UN 1VE·RSITE
.DE
PA RIS
S()RBONNE
LE
LAI\\lGAGE
DE
LA
CON\\rERSATION
DANS
LES
1 LL USTR ES
FRA~CAISES
1
THESE
POUR
LE
DOCTORAT
DE
3 è rne
CYCLE
Présentée
par:
KOUASS l
KOUAi\\lÉ
Sous
la
direction de rnonsieur
le
Professeur
FREDERIC
DE LOFFRE
PAR IS
_
.J U 1 N
1983

D E D I e ACE
================
A ma mère
A ma ferrnne
A mon fils

REM E R CIE MEN T S
=========================
Au seuil de cette étude,
je tiens à exprimer ma reconnaissan<
à ceux qui m'ont aidé à la mener à son terme.
~ A l'Université de Paris-Sorbonne qui m'a accueilli et m'a
donné le goût du travail patient et efficace, dégagé de la
prétention et du pédantisme.
~ A Monsieur le Professeur Frédéric DELOFFRE~ directeur de
l'Institut de Langue Française de Paris-Sorbonne qui a diri·
gé mes recherches avec tant de générosité et de patience.
Sa compréhension,
sa parfaite disponibilité et sa confiance
ont considérablement facilité ce travail. ~on content de
guider mes recherches il y a apporté un soutien plus décisi:
encore en me communiquant tous les ouvrages et documents
en sa possession relatifs à Challe et aux Illustres Françai·
ses.
Qu'il veuille bien trouver ici l'ho~mage de ma profonde
gratitude.
~ Il m'est particulièrement agréable de reconnaître ma dette
envers le Professeur Jacqueline HELLEGOUARC'H qui a guidé
mes premiers pas dans les couloirs de la Sorbonne.
Ses
suggestions et ses conseils pratiques m'ont souvent tiré
d'embarras.
-
Qu'il me soit permis enfin d'unir en un remerciement sincè'
re, tous ceux, amis ou parents, qui de près ou de loin ont
cdntribué à l'aboutissement de mes efforts.

l N T R 0 DUC T ION
"Le langage, de la conversation, dans les Illustres
Françaises~ ce titre,
il faut le reconnaître, peut surprendre,
et pour trois raisons essentielles. On peut s'étonner du fait
même que l'on se propose après trois siècles et sans le support
d'un document sonore, d'étudier le langage parlé à l'époque
classique ; se poser des questions sur le choix
du support de
cette étude, notamment sur la valeur documentaire
-des Illustres
Françaises du point de vue du langage parlé ; se demander enfin,
ce que l'on entend ici par langage de la conversation.
C'est à cette dernière objection qu'il nous faut répondre
en premier lieu. Et nous laisserons
d'abord la parole à Charles
Bally, l'un des premiers
qui aient, à fond,
traité de ce pro-
blème :
"Nous voyons un peu mieux, s'écrit en effet le linguis-
te genevois, sinon ce que c'est qu'une langue, du
moins ce qu'elle n'est pas : le langage naturel, celui
que nous parlons tous, n'est au service ni de la rai-
son pure, ni de l ' a r t ;
il ne vise ni un idéal logi-
que, ni un idéal littéraire ; sa fonction principale
et constante n'est pas de construire des syllogismes,

d'arrondir des périodes, de se plier aux lois de
l'alexandrin.
Il est simplement au service de la
',lie. non de la vie de quelques-uns, mais de tous et
dans toutes ses manifestations: sa fonction est bio-
logique et sociale."
(1)
En d'autres termes. le langage de la conversation ou "langage
naturel", c'est le langage de la communication dans les condi-
tions normales de la vie sociale.
Il s'oppose à ce titre d'une
part à la langue littéraire, langue d'érudits, tournée vers un
idéal, d'autre part à la langue populaire, langue de "ccux
qui manquent d'instruction ou d'éducation Il
(2) Ainsi la langue
de la conversation se différencie de la langue littéraire par
vocation
(elle est
vouée à la communication et non à l'art),
et de la langue populaire par nécessité sociale ou intellectuellE
On pourrait diré que le langage de la conversation est "le degré
zéro" du langage.
Comme expression intermédiaire, ce langage de par le relâ-
chement qu'il suppose, connaît sa plus parfaite réalisation dans
les cercles familiers
(société d'amis, parents, condisciples,
etc .. ) où se cultive une atmosphère de confiance, que dis-je,
de complicité vis-à-vis du pouvoir de censure.
Du point de vue formel,
le langage parlé se distingue à
deux niveaux. Sur le plan de ce que Bally appelle les effets
(1)
cf. Charles Bally, Le langage et la vie, p.14.
(2)
Henri Bau.che, Le langage populaire, p.23.

-
3 -
par évocation, c'est-à-dire les faits d'expression qui indiquent
par eux-mêmes les milieux appropriés de leur emploi, le langage
parlé diffère du langage littéraire notamment, par l'usage de
termes usés ou tout au moins parfaitement banalisés telles que
les locutions, les mots plus ou moins archaïques, les clichés
qui, à la fois par leur banaliLé même ct )p.ur expressivité,
facilitent mieux la communication entre sujets parlants. Ainsi
dans notre corpus les expressions comme être à quià pour être
embarrassé, en venir aux épées et aux couteaux, pour être en
conflit, pousser sa pointe pour continuer sur sa lancée,
faire
un trou à la lune, pour faire banqueroute
(et s'enfuir), écou-
ter jusqu'à amen pour écouter jusqu'au bout, apparaissent comme
typiquement familiers. L'étude de Pierre Guiraud -entre autres-
sur les locutions française~l~ait voir que la plupart des ex-
pressions plus ou moins imagées dont se sert le locuteur dans
les conditions ordinaires de la vie ont leur assise dans le pas-
sé de la langue d'où elles nous sont parvenues grâce à leur
expressivité.
A côté des éléments de vocabulaire facilement identifiables
comme familiers,
existent d'autres formes moins directes notam-
ment dans l'organisation syntaxique des phrases
et
dans
l'intonation. Par exemple dans la phrase "Il est heureux,
lui",
l'anticipation du prédicat par le moyen de la dislocation,
ajoutée à une légère intonation affective suffira pour donner
(1)
cf. G. Guiraud, Les locutions françaises,
Paris, P.U.F.;
1961,
"Que sais-je" n09D3.

- 4 -
une idée des circonstances
(familières)
dans lesquelles cet
énoncé peut être produit tant sont fréquentes dans la langue
quotidienne les constructions comme "venez,
je vous en prie",
"les enfants, ils Lou ça.J casse (nt)
tout",
"du temps,
je ni en
ai pas", etc ...
L'autre aspect formel du langage de la conversation,
c'est la tendance à l'expression emphatique,
soit par le biais
des outils d'intensification que fournit la langue, tels que
les adverbes de quantité et de qualii!é, .les adjectifs numéraux,
soit, ce qui est le plus souvent le cas, par des moyens d'ordre
tropologique
(métaphore, hyperbole, atténuation, . . . ). Un ami
qu'on a vainement appelé au téléphone s'entendra dire dès son
retour:
"Je vous ai manqué mille fois,
au téléphone". Un autre
s'entendra remercier, après un acte de générosité par ces mots:
~ous êtes trop bon ". A rattacher à ces formes d'expressions
des formules telles que "cruauté inimaginable",
"ami insépara-
ble",
"santé de fer",
etc . . .
Si la langue de la conversation est si marquée à la
fois par la simplicité et la banalité de ses moyens d'expression
et par la tendance au renforcement emphatique, c'est parce qu'ell'
est soumise à des impératifs psychologiques et sociaux: d'abord
elle est la langue de la mentalité moyenne, c'est-à ...dire de la
masse des lbcuteur~; elle sert à l'expression du concret d'où
il apparaît qu'elle doit se faire concrète; comme phénomène
spontané elle est soumise à la durée et doit se faire rapide

-
5 -
mais elle est soumise aussi et sans doute plus encore à la nature
variable des rapports entre les individus. Ajoutez à cela la
nécessité de la part du locuteur d'être compris et bien compris,
nécessité d'autant plus impérieuse que dans la plupart des cas,
l'expression et la pensée sont à peu près simultanées.
En un mot,
la préoccupation psychologique et sociale qui
se trouve au coeur du langage parlé, c'est l'efficacité. Effica-
cité non point purement esthétique comme dans l'oeuvre poétique,
ni à la fois esthétique et pratique comme dans l'oeuvre drarna-
tique,mais efficacité exclusivement pratique à la fois du point
de vue de l'expression de la subjectivité personnelle,de la tra-
duction de la réalité et du décodage du message.
Nous entendrons donc par langage de la conversation, l'ex-
pression spontanée
(1),
de toutes les pensées qui se rattachent
à la vie réelle, à l'exclusion de tout énoncé d'une pensée pour
cette pensée elle-même.
! - ! - !
Etudier un phénomène aussi vivant dans une oeuvre littéraire
de surcroît dans un roman paraît relever de l'utopie si ce n'est
de la contradiction la plus flagrante.
Apparemment. Car l'une
des fonctions de l'oeuvre littéraire est de traduire la réalité,
y compris la réalité linguistique. Comme dit M. Larthomas
(1)
Exclusion faite de l'argot,
langue d'associés qui," d'ailleurs
se préoccupe généralement d'autres réalités que la réalité
ordinaire: v~e de marginaux
(malfaiteurs, groupuscules divers

-
6 -
"tout genre suppose une utilisation particulière de
la langue parlée ou de la langue écrite ou de la
langue écrite et parlée". {1}
Ainsi il peut être intéressant de voir dans quelle mesure une
oeuvre littéraire peut transposer tout spécialement le langage
parlé. L'intérêt redouble lorsque, au lieu de l'oeuvre dramati-
que destinée par nature à représenter le réel, l'étude porte
sur une oeuvre romanesque. On ver~ait comment, avec ses procé-
dés propres, cet autre genre de la mimèsis est susceptible de
rendre à son tour la réalité parlée. Que l'oeuvre choisie soit
un roman de la fin du XVIIe siècle est à cet égard stimulant dan!
la mesure où l'oeuvre romanesque de cette époque obéit d'abord
au principe de
vraisemblance:
i l s'agit toujours de "véri-
tables histoires" ou de
"vérités historiques" où la moindre des
règles est de "ne dire que ce qui est moralement croyable"{2},
en d'autres termes de reproduire le réel, ou à défaut de l'imi-
ter. On notera à cet égard que les histoires héritées de Boccace,
de Marguerite de Navarre et de SeSJrais, dans lesquelles une
société se ~etrouve SJénéralement à la campagne et passe son
temps à écouter ou à raconter des histoires,
formules qui connu-
rent un vif succès vers la fin du XVIIe siècle, n'avaient pas
d'autre but.
-~-~~--~-.~.-.~
(l) cf "La notion de genre littéraire en stylistique" in Le
français'moderne,
p.188.
{2} Du Plaisir, Sentiments sur les Lettres et sur l'Histoire
',."
.
avec dea scrupules sur le style
{1683}, cité par F. Deloffre j
\\', .
w.·.~ll·een France à l'.§.ge classique, p. 46.

-
7 -
Mais,
se demandera-t-on, pourquoi précisément les
Illustres Françaises pour esquisser une telle étude parmi la
longue liste d'oeuvres romanesques que présente le XVIIe siècle.
A cette question, on répondra simplement ceci:si le roman du XVIIe
~cle avait essentiellement pour vocation de rendre la réalité, en
fait très peu de créations expriment la classe moyenne,
ses élans
naturels, sa voix,
sa sensibilité. Or du point de vue de la re-
présentation sans falsification
de ce milieu 8t de sa langue
familière, Challe fait,
dans les Illustres Françaises figure de
pionrner : même en laissant de côté des oeuvres ouvertement aris-
tocratiques et au ton assez composé comme par exemple les oeu-
vres de Mlle de Scudéry, on peut observer, pour ne citer que
quelques exemples caractéristiques, que le Francion de Charles
Sorel campe un univers réaliste mais le langage en reste feutré
et peu vivant
(1); que si le Roman bourgeois éffre une naïveté
et une fluidité de langage notables, la silhouette omniprésente
de l'auteur altère la spontanéité du ton; que les'Mémoires de
MLDR
au langage franc jusqu'à la crudité restent frappés de
monotonie et de gaucherie militaire.
Seuls au bout du compte les Illustres Françaises offren1
ce langage intermédiaire, ni aristocratique et littéraire, ni
Cl) Voyez à ce propos H. Béchade,' ,Les romans comiques de Charles
Sorel':' étude de langue et de style, thèse lettres, Paris TV,
1979. On remarquera notamment que le discours solitaire, pro-
cédé assez fréquent dans le' Francion
(Béchade, p.81)
est
inexistant dans les'Illustres Françaises.

-
8 -
populaire et trivial, mais surtout chaleureux et vivant, naturel
et familier comme pris sur le vif. Challe d'ailleurs prend soin
d'avertir dans la préface de son oeuvre qu'il a écrit son livre
"comme j'aurais parlé à mes amis, dans un style pure-
ment naturel et familier".
(1)
~y eut-il pas dans le dessein d'étudier le langage de la conver-
sation dans une oeuvre romanesque quelque intérêt particulier qUE
le seul désir de vérifier une telle déclaration inciterait à
l!entreprendre dans les Illustres Françaises.
Concernant les autres caractéristiques techniques des
Illustres Françaises,
i l faut dire qu'on est d'autant plus porté
à apprécier l'originalité linguistique de l'oeuvre de Challe que
du premier coup d'oeil rien ne dispose l'ouvrage à quelque parti-
cularité stylistique, l'auteur n'ayant mis en oeuvre que les
moyens les plus ordinaires aux écrivains classiques à savoir
des histoires contemporaines à la première personne, des sujets
tournant autour de l'amour, des personnages plus ou moins amis
regroupés en "société". C'est qu'il faut chercher ailleurs la
clé de la réussite de Challe par rapport à ses objectifs affirmés
Celle-ci réside en effet dans le réalismè social, car rarement
auteur excelle à donner
le sentiment du vrai dans les faits et gestes de son oeuvre.
Tout y concourt à commencer par les noms mêmes des personnages,
nom~de tous les jours (Dupuis,Des Pre~) ou identifiés aujourd'hui
comme originaires de localités authentiques (2) . Le traitement
(Ir Voir Préface des Illustres Françaises, p. LXII.
(2)
cf. F.deloffre,La nouvelle en France à l'âge classique,p.91.
Du reste l'article de Jean Mesnard
(cf~':L'identité de Robert
Challe",
in Revue d'histoire littéraire de la France,pp.91S.,-9
prouve nettement que chez Challe, le lien reste permanent ent:
l'écrit et le vécu.

-
9 -
du temps et de l'espace est si méticuleux qu'il ne laisse place
ni à l'impression de l'équivoque ni au relent de l'artifice: sor
marqués avec précision quartier au lieu particulier de chaque scè
ne tout comme sont données indications de saison, de jour et de
nuit ... Ajoutez à cela un auteur qui s'efface à l'opposé de celuj
du Roman bourgeois.
Sur le plan de la création du contexte de
parole, deux faits importants pour le langage sont à noter concel
nant d'une part la qualification sociale des personnages pris
isolément, d'autre part les rapports humains qui lient ces per-
sonnages
entre eux.
Pour le premier point,
i l faut signaler que les acteurE
principaux du roman de Challe -qui sont aussi les principaux
locuteurs- ne sont ni princes, ni rois comme c'est le cas dans
la plupart des romans du XVIIe siècle, mais des individus issus
de la noblesse parisienne
de moyenne
envergure
si Des Ronais qui relate la première et la deuxième
histoire est Conseiller au Parlement
(noblesse de robe), des
Frans, auteur de la quatrième et de la sixième histoire est noblE
d'épée, et son père étant mort,
i l dépend d'oncles paternels qui
sont des partisans ; Dupuis, à qui i l revient de relater la
cinquième et la septième histoire est corrtttte des Frans, noble
d'épée. Les autres personnages qu'on re~rouve autour de ces troi~
personnages principaux sont soit de statut équivalent
(nobles
de province (ex Terny), bourgeois riches,
etc ... )soit d'un statut
plus bas
(domestiques, femmes de mauvaise vie, personnages rustreE
Les relations qu'entretiennent ces différents personnages
sont marquées par la confiance, soit parce qu'ils sont "nez

-
10 -
voisins" et "élevez ensemble"
(1)
comme Des Frans et Des Ronais,
soit parce qu'ils sont liés par des relations particulières ca-
ractérisées toujours par l'intimité. Un procédé narratif mis en
oeuvre par Challe contribue à mettre en valeur ce carac~~re inti-
me des relations entre les pt=rsonnages : alors qu'ailleurs, no-
tamment chez Boccace et Marguerite de Navarre,
les différents
narrateurs disent les aventures de personnages étrangersau~
auditeurs, ceux de Challe sont à la fois narrateurs, auteurs et
auditeurs. De cette façon un auditeur dans telle histoire peut
devenir acteur dans telle ou telle des six autres histoires.
D'un point de vue social,
tel personnage qui apparaît lors d'une
première histoire dans tel rôle précis, apparaîtra dans un autre
rôle à l'occasion d'une deuxième histoire. P
. ~~ple, Des Frans.
\\' Af RI C-<I/\\'",,- ..
<..~"
""C~'
héros de l ' "histoire de Monsieur Des Fran",~
e
Iv~
(sixiè-
G'
'~>\\
me histoire), est signalé comme auxil1ai t,~ ~~s l'''his-
toire de Monsieur Jussy et de Mlle Fénou -/,
(quatr" èîÎlê histoire)
.fol\\)
,..:>\\. ,f'
A son tour Manon Dupuis, héroïne de la preiit~!l~tl\\lt~~~ire joue un
.... ,~~:..':':I. •• _ ....;,-"''''
rôle de protectrice tour à tour auprès dt
Angélique
(deuxième
histoire)
et de Terny
(troisième histoire),
etc . . . Les histoires
racontées apparaissent ainsi comme des sortes de confidences en-
tre amis sûrs. Souvent d'ailleurs des secrets sont dits aux mem-
bres du groupe avec la certitude qu'ils ne seront pas dévo1ilés
à l'é~térieur du cercle.
(2)
(1)
cf.<JLes Illustres Françaises,
p.ll.
(2)
Témoin entre autres, cette déclaration de Mme-de Contamine,
l'une des héroïnes du roman: "Je ne serai jamais fachée que
M. Des Ronais dise à Mr Des Frans, ce qu'il sçait de moi( .. )
et si j'étois fachée de ce que quelqu'un sçoit mes'affaires,
ce seroit de ce qu'il les sçait lui-même sans avoir voulu me
laisser voir clair dans les siennes, ni que je fusse sa
~nfid ente"
( IF # I, 6 5 )

-
I l -
Cette familiarité/soudée soit par un passé et des souvenirs
communs, soit par des amitiés communes, se manifeste aussi par
des sous-entendus, des allusions, des attitudes particulières
que l'auteur capte instantanément.
!=!=!=!=!=!
!=!=!=!
Que l'idée d'étudier le langage de la conversation
à l'époque classique suscite réserves et scepticisme,il n'y au-
rait pas de quoi s'en étonner. D'abord le langage parlé reste un
domaine à peine circonscrit. Ch. Bally et A. Séchehaye regret-
taient déjà l'absence d'une linguistique de la parole dans les
manuscrits saussuriens~ (1)
Depuis, mis à part les travaux de
Bally lui-même, les ouvrages consacrés au langage quotidien sont
rares.
(2)
Concernant l'époque,
il ne peut être étonnant qu'une
réalité mal cernée dans son caractère propre, le soit encore plus
envisagée dans le passé. On ne prétendra donc pas résoudre au
niveau des Illustres Françaises le problème général du langage
de la conversation, encore moins celui de la langue parlée à
l'époque classique. On s'estimerait presque satisfait, si on
parvenait à relever tout ce qui concourt à l'expression de la
(1)
cf. Cours de linguistique générale, Préface de la première
édition.
(2) cf Ch. Bally, Le langage et la v~e; Trait~ de stylistique fr~
çaise. Les ouvrages de Henri Bauche, de P~Guiraud et à un moi;
dre degré de Henri Fréi
(cf notre bibliographie) ,sont plus de:
études d'une langue particulière, celle du bas peuple, que du
langage de la conversation.

-
12 -
de la spontanéité dans l'oeuvre de Challe.
Pour atteindre l'objectif que nous nous assignons, nous
voyons deux moyens:
l'utilisation d'une méthode appropriée et
la mise en jeu d'un certain nombre de documents d'appuis.
En ce qui concerne la méthode d'analyse,
il nous semble
qu'un phénomène aussi concret que le langage de la conversation
ne saurait s'accommoder avec les méthodes très théoriques nées
sous la bannière du structuralisme. On a donc préféré regrouper
les éléments selon un critère logique
(vocabulaire, syntaxe,
procédés). Ainsi on traitera dans un premier temps des faits de
vocabulaire avec en sous~titres les mots communs de la conversa-
tion, les mots et locutions expressifs, les termes "énergiques";
en second lieu, des faits grammatico-syntaxiques.. Seront examinés
ici le matériel grammatical, les faits de construction y compris
les phrases et leur aspect structural et prosodique. La troisième
partie traitera des procédés divers, emphatiques ou simplement
vivants par lesquels le langage parlé donne couleur et vie à
l'expression.
Le deuxième moyen, disions~nous, consiste dans la mise à
contribution de documents d'appuis. Nul n'ignore en effet que rier
n'est aussi provisoire que la langue
(au moins à certains moments
de son évolution), en particulier la langue parlée qui épouse
incessamment les données du moment,
"suit les élégances apprises"
et "se conforme au bon goût de son temps". (I)
C'est dire combien
(1) Manuel de Dieguez, L'écrivain et son langage, cité par B.
Dupriez, dans Les étudéS de style, p.72.

-
13 -
est délicate dans l'étude de la littérature d'une époque ancienne
l'approche des mots et des constructions
(lesquels avec les année:
perdent leur plein sens et nombre de leurs implications), à plus
forte raison la reconstruction àes valeurs affectives, et
évocatrices. Quelques exemples pris au hasard dans les Illustres
'Franç'aises permettront de mesurer l'importance du problème. Soit
le passage suivant raconté par l'un des persunnages principaux du
roman, Des Ronais. Angélique,
jeune fille de condition modeste
mais pleine de vertu est injustement soupçonnée de libertinage
-par la Princesse de Cologny chez qui elle avait été servante.
Aussitôt' avertie par l'intermédiaire d'un laquais, Mlle Dupuis,
amie de jeunesse d'Angélique entreprend de plaider l'innocence
de son ancienne compagne auprès de la Princesse.
-
"Cela parut~, rapporte Des Ronais, si peu vraisemblable
,
à la Princesse qu'elle fit entrer votre comère
L 1-1l1e Dupuis J. Celle"...ci ( ... ) avoi t PRIS L' AFFIRMATIV
autant qu'elle avoit pû."
(I.F.,
l,
108"...109)
1
"-
Que signifie dans ce contexte l'expression PEendre l'affir-
1
'mat~ve ? Peu de lecteurs modernes sauraient le dire spontanément.
, <
1
D'autres soutiendront en s'appuyant sur les dictionnaires moder-
1
"
nes qu'il signifie "dire oui" par allusion à> soutenir l'affirma"'"
1
!
'tive
(1}. Mais le sens précis du XVIIe siècle est tout différent.
1
(1)
L'expression n'existe aujourd'hui que sous cette var:,Lante
moderne. En effet ni, Littré
(1873), ni Larousse
(1970), ni
le Robert
(1980), ni même le-dictionnaire des expressions et
- Ibcutions' figurées
(1980) n'enregistrent' prendre l"affirmative
En revanche,
soutenir l'affirmative n'apparaît pas dans les
dictionnaires du XVIIe siècle
(Académie, Furetière,Richelet

-
14 -
t'expression signifie en effet à l'époque classique:
"se declarer hautement en faveur d'une personne,
d'une proposi-
tion que l'on attaque"
(Académie,
1694).
Même problème pour l'expression se donner la passade dans la
phrase suivante
"Il Y avoit quantité de monde qui nous regardoit
NOUS DONNER LA PASSADE"
(I.F. ,II, 441 )
Visiblement l'expression n'apparaît pas ici d'après le sens connu
,'"
"
de passade, à savoir "passage d'un homme dans un lieu où i l ne
fai t
que peu de séjour"
(Littré).
En cherchant dans les langages particuliers de l'époque, on
s'aperçoit qu'il s'agit d'un terme qui "se dit
( . . . )
entre nageur!
se
lorsqu'en rencontrant l'un enfonce l'autre dans l'eau,
et le fait
passer par entre ses jambes"
(Furetière,
1690).
Pour parer à toutes ces incertitudes concernant les emplois
et les écarts de sens de l'usage ancien à l'usage moderne, nous
avons jugé indispensable de nous munir de quelques bouées de
sauvetage en faisant appel à des témoignages contemporains de
notre corpus,
témoignages tant normatifs que littéraires. Concer-
nant les témoignages normatifs trois dictionnaires reconnus
d.lautorité nous guideront en priorité.
Il s'agit du di.ctionnaire
de l'Académie française
(rlans sa première édition,
1694), ce
"trésor du bf.en dire" selon le mot de Paul Dupont
(1); du diction'
naire de Furetière
(également dans sa première édition,
1690),
(1)
cf.
Préface de la 2e édition du dictionnaire de l'Académie.

- lS -
"enquêteur ès termes de métier"
(1), ouvert à toute catégorie de
mots ou d'expressions ; .du dictionnaire de Richelet (édition de
1680), extrêmement sensible aux niveaux de langue
(2), et surtout
utile pour le langage parisien de l'époque.
Viendront ensuite les ouvrages de puristes comme le P.
Bouhours, François de Caillères, Andry, etc ... dont les remarques
restent assez pertinentes pour l'époque qui nous intéresse, à
savoir la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe.
Les témoignages littéraires, sorte de témoignages "vivants~
seront constitués d'oeuvres dramatiques, en particulier de la
comédie dont on sait que,
imitation de la réalité immédiate et
Partant
épargnées des exigences des théoriciens, elles étaient
en général peu soucieuses de pureté académique,de scrupules de
/
~grammairiens. (3)
Ici nous nous tournerons surtout vers Molière
1
excellent témoin des faits linguistiques et parfois aussi vers
l,
Corneille dont les oeuvres de jeunesse en particulier se révèlent
fort intéressantes à cet égard. On sait que l'extrême docilité
r
1
de ce dramaturge aux canons linguistiques de l'Académie lui firenl
apporter en 1660 des corrections à ses premières pièces, fort
1
,
intéressantes pour nous. A signaler aussi que Corneille n'est pas
moins sensible que Molière à l'accord formel entre réalité lingui:
t
1
tique et art comique, lui qui ~±t. à l'actif du "style naIf qui
------~-------"':"'"
(1)
R. Queneau: Bâtons, chiffres et lettres, p.SO.
(2)
Rien d'étonnant: des théoriciens infiniment ombrageux comme
Patru,Rapin, le P. Bouhours, en ont été les meilleurs artisanl
'(3)
Nous savons qu'imitation n'est point original. Che~ Molière pé
exemple, les pièces en vers, malgré leur ton naïf et réaliste.
portent en eux-mêmes le témoignage d'une certaine écriture.

-
16 -
faisoit la peinture de la conversation des honnêtes gens", le
succès de sa toute première pièce, Mélite, oeuvre comique. (1)
Enfin on se référera parfois,
à quelques comédies de moeurs
moins connues, telle la Rue St Denys de Champmes lé qui met en scènl
des personnages de condition modeste dans le même cadre
géographi-
que
(le quartier des Halles)
que les histoires des Illustres
Françaises.
En dehors de ces éclairages historiques nécessaires surtout
en ce qui concerne les faits de langue, on s'appuiera aussi sur
les données statistiques:
si les chiffres~utilisés sans discerne
ment à l'occasion d'études littéraires, restent en général froids
et sans intérêt véritable, en revanche ils apparaissent comme un
recours indispensable lorsqu'il s'agit, comme c'est le cas ici,
d'évaluer l'étendue d'un phénomène, en l'occurrence d'une forme
d'expression. On pourra ainsi mesurer avec exactitude la fréquenc'
d'emploi d'un mot ou d'une catégorie de mots, d'une construction
ou d'un procédé de style.
(2)
Reste enfin à signaler
que l'édition des' Illustres Françai-
ses que nous utilisons est celle publiée en 1959 avec des docu-
ments inédits par F.Deloffre. Cette édition est d'ailleurs,à l'he
re actuelle, la seule disponible,-ou du moins la plus facile d'ac
cès-, car l'ouvrage que nous étudions n'a pas connu d'autre réédi
tion française depuis la fin du XVIIIe siècle
(1784).
(1)
cf. Marty~Laveaux, Lexigue de Corneille, TXI, p.151.
{2}
C'est l'occasion pour nous d'adresser nos remerciements les
plus sincères à M.Frédéric Deloffre qui nous a très généreuse
ment communiqué le dépouillement informatique complet des 11-
. lustres'Françaises, document qui nous a été d'une .exception-
nelle utilité.

1j
T A BLE
DES
A B R É v lAT ION S
===============================~===========
1
1
A.
Dict~bnnaire de l'Académie
(édition de 1694, sauf autre
indication)
F.
: Dictionnaire de Furetière
(1690)
1 H.L.F.: Histoire de la lansue française (des origines à nos jours);
1
suivent respectivement le tome
(en chiffres romains)
et
1
1
la page
(en chiffres arabes) .
I.F.
Les Illustres Françaises;
suivent respectivement le tome
(en chiffres romains)
et la page
(en chiffres arabes) .
R.
Dictionnaire de Richelet
(1680).

PRE MIE R E
PAR T l E
===============================

-
17 -
F AIT S
D E
v 0 CAB U LAI R E
==========================================
"Dlune manière générale" écrit Alain Rey dans la
préface de son dictionnaire des expressions et locutions figu-
rées,
(1)
"la richesse en locution dans un texte correspond à
l'intérêt porté au langage oral, spontané, au langage symptôme
de comportement social". Si l'on élargit cette remarque jusqu'aux
mots simples d'aspect archaïque ou d'emploi simplement familier,
on peut constater que dans les Illustres Françaises, les termes
stylistiquement marqués dans le sens péjoratif atteignent des.
proportions intéressantes : sur un total de 3346 mots pleins et
spécifique~~ 201 peuvent être donnés comme révélateurs d'un sty-
le négligé, d'un style de conversation ou de causerie familière,
soit environ 6,27 % des mots
(3).
--------~,~~~-.
(l'Alain Rey: Dictionnaires des expressions et locutions figurées,
préface, p.XIII.
(2) On a appelé ici mots pleins
(et spécifiques)
les mots du voca-
bulaire, c'est-à-dire les termes référentiels par opposition
aux termes grammaticaux
(pronoms, adverbes, conjonctions, etc.~
La deuxième épithète
(spécifique)
vient de ce que dans le dé-
compte il n'a été pris en considération qu'un seul mot de la
même famille, abstraction étant faite
d~s diverses déclinaisons d'un même mot j
- des variations orthographiques
(ex:paisan, paysanjlois,loix,)
- des variations en genre.
De même les nombres
(en chiffres ou
en lettres) ,ainsi que les termes de titulature
(duc.,marquis,da-
me,seigneur,etc .• ) ont été exclus.
(3)' Il s'agit strictement des mots et locutions.Les unités à
la
limite de la lexie(proverbes et dictons)ainsi que les figur~
dlemphatisation ne sont pas envisagés ici.

On pourrait, pour classer ces mots et expressions,
utiliser
un critère formel et procéder par la distinction entre mots
(simples)
et locutions, celles-ci se définissant matériellement
comme des suites de mots ayant un sens commun. La méthode, bien
que toute simple, n'en serait que peu opératio~nelle les divers
mots simples tout comme les diverses locutions n'étant pas tou-
jours chargés des mêmes valeurs stylistiques.Ainsi, on a
jugé
préférable ici de partir de la caractéristique même à partir de
laquelle a été définie précédemment la langue parlée : la recher-
che de l'efficacité.
Il a été ainsi mis à jour trois groupes de termes qui cons-
tituent les trois chapitres de cette partie
1)
Les mots et locutions banales de la conversation
(56,31 %)
2)
Les mots et locutions ~xpressifs souvent imagés
(40,5 %)
3)
Les expressions "énergiques"
(4,77 %).
(1)
Hors les sous-divisions à certains moments indispensables, l'or-
dre de classement qui sera généralement suivi à l'intérieur des
groupes sera l'ordre alphabétique.
-"""",~,--"::""",,:,,,,"----:--~
(l)
En dépit de toutes les précautions qui ont présidé à l'éta"""
blissement des statistiques ci-dessus, les difficultés et
incertitudes inhérentes à ce genre de travail n'autorisent
à accorder à ces chiffres qu'une valeur plutôt approximative.

-. 19 -
CHAPITRE
l
MOTS COMMUNS DE LA CONVERSATION
Il s'agit ici des mots dont la présence à elle seule sufÏit
à caractériser un style. Presque jamais utilisés dans les échan-
ges dits sérieux (1), ils sont rarement employés dans les ouvra-
ges à caractère écrit
(poésie, tragédie, éloquence écrite ou
dite spontanée, ouvrages scientifiques
(2), etc ... ), si ce n'est
pour marquer stylistiquement llénoncé précis où ils entrent. En
revanche, dans la conversation quotidienne et dans les écrits
qui sont destinés ~ imiter celle-ci, c'est tout naturellement
qu'ils viennent à la bouche d'un locuteur ou d'un narrateur.
Ils
sont en effet associés à la structure de base de la langue, pres-
que immédiatement à la disposition du locuteur moyen, c'est-à-di-
re, de celui qui n'a nullement vocation ni intention de parler
bien et très bien.
(1)
C'est-:-à":'"'C1ire entre gens cultivés et dans des occasions
solennelles.
(2)
"Hérésie", s'écrit Paul Valéry,
"que traduire dans le langage
ordinaire - c'est-à-dire,
fait par usages sales, mêlés et
indistincts- les résultats d'observations pures" cf. Paul
Valéry: Cal:ti,?rs,
2, 364
cf. aussi A. Rey:
"La conscience
du poète: le langage de Paul Valéry" in'Littérature n04,
(1972)
p. 118
(pp. I l 6-12 8) .

-
20 -
Ont été classés dans cette catégorie, les mots techniques
courants
(lI au total),
les jurons
(6), ' ..les, ~~ts et expressions
proprement familiers
(50),
les mots Pl!1~"ants'<C1,N' les mots à
::o:C::) :8), et pour finir, les te~,~:~desubstitu-
,">'-?
'':/ .
,,~lr170n ü 0,{\\ü
Au total cela fait 95 mots et exp .
, soit en termes
relatifs 56,31 % des termes répertoriés et 4,5 % de ceux de
l'ensemble de l'oeuvre.

-
21 -
A - HOTS TECfXIQUES COURANTS
1 - Terme de repas
COLLATION
ou FAIRE COLLATION
( 1)
9 occurrences
(2)
cf. Ex 1 :
"Elle même assista â la COLATION"
(IF,I,19)
Ex 2
"On FIT COLLATION, pendant laquelle la compagnie
s'entretint de ce qu'elle venoit d'entendre"
(IF, II,
337) •
F
"Collation est aussi le petit repas qu'on fait en haste,
en passant, quand on n'a pas le loisir de s'arrester ;
collation est encore le repas qu'on fait entre le disner
et le souper, que les enfans appellent gouster" ;
et l'auteur ajoute:
"Le mot s'est depuis estendu à tous les autres repas qu'on
fait depuis disner".
c'est en effet l'extension sémantique de Collation qui lui a
valu une large place dans le vocabulaire quotidien du XVIIe
siècle. Mais la plupart des emplois du texte s'inscrivent dans
la deuxième des acceptions ci~dessus â savoir "le repas qu'on
fait entre le disner et le souper."
(l) Le mot prend dans l'orthographe du texte tantôt deux L tan-
tôt un seul L.
(2)
cf. ci-dessus
IF,I,237 ~
IF,I,246 ;
IF,I,485 i
IF,II,487 ;
IF,II,502 ;
IF,II,503(bis). On retiendra pour la suite que
lorsque le nombre d'occurrence n'est pas signalé chez un mot,
c'est qu'il ne dépasse pas l'unité.

-
22 -
Collation n'est nullement un terme populaire ou bas; peu
s'en faut.
Il fait simplement partie des mots instruments chez
les honnêtes gens. On le retrouve aussi bien chez Molière que
chez Mme de Sévigné
(1). A preuve encore, en 1693, cette mise
au point de François de Caillères
"Cela me fait souvenir, dit le Commandeur, d'une autre
façon de parler qui est encore particulière aux Pari-
siens
ils vous diront :
"Apportés à goûter à ces
enfans, donnés leur du fruit et des confitures pour
leur gouter", pour dire "apporter la collation à ces
enfans, donnés-leur du fruit et des confitures pour
leur collation". (2)
2 -
Termes de jeu
1) CORBILLON
cf
"Nous jouâmes contre lui comme nous l'avions
résolu,
quatre fois plus que ne valoit son CORBILLON"
(IF,II-,
424) .
F
"Corbillon: panier à mettre des oublies, étroit par le mi-
lieu, large par les extrêmités." C'est dans ce sens que le
mot est employé ici. Mais le terme désigne aussi par synecdoque le
jeu lui~même, le jeu du corbillon,
jeu assez populaire au XVIIe
siècle "dans lequel à cette question "Corbillon, qu'y met~on?"
(1) Cf.- Molière:
"Il nous a fait mille civilités, i l nous a donné
la collation" Les fourberies de Scapin,II,7.
- Mme de Sévigné: "Ces bonnes Vesins, d'Assé et Varennes
m'ont fait une grande collation" Lettres,VII,284.
On remarquera que ce mot, compte tenu de son sens instable
(parce que lié au moment de la journée où est pris le repas)
R'Japas dans les emplois ci..,..dessus une signification précise.
Il peut signifier "repas fait en haste" ou "gouster" selon le
contexte, lequel à son tour reste presque toujours incertain.

-
23 -
"il fallait répondre par un mot terminé par ON" (1)
2) MOMON :
3 occurrences
(2).
cf:
"Il lui présenta un MOMON de cinquante louis d'or. Le
marquis topa et perdit masse et pardi"
(IF,I,14-15)
Le momon est un défi porté au jeu de dés par les masques aux
personnes qu'ils visitaient. R. donne exactement la significa-
tion contextuelle
(qui correspond à l'emploi du texte):
"Le mot de momon signifie aujourd'hui parmi nous
l'argent que les masques jèüent
aux dez et sans
revanche durant le Carnaval,
lorsqu'ils vont le soir,
chez les particuliers de leur connoissance".
Le mot de momon, en raison de la popularité du jeu de dés, entre
pratiquement dans tous les lexiques d'écrivain du XVIIe siècle.
Dans le théâtre de Molière en particulier, i l est souvent ques-
tion de momon
- V 1221 "Trufaldin, ouvrez-leur pour joUer un momon" (3)
.,.. "Est-ce un momon que vous allez porter,
et est-il temps
d'aller en masque?"
(4)
Le verbe TOPER ainsi que les noms MASSE et PAROLI contenus dans
l'exemple ci-dessus sont également à ranger parmi les termes de
jeu.
(1)
Livet: Lexique de Molière,
1,
492.
(2)
Ci.,..,dessus +IF,I,15{bis).
(3)
Molière, L'Etourdi,
111,8
(4) Molière, Le Bourgeois Gentilhomme, V,l.

-
24 -
3 - Termes juridiques
,
1) MAIN LEVEE
(DONNER):
se dessaisir d'un bien légitime au profit
d'une autre personne
cf.:
"Elle me dit qu'il ne dependoit que de lui qu'il reçût
quelque argent qu'il avoi t
fait saisir f
J qu'elle ne
demandoit pas qu'il fît tort à ses droits en donnant MAIN
LEVÉE; que cela ne lui feroit aucun préjudice"
(IF,I,217)
F
"Main levée: acte qui destruit une saisie, soit qu'il soit
consenti par la partie,
soit qu'il soit prononcé en justice".
L'expression donner main levée fàtpartie de ces mots techniques
tombés dans l'usage cJurant par leur emploi fréquent. A. et R.
enregistrent l'expression sans remarques particulières.
2)
PUTATIVE
cf.:
"Ce n'est qu'une bagatelle ... qui peut faire pendre vôtre
très vénérable tante Putative"
(IF.,II,313).
R.:
"Ce mot se dit en parlant du père et veut dire, qui passe
pour le père d'un enfant. C'est son père putatif"~
L'entrée dans l'usage courant du terme de putatif est favorisé
par l'emploi de ce mot dans le langage religieux. C'est d'ailleurs
l'emploi religieux que met en avant A.:
"Il LPutatifJ n'est en usage qu'en parlant de Saint-Joseph
qu'on appelle le père putatif de Notre Seigneur, parce qu'il
estoit reputê en estre le père."
Le succès du mot est dû également et peut être principalement
à sa valeur négative détournée par l'usage dans le sens exclusi-
vement péjoratif et ironique. Notez à ce propos l'emploi quelque
peu déviant du texte: tante
(féminin)
est substitué à père
(mascu-
lin)
ordinairement employé; d'où substitution de putative à puta-
tif.

-
25 -
4 - Terme de prédication
(évoquant un milieu clérical)
,
TROUPEAU EGARE
,
1
cf.:
"Car en ce tems-là,
j'étois encore du TROUPEAU EGARE, comme
vous l'appelez et que nous appelons, nous, troupeau reformé"
(IF,I,147) .
L'expression troupeau égaré est une formule d'origine rnétaphori-
que en usage dans le milieu catholique. Telle qu'elle, elle ne
figure dans aucun des dictionnaires. Toutefois F. donne à l'arti-
cIe Troupeau un exemple incluant l'épithète égar~:
"Troupeau se dit figurément en choses spirituelles et mora-
les. Les Prelats et les Curez sont des pasteurs qui ont
soin de leur troupeau, du salut des âmes commises à leur
conduite.
Il a ramené au troupeau la brebis égarée. On
appelle les hérétiques, les gens·du petit troupeàu".
Troupeaù- égaré est donc un-cliché dans le. milieu catholique.

-
26 -
5 - Divers
1)
SE DONNER LA PASSADE
cf.:
"Il Y avoit quantité de monde qui nous regardoit NOUS DONNER
LA PASSADE"
(IF.,
II,441).
Passade désigne l'action de
"celuy qui ne fait que traverser un pays, qui n'y veut point
sesjourner" ;
mais l'expression se donner la passade se dit entre les nageurs
'-et c'est en effet le sens du texteJ'
"lorsqu'en se rencontrant l'un enfonce l'autre dans l'eau et
le fait passer par entre les jambes"
(F.)
2) TAUD ION
cf.:
"C'étoit un vrai TAUDION et nous nous y divertissions"
( IF . , II , 4 24) .
Le mot de taudion, mot très familier, ne figure ni dans A., ni
,
dans R., ni dans F., ni même dans les'Curiositezfrançoises
d'Antoine Oudin
(1640). Seul le dictionnaire comique de Philibert
Leroux dans son édition de 1701, le mentionne avec la définition
suivante :
"taudion: lieu sale, mal propre, puant, maùvais lieu,
cabaret borgne, lieu de débauche." (1)
C'est donc un terme bas et
populaire à valeur fortement péjorative.
La présence de ces termes techniques courants liés pour
l'essentiel à des notions prati,ques ou à des activités d'ordre
(l) L'éditeur des Illustres Françaises a pris soin de noter cette
définition en bas de page,
(P. 424, note 10), rendant: a-fohsi'
un précieux service au lecteur
de l'ouvrage.

-
27 -
familier
(repas,
jeu, ... ) permet déjà de situer l'énoncé dans
son contexte :
ici le champ sémantique semble répondre du niveau
de langage.
B - JURONS
Le juron est de nos jours un
"terme plus ou moins familier ou
grossier dont on se sert pour jurer"
(Robert).
Si l'usage du juron
semble se rattacher d'office à un fait de langage spontané, voire
de langage trivial, son emploi a,
au XVIIe siècle, une significa-
tion sociale et religieuse plus forte que de nos jours : la décla-
ration du 30 juillet 1660, en remettant en vigueur les anciennes
lois et ordonnances interdisant au peuple l'usage des noms sacrés
dans les jurons, a favorisé la prolifération de jurons où ces noms
sacrés sont déformés, tronqués ou remplacés
(1). Parmi ceux-ci,
il
faut noter une forte proportion de jurements empruntant
(craintive-
en
ment)
au nom redouté de Dieu sa rime EU, celle-ci souvent mali-
cieusement transformée en BLEU. Ainsi Ventrebleu
(par le ventre
(1)
La déclaration du 30 juillet 1660 stipulait que "ceux qui se
trouveront convaincus d'avoir juré et blasphémé le nom de Dieu,
de la Vierge et des Saints, seront condamnés pour la première
fois à une amende pécuniaire selon leur bien,
la Grandeur et
énormité de leur sermont et Blasphème .•. et en cas de récidive~
seront pour la seconde, troisième et quatrième fois, condamnés
à une amende double,
triple et quadruple, et pour la cinquième
fois,
seront mis au carcan, aux jours de Fêtes et Dimanches,
depuis huit heures du matin,
jusqu'à une heure après-midi . . . et
en outre condamné à une grosse amende,
et pour la s2xième fois,
seront menés au pilori et là, auront la lèvre coupée d'un fer
chaud, et pour la sel?tième fois la langue coupée" cf.H.L.r~ m
J:85~38 6.

-
28 -
de Dieu), par la sangbleu
(par le sang de Dieu),
Parbleu
(par Dieu)
morbleu
(mort de Dieu), etc . . . Les deux derniers jurons connaissent
dans les Illustres Françaises non seulement un emploi fréquent,
mais aussi, pour morbleu, des transformations phoniques
(morbieu)
significatives du parler populaire et à effet particulièrement
énergique. D'autres jurons apparaissant également dans les Illus-
tres françaises sont, soit des variantes de formes en BLEU
(pardi =
parbleu), soit des jurons qui, comme les premiers appatiennent à
la catégorie dont on pouvait aisément dire que "la conversation
qui en était relevée sentait même son gentilhomme"
(1)
1) FI
cf.
:
"FI, au diable . . . misérable âme de boue et de crapule"
(IF,I,
243)
FI,
selon F, est "un terme bas" qui sert à faire une exclamation
pour "tesmoigner le mespris, la haine, l'aversion,
qu'on a pour quelque personne ou pour quelquechose".
2)
MALEPESTE
cf.:
"MALEPESTE, dit-il, ce seroit tout gâter"
(IF,II,310).
Ce juron n'est pas admis par A. et par R.F.le définit comme une
"sorte d'imprécation" que l'on fait contre quelquechose, ce qui
ne correspond pas bien à l'emploi du texte oü malepeste introduit
simplement une réplique forte sur un ton narquois.
3)
MORBlEU
(2 occurrences)
cf.: ex1"Je vous tordrais MORBlEU le coup tout à l'heure"
(IF,I,243)
(1)
Cf. HLF, IV,
385~86.

-
29 -
2
ex :
"Vous n'en serez MORBlEU pas pendant ma vie, c'est de quoi
je vous répons"
(IF, 1,243) .
4)
MORBLEU
(4 occurrences
(1))
1
Cf.:' ex : "Ah MORBLEU,
lui dis-je, vous m'épargnez"
(IF,II,446)
2
ex :"Hé MORBLEU, lui dit-il,
puisque vous en voulez tant
parler,
i l faut que j'en parle aussi"
(IF,I,41)
Morbleu et sa variante énergique morbieu
(2)
ne sont admis que
par R. ce sont, dit-il, des "sortes de jurements burlesques".
A et F. ne les enregistrent pas. HLF cite morbleu parmi les jure-
ments "tolérés" par les cours de justice
(3).
5)
PARBLEU
(50ccurrences(4))
1
Cf.: ex :
"Il faut PARBLEU ( ... ) que vous me croyez bien bon"
(IF,
II,428)
2
ex : "PARBLEU j'en serai, repris-je, je veux la connoître"
( IF , l l , 4 67 )
3
ex :
"PARBLEU, Monsieur, me dit-il, vous me préparez une
belle récompense"
(IF,I,243)
(1)
Ci-dessus + IF,I,171 ;
IF,I,
278.
(2) Morbieu est en effet plus fort que morbleu, parce que plus pro-
che,
formellement de Dieu dont i l partage la terminaison serni-
vocalique.
(3 ) Loc. ci t
Pl.8
(4) ci-dessus + IF,
II,313
IF,II,
469.

-
30 -
6)
PARDI
Cf.:
"PARDI, ajouta-t-elle avec une pointe de colère, on ne se
se marie que pour être heureux"
(IF,II,533)
Parbleu,
et pardi
ne sont pas non plus consignés dans A. et dans
F./R. les marque de l'astéri$que et d'une croix (1)
en précisant
qu'ils sont "burlesques".
C - MOTS ET EXPRESSIONS FAMILIERS
Ce sont les mots considérés comme typiquement familiers.
On
y rencontrera pêle-mêle
1- les archaïsmes
2~ les clichés de conversation, c'est-à-dire les mots ou
expressions galvaudés par un usage constant
(et qui entrent à
l'évidence dans la compétence de la majorité des sujets parlants) •
Ces termes sont généralement enregistrés comme tels, c'est-à-dire
familiers,
bas ou proverbiaux, par les dictionnaires.
-1)
ALGARADE = injure
Cf~: "L'ALGARADE de cet homme avoit éclaté. Il avoit eû assez de
mauvaise gloire pour se vanter de m'avoir traité du bas en
ha ut"
( IF , II , 28 6 )
R.
"Algarade: c'est une insulte qu'on fait à quelqu'un. Outrage
insolent et plein de mepris fait à une personne". La défini-
tion de F. est à la fois plus riche et plus détaillée
·Ce mot signifioit autrefois, Course impreveue sur l'ennemy :
aujourd'huy i l signifie seulement les injures ou insultes qu'
on fait à quelqu'un qu'on méprise, soit par des paroles, soit
par quelques adresses malicieuses.
Il s'est absenté de cette
maison parce qu'on luy faisoit mille algarades". A. note que
1Ir.:R:--üt,~ïise-ces-sig~es pour marquer qu'un mot est familier, po-
" pu1.aire o~-d f@mnln1 riSrpnt-
(pt-
rI,...,n,..
,..,~6 \\

-
31 -
le mot dans ce sens West familier".
Algarade est de toutes façons
un terme d'origine étrangère, assez galvaudé et qui a connu di-
versee' significations dont celle de "stratagème pour tromper
l ' ennemy "
(F.)
( 1)
2)
ALGÈBRE
(au figuré)
: chose impénétrable, incompréhensible
Cf.:
"Car cela étoit de l'ALGÈBRE pour le fils"
(IF,I,39)
"On dit figurément",
note F.,
"d'un homme qui n'entend rien
à ce qu'on dit,
à une chose dont on parle, que c'est de l ' a l -
gèbre pour luy". La définition reste exactement la même pour
A.jR. ne mentionne pas l'emploi figuré,
se limitant au sens propre
de "espèce d'Arithmétique qui emploie quelquefois les lettres pour
les nombres".
Il faut noter que algèbre dans l'emploi figuré reste
familier dans la langue moderne.
-------~~~---
(1)
L'origine étrangère du mot reste encore à préciser :
"Ce mot
vient de l'espagnol algc1radi "
dit R. De son côté F .
fait état à
la fois d'une origine algéroise par le contenu del/course
: imprévue
sur l'ennemy" et d'une origine italienne par la for-
me,
en faisant intervenir de ce dernier point de vue le senti-
ment de Cavarruvias qui"croit que ce mot vient de l'Italien
garada, qui vient de garrire
". Les dictionnaires modernes ne
retiennent que l'origine espagnole et arabe
: "algarade: de
l'espagnol algàrada, de l'arabe alghâra, attaque à main armée .•
incursion militaire". (Robert). Littré est plus précis :"algarad
Etym.: espagnol algara,
troupe à cheval, algarada: bruit de gen
de guerre qui se battent . . . ; de l'arabe al, le et gharet
expédition de cavaliers pour piller le territoire ennemi, de
gâr,
faire des incursions sur l'ennemi."

-
32 ~
3) AMENER A SON POINT
obliger adroitement quelqu'un à
faire quelquechose.
Cf.:
"Je ne la pressai pas davantage ce jour-là espérant que le
tems et les occasions l'AMÉNEROIENT insensiblement A MON
POINT"
(IF,II,437).
F. et R. restent curieusement muets sur cette expression. A. de
son cOté mentionne seulement la variante
: faire venir à son point~:
"on dit figurément faire venir quelqu'un à son point pour
dire l'obliger, l'engager adroitement à faire ce qu'on veut".
Ni amener à son point, ni faire venir à son point ne sont em-
ployés par Molière, Corneille, Mme de Sévigné. On peut trouver dans
cette expression une note à la fois sadique et ironique assez ca-
ractéristique de la langue familière.
4) A TOUTES JAMBES
rapidement
(4 occurrences'
(1)
1
Cf.: ex
"Nous orîmesA TOUTES JAMBES le chemin de "Lutry" (IF,I,
168)
2
ex
"Au sortir du couvent je remontai à cheval et j'allai
A TOUTES JAMBES chez M. le duc de Lutry"
(IF,I,163).
A toutes jambes est enregistré à l'~rticle courir, sans remarque
particulière par A. et F.;R. ne le signale pas.
5) AVANTURÉ = risqué
Cf.:
UJe comptois mon argent perdu, du moins fort AVANTURE"
(IF,I,
40)
_'~""dèSSUS + IP",r, 28
IF, II,
423.

-
33 -
"Avanturer : ce mot vient de l'espagnol aventurar et i l signi-
fie hazarder,mettre en danger, exposer au péril"
(R.). C'est dans
le même sens que le mot est enregistré par A. et par F., mais
R.
le marque de l'astérique et de la croix. Avanturé est un partici-
pe dénominatif dont l'emploi n'est paS très répandu dans la litté-
rature comique du XVIIe siècle. En tout cas il n'est pas signalé
chez Molière et chez Corneille.
6)
AVOIR L'OEIL A : surveiller
( 3, occurrences
(1)).
Cf.:
"Comme le l.farquis d'Anemace étoit jeune et n'avait pas
de gens en main pour AVOIR L'OEIL A ses intérêts
( ... ) i l
chargea V1ll.eran d'en avoir soin".
(IF,II,329)
L'expression est rangée par F. dans la liste des "phrases" dites
"proverbialement" à partir de oeiL. A. et R. l'enregistrent sans
remarque. Il s'agit en fait d'une périphrase verbale assez expres-
sive.
7)
BOIRE COMME DES TROUS
Cf.:
"Nous allâmes souper, c'est-à-dire à notre ordinaire BOIRE
COMME DES TROUS i après cela nous allâmes au bal"
(IF,II,422)
A.:
"on dit proverbialement boire comme un trou pour dire boire
beaucoup" .
Même définition et même remarque pour F. R. n'enregistre pas cette
expression.
~.atWJS(!UERIE = Mtutali tés
(3 occurrences
(2)).
(1)
Ci-dessus + IF,II,282 ;
IF,II,329
(bis)
(2)
Ci-dessus + IF,I,244
i
IF,I,258~

-
34 -
Cf.:
"On vous pardonnera vos BRUSQUERIES
on vous épousera si
vous voulez"
(IF, 1,66)
Les lexiques enregistrent ce mot sans jugement particulier.
Mais suivant Sorel, c'est un
"mot barbare" pour signifier "l'hu-
meur brusque"
(1).
9)
CASSADE
Cf.:
"S'il me voyoit avant que nous soyons d'accord Sylvie et
moi, adieu la CASSADE"
(IF,II,310).
Cassade est défini cormne une "tromperie"
(R.), une
"bourde"
(F.)
ou "un mensonge qu'on invente pour rire ou pour servir d'excuse ou
de retraite"
(A.).
Son caractère familier est rattaché par les
contemporains à une origine anecd'o tique
:
"Ce mot vient de ce qu'on Hanceau pour s'exempter de
prester son cheval à ses amis,
leur disoit toujours
qu'il avoit une cassade, qui est un vieux mot qui signi-
fiait alors une blessure de cheval"
(F.).
10)
CLAQUEMURER = enfermer
Cf.:
"Je vous enfermerois dans un endroit oü vous seriez bien
?
CLAUQUEMURE pour le moins"
(IF,I,243)
F.:
"Claquemurer,
terme populaire qui signifie enfermer en une
prison estroite, enfermer dans un cloistre~
A. détlare qu'''il
est bas et ne se dit qu'en raillerie". Molière sans doute
par ironie, l'emploie une fois dans les Fermnes Savantes:
(1)
Charles Sorel: De la Connoissance des bons livres, p.270:
"Preuderie et Brusquerie sont des mots barbares pour signifier
la preud'hormnie et l'humeur brusque".

-
35 -
V.27
Que vous
jouez au monde un petit personnage
De vous claquemurer aux choses du ménage"
(1)
Il)
a)
CHANGE = changement (5 occurrences
(2»
1
Cf.: ex :
"Je crois, tout bien compté, que vous n'avez pas gagné
au CHANGE et que je vaux bien d'EsPinaï.."
(IF,II,429)
2
ex :
"Je m'offre à remplir sa place, et je suis sûr que vous
ne regretterez point le CHANGE"
(IF,II,523).
3
ex :
"Le CHANGE avantageux porte avec soi son excuse"
(IF, 1,31)
R. remarque que "ce mot" qui "signifie changement"
"n'est usité
en prose que dans de certaines phrases /.é'est-à-dire locutions
(3)]
hors desquelles on dit changement. Malherbe s'en servoit
souvent,
aujourd'huyon imite rarement ce poète en cela".
Il semble en effet que change pour changement ne soit plus en usage
vers la fin du XVIIe siècle que dans la poésie. Marty-Laveaux re-
marque dans Lexique de Corneille que "ce mot revient très souvent
dans la poésie de Corneille"(~). Hors de la poésie, son emploi
est condamné par nombre de théoriciens.
"Change pour changement
dont M. de Malherbe se sert dans ses poésies", déclare Vaugelas,
"est bon en vers, mais en prose i l ne vaudroit rien
(5)
. En 1660,
(1) Molière: Les Femmes Savantes,
1,1.
(2) Ci-dessus + IF,II,392
;
IF,II,475.
(3) Voir infra concernant ces locutions.
(4)
Cf. Marty-Laveaux: Lexique de Corneille, p.166, avec de nom-
breux exemples.
(5) Vaugelas, édit. Chassang II, p.
417.

-
36 -
Chevreau abonde dans ce sens
:
"Je ne voudrois pas l'imiter LMalherbe.l en toutes choses,
ni me servir de tous les mots dont il s'est servi, parce
qu'il en a de trop vieux ou de trop bas et qu'il en a
l
,
.
t
t "
oF •
t .
" (,1 )
mesme emp oye qUl on
une au Le sJ.gn.1., lca lon .
Et parmi ces mots "trop vieux ou trop bas" ou impropres, Chevreau
cite change
pour changement. Enfin, Ménage dans ses Observations
sur Malherbe se contente d'observer:
"Change pour changement ne med;plaist pas en vers".
Ainsi, le mot apparaît visiblement comme un archaïsme à la fin
du XVIIe siècle.
b)
CHANGE = terme de chasse pris au figuré
COURIR (ou PRENDRE)
LE CHANGE
(2 occurrences)
quitter une chose
pour une autre
(par naiveté),
se laisser duper.
l
Cf.: ex :
"La belle qui ne fait qu'entrer en goût COURT AU CHANGE"
(IF,I,46)
2
ex :
"Je le connais trop bien pour PRENDRE LE CHANGE"
(IF,I,6J,)
A. définit les deux formules
(prendre le change et courir au change~
en fait variantes synonymiques, de la façon suivante
-
"on dit qu'on court au change quand on quitte une chose
pour une autre"
"on dit de celuy qui par ignorance ou par sottise, accepte
Lie changement d'une affaire, d'une proposition qu'on lui
fait agréer adroitement.] qu'il prend le change"
Change
employé dans ces deux expressions synonymes est un terme
qui se dit à l'origine en parlant de la chasse du faucon,
du liè-
vre ou de quelque autre bête.
Il désigne "la ruse que fait la
bête pour se dérober des chiens ou des chasseurs en leur donnant
quelque autre bête à chasser"
(R.). Ainsi courir au change
ou
:.het/recw; Kemclrgi.JeS Si.4r les c.euvre5 poef/qiJes de n de I7aI},erhe , In- 4', (-1660) P"3 e.t 1.
cf Llve.t, 1. 31} . ./iLF, IV, 45

-
37 -
prendre le change
"c'est suivre une nouvelle bête"
(R.). Ces ex-
pressions s'opposent à garder le change qui signifie s'en "tenir
à la bête qu'on a commencé
de courir". Courir au change
en par-
ticulier, est, de toutes les locutions issues de change, celle qui
n'apparaît pas chez Corneille. Molière en revanche l'utilise à
plusieurs reprises :
-
"que dites-vous, ma soeur? Comment? Courir au
change?"
(1)
"V.1187 : "Mon coeur court-il au change ou si vous
l'y poussez?"
(2)
C)
CHANGE = terme de monnaie
DONNER (ou RENDRE)
LE CHANGE
repliquer fortement
(4 occurrences)
l
Cf.: ex :
"J'étois bien aise de DONNER LE CHANGE à cette femme
que je trouvais trop pénétrante"
(1F,1,132)
2
ex :
"Je puis vous assurer qu'elle a bien changé si elle ne
vous REND pas LE CHANGE"
(1F,11,365)
F.:
"on dit proverbialement rendre le change à quelqu'un, luy don-
ner son change, pour dire,
luy répliquer fortement,
luy ren-
dre la pareille ~I C'est là l'expression favori te
de Corneille,
surtout la variante rendre le change :
- V.1443
:
"Tu m'as rendu mon change et m'a fait quelque
peur"
(3)
V.999
"
En
mon exprès,
je lui rendrois son change"(4}
- V.12D5
"Quand il a de l'esprit,
il sait rendre le change"
(5)
(1)
Dépit amoureux,
II,3.
t2)
Les Femmes Savantes,
1V,2.
(3) Clitandre, 1,355.
(4)
La Veuve, 1,449.
(5)
Suite du menteur,
1V,352, cités par Marty-Laveaux,op.cit.1,166.

-
38 -
12) CORNES = cocuage (2 occurrences)
Cf.:
flEt CORNES pour CORNES, qu'importe qu'elle en donne à son
mari plus ou moins avant son bail"
(IF,II,309)
A.:
"on dit figurément,
faire porter les cornes ou planter les
cornes à quelqu'un pour dire, desbaucher sa femme".
En ce
sens, le mot de cornes est toujours au pluriel.
13) COURRE
Cf.:
"Elle lui dit qu'elle avoit quatre jours ~ COURRE et que
jusques-là, elle n'avoit autre chose à faire que de se bien
nourrir-
(IF,II,450).
Les dictionnaires ne font pas de remarques notables à propos de
cette forme .Vaugelas
en revanche observe dès 1647, qu'il ne conve-
nait d'employer courre que dans certaines locutions bien consa-
crées. Ainsi Corneille qui écrivit en 1636 dans l'Illusion Comi-
" ... Les droits les plus saints deviennent impuissants
A l'empêcher de courre après son propre sens"
changea en 1660 le dernier vers comme suit
"Contre cette fierté qui l'attache à son sens"
(1)
14) DANS LES FORMES
normalement, selon les bonnes
manières
(4 occurrences
(2»
1
Cf.: ex :
"Etant impossible que d'Ivonne pût découvrir ce qui
se passoit, et l'endroit où étoit sa nièce, et qu'elle
vouloit que son mariage se fit DANS LES FORMES, on
résolut d'aller à cette paroisse le soir"
(IF,I,199)
------------~
(1) Corneille, L'Illusion Comique,II,469; cf. surtout Marty-
Laveaux, op.cit. XI,238.
(2)
Ci-dessus + IF, 1,260' ; :rP';"'!'ri2'95.

-
39 -
2
ex :
"Je la vis de près, après avoir donné ordre pour un
déjeûner DANS LES FORMES"
(IF,I,237)
Les dictionnaires ne font pas de remarque
particulière à propos
de cette expression.
15)
ENTRE CUIR ET CHAIR
secrètement,
à l'insu des
autres
(3 occurrences
(1))
1
Cf.: ex :
"Il n'a presque pmployé son temps qu'à se plaindre et
à me donner au diable ENTRE CUIR ET CHAIR"
(IF,I,47)
2
ex :
"Et toi, poursuivit-il, parlant à moi,
qu'as-tu à rire
ENTRE CUIR ET CHAIR?"
(IF, II,420)
A.:
"On dit proverbialement entre cuir et chair, pour dire, se-
crettement,
sans oser esclater".
L'expression entre cuir et chair vient d'un usage ancien où cuir
désignait métaphoriquement la peau. R. cite un exemple de cet em-
ploi, tiré d'un conte de la Fontaine
"Dieux, disoit-il, au Roi,
quelle felicité,
Le beau corps, le beau cuir, ô
Ciel! et tout le reste".
16)
ÊTRE DE CHAIR ET D'OS:
être doué de sensibilité.
Cf.:
"Elle se souvint de ce que je lui avois promis ; elle
ETOIT DE CHAIR ET D'OS,
et sujette à de certaines tentations
que d'Epinaï ne satisfaisoit pas"
(IF,II,431)
A. et R. ne retiennent pas cette expression. F .l~hte
simplement
parmi les phrases proverbiales issues de chair
:
~1) Ci-dessus + IF,I,165.

-
40 -
" On dit à ceux qui veulent maltraiter quelqu'un ou le faire
trop travailler, attention,
il est de chair et d'os comme
vous" .
17) ÉTRE
(ou NE PLUS ÊTRE)
DE SAISON
mode (ou moment
favorable pour une actio~ (6 occurrences (1»
l
Cf.: ex :
"Ces humiliations là NE SONT PLUS DE SAISON,
Madame, lui dis-je en la relevant"
(IF,II,391)
2
ex :
"Il vit bien que la violence N'ÉTOIT PLUS DE SAISON ... "
(IF,I,202)
Il Y a aussi la variante HORS DE SAISON.
Cf.:.
"Ma femme croit que je suis de mauvaise humeur et vient,
par des caresses HORS DE SAISON, me faire perdre une idée"
( IF , l , 2 78) .
Etymologiquement saison désigne le temps des semailles. Employé
au figuré le mot prend le sens de temps favorable.
A.
"Saison se dit aussi dans les choses morales. Ce que vous
dites est hors de saison. Vos conseils ne sont plus de saison"
L'expression, issue de l'activité paysanne, était au départ "Etre
(la)
saison de
(ou pour)" et était employée proprement. L'emploi
figuré s'est répandu vers la seconde moitié du XVIIe siècle.
Malleville écrit en 1649 dans Poésies :
" Il est tantost saison de borner vos désirs". (2). Corneille,
puis Molière ont puissamment contribué à sa vogue par un emploi
itératif. Le second n'hésite pas à la mettre dans la bouche d'un
------~---~---
(1)
Ci-dessus + IF,I,202 ;
IF,I,222 ;
IF,II,297 ;
(IF,II,530).
(2) Malleville: Poésies in 4°, 1649, p.183 cité par Livet
Lexique de Molière p.559.

-
41 -
personnage fruste dans l'une de ses toutes premières pièces
(1)
18) ÊTRE A QUIA: être perplexe.
Cf.:
"Les medecins y connaissent-ils quelquechose et les sage-
femmes n'y sont-elles pas AQUIA?"
(IF,II,3D9)
F.:
"Quia: terme latin, qui ne s'employe qu'en cette phrase pro-
verbiale.
Il est à quid
, pour dire,
i l demeure court sur la
~aison qu'on luy demande, ou plustost, il ne sQait plus que.
dire ni que faire".
A. n'enregistre pas cette expression.- R. la marque d'une croix.
19) ET SI : et avec tout cela, et pourtant.
Cf.:
"Je vous assure d'un présent de cinquante louis d'or si t6t
que l'affaire sera faite,
et d'une pension de vingt écus par
reois pendant fort long-tems ;
ET SI dans ce que je demande
vous n'~enserez ni Dieu, ni les-hommes; il ne sera question
que de secret"
(IF,I,228).
"Si: particule qui signifie "avec tout cela", mais qui, en
ce sens, est hors d'usage"{R.~ A. observe également à propos de ce
terme qu' "il vieillit". En effet déjà en 1647, Vaugelas déclarait:
(1)
Il s'agit d'Ascagne, fille travestie sous des habits d'homme:
"Plût à Dieu que ma soeur ... -
Ce n'est pas la saison de m'ex-
pliquer vous dis-je - Et quoi? - Pour raison"
Dépit Amoureux,
II,2. Et plus tard," dans les Femmes Savantes,
cette forme à
peine figurée
: "Remettons ce discours pour une autre saison"
(IV,3) •

-
42 -
"On se servoit autrefois de cette particule SI, avec beau-
coup de grâce, ce me semble.
~ar exemple, on disait
"J'ai fait tout ce que j'ai pû,
j'ai remué ciel et terre, et
si je n'ai pu venir à bout. Aujourdhui on diroit " et avec
tout cela je n'ai pu en venir à bout."
La note de Th. Corneille à propos de cette remarque est encore
plus sévère :
"M. Chapelain dit qu'on se sert encore de SI, en parlant et
demeurant un peu sur le si, pour dire "avec tout cela", mais
qu'il est très bas ... On ne le dit plus dans aucun de ces ...
sens, si ce n'est parmi le peuple". (1)
Très fréquent dans les Agréables Conférences
(2), le document qui
restitue le mieux la langue populaire de la région parisienne au
milieu du XVIIe siècle, et si
apparaît encore dans la bouche des
Arlequins de Marivaux (3).
20) FAÇONS, FAIRE DES FAÇONS
(faire) des minauderies
(23 occurrences
(4»
Cf.~"Point de FAÇON, mademoiselle, poursuivis~je nous sommes tous
deux dans le bal, il faut se résoudre à dancer de bonne
grâce"
(IF,II,471)
(1) Vaugelas, Remarques, p.98.
(2)
Cf. entre autres:
"Vouy pd.l sanguié reprit Janin, et si y lest
ny pu ny moen que le pon de Neuilly, hourmy quil est pavé de
bouas" ,"L'es Agréables Conférences de deux paisans
de St
Ouen et de Momorency sur les affaires du temps,
2e conférence,
ligne 203, p.74. Voir aussi 1.114, 211
(2e conférence).
(3)
Cf.F. Deloffre, Marivaux et le marivaudage, p.162,361.
(4.)
Ci-dessus +IF,I,3(bis)
;
IF,I,28 ;
IF,I,37 ;
IF,I,4'1 ;
IF,I,94;1
IF , l , 111 ;
IF, l , 1 22 ; IF , l , 1 55 (b i s) ; IF , l , 1 94 ; IF , l , 2 0 5 (b i s) ; IF , l ,
230;IF,I,239;IF,I,258;IF,II,291;IF,II,296;IF,II,348~IF,11,409;
TF_IT.415~IF.II.429.

-
43 -
2
ex,:
"J'agis, dit-il, avec vous sans FAÇONS'
(IF,II,347)
3
ex :
"Elle ne FIT point CES FAÇONS qui s'observent parmi
les précieuses et celles qui sçavent assez peu vi-
~e pour faire à contre tems les civiles"(IF,II,29~
Façon,
faire des façons
se retrouve dans tous les Ipxiques. Mais
A. note
:~Façon se prend aussi dans le discours familier pour
l'air, la mine, le maintien, le port d'une personne L-J il se
prend aussi pour Soin Excessif, attention, circonspection trop
exacte en de certaines choses. Cela ne mérite pas qu'on y apporte
tant de façons". Les emplois du texte sont la plupart du temps
assimilables à' difficultés, manières. D'ailleurs façon(s)
s'em-
i
ployait à la fin du XVIIe siècle en concurrence avec les termes
!
de manières, airs qui ont eu tendance à le supplanter, notamment
!
par un engagement soudain pour air, engouement qu'a désapprouvé
1
i
de Caillères
(1). Est-;e parce que fa,on aurait par rapport à airs 1
et à manières une nuance sémantique plutôt négative
(péjorative)
i
1
ainsi que l'estime Andry
"Les façons ont un grand penchant à estre prises en mal"?(2)
L'emploi de façon(s)
chez Mme de Sévigné est fort fréquent:
... "Ne faites point de façon de m'envoyer les commissions de
la mariée"
-
"Ils ne font point de façon de m'interrompre"
(3).
(1)
Cf. de Caillères : Des mots à la mode, p.66-71.
(2) Andry de Boisregard : Reflexions ou Remarques critiques sur
l'usage présent de la langue françoise, p.293-94.
(3) Cf. Mme de Sévigné, op.cit.,XIII,380.
1
1
!

