Université Paul Valéry
-
Montpellier III
ARTS et LETTRES, LANGUES et SCIENCES HUMAINES
DIEU ET L'HOMME
dans
EL CONDENADO POR DESCONFIADO
de TIRSO DE MOLINA
-
THE5E
présentée et publiquement soutenue devant:
L'UNIVERSITE PAUL VALERY DE MONTPELLIER
POUR LE DOCTORAT DE SPECIALITE DE 3e CYCLE
DISCIPLINE:
ETUDES ROMANES, OPTION ESPAGNOL
SPECIALITE:
LITTERATU'RE DU SIECLE D'OR ESPAGNOL
par
CAMA RA
NAHIYE Léon
Jury: M. Louis CARDAILLAC
Professeur : Président
M. Jean TENA
Professeur
M. Edmond CROS
Professeur : Directeur de Recherche
JUILLET 1984

Aux Amis de Castries :
* Famille BOUQUIN,
* Famille GAVALDA,
Aux Pères Jésuites de Montpellier.

r --
·.eH
off
s.....
•.,....
..
dW)
. _ . . . - . . - .
_
~
' - ' ~
"i4""~·'-'I"";"
~"
-
t:. -
" Il tJt.avaiUe aVec. et c1cut6 la. tJt.a.dilion " éc.Jtit St:ephen GI LMAN.
Au moment d~ ~on é.tu.de, .l' AM.t.q~te doit " I[endtte à C~ c.e Qui ut
à Cé..6a...t et à Vieu c.e qui ut à Vieu ".
Il n'ut pah non p~ le diheU/[ de véAit~, ou le pl[o-
phè.te., c.ormJe il. en ut c.onvaincu .t.ul.-rnhne. Le my-6tèJte de la. c.Jtéaüon
a été. dévoilé. et le J'Lupect I[e.tigieux qu' ÙL6p.iJr.ttit l' oeuvl[e .f...<..tté-
J'La..iJte a c:LihpaJtu.
Il ut c.onvttinc.u d'innoveJt, vobLe même d'inventM. Il ~e
pl[end poU/[ " .l'AuteWt de ••••• ", a.lOI[~ que, en J'Lé.a...t<.té, il emp.'lunU.
beauc.oup à. la. ~ociété. Sa. P't0pl[e c.oMcience n'ut qu'un eMemble de
mic.Jto~émio.tiquu acquih en .M.tu.a:tion.
HéJt.i:ta.ge de c.iv.iliJ.>a.;Uon, méc..a.n.iMre. d' éc.Jtitulte , p.'leMioM
du Public.. voic.i en peu de moû. lu 6ac.teWt~ qui donnMont n.tti.Manc.e
à l' oeuvl[e liUVrwe.
L' oeuvl[e qu'il c.JtoU de .f.u.<., rna.i.6 dont en I[éaiité il n'ut
a'
"
que le ~c.JtipU.Wt, le dépa.Me pa..ltc.e que Va..6te, teUement Va..6te que
l' Anal.y~te ne peut pa.6 l'épuihM queUe que ~oU ~on appl[oc.he. C' ut
poUJ'Lquoi, pa,tm.i lu mUle et une méthodu d'appl[oc.he du texte lillé-
J'LCl.iJr.e, il 6a.ut c.hoLMlr. la. p~ opéAdtobLe ; c.aJl à dé6a.ut d'épuihM
entièJtemen;t le texte, noU6 devoM tenteJr. de p.'lOpo~M une lec.tuILe expli-
c.a.tive ~U6c.ep.tible de I[endtte c.ompte du maximum de rh~ncmène~ textue~.
C' ut ~ c.et.te pM~pec..tive Que noU6 avoM c.hoihi la.
SOCIOCRITIQUE, ttidé en c.ela. paJt lu ~éminaiJtu de V.E.A. que noU6
aVOM ~uivih de 7980 à 7984, ~é.mÙuuAU d.iJr.igû pa..It tJt.o~ pl[o6eMeUJ'L~.
Il ~'a.git de :
- Mo~eul[ JacQuu SOUBEYROUX.
pl[o6eMeUJ'L d'e~pagnol, ~péc.i~te en Méthode de l[ec.hMc.he~ en h~tobLc
~oc..i..ai.e
- Mon.-Me.Wl Lo~ CARVAI LLAC ,
pl[o6u~eul[ d' upagnol, ~péc.ia..t<...6te de l' Etude de~ men..ta.iitéh et du
gl[oupe..6 minoJ'Lita..iJr.e~ en E~pagne
- et en6in Mon.-MeU/[ Edmond CROS,
lui a..LL6~i pIlo6e-Meul[ d'e~pagnof., e.t V..i,)l.ec.tcU/[ du Cc.nt!.c d'Etud..:.~ ct
de Rec.hel[c.he~ Soc.~oCAitiqu~ (C.E.R.S.I.
NoLl/.> V(!ud,HCM te ~ ,'tt'T'e':c.ù:,'t ~(!u..~ fe·) /~c,{~ pou't tout cc
qu',(e~ no~ ont appol[té.

- Il nOU6 a. 6a.tlu ~-i e.ntlleJt da..V6 le. doTTilUne théolog-ique, c.omplte.ncVte
et 6a..iJle. ta -6ynthùe de rncUntM doc.tI!.-ine.-6 thé.olog-ique.-6 qu-i n' Uai..e.nt
pa-6 d' tLiUe.wr-6 dM p.f.U6 6a.c.UM. Se.u.f.e.me.nt que.lquM -6pé.c..ia1..wte..6
é.ttLie.nt e.n me.-6wre. de. nolL-6 donne.-'t du é.c..f.a...iJLc.LMe.me.nt-6. NOlL-6 a.VOM
donc. dû tlLa.vtLiUe.-'t la. p.f.upallt du temp-6 -6e.u.f. • NOlL-6 Upé.JtoM n' avo.iJt
pa-6 c.orrm.i.-6 tlLop de. c.ontlLe.--6e.M. Ma..U -6i toute.60.w que.lquu e.-'tJte.wr-6
-6' éWe.nt g-lLMéu c:Ja.tv., no-6 tlLavaux, qu'on vw-iUe. b-ie.n noU6 e.n
e.XC.U6e.-'t.
- NOU6 ne. POUVOM davantage ~e.-'t -60U-6 ~le.nc.e. lu d-i66-icuité.-6 é.c.ono-
rMquu que. noU-6 avoM c.onnuu e.t qui noU-6 ont obl-igé. à palttage.-'t notJte.
temp-6 e.ntlLe. no-6 Jte.c.he.-'tc.hu e.t du OC.c.upa..üOM mté.Jtie.Uu.
NOM Upé.JtoM e.nMn, que. l' e.n-6emble. de. c.e. tlLavail, 6Jtuit
d'une. «.Me.z longue. 60Jtmmon à i' Ec.ole Montpe.llié.Jta.-ine de Soc.-io-
c.Jt -iüq ue ut l' .<ma.ge., ne -6e.-'ta.-it-c.e que. pa.Jtüe.lle. , e.t plDlJl.tant .tmpa.Jt-
6aite., de. l'EMe.-igne.me.nt de .f.a.d-i.te. Ec.ole., dont la. Jte.nommé.e, noU6 e.n
-6ommu c.onvtLinc.u. , n'ut p.f.U6 à 6a..iJle..

Nou-6 Jt~C..i.OM .6péc..i.a1e.me.nt MOM..i.e.Wt Edmond CROS d' avo.vr.
b..i.e.n voulu acce.pté. de. d.vr...i.ge.Jt cu tJLavaux, du début du Jte.cheJI.che..6
ju-6qu'à. ta .6oute.na.nce. de. thùe..
NOUA nou-6 e.n vouclJt..i.oM be.aucoup .6..i. nou-6 oubt..i.oM d'a.dJr.u-
.6e.Jt no.6 tJLè..6 .6-incèJLu Jte.me.Jtue.me.nt6 au Pèlte. SupéJl..i.e.uJt de. ta Conrnwuwté
du pèltu Jé4u.-i..tu de. Montpe.Ui.eJI., .le. Révé.Jte.nd Pèlte. Jé..6uile. Je.a.n
GRA8IE Qu..{ noUA a.utoJtiM à. avo.vr. a.ccù à. tWJt b..i.bUothè.Que..
No.6 Jte.mvtc..i.e.me.nt6 vont au.-M..i. tout Mo..i.t au Révé.Jte.nd Pèlte.
Jé..6uUe. P..i.eJl.Jte. GAUCHEJWlV e.t à. Mada.rne. Ge.oJtgu GAVALVA, tUQue.i.6, ave.c
une. ..i.n6.wk. pa.ti.e.nc.e., .6e. .6ont pe.nché..6 .6uJt no.6 tJLavaux pouJt lJ COJVl..i.ge.Jt
6a.utu e.t .unpVr.6e.c.UOM. Nou-6 pe.MOM t.ULM..i. à. ce.ux qu..i. de. pltÙ ou de.
to..i.n ont pu nou-6 a.i.deJI..
Nou-6 aVOM donc. choi.6..i. ..i.ci de. 6a.i.Jte. une. étude. .6oc..i.oc.Jt..i.-
t..i.que. de. ta p..i.è.ce. de. th~e. Et Conde.na.do poJt de.6con6..i.a.do éCA..i.te en
1615 pail T.i/r..6o de. Mol..i.na., de. .6on VJtcU tlDm FRAY GABRIEL TE LLEZ.
CeJl.W, nou-6 aVOM tongte.mp.6 hé.-Mté ava.nt d'..i.nc.luJr.e. t'un
e.t t' a.utJLe. du chapU:JLu cia.rr).) ce.tte. thùe, ma...i..6 apltù t'étude complè.te.
de. c.ha..c.un d' e.ux, on compltend 6a.cUe.me.nt que tOU.6 .6ont e..Metttie.i.6,
vo.vr.e. ..i.ndi.6pe.Ma.btU à. notJLe pltojet d'étLLde..
CheJI.cha.nt toujouJt.6 à. 6a..vr.e. du .6lJnthùu ct.a..vr.e..6, 6ac..i.tu
à. complte.nd!le. e.t .6uJttout MdU?A à. t' JU.M.o.vr.e quand ..i.t .6' ag..t-Ma....i.t de
que.tque Jté..6umé hi.6toJt..i.que e.t 6..i.dè.tu à. notJte pJtoje.t quand ..i.t éta...i.t
quut..ton de. me.neJI. une. Jté6lu..i.on pe.MonneUe.
C'ut .6a.n.6 pltéUnt..i.on aucune QUe. nou-6 vOW:iJr...i.oM ptaCeJI.
ce tJLavail. .60u-6 tu .6..i.gnu de ta MdWté e.t de. ta chvcté..
Nou-6 voudJt..i.oM e.n6..i.n, pouJt 6..i.n..iJr., .6..i.gnaieJI. quetquu-une..6
du d..i.66..i.e.utté..6 que nou-6 aVOM Jte.nco~éu.
- ta d..i.66..i.cuité. majeuJte a été, - .6..i. on nou-6 pe.~met t'ex~u.6..i.on -,
notJLe ..i.n..i.t..i.a.t..i.on e.t no~e conVeJI..6..i.on à une nouveite mé.thodotog..i.e..
FOJt"w à. Il l'a.nc-ienne Il, il nou-6 6a1.i.JU.t 6a....i.Jte table-!ta~c. de-6 v..i.e..i.Lie,~
méthodu, noU.6 dépouillVé de no.6 v..i.e.ille.6 hab..i.tuae.6 pouJt en pltendlte
de nouveUe.6. Aut.a.n:t no:tJt.e 6O!tma.t..i.on à " t' anc..i.enne " a été. tongue,
autant no~e conveJI..6-<-oll a été d..i.66..i.c..i.te.
CeJl.te.6, eUe n'e.6t pa-6 en.t.<.è.-'teme.nt achcvé.e, ~ 110U.6
,~orrrne..6 CO,WllÙICLL
que ce. .0'lava...i.l e.n e-.6t au mo-<',l.-~ f' am0 ,'1 ce. . No.6 p.'to-
cha...i.I1-~ t'tJ.\\'Lt-UX 1l0ll--~ PL 't"'.::.tt~c<!t de. ,....{cuÀ a.~,~{p)ÜC 't f' CIl'~C.{9I1CmCl1t
,'teçu à .( Ecole.
1
Montpctüvr.aÙ1e. de. Soc..i.oOt-i.tique.

= 5 =
l N T RaD U C T ION
=
= = = = = = = = =
= = = = = = = = =
= =

= 6 =
l - L'OEUVRE
EL CONDENADO POR DESCONFIADO
Que ce soit sur
baographie
de Tirso de Molina ou sur la
date de parution de l'oeuvre: El Condenado Por Desconfiado ou encore sur
l'attribution de ladite pièce au présumé auteur, les commentaires sont fort
nombreux et tout aussi divers les uns que les autres.
Nous ne prendrons pas, quant à nous, part à la polémique
puisque nous adopterons les analyses et les conclusions de la très réputée
Blanca de los R{os (1).
1.1. Différentes Editions
Dans la note biographique qui suit son discours de réception
à la Real Academia Espanola en 1902, Menéndez y Pidal présente les trois
anciennes éditions de El Condenado Por Desconfiado qu'il connait.
- La pièce figurerait, d'après ses sources d'information,
dans la deuxième gr~nde partie des comédies du maître Tirso de Molina. Cet
ensemble de comédies aurait paru à Madrid en 1627 et ensuite en 1635. Cette
première édition parait douteuse aux yeux de Cotarelo. Il la nie d'ailleurs.
- En 1640, une douzaine de comédies que possédait Adolfo
Schaeffer, et parmi lesquelles figurait El Condenado por Desconfiado aurait
été imprimée à Madrid.
(1) Obras dram~licas completas de Tirso de Molina, (Fray Gabriel Téllez)
(1584-1648), Edicion cr{tica por Blanca de los R(os
T.II, Aquilar S.A. de Ediciones, Madrid, 1952.
• •• 1.•.

.. 7 ..
- Une édition de El Condenado por Desconfiado aurait
paru vers la fin du XVlllème siècle selon les uns sinon au début du siècle
ou peut-être même au milieu.
Quelle que soit la date réelle de la parution de la pre-
mière édition, on est convaincu que c'est en 1615 qu'elle fut écrite.
Si depuis quelques années déjà, on a unanimement reconnu
Tirso de Molina comme l'auteur de El Condenado por Desconfiado, il ne faut
pas pour autant oublier ceux qui l'ont attribuée à d'autres dramaturges.
Ce fut d'abord Don Manuel de la Revilla qui, le premier,
refusa d'attribuer la pièce à Tirso de Molina. Dans la revue: La Ilustraci~n .
Espanola y Americana, il fait publier en 1878 un article qu'il intitule:
El Condenado por Desconfiado'tes de Tirso de Molina?
t
I-
Il attribue, quant à lui la pièce à Lope de Vega. Son
1
1
argumentation para!t légère et son affirmation va contre toute vraissemblance.i
Attribuer une oeuvre si psychologique et si théologique à un homme qui, mal-
gré son titre de "Docteur en théologie" que lui décerna le pape Urbain VIII,
n'était en réalité ni théologien, ni psychologue.
Certains chercheurs faisant fi de toute logique, l'ont
attribuée à Calderon, et d'autres à Fernando de Rojas. Il suffit de rappeler
qu'en 1615 Calderon n'avait que quinze ans, tandis que Rojas, né en 1607 n'en
avait que huit pour se rendre compte du non fondé de cette attribution.
Il reste plusieurs autres attributions
sur lesquelles
nous ne saurions nous attarder plus longtemps. Nous en citerons néanmoins
quelques_unes encore.
Fernandez Guerra attribua l'oeuvre à Rufz de Alarc~n.
Quant à C.E. Amibal, il crut y reconna!tre le style de Mira de Amuesca, à qui
,
'
~,
~,
il l Jttribua. Dominico Jose Lopez Tascon admit Fray Alonso Remon comme 1 au-
teur de la pièce.
Nous n'en finirions pas de parcourir les affirmations in-
vraissemblables et nous ne manquerions ?~s, pour finir, d'emprunter l'une
... / ...

= 8 =
de ces fausses voies qui nous conduiraient, par là même, loin de la vérité
historique si nous n'admettions pas avec la plupart des chercheurs
que Tirso,
"Porque era teoléigico y psycologico y creador de perso-
najes eternos"(2),
est le véritable et incontestable auteur de El Condenado por Desconfiado.
"Los grandes dramas -dice Menéndez Pidal- no son de la
exclusiva propriedad de sus autores, y El Condenado se funda en una leyenda
antiqu{sima que hunde sus ra{ces por todas tierras y siglos muy apartados
,
,
,.
hasta llegar al Extremo Occidente, donde broto su mas esplendido retono en
el teatro espanol; nada mas natural me parece que no admirar solo esa flores-
cencia como producto artificial y aislado, sino considerarla unida a las ra-
mas, tronco y ra1ces que la hicieron brotar y dieron su jugo."(3)
La légende, qui, ajoutée à la thèse religieuse donna
naissance au chef-d'oeuvre: El Condenado por Desconfiado eut plusieurs ver-
sions à travers les siècles.
Nous commencerons par celle qui semble êtra à l'origine
de toutes les autres : la version hindoue; ensuite nous rappellerons succes-
sivement la version arabe et la version hébreue.
... / ...

:z
9 =
1.3.1.1. La version hindoue (4)
= = = = = = = = = =
"Un brahm~n llamado Kauçika recitando los Vedas bajo un
arbol, en el cual anidaba una grulla, que le mancho con su estiércol. Él in-
dignado, la maldijo, ocasionando su muerte. Arrepentido de su colera,fuese
a demendar limosna a una aldea,donde en una casa la duena le mand~ aguardar
mientras le preparaba la comida; y como llegése cansado y muerto de hambre
su marido,ella corrio a servirle. Después acudio a socorrer al mendicante,
quien le increpo airado por haberle preferido a su esposo,cuando el mismo
Indra venera a los brahmanes, que son iguales al dios de fuego y pueden abra-
,
"
zar la tierra. Ella le respondio humilde que jamas desprecio a los brahmanes,
pero que se hab:i:a consagrado a su marido, que era "su mas alto dios" :"Bien
sé que la grulla ha sido abrazada por el fuego de tu ira; la ira es el peor
de los enemigos deI hombre •.• quien estima a todos los hombres como a si mis-
mo; a éste reconocerin los dioses por verdadero brahman ••• Si no conoces la
mas elevada virtud, vete a la ciudad de Mitila y busca al santo cazador
Dharmavyadha; este respetuoso servidor de sus padres ••• te har~ conocer los
sagrados deberes."
Dando crédito al mandato por la prodigiosa revelaci~n deI
casa de la grulla, trasladose Kauçika a Mitila y halla al cazador en el mata- .
dero vendiendo caza y carne de bufalo.
El cazador le saludo as!
"Bien sé 10 que te dijo la casta esposa :
'~Ve a Mitila! Sé toda la causa de tu viaj e ••• ""
El brahman que do asombrado de este segundo prodigio.
,.
pareja con el de saber la mujer la muerte de la grulla. El cazador llevo al
brahman a su casa, donde hablaron largamente; el brahman lament~ el oficio
deI cazador. que. "por consistir en hacer d~o a seres vivientes, era consi-
derado en la India como pecaminoso."
"Mi oficio es, sin duda, horrible -arguyo él-; pero es
dif{cil escapar a la fuerza deI destino. y el que cumple con sus deberes
(4) Nous reproduirons ici la traduction espagnole de cette version qui est
celle de B13nca de los R{os.
... / ...

:::Il
10 ""
hace desaparecer 10 espantoso que éstos pueden llevar en si mismos •••
"
,
y ademas'icuantos seres vivientes no aplasta el hombre con sus pies al
andar?
,
,
El brahman quedo admirado ante aquella doctrina, y el
cazador le dijo
"Nira,joh gran brahman! ,cu~l1 es el deber a que debo
tanta perfeccion; levanta y entra en 10 interior de mi casa" Y le mostr~
una vivienda encantadora, llena de perfumes, lujosamente ordenada •••
AlI! estaban los padres deI cazador, sentados en hermosas sillas,envueltos
,
en blancas vestiduras. El cazador, al entrar, se arrodillo ante ellos,
y los dos ancianos le bendijeron ••• " Luego dijo al cazador
"Ellos son para m! el fuego sagrado,el holocausto, los
cuatro vedas, yo mismo lavo y seco sus pies, yo misco les sirvo el alimento,
hablo de 10 que a ellos contenta,evito 10 que les disgusta,hasta 10 prohi-
bido hago si les agrada. Gracias al poder de la virtud he alcanzado la mi-
rada de vidente y sé toda tu vida."y en son de buen consejo,reprendi~ al
brahm~n por haber abandonado a sus padres, y le aconsej~ :
" ... S:lrvelos y venéralos, no conozco virtud m~s alta."
El brahman arrepentido,prometi~ honrar a sus padres,
y dijo al cazador
"He sido salvado por ti cuando iba derecho al infierno"
On retrouve dans cette légende les deux éléments clés
qui forment la trame de El Condenado por Desconfiado à savoir :
1 / l'orgueil de l'homme consacré à sa religion et qui
se croit saint,
2 / la piété et la tendresse presque maternelle
qu'éprouve envers ses vieux parents un individu qui est dédaigné de toute
la société.

= 11 =
1.3.1.2. La version arabe
= = = = = = = = =
De l'Asie Centrale, la légende arriva en Occident en
passant par le Moyen Orient. En 641, quand les musulmans détruisirent
l'Empire Sassunide, ils s'enrichirent de la littérature perse qui, elle
avait emprunté beaucoup à la littérature hindoue. C'est ainsi que la lé-
gende eut sa version arabe (5).
"Sirviendo Hoisés a All~h en el monte Sina:i", le rogaba:
"Senor y Caudillo, muéstrame, aquel que ha de ser mi
.J
companero en el para[so para que le vea y conozca en este mundo."
Allah le contesta por un angel
'IVe a la ciudad de Motazaj, en Siria; all! vive un car-
nicero llamado Jacob; ése sera tu aparcero en el paralso."
Obedecio Moisés al ângel; llegô a la ciudad y pregunto
por Jacob el carnicero, con gran asombro de las gentes,que le ten{an por
tan malo, que era "de los deI fuego deI infierno". Insistio Moisés en su
propôsito, hospedose en casa deI carnicero y observ~ todo 10 que hac{a,
y via que éste, al vender las reses, apartô en una cestilla los mopllos
y el mejor bocado y mas gordo, y después de despachar a su parroqu1a, en- ,
~
tro en casa, puso dos ollas al fuego con los moellos, hizo migas, escudillo
al caldo sobre ellas y entra el manjar en una c~mara en que hab{a dos le-
chas. En el une estaba el padre deI carnicero, tan viejo que era vuelto de
nino; 10 desnuda, 10 lava, vistiole ropas frescas, y tomando lp escudilla,
le daba de comer como el ave a sus polluelos, y le dec[a :
"Padre,todos los de Israel dicen que soy fuego deI in-
fierno, y me desahuc[an de la piedad de Allâh; pero yo tengo esperanza
en su misericoldia y en tu oracion."
(5)
Nous reproduirons le texte espagnol de Blanca de los R{os, texte ex-
trait de son oeuvre déjà citée.

= 12 =
El viejo, después de orar, le respondib :
"Hijo m{o, tengo fe en la piedad de Allah que sera tu
compa~ero en el para{so 110ises, hijo de Imram".
,
,
El carnicero sirvio igualmente a su madre, y Moises,al
oirles hablar, lloraba. Jacob salio luego disculpando su demora; el profeta
se descubri6 :
"Sabe que yo soy Moisés, hijo de Imram,y que tu ser~ mi
-
companero en el para:!so".
Al saber la nueva, fue tal el gozo de los dos ancianos
padres, que el angel de la muerte recibio a sus aImas. As! Jacob por el amor
filial alcanzô de Allah tanta gloria corna el Caudillo de Israel."
On peut schématiser l'une et l'autre des légendes par
les expressions suivantes :
A - Situation du quêteur,
B - Quête,
C - Réponse avec désignation d'un 3ème personnage,
D - Recherche de ce tiers,
E - Voyage vers la ville,
F - Rencontre entre le quêteur et le 3ème personnage,
G - Vertu de ce 3ème personnage,
H - Référence à un 4ème ·personnage,
l - Leçon de morale.
Ce qui donne le schéma suivant:

'"' 13 '"'
DIE U (Providence)
=======
=======
3ème P ERS 0 N N AGE
========================
========================
(Le mal-aimé de la société:
chasseur)
4ème P ERS 0 N N AGE
========================
========================
(c'est
lui qui permet au 3ème pers.
d'être vertueux : "parents")
FI = Le quêteur va chercher celui qu'on lui a indiqué,
F2
Dieu s'humanise à travers le 4ème personnage,
F3 '"' Le quêteur reçoit une leçon de morale.
1.3.1.3. La version hébreue
= = = = = = = = = =
~{is à part le nom du quêteur et celui du 3ème personnage,
la version hébreue est exactement pareille aux deux premières.
En effet le quêteur est le savant RaDbin Josua Ben l11en,
quant au boucher il
s'appelle Nannas.

= 14 =
Contrairement aux versions hindoue,arabe et hébreue qui
ont été transmises oralement, les versions latino-égyptiennes ont été reve-
lées à travers deux oeuvres, oeuvres que cite Tirso de Molina à la fin de
El Condenado por Desconfiado c'est-à-dire celle de BELARMINO
intitulée:
De Arte bene moriendo et Vitae patrum, écrites par des auteurs grecs. (6)
1.3.2. Sources littéraires
1.3.2.1. De arte bene moriendo
Dans la deuxième partie du chapitre, Belarmino raconte
l'histoire de Saint Pafnucio,histoire qui, comme nous allons le voir, n'est
autre qu'une des versions de la légende déjà vue. (Nous citons une fois de
plus le texte espagnol de Blanca de los R{os) (7).
"LLevando Pafnucio vida angelical,un d{a rogô a Dios
le mostrase a cual de los santos era seme jante; un angel le respondio que era
~
~
semejante a cierto musico que en la aldea se ganaba el pan tanendo. El Santo
asombrado con tal respuesta, corre a la aldea,busca al tanedor y le pregunta
ansioso por su vida y hechos. El tanedor le confiesa llenamente que es un
malvado, borracho disoluto, y que no hac{a mucho tiempo que hab{a dejado la
la vida de ladron que antes llevaba para acogerse al miserable oficia de que
com{a. Pafnucio le estrecha mas para que haga memoria si entre sus latroci-
nios no hab{a practicado obras piadosas.
"De nada bueno me acuerdo -dijo el tanedor- si acaso no
es que cuando yo andaba entre ladrones cogimos un d{a una doncella consa-
grada a Dios, y como mis companeros la rodeaban codiciosos, me arrojé
(6)
Blanca de los Rios, op.cit.,p.433.
(7)
Ut supra p.434.
... / ...

= 15 =
entre ellos, la arrebaté a su brutalidad y por la noche la llevé sana y
salva hasta su casa. También otra vez hallé una hermosa mujer errante en
el desierto, y preguntéle como andaba por tales sitios,~Qué te puede im-
portar de esta desdicha? Si me quieres para sierva, llévame donde te plazca;
mi marido, por una deuda al Ecario, yace en prisiones, y es atormentado
cruelmente; ya nos han encarcelado tres hijos que ten1amos, y a mi espera
igual suerte; por huirla me escondo en estas soledades, donde hace tres
d{as que parezco de hambre. "Yo entonces -prosigui~ el tanedor- me la lle-
vé a la cueva, la devolvé sus animos,agotados por el hambre, le puso en la
mano trescientos sueldos y la acomp~é a la ciudad, donde redimi~ a su ma-
rido y a sus hijos de la servidumbre y de los tormentos."
,
Al oir ésto, el anacoreta exclamo :
"En verdad que nunca he hecho yo otro tanto. Sin duda
que habr~s ordo hablar de Pafnucio"
cuyo nombre es famoso entre los montes;
pués s~bete que soy yo ése, y que después de haber trabajado no poco por
hacer mi vida grata al cielo, me ha sido revelado que ante sus ojos, no
tienes t~ menos mérito que yo."
-
,
,
El anacoreta exhorto al tanedor, el cual arrojo las flau-
,
'
tas y se consagro a Dios en el yermo. Cuando una vez Pafnucio llego a la
hora de la muerte, el angel se le apareci~ de nuevo a declararle que su
puesto en le cielo serra entre los profetas, pero que tan grande gloria no
le hab1a sido àeclarado antes para que la propia satisfaccion no le
-
/
'
danara.
Pafnucio, no obstante, murib humildemente ••. " Y diciendo que a nadie se
deb{a despreciar, por humilde que fuera.
1.3.2.2. Vitae Patrum
c'est dans cette oeuvre que la légende du brahman et
du "cazador" a subi le plus de tranformations.

= 16 =
Si la quête est toujours la même : conna!tre sa destinée
dans l'Au-delà, les personnages changent de nom et de fonctions.
Nous citerons ici le texte espagnol de Blanca de los
Rios. (8)
Vitae patrum
Una de aquellas tradiciones se refiere al primer ermi-
tano a quien una voz deI cielo dijo
"Antonio, aun no has llegado a los méritos de tal curti-
dor que vive en Alejandr!a."
Trasladose aIl! el venerable anciano y pregunto al cur-
,
tidor cuales eran sus obras y su vida.
,
,
"Jamas, padre -responde el curtidor- jamas recuerdo
haber hecho nada bueno, y por eso cada d!a, al ver el sol sobre esta gran
,
.
ciudad, pienso que todos sus moradores ••• entraran en el c1elo por sus bon-
dades, menos yo, que por mis pecados merezco el infierno; el mismo sobre-
.
'
salto me contr1sta al irme a acostar, y cada vez con mas vehemencia. El
ermitano le dijo:
"En verdad, hijo roto, que tû dentro de tu casa, como
buen operario te has ganado descandamente el re!no de Dios, y yo como indis-
creto, gastando todos mis d!as en la soledad,aun no he llegado a tu altura."
Si ces sources tant légendaires que littéraires se si-
tuent à la génèse même de El Condenado por Desconfiado, il en est d'autres
qui ont plutôt servi à l'élaboration de tel ou tel phénotexte,s'appliquant
ainsi à des passages précis du texte. Ce sont parfois, de véritables textes
déjà construits qui apparaissent dans El Condenado por Desconfiado.
(8)
Blanca de los R10S, op. cit., p.443.
... / ...

= 17 =
Ces interteAtes. ayant tous été empruntés à la Bible.
nous les appellerons SOURCES BIBLIQUES. en opposition aux premières que
nous avions appelées SOURCES NON-BIBLIQUES. Nous reviendrons dans un pro-
chain chapitre que nous avons intitulé: "PROBLEHES D'INTERTEXTUALITE"
sur ces sources bibliques.
II - PRESENTATION SOMMAIRE DU PLAN
Notre étude peut sommairement se diviser en trois grandes
étapes.
Dans la première que nous avons intitulée PROBLEMES
THEOLOGIQUES. nous ferons d'abord l'historique de tous les courants théolo-
giques qui annonçaient les Querelles de Auxiliis.
La deuxième partie: L'ANALYSE TEXTUELLE. nous la consa-
crerons dans un premier temps au titre et dans un second temps. nous verrons
à travers le texte certains phénomènes qui avaient été annoncés dès le titre.
La troisième partie est essentiellement une synthèse des
deux premières ~arties. Nous verrons successivement LA THEATRALISATION
DE LA DOCTRINE MOLINISTE à travers El Condenado por Desconfiado et pour
finir. nous tenterons de faire une LECTURE DE L'OEUVRE.
III - METHODOLOGIE
Comme nous l'avons dit dans les lignes qui précèdent.
Mis à part les chapitres de synthèse. ce travail peut se diviser en deux
grandes parties :

= 18 =
L'une différant de l'autre, et par le contenu et par la forme, il était
indispensable d'appliquer à chacune d'elles une méthodologie propre, adaptée,
en un mot opératoire.
Pour mener à bien la partie historique, nous nous sommes
convaincus de l'idée selon laquelle on ne découvre la vérité historique que
par la confrontation du maximum de versions sur un même fait. Notre méthode,
quoique longue et partant complexe relevait presque d'un jeu d'enfant:
réunir le maximum de documents possibles sur les différentes doctrines
pour parvenir à faire une synthèse cohérente, historiquement authentique.
Dans la deuxième partie, nous avons tenté d'appliquer
essentiellement la méthode que présente succinctement Edmond Cros dans ses
"Propositions pour une Sociocritique" (9).
Les extraits suivants en donnent une idée :
.'
"Dans la recherche de la structure profonde de ces
~:1
textes on admettra que
l '
,,
1
1 / Des signes semblables peuvent véhiculer des messages
différents; un même message peut être transmis à l'aide de signes différents.
2 / En conséquence, l'énoncé est significatif mais n'est
pas la signification.
3 / Le signe est, à son tour, significatif non pas seu-
lement par ce qu'il dit mais aussi
- par ce qu'il est et par ce qu'il transcrit;
- par la façon dont il se combine avec d'autres signes, a~-delà de tout
énoncé;
- par la façon dont il fonctionne par rapport à cet énoncé et par rapport au
code". (l0)
(9)
Edmond Cros,Propositions pour une Sociocritique, CERS,Montpellier, 1977.
(10)
Ut supra, p.9.

= 19 =
Une fois la structure profonde du texte mise en relief,
il nous fallait la comparer avec "Les structures de société (socio-écono-
miques, socio-politiques, socio-culturelles, structures mentales) qui la
déterminent" (11) •
Après ces considérations qui nous ont permis de rappeler
les différentes versions desquelles Tirso de Molina s'est inspiré pour
écrire El Condenado por Desconfiado et après un exposé sommaire de la métho-
dologie suivant laquelle nous analyserons l'oeuvre qui fait l'objet de cette
étude, nous pouvons à présent aborder la question des rapports entre Dieu
et l'homme dans l'oeuvre tirsienne.
(11)
Edmond Cros, ut supra,p.9.
• .. 1 ...

= 20 =
D EVE L 0 P P E MEN T
=
=
=
=
=
=
=
=
= = = =
=

= 21 =
" Cette thèse est, de soi, littéraire; mais elle
présuppose un conditionnement historique dans
l'idéologie artistique de l'époque, ainsi que
des références théologiques aux thèses des grands
docteurs qui divisaient l'opinion. Nous ne saurions
manquer d'en faire état pour éclairer notre
dissertation. " (x)
(x)
Réverend père Louis Ligier,
Professeur de Grégorien à Rome.

= 22 a
CHA PIT REl
ETUDE DES COURANTS THEOLOGIQUES PRE-MOLINIENS
(du IVème siècle au XVIIème siècle)

= 23 ~
c'est dans l'une de ces études faites sur Lope de Vega
que Gabriel Laplane recommande que, pour comprendre un homme du passé, il
faut "entrer autant que faire se peut à l'intérieur de lui-même, adopter
sa table de valeurs, faute de quoi, les raisons de son comportement nous
resteraient étrangêres"(l)
Notre propos, n'est pas particulièrement de comprendre
Tirso de Molina, mais plutôt son monde, c'est-à-dire la société dans laquel-
le il a vécu. Il nous faut donc, comme le suggêre Gabriel Laplane, entrer
dans celle-ci.
Et comment y entrer? Certainement en reconstituant
avec une grande fidélité objective ce qui fit et fut l'actualité de son
temps. Cette actualité est constituée, entre autres, par les polémiques
purement doctrinaires. C'est donc à travers celles-ci que nous tenterons
d'entrer dans la société moliniste.
Nous analyserons. dans ce chapitre, les différents
courants théologiques qui, du IVême au XVlême siêcle marquèrent profonde-
ment les consciences des hommes d'Eglise et des hommes de Lettres et des
Arts, tant de la Péninsule Ibérique que de Rome et du reste de l'Europe.
Ces divers courants théologiques préparèrent, notamment les deux doctrines
qui feront l'objet du chapitre suivant.
(1)
Gabriel Laplane, Lope de Vega 1562-1635.
Paris, Hachette.

= 24 =
l - L'AUGUSTINISME
"Pour Saint Augustin, par suite du péché d'Adam, le
genre humain tout entier, solidaire de son chef,
est comme une pâte de péché, une "massa damnata à
laquelle l'enfer serait dû en stricte justice si
Dieu n'était qu'un Dieu juste."(2)
L'homme pur, souillé par le péché d'Adam fait désor-
flais partie de la massa peccati. Mais Dieu qui est aussi miséricordieux,
de toute éternité, décide de venir en aide à un certain nombre d'élus et
de les tirer ainsi de cet abîme.
"Tandis que les uns, librement se damnent, les autres
sont prévenus puis aidés et enfin sauvés par la grâce
du Christ Rédempteur, en sorte que, tout dans l'oeuvre
de leur salut est un don de la miséricorde infinie"(3)
Ces quelques extraits du chapitre huitiime du livre
Gratia Christi de Henri Rondet(4) résu~ent assez clairement la plus grande
partie du systime augustinien. Mais revenons sur les deux notions essentiel-
les de ce systime pour mieux comprendre celui-ci.
(2)
nenri Rondet,Gratia Christi; Essai d'histoire du dogme et de la théo-
logie dogmatique, Beauchesne, Paris,1948. p.137.
(3)
Ibidem
(4)
Ibidem

= 25 =
"Ut ergo boni simus, indigemus Deo"
"Pour être bons, nous avons besoin de Dieu"
Cette phrase si célèbre au Saint Evêque, reste fonda-
mentale dans sa pensée.
Avant l'aide de Dieu, nous sommes prisonniers des "cade-
nas de las malas codicias y ataduras de los pecados". Parmi ces prisonniers,
il y a ceux qui sont appelés et qui renonçant à cette vocation, continueront
à se vautrer dans la souillure et finiront par se damner. Il y a ceux que
Dieu a prédestinés et qui, même s'ils s'égarent, ne pourront pas manquer
d'arriver à Dieu.
C'est pourquoi,le Saint Evêque affirme que le nombre des
élus est immuable~ent fixé. Reprenant les paroles du Christ(5) , il soutien-
dra qu'un chrétien peut toujours se damner, et partant, que le no~bre des
appelés n'est pas le même que celui des élus.
Pour Saint Augustin, la grâce nous guérit d'abord du
péché originel, et par cette libération, elle nous fait participer à la
nature divine. Grâce libératrice et divinisante qui nous extrait de la
(5)
Jésus dit un jour à ses apôtres:
"Il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus"
Le Saint Ev~que s=~jl~ 3'Jppuyer sur ~2~te pens~e du Christ.
. .. / ...

26 =
massa peccati et nous fait fils de Dieu par adoption, voici en quelques
mots l'idée augustinienne sur la grâce. Cette conception est d'autant plus
dynamique que si celle-ci nous délivre du péché, c'est pour nous rendre
esclaves du Christ.
Baumgartner, dans son oeuvre sur la grâce,(6) rappelle
cette double action définie par Saint Augustin
"San August{n considera la gracia como la ace ion de Dios
en el hombre. Es una accion, una mocion continua que
no solo da el poder de hacer el bien y de actuar de un
modo salv!fico, sino en el acto mismo."
Comment donc concilier cette grâce infaillible qui nous
est offerte et la damnation de certains qui l'ont reçue? Saint Augustin
nierait-il l'efficacité de la grâce?
Non, en aucun moment dans son système, le Saint Evêque
ne nie celle-ci. Il insiste sur le fait que Dieu propose son aide, par sa
miséricorde infinie il nous prévient. C'est seulement à la suite de cet
appel qu'il reste à l'homme à répondre ou non à celui-ci. On comprend main-
tenant pourquoi certains hommes se damnent tandis que les autres sont
sauvés.
Cette conception augustinienne qui, s'inspire elle-même
des idées pauliniennes(7), restera le point de départ de maints systèmes
de pensées, lesquels systèmes, de l'augustinisme aux conceptians théologi-
ques des XVlème et XVllème siècles, s'affronteront en des polémiques
passionnées.
(6)
Baumgartner, Teolog{a deI hombre y de la gracia,
Santander, 1970, p.170.
(7)
Saint Paul : "Epître aux Ephésiens"
chapitres l et 2 , in Bible.

= 27 =
Nous allons revenir sur les plus importants de ces
systèmes qui relient le Vème au XYlème siècle. pour en expliquer l'essentiel
et surtout pour mettre en relief ce qui les oppose ou les unit à l'Augusti-
nisoe.
Ces polémiques commencent du vivant même du Grand Evê-
que. La plupart de ces traités polémiques. tout en précisant et éclairant
les thèses qui précèdent. n'en sont pas moins des réponses aux idées de
leurs adversaires(8). Le plus grand adversaire de Saint Augustin. c'est
Pélage(9).
(8)
H Le De perfectione justitiae hominis de Saint Augustin répond à un
écrit de Célestius;
H Dans le De grgtia christi et peccati originali, Saint Augustin
dénonce les équivoques de ses adversaires sur la grâce;
H De ~uptiis et concupiscentia repris et amplifié dans Contra Julianum
répond aux accusations de Julien.
(9)
Pélage
Moine hérésiarque
né en Grande Bretagne vers l'an 360 et
oort en Egypte
vers 422 .
Il s'éjourna à Rome, passa en Afrique en 410
puis en Palestine. Sa doctrine: le Pélagianisme, affi~e
l'excellence de la création et le libre arbitre aux dépens
du péché originel et de la grâce.
Elle fut combattue par Saint Augustin et condamnée par
plusieurs conciles africains (411, 416. 418)
et p2r le concile d'Ephèse en 431.
... / ...

= 28 =
II - PELAGE ET LE PELAGIANISME
"Vraiment, Augustin n'a pas perdu son temps à batailler
contre Pélage et les Pélagiens"(lO)
Ces mots de Henri Rondet, s'ils sont l'expression d'une
réflexion très personnelle, n'en montrent pas moins l'importance du péla-
gianisme dans la pensée de l'Eglise Catholique.
Dans cette brève étude du pélagianisme que nous allons
faire, nous nous intéresserons moins à la querelle de personnes qu'au;: polé-
miques doctrinaires et dogmatiques elles-mêmes.
Le pélagianisme est essentiellement une doctrine réac-
tionnaire. En effet, en face du système augustinien qui tend à minimiser
l'homme, ou mieux, à montrer l'indigence de l'homme, les pélagiens, quant
à eux, insistent sur l'indépendance absolue de l'homme et sur la puissance
illimitée de sa liberté.
(10) Henri Rondet, op. cit., p.130.
... / ...

= 29 =
Dans une formule très brève, on a souvent dit que
Pélage veut faire de l'homme un dieu tandis que, Saint Augustin, réduisant
l'homme à un rien, donne tout à Dieu.
Il n'est certes pas besoin de faire remarquer qu'une
telle présentation trop schématique, voire même lapidaire, tronque l'un et
l'autre des systèmes. Nous nous garderons d'un tel schématisme, et nous
nous appliquerons à faire un exposé objectif du pélagianisme.
Devant l'affirmation augustinienne sur la grâce
"Ut ergo boni simus indigemus Deo", les pélagiens, par la bouche de Saint
Jérome, s'écrient:
"Me faudra-t-il donc un secours divin pour remuer le
doigt, la main, m'asseoir ou marcher? Une volonté
aussi dépendante n'est plus vraiment libre."(ll)
Les pélagiens luttent donc pour faire reoonnaître une
plus grande liberté à l'homme. Pour eux, il suffit que Dieu édicte la loi
morale tout en nous donnant le libre arbitre; il incombe ensuite à l'homme
de faire son choix. Ils admettent que l'homme puisse demander pardon à
Dieu de ses égarements, ~ais il n'a pas à implorer
son secours.
(11)
Henri Rondet, op. cit., pp.114-11S.
... / ...

= 30 '"
Pélage, de formation stoicienne, fait siennes certaines
idées stoiciennes. Il n'admet aucune différence entre le péché qui nous
donne la mort, et celui qui n'inflige qu'une légère blessure. Il affirme
que tous se valent et qu'ils conduisent tous au feu éternel de l'Enfer.
On peut distinguer d'ores et déjà, dans le système
pélagien, deux genres de vie :
le premier est celui de ceux qui pèchent et sont
forcément condamnés aux enfers;
le second est celui qui, connaissant la loi morale,
restent sans péché et arrivent au salut éternel.
Dans le dilemme pélagien : ne pas pécher et être sauvé;
pécher et se voir condamner, la grâce a-t-elle une quelconque importance?
Il est difficile de répondre avec exactitude à la ques-
tion, du fait que la notion de grâce est assez mal définie par les pélagiens.
Pour eux, en effet, la nature, ou le libre arbitre, la loi morale ou l'exem-
ple du Christ ou même sa doctrine ou encore la rémission des péchés sont
appelés "grâces".
Quelle qu'elle soit, cette grâce est due strictement
aux efforts de l'homme et vient couronner ses mérites.
Entre l'Augustinisme et le Pélagianisme, la différence
n'est pas des moindres. Il s'agit de savoir si l'on peut comprendre la li-
berté sans faire intervenir la notion d'un secours antérieur à la volonté,
"si l'on doit faire de la créature spirituelle comme
un demi-dieu, mattre de sa destinée, ou bien voir en

= 31 =
elle un être qui est à la fois le plus riche et le plus
indigent de tous. obligé qu'il est. pour atteindre sa
fin ultime. de mendier perpétuellement le secours de
Dieu."(l2)
Entre Saint Augustin et Pélage. il y a ceux qui essaient·
de concilier l'un et l'autre des systèmes
ce sont les augustiniens modérés.
A ces derniers. s'opposeront avec vigueur les augustiniens outranciers.
Il y a aussi ceux qui divinisent l'homme en divinisant l'esprit: les
panthéistes; et ceux qui. négligeant l'esprit. font du corps un tout omni-
puissant : les nominalistes. Chacun de ces courants théologiques étant une
réaction contre le précédent. nous les analyserons tout en respectant la
chronologie historique.
III - L'AUGUSTINISME MODERE
En 430. l'Evêque d'Hippone. Saint Augustin meurt. La po-
lémique n'est pas pour autant apaisée. En 493. le pape Gélase(13). trouvant
encore bien réels les dangers du pélagianisme. écrit un long traité pour le
combattre. Ce n'est que le Concile d'Orange(14) qui. par ses mises au point.
écartera pour longtemps le pélagianisme.
(12)
Henri Rondet. op. cit •• p.121.
(13)
Gélase fut le 49ème pape. Il dirigea l'Eglise de 492 à 496.
Il mourut en 496. Ce fut l'un des papes africains.
(13)
Le Concile d'Orange se tint en 529.
... / ...

~ 32 =
Pendant près de deux siècles. on admet la nécessité de
la grâce et la gratuité de la prédestination. L'homme. dit-on alors.
collabore à l'oeuvre de son salut; de ses efforts et de ses prières dépend
aussi l'achèvement de l'oeuvre commencée par Dieu.
Comme on peut le remarquer. les conceptions théologiques
de la seconde moitié du Vlème siècle et de tout le Vllème siècle. demeurent
profondément augustiniennes. Les historiens qualifient cet augustinisme de
modéré par opposition à l'augustinisme outrancier de la fin de Vllème siècle
et du Vlllème siècle.
L'Archevèque de Reims. Hincmar. mettant davantage-
l'accent sur la liberté. s'oppose avec fermeté à l'Evêque de Troyes:
Prudence. Parmi les partisans de ce dernier. on compte le renommé théologien
Ratramne. abbé de Corbie.(15)
La polémique se poursuit jusqu'aux deux Conciles
Le Concile de Quiercy-sur-Oise et le Concile de Valence.
- Le premier se tint à Quiercy-sur-Oise en 853 sous le
haut patronage de Charles-le-Chauve.(16) Dans les conclusions de ce Concile.
tous les p~rticipants défendent la thèse suivant laquelle le Christ est
mort pour tous les hommes. Ils concilient la liberté humaine et la grâce
divine. Nous admettrons avec Henri Rondet que le Concile de Quiercy est
une condamnation formelle de Godescalc.(17)
- Le deuxième Concile est celui de Valence. (18) Celui-ci.
jugeant les résolutions du Concile de QUiercy trop à l'écart de la tradition.
adopte une position qu'il veut purement augustinienne:
(15)
Cf B. Lavaud in Dictionnaire de théologie catholique. T.XII. p.2908.
(16)
Charles-le-Chauve: Roi de France de 843 à 877 et Empereur d'Occident
de 875 à 877. Fi~s ~~ Louis le Pieux.
(17)
Cf Augustinisme outrancier.
(18)
Concile de Valence, IVème siècle.
... / ...

= 33 =
"Ils enseignent que la prédestination des élus est
gratuite et que cependant nul ne se damne qui ne l'ait
voulu librement."(19)
IV - L'AUGUSTINISME OUTRANCIER
La période d'acalmie est passée. L'Espagne qui, avec
Isidore de Séville, soutenait un augustinisme plus intransigeant dès le
VIIème siècle, relance au VlIIème siècle la polémique.
"Voici que bientôt surgit un esprit systématique,
outrancier, obstiné, qui donne des théories de l'Evê-
que d'Hippone une interprétation abusive."(20)
Les historiens appellent aussi cette période "Godescal-
cienne", du no~ d'~n des chefs de file: Godescalc. Celui-ci déforme le voca-
bulaire augustinien et systématise ses conceptions. Condamné au Concile de
Mayenne (21) où il défend la double prédestination, déchu de sa prêtrise au
Concile de Quiercy en 849, fouetté publiquement, il finit par être jeté en
prison. Le "Miserabilis monachus", comme on l'a appelé, s'obstine à dire que'
le Christ n'est pas mort pour tout le monde. mais seulement pour·ceux qui
sont prédestinés.
Ces polémiques ne font que décanter en réalité l'augus-
tinisme. Jusqu'à la fin du Moyen Age, on arrivera à concilier la grâce et la
liberté humaine. Vers 1400, c'est le début de la Renaissance. De nouvelles
philosophies naissent. L'un de ces grands courants est l'humanisme.
(19)
Henri Rondet, op. cit. p.179.
(20)
Ut supra, p.174.
Ul)
Le ':,)i1CiLè Jè ~layenne se tint en 1439.

