais le mari exprirrait quelaues doutes sur sa

245
guérison: "Eh bien, c'est came une maladie nentale, je ne
peux pas savoir si la guérison est e:atplète. Mais, p:>ur le
rrarent, je suis satisfait". Il a rêcl.amê également des Iœdi-
carœnts pour les "soulagaœnts éventuels".
Un an après, aucune rechute ne oous a été signalée, ni
à L •• , ni à BnliERVILLE.
3. L'entretien.
Le 18 février 1976.
"ça a ccmœœé vers le nois d'octobre, quarrl un cousin,
f ils de l'oncle naternel, est nort dans la brousse. Quand on
a fait les funérailles, le cadavre a voulu ne prendre. Il
était déjà enterré. Il vient p:>ur attraper quelqu'un. C'est
un esprit. On dirait un courant. On tranble. A ce :rn:::JœI1t-là,
on aurait dit que j 1étais saoûle, on dirait un éclair, came
du courant dans la tête et les pieds, dans la nuque. C'est
came une chambre à air qui se dégonfle. Je suis au grand air,
et après je suis étouffée. Chaque soir, j'ai mal à la tête.
Chaque souffle passe partout, les nains, les jambes. ça ne
fatigue et ne donne des vertiges. C'est corrme ça que j'ai su
que la nort m'a prise".
"Après ça, j'ai enseigné pendant trois nois sans rien
sentir. Après, c'est revenu. M:m mari était au courant. On
m'a envoyée à l' hôpital. On m'a soignée avec des aITlfX.>ules et
des piqûres, et des cœprirrés de Nivaquine parce que je
n'avais p3.s d' appétit. M::m mari a dit: "C'est le nort qui
a fait cela" ".
"Depuis les funérailles, je ne rêve plus bien. Mainte-
nant, je rêve le nort souvent. Je le vois le rratin, mais flou".

246
"Chaque dimmche, je dis à Dieu : "Dans le rêve, i l est
vivant, et dit qu'il va Ire tuer. Un jour il avait une cachette
p:>ur Ire tuer" ".
- Ou' est-ce qu'il veut ?
"Je ne sais pas. Il veut Ire tuer. On dit que quarrl \\D1
esprit attrape quelqu'\\D1, et que tu ne veux pas parler, ça
rend malade et ça rerrl la personne folle".
- Ou' est-ce que ça veut dire " ne pas parler " ?
"Ça veut dire que vous ne parlez pas de vous-nêre. Il
donne l'ordre de parler. Il parle par votre rouche. On a les
nâchoires collées cœplèterœnt".
- Et maintenant?
"Ça tourne dans ma tête. Je ne dors pas bien. Quand je
rêve ça, j'ai peur".
- Qu'est-ce que vous entendez ?
"Quand je le vois dans la nuit (le nort), je crois qu'il
rœ parle, qu'il rœ p:rrle dans les oreilles. Il rœ dit qu'il va
rœ tuer. C'est ce que j'entends dans le rêve. Des fois, j'ai
la fièvre le soir, pas beaucoup d' appétit. Des fois, non coeur
bat fort. J'ai arrêté l'enseignerœnt depuis le nois de décanbre".
- Est-ce que vous Pensez que c'est le poison?
"Non, ce n'est pas cela".
- Est-ce qu'il Y a des gens qui vous veulent du mal ?
"Non, mais des fois on a des ennemis et on ne sait pa.s.
Ou peut-être j'ai été anpoisonnée mais je ne le sais pa.s. Dans
non coeur, on dirait qu'il Y a du feu dedans".

247
Elle reprerx1 le réeit de l'accident : Son cousin est nort
dans la brousse. Il est nort accidentellement. C'est son petit
frère qui l'a blessé avec son fusil. Ça a passé au tribunal.
Elle est allée aussi dans la brousse, et il ne l'a pas attrapée.
C'est le jour des funérailles qu'elle est allée chercher son
esprit dans la brousse.
- camment ça s'est passé?
"Les deux frères ataient assis sur un arbre. Il y avait
les enfants. Il a dit à son petit frère : "laisse ça à cause
des enfants". Il a pris le fusil et le coup est parti. Il est
nort sur la route, d'hÉ!TDrragie, dans la voiture qui le
ranenait au village, après avoir été à la ville".
Elle raconte que le cousin était planteur, qu'il avait
deux fe.rtll'es et cinq enfants : c'est son petit frère qui s'en
occupe maintenant. Il venait dans sa IŒI.ison. Ils s'aimaient
beaucoup (nais pas de raFf-Orts sexuels, ni nêrœ de "palabre").
Il venait chercher de l'argent, 100 francs IX>ur les cigarettes,
qu'elle lui donnait. Avant la nort de son père, il était "ooy"
à Abidjan. Ensuite il a pris la plantation.
"Je suis très inquiète, parce que je pense à IreS enfants
laissés. J'aimais bien non travail, nais rraintenant je ne peux
plus enseigner à cause de la tête et du coeur. Alors je n' aiIre
plus cela".
"Des fois, non corps devenait lourd carme si le courant
m'attrapait" .
"Des fois, j'ai peur de devenir folle".
"Quand je serai guérie, je ne vais pas recorrrnencer à
enseigner. Les fermes ont trop de travail : enseignerrent,
enfants, cuisine. Si je suis guérie, je ne voudrais plus
enseigner" .

248
"Des fois, mes idêes ne sont pas oorrrales; des fois, il ne
dit de oourir ou de me déshabiller en p.ililic. Mais je me retiens.
Des fois, j'ai envie de parler et de dire des bêtises. Je me
retiens. Je vais me coucher, et ça passe".
"J'ai raconté tout ça â non mari. Il a dit de venir ici.
Mais on lui disait que c'était seulerrent les folles qu'on soigne
ici".
- Cament allez-vous ma.intenant ?
"Maintenant, je dors bien. On m'a donné des oorrprirnés.
Depuis aujourd' hui, quarrl je mange, ça ne blesse dedans. Ça ne
blesse, carrme s'il Y avait une plaie".
"Quand les idées ne viennent pas dans la tête, c'est came
si j'étais saoûle. Hier soir, j'étais encore étouffée et le
souffle passait partout".
"J'ai écrit à rron mari qu'il fallait venir me voir et gue
j'avais des questions à lui FCser".
Elle se plaint de ne FCuvoir avaler.
"~ l'eau à avaler me blesse la gorge".
"'Tout cela a corrrœncé le jour des funérailles, qui ont eu
lieu au rrois d' octobre" .
- Et avant ?
"D'habitude, la tête me faisait nal, nais pas corme naintenant.
Maintenant, je rêve à mes enfants. Je ne vois plus le oousin depuis
que je suis ici".
- Et les idées ?
"Les idées, ça recarrrence depuis hier. Des fois, le natin, les
idées viennent dans ma tête. On dirait que je suis saoûle. C'est des
idées dans les oreilles, carrre si on ne p:rrlait. N'i.rt'JI:orte quand,
le jour, la nuit, nais je ne connais pas la voix".