-
"~4 -
21) FAIRE FIGURE
paraître dans le monde avec honneur
(17 occurrences) (1) .
l
.
Cf. ex :"Pour mon malheur un banquier 1'.J mourut dans cet intervalle
de tems, et comme ces sortes de gens FONT souvent BELLE
FIGURE aux dépens d'autrui, ..• "
(IF,I,40)
2
ex :
"Les
gens de cette qualité FONT trop de FIGURE dans le monde"
(IF, II,329)
-3
ex
"Cela réduisit ma mère et moi dans un état assez triste par
rapport à l'éclatante FIGURE que FAISaIENT ànns lA monde les
deux cadets de mon père"
(IF,II,282).
R.:
"faire figure dans le monde.
Il fait belle figure à la Cour.
C'est-à-dire i l est sur un bon pié à la Cour, ou dans le
monde;
il y paraît avec honneur. Cette façon de parler, fai-
re figure, ne se dit plus guères, ou elle se dit en riant".
Le~Bonhours dans ses Entretiens fait à peu près la même remar-
que:
"Dit-on faire figure, poursuivit Ariste? Faire à la Cour et
dans le monde une grande, une petite, une bonne, une méchante
une belle figure? ~ Tout cela se dit encore par quelques gens
répliqua Eugène, mais lespersonnes intelligentes l'évitent
jusque dans la conversation ou ne le disent que par
raille-
rie" (2)
L'Académie, moins sévère, accepte l'expression sans commen-
taire.
22) FAIRE DES MINES
(sens concret): grimace,
jeu de phy-
sionomie, air (au sens concret)
Cf.:
"N'est-il pas du logis aussi bien que vous autres? Que diable 1
avez-vous à FAIRE LES MINES que vous faites?"(IF,II,420)
f
__ --:-'l""""-:---:-
-_--_~
(1)
Ci~dessus+IF,I,74;IF,I,85;IF,I,85-86;IF,I,94;IF,I,~56;IF,I,168;
IF,II,356;IF ,II,J58;IF,II,423;IF,II,434;IF,II,442;IF,II,473;
IF,II,485.
(2) Bouhours,' Entretiens d'Ariste et d'Eugène, p.138.

-
45 -
R.:
"mine: visage bon ou mauvais qu'on fait paroItre aux gens
selon qu'ils nous plaisent ou selon qu'on se porte bien ou mal
c'est dans le même ordre d'idée que F. note:
"mine se dit aussi du bon ou mauvais accueil qu'on fait à
quelqu'un du bon ou mauvais visage qu'on luy tesmoigne. Je
ne sçay ce que j'ai fait à cet homme-là, il me fait toujours
la mine, la grimace,
il m'a fait une froide mine, une grise
mine" .
Voici un exemple de cet emploi de mine chez Molière :
"Vous triomphe.:: ma soeur et faites une mine à vous imaginer
que cela me chagrine"
(1).
23) FAIRE LA MINE
(sens abstrait):
garder rancune
(4
occurrences
(2)).
Cf.:
"Cette affaire-ci m'avoit un peu brouillé avec votre comère
qui prétendoit que je lui avois manqué de fidélité. Elle m'en
FIT LA MINE pendant quelque tems"
(IF,I,45).
R.:
"faire la mine, c'estgro~er et être en colère contre qu'el-
qu'un". C'est,en des termes moins forts,
être fâché contre
une personne et le lui faire savoir indirectement par des
comportements,
"des marques extérieures qui font connoistre
ce qui est caché ou secret"
(F.).
A noter que l'emploi de mine en "choses spirituelles et morales
n'est pas retenu par A.
(1) Les Femmes Savantes, 1,3.
(2)
Ci-dessus + IF,I,54 i
IF,I,61
IF,II,502.
!
1
f
1
!
1

- 46 -
L'expression faire la
(ou des)
mine(s)
et sa variante passive
avoir la mine
(de) (1)
commençaient à connaître une certaine mode
vers la fin du XVIIe siècle. Témoin, de Sorel, cette raillerie à
propos des locutions tirées de mine :
"Nos éloquens . à la mode sont aussi ~ous ~en5 de mine ; ils
ne parlent d'autre chose.
Ils disent: vous avez bien la mine
[ici l'aiIJ de faire telle chose; ou j'ay bien la mine de
cecy ou de cela. De le dire à un autre, cela se peut souffrir
s'ils connoissent les gens à leur physionomie i ...J mais de
le dire d'eux-mesmes,
je voudrois donc qu'ils se regardassellt
dans
un miroir au mesmes temps qu'ils parlent pour voir quel-
le mine ils ont
(2). Avoir la mine de
telle quelle est pré-
sentée ici par Sorel apparaît chez Guilleragues.
Cf.:
"Iris, vous avez bien la mine
De ne vous fier pas au sort d'un Valentin
Pour connaître votre destin" (3) •
1
24) FAIRE LA SUCREE = affecter des manières prudes,
Cf.:
"J'ai écrit à Sylvie, continua-t-il, elle FAIT LA SUCREE, et
refuse le parti"
(IF,II,309)
F.: "On dit aussi qu'une femme fait la sucrée, lorsqu'elle est
dissimulée, qu'elle fait la prude, qu'elle affecte des maniè-
res douces et honnêtes pour couvrir ses coquetteries secrètes~
(1) AvoiJ~ine (de) n'apparaît dans les Illustres Françaises que
dans le sens concret où mine signifie visage, port; cf.:
"Ils
ya longtemps qu'elles attendent,
j'ai cru devoir les distin-
guer, elles ONT trop bonne MINE pour n'être pas préférées"
( IF , l , 211) .
(2)
Sorel, op.cit, ch IV, p.409
(3)·· Lettres· Portugaises, f.3S

-
47 -
A.: déclare que l'expression est proverbiale et R., qu'elle se
dit "en raillant et plaisantant".
On retrouve beaucoup d'exem-
pIes de faire la sucrée dans les genres comiques de la seconde
moitié du XVIIe siècle, ainsi
chez Molière: -"Elle fait la sl1c:..:~e et veut passer pour
prude"
(1)
-Qui, moi? - Oui, vous. Ne faites point tant
la sucrée" (2)
chez Cyrano de Bergerac
("sucrée" seul):
"Aga, vous êtes donc
de ces saintes sucrées là?"
(3)
dans les contes de la Fontaine: V.1328:
"Comment? Seule avec lui? -Qu~ufais la sucrée!" 1
( 4)
1
.
1
Faire la sucrée se retrouve déjà dans Cotgrave,
(1611,1632) mais n~1!
1
dans Nicot
(lS73, 1606,1618,1625), ni dans Monet
(1620,1636). En
j
~1614, Mellema le donne' comme terme de tendresse. On le retrouve
ensuite dans les Recherches françoises et italiennes d'Antoine
1
Oudin
(1642)
(5). L1étiquette "proverbiale", accolée par l'Acadé-
!
!
mie sur cette expression semble donc justifiée par cet aspect
1
!
archaïsant de l'expression dans un contexte de rapides évolutions.
25) FAIRE SA MAIN = faire un profit malhonnête.
Cf.:
"Le bruit couroit que Sylvie L.l avoit FAIT SA MAIN"
(IF,II,
301)
-------------
.
.
.,
(1) L'Etourdi,III,2
i1
(2J· G.'Dandin, 1,2.
,
(3) Le Pédant joué, V,10.
(4) Fables, VII,p,8S.
(S) Voir à ce propos: Livet, op.cit,III,647.

-
48 -
F.:
"Faire sa main, c'est faire un gain,
un profit injuste dans
quelque employ ou commission". Faire sa main est repris par
Marivaux dans le plus pur langage parlé :
"Contre vous, Monsieur? Pas le mot, ni pour ni contre. Je
fais ma main et V' là tout".
(l)
26)
FOURBE = tromperie
(4 occurrences
(2))
1
Cf.:'ex :
"Votre comère et moi connaissons bien LA FOURBE de son
1
2
père qui nous avoit jouez"
(IF,I,39)
1
ex :
"Mais i l ne lui pardonna pas LA FOURBE qu'elle avoit VOUl
lu faire"
(IF,II,370)
Il'
Les dictionnaires ne font aucune remarque formelle.
En dépit du
;
!
silence des lexicographes i l faut remarquer que fourbe signifiant
1
tromperie paraissait de plus en plus archaïque vers la fin àu
1
i
1
1
XVIIe siècle et tendait à être remplacé par le déverbatif fourberi1
Dans les I I Iustres Françaises même des emplois du mot ont subi la
1
correction dans les rééditions.
(3) •
1
1
1
(1 )
Marivaux
Mère confidente
(comédie, 1735) ,
II,1
parole de
1
1
Lubin.
(2)
Ci~dessus + IF,I,196 ; IF,II,306.
(3.)
Ainsi par exemple, dans "quoi que je me doutasse bien de la
fourberie"
(IF,I,37),
fourberie n'apparaît que dans les édi-
tions de 1725,1731 et 1737. L'édition De
Hondt
(1720)
notait fourbe. Cf. apprendice de l'édition de M.Frédéric
Deloffre
(11,594)
en bas de page. L'emploi concurrent de four- i
be et fourberie dans la conversation embarrassait déjà cer-
tains théoriciens.' En 1692 Andry s'interroge:
"Fourberie ne
marquerait-il point le vice et fourbe
l'action du vice?
C'est ce que nous laissons à
juger", op.cit,~p.233-234.

-
49 -
27} GALANTISER = courtiser, louer
Cf.:
"Ne GALANTISEZ point tant mon mari"
(IF,I,125)
Ce mot commence à vieillir" dit A.
i
R. renchérit:
"le mot de
galantiser ne se dit guère, et même il ne peut entrer que dans le
style le plus bas. En sa place, on dit faire la cours aux dames.
Faire le galant auprès des Dames".
Selon les définitions, galantiser est un verbe intransitif qui
s'emploie absolument pour signifier "courtiser les dames"
(F.)
ce qui donne à croire que l'emploi du texte est incorrect
(puis-
qu'il est transitif)
et impropre
(il s'applique à un homme et
prend le sens de louer, couvrir d'éloges). Toutefois R. enregis-
tre une variante transitive
(quoique pronominale)
assez proche
1
1
"se galantiser. Se faire la cour à soi-même.
Se regarder
1
comme un galant r~garde une maîtresse".
i
On peut penser que c'est cette forme plutôt transitive qui est uti-I
lisée ici. Dans tous les cas, les deux emplois, ajoute R.,
"sont
l,'
vieux l'un et l'autre". Galantiser était fort en usage vers le
j
r
milieu du XVIIe siècle. Corneille s'en est servi à plusieurs re-
ff
prises dans ses premières pièces, notamment dans Mélite
(1629)
et
t
Galerie dU Palais
(1631) mais i l les a fait di.sparaître en 1660.
Le mot n'apparaît même pas chez Molière.
1
28)
GOGUENARD = plaisant, railleur (3 occurrences
(1»
Cf.:
"Il étoi t
naturellement malin et GOGUENARD"
(IF, 1,46)
-------------
.
. .
.
.
(1)
Ci-dessus + IF,I,272
IF,II,313.

-
50 -
Les trois dictionnaires enregistrent ce mot sans remarque sauf
peut être R. qui la marque d'une croix. Mais Andry de Boisregard
dans ses Reflexions ou Remarques critiques précise que goguenard
"ne se dit que dans le style bas et familier", ajoutant pour le
sens que "ce n'est pas un nom fort honorable".
(1)
29)
GUEUSER = mendier
Cf.:
"Avez-vous peur de n'avoir pas de quoi vivre, ou de n'en pas
gagner que vous voulez jurer d'en GUEUSER"
(IF,I,243).
"Gueuser: mendier, demander l'aumône"
(F.). Le caractère familier
du mot gueuser n'est souligné par aucun dictionnaire.
Il est faci-
le toutefois de remarquer que le terme comporte une connotation
stylistique évidente.
Gueuser est beaucoup employé par Molière :
- V 1603 :
"Et moi qui l ' a i reçu gueusant et n'ayant
rien"
(2)
.,. V 959
"Pour moi,
je ne vois rien de plus sot à mon
sens
Qu'un auteur qui pourtant va gueuser des
encens"
(3)
t
Ce mot de gueuser ne se remarque nullement chez Corneille.
f
Mme de Sévigné n'emploie que le substantif gueuserie:
"Cela me paraît une sorte de magie noire, comme la
1
f
gueuserie des courtisans".
(4)
1
--~--~~--~~--~
1
(l) Op.cit.,p.242.
J
("2) Tartuffe, V, 1 .
1
{3} Les Femmes Savantes, 111,3.
(4) Op.Cit., XIV,
479.
1
1

-
51 -
30)
INVECTIVER = injurier, diffamer.
Cf.:
"Il INVECTIVA contre son malheur"
(IF, II,307)
F. :
" Invectiver
desclamer contre quelqu'un, deschirer sa répu-
tation" .
Invectiver est condamné par Vaugelas surtout pour le néologisme
:
"invectiver pour faire des invectives n'est pas du bel usage
et i l n'est pas permis de faire des verbes à sa fantaisie,
tirez et formez des substantifs" (1)
Est-ce à cause de l'immense autorité de Vaugelas? Toujours est-il
que invectiver est resté un mot assez terne. A noter qu'il est
1
passé d'un emploi transitif au XVIIe siècle à un emploi intransi-
1
tif dans la langue moderne.
( 2)
1
~
1
JASER: causer, parler beaucoup
(4 occurrences
(3))
1
1
Cf.: ex :
"Elle ne faisoit aucune partie de promenade avec le
1
Commandeur q~e je n'en fusse, et lui qui ne soupçonnoit
l
pas qu'elle eût avec moi d'autre commerce que le plaisir
I!
de me faire JASER, étoit le premier à me caresser et à me
~ttre dans tous leurs plaisirs" (IF,II,415)
1
1
2
ex :
"Je lui fis plus de civilité qu'il n'en avoit reçû de
1
1
sa vie,
j'examinai ses papiers petit à petit, en JASANT
avec le seigneur de choses indifférentes"
(IF, II,287)".
A.:
"Jaser: causer, babiller. On dit proverbialement à un homme:
vous jasez, vous causez bien à
votre aise".
Molière affectionne particulièrement le mot de jaser dont plusieurs 1
emplois sont signalés par Charles Livet
(4).
t
------~--~------
t*
(
(1)
Cf. Vaugelas, Remarques,
1,341.
(2)
Cf.:"Il invectiva plusieurs malédictions"
(cité par Brunot,H.L.
F., VI,1747i cf.aussi Haase,
syntaxe de la langue du XVIIe siè-,
cle, § 59,p.134) ,et "invectiver quelqu'un"
(A.).
(3 )
Ci-dessus + IF,I,227 i
IF,II,360.
1
(4)
Cf. Livet: op.cit.,
II,605-606.
1
1

-
52 -
31)
(SE)
METTRE EN TETE
se persuader
Cf.:
"Il SE MIT EN TÊTE que c'étoit cette ferrrrne qui me révoltait
contre ses volontez"
(IF,I,219)
"Mettre : se dit figurément en choses spirituelles et morales.
Mettre une chose en teste pour dire, persuader"
(F.)
A. retient sans remarque la même définition et R. ne signale même
pas l'expression.
32)
(DE)
LONGUE MAIN = depuis longtemps, de longue d2.t~
(2 occurrences
(1))
Cf.:
"Clémence connoissoi t
Mlle Dupuis DE LONGUE. HAIN. Elles
avoientété fort long-tems pensionnaires et bonnes amies
ensemble"
(IF,I,149)
(De)
longue main n'est pas enregistré par A. ni par F.
R.
seul
le mentionne par le biais de deux exemples
Wville fortifiée de longue main, c'est-à-dire depuis
longtemps.
Ils sont amis de longue main".
Brunot cite l'expression longue main parmi les mots
"à ce moment-là ffin du XVIIe siècle.! condamnés et même
à peu près abandonnés" (2) •
33) NE VOIR GOUTTE = ne rien voir du tout.
Cf.:
"Les fenêtres étoient fermées;
on NE VOYOIT presque GOUTTE
dans la chambre"
( IF , II, 470) .
A.:
"Le mot de goutte sert de négative en ces deux phrases. Ne
voir goutte, n'entendre goutte, c'est-à-dire point du tout."
F. et R. l'enregistrent dans ce sens sans autre commentaire.
tl) Ci-dessus + IF,I,122.
( 2)
Cf. H. L. F ., IV, 243 .

-
53 -
1
1
Ne voir goutte est blâmé
dès 1630 chez Malherbe comme expression
prosaïque par Chevreau qui déclare que "il ne voit goutte est
1
~
bas et du menu peuple. On ne s'en sert que dans le stile
f
~
familier" .
i
De la même façon, Andry de Boiregard la trouve seulement
1
"élégante dans le style familier"
(1). L'expression ne voir
1
goutte est assez usitée au XVIIe siècle dans les genres dits libres:·
Molière: -"Ma foi,
la nuit, on n'y voit goutt.e"
(2)
-'Les ressorts de notre machine sont des mystères
jusqu'ici où les hommes ne· voient goutte"
(3)
Mme de Sévigné:
"Je ne vois goutte dans votre coeur"
(4).
La Fontaine:
"Mon esprit d'abord n'y voyoit goutte"
(5).
34)
NENNI
Cf.:
"Qu'il n'y avoit plus moyen pour elle de dire NENNI"
(IF,II,
459)
F. déclare qu"ïl est bas"
. A. en la définissant comme "particule
dont on se sert pour répondre négativement à une interrogation ex-
presse au sous-entendue", dit qu'il
"n'a guère d'usage hors de la
conversation familière".
Si on trouve Nenni dans la comédie de
Molière, c'est la plupart du temps dans la bouche de personnages
grotesques
(6)
tout comme dans la rue st Denys de Champmeslé
:
(1)
H.L.F.,
IV,243.
(2)
G. Dandin,
111,2.
(3) Malade imaginaire,
111,3.
( 4 ) Op . c i t .,
II, 1 0 0 .
(5) Fables, VI,33,v.121.
(6)
Dans les Fourberies de Scapin, c'est Scapin,
"valet fourbe" de
Léandre qui
l'emploie
(acte III,S.2): "Comment? c'est sur les
../