= 34 =
Plus tard, au XVIIIème siècle et au XIXème siècle, le Rationalisme apportera
de profondes transformations aux conceptions théologiques.
Le très renommé F.C.S. Schiller, originaire d'Oxford,
dans son oeuvre intitulé: Humanism philosophical essays (22), reprend dans
sa doctrine la fameuse maxime de Protagoras :"l'homme est la mesure de toutes
choses." Il écrit en effet:
"Humanism is merely the perception that the philosophie
problem concerns human beings experience by the resour-
ses of human mind"(23)
L'humanisme subordonne, en définitive, toute connaissance
à la nature humaine et à ses besoins fondamentaux. Il cherche donc à valori-
ser l'homme. Cette valorisation ne se fera, dans certains esprits, qu'au
détriment de la présence divine en l'homme.
Dès lors, trois tendances vont s'affirmer et se cons-
tituer en courants philosophico-théologiques. Ce sont :
- le panthéisme,
- le nominalisme,
- et la renaissance d'un augustinisme outrancier.
v - LE PANTHEISME
Faire un résumé théologico-historique du panthéisme
comme d'ailleurs de bien d'autres doctrines philosophico-théologiques n'est
pas chose aisée, tant ces systèmes sont vastes et leurs courants multiples.
(22)
Cet ouvrage parut à Londres en 1903.
(23)
"L'humanisme est simplement le fait de se rendre c~~:t~ ~ue le problè-
me philosophique concerne des êtres humains s'ef:crçant de comprendre
un monde d'expérience hU:"l3Lne :IV2C les ressourCè::3:e l'2sprit humain."
... / ...

35 =
Nous tenterons donc de définir le panthéisme, après
quoi, nous en distinguerons les divers courants. Ensuite, tout en précisant
la position de l'Eglise par rapport à cette doctrine, nous montrerons quelle
place doit être accordée à ce chapitre dans l'ensemble de nos travaux.
Nous nous servirons ici, des travaux de F.A. Schalck et
de ceux de André Lalande, sans oublier ceux de Albert Rivaud et enfin Henri
Rondet. (24),(25),(26),(27).
c'est Toland qui, en 1705, crée le mot "panthéiste".
On désigne par panthéisme, la doctrine d'après laquelle
"tout est Dieu, Dieu et le monde ne font qu'un" , pour reprendre l'expression
lalandiste.
Au point de départ de tous les courants panthéistes que
l'on pourrait dénombrer, il y a un besoin trop prononcé d'unification. Mais
le panthéisme va au-delà de cet ordre de choses, il conclut à "l'Unité subs-
tantielle des choses".
On distingue généralement deux sortes de panthéisme
- la panthéisme matérialiste
et
- le panthéisille idéaliste.
Dans le souci de ne pas compliquer, voire déformer une
doctrine déjà fort complexe, nous citerons un très long extrait· de l'article
de F.S. Schalck qui résume, à notre avis, assez clairement le problème:
(24)
"Panthéisme" in Dictionnaire de théologie catholique
de A. Vacant, E. Mangenot et autres.
(25)
A. Lalande : VocabulairL t~chnique et critique de la philosophie,
P.U.F., Paris, 1951.
(26)
Albert Rivaud : Histoire de la philosophie, T.II
"De la scolastique
a l'~poqU2 classiqu~, p.r.F., Paris, 1950.
(27)
Henri Rondet, op. cit.

• 36 ~
ilLe panthéisme tend à une identification;i1 comporte des
degrés, selon que cette identification est, plus ou moins
radicale. Les systèmes émanatistes sont une première
approximation; il y a là, entre Dieu et le monde, l'union
qui existe entre un producteur et son produit nécessaire.
Puis le monde devient le corps de Dieu; Dieu en est comme
la forme substantielle. Ou bien le monde entre en union
hypostatique âvec Dieu; il subsiste dans la personnalité
divine. Puis il ne devient plus qu'une modalité de la vie,
de la connaissance ou de la volonté divines, un acte
immanent. Enfin le monde n'est plus qu'une illusion,
cette illusion peut être produite rar Dieu, ou même
n'avoir aucune cause réelle ••.
••. En fait, tout panthéisme détériore l'idée de Dieu.
Deux erreurs guettent la pensée
- Ou bien on confond l'analogie avec l'identité;on addi-
tionne l'être divin et l'être des créatures ••• Pour être
conscient, Dieu aura besoin de s'opposer un objet; il
devient, il lutte, il souffre; il se confond avec la vie
de l'humanit~ et en subit les vicissitudes.
- Ou bien on sacrifie l'analogie; alors il ne reste aucun,
moyen de connaître Dieu à partir des choses; on lui
enlève ses attributs les uns après les autres pour le
réduire finalement à l'être indéterminé, voire vide.
La puissance pure a remplacé l'Acte pur.
Tout panthéiste enchaîne Dieu.
Les syjtèmes panthéistes sont déterministes. La liber
té humaine se réduit à la spontanéité d'une cause intel-
li 5ente ... bien et ~al sont égale8ent divins, également
fondés dans la nature de Dieu; Dieu a besoin du mal.

= 37 =
Parce qu'il est déterministe, le panthéisme
fausse lamorale~
Ajoutons finalement que le panthéisme supprime la
religion. Toutes les croyances sont équivalentes. Elles
sont des expressions symboliques d'une vérité inacces-
sible, ou des étapes nécessaires au développement
humain. "(28)
Ce long extrait de l'article de F.S. Schalck se passe
de tout commentaire. On pourrait s'étendre longuement encore sur le panthéis-
me de la Chine ou celui de l'Inde avec ses courants boudhistes et hindouis-
tes
ou même celui de l'Egypte Médiévale et terminer par celui de l'Europe
du XVIIlème siècle, cela ne ferait que confirmer la définition que nous
donnions du panthéisme au début de cette partie à savoir que c'est une
"doctrine dans laquelle tout est Dieu, Dieu et le monde ne font qu'un".
Arrêtons-nous tout de même au panthéisme d'Occident avec
Eckhart et plus tard Spinoza comme maîtres penseurs.
Eckhart est persuadé du néant de la créature en Çace de
Dieu. Parmi toutes les créatures il y en a une, petite, mais raisonnable.
.
~
Petite et grande à la fois puisque Dieu v;ent s'y cacher. Eckhart enseigne
aussi que Dieu est présent dans nos âmes dès les premiers instants de notre
existence. C'est en renonçant à nous-mêmes et au monde que le Seigneur gran-
dit en nous. Si le renoncement est total, l'âme devient Dieu. Nous ne sommes
plus fils de Dieu par adoption comme l'enseignait Saint Paul, nous sommes
devenus Dieu par essence.
(28)
F. S. Schalck, op. cit., voir note 24.
... / ...

= 38 =
Hegel reprend plus tard cette pensée et la fait sienne:
"Les yeux avec lesquels Dieu me voit, sont les yeux
avec lesquels je le vois, mes yeux et ses yeux sont
un."(29)
Plus de Dieu, ni plus d'homme, les deux ne font qu'un,
plus de grâce non plus. On n'en doute pas, les idées panthéistes étaient
trop opposées à la tradition catholique pour que l'Eglise ne réagit pas.
Elle condamna, en effet, fermement la doctrine et ses propagateurs. Parmi
les nombreuses dates qui marquent l'attitude de l'Eglise,nous ne citerons
que quelques unes des plus importantes.
En 1311, au Concile de Vienne, sans réserve aucune, le
panthéisme est condamné par tous les participants.
En 1864, le Syllabus qui est, en fait, la reprise de
l'allocution papale du 9 juin 1862, allocution appelée: Maxima quidem,
consacre son premier paragraphe au panthéisme.
Dans la Constitution dogmatique De fide Catholica du
24 avril 1870, le Concile Vatican l exprime sa ferme position à travers
certains canùns tels que les 3, 4 et 5.
Le canon 3 est ainsi formulé :
"Si quis dixerit, unam eandemque
esse Dei et rerum omnium substantiam vel essentiam,
anathema sit." (30)
Il n'est certes plus indispensable de citer
les deux autres anathèmes que sont les canons 4 et 5.
(29)
Texte cité par Henri Rondet, dans sa deuxième note de la page 238
dans son oeuvre Gratia Christi.
(30)
Anathème à quiconque dit que Dieu et les choses ont une même substance
et même essence.
. .. / ...

39 =
Plus tard encore, le 14 décembre 1887, le Saint-Office
condamne les propositions de Rosmini selon lesquelles l'être indéterminé
est l'essence commune de Dieu et du monde.
Pour conclure ce chapitre consacré à une étude socrmaire
du panthéisme et pour introduire le suivant chapitre, l'on nous permettra
d'emprunter ces quelques mots à Henri Rondet
"A l'opposé du courant mystique (31) où le surnaturel
cherche à se dégager à l'état pur, il nous faut situer
maintenant le courant nominaliste et ses précurseurs."
(32)
En effet, à l'inverse de la pensée d'Eckhart, c'est
le surnaturel qui va être sacrifié à la nature.
VI - LE NOMINALIS~1E
"i:i"ominales sunt philosophi qui scientias non de rebus
universalibus, sed de rerum communibus vocabulis
haberi existimant. "(33)
Parmi les différents courants philosophiques qui ont
marqué les consciences humaines, le Nominalisme n'est pas des plus faciles
à expliquer, ni même à comprendre. Il s'agit, selon le père Vignaux d'un:
(31)
On nomme courant mystique, le panthéisme dont le maître penseur est
le mystique allemend Eckhart.
(32)
Henri Rondet, op. cit. p.236.
. .. / ...

40 =
"problème qui paraît d'une extrême dificulté à
l'histoire de la doctrine. (34)
Dans la présente étude, nous ne nous étendrons pas
longuement sur des analyses trop complexes qui dépasseraient nettement,
du reste, le niveau de notre étude, et par conséquent ne répondraient pas
à nos objectifs immédiats. ~ous tenterons de donner une définition du Nomi-
nalisme, en nous aidant de certaines recherches confirmées, et après avoir
cité quelques noms des maîtres penseurs de cette doctrine, nous verrons
en quoi ce mouvement est pour ou
contre la tradition de l'Eglise.
André Lalande, dans sa très succinte étude sur le Nomi-
nalisme (35), commence par définir la notion elle-même. Pour lui, le Nomina-
lisme est une doctrine d'après laquelle il n'y a jamais d'idées générales,
mais seulement des signes abstraits généraux, et reprenant une idée de
Condillac, il se demande ce qu'au fond la réalité d'une idée générale et
abstraite a dans notre esprit si ce n'est qu'un nom; parce que, dès qu'elle
est autre chose, elle cesse d'être abstraite et générale.
Que ce soit le Nominalisme du X!lème siècle ave~
Abelard ou celui du XIVème siècle avec Ockham, la doctrine porte toujours
sur la logique du problème de la Connaissance.
Après maintes recherches, Ockham aboutit à la non-exis-
tence de l'Universel dans les objets. La seule forme d'e~:istence est dans
l'esprit :""Nullum universale est extra animam""(36)
(33)
André Lalande, dans son dictionnaire déjà cité, cf note 25, rapporte
cet écrit de Goclenius. Voir p.686, l'article intitulé"NOI:linalisme".
(34)
père Vignaux : "Nominalisme" in Dictionnaire de Théologie Catholique
cf note 2l,.
(35)
André Lalande, op. cit. note 25.

= 41 =
"Car, si l'Univers existe réellement par lui-même, il est
concret, donc particulier et perd l'Universalité; mais
s'il n'existe que dans les individus, il se divise et se
multiplie comme eux et cesse d'être universel. S'il n'est
extrait de l'individuel que par abstraction, il n'a plus
qu'une existence mentale et non réelle; l'Universel n'est
donc pas dans les choses mais in anima tantum"(37)
En lui-même, l'Universel n'a donc pas de réalité propre
en tant que sujet. Son unique mode d'existence vient de ce qu'il est pré-
sent dans l'âme, à la façon d'un objet.
Dans la deuxième 'partie de ses travaux, le maître OCKHAM
conclura que toute connaissance porte sur le particulier: seul concret;
et que Dieu n'a d'idées des choses créées que dans la mesure où il a l'in-
tuition de ce qu'il produit. Et de ce qu'il ne produit pas ou ne produira
jamais, il n'a aucune idée. OCKHAM rejette donc l'idée de l'entendement en
puissance qu'on voyait en Dieu; entendement du monde possible et futurible
qui, selon la tradition, était différent de l'Univers réalisé.
A cette conception quelque peu singulière de Dieu, vien-
nent s'ajouter d'autres idées nominalistes tout aussi particulières. Ces
idées choqueront l'Eglise et l'emmèneront à réagir en rejetant la doctrine
nominaliste sans aucune réserve.
?our bien se rendre compte combien ces nouvelles concep-
tions heurtentla tradition de l'Eglise, il suffit de lire l'a~ticle de
Grégoire de KIMINI, article cité par VIGNAUX et consacré à l'ordre moral
et à l'ordre de la justification. (3G)
(37) P. VIGNAUX: Nominalisme, in Dictionnaire de Théologie Catholique,
op. ci~., p. 750.
(38) Ut supra.
• •• 1 •••

= 42
Comme on peut le lire, le Dieu des Nominalistes
n'est pas le Dieu Paulinien ou Augustinien. Tout est remis en cause dans
la nouvelle doctrine: l'idée de Dieu, l'ordre normal, la grâce, en un
mot, tout ce qui faisait la longue tradition de l'Eglise.
C'est pourquoi, avec une très grande fermeté,
l'Eglise condamnera ces nouvelles doctrines. Le 7 septembre 1907, le pape
Pie X, dans son Encyclique Pascendi, dénonce toutes ces doctrines moder-
nistes comme contraires à l'Eglise, car conduisant toutes au panthéisme.
En face du Nominalisme il y a l'Augustinisme
outrancier qui renaît. L'un des maîtres penseurs est sans aucun doute
Grégoire de RIMINI, véritable hérétique que nous avons cité dans le cha-
pitre précédent.
On proclame que l'on peut arriver à la vision de
Dieu sans aucun don surnaturel. Parallèlement, en Angleterre, celui qu'on
a appelé le doctor profondus, Thomas BRADWARDIN, mort en 1349, déduit de
ses raisonnements que Dieu est cause universelle de tout être et de toute
action; et, partant, la liberté pour lui se ramène à la spontanéité.
Nous ne nous attrtrderons pas outre mesure scr ces
derniers courants, ni non plus sur toutes les autres doctrines philoso-
phico-théologiques prémoliniennes. Mais, en quelques mots, résumons les
courants que nous venons de voir.
C'est par l'Evêque d'Hippone, Saint Augustin, et la
doctrine à laquelle il donna naissance que nous avions commencé l'esquisse
historique. C'est donc au Vèrne siècle que le Saint Evêque pose le problème
sur le rondement des thèses pauliniennes. Il fait alors intervenir la grâ-
ce dans le processus du salut éternel.
Pélage réagit contre ces thèses augustiniennes.
Dès lors les deux courants: Augustinisme et Pélagianisme vont s'affronter
inlassablement.
... / ...

= 43
Les deux courants sont si opposés que le Concile
d'Orange juge bon de faire une mise au point. Pendant les deux siècles
qui suivent, il règne un augustinisme très modéré. Mais avec la période
godescalcienne, un augustinisme outrancier voit le jour.
Plus tard, vers 1300, avec la Renaissance, de
nouveaux courants philosophiques apparaissent. L'humanisme favorise la
naissance du panthéisme. On proclame alors que, arrivé à l'état de perfec-
tion, les yeux de l'homme étant ceux de Dieu, l'homme devient donc Dieu.
Le courant Nominaliste, à l'inverse du courant
Panthéiste qui tente de dégager le surnaturel à l'état pur, va sacrifier
ce surnaturel.
A cette même époque, en Espagne et en Angleterre,
renaît un augustinisme systématisé.
Le but essentiel que nous poursuivions en faisant
cette esquisse historique, était de faire apparaître les fondements his-
toriques des deux courants théologiques qui nous intéressent à savoir
le Molinisme et le Banécianisme; ceux-là même que nous allons étudi~r
dans le chapitre suivant.
... / ...

= 44
CHA PIT R E
II
MOLINISME
ET
BANECIANISME

= 45 =
"Representa este drama la polémica sostenida
entre jesuitas y dominicos (Padres Molina y Banez)
sobre la predestinacion en relacion con el libre
albedrto y la misericordia divina, castigando la
soberbia humana." (1)
(1) Manuel y Antonio MACHADO : El Condenada por Desconfiado de Tirso de
Molina, Editorial Nacional, Madrid, 1970.
"Ce drame représente la polémique soutenue entre jésuites et dominicains
(Pères Molina et Banez) sur la prédestination en rapport avec le libre
arbitre et la miséricorde divine, châtiant l'orgueil humain."

46 =
Molinisme et Banécianisme avons-nous intitulé
ce chapitre pour signifier les deux courants théologiques qui vont marquer
les XVIème et XVIIème siècles, notamment en Espagne et un peu au Portugal.
Dans l'étude que nous allons faire de ces deux
doctrines, nous
porterons surtout notre intérêt sur le molinisme, ne
faisant intervenir le banécianisme que pour l'opposer de temps à autre
au premier. Cet intérêt tout particulier que nous accordons au premier
explique la disproportion entre les parties consacrées à l'un et à l'autre
de ces courants.
Après une très brève étude biographique de Louis
~OLINA (d'où le nom du courant auquel il donnera naissance: le ~1olinisme),
nous rappellerons les circonstances dans lesquelles le penseur jésuite
Louis MOLINA est né, l'essentiel de sa doctrine, les controverses qu'il
a suscitées et les modifications qu'il a subies. (2)
(2) Nous tirerons l'essentiel de ce chapitre du long article de E. VN~S­
TEENBERGHE intitulé le Molinisme (a)
(a) "Le Holinisme" in Dictionnaire de Théologie Catholique
Tome dixième - deuxième partie. Article de E. VN~STEENBERGHE,
Librairie Letouzey et Ané, Paris, 1929.
h..
VACANT • E. MANGENOT • E. AMANN.

= 47 =
l - LA VIE DE LOUIS MOLINA
Louis MOLINA vient au monde à Cuenca, en Espagne,
en 1536.
Le 18 août 1553, il entre à la Compagnie de Jésus
à Alcala.
Son noviciat terminé à Lisbonne, il est envoyé au
collège de CoImbre au Portugal, où, après avoir fait ses études de philo-
sophie et de théologie, il devient lui-même professeur de théologie.
Quatre ans durant il y enseigne ladite matière.
Après d'autres études de théologie à Evora et à
CoImbre où il obtient le titre de Docteur, il est nommé professeur de
théologie à Evora "où son succès fut éclatant et ne se démentit pas
pendant vingt ans." (3)
Revenu en Espagne, il passe ses dix dernière5
années au collège de Cuenca. Il se consacre à la publication de S011
oeuvre : La "Concordia" dans laquelle il réunit tous ses anciens cours.
"Sa vie -constate E. VANSTEENBERGHE- se fut pro-
bablement écoulée jusqu'au bout dans le calme et
son nom serait resté obscur, parmi t~nt d'autres
de professeurs qui furent jadis célèbres dans leur
milieu, s'il n'avait fait qu'exposer devant ses
élèves le fruit de ses subtiles méditations. Mais
la publication de ses idées allait soulever une de
ces controverses les plus retentissantes et les
plus durables dans toute l'histoire de la théolo-
gie." (3)
(3) E. VANSTEENBERGHE,
op. cit., p.2ü91.
. .. / ...

= 48
En 1559, au mois d'avril, une Chaire de théologie
morale est fondée à Madrid; on l'y appelle. Il n'occupera cette Chaire
que pendant six mois seulement, car il meurt le 14 octobre 1600. Il a
soixante cinq ans.
II - LA QUESTION AVANT MOLINA
II.1. Les définitions du Concile de Trente
Au moment même où l'Espagne s'apprête à entrer dans
une ère toute nouvelle, et que ses structures éclatent dans la nouvelle
société qui se constitue, l'Eglise Catholique quant à elle, face à l'héré-
sie protestante, s'appuyant sur sa longue tradition réaffirme sa position
sur certaines questions doctrinales. Notamment sur celle de la justifica-
tion, c'est-à-dire le processus par lequel l'âme, d'abord ennemie de Dieu,
en devient l'amie. Elle redétermine les degrés de la participation de Dieu
et de celle de l'homme.
Par la voix du Concile de Trente, dans son décret
du 13 janvier 1547, elle résume sa doctrine de la justification dans deuA
anathèmes :
"Anathème à quiconque dira que l'homme peut croire,
espérer, aimer ou se repentir comme i l le faut
pour recevoir la grâce de la justification, sans
l'inspiration prévenante et le secours du
Saint-Esprit. "
"Anathème à qui dira que la volonté libre de
l'homme, mue et excitée par Dieu ne coopère au-
cunement pour se disposer et se préparer à rece-
voir la justification, en acceptant l'excitation
... / ...

-
- - - -
= 49 =
et l'appel de Dieu, et que l'homme ne peut pas,
s'il le veut, les rejeter, mais que, comme un être
inanimé, il ne fait absolument rien et reste tout
à fait passif."
Comme on peut le noter, ces deux anathèmes sont
une nouvelle condamnation du Pélagianisme. (4)
Alors que le viel ordre dominicain n'arrive pas à
s'opposer avec efficacité à l'invasion de l'hérésie protestante, le nou-
vel ordre: La Compagnie de Jésus, de son fondateur Saint Ignace de
LOYOLA, (mort en 1556), adopte une position plus ferme et tente de ré-
pondre à des questions qui, dans l'oeuvre de Saint Thomas n'avaient pas
trouvé de réponse. Le àébat porte sur deu:c questions essentielles:
1/ Quelles est, dans la production de l'acte
salutaire, la part de la grâce et celle de la volonté humaine?
2/ Comment la grâce de Dieu peut-elle agir infail-
liblement, si la volonté libre peut ne pas consentir à ses sollicitations?
Pour répondre à ces questions, les Dominicains
mettent en avant la toute-puissance de la volonté divine. Quant aux
Jésuites,
(4) Il faut se rapporter ici, au chapitre précédent dans lequel nous avons
fait une longue analyse du Pélagianisme et de la position de l'Eglise
par rapport 3 ce système de pensée.
• .. 1 ...

= 50
"qUI. oVcdent tant à faire à ces négateurs de la
liberté qu'étaient les protestants, ils cher-
chaient avant tout à sauvegarder la liberté
humaine." (5)
La conception jésuite recoupe sur bien de points
celles des théologiens apologistes de l'Université de Louvain: les Driedo,
les Sonnius, les Tapper, les Tilet.
Jean DRIEDO écrit en effet dans son livre
De gratia et libero arbitrio :
"Quiconque comprend bien la grâce et le libre
arbitre ne les sépare pas dans l'oeuvre bonne"(6)
Plus loin il ajoute que le bon usage du libre arbitre, prévu par Dieu,
peut être un
motif d'élection à la grâce de la justification. Selon lui,
la prédestination est un décret par lequel Dieu décide d'appeler et d'aider
l'homme d'une manière qu'il sait apte à provoquer son obéissance.
Son disciple Ruard TAPPER reprend la même idée
en affirmant que, entre les enfants de Dieu, il y a ceux qui suiven~ Dieu
et ceux qui ne le suivent pas. La différence entre les deux consiste en
ce que Dieu appelle les premiers seuls, d'une manière qu'il sait, d'après
leurs dispositions. devoir être suivie d'effet, tandis que les autres,
sachant qu'ils ne sont pas disposés à répondre positivement à son appel,
il prévoit que son secours reste inefficace.
Tilet précise que Dieu sait d'avance si l'homme
coopérera ou non à la grâce, parce qu'il "scrute les coeurs".
Le père jésuite FONSECA apporte à la doctrine de
la Compagnie un nouvel élément: la "science moycu"e".
(5) E. VANSTEENBERGHE, op. cit., p.2096.
(6) Ut supra.
... / ...

51
En 1556 Barthélemy CA}ŒRARIUS, dansson"ûe prae-
destinatione, 1ibero arbitrio et gratia contra Ca1vinum" clarifie la
notion de la prescience. Il affirme que les décrets éternels sur la dis-
tribution de la grâce sont précédés de la prescience de l'usage que les uns
en feront, s'ils la reçoivent.
Mais il faut attendre 1564, pour que le père
jésuite Pierre de FONSECA, dans le huitième livre de son traité paru à
Lisbonne en 1564 et intitulé: "Institutionum dia1ecticarum", définisse
le caractère propre de la science moyenne, antérieure, selon lui, aux
décrets divins.
Ce sont toutes ces idées que Louis MOLINA rassem-
blera et organisera en système auquel restera attaché son nom : le Mo1inis-
me.
et les idées de Banez.
L'Ecole dominicaine de Salamanque eut une très
longue lignée de professeurs illustres. François de VICTORIA mort en 1546,
Dominique de SOTO, Pierre de SOTOY~JOR et Barthélemy de MEDINA sont du
nombre.
Tandis que les premiers, bien qu'éta~t thomistes,
ne se croyaient pas obligés de suivre pas à pas Saint THOr~S, les deux
derniers amorcent un mouvement de retour vers un thomisme plus rigide.
En 1539, VICTORIA explique que, si la volonté
agit, Dieu coopère à son acte. La conversion est libre. "l'infusion de
la grâce dépend donc de ma liberté; Dieu nous meut librement, puisque
nous
pouvons résister à cette motion divine."(7)
(7) Citation extraite des écrits inédits de VICTORIA c~tée par E. V.\\~S­
TEE~BERGHE, p.2ü97.
!

52
SOTO, dans son "De natura et gratia" (8), affirme
que si notre consentement n'est pas cause de la prédestination, il est
néanmoins d'une certaine façon, cause de la justification.
"Est-ce par vénération pour Saint THOMAS
-demande E. VANSTEENBERGHE- que PIE V proclama SOTO docteur de l'Eglise,
ou pour sa réaction contre l'orientation prise par la Compagnie de Jésus ?'X9:1
Le mouvement de retour vers un thomisme plus
rigide trouve sa formule définitive chez Domingo BANEZ, celui-ci veut
même pourfendre quiconque trahit la pensée de son maître.
Il part du principe que, Dieu étant cause de tout
être, rien n'arrive sans qu'il en soit lui-même cause.
"De ce que Dieu veut
Une chose, on peut conclure que
nécessairement elle arrive, dans le temps et de
la manière qu'il veut. Cela est vrai, même de tout
acte libre, et même du péché considéré dans son
être et non dans sa malice. Le secours divin est
cause efficace de la grâce et de la conversion.
Le refus de secours efficace est cause de la non-
convertion; parce qu'il s'en suit nécessairement
que l'homme ne se convertira pas. Dieu connaît
les futurs contingents dans leurs causes, en tant
que celles-ci sont déterminées par la cause pre-
mière; il connait les péchés futurs.dans leur
cause, en tant que celle-ci n'est pas déterminée
par la cause première à bien agir".(lO)
Comment concilie-t-il la liberté humaine et sa
doctrine?
(8) Cf article de E. Vfu~STEENBERGHE, p.2097.
(9) Ibidem.
(10) Ut supra p.2098.

53
La liberté a sa source dans un jugement; elle
consiste dans le choix des moyens par rapport aux fins, objets de la
volonté.
Les desseins immuables de Dieu ne lient pas notre
jugement; ils ne détruisent pas la liberté de nos actes.
Quant à la prédestination et à la réprobation,
ce sont des actes de la volonté divine, des décrets de Dieu décidant
d'accorder à ceux-ci et de refuser à ceux-là les secours efficaces, pour
manifester sa miséricorde ou sa justice.
Depuis 1577, BANEZ enseignait à Salamanque. Le 20
janvier 1588 eut lieu une "dispute publique". Ce fut
pour BANEZ l'occasion
d'intervenir avec vivacité sur les questions de la prédestination et de la
justification. Après trois séances de discussions, aucun point d'accord
ne fut trouvé. Le 5 février l'affaire fut portée devant le Tribunal de
l'Inquisition.
Après deux ans de procès, l'Inquisition défendit au
jésuite Louis de LEON d'enseigner ses théories selon lesquelles le Christ
n'était pas mort pour tout le monde, mais seulement pour les. prédestinés,
mais refusa de condamner les propositions banécianistes qui lui avaient
été soumises par le R. père Jean de Sfu~TA-CRUZ.
En 1588, MOLINA fait imprimer La "Concordia" (11)
(11) Le titre complet de l'oeuvre de ~~LI~A que l'on d ~ini par d~pe12r
"Concordia" est en fait: Concordia liberi ,lr'::itri '-:'1[\\ 'c:r:ti,e dXlis.

= 54 =
à Lisbonne. L'ouvrage avait été approuvé par l'Inquisition portugaise;
mais dès qu'on le mit en vente. des réticences surgirent. on mena une
enquête. Dans une lettre du Il mai 1594. Jean de las CUEVAS affirme que
le Cardinal d'Autriche a fait surseoir à la vente de l'ouvrage.
BANEZ. consulté par le Cardinal. avait cru décou-
vrir dans La Concordia neuf ou dix propositions que l'Inquisition avait
interdit d'enseigner. B~~EZ lui-même groupa celles-ci en trois objections
principales.
- La première se rapportait à la Providence,
- La deuxième à la source de la prescience
- La troisième à l'effet des secours divins.
Communiquées à Molina, ces propositions furent
tant et si bien réfutées que l'interdiction fut levée, et au début du mois
de Juillet de l'année 1589, le livre put être remis en circulation.
III - LES THEORIES EXPOSEES PAR MOLINA DANS
LA CONCORD lA
Le dessein de MOLINA est de montrer l'accord qui
existe entre le libre arbitre d'une part, la grâce, la prescience, la pro-
vidence. le prédestination et la réprobation d'autre part.
(Suite de la note Il) divina praescientia providentia. praedestinatione
et reprobatione ad nonnullos primae partis divi
thomae articulos.
. .. / ...

= 55 =
111.1. La Science divine
111.1.1. La liberté humaine
"Dieu a créé l'homme dans l'état d'innocence".
L'ayant destiné à une fin surnaturelle et ayant voulu qu'il parvint à
cette fin per propia merita eidem fini congruentia, il lui a donné, non
seulement des principes par lesquels il pourrait mériter la vie surnatu-
relle (ces principes sont les vertus surnaturelles). mais encore la jus-
tice originelle. en soustrayant son corps à la fatigue. à la maladie et
à toutes les souffrances terrestres. Ainsi l'homme pouvait-il vivre avec
promptitude et facilité les commandements et mériter la vie éternelle.
Le péché d'Adam eut pour double effet
d~
dé-
pouiller l'homme des dons surnaturels et de priver les forces naturelles
de la vigueur qu'elles tenaient de la justice originelle. Il a laissé ses
forces dans l'état où elles eussent été si l'homme avait été créé in puris
naturalibus.
Le péché d'Adam n'a pas détruitla
liberté. mais
l'a atténuée et inclinée -selon l'expression du Concile de Trente-
Si donc on peut dire que ce premier péché a blessé l'homme in naturalibus.
c'est par comparaison avec l'état "d'innocence" et non l'état de nature
pure.
La volonté reste toujours libre. Elle peut coopérer
ou non avec le secours divin ou même poser des actes qui lui sont opposés.
Les actes surnaturels dépendent donc à la fois de la grâce et du concours
de la volonté.
Dans l'état d'innocence. nos premiers parents
pouvaient. avec le seul concours général de Dieu. éviter tout péché. même
véniel. en accomplissant la loi naturelle.

= 56 =
Hors de l'état d'innocence, avec le seul concours
général de Dieu, l'homme peut vouloir et faire des actes moraux accommodés
à sa fin naturelle, mais il est incapable de rien faire qui conduise à sa
fin surnaturelle, sans un secours d'ordre surnaturel.
Si donc certains se convertissent et d'autres pas,
cela ne provient pas précisément de ce que les premiers ont reçu la grâce
prévenante et la vocation interne, et les autres non; car la grâce n'est
pas seule en cause.
Si quelqu'un croit au Christ et respecte ses com-
mandements, cela ne dépend pas seulement de la quantité ou de la qualité
des secours qu'il reçoit, mais encore de sa libre coopération.
En quoi consiste cette coopération à l'acte sur-
naturel?
Comme deux agents d'influence inégale meuvent un
mobile alors que l'énergie déployée par chacun n'y suffirait pas sans la
coopération de l'autre, tout le mouvement provient de chacun des moteurs
qui en sont causes partielles, mais avec la coopération de l'autre.
Ainsi il en est de Dieu et de notre volonté libre, qui sont comme de'lx
parties d'une cause intégrale unique.
Voilà pourquoi, dire avec le Concile de Trente que
notre volonté consent
librement à la motion divine ou coopère aux actes
surnaturels, loin d'exclure le secours de Dieu ou la coopération divine,
le suppose.
La conclusion de tout cela est que :
al dans la production de tous les actes surnaturels
nécessaires à la justification, nous sommes libres, et celle-ci dépend de
nous.
bl Après la justification, nous sommes libres
d'accomplir (avec l'aide des vertus surnaturelles reçues et des autres
secours divins) des actes qui nous voudront une augmentation de grâce
. .. 1 ...

= 57 =
et de gloire, et nous pouvons librement, soit persévérer dans la justi-
fication, soit perdre cette grâce par le péché mortel.
Sans aller jusqu'à nier la liberté, Guillaume
d'OCCAM, Gabriel BIEL_ et d'autres Nominaux (12) ont soutenu qu'elle
n'existe plus au moment même de la volition ou de la nolition parce qu'il
serait contradictoire que la volonté ne veuille pas, à l'instant où elle
veut. Erreur dangereuse, car, si la liberté n'existe qu'avant ou après la
volition ou la nolition, où est la liberté de l'acte créateur voulu de
toute éternité et où est la malice de la décision contraire à la loi de
Dieu?
111.1.2. Le secours divin
111.1.2.1. Le concours ~én~ra! de Dieu
al Le concours de Dieu avec les causes secondes.
c'est l'un des points essentiels sur lesquels
MOLINA a une théorie très personnelle. Sa position se situe entre celle
du nominaliste Gabriel Biel, celle du père DURAND et celle de Saint THOMAS.
- Pour Gabriel BIEL,
le feu ne réchauffe pas, et le soleil n'éclaire
pas, Dieu réchauffe et éclaire en eux et en leur présence. La cause pre-
mière est donc efficiente; les autres ne sont que des causes sine quibus
non, en ce sens que Dieu a décidé de ne produire qu'en leur présence les
effets que nous leur attribuons.
(12) Nous avons déjà cité ces noms dans le chapitre que nous avons
consacré à l'étude des courants théologiques prétirsiens. Ce sont
en effet, les maîtres penseurs du Nominalisme.
. .. / ...

= 58 =
- DU~~
affirme, à l'extrême opposé, que les causes se-
condes agissent et produisent leurs effets sans que Dieu y concoure
au-
trement que par la conservation de leurs natures, et des forces qu'il leur
a données. Le feu réchauffe par sa propre vertu spécifique; mais il ne
peut le faire que parce que Dieu le conserve lui-même et lui conserve son
pouvoir calorifique. L'action de la cause seconde sur l'effet est immédiate,;
celle de Dieu n'est que médiate.
Selon MOLI~A, la conception de Gabriel BIEL est
contraire à l'évidence et sotte, tandis que la seconde, celle de DURAND
est peu sûre.
Il reste la conception:
- THOMISTE, plus nuancée, conception selon
la-
quelle Dieu coopère de deux façons avec les causes secondes. Il
leur
donne et leur conserve le pouvoir d'agir. Dieu et la cause seconde sont
deux agents coordonnés entre eux.
MOLINA quant à lui, soutient au contraire que Dieu
concourt immédiatement, immediatione suppositi, avec les causes secondes
pour produire leurs actions et leurs effets. C'est ce qu'on appelle le
concours simultané. Lorsque deux moteurs tirent un navire que chacun se-
rait incapable de mouvoir seul, chacun est cause partielle du mouvement
tout entier.
bl Le concours divin avec la volonté libre
dans la production des actes naturels.
Le concours général de Dieu s'exerce non in
causam mais cum causam.
/

= 59 =
Ainsi nos actes mauvais ne répondent pas à la
fin pour laquelle Dieu nous a donné la liberté et son concours général.
Mais il les permet en vue d'un plus grand bien: l'exercice normal de
notre volonté libre.
Quant à nos oeuvres bonnes, il les veut d'abord,
d'une volonté conditionnelle, si nous les voulons nous-mêmes librement.
C'est ainsi qu'il veut le salut de tous les hommes, mais prévoyant cel-
les qui émaneront de notre volonté libre, il les approuve et les veut
d'une volonté absolue.
111.1.2.2. ~e_s~c~u!s_p~r!i~u!i~r_d~Qi~u_
avec la volonté libre
a/ Nature de ce concours
Outre le concours général, Dieu donne à l'homme
des secours particuliers ou "quotidiens".Ce sont.par exemple, des ?ré-
dications, des exhortations, des lectures. des pieuses inspirations de
la part des anges. Mais d'ordinaire. on les appellle Auxilia gratiae.
Le concours général ne s'exerce pas sur le libre
arbitre comme cause des actes naturels, mais avec le libre arbitre sur
ces mêmes actes.
- La grâce prévenante meut le libre arbitre et le
rend capable de produire avec elle des actes surnaturels.
- Par suite, le concours général ne préc~de, ni
dans le temps. ni par nature, l'action du libre arbitre: les deux
influx qui dépendent l'un de l'autre sont simultanés. unis pour produire
l'effet unique. La grâce prévenante au contraire, préc~de d'ordinaire,
dans le temps et par nature, l'influx de la volonté libre et peut ne
• .. 1 ...

= 60
pas aboutir, lorsque la volonté se refuse à coopérer avec elle. Mais la
grâce prévenante devient coopérante quand la volonté agit avec elle.
bl Son rôle dans la justification
Il existe toute une série de grâces qui conduit
de la foi à la justification.
Tandis que l'homme instruit par la prédication,
ou autrement, des vérités révélées, y réfléchit, Dieu l'aide à les mieux
comprendre ou élève sa pensée aux li@ites de la connaissance surnaturelle.
Cet influx divin est un mouvement de grâce prévenante et la connaissance
rendue surnaturelle est une grâce
prévenante ex parte intellectus.
Quand l'homme considère combien les vérités ainsi
connues sont dignes d'assentiment, un mouvement naît naturellement dans
sa volonté, qui l'invite en quelque sorte à commander à l'intelligence
l'assentiment. Dieu insère son concours dans ce mouvement pour le rendre
plus pressant et surnaturel. Le mouvement ainsi devenu surnaturel est une
grâce prévenante de foi ex parte voluntatis.
Enfin, l'hoIT~e bien disposé par ces actes 5Lrna-
turels d'intelligence et de volonté reçoit l'habitus fidei qui lui est
infusé par Dieu seul.
Cet habitus fidei comprend deux parties, dont
l'une réside dans la volonté pour mouvoir l'intelligence, l'autre dans
l'intelligence pour produire les actes commandés par la volonté. La der-
nière seule est appelée proprement: habitus fidei supernaturalis.
Prévenu par la grâce prévenante de charité, la
volonté peut faire l'acte surnaturel de contribution q'li est] 'ultime
disposition à la grâce sanctifiante.
... / ...

= 61 =
En définitive, la science que Dieu a des futurs
contingents n'est pas une science de vision, aussi longtemps que ceux-ci
n'existent pas réellement dans le temps, mais seulement une science de
simple intelligence; si on peut l'appeler science de vision, c'est parce
qu'elle est éternelle et qu'il arrivera un moment où elle coexistera avec
les futurs réalisés dans le temps.
La prescience divine s'accorde avec les futurs
contingents parce que, quoi que fasse la volonté libre, Dieu fera en
sorte de n'avoir pas prévu autre chose.
- La triple science de Dieu
Il Y a donc en Dieu, une science par laquelle il
voit, dans son essence, ce que feraient librement les causes secondes
dans toutes les circonstances où elles pourraient être placées; cette
science n'est pas purement libre comme celle qui suit la libre détermi-
nation de la volonté; elle n'est pas non plus purement naturelle, comme
celle qui est coextensive à sa puissance, il faut l'appeler mixte ou
moyenne.
111.2. La volonté divine
La volonté divine se réalise-t-elle toujours?
Tout ce que Dieu veut de Volonté absolue se ré-
lise toujours.
Tout ce que Dieu veut de volonté conditionnelle ne
se réalise pas toujours, parce que la réalisation de cette volonté dépend
du libre jeu de l'activité créée.

= 62
111.3. La Providence
La Providence divine est l'idée de l'ordonnance
des choses par rapport à leurs fins, telle que Dieu la conna!t et se pro-
pose de la réaliser, par lui-même ou par l'intermédiaire des causes secon-
des. Elle est un acte de l'intelligence pratique, complété par un acte de
volonté.
Ce n'est pas parce que Dieu prévoit les effets
contingents et y pourvoit qu'ils arriveront, mais parce qu'ils seront
librement produits qu'il les prévoit et y pourvoit. S'ils devaient être
autres, comme ils le peuvent, Dieu aurait prévu le contraire et y aurait
pourvu.
La prédestination d'une créature est:
"La raison (l'idée) de l'ordre et des moyens par
lesquels Dieu a prévu, par sa science moyenne,
que cette créature arriverait à la vie éternelle,
jointe au dessein ou à la détermination de la vo-
lonté divine de la réaliser pour sa part.'1
Elle est donc formellement en Dieu, et par con-
séquent éternelle.
En réalité, Dieu a choisi les prédestinés par le
fait même qu'il s'est complu dans les moyens et la fin qu'il prévoyait
pour eux.

= 63
Il faut par suite.rejeter aussi l'opinion de
ceux qui se représentaient Dieu comme ayant décidé, pour ainsi dire,
d'abord de créer tous les hommes et les anges, puis de donner la béati-
tude aux uns (les élus) et non aux autres (les réprouvés), enfin, de
fournir aux premiers les moyens de salut (prédestination) et de permettre
aux autres le péché et l'endurcissement. La réprobation n'est pas un acte
arbitraire, antérieur à toute considération de mérite et de démérite
beaucoup d'hommes sont exclus de la vie éternelle et punis pour leurs
péchés. Dieu en a décidé ainsi, non dans le temps, mais dans l'éternité;
voilà en quel sens, il y a de sa part une réprobation éternelle.
Pourquoi Dieu prédestine-t-il celui-ci plutôt que
celui-là?
111.4.2. Cause de la Prédestination
Le prédestiné a-t-il quelque mérite susceptible
de justifier les faveurs dont il est l'objet?
Il faut évidemment écarter les erreurs
- celle de LUTHER,
qui nie la liberté et le mérite;
- celle de PELAGE,
qui attribue au seul mérite de l'homme tout
l'effet de la prédestination;
- celle de Saint AUGUSTI~,
qui croyait, avant son ~piscopat, à la possibilité
d'un acte salutaire, sans la grâce;
- ou encore celle de Saint THOMAS,
Saint selon lequel, les prédestinés le sont parce
que Dieu prévoit qu'ils feront bon usage de la première grâce reçue.

= 64
Pour bien distinguer les responsabilités respec-
tives de l'homme et de Dieu dans le processus du salut éternel. Louis
MOLINA propose deux situations:
1/ Au sens divisé. c'est-à-dire dans le cas où
l'on considère Dieu et l'homme comme deux êtres distincts. oeuvrant l'un
à côté de l'autre pour le même but. on comprend dès lors que l'adulte
prédestiné puisse ne pas obtenir la vie éternelle. puisque ni la prédes-
tination antécédente. ni les dons ou la coopération de Dieu ne l'empê-
chent d'agir librement, de manière à encourir la damnation comme s'il
n'avait pas été prédestiné.
2/ On comprend aussi qu'au sens composé c'est-à-
dire si l'on considère Dieu dans son immanence. sa transcendance et son
omniscience. et l'homme comme un être-en-Dieu. il ne puisse pas ne pas
être sauvé. parce que la prédestination et la perte de la vie éternelle
sont incompatibles en fait. et que. si cet homme allait abuser de sa
liberté pour perdre la vie éternelle. Dieu n'aurait pas prévu. qu'il
arriverait par les moyens qu'il lui destinait, et n'aurait pas eu la
volonté de le conduire par eux au salut.
- Cause de son effet intégral
La prédestination de l'adulte, considérée dans
son effet intégral. c'est-à-dire non seulement dans ses effets surna-
turels. mais dans tout ce qui est moyen par rapport à la v~e éternelle:
vocation externe, temps et lieu de naissance. tempérament etc •.• n'est
pas un acte du prédestiné. Elle est due uniquement à la volonté miséri-
cordieuse de Dieu. Rien en effet. dans le prédestiné. qui précède ce
résultat intégral. L'usage de la volonté libre. auquel on serait tenter
de penser, est postérieur à une foule de circonstances qui entrent dans
l'effet intégral de la prédestination; bien plus. il en fait partie
lui-même.
. .• 1 ..•

= 65 =
Cette conclusion reste vraie, si on entend par
effets de la prédestination ceux qui se rapportent à l'ordre surnaturel;
leur ensemble dépend de la seule volonté de Dieu. S'il y avait quelque
participation du prédestiné dans sa prédestination, ce serait la prévision
du bon usage de la liberté, mais les secours grâce
prévenante et exci-
tante précèdent l'usage qui en sera fait, et l'importance des grâces ul-
térieures ne dépend nullement de leur emploi : on voit des justes finir
par être damnés et des larrons être sauvés.
Tout cela n'empêche pas d'ailleurs, la volonté
libre d'être une partie de la cause libre de laquelle dépend une partie
de l'effet total de la prédestination.
La réalisation effective de la prédestination de
l'adulte dépend, non seulement de Dieu, mais de la coopération libre du
prédestiné; et ce n'est pas parce que Dieu l'a prévu que le prédestiné
coopérera, c'est au contraire parce qu'il coopérera que Dieu l'a prévu.
Ainsi le décret éternel de Dieu relativement à
chaque individu, qu'il s'agisse des anges, d'Adam, de l'homme après la
chute, est un
décret de Providence; mais la prescience du bon usag~ que
certains
feront de leur liberté aidée des secours providentiels en fait
pour eux un décret de prédestination.
MOLINA ne se représente donc pas la prédestination
comme un choix purement arbitraire par lequel Dieu, sans tenir compte de
la liberté de chacun et pour avoir l'occasion de manifester à la fois sa
miséricorde et sa justice, aurait décidé de conduire les uns à la vie e-
ternelle et de repousser les autres à cause des péchés dont il savait
qu'ils se rendraient coupables, par le fait même qu'ils n'étaient pas
prédestinés.
Il croit au contraire que Dieu, prévoyant tous les
futurs, a choisi librement l'ordre des choses et des secollr~. dans lequel
il prévoyait que certains adultes ou enfants parviendraient à la vie éter-
nelle et les autres pas, plutôt que tel autre ordre de choses ou les élus
et les réprouvés eussent été différents.
. .• 1 ..•

= 66 =
Mais si le choix de cet ordre a été la prédes-
tination elle-même pour ceux-ci, et non pour ceux-là, la raison ou la
condition en fut, du côté des adultes, que les uns coopéreraient libre-
ment, les autres non, et que Dieu l'a prévu par la hauteur de son intel-
ligence.
Enfin, quoique Dieu n'ait pas été lié, dans
son choix de tel ordre de choses, par l'usage qu'il prévoyait devoir
être fait de la liberté; il a pu cependant en tenir compte en bien des
cas; il convenait même qu'il le fit, et il l'a fait en réalité.
Deux choses sont nécessaires pour que l'adulte
parvienne à la vie éternelle et soit prédestiné par Dieu :
- que Dieu ait décidé de lui donner les secours
avec lesquels il a prévu que cet adulte coopérera.
- qu'en fait celui-ci coopère librement de fa-
çon à mourir en état de grâce.
La première condition dépend de Dieu, la se~onde
de l'homme.
Le Christ a-t-il été par ses mérites cause de
notre prédestination?
Il faut simplement affirmer que le Christ est
cause de notre prédestination, parce qu'il est cause de ses mérites,
de ses miracles, de tout ce qui en découle pour nous en vue ~e la vie
éternelle, et qu'en lui se trouvent la fin et le modèle de notre salut.
La réprobation a, dans le réprouvé une cause
méritoire: l'état de péché dans lequel Dieu prévoit qu'il mourra.
Il est vrai que la réprobation exige comme condition sine qua non
... / ...