249
- Est-ce que c'est la voix de votre cousin ?
"Des fois, l'idée vient came ça. Des fois il ne parle
et il ne dit : "Puisque tu n'as pas voulu parler, je vais te
tuer" ".
- Est-ce que vous enterrlez ça ?
"Non, ce n'est pas la voix. J'iITagine ça".
4. Discussion.
le cas de cette :rralade est éclairant pour comprendre les
mécarùsrres en cause dans le déclencherœnt de la naladie et les
conditions dans lesquelles elle survient.
Nous allons exanùner successiverœnt
a) la relation individu-groupe
b) les représentations culturelles et les interprétations
c) l'angoisse et la culpabilité.
a) La relation individu=groupe.
La relation de l'irrlividu au groupe oous app:rraît de plus
en plus ccmœ un élérœnt capital pour comprendre le sens et la
portée des conduites oornales et pat1x>logiques en IYÙ.lieu Africain.
Le sentiment d'appartenance au groupe est beaucoup plus
marqué en IYÙ.lieu Africain qu'en IYÙ.lieu Européen.
Le cas de A. T.. ne fait pas exception à cette règle.
Il semble incontestable que le fait qu'on ait empêché la libre
expression gestuelle et verbale de la p::>ssession par l'esprit
du nort a provoqué un sentirœnt de culpabilité et une angoisse
très vive, liés au senti.Iœnt d'être coupée du groupe et rejetée
p:rr lui.

250
Si l'on pense égalerœnt que l'individu vivant ne se sent pas
étranger au nonde des "TOrts, qui font égalerœnt partie du groupe,
les rites funéraires et les rOles qui y sont dévolus ont une grarrle
inp::>rtance. Le fait de les perturber ne peut être que générateur
d'angoisse et de culpabilité. C'est en effet par rap!X>rt à l'an:être
cx:mnun déjà nort que le groupe se situe et trouve son unité proforrle.
Là encore, on conÇoit aisérœnt que, par delà la nort, rôles et
statuts sociaux ont une très grarrle i..nq::ortance FOur que l' i.n:lividu
soit situé à la place exacte qui lui revient.
La soumission aux autres, l' étroite dépendance régie par des
dist.an::es et des relations très précises et imnuables, l'absence de
protection individuelle, prép:rrent l'action pathologiqœ imnédiate
et brutale des variations du milieu. L'opp:>sition à la famille, au
groupe, est source d'angoisse, d'échecs et de troubles divers.
L'incident qui s'est prcx1uit au cours des funérailles a
nanifesté socialerœnt, officiellerrent, !X>urrait-on dire, la
distance qui sép:rrait A. T.. des autres :rœmbres du groupe.
C'est parce ~'elle est institutrice, et femme d'instituteur,
qu'on l'errpêche de parler sous la "dictée" du rrort.
Le problème de l'acculturation, avec son caractère drarratique,
est posé clairaœnt ici. Dans une société en voie de transforrration
rapide, l'évolution n'est pas horrogène entre les générations, ni
entre les milieux urbains et les milieux ruraux. Elle se fait
souvent de façon brutale. L' i.n:lividu qui appartient aux couches
sociales engagées dans la JTl:>Q.ep1isation n'a pas éla.1:x>ré, au
niveau de la conscience irrlividuelle, les mécanismes de défense
qui lui perrrettraient de Sl1plX)rter les tensions et l'angoisse
qui naissent de la rupture plus ou rroins proforrle avec le groupe.

.. ~51
b) Les représent.ations culturelles et les interprétations.
Les représentations culturelles de la maladie de A. T•.
~nt rara.rquablaœnt hœogènes dans le groupe familial. Tous
s'accordent à attribuer au rrort la responsabilité directe du
Iilénanène path:üogique : "C'est le rrort qui a fait cela".
Les thérapeutiques traditionnelles qui ont été entreprises
par la famille de la malade le rrontrent êgalerrent, bien qu'elles
n'aient pas réussi.
En ce qui concerne ce qui est vécu par la malade elle-nêrœ,
i l existe une étroite correspondan::e entre les fantasrœs et les
syrrptâœs d'une part et les représentations collectives d'autre
part :
"Chaque soir, j'ai mal
Le nari a dit: "C'est le rrort
à la tête.
qui a fait cela".
Chaque souffle passe
Des fois, il (le rrort) ne
partout.
dit de courir ou de ne
Je le vois le matin
déshabiller en public.
(le rrort), mais flou.
"Puisque tu n'as pas voulu
Des fois, nes idées ne
parler, je vais te tuer",
sont pas norrrales.
dit la voix."
Comœ le notent très justerœnt J.P. VAIABRECA et J. CHAVREUL,
le fantasrœ et le symptôrœ renvoient au mythe. Ce gue le symptôrœ
et le fantasrœ répètent au niveau individuel, c'est ce que le mythe
a mis en forne sur le plan culturel dans les représentations
persécutives admises par le groupe.
En adoptant ces représentations persécutives, la malade se
réfère à un schérra explicatif, à une étiologie constante en Afrique
la maladie mentale est une agression venant de l'extérieur, de
morts ou de vivants, d'humains ou d'esprits.