-
54 -
"Nenny vertu de ma vie 1
i l Y a peu de
nobles qui ayent
porté la marchandise si haut"
( l ) .
Furetière dans le Roman Bourgeois le met dans la bouche d'une
pauvre blanchisseuse aux réactions extrêmement naïves. (2)
35)
NI SI, NI MAIS = sans hésitations, sans conditions,
sans surenchère.
Cf.:
"Je ne veux entendre NI VOS SI, NI VOS MAIS"
(IF,I 67)
I
Cette expression qui consiste dans la substantivation des con jonc-
tians si et mais se retrouve dans les lexiques avec des arrange-
1
!
ments divers. Ainsi F.:
"Si est
quelquefois substantif t
J Ne
1
me parlez jamais d'un si, d'un car, ni d'un mais. Cet
1
homme barguigne trop,
i l met trop de si et de car, trop
!1
de conditions en ce contract".
i
1
A. quant à lui,
se borne à une variante
:-"11 n'y faut pas mettre
i
tant de si et de mais". On remarquera que R.
n'enregis-
1
1
t
des.
t
re aucune varlan es-
1
1(
1
*
~~~-:::::::~~,il a frappé? - Nenni, Monsieur". De lamême façon. 1
Mascarille dans l'Etourdi : v.1227
:
"Mascarille, est-ce tOi?l
Nenni da,
c'est quelque autre"
( I I I , S ) J
(1)
Op~cit., S.XV1.
f
(2)
Cette blanchisseuse s'appelle Darne Roberte
:.
"il luy demanda
1
si c'estoit une chemise de mademoiselle Lutèce. Darne Roberte
i
luy répondit avec une grande naïveté :
"Vrayrnent, nenny, ce
t
n'en est pas ll Le Roman bourgeois, p.7S.
1
1
1

-
55 -
36 } NOMMER = baptiser, donner un nom (3 occurrences (1»
Cf.:
"Nous y fimes :les figures ordinaires, beaucoup de civili tez
pour le nom, et enfin, comme c'étoit une fille,
elle NOM."1A"
( IF , II, 2 9 0 )
Nommer en soi n'appelle pas de remarques particulières et les
dictionnaires n'en font aucune. Mais son emploi absolu et allusif
semble comporter des nuances assez familières.
37}
PIS ALLER
=
a}
adverbe signifiant "quelque
malheur ou quelquechose de fâcheux qu'il puisse arriver"
(R.)
(2 occurrences)
1
Cf.: ex :
"AU PIS ALLER j'en serai quitte pour être grondée de
ma mère"
(IF,I,241)
2
ex :
"AU PIS ALLER,
votre mal n'est pas bien grand"
(IF,II,
295)
b}
substantif pour "oü l'on donne
quand on ne sait plus oü donner de la tête"
(R.)
(2 occurrences).
1
Cf.: ex =-
"Oüi ajouta-t-il, vous êtes MON PIS ALLER"
(IF,I,171).
2
ex :
"Nous sorrunes donc VOTRE PIS ALLER, reprit en riant
Madame de Contamine"
(IF, 1,171)
1
1
A. note à propos des deux formes
:
1
1
"p~g aller, façon de parler qui signifie en supposant
1
les choses au pire état oQ elles peuvent estre. On dit
..1"
aussi c'est notre pis aller, pour dire, c'est le pire qu~ i
nous puisse arriver"
1
1:
F. et R.
retiennent l'expression sans remarque particulière. Pis
aller est employé en 1631 par Corneille dans le Menteur :
--~---~----.--
1
(1)
Ci-dessus + IF,I,19
IF,II,524.

-
56 -
liMon jaloux, après tout,
sera mon pis aller"
(1).
38)
(SE)
PRÉCAUTIONNER = prendre ses précautions.
Cf.:
"Cela l'obligea de SE PRÉCAUTIONNER contre elle-même"
(IF, 1,
97) •
Le P. Bonhours fait savoir dans les Entretiens que ce mot
"est employé concurremment avec: prendre ses suretés", variante
périphrastique
(2). Mais Vaugelas ayant blâmé
(notamment à propos
de ambitionner), ce type de verbes "tirez et formez des substan-
tifs"
(3), l'usage semble avoir préféré la périphrase.
Se précau-
tionner n'apparaît ni dans le lexique de Molière, ni dans le
lexique de Corneille. Mme de Sévigné non plus n'en a pas fait
usage.
39)
PRENDRE L'AFFIRMATIVE = défendre
(quelqu'un)
Cf.:
"Celle-ci, comme vous l'avez vu, AVOIT PRIS L'AFFIRMATIVE
autant qu'elle avoit pt. Elle fit encore plus auprès de
la Princesse"
(IF,I,108-l09).
R. exclut l'expression de son inventaire.
Seuls A. et F. la men-
j
tionnent, mais sans remarques
(4).
1
40)
PRENDRE OMBRAGE = soupçonner
(3 occurrences
(5»
l
Cf.:
ex :
"Mon père AVOIT PRIS DE L'OMBRAGE de mes assiduitez
chez Mlle de IrEspine"
(IF,I,2l8).
(1)
Le Menteur,
IV,189, v.920.
(2)
Cf. H. L. F.
IV,
496.
(3)
Cf. Remarques, op.cit.,
l,
341.
(4)
Pour le sens, voyez notre introduction p.13
(.5.)
Ci-dessus + IF,I,222.

-
57 -
2
ex :
"Je veux que vous me promettiez de ne me point haïr.
Je ne crois pas vous en avoir donné sujet par moi-même,
et i l n'est pas juste que je sois puni de l'OMBRAGE
gue mon père PREND mal à propos"
( IF , l, 223)
Prendre Ombrage correspond, du point de vue sémantique, à donner
de l'ombrage, la seule différence étant que la première expression
a un sens passif et la seconde un sens actif. Est-ce pour cette
raison que F. mentionne seulement donner de l'ombrage
sans évo-
quer prendre'ombrage? Pour leur part R. et A. donnent les deux ex-
pressions dont A. dit qu'elles "signifiei"nt] figurément defiance,
soupçon" .
41)
PROMETTRE MONTS ET MERVEILLES = faire de belles
promesses
(2 occurrences
(1))
Cf.:
"Elle avoit un frère artisan à Paris, elle alla le quérir
et lui PROMIT MONTS ET MERVEILLES"
(IF,I,159)
"Mont se dit proverbialement en ces phrases L .J Il m'a pro-
mis monts et merveilles,
i l m'a fait espérer des monts d'or, pour
dire,
i l m'a fait de belles promesses,
i l m'a donné de belles
espérances
(F.). A. ne mentionne que "promettre des monts d'or".
1
Promettre monts et merveilles ne se rencontre pas dans les ouvra-
ges mis ici à contribution.
42) (AVOIR UNE QUERELLE)
SUR LES BRAS
être embarrassé,
encombré
(par quelqu'un ou quelque chose)
(1)
Ci~dessus + IF,II,308.

-
58 -
Cf.:
"Je croyois aller AVOIR UNE QUERELLE SUR LES BRAS"
(IF,I,38)
1,
1
!
Avoir ... sur les bras, disent les lexiques, est une expression figu- 1
i1
r~e qui se dit "proverbialement" pour dire "en être chargé ou
importuné"
(A.). Marty-Laveaux cite parmi les "trivialités" rele-
1
vées chez Corneille avoir . . . . sur les bras
(1)
et Molière ironise
1
sur l'expression
(par jeu de mots)
dans le Médecin malgré lui:
1
1
MARTINE:
"J'ai quatre petits enfants sur les bras
1
SGANARELLE: mets-les à terre"
(2)
1
1
En fait,
avoir . . . sur les bras est très utilisé au XVIIe siècle
1
La Fontaine: v.68:
"Avez-vous sur les bras quelque Monsieur
!;
Dimanche?"
(3)
1
Corneille: v.888
:
"Vois l'état oft je suis,
j'ai deux rois
sur les bras"
(4)
Mme de Sévigné:
"Il se trouve que j'ai le gouvernement de
Provence sur les bras"
(5)
43)
QUÉRIR = chercher, amener
(47 occurrences' (6»
l
Cf.:
ex :
"Il vient les QUÉRIR"
(IF,I,123)
2
ex :
"Il envoya donc QU~RIR des médecins et des chirurgiens"
(IF, 1,16) .
f
(1) Marty-Laveaux, op.cit, XI,PXX.
1
(2)
1,1.
t
(3) Conte, IV,4
1
(A) Médée
(variante, 111,3)
1
::: ::t::::: :::4:~lOYê toujours
infinitU, cLci-dessus
à l '
+ IF .1·.
I,6;IF,I,3S;IF,I,63;IF,I,81;
IF,I,106;IF,I r l19;IF,I,135;IF,I,142;'
IF,I,145;IF,I,159;IF,I,201(bis) ;IF,I,227;IF,I,232;IF,I,237;IF,I,

241;IF,I,247(bis);IF,I,254;IF,I,25S;IF,I,2S6(bis) ;IF,I,257;IF,I,260
.. /
f

1
1
-
59 -
1
t
F.
"Quérir: vieux mot qui signifiait autrefois chercher, qui ne
f
se dit plus que proverbialement".
"Prononcez kéri" dit R., et
~,
c'est encore ainsi ou même "kri", que le mot se prononce, semble-
1
t-il,
"dans les provinces où il est en usage". (1)
1
i1
44)
RÉCIPROQUER
(2 occurrences)
= rendre la pareille,
1
le réciproque
f
1
Cf.: ex :
"Je n'avois jamais abusé de ses bontez et avoiS tou-
1
jours RÉCIPROQUE" ( IF,I,l19).
1
2
~
ex :
"Vous
demandant votre amitié et vous assurant que je
t
la RÉCIPROQUERAI d'une véritablement sincère"
(IF,I,202) 1
.
sia~.:i:fie..
F. explique que reclproquer, rendre la pareille, le réciproque".
l!
Mais le mot n'est pas retenu par A. et par R. Déjà l'édition de
1759 du Richelet note que "ce mot n'est guère en usage; on dit
rendre la pareille".
1
Quand Molière emploie ce mot dans le Mariage forcé
(1664),
1
i
c'est pour le mettre dans la bouche d'un personnage de type vul-
if1
gaire
(2), et Mme de Sévigné l'a indiqué comme étant un mot pro-
f
~~!
vincial qu'elle raille
(3). Un autre emploi burlesque du mot est
!
1
1
1
1
.. 1 IF,II,347;IF,II,34g;IF,II,386;IF,II,388(bis);IF,II,408;
i:.•.•
IF,II,413;IF,II,424;IF,II,425;IF,II,443;IF,II,467;IF,I1,471;
I
IF,II,474;IF,II,495;IF,II,502;IF,II,550(bis).
Il est tout à
i
fait significatif que quérir soit autant employé à cOté de
1
chercher, son synonyme "moderne" qui, lui, réunit 187 occurren-I
ces
(en tenant compte de toutes les formes conjuguées) .
l~
(l)
Cf. !-1arty-Laveaux, op.cit, XII,
253.
~
i2) Ce personnage, c'est Pancrace:
"Si le bien se réciproque avec
la fin"
(S .
4).
(3) Op.cit,
IV,327 et H.L.F.
IV,350.

1
!ï.
-
60 -
1
1
t
!
souvent cité par les historiens de la langue. C'est celui de
~
l'
r1·
Régnard et Dufresny dans La Foire St Germain :
"Quand veux-tu
!
donc, ma tigresse,
réciproquer mon amour?"
0)
1
r!
1
45)
RENDRE BON COMPTE = tenir avec soin, surveiller, iro-t
t
niquement, réagir proportionnellement.
l
1
Cf.:
"Je sç~i
bien que si j'entends encore parler de ces sottises,1
je vous en RENDRAI BON COMPTE"
(IF,II,324).
1
!
i
Concernant le sens propre F. donne l'exemple suivant
1
"si vous laissez ce prisonnier à la garde d'un tel,
i l vous
1
en rendra bon compte".
i~'
Ni ce sens propre, ni l'acception ironique ne figurent dans A. et
!
f
dans R.
l1
1
46)
SE LE TENIR POUR DIT = enregistrer une fois pour
toute une parole, une promesse.
Cf.:
"Mais je sçai tout ce que vous pensez, et je ME LE TIENS
POUR DIT"
(IF,I,80).
Seul A. s'attarde sur cette expression en en fournissant une défi-
nition explicite :
"On dit communément je me le tiens pour dit, pour dire,
il
n'est pas besoin que vous m'en avertissiez davantage, que
vous m'en fassiez davantage souvenir". F. ne la mentionne
que très rapidement parmi une série d'autres expressions dites
à partir du verbe tenir. R.
l'ignore.
0) Cf. H.L.F.,
IV,350.

-
61 -
47) TOUT BIEN COMPTE = en considérant toutes les circons-
tances.
Cf.:
"Je croi,
TOUT BIEN COMPTE,
que vous n'avez pas gagné au
t
change"
(IF,II,429).
!
F. l'enregistre sans observations formelles. A. et R.
le disent
f
proverbial en donnant exactement la même définition, c'est-à-
1
dire "tout rabattu,
tout bien considéré". Si l'on exclue une note
t1
du P. Bonhours sur les nouvelles acceptions du mot compter
(1),
i l n'est question nulle part chez les théoriciens de l'expression
1f
tout compté. Son emploi n'est non plus attesté chez Molière et
1
1
chez Corneille.
1
{
48)
TOUT DE BON = sérieusement
(3 occurrences
(2)
f
Cf.:
"Je me mis TOUT DE BON en colère"
(IF, I, 30)
ii
Tout de bon
est enregistré sans commentaire par A. et F.
Seule
!
la deuxième édition du dictionnaire de l'Académie enregistre cette 1
f
expression comme étant proverbiale
:
r
i
"tout de bon :
façon de parler proverbiale pour dire sérieu-
sement". R. ne l'enregistre pas.
Jl
1
j
(1)
"Compte et compter sont utilisez dans un certain sens.
Je VOu.s
1
op.cit, p.56.
{2}
Ci-dessus + rr,I,63;
IF,II,429.

-
62 -
Tout de bon
revient assez souvent chez Molière
:
- v.125:
"Hais tout de bon, crois-tu que je sois d'elle
aimé?
(l)
-
v.621
"Parlez-vous tout de bon? -Oui, vous le pourrez
voir"
(2).
on le rencontre aussi chez la Fontaine :
- v.621 :
"Quoi! vous avez donc cru que c'étoit tout de bon?
Tout de bon ou par jeu, derechef,
il n'importe"
(3).
On diSait tout à bon jusqu'au début de la seconde moitié du XVIIe
j
siècle et en 1652, Balzac pouvait hésiter encore entre les deux
~
i
formules familières
:
l'!
"Je brise-là, mon très cher Monsieur, et vous dis tout
1
f
de bon ou tout à bon que,
si vous n'êtes persuadé de
mon innocence et de ma bonté ... "
(4) •
1
1
49) VILAIN = déplaisant, mauvais (4 occurrences
(5»
1
Cf.:ex :
"Car dans l'état où je suis crotté et VILAIN"
(IF,I,4)
1
2
ex :
"Il monta et fut surpris de se trouver dans un lieu aussi 1
VILAIN que le nôtre"
(IF, II,424) .
l'
1
}
îl
~
(1) Les facheux,
1,1.
i
1
f
(2) Les Femmes Savantes,
II,5.
!
(3) VII,
p.51; L'ennuque,
II,4.
f
1
(4 )
Balzac, lettre à Conrart, 15 avril 1652, cité par Livet op.cit,1
l,
1,266. En 1672 encore Ménage insistait pour corriger la manie
i
qui consistait à employer indifféremment les deux expressions: l'
"Il faut dire tout de bon et non pas tout à bon" Cf.Ménage,
!
~
Observations sur la langue française,T.II,p.33.
!
CS) Ci-dessus + IF,I,39 ; IF,II,424.
1
~
f!
r

-
63 -
Le mot vilain au XVIIe siècle est un mot qui "se peut dire de
presque toutes les choses"
(F.), c'est-à-dire, des choses concrè-
tes, matérielles comme des choses morales.
Il désigne généralement
"ce qui n'est pas agréable, qui déplait"
(F.). A ce titre, i l est
d'un usage extrêmement fréquent. Andry dit que "ce terme n'est
que du stile bdS".
50) VILAINE
(pris substantivement)= femme de mauvaise
vie.
Cf.:
"Que ferez-vous si votre mari,
gâté par des VILAINES, venoit
vous gâter aussi"
(IF,II,477).
"On dit d'une femme prostituée que c'est une vilaine"
(A.).
Vilaine est ici un euphémisme populaire par lequel un terme concret
sert à désigner une réalité d'ordre moral.
D -
TERMES PLAISANTS
Le caractère familier de ces mots vient de ce que leur emploi
rappelle un contexte précis : atmosphère amicale et enjouée, am-
biance de raillerie qui déteignent sur les mots en leur conférant
des nuances particulières,
soit péjoratives, soit affectives.
1
1) AMOURETTES
(8 occurrences
(1)
= affaires galantes et 1
~t
secrètes
fi!
f,
t
._--------""::""-
~l
(1)
Ci~dessus +IF,I,230; IF,II,318; IF,II,356; IF,II,475; IF, II,
[1
1
S.2 2 ;
IF 1 II , 5 4 2 .
1
r
fi

-
64 -
1
Cf. :
ex :
"Il étoit attaché à Paris par UNE AMOURETTE
(IF,I,141)
2
ex :
"Je me suis trompé, elle n'a fait que rire de mes
AI10URETTES"
(IF, II, 541) .
Le mot amourette,
suivant F.,
"ne se dit qu'en mauvaise part",
des amours "illicites ou entre personnes disproportionnées". Par
transfert,
il désigne aussi l'objet de l'attachement. R. le marque
d'une croix, précisant qu'il s'agit d'un "mot enjoué, pour dire,
quelque maîtresse. Avoir quelque amourette en ville". Le mot amou-
rette sert souvent à la
raillerie entre époux ou entre personnes
amies.
2) AVOCASSER = exercer le métier d'avocat.
Cf.:
"Il n'avoit pour tous enfans qu'un grand garçon, son fils
ainé qui AVOCASSOIT"
(IF, I, 98) .
Avocasser, c'est faire la profession d'avocat. A. remarque qu'''il
est familier et ne se dit guère qu'en mauvaise part" ; F. précise
qu'''on ne le dit point des avocats célèbres, mais de ceux qui ont
peu de pratique". Le mot comporte assurément une nuance ironique
qui le rend propre à la raillerie.
3)
BABILLARD(E)
= bavar~~.
Cf.:
"Non seulement parce qu'elle est fille et par conséquent
BABILLARDE; mais aussi parce que j'ai quelque chose à dire
~ui ne doit être entendu que par des femmes"
(IF,II,411).
A. et F. ne font aucune remarque particulière à l'article babil-
lard, mais R.
le marque d'une croix. En 1688, Aleman, démontrant
contre l'avis de Barbier d'Ancour
que le mot babil est employé

-
65 -
par "nos meilleurs auteurs" ajoute
:
"Il n'a pas plus de raison en cela que le sieur Richelet,
qui veut que babiller et babillard soient comiques, par-
ce que Holière s'en est servi dans ses pièces de théâ-
tre". (l)
Et en effet, Molière a contribué, ne serait-ce que par Un emploi
itératif dans la comédie,
à donner à ces mots une valeur plaisante
évidente, confortée pour babillard par une terminaison suffixale
(-ard)
à connotation péjorative. On les retrouve dans George Dandin
(pour babillard)
-
"Il faut que les gens en ce pays-ci soient de grands babil-
lards"
(11,1)
-
"Ah! vous voilà, Honsieur le babillard"
(11,5).
ainsi que dans Tartuffe
(babiller)
v.161
: "C'est véritablement la tour de Babylone
Car chacun y babille et tout du long de l ' ~aune
"
(1,1)
et aussi dans les Fourberies de Scapin:
"Vous aviez grande envie de babiller"
(111,4)
Babillard est employé par Marivaux dans La double Inconstance
(comédie,
1723) (2) .
Cl)
"Il est vray que ce mot ["babillard..!", continue Aleman, n'est
pas fort relevé;
non plus que celui de babiller. Mais ils ne
sont point si bas qu'ils ne puissent entrer dans un stile
moyen". Cf.Aleman : Nouvelles observations sur la langue fran-
çaise
(1688),
p.212-217; cf. aussi Livet, op.cit, 1,193.
(.2) Cf.: Marivaux : La double Inconstance,
1,4.

-
66 -
4} BOUFFI = fièrement et Iisotemene'
Cf.:
"Il le fit tellement BOUFFI que je ne pus m'empêcher d'en
rire"
(IF,II,288)
Ce mot "se prend toujours en mauvaise part" et signifie "qui est
sotement rempli de lui-même, qui pense trop avantageusement de
son petit merite"
(A.)
5)
COQUIN
(18 occurrences(l)}
= fripon
Cf.:
"J'ai sçu dépuis, qu'on en avoit revêtu un archer de ma tail-
le et de mon âge, et que ce COQUIN suivi
de mon laquais
avoit traversé toute la rue au galop"
(IF,I,265).
Coquin est un terme d'invective assez courant au XVIIe siècle.
Il signifie "belistre, maraut,
gueux,
fainéant,
fripon"
(R.). Cette
fréquence l'a rendu assez banal comme injure et c'est à ce titre
qu'il apparaît comme terme de conversation.
6) FEMELLE = terme péjoratif pour femme.
Cf.:
"Il est bon de se faire rechercher de pareilles FEMELLES
pour les amener à son but"
(IF,II,310).
R.:- "Ce mot se dit en burlesque et signifie fille ou femme".
F. retient le même sens, soulignant qu'il "se dit en raillerie".
A. l'omet totalement. Femelle tire son expressivité plaisante de
son transfert du domaine animal au domaine humain.
(1)
Ci~dessus + IF,I,250iIF,I,252;IF,I,270(bis} ;IF,II,324;IF,II,
325;IF,II,336;IF,II,356;IF,II,364;IF,I,257;IF,I,265(bis) i
IF,II,367;IF,II,369iIF,II,372iIF,II,441(bis} jIF,II,49û.

-
67 -
7)
FROTTER LES OREILLES
(figuré)
= euphémisme pour battre
Cf.:
"Elle avoit fait tout ce qu'elle avoit pu pour m'y surprendre,
et avait bien protesté de m'y FROTTER LES OREILLES. Elle étoit
femme à le faire"
(IF,II,419).
Frotter les oreilles n'est pas retenu par F.) R. ne signale que
"donner sur les oreilles". Seul A. note qu' "on dit fréquemment et
proverbialement frotter les oreilles à quelqu'un, pour dire, le
batre". L'expression doit son succès à cet euphémisme.
8} FRIPON (5 occurrences
(1))= jeune homme ou fille
infidèle,
instable
(ayant plusieurs galanteries)
1
Cf.: ex :
"Sitôt que nous fOmes au bal, les FRIPONS sIen allè-
rent"
(IF,II,422)
2
ex :
"Je m'exposerai moi-même à être tous les jours la dupe
de pareilles,FRIPONNES que vous"
(IF,II,429).
R.:
"Ce mot se dit entre amants et amantes, mais toujours en riant
et badinant"
A. déclare de la même façon qu'"on dit en badinant
et dans la familiarité de la conversation d'un homme qui a plu-
sieurs galanteries, que c'est un fripon,
et d'une coquette, que
c'est une friponne".
Ces deux définitions sont valables surtout
2
pour certains emplois du texte comme par exemple dans ex . En
raillerie courante, le mot fripon s'identifie à coquin, à fourbe (2)
1
(cf. ex ).
(1)
Ci~dessus + IF,I,257;IF,I,265;IF,II,320.
(2)
Le mot fripon vient de l'expression "fripon de collège" qui
désignait autrefois "l'écolier finet,
rusé,
trompeur qui aime
à courir pendant qu'il devrait être à ses livres"
(Cotgrave,16ll
Mais la plaisanterie bienveillante généralement accordée aux
fripons de collège a favorisé le sens plutôt positi~ et amica-
lement familier donné plus tard au mot fripon
(ce qui d'ailleur
s'explique par le sens ancien de "rusé, finet").

-
68 -
9)
GAILLARD
(adj ectif)
(5 occurrences
(l»
=
enjoué,
gai
(animé-humain)
ou hardi,
licencieux
(propos, actes, ... )
l
Cf.: ex :
"Cette fille étoi t
GAILLARDE et de bonne humeur"
(IF, 1,
4 3)
2
ex
: "Le moyen est GAILLA-'RD, dit-elle. C'est le seul à pren-
dre, repris-je"
(IF,II,436)
1
Gaillard, attribut d'un sujet humain
(cf.ex ) signifie "enjoué,
qui ne demande
qu'à rire"
(F.). Figuré,il se dit "des choses qui
2
sont licencieuses, hardies,
incroyables"
(F.)
(cf. ex ) .
Au premier sens,
le mot se rencontre chez Marivaux :
"Que ferons-nous à cette heure que nous sommes gaillards"(2).
Mme de Sévigné utilise le mot dans le sens plutôt positif de
éveillé,
entreprenant
"C'est un ménage qui n'est poi:r:.t du tout gaillard ... Point
dl empressement, rien qui chagrine"
(3).
10) GOBET
(figuré)= terme dépréciatif pour dire naïf,
-
niais.
--
Cf.:
"Après avoirVû l'air du GOBET et lui avoir tiré encore quel-
que plume,
je ferai,
comme on dit, un trou à la lune"
(IF, II,
311) .
R. ne note pas gobet. A. et F. l'enregistrent comme "bas"
(A.),
ou "populaire ,(4 )(F.). Mais ces appréciations ne s'appliquent qu'au
(1) Ci-dessus + IF,I,45;IF,I,115;IF,II,503.
(2)
Cf. Marivaux, l ' I l e des esclaves
(comédie,
1725), s.6.
( 3 ) Op . ci t ,
l , 131 .
(4)
Le verbe gober lui-:-même
(avaler avec avidité)
"ne se dit guèreS
qu'en raillerie" selon A.

-
69 -
sens propre du mot, c'est-à-dire, quelque chose d'excellent à
manger,
"morceau que l'on gobe"
(A.), l'emploi du texte étant
plutôt de nature métaphorique par la substitution de l'animé
humain au non-humain. A noter que le sens figuré n'apparaît pas
dans les Curiositez françoises d'Antoine Oudin
(qui ne retiennent
même pas le sens propre), et dans le dictionnaire comique de
Leroux.
Il}
LA NOISE = petite querelle.
Cf.:
"La mère, voyant la NOISE apaisée, sortit"
(IF,II,437).
Le mot noise, suivant F.
"ne se dit plus qu'en mauvaise part"
et signifie "querelle qui s'esmeut entre gens du peuple, ou dans
les farr:illes".
Noise a connu un usage abondant dans la littérature
comique du XVIIe siècle. En dehors de l'oeuvre de Molière où il
est utilisé en 1670 dans Les amants magnifiques
(cf.:"il étoit bon
de ne lui rien dire, de ne point chercher la noise avec lui" v.l),
on peut citer entre autres
- dans Ballet de la nuit de Benserade
(1653):
"Oui,
je vous le dirai, dussai-je émouvoir noise,
vous este un brave seigneur"
- chez La Fontaine :
-v.966:
"N'est-il point arrivé quelque noise en ménage?"
-"Ah! ne réveillons point une noise assoupie" (1)
Il est significatif en revanche que noise, trop familier, ne soit
pas attesté chez Corneille.
(l) Pour ces exemples et divers autres, cf.Livet, op.cit,III,155-
156.

-
70 -
f
12) PILLER
(au figuré)
= hué,
moqué
(4 occurrences
(1))
1
,
1
Cf.: ex :
"Ce fut là que Des Ronais fut PILLÉ et raillé de l'in-
f!
quiétude qu'il avoit eüe de la conversation de sa maî-
!
i~
tresse"
(IF,I,205-20G).
!1
2
J
ex
"Comme les rieurs n'étoient pas de mon côté,
je fus
'
PILLÉ"
( IF , II, 44 5) .
1
"Piller se dit aussi ~and on hale un chien après quelqu'un, qua~ 1
on lui dit pille, pour dire mord"
(F.)C'est donc un terme de Chasse]
Le sens figuré qui est utilisé ici n'est enregistré par aucun des
dictionnaires.
Il n'est non plus enregistré par Littré. De même
~
!
!
pillé au sens figuré n'est signalé par aucun des théoriciens du
XVIIe siècle.
Il n'est attesté ni chez Molière, ni chez Corneille.
13)
RENDRE PIC ET CAPOT
(figuré)= rendre embarrassé, pé-
naud.
1
Cf.:
"Nous en dîmes tant que nous rendîmes le pauvre prêtre PIC
ET CAPOT"
(IF,II,507).
1
1
Pic et capot est un terme du jeu
du Piquet
(2). R., tout en
1
1:,
marquant l'expression à la fois de la croix et de l'astérisque, ditl
1
,
(1) Ci-dessus + IF,II,409;IF,II,503.
(2)
Pic l " repic et capot sont trois termes du jeu de piquet: "Le
joueur qui compte 29 points de levée de suite, au lieu de com-
ter encore 30, compte double,
soit GO: c'est un pic;
- s ' i l a,
sans jeter les cartes,
30 points avec le jeu qu'il a en mains,
i l compte 90, c'est un repic;-s'il lève toutes les cartes san~
1
que son adversaire en prenne une seule, au lieu de compter 10
points pour les cartes, i l en compte 40 et cela s'appelle faire
son homme capot", Académie universelle des jeux
(1718), p.81-83;
cf. aussi Livet, op.cit,III,p.274-275.

- 71 -
à propos du sens figuré quillon dit d'une personne, qu'elle est
demeurée capot,lorsque ce qu'elle attendoit lui a manqué".
, ce
q~i ne correspond pas tout à fait à l'emploi du texte (qui signi-
fie être embarrassé, à court d'argument). F. ne retient pas du
tout l'expression et A. ne signale qus le sens propre. On peut
signaler un emploi assez proche de celui du texte dans cette phra-
se de Benserade :
"Philis, contre la mort vainement on réclame
TOt au tard, qui s'y joue est fait pic et capot u • (1)
14)
SALUER LA SANTÉ
Cf.:
"Que n'ayant pas voulu la quiter sans SALUER SA SANTÉ,
je
m'étois servi du premier expédient qui m'étoit venu à
l ' es p rit"
( IF , II, 2 9 0) .
Saluer la santé est une variante expressive de boire à la santé
(de quelqu'unJ, porter la santé ide quelqu'unJ, termes qui se
disent "entre amis qui boivent et se réjouissent et se marquent
leur amitié en buvant les uns aux autres, ou qui marquent leur
passion en buvant à d'autres qui ne sont pas présents"
(R.)
1
,!
Jf:
{
1
t
(1)
Cité par Livet
Lexique de Molière~ 111,273.
v
t
J
f
1
/
!

-
72 -
E - MOTS ET EXPRESSIONS A LA MODE
1} DONNER + complément de lieu = se faire prendre
a}
DONNER DANS, DEDANS, ...
(7 occurrences
(1})
1
Cf. :
ex ":' "Elle auroit assurément DONNÉ DEDANS"
(IF,I,148)
2
ex :
"Il faudroit que je fussefolle pour DONNER LA DEDANS"
(IF, l, 76)
3
\\
ex
"C'étoit OU j'avois envie de la faire DONNER"
b) DONNER DANS LE PANNEAU = tomber dans un piège
Cf.:
"Cela réussira sans doute . . . la dupe DONNERA DANS LE PANNEAU"
(IF,II,311) .
1
!
En 1671, le P. Bonhours signale les expressions issues de donnerl
COlTlIDe "des façons de parler auxquelles la nouveauté donne du re-
1
"
j
lief"(2). Leur vogue s'étend jusqu'à la fin du XVIIe siècle -où
Leven de Templery continué de les présenter comme des nouveautés:
"On dit donner dédans, donner dans un piège, donner dans le pannea~
dans l'intrigue, dans le mariage, dans la bagatelle, dans la mode
comme a parlé M.Ménage L'dans le Ménagiana .J en se mocquant de ceux
qui affectent présentement de dépayser leur origine~ (3)
(1) Ci-dessus + IF,I,9ïIF,I,47;IF,I,146;IF,II,344.
(2) Entretiens,op.cit,p.58.
(3) Leven de Templery, Le génie et la politesse de la lanque fran-
çoise, p.13-15. Au vrai, la vogue soudaine de ces expressions
a mis les puristes devant le fait accompli :Bonhours en les
mentionnant, ajoute:
"mais la mode leur a servi de passeport".
Charles Sorel qui en parle à la suite du P.Bouhours ne peut que
leur trouver des vertus sémantiques:."De dire donner là dédans
pour signifier qu'on se range à quelque avis, c'est· en parler
comme si on doIlnoi t
dans ~E;lque barricade, au lieu que cela O'
-1

-
73 -
La vogue de ces expressions se réflète nettement dans le théâtre
de Molière où elles reviennent constamment d'une pièce à l'autre
-
"puisque vous y donnez dans ces vices du temps,
MOIbleu! vous n'êtes pas pour être de mes gens"
(1)
"Vous donnez furieusement dans le marquis"
(2)
-
"Il est homme enfin, à donner dans tous les panneaux qu'on
leur présentera"
(3)
On notera enfin qu'à l'opposé de ces divers emplo~s nouveaux du
verbe donner, sont les formations donner dans les yeux, donner
dans la vue, donner dans l'oeil, locutions construites sur le même
schéma mais d'usage plus ancien. Corneille qui les emploie dans
quelques unes de ces premières pièces
(mêmes dans des tragédies)
notamment dans Médée
(1635)
L"La robe de Médée a donné dans mes
yeux" II,369,v.568j, dans Polyeucte
(1642)
["qu'un rival plus
puissant lui donne dans-les yeux",
III,541,v.1136J et dans la
Suite' du' Menteur '(164 3) l" Il vous aurait donné fort avant dans la
vue",
IV,351,v.1198J,
s'est repris en 1660 en remplaçant dans le
-~-----.-------
,
-
. .
. ' / peut se faire paisiblement et sans violence.
Il y a pourtant
des occasions où cela se dit fort proprement à cause de l'impé-,
1
tuosité qu'on témoigne"
(cf.Chapitre"du Nouveau_Langage fran-
!
çais") .
En fait ces expressions figurées sont tirées du langage cyné-
gétique où on dit:"le lièvre a donné dans le piège, dans le
panneau". On note ensuite des emplois dans le langage militai-
re et l'on disait "la cavalerie a donné" pou~ dire "la cavale-
rie s'est élancée, a attaqué".
(ce second emploi est retenu
par tous les anciens dictionnaires notamment le Dictionnaire
de Robert Estienne de 1549),c[Live.tïI,l12._113
(1) Misanthrope,I,l
(2) L'avare, 1,4
(3) M.' de'Pourceaugnac,
1,2.

-
74 -
!
second vers
(celui de Polyeucte) "donne dans les yeux"
par "éblOUis-1
se ses yeux". Marty-Laveaux note à ce propos:
"cette locution
1
commençait sans doute à ne plus s'employer dans le haut style"
(l) .
2)
DONNER PRISE
(2 occurrences
(2))
Cf.:
"Votre mère A DONNÉ assez DE PRISE aux caquets,
je veux vous
en sauver"
( IF , l , 27)
Donner prise, c'est "donner à reprendre" sur soi dit F. qui ne
donne aucun commentaire. De même pour A. et R.
Il n'est en outre
pas signalé par les théoriciens. Cette expression est cependant
fort fréquente dans les écrits familiers de la fin du XVIIe siècle.
3)
ENRAGER
(intransitif)
= être en courroux (25 occur-
rences
(3))
l
Cf.:
ex :
"Il étoitENRAGÉ d'avoir manqué son coup"
(IF,I,155)
2
ex :
"J'ENRAGEOIS de voir que quelque tendresse que ma mère
eût témoigné avoir pour moi
( . . . ), elle ne changeoit pas
de manière"
(IF, II, 444) .
(1) Op.cit, XI,p.319.
(2) Ci-dessus + IF,I,113.
(3) Ci-dessus + IF,I,25~
IF,I,42~
IF,I,58;
IF,I,134;
IF,I,135;
IF , l , 145;
IF, l , 1 65 i
IF, l , 251- ;
IF, II , 288;
IF, II , 41 0;
IF, l L ~ 415 ;
IF,II,419;
IF,II,421;
IF,II,423~ IF,II,427;
IF,II,428i
IF,II,
442;
IF,II,457i
IF,II,474;
IF,II,504;
IF,II,508;
IF,542(bis),i
IF, II,543.

-
75 -
Le mot d'enrager fait partie des termes hyperboliques mis à
1
la mode par les Précieuses vers la fin du XVIIe siècle.
"Je m' éton-I
ne fort", dit à ce propos le P. Bonhours,
"de ce que trois ou qua-
1
l
tre mots hyperboliques ont cours dans le langage ordinaire, nonobs- 1
tant l'aversion que nous avons pour l'hyperbole. Je meurs d'e~vie, 1
je meurs de peur,
j'enrage, se disent à toute heure pour je désire, 1
1
je crains fort,
je suis fâché ... J'enrage d'avoir été pris pour
dupe;
j'enrage de voir des ignorants qui décident"
(1).
4) FORT = violent, audacieux (2 occurrences)
1
Cf.:e~otre comère fit quelque chose de plus FORT; car après s'être
excusée d'avoir parlé si librement ... elle ajouta ... "
(IF,I,
39)
2
ex :
"Les termes sont FO~TS lui dis-je" (IF,II,455)
"Cela est fort" est signalé en 1673 comme expression nouvelle par
René BARY.
(2)
Eh
1692 de Caillères le retient encore parmi les
mots à la mode
(3).
----~---'11"""-~---
(1)
Entretiens, op.cit, p.64.
(2)
Cf. La rhétorique française, p.264-65.
(3)
"Il est vray que cela est fort, répondit la Dame, pour renché-
rir sur cela est violent de la Marquise, par une façon de
parler encore plus nouvelle" De Caillères, Des mots à la mode,
p.50.

-
76 -
5 ) GROS = grand
(3 occurrences
(1»
Cf.:
"Et en effet un Elu n'était pas pour moi un assez GROS
seigneur pour le prendre d'un ton impératif"
(IF,II,288).
L'emploi figuré de gros a connu une grande vogue. R. dit qu'''il
y a quelque tems que l'un affectait le terme gros, et qu'on le
mettait par tout, où i l fallait mettre grand. On disait un gros
mérite,
une grosse dépense". De Caillères en particulier s'est
élevé contre cette invasio:l de:: gros à la place de grand
:
"que
veulent dire une grosse qualité,
une grosse considération, une
grosse distinction, et les autres mauvaises applications de ce
mot. .. ? [ .J Car y a-t-il rien de plus naturel que de dire encore
aujourd'huy, comme on a toujours dit,
un grand seigneur, une gran-
de qualité ... "
(2).
6)
LESTE = proprement en matière d'habits
(3 occurren-
ces
(3»
l
Cf.:
ex :
"Elle l'aurait porté bien moins LESTE"
(IF,I,lOl)
2
ex :
"Elle avait un petit panier avec deux oeufs et un fro-
mage, ••• mais d'un LESTE et d'un propre à charmer"
(IF,II,433)
Leste
est un vieux mot resté d'un usage assez courant dans la
langue -
Henri Estienne le disait déjà fort usité par "ceux qui
veulent italianizer"
(le mot étant reconnu d'origine italienne).
Harivaux bien connu pour son penchant pour la langue parlée qu'il a
(1)
Ci-dessus + IF,II~475;
IF,II,545.
{2) Des mots à la mode,
p.25-26.
(3)
Ci-dessus + IF,I,102.

-
77 -
toujours imité l'emploie encore dans le paysan parvenu
"remarquez qu'il n'y avoit rien de plus leste que cet équi-
page"
(1).
7)
PIÉ LpiedJ
(dans diverses expressions) .
a)
AVOIR PIÉLPIEDJ SUR ~ avoir prise, avantage
Cf.
:
"Cette obstination me fit croire qu'elle avoit véritable-
ment vécu sage avec lui car s ' i l AVOIT EU quelque PIÉ SUR ELLE
elle n'auroit eu garde de faire une démarche de cette consé-
quence"
(IF, l,IDS) .
b)
ESTRE SUR LE PIÉ LpiedJ(DE)
= en position de, au stade de
(3 occurrences) .
l
Cf.: ex :
"Parce que vous SEREZ là SUR UN PIÉ qui vous engagera
à faire de la dépense"
(IF,II,346).
2
ex :
"Le reste ES~ encore entre nous SUR LE PIÉ d'amant et
de maîtresse"
(IF,I,169).
c)
SE METTRE SUR LE PIÉ LpiedJ DE = s'ériger en, se passer
pour, avoir l'audace de
(2 occurrences)
l
Cf.: ex :
"C'étoit le fils d'un officier de la Maison du Roi qui
s'ÉTOIT MIS SUR LE PIÉ de faire l'amour à votre comère"
(IF, l, 31) .
2
ex :
"Il n'étoit nullement prévenu en faveur du sexe et ne
SE METTOIT pas SUR LE PIE de garder tant de mesure"
(IF, l, 4 S) .
d)
SUR CE PIÉ jpiedJ LA = de cette façon là, les choses ainsi 1
arrangées, . . . (4 occurrences
(L))
ll
{fr--nd~i-viW"X-:--Le~)(5an pacvenu ,
f~C'i-dessus+ IF,II,37S; IF,II,416.

-
7f3 -
l'-
Cf.: ex :
"Nous lui dirons même que, ne dépendant pas de vous
pendant la journée, vous venez quand vous pouvez. Elle
croira SUR CE PIE LA que vos visites seront d'un bon
parent"
(IF,I,89).
2
ex: "Car i l sçait bien que je ne consentirai jamais à aucun
mariage qu'avec vous, et SUR CE PTE DÀ, i l ne veut point
me marier de sa vie"
(IF, 1,34) .
Ces diverses expressions sont enregistrées sans remarque par les
dictionnaires, sinon qu'elles se disent "figurément" parmi d'autres
expressions tirées de pied. Pour sa part, René Bary, dans sa Rhéto-
rique française,
cite ces expressions parmi les "phrases nouvelles"
(1}. Déjà en 1671, soit deux ans avant Bary, Bonhours les rangeait
dans la même catégorie des expressions nouvelles:
"Voici encore
d'autres façons de parler nouvelles ... Quand on est sur ce pied-là,
quand on s'est mis sur ce pied-là, on ne craint rien; les choses
soàt sur ce pié-là ;
je ne le regarde pas sur le pied de bel es-
p r i t ;
i l est l
la cour sur un bon pied."
(2)
(1) René BARY, op.cit, p.264.
(2) Bonhours, Entretiens d'Ariste et d'Eugène. Charles Sorel qui
analyse le livre du P. Bonhours y joint un commentaire assez
frappant
(concernant particulièrement les expressions être sur
at se mett na. ::our le pied de
le pied det-"estre sur ce pied-là", écrit-il, est mis après
1
!a~rès faire figurel fort à propos, parce que c'est encore une 1
métaphore prise d'une figure ou statue mise sur un pied d'estaLi
1
Lorsqu'un homme ne se laisse point abattre par la fortune, on
!
dit qu'il est toujours sur ses pieds. Mais on ne parle ici que
d'un pied. L'usage veut aussi qu'on dise i l a pris pied, et
après on a appliqué cecy à toutes choses. On a dit: i l s'est
mis sur le pied d'amant,
il s'est mis sur le pied d'honneste
il s'est mis sur le pied de bel esprit. On a de bel~es imagina-
tions de cecyt On croit que d'estre sur le pied d'Amant, c'est
../

-
79 -
Les expressions tirées de pied figurent parmi les prédilec-
tions de Bme de Sévigné :
-
"c'est son humeur,
il le faut prendre sur ce pié-là"
-
"Je crois que vous m'aimez,
je m'abandonne sur ce pié-là
et j'y compte sûrement"
-
"Dangeau menaça, Langlée repoussa l'injure par
lui dire
qu'il ne se souvenoit pas qu'il étoit Dangeau et qu'il
n'étoit pas sur ce pied-là dans le monde d'un homme redou-
table."
-
"Comme Madame n'est pas sur le pied d'être élégante, elle
se joue parfaitement bien de la dignité"
(1).
Leur emploi est également fréquent chez Molière et aussi chez
Marivaux
(2) .
.. /
se soutenir sur un pied, ayant l'autre levé et tout prest à
marcher pour le service de la personne aymée; que d'estre sur
un pied d'honneste, c'estde faire souvent la révérence; et pour
le pied de bel esprit, c'est estre posé sur un cube, comme le
Sage ou comme le Mercure des Anciens". Cf. De la Connaissance
des bons livres, p.273.
Nul ne sait si l'explication de Sorel satisfit ses contempo-
rains. On peut seulement ajouter que l'expression sùr ce pié-
là, est elle,
une métaphore tirée de la fabrication des mon-
naies,
le pied étant le type,
le modèle sur lequel on mesurait
les pièces fabriquées.
On peut sur cette base, supposer que
être sur le pié pouvait signifier être sur un type conforme à.
(1) Concernant ces exemples, voir !1me de Sévigné, op.cit,XIV,211.
(2)
Cf. par exemple chez Molière:
"Nos troubles l'avoient mis sur
le pied d'homme sage" Tartuffe,
I,2;V.181, et chez Marivaux:
"Sur ce pié-là, vous ne vous aimez pas vous autres?" Les Sin-
cères'comédies. 1739,s.6.

- 80 -
8) TOUR
1) FAIT(E'AU~OUR = rond(e) comme le tour, instrument de
potier
(qui tourne)
(3 occurrences (1) )
l
Cf.: ex :
"Tout cela soutenu par une gorge qui sembloit FAITE AU
TOUR"
( IF , 1, 1 7) .
2
ex :
"La gorge FAITE AUTOUR, d'une blancheur à éblouir"
(IF,
II,292) .
2)
TOUR, TOURNER
a)
TOUR: expression élégante,arrangement des mots, ac-
cent particulier.
Cf.:
"J'admirois la délicatesse de ses pensées, LE TOUR
qu'elle
donnoit à ses expressions"
(IF,II,294).
b) TOURNER : exprimer élégamment
(forme verbale de tour
~èxpressi6n élégante»
1
Cf.: ex :
"Elle a de l'esprit infiniment et le TOURNE bien"
(IF,
1,72) •
2
ex
"Mais du reste le plus mauvais coeur de fille qu'on
puisse voir, et l'esprit TOURNÉ comme celui de son père"
(IF,I,157) .
Plusieurs théoriciens signalent tour et tourner dans ces emplois
figurés comme assez nouveaux et fort en usage. Ils figurent sur
la liste des"phrases nouvelles" de Bary, et de Caillères les note
en italique dans ses mots à la mode
(2). De son côté le P.Bonhours
(1) Ci-dessus + IF,I,174.
(2) Bary, op.cit, p.264 et de Caillères
Des mots à la mode, p.90-j
92. Les mots notés en italique dans cet ouvrage sont considérés
comme à la mode.

-
81 -
dit que "tourner et tour étoient inconnus i l y a quelques années
dans la signification qu'ils ont maintenant ... tour de vers, tour
d'esprit;
il a un tour d'esprit fort agréable,
il donne un beau
tour à ce qu'il dit . . . Un esprit bien tourné, mal tourné . . . "(l).
Enfin ces mots nouveaux sont "assez approuv~z par l'usage" sui-
vant Sorel.
(2).
(1)
Bonhours, Entretiens, p.54.
(2)
Sorel, op.cit, p.263.
Il convient de signaler que tour et
tourner dans ces emplois sont des métaphores tirées des mé-
tiers du bois, de l'ivoire et de la poterie.
Voici à ce propos la définition de Furetière à l'article tour-
ner :
"tourner signifie aussi arrondir.
Il tourne fort propre-
prement en bois, en yvoire, en cuivre. Tourner un globe, un
cylindre, un cone. Les bons tourneurs tournent aussi en ellyp-
se, en quarré et en toutes formes de figures sur le tour. On
dit en ce sens, qu'un homme est bien tourné, mal tourné, pour
dire qu'il est bien ou mal fait,
comme s ' i l avoit été fait au
tour~
On dit ainsi "en choses spirituelles et morales cet
Orateur tourne bien une période.
Il a bien tourné
cette pen-
sée, il l'a mise en beau jour."

-
82 -
F - TERMES GÉNÉRIQUES DE SUBSTITUTION
Il s'agit ici des mots qui appartiennent à la catégorie des
"mots vides"
selon la terminologie de Mdrouzeau, c'est-à-Jire,
les mots sans référent précis, devenus mots outils parce qu'ils
servent à désigner ce que l'on ne peut pas ou qu'on ne veut pas
nommer
(1). Mots standards, mots secours offrant une voie de gara-
ge au locuteur traqué par le temps ou les tabous sociaux
(2)
(ou tout simplement victime de la loi du moindre effort), ces
mots ont une place de premier plan dans la conversation quotidien-
neoù leur place se remarque noins par leur quantité et leur variété
que par une exceptionnelle fréquence individuelle, ce qui se mani-
feste dans le texte écrit par de fortes occurrences
(3).
0) Les "mots vides" le sont par opposition aux "mots dont le seul
énoncé occupe la pensée". Marouzeau ajoute fort justement
qu'un énoncé où abondent les mots vides fait une impression
de platitude et d'indigence. Au contraire, l'abondance de mots
d
l
f "
l"
,
d ' t '
.
des l ,
e va eur con ere a
enonce une
ens~ e
qu~
passe pour un e e-
ments du bon style" cf,Précis de stylistique française, p.70.
Cette catégorie de mots, les "mots vides", Michéa les nomme
pour sa part "mots athématiques".
"Ce sont", dit-il,
"des mots
que nous servent à nous exprimer au sujet des choses, plutôt
qu'à exprimer les choses elles-mêmes, des termes plus ou moins
communs à tous les sujets, à toutes les circonstances, à tou-
tes les situations". Dans la catégorie,
il range "les mots
accessoires qui ne marquent que des rapports, un grand nombre
d'adjectifs et de verbes courants et quelques noms très géné-
raux" cf.R. Michèa:
"vocabulaire et culture" in Les langues
modernes, p.188.
(2) L'influence des tabous sociaux dans la conversation se mani-
. '/

-
83 -
1} AFFAIRE(S) (118 occurrences)
a}
Affaire = procès, ennuis judiciaires.
1
Cr.: ex :
"Il n'avoit pas voulu découvrir son mariage, crainte que
cela ne lui fît quelque AFFAIRE avec Mr le Prince de
Lonne"
(IF,I,14).
2
ex :
"Il craignit qu'on ne lui fit quelque AFFAIRE"
(IF,I,16).
3
ex :
"Si j'en veno_is avec lui à quelque extrémité, cela me fe-,
roit des AFFAIRES auprès de l'intendant"
(IF,II,285).
b) Affaire = préoccupations pressantes
Cf.:
"Croyez qu'il faut que des AFFAIRES d'honneur et de conséquen-
ce m'appellent ailleurs"
(IF,I,6).
c} Affaire = sujet (de causerie), faits,
"choses"
Cr:.:
"Pour le présent parlons d'autres AFFAIRES"
(IF,I,16) .
.. f feste par l'emploi d'euphémismes et de termes vagues "très
généraux" pour atténuer l'effet de dénomminations trop réalistes
ou d'énonciations trop précises des faits. La bienséance fait
dire souvent "çà c'est une affaire!"
(pour dire une situation
embarrassante ou désagréable) ,"vous avez du
(beau) monde"
(pour
dire vous avez des visiteurs à l'allure incommode) ,etc •.
(3)
Pour des raisons pratiques,notamment en raison des chiffres sou
vent très élevés,
il ne sera donné ici de références d'occurren
ces que pour les exemples effectivement cités. 'D'ailleurs les
termes génériques de substitution, même pris individuellement
sont trop fréquents dans l'oeuvre pour nécessiter des indica-
tions particulières
Les exemples seront en revanche, au moins
redoublés.

-
84 -
d)
Affaire = intérêts, biens.
l
Cf.: ex : "Que pour l'apui qu'on lui offrait dans son gendre, il
nren avait aucun besoin, ses AFFAIRES ne demandant ni
1
1
protection, ni solliciteur"
(IF,I,2l).
1
2
ex :
"Je fus obligé d'aller en Anqoûmois pour quelques AFFAIRES 1
de famille où j'avais le principal intérêt"
(IF,II,285).
1
e) Affaire = activités personnelles
(secI:ètes), aventures
1
Cf.: ex :
"Je suis plus informé de vos AFFAIRES que vous ne pensez"
(IF, l, 6)
2
ex :
"Il voudrait peut-être voir plus clair dans mes AFFAIRES"
(IF,II,286) .
f)
Affaire = querelle
Cf.:
"Cela me fit passer pour un homme fort modéré incapable de
faire de méchantes AFFAIRES"
(IF,II,287).
g)
Affaire = galanterie, amourette.
1
Cf.: ex :
"Nous fûmes bientôt d'accord; un rendez-vous termina
l'AFFAIRE. Elle y prit goüt"
(IF,II,545).
2
ex :
"Elle me reçut assez bien au commencement,
je crus avan-
cer mes AFFAIRES"
(IF,II,426).
1
1
Le caractère polyvalent du mot Affaire est attesté par les diction-I
naires. A. déclare
explicitement que "Affaire est aussi un terme
1
général qui se dit de toutes sortes de choses, et que l'on substi- 1
tue souvent à la place des termes propres et particuliers de chaque
chose" . En 1671, Charles Sorel observait déjà
(sans en juger)
l'ex-
1
tension sémantique du mot affaire:
"Il y a quantité de gens", re-
marquait-il,
"qui, lorsqu'ils ne peuvent exprimer quelque chose
1
!~
par un nom propre usent du mot de machine. Les autres se servent
partout du mot affaire;
ils signifient par là toutes les choses

-
85 -
dont ils ne peuvent trouver le nom".
(1)
Plus significatif,
il
semble que affaire ait été à la fin du XVIIe siècle un terme à
la mode. Le P. Bonhours qui écrit la même année que Sorel
(quel-
ques mois seulement avant lui)
cite comme nouvelles les expres-
sions suivantes
"Se faire des affaires, pour dire se causer de l'embar-
ras,
s'attirer des déplaisirs.
Il y a des gens qui se
font des affaires de gay té de coeur. Je me suis fait
une méchante affaire ~ ce n'est pas une ~ffai~e, pour
dire:
"c'est une chose aisée"
(2).
Quelques années plus tard,
en 1706, Leven de Templery observait
le même engouement pour affaire :
"il ya peu de mots qui servent aujourd'huy à tant d'usa-
ges que celui d'affaire. Je ne vous diray point, Madan-
.t.e, qu'on l ' employe pour expr imer un bon succ è s en amour
ou en autre c~ose, puisqu'il n'y a que trois jours que
vous lisiez dans le voyage de M.M. Bachaumont et (de la)
Chapelle":
"Jupiter fit mieux ses affaires par la pluye
d'or que "par le tonnerre"; mais je vous diray qu'on use
présentement de ces manières de parler
sortir d'affai~
re ; se faire une affaire ; estre bien dans ses affaires;
faire mal ses affaires auprès d'une maîtresse; avancer
ses affaires auprès d'elles,
et d'autres semblables ex-
pressions"
( 3) .
1
( 1)
Sorel: De la connoissance des bons livres, p.422.
1
1
(2)
Bonhours: Entretiens, op.cit, p.62 ; cf. de Caillères : Des
1
i
mots à la mode, p.15.
1
1
(3) Le~en de Templer~, Le génie et la politesse de la langue fran- 1
çalse, p.61-68, 1.1vet:I,6~, HLF,IV,5'13
1
1

-
86 -
Conformément à son goût pour les mots courants, Molière use
abondamment du mot affaire,
le plus souvent dans san sens le plus
vague :
- v.7:
"Ah! Mascarille? -Quoi?- Voici bien des affaires"
(l)
- v.lOOl:
"Vous? - Moi. -Je ne sais donc comment se
fit l'affaire"
(2).
2) ALLER = Environ ,400 occurrences
(2)
avec divers em-
plois, notamment :
a)
- En formule proverbiale
(à caractère juridique):
Cf.:
"Ils ALLÈRENT AUX OPINIONS"
(IF, II, 425)
Cet emploi est à rapprocher de l'expression "aller aux nouvelles"
qui signifie comme "aller aux opinions":
"s'enquérir, chercher
des instructions des faits dont on a besoin, de ce qui se passe"
(F. ) •
b)
- En emplois figurés
:
- aller = se passer
Cf.:
"Cela ALLA à l'ordinaire pour la cérémonie"
(IF,II,487).
---------------
-
-
(l) L'Etourdi, 1,2.
(2) Les Femmes savantes, 111,3.
(3) Le verbe aller est d'emploi très fréquent dans la langue fran-
çaise de même qu'il entre dans plusieurs façons de parler
(
vent comme terme de substitution). La forte occurrence que
connaît ce mot dans les Illustres Françaises est à interpré-
ter dans ce sens. Naturellement ne seront signalés ici que
quelques uns des emplois les plus expressifs.

-
87 -
- aller;
se laisser aller
(à quelqu'un)
= se donner
(emploi par euphémisme)
Cf.:
"C'étoit une fille de grande qualité qui s'étoit LAISSÉ
ALLER
AU chevalier de Buringe"
(IF,II,364).
Il faut rappeler que dans les statistiques du Français élémentai-
re, le verbe aller figure,
avec les auxiliaires être et avoir,
les
verbes faire et dire, parmi les cinq premiers verbes à fréquence
élevée
(sa fréquence atteint 1876)
(1).
3) BRUIT (32 occurrences
(2»
a)
bruit = rumeurs
1
Cf.: ex :
"C'est ce qui a donné lieu AUX BRUITS qui ont couru de
notre commerce"
(IF,II,321).
2
ex
"On fit courir LE BRUIT, qu'il avoit été marié incogni-
to "
( IF , 1, 14) .
3
ex :
"C'est vous qui en êtes l'auteur de CE BRUIT public"
( IF , II , 33 9) .
b)
bruit = nouvelle (sens assez proche du précédent) .
1
Cf.: ex :
"LE BRUIT de votre avanture étoit assoupi"
(IF,I,191).
2
1
ex :
"Voilà le fondement DU BRUIT qui s'en est répandu dans
. tout le quartier"
(IF,I,244).
1
i!
1
c)
bruit = éclat
1
Cf.: ex :
"Tâchez de changer la décoration de votre chambre.Vous
pouvez le faire sans BRUIT"
(IF,I,88)
1
1
i
(1)
Cf.,Gougenheim,A.
Sauvageot, L'élaboration du français élémen-
taire
(l956) ,p.ll0.
(2) Ce chiffre ne tient pas compte des occurrences dans le sens
matériel de coup ou sensation accoustique.

-
88 -
2
ex
"Tout LE BRUIT que vous en~erez ne servira de rien"
1
( IF , l , 2 5 7) .
3
ex :
"Vos infidélitez ont assez fait de BRUIT pour vous obli-
ger à ne pas convenir"
(IF,I,170).
4)
CHOSES
(95 occurrences)
a)
choses = biens matériels
1
Cf.: ex :
"Contamine lui a offert TOUTES CHOSES pour en triompher
sans sacrement"
(IF,I,72).
2
ex :
"Que les pères et mères étoient encore coupables, lors-
que leurs enfans, pour avoir les CHOS~S néce~saires,
étoient obligez par leur lézine de recourir à la bourse
d'autrui"
(IF, I, 22) .
b)
choses = considérations évaluatives
Cf.:
"Cela faisoi t
beaucoup de tort au parent de Hademois§üle de
,
Vougy dont la terre étoit d'autant diminuée;
et qui,
à TOUTES
CHOSES près, n'étoit qu'un
pauvre gentilhomme de campagne"
1
(IF,I,73).
1j
c)
choses = faits
1
Cf.:
"Je ne voulois pas publier moi-même des CHOSES qu'il étoit
!
de mon honneur de taire"
(IF,I,25).
1
!
1
d)
choses = sujets
(de causerie)
~
1
Cf.:
ex :
"Il y avoit un jour un Ecclésiastique chez elle, on parlai
~
de plusieurs CHOSES indifférentes"
(IF,I,17).
t
2
ex :
"Vous me dites-là tant de CHOSES à la fois"
(IF,I,67).
e)
choses = argument
1
~
Cf.:
"Ainsi i l nous fut tout à fait impossible de l'en faire chan- !
i
ger. quoique nous missions TOUTES CHOSES en oeuvre"
(IF.I.2Dl

-
89 -
f)
choses = situation
Cf.:
"Il me répondit que ma longue absence lui avait fait croire
que je ne songeais plus à sa fille et que les CHOSES avaient
changé de face dépuis mon départ"
(IF,I,32).
Ainsi, chose
est un "nom général qu'on donne à tout ce qui est en
la nature"
(F.)
et "se dit indifféremment de tout,
sa signification
se déterminant par la matière dont on traite"
(A.). Mais l'emploi
à tout propos du mot chose au lieu du terme propre a été critiqué
par Andry, lequel blâme avec justesse "la pan~s;:>e ct' esprit qui,
d'ordinaire, ne veut pas se donner la peine de chercher les termes
conventionnels" (1) ; on sait qu'en 1683 Champmeslé a ironisé sur
l'abus du mot chose
dans la conversation:
M.
GUINDE -
Chose?
St BLAISE:
- C'est moi qui suis chose. Je voudrais qu'il fut
aussi muet qu'il est sourd pour ne plus entendre ce vilain mot-là.
M. GUINDE: -Ecoutez, chose
allez vous en un peu chez chose,
pour voir si ... si . . . mon chose est prêt.
St BLAISE:
-Que diable veut-il dire avec tous ces choses?"(2)
A noter que chose est, avec une fréquence de 477, le substantif
abstrait le plus côté dans les statistiques du FEançais Elémén-

taire" (3) .
f
1
(1)
Op.cit, p.118-124.
Il est vrai que Vaugelas, dès 1647, a recusé
cette "superstition en matière de langage" qui consiste à refu
ser de se servir de chose "un mot reçu d'un chacun et dont
l'usage est si nécessaire" Vaugelas, op.cit,
1,475-76.
(2) Champmeslé. La rue St Denys,
S.3.
0) En excluant heure
(545)
et jouer (538)
qui sont des noms de
réalité quotidienne.

-
90 -
5) COUP
(88 occurrences)
a)
Coup = verre
(de vin)
Cf.:
"Vous boirez bien un COUP à ma santé"
(IF, 1,4) .
b)
Coup = tour (l'emploi le plus fréquent :38 occurrences)
Cf.:
"Si vous faisiez ce COUP là lui dit-il, vous ne m'obligerez
assurément pas"
(IF,I,77).
c)
coup = blessure morale
(emploi métaphorique du sens
(matériel) de base)
l
Cf. :
ex :
"L'accueil que la Princesse me fit hier est un COUP qui
me perce le coeur"
(IF,I,107).
2
ex :
"N'en ayant été averti par personne, parce que personne
n'en sçavoit rien,
je me livrai moi-même au COUP mortel
qu'il me préparoit"
(IF,I,263).
6)
FAIRE
(pr~s de 1440 occurrencés en comptant toutes
les formes conjuguées
(y compris le gérondif».
a) Faire = rendre
Cf.:
"Ha visite fut courte,
je souffrois trop pour la FAIRE lon-
gue"
( IF , l , 14 6) .
b)
Faire = gagner
(argent)
Cf.:
"Je lui promis d'être bientôt de retour avec tout l'argent
comptant que je pourrois FAIRE"
lIF,I,148-49).
c)
Faire = changer
Cf.:" Je ne vous les nomme point, leur nom ne FAIT rien à ce que
jlai à vous dire"
(IF,I,212).
d)
Faire = dépeindre, décrire.
Cf.:. "Et la demoiselle étant telle que vous la FAITES j'oublierais
mes résolutions"
(IF,II,468).

-
91 -
e)
Faire = mener (une vie)
Cf. :
"C'est néanmoins ce qui m'est arrivé, et dont je n'ai jamais
rien dit. J'ai toujours caché la vie qu'il FAISOIT, quoiqu'il
fut bien plus débauché que le votre"
( IF , l l , 4 7 7) .
f)
Se faire = avoir lieu, se tenir.
Cf.:
"Il SE FIT une maniêre de bal qui n'a fini que mercredi
( IF , l , 2 a2) .
La fréquence d'emploi du verbe faire dans la langue courante est
attestée dans la langue moderne par les statistiques du Français
Elémentaire selon lesquelles "le premier verbe en dehors d'être
et d' avoir
est faire" (avec une fréquence de 3.
174) (1) .
7)
TEL(S)
ou TELLE(S)
= substitut nominal (5 occurrences)
Cf.:
"Je me figure,
poursuivoit-il, qu'elles se parlent ainsi à
elles-mêmes. TELLES et TELLES ont fait des enfans, et se sopt
perdu de réputation et d'honneur; c'est qu'elles n'ont pas
eu l'esprit de cacher leur secret comme TELLE et TELLE . . . .
Madame UNE TELLE accoucha,
i l n'y a que six mois, . . . "
(IF,I,
45) •
L'emploi de tel (le)
seul ou avec l'article indéfini a connu un
franc succès chez les auteurs comiques du XVIIe siècle, à cornmen-
cer par Molière
- v.1096 :
"On n'a point à louer les vers de Messieurs tels,
A donner de l'encens à Madame une telle"
(2).
(1) Contre 2.391 à dire et 1876 à aller ci-dessus évoqué. Cf.:
L1élaboration du français élémentaire, op.cit, p.llO.
(2)
Le Misanthrope, 111,5.

-
92 -
-
"On sait à point nommé:
"un tel a composé la plus jolie
pièce du monde sur tel sujet ; une telle a fait des paro-
les sur un tel air ... Monsieur un tel écrivit hier . . . . un
sixain à Mademoiselle une telle"
(1).
Regnard fit,
dans sa pièce Le Bal
(S.13)
une heureuse plaisanterie
sur l'expression un tel,
ironisant sur sa valeur nominative:
"N'est-ce pas vous, Monsieur, qui vous nommez un tel?
-Oui,
je me nomme un tel, mais j'ai, ne vous déplaise,
encore un autre nom".
(1)
Les Précieuses Ridicules,
9.

-
92 -
-
"On sait à point nOTIID1é:
"un tel a composé la plus jolie
piGce du monde sur tel sujet ; une telle a fait des paro-
les sur un tel air ... Monsieur un tel écrivit hier . . . . un
sixain à Mademoiselle une telle"
(1).
Regnard fit, dans sa pièce Le Bal
(S.13)
une heureuse plaisanterie
sur l'expression un tel, ironisant sur sa valeur nominative:
"N'est-ce pas vous, Monsieur, qui vous nommez un tel?
-Oui,
je me nomme un tel, mais j'ai, ne vous déplaise,
encore un autre nom".
(1)
Les Précieuses Ridicules,
9.
1
1
t
i.

p

-
93 -
CHAPITRE II
MOTS ET LOCUTIONS EXPRESSIFS
Ce sont des formes d'expression communes, de sens assez
fort et lié~à l'intention communicative du sujet parlant. Leur
caractéristique principale est d'être généralement imagé~. Par
rapport à l'ensemble des faits de vocabulaire,
ils représentent
un pourcentage qu'on peut estimer à environ 40,5%.
D'ordinaire, les mots et expressions à caractère figuré sont
traités à l'aide d'un classement thématique: on isole ainsi
tour à tour les mots tirés du jeu, de la chasse, de l'équitation,
etc ... Ce classement, en dehors de son caractère peu linguistique,
reste d'une commodité indiscutable dans un domaine où l'embarras
fait souvent place à l'arbitraire ou à l'improvisation. Mais on
a préféré ici suivre toujours l'ordre alphabétique, d'une part
parce que tous les mots et expressions enregistrés ici ne sont
pas identifiables comme appartenant à tel domaine d'activité ou
à tel autre; d'autre part ~arce que la présente étude, à ce
1
stade précis, n'exige pas forcément des regroupements d'ordre
1 thématique.
1
~
.
Ceci n'exclut pas qu'à l'occasion ne soit signalée pour
j mémoire l'origine d'un mot ou d'une expression particulièrement
1
~ connue.
1
}
1
1
1
1
1

11
t
-
94 -
1
~
1) A LA BARBE DE = malgré la présence, l'opposition de,
en dépi t
de, ...
Cf.:
"Je sortis de ce couvent bien résolu d'en enlever Clémence
A LA BARBE DE son père"
(IF,I,163).
lement" à partir de barbe. A la barbe de, terme de mépris, voire
de défi, est très utilisé dans le théâtre. Molière l'emploie à
la forme personnelle dans George Dandin:
"Il ya ici un certain
courtisan qui est amoureux à ma barbe"
(1)
et le glisse également
dans les Femmes Savantes
:
"Et je m'en vais être homme à la barbe
des gens"
(2).
2) A LA FACE DE = à la vue de, en dépit de, .•.
Cf.:
"Et à mon égard,
je me serais aussi bien marié que si je
l'avois été par le pape même, A LA FACE DE toute l'Europe"
(1F,1,54) .
A la face de, expression à ne pas confondre avec en face de, locu-
tion à caractère descriptif, est selon A. une "façon de parler
adverbiale pour dire, en présence de .•• , à la veüe de . . . ". C\\est
(1) Molière, George Dandin, 1,4.
(2)' Les FCl"lhl1es Sa-vantë5,
II,9. Cyrano de Bergerac utilise Gyale-
ment une forme personnelle dans Voyage dans la lune :
"Je
veux soutenir à leur barbe que les principes se meslent, se
separent et se remeslent derechef", cité par Livet, op.cit,
1,216.

-
95 -
t
1
là, il faut le souligner, un cliché de langue qui n'appartient pas f
exclusi vement au langage familier.
R. le dit même "en bonne
grâce dans la belle prose".
3) AVOIR LE VENT DE
(figuré)= apprendre d'une manière
incertaine.
Cf.:
"Comme mes assiduités
( ... ) étoient trop grandes pour être
cachées, ma mère en EUT LE VENT"
(IF,II,299).
Selon R. le mot vent se dit "en plusieurs façons de parler figurées
et proverbiales", dont avoir le vent de qui signifie "être averti".
En fait le sens est moins net et parait quelque chose comme avoir
une connaissance imparfaite de quelquechose, en avoir un bruit con-
fus. Cette expression
(avoir le vent de)
est d'origine cynégétique
et désigne le fumet des animaux. F. note à ce propos que "vent en
termes de venerie, se prend pour l'odeur et le sentiment qu'une
beste laisse en son passage".
4)
BOIRE COMME DES TROUS = boire beaucoup.
Cf.:
"Nous allâmes souper, c'est-à-dire, à notre ordinaire, BOIRE
COMME DES TROUS; après cela nous allâmes au bal"
(IF,II,422).
"On dit proverbialement boire comme un trou pour dire boire beau-
coup"
(A.). Même définition et même remarque pour F . . R. ne l'en-
registre pas.
5)
BOUCHER (SE)
LES YEUX SUR = jouer à l'indifférent.
Cf.:
"Je HE SUIS Boucnt LE3 YEUX SüR Sd couàuite"
(IF,I,25).

-
96 -
1
Se boucher les yeux,
se boucher les oreilles sont des expressions
1
courantes dans le parler. La valeur a la fois métaphorique et
1
f
hyperbolique de boucher dans ces emplois explique le succès de
ces expressions. Seul R. ne retient pas se boucher les yeux.
1i
6)
BOURER /bourrerJ = attaquer, malmener.
Cf.:
"Il étoit bien fait et bien mis, et paraissoit brave, mais
m'estimant aussi méchant que lui, et ayant mes vües,
je ne
1
fis aucune difficulté de le BOURER"
(IF,II,490).
Bourer
(bourrer)
est marqué de la croix et de l'astérisque par R.
1
(A. et F. n'ont pas de remarque particulière)
et se retrouve fré-
t
quemment dans les genres libres.
Ainsi:
l
1
1) Mme de Sévigné : -"On me mande que le fils de M. de la
t1
Rochefoucauld fut rudement bouré par
1
l'ami de ~ime de Montespan"
(1).
~
2) Molière :-"Monsieur le Marquis, s'y prend bien, et nous
bourre de la belle manière"
(2).
1
3) Regnard
-"C'est un fourbe,
et sans vous j'allois vous
le bourrer comme i l faut"
(3).
1
l
Bourrer au propre est un terme de chasse et de fauconnerie
:"On
dit qu'un chien bourre un lièvre en le mordant lorsqu'il le pour-
7)
CADRER = convenir (12 occurrences
(4».
(1) Mme de Sévigné, op.cit, IV,182.
(2)
Critique de l'école des femmes,
S.6.
{3)
Rcgn~rd, Le Bal, S.15.
(4) Ci-dessus + IF,I,63;IF,I,67;IF,I,100;IF,I,103;IF,I,177;IF,I,
1..•.·
190;
IF,II,439;IF,II,479;IF,II,505;IF,II,552.
.•
1
!

1
,
-
97 -
1!
1
1
Cf. : ex :
" ... dans le seul dessein de les lui montrer pour sça-
1
voir si ce qu'il m'en disoit CADREROIT avec ce que
1
~
!
~
Sylvie m'en avoit dit"
(IF,II,363).
2
ex :
"La menace est d'esprit
( ... ); mais sa malice ne CADRE
point avec les airs de dévotion que je vous ai vû
autrefois"
(IF,II,524).
Aucune remarque particulière de la part des dictionnaires, les-
quels se bornent à noter que cadrer s'emploie "figurément". Mais
l'emploi abondant de cadrer dans la littérature comique est cer-
tainement significatif de son usage dans le langage courant
f
1) Molière: -"Les livres cadrent mal avec le mariage"
(l).
1
2)
La Fontaine: -"Bref, le lacet à l'un et l'autre sexe
Ne peut cadrer" (2) .
1
3) Montfleury:
-"Croyez-moi, notre avis ne cadre pas aux
f
vôtres"
(3).
t
r
(1) Les Femmes Savantes, v.4.
(2) Contes,
IV,12.
1
(3) Coméd. Poète,
IV,4. Pour d'autres emplois cf.Livet, op.cit,I,
316-317. Usage abondant ne signifie nullement perte de valeur
car i l semble que cadrer relève au XVIIe siècle de l'usage
distingué. Témoin, cette remarque de Bussy-Rabutin
(datée de
1673)
à propos de cadrer que Molière fait employer par une
servante
(il s'agit de Martine)
dans les Femmes Savantes
(cf.
l'exemple cité ci-dessus):
"Il n'est pas vraissemblable que .•. ;
et il l'est moins encore que cette servante, après avoir dit
mille méchants mots, comme elle doit dire, en diSe de fort bons
;:.t d'extrao:rdindires, COHllIe quand Hartlllé dit
"L'esprit n'est point du tout ce qu'il faut au Ménage;
Les livrent quadrent mal avec le mariage".
Il n'est pas de jugement à faire dire le mot de quadrer par
une servante qui parle fort mal,
quoy qu'elle puisse avoir du
1
bon sens": Lettre au P.Rapin du Il avril 1673, cf.Càrrespondan- i
~, éd.L.Lalame II,p.241 et aussi Livet,op.cit,I,3T6.
i

-
98 -
8)
CHAMP
(dans trois expressions imagées):
a) AVOIR BEAU CHM1P
Cf.:
IIIls AVOIENT d'autant plus BEAU CHAMP que les laquais avoient
dit à ceux du logis, qu'elle avoit été mariée la nuit ll
(IF,
1,201).
Avoir beau champ n'est pas retenu par A. et par R.; F. ne le donne
qu'à l'intérieur d'exemples illustrant l'emploi figuré de champ:
"champ se dit figurément des sujets et des matières où les auteurs
peuvent s'exercer, discourir et combattre. Les Poëtes Payens
avoient un beau champ à s'exercer . . . , les louanges du Roy sont
un beau'champ pour exercer les historiens ll • L'usage du verbe être
Cfc:l.b§' lé dernier exemple et de l'article dans les deux exemples
donne à penser que l'expression n'est pas entièrement lexicalisée.
b)
DONNER UN CflM·œ LIBRE = donner libre cours, laisser toute
liberté.
Cf.:
IIJe n' aurois qu'à DONNER UN C~1P LIBRE à son ressentiment"
(IF,II,343) .
Donner un champ libre date du XVIIe siècle selon le dictionnaire
des expressions et locutions figurées
(d'A. Rey), mais elle ne se
retrouve ni dans A., ni dans R.; F. la mentionne simplement, comme
l'expression précéàente, à l'intérieur d'un exemple
(II VOUS le pou-
vez, le champ vous est libre").
Avoir beau champ et surtout donner un champ libre sont des expres-
/
sions issues de la guerre
(ou des tournois).
c)
FOU A COURIR LES CHMœS = être fou.
Cf.:
"Contentez-vous de sçavoir que la lettre qui vous a rendu
FOU A COURIR LES CHAMPS étoit à moi"
(IF,I,125).

-
99 -
"On dit proverbialement d'un homme qui est bien fou qu'il est
fou à courir les champs Il
(A.). On dit aussi fou a' courir les rues.
9)
CHATOUILLE (figuré)
= excité, flatté.
Cf.:
"Le jeune Dupont CHATOUILLÉ ne donna pas le tems à son père
1
de répondre"
(IF,I,36).
1
Le mot de chatouiller dans cet emploi est une métaphore "qui com-
mençoit à vieillir"
(1)
à la fin du XVIIe siècle en dépit d'un em-
ploi toujours abondant dont celui-ci de Molière, tiré de l'Avare
(acte II,5.4):
"Je sais le secret de chatouiller leur coeur".
On sait que Ménage particulièrement n'aimait pas ce mot et blâme
"chatouiller mon âme" dans ses Observations sur Malherbe.
10) COUPER LA GORGE = mettre en danger, ruiner
Cf.:
"Je me suis douté que le seul sujet qu'elle avoit étoit
l'appréhension qu'on lui veut COUPER LA GORGE"
(IF,II,352).
Il s'agit là du type d'expression favorisée dans l'usage par une
forte charge hyperbolique. Les dictionnaires l'enregistrent comme
figurée-sans-autre forme d'appréciation. Marivaux, dans la Fausse
Sülvante utilise cette expression au sens propre avec un jeu de
assez plaisant sur gorge
(2).
i
1
Marty-Laveaux, op.cit,
I,171.
1
r.f.LELIO -"NO!1,
pe~se ~ quclq~cchûse
sérieux,
je
veux me couper la gorge.
LE CHEVALIER -Diantre! quand tu te mêles du sérieux, tu le trai
tes à fond,
et que t'a fait ta gorge pour la couper?
III,3.
Et quelques lignes plus loin
(même acte et
même scène) :
.. /

-
100 -
1
1
11)
COURIR = circuler
Cf.:
"Qu'à l'§gard des billets,
i l les laisseroit volontiers
COURIR"
(IF,I,23).
Courir dans ce sens apparaît le plus souvent avec bruit au sens de
rumeur.
12)
COURIR = se débaucher
(2 occurrences
(l).
Cf.:
"Que vous fait donc l'inconstance du vôtre,
reprit la conso-
latrice. Que ne le laissez~vous COURIR ?"
(IF,II,476).
Au sens spatial de courir s'ajoute ici une nuance morale particu-
lièrement suggestive.
13)
COURIR LE MONDE = voyager
(beaucoup).
Cf.:
"J)upuis, comme vous savez, étoit homme d'épée qui avoit
beaucoup COURU LE MONDE"
(IF,I,13).
La course,
forme intensive de la marche, a donné lieu à toutes
sortes d'emplois métaphoriques du verbe courir dans le langage
courant. Joint ici à monde employé aussi métaphoriquement, court
insinue à la fois l'idée d'énergie dépensée et d'espace parcouru.
D'où l'expressivité du syntagme .
.. 1 LELIO: "Vous serez de la partie dont je parle
LE CHEVALIER:
"Moi!
je n'ai rien à reprocher à ma gorge et sans
vanité,
je suis content d'elle.
LELIO:
"Et moi,
je ne suis point content de vous, et c'est
avec vous que je veux m'égorger"
1
~) Cf. ci-dessus + IF,II,476 bis.
1
1
1

1.
!
t
f
-
101
f
14) DIABLE
(1)
(hyperboliquement)
= méchant
1
i
Cf.:
"Il ne donna aucune raison de son ridicule refus, qu'il
!
consentiroit plutôt que sa fille épousât
LE DIABLE que
moi"
(IF,I,147).
1
15) DIABLE = personnage perspicace
Cf.:
"Il étoit si bien déguisé que LE DIABLE l'auroit pris pour
un autre"
(IF,I,164).
16) DIABLESSE
(en emploi figuré)
pour dire méchante
ou méchante femme
(2 occurrences
(2) )
Cf. :
"Je ne crois pas, poursuivit-il, que vous soyez assez scé-
lérat pour faire mettre cette DIABLESSE en prison"
(IF,I,44)
17) DE DIABLE = monstrueux.
Cf.:
"La Delorme de l'autre côté faiSoit un bruit DE DIABLE pour
se faire ouvrir"
(IF,II,472).
18) DONNER AU DIABLE = maudire
Cf.:
"il n'a presque employé son tems qu'à se plaindre et à me
DONNER AU DIABLE"
(IF,I,47).
(1) Les emplois de diable
dans les divers sens ci-dessous re-
couvrent 34 occurrences: cf., ci-dessus + IF,I,41;
IF,I,43;
IF , l , 4 6;
IF, l , 47;
IF, l , 134;
IF, l , 1 64;
IF, l , 14 7;
IF, II , 472 .
(2)
Ci-dessus + IF,II,452.

t
!
1
-
102 -
1
!r
!
1
A propos de diable et des diverses fonmules construites à partir
de ce mot, R. déclare que "toutes ces façons de parler et diver-
1
ses autres semblables sont basses et populaires", ajoutant:
"on se sert malheureusement de ce vilain mot pour faire diverses
l
imprécations". A. abonde dans le sens de R., disant que ce sont
là "des façons de parler basses".
Les emplois de diable et des
formules dérivées sont attestés dans les lexiques de la plupart
des écrivains du XVIIe siècle. On citera pour mémoire:
-Mme de Sévigné:
"Il ne voulut point se confesser et envoya
tout au diable et lui après".
(1)
-Molière: -v.1212:"Que si toutes nous faisions bien
Nous donnerions tous les hommes au diabl~~) 1l1
-v.1292:"Ces dragons de vertu, ces honnêtes dia-
1
i
blesses"
(3).
l
19} DONNER CARRIÈRE = se laisser emporter, prendre plai-
sir à une chose.
Cf.:
"Les religieuses n'épargnent ni le tems ni le papier et
DONNENT CARRIÈRE à leur passion"
(IF,I,137).
R. marque cette expression de l'astérisque et de la croix. Pour
mémoire, on retiendra que le Dictionnaire des expressions et locu-
tions figurées la donne comme étant, (dans la langue moderne)
du registre littéraire.
(1) Lettres, III,87.
(2)
Amphytrion,
II,S.
(3) Ecole' des Femmes, V,2.

-
103 -
20)
ÉCOUTER JUSQU'A AMEN = jusqu'au bout.
Cf.:
"Ce seroit un prodige dans le monde qu'une femme qui pût
ÉCOUTER JUSQU'A AMEN"
(IF,I,277).
Aucun des dictionnaires généraux ne signale cette expression
populaire. Même le sens figuré de amen
n'est donné que par F.
Il ressort de ce sens figuré que amen n'est employé que pour dési-
gner ironiquement et figurément un acte terminal :
"on dit, quand
on est ennuyé des crieries ou des harangues de quelqu'un, il ne
reste plus qu'à dire ~".
1
On trouve jusqu'à Amen dans les Curiositez françoises
de A.
Oudin avec la définition "jusqu'à la fin", mais aussi avec un asté-
risque soulignant son caractère populaire ou même bas. En revan-
che Leroux mentionne "amen
( ... ): proverbe tiré du mot ~~:t1 qui
termine toutes les prières" sans référence
explicite à jusqu'à
~. Soulignons enfin que l'expression vient du domaine religieux.
Ecouter jusqu'à Amen apparaît dans les Agréables Conférences
(1).
21)
ENLEVER (figuré)
= ravir d'admiration.
Cf.:
" •.. remplies d'une certaine modestie qui m'ENLEVOIT"
(IF,I,17),
"EnleVer se dit aussi en choses spirituelles et morales. Ce prédi-
cateur est éloquent, il dit de si belles choses qu'il enlève ses
auditeurs. Voilà un trait délicat qui enlève"
(F.). Aucune remar-
que formelle n'est faite par les lexiques sur ce mot.
e
(1) Voir 6
conférence, ligne 45, p.146.

-
104 -
22)
EN VENIR AUX EPÉES ET AUX COUTEAUX = par métaphore
et hyperbole, se battre, être en franche hostilité·
(2 occurrences
(1).
Cf.:
"Lorsque je veux l'embrasser, le privilège de mari la gène
et la contraint, i l EN faut VENIR AUX EPÉES ET AUX COUTEAUX"
( IF , II, 54 0) .
"Espées se dit proverbialement en ces phrases [ J On dit que les
gens sont aux espées et aux couteaux, pour dire, qu'ils sont rom~
pus ensemble, qu'ils sont prests à se battre"
(F.). A. et R. en-
registrent cette expression sans remarque.
23) ÉTOFFE = mérite, considération, condition.
Cf.:
"Je voudrois bien sçavoir de quelle autorité vous vous in-
gérez de censurer mes actions? Et d'en faire le sujet de
vos impertinentes conversations avec d'autres gens de votre
tTOFFE"
(IF,II,323).
F.:
"On dit proverbialement d'un roturier, d'un homme du peuple
c'est un homme de basse étoffe, de petite étoffe, pour dire, de
petite considération, de peu de mérite". Etoffe est fort usité
au XVIIe siècle. On peut par exemple lire au Livre II du Francion
cet exemple avec jeu de mots:
"S'il nous donnoit à composer en
prose, nous nous aidions tout de mesme de quelques livres de pa-
reille étoffe dont nous tirions toutes sortes de pièces".
24)
ÊTRE LOGÉ AU TEMPS PERDU = perdre son temps.
Cf.: "Conunent, lui dis-je, feignant d'être surpris, vous ÊTES LOGÉ
AU 'l't:MPS PERDU?"
(IF,II,431).
(1)
Ci-dessus + IF,II,444.

-
105 -
1
1
,
1
t!
L'expression ne figure dans aucun des lexiques.
Il s'agit en fait
!1
d'un jeu de mots par allusion aux enseignes des auberges
("au
i1
!
temps perdu"). Le jeu de mots prend appui sur l'expression être
!
1
logé à la belle étoile.
t
l'
1
1
25) FAIRE LA GUERRE
(à quelqu'un)= quereller,
taquiner,
1
railler
1
t
t
Cf.:
"Chacun lui FIT LA GUERRE"
(IF,I,82).
t-
~
A.:
"On dit encore proverbiablement et figurément Faire la guerre
à quelqu'un, pour dire, le railler de quelquechose qu'il a
fait ou dit".
F. donne une définition du même ordre. R. ne retient pas l'expres-
sion. Corneille l'emploie en 1643 dans le Menteur sous la forme
d'une réanimation de la figure sous-jacente:
"Si de tels souvenirs ne me faisaient la guerre
Serait-il potentat plus heureux sur la terre?"
(1)
Mme de Sévigné fait la meilleure place à cette expression. Parmi
plusieurs emplois on peut citer celui-ci:
"Ne lui faites point la
guerre trop ouvertement sur tout ceci".
(2).
Molière par contre ne l'utilise pas.
26) FAIRE UNE QUERELLE D'ALLEMAND=~u~r-eller
'sans motif
apparent.
f
Cf.:
"Vous vous fites une querelle en l'air et DE VÉRITABLE
ALLEMAND"
(IF, II, 511) .
1
1
--------------
. .
' .
(1)
Corneille, Le Menteur, VII,182,v.758.
1
(2) Mme de Sévigné, op.cit, p.478-79.
1
f
t
t

-
106 -
"On appelle proverbialement querelle d'allemand, une querelle
faite légèrement et sans sujet"
(A.). R. abonde dans ce sens en
qualifiant l'expression de "sorte de proverbe". F. ne fait pas
f
d'observation formelle.
1
Faire une querelle d'allemand est à rapprocher d'une autre expres-
1
sion
(être allemand sur quelque chose) utilisée par rA..rne de Sévigné: 1
"Ils
(M. et Mme de Rohan)
étoient allemands sur le savoir vivre" (1) _1
t
27)
FAIRE UN TROU A LA LUNE = faire banqueroute (et
f
s'enfuir) .
1
Cf. :
"Après avoir vû l'air du gobet et lui avoir tiré encore
f
quelque plume,
je ferai,
comme on dit, UN TROU A LA LUNE"
( IF , II, 3 Il) .
un trou la nuit au clair de la lune"
(F.).
A. note également que
faire un trou à la lune se dit "proverbialement et figurêment".
Ch
l ~ t '1' cette
' d
l
R
St D
ampmes e u ~ ~se -; .~','.. express~on
ans
a
ue
enys:
"Après que je luy eus passé une contre-lettre tout ce qu'il lais-
sa en mon pouvoir, un bon soir i l fit un trou à la lune et pris
congê de tout le monde sans dire adieu à personne"
(2). Faire un
trou à la lune se rencontre aussi dans les Agrêables Confêrences:
1
"Rê
pal sanguié
c'est pour poigê sê dette, quer une belle uuy
t
y fi un trou à la Leune"
(3).
1
1
!
(1) Op.cit, VII,
182-83.
f
(2)
champmeslé, La rue St Denys, S.IV
fi
0) Cf. 1ère conférence, ligne 145, p.41.
t
f
1
t
l

-
107 -
1
i
28)
FOURRER
(SE)
= se cacher (2 occurrences\\ (1))
f
Cf.:
"J'allai justement ME FOURRER dans un enterrement au détour
de la rüe"
(IF,II,423).
Fourrer pour se cacher, se blottir est retenu par les diction-
naires sans jugement formel sauf q u ' i l " se dit figurément".
29)
GAGNER
(quelqu'un)
= attirer (3 occurrences (2))
Cf.:
"Et ce ne fut qu'après bien du tems que je le GAGNAI"
(IF,I,·
231) .
Outre les deux autres lexiques, A. dit que "gagner signifie figu-
rément acquérir, gagner le coeur des personnes, gagner les volontez
des peuples". R. cite un exemple d'Ablancourt:
"J'ai envie de
f
vous gagner par mes bienfaits".
1
30)
GALIMATIAS = discours obscur,
incompréhensible.
t
Cf.:
"elle me donna la lettre qu'elle avoit écrite qui fut pour
son frère un GALIMATIAS"
(IF,I,135).
Galimatias est signalé par les lexiques. R.le définit COITLTne un
"discours obscur, et peu naturel, qu'on a peine d'entendre" ajou-
tant d'autres renseignements où i l présente le mot galimatias
comme un terme courant et populaire:
"Lucien a fait un dialogue
contre ceux qui parlent un langage qu'on n'entend point, ou COMME
NOUS DISONS, parlent phébus et galimatias". Andry de Boisregard
!
1
(1) Ci-dessus + IF,II,415.
(2)
Ci-dessus + IF,I,227;
IF,II,305.
l
1
t
1

-
108 -
confirmera cette insinuation en précisant que "c'est un terme qui
ne slemploye que dans les conversations et dans le stile fami-
lier".
(1).
Galimatias est souvent employé par Molière :
"Que me veut-on conter? - Ma foi,
je ne sais pas
Quand on verra finir ce galimatias"
(2)
-
"D'où peut procéder,
je te prie,
Ce galimatias maudit"
(3).
et par Mme de Sévigné
-~i cette fin vous paroist un peu galimatias, vous ne
lien aimerez que mieuxH
-~Je viens d'en faire un (voyage) dans mon petit galimatias,
c'est-à-dire mon labyrinthe"
(4).
31)
GATER
(6 occurrences
(5»
a)
Gâter = causer une maladie vénérienne par contamination.
- ,
Cf.:
"Que feriez-vous,
si votre mari GATE par des vilaines, venait
vous GATER aussi, et vous obligeoit d'avoir recours à un
chirurgien"
(IF,II,476-77).
b)
Gâter = saboter un plan.
Cf.:
"Ce seroit tout GATER :
il ne faut pas qu'on me voie chez
e Il e "
( IF , II, 310) .
(1)
AndrY~BOisregard op.cit, p.237.
(2)
8ganarelle 8.22, v.571.
:3) Amphytryon, II,I,v.744.
4) Op.cit, XIV,
457.
5) Ci-dessus + IF,II,412;
IF,II,417;
IF,II,476.,..77
(bis).

-
109 -
c)
g!ter = salir
Cf.:
"Je me suis jeté de la fenêtre sur le pavé sans me faire
~
d'autre mal que de me GATER mon habit et mes mains"
(IF,II,
459-60) •
Aucune remarque n'est faite par les dictionnaires à propos de
~ter. A noter cependant que g!ter
dans les emplois ci-dessus fi--,
gure selon H.L.F. parmi les mots en voie d'usure sémantique à la
fin du XVIIe siècle
(1).
32)
GLOSER (3 occurrences
(2))= commenter en mal
(et
longtemps)
1
Cf.: ex :
"C'étoit lui qui mettoit le feu sous le ventre des
autres pour les faire GLOSER sur ma conduite"
(IF,II,323).
?
ex-:
"On GLOSERA sur une pareille avanture, et pour peu qu'on
y mette,
) on en fera une affaire à nous perdre vous
,
et moi ll
(IF,II,344).
1 Gloser, selon F., lI s ignifie encore, adjouter quelquechose à l'his-
J toire qu'on raconte,
l'expliquer à sa fantaisie,
et d'ordinaire en
f mauvaise part, la critique~. Le mot n'attire pas de remarque de
1
1 la part des lexiques et des théoriciens.
ii
...
33)
GOUT (au figuré)
a)
ENTRER EN GOUT = s'exciter
Cf.:
"La belle qui ne fait qu'ENTRER EN GOUT, court au change"
(IF, 1,17) •
1
1
t1 ----------- --- --
~
ifj (1) Cf. H. L . F. IV, 277 ;
1j1 (2) Ci-dessus + IF,I,14.
1
1
1,
~.
l1

-
110 -
Seul R. signale entrer en goût:
"entrer en goût, c'est conunencer
à avoir de l'appétit". L'expression est marquée de l'astérisque.
b)
ÊTRE DU
(AU) GOUT DE
(quelqu'un)
= plaire (6 occurrences (1»
l
Cf.: ex :" Mais je ne l'approuve pas, elle n'est pas DE MON GOUT"
( IF , l l , 4 0 1) •
2
ex :
"et qu'outre le bien et la fortune,
Contamine étoit
A SON GOUT"
(IF,I,82).
c)
PRENDRE GOUT = se montrer sensible à, prendre appétit à, ...
Cf.:
"Un rendez-vous termina l'affaire. Elle y PRIT GOUT et de
si bon coeur, qu'elle me proposa de chercher des moyens
de nous voir avec plus de liberté"
(IF,II,545).
Goût au figuré n'est enregistré dans les lexiques que dans les
expressions avoir goût, être au goût et entrer en goût
(seulement
R.)
même si R. prend la précaution de signaler qui "on se sert du
terme goût dans plusieurs sens". Concernant être au
(du)
goût de,
F. qui l'évoque le plus explicitement ne le fait qu'au détour d'un
exemple :
"goût se dit fréquerrunent en Morale des jugements de
l'esprit. Les manières de cet horrune-là sont au goust de tout le
monde". Pour prendre goût, elle n'apparaît pas dans les lexiques.
Nul doute cependant que l'expression ait été utilisée dans le
langage courant.
34)
HEURE SONNANTE = précise.
Cf.:
"Il faudra que vous vous trouviez sous ma fenêtre à onze
HEURES SONNANTES"
(IF,I,225).
(1)
Ci-dessus + IF,I,38l;
IF,II,426;
IF,II,473;
IF,II,483.

-
I I I -
L'adjectif verbal sonnant s'emploie plus généralement avec midi. On
dit "midi
sonnant" pour indiquer le temps même où l'horloge son-
ne douze coups à midi.
L'extension de cet adjectif à valeur intensive à d'autres
moments, d'autres heures, confère aux tours où il entre une nette
expressivité.
35)
JEU
(dans diverses expressions):
a) A JEU DÉCOUVERT : ouvertement, au Su et au vu de tout le
monde.
Cf.:
"Est-ce encore un coup de scélérat? Non Madame, reprit Des
Frans, il n'y avoit aucune fourbe:
i l jouoit A JEU DÉCOU-
VERT"
(IF,II,440).
b)
BEAU JEU
(2 occurrences)
= choses surprenantes, extraor-
dinaires.
1
Cf. :
ex :
"Imaginez-vous enfin un petit garçon à qui on fait
BEAU JEU"
(IF,II,415).
2
ex :
"Après cela,
j'ai entendu BEAU JEU"
(IF,II,459).
c)
DE BON JEU = franchement, en toute rigueur.
Cf.:
"Crainte que Belzébut, à qui vous appartenez DE BON JEU ne
vous emporte"
( IF , II,313) .
A jeu découvert, beau jeu, de bon jeu sont trois locutions issues
des jeux d'où elles sont venues se répandre dans le langage cou-
rant. Mais des trois expressions aucune ne fait l'unanimité des
lexiques: à jeu découvert n'est enregistré
que par F. qui décla-
Le y'u'uIl~\\àit: qu:il a gagné à
jeu découvert, quand il
estalle
son
jeu sur la table". A. et R.
se taisent à ce propos; F. est encore

-
112 -
seul à noter explicitement beau jeu qui, selon lui,
se "dit prover-
bialement" pour signifier "choses extraordinaires". A. se borne à
mentionner cette expression dans une suite de trois locutions issues
des jeux:
"Jeux se prend dans les jeux de hazard, pour les cartes
qui viennent, ou les points qu'on amène aux dez et autres jeux
semblables. Beau jeu - heureux jeu -
sot jeu". De bon jeu
n'appa-
rait nulle part. A noter cependant que cette locution adverbiale ap-
puie vigoureusement une affirmation.
36)
JOUER (quelqu'un)
= tromper (3 occurrences (1))
1
Cf.: ex :
"Vous me JOUEZ, dit-il. Vous ne me faites ces belles
propositions que pour m'obliger à travailler moi-même
à m'oter les moyens de vous voir"
(IF,I,76).
2
ex :
"Le mieux que j'en puisse juger c'est qu'il NOUS JOUE"
(IF, 1,34) .
A.:
liOn dit figurément jouer quelqu'un pour dire,
le tromper,
l'amuser".
37)
JOUER (U)
UN TOUR
(à quelqu'un)
(5 occurrences dont
une seule
(cf.ci-dessous)
pour jouer d'un tour)
1
Cf.: ex :
ilLe TOUR que je LUI JOUAI me vint tout d'un coup dans
la tête Il
( IF , II, 287) .
2
ex :
"Peu s'en fallut qu'il ne LUI JOUAT UN TOUR de bdr'reau"
( IF , l , 21 9) .
3
ex :
"Fais en sorte qu'il n'y ait personne chez toi lorsque
j'y viendrai; et surtout ne ME JOUE pas D'UN TOUR"
(IF,
II:46R) _
(1) Ci-dessus + IF,II,481.

-
113 -
"On dit figurément et proverbialement jouer une pièce à quelqu'un,
luy jouer un tour, luy jouer d'un tour"
(A.).
38)
LANGUE = parole
(4 occurrences
(1))
1
Cf.: ex :
"Il n'étoit pas maître de sa LANGUE"
(IF,II,304)
2
ex :
"Il faut voir si vous avez aussi bonne épée que bonne
LANGUE"
(IF,II,446).
Le mot langue est employé figurément pour désigner par métonymie
la parole. C'est dans ce sens qu'il~forme encore plusieurs façons
de parler" (A.)
telles que "avoir la langue bien pendue",
"avoir
bien de la langue", ...
On note chez Molière :-"Je suis bien aise de savoir que vous avez
de la langue, et cela m'apprendra à ne plus·
-"Vous aviez grande envie de babiller ; et
c'est avoir bien de la langue que ne pouvoir
se taire de ses propres affaires"
(3).
39) MANTEAU = prétexte, alibi
(4 occurrences
(4))
1
Cf. : ex :
"Outre que c'eut été UN MANTEAU, i l pouvoit mourir le
t
premier et la laisser veuve"
(IF,I,134).
1
~
2
ex :
"Mais elle n'étoit que LE MANTEAU d'une autre passion
i
qui m'a rendu malheureux"
(IF,I,274).
"Manteau se dit figurément en morale, des couvertures, des prétex-
tes qu'on prend pour desguiser et faire approuver de mauvaises ac-
tions"
(F)).
(1)
Ci-dessus + IF,I,228;
IF,I,199.
(2) George Dandin,
II,5.
(3) Fourberiesde Scapin, 111,4.
(4)
Ci-dessus + IF,I,18;
IF,II,491.

-
114 -
40) METTRE
(au figuré)
= considérer
Cf.:
"Vous la METTEZ bien bas, me dit Célénie en riant"
(IF,II,438).
L'application du verbe mettre à l'être moral n'est pas retenue par
les lexiques.
41) METTRE A LA BOUCHE = inspirer
Cf.:
"C'est la seule raison qui me l'a MIS A LA BOUCHE"
(IF,II,294)
Tout comme la langue,
la bouche, organe de la parole, a donné
lieu à plusieurs expressions métaphoriques. Ainsi par exemple ou-
vrir la bouche
(commencer à parler),
fermer la bouche à quelqu'un
(le faire taire),
faire la fine bouche
(faire le connaisseur, le
délicat). Mettre
(une parole)
à la bouche
est à rapprocher de
avoir une parole à la bouche dont F. dit qu'il se dit "proverbiale-
ment" .
42) METTRE MARTEL EN TÊTE = avoir des soucis
(du chagrin,
de la jalousie).
Cf.:
"Si tôt que Des Ronais fut seul avec Des Frans, i l demanda à
son ami sur quoi rouloit la conversation qu'il avoit eüe avec
Madame de Contamine et Mademoiselle Dupuis avant le soupé.
Cela vous MET-il MARTEL EN TETE, lui demanda Des Ronais en
r ian t "
( IF , l, 273) .
F.
"Martel, vieux mot qui signifioit autrefois marteau, qui se
dit encore en cette phrase :
Il a martel en tête, pour dire,
il a quelque chose qui lui donne du chagrin, du soucy, de
l'inquiétude, de la jalousie". Pour R., c'est même une expres-
sion qui n'a cours que i1dans le stile simple, ou dans le comi-
que" .

- us -
43) METTRE HORS D'OEUVRE = être "hors du coup".
Cf.:
"Ils ne pouvoient sçavoir auec qui, tant la mort de Jussy
( .. )
les HETTOIT HORS D'OEUVRE"
(IF,I,201).
Pour A.,
sont dites hors d'oeuvre" les choses qui ne sont point
dans la place où elles doivent estre".
F., après avoir souligné
que hors d'oeuvre
est, au propre un terme d'architecture où l'on
dit "Cela est hors d'oeuvre, pour dire, opposé à dans oeuvre. Ce
bâtiment a tant de toises hors d'oeuvre, c'est-à-dire, mesuré en
dehors", observe que
l'expression se
Pdit aussi figurément d'une
digression, d'une chose qui ne fait rien au sujet". L'application
de hors d'oeuvre à l'homme dans une situation morale particulière
n'est donc retenue par aucun dictionnaire. A noter que R. ne men-
tionne même p~R 1 'pxpresqion au sens propre.
44) METTRE LA MAIN A LA CONSCIENCE = parler franchement
(2 occurrences
(1»
Cf.:
"Par exemple
( ... ) si lors que je n'ai pas voulu vous marier
ensemble,
je t'avois défendu
( . . . ) de voir Monsieur Des Ronais,;
METS LA MAIN A LA CONSCIENCE, n'est-il pas vrai que tu ne
m'aurois pas obéi?"
(IF,I,47).
;,~~~ Les trois dictionnaires principaux (A. F. et R.) ne mentionnent
.~
pas mettre la main à la conscience. L'expression n'apparaît que
chez Leroux (Dictionnaire Comique)
et chez Oudin
(Curiositez fran-
1çoises) mais aveç une légère différence , ces deux ouvrages notent:
f"avoir la main sur la conscience" et non" à la conscience". A part ce
A
i
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6,...~r+-
c".,-
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a
i
,:j
1
l
1 -------------
t (1) Ci-dessus + IF,II,S02.
f
1.

-
116 -
l'emploi du texte: Oudin:
"Mettre la main sur la conscience,
considérer consciencieusement ce que l'on dit"
; Leroux : "mettre
la main sur la conscience : manière de parler sérieusement et
franchement" .
Mettre la main à la conscience se retrouve chez Molière :
"Mais, Monsieur, mettez ma main à la conscience: est-
ce que vous êtes malade?"
(1).
L'expression se rencontre également chez Marivaux
(2).
45) METTRE LA MORT
(ou le poignard) AU COEUR = causer
de graves peines, affliger.
1
Cf.: ex :
"Enfin mon comportement alla Si loin que je lui manquai
de respect, et m'en séparai d'une manière à LUI METTRE
LA HORT AU COEUR"
( IF , II, 284) .
2
ex :
"Il me dit que notre désunion METTOIT LE POIGNARD AU
COEUR de ma mère"
(IF,II,443).
"
sehdit
b l '
l '
-
t - l
Mort" yper 0
lquement des dou eurs qUlmenen
a
a mort ou
qui fait
(sic)
languir et haïr la vie [
J. Cette affliction
luy a mis la mort au coeur"
(F.).
Il va sans dire que dans
la version mettre le poignard au coeur, poignard, symbole
de la mort,
se substitue à mort.
46) METTRE LE FEU SOUS LE VENTRE = encourager secrètement.
Cf.:
"c' étoit lui qui METTOIT LE FEU SOUS LE VENTRE dES domestiques
pour les faire gloser sur ma conduite"
(IF,II,323).
(1) Le ~~lade imaginaire, 1,5.
(2)
Cf par exemple: "Si on vous donnoit tant d'argent
( .. ) ,est-ce que
vous y pourriez tenir?( .. )mettez la main sur la conscience":
Le Prince Travesti, comédie,1724,III,2. Voir aussi F.Deloffre:
Marivaux et le marivaudage, op.cit.p.98.

-
117 -
F.:
"Ventre se dit proverbialement en ces phrases. On dit qu'on a
mis le feu sous le ventre à quelqu'un, pour dire, qu'on lui
a fait prendre courage, qu'on l'a excité à faire quelque action
vigoureuse. "
A. ne retient qu'une expression approchante
(avec le même sens)
"mettre le coeur au ventre à quelqu'un".
R. retient les deux expressions en les donnant comme des variantes
synonymiques. Elles sont toutes deux marquées de l'astérisque.
47) METTRE LES FERS AU FEU = agir pour de bon.
;t Cf.: "J'étudiai donc ma conduite tout le reste du Carême et les
·11
Fêtes de Pâques L J et je réussis si bien que tout soup-
1
çon fut levé et qu'on ne me suivit plus. Je MIS alors LES
l
FERS AU FEU pour me satisfaire"
(IF,I,227).
1
Pour A. "on dit ~overbiale~nt et figurément mettre les fers
t au feu pour dire, commencer à agir tout de bon dans une affaire".
F. abonde dans le même sens
"Fer se dit proverbialement en ces
J,,!
r phrases. Mettre les fers au feu,
quand on commence sérieusement
;j à vouloir faire réussir une affaire". R. ajoute une croix.
-,t1f
48) MORDRE A L'HAMEÇON
(figuré)
= se laisser prendre à
"
une finesse,
à un "piège".
~l1 Cf.: "Il MORDIT A L'HAMEÇON le mieux du monde" (IF,II,348).
1
,j
j
"On dit figurément qu'un homme mord à l'hameçon pour dire,
l
qu'il écoute avec plaisir une proposition qu'on luy fait
pour le surprendre".
(A.).

-
118 -
F. retient l'expression parmi les phrases qu'on dit proverbiale-
ment avec le verbe mordre.
R. ne mentionne pas l'expression. A noter chez Molière une forme
plus expressive avec le verbe gober: gober l'hameçon:
"Tous deux également sont propres à gober les hameçons qu'on
leur veut tendre".
(1).
49)
N'AVOIR QUE LA CAPE ET L'EPÉE = être dans une pauvreté
exerême.
Cf.:
"Son père un gentilhomme d'Anjou, cadet des cadets, N'AYANT
QUE LA CAPE ET L'EPÉE, et qui outre cela épousa une demoisel-
le de son pays, qui n'en avoit pas plus que lui"
(IF,I,71).
"Esp&e se dit proverbialement en plusieurs phrases L- J on dit
qu'un homme n'a que la cappe et l'epée pour dire qu'il est fort
gueux"
(F.). L'expression N'avoir que la cape et l'épée est égale-
ment retenue par A. comme proverbiale et figurée.
50)
PARER LE COUP = éviter une charge, y résister.
Cf.:
"Je sçai qu'elle a résolu de me marier,
je PARERAI LE COUP".
(IF, 1,91) •
A.:
"On dit figurément parer un coup, parer une botte, pour dire
se défendre d'un mauvais office, d'une demande fascheuse,
importune et qui est à charge".
C'est le sens que retient R.
F. observe pour sa part que cette expression se dit "en termes
ordinaires".
Parer le coup est une expression tirée de l'escrime.
(1)
cf.M. de Pourceaugnac,II,3. Noter l'emploi presque au propre
du mot hameçon, dont l'emploi se rapproche nettement de piège
dans l'expression tendre un piège.

-
119 -
51)
PAYER (figuré)
= rendre un coup (2 occurrences (1))
Cf.:
"Votre présence ne m'auroit peut être pas empêché de le
PAYER si je n'avois imaginé une autre manière de vous vanger"
( IF , II, 3 4 3) .
"Paier [avec l'astérisque et la croix];
je te le ferai païer, c' est-
à-dire j'en aurai le ressentiment. Je te rendrai quelque mauvaise
office".
(R.). Payer dans ce sens n'est pas enregistré par F. Ce
mot issu de l'activité commerciale insinue dans cet emploi figuré
Il' idée de reciprocité presque obligée.
~
i
~i
52)
PENSER + verbe de sens négatif
(mourir)
= faillir
(3 occurrences)
1
i
i Cf.: ex : " Le laquais lui dit que sa maîtresse AVOIT PENSÉ MOURIR
la nui t"
( IF , l , 1 a6) .
1
2
ex :
"Il avoit reçu trois coups dont i l PENSA MOURIR"
(IF,I,13)
j
j
3
ex
"J'ai PENSt EN tTRE DUPE"
(IF,I,6).
F. note ce sens du verbe penser à la dernière entrée de l'article
(penser), disant qu'il "signifie aussi être prest de faire quelque
chose. Il a pensé tomber dans ce précipice. Il a pensé dire une
sottise". A. et R. sont du même avis sauf que ce dernier
(R.)
in-
1 clut une remarque formelle: "Ce verbe (penser) pour dire, il s'en
est falu peu, ne veut point de particule après".
1
Plusieurs emplois de penser au sens de faillir sont attestés
chez Molière :
1
(1) Ci-dessus + IF,I,252.

-
120 -
-
"Et c'est elle, en un mot, que vous venez chercher,
Et pour qui mon refus a pensé vous fâcher"
(1).
-
"Mon tailleur m'a envoyé des bas de soie que j'ai pensé
ne mettre jamais"
(2)
-
"Nous avons aussi mon neveu le chanoine qui a pensé mourir
de la petite vérole"
(3).
ainsi que chez Mme de Sévigné :
-
"Souvent nous avons pensé crever de rire ensemble"
-~Nous serons toujours un canal où M. de Plessis a pensé
se noyer"
(4).
Penser
(mourir)
se retrouve aussi dans la Rue St Denys
:
"J'ai pensé mourir de joie en voyant la Fontaine des
St 1nnocens"
(5).
53)
PERDRE LES GONDS = se mettre dans une grande colère
Cf.:
"Lorsque je vis qu'il avoit tout à fait PERDU LES GONDS;
je
vous supplie très humblement, Monsieur, lui dis-je . . . "
i
(1F,1,155) .
1 Perdre les gonds ne figure dans les dictionnaires que sous la forme
J sortir ses gonds (6). F. dit ainsi qu' "on dit proverbialement et
1
f
1
(1)
Ecole
des Femmes, V,9 v.1770.
(2) Le Bourgeois Gentilhomme, 1,2.
1
(3) M. de Pourceaugnac, 1,4.
(4 )
Op.cit, XIV, 194.
1
(5) Op.cit, S.X.
1
(6 )
Les dictionnaires
(y compris Leroux et Oudin)
notent sortir ses
1
gonds et non sortir de ses gonds.
j

-
121 -
figurément sortir ses gonds, pour dire,
se mettre en une extrême
colère". Qui plus est, A. et R. ne retiennent cette dernière ver-
sion (sortir ses gonds)
que dans des formules médiatives
: faire
sortir ou mettre quelqu'un hors des gonds
pour dir~;mettre telle-
ment en colère qu'il est comme hors de luy-mesme"
(A.). Perdre ses
gonds
ou sortir ses gonds ou encore faire sortir ou mettre hors des
gonds n'apparaissent ni chez Molière, ni chez Corneille, ni chez
Mme de Sévigné.
54}
PIQUER D'HONNEUR = stimuler, faire valoir une raison
décisive et flatteuse pour exciter
(2 occurrences) .
1
ex :
"Elle ME PIQUaIT D'HONNEUR en me faisant comprendre ... "
(IF,II,415) .
2
ex :
"Je LA PIQUaIS DE L'HONNEUR de sauver une ame a Dieu en
la retirant de la religion de Dieu"
(IF,I,148).
"On dit picquer quelqu'un d'honneur, pour dire, luy faire connoistre
qu'il va de son honneur de faire ou de ne pas faire quelquechoseN
(A.). F. et R. notent l'expression dans le même sens.
55} PLUME
(sens figuré)
= argent, bien de toute nature
(2 occurrences) .
l
ex :
"Après avoir vu l'air du gobet et tiré quelque PLUME"
(IF,II,311) .
2
ex :
"J'espère encore arracher quelque PLUME à mon prétendu
gendre"
(IF, II, 308-309) .
Plume au sens figuré de biens fortuitement gagnés ou perdus est noté
par les dictionnaires.
A. dit par exemple qu'''on dit proverbialement d'un homme à qui i l
a cousté de l'argent pour se tirer d'affaire, d'un embarras, qu'il
y a laissé des plumes, de ses plumes".
Il s'agit d'un emploi métapho

-
122 -
rique de "arracher les plumes d'un oiseau" utilisé en fauconnerie.
56) POUSSER SA POINTE = continuer sur sa lancée.
Cf.:
"J'acceptdl
les conditions qu'il voulut mettre dans le
marché, résolu de POUSSER MA POINTE et de mettre plutôt
le feu au couvent que d'y laisser Clémence"
(IF,I,136).
On dit plus généralement poursuivre sa pointe
(ou plus simplement
(et peut-être moins expressivement)
suivre sa pointe). Les diction-
naires d'ailleurs n'enregistrent l'expression que sous la forme
poursuivre sa pointe . Et elle signifie "continuer son dessein,
l'entreprise qu'on a faite avec la mesme vigueur qu'on l'a commen-
cée"
(A.). La valeur figurée se concentre ainsi presque entièrement
sur le mot pointe qui prend le sens de dessein, entreprise. La ver-
sion utilisée dans les Illustres Françaises, à savoir pousser sa
pointe est également utilisée par Molière dans Dépit amoureux
"Le remède plus prompt où j'ai su recourir,
C'est de pousser ma pointe"
(1).
Pousser
(ou poursuivre)
sa pointe est une métaPhor~~e l'escrime
ou de la guerre.
1
,
57) PRENDRE FEU = être en colère,
(" perdre ses gonds").
1
Cf.:
"Je ne vois pas que Monsieur Des Ranais ait beaucoup de tort
/
d'avoir PRIS FEU"
(IF,I,63).
(1) Dépit amoureux, III, 1. Il s'agit là d'une expression d'origine
militaire. Dans la suite des Entretiens d'Ariste et d'Eugène,
Bonhours juge que "quelque noble que soit peut-estre cette ex-
pxession dans son origine, elle n'est plus guères que du dis-
cours familier". Cf. H.L.F.,IV,352.

-
123 -
"On dit proverbialement et figurément qu'un homme prend feu aisé-
ment pour dire qu'il est aisé à s'émouvoir"
(A.). R. explique plus
simplement:
"Prendre feu,
c~est se mettre en colère". F. ne re-
tient pas prendre feu.
58) PRENDRE LA CHEVRE = se fâcher, se piquer.
Cf.:
"Vous voyez bien f
J que votre ami A PRIS tout de bon LA
CHÈVRE"
( IF , l , 63) .
Prendre la chèvre est notée unanimement comme une expression figu-
rée et proverbiale qui se dit pour "se fâcher,
se despiter sans
sujet apparent"
(A.).
Il semble que cette locution soit fort ancien-
ne dans la langue (1). En tout cas, son emploi reste vivant et on
peut en relever au moins deux chez Molière :
"D'un mari sur ce point j'approuve le souci
Mais c'est prendre la chèvre un peu bien vite"
(2).
Henri Estienne l'explique comme s u i t :
"Personne n'entendra
bien que c'est à dire un Pathelin, qui n'aura leu ceste farce
ou comedie ide Maître Pathelin~. Elle a aussi amené ce proverbe
"retournons à nos moutons" pour dire: retournons à notre propos.
Car ces mots qui sont là si souvent repetez sont tournez en pro-
verbes. Et croy qu'entre les autres manières de parler qui nous
sont
comme proverbiales, il y en a qui sont venues de quelque
farce fort vulgaire. Tellement que pour bien comprendre la rai-
son d'icelles, il faudret avoir leu la force. Pour exemple
quand nous disons:
"il a pris la chèvre", de quelqu'un qui s'est
depité". Langue fr.
italianizé, édit. Liseux,
1,163, cité par
Livet, op.cit,I,393.
(2) Sganarelle, S.12~

-
124 -
-
"Notre accueil de ce matin t'a fait prendre la chèvre"
(1).
59}
PURGER (hyperboliquement)
= nettoyer, purifier.
Cf.:
" . . . qu'il avoit résolu d'en PURGER le monde"
(IF,II,348).
Purger signifie donc figurément "purifier, nettoyer, oster ce qu'il
y a de grossier et d'impur"
(A.). F. ajoute un exemple:
"Il est
bien difficile de purger la ville de filous, de charlatans, de gens
qui ne valent rien". Purger est, comme verbe intransitif, fort
usité chez Molière et surtout chez Corneille.
(2).
60} RÉDUIRE AU BLANC = ruiner, rendre misérable.
Cf.:~.par une fille qui, m'ayant toutes sortes d'obligations, veut
me quiter, me RÉDUIRE AU BLANC"
(IF,I,26).
A. déclare :
"on dit proverbialement et bassement mettre un homme au
blanc pour dire luy gagner tout son argent, le ruiner" sans mention-
ner la forme r~duire au blanc que pour sa part F. enregistre exclu-
1
1
sivement :
"on dit qu'un homme est réduit au baston blanc, ou abso-
1 lument, reduit au blanc, quand il est devenu extrêmement misérab~e".
f
1
j
Le blanc
(désignation par synecdoque) ou le bâton blanc ren-
1
voie au bâton
(effectivement blanc) des mendiants, des aveugles.
1
1
61}
RENDU
(être)
= se soumettre, se reconnaître vaincu.
1
Cf.:
"Avez-vous dessein de me mettre au désespoir? Ne suis-je pas
1
assez rendu?"
(IF, I,84) .
l
(1) Le Bourgeois Gentilhomme, 111,10.
(2)
Cf. Livet, op.cit,
III,
419.

-
125 -
Rendu est la forme participiale du pronominal se rËndre générale-
ment en vigueur dans le langage militaire. Ainsi on appelle soldat
rendu,
le soldat qui a déserté son camp pour se rendre à l'ennemi.
En terme commun rendu dénote une passivité, une cessation de lutte,
de toute résistance de la part d'un interlocuteur,
soit qu'il manque
d'argument, soit qu'il accepte un fait accompli. L'expressivité
particulière de ce terme du fait de son origine guerrière, en a
favorisé l'emploi au XVIIe siècle. Chez Mme de Sévigné on peut
i signaler deux apparitions: - ~rJe suis rendue"
i
~
-"Notre ami a été le premier •.. Après lui
'f,
je vous souhaitois rendU,.
et voilà qui est
fait"
(1) •
1
.)
62) ROMPRE EN VISIÈRE (figuré)
= mettre mal à l'aise.
1
Cf.:
"Je lui répondis qu'elle voyoit bien elle-même que je faisois
tout ce que je pouvois [
Ji que même sa présence à elle, qui
ne nous quittoit point, me ROMPaIT EN VISIÈRE et qu'elle me
feroit un vrai plaisir de trouver quelque prétexte pour sor-
tir"
( IF , II, 534) .
Rompre en visière,
"locution nouvelle"
(2), signifie "dire en face
à quelqu'un quelquechose de fascheux, d'injurieux,
fièrement,
brus-
quement,
incivilement"
(A.).
(Mais i l "ne se dit guères que dans
le style simple, dans le comique et dans la conversation"
(R.).
1---------------
Î (1) 0p.Cit, XIV, 324.
(2)
Livet,
II1,546.

-
126 -
L'emploi du texte où rompre en visière a le sens de déranger, mettre
mal à l'aise, apparaît, au vue de cette définition unanimement rete-
nue par les dictionnaires, comme impropre. Rompre en visière, en
effet, est un terme de tournoi qui se disait autrefois au propre
quand un gendarme romp~it sa lance dans la visière
(jour ménagé
dans le casque pour la vue)
de son adversaire.
Le sens figuré vient de ce que l'expression a pris le sens de
chercher à atteindre de sa lance son adversaire par
la visière
de son casque, c'est-à-dire par la face.
Rompre en visière figure
parmi
les expressions favorites de Molière et son emploi est attes-
té au moins une fois dans les correspondances de Mme de Sévigné
sous la plume de Bussy Rabutin
(1).
63)
ROMPRE LES CHIENS = interrompre un processus
Cf.:
"La tante étoit complaisante pour une tante qui ordinairement
ne sont pas fort traitables. Rien ne me ROMPOIT LES CHIENS,
j'étois
bien reçu: on connaissoit le motif qui me faisoit agir"
(IF,II,296),
Rompre les chiens est un terme de chasse qui se dit proprement
de la faute ou de la maladresse d'un chasseur qui passe à travers
les chiens pendant qu'ils courent, et ainsi rompt leur course.
(1) Chez Molière rompre en VjSière revient successivement dans Les
Facheux,
(I,6,v.268), la Critique de l'école des fe~s (S.3),
et le Misanthrope
(I,1.,v.95). Quant à l'emploi fait par Bussy
Rabutin,
il a lieu dans la phrase suivante :
"Je ne romps ja-
mais en visière aux gens pour le bien non plus que pour le mal
que j'en veux dire". Cf.Lettres de Mme de Sévigné, XIV,558.

-
127 -
Figurément il a signifié
. l'interrompre quelqu'un dans son discours,
pour empêcher qu'il ne dise quelque chose de désavantageux ou qu'il
n·~entreprenne~ quelque affaire" (F. ). Mais on remarquera que le sens
propre convient plus à l'emploi du texte que le sens figuré.
Il
s'agit d'un emploi métaphorique que de Caillères a stigmatisé dans
Du bon et du mauvais usage
(1).
64)
SUIVRE SA POINTE
Cf.:
"Il voulut SUIVRE SA POINTE au hazard de tout ce qui pourroit
arriver"
(IF,I,104).
Inutile de revenir sur cette expression qui a été étudiée précédem-
ment dans la version pousser sa pointe.
65)
SUR L'ÉTIQUETTE DU SAC = avec légèreté, sans aller
au fond des choses.
Cf.:" Et vous même Madame, qui lui faites son procès SUR L'ÉTIQUETTE
DU SAC, en conviendrez, si la vérité vous étoit connue"
(IF,
I,204) •
Sur l'étiquette du sac est unanimement retenu comme expression pro-
verbiale par les lexiques. Selon F. en particulier,
"on dit prover-
bialement,
juger un procès ou une affaire sur l'étiquette du sac
pour dire,
juger une affaire sans l'approfondir, sans voir les
moyens et les pièces qui sont dans le sac. Et généralement, i l se
dit de tout jugement téméraire qu'on fait sans considérer les cir-
l,constances nécessaires".
1
i
1,
(1)
Op.cit, p.lOI.

-
128 -
66} TENIR L'ÉPÉE DANS LES REINS = forcer que~qu'un à
faire quelque chose.
Cf.:
"Bagatelle, reprit-il, VOUS~ENIEZ L'ÉPÉE DANS LES REINS et
j'avois oublié que
j'étois engagé"
(IF,I,37).
"Espées se dit proverbialement en ces phrases [.J. On dit d'un
homme qui demande les choses avec empressement, qu'il poursuit
l'espée dans les reins"
(F.). A. et R. donnent le même sens avec
explicitement notés non seulement ~ursuivre l'épée dans les
reins, mais bien tenir l'épée dans les reins,
expressions qui,
confirme A., se disent "figurément et proverbialement".
67} TOMBER DE SON HAUT
(sens physique passé au sens
moral)
= être st~péfûit, surpris d'une chose
extraordinaire.
Cf.:
"A ce nom de Rouvière et à ma manière outrageante contre
mon ordinaire, Sylvie et la Morin TOMBÈRENT DE LEUR HAUT.
Cela me fit rire à gorge déployée"
(IF,II,313).
Cette expression est marquée par les trois dictionnaires, les-
quels unanimement la tiennent pour figurée et proverbiale. Par
exemple R.:
"tomber de son haut: façon de parler proverbialement
et figurée pour dire, être entièrement étonné, être tout à fait
surpris" •
On note chez Molière cet exemple :
"Et ce qui m'a vingt fois fait tomber de mon haut
C'est de vous voir au ciel élever des sornettes"
(1).
(1) Les Femmes savantes,
IV,2.

-
129 -
68)
TOUT A PLAT = sans ménagement,
nettement,
absolument
(anglais:
flatly).
Cf.:
"J'ai écrit ~ Sylvie, elle fait la sucrée et refuse le parti
TOUT A PLAT"
(IF,II,309).
"Tout ~ plat, façon de parler adverbiale.
qui n'a guère d'usa-
ge qu'avec les verbes de négation et qui signifie entièrement,
tout à fait.
Il a refusé tout à plat,
i l nia tout ~ plat"
(A.).
R. la marque de l'astérisque et de la croix.
69)
TRAITER DU HAUT EN BAS
(figuré)
= dédaigner, regar-
der avec mépris
(3 occurrences).
1
Cf.: ex :
"Il avoit eu assez de mauvaise gloire pour se vanter
de m'avoir TRAITÉ DU HAUT EN BAS,
sans que je lui eusse
osé rien dire"
(IF,II,286).
2
ex :
" •.• qui n'étoient que des filles de marchands qui le
portoient incontestablement plus haut qu'eLle qui du
vivant de mon père,
les avoit regardées DU HAUT EN BAS"
(IF,II,284) .
Tous les dictionnaires marquent
(sans remarques formelles)
de haut en bas et non du haut en bas. C'est également de haut en
bas qu'utilise Molière dans l'Ecole des Femmes:
"ces
dragons de vertu, ces honnêtes diablesses
Prennent droit de traiter les gens de haut en bas"
(1)
70)
TRAVERSE
(au figuré).
a)
A LA TRAVERSE:
inopinément, d'une manière imprévue et
embarrassante.
(1) L'Ecole des Femmes, IV,
8.

-
130 -
Cf.:
"Vous faites venir Monsieur A LA TRAVERSE"
(IF,I,38).
'1)
b)
TRAVERSE = obstacles, épreuves
(5 occurrenc~s)
1
Cf.: ex :
"Nous ne conclûmes rien que de nous aimer éternelle-
ment, malgré les TRAVERSES que son père nous susci-
to i t "
( IF , l , 3 8) .
2
ex :
"N 1 est-ce pas pour les goQter tranquillement sans
TRAVERSE L J que nous nous résolvons d'accepter un
maître en prenant un mari?"
(IF,II,479).
3
ex :
"Les plus rudes TRAVERSES n'étoient essayées"
(IF,I,
152) •
"Traverse se dit figurément en Morale et signifie un obstacle
à la réussite des affaires qu'on entreprend L J Et on dit adver-
bialement, qu'un ennemi, qu'un envieux s'est venu jetter à la
traverse, pour dire, apporter quelque empêchement à un dessein,
faire une enchère, former un incident"
(F.).
71) TROUVER SON NID
Cf.:
"Elle me laissa faire,
le moineau TROUVA SON NID et j'en
sortis à ma satisfaction"
(IF,II,415).
"On dit figurément qu'un homme a trouvé un bon nid pour dire
qu'il a trouvé un bon establissement où i l peut estre à son aise"
(A.). F. et R. n'enregistrent pas trouver son nid ou trouver un
nid. La formule entière telle qu'elle apparaît
("le moineau trou-
va son nid") est vraisemblablement un syntagme libre qui tout au
plus fait allusion à l'expression trouver son nid ou plutôt dans
lequel la présence de nid est motivée par la référence
(par méta-
phore)
à l'oiseau qu'est le moineau. A noter surtout le jeu de mot
fort piquant sur le mot oiseau ou moineau qui indique ici par
allusion le membre viril.
~.~-~---------
(1)
Ci-dessus + IF,I,57i
IF, 1,175.

-
131 -
CHAPITRE III
- EXP RES S ION S
E N ERG l
QUE S
===========================================
Cette appellation s'applique ici à des termes qui
tirent leur expressivité de leur caractère à la fois amusant et
original. Ce sont des formations plus ou moins courantes -par-
fois des mots réalistes fort osés- employés au détour d'une phra-
se à teneur humoristique et qui manifestent du coup la vivacité
ou l'humeur railleuse d'un personnage. On remarquera que la plu-
part d'entre eux ne sont même pas enregistrés par les diction-
naires. De fait,
leur nombre est assez réduit
(à peine une di-
zaine) et ils ne doivent leur classement à part qu'à leur force
d'expression, à la vitalité particulière qu'ils insufflent à
l'oeuvre.
1) A MAINS JOINTES = en suppliant.
Cf.:
"Je crus qu'il y aurait de la dureté de refuser à une femme
dans l'état où était la mienne, la grâce qu'elle me deman-
dait A MAINS JOINTES"
(IF,I,163).
Cette expression fort pittoresque en ce qu'elle décrit l ' a t t i -
tude révérencieuse de celui qui supplie, n'est pas enregistrée
telle quelle par les dictionnaires. A. et F. notent "à jointes
mains"
("il l'a f'rié à jointes mains")
tandis que R. la passe
entièrement sous silence.
Inversée ou non, cette expression tire
sa force particulière de la suppression de l'article. A mains

-
132 -
jointes ou à jointes mains ne se retrouvent nulle part dans les
oeuvres, consultées.
2)
BAISER = faire l'amour (3 occurrences
(1»
,
1
Cf.: ex :
"J'ai entendu qui l'a BAISEE en lui disant que pour
le coup i l la tenoit à sa discrétion"
(IF,II,459).
2
ex :" A moins que ce fût un achevé brutal ou un crocheteur
qui BAISE sa femme à coups de poing"
(IF,II,542).
"On dit odieusement qu'une femme baise pour dire qu'elle n'est
pas chaste"
(F.). A. et R. ne retiennent pas le mot de baiser
au sens de "l'acte impudique"
(F.), se limitant sagement au
sens mondain de "appliquer sa bouche ou sa joue sur le visage
ou sur la mai.. de quelqu'un". Ce mot au sens impudique figure
en effet parmi les termes "réalistes" proscrits au XVIIe siècle
par la pruderie. Baiser appara!t tout naturellement dans les
Mémoires de M.L.D.R.:
"il m'a dit que tu avois empêché le soldat
qui t'accompagnoit de baiser cette fille".
(2).
3) CARESSE DE CHAT
Cf.:
"Dans un autre tems je lui aurois fait quelque ,CARESSE DE
CHAT"
(IF,II,285).
Cette expression n'est attestée nulle part: ni dans A., ni dans
F., ni dans R., ni même dans le Dictionnaire comique
(Leroux)
et
-------------
.
.
(1) Ci-dessus + IF,II,313.
CeI}dras,
.
(2) Courtilz de
'Les Memolres de . !'1LCDR, p.26.

-
133 -
les Cutiositez françoises
(Oudi~. De plus, aucun théoricien de
l'époque ne l'évoque; pas plus que les lexicolographes modernes.
Le dictionnaire des expressions et locutions figurées d'A. Rey,
édité en 1979, l'ignore totalement. Tout comme l'ouvrage de P.
Guiraud
(Les locutions françaises)
publié en 1961 qui, sur une
liste de 33 locutions inventoriées à partir du mot chat , ne men-
tionne guère caresse de chat. Mais tout porte à croire qu'il
s'agit là d'une locution de type populaire le chat étant de tous
les animaux familiers celui qui a le plus donné lieu aux locu-
tions et aux tours proverbiaux.
(1)
4)
DE QUOI FAIRE CHANTER UN AVEUGLE = la plus petite
quantité de bien matériel.
Cf.:
"Quelle ne pouvoit lui demander que celui de sa mère qui
( .. ) ne lui avoit jamais aporté DE QUOI FAIRE CHANTER UN
AVEUGLE"
( IF , I, 19) .
De quoi faire chanter un aveugle est une expression imagée de type
hyperbolique (avec fond humoristique), caractéristiques qui lui
assurent une expressivité totale. Naturellement elle n'apparaî~
dans aucun des dictionnaires. D'où son caractère particulièrement
insolite.
(1) Pour les expressions issues de chat Cf. P. Guiraud, Les locu-
tions françalses,p.15-17 et le cas échéant le Dictionnaire des
proverbes et dictons
(1980)
par Florence Montreynaud, Agnès
Pierron et François Suzzoni p.53-54.

-134-
5) FOURREAU = cachette
Cf.:
"Me voyant découvert,
je pris le parti de sortir de MON
FOURREAU et de courir à toutes jambes"
(IF,II,423).
Fourreau est employé ici au sens figuré mais surtout à partir
du verbe se fourrer qui signifie se blottir quelque part.
Il est
vrai, A. et F. notent l'expression "se coucher dans son fourreau"
qui signifie
"se coucher sans se déshabiller", mais le sens du
texte est loin de cet emploi de fourreau.
En revanche fourreau
signifiant cachette n'est mentionné nulle part.
6)
PAPIERS SUR TABLE = franchement
("à jeu découvert")
Cf.:
"On lui explica toutes choses PAPIERS SUR TABLE.
Il approuva
le parti qu'on prenoit"
(IF,I,/199).
" ,
, o y
'"
'
, Papiers' sur\\table est enregistré par F. à côté de "argent sur

-
135 -
table"
("il faut mettre papiers sur table pour examiner cette
affaire. La dot de cette fille a esté compté argent sur table")
table étant défini comme "meuble de mesnage qui sert à manger, à
escrire et à plusieurs autres usages". A. et R. ne le ma~quent
pas. Comme à mains jointes, papiers sur table tire son expressivi-
i
té de l'omission de l'article (qui lui donne une allure proverbial et
7)
RÉPONDRE DE LA BONNE ENCRE = répondre franchement,
avec force recommandation.
Cf.:
"J'écrivis aux uns et aux autres mille mensonges dont je ne
me souviens plus Î
J on fut bientôt instruit du contraire
et on me RÉPONDIT DE LA BONNE ENCRE"
(IF,II,285).
"On dit figurément Esc!:'ire de~'é.WtEf.d'!ic)à quelqu'un, pour dire, Eü
termes forts et pressans. Il s'emploie principalement pour la
recommandation.
Il a escrit en votre faveur et de bonne encre"
(A.),
Ecrire de bonne encre est retenu également par F. dans le sens
de "faire une recommandation". Seul R. le passe sous silence.
On remarquera toutefois la présence de l'article défini
(la) dans
l'usage du texte qui donne une sorte de valeur superlative.
sr TABLER PAR = commencer par.
Cf.:
"Il TABLA PAR me quereler devant tout le monde"
(IF,II,285).
Il s'agit ici d'un emploi figuré de tabler terme du jeu de trique-
trac qui signifie "disposer les Darnes selon les règles- du jeu"
(R.).
Cet emploi figuré au sens de "commencer par" n'est pas admis par

-
136 -
les dictionnaires. En revanche ceux-ci notent "tabler là-dessus"
pour "compter là-dessus"
(1).
Ce dernier sens est également
(en le caractérisant comme
figuré et familier)
celui que retient le Littré
(qui n'omet pas
le sens ancien de "poser deux darnes sur la même ligne" au jeu
de tric trac).
Voici, en guise de conclusion, le tableau récapitula-
tif des différents groupes de mots avec, en exergue, le nombre
total des unités contenues dans chaque catégorie, ainsi que le
chiffre des occurrences.
~---~----~--
(1)
Pour le point de vue grammatical concernant ce mot
(tabler)',
à savoir le tour verbe + par + infinitf, voir Ile partie,
chapitre "matériel grammatical"] .J:~fr~ p._1.4-z

137
.TEROGIES DE MOTS
NOMBRE DES
TOTAL.~ DES
POURCENTAGE PAR
MOTS SPECIFI-
OCCURRENCES
RAPPORT A L'ENSEM-
QUES
(DANS CHAQUE
BLE DES MOTS REPER
CATEGORIE)
TORIES
S COMMUNS DE LA
96
2611
56,31 %
VERSATION
:;,
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
'S TECHNIQUES
I l
20
RANTS
:ONS
6
14
's ET EXPRESSIONS
iPREMENT FAMILIERS
50
188
r
IMES PLAISANTS
14
48
Is ET EXPRESSIONS A
8
63
MODE
,~RS GENERIQUES DE
[STITUTION
7
2178
i
1
Is ET LOCUTIONS
~SSIFS
72
182
40,5 %
1
~SSIONS ENERGIQUES
8
15
4,77 %
~ ENSEMBLE DES MOTS: 177- 201*
2808
1
1 C'est le chiffre définitif qu'on obtient après
adjonction des mots
! et locutions regroupés autour d'un mot central (ex.: change·, (don-
i
'ner le change, rendre le change ... ), champ
(courir les champs . . . ),
!
i ••• ).
1
1
i
1
,

-
138 -
Ce tableau qui apporte des renseignements essentiels en
éclairant mieux les données, appelle au moins trois observations
concernant notamment le degré de fréquence des catégories de
.
mots. Ainsi, i l apparaît :
-
1) que des trois grandes catégories de mots,
la première place
revient
(tant du point de vue du nombre de mots que du point
de vue des occurrences) aux "mots communs de la conversa-
tion"
- 2) qu'en dehors des mots standards dont la fréquence dépasse de
loin toutes les autres, ce sont, pour les sons-catégories,
les mots à la mode qui,
proportionnellement au nombre total
des unités~ ont le plus haut degré d'occurrences: ils re-
viennent en moyenne près de 5 fois. Viennent ensuite dans
l'ordre: les mots proprement familiers
(+ de 3 fois), les
mots plaisants
(+ de 3 fois),
les jurons, les mots techni-
ques courants ;
- 3) qu'en définitive, quelle que soit la "case" considérée la
toujours
moyenne des occurrences reste presque supérieure à 2.
On dira donc pour terminer, que les faits de vocabulai-
re ont ici une importance assez remarquable. On l'a vu,
ils sont
doués d'une fréquence significative: un mot, une expression re-
vient souvent trois à quatre fois en
moyenne d'un bout à l'oeu-
vre de l'oeuvre. Et quelle que soit la valeur opératrice du clas-
sement qui les distingue ici les uns des autres,
ils spparaissent,
envisagés linéairement sur la chaîne du discours
(c'est-à-dire en
l'ocourrence dans la suite logique du texte), comme autant d'in-
dices qui laissent préjuger du niveau de communication.

D EUX l E M E
PAR T l E
==============================

-
139 -
L É M E N T S
G R A M H A T I
CO
S Y N T A X I Q U E S -
~=============================================================
Si les données se "résumaient à quelques faits de voca-
bulaire ou d'expression emphatique
(1), l'étude du langage de
la conversation n'aurait aucun sens, car, comme i l a été signalé
ci-dessus
(2), ces éléments peuvent ne servir qu'à caractériser
un énoncé précis, ou plus spécialement un personnage.
Mais l'usage même du matériel grammatical,
l'agencement
des mots, la nature et surtout la structure des phrases, les faits
prosodiques, bref, la structure syntaxique des Illustres françai-
ses
dans sa totalité et sous tous ses aspects semble, en dépit
de faits -fort rares au demeurant- présentés comme propres à tel
personnage ou à tel autre, se plier au choix stylistique de l'au-
teur. En tout cas, les exemples ne manquent pas et i l faudra exa-
miner tour à tour les points ci-devant pour situer précisément
l'importance des faits de syntaxe dans le schéma d'ensemble.
(1)
Cf., pour les faits d'expression emphatique, infra p.l44 .
1 ..... ,
,.,.c
_ ~ .. "'-' .... ..
__
.... n
\\"-/
'-J...
~U~.La.
.I!.,..,

-
140 -
CHAPITRE -
l
-
USAGE DU MATERIEL GRAMMATICAL
, A - LES MOTS OUTILS
L'emploi des mots outils dans les Illustres françaises
présente une double caractéristique: tantôt i l a un accent d'ar~
chaisme
(1), tantôt il comporte une valeur affective notable.
1 -
L'article
Avec l'article la valeur affective prédomine. On sait
que de par sa fonction traditionnelle, l'article indique de quelle
manière ou sous quel aspect particulier le sujet parlan"t se repré-
sente l'être ou la chose évoquée par le substantif. Cette fonction
générique est exploitée de multiples manières. Ainsi, de simple
anaphorique l'article défini peut prendre dans le langage ordi-
naire la force désignative d'une déictique .
. - L)~rticle.en référence situationnelle : Le défini
souligne,ppnctue un jugement, une observation dans la situation
même de parole.
1
Cf. : ex : "Je vous avoüe que je voudrois n'être point venu. Je
ne me sauverai pas d'auprès de vous, sans y laisser ma
liberté que peut-être vous me ferez regretter. LA crain-
te est. oiJli~8d.r1i:t::, ciit-elle en rian-c, mais n'en ayez
point avec moi"
(IF,II,456).
(1) Archaisme désigne ici les emplois plus ou moins vieillis qui
tendent à être abandonnés dans le haut style.

-
141 -
2
ex :
"Cela étant, dit Duval, i l n'y a point d'autre
parti à prendre que de présenter ma requête à
Monsieur l'Archevêque de Paris, où cela sera énon-

( ... ) L'avis est juste, dis-je, et bien pen5<i.
(IF, 1,198) .
3
ex :
"Je vous prie encore de m'en dispenser f ...1 Je
l
reconnois mon faible sur L'article et la demoisellel
étant telle que vous la faites,
j'oublierois mes,
1
,
résolutions"
(IF,II,468).
On voit bien que le défini se trouve ici dans sa valeur déic-
tique: on peut lui substituter un démonstratif.
A côté de cet emploi déictique,
i l faut signaler un cas
. .
.
, ~~ peu plus rare le:. ma:..s assez fréquent dans le langage parlé-
où l'article défini introduit une sorte d'allusion à l'univers
d'expérience commune. Dans l'exemple cité ci-dessousil se rapporte
,
au contexte socio-culturel des locuteurs, en particulier aux dis-
tractions connues de tous
Cf.:
"Je lui parlai DES compagnies et DU jeu, comme un jal'oux
jusques à la brutalité"
(IF,I,181).
-
Indication temporelle emphatique par l'article indé-
fini
L'article vient s'ajouter à un certain nombre de quantifi-
cateurs pour renf~cer l'idée de multitude:
Cf.:
"Il est quelquefois DES trois mois entiers sans sortir de
chez elle"
(IF,II,542).
C~'t exemple ê3t, il faut le ::;Uul.iYll~r, un cas isolé car
c'est rarement qu'on rencontre des constructions affectives d'ar-
ticles autres que le défini.

-
142 -
2 - La préposition
c'est dans l'emploi de la préposition que se rencontre
les tours archaïsants -au sens où le mot archaïsme est défini ci-
dessus.
Il est significatif en effet que ces emplois se retrouvent~
surtout vers la fin du XVIIe siècle, moins dans le style sérieux
que dans les genres dits libres.
Les prépositions les plus concernées sont A, DE, PAR et enfin
SUR dont Furetière dit qu'il s'emploie dans plusieurs phrases
"la plus-part proverbiales".
a) DE = A
Cf.:
"Je crus qu'il y auroit de la dureté DE refuser à une
f ernrne ... "
( IF , l , 2 62 - 2 63) .
b)
PAR introduisant une construction infinitive du
style indirect, là où on emploierait aujourd'hui
le gérondif.
1
Cf.: - Avec
poursuivre: ex :"Elle poursuivit PAR lui dire que .• "
(IF, 1,1 Ü 6)
2
ex :"Elle se fit conter par elle-même ••
qu'Angelique poursuivit PAR lui
faire comprendre ... "
(IF, 1,112) •
- Avec conclure
"Ce fut là que Jussy fit entrer dans le
presbytère tous ses nouveaux domestiques
et conclut PAR dire ..• "
(IF,I,199-200).
- Avec tabler
"Il tabla PAR me quereller devant tout le
monde"
(IF, II,285) .
An~ condamne cette construction. PAR suivant lui, n'est
bon que dans l'expression COMMENCER PAR (l). N'empêche, elle
(1) Andry, op.cit, p.349; cf.aussi H.L.F.,IV,lü20.

-
143 -
était assez courante jusque dans des écrits aussi respectables
que la maxime. Ainsi, la Rochefoucauld :
"c'est par avoir ce qu'on aime qui on est heureux
et"~par avoir ce que les autres trouvent aimables" (1)
Madame de Sévigné affectait particulièrement ce tour, ce qui
illustre son caractère assez parlé à la fin du XVIIe siècle :
-
"Je rendois mon voyage inutile PAR être trop court"
(2).
-
"Il a une petite impression de Grignan par son père et
PAR vous avoir vue"
(3).
-
"Langlé repoussa l'injure PAR lui dire qu'il ne se souve-
noit pas . . . "
(4).
Brunot donne ce tour comme une des influences de l'italien. (5)
c)
SUR employé figurément dans l'approibation tempo-
relIe.
1
Cf. :ex :
"Nous rentrâmes à PariS SUR les quatre heures du matin"
(IF,r, 200) •
2
ex :
"Je devais aller chez elle SUR les neuf heures du soir"
( IF , l , 2 3 1) •
renforcé dans le sens concret par un verbe de mouvement :
Cf.:
"J'ai même à vous dire qu'elle ENTRE SUR le cinquième moï
de sa grossesse"
(IF,I r 257).
Vaugelas le mentionne dans ses Remarques,
sans le blâmer certes,
mais déjà en 1647, il le dit
courant et en usage "depuis neuf
(1)
Cf. H.L.F.,
IV,
1020
Cf. aussi Haase,op.cit,
§ 85, p.
198-199.
(2) Op.cit, IX,188
(3) Op.cit, VII,281.
( 4 ) Op • ci t ,
II , 4 5 6 .
(5)
Cf. H.L.F., V,
1020.

-
144 -
ou dix ans"
( 1) .
Aucun signe ne permet de dire que l'emploi des formes archai-
ques des prépositions soit le fait de tel ou tel personnage en
particulier. On voit au contraire que ces formes sont parfaite-
ment intégrées à l'ensemble de l'oeuvre où elles appa~sent in-
différemment à un moment ou à un autre.
3 - Le possessif.
Déterminant personnel par excellence, le possessif se prê-
te mieux que tout autre élément grammatical à l'expression affec-
tive de la langue familière. Dans ce cas la possession exprimée
est plus morale que véritablement matérielle.
On distinguera deux registres d'exemples selon que le conte-
nu affectif du possessif est mélioratif au péjoratif.
a) L'appellation familière:
sont rangés dans ce registre
les emplois énonçant des rapports d'intérêts moral où s'inscrit
soit la hiérarchie sociale entre le locuteur et le référent, h~é­
rarchie'.fondée sur un rapport de propriété réelle, soit simple-
ment l'affection
- La hiérarchie sociale: Cf.:
"Je donnai. à MES gens leur
argent à dépenser"
(IF, I, 42) .
Le sentiment de propriété est dans cet emploi, plus ou moins
atténué par l'élément affectif.
(1) Vaugelas, op.cit, I,255.
Il s'agit donc probablement d'un
néologisme à l'époque où parle Vaugelas.

-
145 -
L'affection. Très souvent le possessif se joint ici à
un qualificatif pour mieux souligner la familiarité bien-
veillante, la sympathie, l'affection totale.
1
Cf.:ex :
"Etes-vous satisfaite MA belle fille?
(IF,I,78).
2
ex:
"Arrêtez MA chère Angélique"
(IF,I,80).
3
ex :
"MA chère enfant, c'est donc là ce moyen que vous avez
trouvé de sortir d'affaire?"
(IF,I,187).
4
ex :
"Ne vous repentez point MA chère Madelon"
(IF,I,224).
Dans le même ordre d'idée, le possessif ajoute à des relations
d'ordre culturel telle que les relations entre compères et com-
mères,
une forte dose d'affèctiviœ réelle, voire de familiarité
1
Cf.: ex :
"Qu'y-a-t-il donc
( ... ) où je puisse rendre service à
MA belle comère?"
(IF,I,9).
2
ex :
"Son mari voulut mettre Angélique dans le couvent où
étoit VOTRE comère"
(IF, 1,72) •
b)
Le possessif de l'ironie. Au contraire du possessif
de la familiarité ou de l'affection, le possessif de l'ironie
sert à établir une distance méprisante entre le locuteur et la
personne désignée.
1
Cf.: ex : "Je vis MON homme qui m'avoit suivi à la porte d'un
cabaret montrant à un autre .•• "
(IF,I,226).
2
ex :
"Pis qu'enragé avec MA perfide"
(IF,I,58).
Hors ces exemples où le possessif comporte une valeur nettement
affective et familière, on signalera un cas assez répandu autant

-
146 -
XVIIe siècle, 00. le possessif prend valeur de "prophrase" et assu-
re une sorte d'économie d'expression. Notez que le possessif joue
dans cet emploi un rôle de sujet avec le substantif auquel il se
rapporte.
1
Cf.: ex :
"Elle ne fut point avertie que mon père y étoit, parce-
qu'à SON bruit Lau bruit qu'il faisaitj7, la fille de
chambre ... étoient montés en haut"
(IF,I,226).
2
ex :
"Quoique VOTRE peu d'estime De peu d'estime que vous
manifestez] pour moi semble me dispenser de le faire"
(IF,I,209) .
3
ex :
"La facilité de SA conversation ide la conversation
qu'on peut avoir avec elleJ, la fertilité et le natu-
rel . . . ne la démentaient point"
(IF,II,291)
(1).
Enfin un cas où le possessif exprime vraiment la possession
matérielle. Mais l'expressivité n'est obtenue que par le truche~
ment du datif.
(1) A noter la similitude de ce tour avec la construction, généra~
le à l'âge classique, du possessif non réfléchi de la 3e per- j,
sonne se rapportant à des choses, à la place du pronom EN com~
me dans cet exemple de Corneille:
"Jai honte de ma vie, et je
hais SON usage, Depuis que je la dois aux effets de la rage"
(Médée,UI,3,865), et cet autre de Molière:
"Hai:s quand vous avez fait ce charmant" quoi qu'on die", Avez
vous compris, vous, toute SON énergie?"
(Les Femmes Savantes,
III,2,795).
Quelques lignes auparavant, dans la même pièce,
Molière emploie le même tour:
"
"J'y consens de bon coeur Et tiens SON alliance à singulier
usage"
(II,4,402).
1
A propos de cette construction, cf. Haase, §16,p.34, notarnmen1
les remarques l et II.
!1

-
147 -
Cf.:
"Un banquier qui avoit plus de vingt écus A MOI mourut
dans cet intervalle de tems"
(IF,I,40).
Dans la langue moderne, cette forme énergique du possessif reste
très courante.
4 - L1adverbe.
Pour les adverbes,
llessentiel des faits à noter consiste
dans des emplois typiquement familiers.
a)
Télé~scopage d1adverbes d'intensité.
1
Cf. :
ex :
"Si vous êtes SI FORT persuadé de la fragilité des
filles"
(IF, l, 46) .
..,
ex"':
"Lui voyant SI PROMPTEMENT TANT emprunter et tant
vendre"
(IF,I,40).
3
ex :
"Disant qu1il n1étoit pas TOUT A FAIT SI PEU à craindre"
(IF, l, 98) .
Dans ces énoncés le problème ne réside pas dans la détermination
des termes modifiés par les adverbes respectifs. Par exemple dans
2
ex ,
SI modifie PROMPTEMENT, et tous deux modifient voyant, tandis
3
que TANT modifie emprunter; dans ex , TOUT A FAIT modifie la co-
pule, et SI PEU, le verbe craindre. Mais la contiguité même des
adverbes,
source d1ambiguïté,
rend les énoncés très peu écrits.
Et surtout, ils exigent, pour la prévention de llambiguïté, une
3
lecture distinctive
(avec des coupes déterminées
(cf. ex ) possi-.
ble seulement dans le parler
(1).
(1)
Des tours similaires se rencontrent dans les Mémoires de MLCDR
"quoiqu1il en soit, comme i l faisait SI FORT le difficile, .•• "
Op.cit, p.3.

-
l~(-
b)
Pléonasme de l'adverbe: Les tours "marier ensemble",
"brouiller ensemble",
"éclaircir ensemble". Dans ces expressions
décrivant des rapports sociaux, l'adverbe apporte, on le voit,
une précision déjà contenue dans les verbes modifiés
(marier,
brouiller et éclaircir) .
l
Cf.: ex :
"L'homme qui l'a écrite, et la demoiselle pour qui elle
étoit sont MARIEZ ENSEMBLE et sont tous deux à Paris"
(IF, 1,63) •
2
ex : "Ils sont MARIEZ ENSEMBLE il Y a environ un an"
(IF, II,
329) .
3
ex :
"Je cherchai dans ma tête tous les moyens de vous
BROUILLER ENSEMBLE"
(IF, II,341) .
4
ex :
"Une autre fois vous vous ECLAIRCIREZ ENSEMBLE"
(IF,I,
J 25) .
Les tours de ce genre, très courants au XVIIe siècle, n'ont pas
rnanquéde préoccuper les grammairiens
(1).
1
(1)
On se reportera notamment à René Bary :
"On dit,
Antoine et Lepidus s'estoient uni.s ensemble
Antoine et Lepidus estoient unis ensemble
Antoine et Lepidus estoient unis. Vaugelas condamne la pre-
mière phrase à cause du pléonasme, et je condamne la derniè-
re pour la même raison, parce que comme il est impossible que
deux personnes soient unis
(sic), qu'ils ne se soient unis,
il suffit de dire estoient unis". Cf. La rhétorique françai-
se, op.cit, p.254.

-
149 -
c)
La négation :
+ Omission de la particule NE de la négation dans une in-
terrogation.
1
Cf.: ex :
"EST-il pas vrai que les momens que vous auriez passé
ailleurs n'auroient pas été aussi innocens que ceux
que vous avez passé chez moi?"
(IF,I,48).
2
ex :"TROUVEZ-VOUS pas que cela est bien projetté et ne peut
manquer de réussir?"
(IF,II,311).
Cette construction est devenue courante au moment où, vers la
fin du XVIIe siècle, le sens négatif des adverbes PAS et POINT
s'accentuant, ils finirent par exprimer à eux seuls la négation,
en particulier dans l'interrogation directe. On a ici l'un des
points sur lesquels pratique et théorie ont le plus souvent
divergé puisqu'en dehors de Vaugelas qui en 1647, jugea assez
indifféremment du tour
(1), les grammairiens l'ont unanimement
condamné, surtout ceux de la fin du siècle
(2). Sa fréquence dans
le langage spontané est attesté par son emploi
étendu dans la
correspondance de Mme de Sévigné :
"La perfidee:;t-elle pas de retour?"
(3)
-
"Vous ai-je pas conté comme il rhabilla ce régiment
anglais?"
(4).
Enfin, Pierre Corneille corrigea Point
sans ne partout où il
s'en était servi dans l'interrogation directe et indirecte
(5).
(1) Cf. Vaugelas, remarques,
II,S6.
(2)
Cf. Andry, op.cit, p.327.
(3)
Op.cit, VI,
421.
(4) Op.cit, IV,52.
(5) Voici deux exemples de ces corrections:
"Me flattois-je point,
trop quand je croyois .. ". Texte corrigé:
"Et me flattois-je

fj
f
-
150 -
1
,1
i
+ Pléonasme de la négation. Le pléonasme consiste ici en la
juxtaposition de termes de négation qui rendent superflue la pré-
sence de l'auxiliaire de négation PAS.
1
Cf. :
ex :
"Elle N'a PAS voulu RIEN prendre"
(IF, l, 44) .
2
ex :
"Je ne la quitterai point que je ne l'aye mise dans
un lieu où elle n'aura à craindre que mon changement
et NON PAS NI votre méchant naturel,
NI votre mauvais
coeur"
(IF, l, 259) .
3
ex :
"Mais pourtant, à moins de cela je N'ai PAS envie de
RIEN faire"
(IF,II,309).
Des exemples de ce type de construction de la négation se retrou-
vent dans les Difficultés sur la religion
(1).
Signalons pour terminer deux emplois nettem8Dt archaïq~es à
la fin du XVIIe siècle :
-
TANT pour AUTANT
(un intensif à la place d'un comparatif)
Cf.:
"Vous Monsieur, me dit-elle, vous prenez cette demoiselle qui
n'a pas TANT de bien que vous"
(IF,I,229)
(2) .
.. 1 trop quans je croyois ... " (Horace, IV,4, 1221) ;"Il faut donc
essayer si par quelque autre bouche Elle recevra point un
accueil moins farouche". Texte corrigé:
"Elle pourra trouver
un accueil moins farouche"
(Menteur,
III,6,1082). Concernant
cette construction, cf. Haase, op.cit, §101, c, p.254.
(1)
Cf. note grammaticale de l'éditeur, p.547. En voici un exemple:
"On a dispersé ces pierres,
je ~'en vois plus pas une" p.285.
(2}
IIéi.éi.5t:
t:Ù
buul..i.gne l:arcnaisme tin XVIIe siècle et donne à l'ap-
pui cet exemple de Malherbe:
"Que je fasse tant de plaintes que
je voudrois" op.cit, p.240, remarque I.

-
151 -
-
SI
(intensif)
pour AUSSI
(comparatif)
Cf.:
"Elle n' étoit pas mise SI simplement que les autres ") (1) .
(V,Z,4f-1f
Vers la fin du XVIIe siècle, de tels emplois ne sont plus de
beau langage i
ils inclinent vers la langue familière.
5 - Le pronom
Entrent dans la rubrique du pronom des faits assez divers
qui partent des formes du pronom personnel aux emplois du pronom
relatif. Leur trait cara,téristique reste c!,. . . .,pI'ès identique
aux faits examinés précédemment, à savoir: accent familier,
ex-
pressivité.
a)
Le pronom personnel
- Le tutoiement : Furetière donne pour tutoyer la définition
et le ca.mnentaire suivants :
"tutoyer, traiter quelqu'un avec mépris, ou avec gran-
de familiarité, en luy parlant par TU et par TOY.
Il
n'y a que les gens rustiques et incivils qui se tu- .
toyent. Les honnestes gens ne se plaisent point à este
tutoyez"
Il Y a dans les Illustres Françaises deux cas de tutoiement
(com-
me pour les possessifs): le tutoiement de familiarité bienveillan-
te et le tutoiement de mépris.
+ tutoiements de familiarité. Ils se passent généralement en-
tre fiancés ou plus exactement entre époux/et entre gens ordinai-
res dans les occasions de raillerie amicale.
t
(1)
Th. Corneille et l'Académie insistent qu'il faut bien employer
AUSSI
(Haase, p.238).
1

-
152 -
· tutoiement d'une femme à l'égard de son époux
1
Cf.: ex :
"Ah! Coquin, dit-elle en parlant à moi et en me don-
nant un petit coup sur la jouë, TU ne me l'avois pas
dit. TU croyois que je ne T'avois dit que des mente-
rie s "
( IF , II , 3 6 9) .
2
ex :
"Pourquoi ne dirais-TU pas cela devant moi, reprit
Madame de Terny en l~renant par la tête et en le
ba is an t "
( IF , l , l 6 9) •
· tutoiement d' un hOInme.:à'ltéga:rd'';~8êt'sa.femme ~';:Cf ~ :
"Mais, interrompit sa femme,
toute surprise, ai-je eu
le malheur de faire quelquechose qui vous ai déplû?
TU es sotte, dit-il en riant, ce que TU me demandes-
là me déplaît, LAISSE-moi poursuivre"
(IF,I,227).
· tutoiement d'un père de condition moyenne à son enfant:
Cf.ex~Par exemple, poursuivit-il, si lors que je n'ai pas
voulu vous marier ensemble,
je T'avois défendu, dit-il
à sa fille, de voir Monsieur Des Ronais, METS la main
à la conscience, n'est-il pas vrai que TU ne m'aurois
pas obéi?"
(IF,I,47).
2
ex :" Et TOI, poursuivit-il parlant à moi, qu'AS-TU à
rire entre cuir et chair?"
(IF,II,420).
· tutoiement d'un homme âgé
(vieux soldat)
à l'égard d'un
jeune-homme dans le ton plaisant de la conversation.
Cf.:
"Mon cher ami, poursuivit-il en me frappant sur l'épau-
le, SOIS toujours le maître du TIEN et LAISSE à TES en-
fans, quand TU en auras,
le soin de TE faire la cour,
sans TE mettre jamais en risque de la leur faire"
(IF,
1,41) •

-
153 -
+ Tutoiements de mépris
. Mépris où se mêlent des sentiments de dédain et d'adver-
sité.
Cf.:
"Je repris mon épée des mains de ma femme et lui dis
d'aller chez nous: et TOI TU es mort, dis-je à cet
homme que je reconnus pour un paysan"
(IF,I,251) .
. tutoiement où la familiarité et la colère se soutiennent
pour rendre le ton énergique d'une menace paternelle
(pa-
ternelle au sens large)
Cf.:
"Il envoya chercher ce laquais et lui ordonna devant
moi de ne me pas plus quitter que mon ombre, et de l'ins
truire de toutes mes actions: et si TU y manques, lui
dit-il, REGARDE-moi bien, TU verras un homme qui TE
fera pendre. SOUVIENS-TOI de ce que je TE promets"
(IF,
1,244) .
- Enallage de personne
L'enallage consiste selon Fontanier "dans l'échange
d'un temps, d'un nombre ou d'une personne, contre un autre temps,
un autre nombre ou une autre personnel!
(1). On relève deux faits
d'enallage dans les Illustres Françaises: l'enallage du neutre
familier "il faut" et l'e.nallage de l'indéfini ON.
(1) Fontanier, les figures du discours, p.293.

-
154 -
+ L'enallage du neutre.
IL FAUT + bien est fréquemment employé
à la place de l'auxiliaire modal DEVOIR
(au sens marquant la
vraisemblance, la probabilité, l'hypothèse)
pour atténuer l'af-
firmation d'une opinion, l'expression d'une pensée
(personnelle).
1
Cf.: ex :
"IL FAUT BIEN que cette demoiselle vous aime bien pour
se donner à vous avec si peu de sûreté"
(IF,I,230).
2
ex :
"IL FAUT BIEN
( .. ) qu'il y ait quelque chose de plus
fort qu'eux, puisque je ne me sens plus la même réso-
l ution"
(IF, l, 214) .
L'enallage du neutre est apparemment un fait banal.
Il méritait
cependant d'être signalé; d'autant qu'il apparaît comme un ré-
pondant syntaxique de l'atténuation par le mot.
(1).
+ l'enallage de l'indéfini ON
1
. ON = Nous Cf.: ex :
"Il y avoit un jour un Ecclésiastique
chez elle ; ON parla de plusieurs cho-
ses indifférentes"
(IF,I,17).
2
ex :
"Une autre fois, vous vous éclaircirez ensemble
présentement dînons et sachons les aventures de
Monsieur de Terny
( .. ) ON suivit ce conseil et 'ON
dîna fort bien"
(IF,I,125).
3
auprès
ex :
"ON soupa fort bien,' 'd u l i t de Madame Dupuis"
( IF , l , 2 0 5) .
. ON = JE. (ou NOUS)
Cf.:
"Il n'y aura plus de danger de son côté; et ma femme
PUULLd
dL;L;uudl~r ÙéUl::i la même cha:rrùJre où nous nous
serons vûs auparavant. ON sçoit prétexter un voyage
à la campagne"
(IF, 1,229) .
(1) Cf. 3e partie, p.Z63

-
155 -
. ON = IL
Cf.:
"Voilà ... l ' évangile qu'ON fle père Des Prez.!
m'a prêché ... ON donne une cause à vos visi-
tes"
( IF , 1,223) .
l
. ON = ELLE Cf.: ex : "J'avois tous les sujets du monde de
croire qu'ON m'aimoit. Toutes les faveurs
qui n'étoient point criminelles m'étoient
accordées. Tous les jours je la voyois"
(IF, 1,27) .
2
ex :
"Vous êtes trop heureuse en bonne amie et en
maîtresse, ON vous aime toujours, ON est sûre
d'être aimée aussi.ON vous traite de fou et
d'incivil, et ON vous rend justice. ON est
prêt à vous épouser"
(IF,I,66).
ON était employé vers le milieu du XVIIe siècle
(et encore de nos
jours) pour renvoyer à une personne qu'on ne peut pas ou qu'on ne
veut pas nommer. C'était un outil de référence courtoise en par-
lant de personnes de rang social élevé
(cf. ci-dessus, l'exemple
de ON équivalant à IL ou à ELLE). Ce pronom devait connaître une
telle vogue à la fin du siècle qu'on le rencontrait presque par-
tout autant dans l'écrit que dans l'oral,
surtout dans la langue
familière. St. Evremond a pu parler à ce propos"d' inondation
générale de certaines manières de parler"
(2).
Le P. Bouhours
(1)
Cr.
H.L.F.
IV, 872.
(2)
"Il Y a quelques années, é~rit-il, qu'il y eut dans la langue
françoise une espèce d'inondation générale de certaines ma-
nières de parler. On n'osoit plus se servir de la première pe~
sonne et un medecin qui demandoit des nouvelles à un malade,
.. /

-
156 -
observe pour sa part :
"ON se dit a tout heure dans un sens nou-
veau. Car pour dire je vous en seray obligé, ~eray mon devoir,
n'oubliez pas au moins ce que je fais pour vous, nous disons en
parlant et en écrivant familièrement
: ON vous en sera obligé, ON
fera son devoir; n'oubliez pas au moins ce qu'ON fait pour vou~~)
En réalité ON pouvait remplacer la plupart des pronoms su-
jets en particulier IL et ELLE dans le langage de la galanterie.
Mais la plupart du temps, son emploi reste neutre, souvent même
revêtu d'une certaine solennité c'est-a-dire par déférence.
- La représentation pronominale: i l s'agit essentiellement
des emplois des pronoms compléments LA, LE
(ou LES)
neutres ou se
rapportant a des personnes.
+ L'accord du neutre: L'emploi de LA pour renvoyer a un
adjectif lorsque celui-ci se rapporte a un référent féminin est
très fréquent dans les Illustres Françaises .
. LA renvoyant a un attribut immédiat, en phrase continue •
.. 1 n'avoit point d'autre réponse, si non que l'ON avoit mal
passé la nuit, que l'ON avoit senti de grandes douleurs; que
l'ON étoi t
dans une faiblesse extrême l ..J En un mot tout se
traitoit par cette manière, non seulement dans les entretiens,
H1d.l.~ encore dans les livres". st Evremond, Oeuvres meslées,cf.
H.L.F. IV,872.
(1)
Bouhours, Entretiens, op.cit, p.53.

-
157 -
1
Cf. : ex :
"On ne peut qu'être plus réservé qu'elle LA fut
pendant près de quatre mois"
(IF,I,213).
2
ex :
"Il est certain qu'elle étoit sage et LA seroit
encore ... "
( IF , l , 100) .
3
ex :
"Au hasard de vous voir méprisée de vos maris,
comme je LA suis du mien"
(IF,I,272) .
• Spécialement LA renvoyant à un attribut éloigné, par mes-
sage différé.
1
Cf. : ex :
"Monsieur Des Ronais que voilà s'est plusieurs
fois offert à mon service, et s'y offriroit bien
encore, ou je suis fort trompé. Vous ne LA serez
pas, REPRIS-JE"
(IF,I,46).
2
ex :
"Si j'en ôtais cru,
je tiendrais ., -
.J..Q
cérÉmonie
pour faite.
Elle LA sera toujours assez, REPRIT
M. D~ONTAMINE"
( IF , 1,272) .
3
ex :
"Mais comment peut-elle vous écrire puisqu'elle est
morte, poursuivis-je, à ce que tout le monde dit?
Elle l'est aussi REPONDIT-IL; et plût à Dieu qu'
elle ne LA fût pas,
je ne serois pas ici"
(IF,I,
208) .
Ce type de construction du pronom est condamné par les grammai-
riens, en premier lieu par Vaugelas qui y voit une faute que
font "toutes les femmes et de Paris et de la Cour"
(1).
+ La représentation
des personnes et des choses
EN équivalent à DE LUI et représentant des personnes:
(1) Cf. Vaugelas, op.cit, 1,87; Haase, op.cit, p.12; H.L.F.,IV,
892-893.

-
158 -
1
Cf. : ex :
"Avec d'autant plus de plaisir qu'il aimoit l'ai-
née de ces deux filles que nous allons voir, par-
ce qu'il EN parloit avec feu"
(IF,I,129).
2
ex :
"Il est vrai, dit Des Ronais, qu'elle n'est point
de ses amis. Elle EN parle comme d'un fourbe"
(IF, 1,68) .
Il faut dire que cet emploi de EN est fort persistant. Issu de
l'ancienne langue, i l reste assez courant jusque tard dans la
première moitié du XVIIIe siècle où l'on voit Marivaux en user
assez souvent:
"Ceux qui connaissent Dieu, parce qu'ils l'aiment, qui
sont pénétrés de ce qu'ils EN voient, ne peuvent, dit-on,
nous rapporter ce qu'ils en pensent"
"Une société où tout hormne étudie les autres et EN est
étudié à son tour"
(1).
Et jusque de nos jours, des écrivains représentants d'une forme
d'écriture libre en ont recours pour imiter le parler populaire
Céline :
"- Elle voulait plus de toi?
- Mais si, au contraire, elle EN voulait bien"
: Aragon:
"- Ne m'explique pas que je n'avais pas à souffrir
de toi, si j'EN est souffert"
(2).
(1)
Cité par M. Deloffre, op.cit, p.383.
(2)
Céline, Voyage au bout de la nuit, p.444; L. Aragon, La Mise
_
')0
~ l'Liort, l;"'<'V'
textes ciLés par Jacq~~lin~ Piûchoû dans "Hls-
torique des emplois de "Y" et "EN" p.84,
in Langue française
n016, Décembre 1972, pp.74-87.
1
1
1
1
1

-
159 -
+ La représentation non_faite
. Omission du pronom sujet "apparent"
(qui=qu'il
(dit
phonétiquement~.
1
Cf.: ex :
"Je vous dirai CE QUI en est"
(IF,I,209).
2
ex :
"Je connus bien CE QUI en est"
(IF,I,6).
Dans l'ancienne langue, on pouvait omettre le sujet ou éviter
la reprise du sujet après la coordination. Cette construction
J ',était
qui était considérée comme une élégance de styre surEout dans la
conversation .
. Omission du pronom régime
(neutre)
représentant un
énoncé en citation.
1
Cf. : ex :
"C'étoit comme je vous 11'J ai dit un gentilhomme
manceau"
(IF,II,307).
2
ex :
"Car, comme i l ileJ disoit, les enfans trouvent
toujours leurs pères et leurs mères"
(IF,I,42).
3
ex :
"Il avoit cette lettre que Madame de Cranves lui
avoit donnée comme vous [ieJ sçavez par la suite"
( IF , l l , 3 1 9) .
(2)
Il est vrai, dit Vaugelas,
"dans le DISCOURS ORDINAIRE, on suppri-
me co~munément ce pronom ( ... ) mais en écrivant c'est une faute
que de l'omettre".
(1).
(1) Vaugelas, op.cit, 1, 161-162.
(2)
C'est nous qui soulignons.

.1
-
160 -
b)
~ronom interrogatif
Trois faits sont à signaler :
- L'usage de la forme pronominale de l'interrogatif
(QUI)
à la place des formes adjectivales
(LESQUELLES) ou renfor-
cées
(QU'EST-CE QUI)
+ QUI pour LESQUELLES (interrogeant sur l'identité).
Cf.:
"Pour les démarches que vous me demandez ( ... )
je les
ferai de tout mon coeur; QUI sont-elles?"
(IF,I,254)
Molière écrit dans le Bourgeois gentilhomme:
"Qui sont-elles,
ces trois opérations de l'esprit?"
(cf.II,6).
+ QUI pour QU'EST-CE QUI (interrogeant sur le motif) .
Cf.:
"Il étoit si tard qu'elles alloient se mettre au l i t .
QUI vous amène à l'heure qu'il est, me dit ma perfide"
( IF , II , 3 1 2) .
Il faut rappeler que l'emploi de qui pour représenter des choses
est condamné par les grammairiens.
Selon ceux-ci en effet,
"le'
pronom qui ne se dit que des personnes hors le nominatif et l'ac-
cusatif qui se disent des choses et des personnes". Partant,
"il
serait ridicule par exemple de dire :
"Ce sont des artifices
à qui vous devez prendre garde"
; chacun sçoit qu'il faut dire
à quoy ou ausquels"
(l).
----------0:--_
(1) Andry, op.cit, p.522. Tous les grammairiens, à commencer par
Vaugelas, ont fait cette distinction. Cf. H.L.F.
IV, 878-889.

-
161 -
-
L'emploi de LE pour QUEL
(ou plus précisément pour la
formule
: adverbe locatif
(OU)
+ copule) devant un substantif
supportant l'interrogation. Ce tour a lieu généralement devant
le substantif moyen.
1
Cf.: ex :
IlJ' admire vos bontés pour moi,
["oU est, ou
<n!el est.#moyen d'en prof i ter? Il
( IF , l , 1 8 0) .
2
ex :
ilLE moyen cependant de ce pas regarder votre in-
dulgence?1l
(IF,I,30).
3
ex :
"En effet, LE moyen d'avoir le front d'entendre
tout ce qu'elle auroit pu me dire?"
(IF,II,396).
Ni dans les dictionnaires ni dans les ouvrages des grarnmai-
riens, on ne rencontre de remarques concernant ce tour. Deux em-
plois successifs par les précieuses de Molière donnent à penser
qu'il s'agit là de l'un de ces nombreux tours mis à la mode à la
fin du siècle par les précieux
La phrase est de Cdthos :
ilLe moyen, mon oncle, qu'une fille un
peu raisonnable se pût.accommoder de
leur personne?"
Quelques lignes plus loin, on l i t de la part de sa cousine et .
consoeur
(en préciosité) Agnès
:
"Le moyen de chasser ce qui fait du plaisir?"
(1).
Presque de la même période,
un autre exemple tout aussi
redoublé mais celui-là de Furetière dans le Roman bourgeois,
(1) Les Précieuses Ridicules, respectivement acte l,
Sc., 1 et
acte l, fG..6.

-
162 -
tend à confirmer l'hypothèse:
"c'est une chose qui n'a jamais manqué aux héros et
aux héroïnes: Le moyen sans cela d'écrire leurs
aventures? Le moyen qu'on
pust savoir dans leurs
entretiens leurs plus secrettes pensées?"
(1)
1
.,i
t'
~
- Le renforcement expressif de l'outil interrogatif. Le pro- t
.et en effet assez
~
cédé, qualifié de "très courant" par le Robert
caractéristique du langage parlé, consiste dans le redoublement
(dans l'interrogation directe)
du pronom interrogatif d'identité
qui à l'aide du présentatif
(sujet)
"c'est ... qui" inversé.
Cf.:
"Et puis, QUI EST-CE QUI iroit approfondir un pareil
secret?"
(IF,II,30B).
On le retrouve assez souvent chez Courtilz et un peu partout
dans la comédie
(2).
c)
Le relatif
Pour le relatif i l convient de distinguer des usages'
assez normaux au XVIIe siècle qu'on retrouve dans les écrits les
plus littéraires et qui se rencontrent en abondance dans les
(1)
Furetière, Le Roman bourgeois, p.SB.
(2) Voici pour Courtilz, un exemple des m.émoir_e.~~~__ MLCDR :
"et en effet, qui est-ce qui se peut sauver du supplice
s ' i l est responsable de ce qu'ont faits ses soldats?" p.48.

t
it
f!
-
163 -
1
[
Illustres françaises
(1),
des constructions proprement familiè-
1
!
res qui sont pour l'essentiel
-i1i
-
La superfluité du relatif.
Les exemples du genre sont
,
1
peu nombreux. On retiendra simplement celui-ci où Y et OU ,
tout
J;1
deux représentants locatifs
font à l'évidence double emploi
~
,
"Nous montâmes dans un appartement OU la richesse que votre
comère Y vit la jeta dans la dernière surprise".
(IF,I,99).
1
,]--
-
Les attelages audacieux de relatives conjonctionnelles
j
Nous
; appelons attelages audacieux la coordination
appositive de relatives d'antécédents soit uniques,
soit diffé-
rents.
+ attelage en faisceau:
La relative part d'un seul antécé-
dent
dont les développements de détail se déploient sans l'appui
d'un coordonnant.
1
Cf. :
ex :
"Elle étoit pleine d'or et d'un billet QUI en sortoit,
QU'elle lut"
(IF,I,87).
2
ex :
"Nous remontâmes ensemble dans la carosse QUI l'avoit
amené QUI étoit un fiacre"
(IF,I,35).
(1)
Citons pour mémoire
+ l'emploi de où pour quoi précédé d'une préposition (dans ou
en)
,
Cf.:"Qu'y a-t-il OU je puisse rendre service à ma belle comè-
_-."")11
/"TT"'
T
",\\
.L.~.
\\.J..J.:,.J..,:J).
+ l'emploi de dont pour que
Cf.:"C'est d'elle DONT nous devons nous méfier"
(IF,I,224).
+ 1 r emploi de.i guî'""pou~
C
que-.'
Cf.:" C'est à vou's,
Monsieur, A QUI je dois rendre grâce"
(IF, I, 82) •

-
164 -
+ emboîtements de relatives. Ici le rôle d'interprétant est
tour à tour assumé par des mots clef qui constituent autant de
noeuds de la phrase. Celle-ci pourrait se prolonger indéfiniment.
1
Cf. : ex :
"Chacun prit le chemin de chez soi, excepté moi
QUI couchai chez les mariez QUI comme moi étoient
encore au lit"
(IF,I,30).
2
ex :
"Je vous dirai seulement ce QUI s'est passé de-
puis votre départ QUI surprit tout le monde QUI
vous connoissoit"
(IF, l,11) •
Excepté quelques cas bien particuliers
(les emplois da TU par
exemple), on observera que pour les pronoms il s'agit plus d'em-
plois ou de constructions du registre familier que de faits
affectif5 ou énergiques.
6 - La conjonction.
1
.1
a)
Conjonction de subordination
-
Usage d'une forme archaïque de la conjonction
D'ABORD QUE
Cf.:
"Mais D'ABORD QU'il Y a de la contrainte"
(IF,I,47).
D'abord que
n'est pas enregistré par F. Une autre conjonction
aussi archaïque
(devant que)
est employée également par Challe
dans les Difficultés sur la religion.
(1).
(1)
Cf.
"note grammaticale" p.546.

-
165 -
- Fractionnement de la locution conjonctive par adverbe.
Cf.:
" DE PEUR MEME QUE mes assiduités ne fissent connaître
Angélique"
(IF,I,116).
A signaler aussi dans les Difficul té&1 quoi même""que (1).
Cette séparation des particules de la conjonction procède on
s'en doute, de l'ancienne langue où la plupart des locutions
conjonctives
(étant à peine formées)
pouvaient être séparées en
éléments distincts, soit d'un côté la préposition ou l'adverbe
et plus loin la particule que. Ainsi de LORS ... QUE, PUIS ... QUE,
PAR CE ... QUE, etc •..
b)
Conjonction de coordination
-
Rédondance de la coordination.
Il n'est pas aisé de tracer
ici la limite exacte entre maladresse et expressivité. En revan-
che, ce que l'on peut noter d'emblée, c'est l'abondance de la
conjonction ET dans les Illustres Françaises. Au total 5878 occur-
rences,
soit en moyenne plus de 2
(deux)
ET par ligne, ce qui.
correspond à 4,03 % des mots de l'oeuvre. Et la plupart du temps,
ces outils coordonnants s'interposent entre propositions, sans
apporter un lien logique apparent. D'où l'impression d'expressi-
vité mais aussi d'incongruité qui les rend
difficilement
(1)
Cf.
Difficultés sur la religion, p.122 notarrunent, et "note
grammaticale", p.546.

-
166 -
classables, comme on peut le voir
1
Cf.:
ex :
"Je rappelai cette fille,
ET je sortis moi-même ET
elle me suivit les larmes aux yeux"
(IF,TI,392).
2
ex :
"En effet il frémit à tette proposition ET lui refusa
son consentement ET lui dit pourtant qu'il ne la con-
traignoit point, ET qu'elle étoit maîtresse de ses
actions"
(IF,I,
97).
3
ex :
"Elle l'avoit instruit de tout ET il avoit eu toutes
les peines du monde à consentir à ce que sa femme vou-
loit faire,
ET ce ne fut qu'après bien du tems que je
la gagnai"
(IF,I,231).'
On notera que cette même fréquence du ET
(de valeur incertaine)
s'observe dans les Mémoires.
- La coordination adversative. S'il est permis de mettre
l'abondance du ET à l'actif de la manie qu'a la langue ordinaire
d'abuser effectivement de cet outil grammatical, on peut expliquer-
aussi cette profusion par la polyvalence de cette conjonction
qui a la vertu de se substituter aisément à tous les autres de
sa catégorie. On note ainsi dans les Illustres françaises que
ET se substitue à MAIS
(ajoutant à la coordination une légère

nuance expressive) .
W:
f·f
f"
1
Cf.: ex :
"J'admirois cet homme qui me confioit volontiers son
l1
bien ET qui ne vouloit pas me donner sa fille"
(IF,I,42)1
2
[
ex :
"Elle demeuroit avec une femme qu'on croyoit sa tante
*
f
et qui en effet ne lu~ étoit rien"
(IF,II,293).
l'
,,
3
ex :
"Je priai
qu'on me fît tout ce qu'on vouloit ET
qu'on ne m'outrageât pas"
(IF,I,188).

-
167 -
De la même façon ET se substitue à ALORS QUE:
Cf.:
ex 1 :
"Sa confusion venoi t
de ce que cette darne la croyoi t,
mariée ET qu'elle ne l'étoit pas"
(IF,I,102).
2
ex : "Vous avez déjà des aventures ET i l n'y a que deux
jours que vous êtes ici"
(IF,I,5).
2
On voit que dans ex ,
ET permet l'opposition affective de deux
faits donnée comme étonnants.
-
La coordination emphatique.
+ Coordination thématique
. Coordination thématique introduisant une suite narra-
tive, un épisode
:
1
Cf.: ex :
"Il envoya donc quérir des médecins et des chirurgiens,
fit ouvrir le corps de sa femme;
ET la mort s'étant
trouver naturelle,
i l prit leurs certificats"
(IF,I,16).
2
ex :
"J'écrivis en sa faveur,
je sollicitai Monsieur l'Inten-
dant, à qui je découvris mon chagrin i
ET mes parents
satisfaits de lui et me destinant aillleurs le continuè-;
rent"
(IF,II,289) .
• Coordination thématique introduisant une opinion.
1
Cf. :
ex : "Vous voyez bien par là qu'il prétendoit être mieux
informé que personne de la conduite de sa femme,
ET
c'est là ce qui a donné lieu au public de le soupçon-
ner"
(IF, l, 16) .
?
ex-:
"Ce fut là ce qui nous fit connaître que cette lettre
étoit pour moi, et qu'elle l'avoit écrite devant cette
soeur écoute, à qui elle l'avoit montrée, ET c'étoit en
effet la vérité"
(IF,I,136).

-
168 -
3
ex :
Quoiqu'il en soit
( .. )
je l ' a i été, ET voilà le
secret que j'ai l'obligation à mes parents d'avoir
œché"
(IF,II,293).
On le voit,
le procédé consiste à lier par ET non des éléments
isolés ou des membres de phrase, mais des thèmes. Tout se passe
comme si le locuteur éprouvait le besoin de placer entre deux
~~j
développements discursifs un lien explicite redondant,
suscepti-
~
hIe de mieux afficher la suite logique ou la conséquence inatten- ~:.;
due de faits le plus souvent matériels. D'où parfois une valeur
d'incise qui manifeste la forte modalisation de l'énoncé par le
sujet parlant.
+ Disjonction affective marquant une affirmation énergique.
1
Cf.: ex :"Et si vous étiez née l'aînée des filles,
ou d'un autre
sexe,
le couvent ne vous seroit jamais de rien, et ne
vous sera même de rien si vous en êtes crüe, OU je
suis mauvais physionomiste"
(IF,I,131).
2
i
ex :
" Si j'avois envie d'avoir un galant,
j'en aurois bien-j
tôt trouvé et sans aller trop loin, M. Des Ronais que
~
voilà,
s'est plusieurs fois offert à mon service, et·
~
s'y offriroit bien encore, OU je suis fort t r o m P é " i':.'.~.•...•
(IF,I,46).
'
3
~
ex :
"Je mourrai fille OU je l'épouserai"
(IF,I,61).
l
A la faveur de son volume phonique réduit,
le OU alternatif prend
j
ici une valeur de tour emphatique pour signifier une grande con-
viction.

-
169 -
7 - Les intensifs
Les intensifs méritent une place à part eu égard à leur
importance et à leur effet dans l'oeuvre. Et, malgré la faiblesse i
numérique des intensifs autres que les adverbes, ce serait faus-
ser la perspective que de les isoler dans les rubriques corres-
pondant à leur nature grammaticale respective.
a) Adverbes d'intensité
Les adverbes d'intensité sont connus pour leur valeur
affective. Ce sont à ce titre, les correspondants grammaticaux
des procédés d'emphatisaticn
(1).
Il~ se signalent par une forte
proportion atteignant jusqu'à 3,05 % des mots du texte avec un
total de 4087 occurrences sous diverses formes.
Parmi eux, on
distingue les intensifs usuels, c'est-à-dire ceux qui sont parti-
culièrement courants dans le discours quotidien et qui de ce fait
apparaissent comme pratiquement vidés de leur substance sémanti-
que affective
(n'ayant plus~~n rôle d'appui du discours, ex.:.
bien, assez,
fort, ... )et ceux qui correspondent à une intention
de renforcement affectif
(ex.: quantité, point,
jamais, etc .. ).
Devant la masse d'exemples on se bornera à noter ici les faits
les plus importants et les plus significatifs.
- Adverbes indiquant soit la qualité,
soit la quantité avec
forte nuance appréciative.
(1) Cf. infra, p.Z44

-
170 -
+ ASSEZ (233 occurrences, 5,70 % des adverbes d'intensité)
· Assez employé absolument devant un qualificatif ou
un adverbe :
1
Cf.: ex :
"Nous conclûmes de bouche ensemble ASSEZ promptement . . .
elle étoit tout le jour en vuë de son père ou de sa
mère et ASSEZ souvent de tous les deux ensemble"
(IF,
II,544).
2
ex : "Nous allions ASSEZ souvent nous promener ensemble"
( I F,'.
II,450).
3
ex : "la maison fut ASSEZ belle ... "
(IF,II,285).
· Assez
employé en proposition consécutive
1
Cf. :
ex : "Qu'il n'étoit pas ASSEZ bon pour se laisser mourir
pour leur faire plaisir"
(IF,I,21).
2
ex : "elle fut ASSEZ sotte pour le croire"
(IF,I,24).
3
ex :
"Vous n'êtes point ASSEZ forte, ni ASSEZ faite à garder
des malades, pour supporter les fatigues du jour et de
la nuit"
(IF,I,88-89).
+ BIEN (712 occurrences, 51,9 % par rapport à Fort et à
Très
(à peu près de même valeur intensive)
·
Il renforce le plus souvent des verbes
:
1
Cf.: ex : "J'étois bien venu chez Dupuis . . . Quoiqu'il se doutât
BIEN que, s ' i l n'eût tenu qu'à moi,
je l'aurais envoyé
dans l'autre monde"
(IF,I,27).
1
2
1
ex : " ... mais qu'elles voyoient BIEN qu'elles s'étoient trom-l
pées, puisqu'il les traitoit avec tant de magnificence"
1
f;
(IF,II,409).
1
f
~'

-
171 -
3
ex :
"Il y auroit BIEN du plaisir à vous casser des oeufs,
ma belle fille"
(IF,II,433).
· mais quelquefois aussi des adjectifs. Dans ce cas, i l
apparaît comme la forme subjective de TRÈS
(plutôt
objectif)
1
Cf. :
ex : "Poursuivez,
je vous suplie, la longue réponse de
Monsieur Dupuis ; elle me paroit BIEN dUre"
(IF,I,23).
2
ex :
"Car, Monsieur, ... ne faut-il pas que je sois BIEN ma-
lheureuse ?
"
(IF,I,24).
+ FORT (485 occurrences, 36,1 % par rapport à bien et à très)
· Fort
renforçant un qualificatif
1
Cf. :
ex : "Cette fenêtre étoit FORT basse au premier étage [". .J"
Il Y avoit un berceau de vigne FORT toufu"
(IF,II,475).
2
ex :
"Je ne passois pas pour FORT endurant"
(IF, II,286) .
i
3
j
ex : " ..• de FORT beau linge et un FORT beau fil de perles"
i
(IF,I,246) .
1
'i
.~~
j
· Fort renforçant un adverbe.
1
Cf.:
ex : "Nous soupâmes FORT bien et avec joie"
(IF,I,202).
2
ex : "parce qu'il sçavoit FORT bien que ce n'étoit pas là
ce qui multiplioit l'espèce"
(IF,I,23).
;.
i
3
f
ex : ~e fermai la porte de mon cabinet FORT doucement. Je
r
m'dpprochai FORT doucement"
(IF,I,497).
A
ex~: "Je fus pourtant en FORT peu de tems aussi habile que
1
lui"
(IF, II, 284) .
t1

-
172 -
· Fort
renforçant un verbe conjugué.
1
Cf. :
ex :
"Il loUa FORT la conduite de sa cousine"
(IF,I,202).
2
ex :
"Les biens de Bernay l'auroient FORT accommodé"
(IF,I,
155) •
3
ex : "J'étois FORT persuadé qu'une déclaration de bouche
n'auroit pas été mal reçuë"
(IF,I,177).
Le rôle primordial de ces trois adverbes d'intensité
(assez, bien
---,
et fort)
dans la langue classique comme dans la langue moderne est
surtout de soutenir l'affirmation en manifestant la présence du
locuteur dans le message.
Il
est à noter cependant que fort
tend
vers un usage de plus en plus littéraire
(par opposition à son
emploi au siècle classique). De plus sa valeur intensive même
(c'est-à-dire son rôle modificateur)
tend à disparaître.
,
+ TRES
(marquant le superlatif absolu;
173 occurrences,
12,6 % par rapport à bien et à fort).
"Très, remarque le Robert,
est de l'usage le plus courant en français moderne, alors que
bien,
fort,
tout sont légèrement archaïques fSurtout fortl ou
ont une valeur stylistique fbien,
et tout?". Rappelons simplement
que par rapport à bien, très a souvent un sens objectif.
· Très renforce ou un adjectif :
1
Cf.:
ex :
"J'ai meublé une maison TRÈS vaste"
(IF, l 1 3) •
2
ex :
"La fête étoit pour unefille de TRtS grande qualité"
(IF,I,14) .
· ou un adverbe

-
173 -
,
Cf.:
"Elle a été mariée depuis, mais TRES mal"
(IF,I,12).
Certaines fois cependant on le rencontre ici en position d'insis-
tance affective, allant jusqu'à marquer l'ironie:
1
j
Cf.: ex : "Ce n'est qu'une bagatelle,
lui répondis-j e en
gogue-
nardant, qui peut faire pendre votre TRÈS vénérable
11
tante putative. Il
(IF,II,313).
2
ex :
"Je vous remercie plus que TRÈS humblement, repris-je
d'un ton ironique"
(IF,II,429).
- Adverbes de quantité
(proprement dits)
(1).
Le plus expressif et aussi lEtPluS significatif est QUANTITE
(DE)
(14 occurrences,
14,5 % par rapport à beaucoup de
(82 occur-
rences). Cet intensif marque l'abondance
(l'intensité portant
sur le substantif)
en insinuant l'idée de surabondance,de super-
flue
Il sert ainsi à l'expression emphatique de la quantité avec
très souvent une nuance péjorative ou méliorative.
1
Cf.: ex :
"IL me parla devant QUANTITÉ DE monde"
(IF,I,155).
2
ex :
"Tout le monde sçavoit que Madame de Cranves en avoit
QUANTITÉ et de très belles"
(IF,II,331).
3
présent
ex :
"Elle lui fltVde QUANTITÉ DE petites mignatures"
(IF,
1,95) .
4
ex :
" ... afin de pouvoir sous ce prétexte couvrir le vol de
.
QUANTITE de meubles et d'argenterie qui y avoient été
(1)
Comme il a été signalé plus haut, ne sont présentés ici que
les plus marquants des adverbes de chaque catégorie. Aussi se
~nte~~t-on de noter qu'outre quantité de, il y a, pour les
adverbes de quantité: Autant de
(128 occurrences), b~aucoup
(de) (82 occurrences) .Peu(de) (263 occurrences), trop
(de)très
souvent employé en proposition consécutive
(196 occurrences) J
.• Assez banals pris
l'ndl' 'T~,::l
Il
._"
.
-'--'-'--
-Y-..L..Uue
ementi" -ces adverbès"confèrent

-
174 -
retirez par un gentilhomme du voisinage"
(IF,II,381).
5
ex :
"Il y en a QUANTITÉ dans Paris qui ne servent qu'aux
amans heureux"
(IF,II,440).
- Adverbes de temps
(indiquant la durée ou la fréquence
avec nuance appréciative) .
+ ENCORE (377 occurrences)
· encore cumulatif
(= aussi)
Cf.:
" qu'il n'en étoit pas ainsi à son égard, la fille ayant
avec lui non seulement le nécessaire, mais ENCORE tout le
superflu qu'elle pouvoit souhaiter"
(IF,I,22) 0-
· Encore continuatif
(= toujours)
Cf.:
"Sans la considération de ma fille que j'ai toujours aimée
et que j'aime ENCORE"
(IF,I,25).
· Encore itératif:
"quoi, ... sylvie a ENCORE été assez
perfide pour écrire à Gallouïn qu'elle
étoit Religieuse!"
(IF,I,7).
+ TOUJOURS (382 occurrences)
1
Cf. : ex :
"Mon maître sçoit la civilité qu'il doit aux dames, et
votre commodité règlera TOUJOURS la sienne"
(IF, II,484) .
2
ex :
"Elle a TOUJOURS fort bien sauvé les apparences"
(IF,
1,25) .
3
ex :
"Je me réjouirai TOUJOURS, repris-je, lorsque ma présen-
ce, bien loin de déplaire, lui donnera quelque satis-
faction"
(IF,II,437) .
.. /
par leur banalité même un ton ordinaire aux Illustres Françai-
ses.

-
175 -
- Adverbes de négation produisant une négation soutenue
+ JAMAIS (302 occurrences, 10,09 % par rapport à pa~ et à
point)
1
Cf.:
ex :
"Votre secret n'est sçû que de moi i et ne le sera
JAMAIS d'autre sans votre aveu"
(IF,I,7).
2
ex :
"Je n'ai JAMAIS aimé l'éclat"
(IF,I,25).
3
ex :
"Je ne vous en parlerai JAMAIS,
je vous le promets"
(IF,I,27) .
+ POINT (769 occurrences, 20,02 % par rapport à jamais et
à pas
(2011 occurrences)
et 85,52 % par rapport à
~.
1
Cf. : ex :
"Je n'ai POINT envie de vous rien cacher"
(IF,I,13).
2
ex :
"Je ne vous empêcherai POINT de faire vos explications
ensemble"
(IF,II,454)
1
3
j
ex :
"Je ne lui ai POINT du tout parlé depuis"
(IF,II,433).
4
ex :
"Je n'entreprendrois POINT de vous faire son portrait,
i l est au dessus de mes expressions"
(IF,I,16).
5
ex :
"Il est aujourd'hui dimanche
( .. ) on ne mange POINT
d'omelette"
(IF,II,432).
A la différence de pas, point exclut absolument la réalisation
du procès sur la plus petite parcelle de la substance.
Les différences étaient,
i l est vrai, déjà assez floues au
XVIIe siècle. Vaugelas,
tout en reconnaissant la différence en-
L.L:t:
.I?d.S
et po.int
(précisant.··
que point "niait pl us fortement")

-
176 -
avouait que pour le reste il fallait s'en remettre à l'usage
et "ne pas prétendre trouver des règles"
(1).
A côté des adverbes d'intensité,
il faut signaler
un certain nombre de comparatifs
(TANT, TELLEMENT,
SI ... QUE)
em-
ployés le plus souvent en proposition consécutive, dans lesquels
l'intensité affective frise souvent l'hyperbole. L'intensité
porte sur le substantif, sur le qualificatif ou sur l'adverbe.
------------~{
(1)
Cf. HLF,
IV, 1032-1033. Un essai de distinction fut esquissé
en 1690 par Furetière qui préconise l'emploi de point.
1)
quand on marque une chose habituelle "ço~me i l ne dort
point d'un homme travaillé d'insomnie";
2)
quand on veut dire nullement ;
3)
"avec l'article indéfini,
selon les endroits";
et l'emploi de pas lorsqu'il s'agit de choses qu'on ne fait
qu'une fois
("qui ne reçoivent pas le plus et le moin~) par
exemple "il nia pas été baptisé"
(cf.H.L.F.
IV,1033).
Point est d'un emploi extrêmement étendu au XVIIe siècle
autant dans le langage littéraire que dans la conversation.
Henri Yvon qui a consacré un article à pas et point dans
Le Français moderne
(de janvier 1948) note par exemple qu'il
est fait emploi dans les deux premiers actes de l'Avare de
Molière de 45 points contre 67 pas, illustrant ainsi le carac-
tère de plus en plus usuel de cet adverbe de négation. Notons
enfin que la langue moderne a peut-être définitivement rélé-
gué point dans le langage littéraire.
(Pour l'article de Henri Yvon Cf. notre bibliographie).

-
177 -
+ TELLEMENT ... QUE
1
Cf. : ex :
"Je la quittai TELLEMENT chàngé et pensif QUE je ne
me connoissois pas moi-même"
(IF,II,293).
2
ex :
"Je m'y fis reporter TELLEMENT faible et TELLEMENT
changé QU'on ne me reconnoissoit presque pas"
(IF,II,
551) •
+ TANT . . . QUE
Cf.:
" Elle n'en parla qu'à moi
mais avec TANT de tendresse
de sa part une si grande confusion de la mienne . . . QUE .•. "
(IF,II,284) .
+ SI. .. QUE
il
!
l
Cf. : ex :
"Cette pensée m'entra SI vivement dans l'esprit QUE
1
,
je devins effectivement malade"
(IF,II,289).
1
1
2
ex :
"SI menue QUE je la prenois facilement entre mes mains"
1
(IF,II,291).
1
Fréquemment, de telles constructions reviennent dans les Illustres j
Françaises pour mettre en relief la sensibilité, l'émotivité dO un
j
narrateur.
.~
~~~
b)
Préposition intensive : DES
~
Cette préposition de temps
(qui apparaît 91 fois)
vient
toujours renforcer toute indication d'heure ou de moment de la
journée. Elle se réfère le plus souvent à l'actualité des inter-
locuteurs et signifie expressivement ~_~_<?_mpter de, à dater de :