67
la volonté divine de permettre le péché et d'endurcir le pécheur jusqu'à
la mort; mais on a vu qu'elle ne se réduit pas à ces deux actes: elle
est seulement la volonté d'exclure tel pécheur de la vie éternelle, comme
indigne, et de l'envoyer au supplice éternel, si Dieu prévoit qu'il mourra
dans le péché.
Si, comme le dit Saint THOMAS. la réprobation
incluait la volonté de permettre le péché qui entraînera la damnation et
d'endurcir
le pécheur jusqu'à la fin de sa vie. l'effet intégral de la
réprobation n'aurait pas de cause dans le réprouvé. Il aurait cependant
en lui une condition. car si le réprouvé ne mourait
pas dans le péché.
il n'aurait pas été au préalable réprouvé par Dieu.
Puisque la volonté divine. soit de permettre le
péché d'Adam et les autres fautes des réprouvés. soit d'endurcir l'adulte
jusqu'à sa mort. dépend de la prescience que Dieu tient de sa science mo-
yenne. il en résulte que cette permission. cet endurcissement et tous les
effets de la réprobation divine n'ont d'autre
certitude que celle de
cette prescience. et que la difficulté de concilier la liberté humaine
avec la réprobation éternelle de Dieu ne diffère pas de celle de conci-
lier la liberté avec la prescience ou avec la prédestination.
- Effets des secours divins
MOLINA. a-t-on dit. soutient que. de deux hommes
non justes qui reçoivent le même secours de Dieu. l'un se convertit. l'au-
tre reste dans le péché; que le secours appelé suffisant devient parfois
efficace si l'homme coopère avec lui pour produire son effet. et par con-
séquent il peut se faire que. deux hommes recevant la même grâce prévenante.
l'un n'y coopère pas parce qu'il ne veut pas tandis que l'autre y coopère.
de sorte que sa coopération équivaut ~ une grâce.
Il Y a, répond MOLINA. une grâce prévenante et
une grâce coopérante.
. •. 1 •.•

= 68
En face des erreurs protestantes, MOLINA a voulu
mettre en relief et préciser le rôle de la liberté dans la conduite de
l'homme. Pour cela, il a posé en principe que tous les actes surnaturels
relèvent de quelque manière du libre arbitre. Sa pensée gravite autour de
deux pôles :
1 - le concours simultané,
2
la science moyenne.
LE CONCOURS SIMULTANE
Dans l'ordre surnaturel, le concours divin néces-
saire pour la production d'un acte quelconque ne s'exerce pas sur le libre
arbitre; il ne consiste pas dans une impulsion préalable portant la volonté
à agir (prémotion physique des thomistes); il s'exerce au contraire, avec la
volonté, sur les actes qui en émanent (concours simultané). Dieu et la volon~
té ne sont pas deux causes totales dont la seconde serait subordonnée à la
première; mais deux causes partielles d'un effet total unique.-
Dans l'ordre surnaturel, pense MOLINA, les choses
ne se passent pas autrement.
Sans doute, il faut ajouter au concours général de
Dieu, un influx spécial de grâce, qui élève au préalable et excite la volon-
té libre, pour la rendre capable
de produire des actes surnaturels.
Il devient inuti12 d'établir, entre grâces préve-
nantes et grâces coopérantes ou adjuvantes, une distinction objective,
comme le veulent les thomistes, une seule et même grâce est prévenante,
... / ...

= 69 =
en tant qu'elle rend la volonté capable d'agir dans l'ordre surnaturel
(in actu primo) et coopérante en tant qu'avec la volonté elle pose l'acte
surnaturel (in actu secundo).
Une seule et même grâce est suffisante ou efficace
selon que la volonté libre lui donne ou non son assentiment.
LA SCIENCE MOYENNE
On distinguait en Dieu une double science
- celle du possible, appelée Scientia naturalis,
- celle du réel, appelée Scientia libera.
Entre le possible et le réel, MOLINA distingue
une troisième catégorie d'objets de connaissance: le "futurible" qui
serait réalisé si
certaines conditions l'étaient. Il en fait l'objet
d'une troisième science: la "Scientia media" , c'est-à-dire la "Sci:nce
moyenne".
Sachant, par la science moyenne ce que ferait cha-
que volonté dans toutes les circonstances
où elle pourrait se trouver, sa-
chant d'autre part, par sa science libre, dans quelles circonstances chacu-
ne se trouvera placée en fait/de part le choix divin de tel ordre de choses
déterminé, Dieu peut prévoir à coup sûr le succès des grâces qu'il destine
à chacune. Sa prescience ne repose plus sur les décrets de sa volonté à lui,'
mais sur l'éminente compréhension qu'il a des volontés créées.
L'infaillibilité de la Providence ne résulte donc
pas, d'après lui, d'un mouvement qu'elle imprimerait aux volontés, mais
de la science moyenne.
Tandis que les thomistes expliquent l'infaillibi-
lité de la prescience, de la prédestination et de la réprobation par dé-
crets divins, MOLINA l'explique par la science moyenne.
... / ...

= 70 =
IV -L'ACCUEIL
FAIT A LA CONCORD lA
IV.I. Attitudes diverses
Du fait que l'auteur de la Concordia touchait à
une foule de questions, et avait
des opinions très personnelles sur cer-
tains points, son oeuvre ne pouvait donc pas rencontrer l'unanimité ni au-
près de l'Ecole dominicaine, ni même au sein de la Compagnie de Jésus à
laquelle il appartenait lui-même.
Quand BANEZ et ZUMEL, de l'Université de Salaman-
que, furent chargés de faire un catalogue des nouveaux livres prohibés,
ils y mirent un tel entrain que le bénédictin CURIEL douta du sérieux de
leur travail. Il fit part de ses craintes au Grand Inquisiteur.
Le conflit depuis longtemps latent entre domini-
cains et jésuites éclata à Valladolid, capitale du royaume et en même
temps siège des Tribunaux de l'Inquisition.
Comme le Père Diego NUNO déclarait erronées et
scandaleuses certaines propositions de MOLINA, les jésuites jugèrent leur
honneur bafoué et décidèrent de le venger. A l'occasion d'une promotion
de Maîtrise, le 4 mars 1594, ils répondirent aux dominicains.
Une polémique passionnée suivit ces premiers
heurts. Les discussions n'en finissant pas, on décida de porter l'affaire
devant l'Inquisition de Valladolid.
. ., 1 ...

= 71 =
Les quatre propositions suivantes de MOLINA étaient
particulièrement attaquées par les dominicains, notamment le Frère Ambroise
de SANTIAGO.
1/ Avec un égal secours de la part de Dieu, l'un se
convertit, l'autre pas, selon la volonté libre.
2/ Parce que je coopérerai, Dieu le sait; proposi-
tion qu'il faut entendre au sens propre et causal.
3/ Le secours par les oeuvres surnaturelles est de
même espèce que celui qui est donné pour les oeuvres naturelles.
4/ Le bon usage de la volonté libre est cause de la
réalité qui est l'effet intégral de la prédestination.
IV.4. ~intervention de Rome
L'agitation gagnait toute l'Espagne, le Vicaire
général de Valladolid fit part de son inquiétude au Nonce et à l'Archevê-
que de Tolède, le Cardinal Gaspard de QUIROGA. Le 20 mai 1594, le C,.rdinal
CASTRO; et le 14 juillet 1594 l'Evêque de Leon, envoyèrent des plaintes
contre les dominicains, au Pape CLEMENT III. Les jésuites voulaient que
Rome examinât ces doctrines elle-même. Ils signifiaient au Pape que l'ani-
mosité des dominicains était
due à la rivalité que ces derniers conce-
vaient à leur égard.
L'Inquisition se sentait impuissante à réconcilier
les deux ordres rivaux, et son président, le Cardinal de Tolède, craignant
que la controverse n'amenât un schisme, écrivit lui-même au Pape. Le Nonce
et le Roi en firent de même.
Pressé par toutes ces demandes, le Pape CLEMENT III;
dut donc intervenir. Après avoir demandé par écrit, à l'un et à l'autre des
Ordres rivaux, son opinion sur le problème de la grâce efficace et suffi-
sante, il se réserva du temps pour étudier le problème et interdit entre-
. .. / ...

=72
temps toute nouvelle controverse. Cette interdiction provoqua l'indigna-
tion de BANEZ et de ses partisans, car il était, selon eux inadmissible
qu'on imposât silence aussi bien aux tenants de l'opinion traditionnelle
qu'aux novateurs. Certains dominicains passèrent outre l'ordre du Pape et
continuèrent à discuter en public. Le Pape finit par concéder à chacun des
Ordres la possibilité d'enseigner comme auparavant, mais en restant dans
la tradition de l'Eglise.
C'est sur ces entrefaites que parait à Anvers
l'édition revue et augmentée de la Concordia.
v - L'EDITION D'ANVERS (12)
Nous ne saurions ici suivre MOLINA dans les moin-
dres détails qu'il donne dans la nouvelle édition, et au demeurant, les en-
seignements que fournit cette édition d'Anvers "n'ont guère apporté de mo-
difications sensibles à la doctrine de MOLINA".
Des nombreux points sur lesquels il revient dans
celle-ci, nous ne reprendrons que cinq, qui nous ont semblé assez expli-
cites.
V.1. La liberté humaine
A la question qui lui fut posée de savoir pourquoi
il avait dit que les actes des enfants et des déments, peuvent souvent être
(12) E. VANSTEENBERGHE, dans son article sur le molinisme, article que nous
avor.~ déjà cité à maintes reprises, écrit à propos de la 2de édition:
"Indépendamment des attaques violentes qui se poursuivaient publi-
quement contre son livre, des notes avaient été adressées à XOLI-
NA lui-même, dans un esprit souvent ~mical, pour soulever des dif-
ficultés ou poser des questions. C'est ce qui porta l'auteur à pu-
blier une édition "revue et augf.1ent~;e" de son livre.
... / .. ,

73 =
libres, quoique non méritoires, et si des actes de ce genre peuvent
exister aussi chez les adultes, il répondit que la liberté n'entraîne
pas nécessairement mérite ou démérite, parce qu'un acte,pour être libre,
exige seulement une certaine connaissance du bien et du mal, tandis qu'il
ne revêt un caractère moral que s'il y a discernement ou délibération suf-
fisante. Voilà pourquoi il y a liberté sans moralité, même parfois chez les
adultes.
Ayant repris, à la lumière des critiques et des
questions qui lui avaient été posées ses écrits sur la prescience divine,
MOLINA aboutit finalement aux trois arguments suivants
1/ Il n'y a mérite, comme il n'y a péché, que si
la volonté, au moment où elle consent à l'acte, est libre de n'y pas con-
sentir. Or si Dieu a "prédéfini" tous les actes bons en ce sens qu'il a
décidé d'y pousser, et de les déterminer par un concours efficace par lui-
même, la liberté disparaît. Cette opinion est dangereuse, pour ne pIS dire
fausse.
2/ Si la prédestination est précédée de l'élection
de certains et du rejet d'autres par volonté efficace, et si la prédestina-
tion des adultes consiste dans la prédestination de leur donner des secours
efficaces, il s'ensuit que le prédestiné n'est plus libre de se détourner
de la béatitude et de chacun des moyens qui y conduisent, que le non pré-
destiné ne peut pas parvenir à la béatitude, ni obtenir les biens qui sont
nécessaires pour y arriver, que le prédestiné ne peut pas faire d'actes
indifférents ou méritoires qu'il n'en fera.
(Suite de la note 12) Elle parut à Anvers, avec l'Imprimatur de Sylvestre
PARDRO, chanoine de la Cathédrale, en date du
15 avril 1595".
... / ...

74 =
3/ Les secours divins en vue de la justification
ne sont pas efficaces par eux-mêmes; leur efficacité dépend du libre con-
sentiment de la volonté.
Quant à la science moyenne, elle précède en Dieu
tout acte de volonté et porte sur tous les futurs ou les possibles; mais
elle reste hypothétique ou conditionnelle, tant que la volonté divine
n'intervient pas pour "prédéfinir" les effets: loin d'être un obstacle
à la
providence, elle est une lumière qui éclaire.
V.3. Les concours divins
Après avoir lu la première édition de la Concordia,
un auteur a soutenu que pour tout acte naturel qui n'est pas moralement
mauvais, il y a double concours général de Dieu
- l'un sur l'agent pour l'appliquer à l'action,
- l'autre sur l'action elle-même et l'effet.
MOLINA refuse cette distinction parce que la ju-
geant préjudiciable à la liberté. Si nous pouvons sans prémotion divine
faire des actes mauvais, pourquoi pas les bons, puisqu'un acte peut être
bon ou mauvais selon les circonstances.
L'adversaire de MOLINA n'admet pas, enfin, que
Dieu et les causes secondes soient causes partielles; il appelle chacune
cause totale; comme la 5râce prévenante et la volonté libre dans les
actes de foi.
MOLINA préfère plutôt distinguer deux sortes de
causes qui concourent au même effet
- Il Y en a qui agissent sur l'effet par le même
influx, ainsi l'artiste et le pinceau, et dans toutes les oeuvres de
l'artisan, l'homme et son instrument.
. .. / ...

= 75 =
- Il Y en a qui agissent sur l'effet. Chacune par
un influx qui lui est propre; ainsi Dieu et la cause seconde ou l'intelli-
gence et la lumière de gloire ou encore la volonté libre et la grâce préve-
nante; chacune dans ces causes est totale dans son ordre
mais chacune est
partielle, si l'on considère la cause intégrale de l'effet.
V.5. La volonté divine
Deux objections fournissent occasion à MOLINA de
préciser la non-responsabilité de Dieu dans la matérialité du péché.
Un acte est péché, parce qu'il est opposé à la
loi de Dieu. Comme tel, il est le fait de la volonté qui abuse du concours
divin. Ce concours est conforme à la loi de Dieu, la coopération de la vo-
lonté lui est opposée. On peut appliquer ici l'adage: bonum ex integra
causa, malum vero ex particularibus effectibus.
Certains ont voulu faire dire à MOLINA que la vo-
lonté libre donne force ou efficacité au secours de grâce, comme un effet
surnaturel pourrait être produit par une cause qui ne le serait pas.
Dans sa nouvelle édition, MOLINA insiste donc sur
le fait que le consentement de la volonté à la grâce prévenante ne donne
pas à celui-ci l'efficacité, mais réalise une condition sans laquelle ce
secours ne sera pas efficace. La volonté coopère avec la grâce, mais elle
le fait par sa force naturelle, et si l'acte produit, lui, doit être libre
il doit à la grâce seule d'être surnaturel.
. •• 1 .••

76 =
VI- LES CONGREGATIONS DE "AUXILIIS"
On appelle ainsi diverses assemblées "congrega-
tiones qui se tinrent à Rome, sur l'ordre de CLEMENT VIII, pour examiner
et discuter la Concordia de MOLINA. On distingue celles qui furent prési-
dées par des Cardinaux de celles qui le furent par des Papes.
Sous la présidence des Cardinaux, deux sessions
eurent lieu, n'ayant pas pu trouver une solution
définitive au problème,
décision fut prise de reprendre les réunions, mais cette fois-ci en pré-
sence du Pape.
De 1602 à 1605, CLEMENT VIII présida soixante huit
séances. Le 5 mars 1605, il mourut sans avoir tranché le problème.
Son successeur, PAUL V, en présida dix sept. Le
28 août 1607, ayant convoqué les Cardinaux consu1teurs, il leur déclara
que, puisqu'il n'était pas indispensable de trouver une définition, l'af-
faire serait différée jusqu'à ce que le temps porte conseil et qu'en temps
opportun, il promulguerait la décision qu'on attendait de lui.
En un mot, la longue instruction contre le moli-
nisme finit par un non-lieu.
Résumons donc la pensee moliniste :
Créé à l'état d'innocence, l'homme pouvait produi-
re des actes tant naturels que surnaturels d'une manière naturelle et avec
une grande promptitude.
Le péché d'Adam vint le dépouiller des dons surna-
turels de manière que, pour produire des actes naturels, le concours géné-
ral de Dieu était suffisant, mais pour les actes surnaturels, il avait
besoin d'un secours surnaturel.
. .. / ...

=77
La volonté libre, selon MOLINA, reste toujours
libre et peut coopérer même dans la production d'un acte surnaturel, si
'
elle le veut.
MOLINA revient sur le concours général de Dieu
pour spécifier sa nature. Il rejette d'abord la conception de Gabriel
BIEL selon laquelle Dieu éclaire et réchauffe "en" le soleil et le feu.
Il rejette même celle de Durand selon laquelle le feu et le soleil ne ré-
chauffent que parce que Dieu conserve leur pouvoir spécifique. La pensée
thomiste, quant à elle, stipule que Dieu donne au soleil et au feu le pou-
voir d'agir et en même temps il protège ce même pouvoir.
L'idée moliniste se situe au-delà de ces concep-
tions qu'il juge peu sûres, sottes ou contraires à la réalité. Selon MO-
LINA, Dieu et la cause seconde sont comme deux moteurs qui tirent un na-
vire. Chacun est donc cause partielle de l'effet total. Ce secours de Dieu,
il l'appelle simultané.
Le concours général de Dieu, agit cum causa avec
la volonté libre pour la production des actes naturels. Pour les actes
surnaturels, elle agit d'une manière échelonnée. Nous avons dit qu'il
fallait un secours particulier, lequel nous appelerons Auxilia gratiae.
Quand l'esprit humain se laisse vaincre par les bienfaits d'une bonne
action, il reçoit une grâce ex parte intellectus; si alors son esprit y
consent, et que sa volonté lui commande de faire cet acte bon, il reçoit
une autre grâce ex parte voluntatis. Dès lors, il peut produire l'acte
surnaturel d'une manière toute normale, il reçoit l'habitus fidei. Mais
pour qu'il puisse répéter cet acte quotidiennement, Dieu lui accorde
l'habitus fidei supernaturalis. La production de tout acte surnaturel
n'est plus le résultat d'un effort, mais devient alors naturel, car son
être tout entier s'imprègne de Dieu: destinée finale de tout être.
Le dernier problème résolu par MOLINA est celui
de la volonté de Dieu et de la science divine.
... / ...

= 78 =
- Dieu connait le présent et les futurs contin-
gents, de même que le "futurible", c'est-à-dire ce qui aurait pu être
si les êtres étaient placés dans telles ou telles circonstances. Cette
connaissance du monde, nous l'appellerons prescience.
La volonté divine se réalise-t-elle toujours?
Oui, si c'est de volonté absolue qu'il le veut. Mais si c'est de volonté
conditionnelle, elle peut ne pas se réaliser, car cela dépend de la
volonté libre.
Enfin, dire que Dieu prédestine tel ou tel indi-
vidu, c'est signifier que Dieu, dans sa prescience, connait les futurs
contingents. Il faut se garder de penser que d'office Dieu condamne cer-
tains et sauve les autres, car finalement notre salut dépend de notre
libre coopération.
. .. 1 .,.

-
- -
- -
- - - - - -
= 79
DEUXIEME PARTIE
A N A LYS E
TEX TUE L L E

= 80 =
CHAPITRE
l
ETUDE DU TITRE

= 81 =
Uien qu'étant assez récente, la science titrolo-
gique s'est formalisée, et des auteurs confirmés tels que Henri MITTERlliiD,
Claude DUCHET, Charles GRIVEL lui ont apporté un vocabulaire spécifique et
toute une technique d'analyse.
Le titre n'est plus considéré comme un simple
fragment de
phrase, bien étranger au texte qu'il annonce. Certes, il est
en dehors de celui-ci, mais il est aussi en-dedans; en un mot, il est à
la lisière des deux domaines :
-le premier étant le texte qu'il désigne, c'est-à-
dire le "co texte" ou le "texte référent".
- le deuxième est le hors- texte, ou mieux, le
monde auquel il renvoie également. C'est d'ailleurs ce qui fait dire à
MITTERAND que le titre est:
"un discours sur le texte et un discours sur le
monde."
L'analyse titrologique doit tenir compte de tous
ces paramètres qui font du titre un discours polyphonique et multifonc-
tionnel.
Le considérant comme texte à part entière, on
s'appliquera d'abord, dans son analyse, à mettre en relief sa structure
tant syntaxique que syntagmatique. Après cette étude structurelle, on ten-
tera de découvrir ses différentes fonctions tout en prenait soin de spéci-
fier quelles sont celles qui appartiennent au domaine de l'écriture
et
1
1

82 :::1
quelles sont celles qui ré lèvent de l'esthétique de la lecture, c'est-à-
dire du domaine
de la réception. Et pour finir, on analysera les rapports
qu'il entretient avec son cotexte.
Nous allons tenter dans ce chapitre d'appliquer
ces conseils théoriques au titre de l'oeuvre que nous étudions en l'occur-
rence : El Condenado Por Desconfiado.
Les résultats de ce chapitre, quels qu'ils soient,
complétés par ceux du chapitre suivant, nous aideront, à mieux pénétrer
dans l'oeuvre en question.
l - FONCTIONNALITE DU TITRE
C'est par lui, le titre, que le texte commence.
Il fait partie de celui-ci, mais en même temps reste en dehors. Placé au
début du texte, et repris partiellement aux toutes dernières lignes, il
l'encadre donc. Il est censé résumer le texte qu'il accompagne, tout en
maintenant le suspense. Introductif, puisque par lui nous entrons dans le
texte, il est aussi conclusif. Il a donc une place de choix, et par celle-
ci, sa fonctionnalité s'affirme d'elle-même.
II - STRUCTURE DU TITRE
" Pour comprendre une phrase -écrit Noam CHOMSKY-
il est nécessaire (bien que non suffisant, naturellemnt) de recontruire sa
représentation à chaque niveau, y compris au niveau transformationnel, où
les phrases noyaux sous-jacentes à une phrase donnée peuveùt être considé-
rées en un sens Comme les
"éléments de contenu élémentaire" à partir des-
quelles cette phrase est construite."
(1)
(1) Noam CHOMSKY, Structur~s syntaxiques, Editions du Seuil,Paris,1979,p.12
/

= 83 =
Structure syntaxique, organisation syntagmatique,
structure sémantico-lexicale : multiples termes, qui, quand on en saisit
pas la portée signifiante, paraissent presque synonymes et partant confus.
"La syntaxe -pour reprendre la définition de CHOMS-
KY- est l'étude des principes et des processus selon lesquels les phrases
sont construites dans des langues particulières. (2)
L'énoncé:
/ El Condenado por Desconfiado 7
se décompose de la manière suivante :
Art. + Part. p. + prép. + part. p.
c'est-à-dire
SN
+
SP
(3)
En comparant cette structure : SN + SP
à la
structure dite normale (SN + SV), on se rend compte qu'il manque l'élément
essentiel à la première, c'est-à-dire le SV.
Nous n'insisterons pas longtemps sur le processus
de subtantivation du participe passé : LCondenad~7. Rappelons. simplement
que dans le tableau de dérivation et l'arbre de décomposition, nous con-
sidérons
/Condenado7 sous sa forme subtantivée.
-
-
Il est aussi évident que LCondenad~7 et
LDesconfiad~7 en tant que tels, c'est-à-dire considérés en dehors de
l'énoncé, sont les participes passés des verbes respectifs LCondenaE7
et
/Desconfiar7. Si de temps à autre, nous parlon~ de ~drticipe passé,
ce sera donc pour nous y référer.
(2) ~oam CHOMSKY, op. cit. , p.1JO.
(3) Ibidem.
... / ...

= 84
CONDENADO et DESCONFIADO marquent un résultat,
un acte fini, déjà accompli. Cette idée d'acte fini se retrouve-t-elle
dans le nouvel énoncé, lequel s'obtient lorsqu'on envisage l'énoncé ini-
tial du point de vue de la grammaire transformationnelle ?
La transformation faite, nous obtenons
deux formes simples d'abord qui sont
- El (hombre) ha sido condenado,
- El (hombre) hab1a desconfiado.
Notons, dans la deuxième séquence, l'apparition
du L-hab{a_ï. Il transcrit l'antériorité exprimée par le L-por_ï de l'énon-
cé initial. En effet (nous y reviendrons plus loin), le L-por_ï établit
une causalité entre deux faits. Le fait-cause précède naturellement le
fait-résultat.
Les deux formes simples ci-dessus constituent le
niveau 1 de l'analyse transformationnelle. De ce niveau 1, l'on peut passer
au niveau 2, tout en conservant des composants semi-élémentaires.
Niveau 2 :
El que ha sido condenado,
El que hab{a desconfiado.
De cette forme du niveau 2, l'on peut construire la forme composée
- El que ha sido condenado porque hab!a desconfiado.
La grammaire transformationnelle nous a donc permis
de reconstituer· "les éléments de contenu élémentaire" en partant de l' énon-
cé initial. De la forme complexe, nous sommes passé à une forme simple.
Et si elle nous a permis de mieux distinguer la place, sinon la fonction
et l'importance de chaque terme de l'énoncé initial,
elle permet aussi,
... / ...

= 85 =
tout autant que l'analyse logique traditionnelle, de différencier une
structure complète d'une structure incomplète.
L'analyse logique de la forme composée nous oblige
à faire le découpage suivant :
El (1)
que ha sido condenado (2)
porque hab{a desconfiado (3)
Le (2) est la proposition subordonnée relative, introduite par le pronom
relatif {qu~?
Le (3) est la proposition subordonnée conjonctive, introduite par la con-
jonction Lporqu~7; la proposition (3) est complément circonstantiel de
cause de la (2).
Le LË!? (1) qui commence la proposition principale reste sans suite. Il
n'y a donc pas de proposition principale dans l'énoncé, or
"la proposition principale est la partie essen-
tielle, indispensable de la phrase. Elle t~ent
sous sa dépendance les autres propositions su-
bordonnées qui ne font que compléter ou préciser
sa signification." (4)
L'absence d'une proposition principal~ ne semble
pas pourtant empêcher la compréhension de l'énoncé. Nous reviendrons, ail-
leurs, sur ce fait pour en expliquer les raisons.
Résumons à présent les résultats des opérations
transformationnelles déjà faites
(4) E. GRfu~ONT et A. HAMON, Analyse grammaticale et logique,
Paris, Hachette, 1951, p.72.
... / ...

= 86 =
PHRASE
SN
+ SP
Art.
+ Adj.
+
SP
El
+ Condenado
+
SP
El
+ Condenado
+
prép.
+
part. p.
El
+ Condenado
+
prép.
+
v.
El
+ Condenado
+
por
+
Desconfiado.
Ce tableau de dérivation peut être remplacé par un dia-
gramme plus clair :
~V
"
1
1
Desconfiado
===========
L'on
aurait pu dire, en concluant le chapitre
précédent, qu'il Y a antéposition du "EL" devant deu;~ propositions dont
la première est à la forme passive (El que hab{a sido condenado) et la
deuxième à la forme active (porque hab{a desconfiado). La forme passive
indique le f:,it~'l,=i, t3ndis que la forme active indique l'action .:or:,mise.
. .. / ...

= 87
Selon la logique humaine, toute cause précède la
conséquence. Si l'on nomme
1 A 1 la cause d'un fait
1 BI, l'on signi-
fiera, pour respecter cette antériorité, par
X-B-) la structure normale.
L'on suit bien le mouvement: A ----------) B
c'est-à-dire de la cause vers le fait. C'est ce mouvement que nous résumons
- - - - - )
par A B
Revenons
à l'énoncé du titre, pour voir si la
- - - - )
structure AB
• (Nous travaillons ici avec l'énoncé transformé pour mieux
voir les différentes propositions.)
Dans l'énoncé
I-El que ha sido condenado porque hab{a desconfiado_ï,
l'on comprend que la perte de confiance est la cause de sa condamnation.
On a donc :
** El que ha sido condenado
Résultat
= 1 B 1
** Porque hab{a desconfiado
Cause
1 A 1
<----
La structure est donc BA.
Nous l'appelerons bipolaire parce qu'étant composée
de deux éléments; et inversée parce que le résultat est placé avant la
cause.
Il suffit de penser au texte référent pour se rendrei
compte que cette inversion n'est qu'un phénomène d'écriture.
Nous rappellerons, ici, deux idées chères à Edmond
CROS, et partant à toute l'Ecole Montpelliéraine :
. .. / ...

= 88
- La première est que l'écriture forme à elle
seule une matrice et tout élément de discours qui passe par elle subit
"les contraintes formelles de ce système." (5)
- Selon le deuxième. tout élément d'un ensemble
textuel. aussi singulier soit-il. entraine l'apparition. dans ce même en-
semble textuel. d'un autre élément de même nature que lui. et celui-ci un
autre encore. et ainsi de suite. Nous dirons. pour résumer ce phénomène
d'auto-génération que l'écriture crée ses propres structures répétitives.
A partir de cette hypothèse, nous tenterons de
dégager du texte tous les éléments qui reproduisent cette même structure
inversée BA que nous avons découverte inscrite dans le titre.
II.3. Structure sémantico-lexicale
Pour étudier cette structure sémantico-lexicale,
nous retournerons à l'énoncé initial: El Condenado por Desconfiado.
Ce sont donc quatre termes qui forment un
tout,
un ensemble. La force expressive de celui-ci vient éclater dans le texte
et y institue sa propre dialectique. Il y a aussi. à l'intérieur même de
cet ensemble, la portée sémantique de chaque élément. En définitive il
y a inter-action (1) entre les divers éléments de ce tout,
(2) entre le tout et les divers éléments.
Comme nous l'avons signalé, ne pouvant saisir
la portée totale de l'énoncé sans passer par chacun des éléments dont il
est constitué, nous allons nous arrêter à chacun d'eux pour en définir
le champ sémantique.
(5) Edmond CROS, Théorie et pratique sociocritiques,
C.E.R.S.
, Montpellier, p.38.
... / ...

-
- - - - - - - - - - - - - - - - - -
= 89
E L
===
Dans le groupe
lEI condenad~ï, "EL" peut se
traduire de deux façons:
- La première et la plus évidente est
LE condam-
né;
- La deuxième serait : celui qui est condamné.
Mais cette deuxième traduction nous renvoie plus à l'énoncé transformé
qu'à l'énoncé initial. Nous ne considérerons pour notre analyse que la
première traduction: LLe condamn~ï.
"L'article est au singulier parce que le titre
désigne, isole une personne qui est, le principal, le plus important
entre tous à la fois dans l'action et comme représentant d'un type hu-
main particulièrement digne d'attention." (6)
L'emploi de l'article repose sur trois consensus:
- le premier, sur lequel nous n'insisterons pas,
pose le pourquoi du choix de ce graphique "EL" pour désigner le détermi-
nant de quelque chose ou de quelqu'un. L'étude du processus d'adop~ion
et d'universalisation de ce graphisme dépasse le cadre de nos préocupa-
tions immédiates.
- le deuxième consensus repose sur les rapports
entre le "EL" et le terme qu'il accompagne. "EL" présuppose l'existence
d'une espèce et "insère dans un système préconstruit, précomposé,
de
délimination, de classification et de jugement. Il actualise
ici
et
maintenant ce que FOUCAULT appelle le "déjà nommé dans un langage com-
mencé depuis touj ours".
(7)
(6)
Henri MITTERAND, "Les titres des romans de Guy de Cars",
in Sociocritique, Paris, Nathan, 1979.
(7)
Ut supra.
. .. 1 ...

90
- le troisième consensus, tout aussi important
que les autres, repose sur les
rapports : Sujet énonciateur ---) Récep-
teur du message. Et comme nous l'avons indiqué dans le deuxième consen-
sus, l'existence de l'espèce dans laquelle le lIELlI insère l'objet dési-
gné, est donnée comme connue et acceptée de tous, c'est-à-dire que son
emploi se fonde sur une convention entre celui qui l'emploie et celui
qui reçoit le message. Nous dirons pour nous résumer, qu'il crée une
matrice d'attente.
Choisir signifie que l'on délimite un champ
d'application, choisir c'est aussi mettre en relief ce qu'on a choisi
et attirer l'attention sur l'objet choisi. C'est pour l'une et l'autre
de ces raisons qu'on admettra que l'article lIELlI est à la fois: exlu-
sif et exhaustif.
CON DEN A D a
=================
Dans l'étude qui précédait l'établissement du ta-
bleau de dérivation et celui de l'arbre de décomposition, nous avions
considéré LCondenad~7 sous toutes les formes.
- Ce fut d'abord sous sa forme participiale. On
retrouve en effet dans Lëondenad~ï le radical conden et la terminaison
participiale des verbes du premier groupe ado; l'ensemble formant:
Conden + Ado
Condenado
Mais il nous était aussi possible de le considé-
rer comme un adjectif. Dans la liste des participes passés "susceptibles
d'être traités comme de simples adjectifs", BOUZET cite le terme Conde-
nado.(9)
(9)
Jean BOUZET, Grammaire espagnole, Paris, 1976, p.238, chap. 548.
... / ...

91 =
Participe passé ou simple adjectif, il est sub-
tantivé dans l'énoncé. En effet il est précédé de l'article "EL".
CONDENAR est essentiellement un terme juridique
et religieux. Le condenado est celui qui est puni par un
système ré-
pressif.
Nous retiendrons donc cette idée d'appareil
punitif et dans l'étude proprement dite du texte nous essayerons de voir
la dénonciation de celui-ci.
/Por7 , nous l'avons dit, est une préposition qui
établit une causalité. A la question : "Pour quelle cause a-t-il été
condamné?" on répond nature11emnt : parce qu'il a manqué de confiance.
On est même tenté d'établir une similitude entre
1-1e développement du texte qui se situe entre le
début de la perte de confiance et la condamnation finale,
2-et le /Por7 qui, au niveau graphique de l'énoncé
unit Ldesconfiado7 à /condenado7 •
Ainsi, plus que causatif, le "por" est explicatif.
Il implique, sinon annonce tout le développement du texte.
DES CON FIA D 0
=====================
Dans le mot Ldesconfiad~7, l'on distingue nettement
trois parties
DES (1ère) + CON (2ème) + FIADO (3ème).

= 92 =
Comme l'indiquent les divers manuels de grammaire,
tant espagnols que français, le préfixe DES vient du latin. Il est la for~
me populaire du préfixe savant "DIS", ("DIS" peut devenir "DI" dans
cer-
tains mots). Il signifie: en sens inverse. A. RAMEAU et H. YVON dans leur
dictionnaire des antonymes écrivent :
"DE, DES: préfixe qui marque la privation de l'état
ou de l'action que comporte le mot auquel
il
est
joint." (l0)
Dans le prochain chapitre que nous avons intitulé:
"TITRE OU ANTICIPATION TEXTUELLE", nous relèverons à travers le texte
entier, tous les termes qui contiennent ce préfixe DES (ou DIS, ou en-
core DI).
Dans le terme /DESCONFIADOï le "DES" est suivi im-
médiatement du "CON". "DES" et "CON" forment donc une paire antonymique,
puisque le premier signifie, comme nous l'avons dit, la privation ou la
négation, tandis que le second marque l'union ou mieux la communion. Il
induit la totalité de l'être concerné dans la chose. Dans le /desco~fiadoï
-
-
l'on retrouve les termes simples latins "cuW' et lIFIDES" qui signifient
respectivement "AVEC", "FOI". Avoir confiance en quelqu'un, c'est 'engager
tout son être dans cet acte d'acceptation. La personne en qui l'on a con-
fiance et la personne qui fait confaince ne forment qu'une seule
et même
personne dans l'acte qui va être posé.
Nous retiendrons donc ces sèmes contraires DIS/CUM,
c'est-à-dire de la séparation et la communion.
Lors de l'étude de la structure syntaxique de l'énoncé
/El condenado por desconfiadoï, nous avions affirmé que nous étions en fa-
ce d'une structure bipolaire inversée B A (par rapport à une structure
(10)
A. FJU1EAU et H. YVON, Dictionnaire des Antonymes ou Contraires
(avec indication des Synonymes)
, Paris, 1933, p.177.
... / ...

= 93 =
normale qui serait AB). Ici, aussi, dans le terme "desconfiado", cette
chronologie n'est pas respectée. Il y a une anticipation, ou plus exac-
tement un renversement.
L'élément Ldesconfiad~ï dans l'ensemble-titre
réalise et donc actualise le caractère antithétique de la structure d'en-
semble.
L'analyse des diverses structures, sémantico-lexi-
cale et syntagmatique nous a permis
1) de saisir mieux la portée de chacun de ces ter-
mes et par conséquent de les différencier les uns des autres.
2) de mettre en relief certains phénomènes perti-
nents qui anticipent la structure textuelle.
Mais nous ne saurions nous arrêter définitivement
à cet aspect structurel du titre, il nous faut aller au-delà et étudier,
comme nous l'avions indiqué dès le début de ce chapitre, les différentes
fonctions du titre.
III - LES FONCTIONS DU TITRE
Dans cette étude fonctionnelle du titre, nous
considérons ce dernier comme un énoncé, ou mieux un élément de discours.
Nous nous appuyerons sur le schéma des fonctions du langage
de
Roman
JAKOBSON (11).
Comme l'indique le schéma ci-après
, il distingue
six composants auxquels correspond chaque fois une fonction linguistique
spécifique.
(11)
Elmar HOLENSTEIN, JAKOBSON, Paris, Seghers, 1974, p.18l •
." / ...

= 94
(=._'============"'-=====-'========:-:=:-:-:-:=='.=,==========.....=.....=-~'
~=g============
~
1
(REFERENTIELLE)
I!
Il
Il
U
Il
II.
\\1
MES S AGE
ft
==============
JI
U
(POETIQUE)
H
U
U
Il'
- - - - - - - · - - - - - - - - - j , - - - - - - - - - - - - - t - - - - - - - - - - - i , l
1 - 1
u
u
u
u
~
ft
Il
DES TIN A T E U R
----------------------~
DES TIN A TAI R i
JI
=====================
======================u
~
(EMOTIVE)
(CONATIVE) li
li
u
JI
Il
Il
Il
Il
CON TAC T
JI
===:==========
JI
U
(PHATIQUE)
1
Il
li
Il
Il
Il
li
JI
Il
JI
li
U
Il
1
Il
li
COD E
li
=======
li1\\
(METAL INGUI STIQUE)
Il
IlIl
Il
Il
Il
Il
===========================~========================~=
==============="========
De ces six fonctions, nous ne retiendrons que cinq:
La référentielle, l'expressive (ou émotive), l'incitative, la poétique, et
la métalinguistique. A la Ïonction phatique nous substituerons la fonction
idéologique ; et pour terminer, nous ajouterons une septième fonction :
la prograwmmatrice.
111.1. Fonction Référentielle (12)
A naintes reprises déjà, nous avons employé l'ex-
pression "El condenado por desconfiado" , le titre, pour désigner l'ensem-
(12)
Nous avons délibérement évité certains problèmes de terminologie.
. .. 1 ...

= 95
ble de la pièce que nous nous sommes proposé d'étudier. Ailleurs aussi,
nous avons évoqué l'idée de l'existence d'un au-delà-du-texte, c'est-à-
dire un hors texte qui serait suggéré par l'ensemble du titre et par les
éléments qui le composent.
c'est donc sur cette double référence que nous
allons revenir, pour bien la déterminer d'abord et ensuite pour tenter
de répondre à des questions telles que:
- Existe-t-il forcément des rapports entre le ti-
tre et le texte qu'il accompagne?
- Quel type de rapport est-ce?
- Peut-on admettre l'idée de la dénonciation par
le titre d'un hors-texte?
- Quelle serait-elle précisément dans le cas que
nous étudions?
(Suite de la note 12): Les termes employés par Claude DUCHET (13) diffè-
rent de ceux qui sont employés par GRIVEL (14). Si le premier parle des
fonctions référentielle, conative et poétique, le second préfère les ex-
pressions: appellative, désignative et publicitaire; et du reste, "l'ap-
parente différence de terminologie occulte d'ailleurs une réelle conver-
gence dans l'identification de ces fonctions".(15)
(13)
Claude DUCHET, "La fille abandonnée et la bête humaine", in
Littérature, Larousse n012, Décembre 1973.
(14)
Charles GRIVEL, "Puissance du titre", in Production de l'intérêt
romanesque, Mouton, Paris, 1979.
(15)
Victor GOUDAR, Etude sociocritique des contes de José REVUELTAS,
(Thèse de 3ème cycle), Montpellier, Janvier 1984,
sous la direction de Edmond CROS.
... / ...

96 =
Le titre et le texte qu'il annonce entretiennent
nécessairement des rapports. Les deux forment un système dans lequel l'un
dépend de l'autre, ou mieux l'un sémantise l'autre. Lors de l'étude de la
fonction programmatrice du titre, nous reviendrons aussi sur le type de
rapport titre-texte. Nous pouvons, dès à présent affirmer que le premier
contexte du titre, si on nous permet la répétition, c'est le texte lui-
même. On désignera ce dernier par les termes Co-texte ou texte-référent.
Selon l'expression de MITTERAND (16), le titre étiquette le livre (dont
il est le titre).
Plus qu'une simple étiquette, le titre est un
"discours sur le texte et un discours sur le monde", c'est-à-dire, selon
notre propre expression, il renvoie à un hors-texte.
Cet ensemble tripartite: {titre, texte, mondeï,
que nous nous sommes appliqué à mettre en relief, se situe en réalité
dans un système plus vaste et surtout plus complexe encore. On compte
dans celui-ci quatre éléments essentiels.
Pour bien se rendre compte de ce nouvel ensemble
englobant, nous proposons le sommaire schéma ci-dessous
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
1111
1111
1111
----------------------------------------------
1111
11---------------------------------------------1
1111
Il
U\\JRt.
1111
t. t.'tll
Il "L' Ot.
1I11"Lt. l-\\ONU
Il
il
11
11
-PROCt.SSU~1
Il
l~ -PROUUC- 11==========
============JI
Il
Il
il b.o~ 1.1't'tt.-
Il
Il
Rl\\IRt.
r============================================,
Il
11
Il
Il
Il
Il
IlIl
1:
L'ANALYSTE ET
"L'AUTEUR"
Il
l"lONUE
Il
li
SA SOCIETE
ET SON MONDE
1: "Lt.
Il 1
Il
Il
1111
1111
Ib============================================~1
1111
1111
1111
=====================================================================~II
;=====================================================================11
(16)
Henri MITTERfu"iD, "Les titres des romans de Guy des CARS"
op. ci t.
• p, 89.
1

= 97 =
Faisons quelques remarques sur le tableau précédent:
- Le titre et le texte ne sont pas confondus.
Ils ne sont donc pas deux éléments identiques. Ils renvoient l'un à
l'autre et ont une partie commune, en un mot, une intersection. Dans
l'exemple du titre et du texte que nous étudions: El condenado por des-
confiado , l'intersection est tant sémiotique que sémantique; en ce sens
que, il y a non seulement reprise et développement de l'idée exprimée par
le titre, dans le texte; mais aussi une redistribution à travers toute
l'oeuvre
des mots-signes qui constituent le titre. Nous préférons, quant
à nous, parler d'inter-textua1ité plutôt que de Co-textua1ité ou de
Contextua1ité, car l'expression nous semble plus apte à signifier l'inter-
section dont nous avions parlé •
Si nous admettons donc l'existence d'une Inter-
textua1ité, nous posons par la même occasion le problème du travail de
l'intertexte dans le nouveau texte au sein duquel il est inserré.
Selon Laurent JENNY (18), ce travail s'effectue
à deux niveaux. Il y a d'abord l'assimilation des éléments constitutifs
du titre par le nouveau texte, et ensuite le rapport de ces éléments
constitutifs déjà assimilés avec leur état premier. Intégration, Assi-
milation, Déconstruction, Déformation, ce sont là des points sur les-
quels nous reviendrons dans le prochain chapitre.
Mais reprenons le précédent tableau pour faire
au passage une autre remarque, bien qu'elle nous éloigne apparemment de
notre propos.
On note, sur le tableau, une intersection entre
l'ensemble "L'ANALYSTE ET SA SOCIETE" et le deuxième ensemble "L'AUTEUR
ET SON ;OfONDE " • Il nous faut situer dans celle-ci tous les Codes
et
Systèmes que nous avons en commun avec l'auteur et sans lesquels,
(18)
Laurent JENNY, "La stratégie de la forme", in Poétique (Revue de
th~orie et d'analyse littéraires), Paris, Seuil, ~o27, 1976.~.27~.

-
------~
98
l'oeuvre serait impensable(19). On peut citer entre autres éléments
intersectionnels la langue, le système de pensée et le code moral et
religieux. Plus l'intersection est grande,
plus nombreux sont les élé-
ments que nous avons en commun avec l"'Auteur" et plus d'aptitude nous
aurons à comprendre le texte "produit" par celui-ci.
Entre TIRSO DE MOLINA et nous, il y a la religion
catholique, son dogme et sa morale. Peu importe le fait que l'on croie ou
non, le plus important c'est de connaître le système en question. A ces
quatre
éléments que nous avons en commun avec TIRSO DE MOLINA, ou plus
exactement avant ceux-ci, il faut situer la langue et ses caractères
spécifiques. L'énumération complète en serait longue et apparemment
inutile.
La flèche qui, sur le tableau précédent, relie
le titre au monde, concrétise l'idée selon laquelle le titre est un dis-
cours sur le monde. La question concrète à laquelle il nous reste à répon-
dre, est de savoir : quel discours, le titre : "El condenado por descon-
fiado" fait sur le monde.
Ce discours-sur-le monde se résume dans une
dualité inhérente à l'article "El". Il s'agit du caractère exclusif et
exhaustif. Le titre en effet choisit des éléments du monde, ou mieux,
il les catalyse.
Dans les chapitres consacrés à l'étude des fonc-
tions idéologique et poétique, nous aurons l'occasion de revenir sur la
question.
La fonction référentielle du titre apparaît main-
tenant indéniable. En effet le titre nous renvoie au texte, mais au.delà
du texte, il nous renvoie aussi à un monde, c'est-à-dire à un espace,
(19)
Laurent JENNY emploie dans son texte précédemment cité, une expres-
sion courte mais combien conscise. Il écrit :"hors système, l'oeuvre
est impensable". p.257.

99 =
et à une époque. Texte et titre sont les deux éléments d'un système
dans lequel l'un détermine l'autre. Nous préciserons ultérieurement cet
espace et ce temps quand nous aurons défini les éléments textuels.
La fonction "Emotive" met en relief l'attitude,
le statut et l'état d'âme du locuteur. L'émetteur cherche à donner une
impression d'un état, qu'il soit réel ou fictif.(20)
"L'Emetteur", ou selon le terme jakobsonnien
"Le destinateur", ou encore selon certains "L'énonciateur".
A première lecture, l'énoncé IEl Condenado Por
Desconfiadoï paraît neutre, sans marque apparente d'énonciation. Mais,
une fois encore faisons un pas de plus, et allons au-delà de l'apparence
pour découvrir des marques plus cachées.
Dans les termes I-Condenadoï et IDesconfiadoï,
-
-
il Y a ce qui est dit et aussi le non-dit; ce dernier étant tout aussi
significatif que le premier.
Employer le mot
Lëondenad~ï c'est:
II définir implicitement sa position personnelle
par rapport à une norme;
21 indiquer l'écart par rapport à cette norme,
écart fait par le condamné;
3/ c'est e~fin signifier la consequence "~âchei..:~
se" qu'entra!ne cet écart.
(20)
Elmar HüLENSTEIN, op. cit.
, p.18l.

= 100 =
Si l'utilisation du terme /Desconfiado7 montre
-
-
bien la confiance et la non-confiance. elle n'indique pas pour autant
la position de celui qui l'énonce. Nous nous appuyerons surtout sur les
corrélations qui existent entre Lëondenad~7 et LDesconfiad~7 pour déter-
miner dans ce dernier. les marques d'énonciation. En prenant partie pour
la norme relevée dans Lëondenad~7. l'énonciateur. ici TIRSO DE MOLINA.
dénonce sa confiance en cette norme.
/Ël Condenado por Desconfiado7, c'est d'abord
une constatation, et au-delà de celle-ci, la compassion de la part de
l'énonciateur pour le condamné.
la ronction émotive, sinon
expressive. selon les
préférences, n'est donc plus à démontrer.
111.3. Fonction incitative
Que ce soit Claude DUCHET ou Léo HOEK qui ont
travaillé sur lA titrologie, ou que ce soit JACOBSON ou Elmar ,1(YLE~\\STEŒ
ou bien d'auLres encore qui ont fait des recherches sur le langage en gé-
néral. la fonction incitative du titre est plus
qu'évidente(21).
Selon MITTERAND,
"Le titre déclenche et stir:lUle la curiosité. l' intérêt
le feuilletement
• l'achat ou l'emprunt. Asso-
cié à l'étiquette "roman", il passe contrat avec le
futur lecteur. C'est sa valeur illocutoire, sa va-
leur contractuelle qui en fait un acte de parole
performatif. Il promet savoir et plaisir. De plus.
il satisfait une attente. un désir. il complète un
(21)
Comme l'a si bien rait remarquer Olivier REBOUL Cà la page 89 de son
livre déjà cité), le terme conatif dont se sert JACOBSON pour d~signer
la fonction incitative passe mal en français.

101 =
capital idéologique, il persuade le chaland d'a-
cheter et de lire, pour transformer son désir en
plaisir: c'est sa valeur perlocutoire. Il déclen-
che l'acte."(22)
ILe condamné par manque de confianc~7, ce titre,
tout en nous introduisant dans le texte et tout en résumantcelui-ci,ne dit
pourtant pas tout de lui. Il ne fait que l'anticiper par allusion.
Et
l'on voudrait bien connaître la suite de l'histoire de ce condamné, pour
satisfaire cette curiosité, le titre nous renvoie au texte. Il promet
"savoir et plaisir". Plus il attire et excite le potentiel lecteur, plus
il est performatif.
Dans n'importe quel discours, chaque signifiant
peut prendre une valeur par lui-même, soit par sa propre musique, soit
par les images qu'il suggère. Le langage assure alors sa fonction pJé-
tique.
Dès lors qu'on parle de musique des mots, et des
images auxquels ils renvoient, on ne peut s'empêcher de penser à la rhé-
torique; car en effet, celle-ci n'est-elle pas essentiellement
l'acte
d'harmonisation musicale des mots?
Nous nous appliquerons donc à voiL les images,
sinon les figures rhétoriques que renferme l'intitulé du titre, et puis
nous tenterons de définir l'importance de toutes ces figures.
Nous nous répéterons un peu/en rappelant le double
caractère de l'article IËLï : son exclusivité et son exhaustivité.
(22)
Henri MITTERAND, op. cita
/
1

= 102 =
Quand on relie l'ensemble de l'énoncé lEI condenado por desconfiado7,
ce double aspect parait plus évident encore.
Dans
ladite
séquence discursive, {PoE7 est le
centre autour duquel tout se construit. Si nous adoptons la terminologie
de Roland BARTHES relative aux classes d'unités narratives (23), nous
nous dirons que IPor7 est un noyau, autrement dit, une cardinale.
Ce moment de risque qui se focalise dans le IPor7
et qui confère au IPor7 la cardinalité est d'autant plus manifeste quand
on divise l'énoncé lEI condenado por desconfiad~7 en deux séquences:
- la première
"El condenado por",
- la deuxième
"desconfiado",
on se rend compte qu'après la lecture de la première séquence, l'esprit
hésite entre une foule de possibilités. Seul, le reste de l'énoncé nous
oblige à nous intéresser à un , et un seul, motif de condamnation :
celui du manque de confiance.
Pour bien se conviancre de cette idée, il suffit
de représenter dans un diagramme cet ensemble de possibilités qui a-Jrait
pour définitions: "les motifs de condamnation d'une personne".
- MANQUE DE CONFIANCE
- VOL
- MEURTRE
LE CONDAJ.'1NE
VIOL
- ABUS DE CONFIANCE
(23)
Roland BARTHES, "Introduction à l'analyse structurale des récits"
in Communicatiun 8: L..':lI1alyse structul::"Jl.>2 du récit, Paris, Seuil,
1981, pp? à 33.
1 ...