252
La référence aux esprits des norts, des ancêtres, de la
lignée naternelle, est une coose carrante en Afrique. Chez les
\\i:>lof du Sénégal, le "rab" est lié à une famille htmaine qui en
hérite en lignée maternelle.
A chaque génération, héritage et élection se ccmbinent pour
désigner celle qui aura la charge de l'autel au profit de tout le
gralpe. Le "génie" possË!de qui il cooisit et, s'il dorme des
maladies, c'est pour obtenir des offrames et des sacrifices.
Dans ce systèlœ, la thérapeutique est un culte. Elle aménage
les rapports entre le nalade et son "rab", les romalise. La
guérison est intégration ou réintégration dans le lignage.
Chez les Dida, la vie des fermes est très fort:aœnt
rattachée à leur propre famille.
L'esprit du nort ~he la chasse; celle-ci est devenue
infructueuse. On réunit les jeunes gens et les fermes. Les
filles sont errluites de kaolin, couleur de deuil. On va dans
la brousse, à l'errlroit où l'lnrme a été tué. On prend les
tam-tam. On crie. On l' a~lle par son n:::>m. On tape les
feuilles de palmier au sol et on fait oouillir le poulet.
On le distribue.
,. Quelques heures après, l' esprit saisit un hcmne entre
la foule. L' hcmœ se rret à tranbler. Il saisit la branche de
pa1mi.er. Il se rret à courir. On le suit. On va à la case du
nort. Il raconte tout ce qui se passe de sa nort. On casse
un oeuf sur son dos. On prend un balai nouillé. On le frappe.
L'esprit s'en va".
" En principe, ça se fait après les funérailles.
Lorsque 1 ' esprit te saisit, tu es ccmne fou. S'il te dit
de te déshabiller, tu le fais. Si on attache l'oeil à un autre
doigt, 1 ' esprit ne peut rien contre toi".

253
c} L'angoisse et la culpabilit~.
L'angoisse massive, avec son cortège de sanatisations,
est un des aspects le plus apparent du tableau clinique. Elle
est l'expression d' un conflit inconscient que la malade ne
peut verbaliser.
Dans l'entretien, le mari nous a dit en effet que sa
ferme désirait dep.ri.s longterrps quitter l'enseignerœnt p:::>ur
aller à Abidjan apprerrlre la sténo-dactylograIiùe. Ce projet
a rencontré dans son milieu (not:arrm:mt de la part des Pères
de la Mission) une opp:lsition. Cette initiative était présentée
ccrrrre un risque de tentations. Peut-être l'attacherœnt affectif
au cousin a-t-il joué également un rôle inconscient dans ce
projet de s'éloigner de L •. ? Une certaine culpabilité a pu
naître de cette tentative de s' affrnahcir de la tutelle du
nari et de la pression du groupe.
Notons l'échec des thérapeutiques traditionnelles, ce
qui serrble rrontrer que les représentations culturelles qu'elles
sous-tendent ne sont plus tout à fait prégnantes dans l'esprit
de la nalade, qui p:::>urtant s' y soumet.
Au fOint de vue dynamique, tout se passe comre si la
maladie déplaçait le problème de l'angoisse individuelle sur
un plan qui puisse être accepté
par le groupe : les inter-
prétations persécutives, socialerœnt admises, de la p:>ssession
par l' esprit du rrort.
Ce déplacerœnt réalise en fait une solution écnnanique au
problème de l'angoisse, p.ri.squ' il pemet à la malade de la vivre
dans une projection persécutive admise pTI" le grou~, au lieu
de Il intérioriser.
ra culpabilité apparaît ici beaucoup plus
corrrre une angoisse dl abandon par .le groupe, une scission dl ojet

25"
(le groupe étant le oon objet), que came une culp:ibilité
dépressive, à fonœ d' auto-accusation (scission du roi) .
Il faut cependant app.Jrter lIDe nuance à cette affinTation,
car une profonde arrbivalence daœure, tout d'abord à l'égard du
groupe, car il reste le oon objet, persécuteur par l'un de ses
nenbres. Ensuite, à l'égard du noi, car l'angoisse dépressive
s'expr:ime dans la lettre au nari, où A. T.. se juge reSp::>nsa-le
des ennuis qu'elle cause et de l'abandon de ses enfants.
D'autre part, on peut penser que la nort du cousin, ccmœ
toute nort d'un parent proche, et parce qu'il aPfBrtient à la
nêœ génération, a réactivé une angoisse de nort à laquelle
fait allusion le souvenir du propre enfant de la nalade (dont
elle a peu parlé) et de ses l'lCIT'breux frères et soeurs décédés.
ceperrlant, la pr€rlorninance
de l'angoisse persécutive,
qui utilise les représentations culturelles, représente une
solution noins pénible, et donc plus écornmique, au problèrœ
de la culp:lbilité. La naladie est vécue dans une sorte d' "acting-
out". Le rapp:>rt entre fantasrres individuels, symptôIœs et
représentations collectives n'est jamais conscient : il est
"agi", vécu dans une souITussion à la loi du groupe, c'est-à-dire
aux ancêtres, à la société dont la loi s' expriIœ par l'un de
ses rrenbres.
A travers sa naladie, A. T.. retrouve la loi dl appartenance
et de solidarité dans la vie et dans la nort.
5. Conclusion.
Ainsi, le problèrre de l'individualisation de la culpabilité
tourne court. Il est arrorcé, nais ne peut aboutir, car le
symptôIœ "cache ce qu'il devrait révéler". Il ne "signifie"
pas la }X)sition du conflit, ni le sens de l'angoisse.

255
Seule, une psychothérapie suffisamrent prolongée aurait pu
conduire à une prise de conscience suffisante, et peut-être la
relation thérapeutique penrettra-t-elle à A. T.. une prise en
charge de sa derran:le et d'aboutir ainsi à un véritable choix.

256
Ce cas de "névrose d'angoisse", qui ne se rencontrait p:ls dans
l'Afrique traditionnelle, est m:mi.festerœnt "créé" par les changaœnts
dOs aux OCcidentaux. Par la force des ch::>ses, oous devons alors
faire appel à ceux-ci FOur la thérapie. D'où la mise en place d'un
Mpital, avec chimiothérapie, électrodncs, etc ..
Dans ootre exanple, il oous sanble préférable que la famille,
déserrprrée devant le problème FOsé, après une consultation, se
retrouve en une réunion, FOur faire des "sacrifices" en vue du
rétablissarent du ma.lade. car tout "tourne" autour de la famille.
C'est un problèrle "intérieur", où le père a un rôle pri.rrordial.
Prenons le cas des Dioula : s'il existe des problèrles de
querelles entre famille, ootanment des problèrœs de dot, ou
d'héritage, ou encore de jalousie de tel enfant de telle famille
par rapp;:>rt à un autre enfant d'une autre famille qui a "réussi" ,
tous vont se liguer contre le fauteur de trouble, par sorcellerie.
Avant que le patient soit "soigné" , i l est indispensable
à ootre sens de réunir la famille afin qu'ensemble ses. Iœmbres
examinent les problèrœs. Ainsi, oous SOmtES obligés de nous référer,
dans tous les cas, avant l'intervention du guérisseur, et de
l 'hôp:'tal, à une Thérapie Familiale.
La Thérapie Familiale Ana.lytique de André RUFFlar rejoint les
bases de ce qc'est la Thérapie Familiale Traditionnelle africaine
et une voie est ouverte afin qu'elles se rejoignent l'une l'autre
et se canplètent.