-
178 -
1
Cf.: ex :
"Je voudrois qu'elle dépendît de moi, Mademoiselle,
1
lui dis-je, elle vous seroit rendue DES aujourd'hui"
(IF,I,211) .
2
1
ex :
"DES
demain,
sans attendre plus tard,
j'en viendrai
à bout"
(IF,II,344).
A maintes reprises aussi, elle vient appuyer dans la narra-
tion,
l'énonciation d'une date donnée comme absolue. Dans ce
cas, toute l'indication de date, y compris la préposition, peut
être remplacée par l'adverbe immédiatement.
1
Cf.: ex :
"La chose y fut sçûe DÈS le jour-même"
(IF,II,288)
,
2
ex :
"Elle m'avoit aimé DES
le premier moment qu'elle
m'avo i t
vu"
( IF , l , 2 1 5) .
c)
Conjonction intensive
SITOT
(QUE).
Cette locution conjonctive joue exactement le même rôle que
,
DES
dont elle est d'ailleurs la variante synonymique
(sitôt que=
dès que).
1
Cf. : ex :
"et cela SITOT QUE nous pourrions le faire"
(IF,I,233)
2
ex :
"SITOT QUE nous fûmes ensemble,
je pris la parole"
( IF , l , 2 3 2) .
-
~SITOT
l'accord fait,
et que Sylvie aura dancé je re-
tournerai au pays".
(IF,II,311).
On le voit, les intensifs, tant adverbes que prépositions ou
conjonctions,
sont un important facteur de vivacité en ceci
qu'ils procurent à la déclaration d'un personnage toute la teneur
subjective qui en fait un fait de parole.

-
179 -
B - PROBLEMES DE LIAISON SYNTAXIQUE
C T
z:
Il Y a dans le langage parlé des tours embarrassés qui pro-
viennent le plus souvent du caractère de cette forme d'expression
d'ordinaire assez négligée par rapport à l'expression de type lit-:
téraire. ~Eis ils peuvent provenir aussi de l'intention du sujet
;:
,
parlant, par exemple en supprimant les liaisons syntaxiques ordi~ :
naires de rendre l'expression plus resserrée, plus laconique et
partant plus efficace du point de vue du décodage. Les deux cas,
liaison négligée voire fautive,
et liaison expressive, se retrou-
vent dans les Illustres Françaises.
1 -
L'asymétrie
On note la présence de deux formes d'asymétrie: l'asy-
métrie qui consiste en la non-répétition des outils grammaticaux
devant des substantifs coordonnés
(la règle étant qu'il faut ré-
péter l'outil grammatical devant des substantifs "contraires ou
tout-à-fait différens")
et celle qui consiste dans la coordina-
tion de deux éléments indifféremment de leur nature ou de leur
fonction.
a)
La non-répétition de l'outil grammatical. C'est
surtout avec l'article et la préposition qu'elle apparaît :
- avec l'article
1
Cf.: ex :
"Je voudrois en savoir la cause et si c'étoit UN maria-
ge d'amour OU mariage d'intérêt que vous avez manqué"
(IF,I,5) •

-
180 -
2
ex : "
qu'il avouoit que LES pères ET mères étoient cou-
pables de la mauvaise conduite de leurs enfans"
(IF,I,
22)
(2).
- avec la préposition :
Cf.:
"mais le superflu qu'elle pouvoit souhaiter tant PAR ses
habits que -son divertissement"
(IF,I,22).
L'asymétrie par non-répétition de l'outil grammatical est assez
répandue dans la langue de la fin du XVIIe siècle telle qu'elle
nous est restituée par les écrivains
"'1
La Fontaine :
"Je vous enseignerai par là ce que c'est qu'
une fausse ou -VERITABLE gloire"
(2).
1
1
1
(1 )
A noter que ce dernier exemple a représenté chez les grammai-
riens qui ont traité de l'a~métrie, l'exemple canon pour
la démonstration de la règle. On peut se demander si cela
1
n'est pas à l'origine de ce que quelques lignes plus loin i l
1
~j
est fait deux fois usage de la construction normale, c'est-à-
dire avec répétition effective de l'article
(ou du possessif) ~.;
-
"Les enfans trouvent toujours bien LEURS pères et LEURS
~
.
:."
mêres~ mais LES pères et LES mères ne trouvent pas toujours
~~.
leurs enfans"
(IF,I,42).
Et plus loin encore :
"effectivement LES pères et LES
mères exposent terriblement la vertu de leurs enfans"
(IF,
1,140).
c'est la preuve en tout cas que l'usage est au flotte-
ment.
( 2 )
Fab les,
IV,
3, 4 9 .