== 103 ==
Il reste encore mille et une raisons qui peuvent
être des motifs de condamnation et que nous ne saurions représenter tous
dans le diagramme précédent
Cette infinité de possibilités montre à quel point
la réponse apportée par l'énoncé ou du moins, le choix fait par le texte
est exclusif et exhaustif.
Cette figure de style qui sert à choisir un élé-
ment parmi tant d'autres et à mettre par le fait même les autres éléments
"dans l'ombre" s'appelle/en rhétoriquejune OXYMORE.
Nous avons déjà montré la si importante fonction
que peut jouer une telle figure: attirer l'attention du public sur l'ob-
jet de son discours.
On peut tenter de classer par catégorie de pensée
les termes Lcondenad~ï et Ldesconfiad~ï. Le premier appartient, on n'en
doute pas, au domaine de la justice repressive. Parler de celle-ci, c'est
naturellement penser àsonappareil d'application et à ses résultats con-
crets. Le second : Ldesconfiad~ï appartient plutôt au domaine des rapports
humains fondés sur la foi, la confiance. On peut donc dire que Lconcenad~ï
et Ldesconfiad~ï sont de catégorie différente. Le fait de les réunir dans
un énoncé crée une autre figure de style qu'on appelle: CATEGORY-MISTAKE(2 Lj
A cause de la différence qu'il y a entre les deux éléments d'une category-
mistake, chacun a plus de valeur.
Dans une telle situation, "ce n'est pas la pré-
sence des figures qui fait le discours ( .•• ), c'est la dissimulation de
leur présence." (25)
quand on pense aux moyens de diffusion de certai-
nes pièces de théâtre, au siècle d'or et notamment en Espagne: les aveu-
gles qui sur la place publique et dans les rues devaient annoncer les
pièces qui allaient être jouées, on comprend pourquoi le titre devait
être attirant et performant.
(24)
Olivier RfB0L'L,
-;c
cito,
;';o,",;:2 fJ-LE.
(25)
Ibid., p.13ü.
. .. 1 .••

104 =
Trois autres figures de styles qui ne relèvent pas
forcément de l'idéologie, mais qui peuvent la servir, semblent être inscri-
tes dans le titre:
- la réticence,
la suspension,
- et la dissimulation (ou l'enallage).
LA
RETI CENCE
Après les différentes analyses, tant logique que
transformationnelle, nous avions conclu que l'énoncé que constitue le ti-
tre est agrammatical. La reconstitution avait donné :
"El que ha sido condenado por(que) hab{a desconfiado"
Comparons l'énoncé initial agrammatical et l'énoncé
transformé
El
que
ha
sido
condenado
porque
hab{a
desconfiado
l +
2
+ 3 +
4
+
5
+
6
+
7
+
8
El
condenado
por
desconfiado
1
+
2
+
3
+
4
Des huit éléments qui constituent l'énoncé transformé seulement quatre
se retrouvent dans l'énoncé initial agrammatical.
Cette réduction signifie qu'il y a eu, de la part
de l'énonciateur, non seulement une rupture de discours mais encore des
omissions. Le lecteur est donc amené à combler les vides ou plus exacte-
ment à deviner le reste. Les rhétoriciens appellent ce procédé :LA RETI-
CENCE . Il permet à l'énonciateur de faire participer le locuteur à son
discours, donc à l'intéresser plus a l'objet de ses propos.
... / ...

= lOS =
LA SUSPENSION
Nous disions que, tout en nous introduisant dans
le texte, et tout en le résumant, le titre ne disait pas tout. C'est le
Cotexte qui nous permet de connaître la suite et la fin de l'histoire.
Après avoir trompé l'attente, l'énigme est placée tout à la fin, c'est-
à-dire dans le texte référent. Pour reprendre le terme rhétoricien, nous
dirons que ce procédé est une suspension, ou alors, avec GRIVEL, nous
parlerons d'agrammatica1ité cotextue11e.
L'ENALLAGE
Une des questions que nous aurions pu poser dès
le début de ces recherches est: QUI PARLE? En d'autres termes:
QUI ENONCE LA PHRASE ?
On en convient, il est très difficile, voire
impossible de répondre, avec les seules données du titre, à la question
ci-dessus. L'énonciateur, effaçant les marques de subjectivité, se dissi-
mule derrière son énoncé. On parlera d'éna11age.
Ce discours impersonnel est le résultat d'une
recherche d'objectivité et le souci de rendre plus crédible celui-ci.
Nous reviendrons, au cours de l'analyse du cotexte
sur l'une et l'autre de ces figures de style pour montrer les rapports
qu'elles entretiennent avec celui-ci. (26)
(26)
Oxymore, CategorY-ffiiGtak~, K~ticenc~, Suspens1cn et Ena11age,
sont des termes qui restent en dehors du langage socio-critique
-mais il n'en demeure pas moins vrai que les recherches elles-mêmes
sont d'une certaine mani~re structuralistes.
... / ...

= 106
Est-il besoin de faire remarquer que, si certaines
fonctions sont du domaine de l'écriture, en l'occurrence la fonction réfé-
rentielle, certaines par contre relèvent de l'esthétique de la réception.
Nous citerons particulièrement la fonction programmatrice. Certaines sont
plutôt à la lisière des deux champs d'exploration.
En effet, si le titre n'est pas programmateur
d'écriture, il l'oriente le comportement de lecture, il prémodèle un cer-
tain type de déchiffrement, où, mis en mémoire pendant le temps de lecture,
il réagit à tout moment sur elle, tandis qu'elle réagit sur lui, par une
sorte de décryptage mutuel".
(27)
La semi-grammaticalité que nous avons antérieure-
ment découverte, fait de lui, un discours en voie d'être complété. En un
mot, la semi-grammaticalité serait comme une potentialité que la lecture
viendrait actualiser.
Il est évident que, apres avoir lu le titre :
/Ël condenado ~or desconfiad~ï , on sait que forcément, quelqu'un sera
condamné par perte de confaince. Qui est-ce? Est-ce Pedrico? Est-ce Pau-
lo? Est-ce Celia? La question se répète autant de fois qu'il y a de per-
sonnages. Certes si, très vite, certains indices permettent d'éliffiiner
certains noms; il n'en reste pas moins vrai qu'au début, cette orientation
du titre fait de chacun d'eux un condamné potentiel.
La lecture de l'oeuvre finit par se focaliser sur
ce problème-à-résoudre. Et quand MITTERAND écrit, dans l'extrait précité,
que le titre "réagit à tout moment sur la lecture tandis qu'elle réagit
sur lui", on peut résumer cette réaction mutuelle par deux idées qui vont
conduire la lecture :
(27)
Henri MlrTERfu~D, op. cit.
... / ...

107
- Qui va être condamné?
Il faut qu'il y ait de toutes les manières dans
le texte un condamné, puisque le titre l'annonce. Seul le co texte estcensé
apporter la réponse à ces questions et à ces inquiétudes. Une fois de plus,
on revient à la fonction référentielle.
Toutes les fonctions déjà citées participent plus
ou moins de la fonction idéologique.
Comme nous l'avions montré dans le 111.2. en par-
lant de la fonction émotive, l'énonciateur, en l'occurence TIRSO DE MOLINA,
trahit son propre code moral, sa norme. En mettant en exergue un et un seul
code, il masque les autres. Ce double jeu de masquage/démasquage se tradui-
ra tout au long du texte par des paires oppositionnelles telles que
(SAINT / PECHEUR)
, (LIBERTE / ESCLAVAGE)
, (NUIT / JOUR)
, (DIEU / DEMON)
(CONDA}~ATION / SALUT) , (ABSE~C~ D~ CONFIANCE / CONFIANCE) , (DIS " CUM)
et bien d'autres encore.
Lorsque nous tenterons de Ïaire le relevé d'expres-
sions précises et de signes révélateurs, nous reviendrons sur ce code moral
dans l'étude du texte référent.
/Ël condanado por desconfiadoï est le titre que
nous nous sommes proposé ici d'étudier. Titre-Texte: deux éléments qui
demeurent dépendants l'un de l'autre, relation de dépendance mais aussi
relation d'influence mutuelle. Le titre anticipe le texte et en programme
la lecture. Le co texte quant à lui resémantise le titre et justifie sa
structure.
L'énoncé du titre parait pourtant singulier, nous
oserions dire neutre. Et pourtant, ces mots trahissent un ailleurs que
... / ...

108
l'on ne peut mettre en relief que grâce à une analyse qui va au-delà de
la tradition. Une analyse dans laquelle on admettra, comme le dit Edmond
CROS que:
"El signo, pues, significa no solo par la que
expresa sino también par la que es y par 10 que
transcribe par la manera coma se combina con los
demas signas; y par la manera coma funciona con
arreglo al enunciado
y con arreglo al c~digo"(28)
Pour la suite de notre étude, nous retiendrons
particulièrement
- la structure bipolaire inversée BA,
- l'existence de la paire oppositionnelle DES/CUM,
- l'isomorphisme mis en relief au II.2., c'est-à-
dire dans le chapitre consacré à l'étude de la structure lexico-sémantique.
- les différentes fonctions du titre, notamment
les fonctions Référentielle, Programmatrice, et Idéologique; sans oublier
quelques figures de style mises en relief lors de l'étude de la fonction
poétique.
(28)
Edmond CROS , "Fundamentos de una sociocr{tica : presupuestos
metodologicos y aplicaciones", in Idéologies et littérature,
Editopi~l Castilia, Madrid, Mai-Juin 1977. vol.l, n03, p.60.
... / ...

109 =
CHA PIT R E l l
PRO BLE MES
D' l N TER TEX TUA LIT E

110 =
" Tout texte se construit sur une mosalque de citations
et tout texte est absorption et transformation
d'un
autre texte." (1)
" Chaque référence intertextuelle est le lieu d'une
alternative
- ou bien poursuivre la lecture en ne voyant là
qu'un fragment comme un autre, qui fait partie inté-
grante de la syntagmatique du texte;
- ou bien retourner vers le texte-origine en
opérant une sorte d'anamnèse intellectuelle

la
référence intertextuelle apparaît comme un élénent
paradigmatique "déplacé" et issu d'une syntagmatique
oubliée." (2)
(1)
Ecrit de Julia KRISTEVA repris par Laurent JENNY dans "La stratégie
J~ la forme", in Poétique n027, Seuil, Paris, 1976, p.261.
(2)
Laurent JENN~, ut supra.
... / ...

=
III =
Intertextualit~, Paratextualit~, Architextualit~,
Parodie, Pastiche, ce sont là des
termes qui se rapportent de prês ou de
loin à un même ph~nomêne,
à savoir les traces plus ou moins explicites
d'un texte à l'int~rieur d'un autre texte.
Nous voudrions, à travers El condenado por des con-
fiado, r~pertorier tous ces autres texte&, ces textes ~trangers et analyser
les transformations qu'ils auraient pu subir au moment de leur insertion
dans le texte tirsien. L'ordre dans lequel nous les traiterons nous sera
impos~ par le texte tirsien puisque nous suivrons leur ordre d'apparition
dans ce dernier.
De même qu'à un extrait du texte tirsien pourront
correspondre plusieurs textes bibliques, (puisque telle
est la principale,
sinon l'unique origine de ces textes), de même, à un même texte biblique
pourront aussi correspondre plusieurs extraits du texte tirsien.
Nous citerons d'abord les textes bib~iques à la
suite des textes tirsiens correspondants, ensuite, reprenant chaque groupe
de textes, nous en noterons les ph~nomènes pertinents. A partir de ces der-'
niers, nous rendrons compte de l'ampleur des transformations qu'ont subies
les textes premiers (1)
(1)
Nous entendons par "texte premier"
le texte qui existait avant El con~
na do por desconfiado et qui a ~t~ inséré dans ce dernier.
... / ...

= 112 =
l - TABLEAU REPERTORIAL DES TEXTES
1.1. PREMIER GROUPE DE TEXTES
1.1.1. Texte tirsien
"(Aparece el deraonio en 10 alto de una pena)
Diez anos ha que persigo
a este monje en el desierto
su mal ha de restaurar
de la pregunta que ha hecho
a Dios, pues a su pregunta
mi nuevo engano prevengo
,
de Angel tomaré la forma
y responderé a su intento
cosas que le han de costar
su condenacion si puedo
( ... )
Dios, Paulo, te ha escuchado
y tus l~grimas ha vista
( ... )
Paulo .••.•..•••.••.•
. •. que mal y temor resisto
ciego en mirarlo he quedado
Demonio ••••..•••..••... ne ha mandado que te saque
de esa ciega confusi~n
( ... )
. .. / ...

= 113 =
,
Ve a Napoles. y a la puerta
.'
( ... ) veras ,
cerca de alla
un hombre
Paulo
.
jQué gran contenta
con tus razones me das !
Demonio ...••..•.•..
Que Enrico tiene por nombre
hijo deI noble Anareto
( ... )
Pedrisco .••••.•..••
Brinco y salto de contento
( ... )
Paulo ..•.•.....••..
Nadie nos
"
conocera
que vamos desconocidos
en el traje y en la edad
( ... )
Pedrisco •..•.•.....
No pue do dejar de ver.
pues que mi bien es tan cierto,
con tan alta maravilla
el bodeg~n de Juanilla
y la taberna deI Tuerto.
Paulo ....•.•..•...•
Faltar no puede
le palabra de Dios; el Angel suyo
me dijo que si Enrico se condena,
me he de condenar, y si él se salva,
también me he de salvar.
( ... )
Pedrisco •••••.•••..
Sin duda, padre
.-
que es un santo varon aqueste Enrico.
Paulo .•...•....••..
Eso mismo imagino
( ... )
A éste han llamado Enrico.
. .. 1 ...

= 114 =
Pedrisco ..••.•.....
Ser~ otro.
lQuer!as que fuese este mal hombre,
que en la vida esta ya ardiendo en los infiernos?
( ... )
Paulo . • . . . . . . . . . . . .
Salid l~grimas; salid
( ... )
i Ah he rmano !
penas y desdichas tengo
este mal que he visto
es Enrico." (2)
"Saul, respirant encore la menace et le meurtre
à l'égard des disciples du Seigneur, alla trouver le grand prêtre
et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que,
s'il trouvait des adeptes de la Voie, hommes et femmes,
il
les
amenât, liés, à Jérusalem.
Comme il faisait route, il s'approchait de Damas,
quand soudain resplendit autour de lui une lumière venant du ciel.
Et tombant à terre, il entendit une voix qui lui
disait
"Sa ul , Sa ul , pourquoi me persécutes-tu?"
Il dit
"Qui es-tu, Seigneur?"
(2)
Extraits des scènes 4 , 5, Il , 12 , 13 du premier acte de
El condenado par ~esconfiado.

115=
Et lui
"Je suis Jésus, que tu persécutes; mais relève-toi
et entre dans la ville, et on te dira ce que tu
dois faire."
Les hommes qui faisaient route avec lui s'étaient
arrêtés, muets de stupeur; ils entendaient bien la voix mais ne voyaient
personne.
Paul se leva de terre, et bien qu'il eût les yeux
ouverts, il ne voyait rien. C'est en le conduisant à la main qu'on le fit
entrer à Damas Et il fut trois jours sans voir et ne mangea ni ne but.
Il Y avait à Damas un disciple au nom de Ananie.
Le Seigneur lui dit dans une vision
"Ananie"
Celui-ci dit
"Me voici, Seigneur"
Et le Seigneur lui dit
"Debout!
"
Ananie répondit
"Seigneur
j'ai appris de bien de gens au sujet de
cet homme quel mal il a fait à tes saints ••. "
Mais le Seigneur lui dit :
"Va, car cet homme, m'est un instruP.1ent de choix
pour porter mon nom devant les Nations ••. Car moi
je lui montrerai tout ce qu'il doit souffrir pour
mon Nom."
Ananie s'en alla, entra dans la maison, et posant sur lui les mains il dit:1
"Saul , mon frère, C'est le Seigneur qui m'a en-
,
"
voye •••

116 =
Et aussitôt, tombèrent de ses yeux des écailles,
et il recouvra la vue.
Il se leva, et fut baptisé". (3)
II.2. DEUXIEME GROUPE DE TEXTES
II.2.1. Texte tirsien
"No puedo tenerme, no,
que ando por aquestos va11es
recogiendo con amor
una ovejue1a perdida
que de1 rebano huyé;
yo soy el pastor
que en vuestras riberas
guardé un tiempo a1egre
candidas ovejas
sus b1ancas ve110nes
( ... )
Era yo enviado
para ser su guarda buena
( ... )
pero desde el d{a
que, una, la
mas buena,
huyé de1 rebano
l~grimas me anegan
(3)
Actes des Apôtres, Chap.9, VArset 1 à 19
in Bible (Ost y), Editions Seuil, ?aris, 1973.

117=
Mis contentos todos
convert! en tristeza
mis placeres vivos
en memorias muertas ••• " (4)
al T.a brebis perdue
Quel homme d'entre vous, s'il a cent brebis et
qu'il en perde une, ne laisse pas les quatre-vingt-dix-neuf dans le désert
pour aller après celle qui est perdue, jusqu'à ce qu'il la trouve? Et quand
il l'a trouvée, il la pose sur ses épaules, tout joyeux .••
c'est ainsi, je vous le dis, qu'il y aura plus de
joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt
dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentir.
(5)
bl La drachme perdue
"Ou quelle femme, si elle a dix drachmes et
qu'elle perde une drachme, n'a~lume une lampe, et ne balaie la maison
et ne cherche avec soin jusqu'à ce qu'elle la trouve? Et quand elle l'a
trouvée, elle convoque ses amies et ses voisines et dit:
"Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai trouvée,
la drachme que j'avais perdue!"
c'est ainsi, je vous le dis, qu'il naît de la
joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent." (6)
(4)
Extrait de la scène Il de l'acte II de El condenado par desconfiado.
(5)
Evangile selon St Luc
151 4-7.
(6)
Ut supra 151 8-10.

= 118 =
cl La parabole du fils perdu (enfant prodigue)
"Un homme avait deux fils. Et le plus jeune dit à
son père
"Père donne-moi la part de fortune qui me revient".
Il leur partagea son bien. Et peu de jours après,
ramassant tout, le plus jeune partit, pour un pays lointain et y dissipa
tout son bien en vivant dans l'inconduite.
Quand il eut tout dépensé, survint une famine sévère
dans ce pays, et il commença à manquer ( ••. )
Il partit et vint vers son père.
Tandis qu'il était encote loin, son père le vit et
fut pris de pitié; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers
( ... )
Mais le père dit à ses esclaves :
"Vite, apportez la plus belle robe et l'en r=vêtez
et mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures
aux pieds. Et amenez le veau gras, tuez-le,mangeons
et festoyons, parce que mon fils que voilà était
mort, et il est revenu à la vie; il était perdu,
et il est retrouvé".
Et ils se mirent a festoyer ... " (7)
dl Le bon berger
"En vérité, en vérité, je vous le dis: celui( ... )
qui entre par la porte est le berger des brebis ... Les brebis écoutent
(7)
Evangile selon St

= 119
sa Voi~ •• Quand il les a toutes fait sortir, il marche devant elles, et
elles le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix C••• ) • En vérité,
en vérité je vous dis que moi, je suis la porte des brebis C••• ) Moi je
suis le berger, le bon. Le berger, le bon, livre sa vie pour les brebis
C••• )
(8)
1.3. TR01S1EME GROUPE DE TEXTES
1.3.1. Texte tirsien
CPedrisco y Enrico en la carcel, presos)
(Sale el demonio y no le ve).
Demonio
.
"Librarte, Enrico, pretendo
C... )~Ves aquel postigo ?
..
.•. Pues salta por el, y anS1
no estaras en la pris ion
C.•. ) salta al momento
y no preguntes quién soy
que yo también preso estoy,
y que te libres intento •
.-
Musicos
Detén el paso violento;
.
.-
.
rn1ra que te esta meJor
.-
que de la pris ion librarte
el estarte en la prision
C••• ) Detente, enganado Enrico;
. .'
No huyes de la pr1s1on
..
Pues moriras si salieres
y si te estuvieres, no."
C••• )
Evangile selon St Jean 10/ l a 16.

= 120
Demonio
tQue al fin no te quieres ir?
Enrico
.
Quedarme es me jar.
,
Demonia ••........•
Atribuyelo al temor
,
pero, pues tan ciego estas
quédate preso, y ver~s
coma te ha estado peor"(9)
al T,es Apôtres en prison
"Alors intervient le grand prêtre, ainsi que tous
ceux qui étaient avec lui ( ••• ) Remplis de jalousie, ils portèrent les
mains sur les Apôtres et les mirent dans la prison publique. Mais pendant
la nuit, l'Ange du Seigneur ouvrit les portes de la prison, et les fit
sortir ( .•. ) (l0)
bl Daniel dans la fosse aux lions
"Alors le roi ordonna d'amener Daniel. et de le
jeter dans la fosse aux lions ( •.• ) Alors dès l'aube, le roi se leva, au
point du jour, et en toute hâte il s'en alla à la fosse aux liùns ( •.. )
Alors Daniel parla au roi :
"0 roi, vis éternellement! iTIOn DièU m'a envoye
son ange et fermé la gueule des lions, et ils
(9)
Extraits de la scène 7 de l'acte III de El condenado por desconfiado.
(la) Actes des Apotres 51 17 à 19.

= 121 =
ne m'ont pas fait de mal parce que devant lui j'ai
été trouvé innocent" (11)
cl Jonas dans le ventre du poisson
"( •.• ) Ils emportèrent Jonas et le lancèrent à
la mer.
Yahvé fit qu'il y eut un grand poisson pour avaler,
Jonas, et Jonas fut dans les entrailles du poisson trois jours et trois
nuits. Yahvé commanda au poisson, qui vomit Jonas sur la terre sèche.(12)
II - RAPPORTS ENTRE
TEXTES PREMIERS ET TEXTES SECONDS
II.1. PREMIER GROUPE DE TEXTE:
~~_~!~~_~_!~~E~~~~~_~~_~~~!~
Il
La conversion de Saul
Le premier rapport
entre les deux textes est le
nom du personnage de chacun des deux teKtes. Dans l'un c'est": PAULO
dans l'autre, c'est SAUL . Il suffit de se souvenir que SAUL
fut le
premier nom de Saint Paul pour être convaincu de la ressemblance, ou plus
précisément de l'unicité du personnage.
(11)
Extraits du 6ème chapitre du livre de Drtnjel; 6/ 17 à 23.
(12)
Le livre de Jonas, extraits des chapitres 1 et 2.
. .. / ...

= 122 =
Mais au~delà de ce nom, il est indispensable de
faire une double lecture pour comprendre l'essentiel des rapports entre
les deux textes.
Tandis que Saul , interpellé par Jésus se conver-
tit et finit dans l'immense bonheur du Salut éternel, Paulo quant à lui,
interpellé par le démon, commence à douter de Dieu; perdant toute sa con-
fiance en Dieu, il finit par se damner. Ainsi comme écrit le chanoine
E. OSTY :
"L'instant de Damas fit du plus farouche persécu-
teur du Christ le prédicateur le plus fougueux
de l'Evangile." (13)
Ainsi, dirons-nous, l'instant de Napoles fit de l'un des plus fidèles du
Christ,l'~dversaire le plus acharné.
Le rapport entre les deux textes se révèle être
davantage un rapport d'opposition qu'un rapport de similitude.
Nous y reviendrons dans les prochains paragraphes
pour analyser plus en détail les éléments qui unissent l'un et l'autre des
textes.
II.2. DEUXIEME GROUPE DE TEXTES
- Retrouvailles de la drachme
- Retrouvailles de l'enfant
Cette deuxiême série de textes fonctionne exacte-
ment comme la première, soit un texte qui prend le
"contre-pied" de l'au-
tre, avec, au départ, un point conunun.
(13)
Paul de TARSE, Synopse des Epîtres , tr2èuction et lettre préface
du chanoine E. OSTY (Editions Universitaires), 2aris, 1962, p.24.
. .. ! ...

= 123 =
Que ce soit dans chacun des trois textes bibliques
que nous avons proposé comme texte d'origine, ou dans l'extrait cité de
El condenado por desconfiado, le récit commence par la description d'une
perte. Mais si dans la Bible l'élément perdu est retrouvé, dans l'oeuvre
tirsienne, par contre, l'objet perdu reste éternellement perdu.
Ce sont donc ces rapports que nous qualifierons
"d'écart entre les textes seconds et les textes premiers" que nous concré-
tiserons par des schémas plus explicites.
Il nous faut signaler que le texte dl celui du bon
berger, devrait être mis à part puisqu'il entretient un autre type de ra-
port avec le texte tirsien. Il reprend tout simplement l'allégorie du
"bon pasteur et ses brebis" sans aucune transformation.
II.3. TROISIEME GROUPE DE TEXTES
Il
Il - Daniel est délivré de la fosse
Au risque de nous répéter, nous dirons que le fonc-
tionnement, sinon les rapports qu'entretiennent les textes premiers
les
textes bibliques , avec les seconds, restent inchangés. L'un est le "con-
trepied " des autres.
Revenons maintenant sur l'ensemble de ces textes
pour voir plus en détail les éléments semblables et les éléments diffé-
rents entre textes premiers et textes seconds.
/

= 124
III - RELEVE DES TRAITS PERTINENTS
Parmi les multiples méthodes qui permettent de rele-
ver les traits pertinents d'un texte quand on fait une étude comparative
de deux textes, il en est une qui consiste à schématiser les textes
en
n'en retenant que les mots clés et les expressions ou groupes de mots im-
portants. On peut, de la sorte, mettre en relief les
traits pertinents par
l'opposition qui se dégage de la comparaison des deux textes.
111.1. PREMIERE SERIE DE TEXTES
TEXTE TIRSIEN
=============
1
Paulo, mon je , santo
Sau1, perspcuteur, pécheur
2
En 10 alto de una pena
comme il faisait route
1ugar de su oracion
lieu de ses méfaits
3
Paulo: "gran contento me das" Saisi d'effroi, tremblant
4
El demonio
Jésus
5
Pedrisco :"Brinco y salto de
Accompagnateurs
stupéfaits
contento"
6
Dias me ha mandado
Je suis Jésus
7
Danas
8
Bodegon y taberna
Ne mangea, ni ne but

= 125 =
9
Aguademos a ver en 10 que pas a
Trois jours
10
Su condenacion
Et il fut baptisé ~ Salut
11
Algun divino varan debe de ser
J'ai appris •.• quel mal il a fait
à tes saints
12
Debe ser el manifiesto de mi
Cet homme m'est un instrument de
victoria
choix
13
Vamos desconocidos en el traje. Et aussitôt il proclamait dans les
y la edad
synagogues que Jésus est le fils
de Dieu.
Quelles remarques peut-on faire sur chacun des
treize points du tableau comparatif précédent?
al Au n01. on peut noter une opposition radicale
puisque Paulo est ermite tandis que Saul passe sa vie à persécuter lèS
Apôtres de Jésus.
bl Au 2. l'opposition est dans le fait que l'un.
Paulo. est sur le lieu de ses occupations habituelles au moment de son
interpellation. tandis que l'autre. Sau1. n'étant pas encore arrivé à
Damas. n'est donc pas sur le lieu de ses méfaits.
cl La même idée d'opposition apparaît au 3. Paulo
est content de ce qui lui arrive. Quant à Sau1. il est tremblant et saisi
d'effroi.
dl
'
Vs
,
Jesus <-------> Demon.
el Au nOS. c'est l'idée du 3 qui est reprise à la
seule différence que ce n'est plus Sau1 et Paulo qui ~]~t concernés mais
plutôt leurs accompagnateurs.
. .. / ...

= 126
fi On peut considérer qu'il y a au 6 une double
opposition
- La première est au niveau des sujets
énoncia-
teurs. L'un est le démon et l'autre est Jésus.
-La deuxième opposition de ce n06 est dans la ma-
nière même de se présenter. Dans la Bible, Jésus se présente en son vrai
nom tandis que dans El condenado por desconfiado le démon se cache en se
faisant l'envoyé de Dieu -rappelons qu'il est habillé en Ange-. On peut
donc conclure que c'est le processus d'occultation qui introduit l'oppo-
sition.
gl Dans le nOS, le comportement de Saul en face
de la nourriture et de la boisson est totalement opposé à celui de Pedrisco
et Paulo.
hl Si Saul doit attendre trois jours avant de re-
connaître Ananie, il ne faut à Paulo que le temps d'une tirade pour dévi-
sager Enrico.
il
O
L'opposition dans le n l0 se passe de tout
commentaire. Tandis que l'un, Paulo court à sa condamnation, l'autre,
Saul baptisé, s'achemine vers son salut éternel.
O
jl Nous porterons notre attention, dans ce n ll
au caractère attribué par Saul et par Paulo au sujet dont on leur a parlé
"Algun divino varan debe de ser ::~: j'ai appris ..• quel mal i l a fait à tes
saints)
kl Pour bien comprendre l'opposition de ce n012,
il faut reconstituer le deuxième élément de la comparaison. Le premier est
donné par le texte biblique :"Cet homme m'est un instrument de choix pour
raire connaître mon Nom aux nations de la terre." Le deuxième, bien que
n'étant pas explicite dans le texte, n'en est pas pour autant moins pre-
sent. Selon la vision biblique, le démon tente Paulo afin de vaincre Dieu
et d'accroître son pouvoir et son royaume. L'opposition apparaît donc plus
clairement. Tandis que Saul, imprégné de Dieu, va porter aux Nations le
Nom de Dieu, Paulo quant à lui, tombé sous l'emprise du démon,va se détourner
Je Dieu.
1/ Ce treizième point reprend le sème de 1 'occultatio.
l'opposition se situe entre l'occultation et la non-occultation.
1 •••