257
CONCLUSION GENERALE.

258
L'oospitalisation en milieu psychiatrique occidental est li'l conséquence
d'un processus d'acculturation intense qui se manifeste dans tous les paliers
en proforrleur de la r0alité sociale, tant au niveau de ses structures sociales
et faniliales, qu'~ celui de la p:>sition des groupes et des sujets, et ~ celui
des structures mentales.
L'apparition de lé'. naladie au sein du groupe familial et le style
particulier du dialogue qui natt entre l'entourage du patient et le
représentant de l' institution ~chintrique, constituent en quelque sorte
des catalyseurs q.li. r.ettent en lumière l'évidence d'un changenent qui
n'était ::;arfois qu' inconscierrent :.erçu.
Face au reste de la far'ille, face à nous, chacun de ms interlocuteurs
se trouve placé dans l'obligation de jUstifier la transforration des anciens
nodes d'assistance. Le discours s'élabore à travers les rnanip..ùations des
signifiants culturels traditionnels, en fonction de l' i.IŒlge que les Africains
se sant forgés de la société occidentale, de ses valeurs et de l' hôpital.
En retour, la n6cessité de rationalisation entraîne la rB":'.ise en question
de la culture, à laquelle participe le thérapeute Européen, et p;rr l' intermédia.:i
des IX>UVeaUX types de oontact qui se nouent, la rE!IÙse en question de la culture
Africaine.
Cette manipulation consciente, à des fins intéress€es,
des anciens
rn:xlèles culturels idéaux, tra.n.:.fonœ irréversibler:ent les ra~rts des
Africains à leur culture. Il ne s'agit :>lus désornais d'instaurer de
l'intérieur, par une i'\\déquation du signifiant au signifié, un ordre dans
le chaos, mais au contraire, une fois le recul pris, d'établir de l'extérieur
des relationn de cause à effet entre un événanent ~~sé dans sa singularité
et les CCITIp:>rterents qui en déooulent.

259
En quelque sorte, le passage de la tradition à la rrodernité peut ~tre
défini e<nœ un processus de rationalisation, et y)lus fonda.rrentalanent
comme le passage de mythe à l'id60logie.
Les forctions respectives du mythe et de l'idéologie sont liées à
l'exercice du pouvoir.
C'est ainsi que WEBER distingue troü, t~rres de légitimité :
"Il existe en principe trois raisons internes gui justifient la
"danination" et p3.r consL'0Uent, il existe trois fondarents de la lé~ütirilité.
Le prerier est "l'autorité de l'éternel présent", le nouvoir traditionnel
que le patriarche ou le seicmeur terrien exerçait autrefois. Le second
est "l' autorité fondée sur la qrâce personnelle et extraordinaire d'un
individu : le charisrœ". Le troisièFe est "l'autorité nui s' imrose en
verdu de la croyance en la validité d'up statut légal et d'une ~tence
positive fondée sur des règles établies rationnellertent", en d'autres
tenœs, "l' autorité fondée sur l' ob0issance" oui s' acauitte des obligations
confmres à un statut établi. C'est le JX>UV0ir tel aue l'exercent le
serviteur de l'Etat rroderne ainsi que to'15 les détenteurs du pouvoir
1
qui s'en rapprochent sous ce rapJX)rt"
(127).
Dans les sociétés traditionnelles, le chef détient un pouvoir tempéré
il la fois par les divers segr->ents de la société globale oui possèdent une
partie de l' autorité, et le désir général de maintenir intact le consensus
collectif qui sous-tend les rrodèles culturels idéaux et -les rodèles de
COItlfOrterœnt. C'est le chef <1Ui est censé ex.nrirrer en dernier ressort
l'opinion collective en fonction des nonnes, valeurs et croyances partagées
par l'ensenble des groupes. Dans de telles sociétés, la régulation sociale
s'effectue par le JX)ids des mythes et de la tradition, Cfc1i sont jalousement
préservés de toute m:x:li.fica.tion, puisqu'ils renforcent la cohésion sociale.
(127)
\\'1EBER (H.)
Le savant et le r-olitique, Plon, 1950.

260
Les sociétés trad!tionnelles cherchent à effacer la marqœ de
1 'Mner'ent. C'est en ~e parce qu'elles ne peuvent, ou ne veulent pas
intégrer la diJœnsion hiotorique, qu'elles ont recours au mythe qui pen:et
de faire coIn::ider pêrenni.tô et changenent.
Le J1{the a donc bien !.'Our fonction, ainsi que le définit LE\\lI-STRAUSS,
de fournir un nodèle logique pour résoudre les oontradictions liées au
fanctionne.rn=nt de la s:>ciété, aux opp::>sitions nature et culture, oontinuité
et discontinuité, etc.. Il penœt au chef d'incarner la oontradiction résolue.
Dans les sociétés irrlustrielles, le [Ouvoir est exercé J:Br des irrlividus
qui appuient leur autorité fomelle sur des règles établies de façon
rationnelle. L'obéissance n'est pas due à un hame, mais à une loi. Cette
loi est, en principe, la rrêre pot.11' tous, et les individus chargés de la
faire res~ter, interchangeables.
rms la réalité éoonanigue tend à réfléchir IJrofondément tous les
~ s sociaux. Des rôles nouveaux sont cr['és en ;:emanence; les
valeurs varient selon les grot..>pes et les classes qui se superp:>sent, ou
se oonfronte.l1t. La cœpétition pri.rre la solidarité. Les contradictions
sont vécues d'autant plus intenséœnt qu'au niveau ratiormel le consensus
d'égalité est affiD'!lé. Les autorités en place,seules à souhaiter la
perrranence, ressentent la nécessité de résoudre à leur profit les
oontradictions. Or, elles ne peuvent, sous peine de périr, préserver
la penranence du changer:ent.
Par raP.PJrt au mythe, l'idéologie aura donc une fonction symétrique
et in'\\'erse. Le pranier rejette l'histoire, afin de projeter le passé dans
l'avenir; la seconde l'intègre [our enraciner le futur dans le passé.
Dans les sociétés irrlustrielles, la régulation sociale s'exerce par
l'intennédiaire de syrrboles qui sont envoyés aux divers grou:9E=s à travers