1
-
181 -
f
1
1
Holière
-
"On sait bien que Célie A causé des désirs A
1
Léandre et Lélie"
(1).
-
"Afin que LEURS mouvement, disposition et agilité
puissent exciter, ... "
(2).
1
~
Mme de Sévigné: -
"M. de T. me répond tous les jours de VOTRE~
capacité et fidélité"
(3).
i
-
"C'est la plus belle et agréable maison" (4) 1
A noter que cette forme d'asymétrie est tout aussi répandue dans
les Difficultés sur la religion, autre ouvrage de ton naturel de
Challe.
(5).
b)
Rupture de construction, anacoluthe. Sont à prendre
en considération ici la nature ou la fonction des mots ou des
syntagmes. Plusieurs exemples sont à signaler mais dans des cons-
tructions diverses, soit que la coordination se fasse d'un terrneà
unterrne, soit qu'elle se fasse entre un mot, une expression et
un membre de phrase, soit enfin qu'elle ait lieu entre membres
de phrase.
- Coordination de terme à terme
(1)
L'Etourdi, V,8,1916.
(2) M. de Pourceaugnac, 1,8.
(3) Op.cit, VIII,
41.
( 4 ) Op. c i t ,
IX , 1 41 .
(5) Voir note grammaticale p.547.
j
1
1t

- 182 -
+ Coordination d'un groupe verbal et d'un adjectif renforcé:
Cf.:
"Elle étoit magnifiquement vêtue, toute en broderie d'or,
colier, croix de diamans, boucles, bagues, pendans d'oreil-
les, agraffes, RIEN N'Y MANQUOIT et TOUT FIN"
(IF,I,101).
+ Coordination de deux adjectifs renvoyant à des substantifs
distincts.
Cf.:
"Il ne vouloit pas donner sa fille à un homme d'un mérite
,
SI MINCE et SI PEU AISE"
(IF,I,35).
+ Coordination d'une locution adverbiale et d'un attribut.
Cf.:
"Il se fit prendre la mesure, et lui laissa de l'argent
pour lui faire un habit A LA MODE et RICHE pour le lende-
main"
(IF,I,4).
- Liaison de terme à membre.
+. Coordination d'un terme simple à un infinitif préposi-
..Ji
tionnel.
..
l
~
Cf. : ex : " ... mais qu'après cela je serois le maître de SES
~
HABITS et D'EN REFORMER LA MAGNIFICENCE s ' i l y en
avoit trop"
(IF,I,181).
2
ex :
"Je le priai de n'en rien déclarer, i l me le PROMIT
et DE ME RENDRE TOUS LES SERVICES QUI DEPENDROIENT
DE LUI"
(IF,I,136).
1
1
1
1
~ Coordination d'lliî terme ct d'une complétive
1
J
Cf.
l
'
ex :
"J'étois au désespoir de l'avoir commise:
SI MAL A
~
, ,
J
PROPOS et QU'ELLE EUT ETE VUE PAR UN AUTRE QUE MOI"
t
(IF,I,252) .
1
1

-
183 -
,
2
ex :
"J'en crois connoître LE CARACTERE et QU'ELLE EST DE
,
,
L'ECRITURE DE MADEMOISELLE DE L'EPINE"
(IF,I,20S).
3
ex :
"Il lui témoigna le remors QU'IL EN AVOIT EU et QUE
C'ETOIT~QUI LE METTOIT DANS L'ETAT OU ELLE LE VOYOIT"
( IF , l , I l 8) .
Des deux formes d'asymétrie relevées, la première était condamnée
dès l'ancien français, mais devenant de plus en plus fréquente
à partir du XVIe siècle de par un usage devenu facultatif,
elle
dut attirer à nouveau sur elle les foudres des grammairiens. D'où
une condamnation à peu près unanime au XVIIe siècle
(1).
Le second type d'asymétrie a recueilli plus d'indulgence.
Bary par exemple y voit unE7sorte d'élégance de style et Vaugelas,
une tournure qui "fait grâce sans blesser l'oreille"
(2).
Enfin, élégance ou irrégularité, l'asymétrie sous toutes ses
formes figure parmi les constructions les plus courantes dans la
langue classique en particulier dans la langue parlée
(3).
(1)
Cf. Haase, op.cit, § 144, p.393-394 et plus particulièrement
Vaugelas, Remarques, p.93-95, Andry, Réflexions ou Remarques,
p.207-209.
(2) Cité par G. Antoine, La coordination, p.479.
(3)
En plus de ceux mentionnés plus haut
(dans la'non-répétition
de l'outil grammatical), les exemples suivants donner~nt une
idée de l'usage courant du second type d'asymétrie:
+ Mme de Sévigné: -"N'en doutez pas, et que je n'y sois in-
finiment sensible"
(X,313).
-"Je le souhaite fort et de pouvoir remet-
tre en train mon commerce de la poste"
(III,27) .
. ./

-
184 -
2 - Equivoques
L'équivoque consiste en "un terme qui a plusieurs significa-
tions"
(F.). On dirait plutôt ici un élément qui est susceptible
de plusieurs interprétations. Mais il convient de noter tout de
suite que pour la langue parlée les équivoques virtuelles sont
en général levées par des procédés de compensation propres à
l'expression orale
(intonation, emphase, gestes, etc ... ). Ceci
dit, on notera ici quelques cas d'équivoques plutôt accidentelles .
../
-
"Elle aime fort la conversation . . . et sur-
tout de plaire au roi"
(VI,322).
+ Molière
-
"L'on me l'avoit bien dit, et que c'étoit de
tous/ L'homme le plus mal fait qu'elle avoit
pour époux"
(Sganarelle, S.10, 295).
-
" J'en suis persuadé, et que de votre appui je
serai secondé"
(Femmes Savantes, IV,4,1424).
+ Corneille :- "Je crains leur hymen et d'être à l'un des
deux"
(Rodog}J ne,
l, 5 , 353) .
+ La Rochefoucauld: -"On le sait assez fles malheur~ et qu~
elle enveloppa dans sa perte un grand nombre de
personnes de qualité"
(Mémoires,
II, 18).
On voit entre autres choses que l'usage de cette forme d'asy-
métrie dans des formes assez littéraires telle que la tragédie
(bien que la pièce citée de Corneille date de 1644)
prouve
qu'elle n~est pas du très bas usage.
Pour la question même de l'asymétrie par rupture de cons-
truction, Cf. H.L.F.,
IV, 1175 ou Haase, op.cit, §150, p.405.

1
-
185 -
tf~
a)
Equivoques du relatif. L'équivoque est introduite par
le complément déterminatif de l'antécédent
(dont l'élément subs-
tantif précède immédiatement le pronom relatif) .
l
Cf.: ex :
"Car lorsque j'allai la demander, cette femme vint au
parloir qui m'ayant reconnu, me dit sans façon ...."
( IF , l , l 3 6)
( l ) .
On voit que la phrase n'est compréhensible qu'après coup
(le su-
jet de"m'ayant reconnu" pouvant être aussi bien "cette femme" que f
"parloir"),
à l'aide seulement du verbe DIRE qui suit et qui ren-
voie à un animé loquent
(à savoir ici "cette femme") .
2
ex :
"Elle portoit fort impatiemment l ' a i r triomphant et
le faste de ses belles-soeurs, qui n'étoient que des
filles de marchands,
qui le porroient incomparablement
plus beau qu'elle qui du vivant de mon père . . . "(IF,II,
295) •
3
ex :
"J'excepte pourtant ma garderobe, tout mon linge de
corps, les coëffures et les meubles qui ont toujours
servi à Sylvie que je lui donne encore et que je vous
supplie d'augmenter"
(IF,II,328).
(1)
Nous soulignons ici comme dans les exemples qui suivent, en

plus du relatif touché par l'équivoque,
le substantif introdu-~
cteur de l'ambiguïté, ainsi que le vrai antécédent.
Ce der-
nier est souligné, pour distinguer, de deux traits.
1
1
·1
1
1
~
. j

-
186 -
4
ex :
liMa première visite fut chez Mademoiselle Dupuis, que
je trouvai toute en pleurs à cause de l'équivoque de
sa lettre, qu'elle
me conta"
(IF,I,15U.
Souvent, comme on a pu le constater déjà, la source principale
de l'amphibologie réside dans un trop grand éloignement du rela-
et "que".
L'éloignement du relatif et de l'antécédent est particulière-
ment important dans l'exemple suivant où le groupe déterminatif
comporte un groupe sujet et un verbe:
"Ce que vous ::a'avez dit de Gallouïn me donne une envie
de m'instruire de tout ce qui le regarde, que vous ne
pouvez pas comprendre"
(IF,I,4).
En règle générale, la compréhension est probable, mais elle
n'est pas automatique.
b)
Equivoque du possessif
On a relevé un seul exemple d'emploi libre du possessif
avec effet d'équivoque
(1).
(1)
Nous soulignons de la même façon que pour le relatif,c'est-à-
dire deux traits pour l'antécédent réel. (de par le contexte),
un pour le ou les substantif(s)
susceptible(s)
d'être inter-
prété(s)
comme antécédent, et un trait également pour l'outil
grammatical en question
(ici le possessif) .

11i
-
187 -
!
,~.
},
ti'
Cf. :
que pour sa personne,
i l ne lui faloit qu'un valet
"
f
et sa cuisinière et une garde dans ses maladies, et
1
pour s'apuïer sa canne, où le bâton dont on faisoit
f
son lit"
(IF,I,21-22).
!~
Au XVIIe siècle,
l'équivoque en langue est dénoncée de façon J
unanime par les théoriciens. Vaugelas la range dans les "barbaris-:ff:"
mes de langue"
(l)
et Andry qui observe fort justement "qu 1 i l est
aisé de faire des équivoques en parlant et en écrivant" traite en
même temps l'équivoque de "vice fort opposé au génie de nostre
1
Langue" bien qu'on en puisse faire quelquefois et en certaines
t
occasions seulement, sans les regarder comme de "fort belles cho-
!!1
ses"
(2). Le P. Bonhours dans ses Entretiens est plus sévère en-
1
core
1
"Il n'y a rien de plus opposé au langage d'~ujourd'huy
1
que les phrases embarrassées ; les façons de parler
ambiguës, toutes les paroles qui ont un double sens;
1
1
le mauvais arrangement des mots, lorsqu'on ne garde
pas bien l'odre naturel".
(3).
1
.1!
1
3 - Raccourcis d'expression
De par son caractère spontané, voire expéditif, le lan-
gage de la conversation tend généralement à écourter l'expression,
à alléger les constructions,
à opérer des resserrements notamment
( 1)
Cf,' H ~lL . F ., IV, Il 0~~11 04 .
(2) Andry, op.cit, p.198.
(3)
Bouhours, Entretiens, op.cit, p.40.

-
188 -
par la suppression de certains ligaments syntaxiques aléatoires
ou alourdissants
ou par l'omission pure et simple de membres
de phrase peu indispensabl~au contenu de l'expression. La commu-
nication gagne ainsi en naturel,
en vivacité et en expressivité.
De ce point de vue,
les Illustres Françaises
constituertune fois
de plus un exemple peu égalé dans la littérature classique. On
y distinguera outre l'ellipse et la sous-entente,
figures tra-
ditionnelles de resserrement, certaines constructions ramassées,
assez expressives voire énergiques, du verbe.
a}
L'ellipse
L'ellipse consiste en l'omission d'un ou de plusieurs mots
qui normalement devraient être exprimés et qui ainsi omis, doi-
vent être suppléés par l'esprit. On distingue ici, tout regrou-
pé, trois cas d'ellipse.
-
suppression de la reprise du nom.
l
Cf.: ex :
"Monsieur De~ Prez vous a promis cinquante louis d'or,
ce sont vingt Lioui~ pour chacun"
(IF,I,240).
2
ex :
"Ces petites pierreries-là sont trop peu de choses
pour vous, voilà mes grosses LPierrerie~ que je vous
donne"
(IF,II,328).
-
suppression de la conjonction QUE introduisant le subjonc-
tif. Cette construction est en lui-même un archaïsme fa-
. milier.
l
Cf.: ex :
"Je sois damné
( .. ) si j' impo se d'un mo t "
( IF , l , l 4 2) •

-
189 -
2
ex :
"Et bien loin de s'en chagriner,
je sois damné si
depuis environ huit mois que je n'ai plus du tout
de particulier avec elle,
Je ne me suis aperçu que
son teint est devenu plus brillant"
(IF,II,389).
-
allègement des locutions conjonctives. Ce type d'ellipse
produit un réel effet de négligé
: seule reste la parti-
cule QUE comme trace de la conjonction
+ AVEC SANS QUE
1
Cf. : ex :
"Qu'il n'avoit pas voulu s'engager à rien QU'il ne
m'ent parlé"
(IF,I,231).
2
ex :
"Je ne serais jamais heureux, repris-je, QUE vous ne
soyez heureuse aussi"
(IF,I,237).
+ AFIN QUE, introduisant le but
Cf.:
"Où est-elle QUE je l'étrangle?"
(IF,I,257).
+ CRAINTE QUE, DE, avec amputation du DE initial
1
Cf. : ex :
"CRAINTE QUE s ' i l venoît à être découve-rt votre père
ne l'accusât"
(IF,I,236).
2
ex :
"CRAINTE DE donner matière à soupçon . . . "
(IF,I,261).
+ ALORS QUE
Cf.:
"On la sçut, on la suivit et on nous pris QUE nous étions
encore au lit"
(IF,I,188).
Il est vrai qu'ici le lien s'établit sans la conjonction et sur-
tout grâce au mode.

1
-
190 -
1
(
lf
b)
La sous-entente
Sous-entendre quelque chose, c'est taire quelque chose,
en général une idée
(tandis que dans l'ellipse l'omission porte
sur un élément verbal
: un mot plein ou une particule grammatica-
le). Le plus important dans la sous-entente, c'est le fait de
laisser entendre, de laisser deviner ce que l'on ne veut pas
dire soit par jeu,
soit
(c'est le plus souvent le cas ici)
par
souci de rapidité, de concentration de l'expression.
-
sous-entente du support nominal ou pronominal
l
Cf.:
ex :
"Il viendra peut-être quelque laquais vous quérir . . .
Vous êtes malicieuse ,
reprit-il, avec votre Lhistoi-
re deJ laquais"
(IF.L82).
2
ex :
"Je suis Lhomme.J de parole et je sçaurois si tu m' obéi-
ras"
(IF,I,244).
3
ex :
"La réS:)lution est féelleJ d'un véritable héros de
roman"
( IF , l , l 7 9) .
4
ex :
"Ma vengeance étoit plutôt jéelleJ d'un honnête homme"
(IF,II,389) .
-
sOt1s-elri:.ente de l'à-el@termination au profit d'une construc-
tion nominale énergique.
l
Cf.: ex :
"AUTRE INCIDENT dit des Ronais en riant; . . . "
(IF,I,9).
2
ex :
"AUTRE SUJET comme vous voyez, de nouvelles réflexions"
( IF, II , 3 0 4) .
-
usage de l'article de notoriété pour une désignation sy-
necdodique.

-
191 -
t
,
f
i.f
l
t,
Cf.: ex :
"
avec ordre de venir me rejoindre AUX ENFANS
TROUVEZ"
(IF,II,290).
yu
i!
2
ex :
"Je vis entrer celui que j'avoisxAUX JÉSUITES le matin"
ti
( IF , l , 2 2 6) .
~
t
!
3
ex :
"Je serai pourtant demain à la fête AUX MINIMES"
(IF,
1
.,
1,225) .
a
4
:t
ex :
"LES ROIS étant venus, nous soupâmes trois fois ensem-
~.l
bl e"
(IF, l ,218) .
:'i
;-~-'
"
tt
Par ce tour,
la détermination du lieu ou du moment
se trouve
·ff
réduite à 11simple évocation familière du fait social qui en
marque la célébration et par lequel i l est connu
(c'est-à-dire
au déterminant). Ainsi
:
"Aux enfans trouvez = à la maison, à
l'hopital des Enfans Trouvez
(1) ;
"Aux Jésuites" = à la maison,
au collège des Jésuites
;
"Aux Minimes" = à la maison ou au
couvent des Minimes;
"Les Rois" = à la fête des Rois .....
A remarquer que l'appellation est usuelle au XVIIe siècle.
Cf par exemple Courtilz de Cendras
1
i
1
"Je fus outre cela logé AUX CAPUCINS de la rue Saint-
Honoré" F
couventJ
(2).
-
sous-entente d'une opinion annoncée par un adverbe ou
..
une locution adverbiale.
l
Cf. : ex :
"Sa mère vint enfin nous trouver ensemble sans se dou-
ter du sujet, AU CONTRAIRE"
(IF,I,217).
(1)
Les "Enfans Trouvez,
sont les enfans exposez, dont les pères
et mères sont inconnus"
(F.).
(2) Mémoires de MLCDR, op.cit, p. 53.

-
192 -
2
ex :
"Je souffrirai tout, pourvu qu'elle ne mette pas la
main sur vous, et que ses outrages ne passent pas les
paroles ; car AUTREMENT Lsi elle en usait autrement}
je ne serais pas content"
(IF,I,254).
3
ex :
"J'ai sujet de joie et vous NON"
(IF,I,15).
-
sous-entente de la préposition de temps
(par exemple
PENDANT)
l
Cf.:
ex :
"Nous fîmes des débauches entières particulièrement
fPENDANTJ le Carnaval"
(IF,II,421).
2
ex :
"Et si Mademoiselle votre soeur ne trouve parti de
quatre ans, nous serons donc LpendantJ quatre~à nous
morfondre?"
(IF,II,436).
-
raccourcis proverbiaux de caractère archaïque
l
Cf.: ex :
"Et c'est pour cela que je ne veux pas lui parler moi-
même CELA VAUT FAIT, reprit Des Frans, et dès demain,
vous en sçaurez des nouvelles"
(IF,I,60).
2
ex : "Puisque nous sommes à Paris ou AUTANT VAUT, i l est
juste qu'avant que de nous quitter . . . "
(IF,I,1?3).
3
ex :
"S'il laisse du bien TANT MIEUX, s ' i l ne lulnlaisse
pas TANT PIS"
(IF,I,169).
Tant pis et tant mieux restent modernes.
c)
Constructions rapides et expressives du verbe
-
Suppression du lien prépositionnel entre le verbe et le
substantif complément.

-
193 -
+ devant l'indication d'heure
Cf.:
"Nous primes jour pour le lendemain pour nous confesser
moi le lendemain et elle le dimanche ensuite et au lundi sui-
vant, L~ six heures du matin pour être mariez"
(IF,I,240).
+ devant le substantif complément d'un verbe employé sous
sa forme transitive indirecte
(parler de quelqu'un ou
de quelque chose)
Cf.:
"Parlons id'.] affaires"
(IF,I,5).
C'est là une construction assez p~isée!
(même)d~ns la langue mo-
derne cf.: "parler phoebus".
-
Emploi de la voix passive plus ramassée,
plus vive et
de contenu perfectif à la place de la voix active.
1
Cf.:
ex :
"Si on n'avoit été à son secours, c'étoit un solL:.at
noyé"
(IF,II,441).
2
ex :
"Que si i l se rendoit, c'étoit une affaire faite"
(IF, l, 232) .
3
ex :
"C'est une femme diffamée si i l la retrouve"
(IF,I,
152) .
-
Construction infinitive à la place de la relative avec·
nuance intensive. Tour particulièrement fréquent, entre
autres dans les phrases de portrait.
,
1
Cf.:
ex :
"Elle s'y prit d'un air A ME PERSUADER le contraire"
f
(IF, II, 299) .
f!
2
ex :
"Elle danse fort bien et chante d'une manière ACHARMER 1
(IF,I,175) .
!
3
if
ex :
"J'étois vêtu d'un air A FAIRE HONNEUR aux bourgeoises" f
f
( IF , II , 2 94) .
p
t
4
1
ex :
"Je m'expliquerai avec vous d'une manière A VOUS
1
RASSURER"
(IF,I,34).
1

-
194 -
- On débouche au bout du compte sur les constructions pres-
que nominales avec le présentatif suppléant au verbe et
à la construction personnelle. La construction C'EST +
infinitif est en proportion considérable dans les Illustres]
1
d
Françaises.
.i
·1
"1
~l
1
Cf.: ex :
"Je montrai cette lettre à Bernay. C'EST ALLER bien vi- ;1
te, dit-il en riant; et C'EST EN SÇAVOIR beaucoup
:1
~
à dix-huit ans"
( IF , l , 1 4 0) .
i
2
,1
ex :
"Je crains bien qu'à la fin leur patience ne s'épuise
,
aussi bien que la mienne. C'EST tous les jours A RE-
COMMENCER avec vous"
(IF,II,30S).
Le raccourci d'expression ne concerne ici en général qu'un mot
ou un groupe de mots.
Il faudrait, pour mieux apprécier son
importance dans les Illustres Françaises, mettre en rapport les
faits ci-dessus examinés avec la structure même des phrases.
(1).
En définitive, l'usage du matériel grammatical donne
à observer deux faits importants: d'abord la désinvolture dans
l'emploi des particules grammaticales aussi bien du point de
vue des règles de construction que du point de vue de la clarté
et de la netteté de l'expression
ensuite l'affectivité naturel-
le, à fleur de peau par laquelle le locuteur tend à des emplois
personnalisés, circonstanciés, vivants et énergiques des éléments
du discours.
(1)
Cf. infra p.2.to

-
195 -
CHAPITRE II
ORDRE DES MOTS
En règle générale, la place du mot en français
comporte plus de servitudes que de latitudes réelles. Telle
catégorie grammaticale chargée d'exprimer tel aspect de la pen-
sée, est assignée à des places fixes dans la phrase. Mais l'élo-
cution spontanée, régie par la subjectivité du locuteur, s'embar~
rasse assez peu de la logique grammairienne: un complément dlob~
jet (normalement assigné à la dernière place dans une phrase
simple), a vite fait de se hisser en tête de phrase, et un adjectif
inattenduement devant son substantif,
si le procédé peut mieux
et plus instantanément souligner les préoccupations du parlant
ou agir de meilleures manières sur l'allocutaire. Les manifesta-
tions de cet ordre sont assez nombreuses dans les Illustres
Françaises.
A -
PLACE DE L'ADJEC'l'Ü: OU·DE-L'ADVERBE,
1 - Antéposition du qualificatif de caractérisation.'
Il est bien connu que la post-position deI 'adjectif a un sens
objectif. Par contre l'antéposition traduit la subjectivité du
jugement (1), c'est-à-dire l'inscription du locuteur ou plus
précisément l'inscription de la sensibilité du locuteur dans la
(1)
Bien que cette vérité soit peu valable pour le XVIIe siècle où
l'adjectif antéposé gardait souvent son sens objectif, le cas
de pauvre antéposé, employé ici presque par métaphore, reste
manifeste d'une certaine subjectivité.

-
196 -
caractérisation. Ainsi avec certains adjectifs d'un type bien
connu l'antéposition exprime l'apitoiement ou la sympathie.
c'est le cas de PAUVRE très répandu dans cette position
(47 fois)
dans les Illustres Françaises.
l
Cf.: ex :
"LE PAUVRE homme se sentoit et se connoissoit mieux que
moi. J'avois une douleur très véritable de l'état où je
le voyois"
(IF, l,51) .
2
ex :
"LE PAUVRE homme n'a rien de mâle"
(IF,II,430).
3
ex :
"A cause que je voyois LA PAUVRE créature couchée sur
le dos devant le feu"
(IF,II,452).
4
ex :
"Nous rendîmes LE PAUVRE prêtre pic et capot"
(IF,II,
507) .
5
ex :
"Vous allez entendre aussi, poursuit Dupuis, ce qui
vous regarde et qui va pleinement justifier, dans l'es-
prit de la compagnie, la mémoire de la PAUVRE Sylvie"
(IF,II,511) .
6
ex :
"LA PAUVRE Madame Morin dont l'âge étoit trop avancée . . .
fut trouvée morte dans son lit"
(IF,II,515).
2 - Antéposition du modificateur
-
Le modificateur est un adverbe de mot
(la modification
porte sur le verbe). JAMAIS
1
Cf. :
ex :
"JAMAIS rien ne m'a réussi"
(IF,I,24)
2
ex :
"Il est certain que JAMAIS fille n'en a eu de plus
aisé"
(IF, l, 29) .
3
ex :
"JAMAIS homme ne fut plus surpris que je le fus, d'en-
tendre une femme si bien philosopher sur les sens"
(IF,II,482) .

-
197 -
-
Le modificateur est un adverbe de phrase
+ DE BONNE FOI
Cf.:
"DE BONNE FOI mon cher ami, qu'auriez-vous fait en ma place?"
(IF, l,58) .
+ DOUCEMENT
1
Cf.:
ex :
"DOUCEMENT, Monsieur le Marquis,
( . . . ) ne vous emportez
pas"
(IF, 1,15) .
2
ex :
"DOUCEMENT Monsieur
( ... ) ne galantisez point tant mon
mar i "
( IF , l , 1 25) .
+ FRANCHEMENT (7 occurrences)
1
Cf.: ex :
"FRANCHEMENT, elle m'a fait plaisir"
(IF,I,25).
2
ex :
"FRANCHEMENT je croyais autrefois que mon attachement
pour elle n'irait pas autrement que les autres"
(IF,II,
503) .
3
ex :
"FRANCHEMENT j'ai besoin de repos"
(IF,I,60).
4
ex :
"FRANCHEMENT le châtiment de la votre passait son
cr ime "
( IF , II, 402) .
+ VRAIMENT
1
Cf.: ex :"VRAIMENT, me dit-elle d'un air renfrogné, c'est bien
comme cela qu'il faut entrer chez les gens; VRAIMENT,
lui répondis-je
( ... )
j'aurais fermé la porte sur moi
si j'avais été en votre place"
(IF,II,427).
2
ex :
"VRAIMENT, reprit cette dame,
vous m'en donneriez bien à
garder si j'étais d'humeur à vous croire"
(IF,II,50G).
1t
1

-
198 -
L'antéposition du modificateur ne manifeste pas simplement
la subjectivité comme c'est le cas avec l'adjectif. Elle instaure 1
surtout une affirmation vigoureuse. La post-position de certains
adverbes produit presque le même effet. Mais cet autre procédé est
moins répandu que le premier. On se contentera des trois exemples
suivants
"Je nIai point été POURTANT, puisque je suis encore sur
terre"
(IF,I,25).
- et malgré moi PRESQUE, ellES se firent mes confidentes"
(IF, 1,31) .
-
Il avoit tort CEPENDANT,"
(IF,I,14).
Cf aussi:
"elle étoit honnête femme CEPENDANT",
(IF,I,13).
B - L'ÉNONCÉ SEGMENTE
Il arrive souvent en langue parlée, que le locuteur, pour
des raisons d'ordre affectif, mette en relief un élément de la
phrase en le détachant soit en tête, soit à la fin de la proposi-
tion quitte à le reprendre par un représentant. Ce procédé est
ici largement mis à contribution.
+ Anticipation du sujet par le truchement de la préposition
POUR/celle-ci assurant une bonne liaison thématique.
1
Cf.: ex :
"POUR MOI,
je ne prends aucun soin de ce qui me regar-
d e Il
(IF. 1. 2 3 7) .
2
ex : Pour MON AMI,
IL ne me parut pas y prendre beaucoup de
part"
(IF 1 l , 131) .

-
199 -
3
ex :
"Pour
SON AME, ELLE méritoit d'obtenir tout ce qu'une
femme peut prétendre"
(IF,I,210).
4
ex :
"Pour DUPUIS,
IL n'en fit que rire"
(IF,I,45).
5
ex :
"Pour Mr. DES PREZ,
IL est plus digne de pitié que de
blame"
( IF , l, 204) .
+ Rejet du sujet. L'effet est de mettre en valeur à la fois
le verbe et le sujet
* en phrase positive :
1
Cf. : ex :
" Car JE commence à me fâcher, MOI"
(IF,I,155).
2
ex :
"Ne vous mêlez point de me faire faire des leçons,
je
suis trop vieux pour en prendre, JE ne vous en fais
point, MOI"
(IF,I,27).
3
e:x :
"JE m'en doutais bien, MOI"
(IF,II,293)
4
ex :
"IL n'est pas ridicule,
SON CARACTÈRE"
(IF,II,544).
% en phrase interrogative
1
Cf.: ex :
"Quel, est-IL, CE MOYEN"
(IF,I,135).
2
ex :
"Vous ont_ELLES fait voir aussi, VOS RELIGIEUSES, la
douceur qu'une femme trouve dans les bras d'un honnête
homme et la piqueûre de vos disciplinesr' (IF,I,131).
3
ex :
"Je croi même que cela vous rendra sage pour l'avenir.
L'a-t-ELLE été avec vous, VOTRE SYLVIE?"
(IF,II,305).
+ Anticipation du complément d'objet direct par le truche-
ment de la préposition POUR. En dehors de la mise en valeur
i
]
1
j
1

-
200 -
l
Cf.:
ex :
"Pour SA FILLE, il ne pouvait pas LA nier"
(IF, 1,1 6) .
2
ex :
"Pour LE RESTE, elle s'EN repose sur ma fidélité"
(IF,I,130) •
3
ex :
"Pour LES CUREZ DE PARIS,
je n'EN
réclamerai aucun"
( IF , l , 2 3 O) •
4
ex :
"Pour LES PIERRERIES, Monsieur d'Anemace n'EN a point
demandé"
(IF,II,331).
5
ex :
"Mais LE MOYEN DE LA SURPRENDRE, elle s'EN défiera"
( IF , l l , 4 6 9) •
+ Rejet du complément d'objet direct. L'effet est double:
d'une part mettre en valeur le groupe verbal et le complé-
ment d'objet, d'autre part créer un élément rythmique
tinal qui permette une mélodie conclusive.
* en phrase positive :
l
Cr.:
ex :
"
et ME traita, MOI, comme un démon"
(IF,I,136)
2
ex :
"LE voilà, MON ESPRIT FAMILIER"
(IF,II,367).
* en phrase interrogative :
Cf. :
"LE connoissez-vous, CE DONNEUR D'AVIS?"
(IF,II,364).
+ Anticipation de l'antécédent du possessif.
Il s'agit ici de!
mettre en valeur non le sujet proprement dit, mais son
support relationnel, non l'objet possédé
(sujet réel du
verbe), mais le possesseur.
_ _ _L
_.
Cf.
~"
T
7\\
nt"T T 't'"
......".,. ...
J-J ............................
,
Ul1L.-t;;:.L.Lt;;:::>
(IF,
II,313) .

-
201 -
+ Anticipation de l'infinitif (précédé de de ou~) en
position de sujet.
l
,
Cf.
:
"DE VOUS MARIER A L'OFFICIALITE, encore pis"
(IF,I,229).
Notez la sous-entente introduite par la formule
"encore pis".
+ Anticipation de l'infinitif
(précédé de de ou pour)
en
position de complément d'objet.
,
l
Cf.:
ex :
"DE LAISSER SYLVIE ENCORE FILLE, ET DANS L'ETAT OU
NOUS EN ETIONS, c'étois à quoi je ne pouvois me résou-
dre"
(IF,II,354).
2
ex :
"DE DIRE QUE C'EST UN EXCÈS D'AMOUR ET LA PEUR DE
PERDRE DES FRANS, vous voyez bien vous-même que ce ne
seront que des
jeunes fous,
ou des visionnaires qui
donneront là-dedans"
(IF,II,375).
3
ex :
"Mais POUR L'AIMER/la manière dont je vous ai écrit me
persuade que vous ne LE croyez pas"
(IF,I,34).
,îi
1
~
C -PROLEPSE DE LA CAUSALITE
';1
~
}
1
~
L'expression affective de la causalité s'illustre à
son tour par la non-linéarité. En effet lorsque la cause expri-
mée comporte quelque connotation affective, la subordonnée est
projetée entête de phrase, comme si le locuteur se préoccupait
d'abord de gagner l'adhésion du destinataire avant d'exposer le
fait objectif; en d'autres termes l'argument précède le fait.
~~~ ~clle présentàtion ct l~dvantage de iavorlser une structure

-
202 -
phrastique binaire avec concentration de l'accent sur la subor-
donnée, c'est-à-dire sur la partie argumentative.
Ce type de phrase est assez fréquent dans le parler axé sur
~~e efficacité immédiate.
Ainsi la plupart des constructions causales explicites
(1)
(près des 2/3)
sont construites dans les Illustres Françaises
avec COMME, conjonction qui favorise par principe ce type de
présentation.
C ~
1
I: . :
ex :
"COMME ELLE AGISSOIT DE BONNE FOI, elle se retira"
( IF , l , 2 19) .
2
ex :
"COMME JE NE PASSOIS PAS POUR ÊTRE AUSSI BRUTAL
QU'ELLE ME PEIGNOIT, on ne la crût point"
(IF,I,182).
"JE:::
donnai
à Garreau une promesse de mariage signée
de moi, i l m'en donna une autre signée de lui. ET
COMME L'ARGENT ME RESTOIT, la mienne portoit un dédit
du tiers de cet argent que j'empcrtois"
(IF,II,327).
4
ex :
"MAIS COMME JE CRAIGNOIS POUR EUX UNE NOUVELLE FAIBLES-
SE,
je ne leur donnai pas le temps de se défaire"
(IF,
I,197) .
5
ex :
"COMME ORDINAIREMENT LES FEMMES NE S'EXPLIQUENT PAS
FORT BIEN,
je vous prie de m'en informer vous-même"
(IF,I,232) •
6
ex :
"COMME MONSIEUR LE MARQUIS D'ANEMACE ÉTOIT JEUNE ET
N'AVOIT PAS DE GENS EN }mIN DANS L'HOTEL POUR AVOIR
L'OEIL SUR SES INTERETS, ... i l chargea Valeran d'en
avoir soin"
(IF,II,329).
Mais on le trouve aussi avec Parce que
(1)
C'est-à-dire là où i l ne s'agit pas d'une subordination séman-
tique co~me ce sera le cas plus loin.

-
203 -
1
Cf.: ex :
"ET PARCE QU'ON LA REGARDOIT COMME FILLE UNIQUE,
i l
lui trouvoit un grand parti"
(IF,I,157).
2
ex :
"PARCE QUE, BELLE ANGELIQUE, . . . VOUS POURIEZ CROIRE
QUE MES LIBÉRALITEZ SEROIENT INTERESSÉES, ET QUE
J'ESPÉREROIS DE VOUS QUELQUE FAVEUR CONTRAIRE A VOTRE
VERTU ET AU RESPECT QUE J'AI POUR VOUS,
je vous prie
devant vous votre mère de ne vous point quitter de vûë
lors que nous serons ensemble"
(IF,I,92).
L'agencement des termes occupe une place de choix dans
l'expression spontanée des Illustres Françaises. Une fois de plus
se vérifie l'idée devenue presque cliché
dans la linguistique
contemporaine et qu'exprime admirablement Vendryes
:
"Les éléments que la langue écrite s'efforce d'enfermer
dans un ensemble cohérent, apparaissent dans la langue par-
lée,
séparés, disjoints, désarticulés
l'ordre même en est
tout différent. Ce n'est plus l'ordre logique de la grammai-
re courante; c'est un ordre qui a sa logique aussi, mais
une logique surtout affective où les idées sont rangées non
pas d'après les règles d'un raisonnement suivi, mais d'après
l'importance subjective que le sujet parlant leur donne ou
qu'il veut suggérer à son interlocuteur".
(1).
CHAPITRE -
III
LA PHRASE
Le profil de la phrase des Illustres Françaises se
différencie peu d'avec l'énoncé quotidien que tout usager du
français est amené à entendre ç~ p~ l~ ~~n~ l~~ ~~~series ~~ic~-
(1) Vendryes, Le langage, p.166.

-
204 -
les,
les conversations de bon ton. Aurait donc tort qui s'atten-
drait à rencontrer ici des phrases alambiquées, ou à l'opposé,
des phrases sommaires inlassablement bâties sur le même patron.
Au contraire, l'expression pittoresque, l'émotion brutale que
comporte l'élocution spontanée y favorise les modèles de phrases
les plus vivants, allant de la phrase la plus simple à la phrase
la plus expansive avec toujours une clarté et une netteté toutes
naturelles
(1). L'analyse de telles phrases n'a de valeur et en
définitive d'efficacité qu'appuyée sur les critères de la gram-
maire traditionnelle, c'est-à-dire à partir des notions de na tu-
re et de structure
(des phrases) .
A -
DE LA NATURE
1 - La phrase sans verbe. Dans ce type de phrase caractéris- 1
tique du langage parlé, outre divers procédés mis en jeu, c'est
surtout l'intonation qui permet de se passer du verbe. Celle-ci
non seulement réalise la soudure avec l'énoncé précédent mais
permet, par l'accent affectif, de concentrer toute l'image ver~
baIe sur trois, deux,
voire un mot.
a)
Phrase monorémique. On appelle ainsi la phrase qui
ne comporte qu'un seul mot.
Il s'agit en l'occurrence;
d'un substantif, plus précisément, du mot bagatelle.
(1)
On-a-dé]à rappelé ci-dessus co~nent les cas d'équivoques eux-
mêmes
(qui d'ailleurs concernent des éléments ponctuels de
la phrase)
sont en général levés par les procédés de compen-
sation. Cf. supra p.184.

-
205 -
l
Cf.: ex :
"BAGATELLE" reprit-il"
(IF,I,37).
2
ex :
"pour votre mariage ajoutai-je, BAGATELLE"
(IF,II,428).
3
ex : "mais ma soeur, dit la mariée, on peut y être
sensi-
ble quand i l est permis, comme il est permis avec un
homme qu'on a épousé. BAGATELLE, reprit la veuve"
(IF,
II,477) .
La phrase entière serait "ce n'est qu'une bagatelle"
ou positi-
vement : "c'est une bagatelle". L'opération affective a donc
consisté en la suppression du sujet et de la copule au profit
exclusif de l'attribut
(à valeur prédicative).
b)
Phrase dirémique.
La phrase dirémique on le sait,
ne comporte qu'un sujet et un prédicat sans élément
d'organisation, ou avec un élément d'organisation
sommaire. De là le fait que, comme en phrase segmen-
tée,
l'élément qui vient en tête est celui qui revêt
le plus d'importance pour le locuteur.
Ici cet élé-
ment est représenté par une formule proverbiale :
.A DIEU.
Cf.:
"S'il me voyoit avant que nous ne soyons d'accord Sylvie
et moi, À DIEU la cassade"
(IF,II,310).
c)
Phrase exclamative: La phrase exclamative, c'est
le modèle de phrase émotive. L'absence de verbe
s'explique par le fait que l'attention émotive res-
te fixée sur le stimulus objectal ou la réaction
prédicative.

-
206 -
1
Cf.: ex :
"Quelle métamorphose 1"
(IF,II,299).
2
ex :
"Quelle bassesse, quelle foiblesse
1"
(IF,II,317).
3
ex :
"Quoi, Monsieur 1"
(IF,II,362).
4
ex :
"La malheureuse
La dénaturée 1. .. "
(IF,I,257).
d)
Phrase négative: C'est dans ce type de phrase que
l'expression est le plus énergique.
Cf.:
"POINT DE FAÇON, Mademoiselle"
(IF,II,471).
On sait en outre que les mots comme NON, OUI tiennent lieu de
proposition enti~re : ils se substituent à la phrase qu'ils
nient ou approuvent. Notons que NON dans cet emploi de "prophrase"
figure 108 fois dans les Illustres Françaises
(contre 86 fois OU~.
Cf.:
"Quoi dit le Conseiller, vous ne dinerez point avec mOl?
NON, répondit Des Frans"
(IF,I,4).
1
e)
Phrases introduites par un présentatif
1
1
L'usage de VOILA
présentant effectivement un fait
,1
nouveau ou simplement en position d'anaphorique est
7
,
un tour apprécié du langage parlé. Les deux emplois
se rencontrent ici.
- Voilà, représentant matériel
1
1
Cf.: ex :
"VOILÀ MON ÉPOUSE"
(IF, II,402) .
J
,
2
ex :
"LA VOILA, poursuivit-il en lui montrant un panier"
1
(IF, l, 78) .
3
ex : "VOILÀ VOS D7\\nTt;'1D~ C\\+- TT' -I-_f:' ~_~co't""..... 1t
fT"[;'I
TT
?O""_
d
1
. . . . . . . -
...... '"'-Jl . . . . . _
.......
_
_ . . . . . . . . . . .
....... ......
_ . J . ...
_
\\
..........
,
.........
,
_
J
'" 1
4
ex :
"VOILA SA SOEUR, poursuivit-il en montrant sa femme"
(IF , l , 1 2 9) .
1
1

-
207 -
- VOILÀ, représentant immatériel
,
l
Cf. : ex :
"VOILA une belle raison !"
(IF,II,37S).
2
ex :
"VOILÀ des sentiments dignes d'un lâche comme vous"
(IF, II,340) .
3
ex :
"VOILÀ une belle réflexion"
(IF,II,S03).
4
ex :
"Ah, répondit-elle en redoublant ses larmes, VOILA mon
désespoir"
(IF,I,lOS).
- VOILÀ anaphorique. Le démonstratif qui introduit la phrase
renvoie non plus à un fait contextuel mais à une séquence
précise de l'énoncé -située généralement dans le contexte
immédiat- ou à l'énoncé lui-même en tant qu'entité globa-
le (1).
,
1
Cf.: ex :
"J'avouai que oui. ET VOILA JUSTEMENT L'ENDROIT, re-
pr i t- il"
(IF, I, 41) .
2
'
ex :
"VOILA LE FONDEMENT DE LA FORTUNE D'ANGELIQUE"
(IF, 1,72)
Il va sans dire que l'énoncé introduit par voilà se substitue avec
beaucoup plus d'expressivité à la construction verbale.
f)
La phrase appositive de portrait. Ce type de phrase
i-'
,
permet, contre toute préoccupation "littéraire" visant::
par exemple à remplacer dans les phrases descriptives
(1)
Pour la valeur sélective et prégnanÙ3de ce démonstratif
voir infra p.Z&g-2,8~
i
f

-
208 -
les verbes usuels tels que "avoir" "être" par des ver-
bes plus recherchés, d'alléger la construction prédica-
tive en supprimant le lien verbal explicite ou en le
réduisant -au besoin à un mot ou à un syntagme.
l
Cf.
ex :
"C'était un homme de grande qualité, parfaitement
bien fait, ET FORT BEL HOMME, DE RÉPUTATION, D'ESPRIT"
( IF , l , l 8 4) .
2
ex :
"LES SOURCILS CO!vlME LES CHEVEUX, LE NEZ UN PEU AQUILIN
ET SERRÉ, BIEN FAIT ; LES JOUES
COUVERTES D'UN VERMIL-
LON NATUREL ; LA BOUCHE FORT PETITE ET RIANTE, LES

tEY!ES RONDES ET VERMEILLES ; LES DENTS BLANCHES ET
BIEN RANGÉES ... , LE MENTON ROND, UNE PETITE FOSSETTE
AU MILIEU, ET LE TOUR DU VISAGE OVALE"
(IF,II,292).
3
ex :
"Mais on lui pardonnait ce défaut en faveur de ses
dent QU'ELLE AVOIT ADMIRABLES ; LES YEUX BRUNS ET ÉTIN-
CELANS ; UN PEU MAIGRE ET UN PEU VELUE, ET TOUJOURS
,
PÂLE"
( IF , II, 462) .
j
C'est l'exemple canon de phrase de portrait dans les Illustres
Françaises. C'est autant dire son importance dans l'oeuvre.
1
l
g) La phrase d'énumération affective. Comme la phrase
de portrait, la phrase d'énumération se caractérise
J
1,'"
par son contenu ramassé, sa brièveté. C'est le genre
~
de phrase
me à coup de substantifs prédicatifs, sans qu'apparais'
se le verbe à un mode personnel. En fait elle n'est
!
f
pas différente du point de vue de l'affectivité de la
!
l
phrase exclamative.
Cf.
:"OÙ est-elle que je l'étrangle? LA MALHEUREUSE
LA DÉNATU- 1
RÉE! LA COQUINE !"
(IF,I,257).
!l'
1

-
209 -
2 - La phrase purement verbale. Apparaissent sous cette
rubrique en particulier des phrases monorémiques de
modalité volitive à émission d'une seule voix.
l
Cf.: ex :
"VIENS, poursuivit-elle en m'appelant"
(IF,II,367).
2
ex :
"TENEZ, voilà de l'argent"
(IF,I,240).
3
ex :
"DEVINEZ, répondit des Ronais en riant"
(IF,I,123).
3 - On notera pour terminer un type de phrase à verbe
différé fréquemment observable au moment du passage
du style indirect au style direct. Cette omission mo-
mentanée du verbe a l'avantage de favoriser l'antici-
pation de l'énoncé en citation, ce qui, on s'en doute;
ne manque pas d'expressivité et de naturel.
Cf.:
"Il me quitta et pour adieu: MONSIEUR L'ÉLU A DEUX HEURES
LUI DIS-JE en riant"
(IF,II,288).
B - DE LA STRUCTURE
l
-
Phrase simple. Les phrases simples, c'est-à-dire avec.
seulement sujet, verbe et complément forment le soubas-
sement de l'architecture syntaxique des Illustres Fran-
çaises . On a là le type
' lnême de la phrase orale avec
j
structure nettement accordée au souffle.
t
1
1
Cf.: ex :
"J'OUBLIAI MES RÉSOLUTIONS"
(IF,II,317).
!
i
2
ex :
"IL ME FIT
MILLE CIVILITEZ"
(IF,II,384).
~
3
l
ex :
"TOUT CELA FUT EXÉCUTÉ"
(IF, II,386) .
1
i1

-
210 -
4
ex :
"ELLE Y PRIT GOUT"
(IF,II,545).
5
ex :
"JE FENDIS LA PRESSE"
(IF,I,165).
Certaines fois -disons plutôt très souvent- la phrase simple
est redoublée par coordination
(avec omission du pronom sujet)
pour exprimer avec la même instantanéité deux procès consécutifs. ~
.~
11
1
,1
ex :
"JE LA LAISSAI ET JE SORTIS"
(IF,II,437)
<",1
Cf.:
2
ex :
"ELLE LE FIT ET RÉUSSIT"
(IF,I,95).
2 - Phrase simple étendue. A côté de la phrase simple pro-
prement dite, on ne saurait passer sous silence des
phrases nucléaires étendues
,
T " f t
Il
.!..Ji-\\.
(IF, II,542) .
2
ex :
"JE MONTAI A CHEVAL À MON TOUR"
(IF, II,416)1
3
ex : "J'EUS FACILEMENT MON CONGE"
(IF,II,421).
,
~
- par qualificatif. cf.: "JE LE TROUVAI PALE ET DEFAIT"
(IF, l, 207) • j
,
!
- par déterminatif .Cf." LA COMPASSION RÉVEILLA TOUTE MA TENDRESSE" i
( IF , l l , 3 1 7) .
- par complément de lieu: Cf. "IL LA CONDUISIT A SA MAISON Il (IF,.r,94!
i
1
- par relative explicative: cf.ex :"SA MÈRE AVOIT UNE SERVANTE
QUI FAISOIT LEUR CUISINE"
(IF, 1,94) .
2
ex :"JE LUI DIS DES SUPPOSITIONS
QU'ELLE APPROUVA"
( IF , II , 384-
85) .
3 - Juxtaposition. La juxtaposition entre dans le ca-
dre de la simplif-mation dé~rapports syntaxiques.
Elle se présente sous diverses formes

·!vi..
~ ~.
;"r..
~.
~-
...
..
~
(
,
~
l

t'
,
.
.-
;:.
, ......
..
~
f
1
f
..
! ...~
:-.

-
212 -
4
ex :
"ELLE S'ARRACHA DE MES BRAS, ELLE APPELA DU MONDE,
et cria au secours à pleine tête"
(IF,II,S14-S1S).
Subordination implicite par omission de la con jonc- ~
tion causale, celle-ci remplacée par une césure qui
précède et met en valeur l'énoncé explicatif. En cons- ~'
truction causale, c'est la construction favor~ des
~
Illustres Françaises.
1
Cf.: ex :
"JE N'ENTREPRENDROIS POINT DE FAIRE SON PORTRAIT,LëARJ
IL EST AU DESSUS DE MES EXPRESSIONS"
(IF,I,16).
2
ex :
"JE NE VOUS DIRAI POINT QUELLE ÉTOIT MA FAMILLE L"PUIS-
QUE, CARl VOUS LA :CONNOISSEZ",(IF,Ii,J11).
I.i
)
3
ex :
"VOUS NE CONNOISSE7- PAS MADAME . . . LPUISQUEJ VOUS NE LA
REGARDEZ QU'AVEC INDIFFÉRENCE"
(IF, l, 64) .
4
ex :
"J'EUS DE LA TENTATION .LCAR,PUISQUE, PARCE QuEl JE NE
FAISOIS L'AMOUR AVEC VOTRE COMÈRE QUE COMME LES ANGES"
(IF, l, 43) .
S
ex :
"JE NE SAIS QUE VOUS DIRE . . . fCAR, PUISQUEJ JE SUIS PLUS
EMBARRASSÉE QUE VOUS"
(IF,I,34).
d)
Parataxe substituée à l'hypotaxe. C'est la forme
~
'i
t
élargie de la subordination implicite.
Ici ce n'est pas ~
~';
un seul outil de liaison qui est omis, mais deux, trois
ou même plus. Mieux, dans un style écrit la phrase pour-
rait connaître une organisation autre avec par exemple
des conjonctions ou locutions conjonctives comme "étant
donné que,",
"vu que",
"du moment que", etc ... ayant pour
fonction de délimiter la cause, ou bien des formes par-
ticipÎales du type "étant", constituant d'une conjonctiv~

-
213 -
1
Cf.: ex :
"NE VOUS MELEZ POINT DE ME FAIRE FAIRE DES LEÇONS fCAR]
-
1
JE SUIS TROP VIEUX POUR EN PRENDRE LVOUS SAVEZ BIEN QU~,
JE NE VOUS EN FAIS POINT MOI"
(IF,I,26).
Une forme plus organisée de cette phrase P9urrait être la suivante
"étant donné que je ne me mêle point de vous faire des le-
çons,
je vous supplie de ne pas m'en faire,
car je suis trop
vieux pour en prendre".
2
ex :
"NE VOUS EMBARRASSEZ PAS DE CELUI-LÀ, REPONDIS-JE LëARJ
JE ME CHARGE DE LA RÉUSSITE /ÉTANTJ BIEN ENTENDU QUE
VOUS FEREZ TOUT CE QUE JE VOUS DIRAI"
(IF,II,469).
4 -
Phrase énumérative attelée. Il s'agit de ces phra-
ses d'analyse où la passion fait accumuler sur des lignes abso-
lument symétriques, les divers motifs qui ont contribué à la nais-
sance d'un procès. Nous les appelons ici "énumératives attelées"
(ou en faisceau)
(1)
parce qu'elles sont constituées de substan-
tifs ou de groupes nominaux développés par desrelatives"détermi-
natives, elles-mêmes couronnées par un tour résomptif qui les
soumet à l'autorité d'un même werbe. Le procédé, éminemment ora-
toire -mais d'une oralité un peu solennelle- et souvent utilisé
dans les romans d'analyse psychologique du XVIIe siècle, trouve
son expression la plus achevée dans les Lettres Portugaises de
Guilleragues.
(2).
(1} Cette appellation s'inspire de M.Deloffre Cf. Stylistique et
poétique françaises, p.97-103.
(2)
, .
~ui,
On le retrouve en 1672 chez Mme de Sevlgn , comme le démontre
F. Deloffre dans l'ouvrage cité ci-dessus (p. 103), l'a emprun-
tée aux Lettres Portugaises qu'elle a lues et admirées. L'exéin
pIe cité est le suivant :
"Le péril extrême où se trouve mon
.. /

-
214 -
'1
-
Couronnement par ENFIN :
Cf.:
"Elle étoit toute en pleurs; le sein qu'elle avoit décou-
vert, et que je voyois par l'ouverture d'une simple robe de
chambre, ses cheveux qu'elle avoit détachez pour se coiffer
de nuit, et qui n'étant point ratachez tomboient tout du
~
long de son corps, et la couvraient toute ; sa beauté naturehj
le que cet état humilié rendoit plus touchante, ENFIN mon
,~
étoile qui m'entrainoit, ne me FIRENT plus voir que l'objet
J
de mon amour et l'idole de mon coeur"
(IF,II,314).
~~~
"i
,
- Couronnement par TOUT CELA :
Cf.:
"Au contraire la certitude que j'avois de ma propre foibles-
se que je venais d'éprouver devant cette fille, le retour
de mon coeur contre toute aparence, le peu de solidité que
.'
je connoissois dans mes résolutions pour ce qui la touchoit,
la honte d'un retour si indigne; TOUT CELA joint à mes
premières reflexions ME MIT dans un état si languissant que
je me faisais à moi-même horreur et pitié tout ensemble"
(IF,II,315) •
.. f fils, la guerre qui s'échauffe tous les jours, les courriers
l
qui n'apportent plus que la mort de quelqu'un de nos amis ou
de nos connaissances, et qui peuvent apporter pis, la crain-
te qu'on a des mauvaises nouvelles et la curiosité qu'on a
de les apprendre ; la désolation de ceux qui sont outrés de
douleur, avec qui je passe une partie de ma vie, avec l'in-
concevable état de ma tante,
et l'envie que j'ai de vous voir
TOUT ME DÉCHIRE ET ME TUE ... "
(Lettre du 29 juin 1672).

1
-
215 -
Ce type d'attelage plutôt syntaxique est à distinguer de l'atte-
lage thématique introduit par EN UN MOT ou encore par TOUT CELA
comme dans l'exemple suivant où les deux tours apparaissent à la
foiS:
"Elle a les yeux plains, bien fendus,
noirs et languissans,
et vifs lorsqu'elle le veut, le front admirable,
large et
uni, le nez bien fait,
la bouche petite et vermeille et les
dents comme de l'ivoire, la physionomie douce et d'une vier-
ge. TOUT CELA étoit soutenu par une gorge qui sembloit fai-
te au tour, potelée et charnüe, la main très belle . . . EN UN
MOT, c'est une beauté achevée"
(IF,I,17).
5 -
Phrase narrative à structure parallèle
Par cette
construction en usage dans les passages au style in-
direct, le verbe introducteur
(souvent le verbe dire),
connaît des expansions complétives dans lesquelles
seule la conjonction Qué est répétée : économie est
faite de la répétition du verbe déclaratif ou de
l'effort de recherche de substituts divers.
1
Cf.: ex :
"J'y reçus des lettres de Clémence qui me mandoit
- que son père ne lui diroit rien de fâcheux
-
qu'elle s'étoit reconciliée avec l u i ;
-
qu'il ,,:enoit souvent la voir sans lui proposer au-
cun parti ;
qu'elle lui avoit inutilement parlé de moi
et
-
qu'à cela près, elle étoit assez tranquille"
{IF,I,
156) •
2
ex :
"Je me contentai de lui dire
-
que je reviendrois le lendemain

1
-
216 -
- que mon esprit seroit plus tranquille,
- qu'elle examinât cependant les papiers que je lui
laissois,
- qu'elle tachât de les justifier"
(IF,II,31S).
Cf. également les pages 20,21,
22 et 23 qui sont entièrement
couvertes de constructions de ce genre.
~
Il est vrai, la relative lourdeur de ce type de constructionl
!
empêche de le donner comme un procédé typique
du parler, bien
qu'il puisse apparaître dans l e conversations de bon ton. Et
c'est à ce dernier titre qu'il semble particulièrement affection-
né dans la langue du XVIIe siècle. Les mémoires du Cardinal de
Retz en sont truffés tout comme les lettres de Mme de Sévigné. (1) .
Mais quels que soient les exemples rencontrés, on fera cette re-
marque essentielle que les complétives ainsi dégagées sont plus
longues ailleurs que dans les Illustres Françaises où leur lon-
gueur ne dépasse pas la durée normale du souffle ; chaque terme
de l'expression reste suffisamment bref pour être prononcé faci-
lement. De plus, le que qui revient à intervalle régulier appa-
raît comme une sorte de ponctuation.
(1)
Concernant le premier, on peut lire:
"Monsieur le comte m'y
força et je pris la liberté de lui présenter
-qu'un prince du sang doit plutôt faire la guerre civile que
de remettre rien ou de sa réputation ou de sa dignité ;
-mais qu'aussi il n'y avoit que ces deux considérations qui
l'y puissent judicieusement obliger, parce qu'il haG~rdc
l'une et l'autre par le mouvement, toutes les fois que l'une
et l'autre ne le rend
(sic)
pas nécessaire;
-qu'il paroissoit bien éloigné de cette nécessité
··1

-
217 -
C - FAITS DE "PROSODIE"
Le mot de prosodie,
selon le Furetière, désigne la "Partie
de la Grammaire qui enseigne la prononciation, qui marque les
accens". En dépit d'une spécialisation de fait dans les langues
grecque et latine et surtout dans la poésie, prosodie s'emploie
pour toutes formes d'expression pour désigner "les éléments pho- .
niques
(dynamique, mélodique, quantitatif
(sic») qui caractérisent
telle ou telle tranche de la chaîne parlée"
(1).
Ainsi, on a déjà souligné çà et là la valeur prosodique de
bien des éléments constitutifs de la phrase des Illustres Françai-
ses.
Il est donc temps de se pencher plus attentivement sur cet
aspect du problème pour voir comment, atout exclusif du langage
oral,
les faits prosodiques se trouvent amplement représentés
dans les Illustres Françaises.
On sait en effet que l'intonation en général, et en parti-
culier l'accent, les pauses,
jouent un rôle décisif dans le parleri
un texte "écrit" peut exprimer un sentiment violent,
i l n'est pas
un cri de l'âme. L'absence de dialogue spontané ou même d'inter-
locuteurs réels ou supposés tels,frappe d'atonie l'énoncé
.. 1 -que sa retraite à Sedan le défendoit des bassesses auxquelles
la cour avoit prétendu de l'obliger . . . "
Cf. Oeuvres du Cardinal de Retz, TI,p.154-155. De nombreux
exemples de ce genre sont cités par VerschoorJ.A. op.cit,p.166.
(1) Marouzeau in Robert.

1
l
-
218 -
1
"littéraire" ; l'exclamation n'a plus son sens instinctif ni
1
"1
l'affirmation volontariste sa vigueur. L'interrogation même de-
1
vient simple figure de style. Pourtant, aussi paradoxal que cela
puisse paraître,
"les notions courantes sur l'intonation sont
généralement aussi rudimentaires que les signes par lesquels
elle est marquée dans l'écriture"
(1). On n'a donc pas la préten-
tion ici d'isoler tous les éléments de prosodie.
Ils ne sont
d'ailleurs pas tous pertinents.
Il suffit de noter les plus
un
marquants dans classement qui du reste n'a de valeur que par
rapport au sujet qui nous occupe.
1 - Accents d'insistance
On distingue d'ordinaire trois sortes d'accent en français:
l'accent normal, l'accent d'insistance dit intellectuel et l'ac-
cent d'insistance dit affectif ou émotionnel. Le premier concerne
les caractéristiques phoniques de la langue elle-même. Le second
n'intervient que dans les cas à la fois particuliers et divers
où i l s'agit d'introduire une définition exacte, une détermina-
tion rigoureuse, de distinguer deux mots ou deux expressions.
Il frappe la syllabe initiale, et, dans les cas d'antinomie,"
la syllabe différentielle. Le troisième enfin, entre en jeu dès
qu'il entre dans l'intention du locuteur d'émouvoir ou d'impres-
sionner son auditoire et frappe surtout la consonne initiale.
(1) Ch. Bally, Linguistique générale et linguistique française,
p.269.

-
219 -
Mais l'accent normal ne touche pas particulièrement à notre
propos;
seuls nous occuperons les deux formes d'accent d'insis-
tance.
a) Accents intellectuels
Il apparaît les rares fois où a- lieu une réplique sur le
mot, soit pour soutenir une affirmation, soit au contraire
pour rejeter un terme ou une idée introduite par l'interlocu-
teur.
1
Cf. : ex :
" . . . Vous me CONGÉDIEZ . . . ? Oui,
je vous CONGÉDIE"
(IF,
II,345) .
2
ex :
"Mais enfin me voilà revenu repentant, tout à vous,
prêt à vous ÉPOUSER,
le voulez-vous? Vous ÉPOUSER,
moi, reprit-elle avec colère"
(IF,II,455).
Il faut remarquer que les accents de ce type ne sont pas très
nombreux: par lui-même ce type d'accent n'intervient que dans
des cas très particuliers.
b) Accents affectifs
L'accent affectif en revanche se distribue assez copieuse-
ment dans l'oeuvre.
Il frappe divers mots à fort contenu af-
fectif soit en syllabe d'attaque,
soit en clausule.
en clausule,
i l s'applique surtout à des mots isolés
pourvus d'un volume phonique suffisamment important pour
soutenir l'expressivité intonative.

-
220 -
+ Termes et expressions imagés
l
Cf. : ex :
"Une manière si impérieuse le TERRASSA"
(IF,II,339).
2
ex :
"Il avoit résolu d'en PURGER le monde"
(IF, II, 348) .
3
ex : '''Et si elle étoit seule à Paris, je voudrois que tout
y RENVERSAT"
(IF,II,347).
+ Epithètes dépréciatives ou laudatives
l
Cf. : ex :
"Il l'en assura par des sermons HORRIBLES"
(IF,II,339).
2
ex :
"Dupuis, comme je vous l'ai dit, avoit fait des pertes
TERRIBLES"
(IF,I,13).
3
ex :
"Sur ce pié-là il le regarderoit comme le dernier des
hommes et le plus INFAME"
(IF,II,375).
4
ex :
"Pourquoi vous me faites passer pour une LARRONNESSE,
une fille DÉBAUCHÉE?
"
(IF,II,339).
1
!
+ Adverbes divers, entre autres les adverbes de phrase (vrai-
4
~l ment, franchement, •.. ) qui supportent toute la subjectivité ins-
1
1
crite dans les énoncés qu'ils introduisent, certains adverbes de
mots notamment les adverbes de négation tels que NON employé
absolument pour marquer la désapprobation
(affective) ou JAMAIS
dans ses divers emplois
(antéposé ou post-posé). Une place par-
,
ticulière est à laisser à LA
à
valeur désignative.
-
soit qu'il soit employé seul:
,
Cf.:
"Ce que vous dites LA n'est pas sage"
(IF,I,13l).
-
soit qu'il entre dans le démonstratif:
,
Cf.:
"Je ne vois que ce parti LA à prendre"
(IF,II,345)
~j
i

-
221 -
On n'~ubliera pas les dérivations adverbiales d'adjectifs
expressifs, en particulier les adverbes en -ment formés à partir
d'adjectifs comme terrible
(TERRIBLE~ŒNT la occurrences), brusque
(BRUSQUEMENT), brutal
(BRUTALEMENT), extrême
(EXTREMEMENT 33 oc-
currences), unique
(UNIQUEMENT, 17 occurrences), parfait
(PARAFAI-
TEMEN~ 33 occurrences), vif (VIVEMENT, 22 occurrences). On dénom-
bre 80 occurrences d'adverbes expressifs susceptibles de porter
l'accent.
- En syllable d'attaque,
l'accent affectif introduit un
1
type d'énoncé parfaitement modalisé.
1
!
tc,
+ Déictiques :
1
cl
1
1 Cf. : ex : "C'EST VOUS qui en êtes l'auteur de ce bruit public
1
1
(IF,II,339) .
2
ex :
"VOILÀ un homme à craindre et un scélérat achevé"
1
( IF , l l , 3 4 3) •
1
lj
+ Dans les modalités d'énonciation on retiendra
1
!
l'interrogation emphatique avec l'accent sur l'outil
î
l
1
interrogatif.
"
1 Cf.: "Si, poursuivit cette dame parlant à Monsieur de Contamine,
1
Sylvie eût regretté Gallouin, POURQUOI auroit-elle tout sa-
î
1
crifié à son persécuteur ? POURQUOI se dépouiller de tout
l
pour lui? POURQUOI s'envelir toute vive dans ùn couvent . . .
POURQUOI l'auroit-elle soutenu jusqu'à la mort?"
(IF,II,40G).
- L'exclamation. En phrase exclamative, putOt que sur un
mot ou un groupe syntaxique,
l'accent semble porter sur l'en-
semble de l'énoncé exclamatif.
1
r
1
;

-
222 -
l
Cf.: ex :
"La friponne est mariêe
Elle est grosse!"
(IF,I,257).
2
ex :
"Qu'elle êtoi t
belle dans ce moment !... que cet adieu
1
des yeux êtoit expressif et rengageant!"
(IF,II,334).
- L'ordre. L'accent- de la volition porte êgalement sur tout
l'énoncé, mais celui-ci se rêduit le plus souvent au verbe
et à ses dépendances.
1
Cf. : ex :
"Il étoit pl us mort que vif pendant mon discours, mais il le'
fut bien davantage quand Madame de Cranves s'adressa à
lui en colère: SORTEZ DE CHEZ MOI, Valeran, dit-elle"
(IF , l l , 3 2 4) •
2
ex :
"N'êtes-vous pas parti sans presque me dire adieu?
M'avez-vous fait sçavoir de vos nouvelles? M'avez-vous
même fait sçavoir où vous étiez? Ne m'avez-vous pas par
là otê les moyens de vous écrire? ALLEZ, laissez-moi en
repos"
(IF,II,455).
3
ex :
"Je pris cette lettre et la cachetai, après quoi je la
mis devant elle. Ecris l'adresse lui dis-je. A qui,
dit-elle? A Monsieur . . . Monsieur . . . Je rêpêtai cinq ou
six fois le mot Monsieur . . . DIS DONC, si tu veux, dit-
elle, me voyant rire"
(IF, II,366) .
1
i
- Assertion ferme et rêsolue. L'accent appuie ici un démenti,
une désapprobation formelle.
Comme ci-dessus, il attaque l!..; i_:_
1
énoncê et l'achève.
l,
1 Cf .
l
..
l
ex :
"VOUS VOUS TROMPEZ,
interrompit Des Ronais à cet endroit"
!
1
(IF,II,349) .
1
proposition par êcrit"
(IF,II,350).
1
j
iîif
1
\\

-
223 -
-
Réponse énergique à un seul terme. L'accent porte sur le
seul
terme.
Cf.:
"Mais, interrompit Des Ronais, parlant à Des Frans, quelle
part avez-vous là-dedans que vous me poroissez émû? TOUT,
répondit-il"
(IF,I,78).
La difficulté de l'étude des faits d'accentuation, c'est
qu'ils restent pour l'essentiel voués -par le fait qu'ils exigent
que l'on s'installe affectivement dans le temps diégétique du ré-
cit- à la subjectivité du lecteur. Celui-ci peut placer l'accent
sur tel mot ou tel autre selon sa sensibilité, sa façon particu-
lière de sentir ce qui est écrit. Ainsi, ici la place de l'accent
peut paraître discutable à quelque endroit. Sa présence n'en est
pas moins patente et son rôle assez décisif dans la vivacité de·
ton des Illustres Françaises.
2 - Pauses
"Pause", définit le Furetière, c'est "l'arrest
, la
cessation d'agir, de parler". Et d'ajouter:
"La ponctuation est établie dans la grammaire pour faire des
pauses convenables en certains endroits".
En effet, lorsqu'on étudie la pause dans un texte "normalement"
écrit
(1), une des meilleures références, sinon la plus sûre, est
(1)
C'est~à~dire un texte écrit selon les normes typographiques,
texte en prose ou poème pourvu de ponctuation, par opposition
à certains écrits littéraires tels que les poèmes d'Appolinai-
re où sont bannies toutes traces de ponctuation.

-
224-
la ponctuation. Et bien que celle-ci ait diverses autres fonction~~)
on admet généralement que "la fonction primitive
(et toujours vi-
vante)
des signes de ponctuation a été de marquer les endroits où
l'on pouvait
(et où l'on devait)
respirer"
(2). Récemment encore,
une romancière américaine pouvait déclarer, répondant à une jour-
naliste:
"La ponctuation pour moi, n'est pas seulement imprimée, elle
est orale ; une virgule me vient là où on prend normalement
sa respiration".
(3).
Incontestablement, Challe n'eût point fait une réponse différente:
la distribution des pauses à travers la ponctuation dans les
Illustres Françaises reste toute entière calquée sur l'ordre
oral.
1 A tel point qu'en moyenne une phrase commencée ne dépasse guère
1
j
i six mots de quelques syllabes -le temps normal que dure le souffle-
sans qu'intervienne la virgule, le point-virgule ou le point. Ces
f
~
1
~1 (1) En dehors de la fonction rythmique, les autres fonctions impor-
J1
tantes de la ponctuation sont:
-Fonction syntaxiques : la ponc-
tuation organise la phrase en~séparant les parties essentielles,
1
j
Cette fonction est étroitement liée à la fonction rythmique.
!
-Fonction affective et intellectuelle: elle sert à mettre en
,1
1
1
-~
valeur, notamment dans les phrases segmentées, tel ou tel élé-
!
î
~
ment considéré d'importance particulière par le locuteur.
(2)
Nina Cdtach : "La ponctuation" (p. 22), article paru dans le numé-
ro spécial de la revue Langue française,
sous le titre "La
ponctuation"
(pp.
16-27).
(3)
Toni Mbrrisson in Le Monde n011 527 du 19 ,fév.
1982.

-
225 -
\\
trois signes de ponctuation permettent de définir du point de vue
mélodique trois types de phrases : la phrase sans pause, la phra-
1
se à une seule pause, la phrase à deux pauses.
En guise d'exemples chiffrés illustrant les observations qui
vont suivre, on a pu dégager un tableau de pourcentages obtenus
à partir d'une étude détaillée menée sur les 10 premières pages
de chaque tome
(1), soit au total sur 303 phrases. La phrase des
Illustres Françaises obéissant dans l'ensemble à des canevas struC-j
l
turaux assez bien définis, on a cru raisonnable et suffisant de
s'appuyer sur un échantillon réduit, celui-ci ayant l'avantage
d'être à la fois précis et aisément vérifiable. Cette première
limitation ajoutée au caractère imparfait et simplement évâluatif
de toutes statistiques, il va de soi que les pourcentages ci-après
mentionnés n'ont qu'une valeur approximative.
a)
La phrase sans pause
Il s'agit de phrases à structure monolithique construites sur
la base d'un seul groupe rythmique que termine une mélodie conc1u-
sive marquée par le point ou le point-virgule. Ce sont générale-
ment les phrases simples. Lorsqu'elles se succèdent -comme c'est
----~.~--~--~-
(1)
Il s'agit plus précisément des dix premleres pages de la premiè'
re histoire de chaque tome,
soit pour le premier tome "l'Histoi'
re de ~·1onsieur Des Ronais et de Mademoiselle Dupuis" du début
'de la page Il à la fin de la page 21
(153 phrases), et pour le
second tome, l'''Histoire de Monsieur Des Frans et de Sylvie",
du début de la page 281 à la fin de la page 291
(~ .. toute vêtuë
en corps"),
(150 phrases).

-
226 -
souvent le cas- la brièveté séquentielle favorise une rapidité
d'intonation, les pauses apparaissant entre les différentes sé-
quences
(1)
comme de simples noeuds d'une suite discontinue.
1
Cf.: ex :
"Il étoit près de minuit //Le tems étoit extrêmement
sombre/IOn ne voyoit ni Ciel ni Terre//"
(IF,II,299).
2
ex :
"La curiosité porte à en goUter//les réflexions émeu-
i
1
vent le sens/fun gaillard les surprend dans le moment
1
de la tentation//elles résistent un peu . . . / /
(IF,I,45).
1
t . Mais parfois les phrases peuvent être suffisamment étendues pour
1
comprendre deux propositions
(généralement la principale et la
j subordonnée).
1
Cf.: ex :
"Je lui dis tout ce que je sentois pour elle//Je lui
\\
montrai mon désespoir de la voir renfermée//" (IF,I,135) .
2
ex :
"Cela fut cause que je ne voulus plus être du tout pen-
1
sionnaire l'hyver non plus que l'été//Elle fut cause en-
1
core que j'en fis mes études avec plus de succès//Elle
i
me piquoit d'honneur en me faisant c~mprendre qu'il fal-
J
loit qu'un garçon comme moi se mit par son application à
:~~
couvert des réprimandes de ses regens"
(IF,II,415).
~
,
-1
La propo rtion de phras~s, sans pauses parmi celles relevées est
r de 42,26 % (41,05 % dans le tome l et 43,4 % dans le tome II).
!
1
.,
4
i
~
J1
b -' Phrase à une pause
La phrase est considérée comme ayant une seule pause lors-
--~.---~~-~~-~-
(1)
Séquence
est employé ici dans le sens de suite de mots pro-
noncéS
sur un même ton.