127
111.2. DEUXIEME SERIE DE TEXTES
Nous ne retiendrons des textes de cette série que
très peu de mots, mais des mots essentiels -nous nous en servirons pour
établir les couples oppositionnels.
A l'unique texte de El condenado por desconfiado,
nous avons opposé trois textes bibliques, à savoir
- la parabole de la brebis perdue,
- la parabole de la drachme perdue,
- la parabole du fils prodigue.
TEXTE TIRSIEN
=============
~~~!~=~è~1èQ~~
- mas la oveja necia no
al et quand il l'a trouvée;
quiere volver
!
bl et quand elle est trouvée;
,
cl il était perdu, il est retrouvé;
- -
--- -- ------~-_.----- ------ ____o.
. "
- sent1ra su mengua
al il y aura plus de joie dans le ciel;
bl c'est ainsi qu'il naît de la joie devant
les anges de Dieu;
cl et ils se mirent à festoyer;
.~
-
_. ---
------. --
f---
. -
- triste pena, mi llanto
n
1
0./
il la pose sur ses épaules, tout joyeux;
bl Réjouissez-vous avec moi;
cl Il courut se jeter à son cou et le couvrit
de baisers;

= 128 =
Les couples oppositionnels fondamentaux qui se
dégagent du précédent tableau sont les suivants
Vs
( PERTE <-----) JOIE )
( TRISTESSE <-----) RETROUVAILLES)
En réunissant les deux couples, l'on obtient:
( PERTE = TRISTESSE <-~~-) RETROUILLES = JOIE)
Soit le schéma suivant :
Vs
TRISTESSE <----~~----> JOIE
PERTE <----------> RETROUVAILLES
================================
===========================
l
l
Vs
PERTE
TRISTESSE (--------------)RETROUVAILLES
JOIE
=========================
======================
111.3. TROISIEME SERIE
Pour fa~re apparaître toutes les
oppositions
de cette série, nous procéderons de la même façon que dans les deux pre-
mières séries, c'est-à-dire que, après avoir dressé un tableau schématique
des textes, nous relèverons
les oppositions et si possible nous constitue-
rons les couples oppositionnels.

= 129
TEXTE TIRSIEN
=============
r~~r~=~!~k!g1l~
Demonio :
al Mais pendant la nuit, l'Ange
"Librarte, Enrico, pretendo"
du Seigneur ouvrit les portes
de la prison et les fit sorti
Musicos :
,
"Detén el paso, te esta mejor
bl Mon Dieu a envoyé son Ange e
el
la
0'
estarte en
pris10n que
fermé la gueule des lions
librarte. No huyas, pues
"
moriras
si salieres, y si te estuvieres,no"
cl Yahvé commanda au poisson quo)
vomit Jonas sur la terre sèche
Au_delà de la ressemblance de situation décrite
dans l'un et l'autre des textes, il y a dans ces quelques lignes plus
d'une opposition.
La première est au niveau des sujets agissants;
d'un côté c'est le démon, et de l'autre c'est l'Ange du Seigneur.
La deuxième opposition réside dans le caractère
véritable de la proposition que l'un et l'autre fait à son protégé.
Ce caractère, nous le schématiserons par les équations suivantes :
ANGE DU SEIGNEUR
LIBERTE VERITABLE
SALUT
DEMON
= FAUSSE LIBERTE
MORT
Plus tard, cette équation nous servira à recons-
tituer le schéma récapitulatif.
. .. 1 ...

= 130
La troisième opposition est dans le seul texte de
El condenado por desconfiado , c'est l'adversité entre le "demonio" et les
/
"musicos".
Sur un même schéma, nous allons résumer tous les
couples oppositionnels déjà constitués tout au long de l'étude des trois
séries de textes.
Vs
Vs
FAUSSE LIBERTE (------> LIBERTE VERITABLE
MORT (------> JOIE
!
l
Vs
FAUSSE LIBERTE
MORT
(-----------> LIBERTE VERITABLE = SALUT
l
l
Vs
DEMON
(-------------------------------------> JESUS
Les rapports entre les deux textes sont variés
c'est-à-dire multiples. De la pure et simple copie à la déformation totale,
il existe, on n'en doute pas, plus d'un type de relation. On peut par exem-
ple, quand on reconstitue les textes origines, essayer par la même occasion
de caractériser cette relation binaire.
FONCTIONNEMENT DES INTERTEXTES PAR RAPPORT
AUX TEXTES REFERENTS
Nous avons, ne serait-ce qu'approximativement,
déterminé le tvpe de rapport qui s'impose entre le texte de El condenado
por desconfiado et les textes d'origine. Il nous f~ut à présent le préciser
un peu plus.
... / ...

= 131 =
Procédons, pour faire vite, par élimination pro-
gressive. Nous savons, grâce à l'étude sommaire déjà faite, que ces tex-
tes bibliques que nous avons cru découvrir dans El condenado por descon-
fiado ne sont que des intertextes, puisque,pour reprendre la définition
de Gérard GENETTE (14), nous ne les retrouvons pas littéralement dans
ce dernier.
El condenado por desconfiado n'est donc pas non
plus un métatexte des textes bibliques, c'est-à-dire un commentaire sur
ceux-ci.
Que ce soit le texte tirsien ou le texte biblique,
chacun appartient à un type de discours spécifique; on peut pour cela les
considérer comme des Architextes dans le sens genettien du terme (15),
c'est-à-dire que tous appartiennent à des types de discours ou plutôt
à un type de discours
précis : le discours biblique. On peut, pour sim-
plifier, qualifier ce dernier de discours didactico-moraliste.
La notion d'architexture nous laisse tout de même
perplexe car elle ne spécifie pas la relation que le texte second entre-
tient avec le te~:te d'origine. Il nous faut donc aller plus en avant.
Certes le texte tirsier. n'est pas une pure et simple imitation des textes
bibliques c'est dire que ce n'est pas un pastiche, mais i l est là, pré-
sent, ce texte premier, déjà pensé et déjà construit ailleurs. I l est là,
d....
.
econstru~t,
transformé, interprété ; comme le dit Edmond CROS:
" ..• Ce n'est pas cet intertexte qui yient se
déconstruire, mais plus exactement, son inter-
prétant, c'est-à-dire une certaine idée de cet
intertexte ••• " (16)
(14)
Gérard GENETTE,
Introduction à l'Architexte, Paris, Seuil,1979, p.87
(15)
Ut supra, p.88.
(16)
Edmond CROS, Théorie et pratique
sociocritiques, C.E.R.S.
Montpellier, p.90.
... / ...

= 132 =
Revenons à présent aux divers textes pour mieux
apprécier le type de transformation dont il est question ici et résumons
dans quelques tableaux nos conclusions antérieures.
TABLEAU DU PREMIER GROUPE DE TEXTES: TABLEAU N°l
SALUT
~
CONVERSION
----------
JESUS~
SAUL PECHEUR/'"
.:::::::::J::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::~
1
~
o
(J
PAULO SAINT HOMME
Ul
QI
'\\j
l-<
DEMON
0
0
'\\j
~DE
CIl
CONFIANCE
~
QI
'\\j
~
~
0
0
(J
'\\j
CONDAMNATION
CIl
...-l
-.-1
~
LH

= 133 =
TABLEAU DU DEUXIEME GROUPE DE TEXTES
TABLEAU N°2
i
- - - - - - r - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - . j r
l'
JOIE
l'
~--
1
1
1
1
1
RETROUVAILLES
~----------
PERTE
BREBIS
DRACHME
/
ENFANT
11
----------~--------------------------------------------------------------i
PAULO
1
1
1
t::
o
1
1
CJ
1
en
~
1
al
DISCIPLE
1
'1;j
------~
1
1
1-&
1
o
1
PERTE
1
1
l '
------------.
!
TRISTESSE
--------ï,
1
1.
l '
l '
1
1
1
--------'--------------------------------

= 134 =
TABLEAU DU TROISIEME GROUPE DE TEXTES TABLEAU 3
i
1
1
DELIVRANCE
~------
JESUS~
~---
JUSTES EMPRISONNES
~---------
APOTRES
DANIEL
JONAS
l
J
~
ENRICO
~PECHEUR
o
'0
C1l
s::
JESUS
C1l
'0
s::
o
u
~N;N-DELIVRANCE

= 135
Admettons pour la suite de notre analyse que le
signe
{--_7 signifie: "le contraire de" ou bien "l'opposé de"
Nous aurons ainsi :
SAINT -----)
{-- SAINT_7
JESUS -----)
/ -JESUS ï
Cette convention nous permet de réécrire les trois
précédents tableaux autrement :
REINSCRIPTION DU TABLEAU N°l
===========================
SALUT
~----
CONVERSION
JESUS~---------
~
SAUL
PECHEUR
~::::::::~::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::
1
o
1
~
l
PAULO / - PECHEUR 7
''';
1
4-l
1
~
1
.~
o
1
(J
[J)
/-- JESUS ï
QJ
"0
-~
l-<
o
/-- CONVERSION 7
~
/ - SALUT 7
1

1
1
1
1
-----:..._--------------------------------,/

136
REINSCRIPTION DU TABLEAU N°2
-===========================
JOIE
~--
RETROUVAILLES
PERTE~----------
BREBIS
DRACID1E
ENFANT
F=======F================================================================
PAULO
~/- PERTE ï
~
/ - RETROUVAILLES ï
o
"Cl
tll
1:
~~
Ql
"Cl
1:
/ - JOIE /1
o
-
1
U
1
1
...-i
1
~
1 .
1
~---~---------------------------------- ,

= 137
REINSCRIPTION DU TABLEAU N°)
===============;============
DELIVRANCE
JESUS
/-----
JUSTES EMPRISONNES
Il
"
APOTRES
li
Il
DANIEL
11<
Il
Il
JONAS
Il
/1
Il
f========r================================================================~;
1
t
1
1
:
ENRICO
:
1
- - - - - -
1
1
- - - - - - - - - - .
1
1
1
1
1
1
/-- JUSTE 7EMPRISONNE
DELIVRANCE:
!
~
----1------
1
l
"'~_
_
1
1
/
-
JESUS /
:
1
1
1
1
1
1
l-I
o
1
1
/ JESUS 7
~
o
'"0
co
C
/ ~!
al
'"0
C
o
- DELIVRA~CE~
u
- .:t1K1
1
1

= 138 =
On peut noter la très grande ressemblance entre
chacun des trois tableaux et le tracé d'une fonction numérique hyperboli- .
2
que à valeur réelle de forme : X ---------> ax
pour X > 0
et celui de
sa symétrique.
On prendra l'axe des abscisses OX comme axe de
symétrie.
B
y
X >
o
\\ ,\\

139
Ce schéma permet de mieux visualiser la symétrie
entre les courbes Cl et C
' c'est-à-dire entre d'un côté les textes
2
bibliques qui seraient représentés par la courbe Cl ' de croissance AB,
et de l'autre les extraits du texte de El condenado por desconfiado qui
correspondraient à la courbe symétrique C
de croissance négative.
2
C'est une évidence de dire que, dans la Bible
le message religieux entraîne les gens de la tristesse à la joie, de la
mort à la vie, du moins au plus. Cette orientation positive, nous l'avons
voulu caractériser par AB; tandis que tout texte qui va dans le sens
inverse de celui de la Bible suit de ce fait, la structure BA.
On peut d'ailleurs le vérifier dans les textes
bibliques que nous avons cités:
le pécheur est sauvé,
- l'emprisonné est délivré,
- l'objet perdu est retrouvé.
Par contre dans El condenado por desconfiado
- le saint homme finit par se condamner,
- l'emprisonné n'est point délivré,
- quant à l'être perdu, il ne sera jamais retrouvé.
Il nous faut à présent, à partir de cette analyse
appliquée, et surtout au.delà d'elle, poser d'une manière gënérale le pro-
blème de ces textes qui viennent d'ailleurs et qui sont investis dans
d'autres textes.

140
IV. L'INTERTEXUALITE
IV.l. LES PROBLEMES D'ENCADREMENT DE L'INTERTEXTE
Que sont-ils en réalité, ces textes venus d'ail-
leurs? Ce sont des textes, c'est-à-dire des totalités structurées des en-
tités qui sont transposées
d'autres textes. Dès lors le texte récep-
teur est menacé. Il peut être désarticulé, détruit, assimilé par ce texte
étranger: l'intertexte.
Il se peut aussi que ce soit le texte étranger
qui soit absorbé, transformé, englouti par le texte récepteur. Ce sont
donc des problèmes de survie textuelle ou de cohérence typographique et
d'harmonisation sémantique que nous voudrions analyser ici plus en détail.
Faut-il alors commencer par le texte récepteur
ou par le texte reçu? Nous co~~encerons quant à nous, par le texte récep-
teur car c'est lui que l'on aperçoit quand on lit un texte.
Au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture
du texte récepteur, son
"cadre narratif"
(17) devient de plus en plus
cohérent, structuré, et de par sa linéarité, c'est-à-dire sa constitution
par dévoilement progressif de ses constituants -ce que Laurent JENNY appel-
le "la signification à petits pas et de façon cumulative"
(18)- il met le
lecteur dans l'expectative. Il crée une ~atrice d'attente, et prépare ainsi
le lecteur à la suite du récit. Le lecteur au fur et à mesure que sa lectu-
re progresse, devine la suite de l'histoire. En fonction de ce qu'il ë déjà
lu, il s'attend à ce qu'apparaisse tel ou tel évènement dans le texte.
C'est donc sur cette attente anxieuse que va jouer "l'auteur". Par l'inser-
tion d'un intertexte, il peut tromper le lecteur. Le choc qu'a le lecteur
est plus ou moins violent selon que l'insertion est plus ou moins réussie.
Qu'est-il, cet intertexte?
(17)
Laurent JENNY, op. cit., note l, p.268.
(18)
Ut supra, p.273.
!

141 =
Parfois c'est une simple allusion, un mot, un
groupe de mots, une phrase ou tout un texte. Les qualificatifs qui lui
sont attribués sont fort nombreux.
"discours parasite" (19) selon Laurent JENNY,
"interprétant" dit Edmond CROS (20),
"perturbateur", "dislocateur", "englobant" selon
d'autres.
Ces différentes qualifications, bien que ne se
situant pas au même niveau (21), montrent assez nettement comment se réa-
lise le processus d'intégration.
Répertorions rapidemment les cas d'intertextualité.
- Il Y a d'abord le cas dans lequel le lecteur
n'est point choqué par la présence de ce texte venu d'ailleurs; au mieux,
il ne s'en aperçoit pas. C'est ce cas que décrit Laurent JENNY en ces
termes :
"L'harmonisation intertextuelle pour être parache-
vée ne doit pas s'opérer seulement au niveau de la
forme de l'expression. Elle doit se préoccuper d' u-
nifier forme et substance du contenu. A la cohéren-,
ce typographique doit s'ajouter une réduction des
impossibilités combinatoires de textes issus d'ho-
rizons souvent hétérogènes."
- Il Y a aussi le cas de deux textes qui apparem-
ment semblent unis parce que l'intertexte s'accorde parfaitement à la typo-
graphie du texte récepteur. Mais au_delà de cette harmonisation superfi-
cielle, les deux textes peuvent/dans le cadre immédiat, s'ignorer totale-
ment. C'est comme si deux récits étrangers l'un à l'autre
(19)
Laurent JENNY, op. cit., p.269.
(20)
Edmond CROS, "Fonctionnerents textuels", in I:'1prévue C.E.R.S.
Montpellier, 1932-1, p.9Ü.
(21)
Contrairesent 1 d'_:utres qui sit1le!lt l' Lntertexte par rapport à son
... /

= 142 =
s'intercalaient dans un texte. La mince relation qui les unit, à part
l'harmonisation superficielle, peut n'apparaître qu'au dénouement final.
- Dans une autre situation, la charge sémantique
de l'intertexte, bien qu'effective, peut être faible, très faible même,
à tel point que au_delà des simples modifications immanentes dont parle
Laurent JENNY (22), le texte récepteur l'absorbe, le transforme, le dis-
loque et s'approprie ses restes.
- Hais il se pout aussi que l' intertexte boit tel-
lement puissant qu'il vienne désorganiser le texte au sein duquel il est
censé être. Il ne s'agit plus ni de greffe, ni de parasitage, mais
de
brusque irruption perturbatrice, voire même meurtrière, puisque c'est lui
qui fait disparaître le texte récepteur en l'étouffant par sa virtualité.
Quels que soient les termes que l'on emploie,
nous avons préféré, quant à nous, résumer le tout par les termes: SURVIE
ET COMPATIBILITE SEMANTIQUE. Le premier indiquant la dialectique entre
l'un et l'autre des textes, dialectique qui aboutit à la mort de l'un des
deux et par conséquent à la survie de l'autre; le deuxième, l'harmonisa-
tion qui résulte du bon ménage des deux textes. On reconnaîtra
- l'identité et l'entité de chacun des deux,
- cette combinaison textuelle créatrice de sens,
- l'instauration de plusieurs sujets d'énonciation.
Ce sont
ces différents phénomènes qui nous obli-
gent à faire une lecture polyphonique, ou si l'on préfère, une lecture
multiple -selon le terme jennien (23).
Au cours des premières analyses de ce chapitre,
nous avons tenté de mettre en rapport les intertextes une fois insérés
cadre narratif récepteur, Edmond CROS le situe par rapport à son
référent d'origine.
(22)
Laurent JENNY, op. cit.,p.275.
(23)
~t supra, p.273.
... / ...

= 143
dans le texte tirsien
El condenado por desconfiado avec leurs référents
bibliques.
Nous .avions abouti à la conclusion selon laquelle
les intertextes prenaient le "contre-pied" des textes bibliques. et. pour
faire vite. nous avions appelé ce phénomène STRUCTURE INVERSEE BA. Nous
nous sommes • après cela. étendu sut quelques considérations théoriques
afin de pouvoir mieux comprendre le problème d'intertextualité. Nous n'al-
lons donc pas revenir sur celles-ci.
IV.2. LE LECTEUR FACE A L'INTERTEXTE
L'intertextualité n'est pas seulement un problème
d'écriture, c'est aussi un problème de lecture. Nous allons analyser les
différentes attitudes qu'un lecteur peut avoir devant un intertexte, atti-
tudes qui sont. du reste. fort variées
- Il Y a celui pour qui tout n'est qu'intertexte.
Le texte devient à ses yeux
-nous empruntons les expressions à JENNY (24)
une "mosalque de citations" et une pure et simple "absorption de textes
précédents". Chaque article, chaque note. chaque idée. renverra. selon ce
lecteur. à un autre texte.
Cette attitude. quoique partiellement
fondée nous
semble extrémiste. et partant dangereuse car elle ne permet pas de voir la
spécificité de chaque texte. Tout en la comprenant. nous préférons quant à
nous. en adopter une autre.
- Le lecteur peut aussi n'apercevoir aucun inter-
texte pour peu que
"l'harmonisation typographique" s'accompagne d'une
réduction maximale des impossibilités combinatoires. Ce lecteur.
(24)
Laurent JE~~Y, op. cit., p.261.
. .. / ...

= 144 =
visiblement, ignorant des textes référents, demeure en dehors du système.
On en conviendra avec Laurent JENNY que, "hors système, l'oeuvre est donc
impensable" et que sa
"perception suppose une compétence dans le déchif-
frage du langage littéraire" (25).
L'oeuvre, par ses mises en abîme, crée des matriceE
d'attente, et, par elles, interpelle le lecteur. Elle le convoque.
Le lecteur doit aborder le texte muni de tout un
bagage culturel sans lequel l'un demeure étranger à l'autre, et, le rendez-
vous est manqué. Il tentera certe~,ce lecteur, de lire le texte, et même
d'une manière polysémique, mais tout ne sera que superficiel, léger, et
partant, d'aucune importance.
- Il Y a aussi l'attitude de celui qui est choqué
de tout. Pour lui, l'intertextualité n'est pas un problème d'enrichisse-
ment mais plutôt un vol, une question de pillage, un problème de déloyau-
té intellectuelle. Il est convaincu que l'geuvre type -s'il peut en avoir-
est celle qui est personnelle et qui ne doit rien à personne d'autre qu'à
son propre et seul "auteur", son "créateur"
-comme il aura tendance à
appeler le scripteur de laditp oeuvre.
La vue de ce lecteur est, sans aucun doute, res-
treinte, car il n'arrive pas à dépasser le cadre unique de l'oeuvre en
question pour saisir le processus général de la production littéraire.
- Il Y a enfin le lecteur curieux et. intéressé.
Il entre dans le texte, muni d'un certain bagage culturel, clé du déchif-
frage des systèmes qui lui seront proposés. Il aperçoit les textes venus
d'ailleurs, mais n'est jamais choqué par leur présence. Se servant de ses
clés, il tente de comprendre, comme nous l'avons fait, les rapports des
intertextes avec leurs textes référents, ensuite leur fonctionnement
à l'intérieur du texte récepteur, autrement dit, le système combinatoire
au sein duquel ils sont engagés et finalement il essaie, ce lecteur,
de comprendre le pourquoi de leur présence dans ledit texte.
(25)
Laurent ]EN~~, op. cit. p.257.
... / ...

145 =
IV.3.
LES INTERTEXTES ET LE CADRE NARRATIF
de
El condenado por desconfiado
Reprenons les différents groupes de textes pour
analyser les problèmes d'encadrement des intertextes.
PREMIERE SERIE DE TEXTES
========================
Le premier problème dans cette série, est que,
pour certains, les rapports que nous avions établis entre d'un côté, la
scène 4 de l'acte 1 (la tentation de Paulo) et de l'autre, les versets
1 à 19 du chapitre 19 du livre des Actes des Apôtres (la conversion de
Sau1
, ne sont pas évidents. Nous ne reviendrons pas sur cette discus-
sion, car nous pensons avoir déjà exposé assez longuement nos raisons.
Nous prendrons donc pour acquis la filiation des deux textes.
L'harmonisation entre l'intertezte et le ca(re
narratif semble être, ici, parfaite. Il suffit d'ailleurs de penser au
théâtre des XVlème et XVllème si~c1es en Espagne, pour ne point s'étonner
de l'apparition sur scène du démon. Julio Caro BAROJA, dans son livre:
Teatro popu1ar y magia (26), a montré combien le peuple espagnol appré-
ciait de telles mises en scène. Les pièces religieuses où intervenaient
des démons et des anges, et au cours desquelles se déroulaient des
mira-
cles, étaient très fréquentes à cette époque.
Serge MAUREL a répertorié les seules oeuvres tir-
siennes qui traitent d'un tel sujet. Leur nombre est impressionnant
(27)
(26)
Julio Caro BAROJA , îeatro popu1ar y magia, Bib1ioteca de ciencias
historicas, Revista de Occidente, n.d ..
(27)
Serge ~1AUREL
• L' LT"i'/ers dramatique de TIRSO DE :10 LINA ,
Poitiers, 1971.
j

= 146 =
Nous avions quant à nous, dans la partie introductive de ce travail,
énuméré les principales oeuvres tirsiennes. Parmi elles, nous avions
dénombré 55,55 i. de pièces à sujet religieux. Si nous ajoutions à ce
nombre toutes celles qui ont été écrites à cette même époque par d'autres
auteurs, nous comprendrions la singularité d'un tel phénomène.
c'est dire en définitive que l'insertion de l'in-
tertexte se fait ici, harmonieusement, sans rupture aucune du cadre nar-
ratif récepteur.
DEUXIEME SERIE DE TE~TES
===============:~~=~~===
La scène du berger qui recherche sa brebis perdue
n'étonne personne. Le cadre spatial s'y prête bien. Paulo, Pedrisco, et
les bandoleros sont dans la montagne. La montagne, c'est aussi le lieu de
pâturage des troupeaux de moutons. Pour cette première raison, la présence
du berger n'étonne personne. Nous oserions même dire que, pour celui qui
connait bien les structures répétitives de la Bible, le premier act€
de
El condenado par desconfiado avait créé une matrice d'attente. Paulo était
la brebis perdue. Il lui fallait des secours divins, des grâces, pour être
sauvé. La venue du berger était donc imminente.
Une fois encore, l'insertion de l'intertexte s'est
faite sans déchirure ni destruction du cadre récepteur.
TROISIEME SERIE DE TEXTES
=========================
De même que dans les textes de la première série,
les rapports inter texte 4---~ t2::te référent biblique, qui pour nous sont
évidents, peuvent paraître ici aussi aléatoires. voire non fondés aux
yeux de certains. ~ous nous refusons de reprendre la discussion sur leur
filiation. Nous considérons cette dernière comme acquise.
... / ...

= 147 =
Nous aurions pu, à cause de la peur qu'inspire
la voix
"Un sudor fr{o
por mis venas se derrama"
(Acte III, scène 7)
"La voz me atemoriz~"
(Acte III, scène 8)
émettre quelque réserve quant à l'insertion sans douleur. Mais la dispa-
rition rapide de cette peur confirme notre propos à savoir que la litté-
rature seisiémiste et dixseptiémiste était
remplie de telles mises en
scène, mises en scènes que les spectateurs réclamaient et appréciaient
comme l'indique LOPE DE VEGA dans son poème el Arte Nuevo de hacer Come-
dias (28).
Nous aboutirons à la même constatation: l'inser-
tion harmonieuse de l'intertexte dans son cadre narratif réceptif.
La révision rapide à laquelle nous venons de
procéder nous a permis de voir que l'insertion des intertextes n'entraîne
pas de dislocation, ou pour reprendre le terme jennien, une "mise en pièces",
du texte récepteur (29). L'harmonisation est donc parfaite. Mais si cette
"combinatoire syntactico-sémantique" se fait sans heurt,
C'C&t
quc,
dirons-nous- elle respecte le contrat signé avec le lecteur. Nous repre-
nons l'image que nous avons déjà employée, celle de la convocqtion du lec-
teur par le texte. Le lecteur, avions-nous dit, vient au rendez-vous avec
toutes les clés qui lui permettront de déchiffrer le texte.
(28)
C'est en 1609 que LOPE DE VEGA écrit ce poème de 389 vers à l'Acadé-
mie de Madrid. LOPE s'en sert pour défendre la nouvelle comédie contre
les néo-classistes, e~ ~~r la même occasion, laisse un guide pratique
à tous les dramaturges qui veulent plaire au public exigeant madrilène
(29)
Laurent jE};t,rf, op. cit. p. 38.
. .. / ...

= 148
Le texte quant à lui
-que l'on nous permette l'image-
pour respecter
le contrat signé avec le lecteur, doit dérouler sa textualité selon cer-
taines normes, dans un cadre spécifique.
Edmond CROS, en parlant de la littérature en ge-
néral écrit
"La littérature, en tant que "langage"·construit •••
est un système modélisant secondaire. Elle (l'ex-
pression :"système modélisant secondaire") signi-
fie en effet que toute parole qui s'énonce dans
ce système y subit les contraintes formelles et donc
que
s'y transforme d'une certaine façon son énon-
cé virtuel originel." (30)
Tout comme la littérature, le texte constitue à
son niveau un système cohérent, une matrice dans laquelle chaque élément
sera un phénotexte qui reproduira partiellement le génotexte.
IV.4. L'INTERTEXTUALITE Dfu~S LE PROCESSUS
DE LA PRODUCTION LITTERAIRE
L'expression génotexte nous permet d~aborder enfin
le dernier point de ce chapitre: POURQUOI L'INTERTEXTUALITE?
C'est-à-dire, à quoi servent toutes ces allusions bibliques dans l'oeuvre
de TIRSO DE MOLINA : El condenado por desconfiado?
Nous emprunterons, pour faire vite, un long extrait
à Edmond CROS. Il s'agit d'un de ses écrits sur le génotexte et le phéno-
texte. (31)
(30) Edmond CROS, op. cit., p.38.
(3i) Lt 3upr3, pp.lü7-10S.
... / ...

= 149 =
"J'utiliserai ici une métaphore spatiale en suggé-
rant d'imaginer le point d'intersection de deux axes: un axe
vertical et un axe horizontal. Plaçons sur le premier l'Inter-
discours qui matérialise, répétons-le, à la fois des structu-
res mentales et des formations idéologiques produites par une
formation sociale. Sur
cet axe se lit le discours du temps
sur le temps, ou, dit autrement, cet interdiscours traduit en
opérations sémiotiques, à travers de multiples tracés idéolo-
giques, les conditions socio-historiques dans lesquelles se
trouve immergé un locuteur. On situera, à l'opposé, sur l'axe
horizontal, l'intertexte, le préasserté, le préconstruit, le
précontraint, c'est-à-dire tout le matériau langagier destiner
à matérialiser le sens et à l'inf0rmer. Sur ce nouvel axe, cam
me sur le premier d'ailleurs, se trouvent marqués des trajets
de sens préétablis qui vont offrir une résistance plus
ou
moins grande à la modélisation textuelle, au sein de laquelle
ils maintiendront des îlots sémiotiques, des microespaces de
lecture, susceptibles d'engendrer sous l'effet de l'éventuel
projet monosémique de l'instance narrative des zones conf1ic-
tives.
c'est à ce point d'intersection que nous devons
imaginer le processus de transformation de la réalité obser-
vable sous l'effet des codes de médiations ••.
- Interdiscours.
Formations idéologiques et
Formations discursives.
- Axe de 1ec ture du temps sur1e temps
- Codes d~ trdnsfQ~fuation
(ou de médiation).
------------------~)~~~QI~gI~
- Intertextua1ité - Préconstruit - Précontraint
- Axe du système modélisant,
- Code de symbolisation.

150 =
J'emprunterai
un
terme
à Kristeva pour décrire ce lieu de
focalisation de sens en en faisant un génotexte. Le travail de
l'écriture consistera à déconstruire sans cesse ce mixte sous
la forme de phénotextes voués à réaliser à tous les niveaux
textuels en fonction de la spécificité de chacun d'entre eux
la synthèse des messages préalablement programmés."
Cette longue citation nous a permis de mieux situer
l'intertextualité. On retiendra particulièrement, en ce qui concerne l'in-
tertexte, qui est aussi l'un des phénotextes, qu'il réalise à son niveau
le génotexte. On comprend aussi mieux Laurent JENNY quand il écrivait que
"l'intertextualité désigne non pas une activité confuse et mys-
térieuse d'influences, mais le travail de transformation et
d'assimilation de plusieurs textes opéré par un texte centreur
qui garde le leadership du sens." (32)
Les expressions "transformation et assimilation"
signifient bien qu'il n'y a pas disparition totale du texte venu d'ailleurs
Lors de son investissement dans le nouveau texte, il y déverse toute
sa
charge sémantique, "il a tendance à se comporter non comme un récit au sein
d'un récit, mais comme un mot poétique dans son rapport au contexte."(33)
Il reste plusieurs autres inter textes dans le texte
tirsien. NOUE ne saurions tous les citer ici. Nous en relèverons quelques-
uns dans le chapitre de synthèse.
Chacun d'entre eux, de par son rapport virtuel et
son rôle de reproducteur du génotexte, est multifonctionnel ou mieux, poly-
sémique.
Le comportement des inter textes par rapport au ca-
dre narratif récepteur nous intiressera beaucoup moins que les rapports
entre ces mêmes intertextes et leurs référents. Ces rapports, nous les avons
,
( - - - -
qualifie8 de STRUCTURE INVERSEE BA; par rapport à la structure normale
- - - - )
A B
.Comme on a pu le noter, c'est cette même structure inversée qui était
annoncpp r!sns le titre et que nous avons, du reste, longuement analysée.
... / ...

= 151
Nous retiendrons ici, le sème de l'inversion qui
d'ailleurs réalise partiellement une certaine dialectique, car en effet,
""Aller i l'inverse de", c'est s'opposer, c'est-i-dire lutter contre une
structure établie, un ordre préexistant. Cet ordre premier, c'est celui de-
la Bible, et, on en convient, aller i contre-courant de la Bible, c'est,
selon l'idéologie religieuse, se vouer i sa perte.
On peut donc conclure que, au-de1i du contenu même
des intertextes, leur propre fonctionnnement est porteur de sens. Nous
dirons,pour schématiser, qu'il manifeste une certaine idéologie. Nous au-
rons l'occasion, dans nos prochains chapitres, de revenir sur celle-ci et
surtout nous montrerons comment ce procédé didactique :"dissuader en mon-
trant les dangers de la voie contraire" , n'est pas le seul exemple de
El condenado por desconfiado.
Enfin, pour finir, nous emprunterons i Laurent
JENNY un de ses écrits qui résume assez bien toutes ces analyses que nous
venons de faire sur l'intertextua1ité :
"La greffe intertextue11e -écrit-i1- n'est pas seu-
lement des problèmes de sauvegarde de l'orglnisrne
où elle se loge. Elle est aussi une construction
positive et il faut se garder de n'y voir qu'un
facteur de désorganisation du discours."(34)
(32)
Laurent JENNY, op. cit. p.262.
(33)
Ut supra, p.273.
(34)
Ut supra, p.271.
. .. / .,.

=
152
TROISIEME PARTIE
S y N THE S E
FIN ALE

= 153 =
CHAPITRE
l
EL CONDENADO POR DESCONFIADO,
THEATRALISATION DE LA DOCTRINE MOLINISTE.

154 =
Que ce soit l'analyse de El condenado por descon-
fiado faite par Angel Gonzales PALENCIA (1) ou celle faite par Abustln
DURAN (2) ou par Manuel de REVILLA (3) ou encore par bien d'autres cher-
cheurs, analyses aussi sérieuses et dignes de confiance les unes que les
autres, toutes aboutissent à une seule et même conclusion :la théâtrelisa-
tion de "el problema de la justificaci~n y de la gracia"
faite par TIR-
SO DE MOLINA dans ladite pièce.
Il nous apparaît inutile de les citer tous et en-
tièrement car, non seulenent les conclusions sont identiques mais encore
leurs formulations en sont semblables. Nous ne retiendrons ici que deux
extraits :
-Le premier est un texte de
"
Agust1n DURAJ.~
"La idea fundamental deI drama de TIRSO DE MOLINA
es la polémica acerca de la predestinacion, scs-
tenida desde varios lustros atras, entre jesuitas,
capitaneados por Luis MOLINA y los dominicos, di-
rigidos por Domingo BANEZ" (5)
(1)
Angel Gonzalez PALENCIA, El condenado por desconfiado, de TIRSO DE
MOLINA, clâsicos Ebros, Zaragoza, 1938.
(2)
Agust{n DURAJ.~, Examen de El condenado por desconfiado, en B.A.E. de
Rivadeneyro, Madrid, 1857.
(3)
Manuel de REVILLA, El condenado par desconfiado, ~es de TIRSO DE MOLI~!
NA ? , Madrid, 1883.
(4)
Serge MAUREL, L'Univers dramatique de TIRSO DE MOLINA,
Poitiers, 1971.
(5)
Agust!n DURAN, Ut supra.
... / ...

= 155 =
-Le deuxième extrait est un texte de Manuel de RE-
VILLA
"Plantéase en El condenado por desconfiado nada
menos que aquel intricado problema de la justifi-
caci~n y de la gracia que por entonces estaba a la
orden deI d1a." (6)
Cela parait contradictoire,voire illogique, de s'ap-
pliquer à démontrer ce qui semble être la vérité de LA PALICE. Notre étude
n'a pas justement pour objectif de démontrer, sinon de mettre en relief, ce
que tout un chacun peut découvrir de lui-même par une simple lecture du tex-
te de TIRSO DE MOLINA. Nous l'avons voulue, sans prétention aucune, fonda-
mentalement différente dans notre démarche, et différente peut-être dans les
conclusions. Nous ne nous contenterons pas de simples affirmations. Chacune
de nos conclusions sera l'aboutissement d'une longue et minutieuse étude du
texte.
L'originalité de notre étude réside essentiellement
dans deux points
- D'abord nous avons cherché à voir comment El con-
denado por desconfiado est une application, ou mieux, une théâtralisation
du Molinisme.
- Ensuite, et c'est ici le deuxième point, que nous
croyons au demeurant le plus important, nous avons tenté une l~cture socio-
critique du texte de TIRSO DE MOLINA. Nous pensons que cette lecture, aussi
sommaire soit-elle, nous aura permis de dépasser le niveau d'interprétation
monosémique traditionnelle. Nulle part dans nos travaux, nous ne nous sommes
soucié de ce que TIRSO DE MOLINA avait voulu dire, en écrivant son oeuvre.
Notre réelle préoccupation a été de savoir ce que l'oeuvre elle-même signifie.:
Cette signification, nous ne pouvions la mettre en relief que par une com-
paraison des structures textuelles avec les structures de la société espa-
gnole du siècle d'or.
(6)
Ytanuel de REVILLA, op. cit.
!

= 156 =
Les structures économiques et sociales du siècle
d'or, nous les avions partiellemnt étudiées dans le rapport de Maitrise(7)
Nous pensons avoir complété partiellement cette étude des structures socia-
les par le long développement que nous avons fait sur les courants théo-
logiques pré-moliniens, lesquels nous ont, entre autres, permis de mieux
comprendre le Molinisme et le Banécianisme. Ces deux courants qui ont fait
l'objet de l'étude du chapitre précédent.
L'une et l'autre de ces doctrines retrace le long
cheminement de l'âme vers son salut éternel. Nous allons, quant à nous,
tenter de situer chacune des actions et décisions, de même que chacun des
évènements du texte se rapportant essentiellement à Paulo et Enrico sur ce
long chemin •
Ce chapitre sera donc un perpétuel va-et-vient
entre le texte et les deux doctrines, ou plus exactement, entre le texte
et le Molinisme.
Pourquoi celui-ci et non le Banécianisme?
Trois raisons, sinon essentiellement deux, ont
guidé notre choix
-Préoccupé par le souci de gagner du temps, nous
nous sommes laissé influencer par les nombreuses critiques qui ont été
déjà faites sur le sujet (B).
-A cette première raison, s'ajoute une deuxième
qui est la longue préparation que nous nous sommes accordée en faisant un
large développement du Molinisme, négligeant, par la même occasion, la doc~
trine de Domingo BANEZ.
(7)
Ambientaciôn topografica y filolc>gica en Arauco Domado de LOPE DE VEGA
Mémoire de Maîtrise, par CAMARA Nahiyé Léon
sous la dierction de Henri RECOULES, Mo~t~ellier,
Juin,19B1.
(8)
Aux noms cités au début de ce chapitre, on peut y ajouter celui de
Fedérico CARLOS, ou de SAI~Z DE ROBLES, ou encore Imaculada FERRER
et de bie~ d!~utres encore.
. .. / ...

= 157
-La troisième, qui n'en est pas une en fait, est
l'aspect arbitraire de ce choix.
L'objectif de notre première partie sera d'établir
un parallélisme entre, d'un côté, la vie de Paulo et de celle d'Enrico;
et de l'autre le Molinisme. Dans la deuxième partie, extrapolant le niveau
textuel, nous ferons une synthèse dans laquelle nous établirons un rapport
entre cette théâtralisation du Molinisme et la société du siècle d'Or.
Commençons donc par celui que le texte instituè
comme personnage principal: Paulo.
l - PAULO
1.1. CHEMINEMENT DE PAULO VERS SA CONDfu~ATION
Seuls dans la montagne, Paulo et Pedrisco se li-
vrent à la prière et au jeûne: ce sont deux ermites. Leur renoncement au
monde semble les avoir rapprochés de Dieu; et leur vie terrestre semble
être une anticipation de leur récompense de l'Au-delà. Et pourtant, comme
nous le savons, ils sont hors de l'état d'innocence, car, rappelons-le,
le péché d'Adam, appelé "péché originel", mit fin à celui-ci.
Selon la doctrine Moliniste, pour que Paulo arrive
au Salut Eternel, il lui faut, en plus du concours général de Dieu, un se-
cours d'ordre surnaturel. ~ais, comme le jésuite l'ajoute, en aucun cas,
ces secours ne doivent détruire sa liberté. Chaque secours qui viendra en
Paulo, ne fera qu'un avec lui pour la production simultanée des actes,
comme si Paulo tout seul, ou la grâc2 -ces secours divins- à elle seule
ne pouvait pas produire l'acte en question.
• •. 1 .•.

= 158 =
De la première scène à la scène 3 incluse, Paulo
semble consacrer sa vie à louer Dieu. Apparemment, il est sans reproche
aucun. Mais, nous le verrons plus tard, son renoncement à Dieu est inscrit.
dans le texte dès ces premières scènes.
A la scène 4, le démon lui appara!t et l'induit en
erreur. L'on hésite d'ailleurs à admettre l'expression "induire en erreur"
Si on finit par l'admettre, c'est en partant de l'idée que le démon ne peut
que faire du mal. Dans le cas
présent, le démon autant que Paulo, est res-
ponsable de la condamnation de ce dernier.
Les agissements du démon (scène 4), font penser à
plusieurs situations bibliques, en l'occurrence la mésaventure de JOB (9)
et.celle de Jésus que raconte l'évangéliste Saint Mathieu (la). Quant au
discours du démon à Paulo, discours duquel nous retenons l'extrait suivant,
apparemment on le prendrait pour une "irruption transcendante" du texte
biblique dans le texte de El condenado por desconfiado. Nous empruntons
l'expression à Laurent JENNY (11).
"y asi me ha dado licencia
el juez mas supremo y recto
para que con mis enganos
le incite abora de nuevo
sepa resistir valiente
los combates que le ofrezco."
Loin d'être une "irruption transcendante", le texte
biblique a subi en réalité bien de contraintes déjà. Nous laissons l'étude
de ces contraintes pour un chapitre ultérieur.
(9)
La Bible, Livre de JOB, chap. 1 et 2.
(la) La Bible, Evangile selon St Mathieu, Chap.4, versets 1 à 11.
(11) Laurent JE:::';Y, "La stratégie de la forme" in Poétique N° 27
1976, p.271.

= 159 =
Si Dieu permet ces agissements du démon, c'est pour.
mettre à l'épreuve son serviteur. Et selon le degré de foi de Paulo, il
saura ou non sortir vainqueur de l'épreuve.
Pour mener à bien son projet, le démon se sert du
second protagoniste
Enrico.
"Dias que en é1 repares quiere,
porque el fin que aque1 tuviere
ese fin has de tener."
(Acte l, scène 4)
L'épreuve est d'autant plus difficile que, selon
toute logique et toute vraissemb1ance, Enrico ne peut qu'être condamné.
La déception de Paulo sera en effet très grande quand il se rendra compte
que l'idée qu'il se faisait de Enrico:
"Sin duda ( ... )
..
"
que es un santo varan aqueste Enrico .
(Acte l, scène Il)
est tout à fait contraire à la réalité apparente.
"Sera otro.
~Quer{as tu que fuese este mal hombre
que en la vida esta ya ardiendo en los infiernos?"
(Acte l, scène 12)
A la scene 13 de l'Acte l, ayant enfin réuni tou-
tes les preuves que cet hommŒ qui brûle déjà en enfer, est bien l'homme
qu'on lui avait indiqué, Paulo ne peut pas cacher sa très grande amertume.
"Sa1id, l~grimas
... Este mal hombre que he vista,
es Enrico
~
.-
Las senas que me dia el Angel
son suyas."
/

160 =
Dans un chapitre ultérieur, nous reviendrons sur
ces procédés démoniaques.
Jusqu'à la scène 12 de l'Acte 1 incluse, Paulo est
le jouet du démon.sans contraintes apparentes, à la treizième et dernière
scène du premier acte, Paulo décide de la nouvelle orientation de sa vie.
"Salid 1agrimas, sa1id
... que alla (al monte) vo1vamos pretendo;
pero no a hacer penitencia
porque ya no es de provecho
En el hay bando1eros
bando1ero quiero ser
Senor, perdona
si injustamente me vengo •.• "
Aucun pédagogue ne niera que, seule, une vraie
motivation amène l'élève à faire ses devoirs avec amour et effort. Il en
est de même pour la grâce. Il ne suffit pas en effet de connaître 1! bien
et le mal pour ne faire que du bien,i1 faut y être motivé. L'esprit doit
être intéressé par ce bien. Le plaisir qui se dégage du bien
et ce même
désir du bien, Saint Augustin les appelle Gratia de1ectans, c'est-à-dire
Grâce délectable. Pour le Saint Evêque, l'accomplissement parfait et avec
joie des commandements de Dieu est l'ultime objectif de la s~iritua1ité.
Ces idées augustiniennes nous permettent de faire
certaines remarques
- Contrairement à l'exercice de la vraie spiritua-
lité qui doit être un a~te désintéressé, celui de Paulo n'a d'autre but
que de lui permettre d'aller au paradis.
"~He de ir a vuestro cielo 0 al infiern(l?"
(Acte l, scène 3)

= 161 =
- Cette semi-spiritualité que nous qualifierons
de fausse, est d'autant plus manifeste que le deuxième ermite, Pedrisco,
semble se préocuper assez peu du salut de son âme. Quand on fait une étu-
de comparative des deux personnages, c'est-à-dire de Pedrisco et Paulo,
on se rend compte que le premier n'est que la personnification de la
matérialité du deuxième. Si nous admettons cette hypothèse du dédoublement
Paulo et Pedrisco ne seraient qu'une seule et même personne.
Ce dédoublement, loin de justifier les basses préoc·
cupations de Pedrisco, ne font que l'accuser un peu plus. Le don total de
soi à Dieu ne suppose-t-il pas le renoncement au monde?
Nous voudrions. à travers ces différentes remar-
ques. résumer le caractère véritable de Paulo. Superficiellem~nt. il se
veut homme de grande spiritualité. En réalité, chacun de ses actes a pour
but. soit de lui donner accès au Paradis. soit d'améliorer ses conditions
matérielles de vie. Malgré les apparences. Paulo est le personnage le plus
hypocrite et le moins confiant en Dieu. (12)
C'est ce même personnage. intéressé dans chacun de
ses actes. faux et hypocrite. que le Seigneur a choisi d'éprouver. Il
laissera à sa disposition. tout au long de l'épreuve. tous les secours
divins nécessaires. en sorte que le salut de Paulo ne dépendra que de la
coopération de son libre arbitre humain.
Ces secours lui sont indispensables. car, comme le
dit le jésuite MOLINA:
"Hors de l'état d'innocence. l'homme est incapable
de rien faire qui conduise à sa fin surnaturelle,
sans un secours d'ordre surnaturel."
(12)
A la scène 3 de l'Acte 1. il doute de Dieu, c'est pourquoi il deman-
de :
dQué fin he de tener?
éHe de ir a vuestro cielo 0 al infierno?
(Suite de la note 12 à la page suivante)

= 162 =
Nous reviendrons sur la libre coopération de Paulo
en relevant. à travers le texte les expressions qui la signifient. Mais.
avant cela. intéressons-nous à la nature du concours particulier que Dieu
accorde à Paulo.
1.2. LES SECOURS PARTICULIERS DE DIEU
Comme le recommandait LOPE DE VEGA dans son poème:
El nuevo arte de hacer comedias (13). après avoir posé le problème à l'Ac-
te l, TIRSO DE MOLINA va lier les intrigues dans le deuxième Acte.
Au cours de cette étude. nous porterons constamment
notre attention, d'un côté, sur le ,ecours que le Seigneur met a la dispo-
sition de Paulo et, de l'autre. sur l'usage que fait celui-ci de son libre
arbitre.
Le premier secours que lui accorde le Seigneur.
c'est la présence, à ses côtés de Pedrisco, ou pour continuer l'hypothèse
du dédoublement, c'est de permettre à Paulo lui-même de réfléchir ,ur sa
propre action. Quelques actions dénotent cette prise de conscience:
(Suite de la note 12)
Certaines ~uestions qu'il pose au pastorcillo mani-
festent sa braudp Qéfiance.
p/tY Dias ha de perdQnar
a un hombre que le ofendi~
con obras y con palabras

7
Y con pensam1entos.
(Acte II. Sceue 11)
~/ JL nenso volviera.
7.aE~lp.jo amibo
~no la recibieras?
(Acte III, Scè~e 17)
. .. / ...

= 163
"T~ te vas
gallardamente al infierno."
lui dit Pedrisco à la scène 9 du deuxième acte.
Mais ce secours est insuffisant, et partant inef-
ficace.
A la dixième scène du second acte, une voix
s'adresse à Paulo en ces termes on ne peut plus clairs
"Con firme arrepentiru.iento
de no ofender al Se~or
llegue el pecador humilde
que Dios le darâ perd6n
Su Majestad Soberana
da voces al pecador
porque le llegue a pedir
10 que a ninguno nego".
Cette voix est celle du Pasteur qui, enfin, se
montre du haut du rocher.
L'entretien entre le Pasteur et Paulo peut se li-
re de plusieurs manières. Nous proposons quant à nous, pour faire vite, de
la lire à travers, d'une part, l'endurcissement du coeur de Paulo et, d'au-
tre part, l'esprit qui anime le Pasteur, celui d'apporter réellement le se-
cours suffisant à la brebis perdue.
Après plusieurs paroles du berger, Paulo aurait dû
peut-être se lever pour aller à la recherche du berger, sinon de cette voix,
c'est-à-dire à la source même de ces si religieuses paroles. Mais que fait-
il en réalité? Il envoie ses subalternes :
"Subid los dos por el monte
y ved si es algun pastor
el que canta este rOGlance. "
(Acte II, scène 10)

164 =
Quand le berger apparaît du haut de la montagne,
ce n'est pas Paulo qui, comme la foule dans l'Evangile, avide de la Parole
de Dieu, accourait de partout, pour écouter le pieux enseignement de Jésus,
le rejoint. L'état statique de Paulo s'oppose à l'ascension du peuple de
Dieu affamé de la Bonne Nouvelle. Ce
"Baja, baja pastorcillo" de la scè-
ne Il de l'acte II, est l'illustration même de son profond désintéressement
envers les paroles sacrées.
Autant il avait cru en la personne réelle de Dieu
dans le faux ange, autant il demeure sceptique quant à l'incarnation àe
Dieu dans la personne du berger. Il ne réalise aucunement que c'est Dieu
qui est devant lui, sous la forme d'un berger. Ses exclamations:
" Dios!" et "Bien dijiste" de la scène 11 de l'acte II, dénotent ce très
profond scepticisme.
Les paroles du pasteur n'ont pas d'autres effet que,
de le troubler momentanément. Son coeur est si endurci et son esprit si
borné que, délibérement, il tourne le dos au secours qui lui est tendu.
"Alma ya que no hay remedio
que el condenarnos los dos."
(Acte II, scène 12)
Mais comme dit le psalmiste (14), le Seigneur
n'abandonne jamais son serviteur.
Une autre chance de rachat va être accordée à Pau-
lo : la prise de conscience qu'inspire le discours de Enrico à la scène
17 du deuxième acte.
Nous remarquerons l'atmosphère peccamineuse dans
laquelle se déroulent les évènements de cette scène dix-septième. Au cours
de la même scène, rejetant le secours qui lui est offert, Paulo va commet-
tre deux péchés :
- Le premier péché, c'est le jU6ement hâtif qu'il
a porté sur Enrico, jugement hâtif, mais en Inême temps définitif puisque,

= 165 =
jusqu'à la fin de la pièce, il n'arrive pas à se défaire de cette idée.
Dans son esprit, Enrico est plus qu'un pécheur, il est "le-déjà-condamné" ,
ou pour reprendre son expression
"El que ya esta ardiendo en los infiernos"
(Acte 1, scène 12)
L'idée de considérer ce jugement hâtif comme un péché nous est inspiré par
St Mathieu. Dans le septième chapitre, au premier verset, l'évangéliste
nous met en garde contre de telles attitudes :
IINe jugez pas, pour ne pas être jugés."
- Le second péché que commet Paulo au cours de
cette scène c'est ce que l'Evangile considérera, sans aucun doute, comme
un très grand sacrilège. Paulo semble en effet, n'avoir aucun respect de
la chose sacrée. Après tous les méfaits, son corps est indubitablement
souillé, et sans aucune purification au préalable, il s'habille en ermite,
ou plus exactement, il se déguise en ermite, profanant ainsi le saint
habit.
Par ce déguisement, Paulo veut être, moment~nément,
considéré comme un ermite. Nous décomposerons son acte en deux temps :
premier temps Il Il se retire, ou mieux, il se dé-
tache d'un groupe social, celui des malfaiteurs par l'abandon de son habit
habituel.
Deuxième temps Il En se revêtant de T'habit des
ermites, il s'intègre dans un nouveau groupe. Cette intégration dans le
groupe des ermites suppose qu'il partage leurs idées.
A travers les expressions : DETACHER et PARTAGER
LES IDEES DE, expressions que nous traduirons respectivement par DESTACAR
et COMPARTIR, nous retrouvons, sans l'avoir voulu expressément, la paire
oppositionnelle paradigmatique (DES et CDM). Paire que nQUS avions déjà
mise en relief lors de l'étude titrologique.
. .,
!
...

= 166
Nous dirons donc que, l'habit, au_delà du processus
d'occultation et de désoccultation, réinvestit, ou mieux actualise le sème
de l'inversion.
Dans l'étude répertoriale des phénotextes reproduc~,
teurs de ce même sème, nous reviendrons plus longuement sur la problémati-
que de l' habit.
c'est donc dans ce nouvel accoutrement que Paulo
va tenter d'emmener Enrico à la confession. Il essaie de chasser le mal.
Cette séance d'exorcisme -car c'est le terme qui convient- aurait pu, à la
rigueur, se justifier, si les paroles de Enrico avaient quelques bonnes
retombées sur Paulo. Voici quelques extraits de la longue tirade de Enrico,
extraits qui témoignent d'une très grande profondeur et très h~ute spiri-
tualité :
"Las palabras que Dios dice
por un angel, son palabras,
Paulo amigo, en que encierran
Cosas que el hombre no alcanza.
No dejara yo la vida
(
que segu~as ...
.;
yo soy el hombre mas malo
Mas siempre tengo esperanza
Se humaniza
Dios con el mas pecador
y con su piedad se salva
•.• pero tengo confianza
en su piedad, porque siempre
vence a su justicia sacra
Mas la esperanza
que tengo en Dios, ha de hacer
que haya piedad de mi causa."
. .. 1 ...

= 167 =
Cette situation. nous tenterons de la schématiser.
En fait. la vie de jadis dans la montagne. sa vie d'ermite. serait comme
une prière vaniteuse que Paulo adresse au Seigneur. tout enorgueilli par
ses propres exploits. tandis que Enrico, se reconnaissant pécheur, parle
sans vanité aucune. Son humilité et sa foi sont grandes.
On l'a reconnu sans aucun doute, ce texte molinistf
ou mieux, cette situation sc~nique, nous fait penser tout naturellement
à une parabole de Jésus
celle du pharisien et du publicain, en prière
à la synagogue (15)
Dans le souci de bien se rendre compte de ce qui
se passe, nous proposons le schéma ci-dessous
• BONNE PRIERE
============
.MAUVAISE PRIERE
===============
Comme on peut le voir, il se produit une sorte de
renversement de situation. Nous dirons donc que, une fois de plus, cette
scène réactualise le sème de l'inversion que nous nous sommes
appliqué
déjà à mettre en relief.
Comme nous le disions, ces paroles sont un réel
secours que le Seigneur accorde à Paulo. Mais une fois de plus, il reste
sourd à l'appel qui lui est adressé:
"Aquesa desconfianza
te tiene de condenar"
lui dit Enrico.
(15)
Evangile selon St Luc, 18 / 9-14.
1
1

= 168 =
Cet avertissement ne provoque aucune bonne réaction
sinon tout au plus une réplique déconcertante :
"Ya 10 estoy; no importa nada."
La brebis parait à présent définitivement perdue.
Paulo est entêté et aveuglé par l'idée qu'il s'est faite lui-même. Toutes
les tentatives pour l'amener au repentir sont demeurées vaines.Dieuva-t-i1
l'abandonner à son sort?
"NON" répond le psalmiste (16), car le Seigneur
n'abandonne jamais son serviteur.
Le Pasteur revient voir Paulo et s'adresse à lui
en des termes plus directs
"·Ah
, perdida oveja!
;de qué gloria huyes
~
y a que mal te a11egas!"
Aucune didascalie du genre "a parte" n'indique que le pasteur se parle à
lui-même. On en déduit naturellement que Paulo l'a entendu.
Malgré cette interpellation directe, sa réaction
est plutôt froide. Quand on l'entend demander
"Si acaso vo1viera
zaga1ejo amigo,
tno la recibieras?",
on a l'impressionqu'une prise de conscience s'amorce. Cette impression se
confirme un peu plus avec la réflexion :
"la historia parece
de mi vida aquesta."
La suite du texte montre que ladite réflexion ne
s'accompagne d'aucun acte de repentir. Elle n'est que formelle.
(16)
Op. cit., cf note 14
1
1

169 =
Jusqu'à la toute dernière minute de sa vie, il ne
demandera pas pardon de ses fautes à Dieu. Ses ultimes paroles montrent
l'aveuglement et l'entêtement que nous lui avions déjà reconnus.
"Esa palabra me ha dado
Dios ••• Si Enrico se salvb,
también yo salvarme aguardo."
En aucun moment, il ne s'est posé des
questions
quant au véritable auteur de cette idée. Il finit donc par être condamné.
Certains esprits sceptiques répliqueront que c'est
le Seigneur lui-même qui, omniprésent, l'avait condamné dès le début, en
permettant d'abord au déoon de le mettre à l'épreuve et, par la suite, en
ne l'obligeant pas à renouer avec sa sainte vie d'ermite d'antan.
Cette réflexion, bien que très pertinente, ignore
toute la science divine. Tous les théologiens le diront, si Dieu permet la
mise à l'épreuve c'est pour un plus grand exercice de la liberté humaine.
Une telle épreuve est purificatrice et revigorante pour qui sait coopérer
avec la grâce qu'offre le Seigneur à travers celle-ci.
Pourquoi permet-il, Dieu, que cette épreuve puisse
conduire l'homme, ici Paulo, à la condamnation éternelle? Dieu aurait-il
voulu sciemment que Paulo fût condamné?
1.3. LA SCIENCE DE DIEU
Le Molinisme distingue à cet effet deux sortes de
volonté divine
- Il Y a, en effet, des choses que Dieu veut de
volonté absolue. Celles-ci ne peuvent que se réë1iser; tandis que les au-
tres, il les voudrait, de volonté conditionnelle.
. .. 1 .•.

170
Ainsi, le Salut de Paulo était voulu de volonté
conditionnelle, de sorte que la réalisation effective ne dépendait plus
que de sa libre coopération. Nous ne reviendrons pas sur l'expression de
cette libre coopération, nous pensons l'avoir déjà montré.
Dieu connaissait effectivement, dans les moindres
détails, tout ce qui allait arriver, ou pour reprendre le vocabulaire
moliniste, nous dirons qu'il connaissait les futurs contingents. Cette
connaissance est due à sa science de vision, c'est-à-dire, à son intelli-
gence éternelle. Le 1101inisme reprend ici, une vieille idée biblique que
psalmiste a résumée en ces termes
"Mille ans sont comme un jour à ses yeux." (17)
Grâce a sa prescience, ou plus exactement selon
l'expression moliniste, à sa science moyenne, le Seigneur connait le passé,
le présent et le futur comme s'ils étaient déjà.
C'est parce que, non seulement, il savait tout ce
que ferait Paulo à chaque moment de sa vie, mais encore qu'il est le res-
ponsable de la cause intégrale de la damnation de Paulo, qu'on peut affir-
mer qu'il l'avait prédestiné.
Quant à la cause immédiate de la damnation, c'est
bien la libre volonté de Paulo qui en est l'unique et seule responsable.
Pourquoi n'accusons-nous pas Enrico d'être la cause
de la perdition de Paulo, puisque c'est bien son double carac~ère, sa faus-
se apparence de pécheur qui induit Paulo en erreur?
Pourquoi non plus ne pas accuser le démon d'être le
seul responsable de la damnation de l'ermite? C'est pourtant lui qui a
"tiré toutes les ficelles", c'est bien lui qui a tout organisé et tout
mené.
Enrico et le démon ne sont en réa1~t~ que des causes
apparentes, superficielles. La vraie et unique cause étant le libre arbitre
de Paulo.
(l7)
PsaUl~e 90 1 4
. .. 1 ...

= 171
Revenons maintenant tout au début de la pièce pour
mieux comprendre la non-responsabilité d'Enrico dans la damnation de Paulo
et surtout, pour mieux voir les raisons de son Salut personnel.
l • ENRICO
Il faut attendre la scene 4 du premier Acte pour
lire la première allusion à Enrico.
"Veras ..•
un hombre
que tiene Enrico por nombre,
porque el fin que él tuviere
ese fin has de tener."
Par cette prob.iématisation de Enrico, une impor-
tance toute particulière va lui être accordée dans le déroulement de la
trame de l'histoire. Les scenes 5, 6, 7, et 8 préparent son arrivée que
nous qualifierons de tumultueuse.
Comme nous l'avons fait dans l'étude du personnage
de Paulo, nous nous appliquerons, dans celle-ci, à mettre en relief deux
traits opposés du caractère de Enrico. Cette méthode, l'expérience l'a
montré, loin de réduire la pluridimensionalité du personnage a une simple
dualité, permet essentiellement de porter son attention, dès le début du
travail, sur le plus important, et par conséquent de ne pas disperser ses
efforts. Il est entendu que mai~tes analyses préliminaires qui servent à
déterminer d'abord le caractère du ~ersonnage et à distinguer ensuite,
parmi les traits qui le composent, les plus pertinents, précèdent le pre-
sent travail. Notre méthode peut donc se décomposer en deux phases :
. .. / ...

= 172 =
- Nous déterminons
d'abord la composition carac-
térielle du personnage,
- ensuite, nous prélevons, de cet ensemble
de
traits caractériels, une paire oppositionnnelle à fonction différentielle
(l8)
.
La paire oppositionnelle que nous avons retenue
dans le personnage de Enrico est
(MECHANT, BON).
Enrico est en effet le méchant ~t le bon garçon à
la fois. Loin de son père, le vieux Anareto, il est voleur, cruel, sangui-
naire; en un mot "el diablo" comme il aime se faire appelerlui-même(l9).
Mais, tout près de son père, il devient l'enfant attentif et soucieux.
Nous dirons en termes greimassiens (20) que Enrico a plusieurs fonctions
actantielles, ou du moins, que les différents rôles qu'il a dans le texte
font de lui le lieu, sinon le cacrefour de multiples fonctions. C'est donc
à travers ces nombreuses fonctions et essentiellement les deux précitées
que nous tenterons de comprendre ce personnage qu'est Enrico.
A la scène 9 de l'acte l, quand Enrico apparaît
pour la première fois, ce qui est remarquable, c'est sa brutalité, voire
même sa cruauté envers Lisandro et Octavio, son manque de galanterie envers
Ce lia et Lidora, son esprit de domination et son désir de possession.
Chacune de ses paroles et chacune
de 8es attitu-
des témoignent de cette brutalité. Celle-ci est d'autant plus remarquable
qu'elle vient rompre brutalement l'atmosphère paisible qui règnait dans
(l8)
Nous entendons par "fonction différentielle" le rôle que jouerait un
~l~cent s~~ique qui nous r~r~2ttrait de différencier le corps qui
l'inclut d'un autre corps presque semblable à lui.
... / ...

173 =
la maison avant son arrivée. Nous pourrions relever a travers les scènes
9 et la, le vocabulaire de cette brutalité. Mais ne serait-ce pas s'attar-
der à démontrer une évidence? Nous ne noterons ici que ses premières paro-
les pour appuyer notre propos
"iQué se busca en esta casa, hidalgos?"
On remarquera dans la question ci-dessus, le manque
total de courtoisie. C'est d'ailleurs ce même manque de savoir-vivre que
reflète la deuxième question :
Il~ Conôcenme?"
Quant aux suivantes paroles, elles sont on ne peut
plus explicites
"Pues vayase norama1a;
que; j voto a Dios! si me enojo
no me hagas, Ce1ia, de1 ojo."
Toute la discussion qu'il aura avec Ce1ia témoi-
gnera nettement de son manque de galanterie. nous oserons même dire, qu'il
ne manifeste, à travers son comportement et ses paroles, aucun sentiment
affectueux à l'égard de ceux qui l'entourent et spécialement à l'égard de
Celia.
Il se comporte en maitre-dominateur, voire même en
tyran. Son désir de possession s'applique tant aux biens matér1e1s
(cf "la cadena" et "el ani11o") qu'à la personne même de Ce1ia. Quand elle
lui demande si Lidora, sa suivante, et elle, doivent aller à la "puerta
de1 mar" "tapadas" ou non, il lui répond :
(19)
Cf Acte l, scène 9.
(20)
A.J. GREU1AS ,"Actants, Acteurs, Râles"
in Sémiotique narrative et textuelle, Larousse, 1973.
... / ...

= 174 =
"No es eso 10 que deseo.
descubiertas habéis de ir
porque quiero en este dta
que sepan que tu eres m{a."
c'est sutout à la scène 12 de l'acte l, lorsqu'il
jette le mendiant à la m~r, qu'on est convaincu de son caractère sanguinai-
re. Mais ce meurtre qu'il justifie lui-même, est insignifiant
à
côté
de
l'horreur dans la longue tirade de la douzième scène de l'acte 1. Nous ne
relèverons, parmi tous les méfaits dont il se vante, que les expressions
de ses meurtres.
"
Esca1amos siete casas
dimos la muerte a sus duenos
ped{a cortes!a
el barato, y cuando e110s
iban a sacar que darme
sacaba yo el fuerte acero
que riguroso escond{a
en sus inocentes pechos
Cuando de un balcon le arroj é
y en el sue10 cayo muerto
Dio voces la ta1 senora
y yo sacando el acero
le met! cinco 0 seis veces
en el cristal de su peche
y un sacerdote que quiso
reprenderme con buen cele
de un bofeton que le di
cayo en tierra medio muerto

• •
1

175 =
porque supe que encerrado
en casa de un pobre viejo
estaba un contrario m{o,
a la casa puse fuego;
y sin poder remediarlo,
todos se quemaron dentro
y hasta dos ninos hermanos
ceniza quedaron hechos
"
Il serait fastidieux, on n'en doute pas, de faire
un relevé complet des méfaits que Enrico a commis. Aussi bien le premier
acte que le deuxième et le troisième en contiennent. Nous rappelons néan-
moins le triple meurtre
- celui de Octavio
(scène 5. Acte II),
- celui du gobernador
(scène 7, Acte II),
- celui du portero
(scène 5, Acte III).
Après ces différents et très nombreux exemples,
on ne peut plus nier les caractères que nous attribuions à Enrico; à savoir:
-son manque de galanterie et de courtoisie,
-son esprit dominateur et son désir de possession
Agressif, brutal, impoli, sanguinaire, que n'est-il d'autre encore?
Enrico n'est pas que ce mauvais garcon que nous
venons de voir. Dans ses rapports avec son père. il est l'enfant exemplaire,
~e discours qu'il tient sur celûi-ci et

= 176 =
le comportement qu'il se donne auprès de lui sont deux
éléments qui font
la force de cette autre facette de son caractère. C'est donc ce bon garçon
obé{ssant et attentif à son père, que nous allons tenter de comprendre main-
tenant. Nous porterons, par la même occasion, notre attention sur le rôle
du père, et, dépassant le niveau anecdotique, nous analyserons la fonction
symbolique qu'occupe Anareto dans le texte.
"Quiero a un viejo padre ver
y tanto a estimarle vengo
que esta virtud solamente
en mi vida distraida
conservo piadosamente;
que es deuda al padre debida
el serIe el hijo obediente."
(Acte II, scène 2)
Ces quelques mots de Enrico définissent as~ez
clairement le type de relation que le fils entretient avec son père.
c'est parce que Albano, le vieillard qu'il doit
tuer pour un salaire qu'il a déjà reçu et dépensé, ressemble à son père
Anareto, que Enrico ne le tue pas en définitive. (Scène 5, Acte II)
C'est aussi sous la pression de Anareto que Enrico
finit par se confesser (Acte III, scène 15)
A ce premier trait caractériel
l'amour qu'il a
pour son père, 3'ajoute un autre trait tout aussi louable:
sa constante
confiance en Dieu.
Nous avons déjà cité des extraits qui montrent cette
grande confiance, notamment à la scène 17 du deuxième acte. A ceux-ci,
nous ajouterons la fin de la scène 15 du dernier Acte. Après qu'il ait
été amené par son père à se confesser, il déclare qu'il croit en celui
1
1

= 177 =
qui est une "mar de misericordia" (cf Acte III. scène 15)
Il est difficile de s'abstenir de poser des ques-
tions devant ce personnage si contradictoire qu'est Enrico; des questions
telles que :
- Comment concilier théologiquement ce double
caractère ?
- La grâce a-t-elle une action bénéfique dans un
tel personnage?
- Comment concevoir qu'après de tels méfaits, En-
rico puisse aller au Paradis?
Selon Louis MOLINA, le maître penseur du Molinisme,
le péché d'Adam n'avait pas anéanti complètement l'homme. il lui avait
seulement ôté les dons surnaturels, et ainsi avait "privé les forces na-
turelles de la vigueur qu'elles tenaient de la justice originelle" (21)
C'est donc dans cet état de puris natura1ibus que l'homme dcit vivre dé-
sormais. Pour chaque acte, il a à sa disposition trois sources d'aièe:
- Le concours général de Dieu,
- le concours divin particulier,
- le libre arbitre.
Dans le cas de Enrico, cetamour qu'il a pour son
père et la compréhension de cet amour, sont dus au concours de la grâce
prévenante "ex parte inte11ectus ll •
Ayant compris ce que représente pour lui son père,
il commande à sa volonté d'aller au secours ne celui-ci. Dieu, quisoutientt
toujours les bonnes volontés. insère son secours dans la personne de Enric<
pour rendre l'idée paternelle plus présente. Ce mouvement ad patrem corres~
pond, selon l' e~cpression moliniste, à la grâce prévenante de foi "ex partei
voluntatis.
~~~)
-. VAKSTEE~BERGHE , op. cit., p.2103.
... / ...