261
les instrurrents de ccmnunioation de rosse. :.:.es détenteurs du p:>uvoir
app.rl.ent leur autorité sur ces symboles qui sont le produit de la société
globale. Mais ils ont désornais le noyen de ch:>isir, de manipuler, de
secreter certains éléœnts de l'infornation en fonction de leurs intérêts.
c'est ainsi que s'élaborent des nodèles logiques, qui, sous les
apparences de la rationalité, cherchent il rrasquer les contradictions
génératrices de nalaises et, p::>tentiellanent, de conflits. I.e m:xlèle ainsi
créé est une idéologie qui "fournit il celui. qui. la possède une auto-
justification et le pousse à agir. (dest ce en qu:>i l'on croit, c'est ce
qui. oriente la vie, l'~rience" (128) . selon SOREL (129) , l'idéologie
- ou le mythe - a une fonction rrobilisatrice. Il donne à un groupe social
des rrotivations pour agir.
L '~le marxiste distingue deux sortes d'idéologies : l'idéologie
scientifique et l'idéologie idéaliste, reflet défonre de la réalité.
L'idéologie est une mystification là où les rap:x>rts sociaux se trouvent
être contradictoires, là où les rapp:>rts entre les l1.oœes revêtent la fonre
et l' ùrfl3.rence de choses, ùe rrarchandises et d'argent (130) .
L'idéoloqie a FOur fonction de préserVer les privilèges de la classe
daninante (131).
MANNHEll1 analyse 'l'idéologie o:mœ la "conception totale", produit des
réflexions d'une "intelligentia" qui, en tant que groupe, se soustrait à
la règle générale de la cormaissance hurraine définie cœtne "le produit de
la vie collective à laquelle "l'observateur" rarticipe" (132)
(128)
RIES (R.) : Social Science and Ideology, An International Quaterly
of Political and Social Science, vol.31, n 0 2, pp.234-243.
(129)
SOREL (G.) : ~éflexions sur la violenc;:e, 1908.
(130)
lettre de F. ENGELS à F. !1EHRI1~, du 14 Juillet 1893
BARX (K.) et Er~ (F.) : oeuvres choisies en 2 volllP."es, T.II, :,p.545-546.
(131) MARX (K.) et ENGElS (F.)
: L'idéologie allerranàe, Editions sociales,
Par~s.
(132) r·1ANNHEn,l (K.)
: Idéologie et Utopie, Paris, 1956.

262
Il semble qu'en dehors de 11ANNHEIr-1, la plupart des auteurs s'accordent
{X'Ur cx:msidêrer l'idéologie ccrrrre le reflet des intérêts, des buts, des
aspirations de tels ou tels groupes sociaux 0
Pour LEVI-STRAUSS, la différence entre t1eI1Sée mythique et pensée
~itive tient noins à la qualité des O[.érations intellectuelles qu'à la
na'b.1re des cb:>ses sur lesquelles portent ces opérations. Rien ne resserlÙ)le
plus à la pensée mythique que l'idéologie politique .
"Dans les sociétés a:mtemrx>raines, peut-être celle-ci a-t-elle seulaœnt
rarplacé celle-là. Or, que fait 1 'historien, quand il évoque la Révolution
Française ? Il se réfère à une suite d' événerrents passés, dont les
conséquences lointaines se font sans doute encore sentir à travers toute
une série, fin réversible, d'événeIty:mts intennédiaires. l-ais, [our 1 'hc:mre
FOlitique et pour ceux qui l'écoutent, la Révolution Française est une
réalité d'un autre ordre; séquence d'évérl€fTeIlts
passés, ;:ais aussi schèrœ,
donc d'une efficacité pemanente, pemettant d' inte:r::n:-éter la structure
sociale de la France actuelle, les antagonisnes qui s' V manifestent et
d'entretenir les linéanents de l'évolution future"
(133) .
nais si, au niveau inronscient, les rrecanisrres sous-ja~ts sont
identiques, s'ils rép:>I'rlent à la mêIœ exigence fondaIœntale de cohérence
logique interne et d'adaptation au réel, ils ne sont pas ronstruits
avec les rrêrœs matériaux et n'exercent p:l.s les I!êr.es fonctions.
I.e mythe s'élabore à partir d'une adéquation du signifiant au signifié
dans une société qui n'intègre p:l.S l' histoire et qui cherche, au delà des
ronflits, ~ naintenir un consensus global qu'elle derra.nde au chef d'incarner.
L'idéologie au contraire, est le reflet de la division ronscierœent
vécue et préservée d'une société en perpéb.1el J'!Ol..lV'er.ent
Elle prend
0
l'apparence d'une nécessaire relation entre une cause et un effet 0
Elle a FOur fonction de nobiliser et de servir les intérêts des rrerrbres
d'un groupe p:Lrticulier.
(133)
LEVI-STRAUSS (Co)
La structure des mythes, en anthropologie
strucb.1rale, opus cité 0

263
Dans les oontacts des Ivoiriens M.1sulmans avec l'institution
p;ychiatrf.qœ urbaine, divers groupes se trouvent confrontés.
D'une part, anciens colonisés et anciens colonisateurs, ?"'Qrtent
eI'lCX)re les séquelles. de la oolonisation. L' Indépendaree est une
situation trop récente t:eur que la distance entre eux n'apparaisse pas
ocmœ infranchissable.
les J:6re11ts des nalades hospitalisés à BTIliERVILLE se sont oonstitués
en deIrandeurs. Ils se retrouvent plus ou mins errprisonnés dans une
relation
daninés~ts, à laquelle ils cherchent à échapy-er.
D'autre part, c'est en raison des bouleversements profonds de
l'ensarble de la société qu'ils ont pris la décision de renoncer au
node traditionnel de prise en chargé du "fou".
1ms ce renoncerœnt ne s'effectue pas sans conflits préalables
entre représentants de différents groupes de cette société pluristructurée.
L'initiative de l 'oospitalisation revient le ~lus souvent aux individus
des générations intennédiaires, ou aux jeunes aœulturés.
La rupture du consensus familial est un r:bénornène OOl.Neau. Les
mxlifiœtions des I!Ddèles de ccrtlfx:>rtarent n'ont pas été suivies d'une
transfornation des I!Ddèles culturels idéa':lX. Au contraire, il s'avère
d'autant plus i.rnpJrtant de préserver ces rrodèles que l' autorité des
parents âgés se trouve ébranlée rar une cohabitation qui se justifie
plus par la nécessité dans laquelle ils se trouvent d'être natériellarent
entretenus par leurs enfants, Gont ils étaient naguère les protecteurs.
Culturellerœnt, le groupe fanùlial évolue encore sur le rrode de la
oohésion traditionnelle, fondée sur les relations institutionalisées
de domination-soumission, prestations et contre-prestations.