-
227 -
qu'une virgule
(ou un point-virgule
(1))
intervient pour la diviser
en deux membres syntaxiquement interdépendants. En terme mélodique,
la virgule ou le point-virgule, coupe la phrase sur une note sus-
pensive
(en attendant la reprise du souffle pour attaquer le se-
cond membre), le point la termine en une mélodie conclusive cor-
respondant à l'expiration. C'est le cas de la phrase juxtaposée
(1) La valeur du point-virgule
semble aujourd'hui conte5tée et
son usage pratiquement abandonné. Une enquête réalisée en 1977
par Anette Lorenceau et Nina Catach
(sur un échantillon de 80
écrivains) montre que très peu d'auteurs l'utilisent encore.
L'un des écrivains interrogés, Mme Marie Cardinal, déclare
I~
1
(traduisant ainsi:l'opinion génénale):
"Le point-virgule est
t!
un collaborateur efficace que je néglige souvent. Pourquoi?
Parfois je pense que c'est parce qu'il est trop sophistiqué,
1
!
d'autres fois je trouve qu'il n'est pas clair malgré ses appa-
1
rences : à la fois point et virgule"
(cf. Anette Lorenceau :
t
"La ponctuation chez les écrivains d'aujourd'hui" in Langue
Française n045 Fév. 1980, p.90).
Le système de ponctuation des Illustres Françaises, quant
à lui, permet de voir que Challe a été l'un des rares auteurs
à accorder au point-virgule une valeur sûre et à en tirer le
meilleur parti: imposant une pause moins brève que celle occa-
sionnée par la virgule et moins prolongée que celle par le
point, le point-virgule permet, comme c'est souvent le cas dans
le langage oral, de présenter des faits successifs sans alié-
ner leur autonomie par une liaison trop étroite, mais aussi
sans les isoler dangereusement par rapport à l'ensemble narra-
tif dont ils font partie. En un mot~ les séquences isolées (par
le point~virgule) sont à la fois autonomes et liées. C'est l'in
tonation de la narration orale. L'omniprésence du point~virgule
dans les'Illustres Françaises s'explique ainsi par la nette
correspondance de la valeur prosodique de ce signe typographi-
que avec le style parlé.

-
228 -
(par juxtaposition simple ou par subordination implicite). La pause
se substitue à l'outil de coordination
(ou de subordination)
et
les séquences isolées et prononcées d'un seul trait correspondent
soit au thème et au propos pour la juxtaposition simple, soit à
la principale et à la subordonnée implicite pour la subordination
sémantique. Il a été donné ci-dessus suffisamment d'exemples de
phrases de ce modèle
(1). Ce qu'il faut noter ici avec force c'est
que ce type de phrase à séquence binaire et qui s'accorde parfaite-
ment au processus inspiration-expiration a l'un des plus forts
.r;
pourcentages avec 36,7 % des phrases examinées
(33,3 % dans le to-
me l et 39,9 % dans le tome II).
c - Phrase à deux pauses
Les phrases à deux pauses sont les phrases coupées deux fois
par la virgule, c'est-à-dire constituées de trois séquences. Elles
se rencontrent dans deux situations syntaxiques :
~ quand la phrase est logiquement organisée. La pause -de ty-
pe classique- isole les parties essentielles pour assurer
i
la clarté de la phrase.
1
i
Cf.:
"Si vous n'y voulez pas venir//gardez-moi le secret et je vous1
réponds qu'avant qu'il soit midi//je lui aurai fait passer
les piques"
(IF,II,469).
~quand il s'agit d'énumération élément par élément: loin de
~--~'":"""--~-~~-~--
(1) Voyez ci-dessus p.210-213.

-
229 -
traduire spécifiquement un fait de langage parlé, les pauses
de ce genre tendent dans leurs occurrences, à se cantonner
dans les évocations passionnées.
Le taux de fréquence cumulé des deux formes de phrase à
deux pauses est de 18,9 % (21 % dans le premier tome et 18,5 %
dans le tome II).
Il est à remarquer en définitive que la moyenne des
phrases des Illustres Françaises comporte tout au plus trois sé-
quences
(1).
Cela veut dire tout simplement qu'il s'agit de phra-
ses peu volumineuses, comportant de surcroît des aménagements
nécessaires pour une lecture faci~è·sur le mode de la conversa-
tion
(2).
1
(1)
Il existe, il est vrai, des phrases de 8, voire de Il pauses,
mais on conviendra qu'elles ne constituent que les quelques ex-
ceptions qui confirment
la règle.
(2) A l'issue d'une étude effectuée sur les lettres de Racine, Nina
Catach conclue:
"il ne s'agit nullement chez Racine d'une ponc-:
tuation de type "logique", mais d'un texte écrit au fil de la
plume et fait pour être lu sur le ton de la conversation".
Et en effet l'étude révélait que "le point en fin de proposi-
tion est employée dans 93 % des cas;
la virgule entre proposi-
tions coordonnées non reliées par une conjonction se trouve
dans 83 % des cas".
(cf. Nd.na Catach, op.cit, p. 23) .
His à part. la différence sensible entre les chiffres ci-:des-,
co
te sus et ceux mis à jour chez Challe·, différence· à met·tresurtom!
n mf?nature des corpus (d'un côté une production épistolaire (essen-
_.e ._<3.
1
tiellement narrative par natureÛ, de l'autre un récit romanes-
1
que, genre à la fois narratif, descriptif, dramatique, •.. ), le~
r
tendances restent entièrement convergentes et prouvent une
1
fois de plus le caractère parataxique du style oral.
1
1
1
~

-
230 -
TABLEAU RECAPITULATIF
(1)
T l
T II
T l + T II
SANS PAUSE
41,05 %
43,4 %
42,2 %
1 PAUSE
33,3
%
39,9
%
36,7
%
2 PAUSES
21 %
18,5 %
18,9 %
(1)
Il faut noter à propos de ces statistiques que cette étude
basée sur la ponctuation a été entreprise sans nous dissimu-
ler le fait que la ponctuation, système typographique sans
règles précises, n'est ni sûre dans ses données ni
(à plus for-
te raison pour~~poque reculée) facile à interpréter sans une
longue étude préliminaire
(des manuscrits notamment). On verra
donc dans cet essai chiffré moins des faits à valeur d'absolu
qu'une sorte d'appui commode pour l'appréciation de cet aspect
de la situation prosodique des Illustres Françaises.

-
231 -
3 - Modulation rythmique
Phénomène lié à l'intention créative, le rythme à pro-
prement parler, n'est pas un fait d'élocution spontanée: le sujet
parlant dans les circonstances ordinaires de la vie ne se préoccu-
pe guère de la "musique" de sa parole. Car, répétons-le, sa seule
s ' i l faut parler de rythme ici c'est un rythme implicite, observé à
l'insu du locuteur et inclus dans le message, dans l'étalement
1 même du discours. Contrairement à l'accent qui frappe précisément
.1
un mot, à la pause qui s'applique aux membres d'une phrase, la mo-
1
dulation rythmique telle qu'il faut l'entendre ici est _une donnée
~".
1 observable sur le continu du discours. De ce point de vue et au vu
du profil structural des phrases, on peut noter en gros deux types
de courbes rythmiques d'ailleurs sensiblement identiques:
1
,
1)
une courbe discontinue à éléments égaux,
Î;
2)
une courbe discontinue à éléments 4négaux.
t
1
La. première courbe qu'on peut représenter comme suit :------(les
j blancs représentant les pauses), refère à toutes sortes de phrases
1 juxtaposées avec virgule ou point en fin de proposition
La seconde courbe qu'on représentera de la façon qui suit:-----------,
1
s'applique aux phrases simples ou juxtaposées en contiguité avec
des phrases complexes de type parallèle,
ou de type énumératif
1
attelé.
1
En allant plus avant dans le détail,
i l est possible de re-
présenter ces deux grandes catégories par des schémas rythmiques.

-
232 -
Ainsi en phrases juxtaposées
(courbe à éléments égaux), le
rythme,
généralement concordant
(la protase équivaldnt en volume
phonique à l'apodose)
peut être représenté par un schéma en lignes
brisées d'égales hauteurs
....CIJ
::J
.0
..,
Il est vrai que la cadence n'est pas toujours neutre, la
protase n'étant pas toujours proportionnée à l'apodose mais i l est
facile de noter que la voix conserve sur une longue étendue la mê-
me courbe. C'est en particulier le rythme des passages entièrement
narratifs où les faits, présentés dans leur nudité objective, sont
énoncés en coupes successives.
En phrases disparates
(courbe à éléments inégaux)
c'est la ca-
dence neutre de fond qui se trouve provisoirement interrompue par
une cadence mineure
(apodose supérieure en volume phonique à la pro·
tase)
ou une cadence majeure. La première s'interpose avec les
phrases énumératives attelées ou lorsque le groupe sujet est empha-
j
1-""
CQWme dans le ces suivant:
t iquement JllIili,foubl é
1
'l1

_ 232. b;5 -
,/

-
233 -
Quant à la cadence majeure c'est généralement à l'occasion
des phrases de style indirect à expressions parallèles
qu'elle
s'introduit et comme ce type a été déjà étudié, on passera sur les
exemples pour observer que le schéma rythmique des Illustres Fran-
çaises obéit dans l'ensemble aux variations affectives des récits:
tant qu'une situation reste assez banale pour être dite sur le
ton quotidien c'est la cadence neutre. Dès qu'il s'agit de situa-
tions psychologiques ou de faits à résonnance affective, la caden-
ce devient mineure, c'est-à-dire déséquilibrée, ou majeure, c'est-
à-dire conforme à l'élan oratoire de la langue. Y a-t-il manifes-
tation plus tangible de la spontanéité?
Au L0UL ùU compte, aucun procédé n;a été écarté par
Challe sur le plan grammatico-syntaxique : négligences, moyens ex-
pressifs et affectifs, tournures propres au parler, imitation pro-
sodique de l'oral, etc .•. Certes, i l faudra attendre l'inventaire
définitif pour avancer quelque argument de conclusion. On peut
cependant observer d'ores et déjà que sur le plan strictement syn-
taxique aucun des procédés qui viennent d'être relevés n'a en soi
une valeur suffisante ou décisive.
C'est d'une part à leur subtil dosage et à leur combinaison
interne et d'autre part à leur association avec d'autres éléments
autres que
(proprement)
syntaxiques qu'on devra le caractère parti-
culier de l'organisation et en définitive le ton général de l'oeu-
vre.

T ROI S I E M E
PAR T l E
=================================

-
234 -
-
F AIT S
D E
LAN GAG E
PAR L E -
==============================================
Il n'est pas de faits de langage, hormis peut-être les
faits d'usure sémantique ou syntaxique, qui appartiennent en exclu-:
sivité à la langue parlée: toutes les formes d'expression, de
la poésie au théâtre, usent, ne serait-ce qu'occasionnellement
(pour une raison ou pour une autre), à peu près des mêmes termes,
des mêmes tours, des mêmes constructions et seule la propension à
utiliser les éléments donne quelques indices du parler. Ainsi, ce
qui permet de caractériser les éléments de la langue parlée, en
dehors des cas signalés ci-dessus, c'est moins tel ter~e particu-
lier, telle expression ou telle construction que des tendances,
autant numériques qu'aspectuelles. On sait par exemple
(1), con-
cernant le dernier point, que la langue courante reste empreinte
de subjectivité, constamment marquée par l'affectivité du sujet
parlant. Dans une oeuvre écrite où les traces proso~iqœ~de l'af~
fectivité sont pratiquement insignifiantes par rapport à la réalité
deux facteurs seulement servent de repères pour reconnaître les
faits de locution spontanée: l'énonciation plus ou moins empha-
tique des choses du réel et les faits contextuels, c'est-à-dire
les faits liés à la situation de discours ou indicateurs de sponta-
néité, entre autres l'effort du locuteur d'influencer les interlo-
cuteurs, soit directement, soit par u~e certaine présentation des
choses. C'est.à partir de ces deux points que sera engagée cette
troisième partie de l'étude du langage de la conversation dans
,
,
les Illustres-Françaises.
(1) Notamment par Ballv dont s'insn;rp ~c~p~r~r~A~~?~n~=~_~=~~~b~----------------

1
t
-
235 -
1
Chapitre l
,
,
1
l - RHETORIQUE DU LANGAGE PARLE
1
J
"La langue de la conversation est régie par une rhétori- '1
que instinctive et pratique ; elle use à sa manière des procédés de
l'éloquence ou, pour mieux dire, c'est à elle que l'éloquence a
emprunté ses procédés. En effet, pour l'énoncé des moindres cho-
ses, i l faut que la pensée devienne une action,
et s'impose par
le langage ; i l faut que celui-ci se fasse tantôt pénétrant, inci-
sif, énergique, volontaire, tantôt vibrant, passionné, tantôt hum-
ble et suppliant, souvent même hypocrite", remarquait Bally dans
Le· langage et la vie
(1). Et i l est vrai en effet que la langue
ordinaire aime à user des figures de toutes sortes pour étoffer
l'expression dans l'intention sous-jacente de rendre la pensée
dans son exhaustivité. Mais le point où cette rhétorique de la
langue parlée se distingue de la rhétorique traditionnelle, litté-
raire, c'est qu'il s'agit ici de créations peu originales pour
lesquelles i l n'est pas besoin de talents particuliers, soit que
sous forme de formules,
elles figurent déjà dans la langue et con-
naissent un emploi courant, soit que comme constructions, elles
existent à l'état latent, prêtes à entrer dans n'importe quel
énoncé spontané.
Dans les Illustres Françaises, la présence de ces formules
ou constructions imagées et sémantiquement renforcées se manifes-
te à deux niveaux :
----------~~-
(1)
Bally,'le langage et la vie, p.21.

-
236 -
1)
Les formules populaires, c'est-à-dire les proverbes et
maximes,
les comparaisons plaisantes à résonance culturelle. Si
la structure formelle généralement figée de ces faits
(et parti-
culièrement du proverbe)
incite à les ranger parmi les faits de
vocabulaire, en revanche leurs i~contestables vertus métaphori-
ques inclinent plutôt à les considérer avant tout comme expression
emphatique, du moins expressive
(1).
2)
Les figures d'emphatisation
(2). Les faits qui entrent
dans cette rubrique
(hyperbole, métaphore, périphrase, trai t-d '.espri:;
ironie,
etc ... )
sont de ceux qui relèvent ordinairement de la
rhétorique.
Ils consistent le plus souvent dans une opération de
3ubs~itütion d'un signifiant plus expressif ou signifiant usuel.
------~----~-
(1) A remarquer que Socrate définit déjà la parole proverbiale'
des Spartiates comme "des manières de dire courtes et mémora-
bles" cf.' Dictionnaire des proverbes et dictons p.X.
(2)
On aimerait trouver un autre terme à la place de ce néologis-
me
(il n'existe ni dans Furetière ni dans le Grand Robert,
ni dans le Littré)
emprunté à ~w.e ,Perrin
Ngffakh
(cf.
Le' cliché' de style en frans:ais moderne p.188-189) . Malheureu-
sement i l n'est pas aisé de trouver un équivalent pour désigner
ces faits à la limite de la création et du falt de langue pur.

-
237 -
A - FORMULES POPULAIRES
1 -
Proverbes et maximes.
Le proverbe
(1)
est une unité linguistique qui s'énonce
sur le mode du "comme on dit", c'est-à-dire une unité linguistique
qui appartient à l'intertexte collectif. De là la valeur souvent
négative attachée à ce phénomène. F. définit les proverbes comme
"des façons de parler triviales et conununes qui sont en la bouche
de toutes sortes de personnes". De Caillères trouve en 1694 qu'''il
n'y a presque plus que les gens du commun qui emploient les pro-
l verbes dans leurs discours", ajoutant que "si quelque honune du
I monde s'avise encore de les mettre en oeuvre, il se singularise
,
~
en cela d'une manière qui lui est désavantageuse"
(2).
Du point de vue formel,
un énoncé proverbial se reconnaît
notamment dans un texte, en général à l'aide de trois repères:
1)
- L'indétermination du sujet verbal par l'emploi de formes
1
impersonnelles de représentation telles que le pronom
1
indéfini ON, le neutre IL, notamment dans le tour "il
1
1
y a" et ses emplois négatifs ou restrictifs
("il n'y a
pas ..• " ou "il n'y a que")
et l'article indéfini.
1
2)
- L'usage du présent gnomique
(énonçant une vérité généra-
le) •
--------.,...-'!""' ....---
(1)
Cet emploi du mot proverbe
inclut à la fois le "paroîrnia"
(proverbe proprement dit)
et le "gnom ê"
(la maxime) .
(2) Cf. Du' bon et du mauvais usage, p.IIS.
E

-
238 -
3)
- La citation explicite par laquelle le locuteur avertit
qu'il se réfère à un proverbe. On notera ainsi qu'en
citation implicite le proverbe
(ou la maxime)
est in-
troduit presque à la dérobée par une sorte de greffe
(par
incise)
de l'énoncé collectif sur l'énonciation indivi-
duelle d'un personnage tandis que dans la citation ex-
plicite, la citation est à l'évidence plus volontaire en .
ce qu'elle dévoile sa référence. Ce faisant, l'énoncé
gagne en expressivité en s'inscrivant dans un canevas
idéologique qui lui assure toutes sortes d'autorités.
a)
Proverbes proprements' ?its.
Ils se démarquent surtout
par leur aspect formel caractérisé par une forte tendance
métaphorique avec parfois des parallélismes stylistiques,
notamment syntaxiques et phoniques. On y reconnaît aussi un
certain archaïsme de construction.
Cf.:ex1:"Elles succombent par foiblesse et poursuivent par liber-
tinage.
IL N' Y A QUE LP~ PRE!'HÈRE CHASSE QUI COUTE"
(IF, I,
45) .
2
ex :
"Je vous dirai premièrement que le proverbe qui dit qu'
UN JEUNE HO}iME N'A JAllAIS SON PREMIER CO~21ERCE QU'AVEC
UNE LAIDE est très faux à mon égard"
(IP,II,412).
3
ex :
"Cela vient, comme dit le proverbe, DE FIL EN AIGUILLE"
(IF,II,464) .
4
ex :
"La Delorme nous amena une femme mariée, que je connois-
sois, comme on dit, CO!1}!E PAIN"
(IF,II,470).
5
ex ~ "!'1es petits emportemens la firent rire, je me sentis
émû ; LA NATURE EST UNE GRANDE MAITRESSE,
je m'y pris
bien"
(IF,II,415).
+
1
t1

t
t~F
1
-
239 -
~:
t
6
ca~lier
ex :
"Alors, A BEAU JEU, BEAU RETOUR (1). le
s'Ipui- 1
se, la belle qui ne f~it qu'entrer en goût court au
change"
(IF,I,46).
Ce dernier pr6ver.be, particulièrement
expressif grâce à sa
forme parfaitement symétrique, apparaît dans tous les dictionnai-
res
(A.,F.,R.,). Les autres ci-dessus apparaissent soit comme de
3
simples locutions
(cf ex ), soit plus ou moins comme des énoncés
à sens libre ou exprimant simplement des vérités générales com-
2
5
me la maxime (cf ex , ex ).
b) Maximes
(1)
Cette formule à' beau jeu, beau retour qui est une formule tirée
des jeux signifie que la riposte à une attaque ne se fera p~s
attendre. F. dit qu,non dit aussi à' beau jeu, beau retour quand
on menace de rendre le change a celuy qui nousàEait qùelque
injure". Le sens figuré et proverbial qui est utilisé ici si-
gnifie\\prendre' de l'appétit et revenir à la charge. Le contex-
te de l'emploi le laisse d'ailleurs clairement entendre: "Quel-
que plaisir qu'elle sente, un reste de pudeur lui en fait dissi
muler une partie. Elle n'est encore que patiente, le temps l'ap
privoise insensiblement, et elle devient~in agente. Alors, à
beau jeu, beau retour, le cavalier s'épuise, la belle qui ne
fait qu'entrer en goût, court au change, et en fait tant, qu'à
la fin le diable emporte la monture et les cavaliers"
(IF,I,46)
Notez que la formule s'applique à
"la belle" et non au cavalier

-
240 -
contenu gnomique.
Dans les Illustres Françaises, les maximes
(tout comme d'ail-
leurs les proverbes), apparaissent essentiellement sur le thème
de l'amour.
1
Cf.: ex :
"Il me raporta réponse telle que je la souhaitois ...
ON AVANCE BIEN PLUS SES AFFAIRES D'M10UR AVEC UNE CLOI-
TRÉE QU'AVEC UNE FILLE DU MONDE"
(IF,I,137).
2
ex :
"Bien loin de l'en persuader,
je m'en ferois une enne-
mie: UNE FILLE AMOUREUSE NE CONSULTE QUE SON COEUR, ET
SON M1ANT"
( IF , l , 231) .
3
ex :
"Et cela arrivera très assurément. UNE FEMr-1E AMOUREUSE
NE REÇOIT PAS LONGTEMPS UN HŒ1ME ENTRE SES BRAS SANS
QU'ELLE EN PORTE DES MARQUES"
(IF,I,229).
4
ex :
"La maxime étant bien certaine qu'UN HARI QUI DOUTE DE
LA CONDUITE DE SON ÉPOUSE AUTORISE LES AUTRES A EN
CROIRE DU MAL"
(IF,I,16).
5
ex :
"La maxime étant bien certaine que FILLE QUI ÉCOUTE EST
A DEMI PERSUADÉE"
(IF, II,437) .
En dehors du thème de l'amour, on rencontre quelque quatre maximes
se rapportant au phénomène social en général:
1
Cf.: ex :
"Non, non, détrompez-vous, ON N'A PAS TOUS LES JOURS'
DES CRISES DE DÉVOTION"
(IF,I,27).
2
ex :
"Quel parti auriez-vous pris? ON NE MEURT POINT DE
DOULEUR,
j'en serois mort dans le moment même"
(IF,I,58).
3
ex :
"Elle se mit de la partie et achèva de me persuader.
ON A DES PRESSENTIMENTS DE CE QUI DOIT ARRIVER"
(IF,I,262J
4
ex :
"Sa naissance du mois de may, TEMPS AUQUEL LA NATURE
N'EN PRODUIT POINT DE CRUELLES"
(IF,II,433).

-
241 -
Parmi les exemples ci-dessus, très peu
(trois ou quatre
(1»
s'ins-
crivent véritablement dans la catégorie des proverbes et maximes
qu'on qualifie d'emblée au XVIIe siècle de "familiers" ou "bas".
C'est que les personnages qui les énoncent
(et qui varient très
peu (2»
sont loin d'être prosaïques ou plus précisément "des
bouffons, des valets", comme c'est souvent le cas dans la littéra-
ture classique
(3). On sait qu'au contraire ils appartiennent pour
la plupart à la bonne bourgeoisie de l'époque. De là certainement
le fait que leur référence à la pensée populaire reste quant à
la forme assez acceptable, voire correcte.
2 -
Comparaisons plaisantes à résonance culturelle.
Dans une intension expressive évidente, certains personnages
dans les Illustres Françaises font souvent appel à un type de compa-
raison à valeur intensive et d'usage assez populaire où le comparant,
.réel, est un "type", un élément
(la plupart du temps)
social posé,
affecté d'une connotation péjorative
(par consensus populaire) .
En dépit de la plural~té des zones d'extration du comparant, l'éffet
recherché reste pourtant le même, -à savoir l'humour ou tout sim-
plement l'expressivité. En se plaçant uniquement du point de vue
(1) Cf essentiellement les deux locutions proverbiales
(~de fil en
aiguille" "connaître comme pain")
puis
"A beau jeu, beau retour"
et peut.,..être aussi "il n'y a que la première chasse qui coûte",
formule plaisante.
(2)
Ce sont en gros Dupuis pour la plupart, Des Frans et Des Prez
(fils) •
(3)
Cf. à ce propos H.L.F.
IV,381.

-
242 -
formel,
on s'apercevra que certaines de ces comparaisons sont du
registre proverbial, tandis que les autres, bien qu'apparemment
aussi populaires, restent des énoncés libres.
a)
Comparaisons de type proverbial
l
Cf. : ex :
"S'il n'y avoit point de Dauphinois au monde, les Normans
seroient les plus méchans de tous les hommes"
(IF,II,356).
2
ex :
"Aussi sot qu'un parisien qui n'a jamais quitté de vue
le clocher de sa paroisse"
(IF,I,3l).
3
ex :
"Elles sont toutes les deux dans le couvent d'aussi bon
coeur qu'un s:>iseë.:l-u sauvage est p.n cage"
(IF,I,l33).
4
ex :"Deux laquais qui me connoissoient ... l'étrillèrent en
chien renfermé"
(IF,I,25l).
b)
Comparaisons libres, expressives et populaires
(de
, contenu) .
- Le comparant est d'ordre sociologique:
l
Cf. : ex :
"Je regardois leur commis COMME DES VALETS DE BOURREAU"
(IF,II,283) .
2
ex :
"Dès la première fois qu'on se trouve seule à seule avec
elles, on débute, Cm·1ME LES BRUTES, par la conclusion"
(IF,I,47) .
3
ex :
"C'est-à-dire qu'elle est fourbe et dissimulée et PLUS
INTERESSÉE QU'UN JUIF"
(IF,I,l57).
4
ex :
"Ne les nommant jamais que DES ÉPONGES ET DES JUIFS"
(IF,II,282-283) .
~
ex-:
"Après ce compliment,
je le saluai A LA FRANÇOISE ["COMME
saluent les Françai~" (IF,II,537).

-
243 -
Cf aussi
"Il avoit une amourette qui a pensé le perdre et deux
rivaux qui le haïssoient A LA FRANCO ISE LéoMME haïssent
les FrançaisJ" quoi qu'ils fussent Italiens"
(IF ,II,
556) •
6
ex :
"Bernay lui parla de moi
( . . . ) COMME D'UN ENFANT A
DONNER LE FOUET"
(IF,I,155).
-
Le comparant est d'ordre clérical.
Cf.:
"Elle alla chez son oncle qui fut extrêmement surpris de la
voir si magnifique, elle qui l'avoit toujours porté chez
1 ui COMME UNE DÉVOTE"
( IF , l, 200) .
-
Le comparant est une maladie redoutable.
Cf.:
"Il les haïssait COMME LA PESTE"
(IF,I,243).
Ces diverses comparaisons plus ou moins énergiques avec un
fond humoristique évident donnent un aperçu des considérations
de toutes sortes que véhiculent le langage courant. Ceci mis à
côté des maximes et proverbes, on réalise à quel point le langage
,
'-
des'Illustra'S' Françaises est marqué par la sensibilité populaire.
,

-
244 -
1
t
B - FIGURES D'EMPHATISATION
La présence des figures d'emphatisation dans les Illus-
1
tres' Françaises est en grande partie favorisée par deux faits
J..
importants dans l'oeuvre:
1)
Les relations généralement cordiales, voire intimes entre
personnages, qui ménagent une atmosphère enjouée, de caractère
hautement social
2)
Le sujet des récits, exclusivement des récits d'amour où
l'énonciation affective prend souvent le pas sur la narration
objective. A ces éléments d'ordre pragmatique,
i l faut ajouter
un reste de l'influence de la préciosité sur la mode langagère de
1
la fin du XVIIe siècle, notamment pour ce qui concerne l'hyperbole
1
et les tours euphémiques.
1
1
1 .... L'hyperbole.
Fontanier définit l'hyperbole comme une figure qui "augmente
1
ou diminue les choses avec excès et les présent~Ubien au dessus'
1
t ou bien au dessous de ce qu'elles sont, dans la vue non de tromper,
mais d'amener à la vérité même et de fixer,
par ce qu'elle dit
1
d'incroyable, ce qu'il faut réellement croire"
(1). L'hyperbole
1 est de toutes les figures celle qui est la plus marquée par l'affec·
1
1 tivité du sujet parlant.D'où sa fréquence particulière dans le
1
i! (1) Fontanier,'Leg figures du discours, p.123.
,1
c
,
.
1
1i

-
245 -
langage courant. En dehors de ce qu'elle porte comme d'ordinaire
sur le nombre,
sur le degré qualificatif, sur la manière d'être
ou d'agir, l'hyperbole des Illustres Françaises se regroupe le
plus souvent autour des mots, d'où une forte proportion d'hyper-
baIes lexicales par rapport aux grammaticales.
a)
Hyperboles par moyens lexicaux
(1)
- métaphores hyperboliques. Cette forme d'hyperbole excelle,
avec une exceptionnelle intensité, à dévier les mots d'un emploi
propre à un emploi figuré.
Pour le classement l'ordre adopté reste l'ordre alphabétique.
1) Adorer
(9 occurrences
(2»
1
Cf. :
ex :
"Vous savez que je vous ai toujours ADORt"
(IF,II,528).
2
ex :
"Oui, Mademoiselle
( . . . ) C'est vous que j'ADORE"
(IF,I,
178) •
3
ex : "Elle est ADORÉE de sa belle-mère et de son mari"
(IF,
1,122) •
2)
Brûler
(2 occurrences)= être agité d'une violente passion
d'amour.
1
Cf.: ex :
"Je ne suis pas maître de renfermer en moi ...même toute
la violence des feux dont vous me BRULEZ"
(IF,II,510).
220
(1)
Pour la valeur prosodique des éléments ci-après, voir supra p.
(2) Ci-dessus + IF,I,17;
IF,I,86;
IF,II,394;
IF,II,508;
IF,II,529.
Rappelons qu' ado,rer est un terme qui signifie proprement "hono-
rer Dieu, lui rendre un culte, le glorifie~, (F.)
et par hyper-
bole, avoir une sorte de culte passionné pour quelqu'un ou
pour quelque chose.

-
246 -
2
ex : "
et une petite salive blanche sur le bord de ses
lèvres, me montrait le feu qui la BRULOIT en dedans"
( IF , l l , 4 64) .
3)
Déchirer quelqu'un = médire ou calomnier (5 occurrences (l)}
l
Cf. : ex :
" Pendant le soupé i l ne parla d'autre chose et les
DÉCHIRA terriblement"
(IF,I,243).
2
ex :
"Il la DÉCHIRA sur sa conduite,
sur le secretaire mort
en prison, et finit par me dire qu'il n'y avait qu'heur
et malheur en ce monde"
(IF,II,307).
3
ex :
"Je veux qu'il m'explique, dit-elle, ce qui l'a fait
agir;
la raison qui l ' a obligé de donner des avis à
Madame Des Frans et à vous, pourquoi i l m'a si cruelle-
ment DÉCHIRÉE"
(IF,II,337).
4)
Déchirer
(être déchiré)
= être tourmenté et en même temps
incertain
(4 occurrences
(2))
1
Cf. : ex :
"Je n'étais plus à moi.
J'étais DÉCHIRÉ par mille pen-
sées qui se formoient l'une après l'autre dans mon es-
pr i t "
( IF , II , 3 14) .
2
ex :
"Je retournai chez ma mère en aparence assez tranquil~e,
mais en effet cruellement DÉCHIRÉ en moi-même"
(IF,II,346)
5)
Démonter
(une seule occurrence)- = inquiéter, mettre dans
le désarroi
(1)
Ci-dessus + IF,I,277;
IF,I,278.
(2)
Ci-dessus + IF,II,389;
IF,II,395. Voilà un fait de vocabulaire
qui caractérise un personnage: l'emploi de'déchirer au sens
de êt'r'e':tourmenté est une exclusivité de Des Frans. Voir les
<
<
pages indiquées éi-dessus.

-
247 -
Cf.:
"et â force de l'entendre dire je le crus, la peur de la
mort m'AVOIT DÉMONTÉ"
(IF,I,25).
6)
Déterrer
(une seule occurrence)
= découvrir â force de
recherches
Cf.:
"Il eut beaucoup de peine â DÉTERRER la maison, mais enfin,
â
force de perquisitions, il.la découvrit"
(IF,I,86).
7)
Embarquer = séduire
Cf.:
"Elles s'étoient résolües à M'EMBARQUER l'une par une apa-
rence de vertu qu'elle n'avoit peut-être pas et l'autre en
faisant toujours semblant d'être la tante"
(IF,II,303).
8)
S'embarquer = se laisser séduire, se laisser aller insensi-
blement.
Cf.:
"Il venoit chez elle assez de monde dont quelques uns
S'EMBARQUÈRENT un peu trop pour leur repos, mais n'ayant
rien eu â demêler avec eux
( ... ) vous me dispenserez de vous
en rien dire"
(IF,II,488).
9) ~s = passion amoureuse
(imposant un attachement durable?)
Cf.:
"Mon coeur n'a jamais rien aimé
( ..• ) Vous êtes seule digne
de lui donner DES FERS"
(IF,II,510).
10) Feux (2 occurrences)= passion amoureuse particulièrement
ardente.
l
Cf.: ex : "Je le serais encore si les grands FEUX de ma part étant
assoupis,
je n'avais pas cru m'apercevoir qu'elle ne me
recevoit dans ses bras que parce que .•• "
(IF,II,541).
2
ex :
" .•. la violence des FEUX dont vous me brûlez"
(IF, II,510)
.. , ' . <

-
248 -
Il)
Flame LflammeJ ~ élan sentimental (même sens que feux)
Cf.:
"Je n'étois pas assez formé pour que mon amour jettât des
FLAMES"
(IF, II,415) .
12)
Jeter dans les trois emplois suivants
-
jeter = vider, épuiser
Cf.:
"Je lui laissai JETTER toute sa colère, après cela je lui
dis que j'étois le Monsieur Des Frans dont i l s'agissoit"
( IF , II, 34 7) •
-
jeter dans = mettre (19 occurrences (1»
l
Cf.: ex :
"Elle les assura que c' étoi t
elle qui m' avoi t
JETTÉ
DANS l'état où j'étois"
(IF,I,189).
2
ex :
"La richesse que votre comère y vit la JETTA DANS la
dernière surprise"
(IF, 1,99) .
- se jeter sur
(ou dans)
= aborder avec passion (2 oc.cur-
rences)
1
Cf.: ex :
"Nous NOUS JETTAMES lui et moi SUR la matière et en dî-
mes tant que nous rendtmes le pauvre prêtre pic et
capot"
(IF,II,507).
2
ex :
"Il SE JETTA DANS un sermon d'autant plus ennuyeux qu~il
1
n'est pas bon prédicateur"
(IF,I,232).
1
(1)
Ci-dessus + IF,I,37;
IF,I,43;
IF,I,73;
IF,I,102;
IF,I,175
(jet-
1
ter);
IF,I,179;
IF,I,226;
IF,I,242
(jetté);
IF,II,289;
IF,II,
IF II 391'
1
340
(jetteroit);
IF,II,393 bis;
IF,II,443;
IF,II,457
(me jet-
1
ter);
IF,II,461
(jetter tout le blame);
IF,II,545.
1
1
1

-
249 -
13)
Monstre = personne repoussante (physiquement)
Cf. :
"Je suis plus jeune du moins et sans comparaison plus propre :1
~
mais aujourd'hui qu'il ne trouve plus chez lui que des
1
MONSTRES
( .. ) il s'amuse à courir la gueuse"
(IF~II,476).
1
1
1
14) Monstre = personne méchante (de conduite)
1j
Cf.:
"Elle rebuta ma proposition et me dit qu'elle me regardait
comme UN MONSTRE"
(IF,II,515).
15) Mourir dans mourir d'envie.
Cf.:
"Je vous assure qu'elle et les autres à qui Monsieur Des
Frans a conté votre histoire MEURENT d'envie de vous voir"
( IF , l , 2 7 6) .
16)
Terrasser = avoir raison de, convaincre
(2 occurrences)
l
Cf. : ex :
"Une manière si impérieuse la TERRASSA : i l voulut
biaiser et se jetter dans de grandes explications"
(IF,II,339) •
2
ex :
"J'avoue que ces airs de fierté et de mépris à quoi je
ne m'étais point attendu me TERRASS~RENT"
(IF,II,455).
17)' Torrent dans torrent de larmes
(5 occurrences
(1))
l
Cf. : ex :
"Vous voyez, Monsieur,
lui dit~elle avec UN TORRENT DE
LARME S ••• "
( IF , l , l 03) .
l'histoire est contée par Des Ronais.
(1)
Ci-dessus + IF, II,345;
IF, II,394.

-
250 -
2
ex :
"Hélas! dit-il avec un TORRENT DE LARMES, nous ne
croyions pas qu'ils LIes adieuxJ devoient être éter-
nels .. "
(IF,I,263)
paroles de
Des Prez
rapportées par Dupuis.
1
3
ex :
"Elle ne me répondit qu'en se jettant à mes piés et
J
~l
qu'en versant UN TORRENT DE LARMES"
( IF , II, 3 88) .
~
Le fait essentiel à noter à propos de ces termes hyperbOliqUeS~
est qu'il s'agit au total d'un mélange de mots de caractères
~
1
divers parmi lesquels des clichés littéraires tirés du langage
,
de la galanterie
et entrés dans le langage courant par usure
(ex.: adorer, brûler,
feux,
flame,
fers, ... ), des figures fort
banales
((se)
jetter, déchirer, démonter, embarquer, . . . ), des
métaphores frappantes
(terrasser, déterrer, . . . ).
~ épithètes clichées. Sont appelées ainsi un certain nombre
d'épithètes spécialisées de fait dans l'expression du degré
élevé
de la qualification.
+ épithètes consacrées dans le langage courant
1) Achevé
(5 occurrences
(1»
1
Cf. : ex :
"J'en dis
( ••. ) que voilà un homme à craindre et un
scélérat ACHEVÉ"
(IF,II,343).
2
ex :
"N'est-ce pas l'action d'un fourbe ACHEVÉ que de tromper
une femme ... ?n
(IF,II,491).
3
ex :
nA moins que ce fût un ACHEVÉ brutal ou un crocheteur . . . "
( IF , II, 5 4 2) .
(1) Ci~dessus + IF,I,28; IF,II,489.

-
251 -
2)
Extraordinaire
(14 occurrences
(1))
: .
.1 .
CL ••
ex .
"Nous revenions de notre promenade quand le Diable,
qui se mêle de tout, nous exposa à une avanture toute
EXTRAORDINAIRE"
(IF,I,250).
2
ex
"J'ai toujours eû pour elle
( ... ) une estime et une
considération toute EXTRAORDINAIRE"
(IF, 1,274) .
3)
Horribles
(5 occurrences
(2))
1
Cf.: ex :
"Il l'en assura par des sermens HORRIBLES"
(IF,II,339).
2
ex :
"Je n'en vois que des malheurs HORRIBLES pour vous et
pour moi"
(IF,I,186).
3
ex :
"Les voeux de chasteté qu'on y pratique étoient pour
elle des voeux HORRIBLES"
(IF,I,148).
4)
Immenses
(3 occurrences
(3))
Cf.:
"Il est fils dl un homme de robe extrêmement riche de lui-même
et qui outre cela avoit gagné des bien IMMENSES"
(IF,I,69).
5)
Terribles
(Il occurrences
(4))
terribles = surprenant, inattendu.
1
Cf.: ex :
"C'est une TERRIBLE chose que ces démangeaisons de la
cha ir "
( IF , 1, 45) •
2
ex :
"Vous me raillez d'une TERRIBLE force"
(IF,II,295).
(1)
Ci-dessus-+ IF,I,19;
IF,I,113;
IF,I,141;
IF,I,195;
IF,I,203;
IF , l, 250 ;
IF, l, 274;
IF, l , 276;
IF, II , 299;
IF, II , 300 ; IF , II , 3 62 ;
IF,II,484.
(2) Ci-dessus + IF,II,348;
IF,II,455.
(3)
Ci-dessus + IF,I,50;
IF,I,53.
(4)
Ci-dessus + IF,I,242;
IF,I,243;
IF,II,348;
IF,II,469;
IF,II,
507.

-
25 2 -
terrible = exceptionnel,
redoutable
1
Cf.: ex :
"Cela fera dans tout Paris un bruit TERRIBLE"
(IF,II,344):
2
ex :
"Il faut que cette dame soit d'un TERRIBLE caractère
pour vous donner tant de mépris pour le sexe"(IF,II,527)
3
ex :
"Ce seroit une TERRIBLE chose dans le monde, si on pou-
voit impunément faire tout ce qu'on voudroit faire"
(IF,II,478) .
+ Epithètes issues de la galanterie.
1)
Criminel
(25 occurrences
(1»
= proprement: qui commet
un crime
i c i : coupable
(homme),
licencieux
(acte).
- criminel = coupable
(souvent du point de vue du comporte-
ment affectif)
1
Cr.: ex-:
"Que, quoiqu'elle n'eût vu là que des exemples de vertu,
sa conduite avoit été soupçonnée, mais qu'on n'osoit
pas assurer qu'elle fût CRIMINELLE"
(IF,II,301).
2
ex :
"Tout le monde la lAngéliqueJ croira CRIMINELLE sur la
foi de la Princesse"
(IF,I,108).
- criminel = licencieux, repréhensible
(acte sentimental)
1
Cf. : ex :
"Le fripon m'accuse d'un commerce secret et CRIMINEL
avec Garreau"
(IF,II,320).
2
ex :
"Sur ce pié là, elle lui accordoit des faveurs qui
pouvoient passer pour CRIMINELLES"
(IF,II,427).
3
ex :
"Toutes les faveurs qui n'étoient point CRIMINELLES
m'étoient accordées"
(IF,I,27).
2)
Cruel
(8 occurrences
(2»=proprement:"qui aime~à tuer"(F.)
{i)
Ci-dessus + IF,I,117;IF,I,189iIF,I,237;IF,I,270;IF,II,301 bis; .-
IF,II,427 bis;IF,II,480;
IF,II,502;IF,II,552;IF,I,27;IF,I,86;
IF,I,108;IF,II,314;IF,II,316;IF,II,331;IF,II,338;IF,II,393;
IF,II,394iIF,II,404;IF,II,424.
(2} Ci":"dessus + IF,I,217;IF,II,391;IF,II,400;IF,II,515; Les nombres
d'occurre~c~s ci-dessus ne tiennent pas compte des emplois pro-
pres des eplthètes.

-
253 -
(ici: austère, méchant, ... )
- cruel = austère sur le plan sentimental
(se dit générale-
ment des femmes)
Cf.:
"Je voyois bien qu'elle se contraignoit pour observer avec
moi des dehors si CRUELS"
(IF,I,218).
- cruel = douloureux
(en matière d'amour)
Cf.:
"Jamais situation d'âme ne fut si CRUELLE. Les combats que
mes passions opposées se livraient l'une à l'autre me dé-
goûtoit de tout"
(IF,II,315).
J
cruel
(figurément à propos des idées et des choses):
"maudit
méchant'.
1
Cf. : ex :
"Elle rentra chez sa mère si changé. par ces CRUELLES
réflexions; qu'elJe s'en aperçut"
(IF,I,llB).
2
ex :
" .. ne l'ayant point vue depuis
le jour CRUEL que je
la vis en présence de nos juges"
(IF,I,190).
3)
Eternel
(24 occurrences
(1»= proprement: qui n'a
ni commencement ni fin et "ne se dit que de Dieu
et de ses attributs" F.):
Ici: qui dure ou qui est
susceptible de durer longtemps.
1
Cf. : ex :
"Je la rassurai par mes sermens d'une fidélité ÉTERNELLE'"
(IF,I,38)
2
ex :
"Je lui jurai pour mon épouse une tendresse et un attache-
men t
ÉTERNEL"
( IF , l, 233) .
1
(1)
Ci~dessus+IF,I,39;IF,I,135;IF,I,154;IF,I,238;IF,I,270;IF,I,272;1
IF,II,296;IF,II,304;IF,II,331;IF,II,342;IF,II,352;IF,I1,388;
IF,II,39S;IF,II,401;IF,II,403;IF,II,404;IF,II,405;IF,I1,455;
1
IF,II,S06;IF,II,546.
1
1

-
254 -
3
ex :
~ ... et dont l'esprit toutopposé au mien fait de notre
domestique une vive image de l'Enfer par la discorde
ÉTERNELLE qui y règne"
(IF, 1,239) .
Aux épithètes ci-dessus il faut ajouter certains qualificatifs
en "-able" dénotant l'éventualité d'un procès ou la limite extrême
d'un processus:
- ceux qui comportent un sens positif
!1i,j
1) Détestable
i1i
Cf.:
"Mais non, il faut achever: c'est peu pour un fourbe d'avoir
i
abusé lâchement d'une femme, c'est ~eu de trahir ses sermens, 1
il faut encore parune,ingratitude DETESTABLE la perdre de
1
r.putat~on· (IF.II.491).
1
2)
Imaginable généralement renforcé par l'indéfini
1
tout(e)
(9 occurrences
(1))
!
!
1
Cf.: ex :
"J'aime avec toute
l'ardeur IMAGINABLE"
(IF,I,116).
2
ex :
'~Cette darne avoit tous les sujets IMAGINABLES d'être
1
-\\
satisfaite de lui"
(IF,I,118).
,1
3
ex :
"Je lui avois toutes les obligations IMAGINABLES de
m'avoir sauvé d'un abîme de honte"
(IF,II,302).
~ Ceux qui comportent un sens négatif
(exprimé par le préfi-
1
xe in-):
~
1)
inexprimable
1
!
Cf.:
"Cet homme étoit dans un embarras INEXPRIMABLE"
(IF,II,492).
------~-oo::----~--.-
(1)
Ci~essus + IF,I,135; IF,I,264;IF,I,266;IF,II,299iIF,II,320;
IF,II,369.

-
255 -
2)
incroyable
Cf.:
"J'avoiS une joye INCROYABLE de vous voir prendre à coeur
les intérêts de ma Sylvie"
(IF,II,368).
3)
invincible
"moi qui avois une horreur INVINCIBLE pour
la robe et la plume"
(IF,II,299).
Aux épithètes clichées, répond un certain nombre d'adverbes en
~mentNtout aussi banalisés par l'usage, dont le rôle consiste à
modifier hyperboliquement l'idée exprimée dans le verbe. Ce genre
d'adverbe est assez représenté dans les Illustres Françaises. On
se bornera toutefois à quelques exemples types :
1) Cruellement (Il occurrences
(1»
ro.c

1
ex :
"Non,
( ... ), si Hlull coeur étoi t
si tranquille,
je ne
"'" J- • •
chercherois pas à l'occuper si CRUELLEMENT pour moi
ce n'est que le désespoir où je suis de ne pouvoir
être jamais à vous, qui me jette entre les bras d'une
autre"
(IF, l, 179) .
2
ex :
"Pour me vanger encore du coquin d'exempt qui m'a
arrêté, qui m'a si CRUELLEMENT refusé la triste conso-
lation que je lui demandois"
(IF,I,270).
3
ex :
"N'est..-ce pas assez pour vous de tromper si CRUELLEMENT
cet homme,
sans y ajouter encore l'infamie?"
(IF,II,309)1
2)
Divinement
(2 occurrences)
Cf.: exl:"Elle chanta DIVINENENT;
je ne pûs plus resister à la
tentation"
(IF,II,294).
(1)
Ci-dessus + IF,I,147;IF,I,267;IF,II,337;IF,II,346;IF,II,382;
IF,II,444;IF,II,454;IF,II,523.

1
1
1
_. 256 -
1
1
i
2
LX
:
"J'en ai été empêché par l'amour que je conçus pour
une personne DIVINEMENT belle"
(IF,II,524).
3)
Infiniment
(12 occurrences
(1))
1
1
1
Cf. : ex :
" . . . en présence d'un homme qu'elle consl.'derol."t
1.
INFINIMENT"
(IF,II,366)
1:
2
ex : "Quoiqu' ell e me plût INF INIMENT. i l fall ut l'abandonner,)
( IF , II , 3 6 0 )
\\1
3
ex : "Elle est toute dans vos intérêts et vous aime INFINI-
l
MENT"
( IF , II , 350)
1
1
r
i
,
4)
Parfaitement
(33 occurrences
(2))
1
Cf.:
ex : "C'étoit un homme de grande qualité, PARFAITEMENT bien
fai t "
(IF, 1,184)
2
ex : "Il vit une demoiselle qui étoit non seulement PARFAI-
TEMENT belle, comme je lui avois dit, mais qui contre
1
son espérance éto it' PARFAITEMENT, bien mi se"
(IF. I, 238). j
Certaines fois,
EN PERFECTION, remplace PARFAITEMENT : 1
~
..
Cf.:
"elle apprit EN PERFECTION tout ce qu'on ensâ:rnoit à sa
maîtresse"
(IF,I,73) i
"elle dançoit EN PERFECTION"
(IF,II,
292);
"belle EN PERFECTION"
(IF,II,488).
5)
Terriblement
(10 occurrences
(3))
(1)
Ci-dessus + IF,I,44;
IF,I,50;
IF,I,71;
IF,I,72;
IF,I,195;
TF
TT
<Rn.
T~
TT
AO~.
T~
TT
AOO.
T~
TT
c,~
.....
,
.......... ,
....,; _
""' ,
.......
,..a-..t... ,
-~ v
... ,
.........
,
.... ..L. ,
-"" V
v,
...L.J..,..L...L. ,
, J , J
1
..
(2)
Ci-dessus + IF,I,14;
IF,I,28 bis;
IF,I,85;
IF,I,124;
IF,I,
1 2 9;
IF, l , 2 13 ;
IF, l , 2 7 3; IF, II , 2 9 5 ;
IF, II , 3 1 8 ;
IF, II , 3 54 ;
IF , II, 379;
IF, II, 3 97;
IF, II, 4 01 ;
IF, II , 418 ;
IF, II , 433 i
IF, II ,
435 bis;
IF,II,438;
IF,II,448;
IF,II,462;
IF,II,483;
IF,II,
485;
.. /

-
257 -
1
Cf.: ex :
"Effectivement, poursuivit-il, les pères et les mères
exposen~ TERRIBLEMENT la vertu de leurs enfans" (IF,I,
140) .
2
ex :
"Les religieuses en furent TERRIBLEMENT scandalisées"
( IF , 1 , l 6 6) .
3
ex :
"Pendant tout le soupé,
il ne parla d'autre chose, et
les déchira TERRIBLEMENT"
(IF,I,243).
on remarque que la pl upart~~y. temps le sens hyperbol ique de ces
différents emplois tend même à s'affaiblir à force d'usage. De
cela certains personnages des Illustres Françaises semblent être
conscients. D'où, à l'occasion,
la substitution de formes plus
expressives
(par exemple : en perfection)
aux formes usuellles
ci-dessus.
Synecdoque du nombre.
On entend par cette appellation
l'opération de quantification par laquelle un locuteur "dit le plus
pour le moins, ou le moins pour le plus"(l), soit qu'il veuille
exagérer en agrandissant les proportions envisagées,
soit qu'au
contraire l'exagération ait pour but d'amenuiser,
le tout dans
.. 1 IF,II,488 bis; IF,II,497; IF,II,514; IF,II,522; IF,II,546;
IF, II, 551.
(3)
Ci-dessus + IF,I,168;
IF,I,272;
IF,II,310;
IF,II,344;
IF,II,
3 65 ;
IF, II , 4 62 ;
IF, II , 5 04 •
(1)
Cf. Fontanier, op.
cit, p.87.

-
258 -
une intention expressive. L'opération est assez courante dans
le langage familier.
+ L'exagération positive (celle qui revalorise la réalité
chiffrée) •
Les nombres'cent et mille sont les plus utilisés.
1) Cent
(12 occurrences
(1»
l
Cf.: ex :
"J'ai voulu CENT FOIS vOUS fDupuis à Des Ronais.J
désabuser, poursùivit~il" (IF,I,9).
2
ex :
"Le bien vous /Des Prez filsJ met CENT PIQUES
(2)
au
dessus de moi !Mlle de l'Epine fill~" (IF,I,216).
3
ex :
"Je connois plus de CENT HOMMES et autant de ferrunes à
Paris qui voudroient être comme toi et moi"
(IF,II,501).
2) Mille
(108 occurrences
(3»
l
Cf.: ex :
"Elle me rendit MILLE SERVICES dans les occasions qui
se présentèrent"
(IF,II,498).
(1)
Ci~essus + IF,I,26; IF,I,262; IF,I,270; IF,II,353; IF,II,389;
IF,II,462;
IF,II,498;
IF,II,543 bis;
(2)
Le mot de"pique en ce sens se dit "pour signifier quelque hau-
teur. On dit au figuré i l est de cent piques plus sçavant que
vous. Il est noyé de dettes,
i l en a cent piques par dessus la
teste. Vous croyez avoir trouvé le sens de cette énigme, vous
en estes loin de cent piques"
(F.).
(3)
Ci ...dessus + IF,I,20;IF,I,27;IF,I,29;IF,I,30;IF,I,39;IF,I,40bis;
IF,I,47;lF,I,51;IF,I,57iIF,I,60bis;IF,I,61;IF,I,66;IF,1,82;
IF,I,83;IF,I,95;IF,I,101;IF,I,111;IF,I,115;IF,I,116;IF,1,117
(trois);IF,I,120;IF,I,126;IF,I,132;IF,I,137;IF,I,140;IF,I,157
bis;IF,I,161 bisiIF,I,163;IF,I,173;IF,I,175;IF,I,181;IF,I,187;
IF,I,188;IF,I,197;IF,I,202;IF,I,207;IF,I,210bis;IF,I,123;etc •••

-
259 -
2
ex :
"Il triompha du sacrifice et s'en estima MILLE FOIS
davantage"
(IF,II,430).
3
ex :
"La perfide Récard alla se jetter aux piés de Grandpré
à qui elle demanda MILLE PARDONS"
(IF,II,473).
Par deux fois,
les deux nombres ci-dessus se combinent pour don-
ner Cent' milie
1
Cf.: ex :
"Voyez à présent si, après la perte que j ' a i faite,
je
ne suis pas plus à plaindre qu'à blâmer? Et s ' i l est vrai
comme on dit, que j'ai abandonné ma pauvre Madelon, et
que je sois cause de sa mort? Moi, qui voudrois racheter
sa vie aux dépens de la mienne et de CENT MILLE autres
si j'avois à les donner pour elle"
(IF,I,270).
2
ex :
" .. qu'elle m'auroit distinguée entre CENT MILLE autres,
parce que j'étois le portrait vivant du pauvre Marquis de
Buringe (IF,II,319).
Outre Cent et mille, on trouve quelquefois vingt
(6 occurrences(l))
1
Cf.: ex :"Je lui ai offert et envoyé VINGT FOIS la valeur de ce
colier; elle n'a jamais voulu rien recevoir qui vint de
ma part"
(IF,II,516).
2
ex :
"Il eut avec Des Frans une fort longue conversation tête
à tête pendant laquelle Des Frans leva VINGT FOIS les·
yeux au Ciel, avec de grandes exclamations et de fréquens
soupirs"
(IF,II,40S).
+ L'exagération négative ou négation hyperbolique (où les
choses sont amoindries) .
Ici ~'élément évalué, au lieu d'être amplifié, est littéralement
ramené jusqu'au niveau de son unité de compte. Et comme souvent
(1) Ci..,...dessus + IF,I,105;
IF,I,133;
IF,II,414;
IF,II,520.

-
260 -
c'est à. propos de parole ou de monnaie qu'est employé ce type
d'hyperbole, on comprend qu'il soit question de mot
(pour la
parole)
et de' sou (pour la monnaie) .
1) UN MOT' (34 occurrences
(1))
1
Cf.: ex :
"Elle fut tellement surprise de ce transport, qu'elle
ne dit pas UN MOT"
(IF,I,90)
2
ex :
"La Princesse, reprit cette demoiselle, n'en a dit
qu'UN MOT Il
( IF , 1 , l 08) .
ex3~ IIElle ne lui dit pas UN MOT et se retira dans l'instant
même Il
( IF , 1 , 1 5 2)
.
2) UN SOU
(7 occurrences
(2))
1
Cf.: ex : 11 Comme son père ne lui avoit pas laissé UN SOU de dettes
• • • 11
(IF,I,55).
2
ex :
1111 est vrai que je ne faisois pas UN SOU de dépense"
(IF,II,498) .
3
ex :
IIElle n'a jamais voulu en recevoir UN SOU, ni même le
voir, ni lui parler ll
(IF,II,396)
,
(1)
Ci-dessus + IF,
l,59;
IF,I,136;
IF,I,142;
IF,I,156;
IF,I,
166;
IF,I,197;
IF,I,217;
IF,I,242;
IF,I,247;
IF,I,257;
IF,
II,333(bis);
IF,II,374;
IF,II,392;
IF,II,407;
IF,II,411;
IF,II,416;
IF,II,420;
IF,II,457;
IF,II,475;
IF,II,482;
IF,II,
487;
IF,II,489 bis;
IF,II,492;
IF,II,515;
IF,II,520;
IF,II,
528 ;
IF, II , 531 ;
IF, II , 53 8 ;
IF, II , 54 5 .
(2) Ci.,.dessus + IF,I,32;
IF,II,353;
IF,II,419;
IF,II,498
(bis).

-
261 -
2 - Hyperboles par moyens syntaxiques
ques. C'est le cas du renforcement du superlatif. Le procédé con-
siste à renforcer sémantiquement un qualificatif ou un advèrbe
au superlatif de supériorité relative par l'adjonction d'un com-
plément prépositionnel, en l'occurrence du monde. Le touratteint·
51 occurrences
(1).
a)
Renforcement de l'adverbe
l
Cf.:
ex :
"Mademoiselle de Vougy les conduisit dans l'apartement
de la Princesse qui les reçût LE PLUS HONNETEMENT DU
MONDE"
(IF, l, 115)
2
ex :
"Jussy et son épouse firent leur excuse à Madame de
Mongey qui les reçût LE PLUS AGRÉABLEMENT DU MONDE"
(IF,I,276) •
b)
Renforcement du qualificatif. C'est de loin la forme la
plus fréquente
(46 sur les 51 occurrences). Elle apparaît
essentiellement sous deux variantes de construction
~ avec le qualificatif antéposé au substantif.
l
Cf. : ex :
"C'est LA PLUS FIDELE FILLE QUI SOIT AU MONDE"
(IF,I,6)
2
"Je vous connois. ( .. ) pour LA PLUS BELLE PERSONNE DU
ex
MONDE"
( IF , II , 297) .
(1)
Ci-dessus +IF,I,lO;IF,I,15;IF,I,16;IF,I,21;IF,I,27;IF,I,50;
IF,I,76;IF,I,103;IF,I,113 bis;
IF,I,183;IF,I,184;IF;r,174;
IF,I,204;IF,I,210;IF,I,223;IF,I,231;IF,I,242;IF,I,262;IF,I,277;
IF,II,305;IF,II,306;IF,II,338bis;IF,II,348;IF,II,362;IF,II,
373;IF,II,374;IF,II,424;IF,II,449;IF,II,475,IF,II,476;IF,II,
496;IF;II;502;IF,II,510;IF,II,527;IF,II,533;IF,II,540.

-
262 -
3
ex :
"Les enfans faisaient LES PLUS BELLES PROMESSES DU MON-
DE"
( IF , I, 21) •
4
ex : "... ou bien elle est LA PLUS FOURBE, LA PLUS SCELARATE
FILLE DU MONDE"
(IF,I,59).
- avec insertion du complément de renforcement entre
le substantif et la qualificatif, celui-ci étant post-
posé
1
Cf.:ex :
"Vous me paroissez LA FILLE DU MONDE LA PLUS AIMABLE,
et vous êtes aussi la fille du monde que j'aime le plus"
(IF, I, 76) .
2
ex :
"Je ne voi pas qu'il y ait rien à espérer du vivant de
mon père, qui est L'HOMME DU MONDE LE PLUS ENTIER ET LE
PLUS EMPORTÉ"
(IF,I,133).
3
ex :
"Je ne crois pas qu'il y ait HOMME AU MONDE PLUS HEUREUX
que ma i"
( IF , l , l 6 9) .
Il arrive, comme dans l'exemple suivant, que le complément de
renforcement soit autre chose que le groupe nominal "du monde"
qui fait place ici à un terme d'espèce:
"Tout ce que je peux dire c'est qu'elle est LA PLUS
HEUREUSE DE TOUTES LES FEMMES"
(IF,I,122).
Parfois aussi c'est simplement l'adjectif indéfini'~(s,es)
à valeur superlative qui se sùbstitue au superlatif proprement dit
à côté du complément de renforcement du monde:
l
Cf. ex : "il est certain que je lui veux TOUS LES MAUX DU MONDE"
(IF,I,54)
.....
ex"'-:
"La Princesse avait TOUTES LES ENVIES DU MONDE de la voir"
(IF,I,112}.
3
ex :. "Elles m'ont dit TOUS LES BIENS DU MONDE de cette dame"
(IF, I, 273) .

-
263 -
Parlant de ce type de construction emphatique {(le plus)
f . .J
dU_Inonde). Mme Perrin Naffakh note pour le XVIIe siècle "sa rare-
té en vers" ét son absence dans les textes tragiques"
(1).
Quoiqu'il en soit, les faits d'hyperbole par le mot ou par moyens
syntaxiques sont, pour la plupart, plus à prendre comme des re-
familier)
de l'époque classique.
2 ~ L'atténuation
L'un des traits les plus contradictoires de la langue
commune réside dans le fait que son goût se porte à la fois vers
l'hyperbole et l'atténuation. C'est un fait en effet,que, autant
le locuteur ordinaire aime à amplifier, à colorer les moindres
faits au moyen de formules superlatives, autant i l excelle dans
l'usage de circonlocutions, de détours périphrastiques, de termes
neutres, bref, de formules euphémiques pour éviter l'expression
directe des choses telles qu'il nous paraîtrait naturel qu'elles
se présentent à l'esprit. Ce phénomène que Ma-rouzeau donne comme
-
un des traits fondamentaux du parler paysan
(2)
est en réalité
lI'
Perrin NOXfakh ;' Le cliché de style
., thèse doctorat-1981,
p.67.
(2)
Cf.notamment;
"Le parler paysan: détour et formule" in B.S.L.
N° 76 , 1 924
( t . 25),
pp. 90 ... 9 4 •

-
264 -
assez répandu dans le langage courant. Dans les Illustres Fran-
çaises , on en trouve les traces sous deux formes
:
1)
Sous la forme périphrastique par l'usage de tournures
négatives pour l'expression d'idées positives;
2)
Sous la forme de substitution aux mots usuels de termes
indirects, au contours imprécis.
a) Atténuation par substitution de mots.
Termes consacrés dans l'emploi euphémique.
1) L'autre monde, expression à caractère allusif pour
dire : le monde des morts)
1
Cf.: ex
" .. nous
n'aurons justice que de sa succession, ou i l
ne nous la rendra lui-même, que lors qu'il sera prêt
d'aller se présenter à celle Lia justiceJ de L'AUTRE
MONDE f=sera morV"
(IF,I,152).
2
ex : "Ils le firent de sorte que mes parens me croient encore
présentement en L'AUTRE MONDE"
(IF,I,192).
2)'Un morceau
(terme réducteur pour : plat, bouchées)
Cf.:
"Je le priai de venir manger UN MORCEAU avec nous"
(IF, 1,245)
3)'Rider= vieillir
(emploi d'origine littéraire).
Cf.:
"Que pour l'âge de sa fille,
i l n'étoit pas assez avancé
pour l'obliger à rien précipiter. Que trois ou quatre années
plus ou moins ne la RIDERüIENT pas"
(IF,I,21)
Termes vagues servant à couvrir des idées délicates ou
employés par pudeur

-
265 -
1) Friponneries
(au sens de
: "entreprises peu honnêtes")
Cf.:
"Je fus pourtant en fort peu de tems aussi habile que lui,
puisque je découvris SES FRIPONNERIES"
(IF,II,284).
2)
Les grands mots = les choses décisives
Cf.:
"Elle de son côté, qui avoit remarqué dans ses yeux tout
l'amour qu'il avoit pour elle, résolut de pousser sa fortu-
ne aussi loin qu'elle pourroit aller. Elle connoissoit qu'il
étoit trop bien pris pour se dégager, et qu'avec le tems,
elle l'ameneroit au point de DIRE LES GRANDS MOTS"
(IF,I,SO)
3)
(Apparence de)
quelquechose = (apparence de) personnes
importantes, dignes d'intérêt.
Cf.:
"Elles font ordinairement ce compliment à des gens qui ont
apparence de QUELQUECHOSE"
(IF,II,282).
4)'Sottise = aventures légères
Cf.:
"Restez chez moi
( •. ) on ne viendra pas vous y chercher, et
les choses pourront s'accommoder, mais il est bon de sçavoir
si lorsque vous avez fait avec elle votre première SOTTISE,
vous lui avez promis de l'épouser"
(IF,I,43).
Il faut
penser' à propos de ces termes vagues à certains mots
comme affaire
(notamment dans le sens de "aventures galantes")
étudiées parmi les termes génériques
(1).
~ Antéposition d'épithètes réductrices. Ces épithètes
(1) Cf. 1ère partie.p. g3 -'$&

:f~"li:
-
266 -
qui se ramènent pour l'essentiel à Petit ont pour rôle de
E;
réduire en proportion, par précaution langagère ou par inten-,
tion caritative, la valeur de la réalité désignée par le
'1
f
substantif.
l
Cf.: ex : "Comme cette libéralité me donnoit une espèce de PETIT
privilège,
je demandai à cette soeur si ellgepouvoit
pas nous faire déjeûner à l'hopital"
(IF,II,290)
,.'
2
ex : "Après quelques PETITES façons, elle me le promit"
(IF,
I,28).
b)'Atténuation par périphrase né~ative
Ici il s'agit de constatations, d'appréciations ou de juge-
ments qui prennent volontiers la forme négative quand on s'atten-
drait normalement à une expression affirmative. Le procédé consis-
te concrètement à remplacer le mot auquel on s'attend
(soit un
verbe, un adjectif ou un adverbe)
par son contraire en employant
plutôt la négation. C'est la figure classique de la litote.
1
Cf.:ex :
"Tout le monde s'en étonnoit car je·ne passois pas pour
"'forbendurant"
(IF, II, 286) .
"Je ne passois pas pour fort endurant" est employé à la
place d'une tournure telle que:
"Je suis d'ordinaire assez impul-
sif (ou prompt, à la réplique) ".
2
'
ex : ~Vous n'étiez pas mal ensemble .•• fourbe pour fourbe"
(IF,II,30S)
pour
"vous vous conveniez, •• "

-
267
-
3
ex :
"Je le regardai d'un oeil qui ne lui promettoit rien de
bon"
( IF ,II, 41 7)
pour:
"Je le regardai d'un air méchant
(ou menaçant)".
4
ex :
"Elles font ordinairement ce compliment à des gens qui
ont aparence de quelque chose, afin d'en tirer quelque
aumône:
je ne la refusai pas"
(IF,II,290), pour:
"j'acceptai" .
Il faut avouer que cette sorte d'atténuation reste assez dis-
cutable car la forme négative semble même comporter une plus gran-
de expressivité. De toute façon c'est une tournure assez fréquente
dans la conversation, précisément sans doute parce que sous cette
fausse apparence d'atténuation, elle renforce en réalité l'affir-
mation. L'expression indirecte des choses n'est-elle pas parfois
le meilleur moyen de les mettre en relief ?
3 ,...:, L'ironie
S'il est une manière détournée mais particulièrement
efficace de dire les choses, c'est par l'ironie, figure assez
vivante aussi bien dans la langue littéraire que dans la langue
familière, Le Grand Robert la définit de la façon suivante :
"manière de railler, de se moquer
(de quelqu'un ou de quelque cho-
se)
en disant le contraire de ce qu'on veut faire entendre".
"Dire le contraire de ce qu'on veut faire entendre" concerne les
paroles et c'est (à peu près la définition de)
l'antiphrase. Mais

-
268 -
l'ironie ne consiste pas que dans l'antiphrase.
Il y a aussi la
dramatisation qui concerne le ton car "l'ironie consiste dans le
ton aussi bien que dans les paroles"
(F.). Pour les Illustres
Françaises, l'ironie par antiphrase est de loin plus développée
que l'ironie par dramatisation qui n'apparaît que deux fois.
a)' Ironie par antiphrase
- Caractérisants et appellatifs élogieux pour signifier le
; .
. .
'1
1
.essentiellemeot
,
meprls ; lCl 1
S
agltvde paroles de Monsleur Des Frans
s'adressant à.la Morin et à Sylvie après le tour que celles-
ci ont essayé de lui jouer.
\\,
1
Cf.: ex : "A propos, MA BONNE JviADAME, dis-je à la Morin, CE CHAR-
.....
J
MANT frère ne s'est~il pas trouvé aujourd'hui aux
Tuileries?"
(IF,II,313).
1
2
j
ex : "Ce nlest qu'une bagatelle, lui répondis~je en goguenar-
dant, qui peut faire pendre votre TR~S VÉNÉRABLE tante
1
!
putative MADAME Morin, MONSIEUR Rouvière, gentilhomme
Monceau, et vous aussi MA BELLE ENFANT"
(IF,II,3l3).
t
3
ex :
"Adieu MES BEAUX ENFANS, leur dis-je,
je prie Dieu qu~il
1
vous conver tisse, crainte que Belzébut, à qui vous
1
appartenez de bon jeu, ne vous emporte"
(IF,II,3l3).
1
4
j
ex :
"Y""a-t~·il encore quelque chose de nouveau, interrompit
j
j
j
Madame de Cranves. Oui, continuai-je en montrant Valeran
f
de la main : LA DIGNE personne que voilà ne va pas à
1
moins qu'à vous déshonorer."
(IF,II,323, parole de Sylvie)
1
\\!
.,.. Désignation (aPPdLenunent)
positive d'une chose désagréable:
1
,
j
j
1
1
1
!

-
269 -
1
ex :
"Tenez Madame, dit-il à Célénie,Voilà DES VERS A VOTRE
LOUANGE fén fait une lettre fort désagréable pour CélineJ
(IF,II,461) .
2
ex :
"Parbleu Monsieur, me dit-il, vous me préparer UNE BELLE
RECOMPENSE Léad une surprise désagréable.]"
(IF,I,243)
le père Des Prez parlant à son fils).
3
ex :
"Je voulus sortir après CE COMPLIMENT L'Propos amerq,
sans attendre de réponse; mais je ne le pus pas"
(IF,
II,313, Des Frans à propos de Sylvie et de la Morin).
Une autre forme d'ironie par antiphrase consiste de la part
de certains personnages à recommander vivement une chose qu'au
fond ils désapprouvent. L'exemple en est fourni une fois de plus
par Des Frans dans les circonstances décrites ci-dessus
:
Cf.:
"Voilà votre billet, ÉCRIVEZ-EN PROMPTEMENT UNE AUTRE POUR
ACHEVER PROMPTEMENT L'AFFAIRE; LE TEMS PRESSE"
(IF,II,313).
b)·' Ironie pour dramatisation.
On entend ici par dramatisation la mise en théâtre
(par imita-l
tion railleuse)
d'une parole
(ou d'un fait)
caractéristique. L'él~.
ment essentiel dans cette sorte d'ironie c'est la mise à contri-
bution par le personnage imitateur du ton supposé propre aux paro-;
les citées. Les deux exemples de ce type d'ironie sont, le premier,
du vieux Dupuis parlant à Des Ronais et à sa fille, mademoiselle
Dupuis
(1):
(1) Ces paroles sont rapportées par Des Ronais contant son histoi-
re à Des Frans.