= 178 =
Apparennnent, c'estpourrester toujours "le fils de",
c'est pour être reconnu par son père que Enrico accepte de se confesser.
On ne peut pas manquer de s'étonner et de s'émerveiller devant cette obeis-
sance, voire soumission totale à son père, surtout quand c'est de la part
d'uIl si grand malfaiteur. Cette confession, nous en sonnnes convaincu , est
plus qu'un acte naturel. Nous n'hésiterons pas à la qualifier de surnaturel.
Enrico a donc reçu de Dieu L'habitus fidei.
Cet Habitus fidei, écrit E. Vfu~STEENBERGHE dans
son traité sur le MOLINISME (22), comprend deux parties dont l'une réside
dans la volonté pour mouvoir l'intelligence et l'autre dans l'intelligence
pour produire les actes connnandés par la volonté. C'est cette dernière par-
tie que VANSTEENGBERGHE appelle, reprenant ainsi l'expression moliniste:
L'habitus fidei supernaturalis •
"Prévenue par la grâce prévenante de charité, ln
volonté peut faire l'acte surnaturel de contribu-
tion qui est l'ultime disposition à la grâce sanc-
tifiante." (23)
Enrico a-t-il été prédestiné à être sauvé?
On répondra OUI et NON à la fois.
OUI, du fait que Dieu est cause unique de l'effet
intégral du Salut.
NON, parce que, Dieu n'étant pas la cause unique
de la réalisation même de l'acte qui fait mériter à Enrico son Salut,
il partage cette responsabilité avec Enrico de sorte que, l'un et l'autre
en sont les causes partielles.
(22)
E. VANSTEENBERGHE , op. cit., p.2115.
(23)
Ibidem.
... / ...

179 =
L'influx de Dieu, dans tout le processus qui a
conduit au Salut éternel de Enrico, est la grâce qui était constamment
à la disposition de celui-ci. Dès qu'il voulait poser un acte bon
et
qu'il la souhaitait, elle venait agir in actu •
Ni le péché d'Adam, ni l'endurcissement partiel
du coeur de Enrico n'avaient détruit la réceptivité de l'être. La grâce
sollicitée a tr8vailléavec le concours du libre arbitre, et cp. sont ces
deux forces qui indistillctement ont produit l'acte salutaire final:
" .•• Murib cristianarnente
confesado y comulgado,
y abrazado con un Cristo,
en cuya vista enclavados
los ojos, pidio perdon
y misericordia, dando
tierno llanto a sus mejillas,
y a los presentes espanto.
Fuera de aqueso, en muriendo
resono en los aires claros
una rnGsica divina;
y para mayor rnilagro
y evidencia m~s notoria,
dos paraninfos alados
se vieron patentemente,
que llevaban entre ambos
el alma de Enrico al cielo."
(Acte III, scène 21)
. .. 1 ...

180 =
SYNTHESE FINALE
===============
Résumons-nous.
Malgré les apparences, Paulo et Enrico sont tous
les deux pécheurs.
Paulo, après dix années d'ermitage, c'est dire
comhiendiffici1es à cause de la pénitence, du jeûne et d'autres sacrifices,
n'a pas réussi à vaincre son orgueil. Perdant alors sa confiance en Dieu,
il commence à douter de ~a fin, la vie dans l'Au-delà.
L'autre, Enrico, est un voleur et un criminel
depuis son enfance.
L'ermite va donc être mis à l'épreuve. L~ démon
lui révèle que sa destinée sera la même que
celle de Enrico. S'étant rendu
compte que ce dernier n'est pas le "santo varan" auquel il pensait, Paulo
perd tout espoir et décide d'égaler Enrico dans ses oeuvres.
Au~e1à de l'histoire anecdotique de la dernière
scène de l'acte II, celle-ci, on n'en doute pas constitue un moment impor-
tant du texte. Le discours profond et plein d'espoir de Enrico n'est rien
d'autre qu'un des secours que le Seigneur offre à Paulo. Mais demeurant
sourd à cet appel, le secours reste inefficace.
Au secours suivant qui lui est offert par le messa-
ge du "Pastor", comme à tous les autres, Paulo reste sourd et. finit par
être condamné au feu éternel des Enfers.
Quant à Enrico, à cause des deux et seules qualités
qu'il conserve en lui, c'est-à-dire:
1-1'amour qu'il a pour son père
2-1a confiance qu'il a en Dieu,
il jouira du Salut éternel.
"El condenado por desconfiado : théâtra1isation
de la doctrine moliniste"; tel est l'intitulé de ce chapitre.
... / ...

= 181 =
Par THEATRALISATION, nous entendons no .
REACTUALISATION à travers des personnages d'un récit, des idée,
espagnol.
A travers les vies de Paulo et de Enric·
trouve, sans aucune difficulté, ce dont parlait le penseur jést,
il écrivait que:
"De deux hommes non justes qui reçoiver.
secours de Dieu, l'un se convertit, 1
dans le péché.
et que
"Le secours appelé suffisant devient par fi'
cace parce que l'homme coopère avec lui po
duire son effet et par conséquent qu'i
faire que, deux hommes recevant la mê",
venante, l'un n'y coopère pas parce g"
pas, tandis que l'autre y coopère de
coopération équivaut à une grâce." (2:
Loin de faire de l' homme un Dieu -COI!lJli,:
reprochait, le maître penseur du MOLINISME analyse dans sa doctr-;nc
"La posicion deI hombre frente a Dios c,!
negocio de la salvaci;)n eterna." (25)
Si en quelque endroit nous disons que
Enrico ont été prédestinés par Dieu, ce n'est pas pour reprend·,f
thomiste selon laquelle les décrets divins sont antérieurs à Pl
faite par Dieu du bon usage de la grâce, mais pour considérer J.
intégral du Salut, effet dont nous avons déjà parlé.
(24)
E. VANSTEENBERGHE , op. cit., p.2138.
(25)
Juan Luis ALBORG, Historia general de la literatura espa
..
T. II , Editorial Gredos, Madrid, 1980.

182 =
Est-ce à dire que la volonté de Dieu peut être
impuissante à mouvoir l'homme?
NON, répond MOLINA, et de toute façon, ajoute-t-il,
"Les décrets de Dieu "son acordados post praevisa
merita."
Lous admettrons donc pour finir que Paulo doit sa
condamnation à sa non-coopération; tandis que Enrico doit son Salut à sa
coopération.
• ••
1

183 =
CHAPITRE II
TITRE
ou
ANTICIPATION TEXTUELLE

,
= 184 =
Après toutes les analyses que nous avons faites
tout au long du précédent chapitre et surtout après les résultats de cel-
les-ci, l'intitulé "TITRE OU ANTICIPATION TEXTUELLE" parait pour beaucoup
évident, voire simple répétition des conclusions antérieures, et partant
superflu et inutile.
Et pourtant, si apparemment il semble reprendre ~es
choses déjà dites, le développement qui
forme le corps de ce travail, se
veut absolument spécifique. En effet, le seul point commun qu'il partage
avec ce qui a été déjà fait est l'argument de ces analyses.
Cette spécificité portera aussi bien sur la forme
que sur le contenu. A partir de plusieurs relevés méthodiques de cer~ains
éléments textuels dont nous préciserons plus tard les critères de choix,
nous avons d'abord dressé plusieurs tableaux. Et dans un second temps, nous
avons tenté de les interpréter.
Nous tenons à dire, dès maintenant, que malgré la
très grande attention avec laquelle nous avons fait les divers" relevés,
quelques erreurs, ou mieux, quelques omissions ont pu être commises. Nous
nous excusons pour celles-ci et nous ajoutons qu'elles n'infirment en rien
nos conclusions, nous oserions même dire qu'elles les confirment.
1
1

= 185 =
L'écriture s'auto-génère, affirme l'Ecole Montpel-
li~raine de Sociocritique, et tout phénomène textuel, aussi singulier soit-
il, -ajoute-t-elle- entraîne avec lui, l'apparition dans le texte d'un au-
tre phénomène de même nature, celui-ci entraîne aussi un autre et ainsi de
suite, de sorte que, il finit par s'instituer toute une chaîne répétitive
au sein du texte. Comme écrit Edmond Cros :
"Le texte génère sa propre sémantique qui déplace
et homogénéise la signification de tous les élé-
ments qui sont inscrits en lui." Cl)
c'est essentiellement autour de quelques unes
de
ces chaînes signifiantes que nous allons mener notre réflexion de ce chapi-
tre. Les deux premières :;eront consacrées au fonctionnement des préfixes
{-DES_ï et {-CUM_ï dans le texte. Ces deux préfixes, nous l'avons di',
sont inscrits dans le titre :
EL
CONDENADO
paR
~~~CONFIADO
===
T
T
1 CUH ï
1 DES ï
Mais, afin d'obtenir un corpus plus
vaste, et par
conséquent de multiples possibilités de comparaison, nous établirons les
chaînes répétitives de tous les autres préfixes du texte.
(1)
Edmond CROS, "Eléments de Sociocritique", in Imprévue:
Fonctionnements textuels, Montpellier, CERS, 1982-1, p.llO.
... / ...

186 =
1. FONCTIONNEMENT DE LA PAIRE OPPOSITIONNELLE
(CUM
/
DES)
1.1. ETUDE DU
"CUM"
Avant même d'entrer dans le vif du sujet. nous vou-
drions rappeler très brièvement ce que nous disions quant à la contamina-
tion sémantique causée par chacun de ces préfixes. Tandis que le premier
(CUM) ajoute au terme qu'il accompagne une idée d'union. le deu}:ièQe quant
à lui apporte une idée de privation. de négation.
A première vue. certains de ces mots qui figurent
dans le tableau qui suit. semblent ne pas se trouver à leur place; car si
dans les lexèmes :
.... ",
- companla.
- combates.
- contigo.
- conmigo.
par exemple. le sème de l'union est manifeste. il semble en être autreQent
dans d'autres tels que
- condicion.
- confusion.
- condenar.
- continuo.
Et pourtant. tous. sans exception aucune. transcrivent bien l'union.
le rapprochement. presque la fusion. Il suffit. pour s'en rendre cJcpte.
de remonter à la naissance du mot. de le découper en mettant à part le
préfixe "CON" (qui se traduit par le "Cmi"). et le radical; en un I:wt

= 187
de raire l'étude étymologique. Pour deux raisons, nous n'avons pas fait
figurer ces origines étymologiques sur le tableau.
la première c'est que nous nous étions proposé de
faire un relevé à partir du texte tirsien. L'étude étymologique aurait donc
été un peu à l'écart.
La deuxième c'est que nous aurions chargé tellement
le tableau que le corpus lui-même aurait disparu à travers cette
"forêt"
de mots. Mais
cela ne nous a pas empêché, nous le répétons ,. sie faire, en
dehors de cet écrit, ladite étude et tous , sans exception, peuvent se
décomposer en
/ CUM + quelque chose ï.
Exceptionnellement
, nous élargirons le champ d'in-
vestigation du sème "UNION" en l'étendant à la conjonction {-y ï. Nous au-
rions pu envisager dans notre analyse le double caractère du "y". Il peut
être en effet coordinatif ou adversatif. Mais en définitive nous n'avons
voulu retenir que le signifiant "y". Nous oserions même voir dans le "y"
adversatif, l'élément qui sert à rapprocher deux autres éléments quand
bien même ce serait des contraires. Nous inclurons aussi la préposition
{-CON_ï dans le champ lexical du sème de l' "UNION".
Nous allons classer, dans le tableau qui suit,
Acte après Acte, scène après scène:
1 - tous les mots construits avec le préfixe "CUM"
2 - toutes les conjonctions "y",
3 - toutes les prépositions "CON".
... / '"

188 =
1.1.1. Relevé des unités
TABLEAU N°l
ACTE l
"CON"
"CON"
"y"
1
SCENE
MOTS AVEC
PREP.
CONJ.
1
1
1
;
v,
l
1
companl.a
con
y
Y
y
y
y
y
y
1
1
2
condici6n
y
y
y
conocida
y
y
y
y
y
y
y
y
3
confuso
con
y
y
y
".
confusion
y
1
Y
Y
i
condena
1
1
Y
Y
Y
condenar
4
combates
con
y
y
confusion
con
y
y
conocerasle
y
y
confusiones
y
.
desconfiado
y
desconf{a
y
desconfiar
y
condenaci~n
y
,...--------~----------------------,...--------------------+-------------------- .
5
conmigo
con
y
y
contigo
y
desconocidos
y
desconoce
y
1
1
L
... / ...

:
= 189 =
;
,
,
6
desconfiado
y
!
:
7
con
con
y
y
i
con
con
y
y

con
con
y
y
con
y
8
Y
Y
Y
Y
Y
Y
Y
Y
Y
Y
Y
Y
9
con
y
y
con
y
y
y
y
10
continuo
con
y
y
1 condicion
1
y
Y
: condena
y
y
condenar
1
y
1
\\
1
!
11
con
y
1
Y
Y
!
con
Y
Y
1
!
!
12
contigo
con
y
y
y
y
y
y y
.'
conversac~on
con
y
y
y
y
y
y y
conmigo
con
y
y
y
y
y
y
confesado
con
y
y
y
y
y
y
conoceréis
con
y
y
y
y
y
y
-
acompanarme
y
y
y
y
y
y
y
y
y
y
y
y
y
y
y
y
y
y
13
contigo
con
y
y
y
y
y
y
condenados
con
y
1
"
y
y
y
y
cùnde:;;:dn
..
C\\.)I~l
"
;
condenado
i
1
. . . / ...

190 =
ACTE II
SCENE
MOTS AVEC "CON"
PREP. "CON"
CONJ. "y"
1
descomulgadas
con
y
y
y
y
y
1
!
2
1
con
y
1
Y
Y
Y
Y
con
1
y
1
1
1
3
desconf{as
con
y
y
y
y
y
conocida
con
y
y
y
y
y
con
y
1
,
4
conmigo
con
y
y
y
1
1
conviene
1
condeno
i
1
5
1
i
con
Y
y
y
Y
i
;
1
1
6
con
y
y
y
y
yi
con
y
:
1
con
.
con
7
contigo
con
y
y
y
y
con
8
conmigo
con
y
y
conmigo
1
• •• 1 ••.

= 191 =
9
contigo
con
con
y
y
y
y
y
circunvecino
con
con
y
y
y
y
con
,'
10
condenar
con
y
y
contigo
condenarse
desconf{e
:
c
11
contemplado
con
con
y
y
y
y
y
y
condenar
con
con
y
y
y
y
y
y

condicion
con
con
y
y
y
y
y
y
.--
1
"
- "
..
12
condenarnos
con
y
y
desconfiado
!
;
c
::
13
con
y
y
y
:
: '
ii
14
conoce
con
y
y
y
y
y
y
con
y
y
y
y
y
y
y
y
y
y
15
Y
.
16
confesar
con
con
y
y
y
y
confusiones
con
con
conf:les
17
confiesa
con
y
y
y
y
y
y
confesa
con
-1
y
Y
Y
Y
Y
confuso
confi~sate
condeno
condenado
!
. . . 1 ...

= 192 =
condenes
y
y
y
y
y
y
confeso
y
y
y
y
y
y
confianza
consol~dome
conmigo
confianza
condenar
desconf:lo
desconfiado
desconfianza
'.'
ACTE III
.
. '
(
SCENE
MOTS AVEC "CON"
CON
PREP. "y"
1
1:
1
conocida
con
y
:
2
con
con
y
l,
Ir
3
Y
.
4
conmigo
con
y
5
convidemos
con
y
y
y
y
6
confusion
... / ...

= 193
7
confuso
con
y
y
y
y
y
y ,
conozco
con
y
,
8
confuso
y
9
condenar
con
y
y
y
y
y
)
condenarnos
con
y
y
y
confesar
con
10
con
11
confesarme
12
confesarme
con
y
13
Y
Y
Y
;
14
con
y
y
15
confesar
con
y
y
y
y
y
confiesa
con
y
y
y
y
y
conocer
con
y
y .
confieso
confesaré
conf[o
16
con
con
y
y
y
y
y
con
con
1··
17
desconoce
con
con
y
y
y
y
y
con
con
y
y
y
y
y
con
y
y
y
y
1
1
i
\\
... / ...

=
194
18
Y
Y
Y
19
concertado
con
y
y
y
circunvecinas
20
con
y
21
condenado
con
y
y
y
y
y
confesado
con
y
y
y
y
con
22
desconfiado
con
y
y
y
y
y
desconfiado
con
y
y
y
y
desconfiado
con
desconfiado
con
con
===============================================-=============================
Résumons, dans le tableau suivant, les trois tableaux,
précédents, en y comptant toutes les occurrences de chacune des trois unit2s
considérées, à savoir:
tous les mots construits avec "CON",
les prépositions "CON",
- les conjonctions "y".
... / ...

195
TABLEAU RECAPITULATIF
==========:==========
ACTES
ACTE l
ACTE II
ACTE III
MOTS CONSTRUITS
34
41
27
AVEC "CON"
- -
PREP. "CON"
23
37
38
CONJ. "y"
132
138
89
;
;
216
!
,
1
1
,
Tl
T2
TOTAL
1
1
1
,
1
.
189
1
154
1
1
1
,
Tl
~~~~ de croissance (augmentation)= 114,2 %
Taux de décroissance
71 ,2 i;
. "
/ ...

= 196 =
1.1.2. Tracé et lecture de la courbe fréquentielle
Pour rendre plus fonctionnels ces différents
chiffres, nous les traduirons en pourcentages; regroupant ces derniers
sur un axe que nous considérons comme axe des ORDONNEES et finalement,
prenant pour axe des ABSCISSES l'ensemble des Actes, nous tracerons la
COURBE EVOLUTIVE représentant les chiffres du précédent tableau.
Avant de tracer celle-ci, il nous a fallu faire
quelques calculs dont voici les résultats essentiels :
189
+
216
+
154
559
189
33,81 %
de
559
216
38,64 %
de
559
154
=
27,54 %
de
559
33,81 % dans l'échelle correspond
à 3,3 dans
notre tableau établi à l'échelle 10.
De
même
38,64 %
correspond à
3,8
et
27,54
correspond
à
2,7
(Cf page suivante pour le tableau)
. .. / ...

197
3J .- -- - - - - - -
\\
___ L
- 1 - - - - -
1
t
1
(
1
1
1
1
f
(
!
(
(
(
\\
\\
\\
(
1
(
1
1
1
LEr,TURE ET INTERPRETATION DE LA COURBE
=;-'=~=~============~==================
Rappelons que, avant de construire la courbe, nous
sommes parti
d'abord d'unités élémentaires textuelles:
- mots construits avec le préfixe "CON",
- préposition "CON",
- conjonction de coordination "y".
Celles-ci sont, pour nous, signifiantes non seule-
ment par ce qu'elles disent, mais aussi:
li-par ce qu'elles sont et par ce qu'elles trans-
crivent,
. .. 1 ...

198
2/-par la façon dont elles se combinent avec d'au-
tres signes, au-delà de tout énoncé,
3/-par la façon dont elles fonctionnent par rapport
à cet énoncé et par rapport au code.
Ces trois idées, nous les avons empruntées à Edmond
CROS (2).
Que sont ces unités élémentaires textuelles et que
trancrivent-e11es?
La préposition "CON" exprime -(nous tirerons la
définition du dictionnaire Sopena)- "reunion, cooperacion 0 agregaci6n".
"CON" peut signifier aussi le moyen grâce auquel on réalise une action.
Mais nous osons voir, même dans ce moyen, une réunion de "l'usager" avec
ce moyen, ou mieux,une coopération de ce moyen à la réalisation de l'acte
en question.
Nous retiendrons donc ces deux idées essentielles
du "CON": "CO~' qui introduit une idée de réunion et "CON" qui introduit
le moyen grâce auquel .•.
Nous nous permettrons ici d'ouvrir une parenthèse
pour rappeler brièvement, dans celle-ci, le contexte historique de El con-
denado por desconfiado,
contexte sur lequel, au cours des deux premiers
chapitres, nous nous sommes longuement étendu.
.
Le souci primordial de l'époque, notamment dans le
milieu religieux, était de savoir si après la mort on irait ou non au Para-
dis Céleste. Au cours des grandes polémiques, chacun cherchait à déterminer
l'importance des secours divins et celle du libre arbitre humain dans le
processus du Salut.
(2)
Edmond CROS , Propositions pour une sociocritique, Montpellier,
CERS, 1982, p.9.
. .. / ...

199 =
- Pour MOLINA, par exemple, Dieu agit Cum causa
pour la production par l'homme de l'acte bon qui méritera à ce dernier
son Salut éternel. Cum causa sous entend que l'homme a une importance
toute particulière dans ledit processus. C'est en effet sa libre coopéra-
tion avec l'action divine qui déterminera essentiellement son salut. Dieu
ne nous sauve pas malgré nous mais avec notre consenœ ment.
-Pour BANEZ par contre, il n'y a pas en Dieu de
Volonté Conditionnelle. Il n'y a que Volonté Absolue. Le Salut de l'homme
ne dépend donc pas de sa coopération mais des décrets éternels de Dieu.
Sans tomber dans l'erreur du schématisme "tronqueur"
nous résumerons la problématique de toutes ces polémiques qui eurent lieu
sur le sujet par la question :
"PAR QUEL MOYEN SERONS-NOUS SAUVES?"
On comprend mieux à présent l'expression "Querelles de Auxiliis, expession
qui a servi aux historiens à désigner lesdites polémiques. AUXILIIS, c'est-
à-dire "de l'aide", "de secours", "du moyen grâce auquel"; puisque AUXILIIS
est le génitif singulier du terme AUXILIUM qui, lui appartient au neutre de
la deuxième déclinaison; le génitif servant à désigner le complémenc de nom.
Nous pouvons à présent refermer la parenthèse que
nous avions ouverte pour rappeler le contexte historique de El condenado
por desconfiado.
Nous avons d'un côté (dans le texte) certaines
expression,: , notamment le "CON" qui expriment l'idée du moyen par lequel
on accomplit tel ou tel acte; et de l'autre (le contexte historique), la
recherche du llloyen par lequel on peut être sauvé. Ce qui donne schématique-
ment :
(Voir la schéma de la page suivante)
i

= 200 =
Il
IlIl
1
moyen "CON"
[SUJET]
[_ _
AC_TE_J
TEXTE
1
1
,
1
,
'
=============9F==============~=====================b================
Il
,
1
IlIl
1
t
IlIl
1
1
Il
,
Il
A
Il
Grace
1
11
' ' - - - -
- - , . . _ - - - _
CONTEXTE
[
ETRE HUMAI!]
moyen =Auxiliis
1
[
SALUT]
HISTORIQUE
- - - - - - 1 - - -
---r'"
1
Libre arbitre
1
,
1
1
1
1
L'homologie apparente entre le texte et le contexte
est on ne peut plus évidente -celle-là même, nous fait dire avec Edmond
CROS, à la suite de P. t1ACHEREY:
"Le texte littéraire est produit par l'efficace de
plusieurs contradictions idéologiques qui s'énon-
cent en lui "sous la forme qui représente en même
temps leur solution imaginaire ou mieux, qui les
déplace en leur substituant des contradictions
imaginairement conciliables dans l'idéologie
religieuse, politique,morale, esthétique ou
psychologique. (3)
(3)
Edmond CROS
,Théorie et pratique sociocritiques, CERS,
Montpellier, p.31.
!

201 =
Le "y",nous l'avons dit, est une "conjuncion
copulativa cuyo oficio es reunir palabras 0 cl~usulas en concepto afirma-
tivo."
Comment se combinent ces unités élémentaires tex-
tuelles avec d'autres signes au-delà de tout énoncé?
Le thème de l'UNION faisant partie lui-même d'une
structure plus vaste,schématisée par la paire oppositionnelle
« UNION
/
SEPARATION )),
chacunes des unités éléI:lentaires constitutives de la chaîne "UNION" seront
ultérieurement mises en relation avec les éléments d'une autre chaîne que
nous préciserons plus tard.
Comment fonctionnent les unités
- mots construits avec "CON",
- préposition "CON",
- conjonction "y"
par rapport à cet énoncé?
Il faut, pour répondre à cette question, détermi-
ner d'abord l'évolution de la pièce et au besoin la matérialiser par une
courbe. Cette figuration permettra, certes, une étude comparative des
courbes obtenues.
1.2.1. Détermination des macroséquences
................................
L'ensemble du texte, ou mieux la trame de l'histoi-
re peut se diviser en deux macroséquences. Ces macroséquences sont à leur
/

zoz =
tour ponctuées par trois moments forts, ou, pour reprendre l'expression
de Roland BARTHES (4), trois "moments de risque du récit". Moment de ris-
que parce que le texte joue son devenir, sa suite à travers eux. Ils cons-
tituent des alternatives fondamentales. Nous les désignerons, pour faire
vite, par les signes : Ml
M
M
Les différentes scènes des trois
Z
3
actes se répartissent dans les deux macroséquences qui elles-mêmes se si-
tuent, la première: entre le Ml et M
et la deuxième entre M et M

Z
Z
3
Le premier moment de risque
est tout au début du
texte, à la sc~ne 1 du premier acte. Nous citons ce passage :
Paulo, soucieux de sa destinée, hésite dans sa foi
I~ Quién pudierJ. ioh celestes cielos!
aquesos tafetanes luminosos
,
. h d
.. ,
'1
1
para ver •••.
la
e m1. vue vome
oco.
Le doute croissant aboutit à la vraie méfiance
'~Heme de condenar, mi Dios divino,
con este sueno dice 0 he de verme
~~ el sagrado alcazar cristalino?
(Acte l, scène 3)
Sa persistance montre encore plus le doute profond
dans lequel il est
"tQué fin he de tener ?
... Senor Eterno
~He de ir a vuestro cielo 0 al infierno?
(Acte l, scène 3)
(4)
Roland BARTHES
"Introduction à l'analyse structurale des récits"
in communications
8
"l'Analyse structurale du récit"
Paris, Seuil, 1981, p.16.
;
,

203
Le deuxième moment
fort, le M est à la dernière
2
scène (scène 13) de l'acte l
• Après avoir reconnu que "las senas que le
dio el angel son suyas", suyas, c'est-à-dire "de este mal hombre que ya
est~ ardiendo en los infiernos", il ne peut plus cacher sa très grande
déception
"Salid, l~grimas, salid
salid apriesa del pecho
bandolero quiero ser
pues un mismo fin tendremos
tan malo tengo de ser".
Troisième moment : Sa décision est donc prise.
Une nouvelle vie commence pour Paulo : il sera bandolero. Mais si ce retour
au monde est pour lui une renaissance, il aboutit , à la scène 22 du troi-
sième acte, à sa condamnation finale. On l'aperçoit même dans les flammes.
"Si a Paulo buscando vais
bien podéis ya ver a Paulo
cenido el cuerpo de fuego
y de cule bras cercado
en el centro airado
de los oscuros abismos."
Nous résumerons ce que nous venons de dire sur le
découpage du texte en trois moments plus schématiquement encore :
Ml
DOUTE
M
NOUVELLE ORIENTATION DE SA VIE
2
M
PAULO CONDfu~E.
3
/

= Z04 =
Plus haut nous affirmions qu'il faut situer tous
les évènements de l'acte l entre le Ml
et le
M
' Chacune des scènes
Z
participe à la réalisation du désir de Paulo : rencontrer Enrico. Chaque
personnage devient, par le fait même, adjuvant direct ou indirect, volon-
taire ou involontaire.
Le terme "rencontre" peut prêter à confusion puis-
que en fait Paulo et Enrico ne se rencontrent pas. C'est de sa cachette
que Paulo voit Enrico. Les deux ne se parlent même pas. Nous oserions même
parler de rendez-vous manqué. Et quand on sait que c'est cette entrevue
qui va motiver Paulo à abandonner son ermitage pour mieux vivre et être,
dans les méfaits, égal à Enrico, on comprend alors qu'une
telle décision
ne peut que le conduire à sa perte.
A partir de ce moment, tous les actes de Paulo et
ceux des personnages de son entourage , soit le précipiteront en enfer,
soit y contribueront.
L'ascension du début se change en descente aux en-
fers. Le saint Paulo est devenu un grand malfaiteur. Et à juste titre, nous
comparerons cette ascension à celle de Jésus (Evangile de St LUC, 24 / 5)
Quant à son cheminement vers l'enfer, nous le comparons à la descente de
Lucifer dans les enfers (Apocalypse de St Jean 12 / 7-9).
Nous matérialiserons le mouvement thématique de
la première macroséquence par la portion de courbe croissante comprise
entre le Ml
et le M
; quant à la deuxième macroséquence, nous l'avons
2
représentée par la portion de courbe décroissante.
H2 1 (RENCONTRE)
1
1
1
1 (DOUTE)
--:A-:C::::T::-:E::--:-l----"-----_-.~-=C-=T-=c::----:I-:I,-----.;..----,-\\f-=-_=~=l=E--=I-::I-:·~,-L----->

205
Notons sur la courbe, que le Ml est supérieur au
M
• Cette supériorité correspond, dans le texte, à la différence entre
3
la Terre et l'Enfer, entre l'état de péché et l'état de condamné.
Quant au M qui marque la frontière entre les deux
2
pentes de la courbe, nous osons croire, qu'en soi, il est une grâce. Même
si ce moment est le résultat des agissements et tentations du démon, il
n'empêche qu'il ait été permis par Dieu pour mettre à l'épreuve son ser-
viteur afin de raffermir sa foi. Nous considérerons le M ' en définitive,
2
comme une grâce.
Entre le M et le M il faut situer tous les mé-
2
3
faits de Paulo qui le conduisent peu à peu à sa condamnation aux enfera
Rappelons que ce long détour, ou mieux cette
parenthèse dans laquelle nous avons déterminé les Ml ' M ' M ' devait
2
3
nous permettre de préciser le fonctionnnement des unités élémentaires qlle
nous avions longuement analysées. Il ne nous reste plus qu'à comparer la
courbe des fréquences et celle du mouvement textuel, et à tirer les conclu-
sions qui s'imposent.
1.2.2. Etude comparative de la courbe fréquentielle
du "CUM" et de la courbe des macroséquences
,
~,1
~
3,~
-
f 1

1
.-...
i ." ~
&,1-
+------.l_-
L -
--'--
----:..
)
ACTE l
ACTE II
ACTE III
... / ...

206
COURBE DU MOUVEMENT TEXTUEL
========================;=
..1-_.1....-
--1..-
---""--
-+-__)
ACTE l
ACTE II
ACTE III
Chacune des courbes commence par une pente
ascen-
dante, atteint ensuite un maximum, après quoi, devient décroissante. Leur
mouvement est donc semblable, on peut presque les superposer.
Une telle remarque statistique a-t-elle quelque
importance au niveau littéraire? ou plus précisement, la précédente simi-
litude des courbes nous permet-elle de mieux comprendre le texte?
Nous avions déjà admis avec Edmond CROS que les
unités élémentaires sont signifiantes non seulement par ce qu'elles sont,
mais aussi par ce qu'elles transcrivent et par la façon dont elles se com-
binent avec d'autres signes, au-delà de tout énoncé.
Ce fonctionnement au-delà de tout énoncé, nous
l'avo~3 r~rrésenté par la courbe fréquentielle, tandis que, par la courbe
des macroséquences, au niveau thématique, nous avons voulu visualiser c~
que ces mêmes unités transcrivent.
... / '"

= 207
On ne peut d'abord qu'admirer ladite homologie.
Elle signifie que la structure matérielle et le mouvement idéel ne font
qu'un. Cette homologie confirme le rôle de support qu'a la structure ma-
térielle du teAte. Nous dirons pour finir, et en réemployant deux notions
linguistiques, que l'ensemble des signifiants dit la même chose que l'en-
semble des signifiés.
En attendant de reconsidérer ces courbes pour leur
donner une signification plus vaste encore, revenons au deuxième élément
de la paire oppositionnelle (CUM , DES), c'est-à-dire le L-DES_ï , pour
voir, tel que nous l'avons fait pour l'unité / CUM_ï, son fonctionnement
et signification dans le texte.
1. 3. ETUDE DU "DE S"
Compte tenu du sème que nous nous sommes propose
d'analyser dans cette deuxième partie: L'IDEE de PRIVATION, de NECATION,
de CONTRAIRE; nous élargirons, ici de même. le champ d'investigativn en
considérant comme unités signifiantes
- tous les mots construits avec
le préfixe DES
(DIS ou DI)
- tous les adverbes de négation tels que
/ NUNCA ï
/ NADIE ï
/ SIN ï
/ NI ï
- et des adjectifs comme: /-CONTRARIO ïet/OPUESTOï
Une fois de plus, nous ferons, à travers tout le
texte, un
relevé méthodique de toutes ces unités signifiantes. Nous les
classerons par acte et par scène.
. .. 1 '"

= 208
1.3.1. Relevé des unités
TABLEAU 1
=========
ACTE l
SCENE
MOTS AVEC "DES"
ADVERBE "NO"
AUTRES ADVERBES
DE NEGATION
. .;
1
desvelo
no
Jamas
desvarlo
no
.;
2
desdichado
no
no
ningun
..
desdichado
no
no
despe'ilado
no
l'
3
desventura
no
no
nada
1
desgracia
no
no
1
desdichado
no
desencarcelo
no
1
desdicha
no
i
...
,
4
desconfianza
no
...
desconfla
no
desconfiar
.
5
desconocido
no
nada
desconoce
6
desconfiado
7
no
no
nunca
no
no

209
:
8
disgusto
no
no
no
no
9
desdichado
no
no
nada
no
no
nadie
sin
nunca
10
disgusto
no
no
nonada
desdichado
no
no
no
no
11
no
no
sin
no
no
contrario
contrario
12
desalmado
no
no
ninguna
descubri~
no
no
nadie
desventurados
no
no
nadie
no
no
nadie
no
no
sin
no
no
sin
no
no
ni
no
no
ni
no
no
ni
no
no
contrario
13
desdichas
no
no
nunca
no
10
no
i
t..- _ _ _ _
-------------------------------------======================================
-------------------------------
!

210
ACTE II
SCENE
MOTS AVEC "DES"
ADVERBE "NO"
AUTRES ADVERBES
DE NEGATION
1
desdichado
no
descomulgadas
no
destru{do
no
2
disgusto
nunca
distra{do
nadie
3
descuido
no
no
nunca
des confias
no
no
no
no
,
no
no
...
no
no
no
no
no
no
1
4
despiertas
no
no
ni
discreto
no
1
5
no
no
nunca
no
no
no
no
no
.
6
no
no
no
no
no
7
desdichas
no
no
no
8
no
no
no
no
1
1

= 211 =
9
no
no
nada
no
no
no
no
no
10
desconf!e
no
nunca
no
ninguno
11
no
no
nad a
no
no
nada
no
no
ninguno
no
no
ninguno
li
no
no
sin
no
no
no
no
no
12
desconfiado
no
no
no
no
,',
!'
"
1
13
des pués
no
jamas
l,
desdichado
no
desdichados
no
degollados
no
14
no
no
nadie
no
no
.
no
no
no
15
no
no
16
no
no
nadie
no
no
nunc a
no
no
no
no
no

= 212 =
17
desconf:lo
no
nunca
desecho
no
nunca
desecha
no
nunca
desventura
no
nunca
desnudarme
no
nunca
desatadlos
no
nunca
desdichado
no
nunca
deschiciera
no
nunc a
!
i
1
,
despedazara
no
jamas
1
desgracia
no
nada
,
desnudarme
no
;
"
desesperacion
no
desenva{na
no
l'
desatino
no
,:
desgracia
no
descanséis
no
desconfiado
no
. '
desconfiado
no
li
=~========================================================================~
.
ACTE III
SCENE
110TS AVEC "DES"
ADVERBE "NO"
AUTRES ADVERBES
DE NEGATION
1
no
no
sin
no
no
sin
no
no
nada
...
. ..

= 213 =
2
no
no
nadie
no
no
no
3
no
no
no
no
!
4
desesperados
no
no
!
1
5
desesperado
no
no
desdichado
no
desdichado
no
6
nunca
7
desgracia
no
no
no
IlO
no
no
no
no
no
no
,
8
desaparecio
no
no
no
no
l'
9
no
. nada
no
ninguna
no
opuesto
10
no
11
no
no
sin
no
ninguno
12
no
1

214
13
no
no
no
14
no
no
sin
no
15
desvelo
no
no
sin
desdichado
no
no
ni
no
no
sin
.. '
no
no
sin
no
no
no
no
1
16
descansar
no

17
deshacerla
no
no
desconoce
no
no
li
no
no
no
no
no
no
no
no
no
18
no
no
no
19
no
no
.
no
no
no
20
no
no
21
desventura
no
no
desdichado
no
no
desconfiado
no

= 215
22
desdichado
no
ninguno
descubras
no
sin
descubro
no
desconfiado
no
desdichado
desconfiado
desconfiado
~=========================================================================
ADDITIF AU TABLEAU 1
autres adverbes de négation
====================
=--------=--------=----==----------------=--------=---==-------------=-=--
ACTE l
ACTE II
ACTE III
imposible
ingrato
infames
inacesible
imposible
infdme
indignidad
'"
imperfeccion
invisible
imposible
imperfecciôn
inf~liz
inocentes
inefable
injusticia
injustamente
==========================================================================~
/ ...

= 216
1.3.2. Etude des occurrences et tracé de la courbe
..........................................
TABLEAU 2 : LES OCCURRENCES
=====================~====
ACTE l
ACTE II
ACTE III
MOTS AVEC "DES"
24
34
22
~--------------------
----------------~--------------
---------------------
NO
68
107
97
lAMAS
1
2
o
NINGUNO
2
3
J
-----------------------------------------------------1;
NUNCA
3
9
1
Ir
----------------~------------------------------------
NADA
3
4
2
--------------------- ----------------~---------------~--------------------
NADIE
4
3
1
-------------------- -----------------------------------------------------
SIN
4
1
7
-------------------- -----------------------------------------------------
NONADA
1
0
0 ,
-------------------- ---------------------------------------~-------------i i
NI
4
2
2
11
-------------------- ----------------~---------------~--------------------~,
CONTRARIO
3
0
O ! tii
-------------------- ----------------~---------------~--------------------~f
OPUESTO
o
0
1
l'
~
-------------------- ---------------- -------_. ------
w
--------------------~!
MOTS AVEC "IN"
7
5
ou
"lM"
4
1
--------------------------------------------------------------------------
... / ...

217 =
ADDITIF AU TABLEAU 2
====================
===================- ================ ====================-=================
ACTE l
ACTE II
ACTE III
===================
================ ==================== =================
OCCURRENCES
127
170
140
FREQUENCES
28,57 %
39,17 %
32,25 %
====================-================-=======================================
TABLEAU 3
=========
J,H---------:'7"'~----------jf------------=~
~1+-----r
L . . - - - - - - - I . - - -
---I.
>
- - l ~
ACTE l
ACTE II
ACTE III
/

218 =
INTERPRETATION DE LA COURBE
===========================
Après
un emploi relativement faible de la négation
dans le premier acte, négation qui, nous l'avons dit, s'exprime par les
adverbes de négation, et par les mots qui sont construits avec les préfi-
xes "DES" et "IN", le texte change de ton. La fréquence d'emploi des élé-
ments sémiques précités devient plus grande. Ce n'est qu'à l'acte III que
la fréquence redevient plus faible.
1.4. ETUDE COMPARATIVE DES COURBES
du "CUM"
et du
"DES"
Considérée seule, cette courbe ne peut que donner
des valeurs relatives, tandis que, étudiée en comparaison avec une deuxiè-
me courbe, les valeurs deviennent plus signifiantes. C'est donc pour cette
raison que nous proposons ici, une étude comparative des courbes, la pre-
mière étant celle des fréquences du sème de l'union et la deuxième, celle
des fréquences du sème de la négation et de l'inverse. Pour ce faire, nous
commencerons par tracer sur un même schéma lesdites courbes •.
(Voir le schéma à la page suivante)
... / ...

= Z19 =
3,9
--
3,8
-- - - --- -- -- -- - - --
3,3 ------
Z,
_
1
Z,7 - - - - - - -;- -
- - - -- - - - - -- -. - - t" - - - - -
O
--A-
)
ACTE l
ACTE II
ACTE III
Faisons d'abord quelques observations théoriques.
- On note que le Al (début de la courbe U), est
supérieur à A
(début de la courbe N).
Z
- Bien que le taux de croissance de U soit plus
faible que celui de N, la pente Pl reste tout de même supérieure à Pz •
- Nous retiendrons spécialement le croisement de
N et de U • Ce croisement va s'affirmer jusqu'à la fin des courbes.
- C'est ainsi que le Pl'est inférieur à PZ' et
.;ous résumerons cet ensemble d'observations dans
le tableau qui suit
... / ...

zzo =
Al
>
AZ
------------------~ U
>
l
NI
--------------------
Pl
>
Pz
,
,
Pl
<
Pz
------------------~ U
<
N
--------------------
z
Z
,
,
Al
<
AZ
Que signifient, au niveau textuel, ces constata-
tions ?
Suivant le tableau N°4, nous diviserons le texte
en trois temps
$$ - Dans le premier temps (où le U
est supérieur
l
au NI)' le texte privil~gie le sème de l'union. Cette expression se fait
à travers la présence dans le texte de plusieurs couples. Nous ne citerons
que quelques_uns d'entre eux.
( Paulo
Pedrisco )
( Enrico
'"
Galvan
( Paulo
Société
( Enrico
Celia )
( Paulo
Dieu )
( Enrico
Anareto )
( Paulo
Lidora )
( Enrico
le diable
Paulo
Octavio )
( Escalante
Lidora
.-
( Cherinos
Roldan )
... / ...

= 221 =
Cette idée d'union se note à travers la démarche
de Paulo. Il cherche Enrico, il va vers lui. Tout le premier acte exprime
bien ce mouvement vers
(ad quidquam) •
Elle s'exprime enfin à travers le mouvement con-
vergent du désir de Celia et celui du démon.
Nous appellerons ces différents exemples des phé-
notextes puisqu'ils correspondent à des éléments textuels qui réalisent
partiellement le génotexte
$$ - Le deuxième temps correspond à l'étape où la
courbe N
=
U. Sur le graphique, ce moment n'est représenté que par un
seul point: le point de croisement des deux courbes. C'est dire combien
il est bref et passager. Nous n'insisterons donc pas sur ce deuxième temps.
$$ - Il Y a enfin le troisième temps (où le U est
inférieur au N) • Le vocabulaire de la négation et de la diffraction est
sensiblement supérieur avec un indice de 0,50 à celui de l'union. Cet in-
dice différentiel 0,5 représente 41,66 % de l'amplitude fonctionnelle gé-
nérale, laquelle est de 1,2 • (5)
Au niveau des chiffres, la différence signifiée
par l'indice 0,50 est assez nette.
3,3
A '
=
2,7
1
=
2,8
A'
3,2
2
... / ...

= 222
On constate qu'il y a un renversement total de
situation. Celui-ci s'exprime à travers plusieurs phénotextes dont nous
citerons les plus caractéristiques :
* C'est d'abord à travers les couples cités anté-
rieurement que ce renversement se manifeste.
- Paulo, ayant perdu
tout espoir, décide d'aban-
donner sa vie d'ermite. Il s'est donc séparé de Dieu. En devenant criminel,
il rompt ses bonnes relations avec la société.
- Quant à sa rupture avec Pedrisco, elle s'exprime
d'abord par leur séparation physique à la scène l de l'acte III. Pour la
première fois, on voit Pedrisco, non pas avec son maître Paulo, mais avec
Enrico. Cette rupture se confirme à la fin du texte. En effet, tandis que
Paulo, pourchassé, est tué par les "villanos", Pedrisco,quant à lui, est
grâcié. C'est en parlant à Galvân et à Pedrisco que le "Juez" dit:
"Porque toméis escarmiento,
no pretendo castigaros
libertad doy a los dos"
( Acte III , scène 22 )
La rupture devient finalement définitive et totale.
Le disciple ne paraît pas avoir la même destinée que son maître. Alors que
Paulo brûle en enfer, Pedrisco se fait apôtre du Christ. C'est d'ailleurs
avec beaucoup de conviction et d'enthousiasme qu'il commence son apostolat.
Voici le début de son enseignement
"Amigo
quien fuere desconfiado
mire al ejemplo presente
(5)
L'indice différentiel est la différence numérique entre les extrémités
de Al
et A '
• Quant à l'amplitude fonctionnelle, on la trouve en re-
2
tranchant le minimum du maximum. Il serait même plus juste de parler
du "plus petit minimum" et èu "plus grand maximum" pour bien signifier
que l'on considère en même temps les deux courbes.
... / ...

= 223 =
"y porque es ~ste tan arduo
y dif{cil de creer
siendo verdadero el caso
"
(Acte III , scène 22)
- Citons maintenant le couple (Enrico, Galvàn).
Leur rupture est annoncée à la première scène du troisième acte. Enrico est
en prison et Galvan dans la montagne. La condamnation de Enrico le s~pare
d~finitivement de Galv~n.
- L'~clatement du couple (Enrico, Celia) se mani-
feste à deux moments du texte. Nous situerons le premier à la scèue 2 de
l'acte III • Le mariage de Celia avec Lisardo signifie bien qu'elle s'est
d~tach~e de Enrico. La mort de Enrico rompt pour toujours les liens qui
existaient entre les deux. Cette même mort le s~pare de son père, Anareto.
- Même le couple (Enrico, le diable) n'~chappe pas
à cet ~clatement. Eux qui semblaient pourtant si bien unis, sont s~parés
l'un de l'autre après la mort de Enrico, puisque ce dernier est amen~ à
jouir du paradis.
- Le mariage de Celia avec Lisardo d~nonce la sépa-
ration partielle du couple
(Celia, Lidora).
Nous avons donc déterminé les trois temps du texte:
al Le premier privil~gie l'UNION par rapport à la
s~paration.
bl Dans le deuxième, le discours est neutre.
• .. 1 ...

224
cl Le troisième temps est celui de l'éclatement
du texte ; éclatement à travers la désagrégation des couples, à travers
la mort de certains personnages, et éclatement aussi à travers la dispa-
rition d'un état ancien et la réhabilitation d'un ordre social.
Nous résumerons ce mouvement textuel par la TRILOGIE:
II • ETUDE D'UN NOUVEAU CORPUS
En attendant de revenir sur ce mouvement triphasi-
que, nous allons tenter une autre approche du texte.Certes les prépositions
les conjonctions et les
noms à préfixes que nous avons considérés dans les
précédents relevés font partie du texte, mais il n'en demeure pas moins
vrai que la plupart de ces éléments qui constituent le corpus du sème :
"UNION" et celui du sème "CONTRAIRE", sont des mots charnièrés, c'est-à-
dire des termes qui servent à relier des énoncés. C'est donc à ces énoncés
mêmes que nous allons nous intéresser maintenant.
Ne pouvant pas analyser dans le présent travail
tous les énoncés que nous avons dits reliés par les prépositions et les
coordinations, nous ne retiendrons ici que quelques_uns d'entre eux. Nous
avons donc choisi pour notre analyse, neuf phénomènes textuels, ou mieux
neuf figures de texte qui sont :
. .. / ...

225 =
l - Les répétitions abusives,
2 - Les gradations,
3 - Les comparaisons ou parallélismes,
4 - Les emprunts,
5 - Les oppositions marquées,
6 - Les syntagmes figés,
7 - Les lexies,
8 - Les déconstructions,
9 - Les contaminations sémantiques.
Nous pourrions relever lesdites séquences en les
classant suivant les neuf figures pre-citées. Mais pour faire vite, nous
ferons un relevé qui n'aura pour tout ordre de classification que l'ordre
d'apparition des éléments dans le texte El condenado por desconfiado.
Nous suivrons donc la division scénique. Après tous ces relevés, nous
tenterons de les classer autrement en nous servant cette fois-ci de cri-
tères plus opérationnels.