264
Le nêne disoours réporrl à un triple inpêratif : à l'intérieur de la
famille, les p;lrticipmts des différents groupes sociaux tentent, il. travers
leurs interprétations, d'asseoir leurs prérogatives fréquemnent ébrarùées.
Face à l'ancien oolonisateur, l'entourage essaie de masquer tensions,
oonflits et réalités effectives. Face au thérapeute œcidental, rar une
série de rationalisations, il cherche à justifier des nécessités de la
rouvelle fome de prise en charge.
L'intè:tlocuteur est avant tout assimilé à un soignant. le souci princiral
est de rendre plausible la juxtap:>sition de la oohésion familiale, qui imnliqœ
le soutien de la oohésion familiale, qui ~lique le soutien collectif du
parent atteint et de l' interI1erœnt, qui entraîne l'abandon provisoire et
la ron oonfonnité aux devoirs traditioIll1els d'assistance.
les familles rép:>ndent à l'idée qu'elles se font de l' attitude
occidentale. li. la limite, c'est parce qu'il perturl:>e l'ordre social dont
oous relevons qu'il devient indispensable de protéger la société contre
le "fou". L'hospitalisation du patient est constituée COl'rI!e une relation
de cause à effet.
Cette relation ne reut être établie sans la connaissance préalable du
principe de l'hospitalisation en nù.lieu psychiatrique occidental. C'est
en partie p:rrce que l' ~pital est une zone de gardiennage qœ l'on noUS
dépeint le patient a::mœ un individu dangéreux semant la peur à son passage.
C'est parce que le traitarent rép:>nd à des critères nouveaux que les
manifestations !Bthologiques cessent de oorresr:ondre aux anciennes
étiologies p::>ur devenir "1' alcool", "le sunœnage", "le chanvre indien",
"la maladie r.:ik", ete ..
Très rapiderrent, les Ivoiriens ont appris: à infléchir la description
de la syrrptana.tologie, en fonction de leurs intérêts actœls.

265
Mais les signifiants culturels traditionnels se trouvent·dans
l'iIrp:>ssibilité d'évoluer sur un autre registre. les tenants de la
génération intenrédiaire cameœent à pénétrer les nécanismes de la
pensée oocidentale. Mais ils ont nené une existence de résistants.
leur opp::>sition, ccmre leur penréabilité au changenent, n'est organisée
autour de leur religion. Ils se refusent, I!êne lorsqu'ils en sont
capables, à renoœer, ne serait-çe qœ m::nentanêlient, à leur spécificité
culturelle. Les jeunes, c:uant à eux, nis dans l'obligation de se justifier,
surtout aux yeux des aœiens, accanplissent selon leur convenance le va
et vient d'un type de pensée à l'autre.
La manipulation des signifiants culturels ne relève pas uniqu::ment
de la plus ou noins grarrle proximité à la culture occidentale. Elle est
aussi liée à la fome originale de ce discours à plusieurs niveaux. les
interprétations, telles que nous le livrent les parents, rrasquent et
dévoilent à la fois. Ils profitent de l' a];p3.rition de la naladie p:>ur
projeter des antagonisrœs jusqu'alors latents. Ils utilisent l'X)tre
présence p:>ur affinrer leur p:>sition face à l'ancien colonisateur.
Enfin, au cours de ce dialQ9Ue auquel ils ne ~uvent se dérober, ils
nanifestent confomérrent aux intérêts de lèur grou}:E, l' aàhési~::m aux
systàœs de représentations et d'interprétations qui favorisent le mieux
la conservation ou l'exercice de l'autorité.
les grands-::arents, trop profondément enracinés dans un contexte
culturel traditionnel, <Jans le cadre duquel l'adéquation du signifiant a~
signifié que constituent la magie et le mythe leur ~nœttait éie dominer
le norrle htmain et le nonde des esprits en continuité absolue, ne p=uvent
renforcer leur autorité que par des contradictions naïves et naladroites.
Certes, ils ont vécu la danination occidentale. rais les occidentaux ne
mus sont pas app:irus corrme les détenteurs d'une culture spécifique.

266
Tout ce qui provenait d'eux, êcoles, hOpitaux, etc •. , n'~tait au contraire
que chaos, destru::tion, ênanation du mal, anti-cultl1re. Aujourd'hui encore,
11s n'~happent à leur p:>uvoir maléfique qu'en se rrasquant, en préservant
jalouserœnt les valeurs d' \\.D'le société dans laquelle ils souhaiteraient
rétablir l'ordre originel.
Les nembres de la génération intennédiaire ont l'ert!'rise p:>litique
et intellectœlle des colonisateurs. r1ais en nêne temps, cl travers les
relations maltre-~lèves, l'acquisition des cormaissances rouvelles,
la p:>ssibilité de proootion sociale, leurs structures rentales, se sont
nodifiêes. Ils oont déooIlŒlis capables de COPlprendre, sinon d'accepter
les valeurs et les mécanismes intellectuels du I!Onde occidental. Situés
en quelque sorte à êquidistance entre tradition et nodernité, socialisés
cerernant selon un node traditiotmel, ils sont les plus antes à manipuler
les signifiants culturels relevant de la culture Africaine de l' ~
prêcoloniale en fonction des intérêts de leur groupe. C'est par
l'élaboration de rationalisations, par la reconstruction volontaire
des ~iens systàœs qu'ils justifient de la prise en charge de leur
prrent par l'institution psychiatrique occidentale. La voie est ouverte
à l'idéologie.
~'ils 'acceptent ou qu'ils refusent de particirer à l'univers
intellectuel occidental, les jeunes, piacés en situation de cempétition
~nnanente, scolarisés ou intégrés au nonde du travail industriel, sont
profondérent imprégnés des idées ~es. C'est tout à fait conscie.rœent
qu'ils ch:>isissent dans lequel ils évolueront. Dans leur discours, ils
rendent ccmpt:e de leur üpp)sition ou de leur désir de voir se p=rpétœr
la cohésion familiale arx::ienne. Ils créent des systèrres d' intern.rétation
syrcrétiques; le culte des rabs est mis en relation avec l'hérédité; les
manifestations pathologiques s'inscrivent dans l' histoire personnelle
d'un sujet qui, p:rr son <:X:IIlpJrte.rrent in:li.viduel, a suscité une agression
naraboutique, ou fétichistique, etc .. L'hospitalisation devient la
conséquence directe des écarts aux oorrres contern[x:>raines.