-
270 -
Cf. :
"Je me figure
( ... ) qu'elles se parlent ainsi
à elles-mê-
mes. Telles et telles ont fait des enfans, et se sont per-
1
duës de réputation et d'honneur, c'est qu'elles n'ont pas
1
eu l'esprit de cacher leur secret comme telle ou telle dont 1
on ne parle seulement pas. Madame une telle accouchai il
~
n'y a que six mois; ... "
(IF,I,45). (A remarquer le ton vo-
.j
lontairement burlesque) .
1l
le second, de l'aîné de Monsieur Dupuis simulant le "ton de
village", en allusion à l'extraction sociale de Célénie que
s'apprête à épouser son jeune frère
"mais il continua ses airs de mépris qu'il finit par me
dire,
en prenant
un ton de village ; p~lsangué puisque
j'allons entrer dans son alliance,
faut que j'allions
lui faire la révérence"
(IF,II,445).
Ce ton paysan était à la mode, notamment depuis les Agréables
....,
"-
'conférences.dedeux paysans de St Ouen et de Monmorency sur les
affaires\\d~temps que Challe connaissait bien.
4 ~ Traits d'esprit
Les traits d'esprit sont des remarques spirituelles, des
saillies assez plaisantes en général, qui dénotent l'esprit, la
vivacité d'un personnage.
Ils consistent ici dans des formules
allusives et des transferts d'expression accompagnées souvent
de jeu de mots.
, ,
a) '. Formules allusives
Ce sont des sortes de métaphores filées par lesquelles le
locuteur désigne plaisamment une réalité en se référant à une

-
-
271 -
autre réalité bien différente de celle en question.
l
Cf.: ex :
"Je fis ajouter dans la lettre a Alaix, qu'on étoit
instruit de L'ORAISON FUNÈBRE que Célénie avoit CHANTÉE
a la défaite de son faux pucelage"
(IF,II,460).
Le verbe chanter fait ici allusion au Te Deum, chant reli-
gieux exécuté a l'occasion d'une victoire. La situation de Célénie·
(perte de sa virginité -d'où la métaphore de l'oraison funèbre)
est assimi.lée a une victoire
(cf."a la défaite de son faux puce-
lage) .
2
ex :
" Comme on aime a gloser sur les affaires d'autrui, des
gens toujours a l'affût pour médire des autres, observè-
rent que Mademoiselle Dupuis
( . . . ) accoucha environ six
mois après la blessure de son mari ; et prétendirent que
LA CONSOMMATION AVOIT PRÉCÉDÉ LA BÉNÉDICTION de plus de
tro i s mo i s "
( IF , l , l 4) .
On voit ici aussi comment une réalité d'un autre ordre est
désigné par allusion a la religion, du moins au vocabulaire techni·
que de la religion. A noter aussi le jeu de mots' consoITh~ation -
\\
,.
" ... ",''.: ':
'bénédict'ion
(mots techniques religieux) .
3
ex :
"C'est'<:'à-dire que L'INTÉRÊT L'A FAIT TOMBER la première
, ,
fois et que le plaisir L'A RAMENE A SA CHUTE"
(IF,I,44).
Il s'agit ici de l'appétit que prend une jeune personne aux
plaisirs de l'amour physique. L'allusion porte sur l'idée de la
chute.
4
ex :
"Mais, lorsque nous étions seul à seul, i l n'y a rien
d'effronté que je ne fisse
et enfin, excepté LA GROSSE
SONNERIE, J'AVOIS EU TOUT LE RESTE DU SERVICE"
(IF ,II,
463) .
",. ,'"
'\\
\\ Sonner'ie et service sont des termes de pratique écclésiastique

-
272 -
(dans un service religieux il y a différentes sonneries) employés
ici avec une équivoque libre à rapprocher de l'expression "tou-
cher la grosse corde"
b)'T~ansfert d'expression
Le transfert d'expression est aussi une sorte de formu-
le allusive. Mais ici le rapprochement métaphorique s'appuie plus
sur le terme lui-même que sur la réalité qu'il désigne d'ordinai-
re.
1
plus
~
Cf. : ex : "On avance bienvses affaires d'amour avec une cloîtree
qu'avec une fille du monde. La raison en est, que tous
les hommes sont pour une ren ferfT1~p. ( mo. t ière à te!l ta tien
et outre cela, le papier ne ROUGISSANT pas, elles s'ex-
pliquent bien plus hardiment qu'elles ne parleroient"
( IF , l , 13 7) •
, . .....
\\.~ - ~
.
'Rougîr qui signifie dans cet emploi
avoir honte et s'applique aux
1
personnes se trouve employé pour un non-animé.
2
ex :
"Sitôt l'accord fait et que Sylvie aura DANCÉ,
je re-
tournerai au pays"
(IF,II,311).
'Danser apparaît ici comme une sorte de transfert
synecdodique
\\.. ,-
\\,'.....",'-
\\, ~ \\.~
\\.' "
de"danser'-.aux noces, avec sans doute une équivoque libre
(danser
la basse danse)
Il faut reconnaître au bout du compte que la plupart des
traits d'esprit rencontrés sont des faits d'expression qui se
rapportent à des réalités libres, c'est-à-dire à des choses que la
pudeur interdit de nommer en termes propres.
Ils jouent donc au

-
27 3 -
fond un rôle d'atténuation en même temps que d'expressivité.
En définitive,
i l convient de distinguer parmi les figu-
res d'emphatisation les expressions vraiment emphatiques
(toutes
les tournures hyperboliques et quelques uns des faits d'atténua-
tion)
qui correspondent à une certaine tendance de la langue
parlée, et les figures telles que l'ironie ou, dans uremoindre
mesure les traits d'esprit qui,
simples indications d'ambiance,
peuvent entrer dans n'importe quel type de langage mais qui ici,
revêtent une importance particulière.
Il reste que ces deux formes
de figure réunies donnent au langage de l'oeuvre cette coloration
nettement affective et en même temps malicieuse dont Bally fait à
juste t i t .....-e l r eS58Ilce QU langage parlé.

-
274 -
CHAPITRE II
F AIT S
D E
PRA G MAT l QUE
=======================================
Par le terme de pragmatique i l ne faùt pas tellement en-
tendre ici se qui "décrit l'usage que peuvent faire des formules, *'
"','
des interlocuteurs visant à agir les uns sur les autres"
(1), maisf,
"
simplement tout ce qui concourt à l'expression de l'a.ctualité des l
interlocuteurs
(ici les devisants), de leur inscription dans "l'ici
et maintenant" de l'énonciation, bref de ce que l'on a habitué
d'appeler la situation de discours. Relèvent généralement de
cette notion à la fois l'entourage physique et social où l'énoncé
prend place, l'image qu'en ont les interlocuteurs, l'identité
de ceux-ci, l'idée que chacun se fait de l'autre
(y compris la
représentation que chacun possède de ce que l'autre pense de lui),
les événements qui ont précédé l'acte d'énonciation notamment les
relations qu'ont eues auparavant les interlocuteurs et surtout
les échanges de parole o~ s'insère l'énonciation en question.
Pour le lecteur, même occasionnel des Illustres Françaises,
<
1
le fait même qu'il s'agisse d'un roman à la première personne, le
réalisme déjà signalé des faits et des événements ainsi que la
fréquence des modalités déictiques
(l'interrogation et la volition)
des énoncés exclamatifs
(d'essence émotive)
(2), permet déjà de
(1)
Cf. Todorov et O. Ducrot. Dictionnaire encyclopédique des
, " '''' ,. ,.
'. sciences'du langage, p.423.
(2) Un certain nombre de ces faits
(énoncés exclamatifs et modali-
tés déictiques) ont été signalés plus haut. Voilà pourquoi on
n'a pas cru nécessaire de s'y étendre ici.

-
275 -
caractériser la situation de discours, de l'enregistrer au chapi-
tre de la spontanéité. Mais en considérant le plan strictement
linguistique, on s'attardera tout particulièrement sur trois
séries de faits qui donnent une réelle couleur d'actualité au
langage des Illustres Françaises. Ce sont
- Les procédés de contact
- Les procédés de sélection
(référentielle)
- Les faits d'enchaînement discursif.
1
,1
A - PROCÉDÉS DE CONTACT
i
1
Sont envisagés ici les éléments par lesquels s'expriment
les relations de familiarité et de spontanéité entre les interlo-
cuteurs.
l
~ L'apostrophe
:
L'apostrophe est virtuellement l'acte par lequel a lieu
1
i
l'emploi du langage à des fins sociales: en interpellant autrui,
1
le sujet parlant fait ou s'apprête à faire un usage non point
J
poétique mais social et pratique du langage
(1). De plus, l'acte
---~.~~.--~.......--~
(1)
Furetière définit ainsi l'apostrophe: "Figure par laquelle un
1
orateur interpelle tout à coup une personne ou même une chose
qu'il personnifie." Mais'apostrophe n'est pas pris ici dans
le sens poétique. C'est le terme de vocatif qui lui correspond
le mieux dans l'usage qui en sera fait ici.

1
j
-
276 -
1
l
·1
d'interpellation prédique en lui-même une relation sociale: on
1
emploie tel ou tel appellatif selon le type de relations qu'on
1
i
suppose entretenir avec la personne désignée. Dans les Illustres
j
.,.
"-
1
Françaises, l'adresse aux uns et aux autres a lieu courtoisement
;,1
~
dans l'ensemble: sauf cas d'ironie ou de mépris sarcastiques
(1), ~~..;
les termes utilisés sont soit des appellatifs ordinaires entre
"honnêtes gens" à savoir Monsieur, !-1adame, Mademoiselle , soit des
formules à valeur laudative.
'1
j
a)-Appellatifs usuels.
1
i
1
l
\\.
-
'. Monsieur, \\ Madame,' Mademoiselle. au vocatif sont des termes
extrêmement fréquents dans les' Illustres Françaises. Leur densité
1
est telle qu'ils ne peuvent passer inaperçus en même temps que le
1
ton de familiarité courtoise qu'ils confèrent aux propos. MONSIEUR 1
1
j
apparaît 254 fois en emploi vocatif,. MADAME,
161 fois, MADEMOISEL- 1iJ
LE/83 fois
(2). En voici quelques exemples:
:1
1
~I
ex :
"Mais, MADAME, après vous avoir vûë ce que je vous ai
iJ
~1
mine,
je vous avoue
passe"
(IF,I,65).
2
ex :
Dupuîs me dit soit une vérité?"
(IF,I,64).
i
---~-----~~--
1
(1) On se souvient de l'ironie mordante de Des Frans face à, Sylvie 1
et à la Morin
(p.313), circonstance pendant laquelle il n'uti- J
l~s~i~ pour s'adresser à 811~b ~ue le~ termes (antiphrastlqUes)j
de "la belle"
(cf."et vous- la belle, vos nourrices ont-ell~s -
i
~---~.
1
été chères?") ,de "beaux enfans"
("adieu ~es beaux enfans") ou
1
de "vénérable tante") .
(2)
Sans compter leurs apparutions plus nombreuses encore comme
.. /

-
277 -
3
ex :
"Ce fut Monsieur votre frère, MADAME"
(IF,II,289)
4
ex :
"Voilà vos papiers MONSIEUR"
(IF,II,317)
5
ex :
"Parlez, MADEMOISELLE, lui dis-je"
(IF,I,37)
6
ex :
"Non, MADEMOISELLE
( . . . ) ne vous flatez pas qu'on ne vous
offre à Dieu que parce que vous êtes belle"
(IF,I,130)
Il est clair que ces sortes d'interpellations, bien qu'assez
banales, contribuent à la création d'une atmosphère chaleureuse.
1i
b)'Appellatifs mignards
1
!
1
Autant les appellatifs usuels sont dépourvus en eux~mêmes
1
!
1
de valeur affective, autant les appellatifs mignards, comme leur
i
1
nom l'indique, correspondent la plupart du temps à un fort élan
1
affectif.
Ils consistent en l'application d'une épithète laudative i
à un nom propre ou à un terme de parenté.
1).(MA) BELLE
. 1
Cf. : ex :
"Non, BELLE ANGELIQUE,
( •.. )
je prends trop intérêt
dans ce qui vous touche pour n'avoir pas une joie parfai-(,,
te"
( IF , l, 114) .
<'/ titres précédant un nom propre ou un autre titre (comme par
exemple dans"Monsieur le Marquis"
(IF,I,15),
"Monsieur votre
père"
(IF, 1,36),
"Madame votre mère"
(IF, 1,8 et Il),
"Made-
moiselle votre fille"
(IF, 1,38), etc . . . , ou "Mo nsieur Des
Frans",
"Monsieur des Remi'! i ~"i ,:.t-C". __ ) •

-
-
278 -
et quelques lignes plus loin, à la même page :
"Mais BELLE
ANGELIQUE, quoi que vous soyez dans votre négligé, d'une
beauté qui me charme, . . . "
2
ex :
"Cependant, comme vous le sçavez, MA BELLE COUSINE,
je
tombai malade cet été"
(IF,II,548).
Dans ce dernier exemple la valeur affective de la formule est at-
ténuée par l'adjonction du possessif qui en fait une sorte de syn-
tagme figé, alors que dans les premiers la formule reste marquée
par l'adjectif comme élément de caractérisation.
,
2)
(MA)
CHERE ..•
1
Cf. : ex : "Quoi, dis-je MA CHÈRE ENFANT, c'est donc là ce moyen
que vous avez trouvé ... "
(IF,I,187).
2
ex :
"Arrêtez MA CHÈRE ANGELIQUE •.. "
(IF,I,80).
3
ex :
"Non, MA CHÈRE VEUVE. . ."
( IF , II , 5 0 0)
A ces exemples au vocatif, il faut ajouter les évocations
également mignardes
("la belle Angélique",
"la belle Dupuis",
"ma belle comère", etc ..• ) dites non par l'auteur lui-même comme
cela arrive souvent tout spécialement à propos de Mlle Dupuis .
{"la belle Dupuis lui fit mille questions"
(IF,I(60)
"la belle
Manon Dupuis"), mais essentiellement par les personnages mascu-
lins.
Une autre forme d'appellatifs mignards consiste dans des
J1
appellations (de nature circonstancielle ou plutôt ponctuelle)
à nuance plaisante et péjorative.
Il s'agit plus précisément de
!
termes plus ou moins négatifs appliqués par un personnage à un
f
autre par manière de plaisanterie. Les exemples sont au nombre
de deux :

}
-
279 -
1)
COQUIN
Cf.:
"Ah, COQUIN, dit-elle en parlant à moi et en me donnant un
petit coup sur la joue, tu ne me l'avois pas dit"
(IF,II,
369) •
2)
FANTASQUE
Cf.:
"Venez ici FANTASQUE, lui dit-elle en riant,
à genoux devant
votre maîtresse,
et demandez lui pardon de toutes vos fo-
lies"
( IF , l , 1 2 4) •
Les appellatifs usuels et mignards sont les faits d'apostrophe les
plus significatifs. Le cas des interpellations par nom propre ou
par pronom personnel
("tu",
"vous")
est assez évident en lui-même
pour justifier quelque attention.
~out ce qu:on pourrait observer
c'est qu'au XVIIe siècle on regardait "comme irrévérencieux", en
s'adressant à une personne dans la conversation de faire suivre
le mot'Mons'ieur du nom de la personne. Or dans les Illustres
,
" Fr'ahç-aises, cette règle effectivement inscrite dans Les 16ix de
,,"
\\ '
,-...
,
\\ la"galanterie
(cf. H.L.F.,
IV,363-64),
est entièrement ignorée
comme le prouve l'usage constant par les différents personnages
des noms propres des interlocuteurs précédés de ces titres usuels.
S'agit-il d'une désinvolture de personnes trop amies pour s'em-
"
barrasser de formalités?
2 .,...'Les appuis du discours
'.
,~
Gü c1ppe..l...l.t= appuis du discours aes mots ou expressions qui,
..
la plupart du temps par le fait d'une relative usure sémantique,

- 7
1
~
1
1
-
280 -
1
i
en sont arrivés à ne servir que d'outils au sujet parlant pour
1
attirer l'attention de son auditoire sur ce qui va être dit. La
nature grammaticale des termes n'a aucune importance:un mot iso-
1
1

(adjectif, adverbe, conjonction, ... ) peut apparaître dans ce
~!
rôle autant qu'une formule exclamative ou même un membre de
phrase. 8 de ces formes assez vivantes ont été relevées. Pour
l'ordre de classement, nous irons du plus banal au plus signifi-
catif.
l
1
1) DONC. D'ordinaire le mot~, conjonction de coor-
dination, introduit une conclusion logique. Mais ici en
appui du discours il ne fait qu'appuyer une r.ons~atation
ou qu'à attirer l'attention sur une constatation donnée
comme curieuse,
inattendue. Donc
dans cet emploi est
fort fréquent dans les Illustres Françaises. En voici
deux exemples pris au hasard.
l
ex :
"Comment DONC, dit Des Ronais en riant, vous avez déjà
trouvé des avantures et i l n'y a que deux jours que vous
êtes ici?"
(IF,I,5).
2
ex :
"Si bien DONC, reprit Sylvie, que vous avez espéré que
le dépit me jetteroit entre vos bras?"
(IF,II,340).
2)'ENFIN. Ce mot apparaît plus fréquenunent que tous les
autres, soit seul,
soit précédé des conjonctions mais et
-
, car. C'est surtout sous ces deux forme~ rp_1.' j_l j0'.le le
rôle d'appui du discours.

-
281 -
- Mais enfin:
1
Cf.: ex :
"Je crains fort que vous ne vous en repentiez, MAIS ENFIN
vous le voulez et cela me suffit pour le vouloir aussi"
( IF , l , 2 5 5) •
2
ex :
"Je n'en pus pas encor~ tirer deux paroles de suite,
~mIS ENFIN étant arrivez dans le bois, il fit arrêter
et descendit sans rien me dire"
(IF,I,2D9).
3
ex :
liMAIS ENFIN,
lui dis-je"
cette douleur et ces regrets
ne nous rendrons vous et moi que plus malheureux"
(IF,
l ,
223).
-
Car enfin:
l
Cf.: ex
"On veut m'obliger de quitter un lieu dont je ne pus
me passer et de le donner à un homme qui peut être ne
m'en aura jamais d'obligation: CAR ENFIN ma fille n'est
pas faite toute exprès pour trouver un mari d'autre ma-
tière que les autres"
(IF,I,24).
2
ex :
"CAR ENFIN, si j'avois été d'humeur à me gouverner mal,
qui m'en aurait empêchée .•. "
(IF,I,46).
On sait que' car enfin, expression devenue à la mode vers la
fin du XVIIe siècle a été fustigé par certains puristes
(1).
,
3)' HE.
Cette interjection placée à l'initiale des phra-
ses combine les valeurs exclamatives et phatiques. On la
voit dans cette double fonction,
souvent renforcée par
un adverbe ou un terme de jurement.
(1)
Cf. notamment F. De Caillères, Des mots à la'mode, p.8-ID.

-
282 -
-

(seul):
1
Cf.: ex
"HE, pourquoi donc le lui avez-vous dit?"
(IF,I,274).
2
~
ex
"HE, comment ferons-nous donc pour nous voir?"
(IF,I,
224)
3
ex :
"HÉ, que me fait cela, lui dis-je?"
(IF,II,483)
-
Hé bien
1
-
Cf.: ex :
"H~ BIEN, ( .. ) faites-moi, ce sacrifice et ne venez
plus ici"
(IF,I,84).
2
/
,
.
ex :
"HE BIEN, avez-vous de bonnes nouvelles a me dlre?"
(IF,I,66) .
3
ex :
"HÉ BIEN, Monsieur,
lui repatis-je, Monsieur lui-même
m'a promis ce matin, qu'il laisseroit décider Mademoisel-
le Il
( IF , l , 3 6) .
4
'
ex :
"HE BIEN, notre ami lui dit-il, êtes-vous enfin raison-
nable?"
(IF,
l
272) .
.,... Hé'mon' Dieu
1
Cf.: ex :
"HÉ MON DIEU!
répondit cette dame,
je ne me scandalise
pas de ses paroles"
(IF,I,272).
2
ex :
"HÉ MON DIEU, dit-elle,
la différence est,
je croi, bien
imaginaire"
(IF,I,49).
"
-
Hé'morbleu
Cf.:
"HÉ MORBLEU, que ma belle maîtresse me fatigue"
(IF, 1,278)
On peut se rapporter ici à d'autres exemples mentionnés plus
haut à propos de morbleu
(1)
---- ---~~---.~-
(1)
Cf. supra, premi~re partie,p.28-29.

-
283 -
-
Hé oui
Cf.:
"HE OUI, Hadame,
je demande pardon de tout mon coeur"
(IF, 1,124)
- Hé quoi
1
Cf;: ex :
"HÉ QUOI, belle Célénie, lui dis-je, m'enviez-vous
jusqu'aux bontez que Mademoiselle a pour moi?"
(IF,II,
437) .
2
ex :
"HÉ QUOI, belle Célénie
( . . . ) avez-vous oublié que vous
êtes attachée à moi par des liens qu'il est de votre
honneur de rendre éternels ou innocens?"
(IF,II,455).
4)' MA FOI
1
Cf.: ex :
"HA FOI, Mesdames, il n'a pas lieu d'être content des
femme s "
( IF , l , 278)
2
ex :
"Trop est trop et MA FOI, tu serois la première à me
trouver à redire"
(IF,I,278).
5)'DE BONNE FOI. L'expression~de bonne foi qui signifie
franchement,
entre dans des constructions où son contenu
sémantique est assez effacé.
Il devient dès lors comme
simple appui du discours.
1
Cf.: ex :
"DE BONNE FOI, morf:.her ami, qu'auriez-vous fait en ma
place?"
(IF,I,58)
2
ex :
"Avouez-le DE BONNE FOI
( ... ) vous vous ferez religieuse,
mais ce seront les voeux de votre famille que vous ofri-
rez à Dieu"
(IF,I,131).
6)" ÉCOUTEZ
,
1
Cf. : ex. :
"ÉCOUTEZ, reprit-elle tranquillement, cela me fait
soupçonner quelque tour"
(IF,I,34).

-
284 -
2
ex :
"ÉCOUTEZ
( ... )
je parlai mal hier au soir d'Angélique,
que plusieurs de vous autres ont connu ici"
(IF,I,109).
7)
A PROPOS
\\
Cf.:
"et A PROPOS, ma bonne Madame, dis-je à la Morin, ce char-
mant frère ne s'est pas trouvé aujourd'huy aux Tuilleries"
( IF , l l , 3 1 3) •
8)
CROYEZ-MOI
Cf.:
"CROYEZ-MOI, ne vous obstinez point à m'être fidèle"
(IF,II,
297) •
A ces exemples ci-dessus on pourrait bien ajouter certains
adverbes intensifs tels que' bien et assez
(précédemment mention-
nés
(1)), qui apparaissent dans la plupart de leurs occurrences
comme de simples réflexes de parole.
B ~l'ROCÉDtS DE SELECTION.
"Procédés de sélection" renvoie ici aux éléments par les:quels
le locuteur désigne un objet précis parmi ceux qui l'entourent.
Les plus significatifs de ces procédés dans les Illustres Fran-
' \\
'
çaises sont les démonstratifs, en particulier les démonstratifs,
composés et les présentatifs\\, voilà et voici, eu égard à leur
fréquence et à la vivacité qu'ils produisent.
1 .... Les démonstratifs composés à prégnance forte
Il s'agit des formes: ce
ce
cet,cette ••• là;
cet, cette ..• ci
ces
ces
1

-
285 -
C'est à juste ti~re que la langue parlée aime à user de ces élé-
ments prégnants de la parole : ils permettent un découpage précis
et presque infaillible du réel,
favorisant ainsi une meilleure
efficacité. du processus encodage-décodage. De plus, ils sont,
de tous les outils de détermination, les plus chargés d'affecti-
vité.
La part de ces formes dans l'ensemble des démonstratifs
employés dans les Illustres Françaises est assez révélatrice
: on
note,
sur un total de 2 601 emplois de toutes les formes démonstra'
tives,
201 occurrences des formes composées
(soit 7,70 % au total)
le reste se répartissant entre quatre formes simples
(1).
(1) Voici le détail de ces chiffres. Parmi les formes composées,
,
la forme avec LA a 173 occurrences contre 28 pour la forme
avec CI. De l'autre côté, la répartition des formes simples
est la suivante: ce . . . . . 1804 occurrences
cet .••• 159
"
cette .. 559
"
ces ...• 179
"
Inutile de signaler que les formes pronominales des démonstratifs
(celui, celle, ceux, ceci, cela)
ne sont pas comptées.
Concernant la proportion des formes renforcées, i l faut signa-
ler que M. Deloffre trouve chez Marivaux un pourcentage de
l'ordre de 12 %, ce qui apparaît bien supérieur à celui des
\\.'"
. '-': '
. Tllustres, Françaises. Une des raisons de cette forte propor-
tion chez Marivaux réside dans la tendance chez cet écrivain à
une sorte d'emploi systématique de la forme renforcée du dé-
monstratif, même là où on emploierait plutôt la forme simple
(tandis que dans les' III ustres Françaises, la forme renforcée
apparaît presque exclusivement dans les cas où la référence
est
(affectivemen~appuyéè). On notera cependant que pour le
\\ ' ' ' '
.........
'"
",
'Paysan'parvenu les statistiques de M. Deloffre donnent des
../

-
286 -
On remarque par les emplois que ces 201 occurrences peuvent
se regrouper sous deux rubriques
: les emplois qui dénotent une
désignation affective et les emplois déictiques, c'est-à-dire
correspondant à une localisation dans le contexte spatial immé-
diat. On notera par parenthèse que l'emploi des démonstratifs
composés pour souligner une antithèse
(ce ... là i ce ... ci)
est
inexistant dans les Illustres Françaises.
a) ··La désignation
c'est l'indexation d'un fait précis
(généralement des
choses abstraites)
situé ou non dans le temps diégétique ou
temps du discours.
~ La désignation simplement insistante.
1
Cf.: ex :
"Il se tenoit pour justifié de CE côté-LA'"
(IF,I,22)
2
ex :
"Si vous me faisiez
CE coup-LÀ ( .. ) vous ne m'obligerez
assurément pas"
(IF,I,77)
3
ex :
"C'est peut-être sur CE sujeb-LÀ qu'elle veut vous parler'
(IF,I,12) •
4
ex :
"Et depuis CE jour.,..LÀ ( ..• ) Angélique n'a plus d'autre
tabl e "
( IF , 1 , 121) .
.
5
ex :
"Cette dame me rendra CE service-LA"
( IF , l , 2 41) •
- Désignation à nuance dévalorisante
.. f chiffres nettement inférieurs à ceux des' Illustres Françaises
(sans doute parce que nous avons affaire à un texte plus
court): 146 exemples
(contre 201 dans les Illustres Françaises)
\\
dont 126 avec LA (contre 173)
et 20
(contre 28)
avec CI.
Cf.: Marivaux et la marivaudage, p.378.

-
287 -
l
t
Cf. :
ex
"CES sortes de mariage-LÀ par amourette n'ont qu'un
f
i
temps"
(IF,I,230)
!
2
1
1
ex :
"CES humiliations-LA ne sont plus de saison"
(IF,II,39l)-1
3
ex : "CES sortes de prières-LÀ ne se font qu'à un moine
1
!
qui n'ose pas lui-même déclarer le commerce qu'il a eu
1
avec une femme"
(IF,II,428) _
!
1
4
;-1
ex :
"CES petites pierreries-LA sont trop peu de chose pour
, 1
.1
vous, Mademoiselle"
(IF,II,328).
i
-1
1
j
S
ex :
"Faites à l'égard de CE coquin-LA tout ce qu'il vous
j
plaira"
(IF,II,324).
Il est vrai que cette nuance péjorative est largement favorisée
dans la plupart des cas par la présence de caractérisants ou de
quantificateurs négatifs tels que "sortes",
"petites",
"trop p~u",
"coquin",
"amourette", et même souvent par la ferme sY::1taxique
restrictive
(ne:-~que).
b)"-La localisation
Elle est liée au temps et à l'espace même de la narration.
L'acte de monstration est plus concret et fait appel aux deux
organes les plus caractéristiques de la vie matérielle : la
vision et l'audition.
~ La monstration directe. Ici le geste de montrer s'adres:
se à la vue et coïncide avec la parole présentatrice.
l
Cf.: ex :
"On m'a chargé de vous remettre en main propre CE
paquet-CI"
(IF,II,300).
2
ex :
"Ouel est CET 8 n droit-CI, Monsieur"
(IF,II,387).
3
ex :
"Tenez, reprenez tous CES papiers-LÀ,
je n'en ai que
faire"
(IF,II,30S).

-
288 -
4
ex :
"Je croi, dit la Delorme, que vous voulez vous autres
faire l'amour à tâtons et sans dire une seule parole.
Voyez, poursuivit-elle, si CETTE demoiselle-LA n'est
pas belle?"
(IF,II,471).
- Monstration différée : le démonstratif annonce ce
qui suit. L'objet de la monstration est soit une lettre
ou un billet
(lu (e)'àlors intégralement à la suite de l ' ·
1
l énoncé présentateur), soit une chanson
(imitée aussitôt) -j
Cf.: ex :
"Je la trouvai résoluë à tout événement, elle avoit
1
déjà écrit CE billet-CI ,suit le texte intégral du
~
1
billeV"
(IF,I,255).
2
ex :
"Je fis CE couplet-CI,
je le lui donnai i et comme je
commence à avoir l'esprit satisfait,
je ne puis m'em-
1
1
pêcher de vous·le chanter" 'suit le texte de la chansow":
(IF,I,176) .
Ces deux exemples ci-dessus permettent de voir que la forme en
CI annonce presque toujours ce qui suit tandis que la forme en
LÀ reste spacialisée dans les évocations d'ordre anaphorique.
C'est là certes l'usage classique. Toutefois la fréquence de ces
éléments confère en général une telle expressivité et une telle
vivacité à l'expression qu'il est presque impossible de les
passer sous silence.
2 "'"'. Le présentatif "voilà"
,
Le cas de voilà est un peu plus délic~t. Bien souvent
ce présentatif, comme la forme en LÂ du démonstratif renforcé,

-
289 -
joue ici un rôle d'anaphorique et, présentant la conclusion d'une
narration, représente tout l'énoncé précédent
(le genre:
"Voilà,
Madame( ... ) ce que vous avez souhaité de sçavoir de Madame de
Terny et de moi"
(IF,I,169)). C'est le cas dans 32 % des cas
(1).
Pour le reste, voilà
, de la même façon que les démonstratifs
1
1
composés, introduit soit une présentation affective de phénomè-
,j
nes immatériels, soit une présentation concrète dans la situation :J
1 1
de discours. Dans ces deux cas, voilà a un effet particulièrement 1 1
~.l
Î i
dynamique.
1
-ij
i
!
a}~La présentation affective
!
Î
1
'Voilà, placé ici en position d'attaque, comporte une telle
1
tension affective que tout l'énoncé en prend les contours d'une
phrase exclamative.
Le point d'exclamation qui intervient parfois, le confirme.
1
Cf.: ex :
"VOILÀ des sentiments dignes d'un lâche comme vous"
(IF, II, 340) .
2
ex : "Elle ne pouvoit pas prouver qu'elle étoit fille de
l
,
Monsieur de Buringe! VOILA une belle raison!"
(IF,II,375)
3
.
ex :
"VOILA la vérité, Mademoiselle"
(IF,II,342).
~!,j;
l
_ . - - -e:- ~ ~ - - 't:""'-- ~
i
(1)
On dénombre 107 emplois de' voil~ dans l'oeuvre, dont 34 dans
1
ce sens anaphorique.
1
1
i
1
i
1
1
1
;

-
290 -
4
ex : "VOILÀ un beau régal pour la première fois que Monsieur
nous fait l'honneur de nous venir voir"
(IF,II,537).
5
ex :
"VOILÀ une belle réflexion,
interrompit Monsieur de
Terny"
(IF,II,503).
Voilà dans ces exemples, renvoie toujours, mais de façon fort
appuyée, à ce qui précède.
b) La présentation concrète
Présentation avec ou non indications gestuelles produisant
un exceptionnel effet réaliste.
l
Cf.: ex : "VOILÀ sa soeur, poursuivit-il en montrant sa femme"
( IF , l , l 2 9) •
2
\\
ex :
"VOILA, ~·1ada:LJe, poursuivit-elle en la présentant à Mada-
de Contamine, la demoiselle que vous avez demandée"
(IF,I,l20) .
3
'
ex :
"LE VOILA, poursuivit ... i l en me le donnant"
(IF,II,309).
4
1
ex :
"J'en ai tr9uvé les morceauX, les VOILA me dit",,",elle, en
me les donnant"
(IF,II,333).
5
,
.
ex :
"VOILA Monsieur, Mademoiselle sera bientôt contente"
(IF,II,437) .
,
ij
1
6
j
ex :
"Par exemple, ajouta Monsieur de Terny, VOILA Monsieur
1
!
Des Ronais et Mademoiselle Dupuis qui goûtent tout le
1
1
plaisir du raccommodement . . .
(et en effet ils se faisoien~
mille caresses)"
(IF,I,l26).
"""' Présentation avec précisions déterminatives
(à l'aide du
relatif) .
l
\\
Cf.: ex :
"VOILA Monsieur
que je vous amène"
(IF, 1,232) •

-
291 -
2
1
ex :
"VOILA Monsieur qui connoît mieux les raisons de mes
refus"
(IF, II,537) .
3
1
ex :
"Laissez, laissez mon bel enfant, VOILA mon laquais qui
va le quérir"
(IF,II,413).
4
ex :
"VOILÀ mon ami
( . . . ) qui peut vous instruire si bon
vous semble"
(IF,II,505-50G).
,.
Dans certains cas du m~me genre, la désignation (de l'agent)
pré- t'
f
cède la présentation
f.
1
Cf.: ex :
"Le plus fort article est celui qui regarde Sylvie que
1
\\
VO lLA" ( IF, II, 3 27) .
J
2
ex :
"Je liai connaissance avec Monsieur Jussy que VOILÀ"
( IF , l l , 4 0 0 )
1
3
ex :
"Il n'y a personne qui ne blâme Monsieur que VOILÀ,
en
1
montrant Dupuis, de ses amourettes"
(IF,I,204).
1
4
ex :
"Je vous assure pour cette femme, après ce que je lui
ai ouï dire au Révérend Père que VOILÀ, qu'elle vous
aime infiniment"
(IF,II,537).
Si l'on s'est attardé tout spécialement sur voilà, c'est parce
que ce démonstratif possède une valeur affective et expressive
toute particulière. Autrement, v~, variante de'voilà pour les
choses rapprochées, sert quelquefois à la présentation concrète
référant à ce qui suit :
1
Cf.: ex :
"Ah, oh, dit-elle d'abord, votre ami a donc trouvé à
son gré la demoiselle que j ' a i été lui chercher? Pour
vous,
poursuivit-elle, VOICI celle que je vous ai pro-
mise"
(IF, II,470) .
2
ex :
"Elle étoit seule et se promenait doucement;
et regardois
de tems en tems derrière elle. VOICI une dvanturière,
dis~je en moi-même, il y a ici quelqu'amourette"
(IF ,II,
522) •

1
-
:;':92 -
On reconnaîtra que l'effet est moins marqué que celui que pro-
duit voilà, lequel tend d'ailleurs dans la langue moderne à se
substituer entièrement
t
à voici
(1).
"-
3 -', 'A.utres procédés de sélection
En dehors des démonstratifs, le langage de pratique se sert
d'autres éléments de renforcement pour fixer avec plus ou moins
d'emphase l'attention sur les objets désignés. Parmi ces éléments,,
les pl us utilisés dans les' III ustres Françaises sont même
(adj ec-
tif indéfini ou adverbe), dès,
sitôt. Les deux derniers éléments
\\ ' '.
"
(dès et\\sitôt)
ont été évoqués plus haut
(2)
et i l serait super-
'-
flu d'y revenir. Pour~, dont l'occurrence s'élève à 784, ses
apparitions les plus fréquentes sont celles où, placé immédiate-
ment après le nom ou le pronom,
i l marque l'identité absolue,
indiqUant qu'il s'agit exactement de l'être ou de la chose en
question.
\\"
0)
Ici même\\'voiCi n'apparaît en tout que 31 fois
(contre les 107
\\ ' ,:
\\ '
fois de":,?:ilà). Et encore,
i l ne sert pour l'essentiel qu'à
la présentation des lettres et billets
(lus aussitôt à haute
voix): sur les 16 apparitions en présentation concrète
(le
reste étant des anaphoriques) ,
4 seulement se réfèrent à
autre chose qu'à des lettres.
(2)
Cf.ci~dessus p.178.

-
293 -
1
Cf. : ex
"
d'assister à son mariage qui s'est fait la nuit
MEME
de mon arrivée"
(IF/I,5)
2
ex :
"Mais enfin j ' a i été détrompé dans le tems MEME que
~i
nous devons conclure ensemble"
(IF,I,6).
3
ex :
"Je lui en parlai le jour ME}1E"
(IF,I,18).
4
ex :
"elle me le dit le soir MEME"
(IF, 1,27) .
5
ex :
"Si bien que ce fut en leur présence MEME que le marché
fut conclu"
(IF,II,544).
Cette puissance de désignatif, on Id voit encore mieux dans les
cas également très fréquents, où dès se joint à même dans le même
esprit de précision affective
6
Cf.: ex :
" Je me mis DÉS le soir-MÊME à travailler"
(IF,II,287).
7
ex :
"La chose y fut sçue DÉS le jour MÊME"
(IF,II,288).
Comme terme de renchérissement
(emploi adverbial)
l'emploi de
même
reste toujours teinté d'affectivité;
c'est même un élément
de soulignement intensif :
l
Cf.: ex :
"Je ne pus jamais lui parler en particulier ni devant
MEME
la Mousson"
(IF,II,547).
2
ex :
"J'ai MEME promis à Monsieur des Ronais de l'instruire"
(IF, l, 7)
3
ex :
"Je fis MEME plus, puisque je l'obligeai de lui promet-
tre le se~ret" (IF,II,47J).
4
ex :
"Ma cuisinière MEME ne lui a pas paru trop peu de choses,
j ' a i été obligée de la mettre dehors"
(IF,II,476) .
.,.... L'allusion
Une autre forme de rélation plus large-et moins prégnante, est
l'allusion. On pourrait l'appeler focalisation extrinsèque. Elle

-
294 -
consiste dans l'évocation implicite de choses connues des inter-
, i
locuteurs, événements ou personnages ayant existé dans l'univers
de référence large. L'effet le plus immédiat de l'allusion, c'est
d'assurer aux choses dites et même à l'expression une réalité et
un naturel qui leur donnent couleur d'évidences dans le contexte
social. En dehors des faits ou des personnages
(par exemple
Mademoiselle de l'Epine'ou gallouïn
(1))
évoqués par allusion,
..
l'élément linguistique qui sert à ce fait de langage dans les
"
Illustre'sFrançaises est la conjonction puisquedans certaines de
ses occurrences.
On connaît de cette conjonction causale la valeur subjective
d'argumentation qui fait que, par rapport à parce que
qui indi-
que la simple énonciation de la cause de façon objective et ré-
pond ~out naturellement à la question pourquoi, elle accentue,
elle, la dépendance de cause à effet faisant passer celle-ci
pour logique et incontestable. Ainsi dans les exemples qui sui-
vent le caractère incontestable descauses évoquées vient de leur
évidence même
de par l'expérience partagée des interlocuteurs.
De plus, les causes présentées n'ayant "
été l'objet d'aucune
évocation antérieure, elles apparaissent comme la manifestation
du non.dit d'une communauté déjà constituée. D'où le ton de na-
turel et de spontanéité qu'apporte l'allusion par puisque dans
---:-.--- ,",:,,~.~~.--,
1
D) 't!oir IF, l, 23 pour l'allusion
(par arl ti~ip3..ti.Crl)
.J. :1ildcmoisel-
le de l'Epine et pour celle de Galloufn IF,I,243 ou 279.

-
295 -
au moins Il des occurrences de cette conjonction
(1).
l
Cf.: ex :
"Je ne vous dirai point quelle étoit ma famille, vous
la connoissez PUISQUE nous sommes nez voisins. Je ne vous
entretiendrai point non plus de ma jeunesse, PUISQUE
nous avons été élevez ensemble"
(IF,I,ll).
2
ex :
"Vous l'avez vuë dans cet âge-là PUISQUE vous aviez
tenu un enfant ensemble fort peu de tems auparavant".
(IF, 1,12)
3
ex :
"Qu'il n'avoit point envie non plus de la mettre dans
un couvent PUISQU'il l'en avoit retirée"
(IF,I,22).
Dans les cas où puisque
fait appel non pas à des motifs antécé-
dents mais à des raisons actuelles d'ordre logique, son accent
naturel est moins évident. Ou,en tout cas, il ne peut être inscrit
dans les faits d'allusion. C'est le cas dans les exemples suivants:
1
ex :
" ... peu après que j'avois découvert la trahison de ma
perfide dans laquelle elle trempoit sans doute, PUISQU'
elle couchoit dans sa chambre"
(IF,II,385).
2
ex :
"et il est certain que mon déshonneur n'étant sçu de
personne,
j'aurois espéré ne m'en point repentir,
PUISQU'avec une femme,
j~aurois eu dans elle une vérita-
ble servante"
(IF,II,401).
Dans l'ensemble, les exemples examinés montrent que, dans tous
les cas de sélection, l'expression ~agne en spontanéité, sinon
en vivacité. Or ces éléments intensifs
(excepté peut être le cas
de l'allusion), comme le montrent les occurrences respectives,
reviennent constamment d'un bout à l'autre de l'oeuvre.
IF,I,216iIF,I,274iIF,II,284iIF,II,289iIF,II,421iIF,II,552.

-
296 -
C - ENCHAINEMENTS DISCURSIFS
Ce qu'on appelle ici enchaîne~ent n'a aucun rapport avec la
coordination grammaticale, ou s ' i l y a un rapport, i l s'agira
plus d'un rapport de fonction que de nature. Nous laisserons en
~.~
effet de côté les conjonctions de coordination,
les formes ver-
baIes, les pronoms personnels et les possessifs
(possessifs de la
première et de la deuxième personne en particulier), tous ces
éléments qui ont une vertu enchaînante réelle mais qui,
faisant
partie du système de la langue, appartiennent à toutes les formes
de communication verbale, pour porter notre attention tout spé-
cialement sur des faits de parole à effet d'enchaînement et
agissant sur le continu;
à savoir l'incise, l'interruption,
les variations de style narratif, les changements de temporalité,
etc •••
,",'
\\' '"
1)' INC,ISES
Les faits d'incise ~en prenant le mot d'incise au sens
large~ sont des faits de parole qui traduisent une volonté parti-
culière du locuteur d'insister sur un détail narratif, de ratta-
cher une idée accessoire à l'idée principale, soit pour corriger,
soit pour préciser, soit encore pour réhausser l'expression.
,
\\ 1 ' .
Dans le cas d'une oeuvre écrite comme les\\ .Tl~,!:!~~!~s~.!"~r_a~:~s~~s,es,
de tels phénomènes manifestent tout simplement la volonté de

-
297 -
l'auteur de conserver les traces de l'oral et de la spontanéité;
car i l Y a une nette contradiction plus précisément en ce qui
concerne les retouches correctives et les rectifications, entre
l'énonciation qui affirme substituer une expression à l'autre,
1
et l'énoncé qui les reproduit sans substitution.
~ Les parenthèses. Dans la parenthèse, ce qui est imité
du langage oral, c'est surtout l'intonation. Apportant une
note subsidiaire, généralement un détail facultatif,
la paren-
.. thèse est en effet énoncée sur une intonation basse par rapport
à l'énoncé principal. Elle traduit de ce fait les différents
niveaux de voix qui donnent à la narration orale vie et cou-
leurs,
1
Cf.:
ex : "Elle s'étoit trouvée dans un méchant l i t , dans un
\\
'
lieu '(je' nesçai comment le nommer)
dans la compagnie au
rang de cinquante mille gueuses'XIF,I,268).
2
ex :
"Non Mademoiselle, repris-je en la retenant et en lui
serrant les genoux
(car elle vouloit s'échapper),
je
vous aime avec toute l'ardeur dont .•• "
(IF,I,180).
3
ex
"Faites-moi la grâce
C••• )
d'instruire Valeran{sans le
,
"-
--
.
-,-.'
'normner Monsieur)
ou bien de souffrir qu'il vous instrui-
se"
(IF,II,323).
4
ex :
" ••. de fermne légitime qu'elle étoit, ne seroit plus
regardée que comme la pu ••• (l!e tra~Tlchai le ,mDt) (IF, I,
258) •
(Au niveau sémantique, la parenthèse apporte ici des manières
d'excuse) •
L'interruption volontaire qui précède la parenthèse et:
la justifie rend ce dernier exemple plus expressif encore. On aura

-
298 -
remarqué qu'en général les formules entre parenthèses sont assez
courtes, c'est-à-dire,
faites pour être énoncées sans
compromet-
tre l'intelligibilité de la phrase entière.
Il y a cependant un
exemple au moins qui contrevient à cette tendance générale :
"S'il s'en informoit, i l aprendroit que j'avois une
fille de son âge,
seulement connüe en Province, et fort
peu encore
(~ar elle a presque toujours resté dans un
" '
. couvent avec sa soeur, et qui .que' c~ soit ne s~~:>i~ qu' el-'
,le est'morte)"
(IF,II,308).
La parenthèse a ici une
valeur d'explication de vraisemblance.
Dans l'ensemble, les parenthèses, de quelque longueur qu'elles
soient, sont fortement déconseillées au XVIIe siècle par nombre
de puristes, dans le haut langage. Bary par exemple qui les qua-
lifie de "hors d'oeuvre", déclare qu'il faut même les bannir en-
tièrement (c'est-à~dire, autant dans le style soigné que dans le
ton familier)
"parce qu'elles interrompent la suite du discours,
qu'elles esloignent les réferens, et qu'elles travaillent la
mémoire" (1) •
~ Incise à valeur déterminative. C'est à peu près le
~ :
même genre d'incise que les parenthèses ci-dessus si
l'on excepte outre les marques graphiques de la paren-
thèse
(qui sont ici omises), une plus grande dépendance
(1)
En fait les exemples que donne Bary et que rapporte H.L.F.
"travaillent la mémoire" qui sont recriminées
(voir H.L.F.
IV , Il 47 '<:"'11 4 9) •

-
299 -
des exemples ci-dessous par rapport au substantif ou à
l'idée prinicipale de la phrase.
l
.:ex :
" ..• non pas comme celui dont vous parlez de ne vouloir
pas m'épouser après me l'avoir promis,'qui est le der-
nier comble de la perfidie, mais seulement de dire un
mot à qui que ce fût"
(IF,II,489).
2
ex :
"Il m'a suffit de vous avoir vüe pour sentir dans mon
âme, non pas la piété, ni la dévotion, '" elles sont con-
~"
,
'\\
traires à l'amour ardent que j'ai pour vous; mais pour
y sentir renverser tout à fait la résolution que j'avais
prise"
(IF,II,510).
~ Incise de renforcement. Par cette forme d'incise le
locuteur renforce par une phrase rapidement intercalée
pour apporter une preuve subjective, l'opinion qui semble
la sienne à propos des faits relatés.
l
"
f. : ex :
"Non pas pour me désabuser, I,m.on coeur vous justifie,
mais pour votre satisfaction"
(IF,II,317).
2
ex
"Supposé qu'il s'en désabusent eux-mêmes, ce que' je ne
. \\':,
"\\,'
, :cro'is' pas," . . ~"
( IF , II , 375) •
3
ex :
"Vous me croyez un débauché, et Monsieur, qui,',à ce que
~~ ,~~
,
',je",voi, le croit sur votre bonne foi,
se trompe aussi
pzzoo::rf
(
bien que vous"
(IF,II,505).
~ Incise à valeur phatique.
Ici le sujet parlant fait appel,
par des formules communicatives telles que "comme vous sa-
vez",
"je vous laisse à penser .• ", au sens de jugement de
l'v.üdit.üiré,
ii. S0lJ. expérience des choses.
,
l
f~: ex : "Autre sujet,'~mme vous voyez, de nouvelles réflexions.
je me déterminai pourtant"
(IF~II,304).

-
300 -
2
ex :
"Je revins, cormne je vous l ' a i dit, plus amoureux que
je n'étois parti"
(IF,I,32).
3
ex :
"Elle n'avoit que trop de penchant, cormne elle nous l'a
avoüé, parce qu'elle l'aimoit autant qu'elle en étoit
aimée"
(IF,I,97).
4
ex :
"Je~vous
laisse ~ penser quels remerciemens je lui
fis "
( IF , l , 2 8) •
5
ex :
"J'aperçus justement mon père derrière moi
( •.. )
je
,
"
.. vous
laisse ~ penser quel fut mon étonnement"
(IF, I,
243) •
Il faut préciser que dans les formules "je vous laisse à penser"
l'incise réside surtout dans le',v?catif.,~ qui apparaît subi-
tement dans le récit historique, en prenant ce terme au sens où
l'emploie E. Benveniste~ (c'est~~~dire nans le sens opposé à
discours)
(1).
~ Incise de situation, Ce type d'incise apparaît comme
la forme développée de la précédente
~ plus qu'une sim-
ple invocation par le biais du vocatif pronominal(~)
qui permet au narrateur de solliciter la mémoire ou le
jugement de ses interlocuteurs réels,
il s'agit d'un
enchaînement du récit au réel, du temps du raconté au
temps du vécu, La preuve au niveau grarmnatical, c'est
(1)
Cf. E. Benveniste;
"Les relations de temps dans le verbe
\\ \\ \\'
,
fl:a:ùçci~~" .Lu. i?rublèmes de lin9",uistique genéra'l~ , pp. 237-250.

-
301 -
!".'1il
le passage du passé défini,
temps de l'''histoire'' au
j
présent ou au futur de l'indicatif, temps du "discours"
i
1
selon la terminologie de Benveniste
(1). L'effet de réa-
1
lisme ainsi obtenu tient de ce que l'histoire, les
i
l!
faits racontés apparaissent dès lors comme des évocationsJ
de la vie réelle, de la vie quotidienne des gens
(et non ~,j
pas comme une sorte d'affabulation coupée du réel).
1
J
Cf.: ex : ~J~~nvoyai deux fois pendant ce tems-là,' comme je fis
}I
"~re hier,
sçavoir du beau.-père s ' i l voudrait souf-
Dans lexe:::: :::d::::S:U:1::::i:::O::n:O:e:e::::..v~::~:~l:~:~t
0
11·
dans l'opposition entre l'indication "ce temps-là"
(temps du réci~
!
et l'adverbe de temps"!h~~" (temps du réel) qu'il faut voir l' en- i
cha!nement en question.
2
ex :
"Elle accouchera d'un garçon qui est encore en vie et
que vous verrez bientôt avec la mère"
(IF,I,190).
3
ex : "Il rendit ce paquet à Duval, qui est mon correspondant,
à qui je l'adressois. Celui-ci à qui je mandois tout,
et que vous allez voir venir avec elle, le lui donna
en main propre"
(IF,I,193).
4
ex : "Mademoiselle Fénouil me manda qu'il en a fort bien usé,
et qu'il a eu autant de soin de mon fils,
que s ' i l avoit
;f
été à lui;
ce sont des obligations dont je m'acquitterai
demain"
(IF, 1,193) .
5
ex : "Elle l'aima tellement dès ce moment".là, qu'il n'y a
point de service qu'elle ne lui ait rendu. Kt la pauvre
femme,
à l'heure qu'il est, est presque ma seule conso-
lation •.• "
(IF,I,241).
(1) Loc. cit. p. précédente.

-
302 -
6
ex :
"Elle écrivit jusques à ce que les convulsions la pris-
sent, et c'est ce même papier que vous m'avez vû, et
que je porte sur mon coeur"
(IF, I, 268) •
De nombreux exemples de ce type d'incise, en fait sorte de com-
mentaires à propos des récits, parcourent les sept histoires
,
,
des'Illustres'Françaises.
- La réctification. La réctification illustre l'ùn des
traits les plus naturels du langage humain: l'imperfec-
tion qui fait qu'un sujet parlant est presque toujours
condamné à se reprendre, à corriger, à préciser, à nuan-
·1
1
cer une pensée, soit dans le but de mieux se conformer
1
l
aux règles de la langue, soit pour parvenir au but ulti-
1
1
me de toute communication: la compréhension des interlo-j
1
cuteurs. Dans une oeuvre écrite, donc nécessairement limij
!
1
1
tée dans ses moyens, on ne pouvait s'attendre à retrouver'
toutes les hésitations, les mimiques bien comiques par
lesquelles le locuteur réel exprime ordinairement ces
manques. Mais un certain nombre de formules stéréotypées
ou même d'outils grammaticaux expriment ici assez net-
tement la correction.
- La rectification pure. Cette appellation s'applique aux
cas où un mot ou une expression jugé plus appropriéest
introduit par le truchement des formules telles que
'\\.'
\\:_~_
','1.'"
',' \\.:
".,:
\\.
oU'bi'en,'plut~,'du
moins,',~,dans
le but ou de le modi-
fier, ou de le renforcer, ou de le préciser ou encore de

-
303 -
le nuancer. Voici lli. choix d'exemples pris parmi tant
d'autres.
- Modification
l
Cf.:
ex :
"Nous vivons chacun en liberté et comme bons amis seu-
lement ou bien plutôt comme frère et soeur, puisque
nous mangeons ensemble"
(IF,II,547).
2
ex :
"Je gardai copie de la lettre et de la promesse ou plutôti
,
, "
je ne déchirai pas les brouillons que j'avois faits"
(IF , II , 4 58) .
'-
"',
-Renforcement
l
Cf.:
ex :
"LsylvieJ fut la premlere à rechercher mes caresses,
" \\
avec un empressement, ',"ou bien' un emportement qui al loi t
,..,..,...,
jusqu'â
..,.. ..,...
,.. ........ ,
l'eff~o~terie" ~.!.L' , .!..!. , :J.l') J •
2
ex
" .•• et qu'enfin sa clôture et son couvent comme sa prison
\\. \\'
".,' "
, "
"ou' plutôt comme un' véritable Enfer"
(IF,II,509).
~""
,
-'.Préc-i'sion ou' hésitation :
l
Cf. : ex :
" Je revins au logi%~dgo8~ tems ....là,--..àu.)i'utat je m' y
fis raporter,
tellement faible et tellement c~angé qu'on
ne me connoissoit presque pas"
(IF,II,551).
2
ex :
" Votre retraite ~u votre départ ayant été longtems le
sujet de la conversation de vos amis"
(IF,I,12).
- Nuance ou précaution de langage
l
Cf.:ex :
"Elle est sage,
du moins i l y a beaucoup d'aparence que,
si elle ne l'avoit pas été, elle ne seroit jamais parve-

-
304 -
2
ex :
"Voilà mon épouse
( ... ),
je n'appréhende pas qu'elle
me manque jamais de fidélité,
du moins on ne me feroit
pas plaisir de m'en avertir"
(IF,II,402).
3
ex :
"Et franchement,
sa pénitence,
selon mon sens,n'étoit
1
pas fort sincère"
(IF,II,40S).
1
/j
L'incise, de nature, est un élément intratextuel, c'est-à-dire ~j
qu'elle n'a de réalité que dans une phrase appartenant à un énon-
cé unique, lui-même produit par un seul auteur. Sa valeur enchaî-
nante reste donc intrat~tuelle à l'opposé des autres formes
d'enchaînement qui doivent être examinées maintenant et qui, elle~
couvrent des énoncés d'auteurs distincts.
2 ~ INTERRUPTIONS VIVES
Les Illustres Françaises
sont le roman même de la con-
versation, conversation pris au sens d'échange de paroles: en
plus des onze personnages qui composent "la compagnie"
(1), chaque
histoire, par le biais de la narration sur le mode de la repré-
sentation, met en scène des personnages qui conversent. Et en y
;i.";
L
regardant de près, on constate que l'un des procédés les plus
~
fréquents grâce auxquels la parole passe d'un locuteur à un autre, ~~
c'est l'interruption. Non pas l'interruption volontaire, souvent
(1)
Ces personnages sont
-hommes: Des Ronais, Des Frans, Dupuis,
Contamine, Jussy, Terny.
-femmes: Manon Dupuis, Mme de Londé,
Angélique,Mademoiselle de Fénoül.
Mademoiselle de Bernay.

-
305 -
naturelle, mais l'interruption réelle, acte d'un interlocuteur
impatient.
Commentant une série d'exemples d'interruptions extraites
pour la plupart d'oeuvres classiques, M. Larthomas observe que
souvent "C'est la vivacité des interlocuteurs et la force de
leurs sentiments qui légitiment ces interruptions"
(1). C'est
qu'en général même, en dehors des cas d'accident de langage ou
de raisons dramatiques
(entrée ou sortie de personnage, mouve-
ments divers de déplacement,
Cf. ex.:
"Et ... , 'je voulus poursuivre lorsque cette femme
revint encore"·
(IF, II, 528)1
l'interruption, outre qu'elle est en elle-même un fait de sponta-
néité, répond à un mouvement affectif intense. De plus, elle
suppose un contexte familier,
surtout au XVIIe siècle où déjà
il apparaît "très impoli d'interroger un supérieur" parce que
"l'interrogation suppose de la familiarité"
(2). A plus forte
raison, ce n'est pas un hasard s ' i l a pu être constaté que dans
(1)
Cf. Larthomas, Le langage dramatique, p.267.
(2)
Ces mots sont de Grimarest. A propos de ce problème et aus-
si de la citation de Gnmarest, cf. H.L.F.,
IV,
369.

-
306 -
la tragédie classique l'emploi de l'interruption "est très limi-
té malgré la violence des passions" alors que les interruptions
sont "nombreuses dans la comédie"
(1).
On distingue ici dans les Illustres Françaises
deux formes
d'interruptions
-
l'interruption dont nous savons qu'elle est interruption
par~jugement du narrateur, lequel, après une phrase norrna-
lement achevée introduit la réplique d'un autre personnage
en utilisant le verbe interrompre
comme verbe introducteur
-
l'interruption qui nous apparaît directement, c'est-à-dire
où une phrase ébauchée est effectivement suspendue au profit
de la réplique. Certes, dans le premier cas l'appellation
"interruptionlt semble abusive de prime abord. Mais il suffit
de voir la vivacité de la réplique qui suit la phrase nor-
malement achevée pour se rendre compte que le lecteur aurait
tout le tort de se défier du jugement du narrateur.
Le nombre total d'interruptions atteint soixante si l'on s'en
remet ainsi au narrateur
(qui, il faut le rappeler, n'est pas
toujours l'auteur surtout dans les cas qui ont été comptés).
-
interruptions en fin de phrase
(au total 41 exemples sur les
60). La vivacité est marquée par le rejet du verbe intro-
ducteur à l'intérieur ou à la fin de la réplique.
(1)
Cf. Larthomas, Le langage dramatique. Loc.cit.p.305.
M. Larthornas compte par exemple quarante-six interruptions
dans le Misanthrope contre à peine neuf dans Cinna.

-
307 -
1
Cf.: ex :
"Cela étant, repris-je, vous aimez à prendre une
inutile en vous forgeant des montres et des chimères
pour les combattre en effet. Mon Dieu, Monsieur inter-
rompit la mère, ce que Monsieur dit n'attaque point
chimères, ce sont les vices où tous les jeunes gens
sont sujets"
(IF,II,505).
2
ex :
"Sylvie la lui écrivoit de son couvent, et lui mandoit
qu'elle avoit pris ce parti sans l'instruire du lieu.
Quoi, interrompit encore des Frans,
joignant les deux
mains,
Sylvie a encore été assez perfide pour écrire
à Gallduin
qu'elle étoit Religieuse!"
(IF,I,7).
3
ex :
"Vous ne savez~ui elle est; croyez-moi, soyez discret
sur ce qui la regarde. C'est tout ce que je lui deman-
de, Monsieur,
interrompis-je"
(IF,II,324).
4
ex :
"et je lui ai oui dire à elle-même qu'elle trouvait
Sylvie si sage et si aimable, qu'elle avoit poursuivi
par inclination ce qu'elle avoit commencé par devoir.
Quoi, Monsieur!
interrompis-je, vous me donnez des
soupçons qui font tort à la vertu de Madame de Cranves" ~
( IF , II , 3 6 2) .
.',
5
ex :
"Elle m'a même offert cens louis d'or. Et à quoi pouvez-
vous leur être utile,
interrompis-je . . . "
(IF,II,308).
- interruptions en milieu de phrase
(19 cas). Ici, outre
le rejet du verbe introducteur à l'intérieur ou à la
la fin de la réplique,
i l y a effectivement arrêt au
et au théâtre de telles indications suggèrent que
l'acteur ne doit pas baisser la voix.

1
1
-
308 -
1
1
l
Cf. : ex :
"A l'égard de vous épouser, toute la terre me blameroit t
si j' épousois une fille telle... Je sçai bien inter-
t
rompit-elle brusquement que je ne suis qu'une simple
1.
servante"
(IF,I,80).

2
ex :
"J'ai envie d'en parler à ... C'est ce que je vous défends
absolument,
lui dis-je en l'interrompant"
(IF,I,254).
3
ex :
"Si quelqu'un de vous autres,
sur sa bonne foi, avoit
besoin de mon service, je ... tout est Vris ici, lui
i
dit sa femme en l'interrompant"
(IF,I,273).
j
1
4
ex :
"Ma femme et mon valet de chambre sont tous deux pleins
de vie et . . . . Poursuivez, interrompit en riant Madame
1
de Contamine"
(IF,I,142).
1
5
i
ex :
"Je vous suplie, Madame, lui dis-je . . . . Parlez - lui, à
1
1
lui-même dit-elle en m'interrompant"
(IF,II,324).
1
1
6
ex :
"Adieu Madame,
je vous . . . . C'en est assez, Monsieur, dit-
elle, en m'interrompant"· (IF,II,394).
Un cas encore plus expressif mais plus rare d'interruption, consis-
te dans une sorte d'enchaînement syntaxique où la réplique termine
sur une note plus élevée une phrase entreprise par le premier
locuteur.
Cf.:
"Je ne vous dis ce que j'ai fait,
qu'afin que nous cherchions
des moyens qui, en nous conservant l'un à l'autre puissent
nous mettre à couvert des suites fâcheuses qui nous parais-
sent à craindre: et qui sont même inévitables, ajouta-t-
elle en m'interrompant"
(IF,II,345).
On voit cOllUnffitl' adverbe de renchérissement même
renforce l~expres-
sivité de la phrase ébauchée par le premier personnage. La vivacit~

-
309 -
i
1
de l'interruption est d'autant plus évidente.
On ne reviendra pas sur la valeur accentuelle des interrup-
1
tions. Mais comment ne pas insister sur leur caractère éminemmen~
oral!
3 - Variation de style
Quand on reproduit les paroles ou pensées de quelqu'un,
en d'autres termes quand on enchaîne sa propre parole aux paro-
les ou· pensées d'autrui, on peut le faire de trois façons
- Le locuteur peut se servir du style direct s ' i l veut rap-
porter textuellement les paroles en question ;
-
Il peut utiliser aussi le style indirect conjonctionnel.
Et là c'est le contenu des paroles qui est reproduit et
non leur texte même ;
-
Il peut enfin uriliser le style indirect libre, s ' i l veut,
tout en rapportant le contenu, préserver quelques aspects
affectifs des paroles rapportées. La méthode dans ce cas,
consiste essentiellement en la substitution subreptice de
la parole du narrateur à celle du personnage :
"on a d'abord l'impression que c'est l'auteur qui parle
en son propre nom pour que l'instant d'après, on consta-
te, grâce à la
( . . . )" logique de la pensée" (1)
que c'est
(1) La formule est citée de Bally.

- 310 -
le personnage mis en scène
( ... ) qui nous apprend 'ses pen-
sées"
(1).
Cette troisième méthode de reproduction n'existe pas
dans les Illustres Françaises, ce qui est très significatif
(2)
;
quant aux premières, leur emploi appelle quelques remarques.
- Emploi du style direct.
Les histoires des Illustres Françaises sont tous des faits
rapportés par des témoins soit "oculaires"
(parce qu'ils
sont eux-mêmes les héros), soit par "ouï dire"
(intimes)
des événements. Ce qui explique que leur récit, ou, à l'in-
térieur des récits,
les citations, aient toujours lieu selon
les "propres mots" des actants, c'est-à-dire, au style direct.
Or il est un fait que "dès que le rapporteur reproduit les
paroles de quelqu'un, i l le fait avec l'intonation propre
de la personne"
(3); ce qui prouve déjà, non seulement que
les paroles sont reproduites avec une forte dose d'affectivi-

(ou tout au moins subjectivement), mais surtout qu'elles
(1) Cf. VerschoorJan Adriaan : Etude de grammaire et de style
sur le style direct et les styles indirectS
. p.38.
Techniquement, et en règle générale, cette forme de repro-
duction indirecte se distingue de la forme conjonctionnelle
par l'absence d'introduction, c'est-à-dire de verbes et de
conjonctifs introduisant la pensée reproduite.
(2) Cela signifie au moins que l'artifice dans l'expression n'est
pas entretenu de propos délibéré.
(3) Cf. à ce propos Verschoor
(J.A.)
op.cit, p.5.

-
311 -
sont intonées ou mimées suivant le parler
(ordinaire ou
émotionnel)
du personnage cité. Les exemples les plus évi-
dents sont d'une part les propos du vieux Dupuis parlant à
1
sa fille et à Des Ronais, propos déjà cités mais qu'on nous
i
excusera de reprendre
(cette fois plus longuement):
"Cela donna matières à d'autres plaisantes conversations
entre lui,
sa fille et moi . . . C'est une terrible chose
que ces démangeaisons de la chair, di-oit-il,
surtout
pour de jeunes filles.
Les exemples de tant de malheu-
reuses qu'elles voient tous les jours, ne les rendent pas
plus sages : au contraire plus i l y en a de libertines
aujourd'hui,
et plus i l y en aura demain. Je me figure,
poursuivoit-il, qu'elles se parlent ainsi à elles-mêmes.
Telles et telles ont fait des enfans, et se sont perdües
de réputation et d'honneur;
c'est qu'elles n'ont pas
eu l'esprit de cacher leur secret comme telle et telle,
dont on ne parle seulement pas. Madame une telle accoucha
i l n'y a que six mois: elle souffrit des douleurs in-
concevables; elle fut si mal qu'on désespera de sa vie,
elle-même crut en mourir ; elle juroit son Dieu et son
ame, que si elle en pouvoit réchapper,
son mari ne
l'approcheroit jamais: elle renonçoit à tous les hommes:
cependant malgré ses douleurs, la voilà encore gr .sse~
et outre son mari on dit qu'elle a encore un amant favo-
risé ;
i l faut donc que ce soit un grand plaisir que
celui de la compagnie d'un homme. La curiosité porte à
les-réflexionsémeuvent
en goûterV. les sens; un gaillard les surprend dans le
moment de la tentation ; elles résistent un peu pour
faire honneur à leur défaite: enfin elles succombent ..• "
(IF,I,45) .
(on vl);. t
co!!'.ment brièveté du souffle, ton sarcas Lique, etc
..
sont
rendus;
à remarquer aussi dans les verbes introducteurs la répéti-
tion de l'imparfait d'habitude qui produit un effet descriptif)

-
312 -
d'autre part la fureur du père Des Prez contre son f i l s :
n
Parbleu Monsieur, me dit-il, vous me préparez une
belle récompense. Avez-vous peur de n'avoir pas de quoi
vivre, ou de n'en pas gagner, que vous voulez jurer
d'en gueuser? Si je vous croyois, ajouta-t-il avec une
fureur terrible, l'ame assez basse pour vous jetter dans
un couvent,
je vous tordrois morbieu le cou tout à l'heu-
re; ou je vous enfermerois dans un endroit où vous seriez .'~
aussi bien claquemuré pour le moins. Fi, au Diable,
poursuivit-il, miserable ame de bouë et de crapule! Vous
n'en serez morbieu pas pendant ma vie, c'est de quoi je
vous répons;
j'y mettrai bon ordre."
(IF,I,243).
ou celle encore plus fougueuse de Mademoiselle de l'Epine
(mère):
n
A peine pus-je achever tant elle m'interrompit de fois.
Quoi dit-elle,
la friponne est mariée ! Elle est grosse!
Je l'étranglerai, où est-elle? C'est vous qui l'avez
débauchée! Je vais en avertir votre père pour vous faire
mettre à Saint-Lazare. Je la mettrai entre quatre murail-
les. Ne suis-je pas bien malheureuse! Après l'avoir si
bien élevée! Me voilà ruinée! Mon procès est perdu! Je
suis réduite à l'aumône! Où est-elle que je l'étrangle?
La malheureuse! La denaturée! La coquine! . . . "
(IF,I,257).
outre les éléments stylistiques propres à chaque exemple, le re-
jet du verbe introducteur à l'intérieur des phrases reproduites,
verbe introducteur dont l'intonation faible
(par différenciation
avec l'intonation rapportée),
illustre son caractère secondaire,
ce rejet donc permet de voir l'importance affective des paroles
mentionnées tant pour le narrateur que pour les personnages mis
en scène.
-
L'emploi du style indirect conjonctionnel. En général cette
méthode de reproduction n'a aucune valeur particulière tant

-
313 -
elle reste assez neutre car ici, c'est l'idée seule qui comp-
te. Ainsi, son emploi n'aurait attiré aucune remarque particu-
lière s ' i l ne s'y ~joutait cet élément d'expressivité qu'est
la reprise de que introduisant des complétives parallèles.
Cf.:
"Elle me dit honnêtement que l'état où je la voyois, étoit
celui que sa mère lui avoit toujours fait prendre ;
qu'il n'y avoit rien d'extraordinaire à sa
parure;
que jusques à notre mariage elle se conformeroit aux volon-
tez de sa mère, mais
qu'après cela je serois le maître de ses habits"
(IF,I,181).
D'autres exemples encore plus expressifs existent dans le texte.
On se reportera à ce propos à ceux déjà mentionnés à propos de
la structure des phrases(l) .
- passage du style indirect au style direct. Fort fréquent
dans l'oeuvre, ce fait de style est l'un des plus importants
facteurs de spontanéité.
Il consiste essentiellement en ceci~
un narrateur rapporte au sty.le indirect les actions ou les
propos d'un personnage,
jusqu'au moment où, arrivé sur un
détail jugé important pour la suite de l'histoire ou pour
son intérêt affectif,
i l passe brusquement au style direct.
Il arrive que ce saut d'un style à l'autre se fasse de phrase
à phrase comme dans l'exemple suivant:
(1)
Cf. supra p. 215.

-
314 -
"Nous passâmes devant un limonadier où je voulus la
faire entrer avec sa compagnie; elle ne le voulut pas.
Vous n'êtes point à jeun, ni dans un hopital, me dit-elle
en riant"
(IF,II,295).
Mais le plus souvent i l a lieu à l'intérieur d'une même construc-
tion, en faisant par exemple du propos rapporté la principale d'
une subordonnée énoncée à l'indirect.
Cf.:
" . . . et reçut les conditions qu'on put lui donner: et lorsqu'
on le vit dans un état plus tranquille, J'admire votre modé-
ration, lui dit-elle, Monsieur de Contamine . . . "
(IF,II,40l).
ou plutôt en introduisant les paroles citées à la suite d'une
locution prépositive de présentation
l
Cf.: ex :
"Il me quitta, et pour adieu :Monsieur l'Elu, à deux heu
res, lui dis-je en riant"
(IF,II,288).
2
ex :
"Valeran vint desservir
( ... ) et pour lors : Faites-moi
la grâce, Madame, lui dis-je ... " (IF,II,323).
C'est là un procédé assez goûté au XVIIe siècle. On le retrouve
dans les romans au ton familier comme le Francion ou les Mémoires
de MLDR. A noter d'ailleurs que, comme à l'époque classique les
nŒ~ypographiques de présentation des faits de dialogue ou plus pré-
cisément d'un énoncé en citation
(les deux points, les points de
suspension ou les guillemets)
n'avaient pas encore vu le jour,
ce procédé est une façon commode pour les écrivains de marquer
que quelqu'un va intervenir. Mais la vivacité qu'il introduit dans
l'énoncé est souvent mise à profit
(comme on le voit ici)
pour
créer
un effet de spontanéité.

-
315 -
4 - ENCHAINEMENT DE TEMPORALITE
Autant l'incise,
l'interruption,
la variation de style sont
des faits de récit,
autant le changement de temporalité s'ins-
crit en dehors du récit proprement dit, ou ce sens qu'il est le
passage du temps fictif de la narration au temps réel des inter-
locuteurs.
Dans la réalité de la vie un récit que fait un ami donne tou-
jours lieu à quelque digression dès que celui-ci évoque un per-
sonnage connu de tous,
ou un événement du passé ayant eu quelque
répercussion sur la vie du groupe ou plus particulièrement d'une
personne amie. On voudrait par exemple avoir des nouvelles de
l'ami commun, ou en savoir plus sur l'évolution ultérieure des
choses. Parfois aussi son récit évoque des faits tellement pathé-
tiques que nous ne nous gênons pas
(c'est entre amis)
d'interve-
nir brutalement pour dire notre sentiment,
si ce n'est le narra-
teur lui-même qui s'interrompt pour interpeller son auditoire
sur ces faits.
Ces espèces de ponts entre la vie racontée et la
vie réelle sont extrêmement fréquentes dans les Illustres Françai-
ses où on relève les trois situations caractéristiques, à savoir:
1~ quand le narrateur s'interrompt soi-même;
2) quand il est interrompu;
3) quand il s'agit d'un commentaire collectif.
Le passage du passé défini aux temps imperfectifs de l'indi-
catif
(présent et futur simple)
reste l'un des traits distinctifs
les plus plausibles de ces faits de parole.