= 226
II.1. RELEVE DES UNITES
=========================================================================
ACTE l
=========================================================================
SCENE 1
1 - dichoso albergue
2 - soledad apacible
3 - calor
4 - fr{o
5 - selva umbrosa
6 - yerba verde
7 - palida
retama
8 - agora cuando el alba
cubre las esmeraldas de cristales
haciendo al sol la salva
9 - luz pura
10 - noche oscura
Il - cueva
12 - penas
13 - nubes
14 - noche y d1a
15 - cielo
16 - alfombra
17 - Celestos cielos
18 - Me estais viendo
desde este inacesible trono de luz
19 - angeles
20 - luz deI sol
21 - el mundo
que es umbral de las puertas deI profundo
22
indignidad
23 - selvas

227 =
24 - aqu{ los pajarillos
amorosas canciones repitiendo
25 - si esta gloria da el suelo
tqué gloria ser~ aquella que da el cielo?
26 - silvestres flores
27 - fugitivo tiempo
28 - varios colores
29 - vega humilde
30 - el mundo dejé para bien m!o
31 - el mundo a sus enganos
32 - ved el hombre se hizo
de barro vil y de barro quebradizo
=
=
=
=
= = =
= =
SCENE 2
33 - yerba
=======
que he corner yerba yo
34 - que aunque el ser
santo un hombre es gran ventura
es desdicha no corner
35 - loco proceder
36 - vuestro inmenso amor
todo 10 imposible doma
37 - Y a veces nos acordamos
de 10 mucho que dejamos
por 10 poco que tenemos
38 - memorias me hacen llorar
= =
=
=
=
=
=
SCENE 3
39 - El sueno me venci~
=======
la devota oraci6n puse en olvido
40 - el fiscal de las aImas
-------------
J

228 =
41 - guarda santa
42 - el justicia mayor del cielo
43 - infernal morada
44 - dos balanzas
45 - el peso de mi culpa
46 - mis buenas obras
47 - los reinos del espanto
48 - fatiga
49 - miedo
50 - he de condenar
51 - el sagrado alcazar cristalino
52 - the de ir a vuestro cielo 0 al infierno?
53 - the de ir a vuestro cielo 0 al infierno?
54 - hoy duda en su fe
55 - en la soberbia también
56 - casa es cierto
nadie coma yo 10 sabe
,
-------------------------------------------------------------------------~
~~~~~=~
57 - Diez anos ha que persigo •••
, hoy duda en su fe
58 - anteponer un sueno a la fe de Dios
59
el juez mas supremo
60 - de angel tomaré la forma
61 -tiré a gozar a vuestra gloria?
-----------_::_~-~::~::::::~---------------------------------------------j
SCENE 5
63 - nadie nos conocer~
=======
que vamos desconocidos
en el traje y en la edad

= 229 =
,
SCENE 6
64 - pero aquesa discrecion
=::=====
es el cebo de sus vicios
con ésa engana a los nec ios
65 - Con ésa a los lindos
con una octava 0 soneto
que con picaresco estilo
••• trae a mil hombres perdidos
66 - que es de esta mujer la casa
un depbsito de vivos
y que nunca est~ cerrada
al napolitano rico
,
ni al aleman, ni al inglés
ni al h6ngaro, armenio 0 indio
ni aun al espanol tampoco
con ser tan aborrecido
,
en Napoles.
67 - una mujer que me quiso
cuando tuvo que quitarme
y ya que pobre me ha vista
,
se recogio a buen vivir
68 - muy coma discreta hizo
SCENE 9
69 - el diablo
=======
------------------------------------------------------
-------------------~
SCENE 10
========
70 - La Orden de San Francisco
71 - Rufianes de Belceb~
------------------------------------------------------
-------------------~
... / ...

230 =
SCENE Il
72
un tabernero gordo
========
73
moza rubia yalta
74
vil contrario
livianos pensamientos
cuerpo flaco
el contrario me tiene con memoria
,
SCENE 12
75
llegome a pedir un pobre una limosna
========
76
miseria
~-
=========================================================================1
=========================================================================1
========================================================================='
ACTE II
=========================================================================
1
fuego en las manos
2
esta derecha mano, me tiene destru{do
SCENE 3
3
miembros cansados y tristes
=======
4
tanta enfermedad
5
divina voluntad
6
el suei'ro me vence
7
aquesa enfermedad
8
no busques mujer hermosa
porque es cosa peligrosa
9 - de su amor no te f{as
--------------------
--------------------1
1

231
10 - vinci6le el sueno
que es de los sentidos dueno
11 - interés liviano
SCENE 5
12 - manas tiranas
=======
13 - el diablo no duerme
SCENE 7
14
vive Dias
=======
15
1 Ah de mi!
SCENE 8
16
tened misericardia de mi alma
=======
17
SeIl:or inmenso
SCENE 9
18 - Gran Senar
=======
SCENE 10
19 - al pecadar mas humilde
========
Dios le dara perdon
------------------------------------------------------
--------------------~
• .• 1 •••

232 =
SCENE Il
20 - la Iglesia su esposa
========
21 - los diez mandamientos
22 -t Y Dios ha de perdonar
,
a un hombre que le ofendio
23 - con obras y con palabras
y pensamientos?
24 - aunque sus ofensas sean
mas que ~tomos deI sol
y que estrellas tiene el cielo
y rayos la luna di~
y peces el mar salado
en sus c~ncavos guardo
25 - pequé, pequé, muchas veces
26 - le recibe al pecador
en sus amorosos brazos
27 - fragil condici6n
28 - imperfecci~n
29 - libre albedr10
30 - Y fragilidad le dio
al cuerpo y al alma
31 - la fragilidad deI cuerpo es grande
,
32 - que en una accion
en un mirar solamente
con deshonesta aficci~n
se ofende a Dios
33 - imperfecci~n
34 - Dios misericordioso
35 - pecador
36 - porque todos igualmente
37 - Y aquella sange
que liberal derram~
... / ...

= 233 =
38 - Pedro, pastor de las aImas
39 - Mateo su coronista
40 - Francisco pecador
41 - Llagas divinas
42 - p~blica pecadora palestina
43 - Magdalena
44 - ovejuela perdida
45 - corona
46 - el que a Dios tiene ofendido
p{dale perd~n a Dios
47 - pastor
--------------------------------------------------------------------------'1
~
SCENE 12
48 - el hombre que se arrepiente
=====-==
~
~
l
~
perdon en Dios hal ara
t
- - - - - -
- - - - - - - - - -
iJ
SCENE 13
49 - y dir~ el pastor
========
que le ha de dar el Senor
perdon
SCENE 16
50 - alabado sea el Se~or
========
51 - sea por siempre alabado
SCENE 17
52 - r{o de l~grimas
========
53 - el vestirme de demonio
y el desnudarme de Cristo
------------------------------------------------------
--------------------~
... / ...

= 234
54
sangre sagrada
55
tiernos miembros
56
las palabras que Dios dice
~
por un ange1, son palabras,
57 -
( ••• ) en que se encierran
cosas que el hombre no a1canza
58
Madre Santa
,
59
yo soy el hombre mas ma10
60
mas siempre tengo esperanza
en que tengo de sa1varme
61 - tengo confianza
en su piedad
62 - aunque ma10, confianza
tengo en Dios
63 - mas la esperanza
que tengo en Dios, ha de hacer
que haya piedad de mi causa
-=========================================================================
ACTE III
=========================================================================
SCENE 2
1
jCe1ia hermosa de mi vida!
=======
2
l1inda cosa!
3
jqué mujer tan hermosa!
4
y estoy bien emp1eada
/
pub1ice escarmiento
/

= 235
7
los demonios magnantes
8
entrada deI infierno
SCENE 6
9 - la voz
(que tanto temor me da)
=======
10 - ;cielo santo!
SCENE 7
Il - que confuso abismo
=======
/
12 - la voz que me atemorizo
------------------------------------------------------
-------------------~
13 - y pregoneros delante, que digan
su delito, y sea llevado a plaza
p~blica donde estara una horca
-------------------------------------------------------------------------~
r
SCENE Il
14 - moriré sin confesarme
========
que no ha de pagar ninguno
las penas que yo pasare
SCENE 14
15 - sombra triste
========
... / ...

= 236 =
SCENE 15
16 - Buena cristiandad
========
17 - besaré a todos los pies
para mostraros mi fe
18 - yo he sido el hombre mas malo
,
que la luz llego a alcanzar
de este mundo, el que os ha hecho
m~s que arenas tiene el mar
ofensas; mas, Senor mto
19 - pecado de Adam
20 - sangre real
21 - virgen bella
22 - pecadores
23 - sacra majestad
24 - Gran Senor misericordioso
25 - Mar de misericordia
26 - en Dios conf{o
SCENE 16
27 - Mayoral
- - - - - - - -
--------
28 - selvas intrincables
29 - verdes almedas
30 - fuentes
31 - blandas arenas
32 - blancos vellones
33 - valles
34 - verdes felpas
35 - tierra
36 - nieve
-------------------
ll
.... "
/
.....

= 237 =
37 - rebano
38 - guirna1da
39 - ;Ah perdida oveja!
40 - flores tas
41 - incu1tas selvas
42 - plantas
43 - be11as flores
44 - vuestra be11eza
45 - tierra
46
guirna1da tan rica y tan be11a
47 - montes m10s
48 - desiertos
49 - selvas
50 - la 1uz de1 sol
51 - exce1sa esfera
52 - nubes
53 - cortinas celestes
SCENE 19
54 - villanos
========
SCENE 21
55 - en la p1aza le ahorcaron
=======
de
"
Napo1es
56 - murio cristianamente
confesado y comulgado
y abrazado con un Cristo
en cuya vista, enclavados
los ojos, pidio perd~n
y misericordia, dando
tierno llanto a sus mejillas
,
-----------------
t
1
• • •
1
• • •

= 238 =
57
Dios Santo
58
Dios es piadoso
59
lleno el cuerpo de lanzas
60
cuerpo inf~liz
61
sauces ramos
SCENE 22
62
altives
1"-
penascos
========
63
cule bras
64
milagros
65
esperanza en Dios
,..,
66
el cielo os guarda mil anos
========================================================================
-========'~===========================================
====================_.
Une simple lecture de ces 205 séquences nous permet
de faire des regroupements thémat iques. Nous appellerons chacun de ces re-
groupements : CHAMP SEMIOTIQUE • Nous emploierons, pour faire vite et sur-
tout pour ne pas nous répéter, les numéros que nous avons placés devant
chaque séquence.
Dix champs sémiotiques nous ont semblé évidents. En re-
partissant les 205 séquences dans les 10 champs, nous obtenons le tableau
suivant :
!

= 239 =
CHAMP N°l
=========
=========
THEME nu CHAMP N°l : LA CAMPAGNE HOSPITALIERE ET BELLE
ACTE 1
1
2
3
4
5
6
7
======
8
9
10
-
11
-
12
-
13
-
14
-
15
16
-
17
-
18
-
19
-
20
-
21
-
22
23
-
24
-
25
-
26
-
27
-
28
-
29
ACTE II
24
=======
ACTE III
28
29
-
30
-
31
-
32
-
33
-
34
-
========
35
36
-
37
-
38
-
39
-
40
-
41
-
42
43
-
44
-
45
-
46
-
47
-
48
-
48
49
-
50
-
51
-
52
-
53
-
54
-
55
56
-
57
-
58
-
59
-
60
-
61
-
62
CHAMP N°2
=========
=========
THEME DU CHAMP N° 2 : LA VILLE : LIEU DE PERDITION
ACTE 1
21
=====
31
-
38
-
63
-
66
-
67
-
72
-
73
74
-
75
-
76
-
ACTE III
5
8
========
13
-
13
-
~)
-
. .. / ...

= 240
CHAMP N°3
=========
=========
THEME DU CHAMP N°3 : PRECARITE DU CORPS HUMAIN
ACTE l
32
48
-
49
-
74
-
======
ACTE II
3
4
6
7
10
-
27
- 30 - 31 -
=======
ACTE III
56
59
-
60
-
========
CHAMP N°4
=========
=========
THEME DU CHAMP N°4 : L'ETRE HUMAIN = CREATURE INSUFFISANTE ET MAUVAISE
,
ACTE l
22
45
50
52
53
~
.J-+
======
57
58
ACTE II
11
15
19
22
25
27
28
=======
29
30
32
33
35
46
48
49
59
63
ACTE III
22
56
========

= 241 =
CHAMP N°S
=========
=========
THEME DU CHAMP N°S : LA FEMME = CREATURE DE PERDITION
-----------------------------------------------------
~~~~=~
64
65
66
67
68
73
ACTE II
8
9
42
-------
~~~~=~H
1
2
3
4
CHAMP N°6
=========
=========
THEME DU CHAMP N°6 : LA FUGITIVITE DU TEMPS
ACTE l
10
14
27
======
CHAMP N°7
=========
=========
THEME DU CHAMP N°7 : LA NON-IMPORTANCE DU MATERIEL
ACTE l
30
70
74
======
ACTE II
8
38
ACTE III
19
/

= 242 =
CHAMP N°8
=========
=========
THEME DU CHAMP N°8 : L'IMPORTANCE DU SPIRITUEL
ACTE l
1
30
34
50
51
52
53
======
58
-
61
62
ACTE II
14
16
37
38
39
40
57
========
61
62
63
ACTE III
16
17
19
20
56
57
58
========
65
CHAMP N°9
=========
=========
THEME DU CHAMP N°9 : OMNIPRESENCE ET OMNISCIENCE DE DIEU
ACTE l
17
18
36
41
42
-
59
======
ACTE II
5
14
17
19
26
30
46
=======
47
48
49
50
51
54
56
ACTE III
10
17
23
24
25
27
51
========
57
66
. .. 1 ...

= 243 =
CHAMP N°lO
==========
==========
ACTE l
19
21
25
30
31
32
34
======
37
40
41
43
44
45
46
47
50
51
52
53
54
55
56
58
59
60
61
62
69
70
71
ACTE II
5
16
17
18
19
20
21
========
22
23
24
26
32
34
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
5:
54
56
58
59
60
61
62
63
ACTE III
6
7
8
9
11
12
14
========
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
39
53
56
57
58
59
66
... / ...

= 244 =
** Bien que nous étant proposé de faire figurer,
dans le corpus, tous les termes qui relèvent de l'une et l'autre des
neuf figures de texte, figures que nous jugeons pertinentes et par con-
séquent porteuses du devenir du texte, le corpus paraîtra à certains
aléatoire, voire même subjectif. Qu'importe cette subjectivité. En défi-
nitive le ou les critères de choix ont peu d'importance. Quelles qu'elles
soient, ces séquences sont et demeurent une partie du texte, et à ce ti-
tre, elles méritent et doivent être analysées comme toute autre partie
du texte.
** "Certains termes ne semblent pas relever direc-
tement du regroupement que nous proposons pour eux.
Ils peuvent y être rattachés par l'effet que nous
appelons des polarisations dérivées, à partir d'un
signe qui, lui, s'impose dans le champ concerné."
(6)
** Certains termes appartiennent en même temps à
un ou deux champs, parfois même à trois champs à la fois. Cette pluri-
appartenance ne pourra, en aucun cas, nuire à nos conclusions puisque
nous ne travaillerons pas exclusivement avec les fréquences.
** Nous avons enfin préféré présenter les champs
isolement pour plus de commodité. Leur alignement dans cet ordre nous
permettra de regrouper entre eux les deux premiers, ensuite nous mettrons
ensemble les champs N°) , N°4 , N°S , N°6 , N°] Bous réunirons finalement
les champs N°8 et N°9 • Quant au champ N°lü, nous l'analyserons à part.
(6)
Edmond CROS, Théorie et pratique sociocritiques , op. cit.
p.23ü.
. .• 1 ...

245 =
1.3. REGROUPEMENT DES CHAMPS
NOus commencerons par regrouper les champs qui
présentent entre eux des points communs.
PREMIER REGROUPEMENT
====================
CHAMP N°3
CHAMP N° 4
=========
==========
=========
==========
PRECARITE
L'ETRE HUMAIN
DU
CREATURE INSUFFISANTE
CORPS HUMAIN
ET MAUVAISE
CHAJ.\\fP N° 7
CHAMP N°5
=========
=========
=========
========:=
LA NON-IMPORTANCE
LA FEMME
DU MATERIEL
CREATURE DE PE
ITION
CHAMP N°6
=========
""';========
LA FUGITIVITE
DU TEMPS

= 246 =
DEUXIEME REGROUPEMENT
=====================
CHAMP N°8
=========
=========
IMPORTANCE DU SPIRITUEL
PRIMAUTE DU MONDE
Point de coincidence
/ B /
DE L'AU-DELA
=========
IMMANENCE ET OMNIPOTENCE DE DIEU
TROISIEME REGROUPEMENT
======================
Contrairement aux 7 champs précédents que nous avons
réunis en deux groupes à cause du point commun que nous avons mis en re-
lief, les champs N°l
et
N°2
seront mis ensemble à cause de l'opposition
apparente entre eux.
1
!

= 247
CHAMP N° 1
==========
CHAMP N°2
=========
=========
=========
Vs
LA CAMPAGNE HOSPITALIERE
<

LA VILLE:
ET LA BELLE
NATURE
LIEU DE PERDITION
Quant au champ N°iO. nous classerons ses éléments selon l'arbre ci-dessous
DE L'ANCIEN
~CIEN
_____________________~~ TESTAMENT
TESTAMENT
/
JESUS
BIBLIQKS
CONTEMPORAINS~APOTRES
DE JESUS
~
DISCIPLES
DU NOUVEAU
TESTAMENT
APOCALYPSE ----1APOCALYPSE
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _---j~ LES SAINTS
NON BIBL1QUES

= 248 =
Nous pourrions nous attarder à mettre en relief le
caractère religieux de chacun des personnages et de chacune des expres-
sions que nous avons classées dans l'arbre précédent, mais, si ce n'était
que pour cela, pourquoi n'aurions-nous pas regroupé ce champ N°IO avec les
champsN°8 et N°9 ? Nous aurions ainsi mis en évidence le renoncement au
monde et le don total de chacun des personnages bibliques à Dieu.
Malgré toutes ces raisons, nous avons préféré mettre
à part le champ N°9 • Nous proposons, pour bien lire l'arbre précédent,
de situer les personnages les uns par rapport aux autres. Nous obtiendrons
à la fin de notre analyse une chaine continue • Chacun des personnages
de ladite chaine correspondant.à un âge historique, nous aurons ainsi
établi la continuité historique exprimée dans le texte El condenado por
desconfiado •
Les expressions :
"soledad apacible y deleitosa
que en el calor y el
'"
fr10
me dais posada en esta selva umbrosa"
et toute la description détaillée du ciel et de la terre faite dans la
dernière scène de l'acte l, de même que les mots:
"selvas intricadas,
verdes almedas, fuentes,
blancas arenas, blancos vellones,
valles, verdes felpas."
et toutes les autres expressions de la scène dix-septième du troisième
acte, font penser au deuxième récit de la creation dans le Livre de la
Génèse , chapitre 2, versets 4 à 15.
... / ...

= 249
"Au jour où Yahvé Dieu fit la terre et le ciel, il n'y
avait encore sur la terre aucun buisson des champs, et
aucune herbe des champs n'avait encore poussé; car Yah-
vé Dieu n'avait pas fait encore pleuvoir sur la terre,
et il n'y avait pas d'homme pour cultiver le sol. Mais
un flot montait de la terre et arrosait toute la sur-
face du sol.
Yahvé dieu planta
un jardin en Eden, à l'orient,
et il y mit l'homme qu'il avait façonné. Yahvé Dieu fit
pousser du sol toutes sortes
d'arbres désirables à voir
et bons à manger, ainsi que l'arbre de vie au milieu du
jardin et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
Un fleuve sortait d'Eden pour arroser le jardin et
de là se divisait pour former quatre bras."."
Les éléments naturels et la beauté de ces mêmes
éléments sont décrits identiquement dans l'un et l'autre des textes.
Et cet homme, Paulo, unit à Dieu dans la prière et jouissant paisiblement
de cette belle nature ressemble, on en convier~, à Adam vivant dans le
paradis terrestre, le jardin d'Eden.
Pour nous résumer, nous dirons que les vers des
deux scènes ont un style de type adamique. Pour l'immédiat, nous retien-
drons le moment historique plutôt que le contenu du discours:
Enfin l'expression "El pecado de Adam", expression
on ne peut plus claire, confirme la précédente conclusion , à savoir la
scène 1 de l'acte l et la scène 17 de l'acte III nous renvoient à la pé-
riode adamique. Nous reviendrons plus loin sur le texte bilbique précé-
demment cité pour l'exploiter plus encore.
Dans les scènes 6 , 7
et 8 du troisième acte, plu-
sieurs expressions se rapportent à
La voix qui fait peur. Nous ferons
d'abord un relevé complet de ces expressions, et ensuite nous montrerons
... / ...

= 250
comment l'analyse de cette voix se rattache aux présents travaux. Voici
les expressions qui se réfèrent à la voix :
"Esta voz me hace temblar
los cabellos erizados
pronostican mi temor"
(Acte III , scène 6)
" ...tVoz que tal espanto
infunde en el
alma m{a?"
(Acte III, scène 6)
"La voz •••
que tanto temor me da"
(Acte III, scène 6)
"Un sudor fr{o
por mis venas derrama"
(Acte III, scène 7)
"La voz me atemoriz~"
(Acte III, scène 8)
Pour bien comprendre la relation que nous voulons
établir entre d'un côté ces extraits du texte :El condenado por desconfiad4
et de l'autre la Bible, il nous faut avoir présent à l'esprit la confusion!
qui est faite dans la Bible entre le Regard de Dieu et la Voix de Dieu.
L'un est parfois employé pour l'autre, les deux étant parfois remplacés
par la Conscience
ou par l'Ombre.
C'est pourquoi, cette voix qui fait si peur à Enrii(
co et qui n'est autre que celle de sa propre conscience, nous fait penser
tout naturellemnt à l'oeil de Dieu décrit par Victor HUGO dans son poème:
"La conscience" (7). Comme le titre l'indique, cet oeil, ce regard n'est
... / ...

251
autre que la voix de la conscience. Regard omniprésent et effrayant de
Yahvé et voix qui remplit les veines de sueur froide, présente, diffuse.
Voici deux éléments qui, dans la symbolique biblique, ne se réfère qu'à
une et une seule personne : Yahvé.
Nous sommes passé de la période adamique à la
période post-adamique: CAIN est l'un des deux fils d'Adam et Eve. (8)
La chaine historique que nous reconstituons devient
plus réelle puisque, contrairement aux deux personnages de la légende bi-
blique Adam et Eve, ceux qui vont suivre dans notre analyse ont vécu rée1-:
1ement.
Nous voudrions maintenant rapprocher quelques
expressions de la scène Il du second acte du verset 5
chapitre 15 du
Livre de la Génèse. Nous citerons d'abord l'un et l'autre des textes:
Expressions du texte
El condenado por desconfiado
"m~s que atomos de1 sol
y que estre11as tiene el cielo
y rayos la 1una dio
y peces el mar salado
en sus concavos guardo l1
(7)
Ce poème intitulé I1La conscience l1 raconte l' histoire de CaIn après
le meutre de son frère Abel. Ce poème fait partie de l'ensemble des
poèmes: La légende des siècles. C'est en 1859 que Victor HUGO les
écrivit •
(8)
Cf le Livre de la Génèse, chap. 4, verset 1.
. ." / "."

252 =
Texte biblique rapportant les paroles de yahvé à Abraham
"Regarde vers le ciel et dénombre les étoiles.
si tu peux les dénombrer ••• Ainsi sera ta descen-
dance."
Le texte tirsien a donc repris l'hyperbole. et l'a,
amplifiée en la répétant. Il en a presque faitune gradation (9). Nous re-
tiendrons comme point de repère de ce moment historique les années 1900
avant Jésus Christ. puisque selon les exégètes. c'est à cette époque que
vécut Abraham.
Pour respecter la continuité historique de la
chaine que nous reconstituons. il nous faut passer du corpus à la génèse
même de l'oeuvre.
Le sujet de l'oeuvre que nous étudions se fonde
comme nous l'avons déjà dit dans l'introduction générale. sur une légende
qui eut plusieurs versions (10). De toutes ces versions. celle qui est
d'origine arabe semble être la plus ancienne. Selon celle-ci. Mois'~ im-
plora Allah de lui montrer la personne qui serait son compagnon de para-
dis. Allah lui indiqua un humble boucher qui ne possédait pour toute vertu'
que l'amour qu'il ~vait pour ses parents (11). N us retiendrons la date
historique à laquelle cet évènement se serait produit. c'est-à-dire l'an-
née 1250 avant Jésus Christ puisque c'est aux environs de c~tte année que
Moise aurait vécu.
(9)
La gradation est en rhétorique une figure qui consiste à disposer plu~
sieurs mnts ou expressions selon une progression de sens croissant
ou'
decroissant
(10) Juan Lufs ALBÜRG. Historia de la literatura espanola.
T.II. 2ème édition. Editorial Gredos. Madrid. 1980. p.440.
(l1)
Idem.
... / ...

= 253
A ce thème que nous situons à la génèse même de
l'oeuvre, il faut juxtaposer celui de la mise à l'épreuve du juste par
le biais du démon. Tandis que, dans la Bible, ceux qui sont mis à l'é-
preuve , que ce soit JOB (12) ou JESUS (13)
, restent fermes dans leur foi·
en Dieu, celui qui est mis à l'épreuve dans El condenado por desconfiado
en l'occurrence Paulo, perd sa foi et se détourne du Seigneur.
Les dates importantes ici sont les années 450
avant Jésus Christ et 30 de notre ère. La première correspond à l'aventure
de JOB, et la deuxième à la tentation de Jésus.
Il Y a ensuite le style des vers de la dix-septième
scène de l'acte II. Les paroles pleines d'espoir que renferment ces vers,
l'expression même de celle-ci, en un mot le style, nous semble être le mê-
me que celui de certains psaumes. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire
les psaumes 39,51, 56, et 130 entre autres. Nous nous souviendrons, pour 1a1
suite de l'analyse, des Sème et 4ème siècles avant Jésus Christ; car c'est
au cours de ces siècles que furent écrits les psaumes.
En continuant la constitution de la chaine histori-
que, nous arrivons à plusieurs expressions qui bien que se rapport~nt au
même personnage, Jésus, doivent être reparties en trois groupes :
- Expression se référant à l'enfance de Jésus,
- Expression se référant à sa mission en général,
- Expressions renvoyant à sa mort.
Nous relèverons d'abord l'expression
"Los que inocentes pagaron" • Il est vraissemb1ab1e qu'elle fasse allusion
au martyre des Saints Innocents qui eut lieu avant la mort d'Hérode. Crai-
gnant d'être détronné par celui qui était né depuis peu et qu'on appelait
le "Roi des Juifs", Hérode s'étant fait préciser l'âge approximatif de cet
enfant, fit massacrer les enfants qui avaient plus ou moins cet âge.(14)
(12)
Livre de Job, chap. 1.
(12)
Evangile selon Saint Mathieu, 4 / 1-11.
(13)
Ut supra, 2 / 16-18.
1
1

254 =
Cet évènement qui se déroula vers l'an 2 de
notre ère,
,aurait été prédit par le prophète Jérémie vers les années
610 avant Jésus Christ. (15)
L'image de l'allégorie du "Bon pasteur" (16) semble
être reprise dans la scène 17 du troisième acte. Saint Jean, en parlant
de Jésus Christ, écrit
"Moi, je suis le Berger, le bon berger ... "
C'est la même expression qu'on peut lire dans le texte tirsien dans plu-
sieurs vers. Voici quelques termes extraits de certains vers :
"Yo soy el pastor - mi mayoral -
las ovejas blancas - una huyo deI rebano -
pastor - perdida oveja - la oveja
mayoral - rebano -
Cette même image de la brebis et du berger est
reprise par Saint Luc dans la parabole de la brebis perdue (17).
Contrairement à ces deux premiers groupes l'ex-
pressions qui se r~féraient d'abord à l'enfance du Christ et ensuite à
son ministère, le troisième groupe se rapporte plus à sa mort.
A la scène 15 de l'acte III, Enrico dit à son père~
" •.• yo confesaré
mis pecados, y después
besaré a todos los pies
para mostraros mi fe."
Ce geste de repentir qui s'exprime par le baiser
des pieds est presque le même que celui qu'accomplit la femme pécheresse.
(15)
Livre de Jérémie , 31 / 15.
(16)
Evangile selon Saint Jean, chap. 10.
(17)
Evangile selon Saint lue, 15 / 4-7.
. .. / ...

2SS
"Elle se mit à arroser les pieds de ses larmes;
et avec ses cheveux, elle les essuyait et les
couvrait de baisers et les oignait de parfum."(l8
Marie de Béthanie refera le même geste lorsque
Jésus sera dans la maison de Lazare .(19)
Nous osons voir ce même geste dans l'action de
Jésus, au cours de son dernier repas, nouant une serviette à la ceinture,
il se mit à laver et à essuyer les pieds de ses apôtres.(20)
Après le repas au cours duquel Jésus lava les
pieds, il partit avec ses disciples au jardin de Gethséœané.
Nous relè-
verons quelques uns des évènements qui s'y déroulèrent cette nuit-là.
"Et il vint
vers ses disciples et les trouva
endormis, et il dit à Pierre :
"Ainsi, vous n'avez pas eu la force de veiller
une heure avec moi! Veillez et priez pour ne
pas entrer en tentation; l'esprit est ardent,
mais la chair est faible."(21)
Et étant revenu à nouveau, il les trouva endor-
mis, car leurs yeux étaient alourdis ••• " (22)
Alors il vint vers les disciples et lèur dit :
"Vous dormez encore et vous vous J;eposez. Voici
qu'est toute proche l'heure où le fils de l'hom
me va être livré aux mains des pécheurs."(23)
c'est ce même sommeil qui se fait maître de tous;
les sens et empêche de prier qui est décrit à la troisième scène de l'ac-
te l et à la troisième scène du deuxième acte.
(18)
Evangile selon Saint Luc, 7 / 36-S0.
(19)
Evangile selon Saint Jean, 12 / 1-7.
(20)
Ut supra, 13 / 4-5
(21)
Evangile selon Saint ~1a thieu, 26 / 40.
/

256
"El sueno me venci~,
la devota oraci6n puse en olvido"
"Venciole el sueno
que es de los sentidos dueno."
Après les expressions qui faisaient allusion aux
évènements ante mortem Christi ,nous allons maintenant considérer quelques
unes qui renvoient à des évènements post mortem
Christi • Pour faire vite
nous citerons chacune des expressions tirsiennes en face des textes réfé-
rents bibliques correspondants.
,
,
EXPRESSIONS TIRSIENNES
TEXTES EVANGELIQUES
a/
"aquella sangre
"que son sang soit sur nous
que liberal derramo"
et sur nos enfants."
(acte II, scène 17)
(St Mathieu 27 / 25)
"sangre sagrada"
" ••. vous voulez faire retomber sur
(acte II, scène 17)
nous le sang de cet homme."
(Actes des Apôtres, 5 / 28)
"sangre real"
(acte III, scène 11)
------ ----------------------------- ------------------------------------
b/
"lleno el cuerpo de lanzas"
" ••• mais l'un des soldats, de sa
(acte III, scène 21)
lance, lui piqua le côté"
(St Jean, 19/ 34)
------- ----------------------------- -----------------------------------~
c/
"llagas divinas"
"Ensuite i l dit à Thomas:"ltAvance t
(acte III, scène 11)
ton doigt ici et vois mes mains,
avance ta main et mets-la dans
mon côté." (St Jean, 20 / 27)
(22)
Evangile selon Saint Mathieu, 26 / 43.
(23)
Ut supra • 26 / 45 •
1
1

= 257 =
-----
dl
"que no ha de pagar ninguno
••• "Voici l'Agneau de Dieu qui
las penas que yo pasare"
enlève le péché du monde."
( Acte III, scène 11)
(St Jean, 1 1 29.
===========================================================================
Nous venons de parcourir la vie de Jésus, depuis
l'âge de deux ans jusqu'à sa mort, en passant par son ministère et sa
passion. Chacune de ces étapes marque pour nous une date historique.
Dans la reconstitution finale de la chaine, nous tiendrons compte de
chacune de ces dates.
En plus des allusions à Jésus, le texte : El conde-
nado por desconfiado
cite plusieurs autres noms de personnages bibliques.
Il y a ceux qui font partie des douze :
Pedro
Pierre,
Mateo
Mathieu,
Francisco
=
François,
el despensero
= Judas.
Il Y a aussi ceux qui suivirent fidèlement Jésus
sans faire partie des douze. C'est le cas notamment de Marie Magdalena
à qui Jésus apparaît et dont parle le texte tirsien.
En continuant la lecture de l'arbre que nous avions
dressé antérieurement pour y classer les éléments du champ N°lO, nous ar-
rivons à la Sème branche, celle au niveau de laquelle nous avons écrit:
Apocalypse.
Ce terme "Apocalypse" nous est inspiré par plusieurs:
expressions du texte tirsien dont voici quelques-unes :
(24)
Evangile selon Saint Jean, 20 1 11-18.
/

= 258 =
"Racer salva, manos de luz, trono de luz,
puer tas deI profundo, el fiscal de las aImas,
infierno."
Ces expressions sont essentiellement dans la pre-
mière scène de l'acte 1. Saint Jean écrivit l'Apocalypse vers l'an 95 de
notre ère. Il n'est pas inutile d'ajouter que les prophètes Daniel et
Ezéquiel eurent aussi des visions apocalyptiques.
Pour finir, nous citerons ceux que le texte tirsien
appelle :los padres deI desierto. Ce sont Saint Antoine, Paul l'ermite
et autres anachorètes qui vécurent dans les 3ème, 4ème et 5ème siècle
de notre ère.
Nous citerons enfin "La Or den de San Francisco",
l'Ordre des Franciscains, leur père fondateur, Saint François, vécut de
1182 à 1226.
disposant maintenant de tous les éléments consti-
tutifs de la chaine, nous pouvons à présent les ordonner et repré~enter
ladite chaine.
(Voir la chaine à la page suivante)
(24)
Evangile selon St Jean, 20 / 11-18.
. .. 1 ...

~\\\\\\\\\\~1.
\\;.~
'~~I.
\\~~~1.
\\~\\
~" \\~
"" ~\\,,~
" \\~
,\\ '~\\
\\\\
\\ \\
\\\\
~ ~
\\\\
~ ~
" ~~
"
~I.~
" ~~~
\\\\
~~
"\\\\
~~I.
~~~
\\\\
~ ~
\\\\
~ ~
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~::::~~~:::::::::::::~~ \\~\\\\
Il
1
1
1
1
1
~ ~
Il
1
1
1
1
1
~ ~
:i
ADAM
CAIN
ABRAHAM
MOISE
1 JEREMIE
JOB
1 SAINTS
1
MORT DEIAPOCALYPSEIANACHORETE
FRANCISCAI~\\
Il
1
1
1
~I.~
Il
1
1
INNOCENTS 1 JESUS
~~\\
Il
1
l
,~
Il
1
l
"l~~
Il
1
l
'~~
Il
1
1
~\\
Il
1
1
~ ~
Il
1
1
~ ~
Il
1
l
'f..'"
il
début
1900
1250
: 650
450
1L'AN 4
L'AN 30
L'AN 95
ENTRE 300
1182
II
Il
d
l
1
l
, , "
Il
, e , a
Avt J .C.
1Avt J .C.
l Avt J .C.
Avt J .C.
1NOTRE ERE
NOTRE ERE
NOTRE ERE
et 500
NOTRE ERE
I l
1
::
creatl0n
1
1
1
l
"1
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~:~~~:~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~::~~~~~~~~~:~~~~~~~::~~~~~~~:::::::::::::::~:::~~~
,~!
li
/"
"
Il
"'1,,
,,~!'
Il
" "
Il
"1
Il
/ "
Il
Il
"'1,,
N
VI
"ff
""
"1
\\0
"
1,,"
Il
"
Il
Il
"1
Il
/ Il
Il
/ "
Il
Il "
Il
" "
Il
Il"II
"Il "/
Il Il
Ill'Il
11/Il
t'l"""
r

= 260
Le schéma de la page précédente nous a permis de
mieux visualiser ce que nous appelons CHAINE HISTORIQUE. C'est sur la
temporalité que constitue cette chaine. ou mieux
sur la durée de celle-ci,;
que le texte El condenado por desconfiado s'inscrit et s'étale.
Certes. cette inscription est diffuse et implicite,
mais elle n'en demeure pas moins effective. Les noms et les expressions
qui sont dispersés dans le texte tirsien et que nous avons, l'un après
l'autre récupérés. pour constituer la présente chaine, sont les marques
sémiotiques de l'investissement du temps historique dans le texte;
autrement dit. les signes textuels de l'actualisation du moment histo-
rique dans le texte tirsien.
Nous verrons ultérieurement ce qu'un tel procédé
apporte à la compréhension de l'oeuvre.
A ce support temporel du texte, vient s'ajouter un
support spatial.
IL n'est certes pas besoin de faire une carte géo-
graphique pour délimiter l'espace décrit par allusion à la septième scène
du premier acte :
~No os dijo el que aqueso os dijo.
que es de esta mujer la casa
un deposito de vivos.
y que nunca estâ cerrada
al napolitano rico,
ni al aleman, ni al inglés.
ni al hungaro, armenio 0 indio,
ni aun al espanol tampoco
con ser tan aborrecido
en N~poles?"
... / ...

261
Nous n'allons pas nous étendre pour l'instant sur
cet "Espace". Nous admettons simplement, après constatation, qu'il y a
dans El condenado por desconfiado un double espace.
** Le premier, c'est celui dans lequel l'action
dramatique se déroule, c'est-à-dire: la ville de Naples, la forêt,
la montagne et la mer.
** Le second, c'est l'Europe et l'Amérique.
Nous appellerons respectivemant
ESPACE TEXTUEL et ESPACE DE L'OEUVRE
ou plus exactement si l'on emprunte l'expression à Henri MICHAUX (25):
ESPACE DU DEDANS et ESPACE DU DEHORS.
Nous aurons l'occasion de revenir sur l'un et l'autre de ces espaces
pour en faire une étude plus complète.
Nous venons donc de classer et d'analyser les élé-
ments du champ N°10. Il nous faut revenir aux trois regroupements des
neuf premiers champs pour en tirer les conclusions qui s'imposent.
Avant tout, rappelons-les brièvement :
Nous n'avions pas hésité à mettre ensemble les
champs l et 2 • En effet, à la belle nature et la campagne ?ospitalière
s'oppose la ville, autrement dit le lieu de perdition.
Quant aux champs 3 , 4 , 5 , 6 , et 7, c'est à
cause de leur point de coincidence que nous les avions regroupés. Qu'est-
ce qu'il y a de commun entre:
- la précarité du corps humain, (champ N°3)
- l'être humain insuffisant et mauva~s,(champ N°4)
- la femme: créature de perdition, (champ N°S)
... / ...

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
262 =
- le temps fugitif, (champ N°6)
- mépris de ce qui est matériel ,(champ N°l) ?
si ce n'est que tous sont des éléments terrestres, fragiles, précaires,
insuffisants en soi et par conséquent peu importants.
IL ne nous restait plus que les champs 8 et 9.
Chacune des expressions de l'un et l'autre des champs met en exergue soit
l'importance du spirituel, soit le caractère immanent et omnipotent de
Dieu. C'est donc cette commune participation à la valorisation du spiri-
tuel qui rendait manifeste leur point de coincidence. Nous avons résumé
par l'expression :" pr imauté du spirituel" ce point co-référentiel.
La relecture des différents regroupements nous aura
permis de faire de nouvelles associations à partir des points d~ coinci-
dence déjà obtenus.
Si nous mettons ensemble les points de coincidence
/ A /
et
/ B /
,ce n'est pas parce qu'ils s'opposent ou parce qu'il y a
un élément commun aux deux, mais tout simplement parce que le point / A /
entraîne logiquement le point / B / .
En effet, n'est-il pas naturel de s'intéresser au
monde de l'Au-delà quand on est convaincu que celui dans lequel on vit, le
monde terrestre, est futil, imparfait et passager?
Nous obtenons le schéma suivant
rr=============================================]
li
PRIMAUTE DU MONDE DE L'AU - DELA
-~~~~~~~~=~~~==~~~~==~:;IIt'===~~==~=-~-_ ..._=
rr=============================================]'
li
LE PEU D'INTERET DU MONDE D'ICI- BAS
-=============================================
... / ...

263 =
Nous voudrions, avant de faire une lecture d'en-
semble, revenir au texte el condenado por desconfiado pour le résumer
sommairement et y relever l'expression du symbolisme.
RESUME
=:====
Au début de la pièce, Paulo et Pedrisco sont en
pleine nature. Le texte didascalique précise :
"selvas, dos grutas, entre elevados pen'ascos."
c'est à travers la prière contemplative de Paulo
que l'on découvre la splendeur et les bienfaits de cette nature. Elle les
héberge et les nourrit, nous oserions même la comparer au jardin d'Eden
dans lequel vivaient Adam et Eve, le paradis terrestre.
Mais dès la troisième scène du 1er acte, Paulo,
trop fier de sa vie passée, commet le péché d'orgueil. Mis alors à l'é-
preuve par Dieu, par l'intermédiaire du démon, Paulo perd sa confiance
en Dieu.
Il doit donc quitter sa belle retraite et aller à
Nâpoles, la grande ville, pour y rencontrer Enrico. La différence entre
la campagne qu'il abandonne et la ville vers laquelle il se dirige est
d'autant plus marquée dans le texte que "l'auteur" y consacre plusieurs
scènes. Nous pourrions faire le catalogue de toutes les moeurs mondaines
et des personnages non recommandables citées dans le texte. Nous citerons!
entre autres :
- Les amours et les fréquentations mondaines. Pour
s'en rendre compte. il suffit de lire les scènes 7, 8 et 9 du premier act~
Nous noterons plus particulièrement la séquence qui suit et que nous avon~
partiellement analysée à une autre occasirn :
... / ...

264 =
"
que es de esta mujer la casa
un
'"
deposito de vivos
y que nunca est~ cerrada
al napolitano rico,
ni al aleman, ni al inglés,
ni al hungaro, armenio, 0 indio,
ni aun al espanol tampoco
con ser tan aborrecido
en
'"
Napoles ••• "
Loin d'être une louange, ce cosmopolitisme est
la preuve même des moeurs légères des citadins et plus particulièrement
de la femme, puisque Celia n'est qu'un prototype. L'expression:
"Ni aun al espanol tampoco,
con ser tan aborrecido
/
en Napoles"
confirme et accentue notre précédente affirmation.
Certes, les napolitains haissaient les esragnols
parce que ces derniers étaient des étrangers, des envahisseurs (26),
mais aussi à cause de leurs amours libertins. La gravure
de la page sui-
vante montre un e~pagnol atteint de syphilis, appelé alors: "Le Mal de
Naples".
Une femme disait, en parlant de Naples et des
napolitains
"J'adore plaire; j'aime que les hommes se retour-
nent sur mon passage. Mais ici, cela me répugne et
m'humilie. Je n'ai plus l'impression d'être une
femme mais un derrière."(27)
(26)11 faut se rappeler qu'en 1503, Ferdinand le catholique accède au trô-
ne de Naples.Pendant près de 2 siècles,Naples est sous domination es-
?:.lgnole.
(27)Philippe DAUDY, ~aples, Edit. Rencontre, Lausane, 1964, p.134.
. .. !
1 .••

------_._~.~
265
Ces paroles d'une femme napolitaine montrent la
vulgarisation qui a été faite depuis bien longtemps des rapports sexuels
à Naples.
GRAVURE DE L'ESPAGNOL ATTEINT DU MAL DE NAPLES
==============================================
... / ...

= 266 =
Mais la perversion des Napolitains, et plus géné-
ralement celle des Italiens est plus grave. On ne se contente plus d'être
vulgaire et obsédé sexuel, on est homosexuel.
- A la scène 12 du premier acte, l'invitation de Che-
rinos à Rold~n parait douteuse. C'est parce qu'elle vient à la suite de
celle de Enrico à Celia et de celle de Escalante à Lidora que l'on n'hé-
site pas à parler d'homosexualité.
"Siéntese aqu{ Rold~n" dit Cherinos.
- Nous citerons aussi le vol, l'escroquerie, comme
d'autres maux de la ville. Nous ne saurions
d'ailleurs pas les énumérer
tous ici.
Le mouvement In urbem est arrivé à son terme puisque
Paulo est maintenant ln urbe, ou plus exactement Cum civitatibus urbise
Paulo est maintenant en ville. Il peut jouir des
"gustos y contentos" de celle-ci. Il est devenu comme les autres, ou du
moins, pour reprendre l'expression du texte:
"porque asi igualar pretendo
mi vida con la de Enrico."
Son séjour en ville va être assez bref.'La ville va
mettre fin à cette insertion qu'il tentait de faire. Elle va le chasser,
le poursuivre et le tuer.
"Advierte, Paulo famoso,
que por el monte ha bajado
un escuadr~n concertado
de gente y armas copioso
que
.
V1ene
"'1
so 0 a prendernos. "
(cate III, scène 19)
. .. 1 ...

= 267 =
PLus loin, à la scène 20 du même acte, on peut lire
"Con flechas me acos~is
y con ventaj a ven{s ••• "
Le peuple de la ville a donc tué Paulo
"De varias flechas y dardos
pasado le hallé, Senor,
con la muerte agonizando".
Si l'on veut schématiser plus encore le parcours
de Paulo, l'on peut dire en peu de mots qu'après avoir perdu la foi en
Dieu, il quitte sa retraite de campagne pour se rendre en ville. Il y
restera peu de temps, puisque les citadins le jetteront hors de la ville
et le tueront. Nous simplifierons tout cela par le schéma ci-dessous:
DESCONFIANZA(2).
• IN URBE (4)
============
=======
============
=======
=======
... / ...

268 =
II.5.1. Etablissement du système
........................
MONDE DE L'AU-DELA
CAMPAGNE
==================
========
1 <-------------
t
HOMOLOGIE -------------->
MONDE D'ICI-BAS
VILLE
===============
=====
L'HOMME/
=======
EGLISE
======
ETAT
====
Nous avons commencé, pour plus de commodité, par
dresser le tableau qui devrait être la conclusion de cette analyse.
Selon ce tableau, il semblerait avoir deux discours
parallèles
- l'un étant religieux,
- et l'autre profane, ayant pour instance d'émer-
gence l'Etat.
Cette dissociation n'est que le résultat de notre
analyse. car en fait, ces deux discours ne forment qu'un et un seul texte~
en l'occurrence El condenado por desconfiado.
... / ...

269 =
Néanmoins, il est indéniable que les deux discours
sont formellement inscrits dans le texte. Le premier est, nous l'avons
dit, le discours religieux. C'est d'ailleurs à ce niveau qu'il faut situer
la réactualisation de la pensée du Jésuite MOLINA. Selon sa doctrine,
l'homme a une grande responsabilité dans le processus de son salut éternel
Le secours divin ne tue pas le libre arbitre, bien au contraire, il l'af-
franchit. Quand l'homme sollicite la grâce, elle vient agir avec lui et
dans lui, pour
ne former qu'un avec lui.
Nous faisons remarquer que jusqu'à ce jour, les
analyses qui ont été faites sur l'oeuvre, ont abouti à l'unique conclusion \\
selon laquelle, El condenado por desconfiado n'est qu'une simple théâtra-
lisation de la doctrine moliniste. Nous ne nierons pas ce discours reli-
gieux, car en effet il est inscrit dans le texte. Mais l'oeuvre va au-delà
de ce discours. Nos analyses nous auront permis d'abord d'analyser ce dis-
cours de l'intérieur et ensuite d'aller au-delà; autrement dit, d'en étu-
dier le fonctionnement, l'emploi et la signification.
Théâtraliser la doctrine moliniste signifiait
qu'il fallait rendre plus concret un système purement idéel. Il failait
donc se donner des points de repères, tant spatiaux que temporels. La pro-
blématisation de la ville de Naples, de la forêt et de la montagne environ~
nantes était d'autant plus marquée qu'il sembl~it se produire dans le tex-
te comme un phénomène de glissement. La dialectique :HOMME 1 DIEU que dé-
crivait le molinisme disparaissait, ou mieux, se confondait ou se trans-
formait en un conflit social; une lutte entre d'un côté, un individu:
Paulo, et de l'autre, la société, ici représentée par les appareils idéo-
logiques d'Etat que sont l'Eglise et la Justice sans oublier la Sainte
Inquisition et le corps administratif. La société, c'était aussi le;
"villanos". Tandis
que la campagne d'où venait Paulo était vue comme un
lieu propice à la prière et au repentir, la ville quant à elle, devenait
le lieu de perdition et de débauche.
... / ...

270
Le conflit entre Paulo et Dieu s'imbrique tellement
dans la lutte qu'il mène avec la ville qu'il finit par en être occulté.
Notre étude nous permettait donc de d~socculter ce premier conflit, et de
voir au-dedans des discours qui sont construits autour de l'un et l'autre
des conflits.
II.5.2. Mise en relief des HOMOLOGIES
.............................
A la problématique du / DES 7 et du /-CUM 7 ,
deux éléments qui résument assez bien chacun des conflits, nous avons
ajouté celle du L-AD_7 . Nous pouvions dès lors', établir des homologies
significatives :
D'un côté, il y a ce mouvement vers Dieu, et puis
cette union à Dieu, cette dernière est d'ailleurs de courte durée puisque
très vite la rupture se produit.
... / ...

= 271 =
De l'autre côté, il y a ce mouvement vers la ville,
mouvement qui atteint son but puisque le quêteur, ou mieux, le sujet, aidé·
par différents adjuvants, atteint l'objet de son désir. Mais il y a tous
les opposants qui, par leurs actions, vont rompre cette union. Paulo est
poursuivi hors de la ville et finalement est tué.
Voici les deux discours parallèles qui, Comme nous
l'avons dit glissent l'un sur l'autre, s'imbriquent et s'occultent.
II.5.3. Le carré lexématique
Ces homologies, avons-nous dit, montrent clairement
le parallélisme entre les deux problématiques :
1ère
problématique de la dialectique HOMME + DIEU
2èrne
problématique de la dialectique INDIvIDU +
SOCIETE
A partir d'elles, nous établissons le carré lexé-
matique suivant
/ RI / HOM M E <------------------------------------> C_-_-A_-_-M_-_-P_-_-A_-_-G_-_-N_-_-E=/E
=========
(DES)
l
(CUM)
(DES)
(DES)
(CUM)
(DES)
i'
~------------------------------------>~~l=k=k=~ / E2 /
... / ...