267
ra à:mination du ronde ne relève plus d'une adéquation futeme du
signifiant au signifié. La pensée ratiormelle et p:>sitive se substitue
à la pensée mythique. La danination du nonde s'effectue désoDTais par
l'instauration de liaisons causales réelles ou illusions, qui ont une
fonction de justifiœtiOl1, de sllpIX)rt des intérêts d' \\ID groupe
p:rrticulier et de nobilisation. L'idéolCXjie rerrplace dès lors le ~
dans la scciété Ivoirienne musu1ITane noderne.
L'apparition de la rraladie, oont certains facteurs décleochants sont
dans la contradiction entre les attitudes acquises dès l'enfance par la
oocialisation familiale et les attitudes re<JUises rar l'adaptation au
milieu urbain; la décision d'internenent, qui fait éclater les tensions
jusqu'alors sous-jacentes entre les différents parents, les lignées
maternelles et paternelles, les hornres et les fertll'lE:!s, les vieux et
les jeunes, les musul.nans et les non. musulmans, les occidentalisés
et les traditionalistes, les producteurs et les conscnnateurs; le
contact avec l'institution psychiatrique et la rossibilité de soutenir
avec plus ou noins d' habileté le dialogue avec les thérapeutes; sont
autant de révélateurs d'me situation d'acculturation déjà existante.
En nËrœ temps, le cheminerœnt du malade vers l' hôpital amène à
prerrlre conscience de la fonre irréversible du changeIT:ent. La décision
du renoncement au rrode traditionnel de prise en charge iIrplique la
nécessité de justification, tant à l'intérieur du groupe familial
qu'auprès des représentants de l ' institution psychiatrique, et conduit
à l' ~laboration, rar l' interrrédiaire de rationalisatior.s, d'idéologies
rouvelles. Le rapp:>rt direct avec l' institution thérapeutique en action
oblige le patient et oon entourage à transforrrer l'image jusqu'alors
figée qu'ils se faisaient de BINGERVILLE et des soignants. L'équipe
thérapeutique occidentale, ou acculturée, rousse les parents à
conceptualiser sur \\ID rrode inhabituel les relations du sujet au groupe
familial, à constituer le rralade corme détenteur d'\\IDe histoire personnelle,

268
se déroulant suivant un ordre chronologique, à accepter que la
disoontinuité se substitœ ouvertercent à la oontinuité, à supp:>rter
la relatial duelle en dépit des dangers qu'elle cClY1fX'rte. Fait
d'acx:ulturation, 1 'hospitalisation en milieu psychiatrique urbain
occidental est donc égalerrent facteur d' acculturation.
le remnoernent aux anciens devoirs d'assistance, l'acceptation
d'une fonce d'assistance occidentale, bouleversent progressivenent
les rapports entre famille et sujet malade, entre sujet sain et sujet
malade, entre oonnal et pathologique. Une oouvelle image du "fou"
prend naissaœe à partir des représentations de la folie et de la
thérapeutique liées à 1 'mspitalisation. L'Mpital devient une zone
de gardiennage à l'intérieur de laquelle des soins sont accessoirement
prodigués. L'arsenal thérap:mtique utilisé par les soignants (les
cachets, les piqûres, 1 '~lectricité et la p:rrole) ne diffère que peu
de celui que les Ivoiriens acceptent aujourd' hui au disrensaire p:>ur
la guérison des maladies bien détenninées, ou à la M:l.ternité où la
pluput des fermes se résignent à aexx>u:her. la relation de cause à
effet entre un microbe et une nanifestation Iathologique n'existe pa.s
encore p:>ur la :majorité des Ivoiriens, .~ acculturés. D'~lleurs
œ traite-t-on pas les jeunes parturientes (X)f["([e des malades ?
D'autre p3.rt, le thérapeute occidental ne se soœie ni du lieu exact,
n::.. de l 'heure où la maladie s'est déclarée. Cependant, il arrive que
le Iatient oorte de BIN3ERV1LLE guéri. Pour la première fois, la folie
n'a plus de cause.
Les deux grands axes selon lesquels se définit la maladie du
patient hospitalisé à Bn~ sont doœ : le rnanquenertt aux nornes
oont:.emp:>raines (perturbation de l'ordre social, incapacité de se plier
aux règles de la production et de la oonS01ll!'ation) et l'absence d'~tiologie.

269
Si le "fou" est enfenré, i l est évident qu 1il est darxJereux.
Si sa famille sien est séparée, Cl est en raison de EOn altérité .
Dès lors, le p:ltient, nêrœ guéri, se trouve définitivement marqué.
les causes œ ses troubles ni ayant pas été détenrùIlées, rien ne prouve
qu 1i l ne retanbera pas malade. De toute r.anière, il signifie la rupture,
rupture de la continuité ancestrale, p..ùsque ses manifestations patho-
logiques ne se rattachent taS à 11 alliance avec le rronde des "rabs",
rupture avec llordre divin, puisqulil nia été vict.ir.e ni des "seytanes",
ni des "ùâns", rupture avec la cohérence huITaine, puisque sa naladie
ni est due ni à 11 agression des "sorciers", ni à celle des "féticheurs"
et des "marabouts". Etranger, il relève désorrrais des lois de 11 \\IDivers
occidental. Il est dès lors exc~u par tous au nan des rapIUrts hostiles
des anciens à la m:rlemité, de 110pfOsition des générations inteI1'Tlédiaires
à l'idéologie des colonisateurs, des relations arrbiguês que nouent les
je\\IDes avec les valeurs occidentales, ùe 11 i.nage du "fou" dangereux
et violent que se sont forgés les Ivoiriens européanisés.
Alors qu 1en Euro~, la peur du fou s'enracine profondérrent dans
la représentation de sa contre-électiorr, du châti.lrent divin insoutenable
en \\IDe cont:en'FOranéité désacralisée, en Afrique au contraire, confi,é
à l'hôpital, le fou est rejeté, car il. est la préfiguration d'un
iPacceptable? Gênant anachronisre, la foiie constitue dans un rronde
carme dans l'autre, -ùn danger redoutable. Il faut s' ~n protéger.
L' enfenreœnt, resure de protection institutionalisée, rend 11 exclusion
irréversible. Le fou est interné, car il est 11 instnnnent fOten tiel de
toute destruction. LI enfernaœnt en retour donne la preuve de sa violence.
Il ne p9ut échanJer à ce cycle infernal. Lntre norrral et pathologique,
le clivage est conscmné.