-
316 -
a)
- Un narrateur conduit normalement son récit et
(souvent
à la faveur d'un détail lié à la vie présente)
s'inter-
rompt soudain pour s'adresser à l'auditoire
(1).
- pour évoquer l'action d'un personnage connu de tous.
Cf.:
"Je n'ai pas besoin
( . . . ) de vous faire réfléchir sur cette
action. Tout le monde connoît Madame la Prinrp~se de Colo-
gny pour un exeTI!El,e de _t~utes les vertus chrétiennes"
(IF,
l, 109) .
- Pour rappeler des choses, raviver des souvenirs.
1
Cf.: ex :
"Ce fut vous, poursuivit Des Frans parlant à Dupuis,
qui m'en parlâtes le premier"
(IF,II,378).
2
ex :
"Elle n'aimoit pas la cohuë; ainsi elle se retrancha
dans une compagnie petite, ~ais choisie, qui s'assem-
bloit presque tous les jours chez vous. Man~me. dit-il,
à Madame de Londé~ ou chez elle, avec qui Madame Galloüin
permettoit ~ue_ vous e~ Mesdemoisell~s vos soeurs fré-
9..uentassiez"
(IF,II,379).
- pour dévoiler une confidence maintenue depuis peu.
Cf.:
"Voil~_,_Mada_mer continua Des F,rans r en parlan+- à Madame
- de_ Coptamine, ce <Iue te disois à Madame de Mongey.'. lorsque
yous_~vez prétendu deviner notre conversation"
(IF,I,195-
196) .
- pour rappeler sa confiance à l'occasion d'une confidence.
Cf.:
"Si je vous croyois capable de lui rien dire, poursuivit
Dupuis en s'interrompant lui-même,
je ne parlerois pas si
franchement que je parle ; mais vous êtes tous honnêtes
gens, et je me fie sur votre discrétion tant pour ceci
que pour le reste que vous allez entendre"
(IF,II,521).
(1)
'C'est la variante plus étendue de ce qui a été appelé précé-
demment incise de situation. On rapprochera aussi ce procédé
de l'aIl usion 1 •

-
317 -
pour s'étonner de l'attitude de l'auditoire face à cer-
tains détails du récit.
11t
Cf.:
"Vous riez, poursuivit de Terny, en s'interrompant soi-même,
vous croyez que ce déguisement est un incident de roman
f
purement inventé,
i l n'est pourtant rien de plus vrai; et
j'en puis répondre puisque c'est moi-même qui m'en suis
servi" (IF, I, 142) .
1
- pour faire partager son sentiment personnel ou pour deman-
1
der un avis.
11
1
Cf.: ex : "Rendez-moi lj.ustice, poursuivit Des Frans en s'interrom-I
pant lui-même, avez-vous jamais entendu parler d'un
i
j
procédé et d'un désintéressement plus honnête, plus·
1
!
sincère, plus franc,
plus généreux?"
(IF,II,354).
1
2
ex :
"De bonne foi, mon cher ami qu'auriez-vous fait en ma
1
1
place? Quel parti auriez-vous pris?"
(IF,I,58).
i
1
3
i
ex :
"Le récit que je viens de faire me fait assurément re-
i
1
garder comme un scélérat, et ma veuve comme une sensuel- i
1
lei
mais, Messieurs, mettez la main à la conscience,
i l n'y a pas un de vous, qui en ma place n'eût fait ce
que j'ai fait"
(IF,II,502).
-
pour tirer des leçons :
Cf.:
"Non, plus je me représente cette démarche, et plus je m'en
souviens, plus je me dis à moi-même que les femmes sont
incompréhensibles"
(IF,II,354).
- Enfin pour solliciter une pause dans un récit harassant.
Cf.:
"Mais Monsieur et Madame, poursuivit Des Frans en s'interrom-
pant lui-même, et en parlant au maître et à la maîtresse de

-
318 -
la maison,
je ne sça'
si vous ne vous altérez point à m' écou-
t e r ; mais moi je m'altère à tant parler:
il faut être plus
Heros de Roman que je ne suis, pour conter une histoire si
longue d'un seul t r a i t ;
faisons une pause"
(IF,II,337).
b)
Un auditeur interrompt··.
spontanément la narrateur pour
réclamer des informations supplémentaires ou pour en donner
lui-même ou plus simplement pour réagir affectivement à un
détail du récit.
- demande de nouvelles ou d'informations supplémentaires.
l
Cf. : ex :
"Je prendrai encore pour témoin Monsieur de Jussy, dont
vous avez tant entendu parler. Est-il encore à Paris
demandèrent à la fois des Ronais et Dupuis" (IF, 1,8) •
2
ex :
"Il en useroit à son égard comme Mademoiselle de l'Epine
en avoit usé à l'égard de sa fille ... Quelle étoit cette
Demoiselle de l'Epine, interrompit Des Frans"
(IF,I,23).
3
ex :
" ... Cependant, vous ne nous avez point empêché de porter
nos conjectures jusqu'à la verité, par une lettre qu'ellE
lui écrivit environ six mois après son départ et le
votre. Sylvie a encore écrit à Galloüin, reprit Des Fran~
tout surpris! Et vous dites que l'injure qu'elle m'à
faite n'étoit pas volontaire?"
(IF,I,7).
- ~orrection, redressement d'une vérité.
l
Cf. : ex :
"Je ne la reconnus qu'à la peinture qu'on m'en fit.
Vous vous trompez interrompit Des Ronais en cet endroit,
je sçai la vie de Rouvière presque par coeur, il est
mort en prison.}-}_ n'y a que peu de tems; ... "(IF,TI,349)

-
319 -
1
2
ex :
"Je tranchai court sur son compliment, et la priai
il
d'aller nous faire apporter à dîner, et cependant nous
f
rest!mes seuls Sylvie ~t moi. Sylvie avoit raison, inter-I
rompit Dupuis, de vous dire que Madame Morin étoit ~;,
II..
femme d'une vertu parfaite,
je vous l ' a i déjà dit"

II,351) .
-
intervention pour éviter des gênes à un personnage en
regard à son passé.
Cf.:
"Je ne la vis que rarement en public: au contraire i l sem-
bloit que j'étois attaché ailleurs. Poursuivez votre his-
toire, lui dit Des Ronais, pour sauver un peu de confusion
de la belle Madame de Mongey qui effectivement avoit rougi,
nous sçavons tout de ce que vous avez fait,
il est inutile
à présent d'en rappeler la mémoire"
(IF,II,378).
-
intervention pour plaisanter
1
Cf.:
ex :
"Nous en parl!mes assez longtemps : Mais pour revenir
à lui, le portrait
que vous m'avez fait de
votre maîtresse, lui dis-je, m'a charmé, et sa constan-
ce me paraît un prodige dans le siècle. Vous sçaurez
quelque jour, continuai-je, par quel endroit l'infidé-
lité des femmes est si bien établie dans mon esprit, et
vous m'avoüerez que ce n'est pas sans raison que je me
déchaîne contre leurs fourbes et leur peu de bonne foi.
Ce que vous dites-là est fort galant, interrompit Madame
de Contamine, et c'est fort bien nous faire votre cour"
(IF,I,196) .
2
ex :
"C'est l'auteur des avis qui est un coquin digne de la
corde. Ma mère curieuse comme une femme ... Achevez votre
histoire, Monsieur, lui dit Madame de Contamine en
l'interrompant, le génie des femmes n'y fait rien"(IF,II,
3 72) •

-
320 -
l1l
1
1
c)
Commentaire collectif. Le commentaire collectif est
1
1
plus systématique.
et moins spontané. Sa
1
distribution en est d'ailleurs la preuve: il se retrouvej
à la fin de chaque histoire. Mais son intérêt réside dansl
!
ce qu'il confère aux récits un ton encore plus naturel
en ceci qu'il offre des pauses tant au narrateur lui-même
qu'à ses auditeurs, pour revenir au réel. Et puis surtout~
il illustre l'ambiance du groupe, c'est-à-dire la gaîté
familière.
5 - Enchainements de registres
Ici il sera question de deux types d'enchaînement: l'enchaî-
j
nement parole-écriture et l'enchaînement parole-geste. Le pre-
1
mier a pour objet le passage fort fréquent de l'expression libre
Il
à l'écriture
(ou à l'expression épistolaire)
à travers la lecture
à haute vois des lettres et billets échangés entre protagonistes
• 1
, 1
le second, les indications gestuelles de toutes sortes montrant
attitudes, gestes ou mouvements particuliers d'un locuteur ou
1
d'un auditeur.
a)
Enchaînement parole-écriture
La lettre et le billet figurent parmi les moyens d'expression
favoris des personnages des Illustres Françaises, en particulier
entre personnages masculins et personnages féminins
(1). Dans une
(1)
Cet état de chose est déjà significatif de relations sociales
caractérisées par une relative intimité.

-
321 -
étude consacrée à la communication épistolaire dans l'ouvrage
de Challe, Bernard Bray note que "c'est certainement par centai-
nes
(à peu près entre trois et cinq cents)
que se comptent les
lettres auxquelles il est fait dans le roman des allusions plus
ou moins précises"
(1). Mais le nombre exact des lettres et bil-
lets dont le texte intégral ou partiel figure dans l'oeuvre et
qui sont donnés comme lus à haute voix par les narrateurs est
de vingt-sept
(2). Et chaque lettre ou billet intégral ou partiel
présenté à l'auditoire
(souvent à l'appui de ce que vient de dire
le narrateur)
est précédé de formules déictiques telles que "la
lettre
(ou le billet)
que voici",
"voici la lettre
(ou le billet)
mot pour mot", ou "cette lettre
(ou ce billet)
ci",
"cette lettre
(1)
Cf. "Communication épistolaire et intersubjectivité dans les
Illustres Françaises" in Revue d'Histoire Littéraire de la
France, n06, année 1979, pp.995.
!
!
(2)
Ce chiffre que nous avons trouvé avant d'avoir pris connaissan-i
'1
ce de l'article de Bernard Bray (ci té ci-dessus),
se trouve
"j
être le même que celui que fournit L.J. Forno cité par Bray
!
,1
(cf. note 4). Bernard Bray lui-même donne le chiffre de 29. Eni,
tout cas, toutes sortes de vérification faite,
nous retrouvons
toujours 27. Voici d'ailleurs le détail.
- Lettres
(avec le mot lettre mentionné à l'en-tête): ~ (cf.
IF,I,30;IF,I,57;IF,I,62;IF,I,83;IF,I,138;IF,I,143;IF,I,150;
IF,I,153;IF,I,159;IF,II,355;IF,II,402;IF,II,538);
IF I, 90
- billets
(annotés de la même façon): ~ (cf.IF,I,87;vîF,I,106:
IF,I,177;IF,I,213;IF,I,247;IF,I,248;IF,I,249;IF,I,255;IF,I,263;
IF,I,268;IF,II,309;IF,II,337;IF,II,366;IF,II,374) .
Les autres énoncés marqués en italique sont soit des chansons
(cf.IF,I,176;IF,II,294), soit des vers
(cf.IF,I,52), soit des
titres de lettres
(IF,II,300;IF,II,303), soit des citations
( IF , II, 48 0) .

-
322 -
(ou ce billet) là ", ou lices paroles", lices mots ", etc . . . Suit alors
le texte
(en italique dans l'édition que nous utilisons).
De plus, aussitôt après le texte de la plupart des lettres
ou billets, ont lieu des commentaires,
soit du narrateur seul
(c'est le cas presque partout), soit de tous les interlocuteurs
(cf. par exemple IF,II,4üS)
sur son contenu. Ainsi, l'élément
écrit
se trouve parfaitement enchaîné avec les paroles.
b)
Enchaînement
parole-geste
(1)
L'auteur des Illustres Françaises -et c'est là l'une des
originalités de l'oeuvre- prend un soin scrupuleux à marquer,
(particulièrement dans les passages au style indirect), gestes
et attitudes des personnages
(gestes d'interpellation, regards,
rires,
introduisant ou ponctuant une intervention). Un certain
nombre de termes ou plus précisément de verbes pris au gérondif
sont les supports de ces notations qu'on pourrait bien assimiler
à des indications scéniques.
-gestes déictiques. Les formules qui servent à la référence
directe sont, pour l'essentiel,
"en s'adressant à"
(27 occur-
rences),
lien parlant à"
(47 occurrences), qui supposent, parmi
(1)
Geste doit être pris au sens très général incluant les "gestes
vocaux", c'est-à-dire les faits para-verbaux
(soupirs, gémis-
sements, mu~mu~es~
2t.c: . . . ) .

-
323 -
1
un groupe d'hommes, un mouvement du regard vers la personne
1
désignée.
1
Cf.:ex:
" Nous arrivâmes comme ils en étoient encore sur les
1
articles de ce prétendu mariage. La vuë des Dupont me
fit taire d'abord, parce que je ne les connoissois pas
1
mais je ne fus pas longtems sans les connaître, le com-
pliment du fils m'instruisit. Mademoiselles, lui dit-il, 1
en s'adressant à elle, voulez-vous bien que je vous
t
1
témoigne ma joie ... "
(IF,I,36).
~
l'
2
ex :
"Belle Angélique, continua-t-il, en s'adressant à elle •. ~li.~
(IF, 1,92) •
1
3
1
ex :
"Dupuis entra dans ce moment;
il venoit les quérir pour
1
les mener souper chez lui. J'ai fait ce que j'ai pu
pour y faire rester ma cousine, dit-il; mais Madame de
Contamine avec qui elle étoit, me l'a enlevée ..• Elle
m'a pourtant prié d'être demain à dîner au logi$. Elle
m'a assuré que vous en seriez, poursuivit-il, parlant à
Des Frans, et que vous y amenerez un de vos amis ... "
1
( IF , l , 1 2 3) .
1
A ces trois formules il faut ajouter "en montrant"
(17 occurrences}l
"en présentant"
(3 occurrences)
qui sugg~rent également une dési- l!
gnation directe.
1
Cf.:ex :
"Voilà M. Dupuis, lui dit-elle, en me montrant à lui,·
de qui je vous ai plusieurs fois parlé"
(IF,II,453) .,,,..
2
ex :
"Voilà Monsieur que je vous am~ne dit-elle en me le
présentant"
(IF,I,232).
-
gestes vocaux. On retiendra ici deux formules
:
"en soupi-
rant" et "en riant".
"En soupirant" est tr~s peu répandu
(B

1~
-
324 -
1
i1
occurrences)
et n'a aucun effet particulier
(1). Par contre,
1
"en riant", employé systématiquement
(96 occurrences
(2))
don-i,
ne aux paroles qu'il introduit une sorte de gaité spontanée.
t
1
Cf.: ex : "Ah Madame,
reprit Des Frans en riant, ce n'est pas
là exécuter de bonne foi le traité"
(IF,I,124).
2
ex :
"Doucement Monsieur, dit en riant une fort belle femme
( ... ) ne galantisez point tant mon mari sur sa bonne
1!
mine."
( IF , 1,125) .
1r'
3
ex :
"Ah Madame,
reprit Des Frans, vous faites prendre garde
à des choses dont on ne se seroit point apperçû sans
1
vous.
Il est vrai, dit-elle en
rian~, il n'y a que
f
1
moi qui ait de bons yeux"
(IF,I,126).
!
1
Parfois d'autres faits gestuels accompagnant le rire soulignent
1
1
encore plus nettement l'atmosphère amicale et familière.
1
!
l
Cf.: ex :
"Acceptez,lui dit-il en riant et en lui mettant au cou
un fil de perles ... "
(IF,I,93).
1
1
1
(1)
En voici deux exemples:
-"Je voudrois bien sçavoir si vous
voudriez être à présent Religieuse. Ouï, me dit-elle en sou-
pirant"
(IF,I,131)
-
"Il est vrai que je le lui ai dit, ré-
pondit Des Frans en soupirant; mais elle n'étoit que le manteau
d'une autre passion"
(IF,I,274).
(2) Voici la répartition des emplois de "en riant" entre les sept
histoires des Illustres Françai~e~: 15 emplois dans la premiè-
re histoire, 19 dans la deuxième,
7 dans la troisième, 4 dans
la quatrième,
13 dans la cinquième,
16 dans la sixième,
22 dans
la septième. On voit que le chiffre de "quelque soixante quin-
ze occurrences" qu'avance B. Bray
(op.cit. p.1002)
est large-
ment en dessous de la réalité.

-
325 -
2
ex :
"Où vous ai-je amené mon pauvre Monsieur Des Ronais,
lui dit Des Frans en haussant les épaules et en riant"
(IF,I,124) .
Ainsi, plus qu'''un tic d'écriture"
(1), ces multiples indications
gestuelles peuvent valablement être interprétées comme un indice
de l'intention de Challe de produire un véritable effet de réel
en passant spontanément de la parole directe aux formes intimes
de l'expression écrite, avec en toile de fond,
l'évocation systé-
matique des attitudes et autres faits mimiques, Challe ne vise
rien d'autre que l'expression de la vie naturelle telle qu'elle
est vécue par les honnêtes gens de son temps.
Certes~ les différents faits rassemblés da~s cette partie et
particulièrement ceux qu'on a appelés éléments de pragmatique
peuvent paraître assez banals, surtout dans une oeuvre romanes-
que et particulièrement pour le lecteur moderne. Mais i l faut
juger en 1710, époque où l'usage simultané, c'est-à-dire à l'inté-
rieur d'une même oeuvre de procédés si vivants est assez rare,
voire inexistant ailleurs. Ainsi, ce qui compte vraiment pour la
plupart des faits examinés, c'est moins leur présence même que
leur densité, c'est-à-dire leur usage répétitif soit d'un person-
nage à l'autre
(ce qui, au moins, prouve leur caractère ordinaire),
soit, pour les faits implicites, par l'auteur lui-même, ce qui
indique un certain choix.
------~--~~-~~-
(1) L'expression est de B. Bray dans l'article ci~dessus cité.

-
326 -
CON C LUS ION -
=======~===~========
Il est des notions qui ne trouvent leur parfaite illustration
que par processus dialectique. C'est le cas du langage de la conversation
tel qu'il apparaît à l'issue de cette étude dans les Illustres Françaises.
Rechercher le langage parlé dans l'oeuvre romanesque, c'est-à-dire
le réel dans l'imaginaire, l'authentique dans l'artifice, apparaissait
en
effet comme la contradiction même,
car -il faut y insister- le langa-
ge de la conversation n'a de réalité que dans la vie concrète et non
dans l'oeuvre littéraire. Lorsque l'on parle de différences voire d'oppo-
sitions entre le langage littéraire et le langage de la conversation, ces
différences et ces oppositions viennent avant tout des conditions d'utili-
sation des deux langages~ de ce que l'un est créé, l'autre parlé et vécu.
Qu'il soit possible
cependant de conserver dans l'écrit les éléments
fondamentaux de l'oral, c'est ce que prouve Challe dans les Illustres
Françaises, à en juger d'abord par tout ce qui vient d'être examiné et
accessoirement par l'audience de son oeuvre auprès de ses contemporains
puis auprès de la génération qui suit immédiatement.L'écrivain a ainsi
gagné son pari d'écrire le roman "comme [iJJ auroi[V parlé à [sefJ amis
dans un stile purement naturel et familier",
c'est-à-dire en imitant aus-
si fidèlement que possible le langage de la conversation.
A propos des moyens employés par Challe, notons d'abord que dans
l'expression "langage de la conversation", le premier terme, surtout

- 327 -
lorsque nous lui substituons langue, suppose la mise en jeu d'éléments
verbaux et de façon plus aléatoire d'éléments para-verbaux. }1ais le
second terme
("conversation")
confirme qu'ici les éléments para-verbaux
ne àoivent pas être tenus pour secondaires,
la conversation se fondant
sur un ensemble de mots, de gestes et de vocalises dans une situation de
parole créée par la présence en général réelle de plusieurs locuteurs.
Les éléments proprement verbaux mis en jeu par Challe sont divers
de nature et d'aspect. On a vu comment, au-delà d'un fond lexical carac-
téristique du champ sémantique de la familiairité,
l'organisation même
des phrases, caractérisée notamment par un agencement des termes suivant
l'élan affectif, par l'escamotage des liaisons syntaxiques et surtout
naient déjà à l'expression une sorte de ton naif propre au parler familier.
A cela viennent s'ajouter les faits extra-linguistiques qui, soit
qu'ils appuient comme les accents d'intensité des termes expressifs ou
des constructions emphatiques, soit qu'ils indiquent l'attitude particu-
lière d'un locuteur comme par exemple les interruptions vives et les
:1
intonations mimées, soit enfin qu'ils indiquent la courbe générale des
intonations, expriment tour à tour l'élan spontané d'un geste affectif,
la plaisanterie railleuse, la succession plus ou moins régulière des
temps forts et des moments faibles d'une narration familière.
Les fréquentes indications de mouvements et de mimiques diverses
(mouvements brusques, rire, gestes d'interpellation, etc ... ) qui accompa-

-
328 -
gnent les interventions dans les passages dialogués apportent comme
un témoignage visuel de l'ambiance amicale et familière dans laquelle
baigne l'échange verbal.
D'abord classés pour la commodité de l'analyse, ces faits ne peuvent
être appréciés à leur juste valeur que ramenés dfuls leurs diverses com-
binaisons au continu du texte, c'est-à-dire lorsque par exemple d'une
ligne à l'autre apparaissent successivement ou même simultanément comme
sur la chaîne parlée une inorganisation syntaxique, un proverbe ou un
juron banal, une incise restificatrice ou un brusque changement de tempo-
ralité, le tout soutenu par un rythme de base discontinu co~ne obéissant
aux allers et retours du processus inspiration-expiration.
,1 __ .L-':L:
, ~ .......... .::: --_.! - -
...L..
....... _
' - ..... ....r...
...L.....L.. ' - '-C..à.. Q..J...Lt::
dûI"~t. pêirti-
cipent les Illustres Françaises la présence de tel ou tel fait parti cu-
lier. On pourrait par exemple mentionner à ce propos certains faits
d'enchaînement discursif tels que le changement fréquent de temporalité,
l'alternance des styles direct et indirect et plus particulièrement
l'usage d'un type de phrase indirecte à structure parallèle"
faits
sans doute favorisés par le genre narratif qu'est le roman
(1). Mais,
même cela mis à part, trop de faits encore restent assez spécifiques
1
1
(1)
C'est aussi le caractère narratif du texte qui favorise en partie le
ton certes spontané, mais en même temps différent d'un type spécial
1
du langage parlé qui exige pour sa parfaite intelligibilité des com-
pensations au sens où Marcel Cressot emploie ce mot.
1
Cf à ce propos F. Deloffre:
"Langage parlé et langage d'émotion"
(Marivaux et le marivaudage, p.441).

1
1
-
329 -
1
t
1
dans leur variété et leur fréquence aux Illustres Françaises
pour dénier
1
à Challe cette réussite que représente le ton familier des Illustres
t
Françaises. S'il faut d'ailleurs rechercher à tout prix le point cardi-
1
nal de ce langage familier,
c'est, au-delà de la présence même des éléments,
1
dans la combinaison, l'entre_croisement des faits de langue et des procé-
dés, pr.esque à proportion égale d'un bout à l'autre de l'oeuvre ou d'un
personnage à l'autre qu'il faut le trouver. Aucun fait en effet ne sert
1
ici à caractériser tel ou tel personnage en particulier. Tous reviennent
f
Spontanément, fréquemment repris ou non, au fil des récits et des dialo-
1
gues.
t
Quand on sait que tout oeuvre littéraire suppose, quel qu'en soit
le ton ou le langage, une élaboration, en d'autres termes une construction
de la part de l'auteur, on voit mieux encore à quel niveau s'élève le
talent de Challe dans l'imitation annoncée du ton "naturel et familier".
On voit précisément comment cet homme qui tient toujours à ne"rien dire
qui ne fût vrai" et ne fait en écrivant que "laisser aller sa plume"
(1)
Comme i l aime à le répéter à travers toutes ses oeuvres
(en particulier
dans son Journal d'un voyage aux Indes), sait aussi garder aux choses
J
dites leur accent et leur ton/en particulier lorsque "la vérité
de
1
1
(1)
Ajoutez à cette formule la récurrence remarquable des mots sincère,
sincérité, sincèrement appliqués à lui-même
(voir le Journal d'un
voyage aux Indes, notamment p.57,61,258,etc ... ). Pour la premiè=e for-
mule citée, voir les Illustres Françaises
p LXI.
Cf.
aussi les ~émoi­
~ : "J 1 écris pour dire la vérité",( p. 88). Certes mémoire et roman
font deux choses distinctes. Mais de tels propos renouvelés ici et là
permettent de voir une sorte de préoccupation de l'auteur par l'idée
même de la vérité sous toutes ses formes.

-
330 -
l ' histoire a voulu cela".
(1)
Ce langage extrêmement fluide à la mesure de l'engouement
de l'épo~e pour le naturel et le vraisemblable a valu aux Illustres
Françaises un franc succès. Les faits l'attestent suffisamment.
On sait par exemple qu'en 1741, Landois portd
à la scène un épiso-
de du rocan qu'il intitula Sylvie
(2).
Evoquant peu après dans ses Noti-
~
ces sur les pièces de théâtre, l'ouvrage dont était inspiré la pièce de
!-i1
Landois, le marquis d'Argenson parle de "ce roman des Illustres Françai-
ses que j'ai vu à la mode dans ce moment-là", ajoutant qu"'aU ton près les
l
lecteurs s'y intéressent infiniment"
(3). Notons qu'à peine vingt ans
1
plus tard (en 1763), un autre auteur, Collé, tira à son tour des Illus-
t
tres Françaises
une comédie intitulée Dupuis et Des Ronais
(4).
!
1
!1
Confirmant l'audience effective de l'oeuvre, plusieurs éditions
t
des Illustres Françaises furent tirées presque tout le long de la premiè-
t
re moitié du XVIIIe siècle, y compris au moins deux traductions en langue
1
!
étrangère. (5) .
1
J
(1) Préface des Illustres Françaises, op.cit, p.LXII.
(2)
Cf. F. Deloffre: La nouvelle en Frqnce à l'âge classique, p.98.
(3)
Cf. F. Deloffre, introduction du Journal d'un voyage aux Indes,
note 14, p.550.
(4)
La nouvelle en France à l'âge classique, loc.
cit.
(5) En dehors des rééditions successives en France même
(1713, 1720, 1723,
1731: pte ... );
les Ill'..!s't.!."'9s E'~~~i~i::2:: ="..::.-c~t ~~û.d·ü.i~.5 ei-l all\\jlais ~.Li
1727 et en 1739 par Penelope Aubin sous le titre The Illustrions French
Levers
(cf. La nouvelle en france à l'âge classique, note 2, p.98).
Elles furent aussi traduites en allemand en 1728 par J.F.
Riedever
(voir appendice de l'édition de M. Deloffre pp.555-563). Il faut ajou-
..
1
'/
1

- 331 -
Faut-il s'étonner après ce qui vient d'être dit,
si les plus célè-
bres écrivains de la première moitié du XVIIIe siècle, Marivaux et l'abbé
Prévost, se conformant sans doute aux goûts de l'époque, durent à leur
génie non paS telle péripétie romanesque ou tel trait particulier de
style, mais plus précisément ce langage transparent, extrêmement vivant,
directement hérité des Illustres Françaises
(1).
Il faudra peut-être un jour étendre à leurs oeuvres respectives ain-
si qu'à bi~h d'autres encore l'étude du langage de la conversation. Non
seulement dans le but de situer à ses justes proportions la part qu'elles
doivent à Challe et aux Illustres Françaises, mais aussi et peut-être
surtout pour tirer des conclusions à valeur plus générale sur les caracté-
ristiques du langage de la conversation dans l'oeuvre romanesque.
Au moment où l'on parle de Nouveau Roman où l'auteur doit "voir
le monde qui l'entoure avec des yeux libres" pour constater que les objets
sont là,
"durs, inaltérables, présents pour toujours et se moquant de leur
:;Jropre sens"
(2), i l apparaît opportun de rendre une fois de plus hommage
à cette première expression du roman moderne qui, sans faux déguisement,
assume si bien sa vocation de genre imitant la réalité sociale .
.. /
ter à cela des éditions en holland~is et plus récemment en allemand,
en tchèque, etc ...
(1)
Voir encore à ce propos F. Deloffre: La nouvelle en France à l'âge
classique, Loc. cit.
(2)
.JI.lain Robbe-Grillet, ?0l:l:~~ no~y-~.ël:~__ ro~a~J p.20 et 23.

B l
B L l O G R A P H I E
-----------~-------------
l
-
CORPUS
,établie
__
CHALLE
(Robert
Les Illustres Françaises, édition critlquevpar Frederic
Deloffre, Paris, Les Belles-Lettres,
1959,
2 vol.in BO ,
613 p.
II -
TEXTES DU XVIIe ET DU DEBUT DU XVIIIe 5IECLE
A: DICTIONNAIRES
1)
DICTIONNAIRES GENERAUX
A~~EMIE
Le dictionnaire de l'Académie françoise,
dédié au Roy, Paris,
Vve de J.B.
Coignard,
1694,
2 volumes in 4°.
FURETIÈRE (Antoine): Dictionnaire Universel, contenant généralement tous
les mots françois tant vieux que modernes, et les termes de
toutes les sciences et des Arts .•. et enfin les noms des auteurs
qui ont traitté
(sic)
des matières qui regardent les mots.
A la Haye, à Rotterdam: chez A.
et R. Leers,
1690, 3 vol.;3Bcm.
RICHELET
(Pierre): Dictionnaire françois contenant les mots et les choses,
plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise,
ses
Expressions Propres, Figurées et Burlesaues, la Prononciation
des Mots les plus difficiles,
le Genre des Noms,
le Régime des
verbes avec les Termes les plus connus des Arts et des Sciences, le
tout tiré de l'usage et des bons auteurs de la' langue francoise.
A Genève, chez Jean Herman Widerhold, MDCLXXX, 2t en 1. vol.

I I
2)
DICTIONNAIRES SPECIALISÉS
i1
LEROUX (Philibert-Joseph): Dictionnaire comique, satyrique, burlesque et
1
proverbial ...
!i
Nouvelle édition 1-11, 1701, in 8 0 ,
2t en 1 vol.
i
OUDIN
(Antoine): Curiositez françoises pour supplément aux dictionnaires
1
ou Recueil de plusieurs belles propriétez, avec une infinité
f
de proverbes et quolibets pour l'explication de toutes sortes
t
de livres.
1
Paris, A. de Sommaville, J640, in 120,
6J5 p.
1
B - OUVRAGES CRITIQUES SUR LA LANGUE OU LA RBÉTORIQUE DU XVIIeSIECLE
ALE!>lAND
Nouvelles Remarques de Vaugelas sur la langue françoise avec
des observations de M. Alemand.
A Paris, chez Guillaume Desprez, imprimeur et libraire ordina~-
re du Roy, rue St Jacques, MDCXC
(1690), 519 p.
BARY (René): La rhétorique françoise ou pour principale augmentation on
trouve les Secrets de notre langue.
Nouvelle édition revuë
et augmentée, à Paris chez Pierre le
Petit, J.IDCLXXIII(l673), 386 p.
BOI'$REGARD (Andry de):
Reflexions ou Remarques critiques sur l'usage pré-
sent de la langue françoise, par A.D.B.
Seconde édition, révuë, corrigée et augmentée d'une tablette-
nécessaire.
A Paris, chez Laurent d'Houry, rue st Jacques, devant la Fon-
taine st Séverin, au St Esprit. M.DCXCII
(1692),
702 p.

III
BOUHOURS
(Le P. Dominique): Doutes sur la langue françoise.
Chez Sebastien Mabre-Cramoisy, imprimeur du Roy, ruë St Jacques,
aux Cicognes, MDCLXXIV ( 1674).
- Entretiens d'Ariste et d'Eugène
Paris, Armand Colin, bibliothèque de Cluny, Le Trésor,
1962,
(1ère édition 1671 à Paris chez Sebastien Mabre-Cramoisy).
- Remarques nouvelles sur la langue françoise
"Réimpression des éditions de 1675 et 1687", Slatkine Reprints,
Genève 1973, 540 p.
CAILLÈRES (François de): Des mots à la mode et des nouvelles façons de
parler avec des observations sur les diverses manières d'agir
et de s'exprimer et un discours en vers sur les mesmes matiè-
res.
A Paris chez Claude Barpin
au Palais sur le second Perron
de la Ste Chapelle, !'iDCXCII
(1692), 207 p.
- Du bon et du mauvais usage, dans les manières de s'exprimer,
des façons de parler bourgeoises. Et en quoy elles sont dif-
férentes de celles de la Cour.
A Paris chez Claude Barbin, au Palais sur le second Perron
de la Ste Chapelle, MDCXCIII (1693), 241 p.
e
LAMY
(R.P. Bernard): La rhétorique ou l'art de parler, 4 édition revue et
1
augmentée.
tl
A Paris, chez François-André Prolard, ruë St Jacques, à la
Fortune; MDCCI
(1701), achevée d'imprimer
(1687), l
vol.in 12°.
MENAGE
(Gilles): Observations de M. de Ménage sur la langue françoise.
A Paris chez Claude Barbin, MDCLXXII
(1672), 2 vol.
in 12°.
SOREL
(Charles): De la connoissance des bons livres ou examen, de plusieurs
autheurs,
supplément des traitez de la connoissance des bons
livres.
Edition, introduction et notes par Maurice Lever, thèse pour
le doctorat de 3e cycle, Paris IV, 1977.
(Voyez particulière-
ment le chapitre III:
"du Nouveau langage françois ou du
langage à la mode tiré de quelques livres de nostre siècle"
pp.229-286) .

IV
VAUGEL~~ (Claude Favre, seigneur de)
: Remarques de M.
de Vaugelas sur
la langue française avec des notes de Messieurs Patru et Th.
Corneille.
A Paris, chez Valleyre, rue de la vieille bouclerie, 1738,
3 vol in 12°.
C - OEUVRES LITTERAIRES AYANT FAIT L'OBJET D'UN DEPOUILLEMENT
PLUS OU MOINS SOMMAIRE
1 - Oeuvres de Robert Challe
CH~~E (Robert): Journal d'un voyage aux Indes, publié par F. Deloffre
et Melahat Menemencioglu. Paris, Mercure de France, MCMLXXIX
(1979), 650 p.
- Un Colonial au temps de Colbert. Mémoires de Robert Challes
écrivain du roi. publiés par Augustin-Thierry, Les petits-
fils de Plon et Nourrit,
1931, 303 p.
-
Les Difficultés sur la religion, présentées au P. Malebran-
che par R.
Challe. Texte établi
(avec note grammaticale)
par F. Deloffre, Studies on Voltaire, vol.
209.
2 - Autres Oeuvres littéraires
a) Oeuvres romanesques
-
Anonymes
Les Agréables Conférences de deux paisans de St Ouen et de Montmoren-
cy sur les affaires du temps
(1649-1650). Edition par F.
Deloffre, Paris, Les Belles Lettres,
1962.
- Auteurs
COURI'ILZ DE SANDRAS
(Gatien de): Mémoires de M.L.C.D.R .. Se éditicm rpVl1p
et corrigée, La Haye, 1713, 448 p.
FURETIÈRE
(Antoine): Le Roman bourgeois, ouvrage comique. Avec notice et
notes par Pierre Jannet
(1666). Paris, C. M~pon et E. Flam-
marion, 2t.
en 1 vol.

1
v
GUILLERARGUES
(Gabriel-Joseph de Lavergne, Comte de): Chansons et bons
mots ~ Les Valentins - Lettres Portugaises. Edition nouvelle
avec introduction, glossaire par F. Deloffre et J. Rougeot,
[
Genève, L. Droz,
1972, in 12°, 303 p.
1
LA FONTAINE
(Jean de) : Oeuvres complètes. Publiées d'après les textes
originaux par Marty-Laveaux, I-V, Paris P. Datfis, P. Jannet,
...
(1857-1877), 5 vol.
in 12°.
.
MARIVAUX (Pierre Carlet Chamblain de), Oeuvres de Jeunesse. Edition établie. 1
présenté~ et annoté~ par F. ,Deloffre ave~ le concours de
f
Claude Rlgault. Parls, Gaillmard, 1972, ln 12°, XIX- '11PTp.,
i
Bibliothèque de la Pléiade 233.
t{
PREVOST
(abbé Antoine-François): Histoire du Chevalier des Gr~èux et de
Manon Lescaut. Texte établi par F. Deloffre et Raymond Picard,
Paris, Garnier Frères, 1971, 343 p.
SEVIGNÉ (Marie de Rabutin Chantal, Marquise de): Lettres de Mme de Sévigné,
de sa famille et de ses amis,
recueillies et annotées par
M. Monmerqué.
Nouvelle édition revue et augmentée, I~XIV, Paris, Hachette
(1862-1866) 15 vol. en 14 t.
in 8°.
SOREL
(Charles): Histoire comique de Francion: "Réimprimée sur l'exemplai-
re unique de l'édition originale
(1623)
et sur les éditions
de 1626 et 1633"et précédée d'une introduction par Emile Roy,
I-IV. Paris, Hachette, 1924-1931, 4 vol. in 12°.
Nous avons consulté particulièrement le t . I .
(livres l-III) .
b)
- Oeuvres dramatiques
CHAMPMESLE
(Charles): La rue St Denys,
comédie. Paris, Jean Ribou, 1883,
33p in 12°.
CGRNEILLE (Pierre): Oeuvres complètes, I-XII, Paris, Antoine Augustin
Raynouard,
1817, 12 vol. in 8°.
CYRANO DE BERGERAC
(Savinien):· Le Pédant joué in Oeuvres complètes
(pp.167-
246). Texte établi et présenté par Jacques Prévost. Paris,
Librairie Belin, 1977, 535 p.

VI
MARIVAUX (P~erre cdrlet Chamblain de): Théâtre complet. Texte établi avec
introduction, chronologie, commentaire et glossaire par F.
Deloffre. Paris, Classiques Garnier,
1968-1981, 2 vol. in 12°,
XXX-1125 p .
.
MOLIERE
(Jean~Baptiste Poquelin dit)
: Oeuvre Complètes. Paris, D. Thierry,
Cl. Barbin, P. Trabouillet, 1981, 5 vol.
in 12°.
,1
REGNARD (Jean-François Renard, dit): Oeuvres Complètes de Regnard. Nouvel-
l
le édition augmentée de deux pièces inédites . . . et précédée
1
d'une introduction par Edouard Fournier. Paris, Laplace,
Sanchez et Cie,
1875, LXXXIII, 561 p. in 4°.

VII
III - E T U DES
M 0 D E,'R NES
~================~============
A - DICTIONNAIRES
-
1)
DICTIONNAIRES GÉNÉRAUX
LITTRÉ
(Emile): Dictionnaire de la langue française.
Paris, Hachette,
1873, 4 vol.
in 4°.
ROBERT
(Paul): Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue fran-
çaise, Société du Nouveau Littré, Le Robert, Paris, 1980.
2)
DICTIONNAIRES SPÉCIALISÉS
Dictionnaire de proverbes et dictons. Textes choisis et présentés par
Florence Montreynaud, Agnès Pierron et François Suzzoni.
"Les usuels du Robert", Paris, 1980.
Dictionnaire des expLessions et locutions figurées, par Alain Rey et
. Sophie Chantreau.
"Les usuels du Robert", Paris,
1979.
Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, par o. Ducrot et T.
Todorov. Editions du Seuil, Paris,
1972.
Les procédés littéraires
(Gradus) par Bernard Dupriez, Union française
d'édition, Paris, 1980.
B - OUVRAGES GÉNÉRAUX
BALLY
(Charles): Traité de stylistique française, 3e édition, Paris,
Klincksieck,
1909;
2 vol.
in 12°, 331 p- 264 p.
- Linguistique générale et linguistique française, Paris,
Edition Leroux,
1932, 410 p.
- Le langage et la vie, nouvelle édition revue et augmen-
tée, Paris, Droz,
1935, 229 p.
BENVENISTE (Emile): Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard,
356 p.
LI, 1966;
L~I, 1974,280 p.

VIII
COHEN
(Marcel): Matériaux pen~ une sociologie du langage, Paris, ~aspero,
1978, t . I , 179 p.
CRESSOT
(Marcel): Le style et ses techniques, Paris, PUF, 1947, 255 p.
D~~URETTE (Jacques) et PICHON (Edouard): Des mots à la pensée
essai
de grammaire de la langue française, Paris, L. D'Artrey,
t.I,
(1931-1971),674 p.
DELOFFRE
(Frédéric): Stylistique et poétique françaises, Paris, SEDES,
1974, 211p.
DIEGUEZ
(Manuel de): L'écrivain et son langage, Paris, Gallimard,
1960,
343 p.
DUPRIEZ
(Bernard): L'étude des styles, thèse-Lettres, Strasbourg,
1969,
Paris, Didier,
1969, 335 p.
FONTANIER (Pierre): Les figures du discours.
Introduction par G. Genett~1
Paris, Flammarion, 1968, 507 p.
KERBRAT-ORRECHIONI
(Catherine): L'énonciation de la subjectivité dans
le langage, Paris, A. Colin, 1980, 290 p.
- La connotation. Presses Universitaires de Lyon, 1977,
256 p.
SPITZER (Léo): Les études de style, traduit de l'anglais et de l'allemand
par Elliane Kaufholz, Alain Coulon, Michel Foucault.
Paris, Gallimard,
1970, 535 p.
1
~mINGUENEAU (Dominique): Initiation aux méthodes de l'analyse du discours,
j
l
Classique Hachette, Paris, 1976, 190 p.
1
j
~mROUZEAU (Jules): Précis de stylistique française, Paris, Edition Masson
et Cie,
1941, 166 p.
- Aspects du français, Paris, Edit. Masson et Cie,
1963,
214 p.
MARTINET (André): Eléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin,
1970, 221 p.

VIII his
MORTEZA Mah.moudian : Les modalités nominales en français, Paris, PUF,
1970, 275 p.
ROBBE-GRILLET
(Alain): Pour un nouveau roman, Paris, Gallimard, 1963,
148 p.
SAUSSURE
(Ferdinand de): Cours de linguistique générale, publié par
Ch. Bally, Paris,
1972, 495 p.
VENDRYES
Le langage, Albin Michel,
1928, 440 p.
VOSSLER (Charles): Langue et culture de France. Préface et traduction de
Alphonse Julliand, Paris, Payot, 1953, 341 p.
WAGNER (R.L.) et PINCHON (J.): Grammaire du français classique et contem-
porain, Paris, Hachette,
1962, 640 p.
WARTBURG
(Walter von-)
ZUMTHOR (Paul): Précis de syntaxe du fran-
çais contemporain,
2e édition entièrement remaniée. A.
Francke, Berne, 1958, 399 p.
C - ETUDES PARTICULIERES
1) Sur le langage parlé
a) Périodique, recueil
COMMUNICATIONS n030,
"La conversation", Paris,
1979.
b) Auteurs
(ouvrages, articles)
BAUCHE
(Henri): Le langage p6pulaire, Paris, Payot,
1928, 256 p.
DARDEL (Albert de): Quelques aspects de la séquence expressive en fran-
çais parlé, Université
de Groningé,
17 octobre 1972.
DELSAUT (Yvette):
"L'économie du langage populaire" in Actes de la recher-
che en sciences sociales, n04, Juillet 1975, pp.33-40.

IX
FRÉI
(Henri): La grammaire des fautes, Genève, Slatkine Sprints, 1971,
319 p.
GOUGENHEIM (G.), MICHÉA (R.), RIVENO
(D.), SAUVAGEOT
(A.) i
L'élaboration
du français élémentaire, Didier, 1956, 256 p.
GUIRAUD (Pierre): Le français populaire, Paris, PUF, 1965, 120 p.
LEON R.P.: "Principes et méthodes en phonostylistique" in Langue fran-
çaise n03, septembre 1969, pp.73-81.
MAROUZEAU (Jules): "Langage affectif et langage intellectuel" in Journal
de psychologie normale et pathologique, XXe année, 1923,
pp. 560-576.
-
"Le parler des gens moyens : interdiction
des conve-
nances et tabou du sentiment" in Journal de psychologie,
1923, pp.611-617.
-
"Un trait du parler rustique: l'atténuation" in
BSL n070, t.23, 1922, pp.28-31.
-
"Le parler paysan
: détour et formule" in BSL n076,
t.25
(1924), pp.90-94.
-
"Accent affectif et accent intellectuel" ibid.
pp. 80-86.
PEYT~;"'Jean): "P0IUr une typologie des messages oraux" in Le français
'dans le monde, n057, pp.73-80.
Q~~AU (Raymond): Bâtons, chiffres et lettres, Paris, Gallimard, 1965,
355 p.
SAUVAGEOT (Aurélien): Les procédés expressifs du français contemporain,
Paris, C, Klincksieck, 1957, 243 p.
- Analyse du ~rançais parlé, Paris, Hachette, 1972, 189 p.

x
2 - AUTRES ETUDES PARTICULIÈRES
a) Anonymes, recueils, périodiques
"
COMMUNICATIONSno16 (recherches rhétoriques"), 4e trimestre, 1970.
LANGUE FRANCAISE n045 ("La ponctuation") Février 1980.
LANGAGE n054
("La métaphore"), Juin 1979.
b) Auteurs (ouvrages, articles)
ANSCOMBRE (J. -Cl.)
"Même le roi de France ... " {étude sur même? in commu-
nications n020, 1973, pp.40-81.
ANTOINE (Gérarld): La Coordination en français, I~IT, thèse, Paris,
Edition d'Artrey, 1959, 701 p.
AUTHIER (J.), MEUNIER (A.); "Norme, grammaticali'té et niveaux de langue"
in Langue française n016, Déc. 1972, pp.49-61.
BARTHES (Roland): Le degré zéro de l'écriture, suivi de nouveaux essais
critiques, Paris, Seuil, 1972, 190 p.
COHEN (Jean): Structure du langage poétique, Paris, Flammarion, 1966, 233 p.
COMPAGNON (Antoine): La seconde main ou le travail de la citation, Paris,
Editions du Seuil, 1979, 277 p.
CRESSOT (Marcel): "Quelques types d' implicitati.ons" in Le français Moderne,
t.XVIII, 1950, pp.163-170.
CULIOLI (Antoine):. "A propos des énoncés exclamatifs" in Langue française,
n022, Mai 1974, pp.6-15.
DEIJWEAU (Annie); HUOT (Hélène), KERLEROUX (Françoise): "~~?_Y5?.n..s__sur
le changement linguistique" in Langue française n015,
septembre 19'12, pp.2tl-45.
DUBOIS (Jean): "Enoncé et énonciation" in :yangage n013, Mars 1969, pp.100--
110.

XI
GAILLARD
(Michel):
"Essai de typologie des substituts diaphoI:iques"
in Langue française n021, 1974, pp.55-71.
GARY-PRIEUR (Marie-Noelle):
"La notion de connotation" in Littérature n04,
Décembre 1971, pp.96-107.
GUEUNIER (Nicole):
"Pertinence de la notion d'écart en stylistique" in
Langue française n03, Septembre 1969, pp. 34-45.
GUILBERr (Louis):
"Peut-on définir un concept de norme lexicale?" in
Langue française n016, Décembre 1972, pp.29-47.
GUIRAUD (Pierre): Les locutions françaises, Paris, PUF,
"Que sais-je"
n0903,
1961, 121 p.
HAMON (Philippe):
"Notes sur les notions de norme et de lisibilité en
stylistique" in Littérature n04, Décembre 1971, pp.114-
122.
HARDY
(Alain):
"Théorie et méthode stylistiques de Rifaterre" in Langue
française n03, pp.90-95.
KERBRAT-O~qECHIONI (Catherine)
:
"L'ironie comme trope" in
Poétique n041, Février 1980, pp.108-127.
IlARI'HOMAS (Pierre):
"La notion de genre littéraire en stylistique" in
Le français Moderne n032, Juillet 1964, pp.185-1~3.
- Le langage dramatique
sa ~ature, ses procédés,
Paris, PUF, 1980,
(1ère édition, Armand Colin, 1972),
478 p.
MEUNIER (André):
"Modalités et communication" in Langue française n021,
Février 1974, pp.8-24.
MICHÉA (René):
"Vocabulaire et culture" in Les Langues modernes, Mai-Juin
1950, fascicule B, pp.187-192.
MILNER (Judith): "Eléments pour une théorie de l'interrogation" in Commu-
nications n020, Juillet 1973, pp. 19-40 •

XIII
PERRET (Delphine); "Les appellatifs ; analyse lexicale et actes de langa-
ge" in Langage n017, Mars 1970, pp.112-118.
PERRIN NAFFAKH (Anne-Marie): Le cliché de style en français moderne; nature
linguistique et rhétorique, fonction littéraire. Thèse
pour le doctorat d'Etat, Université de Paris-Sorbonne,
1981.
REY (Alain): Le lexique
images et modèle. Paris, Armand Colin, 1977,
307 p.
- "usages, jugements et prescriptions linguistiques" in
Langue française n016, Décembre 1972, pp.4-26.
-
"La conscience du poète : les langages de p. Valéry"
in Littérature n014, 1972, pp.116-128.
ROJTHAN (Betty): "Désengagement du JE daus le discours indirect" in
Poétique n041, Février 1980, pp.90-107.
SAUVAGEOT (Aurélien): "L'articulation du discours" in Le français dans
le monde
n057, pp.63-67.
TOOOROV (T.): "Problème de l'énonciation" in Langage n017, Mars 1970,
pp.3-11.
ULLMAN (Stéphen): "Sémantique et stylistique" in Mélanges de linguisti-
que romane et de Philologie médiévale offerts à Maurice
Delboùale, édition J. Duculot, Gembloux, 1964, pp.631-652.
VIDAL (Sephina):
"Introduction à l'étude des intensifs" in Langage
n018,
Juin 1970, pp.lü4-12ü.
VERSCHOOR (Jan Adriaan) : Etude de grammaire historique et de style sur
le style direct et les styles indirects en français.
Thèse pour le doctorat de l'Université, Druk : V.R.B.
Kleine Der A4- Groningen 1959,166 p.
WEINRICH (Harold): Le temps. Le récit et le commentaire. Traduit de
l'allemand par Michèle Lacoste, Paris, Seuil, 1973, 335 p.
YVON (Henri): "Pas et point dans les propositions négatives" in Le fran-
çais Moderne, Janvier 1948, pp.19-35.

XIV
D - ETUDES ET DOCUMENTS RELATIFS AU XVIIe ET AU DËBUT DU XVIIIe SIËCLE.
1 - Relatifs à la langue
BÉCHADE
(Hervé.D.): Les romans Comiques de Charles Sorel: étude de langue
et de style, Thèse-Lettres, Pari s IV,
1979, 2 voL, 628 f;
3G~cm.
BENOIST
(Antoine): De la syntaxe française entre Pdlasgrave et Vaugelas.
Thèse-Lettre, Paris, Edition Thorin, 1876-1877, 232 p.
BRUNOT
(Ferdinand): Histoire de la langue française des origines à nos
jours. Paris, A. Colin, 1966-1979,
13 t. en 21 vol. in 8.
T.III,T.IV, T.VI.
DELOFFRE
(Frédéric): Marivaux et le marivaudage: étude de langue et de
style, 2e édition revue et mise à jour.
Paris, A. Colin, 1971, in 8°, 615 p.
HAASE
(Antoine): Syntaxe française du XVIIe siècle. Nouvelle édition tra.,.
dui te et remaniée par M. Obert. Paris, Librairie Delagrave,
1975, 447 p.
LIVET
(Charles-Louis): Lexique de la langue de Molière, Paris, Imprimerie
Nationale, MDCCCXCV
(1895),3 t.
(5328p+ 666 p + 824 pl.
MARTY-LAVEAUX : Lexique de la langue de Corneille, avec une introduction
grammaticale, I-II, Paris, Hachette,
1868, 2 vol. in 8°
(488 P + 572 pl.
NISARD
(Charles): Etude sur la langue populaire ou patois de Paris et de
sa banlieue. Paris, Librairie A. Francke, 1872, 450 p.

1
1
xv
1
i
1
2 - Relatifs à la littérature, à l'époque, au milieu.
a)
Périodique
Revue d'histoire littéraire de la France n06, 1979.
b)
Auteurs
GAILLARD DE CHAMPRIS
lHenri): Les écrivains classiques, publié sous la
direction de Jean Calvet, édition del Duca, Paris,
1960.
DELDFFRE
(Frédéric): La nouvelle en France à l'âge classique, Paris,
Didier, 1967, 129 p.
DEMDRIS
(René): Le roman à la troisième personne. Du classicisme aux
Lumières. Paris, Armand Colin, 1975, 407 p.
LATHUILLÈRE
(Roger): La préciosité : étude historique et linguistique.
Thèse pour le doctorat ès Lettres.
Genève, Droz, 1966, 687 p.

XVI
INDEX
DES
TERMES
LEXICAUX
ET
GRAMMATICAUX
Les expressions sont considérées comme des mots simples.
1
1
!
i
·1
Achevé, 250
Babillard(e), 64,65
Adorer, 245,250
Baiser, 132
i
Affaire, 83,84,85,86,265
Beau jeu, 111,112
A jeu découvert, 111
Belle
Cma-), 269,277,278
1
A la barbe de, 94
Bénédiction, 271
A la face de,
94
Bien, 169,170,172,284
Algarade,
Blanc
(cf.réduire au-)
Algèbre, 31
Boire comme des trous, 33
Aller, 86,87
Boucher
(se)
les yeux, 95
Alors que, 167,189
Bouffi, 66
A mains jointes,
131,132
Bourer
/bourrer/,
96
Amener à son point, 32
Bruit, 87,88
Amourette, 63
Brûler
(figuré),
245,246,250
A propos, 284
Brusquerie, 33,34
1
Assez, 169,170,284
Cë\\drer, 96,97
1
'j
A toutes jambes, 32
Caresse de chat, 132
Autant vaut, 192
Cassade, 34
i
1
Avanturé, 32,33
Ce, Ces, Cet ... ci, 284,287,288,321
1
Avocasser, 64
Ce, Ces. Cet .. là, 284,286,287,288,322
Avoir le vent de,
95
Cela vaut fait,
192
Avoir l'oeil à, 33
Cent, 258
Avoir prié sur,
77
C'est ~ in~initif, 194

XVII
Champ
(cf.avoir beau-; donner
Cruel
(figuré), 252,253
beau-;
fou à courir les-)
Cruellement (figuré), 255
Change, 35,36,37
(cf. aussi Courir
le-; donner le-)
D'abord que, 164
Chanter (oraison funèbre)
271
Danser
(figuré), 272
Chatouillé, 99
Dans les formes, 38,39
Chère
(ma-), 278
DE
A,
142
Chose, 88,89
De bon jeu, J11,112
Chute
(~iguré), 271
De bonne foi, 197
Claquemurer, 34
De diable,
101
Collation, 21,22
Déchirer
(figuré),
246,250
Comme
(en causale), 202
Démonter
(figuré),
246,247,250
Compliment (figur-é), 269
De quoi faire chanter un aveugle,
133
Consommation, 271
Dès, ~77,178,292,293
Coquin, 66,279
Dès que, J 78
CorbElon, 22
Déterrer,
247,250
Cornes, 38
Détestable, 254
Coup, 90
Diable
(cf. DE-,; donner au-,)
Couper la gorge, 99
Diablesse, 101
Courir
(= circuler) ,100
Divinement
(figuré), 255
Courir
c= se débaucher) '. 100
Donner,
72
Courir le change, 36,37
Donner au dia,bJ.,e, .1 01
Courir le monde, 100
Donner beau champ, 98
Courre, 38
Donner Carrière,
102
Crainte que, 189
Donner dans le panneau,
72
Croyez-moi, 284
Donner le change, 37

XVIII
Donner main levée, 24
Etre à quia, 41
Donner prise, 74
Etre de chair et d'os, 39
Donner un champ libre, 98
Etre du goût de, 110
Donc, 280,281
Etre logé au temp perdu,
104
Doucement, 197
Etre (ou ne plus être)
de saison, 39
Ecoutez, 283
Etre rendu, 124,125
Ecoutez jusqu'à amen, 103
Etre sur le pié Lpied] de, 77,78
Embarquer, 247,250
Extraordinaire, 251
Embarquer (s), 247
Façons, faire des façons,
42,43
En (représentant des personnes) , Faire, 90,91
157,158
Faire des mines, 44
Encore, 174
Faire figure, 44
Enfin (car-; mais-) ,280,28)
Faire la guerre, J05
Enlever (figuré) ,103
Faire la mine, 45
Enrager, 74
Faire la sucrée, 46,47
Ensemble (pléonastique) ,148
Faire sa main, 47,48
Entre cuir et chair, 39
Faire une querelle d'allemand, 105,106
Entrer en goût, 110
Faire un trou à la lune, 106
En venir aux épées et aux
Fantasque, 279
couteau, 104
Femelle, 66
Epée(s)
(cf.En venir aux- et au
couteaux; N'avoir que la cape e~Fers (figuré), 247,250
1'-; Tenir 1'- dans les reins)
Feux (figuré), 247,250
Et, 166,167,168
Fi, 28
Et si, 41,42
Flamme LFlamme} (figuré), 248,250
Eternel, 253,254
Foi; m~ foi,
(,çf.a~ssi De bonnc-) ,283
Etoffe (figuré), 104
Fou à courir les champs, 98

XIX
Fourbe, 48
Hé mon Dieu, 282
Fourreau, 134
Hé morbleu, 282
Fourrer, 107
Hé quoi, 283
1
Fort (cela est-), 75
Hé oui,
283
Fort (adverbe), 169,171,172
I l faut bien, 154
Franchement,
197
Imaginable, 254
1
~
Fripon, 67
Immen se, 251
i,
Friponnerie(s) 1 265
Incroya,ble, 255
r
Frotter les oreilles, 67
Inexprimable, 254
!
Gagner [quelqu'un} (figuré) ,107
Infiniment, 256
Gaillard, 68
Invectiver, 51
Galantiser, 49
Invincible, 255
Galimatias, 107
Jamais, 175,196
Gâter ,108,109
Jaser, 51
Gloser, 109
Jeter
(figuré), 248,250
Gobet, 68
Jeu (cf.A-découvert; Beau-; De bon-)
Goguenard, 49
Jouer [quelqu'un}, 112
Goût (cf.Entrer en-i
être dU-dei/JOUer (d')
un tour, 112
prendre- à)
La,
le
(pronoms compléments), 156,157,159
Gros, 76
Langue
(=parole), 113
Gueuser, 50
Le pour lequel, 161
Heure sonnante, 110
Lente,
76
Horrible, 220,251
Longue main, 52
Hors d'oeuvre Cçf .Mettre-)
Louange, 269
Hé, 281,282
M"''''",mo
,)7h
')77
-
-,
_. - , -- ...
--~
Hé bien, 282
Mademoiselle, 276,277

xx
1
Main levée (cf.Donner-)
Morceau ("un morceau": plat), 264
t
Malepestec, 28
Mordre à l'hameçon, 117
f
Manteau, 113
r-1ot ("dire de grands mots"), 265
Masse (terme de jeu) ,23
Mot ("un mot": négation hyperbolique) ,260
1
Même, 292,293,294,308
Mourir (figuré), 249
Mêœe
(De peur même que),165
N'avoir que la cape et l'épée, 118
1
l
Mett~e
Ne (omis), 149
(= considérer) ,114
1
Mett~e â la bouche, 114
Nenni, 53
~l
Mettre (se) en tête,52
Ne voir goutte, 52,53
1
Met~~e ho~s d'oeuvre,l15
Nid (cf. Trouver son-)
f
Met~re
1
la ~ain â la conscience,ll5{ NI si, ni mais, 54
1
Mettre la mort (ou le poignard)
Noise, 69
au coeur, 116
NOIll.1'lJer, 55
Mettre le feu sous le ventre, 116
On, 154,155,156,237
Mettre les fers au feu,117
Ou, 168
Mettre martel en tête,114
Oraison funèbre, 271
Mettre (se)
su~ le pié L-pied 7
!/
deI, Papiers sur table, 134
77
par + infinitif, 142,143
Mille, 258,259
Parbleu, 28,29
Moma..'1, 23
Pardi, JO
Monde (" .. du monde"),261,262
Parer le coup, 118
Monde ("l'autre monde") ,264
Parfaitement, 256
Monsieur, 276,277
Paroli, 23
Monstre (figuré), 249
Pas (négation), 149,175
Morbieu, 28,29
1=>_\\
111
'le:
- - ....
1
1
~
... , - - .....
Morbleu, 28,29
Pauvre
(antéposé), 196

XX!
Payer, 119
Putative, 24
Pe::s€r
+ infinitif, .119
Quantité de,
173
Perdre les gonds, 120,121
Querelle sur les bras,
57
Perfection (en-) ,256
Quelquechose, 265
Petit (atténuatif), 266
Quérir, 58,59
Pic
(Cf. Rendre pic et capot)
Qui
(= qu'il),
159
Pié IPie~(cf.avoir-sur; Etre surjQui pour lesquelles, 160
le-de; mettre
(se)
surI' Qu; pour
160
.L
qu'est-ce qui,
le-de;
sur ce-là)
Réciproquer, 59
Piller, 70
Réduire au blanc, 124
Pi~~er d'honneur,121
Rendre bon compte, 60
Pis aller, 55
Rendre le change
(cf.Donner le-)
~rnpnr _
-
-
;.. - --
-
.f
bien) ,121
Rendre pic et capot,
70,71
Poi::t,149,169,175
Rendu (cf.Etre-)
1
Pousser (ou poursuivre)
sa pointe
1
Répondre de la bonne encre, 135
122
1
Rider
(figuré), 264
1
Précautionner, 56
-1
Rompre en visière,
125,126
Pre~dre feu,
122
1
i
Rompre les chiens,
126
Prendre goût,
110
1
Rougir
(figuré), 272
Prendre la chèvre,
123
Saison
(cf.Etre
(ou ne plus être) de-)40
Prendre l'affirmative,13,56
Saluer la santé, 71
1
Prendre le change
(cf.courir le-)
i
Service, 271
Pre~~re ombrage, 56,57
1
Si pour aussi,
151
1
ProEettre monts et merveilles,57
!
Si. .. que, 177
Puisque, 294,295
r"~ ~t::.L.
' __ .
_ \\
.. .,~
,,",f""\\~
"";..i..l.-vt-
\\"-iuCJ,
.Jo
I U , L : Y k
Purger (figuré) ,124
1

XXII
Sonnerie, 271
Tout bien compté, 61
Sottise, 265
Tout de bon, 61
Sou, 260
Trai ter du haut en bas,' 2. 9
Suivre sa pointe, 127
Traverse, 129,130
Sur, 143
Très, 172
Sur ce pié [pieqJ là, 77,78
Trou(s)
(cLBoire comme des-; Faire un-
à la lune)
Sur l'étiquette du sac,127
Troupeau égaré, 25
Tabler par, 135,136
Trouver son nid, 130
Tant pour autant,150
Tu, 151,152,153
Tant mieux, 192
Vénérable, 269
Tant pis, 192
Vilain(e), 62,63
Tant ... que, 176,177
Vingt, 259
Taudion, 26
Vcici,284,291,292,321
Tel, 91,92
voilà, 284,288,289,290,291,292
Tellement .. que, 176,177
Vraiment, 197
Tenir l'épée dans les reins,128
y
(emploi pléonastique), 163
Tenir (se le) pour dit,60
Terrasser (figuré) ,249
Terrible, 220,251,252
Terriblement, 256,257
Tomber de son haut, 128
Toper, 23
Torrent (de larmes) ,249,250
Toujours, 174
rpf""'\\""""
+-1"""\\,.,."...
,.._
0 "
01
_ _
..... _ ,
_
....
,
..... 'O,.J
,
..... ..1.
Tout à plat, 129
t

XXIII
INDEX
DES
NOTIONS
GRAMMATICALES
ET
STYLISTIQUES
l
Accent(s), 202,204,217,218,219,
Cadence,
232,233
220,221,222,223,231
césure, 212
1
1
147,169,171,172,173,
Cliché, 30,250,255
~
174,175,176,191,195,
Conjonction, 164,165,166,178,188,212,
1
196,197,198,210,220,
215, 294,295,296
]
225,261,281,284,308
Coordination, 165,166,167,179,181,210,
1
1
Affectif(s), affectivité,140,141,
228,296
1
144,145,164,167,168,
Déictique, 140,141,221,274,286,321,322
1
169,173,176,194,198,201,
204,205,208,211,219,220, Démonstratif,
141,207,284,285,286,288,
221,223,233,234,244,273,
291,292
277,27B,285,286,289,291'Désignation, 268,286,323
293,305,309,310,312,313
Discursif,
296
Allusion, 105,130,271,293,294,295
Disjonction, 168
Antéposition, 195,196,198
Ecriture, 320
Antiphrase, 267,268,269
Ellipse, .188
Apostrophe, 275,279
Emphase, emphatique, 139,168,169,173,
Appellatif, 268,276,277,278,279
184,221,232,263,273,292
Appuis (du discours),
169,279,280'Em_ohatisation (fl.'gure
' )
169 2
2
d - ,
, 36, 44,
283
273
Article;
140,190
Enallage, 153,154
As~~étrie, 179,180,181,183
Enchaînement
(de registre) ,320
Attelage, 163,215,216
Enchaînement
(de temporalité) ,315
Attelée
(phrase), 213,231,232
Epithète, 25,220,250,252,265,277
Atténuation, 154,263,264,267,273
Equivoque, 184,185,186,187,272

XXIV
Exclamatif, exclamation, 205,218,
Maxime, 237,238,239,240,241,243
221,274,281,289
Mélodie, mélodique(s) ,200,225,227
Expressif, expressivité, 33,66,71,
Métaphore, métaphorique(s), 25,69,
100,111,118,125,131,133,
90,96,99,100,104,114,122,
146,151,162,165,166,173
236,238,250,270,271,272
188,207,209,221,233,236,
Modalité(s), 209,221,274
241,242,257,258,267,288,
291,297,308,313
Modulation (rythmique) ,231
Focalisation, 293
Négation, 149,150,175,206,220,266
Geste (s) ,320,322,323
Outils (mots-) , 140,302
Hyperbole, hyperbolique, 75,96,100,
Parataxe, 212
101,104,124,133,176,236,
Parenthèse, 297,298
244,245,246,250,255,259,
Parole (faits de-), 178,284,285,296,
260,261,263
315
Incise, 147,296,298,299,300,302,304,
Pause(s) ,223,224,225,226,227,229,231
315
' f ( )
( ) '
' - 100 111
Pléonasme, 148,150,
Intens~
s ,ve s , ~ntens~te,
,
,
150,151,169,170,172,173,
Ponctuation, 186,216,223,224,225,228,
176,178,193,241,245,284,
229
293,295
Possessif, 144,145,146,147,186,200,
Interrogation, 149,218,221,274
278,296
Interruption(s), 296,304,305,306,307, Préposition, 142,177,178,180,192,199
308,309,315
Présentatif, 194,206,284,288
Intonation, 184,206,211,217,218,226,
Pronom, 151,152,154,155,156,157,158,
297,310,312
159,160,296
Ironie, 145,267,268,269,273
Prononcé(e) (s), prononciation, 216,
Juron, jurement, 27,281
217
Juxtaposition, 210,211,212, 22ï ,228 ,231, Prosodie, 217,218,239
Proverbe, 236,237,238,239,240,241,243
Locution(s),17,18,93
Raccourci(s), 187,192,193

Rectification, 297,302
Rejet, 199,200
Relatif, 162,163,164,188,210,213,290
Respiration (inspiration-expiration), 227,228
Rythme, rythmique, 200,225,231,233
Segrnenté(énoncé-), 198
Sélection, 275,284,292,295
Souffle, 209,216,224,227,311
Sous-entente, 190,191,192
Style (direct), 209,309,310,313
Style (indirect), 209,215,309,312,313,322
Synecdoque, synecdoàique, 190,257,272
Trait d'esprit, 270,273
Tutoiement, 151,152,153
Variation (de style), 296,309,315
Vocatif, 276,278,300
Volition, 222,274

XXVI
T A BLE
DES
MATIERES
INTRODUCTION------------------------------------------------- 1
Première partie : FAITS DE VOCABULAlRE---------------·-------- 17
Chapitre 1: MOTS rCl1liTMlip.ij~1-PE LA CONVERSATION---------------- 19
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, If/-
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A - r,é§rtECHN~QS.'C.".OURANTS--------------------- 21
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B -~.P,~ONS-~--~~~---------------------------- 27
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C - ~S~~~~:ONS PROPREl-IENT FAMILIERS----- 30
"'<''?I7":j:),''tc;\\J?~
D - TEP..MES.±:-'~S------·----------------------- 63
E - MOTS ET EXPRESSIONS A LA MODE---------------- 72
F - TERMES GÉNÉRIQUES DE SUBSTITUTION------------ 82
Chapitre II: MOTS ET LOCUTIONS EXPRESSIFS------------------ 93
Chapitre III: ExPRESSIONS ÉNERGIQUES-----------------------131
Deuxième partie : FAITS GRAMMATlCO-SYNTAXIQUES---------------139
Chapitre l
: USAGE DU MATÉRIEL GRAMMATICAL-----------------140
A - LES MOTS OUTILS------------------------------140
1- L'article-----------------------------------140
2- La préposition------------------------------142
3- Le possessif--------------------------------144
4- L'adverbe-----------------------------------147
5- Le pronom-----------------------------------151
6- La conjonction------------------------------164
7- Les intensifs-------------------------------169

XXVII
B - PROBLÉMES DE LIAISON
SYNTAXIQUE ------------- 179
1- Assymétrie------------------------------------ 179
2- Equivoques----------------------------------- 184
i1
3- Raccourcis d'expression---------------------- 187
1
j
Chapitre II: ORDRE DES MOTS--------------------------------- 195
1
·1i
A - Place de l'Adjectif ou de l'adverbe----------- 195
1- Antéposition du qualificatif de caractérisation-195
2- Antéposition du modificateur------------------196
B - L'ÉNONCÉ SEGMENTÉ----------------------------- 198
C - PROLEPSE DE LA CAUSALITÉ---------------------- 201
Chapitre III: LA PHRASE------------------------------------- 203
A - NATURE DE LA PHRASE--------------------------- 204
1) Phrase sans verbe---------------------------- 204
a) phrase rnonorémique------------------------- 204
b) phrase dirémique--------------------------- 205
c) phrase exclamative------------------------- 205
d)
phrase négative---------------------------- 206
e) phrase introduite par un présentatif------- 206
f)
phrase appositive de portrait-------------- 207
g) phrase d'énumération affective------------- 208
2)
La phrase purement verbale------------------- 209
3) Phrase à verbe différé----------------------- 209
B - STRUCTURE DE LA PHRASE------------------------ 209
1- phrase simple-------------------------------- 209
'r}-
nh_"::tr-"""
,....~--........ 1 ....
;:::.01-,..._~ •• _
.I: - - _ . _
1::'--"-
_
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- .------------------- 21 Û

..
XXVIII
3- juxtapositions------------------------------- 210
1
a)
j uxtaposi tion simple------------------------ 211
b)
juxtaposition affective-------------------- 211
1
c)
subordination implicite-------------------- 212
t
d) parataxe substituée à l'hypotaxe----------- 212
!
4- Phrase énumérative attelée------------------- 213
5- Phrase narrative à structure parallèle------- 215
C - FAITS DE PROSODIE----------------------------- 217
1- Accents d'insistance------------------------- 218
a)
accents intellectuels--------------------- 219
b)
accents affectifs------------------------- 219
2- Pauses--------------------------------------- 223
a) phrase sans pause------------------------- 225
b) phrase à une pause------------------------ 226
c) phrase à deux pauses---------------------- 228
3- Modulation rythrnique------------------------- 231
Troisième partie : FAITS DE LANGAGE PARLÉ--------------------- 234
Chapitre l
-
RHÉTORIQUE DU LANGAGE PARLÉ-------------------- 235
A - FORMULES POPULAIRES--------------------------- 237
1- Proverbes et maximes------------------------- 237
a) proverbes--------------------------------- 238
b) maximes----------------------------------- 239
2- Comparaisons plaisantes à résonance culturelle -
241
a)
comparaisonsde type proverbial-------------241
res
(de contenu)---------------------------242
B - FIGURES D'EMPHATISATION----------------------- 244
1- Hyperbole------------------------------------ 244

XXIX
a)
hyperboles par moyens lexicaux-------------- 245
-métaphores hyperboliques-------------------- 245
-épithètes clichées-------------------------- 250
+ épithètes consacrées dans le langage
courant---------------------------------- 250
+ épithètes issues de la galanterie---------252
+ qualificatifs en -able------------------- 254
-
adverbes en -ment------------------------ 255
-
synecdoque du nombre--------------------- 257
+ exagération positive--------------------- 258
+ exagération négative ou négation
hyperbolique----------------------------- 259
- renforcement de l'adverbe---------------- 261
-
renforcement du qualificatif------------- 261
+ qualificatif antéposé au substantif------ 261
+ insertion du complément de renforcement---262
2- L'atténuation--------------------------------- 263
a)
atténuation par substitution de mots------- 264
-
termes consacrés dans l'emploi euphémique-264
-
termes vagues servant à
couvrir des idées
délicates---------------------------------264
-
antéposition d'épithètes réductrices----- 265
b)
atténuation par périphrase négative
(litote)-266
3- L'ironie-------------------------------------- 267
aJ
lronle par antiphrase--------------------- 268
b)
ironie par dramatisation------------------ 269
~..

..,
xxx
4- Traits d'esprit------------------------------ 270
a)
formules allusives------------------------ 270
b) transfert9d'expression-------------------- 272
j
Chapitre II: FAITS DE PRAGP~TIQUE---------------------------
274
1
A - PROCÉDÉS DE CONTACT--------------------------- 275
1
1) L'apostrophe--------------------------------- 275
·1
a)
appellatifs usuels------------------------ 276
1
b)
appellatifs mignards---------------------- 277
1
2)
Les appuis du discours----------------------- 279
B - PROCÉDÉS DE SELECTION---------------~---------
284
1) Les démonstratifs composés------------------- 284
a)
la désignation---------------------------- 286
- désignation simplement insistante-------- 286
- désignation à nuance dévalorisante------- 286
b) La localisation--------------------------- 287
-la monstration directe-------------------- 287
-la monstration différée------------------- 288
2) Le présentatif "voilà"---------------------- 288
a)
la présentation affective----------------- 289
b)
la présentation concrète------------------ 290
-présentation avec ou non indication gestuelle -
290
-présentation avec précisions déterrninatives--290
3) Autres procédés de sélection---------------- 292
C - ENCHAINEMENTS DISCURSIFS---------------------- 296
:) :Û~~bCb-------------------------------------
~~b
-la parenthèse------------------------------- 297

~-
<··'1""~t'("'L'
~.
\\... ...
.
..,
XXXI
-
incise à valeur dé~erminative--------------298
-
incise de renforcement--------------------- 299
-
incise de situation------------------------ 300
-
la rectification--------------------------- 302
2)
interruptions vives------------------------- 304
a)
interruptions en fin de phrase------------ 306
1
b)
interruptions en milieu de phrase----------307
3) Variation de style-------------------------- 309
a)
emploi du style direct-------------------- 310
b)
emploi du s~yle indirect conjonctionnel--- 312
c) passage du style direct au style indirect--313
4) Enchaînement de temporali té------------------ 315
a)
enchaînement volontaire------------------- 316
b)
enchaînement par un auditeur-------------- 318
c)
commentaire collectif--------------------- 320
5) Enchaînements de ~egistres------------------320
a)
enchaînement parole-écriture-------------- 320
b)
enchaînement parole-geste----------------- 322
- gestes déictiques-------------------------322
- gestes vocaux---------------------------- 323
CONCLUSION -------------------------------------------------- 326
BIBL~OGRAPHIE------------------------------------------------
l
INDEX DES TE~iliS LEXIü~UX ET GRA}~ffiTICAUX---------------------XVI
INDEX DES NOTIONS GRA}mATICALES ET STYLISTIQUES-------------- XXIII
TABLE _DES l".ATIÈRES-------------------------------------------- XXVI