272
Si nous admettons que le mouvement du / RI /
vers le
/ R
/ forme le discours religieux, que serait le discours repré-
2
senté par le mouvement du
/ El/vers le
/ E
/ ?
2
Au-delà des effets de réalité que produisent le
/ El / (la campagne)
et le
/ E
/ la ville dans le texte, ils semblent
2
répondre tous les deux à toute une symbolique. Quel est donc ce symbolisme?
Avant tout, comment lire le carré lexématique ?
Pour cette lecture, nous considérerons successivement le niveau vertical,
le niveau horizontal et le niveau oblique.
NIVEAU VERTICAL
================
Entre le
/ R I / e t le
/ R
/ , il Y a deux mou-
2
vements
* Le mouvement positif de l'homme qui cherche à
s'u tir ::1 Dieu,
* Le mouvement contraire de l'homme qui se détourne
de Dieu et par conséquent se sépare de lui.
Entre le
/ E l / e t le
/ E
/ , on note aussi
2
deux mouvements
* Le mouvement de ceux qui, quittant la campagne
vont en ville,
* Le mouvement de refoulement, refoulement vers la
campagne de ceux qui veulent venir en ville.
... / ...

= 273 =
NIVEAU HORIZONTAL
=================
Entre le
' R I '
et le
'R
' , nous retiendrons
2
surtout l'idée de séparation; c'est-à-dire le mouvement de ceux qui par-
tent de la campagne pour d'autres lieux.
Entre
'R
'
et
' E
2
2 ' , nous noterons l'opposi-
tion radicale établie dans; le texte. En effet, la ville, le lieu de per-
dition (nous y reviendrons ultérieurement) ne peut pas être l'habitacle
de Dieu.
Entre le
' R I '
(l'homme)
et le
' E
'
(la ville);
2
et entre le
' E l '
et le
'R
'
les relations se passent de tout com-
2
mentaires. Nous dirons simplement que, selon les axes conceptuels du texte
El condenado por desconfiado, la ville est la demeure habituelle de l'hom-
~e tandis que la campagne avec son calme et ·sa pureté, est propice à la
prière, c'est-à-dire à la rencontre avec Dieu.
A quelle symbolique répondent la campagne et la ville
dans le texte ?
II.5.4. Fonctionnement de deux éléments du carré
........................................
Nous commencerons. pour respecter le mouvement du tex-
te (Paulo va de la campagne à la ville) par la campagne .Noos la désigneronSii
par un lexème tiré du texte même, à savoir
'-MONTE 7 . Nous travaillerons!
-
-
.
avec la traduction française de
MONTE, c'est-à-dire MONTAGNE.
Des unités élémentaires sémiques de MONTAGNE. nous
retiendrons comme noyau stable "lieu presque inhabité" .
... / ...

= 274
Cette figure lexématique "MONTAGNE" se réalise ou
mieux s'actualise dans le texte à travers différentes scènes. Citons-en
quelques.unes:
- Le texte
didascalique qui précède la première
scène de l'acte l donne des renseignements on ne peut plus clairs quant au
milieu géographique qui sera le cadre des scènes 1, 2, 3, 4 et 5 du pre-
mier acte.
"Selvas, y dos grutas entre elevados penascos".
Le lexème MONTE est employé deux fois par Pedrisco dans la scène 2 de
l'acte l • La montagne
est donc le lieu d'habitation de Paulo. Il y est
depuis une dizaine d'années.
A la scène 16 du troisième acte, c'est dans la SELVA
que Paulo s'est retiré, après sa course épuisante:
"Cansado de correr vengo
por este monte intrincado."
C'est dans ce même lieu qu'il meurt:
"De varias flechas y dardos
pasado le hallé, senor,
con la muerte agonizando
en aqueste mismo sitio."
Ces différentes réalisations à travers les phéno-
textes ci-dessus relevés, constituent le parcours sémémique. On s'aperçoit
que tout au long du parcours, c'est la nature qui est problématisée.
Cette configuration discursive "NATURE" se réalise
à son tour dans le texte par un processus de symbolisation. Ainsi /LA NA-
TURE/ c'est le lieu de prière, le lieu de repos, le lieu oa on réta")lit
l'ordre, ou, pour le dire autrement, dans le texte El condenado por des-
confiado la nature est le symbole de
la prière, du repos et du lieu oa on
se réfugie.
... / ...

= 275 =
LEXEME,
NOYAU STABLE,
PARCOURS SEMEMIQUE,
CONFIGURATION DISCURSIVE,
PARCOURS FIGURATIF,
ce sont tous ces éléments que nous voudrions représenter dans le tableau
suivant
=================~===========================================~~=======~
J
~
~
FIGURE
Il
11
0-
Il
11
H
Il
Il
E-<
LEXEMATIQUE
Il
~=Q~=~=~
Il ~ ~
._~~~~~~~~~~~~"~~~l~~"~~~"~~~~~~~~===_.t-~=~~=~~~=~~~===~~==1~~~~"~=1
NOYAU STABLE
~
gè~~=~~~~Ç~~=è~~~è~~
~
~
~
0
E-<
H
~ ~
~=====~=~.~~~=.~~=.==~"~===~~==~~==L~===~"==~~==~"===t~=~=ELI
li
7-----
HABITAT DE
\\ . I E U DU MEURTRi\\<:
Il
==========
=============91
Il PARCOURS
~~~g~
~~=~~!lg~
il
Il
SEMEMIQUE
Il
Il
Il
~
Il
IlIlIl
Il
1
Il
Il
/1
Il
Il
Il
Il
/1
Il
Il
Il
Il
Il
/1
Il
Il
Il
Il
~=================~=================
=================~========~
Il
/1
Il
Il
Il
~
Il
Il
/1
~
Il
/1
/1
0
/1
Il
Il
E-<
/1
Il
CONFIGURATION
Il
N A T
U R E
0
~
il
Il
Il
=================
~
E-<
Il
i=.·=:::::::::===i===~=-_·.~ .~=~===~===~.=i_t=~
Il
Il
PRIERE
REETABLISSEMENT
II
II PARCOURS
Il
======
===============
~
/1
Il
/1
DE L'ORDRE
0
Il
il
FIGURATIF
Il
==========
~
Il
Il
/1
~ 3
II
Il
Il
;>
~
1:
Il
Il
REPOS
1 H
>--
Il
Il
Il
=====
Il Z Cf)
Il
"=================~===========================================~========~
1

= 276
Nous avons voulu, dans l'analyse de ces deux élé-
ments du carré lexématique, suivre l'ordre chronologique textuel. Il faut
donc ouvrir ici une parenthèse, pour compléter les deux étapes du voyage
de Paulo: CAMPAGNE -------) VILLE
signalées dans le carré, par l'étape
intermédiaire; celle de la "Puerta del mar".
"La puerta", c'est-à-dire la porte, symbolise:
"Le lieu de passage entre deux états, entre deux
mondes, entre le connu et l'inconnu, la lumière et
les ténèbres, le trésor et le dénuement. La porte
ouvre sur un mystère mais elle a une valeur dyna-
mique, psychologique, car non seulement elle indi-
que le passage, mais elle invite à le franchir.
C'est l'invitation au voyage vers un Au-delà.
Cette définition que nous avons empruntée à Jean
CHEVALIER (28), trouve, dans le texte que nous étudions, sa pleine justi-
fication.
Certes, l'expression "Puerta del mar" n'es:: que la
désignation d'un lieu. Il peut ne pas être question de vraie porte. Mais,
n'avons-nous pas déjà admis, notamment avec Edmond CROS que:
"Le texte est ( ... ) significatif non pas seulement
par ce qu'il dit mais aussi par ce qu'il est et
par ce qu'il transcrit." (29)
La valeur symbolique de "Porte" que nous nous
appliquons ici à mettre en
valeur, est donc au niveau de cette transcrip-
tion.
Les évènements de la scène 12 qui se déroulent à
la "Puerta del mar" ont une importance toute particulière, puisque ce sont
eux qui vont entraîner Paulo à se détourner définitivement de Dieu.
... / ...

277 =
Ainsi de son état d'ermite, il passe à l'état de brigand, de la montagne
qu'il connaissait bien et dans laquelle il vivait, il vient en ville, à
Naples, un monde qu'il ne connait plus puisqu'il l'a quitté depuis dix
ans. Du monde de lumière au sein duquel il baignait grâce à la prière et
au renoncement aux choses terrestres, il passe dans le monde des ténèbres:
la ville, c'est-à-dire le lieu des vols, des meurtres, des plaisirs
se-
xuels et de bien d'autres maux encore. Ce changement de monde fait perdre
à Paulo, tout le trésor dont il jouissait.
Les valeurs dynamiques et psychologiques de la porte
ne sont donc plus à nier. Dynamique, parce que, nous l'avons dit, les
évènements qui s'y déroulent le poussent à réagir, ou plus exactement à
donner une nouvelle orientation à sa vie. Psychologique, parce que ce sont
ces mêmes évènements qui lui sapent
le moral et lui font perdre tout es-
poir d'être sauvé. Paulo va franchir la porte et aller vers cet Au-delà
qui ne sera autre que l'enfer.
Dans l'expression "Puerta deI mar", le second terme
mar, ajoute-t-il au syntagme quelque signification?
fiLa Mer
-nous nous aidons ici du dictionnaire des
symboles déjà cité-
symbolise un état transitoire
entre les possibles encore informels et les réalités
formelles, une situation d'ambivalence qui est celle
de l'incertitude, du doute, de l'indécision, et qui
peut se conclure bien ou mal; de là vient que la mer
est à la fois l'image de la vie et celle de la mort"
A peu de choses près, la mer reprend les mêmes sèmes
que la porte. Ajoutons que ce sème de mort que renferme la mer est déjà
annoncé au début de la scène 12, quand Enrico jette le mendiant à la mer.
Ce même sème annonce aussi la décision que va prendre Paulo, décision qui
va le conduire vers la mort, mort de son corps et mort de son âme.
... / ...

= 278 =
Ainsi l'expression "Puerta deI mar" symbolise
doublement la transition. ou mieux le passage de Paulo. de la campagne
vers la ville. Les traits sémiques de cette transition annoncent partiel-
lement ce qui se passera en ville.
Au-delà de l'aspect réaliste de la ville de Naples.
à quel symbole répond-il?
Le noyau stable :"Lieu d'habitation de plusieurs
groupes d'individus" de la figure lexématique "Naples" se réalise à tra-
vers tout un parcours sémémique. Nous ne relèverons ici que quelques_unes
des étapes de ce dernier.
Naples. c'est là où habite Enrico. C'est donc le
lieu d'habitation de Celia. l'adultère et la mensongère. Les galants comme
Lisandro. intéressés par les plaisirs sexuels côtoient des gens comme Oc-
tavio. cupide et rempli de convoitise. C'est aussi à Naples que réside la
Justice. Justice gardienne de l'ordre? Justice repressive et punitive.
L'ensemble de ce parcours sémémique montre bien la
problématisation de la ville.
La ville sera donc dans El condenado por descon-
fiado le signe de la perte. perte de son corps (les gens sont tués) et
perte de son âme (c'est par ses méfaits en ville que Paulo exprime son
désespoir).
On peut donc conclure le schéma que nous trouverons
à la page suivante.
... / ...

= 279 =
1I================'jj===================================================-======'
Il
n
~
Il
~
C
Il
FIGURE
Il
(
N APL ES)
H
Il
======
Il
E-t
Il
D
~=~=~=Q=~=~=~
~ ~
1--·:::=:::::=:==1=·==-------··==---==-~=·=--····=---·= 'b_~.!
..
='=-1
Il
~QX~~
ft
LIEU D'HABITATION DE PLUSIEURS
H
0
Il
U
C
E-t
H
"~~~~1~
!
GROUPES D'INDIVIDUS
~ ~
ft
Il
U
H
~
Il
Il
Il
Z
CIl
Il
0================1===================
-==================~============~
Il
Il
Il
Il
Il
Il
Il
Il
Il
Il
Il
Il
Il
Il
Il
IlIl
LIEU n'HABITATION
LIEU DE LA
DE ENRICO
JUSTICE
1

1
meurtres
- repreSS1va
• •
Il
- vols
pun1t1ve Il
.
Il
gar d1ennell
de l'ordrt
Il
IlIl
LIEU D'HABITATION
LIEU D'OCTAVIO
Il
Il
DE CELlA
convoitise
Il
1
1/
If
mensonge
- cupidité
1/
Il
Il
Il
Il
- adultère
Il
Il
fi
1/
Il
Il
1/
LIEU DES GALANTS
Il
"
~
Il
]
~
Il
1
,
plaisirs sexuels
il
Il
Il
Il
'
Il
Il
Il
Il
fI atter1es
Il
1/
Il
Il
Il
If
~================~===============-
-=================~============
Il
H
Il
~
Il
C
CONFIGURATION
1/
=============
E-t
fi
VIL L E
>::
Il
=========
c
~
Il
~
E-t
DISCURSIVE
Il
~
0
==========
Il
:>
z
Il
H
~
Il
Z
C-'
1/
0================1===============~
=================~============J
Il
.
Il
Il
Il
1/
If
Il
1/
1
Il
PARCOURS
Il
1/
1/
========
Il
fi
Il
If
Il
Il
Il
~
Il
FIGURATIF
Il
C
Il
=========
Il
0-
Il
1/
H
fi
Il
C
H
Il
If
~~EI~=~~=1~M1~1 ~ ~
Il
1/
:>
:;::
1/
Il
H
>-
Il
Il
Z
CI)
1/
Il
I/:,.===============~================================== ==========~============:lJ
... / ...

= 280 =
Apparemment cette seconde problématique n'est qu'au
service de la première. Le texte établit l'homologie que nous avons mise
en relief lors de l'établissement du système sémiotique.
Nous la reprenons partiellement dans le schéma ci-
dessous
CAMPAGNE
========
Vs <--------- HOM 0 LOG l E ---------)
Vs
III. PROPOSITION DE LECTURE
Que faut-il retenir du texte ?
Le discours religieux qui se donne comme revélateur
d'une vérité universelle et atemporelle (cf son étalement dans la conti-
nuité historique) par l'insertion du mythe de l'Age d'Or et du topique de
la ville, se laisse pervertir par un autre discours.
En effet, ce mythe et ce topique sont récuperés par
le discours que les historiens ont appelé "el menosprecio de Corte y la
alabanza de aldea" (0)
(30)
Nous renvoyons ici à l'oeuvre de Noël SALOMON, oeuvre dont parle
Edmond CROS dans Th~orie et prati5il~ s0ciocritiques, CERS,
Montpellier.
,
!

281 =
Ce même discours est r~cup~ré par le discours de la
Classe dirigeante de l'Espagne du siècle d'or. Les villes espagnoles
notamment Madrid, à cette époque, sont trop remplies. Les mendiants et les
sans-travail s'emparent des rues de Madrid. Ce mouvement d'exode rural
devient si important que la classe dirigeante commence à s'en inquiéter
sérieusement (31). C'est ainsi que, peu à peu, des écrivains s'étant faits
les porte-parole de la classe dirigeante et partant, les propagateurs de
l'idéologie dominante, se mettent à enseigner au peuple les bienfaits de
la campagne et les méfaits de la ville. Ces discours se voulant convain-
cants,s'appuient sur des effets de réalité, effets produits dans le texte
même; ou comme dirait Serge MAUREL, sur le "costumbrisme" (32)ils s'appuient
aussi sur l'atemporalité et enfin sur la menace dissuasive (exemple: Paulo
qui menace l'ordre établi, et qui le transgresse en venant en ville, est
rejeté par l'appareil d'Etat qu'est la Justice EX URBE.)
Mais comme le dit Olivier Reboul,
"Une idéologie est nécessairement dissimulatrice.
Non seulement il lui faut masquer les faits qui
lui donnent tort ( ... ) mais surtout elle doit ca-
cher sa propre nature. Si elle reconnaissait son
essence d'idéologie, elle se détruirait, tout com-
me la lumière supprime les ténèbres. C'est po~rquoi
elle se donne toujours pour autre chose que ce
qu'elle est: pour la science, le bon sens, l'évi-
dence, la morale, les faits ... " (33).
(31)
Jean DELUMEAU, La peur en Occident, Ed. Fayard, Paris, 1978.
(32)
Serge MAUREL, L'Univers dramatique de Tirso de Xolina,
Université de Poitiers, 1971, p.195.
(33)
Olivier REBOUL, Langage et Idéologie,
Paris, P.U.F., 1980, po23.
1
o
0
0
0
0
0

282 =
Cette autre chose, dans l'oeuvre tirsienne que
nous étudions, à savoir El condenado por desconfiado, c'est le discours
religieux.
Nous dirons, pour finir, que l'un
: le discours
idéologique, se dissimule derrière
l'autre: le discours religieux
et, s'y dissimulant, il le récupère, s'en approprie et finit par le
pervertir.
. .. / ...

283 =
CONCLUSION

= 284 =
Il nous parait utile, voire indispensable, au début
de cette conclusion, de rappeler, ne serait-ce que très brièvement, l'ob-
jectif que nous nous sommes fixé en commençant cette étude.
Nous voulions essentiellement comparer les structu-
res de société avec les structures profondes du texte.
Un tel travail, on en convient, supposait au préa-
lable, la connaissance de l'un et l'autre des éléments à comparer.
c'est pourquoi, dans une première partie, nous
avons tenté de comprendre le contexte social à travers les Querellés
de
Auxiliis, ou plus précisement, nous avons d'abord fait un historique des
doctrines théologiques qui, du IV ème siècle au XVII ème siècle, annon-
çaient les deux courants clés qui marquèrent lp milieu religieux, et par-
tant toute la société religieuse du Siècle d'Or.
Au IVème
siècle, contre Saint Augustin qui proclame
que pour être bons, nous avons besoin de Dieu, et que le nombre des élus
est immuablement fixé par Dieu, PELAGE réagit en accordant une plus gran-
de liberté à l'homme. Pour Pélage, il y a ceux qui pèchent et qui seront
forcément condamnés et ceux qui n'ont jamais commis de péché et qui arri-
veront au Salut Eternel.
En face de ces deux doctrines systématiquement
opposées, l'Eglise trouve un juste milieu: c'est la période de l'Augus-
tinisme modéré. On accepte alors que l'homme, par sa prière et ses efforts
... / ...

= 285 =
achève l'oeuvre commencée par Dieu.
Au Vllème siècle, les polémiques reprennent.
GODESCALC est le chef de file du mouvement. Réaffirmant la théorie des
décrets divins, il enseigne que le Christ n'est pas mort pour tout le monde.
Une telle doctrine heurte la longue tradition de l'Eglise. Le maltre pen-
seur réactionnaire, GODESCALC, est condamné par le Concile de Quiercy en
849.
Avec le courant Humaniste, l'homme acquiert beau-
coup de valeur.
Le panthéisme systématise la philosophie humaniste
en faisant de l'homme, un être égal, identique et confondu à Dieu.
A l'opposé du panthéisme qui tend à trop valoriser
la partie surnaturelle de l'homme, le Nominalisme sacrifie ce surnaturel
et valorise la matière. Selon les nominalistes, il n'y a jamais d'idée
générale. Dieu lui-même n'est qu'un nom, une représentation fictive de
notre esprit.
Comme on a pu le noter, tous les divers courants
que nous avons cités peuvent sommairement se répartir en trois tendances.
** La première est celle où Dieu est tout puissant
tandis que l'homme est insignifiant auprès de lui.
** Selon la deuxième, l'homme est l'égal de Dieu,
ou du moins, son importance est presque aussi grande.
** Quant à la troisième, elle situe l'homme en Dieu
tout en lui reconnaissant son libre arbitre.
Cette esquisse des doctrines théologiques nous a
permis de voir
... / ...

= 286 =
- L'évolution au cours des siècles de l'idée qu'on
se faisait
des
rapports entre Dieu et l'homme;
- Les moyens grâce auxquels l'homme pouvait arriver
au Salut Eternel.
Sans tomber dans l'erreur d'un schématisme systé-
matique, les deux courants auxquels nous avons consacré le deuxième chapi-
tre de cette première partie peuvent se répartir entre l'une et l'autre
des trois tendances ci-dessus citées.
Le Molinisme, sans faire de l'homme un Dieu, lui
reconnaît sa juste valeur. Il considère l'homme comme un être autonome
grâce à son libre arbitre, autonome bien qu'étant en Dieu. C'est sa libre
coopération à l'action divine qui lui vaut son Salut. Le Molinisme appar -
tient donc à la troisième tendance.
La doctrine Banécianiste cherche quant à elle, à
tout prix, à libérer l'homme. Nous situerons le Banécianisme dans la deu-
xième tendance.
Comme leur nom l'indique, au cours des Querelles
de Auxiliis qui opposèrent molinistes et banécianistes, on chercha à déter-
miner les secours grâce auxque16 l'homme pouvait être sauvé.
Nous résumerons toutes ces idées dans un tableau
simple
~========================================================================= Il:
Il
MOYENS DE SON SALUT
-
IL
-
Il
Il:
;f;
- Libre coopération,
-
-
Il
-
II'
IlIl
- Grâces divines,
n'
lL '
Il
Il,
HOMME 1
-
--------->--.
---------> El
-
Il:
Décret,
--
IF
Il'
lit
Il)
- Mérite
-
Il :
Il :
n:
IF=========================================================================dY

287 =
Certes, cette étude ne pouvait que nous donner une
vue très partielle du contexte social espagnol du siècle d'or. Muni
de
cette connaissance du contexte social et de notre propre bagage culturel,
nous pouvions entrer dans le texte pour, essayer de comprendre sa struc-
ture profonde.
Si on nous autorisait l'image, nous dirions que
l'Analyste n'est pas un voleur qui passe par la fénètre pour piller l'oeu-
vre. L'analyste est un investigateur, un curieux, presque un voyeur qui
ne jouit que lorsqu'il a vu. Il découvre, il ne détruit pas. Pour compren-
dre, il décompose et recompose, mais ne détériore pas. Et pour achever
l'image, nous dirons qu'il entre par la porte.
La porte principale d'un texte, c'est d'abord et
avant tout le titre, ce
"discours à la fois sur le monde et sur le texte
qu'il accompagne."
Deux idées essentielles se dégageaient de l'analy-
se structurale titrologique :
1/ La présence d'une structure bipolaire inversée,
2/ La présence
de la paire oppositionnelle:
Vs
(
DES <---------) C U M ).
L'analyse intertextuelle nous a permis de mettre
en exergue la même idée d'inversion: inversion de la structure des inter-
textes par rapport à celle de leurs textes référents.
L'inversion structurale posait, au niveau idéel,
le problème des rapports entre Dieu et l'homme, rapports que l'on peut,
une fois de plus, r~~u~2r par la paire oppositionnelle
(CUM <-----) DES)
Vs
... / ...

= 288
Le troisième chapitre de la deuxième partie, cha-
pitre intitulé :"Titre ou anticipation textuelle", nous a été inspiré par
une idée de l'Ecole Montpelliéraine de sociocritique. Nous citons Edmond
CROS, l'un des penseurs de ladite Ecole:
"Le texte génère sa propre sémantique qui déplace
et homogénéise la signification de tous les élé-
ments qui sont inscrits en lui." (1)
ou pour l'énoncer autrement:
"Tout phénomène textuel entraîne avec lui l'appa-
rition, dans le texte, d'un autre phénomène de mê-
me nature, celui-ci en entraîne aussi un autre et
ainsi de suite; de sorte qu'il finit par s'insti-
tuer dans le texte toute une chaîne répétitive."
C'est donc quelques unes de ces chaînes répétitives
qui ont fait l'objet du troisième chapitre de la deuxième partie.
Le tracé des courbes fréquentielles nous a permis
d~ illèttre en relief l'homologie qui existe entre d'un côté l'évolution
thématique des macroséquences du texte et de l'autre la structure du sup-
port matériel.
On pourrait, pour rendre plus compréhensive notre
analyse , ici, comparer cette évolution thématique macroséque?tielle au
signifié tandis que la structure matérielle textuelle correspondrait au
signifiant.
Ainsi donc, de l'étude des isotopies sémantiques,
nous avons abouti à celle des isotopies sémiologiques
Dans la deuxième partie de ce même chapitre, nous
avons moins travaillé avec les fréquences. Nous avons plutôt porté notre
intérêt sur les rapports corréférentiels que nous avions mis en relief
à partir des textes sémiotiques.
... / ...

= 289 =
Le système sémiotique que nous avions établi
dénonçait l'inscription dans le texte de deux discours. Avant de spéci-
fier ces deux discours dans la partie de synthèse, nous avons, comme tous
les autres investigateurs qui ont travaillé sur El condenado por descon-
fiado
essayé
de
voir
en
quoi
l'oeuvre tirsienne était une
théâtralisation de la doctrine moliniste.
Bien que ce chapitre fût nécessaire dans notre
démarche, il nous a paru relever de l'anecdotique. Il nous a fallu donc
aller au-delà et comparer les structures textuelles avec les structures de
société. Cette comparaison fut l'objet du chapitre de synthèse finale.
La conclusion qui s'imposait après toutes ces ana-
lyses nous paraissait évidente. Il y avait, ou plus précisement, il y a
dans le texte un double discours :
** Le premier est apparent, c'est le discours
religieux didactico-moraliste,
** Quant au deuxième, il parait plus caché. ~n nous
permettra d'emprurter, une fois de plus une idée à Edmond CROS, idée qui,
initialement se référait à La Hora de Todos de Quevedo, mais qui garde
aussi, dans notre analyse, toute sa plénitude
El condenado por desconfiado comme tout autre texte*
déconstruit une matière préconstruite où se trouvent déjà inscrits des
trajets de sens potentiels et des significations latentes susceptibles
d'offrir au travail d'écriture une opacité plus ou moins grande et une
résistance plus ou moins forte.
(2)
(1)
Edmond CROS, "Eléments de sociocritique" in Imprévue
Fonctionnement
textuels, Montpellier, CERS, 1982-1, p.llO.
(2)
Edmond CROS, op. cit. p.350.
... / ...

= 290 =
Ce déjà-dit, ou plus exactement, ces déjà-dit
sont multiples. Nous ne retiendrons ici que les deux, les plus importants.
Au mythe de l'Age d'Or,.
"à savoir l'évocation de la vie des premiers hommes
dans une nature qui leur dispensait spontanément
ses produits et n'avaient que des besoins élémen-
taires à assouvir." (3)
s'oppose le mythe de la ville, le lieu de perdition. La combinaison des
deux mythes dans le texte donne les homologies déjà signalées et que nous
rappelons schématiquement
AD
DEUM
Il
IN URBEM
CUM DEUM
Il
CUM CIVITATIBUS URBIS
EX
PARADISUM
Il
EX URBE
EXTRA SEDUM BEATORUM
Il
EX CIVITATEM
Nous aurions pu conclure ici notre analyse en disan4
que le discours "dominant" du texte est le discours de l'idéologie reli-
gieuse mais nous sommes convaincu
que notre lecture serait restée encore
incomplète.
Les deux mythes ci-dessus cités, s'accompagnent
dans le texte tirsien de signes qui appartiennent à une autre microsémio-
tique, ou si l'on préfère, à une autre configuration discursive, laquelle
nous résumerons dans le lexème ETAT • Cette instance dirigeante est pré-
sente
dans le texte à travers l'Alcalde, le gobernador et la Justice
répressive.
(3)
Edmond CROS, op. cit. p.88.
/

291
Apparemment, la CONFIGURATION DISCURSIVE Il ETAT Il
est au service de la première Il L'EGLISE Il . Cette apparence montre bien
la fonction occultatrice du discours.
Nous pensons que le discours religieux est au ser-
vice de l'idéologie parce qu'il légitime les APPAREILS IDEOLOGIQUES D'ETAT
que sont l'Administration et la Justice.
Nous refusons
l'idée de Juxtaposition de deux dis-
cours.
Faut-il alors parler d'Usurpation ou de Perversion
de discours?
Chacun a son idée et l'idée de chacun est certai-
nement compréhensive.
Nous préférons quant à nous, saisir le phénomène
dans un processus chronologique. L'Idéologie, que nous appelons ETATIQUE
pour l'opposer à l'idéologie RELIGIEUSE, se dissimule derrière le discours
religieux. Mais au-delà de cette dissimulation, l'Idéologie confisque, ou
mieux usurpe le discours religieux et finit par le pervertir.
Ce n'est là qu'une proposition de lecture et comme
nous le disions, chaque lecteur peut adopter une position différente de la
nôtre. Ces différentes conceptions ne détruisent en rien notre lecture à
nous; tout au contraire, elles viennent la compléter et confirment pour
ainsi dire le polysémisme textuel.
Arrivé au terme de ce travail, nous avons conscience
de ce qu'il a d'incomplet, mais n'est-ce pas 'à ~lIssi le propre de toute
critique, être en instance d'être renouvelée perpétuellement?
... / ...

292
Quel qu'il soit, ce degré d'imperfection propre
à toute critique, il ne justifie en rien nos maladresses, nos ignorances
et nos erreurs.
Puisse le lecteur ne pas tenir rigueur au jeune
initié que nous sommes de toutes ces lacunes qui, nous l'espérons, n'ont
pas altéré gravement la compréhension de ce travail. Et nous souhaitons
avoir réussi à nous dépouiller de nos vieilles habitudes pour en prendre
de nouvelles.
Et pour finir, nous renouvelIons notre plus cher
souhait
Puisse, ce travail, aussi imparfait soit-il, rendre
témoignage à l'Ecole Montpelliéraine et à ses Ma!tres.
... / ...

= 293 =
B 1 B LlO G R A PHI E
= = = = = = = = = = = = =
=========================
l - Ouvrages religieux
II - Ouvrages généraux
III - Actes de Colloques, thèses et Mémoires
IV - Dictionnaires et Grammaires

294 =
l - Ouvrages religieux
BAZIN Germain, BEGUIN Albert et autres:
Satan
Etudes Carmélitaines - 1948.
BELTRAN DE HEREDIA Vicente :
Domingo Banez y las controversias sobre la gracia
Ed. Aldecoa, Madrid, 1969.
CAPANAGA Victoria
Agust{n de Hipona,maestro de la conversion cristiana,
Biblioteca de autores cristianos, Madrid, 1974.
GAMACHO G. Francisco
Louis Molina, la teor{a deI justo precio,
Editorial Nacional, Madrid, 1981.
GONZALEZ Nicolas Ru{z:
Teatro teologico espanol , II,
Madrid.
LEWIS C. S.:
La tactique du Diable,
Ed. Delachoux et Niestlé, Paris, 1967.
OSTY Emile et TRINQUET Joseph
La Bible
Traduction et notes, Collection Ost y, 1973.
REMY Pierre
Et le péché, qu'en dire?
Ed. du Centurion, Paris, 1979.

= 295 =
RIVAUD Albert
Histoire de la philosophie (tome 2),
(De la scolastique à l'époque classique)
Presses Universitaires de France, Paris, 1950.
RONDET Henri
Gratia Christi (Esquisse d'une histoire de la théologie)
Beauchesne, Paris, 1948.
RONDET HENRI
Essais de Théologie sur la grâce,
Beauchesne, Paris, 1969.
SCHULLER Bruno, SEMMELROTH Otto et autres :
Péché, Pénitence et confession,
Maison Masne, 1970.
VOGEL Cyril
le pécheur et la pénitence dans l'Eglise Ancienn~.
Ed. du Cerf, Paris, 1960.
VOGEL Cyril
Le pécheur et la pénitence au Moyen Age ,
Ed. du Cerf, Paris, 1969.
1
1

= 296
OUVRAGES GENERAUX
=================
II - OUVRAGES GENERAUX
=================
BARTHES Roland
Le degré zéro de l'écriture,
Paris, Seuil, 1972.
BARTHES Roland
Le plaisir du texte,
Paris, Seuil, 1973.
BARTHES Roland
"Introduction à l'analyse structurale des récits"
in communications, 8, l'analyse structurale du récit,
Paris, Seuil, 1981.
BARTHE~ Roland ; BERSANI L. et autres :
Littérature et réalité,
Paris, Seuil, 1982.
BAYLON Christian et FABRE Paul
La sémantique,
Editions Ferdinand Nathan, 1978.
CARO Baroja Julio :
Teatro popular y magia,
Biblioteca de ciencias hist~ricas, Revista de Occidente.
CASTEX Pierre-Georges et SUPER Paul :
Manuels des études littéraires françaises,
(XVIIIème, XIXème, XXème siècles)
Pais, Hachette, 1954.
1
1

297 =
CHOMSKY Noam
Structures syntaxiques.
Paris. Seuil. 1969.
CROS Edmond
"L'histoire et l'Au-delà de l'histoire. à propos de quelques[
repères génétiques. in Imprévue.
Montpellier. 1980-2. pp.1-9.
CROS Edmond
Lecture sociocritique de Scarface. in Imprévue.
Montpellier. 1981-2. pp. 49-71.
CROS Edmond
Eléments de sociocritique. in Imprévue.
Montpellier. 1982-1. pp. 1-160.
CROS Edmond
Propositions pour une sociocritique.
CERS. Montpellier.
CROS Edmond
Théorie et Pratique sociocritiques.
CERS. Montpellier.
DAUDY Plilippe :
Naples.
Editions Rencontre. Lausane. 1964.
DELUMEAU Jean :
La peur en Occident.
Editions Fayard. Paris, 1978.
... / ...

298
DUCHET Claude
"La fille abandonnée et la bête humaine" in Littérature
Larousse, N°12, Décembre 1973.
DURAN Agus t {n
Examen deI condenado por desconfiado
en B.A.E. de Rivadeneyro, Madrid, 1957.
ESCARPIT Robert :
Sociologie de la Littérature,
Collection "Que sais-je?", Paris
1978.
EVDOKIMOV Paul
La femme et le Salut du monde,
Desclée de Bronwer, 1978.
FABRE Jean-Baptiste :
Comprendre Roland Barthes,
Edition Privat, Toulouse, 1979.
FERRER Immaculada
El burlador de Sevilla, El condenado por desconfiado
de Tirso de Molina,
Biblioteca general Salvat, Espana, 1972.
FORASTIERI Braschi Eduardo :
"Morfo-Iog:la e Ideo-Iogi'a en el teatro deI siglo de oro",
in Idéologies et Littérature,
Vol. 1, Number 5, Jan-Febr. 1978, pp. 57-67.
GENETTE Gérard
Introduction à l'Architexte,
Paris, Seuil, 1979.
!

299 =
GINESTIER Paul
Valeurs actuelles du théâtre classique,
Bordas, Paris, 1975.
GREIMAS A. J.
"Actants, Acteurs, Rôles",
in Sémiotique narrative et textuelle,
Larousse, 1973.
GRIVEL Charles
"Puissance du titre",
in Production de l'intérêt romanesque"
Mouton, Paris, 1979.
GUIRAUD Pierre
La sémantique,
Collection "Que sais-je?", Paris, 1979.
GUIRAUD Pierre
La Sémiologie,
Collection "Que sais-je?", Paris, 1983.
HOLENSTEIN Elmar :
Jacobson,
Paris, Seghers, 1974.
HUGO Victor
"La conscience"
in Légende des siècles, Paris, 1859.
JENNEY Laurent
"La stratégie de la forme",
in Poétique, N°27. Paris, 1976.
/

= 300 =
LAPLANE Gabriel
Lope de Vega
1562 - 1635 ,
Paris , Hachette.
LEFEBRE Henri
l'idéologie structuraliste,
Editions Anthropos, Paris, 1971.
LOPE DE VEGA
El Arte Nuevo de Hacer Comedias,
Madrid, 1609.
MAUREL Serge
l'Univers dramatique de Tirso de Molina,
Poitiers, 1971.
MITTERAND Henri
"Les titres des romans de Guy des Cars",
in Sociocritique, Paris, Nathan, 1979.
PALENCIA Angel
"
Gonzalez :
El condenado por desconfiado de Tirso de Molina,
Clasicos Ebros, Zaragoza, 1938.
PELLETIER Antoine et GOBLOT Jean-Jaques :
Matérialisme historique et histoire des civilisations ,
Editions sociales, Paris, 1969.
REBOUL Olivier
Langage et Idéologie ,
Paris, P.U.F. , 1980.
... / ...

= 301 =
REVILLA , Manuel de :
El condenado por desconfiado , t es de Tirso de Molina?
Madrid, 1983.
UBERSFELD Anne
Lire le théâtre,
Editions sociales, Paris, 1982.
VALBUENA Prat Angel :
El teatro espanol en su sig10 de oro,
Editorial Planeta, Barcelona, 1969.
Stratégies discursives,
Actes du Colloque du Centre de Recherches Linguistiques et Sémiologiques
Je Lyon, 20 - 22 Mai 1977.
Analyse Sémiotique des textes,
Groupe d'Entrevernes, Lyon, 1969.
GOUDAR Victor :
Etude sociocritique des contes de José Revueltas
Thèse de 3ème Cycle, sous la direction de Edmond CROS,
Montpellier, Janvier, 1984.
... / ...

302
CAMARA Nahiyé Léon :
Ambientaci~n topografica y filol~gica
en Arauco Domado de Lope de Vega.
Mémoire de Maltrise, sous la direction de Henri Recoules,
Montpellier, Juin 1981.
IV - DICTIONNAIRES ET GRAMMAIRES
===========================
BOUZET Jean :
Grammaire espagnole,
Parois, 1976.
GRAMMON E. et HAMON A.
Analyse grammaticale et logique,
Classiques Hachette, Paris, 1951.
T,ALANDE A. :
Vocabulaire technique et critique de la philosophie,
P.U.F. , Paris, 1951.
RAMEAU M. et YVON H. :
Dictionnaire des antonymes ou contraires,
Paris, 1933.
VACANT A. E. , MANGENOT et autres :
Dictionnaires de théologie catholique (D.T.C.)
Librairie Letouzey et Ané, Paris, 1929.
. .. 1 ...

= 303
ANNEXE l
========
BIBLIOGRAPHIE DE TIRSO DE MOLINA
* 9 mars 1581 : naissance de Tirso de Molina,
* 1600 : son entrp.e dans l'Ordre de la Mercie,
* 21 Janvier 1601 : profession de foi,
* 1604 à 1616 : Tirso réside au Couvent de Santa Catalina,
* 1616
nommé "Predicador y lector", il part pour Saint Dominique,
* 1618
Retour en Espagne (à Guadalajara),
* 1619
à Valladolid et à Saragosse en 1622, il participe activement
à la vie de son Ordre.
.'"
* 6 mars 1625 : Il est condamné par la Junta de Reformac10n,
* 1626
nommination au poste de Commandeur de Trujillo,
* 1629
retour à Tolède,
* 1640
il est exilé à Cuenca,
* 1641 à 1647 (31 août) : Commandeur du Couvent de Trujillo,
* 1648 (février) : il meurt au Couvent d'Almazon.
... / ...

= 304
ANNEXE II
=========
==========================================================================
ANNEE DE PUBLICATION
TITRE DES OEUVRES PUBLIEES
==========================================================================:
1606 ou 1607
Los 1agos de San Vicente,
1611 ou 1612
Mari Hernandez la ga11ega,
1612
La vi11ana de la sagra,
1610 ou 1612
El cobarde mas va1iente,
1612
El pretendiente al revés,
1612 ou 1614
Quién da 1uego da dos veces,
1615
Marta la piadosa,
1615
El condenado por desconfiado,
1615
San Gi1 de las ca1zas verdes,
1616
~Tan largo me 10 fiais?
1616
La historia genera1 de la Orden de. Nuestra
Senora de la Merced,
1619
El bur1ador de Sevi11a y convidado de piedra,
1618 ou 1619
Esto sI que es negociar,
1619
La ninfa de1 cielo,
1620
La vi11ana de Va11ecas,
1619 ou 1621
Dona Beatriz de Silva.
======================================================
===================~

305 =
1618 ou 1620
Cantela contra cantela,
1621
El amor médico,
1619 ou 1621
Aver!guelo Vargas,
1620 ou 1521
Amor por raz6n de Estado,
1621
El amor desengano,
1622
La romera de Santiago,
1621 ou 1632
Del enemigo, al primer consejo,
1621 ou 1625
Celos con celos se curan,
1621
La fingida arcadia,
1621
La celosa de si misma,
1621
Los cigarrales de Toledo,
1635
La fama postuma.
IL est très difficile, sinon impossible d'invento-
rier toutes les comédies tirsiennes. La plupart a été éditée en Cinq volu~
mes entre 1615 et 1625.
II - CLASSIFICATION DES OEUVRES TIRSIENNNES
======================================
Malgré l'apparente diversité des sujets traités
dans ses comédies, on peut les répartir en groupes thématiques. Nous em-
prunterons la classification de Fedérico Carlos de Robles.
. .. 1 ...

= 306 =
PLus tard nous la comparerons à celle de Hurtado y Palencia.
A - TEATRO RELIGIOSO
l - AUTOS SACRAMENTALES
* El colmero divine,
* Los humanos parecidos,
* La madrina deI cielo,
* El laberinto de Creta.
2 - CICLO BIBLICO
* La mujer que manda en casa,
* La mujer espigadora,
* Tanto en 10 mas coma 10
menos,
* La muerte de Hérodes,
* La venganza de Tamar,
3 - CICLO HAGIOGRAFICO
* La santa Juana,
* La ninfa deI cielo,
* La dama de Olivar.
B - COMEDIAS DE CARACTER
* El vergonzoso en el palacio,
* Marta la piadosa,
* La melancolica,
* Quien calla otorga,
* Como han de ser los amigos,
* El castigo que pensé (bien).

307 =
C - COMEDIAS DE HISTORIA NACIONAL
* La prudencia en la mujer,
* Todo es dar en una cosa,
* Amazonas en las Indias,
* La Lealtad contra Envidia.
D - COMEDIAS DE INTRIGA Y VILLANESCA
* El amor médico,
* La villana de Vallecas.
La classificacion de Angel Gonzalez Palencia fait
apparaître d'autres sous-ensembles notamment
- ~~l~~~~~_~~~~!~~:
El condenado por desconfiado.
,
- Proverbio dramatico :
El amor y la amistad.
- Fant~stica :
El burlador de Sevilla y convidado de piedra,
- Novelesca:
Los amantes de Teruel.
1
/

= 308 =
TABLE DES MATIERES
==================
AVANT PROPOS
• •• ••• • •• • •••• • • • • • • • ••• • • •••• ••• • • • • •• • ••• • • •• •••••
l
============
============
INTRODUCTION •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
5
============
============
l - L'oeuvre: El condenado por desconfiado ••••••••••••••• 6
1.1. Différentes éditions
6
1.2. Attribution de la pièce ...•.••.•••.••..•...... 7
1.3. Sources d'inspiration .•••..•••......•••••.•.•. 8
II - Présentation sommaire du plan ..•••••.•••••..••••.•.••• 17
III - Méthodologie
17
. . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 20
PREMIERE PARTIE: PROBLEMES THEOLOGIQUES ..••...•.•..•............ 21
CHAPITRE l
ETUDE DES COURANTS THEOLOGIQUES PREMOLINIENS
(du IVème siècle au XVllème siècle) •••••..•••••••••
22
l - L'Augustinisme
24
1.1. Bref résumé du système augustinien .••••• , ..••
24
1.2. Les appelés et les élus selon St Augustin ••.•
25
1.3. Conception augustinienne de la grâce •..•.••••
25
II - Pélage et le pélagianisme •...................••••••••..
28
II.1. Réaction pélagienne contre l'augustinisme ••.•.
28
11.2. Le système pélagianiste .••••.........•.•.....
29
l 1. 3. La grâce dans le pélagianisme •.•......•....•.
3U

= 309 =
III - L'Augustinisme modéré •••••••••••.•••••••••••••••••• 31
IV - L'Augustinisme outrancier •••••.•.•••••••••••••••••• 33
v - Le Panthéisme ..............................•....... 34
VI - Le Nominalisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . • • . . . . . . • 39
CHAPITRE II : MOLINISME ET BANECIANISME .•.•.•••••.......•••.••.••• 44
l - La vie de LOUIS DE MOLINA .•••.••••••••••••.•••••••• 47
II - La question avant MOLINA ..••••••••••••••.•••••••••• 48
II.1. Les définitions du Concile de Trente ••.••••• 48
II.2. La position théologique des Jésuites
et les origines du Molinisme .•.•.•••.•••••• 49
II.3. L'Ecole dominicaine de Salamanque
et les idées de BANEZ •.•••••.••.••.•••••••• 51
11.4. Le procès de Valladolid ..•...•.....•.•••••. 53
II.5. L'opposition à la parution du livre
de MOLINA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . • . 53
III - Les théories exposées par MOLINA dans la Concordia •• 54
III. 1. La science divine ........................... 55
III. 2. La volonté divine .......................... 61
III. 3. La providence .............................. 62
III.4. La prédestination et la réprobation ........ 62
111.5. Synthèse des théories de Louis ~OLINA
68
... / ...

= 310
IV - L'accueil fait à la Concordia •••••••••••••••••••••••
70
IV.l. Attitudes diverses ••••••••••••••••••••••••••
70
,-
IV.2. Opposition sourde de Banez ••••••••••••••••••
70
IV.3. Les discussions publiques de Valladolid •.•••
70
IV.4. L'intervention de Rome ••••••••••••••••••.•••
71
V - L'Edition d'Anvers
72
V.l. La liberté humaine
.
72
V.2. La prescience divine ..••••••••.•••••.•••••••
73
V.3. Les concour3 divins
74
V.4. La volonté divine
75
V.5. La prédestination
75
VI - Les congrégations de Auxiliis •.••.•.••••••••.•••••••
76
DEUXIEME PARTIE
ANALYSE TEXTUELLE .......••.••••••.•..•••••.•••.•
79
CHAPITRE l
ETUDE DU TITRE •.••••......••.........••••..•.••••.••.
80
l - Fonctionnalité du titre
82
II - Structure du titre ••......•.....•.••••.•.•••••••••••
82
II.1. Structure syntaxique .•.....•.•••.•••••••••••
83
II.2. Organisation syntagmatique .•........•.......
86
II.3. Structure sémantico-lexicale ••••....•.......
88
... / ...

311 =
III - Les fonctions du titre ••••••••••••••••••••••••••••• 93
111.1. Fonction référentielle ••••••••••••••••••••••• 94
111.2. Fonction émotive ~~.~~~~~~~~~~
99
111.3. Fonction incitative ••••••••••••••.•••••••••••• 100
111.4. Fonction poétique •••••••••••••••••••••••••••• 101
111.5. Fonction programmatrice •••••••••••••••••••••• 106
111.6. Fonction idéologique ...••••..•••...••••••••.• 107
CHAPITRE II
PROBLEMES D'INTERTEXTUALITE •.••••••••••.••••••••••. 109
l
- Tableau répertoriai des textes
112
1.1. Premier groupe de textes
112
1.2. Deuxième groupe de textes ••••.••••••••••••••• 116
1.3. Troisième groupe de textes
119
II - Rapports entre "textes premiers" et "textes seconds': 12:.
II.1. Premier groupe de textes •...•••••.••••••.•..• 121
II.2. Deuxième groupe de textes •••••••••.•••••.•••• 122
II.3. Troisième groupe de textes
123
III - Relevé des traits pertinents ....................... 124
111.1 Premi~re s~rie •••.••••••.••••••••••.•.•••••••• 124
111.2. Deuxième série ••••..••••••••••..•••••••.•.••• 127
111.3. Troisième série
128
IV - L'intertextualité •.•.....•...•............•..••••.. 140
IV.l. Problème d'encadrement de l'intertexte •.•.•.. 140
IV. 2. Le lecteur face à l' intertexte
143
1
!

312 =
IV.3. Les intertextes et le cadre narratif
de El Condenado por Desconfiado
••••••••••••••••••••
145
IV.4. L'intertextualité dans le processus de la production
littéraire
148
TROISIEME PARTIE
SYNTHESE FINALE .••.•...................•.......
152
CHAPITRE l : El CONDENADO POR DESCONFIADO : THEATRALISATION
THEATRALISATION DE LA DOCTRINE MOLINISTE ••...••••••...
153
l
-
Paulo
157
1.1. Cheminement de Paulo vers sa condamnation
157
1.2. Les secours particuliers de Dieu ........••.•.••.••..
162
1.3. La science de Dieu .•...••..•••••••••••.•••..••......
169
II - Enrico
171
ILL Enrico, le mauvais garçon
172
II.2. Enrico, le bon garçon .•..••..•••...•••..•••••...••..
175
CHAPITRE II : TITRE OU ANTICIPATION TEXTUELLE
183
l
-
Fonctionnement de la paire oppositionnelle (CUM, DES) .•..
186
1.1. Etude du CUM
136
1.2. Mouvements des macroséquences ...........•.....•.•.••
201
1.3. Etude du DES
207
1.4. Etude comparative de la courbe du CUM et celle du DES.
218
. .• 1 •••

= 313 =
II - Etude d'un nouveau corpus
224
II.1. Relev~ des unités ...........................••....• 226
II.2. Etablissement
des champs sémiotiques •••••••••••••• 238
II. 3. Regroupement des champs sémiotiques
245
11.4. Recherche de la continuité historique
248
II.5. Système sémiotique
268
III - Proposition de lecture
280
CONCLUSION
283
==========
==========
BIBLIOGRA.PHIE •••••.•.••••.••••.••••.•••••..••••••....•••••••.•••••. 293
=============
=============
~~~~~~
303
=======
TABLE DES MATIERES •.•.••••.••••.••.•..••..••.........•••...•.•..•.. 308
==================
===============~==
1
1
1