270
Dans la société Ivoirienne, \\ID oouvel ordre s'instaure, avec \\IDe
rapidité telle que la dêoolonisation elle-1lêœ n'est pas suffisante pour
en rendre eatpte.
BEIQJE écrit, A prop::>s du peuple dêcolonisé : "Il était dissocié,
déterbrê. Le voici interceptê dans son effort pour se rassanbler et pour
ra.ssertbler sa terre et sm ciel. Il va lui falloir retrouver la nature,
sa nature, par et nalgré la facticité. Forder sa personne, par et malgré
la uordialité. A tout instant, il devra rééquilihrer en lui-m✠l'efficace
et l'authentique. Il ne peut y réussir qu'en anticipant sur l'avenir. Il ne
trouve pas de réponse aux problèrœs du passé, qui nettent en jeu dp,:,"
responsabilités trop lourdes, des injures. trop. accablantes. Et le. present
amfronte des exigences trop ex>ntJ::adictoires. Il sera projet ou rien" (134).
Chez les Ivoiriens, le passage de la tradition à la nodemité s'est
effectué par l' intenœdiaire de l'aniniisme, de l' islarnisœ et du
christianisme•. Il peut apparaître paradoxal que la pennéabilité aux
changaœnts issus du oontact avec des civilisations fordarœntalanent
différentes, dans une situation sociale de soumission, soit le fruit de
ce nariage de la tradition et du sacré.
.
En malité, la vocation de l'animisrœ, de l'Islam, du christianisœ,
est avant tout politique. Y a adhéré l'ensemble du peuple, lorsqu'il
s'e.:.t trouvé placé dans l'obligation d'asseoir \\ID pouvoir ébranlé, ou de
rea:>nquérir \\IDe autorité perdue. C'est à la lutte ouverte et n::>n au
statu CJllO que rêvait cette société. Or, les instances traditionnelles,
par trop divisées, se prêtaient mal à l 'oPfOsition active, à la oolonisation.
L'Islam, au oontraire, fournissait \\ID principe \\DÙficateur, dangereux certes
pour les anciens détenteurs du pouvoir, mais préférable. (parce que
délibérércent cooisi et plus proche dans ses institutions de la société
lvoirierme nusul.nane, plus susceptible donc d'être rarodelée) à la
( 134)
BERQUE (J.)
DélX)ssession du nonde, seuil, Paris, 1964.

271
civilisation que les Français cherchaient à iIrp::>ser. Le colonisateur proposait
l'êoole française; on lui opposait l'êcole coranique: elle offrait des
possibilités de prarotion sociale; on poussait son fils à devenir marabout;
l'on entreprenait le pélerinage à La Mecque; on le poussait à devenir
fétichiste, etc ..
Mais, en nêœ tarps qu'lm symbole et un inst.rurent de résistance,
l'Islam constituait lm puissant facteur de changanent, eJUe la société
traditionnelle féodale, hiérarchisée, polygarœ, à filiation bilatérale,
était en mesure de SUH?Orter sans éclater, et à l'intérieur duquel elle
puisait des solutions à ses conflits internes.
La nodification de l'organisation sociale par la création de la
pseudo-caste maral::outs s' accanpagÏ1ait d'une nouvelle force d'accumulation
des richesses dans le cadre de la M:>59llée, par la suwression de l'héritage,
de la propriété indivise. L'évolution des structures familiales se
traduisait par l'instauration de la prééminence, de la lignée paterne1le,
par le re1âchaœnt des liens d'un individu à ses lignées d'origine, par
le bouleversanent des statuts, rôles et attitudes, à la faveur de la
possibilité de praiotion .sociale ronférée par l'acquisition de connaissances
en delnrs de tout statut prescrit,. par la transfomation des structures
mentales, avec la capacité neuve d'affronter la relation due1le de maître
à élèves e: la canpétition dans le savoir. Tous ces éléments pennirent
aux Ivoiriens de s'adapter aisérnent aux exigences de canpétition et de
singularité, liées au début d'industrialisation et à l'urbanisation.
L'étooe des contacts entre la société Ivoirienne et l'institution
psychiatrique occidentale est partieulièrerœnt adaptée à la cx::>mpréhension
des processus d'accu!turation. Dans la société traditionne1le, en effet,
le fou témoignait de la réalité de l'alliance avec les esprits ancestraux,

· .
272
de la contJnu1tê de la 11gnêe et du ~. Le fa1 p:>seMait un .tatut
part1cul1er. Sa guAr1801l renforçait la oohll1a1 ax:1ale et fan111ale
et lui ooofêra1t le 8tatut prlv1l1g1ê de CJUAr11aeur. La cS6ci81a\\
cS 'm&p1ta11111lt1cn tlIroigne &::n:: des Ibranlsœnts profcn1s de la sociêtê
Ivoirienne.
L'enfemsœnt 1n3u1.t la dist1nct1on absolue entre ŒaIIMl et
patOOlog1que. C'est aujourd'hui dans cette diBOOnt1nu1.tê, qui lui
pemet de prerme le recul suffisant a la saisie de ses normes et de
ses lŒldêles, que la sociêtê puise une oohêrenœ noovelle.
L'hospitai.isatial du patient net essentiellement en lun1.êre les
nr:xi1.fications des structures familiales, Jœntales et psycb::>log1ques,
mais les mf!canisnes qui sous-terdeht ces. changsœnts se retrouvent à
tous les niveaux d'une sociêtê qui, depuis l'Imêpen:)anœ, cherche sa
voie spêcif1que dans la xêsolution d'exigences, de DDiêles et de valeurs
contrac1ictoire •
i ) l cheminant du mythe à l' idOOlogie,. de la IDlldaritê à la. oulpêtit1œ,
de la oonfœ:m1tê à la singularitê, de la çant1nuitê à la disoontinuitê,
les Ivoiriens DIlSUlmans, dans les OŒ1flits,. et B:>UVe!'lt dans.l:'angoisse,
franchissent les êtapes qui les oorrluisent de la tradition à la IlDdeI:iùtê.

273
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274
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